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JOURNAL ASIATIQUE
SIXIEME SERIE
TOME V
JOURNAL ASIATIQUE
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RECUEIL DE MEMOIRES
D'EXTRAITS ET DE NOTICES
RELATIFS A L'HISTOIRE, A LA PHILOSOPHIE, AUX LANGUES
ET A LA LITTÉRATURE DES PEUPLES ORIENTAUX
uésigé
PAU MM. BARBIER DE MEYNARD , BELIN , BOTTA, CAUSSIN DE PERCEVAL
CHERBONNEAU, DEFRÉMERY, DDGAT, DOLAURIER, FOUCAUX
GARCIN DE TASSy, STAN. JULIEN
KASEM-BEG, MOHI. , MDNK , OPPERT, REGNIER, REINAUD
r.ENAN, DE ROSNY, DE ROUGE, SÉDILLOT
DE SLANE, ETC.
ET PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
SIXIEME SERIE
TOME V
PARIS
IMPRJMF, PAR AUTORISATION DE M. LE GARDE DES SCEAUX
A LTMPRIMERTE IMPÉRIALE
M DCCG LXV
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35
seV. 6
JOURNAL ASIATIQUE.
JANVIER-FÉVRIER 1865.
LE LIVRE
DES ROUTES ET DES PROVINCES,
PAR IBN-KHORDADBEH,
PUBLIÉ, TRADUIT KT ANNOTi;
PAR C. BARBJER DE MEYNARl).
INTRODUCTION.
Publier et traduire un des plus anciens documents des
archives musulmanes, d'après deux copies mutilées et à peu
près illisibles, est une tentative dont je ne me dissimule pas
la témérité. Il y a là, en effet, un double écueil. Si l'on se
borne à reproduire l'original, par un calque fidèle, qui en
conserve toutes les imperfections , on ne livre au public qu'un
texte hérissé de difficultés, plein d incertitudes et d'un usage
très-limité. L'édition autograpbiée du Livre des Climats , d'is ■
takhri,que bien peu de savants ont le courage de consulter,
et la traduction allemande de cet ouvrage, presque aussi dé-
laissée, ne sont-elles pas la preuve des inconvénients que
présente ce mode de publication ? 8i , d'autre part , pour épar-
gner an lecteur de pénibles recherches, on entreprend de
restituer un texte contre lequel les efforts de la critique vien-
nent trop souvent se briser, on risque, ce qui n'est pas un
moindre péril, d'effacer le caractère original de l'œuvre,
d'en dénaturer le sens et d'y substituer de vaines, conjectures.
6 .lANMEK-FEVlilEK 18G5.
Je ne dois donc ni m'étonner, ni me plaindre du senlimenl
de méliance qui accueillit l'annonce de ce travail. Prétendre
qu'il est le résultat d'un défi, ce ne serait ni rendre exac-
tement ma pensée, ni dissiper de légitimes appréhensions;
mais, il faut bien en convenir, l'attrait d'une sérieuse diffi-
culté à vaincre n'a pu que stimuler mes forces et tenir ma
vigilance en haleine. Ai-je toujours su éviter le double péril
que je viens de signaler? Ma traduction n'est-elle pas deve-
nue çà et là trahison? Il y aurait, de ma part, plus que de
la présomption à l'affirmer. J'ai cru néanmoins que des dil-
licultés de détail ne sauraient entraver la publication d'un
document estimable, dont la science peut faire son profit.
Puisse le suffrage du lecteur me prouver que celte convic-
tion est fondée!
Je dois, avant tout, faire connaître les matériaux qui ont
été mis à ma disposition.
Il y a quelques années, me trouvant à Oxford, ou j'étudiai
le texte du grand dictionnaire géographique de Yakout, je
cherchai, dans la riche collection de la bibliothèque bod-
léienne, tout ce qui pouvait m'offrir d'utiles renseignements
sur la Perse musulmane. Le traité d'Ibn-Khordadbeh, dont
un fragment d'un grand intérêt avait été déjà traduit par
M. Reinaud [Introd. à la géographie des Orientaux, p. Lvm),
fut un des livres que je mis à contribution. Les premières
difficultés de lecture surmontées, je fus élonné de l'abon-
dance de détails précieux qui se cachaient sous une rédac-
tion sèche et monotone. Je me proposai d'en prendre une
copie, sans toutefois songer encore à en îaive l'objet d'une
élude particulière; mais, pressé par le temps, je dus partir
avant d'avoir mis mon dessein à exécution.
En 1862, un savant hébraisant, M. A. Neubauer, voulut
bien se charger de ce soin, pendant son séjour à Oxford,
et il s'acquitta de sa tache avec tant d'exactitude, que je pus
me considérer comme possesseur d'une photographie de l'o-
riginal. La copie d'Oxford, la seule qui ait été signalée, jus-
(]ii ;. .w. W..M rj .M. Mr.w rf ,1 |p(» j, ,t)^ d'Kuropc, csl décrilc avec
INTRODUCTION. 7
soin dans le Catalogue de la Bodléienne (Catalogue fonds Uri,
n" U33). C'est un volume in-S" de 64 folios, sur papier de
soie, d'une écriture grosse et espacée. Une lacune considé-
rable se remarque vers la fin. On lit sur le dernier feuillet
que la copie a ététermiijée le jeudi 12 redjeb63o (mai i232).
Ce feuillet et les deux qui précèdenl sont d'une écriture dif-
férente. La plupart des noms propres sont, ou privés de points
diacritiques, ou ponctués au hasard. Quelques leçons, mais
en petit nombre, ont été corrigées à la marge; en outre,
une main européenne a indiqué certaines corrections sur le
texte arabe.
Je me mis aussitôt à l'œuvre, et, comme la Perse m'était
mieux connue, c'est par là que je commençai mes essais de
déchiffrement. Après quelques jours de travail, je constatai
avec une vive satisfaction que la comparaison de plusieurs
passages entre eux, et mieux encore la lecture des anciens
géographes arabes, me révélaient des leçons certaines, là où
je n'avais vu d'abord que des formes énigmatiques et des grou-
pes illisibles. Un secours inespéré redoubla mon ardeur. Un des
hommes les plus éclairés de l'empire ottoman , S. Exe. Ahmed
Véfyk-Efendi, alors ambassadeur de la Porte à Paris, était
sur le point de retourner à Gonstantinople , quand je lui mon-
trai le premier résultat de mes recherches. Ce savant , qui a
pris lui-même une part considérable au développement scien-
tifique de la Turquie, m'apprit qu'une copie d'Ibn-Rhordad-
beh existait encore au fond d'une des mosquées de la capi-
tale, et voulut bien m'en promettre la communication. Toutes
les bibliothèques étant soumises aux règlements qui régissent
les vaqoufs , aucun livre ne pouvant, par conséquent, être
prêté au dehors, l'ambassadeur m'invita à lui adresser le
texte que j'avais entre les mains. Dès qu'ill'eut reçu, il char-
gea trois personnes versées dans la littérature arabe et per-
sane de comparer les deux manuscrits, et, leur examen ter-
miné, de préparer une copie bonne pour 1 impression. L'in-
tention d' Ahmed-Véfyk était de publier le texte à l'imprimerie
du Moniteur ottoman, en me laissant le soin de le traduire et
8 JANVIEK-FÉ\ HIER 1865.
de le commenter. Mais une ol»jeclion , facile à prévoir, le
iorça d'y renoncer. La reslitulion complète du manuscrit fut
déclarée impossible, à cause des lacunes et des noms illi-
sibles qui le déparaient. Son Excellence, appelée à Brousse
par une mission urgente, m'envoya alors tous les matériaux
réunis par ses soins , sans trop espérer, je crois , qu'un meilleui-
parti put en être tiré.
Je ne puis, à mon grand regret, donner ici la description
du manuscrit dont je dois une reproduction tidéle à la libé-
ralité de ce haut personnage. Depuis son départ, toutes mes
démarches, secondées cependant par le zèle de notre colla-
borateur, M. Belin, n'ont pu me faire obtenir les renseigne-
ments dont j'avais tant besoin. Mais une 'étude minutieuse
des d€ux documents me permet d'affirmer qu'ils proviennent
Tun et l'autre d'une source commune, c'est-à-dire d'une ré-
darlioM abrégée, la seule, comme je l'établirai bientôt, qui
î-oit parvenue jusqu'à nous. La copie de Constantinople ^ pré-
sente malheureusement les mêmes lacunes, le même désordre
que celle d'Oxford; elle m'a cependant fotnni un assez grand
nombre de leçons qui étaient illisibles dans celte dernière.
J'ai indiqué les variantes principales dans les renvois placés
au-dessous du texte; les autres dans les notes de la traduc-
tion. A la copie turque était joint le corrigé, résultat de la ré-
vision faite à Constantinople, et destiné d'abord aux presses
de l'imprimerie officielle. Ce travail, dû en grande partie aux
soins d'un Arabe instruit, Abdur-Rahman-Efendi , n'a qu'une
importance grammaticale. Les fautes de langage, imputables
à la négligence des copistes, y sont corrigées, et quelques
termes inusités, expliqués avec justesse; mais à cela se borne
la part de collaboration du savant kialib , et lui-même a re-
connu avec franchise qu'il ne saurait aller plus loin dans celle
tentative de restauration.
Et, en elTet, les inappréciables secours que la critlcjue
«'iiropéenne lire de l'examen comparé des textes, de l'élude
' Elle Csl désigiici- duns les notes par la loltrc l> , ri la co|)ic d'Oxforil
[>.ir la IfUi'f A.
INTROD-UCTION. 0
(les productions contemporaines, des circonslances particu-
lières et des influences au niiiieu desquelles l'auteur se trou-
vait placé; en un mol, tous ces procédés délicats qui rendent
la vie à une œuvre morte n'existent pas pour l'érudition
musulmane. Elle a fourni ses preuves, cependant, et la sa-
gesse avec laquelle elle a su jadis coordonner ses traditions
montre jusqu'où elle aurait pu aller dans celle voie, si les
subtilités de la dialectique, le culte exclusif de la forme
n'avaient épuisé ses forces et rétréci son horizon. Bornons-
nous désormais à lui demander l'accès plus facile de ses tré-
sors littéraires, et la connaissance plus parfaite du langage,
sans laquelle la science ne saurait échapper aux conjectures.
Cet historique un peu minutieux des préliminaires de mon
travail devait trouver place ici, ne fût-ce que pour en expli-
quer les imperfections. Je vais essayer maintenant de saisir
la physionomie bien effacée d'Ibn-Rhordadbeh, d'apprécier
le caractère général de son ouvrage et de signaler les em-
prunts qui lui ont été faits.
Si l'auteur du Livre des roules avait consacré ses veilles à
compulser les traditions, ou à discuter quelque problème de
droit ; s'il avait enrichi la grammaire et la poésie de commen-
taires volumineux, les détails de sa vie nous auraient sans
doute été révélés. Le silence des biographes, tels que Thâ-
lebi , Ibn-Khallikan , etc. est d'autant plus regrettable que le
seul de ses écrits respecté par le temps ne peut, en aucune
façon, y suppléer. Quelques lign<'s du consciencieux biblio-
thécaire qui rédigea le Filirisi^ei deux ou trois phrases éparses
dans les Prairies d'or, voilà tout ce que j'ai pu recueillir sur
un homme qui, par son caractère politique, son esprit cul-
tivé et sa plume facile , joua un rôle brillant à la cour du
khalife Moutamid. Abou'l-Kaçem-Obeïd- Allah, fils d'Abd-
Allah, fils de Khordadbeh, descendait d'une famille persane.
Son grand-père, dont le nom ^ atteste suflisamment l'origine
guèbre, abjura la religion deZoroastre, pour plaire aux Bar-
' Khordadbeh signifie en parsi «l'excellent don du soleil;» c'est l'équi-
valent du grec Héliodore.
10 JANVIER-FEVRIER 1865.
mécides, ses protecteurs. L'histoire ne nous dit rien du néo-
converti, ni de son (Ils Abdallah*; mais il est à présumerque
des places et des honneurs furent le prix du sacrifice de leur
nationalité. On sait quelle influence les idées persanes exer-
cèrent ^UT le système gouvernemental des khalifes. Ibn Rhal-
doun et Mawerdi affirment que la création des Quatre divans
et leurs attributions diverses furent empruntées à l'ancien
mode d'administration , établi par les Sassanides. Les Arabes ,
méprisant l'idiome des vaincus et fuyant les complications
de la carrière administrative, en laissèrent volontiers le soin
à des mains étrangères. Si, eu Egypte, les Coptes purent
rarement prétendre à d'autres emplois que ceux de receveurs
et d'agents comptables , au contraire , dans les provinces orien-
tales, les Persans et, après eux, les Turcs, surent atteindre
aux premières fonctions de l'Etat. L'omnipotence de la fa-
mille de Barmek, sous Rachid , celle de Fadhl et de Haçan
ben Sehl , sous el-Mamoun , agrandirent la sphère d'action de
leurs compalrioles. Ibn-Khordadbeh , né dans les premières
années du m' siècle de l'hégire, dut sans doute à son origine
persane, plus encore qu'à la faveur du khalife Moutamid (256-
272) , le grade important de chef des postes dans le Djébal,
ou anciennf Médie.
L'organisation des postes était vraisemblablement d'origine
romaine. Je pense, avec M. Reinaud, que le mot berid, qui
désigne, iiinsi que sikkeh, l'ensemble de ce service, est dé-
rivé de veredas ou veredarius. Dans Festus (sub verbo), vere-
dus signifie « un cheval d'allure rapide servant au transport
des dépèches-. D La poste romaine fonctionnait encore, en
' Le père de notre auteur est quelquefois nommé Ahmed, notamment
dans le Fihrisl; mais celte variante ne se Ht pas dans les deux copies.
' (Cependant une autre étymologic est proposée par quelques auteurs
arabes, ils prétendent que fcenV/ vient du persan bnriden «couper, » parce que
les cbevaux de poste avaient ordinaircmeut la queue coupée. 11 est surpre-
nant que le savant auteur de Post- uiul Reiscroutcn ail accepté sans hésiter
cette plaisanterie. Autant vaudrait admettre, avec les mêmes auteurs, que
divan (bureau, cour des comptes) est tiré de divanè ou de div , parce que,
rians le feu fin travail, rrniplovt' se rh'm» ne ((.iimii' un Inn l't .■!•.> m:,,- .;, .^
INTRODUCTION. 11
Svrie, lorsque Yézid , fils de Moâvyah, en lil l'application
dans ses Etats. Selon nos idées modernes, ia poste est véri-
tablement un service public, puisque les intérêts des particu-
liers y marchent de pair avec ceux du gouvernement. Il n'en
était pas ainsi, à l'époque des khalifes. Deux fragments du
livre du Kharadj par Codama , dont le docleur A. Sprenger
a déjà signalé l'importance \ prouvent que la transmission
des dépêches n'était pas le seul but de cette institution. « Le
chef du herid, nous dit l'ancien écrivain arabe , doit avoir
un divan particulier où viennent aboutir toutes les lettres
dont la transmission est confiée à ses soins. Il veille à ce
qu'elles arrivent, en temps voulu, à leur destination. 11 dé-
pouille la correspondance de ses agents, groupe leurs infor-
mations, et les porte, intégralement ou en extraits, à la con-
naissance du prince des croyants. Sous ses ordres sont pla-
cés ]es fervanegul , les mouakki' et les subalternes attachés aux
relais; il se charge de les payer, et prend les mesures né-
cessaires pour que le? lettres et valises circulent régulière-
ment entre tous les grands centres de l'empire. » Ailleurs
Codama cite un décret d'investiture, adressé par le khalife
au chef des postes, où se lit ce qui suit : «Ordre est donné
au fonctionnaire susdit d'inspecter les courriers placés sous
ses ordres , de dresser un état contenant leurs noms , le chiHVe
de leurs appointements , les frais de leur entretien ,1e nombre
des relais et l'évaluation précise des distances , dans toute l'é-
tendue de son ressort. Il est responsable de la prompte expé-
dition des valises dont les courriers sont porteurs. Il veillera
à ce que les mouakki' observent avec ponctualité les heures
de départ et d'arrivée, de sorte qu'il n'y ait jamais de retard
dans le service dont ils sont chargés. »
Ce curieux fragment nous révèle l'existence d'une hiérar-
con torsion s , il ressemble aux démons de l'enfer. Privés du sentiment philo-
logique , les Orientaux ne demandent à l'étymologie qu'un prétexte à jeux de
mots. Accueillons ces prétendues explications comme une preuve de la sub-
tilité de leur esprit , mais gardons-nous de les prendre au sérieux.
' Voyez Posi- und Reiscrouten , Vorrede, p. 5.
12 JANVIER-FEVHIER 1805.
chie régulièrement élablie dans celle partie de l'administra-
licn musulmane. 11 esl facile, en le rapprochant d'autres té-
nioiiïnages, d'en connaître les rouages intérieurs. De dix en
dix kilomètres, en Perse, et à une dislance double, en Syrie
et en Egypte, sont établis des relais [mbat , sikkch , merkez eh
berid, etc.); deux ou Irois' chambres meublées d'un tapis et
une écurie assez vasle, voilà l'aspect ordinaire de ces lieux
de halle. Un certain nombre de mourabbit o employés subal-
ternes u y veillent nuit et jour, prêts à monter à cheval et à
porter au relais voisin, dans le temps rigoureusement fixé,
les lettres , groups d'argent et autres objets qui circulent pour
le compte du gouvernement. Ces relais, divisés par arron-
dissements, sont placés sous la surveillance d'un employé
(moiiakki'), chargé d'apposer le sceau (/er/rr) de réception sur
les dépèches, et de maintenir la régularité et la rapidité des
communications postales. Les rapports que cet agent est tenu
de rédiger, non point seulement sur son service particulier,
mais aussi sur tout événement local de nature à intéresser le
gouvernement, sont transmis au fei^vanegiii, sorte d'inspec-
teur divisionnaire, qui les revise, les complète, à l'aide de
ses informations personnelles, et les adresse au directeur gé-
néral de la province. Ce dernier, véritable agent politique,
correspond avec le vizir et, au besoin, avec le khalife, sans
intermédiaire. Menées politiques et religieuses, état des es-
prits, relevés commerciaux, poids et mesures, en un mot
tout ce qui touche à la sécurité du pouvoir et à l'ordre public
doit être mentionné dans ses rapports. Du zèle et de l'intel-
ligence que ce fonctionnaire déployait dans son difficile mi-
nistère dépendait, en quelque sorte, le repos de l'État, sur-
tout à une époque où la difficulté des communications, la
variété des races soumises à l'islam, et tant d'autres causes
encore, eussent paralysé l'influence de cette centralisation
savante, qui est l'œuvre et peut-être le péril de nos sociétés
modernes. Un fait, rapporte par Ibn-Khallikan , vient à l'ap-
pui de ce que nous apprend Codama du rôle politique du
i\xf'i' .|,s. j.ov;t«.v Pulhl l>pn Yahya , ayant clr nomme goiiver-
INTRODUCTION. 13
iieur général dans le. Khoraçàn, négligea d'abord les aiïaires,
pour s'adonnera lâchasse et aux plaisirs. Pendant longtemps
Haroun ar-Rachid n'en fut pas instruit; mais un jour qu'il
s'entretenait familièrement avec Yahya, père du jeune gou-
verneur, il reçut un rapport du chef du bcrid, où la conduite
frivole de Fadhl et le mécontentement du peuple étaient signa-
lés sans le moindre ménagement. Sur l'ordre de Rachid,
Yahya prit connaissance de ce message; puis il écrivit, au
verso de la page , quelques lignes de reproches, et renvoya
le tout à son fds, par la même voie. Cet avertissement sufht
pour rappeler Fadhl au sentiment de ses devoirs.
Telle fut la part que prit sans doute Ibn-Khordadbeh au
gouvernement du khalife Moutamid, et c'est en ce sens que
le voyageur Mokaddessi , lequel écrivait un siècle plus tard,
a pu dire, sans trop d'exagération, que l'auteur du Livre des
roules fut non-seulement l'ami, mais l'un des vizirs du kha-
life. Ce titre pouvait, à la rigueur, être donné à un agent qui
avait le droit de correspondie directement avec l'émir des
croyants, et dont le contrôle s'étendait sur les délégués du
pouvoir, <à tous les degrés de la hiérarchie administrative.
Mais figura-t-il lui-même au nombre des vizirs en litre , qui
se disputèrent le pouvoir, pendant les vingt-trois années de
ce règne? Aucun témoignage historique ne le laisse supposer.
Maçoudi et Ibn-el-Afhir gardent le silence le plus absolu. El-
Fakhri,qui consacre pourtant un paragraphe particulier à
chaque ministre, ne dit pas un mot d'ibn Khordadbeh. On
sait, d'ailleurs , que le faible Moutamid, plus soucieux de ses
plaisirs que des intérêts de son empire, avait laissé toute la
responsabilité des all'aires à son frère Mouaflak. Esprit cul-
tivé et élégant, passionné pour la poésie et la musique, ce
khalife aimait à s'entourer d'hommes de lettres et d'artistes .
au milieu desquels il s'abandonnait à ses goûts délicats. Je sup-
pose que, dès les premières années de son règne, il rappela
l'ancien chef du berid et l'admit dans ce cercle de privilégiés.
Maçoudi (Prairies d'or, ch. cxxii) nous apprend qu'il exis-
tait, de son temps , un recueil de séances ou de conférences
1/1 JANVIER-FÉVRIER I865.
(mekamat , miizakerat) composées par le khalife lui-même.
L'éloge du vin, un clioix de poésies bachiques, des considé-
rations historiques sur l'art du chant, enfin un code de belles
manières à l'usage des convives de cour, tels étaient les su-
jets développés par le royal écrivain. On trouve , dans le même
chapitre des Prairies d'or, le tableau d'une de ces réunions
littéraires , où Ibn-Rhordadbeh tint le dé de la conversation,
et fit preuve de connaissances sérieuses dans la théorie et
l'histoire de l'art musical. Je résume en quelques lignes cette
longue dissertation étrangère à l'objet de ce travail, et dont
on trouvera d'ailleurs la traduction dans le tome VI de notre
édition des Prairies d'or.
C'est à la suite d'un gai festin que Moulamid, entouré de
ses convives ordinaires, interroge Ibn-Rhordadbeh sur l'ori-
gine de la musique. Le courtisan érudil , auquel les légendes
rabbiniques ne sont pas inconnues, place la naissance de cet
art aux premiers âges du monde, sous la lente de l'hébreu
Lamed et de ses fils. 11 en suif le développement dans les civi-
lisations primitives , définit la part que les Egyptiens , les Grecs
et les Indiens prirent à ses progrès , et décrit les instruments in-
ventés ou perfectionnés par ces peuples. Il explique pourquoi
l'Arabe pasteur est si heureusement doué pour la poésie et la
musique. Il cite, à ce propos, une tradition, rapportée aussi
par ïeKitab el-Aghani, d'après laquelle une circonstance for-
tuile serait la cause de l'invention de ce chant monotone et
doux (houda) murmuré par le Bédouin, quand il veut presser
le pas de sa monture. Puis, sur les instances dti khalife, le
brillant causeur passe à la pratique môme de l'art. Après avoir
défini les qualités nécessaires au chanteur, et montré combien
l'étude et le goût développent les dons de la nature, il dé-
peint les effets merveilleux produits parla musique, lors-
qu'elle demande ses inspirations aux trois grands mouve-
ments de l'âme : l'amour, la douleur et l'enthousiasme. Il
arrive, après cela, aux règles de l'exécution [ika), «qui est
au chant ce que la prosodie est à la poésie, » et termine par
un parallèle entre Ir rhyllime et la métrique. La dernière par-
liNTRODUCTION. 15
lie de ce morceau est pleine de termes techniques dont il est
malaisé de préciser la signification. Maçoudi ajoute que le
khalife, enchanté du talent de son inlerloculeur, le combla
d'éloges, et lui dit, en le revêtant de la robe d'honneur
[khila) , distinction si enviée des Orientaux : « Abou'l-Kaçem ,
lu as été l'ornement et l'àme de notre réunion. Ton éloculion
brillante et souple ressemble à cette étoffe soyeuse dont les
reflets changeants sont le charme des veux J »
L'hommage rendu ici aux connaissances variées de notre
auteur est confirmé par la liste de ses ouvrages, telle qu'elle
nous a été conservée par ibn-en-Nedim , dans le Fihrist. On
y trouve la trace des recherches sérieuses de l'érudit, à côté
des amusements frivoles du courtisan.
A celui-ci sont dus les ouvrages intitulés :
I ° Les Beautés des concerts ;
2° L'Art du cuisinier;
3° Le Livre des jeux et divertissements ;
k° Le Livre du vin;
5° Le Manuel des convives et des familiers.
Au savant et au fonctionnaire appartiennent les trois ou-
vrages dont le Fihrist nous donne ainsi les litres :
6° Collection complète des généalogies de la Perse et des tri-
bus nomades;
7° Le Livre des routes et des provinces ;
8° Le Livre des Anwa ^
* Je joins ici le titre arabe de ces livres , qui ne sont pas tous exacte-
ment cités par Hadji Khalfa :
Le titre du sixième ouvrage est écrit fautivement AilyJl dans l'exem-
plaire du Fihrist de la Bibliothèque impériale, fol. 202. — Sur les Anwa ,
on peut consulter V Introduction à la Géographie des Orientaux , p. ci.xxxv.
10 JANVlER-FEVKlflR 1805.
.le crois, cependant, que cette liste n'est pas complète et
que le titre principal cribn-Rliorcladbeh à ]'estime do la pos-
térité ne s'y trouve point ujenliohné.
Maçoudi, en faisant, dans sa préface, i'énuméraliou des
travaux historiques qu'il avait à sa disposition , parie d'une
grande chronique par Obeïd Allah, fils de Khordadbeii :
«C'est, dit-il, un écrivain distingué et remarquable par la
l)eaulé de son style; aussi a-t-il eu un grand nombre d'imi-
tateurs qui lui ont fait des emprunts, ou suivi la voie qu'il a
tracée. On peut s'en convaincre, en examinant son grand ou-
vrage historique. Ce livre se distingue , entre tous, par le soin
et Tordre de sa méthode, l'abondance de ses renseignements
sur l'histoire des peuples et la biographie des rois de la Perse
ou d'autre race» (I. I, p. i3). Le succès qui accueillit cet'o
production paraît avoir txcité la jalousie d'un écrivain con-
temporain, élève du célèbre astronome Kendi. Ahmed , lils
de Thayib, originaire de Sarakhs, ville du Khoraçân, avait
commencé par rédiger un traité des routes et des provinces,
qui re^la inachevé. Plus tard, il composa pour le khalife
Mo'thaded-billah, dont il était le protégé, un recueil d his-
toire universelle, moins pour enrichir la science d'aperçus
nouveaux, que pour enlever à celui d'Ibn-Khordadbeh la
popularité dont il jouissait. Mais il n'eut qu'un médiocre
succès, et Maçoudi, à qui j'emprunte ce fait, ajoute : « Sa-
rakhsi est presque toujours en contradiction avec Ibn-Khor-
dadbeh; aussi suis-je porté à croire que ce livre lui a été
faussement attribué, car sa science était bien supérieure à
une pareille œuvre. » [Prairies d'or, i. II , p. 72. )
Le temps, qui nous a ravi les œuvres les plus considéra-
bles d'Ibn-Khordadbeh , n'a pas même laissé intacte celle à
laquelle l'auteur attachait sans doute le moindre prix. El
ici , je ne parle pas seulement des mutilations auxquelles tous
les vieux documents littéraires sont condamnés en passant
par les mains des copistes ; mais il me paraît incontestable
aussi qu'une édition écourtée a été mise^ de bonne heure, en
circulation, par je ne sais cpicl ahrévialeur maladroit, et s'est
INTRODUCTION. 17
])ropagée au détriment de la rédaction originak. L'existence
de cette dernière peut se déduire des raisons suivantes :
i" Au début de son livre, l'auteur emprunte à la Géogra-
phie de Ptolémée une remarque qui, dans mes deux copies,
se borne à quelques mots; tandis que, dans Hadji Khalfa,
elle est beaucoup plus développée et précédée d'une phrase
également omise dans les copies V
2° Le début de l'itinéraire d'Afrique est cité par Makrizi,
dans sa Description de l'Egypte et du Caire, avec des variantes
si considérables, que la source de cet emprunt serait mécon-
naissable, si Makrizi n'affirmait qu'il en est redevable à notre
auteur.
3" Le passage relatif à l'Egypte est reproduit par Ibn-
Khaldoun avec des détails qu'on chercherait vainement dans
le texie, tel qu'il nous est parvenu. Un autre témoignage
prouve aussi que le même fragment était plus circonstancié
dans la rédaction primitive. Le voyageur musulman Ibn-Djo-
beïr (p. 55, édition de M. W. Wright), parlant des ruines
qui bordent la rive orientale du Nil, depuis Ikhmîm jusqu'à
Syène, ajoute que ce sont les débris de la muraille dite de
fa Vieille, dans le Livre des routes et des provinces. Mon texte
ne dit pas un mot de cette légende. A la vérité, on pourrait
supposer que Ibn-Djobeïr l'avait lue dans un autre ouvrage
portant un titre semblable; mais, comme Hamd Allah Mus-
taufi rapporte précisément le même fail, sur la foi d'ibn-
Khordadbeh , on est en droit de conclure que le voyageurarabe
et le géographe persan travaillaient sur un texte identique, et
ayant subi moins de mutilations.
' 11 est inutile d'ajouter que Hadji Klialfa avait sous les veux un ou-
vrage différeut, où Je passage en question est cité. A ce propos, je dois re-
lever deux inexactitudes dans le texte publié par M. Fluegel. Le nom de
l'auteur y est écrit deux fois Kliordad , au lieu de Khordadbeh; en second
lieu , l'expression proverbiale qui termine l'extrait de la préface doit être lue
^û^>Jt/0 v^Ul , au lieu de vftj^,iLo ^^il. On sait que cette sentence
«œuvre commandée est (d'avance) excusée» termine ordinairement les pré-
faces pompeuses des écrivains musulmans.
18 JANVIER-FÉVKIER 1805.
En dépit de ses lacunes et malgré le désordre que des
copistes négligents y ont introduit, on peut retrouver encore
le caractère essentiel de ce livre et les traces d'un plan sage-
ment ordonné. Dans les deux premiers siècles après la mort
du Prophète, c'est-à-dire jusqu'à la fin du règne d'el-Ma-
moun, l'étude des sciences mathématiques et de l'astronomie
fit un peu négliger la géographie descriptive. Ni le tableau
rétrospectif des mœurs du désert, offert aux Arabes émigrés
dans le Khoraçân, par Nadhr, fils de Schomayl (vers 7/jo de
J. C.) ; ni l'essai de géographie et d'histoire naturelle dû à la
plume naïve de Djahedh (vers 820), ne pouvaient ajouter
grand'chose aux traductions déjà surannées de Plolémée.
Sous les successeurs d'el-Mamoun, et notamment pendant
le règne de Moutamid , le besoin de notions plus positives
se fit impérieusement sentir. Les Grecs, profitant de l'éner-
vement moral du khalifat, s'avançaient au cœur de l'Asie Mi-
neure. Le malaise général se révélait par des révoltes péni-
blement étouffées. L'Arménie essayait de secouer le joug de
l'islam, tandis que le parti des Alides reprenait ses projets
ambitieux. Quelques années plus tard, le fils d'un chaudron-
nier, Yakoub ben Leïth , enlevait à la dynastie d'Abbas ses
provinces orientales, et fÉgyptc passait sous les lois d'Ah-
med, fils de Touioun. Pour conjurer tant de périls et en pré-
venir de plus grands, une surveillance incessante n'était pas
de trop. Le croisement continuel des courriers de cabinet,
les mouvements de troupes dans tous les sens exigeaient une
connaissance plus exacte des voies de communication. Aussi
voyons-nous deux traités spéciaux, portant le même titre,
paraître presque simultanément. L'auteur du Fihrist assure
que le premier Livre des routes fut écrit par Djafar, fils
d'Ahmed, originaire de Mervc, mais qu'il demeura ina-
chevé. Je crois qu'Ibn-Khordadbeh publia le sien entre les
années 2 Ao et 260 de l'hégire , lorsqu'il était encore directeur
des postes et de la sûreté générale. En effet, il ne peut l'avoir
rédigé avant l'an 2 3 1 , puisque , dans le tableau des redevances
du Khoraçân, il fait usage d'un document portant celle date
INTRODUCTION. 19
et destiné au chef des Thahérides. Il ne peut non plus s'être
mis à l'œuvre plus lard que l'année 260, puisque, en 261,
Nasr, fils d'Ahmed le Samanidé, reçut l'investiture de la
Transoxiane ; or Ibn-Khordadheh nous apprend que cette
province obéissait encore à Nouh, fds d'Açed. Un autre pas-
sage moins explicite, il est vrai, vi§nt à l'appui de notre hy-
pothèse. Dans le paragraphe relatif à l'Andalousie, il nous
dit que ce royaume a pour souverain un Omeyade, lils d'Abd
er-Rahman; or, quoiqu'il ne le nomme pas, il est hors de
doute qu'il désigne ainsi Mohammed I", lequel régna de 288
à 273 (850-856 de J.C).
Les trois ou quatre lignes par lesquelles débute h Livre
des routes sont tout ce qui reste d'une préface où, suivant
l'usage des écrivains arabes, l'auteur faisait connaître le but
et le plan de son travail. Cette lacune regrettable n'empêche
pas de distinguer dans l'ouvrage, tel qu'il nous est parvenu,
quatre divisions principales, ou, tout au moins, quatre
classes de renseignements distincts. Voici comment on pour-
rait les grouper.
S I. Tableau de l'impôt foncier et des redevances en na-
ture, dans les provinces soumises à l'autorité immédiate ou
à la suzeraineté du khalife.
S II. Evaluation en parasanges ou en milles de toutes les
routes qui rayonnent du cœur aux extrémités de l'empire ,
suivie de renseignements, ordinairement trop concis, sur
l'histoire de chaque contrée, ses productions, etc.
S m. Abrégé de relations de voyagé , telles que la descrip-
tion des lies de l'archipel indien , d'après le récit des marins
qui, de Siraf et d'Oman, se rendent en Chine; l'intéressant
itinéraire des marchands juifs, et d'autres voyages lointains.
En outre, un choix de contes et de légendes merveilleuses,
provenant soit d'une tradition apocryphe, soit de livres po-
pulaires, dans le genre de celui d'el-Djahedh.
S IV. Description des montagnes , des fleuves , des lacs , etc.
analogue sans doute à celle qui forme un des chapitres
du livre de Codama (section VI, chapitre' iv). Il ne nous
2.
20 JANVIER-FEVRIER 1865.
reste que le début de cette description , et j'ajouterai que lu
perte en est peu regreltable.
Dans cette classilication , j'ai négligé quelques morceaux,
presque indéchiffrables , que le caprice des copistes a semés
au hasard. Par exemple, un tableau inachevé de l'orienta-
tion vers la Kaabah ; la liste des titres donnés aux rois du
monde; entin un paragraphe emprunté aux vieilles théories
grecques sur la constitution physique du globe, paragraphe
dont un tronçon est rejeté, on ne sait pourquoi, à la lin du
volume.
Heureusement, les portions pour nous les plus impor-
tantes, celles qui comprennent les relevés statistiques de
l'impôt et les itinéraires, nous ont été transmises avec une
exactitude suffisante, et présentent un caractère d'authenti-
cité qui en double le prix. L'auteur s'occupe d'abord de la
division territoriale du Smvad ou territoire cultivé de la Mé-
sopotamie, sur les bases établies par la monarchie persane
et maintenues par les divans arabes. H donne la liste des
districts du Tigre et de VEuphrate, suivant leur position
riveraine; leurs subdivisions en cantons et bourgades; le
chiffre des récoltes et celui de la taxe prélevée au profit du
Trésor. Il n'indique, il est vrai, ni la provenance, ni la date
de ses matériaux ; mais aurait-il pu réunir des détails aussi
précis, sans avoir accès aux archives de l'Etal ? Si, dans un
ou deux passages, il cite un chiffre différent, d'après un
certain Ispahani, qu'il ne faut pas confondre avec l'historien
Hamza (ce dernier écrivait l'an 35o de l'hégire) , il ne signale
ces différences qu'à titre de renseignement, et comme terme
de comparaison. C'est aussi dans ce but qu'il résume l'his-
torique de l'impôt , sous les Sassanides , et durant le siècle qui
suivit la conquête musulmane.
Pour le Khoraçân et les provinces orientales, Ibn Khor-
dadbeh ne pouvait consulter (|u'un état d'une date déjà an-
cienne, puisque, au moment de la rédaction du Livre des
roules, la lutte qui éclata entre les descendants de Thaher
et la dynastie desSalVarides avait tari cette source importante
INTRODUCTION. 21
du revenu. L'étal en question porte la date des aimées 221
et 222 ; on sait qu'alors Abd Allah, fils deThaher, déjà indé-
pendant de fait, reconnaissait encore, par une redevance an-
nuelle, la suprématie religieuse des khalifes. Plus loin, dans
la description des roules de l'Arabie, l'impôt du Yémen est
donné d'après les registres de compte communiqués à Tau-
leur par le gouverneur de cette province. Un écrivain qui
occupait, quelques années plus tard, un rang élevé dans
l'administralion , Abou Dja'farCodama, rédigea , sous le titre
de Livre de l'impôt et Art du commis-rédacteur, un ouvrage
considérable , dont la dernière moitié seulement nous esl
connue. M. de Slane a publié, dans ce recueil (cahier d'août
1862) , le chapitre qui traite précisément de la division ad-
ministrative et des revenus de l'empire musulman. Au pre-
mier abord, on pourrait croire que ce document a la même
origine que le nôtre. Les noms de lieu^s'y déroulent à peu
près dans le même ordre, et plusieurs relevés partiels y sont
identiques. On verra pourtant combien le chiffre total du
revenu, d'après Ibn-Khordadbeh, est loin d'atteindre celui
qui résulte des tableaux de Codama. En ce qui concerne
l'empire musulman proprement dit, cette différence s'ex-
plique par la date des comptes que Codama avait sous les
yeux, et aussi par la prospérité relative des finances à cette
date. En 2o3 (818-819 de notre ère), un terrible incendie
avait détruit les archives de Bagdad. Codama, qui cherchait
avant tout des modèles de comptabilité, sans se préoccuper
de leur actualité, a cru indifférent de prendre le plus ancien ,
c'est-à-dire celui de l'année 20^. Mais depuis, la décadence
du khahfat avait fait des progrès effrayants. Le luxe avait
relâché les mœurs, l'abus de la dialectique avait engendré
les hérésies, et celies-ci la révolte. Le règne de Molassem
et celui de Walhik-Billah furent une ère de persécution reli-
gieuse et de désorganisation sociale. Les chiffres d'Ibn-Khor-
dadbeh le disent aussi éloquemment que le récit des histo-
riens, et ils nous prouvent que l'agriculture et le commerce
étaient déjà frappés au cœur. On remarquera cependant
22 JANVIER-FEVRIER 1865.
combien le numéraire élait encore abondant jusque dans
les moindres bourgades, et celle considération justifiera
sans doute la valeur très-modérée que j'ai attribuée au dinar
et au dirhem , ou , en d'autres termes , à la monnaie d'or et
d'argent. Un calcul plus rigoureux du mishal m'a permis
de réiablir, au profil de la monarchie des Perses, un revenu
supérieur à celui qui est présenté dans la traduction de Co-
dama. De graves inexactitudes déparent les deux ouvrages ;
mais, grâce à leur origine différente, les erreurs ou les lacunes
ne portent pas sur les mêmes points, et j'espère avoir tiré de
leur examen attentif des données moins incertaines. Enfin,
pour accroître, autant qu'il était en mon pouvoir, ces maté-
riaux de l'histoire économique du khalifat , j'ai puisé dans la
curieuse relation de Mokaddessi , dont M. le D' A. Sprenger
a bien voulu me communiquer une copie, tous les rensei-
gnements que ce voyageur put se procurer sur l'impôt et les
tailles, un siècle après la mort d'Ibn-Khordadbeh.
Les itinéraires rédigés par mon auteur, soit d'après les
archives de Bagdad , soit sur des notes prises dans l'exercice
de ses fonctions, sont également coordonnés avec une cer-
taine méthode. Dans le premier paragraphe, il décrit la route
qui, de Bagdad, mène dans la direction du nord-est, jus-
qu'aux extrémités de la Transoxiane; il traverse ensuite le
Kharezm , et revient par la Perse à son point de départ. Dans
le paragraphe suivant , il trace la route que suivent les bâti-
ments, depuis l'embouchure du Tigre jusqu'à l'Inde et à la
Chine. Les faits que les marins lui ont racontés nous re-
présentent, dans leur forme primitive, ces récils, mélange
de vérités et de fables puériles, qui, vers la même époque,
furent recueillis et publiés, sous le nom du marchand Su-
leïman et d'Abou-Zeïd. La traduction et les notes dont
iM. Reinaud a enrichi le texte de cette relation m'ont été du
plus grand secours. Un troisième paragraphe conduit le lec-
teur de Bagdad en Syrie, en Egypte et dans le Maghreb; il
se termine par une notice de l'empire byzantin, où l'on s'é-
toime de trouver des renseignements plus exacts qu'on ne
INTRODUCTION. 23
pouvait en attendre d'un musulman, sur la hiérarchie mili-
taire et civile du Bas-Empire. L'itinéraire des régions sep-
lentrionales est nécessairement moins complet que les pré-
cédents ; il y est fait mention seulement des voies qui mettent
en communication l'Azerbaïdjân, l'Arménie et le Caucase.
C'est là que se place la trop fameuse relation de Sallam l'm-
terprète, envoyé de Samorra aux rives du Volga. Dictée à
l'auteur par Sallam lui-même , d'après le rapport qu'il adressa
au khalife Wathik-Billah, cette relation, conservée ici sous
sa forme native, a été reproduite par je ne sais combien de
compilateurs arabes et persans. Comme la mission de Mo-
hammed, fils de Mouça l'astronome, dont on trouvera aussi
le récit original , quoique abrégé , le voyage de Sallam fut pro-
voqué par les scrupules rehgieux du khalife théologien. Qu'il
s'agît des Sept Dormants ou de Gog et Magog, le Coran
laissait le champ libre aux interprétations, et ce fut pour cou-
per court aux contes ridicules dont le livre saint était le pré-
texte, que Wathik-Billah voulut recueillir des informations
sur les lieux cités par la tradition. Le voyage de Sallam,
selon moi, eut au moins un commencement d'exécution, et
les fantaisies qui terminent si étrangement sa relation me
paraissent une concession à ce goût du merveilleux que les
conquêtes scientifiques d'el-Mamoun n'avaient pas affaibli.
Mais, en aucun cas, je ne me déciderai à n'y voir, avec le
D'Sprenger, « qu'une impudente mystification. »
La dernière section de l'itinéraire traite de l'Oman et de
la péninsule arabique. Pour ce fragment, j'ai consulté avec
fruit le texte arabe de Yacoubi, publié à Leyde en 1860. Cet
ouvrage, malheureusement incomplet, n'est pas sans analogie
avec le Livre des routes, et appartient à la même époque.
Moins crédule et plus observateur qu'lbn-Khordadbeh , Tau-
leur du Kitah el-bouldan offre à l'ethnographie, à l'histoire
et à l'archéologie elle-même, des observations pleines d'inté-
rêt , qui tempèrent la sécheresse de ses notes de voyage. En re-
vanche, les itinéraires y sont moins détaillés , et leur évalua-
tion en heures ou en journées de marche serait d'un médiocre
f
24 JANVIER-FEVRIER 1865.
secours pour la construction d'une bonne carte de l'empire
musulman au moyen âge. Au reste, comme les deux écri-
vains ont leur valeur propre et se complètent l'un par l'autre,
je n'ai pas négligé de les rapprocher, toutes les fois que j'ai
pu le faire sans dépasser les limites de ce travail. Il ne me
serait pas difficile de m'élendre sur les emprunts plus ou
moins déguisés qui ont été faits , presque jusqu'à nos jours,
au Livre des routes; mais la plupart étant de seconde main,
il serait oiseux d'insister sur ce point. Au rapport de Mokad-
dessi , qui se prépara à ses voyages par de vastes lectures, le
vizir el-Djeïliani, écrivain de la première moitié du x" siècle,
s'était approprié les itinéraires d'Ibn-Kliordadbeh et les avait
fait insérer dans l'ouvrage qui fut rédigé sous sa direction
(voyez Vlnlrodiiction à la Géographie des Orientaux, par
lVI. Reinaud, p. lxiii). Edrissi les transporta dans sa Géo-
graphie, sans y rien changer, et c'est là qu'lbn-Khaldoun a
trouvé quelques-uns des détails topographiques qui se lisent
dans le livre premier de ses Prolégomènes. Un courant ana-
logue se remarque chez les Persans. Hamd-Allah-Mustaufi
consulte la rédaction originale, et en fait usage dans son
Nouzhet el-Koulouh. Mirkhônd s'en empare et les résume
dans le complément de son Histoire universelle. Khôndémir
les trouve au milieu de l'héritage paternel, et leur donne
place dans le Habih-us siej\ non sans les abréger encore.
Enlin, Ahmed-Razi, s'aulorisant de leur exemple, enrichit
de ce butin, de plus en plus léger, ses notices lilléraires et
descriptives. Cette singulière transmission ne prouve pas seu-^
lement le sans-gêne des com[)ilateurs orientaux ; elle démontre
aussi que Maçoudi n'était pas loin de la vérité, lorsqu'il disait
du Livre des routes : « C'est une mine de faits que Ton explenre
«toujours avec fruit» [Prairies, t. P', p. ]'6). On verra que
j'ai partout recherché la trace de ces enqDrunts , et que la ver-
sion en apparence la plus détournée m'a (juel()uefois remis
dans le bon chemin.
Je demande grâce pour les iiolt!^» .si notiibieu>t'i. (jui ai -
compagneni cette traduction. Je sais quelle fatigue en résulte
•
INTRODUCïION. 25
pour le lecteur, sans cesse exposé- à laisser échapper le fil
conducteur, clans ce labyrinthe de gloses et de citations. Mais ,
à vrai 'dire, un texte aussi mutilé, ou aussi concis quand il
est complet, exigeait un commentaire perpétuel, et je n'au-
rais pu me soustraire à cette obligation, si la publication ré-
cente des Post- und Reise7X>uten des Orients , par M. A. Spren-
ger, n'était venue rendre ma tâche moins pénible. On trouve
dans le premier fascicule, le seul publié jusqu'à présent, les
itinéraires d'Ibn-Khordadbeh, mis en regard de ceux de Co-
dama, d'Isthakhri , de Mokaddessi, etc. Si mes leçons ne s'ac-
cordent pas toujours avec celles du docteur Sprenger, il est
juste de rappeler que ce savant n'avait à sa disposition que
le texte d'Oxford , et que , de son propre aveu , il l'a copié à
la hâte. Quoi qu'il en soit, les judicieuses remarques et les
seize cartes, d'après Birouni et ÏAtval, dont son travail est
accompagné, m'ont rendu des services que je ne saurais trop
reconnaître. Quelque jugement que l'on porte d'ailleurs sur
le plan adopté par M. Sprenger, on doit le remercier d'avoir
ouvert à la science des trésors jusqu'à présent inexplorés.
Ai-je eu moi aussi le bonheur de recueillir une parcelle d'or
sous les ruines amoncelées par le temps? Je n'ose l'espérer;
mais si, du moins, ce travail, tout incomplet qu'il est, pro-
voque la découverte et la restauration d'autres monuments
du même âge, je me féliciterai de l'avoir enirepris et m'es-
timerai sulTisamment récompensé.
26 JANVIER-FEVRIER 1865.
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LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 27
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28 JANVIER-FÉVRIER 1805.
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LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 29
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30 JANVIER-FÉVRIER 1865.
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LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 31
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32 JANVIER-FÉVRIER 186
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)^«X-AO ^jy^Mt^ À.AJ^)^ iLjL^v-w ôj^Laj Sj.ji^ ^^-AjUw^)
' On lit dans les deux copies, à la suite de ces chiffres : IJlT
<t_i:ivJ| çj ^D «conforme à l'original. »
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLNCES. 3:5
(jw«^ j3 ioL^w-^^ ô^l y<**éJ^ j.x.XAi*,l\ (j^^^J ioUw^
^ JJiil? i:^!^ ^r^ Û 1^^ v^î U-^^-? e)^^ dj>^^
)^4X..<-j Q^-XiAiAM^ *x^l^ yLx-jU }ij^\jf>^j jjiéS' xJujUwj^
jS uÀ-îî i^aÂil |;*^HV^ uy*^^^-? **i;^ *;^W '^ ^«^ UJ"^^
^jJi C:jy^'^ ^-*^^ ^^ lij^^ ^;^*^Uv»A^^ Uk}\ jMtAit,l\
I^iXaj ^jyJ<Mà^ »jÙ3^ ibU Sj^Uj iÛUMw ^UUj'Uw;^ -C^jJûmJ
' Ce mot est omis dans B.
' j34?j dans la copie B.
V.
34 JANVIER-FÉVRIER 1865.
w-AxàJl »j iLjL-<vwtÇ-^ y^^ iUaÂil 53*^*^ ^y*"^^ U->U
J^SyJ^ Sr*^ "^ (^^ ^^ ^^ ^^yi jS'oJl j.AJCiJl
|^«>oo jwM^^ iU^^ ioU «;^\jo iÛMuw ^Ju^Uw; -(^ iuuxxit
|^4>ou^ (jy-J^^ jjLXjU tfji^ **^î AJUjU«<j / (jvAM*)Jl
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 35
«jiLjçj iôuf-w AJUj'U»^ <- «pr^wiXJî ^^5-**«J3 -C^y ^i odi
otJI iL^U ^j^Jî j^j iCoUw^j»A*AM.ii j5 ioUv^ J^kJ^ji
v-Àil v^l (jjji^l (j^ :>l^i)î^ iCS^bUîi ^ {j\^y^ AÀjJà^j
3.
36 JANVIER-FEVRIER 1865.
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^xJî idU (j*^ ;^ f^-^J i^b^ ii-A-*M i^j^\^ f*Jtr^^
v^i-uj^j 0j ^^"^ *W?-^ ^ A^ v-*J^ vJlÎÎ ^jJ,?^^;!**^ ^j^\
kiLJi^ oiJi otîî iLjL» L-f^ (j-vs^ otîî o»-lI j-û^ ^^
Xjc-w *Î J^wa^ o»Jî jJî /ft.-fri^îj ^^"^^ "Hj^J ajUmjcÏ
/j^UJî JUi iCftlj^î^ ci^^^yj^CJ
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LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 37
cjUl ci^î iù_*Mb-ft i^y^^ (:J\-^^^ ^^uib^ (^jvXâjÎj ^«x.^.!
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38 JANVIER-FEVRIER 1865.
j^j^î / i^i LàJI 1;l-«^' ^ J^:> cj^l **^1 (j^-^-Sç^
* ioii ijJiéS^ ciAÀjj Ifill^* Uii ^Upl^ (jl*>oJl é J^j:>
' Lps deux copies portent (ÀjiwJyC-
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 39
fjjj ULÎÎ iboaJî (j^^ ^ j^:> i^U (jJr3 oJ! Uil JoW
^^ JoKj_5 ^ ^^j,?^-Ai^^ dUj^^^ (i^^l^^^ U^^^-5 U*^^ tr*
J ^ <XÂ^ iLç-l-A-* l-TrJ^ A*Xi6Î^ ul/*^jt5 cK*^^3
fjy^3 »JfJiJM^ v^l iCjU ^î ci>l^ fÛJ^3*^ '^ (•^'^ ^-^^
^LxjU iUU^ ^^ l^JU /o^i^:> icSU jjjîj 1^'r yj);-ii^^
là!^l jrtbAjî^î (j^ iU**A^^ iu^jiy^ J^^ ioU ^jl^
^ A ^^Ml
' A ajoute Te mot oaAL\Â.^=Jî-
40 JANViEK-FÉVHIER 1805.
l«fV-jJIj v-X*mJ^ 0**^^ ( |A-iî j-n*Aj ) AXî ytXx*^ «XÀSjM«w^
K) »X— ;t-^ j ^i;;:La«â-j1 ^^ iU^wn^A^ (:;^|^ "^«^^-^ (*^^
iL^U ft Jsjl^ <r J^:> ''S>Uj^ ô<^i iuccMi^ oeil aJjUv^ iùâÀJI
^j^ ^^5 U.^"-*-v-?'-? iv-JuA«j o«Ji A^U y^"^ 0«J1 oJl
sLm) \jU! /âàJ{ (j^^ \j\:> iijjit>£ cixAj» (_>IjjJ| ^J^^
^li*»^ j^tXJtîi ij^^ IamI^ jm*>s. UoÎj u*'tJ ^-*^' c^y**^' (j^^
JmoI oL^MMot Jw*! dix* (jt 0-)t Imô dLL« (jj<w i^5-â**xji
viDwo «Oyo^* jb-J^^ ^i^ u^^^^J^/"^^ Jtr* "^^ *^
^Ljs-^L.AJi wiLLo &Lm «>o,«w> ù\^jji^\ jiX« ftUw Job JoW
(j js,Ai^ i iuUi^ t^LLo dL^^fe.! jsjùâJi siXX« ^U^L JwLw
' Ou i\KM^, d'après une autre leçon à la marge^de A.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 41
j»wô^ O^^ U*!^*^^ (jvjl:^ A^Lwj ^lî^ iXxAX*^- 0^^
jiU^^ <^Aif| jàU* «ji^ ^^^ «j,^ ^j^j ^ »jfj5^
t)U-^i? ^U^^ J^'S^^ ^3^^i y^^ ^3^^ 0^^^ (^j**^î
C^a^ma^aJ «-iX-jî^ 3^L«* <^*^»»À£>' (J-* ^»^>i^ jJJt*^ (j) JW^
(^jvJUs* crjl? '^j^^ 1^^ ^^ ^^ (^XXS-jjiyftiil ^y^
{j^***^ jtyft^i <^ k^Jb \j^j3à\ owl^^ ^ («-^^ ^^ ^^
v-xJJ OLJi /J>JO;i U^ijj3^<ic \am*XS^ (^J^ ^^ ^^
^^u&- ^j\^ ^ fi^j^ ^-"-J^ v^*-^^ iuljU J^ *>^ W^ J*-*-^
42 JANVIER-FÉVRIER 1865.
x-MtJ^y v-xJî v-X)î ii^U ^-î^-w ^oJ&;«xJî yjj^ jJJi ^jj^
^ ji^i v^î ^^î ioL.iUj ^î^jA^s-j ^ JoijU»-^M^3 U^'*^*^
^^- 1 I*»
»;L,«^I 5^-aJO ^jb^^l iCx*MÎ^ ^g^ iuJÂ^Î (^y^ »^j^
^J *^-g <4^^ ^lî— ^-? (•^J^ ^^*-^^ ^'^^ iÙ»AAW Lr^s-!^^^
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 43
^^ ^yJa siLL«^ »*xJ^ (^ 4>ocwaJl^ -jj^i JjXi i^y^\
^ »*>J^ (j^ (S:^^3 ^y*^^ *^^ ay^'^ è^ y^
Juw (3r?) "*' /J*»"*^' 0>»^ ts)" cJf (*3>~'^'3 f»^-^' ^^>'^*^
^ ^1 ^.j^. ^^yii\ 3Xj t3> «J S^\ Jjt^ è-^^i
iL«UJl Xj^-cvuco <^«xJÎ ob-*-^^ '^^ ^ U^^^^î *i|^ V^^
' Lacune dans les deux copies.
* B présente la forme plus usitée )^ft>»i-
44 JANVIER-FÉVRIER 1865.
&l-AMk_jlv^_««l ftL^ ^l..>w^ a\mw (J*^o oL-^ uW^ • (:J*fr
^UwL.i^ oUw ^^i:>vX^M^^ oLwjIx>Uw
<2> ^ ôU c^1«x5'»Uj ^ji:>jio
' Tout ce passage est particulièrement altéré dan» les deux
copies.
' Abréviation pour juU^ a/or*; ce mot est omis dans B.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 45
y LamI^jÂ. (3^?^ <N?^ c:^!^ 5^U^ ^L)^ ^^^
w
^^I^«XJI cj^^ gb-^ iLjsA^ jî*Xi^ ^- J^j^S'iX^I g^
gî^ iLJC-u. :>Î4X-s^ Jl ^ g!^ AXfAw ^^yAWi^juai Jî
gî^ iU*uÇ- ^ji*X$ Jl ^' gi^ iCi^- ,>.M«oJl ii^ Jl ^•
iL^.^ ^;-^J>^ <i^ f^' gL)-» ^^*^ Vj^ <i^ U^*^ ^3
^ '£l^ **0^ *)j-^ ^^ f^' gb^ ^J^ *>j^ <i^ (^' gb*
gi^ iCjLij «:^jj;^ ^u«^ Jî aJ> gîy »juj\ »j^\a»^\ Ji
gîj^ iLxIS* (jvÂAM^^ Jl A^' giy iuo^î iLî :>jîi J| ^•
#0^' gîj-i iU**o x?^X*Mw« Jl a:> gîy iu^ «^Lw Jl ^S*
(j^^ gb-* ^^-«-S'»»' <^^î Jî /o^* gb* ^^* ^Uaww-J» Ji
40 JANVIER-FÉVRIER 1865..
^' gty XAJU^ ^jU-JW JÎ Ai* gl^ AAÇM c^^M^Éi ^^ij Jî
Lr-*y» ci^ tk>^' (iT* ^ gl^* *^^ Lr-*>» J' f^" (:r?>=r <iî
Jj A^ ^Lh ^^*'!-**' »^l*>^ Jl (j*^>» (j-^5 ^2s^^ t:;^*')^
Jl A-S l^^î^^^jil^ UjI J%fy» Jl /frJ^ gl^ ikxK^ ^j*.*Xj»«
Jl aJ; g|^ iouuw iLl J^Awl Jl Aj gl^ Axf*M «Xaj J^
AjT gl;— > ii-A-u" :>j^jj^j-«*i*. Jl /ojf gljj iU*w îLi ^jj^j
/ glj3 am^^j^U^x» Jl Aj glj.â <xm*j^ »;:> jXm-J Jî
^i-* W-î^ '^^ ^^-***^^ iljL«L^*jl^U«.A3 Jl iljsjb ^
Xjv;I j**-^a*]I Jl ^' ( (^-^^ '{iS^y^^ jy^-^ pb u*^'
gl^ iu*^ (j-^ Jl x)J? gly ioojl ^j^ Jî ^* gîjj
Ai" gî^ iC^Aw (jîi^^^ Jî ^ gîjj iû*^ U^-5-^ <^' (*^*
Jl AjT gî^ '^^*>-^ (y*^^^j-*** J^ (•^' gL^* ^-^^ *-^^l Jl
^^- gî^ iu-^ JI^^jJUmI Jl A.5 gî^ iUXi-^UJvJl^^jkaj»
^0^' gl^ ^^^>^ ^UblJsJâ Jl ^S giji ^^AM iulx^io Jl
' (>e mol est rf'pélé deux fois dans A, et la seconde l'ois on lit
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 47
Jl Aj gi^ iuou»* v^^ ^^ ^ g!;^ iU^ ^jûUio
J^-*î Jl ^^^ (jji <^ gî^ iCw*« J-*l Jl AJ.' gljj »^ ji
^ g'îj— » i^->i-w àjjU^jÂ^is- 0iA.^"w J5 a:» ^ j C:j^ tJ'
/Ijli^ (jw# ^jj^^ jl^CJl iUj«>w» ô^jSj^^ »j\itj^^ (J^-3^^^
gl^ iKXjj] kxÀMjS^ ii\^ ( (j?r>»AÎÎ JU=?- ^y^ ^*^ cj^
iL^^ iL^XftyAi Jl ^ -^jÀ k^J^ yUjy Jl ^i ■£\j^
^ C5«^"
48 JANVIER-FÉVRIER 1865.
o^ Cf**"^*^^ (J^^^-J iUiUMS^ iLA.^^*xil (j*xXl (j-«
^*X>-x-^ Ji ^Ji\.-ÀS^Jî (JW4 ^ gl^ iU^jî «JjU^ <^ ^^**^
Ù<x5j^^ (j)-i ^ gi^* iufcfc^ *)^^ <i^ (•^* ^Lr* iùw^ ^kàÀJî
(J>^i)^^ ôjj;.*^ (:5Vo!;-? ^^^^j^ U>*t>'-? U^^ qùUJI <jl
<i^ CJîï-*b-? ij!^^*^^ t5*:i^^ iOl^^ Ji^ *-!^'-^ (jiiUiJi Jl
iLjc-t*ô yiil-ÀiJi iùj3 j^ (jî Aj' ^5^ iowuw ir^bU j»^^^
4_;l^i^| Jl qùIâïJI ^ / gl^ iixvjî «JjIjU cjI^vjum! <jl
;^i^^ iLjK^^l «^S^Uw (J( CjL^ÇVJUw! (j^^ ^Ù^ji jJitS' AaIj
Jl t^^-:*-' (^5^* v^i *i^j». ^i JlJUi ^A> ^W-jk? gl^*
' A porte jljlmo ; mais la leçon adoptée ici d'après B est confirmée
par tons les itinéraires.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVIiNCES. 49
J5 M^ g!^ ^^-^^^' uL)-^' ^^ (*•'•' g!/^ ^^-«^ e^5j^
j
J^J tii /O^' g!^ ^J^ ^La^ iOjJ» <-»i(P <jî AJ.- 0»^AW
Ji A^- g[;-3 »^-3UiJ^ ^y^ Jï (0^' g[;-» '^J^ -*'^^ ^^
gi^ iùuLAw ^jU« iiî *J; gî^ iUjjî J^> Ji *j>;gi^
«i<5T^ Jî A^* gîj— > A-j^jî vi)^l ^b^ iUj*x^ Ji io^i*
^j\ — :F>? ci^ (6-^' glr-* iUjLjfjljiS" Ji ^jf g[;J iotvj'
(JW4 ^^..jjJaiî -(^ ^Cs^ji jjits. iL^J^ (jv^î «X.>- y^^ ^^^î
Ji A.j> gî^ i^-A^ d|^^ (jî loLU» tj^^ l^iiitfîy UJ^^''^-?
Jl A^' gl^ iL-x«AA*» ^jlJU^ (jl ^" gî^ iCxjjî ««XÀ^
^j^ i g!;—* ^^j^ ioU^ Ji Ao gl^ i^A^- c^L ÀJo*x^
' B lit cj^C
50 JANVIER-FÉVRIER J865.
(j^j ^^ ^it ia-wj ovaxIî^ iul^^^ ouûcil (jvj iUxft ^^
jUJl J^' (j*.^ ^Â^ Jljjî L^i^ u.y^'^^ jW^c^ i
LL j»M^ Lâ^'I UJ iUsIâf »J^>Sj^ ^ dAll^ i^:>b) /o^-^rii-^^
A— ^Uîj ii)L.^^l^Uwo (j^^ iC3:>b; ^r^5^ Jsj«x.s^ ^^^
^yJi U^ ijyàééX:^. J^>-j ii^U fc-^.j »j.Aai jcî ^^ t-*-Ai
A-x_4^ >*-^'^ «iiU^yiij é>^^-^ t-^I^ (:Jv>aJl U5^j»-
^^^^**^ j-V^^ <^*^3^**3 u=^^*^j> 0^^^ cr^^3^^^ ^^-^^^^
^ Celle station n'est indiquée que dans la copie B seulement.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 51
*_A-jj:^ iL-iÇ.:^>=^ ^Sy'^ iiJs*«w<j (^jv-t^^wJj icJsJl^ L^^
^^ dL^-j J! ^ gîj-i iU^ Sjy (Jl) jy^ ^i\ ^ '£\ji
<j5 /o^" gî^ iù^ ylrjlï <JI ^- gl^ ï^mJ^ " ]oys>^ ya:i
f^* glr* ^j' >*^^ ti^ f>^* gî;-» '^^-'^ à^^\ <JÎ ^•
(^' giy iu*^j^^u jî ^ (^ ^- / ^a^jji uv^^^
En B on trouve vis.
2 B.
(>>^^ wo.5.
B. ^\3yAM.
52 JANVIER-FÉVRIER 1865.
^^ ^J— K> ^ ^ 45-^^^.? u^^^^ *x^l^ ^Aijà^S^
l^j (j^ <JÎ /o-J' g[;J ^^^^ y^ (•■u^ ^^ *>^yJi (J-.
Jl xkS gi^i *AJU' tJ^jXw jL <ji yij^*X^ (J-*^ /j-A^sl ^i
■^]jj »<mJ^ i£,J^3 (i^ ^ ij^ W^-J' (jU*«;Ule Jl Aj (j^
<3)' ^3j"*^^ cHP^ ^iiXw
' A omet ici qiielqius mots; ces deux (lorni<^res dtapes ne s y
lisent pas.
LE LIVKE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 53
iLX«w ^^^.AM^ c>«M ^l.^,A.ioi (il aJ» (j^^ «^JX^m cIx^» ^i (il
/ diwXwW ^jMki^ t.iJB.wi0l (il A^ iCXw 5^wMb£ bUS'l jtwyw (it
^l^-i-j ii^^ v^l iCjUvw^j Otit ci^l ^^aÀS ^ij*kAjl>j»^^
iL*-A-^3 iucli^ (ii Aj ^[;-J iLJû-u< lo)Jl ci^ (•-J'* ^î^*
54 JANVIER-FÉVRIER 1865.
LJt^L i^jj^j.-wiO «jlaÂS Unsij gl^ ii*^ (jU^-lpl Jî aj
Aj gî^ iU-*w (jLâ^jLs- Ji a3 JouiJI iùJU 1^3 gîj.â
j^ *HV-» u^^ <-.oc-w Lr^ gb^ iû**:^ jjlifci^l Ji Aji
UJujUmj^ y^ j^i^l j^P (j-« ji^^iX<i^ gi^* iouuw ^j^j^
j
^j^^^UJî^ ^ilj^^ u^^'-? u^i^^^ u^^^ u^*^^^
tj\^li-^ ja^i ^jl^l^^ ubyb ^ jm:^ aKmJî^ uW^j^-?
Ly-^-J>^*>^^ 4^ Agi ij^ -(^ C4^.»^ ' Q^ t ^y^i^y ^*)^^
' liCçon Houteuse : B porte v»-« «cwl-
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 55
^^1^ ^jLwî^ uLh-^^ '^Uà-A-Ji iUjiXJLî ^0-fvw! l^Jujl^^
^ l^a^i j.Àw^ <^^^ ^^^.;^lj:> J{ l .rw,.*» iCJl^«X^ ^j^^ l^a^>^
(j-«^ ^i)-* iucA-w >UjiaaJÎ <jl l-^-Â*«j l^atfîy» (j 5j««*.e ji^^
jl^^iXM (iJ^J^ 'Ù^y^ UJl?^*-? iOkAji'JjLA^ (Jt ^Im^-^XÂj^jJvÎI
56 JANVIER-FÉVRIER 1865.
(j-jl? J^-^^-iwî ^3 yUoj-ll (Jî) ^- gijj iO^- ^Iji^î
Jl ^- (jlsS^^jJ ij\^i <jt /frJ'" gi;J iovij- 2>jj^Ji Ji ^l*«?;-lî
jjj^s- <Xi»-î yLJa-XwJl ^-(rJV-s? uW^^ iUj*X^ yUa-vS^Î
^i^lî^ y)U5j (joÀAJÎ y *^^^ t:^ U^J^ ^ l^a^^y
(j^ ^ ^Ljl-.»wuv..aw (JI ^^— ,?^— laJt ^l3»^^-^A*JL JsJo jjUaXu*.JÎ
(jytju^ «jjUii^ gî^ -xxjjl ijjbdî (j*.îj J^^î <iî /o^' gî^
t^*-? <" ^jV-JiLm<>..Cam ^^ «XjaXàsJî f*^-*»^) dlA^ J^'^î u^y^ '^
' (îc mol esl omis dans les deux copies.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVllNCES. 57
^î^ iocw*rj' jUw^ Jl /friS g[/» iJ^-ù^ (j*^^^ ci^ (*^* Sb"*
^Ul J^ ciî f-".^' ^-=s£y yjjj-ûx L^^^ iCxLUU ( Jî) ^•
iLJC-w jL-l^ <JÎ /OiJj gî^ iùcM-J Jc^î (ji Ajf g-r^ iCÂLw
aJlLj? jjj^ Ji Aj; ■^\j^ iûojl v^iXi- c^l^'W' J^ ^ ç^j^
^yJ>\M «jjyAjLlî Jl C:;U^ Jjf J^t (jJÎ ^ *XÂ^i^ *X^mJI
«Li^ Jw«L^ xwJUî 0-j *x-# ij^ w^ jJI ocAj ^^
' Les deux copies portent /jUyiO
58 JANVIER-FÉVRIER 1865.
cj-*-^-*^ J-^-?^;î^ ^j^yK»^ JyoÎJUJ»^ (j\9yi\^ ^J\y^^
^j)*K-3j^ j^*XJ)^ \*X.^Mt\j^ J^-A-J*XJI^ yLwj4X.w^ (jU^-u)^
C^^ / (^jv_jjj.g-^| :>'^ <$> ^JJ;J^ ^^^ J^ ^'^X)^
^j^y3 JI Ao g'î^ iUkfc^ (j-^ Jt aJj gl^ *AA« Ob^i
(jî«k_jLâ* <ji Aj gî^ iuu{u*M IsLjJl (Jî .(sS gl^J iCûMi
^^^**^ ji>/^ p^c]^ L^V^J (ij-* ^ e^W^*^^ ti^ U*L?^ ^^ {^J^^
^' ■£\ji iCx?;î Lj^ Jt ^- gî^ iu-bÇ- «j^ Ji /oJ» gt^
JI ^* gî^ iL*»-^ »lx*i Jl A^j* gî^ iu**^ j-^Uvw <JI
' Les deux copies portent JiUll.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 59
ii\ ^ glr* ^^^^'^-^ (^ ci^ f-^' g!^ ^^i' >jt>r> ci^ /o^'
:>î*>oo (j-4 ^^-ï^^aJl <2)f gl^ iUxiw j^il Jî ajî gî^ iUx**»
60 JANVIEH-FÉVKIER 1865.
w
lld^^y» y^x^«.w A.*^^^ (J-w^jjLM wA^o^l Aia.û^ 'ri/*^ C:^^'^^
^^ --^^î^i tic ij^-x^axj» ijoya} UAiûl^ Itstf^^ (j^**-**'
j
^^***^^ x5U j^:>;«xiî <JI 1^-0^ Jolj Jj^ ^^ ^ ^Jlj
^y-l\^ ^^jç_Aa-]i^ «XJL^i_j *X.â.mJî ç-U-<^ vii.-MJLi^ ^>*^^^
^^i i«Xiû ^j^ ^j^^ ^ ft)-^^-? »«Xi5-^ y^AûAJi^ iuisxilj
A-jU iCJl<UA.]i J^ dL<v- AAi^ «XA4^j.yjJî ^aaMÎ vS^àmJÎ
c^. *n.'J^ jJLX.ji^ 0-ji^i (^ l^jL/o O^^ ç-iji> '(^aj^»^ ^b*^
' A ajoute ici un mot illisible Ij3.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. (31
i ^^Idssy ^^^ tJ^jÀ ^yU" civiJiJ *M>^ <i^ ^^i ^y^i
L,^^^ LgAx« ji gî^i iUjji ^^ •^\ji iUxw ^j^^HvS' »^^
àj^j^ss- <Ji xNJf *>s^4 pj^îî ^^ l^j^ ^i-v«iU^ J^j ^jj
l^Aiûî^ I^Xa^ i gî^ iCUi- ^^ l^a^ jwû^ iUiU' ^î^l^' ^1
^- gl^ iUA^ j^l <jl jl^l^ ^j^j^ Cl^♦^ ^ '^^^yôLl »1^
' Ce nom «'sf illisible clans les deux copies.
62 JANVIER-FÉVRIER J805.
1-^Ia> ^ Uxll ooJo ^Jà'J^\ »*Xif> i^ j.Li iôvjl ij;ju**-*
(^^jvjtfiî^ ^ W^^ 0^,y^ *Nî^^ ^-^î^ ^-^^^^ ti ^Jj"^^^
Jw* (jî ^ItXJL»»* (j^^ Uiil^ ST-UJI IgJj l^s^î^ juii^ ^ajUt
^J^^ i^^ i x»j^\ «oilft :>lfc îi>î^ AÀ* ioj^î osjtij^i jlai!
^JlLj t>s?>^ «.-.vkâ.^ ij(^ Jî W*^J ^^ ^^ dJ^"*^ *)HV*«*^
(^jv_-*^ a^«A.w*w« A.,^^J$^ jî^l^ d^^^^^^JÎ W^^ ^L^*
<-*w «XJ^,.,^*» (Jl (jv-Lj^-a»- (\^^ l''^^*^î ''^^^ W^^ r^lî^ ''^J^
' Il y a ici mie lactinr do, quelques idoIs.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 63
i^îi Ju:?- ybj -.iUJl *jçU j«:>t ^uXfi iojuti ^*>Jî J^
AjLJ^ (j*.Uî *«>:>îj i^ l^ «Uci^î^ U^ xiî^L «oyiUJî
AmaA-^ j.iî j.Jvj> wjÎ ^j! «XJL^Î Jj^Î Jy^^ dUm iL)ti
64 JANVIER-KEVKIER 1865.
ijy^^. y>^^*^ ^y^ 0**^ ^^^ *^?>^^ ^ /fi-fr^!>»v AjjXtjçr
jM^ W-^*j J"^^ t^*^ ^ W^^ u^y^^^^ cMv^^ t^"*^
L^ij «Xs*4ii iôls* aJKÛ? ^^^ -l»i ioU« »;ju--^ xX «;->*>^
l^Ai^ (J**W^ U-?-^^ ^-fr^5^ C:5V»>> »;-^-«^ cic 0*-^!^ *J'-ir?'
^_jw.-*L-L) L^JL*^ iC^lâ^ ^^^ ^làtf?^ ^^^^ \s%^^ ^^W"
J^^jIàJI l^^ é «ijyJi *>y^J^ c-^i a^M^jdi^ fc^i aX^-
^ B donne une leçon Ircs-cIilTc^rcnte ^A.^ [a (jLv^Ji *_jLo JJà_) ;
'•Ho a été adopU'C par Ka/.wini.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 05
«
l^l:^^ ^JJùjJÔ\^ J«îjUJI^ J«XÂ^ijjX*Mii t--wuaj»^ j^îj
«^.-A-^w-w» ^^ A^' / jb cK^bj (J^^ jW^I^ (fo ^J «>^
is^K Q Mi^ A-jLrs- (iJ?r-^3 (j^-ia-J^Î «^^J ^yi j'>*>^ iuwJ^
b^^Jî (jj^-W ^-^i^ «XJi^î »i)^X«^ <-*^
C^î^y-dùJl^ b^l ^j^ AjbjU dUx>j.A^ C^î^ii fjyO^^
\ — ^Ljf't ^ *>^->j ^^X-AÀJt ^K-w tj ^r^j-J *XÂ^i vi)jX«5
^j— /oil cî):>^ (j^ *-jtUw (jSwb^ ii)^^ ^-^^ ^/-iV»*^-»^ l;-^
ioU?- (dLU) ôjsjcj^ ^Ikiî JlU atXxj^ xSUiîJijI *J« J^
(^*»^ ^ yl b^^^ ^"^ *^-«*^ ^^^ ClJVJ^ ^■^J'J ^5%
t-^i6«X«3î «♦X-X_j jj^ (j\..A^b Ajdttf J.AAi:j* (^j^-«ijj viiXo
Jî ^;— JLJî Jjî (jM, àj^j-^ xô ^Uûixo ÀlâXi^ ciîji iiijl»
' Le reste de la phrase manque dans l'une et l'autre copie. Au
lieu de jjia>" , B porte ^luJf.
V. 5
66 JANVIER-FÉVRIER 1865.
jUjà ioUvXj (^jvj U iC.tk,m ^^U^ CJ^^Î J^î 5*K-^v^
dl^JJLî i'ii^^ O^^ <^^^ ^j' J^ jW^ C3^1 ^^* Jl
xJCo i^ ^1)4^^ 45^ g!>^^ ^^^ U^^^^ U^3^ f-*^
Jï ^^«î^JaJî •(3)^jj^,«»il JJiL* 2>^^ l^jki «^.jî^is-^ ^ JU o»jo
i^jcJt L4-AJ iC^^^ 5^»?^^ jU**jJt cyîi IojU j^;-» <^ (jjv^î
^ uXwaJl Jl jU (:^4j jj^î ^4^^ (^jUUi c^tXÂ^i iyJl
(_^4X^^ tK?^ ^JI^Q'**"*^' *XÀ^) ^j*5^^ ij-*^ ^jh*A-«)^>^
(jj-5jj! <jl v.ÀjUaJi ^ .jA^viASj jUûiXÂjiîi^ rA^*^^
(j-«^ /jy^l L^-xij ^^wuaJl jUijJl^ *^Jv4^ C^VS^^ *Xj*XiL
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 67
S^lf iLJL)«X.4 iLjv^Uo (jN^AâJb^ ($^ 0^^^^.^^ 2Kaamw4 lib^j^l
^ Cljjà\^ OUuJi Jî ^^.^îS<îî (iH (iJh-^JÎ <Xj»-^ gj|^fi.MV '0 l^X
l^î^^l^ A^^ J»^^^ (j^ «Xjsio LgAiûI ^1 ^^w^- tj-wÉ^tXJl
^,.-«^1^ (^A^l^^l ^^U^ ^ ^tli Uo ^i yir liU
^j^^ ^,^1 (^j\m i ^Ui UIs dUi ^jW \b>\sj^\ nx^
' On iit dans A (jy^\j\ ^\.m^\ J-^a-«j. Ce même passage est
entièrement illisible en B.
68 JANVIER-FKVRIEH 1865.
i^X^ j^^ iJ^«-AjO JUrs- \jiAj[é ^^j^^ (Jj^jÂ,) (juuaAS
jUajèJî^ ^jj^-mJî^ jyuJI^ ^^^3 viLJLI^ (jK^îj <^j^\
JjJo^ / yl^^^jvilj Uiil^ iawwJLÎÎ Js.^mJ! tj^^ t^^i'XJî ^oJuii
iLjjiXj Lw*Ji j^UL-^-I iCxx*»» iXÂ^Ji^ -(^j..^^ UVy^^^
' B. «-^ajUoJI. (U'tli- W'c^oii rst (lue, siins ;mrmi doute, à (iii
copiste.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 69
^jjk ^.q^ i^ u>*i;^-? ^jUâjI J^Â^Ji JJw«5 rf- o;U«5 ^
»^UJî /fr^jU^ -^L^Jt /ft-QA^ft J^Av^I^ y^r^y^ (3^^^ <^>-y^
j-OJî^ ^y^\ /o-^ij j^VJuJl X> ^jyUio^ s;:it>\^\ U j^^L»
iSyA OOl(5
c:a^ Ji Ao g"!^ iùuMA. <->; jJî Jî Ajf gl^ iùûU"" jlxjiiî
Ml y a ici une grande lacune , et ce n'est que par conjecture que
nous avons rétabli ce dernier lambeau de texte jusqu'au paragraphe
du Maghreb.
70 JANVIER. FÉVRIER 1865.
JLfL^ Jt A^ glr-* ^^**^-'?' (^^-*,^^ c^) ^^^ <jî /^'
^j^^^— U^-fii^ *X^-i J^«»-Lt (Jl /o^' l^a^îyi j--ii^ iô«j;i (;y^j^
{fjMyiKj^\s éU^jij}[> i^îj ) gl^ iijùU-' iiSjJl Ji >frj l^s^^^j
La_xJj 0jk<a>-^ ^ms-Mi^ IoWa^wj ^Uû^Î^ (jL^*"^ ^^^^^
Jlï ^jLjL-):) otiî cjji^l iux_j;i ^j^j^ ^!/^J ^^3^^^3
jlxiiil^ (^J<j^^ AAjtXiL^ cybUj iUJl*xJi^ ^uc»-jJi^ j^UsI^
A-tf>lyJl^ / t^-^As* »j^^ U^>J *)3^ <i|p:> ^^^^ oouaxJl
5ji^^iLjÇjUaj| *;^^ jf?^*^ ^JJ^3 ^y=^ ^JJ^ UV^ ^J^
t1/^^ / jUil *Xxfc ^ ^Uwa^ iCiLdj^ tj**-^y^ W^^ (^ji?/^-*
' A et R partout wâ./« >U^-
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 71
jA~^ rfv-îbî d*x-.^^ ^ (jo^ Jl a:> «W" Jî &^jj^ ti^
^t;j^--i© rfv^î (jUjcJî «j-fc^ /rcAâi iU^bl jrf>AsI ^j^ixîi /<vkiî
m
^^-iUwJi |^>Aj»{ (jljuJ |<(>X3l ^^.AMJUO Jo pÇvAjt (^JV««J9^{ |i<V^i
/jvAM^I rf>Adî «^IâJÎ /rfvAj»! jA.lkjiJl ç(^\ j^\ /^bî iuycç-^
l<(V^i b^i fO>ki\ iU4S^ <^\^l JJxMJtil rÇ)Xi\ (jv*^ r(\Ui
(^j!ia}\ ^ Uî^l_5 (jjJ;i?^ U.^^-? '^y^3 ^^^-f^^ J-mJÎj
ij^^ ^>KmJ\ ^aX^ -y J^ oôi^ îjjlï^ iUoJî c:>îi> -;! ^^
oiJl (^,5-*-^îj Otil iol^Aj (jA^ sL>*^-? ^y^J c->l^PÎ
' Cette ligne manque dans A, et tout ce qui suit, jusqu'à la lin
du paragi'aphe, est défiguré et à peu près illisible dans les deux co-
pies.
72 JANVIER-FÉVRIEK 1865.
^jlxJ /ivUî ç.Uui! viLfXxj iCio*X^ j-AJLw /rf>Jiî iCJsyiiî J»-<-*m
^U^ c4^Aû-^^ iH^I «ji^ JW «j^ v^ y,^ jyJi
»;^^_$" J^ «j^^UoO «j^y^LJ! »;^iÛ^ 5;^
^ JwJ ^jLiLji uaJI y^^-w*^^ v-àJÎ iLJU^^* (J^J^\ ^l>^^
^î^-i*. vdJ«X_5^ i«X-i5 v.jUa-j laJ» ^^j^i ^i.)"^ (*-^-^
" B. ï^^9 J\.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVIiNCES. 73
ïjj^jS^^ Ul? *;jj-^^ -î^Xw*^ *J!>*^^ ^^"^ ^JJf^^ (J*'!^^ ^J!ri
ii^X—*^ ^^j-jib* *^i=«-^.^ jî Aj 4^*«j <i ^^ (jJtH^^ *jvj^
^ Le nom et la dislance de cette station ne sont indiqués que
dans B.
74 JANVIER-FÉVRIER 1865.
«j^5^^L-*»fc_Â.^-xîl »j^ \x^ iij^ ]oyi^\ Sj^ (j^^^^\
La-?^ àj^S^O^I »;_^»4Xxi «j^lfltf^ »;^\^U^ ïj^
Uâ.AW^ ^^ (jMk^ ClJ^^ ^^ ^f*"^^ ^^ ^^S^^( Ô^^-À^ ^J^
,Ï^-aJî o>^^ ^.y'-*-^^ M>-^^ *-Â-ii:> ^ ^tx^-î »;^
*X«A.x^a]|^ iCj^ç^j-àJî^ v-JU^Î (:>^^ (J^^^ JoUwi «^JS^vJî^
ia-A_-M*j^ «y-AJij^ éjj^AJ^ A^i^ Uyiiî^ Islx^^^ ^j^wOo^
cllt^^A. It^ y^Jy^Jt iLjjîtXjJî^ j-^s^i^ ^,^i^^? ^SVyJaJLî^
ûf (j- <fi "'?^^ C'A ]a.»wy Lx^tâil^ JnaJ»^^ Xij^ç^^ ^ysj^^
■j^ i^jS'^ ^J^yMi\ Jl ^j;i;?^î^ (J^3J.^^\ ij^jMi^ ^y^3
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 75
jl Aj '^la;^^ jjS^s- iUiljf -U^ «^îi <ji A^" :iXjyo ^jj^A^
^^-i'-Lî io^;».liaJl Jî /o^* "^huo ijtfjji^^ ^j^ r»j^i ^^À.=r
(->l«.-é:^ <J{ Aji* ^.Ji^ jjtf^ \mJ^ r*,y^^ ^^-^ (i^ (^' ^^^H^
*" "• *
aMI Jv.a-^ V*-"^ <i^ (*^' ^^'HS-* (j^*^> iui*^ *4rsA>. jl
76 JANVIER-FÉVRIER 1865.
J! *^- :5Xjço ^yî)6- JlUI *xxfc ^^ *xa)^î 4-.^>-U> jL-jJt
^LaJL^Î iUj*X^ ^îjj^^l Jl ^- ^\oç« (jjîj-û^^
la— u.^ yljj^j— *.jiJî^ ^ ^^-A-« \^^}*'*^3 ^J^ Vy^' ^'*-**'^ (^^
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 77
(J~: C5^>-^ L- j^-.Âw« J^^^ IjVÀJ^ (J!^-"^J iCxXiWj iLjvjtLè"^
wàJI fjtfjJi*s>% ^«X.>-l li^j^ji^j lûxat'j.iS^vJj J.£»-Um ^^ ^^^
.^-*3 O**-^"^^ J"^^^ (_j^«Xi»yi^^ (j\o^ 0^>> (:3H^ ^y^
iK-'JLjM ^JH^<yJ3\ iLJL>«>wo iLUs^J» Jl .fiJ? ^|>-> ^^X^w cl)Ui&
^^ LT^J^ CJ^^^J ^^Ij^Î |<Um; ^ (:^5V^^ *^^^ (:)J^
(C Lj6^Î^ U^ ci^yûb^ iCÀxX^j v.jlaA^^ *J>^ Ai^^L* Aa^^
•(^ yt^Jî ioÙLMi jiX^^ ^l^^jkiiiL <^U»- JI iCxXiw
78 JANVIER-FÉVRIER 1865.
j^ÀjijJol Jl Aa^Î ^ :>y^)i\ jj^^ U^'ù^^ (S^^^^ cK^'
j^-AJo-A--^ :>;^j V>^^ J^ ^ ^^* y«Xx-« UpAi^ Joû^l
^*><_j iUj«X^ c!>î^^ t^,;'t^^^ *X4^ ^jjj /<>J6Î^Î ^«Xj jj^
iL.^Uo uJL\^_j iC^Us l^-iXi.^ 1^^ (^^y^^^ **?;^ ^V*-»*^-«
^^jJ^nâJ*^^ (^JIAJ 2(j.Aamw« l^yÂAJj ^^AAi^\ (j*«^JwJI ^^^^1 (j*»^JkftJl
^ji:>^^l^ iuio.iI ,jb;l i^^=^^ j .^>-^î ^iy ij^
' Tout ce passage entre crochets paraît une digression, ou, ce
qui est plus vraisemblable, une note marginale ajoutëe après coup
dans le texte par un ancien copiste.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 79
(^-x-*w (j^ «X^î^ fy.£>' jjo^ OV^ ^ (:5??àa»» ^a^ 8j,am^^
J_^_i6U ^jyS^*^ ij\j^ U^ ciJjLÎI ^^U Jylîî l4Xi5 AÀ.M
^^* j^*>v_j^î JUrs. (j^ ^^y^ fJJp^^ JUviJl Jcj U^
i^\ L dL-A^^ j«l\-A«Jl (^^^î Î*>^j6 je jfc^-**^?^ ^ u^"^^
80 JANVIER-FEVRIER 1865.
^^ A.**:^^^ aK-WW^ lf<M*^_yb^ X>b)^ 5jt^ ^^^»j^i (jbl^î
^^.^^i o^Ai^- ^ :>^\i> aKjG Lt^ cj'^Us- iO-^J()c«j (j^]a,>*»U
ii)LjLjft c>.5ytAi iUSi^^ *^^ <J^ ^,^4^^^ ^^*" S-^H^^ <i^
*jl^ <^jj^ (jà^-^ 0*^ ^-«jj^s» ($^ j*^Uajî ^^ g^yi
^j-« ii-iS»^ AJb*X.« 0^ ^^ <\:^Us ^.JtXi. j^i^l (j**^-»*fcJl Jî
^-^-^^j 05i*x-« ow^lx» jUjJî^ JW^ ^,^l>^ (j*^^ ^^y"^
' fci commence une nouvelle lacune qui se termine par les mots
compris entre crochets; il ne m'a pns rté possible He les rôt;«Mir,
ignorant ce qui les prj^cëdait.
LE LIVRE DES HOU J ES ET DES PROVINCES. 81
^^yi ^\J^\^ ^j\:>y^^ ^^^^ ^yM*^\ pO^ ayJt
^ yLrs-^î ii^Uiî <XA.;wJ <^*xJl ^j JshJuwJî ^^j-9 <r>*^
a_aJ^ iLi^j«X^ ^-^^ iuJUùaJl o»..^ ^^^xJî ^^-^yJi Uî^
viUiXS^ ^(^ AjwO ^JS? ^^ LJj\s ^^ iuUXAM ^3 C^;-^ (J^'ft^^
<3)r ^^ Xi.^ ^^ ^^
\^j\> Jl <J>' ip^y^ iLàJ:^ iU^w^b (3.>^ ^^ (^' ^L^ iôuAÔ'
tiî ^S' gîy Xm-cç- cj]j}\ j,^^ ^^jwmJî JÎ aj gî^i iu-Jj-
gî^ iucAAw yWL 4^ Jî ^' L^i^ï^j.Âi^ USÎ iijoJsJI
■Ç^ g5/-» ^^J^^^ J-*»^"* J5 ^
A-A-k^^AàiiL aju*X^ ioyJl l^jVjUi cx-;?^j J^o^t 5;^5^
' Dans B, t)n ]it plusieurs fois LiU, au lien de Jujf que donne
l'autre copie.
- A et B portent ij\U_«Jt.
V. G
82 JANVIER-FÉVRIER 1805.
iCÂA^^ ^J-*^ ^^^ îj^^^ (J^J-ff^^^ Jj^^ M>^ r»'^k^\
(^*X-fûjU^ (J-==^^_^ ^'!^<—»mj\ A-aA-^ CT^-J^ iUj*X^ (^^xj^
^jv-,«ij^ *Xw^l^ (j.mU31»^ *>*"3 (J-*î?^3 O^^^-î^"^*"^ [;*^y^
Jt J^-tf»^i (j^j / i^i v-jUl ô^t iùojl J^^\ '^^j^^
MU
p
(j%.^ (j*»tj ^jjjî (^3\-xA.Aaj rf- iùcujjl>:> iJ^^^-(3> iCxjujjLi
J^i 0«-îî ôi^î <\_X-Mw iUAJ^jbi ^îwâ^^ ,r (j^«Jy^j_jJs3
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLXCES. 83
îLxijS ^;îj-^ Jî (tt-J' gî^ **J»j^ ^P^ J5 (*^' g 5^ iCxA^
iLjt_A-w ^jij^^— >-L Jî ^ gLn ^j' 1,;-=*-^ cjî ^ Sl^
■(^^ gîjj iCiXj iu>yî <JÎ Aj.- gl^
^Uxîî j.aX^ JÎ aj gj^ iu**:ç- JlAil (^^v^ Jî a:5 gljj
(:jV-^-»»»U Jî ^ gl^ iCwA^joJsjiJî Jî Aj gî^ iucwwJ
j^Lil ^^ l^ ««Xiû^ U^M-oi^ Jt AO gl^ iÎA-M»
»^Ja Jj iL^Ja-X.^ ji^^iAaJLA 0,*<a>-*. ^jm*^ (j^y^Uw / iU^UiÂil
Ut
ïLxjljm ^^j-mi (jî Aj gî^ iou-*M I«Xa^ Jo <JI /oo g[jj
iLjujL-u* lsL*iuA-«w (jl Aj gîjj iCûw AJbiXJLî (jl Aj gl^
iUjjî ci^«xit Jt ^- gî^ iuwJÇ- »j^j S fi^ gî;-* »;-û^
AJijji g^ d^ iuia^ (j^^ gî^ iu*k^ (jii«^^ tiî (0^* gJ^
^ Les mots *r**'^7^ A.stA^ ont sans doute été déplacés par le co-
piste, car ils semblent indiquer la distance entre Maskîn et Kar-
kyçyah.
6.
84 JANVIER-FÉVRIER 1865.
•C2)r »j^ Ji ^- ^j^XJL-M*^ JI ^' 1*1» <JI ^- ô^^-*«;t JJ
yJit,^ ifoj\Jî (iJîrX^w JI iO-S' ^ViX* ^jj>^-ù^^ «'^^^^ o^a^ <i^
^? *»
(3— *iw«i JI Ajf ^^X-A^ ^jj^-*ik.^ iutxiaiJI Jj Ajf !5X^y»j-i*^
— ^
^ JIXmi ^amo (^.awwA^ JI ^' jXxmi C:a.^ dLfXxj JI ^ «JXmi
' Dans A, l'ordre de ces deux villes est interverti.
'^ 11 Tant ajouter ici jj-«i-«3 (Jf, bien que ces mots manquent
dans les deux copies.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLNCES. 85
yls^U*» ^^ ^^^ *il5lw «.ixXS* iCj:>î Jî ii>kûAAaJLl ^j^^ L^joImaj
86 JANVIER-FÉVRIER 1865.
^\jÇ« J.WMI^ ^^Ijf ^JVV-**' (î^-**!*^*" Ci^ fi"^ J^i 5j.AM^ tSuMtJi
«s»
Ajf :^La-* j-âSn^ iLéJ^ ciJjUI ^ (^^ <JÎ iO.J !iU^ uV*^'
Là-jÎ i_j.-j>AJ^ (^y^^*-^*" <i^ (»^* ^^^^jiÀî** ^MéS^ iuUii (^^
iû^ jpuji jî ^- JM iijas- dUJiî ^U5^ji ^'
JLç*i iU-^ JJXl cWxoî Jî /OJ-" !>U^ j-ii*^ iU^ 'ikxs^-Sf^
ojl ^S-^-=^ Jî (0-5 ^^^-*-* ^yi^' ^5/^i (j^^^i^- (J^ ^
J-t*^" iuuuj tj-*5 -«^îj-fJilt A^sJ^. *JSJ^y^ '^ ^^^ u^^H*^^
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 87
tJÎ A.Â^ /frJ (^^yXj Q*.^.-w ^jî ji^UjOO jj^î i3*J;^ Ax*5
Jljyol iU^ viJUiû Ajliû^ <j^J^^ jj^ J^' (J-* -*^45^ o**"^^
^j-« ^-A^ (jv_AAw (^ iU.U]bjUa M^.iJ L j^ <^i-s*- ^^ (4?-^
(j*t^*Xot (:5??^_^ (*'V^ if^-^ Aaît^jU» ^^C^ 13 ^J dJ^-^-S^?"
(^ J^£»-^{ /OiwJs^j A.(^,M) ii^A.^ Ifju^a^ «XÂS l'itiijl <Xa^^^
88 JANVIER-FEVRIER 1865.
^ii ii-A-xhy oujl(j ^y^j=?' ê^ *^4xo_j iCv«;rj <Ti;J^^ (j-«
^jj^ y-^ilS çJ^J Ltf j^AâJt liû^^^ viUw^ 12tt;i> (JJJJ-ÂM^^
«.,^i^*xJI t^L L.r,j^ éjXXS' Lj]^\ y<l\ Jî jyJ^ t-ôlii^
ijJ^iS c-jt^l l^Jj <»^ jJL 5^ «XytX^L <.^.oaiî^ c-jL ^^
Mki j^\ U».^ I4JU %^ ^,ij^ iixij\ *iL$ wilUt I^aJ^
ij^ «is^w^ A_AjUkiiix^3l *xJb yû^ Iï:^ J^ l^ijil JUt
LE LIVRE DES ROCTES ET DES PROVINCES. 89
y li>^j JUviwJî (j^^ iûJUÙAÎÎ i^j S^>*^^ (J^^
^ya^ ijJitA^ (JLaJLxJ iCiu«X«« <9^^ c^^V^*^^ cK^^ ^^/>^^
kJl^S Cjlcâ<=>i iUjtX^ jmwAwmÔI iUjJ>wO <XjU>^ ^mwA^mÔ^I (^^
^^ <i' *^ jLw (j-« iot< (Xi?'^ i*JlH v*"-^*"^ (J tS***-* (j^^
^ Les copies présentent ici une lacune de quelques mois, a,vçc la
mention Juo^i ^^ f<3.i^« conforme à Toriginal. »
90 JANVIER-FÉVRIER 1865.
ft^-jc^ iu^,<;w. «o«X^^ a.^jL<o iX,>>l^ jtXrftf ^ c^«^
l-M »*xJi-^ ^UxjJI Lâ3U«^ SoUIs ^ cK>it bjjkàc»-!^
IjlUaj ^{ :>\j\ Wl^ AÂfi Ua^ajU luMjbl b^i x«U]s Uii>
^^^-f^i (j^ f*Jtr ^ «iiXa «XÂ^ *N?>^ ^ ^ ff^ ^^•^^^^. ^^
(j^ ({ fiM».» j^ U^* vilôl UâÎô Ijfî ^ cxXjii /i\3j.Jl <->l^Pt
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 91
A-A-i^ v±>:iVjUî Jjî;^ -(^ (jy^^^ ^^j^^ iCi-wj-i^ uy^^
iL-A-0_5 J—S"^ -(^ It^Anrw ^Âix iÎAAwj iUi^ U^^ CJ-*
(j^^ iuv-jj^ÀAw J-J^ -(3)^ ^^j^kA^- iUAw AAi^ 2^ «X:>-3
jùco^î^ -«^^XjTi ^i^ Ljys^!ii\^ îyilaiî^ juiiï*.^ «jji ^j^>>n4
J^ ^j^^ajU:* (ô^5) i^-i-^' c^«>^ C5^^U ^^^^.>-U*Mw« f^jj^i
/ J^à iCJLwJl ti jb 4îui 4X5^ «^^-^ «X (j-^ 4XS-._^^ iUUfcJi
ï A et B cj3 JLj.
2 Cette leçon, qui est la vraie, se trouve en B seulement; A lit
3 B c.s^Ul j3j; tout ce qui suit entre crochets est illisible dans
les deux copies.
92 JANVIER-FÉVRIER 1865.
J^ iU-.-«Lî iC-M^ jLs2^ Jf^ ^^^ J.£>.j util ^^ jlsi^
if^^j \\Ki iUA*-Ç- (J<*^y» tK ^_J cK^J <^V-jU ^^ (J**-*>»
^ytj^î ctJiSS sJCUis? Ikxîi^ ^ J.S-J iJ^Ai^fc ^^ ^r^^"^ ^
*-jjî i ^ Lf ) Js-^î^ ^Ua.^ (:5^-À-A« «iUj J^ tj U.^"*^
<-^j».U> k*ww*>îl^ ^IH^ u^-^^^ v^is-lo kjÇotîi Ajf »^Jj^^
/fr-'j' ^^AiyULJÎ A^' às^yJuS <.^A.^.U5j t-'v^-U&Ij (.^.^amI L^!^
^^-Ac^ji^i <y*y-^ ^j^Y^ fJ?y^^!>^ "^ Lr>^ c-/*j»-U£>
yJi*.^ iu«J^ Lg-Jj^i^ ^jSJaJ^ïl Sj^y^^ 6 ^yiyiiéS^ \Xm>»
^j^y^^ ^ -*xil ^-wai^ cxjl^ l^j^ t.^I^i »^jj^^ rf^ l^^
^^Àa9 -(^ i^^^^dA>.s xmJ^ L^^:>^ iUXw iyij^^ 6 iOÂilt
4^1 c^Lil ^ l^i^^ Jjt Jl JUJi c-ol4^ ^^^il
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 93
Jk.i.i»xJî j^^-mJÎ (j=>j.^^ Stiji (^jv.^^ ^^-'^ UyJV^J ^J^
jJLoi (jA<l^ iX^xj lg.«« Jcuw^l «oUJLs^^ c:jb!jla»»wi <ùa}3^
-JsJL^ (jvj^ l^î^i y^t^* »4X5^Î dUw^jL^I Ljuj\^s^
cj>^=»- je o»Ji3 ^5ws*> l^* ^ xivAJUw.ii ^^^j^Cj \^^y,^^.
ijtéjh^ j^vwl ^^ 4-i*-A^ iù^ÀJ iCjL>Js-Li J^iwîi t^^ <r <^A^ii
lQ»lajV-*"j <\M*-AÀSi 5<XiÛ \.JiXyiM^ ÏL^j.*^ {J**^^ ij^ U^-? J"***^^
^ Qû,«A-w^, leçon fautive.
- Les mots Jh-^\ / ♦vL^ ^/o ne sont pas à leur place, et il est
«•vident qu'il y a encore ici une erreiu- du copiste.
94 JANVIER-FÉVRIER 1865.
^Jl ^y-X^j\ L^-AJ^ ^jAK>\ pli-^ iiiaX^ l^ \^]yji^
^^^^ j. *^ r>. i >^j (j^ (3-^^) u'iH^^ ''"^^ *r>*^ f:^^
(j^ lob [j^j-*i*^^ -^^ iUdfcAÀiSI StX^)^ iuM-AjJdl 1^jL« ^Aàj'
^^-w« t^-x^j-ioî (j*-!^* (j-« c-»U v^î^ poiâ* w^i <»,vfl^i>
(jl^^j iLjjJOvCw^î ^j^. ^udjw osJI^ a)^ ^ %^j\ Uj4>J!
(^ Vr^b W^^ 0**^^ CJ^ *;^^^^ ^ S*^^^ AKJCi ^î *X^-Î
^Ui L^^ J^kiû p^^-^^i i ^'^ iiU :>U ^jL (j*.l^
w^^l CXAOÀji iiïU ^U:<I (^ \yXjiO^ SyXjééÀ (JmIjJI (-^jJ**^
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 95
Ji A-yJLÀ^ ^Oi-^rr-^^ ^ft«^î:>:}i /O^-^r^Àio U iU^^j J^l
fc, A yku I-jlL.v.**- ciî <^ij (j-*j-^ CJ-* «^ Si;^^ (3^.^ til-x-u*
dl-Xl^ iCjcMKo iL«;i>î <jt a:» dlXui *jji «xXj Jî Ai* viliT^
^^^ tiXXiAW f^>Xi /0«,AM^ (Jt /6>S' Vi^iX-iW %JM^ C^^^A^k. (J) AJ>
^^' viL^AW fcjj! ^^.ï^î tJ) AJ ji^AW J-***J* (^iÀÎik^i (Jî aJ>
lai ,h ^ iJ( i^yjk^ 6 »Sjm 'Àjj**a *-»*o iuSjyUJt <jl Ajf xC*»»
U^^^J^^ »*Xa4x«Î ^_5^wo^ icXX^i ^^ JU>iJî i^Xj jt -iL
96 JANVJEU-FEVRIER 1865.
^jH*? t;)^--»**-^-*-i^5^ U^"*^-? (J^^^^ ^jU^fM^Ûi^ (J**PLw^
ii^x-u. iJwi^w^ .^»Xr»-î (jUtVo^ii Js^ j^\ ^^ ybj^ Jl
tii^-^J» <X-3^wo^ y^j,.^^ (j^»>..Mt\y^j\,.Mii^ &j>-^ AâaA,w (jv*;^
i4-x-«^)^ j^jj^î iLÂ-)*X-« 8^«\-ss-.^ ^'jj^^ IJ^.^^ ^y^^3
^^ ^y»w=fcj2>t jb ^j^j^-A^iJl^ (j*\-ts^_5 o»-wi>^ (iub«X«)
li^,r, xs^jU dUJLi jJXo iSl ^i< (j^^^jseJl «XJLftjJsJiJI i^Jô^
' A ajoute ici trois mots que je ne puis lire kkj^a sL^ ^«.
- Ce mot manque dans les deux copies.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 97
^r^ »j.-i^ ii\jJM Jl /frJ gî^J «j-i** ^SJyO <JI Aj gîjj
^^* gl^ y^-i*^ »^1^<JÎ Aj? gî^ iU^j^i <jî /o^*
gj^ iUjU"* ^yiJ>' Ji J^-^J^ji (j^^ ^ gi;j 5j-i^ uk^* <^^
<ji '^^jj^ cxji^ ^!^ ^^"^^ *'Miw <i^ (*^
iCJoiX** *X-fJl Jî Aj' {j^^=^j-i ciJlxîi (jj*>swi^ A-AijJsXf^j
yU^:5>o Aj.:^ <JI *X3j^ (j^ t>^iaJl gy viLl>
^r^ iu^:^ sLt t5^^ Jî /o^* gl^ aaaw »^^ <i5 i^iyii
-s.*;* gl^ AajU" ^ÎjjjJ^ Ji /o-S' gi^ A*^ji »jj^ Ji /0.J
iutjjl osAiirjj »Sj4>^ ^-^j^ ci^ (fr^' ^^>* ^^j^ (ù^r^ ^^
6 gîj-i *JLw ii-A^i *;-^^ <i 0*.U^^ <jl /OJ-' l^s^^^J^Âi^
<$)r J^à v^î v^î j^jJî ^ij-i^J <r gi^ iUjjî
98 JANVIER-FÉVRIER 1865.
^ gî;^ »)-à^ (^j\:> <JI <Xj^ (j^^ dlX.*M &A^ Jh^^ JÎ
gî^ iixxw (jîj^^^l Jl A^' gî^ ii^XS (jL^ <Jt ^jt»;^ di-»^
iuV.ÂJL^i (j^^ <^ çjt*^xXsa^[f^ 0**^^^ ^^Juite is^V.^ IoUm^^^
^jU^ ojdi^ j[Â^ j\m^^ ôUJî^ xrjUjkâilj c^*>>-^ ^^*^î
v'^^ uIh^""**^^ '^ •-? u~^^ v^3 Jj-*» v^ W*^ u,y*^^*"
' Tout ce passage sur l'Arménie est presque entièrement dénut^
de points diacritiques.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 99
j*K.jL«w «Xxj^ ^ [^ dr^J"^ 45»iîJi3t ] ^ ^j^ UÔ\ ô^t
u>
<S-^^^ ^^jJLi^ ^^j^Uj ^>i?-l» (:5>J^ ULu (ijvjyiii ^i
r*^^ Ai> cjiiî V^^^ ^"^5 j^^bjU?^ ô^î iUwwfisr
jLk-fti^ J^j Jfi'iuLw ^3^^ ^j:> otiî J^j .K ^tlaftl?
yi^^ iUJU^Î <-.^^.Lo J«AX«wt 0j ^5-^1 ii^ (3^*5^^ ^r^"^^
dix» UJ 4-,a5^ ^Jyi\ éX^ Jl ^^1 4^^.i»-U? Ui c^a5^
Là-x_-< A-s»-_j <s^^ ^^^ ^>?J>^ ^^^ *^^^ \JJi\9 jjÉ.
JwAj b:>j^j* 00» U5^ i(^I^Î iiJUÀ^ ^î:>^Hw (jb;î Jl bj-*y
bj^^»*<w-i iu^j-CJll x^\j^\ tj^ D>3.i»^ *^ ^.> U Ui^:>
Wr-A_i [jj-JM^ L^\jÂ. (J«X^ <JÎ b^ AO -bl HjjitS- ^-^-AÀ
L^_j| \jj^.s^ {j*^^ '^^ {^ UJU**i ^^ ^-A»^^ iutçM
' Ces trois mots sont certainement intervertis.
7 •
100 JANVIER-FÉVRIER 1865.
UXi Qjio (^\ î^ljj^ lt*iaji Î^A^sXi cjUw UUi c-»Ui -1 yû
(jb^ ^:>i^t ^^Li^ (^ J^4^ J^ U ^jUaâv» yb:>Uî*
.Xo^il (jy-AXi dlJ*>v ^^ iXJjjjOJi ^^^ ^ji>l ii-^
5«X^I^ tX ^'J oL»>» ^-i <X O^ »j )'*Xj J^*^ i^\ij^
LE LIVRE DES KOUTES ET DES PROVINCES. 101
JâX^ «i c.jiî «^ 2*3^ JàJ» olxîi ^^j JsJ^j jJl j «Xi ^^
tMj-A-^ïi *i^ ,>)^ ^jii (j^ j*Xjb J^Jl ^y^ dtji
^^^...«M^^ IJCJwi >1^ oi Ai^ i^ 5^1^^ ^"^"^ ^^is ^3*^^^^ ^Ujc«
A_j^ «X^tX-rfel (j^ ^jj^_5^.o U «X^\^ ï«X-&.î^ J& iCjbl Jsi^
i*N iû^ c^ii ^j(w^ j-iûUôJî^ (jvJ:>Uiîxîl o»-^ U <^^5-w
M -^Z Ml
L>^:> J^i^ii) ^j^ ^^jjtfvwHS^ /0-4-JÎiî ^yx^^ JjUii UoLri?!
^^U l.<yX« *X^.i^ J^ U^" ^Uaû*. cjUJÎ *XÂfi.^ <r I^Aa^
' Ce mot est omis; nous l'avons rétabli d'après Kazwini.
102 JANVIER-FÉVRIER 1865.
(j^ ^^jX Uj-«5i jjJvi ^ji 0.53 tK tic Js>*>^ ô^Uiî^
jL-^pi (jw« «x->-lj J^ J^-«>^ ^ ^^ c>Jî xjLc. ^^Xo^
j-k« Jt OOU>-j^ ^^1 UxL 4^fi»- f^b^ ^^^ cK^b^^ (^^
, p
LE LiVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 103
Jî ^0^* gî^ iL-kw^ if^^ (^î^)-*^ <j5 fi''^ gl^ io«A^
J{ /o-j' ^1^ iLjL^w ^Uw Ji /o»S' ^[/À iixçw <X^^{ ^^^
Aj ^Kx* j-û^ iÏM*.^ iUAw:>Uii Jî Aj? giji iû*^ iii^î
fJ9)jjS!t^^^ iÛKAM^J jtut ^^^ iUoi»!^ Ji ^' ^^LyO wAM^ "^^^
* B ajoute js^^v^ iù*^ ^^C^-'^t J^ f^ '^ ^^ ^^t probable que
le mot iU^lrn'est qu'une répétition fautive du nom de Koulah ksS.
104 JANVIER-FÉVRIER 1865.
Jl ^Jsjdî (ji iUj*xil ^^ Js-=wi ^ i J^i> ô^i '»^>^ S
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVJNCES. 105
/^y-^Uû (jv-s*- f.^X^.-«-Ji XaXc 4^JI ^JCw (^<XÎ| (3-î^iaJî
J^-s».Lam.JÎ (JÎ -ctsi- ^^jis»^ iCX^ JjLwÎ i cWoJi Aj *K:^I
iuÂ-j,_^ ^^^ Jjsjj j-fLAi^^ (^yJ*^^^ t4>^^ iS^^^3 ^3J^^
<:> iU^^ jXiil^ JoUj^ ibU»3
L^— A_i JlU JI l^jL« Jljyol ÏJJ^ iiJUiXJLI ,^1 c:>Litç« ^g^
j--i*_* iC-*.JMwJ jLl l^^ i^\jçN*Jl JI Aj> ^KA««^^-ii^ Ijul jLl
B. 3^L.
Les mois compris entre crochets mariffiieut dans la copie A.
106 JANVIER-FÉVRIER 1865.
Jlyoi iùoLC ^^ l^A^^y^^Oî^ -UJl Joui c:>Ujy8 ^^^ iobs-
iC>;.kw ^^ la<w.il* Uïfcxjdt^ ^^HS-< (jy^l^ ^^*^* ^M^ *^^ W^-»
>\-A-^ ^j*w^,g^ ^W<J;i -«=^L« l^i *^*»^ >^ oou»- iiî a(vXaw
^jLoi ^Lî^ tî)^ W^3 *^*^À*]5 <JÎ (O'J' !^>uy»^j-û^ iUXj je
' A ajoute )y*««5-
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 107
'i\j^\^ ^SyÂ.^ iL*tjS^ tf^x:^!^ ajUj^ »*m*^^ '»^ys^ ^^^|;
•(^ (jîï'i'^J^ f^'*^^ (j^^^^^ iLfll^S l^Â.*^
JI ^- OuLkJij ^^î J^i^l c:jUjm. J^Uiî y^ Jt ^•
(^ijJ^ ^ Uu\ iaJt Jl iLL« ( cj^) :>î;î ^^ / ou'dail
iLj^J> ^hSUî Jl /o^' JU^I iUjU tic I4JU oSi;4^ 1^
' A. Qj«.«oiy
108 JANVIER-FÉVRIER 1865.
(j^^ J-S'^ ^^^ QJ^ri ^ *^^-*- ^^ S^H*^^ XKii*.'J iL^lôfc *;^
a^-iuij i^y> ^î^jà- Jî Aj> *j-^*i*« djv.^ W^J Wi^* «.^^ ^
AÂjJs.^ cz^yUf J{ ^' q:;:^^^! L^^i&!^ ^U5w l^Ai («^^^^
J^—w^^^ iLjLs*-j^ ^-Ji^Â^ -ï^Uà^ ô^^^ (:y-«>^' O^^^
/ji^-X-âi. (jl ^lxÂ*«? (jw«j ^ iJ«Xx^ Ô^^»^^ -P-LxJufi» OtAAW^
*XJ^ ^<3jJli iOJiâi oi^ ^^^ »;-=SUi Jî «Jsjuo (j^^ l^^js:^;;^
(^_x-i l^stf?y-i c:;j>/--û^ ^ J^ Jj^i 1$ ^î ^iUIÎ iC:^
ô^^^^ (j^y^^ i <^*>Jî tXjvwiiwli j.Aaxîl_5 iiXiaxLi ^^j^î *-Ai^
jLâJI O"^'^ ^ljt\^ ^j^ (JM>^^ i^^ (:H>^^ ^^' liûvXAXj
o^^^J^^ (jl*X-$5 «^»-A-A-4I ci^iVJ^^ V*"^^'^ r^^ ^^J^^^
^j-^ Ô^^-i^^ t^*^J ^^«Xa»^ 5<Xâ^ Ô^^«^^ iî^ ôï-s*'
4jv_A..*-»Aiî^ ^o^xjl ^!^t ô^iVi^3 (J^**^^ ijj/*-*^^ O"^^^^
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. lOU
(J?î-?^ l<yÂAJ^ C:>jj-flj.AJlS*. ô^XJ^^ «*XÂAM^ C^-*^^ ^»Js.-i«>
je ^U;^ JoLiL ô^:^^j,^^jwl ô:^^^^ (j-<?Ji t^:»^^ AAi^
(^j%-*j ô^^XJ^^ wi** ij'^K^^ ô;-ùJî o!5>^^ iU^j cj^^^j
*-ib ô^^^^^ U^""^-5 ^\^-^-AS> ô^Vi^j ^j!5\n^^ ^U-w*J^
^j-û^ iL^-w jUis <Ji *UJUs (j^^ ^ JjXoôit^ f^^"^' ô^^>
_^:>^î^ v.ju-LwwJl o^X^J^^ <^ ts^j^i U^^-? **jUr (;j«X*
iCJL.j*X^ (.^^'j^a^^ ^b~* ^^^ fc^^uajC ^yl^ JI jUi (j-«^
^X-ft jjw«^ Jj'-ÂJ* (jj-tf^îi ti|^*« owl^ U6ji<>o^ Uû^-AoS^ jlÂJà
' Ce mot est omis dans A.
110 JANVIER-FÉVRIER 1865.
^^ <J^^KJ^J^LxJLt o"^^^ is^^j^^ ô^v:^ cr*^ ô^^^
Axi^ j^u=*UAil ô^>c^ t-Jtîi ô^VJ^ v*^' ô^>^ *>ys^J
c^jodî J«=»-Lw_j aJU"^ J^=».U« ^VjL^ *^vst»j ô^^^^ j^3
y^X-{L> -J^-x-i^ (jW^ o^^<^^ ^-*XJt« o^5>J^^ ^^ ô^^^^^
^ Oj>^^i*-^îj c^^î o^^^^_5 (j:?^^ o>>^^ ^^ t^i> J ^ (j^
(jW^ ci' ôjJ^i cj^3 giy ^^^" ^j^' dî ^t-x-Uo (j^^
^jj^iii (S^s^^ ujy^-? jV^ ô^^^^j ^^-a^ o^^^^ ^ii^
iLÂj4>^ -J*^-^^ (J^^^J y;^ (Jj^Xi^^ j^jkiij>- O^^^^ -<^^^
(*-jLAA_iîjj A_x-jl ovxj^ f'W-*»'^ (:^"^'^ Ô^^^^ «^4*^
' A. JI^.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROV[NCES. 111
jX-=»- Ci^^^^^ (J^-^^^ U^U^*" Ô5^^^ StXxAoJî O'^K^^
dL-X_w >c-aaw <^J^^ ^lxÂ.o (:5^>^^ wiiXw xj^t «XJu^^ jl«6
qI^X-^ dLL« j_A-j <^«>J (^jJaluûJl oOj ^^y^I J.iû| Jls
iuA_À_j)^ l^^j''^ (j^i^^^ j*^mJI AjçX^ /jLçvaaw ?r3>-' CJ^'^
rJfj^^ T^^j"^^ i^y^r^^ ^-^^^^^ W**» ^•^:> (c)^ J^ ^ <r'*'^3
iuCULj a,yM*xi^ iù^jùd^^ ïtXÂiftj (J'I)^^ A.ol:>>vJ3 ijy^j^^
Jb 6 yaX, ^^^ cxil^ iUAw^Aâiiil IJsJb ^^ ^ IdW (Sj^i
112 .lANVlf<:R-FÉVlUER 1865.
iCJs>«>i«« C.>L ^ «X.>^^ ^ ^jN^-O^I ^«Xa^M LJyJ<Xi jMi*S- /ol
■(2)^ iCUw ^j\.*Aa«^ (JV^'J»' ^y^ ^^J^ fi-^*^
Ji Aj iC^k» Jî /fro ÂXovXrs- Jî ^* iL?^ Jî a:? iùUJe Jî
J,*.Ud^Î Jî Ajf ij^3 Jî /O.^' ^^î^-* Jî /OO Uj> Jî aJJ' AAAi^î
Jî ^ j-jtXs^ (^ {j^^*-*f*^ Jî /o^' i^\^ (^jS- c:>îi> Jî Aj^
Jî iL^L.tfvJî ij^ 6 HkJL^ Jî iooUJî ij^ (^j^S <5> a5C«
' Dans A, ce mot se termine par un q, et présente le groupe
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 113
114 JANVIER-FÉVRIER 1865.
^ ^jjj Jv^ Jl ^ lis.- Jî |fri' *^>t Jl ^' Jyu Jt
c^jcÛ Jl ^ io^î Jl A^' J>*^ (jî /oo *|^^l Jl
Jî iCJL-)jm (j^ Uj5ï> -Job ^! JjUXt Jî A.'i' iCÂj*xXî
(jbî^i -G) iUl^?Jî JI -j Jl*Ji JI ^ iLfJ^ Jl w J)ljL«
f^jJi A-A-*^ LgJjUwl Jl l^^Vftl (j^ iUUJI ^5-io :>î^ J^
(j^ é iL^\
iÛM^
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 11:
rfjLiJL ^^..t^5jû> (jjjjJl <Jooî^J^i -^^j^^î j*»^?^î dLLw^
iÙAjAJUâJl^ iuç^itXj^i^ iLA-:^y»^l^ iUj^lj iCjyo^l^
' B. ^Ul^.
^ A: ciUuJf. Celle copie intervertit souvent l'ordre des lettres. C'est
ainsi que, quelques lignes plus bas, elle donne ^ysuit^ pour
l^yMKSLjJ , qu'il faut lire ^yAx^.
'^#^
116 JANVIER-FÉVRIER 1865.
Jc»..r^ ciA^j (jb;^î t^ yjj^-x«*j^ iU^sUajL (j3^^^^^
(jj>^l^ «XJ^.^i^ JsjuJîj ^jU (Ji ^^i (j^^ ^ *^?!i^î <jl
J^3 OJ'^^-^Jl?^^ jW^^ ^^ '*' (J^*^ ^uax> J.Aa;o» viUi J^
iUJlJuaiî j^ ^j^Àam ti îj);^ 'J^ u^-? fJt^^ *^^ |^^)-^^^»*^*
Jî j.-xjtA-* ^^-^y cj^^ j^^xj:^! (j^ ^/^ (^'V^ ^J^
JI ^- iUJi-^î Jî ^ iùssUs Jî j-A***^ ^^Aoi^î ^yJ:\
^ Les deux copies portent itLs^l, leçon dont la fansselé est évi-
dente.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 117
1 • ^ . • ^ ^ ^^^^^
»»4XÀ (j^ AÀfi tjA»^: ^y^^ ik^MtJi^ (j-« t^***^?^ (Sy^*^ u .?
j,-Jj.jU\^ ÏLmJJ^^ ^jXij\m jJiO^ ^^^ ^^y^3 / vAâ^ «X»-
(jft^JiXj^i^ ff^fXxjio y6 é f^j^^ <-fi>^^
* A : partout ^J^ , nous avons suivi de préférence les leçons de
B dans ce paragraphe fort mutilé.
118 JANVIER-FÉVRIER 1865.
iyx^.^ 0"=*^> (0^" c^*^.'î'^b ^j^j"^ A^lss-l^. j«XJLj l^jc^
v.À^I uJir^ (:r^^^ j^ cK^'^ ^ ^;-^i^ »î>? f^^^ i^
jiail (jw4 *Xj ^ Xîil evoJl Joi J^ JyM^ -î^iXsi J^>;.)î
A-ô *Xj>-y dl^JJLî oyo yû_j t.ivsj ^,^1 iUj*x^ «j ^^-^?o
^j^ iilX» /oO^ -M-^ i^^^ <îuj»-Li> /rfwî «.b Jo c^^ W^
ii_xjji jô..iil o^uJl ^^^ j»^X-»*Jl Ijy-A^ i'^li (jj cjW^
(jjj^ «Xj ,y ^^ xaX^ ilj ^j^^Jc* JX« viiX» l,#J^ ^Vjii (;)j>^)>-i**^
' Jl est probable qu'il y a ici une iiouveUe lacune.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 119
^«..^aamJ»^ a^Ujj A^^l^xj ^o.^iAifc. ^^ ç^^l jojUaj cxaaJÎ
^^àL«Jyî çj^ ^<yÀ-A^ ^ ^ ^UJî î*Xi^ ^'^«*-* (3-^ (S"^'
120
JANVIER-FEVRIER I865<
c>''^* «Vr^jj
f^41 cnJI
^Lsoiyi A.jLiLj lx><Jf ^^^ (3y^f
^ oJ?^ ^L^- ^y f Ijofc J L> ^^^'
ju^yi *jij iiUccifi 4iiL
iLA^Uiîj JL^oUJfj iLaul^l AjLcLwj
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 121
Iç^J^ *Xj»-Ij J^dUw j-Cljf yUr^î 0UâaJÎ t-J'U^ çj^^
»^^^j U-j^ l^Js-^ -yù ^ Uj 4>Jî
uxîî iCjUUw IgAiûl (^^-w l^AJ (jl^ <xjt^ ^ >.^îSÎÎ ti ^^"'J? cj^
xJL^eî jJt«^ U-J-^î^* iCÂj4>wo otÀ-«^ <^ IgAiû^ Jj-s*- c^^,^4î?
çj^jJA^ {J^jif (Jt*>-9<^ (iJ^-*J (jUJt^„la.wî^ ^ iJ^J^^ 54XÀ£>.^
> A. U^o.
122 JANVIER-FÉVRIER 1865.
)j-^ |of^-^_Aj l^Jî^'lj o i ^ '^ J^l^l ^J^ cy^j
^ (JâJO^I 3^.fV^l 4;.wJl ! JsJà
' A et BLjjyl.
' Les copies donnent seulement ^f cvA^».» cV^wl. Après ce mot
commence une lacune assez longue.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 123
^j\ iô-r^U JE icib l^. ^j
iL^w^sbj i^^ÀJa-J j l^
J-*^
iui^ j-A.^ Sl/-*^^ 4)yJLit îiî ^^j?UJî >i JUùj-wiu a*^^
c^^jûo ^^vi»-« 4J-4J <r Uftjjuoj ^i>- cjU«Jî
U^ O^ ^^ j|>-'^*^'* '-S^ tlivifc *X^^
l^Jj ^^Ji\ iw^Aî^ O^-^î (^**^î ^ (j^^^ i >X!^ 2i]Uu
JLiifcwA^..^ l^JLxxkjwi^ iCs^ÂAâ,^ l^JwM»>>!^ ^Ij^i^i (^y^^
^jb^,ill 0..A»J>-l^ JI^WAJ iis^y^Mé^ L^-Â^MWy^î^ ^bUwj^Uô
* A : *.33^.
124 JANVIER-FÉVRIER 1865.
(^3v^-A-*âj^ (ji»2>iyî L^^ ids^î^ (ji>m^ (jy^>^' W3
l1,Â-*>fc.jN.j 1^c_aJ:> l^xi?:!^ ^-fr^JÎ ^ ^_j (J^'è''^*^^^ -^^W'i
j^-jLw^ (^Jî«xiî A^^^lj <^J[U i_^i dUJLI iUï Jlï
^^-ft^'aU tj^ (:Jv.A^ ^^ ^/^-? g^^' -^(^^ f^r^^ 0=^^
L\L LlVHt: DES ROUTES ET DES PROVINCES. 125
^j à*. >^ ^^^J^]\ j.-^^\ ^ JoU^*Xj Xf,àJLi i..f\j>a^h jjo^ <jî
' Tout ceparagraphp est mutilé ot incomplet.
' B :j^ j. '
126 JANVIER-FÉVRIER 1865.
J-**^^ L^Â-^ ^L-|^l ^:>î^ ^i>;*>4) ^^3 ^ 4r^'
^ U^J^dV^ c^**^ ^^=^ C:>^ ^ O^J^ S^ f^'
*HV^ i <-^^^^ idai^î (^^•***^.^ ^^yX^ kiUi> (j^ (^-iî--*^
!*>Ul C:JH t5*>^^î ^r*^^ cX-f^ <^ JW4 <r^^ (j^^
Aj -USJî cilLÀiû c^^-***-?.^ iUajuaJLi^ iuSliaii cXx:?? cWisi
XAJj jj^-il j«^ Jl ^Vjuibj loUfcXgw^ iUioLo Jlx:s? c^JS»
' Ici finit la copie B. Ce qui suit appartient à la copie A seule-
mont.
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 127
^ / (^UJî c^ l» C:5?y»^ «jÂxJLI^ iûjxîlj AajKJ Ui^
ESSAIS
SUR L'HISTOIRE ÉCONOMIQUE
DE LA TURQUIE,
D'APRÈS LES ÉCRIVAINS ORIGINAUX.
PAR M. BELIN,
SKr.BÉTAIBG-INTEnPRÈTE DE L'EMPEREUR À COMSTâNTlNOPLE .
(suite et fin.)
SULTAN SELTM IIL
Ce monarque monta sur le trône le 1 1 redjeb i 2 o3
(7 avril 1 789). L'état du trésor ne permettait pas de
songer aux hakhchîchi-djulous; les mévâdjib même
n'étaient pas payés; tout ce qu'on put faire pour mé-
nager l'esprit des milices, ce fut de leur distribuer
un qyst, le 1 5 ramazan^ Résolu, malgré les obstacles,
à déraciner les abus contre lesquels tant d'efforts, et
en particulier ceux de son père, avaient échoué,
sultan Sélim écrivait au qaïmmaqâm, en réponse
aux plaintes que provoquaient ses réformes : « Vous
connaissez tous les charges de l'Etat; quant à moi,
je suis prêt à me contenter seulement de pain pour
ma table. A tout ce que je fais, on s'écrie : « 11 agit
^ Djevdet, 246 , 2^7.
128 JANVIER-FÉVRIER 1865.
« comme son père! n Mais, pour Dieu ! le pays s'en
va; encore un peu, et on ne pourra plus le sauver;
je vous parle sincèrement , agissez de même ^ » Quoi
qu'il en soit, le sultan ayant donné Tordre d'augmen-
ter de dix honunesle chiffre de chaque orta delopdjis ^
et de prélever leur solde sur les mahloiil, on plaça
sous ses yeux des rôles complets, ajoutant qu'il
n'y avait pas de vacances, qu'il faudrait attendre vingt
à trente ans pour arriver, par les vacances, à l'ins-
cription du nombre d'hommes indiqué. « Que signifie
cela? répliquait le sultan; en tout et partout, on me
cache la vérité; deux de mes barbiers me confessent
qu'ils sont porteurs d'èçâmè de topdjis , et pourtant,
si je demande des hommes pour farraée, on me dit
qu'il n'y a pas de soldats; si j'ordonne des levées, on
me répond que le trésor est sans argent; si je veux
remédier aux abus, on m'objecte que le temps n'est
pas favorable. Je ne veux dépouiller personne; mais
j'entends que les mahloal soient donnés l\ qui de
droit; si cela est injuste, qu'on s'y refuse; mais Dieu
puinra tout ami de la vérité qui ne lui prêtera pas
son concours. Voilà, voilà comment périssent les
empires! » Au reste, voyant que la réforme ne pour-
rait être que l'œuvre du temps seul, et que, dans
cet état de complet dénûment, l'armée ne pouvait
marcher en avant, le sultan se borna à la défense des
places^. D'ailleurs, le pays n'était pas épuisé simple-
ment par la continuation des hostilités, mais ill'était
' Djevdet, 265. Cf. plus liant, année io63.
^ /("/. IV. 266.
HISTOIRE ÉCONOMIQUK DE LA TURQUIE. 129
par les taxes de guerre levées en double et en triple , à
leur profit, parles aïàns, qâdis, nâïbset autres agents
de l'autorité. De plus, quand un vizir était nommé
au gouvernement d'une province, il avait, en sus du
djâïzè officiel, à faire des cadeaux an grand vizir et
à d'autres personnages; et si Yéïâlet était important,
il devait payer une certaine somme au zarb-khânè.
En outre, les vâlis étant changés deux ou trois fois
par an, et passant de Roumélie en Anatolie et vice
versa, ils avaient à supporter des frais de voyage
considérables, de sorte que toutes leurs préoccupa-
tions n'avaient d'autre objet que de rentrer dans
leurs débours. Les sièges des qâdis et des nâïbs ètaie\U
souillés par la corruption ou l'ignorance. D'autre
part, les titulaires de ziâmet, timâr et moiiqâtéa, et
les miitéveilis de vaqouf étant criblés de dettes, ven-
daient leurs revenus aux sarrâfs , moyennant bonne
somme, et par avance^; ceux-ci, à leur tour, les
réaffermaientà des tiers, en ajoutant au prix de vente
celui qu'ils avaient déjà payé aux premiers vendeurs.
Sûrs d'un puissant appui, cessarrâfs assuraient fim-
punité aux sous-fermiers, et, en récompense de leur
zèle à satisfaire leur cupidité, ils leur promettaient,
pour l'année suivante, des iltizâm plus productifs
encore; de la sorte , tel mouqâtéa qui avait été affermé
vingt ans auparavant au prix de 5,ooo ghourouch,
était monté successivement jusqu'à 2 5,ooo ^. Le
' OjcS^I fi^y\ «»ij[ s.iJ(ja (jjjjh «^L^,
» Djevdet, IV, 269.
130 JANVIER-FÉVRIER 1865.
djizïè était perçu même des enfants au herceau ^ et
les moubâiéadjis rançonnaient le paysan par toutes
sortes d'avanies; aussi, dans le khatt adressé au
qaïmmaqâm, le sultan s'écrie: ('Aucune vexation,
aucune avanie n'a été omise par les agents de l'au-
torité; Dieu nous en demandera compte un jour à
tous; qu'aurons-nous àrépondre? Vous vous concer-
terez avec le cheïkh-ul-islam et les grands de l'empire
pour mettre fm aux abus; je veux qu'on dise la vé-
rité tout entière. « En exécution de ce firman, dont
je ne rapporte pas ici toutes les sévères dispositions,
de nombreux medjlis furent lenus pour recbercber
les améliorations réclamées par le prince; et, fina-
lement, un conseil général eut lieu, au kiosque
d'Erivan, sous la présidence du sultan, le 20 cha-
ban 1 2o3 (avril 1 789), et devant servir, en quelque
sorte, de préliminaire aux réformes qu'il mûrissait'^.
Celte assemblée générale fut suivie d'autres réunions
tenues chez le cheïkh-ul-islam, où l'on discuta les
réformes à introduire dans les différentes branches
de fadministration. On reparla, sans résultat, de
Yemprunt de i5,ooo bourses à contracter en Hol-
lande , et l'on songea à solliciter un prêt du gouver-
nement espagnol; mais l'un et l'autre projet furent
abandonnés, aussi bien que celui d'un emprunt au
Maroc ou dans les régences d'Alger et de Tunis. « De
quelque côté qu'on se tournât, dit l'historiographe,
on recevait de belles réponses, mais point d'argent^.
■ Voy. mon Éttide sur la propriété , n" 93.
' Djevdct, IV, 271. — ^ W. p. 278.
HISTOIRE ÉCOiNOMIQUE DE LA TURQUIE. 131
Aussi, en désespoir de cause, et pressé par la Suède,
qui réclamait le payement de son subside \ le gou-
vernement dut recourir aux moyens employés sous
le dernier règne : la fonte des vases d'or et d'argent
et l'altération de la monnaie. Gardant pour son
usage uniquement le strict nécessaire, le sultan en-
voya au zarb-kbânè tous les ustensiles d'or et d'ar-
gent de sa maison ; les sultanes et les grands de l'Etat
suivirent cet exemple, ainsi que les gouverneurs des
provinces; et le cheïkb-ul-islam interdit l'usage légal
de tous les objets précieux, tels que selles, bousses
brodées, etc. à l'exception du cacbet et des armes.
Les matières d'or et d'argent, arrivant ainsi de tous
côtés, furent converties en numéraire, et donnèrent
au trésor, au commencement de iioli (septem-
bre lySg), une aisance artificielle.
Les bostilités avaient recommencé avec la Russie
vers la fin de i ^oS , et Tannée suivante, malgré ses
efforts énergiques, le sultan éprouva des écbecs
et fit des pertes graves durant l'bivernage de l'armée
à Choumla^.
i2o/i (1-789-90). [^a flotte devait reprendre la
mer au printemps; mais elle était aussi dépourvue
d'bommes que de fonds; et, comme les recrues
étaient insuffisantes, un décret impérial, des pre-
' Le mode de payement de ce subside, fixé à la somme totale de
20,000 bourses, avait été arrêté dans un sened, signé à Beïcos, le
18 chaoual i2o3 = 11 temmouz 1789. (Djevdet, IV, 288.)
- C'est dans le récit de celte malheureuse campagne que notre
auteur emploie, pour la première fois, l'expression bâchi-bozoïiq
«troupes irrégulières. « (Djevdet, loc. laud, Z20.)
132 JAiWIER-FEVKlEK 1865.
iniers jours de ramazan, enjoignit aux fonctionnaires
du bîroun et de Yendéroun^ de fournir, chacun selon
sa position, cinq à dix hommes équipés, et de les
envoyer au capitan-pacha -, les ulémas seuls, prétex-
tant leur pauvreté, ne donnèrent pas leur contin-
gent^. Déjà , du temps de sultan Abdulhamid , quand
ce prince donna l'ordre à ses sujets de porter et de
vendre à l'hôtel des monnaies, à raison de lo paras
la drame, tous leurs objets superflus d'or et d'ar-
gent, les ulémas s'étaient abstenus de fournir une
seule drame; et ils avaient agi de même, sous le
règne de Sélim, lorsque, l'année précédente, ce
prince avait dû recourir à la même mesure. Non
contents de cette abstention, les ulémas, par leurs
propos, excitaient encore à la haine et au mépris
du gouvernement. Aussi, cédant à son indignation,
le sultan, dans un khatt au qaïmmaqâm, s'exprime
ainsi : u Chacun sait qu'à mon avènement le zarb-
khânè n'avait en capital que 2,000 bourses; les
khaznè de Yendéroun et du harèmi-humâioun ne conte-
naient pas plus de 1 5o bourses, et le khaznè du miri
n'en avait pas une seule; nous avions la guerre avec
la Russie et l'Allemagne; le pays était dépourvu
d'argent, quand il lui aurait fallu d'immenses res-
sources pour lutter contre de si puissants ennemis.
Après de longues délibérations, sanctionnées par
fetva du cheïkh-ul- islam, j'ai décrété l'envoi au
^ Endéroun-ou-biroun-ridjâli «tous les fonctionnaires.» {Vsci-
Zafer, 76.)
5 Djevdet, IV, 369.
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 133
zarb-khânè de tous les objets d'or et d'argent, dé-
fendus, d'ailleurs, par la religion, et voici que cer-
tains ulémas et ridjâl, égoïstes et impies, blâment
ma conduite et tiennent des discours malveillants
et séditieux; ce n'est pourtant pas moi qui ai com-
mencé la guerre ; je n'ai fait que la continuer, de
leur propre consentement. Au reste, il n'y avait
guère en caisse, je l'ai dit, que 2,000 bourses; et,
depuis mon avènement jusqu'à zilhidjè, le zarb-
khânè seul , d'après les relevés que j'en ai fait dres-
ser, a fourni plus de 26,000 bourses pour les frais
de la guerre. Certes, ce ne sont pas mes détracteurs
qui ont donné cette somme; elle m'est venue de
Dieu; la religion et fEtat n'ont nul besoin de leur
concours; je ne leur demande que du silence, et je
saurai punir les perturbateurs du repos public ^. »
Le sultan faisait des efforts inimaginables pour
pourvoir aux besoins pécuniaires de farmée^; mais
la victoire lui était infidèle, et chaque jour lui ap-
portait, pour ainsi dire, la nouvelle d'un nouveau
revers jusqu'à la chute de Matchin ^; après quoi, la
paix fut signée avec l'Allemagne, à Sistov, le 1 2 zil-
hidjè i2o5 (juillet lygi^). L'échange d'un sened,
contenant les bases de la paix entre la Porte et la
Russie , avait eu lieu à Galatz , le 1 o du même mois^.
1206 (1^91-92). Les récentes mutineries des
• Djevdet, IV, 872.
' Id. p. 392.
' Id. p. 47 1 .
* On en trouve le texte dans Djevdet, V, 887.
' Djevdet, IV, f)! i.
134 JANVIER-FÉVRIEK 18G5.
suvâri-odjaqlary , c'est-à-dire des sipâh, des silihtar
et des quatre beuluks, pendant ia dernière guerre;
Ja désorganisation complète de cette milice figurant
sur les rôles pour 12,000 hommes, tandis qu'elle
n'en avait que 2,000 d'effectif, la plupart des èçâmè
ayant passé dans les mains des kiâtibs et des tclià-
ouchs, et étant dits, pour ce motif, qapoulou-èçâmè;
l'inobservance du règlement, devenu lettre morte;
le rjchvet faisant loi; les quatre cinquièmes de la
solde des garnisons frontières gaspillés dans la ca-
pitale, le cinquième seul parvenant à destination,
ou mieux à des individus ayant le nom de mili-
taires, mais dont la seule et unique pensée était
de s'enrichir, et nullement de courir sus à fennemi-
toutes ces circonstances démontraient furgence d'une
réforme radicale de f armée; il en était de même
pour la magistrature; le même mal appelait le même
remède ^
Du reste, si l'interruption momentanée des hos-
tilités avait allégé les charges publiques, les besoins
présents et surtout éventuels du trésor nécessi-
taient la création de nouvelles ressources; et, entre
autres mesures, on rétablit le droit de zidjrïè, déjà
imposé du temps de Mourad III, sur le vin et les
spiritueux^. En outre, comme le prix des denrées,
devenu excessif pendant la guerre, n'avait pu re-
prendre de suite son niveau; et, d'autre part, comme
la monnaie, frappée à cette époque à un (M!i([uiè)iH'
' Djevdel , V, 74 et sniv.
'^ Id. p. 92.
IIISTOJRE ÉCONOMfQUE DE LA TURQUIE. 135
de surélévation , était un obstacle à ce que l'équilibre
s'établît, on ne vit pas d'autre moyen de faire di-
minuer la cherté qu'en créant une abondance rela-
tive par le recensement de la ville et par le renvoi,
dans leurs foyers, comme jadis, de tous les étrangers ^
Débarrassé des préoccupations de la guerre, sul-
tan Sélim porta toute son activité sur la réorganisa-
tion intérieure du pays, le but constant de ses pen-
sées; et, tour à tour, le costume, l'armée de terre
et de mer et la magistrature furent l'objet de règle-
ments organiques importants.
Les forces militaires de la Turquie se divisaient
en deux catégories principales :
i*' Armée de terre, qapou-qolou ou cjcipou-khalqy'^,
milice soldée et casernée, d'un effectif commun de
lio à 5o,ooo hommes; sipâhi ou timariotes «cava-
lerie feudataire des éïâlets,)) s'élevant à 200,000
hommes environ;
2*' Armée de mer, ierçânè-khalciy ou azeb, milice
soldée de l'amirauté, d'un effectif de 2, 5 00 hommes
environ; marine feudataire ou timariote : 10,000
hommes environ.
Les (japou-qolou se composaient d'infanterie (janis-
saires el autres corps à pied) et de cavalerie (les
six beuluks).
Tous célibataires, les janissaires recevaient, en
cas d'infirmité, un uloafè de retraite, et pouvaient
alors se marier. En temps de paix , il y avait qapou
" Djevdet, p. 108.
- Voyez ci-dessus, chap. iv.
J30 JANVIER-FÉVRIER 1865.
tous ies sept ans, c'est-à-dire qu'on faisait, sur le
defter, le recensement du personnel, et qu'on com-
blait les vides par un nombre égal d'hommes; pris
parmi les adjémi-oghlan. Le même système élait pra-
tiqué pour les djèbèdjis et topdjis. Les adjémi-oghlan
étaient des enfants recueillis par le devchirniè dans
leur jeune âge; on leur enseignait la langue turque
et fislamisme; après un certain temps passé dans
leurs casernes, ceux qui en étaient jugés dignes
étaient placés dans ïendéroani-humâïoun , les autres
incorporés dans les odjaq^ Le devchirmè se prati-
quait seulement sur les Bosniaques, les Bulgares et
les Arméniens'-^; les fjls de janissaires pouvaient
être admis et élevés dans les casernes des adjémi-
oghlan et suivre la même carrière ^.
Les six beuluks avaient aussi un (fapoa septennal ;
ils se recrutaient seulement parmi les plus anciens
agas de ïendérouni-humâïoan , et parmi les plus braves
des odjaq d'infanterie *.
La partie feudataire de farmée, dite aussi éïâlâi-
açâkiri ^ et éïâletlu-açâkir ^, se composait d'hommes
qui , jouissant, de père en fils, du dirlik «pension»
du souverain , sur telle partie plus ou moins étendue
du territoire, dite ziâniet et tiîuâr, constituaient une
- Voyez ci-dessus, année 1 1 15.
Voyez ci-dessus, année io65.
^ Djevdel, \ , 189 ei suiv.
' Id. p. 276.
' Id. p. 277.
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 137
sorte de noblesse féodale dans la nation, se grou-
pant sous le drapeau de leurs bannerets respectifs
(sandjaq-beï) , et ceux-ci sous le drapeau du beïler-
beï ou bâch-bogh a commandant en clief. » Aux plus
braves, on accordait un téracfqy d'un aqtchè sur dix
de revenu, quand ils s'étaient distingués au combat;
les promotions étaient faites sur la présentation de
l'alaï-beï, chargé du maintien des règlements orga-
niques, et les vacances [mahloal) étaient données
aux plus dignes, par bérat de la Porte, sur tezkcrè
du beïler-beï ^. Les ziâmet et timâr ne pouvaient être
donnés en arpalyq et en pachmaqlyq ^.
Dans la même catégorie, les ïurakân et les ma-
cellem de Roumélie devaient fournir un contingent,
si les hostilités avaient lieu en Anatolie et vice versa;
les piâdégân d' Anatolie étaient destinés aux travaux
de corvée de l'armée. Enfin, on comptait encore les
âqyndji et les gueunalla, chargés de faire des incur-
sions sur le territoire ennemi, service qui incomba
plus tard aux Tatars ^. Les garnisons des places
fortes se composaient de troupes régulières et indi-
gènes^. Ces institutions, si puissantes dans l'origine,
mais depuis viciées et désorganisées, n'existant plus
que de nom, et ne pouvant opposer aux armées
' Djevdet, p. 21 5. (Voir mon Étude sur la propriété, n'^ 296 et suiv.)
^ Nous avons donné plus haut (année 1 1 69) la définition de Var-
paly<j; le pachmaqlyq était une concession, au-dessous de 20,000 aq-
tchè, donnée en dotation [méâch] aux hhasséki-qâdin , sur les hhâs
impériaux. (Djevdet, V, 292.)
^ Djevdet, V, 2o5.
^X^C JlÀSLJ^^Mtji ^1?^ JyJt là. p. 199.
138 JANVIER-FEVRIER 1865.
modeines qu'un ramassis d'hommes incapables de
leur résister ^, démontraient la nécessité de mettre
à exécution les plans réformateurs [nizânii-djédid)
conçus et essayés par sultan Moustafa, père de
Sélim.
La marine feudataire se composait aussi des san-
djaq compris dans Yeiâlei du capitan-pacha^. Plus
tard, de nouveaux «livas furent ajoutés à cette cir-
conscription, et l'on inscrivit au dérïa-cjalémi ((bu-
reau des fiefs maritimes» les odjaq des ïaïa et des
macellem d'Anatolie. Il se forma ainsi diverses es-
cadres [qol, qol), de sorte qu'en sus des navires de
l'Etat (min) , la marine ottomane comptait encore
quarante à cinquante voiles feudataires. Ultérieure-
ment, on voulut réunir en odjaq les soldats de ma-
rine (lévend) tirés de ces sandjaq; mais l'indiscipline
de ce corps força sultan Abdulhamid à le dissoudre
et à en supprimer même le nom. Sultan Sélim ré-
forma entièrement ce système, et promulgua une loi
réglant le classement des navires de la flotte, l'a-
vancement du personnel, l'élévation de la solde
annuelle^, vu la dépréciation du ghourouch, Tad-
' ô tV-X^-*wft-û^ ^M-éJiXÂ.* y^LuX- «^-uUl JKm*£. 'sJ^)^ *^J^ ^
^t\J^ji2w«*-y>lwJ «\.^l y (Djevtlet, V, 198, 210.)
* Cet éïalet était composé des sandjaq ou liva suivants: GallipoH,
chef-iieu; Négrepont, Lépante, Metelin, Sighadjyq, Qodja-lli,
Qarly-Ili, Rhodes, Bigha; et, en Morée, Misistra, Chio, Naxie et
Mehdiè. Chaque muf^farrt/" « titulaire» de liva portait le titre de
déria-heli, et allait rallier le pavillon du contre-amiral avec le nombre
de navires lui afférant. (Djevdet, V, p. 1 1 1 , et Âïni-Ali, édition de
S, Exe. Ahmed-Véfyq-Efendi.)
^ SàliâiH'. (Djevdet, V, 169, 2 25.)
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 130
ministration du matériel , et enfin les conditions
d'admission ^
Le corps des ulémas , chargé à la fois de l'ensei-
gnement et de la justice, appela aussi l'attention de
fauguste réformateur. Il fit procéder, le 3 zilqydè,
à un examen général des titulaires actuels de roouci-
tedrîs «diplômes de professorat,» lequel eut pour
résultat de laisser ces diplômes entre les mains
seulement de qui en était digne. Le muderrislik con-
duit au mevlévïet et au qâzi-askerlik , et Ton parvient
à ce premier grade par le malâzémet « suppléance, »
lequel s'obtient après un certain stage dans les me-
drècè , en qualité de dânichmend; le tâlib « élève, n
postulante ce dernier titre, reçoit les leçons^ d'un
professeur du degré khâridj ; il est adressé ensuite à
un second professeur, puis à un troisième, et, après
avoir passé en qualité de dânichmend par les degrés
khâridj , dâkhil et sahn, il devient mulâzini, son tour
venu , et son nom est inscrit sur le rouznamtchèï-hu-
mâïoun. Le mulâzim qui établit ses droits au titre de
mumtâzul-aqrân vè-qydvetal-uléniâil-mahaqqycjyn^ re-
çoit d'abord d'un professeur khâridj le diplôme de
professeur; puis, avançant hiérarchiquement, il
devient muderris des rangs dâkhil et sahn; ceux qui ne
peuvent atteindre ce degré passent dans la magistra-
' Djevdet, p. 169. ( Voyez, sur la technologie maritime ottomane,
Djevdet, p. i34 et suiv.)
'o^jM^^:
^ Voyez mon Idjâzè «diplôme de licence pour le professorat,»
Jonrn. as. mai-juin i855, p. 548.
140 JANVIER-FÉVRIER 1865.
lure [cfâzilyq). Autrefois les simples dânichmend du
salini-cémân «des- huit medrècè de la mosquée de
Fâtih » étaient tous des ulémas distingués, dont les
plus anciens, dits moa'id « répétiteurs, » étaient char-
gés d'une téiimmè-medrècèci a chaire complémen-
taire \ )) où ils professaient avec distinction; mais la
désorganisation et la démoralisation de ce corps
éminent, et jusqu'alors respecté, datent, dit notre
auteur, de l'an looo (loga)*^; et elles n'ont cessé
d'aller, depuis, en croissant. Aussi, sans compter sur
une réforme radicale et complète, le gouvernement
prit une série de dispositions relatives à l'admission,
à l'avancement et à la rémunération des emplois,
dans l'espoir d'obtenir, avec le temps, des améliora-
tions réelles ^.
120-7 ('79^'9^)- ^ l'effet de pourvoir aux dé-
penses du nouveau régime, il avait été décrété*
que les mahloulât de certains moucjâtéa ne seraient
plus vendus, mais administrés directement en ilti-
zâm par la direction de l'hôtel des monnaies. On
voulait étendre l'application de ce système; mais
comme la plupart des hauts fonctionnaires [ridjâl)
n'avaient d'autre revenu que celui des mouqâtéa, on
ne put adopter d'une manière générale cette mo-
dalité qui les aurait privés de leurs moyens d'exis-
' Djevdet, V, 172 et suiv. (Conf. Hammer, VI, 244.)
- Conf. Qoutchi-Beï, chap. v.
* Djevdet, V, 1-79, d'après le laïlia de Tatardjiq-AbduHali-EfGiidi ,
sadr de Rouuiélie.
JujjJjl iU:"! *ULi Djevdei, V, 269.
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUJE. I4l
teiice, et l'on se borna à décréter que ies maliloalât
des mouqâtéa d'un revenu excédant i o bourses se-
raient seuls retenus el. administrés en iltizâm par le
zarbkhânè. Du reste, cette année i 207 vit succes-
sivement paraître la réorganisation des ziâmet et
timâr, l'augmentation du corps des officiers de ma-
rine, l'élévation de leur solde, la construction de
plusieurs navires de guerre, parmi lesquels le vais-
seau impérial itakht-^éfînèci) dit Açâri-Noiisret «le
Viclorieux ^ » la réforme du corps des bombardiers
et mineurs, la formation de l'infanterie régulière^;
puis enfin, pour subvenir à toutes ces dépenses,
évaluées à 20,000 bourses par an, et que le budget
ordinaire ne pouvait couvrir, la création d'un nou-
veau fonds dit irâdl-djédid , et, le i3 redjeb, celle
d'une administration centrale , placée sous la direc-
tion d'un haut fonctionnaire, réunissant entre ses
mains les charges de defterdâri-chùiqy-çdni , de nâzir
de l'infanterie régulière^ et de defterdâr de Yirâdi-
djédid. Le capital destiné à cette administration se
composait :
1" Des moaqâtéa des dériâ-ziâmet et timâr, alfec-
tés, avant le nizâm, à l'amirauté;
2° Des droits sur le coton, des moaqâtéa perçus
directement par le mîri, à partir de 1208, et des
eshâmi-mahloiilè , à compter de la date du nizâm;
' Djevdet, V, 279.
^ Voyez le qânoun de ce nouveau corps, édicté seulement le
1" zilhidjë 1210. (Djevdet, V, d/ig et suiv.)
^ O;^^"* v^^ J^S^^Aj. Id. p. 275.
J42 JANVIER-FÉVRIER 1865.
3° Des khoumbaradji-timâri , ainsi que des mon-
(jâtéa et eshâm du mîi'i et du liaréméïn d'un revenu
au delà de lo bourses, et qui, selon le nizâm, de-
vaient être retenus par le mîri^;
li° Du î3roduit du zidjrïè, depuis son établisse-
ment;
5° Enfin, prenant les attributions du mevqoufât,
cette administration devait encaisser, jusqu'en mars
suivant, le revenu des ziâmet'et timâr devenus mah-
Joui par le décès du titulaire avant la moisson^.
La comptabilité de ces fonds, déposés dans le
khaznèï-irâdi-djédîd , établi au (japou-aracy, devait être
présentée au sultan; l'excédant des recettes sur les
dépenses, déposé dans un bâtiment spécial, au zarb-
khânè, devait venir en aide aux dépenses du miri-
khaznècy, ordonnancées par khatti-humâïoun , avec
indication de la nature , de la quantité et du lieu de
la dépense^. Le i5 du même mois, l'odjaq des
topdjis, et, le i*" ramazan , celui des arabadjis furent
réunis à ce ministère*.
D'autre part, convaincu que l'altération de la
monnaie portait une atteinte grave au crédit de l'E-
tat, sultan Sélim voulut encore diriger ses réformes
sur ce point important; de nombreux medjlis eurent
lieu, dans ce but, cbez le cheïkb-ul-islam; mais cer-
tain personnage, trop intéressé au maintien du statu
' Voyez ci-dessus, année i 207.
- Djevdet, V, 277. (Conf. ci-dessus, chapitre iv. Budget d'Eïonhi-
Efcndi.)
^ Djevdet, 268, 2 7(>.
* /(/. 277, kk:>..
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 143
r/ao, parvint àinfîuencer l'entourage du prince, et il
Tut décidé, non-seulement de continuer à frapper
des ikilik, mais encore d'introduire une nouvelle
monnaie du même genre , le ïazlak^.
1208 (1 7 g 3). Au mois de rebi-ewel fut aboli le
monopole de l'approvisionnement de l'armée pour
les céréales, concentré jusqu'alors dans les mains
des mouhâïéadji; et l'on créa, sous le nom de zakliirè-
nazârèii «ministère des subsistances,» un départe-
ment spécial, à la tête duquel fut placé le defterclâri-
chiq qy-sâli s , chargé des approvisionnements et aussi
de la protection des intérêts du commerce^. De cette
époque date encore l'établissement de l'impôt dit
resmi-ïapaq « droit sur les laines, » s'élevant à un para
par mouton; la perception en fut attribuée aux
agents^ de la defterdarie de Virâdi-djédid. C'est éga-
lement au même temps que, dans un esprit d'éco-
nomie, on supprima lestaïin affectés précédemment
à l'entretien des ambassadeurs étrangers, durant leur
séjour sur le territoire ottoman*.
• ^f^' 0^5t.Ji.5 LÀi'^^j f3cV^_5 «OwIajI cJy)iCLSÇ\ 00 1^
n0^^j»}j Djevdet, p. 291.
2 Djevdet, V, 3i5.
^ Oummâl. Mirkliond [Vie de Djenguiz^p. 167 et 160) emploie ce
mot dans le sens d'agents du souverain et comme synonyme de huk-
kiâm; l'acception est ici tout autre.
* Djevdet, Sdg. (Cf. mon Ftade sarla propriété, n° 25g -, Rycaut,
J, 190). Des charges du même genre pesaient également, en France,
sur les alleux. (Guizot, Essais sur l'hisl. de France, p. 84.) ^Ls-^>^ f
tJiv»i (^^^ désigne aussi bien les envoyés des souverains étran-
gers que ceux des princes tributaires. (Naïma, II, 386; Izzi, 66 v";
144 JANVIER-FÉVRIER 1865.
Ici se termine la série des historiographes ; privé
désormais de ce précieux secours, ce sera à l'aide
de notes tirées de documents publics ou officiels que
je conduirai rapidement cette esquisse jusqu'à nos
jours.
S 9. 1220-1279. SUPPRESSION COMPLÈTE DES ANCIENNES MILICES;
MONNAIES OBSIDIONALES ET FIDUCIAIRES ; TAtiZmAT, PAPIER-MON-
NAIE; NODVKAD SYSTÈME DE MONNAYAGE DE BONNES MONNAIES D'OR
ET D'ARGENT; EMPRUNTS À L'EXTERIEUR; KHATTI-HUMAÏOUN DE l856;
RETRAIT DU QAÏMÈ ; PUBLICATION DU BUDGET DE L'ETAT; EQUILIBRE;
EXCÉDANT.
SULTAN MAHMOUD.
Ce prince succéda, le 28 juillet 1808 (i2 23), à
son frère, Moustafci IV, dont le passage sur le Irône
fut d'une année seulement. A peine en possession
du pouvoir, sultan Mahmoud voulut continuer
l'œuvre des réformes; mais le soulèvement des mi-
lices l'arrêta bientôt; les janissaires incendièrent les
casernes du nizâmi-djédid «nouvelles troupes,» et
vinrent ensuite protester de leur fidélité aux pieds
du souverain. Celui-ci, qui, aux qualités de sultan
Sélim, joignait aussi celle de savoir se maîtriser,
dissimula sa colère, et, cédant en apparence au vœu
des milices, il renvoya à dos temps plus propices
conf. ci-dessus, chap. iv, budget; et chap. v, année 1 i3i et 1208.) H
semble résulter de certains passages des Néyociations que ces rations
étaient considérées, dans l'origine, comme une compensation des
présents diplomatiques apportés aux sultans par les ambassadeurs
étraLtig^TS, et vice versa. [Nétjociations, II, 684; Ht, 568, IV, 98,
755.)
4
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 145
l'exécution irrévocable de ses desseins. En efYet, la
suppression de fait et de nom de l'odjaq des janis-
saires eut lieu, par firmandu i i zilqydè i 2/11 (i 5 juin
1 826)^; et l'armée ottomane, en mémoire peut-être
de la victoire remportée sur les milices par les troupes
régulières ^, reçut le nom de moaallam-açâkirl-man-
sourièï-moiihammédïè^. La suppression des sixbeuluks,
qui, d'ailleurs, n'existaient plus que de nom depuis
longtemps, suivit de près celle des janissaires'^. A la
suite de cette violente secousse, sultan Mahmoud
s'occupa de régler ses rapports avec l'Europe ; des
négociations furent ouvertes avec l'Angleterre et la
Russie; les premières aboutirent au traité de paix du
5 janvier 1809; les secondes ne furent pas aussi
heureuses, et les hostilités continuèrent. C'est pour
suppléer à la pénurie du Trésor, et pour subvenir
aux exigences de cette campagne, que fut frappé,
l'an ni du règne (1 29.5 — 1 810), le bechlik^ ou pièce
de 200 paras, égale de poids à l'ancien ikilik, mais
dont la valeur intrinsèque, en piastres médjidïè,
était de 18 piastres 8 paras, tandis qu'elle aurait dû
être de 26 piastres y. Pour ce motif, ce bechlik fut
dénommé djihâdïè , «monnaie de guerre, obsidio-
^ Voyez le texte dans VUsci-zafer, p. 1 1 1; traduit en français par
M. Caussin de Perceval.
- Id, p. 108.
■^ Id.ip. 1 1 5 ; « armée régulière impériale. »
" Id. p. 249.
^ Fraehn a donné la description de cette pièce (iîecenito, p. 523),
dont Marsden a, reproduit le dessin (Tome I, pi. XXVII, n" 5 10).
Voir aussi le Tarif ojjiciel de l'hôtel des monnaies. Cette monnaie est
connue, dans le commerce, sous le nom de «vieux bechlik. »
146 JANVIER-FEVRIER 1865.
nale. » Les événements qui se déroulèrent de i 8 1 b à
1828, loin d'améliorer l'état des finances, ne firent
que l'aggraver, et sultan Mahmoud, n'ayant pas
d'autre ressource, dut encore se résoudre à lever un
nouvel impôt sur ie pays même , par une altération
plus considérable de la monnaie de billon, qui' ne
laissait à celle-ci qu'une valeur purement nomi-
nale. Un nouveau bechlik fut émis avec ses division-
naires \ dits ïuzluk, iïrmilik et onloacjy pièces de 1 00 ,
20 et 10 paras. Le vieux bechlik, d'un module un
peu plus grand que le nouveau, portait pour différend
un cordon autour de l'inscription et du toughra;
sur le nouveau, ce cordon ou chaîne [zindjîr) est
remplacé par deux croissants concentriques, réunis,
à la partie inférieure, par un nœud de ruban. Les
plus anciens hechlik que j'ai vus sont de la 22^ année
du règne, répondant à 1 2/i5 (1829-1 83o); j'en ai
vu également des années 1 2/16, 1 2A7 et 1 2/18 (i83o
à i833).
L'émission de ce bechlik, y compris ses division-
naires, a été, au titre de 0,220 à 226 millièmes, de
1 1 5,000,000 de piastres; sa valeur intrinsèque et,
proportionnellement, celle de ses divisionnaires^, se
décompose comme suit :
i3o paras argent Totalité émise : 74,760,000 piastres.
1 // cuivre /' 576,000
j3i valeur intrinsèque.
69 surélévation » 89,675,000
200 paras. Somme égale. . . 1 1 5, 000, 000
> Aqçânii (Tarif des douanes). — ^ C'est-à-dire: 2 pièces de
HISTOIRE ÉCOiNOMIQUE DE LA TURQUIE. 147
En 12/18 (i832-i833), épocjue du conflit lurco-
égyptien, parut un troisième hechlik, avec abaisse-
ment du titre , et, par suite, accroissement de la suré-
lévation; ce bechlik est indiqué par un point placé
au-dessous et au centre du nœud de ruban qui relie
le double croissant. L'émission de ce bechlik, dit
pointé, à raison du ditférend, a été, y compris ses
divisionnaires, et au titre de o, 1 70 à o, 1 76 millièmes,
de 2/i5, 000, 000 de piastres; sa valeur intrinsèque,
et, proportionnellement, celle de ses divisionnaires,
se décompose comme suit :
101 paras argent. Totalité émise : 128,725,000 piastres.
2 // cuivre // 2,A5o,ooo
io3 valeur intrinsèque.
97 surélévation // 118,825,000
I 00 paras Somme égale . . . 245, 000, 000
J'ai eu sous les yeux des bechliks pointés des 26*,
28^ et 3o'' années du règne, c'est-à-dire de 12/49 ^
1253 (1833-1837).
L'émission du hechlik, en ne considérant pas le
fait de l'altération de la monnaie, eut son impor-
tance à un autre point de vue; c'était un pas de plus
dans l'application aux monnaies ottomanes du sys-
tème décimal, défmitivement établi ensuite par le
monnayage de la livre d'or médjidïè à 100 piastres,
avec ses divisionnaires relatifs.
Le règne de sultan Mahmoud vil aussi la mise en
2 piastres et demie, ou 5 pièces d'une piastre, ou 10 pièces de
20 paras, on 20 pièces de 10 paras.
148 JANVIER-FEVRIER 1865.
circulation d'une autre monnaie de billon : Valtylyq ,
pièce de 2Z10 paras ou 6 piastres , moins altérée que
le bechlik, et se rattachant peut-être au système du
zolota, dont il serait le huitième multiple. L'altylyq ,
encore en circulation, comme le bechlik, a pour di-
visionnaires Yutchluk («pièce de 3 piastres,» et Vali-
micMik «pièce d'une piastre et demie,» dite par
Marsden double zotota^. Les altylyq que j'ai eus sous
les yeux sont de la 26*' à la 3 2^ année du règne : 1 2/19
à 1255 (1833-1839).
L'émission de Y altylyq , y compris ses division-
naires, a été, au titre de o,/i35 à o,/i/io millièmes,
de 13-7, 7-76, 369 piastres; sa valeur intrinsèque et,
proportionnellement, celle de ses divisionnaires, se
décompose comme suit :
285 paras 1/2 argent. Totalité émise. 1 17,970,160 piastres.
1 cuivre // 574,06/^
206 1/2 valeur intrinsèque.
33 1/2 surélévation 19,231,1/45
2/10 paras ou 6 piastres. Somme égale. 1 37,776,369
SULTAN ABDUL-MEDJID.
1 2 55 (1838-1839). Ce prince succéda à son père
en rebi-akher (1" juillet 1839); peu après son avè-
nement, il proclama et institua le système de ré-
formes organiques connu sous le nom de tanzîmâti-
khaïrïè ((heureuses réformes, » lequel, en créant un
nouvel état politique des personnes, ne modifia pas
' Loc. laud. p. 373.
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 149
moins la constitution économique du pays, par une
série de dispositions législatives qui en opèrent la
transformation ^
1256 (1839-18/10). Toutefois, les embarras finan-
ciers légués par le dernier règne, et accrus des non-
valeurs résultant en partie des modifications ra-
dicales apportées dans le système administratif de
l'empire , conduisirent les conseillers de la couronne,
en vue de remédier aux difficultés d'une époque de
transition, à recourir à l'usage du papier-monnaie,
dont l'histoire orientale, d'ailleurs , et même celle de
l'Europe contemporaine , offraient divers exemples^.
La première émission de ce nouveau signe moné-
taire, qui reçut le nom de qâïmè'P-miitèbèrèï-naqdïè^,
expression répondant à celle de papier-monnaie, fut
dansle principe, selon le rapport de Munif-Efendi^, de
trente- deux mille bourses seulement , remboursables
au bout de huit années, et portant intérêt annuel
' Elaborées dans le sein du Conseil de V ahkiâmi-adlïè , puis dans
celui du tanzimât, les lois de la seconde série sont réunies dans le
Destour, « code, » publié à Constantinople, en 1279.
2 Voyez D'Ohsson , Histoire des Mongols, II, 428, 629, 6(4i; IV,
101; le texte de Vassaf sur le tchao, texte et traduction par M. Defré-
mery, Joiirn. asiat. novembre i843, p. 286; M. Reinaud, L'Empire
romain et l'Asie centrale, même recueil, mai-juin i863, p. 3/i/i et
345.
^ Synonyme proprement dit de tahrirât «note écrite; » c'est dans
ce sens que le même mot est employé par Soubhi , 2/i v°, 48 , 56 , et
par Izzi, 73 v°.
* Au pluriel : qavâïmi-naqdïè et evrâcjy-naqdïè.
^ Premier traducteur de la Sublime Porte, et l'un des princi-
paux rédacteurs du Medjniouaî-funoun. (Voy. Journal Je Constanti-
nople du 22 octobre 1S62.)
150 JANVIER-FÉVRIER 1865.
de 8 p.o/o ; chaque pièce, au maximum de 5oo pias-
tres, était écrite à la main, en forme de sergui^, et
devait circuler à Constantinople et dans les provinces ;
mais la contrefaçon s'étant bientôt exercée sur ces
(jâïmè, le gouvernement décida, en zilhidjè 1266
(janvier i84o), de les retirer et de les remplacer
par des qâïmè imprimés: ce retrait ne fut opéré
que le 3o chaoual i2 58 (novembre 18/12). Cette
seconde forme du qâïmè fut elle-même modifiée,
afin d'empêcher la contrefaçon; puis le chiffre des
différentes émissions fut réduit, l'intérêt abaissé de
8 à 6 p. 0/0; et enfin, l'usage du qâïmè à intérêt et
celui des coupm^es , sans intérêt , de 20 et 1 o piastres,
restreint à la capitale seulement.
1260 (1844). Cette sorte de réforme du papier-
monnaie fut suivie de celle des espèces métalliques,
et, à partir du i*''^ février iSlik , fhôtel des monnaies
de Constantinople frappa, aux titre et poids suivants,
des monnaies d'or, d'argent et de cuivre, ayant pour
étalon Yaltoun, dit ïazluk ou ïazlak médjidïè^n écu ou
Hvre d'or, » à 100 piastres médjidïè.
Titre, poids, valedr intrinsèqce et quantité des
nouvelles monnaies frappées à Constantinople, du
i*''^ février iSlili au 3i juillet i856.
Monnaies d'or [altoan meskioakât) : pièces de 5oo,
260, 100, 5o et 26 piastres.
Valeur émise : 1,202,397,600 piastres.
' Voy. ci-dessus, chapitre m, S 3.
^ Voyez Tarif des douanes précité, p. 96; 110 piastres médjidïè
égalent une livre sterling.
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 151
Titre : 0,916 1/2 millièmes^; tolérance : 2 mil-
lièmes en dessus ou en dessous.
Poids; pièces de 1 00 piastres : 2 drames, li qyrats,
égalant 7 grammes 2 1 6 milligrammes de France.
Valeur intrinsèque de la pièce de 100 piastres :
2 dr. 1 qyrat = 6 gr. 6i4 milligr. or fin.
// 3 «/ = // 602 If cuivre.
2 dr 4 qyrat rr: 7 gr. 216 milligr.
Monnaies d'argent (gumuch-meskioukât) : pièces de
20, 10, 6, 2, 1 piastre, et demi-piastre.
Valeur émise : 41/1,571,775 piastres.
Titre : o,83o millièmes; tolérance : 3 millièmes
en dessus ou en dessous.
Poids; pièce de 20 piastres : 7 drames, 8 qyrats,
égalant 2 4 grammes 55 milligrammes.
Valeur intrinsèque de la pièce de 20 piastres :
6 dr. 3 qyr. i6/32 = 19 gr. 945 milligr. argent fin.
i /y 4 '/ 16/32 = li u 110 // cuivre.
'j « S II = 24 ^ o55 '/
Le gbourouch « piastre » médjidïè pèse 6 qyrats
ottomans, soit 1 gramme 202 milligrammes 2.
Monnaies de cuivre (nahâs-meskioakât) : pièces de
4o, 20, 10, 5 paras ^ et 1 para.
Valeur émise : 1 7,253,000 piastres.
Titre : Les anciennes pièces de 4o et 20 paras
^ ^J^3 lJ^^^ ^3 *^^^' pur.» [Sal-nâme de 1280.)
^ Sal-ndme, id. p. i52.
^ Le huitième [çumun) de la piastre.
152 JANMEH-FÉVKIEK 1865.
contenaient 96/1 00'" de cuivre, 3 d'étain , 2 de zinc
et de plomb ; le poids de la pièce de 20 paras était
de 5 drames = 16 grammes 36 milligrammes; il
est actuellement de 3 drames 5 qyrats 10 otoiiz-iln
= 10 grammes 693 milligrammes^
Le gouvernement, nous l'avons vu, ne se dissi-
mulait pas les inconvénients et les dangers de l'exis-
tence du papier-monnaie; aussi essaya-t-il maintes
fois de l'enlever de la circulation, d'abord par le
retrait du qâïmè à intérêt, au moyen d'une contri-
bution ijânè) prélevée sur les fonctionnaires et les
sujets ottomans; commencée en 1 268 (1 85 1), l'opé-
ration fut suspendue par la guerre d'Orient; et, au
contraire, le gouvernement se vit obligé d'émettre
des coupures de 20 et de 10 piastres, dites ordou-
cjdimècy, devant avoir cours dans les localités occupées
par l'armée; cette espèce spéciale de qaimè s'élevait
au chiffre de 171,260 bourses.
Enfin , surmontant les difficultés d'une autre
époque, à l'endroit des dettes extérieures^, la Tur-
quie réussit à contracter, à Londres, le 2/1 août i85/i,
un emprunt de 3, 000, 000 de livres sterling; et les
gouvernements de France et d'Angleterre ayant ga-
ranti le payement des arrérages, une commission
mixte, où siégeaient un inspecteur général français
(les finances et un délégué anglais^, fut chargée de
^ Sal-nâmè, loc. laud.
- Voy. années 1 198 et suiv.
' M. de Codrozy, inspecteur général de la trésorerie de l'armée
d'Orient, et fou M. Falconnet, directeur de la Ban([ue ottomane.
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 153
surveiller l'emploi des fonds de cet emprunt. Ces
deux faits importants en déterminèrent un troisième
qui ne le fut pas moins : la réforme administrative.
En effet, une loi organique des finances, édictée le
1 8 zilqydè 1271 (septembre i855), prescrivait, en
treize articles, la confection préalable, et par exer-
cice, des budgets ministériels, la division, par cha-
pitres, des recettes et des dépenses, la création de la
liste civile ^ etc. Dans la même année i855 , un se-
cond emprunt de 5, 000, 000 de livres sterling fut
conclu en Angleterre.
1 856 ( 1 2 7 2 ). Ici vient se placer le khatti-hamâïoan
du 1 8 février, dont les dispositions assignent à ce
document un rang important dans Thistoire écono-
mique de la Turquie^.
En septembre 1887 (sefer 1 2 7 Zi), le gouvernement
créa, pour 1 5 0,000 bourses, des titres de rente, dits
eshâml miimtâzè^, à 8 0/0 d'intérêt , et remboursables
dans trois ans; délai prorogé, faute de rembourse-
ment. Peu après, et dans le cours de la même année,
parurent d'autres titres de rente, dits khaznè-tahvîli
«bons du trésor,» à 6 0/0 d'intérêt, et remboursa-
bles le 1/1 3 mars 1861 ^. La dette publique était
définitivement créée.
Enchaban 1276 (septembre 1 858), un troisième
' Voyez, pour le texte original, Destour, p. 260 et suiv. et pour
la version française, \c Journal de Conslandnople du 27 septembre 1 855.
^ Voyez mon Etude sur la propriété, chap. x.
Consolidation de selùnis; même expression employée pour les
hhazne-tahtîli, dits, après cette opération, tahvîlâti-mumtâze .
' Par notification du i5 février 1861, ces titres de rentes, con-
154 JANVIER-FÉVRIER 1865.
emprunt de 5, 000,000 de livres sterling est conclu à
Londres, à l'effet de retirer le qaïmè; ce résultat n'est
obtenu que partiellement : sur 1, 238, 000 bourses
de qaïmè, alors en circulation, 1,088,000 sont re-
tirées, 1 5o,ooo restent encore ; et, pour les couvrir,
on lève une imposition dite iânè, sur la propriété;
cette contribution produisit 90,000 bourses; res-
taient donc encore 60,000 bourses à retirer; pour
cette somme minime, l'opération entière avorta.
En septembre 1869, le règlement des dettes du
palais donne lieu à l'émission de nouveaux titres de
rentes dits eshâmi-djédidè «nouveaux séhims, d dits,
selon l'acception vulgairement adoptée «consolidés, »
à l'intérêt de 6 0/0 , remboursables en vingt-quatre
ans; la totalité de l'émission était de 1,000,000 de
bourses, à répartir par tiers, dans le terme de trois
années. La même année vit émettre encore les bons
dits sercjais de dix ans, ou consolidation des sergiiis
de la liste civile, à l'intérêt de 6 0/0, et remboursa-
bles en cinq annuités, à partir de la cinquième an-
née (i865).
Les charges de l'État allaient en croissant, et, à
l'efTet d'aviser, le gouvernement créa, en octobre,
une commission spéciale où furent appelés des fonc-
tionnaires supérieurs des finances de France, d'An-
gleterre et d'Autriche ^ La commission avait, en
solides sous la dénomination de tahvîlâti-mumtâzè , sont amortissables
en vingt-quatre ans.
^ MM. le marquis de Ploeuc, inspecteur général dos Gnances.
actuellement directeur général de la Banque impériale ottomane , de
histoirp: économique de la Turquie. 155
quelque sorte, pour mandat d'appliquer les prin-
cipes de la loi du 1 8 zilqydè 1 27 1 ; mais recevant des
attributions plus étendues par décret du 5 zil-
hidjè isyy (2/1 juin 1860), elle prit le titre de
« Conseil supérieur des Trésors , » et un ex-grand vizir
fut placé à sa tête. Au nombre des résultats dus aux
soins de la Commission financière et du Conseil des
Trésors, figure, en première ligne, la confection ré-
gulière des budgets, dont l'extrait général accom-
pagne le rapport sur la situation financière de l'em-
pire présenté au sultan , par Fuad-Pacha, grand vizir,
en février 1862.
1860. Un quatrième emprunt, contracté en vue
du retrait du cjâïmè, et qui ne put sortir son plein et
entier effet, est conclu à Paris, le 29 octobre, au
chiffre primitif de /ioo,ooo,ooo de francs, réduit
ensuite à 2,087,000 sterling. En désespoir de cause,
le gouvernement mit à l'étude un projet ne consis-
tant plus dans le retrait actuel du qâïmè, mais, au
contraire, dans son extension momentanée à tout
l'empire , sauf les provinces de Djedda et du Yémen,
moyennant telles combinaisons qui permettraient
d'en effectuer le retrait dans le délai de dix -huit
années '.
Lackenbacher, conseiller aulique de S. M. l'empereur d'Autriche, et
feu M. Falconnet, alors directeur de la Banque ottomane.
' On peut voir, dans ia communication officielle du 1 4 avril 1861,
l'ensemble, en onze arlicles, de ce plan financier, qui, d'ailleurs,
reçut bientôt un commencement d'exécution; en efifet, une com-
mission inamovible, dite de «remboursement du qaïmè,» fut insti-
tuée, avec mandat de contrôler et de diriger les diverses mesures
156 JANVIER-FEVRIER 1865.
SULTAN ABDIJL-AZIZ.
Toutefois, et en attendant la mise à exécution de ce
projet qui devait entrer en pratique le i/i 3 mars 1862,
les ateliers de l'hôtel des monnaies fabriquaient du
qâimè pour subvenir aux dépenses; et chaque mois
60,000 bourses, en ^aim^ de 10, 20,00 et 100 pias-
tres, étaient jetées sur la place de Constantipople ;
il en résulta une dépréciation considérable du pa-
pier-monnaie; la livre d'or rnédjidïè atteignit, gra-
duellement, le chilfre de 260 piastres en qâïinè ; et
le jeudi 1 o djemâzi-akher 1 2'78 (i 2 décembre 1861),
celui de 3So piastres ! En présence des dangers de
cette situation, le gouvernement renonça au projet
de l'extension du qâïmè , et résolut, quels qu'en fussent
les sacrifices , d'en opérer le retrait complet.
1862 (1 278). C'est sous cette impression qu'a été
rédigé le khatt du 1 8 redjeb (i 9 janvier 1 862 ), pres-
crivant au grand vizir la publicité du budget, k afin
de mettre sous les yeux du contribuable l'emploi des
deniers publics. » Le grand vizir exécuta cet ordre par
la publication du rapport et du budget précités' ; et,
de l'opération; et 1 5o millions de piastres cjaïmè furent distribués
aux populations des provinces, contre monnaies d'or ou d'argent de
bon aloi, à dire de prêt, pour une année, jusqu'à fin mars 1862,
époque à laquelle les porteurs de ces qaïmè auraient la faculté de
les livrer à la circulation , el d'en disposer à leur gré. Le montant
(les sommes provenant de cet emprunt, versé dans les caisses de
ia commission, et remis au grand vizir, le 20 mai 1862 . a été de
1 26,18/4,789 piastres, soit environ 26,555,129 francs.
' Le budget pui)lié est celui de 1 277; il était accompagné de ta-
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 157
peuaprès, un cinquième emprunt, de 8,000,000 de
livres sterling, fut contracté à Londres, pour le re-
trait exclusif du qâïmè et la consolidation delà dette
flottante. Concurremment à son appel aux capitaux
étrangers et indigènes, le gouvernement faisait une
quatrième émission ^ de titres de rentes consolidées
[eshâmi-djédîdè) , dites azîzïè, et créait une nouvelle
série de séhims ou eshâmi-aâdïè « séhims ordinaires ou
rentes viagères 2.» Grâce à ces mesures non moins
habilement conçues qu'exécutées, l'opération du re-
trait du qâïmè , commencée le 1/1 3 juillet 1862,
était achevée le 12 septembre suivant; et la livre
bleaux iiuliquanl les prévisions budgétaires de 1278 : ces chiffres
étaient, en recettes, de 3, 807, 368 bourses; et, en dépenses, de
3,iio,8»3. Le rapport du ministre des finances sur le budget de
1279 dit (p. 5) que «selon le résumé du budget de 1278, la tota-
lité des recettes s'est élevée à 3,32 2,o/i2 bourses. »
' Tertîbi-râbi.
^ Telle est l'interprétation dece mot donnée par le ministre des
finances, dans son rapport précité, p. 2. Toutefois, ces rentes ne sont
pas viagères, dans l'acception propre du mot; le détenteur en peut
faire la vente, la cession, même à son lit de mort; la rente viagère
ne s'éteint et ne fait retour à l'Etat que lorsqu'elle se trouve en la
possession d'un individu décédé. Il en est évidemment de même des
séhims, mouqâtéa, ziâmet et timâr dont les arrérages sont inscrits aux
cliapitre m, titre 11 des budgets de 1862 et 63; et les séhims men-
tionnés plus haut sont sans doute du même genre. (Cf. ci-dessus,
ch. IV, budget d'Eïoubi-Efendi, année 1 106, et mon EtvJe sur la
propriété, n°' 353 et suivants.) Une décision de l'autorité supérieure,
en date du 27 redjeb 1280, vient de prescrire la révision an Mâlïè'.
des titres de séhims, moucjâtéa, ziâmet, timâr et vazâi/, actuellement
existants; faute parles porteurs de remplir les formalités prescrites,
en temps voulu, leurs titres de rente seront considérés mahloul « va-
cants» et feront retour à l'État. (Voy. Terdjumdni-ahvâl du 27 re-
djeb 1 280.)
158 JAiNVlER-FÉVRIEK 1865.
médjidïè, abaissée graduellement jusqu'à 160 pias-
tres, le 12 septembre, était au pair, à 100 piastres,
le lendemain i3. Le chiffre total du qâïmè retiré,
montant à 998,800,7*20 piastres, soit 1,997,601
bourses, 220 piastres \ a été remboursé aux porteurs,
sur sa valeur nominale, à raison de 60 p. 0/0 en
métallique, et 60 p. 0/0 en consolidés (esMmi-djé-
dîdè), au pair ^.
1279 (1862-1863). Poursuivant le même but,
le rétablissement des finances, sultan Abdul-Aziz,
dans un khatt du 22 février 1 863 , enjoint à ses mi-
nistres de veiller à la sage économie des deniers
publics, afin de parvenir à l'équilibre du budget; et,
prêchant d'exemple, « il abandonne au trésor la partie
supplémentaire de sa liste civile, réduit les dotations
des princesses , et ordonne la suppression de toute
sinécure ou emploi inutile ^. » Enfin un sixième em-
' En chiffres ronds : 2,000,000 de bourses. Voy. le rapport précité
du ministre des finances et le Journal de Constanlinople des 2 2 octobre
et 29 novembre 1862.
^ A une autre époque, et dans des circonstances à peu près sem-
blables , le gouvernement avait fait une émission ayant , sur le chiffre
de sa valeur nominale, d'abord 70, puis 60 p. 0/0 de valeur intrin-
sèque et ^o p. 0/0 de surélévation. (Voy. années 1116 et 1 1 3 1 .)
■* Jusque-là , la liste civile était, par mois, de 1 5, 000 bourses éga-
lant 7,600,000 piastres, et de 5,000 autres bourses attribuées, égale-
ment par mois, aux dépenses imprévues ; cette dernière somme a été
abandonnée par le sultan. Dans le rapport de lord Hobart et de
M. Forster (Voy. Débats du 5 juin 186.^), envoyés à Conslanti-
nôple, en mai 1861, pour y étudier Tétat des finances turques,
le revenu de l'empire, montant à 12 millions de livres sterling à
l'avènement du sultan actuel, était évalué, pour l'année 1861-1862-
i863, à i5 millions de livres sterling.
HISTOIRE ÉCONOMIQUK DE LA TURQUIE. 159
prunt, de8,ooo,ooo de livres sterling, est contracté,
en avril 1 863 , sur la place de Paris, pour solder le re-
liquat de la dette flottante-, 6,000,000 sont affectés
à cet objet, le reste doit être employé au retrait
graduel de la monnaie de titre inférieur^.
1280 (i863 6/i). Le 6 novembre i863, S. A.
Fuad-Pacha, grand-vizir, présente au sultan le budget
général de l'empire pour le dernier exercice 12-79;
ce budget, précédé d'un rapport du ministre des
finances au grand vizir, offre les résultats suivants^ :
Receltes : 3, 01 0,629 bourses 335 piastres.
Dépenses : 2,969,00/i 492
Excédant : 4i,524 3^3
Je terminerai cet exposé historique en mention-
nant ici le récent traité de commerce signé le 2 9 avril
1861, entre la France et la Turquie, abrogeant et
remplaçant le traité de i838 (zil-hidjè i25/i). Ce-
lui-ci, tout en consacrant un grand principe, l'abo-
lition des monopoles, s'était cependant montré plus
favorable aux intérêts étrangers qu'indigènes, en
frappant les produits d'exportation d'un droit de
1 2 p. 0/0 , tandis que ceux d'importation n'étaient
imposés que d'une taxe de 5 p. 0/0 seulement. Plus
libéral dans son esprit, le nouveau traité s'est pro-
posé l'entier dégrèvement des produits indigènes
' Budget précité , rapport du ministre des finances, p. 3.
^ Version française, traduction officielle; imprimerie du Journal
de ConstaïUinople.
160 JANMKU-KKVlUtiK 180;>.
destinas t\ Texportalion; et eu vue d'éviter toute per-
inrbatiou, il taxe les uns comme les autix?s, dans le
principe « à un droit uniforme de 8 p. o/o. Mais si
ce droit est fixe et invariable pour les importations
en Turtpiie, il est provisoire pour kvs exportations,
et réductible, chaque' année, d'un huitième, jusqu à
ce qu'il soit abaissé à la taxe fixe et définitive de
i p. o/o , maintenue seulement pour couvrir les frais
de bureau. Paml traité a été conclu avec les autres
puissances; le traité anglais porte la même date que
le tiiiité français; les autres sont postérieurs.
RESUME.
J*ai dit en commençant que ia Turquie s'était
appix)priée, en les adaptant à ses instincts particu-
liers, la plupart des instilutions déjà existantes dans
Tordre politique» économique et administratif; et
que rhisloire de ce pap, étudiée à ce point de
vue, en montrant le jeu et îa transformation suc-
cessive de sa constitution organique, otVrait encore
des données précieuses sur leconomie politique de
TAsie elle-même. Ce double objet ressort ample-
ment de tout ce .qui précède; mais je me bornerai
à gix>uper les principaux trails de ce tableau, afin
de permettre d'en nneux saisir l'ensemble.
Les choses, on le sait, changent peu en Orient;
la tradition, les habitudes y exercent un empire ab-
solu, incontestable; les mêmes faits se reproduisent
toujoui^ ou à peu près, malgré la dilïérence des
temps; et si quelque modification s'opère, elle ne se
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUI,. iOI
fait ((lie peu à peu , et on conservant, le plus possible ,
la forme ou même seulement l'apparence de ce qu'on
a voulu clinuger. Ainsi , (juaiul l'empire des Soldjou-
(jydes céda la place à celui d'Osman, les nouveaux
princes gardèrent à peu près intactes les institu-
tions de leurs prédécesseurs, comme ceux-ci, sans
doute, avaienf maintenu les routunies de leurs de-
vanciers. Le type el la forme des monnaies seldjou-
((ydes sont conservés; mais , soit nécessité , soit peul-
èlre encore tradition d'un autre genre, un doidde
système monétaire, imposé |)ar les exigences com-
merciales, s'établit bientôt simullanément , l'un na-
tional, l'autre étranger; l'écu d'argent des Francs
reçoit un cours légal dans le nouvel Etal; puis sur-
frappe plus tard, comme autrefois celui des Byzan-
tins chez les premiers khalifes, il devient le type
même de l'écu d'argent ottoman. Ultérieurement, et
dès la conquête de l'Egypte, fécu d'or ottoman, se
modelant sur celui des Mamlouks, aucpiel le ducal
vénitien n était pas étranger, linit par prendre aussi
ce dernier type qu'il a conservé jusqu'à une époque»
relativement récente, f/écu d'or turc actuel , corres-
j)Oudanl à peu près à deux ducats vénitiens, se trouve
avoir une valeur iiiteruu'diaire entre le napoléon et
la livre sterling.
La terre est concédée par lots ou circonscriptions
de plus ou moins grande étendue, comme sous les
khalilesel les sultans mamlouks; nommées alors iqia,
ces concessions sont dites ziâmet et timar. En récom-
pense des services éclatants que liii rendit Osman,
102 JANVIER. FÉVRIER 1865.
le dernier prince seldjouqyde donne la province de
Qaradja-Hiçar, en fief, au futur fondateur de la dy-
nastie ottomane; et, à son tour, celui-ci partage ses
Etats entre ses fils et ses principaux émirs, et ré-
partit entre \es feadaiaires les villages circonvoisins
de la capitale de la Bitbynie dont il faisait le siège.
Les peuples soumis sont tributaires, comme sous
la domination arabe; la race conquérante se partage
en caste militaire et caste agricole.
L'administration des revenus de fEtat, entrée et
sortie, relève du mâlïè «ministère des finances,»
terme généralement employé en Orient, depuis l'isla-
misme. Sauf certaines modifications particubères aux
temps et aux Heux, le budget des recettes d'Eïoubi-
Efendi présente à peu près celui des monarcbies
asiatiques antérieures. Le produit du revenu public
reçoit trois directions: celle du trésor public, d'où
l'excédant des recettes sur les dépenses passe ensuite
au trésor de réserve; puis le trésor particulier du
prince ou administration de sa cassette.
Les dépenses sont acquittées, comme sous les
Seldjouqydes, partie en numéraire, partie en assi-
gnations.
L'usage de grouper les cbitTres dans une quotité
plus ou moins considérable se retrouve cbez les
Ottomans, comme autrefois cbez les Arabes , et avec
des dénominations identiques.
La solde se payait, ou, du moins, devait être ac-
quittée par trimestre, et, dans cette quotité, se di-
sait mévâdjèb , terme qui désigne encore aujourd'hui ,
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA TURQUIE. 163
en Perse, le traitement d'un fonctionnaire. Sauf de
rares exceptions, cette règle ne fut pas observée
scrupuleusement.
Comme les suUans mamlouks et les Seldjouqydes,
les princes ottomans avaient coutume de faire lar-
gesse aux milices, à leur avènement au trône; et
même de nos jours pourrait-on retrouver une ré-
miniscence de cet usage dans le payement d'arriéré
de solde qui fut fait aux troupes, à l'avènement
de Sultan Abdul-Aziz, actuellement régnant. A
l'exemple des Seldjouqydes, les monarques otto-
mans donnaient, sur le champ de bataille, d'abon-
dantes gratifications à leurs soldats, outre la haute
paye à laquelle les services exceptionnels pouvaient
donner droit; mais ce système de largesses si souvent
répétées et plus d'une fois provoquées par la sédi-
tion des milices, dont le nombre toujours croissant
n'avait d'autres résultats, vu f organisation viciée,
que d'accroître les charges du trésor, ce système,
dis-je, ou plutôt ses effets, venant s'ajouter au dis-
crédit de l'administration et à la dépréciation de la
monnaie, non moins altérée par les mesures fiscales
que par la cupidité publique, fut une des principales
causes des embarras financiers qui assaillirent cons-
tamment le trésor. Appauvri par ces diverses causes,
aussi bien que par les prodigalités intérieures et par
les frais de guerres continuelles dont l'issue ne fut
pas toujours heureuse, le trésor ordinaire était sou-
vent vide. Tant que cela fut possible, on puisa dans
le trésor réservé; mais cette source tarie, on eut re-
164 JANVIER-FÉVRIER 1865.
cours aux expédients, tels que la saisie ou l'emprunt
des revenus des vaqoiifs et l'aliénation de certaines
propriétés de l'Etat ; le système des confiscations de-
vint à l'ordre du jour; finalement, et sentant la né-
cessité d'en appeler au contrôle de l'opinion publique,
on publia le budget parliel d'Aïni-Ali (1018= 1609),
et cinquante ans après, celui d'Eïoubi-Efendi (107 1
= 1660-1661). Il s'ensuidt une série de mesures
qui rendirent au pays des jours plus prospères, sous
les vizirats remarquables de Baïram-Pacha , de Qara-
Moustafa-Pacba , de Tarkhoundji-Pacha , des illustres
Kuprulu, de Damad-Ali-Pacha et de Damad-Ibra-
him-Pacha , qui tous s.uccessivement vinrent clore
(de 10/16 il i i lx?i ::=: \ 636 à 1 ySo) la période cri-
tique précédant l'entrée de chacun d'eux aux affaires.
Cependant, malgré ces efforts énergiques et réi-
térés, le pays ne pouvait se relever; les armées
n'éprouvaient que des revers; le trésor ordinaire ne
comblait plus ses vides, et celui de réserve était hors
d'état de l'assister; on émit l'avis d'un emprunt à
[élranger(i 1 98=1 ySS);^ proposition n'aboulit pas,
et l'on créa la dette pablicjue par la vente ou aliéna-
tion de certains revenus de l'Etat, en faveur de
particuliers indigènes, contre des sehims «titres de
rente,)) en échange du capital compté par eux à
l'État (i 199=1785). On leva ensuite des contribu-
tions forcées; puis on émit des monnaies fiduciaires,
ayant un cours supérieur à leur valeur intrinsèque
(i'2o3 = i788); enfin, à bout de ressources, legou-
V ernement reconnut la nécessité d'apporter une rë-
HISTOIRE ECONOMIQUE DE LA TURQUIE. 165
forme radicale dans les institutions existantes (1206
= J 79 0* C^-^tc résolution amène des luttes vigou-
reuses entre les partisans du nouveau et de l'ancien
régime; mais la réforme l'emporte, et les milices
sont supprimées et remplacées par une armée régu-
lière, formée sous la direction d'instructeurs euro-
péens. Comme couronnement de l'œuvre, lekhatti-
chérîf dti Gulkhânè, ou autrement le tanzîmât, est
proclamé; désormais la fortune privée est assurée;
le système des confiscations est aboli; mais la crise
financière, loin d'être conjurée, s'aggrave par les
événements intérieurs et extérieurs; et comme autre-
fois chez les Mongols ilkhaniens, le papier-monnaie
est créé; il s'accroît bientôt dans des proportions con-
sidérables; c'est alors que, pendant la guerre d'Orient,
le premier emprunt étranger est contracté; il est suivi
de plusieurs autres, pour parvenir au payement de
la dette flottante et au retrait du caïmè; ce résultat
est finalement obtenu; la publication du budget est
décrétée et pratiquée; le métallique reparaît et re-
devient le seul signe représentatif d'échange ayant
cours; toutefois, les ressources disponibles n'ont pas
encore permis le retrait des monnaies fiduciaires.
De nouveaux traités de commerce sont conclus
avec les puissances étrangères , sur des bases libérales
ayant pour objet le développement de l'agriculturo
et de l'industrie indigènes. De grandes compagnies
de crédit et autres se forment et prospèrejit; une
nouvelle ère semble commencer pour l'agriculture ,
l'industrie et le commerce du Levant.
166 JANVIl^K-FEVHIKPi J8C5.
NOTES ADDITIONNFXLES.
1. Mouqâtca. Ce mot, comme on l'a vu dans le
cours de cet exposé historique, prend, dans la
technologie du ma/iè , diverses acceptions qu'on peut
rapporter à une seule et unique «le montant du
chiffre auquel tel revenu public a été fixé, » que la
perception de ce revenu soit opérée par voie de régie
ou d'affermage; ces diverses acceptions sont, d'ail-
leurs, employées égalernent par les historiographes;
ainsi, moucjâiéa désigne parfois une concession du
genre des zidmet et timar (voy. années i i 68, i 207);
d'autres fois, une concession mâlihiânè ( 1 1 06, 1 1 Zi 3 ,
1 i/iy); ailleurs, ce mot désigne une forme de va-
qouf devenue la propriété absolue du détenteur
(Etade sur la propiiété, n° 355), et aussi les revenus
publics en général (années 926, 10/12, iii3,
1 1 26 et 1 2 o3 ) ; de là , moaciâtéadji u concessionnaire ,
pour un terme plus ou moins long, d'une branche
du revenu public «(années io35, 1 o58). Le sens de
ce mot est, d'ailleurs, parfaitement établi parLoutfi-
Pacha, dans son Açaf-Nâmè «Guide des grands
vizirs,» où il est dit (manuscrit de M. Cayol) : «Il
vaut mieux donner les mouqâtéa «la perception des
diverses branches du revenu public » en régie qu'en
fermage. »
2. Dans le même livre, Loutfi-Pacha, qui fut
grand vizir de Sultan Suleïman, de g!\lx à 967. re-
commande la confection annuelle des états de re-
HISTOIRE ÉCOiNOMlQUE DE LA TURQUIE. 167
cette et de dépense, afin de régler la comptabilité
en conséquence. «A Tavénenient de Sultan Suleï-
man, dit-il, le budget était en équilibre ; mais, lors
de mon élévation au grand vizirat, le trésor était
en déficit. »
3. Avâriz. Selon Loutfi-Pacha , Vavâriz était une
taxe récente qui se percevait sur les raïas, une fois tous
les quatre ou cinq ans. De là, sans doute, le terme
avâriz u accident, ce qui n'est pas ordinaire;» elle
était fixée à 20 aqlchè par homme, et, devant être
affectée à Tachât de biscuits pour l'armée, elle était
nommée, pour ce motif, pekcimâi-pâliâ «indemnité
de biscuit. » Loutfi blâme rétablissement de cette
taxe, qu'on ne doit pas, dit-il, percevoir annuelle-
ment, afin de ne pas surcharger les raïas. Du reste,
elle ne fut prélevée qu'une seule fois sous Sultan
Sélim. « L'avâriz, continue le même écrivain est en
outre un impôt personnel pour le service des ga-
lères. Par chaque quatre maisons (kliânè) , on lève
un homme jeune et valide, pour faire le service de
rameur sur les galères; il reçoit du khaznè dix aqtchè
par jour pendant tout le temps qu'il passe à la mer. »
(Conf. sur Vavâriz, années 1 0^2 et 1 o53 ci-dessus,
et mon Etude sur la propriété, n° 334, note.)
#
168 JANVIER-FEVRIER 1865.
NOUVELLES ET MÉLANGES
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE Dli 9 DÉCEMBRE 186^.
La séance est ouverte à huit heures par M. Reinaud , pré-
sidenJ.
M. Ramirez écrit de Mexico pour annoncer l'envoi d'une
brochure sur le baptême de Moleuhzoma II (Monlézuma),
neuvième roi de Mexico.
MM. de Rhanikof et Pauthier annoncent qu'ils se sont
occupés de la question soulevée dans une des dernières
séances, au sujet de l'entrée du Journal asialique en Russie.
D'après les renseignements de M. de Klianikof , les obstacles
proviennent de la Prusse qui, suivant une convention pos-
tale, arrête le passage des numéros à Eydkuhnen; toutefois,
à la suite des observations de plusieurs membres, M. de Klia-
nikof promet de s'occuper de nouveau de cette affaire.
A la suite de cette discussion, M. Pauthier demande à
signaler au Conseil de regrettables inexactitudes dans le ser-
vice du Journal, que des membres présentés par lui et qui
demeurent à l'étranger ne reçoivent que très-inexactement.
M. l'agent de la Société sera invité à tenir à la disposition
du Conseil un livre de poste qui pourra servir au besoin à
sa justification.
Le bibliothécaire adjoint communique un tableau qu'il a
rédige des numéros de la Bihliotheca indien qui se trouvent
dans la bibliothèque de la Société. Le Conseil prendra ullé-
NOUVELLES ET MELANGES. 169
lieurement une décision pour compléter celle importante
collection.
M. Pauthier lit un Bulletin de la campagne de Houlagou ,
pour la conquête de la Perse , au milieu du xiii' siècle , tiré de
l'Histoire officielle des Yuen ou Mongols de la Chine.
M. de Labaithe lit un rapport que le Conseil l'a chargé
de rédiger sur l'ouvrage de M. d'Hervey Saint-Denys, inti-
tulé : Poésies des Thang. ''
M. de Rosny annonce qu'il s'occupe d'une Grammaire et
d'un Lexique du Chih-king , qu'il considère comme un com-
plément indispensable de l'édition qu'il se propose de pu-
blier.
OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIÉTÉ.
Par l'auteur. Ibn-el-Athiri Clironicon quod perfectissimuni
inscribitur. Volumen X, ad tidem codicum parisinorum , edi-
dit Carolus Joliannes Tornbekg Lugduni Batavorum , 1 864 ,
in-8°.
Par l'auteur. Doctrine des bouddhistes sur le Nii^vâna, par
Ph. Éd. FoDCAUx. Paris, i864, in-8°.
Par l'auteur. Bautismo de Moteuhzonia II , noveno rey
de Mexico. Disquisicion historico-critica de esta tradicion, por
D. José Fernando RamIrez. Mexico, 186A, in-4°.
Par la Société asiatique du Bengale. Bibliotheca indica,
n° k'] [The Tabaqàiî-nàsiri , publié par le capitaine Nassau
Lees elles mauiawis Khadim Hosaïn et Abd-al-Haï, fasc. 4),
in-8°.
Par l'auteur. Annuaire philosophique, livraisons 8 à 12.
Paris, 186A, in-8°.
Par Ici Société. Journal of the Royal Asiatic Society ofGreat
Britain and Ireland. (Nouvelle série, n° 1.) London, i864,
in-8».
Par l'Institut royal. Bijdragen tôt de Taal-Land-en Volken-
kande von Nederlandsch Indie. (Tome VU, livraison 5, et t. VIII,
livraison 1.) Amsterdam, i864, in 8°.
170 JANVIER-FEVRIER 1805.
Par la Société. Bulletin de la Société de Géographie (oc-
tobre i864). Paris, i864, in-S".
Par les éditeurs. Journal des Savants (aoûl et novembre
i86Zi). Paris, i86/i,in-^''. (Manquent les mois de septembre
et octobre.)
Par les éditeurs. Gazette de Beyrout (deux numéros).
Tableau de la presse périodique et quotidienne à Constan-
TiNOPLE EN 186^, par M. Belin , secrétaire-interprète de l'Em-
pereur à Constantinople.
L'annuaire ottoman [Sâl-nâmè) de i28ir=i864 donne
celle année, la dix-neuvième de sa fondation, la liste des
journaux et revues publiés actuellement à Constantinople.
Augmentée des rensei^^nements qu'on trouvera ci-après,
cette liste offre un intérêt particulier, en ce qu'elle montre
le développement successif du goût des diverses populations
de la capitale pour ce genre de publications, et signale en
même temps les tendances de l'esprit public.
Journaux turcs. — i. Taqvîmi-véqâu -devlèti-aliïè t Mo-
niteur ottoman» ou «Gazette d'Etat,» fondé en 12^7 =
i83i , date fixée dans le chronogramme ah.vâli-gharrâ «cir-
constances brillantes,» dont les lettres, additionnées dans
leur valeur numérique, donnent le chiffre ci-dessus. Une
version française de la Gazette d'État parut, dans le principe,
mais elle ne fut pas continuée ; comme le Moniteur français ,
le Taqvîm se divise en deux parties : officielle et non offi-
cielle. Il paraît seulement une fois la semaine, le lundi.
2. Djéridèï-havâdis « la Gazelle , » fondée en 1 259 rr: i843.
Ce journal politique et littéraire donne les actes officiels et
les nouvelles diverses de l'intérieur et de l'élranger ; il paraît
en grand format le dimanche et donne un bulletin les autres
jours de la semaine, excepté le vendredi.
3. Tcrdjumâni - ahvâl «l'Interprète des circonstances,»
fondé en 1277 =::: 1860; journal politique et littéraire dont
NOUVELLES ET MELANGES. 171
le rédacteur primitif tenta d'inaugurer en Turquie une cer-
taine liberté de la presse; ce journal, d'un petit format, pa-
raît trois fois la semaine, les dimanches, mardis et jeudis.
Ix. Tasvîri-efkiâr «la Peinture de l'opinion publique,»
fondée en 1278= 1861 ; rédacteur en chef: Chinaci-Efendi.
Journal politique et littéraire, qui s'est fait remarquer à di-
vers titres; d'abord par l'esprit de sa rédaction, puis par
l'introduction d'une sorte de ponctuation dans la phraséolo-
gie turque , et surtout par la publication , en feuilleton ou dans
le corps du journal , d'ouvrages importanls , tels que l'Histoire
des Séleucides et des Achkaniens, parSoubhi-Beï, membre
du grand conseil, accompagnée de la reproduction de mé-
dailles à images; la bibliographie d'Avicenne; un extrait du
Droit des gens de Vattel; une grande partie de V Histoire
généalogique des Tatars d'Aboulghazi, le Destour- ulamel de
Hadji-Khalfa et le Mizan-elhaqg du même auteu^^
5. Djéridèï-askèrïè «Gazette militaire,» dont le premier
numéro a paru le 7 chaban 1280 =: 16 janvier i864; pu-
bliée sous la direction des officiers du corps d'élat-major. Ce
journal se divise en deux parties : officielle et non officielle;
la première contient les faits relatifs à l'armée de terre [mé-
vâddi-berriïè) , à la marine [mévâddi-bahriïè] \ elle traite aussi
des innovations, modifications et changements introduits
dans l'armée nationale, fait connaître les actes officiels la
concernant, les nominations, promotions [tevdjihâl) et mu-
tations; la mise à la retraite (téqâud), les pensions [mukiâfât]
données aux officiers qui ont atteint la limite d'âge ou à ceux
qui ont contracté des infirmités au service; les pensions
(takhcici-méâch) accordées aux enfants d'officiers morts sous
les drapeaux, les peines disciplinaires (médjâzât) inffigées
pour crimes et délits, avec l'indication du crime et de la
pénalité encourue, ainsi que celle du nom du condamné.
' Sans doute comme réponse orthodoxe à un livre remarquable publié
dans l'Inde, en 1861 , sous le même titre, par M. Pfander, contre les doc-
trines mahométanes, auquel une réponse musulmane a été faite sous le titre
de ChemsiiL
172 JAiNVIER-FEVRIER 1865.
La partie lion officielle est consacrée aux faits divers militaires
de l'intérieur et de l'étranger \
Journal a'rabe. — El-djévâïb «le Nouvelliste;» il paraît
une lois la semaine, le mercredi; rédacteur en chef: Fâres-
Ghidiaq.
Journal turgo-grec. — A nadoloa a VOr\er\l,r> écrit en
langue turque avec caractères grecs; paraît une fois la se-
maine.
Journaux grecs. — i. Byzantis «le Byzantin,» paraît
deux fois la semaine en grand formai; donne un bulletin les
lundis , jeudis et vendredis.
2. Armonia «l'Harmonie,» paraît deux fois la semaine,
i" -année; rédigé dans un esprit conservateur.
3. A natolicos aster viVYiioWe orientale,» paraît trois fois la
semaine.
Journaux bulgares. — i. Cevietniknle Conseiller, » fondé
en i863, paraît une fois la semaine. Rédacteur : M Bour-
noff, exétudiant en théologie au séminaire de Kiefl'. Ce jour-
nal est l'organe des Bulgares dits indépendants , qui luttent
actuellement contre le patriarcat grec.
2. Gaïda «la Musette, » i'* année; sorte de Charivari, pa-
raissant tous les quinze jours; rédacteur : M. Sloveikoz^
Journaux TURCOARMÉNiENS, rédigés en langue turque avec
lettres arméniennes. — i. Medjmouaï-havâdis «Recueil de
nouvelles,» journal catholique, rédigé par Vartan - Pacha ,
paraît une fois la semaine , en grand format , et donne en outre
deux bulletins.
Haqyqa «le Soleil de la vérité,» suivi lui-même d'une
réplique non moins remarquable de M. Pfander, intitulée
Râfi-elchébéliut « le Dissipateur des doutes. »
2. Varaqaï-havâdis «Feuille des nouvelles,» paraît une
fois la semaine; organe des Arméniens protestants.
' Le Journal de Conslantinople annonce ia publication prochaine d'un jour-
nal persan intitulé Turkistân «la Turquie.»
^ Le même Joarnal de Conslantinople annonce encore la publication pro-
chaine d'un autre journal bulgare , sous ce titre : La Turquie.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 173
Journaux arméniens. — i . Macis « TArarat , » fondé en
i852, organe semi officiel du patriarcat grec-uni, donne-
par semaine , une feuille grand format et trois bulletins.
2. Avedaper uQui porte la bonne nouvelle,» fondé en
i855, organe des Arméniens protestants, paraît une fois
tous les quinze jours.
3. Yérévang «le Saturne,» fondé en 1867, journal con-
servateur, partisan de l'union avec Rome, paraît une fois la
semaine.
II. Ser «l'Amour,» fondé en 1867 , journal libéral mo-
déré, imbu de protestantisme, paraît tous les dix jours.
5. Méghoii «l'Abeille,» fondé en ï858, paraît une fois la
semaine.
6. Jamanag «le Temps,» fondé en janvier i863, paraît
tous les quinze jours.
7. Tzaïn yngherassian « la Voix de l'amour fraternel, » fondé
en novembre 1 863 , paraît tous les quinze jours. Ces trois
derniers journaux représentent des idées d'un ordre très-
avancé.
Journal Israélite. — Le Journal Israélite, écrit en ca-
ractères rabbiniques dans la langue espagnole altérée qui
est parlée par les diverses colonies israéliles du Levant,
compte trois années d'existence, paraît deux fois la semaine,
et se borne au récit des faits sans leur donner nulle couleur
spéciale.
Journaux français. — 1. Le Journal de Constautinople ,
fondé en i8/i5, paraît tous les jours, excepté le dimanche ,
sur grand format.
2. Le Courrier d'Orient, continuateur de la Presse d' Orient ,
compte aussi seize aïis d'existence; il paraît deux fois la se-
maine sur grand format, et donne un bulletin pour les autres
jours.
Journal anglais. — Levant Herald, paraît une fois la se-
maine, sur grand format, et donne un bulletin quotidien.
PiEVUES. — 1. Medjrnoiiaï-fuTioun «Revue scientifique,»
en turc; 2' année, publiée par la Société scientifique ollo-
174 JANVIER-FEVRIER 1865.
mane (Djémi-éti-ilmaèi-osmâniiè) , paraît une fois par mois.
Uédacleur en chef: Munif-Ëfendi \
2. Medjmouaï-iber-intibâh ï Recueil d'exemples éveillanl
l'attention,» en turc; publiée par la Société littéraire ( D/"e-
mièti-kitâbet); le premier numéro a paru en redjeb 1279
(février i863); rédacteur en chef : Chinaci-Efendi. Cette
revue, comme la précédente, paraît une fois par mois, et
contient des articles sur les lettres, les sciences, etc. elle
joint de plus un texte des planches explicatives, dans le
genre de YIUiistratioTi.
3. Medjmouaï-askérïe a Revue mililaire;» en turc; recueil
d'articles relatifs aux sciences militaires et à l'instruction de
l'armée.
4. Zornitza 0 l'Etoile du matin,» en bulgare, fondée en
i863, et rédigée par les ministres protestants, paraît une
fois par mois.
5. Gazette médicale d'Orient, en français, 8^ année, pu-
bliée par la Société impériale ottomane de médecine à Cons-
lantinople , fondée elle-même à la lin de la guerre de Crimée.
BÉCAPITDLATION :
Journaux turcs 5
Journal arabe 1
— turco-grec 1
Journaux grecs 3
— bulgares 2
— turco-arméniens 2
— arméniens 7
Journal israélile 1
Journaux français '. 2
Journal anglais 1
' Cette société possède une bibliothèque qui est ouverte aux lecteurs trois
lois la semaine, et elle fait des cours publics où elle enseigne l'économie
politique, la langue, l'écriture et la composition françaises, l'aritlimétique,
les langues turrpie, anglaise, ilalientte el grecque.
NOUVELLES ET MELANGES. 175
Report 2 5
Revues turques 3
Revue bulgare i
Revue médicale i
3o
NOTICE SUR I A VIE ET LES TRAVAUX DE M. X. BTANCHI.
Dans le rapport lu à la séance générale de cette année,
M. Mobl, se faisant l'interprète des regrets inspirés par la
mort de M. Bianchi , a apprécié en termes sympathiques le ca-
ractère spécial de ses travaux et les soins qu'il a donnés, pen-
dant tant d'années, aux détails administratifs de notre société.
Qu'il me soit permis de rendre, à mon tour, un dernier
hommage à la mémoire d'un maître vénéré, et de retracer
dans cette courte notice sa vie entièrement vouée à l'élude,
et l'influence que, par une voie détournée mais sûre, ce la-
borieux orientaliste a exercée sur l'échange de nos conniiu-
nications avec le monde musulman et le développement de
nos connaissances philologiques.
Thomas-Xavier Bianchi, né à Paris le 25 juin 1783, ap-
partenait à une famille dont le nom a marqué à la fois dans
les sciences et la carrière des armes. Son père , physicien dis-
tingué, fut l'auteur de plusieurs découvertes remarquables
qui lui valurent la faveur de l'impératrice d'Autriche Marie-
Thérèse. Le fils aine de ce savant devint feld-maréchal et
déploya, au service d'une cause peu favorisée de la fortune,
des talents et une fermeté qui ont assuré à son nom une
place honorable dans les fastes militaires du commencement
de ce siècle.
Xavier Bianchi, son frère d'un autre lit, fut appelé à des
destinées moins brillantes, mais dont la trace sera peut-être
plus durable. Né d'une mère française, il obtint des lettres
176 JANVIER-FEVRIER 1865.
de grande naturalisation , et fit ses classes à l'école centrale de
Fontainebleau, Ses éludes terminées, il devint un des audi-
teurs les plus assidus de S. de Sacy et de Jaubert, et ne larda
pas à être admis à l'école des Jeunes de langues de Constan-
linople , en qualité d'élève interprète.
Une réforme importante s'était introduite dans le drogma-
nal français. Les barrières que le fanatisme et l'ignorance
avaient élevées , depuis plus de trois siècles , entre l'Europe et
l'empire ottoman, résistaient faiblement aux eflbrts de notre
politique, secondée par tant de succès mih'taires. Les hu-
miliations subies autrefois par le représentant du grand roi
n étaient plus à craindre, et la France, un instant soupçonnée,
pendant l'expédition d'Egypte, avait repris, auprès des sul-
tans, le rang et la prépondérance dont François I" avait jeté
les bases. Ce progrès était dû, en partie, à la réorganisation
du personnel de l'ambassade. On avait appris , par de doulou-
reuses expériences, à connaître et à redouter les Grecs of-
frant leurs services, les Arméniens tremblant devant le sour-
cil irrité d'un grand vizir, les interprètes rnjas trafiquant du
bérat. Aussi, depuis quelques années déjà, les fonctions im-
portantes du drogmanat étaient-elles confiées à des Français,
L'école où ils se préparaient à cette carrière était placée à
Conslaiitinople même, sous l'habile direction de M. Ducaur-
loy , dont les recherches sur la législation hanéfite n'ont pas
été oubliées des lecteurs de ce journal. Tout en étant soumis
à une règle commune, les jeunes interprètes avaient la fa-
culté de circuler librement dans la ville turque, et pouvaient
ainsi compléter, par leurs rapports journaliers avec la popu-
lation , les leçons que leur donnaient, dans les jardins du
Palais de France, quelques efendis instruits. Plusieurshommes
d'un mérite réel, formés par cet enseignement, contribuèrent
par leurs talents aux succès de la diplomatie française au Le-
vant, et ils auraient sans doute pris une part brillante aux
progrès de l'érudition , si la vie des affaires n'avait absorbé
leur dévouement et leur activité. M. Bianchi, sorti de leurs
rangs, pressentit les services qu'il pourrait rendre un jour,
NOUVELLES ET MELANGES. 177
et s'y prépara par une étude persévérante de la langue, des
mœurs et des institutions de l'empire ottoman.
Rnvoyé à Smyrne en 181 », il y remplit les fonctions de
deuxième, puis de premier drogman du consulat général, et
se signala par sa généreuse conduite durant riiorrible peste
qui ravagea celte ville en 1812. Quatre ans plus lard, il fut
appelé à Paris, nommé adjoint aux secrétaires-interprètes du
roi pour les langues orientales, et chargé de la conduite de deux
ambassadeurs envoyés parla cour de Téhéran à Louis XVITL
En 1829, lorsque éclatèrent les signes avant-coureurs de
l'orage qui allait jeter une armée française sur le rivage
d'Alger, M. Bianchi, devenu secrétaire-interprète en litre, eul
à remplir auprès du Dey une mission pleine de difficultés ,
sinon de périls, et dont il nous a retracé les principaux inci-
dents dans une intéressante relation.
Ces interruptions nécessitées par les devoirs de sa charge
furent les seules qui vinrent détourner un moment M. Bian-
chi de ses études favorites. Pendant vingt-six ans, c'est-à-
dire jusqu'en 18/42 , époque où il fut mis à la retraite, il par-
tagea toujours son temps entre la composition de ses ouvrages
lexicographiques et l'enseignement du turc, à l'école dile
des Jeunes de langues de Paris, au collège Louis-le-Grand. On
sait que cet établissement fondé par Colbert et connu long-
temps sous le nom de Co//e^e des Arméniens, en souvenir des
premiers élèves qui y furent envoyés, est destiné à fournir aux
services diplomatiques et consulaires tout un personnel de
drogmans et de chanceliers. Ce n'est pas ici que nous pou-
vons examiner si son ancienne organisation répond aux exi-
gences du présent, ni rechercher ce qu'il aurait à gagner au
contact de l'enseignement libre. Un sentiment personnel
de déférence et les bornes de cette notice nous interdisent
toute discussion. Mais en faisant des vœux pour qu'elle soit
étudiée en temps opportun, nous sommes heureux de re-
connaître que, grâce à la coopération de MM. les secrétaires-
interprètes et à la mesure libérale qui en a ouvert les portes
à quelques externes privilégiés, cetle école a souvent donné
178 JANVIEK-FÉVRIER 1865.
des résultats sa lis faisants. M. Bianclii y fut chargé du cours
de turc, jusqu'à l'époque où une combinaison, à laquelle
on aurait souhaité qu'un de ses condisciples restai étranger,
lui créa des loisirs qu'il n'avait pas sollicités. Mûri par ce
long professorat, et en connaissant mieux que personne les
besoins, il publia, à partir de i83i , la série de travaux lexi-
cograpbiques qui ont fondé sa réputation, et ne cessa de les
perfectionner jusqu'au terme de sa vie.
Il est à peine nécessaire de rappeler les notices si exactes
dont il a enrichi notre journal. On sait que l'imprimerie lut
introduite en Egypte par Mohatnmed-Aly , vers 1822. Deux
listes des premiers livres sortis des presses égyptiennes avaient
été données par Hammer et, plus tard, par M. Reinaud. En
1 8/43, M. Bianchi , mettant à profit ces matériaux , livra au pu-
blic le catalogue de 2 5o volumes se composant, soit de tra-
ductions d'ouvrages français relatifs aux sciences , soit des
œuvres lilléraires auxquelles les musulmans attachent le
plus de prix. En 1869 , il lit paraître une suite à ce premier
article, sous le titre de Bibliographie ottomane, en s'aidant,
pour les publications les plus récentes, des renseignements
iournispar le Djeridè-ï-havadis ,iourn[{[ turc dont l'apparition
datn de i843. Ce second catalogue, qui contient le titre com-
plet de chaque ouvrage, le prix de vente, et souvent une
mention développée des sujets qui y sont traités, s'étend jus-
qu'à l'année 1860. Attentif aux moindres innovations adop-
tées par le gouvernement ottoman, M. Bianchi nous fit le
premier connaître, dans une notice détaillée, l'essai d'an-
nuaire publié à Constantinople en 18^7, sur le modèle des
recueils de ce genre répandus en Europe. Ce travail, malgré
Tinévitable sécheresse de la forme, avait le mérite de nous
initier aux réformes introduites dans la hiérarchie des pou-
voirs, d'en préciser les titres et les fonctions, enfin de conti-
nuer jusqu'à nos jours les précieuses indications dues à
C. D'Ohsson et à Hammer, sur les branches les plus impor-
tantes des services publics. Une deuxième notice, conçue dans
le même esprit, parut également dans le Sommai asiatique^
NOUVELLES ET MELANGES. 179
en i85i. M. Blanchi publia encore, soit dans ce journal, soil
dans d'antres recueils \ la traduction de plusieurs documents
émanant de la Porte, et dans le tome II du journal de la
Société de géographie, la traduction d'un petit traité en lan-
gue turque sur l'itinéraire de Constanlinople à la Mecque et
les rites du pèlerinage (Paris, 1826, in-A"). Mais c'est sur-
tout par la publication de ses trois ouvrages lexicogra-
phiques, œuvre de sa vie entière, qu'il a bien mérité des
lettres orientales. Le grand dictionnaire trilingue deMéninski
et son Onomasticon resteront longtemps encore l'auxiliaire
indispensable des travaux littéraires ; mais leur richesse même
est un embarras pour les commençants, un hors-d'œuvre
pour ceux qui ne demandent à l'étiide du turc qu'un but
pratique et immédiat. Excellents pour la lecture simultanée
des trois principales langues musulmanes, ces quatre vo-
lumes in-folio ne peuvent qu'effrayer, par leur formidable
appareil , les voyageurs , les négociants , tous ceux , en un mot ,
qui recherchent la connaissance rapide de la langue vivante
et populaire. C'est pour combler celte lacune que M. Bian-
chi fit paraître, en i83i, un vocabulaire français-turc, quel-
ques années plus lard, le Dictionnaire turc-français (j835,
deux volumes in-8''), avec le secours des matériaux réunis
par M. Kiefferet revus par M. BuHin, et, en dernier lieu, le
Dictionnaire français-turc ( i838, 2 vol. in-8°) , qui n'est que
le complément du vocabulaire de i83i.
Dans une langue qui s'est emparée des trésors de l'arabe
et du persan, et où chaque écrivain peut puiser à sa guise
dans l'un et l'autre idiome, la principale difficulté consistait
à faire un choix judicieux, de façon à présenter le répertoire
complet de la langue usuelle, et en même lemps de faciliter
l'intelligence des pièces officielles et des monuments litté-
raires. Notre confrère s'acquitta avec boniieur de cette lâche
' Outre les travaux cnumérés ici , M. Blanchi a laissé en manuscrit une
grammaire turque, à laquelle il travaillait depuis longtemps (voyez Jour-
nal asiatique , 2* série, t. XI , p. 100) et de nombreuses notes en vue de la
réimpression de ses dictionnaires.
180 JANVIER-FEVRIEH 1865.
délicate. Pour les lermes employés surtout dans le style re-
levé, il consulta avec fruit l'œuvre de son devancier et le
Lehdjet-ul-loughat , dictionnaire fort estimé en Turquie. Grâce
à une lecture assidue des journaux turcs et à une active cor-
respondance, il put ajouter à ce fonds commun une foule
d'idiotismes , de mots techniques et de locutions nouvelles
que les réformes de sultan Mahmoud avaient contribué à
répandre dans toutes les classes.
Le Dictionnaire français-turc elle Guide de la conversation,
qui en est le corollaire et l'application , quoique conçus Fun
et l'autre sur le même plan et rédigés avec le même soin ,
offraient cependant des difficultés d'exécution dont l'auteur
a fait Taveu sincère. « Ce ne sera , dil-\\ [Dictionnaire français-
turc, 2" édit. Préface, p. à), que lorsque les progrès des ré-
formes en Turquie auront mis la nation et la langue des Ot-
tomans dans des rapports plus intimes avec la civilisation du
reste de l'Europe, que la science pourra s'enrichir d'un dic-
tionnaire des deux langues véritablement perfectionné. Jus-
qu'à présent, il est encore un grand nombre de termes de
notre langue que les lexicographes, malgré tous leurs efforts,
n'ont pu rendre en turc, et même en arabe, que par des
équivalents hasardés , ou des mots d'une traduction plus ou
moins exacte. »
Quelques imperfections de détail, d'ailleurs inévitables,
ne pouvaient nuire au mérite de ces deux ouvrages \ surtout
parmi les Ottomans, auxquels ils étaient également destinés;
aussi ont-ils fait fortune dans les écoles de Constantinople,
et il est juste de reconnaître qu'ils ont notablement contri-
bué à y répandre la pratique de notre langue et le goût de
nos chefs d'oeuvre littéraires. Plein de foi dans l'avenir de la
Turquie et persuadé que les idées modernes pouvaient seules
en arrêter la décadence, M. Bianchi fut constamment sou-
' La a*" édition revue et augmentée du Dictionnaire turc-français a paru
en i85o, celle du dictionnaire français-turc, en 18/16, Le Guide de la con-
versation a été réimprimé, avoc quelques morceaux nouveaux, en i85a.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 181
tenu, dans ses pénibles travaux, par ces considérations d'un
ordre élevé, que nous lui avons souvent entendu exprimer
avec une touchante conviction. Si jamais ces généreuses es-
pérances se réalisent, et tel doit être le vœu de tous ceux
qui ont fait de l'Orient l'objet de leurs études, ce sera l'hon-
neur de sa mémoire de les avoir proclamées un des pre-
miers, et d'avoir travaillé avec une application constante à
leur prompt accomplissement.
Durant le cours de sa longue existence et jusqu'à l'ex-
trême vieillesse dont il ne connut jamais les infirmités,
M. Blanchi trouva, dans la tendresse dévouée d'une épouse
et d'une fille chéries et dans le recueillement de ses travaux
de prédilection , l'oubli ou du moins une douce compensa-
tion aux mécomptes qu'il n'est au pouvoir de personne d'évi-
ter. Il avait suppléé , pendant deux ans , M. Jaubert à la chaire
de turc de l'École spéciale des langues orientales vivantes.
A la fin de l'année dernière, cette chaire étant devenue va-
cante par la mort de M. Dubeux, le vénérable doyen de la
littérature ottomane en France fut présenté en première ligne
par les professeurs de l'Ecole et par l'Académie des inscrip-
tions. Si son âge avancé ne lui permit pas de se charger
d'un enseignement qu'il avait plus que personne contribué
à fortifier, l'unanimité de suffrages spontanément offerts et
la récompense littéraire que lui décerna M. le ministre de
l'instruction publique lui prouvèrent que ses longs services
étaient reconnus, et la supériorité de ses litres dignement
appréciée.
M. Blanchi s'est éteint, le 1 4 avril dernier, après une courte
maladie , laissant derrière lui le souvenir d'une vie noblement
remplie et des titres à la gratitude du monde savant. C'était
un homme d'une nature sincère et loyale, d'un commerce
sûr, inflexible dans le devoir, étranger à l'intrigue, et ca-
chant sous des dehors un peu froids une bonté et un dévoue-
ment à toute épreuve.
Puissent ses nombreux élèves , nos chers condisciples , au-
jourd'hui investis de fonctions importantes en Orient, s'ins-
182 JANVIER FEVRIER 1865.
pirer de son exemple, comme jadis de ses leçons, el ne ja-
mais perdre de vue qu'au-dessus des intérêts passagers de
]a diplomatie et de la représentation, planent ceux de la
science, mise au service de la civilisation et du progrès intel-
lectuel !
C. Barbier de Meynard.
La Femme dans l'Inde antique, éludes morales et littéraires,
par M"° Clarisse Bader. Paris, i864, in-S" (578 pages).
L'auteur de ce volume est une personne très-lettrée , qui ,
toute jeune, a conçu l'idée d'un ouvrage très-étendu sur le
rôle de la femme dans la société primitive-, elle se propose
de l'étudier chez tous les peuples orientaux qui ont produit
des littératures suffisantes pour son but, dans la Chine, en
Palestine, en Egypte, en Arménie et dans l'Inde. Elle nous
donne aujourd'hui sa première élude , qui traite de la posi-
tion des femmes dans l'Inde, depuis l'époque des Védas jus-
qu'au siècle de Kalidasa. Le volume est divisé en deux parties ,
dont la première traite de la position de la femme dans l'Inde ,
dans les différentes phases de sa vie, d'abord de sa position
légale et religieuse , de son rôle comme jeune fdle et fiancée,
enfm, de sa position comme épouse, mère et veuve. Dans la
seconde partie, l'auteur fait abstraction de ces différents états
de la vie de la femme, et elle considère son rôle dans les
époques successives de l'histoire indienne, d'abord dans les
temps légendaires, puis dans les temps héroïques, enfin dans
le temps de Vikramaditya. Elle choisit pour cela dans les Pou-
ranas, dans les poëmes épiques et dans les drames, tantôt
les morceaux de doctrine, tantôt les récils les plus propres
à montrer la position des femmes à ces époques successives,
cl le mouvement des idées el des mœur.s qui y introduit des
NOUVELLES ET MELANGES. 183
changements graduels. Elle termine son élude par le tableau
de la cour de Vikramaditya , son plan la dispensant de suivre
le sujet dans les temps plus modernes et de peindre la di-
minution fatale du rôle de la femme dans l'Inde, surtout par
l'influence des idées des musulmans. Elle n'espère un retour
vers le mieux que par l'influence du christianisme, et il y a
eff'ectivement aujourd'hui un certain mouvement dans l'in-
térieur de la société indigène qui se manifeste par des efforts
pour donner aux femmes une meilleure éducation. Ce sont
surtout les Zoroastriens qui favorisent cette tendance. C'est
un commencement encore faible; mais il faut espérer qu'il
s'accélérera et qu'il finira par pénétrer cette immense masse
inerte de la population indienne, surtout les classes riches,
qui auraient tout à y gagner. On voit poindre quelques in-
dices très-favorables à cet espoir. C'est ainsi qu'il s'est tenu ,
au commencement de l'année courante, à Calcutta, une
séance publique d'une Société pour l'éducation des filles,
dans laquelle plusieurs grands personnages hindous, des
familles les plus anciennes et les plus respectées du Bengale
etd'Oude, ont déclaré qu'ils étaient convaincus de la néces-
sité de donner une meilleure éducation aux filles et qu'ils al-
laient établir immédiatement chez eux des écoles dans ce
but. Si ce mouvement se soutient, il inaugurera la plus
grande conquête que la civilisation européenne aura encore
faite en Orient, et qui sera entièrement due aux efl'orts des
femmes des missionnaires protestants. Ces dames ont tra-
vaillé à cela depuis cinquante ans, avec un courage et un
désintéressement admirables , que ni les fatigues ni l'im-
possibilité apparente de la réussite n'ont jamais pu lasser.
Mademoiselle Bader a choisi pour objet de ses études une
matière vaste et importante, dont une femme seule peut "'%_
s'occuper avec l'intelligence intime du sujet et avec l'intérêt
qu'il mérite. Elle a traité son sujet avec soin et avec un es-
prit délicat, en se servant de tous les documents littéraires
qui sont aujourd'hui accessibles sur les époques dont elle
parle. H est probable que la publication plus complète des
184 JANVIER-FEVRIER 1865.
anciens ouvrages de droit hindou lui fournira un jour des
matériaux plus amples se rapportant au côté légal de la
question, et pourra donner lieu à un supplément à ce tra-
vail. — J. M.
Tue Sirerian Ovehiand Route fiiom Peking to Petersbvrg,
by A. MiCHiE. Londres, i864, in-8° (A02 pages, avec une carte
et bemicoup de gravures sur bois).
M. Michie paraît être un négociant de Shanghaï, qui, pour
éviter l'ennui du retour par mer, a préféré aller par terre à
Péking, ensuite, avec des chameliers mongols, à Kiachta, et
(le là, par la poste russe, à Saint-Pétersbourg. Cette route
avait déjà été faite par d'autres Européens, même par des
dames, et M. Michie a exécuté son plan sans beaucoup de
difficultés, mais avec des fatigues considérables. Son récit
ajoute quelque chose à nos connaissances de la Mongolie et
de ses habitants; mais M. Michie n'était pas assez préparé
pour pouvoir faire, dans le temps fort court qu'il a passé en
route, beaucoup d'observations neuves ou importantes. Son
livre raconte très-simplement ses aventures journalières, et se
lit agréablement. Il a ajouté au récit de son voyage quelques
chapitres sur l'histoire des Mongols; mais ils ne contiennent
rien de nouveau, et sont pris dans des livres fort connus.
— J. M.
JOURNAL ASIATIQUE
MARS-AVRIL 1865.
SUR LES NOMS DES CÉRÉALES
CHEZ LES ANCIENS,
ET EN PARTICULIER CHEZ LES ARABES,
PAR J. J. CLÉMENT-MULLET.
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES.
Nous présentons ici un simple essai de synonymie, car
notre intention n'est point de discuter longuement l'origine
et l'étymologie des noms des céréales, ni de suivre leurs
variations dans les langues sémitiques ou indo -germaniques.
Notre travail a un but plus spécial, c'est de chercher les es-
pèces aujourd'hui cultivées auxquelles on peut rapporter
chaque nom arabe en le rapprochant des noms grecs et la-
tins auxquels il peut se rattacher. Il y a dans ce travail deux
genres de difficultés. La première lient à l'insuffisance des
descriptions que nous ont laissées les auteurs; la seconde,
à la confusion qui règne dans ces mêmes descriptions et dans
l'application des noms à des genres différents. Ainsi prenons
l'épeautre, spelta DDDD. Ce mot est, comme nous le verrons,
rendu dans les versions arabes de trois manières différentes.
En arabe, nous trouvons plusieurs mots qui peuvent être
appliqués aussi bien à un triliciim qu'à un hordeum.
Nous n'avons point la prétention de résoudre ces divers
problèmes de linguistique et de botanique ancienne, mais
v. i3
186 MARS-AVRIL 1805.
nous voulons présenler, dans le meilleur ordre possible, Ifs
passages des auteurs arabes, grecs et latins, qui ont rapport
aux différents points douleux. Nous faisons ressortir les diver-
gences et les analogies, en ajoutant les raisons qui nous
semblent pouvoir justifier l'opinion que nous avons émise.
Les deux bases de notre travail pour l'arabe sont Ibn Bei
thar, manuscrit de la Biblioth. imp. i023, ancien fonds, et
Ibn al-Awam, texte arabe de Banqueri, 2 vol. in-fol. Madrid,
i8o2, et noire traduction , Paris, i865.
Nous appelons souvent en aide Tbéopbrasle et Dioscorides
et sa traduction arabe, B. ï. Man. suppl. n° 1067 ; car ce sont
les deux autorités sur lesquelles on peut surlout s'appuyer
pour le grec. Quant au latin , nous avons les Rei rasticœ scrip-
tores et Pline le naturaliste. Voilà pour les textes. Parmi les
commentateurs principaux, nous avons donné la préférence
à Bodœas a Stopel, médecin à Amsterdam, qui a cnricbi
Théophrasle de noies savantes. Pour Pline, nous avons le
P. Hardouin et les noies savantes de M. Fée dans la traduc-
tion publiée par Panckoucke. M. Ernest Mayer et Sprongel
ont encore été utilement consultés *.
Nous avons aussi rapporté les noms sanscrits quand ils
nous ont semblé pouvoir jeler quelque lumière sur la ques-
tion. Nous nous sommes aidé, pour cetle partie, du savant
' Tlieophrasti Eresii de hist. plantarum hhri A, (jrœce et latine, etc.
cuni nous et commentarus ; item rariorum plantarum iconihns ilhislrarit
JoaUj Bodœus a Stopel, medic. Amstel. accès. J. C. Scalitjeri aniniad-
versiones et Roh. Cotistantini annot. cum indice locupL Amstel. ap.
Henric. Laurentium. In-fol. i6/i/i.
C. P'inii scciindi Hist. nai. lihri XXXVll , quos inteipret. et nous
illustr. Joun. Hardiiinus , jussu régis. 3 vol. in-fol. Parisiis, 1741.
Geschichte der Botanikstudien , von Ernst H. F. Meyer. 4 vol. in-8°.
Kônigsberg, i854.
Plusieurs fois aussi nous avons consulté les Observations sur les
cultures de lEgYpf^t par Bové, ex directeur des jardins d'Ibraliim
Pacha-, opuscule fort utile pour la culture et la noiTK'nrlatine.
(Paris, M""H.r/.ara, i835.)
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS, 187
ouvrage de M. Pictet sur Les Origines indo-européennes \ et
des conseils de M. Rodel, jeune savant Irès-versé dans les
idiomes de l'Inde.
GÉNÉRALITÉS.
Les anciens divisaient les plantes alimentaires,
o-ÏTOt, en deux classes principales. La première com-
prenait les plantes dont les graines pouvaient fournir
du pain, et la seconde, celles dont les graines n'en
fournissaient point. La première classe renfermait
donc les céréales, ^riyLriTpict, xapiro) yfruges , framenta.
La seconde renfermait les légumes, x^Spo-rrà, lega-
mina. Nous allons retrouver ces divisions, avec plus
ou moins de détails, dans Théophraste, dans Colu-
melle et dans Pline.
Le mot grec aÏToi paraît être l'équivalent de l'arabe
iCjUJdî vy^^ (Ibn Aw. II, /ly), graines alimentaires.
Galien étend le nom de Srjfxrfrpioi même aux légumes
[De aliment. 1), comme nous le verrons plus loin.
Telle était la classification générale des Grecs et des
Latins; passons aux détails.
Théophraste admet, pour les graines alimentaires,
TSsp) aiTov , deux divisions principales : i° Frumen-
tacea , ut triticum, hordeum, tipha et zea et relicjaa
(jaœ fritici, hordeive spécimen quodammodo (jerant :
Ta (xèv yoLp o-itcoSïj oïov 'usvpoi, npiBcà, Ti(patf ^sioù , Koi
aXXa, ofXQiÔTTvpa, rj ofxoioKpiOa. 2° Legumina, utfaba,
cicer, pisiim : toL Se ;^£^po7rà, olov xvaaosy épé^ivôos ,
^ Les Origines indo-européennes , ou les Arjas primitifs; essai de pa-
léontologie linguistique, pav Ad. Pictet, 2 vol, in-8°. Genève, J. Cher-
buliez, 1859.
i3.
188 MARS-AVRIL 1865.
Tsiaôs. Adde tertium genus , milium, sesamum , et ad
summum cjuœ in œstivis sementihus, communi careant
appellatione : Tphov Se -crapà avrà xéyy^pos, fkvfioSf
(Tvja-ayiov , K. t. X. [Hist plant. VIll, i .)
Nous trouvons cette division en frumenta et legu-
mina dans Pline (XVIII, ix). On la rencontre aussi
dune manière générale dans Varron et dans Colu-
melle. Nous nous occuperons ici des frumenta , lais-
sant de côté les legumina.
Frumentum, atioç ou o-itojSïi de Théophraste, est
donc un nom générique qui ne doit point se tra-
duire en français ^ar froment, mais par blé, comme
Ta déjà fait observer le traducteur de Pline (not. 7 1 ,
ad loc. cit.). Le mot crhos correspond au mot sans-
crit Ht^, Sfter sîtja, cîtya «grains, blé, » pris dans
un sens général. On en peut dire autant du mot
grain qui, chez nous, est, dans le langage usuel, pris
pour le froment, quand il n'est point accompagné
d'un autre mot déterminatif, ainsi on dira : du beau
grain, pour : du beau blé. L'expression menas grains
s'applique à l'orge, à l'avoine, etc.
Pline comprenait dans les frumenia le triticum, le
far, ïhordeum, auxquels il rattache le milium, pani-
cum, sesama, horminum , irio (XVIII, x); mais il dit
plus loin (ibid. xix) que les genres de blé ne sont
point partout les mêmes, et que lorsqu'il y a identité
dans les mêmes espèces, les noms diffèrent: Fra-
menti gênera non eadem abicjue : nec ubi eadem sunt,
iisdem nominibus. Golumelle admettait aussi la même
classification, car il veut qu'on place le panicum et
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 189
le miliam parmi les framenta (II, ix, xvii). Pour
Varron,Je blé est la plante dont le chaume produit
un épi : In segetibas frumentoram , qiiod calmas extalit,
spica. (Var. I, xlviii, i ^)
Nous retrouvons à peu près la même classifica-
tion dans l'hébreu. Ainsi |3i, qui se prend pour
framentum ou blé, est encore le nom générique des
espèces végétales qui peuvent fournir du pain. On
comprend dans cette classe les cinq espèces sui-
vantes : nr2n,nDDD, mi:?::^, bvwrh^:!^, ps^, TrL
ticum, spelta, hordeam, avena, secale^. Ainsi pi se-
rait, comme on le voit dans Gesenius, l'équivalent
de ahos et deframentam, et il s'appliquerait aux
graines qui naissent des épis , fragibas terrœ qaœ ex
aristis nascantar, ou, en d'autres termes , aux plantes
qui poussent en épis. Ceci rappelle la définition de
Varron; car, dans le lexique cité, arista est pris
comme synonyme de spica.
Ce que nous nous proposons d'étudier ici plus
spécialement, ce sont les noms divers du froment,
de lépeautre, de l'orge, du seigle, de l'avoine, des
miliacées et du riz.
^ Nous admettons la variante indiquée dans l'édition in-4° de
Casp. Fritscb , Lips. 17.35, qui est celle que nous citons toujours.
Vient à la suite du même passage la composition d'un épi complet
*yoUJ' fX^XAu spica non mutila, comme le produisent le froment
et l'orge. Les parties sont (jranum, jU:^; gluma, jtSvXc; arista, «la
barbe», ycû. Ainsi l'épi produit par le miliam et le panicum au-
raient été incomplets. (Var. I , xlviii, 1 .)
^ Les trois premiers noms seuls sont mentionnés dans la Bible,
les deux autres sont lalmudiques.
190 MARS-AVRIL 1865.
LE FROMENT.
Le froment, triiicam sativum Linn. *iaAi»- , hinta,
qui a pour synonyme ^ borr, et ^5 cjamah. On trouve
ces trois noms employés indistinctement dans les di-
verses citations faites par Ibn al-Awam, quelle qu'en
soit l'origine, et lui-même en fait également usage
dans son propre texte. Ces trois mots se rencontrent
également pour le mot Tsvpos dans la version arabe
de Dioscorides. (II, cvii ^. Suppl. ar. B. I. 1067.)
Suivant Gesenius, »hXs>^ viendrait de l'arabe laÀs^,
rubuit, h cause de la couleur rousse, ou peut-être,
suivant d'autres, il dériverait de la même racine
prise dans le sens de condire, quod sît framentam
quasi conditam; mais nous, qui voyons dans le mot
arabe l'hébreu npi;», nous préférons l'opinion qui le
fait dériver de îD:n, edidit , protiiUt, à cause de la
grande production du froment, en quelque sorte
((la plante qui pullule.» Par l'usage, le noan s'est
perdu dans l'hébreu, tandis qu'il s'est conservé en
arabe. Le nom , au pluriel a^îon , se prend plus spé-
cialement pour les grains de froment.
M. Pictet (I, p. 2 63) critique cette étymologie.
Il veut que le nom sémitique du froment soit d'ori-
gine iranienne. En persan, dit- il, cKid, ch'ayd,
ch'mvid, chid (<XAi». khid'^), désigne le blé en herbe;
' Le nom sanscrit du iVomeat est îrtyiT godkùma; rAmarakocha
donne également ÇTipq- samana, qui paraît désigner une variété par-
ticulière.
^ Nous conservons la transcription de M. Pictet.
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 191
mais M. Pictet croit y voir un ancien nom du fro-
nnent identique à çvada hypothétique. Or, de chid
[khid) , on arriverait facilement au n^n,chitah hébreu.
Cette opinion, sans doute, peut être soutenue, mais
nous ne la partageons pas.
Le mot arabe, comme chez nous le mol froment,
se prend, dans l'usage, aussi bien pour le grain que
pour la plante elle-mêrne.
Le mol j^, borr (plur. ji^jî) , a aussi son équiva-
lent dans l'hébreu nn, bar; mais, suivant les lexico-
graphes Castel et Gesenius, il faudrait par ce mot
entendre le blé nettoyé, vanné et disposé pour être
conservé dans le grenier. En effet, le mot radical
"ns signifie panifier, monder^; c'est donc comme si
on disent a froment purifié , nettoyé » , 1D ntûn , cKitah
bar. Le substantif a disparu et le qualificatif a pris
sa place et l'a fait oublier, comme on en a de fré-
quents exemples^.
Qamah, ffi , parait aussi venir de nDp, employé
chez les Hébreux dans le sens de farine. Nous avons
vu qu'on trouvait ces trois noms dans la version de
Dioscorides, au mot ^vpôs; on les trouve aussi dans
le Dictionnaire français-arabe de M. Caussin de Per-
ceval. Marcel , dans son Dictionnaire arabe algérien,
et Bové, dans sa Notice sur les cultures d' Egypte , se
' Voy. Gesenius, Thésaurus phdologicus et criticasUiiguœ hehrœee et
chaldaicœ Vcteris Testamenti. Castel. Lexic. Iiept. verb. ÎOTI et 12'
* Nous retrouverons plus loin le mot o, à l'occasion du latin
far.
192 MARS-AVRIL 1865.
servent seulement du mot ^O»; on le trouve encore
généralement employé dans les calendriers arabes.
Ces variations, dans la signification des noms et
leur application , se trouvent aussi dans le grec. Ainsi,
Link fait observer [Monde prim. II, 32 5) que les
grammairiens et les savants se servaient du mot'cri/-
p6s pour indiquer le triticam, tandis que les géopo-
niques emploient toujours le mot aÏTOs. Les Sep-
tante ont employé le mot Tsupos une fois, et œïtos
cinq fois, suivant la remarque de Gesenius(voy. nîon
Thés.). Comment traduire fjLsXi(ppova ^nvpov dans
Homère, dans ce vers de ïlliade (Vllï, v. i88)
où il est dit qu'Hector nourrissait ses chevaux de la
graine de ce nom? Doit-il être entendu du froment,
qu'on sait être nuisible aux chevaux? Le scholiaste
grec dit qu'il faut ici entendre xpiOfj , orge. Galien
élève du doute, et il interprète par Ti(pri, secale.
Sprengel semble se ranger à fopinion de Galien
(Hist. rei lierbA, 1 1 ). (Voy. Bodœus a Stopel , Not. ad
Tlieoph. Hist. plant. VIII, ix, 956.)
Nous ne voyons point qu Ibn al-Awam ait cité les
variétés du froment autrement que par leur cou-
leur; il ne parle guère que du blé rouge, de celui
qui est d'un rouge pâle; enfin, la troisième espèce
serait brune (II, 22, texte et trad.). Avicenne est
très explicite ; il distingue trois nuances principales :
le blanc, le rouge et le noir. (A vie. I, 176.)
Bové dit que, sous les noms de (^*Xa^«-o ^i et
de fsj^ ^, (( blé du Sayd ou du sud, et blé marin
ou du nord, > on cultive on Egypte plusieurs sous-
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 193
variétés, qu'on distingue d'après leur forme et leur
couleur. [Cuit. Écjypt. lib.)
La grande Description de l'Egypte indique les es-
pèces ou variétés suivantes :
1° Triticum sativum, aristatum, vnlgare, ^— *,
2° Blé barbu à épis lisses, i^j^^ ^;
3" Blé à épis plus longs, J^?^ c^r^*-*^ ^ »
li' Blé rouge, ^Jr^i^I ^;
5° Blé à épis velus , j-**^ ^ ;
6° Blé à épis velus allongés, iubLw ^;
•7° Blé à épis très-gros;
8° Blé arabe, j^ ^.
Ces deux variétés se rapportent au triticum far-
gidum.
9° Blé pyramidal, ^^*i ^ (cf. Forskhal, Flor.
Mgypt. 26);
10° Blé à épis courts, (^yf^t^ ^J», blé hordéi-
forme qui, suivant Forskhal, serait une variété de
spelta (Flor. Mgypt. 26).
{Descript. Égypt. Recueil d'observations, t. II, in-
fol. Mémoire sur les plantes qui croissent en Egypte ,
par A. Ratfenaud et Delille.)
Par blé noir doit -on entendre un blé d'une qua-
lité inférieure, de couleur brune et foncée, ou le
sarrasin, qui porte aussi le nom de hlé noir, polygo-
nam fagopyram Linn.? Si nous prenons le Diction-
naire français -arabe de M. Caussin de Perceval,
nous nous prononcerons pour l'affirmative; car il
traduit sarrasin ou blé noir par ii^A« iLk»-. Le sar-
194 MARS-AVRIL 1805.
rasin passe pour être originaire d'Asie, d'où il a été
transporté en Afrique, puis introduit en Euiope par
les Maures ou Sarrasins; de là lui vient son nom de
blé sarrasin. [Die. H.nat Deterv.) Cependant, une rai-
son de douter, c'est que rien ne vient faire soupçonner
chez les auteurs arabes qu'il ait été cultivé chez eux.
Suivant Beckman, cité par Link, le sarrasin aurait
même été inconnu dans l'antiquité ( Monde primitif, TI ,
343). Faut-i! phjtôt appliquer cette dénomination
de blé noir au blé de Barbarie, dit triticum cineream
maximum J. B.? Le secale , qualifié par Pline de noir
et triste, nigriiia triste, donnant du pain de qualité
inférieure, pourrait attirer sur lui cette dénomina-
tion. Le mot grec (xsXdfnrvpos , qui est la traduction
grecque de triticum nigrum, est pris généralement
pour le melampyrum, arvense Linn. qui n'a aucun rap-
port avec le blé sarrasin , polygonum fagopyrum Linn ^
Ce dernier mot, (payonvpov, est mentionné par Bo-
daeus, dans ses commentaires sur Théophraste,
page /i2 I , pour exprimer une forme de graine; mais
il ne se rattache à aucune de nos céréales.
Link (t. II, 32 1, trad.) dit que rien ne prouve
^ Le fxeAafXTrupo? est nommé clans Théophraste [Hist. plant. VIII,
c.iv Schneid.ctv Bod.) au nombre des plantes nuisibles qui croissent
parmi le froment. Galion dit qu'il est du froment dégénéré : To fjLsXâfi-
TTvpov Kalovfievov èx (jLSiaSoXrjs (lèv xai aCro yivetai tôSv 'ZJvpwv. ( De
iiUm.Jaciilt. I, c.ip. ult.) Bodaîus dit qu'on le prend pour le tridcam
vaccinum, «blé de vache,» un des noms vulgaires du melampyrum
(un'ense h\nn. Sprengel partage cette opinion. Hist. rei herh.l, 96,
Mais Link croit que c'est plutôt ïa(jrostcma (jithacjo Linn. la nielle
des blés, jlLà:^ yS^X:. d'Ihn-al-Awain, II, 266. (Voy. Schneider,
Annot. ad Hist. plant. Theoph. Vlil, l. III, p. 667.;
NOM^ DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 195
que le nîon de la Bible, le iCkÂs«- des Arabes, soit
plutôt notre froment que notre épeautre. Nous n'ad-
mettons point ce doute. Nous voyons, sans hésita-
tion, dans ces deux mots, le trilicum sativwn in gé-
nère, le ^.^XaS^ des Persans [Lex. Samachshari) , et
Gastel [Lexic. heptagl. persic), qui cite encore les
deux variétés suivantes, J^-i-îjij:> -*XaS"(( froment
à longue barbe » , (j^ p*KÂ5\ froment de couleur
foncée, qui serait sans doute le froment noir arabe.
Il ne faut pas confondre cette locution avec j^5'
P*XaS", que nous verrons plus loin. Forskhal semble
venir en aide à l'opinion de Link, car il emploie,
pour le triticiim spella, les deux mots ^Oj et iCkÂj>-.
Ceci nous prouverait simplement que Forskhal a
tiré ses renseignements de personnes qui, sans doute,
confondaient les tritica et les speltœ sous un même
mot générique. Nous trouvons de même dans le
Dictionnaire français-arabe de M. Caussin de Perce-
val, Epeautre, ^J» ç.y, sans désignation spéciale;
mais de ces faits actuels on ne peut rien conclure
pour ou contre les agronomes arabes du moyen
âge.
L'ÉPEAUTRE, SPELTA ^
C'est particulièrement pour la fixation de la sy-
nonymie de l'épeautre et de ses congénères que se
présentent les plus grandes difficultés parlaconlra-
^ Suivant Saumaise , spella vient d'un mot grec moderne aTcéXrn
pris pour Çéa. Grœci recentiores ^éav in suis Lexicis intcrpretanlur
oTiéXiinv. (Salmas. De Homonymis hyles iatricœ, 68, c.)
196 MARS-AVRIL 1865.
diction des descriptions et la multiplicité des noms
par lesquels on a cru cette céréale indiquée , laquelle
souvent est confondue avec l'orge, comme nous le
verrons.
Nous comprenons particulièrement, sous le nom
à'épeautre, trois espèces : triticum spelta, triticum di-
coccum, triticum monococcum, l'épeautre ou le grand
épeautre, l'épeautre à deux rangées et celui à une
rangée, ou petit épeautre. Cette division est con-
forme à celle établie à l'école pratique du Jardin des
plantes dans les carrés affectés à la botanique.
M. Fée , dans ses notes sur Pline (XVIII , x), admet
implicitement cette division. En effet, il indique,
note io5, Yolyra, oXvpa, des Grecs, comme étant le
triticum spelta de Linné, et le zea, Çe/aou ^ea, com-
prendrait le triticum dicoccum et le triticum mono-
coccum comme l'indique du reste Dioscorides (II,
cxi). L'épeautre aurait été le far des Latins \ au-
jourd'hui encore il porte, dans le Frioul , le nom
de farra.
Un des caractères essentiels de fépeautre, c'est
que la glume reste adhérente au grain, à ce point
qu'il faut employer un moyen artificiel pour les sé-
parer, comme dans le riz. L'épeautre ne donnerait
qu'un pain de qualité médiocre, si dans la panifi-
cation on ne prenait des précautions particulières.
L'analogie qui se trouve d'une part entre la dis-
position de l'épi de l'épeautre et celle de certains
* Pline donne comme synonyme de far le uiol seincn. ( Voy. Pline ,
XVIII , LV : Farris nul semiiiis, quod frumenli çicinis ilu appcllumus.)
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 197
froments, et surtout de l'orge, a été anciennement
la cause de confusions et d'erreurs qu'il est aujour-
d'hui difficile de reconnaître et d'ëciaircir.
Dans l'arabe , le premier nom applicable à i'é-
peautre qui se présente, c'est ocUw, soult, qui, sui-
vant ce que dit Ibn ai-Awam dans sa préface I, 28,
tex. 1 -7, trad. est ce que les Nabathéens appellent \x^\
mais t. TI, p. 46, tex. et trad. il parle d'une espèce
d'orge cultivée dans le climat de la Babylonie , qu'on
nomme kolba, \jJé , qu'on dit être une orge sans en-
veloppe : i^ »>hXÂ ijyMS i AJÎ ^Ij-&JU^^-AJCCi AJÎ JUjj
^UJl (jâjo l.^x;w»>^ Hiaj^ii a^MJiJ] xk ^ UA£| ^J\
i^^j.J\ ^^-Ajui.Jî « Il a été dit que c'était l'orge sans en-
veloppe (nue), ayant la forme du froment pour le
grain avec un manque de consistance dans le corps,
de même que dans l'orge. Son épi est pareil à celui
de l'orge, sinon que celui-ci tire sur le foncé (litt. le
noir) plus que ce grain. Suivant d'autres, le kolba
ressemble au froment, et certaines personnes l'ap-
pellent orcje greccjue. » Avicenne , qui lit c:aJ-w , le
réunit dans un même article avec l'orge , et l'indique
aussi comme une orge nue, j^i*^ "^jjjt^ ^ ^y,
donnant un aliment moins nourrissant que le fro-
ment. (Av. I, 260.) On lit dans Ibn Beithar :
Xs>-\yA j^Aji!^ HSaXÂ (j)««jJi*ol^ ^.jUJ^ j ^X.*^ wyl5o g^.i»-s'
198 MARS-AVRIL 1865.
^-ia-Lil ^i>-jC A^x-ûl ((Le soalt est appelé par Galien
thahaqâ; c'est une espèce de froment qui lire sur
le roux; il est dur, compacte, plus petit que le fro-
ment, auquel il ressemble par sa nature. » (Ibn
Beithar, mss. 55, foi. 225 r°.)
Dans un autre passage, extrait d'ïbn Beithar, cité
par Banqueri I, page 23, note, on lit : y~^ c:^^.^
^LjJî j^xàJi lijj^MéXS^ k^S (( Le îowlt est une espèce
d'orge qu'on dépouille de toute sa glume (litté-
ral, son écorce), et le grain resté à nu est pareil au
froment. Cette céréale pousse en Perse. Elle est de
deux espèces; on la nomme al-fahah, qui signifie
orge nue. » D'après les diverses citations qui précè-
dent, le 50H/f serait l'orge nue, ^jmnocn'^/ioM, ou forge-
riz, zeocrithon, plutôt que fépeautre , le spelta. La
définition d'Ibn al-Awam conduirait à la première
opinion , puisque le grain en serait plus blanc que ce-
lui de l'orge , ce qui est un des caractères de l'orge-riz.
Parmi les noms qui peuvent se rapporter à un
spelta ou bien à un hordeuin, nous trouvons dans
Ibn al-Awam ahlas, qui est aussi Yiskâliah (jf*-^
iL^^M,)}] y^^ (IT, 26 , fm). Dans la préface du même
auteur, on lit : l-^Ji cj-^^-? ^^j'^^-^-^^ ^^ xJ^<A«^ii
S^-^yj:*- ^aIiaJJIj i^^ç^'S. aViskâliah est le hhondros;
je pense qu'il est appelé hoaschaki par les Naba-
théens.j) Dans le chapitre xix, art. iv, qui traite de
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 190
la culture du honschaki, nous trouvons que a parmi
les graines cultivées en Babylonie, il y en a une qui
est nommée par les Grecs khonàros , qui ressemble
au kolba, dont elle diffère en ce qu'elle est plus
grande, que sa couleur est celle du kolba; seulement
elle porte deux grains accouplés l'un à l'autre. » ^jyj
(^r:Ais-^^^ (^5VA.x&-. Ibn Beitbar dit que iskiliah est le
nom vulgiiire cVaJilas en Espagne ; c'est le zea de Dios-
corides. La version arabe traduit aussi zea par ahlas.
Ajoutons à ces définitions celles du rpayo? par Dios-
corides (II, cxv) , traduite littéralement par Ibn Bei-
tbar : VL?"!^ (j^ (:5?rÀÂAaJi J^l^ -î^a-w AkX^i fjt^AS-]^^
ij~* A_Ai Le; l^JL* \*SS' J^î y^^ (jft. fcj 4>sJvui- IaJ JUù <^i
JI -Lka-4-j^i j-A*.^ dlJ*xJ^ aIU^JJ «;^(( Le ^m^/ii5 ,
pour la forme, ressemble à ces deux espèces de
graines nommées chondros; mais il est moins nour-
rissant, à cause de la quantité de son qu'il contient,
ce qui fait qu'il est difficile à digérer, etc.» (V. Ibn
Aw.I, 2 3, not. Banq.) Nous avons traduit hoaschaki
par triticam àicocciim, en nous rapprocbant du texte
grec, qui présente quelques variantes. Le chondros
est, suivant Avicenne, i^^; i<kJL> (I, 278).
Un nom qui vient encore parmi ceux qu'on peut
rattacher au spelta, c'est le mot o^aâS", écrit en
marge de oXvpa. dans la version arabe de Diosco-
rides. Ibn Beitbar en parle comme d'une espèce de
200 MARS-AVRIL 1865.
(j^iwXp, connue sous ce nom dans rYémen-, à la suite
vient la traduction de l'article de Dioscoridcs sur
Volyra : i »«X-&.|^ iLA-s^ Jw**^? /j*J*)î ^-« c^j t-^JsÂ:^
^ (jAiJVjiy^^ (J^)^ rrfvwi^î ^*^^ (:>'<irl? ^-'Ji^*^ >^^ iUA^
<îuj|^^-A^ llj (j--wJ^ 0^ «.j-o^yt» (j^^i) îiXjJ^t iUjlxîî
^ A^ 1^ J^i (fol. 339, i«). D'après Al-Ghafaki,
ce serait une plante aquatique qui s'élève en tige
noueuse; à chaque nœud est une feuille qui l'en-
vironne tout alentour. Ce serait une arondinacée,
étrangère à l'cpeautre, tandis qu'ici nous trouvons
dans la description du kanih un végétal qui serait le
triticurn monococcam pareil au kolba ^
Le nom hébreu générique de l'épeautre est dddd,
en chaldéen ]''DDD. Les comnientateurs de laMischna
donnent pour équivalent l'arabe (jf^ et le grec oXvpa
et ^ea ou ^sia. Il a été traduit dans les versions arabes
de la Bible de diverses manières; par Sâdia, dans
l'Exode (ix,32),partjLji£a-;dansEzéchiel(iv, 9), par
^AJ»^, à cause du pluriel q^DDD; dans Isaïe (xxvni,
2 5), on trouve (jU^ au singulier. La version de la
Société biblique anglaise porte 0^^^=?- dans les deux
premiers passages, et dans Isaïe iLXj^jS^, Gesenius
voit dans ce mot de l'analogie avec le nDDD hébreu,
ce qu'il explique par des permutations de lettres. Il
^ Le manuscrit de la Bibliothèque impériale porte o-UT^ dont
il détaille l'orthographe lettre par lettre; les dictionnaires lisent de
même; mais Gesenius, au mot nDDD, lit t:;>^y.«i ( Thés, phii criticus
limjuœ hrhrœœ et chaldeœ.)
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 201
cite un passage explicatif d'Abou'l-Waiid que nous
rapportons ici , et qui nous explique ce nouveau nom
kirsanah : J^\^ 4^_A^Â_fii -UJI J<^\ ^a^ua»»^ iiÂAw^l ^g
A yU^i^ l^J^-cvwo (j^\jj^\. Voilà donc deux nouveaux
noms donnés à Tépeautre. Ce sont des noms de lo-
calité, comme le dit Aboul-Walid; car nous voyons
dans Ibn al-A\vam, comme dans Ibn Beithar, que
iU-w^S" s'applique à Xervum ervilia, et ^^UX^ au pi-
sum. Le nom jii;t_5-=>- , employé par la version de la
Société biblique, est synonyme de (j^^. La version
grecque porte constamment oXwpa, et la Vulgate5/)Wto.
Ce mot (jW^^ , qui devient dans le Talmud N^bi:
(Pesach. fol. 35, i), nous rappelle le nom nabatbéen
ou babylonien lx)^que nous avons vu précédemment
comparé àuhoaschaki, duquel lekolba ne diffère que
parce qu'il n'a qu'une seule rangée de grains. Rabbi
Tanchum explique pDDD par (j^^^, qui est le <Csa
de Dioscorides.
A la suite de ces noms, vient, dans Ibn al-Awam
(XIX, 5), celui de <JU^. «La céréale de ce nom,
suivant l'agriculture nabatbéenne, ressemble au
hoaschaki; on la récolte au mois de haziran (juin).
Elle donne un pain qui sert pour l'alimentation. Sa
farine contient beaucoup de son ; le pain qui en
vient est d'une digestion difficile; il reste longtemps
dans l'estomac, et, quand il en est sorti, il traverse
rapidement le tube intestinal , et il relâche le
corps. » J^L-w^s*. *-Mio _j-^^ — iCAkAjJi iij»-^Xi ^ Jljj
^yAA-5 ^uLÇii)^ — J^^ yK^ \k^ yx^, «Xi^ — J<xi jj^ ù^^
V. i4
ii02 MARS -AVRIL 186 5.
(j^-j^^ (ijrr-^j^ ^*î?^ *>*-^ »Js^i ^ jjv.^5 lil^ Rappro-
chons maintenant ce texte de celui de Dioscorides,
qui dit du tragiis (II, cxv) : Tpdyos 10 (ryrjyLa (xèv Tsa-
poLirXrja-iCûs tôj yàvSpœ soiksv cêTpo(p^Tepo5 Se trrapà
^nroXit ^eiots, Stà to e^eiv to èxyypwSss' Sio Ttai Svar-
KOLTspyaa-los écrit, Kcù aoi'kioLs (xolXolktikos. h Le tragas
ressemble beaucoup au chondros pour la forme. Il
est moins nourrissant quel02^«, parce qu'il est plus
chargé de son. Il est donc d%ne digestion plus dif-
ficile, il relâche le corps. 0 II ressort de cette com-
paraison une grande analogie entre le thourmahi et
le tragiis.
Mais, dans sa préface, Ibn a]-Awam pense que le
t.hcmnir est le thourniaki : ^5^w^ »^\ ^Ibi^ j-A^B^JaJî^
i^^^ç^ aaIaaâjL. Après cette opinion formulée d'une
manière à peu près positive, l'esprit se trouve rejeté
dans l'incertitude au sujet de ce iharmir, qui devient
un nom spécificalif pour le froment et l'orge, ^-«^is
j^x)t^\ jj>^jls , ^-^5. (Il, p. 29, texte et trad.) Qu'est-
ce donc que le i/iarmiV, dont aucun dictionnaire ne fait
mention? A la leclure de la préface, nous avions cru
voir dans ce mot une altération de ^Jt^^\Jlo\ mais
son application au froment et à l'orge nous a jeté
dans le doute. Peut-être faut-il voir en tharmir l'in-
dication d'une forme dans l'épi, rappelant dans le blé
celle de l'épeautre à deux ou à une rangée; et pour
l'orge, Yhorcleiim zeocrithnn ; opinion à laquelle nous
nous rattachons.
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 203
Ainsi, pour nous résumer, nous trouvons en arabe
huit mots répondant au spelta et à ses variétés aux-
quelles nous rattacherons le zeocrithon et Je cjymno-
criihon , qui souvent s'y trouvent confondus. Ces
mots sont pour l'arabe c^Avw ou o>-U;, o'.wU, U^,
<^;^,aJS^, S^y^ , S^j^^ {jW'=r , ii-Â^j^; pour l'hé-
breu et le talmudique, nous avons dddd, |''DD'id et
Nd'^IJ. Ces noms paraissent correspondre aux noms
grecs oXvpot, ^éci ou Çs/a, )(^6vSpos et rpayos.
Si maintenant nous voulons entrer dans les dé-
tails de spécification , c'est-à-dire chercher à recon-
naître à quelle espèce doit se rattacher tel ou tel
nom , nous nous heurtons contre de grandes diffi-
cultés. Le seul moyen qui nous semble le plus con-
venable pour nous guider à travers ce dédale, c'est
de nous rattacher aux noms grecs si souvent cités
dans les définitions arabes, parce que généralement
on est assez d'accord sur leur interprétation.
OXvpa est habituellement pris pour le triticum
spelta, le grand épeautre; en arabe ce nom devient
\j^\ , et altéré par Ibn Beithar dans la transcrip-
tion arabe en i<>s-^î, il est rendu dans la version
arabe de Dioscorides par u^jvaS', qui est une espèce
d'^jwwU ou de ^ea, iîj, à une seule graine, rnono-
coccam. (jt*-^ est Viskâliah A-isil<*vî , qui est le •/pvSpoç
des Grecs, ^j^^j>y.Â^-^ mais celui-ci a deux grains
juxtaposés. iLLwp , kirsanah serait encore synonyme
du nom syrien kanib, comme (jWX=?- fest pour les
habitants de flraq. Nous avons vu plus haut qu'Ibn
Beithar Taisait du kanib ou oiyra des Grecs une espèce
204 MARS-AVRIL 1865.
de ahtas ou zea à une graine; or Dioscorides ne dit
pas cela; pour lui, olyra est du même genre que zea.
H oXvpa, Se Kaï tov avTOv ysvovs èdl) Trjs ^eias, àrpo-
(panspa Se koltol 'tsocrov éxeivrjs (II, cxiii).
Ainsi ïolyra des Grecs n'est point le zea, avec le-
quel pourtant il forme une même famille. Il ap-
pelle comme équivalent <-^AJi5", iuU»j^5', yUI>, qu'on
devrait appliquer au tritlcum spelta.
Le zea présente dans Dioscorides une définition
bien tranchée , c'est un nom générique qui com-
prend les deux espèces dicoccam et monococcum. Il
aurait pour équivalent en arabe (j*w^, ^oJ\<Awi, qu'Ibn-
al-Awam confond avec le chonclros. Nous traduisons
j^* aidas par spelta pris aussi dans un sens géné-
rique.
Le triticum dicoccam est évidemment le S^y^
des Nabathéens, qui porte deux rangées de graines;
ce serait aussi le x^vSpos des Grecs, triticum (jrœcum,
ïLx^tfj iCkAj*- d'Avicenne^
^ Saumaise se livre à de longues fit minulieuses recherches sur
l'origine et la signification primitive de -/ôvèpos^ recherches dans
lesquelles nous n'entreprendrons point de le suivre. Ce mot aurait
été appliqué à une molécule d'un objet ou substance quelconque
concassés , comme le blé, le sel. 'KovSpoi dXùiv siint 'zsa^eîs âXes He-
sychio; yôvèpoi ahœv, grana tritici crussaisculis fracjmenlis coiicisa. Il
en aurait été à peu près de même de Tpctyos. Le premier de ces deux
mots aurait été ensuite appliqué à une préparation appelée par les
Romains alica. Pour les modernes, clioiidros est devenu une espèce
de triticum, et les Arabes les ont imités. Ainsi Avicenne dit que le
chondros est \e froment yrec , JL^^-J] ^' *<> \J^ (Sa! m. Hom.kjles iatr.
71,72.) Nous ferons observer que ces mots arabes ^mJLw et ^ sont
dérivés des mots hébreux D'^C , farimi piirissinia (Gen. xvni, fi), de
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 205
Le ovX»«, que Galien nomme thabaqâ, comme
nous l'avons vu, est présenté par Ibn Beithar et par
Avicenne comme l'orge nue. Cette opinion est ad-
mise par Castel, qui traduit ce mot par hordeum
nudamy qui est aussi l'interprétation du UX, suivant
la citation nabatbéenne que nous avons lue plus
haut : c'est peiU-êlre ce qui a déterminé Ibn al-Awam
à les assimiler dans sa préface. Ern. Meyer voit dans
le kolba Vhordeam disiicham, variét. nudam (III, 84).
Cette interprétation nous paraît très-admissible, car
elle comprendrait en même temps le gymnocrithon.
Ainsi oJ^ aurait pour synonyme UX, xnbiJ, qui
rappelle ^ W^^ , comme nous l'avons vu plus haut. Ils
auraient de l'affinité avec le Tpayos de Dioscorides,
fjM^\jls d'Ibn Beithar,j-ùJu>j.Ax,w et ^^j>j j-Ajt-i , un
hordeam nudam ou gymnocrithon. Ce qui tend à établir
que c'est une orge et qu'il y a identité des deux
noms, c'est qu'à la suite de l'article kolba, l'auteur,
Ibn Awam , rappelle qu'au XVIIP livre il a donné
ce que Junius dit de la culture de la terre pour
l'orge; or c'est dans ce livre qu'on Irouve le mot
soalt, qui serait un nom arabe, et holba un nom
nabatbéen.
Quant h nous, dans notre traduction d'Ibn al-
Awam , nous nous .sommes arrêté à voir dans le mot
c:A^ (d'orge nue» hordeam nudam, et dans {j^^^
« Tépeautre » spelta. (II, p. 25 et 16.)
npp, qui a aussi le sens de farina ( loc. cil.) , et qui, chez les Arabes,
furent appliqués, le premier h une espèce (.Vhordcuw , et l'autre au
irilicum.
206 MAHS-AVRIL 1865.
Le S^j^ , sur lequel Ern. Meyer ne se prononce
pas, nous a précédemment paru se rattacher au
tragos. M. Fée hésite à se prononcer sur la valeur
du mot tragos;i\ pense qu'il peu! être un épeautre
(Pline, XVIII, xx, note loli). Pour nous, nous pen-
sons voir dans le thormaki Vhordeum zeocrithon.
Forskhal compte cinq espèces d'épeautres ou va-
riétés de triticam spelta pour lesquelles il emploie
les noms de ^J» et de (^-^-«Ai, mais plus particulière-
ment le premier. Ces cinq espèces ou variétés sont :
1° T. spelta, villosarn; 2° variété g.lumis vilJosis f^
A;*^^; y (jliimis sabvillosis j^^ f<'i\ Zi" T. spelta, gla-
hram; (jlumis (jlahcrrimis \ 5" ^^yf^^ ^, espèce mal
déterminée par le bolaniste suédois [Flor. Mgypt.
arah. 26). Toutes ces espèces ou variétés se trou-
vent dans la Description de rÉcjypte (Mémoires de
Raffenaud et Delille, t. II, p. i3); mais elles sont
indiquées comme froj^ncnt ou blé, et l'espèce incon-
nue de Forskhal est indiquée comme blé à épis
courts.
L'épeautre porte dans Columelle (II, vi , 5) le
nom d'ador comme générique. Il admet quatre va-
riétés : i"" far clusinum ; 9.° verrucosum ratilam; ^ alte-
ram candidam y et l\° trimestre. Ainsi adoreifar seraient
à peu près synonymes. Pline se sert du nom semen
simplement (XVIII. xix). Dans le même chapitre,
il semble à tort établir une distinclion entre le zea
eifar, quoiqu'on admette toujours identité j)arrait(^
entre les deux mots ^
' Voy. liink, Monde prim. II,;^2g.
r
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 207
Le mot latin far rappelle rhébreu 12, l'aiabe^o
et le grec 'iffvpos. Il est difficile que ces mots n'aient
pas une origine commune. M. Pictet professe la
même opinion. Suivant lui, le mot hébreu ne peut
se séparer de l'arabe; leur origine est la même. Il
les veut voir dérivés de N13 ou nii, comedit. Gese-
nius y rapporte le grec ^opoi, pabulum, qui serait le
radical primitif de vorare. Cette étymologie nous ra-
mène à ^poûcTxoû, manger, et (Spcjfxos, le brome, vé-
gétal, de même que, par la prononciation dure de
la consonne, nous avons eu 7svp6s. Le sanscrit a
aussi hhr, bhar, nutrire. (Gesenius, Lexic. hebr. v°, ID ,
et Pictet, Ori(j. Ind. Europ. 1, 26g.)
L'ORGE.
L'orge, hordeam satixniin Linn. s'appelle en arabe
^A.*-iJî , comme si l'on disait j-ocaJI 4-^, granum
pilosiim , à cause des barbes dont l'épi de l'orge est
hérissé. En hébreu, elle est appelée îTi*i:?t;, qui a la
même signification ; a spicis hirsutis dictum , dit Ge-
senius; au contraire de npDS, spelta a spicis detonsis.
En grec, on l'appelle xptdv , et par abréviation Kp7;
en persan^i^ djaw, qui rappelle le zend m»m/C yava
et le sanscrit ^^ yava. Cette synonymie est incon-
testée et incontestable ^
' U Amarakocha donne encore : y)r{UI=h sitaçuka. Pictet rap-
proche du latin horJeum le sanscrit ^q" hrdja. neutre hrdjam, ad-
jectif qui signifie «aimé, désiré, agréable.» (I. 271.)
208 MARS-AVRIL 1805.
Ibn al-Awam n'indique aucune espèce particulière
d'orge nommément; il place à la fin de l'article qui
traite de sa culture celle du kolba, qu'il a, comme
nous l'avons vu , présenté comme synonyme de sonlt,
que nous avons reconnu être l'orge nue. Le hoaschaki
et le thourmahi dont il traite dans les art. IV et V à la
suite de l'orge, doivent-ils lui être nécessairement réu-
nis comme variétés? Nous avons vu que le houschaki
était le chondros des Grecs et l'épeautre à deux ran-
gées, T. dlcoccam; le thourmahi nous a paru être
Vhordeiim zeocrithon, congéquemment il se rattache-
rait «j l'orge comme variété. Nous ferons observer
que tout ce qu'on lit dans ces articles sur la culture
(le l'orge proprement dite, et sur celle des autres cé-
réales qui viennent à la suite, est extrait de l'agri-
culture nabalhéenne, et qu'ainsi les trois noms kolba ,
hoaschaki et thoarniaki, sont des noms étrangers à
l'Arabie et à l'Andalousie surtout.
Forskhal ne mentionne l'orge nulle part; mais
Bcvé parle de ïorcje ordinaire et de l'or^c hexas-
iique, sous le nom seul de j,xx^, comme étant cul-
tivées en Egypte, où on les donne aux chevaux pour
nourriture. Nous ne voyons rien dans Ibn al-Awam
qui j)uisse rappeler l'orge hexastiqae ou escourgeon.
L'orge se semait chez les Arabes comme le fro-
ment, et à peu piès dans les mêmes conditions.
Quand on voulait la faire manger en veit , on semait
en mai. Le fourrage qu'elle fournissait s'a ppelaitJ^AAaï
en arabe, dj^s^s^- en peisan; ce mol s'applique aussi
aux lonrr.iges verts en général, comme dans le Ta!-
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 209
mud nn^, herba (juœ metitur et clatur bestiis adhuc vi-
rens. (Peab. VI,x) ^. Voy.Aw.II, 46, texte, et 45, trad.
Théophraste indique cinq espèces d'orge : i° orge
à deux rangs; 'i"" orge à trois rangs; 3° orge à quatre
rangs; à° orge à cinq rangs; 5° orge à six rangs ou
hexastique, escourgeon, (Théophraste, ^5^ plant.
VIII, IV.) Link (II, 329, trad.) pense que les co-
pistes ont bien pu intercaler les espèces à rangs im-
pairs, que repousse l'esprit philosophique. Columelle
indique seulement deux espèces d'orge : hordeam
disiicham et hordcum hexastichum ou cantherinam.
(Col. VIII, IX, XIV, XVI.)
LE SEIGLE.
liC seigle, secale céréale Linn. fut-il connu des
Arabes? Rien ne l'indique précisément, cl comme
il n'est point originaire de l'Asie, on peut en douter.
Pline, parmi les Latins, est le seul qui parle du se-
caUy nommé asm par les Taurini (XVIII, XLi). Spren-
gel voit le secale céréale dans le siligo de Columelle
(II, VF, IX. Spreng. Hist. rei herb. i5i ). Le Ti(prj de
Théophraste [Hist. plant. VIII, i, 11, iv) serait, sui-
vant le même Sprengcl, le secale (I, p. 80). M. Fée
professe la même opinion (note 21-7); mais Anguil-
lara , cité par le P. llardouin ( note 3 , sur le ch. xix ,
liv. XVIÏI de Pline), en fait un spelia. u Rucllius, dit
Bodée de Stopel, voit dans le T/(pr; le secale; mais il
faut bien se garder, dit-il, de le confondre avec le
' Eu sanscrit le mot fTT^^ tohina dësigni^ toules les céréales en
vert, mnis prineipalemenl l'nrfje.
2J0 MARS-AVRIL 1865.
7v(pyi par un upsilon, qui pousse au milieu des roseaux
clans les lieux humides. » Cette dernière plante serait
alors le typJia latifolia ou angustifolia Linn.
Au milieu de ces mêmes commentaires de Bodée
de Stopel sur le liv. VllI, ch. ix , Hisl. plant, p. 966,
est la figure d'une espèce de blé qui porte le nom
de triticani tiphinum , qui, sans être le tiphê , en ap-
proche beaucoup. Triticani tiphinum proxinw ad ti-
pham accedere niacjni viri scribimt. Il vient des îles
Fortunées ou Canaries; mais il n'est point le tipha
qui esl contenu dans plusieurs enveloppes et qui se
détache diffîcileinent de sa glume, tandis que c'est
le contraire pour le triticam fiphinam. Suivant Link
[loc. cit. 332), le tiphê pourrait bien être le triticam
monococcani, qui donne un pain brun et foncé comme
le tiphê. Peut-être aussi pourrait-il être le zeopyruni
que Galien dit être cultivé en Bithynie, et qui tient
le milieu entre le froment et le hryza. Galien cite
cette dernière plante pour l'avoir trouvée cultivée
en Macédoine et en Thrace; elle était très-semblable
au tipkê. Mais Link ajoute qu'on ne peut pas attacher
une trop (jrande valeur à ce passage. (Gai. De alini.
facult. I, xui; Bod. de Stopel, loc. cit. Link, loc. cit.)
Galien, continuant, dit que le grain du tiphê esl
plus jaune que celui du froment; il esl court et ra-
massé. Tipheœ triticis Jlaviores ; quin et habet corpus den-
suni et coactum. Définition qui concorde fort j)eu avec
ce que dit Pline du secale , qui est un fort mauvais
blé, souibre et noirâtre, nicjritia triste, chaigeant
beaucoup l'estomac, même quand il est mêlé avec
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 211
le far; fait contraire à ce qu'on observe journelle-
ment. Link ajoute peu de confiance à la description
de Pline, auquel il reproche , et avec raison , de man-
quer de méthode. Gahen dit, en terminant, qu'on
peut très-bien considérer le dphê comme un blé de
petite espèce, puisqu'il en a la couleur, la densité
et la chaleur. Ovk oltziOcIvwç S*av Tts ovoiid^oi isvpov
fiixpbv Trjv Tt<pnv net) lYJ X?^^?- ^^^ "^V ■tzrypivoTrjTf xaî
^-spfÀOTriTi TYJs ^vvdyieœç éoiKeiov avtoîs. Cette conclu-
sion nous mène à penser que le tiphê serait proba-
blement le triticum monococcum, le petit épeautre,
ce qui semble être l'opinion de Link. (Galien, Bod.
de Stopel et Link, loc.cit.) Sprengel, comme nous
l'avons vu, le prend pour le secale.
Il en est qui veulent que le tiphê ait été le grain
très-doux qu'Hector donnait à ses chevaux; nous en
avons parlé déjà plus haut.
Saumaise, parlant du secale (Hom.. hyl. iatrica,
p. 68 et 69), ne veut pas qu'on voie le secale dans
le zea de Dioscorides, ni dans celui de Théophraste ^
Le zca de Dioscorides, dit-il, est bien le spelta
(comme nous l'avons reconnu précédemment). Les
gloses les meilleures, comme celles de Servius,
voient dans zea et ofyra, le spelta, far et ador. Ainsi
le pain de zea de Ménesthée, cité par Athénée
[Deipnos. lib. III, p. 1 1 5), qui charge l'estomac et qui
est d'une digestion difficile , ne peut provenir du zea
de Dioscorides, ni de celui de Théophraste. 11 ré-
' ^éa est lettre pour lettre ie sanscrit ?Tôr yava, d'apiès les lois
de permutation établies pour ces deux lant^ues.
212 MARS-AVRIL 1805.
pondiait très-bien au secale , dont la farine fournit,
comme on le sait, un pain d'une qualité inférieure,
qui charge davantage l'estomac.
Si nous voyons dans Athénée le zea devenir le
secale, qui nous empêcherait de le voir dans le
iL^JK^i , ishâliah des Arabes d'Espagne , mot donné
comme synonyme de (j<-w)^, ahlas, qui, suivant la
version arabe de Dioscorides , serait l'équivalent de
^e/a? Conjecture que pourraient sulTisamment justi-
fier ces confusions de noms et de descriptions si fré-
quentes chez les Arabes et les anciens en général,
pour les plantes et les animaux. Ce nom ishâliahva\)-
pelle celui de asxdXt que porte le seigle chez les
Grecs modernes.
Le seigle, suivant les traducteurs et les commen-
tateurs, porte dans la Mischna le nom de pD'»i:/*
[Keldim, I, i). On trouve aussi N")î:;"I avec la même
signification (Pcsach. 35, i). Il y a en arabe le mot
^j-^^^ ^ Sous ce titre, Avicenne (I, i 69) donne la
traduction de l'or I ici e A/yAwxf^ de Dioscorides (îV,
cxxxix), qu'on croit être l'équivalent à'avena cjrœca
de Pline (XVIII, xlii), et qui, suivant Sprengel
[Hist. reiherh. t. 1, p. 1 Sq), senût Yavena slerilis ou
fataa Linn. Ainsi schiphon restera le secale céréale,
surtout quand on voit que sa farine peut êtie em-
ployée à la confection des azymes [Kelaïni, I, r;
Gesenius, note 5). Le mot arabe (jls^, évidem-
ment une transcription de fhébrcu, est rendu dans
Castel par spelta, et la version de Sàdia femploi'V
' Caslcl lit ^5^ A la racine N")u*", o! jjv^^-i '^ !•' '"cinr ")r".
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 213
comme nous l'avons vu, pour dddd (Ezéch. iv, 9, et
Isaïe, XXVIII, 26). Pour le nom talmudique pD^îT , le
dictionnaire ne donne que le mot secale, aiCpwv ,
Castel. D'un autre côté, le dictionnaire grec de Bu-
dëe porte ai(pœvLov, herba quœ et ^pMfjLOs dicitar
avena. Nous préférons nous en tenir à l'interpréta
lion secale de Castel. Le seigle, dans le Dictionnaire
de M. Caussin de Perceval, est appelé jb^U», mot
que nous ne voyons dans aucun autre lexique; le mot
(jlî^ reste, dans ce dictionnaire, appliqué à l'avoine.
L'AVOINE.
Nous compléterons cette notice sur les céréales
proprement dites par des recherches sur l'avoine.
Il n'en est pas fait mention dans Ihn al-Avvam , sans
doute parce que les Arabes et les Orientaux ne fai-
saient point usage d'avoine pour leurs chevaux; elle
était remplacée par l'orge. L'avoine n'était employée
à cet usage, suivant Galien , que par les habitants de
l'Asie au delà de Pergame et surtout dans la Mésie.
Si les Arabes ne cultivaient point l'avoine, ce-
pendant elle ne leur était point inconnue; car dans
les dictionnaires on la trouve indiquée sous plusieurs
noms. Ainsi dans le dictionnaire arabe de M. Caus-
sin dePerceval et dans le vocabulaire des idiomes afri-
cains de Marcel, on trouve ^l?^^, JU^^i^-et^jUJoy-iû,
mots qui ne sont point d'origine arabe. Ibn Beithar
cite le nom JUo^, qu'il écrit encore ^Us^-â-, qui
se voit dans Castel. Il a aussi le mot ^jUJo^, et
il traduit presque littéralement l'article de Dios-
214 MAHS-^AVRIL 1865.
corides sur le bromos. (Ibn Bcithar, loi. i/i5 v° et
890 r°, ms. 1 02 3 A. F.) On trouve en persan (jUis^.
li y a dans Avicenne un article intitulé ^L-Jo^îj^ift .
mot qui , suivant Castel , est l'équivalent de ^j\^j^,
qu'il traduit par Bryonia. Or ce que dit l'arabe , que
cette plante possède une force pareille à celle de
l'orge; qu'elle tient le milieu entre l'orge et le fro-
ment; qu'elle est à la fois laxative et styptique: ne
peut s'entendre que d'une céréale et non de la bryone.
Dans la version arabe de Dioscorides, ^^Us^ est
donné comme la traduction du mot ^pwfxos.
Les Latins connaissaient deux espèces d'avoine,
Tune cultivée, avenu sativaLinn. èromo5 (Pline, XXII,
Lxxix, not. Hard.), et l'autre qui ne l'était point,
avenu steriiis Linn. avenu grœcu (Pline, XVIII, xlii).
Virgile cite ces deux espèces d'avoine.
Urit enim lini campuQi seges , urit avenae.
(Georg. I, V.77.)
Urit id est exsiccat sej^es avena (cnlla).
( Interpr. Ruai. )
Infelix lolium et stériles dorainantur avenae.
{Eclog.\,v.^-j.)
Dans ce dernier vers l'avoine stérile est con-
fondue connue mauvaise herbe avec l'ivraie. Colu-
melle parle de l'avoine qu'on semait en automne
pour la faire manger en partie en vert , l'autre partie
restant pour graine. [De re rast. II, 11,9.)
Comme les Latins, les Grecs connaissaient aussi
deux espèces d'avoine, savoir : celle qui était culti-
vée et l'avoine stérile. La première était le ^pôJyLOç ,
INOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 215
et l'autre YaiyiXco^, dont nous avons déj/i parlé à
l'occasion du seigle. Galien ne laisse pas de doute
sur la nature du bromos , puisqu'il dit qu'il est em-
ployé pour la nourriture du bétail, et que dans les
cas de disette on en fait du pain, alors qu'on y est
contraint : ipo^^n S'ècrTiv ovk OLvSpcoTreov elyn/j tsûts âpot
XtfXGûTovTss. C'est bien ainsi qu'on emploie l'avoine
de nos jours.
Dioscorides a deux articles consacrés au ^pœfjLos;
le premier, lib. II, cxvi, et le second, lib. IV, cxl.
Quelques auteurs croient qu'ils se rapportent à la
même plante-, d'autres voient dans le premier article
la description de la plante, et dans le second ses
propriétés. Ce serait peut-être ainsi que penserait
Sprengel, qui réunit les deux articles en un seul
pour l'explication. Telle n'est pas l'opinion de M. Fée,
qui veut que dans le livre II l'auteur grec ait eu en vue
l'avoine cultivée, et dans le livre IV, l'avoine stérile.
(Pline, XXII, Lxxfx, not. i 64.) L'article du livre II
ne laisse pas le moindre doute sur l'interprétation;
ces prétendues petites sauterelles bipèdes, dxpiSa Si-
xùûXoL, qui pendent du sommet, et dans lesquelles sont
contenues les graines, indiquent bien la disposition
des graines composant l'épi ou grappe.
Nous avons vu aussi que tous les commentateurs
étaient d'accord pour reconnaître Yavena sterilis dans
ïœgylops. Il y a dans le IV*^ livre de Dioscorides l'arti-
cle ex XXIX consacré à Yœcjylops qui sert de type pour
la forme du brome. Quoi donc peut nous empêcher
dewoivYavena sterilis déente danscetarticleCXXXIX,
210 MARS-AVRIL 1865.
et dans l'article GXL qui suit, une plante analogue
au genre bromus des botanistes modernes? Dans la
version arabe de Dioscorides, nous trouvons le mot
œgylops rendu par ^j--*»»^ ^ .
Dans le Talmud, l'avoine est appelée bvw nb^V;
suivant l'auteur de la note talmudique, par ces mots
on entendait l'orge sauvage , hordeam silvestre; mais
dans le langage vulgaire, on l'appliquait à l'avoine.
( Kelaïm , I , i .)
Nous avons vu aussi, en parlant du seigle, le mot
talmudique N^v^m, rappelant le mot arabe ^rj-^^i
qui, dans Avicenne, est l'intitulé d'un article qui
est une traduction de l'article AiyiXoy^ de Diosco-
rides, comme nous l'avons dit. Ce nom est présenté
comme l'équivalent de pD'iï^', autre nom du seigle,
et qui rappelle ^U^ appliqué à l'avoine cultivée,
ou iSpdofjios. Nous aurions donc un nouvel exemple de
la modification que les mots éprouvent dans leur
signification en passant d'une langue dans une autre.
Bodée de Stopel signale les différences qui exis-
tent dans la manière ^'écrire le mot grec hromos.
Théopbraste écrit f3p6(xos par un omicron, tandis
que Dioscorides écrit (Spùjfxos par un oméga. Il en
est qui veulent que la première manière soit pour
indiquer Y avenu sativa, et la seconde ïavena sterills.
[Comm.ad. Hist. plant. VIII, p. 9 5 7.)
Forskhal cite seulement Yavena pennsylvanica avec
le nom arabe S-^ ^y^. [Flor. Mcjypt. arab. p. 2 3.)
Les Géoponiques ne disent pas un mot de l'avoine,
ni du bromos.
NOMS DES CëRKALES CHEZ LES ANCIENS. 217
LES MILIACÉES.
Les niiliacées /jj^:> et «ji ne peuvent être sépa-
rées; il faut nécessairement les étudier ensemble, à
cause de leur grande affinité, qui les a fait parfois
prendre l'une pour l'autre.
{^^, dokhn, est visiblement le mot hébreu ]ni,
do'han. (Ézéch. iv, 9.) Il est très-probablement le
nom générique primitif, bien qu'Ibn al-Awam cite
des opinions qui l'indiquent comme étant le nom
d'une espèce appartenant au genre dourrah , ce qui
alors donnerait à ce dernier l'antériorité. (jJJ^:> a été
traduit par miliiim aussi bien que par panicum. C'est
sans doute pour cette raison que dans la version arabe
de Dioscorides, aux mots Ksy^pos et sXvfÀOs, on lit
(ji»-:> , et cependant nous verrons que ce sont deux
espèces bien distinctes. Toutefois nous ferons remar-
quer que ce mot a été ajouté après coup à la suite de
Ksy)(^pos, et que le mot employé par le traducteur
primitif est o^^^^ , mot qui est aussi employé dans
la version arabe de Sadias pour |ni , et que la Vulgate
traduit par miliam ^
Ce mot (jj-i*-:* , en persan ijjj\ , nous paraît , surtout
dans Ibn al-Awam, être le sXvfjLos ou (xsXivrj de Dios-
corides (II, cxx), de Théoph raste (Hf5^ p/an^ VIII,
^ Pictet cite comme noms sanscrils du panicum miliaceum, ^ÏÏT
anu. ; panicum italiciim, (y^^- prijangii, auqviel VAmarahocha ajoul-e
^•^' kangu. Ce dernier donne pour le panicum pilosum ôTiX^yi^ vri-
hibheda, anu. (Pictet, I, 280, et Amarakocha, édit. Loiseleur-Des-
longcbamps, I, p. 2o5 el suiv.)
V. i5
218 MARS-AVRIL 1865.
1, in, Vil), le panicum de Pline (XVIII, x), panicum
italicum Linn.^ M. Ernest Meyer admet la syno-
nymie de Forsklial, qui emploie holcus dochna [Flor.
Mcjypt. 17/1); mais il place en première ligne an-
dropojon saccharatas.{Gesc]i. d. Bolan. III, y 1 .) M. Fée
(note 76, liv. XVIII, Pline) traduit par panicum mi-
lîaceum Linn. millet à panicules étalées. Nous n'ad-
mettons point cette interprétation , guidé par la
figure que donne Malhiole pour accompagner son
explication, p. 127, et par la description qu'on lit
dans Pline [loc. cit.) : Panicum a paniculis dictum caca-
mine languide nalante; paulatim extenuato culmo pœnc
in surcuhim prœdensis acervatur granis , cam longissimo
pédale plioba^ . « Le panic est ainsi nommé à cause de
* MeXîvn est cité comme synonyme de éXv^os, non-seulement
par Dioscorides et Théopliraste , mais Galien l'admet aussi; il dit
que c'est une dénomination ancienne, è'Aufxos ^é crot (pevxTéos det,
KctXoxJai SèavTov évioi (leXivrjv tc5v 'zsaXctiœv . A panico cjiiod a nonniilUs
priscis etiam meline nominatiir prorsiis abstineas. [Alim. facull. I, 7.)
Xénopbon a cité cinq fois le fieMvrj dans VAnahose. Théopliraste
VIII, m) lit (xeXivov au masculin. Sprengel [Hist. rei Jierh. I, 79)
traduit le mot par ^a/«c«m miliaceum, et plus loin, p. 208, il semble
critiquer Dioscorides et Galien de le présenter comme synonyme de
ëXv^os ^ qiiod cum fxeXtvrj panico miliaceo componit. (Conf. Bodajus a
Stopel, Comm. ad Hist. plant. VIII, m, p. 929: Theophr. opéra edit.
Schneider, Index, v° (leXivv-
^ Le texte que nous citons est celui de l'édition de Panckoucke;
mais celui du P. Hardojiin porte ohba. Borlœus a Stopel, dans sa
citation de Pline, p. 929, lit de même. Le P. Ilardouin cite un ma-
nuscrit qui lit obfa; mais il préférerait phoba, qui concorde avec
(^oêrj, employé par Théopliraste. Ta (lèv é'/£i alâyov as anûSn , rà
^£ ^(^eSpoTcà Aoêoy, Tfx ^è xe'yx,P^^V <pà^vv. AUa spicam (jernnt, xitfrn-
nxenlacea; alia silicpiani, ut legnmina; alia jubani ut niiliacea. X£7;^pa'-
Syjç est pris ici génériquemcnl ,el (pôërjv ou jnbnni, pour un panicule,
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 219
ses panicLiles ; sa cime se penche mollement; sa tige
diminue insensiblement de grosseur. Les graines,
ramassées et pressées, forment un épi long d'un
pied. » Cette description , comme on le voit, est pré-
cise; elle rappelle bien les figures de Matbiole et du
commentaire de Théophraste, qui sont semblables.
àji , pour 4^i , »,ji> , fjranorum species, milii genus,
scilicet melica valgo dora. Telle est l'explication qu'on
lit dans Castel et que répète Freytag. Ibn al-Awam
lui donne pour synonyme u**j^\-=?' , qui s'écrit en
persan o*^;^^ On lit dans le Dictionnaire de Sa-
macchari 0*^3 W- = (j)j^ j^ ^y^ {j^j^\^,djawaresch,
(jhawaresch , espèce de (miliacée) arzan. L'agriculture
nabathéenne le rapproche du (jyi^:> , avec lequel
Kazwini le confond, ^j^ù^\ y^^ U^^W-- Avicenne
a un article sur (j^-j^l-^?-, dans lequel il le sépare du
dokhn, sur lequel il lui donne la supériorité pour
les qualités ^
Le ^oarra/i a généralement été pris pour le Kéy^pos
des Grecs. (Diosc. III, cxix; Théoph. VIII, m, etc.)
Cependant les versions arabes des Géoponiques
qu'on trouve dans les manuscrits de la Bibliothèque
impériale, traduisant le chapitre xxvni, livre II,
qu'il y ait agrégation des épillels, ou qu'ils soient étalés, comosa,
puisque les miliacées n'ont pas toujours les panicules diffus. (Theopli.
Hist. plant. VIII, m.)
^ Banqueri , dans le texte imprimé d'Ibn al-Awam , écrit iisûLa^,
djaivrcsch, et ^^ÀS, ghmvresch, avec schin; mais partout ailleurs,
dans Kaswini, dans Avicenne et dans Castel, nous le trouvons avec
un sin; aussi nous écrirons constamment ^»»lj^et ^v»l^ avec
un sin,
i5.
220 MARS- AVRIL 1865.
emploient Je mot (^^^^^ pour rendre le mot Kéy^pos,
rendu en latin par miliiim. (Voy. mss. giô anc. f.
p. 1 7.5 et 91 4 suppl. fol. 6 v"*) ^. Cela n'infirme pas
l'opinion reçue, mais prouve que souvent les deux
noms ont été pris l'un pour l'autre. La version arabe
de Dioscorides traduit Kéy-^tos par (j-^^^L:?-. A côté
on lit, d'une autre écriture, (j^^. Strabon, parlant
de cette partie de l'Italie qui produit beaucoup de
millet, la qualifie de HS'y)(^po(pGpo$ (liv. V, p. i5i).
Les noiha ou apocryphes de Dioscorides, cités plus
haut, disent Pcoftaioi Kéy/jpos (xiXtovfJL. (Notli. 12 y.)
Nous n'hésitons point, quant à nous, à voir dans
le dourrah, iJ;i>, le xéy)(^pos des Grecs, le miliam de
Pline, le pnnicum miliaceum de Linn. millet à pani-
cules étalées. La description de Pline ne laisse aucun
doute à cet égard, elle est précise : Milii comœ gra-
niim complexée, fimbriato capillo carvantaw (Pline,
XVIII, X.) Telle est l'opinion de Bodaeus a Stopel
dans ses commentaires sur Théophraste (VIII, m,
p. 928 et 929), et de Mathiole sur Dioscorides (II,
Lxxxix et xc). Les figures qui accompagnent les textes
des deux auteurs portent des ramifications , et ne lais-
sent aucun doute.
M. Fée voit dans le ëXvixos des Grecs le panicum
de Pline et le panicum miliaceum de Linnée, millet à
panicules étalées. (Pline, XVIII, not. 76.) M.Ernest
Meyer voit dans ledourrah Vamlrapogon sorgham , con n u
en Méso'potamie sous le nom de holcus sorgho, tandis
' Ces versions arabos ne sont pas complrles, elles sont seulement
partielles.
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES ANCIENS. 2i>l
que le djawares , o^Ji^ ' serait le panicwn miiia-
ceum. (Gcsch. der Botan. ÏII, p. 65.) Dans le Diction-
naire de M. Caussin de Perceval, le miilet porte les
noms de (^>â-^ , ^>ào r,:>, ($^[^\ (.^^^. Il ne parle
point du panic. On voit qu'il confond le dokhi avec le
doarrak, et qu'il n'en connaît que le blanc. Il faut re-
marquer que cette dénomination est celle aujour-
d'hui usi(ée. Ce mol al-scharaniq semblerait presque
une altération de gharnoucji, nom spécifique employé
par Ibn al-Awam , et que nous allons voir.
Ibn al-Avvam (XX, arl. vi) dit qu'il y a doute
si le doklin ne doit point être nommé djawares,
jij^li^ (^^\j^^ <xj! (^JLiuOjj; mais à l'article vin , il n'hé-
site point à identifier le doarrak avec le djaivares,
qui serait son nom en persan. ^^.«wJu ^CÂ «*Xiû^ y^s
fj*,j^\Jl iLAAi|*;UiL. Il cite deux espèces de doarrak, le
blanc et le noir; mais le premier serait de meilleure
qualité. Quant au dokhn ou panic, il en indique plu-
sieurs espèces, qui sont, pour la couleur : le blanc,
nommé é^jS-, gkarnoaqi, le rouge et le noir. Pline
aussi indique plusieurs espèces de panic, qui sont,
pour la couleur : le blanc, le noir, le rouge et le
pourpre. Columelle se contente d'indiquer le pani-
cam et le milium, sans parler d'aucune espèce parti-
culière.
Pline parle d'mie très-grande espèce de millet,
importée de son temps de l'Inde en Italie, depuis peu .
Les expressions employées par le naturaliste latin
ne permettent pas de douter qu'il veuille parler du
sorgko : Milium, dit Pline, intra kos decem annos ex
222 • MARS-AVRIL 1865.
India in Italiam invectum est, nigram colore, amplum
grano, amncïineam culmo. Adolescit ad pedes altitadine
septem, prœgrandibas cuirais : lohas ^ vocant : omnium
frugum fertilissimam. Ex uno grano sextarii terni gi-
gnuntar. (Pline, XVIII, x.)
Généralement on croit, et avec raison , qu'il est ici
question du sorgho , holcus sorgho Linn. Cette miliacée
est la seule qui, pour un grain, puisse rendre trois
septiers romains, sextarii ( i litre 62), et qui s'élève
à la hauteur de sept pieds romains ( 2 mètres 07, 1 o),
d'un aspect sombre, et dont la graine est grosse, et
qui, comme le milium de Pline, est originaire de
l'Inde. Cette opinion n'est -pas nouvelle; on la trouve
professée par Bodaeus a Stopel [loc. cit.) et par le
Père Hardouin , qui cite Scaliger. [Exercit. 292,
p. 869.)
Le sorgho porte , chez les Arabes , le nom de dour-
rah, 5;i>, et dans l'Yémen, celui de j»l*io, taham, sui-
vant Niebuhr ( D£?5cnp^ Arabie, I, p. 2 1 8). Forskbal,
sous le nom de holcus durra, cite quatre variétés
différentes, dont deux glumis fuscis, à glumes noi-
râtres (Flor.JEgypt. 1 y/i). Marcel, dans son Diction-
naire arabe-algérien , emploie (j**;^l.> pour désigner le
millet; au mot dourra il renvoie au blé de Turquie.
Bové [Cuit. d'Egypte, p. 36) cite trois espèces de
sorgho: 1° sorgho commun, sorghum vulgare Linn.
^ A l'occasion du mot /ofca^ï qu'on lit ici , le P. Hardouin rappelle
ce qu'il a dit précédemment sur le mot ohhds, qu'il aimerait mieux
pliobas, parce que Xo€6s est attribué par Théophrasle aux légumes,
et <p6€rj aux miliacécs. (Vid. sup. p. 218, noi. 2.)
NOMS DES CÉRÉALES CHEZ LES AWCIEISS. 223
jjuo «ji ; 2° sorgho bicolor, J^j 5;î ; 3° sorghum cer-
nuam, jJit^ iijt>. Bové nous apprend aussi qu'en
Egypte c'est le doarrah blanc qui est le plus estimé;
Ibn al-Awam en dit autant (loc, cit.).
Les espèces cultivées en Syrie sont souvent atta-
quées de carie. C'est sans doute la maladie dont
parle Forskbal, et qui était connue sous le nom de
okâb, v^' litt./wm«5, ce qui peut s'expliquer, parce
que la pulpe noircit et tombe en poussière.
Le dourrali, très-cultivé dans l'Orient, fournit à l'ali-
mentation des populations, et cette culture doit re-
monter assez haut, puisque nous avons vu que le
grain en était mentionné dans Ezéchiel (iv, g). L'agri-
culture nabathéenne paraît avoir donné aux deux
miliacées qui nous occupent beaucoup d'attention,
si nous en jugeons parla description minutieuse de
leur culture et des procédés pour en obtenir du
pain, que nous lisons dans Ibn al-Awam. Ce pain
est d'une qualité assez inférieure par la faible quan-
tité de gluten que contient la graine. Cependant il
est des parties de l'Arabie où on le préfère à celui
du fi'omenl, dit Bové. Niebubr nous apprend aussi
que, dans le voisinage de Tripoli de Syrie, proche
le Liban, où le froment abonde, les gens du peuple
le vendaient et se nourrissaient de doarrah. (Descript.
Arah. I, 2 i -y.)
Cette grande fertilité du dourrah, si supérieure à
celle du froment, porte Niebubr à dire que la ré-
colte si abondante que faisait Isaac, qui recueillait
cent mesures, Dnviç; hnd, c'est-à-dire au centuple
224 MARS-AVRIL 1805.
{Geii. XXVI, 12), ne peut s'expliquer que par la cul-
ture du doarrah. (Descr. Arab. I, 217.)
Hérodote nous apprend que dans la Babylonic
le millet et le sésame atteignaient la hauteur des
arbres : E;^ Se Ksy^pov xa) a-naafxov oaov ti SévSpov
fxéysôos yivsTai (Lib. I, p. 89, éd. H. Step.), hau-
teur qui rappelle celle attribuée par Pline au millet
indien. Il y a donc lieu de croire que ce que dit ici
l'historien grec doit s'entendre du sorgho.
Abdallatif, dans la Description de l' Egypte, ne dit
rien des miliacées.
LE RIZ.
Le riz, oryza scitiva Linn. en arabe 3jî, aroz, en
persan hirindj, g>j , opv^ov (Théoph. Hist. plant.), 6pv^(a
(Diosc. II, XVII ), Plin. oryza (XVIII, xiii), en sans-
crit ^^|fe vrihi^, en chaldéen îiiK [Mischna, Pea,
II, m).
Il est peu de noms de plantes moins contestés que
celui-ci. Le riz paraît originaire de l'Inde, et Strabon
le cite nommément dans la description de cette partie
de l'Asie (XV, /ly^, Sg). (> Il y croît, dit-il, dans les
marais, il s'élève à la hauteur de quatre coudées; on
est obligé de le nettoyer comme le zea, c'est-à-dire
l.'épeautre. Cette indication ne laisse aucun doute
dans l'esprit. La description donnée par Théophraste
' VAmaralioclia cite encore à^:u, pàlala, dhùiiya, çaUuja. Ce.s
mois dësignenl plutôt des espèces particulières : àçii signifie « liàtil'» ;
/;d<a/a, «pâle », etc. dliânjci est au contraire une expression gonéraic
dont le sens csl «qui constilne la ricbesse. »
NOMS DES CEREALES CHEZ LES ANCIENS. 225
ne manque pas non plus de précision. Il dit que le riz
ne donne pas un épi proprement dit, mais une tête
disposée en panicules, comme le millet et le panic.
A7TO)(^s7Tai Se ovx. eU ŒloL)(riv, àW oïov (pé^rjv wsirep à
}céy)(^po?, Hat o sXv^os. [Hist. plant. IV, v, et Comm,
Bod. a Stop. p. 362.) La description de la plante du
riz donnée par Pline manque d'exactitude dans la
forme qu'il donne de la racine , ainsi que lo fait obser-
ver M. Fée. (Pline, XVIII, xm, not. 116 et 1 17.)
Le riz était cultivé par les Nabathéens, comme
le prouvent les détails extraits de l'agriculture na-
bathéenne rapportés par Ibn al-Awam(ch. xx, art. 1).
Suivant Link , le riz aurait été un objet de commerce
pour les Arabes, qui f exportaient pour la Grèce, et
qui par là y introduisirent son nom arabe . t, aroz,
d'où est venu le mot grec ôpv^a. et le latin oryza, et
enfin notre mot riz, par le retranchement de fo ini-
tial. Peut-être aussi le mot sanscrit vnTiï est-il le véri-
table radical par le changement de h, en 5, comme
il s'en trouve plusieurs exemples, notamment sind
pour hiad (hindiis). (Gonf. Link, II, p. 239.) '
Le riz doit-il être considéré comme une céréale?
L'opinion des anciens, à cet égard, était partagée.
Abou'l-Khaïr, cité par Ibn al-Awam (loc. cit.), dit
en termes bien précis, que le riz est une espèce de
froment, \\^XÂ çj^ <^j.^jj)\ mais Galien, qui pen-
sait sans doute qu'on ne pouvait faire du pain avec
' D'après ies lois phoniques aujourd'hui connues, opvia corres-
pond bien lettre pour lettre à ^1^, car h sanscrit ==z zend et grec.
220 MARS-AVRIL 1865.
il
le riz , le range dans les légumes. OcnrptoL Koîkovaiv
SKSivct TÔJv S-n^YiTpi(t)v (Tuep^dTCiôv ej wv apios où yive-
Tai , xvoLuovs, 'SîtacTOvs, êps€tvdov$, Çanovs, B-épfxovs ,
opviov , bpô^ovs. Legamina appellant ea cerealia semina
ex qaibiis panis non fit, ut puta,fabas, pîsa, cicera,
lentes, lupinos, oryzam, enmni. (Galien, De aliment.
facult. lib. I, ch. xvi et xvii.) Bodœiis a Stopei s'élève
contre cette opinion, en rappelant que le riz a la
plus grande analogie avec le blé. ( Comment, ad Hist.
plant. IV, V, p. 362.) Le Talmud également exclut
le riz des céréales, comme nous l'avons vu.
Tels sont les documents que nous avons pu re-
cueillir sur les noms des céréales. Nous les avons
groupés, selon les espèces auxquelles ils se rattachent,
dans un ordre aussi méthodique que possible. Nous
avons présenté les opinions de divers savants sur
leur détermination; nous avons aussi présenté notre
pensée, non point que nous ayons la conviction
d'avoir résolu les j)roblèmes difficiles que soulève la
constatation des espèces en histoire naturelle chez
les anciens, mais bien pour apporter notre contin-
gent de matériaux afin d'aider à la construction de
l'édifice, et par le désir d'etie utile aux traducteurs.
Nota. — Pour la transcription de ij\|i nous avons écril
dourrah, afin de nous conformer à la prononciation arabe
moderne.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 227
LE LIVRE
DES ROUTES ET DES PROVINCES,
PAR IBN KHORDADBEH,
PUBLIÉ , TRADUIT ET ANNOTÉ
PAR C. BARBIER DE MEYNARD.
TRADUCTION.
O mon Dieu , bénis Mohammed et sa famille !
Au nom du Dieu clément et miséricordieux. Sei-
gneur, facilite les bonnes entreprises ^
Louons Dieu, en le remerciant de ses bienfaits.
J'atteste qu'il n'y a d'autre Dieu que Dieu, en con-
fessant son unité. Je proclame que Dieu est grand,
en m'humiliant devant sa puissance. Qu'il bénisse
Mohammed son prophète et la meilleure de ses
créatures! Bénédictions et salut sur la postérité du
Prophète !
Le présent ouvrage, qui traite de la description de
la terre et des êtres qui y sont établis , de la kiblah
(orientation) de chaque contrée, des royaumes et
des routes qui s'étendent jusqu'aux extrémités du
globe, a pour auteur Abou'l-Kacem Obeïd Allah,
fils d'Abd Allah , fils de Khordadbeh.
Abou'l-Kacem dit : La terre est ronde comme
' Allusion au passage du Koran, chap. x/c, v. 27.
228 MARS-AVRIL 18G5.
une sphère, et placée au milieu de l'espace céleste,
comme le jaune dans l'intérieur de l'œuf. L'air ^ l'en-
veloppe et l'attire, sur tous les points de sa surface,
vers l'espacé céleste. Tous les corps sont stables sur
la surface du globe, parce que l'air attire les prin-
cipes légers dont ces corps se composent, tandis que
la terre attire vers son contre leurs parties pesantes,
de la même manière que l'aimant agit sur le fer.
. La terre est partagée en deux moitiés par l'équa-
teur, qui s'étend d'orient en occident. C'est l'étendue
de la terre en long-, et la ligne la plus considérable
du globe terrestre, de même, que la ligne zodia-
cale est la plus considérable de la sphère céleste.
La terre s'étend en large du pôle austral, au-dessus
duquel tourne la constellation des Pléiades, au pôle
boréal, au-dessus duquel tourne la constellation de
l'Ourse.
La périphérie du globe à l'équateurest de 3 60 de-
grés. Le degré vaut vingt-cinq parasanges^; la pa-
^ Le mot nhini^ employé par l'auteur, se traduirait pius exacte-
ment par atmosphère terrestre. Les physiciens arabes donnaient à la
couche d'air qui enveloppe la terre une épaisseur de seize mille
coudées. Kazvîny entre dans de longues explications à cet égard ,
dans le deuxième discours de sa CosriW(j rapide (texte publié par
M. Wûstenfeld, p. <^ï").
^ Au lieu de s jT^a contrées , districts , » leçon qui ne donne pas de
sens satisfaisant, je lis Jj? «longueur,» avec Edriçy et Maçoudy,
qui onl reproduit littéralement ce passage.
^ L'auteur adopte, on le voit , l'ancienne évaluation de Ptoléjnée,
qui comple 20 stades à la parasangc. On sait que, sous le règne de
Mamoun, deux commissions furent chargées, à quelques années de
dislance, de mesurer un degré d'un grand cercle de la terre. Les
premières observations., faites cnlrc Apaméc et Palmyre, donnèrent
LE LIVHE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 229
rasange, douze mille coudées; la coudée, vingt-
quatre doigts; le doigt, six grains d'orge alignés les
uns à côté des autres, dans le sens de leur épaisseur.
Par conséquent, la circonférence de la terre est de
9,000 parasanges ^. Entre Téquateur et chacun des
deux pôles, on compte 90 degrés. Telle est aussi
l'étendue de la terre, dans le sens de sa largeur
(latitude); mais elle n'est habitée que jusqu'au 2/1"
degré, à partir de Téquateur^.
Le globe étant presque entièrement entoure des
eaux profondes de la grande mer, le quart septen-
trional est celui que nous habitons, tandis que le
quart méridional est désert, à cause de l'excessive
pour résuilat 67 milles ; les secondes, dans la plaine de Sindjar,
56 milles^; «chaque mille conlenant quatre mille coudées noires,
de celles adoptées par Almamon. » ( Voyez l'analyse de la table d'Ibn
Younis, dans le tome VII des Notices et exlrails, et les prolégo-
mènes de la Géographie d'Abou'1-Féda.) Maçoudy et Yakont ont re-
produit l'évaluation des anciens, probablement d'après le Livre des
routes. Voici enfin un troisième système cité par le cosmographe
Schemsed-dînDimichky( ms.de la Bibl.imp.r°3). Le degré terrestre
égale 19 farsakhs ou parasanges, moins ^. Le farsakh = 3 milles; le
farsakh indien = 8 milles-, le relai de poste = A farsakhs. D'après le
voyageur Mokaddessy, la parasange vaut 3 milles; un relai de poste
1 2 milles en Syrie et en Irak , 6 milles seulement dans le Khoraçàn.
Une journée de marche est en moyenne de 6 farsakbs ^. (Voy.
Post- und Reiseroutcn , préf. p. xxvi. )
' C'est par erreur qu'Edriçy, en copiant ce passage, a écrit
I 2,000 parasanges ; cette méprise a été d'ailleurs relevée par le tra-
ducteur (t. I, p. 2, en note).
^ Je pense qu'il Taut lire 64° degré, avec Edriçy {ibid.) , au lieu
de 2/1% afin de se rapprocher de la 63* parallèle de Ptolémée. Le
chiffre 6/; se trouve aussi dans Ibn Khaldoun (Trad. française des
Prolégomènes, p. 92).
230 MARS-AVRIL 1865.
chaleur qui y règne. L'autre moitié de la terre, placée
au-dessous de nous, ne renferme pas d'habitants.
Les deux quarts de la terre, celui du nord et
celui du sud, se divisent l'un et l'autre en sept
climats ' Ptolémée dit dans sa Géographie que,
de son temps , le nombre des villes de la terre était
de sept mille deux cents.
DE L'ORIENTATION DANS LES DIFFERENTES CONTF.ÉES'.
Les habitants de l'Arménie, de l'Azerbaïdjàn, de
Bagdad , de Koufah , de Médaïn , de Basrah , de Houl-
* Celle lliéorie paraît se rapporter au système géographique des
Romains, mis en lumière par M. Reinau(l.(iT/m. sur les relations de
l'Emp. romain avec l'Asie, p. 61 et carte n° 2.)
Toutes les généralités de géographie physique qu'on lit ici ont
été copiées et développées par Mokaddessy (P /j2 ). La division qu'il
adopte a pour origine une vieille tradition attribuée à Abd Allah , fils
d'Amr. On peut la résumer ainsi : «La terre a une étendue de 5oo
années de marche; 4oo dans les pays déserts et 100 dans les pays
habités. Les contrées soumises au Koran occupent sur cette surface
un territoire d'une année de marche environ. La race humaine
s'étend sur 2^,000 parasanges, dont 12,000a la race noire, 8,000
aux Grecs, aux Francs, etc. 3, 000 aux Persans et 1 ,000 aux Arabes. 1
^ Ce paragraphe est un des plus mutilés du livre; les erreurs et
les lacunes dont il fourmille me paraissent cependant devoir cire
attribuées plutôt aux copistes ou au premier abréviateur qu'à l'auteur
lui-même. Depuis longtemps déjà, la nécessité de déterminer exac-
tement la position du temple de la Mecque avait donné naissance à
des traités spéciaux qu'Ibn Khordadbeh n'avait pu manquer de con-
sulter. Un de ces traités, composé sous le rëgne de Mamoun , par un
Persan originaire de Neïriz, dans le Fars, était répandu dans le pu-
blic. Mustaufy en a fait usage, en le complétant, au début de la
description de la Perse qui termine son Noiizhet. Kazvîny [Athar
el-Bilad, p. 76) a donné un plan grossier de la kaabah , entouré
de médaillons dont les légendes indiquent la position des principales
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 231
van, de Dinaver, de Nèbavend , de Hamadân , d'Ispa-
hân , de Rey , du Tabaristân , de tout le Khoraçân , du
pays des Khozar et des deux parties de l'Inde (c'est-à-
dire en deçà et au delà del'Indus) s'orientent, pour
prier, vers le mur où se trouve la porte de la kaabab.
Le pôle nord est donc à gaucbe, relativement au
centre de l'Orient. Le Tibet , les contrées babitées par
les Turcs , la Cbine , Mansourah et tous les pays situés
à six degrés au delà du centre de TOrient se tour-
nent vers la pierre noire ^ Les babitants du Yémen
se tournent, dans leurs prières, vers Van^le yémény;
ils ont alors en face d'eux les habitants de l'Arménie.
Les peuples du Maroc , de l'Afrique (septentrionale) ,
de la Syrie, d'Algeziras et du centre du Magreb, se
tournent vers l'angle chamy (syrien); par conséquent
ils font face aux habitants de Mansourah.
DESCRIPTION DES PROVINCES.
Commençons par le Saivad (portion cultivée de
la Mésopotamie). Les rois de Perse l'avaient sur-
nommé le Cœar de l'Irak udil iranschebr^. » Le
contrées du monde musulman autour de «la maison sainte. » (Cf.
Reinaud, Inlrod. à la géogr. d'Abou'lfeda, carie, p. cxcviii. )
* La pierre noire est encastrée dans le mur qui fait face à l'orient.
( Voyages d'Ali-Bey, II, 346.) Il faut, je pense, donner au mot p-y^
qui se lit ici, la valeur de 78 milles, ainsi que le dit Birouny d'après
le calcul attribué à Ptolémée. (Kazvîny, Cosmographie , p. i46.) On
obtient ainsi 45o milles ou i 5o parasangcs, à raison de 3 milles
pour une parasange.
^ Yakout a transporte une partie de ces détails dans son grand
dictionnaire géographique. On sait que le mot Irak est la transcrip-
tion arabe de Irak, vocable parsi tiré du sanscrit arya et ayria
232 MAKS-AVRIL 1805.
Sawad se compose de douze districts «koureh,))
chaque koureh IbrnianL un asitâii; il renferme
soixante cantons «taçoudj.» D'autres traduisent
iisitân par a arrondissement^ » et taçoudj par nahjeh
(( canton; » d'autres donnent à asiiân]e sens de u lieu,
résidence. » Enfin (selon une opinion diiïérente) , le
Sawad se divise en quarante-huit cantons.
J. Asitàn de Schad-Firouz, chef-lieu Houivân;
cinq cantons : \° Firouz-Kobad; 2" Djebhoul ;
y Takwa; /i" Irbil ; S*' Rhanikîn.
RIVE ORIENTALK DU TIGRE. TAMARRA.
IL Asitân de Shad-Hormuz, sept cantons : i°Bu-
zurg-Sabour; 2°Nehr-bouk; 3" Kelwada etNehrbîn;
A^Khazer; 5'' la Vieille- Ville; 6' h Haut-Radàn;
7" le Bas-Radân.
m. Asilân de Schad-Kobad, huit cantons: i°Kous-
toukbad ; 2°Mehroud ; 3" Silsil ; lx° les Deux-Djaloula ;
5° les Deux-Zab; 6° Bendendjeïn ; y'' Beraz er-Roud ;
8° Deskereh et les deux bourgades (rousiakaïn).
]\'. Schada-hân-Khosrou'^, cinq cantons: 1° le
«homme vertueux;» c'est un nom commun ;\ toule la race des
Arians. Le persan moderne a conserve? la forme Iran qui désigne
la Perse. M. Reinaud pense que le nom Irak fut appliqué d'abord
au royaume de la Mésène et de la Kliaracène , et qu'il s'étendit plus
tard à la Babylonie. [Mém. sur le royanni'j de la Mésène et de la Cha-
rachxe, p. 60.)
' Au lieu de 'è'^Xs^ , je lis 'o\y^ «tractus, regio.»
■-' Je pense qu'il faut lire, avec \ako\i{ySchadè-djâni-Khosron «la
joie de l'âme de Cosroès. » Cependant, d'après ce qui e.U dit dans
le Méraçid, ce district paraît avoir été plus communément connu
sous le nom de Khosron-Sahour, et par abréviation Khasrahonr.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 233
Haut-Nehrcvvan; 2° le Bas-Nehrewân ; 3° le Moyen-
iNehrewân; /i" Baderaïa; f)° Bakoiisaya.
TERRITOIRES ARROSES PAR LE TIGRE ET L'EUPHRATE REUNIS.
V. Asitân de Sabour (nommé aussi) district de
Kesker, quatre cantons: i°Zendaverd; ^''Berboun^;
3" el-Ustnd; /i" ei-Djevazireb.
VI. Asitân de Schad-Babman , quatre cantons :
1" Babman-Ardechir; 2" Meïsan; 3° Dest-Meïsân;
4° Eberkobad 2.
TERRITOIRES ARROSES PAR L'EU PUR ATE ET LE PETIT-TIGRE
(dodjeïl) l
VII. Asitân el-Ali , quatre cantons : i°Mîr-Sabour;
2° Mesken; 3° Rotrobbol; 4° Badouria.
^ Ce nom ne se lit dans aucun traité géographique; peut-être
l'auteur avait-il écrit ciSrîv^ i^oreït «terre UioUe et légère.» Dans le
Méraçid, une localité du Sawad est ainsi nommée.
2 Le nom Ardcchir est écrit y^bJ dans les anciennes copies
persanes, de là la leçon Azdechir, si fréquente dans Maçoudy,
Hamzah d'Ispahân , etc. Babman signifie en parsi « sage et heureux. »
Ce fut vers l'an 225 de Jésus Christ qu'Ardecliir, après avoir détrôné
les Arsacides, fit la conquête de la Mésène et lui donna son nom.
(Voyez le passage de Hamzah sur cette expédition, Recherches sur la
Mésène, elc. par M. Reinaud, p. 46 et suiv.) La description de Dest-
Meïsan «la plaine de Mésène» se trouve dans Saint-Martin [Hisl. et
géogr. de la Mésène, etc. p. 69.) Le nom du quatrième canton cité ici
est écrit Ebezkobad dans Yakout et le Méraçid. Ainsi que l'auteur
du Mo'djem le remarque, plusieurs historiens musulmans ont con-
fondu ce canton avec celui d'Erradjân, dans la Susiane. (Cf. mon
Dict. de la Perse, p. 10.)
■■' La copie A lit iJ^^ « !c Tigre ; » l'inexactitude de cette leçon est
démontrée par ce qui précède. Au rapport de Yakout, dans le Mosch-
tarik, on nomme Dodjeïl un canal qui prend naissance au-dessous
f. . i6
i^34 MARS-AVIUL 1865.
VIII. Asitân ou district d'ArcIrchir-Bnbeguân ,
cinq cantons: i° canal de Schîr; 2" Roiimakân ;
•3° Routa; Zi'^ canal Derkit; 5° canal Djoubarah ^
IX. District de Diwamastân, ou des Zab, trois
cantons : 1° Zab supérieur; 2° Zab moyen; 3" Zab
inférieur'-^.
X. District du Haut- Bebkobad, six cantons:
1° Babel; 2° Kboutarnyab; 3° Haute-Felloudjab ;
/i" Basse-FeJloudjab^: 5° les Deux-Canaux; 6° Aïn
et-Tarnr (( la Source du palmier.»
de Sorramènrâ, et se dirige sur Bagdad , à travers un territoire vaste
et fertile. (Cf. Description du pachalik de Bagdad, par Rousseau;
Chrestom. arabe, I, 78. ) L'asitân el-Ali fut nommé plus tard Nehr-
ïça, lorsque l'oncle du khalife Mansour y fit creuser un canal.
[Ahou'l-Féda, trad. française, p. 67.) C'est le nom de Mesken qui
avait fait croire à d'Anville, égaré par le témoignage mal compris
de Pline le Naturaliste, qu'il y avait deux Mésènes, dont l'une était
placée plus au nord. Le canton de Kotrobbol (cette prononciation
est donnée par le Kamous et le Moschtarik) était cité à côté de ceux
de Salyhia et de Tizen-Abâd, pour ses fameux coteaux : ces trois
noms se rencontrent souvent dans les poésies bachiques d'Abou-
Nowas. (Voyez Od^s 27, 36 et passim, édition Ahlwardt. )
' Parmi les canaux dérivés du Petit-Tigre, Yakout mentionne le
canal de Scljirîn, qui ré| ond an canal nommé ici Scliîr. Le canal
Derkit, qui ne se trouve nulle part ailleurs sous cette forme, est peut-
être pour Di'ïr aie couvent» dont il est question dans le Mo'djem
clBouldan. Au lieu de Djoubarah, qui est la vraie leçon, le texte
porte el-Hoicaïzah. Sur le canal Kouta, cf. Abou'1-Féda, ibid. p. 67.
2 Le haut Zab est surnommé Medjnoiin oie fou» à cause de la
violence de ses eaux; il commence entre Moçoul et Arbelles, et se
jette dans le Tigre, prbs de Essînn. Le Zab moyen finit dans le
canton dcNômanyab. Le petit Zab passe entre Arbelles et Dakouka,
avant de se réunir au Tigre (Yakout, Abou'lFéda). F.nfin il est
question , dans le Moschlarik , d'un quaU'i^me canal nommé encore
Zab, qui sort de l'FiUphrate et se jette dans le Tigre, près de VVaçit.
' Les deux lexicogr.iplies Djevvhcry cl Firotizâbàdy disent <[u'oii
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 235
XI. Bebkobad moyen, quatre cantons : i° cl-
Djenneh et el-Bedat; i"" Soiira; 3° Barbiçya; 4° Ba-
rousema; 5° Nehr el-Mélik « canal du roi^ »
XII. Bas-Behkobad, cinq cantons: i° Forat-Ba-
dakla^; 2° Siiaboun; 3° Nister; 4° Boumistân;
5° Hormuzdjird. IVlais, d'après une classification dif-
férente, ces deux derniers cantons sont formes de
la réunion de fermes prises çà et là sur divers can-
tons.
L'impôt foncier des districts arrosés par le Tigre
(et FEuphrate) s'élève à huit millions cinq cent
mille dirhems^.
nomme felloudj ah une terre labourée, arrosée et prête à recevoir les
semailles.
' Le canal de Soura est le dernier bras qui met en communica-
tion l'Euphrate et le Tigre, près de Korna; quanta l'emplacement
de la ville de Soura, il a donné lieu à de sérieuses difficultés. (Voyez
Aboul-Feda, trad. p. 67.) Le Canal royal, en araméen Nahr-Malha,
est décrit par Saint-Martin (Mémoire cité, p. 68).
- Le nom de Forât est déjà cité par Pline {Hist. nat. VI, xxxii).
Saint-Martin (même ouvrage, p. 29 et suiv.) place ce canton un peu
au nord-ouest du canal el-Hajfar, entre Basrah et l'ancienne ville de
Charax. Sur les différentes lectures du mot hadakla ,oti peut consulter
les notes et additions au Meraçid par Juynboll (I, p. 171).
' Soit 5,626,000 francs, à raison de o^65 par dirhem. Ce chiffre
ne s'accorde pas exactement avec les sommes portées dans les ta-
bleaux qui vont suivre; je ne sais si l'on doit en accuser l'auteur ou
les copistes. Mais il est hors de doute que ce petit paragraphe est mal
placé dans les deux copies, puisqu'il se trouve entre les deux der-
niers districts réunis sous le nom collectif de Bebkobad. Sa place
naturelle est ici, à la suite des douze districts qui, selon l'auteur,
forment le Sawad, et avant l'évaluation des ressources agricoles et
financières de cette province.
16.
!36 MARS-AVRIL 1865.
OBSERVATION PRELIMINAIIIK.
J'ai disposé ce qui suit en tableau, pour éviter des redites
faliganles, et aussi pour que le lecteur puisse saisir dans
leur ensemble les chiffres disséminés dans le texte. Un mol
d'explication me semble nécessaire sur la valeur delà mesure
de capacité et des monnaies dont se sert Ibn Khordadbeh.
Firouzâbâdy assure que le korre d'Irak vaut six charges ou
soixante kafiz , soit quarante ardeh. Le kafiz contenant douze
saa et chaque saa pesant à peu près deux litres et demi, le
korre peut être évalué à 18 hectolitres environ. C'est aussi par
approximation qu'il convient de déterminer la valeur du
dinar et du dirhem , c'est-à-dire de la monnaie d'or et d'ar-
gent. On sait combien le taux en a varié dans les premiers
siècles de l'hégire : ainsi le dinar, de i4 francs, son cours
primitif, est descendu au-dessous de 7 francs; pareille fluc-
tuation a été subie par le dirhem. Afm de ne pas exagérer
des chiffres déjà considérables , j'ai donné ici au dinar la va-
leur moyenne de 10 francs, ce qui met le dirhem entre 65 el
70 cenlimes, en comptant i5 dirhems au dinar, ainsi que
le fait Kodama dans son Livre de l'impôt. (Cf. Journ. asiat,
5* série, XX, p. 179.) Nous aurons ainsi :
Korre 18 hectohtres.
Dinar 10 francs.
Dirhem. .... G5 à 70 centimes.
TABLEAU STATISTIQUE
DU SAWAD.
238
MARS-AVRIL 1865.
TABLEAU STATI>
POSITION
RIVERAINE.
CANTONS.
NOMBRE II
des
BOOnGAOES(l). 1
NOMBRE
SES GRANGES.
KORRES
DE Kl ■
/ El-Anbar
5
200
2,3oo
Kotrobbol
lO
220
1,000
Mesken
6
io5
3,000
Badouria
i4
420
3,5oo
Canal de Scbîr
lO
2/io
1,700
Roumakân
lO
220
3,3oo
Koutha
9
220
3,000
Canal Derkit
9
125
2,000
Canal Djoubarah. . . .
lO
227
1,700
Les (trois) Zab
12
2txl\
1,700
Région occidentale
du Sawad,
arrosée par ^
le Tigre
et l'Euplirale,
Babel et Kbatarnyab.
Haute-Felloudjah.. . .
Basse-Felloudjah. . . .
Les deux Canaux. . . .
i6
i5
6
3
378
24o
72
81
i,i5o
1,000
3oo
A n et-Tamr
Djenneh et Bedat.. . .
3
8
i4
71
3oo
1,200
Soura et Barbiçya. , .
lO
265
700
Barousama etNabr el-
Mélik..
lO
66/4
i,5oo
Sinnîn(6)etlesWakf.
5oo
Forat-Badakia
lO
271
2,000
Silahouu (8)
II
34
1,000
Confluent
ri oc
Roumistân et Hor-
muzdjird
Nister
II
7
5oo
i63
i , 2 5 0
Iffhar f 1 oV . .
Kesker, canal de Sil-
lah, Rikkat et
}
' 3,000
deux Heuves,
Reyén.
A reporter, . .
i83
4.524
37,6(-
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES.
IIQUE DU SAWAD.
239
KORRES
D'ORGE.
PRODUIT
DE L'IMPÔT
en dirhems.
OBSERVATIONS DU TRADUCTEUR.
j,4oo
i5o,ooo
(i) II y a une faute dans le texte; il faut lire bourgades
1,000
1,000
300,000(2)
3oo,ooo
« resatik » , au lieu do taçondj.
(2) Le texte porte trois cents seulement ; l'erreur est évidente.
1,000
1,000,000
1,700
ffl
(3] Les copies présentent ici une lacune, suivie des mots
3,o5o
35o,ooo
cinq mille. Dans Kodaraa , où tous les chiffres de cet article se
2,000
2,000
i5o,ooo
1 5o,ooo
rapportent aux nôtres, on lit i5o,ooo diihems; mais si cette
leçon était acceptée, le total de l'impôt dépasserait le chiffre
de 8 millions et demi, représentant la contribution en numé-
6,000
i5o,ooo
raire du Sawad. Pour obtenir cette somme, l'impôt de Ba-
7,200
260,000
douria doit être estimé 43, 160 dirhems seulement.
(4)-
35o,ooo
(4) Le produit de l'impôt en espèces étant le même dans
5oo
3,000
70,000
280,000
Kodama, oa peut combler ainsi les chiffres omis : 3, 000
korres de blé et 5, 000 korres d'orge.
4oo
75.000
Il 00
5 1,000
1,600
i5o,ooo
2,4oo (5).
100,000
(5) Korres de riz.
4,5oo
25o,O0O
5,5oo
2,500(7).
260,000
(6) «Sous ce nom, ajoute l'auteur, sont réunies plusieurs
900,000
fermes enlevées à différents cantons. Les produits en nature et
1 ,5oo
i4o,ooo
en espèces y sont prélevés à litre de dîme aamônière. »
5oo
10,000
{7) Orge et riz.
(8) «Dans ce canton sont compris Khawarnak et Tizen-
2,000(9)
3oo,ooo
2oo,84o
Âbàd. »
(9) Korres d'orge et de riz.
(10) On nomme ainsi des terres de franc alleu, prises sur
plusieurs cantons et dont l'impôt entre dans le trésor particu-
20,000
orge et riz.)
70,000(11)
lier du khalife. ( Voy. mon Dictionnaire de la Perse, à ce mot. )
(11) Le texte de Kodaraa porte 2 70,000 dirhems, ce qui est
évidemment une erreur. Si l'on adoptait ce nombre , on au-
7i,i5o
5,996,840
240
MARS-AVRIL 1865.
POSITION
niVEBAINE.
Les trois
Nahre>Yân.
Région orientale
du Sawad.
CANTONS.
Report
Buzurg-Sabour
Radàn
Canal de Bouk
Kehvada, canal de
Bîn
Djazcr et la vieille ville.
Les deux Djaloula . . .
Deçîn
Deskereh
Beraz er-Roud
Bendendjeïa
Haut-Nahrewàn
Moyen-Nahrewàn. . . .
Bas Nabrewân
Badouria , Baksaya . . .
Total (i)
i83
9
'9
255
NOMBRE
DES GRANGES.
/l,52/i
260
302
34
116
66(?i
23o
a
26
54
5,656
K 0 R R F. s
DE BLÉ.
37,600
2,5oo
4,800
200
1,600
1 ,00u
1,000
700
1,000
3,000
600
2,700
1,000
1 ,000
4,700
63,4oo
(i) On a vu précédemment que l'auteur évaluait l'iuipôt du Sawad à 8,5oo,ooo
dirhems, tandis qu'ici nous trouvons seulement 3,450,84o. Cette difFérence de 43, 160
dirhams sur 8 millions et demi peut s'expliquer par des fautes de copistes, fautes iné-
vitables dans une aussi longue nomenclature. 11 est d'ailleurs aisé de la combler, si l'on
admet notre conjecture sur les chiffres omis à l'article Canal de 5c/iir. Le total de Kodama
présente , comme on devait s'y attendre, des chiffres très-différents, à savoir : 8,095,800
dirhems, 117,200 horres de blé, 99,721 horres d'orge. Mais, comme M. de Slane l'a
judicieusement remarqué, il y a un tel désaccord entre les groupes partiels et le total ré-
sultant de ces mêmes groupes additionnes, qu'il est impossible de prendre ces nombres
pour termes de comparaison. Kodama ajoute à sa liste une indication fort précieuse cl
([ui mérite d'être signalée ici : il nous apj>rcnd qu'un liorre de blé et un korre d'orgo
pris ensemble valent 60 dinars monnayés. Appliquant celte même valeur au produit des
céréales, tel qu'il nous est fourni par Ibn Khordadbeh , je trouve, en tenant compte
des lacunes du texte, environ 5o millions de francs pour le produit annuel des ré-
■'oltcs , ou un peu j
>lns
l'on adopte la récapitulation do Ko(l;«ma. Mais il est csscn-
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES.
241
r.RES
PRODUIT
; 'JRGE.
DE L'IMPÔT
en Jirheras.
OBSERVATIONS DU TRADUCTEUR.
. 1 5o
5,996,840
.200
3oo,ooo
rait, pour l'inipôt du Sawad , un chiffre supérieur au total qui
120,000
résulte de l'exameudece tableau. D'ailleurs Kodama ajoute, en
note, que le même canton payait précédemment 90,000 dir.
l,C>0O
100,000
il serait difficile d'expliquer une plus-value aussi considérable,
i,5oo
33o,ooo
et en si peu d'années, le produit des récoltes étant reste le
même.
1,700
25o,ooo
1,000
100,000
1 3,000
4o,ooo
1,000
70,000
2,000
1 20,000
5oo
100,000
1,800
35o,ooo
5oo
100,000
1,200
i5o,ooo
5,000
33o,ooo
(1) La conversion des cbiflies des trois dernières colonnes
donne les résultats suivants : blé, i,i4i,30o hectolitres;
o3,55o
8,/i56,8/io(i)
orge, 1,863,900 hectolitres; numéraire, 5,496,946 francs.
el de se rappeler que , dans le tableau de cet auteur, comme dans le mien , il est
ueslion uniquement du produit brut de la terre pour une année. Or il résulte de
aveu des écrivains les plus sérieux , Mawcrdy, l'auteur du Multeka , etc. que le Sawad
ut déclaré par Omar terre kharadjydi et soumise au Uharadj moukaçcmè, c'est-à-dire
l'impôt proportionnel. La quotité ordinaire de cet impôt étant le dixième , on voit
ue le droit du trésor sur le rendement de cette province s'élevait à 5 millions de
rancs. Ajoutons à cette somme 6 millions de francs, produit de l'impôt en numé-
airc, plus 8 à 10 millions pour les dîmes aumônières des deux grands centres «misr»
iasrah et Koufab , et nous obtenons un cbiffre de 20 millions pour la province' du
iawad seulement. 11 résulte encore du renseignement fourni par Kodama que , vers le
■iiilieu du m* siècle de l'hégire, l'hectolitre de blé ou d'orge valait de i6 à 17 francs.
]es curieux renseignements, qu'on chercherait vainement dans les chroniques' musul-
aanes, reposent, on le voit, sur des témoignages authentiques; ils feront, je l'espère',
xcuscr la sécheresse et le désordre du document dont j'ai entrepris la publication.
242 MARS-AVRIL 1865.
Le district de Schad-Firoiiz , qui n'est autre que
le pays de Houlvân, est imposé à 1,800,000 di-
rhems, y compris les sommes payées par Jes popu-
lations catholiques et kurdes.
HISTOllIQUE DE L'IMPOT DU SAWAD.
Sous le roi Robad, fils de Firouz, l'impôt était
de i5o millions de miskals ^ Omar, fils de Khattab
(que Dieu lui fasse miséricorde!), ayant ordonné de
procéder au cadastre du Sawad, qui a, en long,
26 parasanges, depuis el-Haditlia jusqu'à Abbadân,
et en large, 85 parasanges, du coteau de Houlvân
jusqu'à el-Odaïb , le résultat de cette opération fut
36,000 arpents [cljérib). Alors le khalife établit les
taxes suivantes : un arpent de blé = 4 dirhams ;
un arpent d'orge ==: 2 dirhems-, un arpent de pal-
miers^ 8 dirhems; un arpent de vignes ou d'arbres
fruitiers = 6 dirhems ^. La capitation fut établie
^ On verra plus loin que la valeur attribuée à celte quantité par
Tauteur lui-même est de 33 dirhems, plas une fraction.
* En d'autres termes :
1 arpent blé 2^ 60"
id. orge 1 3o
id. palmiers. . . 5 20
id. vigucs ]
et > ... 3 90
vergers )
Tout ce qui est dit ici de l'impôt établi par Omar est traduit, dis-
cuté et enrichi de documents nouveaux, par Hamd Allah , l'auteur du
Nouzhel el-Kouloub. Je l'egretle de ne pouvoir ajouter à ma traduc-
tion le travail du géographe persan; mais j'espère publier tôt ou
tard son intéressant livre sur la topographie de la Perse, dénaturé
et mis en lambeaux par Langlès , dans les notes du Voyage de Chardin.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 243
sur 5oo,ooo têtes, en tenant compte des difFérentes
classes de tributaires. En résumé, Omar fixa l'impôt
du Sawad à i 20 millions de dirhems. (Il y a ici une
erreur du copiste; il faut lire seulemenl 20 millions
de dirhems, soit i3 millions de francs.)
El-Haddjadj , fds de Youçouf , par son gouverne-
ment tyrannique et son despotisme fantasque ^ ne
put tirer de cette province plus de 1 8 millions de
dirhems; encore dut-il consentir un dégrèvement
de deux millions , de sorte que l'impôt ne produisit pas
plus de 16 millions de dirhems (io,4oo,ooo francs).
Il défendit aux cultivateurs de tuer les bœufs , croyant
que cette mesure suffirait pour développer l'agricul-
ture. C'est ce qui a fait dire à un poëte :
Quand nous déplorons devant lui la ruine de l'Irak, lin-
sensé, il nous interdit la chair de nos bœufs!
La monarchie des Perses avait établi^ un impôt
de trente millions de dirhems surleDjebal, l'Azer-
baïdjân, Rey, Hamadân, les deux Mah, le Tabari-
stân, Nèhavend, Koumès,Maçabadân , Mihrdjânka-
dak et Houlvân.
^ Ce prince fut envoyé-en Irak , à ^'âge de trente-trois ans, et gou-
verna cette province pendant vingt ans. [Dici. arabe de Nawawy,
éd. Wûstenfeld, p, \<m.)
^ L'auteur emploie le mot ja^ qui indique un payement en dif-
férents termes. Dans l'ancienne comptabilité ottomane, la solde de
l'arm(fe se payait par qjsteïn, c'est-à-dire par semestres. (Voyez Hist.
économique de la Turquie, par M. Belin , Journ. asiat. 1 864 ,111, 482 .)
244 MARS-AVRIL 1865.
RÔLE DE L'IMPÔT PAYÉ À ABOU'L-iBBAS AIJD ALLAH, FILS DE
TAHER, FILS DE HUÇEÏN, PAR LE KHORAÇÀN ET LES AUTRES
PROVINCES SOUMISES À SON AUTORITE, L'AN 211 ET 212 '.
Dii'heius.
Rey 10,000,000
Koumès (Comisèiie) 2,170,000
Djorcljân ' 1 o, 1 70,000
Le Kermàn. Celte province, dont les villes prin-
cipales sont : Baft, Diliislàn , Moukàn et Rer-
mân, a 180 parasanges en long et en large.
Sous les Sassanides, Timpôt était de 60 mil-
lions \ aujourd'hui il est seulement de 5, 000, 000
Wl y a ici une erreur très-grave, mais dont les copistes sont seuls
responsables , car il est impossible que l'auteur ignorai la date d'évé-
nements presque conlemporains et aussi important?. Il faut, au lieu
de 2 1 1 et 2 I 2 , lire 221 et 222. Nous savons, par le témoignage de
Hamzah d'fspahàn (p. 179), qu'Abd Allah, fils de Taher, reçut du
khalife Mamoun le gouvernement du Kboraçân en 2i5 (septembre
S3o), qu'il administra cette province pendant quatorze ans, et
mourut en 280, sons le règne de Wathik. Celte assertion est con-
lirmée de point en point par Yacouby, dans son Historique du gou-
vernement du Ivhoraçân (éd. JuynboU, p. ^\ ). Enfin Kodama nous
apprend qu'une répartition de l'impôt fut faite par Abd Allah , fils
de Taher, l'an 221 (836 de J. C), et c'est là très-certainement le
document dont Ibn Khordadbeh avait une copie sous les yeux. (Cf.
Journ. asiat. août 1862 , p. 169.)
^ Voici l'impôt payé par ces trois provinces un siècle plus tard ;
je tire les chiffres qui suivent du manuscrit de Mokaddessy appar-
tenant au docteur Sprenger, fol. 260. «Rey, 10 millions; Koumès,
1,196,000; Djordjân, 10,196,800.» L'auteur ajoute : « Dinaver
paye 3 milhons; Koumni, 2 millions; Saïmarah, 3, 100,000 dir.;
Kachân, 1 million; Démavcnd, 10 millions. » (i6u/.)
^ Mokaddessy dit (jue le Kermàn payait encore Go millions au
moment où il écrivait; mais je crois qu'il y a une erreur de copie en
cet endroit. Dans Kod.ima, on lit 6 millions.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 245
Dirlieips.
Le Seïstân (prélèvement fait du dégrèvement de
Firavân ' et du Rokkhedj), y compris le Zé-
mîn-Daver et le Zaboulislân, qui forment la
frontière du Tokharisiân 6,776,000
Les deux Tabès 11 3, 000
Le Kouhistân 787,080
Neïsabour; cette ville a une citadelle ^ /i, 108,700
Tous
Abiverd
Serakhs
MerveChabidjân; cette ville a une citadelle. . .
Talikân
Gordjistân
Cette province paye , en outre , une taxe
en nature de 2,000 moutons.
Badeghîs
Herat, Oustouvah et Esfidendj
Pouchèng
Province du Tokharisiân
Gourgân
Rhoulm.
Khottolân ^ et ses montagnes
Fatrougas
Termeta *
Eddour et Sindjân
7/10,860
700,000
307,440
,147,000
2i,4oo
100,000
124,000
,159,000
559,350
106,000
1 54,000
i2,3oo
193,300
4,000
2,000
12,600
^ Ce mot est douieux. Le 'groupe de la copie A pourrait se lire
DeraverdOs^L^. Le Méraçid place une ville de ce nom dans le
Klioraçân.
'^ Kohendiz, mot qui est constamment défigure dans les copies.
L'auteur entend par là le centre politique d'une province, le siège
du gouvernement. Le Kohcndiz est, pourles^villes de l'Orient, ce que
la Kasbah était pour l'Afrique septentrionale et l'Espagne.
' Un mot entièrement illisible.
^ Ce nom et celui qui le précède sont incertains: ils me parais
sent répondre à qÀ^\.? et ^{am^Ju dans Edriçy, [, 48o.
246 MARS-AVRIL 1865.
Dîrhcms.
Endicliarân 10,000
Bamiân 1 5, 000
Cliermekàn , Houraers(?) et IsFidjab 606, 5oo
Termed ^7,100
Soghdân 3,5oo
Sa'yân A, 000
Khàn 10,000
Midedjân 2,000
Ahazoun(?) 10,000
ïabab. 20,000
Baham 20,000
Saghaniân . . . , 4^,000
Bassara 7,3oo
Zagharsen 1 ,000
Adan et Raman 1 2,000
Plus treize chevaux [sic).
Kaboul , 2,ooo,5oo
Plus 2,000 moutons estimés 6,000 dir.
Kaboul est sur la frontière militaire du
1 okharistân. Les autres villes sont : Wa-
dân, Khâch, Khocbhak, Khibrîn. Cette
province, qui est limitrophe à l'Inde, pro-
duit le cocotier, le safran etlemyrobolan.
Bosl 90,000
Kech 111 ,5oo
Nîm (Nîmrouz) 5, 000
Badekîn (?).... 6,200
Richlàn et Djavân 9,000
Zaubân 2,220
Akat 48,000
Khârezm et Khatb ' 487,000
Amol : 293,400
' En dirhems dits hhârezniy.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 247
PAYS AU DELA DE L'OXUS.
Dirhcms.
Boukbara; cette ville a une citadelle ' 1,189,200
Le Soglîd avec tous les districts qui forment le
gouvernement de Neuh, fils d'Açed* 32 6,/|00
Cette somme est ainsi répartie :
Ferghanah 280,000
En dirliems mohammedy .
Les villes turques à6,l\oo
En dirhems khârezmy et moçaïby^. De
plus, 1,187 pièces de grosse toile et
1 ,3oo pièces de cuivre ouvragé (mol à mot ,
en chaudières) ou en plaques.
Le chiflre total de l'impôt (dans laTransoxiane)
est t 2,072,000
En dirhems mohammedy.
Le Soghd, c'est-à-dire Samarcande, la mine de
sel, Rech, Neçef, Nîm el les autres districts. 1,089,000
En dirhems mohammedy.
' Une copie porte taterjeh , l'autre hataryeh *^^Ja^. La citation
de Mokaddessy, qui est donnée pins loin, prouve qu'il faut Wre ghi-
trijyehf du nom de l'auteur de cette monnaie.
* Mirkhônd, Histoire des Samanides, traduite par M. Defrémcry,
p. 1 13, dit que Nouh gouvernait seulement Samarcande, et que le
reste des provinces au delà de l'Oxus avait été partagé entre ses
frères, par Ghassan, ministre du khalife el-Mamoun. Ce qui se lit
ici prouve au contraire que Nouh réunissait le pays entier sous son
autorité. Hamzah Ispaliàny, dont les Annales furent rédigées vers
35o, vient à l'appui de cette opinion. Voici ses propres paroles :
«Cum Almamun e Chorassana in Iracam proficisceretur, Nuch ,
fihus Asadi, eum illuc comitatus est, ac per plures annos tam assi-
duum ei se praîbuit, ut Transoxanam auspiciis Thaheridarum ah eo
regendam acciperet. » (Trad. de Goltwaldt, p. i85.)
■^ A ajoute nysjeîn a deux moitiés», ce qui pourrait se traduire
par «payahle en deux termes.» ( Voy. la note 2, ci-dessus, p. 2.43.)
248 MARS-AVRIL 1865.
Dirhem».
Plus 2,000
En dirhems moçaïhy.
Chach et la mine d'argent 607,100
Khcdjendeh 100,000
En dirhems moçaïhy^.
L'impôt du Khoraçâii, en y comprenant tous les
districts et cantons gouvernés par Abou'l-Abbas,
Abd Allah , fils de Taber, s'élève à la somme de
4/1,686,000 dirhems, à laquelle il convient d'ajouter
(comme taxe en nature) i3 chevaux^, 2,000 mou-
tons, 1,012 prisonniers de guerre et i,3oo pièces
de cuivre ouvragé et en plaques ^.
^ Les sommes données ici, ajoutées à l'impôt de la province de
Boukhara, formeraient un total de 3,087,800 dirhems. Il est hors
de doute que plus d'une erreur s'est glissée dans les copies. Toute-
fois, il se peut que l'auteur n'ait pas compris dans sa récapitulation
les taxes en nature, telles que étoffes, métaux, etc. En adoptant
pour celles-ci, d'après les données mêmes du texte, le chiffre
i,oi5,3oo dir. et en ajoutant ce total à la somme de 2,072,000 qui ,
selon Ihn Khordadbeh, forme le montant de l'impôt dans la Tran-
soxiane, on obtient, en dernier lieu, 8,087,300 dirhems.
^ Jl s'agit probablement de chevaux de luxe à l'usage des souve-
rains. Le texte de Mokaddessy donne vingt chevaux,
^ Kodama, qui ne travaillait pas, il est vrai, sur des documents
de même date, évalue les contributions du Khoraçân à 38 millions
de dirhems-, mais quelques pages plus loin, dans sa récapitulation,
il dit 87 millions seulement. Cette contradiction et l'omission de la
somme payée par chaque ville ou district en particulier ne permettent
pas de tenir grand compte de son témoignage. D'autre part, un écri-
vain contemporain , Yacouby, qui, sans avoir accès aux sources offi-
cielles, possédait cependant des renseignements posilifssurl'histoire
administrative du Khoraçân, termine ainsi son a|ierçu chronologique
des gouverneurs de cetle province : «L'impôt du Khoraçân entier
s'élève à ko milliou.s de dirhems, non compris le quint prélevé sur
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 249
SURNOMS DES ROIS DU KHORAÇÀN ET DE L'ORIENT.
Le roi de Neïsabour est surnommé Kenar; — le
les places frontières au profit dos Tahérides. Indépendamment de
celte somme, dont ils ont la jouissance pleine et entière, ils reçoi-
vent encore treize millions et de riches cadeaux, de la part du kha-
life. » (Texte arabe , p. <lh .) Un témoignage aussi respectable doi t , ce me
semble , trancher la question entre les chiffres incertains de Kodama
et les données qui résultent de notre texte. Tant que des documents
plus précis ne viendront pas dissiper nos derniers doutes, nous pou-
vons accepter, comme une approximation satisfaisante , les sommes
suivantes :
Sawad 20 millions de francs.
Khoraçân et Transoxiane. . . 3o
Fars 20
Susiane 20
90 millions.
soit de 90 à 100 millions pour les quatre provinces principales de
l'empire des khalifes. Je crois devoir ajouter ici le relevé donné par
Mokaddessy, à la suite de la description du Khoraçân et des pro-
vinces situées au delà de l'Oxus. Il ne faut pas oublier que ce voya-
geur publia son ouvrage en 376 de l'hégire {985 de notre ère). «Im-
pôts : Ferghanah, 280,000 dirhems mohammedy. — Chach, 180,000
dir. moçaïhy. — Khodjondeh (sur la ferme des dîmes) 100,000 dir.
moçaïhy. — Soghd, Kech , Neçef, Achrousneh, 1, 089,03 1 [sic) dir.
mohammedy. — Isfidjab, 4,ooo et une fraction, plus un cadeau pour
le sultan. — Boukhara, 1,166,897 ^^r. nommés (jhitrifyeh. Les trois
sortes de monnaies dont il est question ici doivent leur nom à trois
frères , Mohammed , Moçaïb et Ghitrif , qui les firent frapper; elles
sont noires, mais pUis estimées que les pièces blanches. — Sagha-
niân, 48,629. — Dakhân , 4o,ooo. — Le Khârezm, 420,1 20 dir. dits
khârezmy; le dirhem de ce nom vaut ^ danck et demi. » Puis faisant
allusion au Livre des routes que, nous le savons par sa préface, il
avait quelquefois consulté, il ajoute : «J'ai lu ailleurs que l'assiette
de l'impôt, dans le Khoraçân, esl 44, 800,943 dirhems, plus 20 che-
vaux, 2,000 moutons, 1,200 esclaves, i,3oo pièces de cuivre en
V ,n
250 MARS-AVRIL 1865.
roi de Merve, Mahavéih^ \ — le roi de Serakhs,
Zadaveïh ; — le roi d'Endekhoud, Ba/imrni (ou Bah-
maneh, d'après la copie A); — le roi de Niça, Ib-
nan (?); — le roi d'Amol, Anseb • amol chah ; — le
roi de Merve er-roiid, Kilân; — le roi d'Isfizar, Me-
rahideh; — le roi du Kaboul, Kaboul-chah; — le
roi de Termed, Termed-chah ; — le roi de Bamiân,
Soïd-Bamiâîi; — le roi du Soghd , Akhchak ; — ic
chaudières ou en plaques. » On voit que le texte d'Ibn Khordadbeh
qu'il avait sous les yeux ne différait pas sensiblement du nôtre , au
n)oins dans ce fragment. Le même voyageur donne, sur les droits
de douane , des détails fort curieux et qu'on peut résumer ainsi :
«Ces droits sont légers, sauf pourtant la taxe prélevée sur les es-
claves au passage de l'Oxus. Nul esclave mâle ne peut traverser
le fleuve sans être muni d'une autorisation du sultan; il paye en
outre 70 à loo dirhems; il en est de même des femmes réduites en
esclavage; mais l'autorisation du gouvernement n'est pas exigible
pour les esclaves de race turque. Une esclave paye de 20 à 3o di-
rhems; un chameau 2 dirhems; un passager, pour son bagage, i di-
rhem. Les voyageurs sont fouillés rigoureusement, parce que les
lingots d'argent qu'on porte à Boukhara sont l'objet d'un commerce
important. Enlin , chaque voyageur est soumis à un droit de 1 dirhem
ou d'un demidirhem , par relai. » ( Fol. 221.)
* Ce paragraphe, qui n'est pas ici à sa place, puisqu'il se rattache
naturellement à la section qui a pour titre, «Des rois de la terre, »
plus loin, p. 2 56, a été si maltraité par le temps que presque tous
les noms qu'il renferme sont douteux. L'auteur du Modjmei a con-
sacré un chapitre au même sujet; mais l'unique copie de la Biblio-
thèque impériale, dont j'ai pu faire usage, et qui a servi à M. Mohl
pour les extraits publiés dans ce recueil (IIP. et IV série, i84i-
i843), est elle-même très-fautive et remplie de leçons différentes.
Je signale en note celles qui semblent se rapporter aux mêmes per-
sonnages. Dans le Dictionnaire persan intitulé Dorhan-é-kati', si pré-
cieux pour l'histoire et l'archéologie de la Perse anté-islamique, il
est dit que le gouverneur du Seîslân , sous Yezdidjird, dernier
prince de la dynastie s;»ss;nii(lr" . sf noinmaif Mahaveïli.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 251
roi de Ferganah, Ikhchidîn ou Iklichidiz^; — Je roi
de Rounsariân, Zirîsân; — le roi de Gourgân,
Goiirganân; — le roi du Khârezm, Khârezm-chah;
— le roi du Kholtol, Huçeïn-Khottolân-Khodah^;
— le roi de Boukhara, Khodah; — le roi d'A-
chrousneh, Ifchin; — le roi de Samarcande, Tar-
Jihoan^; — le roi du Seïstân, Rothil^\ — le roi de
Rokkhedj, de Daver et de Nîm (rouz), Doul-na-
naali^; — le roi de Vardaneh, Vardân-chah; — le
roi de Héral, de Pouchèng et de Badeghîs, Arân;
— le roi de Keched, Madoun; — le roi du Djor-
djân, Soal; — le roi de la Transoxiane, Koasân-
chah ^.
Rois des petites tribus turques : Tarkhân. — Ni-
zek. — Hourtéguîn, — Ramroiin. — Ghourek. —
Chohrab '^.
^ «Le roi du petit Soghd est nommé Bekteguîn; le roi du grand
Soghd, Ikchîd; le roi de Bamiân, Schin.v [Modjmel, fol. 271 et
suiv.)
' Les deux copies portent tantôt t, |(>2». , tantôt 8 [jcâ..
^ Est-ce la prononciation emphatique et conforme aux habitudes
persanes du vocable tartare tarhhân?
^ Même leçon dans le Modjmel et dans Yacouby. L'auteur du
Modjmel ajoute que ce surnom , qui date de l'âge héroïque de Rous-
tem, est encore usité dans le pays. Maçoudy [Prairies d'or, 1\, 21 è, sous
presse), parlant d'un combat singulier entre un Arabe et le chef du
Sedjestân, à la bataille de Kadiçyeh, nomme ce dernier Schahriar.
^ t L'homme à la huppe.» sobriquet tiré de l'idiome d'Himyar,
d'après le Kamous.
® Peut-être faut-il lire : Tourân-chah. L'alphabet arabe rend pos-
sibles des confusions de ce genre.
' La déplorable incertitude qui règne dans ces dernières lignes
provient certainement de l'auteur, qui a pu prendre des noms propres
»7-
252 MARS-AVRIL 1865.
DISTRICTS DE L'AHVAZ (sCSIANE).
Souk el-Ahvaz. — Sous. — Touster. — Djoundeï-
Sabour. — Rain-Hormuz. — Eïdedj. — Asker-Mo-
krcni. — Nehr-Tira. — Sorrak. — Menadirla grande
et Menadir ia petite. — (Dépendances.) Le canton
de Sirv, ou Davrak, et Sinbil. — Le canton de Ba-
çiân. — D'autres prétendent que Touster dépend de
Djoundeï-Sabour, et que Eïdedj, au Heu de former
un district particulier, est enclavé dans celui de
Ram-Hormuz. (D'après une autre opinion), cette
province se divise en sept districts : i° Djoundeï-Sa-
bour; 2° Souk el-Ahvaz; 3° (les deux) Menadir ^
â" Nehr-Tira; 5*^ Ram-Hormuz; 6° Sorrak; y^Sous^.
L'impôt foncier de l'Ahvaz est de 3o miUions,
celui du Fars également de 3o millions^. Sous l'an-
pour des titres, et les a défigurés, à mesure qu'il les copiait ou les
entendait prononcer.
' Kodama écrit à tort Medhar. Journ. asiat. loc. laiid. p. i 68,
^ Au rapport de Mokaddessy, cette division en sept districts est la
seule en vigueur dans le pays. L'unique variante que présente le texte
de cet auteur est Davrak, au lieu de Sorrah; c'est-à-dire le nom du
chef-lieu substitué à celui du district. (Cf. Dictionnaire géographique
lie la Perse, p. 24 1-)
■* Les détails que donne Mokaddessy sur la répartition de l'impôt
dans le Fars trouvent naturellement leur place ici : « Le chiffre des
redevances varie dans cette province. Ainsi, à Chiraz, un arpent de
blé ou d'orge paye 190 dirhems; un arpent de fruits ou de plantes
potagères, 287 dirhems; un arpent de cotonniers, 2.37 dirhems et
4 danek-, un arpent de vigne, 1,42 5 dirhems. (L'auteur parle ici
du grand arpent qui vaut 70 coudées royales; cette coudée est de
9 perches.) A Kovar, les mêmes produits payent un tiers de moins
qu'à Chiraz, en vertu d'une loi dont Haroun er-Récliid est l'auteur.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 253
cienne monarchie des Perses, l'Ahvaz était taxé à
5o millions et les districts du Fars à ào millions de
miskals. Imrân , fils de Mouça le Barmécide , fut
nommé gouverneur du Sind, à la condition de
payer une redevance de i million , tous frais pré-
levés.
Kesra-Perviz (Chosroès II), dans la dix-huitième
année de son règne, tira de l'impôt foncier de son
royaume 2/1 millions de miskals ^ ce qui fait, au poids
actuel du dirhem., ygS millions de dirhems. Plus
tard, le revenu (total) de son royaume s'éleva au
chiffre de 600 millions de miskals K
A Isthakhr, les prairies sont un peu moins taxées qu'à Chiraz, et
les terres labourées payent un tiers de moins qu'au chef-lieu. Je pas-
serai sous silence les autres taxes et contributions d'octroi, qui sont
très-nombreuses cl très-lourdes. » (Fol. 293.)
^ Kodama établit ainsi l'impôt sous Chosroès II (608 de J. C.) :
720,000 mishals d'or monnayé et 600 millions de dirhems d'argent.
Le savant traducteur qui nous a fait connaître ce précieux fragment
{Journ. asiat. loc. laiid. p. 181) termine son travail par cette conclu-
sion: 1° qu'en 61 9 de Jésus-Christ, le montant des impôts payés par
l'empire perse dépassait 3oo millions de francs; 2° qu'en 820 de Jé-
sus-Christ, sous le règne d'El-Mamoun, le revenu du kiialifat de
l'Orient dépassait un milliard. Le calcul rigoureux tiré du texte d'ibn
Khordadbeh , et dont on a déjà vu les résultats partiels dans les notes
qui précèdent, prouve au contraire que le revenu avait considéra-
blement baissé sous la domination musulmane. En revanche, le re-
venu de la monarchie sassanide doit être supérieur à celui qui résulte
de l'évaluation de M, de Slane. Ibn Khordadbeh affirme que le mis-
hal des Sassanides valait, non un dinar musulman, c'est-à-dire de
10 à 12 francs, mais bien 33 dirhems et une fraction, soit environ
21 francs 5o cent. Établissant le calcul sur celte base, on voit que
Chosroès avait plus que doublé la richesse publique , puisque l'impôt
s'éleva de 5oo millions à près de i3oo millions de notre monnaie.
Kodama ajoute une sorte d'allusion timide qui laisse deviner un af-
254 MARS-AVRIL 1865.
DISTRICTS DU DJEBEL .
Maçabadân. — Mihrdjânkadak. — Dinaver. —
Nèhavend. — Hamadân. — Koumm. Impôt fon-
cier de Dinaver, 3, 8 00,000 dir. On prétend que
Koumm appartenait d'abord à la province d'Ispahân ,
et qu'il en fut séparé, à f époque de Haroun. Le dis-
trict de Keredj eut le même sort.
Sous la monarchie des Perses, le Djîl (Guilân),
TAzerbaïdjân, Rey, Hamadân, les deux Ma/i ^, le
faiblissement dans le revenu. «Je crois, dit-il, que ces pays sont en-
core ce qu'ils étaient; le sol est fertile; mais pour les bien adminis-
trer, il faut un homme qui ait toujours la crainte de Dieu, etc.»
Que l'auteur du Livre des routes puisse être cru sur parole dans son
évaluation du miskal perse, ii est permis de l'admettre, si l'on veut
bien se rappeler qu'il était petit-fils d'un mage originaire du Kho-
raçân, et que la nature de ses fonctions, dans l'Irak-Adjèaiy, l'obli-
geait à connaître, au moins à titre de renseignement et comme terme
de comparaison, les lois et usages de l'ancienne administration. Au
surplus, son assertion, bien qu'il nous en laisse ignorer la source, est
corroborée par le témoignage unanime des chroniques persanes et
despoëmes, échos des souvenirs populaires dont Khosrou est le héros.
Les uns et les autres célèbrent à Tenvi les splendeurs de son règne,
ses immenses richesses et l'étendue de son empire. Toutefois, il im-
porte de remarquer que la dix-seplième année, ou, suivant notre
texte, la dix-huitième de ce règne , coïncide avec l'année 607 ou 608
de l'ère vulgaire, et non point avec l'an 619, comme le dit la tra-
duction de Rodama. L'auteur du Modjem el-Mulouh, Mustaufy, Mir-
khônd, etc. tous s'accordent à dater l'avènement de Chosroès II de
i'an 690 de notre ère, lorsque l'usurpateur Vahram fil graver le
nom du jeune prince sur la monnaie d'or et d'argent.
' Ou Irak persan ; on écrit plus ordinairement Djehul, pluriel de
djebel, «montagne.» Le terme Kouh'isiân, qui en est l'équivalent en
persan, est réservé à une province du Khoraçân.
■* On désigne ainsi les deux districts dont Dinaver et Nèhavend
L\L LIVRE DES KOUTES ET DES PROVINCES. 255
Tabaristàn, Nèhavend, Koumès, Mihrdjânkadak et
Houlvàii étaient taxés à 3 millions de dirhems.
DISTRICTS D'ISPAHAN.
Cette province, qui a 80 parasanges en long et
en large , renferme dix-sept bourgades (rousfafc) com-
prenant trois cent soixante-cinq villages, sans comp-
ter les domaines immobilisés^, qui sont vastes, bien
cultivés et peuplés. L'impôt de cette province s'élève
à 7 millions de dir. Celui de Rey h 1 o millions. D'a-
près une autre version, la province d'Ispahân serait
divisée en vingt cantons, non compris celui de
KouQim , lequel dépendrait de Dinaver 2.
DU ROYAUME DE LA TERRE.
Aféridoun partagea la terre entre ses trois fils :
Selm (ou Selem) régna dans l'occident; les rois du
sont les chefs-lieux. Yakout propose différentes étymologies pour le
mot mak. (Voy. Dict. (jéogr. de la Perse, pages 5i4 et 674.)
' Ce mot est incertain : A lit iLu^; B JUij^ ; el Yacouby (p. 5o)
ojjtf , «de création récente.» Je n'hésite pas à lire x.u»jo^, con-
vaincu qu'il est question ici de domaines constitués en fondations
pieuses. On sait que, dans le langage de la jurisprudence, honbous
ou alihas est l'équivalent du terme wahf, vulgairement vaqouf, usité
en Turquie.
^ C'est ainsi que je crois devoir corriger le texte, qui ne présente
aucun sens satisfaisant. Istakhry et Ibn Haukal placent Koumm dans
la région méridionale du Deïlem ou de l'Azerbaïdjàn. Mokaddessy
comprend dans le Djebal toutes les villes situées entre la chaîne du
Démavend et les plaines d'Ispahân; mais il ajoute que les deux dis-
tricts de Keredj et Koumm , à cause de leur importance, étaient ad-
ministrés séparément el pouvaient être considérés comme distincts
de rirak-Adjèmy (fol. 2 53).
256 MARS-AVRIL 1865.
RoLîin et de la Soghdiane descendent do lui. Thoudj,
nomme aussi Thoas , régna en Orient; les rois dos
Turcs et de la Chine forment sa postérité ^ Un de
leurs poètes a dit ;
Nous avons, dans notre siècle, partagé noire royaume,
comme la viande est parlagée'sur l'étal.
Nous avons donné la Syrie et les pays du Roum , jusqu'aux
lieux où le soleil se couche, au vaillant Scleni ,
A Thoudj, le gouvernement des Turcs, dans les contrées
réunies sous le sceptre d'un cousin.
Pour Iran, nous avons conquis le royaume de Perse, el
nous l'avons comblé de nos bienfaits.
TrrRES DES ROIS DU MONDE.
Le roi d'Irak, ordinairement connu sous le nom
de Kesra, était nommé Chahinchah. Le roi des By
zantins, que le peuple nomme Kaïçar, s'appelle Ba
slli^. Les rois des Turcs, du Tibet et des Khazars,
' H est incontestable que le texte est incomplet, puisque Iredj ,
autrement dit Iran, n'est pas nommé. Le poète qui a mis en vers ce
thème ethnologique, si goûté des anciens historiens musulmans,
appartenait, s'il faut en croire Maçoudy, h l'une des familles persanes
qui, de bonne heure, se convertirent à rislamisme. Maçoudy
( Prairies d'or, II, p. i 16) et Yakout [Dicl. (}éogr. de la Perse, p. 6/1)
rapportent la même tradition et client les vers qu'on lit ici. Mais l'un
< t l'autre écrivent à la Cm du troisième vers ^sJ » au lieu de la leçon
rapportée par Ibn Kliordadbch, et qui me semble plus ancienne.
(Cf. Ibn Khaldoun, I" vol. de son Histoire univ«*r.sclle, traduite en
lurc par SoubljiBey, p. 179; Hamzah Ispahàny, p. 33.)
* Comme il s'agit ici de titres plutôt que de noms propres, il est
naturel de croire que l'auteur transcrit ainsi jSaa^Aeus; cependant, à
en juger par les renseignements assez détaillés qu'il donne sur l'em-
pire byzantin, quelques pages plus loin, il est probable qu'il connais-
sait de nom Basile le Mact'floni'n, qin occupa \r trône do 866 A 886.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 257
portent tous le litre de Khahân. Le roi de la Chine
est nommé Baghhoar (ou, selon l'autre copie, Fagh
four). Tous ces rois descendent en ligne directe
d'Aféridoun, à l'exception du roi des Khozlodjes,
Khankomveïh '.
Le plus grand roi de l'Inde est le Balhara ou roi
des rois ^. Les autres souverains de ce pays sont ceux
de Djabalî, de Tafen, de Djouzr, de Ghanah, de
Rahma et de Kamroun. Le roi du Zabedj (il faut sans
doute lire des Zendjes) se nomme Alfikhat; le roi
des Nubiens, Kamil; le roi des Abyssins, Nedjachy;
le roi des îles de la mer orientale, Maharadja; le
roi des Slaves, Kobacl.
ROIS SURNOMMÉS CHAHINCHAH.
Buzurg-Kousân-cbah ; Guilân chah ; Ardhachirân-
' Je suis porté à croire qu'il faut lire après Rhozlodjes ij\j^y=^ '
« les Kirghyzes , » comme l'écrit Schems ed-din de Damas (fol. 8 v°).
Quelle que soit d'ailleurs la lecture qu'on adopte, il est iudubitable
qu'il s'agit d'une tribu de race turque, soumise à une branche col-
latérale de la famille de Féridoun , d'après le système ethnographique
exposé dans les vers cités précédemment. (Cf. Edriçy, I, p. 173.)
^ Sur le Balhara, souverain de Manguir, voir Prairies d'or, 1 , 1 76 ;
et sur les autres rois de l'Inde , ibid. p. 872 à Sgo. Edriçy a reproduit
le même passage, en y ajoutant quelques données nouvelles sur les
rois de Ghanah. ( Voy. traduction de Jaubcrt , I , p. 1 6.) Ce géographe
parle aussi du Kamil, «nom qui passe, dit-il, par voie d'héritage,
à tous les princes de la dynastie» [Ibid. p. 33.) Une grande confu-
sion règne chez les auteurs musulmans qui ont essayé de transcrire
et d'expliquer les noms des souverains de l'Asie et de l'Afrique. Pour
en donner un exeniple, le roi de Kachcmir, nommé rniou rajalipâr
Maçoudy, est nommé tchaïbal dans le Modjmcli l'auteur de cet ou-
vrage place le Maharadja au-dessus du Balhara^ et ainsi du reste.
(Ms. de la Rihlioth. impér. fol. 27''!.)
258 MARS-AVRIL 1865.
chah \ roi de Moçoul; Masoun-chah, roi de Meïsân
(Misène et Characène); Buzurg-h'ân-chah; Azer-
baïdjan-chah; Seguistân-chah; Harou-chali (roi de
Hérat); Kirmân-chah ; (le mot suivant est ihisible)
Samdad-chah, roi du Yémen; Barman-chah; Kars-
chah; Farhân-cliah; Amarkân-chah (?); Saibân-chah;
Maskardân-chah , dans le Khoraçân; — Allan-chah ,
Baraskân-chah, Mekrân-chah, dans le Sind; —
Mourdân-cbah, chez les Turcs; — Hindovân-cliah,
dans l'Inde; — Raboulân-chah, dans le Kaboul; —
Schirân-chah, Daân-chah, Manaad-chah, dans le
Sind; — Daverân-cbah, dans le Zémin-daver; —
Lahsân-chah; — Kachmirân-chah^.
ITINÉRAIRES.
Aboul-Kaçem (Obeid Allah, fds d'Abd-Allab),
fils de Khordadbeh, dit:
Commençons par l'Orient, qui forme le quart de
l'étendue de fempire, et parlons, en premier lieu,
du Khoraçân. Ce pays obéissait autrefois (sous les
' Ce nom, donné par ia copie A, la seule où ce paragraphe soit
lisible, ne serait-il pas un souvenir altéré, mais encore reconnais-
sable, du ITîî^N y")î< «le pays d'Assur?» (Isaïe, vu, 18.)
^ Les deux mots qui terminent cet article si étrangement altéré
sont entièrement méconnaissables. Il est d'ailleurs facile de voir qu'il
ne pouvait pas s'arrêter aussi brusquemenl dans la rédaction origi-
nale, et que le paragraphe sur les rois du Klioraçàn (ci-dessus,
p. 249) devait en être la suite naturelle. Quoiqu'il en soit, la pre-
mière section du livre, celle qui traite de l'impôt et de la division
politique des royaumes, s'arrête ici, et l'auteur va commencer la
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 259
Perses) à un sipahbed nommé Kadouskâu^. Celui-ci
avait sous ses ordres quatre merzebân, et chaque
merzebân gouvernait une des quatre parties du Kho-
raçân ; ils venaient dans l'ordre suivant : i" le
merzebân de Merve-Chahidjân et ses dépendan-
ces; 2° le merzebân de Balkh et du Tokharistân;
y le merzebân de Hérat, Pouchèng, Badeghîs et
Séguistân; à° le merzebân des pays situés au delà
de rOxus.
ROUTE DE BAGDAD AUX LIMITES LES PLDS RECULEES
DU KHORÂÇAN^ (rOUTES DU N.-E.).
Nahrevân, 4 fars. — Barma (Mok. Deir-Barima),
/i fars. — Deskereh, 8 fars. — Djaloula, y fars. —
Khanikîn (Kod. Ed. 9 fars.), y fars. — Kasr-Gbirîn
(de château de Chirîn, » 6 fars.
(Ici fauteur décrit une route annexe en ces ter-
mes : de Kasr-Chirîn à Direkdân, 2 fars. — Chehr-
zour, 18 fars, puis, reprenant son itinéraire direct,
il continue ainsi :)
Houlvân, 5 fars. — Maroustân fil faut lire Made-
description des itinéraires, qu'il poursuivra, à travers quelques di-
gressions, jusqu'aux dernières pages de son livre, ou du moins jus-
qu'au chap, IV «Description des montagnes, des fleuves, etc.»
' Le mot sipahbed f « maître de la cavalerie, » se trouve dans Pro-
cope. De bello persico, 1, ix. Voyez aussi Lajard, Uecherclies sur le
culte de Mithra, p. 81. Selon Yakout, le gouverneur d'Ispahân, à
l'époque où cette ville fut prise par les Musulmans, se nommait Ka-
dàuskân. [Vict. géogr. de la Perse , au mot Ispahân.)
* Afin de ne pas multiplier inutilement les notes et les renvois , je
place entre parenthèses les variantes de noms et de distances, four-
260 MARS-AVRIL 1865.
roiistân , avec presque tous les géographes) , /i fars.
— Merdj el-Rbala'h «la prairie de la citadelle,»
6 fars. — Kasr-Yézid « le château de Yëzid, » 6 fars.
— Zobeydyeh, 6 fars. — Kochkam (?), 3 fars. —
Le château d'Amr, li fars. — Karmasîn (aujourd'hui
Kirmânchah), 3 fars. \
Lacune
On continue à suivre la route du Khoraçân, en
appuyant à gauche, et Ton se dirige vers Dukkân,
7 fars.
(Celui qui va dans la direction de Nèhavend et
d'Ispahân tourne à droite, en partant de Dukkân,
et arrive à Maderân, puis à Nèhavend, qui est un
des districts du Djebal, puis à Khodar, y fars.)
De Dukkân à Kasr el-Luçous « le château des vo-
leurs,» y fars. — Haddad, 6 fars. — Raryet el-
Açel a bourg au miel, » 3 fars. — Hamadân 2, 5 fars.
nies par les itinéraires arabes. Les ouvrages que j'ai consultés sont
désignés par les abréviations suivantes :
Kod. = Kodamali , livre du Kharadj.
Ed. = Edriçy, trad. de Jaubert.
Yac. = Yacouby, éd. JuynboH.
Yak. = Yakout, Modjcm cl-Bouldân.
Mok. = Mokaddessy , ms. du docteur Sprenger.
Ist. = Istakhry, éd. Moeller.
Fars, vent dire J'arsahh ou parasange (6 kilomètres).
M. = mille, tiers de la parasange.
• /i fars, suivant Mokaddessy. Kodama dit que la distance entre
Bagdad et Kirmânchah est de 71 fars. D'après Ibn-Kliordadbeh, elle
serait de 70 fars (620 kilomètres).
^ C'est par inadvertance que le docteur Sprenger dit que ce nom
est omis par l'auteur, il se trouve dans les deu\ copies et fort lisi-
Mrnx nf écrit. Kodama compte 3i fars, do Kirmancbali à Hamadàn;
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 2o»
— Darnava (Kod. Darira) , 5 Fars. — Bouzanadjird,
5 fars. — Erzeh, /i fars. — Herzeh, k fars. — Ei-
Asavireh, «les chevaliers,» k fars. — Youçeh et
Roiideh, 3 fars. — Davoud-Abâd, k fars. — Soiise-
nîn, 3 fars. — Savah, 5 fars. — Miskveïh, 9 fars.
— Kostana, 8 fars. — Hey, 7 fars ^.
De Rey à Kazvîn, en tournant à gauche, 27 fars.
— De Kazvîn à Abhar, 1 2 fars. — D'Abhar à Zin-
djân, i5 fars.
De Rey à Maskal-Abâd (nom incertain; Ed. Ma-
kalabâd; Kod. Faslabâd. Le docteur Sprenger pro-
pose Mofaddhal-Abâd), k fars. ^— Kast, 6 fars. —
Farrokhdîn, 8 fars. — Khovar ou Khâr, 6 fars. —
Kasr el-Milh «château du sel, » 7 fars. (Ed. 6 fars.)
— Ras el-Kelb « tête du chien , » 7 fars. — Semnân ,
8 fars. — Djizîn 2. — Koumès, 8 fars.
En tout, de Rey à Koumès, 70 fars ^.
Haddadeh, 7 fars. — Hadès, 7 fars. — Meïmel,
1 2 fars. — Hemkend, 7 fars. — Açed-Abâd , 7 fars.
— Bahman-Abâd, 6 fars. — Khosroudjird*, 6 fars.
— Nisker-dereh , 5 fars. — Neïsapour, 5 fars.
mais le total de son itinéraire ne donne que 3o fars, le nôtre compte
28 fars.
^ Les distances additionnées donnent 6 1 fars, entre Hamadân et
Rey, ce qui s'accorde avec l'itinéraire par milles d'Edriçy. Dans Mo-
kaddessy , on lit 9 journées, soit 56 fars. — En résumé, nous trou-
vons, entre Bagdad et Rey, 169 fars. (96/4 kilomètres.)
- La distance est omise et le nom lui-même est douteux; j'ai suivi
les leçons identiques d'Edriçy et de Kodama.
^ Faute des copistes; le calcul ne donne que 62 fars, chiffre con-
firmé par Edriçy, qui compte 189 milles = 63 fars.
■* Kodama et Edriçy placent une étape intermédiaire de 6 fars.
^2 MARS-AVRIL 1865.
La distance totale entre Bagdad et Neïsapour est
de 3o5 fars ^ Les villes principales de cette province
sont : Zam (Djam), Bakherz, Djoueïn et Beïhak.
De Neïsapour à Elghabis ou Ghaïbas, k fars. —
— El-Djouzak (ou el-Djouza; Mok. lit: Karyet el-
Homrâ « le village rouge »), Ia fars. — Thous, 5 fars.
— Birakân (je crois qu'il faut lire Noukân), 5 fars.
— Mardoudân (Mok. Mazdourân), 6 fars. — Erki-
neh, 8 fars. — Serakhs, 6 fars. — Kasr et-Tudjar
«château des marchands,» 3 fars. — Astar-djemal
(iMok. et Yac. Astar-Mo'ad ) , 5 fars. — Bilistaneh,
6 fars. — Dendanekân, 6 fars. — Niredjird, 5 fars.
— Merve-iSchahidjân; cette ville a une citadelle,
5 fars. — Distance totale (de Bagdad à Merve),
87 1 fars 2. De Bagdad à Serakhs, 3 4 5 fars.
De Merve partent différentes routes qui se diri-
entre Baliman et Khosroudjird , et une autre étape de k fars, après
Khosroudjird. Le texte est donc altéré dans mes deux copies. L'éva-
luation totale, donnée quelques lignes plus loin, prouve bien que
deux ou même trois stations doivent être ajoutées à celles qui sont
nommées dans le texte.
^ Je ne trouve que 3oi fars, même en tenant compte des deux
étapes omises sur la route de Koumès à Neïchapour; il se peut
qu'une autre station ait été oubliée par l'auteur lui-même. Du reste,
cette différence est minime , et nous pouvons fixer, sans être trop loin
de la vérité, la distance entre Bagdad et la capitale du Khoraçàn à
environ 1800 kilomètres.
^ Au lieu de Bagdad, les copies portent «El-Haddadel» , » leçon
erronée; en outre le calcul donne seulement 368 ftms. Cette contra-
diction s'explique par une légère différence dans la distance de deux
étapes. Si l'on compte, avec Edriçy et Kodama, 5 fars, entre Neïcha-
pour et Ghaïbas, 6 fars, entre Ghaïbas et Djoiizak, on obtient, grâce
à cette correction , le chiffre de 871 fars, donné par l'auteur.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 2C3
gent vers Cbacli, le pays des Turcs, la province de
Balkh et le Tokharistân.
ROUTE DE MERVE A CHACH ET AU PAYS DES TURCS.
Kechmahen, 5 fars. — Deïoub (Kod. Divan),
7 fars. — Mandou (Rod. Mansat), 6 fars. — Ahsa,
8 fars. — Bir-Omar « le puits d'Omar» (Kod. Nehr-
Othmân «le fleuve d'Othmân ») k fars. — Amol,
6 fars. — Distance de Merve à Amol, 36 fars.
De Merve aux rives du fleuve de Balkh (Oxus),
1 fars. On traverse le fleuve et on arrive ensuite à
Karîn (Kod. Ed. Ferebr), i fars. — La forteresse
de Djâfar, dans le désert, 6 fars. — Bykend,
6 fars. — Ribat v( caravansérail de Boukbara, n i fars.
— Masals (Kod. Yasara), i fars. \. — Cbora', place
forte, Ix fars. — Kourousgboun (Kod. Koul), 6 fars.
— Distance entre Amol et Boukbara, 19 fars^
Les villes de la province de Boukbara sont : Ker-
minyeb, Tavavis, Virdaneh, Bykend, la ville des
marchands, et Karîn (Ferebr), qui n'est pas éloignée
de Boukbara. Entre Boukbara et Samarcande, il y
387 fars. Au sud de cette province se trouve la
chaîne de montagnes qui s'étend jusqu'en Chine.
' L'itinéraire n'est pas complet , el le chiffre 1 9 fars, doit être placé
avant Chora'. C'est ce que prouve le texte de Kodama, qui met Bou-
khara à 5 fars, de Masals ou Yasara. En rétablissant cette distance,
oubliée dans notre texte, nous trouvons, entre Amol et Boukbara,
20 fars. \. Edriçy compte, lui aussi, 60 milles entre les deux villes,
ce qui revient au même.
264 MARS-AVRIL 1865.
ITINERAIRE DE BOUKUARA A SAMARCANDE.
Kerminyeh, U fars. — Dobousyeh, 5 fars. — Ir-
tiklien, 5 fars. — Rozmân, 5 fars. — Château d'Al-
kamab , 5 fars. — Samarcande , ville fortifiée , 2 fars.
— Les principales localités qui dépendent de Sa-
marcande sont : Debousyeh , Rechanyeh , Irtikhen
(ou Kecli), Nesef (ou Nakbcheb), Kbodjendeb. —
Distance entre Boukbara et Samarcande, Sy fars '.
De Samarcande à Barket, Ix fars. — Djisr-bâgby
(Kod. Djisrify) , dans le désert, li fars. ^
De Cbacb à la Mine d'argent , 7 fars. — Erihnou-
zeb(?), 5 fars. — Distance entre Samarcande et
Cbacb, li2 fars.
Zamîn, ville connue
Deux routes mènent à Cbacb, au (lleuve des)
Turcs, et à Ferganab. De Cbacb et de Zamîn à
Kbouloum (Kod. Ed. Roulons) , par le désert , 7 fars.
— De là au fleuve des Turcs , sur le territoire de
Cbacb, 9 fars. — De là au passage du fleuve,
/i fars. — Boumket , 3 fars. — Cbacb , 1 fars. —
^ Comme on l'a vu clans la note précédente, le texte a été mutilé
en cet endroit, et le nom de Boukhara n'est même pas mentionné
après Masals. Il faut donc prendre pour point de départ l'étape
nommée Chora', ce qui ne donnerait encore que 36 fars. Mais je
pense, avec le docteur Sprenger, que, pour arriver au chiffre pré-
senté par Ibn Khordadbeh, il faut compter, comme le fait Edriçy,
6 fars, au lieu de 5 entre Irtikhen et Rozmân. (Cf. Die PosI- uiul Bci-
seroiiten, p. 17.)
^ Ici commence une nouvelle lacune assez considérable; la suite
de l'itinéraire de Samarcande ù Chach est perdue.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 265
La porte de fer, 2 milles. — Klialef , 1 fars. — Ghar-
keiiï (ou Gharkeul), 6 fars. — De là à Isfidjab, par
le désert, Ix fars.
Distance entre Chach et Isfidjab , 1 3 fars.
D'isfidjab à Sawat, Ix fars. — Madoukbet (Kod.
Baroudjket), 5 fars. — nomillisihle (Kod. Tamiadj),
4 fars. — Nardjah, Ix fars. — Merly, au bord du
fleuve (Kod. au lieu de Merly, menzil «station»),
6 fars. — Nardjah est une montagne autour de la-
quelle jaillissent, dit-on, mille sources qui se diri-
gent vers l'orient, (et forment) un fleuve nommé
Oïoarkoab \ c est-à-dire le fleuve rétrograde. — On
passe le fleuve et l'on va ensuite à Khounket, 5 fars.
— Atrân (peut-être Taraz), 3 fars^.
D'isfidjab au pays des Keïmak (Ed. iv^ climat,
p. 217, Keïmaky), 80 fars. Il faut emporter des vi-
vres pour toute la durée de ce voyage.
D' Atrân au Bas-Birsgbân , 3 fars. — Kasr-Bas,
repaire où les Turcs-Khozlodjes s'abritent pendant
l'hiver, 2 fars 3. — Keul (lac) de Sout, li fars. —
' Je présume que ce nom vient du verbe .'j^)<^.\ f^ ouïonrmaq , >y
qui , en turc oriental , signifie « aller à reculons ; » dans le même dia-
lecte, ouîouroun a aussi le sens de «tourbillon , chute d'eau. »
2 Le texte ajoute : «entre Atrân et Khounket, 7 fars.» Je pense
que ce mot fait double emploi avec l'étape placée avant Atrân ou
Taraz, car il n'est cité dans aucun autre itinéraire. D'ailleurs le total
donné par l'auteur est en désaccord avec les distances partielles. Il
résulte des chiffres présentés par Kodama, dont le texte a subi ici
moins de mutilations, qu'il y a environ 3o fars, entre Isfidjab et
Taraz.
^ La distance manque dans les copies, je l'ai rétablie d'après Ko-
dama.
V. 1 8
200 MAIUS-AVRII. 1805.
Djebel (montagne) de Sont '. — Koulab,
riche bourgade, l\ lars, — Eberky, rirhe bourgade,
/i fars. — Asyreli , l\ fars. — Nounkel (Kod. Nourket) ,
gros village, 8 fars. — Akhoundjaràn , Ix fars. —
Djoul (Giieul, «lac ?»), l\ fars. — Menazib (Kod.
Sary), y fars. — De là à la capitale du Kbakân des
Turcs, Ix fars. — Navaket, [\ fars. — Kcuar ou Ko-
nad , 8 fars. — Le Birsghân supérieur ^ (c'est là que
commencent les frontières de la Chine), i5 fars.
ROUTE DE ZAMÎN À FERGHANAH.
Sabat, 2 fars. — Echrousneh, 9 fars. — (De
Samarcande à Echrousneh, 26 fars.) Une autre route
mène de Sabat à Aiouk (ou Gholouk), 6 fars. —
Khodjendeb, k fars. — Tarmakân, 7 fars. — Me-
dînel-Bab, 3 fars. — Ferghanah, 4 fars.
Dislance totale entre Samarcande et Ferglianah,
53 fars^. Ferghanah a élé fondée par Enouchirvân,
qui la peupla d'hommes pris dans chaque tribu;
c'est pourquoi il lui donna le nom de Ez-her-khâneh ,
ce qui veut dire « de chaque maison. » — Rhodjen-
deh appartient à cette province.
De Ferghanah à Roba, ville, 10 fars. — Aus,
• .^ulre lacune. Le nom de cette station manque dans Kodama.
Dan.s Edriçy on lit : Djebel-Choub, 1 2 milles (soit 4 fars.).
2 Le texte porte plus liaut Birsakhaïa,el ici , Bouchdjân; j'ai suivi
la lecture du docteur Sprenger, loc. cit. p. 28.
^ Kodama compte seulement 35 fars, mais il ne veut probable-
ment parler que de la distance entre Zamîn etFerghanab ; il resterait
par conséquent 1 8 fars, pour la dislance entre Samarcande et Zamîn.
Celte indication perniot d. mnibl.r la lacune siirnali^e ci-dessus.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLNCES. 267
lo fars. — Yuzkend, résidence de Hourteguîn,
7 Tars. — El-Akabah \ une journée de marche. —
Atas, une journée. — Birsghân, 6 journées à tra-
vers un pays où ne se trouve pas un seul village.
Atas, dont il est question ici, est une ville bâtie
sur le haut plateau qui sépare le Tibet de Fergha-
nah. Le Tibet est au centre de l'Orient. Du Haut-
Birsghân à la capitale du Khakân des Tagazgaz ^, il
y a trois mois de marche, à travers un pays couvert
de vastes bourgades et de forteresses. Les habitants.
Turcs d'origine, sont ou mages adorateurs du feu,
ou Zendik (manichéens, athées). Leur roi réside
dans une grande ville fermée par douze portes de
fer. La population professe les croyances des Zendik.
A gauche (au nord) est le pays des Keïmak; en face,
la Chine, à une distance de 3oo fars. Le roi des
Tagazgaz possède une tente d'or placée au faîte do
son palais; elle peut abriter neuf cents personnes,
et se voit<^ 5 fars, de distance^. Le roi des Keïmak
campe au milieu des pâturages, sous des tentes en
^ Akabah ou Nokaïl, dans leYénien, est un roc escarpé qui coupe
une route; c'est exactement ce que les Persans, dans leur pays si ac-
cidenté, nomment hôtel.
^ Maçoudy place dans la ville de Kouchân la résidence habituelle
de ITrkhân, roi des Tagazgaz. «Ce chef, le plus puissant des souve-
rains de race turque, est surnommé, dit le même auteur, le rci des
bêtes féroces et des chevaux.» [Prairies d'or, I, p. 358. Cf. M. Rei-
naud , Relat. des voya(jes, Introd. p. clïii.)
^ oLa tente du khân s'ouvre du côté de l'orient, par respect pour
le côté du ciel où se lève le soleil.» (Documents chinois sur les Tou-
kioue, Irad, par M. St. Julien, Journal aMatiqnr , mars-avril i86/j,
p. 335.)
268 MARS-AVRIL 1865.
peaux de bêtes. Le pays qu'il occupe est séparé
d'Atrân (Taraz?) par vui steppe d'une étendue de
81 journées de marche. La contrée habitée par les
Tagazgaz est le plus vaste de tous les pays turcs; elle
est entourée par la Chine, le Tibet, les Rhozlodjes,
les Keïmak, les Ghozzes, les Djagha (TchaghataïP),
les Petchénègues , lesTerkech , les Euzkech , les Khou-
fach'. Sur le bord du fleuve vit la tribu des Khor-
loukh (?). La ville de Karat^ est une place forte oc-
cupée à la fois par une garnison musulmane et par
une garnison de Turcs-Khozlodjes. — Gn compte
en tout seize (grandes) villes turques.
ROUTE DE MERVE-CHAHIDJAn AU TOKHARISTÂN.
Kab (Kar, selon Kod. qui ne compte que 6 fars,
par le désert), 7 fars. — Mehdy-Abâd , 6 fars. —
Medjd-Abâd (Kod. Yahya-Abâd) , 7 fars. — Karye-
teïn (des deux bourgs» (Kod. El-Feres), 5 fars. —
Açed-Abâd, sur le fleuve (l'Oxus), 6 fars. — Kasr-
el-Ahnef ^, sur le fleuve , Ix fars. — Merve-er-Roud
^ Je ne puis lire les deux groupes qui suivent; ce sont sans doute
des noms de villes que l'auteur aura confondus avec les noms des
principales tribus. (Cf.Sprenger,Zoc,ctf. p. 26.) Edriçya cité textuel-
lement ce passage, I, 498; mais ses leçons ne peuvent inspirer au-
cune confiance.
2 Les copies portent Maçyat-Karat ou Farat, peut-être faut il lire
Medynet-Farab .
^ Au rapport de Yakout, dans le Mo'djem, ce château, appelé
Sinvân avant la conquête musulmane, doit son nom à El-Ahnef, fils
de Kaïs, qui s'empara du Tokharistân, l'an 32 de l'hégire. { Sur ce
personnage, voy. C. de Perceval, Essai sur l'hisl. des Arabes, l\l, 276 :
Ibn-Kolaïhah, éd. Wnstenfeld, p. 9\C).)
LE LIVRE DES ROLTES ET DES PROVINCES. 269
(Kod. Merve-la- Haute), 5 fars. - Birichk, sur le
fleuve, 5 fars. — Asrab, 6 fars. (Rod. 7 fars.) —
Guendjabâd, 6 fars. — Talikân , 6 fars. — Kich-
tidjab (Kod. Kisdjân), 5 fars. — Argbiân, Ix fars.
— Kasr-Hout, 5 fars. — Karyân (Faryab?), 5 fars.
— El-Raa' a la plaine,» dépendance du Gouzgân,
g fars. — Serkân (Kod. Oustourkân), dépendance
du Gouzgân, 9 fars. — Sedreb ^ dépendance de
Balkb, 6 fars. — Vucbkouk, 5 fars. — El-Ouz
(El-Gbour?), à fars. — Balkb, 3 fars. La distance
totale entre Merve et Balkb est de 1 26 fars.^
De Balkb à Sarkbour, 5 fars. — De là aux bords
du fleuve Djeïboun (Oxus), 7 fars. A droite est le
pays de Rbottol et le fleuve du Lion; à gaucbe, le
Kbârezm. Merve a un autre nom , qui est iVi/. Cette
ville est formée de deux quartiers, sur les deux rives
du fleuve de Balkb. (Ses dépendances sont :) Amol,
Rezm , les montagnes de Talikân , Karyat (Faryab?) ,
^ Kodama, qui donne quelques détails sur les principales stations
de cette roule, nous apprend que Sedreh était d'abord un simple
reiai de poste, dans le désert. L'an 2o3 de l'hégire, à la suite d'un
tremblement de terre qui se fit sentir aux environs de Merve et dans
le Tokharistân, une source abondante jaillit auprès de Sedreh et
forma une rivière qui roula ses eaux bourbeuses jusqu'à Merve et
Amol, répandant la fertilité sur son passage. Depuis ce temps, Se-
dreh est un bourg important, entouré de vergers et de champs cul-
tivés.
^ Je ne trouve que 1 18 fars, mais il est certain que deux stations
dont le nom est cité par Kodama ont disparu de nos copies. En
tenant compte de cette omission , et après un examen attentif des
deux documents, je trouve que cette distance est de 127 fars. (Cf.
Sprenger, /oc. cif. p. 4i.) Mokaddessy compte 17 journées démarche ,
à raison de 6 fars. 1/2 par journée.
270 MAhS-AVKlL 1865.
le Nedjd «haut plateau,» le Djouzghân , jusqu'aux
derniers bourgs de la Bactriane. Le fleuve de Balkh
conserve ce nom jusqu'à ce qu'il arrive à Terined;
il baigne les murailles de cette ville, bâties en pierres
de taille.
ROUTE DE SAGHANIÀN.
De Termedà Sarim-Khân, 6 fars. — Khân-Zen-
djy (Ist. Darzindy), 6 fars. — Bertakht, y fars. —
Sagbaniân , 5 fars. — Barabda , 3 fars. — Hemdarân,
7 fars. Entre ces deux dernières stations, s'étend une
vallée qui peut avoir 2 ou 3 fars, de long. — Barse-
koun, 8 fars. — Savamàn, 5 fars. — Vachdjird,
k fars. — Rast , à journées de marche. Rast, qui
forme la frontière du Khoraçan de ce côté , est une
vallée étroite entre deux montagnes; c'est par là que
pénétraient autrefois les Turcs, quand ils envahis-
saient le pays. Fadhl, fils de Yahya, fils de Khaled,
fils de Barmek, y fit construire une porte ^
ROUTE DE BALKH AU TOKHARISTAN SUPERIEUR.
Valary, 5 fars. — Le chef-lieu du Khoullam ou
Khoulm , 5 fars. — Nahar, ville, 6 fars (Kod. 7 fars).
— Erkabouk, 5 fars. — Karisgbam (Kod. Karidh-
' Voilà pourquoi cette station est nommée Derbend «barrière»
dans le Livre des Climats. Ibn-Kballikân, citant un passage de 17//5-
toire des vizirs, par Djoucbiary, assure que Fadbl le Barmécidc fut
investi du gouvernement de tout le pays qui s'étend entre le Cbirvàu
et les frontières du Turkeslân, l'an 17G de rbégire. Yakout a trans-
crit textuellement ce passage d'ibn Kbordadbcb, datjs son diclion-
iKtir»', an mot i_>.;;v.
LE LIVUE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 271
Amir), 7 fars. — Près de là sonl les bourgs qui ap
partiennent à Bustam , fils de Soura , fils de Mosavir ^ •
RELAIS DE POSTE SUR LA ROUTE DE L'ORIENT.
De Sorra meu-râ à Deskereh, 12 relais. — De
Bagdad à Deskereh, 10 relais. — Moçaïr-Abâd (ou
Naçir-Abad), 9 relais. — Karmiçîn, 6 relais. —
Djoundân (Khoundad), 10 relais. — Hamadàn ,
3 relais. — Miskveih, 2 i relais. — Rey, 1 1 relais.
— Koiimès, I 3 relais. — Neïsapour, 19 relais'-.
' La longueur totale de celte route est ici de 28 fars, et dans Kod.
<le 3o fars.
^ Il est bon de s'arrêter un moment sur ces chiffres , afin d'en tirer
des indications précises. Kodama, qui part de Bagdad, compte
73 relais jnsqu'à Rey ; Ibn Khordadbeh part de Sorra-men-rà , et en
compte 72. Le nombre total des postes entre la capitale de l'Irak et
celle du Khoraçân, entre Bagdad et Neicbapour, s'élève à loi. Or,
comme une poste, nous le savons par le témoignage du voyageur
Mokaddessy, était de 6 milles dans le Khoraçân, il s'ensuit que, entre
l'une et l'autre capitale, le service régulier du berid avait à parcourir
624 milles, soit 208 parasanges ou fars ak lis (12^8 kilomètres). Ce-
pendant nous avons vu précédemment que cette distance était de
3oi fars. ; et il serait malaisé de trouver la raison d'une telle inéga-
lité si l'on oubliait que ce dernier chiffre s'applique seulement à la
route suivie par les caravanes. Quelque considérable que paraisse d'a-
bord un écart de gS fars, ou plus de 55 myriamètres, cette considc
ration suffit à l'expliquer. Quiconque a voyagé en Asie Mineure ou
en Perse sait avec quelle lenteur désespérante marchent le.s cara-
vanes; que de détours et de contre-marches elles sont condamnées à
faire pour trouver, soit un gué, soit un village d'approvisionnement,
soit un pâturage pour les bétes épuisées. Le Ichapar « courrier » brâlc
l'espace ; n'ayant d'autre bagage que son sac de dépêches , sa pipe et
le tapis qui lui sert de lit, il vole de relais en relais, franchissant
torrents et montagnes, prenant, pour abréger sa route, des sentiers
escarpés où nul autre n'oserait s'engager, et terminant ainsi en vingt
quatre heures le trajet que le paisible muletier accomplit à peine eu
272 MARS-AVRIL 1865.
RELAIS DE POSTE DANS L'AHVAZ ET LE FARS.
De Houlvàn à Chehrzour, 9 relais. — De Houlvân
h Syrevân , 7 relais. — De Syrevân à Samaïrah ,
Il relais. — De Hamadân à Koumiri, li'j relais. —
D'El-Warkâ à Roumm, 3 relais. — De Kounim à
Ispahân, 16 relais. — De Faderân à Nèhavend, 3 re-
iais. — De Bagdad h Vaçit, 26 relais. — De Vaçit
à la frontière d'El-Ahvaz, 20 relais. — De là à Nou-
bendedjàn, 19 relais. — AChiraz, 12 relais. — A
Istakhr, 5 relais.
Contributions de Chehrzour, Saineghân et Diza-
bàd, 2,750,000 dirhems.
Impôt foncier du Maçabadân et de Mihrdjânkadak,
o,5oo,ooo dirhems.
Impôt foncier de Koumm, 2 millions de dirhems.
ROUTES ENTRE SOUK-EL-AHVAZ ET LE FARS.
De Souk-el-Ahvaz à Azem, 6 fars. — Goubdin,
(xAbdînP), 5 fars. — Zott, 6 fars. — Makhaçah et
Dhyâ «la ferme, » où se trouve un grand pont sur
le Oaadi-el- Milh u rivière du sel'.» — Dihlizân,
huit jours. Les paragraphes spéciaux consacrés par r\otre auteur aux
stations de la poste [sikheh] prouvent incontestablement qu'il y
avait à côté de la route ordinaire, fréquentée par le public, une
route plus spécialement aflFectée aux besoins du service postal , et plus
directe que la première. La difl'érence entre les deux itinéraires s'ex-
plique ainsi d'elle-même.
' La distance est omise; mais dans Kodama on lit /i fars. Cet
écrivain estime à /i4 fars, la distance entre Souk-ol-Alivaz.le principal
marché de la Susiane, ei Erradjân. Mokaddessy compte 7 journées,
rnvircm \b fars. = 2 25 kilom.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 273
6 fars. — Erradjân , 5 fars. Sur la rivière d'Erradjân,
s'élève un magnifique pont d'origine sassanide; il est
en pierres de taille et long de plus de 3oo coudées.
— Destedjird, 5 fars. — Sedy, c'est là qu'on gravit
la côte de l'Eléphant a Akahat-el-Fil , )) 6 fars. —
Khardjân, 6 fars. — Zerdjouneh, li fars. — Nou-
bendedjân, 5 fars. — Kourkhàn, 5 fars. — Dans les
environs est le vallon de Bâwân, célèbre par ses
noyers, ses oliviers et autres arbres à fruit, qui
poussent au milieu des rochers. — Harareh, y fars.
Chiraz forme un district qui dépend d'Ardechir-
Khoureh. Les autres villes de ce district sont : Djour,
Meïboud, Djau, Simghân, Bendedjân, Rerikhân ,
Khovar, Roustak, Kîz, Guérouz, Abdereh, Sebdal,
Tavvadj, Kourân, Sidîn, Silaf, Gouvân, Zendjân et
Koulm-Firouz.
La distance de Souk-el-Ahvaz à Davrak par eau
est de i8 fars.; par terre, de ih fars.
DISTRICT DE SABOUR.
Il est ainsi nommé à cause de son chef-lieu. Les
cantons qui en dépendent sont : Noubendedjân ,
Khast (ou Khacht), Kimaredj, Kazeroun, Djureh\
Goundivân, Destbarîn, Hindoukân, Derdjerid ,
Soulaf, Rhoubedân, El-Meïdan, Mahân, Rasikhân,
Chahidjân, Merzefadîn, Savroun, Dizlendjân,Sileh-
Misr (?), Enverân, le Bas-Khoumagân, le Haut-
Rhoumagân, Tabaz-Mardàn, Kîst.
* C'est la petite ville nommée Giironh par Hamd-Ailali-Mustaufy,
dans son fjouzhet.
274 MARS-AVRIL 1865.
DISTRICT DMSTAKHR.
Istakhr est à la fois le nom du cliel-lieu et du dis-
trict. Dépendances : El-Beïda, Bahrân, Açân, Iredj,
Manis, Djîr, Kybr-Halkounah , Borghân, Miavàn,
Kaçalisân, El-Oudar.
De Chiraz à F.aça (nommée aussi Et-Béida) et
à Darabjird, 3o fars. — De Faça à Darabjird ,
I 8 fars. Les cantons qui forment le district de Da-
rabjird (aujourd'hui pays des Ghebankareh) sont :
Darabjird, Guerm, Djehrem, Sahaf, El-Akrad, El-
Abdiân, Djouim, Merdj (Mergue), Tarem , Ta-
beslân.
DISTRICT D'ERRADJÀN.
Bas, Chebr\ Mildjân, Buzm'g.
Distance de Chiraz à Djour, 20 fars. — De Djour
à El-Beïda, 8 fars. — De Noubendjàn à Chiraz,
23 fars. — De Chiraz à Sabour (Chapour), 20 fars.
- — De Chiraz à Istakhr, 8 fars.
CAMPEMENTS DES KURDES.
Le mot remni' (au pluriel rnmoani) signifie le
' Au lieu de Cliehr, Mustaufy, qui a cité cet article dans le même
ouvrage, écrit Satr. Le nom suivant est illisible dans le texte; c'est
peut-être le Dariân de Mokaddessy. (Cf. Sprenger, loc. cit. p. 69.)
^ L'orthographe de ce nom n'est pas fixée. Dans les traités d'Ista-
khry et d'Edriçy, on trouve constamment la forme j»;. La pronon-
ciation adoptée ici est celle de Yakout et de Mokaddessy. Ce dernier
(r 290) compte 33 tribus ou clans chez les Kurdes ; mais il est im-
possible de les rapprorber des noms < ités par noire uuleur; en outre,
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 275
campement des (tribus) Kurdes. On en compte
quatre : i °le remm d'P^l-Huçeïn , fils de DjilaveïTi (Ed.
Khalaveïh), surnommé Miandjân; il est à \ k fars,
de Chiraz; 2° le remm de Kaçem, fiJs de Chahriar,
nommé Gouriân (Yak. et Ed. Barindjân), il est à
3o fars de Cliiraz ; 3° le remm d'Ardamraï-Havamah
(c'est peut-être \e^j^j^\ de Mokaddessy), à 26 fars
de Chiraz; 4° le remm d'El-Huçeïn, fils de Salih,
nommé Rizan (copie B. Mouzan ; Yak. Zizân) , à 7 fars
de Chiraz.
La province du Fars a 1 5 o fars, en long et en large;
elle renferme six districts^ : i°Istakhr; 2° Sabour ;
3° Ardechir-Khoureh ; /i° Darabjird; 5°Faça; 6° Er-
radjân.
ROUTE D'ISTAKHK À SIRDJÀN (oU CHIRDJÀN, CAPITALE
DU KERMÂn).
Khidbr, 7 fars. — Le Lac^, 5 fars. — Ersindjân,
y fars. — El-Astaf, à fars. — Chahek-la-Grande,
6 fars. — Village du Sel a Qaryet-el-Milh , » 9 fars. —
trois de ces tribus sont omises dans la copie du D' Spreiiger. (Voyez
aussi Prairies d'or,lll, p. 2 53, et un mémoire d'E. Quatremère dans
les Notices et extraits, t. Xlli, p. 3oo et suiv.) J'ai déjà fait remar-
quer ailleurs [Dict. yéogr. de la Perse, p. 264) quelle confusion
régnait dans les auteurs musulmans qui ont parlé des tribus kurdes.
L'étude plus complète des dialectes et des traditions populaires
pourra seule dissiper ces ténèbres.
^ Il faut lire six au lieu de cinq que portent les copies, puisque ce
nombre se trouve confirmé parla nouienclalure qui suit; il est donné
aussi par Mokaddessy. (Cf. Sprenger, loc. cit. p. 69.)
^ Ce lac est nommé Hen(/uium par Edriçy, (jui en donne la des-
cription (I, p. /n 1).
276 MARS-AVRIL 1865.
Mourianeh, 8 fars. — Arvân, 3 fars. — Marsan,
dernière dépendance du Fars (distance omise). Ce
qui fait depuis Chiraz jusqu'à cette station 6i fars.
— De Marsan à Roud, 3 fars. — Kelmân, i fars.
— Sirdjân, capitale du Kermân et résidence du
sultan, 1 1 fars. Il y a donc j 6 fars.^ depuis la fron-
tière du Fars jusqu'à cette ville.
Villes du Kermân
(lacune), Koufs, Mazen, Marah, Balous, Djiraft, qui
est la plus grande ville du royaume, bien que le
sultan l'éside à Sirdjân ^.
ROUTE (du kermân) AU SEDJESTÂN.
De Djiraft à Bemm, 20 fars. — Bermasir, 7 fars.
— El-Amel. sur la lisière du désert, l\ fars, de là
jusqu*au Sedjestân , yo fars, dans le désert^.
Villes du Sedjestân : Zalek , Gourgveïh , Heïçoum ,
^ Ce paragraphe est plein de lacunes et d'erreurs. En admettant
comme exactes les deux dislances additionnées par l'auteur, on a
77 fars, pour la distance entre Chiraz et la capitale du Kermân. C'est
presque le résultat obtenu par Kodama : 76 fars.Edriçy, qui suit une
route différente par le désert, dit 228 milles (76 fars.). Dans Yakout,
on lit 64 fars, seulement ; mais le texte est certainement mutilé dans
cet article du Mo'djem.
^ Le délabrement du texte est encore évident ici, puisque les villes
les plus importantes, telles que Berdasir, Bemm, etc. ne sont pas
mentionnées. Il est permis de supposer aussi que l'auteur, travaillant
sur un document incomplet et inexact, aura pris pour des noms de
ville les clans des Koufs et des Baloutches, ainsi que les gorges de
Karen (écrites aussi Barzen) où vivaient ces nomades. (Cf. Istakhry,
p. 72; Dict. de la Perse, p. 452.)
•* Ce qui fait, pour la longueur totale de cette route, 101 fars.
Kodama compte seulement 80 fai's. mais il faut remarquer qu'il suit
une route différente à travers le Kouhistàn.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 277
Zârendj, Bost, Masverd, Karyeteïii « les deux bourgs; »
en cet endroit se trouvent les écuries de Roustem;
Rokhedj , Daver. Le fleuve du Sedjestân est nommé
Hendmend. Dans les anciens âges, le roi Reïkaous
donna la couronne du Sedjestân à Roustem le
Héros.
D'El-Amel à Taberân, qui dépend du Kermân,
k 1 fars. — De Taberân à Basour, cbef-lieu du Dje-
roun (Ed. Djervân), \ li fars. — De là au village
de Yahya, fils d'Amr, lo fars. — Hadân, lo fars.
— Maaden «la mine,» lo fars. — Mousar, 9 fars.
— Direk-Mamounah , 9 fars. — Guîr, 1 o fars. De
là au pays habité parlesBalous (Beloutches), 20 fars.
— La Montagne de Sel, 6 fars. — Mahal , 9 fars.
— Kalamân , 6 fars. — Seraï-Kbalef , 4 fars. — Fi-
rouz , 3 fars. — El-Hafsar, sur la route de Kandabîl,
en suivant le steppe, 10 fars. — Seraï-Dara, 1 o fars.
— El Hoçaïbah, 10 fars. — Rasdân, 10 fars. —
Djour, Zio fars. — Bourg de Suleïman-ben-Somayi,
1 8 fars. (Ed. village de Salem). Ce village est le port
du Kboraçân où l'on s'embarque pour aller dans
l'Inde et la vallée de l'Indus (le Sind).
De la frontière du Kermân à Mansourah , 80 fars.;
on passe par le pays desZatbes (ou Djathes), qui ont
la garde de cette route. — De Zarendj, capitale du
Sedjestân , à Moultân , deux mois de voyage. Moultân
fut nommé uleferdj de la maison d'or,» parce que
Mohammed, fils de Kaçem, lieutenant d'El-Had-
djadj \ y trouva Zio bahar d'oi' dans une maison, qui
' Sur la prise de Moultân et l'expédition de Mohammed dans la
278 MARS-AVRIL 1865.
fut depuis nommée <( maison d'or. » Ferdj (fente) a ici
le sens de « frontière. » Le bahar vdut 333 menn, et
le menn i ritles.
PAYS DU SIND.
El-Raïrounyeb , le Mekrân ^ El-Mend (il s'agit du
pays des Meyd), Kandahar, Kasrân , Noiikân, Kan-
dabîl , Kinnezboun , Armabîl , Kanbaly, Sebbân , Sa-
dousân, Deïbal , Raçek, Daur, Vendân , Moultân,
Sendân , Mandai, Salmân, Seïrasp, Keredj, Roumiab,
Kouly, Kanoudj, Baroub.
PAYS DES PEHLEVIS,
Hamadân, Dinaver, Nèbavend, Mibrdjânkadak,
Maçabadân, Kazvîn. Cette ville , qui est à 2-7 fars, de
Rey, forme la frontière du Deïlem; elle comprend
la ville de Mouça et la ville de Mubarek^. Zendjân,
selon les uns , est à 1 5 fars. , selon les autres à 1 2 fars.
d'Abbar; Essinn, Taïlasân (pays des Taliscbes) et le
Deïlem. L'impôt foncier de Kazvin et de Zendjân
vallée de l'Indu s, on peut consulter l'extrait du Livre des Conquêtes,
de Beladory, publié par M. Reinaud dans le Journ. asiat. ^' série, t. V,
p. 121 et suiv. La maison ou frontière d'or est citée par Maçoudy,
t. I, p. 207 et p. 377.
* Les copies lisent Kermàn. La confusion entre ces deux noms,
qui ne diffèrent, en arabe, que par la position d'une lettre, est fré-
quente dans les manuscrits. (Voyez, par exemple, le passage d'fbn
Haukal, cité par Abou'1-Féda, texte, p. 346.)
' L'origine de ces deux quartiers est expliquée par Muslaufy, dans
la description de Kazvîn qui termine son Histoire choisie. (Voyez un
extrait de celte cln-onique, Journ. asiat. 5* série, t. X, p, 261.)
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 270
n'est pas établi sur une base (ixe; mais il est évalué
approximativement.
ROUTE DE L'AITVAZ A ISPAHAN.
De Eïdedj à Djoudardân, 3 fars. — Arestadjird,
k fars. — Sefid-Decht «la plaine blanche, » 6 fars.
— Tounien (ou Tonner), 5 fars. — Tenoudjird,
6 fars. — Ribat, y fars. — Rhanedân, 7 fars. —
Ispahân, 7 fars. ^
ROUTE DU FARS A ISPAHAN.
Ramfirouz, 5 fars. — Kouret (ou Koured), 5 fars.
— Kâb, k fars. — Semarmez (Somaïrem?), 5 fars.
— Chebah, 5 fars. — Mourdah, 7 fars. — Kenz-
el-Merdjân «trésor de corail,» 7 fars. — Rhân-el-
Abrar « l'Hôtel des hommes généreux. » — Ispa-
hân^.
ROUTE D'ISPAHAN A REY,
De Yahoudyeh (faubourg d'Ispahân) à Berkhâr,
3 fars. — Ribat-Der a la station de la porte, » 7 fars.
— Enbazer, 5 fars. — Asfar, 6 fars. — Damar,
k fars. — Abâd, 5 fars. — Berouz, 5 fars. —
Koumni, 6 fars. — Khavas, 5 fars. — Mokattaa
* Distance totale, 45 fars. = 270 kilom.
^ Les distances des deux dernières stations ne sont pas indiquées.
Dans Istakhry, oii i'avant-dernière étape est nommée Khùnlendjân ,
la distance est \lx fars, et la route complète, 72 fars. Dans Kodania ,
70 fars, mais il est à remarquer que l'un et l'autre prennent Cliiraz
pour point de départ.
280 MARS-AVRIL 1865.
« la ferme , » 5 fars. — Karem , 9 fars. — Eddeïr u le
couvent, » 7 fars. — Dàr, 7 fars. — Hey, 7 fars. '
ROOTE DE BAGDAD A BASRAH.
Médain, Deïr-el-Okoul , Dljardjaraya, Djebboul,
Fem-es-Silh, Vaçit, Farouth, Deïr-el-Ommal , El-
Hawanit. On traverse ensuite les marais [hataïh),
jusqu'au canal d'Aboul-Açed. Là on s'embarque sur
le Didjlet-el-Awra, puis sur le canal de Ma'kal, jus-
qu'au cbâteau de Basrah ^.
RELAIS DE POSTE ENTRE SORRA-MEN-RÂ ET VAÇIT.
Okbera, 9 relais. — Bagdad, 6 relais. — Me-
daïn , 3 relais. — Deïr-el-Okoul , k relais. — t)jar-
djaraya, 8 relais. — Djebboul, 5 relais. — Vaçil,
8 relais^.
' Total du parcours, 81 fars. La carte n" VII du D' Sprenger,
dressée d'après VAtval, donne 79 fars.
- L'auteur ne donne pas les distances entre chaque station, parce
qu'une partie du voyage se fait sur les canaux qui coupent toute
cette contrée. Mais, au rapport des meilleurs géographes musulmans,
Bagdad étant à 1 00 fars, de Basrah , Vaçit , qui doit son nom à sa po-
sition intermédiaire entre les deux villes, est à 5o fars, de l'une et
de l'autre. C'est ce qu'affirme Yacouhy(p. 107 et 108), qui men-
tionne avec soin chacune des stations nommées ici. Kodama suit
exactement le même itinéraire, malheureusement presque tous les
noms y sont méconnaissables. Il est à remarquer qu'Edriçy ne compte
que 120 m. ou ^o fars, de Bagdad à Vaçit. La station nommée Deïr-
el-Àimnal doit probablement son nom aux manufactures de tissus
dont parle Yacouhy [loc. cit. p. 1 09). Enfin le Méraçid, au mot y^ ,
explique l'origine des deux canaux d'Abou'i-Açed et de Ma'kal.
^ En évaluant le relai à 6 milles ou 2 fars, la distance entre
Bagdad et Vaçit est 56 fars, entre Okbera et Vaçit, 86 fars. Il est
vrai que Mokaddessy donne 12 milles au relai, dans le désert et
LE LIVRE DES ROCTES ET DES PROVINCES. ^81
ROUTE DE BASRAH À L'OMAN, I.K LONG HE LA COTE.
Abbadân, Hadaryali, Arfadja, Zabounah , Ël-
Maaz, El-Assa, El-Migras, Holeïdjah, Haçan , El-
Kora, Moreïlaha (Ed. Maslaklia), Hamadh, Hadjar,
iMokabar (Rod. Mokayr), El-Katan, la Sabkbah
« terrain salsugineux, >> Oman ou Sohar^
ROUTE (de BASRAH ) VERS L'ORIENT, PAR MER.
De Basrab à Abbadàn , i 2 fars. — Les Estacades^,
1 fars, c'est là qu'on s'embarque. La côte située à
droite appartient aux Arabes, celle de gauche aux
Persans; elles sont séparées par un bras de mer qui
a 70 fars, de largeur. Dans ces parages se trouvent
les deux montagnes (récifs) nommées iS^ocaïr et Oivaïr\
La profondeur de la mer, en cet endroit, est de -70
l'Irak; mais cela n'est pas applicable aux stations d'un pays sillonné
(le canaux, où les détours sont à l'infini. Le même auteur dit que
6 milles font un fars, en Syrie, et je pense que cette base est plus
acceptable ici. (Cf. Sprenger, Vorrede, p. 6.) Ce qui le prouve aussi ,
c'est que Mokaddessy compte 10 fars, entre Bagdad et Okbera; il
faudrait lire 20 fars, si le relai était calculé sur le pied de 1 2 milles ,
c'est-à-dire exagérer de moitié la distance bien connue entre ces
deux points.
' Après Oman , la copie A ajoute un mot illisible. Islaklii-y (p. 1 5)
dit que cette route, divisée en 18 stations, est dangereuse à cause des
nomades qui y exercent leurs déprédations. Dans Edriçy, le nom des
stations est totalement différent jusqu'à El-Kora (t. I, p. 371). On
sait que Sohar fut le nom primitif de la ville qu'on appela depuis
Oman.
^ La description des hliachebat , ou barrage de Basrah , se trouve
dans Maçoudy, I , p. aSo.
^ Prairies d'or, toc. cit. p. 2^0; Ibn-Batoutab , H, 2 '17.
9
282 MAUS- AVRIL 1805.
à 80 brasses. Des estacades de Basrah a la
du Bahreïn, sur la côte des Arabes, il y a
Les habitants du Bahreïn sont des pirates; 1
pas do champs cultivés, mais possèdent dc^
d'abeilles et des chameaux. De là au Don
i5o fars. — de là à Oman, 00 fars. — De '
Aden, 100 fars. Aden est un des principauN
do relâche dans cette mer. On n'y trouve m
troupeaux; mais l'ambre, Taloès . le musc y ah'
Aden est rentrepôt des marchandises du >
l'Inde, de la Chine, du Zendj, de l'Abyssi
Basrah , de Djeddah et de Kolzoum (Suez). Lii
mer orientale produit de l'ambre excellent.
cèle dans ses flots un poisson long de cent
cents coudées; les marins le redouten
l'éloigner, ils choquent des morceaux de 1»
contre l'autre-. On trouve dans les mêmes p <>
un poisson volant, long d'une coudée, à 1. lo
chouette; un poisson, long de vingt coudée^
renferme dans son ventre jusqu'à quatre pois tis
du même genre (squales, requins); une tortur 1 (le
de vingt coudées, qui pond mille œufs à la i< a
carapace fournit une écaille excellente : cet
est vivipare. (On y trouve aussi) un poisson vivi; le
qui ressemble au chameau; enfin, un oiseai ui
' Le lourbiHon, aux environs du cap Moçendom. (P/v/
/. c. Kaivîny, Âthar-cl-Bilad, p. 117, et Relalion des Voyaye.^
^ C'est le cachalot décrit par Maçoudy, sous le nom d'ora/,
; Voyez, aussi Helation des Fovai/f.v , II, vi , 75.)
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 283
nnd et couve ses œufs à la surface des vagues, sans
naisse poser sur le rivage.
ROUTE DU FARS (goLFE PERSIQUE) VERS L'ORIENT.
D'Obollah à Kharek, 5o fars. Cette île, qui a un
irsakh en long et en large, produit du blé, des pal-
iiers et des vignes. — De Kharek à Lafet, 80 fars,
iifet a 2 fars, en long et en large; elle produit du
lé et des palmiers. — De là à Aval (ou Abroun),
11 longue et large d'un fars, et qui produit du blé
e des palmiers, 7 fars. — De là à Khîn ^ île déserte
<|i n'a pas plus d'un demi-farsakh d'étendue, 7 fai*s.
— Kîs (Kîch), île qui a 4 fars. On y trouve du blé.
ds palmiers et des troupeaux; il y a dans ces parages
ue pêcherie de perles très-estimées. 7 fars. — Jle
ds Benou-Kavân, 3 fars, d'étendue et de largeur;
fie est habitée par des hérétiques de la secte des
adites , 1 8 fars. — Ormuz , 7 fars. — Narmechîreh
ci. Barmechîn), qui est la ligne de démarcation
être la Perse et le Sind, 7 journées de navigation.
— Daïbal, 8 journées. Cette ville est à 2 fars, des
huches du Mehràn (Indus). Le pays du Sind pré-
dit le koust {costas speciosus, famille des balisiers),
Itrotang et le bambou. — Du fleuve Mehrân à ^
oi commence le territoire indien, /| journées. On
\ écolte le rotang dans les montagnes et le blé dans
Khîn n'est cité mille part; mais on lit dans Edriçy (I, 4s4) :
• ) muz est bâti sur les bords d'un canal dérivé du golfe Persique,
* f^ii est nommé EI-IlizL^Î.» C/tsi sans rloui.- lo niénu' nom es-
tnoié par les copistes.
Nom illisible. Edriçy dit )cI>mi oti \
rr>Mii.
19-
284 MARS-AVRIL 1805.
les vallées; les habitants, divisés en tribus, vivent
de brigandages. Deux farsakhs plus loin, habite une
autre peuplade qui se livre au vol , ce sont les Meyd ^.
— De là à Koul (ou Koiila), 2 fars. — De Koul à
Sendân , 011 l'on récolte le bois de teck a sadj » et le
rotang, 18 fars. — De Sendân à Mely (Malabar),
pays du poivre et du rotang, 5 journées. Au dire
des marins, chaque grappe du poivrier est surmontée
d'une feuille qui l'abrite de la pluie ; lorsque la pluie
cesse, le feuillage s'écarte; s'il recommence à pleu-
voir, il recouvre de nouveau le fruit 2. — De Mely
àBalîn, ajournées ^. — Delà au grand golfe , ajour-
nées. A Bahn , la route se partage. En suivant la côte,
on arrive à Baneh(ou Bas) , qui produit du riz qu'on
porte à Serendîb, 2 journées. — Sandy et Askan,
pays qui produit du riz, 2 journées. — Koura, où
se jettent plusieurs fleuves, 3 fars. — Kilakân (FM.
Kilkayân), Louar et Rendjeh, 2 journées ^. Ce pays
produit du froment et du riz; on y expédie de l'a-
loès par voie d'eau douce (le Godavery, selon le
docteur Sprenger) , de contrées situées à une distance
de 1 5 journées , comme Kamoul et d'autres lieux.
^ Maçoudy, I, 678.
* Kazvîny [Atharel-Bilad, p. 84, au mot Melibar) donne de nom-
breux détails sur ce phénomène, qui est décrit ici en termes brefs
et obscurs.
' Baiin peut être identifié avec le port nommé *aL par M. Rei-
naud, d'après Birouny. {Joarn. asiat. loc. cit. p. 128, et Mémoire sur
l'Inde, p. io4.)
* Il Y a après ces mots une petite lacune; dans Edriçy, toutee qui
suit se rapporte à la description de Semender.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLNCES. 285
— De Semender à Oiirtasîr (Ed. Kachmîr), grand
royaume où abondent l'éléphant, le cheval, le buffle
et toutes sortes de productions, 12 fars. Le roi de
ce pays est très-puissante — D'Ourtasîr à Aïneh , où
Ton trouve aussi des éléphants, Ix journées. — De
Houbaiin (?) à Serendîb, 2 journées.
Serendîb (Geyian) a 80 fars, en long et en large.
On y voit la montagne sur laquelle Adam fut préci-
pité (après avoir été chassé du paradis terrestre). Le
sommet se perd dans les nues , et il est aperçu des na-
vigateurs à une distance d'environ vingt journées [sic).
Les Brahmanes, qui sont les dévots de l'Inde, mon-
trent sur cette montagne l'empreinte de l'un des pieds
d'Adam; fautre empreinte se trouve dans flude, à
une distance de deux ou trois journées de la pre-
mière. On recueille dans cette montagne faloès, le
poivre, plusieurs espèces d'aromates et de parfums.
Ou trouve dans les environs différentes variétés de
rubis et d'autres pierres précieuses; enlin, dans la
vallée, une mine de diamants et des chèvres à musc.
Les habitants de l'Inde disent que le pied d'Adam
n'a laissé qu'une seule empreinte dans le roc, et
qu'une flamme jaillit sans cesse, comme un éclair,
du sommet de la montagne^. Serendîb produit le
cocotier, et l'émeri, qui sert à essayer les métaux; on
' sjJUÎ Aiifc l Y £—^i^y 11 faut ajouter au texte ces mots donnes
par les deux copies, et qui ont été omis par mégarde au moment de
la composition.
"^ Tout ce qui est dit ici du Pic d'Adam et du volcan a élé copié
textuellement par Edriçy (t. I , p. 7 i ). Mokaddessy rapporte la même
286 MARS-AVlilL 1865.
trouve dans ses rivières le cristal de roche, et le long
de ses côtes sont établies des pêcheries de perles.
Au delà de Serendîb, est l'île de Ramy, où vit le
rhinocéros. Elle produit le bokam (bois de Brésil)
dont les racines sont efficaces contre les poisons
mortels. Ce remède s'emploie surtout avec succès
pour les morsures de vipères. On y trouve aussi des
buffles sans queue (lacune de quelques mots).
. . . Les habitants de ces îles vont nus, et s'abri-
tent au milieu des tourrés. Leur langage est une
sorte de sifflement inintelligible. Ils évitent la so-
ciété des autres hommes. Leur taille est de d chibr
(36 pouces); les parties génitales, dans les deux
sexes, sont de petite dimension; ils ont les cheveux
rouges et crépus. Ils grimpent aux arbres avec les
mains '.Il existe sur le rivage de cette mer
une race de blancs qui peuvent atteindre à la nage
les bâtiments, même lorsqu'il vente grand frais. Ils
échangent, contre du fer, de l'ambre qu'ils apportent
entre leurs dents ^. — Une autre île est habitée par
tradition, et avec pins fJe précision. «Serendîb, dit ce voyageur, a
8o fars, en long et en large; on y voit la montagne où tomba Adam.
Elle est nommée /?o/m ^. et peut être aperçue à plusieurs journées
de là. On y remarque une empreinte de pied, large d'environ
70 coudées; l'autre empreinte, située à vingt-quatre heures de
marche de la première, est entourée de flammes pendant la nuit.»
' «Sans le secours des pieds, et on ne peut 1rs atteindre, à cause
de la rapidili' de leur course.» C'est ainsi que celte lacune est com-
plotée par Edriçy (l,p. 75).
^ Edriçy a suivi une leçon difl'érenle et moins bonne; «lis écban-
i^eut, avec les navigateurs, des perles contre de lambic qu'ils por-
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 287
(les noirs, qui mangent leurs prisonniers tout vi-
vants, après les avoir suspendus et en avoir partagé
les membres ^
Une montagne, dont la terre est mêiée
d'argent. Soumise à l'action du feu -^
Dans les montagnes du Zendj (ZabedjP) il y a
d'énormes serpents qui dévorent les hommes et les
buffles; on en trouve même qui dévoient les élé-
phants. Ce pays produit le camphrier qui a, à peu
de chose près, la taille de l'homme^. On pratique,
au sommet de l'arbre , une incision par laquelle
s'échappe l'eau (la résine) de camphre. On la re-
cueille; puis on fait une autre incision au dessous,
vers le milieu de l'arbre, et le camphre en découle
goutte h goutte. Après cela, l'arbre se dessèche et
tcnt ctieieux. »La lecture qui résulte de nos deux copies est la niênie
dans Kazvîny. [Adjaïb , p. 108.)
' Le texte a souiFert dans ce passage; mais il peut être rétabli
ainsi qu'il suit avec le secours d'Edriçy :
^ Ces tignes se rapportent dans Edriçy à Djahms, qui est l'île
nommée Bahus par notre auteur. «La terre ainsi mêlée se dissout
et se transforme en argent, » ( Loc. cit. p. 79. )
^ Peut-être iisait-on, dans la rédaction originale, à la suite de ces
lignes la description du baobab ou de quelque arbre gigantesque,
puisque la copie B a conservé une leçon très-différente , qui se trouve
aussi dans Kazvîny et Edriçy : «Il peut étendre Tombre de son feuil-
lage sur cent personnes. » On sait (jue le camphrier a d'ordinaire le
port et la hauteiu- du tilleul.
288 MARS-AVaiL 1865.
meurt. Cette île renferme ime foule de merveilles
qu'on ne saurait ni énumérer, ni- décrire ^
La route de Chine fait un eoude à Balîn (Ed. Bal-
bak et Baibank) , et laisse à gauche l'île de Serendîb.
De Serendîb, on se rend , en dix ou quinze journées
de navigation, à l'île de Likbalous*^. Les habitants
decetle île vont nus; ils vivent de bananes, de pois-
son cru et de cocos; leur principale richesse est le
fer. Ils fréquentent les marchands étrangers.
De Likbalous à l'île de Kalah, six journées de
navigation. Celte île apparlientau Djabali de l'Inde.
Elle renferme des mines d'étain allia ly et des plan-
tations de bambou^. — A gauche et à deux journées
de Kalah est l'île de Balous, habitée par des anthro-
pophages. Productions : camphre excellent, bananes,
cocotiers, canne à sucre. Deux fars, plus loin est
l'île du Djabah de Chelahet, nommé Maharadja.
Cette île est très-vaste; le roi qui la possède est vêtu
d'une robe et d'un chaperon (Kalansoua) d'or; il
adore le Bouddah. Productions : cocotiers, bananes,
canne à sucre, bois de sandal, jacinthe, giroflier.
Près de là se trouve une petite montagne qui vomit
des flammes, sur un circuit de cent coudées et h la
hauteui* d'une lance; le jour il en sort de la fumée,
et le feu ne se montre que durant la nuit. Après
' Edriç) a reproduil et déveioppc celle dcscriplioii ; niai> il la
rapporte à I île kilah ou Kalah /.li (l. I, p. p. 79-80).
^ iNonmice aussi Lcntjha(oiis , Lciujalous, etc. (Voyez le> variank's
He ce nom dans le Journal des saraïUs, 18 16, p. 687.)
' fU hili,,n (/' > \'nya(ie.<^ , I , l,\!I ; Prilir'u \ il'nr, I , ?t il.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 289
quinze jours de traversée, on arrive au pays da coton.
Entre Djaba et Chelahet, on compte environ. . .^
Les rois et les peuples de l'Inde s'abstiennent de
boire du vin'^ ; mais ils considèrent l'adultère comme
une action licite, à l'exception du roi de Komar, qui
s'interdit et l'adultère et l'usage du vin. Au contraire,
le roi de Serendîb fait venir les vins de l'Irak pour
sa consommation. Tous ces rois font grand cas de
l'éléphant, et ils s'en disputent facquisition à prix
d'or. Le maximum de la taille chez cet animal est
neuf coudées; cependant, on trouve dans les (jhobb^
des éléphants qui ont jusqu'à dix et onze coudées
de haut. Le plus puissant souverain de l'Inde est le
BalharUy dont le nom signifie «roi des rois.» Sur
le chaton de sa bague, est gravée cette devise : « Ce
qu'on entreprend avec passion fmit toujours par
réussir. » Après lui viennent le roi de TaCen; le roi
de Djabah (Java); le roi de Djozr (Guzerat?), cliez
lequel ont cours les dirhems dits tatherides'^\ le roi
d'Anah et le Rahma. Les Etats de ce dernier sont
distants de tous les autres d'une année de marche^'.
Le Rahma possède cinquante mille éléphants, des
' Lacune. Edriçy dit deux parasangcs environ [Le. p. 80). Au lien
rlc «pays du coton, » la copie 13 lit Jajtlî ^v^» «P^Y^ ^'^^ aromates. »
■^ Passage copié par Maçoudy ( 1 , 168).
^ Pluriel : aghbab. Les géographes arabes nomment ainsi des
vallées spacieuses et étendues qui s'avancent dans la mer. Maçoudy
les place dans le voisinage de Ceylan.
* Voyez, sur cette monnaie, M. Heinaud, Mcin. sur /'/m/r ,p. 235 ,
et (jildemeister, p. 28.
^ Maçoudy place l'enipir^ du Rahma près du Ouzerat (I. 383).
290 MARS AVRIL 1865.
étoffes de coton et de l'aloès. Après lui vient le roi
de Kanîroun, dont le royaume touche à la Chine,
et abonde en rhinocéros. Cet animal porte sur le
front une corne, longue d'une coudée , et épaisse de
deux palmes; on y remarque une sorte de figure
dans le sens de sa longueur. Quand on la fend, on
trouve dans l'intérieur, et se détachant en blanc
sur un fond noir, l'image de l'homme, du cheval,
du poisson, du paon, ou de quelque autre oiseau.
Les Chinois les achètent et en fabriquent des cein-
tures dont le prix varie depuis deux cents dinars
jusqu'à trois et quatre mille dinars ^
Tous les rois dont il vient d'être parlé ont les
oreilles j)ercées ^. Le roi du Zabedj est nommé Ma-
haradja; il possède dans ses Etats une île nommée
Dhou-Taïl, Qui retentit du son des tambours et des
timbales^. Au rapport des navigateurs, on trouve
' Maçoudy a cité avec quelques délaits nouveaux celte descrip-
tion, dont le fond paraît avoir été emprunté au Livre des Animawc de
Djahez. Après avoir parlé de la gestation fabuleuse de la femelle du
rhinocéros, l'auteur des Prairies ti'or termine par ces mots : «J'ignore
où Djalicz a puisé ce conte, et s'il est le résultat de ses lectures,
ou de ses informations.» (T. T, p. 388.)
^ C'est-à-dire portent des boucles d'oreille. (Cf. Relat. des voyages,
I, i5i.)
"' Cette île est nommée Bcrtaïl JljLL^j par kazvîuy, mais les
manuscrits de cet ouvrage donnent encore d'autres leçons. (Voy. édi-
tion Wûstenfeld,p. i i2.)Cliems ed-dîn de Damas (f ^8 2) prétond que
l'île de Tanil JujLi) est habitée par une peuplade qui ressemble aux
Turcs, et que les bruits signalés par les voyageurs sortent d'une
montagne élevée. Les marins musulmans, au dire de Maçoudy, qui
décrit celte île sans îa nommer, croient (ju'clle sert de séjour au
J)cd(l)al ou Anlecbrisl. — La description du cheval marin se lit
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 291
dans ces parages un cheval qui ressemble à l'espèce
chevaline répandue parmi nous, mais dont la crinière
est si longue qu elle traîne par terre. — Le Maha-
radja perçoit chaque jour une contribution de 200 . .
d'or; il fait fondre cette somme en un seul lingot et
la jette dans l'eau en disant : voilà mon trésor ^ Il
y a dans cette mer une île où vivent des singes qui
ont la taille de lane^.
ITINERAIRE DK LA CHINE.
En parlant de Mabit (Ed. Maït et Mafit), on
trouve à gauche l'île de Koyouniah (Ed. Tonoumah,
el plus loin, Choumah. Relnt. des voyages, Botou-
mah), qui produit Taloès indien et le camphre. De
là on va, en cinq journées, à Romar, pays qui pro-
duit l'aloès indien nommé komary, et du riz. De
Koniar à Senf-'*, trois journées, en suivant la côte.
dans le même passage de Kazvîny, d'après l'ouvrage de Mohammed,
fils de Zakarya er-Razy. (V. aussi Relat. des voyages, introd. p. xcv.)
^ Le même fait est raconté avec plus de détails par Maçoudy
(I, 176). Cet écrivain ajoute que le poids de la brique ou lingot d'or
ne peut être évalué par lui avec exactitude.
^ Le texte est mutilé en cet endroit : la rédaction originale devait
ajoulerd'autres renseignements dont on retrouve la trace dansEdriçy,
Tout ce qu'on vient de lire sur la description de l'archipel indien
et la roule suivie par les navires arabes, a été soumis à un examen
sérieux par le docteur Sprenger. Ce savant démontre, par d'ingé-
nieux rapprochements, que le fragment d'Ibn Khurdadbeh, malgré
ses erreurs et ses lacunes, a conservé un caractère d'exactitude re-
marquable. [Die Poste, etc. p. 82 et suiv.) On peut comparer ce
récit à celui du marchand Siileiman [Relat. des voyages, I, 16-21).
Voyez aussi la discussion de cet itinéraire, par M. Alf. Maury dans
le Bulletin de la Société de géographie de Paris , avril 1846.
^ Tclienf, la Ciampa de Marco Polo. La traduction d'Edriçy porto
292 MARS-AVRIL 1805.
L'aloès de Senf, nommé à cause de cela senfy,
Ten^porte sur ceiui de Komar, car il va au fond de
l'eau; ce qui prouve sa qualité supérieure. On trouve
dans cette île des bœufs et des buffles.
Parmi les villes les plus connues de l'Inde,
sont:Saïl, Medry (Mendary), Barouh, Kandabar,
Kacbmîr. . . ^
De Senf à el-Wakîn (Ed. Loukîn), qui est le
premier point de relâcbe en Gbine, loo fars, par
la route de terre et de mer. On trouve à el-Wakîn
d'excellent fer de Gbine, de la porcelaine et du riz^.
On peut aller d'el-Wakîn, qui est un grand port, à
Kbanfou, en quatre journées par mer, et en vingt
journées par terre. Kbanfou (Hang-tcbeou-fou) pro-
duit toute espèce de fruits et de légumes, le blé,
l'orge, le riz et la canne à sucre. De Kbanfou, on
arrive en buit journées à Djanfou (Kban-dj en-fou),
ville qui offre les mêmes productions que Kbanfou.
De là à Kanlou , où l'on trouve aussi les mêmes pro-
à torl8 milles, au lieu de 3 journées. (Cf. Rehl. des voya(jes, p. cvi.)
Loin de faire l'éloge de Taloës komary, l'auteur de VAthar el-Bilad,
p. 64, assure qu'il est d'une qualité inférieure et qu'il diffère peu
du bois ordinaire. (Cf. Prairies d'or, I, 169.)
' Fragment incohérent et qui n'est pas à sa véritable place.
^ B, au lieu de porcelaine, porte «terre vernissée » c-sivA»! (^^^^Jajf.
On peut consulter, sur la fabrication de la porcelaine en Cliinc,
lielat. des voyages, II, 76 -, le traité chinois traduit par M. Stanislas
Julien, Paris, i856, et le Mémoire sur la porcelaine du Japon trad.
par M. J. Hoffmann, Journ. asiat. V* série, t. V, p. 198. La traduc
fion d'Ldriçy nomme Loiikin la première échelle de laCiiine ; M. Jau-
hert paraît avoir lu ^J f^^ degrés, qui n'a jamais, je crois, le sons
de port ou station.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 293
ductions, six journées. Dans tous les ports de la
Chine il y a un grand fleuve navigable qui est soumis
à l'influence de la marée. On trouve dans le fleuve de
Kantou l'oie, le canard et d'autres volatiles. La plus
grande longueur de la côte chinoise, depuis Almaïd
(Ed. sic y t. Il, p. 89) jusqu'à l'autre extrémité, est
de deux mois de voyage. La Chine renferme trois
cents vifles , toutes prospères et bien connues. Ce pays
est borné par la mer, le Tibet et le pays des Turcs.
Les étrangers venus de l'Inde sont établis dans les
provinces orientales.
Le pays des Wakwak est si riche en mines d'or,
que les habitants fabriquent, avec, ce métal, les
chaînes de leurs chiens et les colliers de leurs singes.
Ils livrent au commerce des tuniques brochées d'or.
Abd el-Ghaffar le marin, originaire de Syrie \
étant interrogé sur le flux et le reflux, en donna l'ex-
plication suivante : Ce phénomène se manifeste dans
la mer de Perse, au lever de la lune; dans la grande
mer, il se divise en deux saisons : l'une d'été, dans
la direction d'est-nord- est, pendant six mois; à cette
époque, la mer hausse dans les régions orientales,
comme la Chine, et elle diminue dans les régions
occidentales; l'autre d'hiver, dans la direction de
l'ouest-sud-ouesl, durant six autres mois; la mer
hausse alors dans les contrées occidentales ^.
' Tout ce qui suit esl textuel dans Kazvîny; c'est en consultant
cette cosmographie que j'ai pu rétablir le nom cité ici et absolument
méconnaissable dans l'une et l'autre copie.
2 Passage copié presque lilléralcnjent par Maçoudy (I , aSa). Ce-
294 MARS-AVRIL 1865.
Ce qui est au delà de la Chine n'est pas connu. En
face de Kantou, s'élèvent de hautes montagnes. C'est
le pays de Sila (Japon?) où l'or abonde. Les Musul-
mans qui s'y rendent s'établissent définitivement dans
cette contrée, à cause de tous les avantages qu'elle
présente. On ignore ce qui est situé au delà. Le pays
de Sila fournit à l'exportation : le ghorraïb (ixore ,
plante de la famille des rubiacées), la gomme kino,
le musc, l'aloès, le camphre, des voiles, des selles,
de la porcelaine, du satin, le cinnamorne et le ga-
langa. Du pays des Wakwak, on tire l'or et l'ébène;
de l'Inde, l'aloès, le camphre, la muscade, le clou
de girofle, la racine de nymphœay le cubèbe , le coco,
des tissus de coton et de velours, des éléphants. On
exporte de Ceylan toutes les variétés du rubis et
d'autres pierres de ce genre, le diamant, les perles
et i'émeri qui sert à essayer les métaux; de Mely
et de Sendân. le poivre et le cristal de roche; de
Kalah, le plomb dit alkafy; des régions du Sud , le
bois de bokara (bois de Brésil) et le dary^, le cos-
tus, le rotang et le bambou. — La longueur de
cette mer, entre Rolzoum (Suez) et le pays des
Wakwak, est de /i,5oo fars. (2,700 myriamètres).
— On tire principalement du Yémen les soies
rayées de diverses couleurs et plusieurs autres
|)endanl cet écrivain dit tenir ses renseignements des marins de
Sîraf et de l'Oman.
' Je crois qu'il faut lire ^^^: .IjJ ! « Dracfena ferrca , » production
([ue Maçoudy attribue aussi aux iles Kitali et Sorirali (I, 2/12).
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 295
ëtolTes, l'ambre, le ivars (safran d'Arabie) et la
gomme V
L'Inde esl partagée en sept castes : i° Les Sabek-
ferya (B : les Sabiens; Ed. Sakrya) ; c'est la caste des
nobles et du roi. Toutes les autres castes se proster-
nent devant eux; mais ils ne rendent cet hommage
à personne, s'' Les Brahmanes, qui ne boivent ni vin,
niliquem' fermentée. 3° Les ^e5rja(kcbatrya); ils boi-
vent trois coupes de vin seulement; ils ne peuvent
contracter alliance dans les familles des Brahmanes;
mais ceux-ci épousent leurs fdles. li° Les Soudarya
(soudra) ou cultivatem^s. 5° Les Meïsera (veisya),
artisans et ouvriers^. 6° Les Sandafya (tchandala),
gens de service et d'escorte, 7° Les Zenya, musiciens
et jongleurs. Il y a quarante-deux sectes religieuses
parmi les Hindous ; les unes croient en Dieu (que son
saint nom soit glorifié!) et en la mission des pro-
phètes; d'autres rejettent les prophètes, d'autres re-
jettent toutes ces croyances à la fois. On trouve dans
ce pays une classe de magiciens qui réalisent tout ce
qu'ils veulent, par leurs enchantements, et guéris-
sent toutes les maladies. Versés dans les sciences
' Je lis ir*, au lieu de y^ et de ^, leçoiie; également inadmis-
sibles.
- On voit que l'auteur intervertit l'ordre de ces deux castes, celle
des veysias ou marchands étant supérieure à la caste des soudras
(artisans). Je n'ai pas hésité à transcrire par Tchandala le mot sui-
vant, écrit Sandaljah dans les deux copies ; il désigne le fils d'un
soudra et d'une femme d'origine brahmanique. Il reste encore deux
noms douteux dans cette liste, celui de la 1" caste et celui de la 7'.
Edriçy a copié ce passage (II, 98 ); mais ses leçons s'éloignent plus
que les nôtres du llième sanscrit.
2i)J MARS-AVRIL 1805.
occultes et dans l'art de la divination i, ils exercent
une autorité absolue, font le bien et le mal, évo-
quent des apparitions et des fantômes qui frappent
l'esprit d'épouvante, commandent à la pluie et à la
grêle-. . .
MEMOIRE SUR KHACÀNl,
POÈTE PERSAN DU XIP SIÈCLE;
PAR N. DE KHANIKOF.
SECONDE PARTIE.
TEXTE ET TRADUCTION DE QUATRE ODES DE KHÂCÂNl.
Avant de donner le texte et la traduction des
pièces annoncées dans la première partie de ce mé-
moire, je crois utile d'exposer les raisons qui m'ont
guidé dans le choix des Tuorceaux que j'offre au lec-
teur.
La poésie de l'Orient musulman a été assez étu-
^ L'expression v>ahm est employée dans le même sens et au sujet
des sorciers de l'Inde, par Maçoudy, II, 452. Ce terme assez vague
est expliqué dans les fragmentsde Kazvîny publiés par Chézy. [Clircst.
arabe, III, 448.)
' Ici commence une lacune dont il est impossible de déterminer
l'étendue. Elle se termine par deux lignes incohérentes relatives à
certains droits fiscaux de la ville de Bagdad, H y est dit qiie le
trésor perçoit i3o,ooo dirbems (84, 5oo francs) sui- les Juifs, et
i,5oo,ooodirbems (976,000 francs) sur les approvisionnements de
la capitale.
MÉMOIRE SUR KHACÂNI. 297
diée, traduite et commentée par des savants de pre-
mier ordre, pour qu'on ait le droit de formuler un
arrêt définitif sur sa valeur intrinsèque. Les trésors
cachés d'un monde poétique nouveau qu'on espérait
y trouver jadis n'existent pas. Les muses n'ont pas
entièrement renié le génie oriental, mais il n'est pas
non plus f enfant chéri de leur cœur. Libre et sau-
vage, il s'est développé comme ces plantes à formes
4)izarres qu'on rencontre quelquefois sur le sol cal-
ciné des déserts de l'Asie méridionale. Hérissées de
ronces et d'épines, imprégnées de sel , elles suintent
à travers une écorce rugueuse des gommes aroma-
tiques et bienfaisanfes,^et balancent , sur leurs tiges
presque desséchées , des corolles de formes élégantes
et vivement colorées. Beaucoup de laideur avec
quelques étincelles de beauté, telle est, selon moi,
la devise de la poésie orientale. Je suis loin de pré-
tendre qu'il est absolument impossible à un Euro-
péen, homme de talent, de puiser à cette source
quelques bonnes et grandes inspirations. Riickert a
brillamment prouvé le contraire ; mais si un célèbre
con>positeur sait donner de l'éclat aux thèmes les
plus naïfs et les plus insignifiants, son habileté à les
varier ne démontre pas leur perfection. L'imagina-
tion des poètes orientaux est très-active; elle se
peuple facilement d'images tantôt gracieuses et tan-
tôt terribles; mais ils les laissent, pour ainsi dire, à
l'état de rêves et de cauchemars, et, comme de
vrais dormeurs, ils s'inquiètent peu de les rendre
conformes aux lois les plus élémentaires du temps
298 MARSAVRIL 1865.
et de l'espace. Ni dans ies arts plastiques , ni en poé-
sie, les Orientaux ne se sont jamais élèves au-dessus
de rornementation; leur épopée même n'est qu'une
série d'arabesques, reliées par un fil à peine percep-
tible et semblable au lierre s'enchevôtrant autour
des arbres d'une forêt, sans les réunir plus étroite-
ment les uns aux autres. Les rapports de fécrivain
oriental se font avec le monde réel d'une façon bi-
zarre et peu naturelle. Il voit sans doute les choses
telles qu'elles sont; mais, en les décrivant, il se
croit obligé de fausser le vrai pour se conformer
aux principes immuables d'une théorie surannée,
véritable chaîne imposée au^énie oriental. 11 sem-
blerait que c'est surtout à la poésie que cette
observation devrait s'appliquer; mais il n'en est
pourtant pas ainsi. Bien que le poëte soit double-
ment lié par les principes de la rhétorique et par
ceux de la prosodie, il a néanmoins les allures
beaucoup plus libres, uniquement parce qu'il reste
plus national que le prosateur. Aussi, pour com-
prendre le caractère et l'esprit des différents peuples
de l'Orient, il faut s'adresser à leur poésie, car la
prose orientale n'est ni persane, ni arabe, ni turque,
elle est presque toujours exclusivement musulmane.
Tout le monde connaît finfluence pernicieuse exer-
cée par la langue du Coran sur les idiomes des
peuples extra-sémitiques qui ont adopté ce livre
comme leur guide moral. Les langues les plus oppo-
sées, par la richesse de leurs formes, aux règles de
la grammaire arabe, se sont saturées d'éléments
MÉMOIRE SUR KHÂCÂNI. 209
sémitiques au delà de toute mesure. La prose , sur-
tout, s'est montrée docile à accepter le joug de
rinfluence étrangère. Autant par fanatisme que par
manque de goût, l'éloquence de tout l'Orient mu-
sulman s'est surchargée de tournures, de locutions et
de phrases arahes; mais les vers se sont montrés
heaucoup plus rebelles. Les exigences de la rime et
de la mesure ont forcé les poètes à ne dédaigner
aucune des ressources offertes par leur langue ma-
ternelle, et la résolution presque héroïque de Per-
doussi de composer un long poëme en pur persan
serait impossible, même à son époque, pour un
prosateur iranien. Ainsi, c'est presque exclusive-
ment dans les œuvres des poêles qu'on pourra puiser
une idée correcte de la richesse lexicologique d'une
langue de l'Orient musulman. Pour l'arabe, le be-
soin d'une pareille élude est reconnu depuis long-
temps, et l'on ne manque pas de recherches entre-
prises dans celte direction. (îolius a fait quelque
chose de semblable pour le persan; quant au turc
djeghataï, les textes mêmes des ouvrages les plus
riches en mots de pure origine touranienne, tels que
les chants de Rurouglou, les poésies de Novaï, etc.
ne sont pas encore publiés. Il est évident, en môme
temps, que l'étude des poètes est infiniment plus
profitable à la connaissance exacte de la grammaire
et de la syntaxe d'une langue orientale, que l'ana-
lyse de sa prose. Les licences poétiques, quelle que
soit leur étendue, ne dépassent jamais les limites
qui leur sont imposées par le génie de la langue ; et
300 MARS-AVRIL 1805.
(!Vst dans les vers seulement que l'on peut observer,
pour ainsi dire, l'élasticité des formes d'un idiome.
L'étude des poètes orientaux nous présente encore
nn attrait tout particulier parles secours qu'elle offre
aux recherches historiques. Généralement parlant,
ce ne sont pas des faits qu'il faudra demander à la
poésie; à part quelques annales rimées, le soin de
préserver de l'oubli les événements du passé est
abandonné aux prosateurs. Ces derniers se bornant,
par esprit de routine, à enregistrer sèchement les
faits officiels du monde musulman , f esprit du temps
se reflète rarement dans leurs écrits, et si les poètes
n'étaient heureusement venus les corriger sous ce
rapport, cet élément si essentiel à la juste apprécia-
tion du passé nous échapperait complètement.
Pour revenir à Khâcâni, j'observerai que, guidé
par ces considérations , j'ai choisi pour la traduction
quatre de ses pièces réputées les plus difîicilcs. Je
commence par faire remarquer que, dans vuie ver-
sion, môme très-fidèle, ces odes perdent presque
tout leur attrait littéraire, ne brillant que d'un éclat
purement extérieur qui s'éteint dès que ces poésies
passent dans un autre idiome. Le vrai sentiment s'y
fait rarement jour à travers des métaphores d'un
goût douteux, et un fatras d'érudition désordonnée
et vaniteuse. Les aspirations pieuses s'y mêlent à
des sollicitations de cadeaux, dépourvues de toute
dignité. La flatterie dépasse les bornes de toute dis-
crétion , et ne peut être comparée qu'à l'exagération
de f amour-propre et de la vanité du ])oëte. Les qua-
MEMOIRE SUR KUÀCÀNI. 301
lités mêmes qui le font tant apprécier par ses com-
patriotes doivent , comme nous l'avons fait observer,
disparaître dans la traduction. Elles consistent, chez
Khacàni, dans une grande énergie d'expression,
dans une sonorité harmonieuse des vers, dans la
n)ultipHcité des calembours et des jeux de mots, dans
la facilité enfin de grouper des syllabes conson-
nantes et dont la cadence bizarre flatte l'oreille
persane. Or toutes ces perfections factices ne s'ob-
tiennent qu'au détriment de la clarté du style et de
l'élégance , comme de la profondeur des idées. Le
sens est sacrifié au son, et le mot commode rem-
place l'expression vraie. Tel nous apparaît notre au-
teur, à la clarté des lumières du goût moderne; mais
il ne serait pas juste de le juger uniquement du point
de vue européen , lequel est complètement étranger
au milieu où vécut le poète. Il ne faut pas oublier
{[ue Khâcâni débuta à une époque où les maqamats
de Hariri étaient encore une nouveauté. On jugeait
alors du talent de l'écrivain d'après ses tours de
force grammaticaux, et on ne lui reconnaissait
une science profonde d'une langue qu'à la condi-
tion de pouvoir jouer avec ses mots à volonté. Des
vers arabes, intercalés dans un morceau persan, en
lohaussaient la valeur, et rendaient l'écrivain très-
populaire dans la classe toute-puissante du clergé.
A cette époque, un poète qui fiusait sans peine une
pièce de vers de soixante à quatre-vingts distiques
sur une rime donnée et sur un m///".difficile à répé-
ter indéfiniment, et qui [)ouvait accorder en mesure
302 MARS-AVRIL 1865.
des mots dans le genre rai bé Rei tchiste , kkize wa
djai hé Djei djoui, etc. gagnait immanquablement la
réputation d'écrivain éminent. Toutefois, en dehors
de cette facilité de versifier, Khâcâni était très-éru-
dit; dans chacune de ses grandes compositions, il
avait le talent de faire passer devant les yeux émer-
veillés de ses lecteurs le ciel et la terre, avec tout
leur cortège sublime et mystérieux, selon les idées
de son siècle. Cette dernière qualité le mettait au-
dessus de tous ses rivaux, et en faisait un point
de mire, une sorte de merveille. Ces qualités et ces
défauts, richement semés dans toutes les poésies du
célèbre Chirwanien, ne sont nulle part aussi con-
centrés que dans les quatre pièces que nous offrons
au lecteur; et voilà malheureusement pourquoi il
est impossible de les lire sans un commentaire cou-
rant. Je me suis trouvé ainsi dans l'obligation de
suicharger ma traduction de notes nombreuses, sans
le secours desquelles elle ne présenterait qu'une série
de périphrases très-éloignées du sens immédiat du
texte , ou bien elle risquerait d'être parfaitement inin-
telligible pour les lecteurs. Mais comme f obligation
de consulter à chaque instant des notes ne peut être
que très-fatigante, j'ai adopté, pour les restreindre
autant que possible, deux genres de parenthèses;
les rondes contiennent des complémenls nécessaires
aux tournures elliptiques du texte, et les parenthèses
carrées sont réservées pour des versions fidèles,
donnant le mot à mot de l'original. Les crochets
dans le texte persan conliennent les variantes.
MÉMOIRE SUR KHACANI. 303
Je donnerai ainsi le texte et la traduction i° de
l'ode adressée au prince byzantin surnommé par le
poëte Azzdoadowlet «gloire de TEtat; » 2° de l'ode
écrite en honneur d'Ispahan; 3° de l'.ode écrite en
prison, et 4° de l'élégie sur le sort du poëte lui-
même.
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312 MARS-AVKIL 18C5.
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TRADUCTION.
Le ciel a une marche plus tortueuse que les boucles des
cheveux des chrétiens , il me tient enchaîné comme un
moine. Or si [l'esprit de Dieu] Jésus se trouve (en vérité}
dans ce monastère, pourquoi ce temple, à la couleur bleu
d'émail, se comporle-t-il à mon égard comme Dadjal* ? Mon
corps est ployé en deux comme le lil de Marie, mais mon
cœur est droit comme l'aiguille de Jésus. Je reste ici les
pieds pris dans ce fil, comme Jésus fut arrêté là -haut par
une aiguille qui, tout en n'ayant qu'un œil, comme Dadjal,
parvint à se glisser dans la poche de Jésus^. Mon sort a pris
' Antéchrist et Polyphènie de l'Orient, qui doit apparaître près
d'Ispahan , peu d'années avant le jour du juj^ement dernier.
- D'après la tradition musulmane, Jésus fut arrêté au qualriome
ciel, à cause d'une aiguille qui est resiée cachée dans ses liahlts;
aussi l'aiguille de Jésus est-elle employée par les poêles persans
comme synonyme îles sentiments terrestres. Quant au fd de Marie,
c'est une allusion à son talent de couturière, vanté dans les Evangiles
apocryphes (Voyez, particulièrement, chap. x, p. i ?. i , des Evan-
yiles apocryphes , par (). Hrunet.)
MÉMO[RE SUR KHÀCANI. 313
les liabils d'un ermite; voilà pourquoi, semblable à ce der-
nier, je lais entendre chaque soir mes lamentalions. (Dès)
le malin mes cris percent la fenêtre de ce toit azuré. L'ar-
deur de mes soupirs fait bouillir l'eau de TOcéan , si bien
que Jésus est obligé de faire le Uiyammoiim avec du sable du
lond de la mer \ Ils ne uie sont pas bienveillants mes pères
de là -haut; aussi, comme Jésus, ai-je répudié mon père.
Que me fait (l'éclat) de l'astre de la science, dont le corps
est Inmineux, tandis que moi je suis obscur! Que fait à la
chauve-souris [oiseau de Jésus] qne Jésus soit voisin du so-
leil resplendissant^. Si en effet le chirwanchah [il] est le sou
verain de llran et dq Touran , pourquoi Ridjan^ reste-t-il
dans un puits obscur? Pourquoi Jésus ne guérit-il pas son
oiseau, lui qui rend la vue aux aveugles de naissance? Les
enfants de la virginité de mon génie sont comme Jésus, ils
témoignent [parlent] en faveur de la pureté de leur mère.
Mes paroles prouvent [portent témoignage de] la virginité de
mon talent, comme le dattier démontra le miracle de Marie*.
L'an 5oo ne produisit pas un homme digne de ra'èlre com-
paré; ce n'est pas un mensonge? moi j'en suis la preuve.
Mon cœur, semblable (par sa douceur) à une ruche d'a-
beilles, pousse des cris comme des mouches à miel qu'on ex-
termine [maculées de sang] ^ Ma langue huileuses'enflamme
' C'est encore la tradition qui fait descendre Jésus au fond de
l'Océan; quant à son tayammoum, c'est une invention de Khâcâni,
pour faire mieux ressortir fardeur de ses soupirs, qui dessèchent
foute humidité, même celle de l'Océan.
- Le soleil, d'après l'ancienne cosmogonie, était au quatrième
ciel, le même où, comme je viens de le dire, a été arrêté Jésus.
^ Bidjan est le serviteur de Keikhosrou , emprisonné par Afra-
siab, roi du Touran, à cause de son amour pour la princesse Me-
nidjèh. H fut délivré par Roustem ,qui vainquit Afrasiab.
'* Allusion au Coran, sourate xix, versets 22-2G. (Voyez aussi
chap. XX, p. 2o4 , 2o5 , des Evang. apocryp. par Gustave Brunel.)
^ Les Orientaux prétendent que les abeilles qu'on tue poussent
des cris, et rp^'elles le font aussi quand on a tué leur reine*.
V. •. .
314 MARS-AVRIL 1805.
par l'ardeur de mes soupirs, comme la mèche [cœur] ' de la
lampe des chrétiens. En outre, je ressemble à une lampe
(ju'on suspend et qu'on allume [brùlej, des mains ennemies
(m') ont chargé de trois chaînes. Comme Marie, baissant la
tête sous le poids des reproches, je verserai des larmes lim-
pides comme le souffle de Jésus. Je me tiens droit devant
les calomnies, comme les élifs (du mol) utana (nous nous
soumîmes). La justice de mes amis ne vient pas à mon se-
cours, et mon cou opprimé n'a plus de force de résistance.
Dieu est mon refuge contre les méchants de l'époque! Dieu
est mon refuge ! Je suis loin de ceux qui s'éloignent de Dieu !
Je suis loin! Je ne demande pas assistance aux A'bassides,
je ne cherche pas l'appui des Seldjoiiquides. Puisque le ciel
[ce monastère] est sourd à mes plaintes, que me font les
sultans Arslan et Toughra^? Puisqu'il n'y a pas de Joseph
qui puisse me préserver de la famine, que me font Benjamin
et Judas ? Mais comme les musulmans ne veulent pas me faire
justice, je renierai l'Islam, que Dieu m'en garde!
Après avoir puisé l'enseignement religieux chez les sept
hommes \ après avoir étudié la révélation sous les sept lec-
* La mèche d'une lampe, occupant sou centre, peut être com-
parée au cœur; mais ici, évidemment, Khâcâni emploie le mot J^
à cause du mot qui lui est consonnant , Jut>x3.
^ Arslan, c'est le troisième atabek de l'Aderbeidjan Kizil Arslan ,
et Tbughra est le diminutif de Toughroul le Seidjouquide.
' Ces hommes, ou t.^^c- (J^)' aussi nommés jl^oîi sont
des serviteurs des Imams, constamment présents dans ce monde,
mais inconnus à la majorité des mortels. Leur mission est d'ensei-
gner la vraie religion. Le nom d'Abdals leur vient de ce que l'on
croit qu'ils se renouvellent immédiatement dès que l'un d'eux vient
A mourir. Leur nombre, d'après l'opinion de quelques chiites, est
de quarante; mais généralement on croit qu'ils sont sept, en se ba-
sant sur le luidith : <jtA-w ^^ôof ^^jo. c'est-à-dire «les Abdals de
ma congrégation sont au nombre de sept. » Chacun d'eux réside dans
un des sept climats. Celui du premier climat porte le nom de jk^
MEMOIRE SUR KHACANJ. 315
leurs (du Coran'), après (m'être pénétré des chapitres du
Coran) VAlhamd (chap. i), Tarra/iman (ch a p. i,v) l'alkehj
(cil. xviii); après le Ja-ssin (ch. xxxvi), le Teioumim
(ch. XXXVI ) ou les Choua'ra (ch. xxvi), et le Taha (ch. xx) ;
après avoir accompli les cérémonies du Miq'at, du Harni ,
du Taivaf, du Djimar, du Sai'i, du Lahheik et du Moussalluh^;
"il cl a le caractère d'Abraham. Les habilants du second climat
sont gouvernés par i\JlaJf ju>^ > doué du caractère de Moïse. Le
troisième ressemble à Aaron et se nomme cVrîy^' t>ja:. Le qua-
trième est N^liuf cNz-c , et a le caractère d'Esdras. Le cinquième,
semblable à Joseph, est yfcliJf cSajc. Le sixième, «<vcu^]f j^c ,a la
perfection de Jésus. Enfin le septième, ayant le caractère d'Adam,
est y*,j2^] jc\^- Khizr est leur directeur général, et, faisant cons-
tamment la tournée des sept climats, il a la possibilité de les visiter
souvent. (Voyez, pour phts de détails. Diction, of the technical ternis
used in the sciences of musulmans, éd. Sprenger, fasc. III , p. iA6,
1 47 et 1 48.)
^ Fondateurs des sept écoles musulmanes principales, connus
sous le nom de «aLJÎ pfy3. Ce sont: %s\^ de Médine, wJo of
de la Mecque, j^^^î de Bassra, -^Lc et ol^ de Koufab, ^j\
yA^c de Syrie, et ùisj\ ^jf. (Voyez note de la page 9 de la concor-
<lance dn Coran de Kazem-Bek.)
- Noms des différentes cérémonies imposées aux musulmans,
par leur loi, pendant leur pèlerinage de la Mecque. cjl^U>« , heu
d'où commence Vihram, passé lequel beaucoup d'actions sont défen-
dues. ^y2^t l'acte même de Vihram. ojti ^^, promenade obli-
gatoire autour du temple de la Mecque. vL^ , action de jeter des
petites pierres (»s.<^) dans la plaine de Mina, où l'on sacrifie des
nioutons en souvenir du sacrifice d'Ismaël par Abraham, arrêté par
Dieu. ^^ , sauts semblables à ceux du chameau , que l'on exécute
en parcourant sept fois l'espace qui sépare les monts li^ et o^yjo.
LÀ^1}^ mot de la phrase (A^^ ^^f c^aaJ, que les pèlerins sont
obligés de crier presque incessamment, depuis le mont Arafat jus-
qu'à leur entrée à la Mecque. Ji,<a-« - endroit où l'on récite la prière
316 MARS-AVRIL ISôf).
après plusieurs quarantaines durant trente ans ', je gar-
derai ostensiblement le carême pendant cinquante jours. J'ai
une poignée d'ennemis à la conduile JLidaï(jue et je crains,
comme Jésus, qu'ils ne m'attaquent à Timproviste. Que di-
rais-lu, si, par crainte de l'oppression des Juifs, je m'en-
fuyais vers la porte du monastère épiscopal, et [que
dirais-tu] si je cherchais (à gagner) le seuil de l'inlKlélilé
sans m'enquérir d'un maître élevé sur la route de la religion ?
Remarque qu'cà Andjaz^ la porte est ouverte et que les lieux
de refuge byzantins sont préparés. J'échangerai donc le qiu-
blèli du temple de la Mecque [maison de Dieu] contre Jéru-
salem [maison sainte], el contre la tribune de VAqsa. Les
passe-dioits me forceront d'aller baiser les cloches, les in-
justices m'obligeront a ceindre mes reins d'une ceinture
de corde". Je rédigerai un commentaire de l'Evangile en syria-
que, je lirai en hébreu le livre des Proverbes. A l'imitation
du Tawaf à Jeux génuflexions. (Voir aussi Dozy, Die Israelilen zu
Mehka, p. 1 02-1 33.)
' Ces quarantaines sont des réclusions volontaires de quarante
jours que s'imposent les sectateurs du taruiuat tlans les Tcidllek
khaneh. Ils s'y livrent à toutes sortes de travaux pieux, dont le prin-
cipal est le seiri Allabi, qui consiste à répéter mentalement et sans
respirer la première partie du symbole de Tislainisme. (Voir, pour
plus de détails, ma Descriplion du Khanat ci BouhliarUi p- ' 26-200,
et mes Recherches sur le muridisnie du Caucase. )
^ Andjaz, port sur la mer Caspienne, dans le voisinage d'Astra-
khan. Aboul-Fécla dit : ^^ ^^.^=11 ^^y-^ ^ *-^y^ ^^ ;Ls:>^I
jLd^f ikjo-^^ LS'^.'y»^^ (J J^ j^ ^^^y^^ U f ^j^^ c5;^
(^oô .^ii«Jf «Andjaz est un des ports de Kerkh, ses habitants
sont chrétiens. Sa longitude est 68° 3o', et sa latitude de /i6°oo'.))
Azizi dit ; «Andjaz est renommée pour sa grandeur.» (Voyez Géo-
graphie d'Aboulféda, édil. et trad. par Reinaud, texte arabe, p. 2o3.)
^ La ceinture de corde était obligatoire pour les chrétiens dans
les pays musulmans.
MEMOIRE SDR KHACANI 317
lie Natljourmaki ', dans les murs du couvent de Moukliran,
je Irouverdi repos et refuge dans Hippocrate. On me verra
dans un coin d'une caverne sonnant de la corne et revèlu
d'une tchoiikha ^. Au lieu d'une chemise en étoffe de soie, je
porterai un cilice [une en laine], comme un évêque, et je
m'enfermerai (comme lui) dans une pierre dure^. La croix
de bois qu'on attache au cou des enfants, je la porterai
[mêla mettrai autour du cou] avec conscience. Si (par ha-
sard) on ne me recevait pas avec honneur à Andjaz, je sau-
rai trouver de là mon chemin jusqu'à Byzance. Je fonderai
une école dans un temple byzantin, je polirai les rites des
archevêques. Semblable à Poiiri-saqqa'\ j'échangerai ïaba et
le turban contre la ceinture de corde et la soutane [burnous] .
Je discuterai avec un (des) grands docteurs de la chrélienlé
sur le Saint-Esprit, le Fils et le Père. D un mol, je ramènerai
ces trinilaires du gouffre du doute dans la plaine de la certi-
lucle. L'évêque me reconnaîtra comme plus véridique que
Jacob , ([ue Nestorius et qiie Mélécias ^ Je dégagerai les mys-
' iNadjourmaki est, d'après le commentaire de Khàcâui, un
moine célèbre pour ses connaissances médicales.
^ A prissent on désigne par tclioukha le par-dessus à manches
pendantes que portent les Persans; mais jadis ce mot s'appliquait
spécialement à l'habit de moine. Khâcâni confond ici évidemment
les cénobites chrétiens avec les derviches et les jongleurs indiens.
^ Allusion aux pénitences que s'imposaient quelques cénobites de
coucher dans un sarcophai^e en pierre qui devait leur servir de tom-
beau, ou bien aux cavernes où ils se dérobaient à la vue du monde;
niais il est évident que le poëte n'en parle (jue pour avoir l'occasion
(femployer le mot Ll:^ dans ses deux sens de soie et de dur.
' Pouri-sa(jqa , d'après le commentaire, est un nom qui s'applique
à deux personnages : i° à un ermite musulman qui abjura sa foi par
amour pour une iille chrétienne, et 2° à Cheikh San'an.
■' Jacob Zanzale, évéque d'Édesse, (bndateur de la secte des Ja-
cobites; il n'admettait qu'une seule nature en Jésus-("brist, et il est
mort en 678 A. D. - Nestorius, .né en Syrie, fut nommé en /128
patriarche de (lonstantijiople. Ne voulant pas reconnaître à la
\ iergc le titre fie mère de Dieu [Q^sotÔko^) , il fut cou<lamué par (c
318 MARS-AVRIL 1865.
lères divins des erreurs, je démonlrerai que Tliouime esl
composé (aussi) d'éléments. Tu verras les prêtres attirés et
aHentifs aux enseignements d'un prélat aussi savarit que moi *.
On me nomme le second Ptolémée, on m'appelle le grand
Philippe. J'enverrai ma thèse sur la Trinitô à Baghdad au
marché de ihalallia ". On portera à Conslantinople les herbes
odoriférantes et les essences, produits de ma plumé, il (y
en aura) pour les morts et pour les vivants'. Je prendrai la
baguette de Moïse et j'en ferai une croix. Au moyen des crot-
tins de l'àne de Jésus , j'arrêterai l'hémorragie de l'évêque,
impuissant*. J'enverrai le licou de cet àne comme une'cou-
ronne an souverain de Samarcande et de Boukhara. (En
frottant) mon visage (jauni) contre les sabots de cet âne, et
(en les arrosant) des larmes (de sang) de mes yeux, je cou-
vrirai ses sabots d'or et de rubis. Je commenterai les trois
ouqnoum et les trois qaj'qaf' en les faisant suivre de démons-
trations abrégées. (J'expliquerai) ce que furent l'insulîlalion
troisième concile général d'Eplièse en /i3i, et exilé dans un cou-
vent de l'Arabie Pétrée. H passi» delà dan.s une oasis de la Lybie, et
enfin alla mourir dans la haute Egypte. — Mélécias.évêque de Lyco-
polis, vécut dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, et fut de-
posé pour avoir sacrifié aux idole?.
' Vers destiné évidemment à relever l'allitération de hechich
«prêtre,» de hechich «attiré,» et de huchic'i «zélé, se donnant de la
peine, » et enfin de qoussis ou qoussoiis encore « prêtre. »
- Marché de Baghdad, qui n'était ouvert que le lundi, troi-
sième jour de la semaine chez les musulmans, d'où lui vient aussi
son nom.
' Mon commentaire explique JoJ^.2*. par «camphre,» substance
que les musulmans mettent toujours dans les narines et les oreilles
des morts; mais je crois que Johnson a raison de l'expliquer par
siveet hcrhs, et c'est aussi pourquoi je l'ai traduit ainsi.
' Moyen employé jusqu'à nos joiu'S on Perse poui* arrêter la sai
gnemcnt du nez.
•' ^gÀ5i est l'iuie des personnes lormanl la TriniU'. (hiant aux
(^é-jS , le coînnionl^iie n'fc\pli(pie pas ce mot, <« .lohnsiMi dit ((m
r'psl ini des livre-, des ni.iirp.s.
MEMOIRE SUR KHACANF. 319
de l'esprit, l'ablution et le carême; comment Marie élait nue
et seule avec l'Esprit \ comment la perle qui illumine l'àme
()ut apparaître, quoique la cassette du fruit fut scellée d'un
cachet. (Je dirai) quelles furent les paroles de Jésus au mo-
ment de sa naissance ^ et quelle fut la modération de Marie
lorsqu'elle entendit prononcer des injures''; comment Jésus
moula dans l'argile son oiseau , et comment il rendit la vie à
Lazare", quel fut (enfin) le sens des paroles prononcées par
Jésus sur le gibet ; « Je me presse de rejoindre mon Père
là-liaut. »
Si le César me questionne sur Zoroastre, je raviverai les
principes du Zendavesta. Je lui dirai ce que c'est que le zend
et ce que c'est que le feu, et d'où vient ce qu'on nomme
pazend et zend. (Je lui dirai) quelle étincelle resta de ce feu
au moment où Abraham y fut lancé ^ Je pèserai sur une ba-
lance le mvstère du mage, comme si le peseur élait Qousta
lils de Louqa*. J'expliquerai pourquoi la mouche est coiffée
d'un turban et la sauterelle porte un pantalon en diba. Je
dédierai ces écrits à César, et ils seront plus parfaits que
i'Arjeng de Chine et (l'œuvre) deTengloucha ^
' Allusion au verset i 7 de la sourate xix. On voit ainsi que Khâ-
càni comprenait ce verset d'une manière qui se rapproche beaucoup
plus de la traduction de Wabl que de celle d'Lllmann,( Voyez Un-
Koran von Ullmann, quatrième édition, p. 262, note h.)
- Allusion aux versets 3 i-38 def la sourate.xix.
^ Allusion aux mots Ha^J i^î^lL^Î UJ^ 0~'-<^>^ <-:>;0^
du verset 27 de la sourate xix.
* Allusion au verset i 10 de la sourate v.
^ Allusion au conte répandu par les musulmans, que le feu des
mages a été allumé pour la première fois au bûcher où Nimrod fit
jeter Abraham.
" Chrclien de Palmyre, physicien et savant du m* siècle de fh*';-
gire, connu comme traducteur du grec en arabe de plusieurs traités
scientifiques des anciens.
' Khàcàni fait allusion à la galerie du peintre Mani et aux œuvres
du célèbre philosophe sahcen Tengloucha.
320 MARS-AVRIL 1805.
Mais (eu voilà) assez, Kliàcàni, Iréve à ces méchantes di-
vaga(ions! C'est une manie inspirée par le démon. Le faux
frère que Irame-t-il contre Jésus, le vizir infidèle que cons-
pire-t-ii ( pour la perte) de Darius ? Ne profère pas de pareilles
hérésies, reviens de nouveau à la foi. Dis: Que Dieu me
garde de pareilles tentations! Dis : En vérité je confesse que
Dieu est unique. Il est plus élevé que je ne saurais le dire,
bien plus élevé.
Mais pourquoi faut-il que j'aille jusqu'à B)z<uice pour y
chercher refuge contre l'oppression ? Le souverain de Bv -
zance, A'zz-oud-doulet est ici. (Il est ici) la main droite de
Jésus, la gloire des apôtres , le confident de Marie, le refuge
des chrétiens! Homme au caractère de Jésus, rejeton des
Césars, je le conjure en vérité par le Saint-Esprit, par son
insuflîalion et par Marie î par l'Evangile, par les apôtres et
par Jésus, par le berceau du juste et par la Vierge enceinte,
par le bras, la manche, par le passage du souifle; par Jéru-
salem, par Aqsa et par le rocher du Golgotha! par les anges
tulélaires et les apôtres I par la cloche, la ceinture de corde
et la lampe de l'église! par Jean, par Charnmas cl par Ba-
hira ^ ! par le grand carême et la boucherie de la nuit âujitr^,
par la fête d'église et par le jeûne des vierges^ ! par la pureté
de Marie, après son union avec Joseph! par réloignement
de Jésus de la boulure des choses (c'est-à-dire par sa chas-
teté)! par les racines, les branches et le feuillage de l'arbre
qui porta des fruits sous Tinfluence de l'esprit élevé! par le
prenner mois de l'année qui tomba alors en avril! parle
vieux palmier transformé en arbre plein de sève! par les
cris, les chants cl par la Irompelie du monastère! par les
* Cbammas est réputé en Orient comme fondateur du culte du
feu, et Bahira est un moine neslorien qui a prédit l'apparitiou dt-
Mouiiammed.
^ Khàcâni confond ici la nuit de Pâques avec le Eidifilr des mu-
sulmans.
^ L'Église arménieinie a ^ardé jusqu'à nos jours l'usaiif de làire
ji-ùner les vicriies cjuel(|ucs jcuus avant Unir n»aria|ie.
MEMOIRE SUP» KHACANI. 321
chaînes en fer donl ies évêques chargent les membres de
leur corps! par le trine aspect des consL^.lîation'^ ', de la lune
et des astres! par le carré (des points cardinaux) et par la
Irinité du troisième jour de la semaine, par le trine opposi-
lion à l'endroit le plus propice du ciel^! par le carré et la
croix des vents impétueux ■\ (je te conjure) de m'obtenir du
grand Chah Tordre d'aller visiter Jérusalem et je le promets
que, tant que l'équaleur et l'axe du monde se rencontreront
en croix et la rendront évidente, et tant que' Jésus sera dans
le beiti ma amour, ces vers resplendissants glorifieront Dieu.
Avant de donner le texte et la version de la pièce
suivante, je dirai quelques mots de celle que je viens
de traduire. Cette ode nous permet de juger com-
bien, à l'époque des premières croisades, les idées
des musulmans sur les rites et sur les dogmes de la
religion chi^étienne étaient vagues et confuses. Nous
avons devant nous le témoignage d'un homme re-
marquable, qui se pose en érudit, profondément
' Le trine aspect est la position de deux planètes, séparées par
(rois signes du Zodiaque ou par 90° ou six heures.
^ Nous avons traduit (jXX3 o^su*, par l'endroit le plus propice du
ciel; mais souvent il veut dire ce que les astrologues nommaient
roue de fortune (Glùcksrad), endroit du ciel dont la distance, en
longitude, de la lune, est égale à la distance du soleil de l'horos-
cope, ou du signe zodiacal qui se lève dans un instant donné. (Voyez
Astrologisclie Vortrfege von Adolph Drechsçler, p. 7.) Si l'on accepte
cette signihcalion, le vers susmentionné doit être traduit par «le
trine opposition dans fa roue de fortune, » ce qui ne peut avoir lieu
que si la place occupée par une dos planètes coïncide avec celle do
celte roue, désignée en astrologie par le signe 0.
' Le carré dont il est question ic.i est formé par les points cardi-
naux, la croix des vcnis impétueux est celle qui est formée par des
vents sounianl des (piatre j>oinls opposés de l'horizon.
322 MARS-AVRIL 1805.
versé dans les mystères de tous les cultes , qui a l'air
d'efïleurer en riant tous les principes de la doctrine
chrétienne, et qui confond, néanmoins, les rensei-
gnements sur le Christ, donnés par le Coran, avec
les notions puisées dans les évangiles apocryphes et
les légendes; qui adopte les contes superstitieux des
classes les plus basses et les moins civilisées des
populations chrétiennes de son époque, sans ja-
mais se donner la peine de recourir à la source
authentique et admise comme seule base religieuse
par ceux qu'il se propose d'éblouir au moyen de sa
science théologique. On voit en même temps com-
bien if méconnaît le sens et la nature des sentiments
pieux des chrétiens de son temps. Dans une pièce
destinée à disposer en sa faveur un prince profes-
sant le christianisme , il se place partout à fégal du
fils de Dieu et de la Vierge, traite très- cavalière-
meiit les prélats de l'Eglise, et se vante de pouvoir
redresser toutes les erreurs et expliquer tous les
mystères des dogmes les plus sacrés d'une croyance
quil embrasse par dépit. Khâcâni paraît complète-
ment ignorer les ditférences qui existaient de son
temps entre les nombreuses sectes chrétiennes, et il
cite hardiment les noms des héj'ésiarques condamnés
par tous les conciles, croyant naïvement obtenir
ainsi les bonnesgràcesd'un prince orthodoxe du Bas-
Emj)ire. Avec intention ou par ignorance , il confond
les momeries des derviches de l'Inde avec les cou-
tumes austères des cénoLutcs cbréliens, et tout en
essayant d(^ vouloir lou(U' la relii^ion d\\ Cbrisl, il la
MÉMOIRE SITR KHACANI. 323
met bien au-dessous de l'islamisme. Toute propor-
tion gardée, cette pièce de vers a beaucoup d'analo-
içie , dans sa tendance , avec Ja moqueuse controverse
du rabbin et du théologien chrétien chez Heine. Le
poëte allemand est un juif converti, mais non con-
vaincu; le Persan est un musulman très-convaincu
et qui fait semblant de se convertir par dépit Son
ignorance de la religion de Zoroastre est encore plus
évidente; il se borne simplement h répéter la fable
absurde de Torigine du feu sacré, qui, si elle n'était
pas, à ce qu'il me semble, d'origine purement mu-
sulmane, aurait le seul avantage d'établir un syn-
chronisme entre le dernier patriarche et le premier
législateur iranien.
Un fait politique assez curieux nous est indiqué
par le passage où Khâcâni ])arle d'Andjaz; à savoir
que, non-seulement les Byzantins accueillaient avec
faveur les transfuges arméniens et géorgiens, ce que
l'on savait, mais encore qu'ils en usaient de même
envers les sujets de leurs voisins musulmans, ce qui
me paraît un fait assez nouveau. Andjaz et d'autres
ports de la côte septentrionale de la mer Caspienne
oifraienl aux habitants des provinces orientales du
Caucase un moyen facile de pénétrer dans ]es plaines
de la Russie méridionale de nos jours, plaines qui, au
xn'' siècle, étaient un terrain neutre, habité par des
nomades de race tuique. Ibn Batouta nous a laissé
la description de l'itinéraire qu'on suivait poui' se
rendre aux conllns du Bas-Empire, et quoique son
\()yagc à Constant inople soit presque de deux
:Wi MARS- AVRIL 180 5.
siècles plus moderne que l'éj3oque dont parle Khà-
cani, la direction de la route et la nature du terrain
devaient avoir éprouvé peu de changements. Ces
émigrations nous expliquent, en partie, comment
les Grecs du Bas-Empire, assez peu voyageurs de
leur nature, avaient des renseignements exacts sur
des provinces éloignées, et qui semblaient être en
dehors de leur activité politique et commerciale.
Je terminerai ces observations par la remarque
que Khâcâni, en se comparant à Bidjan, indique
clairement qu'à l'époque où il écrivait cette pièce, il
jouissait encore des bonnes grâces de son maître,
et que, s'il était malheureux, il le devait uniquement
à la malveillance de quelque gouverneur d'une pro
vince où il résidait alors. Ainsi, en évoquant Texen)-
ple du souverain de l'Iran et du Touran , il avait
en vue d'intéresser Akhistan à son sort et de l'enga-
ger à le protéger contre les persécutions de ses
ennemis.
La seconde pièce que je me propose de traduire
est l'ode écrite en l'honneur d'Ispahan ; en voici le
texte :
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MÉMOIRE SUR KHÀCÂNl. 325
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320 MARS-AVRIL 1865.
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MÉMOIRE SUR kHÀCÀNf. 327
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328 MARS-AVRIL 180^^).
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MÉMOIRE SUR KHÂCÂNI. 329
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i^— j^ u***— ^ ^ ^^^ 5->** *>^— ^^ ^LX-j^
330 MARS-AVRIL 1865.
^L^IjL«o (^Lsioîj *Xj*XÂ^,.f. Aj (jjj5
MÉMOIRE SUR KHÂCÂNI. 331
ilxiî dXjM>Â.^ JiâÀ^ f^^3 S^ 0*^
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^LifcLi.^ c^U-^ l^j-^ AkS"^!
bl — K-^ i^^j^^p iXjj^ ^U ^- jl
332 MAHS'AVIUL 180 5.
TRADUCTION.
Esl-ce le parfum des houris ou bien est-ce l'air d'Ispaban ?
Vois-jela face (de la consiellalion) des Gemini, ou bien est-ce
la beauté d'Ispaban ? La ricbesse et la population d'Ispaban
naquirent jumelles comme les étoiles de la constellation,
( elles doivent le jour) à la mère de la fortune qui n'engendre
MÉMOIRE SUR KHACANl. 333
que des (enfants) sans pareils. Les hommes purs d'Ispalian
sont comme l'or des Gemini et comme les astres* du ciel
pesés dans la Balance \ Comme c'est à (l'influence) des Ge-
mini qu'Ispahan doit sa puissance , la richesse de son sol l'a
faite ré{2:ale du paradis, ou plutôt, semblable aux deux (as-
tres) [Jumeauii] des Gemini, le neuvième ciel et l'excellente
(ville) d'Ispahan sont frères jumeaux. Il se peut même que
le neuvième ciel ne soit qu'un oreiller carré, fait (exprès)
pour que les grands d'Ispahan puissent y reposer leurs bras ^
Le sol d'Ispahan produit \esidrei,\Q sidreti muntaha de l'unité
de Dieu^. Les yeux du soleil sont constamment malades par
suite de l'envie qu'ils portent au sol d'Ispahan qui contient
^ Pour interpréter ce passage , nous devons encore recourir à
l'astrologie. Ispahan se trouvait placée sous les auspices de la constel-
lation des Gemini , qui , en astrologie , était égale en force à la pla-
nète Mars. Cette dernière était réputée très-chaude et sèche ; son
influence, sur la surface de la terre, s'exerçait sur le chêne, le
bœuf, et produisait la couleur rouge de feu; dans l'intérieur de la
terre, elle engendrait le fer, l'aimant et les minéraux amers. Ainsi
l'or des Gemini veut dire force, solidité, attraction, le tout couleur
de feu ou couleur d'or. Quant aux astres du ciel pesés dans la Ba-
lance, ce sont évidemment les étoiles qui forment cette constella-
tion. Je trouve dans un ancien traité intitulé : Aslrolofjia Jiidi-
ciaria, etc. durch weyland M.Thobiam Mollernm Crimicensem Astro
nomum , le passage suivant : «Die Zwilling so warm und feuchte,
auch Lufft zugehôrtn, pflegen denjenigen, so sie nach verbrach-
ten und gcsefzten Unterrichte, im Calender vermeldet, befunden ,
fùrneniblich einen Lust zur Weeszheit, Kunst , Verstand und Ge-
schiclilichkeit Viel Reichtumh wird er durch Cottes Segen
seine Kunst, Geschicklichkeit ûberkommen , etc. »
^ /ji'vfr a deux significations, celle du neuvième ciel, au-dessus
duquel il n'y a plus de cieux, et celle du toit d'une maison; l'auteur
l'a employée dans ce dernier vers, évidemment, pour pouvoir au be-
soin dire qu'il ne voulait parler que de l'attrait des terrasses élevées
des maisons d'Ispahan.
^ Le sidrcli mantaha est un arbre du paradis, selon les uns, et du
septième ciel , selon les autres , dont les feuilles témoignent de l'unité
de Dieu.
334 . MARS-AVRIL 1865.
du manganèse. Voilà pourquoi ja main de Jésus broie pour
les yeux du soleil le manganèse d'Ispahan ^ Ne vois-tu pas
que le ciel en a pris la couleur (du manganèse d'Ispahan),
car il est le mortier où l'on réduit le sourmèh en poudre.
L'air d'Ispahan vivifie le corps et l'âme comme l'aube blan-
chissante et l'aurore du malin ^ (Éveillée) par le zéphyr d'Is-
pahan, l'aube du jour fait un éternument musqué et le ciel
lui répond : Dieu te bénisse î La main du prophète Khizir ne
pouvant retrouver la source (de Jouvence) , fil (fablutiondite)
le tayammoum , avec de la poussière des pieds des Ispaha-
niens. Tu ne dois pas considérer le puits d'Ispahan comme
résidence de Dadjal; envisage (plutôt) les plaines d'Ispa-
han comme lieu d'apparition de Mehdi. Jspahan ! Le parasol
noir est le grain de beauté de la face de ta souveraine!é\ el
marque le bien; c'est la couleur brune de celte petite tache
qui rehausse la splendeur [de la noirceur de ce grain de
beauté que dérive la splendeur]. h'Unqua (encourage) l'oi-
seau de mon cœur en lui criant : Bravo, rossignol des crieurs
d'Ispahan*. J'ai dit à l'eou de Jouvence: As-lu une source?
' Le manganèse se trouve dans îa province d'Ispahan; il est em-
ployé comme collyre dans les maux d'yeux; écrasé, il est d'un bleu
très foncé. Avoir les yeux malades à cause de quelqu'un, veut dire
lui porter envie; enfin le ciel , ayant la forme d'une voîiie, peut être
comparé à unmortrer renversé. C'est sur tous ces détails que se joue
le poëte dans les deux vers que je viens de traddire.
^ L'action vivifiante du malin sur le moral et le physique de
l'homme est aussi bien admise en Orient qu'en Europe, où l'on
croit que, pour être vertueux, il faut voir lever l'aurore.
^ Le parasol noir est le parasol des khalifes abbassides; il est pos-
sihle que, parmi d'autres privilèges accordés par eux aux Seldjou-
quides, se trouvait le droit de se servir également de ce signe exfé-
rienr de la souveraineté,
'* Viinqua est l'oiseau mythologique que le Qamous définit très-
bien : rui! Jj^ pSf <^jysu>yj[l7 Uaa,'I, c'est-à-dire «funqua
est un oiseau connu de nom, mais de forme inconnue. » Par modes-
tie, le poëte se dit être crieur d'Ispahan , mais loutefols un rossignol
MEMOIRE SUR KHACANI. 335
Elle me répondit: Oui , elle est dans le creux de la main des
hommes riches d'Ispahan. J'ai dit à (la constellalion) de T ai-
gle du ciel : Prends-lu de la nourriture ? Il me répondit : Oui ,
ce sont les cadeaux des gens libéraux d'Ispahan ! Pourquoi
songer à Rei ? Lève toi et cherche ta place à Djei, car celui
(même) qui possède Rei pense toujours à Ispahan^ L'année
dernière, étant sur les bords du Tigre, moi seul parmi tous
les pèlerins, je réclamai justice pour Ispahan. Mon compa-
gnon [auditeur] me dit: Comment peux-tu parler des qua-
lités d'Ispahan, ayant en vue les beautés de Bagdad? Com-
ment peut-on médire de cette ville, quand le sable du fond
du Tigre (à lui seul) vaut autant qu'Ispahan. De plus, Bag-
dad est le coursier favori du Calife , et les fers de celte mon-
ture valent autant qu'Ispahan. Un autre observa que le zé-
kat de Kerkh suffirait (pour l'entretien) de Djei et d'Ispahan'.^
Je leur répondis que Bagdad est la réunion des prosliluéesw
et de l'injustice, et as-tu vu, dis-le-moi, les dons des jardins
d'Ispahan^ ? Kerkh n'est qu'un plateau des échansonneries de
Djei, et le Tigre n'est que la jnoiteur des outres des porteurs
d'eau d'Ispahan. Bagdad acluellement n'egt habité que par
des vitriers (occupés à fabriquer des flacons) pour l'eau de
parmi ces modestes fonctionnaires, et de plus un rossignol applaudi
par funqua,
^ Allusion à tous les conquérants seldjouquides de l'Iraq, qui,
après s'être emparés de Rei, cherchaient à devenir maîtres d'Ispa-
han , sans quoi ils ne se considéraient pas comme solidement établis
en Perse.
^ Djei t nom d'un faubourg d'Ispahan; Kerhh est celui d'un fau-
bourg de Bagdad; quant au zekat, c'est un impôt prélevé en faveur
des pauvres.
^ ^ijJtj peut être décomposé en 4j et 313. Le premier de ces
mois veut dire « oppression , prostituée , » etc. et le dernier «justice ; »
aussi Khâcâni lui ajoute la négation ^. Par contre, é-u , qui ne
diffère de «j que par un élif, veut dire «jardin,» et c'est sur ces
trois expressions que roule le jeu de mots de ces vers.
336 MARS-AVKIL 18ô5.
rose, joie des maisons crispahanMJn point de la latitude et de
la longitude d'Ispahan^ est plus vaste que la ligne (des mai-
sons) de Bagdad et que la surface (occupée) par le Tigre. Sache
que toute la province de Bagdad , comparée à Ispalian , est
comme le point de ïefâu mont Kaf comparé à l'étendue de
cette montagne. A Bagdad, on prépare un parfum avec du pa-
leng michk (cest-k dire léopard musqué, nom d'une herbe), tan-
dis qu'on prend l'antilope musquée dans les plaines d'Ispa-
han. Le Caire est préférable au fur ze h de Bagdad"^; eh bien!
les fondements des maisons d'Ispahan sont plus beaux que
les édifices du Caire. L'avarice de Bagdad crée la famine de
Chanaan, tandis que les largesses d'Ispahan amènent l'abon-
dance égyptienne. Le Nil est plus petit que le Zenderoud,
l'Egypte est inférieure à Djei, et la ville du Caire, elle-même,
est soumise au roi d'Ispahan. Le verger d'Eini-Chems* n'est
qu'un parterre de fleurs de Djei, et l'herbe commune d'Ispa-
lian doit être regardée comme supérieure au hidssan\ Tout
ceci fut dit en réponse aux attaques (susmentionnées) ; mes té
' Les vitreries de Bagdad , de même que ses fabriques de papier,
étaient célèbres dans le xii* siècle. Ispahan a conservé jusqu'à nos
jours le privilège de fournir une excellente eau de rose.
- Yakoul dit: ^ULio* iùo».s3 (Jj_5ua_*«j «^nÎ ^Lg-^,-ol Jfy?
(^^^ ï^\^ ^jdj^ «jJ L^yC^. Beauchamp lui donne 32° 25'
de latitude et 70° 3o' de longitude à l'est de Fero; mais, dans tous
les cas, sa longitude et sa latitude, écrites en toutes lettres, auront
beaucoup de points, dont Khâcâni prend un seul pour le comparer
à la province de Bagdad.
^ Le Qâmous dit : <^f^î Ja^ ^y f*-^^ ^^1» c'esl-à-
dire, Alfurzeh, avec un zammeh, est un endroit sur TEuphrale.
'' Le Qamous dit : wj,^ iu^ . wJsCi ^^^ , c'est-à-dire, Einichanis
est un village d'Egypte.
^ Le commentaire dit : k^^m^ c>-~♦«<y'^^•^ (ô^T^ J^ L>^ •
OJuir^r.v^^N (j[ ^iîv> \\ i^^y^a-^ ')''' l*''!^»''^^" ' prononcez comme
Sartan, est un arbre connu dr l'F-gyptc; ou extrait de ses fouilles
une liuile.
MÉMOIRE SUR KHAGANT. 337
moins sonl Hatrde I\ei et Ala d'Ispahan'. Il y a déjà trente ans
nue je suis fidèle à Ispalian et queje lui suis sincèrement at-
taché, et l'on peut voir enfin par ce nec plus uUra de rareté
(nom de cette ode) avec quel zèle je loue Ispahan , [jusqu'où
j'ai poussé les louanges d'Ispahan.] Que n'ai-je écrit à la glo-
rification des deux arbitres de la religion Sadr et Djemal, ces
deux hommes éminents d'Ispahan! Dans l'année tha, noan,
alif{bbi), étant à Mossoul, j'ai prononcé 55 1 louanges à Is-
pahan. Djemal Mouhammed, dont l'àme est semblable à celle
de farchange Gabriel , et grâce aux bontés duquel j'ai les ca-
deaux d'Ispahan, il m'a donné mille étoiles descendant du
soleil, lui qui, par l'élévation (de son âme), est l'aslre du
berger du ciel d'Ispahan^. Je porterai ma louange d'Ispahan
comme cadeau de voyage au petit A'iy et au grand atabek.
Mon roi Salomon , auprès duquel on me fit la réputation [on
me loua] d'Assif, me dit : 0 huppe de l'air d'Ispahan! Par
la suite, arrivé à la Mecque, je devins dès cetinslant l'esclave
du chant à la louange d'Ispahan. La Kaaba (daigna) deve-
nir le temple de ma prière, parce qu'elle vit que j'aspirais à
faire l'éloge d'Ispahan. Elle chercha à me corrompre en m'of-
frant un lambeau de sa robe verte, pour queje ne place pas
la Mecque au-dessous d'Ispahan. Tout ceci fut fait de bon
cœur, et non par convoitise de la couronne des cadeaux d'Is-
pahan. Le div repoussé, voleur de mes vers, lit une brèche à
ma fortune par sa satire contre Ispahan. Au jour du jugement
dernier, il ne se lèvera pas avec un visage radieux [blanc],
car il (osa) noircir le cou d'Ispahan. Quelle raison peuvent-
ils donc avoir, les habitants d'Ispahan , pour médire sur mon
compte ? En quoi ai-je jamais manqué à Ispahan ? J'ai re-
cueilli du vert-de-gris et non de l'or de son cuivre (c'est-à-
dire du cuivre, ou de la mauvaise poésie de Mudjir Eildin) ;
la rouille peut attaquer tout, sauf la pierre philosophale d'Is-
pahan \ Ma faute est-elle que, tout en étant le trésor de Dieu
' C'est-à-dire ^;L jt^ ^ et ^l.gA.^ | (^jJ[ *s!^.
- Les mille étoiles sont evideinmenl mille pièces d'or.
■* Allusion aux Iravaiix des alchimistes qui, croyant pouvoir ope-
338 MARS-AVRIL 1865.
de sa trésorerie du neuvième ciel \ je ne suis qu'un mendiant
d'Ispahan ? Acceplemoi comme un mendiant de les faubourgs ,
car au fond je ne suis que la mouche des plats succulents
d'Ispahan [la mouche des plais de volailles cuites d'Ispahan].
On ne saisit pas le trésor de Dieu pour se dédommager d'un
vol [en punition du délit du voleur]. Les élus d'Ispahan ne
pourronl jamais l'approuver. Pourquoi les chefs de la loi el
les gouverneurs d'Ispahan n'ont-ils pas fait couper sa main
et sa langue? ou bien pourquoi les régulateurs de la justice
et les anciens d'Ispahan ne le iirenl-ils pas suspendre à un
gibet ? La faute est à l'élève el la punition frappe le maître ,
cela s'accorde mal avec l'équité des hommes justes d'Ispahan.
Le blanchisseur commet un délit et la responsabilité en est
au maréchal ferrant, c'est un proverbe (connu) des grands
d'Ispalian. Cela rappelle l'ordre bouleversé de l'Egyple, et
en vérité les villages d'Ispahan sont (fertiles) comme l'Egypte.
Les anciens du sixième ciel ^ ne doivent pas souffrir qu'on
appose un cachet à ce décret dans les plaines d'Ispahan. Du
moment où mes yeux virent Ispahan, ma lèvre remplit de
perles les oreilles de l'époque, et pour toute récompense
ceux qui sont (comparables) à la canne à sucre el à l'eau
de rose emplirent ma bouche et mes oreilles de coloquintes
( t de melons amers. Les cordes de ma fortune ont été bien
accordées, néanmoins j'entends de faux accords des luths
rer la transmutation du cuivre en or, en le soumettant à faction des
acides, n'en retirent que de l'oxyde de cuivre. La pierre philosophale
était considérée comme un corps supérieur à tous les autres, pouvant
les attaquer tous, sans subir aucunement leur influence réciproque.
1 Allusion au hadith : L^Ui.^ ^}_^iyy^^^ ^^^^' (J>^ ^ Ôl
:*r.jjt^f Juu*Jf. c'cst-à dire : «En vérité, le Dieu tout-puissant pos-
sède des trésoreries derrière ÏArch, dont les clefs sont les langues
des poètes. » Comparez, Bland , On ihe earUesl Pers. Bio(jr. of Poeis
[Journ. of llie liojal asiatic Society, t. IX , p. 1 1 6 , note 5).
^ Allusion au (jy/iJiLt, consleHalion protectrice des savants, et
(lui s(> Ironv»^ an si\i(>mp rii>j.
MEMOIRE SUR KHACANI. 339
(j'ispalian. Ville pleine d'or, Irôrie des Khosrow de Tuni-
vers, pourquoi tes mélodies doivent- elles être des disso-
nances pour moi ' ? J'ai porté ma plainte à l'amant du tour-
nesol contre les coups de massue (dont me frappe) la rigueur
d'Ispahan. J'ai plaint le soleil lorsque j'ai vu qu'il n'était
qu'une lueur d'éclair de la lumière d'Ispahan. Il me dit : Ne
pousse pas des soupirs par la langue à l'inslar de Berbed ,
pousse-les plutôt par les yeux comme les lulhs d'Ispahan^.
Il ne faut pas médire d'autrui [manger la chair de l'uni-
vers], car il ne faut pas qu'Ispahan risque de s'empoisonner^.
Ispahan commença par m'attrister, quoique la racine (du mol)
Ispahan soit la joie\ On ajouta un élifk la pomme d'Ispahan
pour que je puisse bien sentir la douleur des morsures d'âme
d'Ispahan. La malveillance des Ispahaniens consume mon
cœur, et je risque de trouver en elle le brasier d'Abraham.
J'ai (commencé) par être mordu par un chien, puis d'autres
en tirent autant , mais je me guérirai bientôt par les fèves
d'Ispahan ^ J'ai avalé tout ce sikba de la colère d'Ispahan
pour jouir enfin du Jouzinèh de sa reconnaissance^. Quoique
^ Le mot vA^i^isi.:^ ne se trouvant pas dans les dictionnaires,
je remarquerai qu'il est composé de deux mots, cJ^^ »« paire» et
«accord en musique,»» et de ^^^5^ « malveillance , inimitié;» le tout
veut dire deux sons discordant?.
2 Berbed, célèbre musicien et chanteur persan. Les lutbs d'Ispa-
han sont percés de huit ou neuf trous qu'on nomme cusk. «yeux»
en persan.
-V« Manger la chair de l'univers» a la même signification, en
persan, que la locution familière « déchirer son prochain. »
* Les Persans prétendent que la racine du mot ^Lgâ^l est li.-^.
La pomme, en persan, est sib , et asib veut dire «blessant.»
^ On prétendait que les fèves d'Ispahan jouissaient de la propriété
de guérir la rage.
•^ Uxlw en persan, ou ^L/Xw en ai'abe, signifient chaque mets
préparé avec du vinaigre. Un homme d'un caractère aigre est nommé
jiftyS <KfyM «marchand de vinaigre;» JCÀj^y , espèce de bonbon fait
avec de la pâte d'amandes et du sucre.
340 MARS-AVRIL 1865.
cette ville lue paye par le mal, je le lui retournerai en bien.
Le pays de Chirwan devint célèbre h cause de moi, mais
puisse-(-il être détruit pourvu qu'hpaban reste toujours
(prospère)! On me fera une part de roi si la gloire m'est dé-
cernée par les experls en .Sciences d'Ispahan. L'an 5oo de
l'hégire ne produisit pas un sans pareil comme moi; glori-
fions donc doublement Lspahan. On me reconnaît pour le
grand créateur des vers et de la prose, (ainsi tâchons) que
l'amitié d'Ispahan ne diminue pas à mon égard, et lant que
je vivrai, Khâcâni ne cessera de proclamer la louange des con-
vives de Dieu à lspahan.
La pièce que je viens de traduire est trop artifi-
cielle pour ne pas perdre presque toute sa valeur
littéraire dans une traduction. Elle abonde en mé-
laj)hores, en métonymies, en antithèses, en conve-
nances (c-^«4wLij), en toutes sortes d'allitérations, etc.
qui ne sont remarquables que dans la langue dans
laquelle elles furent composées. Avec un peu de
peine, on trouverait dans cette ode des exemples
de toutes les formes d'ornements de style enseignées
dans les rhétoriques musulmanes. Aussi porte-t-elie
le cachet d'un long travail, et le poète avoue lui-
même qu'il s'en est occupé pendant plus d'un an,
depuis son arrivée à la Mecque jusqu'à son retour
à Mossoul. Son but était d'étonner ses contempo-
rains par la profondeur de sa connaissance des ri-
chesses et des ressources de la langue persane; il en
fait l'aveu sincère par le titre de son œuvre , intitulée ,
ainsi que je fai dit : t^j^i /ïv^.
Au point de vue historique, cette ode présente
aussi ({uelquc intérêt par la monlion de trois noms
xVlËMOlUE SUR KHACÂNI. 341
(riiomuies politiques de l'époque. Je crois devoir
relever ces passages, d'autant plus que cela précisera
encore plus rigoureusement l'époque de Ja première
publication de cette pièce de vers. Nous avons vu
qu'il nomme Djemal Muhammed , Aly Asghar et
Souleiman Chah. Le premier est le vizir de Koutb
eddine Moudoud, fds de Zengui, tué en 5 69 (voy.
Barbier de Meynard, Traduction de Yakoat, p. /i2);
le second , son lieutenant à Mossoul , et le troisième ,
l'oncle de Mouhammed, fils de Mahmoud Seldjou-
quide , régnant à cette époque sur l'Iraq , et connu par
sa carrière vagabonde et par ses insuccès politiques.
Le premier, natif d'Ispahan, protecteur et bienfai-
teur immédiat de Khâcâni, devait avoir tout natu-
rellement la première place dans une pièce de vers
destinée à immortahser la gloire et les perfections de
sa patrie. Le nom complet du second estZein eddine
Aly Koutchik; il venait tout récemment de rendre
un service signalé à son maître, en faisant prison-
nier Souleiman Chah , au mois de djemadi-el-awel de
l'an 55 I, au moment où ce prince espérait pouvoir
ravir le trône à son neveu. Khâcâni, en publiant
son ode à Mossoul, ne pouvait se passer de vanter
un homme aussi considérable; mais il établit une
nuance entre les deux louanges, en tant qu'il cé-
lèbre le premier sous son vrai nom , tandis que dans
celui de Zein eddine , il traduit le mot turco-persan
de koutchik par le terme arabe cYasghar. Cette nuance
est encore plus renforcée dans le compliment qu'il
adresse à Souleiman Chah; il le cite d'une manière
342 MARS-AVRIL 1805.
tellement vague, que l'on est tenté, au premier
abord, de traduire le vers où il en parle par umon
roi prudent comme Salomon,» sans l'attribuera
une personne déterminée, d'autant plus qu'il parle
en même temps d'Assif, ministre du roi-prophète,
et de sa huppe. Cette précaution n'était pas inutile,
car nous savons par Ibn el-Athir que ce prince,
traité à Mossoul, après sa capture, avec tous les égards
dus à son rang, n'était pas moins un prisonnier
d'État, et s'il était naturel de lui présenter un voya-
geur illustre , capable de le distraire un peu dans sa
prison, ce dernier devait en parler de manière à ne
pas faire croire qu'il prenait trop au sérieux son litre
de roi. Ainsi toute cette parlie de l'ode de Rhâcâni
s'explique très-bien au moyen de l'histoire, et par
conséquent elle sert aussi à confirmer l'exactitude
des détails que nous fournissent sur cette époque les
annahstes arabes et persans.
Pour ce qui est de l'assertion de Khâcâni, que
le Caire était conquis par Ispahan , nous devons la
reléguer au nombre de ces compliments outrés et
hyperboliques dont il se montre si prodigue. Non-
seulement sous Mouhammed, fils de Mahmoud, le
pouvoir des Seldjouquides ne s'étendait pas sur
l'Egypte, mais même du temps de Mélik Chah, fils
d'Alp-Arslan, apogée de la puissance de cette dynas-
tie, sa domination à l'occident s'arrêtait à Antioche,
et à Laodicée , en Syrie. Le plus souvent Khàcâni
est exact dans les faits historiques qu'il rapporte;
mais s'il n'a pas reculé dans cette pièce devant i'ab-
MÉiVlOlRE SUR KHÂCÂNJ. 343
surdité géographique de faire du Zenderoud un
fleuve plus important que le Nil, on peut lui par-
donner d'avoir agrandi un peu les limites des pro-
vinces soumises à un prince dont les sujets le trai-
taient si bien. En général, malgré son érudition,
notre poète, entraîné par son désir de louer Ispahan
aussi éloquemment que possible, a complètement
perdu de vue les règles établies par les rhétoriciens
musulmans, pour distinguer le mensonge ( <-» Jo )
du trope (yjLjCUwî) (voy. Garcin de Tassy, Rhétorique
musulmane, p. 62), et il ne se laisse que trop entraî-
ner par le proverbe arabe L^JsSl jjuiJl ^^yM^^\,
c est-à-dire que aies plus beaux vers sont ceux qui
contiennent le plus de mensonges. »
La troisième pièce de vers que je vais transcrire
et traduire est considérée en Perso comme l'œuvre
la plus remarquable du poëte chirwanien : c'est la
fameuse quassidèh écrite dans sa prison.
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344 MARS-AVRIL 1865.
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MÉMOIRE SUR KHACÂNl. 345
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346 MARS-AVRIL 1865.
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MEMOIRE SUR KHACANI. 347
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348 MARS-AVRIL 1865.
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MÉMOIRE SUR KHÂCÂNI. 3^9
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;^50 MARS-AVKIL 1865.
U^ iS^y—^ {J^ — >^ J — *-ft ^*>^-^ ^i c5^^ J^
TRADUCTION.
Le malin, mon soupir s'envole, semblable à un voile lé-
ger comme la fumée, et le sang répand une teinte d'aurore
sur mes yeux (fatigués) de mesurer (la profondeur) de la
nuil. Le Irisle festin est préparé; et moi, je suis comme le
charbon de saule ^ prêta clarifier le vin sécrété par mon œil.
Les œuvres du ciel [dôme couleur d'orange] sont (chan-
geantes) comme la couleur des joujoux, combien dois-je (en-
core) bouillir pour que mon intérieur ne contienne pas de
fiel? Devant l'averse de flèches de mes (soupirs) matinaux cl
devant mes clameurs, comment ne jette t-il pas son bouclier,
ce vieux loup à l'épaisse fourrure^ ? Cette jarre couleur de fer
(la prison) , après avoir purifié et brûlé les scories de mon fer
(c'est-à-dire après avoir détruit les faiblesses de mon carac-
tère), se revêt de noir de fumée, (lancée) par mon cœur en la-
mentations. Ma face , couverte de poussière, (se colle) comme
la paille hachée aux murs de la prison, ramollis par mes
' On clarifie le vin avec du charbon de saule; celle opéralioii
précède le feslin.
'^ Khâcàni compare le ciel à un loup, à cause de la malveillance
(pi'il montre envers lui. L'épaisse fourrure, d'après le commenlaire,
siiinifie les neuf cienx.
MÉMOIKE SUR KHACANI. 351
jarmes qui délayent de la boue sur le sol en s'y répandante
Tu as vu le serpent enroulé dans l'herbe, regarde {mainte-
nant) le reptile qui enlace mes jambes, réduites à l'étal de
brinsde paille [d'herbe]. Jetle les yeux surles dragons roulés
en anneaux et engourdis sous les pans de ma robe; je n'ose
pas bougerde peurde les réveiller. La main du maréchal fer-
rant me livra aux serpents de Zolihak; à quoi me sert donc
le trésor d'Ifridoun, déposé au fond de mon cœur sagace^^
' Allusion à la manière usitée en Orient pour préparer les nmrs
en pisé, A/si J5 0 ; on délaye de la terre argileuse, puis on y ajoute
de la paille hachée. Le poëte veut dire que ses larmes étaient si abon-
dantes, qu'elles suffisaient pour délayer le sol de sa prison, et que
son visase, jauni et desséché, allait se coller à ses murs.
2 Le nom du tyran Zohhak, sa défaite par le maréchal ferrant
Kawèhy et l'élévation de F^eridoun au Irône de la Perse, sont trop
connus pour qu'on ait besoin d'entrer à ce sujet dans de grands dé-
tails; toutefois je profilerai de cette occasion pour donner une gé-
néalogie assez curieuse de Zohhak, insérée dans rtiistoire univer-
selle de Rachid eddin. 11 dit:
(j-j.î o^' f**^>? '^'^Jl^y o^ (£xxù^ ^3fy o^t Jî^y ^i
(J^-î^^V '^O^. J*'^ t>~ôjXo <->J^' 0-Î..UU c>^3 <_>iu (j^fj
« Notice sur Zohhak, connu sous le nom de Yourassh. Par rapport
352 M4KS-AVRIL )865.
Je verserai l'eau embrasée [ignée] de la source couleur de
sang jusqu'au tibia, (pour faire mouvoir) les meules de pierre
que portent mes pieds (babilués) à mesurer la terre \ Mon
collet est rayé par mes pleurs comme le soadreti /i}iara;el une
monlagne de pierre dure (se caclie) sous la doublure en soie
de mon babil^. Mes jambes sont crénelées comme le rebord
d'une cbandelle ; on dirait qu'elles portent des traces de
morsure des dents (crochues) de mon sort. Pour que les
deux enfants indiens ne soient pas effrayés dans le berceau
des yeux, je cache sous les pans de ma robe les dragons qui
me rongent râme\ Je suis semblable au pôle, quatre clous
à sa généalogie, les opinions sont partagées. Quelques Arabes disent
qu'il est fils de A'iouan, frère ds Cheddad A'd, et l'on fait remonter
son origine à Irem , fils de Sam , qui était fnVe d'Arfakhchad, coQ»n>G
on vient de l'exposer plus haut. Ils disent que Cheddad l'envoya
combattre Djemehid, Les Persans disent que son nom est Yourassb.
fils d'Arwend Assf, fils de Zinkawez, fils de Ssahirèh , fils de Taz,
fils de Farwal, frère de Houcheng, aussi fils de Farwal. D'après
leur opinion, ce Taz, fils de Farwal, est le père des Tazis, c'est-à-
dire de tous les Arabes. Ceci a déjà été rapporté. Ils disent qu'il fut
surnommé Yourassb Zohhah, c'est-à-dire qu'il était affligé de dix im-
perfections et défauts. Après, on arabisa ce mot, et l'on en fit soliah ,
c'est-à-dire «liommequi rit,» et ce mauvais sobriquet, en s'arabisantr
devint un surnom honorable. Les habitants de Yénien, dont les
Toubba'ian sont une souche, disent que Zohhak est un des leurs.»
Je n'ai pas besoin de rappeler que, d'après l'Histoire des Kurdes
de Khondemir, les Kurdes sont les dcscenJants de ceux qui oui pu
s'échapper des mains de Zohhak.
' Par surcroît de rigueur, les kundek eu bois qu'on atlachaht ,
et qu'on attache encore aux pieds des détenus, ont été remplacés
par des meules en pierre.
^ H répète ici le calembour basé sur le double sens du mot Lliw,
que nous avons déjà rencontré dans l'ode adressée au prince byzan-
tin. LIâ ÏNtV^ est une étoffe rayée employée pour des devants de
chemises.
^ Ces dragons sont évidemment les chaînes que le poë«e porlalt
auv pieds. Les enfants indiens sont ses yeux noirs.
MEMOIRE SUR RHÀCANI. 353
lixenlà un point ma figure de Saturne, (grâce) au dieu Mars,
aux actions de Zeneb \ Dès l'instant où mes pieds se placè-
rent sur le siège de fer, mes lamentations , semblables aux
sons d'une trompette , n'ont pas cessé d' ébranler le ciel. Quoi-
que les chaînes aient ployé le haut de mon corps comme
un anneau, je les baiserai , oh joie! car elles me donnent de
bons enseignements. En dépit de mes infortunes ténébreuses
comme la nuit, je finirai par avoir un visage resplendissant
comme le jour, et elle deviendra blanche ma demeure, noire
comme la nuit. Adossé au mur de la prison , le visage tourné
vers le toit du ciel , les narcisses de mes yeux bourgeonnent
comme le cieP. Le malheur et moi sommes l'un dans l'autre
comme la noix dans sa coquille, et le plafond de ma triste
demeure manque d'ouverture comme l'enveloppe d'une noi-
sette. Tous les jours des chagrins, chaque minuit des cris
oh Seigneur! oh Seigneur! Voyons à quoi me serviront ces
oh Seigneur! oh Seigneur de chaque nuit! Il est clair comme
le jour qu'en me levant pour boire le vin du malin, je crains
toujours que cette matinée ne soit la dernière après ma som-
bre nuit. Mes soupirs ont la force des balistes, capables de
percer cent murs ; pourquoi donc l'ignorant désarmé [sans
catapulte] s'expose comme (la flamme) d'une chandelle au
souffle de mon orage ^ ? Comme Marie , j'ai fait vœu de jeû-
ner, car mon cœur (digne) d'engendrer Jésus, et voué au
^ Cette image astronomique s'explique par rimmutabilité de
rétoile polaire entre quatre autres astres de la petite Ourse, Saturne
étant noir, il compare à cette planète sa figure attristée par le mal-
heur. Mars est la planète des bourreaux. Zenab est Tétoile brillante
de la queue du Dragon, elle présidait aux crimes; Kliâcâni désigne
ainsi ses persécuteurs.
2 D'après le commentaire, les bourgeons du ciel sont les astres,
et les bourgeons des yeux sont les larmes.
' Le commentaire signale que :sUXj, mot arabe, se dit en persan
^^l_j, et il l'explique en citant une phrase du Cherkb des poésies
(VA'boul Oulai Mou'arra { jZx^) ■ (j.^c>-^*(J^f ^v^f c^ *^^-*-^J
354 MARS-AVRIL 18G5.
Saint-Esprit, est pur comme elle. Mais la maladie de mon
cœur m'exempte du jeune, voilà pourquoi il est rompu par
les larmes qui me salissent la bouche*. Les larmes me tom-
bent dans la bouche, aussi mon iftar n'est que de l'eau
tiède, elle seule me passe par le gosier^. On dirait que je
souftre d'une luxation des pieds par suite d'un faux pas, tan-
dis que leur seule maladie est que j'ai perdu la tète. Or,
comme la cautérisation par le fer rougi est le dernier remède
dans loute maladie, le feu de mes soupirs fait rougir les fers
de mes pieds. Cent geôliers sont préposés à chacun de mes
soupirs (pour les empêcher de se faire jour), autrement le
ciel en serait écrasé , car ils sont (puissants) comme des hé-
ros. J'ai regardé le malheur en face, le chagrin a hérissé mes
cheveux, et tous les membres de mon corps sont en désordre
comme la chevelure des Dilems^. Je ressemble au violon-
celle dont la caisse est desséchée et la table vide, car mes
ennemis m'ont mis des cordes, (mais) au cou. Oh mon Dieu !
^j^^Jl ^.^v^^i c'est-à-dire, «Nekba-, c'est un vent qui apparaît
entre la direction des deux vents. »
' On sait que la maladie sert d'excuse légale à un niusuhuan
pour manger pendant le jour dans le mois de ramazan , et que toute
chose qui lui tombe dans la bouche, même involontairement, an-
iude la valeur religieuse de son jeûne.
- L'iftar, vLkiî, est la première bouchée que prend ie musul-
man après Tabstinence de toute la journée pendant le jeûne du ra-
mazan. En Perse, on commence par avaler quelques gorgées d'eau
tiède , et l'on mange le os-^ > pâtisserie faite avec de la farine et des
sucreries.
^ Le commentaire prétend que les Dilems formaient une tribu du
Turkeslan , qu'ils étaient armés de petites et de grandes lances , et que
leurscheveuxsenlrclaçaicnlel s'enflaient. Je crois que le docte auteur
de ce commentaire cherche trop loin la peuplade dont parle Klià-
càni; selon moi, ce sont simplement les pàJres du Gbilan, qui ont
une chevelure aussi épaisse qu'inculte; mais, dans tous les cas, cette
mention de la pUca pnloivca, parmi une ppuplade d'Asie, est assez
ciu'icuso.
MEMOIRE SUR KHACANJ. 355
pardonne aux grands qui , sous l'influence du fiel de la puis-
sance, n'oni pas hésité à prononcer ce jour leur que Dieu
détruise sur ma jeunesse (et sur mes espérances). L'or est
recherché à cause de sa rareté, les fleurs sont soignées par
les amateurs, tandis que moi, sans conscience comme un
papillon , on ne m'accorde pas (la moindre) attention ^ Mais
l'éclat et la beauté [l'or et les fleurs] sont des entraves pour
l'esprit [des ronces dans les pieds de l'esprit] ; pourquoi donc
mon esprit éloquent [qui orne les mots] ira-t-il les recher-
cher [aller à la chasse des ronces] ? Or est la réunion de deux
lettres non liées l'une à l'autre \ d'où viendrait donc leur
liaison avec un cœur d'un non pareil comme moi? Que j'aie
les mœurs d'un Samaritain el non le caractère de Moïse , si
tant que je vis je salirai mes mains pures [resplendissantes]
aux sabots du veau d'or. Au cœur de mon été, je n'ai pas même
(l'ombre) d'une seule feuille de saule; néanmoins, par égard
pour mon importance, les branches du Toaba se font éven-
tails pour me rafraîchir [pour éloigner de moi la chaleur]\
Je suis la branche du palmier, dont les hommes se servent
comme d'un éventail ; le vent froid est sur mes lèvres et mes
^ Le dernier vers de cet hémistiche a une construction très-em-
brouillée, et je crois rendre un service au lecteur en le transcrivant
en prose : (j^^f^ 0[j|^ ^j^jj^ ^\ ^^^ jjLijf c>^- Ce qui
rend cette phrase encore plus obscure, c'est que tout naturellement
on est porté à rattacher le mot ^Lij f aux deux sujets précédents,
)') ^* J^' **"^'^ 4"J^ ^^ rapporte aux grands, dont il a été ques-
tion dans les vers <v.i)| Ac ^j] , etc.
^ L'or, zr, en persan comme en français, s'écrit au moyen de
deux lettres; mais en persan ces deux caractères ne se lient pas l'un
à l'autre.
•^ Arbre du paradis mentionné dans le verset 28 de la xiii" sou-
rate du Coran : t_>U f^yui^s^ « IaÎ 3 ai», passage trop vaguement
traduit par Dllmann : Geniessen Seliifkeif iind selig ist ihr Eintritl ins
Paradies.
356 MARS-AVRIL 1865.
membres sont clécbiquet6s\ Je suis la bourse de musc, on
peut m'enferaier derrière cent murailles sans empêcher que
mon parfum vivifiant l'esprit ne trouve son chemin vers l'âme.
Une peau de chagrin, colorée, en se moquant de la bourse
de musc, lui dit : Fi! quelle couleur, lu n'as certes pas un
aussi bel asj)ect que moi. La bourse lui répondit : Déraisonne
un peu moins, j'ai des qualités invisibles. Il en est ainsi! il
en est ainsi! la preuve de mes paroles est mon souffle par-
fumé. L'éclat [la couleur du miroir] de ton extérieur est
préférable à ta partie cachée, tandis que moi, je suis comme
la pierre philosophais, et mes vertus secrètes ont plus de va-
leur que mon apparence. Je suis comme la Kaaba un modèle
pour les habitants du ciel qui s'habillent de vcrt^, car mon
brocart est un morceau de l'étoffe placée sous les pieds de
Jésus. Je porte une robe de lin et mon cœur est pétri dans
l'eau du Keouiher^.Je roule dansle niouarradj , elles bienheu-
reux montent jusque chez moi. Ma personne est une belle
rose qui mérite d'être cultivée, et ma belle rose a un témoin
de son martyre. Que de moqueries! (on me dit) pour une
sottise, tu t'es enfoncé dans une caverne! 0 homme qui suis
les lutins du désert, que tu es loin de ma sagesse [plaine] !
Je suis le bois d'ébène, je reste au fond de la mer avec la
coquille de perles, et je ne suis pas de ces copeaux qui sur-
nagent et s'associent à l'écume. J'éparpillerai mon âme, je
répandrai mon esprit, je déverserai mes bienfaits, je donne-
rai mon cœur; quel est-il le génie du monde qui ait le droit
cle me donner des ordres ? Je suis grand , je suis du nombre
' C'est-à-dire déchiquetés comme les fils ou fibres du palmier
dout ou tisse les nattes, les éventails, etc.
^ C'est-à-dire les anges.
-* L'un des fleuves du paradis, mentionné dans la sourate cviii .
versel i, du Coran, Dans ce vers et dans le vers suivant, khâcàni
joue sur les mots : ;»-y.^ , « «obe de lin , » -y^^Ja . « pétri, » -p. ^^a , qui
d'après le commentaire est un lieu vaste, élevé, richonioni orné cl
couvert de tapis, cl enfin ■r\<>u^ «action de monter. »
MEMOIRE SUR KHACANI. 357
des esprits, je suis du monde occulte et je suis saint par ma
naissance. Comment est-il donc possible que mon être puisse
se laisser subjuguer par la matière ? La raison me servit de
gouvernante, ma nourriture était la loi du Prophète, l'esprit
était mon berceau, mes mères sont les quatre éléments et
les (cieux) élevés mes pères. Quand la raison frotta d'aloès
les deux mamelles de la nature\ mon grand cœur se tourna
vers l'étude du tariqat^. D'un autre côté, comme Jésus, je
suis fds de menuisier, et ma mère chrétienne était sœur
adoplive de Jésus. Lorsque la source de l'épine dorsale de
mon père se déversa dans le conduit d'eau de la matrice,
la perle de mon océan naquit de cette source bénite. Le
voile de Tindigence me servit d'amnios, la main de la bien-
veillance fut mon accoucheuse, la terre de Chirwan est ma
patrie et le Daroul adah le lieu de mon éducation. Dès l'ori-
gine, je ne me suis pas livré aux distractions de la paresse
comme un enfant, car ma mère et mon père veillaient sur
moi. Mon chameau furieux^, à deux bosses, n'a pas mangé
chez vous ni du cuit ni du cru, car mon indépendance de
vous, hommes grossiers, ne date pas déjà d'aujourd'hui. Que
je croie aux pertes de sang des houris et aux pollutions des
anges, si mon vin a jamais été fait avec du sang des vierges
de la treille. Mais si même je buvais du vin, je l'aurais mé-
rité, le maître du paradis m'aurait avancé aujourd'hui ma
paye de demain*. Je suis au paradis et je bois; c'est pur et
^ Méthode employée par les nourrices, en Orient, pour dégoûter
les enfants de leur lait.
^ Le tariqat est une doctrine religieuse qui se rapporte, d'après
les théologiens musulmans, au charia't, ou à la loi proprement dite,
comme la parole se rapporte à l'action ; car le ciiariat est basé sur les
ordres verbaux du Prophète, et le tariqat sur ses actes. Ces deux
doctrines se complètent par le haquiqat, dont les principes sont fon-
dés sur les croyances intimes du Prophète, révélées aux élus parmi
ses sectateurs.
^ Le chameau furieux mange très-peu et soulève de grands far-
deaux.
* Le vin est permis aux musulmans dans le paradis ; aussi Khâ-
358 MARS-AVRIL 1865.
permis , car l'esprit est devenu ma poussière , el il admet mes
gorgées rouges\ Je baise la pierre noire et le Coran lumi-
neux, (aussi complètement) que si tout mon corps se chan-
geait en lèvres comme le Keouther^. Je suis Khàcàni, roi
du royaume delà parole, et, dans la trésorerie de mon élo-
quence, un seul point lumineux de mes écrits vaut le revenu
de cent khaciuis. Mes mains sont la constellation des Gemini ,
ma plume est cœtus, le sens de mes paroles est la spica et
la vierge est créée par la bah ine , par suite du mouvement de
mes jumeaux. Quoique les (hommes) au cœur de femmes
me comprennent aussi peu [difficilement] que la (nature)
de l'hermaphrodite compler\ mon cœur vierge porte le fruit
des hommes à l'âme virile. Si, dans les sept climats, il se
trouve un homme capable de dire deux vers semblables aux
miens, je consens à devenir inhdèleet à échanger le Daroul
qoummamèh contre la mosquée d'Aqsa. Je ne tournerai pas
ma bride par crainte de ceux dont la conduite est semblable
à cell d'Abou Lahab^, car l'élrier de Moustapha est devenu
mon but el mon refuge\ Par la bienveillance d'Aboul Qas-
câni , qui déclare s'y trouver, se croit autorisé à cet acte défendu par
la loi.
' C'est-à-dire, comme la poussière boit avidement le liquide
qu'on y verse, de même son esprit, qu'il a su dompter et réduire
à l'état de poussière de ses pieds, admet ses libations.
^ Le Kcouihery n'ayant ni source , ni embouchure , n'a que deux
bords <_>J ou « lèvres » en persan.
■'' L'existence de l'hermaphrodite complet est admise par la loi
musulmane , mais personne ne l'a vu.
^ Abou Labab, l'un des fds d'Abdoul Moutalib, oncle du Pro-
phète, élait connu comme son mortel ennemi; aussi Mouhammed
lui a-t-il fait l'honneur de le mentionner spécialement dans le Coran ,
par son célèbre ôjl o^l ^1 ftV o-jJ' i qui jure tellement avec
la phrase de «Au nom du Dieu clément et miséricordieux» précé-
dant celte apostrophe pleine d'amertume el de haine implacable.
^ Un homme poursuivi par la loi devient inviolable s'il parvient à
MEMOIRE SUR KHACÀNI. 359
sim , distributeur de bienfaits et prophète de Dieu , les rois
de l'entendement sont mes esclaves.
Cette pièce étant suffisamment analysée dans la
première partie de ce mémoire et dans les notes
jointes à ma traduction, je passerai à l'ode ëlëgiaque
de Rhâcâni sur son propre sort, que j'extrais du Ca-
deau aux deux Iraqs.
C'A .W... .1 ^y^\ S^\ X..3 ^V__J J_^ ji
pénétrer dans un sanctuaire renommé pour sa sainteté, dans l'écurie
du roi, etc. ou s'il réussit à toucher son étrier pendant qu'il esta
cheval.
360 MARS-AVRIL 1865.
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MÉMOIRE SUR KHÂCÂNI.
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MARS-AVRIL 1865.
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MEMOIRE SUR KHACANI.
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24.
364 MA HS- AVRIL 186 5.
TKADIJCTION.
Ecoule maintenant les lamentations (que j'exhale) sur
mon propre sort. Le monde touche à sa fin. Je suis profon-
dément enseveli dans focéan des malheurs. Je suis confondu
et semblable à une coquille de perle, je n'ai ni bras ni jambes.
Souvent le ciel, pour extraire la perle royale, brise ma poi-
trine comme si j'étais moi-même une coquille de perle. Par-
fois (je supporte le malheur), comme l'argent (supporlej
l'action du iéu ardent, et parfois, dans la main de l'infor-
tune, je deviens (mobile) comme le vif-argent L'œil de mon
existence est voilé par une taie; la face de mon libre arbitre
est marquée de petite vérole. Celte taie , ce sont les peines de
la vie; celte petite vérole, c'est la méchanceté du Chirwan.
Je suis l'épervier auquel on a coupé le bout des ai'es et
qui a éprouve les vicissitudes de la fortune. Il ne me reste
dans le gosier ni unité ni zéro , c'est-à-dire que je n'ose pro-
férer un ah, par crainte de mes ennemis \ Semblable à une
génisse qui fait tourner un mouhn , ma carrière est bornée ; je
tourne autour du centre des péchés. Je succombe sous les
coups de fouet de l'époque, la corde est à mon cou et mes
yeux se ferment. Regarde la génisse du moulin, elle tourne
toute l'année, mais elle le fait sans joie et sans plaisir. Elle a
toujours devant elle un râtelier bien lourni et frais*, mais
elle ne peut jamais assez allonger son museau pour l'at-
* Ah s'écrit en persan par nn élij ei par un hei , ([ui ont aussi la
valeur de l'unité et de zéro.
' Allusion à un procédé employé en Orient pour faire tourner
l'arbre d'un moulin par une vache, sans être obligé de la faire avan-
cer à coups de fouet. Ou cloue à cet arbre un râtelier abondamment
garni de fourrage, puis on attache la vache de façon qu'elle puisse
le voir sans pouvoir assez allonger son cou et son museau pour l'at-
leindrc. Les efforts que fait la vache pour y parvenir font tourner
l'arbre du moulin. Le poêle oppose les cercles décrits par la bêle à
i;eux des danseurs qui loiu'uenl tfaiemeut.
MÉMOIRE SUn KHÀCANf. 365
leiniire. La voie est ouverte entre elle el l'objet de son désir,
néanmoins il est inaccessible pour elle. Mes larmes prennent
la couleur de l'épine-vinelle; mon médecin me lâle la veine
du pouls. Voyant que j'ai de la chaleur dans le cœur, il me
dit : Prépare une tisane de les larmes \ Le cœur brisé el mon
activité paralysée, j'ai le droit de me plaindre, oh oui! Mon
huile est épuisée, la mèche est trop fme, la flamme de ma
lampe a peu d'éclat, elle est vacillante. Jamais aucun jour
de mon existence n'a été béni comme l'est le jour de l'an.
Mon sort [horoscope] est de ressembler à un almanach, je
n'ai pas été respecté même durant une année. Comme il ne
peut être appliqué à autre chose , il n'a plus de voleur aux
yeux du chronologisle. Devenu inutile, il est déchiré el se
couvre de poussière. Il est détruit par le rêveur, par le dé-
bauché ou par celui qui espère encore, autrement on l'en-
voie chez le fripier, on l'expulse de la bibliothèque. Tantôt
on en arrache la moitié, tantôt on en porte une partie au
marché ^ On y met la myrrhe el l'aloès el on lui lord la tête
pour en faire des cornets. Par Dieu, dans les mains de mon
Ariman de sort, cet almanach vieilli, c'est moi! c'est moi!
Je n'ai jamais trouvé [vu] de bienveillance parmi les hommes;
* La tisane d'épine-vinette est ordonnée par les médecins orien-
taux pour calmer la chaleur du sang. Le poëte compare la couleur
de ses larmes de sang à celle de cette potion calmante, et dit que le
médecin lui en a prescrit l'usage. Le mot . «i^ que j'ai traduit par
tisane, ne se trouve pas, avec cette signification, dans Ricbardson.
Dans les notes du TouA/efautographié, on lit: jcJcN^lL îJ^jV^o^ Wy*
cXÀib^ « Mezuar, ou Mezwarehj est un aliment préparé sans viande.
On y met de la coriandre ou quelque autre ingrédient de ce genre ,
et on le donne au malade.
- Le tcharssou est , à proprement parler, le rond-point du bazar
oriental , lieu où se croisent des rues venant de quatre côtés. C'est
l'endroit le plus fréquenté par les acheteurs , et c'est là aussi que se
tiennent de préférence les épiciers et les droguistes.
366 MARS-AVRIL 1865.
que dis-je vu, que je sois Juif, si j'en ai entendu seulement
parler! Ce que firent les frères de Joseph à leur frère, je
l'ai enduré autant des miens et peut-être plus encore. Par
crainte de plus grands désastres, j'ai jeté la pierre aux car-
reaux des vitres de la parenté. Je ne m'inquiète plus des af-
faires de ma famille , elles agissent sur moi comme la fumée
d'une mèche (mal éteinte) agit sur le cerveau. Je suis le
Touti créateur des idées , et le Chirwan est ma cage de fer. Le
sort m'a réduit à la dernière extrémité, il m'a coupé le bec,
la langue et les ailes. Il m'a chassé de l'Inde de la joie, il a
extirpé les racines de mes espérances. Ce n'est pas de sucre,
mais bien de poison qu'il m'a nourri ; il m'a servi de l'eau
dans la gueule d'un crocodile. Je fais le mort pour mieux
sauter, tout comme le Toati qui par une mort (simulée) re-
couvra sa liberté. Je me suis détaché du service des grands,
j'ai dénoué ma ceinture et j'ai fermé ma bouche. Je suis au
chapitre des privations, et j'ai biffé le verset de la parole.
Comme Marie exaspérée parles reproches des siens, j'ai dit :
je ne parlerai à personne durant tout ce jour\ Craignant
pour ma tête, j'ai fermé la porte de ma langue, mais j'ai ou-
vert celle de mon cœur. J'ai tranché ma langue par le glaive
de l'isolement; mais aussi cette langue qui témoignait en fa-
veur de l'unité de Dieu, est devenue un glaive. Chemakha
paraît étroite pour mon cœur, c'est un four (ardent) dans ce
pays ouvert^. C'est bien si la langue ressemble au glaive, si
elle fait des actes virils^ sans proférer de paroles. Ma rési-
dence est une vraie prison; chacun de mes cheveux se dresse
^ Citation d'un passage du verset 27 du chap. xix du Coran.
^ J'ai placé ce distique à l'endroit que lui assignent tous les ma-
nuscrits où je l'ai trouvé, mais il me semble qu'il devrait suivre le»
mots « et le Chirwan est ma cage de fer. »
^ J'ai reproduit le mot (J^J», car je l'ai trouvé dans tous les ma-
nuscrits que j'ai pu consulter, je l'ai traduit par «acte de virilité;»
j
mais il me semble toutefois qu'il faut le remplacer par >^ ^yA et tra-
duire le distique on il «;r trnuvr par : «CVst bien si l.i liiitrue res-
NOUVELLES ET MÉLANGES. 367
vers Dieu. Aucun des voyageurs de ce monde ne peut me
visiter; on empêche même le vent de pénétrer jusqu'à moi.
Si je fais un pas, n'importe dans quelle direction, ou si mon
poumon laisse échapper un soupir, un calomniateur le re-
lève et le rapporte travesti à l'oreille du Chah.
NOUVELLES ET MÉLANGES
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 10 FÉVRIER 18G5.
La séance est ouverte par M. Pauthier, en l'absence du
président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu ; la rédaction
en est adoptée.
Sont proposés et élus membres de la Société ;
MM. KossowiTCH , professeur de sanscrit et de zend à
l'Université de Saint-Pétersbourg;
MouciiLiNSK! , professeur d'arabe à l'Université de
Saint-Pétersbourg ;
A. DE Caix de Saint-Amodb, à Paris.
Il est donné lecture d'une lettre de M. Reinaud , qui an-
semble au glaive, si elle fait la morte et si elle ne profère pas de
paroles.» Car il serait assez difficile de comprendre comment la
langue pourrait accomplir des actes virils sans proférer de paroles.
368 MARS-AVRIL J865.
nonce que l'étal de sa sanlc l'empêchera d'assister a la
séance.
On lit une lettre de M. Duruy, ministre de rinstruction
publique, qui annonce à la Société qu'il vient de renouveler
la souscription de son département au Journal asiatique. Des
remercîments seront adressés à M. le Ministre.
M, Lancereau lit un extrait de sa traduction du Punlcha-
i unira.
M. Oppert lit une lettre adressée nu général Rawlinson
sur les inscriptions araméennes qui se trouvent sur quelques
briques de Babylone.
OUVRAGES OFFERT.^ À LA SOCIÉTÉ.
Par l'éditeur. Monumenla sacra et profana, opéra Collegii
doctorum hibliolhecœ Amhrosianœ , edidil A. M. Ceriani , vol. H ,
cab. 1 el 2; vol.III, cab. 1. Milan, 1 863-1 864, in-4°.
Par l'auteur. Clave harmonica. Demonslracion de la unidad
de ôrigen de los idiomas , porH. Mossi de Cambiano. Deuxième
édition. Madrid, 186/i, in 8°.
Par le Gouvernement. Tableau des étahlissenients français
dans l'Algérie en 1863. Paris, i864, in-/i°-
Par l'auteur. Lellre à M. Opperl sur quelques particularités
des inscîiptions cunéiformes anciennes, par M. De Rosny, in-8°.
(Extrait des Annales de philosophie chrétienne.)
Par l'auteur. Annuaire philosophique, par L. A. Martin,
t. II, cab. i et 2. Paris, i865, in-8".
Par l'auteur. Discours prononcé aux funérailles de M. l'abbé
Flottes, par A. Germain. Montpellier, i8G4, iii-8°.
Par l'auteur. Ouverture du cours de fdiilologic comparée
des langues indo-européennes, par M. Jules Oppert. Paris,
i864,in-8°.
NOUVELLES ET MELANGES. 369
PROCÈS-VEHBAL DE LA SÉANCE DU 10 MARS 1865.
La séance est ouverte à hnil heures par M. Reinaud, pré-
sidenf.
Il est donné lecture du procès-verbal de la dernière séance ;
la rédaction en est adoptée.
Est nommé membre de la Sociélé, M. George Grote, à
Londres.
Le secrétaire fait un rapport sur une demande de l'Ins-
titut royal de l'Inde néerlandaise, que l'échange des publica-
tions des deux Sociétés soit rétabli. Le secrétaire propose
d'envoyer à l'Institut dorénavant le Journal asiatique.
M. Oppert continue la communication qu'il a commencée
la dernière fois sur les transcriptions araméennes ou phéni-
ciennes qui accompagnent certaines inscriptions cunéiformes
assyriennes, découvertes par le général Rawlinson, et qui
servent de contrôle et de confirmation à la lecture de l'écri-
ture cunéiforme.
Il expose ensuite des considérations sur la grande inscrip-
tion de Sardanapale III, trouvée à Nimroud, et dont lui-
même a publié la traduction dans son ouvrage sur l'Expédition
en Mésopotamie. Dans cette inscription, le roi rappelle des
stèles qu'il a fait graver près des sources du Tigre, stèles
qui, sur ces indications, ont été retrouvées par M. Jones
Taylor, et qui prouvent de même rexactitude de la lecture
des inscriptions antérieurement déchiffrées.
OUVRAGES OFFEBTS À LA SOCIÉTÉ.
Par l'auteur. Un chapitre de l'histoire de l'Inde musulmane ,
ou Chronique de Scher Schah , traduit de l'hindoustani par
M. Garcin DE ÏASSY. Paris, i865 , in-8°. ( Extrait de la Revue
de l'Orient, i6/i pages.)
Par la Société. Actes de la Liociélé ethnoyraphiqae , n° 7.
Paris, 1864, in-8".
370 MARS-AVRIL 1865.
Par la Société. Proceediiigs of the Royal geographical So-
ciety, vol. IX, n*" 1. Londres, i865.
Par l'auteur. Du signe interrogatif des divers peuples et des
fausses idées de l'Europe sur les hiéroglyphes , dissertation par
le chevalier de Paravey. Lyon , i865, in-8° (2A pages).
Par la Société. Bulletin de la Société de géographie. Dé-
cembre 1864. Paris, in-8°.
Travels in Central Asia, by Arminius Vambery. Londres , i864,
in-8° (443 pages, beaucoup de planches et une carte).
Reise jn Mittelasien von Hermann Vambery. Leipzig, chez
Brockbaus, i865, in-8°.
M. Vambery, Hongrois de naissance et membre de l'Aca-
démie de Pesth, avait passé bien des années à Constanti-
nople, se livrant à des études de langue et de littérature,
lorsque l'Académie à laquelle il appartient le chargea d'un
voyage dans l'Asie centrale , dont le but principal devait être
l'éclaircissement des origines delà langue hongroise, par
l'étude de dialectes congénères, soit finnois, soit tartares.
M. Vambery, fort de sa connaissance intime de la langue
turque et des coutumes musulmanes, se décida à voyager
sous un déguisement oriental, seul moyen d'aller à Rhiva et
à Bokhara, quand on n'est pas envoyé russe et protégé par
une escorte militaire, mais moyen dangereux au plus haut
degré, parce que le plus léger soupçon de son origine véri-
lable créait un péril, et la découverte de sa nationalité entraî-
nait inévitablement sa mort. 11 se rendit à Téhéran, où il
s'établit chez l'ambassadeur turc,. qu'il avait connu à Cons-
tantinople. Il trouva bientôt que son premier dessein d'aller
à Bokbara par Héral était devenu inexécutable par suite de la
guerre qui avait éclaté entre la Perse et l'Afghanistan, et il
conçut un nouveau plan, qui devait le conduire droit à son
but, mais avec un surcroît de dangers et de fatigues. L'am-
bassade de Turquie à Téhéran est le rendez-vous naturel
NOUVELLES ET MELANGES. 371
des pèlerins sunnites des pays tiircomans qui doivent traver-
ser la Perse pour aller à la Mecque et en revenir. Mal vus et
persécutés pendant tout leur séjour dans la Perse schiite, ils
ne trouvent de secours et de protection qu'à l'ambassade
turque, qui, en conséquence, est toujours entourée de com-
pagnies de pèlerins turcomans, auxquels M. Vambery était
en position de rendre des services. 11 conçut donc l'idée de
se joindre à une de ces sociétés de dervicbes revenant de la
Mecque, et de se faire conduire par eux à Bokbara et à Sa-
markand, sous le prétexte d'un vœu qu'il aurait fait de visi-
ter le tombeau d'un célèbre saint. Il se fit affilier à une com-
pagnie de vingt-trois badjis, dont une grande partie étaient
originaires des provinces musulmanes sujettes de la Cbine. Ils
étaient toustrès-sales, ignorants , fanatiques et plus ou moins
misérables , ne possédant en partie que leur bâton de voyage
et leur caractère de dervicbe et de hadji, qui leur donnait
le droit à des aumônes. M. Vambery fut alors initié à leur
manière de vivre, se réduisit à l'équipement le plus simple,
n*emporta qu'une très -faible somme d'argent, et se mit en
route avec eux par le Mazenderan et le désert de Kbiva , où
il faillit périr de soif et de faim , et de là à Bokbara et à Sa-
markand, d'où il les laissa partir seuls pour le Turkeslan
chinois , parce que ses ressources suffisaient à peine pour son
retour, qu'il fit par la roule méridionale de Hérat. Il m'est
impossible de donner dans cette note une analyse, si suc-
cincte qu'elle soit, de son ouvrage ; il faut lire son livre pour
voir quelle résolution il fallait pour l'entreprendre, quelle
présence d'esprit continuelle pour ne pas se trahir par un
mot, un regard, une curiosité quelconque, l'omission d'une
cérémonie ou d'une habitude de derviche. Encore le récit de
l'auteur n'en donne-t-il qu'une idée imparfaite; car M. Vam-
bery est un voyageur singulièrement modeste, qui ne raconte
de ses aventures que ce qui est indispensable à son liistoire,
et l'impression que donne son ouvrage est qu'il ne raconte
pas tout ce qui lui arrive, de peur d'être soupçonné d'exagé-
ration .
372 MARS-AVRIL 1865.
Le voyage n'occupe que la moitié du volume; la seconde
moitié consiste dans un résumé des observations de l'auteur
sur l'état des pays turcomans , leur population , leurs produits ,
et leurs rapports politiques entre eux et avec les pays voisins.
Les circonstances n'étaient pas favorables à des recberches
historiques ou archéologiques ; mais M. Vambery a rapporté
une quarantaine de manuscrits, dont il nous donnera proba-
blement le contenu sous une forme quelconque ; lui-même
pense que les résultats philologiques qu'il a obtenus sont le
produit principal de ses voyages, et le premier ouvrage
qu'il publiera sur ces sujets sera un Dictionnaire turc orien-
tal, qu'il prépare dans ce moment. Ce qui peut sembler sin-
gulier à ceux qui lisent le récit des misères, des fatigues et
des dangers qu'il a supportés, c'est qu'il paraisse dé.sireux de
recommencer ses voyages; mais l'attrait qu'exerce la liberté
dont on jouit en Orient dans la vie ordinaire est irrésistible ,
et cela devrait donner à réfléchir aux admirateurs exclusifs
de nos institutions européennes, — J. M.
On trouve dans l'ouvrage de M. Helmholtz, intitulé : Die
Lehre von den Tonempfindungen (2* édition. Brunswick, i865,
in-8°), pages 433-^37, une nouvelle explication de l'échelle
musicale des Perses , telle qu'elle paraît s'être formée sous
les Sassanides. Je suis beaucoup trop peu musicien et mathé-
maticien pour prendre sur moi d'exposer l'idée de l'auteur;
mais il est peut-être bon d'indiquer aux savants qui s'occu-
pent de l'histoire de la musique en Orient un passage qui
pourrait aisément leur échapper, et je me contente d'appeler
leur attention sur ce paragraphe de l'ouvrage de M. Helm-
holtz. — J. M.
JOURNAL ASIATIQUE.
MAI-JUIN 1865.
PANTCHADHYAYI
ou
LES CINQ CHAPITRES SUR LES AMOURS DE CRICHNA
AVEC LES GOPÎS,
EXTRAIT DU BHÂGAVATA-PUrAnA,
LIV. x,cnAP. XXIX-XXXIII,
PAR M. HAUVEÏTE-BESNAULT.
S'il n'est guère de Parâna aussi populaire chez les
Hindous que le Bhâgavata, ainsi que l'attestent le
grand nombre des manuscrits et plusieurs éditions
indigènes, dans ce Parâna lui-même il n'est pas de
livre plus célèbre que le dixième, où est racontée
l'histoire de Grichna, la dernière et la plus complète
des incarnations de Vichnu^ Le fait est constaté par
les traductions ou imitations qui en ont été faites,
à différentes époques, et presque de nos jours en-
core, dans les divers dialectes de l'Inde. 11 suffît de
citer le Dasam A skand, traduit en français par M. Th.
Pavie ; le Prem Sagar, dont M. Eastwick a donné la
traduction en anglais, et une imitation en langue
' Polier, Mythologie des îndouSy ch. v et vi, t. I".
V. 25
374 MAI-JUIN 1865.
persane sur laquelle a été faite la tracluclion, égale-
ment en anglais, publiée par Maurice dans le tome
second de son History of Hindoostan.
La doctrine du salut par la dévotion, enseignée
dans ce livre, en explique la popularité. Dans un
fragment du Padma Parâiia^ le Bhâgavata Mâhâtmya^
qu'on trouve à la suite de quelques exemplaires du
Bhâgavata Pnrâna, publié à Bombay en 1860, il est
dit, au chapitre iv, qu'un brahmane nommé Atma-
déva se retira dans la forêt, d'après les conseils de
son (ils Gokarna, et qu'il obtint Crichna par la lec-
ture de ce dixième livre : <^UJ|Vr[M fH^Td 5"5[TH^
Les cinq chapitres dont je donne ici le texte et
la traduction forment un épisode désigné dans
l'Inde sous le nom de rfts^^^Fft' ^^^ ^^^ ^^^9 ^^^•'
titres; ils sont consacrés au récit des amours de
Crichna avec les Gopis, littéralement ies vachères.
Les principaux traits de cette légende vivent encore
dans la mémoire du peuple et dans les cérémonies
du culte : nos contemporains ont vu des processions
où figurait, porté sur un char, Crichna entouré de
ses fidèles Gopîs ^ C'est un sujet où semblent s'être
complu l'imagination voluptueuse et la piété facile
des poètes hindous. On sait que le Gîta Govinda y
tient de très-près, h' Anthologie d'Haeberlin comprend ,
en outre, six ou sept autres petits poèmes, qui tous
ont trait aussi à la même légende. Deux sont, quant
à la forme, des imitations du Mégliadûta et traitent
* Voyages dans l'Inde j par le prince Sollykoff, p. A i 4-
PANTCHÀDHYAYÎ, 375
du message d'Uddhava, rapporté dans le BMcjavata
liv. X, cb. xLvi et xlvii; ils ont pour titre Uddhava-
sandéça et Uddhavadata. Deux autres, le Hamsadûta et
le Paddhkadûla , ont rapport, l'un indirectement,
l'autre directement, aux faits racontés dans la se-
conde partie de notre cbap. xxx. Le Vrîndâvanaçataka
et le Vrindâvanayamaka célèbrent la forêt témoin
des jeux de Gricbna. Enfin le Vrajaviiâsa, où Râdbâ
est nommée, est l'œuvre de Çrîdbarasvâmin ; on
se rappelle que c'est le noui du scboliaste de la
Bhagavadgitâ, du Bhâfjavata et de trois des cinq livres
du Vaichnava, le V\ le IP et le V*^ (Wiison, préf.
du V. P. p. LxxTv). La Bibliotbèque impériale pos-
sède en manuscrit, outre le Hamsadâta, un drame
en dix actes, par Rùpagosvâmin, le Lalilamddhava ,
qui roule sur les amours de Gricbna et de Râdbâ.
[Catalogue man. de i\L Munck.)
On ne s'élonnera pas du grand nombre de ces
compositions, si l'on songe que les Gopîs sont de-
venues, dans la tradition bindoue, comme le type
et le modèle du salut par la dévotion et par la foi.
Il est dit, au livre Vil, cb. i, st. 3o du Bhâgavata,
que les Gopîs ont été sauvées par l'amour, ÎTT'^T:
c^miH • Le rédacteur du Prem-Sagar^ semble s'être
inspiré de ce passage dans les réflexions qu'il met
dans la boucbe de Çuka sur les moyens d'arriver à
la délivrance. Le Bhâgavata Mâhâtmya, déjà cité,
est plus explicite encore : il n'hésite pas à déclarer
• P. 56 et 57 de la Irad. (Cf. ci-dessous, ch. xxix, st. i 3 et suiv.)
25.
370 MAI-JUIN 1865.
inutiles et de nul effet, à l'égard du salul, les iiior-
tifications, les Védas, la science et les œuvres; c'est
la dévotion qui fait obtenir Hari , ainsi que le prouve
l'histoire des Gopîs, II, 18 :
^f^ Hro?T^ H^TT TTîTTTlt rT^ îft^: M
Plus bas, II, 56 et 5y, opposant le bonheur du
ciel des dévas, svarga, à celui du Vaikantha, ou de-
meure de Vichnu : « Beaucoup de chemins, dit-il,
mènent au premier, un seul mène au second , et
c'est celui que les Gopîs ont suivi. »
5flftrftT%€T ë^ ^^FT: îT^rétWTT: I
Si la popularité de cette légende ne laisse aucun
doute, on n'en peut dire autant de son antiquité. Je
ne connais dans le Mahâbhârata qu'une allusion ra-
pide à l'histoire des Gopîs; elle se trouve dans l'in-
vocation de Drâupadi à Crichna, Gopijanapriya (II,
2291). Les développements commencent avec le
Harivamça et se continuent dans les Purânas. Elle est
comme en germe dans le premier; elle prend dans
quelques-uns des Purànas des développements qui
constatent et expliqueiit la faveur dont elle jouissait.
PANTCHADHYAYI. 377
Le Harivajfiça y consacre une vingtaine de stances \
le Vaichnava plus du double , et le Bhâgavata cinq cha-
pitres. Le récit du Harivamça, tout bref qu'il est, en
contient déjà les traits essentiels. On y voit Crichna
se livrer au plaisir avec les Gopîs dans des circons-
tances identiques à celles qui sont décrites dans nos
deux ParânaSj et plus d'une fois la même idée y est
exprimée dans les mêmes termes ^ soit que ce récit
ait servi comme de canevas à ceux qui ont suivi, soit
que la tradition eût dès lors consacré les mêmes lo-
cutions à l'énoncé des mêmes faits. Ici, comme dans
les Purânas, l'amour des Gopîs pour Crichna leur
fait braver tous les obstacles ^; elles se rangent , pour
danser, deux à deux sur une même ligne , c'est-à-dire ,
suivant la glose citée par Wilson*, elles forment un
cercle dans lequel Crichna figure auprès de chaque
Gopî; elles célèbrent ses louanges, imitent ses ac-
tions, l'accompagnent dans ses promenades et dans
ses jeux, et ne s'arrêtent que lorsqu'elles sont à bout
de forces et ivres de plaisir.
Le Vichnu-Purâna , ainsi que je viens de le dire,
est plus développé; notre sujet y comprend près de
' P. 584 de l'édition de CalcuUa, iSSg.
* Krisnas tu jauvanani dristvâ niçi candramaso navam \
Çâradim ca niçdih ramjâm manuç cakre radin prati |[
cf. ci-dessous, p. 378, note i, les st. i4 et i5 du V. P. et, dans le
texte du Bhâçjcivata, la stance i"du ch, xxix.
^ Ta vdryamânàh pifribliir bhràtribhir mdtribhU tatliâ |
hrisnani gopâiujanâ râtrau niricjajante ratipriyâh j|
cf. ci-dessous, p. 38 1 en note, la slance 58 du V. P. et, dans notre
texte, XXIX, 8.
* P. 53i de sa trad. du V. P. note.
378 MAI-JUIN 1865.
cinquante çlokas, plus des trois quarts du chap. xfiî,
liv. V. Comme le texte de ce Purâna attend encore
un éditeur, j'ai cru devoir donner, au moins en
note et en caractères romains, ce passage tout en-
tier ^ Je l'ai transcrit sur le manuscrit bengali de la
' Kiisnas ta vimalam vyoma çaraccandrasya candrilcàm j
tailla kumudinîni phuHâm âmodiladigantaràm [| i 4 [l-
vanarâjiiîi tattiâ kùjadbhriiigamâiàmanoramâm j
vilolcya saha gopîbhir manaç cakre ratim prali j| 1 5 {]
salia ramena madburam atîva vanitàpriyam J
jagau kalapadam çaurir nânâtantrikrilavratani " || i6 |j
ramyagîladbvanim çrutvâ santyajyâvasalbâms ladà |
àjagmus tvarità gopyo yatrâslc madbusûdanab |] 17 [j
çanaih çanair jagau gopî kàcit tasya layâougam *" |
dattàvadbânâ kâcic ca tam eva manasâsmarat [| 1 8 l[
kâcit krl.sneti krisneti proktvâ'^tajjàm upâyayau |
yayau ca kâcit premândliâ talpàrçvam avilajjitâ "^ |1 1 9 j|
kâcid âvasatbasyântali stbitâ dristvâ vabir guram* |
tanmayatvena govindam dadbyau mîbtalocanâ [j 20 [j
taccinlâvipulâblâdaxînapunyacayâ tadâ |
tadaprâptimabâdulikbavilînâçesapâtakâ |1 21 |j
cintayantî jagatsûtim parabrahmasvarûpinam [
niruccbvâsalayâ muktim gatânyâ gopakanyakâ || 22 |{
gopîparivrilo râtrim çaraccandramanoramâm |
mânayâmâsa govinda râsârambbarasotsukah || 28 |j
gopyaç ca vrindaçali krisnacestàsv àyattamûrtayah^ |
anyadeçam gâte knsne cernr vrindàvanântaram j| 2^ [|
krisno ^ ham elallalitam vrajâmy âlokyalâm gatih |
anyâ bravîti krisnasya samagîtir^ niçamyatâm l] 28 j]
dusta kâliya listhâtra krisno S bam iti câparà [
' 16 d, Nânâtantribhih. kritam vratatn svaraniyatir yasmin , scb.
*" 18 b. layânu(jL
'■ 196. Prohlâ.
^ 19 c/. AùkLyjilà.
' ao 6. Çvaçurâdin^ scli.
' itxh. Krisnacestàsv âyaUâ'i tadanukârinyo mùrlayo yâsâih tnh , scb.
* 20. d. Marna gt°.
PANTCHÂDHYÂTÎ. 379
Bibliothèque impériale portant le li** i 2, P 2 5 2 b et
suiv. C'est le seul qu il y ait à Paris. M. Moiiier Wil-
liam a bien voulu comparer avec plusieurs manus-
crits, et à l'occasion compléter la copie que je lui aï
envoyée; il y a ajouté quelques variantes et quelques
bâhum âspholya krisaasya lîlâsarvasvam âdade [| 26 jj
aoyâ bravîli bho gopâ nihçankaih stbîyatâm ilia j
alam vristibhayonàtra dhrito govardbano maya || 27 []
dlienuko >S yaiïi maya xiplo vicarantu yalbecchayâ |
gâvo bravîti caivânyâ krisnalîlânakârinî |j 28 ||
evain nâiiâprakârâsu krisnacestàsu tàs tadâ ]
gopyo vyagrâli samam cerû ramyam vrindâvanam vanam j| 29 )|
vHokyaikà bbuvaiîi pràlia gopîr gopavarânganà j
pulakâcitasarvàiigî vikàsinayanotpalâ |] 3o ij
dbvajavajrâiikuçânka. . . ." àli paçyala |
padâny etâni krisnasya lîlàlankritagâminah |1 3 i [j
kâpi tena samam yâtâ krilapiuiyâ madâlasâ ]
padâni tasyâç cailâni gbanâny alpatanûni ca || 82 [j
puspâvacayam atroccaiç cakre dàmodaro dbruvam |
yenâgrâkrântimâtrâni padàny atra mabâlmanab [| 33 j]
atropaviçya sa tena kâpi puspair alai'ikritâ |
anyajanmani sarvâlmâ visnur alyarcilo'' yayà \\ 34 ||
puspabandhanasammânabritamânâm*^ apâsya làm |
nandagopasulo yàto mârgenânena paçyata || 35 ||
anuyâte samartbânyâ nitambabharamantharâ [
yà gantavye drutam yâti nimnapâdàgrasamslbilib || 30 j
hastanyaslâgrabasteyam tena yâti yatbâsakbi |
anâyattapadanyâsâ laxyate padapaddbatih [| 37 [j
hastasamsparçamâtreiia dhûrtenaisâ vimânità |
iiairàçyam mandagâminyà nivrittam laxyate padam || 38 ||
nûnam uktâ tvarâmîti punar esyâmi le ^S ntikam |
tena krisnena yenaisâ Ivaritâ padapaddbatib |j 39 |j
pravisto gahanam krisnah padam atra na laxyate j
' 3i ab. Il y a, dans cet liëmisticlie , cjuali-e syllabes que je n'ui pu dé-
chiffrer. — AUsakhi bahuvacanârlhe cailmvacanam , sch.
'• 34 d. Abhyarcilo.
'' 35 b. "KritamâJam.
380 MAI-JLIN 1865.
gloses qu'on trouvera en note. On peut voir le pas-
sage correspondant dans la traduction de M. Wilson,
pag. 53i et suivantes. Je ne veux relever ici que
les éléments nouveaux, par rapport au récit du
Harivamça. Outre la doctrine du salut par la dévo-
nivariadhvam çaçânkasya naitaddîdhitigocare jj 4o j[
nivriltâs tâs tato gopyo nii-âçàh krisnadarçane |
yamunâtîram âgamya jagus taccaritam tadà |j ii ||.
tato dadriçur âyâolam vikâsimukhapankajâh" |
gopyas IrailokyagoptâraiTi krisnam aklistacestitam || 42 j[
kâcid âlokya govindam àyântam aliharsità |
krisna krisaeli krisnetl prâha nânyad udîrayat || 43 ||
kâcid bhrûbhaijguram kritvâ lalàtaphalakam hariro 1
vilokya netrabhriùgâbhyâm papau tanmukhapaùkajam |j 44 |j
kâcid âiokya govindam nimîlitavilocanâ j
tasyaiva rûpam dhyâyanlî yogârûdbeva câbabhau || 45 j'[
tatah kâçcit priyâlâpaih kâçcid bhrûbbaùgavîxitaih |
ninye ^ nunayam anyâç ca karasparçena màdbavah |[ 46 [|
tâbhih prasannacittâbhir gopîbbih saba sâdaram j
rarâma râsagosthîbbir udâracarito harih |] 47 j|
râsamandalabandho ^ pi krisiîapàrçvarri anujjhatà |
gopîjanena naivâbhûd ekaslhânasthirâtmanâ [j 48 |[
haste pragrihya caikaikâiïi gopikâm ràsamandalîm [
cakâra tatkarasparçanimîlitadriçam harih || 49 j|
tatah pravavrite râsaç caladvalayanisvanah [
anuyâtaçaratkâvyageyagîtir anukramât |j 5o |1
krisnah çaraccandramasarii kaumudîkiimudâkaram [
jagau gopîjanas tv ekam krisnanâma punah punah |j 5i j{
parivartaçrameuaikâ caladvaiayalâpinî [
dadau bâhulatâm skandhe gopî ir.adhunighâtinah |j 52 jj
kâcit pravilasadbâhuh parirabhya cucumba tam j
gopî gîtastutivyàjanipunâ rnadhusùdanam |1 53 jj
gopîkapolasaiîîçiesam abhipadya harer bhujau |
pulakodgamasasyâya svedâmbuglianalâni galau ** || 54 |)
* 1x2 h. "Pamkujam.
^ bh h. "Palya; — cd. Pulakodcjaina eva sasxum tadartlunh svedarupasyn
nmbuno ghunalârh me^habhâvam galau , sch.
PANTCHÀDHYÀYÎ. 381
tion ^ on y remarquera tout d'abord le nom du
ràsa^, la disparition, ici non motivée, de Crichna^
tout le passage relatif à son amante préférée^, le dé-
sespoir des Gopîs en l'absence de Cricbna ^, et leur
joie à son relour au milieu d'elles^, qui est suivi de
danses el de chants.
Nous avons là, non pas seulement le fond, mais
la plupart des détails que nous retrouverons dans
les cinq chapitres du Bhâgavata. A part le bain dans
la Yamunâ et la promenade dans le bois voisin "^j
ràsageyarh jagau Itrisno yâvat târataradhvanih |
sâdhu krlsiieti tâvat ta dvigunam jaguh jj 55 ||
gâte vS nugamanam cakrur valane' sammukham yayuh |
pratilomànulomena bhejur gopâùganà harim || 56 ||
sa lathâ saha gopîbhî rarâma madhusûdanah j
yathàbdakotipratimah xanas tena vinâbhavat [j 87 ||
ta vâryamâiiâh patibhih pitribhir bhrâtribhis tathâ |
krisnam gopâùganà râtrau ramayanti ratipriyâh j| 58 |{
so ^ pi kaiçorakavavo mânayan madhusûdanah (
reme tâbhir ameyâtmâ xapâsu xapltàhitali'' || 59 [|
tadbhartrisu tathâ lâsu sarvabhûtesu ceçvarah |
àtmasvarûparûpo >s sau vyâpî'' vâyur iva sthitah j| 60 jj
jj iti çrîvisnupurâiie paricame ^ mçe Irayodaço ^ dhjàyah jj
' St. 2 1 et 2 2 , reproduites littéralement avec inversion des hémis-
tiches de la st. 21, dans le Kâvyaprakâça , p. 38 , Calcutta , i 829 , et
dans le Sâlntyadarpana,^. 109, Calcutta, i85i.
* St. 23.
' St. 24.
* St. 32-/io.
=* St. 41-45.
* St. 46, 47 et suiv.
' Cf. ci-dessous, ch. xxxiii, st. 2 3-2 5.
' 56 b. Valane âvritlau , sch.
69 d. Xayitâhitah ; la glose dit : xtipanâltitah.
* 60 cf. Vyâpyci.
382 MAI-JUIN I8C5.
que le scholiàste considère comme faisant partie du
rasa ' ; si l'on excepte encore dans le môme chapitre
les stances 3-/i et 20, qui ne laissent pas de doute
sur la persuasion où étaient les Gopîs que chacune
d'elles possédait Crichna à l'exclusion de ses com-
pagnes, ce que le Bhâcjavaia ajoute au Vaichnava est
purement explicatif ou accessoire. Telles sont , au
commencement du chapitre xxix^ et à lafm du cha-
pitre xxxiii^, les discussions entre le narrateur Çuka
et le roi Parîkchit; les moralités adressées par Crichna
aux Gopîs et leur réponse, au chapitre xxix'*; la
prière des Gopîs qui remplit tout le chapitre xxxi,
et le dialogue entre les Gopîs et Crichna h la fin du
chapitre xxxii ^.
L'intention religieuse qui ressort de ces divers
passages et des comparaisons mystiques semées à
profusion dans tout ce morceau, est peut-être en-
core plus accusée dans le Dasam Askand, qui semble
être surtout un livre d'édification et de piété, où les
faits n'ont guère qu'une valeur accessoire et sont
presque toujours précédés ou suivis de réflexions et
dé prières.
Le Prem Sagar, malgré les développements de sa
' Slhalajalakride darçile vaiiahmluni darçajali rdsahridum
nigamayati.
2 St. 12-1 G.
' St. 27 et suiv. Ce dernier passage a été inséré et traduit, ainsi
que le commentaire, par M. John Muir, dans la quatrième partie de
SCS Sanscrit Texts , p. h 2 et suiv.
'• St. i8-i4i.
* St. 16 et suiv.
PANTCHÀDHYÀYÎ. 383
rédaction, qu'on dirait puisés quelquefois dans la
glose du Bhâgavata^ n'ajoute aucun trait nouveau
au récit de nos deux Purânas.
Je ferai remarquer cependant que Râdhâ y est
nommée, dans la prose seulement, il est vrai, à ne
considérer que la Pantcliâdhyâyi ; mais plus bas,
elle l'est aussi dans les vers , d'une rédaction beau-
coup plus ancienne, à en juger par la langue, qui
ont été fondus dans la prose lors de la composition de
cet ouvrage au commencement du siècle; je veux
parler du chapitre lxvi, répondant au chapitre lxv
du Bhâcjavata , où est racontée la visite faite par Rama
aux habitants du parc sur l'ordre de Grichna. On sait
que W. Jones avait cru lire ce nom dans le Bhâga-
vata. C'était une erreur; elle s'explique facilement,
si on suppose que W. Jones n'avait fait de notre cha-
pitre XXX qu'une lecture rapide. Mais si le nom de
l'héroïne n'y est pas, sa personne y est; et le culte
rendu par elle à Crichna est exprimé par un par-
ticipe ou un verbe formé de la môme racine que
son nom, ârâdhitali, ou, suivant une autre leçon,
^ Cela ne doit s'entendre que de la partie rédigée en prose ; voyez
entre autres, dans la traduction au bas de la page 63, le passage ré-
pondant à la stance 20 de notre chapitre xxxii. L'auteur exprime
dans le texte le jeu muet des Gopîs qui se regardent en souriant,
persuadées que Crichna va se condamner par ses propres paroles;
c'est ce que dit Çrîdharasvâmin : Atra caramahoiigatan âlmânant
matvâ axisankocaih parasparam gûdhasmitamiihhis ta drisivâha. Voyez
encore quelques lignes plus haut, répondant à notre stance 17,
Crichna y parle comme le commentaire : gomahisyâdibhajanavaf : et
les passages répondant aux stances 10, i i et i3 de notre ch. xxix,
p. 56 et 67.
384 MAI-JUIN 1865.
arâdhi nah , de râdh. Cette rencontre, si elle est for-
tuite, est au moins étrange, et elle autorise les con-
jectures ^
Les sectes religieuses étaient et sont encore nom-
breuses dans l'Inde, surtout parmi les Vichnuïtes
(Wilson, Religions sects oj the Hindoos, dans les
Asiatic Researches, t. XVI); et elles sont loin d'ad-
mettre toutes le culte de Râdhâ. Rien d'étonnant,
dès lors, que son nom ait été passé sous silence dans
quelques Purànas. Celte omission est établie pour le
Bliâgavata, sous la réserve qui vient d'être indiquée,
et pour le Vaichiava par le texte que j'ai donné ci-des-
sus (p. 378, en note). M. Burnouf l'admet aussi {p.cvi,
préface du premier volume) pour VAgnéya, d'après
le témoignage de Wilson. Mais la conclusion qu'il
en tire paraît peu conforme aux textes. Si les rédac-
teurs de ces Purânas n'ont pas nommé Râdhâ, ce
n'est pas assurément qu'ils ignorassent le rôle qu'elle
joue dans l'histoire de Crichna, puisqu'ils y ont con-
sacré, l'un neuf stances, l'autre dix-sept ou dix-huit.
On pourrait en inférer tout au plus qu'elle n'avait
pas encore de nom. Y aurait-il témérité à admettre,
au moins provisoirement, que ce nom a été omis
dans un intérêt de secte? On serait ainsi amené à
des conséquences tout autres que celles pour les-
quelles penchait M. Burnouf. Car si, tout hostiles
qu'ils peuvent être au culte de Râdhâ, deux de ces
Purânas s'étendent sur ses amours avec Crichna et
' Est-il besoin de prévenir le lecteur que notre Bàdhâ n'a rien de
commun avec la mère supposée de Karnft?
PANTCHADHYAÏI. 385
lui donnent un rang à part entre les Gojjîs, on est
autorisé à penser que la croyance populaire unissait
intimement les deux personnages lors de la rédaction
de ces livres, et qu'il était impossible à un écrivain
de parler de l'un sans indiquer les rapports que la
tradition lui attribuait avec l'autre. Par cela même,
on ne pourrait plus , sur l'omission de ce nom , fonder
un argument en faveur de l'antériorité du Bhdgavata,
relativement à ceux des Purânas où il est fait une
mention expresse de Râdhâ. D'autre part, comme le
Harivarnça, qui donne tant de détails sur la vie de
Cricbna, est muet sur le compte de sa maîtresse, il
n'y a pas de raison pour en faire remonter la légende
plus haut que la composition de ce poëme; mais cela
sufBt peut-être, indépendamment des inductions
qu'on peut tirer du style, pour accorder au Hari-
ramcrt, jusqu'à plus ample informé, une antiquité
plus grande qu'au Vichnii-Parâna, contrairement h
l'opinion de Wilson. On a vu plus haut, en effet,
que ce dernier ouvrage est cité dans le Kâvya Pra-
liâça et le Sâhitya Darpana, compositions de date ré-
cente qui empruntent la plupart de leurs exemples
à la poésie erotique et aux drames , tandis que le Ha-
rivafhça est déjà nommé dans Albirouny (Reinaud,
Mémoire sur l'Inde).
Quant à l'origine première et au sens de cette
légende, il serait prématuré d'en tenter aujourd'hui
l'explication. Holwell et après lui Maurice ont cru
la trouver dans l'astronomie, et c'est bien là, selon
toute apparence, qu'il faudra la chercher. Les Hin-
386 MAI-JUIN 1805.
dous, au moins dans les livres d'imagination et de
piété qui nous sont connus , paraissent n'y avoir pas
même pensé. Il suffit, pour s'en convaincre, de jeter
un coup d œil sur le commentaire de Çrîdharasvâ-
min ^. On y retrouve, exposées avec plus de rigueur
et de précision, les idées mystiques qui dominent
dans le Dasam AsJtand et dans le Prem Sagar. Mais
si cette interprétation est intéressante, en tant qu'elle
témoigne de la croyance générale et de l'état des
esprits dans l'Inde à l'époque où elle fut adoptée ,
elle mènerait difficilement à un résultat scienti-
fique.
M. Burnouf a décrit, dans la préface de son pre-
mier volume et dans celle du second , les divers textes
manuscrits et imprimés qu'il a eus à sa disposition
* En tête de chaque chapitre , le scboliasle a placé dans la glose ,
tantôt un, lanlôt deux distiques qui en résument le contenu. Au
chapitre" XXIX nous en avons deux, suivis d'une courte discussion en
guise de préambule. Voici ce passage avec la traduction :
ûnatriinçc tu râsârlham nktipratyuktayo Lareli |
gopîbhî râsasamrambhe tasya cântardliikaulukam || i ||
brahtnâdijayasamrûflbamûclhakandarpadarpahâ |
jayati çrîpatir gopîrâsamandalamandanab || 2 ||
nanu viparîtam idam paradâravinode na kandarpavijelritvapratîleb |
malvam | yocjamâyâm upâçrilah | âtmdrâmo' py arîramat | sâxàn vianma-
ihamanmalhah | âtmany avaruddhasauraia ity àdisu svâtantryâbbidhânât |
tasmâd râsakrîdâvidambanam kâmavijayakbyâpanâyely eva tallvam j
kinica çrinigârakatbâpadeçena viçesato iiirvittipareyam pamcâdhyâyîti vya-
ktîkarisyâmab.
«Au chapitre vingt-neuf, discours el réponse entre Hari et les Gopîs,
et sa disparition surprenante au milieu des transports du- rasa . 1 ,
«Gloire à l'époux de Çrî qui abat l'orgueil de l'Amour aveuglé et exalté
par sa victoire sur Brabmâ , et qui fait l'orncraent du cercle formé par les
Gopis dans le rasa . a .
PANTCHADHYAYI. 387
pour la publication et pour la traduction des neuf
premiers livres. Le dixième manque dans le ma-
nuscrit dévanagari portant le n" i . Parmi les au-
tres, je n'ai pu consulter que le manuscrit déva-
nagari provenant du fonds Burnouf, l'édition de
Bombay de iSSg, appartenant l'un et l'autre à la
Bibliotbèque impériale, et l'édition bengalie appar-
tenant à la Société asiatique de Paris. Je dois à l'obli-
geance de M. le Bibliothécaire de l'Institut d'avoir
pu coUationner ces divers textes sur un exemplaire
de la nouvelle édition de Bombay encore en feuilles.
Il suffira de dire quelques mois de cette dernière.
Elle serattacbe, comme l'édition de 1889, à la classe
des manuscrits dévanagaris (Burnouf, préface du
premier volume, p. clxih); mais elle n'en est pas la
uMais, dira-t-on, il y a la conlradiclion : car, puisqu'il se livre au plaisir
avec les femmes des autres, il ne peut pas être considéré comme vainqueur
de l'amour, — Erreur; car des passages suivants, entre autres: recourant
à l'illusion de Yoga; bien Cju'il trouve son bonheur en lui-même, il çjoâta le
bonheur, xxix, 1 et Zia; lui qui trouble celui même qui trouble ks cœurs,
xxxil, 2; lui qui renferme sa jouissance en lui-même, xxxiii, 2G ; il résulte
expressément qu'il reste maître de lui-même. Par conséquent les jeux du
rasa sont simulés et ont pour but de célébrer sa victoire sur l'amour; voilà
la vérité; et, sous prétexte de récits d'amour, la délivrance est l'objet exprès
de la Pantchâdhyâyî que nous allons expliquer. »
Le commentateur revient à plusieurs reprises sur la même idée.
Je ne citerai que deux autres passages. Dans le premier, ch. xxxiii,
st. o-j , il dit que l'intention de Crichiia est de s'attacher le cœur
des hommes que les douceurs de l'amour séduisent et entraînent
vers les objets sensibles, çvihcjârarasâhrisUicclaso tivahirmiikhân api
svaparân kariiim. Dans le second, mêine chapitre, st. 4o : «L'au-
teur, dit-il, établit ici que, pour qui écoute le récit des jeux du
rasa ou la victoire de Bhagavat sur l'amour, le fruit est de vaincre
l'amour;» Bhagavalah hâmavija/yarûparàsahrîdâçraianâdch lâmavi-
jajam cva phalam âha.
388 MAI-JUIN 1805.
reproduction pure et simple. Elle donne un oloka de
plus (cf. XXX, 3/i, note) qui se retrouve, d'ailleurs,
dans le manuscrit dévanagari; si elle répète plusieurs
fautes qui s'étaient glissées dans l'édition précédente ^ ,
il en est d'autres aussi qu'elle corrige ^, et d'autres qui
lui sont propres'\ Ala classe des manuscrits bengalis
appartient l'édition de la Société asiatique. Les va-
riantes assez nombreuses qu'elle présente n'afTectent
pas le sens général. Ce sont parfois de simples dif-
férences d'orthographe; d'autres fois, des mots
presque semblables pour le son comme pour le sens ;
presque partout, une conformité plus sévère à l'u-
sage général dans la formation du féminin des par-
ticipes présents de la première classe. Deux variantes
seulement méritent une mention particulière, je veux
parler de l'insertion au milieu du çloka 28 , ch. xxx ,
d'un troisième hémistiche qui n'est donné par aucun
autre texte; et du çloka 1 5, ch. xxxi, 011 on lit trali,
pour le besoin de la mesure, ce semble, tandis que
les autres textes lisent trutih en dépit du mètre, mais
conformément à l'usage qui donne à ce nom le genre
féminin. Ailleurs, l'édition bengalie ne se montre
* Ma kridhvam pour nid hidhvam, xxix, 20; visajân tava pour vi-
sayâms tava, xxix, 3o; abihhrat pour ahibliran (= abibharuh), xxix,
4o; tathâ pour jalhâ , xxx , 27.
^ Jagnpsitam pour jaciupsitam, xxix, 26; harâsprista pour hara-
sprista, xxx, i3; apidadhvam pour apidhadhvam , xxx, 22; karinah
pour fearmd, xxx, 27; tathâ pour tayâ , xxx, ^o; svajamâna pour
smayamâna, xxxii, 2.
•'' Mâninah pour mâninyah , xxix, 47; tv idg an da pour tvidganda,
xxxiii ,22; ailleurs , xxx , 39, l'omission de l'apostrophe présente un
sens tout opposé, gopyo vidiïratah powr yopyo Z vidùratah.
PANTCHADHYÀYI. 389
pas plus scrupuleuse que les textes dévanagaris à
l'égard delà versification , et elle lit comme eux : ta-
tra alûkhale, xxx, 2 3 , et sanistatya isat, xxxii, 1 5 ^ On
peut voir d'autres exemples de cette irrégularité dans
les Indische Sprûche de M. Bôhtlingk, 910 ei 1 yS^.
Le sandhi irrégulier tTiyaHiavallabkam , xxix, 39,
commun également à tous nos textes, pour çrrya ou
çriyâ eka°, est autorisé par plusieurs exemples de la
poésie épique.
Dans les citations que je pourrai faire de ces dif-
férents textes, A désigne l'édition dévanagarie de
1839; B, fédition bengalie; C, l'édition de 1860;
Z), le manuscrit dévanagari du fonds Burnouf. Les
renvois au Bhâgavata- Piirâna (^dit. Burnouf, pour
les neuf premiers livres; éd. de Bombay, 1839,
pour les suivants) sont indiqués à faide de Irois
nombres ou de deux, selon quils se réfèrent à la
slanceouau chapitre. Les lettres V. P. suivies d'un
nombre, désignent une des stances du Vichm-Pa-
râna, livre V, chap. xiti, dont j'ai donné ci-dessus^
tout ce qui se rapporte aux amours de Crichna avec les
Gopîs. Pour la transcription en caractères romains ,
j'ai suivi, en général, celle de M.Weber, moins pour le
"^ que j'ai écrite, comme il a été proposé dans ces
temps derniers, par analogie avec la transcription des
' Voyez aussi xxxi, 3, où le 2* pada commence clans tous les
lexles par - ^ au lieu de '-'^^, à l'inverse du 1^' pada de certains
clokas.
^ Voyez pages 378 et suivantes.
V. . 26
300 MAI-JUIN 1865.
cérébrales. Cette remarque ne s'applique ([ii'aux textes
cités dans les notes, y compris celles de l'introduc-
tion. La traduction et les observations générales qui
l'accompagnent, ainsi que celles qui précèdent, pou-
vant être lues par des personnes étrangères à ces
notations, j'ai cru devoir y conserver, pour les con-
sonnes surtout, une transcription plus conforme à
nos babitudes.
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PANTCHÂDHYÂYÎ, 391
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392 MAI-JCIN 1805.
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394 MAI-JUIN 1865.
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400 MAI-JLIN 1805.
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402 MAI-JUIN 1865.
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BHÂGAVATA PURANA.
LIVRE X.
DESCRIPTION DES JEUX DU RASA EN CINQ CHAPITRES.
CHAPITRE XXIX.
Cuka dit :
■■>
1. A la vue des nuits où le jasmin s'épanouissait au souffle
de l'aulonine, Bliagavat,voulant se livrer au plaisir, recourut
à l'illusion du Yoga ^
' 1 . — Cf. F. P. 1 4 et 1 5. — A la fin du cliap. xxii de notre livre X ,
Grichna promet aux Gopîs de satisfaire leurs désirs pendant les nuits
de Tautomne :
YâtâhaJâ rrajaih suhlhâ mayemâ rantSYatha xapâh.
416 MAI-JUIN 1865.
2. Alors la lune, rougissant de ses rayons propices la laco
de l'orient, vint dissiper les souffrances des mortels : ainsi
fait le bien-aimé pour sa bien-aimée après une longue ab-
sence.
3. En voyant l'astre ami des Kumudas, dont le disque
arrondi et rouge comme le safran nouveau rivalisait d'éclat
avec le visage de Râma, et la forêt baignée de ses doux
rayons, il fit entendre d'harmonieux accords qui ravissent le
cœur des (femmes) aux beaux yeux.
Ix. A ces accents qui redoublent leur amour pour lui, les
femmes du parc dont Crichna a ravi les cœurs, se cachant
les unes des autres , allèrent à l'endroit où était le bien-aimé ,
en .secouant dans leur empressement les anneaux de leurs
oreilles'.
5. Telles qui trayaient les vaches, laissant là leur seau,
s'en allaient vers l'objet de leurs désirs; telles, après avoir
mis le lait sur le feu, parlaient sans retirer le gâteau.
6. Elles laissaient là, qui le service de la table, qui leurs
enfants qu'elles allaitaient, qui leurs maris aux vœux de qui
elles se rendaient, qui les aliments qu'elles prenaient.
7. Elles se rendaient auprès de Crichna, les unes en se
frottant d'essences et en s'essuyant, d'autres en mettant le
collyre sur leurs yeux; celles-ci affublées au hasard de leurs
vêtements et de leurs parures^.
8. Quoi que hssent pour les retenir maris , pères , frères ,
parents, elles ne pensaient qu'à Govinda et ne revenaient
pas, tant elles étaient troublées^.
9 Plusieurs Gopîs qui étaient dans le gynécée, et qui n'a-
' 3-4. — Cf. F. P. 1 6-1 7. — On remarquera qu'il n'est pas ques-
tion de Ràma ou Balaràma, frère aîné de Crichna, clans ce passage
du Bhâgavata.
^ 5-7. — Elles renoncent aux trois espèces d'œuvres, c'est-à-dire
au dharmârtliakâma , {I, ix, 28) pour ne s'occuper que de la seule
chose nécessaire, rnoxa evàriliah (IV, xxii, 35). — 7 b. Kâçca =
kâçcit.
1 8. — Cf. V. P. 58, et rintrodiiclion , p. 377. note 3.
PANTCIIADHYAYI. 417
valent pu en sortir, s'unissanl à Crichna par la pensée, mé-
ditèrent sur lui en fermant les yeux \
10. La douleur cuisante qu'elles ressentaient de leur pé-
nible séparation d'avec le bien-aimé effaçant leurs péchés, et
la félicité des embrassemenlsd'Atchyuta, qu'elles devaient à
la méditation, anéantissant leurs mérites,
1 1 . elles furent réunies à l'âme suprême en croyant l'être
à un amant, et quittant leur corps émané des qualités, leurs
liens furent soudain anéantis^.
Le roi dit :
i-i. «Elles ne voyaient en Crichna qu'un amant, et non
l'Elre suprême, ô muni! Comment le courant des qualités
s'est-il arrêté pour elles puisqu'elles méditaient sur les qua-
lités ? »
Çuka dit :
i3. Tu as appris jadis que le roi de Tchédi obtint la dé-
livrance , bien qu'il fût ennemi de l'Incarné ; à plus forte
raison , ceux qui aiment l'Invisible.
1 /i . « C'est pour le sal ut des hommes , ô roi ! que Bhagavat
se manifeste, lui qui est immuable, incompréhensible, et
indépendant des qualités dont il est Fâme.
i5. «Quiconque éprouve pour Hari amour, colère,
' 9. — Cf. V. P. 20.
* 10-1 1. — Cf. V. P. 21, 22 , et l'introduction , p. 38i , note 1. —
Comment, dit la glose, ont-elles pu quitter leur corps, puisqu'elles
ignoraient que Crichna fut l'âme suprême? Le texte a prévenu cette
objection en àisant, jârabuddhyâpi; c'est que les choses ont une vertu
propre et indépendante des idées qu'on s'en fait : ainsi de celui qui
boirait l'ambroisie sans le savoir. — Autre difficulté tout à fait in-
dienne. Le texte dit que leurs liens ont été anéantis tout à coup. Mais
comment, sans un bhocjay l'œuvre commencée a-t-elle été anéantie?
— Il y a eu hhoga : pour leurs péchés», c'est la douleur de ne pas voir
Crichna; pour leurs mérites, c'est le bonheur suprême de s'unir à
lui par la méditation. Bhocja paraît signifier ici absorption.
418 MAI-JUIN 1865.
crainte, affection; qui se sait un avec lui et lui est dévoué,
toujours celui-là s'unit à son essence.
16. «Et cela ne doit pas t'jétonner, puisque Crichna est
Bhagavat, l'Eternel, le maître des maîtres du Yoga, celui par
qui l'univers est délivré ^ »
17. Quand il vit les femmes du parc qui étaient venues à
lui, Bhagavat, le premier de ceux qui parlent, parla ainsi,
troublant leurs cœurs par les charmes de sa voix^.
Bhagavat dit :
18. «Salut à vous, femmes vertueuses! Que puis-je faire
qui vous soit agréable? Comment se porte-t-on au parc?
Dites ce qui vous amène.
19. «Voyez, la nuit est pleine de visions effrayantes et
hantée par des êtres effrayants. Retournez au parc. Il ne con-
vient pas à des femmes de rester ici, ô toutes belles!
20. «Mères, pères, fds, frères, époux, ne vous voyant
' 12-16. — La glose explique robjection et la réponse. «Il ne suflit
pas, pour obtenir la délivrance, d'aimer son mari, ses enfants, etc.
bien qu'ils ne soient autre chose que Brahme; il faut savoir qu'ils
sont Brahme. De même à l'égard de Crichna : pour être sauvé, il ne
suffit pas de s'unir à lui , il faut savoir qu'il est Brahme. — L'assimi-
lation est inexacte. L'essence suprême est comme voilée chez les êtres
vivants, mais non chez Crichna, parce qu'il est Hrichikéça (celui qui
dispose en maître des sens, Burn. préf. du 1" vol. p. cxxix); dès
lors, il n'est pas besoin de penser à Brahme en pensant à lui. — Si
on demande comment une âme, dehl, peut n'être pas voilée, on ré-
pond qu'il s'agit de la manifestation de Bhagavat, l'âme ou le régu-
lateur des qualités; que, par conséquent, il ne faut pas voir en
Crichna une âme semblable aux nôtres; qu'il suffit pour le salut d'y
appliquer sa pensée de quelque manière que ce soit; et qu'il n'y a là
rien d'étonnant, puisqu'il est Bhagavat. » Cf. le même raisonnement
abrégé, X, xlvii, 60. — Sur Adhokchadja, cf. III, xii, 19 : Sarva-
bhûtaguhdvâsum : son opposé Hrichikéça s'applique donc à la divinité
incarnée, cf. en outre I, vin ,'^2 3; et M. Bh. II, 878. — La mort de
Ciçupâla, roi de Tchédi, est racontée dans notre livre X, ch. i,xxiv.
^ 17 (/. — J^eçu = vâijvildsa ; cf. vâcah supeçalâhyXxxiii, ic.
PANTCHADHYAYÎ. 419
plus là, vous cherchent; ne causez pas d'inquiétude à vos
parents.
2 1 . « Vous avez vu la forêt en fleurs , rougie par les rayons
de la pleine lune et embellie par les jeunes pousses des ar-
bres qui frémissent aux caresses de la brise de la Yamunâ.
22. «Retournez donc au parc sans tarder, obéissez à vos
maris , ô femmes dévouées ! Les veaux et les enfants poussent
des cris : faites-les boire, contentez-les '.
23. «C'est par afl'ection pour moi sans doute que, maîtri-
sant vos pensées , vous êtes venues ici. C'est bien à vous. Tout
ce qui a vie trouve en moi le bonheur.
ilx- « Le devoir suprême des femmes est d'obéir avec droi-
ture à leur mari , de préparer la nourriture de ses parents et
celle de leurs enfants , ô femmes bienveillantes !
2 5- «Fût -il d'un mauvais caractère, laid, vieux, borné,
malade ou pauvre , jamais un mari qui n'est pas dégradé ne
doit être abandonné par des femmes qui désirent gagner les
mondes.
26. «C'est chose contraire au ciel et à la gloire, vaine,
pleine d'ennuis et de périls, et blâmée toujours chez une
femme de noble condition, que d'avoir un amant.
27. « C'est en m' écoutant, en me contemplant , en pensant
à moi , en célébrant mon nom qu'on me témoigne de l'amour,
et non par un tel voisinage. Retournez donc dans vos maisons. »
Çuka dit :
28. A ce langage sévère de Govinda , les Gopîs , abattues et
le cœur brisé , tombèrent dans une profonde tristesse.
29. Inclinant vers la terre leurs visages aux lèvres rouges
comme le fruit du bimba et desséchées par les soupirs de la
douleur ; traçant avec le pied des lignes sur le soP, et de leurs
^ 226. — Satih = he salyah ; cf. ci-dessous , xxxiii , 206 , yâvatih,
p. ""tyah.
* 296. — Cf. Likhant/y adhomukhi bhwnirh padâ nakhanianiçriyâ ^
III, XXIII, 5o. Ce n'est pas creuser la terre du pied en signe de co-
lère comnme le fait le taureau furieux Arichta , X , xxxvi, 2 ; mais tracer
420 MAI-JUIN 1865.
larmes, teintes du collyre de leurs yeux, enlevant le safran
de leurs seins, elles restaient debout en silence, accablées
sous le poids du nialbeur.
3o. En entendant les paroles austères de Crichna leur bien-
aimé, pour qui elles avaient renoncé à tous les désirs, elles
essuyaient leurs yeux obscurcis parles larmes, et, d'une voix
altérée parle dépit, elles dirent avec amour :
Les Gopîs dirent :
3i. «Loin, ô maître! loin de toi ces discours rigoureuxM
Renonçant à tous les objets sensibles, nous aimons la plante
de les pieds, aime-nous, ô (dieu) capricieux! ne nous aban-
donne pas : ainsi le dieu premier-né des êtres aime ceux qui
soupirent après la délivrance.
32. «Ce que tu as dit, avec Tautorilé de la science du
devoir, que le devoir des femmes, par excellence, est le dé-
vouement à leurs maris, à leurs enfants et à leurs parents,
envers qui le pratiquer si ce n'est envers loi , qui es le but
des préceptes et le Seigneur ? Oui , tu es le bien -aimé, le pa-
rent, l'âme des êtres animés ^
des lignes sur la terre avec le pied , en signe de chagrin et de confu-
sion.Cf. Amaru , 6, sch. : ahdranam eva likhati. Le Kâvya Prakâça est
encore plus explicite : Bhûmim iti na tu bhiimau nahi hiiddhipûrvaham
hincil likhati; et M. Bh. III, 374-375.
' 3i a. — Le manuscrit D seul lit ici vaco 'rliati au lieu de vibho
'rhati. Sur l'emploi du voc. avec bhavân pour sujet, cf. Bôhtlingk ,
Indische Spriiche , iSgS.
^ 32. — Le sch. propose ici plusieurs interprétations. D'après la
première, le précepte, rappelé par Crichna et répété ironiquement
[sopahâsam, scb.) par les Gopîs, a Crichna pour objet, parce qu'il
est le seigneur, c'est-à-dire l'âtmâ, le seul être percevant tout ce qui
peut être perçu, et en jouissant. D'après la deuxième, les Gopîs re-
poussent le conseil de Crichna, parce qu'elles sont venues lui de-
mander, non pas la connaissance du devoir, mais la possession de sa
personne; avec lui, elles auront tous les fruits des devoirs. D'après
la troisième, la loi rappelée par Crichna n'est pas applicable quand
il s'agit de lui; les Gopîs peuvent l'aimer sans manquer à leurs de-
PANTCHADHYAYI. 421
33. « Les sages , en effet , mellent leur bonheur en loi , leur
bien-aimé qui réside en eux-mêmes '; qu'importent maris , en-
fants et le resie, source de douleurs? Sois-nous donc propice,
ô maître suprême ! ne trompe pas l'espérance que nous avons
mise en toi dès longtemps, (dieu) aux yeux de lotus!
3^. «Par loi nous ont été ravies les pensées qui se ren-
ferment avec joie dans la maison, et les mains (qui se plai-
sent) aux travaux domestiques^ ; nos pieds ne font pas un pas
loin de la plante de tes pieds ; comment irions-nous au parc
ou qu'y ferions-nous ?
35. « Oh ! éteins dans le lac d'ambroisie de tes lèvres le feu
de l'amour qu'ont allumé en nous tes regards souriants et
les accords harmonieux! Sinon, consumant nos corps dans
le feu de la séparation, nous irons par la méditation sur In
trace de tes pas, ô ami^I
36. «(Dieu) aux yeux de lotus! depuis que, dans ta bonté
pour les habilanls de la forêt, nous avons touché parfois la
plante de tes pieds, joie réservée à Ramâ; depuis que par
toi nous avons connu le bonheur, non, nous ne pouvons
plus supporter la présence d'un autrp.
3;. «De même que Çrî, qui repose cependant sur la poi-
trine et dont les autres dieux s'efforcent d'attirer sur eux les
regards, a adoré avec la Tulasî la poussière de les pieds,
chère à tes serviteurs*; de même, nous aussi, nous nous ré-
fugions dans la poussière de tes pieds.
38. « Sois nous donc propice, ô toi qui détruis la douleur !
voirs vis-à-vis de leurs maris. — J'ai suivi la première : sarvabandimsu
karanijam Ivayy evâstu; cf. vâsiidcvaparo dliarmah, I, ii, 2 g.
' 33 ab. — Pour la pensée, cf. ci-dessous xxxii, l^ h; Sur âtman
p. âlmanif cf. mahâtinan, X, xlvi, 3, sch. "âtmaiii.
^ Z^ ab. — Sukhena, suivant la glose, peut aussi se rapporter à
bhavatâ; sur le sens de nirviçad dans notre passage, cf. Wilson au
mot nirviçat; — karâv api yau grihakritye nirviçaias tau, sch.
^ 35. — Cf. ci-dessus les st. 9-1 1 . — (/. Padavim = antikam, sch.
* 37 a-b. — La glose construit bhritjajustam avec °rajoli. — c. On
sait que Çrî est la déesse de la forhme.
v. 28
422 MAI-JUIN 1865.
nous voici à tes pieds, ayant quille nos demeures dans l'es-
pérance de te servir; la beaulé de ton sourire el de Ion re-
gard a allumé un ardent amour dans nos cœurs; ô perle des
hommes ! donne-nous d'être tes esclaves.
Sg. « Oui, depuis que nous avons vu Ion visage qu'enlou-
rent les boucles de tes cheveux, et où brillenl les pendants
d'oreilles sur tes joues, sur tes lèvres le nectar el le sourire
dans tes yeux; depuis que nous avons vu les deux bras
puissants qui donnent la sécurité, et ta poitrine, seules délices
de Çrî, nous voulons devenir tes esclaves V'
^o. «Est-il donc une femme dans les trois mondes qui
n'oublie ses devoirs les plus saints, troublée aux accords
prolongés de ta flùle et à la vue de cette forme qui réunit les
perfections des trois mondes, quand les vaches, les oiseaux,
les arbres et les bêtes fauves en ont tressailli d'allégresse^!
4i. «Oui, lu naquis pour être le sauveur du parc dans
le péril et la douleur, comme le dieu , premier-né des êtres ,
est le protecteur du monde des Suras. Oh ! pose ta main pa-
reille au lotus, ami des affligés! sur nos seins brûlants et sur
nos têtes, à nous les sevvantes. »
Çuka dit :
Ui' Quand il eut entendu les lamentations des Gopîs, le
maître des maîtres du Yoga, souriant avec bonté, goûta le
bonheur avec elles, lui qui trouve son bonheur en lui-même'.
Ix^. Tandis que réunies autour de lui, leur visage s'épa-
nouissait à la vue du bien-aimé, le (héros) aux nobles ex-
' Sg li. — Çriyaiharamanam = °çriya eka".
^ ^o a. — Kalapudâmrita° , variante fournie par la glose, dont les
sons harmonieux pareib à l'amhrolsie. — c. Sauhhagaj d'ailleurs formé
réguHèrenient (cf. saahridam, xxix, 1 5 6) , n'est pas dans les diction-
naires; cf. rûpafh tava sarvasaubhagam , I, xi, 8. — d. Abibhran =
ahihkaruh, sch.
^ 42. — L'idée que Bhagavat est heureux par lui-même [ânanda-
maya, de la doctrine Védânta) revient en maint passage du Bhâga-
vata,cf. surtout [|I, ix, 19.
I
PANTCHÀDHYÂYÎ. ^23
pioils, Atchyiila, dont le noble sourire et les dénis ont l'éclat
de là fleur du jasmin, resplendissait comme la lune en-
tourée par les étoiles \
44. Répondant à leurs chants par ses chants et marchant,
paré de la guirlande vaijayanii^, en tête de la troupe de ses
cent femmes, il parcourait la forêt dont il faisait l'ornement.
45. Entrant avec les Gopîs dans une île du fleuve cou-
verte d'un sable frais, il jouit delà brise qui en caressait les
vagues ^ et qu'embaumaient les lotus de nuit.
46. Il les prenait et les enveloppait dans ses bras, pro-
menait sa main sur leurs mains, dans leurs cheveux, sur
leurs cuisses, sur leur taille*, sur leurs seins; il leur impri-
mait en badinant la marque de ses ongles, jouait, les regar-
dait et souriait, allumant et satisfaisant à la fois l'amour des
belles du parc.
47. Fières de posséder ainsi le bienheureux Crichna à
l'âme magnanime, elles se crurent dans leur orgueil bien
au-dessus des femmes de la terre.
48. A la vue de l'ivresse et de l'orgueil qu'inspirait sa
beauté, Kéçava disparut du milieu d'elles pour les punir et
les calmer.
' 43 a. — Les œuvres de Hari, aux exploits merveilleux (III, x,
10), sont un mystère (IV, 11, 8) comme le corps qu'il revêt; cf. ci-
dessus la note sur 1 2-16, et, ci-dessous, ch. xxxiii, st. 36 et suiv. —
c. Sur °hdsadvijakundadidliiti , cf. sitadanta, III, xiii, 32. La même
épithète convient aussi au sourire, d'après la glose : udârahâsaç ca
dvijâç ca tesii Itandahusutnavaddidliiiirjajsja sah, et elle lui est sou-
vent appliquée dans la poésie classique.
* 44 c. — Vaijajanti est le nom donné à la guirlande de Vichnu,
d'après Râdhâkânta; elle se compose de fleurs des bois.
•^ 45 c. — Tara/a revient encore ci-dessous, .xxxii, 12 c, oiîi il est
commenté par taranga. Ce sens n'est pas indiqué dans les diction-
naires. Même observation sur uttamhhœyan = uddipayan, de la stance
suivante d, et sur praçamâya, st. 48 c, qui revient encore plus bas,
xxxTii, 27 b, et sur lequel le scholiaste est muet; il est d'ailleurs
assez, fréquent, cf. M. Bh. I, i258.
* 46 b. — Nîvî, prop.=pièce d'étoffe attachée autoiu' de la taille.
28.
l\'lk MAI-JUIN 186 5.
CHAPITRE XXX.
Cuka dit :
1. Bhagaval ainsi disparu soudain, les lemiues du parc se
désolèrent: telles les femelles de l'éléphant qui ne voient pas
le chef du troupeau.
2. Attachant leur pensée à sa démarche, à son sourire
affectueux, à ses regards provoquants, à ses discours enchan-
teurs, à ses jeux, à ses gracieux ébats, les femmes imitèrent
les actions diverses de l'époux de Rama , en s'identifiant avec
\m\
3. Elles reproduisaient avec amour en leur personne la
démarche, le sourire, le regard, les discours du bien-aimé:
«C'est moi qui suis Crichna ; » disaient les jeunes femmes
en s'idenlifiant avec lui et en imitant la grâce de ses jeux*.
l\. Célébrant ses louanges à haute voix, elles le cher-
chaient, en troupe serrée, comme des insensées, de forêt en
forêt relies demandaient aux arbres des nouvelles du Puru-
cha qui, pareil à l'éther, est au dedans et au dehors des
êtres ■^.
5. «0 Açvallha, Plakcha, Nyagrodha! avcz-vous vu le fils
' 1-3. — Cf. F. P. 2 4. — 2 d. Ja()rihuJt:=anukaranenâkndan.
^3. — Cette stance n'est en partie que la répélition de la précé-
dente. On sait que ces répétitions, plus ou moins affaiblies, sont fré-
quentes chez les poètes hindous. (Cf. C. Schùtz, Kalidâsas Wolken-
hote, p. 8, note.)
^ 4. — Selon le Prem-Sagar, les Gopîs supposent que les animaux ,
les oiseaux et les arbres de Vrindâvana sont des richis et des munis
descendus sur la terre pour être témoins des jeux de Crichna. —
c. Sur l'éther, cf. III, xxvi, 34, où il est appelé nabhali. Hari est au
dedans et au dehors de toutes choses, I,viii, i8 ; au dedans, sous la
forme de l'esprit; au dehors, sous la forme du temps, III, xxvi, i8.
Ailleurs, III, ix, 32, il est comparé au feu renfermé dans toutes les
espèces de bois. Cf. aussi V. P. 6o. — d. Vanaspali, en dépit de l'éty-
mologie, roi de la forêt, semble, d'après les stances qui suivent, s'ap-
pliquer à des végétaux de diverses grandeurs.
PANTCHADHYAYI. 425
de Nanda qui s'est enfui après nous avoir ravi nos cœurs ^ par
ses regards aiî'ectueux et souriants?
6. « Est-il passé ici, ô Kurubaka, Açoka, Nâga, Punnàga ,
Tchampaka! le frère cadet de Rânia, dont le sourire abat
l'orgueil clés femmes superbes?
7. 0 El tc'i, propice Tulasî, chère aux pieds de Govinda !
as- tu vu celui dont lu fais l'ornement avec tes essaims d'a-
beilles, ton bien-aimé Atchyuta^ ?
8. •( 0 Mâlalî , Mallikâ , Djâtî , Yuthikâ ! Tavez-vous vu ? est-
il passé ici celui qui vous remplit de joie au contact de sa
main , l'ennemi de Madhu ?
g. Dites, ô Tchùta, Priyâla, Panasa , Asana, Kovidàra,
Djambu, Arka, Vilva, Vakula , Amra, Kadamba, Nîpa , et
vous tous qui vivez pour le bien des autres \ (ô arbres) voisins
de la Yamunâ! dites-nous le chemin suivi par Crichna, car
loin de lui nous nous mourons.
10, « Quelle pénitence as-tu donc accomplie, ô Terre! pour
jouir du contact des pieds de Kéçava, et briller, frissonnante
de plaisir, dans tous les poils de Ion corps? Est-ce impres-
sion (récente) de ses pieds? ou de (l'antique) pas vainqueur
du héros aux grands pas? ou de l'étreinte du (dieu) au
corps de sanglier * ?
^ 5 6c. — Peut-être faut-il Urejo au heu de no. ou mieux le sup-
pléer comme le fait le sclioliasle ci-dessous, st. 10 ab. — Cora iva
(jQtah, sch,
* 7 c. — Tvâ= tvâm. — d. Tavâdpriyah, scb.
' 9 c. — De parârtliahhavaka [=pardrtham eva hhavojanma yesâm
te) , il faut rapprocher itarârtha, II ,vii, 27,(|ni a le même sens et qui
n'est pas non plus dans les dictionnaires; cf. anyliripâh parabhritah,
II, II, 5. — d. La glose veut que la troisième personne soit mise ici
pour la seconde, çamsantu te bhavantah; cf. xxxii, 22 c, et la note.
'* 10 ab. — La même pensée et le même mouvement sont repro-
duits plusieurs fois dans le Bli. P. cf. entre autres "V, viii, 19, avec
cette différence que la construction y est pleine, tandis qu'ici elle est
elliptique et complétée par le scholiaste à l'aide des mots jâ tvam.
— Xiti = hexile. — Apj ai'i(jhrisainbhav(ih = kim ajam iitsavah adliund
426 MAI-JUIN 1865.
11.0 gazelle amie ! est-il passé ici avec sa bien-aimée celui
dont les membres font la félicité des yeux, votre cher At-
chyuta ? Rougie, au contact de l'amanle, par le safran de
ses seins, la guirlande de jasmin du noble époux embaume
la brise qui souffle ici'.
12. « Le bras appuyé sur sa bien-aimée, un lotus à la maiu,
et suivi des fols essaims d'abeilles de sa Tulasi, le frère cadet
de Râma , qu'en ce moment vous saluez à son passage, 6 ar-
bres! vous répond- il par des regards affectueux.^
i3, «Interrogez ces lianes: bien qu'elles pressent les bras
du roi de la forêt, c'est au contact de ses ongles qu'elles
tressaillent d'allégresse, ô bonheur^!»
i4. Ainsi disaient les Gopîs dans leur égarement, en cher-
chant Crichna avec angoisse; (puis) elles imitèrent les jeux
divers de Bhagavat en s'identifiant avec lui.
i5. L'une, qui faisait Crichna, suçait le sein à une autre
qui faisait Putanâ. Telle aulre, faisant le petit enfant et pleu-
rant, frappait du pied celle qui faisait le char ^
tavaihadeçânghrisparçasamhhûlah. — Vâ[ = jadvâ) avec omission du
sandhi, comme il arrive souvent à la pause. — Sur l'incarnation en
nain, cf. liv. VIII, cb. xxhï (ses pas sont la terre, l'atmosphère et le
ciel, II, VI, 6). — L'incarnation en sanglier est la seconde, cf. entre
autres, III , xiii , 1 8 et suiv. Je n'ai retrouvé l'expression parirambhana
dans aucun des nombreux passages où il est question de ce fait; sur
le sens propre de ce mot, cf. ci-dessus xxix , 46.
* ïid. — Les adorateurs de Viclinu forment un gotra dont il est
le chef; il est dit ailleurs de Crichna, gârhaspatyamâsthitah; de là
peut-être l'expression kulapatih.
^ 1 3. — Les lianes sont intérieurement sensibles au toucher Jatâh...
antahsparçâh y III, x, i 8.
^ i5. — H est fait souvent allusion aux événements de la vie de
Crichna dont il est question ici et dans les stances suivantes; cf. le
ch. Tii du livre II. — ah. Sur Putanâ, cf. X, vi; sur le char, X, vu.
— cd. Çahaiâyatîm et, plus bas, st. 1 7 c/, vakâjatim, formes parasmai-
pades à la place de la forme âlmanépade, plus usitoe dans ces dénomi-
natifs, et même irrégulières à favant-dernière syllabe, peut-être pour
le besoin du mètre , surtout si Ton considère les deux autres participes
PANTCHADllYAÏI. 427
16. Telle, imilanl le démon, en enlevait une qui faisait
Crichna enfant. Une autre rampait en traînant ses pieds avec
des cris afireux\
1 7. Deux font Crichna et Rama , d'autres font les bergers ;
celle qui fait le veau tombe sous les coups de l'une; l'autre
tue celle qui fait le héron ^.
18. A une autre qui rappelle, comme jadis Crichna, les
vaches entraînées an loin , joue de la flûte et prend ses ébats ,
« Très bien ! » disent ses compagnes ■\
19. Le bras appuyé sur l'une d'elles , une autre disait tout
en marchant : «Ne suis-je pas Crichna? Regardez ma dé-
marche gracieuse! » tant son cœur est plein de lui*.
20. « Ne craignez ni le vent ni la pluie : voici un abri que
je vous ai ménagé , » en disant ces mots , elle roidissait le bras
et soutenait en l'air son manteau ^
21. Telle, en terrassant une autre et lui mettant le pied
sur la têle, ô roi! lui disait : «Tu es une perverse, eh bien!
meurs. Ne suis-je pas né pour le châtiment des méchants®?»
22. Telle autre disait : «Bergers 1 voyez le formidable in-
cendie ; vite , fermez les yeux ; je vais vous sauver à l'instant'. »
présents de cette même stance 1 7. — Cf. sur ces jeux des Gopîs, V.
P. 24-28.
^ 16 ah. — Le daitya qui enlève Crichna est Trinâvarta, X, vu.
Au liv. X, cil. X, est la légende des deux arbres à laquelle le second
hémistiche fait allusion.
* 17. — Cf. X, XI, le récit de ce double exploit.
^ iS ah. — Cf. X , XIII ; Brahmâ attire et cache les troupeaux et les
petits bergers dans une caverne.
4 ig. — Cf. V. P. 25.
* 20. — Cf. X, XXV. Crichna, pendant un orage, met les troupeaux
et les bergers à l'abri sous le mont Govardhana qu'il soutient en l'air;
le texte est reproduit littéralement ici : tat trânarh vihitam hi nah.
^21. — Meurtre du démon Aghâsura, X, xii.
' 22. — Crichna sauve les bergers de l'incendie, X , xix. — Sur
le mouvement exprimé par caœûfhsy âcv apidhadhvam , cf. C. Schûtz ,
Wolhenbote , note sur la st. 108. Fréquence et causes des incendies,
dans les régions tropicales, V, vi , 9.
428 MAI-JUIN 1865.
2 a. Attachée à un mortier par une de ses compagnes avec
une guirlande", une jeune beauté, tremblante et cachant
son visage, simulait la frayeur \
ilx Tout en interrogeant ainsi ^ur Oiclina les lianes et
les arbres de Vrindàvana, elles aperçurent en certain lieu
de la forêl les traces de celui qui est l'àme suprême^.
2 5. Car les traces du fils de Nanda à l'âme magnanime
se reconnaissent sûrenif-nt à l'étendard, au lotus, au foudre,
à l'aiguillon, au grain d'orge et autres signes^.
26. Tandis que, à l'aide de ces traces diverses, elles cher-
chaient le chemin qu'il avait suivi, les jeunes femmes aper-
cevant devant elles des pas de femme régulièrement mêlés
au)L siens, se dirent entre elles avec douleur' :
27. «Quels sont ces autres pas? Quelle est celle qui est
partie avec le fils de Nanda, en soutenant sur son épaule le
bras du bien-aimé comme la femelle en compagnie de l'élé-
phant?
28. «Sûrement, elle a gagné le cœur du Seigneur, le
bienheureux Hari, puisque Govinda, nous abandonnant,
s'est plu à l'emmener en un lieu secret^.
29. 0 0 bonheur! amies, c'est la poussière sacrée des pieds
de Govinda, pareils au lotus, dontBrahmâ, Iça et Ramâdêvi
se sont couvert la tête pour effacer leurs péchés !
* 23. — Cf. X , IX , légende du mortier auquel Criclina est attaché
par sa mère. — Sur l'hiatus de 6, cf. Bôht. Ind. Sp. 910 et 1784. — c.
D'après une autre interprétation, sudrih se rapporte à âsyam. — Au
lieu de haiyancjava dans l'hém. fourni par JB,Wilson donne liaiyan-
(javîna.
2 2/1. — Cf. V. P. 29et3o.
^ 25. — L'énuméralion de I, xvi, 34 omet le grain d'orge raiu qui
se trouve aussi dans le Prem Sagar, p. 61; le lotus est nommé entre
autres, 111, x\iv, i^] : padmanmdrâpadâmbnjah. Je n'ai pu déchiffrer
entièrement le texte du F. P. 3i.
* 26. - Cf. V.P. 32.
=* 28. — Cf. ci-dessus, préf p. 383, et V. P. i-2 et 3/j.
" A ces mots : uJ'enciiaîiic (|ui brise les pois cl vole le beurre.»
PAiNTCHÂDHYÀYÎ. 429
3o. « Devanl ces pas de femme notre trouble est au
comble, parce que celte Gopî jouit seule en secret, à notre
détriment, des lèvres d'Atchyuta \
, 3i. « Nulle trace apparente de ses pas ici; sans doute, les
jeunes pousses des herbes blessant la plante de ses pieds dé-
licats, le bien-aimé a porté sa bienaimée^'.
. 32. «Ici le bien-aimé a cueilli des fleurs pour sa bien-
aimée : voyez ces deux pas à moitié tracés par la pointe de
ses pieds ^
33. « Ici encore l'amant a arrangé les cheveux de l'amaale :
sûrement il était assis là, en disposant ces (fleurs) sur la tête
de la bienaimée\ »
34. Et il goûta le bonheur avec elle , bien qu'il trouve son
bonheur et sa joie en lui-même et qu'il soil impassible, pour
montrer l'abaissement des amants etla perversité des femmes^ ^.
^ 2 9-3o. — D'après le scholiaste ces deux stances sont dites par
des personnes différentes, dont les unes croient et les autres ne
croient pas à un acte de pénitence accompli par leur compagne. —
3o d. Au lieu dera/ifl/i{qui s'emploie même à la question uhi, comme
on dit dans les classes, sutâm api rahojakydt,\ Il , xir, g), B lit dhanam
pour expliquer gopinâm, ce semble , lequel peut se rapporter encore ,
soit à ekâ, soit d'après la glose h °adharam, en sous-entendant sar-
vasvam. — Sur jat, au i" hém. cf. Ind. Spr. 2 1 13.
^ 3 1 . — La si. qui suit dans B ei D aurait pu être insérée dans le
texte; elle se rattache bien aux st. 3 1 et 32.
3 32. — Cf. V.P. 33.
* 33 ci. — Upavistam paraît employé à double entente; cf. III,
XIV, 3o, upaviveça «eut commerce» (Burn.) , et, dans la stance sui-
vante, renie. Cf. V. P. 34.
* 34. — Ici Çuka reprend la parole, çukoktih. — b. Aklianditah=
strivihhramair anâhristo 'pi. — Suit dans C et D une stance donnée
* « A ces empreintes plus marquées , reconnaissez , ô Gopîs ! les pas de
«l'amant, de Crichna, appesantis par le poids de la femme qu'il portait. Ici
«le liéros à l'âme magnanime a posé à terre sa bien-aimée pour cueillir des
«fleurs. — B ei D après 3i. La st. suivante vient après 34 dans Cet D.
Ainsi disant les Gopîs , Lors d'elles-mêmes , se montraient tout en mar-
chant celle que Crichna avait emmenée en laissant là les autres femmes.
430 MAI-JUIN 1865.
35. El elle, s'eslimant alors la plus grande entre loulcs
les femmes : « 11 a délaissé les Gopîsqui l'adorent, disail-elle,
et c'est moi qu'aime le bien-aimé \ «
36. Puis, arrivée à certain endroit de la forêt, elle dit
avec orgueil à Kéçava : «Je ne peux pas marcher; porte-moi
où tu voudras ^. »
37. A ces mots, il répondit à sa bien-aimée : « Monle sur
mon épaule»; et puis Crichna disparut, laissant l'épouse à
sa douleur.
38. «0 seigneur! ô époux bien-aimé! où cs-lu? Où es-tu
(héros) aux bras puissants? 0 ami! montre-toi à moi, ton
esclave digne de pitié ! »
Çuka dit :
39. En cherchant le chemin suivi par Bhagavat, les Gopîs
virent non loin d'elles leur infortunée compagne, consternée
de l'abandon de son bien-aimé.
^o. En apprenant par son récit quel orgueil elle avait
ressenti (de la préférence) de Mâdhava , et quel mépris , dans
sa perversité, elle avait fait de lui, elles en éprouvèrent une
surprise très-grande.
Al. Ensuite elles s'enfoncèrent dans la forêt tant que dura
le clair de lune ; quand elles virent les ténèbres venues , elles
revinrent sur leurs pas^.
42. N'ayant que lui dans le cœur et sur les lèvres, imi-
en note et dont l'objet paraît être de marquer la fin du discours des
Gopîs. Elle n'est commentée dans aucun exemplaire; elle contredit
la glose çuhoJîtih; elle détroit l'opposition entre rente tayâ en et sa ca
menej des st. 34 et 35; enfin le 2' hém. de 34 convient mieux à un
récit.
* 35 c. — Kâmayânâh =^ kâmo yânam âcjamanasâdhanam yâsâni tâh ;
nous disons plus simplement pour hâmayamânâh ; cf. cependant Bopp,
G. L. S. S 598.
* 36 d. — Cf. V, H , 16 : indm. . . arhasi netam. . . te cittam yatah. —
Sur la cause de la disparition de Crichna, cf. V. P. 35.
' Al. — Cf. V. P.lxo.
PANTCHADHYAYI. 431
(ant ses actions, s'idenlifiant avec lui, célébrant ses vertus,
elles ne pensèrent même pas à leurs maisons.
43. Revenues dans l'île de la Râlindî et s'unissant à Cri-
chna par la pensée, elles chantaient ensemble les louanges
de Crichna et elles appelaient son retour'.
Les Gopîs dirent :
1 . « Gloire au parc entre tous , grâce à la naissance ! Indirâ
y fixe sa demeure à jamais. (Dieu) compatissant! montre-toi
aux tiens qui ne vivent que pour loi et te cherchent en tous
lieux ^
2. «Quand de ton regard, plus i)rillant que le calice du
lotus épanoui sur la mare d'automne, tu frappes tes servantes
volontaires , ô maître des jeux d'amour ! (dieu) libéral ! n'est-ce
pas un meurtre ici-bas*?
' 43.— Cf. V. P. il.
^ Je ne trouve indiqué nulle part le mètre employé dans les stances
1 - 1 8. Sur l'irrégularité des st. 3 et 1 5, voy. la préface, p. 388. Suivant
le scholiaste, les stances de ce chapitre sont dites par diverses per-
sonnes; mais la conclusion , plus ou moins explicite, en est toujours
la même : driçyatâm. On peut néanmoins, toujours suivant la glose,
y voir aussi un discours suivi. Ainsi, à la seconde stance, les Gopîs,
prévenant l'objection de Crichna : «Que m'importe que vous me
cherchiez? » répondent : « Montre-toi pour nous rendre la vie que tes
regards nous ont ôtée. » — St. 3"^ : «Pourquoi nous négliger aujour-
d'hui , toi qui jadis , etc. » — St. à' : « Puisque tu Cà né pour le salut
du monde, il ne te sied pas de négliger tes adorateurs, etc. etc. »
•'' 1 . — Tâvahâk, masculin , = tvadijâ (jopîjanâk.
* 2 ah. — Le lotus décrit ici paraît être le çaratpadma , IV, xxiv,
52 ; il est foncé, çâradendivaraçjâmam, III, xxvi, 28, et on y compare
souvent les yeux de Crichna. — d. La glose établit qu'on peut tuer
autrement qu'avec le glaive ; les poètes hindous semblent avoir affec-
tionné cette idée; cf. Bôhtlingk , Ind. Spr. 3 20 : açastravihito badhah,
et ci-dessous, xxxii, 6.
432 MAÎ-JUIN 1865.
3. a Par loi nous avons échappé maintes fois, 6 liéros! à
mille périls, à la mort dans les eaux empoisonnées, au dé-
mon fait serpent, à la pluie, au vent, au feu de l'éclair, au
taureau, au fils de Maya\
4. « Non , tu n'es pas fils de la Gopî, tu es celui qui voit au
fond du cœur de tous les êtres ! Tu naquis à la prière de
Vikhanas, pour le salut du monde, ô ami! dans la famille
des Sâtvats^.
5. « 0 chef des Vrichnis! ô bien-aimé! la main, pareille au
lotus, donne la sécurité n qui se réfugie à tes pieds dans la
crainte de la transmigration; elle comble fous les désirs,
elle étreint la main de Çrî; oh! pose-la sur nos têtes!
6. « O héros! loi qui dissipes les souffrances des habitants
du parc! toi dont le sourire anéanlit l'orgueil chez ceux qui
t'appartiennent, ô ami ! honore en nous tes servantes! montre
à tes femmes ton visage brillant comme le lis des eaux M
7. «Ton pied, pareil au lotus, efface les péchés de tes
adorateurs, il suit les troupeaux, il est la demeure de Çrî,
il a pressé la crête du serpent; pose-le sur nos seins! anéan-
tis notre amour* !
8. «La douceur de ta voix et la beauté de tes discours
qui ravissent les sages, héros aux yeux de lolus! ont jeté le
trouble chez tes servantes; nourris -nous du nectar de tes
lèvres..
9. «L'ambroisie de ton histoire, qu'ont chantée les sages
' 3 a. — Visajalâpjajcij cf. X, xvi; vyâlarâxasa = Aghâsura, X,
XII ; — b. varsamâru(a,\ , xxv ; — c. vrisa= Avista; X , xxxvi ; Mayâ-
tmaja = Vyoma, X, xxxvii.
2 ^ c. — Au commencement du livre X , Vikhanas ou Brahmâ de-
mande à Bhagavat de s'incarner pour sauver la terre. — d. Sdtvatâm
fca/e,cf. IX, XXIV, ainsi que pour les Vrichnis de la slance suivante.
^ 6 «. — D'après la construction du scholiaste que j'ai suivie, le
génitif jo^i<âm est régi par darçaya, et le troisième pada forme une
sorte de parenthèse dans la proposition principale. — c. sineù niçci-
tam, sch.
'^ 7 c. — Pliani = serpent Kâliya, X, xvii.
PANTCHADHYAYI. 433
inspirés, rend la vie aux affligés, enlève les souillures, sanc-
lifie par Taudition et donne la paix; qui la célèbre au loin
sur la terre, y lit (jadis) beaucoup de bien \
10. «Ton sourire, ô bien-aimé! ton regard affectueux et
les joveux ébats, bonheur de la méditation, tes secrètes ca-
resses qui louchent le cœur, ô perfide! jettent le trouble dans
nos dmes ^.
11. «Lorsque, sortant du parc, (u mènes paître les trou-
peaux, ô maître chéri! à la pensée que les épis, les herbes et
les jeunes pousses déchirent ton pied , beau comme le lotus,
l'inquiétude s'empare de nos cœurs.
12. « Le soir quand tu reviens le montrer avec ton visage,
pareil au Joins des bois, encadré dans les boucles de les noirs
cheveux el couvert d'une épaisse poussière, ô héros! tu al-
lumes l'amour dans nos cœurs!
i3. «0 bien-aimé! ô toi qui tues le chagrin! presse sur
nos seins ton pied, pareil au lotus, qui comble les vœux de
les serviteurs, qui fut adoré par Brahmâ, et qui fait l'orne-
ment delà terre, l'objet de la méditation dans l'adversité et
la paix de l'âme.
1 tx. « Donne-nous , ô héros ! les lèvres d'ambroisie qui com-
plètent le plaisir et détruisent la douleur, que baise amou-
reusement ta flûte harmonieuse \ el qui font oublier aux
hommes les autres amours!
i5. « Quand pendant le jour t»i vas parcourant la forêt el
te dérobant à leurs regards , une seconde est pour eux une
éternité; lorsqu'ils contemplent tes cheveux bouclés et ton
^ 9 J. — Le scholiaste supplée le sujet de (jnnanti, ye, dont l'an-
técédent te sert de sujet à la proposition principale ; cf. une pareille
ellipse, I, VIII, 36. Des deux inlerprélations de fe/uînJà/t, j'ai suivi la
seconde : te bhûriJâh imrvajunniasii hahudattavantali suhritina Uj ar-
thah: cf. Bôhtlingk, Ind. Spmche, 2o36. — Le scholiaste établit,
d'après le texte, une comparaison suivie entre l'ambroisie et l'his-
toire de Criclina, et donne l'avantage à celle-ci.
"^ lo c. — Saihvidah ^== saàhetanxirmàni , sch.
^ 1 /i h. — Nàdâmritavûsitam , sch.
434 MAI-JUIN 1865.
visage divin, ils maudissent l'insensé qui mit des paupières
sur les yeux\
16. «Foulant aux pieds maris, tils, famille, frères et pa-
rents, ô Atchyula! nous sommes accourues vers loi, tu le
sais, troublées par tes accords. Perfide! quel autre aban-
donnerait des femmes au milieu de la nuil?
17. «Depuis que nous avons vu les jeux secrets, ton vi-
sage souriant qui fait naître Tamour, Ion regard affectueux
et ta large poitrine où Çrî repose , sans cesse de violents désirs
(nous assaillent) et troublent nos cœurs*.
18. «Oui, ta naissance détruit le mal et répand le bien
à profusion parmi les habitants du parc; oh! à nous aussi
dont le cœur brûle pour toi, donne un peu du remède qui
tue la tristesse chez ceux qui l'appartiennent!
ig. «Quand lu parcours la forêt de Ion pied délicat, pareil
au lotus, que nous voudrions po.^^er avec précaution et en
tremblant sur nos seins déjà trop fermes, la crainte qu'il ne
se blesse aux cailloux du chemin fait palpiler nos cœurs qui
ne vivent que pour loi ^ »
CHAPITRE XXXII.
Çuka dit :
1. Ainsi les Gopîs exhalaient dans leurs chants mille
plaintes diverses, ô roi! et, éclatant en sanglots, elles soupi-
raient après la vue de Crichna*;
2. quand à leurs yeux apparut, le visage souriant, vêtu
• i5 b. — Sur trnli, voy. la préface, p. 388; suivant la glose, c'est
un demi xana ou l'espace que le soleil parcourt en un instant. — d.
Driçâm pcurmahrit = Drahmâ; cf. nirviveko vidhdld dans les InJ. Spr.
2971.
- 1 7 (Z. — La glose explique le nom. sprihâ on suppléant bhavati.
•"' i^d. — Kûrpa [= siixnmpâsâna] n'est pas clans les dictionnaires
avec le sens qu'il a ici.
* I. — Cf. F. P. /,2.
PANTCHADHYAYJ. /i35
d'une robe jaune et paré de sa guirlande, lepelil-llls deÇiira,
qui trouble celui-là même qui Irouble les cœurs '.
3. En voyant leur bien-aimé de retour, les jeunes femmes ,
ouvrant les yeux de bonheur, se levèrent toutes au même
instant comme les membres à l'arrivée du souffle de vie ^.
[\. L'une prenant la main de Çauri, pareille au lotus, la
portait avec joie sur son front dans les siennes; une autre sou-
tenait sur son épaule le bras de Crichna, orné de sandal.
5. Une jeune beauté, joignant les mains, y recueillait une
bouchée de bétel '^; une autre, brûlant d'amour, posait sur
ses seins son pied pareil au lotus.
6. Une autre, fronçant les sourcils, semblait vouloir
dans un transport d'amour et de colère le tuer de ses regards
obliques et insultants, en se mordant les lèvres *.
7. Telle qui savourait, les yeux immobiles, le lotus de
son visage, le dévorait sans pouvoir se rassasier, comme les
saints aux pieds de l'Etre suprême ^
' 3 a. — Cricbna était petit-fils de Çûra par son père Vasudéva,
IX, XXIV, 25 etsuiv. — d. Manma</iama/imaf/ia «amour de l'amour»,
c'est-à-dire qui Irouble l'amour lui-même, sâxât iasya [kânmsya) api
mohalta ilY arthah. C'est un des traits cités par le scholiaste en tête de
\aPantchâdhjâjî{\Aa note de l'introduction, p. 386); cf. 11,11, 7, et
la trad. de Burnouf : « Si , voulant entrer dans le cœur de Bhagavat , la
colère tremble de crainte, comment l'amour pourrait-il y trouver un
asile?» et un composé analogue bhibhayam, eu parlant de Crichna.
* 3 d. — Tanvah==karacaranàdajah. Les dictionnaires ne donnent
pas le sens de membre a tanu. La même comparaison se retrouve JX, x ,
46,et X.LViii, 2; allusion à un passage du Véda, publié et traduit par
Burnouf, préf. du 1" vol. du Bh. P. p. cxxxvi et suiv.
•^ 5 b. — Carvila n'est pas dans les dictionnaires, j'en ai Aiitunsyn.
de carvana; cf. hasita, hasana, etc.
* 6 c. — Axepa = paribhava; hata = halâxa, ce dernier sens n'est
pas dans les dictionnaires. Sur la pensée cf. pradaxyantîvaixata , IV,
IV, 2, ci-dessus xxxi, 2 d note, et M. Bh. I, Sooq.
^ 7. — Cf. V.P.hli. — c. La métaphore âp{ta{d.\c\aiinbibitaure)
est ramenée quelquefois à une simple comparaison : drigbhyâm pra~
paçyan prabibann iva, IV, ix, 3. — (/. Les pensées pliilosophiques,
436 MAI-JUIN 1865.
8. Telle aulre, l'introduisant clans son cœur par l'ouver-
ture de ses yeux aussitôt refermés, et frissonnant de plaisir,
reste en adoration , inondée de joie comme un ascète '.
9. Toutes, élevées par la vue de Kéçava au comble de la
félicilé, elles furent affranchies de la douleur qui naît de la
séparation : ainsi les hommes , une lois réunis à celui qui
possède la science^.
10. Le cœur libre de souci, elles entouraient le bienheu-
reux Alchyuta, qui resplendissait d'un éclat suprême, ô roi!
comme le Purucha entouré de ses énergies ^ ;
11." alors que , les prenant avec lui , le seigneur entra dans
nie delaKâlindî, peuplée d'abeilles qu'attire la brise em-
baumée des jasmins épanouis et des mandàras,
12, (île) fortunée, d'où la lune d'automne, par la multi-
tude de ses rayons, chasse les ténèbres de la nuit, où la
Crichnâ% étendant ses vagues comme des mains, accumule
les cailloux polis.
prodiguées ici, reviennent encore ailleurs : neçah. . . hleçà jnânodaye
yathâ, IV, xt, 2. Cf. aussi V. P. /jo, et Bôhtl. Ind. Spràche, 20^g.
^ S h. — Kritya pour hritvâ.
^ 9 d. — Prâjnam^=içvaram, ou bien « le sage qui connaît l'être su-
prême, » brahmajùam; ce qui revient presque au même , car c'est Bha-
gavat qui transmet la science par l'intermédiaire du précepteur, un
précepteur est Bhagavat lui-même, VII, xv, 29; ou bien encore,
saasupkim [prâpya ) yalhâ viçvataijasâvaslhâ jîvâli.
^ 10. — Purasali çakdhhir yalhâ «rame suprême entourée des
qualités de bonté, etc.» cf. ci-dessus, xxix, i4; ou bien \epurusa*k
l'œuvre, » updsaka « entouré de la science , de la force, de l'énergie; »
ou bien \c purusa anuçayi [çaydnani vd guluiçayam «endormi dans le
mystère, » par opposition à prexcmîyehitani « donnant le spectacle de
ses œuvres, » III , xxviii, 19), entouré de la Prakriti et de ses autres
énergies en puissance, prakrityâdynpâdhihh'irvrkah.
* 1 1. — La glose rattache, par la construction, les stances 1 1 et
1 2 au verbe vyarocata de la stance \ o.
* 12 c. — Krisnd (la noire) = Vamunâ; cf. dans les Ind. Sprûche
de Bôhtl. 629 : Ydiimnam amhu kajjcddbham. — Haslutanda , l'ordre
inverse est pins ordinaire; cf. dans le M. Bh, i, 121/1 , vicîhastuili.
PAiNTCHADHYAYI. /i37
1 3. Affranchies de îa tristesse par la joie de le contempler,
elles obtinrent, comme les Védas\ l'objet de leurs désirs; et
de leurs vêlements tachetés du safran de leurs seins, elles
firent un siège à celui qui réside au fond des cœurs.
1 Ix. Quand il s'y fut assis , Bhagavat , le Seigneur qui siège
dans le cœur des maîtres du Yoga^, brillait au milieu des Go-
pîs en adoration devant lui, revêtu d'un corps qui réunit la
beauté des trois mondes.
i5. Après qu'elles eurent honoré celui qui les embrase
d'amour et pressé ses mains et ses pieds sur leurs seins, en
donnant à leurs sourcils un mouvement gracieux accompagné
de regards aimables et souriants, elles dirent avec des éloges
mêlés de quelque dépit \
Les Gopîs dirent :
16. «Quelques-uns aiment quand ils sont aimés; d'au-
tres, même quand ils ne le sont pas; d'autres encore n'ai-
ment jamais, aimés ou non. Oh ! daigne nous expliquer cela. »
Le Bienheureux dit :
17. «Ceux qui aiment pour être aimés, ô amies! n'ont
• 1 3 è. — Çrutayo yalhâ. « Voici le sens , dit la glose. De même que
dans le Karmahhânda , ou la partie qui traite des œuvres , les Védas ne
voyant pas le souverain seigneur sont incomplets à cause des liens des
pratiques diverses ; tandis que , dans la partie qui traite de la science ,
jhânakhânda , ils voient le souverain seigneur et, remplis de joie à
cette vue, ils sont affranchis des liens des œuvres, de même celles-
ci, etc. » Sur l'insuffisance du Véda, ou plutôt du Kannakhânda , voy.
le discours du brahmane au roi, V, xi , 2 et suiv. — (/. Atmahandhave
= antaryâmine et «proche parent,» d'après un dictionnaire indi-
gène cité par Bôlill. Le mot peut être pris dans les deux sens. Cri-
chna, réputé fils de Nanda, était regardé comme un parent par les
habitants du parc.
2 ll^. — La pensée du premier hémistiche est une de celles qui re-
viennent le plus souvent; cf. entre autres passages, IV, xxiv,37,p«ci-
sade, et la glose : hamsah çiicisad iti çruteh.
^ i5 d. — Hiatus dans un pada, cf. note sur XXX, 2^ b.
V. 29
438 M AI- JUIN 186 5.
en vue que leur intérêt propre; il n'y a là ni affection ni
devoir; c'est calcul égoïste et rien autre.
18. « Là où l'amour n'est pas payé de retour, comme chez
les êtres compatissants ' et chez les pères, là est le devoir par-
tait et le dévouement, ô toutes belles !
19- «Quelques-uns n'aiment pas même qui les aime, en-
core moins qui ne les aime pas. Ce sont ceux qui trouvent
le bonheur en eux-mêmes^, ou dont les désirs sont satisfaits,
les ingrats, ceux qui maltraitent un gourou.
20. «Quant à moi, ô amies! si je n'aime pas les êtres qui
m'aiment, c'est pour qu'ils se livrent à la dévotion : ainsi
riiomme tombé dans la pauvreté par la perle des trésors qu'il
avait amassés, n'a de souci et de pensée que pour eux'.
21. « De même, ô femmes qui pour moi avez renoncé au
monde, au Véda et à tous les vôtres! c'est pour que vous
me soyez dévouées que, vous aimant à votre insu, je me dé-
robe à vos yeux'*. Ne blâmez donc pas votre bien-aimé,ôbien-
aimées !
22. « Non, je ne puis reconnaître le mérite de votre atta-
chement désintéressé, même en vous donnant de vivre au-
^ 18 b. — Karuna, en ce sens, n'est pas dans les dictionnaires; cf.
ci-dessous, xxxiii , 21.
^ 19 c. — Atmârdmâh = aparâijdricah « ceux qui n'ont pas d'yeux
pour les objets du dehors. » — d. Les gourous sont le précepteur, le père
et la mère,/n(/. Spr. i8o4. On donne aussi ce nom à tout bienfaiteur,
upakartâ gurutuljah , sch.
^ 20 d. — Nibhrita = pûnïa, vyâpta, sens inconnu des diction-
naires ; anyan na veda « il en perd le boire et le manger, » xutpipâsâdi ,
dit la glose.
'' 21a. — Loka = juklœyukta : veda = dharmddharnia. Cf. X ,
XLVi, 4: td mannianaskd malprând madarthe tyaktadaihikdh \
ye tyaktalokadharmdç ca madarthe tân bibharmy akam |j
et X, XLVii, 9 : tyaktalaukikâh , en parlant des Gopîs. — c. Paroa;a «in-
visible,» cf. paroxajit[Ul,xyinyli) «vainqueur invisible, a Pour l'idée
exprimée ici, cf. IV, xxviii, 65 : paroxapriyadevabhagavân « Bhagavat
est le dieu ami du mystère. » En effet, il entend leurs paroles affec-
tueuses, dit la glose, bien qu'elles ne le voient pas. — - d. Mâ=mâm.
PANTCHADHYAYI. 439
tant que les dieux, ô vous qui m'avez aimé' jusqu'à briser
les chaînes indesiruclibles de la famille ! Que vos mériles
soient leur récompense à eux-mêmes ! »
CHAPITRE XXXlll.
Çuka dit :
i. En entendant de la bouche de Bhagavafc ces paroles
pleines de charmes, les Gopîs furent affranchies de la dou-
leur qui naît de la séparation, et sa présence mit le comble
à leurs vœux.
2. Alors, sous la conduite de Govinda, commencèrent les
jeux du râsa^ que célébraient avec lui ses femmes dévouées
et joyeuses, brillantes comme des perles, en se tenant entre
elles parle bras.
3 et 4^. La fête du rasa, embellie par le cercle des Gopîs,
était menée par Grichna , qui, usant de sa puissance magique
et se plaçant entre elles, deux à deux, les tenait embrassées
par le cou; et chaque femme croyait qu'il était auprès d'elle.
Cependant le ciel se couvrit de cent chars montés par les
dieux en compagnie de leurs épouses , et le cœur consumé
de regret.
5. Alors les tambours retentirent, des pluies de fleurs
tombèrent du ciel et les chefs des Gandharvas chantèrent avec
leurs épouses sa gloire sans tache.
6. Les bracelets, les anneaux des pieds et les clochettes
des femmes, accompagnées de leur bien-aimé, produisaient
un bruit confus dans le cercle du rasa *.
^ 2 2 c. — Yâh= hhavatyah, sch. cf. xxx, gcd et la note.
^ 1 b. — Basa ■■= bahunartahîyuhto nrityaviçesah.
^ 3-4. — Le sch. fait remarquer que la o' st. a trois hémistiches
et quelle enjambe d'un pied sur la suivante, axaracalustayâdhikena
sârddhena. — VS. V. P. hi-liç, et la note de Wilson , p. 538 de sa
traduction.
4 6,— Cf. V.P. 5o.
29
440 MAI JUIN 1865.
7. Là resplendissait sous l'éclat de ses femmes le Bienheu-
reux , fils de Dévakî, comme une grosse émeraude parmi des
pierreries aux reflets d'or '.
8. Tandis que, à frapper la terre du j)ipd, à agiter les
bras, à mouvoir les sourcils avec grâce on souriant, à se bri-
ser la taille^, à faire bondir leurs seins et flotter leurs voiles;
tandis qu'à secouer sur leurs joues leurs boucles d'oreilles
la sueur inondait leur visage, et que leurs cheveux et leurs
ceintures se dénouaient, les femmes de Crichna brillaient en
chantant ses louanges, comme les éclairs sur le cercle du
nuage.
9. Elles chantaient avec force en dansant, variant le son
de leurs voix, s'enivrant de plaisir et transportées de joie aux
caresses de Crichna dont la louange remplit le monde.
'7 a. — Tâbhih svarnavarnâbhih , sch. On sait que Crichna était
d'un bleu foncé. — c. Suivant la glose, on bien Témeraude, c'est-à-
dire Crichna, resplendit entre chaque couple de pierreries jaunes,
kaimânâih maninâin madhje madhje; ou bien, sans répéter madhye,
li n'y en a qu'une seule aux yeux des Gopîs, cjopîdristjahhiprâjerui
vâvinaiva madhyapadâvrktim. , delà le singulier fupufc/te, plus difli-
cile à expliquer dans la première interprétation. Cf. ci-dessus, st. 3,
— d. Mahâmarahata == nîlamani «saphir. » Le premier de ces mots
est constamment traduit par «émeraude,» et on y rattache le grec
(Tfidpayêos. Il y en a de vertes, harinmarahata^Wll^u, 4; de foncées,
marahataçjâmavapuseyWU, xvt, 3 (= megliaçjâmayV\[\,\u, 1 7, égale-
ment appliqué à Bhagavat); les vertes elles-mêmes ont des reflets
foncés, VIII, II, l\. La glose ne donne d'explication que sur ce dernier
passage, harit= pâlàçavurna. Le marakata, dans certains cas, peut-il
se confondre avec la pierre d'un bleu foncé, nUamani? xJ'ai passé
huit jours, dit le prince SollykofT, dans les montagnes qui s'appellent
Nilguerries , ce qui veut dire les montagnes bleues, apparemment
parce qu'elles apparaissent bleues aux Indiens des plaines; mais
elles sont, au contraire, éternellement vertes, .l'ai entendu dire,
d'ailleurs, que nil veut dire indifféremment bleu et vert.» ( Voyages
dans l'Inde, p. 117.)
^ 8 b. — Bliajjat = bhajyamâna de bhamj. Cf VIII , xn , i 9. — Au
3*pada, si on \\t°grantliayah au lieu de °agrantliaYah , on a un sens
tout opposé, admis aussi par le scholiaste.
PAiNTCHADHYAYI. hliY
lO. Certaine Gopî, accompagnée par Mukunda sur une
clef, chanlait sur une autre; et lui, prenant plaisir à l'en-
tendre, l'honorait en disant : u Très-bien! très-bien!» Elle
chanlait le refrain, et il lui témoignait beaucoup d'estime \
il. Une autre, épuisée de fatigue par le rasa, appuyant
son bras sur l'épaule du héros armé d'une massue, qui se
tenait auprès d'elle, laissait flo! 1er ses bracelets et les jasmins
de sa guirlande.
12. L'une d'elles, qui soutenait sur son épaule le bras de
Cricbna imprégné de sandal , sentant le parfum délicieux qu'il
exhalait, le baisait en tressaillant de plaisir ^
i3. A une autre, qui pressait sur sa joue la joue (du
héros) embellie par d'éclatants^ pendants d'oreilles qu'il agi-
tait en dansant, il donnait une bouchée de bétel.
1/4. Tout en dansant, en chantant et en faisant résonner
les anneaux de ses pieds et (les clocheltes) de sa ceinture,
une autre, accablée de fatigue, prenant la main propice
d'Atchyuta , qui se tenait auprès d'elle , la posait sur ses seins.
i5. Les Gopîs réunies au bien-aimé Atchyuta, le favori
préféré de Çrî entre tous, se livraient à la joie et chantaient
ses louanges, pendant qu'il les tenait parle cou dans ses bras.
16. Les oreilles parées delolus, les joues ornées de bou-
cles de cheveux, le visage élincelant de sueur, les Gopîs
dansaient au son des bracelets, des anneaux des pieds, des
clochettes et des instruments de musique, en compagnie de
Bhagaval , laissant tomber les fleurs de leur chevelure, dans
la salle où les abeilles tenaient lieu de musiciens.
17. Ainsi, parmi les embrassejiienls, les attouchements
voluptueux, les amoureux regards, les jeux effrénés et les
rires, l'époux de Rama goûtait le bonheur avec les belles du
parc , comme l'enfant qui s'amuse de la réflexion de son image.
^ 9-10. — Cf. le Preni Sacjar, p. 64 de la traduction anglaise. —
9 d. Yad(jîtena , etc. cf. urugâya, III, v, 44.
2 11-12. — Cf. F. P. [)2-53.
^ i3 6. — Tvisa. Les dictionnaires ne donnent que Ivis et Ivisâ,
cf. 22 a. ci-dessons.
442 MAI-JUIN 1865.
18. La joie d'être unies à lui troublant tous leurs sens, les
femmes du parc n'avaient pas la force de relever soudain '
leurs cheveux, leur robe ou le voile de leur sein, et elles
laissaient tomber leurs guirlandes et leurs ornements, ô des-
cendant des Rurus !
19. A la vue des jeux de Crichna, le trouble s'empara
des épouses des dieux en proie aux tourments de l'amour;
et la lune, ainsi que les constellations, en fui émer-
veillée^.
20. Le Bienheureux, se multipliant autant de fois qu'il y
avait de Gopîs, goûta le bonheur avec elles en se jouant, lui
qui trouve son bonheur en lui-même \
2 1 . Les voyant fatiguées par ces violents ébats , (le héros)
compatissant leur essuyait le visage avec amour de sa main
propice , ô roi î
22. D'un regard souriant que rehaussait l'éclat de leurs
joues, où brillaient, mêlés aux boucles de leurs cheveux, d'é-
lincelanls pendants d'oreilles en or, les Gopîs, honorant le
héros, chantaient, ivies de joie au contact de ses ongles, les
actions méritoires qu'il avait accomplies.
23. Confondu an milieu d'elles et suivi d'abeilles, pa-
reilles aux chefs des Gandharvas, qu'attirait sa guirlande
froissée par les étreintes de ses femmes et rougie du safran
de leurs beaux seins, il entra dans l'eau pour se délasser :
tel (y entre) , épuisé de fatigue, le roi des éléphants avec ses
conopagnes en brisant les barrières ^.
' 18 c. — Amjas = anijasd.
^ 19. — La marche des astres est suspendue, suivant la glose;
de là ce qui est dil ci-dessous, si. Sg a.
' 20. — Cf. in, m, 8 et 9. Le scholiaste cite ici deux textes : la
prière par laquelle les Gopîs demandent d'être unies à Crichna, cfX,
XXII : nandagopasutam devi pat'iin me kurii, et la promesse de Crichna ,
rapportée en noie, xxix, 1. — Notre stance justifie l'épithèle satya-
kâma == sutyasankalpa que nous trouverons ci-dessous, st. 26 6;
comparer avec ces deux composés satyavikrama, etc.
'' 23 (/. — Bhinnasrtn. Ce qui est dit de l'éléphant doit s'entendre
PANTCIIADHYAYI. 443
24- Tandis qu'au milieUi des ondes les jeunes femmes
l'arrosaient à l'envi et lui jetaient de l'eau de toutes parts
avec une aimable gaielé, ô roi! tandis que du haut de leurs
chars les dieux versaient des pluies de fleurs et chantaient
ses louanges, il prenait plaisir, bien qu'il trouve son bon-
heur en lui-même, à jouer au milieu d'elles comme le roi
des éléphants \
25. El puis, dans le bosquet de la Crichnâ où l'air est
embaumé de tous côtés par l'arôme des fleurs de la terre et
des eaux, il se promenait entouré d'une multitude d'abeilles
et de femmes, comme î'élé[)hant en rut avec ses femelles.
26. Ainsi, fidèle à sa promesse, il passait avec la troupe
de ses femmes dévouées toutes les nuits éclairées par les
rayons de la lune et propices aux sentiments célébrés dans les
poënies d'automne, lui qui renferme sa jouissance en lui-
même ^.
Le roi dit :
27. «C'est pour afl'ermir la justice et pour réprimer le
crime que Bhagavat, le maître du monde, a incarné une
portion de son être.
28. «Comment lui qui enseigne, établit et protège les
en ce sens, suivant la glose, que Crichna foule aux pieds les usages
du monde et les pratiques du Véda. Cf. I, xviii, 35; et ci-dessous
28 a.
^ 2lid. — Gajeiidralila, cf. V, xviii , 39, où la comparaison est ex-
primée à la manière européenne : krîdann ivehhah.
^ 26. — J'ai suivi la première interprétation du scholiaste; d'après
la seconde, il faudrait séparer °/vaf/td de rasâçrajâh , et faire du com-
posé '^niçâk, un compl. circonstanciel de siscve. — c.Sauratah = cara-
madhâtuh. Dans une des énumérations de dhâtu, rapportées par Bôhtl.
dans son dictionnaire, le septième et le dernier est le samen; il y a
peut-être là une comparaison implicite, tout à l'avantage de Vichnu ,
avec ce qui est raconté de Çiva poursuivant Vicbnu déguisé en cour-
tisane, Vin, XII, 32 ; cf. en outre dans le M.Bh.l, aSSo, la légende
de Vasu, iasya retali pracaskanda. — d. Çaralkâvya , cf. V. P. 5o.
444 MAI-JUIN 1865.
barrières de la justice', ô brahmane! a-t-il, au mépris de la
justice, louché à des femmes qui n'étaient pas à lui ?
29. « Puisque ses désirs sont satisfaits , que voulait le chef
des Yadus, quand il commit cet acte blâmable? Dissipe le
doute qui s'élève en nous, ô pieux solitaire! »
Guka dit :
30. « Parce que des grands ont violé la loi et commis un
crime, gardons de l'imputer à faute à ces élres puissants, non
plus qu'au feu de tout dévorer \
3 1 . « Que jamais nul , s'il n'est leur égal , ne commette un
tel acte même en pensée; ainsi tout autre que Rudra périt à
avaler follement le poison sorti de l'Océan \
32. « Ce que disent les grands est bien ; ce qu'ils font , l'est
quelquefois. D'eux, le sage n'imite que ce qui est conforme
à leurs discours ''.
33. « Il n'y a pour eux ici-bas ni avantage à bien faire, ni
dommage à mal faire, 6 roi ! parce qu'ils n'ont pas de person-
nalité.
34. « A plus forte raison le rapport de bien et de mal
n'existe pas entre le Seigneur de tous les élres, animaux,
morlels ou dieux, et les créatures qui lui sont soumises.
35. a Quand ceux qui se sont complu à adorer la pous-
* 28 b. — Bhagavat crée et protège les barrières de la loi, III,
IX , 1 9. c. Pratîpam = pradkûlam. Les femmes des autres doivent être
respectées comme une mère, mâtribhakiih parastrisu, IV, xv!, 17.
^ 3o. — Sur le nom dlçvara donné à d'autres qu'à l'être suprême ,
cf. I, III, 27 (lesRichis, etc. sont réputés tous des portions deHari),
et l'emploi du nom français seigneur.
^ 3i. — Il s'agit ici du poison kdlahâki avalé par Rudra ou Çiva.
^ 32. — M. Muir, tjuem honoris causa nomino , en traduisant ainsi
le deuxième hémistiche, Let a wise man observe their command which
is right, semble avoir lu séparément svavaco ynham , qu'il faut réunir
comme le veut la glose, tesàm vacasd yad yuktam aviruddham tat;
d'ailleurs, tout ce que disent les grands est bien, satyani vacali: c'est
entre leurs actions qu'il faut choisir celles qu'on peut imiter.
PANTCHÀDHYÀYÏ. 445
sière de ses pieds, pareils au lotus, sont délivrés de tous les
liens des œuvres par la puissance du Yoga; quand les mu-
nis marchent libres et sans entraves, comment celui qui a
pris un corps de sa propre volonté serait-il enchaîné par les
œuvres ?
36. «En révélant un corps ici-bas, lui le régulateur su-
prême, qui se moût au sein des Gopîs, de leurs époux et de
tous les êtres animés, il ne faisait que se jouer ^
87. « C'est par bienveillance pour les êtres qu'il prend un
corps humain et se livre à ces jeux, afin qu'on s'attache à lui
en en écoutant le récit.
38. lEt, certes, les habitants du parc, troublés par sa
puissance magique, n'ont eu garde d'accuser Crichna, per-
suadés que leurs femmes étaient auprès d'eux.
39. «Quand la nuit de Brahujâ fut terminée ^ les Gopîs,
qu'avait troublées Je fils de Vasudésa, retournèrent à regret
dans leurs maisons, le cœur plein de Bhagavat.
40. « Et quiconque écoute et raconte avec foi ces jeux de
Vichnu avec les femmes du parc, animé soudain d'une dé-
votion profonde pour Bhagavat, il est affranchi du désir qui
ronge le cœur, et affermi dans la sagesse. » ^
» 36. — Cf. V. P. 60.
- 39 a. — Brahinarâtra upâvritle = hrâhme muhurte prâpte, cf.
Dasam Ashandj Ir. Pavie, p. 109 : «Et il se trouva qu'une nuit du
jour de Brahine était terminée;» le Prem Sagar, trad. Eastwick,
p. 65 ; « Meanwhile, the night advanced and no one was aware of it ,
and from that time tlie name of that night has heen the night of
Brahmâ; » on peut voir dans Polier, ch. vi, p. 455 , ce qu est devenu
dans la tradition populaire ce trait merveilleux de notre légende.
^ 4o. — Dans le Bhâgavata, les épisodes sont ordinairement ter-
minés comme celui-ci , par une prière ou bénédiction , dont la pensée
est prise dans l'épisode lui-même.
446 MAT-JUrN 1865.
LE LIVRE
DES ROUTES ET DES PROVINCES,
PAR IBN-KHORDADBEH,
PUBLIÉ, TRADUIT ET ANNOTE
PAR C. BARETER DE MEYNARD.
(suite et fin.)
le maghreb ou occident.
Le Maghreb formait un quart de l'Empire sous
lancienne monarchie des Perses; son gouverneur
était nommé Kharherân-Espehboad.
ROUTE DE BAGDAD AU MAGHREB.
Sindjileïn(Yak. Salyaheïn, 3 fars.), 4 fars. — El-
Anbar, 8 fars. — Ed-Derb, 7 fars.^ — Hît, 1 2 fars.
— Narousyeh, île sur TEuphrate, y fars. — Ela-
dousyeh (Kod. Alouseh), 7 fars. — Ed-Dara, 6 fars.
El-Fakhîmah (Ed. Odjaïmah), 6 fars. — Ei-Behyeh
(Kod. El-Behymeh), 12 fars'. — El-Fardhah (Kod.
Ei-Ardhah) dans la plaine, 6 fars. — Ouady es-seba'
(1 vallée des Hons, » 6 fars. — Khilidj « le canal » ( Ed.
(( canal des Béni Djoumah ou Djoumaï, »> ibid. 1 /i5),
^ Kodama écrit c^^Jf ; Edriçy cjîjî- P^^ une inadvertance sin-
gulière, Jaubert a lu ejam au lieu de enijal, et il traduit, eu con-
séquence, journées au lieu de milles, II, i44.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. kM
5 fars. — Montagnes^ de Karkisya, 7 fars. — Nahr-
Sayid, 8 fars. — EM3ourrîn (Kod. El-Houran; Ed.
Djordjân), \l\ fars. — El-Menzil (Ed. El-Mebrek;
Kod. El-Menazil), 21 fars, (il faut lire 1 1 fars.) —
Rakkah, ville nommée par les Grecs Kalanikous^,
8 fars.
(Villes principales) : Rakkah; Harran; Roha; So-
maïsat; Saroudj ; Hisn-Kifa; El-Ard el-Bei'dha «la
terre blanche;» Tell ((colline» de Mauzen; Ezze-
waby; El-Mazidjân; Roçafah; Zeïtounah. — Impôts
de la Mésopotamie [El-Djezireh) : quatre millions de
dinars. Au rapport d'El-ïspahâny, l'impôt du Diar-
Modar a été fixé à la somme de 9,600,000 dinars,
y compris les dîmes ^.
^ Avant jL^, la copie B donne le groupe ^lijî. Comme il n'y
a pas de montagnes autour de Circesium, le docteur Sprenger
propose de lire jUs». En acceptant cette conjecture, on devrait
traduire : «de là à Elghas, en face de Circesium, 7 fars.»
^ Callinicum est le premier nom de cette ville fondée par Se-
leucusCallinicus. (D'Anville.) La distance compkHe est ici i34 fars,
dans Kodama on lit 126 seulement; mais il est vrai que son itiné-
raire omet deux étapes. D'après Edriçy, il y a en tout 872 milles,
ou 12/i fars., ce qui établit une différence de 10 fars, entre son iti-
néraire et le nôtre. Il importe de remarquer qu'indépendamment
de cetle route, laquelle suit la rive de i'Euphrate, il y a, ainsi que
l'atteste Kodama, un chemin pins direct, par l'intérieur du pays,
jusqu'à Deïr, où l'on rejoint I'Euphrate. Dans Edriçy il est fait aussi
mention d'une voie qui traverse le désert et abrège , de cinq journées
environ , la durée du voyage.
' D'après cette seconde version , le revenu de la province présen-
terait une différence de plus du double. Comme je l'ai dit ailleurs,
ce témoignage paraît n'avoir été invoqué par l'auteur que pour four-
nir de plus amples matériaux et d'autres points de comparaison à
l'histoire économique du khalifat. Cependant il ne serait pas impos-
448 MAI-JUIN 1865.
Division administrative de l'Euphrate : Karkiçya;
KliaboLir; Rahbah; Eddalyali «la vigne; » Anal; El-
Hadîlhah; Hit; Elanbar; Beïder; Masîn ; Somaïsat;
Es-Sikr^... Tabân; Bir el-Alya; Bir es-Soufla.
Telles sont les villes nommées villes dii Khaboar.
Les stations de cette route, en partant de Rakkah,
sont: Douser; Balès, où Ton passe l'Euphrate;
Khousaf; Naourah; Aiep; Rinnisrîn. — La province
de Rinnisrîn comprend les districts suivants : Maa-
rat-Moft în '^ ; Berdjewân; Sermîn; Djebar el-Açab
Dolouk; Raabân; Alep. — Places fortes^ : Kourès
El-Djoumeh; Menbedj; Antakyeh; iNirîn; Loubna
Balès; Rossafah u la chaussée » de Hicham , iils d'Abd
el-Mélik. — L'impôt de la province de Rinnisrîn
et des places fortes se monte à 600,000 dinars.
De Rinnisrîn on se rend à Chîzer, puis à Hamat,
puis à Hims (Emèse). La province de Hims ren-
ferme les districts suivants (dans ce pays, on donne
au district le nom d'Iklim u climat») : Cbîzei ; Afa-
myah; Marat en-No'mân; Sourân; El-Atmîn; Tell-
sible que les chiffres généraux donnés ici et dans d'autres passages,
sur la foi d'EMspahàny, fussent simplement des annotations mar-
ginales, introduites plus tard dans le texte par un copiste.
^ Le mot qui suit n'est pas ponctué. Le groupe entier répond au
Sikket el-Âhhas d'Edriçy, II, i 5/i.
^ La copie B porte Marin. Il est parlé de Marat-Mofrîn et de la
ville de Naourah dans les fragments de l'histoire d'Alep, publiés par
Frevlag, 6 et passim.
•' La nomenclature des places frontières se trouve textuellement
dans le traité d'Ibn-Haukal, et elle est citée, d'après ce dernier, par
Abou'lféda, texte, p. 2 33. La seule variante qui mérite d'être notée
est Tizin au lieu de Nirin.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 449
Meïçerah; Loubnân (le Liban); Es-Sofrah; les cinq
districts où l'on cultive le dattier; Ei-Ghoutas; Na-
wah ; Raçîn ; Damîn ; Koustoul ; Selniyah ; Adounah ;
Djoiiçyah ; Soudanyah ; Tadmor ( Palmyre). — Villes
delà côle: Kilata(?); Djebelali; Bolonyas (Apollonie
de Syrie); Natroun (peut-être Antartoiis, Tortose);
Merkabah (Castrurn Merghabum) ; Racirab; Saka;
Habyah; El-Houleh ; Adjloun; Barîn; Afirama.
ROITE PARTANT DE HIMS (ÉMÈSE).
Djousiah ^ lo fars. — El-Kara, 3o m. — Nebek,
12 m. — Kotaïfah, 20 m. — Damas, 2/4 m. Damas,
qui est la ville nommée Dhat el-Imad^, existait, dit-
on , avant le prophète Noé. L'arche partit du som-
met du Liban et s'arrêta sur le mont Djoudy, dans
le Kurdistan. Lorsque les enfants de Noë se furent
nuiltipliés, ils abandonnèrent les serdab (cavernes,
voûtes cyclopéennes) au roi Nimroud , fds deKouch,
' Ce nom est Indéchiffrable dans les deux copies; j'ai suivi la le-
çon de \akouby, laquelle se trouve aussi dans Ko Jama et Mokad-
dessy, il faut lire avec ces trois écrivains i3 milles, au lieu de 10 fars,
que porte notre texte. Il est à remarquer que la route décrite par
Ibn-Kliordadbeh est une de celles que suivait la poste, mais elle pas-
sait par Nebek, tandis que l'autre, mentionnée par Mokaddessy,
passait par Ba'lkek; elles avaient à peu près la même étendue, en-
viron 200 kilomètres.
^ La ville aux piliers . allusion au passage du Koran, LXXXIX, 5
et suiv. Ce n'est pas, à proprement parler, Damas même, mais bien
un temple d'origine prétendue adite, et nommé Djeîro un, en souve-
nir de son fondateur, qui est l'objet de la légende musulmane. Ma-
çoudy, après avoir résumé les différentes versions qui circulaient,
de son temps, sur la ville et le temple aux piliers, cherche à en dé-
montrer l'origine fabuleuse. [Prairies d'or, t. IV, p. 88, sous presse.)
450 MAI-JUIN 1865.
le premier qui régna sur les Juifs, sectateurs de la
Thorah. — Impôt foncier de Hims, 3/io,ooo di-
nars. Mais, suivant Ispabâny, il n'a jamais dépassé
1 8o,ooo dinars ^
Province de Damas, districts : la plaine du Gaw-
tah (banlieue et jardins de Damas); Senîr; la ville
de Ba'lbek; la Bekaa el le Liban; district de Djou-
nyab; district de Tripoli; district de Djobeïl (ou
Gebaïl); Beïrout; Saïda et Batbanée; district du
Haurân; district de Djaulân; la banlieue^ de Balka;
les environs du Jourdain; district de Moab; district
du Djebal ou Montagnes; district de Gbera (ou Obé-
rât); Bosra; Amman et El-Djabyeb.
HOUTE PARTANT DE DAMAS.
Djaçim, 2I1 m. — Fîk, 2/1 m. — Tibériade,
cbef-lieu du Jourdain , 6 m.^ — Impôt foncier de
' S'il faut en croire Yakouby, l'impôt d'Emèse, établi sur une
base invariable, ne déjsasse pas 220,000 dinars, non compris, il est
vrai , les redevances des biens affermés par l'État. Les contradictions
qu'on remarque dans ces chiffres tiennent surtout à l'âge différent
des documents que les trois auteurs avaient sous les yeux. (Voyez
aussi la note 3, ci-dessus, p. A47.)
^ Littéralement «l'extérieur» zhahit ; cette expression est appli-
quée par Yakouby à la même localité, texte arabe, p. 1 1 ï.
^ Total, 182 kiloni. L'impôt de cette province est à peu près le
même dans la relation de Yakouby : 3oo,ooo dinars, sans compter
les domaines affermés. Ibn-el-Moudebbir, dont paile notre auteur,
après avoir été fait prisonnier par le chef des Zendjes, sous le règne
de Mo'taded, fut mis en liberté et passa au service d'Obeïd Allah,
fds de Suleïinân, dernier vizir de ce khalife. C'est du moins ce qui
résulte d'une anecdote racontée par Ibn-Rhallikàn ( Vie da poète
Ahou l- A' la ). SWe per-sonnagc en question est bien celui dont l'an-
LE LIVIVE DES ROUTES ET DES PROVINCES. A51
Damas, /ioo,ooo dinars, plus une fraction. El-Ispa-
bâny ajoute : d Cet impôt a été rigoureusement éva-
Jué par Ibn eJ-Mouclebbir; il se monte, en y com-
preiiant le total des dîmes et la capitation des Juifs,
à la somme de i/io,ooo dinars.»
Districts : le Jourdain; Tibériade; Samarie; Beï-
sàn; Fahl; Hawîm ; Naplouse; Djadar; Abil (Méra-
cid : Abil ez-Zeït); Sousyah; Safouryab; Akka (Saint-
Jean -d'Acre); El-Rouds (Jérusalem); Sour (Tyr).
De Tibériade à El-Lahoun, 20 m. — Kaïsaryeb,
20 m. — Ramiab , chef-lieu de la Palestine, 2/1 m.
(Total, i28kilom.) — Impôt de la province du
Jourdain, 35o,ooo dinars; mais, selon Ispahàny,
il n'a jamais dépassé la moitié de cette somme , non
plus que l'impôt de la Palestine ^
Districts de la Palestine : Ilya ou Beït el-Makdes
(Jérusalem, jElia Capitolina). David et Salomon y
avaient déposé leurs trésors. De Jérusalem à la
mosquée d'Abraham (Hébron), où se trouve le tom-
beau de ce prophète, on compte 1 3 m. — Suite
des districts : Amwas; Loudd; Ramlah; Yafa; Kaï-
saryeb; Sebastyeh; Askaloun; Ghazza; Beït-Djebrîn.
ROUTE PARTANT DE RAMLAH.
Azdoud, 12 m. — Gbazza, 20 m. — Rafah
leur invoque ici l'autorité , il n'est pas facile d'expliquer la différence
énorme des deux évaluations.
^ Yakouby donne à peu près le même renseignement; il estime
l'impôt du Jourdain , prélèvement fait des fermes, à 1 00,000 dinars.
L'évaluation d'Ibn-Khordadbeh semble donc exagérée d'un tiers au
moins.
452 MAI-JUIN 1865.
(Bekry ; Rafakli), i 6 ni. — El-Arîch , dans les sables ,
2 II m. — Warradali, i8 nn. — Ghoraïbeh (Kod.
Bakarah; Mok. Nafarah) , 20 m. — Faranria (Péluse),
2/1 m. dans les sables. — Djordjîr, 3o m. — El-
Kaçyrah, 2/1 m. — Mosquée de Kodhaa, 18 m. —
Bilbîs, 21m. — Fostat, capitale de l'Egypte, 2 4 m.
(Total, 261 m. = 5o2 kilom.) L'Egypte, patrie
des Pharaons, était nommée aussi Macédoine. Fostat
doit son nom au camp qui y fut dressé par Amr,
fils d'El-Assy. — Impôt de la Palestine, 5oo, 000 di-
nars ^ .
DISTRICTS DE L'EGYPTE.
Menf; Waçîm; Dalass; Bousîr; le Fayyoum;
Ahnas; El-Kaïs ; Taha ; Achmounîm; Osyouth;
Kehfa; Behnesa; ïkbmîm; Ed-Deïr (c'est le couvent
d'Abou Chanoudah); Abchayah; Ermount; Kyft;
El-Askir (Méraçid : El-Aksar); Esnè; Ramîl; Oswân;
Alexandrie; Rolzoum [Clisma, Suez) ; Thour; Eilah;
MaçîletMalidous; Kartassa; Kliarbita; Sabas; Sakha;
Nebdeh (Yak. Tydeh); Aiaf-, Loubya; El-Awsyeh;
Thowah; le Bas-Menouf; Ghantouf; le Haut-Me-
nouf; Atrîb; Aïn-Ghems; Karasla(?); Kaïinen(?); San
^ On a vu dans la note précédente que, d'aprtîs une évaluation
plus modérée , l'impôt de la Palestine n'atteignait pas niéme à 200,000
dinars. Mokaddessy, après avoir donné les chilTres de notre auteur
pour les villes de Kinnisrîn , Émèse, le Jourdain et la Palestine,
les rectifie ainsi qu'il suit, d'après ses informations j)articulières :
«Kinnisrîn et les places frontières, 36o,ooo dinars. — Jourdain,
700,000 dinars (le texte me paraît fautif). — Palestine, 269,000
dinars. — Damas, 400,000 dinars et une fraction, « | F" 1 26.)
l
LK LIVHE DE^ ROUTES ET DES PROVINCES. 45:^
etlblîl; El-Bokhoum; Moghîrah; Ahyâ et Dachnah;
El-Hauf occidental; El-Hauf oriental; Bohaïrali «le
lac» ou région basse ^; Bathn er-Rîf; Ghorounah;
Saïd; Tinnis; Dimyat; Farama; Dokhoula; Bothai-
rah; Nakyzah; Bosaïth; Matharyeh; Ternout; El-
Bahr(?); Bedaryeh: Bedakoun ; Cherak; Maryout;
Samryah (Yak. Wasioiah); Bernîl; Ansina; Chatai;
Debîk. L'étendue de l'Egypte en long, depuis
Gbedjretein ules deux arbres^, » et El-Arîch jusqu'à
Oswân «Syène, » et en large, depuis Barkah jusqu'à
Eïlah, est évaluée à un mois de voyage.
ROUTE D'EGYPTE AU MAGHREB, EN PARTANT DE POSTAT.
Dhat es-Sahil (Rod. Dhat es-Setasil), 2(1 ni. - —
Tarnout (Marbout, leçon erronée dans Makrizy) ,
22 m. — Rafikab (Rod. Rafyah), le long du Nil,
ili m. — Rarasla(Ed. Rarma) ,24 m. — Rerboun,
2Z1 m. — Alexandrie, 2 à m. — Nounyah (Rod.
Abou-Mounyah; Mok. Bayyoubab), 20 m. — Dhat
el-Houmam «séjour de la fièvre, « 18 m.^ — Djen-
' Selon Yakoiiby, ce district se compose de six villes, situées
sur la rive orientale du Nil. (Ibid. p. 126.)
^ On trouve souvent la variante Chedjreli «l'arbre.» Celte bour-
gade, située entre El-Arîch et Rafah , séparait la Syrie de l'Egypte.
( C f . Prairies , II , 295.)
•* De cette étape part l'embrancliemeut des deux routes condui-
sant à Barkah. (Cf. Bekry , Irad. par M. de Slaiie, Journ. asiat. 5* sé-
rie, XII, p. 48.) La distance jusqu'à cette station est, d'après notre
texte, de 180 milles = 36o kilom. Mais Kodama ajoute une étape
de 2lx milles, enlre Tarnout et Kaum-Cheryk , lieu dont il n'est pas
fait mention ici. D'après cela, la distance entre Alexandrie et Tem-
hrancliement de Dhal el-Houmam doit être 62 milles :;=: \2k kilom.
V. 3u
45/i MAI-JIIN 186 [).
net er-Roum ^ jardin des Grecs» (Bekry : Hanyat
er-Roum ((Tarcadc des Grecs »), 2/1 m. — Thahou-
nah ((la meule,» 3o m. — Renais el-Awsedj ((ci-
terne de la plante nommée rhamnus , » on n'y trouve
que de l'eau de pluie, 3o m. — Sikket el-Hammam
((relais du bain,» 3o m. — Kasr-Chemmas «châ-
teau du diacre , » 2 5 m. — Khirbet ei-Koum u ruine
de sable,» i5 m. — Rharab Abou Halyma(Bekry :
Kharaïb; Mok. et Ed. Haouanit n boutiques ») , 35 m.
— La citerne d'Abd Allah, 3o m. — Djanad es-
Saghîr, 3o m. — ... 35 m.^ — Ouady Makhîl,
35 m. — Citerne de Houlmân (variante : Holaï-
mân), 35 m. — El-Megbar (da caverne» (Ed. Me-
gliar er-Rakîm u des Sept dormants»), 35 m. —
Takenest (Ed. Yakîst), 2 5 m. — Nedamah, 26 m.
— Barkah 6 m.^ Cette ville, au milieu du sable
Dans Mokaddessy, on la trouve évaluée à 3 journées, plus deux
postes; mais le manuscrit présente quelques incertitudes dans ce
passage; il semble d'ailleurs que ce voyageur ait copié et réuni par
mégarde l'itinéraire d'Ibn-Khordadbeh et celui de Kodama,
* Le nom de la station est en blanc. Dans Edriçy on lit <_>c^
(jfcwtf «citerne du champ de course,» et dans Mokaddessy «->:^
NUij^f 0 citerne de la terreur. »
^ En ajoutant le nombre des stations indiquées par le contexte
au fragment de route évalué ci- dessus, jusqu'à Dhat el Hoamam, on
trouve entre le Caire et Barkah 65o milles z=z 1,000 kilom. Edriçy
compte 552 milles environ entre Alexandrie et Barkah, ce qui,
réuni aux xàk m. qui séparent Alexandrie de Fostat, donne 696 m.
Il importe de remarquer que notre texte décrit, à partir de Sikket
el'llammum , la route la plus courte à travers le désert; 1 autre che-
min mentionné par Kodama donne, à une légère différence près,
le total des stations d'Edriçy. Bekry, qui note avec une si scrupu-
leuse exactitude les moindres stations de cet itinéraire, oublie mal-
heureusement quelquefois de compter la distance qui les sépare.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. ^55
rougeàtre du désert, ressemble à une belle lleur de
lotus; un amphithéâtre de montagnes l'environne à
une distance de 6 milles.
ROUTE DE BARKAH À I/OCCIDENT.
Mabanah (Kod. Melitya; Mok. Meïseh) , i5 m.
— Kasr el-Açel a château du miel, » 29 m. (il faut
lire 1 g m. d'après les autres itinéraires). — Awirân
(Ed. Avrar;Kod. Awirab), 12 m. — Selouk, 3om.
— Barmest (Ed. Tourmest; Kod. Termeçeh), sur
la côte, s/im^ — Makyali, sur la côte, 20 m. —
Adjabyah, 2/1 m. — El-Djezîreh (Kod. Haï-Nowah),
20 m. — La Sabkkah « terrain salé » de Men-
housah , 3o m. — Kasr el-Atach « château de la soif, »
2 à m. — El-Yahoudyeh , sur le bord de la mer,
34 m. — Tombeau d'El-Ibady, 34 m. — Sarb (li-
sez Syrt « la grande Syrte )^ ) , 3 A m. — Karyeteïn « les
deux bourgs» (Kod. Karneïn), i3 m. — Château
de Haçan ben No'mân el-Ghassany^, compagnon de
^ De là parlent plusieurs embranchements jusqu'à Adjabyah; le
nôtre a 68 m. de parcours; celui dont parle Kodama (Sprenger,
ibid. p. 98) , 74 m. D'où il résuite que, d'après Ibn-Khordadbeli , la
distance entre Barkah et Adjabyah est de i44 m. d'après Kodama,
de i5o ni. Le calcul d'Edriçy donne 6 journées=: i52 m.
^ Ce général, investi du gouvernement de T Afrique septentrio-
nale par le khalife Abd el-Mélik, en 687 de J. C. fut défait près de
Cabès par une armée berbère. Obéissant aux ordres de son souve-
rain , il demeura dans le pays et y construisit deux forteresses aux-
quelles il donna son nom; Bekry dit en avoir vu les ruines. [Journ.
asiat. 5* série, XII, 433; Hist. des Berbères, III, 192 et suiv.) Le
même fait est raconté par Ibn-Haukal. (Voir l'extrait de son livre
publié par M. de Slane, Journ. asiat. mai î84 1 , p- ^^V-)
;k).
456 MAI-JUIN 1865.
Walid, fils d'Abd el-Mélik, 3o m. — Marsat'(Kod.
Mansaf), /lo m. — Tonrgha, 2/1 ni. — Ragoiiga,
2 A m. — Wardaçab, 8 m. — Un poëte a dit :
Il rencontra un jour El-Biraz qui conduisait son cheval ,
aussitôt il le jela sur Wardaçali.
El-Medjteby, 2rt m. — Ouady er-Reml «torrent
de sable,» 20 m. — Tripoli \ 2/1 m. — Sabrah ,
2/1 m. — Bîr (ou Beït) el-Hanaaialin, 20 m. —
Kasr er-Rizk (Kod. Er-Rouk), 3o m. — Naderkbat,
2/i ni.2. . .
Kaïrowân , ville située au centre du Maghreb
dont elle est la capitale, 2/1 m. — Distance entre
Bagdad et Misr (vieux Caire j Syo fars, ce qui équi-
vaut à 1,710 milles^.
ÉTATS DMBN-EL-AGULEB.
Kaïrowân; le cours supérieur du Nil, l'Abyssinie
et la Nubie. Les Nubiens ont acheté la paix des mu-
sulmans, au prix d'un tribut annuel de 600 esclaves*.
' La comparaison du paragraphe mutilé d'Edriçy avec le texte
ci-dessus donne entre Syrt et Tripoli 9.bà milles =: 3o8 kilom.
^ La fin de cette route est perdue; mais on peut la compléter
avec les relations de Yakouby, de Kodama et de Mokaddessy : Fawa-
rah, 3o m. — Kabès, 3o m, — Bîr-Zeïtounah , 18 m. — Ketanah,
2/1 m. — Lebès oa Kebès (dist. omise). — Kaïrowân, 2/i m. —
Ce qui fait, entre Tripoli et cette dernière ville, 200 m. (^oo ki-
lom.) ou un peu plus, si l'on tient compte de la lacune des textes.
^ A raison de 3 m. pour une parasange, soit 3,4 20 kilom. Il est
aisé de voir que ce paragraphe a été déplacé par les copistes et qu'il
devait se trouver primitivement à la suite de la route dont Fostat est
le terme.
* Maçoudy [ Prairies , fil, 39) relate les circonstances historiques
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 457
Sous les Pharaons, l'impôt foncier de i'Egypte s'é-
levait à 96 millions de dinars. Abd Allah, fils d'El-
Hidjab (lisez El-Haddjadj), le fixa, souslesOmeyades,
à 2,128,837 dinars.
Après l'avènement de la maison d'Abbas, Moiiça ,
fils d'Yça, fils d'Aly, taxa l'Egypte à 2,180,000 di-
nars. — Les autres possessions de l'Aghlebite sont
Kabès; Djeloula ;Subeïtyah (Sufietula), ville du roi
chrétien Djordjis (sans doute Grégoire, préfet de
l'empire), à 70 m. de Kaïrovvân; Zeraoud (?); Gha-
damès; Merdjanah; Kafsah; Kastylyah ; la ville du
Zab (TobnahP) ; Benzert; Chelehbân (Cheloubinah) ;
Waddân; le versant du mont Wa'rân (Ouigran?);
qui ont «donné naissance à cet impôt, qu'il nomme bakt ou iiakt. Le
nombre des esclaves livrés annuellement aux musulmans s'élevait,
dit-il, à 442. Ce passage a été reproduit par Et. Quatremère, darjs
son Mémoire sur la Nubie. Les renseignements que nous a laissés
Ibn-Khordadbeh sur les fluctuations de l'impôt en Egypte, outre
qu'ils ne sont pas à leur place naturelle , dénotent une rédaction
précipitée et confuse. Mokaddessy, après les avoir insérés dans son
livre, ajoute (fol. 142) : «J'ai lu dans le traité du Kharadj , par K.o-
dama, que le revenu métallique de l'Egypte était autrefois de
2,5oo,ooo dinars. Or j'ai trouvé dans l'ouvrage d'Ihn-el-Fakih des
cliilTres bien diflérents , ainsi qu'un historique détaille du revenu de
l'Egypte sous les Pharaons, sousHaddjadj et la dynastie abbasside. »
Mokaddessy critique la justesse du mot kharadj, employé en cet
endroit, et rapporte à ce propos une conversation curieuse qu'il eut
avec un Egyptien établi à Boukhara. De ce morceau, que je regrette
de ne pouvoir traduire ici, il résulte que : «Dès le n* siècle de l'hé-
gire, le système de l'impôt en numéraire était tombé en désuétude;
que le fellah payait une redevance en nature pour la terre dont il
était usufruitier; que cette redevance reposait sur le rendement an-
nuel de la terre, ou, pour parler plus exactement, de la crue plus ou
moins favorable du Nil . etc.»
458 MAI-JUIN 1865.
Tunis, à deux journées de caravane de l'Ifrikyah.
Tunis se nommait autrefois Karthadjina (du latin
Carthacjini). Elle était située sur le bord de la mer,
et entourée d'un mur de 2 i,ooo-coudées de circuit
(dans Bekry, 2/1,000). Tunis est séparée de l'Esr
pagne par la mer Blanche, qui a, en cet endroit,
7 fars, de large [sic). De là on va à Gordoue en six
journées.
ÉTATS DU ROUSTEMIDE MEÏMOLN , FILS D'ABD EL-WEHHAB ,
FILS D'ABD ER-RAUMAN, FILS DE ROUSTEM EL-IBADy^
Ce prince est d'origine persane, et on le salue du
nom de khalife. Ses États sont : Herzeh; Chelîf;
Melyanah; Tahert et ses dépendances; cette ville
est à un mois de voyage de l'Ifrikyah, par caravane;
enfin le territoire de Sebtah où régnait Julien,
jusque dans le voisinage d'El-Khadrâ.
. . . Jusqu'à Ouady er-Remel; Ouady ez-Zeïtoun;
le château d'Aswed, fils d'El-Heïthem , jusqu'à Tri-
poli; tout le territoire situé en deçà, jusqu'à la mer
qui baigne l'Espagne.
' Les bornes de mon travail ne permettent pas de rappeler les évé-
nements historiques qui morcelèrent l'Afrique septentrionale en plu-
sieurs petites principautés indépendantes; ils sont d'ailleurs connus
des lecteurs de ce recueil , par les fragments de Bekry et d'Ibn-Hau-
kal , dont M. de Slane a donné la traduction. J'indiquerai donc sim-
plement les passages qui peuvent éclaircir les données si confuses
du Livre des routes.
^ Le texte ajoute un mol méconnaissable, peut-être Djelyanah.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 450
ÉTATS DE L'HÉRÉTIQUE ES-SOFRy\
Marghah, grande ville très-peuplée . . . Mine d'ar-
gent sur les frontières méridionales de l'Abyssinie ;
une autre ville nommée Din.
Ibrahim, fds deMohammet le Mo'tazely, possède
une ville nommée Er-Rezah, dans le voisinage de
Tahert.
ÉTATS DE LA DYNASTIE D'IDRIS , FILS DMDRIS , FU^S D'ABD ALLAH ,
FILS D'EL-HAÇAN (lisez HUÇEÏn) LE THALÉBITE.
Tlemsen, à 26 journées de marche- de Tahert,
sur un territoire partout cultivé; Tanger; Fez, rési-
dence du souverain , à 2 /ijournéesdeTahert. Derrière
Tanger vient le Sous el-Adna (inférieur), à 2,000 m.
de Kaïrowân; derrière le Sous el-Adna, le Sous el-
Akça (supérieur). Ces deux provinces sont à plus de
20 journées l'une de fautre. — Au même souverain
idriçite appartiennent aussi Walila (en berbère, Ou-
lîli); Medaka; Zeloula; Rakoun ^, Heudjrah (Ibn
' On peut consulter, sur la secte des Sofriles et des Waçililes, le
Journ. asiat. 5' série, XIII, p. 116. Maigre les déplorables mutila-
tions du texte, il n'est pas impossible de démêler à quelle contrée
de l'Afrique l'auteur fait allusion. Selon moi, c'est le pays de Ta-
medelt, sur la route d'Aghmat au Sous. D'après le témoignage de
Bekry, il y a, à une faible distance deMerghad, une mine d'argent
d'un ricbe produit. La ville nommée plus loin Din répondrait, en ce
cas, à Derâ, bourg situé à l'orient de Tamedelt. {Journ. asiat. ibid.
p. 483.)
2 il n'y a pas plus de 5 à 6 journées de voyage entre ces deux
villes. Presque toutes les distances indiquées dans les paragrapbes
suivants sont calculées avec la même exagération.
•^ Peul-être Zerboun m^^n'^, sur les ruines de l'ancienne Onlîli
àdi) MAI-JUIN 1865.
Haukal ajoute cn-Ners «le nid de l'aigle»); Ël-Ho-
djeïrah; El-Hadjir; Madjeradjera; Figoiin (Ifghan);
El-Rhadhra\ sur le bord de la mer qui, en eet en-
droit, n'a que 6 fars, de large; (le mont) Auras; le
pays contigu au royaume du Dayi, fils du Dayi-, et
le pays des nègres qui vont nus, lequel s'étend
jusqu'au rivage de la mer.
^ [On a reconnu que le pays habité par les Abys-
sins et les Noirs a une étendue de sept années de
marche. L'Egypte ne forme que la soixantième par-
tie de la terrre. D'après l'opinion la plus répandue,
la terre n'a pas moins de 5oo années de marche,
dont un tiers est cultivé, habité et peuplé, un tiers
occupé par de vastes solitudes, et le dernier tiers
envahi par les eaux de la mer.] Le roi de la famille
des Idriçites ne reçoit pas le surnom de khalife; on
le salue du titre de^ls de l'apôtre de Dieu.
ÉTATS DE L'OMEYADE ISSU IVABD ER-RAIIMAN, FILS DE MOA-
WYAH, FILS DE HICHAM, FILS D'ABD EL-MELIK , FILS DE
MERWÂN.
Le pays d'El-Andaious\ situé de l'autre côté de
' La position de Khadhra me paraît répondre au petit château
s^suo-lî s*aiiiî dont il est fait mention dans la Table géographique àv
l'Histoire des Berbères,
^ Ou, en d'antres termes, le missionnaire des Fatimitrs. (Voir
Journ, asiat. 3' série, XIII, p. 2A9.)
^ Tout le passage compris entre crochets est interpolé.
* M. Reinaud [Géographie d'Abon'lfcda, trad. française, p. 234) a
déjà signalé l'emploi vague et arbitraire que les écrivains arabes du
moyen âge font du mol Aiidalnu.s , dont l'acreption vulgaire es! I'FjS-
pagne musuinvmc.
I.E LIVRE DES ROUTES ET DES PROV[NCES. 461
la Méditerranée. Gordoue est à 5 journées de la mer.
Depuis le littoral de la province de Gordoue jus-
qu'à Narbonne, ville frontière entre l'Espagne et le
pays des Francs, il y a une étendue de 1,000 m.
Tolède, où réside le roi, est à 20 (sic) journées de
Gordoue. L'Espagne renferme quarante^ villes,
comme Marida , Saragosse, Larida, Djarbada (Gi-
ronne) et El-Beïdhâ. Ge royaume est limitrophe de
la Frar>ce, et au delà s'étendent les contrées habitées
par des peuples polythéistes. La dimension de l'Es-
pagne , en long et en large , est d'un mois"^ de marche
à travers une contrée riche, fertile et abondante en
fruits. Les montagnes qui la bornent au nord , sur la
frontièredes Romains et des Francs(empire deGhar-
lemagne), sont couvertes de neiges. De la dernière de
ces montagnes on voit sans cesse jaillir des flammes,
au milieu d'une pluie de pierres et de sable ^. — A
l'époque delà conquête musulmane, l'Espagne avait
pour roi Lodarik (Rodrigue) originaire d'Ispahân.
En effet c'est de la ville d'Ispahân que les habitants
de Gordoue dérivent leur nom Espâa'^. Le prince
' Mokaddessy, en citant ce passage in extenso, fait remarquer
qu'il y est seulement question des villes les plus importantes.
(Fol. j46.)
^ Ou deux mois, d'après la leçon conservée dans les Prairies
d'or. Ibn-Yça, écrivain espagnol , ayant reproduit ce passage de Ma-
çoudy, Makkary en démontre l'exagération et cherche à prouver
qu'il faut réduire la distance à un mois et demi, (Ed. de Boulac, I,
p. 65.)
^ La description fantastique de ce volcan se trouve dans \ Alhar
el-Bilad, p. oSg.
^ Maçoudy, qui emprunte ces dernières lignes à notre auteur,
462 MAI-JUIN 1865.
omeyade qui règne actuellement en Espagne est sa-
lué du titre de fils des khalifes, et non pas du titre
même de khalife, qui n'appartient qu'au souverain
des deux villes saintes.
TRIBUS BERBÈRES '.
Les Howarah; les Zenatab ; les Dharyssah; les
Maghîlah; les Ouarfaddjoumah , branche des Naf-
zah; les Oulîtah; les Matmatah; les Sanhadjah; les
Waharah ; les Ketamah ; les Louatali ; les Mezatab ; les
Mediounah; lesMasmoudah; les Gomarah; les Kal-
mah (Guelma); les Warkab (Ouergha); les Asab ;
les Béni Sokbour; les Arkinab (Auga, tribu zéna-
tienne); les Béni Remlân; les Béni Masdouren; les
Béni Ouandjen; les Béni Manbousab (Mettousa). —
Les Berbères , domiciliés d'abord en Palestine , obéis-
saient au roi Djalout. Lorsque ce roi fut tué par
David , ils émigrèrent vers l'occident, et, arrivés dans
ajoute qu'on considère les Eclibân comme un peuple issu de Japhet
et dont il ne reste aucun vestige. Mais il fait remarquer, en même
temps, que l'opinion la plus accréditée en Espagne rattachait Ro-
drigue à la race des Galiciens, peuple d'origine franque. Toutes les
conjectures des musulmans sur l'origine des Espagnols sont recueil-
lies sans ordre par Makkary. (Ed. de Boulac, 1 , p. 70.) D'après l'au-
teur des Prairies d'or, d'accord en cela avec le témoignage des
numismates, les Omeyades d'Espagne recevaient le titre d'emir el-
moumindi «prince des croyants.»
' Ce paragraphe, qui fourmille de noms étrangers, nous est par.
venu dans un état méconnaissable. En le comparant à la non)encla-
ture donnée, dans le même ordre, par Maçoudy (III, aii), j'avais
réussi à restituer le nom de quelques tribus; mais c'est surtout aux
conseils de M. de iJlane que je suis redevable d'une restauration
aussi complète rpie possible.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 463
le pays de Loubyali et de Maiakyah, ils se dissémi-
nèrent. Les tribus Zenatah, Maghîlah etDharyssah
établirent leur résidence dans les montagnes. Les
Louatah s'arrêtèrent à Barkah, ville nommée par
les Grecs Antaholous , 'nszwamokiç , ce qui signifie « les
cinq villes. » Les Hovvarah vinrent habiter Eyas^ ou
Tarobolous, c'est-à-dire en grec «les trois villes. A
la suite de cette invasion, les Grecs se réfugièrent
en Sicile, qui est une île de la Méditerranée. Les
Berbères se répandirent jusqu'à Sous el-Adna, der-
rière Tanger, à 2,o5o m. de la ville nommée Kam-
mounyah^, dans le Kaïrowân. Alors les Grecs et les
Francs revinrent dans leurs anciennes possessions,
après avoir conclu la paix avec les Berbères. Ceux-
ci, dédaignant le séjour des villes, se fixèrent dans
les montagnes et au milieu des plaines sablonneuses.
La discorde décbira les colonies grecques jusqu'à
l'époque de finvasion musulmane (suit une
ligne illisible).
On exporte par la mer du Maghreb des eunuques
tirés du pays des Slaves^ et du Soudan; de jeunes
' Ce mot transcrit assez exactement le grec ÈoSas, premier nom
de Tripoli. {Journ. asiat. j858, p. 429.)
^ Un canton du même nom est cité par Bekry, sur la roule d'Oran
à Kaïrowân, dans le voisinage de la petite ville de Kafsah. Maçoudy,
en copiant tout ce paragraphe sur les émigrations berbères (III,
242), écrit Kabouçah. Il oublie aussi de mentionner l'établisse-
ment de la tribu des Loualab à Barkah. Dans Ibn-Haukal, le nom
de cette même localité est écrit Kamoudah. [Journ. asiat. i842,
p. 244.)
' C'est par erreur que nous avons imprimé ^ oyJjLoJ f ; les
deux copies portent lisiblement ^y^'i^l; et dans le fragment
464 MAI-JUJN 1865.
esclaves chrétiens; des filles espagnoles; des peaux
de buffles et des laines; des parfums, entre autres
le storax benjoin, et parmi les résines, le mastic. On
tire du fond de cette mer, dans le voisinage du pays
des Francs, le sehed^, substance connue ordinaire-
ment sous le nom de merdjân «corail. »
La mer qui s'étend au delà du pays des Slaves
jusqu'à la ville de Boalyah n'est fréquentée par au-
cun navire ni bâtiment de commerce, et Von n'en
tire aucun produit. Pareillement, l'Océan occidental,
où se trouvent les îles Fortunées, n'est pas exploré
par les marins et ne fournit au commerce aucun
objet de consommation.
ITINÉRAIRE DE BAGDAD À RAKKAII , PAR MOÇOIJL.
De Bagdad à El-Baradân, Ix fars. — Okbera,
5 fars. — Badjoumaïra, 3 fars. — Kadiçyeh, y fars.
— Sorra-men-râ , 3 fars. — Kerkh, 2 fars. — Hai-
lita (Mustaufy : Hafyân), 9 fars. — Souk-Kadiçyeh
« le marché de Kadiçyeh » (Kod. Soudfanyeh) , 5 fars.
— Narema (Kod. Barema), 5 fars. — Sinn et la
rivière du Zab, 5 fars. — El-Hadythah, 12 fars. —
Beni-Taïbân (Ed. Tamyàn), y fars. — Moçoul,
7 fars. ^
tl'Ibn-Haukal cité ci-dessus , il est parlé aussi des eunuques escla-
vons. (Cf. Invasion des Sarrasins, etc. par M. Reinaud, p. 2 36.)
* Ou zehed marin, selon l'orthographe de Kazwîny, qui donne
une longue description de la pêche du corail sur les côtes d'Afrique,
{a.Adjaïb,ix 238.)
* Distance de Bagdad à Moçoul, 74 fars, ou Mili kiloni. Ccltr
route est une de celles que Muslaufy a empruntées à l'auteur.
LK LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. ^i65
Villes de la province de Moçoul : Tikrit; en l'ace
est Taubeb, ville du prophète Khidr^; Tizer; Ti-
rhân; Essinn ; El-Houlyeh ; Merdj-Djohaïneh ; Ni-
nive, ville du prophète Jonas; Badjila; Marhada ;
Baadra ; Houbtoun ; Maïkaîa ; Hazzah ; Yanaas (P) ;
El-Maallah ; Ramîn ; El-Hannanah ; Mahawa ; Maalya ;
Tell-Sabour (Maçondy : « tombeau de Sabour )>) ; Da-
kouka ; Khanidjar. — Impôt foncier de cette pro-
vince, l\ millions de dirhems.
(suite de L'ITINÉRAIRE.)
De Moçoul à Beled, 7 fars. — Baaïnatha, 6 fars.
(Kod. 7 fars.) — Barkaïd, 6 fars. — Adhramah,
6 fars. — Tell-Feraçah, 5 fars. (Kod. 3 fars.) — Ni-
çibîn, cbef-lieu du Diar-Rebyab, k fars.^ — Pro-
vinces du Diar-Rebyab : Niçibîn-, Erzen; Raçaïn ;
Myafarikîn ; Mardîn; Baaïnatba ; Beled; Sindjar;
Kyrda^; Bazibda ; Thour; Abdyn. — Impôt fon-
cier, 7,700,000 dirbems.
De Niçibîn à Dara , 5 fars.^ — Refer-Toutha , 7 fars.
— Raçaïn, 7 fars. — Djaroud, 5 fars. — La forte-
* On lit dans le Méraçid : « La colline du repentir, tauheh, est un
surnona donné à Ninive, » Ibn-Djobeïr la place à 2 milles de Mo-
çoul, sur la rive gauche du Tigre, «C'est là, dit ce voyageur, que
Jonas prêcha et convertit les infidèles; telle est l'origine de son
nom» (p. 237).
'^ En tout, 2o4 kilom. Mais, d'après Mokaddessy, il y aurait 6 jour-
nées de marche entre les deux villes; ce qui , à raison de 6 fars. 1/7,
donnerait un supplément de route d'environ 22 kilom.
^ Un fragment de vers cité par Maçoudy ( I , p- 227 ) prouve qu'il
faut lire Bakjrda. Ces deux villes ou bourgades étaient situées près
du confluent du Khabour et du Tigre.
466 MAI-JUIN 1805.
resse de Masamah, 6 fars. — Badjrewân, 7 fars. —
Rakkah, 3 fars. ^
Embranchement de droite, conduisant de Niçi-
bîn à Erzen : Dara, 5 fars. — Kefer-Toutha , 7 fars.
— Château des Béni Zinaa'^, 6 fars. — Amid, sur
le Tigre, 7 fars. — Myafarikîn, 5 fars. — Erzen,
7 fars. (Total, 222 kilom.)
Embranchement de gauche d'Amid à Rakkah ^ :
Chimchat, 7 fars. — Tell-Hazm (Mok. Tell-Khoum),
5 fars. — Djernân, 6 fars. — Bam'adah, 5 fars. —
Djoullab, 7 fars. — Koha (Edesse), [\ fars. — Har-
rân, Ix fars. — Badjra(?), k fars. — Badjrewân,
7 fars. — Rakkah, 3 fars. (Total, 3i2 kilom.)
ROUTE DE GAUCHE ALLANT DE BELED À SINDJAR ET KARKIÇYA.
Tell-Afar u colline cendrée, »> 5 fars. — Sindjar,
7 fars. — Aïn el-Djebal « la source des montagnes, »
5 fars. — Sokaïr c la petite digue » d'el-Abbas , 9 fars.
— EhGhadîr, 5 fars. — Masekîn, 6 fars. — Kar-
kiçya , 7 fars. '^ — Toutes ces stations sont sur les
bords du Khabour et de l'Euphrate.
' Les distances additionnées donnent ko fars, ce qui met Bag-
dad à i48 fars. = 888 kilom. de Rakkah. ((]f. Sprenger, carte
n° i5.) Le calcul d'Edriçy donne un résultat un peu plus fort:
2 5 journées =: 9 2 4 kilom.
^ Kodama : château des Béni Baldaa' ; Edriçy écrit Ihn-Bari et
ajoute une station qu'il désigne sous la forme Tell-Yaraa.
^ Dans le texte, p. 82, ligne dernitVe, il faut lire iijà s (J,\ au
lieu de 'i3s ^•
* Total du parcours, àli fars. = 264 kilom. Edriçy place Circe-
sium à 4 journées de Rakkah , par un chemin direct.
I
LE LIVRE DE6 ROUTES ET DES PROVINCES. /i67
ROUTE DE RAKKAH AUX VILLES FRONTIERES.
A savoir : Salaous; Keïçoum; forteresse de Man-
sour ; Malatliyab ; Zibetrah ; El-Hadeth; Mar'ach;
Kamakh. — - De Rakkah à Aïn er-Roumyeli « source
de la Grecque,)) 6 fars. — Tell-Abda^ 7 fars. —
Saroudj, 7 fars. — El-Medîneh (Kod. Merîneh),
6 fars. — Somaïsat, 7 fars. — Forteresse de Man-
sour, 6 fars. — Malatbyab , 1 o fars. — Zibetra (So-
zopetra), 5 fars. — El-Hadetb, Ix fars. — Mar'ach,
5 fars. — Kamakh, à Ix fars, de Malatbyab. — El-
Omk, près de Mar'acb. On appelle omk une vallée
profonde encaissée dans de bautes montagnes.
De Aïn et-Tamr « source du palmier » à Bosra :
on passe par El-Abdabyab, — El-Djisr « pont de ba-
teaux, )) — El-HoJaït, — Sera, — El-Odjaïfar «le
petit puits,)) et on arrive à Bosra.
ROUTE DE LA MESOPOTAMIE AU LITTORAL (dE LA MEDITERRANEE).
Stations depuis Rakkab : Douser; Rasten (Are-
tbusa); Pont de Menbedj ; Alep; El-Erbab; Haïr;
Antakyeb; Ladikyeb; Djebelleh; Tripoli; Beïrout;
Saïda; Sour; El-Kades (dans le voisinage du Car-
mel); Kaïçaryeb ; Arsouf (Apollonia); Yafa; Aska-
loun ; Gazzab.
^ Ou Tell-Ahdah i$<>AC, d'après l'auteur du Méraçid et Ibn-Djo-
beïr. Celui-ci ajoute : «Cette colline, qui a la forme d'une table, est
couronnée d'un édifice en ruine. »
468, MAI-JUIN 1865.
De Hakkah à Damas, par Roçafali ' : Roçatah ,
'ik m. — Zeraat (Kod. Mok. Deraat), ko m. —
Kastal, 36 m. — Salamyah, 3o m. — Hims(Emèse),
2/4 m. — Semkîn (Kod. Mok. Chemsin), 18 m. —
Karah, 22 m. ■ — Nebok, 12 m. — Kotayah, 20 m.
— Damas, 2/1 m. ^
Postes entre Hims et Damas, en passant par Baal-
bek : d'Emèse à Hawseh, Ix relais. — Baalbek, 6 re-
lais. — Damas, 9 relais^.
Route de Roufah à Damas (par le désert) : on va
d'El-Hîrah à Kotkotanah , puis à Abyad; — Djoussa
— Djema' ; — Kbouta; — Mihneh ; — El-Oulvva
— Dawary ; — Saïdah; — Bokayiah; — El-Anak
— Adri'at; — Damas.
^ On nomme ainsi une chaussée en pierres plates et bien ci-
mentées, au-dessus d'un terrain accidentellement inondé; plusieurs
villes portaient ce nom. Celle dont il est question ici fut construite
par le khalife Hicham, Gis d'Abd el-Mélik , qui en fit sa résidence,
alors que la peste ravageait la Syrie,
2 Une partie de cette route a été suivie par Ibn-Djobeïr, dans son
voyage d'Emèse à Damas. Parmi les particularités que signale sa
relation, on lit que «le village de Karah est entièrement habité par
des chrétiens de Saint-Jean, et qu'on n'y trouverait pas un seul mu-
sulman» (p. 266). Le total des stations réunies donne aSo milles.
Nebek est cité pour la beauté de ses sources. (Cf. Kremer, Ausjluge
nach Palmyrat p. 2 4.) La station suivante, nommée dans le texte
Kolaya,\eqon qui est répétée par Kodama , répond, je crois, au vil-
lage de Koçaïr, dans Ibn-Djobeïr.
^ En estimant le relais de poste , en Syrie , à i 2 milles , comme le
veutMokaddessy,la distance complète serait 228 milles = 456 kilom.
chiffre évidemment exagéré. Il résulte, en elfot, des relations mo-
dernes les plus exactes, que le trajet de Damas à Baalbek n'exige
pas plus de dix-huit heures, ni celui de Baalbek à Émèse plus de
vinst heures.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES, hm
POSTES ENTRE ALEP ET LES VILLES FRONTIÈRES.
D'Alep à Kinnisrîn, 7 relais (Kod. 9). — An-
tioche, Il relais. — Iskenderyeh (il faut lire Isken-
deroun, Alexandrette), Ix relais. — Maçyça, ville
sur les bords du Djeïhân (Djeban-Tchaï, Pyramos) ,
7 relais. — Adanab , sur le Seibân (Seïkboun-Tcbaï,
Saras), 3 relais. — Tarsous, 5 relais. — Les places
fortes^ sur les frontières de Syrie sont : Aïn-Zerbah;
Harounyeh ; Reniçet es-Souda a église de la (Vierge)
noire; » Tell-Djobeïr; Derb es-selamah acbemin du
salut. ))
ROUTE (de tarsous) AU CANAL DE CONSTANTINOPLE.
El Olaïk, I a m. — Zobour (distance omise. Cf
Edriçy, II, 3o8). — Djauzat, 12 m. — Kbarbout,
y m. — Bedendoun (ancien Podandus), 7 m. —
Ma'sker el-Mélik «le cannp du roi,» 10 m. — On
passe devant Loulouah et Safsaf, si l'on veut tra-
verser le Derb [Pylœ CUiciœ). — De Ma'sker à
Ouady-Tarfa, 12 m. — Mina, 20 m. — Rivière
d'Héraclée (cf. Abou'1-féda, p. 01), 12 m. — Sel-
mîn, 1 6 m. — Sources de Bargoutâ ,12m. — Ri-
vière d'El-Absa, 18 m. — Rebedh «faubourg» do
Naumab (Ed. Kounyab), 1 3 nn. — El-Alémeïn (Ed.
' Sur les boulevards de ia Syrie, que uos doux copies nomment
à {.oTiawadil, au lieu de awaçim, voyez Abou'I-féda , texte, p. 2 35. Aïn-
Zerba est l'antique Anararba. Tell-Djobeïr, d'après le Méraçidj est
à 10 milles seulement de Tarsous. La ville de Harounyeh doit son
nom au khalife Haroun er-Réchîd. (Cf. Edriçy, îl , i /i i .)
470 MAI-JUIN 1«65.
Meldjis), i5n). — Encloiimyanah , 20 m. — Ouadv
el-Hout (( rivière du poisson , « i 2 m. — Amouryah,
1 1 m. [Mais il y a une autre route partant d'El-Alé-
meïn. — De là aux villages de Nasr-le-Crétois,
1 5 m. — La pointe du lac de Masiloun , 1 o m. —
Sedd ((la digue,» 10 m. — Forteresse de Seyya-
rah, 18 m. — Saala, 25 m. — Akyb-Amouryah
«chaussée d'Amoriurn, » 3o m. — Villages des Be-
nou'l-Hareth , 1 5 m. — Saïry ^ est un autre nom de
la ville d'Amouryah.] De là à F'endj , 12 m. — Le
khalife Mo'taçem-Billah fonda la ville d'Angora et
fit la conquête d'Amouryah. — On passe ensuite par
Kalamy el-Ghabeh (( les roseaux des jungles , » 1 5 m.
— Hisn el-Yahoud a forteresse du Juif, » 1 2 m. —
Sendabery (Santabaris, aujourd'hui nommée Seià el-
Ghazy), 1 5 m. — Merdj «la prairie, n i3o m. —
Forteresse de Gharouboly, 1 5 m. — Renais el-Mé-
lik H églises du roi, » 3 m. — Teloui «les collines, »
20 m. — El-Akwar, 1 5 m. — Meladjina (Aïn-
Gueul), i5 m. — Ecuries du roi, 5 m. — Hisn el-
Koubara (Ed. El-Abra), 3o m. — Le canal de Cons-
tantino'ple , 2 4 ni. — Nikyeh est en face d'El-Koubara ,
et à 3o m. de Constantinople. C'est un lieu de transit
pour les colis de marchandises^ à destination de cette
capitale.
^ Peut-être faut-il lire Saghiry, du nom de la rivière Sangaris, qui
passe à l'occident d'Amoriuni. Ici se termine l'embranchement dont
parlent l'auteur et Kodama. Les stations suivantes sont communes
aux deux routes.
^ Au lieu de cette leçon, on trouve, dans la traduction de Jau-
bert, «légumes;» on voit qu'il a lu abhal: la fertilité des environs de
LE LIVRE DES ROUTES E'J DES PROVL^CES. 471
Autre route partant de Bedendoun : Keroum « les
vignes;» -^ El-Ba'ryeh; — El-Kenaïs, h droite de
Kaukeb (Ed. Tfiouleb) ; — Zendeh ; — Belysah ; —
Merdj el-Askaf a la prairie de i'évêque ; » — Felou-
gary ; — Karyet ei-Asnam « bourg des idoles -, » — ^
Ouady er-Rîh « vallon du vent ; )> — Sabbah ; — Aï-
nawab ; — Medjassah ; — Karyet el-Djouz a le bourg
aux noix ; » — Rostaçyn ; — Karyet el-Bathrik « bourg
du patrice ; » — Merdj-Bamoulyah ; — Ednos. —
Là commence une route qui aboutit à Deroulyah;
une autre route, tournant à droite, passe par la for-
teresse de Beloumîn, et finit au canal de Constanti-
nople.
Ce canal est formé par la mer Nitas (Pont-
Euxin), qui dérive de la mer des Khozars^ La lar-
geur de son embouchure, en cet endroit, est de
6 milles. Il se dirige, sous l'impulsion d'un fort cou-
rant, jusqu'à Constantinople, à 60 milles de ses
bouches; parvenu à l'endroit nommé Abydos^, il
passe entre deux montagnes, et se rétrécit telle-
ment que ses deux rives ne sont qu'à une portée
de flèche l'une de l'autre. Abydos est à 100 milles
Nicée, au moyen âge, peut justifier cette variante. La distance entre
Nicée et Constantinople, telle qu'elle est présentée ici, est une er-
reur évidente.
' Ibn-Khordadbeh partageait, d'après cela, l'opinion, générale-
ment accréditée à cette époque, d'une prétendue communication
entre la mer Caspienne et la mer Noire. [Prairies d'or, I, 278. In-
troduction à la Géographie d'Ahou'lféda, p. ccxcv.)
^ L'auteur du Takwîm el-Boiilddn et d'autres géographes comptent
70 milles, exagérant ainsi la longueur du Bosphore d'au moins
I 6 milles. L'étendue réelle de ce canal est de 27 kilom.
3i.
472 MAI-JUIN 1865.
de Gonstantinople, par une route unie. C'est ià que
se trouve la source à laquelle Maslamah, fils d'Abc!
el-Mélik, laissa son nom \ à l'époque où il assiégeait
Gonstantinople. Le canal se prolonge jusqu'à la mer
de Syrie; et h son embouchure dans cette mer, ses
rives sontéloignées seulement d'une portée de flèche;
deux hommes peuvent communiquer avec la voix,
d'un bord à l'autre, le canal n'ayant alors que
/i milles de largeur. En cet endroit est bâtie, sur
un rocher, une tour à laquelle est attachée la chaîne
qui ferme l'entrée du canal aux navires musulmans.
La longueur entière du détroit, depuis la mer des
Khozars^, jusqu'à la mer de Syrie, est de 820 milles.
Il est sillonné par les bâtiments qui descendent des
îles de la mer des Rhozars ou des parages voisins,
et par ceux qui, de la mer de Syrie, remontent vers
Gonstantinople. La largeur du canal, près de cette
ville, est de l\ milles.
Les autres pays du Roum, à TOccident, sont, en
premier lieu, Rome et la Sicile, qui est une île.
Rome, Tancienne capitale de cet empire, tut la ré-
sidence de vingt-neuf rois ; deux autres rois habi-
' Dans le tome II des Prairies d'or, où se trouve le même ren-
seignement, il faut substituer Ahjdos à la leçon Andalous que don-
nent les copies. Ce Heu est mentionné avec son nom correctement
écrit dans la Géoyraphie d'AbouM-féda , et l'expédition de Maslamah ,
dans les Annales musulmanes du même auteur (I, 434).
* Ce nom avait été donné h la mer Noire, à cause du séjour de
la tribu larlare des Khozars dans la presqu'île de Crimée, ou Kko-
zarie. Maçoudy évalue à 35o milles la longueur du déiroit, des
bouches de la mer Noire aux Dardanelles.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 473
tèrent Amouiyah , qui est située à 60 milles de Cons-
tantinople, sur la rive asiatique du canal. Constantin
le Grand, après avoir tenu d'abord sa cour à Rome,
se transporta à Byzance, qu'il fortifia et nomma
Constantinyeh. Depuis cette époque, elle est restée
la capitale du Roum.
On dit que le canal baigne cette ville de deux
côtés, à l'orient et au nord ^ ; les deux autres côtés,
ceux du coucbant et du midi, tiennent au continent.
Le mur d'enceinte le plus élevé a 2 1 coudées, et le
plus bas, qui donne sur la mer, 5 coudées de haut
{Maçoudy, 10 coudées). Entre ce mur et la mer, il
y a un espace de 5 Sur la face méridio-
nale du mur, du côté de la terre ferme ., s'ouvrent
plusieurs portes, entre autres la porte Dorée, dont
les battants sont en fer incrusté d'or. Constantinople
possède environ cent portes.
On dit que les patrices et leur suite résident au-
près du souverain dans Constantinople. La cavalerie
se compose de quatre mille hommes et l'infanterie
de 2
^ Il faut lire chimal au lieu de châm, comme dans Maçoudy, II,
319. Cet auteur a su éviter l'erreur commise par Ibn-Khordadbeh ,
qui joint le côté méridional de la ville au continent. Je profite de ce
rapprochement pour corriger une faute d'impression qui s'est glissée
dans ce même passage de notre édition. Ligne 1 5 : « mais c'est au
sud que la mer a le plus d'élévation.» Au lieu de la mer, lisez le
mur. La porte Dorée, dont il est question quelques lignes plus loin,
se voit encore derrière les sept tours, à la pointe sud-ouest du mur
d'enceinte. (Cf. Edriçy, II, 298.^
^ Le texte ajoute arbaa' « quatre » suivi d'une lacune. Les données
des Iiistoriens byzantins sur la garde urbaine sont trop vagues pour
474 MAI-JUIN 1865.
Au rapport de Mousiim, surnommé El-Haramy,
l'empire byzantin se divise en quatorze provinces
administrées par les délégués du roi. Trois de ces
provinces sont situées de l'autre côté de la mer ^
1° Thalaka (Thrace), province qui renferme
Gonstantinople ''^. Ses limites sont, à l'orient, la
partie du canal formée par la mer de Syrie, jus-
qu'à la muraille (sic)-^ à l'occident, tout ce qui est
compris entre la mer des Khozars et la mer de Sy-
rie. Son étendue en long est de quatre journées de
marche.
2° (La province qui commence à deux jour-
nées de Constantinople), bornée, au midi, par la
mer de Syrie. Elle est nommée Torakya^ ; ses bornes
qu'il me soit possible de rétablir ce fragment. On entrevoit cepen-
dant, dans ce que dit l'auteur, une allusion au magister equitum et
au magister peditam, dont la création est attribuée à Constantin.
(Voyez Schœll, Histoire de la littérature romaine, III, 368.)
* Ce paragrapbe sur la division administrative et les limites des
provinces grecques est rempli de lacunes, de mots intervertis et illi-
sibles. Quelques-uns se retrouvent, il est vrai, dans Edriçy (II,
299) ; mais ils y sont aussi défigurés et classés dans un ordre diffé-
rent. J'ignore où Ibn-Kbordadbeh a trouvé sa division en 1 4 pro-
vinces, au lieu de la classiGcation bien connue en 32 thèmes, dont
i5 en Europe et 1 7 en Asie. Il nous reste , à cet égard, un important
témoignage , c'est le Hep} tcov 0efzaT&)j; de Constantin Porphyrogé-
nète. Quelques passages de ce livre, dont je dois la communication
à l'obligeance de M. Brunet de Presle, m'ont paru se rapporter aux
indications si incomplètes de mon géographe; je les indique en
note , sans discuter les questions intéressantes que ces rapproche-
ments pourraient soulever.
^ Premier thème de Conslanlin : to Séfia tyIs BpcfJtVS. (Edition
Bekker, Bonn, i84o,p.4/J.)
^ C'est ainsi que je propose de lire le groupe «v^S (J)^; ^« suit*'
LE LÏVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 475
sont la muraille à Test, la Macédoine au sud, le
pays des Bordjân à l'ouest, la mer des Khozars au
nord. Elle a quinze journées de marche en long,
sur trois journées en large.
3° La Macédoine. Ses limites sont, à l'est, la mu-
raille; au sud, la mer de Syrie; à l'ouest, le pays
des Slaves; au nord, celui des Bordjân lar-
geur, 5 journées de marche de la mer 3 for-
teresses à 1 1 m. du canal.
k" Afladjounyah ( Paphlagonie), qui renferaie
cinq forteresses ^
5° Antamathy , nom qui signifie « l'oreille et
l'œil;)) cette province renferme trois forteresses^.
6° Elasik (Ed. Opsikion), dont la ville principale
est Nikyeh (Nicée); dix forteresses.
7° El-Efesis, dont le chef-lieu porte le même
nom (Ephèse); c'est la ville des Compagnons de la
caverne; quatre forteresses.
Le khalife Wathik-Billah avait chargé Moham-
se rapporte avec une exactitude suffisante au Séfxa ^vppaKiov. [Ibid.
P-56.)
* Constantin ne nomme que six villes principales dans ce thème.
[Ibid. p. 3o.)
^ Le texte ajoute Amourjah, erreur de copiste. La province que
l'auteur désigne sous cette dénomination bizarre répond très-proba-
blement au thème Ôir7/fiaToy, dans Porphyrogénète , qui avoue lui-
même ne pas en connaître l'origine. Le Grec peu instruit qui four-
nit à Ibn-Khordadbeh ces vagues renseignements sur l'empire
byzantin dut, suivant un procédé familier aux Orientaux, demander
à la langue usuelle l'explication des noms de pays et de villes ; de
là la définition «l'oreille et l'œil, avri (kxti. » Le traducteur d'Edriçy
avait déjà reconnu, dans le thème suivant, VO-^iKtov des Grecs.
(Cf Coiist. Porphyrog. p, 2li.)
476 MAI-JUIN 1865.
med, fils de Mouça l'astronome, d'une mission re-
lative aux Sept dormants. [Ashab er-rakim , Cf. Koran,
chap. xviii.) En conséquence il écrivit au roi de By-
zance, afm qu'il pourvût aux frais du voyage. —
Moi Abou'l Kaçem ^ ... fds de Khordadbeh , j'ajoute :
Voici la relation de ce voyage, telle que je l'ai re-
cueillie de la bouche de Mobammed ben Mouca
lui-même. Le roi de Byzance lui donna une escorte
qui les conduisit à Rorrah^. Puis ils continuèrent
leur route et arrivèrent, en quatre étapes, devant
une colline dont le diamètre à sa base n'était pas
de mille coudées. Un souterrain , dont l'entrée s'ou-
vrait à ras de terre, donnait accès au lieu où repo-
saient les Sept Dormants. «Tandis que (racontait
Mobammed) nous gravissions le sommet de la col-
line, nous vîmes un puits assez large à son orifice,
et au fond duquel jaillissait une source. Nous redes-
cendîmes ensuite jusqu'à la porte du souterrain , et,
après avoir marché trois cents pas, nous arrivâmes
au lieu même que nous dominions auparavant. Une
salle en arceaux, taillée dans le roc et soutenue
par des piliers sculptés, renfermait plusieurs cham-
bres (chapelles). Une d'elles, dont le seuil s'élevait
' Après Abou 1-Kaçem, le texte ajoute Mohammed, ce qui est sans
doute une inadvertance du copiste et fait double emploi avec le nom
du voyageur dont la relation est citée. On pourrait, à la rigueur, au
lieu de Mohammed , lire hen Ahmed t pour se rapprocher de la filiation
donnée à l'auteur dans le Fihrist. (Voyez ci-dessus, Introd. p. lo.)
^ Ce lieu, s'il n'est pas question ici du promontoire de Kara-
Bournouy ne peut être cherché que dans le voisinage de Smyrne;
il y a seulement «jfuttfrf? étapes entre cette villeetEphèse, parTrianda
et Yéiil Kcuï.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 477
d'une brasse au-dessus du sol, était fermée par une
porte en pierre taillée au ciseau; c'est là que les corps
étaient conservés. Un gardien, assisté de deux eunu-
ques d'une beauté remarquable, dérobe la vue de ces
corps à la curiosité des pèlerins. Dans ce but il leur
fait accroire que, s'ils allaient plus loin, ils s'expose-
raient aux plus terribles malheurs, et ce mensonge
est pour lui une source intarissable de profits,
u Laisse-moi entrer, lui dis-je, ta responsabilité sera
à couvert. » Puis je pénétrai dans le sépulcre, avec
un.de mes serviteurs, muni d'une grosse torcbe.
Les corps étaient revêtus de suaires qui s'effilaient
en charpie, au simple toucber; ils étaient enduits
de substances propres à les conserver, telles que
Taloès , la myrrbe et le camphre. La peau était col-
lée aux os; en passant ma main sur la poitrine de
l'un d'eux, je sentis le contact rugueux des poils. Le
gardien avait fait préparer un repas auquel il nous
invita; mais, dès la première bouchée, nous quit-
tâmes la table en refusant de prendre aucune nour-
riture. En effet cet homme voulait ou nous empoi-
sonner, ou tout au moins nous infliger un traite-
ment honteux, afin de perpétuer dans l'esprit de son
roi la croyance que ces corps étaient bien ceux des
Sept dormants^ Je lui dis en partant : «Je croyais
* La légende des Compagnons de la caverne ou des Sept dormants,
car je crois qu'elle a été mal à propos dédoublée par quelques écri-
vains musulmans, fut recueillie par Mahomet dans un de ses voyages
en Syrie. On sait comment il l'a racontée à son tour; mais le récit
tronqué et puéril du Koran suffit pour exciter à un haut degré la
curiosité des néo-convertis. Au rapport du Modjmel ( fol. 292 ) , au dé-
478 MAI-JUIN 18G5.
que tu nous aurais montré des morts dont i'aspect
serait celui des vivants; mais, ici, nous n'avons
vu rien de semblable. »
8° L'Anatholos, c'est-à-dire le Levant, c'est la
plus grande province de l'empire grec; elle ren-
ferme la ville d'Amoryab , les forteresses El-Alémeïn,
Bordj ech-Chebm , Bargouth , Miclikîn et trente
autres places fortifiées.
9° Khorsoun (Kepo-àr), sur la route de Malatbya :
ville principale Kbaracbna (Chersonus) et quatre
forteresses.
10° Kalath (Galatie): ville principale, Angora;
seize forteresses.
1 1° El-Arsak^ : Kolonyah, ville fortifiée, et seize
forteresses.
but de Ici guerre contre les Grecs , Moawyah et Abd AHah, fils d'Ab-
bas, étant arrivés aux environs d'Ephëse, Moawyah voulut pénétrer
dans la fameuse caverne, malgré les instances de son cempagnon.
«Enfin il se précipita aveuglément dans le souterrain-, mais un veut
impétueux, sortant des profondeurs de la montagne, le rejeta au
dehors. » Le thème incomplet du Koran fut développé, avec plus de
naïveté que de richesse d'invention , par Técole traditionniste , à par-
tir de Kaab ei-Ahbar, un des pères de la tradition musulmane. (Voyez
une de ces mille versions dans les Mines de l'Orient, t. III, p. 347»)
Une seconde rédaction un peu différente du voyage de Mouça fut
publiée par Serakhsy, et Maçoudy l'inséra dans son Histoire moyenne.
C'est du moins ce qu'on peut conclure d'un passage assez laconique
des Prairies. Ici encore notre traduction a besoin d'être corrigée sur
le teste même du fAvre des routes. T. II, p. 3o8, 1. 6, au lieu de
«le meurtre de tous les musulmans qui l'avaient accompagné,» on
voit qu'il faut traduire plus exactement : «La tentative d'empoison-
nement faite contre lui et contre les musulmans qui l'avaient accom-
pagné. »
' H est possible que cette forme désigne !<' pays nommé par les
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 479
l 'i*" Kelkyeh(Cilicie),seslimitessont.. .(lacune),
six forteresses.
i3° Seloukyah, depuis la mer de Syrie jusqu'à
Tarsous elle Lamis (fleuve Lamotis ou Lamuzo);
cette province est gouvernée par l'intendant des
routes. VilJe principale, Seloukyah; six forteresses.
1 4° Kabadak (Cappadoce), province comprise
entre les montagnes de Tarsous, Adanah et Messis-
sah. Ses forleresses sont Korah \ Hadhar, Antakoua,
El-Ahzab, Dou'1-Kela' et quatorze autres places (suit
une ligne illisible).
L'impôt foncier est affermé annuellement à
200 modi (de pièces valant) 3 dinars. Le modi vaut
3 mekkouk^. La dîme prélevée sur les céréales est
destinée aux approvisionnements de l'armée. Les
Grecs Arzes (Cf. Constantin, ibid. p. 3i); en efFel le thème de Co-
lonea était considéré comme d'origine arménienne.
^ «PropugnaculumquodCorumdicitur. » (Constantin, ièttZ. p. 21.)
Je ne sais à quelles villes rapporter les noms qui suivent. La der-
nière place, nommée ici Dou'l-Kela, est peut-être la transcrip-
tion par métathèse de 'Loih^os, ville classée par Porphyrogénète
dans le même thème.
^ Le mekkouk était autrefois, chez les Arabes, l'équivalent d'un
saa et demi, ce qui fait 3 litres 3/4. D'après cela le modi [modius)
pourrait valoir de 1 1 à i 2 litres. Le modius des Romains ne valait
que 8 litres 63. On sait à quel point les mesures musulmanes
ont varié selon les époques et les provinces; il serait donc difficile
de tenter une appréciation du revenu de l'empire grec, d'après une
donnée aussi incertaine. Cette difficulté est rendue plus sérieuse en-
core par l'incertitude qui règne, parmi les auteurs byzantins, sur la
valeur relative des monnaies, et l'impossibilité où l'on est de tirer
de leurs renseignements une notion, même par à peu près, div
chiffi^e de l'impôt foncier. (Voyez ï'Hist. du droit byzantin , par Mor-
treuil, t. 111, 107.)
480 MAI-JUIN 1865.
juifs et les idolâtres payent, chaque année, i dinar
par tête. On prélève aussi une contribution annuelle
de 1 dirhem sur chaque feu^ . — Les fruits arrivent
à maturité en septembre , dans les montagnes comme
dans les plaines.
Le rôle de l'armée comprend i 20,000 hommes^.
^ Ce terme traduit exactement le aa-nviKov des Novelles de Com-
nène, (Cf. Mortreuil, ihid.)
^ Lalisie qui suit n'est pas tellement déflgurée qu'on ne puisse
en rétablir quelques passages, malgré la double mutilation qu'elle a
subie de la part de l'auteur et des copistes. Le thoumarkk et le thoa-
mahar, noms qui semblent provenir d'une même leçon, font penser
à deux grades de l'armée grecque, d'une dénomination presque
identique : le [lepâpyii^ç et le fioipdpxjns. Le passage suivant de la
Tacticfue de Léon, que M. E. Miller a bien voulu me faire connaître,
laisse supposer que notre thoiwiarkh pourrait être le Mœrarchh des
Byzantins :
a Mejodp;^»^ , ol \sy6\i.evoi xsore al paTrjXoiTai , vvv §è tyj (TvvTjôe/çt,
KaXox)[t.£voi ■vovp^iâpyai. »
Il resterait encore à rechercber si , vers la fin du ix* siècle , la [lolpa.
était composée de cent hommes; mais c'est une question qu'il ne m'ap-
partient pas de discuter. Le Coumes ne doit donner lieu à aucune
difficulté; il se nommait aussi Tpi$oîivos, et pouvait commander jus-
qu'à 4oo hommes, h' èxatovtdp-^os est encore reconnaissable dans
îe groupe suivant: seulement, pour observer la proportion numé-
rique qui se remarque dans les grades précédents, il semble que le
nombre de ces hékatontarqnes doive êtreporiéà deux au lieudecinq.
Le dernier titre damarkh est , sans contredit, le èeHâp-jçoi^ deciirio.
La confusion entre le mim et le /îo/' médiat est trop fréquente, pour
qu'il y ait lieu de douter de cette lecture. — De tous les au-
teurs musulmans auxquels j'ai demandé des éclaircissements ou une
citation analogue, l'écrivain anonyme du Modjmel est le seul qui
ait traitéde la hiérarchie militaire des Grecs, à peu près dans le même
ordre qu'Ibn-Khordadbeh; et malheureusement Tunique copie que
nous possédons de cet ancien document est déparée par des fautes
non moins graves. Après avoir énuméré ces différents grades au-
dessus desquels il place V AstartahhçuSt forme sous laquelle ou ne
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 481
Un patrice commande 10,000 hommes. Il a sous
ses ordres deux thoamarkli , q-ui commandent cha-
cun 5,0 00 hommes. Puis viennent : cinq thoumahar
commandant 1,000 hommes; cinq coumès, com-
mandant 200 hommes-, cinq katontarkh, comman-
dant 1 00 hommes ; dix damarkJi , commandant
10 hommes. — La paye (des officiers) est, au maxi-
mum, de Zio rides d'or; eile descend à 36, à 2/1, à
1 2 , à 6 , et jusqu'à 1 ritle. (Ce nom répond ici à la
X/rpa. Cf. Ducange, Dict. meà. grœc. sub verb.) La
paye du soldat varie entre 8 et 1 2 dinars (de 80 à
1 20 francs) par an. Mais ordinairement elle n'a lieu
que tous les trois ans. On paye alors, en une fois, la
somme représentant quatre, cinq et même six an-
nées de service. Le grand patrice est en même temps
peut méconnaître le SrpaTrfyos, l'auteur persan termine en ces
termes :
^Ji^yX^,f fY^^ ^•s\^ «tCj c^LLo ^y^ cAjL Jaj^aj.^ L^[ t_>jL)j
«Le plus grand de tous les chefs (civils) était nommé barmakin
(grand primicier) , son lieutenant, dikrit (drungaire, êpovyydpios).
Le chef de la garde du roi était le kollos [dxôXovdos, chef des Varan-
giens). Un domestikos était chargé de l'entretien des villes, et ainsi
de suite. Plusieurs de ces dignités sont encore en vigueur aujour-
d'hui» (fol. 275-276). Cette dernière ohservation est parfaitement
jusiifiée par ce que nous savons des changements continuels surve-
nus dans les charges du palais et de l'administration. Une étude sé-
rieuse du Tct ÙÇxpUioLTOv 'ZsaXaTiov de Codinus apporterait plus de cer-
titude aux assimilations que je propose.
482 MAI-JUIN 1865.
ie lieutenant et le ministre du roi. Puis viennent le
otaïth (le grand dioctète?), chef du département des
finances; le locjaïth (le grand logothète?), chef du
bureau des requêtes; le chef des postes, le grand
juge et le chef des gardes.
Iles du pays de Roum : Chypre, qui a un circuit
de i5 journées de marche. — La Crète, i5 jour-
nées de marche. — L'île du Moine, où l'on mutile les
esclaves destinés auservice d'eunuques.- — L'îled'Ar-
gent. — La Sicile, qui a en circuit i5 journées de
marche \
Cette ville est baignée par la mer au levant, au
midi et au couchant; ie côté septentrional seul tient
à la terre ferme. Son étendue, de la porte orientale
à la porte occidentale, est de 28 milles. Deux murs,
' L'île (lu Moine (aujourd'hui Favicjnana) devait ce nom, comme
l'atteste Ibn-Djobeïr, à un anachorète qui vivait dans les ruines d'un
château, au sommet de la montagne. (Édition Wright, p. 34o;
Journ. asiat. 1 846 , p. 86.) L'île d'argent est nommée Kousoiirah par
Edriçy. C'est la Koacrupa des Grecs, aujourd'hui Pantellaria.
^ Cette peinture d'une Rome digne des Mille et une Nuits n'appar-
tient point à l'auteur. Mise depuis longtemps en circulation d'après
de vagues récits faits par les marchands musulmans et juifs, elle
était déjà ornée de ses détails fantastiques lorsque Ibn-Khordadheh ,
ami du merveilleux et peu sceptique, lui donna droit de cité dans son
recueil. C'est là qu'Edriçy, et plus tard Mustaufy, Ibn el-Wardy sont
venus la chercher pour l'embellir, ou plutôt la défigurer à leur guise.
Une description analogue à la nôtre par le fond, mais plus exagérée
encore, était due à l'imagination d'Ibn-cl-Fakih, écrivain assez frivole
du IV* siècle de l'hégire. Elle a passé de son traité dans celui de
Kazwîny [Athar, p. 897 et suiv.).
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 483
séparés par un espace de 60 coudées, forment son
enceinte; le mur intérieur a 22 coudées de krge
sur -72 de haut; le mur extérieur 8 coudées sur /i2.
Entre cette double enceinte passe un canal couvert,
pavé de dalles en cuivre, longues de li6 coudées
chacune. Entre la porte d'or et la porte du roi on
compte 22 milles. Près du mur compris entre la
porte orientale et la porte occidentale s'élève un
triple portique, dont les arcades centrales reposent
sur des colonnes de cuivre romain; le pied, le fût
et le chapiteau ont été fabriqués avec ce cuivre mis en
fusion ; elles ont 3o coudées d'élévation. C'est le lieu
où sont les boutiques des marchands; entre ces bou-
tiques et l'entrée du portique passe un petit canal
(pavé) de cuivrejaune^; il se dirige de l'est à l'ouest.
Ge canal, qui communique avec la mer, sert au
transit des marchandises, de sorte que les bâti-
ments qui les transportent s'arrêtent devant les bou-
tiques mêmes. On voit dans la ville une église sous
l'invocation des apôtres Pierre et PauP ; sa longueur
est de 3 00 coudées et sa hauteur de 200. Elle est
formée par des arceaux de bronze ; la toiture et les
parois latérales sont en cuivre jaune roumy. Rome
* Passage cité textaellement par Edriçy , mais entièrement mé-
connaissable dans la traduction française. Sur le fleuve et l'ère de
bronze, on consultera avec fruit les remarques de M. Rcinaud,
Trad. d'Abou'l-fàla, p. 3 11.
^ L'auteur n'a fait qu'une seule et même église de l'ancienne ba-
silique de Saint-Pierre, fondée par Constantin le Grand, et d'une
autre église du v* siècle, dédiée à saint Paul; elle était située hors des
murs de Rome. La même confusion se remarque chez Maçoudy et
Edriçy. (Cf. Abou'1-féda, ibid. p. 280.)
484 MAl^JUrN 1865.
renferme douze cents églises , un grand nombre de
marchés pavés de maibre blanc , et quarante mille ^
bains. Une de ses églises, construite sur le modèle
de celle de Jérusalem, a i mille de longueur. L'au-
tel sur lequel on célèbre le sacrifice est d'émeraude
verte; il a 20 coudées de long sur 6 de large; il est
entouré de douze statues d'or hautes de 2 cou-
dées 1/2 ; les yeux de ces statues sont formés de ru-
bis ponceau, dont l'éclat illumine l'église tout en-
tière. Elle a vingt-huit portes de l'or le plus pur,
mille portes de bronze , sans compter celles en ébène ,
et de magnifiques boiseries, dont la valeur ne peut
être estimée. Hors de l'enceinte de Rome , il y a
deux cent vingt colonnes habitées par des moines
(stylites).
Au rapport d'Abd Allah ^, fils d'Amr, fils d'el-
Assy , on compte quatre merveilles dans le monde :
1° le miroir suspendu au phare d'Alexandrie. Un
homme placé sous ce miroir y voyait facilement ce
qui se passait à Constantinople, malgré l'étendue de
^ Edriçy, effrayé d'une pareille exagération, en a réduit le
nombre à mille; mais Ibn-el-Wardy et les traducteurs persans,
moins scrupuleux, ont répété la leçon de notre texte. L'église bâtie
sur le modèle du Saint-Sépulcre est nommée «église deSion» par
KsLivflny [Athary p. SgS).
^ Ce personnage, après avoir pris une part brillante à la bataille
de Siffîn, se retira en Syrie et y demeura jusqu'à la mort du kbalife
Yézid. Il mourut à la Mecque, ou, selon d'autres, en Egypte, âgé de
soixante et douze ans, en 65 de l'hégire. Il avait étudié le syriaque
et recueillit curieusement les traditions rabbiniques et les légendes
populaires; un grand nombre de traditions apocryphes ont été pla-
cées sous son autorité.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 485
mer qui sépare les deux villes (cf. Maçoudy, II, /|3 i);
2" le cavalier de bronze en Espagne , qui , le bras
étendu, semblait dire du geste: ((Derrière moi il n'y
a plus de routes frayées; quiconque s'aventurera au
delà périra sous le dard des abeilles^ ; » 3° dans le
pays des Adites, une colonne de bronze portant un
cavalier de même métal. Pendant les mois sacrés
l'eau en jaillissait assez abondante pour suffire aux
besoins des habitants et remplir leurs citernes; ce
temps expiré, l'eau cessait de couler; Zi" à Rome^,
un arbre de bronze sur lequel est perché un oiseau
semblable à la grive, également en bronze. Dans la
saison des olives, cet oiseau de métal se met à sif-
fler, toutes les grives arrivent aussitôt, tenant trois
olives, l'une dans leur bec et les deux autres dans
leurs pattes, et elles les laissent tomber sur cette
' J'ai lu cavalier au lieu de cheval que portent les copies, pour
me conformera la leçon de Maçoudy et du Modjmel qui interprètent
de cette façon la légende des colonnes dTIercule. Quant auX abeilles,
il n'en est parlé nulle part, sauf par Jbn-el-Wardy , dont le témoi-
gnage est de nulle valeur ; j'ignore où l'auteur a trouvé ce supplé-
ment à la tradition attribuée à Abd Allah.
' Ce conte, d'originegrecque.afaitsonchemindanslemondemu-
sulman. On en trouve la traduction littérale dans le Modjmel {ï° 822),
dans les compilateurs persans, et, en général, chez tous ceux qui
ont consulté le Livre des routes. Comme toujours , c'est Apollonius de
Tyane qui a les honneurs de ce singulier talisman. — Maçoudy ne
pouvait se dispenser de mentionner un récit aussi populaire; mais
il en parle en coui'ant et d'une manière assez confuse. (T. IV, p. 9^ ,
sous presse.) Cependant l'auteur des Prolégomènes le blâme
d'avoir accueilli ce conte en même temps que d'autres légendes
(trad. de M. de Slane, vol. I,p. 73), reproche assez peu fondé,
car Maçoudy n'en dit quelques mots qu'à titre d'information cu-
rieuse et sous forme dubitative.
V. 32
'hm MAI-JUIN 1865.
itiiage. Les liahitants ramassent le Iruit, le mettent
au pressoir et en tirent assez d'huile pour la prépa-
ration des peaux et des cuirs de sandale, jusqu'à
l'année suivante.
RELAIS SUR I A ROUTE DE L'OCCIDENT (mAGHREB).
De Sorra-men râ à Haïletha, 7 relais. — Essinn ,
10 relais. — Hadithah, 9 relais. — Beled, h relais.
— Adramah, 9 relais. — Nissibîn , 6 relais. — Kc
fer-Toutha (distance omise ; Kod. 3 relais). — Ra
çaïn, 10 relais. — Rakkali , i5 relais. — Nokaï-
rah, 10 relais. — Menbedj , 5 relais. — Alep,
9 relais. — Rinnisrîn, 3 relais. — Sour, 10 relais.
— Hamat, 2 relais. — Hims, Ix relais. — Kharech-
tah. Ix relais. — Baalbek, 6 relais. — Damas, 9 re-
lais. — EUadjoun , Ix relais. — Ramlah , chef-lieu de
la Palestine, 9 relais. — El-Djefar, 1 relais (?). —
Barouk^eh, 19 relais^ — De Fostat à Alexandrie,
1 3 relais. — D'Alexandrie à Djoubb er-remel « puits
de sable, .) dans le voisinage de Barkah, 3o relais.
PAYS DU NORD OU EL-HARBY (eNNEMi).
ILs formaient un quart de la monarchie (des
Perses) sous l'autorité d'un chef nommé Azerbaïdjan'
Espehboud ^. — Sous le nom d'El-Harby étaient com-
pris : l'Arménie; l'Azerbaïdjan; Rey; Donbavend,
' Voir dans Post- und Reiserouten du 17 Sprenger, p. 8, le même
itinéraire, d'après Kodama.
* Le gx'oupe illisible qui suil ce mot me paraît devoir être rclahli
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 487
dont le roi se nommait Donbavend, fils de Karen;
le Tabaristân; Rouïân ; Amol; Saryeh; Chalous;
Dihistân; Guilân; Beïlakàn; Thaïiiçân (pays desTa-
iiches); les Khozars; les Alans; les Abar [Abari, cf.
Hist, des Mongols, p. /n3).
liOUTE (du KHORAÇÀn) À L'AZERBAÏDJAN ET L'ARMENIE.
De Sersameïrah à Dinaver, 5 fars, (lisez relais).
— Zendjân, 29 relais. — Meragab, 19 relais. —
Mianedj (Mianeb), 2 relais. — Ardebîl, 11 relais.
— Warthân, qui forme la limite de l'Azerbaïdjân ,
1 1. relais.
Villes et bourgs principaux de l'Azerbaïdjân :
Meragab ; Mianedj ; Ardebîl; Wartbân; Selîneb;
Berzeh; Sarkhâst; Tebriz; Mérend; Rbouï; Kou-
sireb ; Moukân; Berzendj ; Djenzeb (Guenjcb),
ville du roi Pervîz; Ourmyab, ville de Zoroastre;
Selmas; Cbîz. Dans cette ville est Y Azerkhastas ^ ,
temple du feu , très-vénéré des Guèbres. Sous l'an-
cienne monarcbie, leurs rois s'y rendaient en pè-
lerinage, et à pied, depuis Médaïn (Ctésiphon).
^ C'est le pyrée nommé Nar-Dirakhch dans le Borhané-Katy et
clans la Géographie de Kazwîny. L'aulenr des Prairies d'or (t. IV,
p. 7A) en dit quelques mots et rappelle une légende qui n'est pas
sans analogie avec celle des trois Mages chez les chrétiens. La res-
semblance entre les noms de Chiz, Ckîzer et Chîraz, a déterminé
quelques auteurs musulmans à placer dans la province du Fars,
et à PersépoHs même, le temple du feu et les récits apocryphes
dont il est l'objet. (Cf. Yakout, Dict. de la Perse, p. 368.) Le co-
lonel Rawlinson a identifié ce temple avec les ruines trouvées près
de Sohraverd-, sur l'emplacement de l'Ecbalane du nord, [Jonrn. nf
the Geogr. Societr^ t. X , p. 7 1 .)
32.
488 MAI-JUIN 1805.
Badjrevân; bourg d'Oui em ; bourg de Chrzob (Yak
Chîzer); bourg de Mabalhoudj.
ROUTE DE DINAVER À BIRZEND.
Djenardjân, 7 fars. (Ed. et Kod. 9 fars.) — Teli
Van, 6 fars. — Sîser, y fars. (Il y a ici , d'après
Kodama, une bifurcation.) — Enderâb, Ix fars. — -
Beïlakân, ville d'Arménie, 5 fars. — Berzeh , 6 fars.
(Kod. 8). — Serkbâst, 8 fars. — Meragbab', y fars.
— Kbirguân, 1 1 fars. — Tebriz , 9 fars. — Merend,
10 fars. — Serah (Yak. Serav), 10 fars. — El-Bîr
(de puits, » 5 fars. — Kouvasireb, 1 o fars. — Mou-
kân , 1 o fars. — D'Ardebîl à Khoch , 8 fars. — Bir-
zend (ou Birzendj), 6 fars. Cette ville
à Chaderaâp, où se trouve le premier retrancbe-
ment d'Ëi-Afcbîn, 2 fars. — Rehguzer, où est le
troisième retrancbement, 2 fars. — Bedd, ville de
Babek 2.
' Cet itinéraire ne nous a pas été conservé inlact, et les stations
y sont calculées trop faiblement ; car on ne trouve que 5o fars, de
Dinaver à Meraghah , tandis que Mokaddessy et le Livre des climats
en comptent 60.
^ Distance omise.-Kodama met Ardebîl à 8 farsakhs de Khân-
Babek, Les retranchements dont il est parlé ici sont, je crois, les
trois camps fortifiés que Haïdar, fils de Taous, surnommé El-
Afckin, fit creuser, quand il poursuivit Babek, révolté contre le
khalife Mo'taceni. Ce sectaire, dont les dogmes encore peu connus
se rattachaient à ceux des Batbéniens, tint en échec pendant vingt
ans l'armée du khalife. Vaincu dans une grande bataille contre
El-Afchîn , il se réfugia auprès du gouverneur d'Arménie, qui le
livra à ses ennemis, en 222 de l'hégire. (Abou'1-féda, Ann. moslem.
t. II.) Le nom de sa patrie est incertain; Yakout et Maçinidy
l'écrivent comme notre géographe.
LE LIVKE DES ROUTES ET DES PhOVENCES. 480
De Birzend au désert de Belasdjân et à War-
thàn, sur la limite de l'Azerbaïdjân, i 2 fars. — De
Meraghah à Djenzeh, 6 fars. — Mouça-Abâd , 5 fars.
— Berzeh, Ix fars. — Djabrevân, 8 fars. — Berîn,
k fars. — Ourmyah, vilie de Zoroastre, \lx fars.
— Selmas, ville sur le lac d'Ourmyah, 6 fars. —
ï^orsque Tbn-et-Thaousy (El-Afcbîn) conduisait les
sectaires (de Babek) dans l'Azerbaïdjân, il alla de
Meraghah à Berzeh, ensuite à Sîser, ensuite à Ghîz,
k fars. — Impôt de Dinaver, un million de di-
rhems.
ROUTES D'ARMÉNIK.
De Warthân à Berdaah, 8 relais. — De là à
Mansourah , l\ relais. — De Berdaah à Tiflis, 1 o re-
lais , et à Bab-el-Abwab ( Derbend ) , 1 5 relais. — De
Berdaah à Debîl, 7 relais. (Ed. 162 milles.) — De
Merend à Dara, 10 fars. — Nechwa (ou Naktche-
vân), 20 fars. — Ardebîl, 20 fars. — De Warthân
au Koubân. (Ed. 3 fars. Ist. 7 fars.) — Chirvân,
7 fars. — Berdaah, 3 fars. — De Bedd à Berdaah,
3o fars.
Division administrative ^ Arménie 1"" : Sisdjân;
Errân; Bidlîs; Berdaah; Beïlakân; Fileh; Chirvân.
— Arménien : Khazai an (autre nom de Tiflis, selon
Yakout); Soghdebil; Bab-Firouz-, le Koiirr. — Ar-
^ Dans le grand dictionnaire de Yakout, les villes principales de
l'Arménie sont classées à peu près dans le même ordre. (Cf. Moscli-
terik; Aboul-féda, teste, 387; Saint-Martin, Méni. sur l'Armdnie,
107 et suiv.)
/iOO MAl-JLI.N 186 5.
ménie III : Sefourdjân (Baslburguân); Debîl ; Siradj-
et-Taïr « flambeau de l'oiseau ; » Birzend ; Nechwa. —
Arménie IV: Ghimchat; Rhilat; Kalikala; Erdjîch;
Badjenîs (Bayézid, selon Jaubert). Les autres villes
de ce pays sont : Halda , Sanaryeh \ Baf, Kisar, Djar,
Kalat-el-Hourmân, Houbrân, Ghakky.
BAB-EL-ABWAB.
On nomme ainsi les bouches des vallées formées
par le mont Kabk (Caucase). Les principales for-
teresses de ce pays sont: Bab-Soul; Bab-EHân; Bab-
essabirân; Bab-Lazikah (Lezguis); Bab-Selsedjy ; la
ville du Maître du trône «Sahib-es-Serir; » la ville
de Filân-Chah; Bab-Karounân; la ville de Tabari-
stân-Ghah (alii Teberserân); la ville d'Abvar-Cbah
(Abkhazes?); la ville de Lebân-Chah^; la ville de
Semender, derrière Bab-el-Abwab, bâtie par le roi
Enouchirvân, fils de Kobad. Tout le pays situé au
delà est occupé par les Khozars. — Impôt de l'Ar-
ménie, 4 millions de dirhems.
Derrière Semender est la muraille de Gog et Ma-
gog. Voici ce qui m'a été raconté par Sallam l'inter-
prète^: « Le khalife Wathik, ayant vu en songe que
^ Ou Sanabaryeh , cliei Edriçy. Maçoudy uonime cette ville Sa-
nareh et la place au confluent du Kourr et de l'Araxe.
^ On peut comparer ces noms, dont j'ai respecté l'orthographe ,
avec la liste de Maçoudy dans le chapitre consacré à l'ethnographie
du Caucase. ( Prairies, t. II, chap. xvii.)
^ Parmi les huit relations arabes et persanes de ce voyage que j'ai
pu consulter, relations dont l'ouvrage d'Ibn-Khordadbeh a été le
point dv départ , j'ai choisi de préférence cellrs qui s'en éloignai<'nt
LL LrVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 491
la muraille élevée par Dou'l-Karneïn entre nos con-
trées et Gog et Magog était ouverte, m'ordonna
d'aller sur les lieux et de lui rendre compte de ce
que j'aurais vu ^ Il me donna une escorte de cin-
quante hommes, une somme de 5,ooo dinars,
plus une indemnité personnelle de i o,oao dirhems.
Chaque homme reçut i,ooo dirhems et des pro-
visions pour une année ; deux cent mulets portaient
les vivres et l'eau nécessaires au voyage. Nous par-
tîmes de Sorra-men-râ , munis d'une lettre adressée
par le khalife à Ishak , fils d'Ismaïl , qui gouvernait
l'Arménie et résidait à Tiflis, l'invitant h faciliter
notre voyage. Ishak nous remit une lettre pour le
Maître da trône a Sahib-es-Serir; » celui-ci écrivit li
notre sujet au roi des Allâns; ce roi au Filàn-Chah,
et ce dernier au Tharkhân, roi des Khozars. Arrivés
chez le Tharkhân, nous nous arrêtâmes un jour et
une nuit, puis nous repartîmes accompagnés de
cinq guides que ce roi nous donna. Après avoir
marché pendant vingt-sept jours, notre troupe en-
tra dans un pays dont le sol était noir et fétide;
le n»oins, ou |)ar leur date comme la version du Modjmcl et le traité
de Mokaddessy, ou par une reproduction assez exacte de l'original,
comme la cosmographie de Kazwîny. Ce dernier cependant ainsi
que les deux autres ont corrigé les mots peu lisibles du texte qu'ils
avaient sous les yeux , ou cherché à l'expliquer dans les passages
obscurs. Je ne donnerai qu'un très-peht nombre des variantes dues
à ce travail de révision.
' Mokaddessy ajoute ici un fait que je n'ai trouvé dans aucune
aulre version: a Wathik avait envoyé précédemment l'astronome
Mohammed, fils de Mouça, originaire du Kliârezm, chez le Thar-
kliân, roi des Khozars, Ce voyageuj- se joignit à moi , etc. »
an MAI-JUIN 1805.
heureusement nous avions eu la jDrécaution de nous
pourvoir de parfums propres à combattre le mau-
vais air. Au bout de dix journées' de voyage à tra-
vers cette contrée, nous passâmes, durant vingt-sept
jours, au milieu de villes en ruines. On nous apprit
que c'étaient les restes des villes envahies autrefois
par les peuples de Gog et Magog. Nous arrivâmes
enfin près des forteresses (Kazwîny: d'une forte-
resse) bâties au fond de la vallée formée par la
montagne où se trouve la muraille. Les habitants
de ces forteresses sont des musulmans, sachant lire
le Koran , possédant des écoles et des mosquées. Ils
nous interrogèrent sur notre origine et notre pays
natal. Apprenant que nous étions les envoyés de
l'Émir des croyants, ils s'écrièrent avec surprise:
c< L'Emir des croyants! — Oui, leur répondîmes-
nous, tel est son nom. — Est-il vieux ou jeune?
— Il est jeune, d — Leur étonnement redoubla; ils
ajoutèrent : «Où réside-t-il? — En Irak, dans une
ville nommée Sorra-men-râ. — Nous n'en avions
jamais ouï parler, » répondirent-ils. Cependant nous
étions arrivés devant une montagne ^ lisse et sans
végétation, coupée par une vallée large de i5o
coudées. Deux énormes piles (ou jambages) de
2 5 coudées de large et formant une saillie de
10 coudées s'élevaient sur chaque versant de la
montagne, à droite et à gauche de la vallée, bâties
' Ici commence la description abrégée , empruntée au Livre des
roules, par le cosmographe Cliems ed-dîn , de Damas. (Ms. de ta
Bibl. imp. 1° i3, v".)
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 493
en briques de fer, recouvertes de bronze, sur une
hauteur de 5o coudées. Entre ces deux piles s'éten-
dait une barrière [dervend) en fer de i 20 coudées de
long; elle était ajustée à chaque pile, à une pro-
fondeur de 10 coudées, sur 5 de large. Au-dessus
de la barrière, une maçonnerie massive en fer et
en bronze se dressait jusqu'au sommet de la mon-
tagne, à perte de vue; elle était couronnée de cré-
neaux en fer, reliés entre eux par des hourdis en
forme de cornes. La porte aussi en fer avait deux
battants de 5o coudées (Kazwîny : 60) de large, sur
5 d'épaisseur; les gonds étaient proportionnés aux
dimensions de la barrière. Sur la porte, et à 25 cou-
dées du sol, on voyait une serrure longue de 7 cou-
dées et d'une brasse de circonférence ; au-dessus de
la serrure, un verrou plus long que celle-ci, et dont
les deux crampons avaient chacun 2 coudées. Une
clef pendait au-dessus du verrou, longue de 7 cou-
dées et demie , et terminée par douze dents de fer
d'une force étonnante ^ La chaîne qui la retenait
était longue de 8 coudées sur à empans de dia-
mètre, et l'anneau auquel elle était rivée ressemblait
à l'anneau des machines de siège '^. Le seuil de la
porte avait 10 coudées de haut, sur un dévelop-
' Kazwîny et Mokaddessy remplacent ces mots par une leçon dont
je ne comprends pas la signification : (Jav^Î J^O^
' Mendjanih « mangonneau ; » ce terme est expliqué par M. Rei-
naud [Journ. asiat. sept. i848, p. 2 25). Je pense que le narrateur
entend par l'anneau Tare du centre ménagé de façon à livrer pas-
sage au projectile, conformément à la description des machines
anciennes telle qu'on la trouve dans Vitruve, X, xv.
494 MAI-JUIN 1865.
peinent de loo coudées, non compris la maçon
nerie placée au-dessous des deux jambages, et la
partie saillante de 5 coudées. La coudée dont il est
parlé ici est la coudée noire \ Le roi qui commande
dans ces forteresses sort tous les vendredis , suivi de
dix cavaliers munis de masses d'armes en fer, du
poids de cinquante menn. Ils frappent trois fois la
serrure , avec ces masses , pour avertir ceux du de-
hors que la porte est bien gardée, et prévenir de
leur part toute tentative d'agression. Ln de nos
compagnons ayant frappé ainsi sur la serrure, nous
appliquâmes nos oreilles contre la porte et nous
entendîmes un bruit sourd, provenant de l'inté-
rieur.
« Dans le voisinage s'élève une grande forteresse ,
qui a 10 farsakhs en long çt en large (Kazwîny :
1 fars.). La porte elle-même est flanquée de deux
citadelles qui ont chacune 200 coudées en long et
en large; à droite et à gauche de leur porte sont
plantés deux arbres; une source d'eau douce coule
entre les deux citadelles. On conserve, dans l'une
d'elles, les instruments qui ont servi à la construc-
tion de la muraille ; ce sont d'énormes chaudières
de fer, comme celles qui servent à la fabrication
du savon, placées à chaque angle de la place; des
haches en fer; des débris de blocs du même métal,
soudés les uns aux autres par la rouille. Ces blocs
sont hauts et larges d'une coudée et demie, sur
' Appelée aussi uiamouny, parce qu'elle fut adoptée sous le rrgne
rrEI-Mauioun -, elle ('tait <lr vin^jt-sept doigts.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 495
un empan d'épaisseur. Nous demandâmes aux ha-
bitants s'ils avaient jamais vu des hommes de Gog
et Magog; ils nous racontèrent qu'ils avaient aperçu,
un jour, une troupe de ces barbares au-dessus du
mur, où un vent impétueux les avait jetés. Vus à
cotte distance, leur taille ne paraissait pas dépasser
un empan et demi. A notre départ, nous fûmes es-
cortés par des guides qui nous mirent sur la route
du Khoraçân ; nous continuâmes notre voyage, mu-
nis de provisions par les soins du chef des forte-
resses. Nous sortîmes enfin dans la plaine, à y fars,
derrière Samarcande , et nous nous rendîmes ^ chez
^ Dans Mokaddessy, la relation se termine par ces mots : «Je me
rendis ensuite chez le khalife et lui racontai mon voyage. Le récit
qu'on vient de lire prouve que c'est à lorl. qu'on a voulu placer en
Espagne le mur de Gog et Magog. » Il paraît, en effet, que quelques
écrivains avaient proposé cette conjecture; d'autres confondaient
les Yadjoiidj et Madjoudj du Koran avec les Khozars, et leur
donnaient pour séjour la contrée située derrière Derb-Houzân. Ma-
çoudy [Prairies t II, 3o8), après avoir signalé l'incertitude de ces
hypothèses, ajoute qu'on voyait, de son temps, des images repré-
sentant la grande muraille de Gog et Magog, à laquelle la croyance
populaire donnait un développement de 1 5o fars. Un savant astro-
nome, Mohammed, originaire de Ferghanab, mort en 8i5 , c'est-à-
dire trente ans environ avant l'expédition de Sallam, avait cherché,
dans ses ouvrages, à démontrer combien ces contes étaient ab-
surdes et dénués de vraisemblance. En effet, lorsque les barrières
du Caucase cédèrent devant l'effort des armées musulmanes, il
fallut reculer la demeure supposée des peuples dont Mahomet avait
fait une peinture terrrfiante. Des rives du Volga , on les tran.sporta
dans les steppes de l'Oural et de l'Altaï; on finit même par confondre
la digue d'Alexandre avec la grande muraille de la Chine. (Cf. Intro-
duction à la Géographie des Orientaux, $ 3.) Je crois que la mission
de Sallam avait surtout un but politique ; le prétendu songe du kha-
life exprimait l'inquiétude qu'inspiraient aux musulmans les hordes
496 MAI-JUIN 1865.
Abou'l-Abbas Abd x\llah, fils de Taher. » L'iiiler-
prête Sallam ajoutait : a Ce gouverneur nie donna
100,000 dirhems et en distribua 5oo à cbacun de
mes compagnons; il alloua , en outre, 5 dirbems par
jour à chaque cavalier et 3 dirhems à chaque fan-
tassin. Nous arrivâmes ainsi à Rey, et de là je regagnai
Sorra-men-râ, vingt-huit mois (Kazwîny : dix-huit
mois) après mon départ. » Le récit abrégé qui pré-
cède m'a été fait par Sallam l'interprète, lequel me
l'a dicté sur la relation même qu'il rédigea pour lo
khalife Wathik-Billah.
PAIS DE LA DROITK OU MIDI.
L'Espehboad qui les gouvernait autrefois était
nommé
ROUTE DE BAGDAD À LA MECQUE \
Djisr-Kouta, 7 fars, — Château d'Ibn-Hobeïrah ,
5 fars. — Souk-el-Açed u marché du lion» (Kod.
(le Scythes et de Huns massées sur la frontière nord-est de l'empire.
Sallam, qui s'arrêta probablement sur les bords du Volga, avait été
chargé de recueillir des informations à cet égard. Pour concilier la
réalité de son voyage avec les fables puériles qui en remplissent la
seconde moitié, on doit donc supposer que ces fables furent inven-
tées après coup, et répandues dans le public, pour satisfaire sa cu-
riosité et lui donner le change, en le rassurant sur Timminence du
danger.
' Décrite par Yakouby, mais moins détaillée (p. 92 du texte pu-
blié à Leyde). Le docteur Sprenger a étudié avec un soin particulier
ritinéraire d'Arabie, et j'ai profilé, en maint passage douteux, de
ses judicieuses observations [Posl- und Beiserouten , p. 109-159).
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 497
El-Oçaïd), 7 fars. — Cbaliy, 6 fars. — Koufah,
5 fars. — Kadiçyeh, i 5 fars. ^ — El-Odhaïb, sur
Ja limite du désert, 6 m. — El-Moghaïbah (Kod.
Moghythah), \ à m. on soupe à Oaady es-Seba'
«vaJiée des lions,» y m^. — El-Kara', 3^ m. on
soupe à la mosquée de Saad, i /i m. — Wakiçah,
puits, 29 m. — El-Akabah «la côte,» 27 m. (Kod.
29); on soupe à El-A'sat, là m. — El-Kaa', 'ili m.^
on soupe à Kbaldja, 1 1\ ni. — Zobalah,oiiron trouve
de l'eau en abondance, 2/1 m. on soupe à Djou-
beïn, :h m. — Gbokouk, citernes^, 29 m. (Mok.
21); on soupe à Elmas, 1 4 m. — El Bitbân, tom-
beau d'El-lbady, 29 m. on soupe à Yalhab'ab, 1 4 m.
— Tagblebyeh^, citernes etpuitsbydrauliques. Sa m.
(Kod. et Mok. 29); on soupe à El-Amîs, i/j m. —
' Bourg important entouré de palmiers , et arrosé par les canaux
de l'Euphrate. (Ibn-Djobeïr. ) Le même voyageur, passant à Koufah
vers minuit , arriva le matin à Kadiçyeh , ce qui prouve qu'il faut ,
au lieu de \h farsakhs, lire i5 milles, comme dans le texte de Ko-
daoïa. Hamdâny, cité par Sprenger, évalue la distance à \k milles.
^ Les haltes de repos, étapes intermédiaires où les caravanes
faisaient le repas du soir, ne sont citées que par Ibn-Khordadbeh ,
ce qui ne m'a pas permis de contrôler l'exactitude des noms propres.
Elles indiquent ordinairement le milieu de la distance entre deux
stations : c'est donc par en-eur qu'ici les copistes ont écrit i4 milles
au lieu de 7.
' Le texte porte à tort ik milles La distance est donnée régu-
lièrement dans Kodama.
* «La plupart des puits et des citernes qu'on trouve sur cette
route sont dus à la munificence de Zobeïde, femme du khalife Ha-
roun er-Réchîd. > (Ibn-Djobeïr.)
* Ibn-Djobeïr écrit iU;JAAjî, leçon qu'on rencontre aussi chez
Kodama et Mokaddessy. Près de cet endroit, est une forteresse en
ruines.
498 MAI-JUIN 1865.
El-Hareçyeb, citernes, 3 2 m. — Hal'ar \ puils,
2 II m. on soupe à Eladj , 1 5 m. — Feïd, source
d'eau vive, 3o m. (Kod. et Mok. 36); on soupe à
El-Hodjaïmali^, i3 m. — El-Hadjir, puits, 3o m.
(Kod. et Mok. 33); on soupe à Belasah, 1 1 m. —
Ma'den-en-Nokrah « la mine d'argent, » puils, 32 m.
(Kod. 27). La dîme aumônière de la tribu de Bekr
ben Waïi, qui occupe la route de la Mecque, se
monte à 3, 000 dirhems^.
De Ma'den-en-Nokrab , un embranchement con-
duit àMédine, par les stations suivantes : El-Oçaïlah
{Ed. Koçailah), puits d'eau saumàtre, 66 m. —
Bathn-Nakhl «vallon des dattiers, » eau abondante,
36 m. — Taraf (Yac. Tarfab), eau de pluie, 22 m.
— Médine, 35 m. Médine, nommée aussi Tayibeh
et Yatrib, était gouvernée, ainsi que le Tehamah,
avant l'islamisme, par un délégué du Merzehân du
désert y chargé de la perception des impôts. Les tribus
Koraïzah et Nadhîr possédaient ce territoire, sous la
suprématie des Aws et des Khazradj *. Le poëte El-
^ Kodama et Ibn-Djobeïr : El-Adjfar. « Les Arabes, dit ce dernier,
nomment cette station le beau site ou îa colline des deux vierges. »
^ Feïd est à i 2 journées de Koui'ah , c'est-à-dire à peu près à moitié
route de Bagdad à la Mecque. Ce renseignement , donné par Ibn-Djo-
beïr, s'accorde avec les distances d'Edriçy et de Yakouby.
2 L'itinéraire est coupé ici par l'embranchement qui mène à Mé-
dine; il est continué plus loin , p. 5oo.
* Voyez Y Histoire des Arabes avant l'islam, par M. C. de Perceval ,
t. II, livre Vil. L'auteur des vers cités ci-après est Abou Abd Allah
Djaber el-Ansary, l'un des plus célèbres Compagnons de Maliomet,
mort en 7/1 ou 78 de l'hégire. [Ann. Moslcm. I, 1 o5 el passim. Mich-
kal el-Meçubih, 1 , p. 1 3.)
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 499
Aiisary a rappelé cette circonstance, quand il a
dit:
Apres le tribut du Chosroës, après le tribut de Koraïzah
et de Nadhîr, on nous rançonne encore !
De la province de Médine dépendent le Taïmâ et
la forteresse d'El-Ablak, surnommée l'unique, entre
la Syrie et le Hédjaz; elle appartenait au Juif Sa-
muel^, fds d'Adya, que sa bonne foi a rendu cé-
lèbre. On connaît le vers :
11 réside dans le Teîma , à El-Ablak l'unique, forteresse re-
doutable, auprès d'un hôte sans félonie.
ROUTE SUIVIE PAR LE PROPHETE DANS SA FUITE.
Le guide vint le prendre au-dessous de la Mecque
et le conduisit à Es-Sahil, au bas d'Osfàn. Puis, tra-
versant la route , il passa par Kodaïd et voyagea dans
la Hararah^, jusqu'à Thenyet-el-Morar. Après avoir
laissé sur sa route Medlet-Modjab, Madhedj, Dhat-
Reched, El-Adjrad, il s'engagea dans Dhou-Samor
(Ed. Dhou-Chamir), dans le vallon de Aada, appar-
tenant à la tribu de Madhedj , et arriva dans Ocliaï-
^ L'histoire de ce personnage est bien connue et elle a donné
naissance à un dicton expliqué par Meïdany. Vers Tan 535 de notre
ère, ilaccorda l'hospitalité à Imroul-Kaïs, et, pour défendre la fille
de ce poëte , il soutint un long siège contre El-Harith , roi gassanide.
(Cf. C. de Perceval, ouvrage cité, II, p. 323; Meïdany, I, 218.) Le
même vers est donné par Maçoudy, qui Tattribue au poëte El-Acha'.
[Prairies, III , 199.)
^ Terrain volcanique , couvert de pierres calcinées et de sables ;
ce mot est expliqué par M. Reinaud , dans une note de sa traduction
d'Abou'I-féda, p. loA.
500 MAI-JUIN 1865.
rah. Il reçut l'hospitalité à El-Fahid (Ed. Fadjah),
se reposa à El-Ardj , et, continuant son voyage par
Thenyet-el-Ayar, à droite de Rakoubah, il mit enfin
pied à terre au puits d'Amr fds d'Awf, à Koubba.
Autres dépendances de Médine : El-Fourou';
Dhou'I-Mirwah; Ouady'I-Kora ; Madian; Khaïbar;
Fedek; villages d'Oraïnah; El-Wahîdeh; Nomeïrah;
EI-Hadîkah «le verger;» Ady ; Rabbah; Seyyalab ;
Sabeh; Rohatb ; El-Akhal ; El-Hamyyeb.
ROUTE DES PÈLERINS DE MEDINE À LA MECQUE.
De Médine à Cliedjrah «l'arbre, » où les Médi-
nois prennent le manteau pénitentiel ihram, 6 m. —
Melel, puits, 12 m. — Seyyalab, puits, 19 m. ^ —
Sokya, où se trouvent une rivière et des jardins,
36 m. — El-Abwa, puits, 29 m. (Ed. 27). —
Djohfah, où les pèlerins de Syrie prennent Vihram;
cette étape est à 8 milles de la mer (Yak. 6; Ed. 4),
27 m. — Kodaïd, puits, 27 m. — Osfân, puits,
23 m.^
SUITE DE LA ROUTE DE BAGDAD À LA MECQUE, DEPUIS MA'dEN-
en-nokrah\
Mogbîthat-el-Mawân, citernes et puits, 33 m.
' Ici manque une étape de 34 milles, nommée Rowaîthah; elle
est formée de la réunion de quatre puits, au milieu du désert,
(Edriçy; Yakouby.)
- Le paragraphe finit brusquement ici ; mais il se complète par le
texte de Kodama, qui ajoute : «Batn-Marr, 16 m. et de là à la
Mecque, 16 m. » La distance entière de Médine à la Mecque est» en
ajoutantles stations omises dans les deux copies, a46 milles. D'après
Burton et Burckhardt, elle est de 2/18 milles anglais.
' La premitrc partie de cet itinéraire se trouve ci-dessus, p. 496.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 50 J
(Kod. 27); on soupe à Saiiiatli, 16 m. — Raba-
dheh, citernes, ili m. on soupe à Ada'bah, 1 Zi m.
— Mine des Benou-Solaïm , où il est impossible de
se procurer de l'eau, si les citernes sont desséchées,
2 II m. on soupe à Saroura, 12 m. — Chelîiah,
26 m. on soupe à Aiem-Nohas, i3 m. — Omk,
puits ,21m. on soupe à Amdjeh , 1 3 m. — Ofay'iah ,
citernes et puits, 82 m. on soupe à Kirah, 1 5 m. —
Maslah, citernes et puits, 34 m. on soupe à Ki-
ram, 1 /i m. — Ghonirah (ou Omrah), citernes et
puits, 18 m. — Dhat-Yrk, puits abondants, 26 m.
on soupe à Awtas ,12m. — Jardin des Benou-
Amir, puits abondants, 32 m. on soupe à Omrat-
Kendah, 12 m. — La Mecque, 2 4 m. on soupe à
moitié route, à Besatîn.
Distance totale de Bagdad à la Mecque, 275 fars.
(y) ou 827 m. ( 1,654 kilom.).
Cantons^ de la Mecque : Tayef; Nedjrân; Kyrn-
el-Ménazil; El Akik u vallée creusée par les eaux ; »
El-Okazh ; Walîmeh ; Turbeh ; Bîcheh ; Tebalah ;
Hodjeïrah ; Kyçeh; Djorach ; Gherat ; Tehamah ;
Senkân ; Anîm; Beicb.
Route de la Mecque à Tayef : Bir-Ibn-el-Mortafi'
(Ed. au lieu de bîr « puits, » kybr « tombeau»); —
' Mikhlaf, terme spécial à la Péninsule arabique. { Cf. Ann. Moslem.
U , 66/i.) Les noms qui suivent étaient presque tous illisibles dans
le texte; ils se retrouvent dans Edriçy (1, i42 et suiv.), mais non
moins défigurés. Pour cette partie du livre, le Méraçid est un guide
précieux; les noms y sont orthographiés soigneusement, avec des
preuves tirées soit de la Chronique du Yémen , soit du témoignage
respectable, en cette circonstance, de l'auteur du Knmous,
V. 33
^02 MAI-JUIN 1865.
Kyrii-el-Mc'iiazil, rendez-vous des Yëinëiiiles et prises
de lilirom; — Tayef. — On peut aller de la Mecque
à Tayef par les hauteurs « Akabah, » en passant par
Arafat, ie vallon de No'man, la côte de Hokaybah,
et de là à Tayef.
STATIONS DIC LA MECQUE AU YÉMEN.
Puits d'Jbn-el-Mortafi ; - Ry rn-el-Ménazil , grosse
bourgade; — El-Ghaïk (Faïk), grosse bourgade; —
Safar; — Berneh, grosse bourgade; — Kodâ , pal-
miers et sources; — Rowaithah (Kod. Wathyah),
palmiers et sources; — Tebalah, ville importante;
sources; — Djesdâ, puits, lieu désert ^ ; — Recheh,
grosse bourgade; sources; lieu de garnison; — Bî-
cheh-Yaktan; eau limpide; vignes, à 8 milles de Djo-
rach; — Mahdjerab, gros village; sources et puits;
halte des caravanes. On y remarque un grand arbre
nommé thalhat el-mélik; il ressemble au gharab « salix
babylonica; » ce lieu est la limite entre le territoire
de la Mecque et le Yëmen; — Orfah; eau rare;
lieu désert; — Saadah, gros village; tannerie de
peaux et de cuir pour chaussures; — Amchyah. lieu
inhabité; petite source; — Khaïwân, village riche
en vignobles; deux citernes; les habitants y souffrent
d'ophthalmie ; — Anabit, ville : blé , vignes et sources ;
— Sanaa , capitale du Yémen ^.
' Edriçy dit peu d'habitants. D'après Kodama , c'est un «ampe-
ment d'Arabes de la tribu de Kaïs.
' Au lieu des j8 stations nommées dans cet article, Kodama en
cite 19; mais dans un autre passage, il compte 18 journées de ca-
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 503
CANTONS DU YÉmEN.
Sanaa ; el-Hacheb ; Rohabeh ; Mei sel ; Sîf-Sanaa
« littoral de Sanaa; » Saadali. De Sanaa à Rhaïwân,
'2 II fars. — De Khaïwân à Saadah, 16 fars. — De
Saadah à Mahdjerah, sous le coteau d'El-Mounsih,
non loin de Talliat el-Mélik, où commence le terri-
toire de la Mecque, 20 fars. — Total, 60 fars, de
Saadah à Sanaa. — Canton de Nour, où se trouvent
Reïbeh, le puits tari, et le château fortifié , dont il est
parlé dans le Koran ^ ; — Khaïwân ; — Dhou-So-
haïm ; — Adwah , où se voit la colline de feu, adorée
par les anciens habitants du Yémen. — Cantons à
droite de Saana : En-Nar ; — War'ah ; Tam ; Arhab ;
Djobeïrah ; Hamdân; Djoraf; Murad ; — Sendeh ;
— Soudda; — Djoufâ; — El-Harreb ; — El-Me-
chrek; — Berchân ; — Ala'k; — Ana'm. — Can-
ton El-Moçabîn. — Canton des Benou 1-Othaïf; —
Karyet-Mareb, qui renferme le village de Salomon;
— Sirwab: — Saha, pays du château de Biikis et
de la digue El-Arim. — De Sanaa, on se rend à
Soudda, Djoufa, Sendeh, et le Hadramaut; ces deux
cantons sont séparés de la mer par des plaines de
sable. — Distance de Sendeh, 3o fars. — De Sa-
naa au Hadramaut, ^2 fars. — Canton de ï^awlân
et Rakh, où est le Oaady-Yémen. — Canton Ahwar.
ravane entre ia Mecque et Sanaa. Au surplus, quelques lignes pins
loin, Tbn-Kliordadheh va nous apprendre qu'entre la frontière du
Hédjaz et Sanaa il y a 60 fars.
' CLap. XXII, vers. 4/i. Les l«^gendes relatives à ce passage du
livre saint sont racont(^es par Kazwîny, Athar, p. 67.
33.
504 .VJ Al -JUIN 1805.
— Hakal-Warmàn [Méraçid : Mehrân), à i 6 fars, de
Sanaa; — Canton des Benou-Amir; — Bah; —
Reda' ; — Renyeh ; — Cheref ; — Ochar ; — Roaïn ;
— Nesefàn; — Kalilân; — Sankân; — Reihân; —
Nafé'; — Mousby ; — Hodjr ; — Bedr ; — Aslah ;
— Seïheb [Méraçid : Sihab). Canton d'Abian, où se
trouve Aden, — Canton de Badân et Yéman. —
Canton de Nebah et d'el-Mizra'. — Canton d'Ei-
Mekarim et d'Amloul K
Distances : de Sanaa à Dhimar, 8 fars. — De
Saba à Hodjr et Bedr (Mok. Badad), 20 fars. — De
là au bourg d'Aden, dans le canton d'Abian , 2/4 fars.
— En tout, entre Sanaa et Aden, 68 fars.
Ccintons de Salif; — El-Adanv, — A'ian; — El-
Hinneb; — Sekasik (tribu des Benou Seksek, Mé-
raçid), qui est le dernier canton du Yémen. — De
Sanaa à Dbimar, 1 6 fars. — De Dbimar au Haut-
Yabsoub, 8 fars. C'est dans ce canton de Yahsoub
que se trouvent la ville de Dhafar et son château
(Kasr-Zeïdân), résidence des anciens rois du Yémen.
— Du Haut-Yahsoub à Sohoul , 8 fais. — De Sohoul
à Tboudjeh, /i8 fars, (lisez 8 fars. Mok. dit 8 fars.
Ed. 36 milles).
Cantons de gauche, en retournant à Sanaa : Ans
(Yac. Khams) ; — Ziady ; — El-Moahr ; — Benou'I-
iMedjid; — Rekeb; — Chakab; — Thanadjir; dans
ce canton est le bourg fortifié nommé Almad; i\
est habité par la postérité de Dhou'l-Menakh. Ibn
' Ces quatre derniers cantons, d'après le Méraçid, doivent leur
nom anx petites Iribns (|ui les habitent.
LE LIVRE DES ROUTES ET|DES PROVINCES. 505
el-Djoun el-Meiiakhy Thimyarite en est originaire.
— Canton de Sohoul; — les Benou-Saab; — Wa-
hadhah ; — Haut-Yashoub ; — Ranaah ; — Ei-War-
dyeh; — El-Hadjar; — Zebîd , en face est le lit-
toral de Galiafikah et El-Mandeb; — Rima'; —
Makda ; — Alhân ; dans ce canton est compris Djou-
blân, possession de la famille (himyarite) de Dhou
Sarh; — El-Hakaleïn; — El-Ourf; — El-Ohrouf
(Méraçid :El-Okhrout),
Distances : de Sanaa à El-Ourf, 8 fars. — D'El-
Ourf à Alhân, lo fars. — D'Alhàn à Djoublân,
i k fars. - — De Sanaa à Djoublân, 32 fars. — De
Djoublân à Zébid et Rima\ 1 1 fars.
Suite des cantons : Kawlân, au delà de Sanaa; —
Hadar et Houcheb; — Akk-Rezzabah; quiconque
va dans ce pays y meurt ^ ; — Yahcha'; — Haraz et
Hawzen; — El-Okhroudj et Medjnab; — Hadhour;
Mareb et Djamlân ( Méraçid : Hamlân), où se trouve
la ville de Sahiad. — Sakin; Chibam ; Beit An^am
et El-Meçani', demeures de la postérité de Dhou-
Hawal, fils de Maghar. Dja'far, fils d'Abd er-Rab-
man, fils de Roreïb, appartient à cette famille; —
Watha' et El-Meflek, entre Sanaa et Chibam. —
^ Je pense que l'auteur avait écrit (3IU3 «Lwwo» «son port est
Dehlek , » leçon conforme à celle du Méraçid. Les copistes ne pou-
vant lire ce membre de phrase l'auront interprété par sLw ^ju»
CiUst» fV^, On doit cependant faire remarquer, en faveur de cette
variante, que l'île de Delilek a toujours été considérée comme un
séjour mortel à cause de l'excessive chaleur qui y règne. Les pre
miers khalifes y exilaient ies agents dont ils avaient à se plaindre.
506 MAf-JUJN 1805.
De Sanaa à Chibam, 8 fars. — Hakein ^ ; — Dja-
zâii; — iMouça (Cf. Fresnel, Journ. asiat. i8/io,
p. gS); — Chardjah; — Hadjour et El-Maareb.
Entre Basrab (il faut lire Omrali avec les autres
itinéraires) et Sanaa, il y a /i 9 relais de poste. —
Entre Sanaa et Dbimar, li relais. — Entre Dhimar
et Aden, y relais, — Entre Dhimar et El-Djened,
4 relais. — Entre Sanaa et Mareb, 7 relais. — Entre
Mareb et Abdal, c'est-à-dire le Hadramaut, 9 relais,
•à dos de chameau.
J'ai trouvé dans les registres de compte d'un agent
du Yémen que le maximum do l'impôt payé par
cette province, sous la dynastie actuelle, se monte
à 600,000 dinars (6 millions de francs). Après la
conquête musulmane, le Yémen fut divisé en trois
gouvernements : le premier et le plus important est
Djened et ses cantons; le deuxième, d'une impor-
tance moyenne, Sanaa et ses cantons; le troisième,
qui est le plus petit, l'Hadramaut et ses cantons.
Les habitants du Yémen racontent que, lorsque
le prophète Salomon épousa la reine Bilkîs, les dé-
mons bâtirent, pour Dhou-Tôbba , roi de Hamdàn
(sic), des châteaux et d'autres éditices. Une pierre
portait l'inscription suivante : « Nous avons bâti Seld-
!(jen, Sirwab, Mirwah (suivent deux noms ilbsibles),
(( Aiîn, (Idrit?), Hindeh et Honeïdeh, Kaïsoum-Be-
(( faa , et les bourgs de Namath. Ce château a été cons-
» truit l'année où nos demeures étaient en Egypte. »
' Ce canton, d'après le Wrraçid, doit son nom à Kl-Hakeni, fils
de Saad el-Acliirah.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 507
Selon Wahb, fiis de Mounebbih, cela fait plus de
seize cents ans. Une inscription himyarite ^ d'un châ-
teau appartenant à Chammir était ainsi conçue :
« Cet édifice a été bâti par Chauinnir, fils d'Achar. . .
(( reine du soleil.» — On lisait sur la porte de la
ville de Dhafar^ : u Qui posséda Dhafar? — Les
« nobles de la Perse. — Qui possède Dbafar P —
(«Les marchands koreichites. — A qui Dbafar? —
<( Il reviendra [ioahar) aux fils d'Himyar. » Les Abys-
sins ayant envahi le Yémen, quatre de leurs rois
régnèrent dans ce pays pendant soixante-douze ans.
' li y aurait plus que de la témérité à tenter des recherches sé-
rieuses sur un texte aussi mutilé. Je ne puis cependant m'empêcher
de signaler la singulière ressemblance que présente la première
moitié du groupe c^^xsu v.«i.c avec le nom himyarite lu et trans-
crit yJ^ par Fresnel , sur les fragments IX, LV et LVI des inscrip-
tions recueillies par M. Arnaud. On sait que Fresnel y trouvait le
nom d'Astarlé, Vénus- Uranie, ï Aschtôretli des Sidoniens. L'épi-
thète domina solis, qui se lit dans la version arobe d'Ibn-Khordadbeh,
rend, il me semble, ce rapprochement encore plus frappant. (Cf.
Journ. asiat. octobre i8/i5.) Bien entendu, toute trace de ce nom a
disparu chez les écrivains musulmans. Dans la table ethnologique
des rois himyarites, Chammir est fils tantôt d'Vfrikous, tantôt de
Yaçer-Younim.
* Cette prétendue inscription , où se révèlent pourtant les aspira-
tions d'une nationalité souvent asservie au joug étranger, est posté-
rieure à la conquête du Yémen par les musulmans. Elle a été mise
en vers, pour être plus facilement retenue, et c'est sous cette forme
qu'on la trouve dans les ouvrages historiques de Maçoudy et d'Ibn
Khaldoun. Kazwîny et d'autres compilateurs l'ont citée en prose,
avec des variantes qui en modifient sérieusement le sens. Le défaut
d'espace m'empêche de discuter ce fragment, d'ailleurs épisodique
dans le Livre des routes. La durée de la domination des Abyssins est
ici exactement indiquée; elle prit place entre 525 et 597 de J. C.
date de réliihlissenK^nt du premier vice-roi persan dans le Yémen.
508 MAI-JUIN 1865.
STATIONS ENTRE MESDJID-SAAD ET BASRAH.
Barik. — EI-Asla. — SeJmân. — Akmar — El-
Adjaryeh. — Aïn-Saïdam (Yak. Saïd). Aïn-djemel
« source du chameau. » — Basrah. (D'après Edriçy,
il y a cinq journées entre Koufah et Basrah.)
STATIONS ENTRE BASRAH ET LA MECQUE '.
Sabkhayeh (Sabayeh). — Kofaïr (Djofaïr, Ho-
daïr). — Rohaïl. — Sadjr (Sendjek). — Kefer
(Djefer-Aby-Mouça). — Matoumali (Mawyah). —
Dhat-el-Açeb (Ochar). — Basnouah (Suraah). —
Chemseh (Somaïrah). — Sebah. — Oumoudyah.
— Karyeteïn. — Ram ah. — Thikfah. — Daryyah.
— Djadîlah (Hawîlah). — Feledjeh (Milhah). —
Rokaïbah. — Kana (Koba). — Merrân. — Ouadj-
rah. — Awtas. — Dhat-Yrk, dans le Tehamah. —
Le jardin des Benou-Amir. — La Mecque.
STATIONS DU YEMAMAH À LA MECQUE.
El-Hadîkah (de verger )) (Ed. Arydh). — Sabal). —
' Les leçons entre parenthèses sont données , soit par Mokaddessy,
soit par Bekry. Le calcul des stations n'est pas relevé dans notre
texte, non plus que dans celui de Kodama, encore plus incomplet
en cet endroit. On trouve dans Bekry 16 stations, formant un total
de 4ii milles, et dans Mokaddessy, 20 stations, dont le total se-
rait 538 milles : celui-ci cependant affirme que la distance exacte
de Basrah à la Mecque est 700 milles. On voit, d'après cela, que
4 étapes ont été omises probablement par les copistes, M. Sprenger
en a déjà fait la remarque. (Même ouvrage, p. 117.) Cette distance
est évaluée ordinairement à 827 milles, en 3» joiirnées de cara-
vane.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 509
Thenyeh (Kod. ajoute £/-^Ja). — Saka. — Sedd «la
digue. )) — Sadat (Kod. Merarah). — Sovaïkah. —
Karyeteïn. Puis viennent les stations entre Basrah
et la Mecque, indiquées dans la route précédente,
ROUTE D'OMAN À LA MECQUE, LE LONG DE LA COTE '.
Fawk (Farak). — Awkelân (Arkelân). — La côte
de Hamat (Minah). — Chihr, habitée par la tribu
de Kindah. — Bourg de Kindah. — Bourg d'Abd
Allah, fils de Madhedj. — Hadjedj? — Aden, qui
dépend d'Abian. — La pêcherie de perles. — Canton
des Benou-Medjîd (Benou-Mohammed). — Mend-
jelah (Menhad). — Canton de Rekeb. — Mendeb
(Mender). — Zebyd. — Ghalafikah. — Canton
d'Akk. — Djoudah. — Canton de Hakem. — So-
haïm. — Havre de Dhenkân. — Havre de Nalila
(Halya). — Serîr. — Ounab. — Merdjab-sasah
(Sefîneh). — Une autre station. — Djeddah. —
La Mecque.
DE KHAWLÀN-DHOU-SOHAÏM À LA MECQUE ^
Bîcheh. — Yaktân. — Dhenkân. — Hala. —
Bîcheh (Ed. ajoute Harân). — Ranouna. — Ha-
chah. — Darkah. — Olaïb. — Nyah. — Bîrek.
— Yelem [Méraçid : Yelemleh); c'est là que les
habitants de la Mecque revêtent Vïhram, — Melkân.
— La Mecque.
* Les variantes de cette route peu connue sont tirées de la copie
de Kodama.
^ Cette route est donnée en sens iiîVerse par Edriçy, I, \lxh.
510 MAI-JUIN 1865.
STATIONS D'EGYPTE \ LA MECQUE V
De Fostat à El-Djoubb « le puits. » — Boaïb. —
Station d'Ibn-Sadakah (Yac. Ibn-Rarkarah). — Adj-
roud. — Demeh (Rod. Rebîbeh). — Kersen. —
Hofaïr. — Station '^. — Eïlab. — Hafa. — Madian.
— Ela'râ. — Station (nom omis). — Kilabeb (Kila-
nyeh). — Cba'b. — Bedâ (Kod. Bena). — Sarha-
teïn. — Badhâ. — Ouady'1-Rora. — Robaïbab. —
— Dhou'l-merwab. — Médine. — Voir, pour la
suite de l'itinéraire , la route de Médine à la Mecque,
oi-dessus p. 5oo.
DE DAMAS À LA MECQUE.
Station. — Autre station^. — Dhat-el-Ménazil.
— Yanou'. - — Tebouk. — Mobaïnah. — Elakra'.
— Hanefyeh. — Ouady'1-Rora. — Robaïbab. —
Dhou'l-merwa. — Soeïdâ. — Dbou-kbacbeb. —
Médine. — Pour le reste des stations , voir la
route de Médine à la Mecque, ci-dessus, p. 5oo.
' Route indiquée par Edriçy, 1, Sag, et par Yakouby, p. 129.
chez ce dernier avec des variantes notables. La première station ,
le Puits, à cinq heures du Caire, est, au rapport de Burckhardt, le
rendez-vous des pèlerins égyptiens.
^ Nom omis ; il manque aussi chez Edriçy. — Dans le texte de
Yakouby on lit : Jc.iAjf civ-ii.
' Ni l'une ni l'autre ne sent nommées dans nos copies; mais on
lit dans Edriçy: «De Damas à une petite rivière, et de là à Daai» ,
une journée. » Du reste, tout ce paragraphe est mutilé et il manque
encore deux étapes entre Damas et Tebouk. D'après les relations
modernes, on compte onze journées entre ces deux points, et douze
entre Tebouk ot Médim*.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 511
'de basrah au yémamah.
De Basrah à (Ed. Dehmân). — Kazhimah.
— Autre station. — Rora'. — (Rod. Fora'). —
Thikhfah (Rod. Safhah). — Samân. — Cinq autres
stations ^ — Soleïmah. — Sal (Rod. Sînal). —
Yémamah.
Dépendances du Yémamah : Hadjar; Houd, à
24 heures de Hadjar; El-Yrdh, vallée^ qui traverse
le Yémamah dans tonte sa longueur, et renferme
plusieurs villages; El-Manfoukhah (Ed. Manbou-
khah); Thoudah; Makrah; Nedjarah; Ouady'l-fitar.
Bourgs du Bahreïn : Rhatt; Ratîf; Elawreh;
Hadjar; Awrak; Yalnoubeh; Machkar; Zarch; Hou-
lyeh; Saboun; Darîn ^; El-Ghabeh.
STATIONS ENTRE LE YEMAMAH ET LE YÉMEN.
Houroudj. — Merdj « la prairie. » — Safa. — Bîr-
el-abar a le puits des puits. » — Nedjrân. — Hama.
Barakas. — Merba'. — Mahdjereh. — Pour la suite
des stations, voyez la route ordinaire jusqu'à Sanaa,
ci-dessus, p. 5o3.
* Kodama nomme les deux dernières seulement: elles sont appe-
lées, d'après cet auteur, Djoiihb-el-Korat et Mutevelly.
^ «Cette vallée est arrosée par la rivière appelée A flan; elle sé-
pare la province en haute et basse. Sur ses bords sont situés des
villages bien peuplés, des champs cultivés, des palmiers et d'autres
arbres.» (Edriçy, I, i56.)
* « Port du Bahreïn , entrepôt du musc nommé pour cette raison
musc Dariny> bien qu'on le tire de l'Inde.» [Méraçid.)
512 MAI-JUIN 1865.
RÉCAPITCLATION DES STATIONS DE POSTE '.
Le nombre total des relais de poste dans l'em-
pire s'élève à 980 ; les dépenses pour l'achat et la
nourriture des chevaux, l'entretien du personnel et
des fervanègui (voir l'introduction p. 1 1 ) se mon-
tent à i5/i,ioo dinars ( 1 ,5/n ,000 francs.)
ITINÉRAIRE DES MARCHANDS JUIFS, DITS RADANITES ^
Ces marchands parlent le persan, le romain
(grec et latin), l'arabe, les langues franque, espa-
^ Après avoir calculé avec soin les chiffres partiels, indiqués
dans le couinant de l'ouvrage, aux paragraphes spéciaux, je ne
trouve que 63 1 relais; mais il est juste d'ajouter que les postes de
plusieurs routes importantes, comme celle de Bagdad à la Mec-
que, etc. ne se trouvent plus dans le traité dlbn-Khordadbeh , tel que
le temps nous l'a transmis, M. Sprenger, qui a fait usage, avant moi,
de ces renseignements, en les comparant à ceux de Kodama, les
résume ainsi : «En jetant les yeux sur le réseau des routes postales,
il est aisé de comprendre le système de ce service. De Bagdad, sa
résidence , le Khalife était en communication avec ses agents les plus
éloignés : il pouvait correspondre au nord-ouest avec Neïchapour,
dont le gouverneur, vassal de nom, indépendant de fait, exerçait
son autorité jusqu'aux rives du Yaxarte. Au sud-ouest, le Khalife
correspondait avec Chîraz et Istakhr, où régnaient les Boueïhides. Il
est intéressant de remarquer que ses intelligences s'étendaient jus-
qu'aux frontières les plus reculées, au nord. Obligé de défendre
l'empire musulman contre les Grecs, il avait besoin de recevoir
aussi rapidement que possible, par ses estafettes, tous les rensei-
gnements de nature à l'éclairer sur les mouvements de l'ennemi. »
[Post- und lîeiseroulen , p. lo.)
^ Ce morceau si intéressant pour l'histoire du commerce de l'Eu-
rope avec l'Orient, au moyen âge, a été traduit, pour la première
fois, par M. Reinaud {Introduction à la géographie des Orientaux^
p. 58). Je no pouvais mieux faire que do ronscrvor la tiathiotion flo
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVLNCES. 513
gnole et slave. Ils voyagent de l'Occident en Orient,
et de l'Orient en Occident, tantôt par terre, tantôt
par mer. Ils apportent de l'Occident des eunuques,
des esclaves femelles, des garçons, de la soie, des
pelleteries et des épées. Ils s'embarquent dans' le
pays des Francs, sur la mer occidentale, et se di-
rigent vers Farama (près des ruines de l'ancienne
Péiuse); là ils chargent leurs marchandises sur le
dos de bêtes de sommes, et se rendent par terre à
Kolzoum (Suez), à cinq journées de marche, sur
une distance de 20 farsakhs. Ils s'embarquent sur la
mer orientale (la mer Rouge) et se rendent de Kol-
zoum à El-Djar ^ et à Djeddah; puis ils vont dans
le Sind , l'Inde et la Chine. A leur retour, ils se char-
gent de musc, d'aloès, de camphre, de cannelle et
des autres productions des contrées orientales, et
reviennent à Kolzoum , puis à Farama, où ils s'em-
barquent de nouveau sur la mer occidentale. Quel-
ques-uns font voile pour Constantinople , afin d'y
vendre leurs marchandises ; d'autres se rendent dans
le pays des Francs.
mon savant et cher maître , en y introduisant un ou deux change-
ments de détails , nécessités par la comparaison des deux copies.
Le surnom donné ici à ces marchands me paraît devoir son origine
aux trois cantons de Radân, dans la partie orientale du Sawad. (Cf.
ci-dessus, Tableau statistique, p. 2/10.) Cette forme est expliquée de
la même manière par Soyoulhy , dans son Dictionnaire des surnoms
ethniques.
^ Au lieu de Hédjaz, je lis A^î forme très-nettement écrite dans
les deux copies. El-Djar est un port à trois marches de Médine, et
une île près de Djeddah, fréquentée par les navigateurs, qui y font
514 MAI-JUIN 1865.
Quelquefois les marchands juifs, en s'embar-
quant sur la mer occidentale, se dirigent (à l'em-
bouchure de rOronte) vers Antioclie. Au bout de
trois jours de marche, ils atteignent les bords de
l'Euphrale et arrivent à Bagdad. Là ils s'embarquent
sur le Tigre et descendent à Obollah , d'où ils met-
tent à la voile pour l'Oman, le Sind , l'Inde et la
Chine. Le voyage peut donc se faire sans interrup-
tion.
Les Russes, qui appartiennent à la race slave, se
rendent, des régions les plus éloignées du pays des
Slaves \ sur les côtes de la mer de Roum (la Médi-
terranée), et y vendent des peaux de castor et de
renard, ainsi que des épées. L'empereur (grec) se
contente de prélever un dixième sur leurs mar-
chandises. Les négociants russes descendent aussi le
fleuve des Slaves (le Volga) , traversent le bras qui
passe par la ville des Kbozars (aux environs d'Astra-
khan) , où le souverain du pays prélève sur eux un
dixième; puis ils entrent dans la mer de Djordjân
(Caspienne) , et se dirigent sur le point qu'ils ont en
vue. Cette mer a 5oo fars, de diamètre. Quelque-
fois les marchandises des Russes sont transportées,
à dos de chameaux, de la ville de Djordjân jusqu'à
Bagdad.
Ces divers voyages peuvent se faire également
par terre. Les marchands qui partent de l'Espagne
de l'eau. L'auteur du Méraçid ajoute que la partie de la mer Rouge
comprise entre Djeddah et Suez se nomme elle-même El-Djar.
' 11 faut en effet corriger ainsi le texte, qui porle ^/JjL-s.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 515
et du pays des Francs se rendent à Tanger et au
Maroc, d'où ils se mettent en marche pour la pro-
vince d'Afrique et l'Egypte. De là ils se dirigent vers
Ramlah, visitent Damas, Roufah, Bagdad et Bas-
rah, pénètrent dans l'Ahvaz, le Fars, le Kermân, le
Sind et arrivent dans l'Inde et à la Chine. — On
peut encore prendre la route d'Arménie et se ren-
dre, à travers le pays des Slaves, auprès de la ville
des Rhozars; on s'embarque sur la mer de Djordjân ,
puis on arrive à Balkh, dans la Transoxiane, le
pays des Tagazgaz et la Chine.
L'accès à la cour du Chosroès était interdit aux
étrangers qui arrivaient des cinq contrées suivantes :
de Syrie, par Hît; du Hédjaz et du Yémen, par El-
Odhaïb; du Fars, par Nabîn; du pays des Rhozars
et du pays des Allans, par Bab-el-Abwab (Derbend).
On lui adressait un rapport sur les arrivants, et on
retenait ceux-ci à la frontière, jusqu'à ce que le roi
eût pris une décision à leur égard.
La terre a été partagée en quatre parties : i" l'Eu-
rope, comprenant fAndalous, le pays des Slaves,
des Grecs et des Francs; Tanger, jusqu'à la frontière
égyptienne; 2° la Libye, comprenant l'Egypte, (la
mer de) Rolzoum, l'Abyssinie, les Berbères et les
payssitués au delà ; 3° la mer méridionale , qui baigne
le Tehamah, le Yémen , le Sind, l'Inde et la Chine;
4° l'Asie, comprenant l'Arménie, le Rhoraçân, le
pays des Turcs et des Rhozars. Il y a encore une di-
vision du globe différente de celle qui précède.
516 MAI-JUIN 1865.
Volcan de Sicile
L'Espagne
On voit, dans l'Inde un rocher d'où jaillit du feu,
mais on ne peut rien allumer à sa flamme
On ne trouve pas en Sicile la grosse fourmi nom-
mée el-foursân [formica leo), et les singes sont in-
connus en Espagne, à cause du grand nombre d'ani-
maux sauvages que renferme cette contrée.
Dans le pays des Grecs, sur les bords de la mer
des Khozars (mer Noire), est une contrée nommée
Mostatîleh^, où l'hiver et l'été sont la saison des
pluies; les habitants ne peuvent ni battre, ni van-
ner leurs blés; ils les entassent en gerbes dans leurs
maisons; puis, au fur et à mesure de leurs besoins,
ils prennent une certaine quantité d'épis, les frot-
tent dans leurs mains , pour en extraire le grain ;
après quoi ils le font moudre et le cuisent. Les
singes sont nombreux dans ce pays.
Dans le Hédjaz et le Yémen , il pleut tout l'été ,
' Le commencement de ce chapitre est entièrement perdu, et le
reste ne nous est parvenu qu'avec des lacunes considérables. La lec-
ture du peu qui nous a été conservé n'est pas de nature à en faire
regretter sérieusement l'ensemble.
' «Contrée longue, étendue.» Kazwîny a trouvé ce passage dans
le traité de géographie de Djeîhany, où l'ouvrage de noire auteur
avait passé presque en entier, et il l'a cité d'une façon peu correcte.
Mustaufy l'a traduit dans son Nouzhet; mais, oubHant que l'expres-
sion «mer des Khozars» désignait aussi la mer Noire, il suppose
que cette description s'applique au Guilân , dont le climat est hu-
mide et pluvieux.
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 517
mais jamais en hiver. A Sanaa et au delà de cette
ville, la pluie tombe en juin, juillet, août et une
partie de septembre, depuis midi jusqu'au coucher
du soleil. C'est pourquoi les habitants s'abordent en
disant : «Hâlons-nous avant la pluie, car voici la
saison pluvieuse qui arrive. »
Lorsque les Arabes conquirent l'Espagne, ils
trouvèrent dans le palais de la ville des rois (Tolède)
vingt-quatre couronnes, autant qu'il y avait eu de
rois dans ce pays. Chacune de ces couronnes était
d'un prix inestimable; elle portait le nom du roi au-
quel elle avait appartenu , la mention de son âge et
la durée de son règne. On y trouva aussi une table
qui provenait, dit-on, de Salomon, fils de David.
Dans ce palais était une autre salle fermée par vingt-
quatre serrures, chaque roi ayant ajouté une ser-
rure à celle de son prédécesseur ^; personne ne sa-
vait ce que cette chambre renfermait. Le dernier
roi (chrétien) de TEspagne voulut en violer le se-
cret, persuadé qu'elle recelait des trésors. Les évo-
ques et les prêtres cherchèrent à lui représenter la
gravité de cet acte , et le supplièrent de se conformer
^ Il est inutile d'insister sur ces légendes d'origine chrétienne,
qui ont défrayé bon nombre d'historiens arabes et persans. On en
trouve le détail dans le grand ouvrage de Makkary (édition de Bou-
lac, I, p. 1 15 et suiv.) , d'après Hafiz el-Homaïdy, auteur d'une ga-
lerie des savants et des littérateurs arabes-espagnols. (Cf. Dozy, Introd.
au Bajân al-Mogrib, p. 70,) Le conte rapporté par Ibn-Khordadbeb
se lit également dans un des annalistes les plus graves de la con-
quête musulmane, Ibn-el-Koutya, dont M. Cberbonncau a publié
d'intéressants fragments [Jonrn. asiat. i856, novembre-décembre,
p. 434).
V. 34
518 MAI-JUIN 1865.
à l'exemple des vois qui l'avaient précédé, eu lui di-
sant : «Si c'est de l'or qu'il vous faut, nous vous en
donnerons, à la condition que cette porte restera
fermée. » Mais le roi, sourd à leurs prières, ordonna
qu elle fut ouverte. On y trouva des figures d'Arabes
à cheval, avec leurs turbajns et leur costume, armés
d'arcs et de flèches. Ce fut en cette même année
qu'eut lieu l'invasion de l'Espague par les musul-
mans.
Los savants qui ont tracé cette sphère, image du
globe terrestre, ont voulu donner une preuve sen-
sible de la divine sagesse, laquelle, réunissant sur
les bords et autour du globe les affinités de ces élé-
ments, c'est-à-dire mélangeant la chaleur avec la
chaleur, le froid avec le froid, comme on le voit
ci-dessous, a créé le monde, avec les oppositions et
les contrastes qui y régnent ^
' L'obscurité de cette théorie se complique du laconisme de l'au-
teur Cl de rincorrcction du texte. Je n'essayerai pas de discuter cetle
flibse enlièremenl étrang^re à l'objet principal de mon travail; je
me bornerai à rappeler cpe le cosmographe et naturaliste arabe
Kanvîny a consacré un long paragrapbc à l'élude des quatre élé-
ments, de leurs cojnbinaisons, etc. (édition Wûstenfeld, p. 89),
où l'idée fondamentale qu'on entrevoit à peine ici est développée
avec une clarté satisfaisante. En ce qui concerne les caractères dis-
tinctifs de chaque quart du monde, les déïinitions renfermées dans
Icj quatre cases de la figure ci-jointe sont répétées presque mot
pour mot dans le chapitre lxii des Prairies d'or (t. IV, sous presse).
Une seule différence, mais radicale, sépare les deux rédactions :
Maçoudy applique h l'orienllcs caractères qui, selon lbn-K.bordad-
beh, distinguent le midi. En s'oricnfaiil à la façon des musulmans,
de manière à avoir le levant en face de soi, le midi à droite, etc.
l'ordre indiqué par notre le.\le semble plus ralionnel.
LE LIVRE DES ROCTES ET DES PROVINCES. 519
Tout ce que renferme ce quart de la
terre est chaud et sec , tempérament du
feu, de la Lilc, de l'été; c'est l'Orient.
— Vent d'est. — Quatrième , cinquième
et sixième heure, — Facultés organi-
ques : force vitale et animale. — Sa-
veur : l'amertume. — Planètes : Mars et
le Soleil. — Signes du Zodiaque : l'Écro-
visse, le Lion, l'Epi.
Tout ce que renferme ce quart de la
terre est chaud et humide, tempérament
de l'air, du sang, du printemps et du
vent d'est; c'est le Sud. — Vent du sud-
— Première , deuxième et troisième
heure. — Forces physiques : faculté di-
gestive. — Saveur douce. — Planètes : la
Lune et Vénus. — Signes du Zodiaque :
le Bélier, le Taureau, !cs Gémeaux.
Tout ce que renferme ce quart de la
terre est froid et sec , tempérament de
la terre , de l'atrabile , de l'automne , de
la décrépitude (un mot illisible). — Vent
du nord. — Septième , huitième et neu-
vième heure. — Force organique : l'ah-
sorption. — Saveur : l'âcreté (lisez el-
hamidheh , au lieu de kabidkeh), — Pla-
nète : Saturne. — Signes du Zodiaque :
la Balance, le Scorpion , le Sagittaire.
Tout ce que renferme ce quart de !a
terre est froid et humide, tempérament
de l'eau, de la pituite, de l'hiver, de
la vieillesse; c'est l'Occident. — Vent
d'ouest. — Dixième, onzième et douzième
heure. — Saveur salée et goûts analo-
gues (il faut lire mâlih, au lieu de ma).
— Planètes : Jupiter et Mercure. — Si-
gne» du Zodiaque : le Chevreau et le
Verseau. — Force répulsive.
EDIFICES DIGNES D'ADMIRATION.
Les pyramides d'Egypte, construites en granit et
3^.
520 MA[ JUIN 1865.
en marbre; leur hauteur (verticale) est de l\oo cou-
dées; c'est aussi leur mesure en long et en large L
Toutes sortes de recettes médicales et de talismans
merveilleux y sont gravés. On y lit aussi : ((Que le
roi qui se dit puissant essaye de les détruire, quoi-
qu'il soit plus facile d'abattre que d'édifier. » Et, en
effet, le revenu du monde entier ne sufBrait pas pour
cette œuvre de destruction
On rapporte que la construction d'Alexandrie
dura trois cents ans, et que, pendant soixante et dix
ans, les habitants n'osaient sortir durant le jour,
leurs yeux ne pouvant supporter le reflet mat et
éclatant de ses murs. Son phare prodigieux s'élevait
du milieu de la mer, sur une écrevisse de verre (Cf.
Prairies d'or, II, Zi3o, /i33). Outre sa population in-
digène, Alexandrie comptait 600,000 juifs tribu-
taires.
— Memphis, capitale et lésidence des Pharaons;
leur armée résidait à Djeïroun.
— Deux colonnes, vestiges des démons ^ à Aïn-
* Sur les dimensions des pyramides , calculc^es par les Arabes, voir
Abdallatif (p. 216). D'après les mesures du colonel Wyse, la grande
pyramide de Khéops a 187 mètres de hauteur verticale et 2 27'°,3o
de largeur à chacune de ses bases; la hauteur de la face mesurée sur
le plan incliné est do 178 mètres.
- Makrizy, en copiant ce passage, lit j^jaLL-I Ij'^ ij^ «restes
d'un plus grand nombre de colonnes» (voyez la note de S. de Sacy,
Relation d' Abdallatif f p. 227). Ainsi que je l'ai dit en commençant
( introduction , p. 17), l'historien arabe de Tr^gypte devait avoir sous
les yeux une rédaction plus complète et plus correcte que Ja nôtre.
Il est difficile d'admettre qu'Ibn-Khordadbeh, malgré sa crédulité dé-
sespérante, ait attribué aux démons les deux colonnes d'Aïn-Chems,
LE LIVRE DES BOUTES ET DES PROVLNCES. 521
Chcms, en Egypte. Au sommet de chacune est un
collier de cuivre; de Tune des deux, et au-dessous
de ce collier, il distille de l'eau qui descend jusqu'à
la moitié de la colonne, sans arriver plus bas. Elle
suinte sans interruption , jour et nuit; la partie de la
colonne qui en est mouillée est verte et humide;
l'eau ne tombe pas jusqu'à terre. C'est un ouvrage
de Houcheng.
— La forteresse de Souk-el-Ahvaz: ce sont deux
forteresses superposées. Un édifice tout semblable
se voit au Maroc. C'est l'œuvre de Houcheng ^
Les Grecs prétendent qu'il n'y a pas de monu-
ments en pierre qui égalent l'église de Roha (Edesse)
et l'église d'Emèse. Abou'l-Kaçem , fils de Khordad-
beh, dit : «De tous les édifices construits en bri-
ques et en ciment, le plus beau était le palais (Eïvân)
du Chosroës à Médain; il fut détruit et servit à la
construction de Koufah.» Un poète a dit :
Les ancêtres et les rois (kaïl) de Kalitân placent les bases
de leur gloire sur BabramGour;
C'est dans son palais de Kliavarnak et dans le Seclîr qii'ils
ont manifesté la justice de leur règne.
Un des plus magnifiques monuments en pierre
et en ciment est le Chadrevân de Touster. Ce châ-
teau d'eau est en pierre, porté par des piliers de
fer et pavé de dalles en plomb.
puisque, deux iignes plus loin, il fait remonter leur origine à Hou-
cheng, le roi légendaire de la dynastie des Pichdadiens.
^ Ces mots me semblent une répétition inutile de la fin du para-
graphe précédent.
522 MAI-JUIN 1865.
Parmi les transformations de l'eau les plus singu-
lières, on cite mie montagne du Yémen, du sein de
laquelle jaillit une source, qui se répand sur ses pa-
rois et se solidifie, avant d'arriver à terre; elle forme
le beau cristal blanc nommé y émany. On trouve dans
l'Azerbaïdjân une rivière dont l'eau, après avoir coulé
quelque temps, se transforme ensuite en couches
de silex.
PARTICULARITÉS CDHIEUSES DES CLIMATS.
Quand un étranger arrive au Tibet, il éprouve,
sans pouvoir s'en rendre compte, un sentiment de
gaieté et de bien-être qui persiste jusqu'au départ.
Vers les confins de la Chine est une contrée nom-
mée Siltty très-riche en mines d'or. Les musulmans
sont tellement séduits par la beauté de ce pays,
quand ils y pénètrent, qu'ils s'y fixent et ne veulent
plus en sortir. (Voyez ci-dessus, p. 29/1.) Si un
étranger demeure un an à Moçoul son intelli-
gence s'éteint, ou tout au moins s'amoindrit^
El-Djahiz affirme avoir entendu dire aux sages-
femmes de l'Alïvaz qu'elles trouvaient souvent des
* J'ai séparé par des points ces phrases incohérentes, parce que
je crois qu'il y a plusieurs lacunes dans le texte. On lit à la suite :
«On ne trouve personne dont le teint soil coloré, » et, après un es-
pace en blanc, «la fièvre y est endémique. i> Ces lambeaux me sem-
blent se rapporter, non pas à la ville de Moçoul , mais à une des-
cription perdue de la Susiane. Yakout {Dict. de la Perse, p. 60)
parle à peu près dans les mêmes termes de la fièvre et des animaux
nuisibles de ce pays. «On ne voit, dit-il en citant le témoignage
d'Ahmed Hamadâny, sur aucun visage le coloris de la santé-, les fiè-
vres de l'Ahvaz sont permanentes, etc.»
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 523
enfants atteints de la fièvre en venant i^u monde. —
Sur la nionti»gne qui domine la ville et sm^plombe
les niaisons, à Souk-el-Ahvaz \ pullulent les vipères;
les scorpions appelés djerrareh, dont la piqûre est
mortelle, abondent dans les demeures. Au bout de
deux mois, les parfums s'altèrent dans cette ville,
de même qu'à Antioche. — Quiconque arrive dans
le pays des Zendjes gagne la lèpre (ou Télépbantia-
sis). — Quiconque jeûne pendant l'été, à Messiss^h
(Mopsueste) , est tourmenté par l'atrabile et exposé à
perdre la raison. — Le climat de Bahreïn provoque
des engoi^ements du foie, comme l'a dit un poêle :
Celui qui demeure à Bahreïn sent son foie grossir et son
ventre se gonfler, malgré la diète ^.
Au rapport des savants, la contrée la plus favo-
risée de la nature est Rey avec son cliarmant canton
de Sinn; celle qui l'emporte par l'industrie et le tra-
vail de l'bomme est le Tabarislân; la plus produc-
tive, Neïsabour; celle dont' la beauté a survécu aux
ravages du temps, Djoundeï-Sabour avec sa magni-
fique végétation. Puis on cite Merve pour ses oli-
viers; El-Madjân et le Gautali (banlieue) de Damas
pour leurs fertiles vallons; Niçibîn, arrosée par le
Hermas; Samaïrah et ses deux forteresses; Basrah
et son (canal) Nahrevân; en Perse, le vallon de
* Je lis .oyw au lieu de «uSa qui n'offre pas de sens satisfaisant.
Edriçy parle, lui aussi , du scorpion jaune nommé djerrarch.
^ Après cela vient une ligue illisible pour moi , suivie de quelques
mots incohércnls : «On trouve à Yatrib une racine odorante
à Chîraz, ville <lu Fars une chanson agréable»
524 MAI-JUIN 1865.
Bewân et les coteaux de Chebrezour couverts de
jardins à droite et à gauche ; Médaïn; Sous; Touster
entre ses quatre rivières : le petit Tigre, le Mousri-
kân, le Mabàn et le Pouriân; enfin Néhavend, Is-
pahân et Balkh. Mais les hauteurs de Samarcande,
dans la Sogdiane, l'emportent sur tout le reste par
leur beauté et leur richesse. — Le roi Kobad disait
que, dans tout son royaume, les meilleurs fruits
venaient des villes suivantes : Médaïn, Sabour, Er-
radjân, Rey, Néhavend, Houlvân et Maçabadân.
SOURCE ET EMBOUCHURE DES FLEUVES.
— Le Dj eïhoan [Oxxis] , fleuve de Balkb, sort des
montagnes du Tibet, passe devant Balkh, Teimed,
le Khârezm et se jette dans la mer de Djordjân
(Caspienne). — Le Sind (Mehrân ou Indus) sort
d'une montagne appelée Saghyân ^ passe par Man-
sourah et se jette dans l'Océan oriental, après avoir
formé plusieurs des rivières de l'Inde.
— Le fleuve de Chacb ^
— L'Euphrate sort de Kalikala, traverse le pays
des Grecs jusqu'à Kamakh, passe à deux milles
de Malatya et arrive à Somaïsat, où il devient navi-
gable — Le Tigre prend sa source dans les
montagnes d'Amid, traverse le mont Selseleh (ula
chaîne,» le Taurus). Grossi par de nombreux af-
* Birouny place la source de l'indus dans les montagnes d'On-
nanak,siirle.s frontières du Turkestau.(Jo«ru. asiat. septembre i8/i/|.
Cf. Burnes, 1 , 63 et 262.)
•* Lacune. ( Voyez Abou'l-féda , 11 , 78.)
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 525
fluents venus de l'Arménie, il passe à Beled, où il
commence à porter les bateaux et les kelehs; plus
loin, il reçoit les deux Zab et le Nabrevân, passe à
travers les Etangs et se joint au Tigre d'Obollab (ca-
nal), pour se jeter ensuite dans la mer orientale.
— L'Araxe, fleuve d'Arménie, sort de Kabkala,
traverse l'Errân, où il reçoit la rivière de ce nom,
passe devant Wartbân et à El-Djem! (confluent), où
il se joint au Kourr; la ville de Beïlakân est entre les
deux fleuves; après leur jonction, ils se jettent dans
la mer de Djordjân ^. — Les deux Zab sortent de
l'Arménie et se jettent dans le Tigre : le grand Zab
à El-Hadîthah, le petit Zab à Essinn. — Le Nabre-
vân (canal dérivé du Tigre) sort de l'Arménie, passe
h Bab-Taloua, où il est appelé Mamara (il faut lire
{^fleuve de Sorra-men~râ) , reçoit les affluents nommés
Kathoul, arrive au canton de Souly '^, où il prend le
nom de Nahrevân, et se jette dans le Tigre au-des-
sous de Djebboul. — Le Kbabour sort de Ras-Aïn,
reçoit le Hermas et se jette dans l'Eupbrate h Kar-
kiçya. — Le Balîkb (Billicha) sort d'une source
nommée Debbanyeb, dans la province de Harrân,
et se joint à l'Eupbrate au-dessous de Rakkab. —
Le Hermas part de Tour-Abdîn et se jette dans le
^ Cette dernière page nous est parvenue dans un état déplorable.
Voici les mots qui doivent être ajoutés au texte pour lui donner un
sens, p. 125, 1. 4. Après LtfiL^f fil il faut lire : ^^ ^j (jl-y.â>^3
2 C'est ainsi que je corrige , avec Abou '1-féda (II, 78), le groupe
inintelligible (jj.4»OkUj.
526 MAI-JUIN 1865.
Khabour. — Le Theiihar est un bras du lleniias
qui passe à El-Adhr (Atra) et se jette dans le
Tigre. ^^
— Le Nil d'F^gypte sort des montagnes de la
Lune, se dirige vers les contrées sises au nord de
l'équateur, coule le long de la Nubie, et entre en
Egypte; enfin une de ses branches débouche dans ia
mer de Roum, à Damiette; l'autre branche se jette
dans la même mer, après avoir passé à Fostat ( Vieux -
Caire).
— Le Dodjeïi « petit Tigre , » dans TAhvaz , sort de
la province d'ispahân et se jette dans la mer orientale
(près d'Abbadàn). — Le fleuve de Djoundcï-Sa-
bour, un de ses affluents, vient aussi du fond de la
province d'ispahân. — Le fleuve de Sous, autre af-
fluent du petit Tigre , part de Zeïtoun. — Le Mous-
rikân vient du Ghadrevân a château d'eau, aqueduc, »
de Touster et se jette dans la mer orientale. — Le
Zendéroud , fleuve d'ispahân , prend sa source dans
cette province, arrose ses dix-sept cantons, se perd
ensuite dans les sables, et reparaît, soixante fars,
plus loin, dans le Rermân; là, après un certain par-
cours, il se jette dans la mer orientale.
— Le Seïhân, fleuve d'Adanah, et le Djeïhân,
fleuve de Messissah, viennent l'un et l'autre du pays
des Grecs et se jettent dans la mer de Syrie. — L'O-
ronte, fleuve d'Antioche, prend naissance dans lu
province de Damas, du côté de Baalbek (je lis ainsi,
au lieu de Berhcr), coule du sud au nord et se jette
dans la Méditerranée. — La rivière de Damas, cpii
LE LIVRE DES ROUTES ET DES PROVINCES. 527
fertilise le Gautab, se jette dans le lac de Damas.
(Ce sont les trois étangs à l'est de la ville.)
MONTAGNES.
Le mont El- Ardj , situé entre Médine et la Mecque,
se dirige vers la Syrie; là il se réunit au Liban, près
de Hims, et, plus loin, aux montagnes d'Antakieh
et de Messissab; il prend alors le nom à' El-Lokam ;
il se joint ensuite à la chaîne de Malatya , de Somaï-
sal et de Kalikala, et s'étend jusqu'au rivage de la mer
des Kbozars (Caspienne), près de Bab el-Abwab
(Derbend)i.
' Passage copié par Kazwîny, II, 169. Maçoudy, qui cite cette
opinion de l'auteur pour la critiquer, nous fournit en même temps
la preuve que, loin de se terminer aussi brusquement, ce chapitre
renfermait une théorie complète de la constitution du globe. « Il
nous enseigne, dit Maçoudy, que les différentes parties du monde
se touchent et tiennent ensemble, sans solution de continuité; que
la surface de la terre offre tantôt des dépressions, tantôt des renfle-
ments considérables, etc.» A en juger par l'ensemble du chapitre,
celte dernière partie devait être aussi peu développée et présentée
avec la même sécheresse que le reste; on n'en trouve aucune trace
ni dans la copie de Constantinople, ni dans celle d Oxford. Cette
dernière seule porle une date; elle a été terminée le jeudi 2 du
mois de redjeb 632 (avril i235).
528 MAI-JUIN 1865.
TABLE DES MATIERES.
iV. B. — Les chiffres en italique indiquent la pagination du texte arabe
les chiffres en romain, celle de la traduction.
Introduction 5
Généralités de géographie physique 27 228
Evaluation des mesures 27 229
De l'orientation dans les différentes contrées 27 23o
Description du Sawad 28 28 1
Rive orientale du Tigre; Tamarra 28 282
Territoires arrosés par le Tigre et l'Euphratc 29 2 33
Territoires arrosés par TEuphrate et le Petit-Tigre. ... '29 233
Tableau statistique du Sawad 30 287
Historique de l'impôt de cotte province. 36 2A2
Rôle de l'impôt payé aux Tahérides par le Khoraçân . . 37 244
Par les pays au delà de l'Oxus 39 247
Récapitulation des sommes précédentes ^0 2 48
Surnoms des rois du Khoraçân et de l'Orient ^0 2^g
Districts et impôt de l'Ahvaz (Susiane) 4/ 202
Districts et impôt du Djebel à2 254
Districts et impôt d'ispahân 4.2 2 55
Royaumes de la terre ^2 2 55
Titres des rois du monde : . . 45 256
Rois surnommés Chahinchali . 45 257
Itinéraires 44 2 58
De Bagdad aux limites les plus reculées du Khoraçân
(routes du nord-est) 44 2 5()
De Merve à Chach et au pays des Turcs 47 263
Villes de la province de Boukhara 47 263
De Boukhara à Samarcande 47 264
De Zamîn à Ferghanah 4P 266
Tribus turques, Tagazgaz, Keïmak, elc 50 267
De Mcrvc-Chahidjân au Tokharistân 51 268
Roule de Saghaniân; route de Balkh au Tokharistàn su-
périeur 52 270
TABLE DES MATIÈRjES. 529
Relais de poste sur la route de l'Orient 52 271
Relais de poste dans TAhvaz et le Fars 53 272
Cantons du district de Sabour 54 278
Cantons d'Islakhr et d'Erradjân 54, 55 274
Campements des Kurdes 55 274
Division de la province du Fars 55 276
Route d'Istakhr à la capitale du Kermân 55 276
Route du Kermàn au Sedjestân 56 276
Villes principales du Sind; pays des Pehlevis 57, 58 278
De l'Ahvaz à Ispabân 58 279
Du Fars à Ispahân 58 279
D'Ispaliân à Rey 59 27g
De Bagdad à Basrah 59 280
Relais de poste entre la capitale du khalife et Vaçit. ... 59 281
Roule de Basrah à l'Oman, le long de la côte 59 281
De Basrah à rOrienL,par mer 60 281
Poissons extraordinaires dans la mer orientale 60 282
Du golfe Persique à l'Orient 61 2 83
Serendîb (Ceylan) ; le pic d'Adam 63 2 85
lie de Ramy, etc 63 286
Le camphrier 6ù 287
Likbalous; Kalah; productions de ces îles 6â 288
Principaux rois de l'Inde; éléphants 65 289
Le roi de Kamroun et le Maharadja 66 290
Itinéraire de la Chine 66 291
Aloès de Senf; El-Wakîn; Khanfou 66 292
Pays des Wakwak 67 293
Phénomène du flux et du reflux 67 298
Pays de Sila; productions de l'Inde ^ 68 29A
Castes et magiciens de l'Inde 69 296
Le Maghreb ou Occident; roule de Bagdad au Maghreb. 69 446
Villes du Khabour ; province de Kinnisrin ; impôts de ce
pays 70 448
Route partant d'Emèse. ... - 7i 449
Province de Damas; route partant de Damas 72 4 00
Districts de la Palestine 73 45 1
Route partant de Ramiah 73 45 1
Districts de l'Egypte 73 452
Route d'Egypte au Maghreb, en partant de Fostat 74 453
Route de Barkah à l'Occident 75 455
530 MAI-JUIN 1865.
États d'Ibn el-Aghleb 76 456
Etats de Meïmoun el-Roustemy, et de Sogbaïr le Berbère. 77 458
Etats de l'bcrétiquo Es-Sofry et des Edricites 78 459
Passage interpolé sur l'étendue de la terre 78 46o
L'Espagne sous les Omeyades 79 46 1
Tribus berbères 80 462
Exportations de la mer du Maghreb 81 463
Itinéraire de Bagdad à Rakkah par Moçoul ; villes prin-
cipales 81 465
Route de gauche allant de Beled à Sindjar et Karkiçya. . 83 466
Route de Rakkah aux villes frontières 83 467
De la Mésopotamie à la Méditerranée SI4 467
Postes entre Émèse et Damas ; route de Koufah à Damas,
par le désert 8à, 85 468
Postes entre Alep et les villes frontières 85 469
De Tarsous au canal de Constantinople 85 469
Description de ce canal 87 47 i
Murs d'enceinte de Constantinople 87 473
Provinces de l'empire byzantin 88 474
Mission de l'astronome Mouça relative aux Sept Dormants. 89 476
Suite des provinces de l'empire byzantin 90 478
Impôt foncier chez les Grecs 91 479
Fonctionnaires militaires et civils; solde de l'armée.. . . 92 48i
lies du pays de Roum 92 482
Description de Rome 92 482
Les quatre merveilles du monde ^. 9â 484
Relais sur la roule de l'Occident 95 485
Pays du nord [el-Harhj] 95 486
Route du Khoraçân à rAzcrbaïdjàn et l'Arménie; villes
et bourgs de l'Azerbaïdjân 96 487
Route de Dinaver à Birzcnd 97 488
Roules et division administrative de l'Arménie 97 489
Bab-el-Abwab ou Caucase 98 490
Mission de Sallam l'interprète chez les peuples de Gog
et Magog 99 490
Description de la fameuse barrière de ce nom 100 493
Pays de la droite ou midi ; route de Bagdad à la Mecque. 103 496
Embranchement conduisant à Médine 10^ 498
Roule suivie par le Prophète dans sa fuite 105 499
Houle des pèlerins de Médine à la Mecque 105 5oo
TABLE DES MATIERES. 531
Suite tic la roule de Bagdad à la Mecque . 106 5oo
Cantons de la Mecque; route de cette ville à Tayef. . . . 107 5oi
Stations de la Mecque au Yémen 107 5o2
Cantons du Yémen 108 5o3
Relais entre Omrah et Sanaa 111 5o6
Impôt du Yémen 111 5o6
Inscriptions himyaritcs 111 , 112 5o6
Stations entre Mesdjid-Saad et Basrah 112 5o8
Entre Basrah et la Mecque ll'i 5o8
Entre le Ycmamah et la Mecque 112 5o8
Route d'Oman a la Mecque, le long de la côte 113 5o()
De Khawlàn à la Mecque 113 Sog
Stations d'Egypte à la Mecque 113 5io
De Damas à la Mecque lia 5io
De Basrah au Yémamah IIU 5 1 1
Stations entre le Yémamah et le Yémen 115 5i i
Récapitulation des relais de poste 115 5i 2
Itinéraire des marchands juifs 115 5 1 2
Itinéraire des marchands russes 116 b\!x
La cour du Chosroës fermée à certains étrangers 117 5i5
Les quatre parties du monde 117 5 1 5
Merveilles de la terre (chapitre mutilé) 117, 118 5i6
Contrée nommée Mostatileh 118 5i(i
Pluies en Arabie 118 bij
La chambre des rois à Tolède 118, 119 617
Théorie des éléments dans leur rapport avec les pays. . 119 5 18
Figure explicative 120 5 1 9
Les Pyramides d'Egypte.. 121 619
Alexandrie et son phare; Mempbis 121 620
Colonnes d'Aïn-Chems 121 62 1
Edifices remarquables; églises; palais de Médaîn (Ctési-
phon); château d'eau de Toustcr 121 , 122 62 1
Pétrifications 122 52 2
Particularités curieuses des climats; le Tibet; Sîia; Mo-
çoul; la Susiane . . 122, 123 622
Antioche, Lèpre chez les Zendjes. Climat du Bahreïn. . 123 523
Contrées les plus fertiles de la terre 12^ , 125 523
Source et embouchure des fleuves : I'Oaus, le Sind,
l'Euphrate et le Tigre /24, 125 52/i
532 MAI-JUIN 1865.
L'Araxe, les deux Zah, le Nahrevân, le Khabour, le
Hermas i25 025
LeNil,leDodjeïl,leZendéroud,lesfleiivesdeSyne. 125, 126 626
Montagnes 126 627
NOUVELLES ET MÉLANGES.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
PROCES-VERBAL DE LA SEANCE DU 12 MAI 1865.
La séance est ouverte à 8 heures, par M. Reinaud, pré-
sident.
Sont proposés et nommés membres de la Société :
MM. Boy (Victor), libraire à Marseille;
Pleignier (Victor), professeur à Casteltown , dans
l'île de Man (Angleterre).
Il est donné lecture d'une lettre de M. Numa, photo-
graphe, rue Richelieu, qui désire faire un album des mem-
bres de la Société, et s'offre de les photographier gratis et
de donner à chaque membie six exemplaires de son por-
trait.
Le secrétaire donne lecture des comptes de l'année i864
et du budget de i865. Renvoi à la commission des censeur.s.
M. le président annonce que la Société tiendra sa séance
annuelle au mois de juin, et que les membres seront avertis
du jour par lettres individuelles.
Un membre donne quelques détails sur l'impression du
Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque impériale. La
première livraison, qui contient les manuscrits hébraïques,
est très-avancée et sera publiée dès que l'impression sera
achevée. Le même membre annonce la publication prochaine
NOUVELLES ET MÉLANGES. 533
du Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque impériale
de Vienne, rédigé par M. Flûgel.
OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIÉTÉ.
Par l'auleur. Extraits du Livre des rois de Firdausî, pu-
bliés par S. E. Kemal Efendi, à Constanlinople; lithographie
in-i6 (i865), en persan.
Par l'éditeur. Catalogue de la bibliothèque d'un orientaliste,
rédigé et publié par M. Thonnelier; vol. L Paris, i864;
in-8'.
Par l'auteur. Tibetische Texte ùberselzt und erlaeutert von
Emii ScHLAGiNTWEiT. Munich, 186 A; in-8°.
Par l'éditeur. Annuaire philosophique, par L. A. Martin;
l. II, n° 3 (mars). Paris, i865.
Par la Société. Bulletin de la Société de Géographie, jan-
vier-mars. Paris, i865; in-8°.
— Bibliotheca indica. Calcutta, i864; in-8°.
Nouvelle série, n° 63. The Brihatsanhita , fasc. l\.
— N° 67. The Nyaya Darsana of Gotama.
— N°' 61 et 66. The Sraufa Suira of Aswalayana, fasc. 2
et 3.
— N"' 62 et 64. TheMuntakhab al Tawarikh, ïasc. 3 et 4.
Ancienne série, n"* 2o5 et 206. Biographical Diciionary
of Ibn Hajab, vol. IV, fasc. 1 et 2.
Par l'éditeur. Monatschrift fur Geschichte des Judentham,
vol. XIV, cahier d'avril. Breslau, i865; in-S".
Par l'auteur. Geogràfia de las lenguas y carta etnogrà-
fica de Mexico, par Manuel Orozko y Berra. Mexico, 1864 ;
\n-lx\
Par l'éditeur. Exercice de la langue tibétaine. Légende du
roi Açoka. Texte tibétain ; transcription, prononciation figu-
rée; traduction en français par H. L. Feer. Paris, i865;
in-8° oblong.
— Textes tirés du Kandjour, par H. L Feer; 2' livraison.
Composition des écritures bouddhiques. Paris, i865; in-8°
oblong.
V. 35
534 MAI-JUIN 1865.
Parla Société. Annuaire de la Société d'elhnocjraphie , par
Alfred Ledier. Cinquième année. Paris, i864; in-S".
Par l'auteur. Contributions towards the ancient fjeocjraphy of
ihe Troad. On ihe site of Gergis, by Frank Calvert. (Tirage
à parl^ sans aucune indication.)
RAPPORTS
FAITS A M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
SUR LES MANUSCRITS HEBREUX DE LA COLLECTION FIRK.OWITZ »
PAR M. NEDBADER ,
ET OBSERVATIONS SUR CES RAPPORTS FAITES
À L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
PAR M, MUNK..
PREMIER RAPPORT DE M. NEUBAUER.
La collection Firkowitz, acquise par la Bibliothèque impé-
riale de Saint-Pétersbourg, consiste en rouleaux du Penla-
teuque, en copies (fac-similé) des épitapbes se trouvant sur
des tombeaux juifs en Crimée, en fragments d'anciens textes
de la Bible, et en manuscrits concernant les littératures ca-
raïte et rabbinique.
Parmi les rouleaux il y en a qui sont très-anciens, à en
juger d'après les épigraphes placées soit au commencement,
soit à la fin de ces rouleaux. Le plus ancien, qui porte ici
le numéro 6 , est de l'année 489 P. C. Voici l'inscription
qu'on déchiffre non sans difficulté : « Dédié .... ici dans la
communauté de Tamatarka, auparavant appelée Tamirha,
l'année 44. • de la création du monde et i485 de notre exil
(des dix tribus). »
;!;n 'V î<p-)''D:û • • • • n^^Db np^iûdcd • • • ■ 'p hd : • • • ■ vi\>}n
NOUVELLES ET MELANGES. 535
Avant de parler du caraclèrc paiéographique et des diffé-
rences massoréliqucs de ces rouleaux, je dois relever les
objections que je me suis faites sur l'anciennelé de ces do-
cuments, et que le monde savant m'aurait sans doute posées :
1° qu'on ne trouve nulle part mentionnée dans le Talmud
une épigraphe sur les rouleaux; cet usage, au contraire, y
est rigoureusement défendu; 2° l'ère de la création du monde
n'était pas encore employée à cette époque, à en juger d'après
les documents connus jusqu'à présent; 3° l'ère de l'exil des
dix tribus est quelque chose de fabuleux et prouverait contre
l'authenticité de ces épigraphes.
Je n'ai point l'intention de soutenir l'ancienneté de ces
rouleaux, en en admeltant la possibilité; j'ai assez souvent
dit qu'il faut se méfier des documents caraïtes. Je veux seu-
lement démontrer que les objections mentionnées ne sont
pas concluantes contre l'ancienneté des manuscrits dont il
s'agit. Il faut se rappeler qu'ici on a affaire aux Juifs anté-
talmudiques; chez ceux-ci, les épigraphes sur les rouleaux
étaient probablement permises et peut-être même de rigueur.
Les caraïtes en Crimée, comme je peux m'en convaincre
ici par mes propres yeux, en font encore aujourd'hui. D'ail-
leurs, on peut juger par la négligence et l'irrégularité de
l'écriture de ces rouleaux, comme on le verra plus loin, que
ces juifs ne se montrent pas aussi minutieux pour la manière
d'écrire leurs rouleaux que le sont les rabbanites. Il y a un
grand nombre de rouleaux écrits sur cuirs, ce qui est sévère-
ment défendu par le Talmud.
Quant au deuxième point, on ne peut pas rigoureusement
alhrmer que tel ou tel usage n'ait point existé à un certain
temps, par cela seul qu'on ne le trouve pas mentionné dans
les livres composés à cette époque. Le savant M. Rappo-
port a fait [Kereni Chemed, année v) la même objection pour
les épitaphes trouvées en Crimée, et dont je parlerai dans ce
rapport. Ce savant dit que l'ère de la création du monde se
trouve pour la première fois employée chez Sabtaï Donolo
(x' siècle); depuis on a trouvé le Traité astronomique de
35. •
536 MAI-JUIN 1865.
Samuel le Petit, ouvrage qui date au moins du ix* siècle, et
où celle ère esl déjà employée (Cf. Boreïtha dischmouel haka-
ton, Salonique, 1860, page ili). Il esl possible qu'on trouve
plus tard des documents plus anciens qui l'emploient éga-
lement.
Quant à l'ère de l'exil de Samarie, il est probable que
ce soit une imagination de ces juifs, dont proviennent ces
rouleaux. Cependant elle peut daler d'un temps très-reculé;
on la trouve également sur les épitaphes à côté de l'ère de
la création du monde. M, Munk en donne un exemple d'un
manuscrit de Paris (cf. sa notice sur la version persane de
la Bible, lome IX de la Bible de M. Cahen, préface,
page i56). Tout le monde ici sait que les juifs du Caucase
se servent encore aujourd'hui de celle ère sur leurs docu-
ments (actes) civils; ils se sont toujours adressés à Tempereur
Nicolas comme descendants des dix tribus.
Le rouleau n" 6, qui contient le Deutcronome, est écrit
sur parchemin avec des caractères carrés un peu négligés ;
les lettres sans les couronnes [taguîn); Tordre massoré-
tique pour les espaces entre les chapitres est pareil à celui
des rouleaux des rabbanites; le nombre des colonnes sur un
lé de parchemin varie ici comme dans plusieurs autres.
Le n" 8 porte la date i335 de l'exil (èSg P. C.) , il est en
parchemin et écrit presque en entier avec les taguin. H y a
aussi les signatures de deux témoins pour confirmer la dé-
dicace de ce rouleau à la synagogue de Choaphoaicalé (i?7D
cnriTi). Les lagnîn y sont différents de ceux des rouleaux
des rabbanites. Ceux-ci consistent toujours en trois traits et
ne sont placés que sur les lettres : îî', 3', î', 3', îû', i^', ^, tandis
qu'ici ils forment tantôt un trait, tantôl trois traits; ils sont
placés aussi sur d'autres lettres*.
' Voici les textes des épigraphes :
NOUVELLES ET MÉLAiNGES. 537
Le n* 9 porte la dale^ de iA6ode l'exil (764 P. C); il est
en parchemin, sans laguîn, avec des correclions énormes
entre les lignes, de sorte que je n'ai pu admettre d'abord
qu'on eût employé ce rouleau dans la synagogue; j'ai pensé
qu'il était peut-être destiné à l'école, mais j'ai dû revenir de
celle opinion , quand j'ai vu que cette négligence se retrouve
dans d'autres rouleaux, écrits d'ailleurs avec grand soin.
Le n* 1 3 est dédié par la femme Olo , fille d'Aliron des
'Hazars (-)ÎD ''JDD pHN D2 ItûlK), /i54i de la création du
monde(78lP.C.)^
]pTn pw^^ "iDb imx TnDD ^d n'i'a pn^j*» Y3 ^hd n^")Dî
G^^bv niND ^bm fjbx n:îyn -iddh nx M^b jn^T m^d
pN vm-)nb imx n:i])b îû"d UTiib^b n^^^ n^Dn)
' pHN î^^i-ipDn ••^••n^:: nu;^ ••-.^D-'Dn nt:;^
nî^^D •••im •••inM :?bD •••'ib^b D'n'N ^xidd' p
'?î<"':i •••^"ib pn!:
QD h)r -)îD ^:3D pHN n-3 lîû^N 'D nu;npn n-nnn idd
nî:;D: mDD -nn:?3 n"n nîit:? '-) p js^-i'^^c "n "ii: nty"'K
nwvb^ nDb"*?! in m:nb c:dî^ n"3pi-n n^^a u;d: mDD^
538 MAI-JUIN 1865.
Le n" 1^ porte dans son épitaphe : «Dédié par la commu-
nauté de nos frères les 'FJazars à la communauté de Krim »
( Qnp nD 1]D ■i:'«nK bn]) ) i 485 de l'exil , 4700 de la créa-
tion (789 P. G.), signé David lils de Jizhak Sangari (?) le
fils de celui qui a converti le roi des 'Hazars au judaïsme (?],
d'après la lettre de Hasdai (cf. livre Cosri, éd. Buxlorf). Il s'y
trouve également beaucoup de corrections, et cette parti-
cularité qu'à la fm des colonnes [yeriot] il y a un custos
(premier mot de la colonne suivante); les lettres y sont sans
laguîn \
Le n° i5 appartenait à la communauté de Cafa et est écrit
nD")2?Dn ••nVND n^^i^ idiu'»') ':"; "jyni ""DDi "j^dd î^in minn-
XM^ mnnn nbnp^ itr-'ipm id^ini in"'3 pin nM^ib i^v\
nnî<i ^2:^: inK îûdIîd hn^2 ï^diîod hn^2 nb:^i2b nnirr
id"'u;di iD^"VnD inKi in^npD nnx îiik nmD inKi tidid
nyi nv2 n^DDD -jTim i^^'iaiiD -jnm mtdw -jnm ]idî:;d
nsD n*? un 'dd::; 'pD n^b:? D^''p"'i 'i:mM ^r^j pian nDHi"»"!
cz3'>"'p^T «T'isbi n''^D ''JD PW")'? 'iî;''n''7 n'n'p'n hdt^ dji n^T»
::?^n"' b^m '}) i^^it >ddt ^^dd it;iD^ nî'? n^riDi 'pD rriby
Qi^pi nnr:; 'pDm n'pD ;dn nnp pm mnon 'î:?'' id^ nbix;
P"d'7 mn"' •?{< D'^i'jjn iD^n '•jsi
' ")îD u-inx Snp t:;npn niDN:n riD^Dnn minn riKT
i:r"n UTii^j'? .Yen ï^bx njt:^ n'jyD Sip d^d ns ic;npnc
lyS '7n;^ kSi nDD'» nS ^Nity^ ^nhab ^mp Nini p"D n^^s"»'?
NOUVELLES ET MÉLANGES. 539
pour le chef de la ville ben Yaldougan hakadri (l'Arabe ou
'Hazar nîp ?) (^Il^n pnb'' p T:?.*! l^'P'D (? beg) D^>3 d5S).
i484 dé noire exil, ^709 de la création (788 P. C), sans
taguîn, beaucoujD de corrections *; ici le n et le U ont des
formes particulières. Ces quatre derniers numéros ont des
points à la fin de chaque verset.
Le 11" 2 offre le plus d'intérêt; d'abord il est écrrt sur cuir
et porte une épigraphe historique. En voici à 'peu près le
contenu : «Qui peut décrire tous les miracles qui ont été
faits pour nous depuis quinze cents ans que nous sommes
dans l'exil? Nous sommes tombés dans les mains de ceux
qui adorent le feu et l'eau ; ils nous ont pillés et pris nos livres
saints dont ils ont fait un sujet de moquerie. C'est surtout
notre dernier ennemi, le prince Gatom avec son peuple les
Tatraktisiim ^eu nombreux, Nî^ Q2; in^HD Q!? Dni?: ^T7N)
(D''''Dp1îûîO DDti^'l □Ijîi'*, qui voulait cependant nous détruire
complélement ; mais Dieu nous a envoyé une assistance
□^"«nb nnD^ ban"^^ id^ dvt u^td^ 3inD3 niDD^ •^'V' DiT^^*
"•n"» a^Nnn ddVdt nin UV2 np^^ in^^ hv insDii Q^bti^n^s
îû"D n:3D D"Di n"3: pni:^ "in i^m dk:
' -)^N nîn minn ^dd -«n-iDD iDion ni2bv p .-TibN* ':k
ns V's'' mpn pnb^ p Ti^^n i^pD D^^n d"d'? V't "»dn ^dd
man''? nDî"» m''*i"'''? n"u;n ^2nih:/7 Tsn f]bN d^i ^iin bi* ndd
540 MAI-JUIN 1865.
dans nos frères les 'Hazars (?), [llp "^JDD) qui scnl devenus
juifs, le prince Mibsam (N'^u'in Dl^'SDl) était en tête. Ils
ont conquis la forteresse Doura (">"m DIjÎDD) et ils ont
sauvé ce livre saint, dans l'année courante i5oi de notre
exil,/|5()5 de la création^ »{8o5 P.C.) Je ne suis pas en étal,
pour le moment, de faire des recherches sur le fait cité,
mais je crois me rappeler qu'un semblable peuple a exisié
à celle époque , et a fait une invasion en Crimée.
Ce rouleau est presque entier, il contient Irès-peu de cor-
rections entre les lignes; sur les premières colonnes, les
lettres ont des taguîn, mais ces lettres ne sont pas les mêmes
' D^DDipnDD i:"'D''3 Q^Din y'C'iJD ^'V^ inD ^^in^ iii-^ în^
]nnx nnb p")Dî qm^nh min iddd n:^ic*nn nxî dj nriDn-
^iDiy ^-■'3 UND n^:v pTiT f]^s nî m^;3 m^i orD i:mi<
"la'»©! iDDDi lii^DN"! i:Tîîm Q^Dn nnii' n^n Tùxn crxn
'iiiiiw p^HKi-i nî") ann ibbi^n^i 'i^^vi'p ncD nx i32;n
nM*c; "«'r^ ■'bi^ n3D D-i^nD:T i^b |nî2 nDN i^^'n D''''Dp-ii:D
Q2;3Dr □nn'TiDn i-p ^:3D d^hn d^:?^î:;id i:b n'?^''i ij*?
cn^D nîn mipn ison nî*i i:b"'S^i aî:?Kin ii^^zn
n"Dp'n'T i:nib:!b N"pn'N nxTn lin:::;^ nn a-iî23D i^2d^t
• ]DN Ij^d^d mnD3 IjN''^:
Au lieu de D''''Dp")îOlO , il faut peut-être lire D''''Dp")îyiÛ , tribu de 1»
ville Tscherkas; l'iuvasion des difïérentes tribus en Crimée a eu lieu vers
8oo. (Cf. Lebeau, Histoire du Bas-Empire , t. XIII ; Klaproth , sur Tscher-
kas, Ane. Journ. usiat. t. III, p. 169, et Nouv. Journ. asial. t. I, p. 4»3. )
NOUVELLES ET MÉLANGES. 541
que sur les rouleaux actuels; dans les colonnes suivantes
les taguîn deviennent de plus en plus rares et finissent par
disparaître tout à fait. — C'est là à peu près la description
des plus anciens rouleaux; quant aux variantes dans le texte,
j'en ai peu remarqué, il y en a quelques-unes massorétiques
(plene et defective). Le caractère paléographique ne diffère
pas beaucoup de celui des rouleaux actuels, et je crois qu'avant
de se livrer à des études sérieuses sur les rouleaux, il fau-
drait que la chimie vînt en aide à la philologie pour en cons-
tater l'antiquité.
Les épitaphes , dont la plus ancienne , d'après le fac-simile ,
date de la première moitié du ii' siècle de notre ère, seraient
d'un grand intérêt si on pouvait constater par le déchiffre-
ment minutieux de l'original l'authenticité de ces documents.
Ici le caractère paléographique varie beaucoup selon la date
de chaque inscription; dès le n° 5, fère de la création est
déjà en usage. Il y a des noms tartares et persans dans ces
inscriptions; ainsi le n" 6, qui porte la date de A091 de la
création du monde (180 P. C.) , a le nom pblD; le n" 7, qui
date de ii 1 08 ( 1 97 P. C), a le nom d'une femme f]^^^ ( Rose) ;
le n° 9, de A 173 (262 P. C), a les noms tartares "'îi^DD et
Le n° 3 porte la date des deux ères, celle de la création
du monde et celle de notre exil. On trouve aussi parmi eux
le nom célèbre de Jizhak Sungari, où les lettres du nom font
la date 3D njjD \>r\'2^; une autre épitaphe a le nomlT^li^D.
On peut s'étonner, à juste titre, de ne trouver aucun nom
des princes 'Hazar dans ces épitaphes; le mot I^Dj se
trouve déjà sur celle du commencement du 11* siècle. On ne
peut cependant pas douter de l'existence des communautés
juives dans ce pays, puisqu'on connaît des inscriptions grec-
ques sur des synagogues du 1" siècle. (Cf. M. Le\y y Jahrbuch
fur jûdische Literatur. Leipsik, 1860.) Pour qu'on puisse
mieux apprécier le caractère paléographique, j'ai joint à mon
rapport un fac-simile du n° 1, qui est le plus ancien.
Ce qui est de la plus grande valeur, d'après mon opinion,
542 MAI-JUIN 1865.
pour la science biblique, ce sont les vieux fragments des
livres de la Bible. Ils portent des variantes qui simplifient
beaucoup le sens; je n'en donnerai que quelques-unes qui
m'ont frappé au premier examen.
Genesis, xxii, i3, on lit dans cinq manuscrits : inx h\^
au lieu de "inK conformément à la Septante sîç et, je crois
aussi, à la traduction samaritaine. — Exod. xiii, i3, ^Dplii^l
au lieu de "înD")>"I Sept. Xvrpœarj. — Juges , xviii , 3o nlb:! Dl"»
]i"lKn au lieu de y")Nn; en effet ] 1 se confondent facile-
ment avec y. — II Rois, xxiii, 9 : n*!"':p V^DK DX au lieu
de mîîD. — haïe, xiv, 6: rj-iip • • • f]X3 5]-;^ \ — Jérém, viii ,
k : IV^l n'"? ^-^W^ DK. — Ézéchiel, xvi, 36 : T|D::;n ]V^
"jnî:;n:; — ibid. xxm, 2 1 : ini^a ^IV ^i?p"'7; — ibid. XLUi ,
7 : DriiD3, au lieu de DITlDn; — ibid. xlvii, 17 : nJÇS DN'î
jlDî:; — ïèic?. 18 : 'p; riKD nX'T □"'H b^ b''33Ç ; — i6ic?.
19 : nii: n:D\-i dnd nxî; — ibid 20 : ... hd: lir b"'3ap
— Sophonie, 11, 16 : nil^ni ^n^C nnîl?; — zttc/. 17, il y a à
la marge pour jrT'n'» ^ "^OT'"! .
Je regrette que la Bibliotlièque impériale de Saint-Péters-
bourg ne possède point la précieuse collection de variantes
par Rennicot; on aurait pu constater si ces variantes sont
déjà relevées , car cela confirmerait cncorQ mieux l'exactitude
de ces leçons.
' Cette correction semble être d'une main récente; celle de plDD ")^i?,
au lieu de DinD T'i? (Isaïe, xix , 18), mentionnée par M. de Mural
{Deutsche Vierleljahresschrijt , par M. Heidenbeim, i863, p. 168 et suiv.).
se trouve à la marge du manuscrit, et est d'une main toute récente. (Conf.
Zeilschrijljur Wissenschajl itiul Lehen , par M. le D' Geiger. Breslau, i863,
p. 288, 289.)
NOUVELLES ET MELANGES. 543
OBSERVATIONS DE M. MUNK SUR CE RAPPORT.
La Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg a acquis
récemment une coUeclion d'anciens manuscrits hébreux,
recueillis dans plusieurs communautés juives de la Crimée
par M. Abraham Firkowilz, ancien 'hakham ou chef religieux
des Caraïtes d'Odessa. Ces manuscrits sont généralement
d'un haut intérêt pour la philologie hébraïque, la critique
biblique et l'histoire littéraire des Juifs; ils nous fourni-
raient aussi quelques renseignements précieux sur l'origine
et l'histoire des juifs de Crimée, si l'on pouvait avoir
pleine confiance dans l'authenticité des dates et des notices
historiques que renferment plusieurs de ces documents.
Depuis vingt ans à peu près, plusieurs des manuscrits bi-
bliques de Crimée ont attiré l'attention des hébraïsants par
leur système particulier de vocalisation et d'accentuation. Les
voyelles et les accents toniques de ces manuscrits diffèrent
lolalement de ceux de nos manuscrits et de nos bibles im-
primées, et paraissent remonter à une plus haute antiquité.
Plusieurs savants distingués, tels que Luzzatto, Ewald et
Rœdiger, en ont fait l'objet de leurs recherches, et tout ré-
cemment un savant hébraïsant d'Odessa , M. Pinsker, a soumis
ce système à une étude approfondie, dont il a publié les ré-
sultats sous le titre de Einleitung in dus hahyhnisch-hebraïsche
Panktationssystem. il Introduction au système de la ponctuation
« hébraïque de Babyione. »
L'historien , en usant avec réserve des notices disséminées
dans les manuscrits et des copies d'épitaphes que renferme
la collection, pourra y découvrir des faits curieux relatifs à
l'histoire des Khazares, peuple dont le nom même a disparu,
qui n'a laissé aucune trace de son ancienne puissance et dont
les restes existent probablement encore dans les commu-
nautés juives de la Crimée. Nous possédons quelques docu-
ments juifs qui constatent la conversion au judaïsme d'un
Koi des Khazares, nommé Boiilân, et d'une grande partie de
544 MAI-JUIN 1865.
son peuple. Ces documents ont été longtemps l'objet d'amers
sarcasmes de la pari d'écrivains chrétiens , tels que Jean
Buxtorf le lils, Baratlier, le savant enfant, elBasnage. Ce der-
nier va jusqu'à dire : «On a beau chercher le royaume de
« Cozar, on ne le trouve point. » Le silence intéressé des his-
toriens byzantins ne pouvait qu'augmenter la défiance qu'ins-
piraient les relations juives; il a fallu, pour réhabiliter ces
dernières, les témoignages précis et détaillés des auteurs
arabes réunis par plusieurs écrivains de notre siècle et no-
tamment par M. Fraehn , dans les Mémoires de l'Académie de
Saint-Pétersbourg, et par M. C. d'Ohsson, dans son ouvrage
intitulé: Des peuples du. Caucase ou Voyage d'Aboul Cassem.
Nous savons maintenant que le judaïsme était la religion
dominante en Rhazarie, depuis le milieu du viii* siècle jus-
qu'à la fin du x'. Mais les lois des Khazares proclamaient
une liberté de conscience illimitée. Les auteurs arabes nous
disent que , dans ce pays , les juifs , les chrétiens et les musul-
mans vivaient fraternellement ensemble et qu'on y tolérait
même des païens. Le roi était juif; mais dans son conseil
siégeaient, à côté du premier ministre également juif, six
autres ministres, deux juifs, deux chrétiens et deux musul-
mans. La monarchie des Khazares fut détruite vers l'an looo,
et les restes de ce peuple, refoulés vers l'ouest, s'établirent
sur les côtes de la mer Noire. Selon M. d'Ohsson, il n'en
resterait pas d'autre trace que le nom de Ghyssr, par lequel
plusieurs peuplades du Caucase désignent les Juifs. Mais
nous croyons pouvoir affirmer que les restes des Khazares
existent encore aujourd'hui parmi les juifs caraïtes de Cri-
mée : ceux-ci, par la physionomie, le costume et le langage,
révèlent leur origine tartare, et dans la forteresse de Tschou-
foutcalé, près de Bakhtchéseraï , les juifs se divisent encore
aujourd'hui en deux communautés, dont Tune est appelée
communauté des Khazares.
Les juifs caraïtes de la Crimée parlent entre eux un dia-
lecte tartare qu'ils écrivent en caractères hébraïques. Ils
possèdent dans ce même dialecte des hymnes et des ver-
NOUVELLES ET MÉLANGES. 545
sions de la Bible qui ont été imprimées il y a environ qua-
ante ans à Eupaloria.Peut-êIre, en étudiant ces versions, y
retrouverait-on les restes de la langue des Rhazares. Un au-
teur arabe du x^ siècle, Ibn al-Nedim, dans l'introduction de
son Kitab al-Fihrist, en parlant des alphabets et de l'écriture
des différents peuples, dit que les Kbazares écrivent en ca-
ractères hébraïques. On peut juger par là de l'influence que
le judaïsme avait exercée sur la civilisation des Khazares.
On comprendra maintenant tout l'intérêt que peuvent of-
frir les monuments littéraires des juifs de Crimée. Un jeune
orientaliste, M. Neubauer, qui a obtenu une mention hono-
rable dans le dernier concours Volney, a voulu profiter d'un
voyage qu'il avait à faire à Saint-Pétersbourg, pour examiner
les manuscrits et les fac-similé d'épitaphes déposés à la Bi-
bliothèque impériale de cette ville, et M. le Ministre de
l'instruction publique a bien voulu lui accorder une sanction
officielle, en le chargeant d'une mission gratuite. Dans son
premier rapport qui nous a été soumis , M. Neubauer rend
compte des rouleaux du Pentateuque destinés à l'usage des
synagogues, des épitaphes les plus remarquables et de plu-
sieurs fragments d'anciens manuscrits bibliques.
Les rouleaux du Pentateuque n'offrent, selon lui, que
peu d'intérêt sous le rapport paléographique. Les caractères
ne diffèrent guère de ceux qui sont employés encore aujour-
d'hui; mais , en revanche, la haute antiquilé de ces rouleaux
est constatée par des épigraphes placées soit au commence-
ment, soit à la fm. Celles-ci ont des dates qui remontent,
selon M. Neubauer, jusqu'à l'an /jSg de l'ère chrétienne. Ce
renseignement serait précieux, si nous pouvions nous assu-
rer de l'authenticité de ces épigraphes. L'ère qui y est em-
ployée est désignée par le mot Ijnibnb de notre exil. Selon
M. Neubauer, on désignerait par ce mot l'exil deSamarie, qu'il
fait remonter seulement à l'an 696 avant l'ère chrétienne,
et il nous assure que celte ère est en usage encore aujour-
d'hui chez les juifs du Caucase, qui s'en servent dans leurs
documents et actes civils. C'est là un fait fort extraordinaire
546 MAI-JUIN 1865.
qu'il faudrait pouvoir constater, et il est à regretter que
M. Neubauer n'ait pu communiquer aucun de ces documents ,
dont il ne parle que par ouï-dire. Jusqu'ici l'ère de l'exil de
Samarie n'a été trouvée dans aucun manuscrit hébreu; car
ce que M. Neubauer dit de l'emploi de cetle ère dans un
manuscrit hébreu-persan de notre Bibliothèque impériale
est une grave erreur.
Souvent l'ère de la création du monde figure à côté de
celle de l'exil, sans que les deux ères puissent se mettre d'ac-
cord. Ainsi, par exemple, l'épigraphe n" \l\ porte : «Dédié
0 par la communauté de nos frères les Khazares , ici à Krim ,
«l'an i/i85 de l'exil, 4,700 de la création. » Or la première
date correspondrait, selon le calcul de M. Neubauer, à l'an
789 de J. C. tandis que l'an li,']00 de la création correspond
à g/jo de J. C. Cette même épigraphe porte la signature de
David, fils d'Isaac Sangari. On sait que, selon une tradition
juive, mentionnée pour la première fois par le juif espa-
gnol SchemTob, dans son Sépher ha-Emounôth (au com-
mencement du XV* siècle) , Isaac Sangari fut le nom du doc-
teur qui convertit le roi des Khazares au judaïsme; ce nom
reparaît aussi sur l'une des épitaphes trouvées en Grimée et
dont l'authenticité n'est pas moins douteuse que celle de
notre épigraphe.
Pour que nous pussions juger en connaissance de cause,
il faudrait engager M. Neubauer à communiquer les fac-si-
milé, ou tout au moins l'original hébreu de plusieurs de ces
épigraphes, dont il ne donne que la traduction française.
L'ère dont se servaient généralement les juifs du raoven âge
est celle des Séleucides, ou celle de la destruciion de Jéru-
salem par les Romains. Nous serions portés à croire que le
mot lin^b^i^ des épigraphes désigne cetle dernière ère, ce
qui rajeunirait considérablement les épigraphes en question,
mais présenterait d'autres difficultés chronologiques. En gé-
néral , ces épigraphes nous paraissent fort suspectes , et nous
ne saurions en tirer aucun résultat historique. Ce qui aug-
mente nos soupçons, c'est que dans l'épigraphe n° 2 , qui ra-
NOUVELLES ET MÉLANGES. 547
conte une invasion ennemie repoussée par les *Tlp. ''J3 Tar-
(ures ou Khazares, nous voyons figurer d'une part ie prince
(ïrttom (Dnyj ^I^N) et d'autre part le prince M/65rtm (DlirDD) ,
deux noms empruntés au Pentateuque (Genèse, xxxvi , 16,
XXV, i3), et dont l'un désigne un prince iduméen, petit-fils
d'Esaù , et l'autre un fils d'Ismaël.
Les épitapbes nous placent sur un terrain un peu plus so-
lide; mais encore ici nos doutes sont nombreux et nous de-
vons regretter l'absence des originaux. M. Neubauer donne
le fac-similé d'une de ces épitapbes, qui, selon lui, remonte
à la première moitié du 11^ siècle de notre ère. Il n'en donne
pas le déchiffrement, qui, à l'exception de la première ligne,
nous paraît très-facile et donne un sens Irès-plausible. Voici
comment nous lisons celte épitapbe :
3'c?'n n::r bK-i^'' nyi^"» ni? 'v'j ^hd pn^i"' p
« . . , Monument de Kouki (?) fds d'Isaac Cohen [qu'il re-
« pose dans le paradis]. A l'époque du salut d'Israël, l'an
a -702 de notre exil. »
Ici , si nous considérons le mot 1 im^jb , de notre exil, comme
désignant l'ère de la destruction de Jérusalem par les Ro-
mains, fan 702 correspondrait à l'an 771 de l'ère chré-
tienne, qui peut être l'époque de la conversion du roi des
Khazares au judaïsme, désignée ici par les mots époque du
salut d'Israël. A la vérité, s'il faut en croire l'historien arabe
Masoudi, le roi des Khazares n'embrassa le judaïsme que
sous le règne d'Haroun al-Raschid, qui monta sur le trône
en 786; mais nous croyons qu'il ne faut pas prendre à la
lettre Tassertion de Masoudi. Si on appliquait le mot ^jmb:i'?
à l'exil de Samarie, ce monument, selon le calcul suivi par
M. Neubauer, remonterait à l'an 6 de l'ère chrétienne, et
non pas, comme il le dit, à la première moitié du 11" siècle.
Dans tous les cas, il strail apocryphe. M. Neubauer rendrait
548 MAI-JUIN 1865.
un grand service en donnant le fac-similé des autres épila-
phes, qui seules pourraient nous mettre à même de juger de
l'authenticité et de l'importance de ces documents.
Ce qu'il y a de plus intéressant et de plus sûr dans la com-
munication de M. Neubauer, ce sont les variantes bibliques,
dont quelques-unes méritent d'appeler l'attention des hébraï-
sants. Nous attendons maintenant un rapport sur les manus-
crits de la littérature hébraïque du moyen âge et notamment
de celle des Caraïtes, encore peu connue. La collection
de Saint-Pétersbourg possède les manuscrits caraïtes les
plus rares. Un examen approfondi de ces manuscrits ne peut
manquer de nous faire connaître des faits que nous ignorons
encore et de rectifier nos connaissances sur divers points.
M. Neubauer est parfaitement préparé pour un tel examen,
et, en l'y encourageant, le Gouvernement rendrait certaine-
ment un grand service à la science.
DEUXIEME RAPPORT DE M. NEUBAUER.
Les manuscrits caraïtes de la collection Firkowilz sont
d'une grande importance pour la littérature hébreu-arabe;
on y trouve des citations tirées mot à mot des commentaires
de Saadyah, qui ne nous sont pas parvenus jusqu'aujour-
d'hui. M. Pinsker, dans son ouvrage plein d'érudition Likouté
Kadmonioth^, nous a donné beaucoup d'extraits de celle col-
lection, mais ses conclusions concernant soit les auteurs
des ouvrages, soit l'époque où ceux-ci vivaient, ne sont pas
toujours heureuses. Ainsi nous trouvons mentionné chez lui
(page 44) un commentaire sur l'Ecclésiaste en arabe de Ben-
' Cf. notre compte rendu sur ce livre, Journ. asiat. i863, t. III, et aussi
celui du savant M. Goiger, dans le recueil iiébreu Oçar ne'hmad, t. IV.
iNOUVELLES ET MÉLANGES. 540
iaimn al-Nahevendi, qui n'est certainement pas de cet écri-
vain, à en juger d'après deux passages que Salmon ben
Jerouham cite dans son commentaire sur l'Ecclésiaste ( même
collection); j'ai d'ailleurs dit dans un recueil allemand' que
ce n'est point probable que Benjamin ait écrit en arabe.
La collection possède les commentaires sur les Psaumes
et Lamentations de Salmon ben Jerouham; elle est surtout
riche en ouvrages de Jepheth ben Ali, tels que: plusieurs
fragments de son commentaire sur le Pentaleuque(diiïérents
de ceux que M. Munk a rapportés d'Egypte et qui se trouvent
à la Bibliothèque impériale); les commentaires sur Isaïe,
Jérémie, Hoséa, Joël, les Psaumes, Proverbes, deuxième
partie de Job et Daniel; il résulte des citations contenues
dans ces commentaires qu'il a également composé un Livre
de Préceptes. Il y a un autre commentaire anonyme sur
Daniel, intitulé Commentaire sur l'avenir (miTli^^N m^),
qui semble être également du x' siècle ^
Dans tous ces commentaires on ne voit d'autre but que
celui de défendre le dogme caraïte et d'y appliquer les ver-
sets bibliques; on y trouve très-rarement des explications
grammaticales, de sorte qu'on serait tenté de dire que la
grammaire était, comme la philosophie, une étude mal vue
par les caraites zélés, et que l'école d'exégèse n'avait rien de
commun avec celle de la grammaire; les docteurs de celle-
ci ne sont point hostiles aux rabbanites , tandis que les au-
tres, à en juger d'après leurs livres que nous possédons, ne
tâchent même pas de caclier tout au moins un peu ce fana-
tisme. Les autres commentaires de cette collection écrits en
hébreu ne sont qu'une compilation descommenlairos arabes;
on en trouve également un grand nombre à Leyde et dans
d'autres bibliothèques.
Les livres grammaticaux sont connus en partie par l'ou-
' Cf. le Journal Ben Hananyah, publié ù Szegcdin (Hongrie) , par M. le
grand rabbin, L. Lôw, i863, p. 678.
'Ce commentaire semble être un extrait de celui de Jeplielli ben 'Ali sur
DmhA.
V. 3 G
5f)0 MAI-JUIN 1865.
vrage de M. Pinsker et par ma Notice sur la lexicographie
hébraïque'. La collection contient à peu près 70 numéros de
livres pins ou moins étendus, purement dogmatiques, mais
qui sont presque sans importance; si on en a lu l'un des
plus volumineux, tel que celui de Levi ben Jcpheih, ou de
Ahron le second, on est presque sur de ne rencontrer rien
de nouveau dans les autres. Encore ceux qui sont écrits en
arabe, comme celui de R. Samuel ha-maarbi, offrent le plus
d'intérêt; en général il n'y a là que de la valeur bibliogra-
phique.
Les livres de prières sont assez nombreux; ils contiennent
généralement des prières composées de versets bibliques,
mais on y trouve aussi un assez grand nombre de poésies du
second rang; les auteurs sont désignés par l'acrostiche avec
le prénom seulcmenf. On y voit une prière qui annonce
comme auteur Jiçhak Sangari, chef de l'école^. Dans un
recueil parmi les manuscrits qui appartiennent à la littéra-
ture rabbanile de cette collection, il y a des prières du R.
Gamaliel, de Hilel, du R. Johanan et d'autres docteurs du
temps du Talmud; je crois qu'il serait superflu de dire que
tout cela est apocryphe. Les plus grands rôles dans les com-
positions des prières appartiennent aux deux Ahron et au fa-
meux Moïse Dari; ce dernier était, selon M. Pinsker, prédé-
cesseur des grands poètes espagnols Gabirol, Jehuda Halevi ,
' Cf. Journ. asiat. 18G1 et 1862.
» N" 83o îûrD -'21 nbnp "-?:'? Nînuiûi NtriDisi x^oh^ ""n^
avec l'acrosticlie pHîi'' . imN"? HDnD bl"? ÎI^D » ]V'ni< UD^-^ HS^Vi
Plus loin on trouve nNJiD^N HD^V ")h XD^X
avec l'acrostiche nizb^' -^L^HID tlDIDl Vidl pDD nn^Dll!;
NOUVELLES ET MÉLANGES. 551
Moïse el Abraham Ibn Ezra, et aurait vécu par conséquent
au ix' siècle.
J'ai dil dans ma Notice sur la lexicographie hébraïque^,
avant d'avoir vu le manuscrit, que ce poëte ne pouvait appar-
tenir au ix' siècle, et je l'ai donné comme contemporain de
Hariri (xii' siècle); en même temps M. Geiger et d'autres
savants en Allemagne ont émis la même opinion que moi
sur ce point.
Après un examen minutieux du manuscrit, je trouve par-
faitement confirmée l'opinion que j'avais émise, car l'auteur
a été témoin des croisades, époque où la ville sainte se trou-
vait tantôt entre les mains des chrétiens, tantôt entre celles
des Arabes. Voici deux des nombreux passages où il y fait
allusion :
Poëme 5o (l'ouvrage n'est pas encore paginé) :
nnspn npxn ]2 i]2
Poëme 60 :
IPV ''75^1 "^yv '^V ^P^ ''? "i?! ^'^n ^'^V
La date à la tin de l'ouvrage, quoi que M. Pinsker en dise,
me semble altérée par une main récente. M. Firkowitz, dans
un catalogue provisoire, place un certain Samuel Sani (Sini?)
au viii'siècle, parce que Dari imite ses poésies; je n'ai pas
besoin de mentionner cet anachronisme qui parle de poé-
sies rhythmiques de tous les genres existants d'après le mo-
dèle arabe, à une époque où les Arabes n'ont guère com-
mencé à connaître ces rhythmes; aussi M. Pinsker a eu le
bon sens de ne pas mentionner même le poëte Sani dans
son livre Likouté Kadmonioth.
Une seule feuille d'un poëte inconnu, Moses hamaariçi,
contient une imitation complète des Makamet d'Al Hariri;
' Cf. Joiirn. asiat. i86i, l. II.
30.
552 MAI-JUIi\ 1865.
l'auleur y donne îles louanges à un certain Samuel Sani qui
denieurail à Alexandrie en Egypte.
Dans ce fonds se trouvent aussi trois relations de voyage
en Palestine dont la plus ancienne date de la fin du xvi* siècle ;
celle-ci a pour auteur Samuel le Saint, fiis de David C^NlDu'
^*'D'i?''' Tl" 1"D'2 D'npn) et le commencement existe imprimé
dans la Bibliotheca hebrœa de Wolf (lequel a considéré par
erreur les dernières lettres qui constituent l'abréviation d'une
formule précative pour un mort comme le nom de famille
de Samuel); quelques livres de controverse et discussions
religieuses, des chroniques d'une date récente sont sans im-
portance. On y trouve encore les œuvres presque complètes
de R. Simhah. Jiçhak, originaire de Loçka en Wolhynie
et demeurant en Crimée au milieu du siècle dernier; celui-
ci se donne de la peine pour être le médiateur entre le ca-
raïsme et le rabbanisme, il est d'ailleurs adhérent fervent du
système cabalistique de Loiirya.
Les livres philosophiques que j'ai rencontrés sont presque
les mêmes qu'on trouve à Leyde et maintenant à la Biblio-
thèque impériale, savoir ceint de Joseph Haroéh et de Yes-
houah , qui ont pour base leKalam avec application des versels
bibliques; c'est à peu près le procédé qu'a employé Maï-
monide pour le système d'Aristote. Il y a encore quelques
monographies, comme le Ziddouk haddin et d'autres, attri-
buées à d'anciens caraïtes, qui sont certes d'une date posté-
rieure à Maïmonide. M. Pinsker en a publié plusieurs.
A cette collection appartiennent des liasses contenant des
feuilles détachées soit de lettres soit de contrats de différents
genres qui sont assez importants pour l'histoire de la situa-
tion sociale et politique des caraïtes, et aussi des rabbanites
en Pologne et en Crimée; ces documents commencent à par-
tir du xv" siècle; une grande quantité est en russe, je n'ai
pu les examiner, ne connaissant pas cette langue. Quant aux
traductions de la Bible, il y en a un fragment de celle de
Saadyah , une page détachée de la Genèse en arabe d'un
auteur anonyme (presque illisible), quelques fragments des
NOUVELLES ET MELANGES. . 553
(iiirérenls chapitres en persan, dont la Bibliothèque impé-
riale possède la collection la plus complète ; trois exemplaires
d'une traduction en turc criméen avec peu de variantes \ et
d'un auteur très-récent (celte traduction est imprimée à
Gonslantinople pour l'usage des écoles), et enfin un vocabu-
laire pour les premiers prophètes, en grec moderne.
Pour l'histoire des Hazars, pas de trace dans cette collec-
tion , excepté dans les épigraphes des rouleaux , dont j'ai parlé
dans mon premier rapport. Quant à l'histoire du caraïsme
primitif, avant le x* siècle, il n'y a pas là une grande récolte
à faire. En général on peut dire que cette collection , quoique
la plus complète comme liltérature caraïte, n'a pas l'impor-
tance nécessaire pour mériter le bruit qu'en ont fait les jour-
naux, et récemment encore un des bibliothécaires de Saint-
^ N° ilili contient la traduction complète du Pentateuqiie ; i/i3 com-
meuce par l'Exode xxi, 21. Nous allons donner deux versets seulement de
ces deux traductions :
Exode XXI, 12 (n" 16/i) h^c'^IN* NÎD^IKT "riT^D "'ïînmN
(N"i/i3) ■>p^n^ïÛ'''?1iX ^sîD"'?^N ^^^INl ^^^^'^■d NîD-nx '^D U^2
Transcription d'après M. Barbier de Meynard , professeur de langue turque
à la Bibliothèque impériale : ,x_^J^Î (jlàJ^f.i v^$wù-i JU« v » I «vi'^AJ
Exode XXI, i3 (n?i/,3): ^nmiDDi'^r n^issi -);:n* "'"ip.^''^'l '•^l
Transcription: àjj^ ^O^JL» (Jy^\ » .i ci<>^rî^ cV^J* «vj^».i
12. «Si quelqu'un frappe un homme et qu'il en meure, on le punira de
mort. » «
i3. «Que s'il ne lui a point dressé d'embûches, mais que Dieu l'ail lait
rencontrer sous sa main , je l'établirai un lieu où il s'enfuira. »
554 MAI-JUIN 1865.
Pétersbourg dans le recueil allemand : Deutsche Vierteljahres-
schrift von fleidenheim *.
Les manuscrits qui ont trait à la littérature rabbinique
sont de beaux et anciens exemplaires du Targoum, — les-
quels seront très-précieux pour une édition, fort désirable,
de celte paraphrase, — des commentaires de Rashi et d'Ibn
Ezra, un commentaire inconnu de Ix. Abraham Rrimi (de la
Crimée, xiii*-xiv' siècle), un vocabulaire quelque peu expli-
cite en arabe, mais qui connaît déjà /Ca/zi/iJ, et un dictionnaire
hébreu-persan incomplet, le premier dont j'aie à signaler
l'existence, etdont l'auteur ignore le système deHayyoïidj ; on
trouve à la fin de ce livre, heureusement conservée, celle note :
n") Kin- 7)2^2 pnn 121 '"^d p-iriDi piJK -idd n; d^^id:
«fini ce IguTvn le deuxième jour de la semaine, qui est le
premier jour du mois de Tamouz i65i de l'ère des Séleu-
cides (iSSg) , dans la ville de Gorgandj ^. » Il y a là quelque
chose d'étrange, car le premier jour du mois de Tamouz,
d'après les rabbaniles, ne peut être qu'un dimanche, un
mardi, un jeudi ou un vendredi (Vn'J'N); ce diclioimaire a
été cependant composé par un rabbanite, car l'auteur expli-
que aussi des mots qui se trouvent dans le Talmud (ce qui
rend cet ouvrage analogue au Havi de R. Haya, dont j'ai
parlé dans ma Notice sur la lexicographie hébraïque'^). Quel-
ques recueils rituels offrent un certain intérêt; les manus-
crits qui ont rapport à la philosophie, aux mathématiques et
à la médecine, sont presque les mêmes qu'on trouve dans
beaucoup d'autres bibliothèques.
Qu'il me soit permis de revenir sur un passage de mon
' Cf. ci-dessus, p. 5^2, note i.
^ /^Law^^ , ville située (d'après Yaltout) entre le Tabaristân et le Kliora-
çàii. (Cf. Dictionnaire de la Perse, par M. Barbier de Meynard, ad v.)
^ Cf. Journ. asiat. 1862 , t. 11, p. 212.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 555
premier rapport ; j'ai donné par erreur pour la dale de l'épi-
taphe la plus ancienne le milieu du ii* siècle, c'esl-à-dire d'a-
près le calcul usité maintenant chez les juifs, et j'ai oublié
d'ajouter que d'après mon calcul cela fait 6 P. C. L'Aca-
démie, dans son rapport, a attiré mon attention sur cette
erreur, et j'ai eu depuis l'occasion d'examiner huit pierres
tumulaircs; j'ai trouvé les fac-similé de la collection d'accord
avec l'original et j'ai publié dans le Bulletin de l'Académie de
Saint-Pétersbourg^ les textes de ces huit pierres. L'ère delà
création se trouve également déjà dans le W livre d'Esdras
(texte arabe) publié récemment par M. Ewald^; selon ce
savant, la traduction date du temps d'Adrien. Quant aux
textes des épigraphes des rouleaux, dont l'Académie désire
avoir les copies, ils seront bientôt publiés et soumis eo ipso
à l'examen de tous les hébraïsanls.
OBSERVATIONS SUR LE DERNIER RAPPORT DE M. NEUBAUER,
PAR M. MUNK.
La seconde partie du Rapport de M. Neubauer sur les ma-
nuscrits caraïtes de Saint-Pétersbouig offre beaucoup moins
d'intérêt que la première. L'espérance que nous avions ex-
primée d'y trouver des faits que nous ignorons encore» et
notamment des données sur l'histoire des Rhazares, ne s'est
point réalisée. Mais la faute n'en est pas à M, Neubauer, qui
lui-même s'est trouvé déçu, en examinant la collection.
Celle-ci n'offre presque rien qui ne fut déjà connu par le
Mémoire de Trigland (Diatribe de seclu Carœorum] , par la
Notilia Carœoram publiée par Wolff , par mes Notices recueil-
lies dans les manuscrits que j'ai moi-même rapportés d'E-
gypte, et notamment par l'excellent ouvrage hébreu que
' Cf. Mélanges asiatiques , t. V, [). 119-125; ibid. M. Dorn, p. 1 28-1 32.
' C£. Das viertc Ezrabuch , e.lc. par M. H. Ewald. (Tirage à part du
XI" volunii' des Mémoires de l'Académie de Goettingue , p. 92.)
556 MAI-JUIiN 1865.
M.Pinsker d'Odessa a publié en i 860 sous le titre de Lickouté
Kadmonioth (Recueil d'antiquités). On savait déjà par mes
écrits et par ceux de M. Pinsker, que les ouvrages caraïtes
de la fin du x* siècle offrent le plus d'intérêt pour l'histoire
littéraire des juifs, notamment par les nombreux fragments
qu'ils nous fournissent de plusieurs écrits de Rabbi Saadia
aujourd'hui perdus. Saadia al-Fayyoumi élail un des plus cé-
lèbres auteurs rabbanites du x^siècle, dans lequel les Caraïtes
voyaient leur plus redoutable adversaire et dont ils cherchent
à réfuter les écrits, surtout ceux qui sont relatifs à la fixa-
tion des Néoménies.
Les livres de prières et de cantiques examinés par
M. Neubauer n'offrent également rien d'intéressant. Le re-
cueil de poésies d'un certain Moïse Dara'i, que M. Pinsker
a été le premier à faire connaître, serait important pour l'his-
toire littéraire, si la date qu'il porte pouvait être considérée
comme authentique. Il en résulterait que les juifs caraïtes,
dès le ix' siècle, employaient dans leurs vers la prosodie
arabe et qu'ils furent, sous ce rapport, les prédécesseurs des
grands poêles juifs d'Espagne, tels que Salomon Ibn Gebi-
rol, Juda ha-Levi et les deux Ibn Ezra ; ces poètes n'au-
raient même été que les plagiaires de Moïse Dara'i, dont on
n'avait jamais entendu parler. M. Pinsker s'est laissé induire
en erreur par la date du manuscrit, et, grâce à lui, le pré-
tendu poëte Moïse Dara'i a trouvé place dans la grande His-
toire des Juifs de M. Graetz, comme une des célébrités du
ix' siècle. Mais les lecteurs hébraïsants sans prévention ne
pouvaient manquer d'avoir des doutes sur l'authenticité de
la date de ce recueil, et, dans les fragments qu'en donne
M. Pinsker, on reconnaissait au plus léger examen critique
un auteur qui ne pouvait remonter au delà du xiii* siècle.
MM. Pinsker et Graelz avaient seuls pu se tromper, l'un par
sa prédilection pour la littérature caraïte, l'autre par sa trop
grande avidité des nouveautés. M. Neubauer, qui a eu l'oc-
casion à Saint-Pétersbourg d'examiner ce curieux manuscrit,
nous confirme ce dont nous étions sûrs d'avance : « L'auteur,
NOUVELLES ET MELANGES. 557
« dit-il, a été témoin des Croisades, époque où la ville sainte
« se trouvait tantôt entre les mains des chrétiens, tantôt entre
« celles des Arabes; » et il cite deux exemples tirés des nom-
breux passages où il est fait allusion aux Croisades. «La
« date à la fin de l'ouvrage, dit-il encore, me semble altérée
« par une main récente. » En effet, il ne saurait en être autre-
ment; le poëte Dara'i doit descendre du piédestal que
MM. Pinsker et Graetz lui ont élevé; et, au lieu d'être le pré-
décesseur et le modèle des poètes juifs d'Espagne, il doit se
résigner à en être le modeste imitateur. Peut-être le manus-
crit ne renferme-t-il autre chose qu'un recueil de poésies de
divers auteurs, copié par Moïse Dara'i, dont le nom n'appa-
raît chez aucun des auteurs juifs, rabbanites ou caraïtes.
Cependant, M. Neubauer ne s'exprime pas avec exactitude
en parlant d'un certain poêle Samuel Sani, que M. Firko-
witz fait remonter au viii' siècle : «Je n'ai pas besoin, dit
« M. Neubauer, de mentionner cette erreur d'anachronisme
M qui parle des poésies rhythmiques de tous les genres exis-
« taiils d'après le modèle arabe à une époque où les Arabes
« n'ont guère commencé à connaître ces rhylhmes. » On sait
que tous les genres de rhythmes arabes existent dans les
poésies antérieures à l'islamisme; mais il est vrai de dire
que le premier qui en ait exposé la théorie fut Khalil ben
Ahmed, au if siècle de l'hégire.
Les ouvrages de philosophie, ou plutôt de théologie ra-
tionnelle, de Josej)h ha-Roéh, de Yeschou'a etc. sont les
mêmes que ceux qui, selon l'observation de M. Neubauer, se
trouvent aussi à la Bibliothèque de Leyde et , depuis peu , à la
Bibliothèque impériale de Paris. Ces ouvrages, primitive-
ment écrits en arabe et mal traduits en hébreu, renferment
l'application au judaïsme du calâm arabe et notamment du
système des Motazales. Ils peuvent être utiles à ceux qui dé-
sirent connaître les principales questions ihéologiques qui
occupaient les Motazales ; le système y est présenté d'une
manière complète et concise, et appuyé, pour les juifs, de
passages bibliques.
558 MAI-JUIN 1865.
M. Neubauer mentionne uu dictionnaire hébreu-persan
incomplet, le seul dont on ait entendu parler jusqu'ici. Cet
ouvrage, qui a pour auteur un juif rabbanite,est de l'an iG5i
des Contrats ou des Séleucides (i3/io de J. C. et non idSg,
comme il est dit dans le Rapport) , et M. Neubauer s'étonne
qu'il soit daté du Lundi 1" lumoiiz , « car, dit-il avec raison , le
« premier tamouz, selonie calendrier des rabbnnites, ne peut
«jamais tomber sur un lundi. » Mais la date hébraïque, que
M. Neubauer a reproduite, porte simplement : Nconiénie de
tamouz. Or on sait que certains mois ont deux jours appelés
néoménie, dont le premier, jour de la conjonction, est consi-
déré comme le dernier jour du mois précédent. H s'agit donc
ici, non du i" tamouz, mais du 3o sivan qui, en efl'et, en
1 34o, fut un lundi.
M. Neubauer convient que l'observation qui lui a été faite
dans notre premier rapport sur la concordance do l'an 703
le-galoulhénoa (de notre exil) avec l'ère chrétienne est biec;
fondée, et il avoue qu'il fallait dire : l'an vi de l'ère chré-
tienne, au lieu de : la première moitié du n' siècle.
En somme, comme le dit M. Neubauer lui-même, on
peut dire que cette collection, quoique la plus complète de
la littérature caraïte, n'a pas l'importance que lui ont attri-
buée les journaux. Ce n'est donc pas, ainsi que nous l'avons
déjà dit plus haut , la faute de M. Neubauer si les espérances
que nous avions fondées sur cette collection ne se sont point
réalisées.
La Musique arabe, ses rapports avec la musique (jrecqiie et le citant
grégorien, par F. Salvador Daniel, in-8°. Alger, i863.
Amateurs privilégiés, qui vous pressez dans la salle trop
étroite de la Société des conceris; dileltanli exclusifs, qui
n'osez encore vous prononcer sur la neuvième symphonie de
Beethoven; arbitres du goût, qui refusez le don de l'inven-
tion à Mendelssohn, et qui traitez l'auteur du Tannhaiiser do
NOUVELLES ET MÉLANGES. 55U
barbare frotté d'orgueil , venez : de plus grandes surprises
vous sont ménagées aujourd'hui. Le Caire est en fêle. Mêlez-
vous à celte foule bigarrée qui se répand sous les frais om-
brages de l'Ezbekyieh , c'est M . Salvador , un musicien homme
d'esprit (il s'en trouve encore en Egypte), qui se charge
de vous conduire. Prenez place au premier rang; la Noabah,
la symphonie cantate va commencer. Ils sont là cinq ou six
virtuoses en turban, accroupis ou debout sur un tapis un
peu flétri, mais de noble origine. L'orchestre est au com-
plet : ce jeune garçon et son voisin , bon nègre à la face ré-
signée, tiennent l'un le taiT, l'autre \ehendaïr, instruments
de percussion chargés de l'accompagnement rhylhmique. De-
vant eux, sur le premier plan, voici trois habiles artistes
maniant avec dextérité la guitare, la mandoline et le violon;
ils suivront et soutiendront la voix de ce chanteur aveugle,
au visage mélancolique et doux. Prêtons l'oreille; le signal
est donné. Les premières notes du becherafa prélude » se font
entendre. « Ce prélude exécuté par les instruments chantants
est destiné à indiquer le mode dans lequel la chanson doit
être renfermée. Il reproduit d'abord la gamme ascendante
et descendante du ton, ou pour mieux dire, du mode; puis
il indique les transitions par lesquelles on pourra passer ac-
cidentellement dans un autre mode. D'ordinaire, l'introduc-
tion a un accent de trisiesse plaintive, de douce mélancolie,
parfaitement en rapport avec le genre d'interprétation que
lui donnent les Arabes. » Mais déjà le violon file son dernier
point d'orgue, les instruments à percussion s'annoncent sur
un rhythmc joyeux; après un court récitatif, voici la mélodie
qui commence; laissons à M. Salvador le soin de l'analyser,
il s'en acquittera mieux que nous.
• « Quel que soit le mode auquel appartienne la mélodie, le
chanteur traînera la voix, en montant ou en descendant, de-
puis la dernière note du récitatif jusqu'à la première de la
chanson. Le premier couplet offrira un chant simple et de
peu d'étendue; il paraîtra facile à saisir, abstraction faite de
l'accent guttural du chanteur et des combinaisons rhylhmi-
5130 MAI^JUIN 1865.
ques frappées sur les instruments à percussion. Mais le
violon fait sa ritournelle, en ajoutant à la mélodie les enjoli-
vements qui constituent la partie essentielle de son talent,
tandis que la guitare continue invariablement le thème. Puis
le chanteur, reprenant le second couplet, commence à orner
ses terminaisons , ses cadences avec une série de petites notes,
empiétant en haut ou en bas sur l'étendue de l'échelle donnée.
Il s'anime, à mesure que le sujet se développe; bientôt, aux
petites notes viennent se joindre des fragments de gamme
traînée, sans régularité apparente, et cependant sans altéra-
tion de mesure, puisque le chant est joué et chanté souvent
aussi, mais toujours à l'unisson, par les autres nmsiciens,
tandis que les instruments à percussion frappent uniformé-
ment le rhythme commencé sur le premier couplet de la
chanson. »
La symphonie s'est achevée au milieu de l'enthousiasme
général. La foule émue prodigue ses applaudissements et
ses largesses aux brillants virtuoses; les barekallah, les mâ-
châîlah se mèlenl au glou-glou du narguilé. Nous seuls, trans-
fuges du conservatoire, nous restons étrangers à ces mani-
festations joyeuses. La curiosité seulement nous a empêchés
de prendre la fuite; étonnés de cet étrange concert, nous
avons ri, sans être désarmés; et nous partons, mécontents,
agacés, jurant qu'on ne nous reprendra plus à pareille fête.
M. Salvador, notre guide, sourit de notre désappointement,
mais ne s'en étonne pas; lui-même l'a éprouvé, lorsque, se
mêlant, pour la première fois, aux musiciens nomades de
l'Algérie, il a essayé de surprendre le secret de leur art, et
de renouer la chaîne brisée des traditions lyriques. A quoi
doit-on attribuer l'éloignement que celle musique orientale
nous inspire? Est-ce à l'accent nasillard du chanteur, au ca-f
ractère indécis que l'absence de note sensible donne à la mé-
lodie, à ces fragments de gamme traînée que l'on veut, a
tort ou à raison, traduire en tiers et en quaris de ton? Sans
nier l'influence de ces causes secondaires, M. Salvador pose
en principe que, pour apprécier à sa valeur une musique si
NOUVELLES ET MELANGES. 561
différenle de la nôtre, la condition rig^oureuse est Vhabiliide
d'cnttndre , ou V éducation de l'oreille. Voilà qui contrarie un
peu nos théories en matière d'esthétique. Faut -il donc re-
iuser aux œuvres musicales ce que l'on accorde à la poésie
et aux. arts plastiques : un caractère de beauté absolu , indé-
pendant des temps et des milieux .►^ Le charme de la mélodie
n'estil plus qu'une question de latitude, de climat, de race?
Soutenir une proposition semblable serait presque une pro-
fanation; et pourtant, il faut bien admettre, dût-on en dé-
duire une sorte d'infériorité relative pour l'art musical, qu'il
est, plus que tout autre, exposé aux vicissitudes du temps et
aux caprices de la mode. Deux siècles à peine se sont écoulés
depuis que le drame lyrique est créé en France, et, malgré
le verdict sévère de Despréaux , les vers de Quinault se li-
sent encore avec plaisir, tandis que les accords de LuUi dor-
ment d'un sommeil éternel. Nous voyons dans les mémoires
du xviii" siècle qu'un air de son opéra de T/ie'5t/e( 1675-1679)
avait conservé une vogue extraordinaire : au théâtre, on
l'acclamait avec frénésie; h. la ville, on le fredonnait sur tous
les tons. Cbercbons dans celte poudreuse partition le mor-
ceau qui lit les délices de nos aïeux. O déception! nous n'y
trouvons qu'un dessin servile de basse instrumentale, une
sorte d'antienne lugubre, moins la grandeur il la simplicité
du plain-cbanl. La même expérience pourrait se faire sur les
œuvres de Rameau, de Salieri et de tant d'autres compo-
siteurs presque contemporains. Les dieux de l'harmonie
qu'adoraient nos pères sont irrévérencieusement classés au
musée des antiques, et leurs créations si populaires devien-
nent une curiosité d'archéologue. Cette conviction malheu-
reusement trop fondée ne devrait-elle pas nous rendre plus
respectueux envers des tentatives où le génie a laissé son
empreinte, et dont le plus grand tort est de s'intituler mu-
sique de l'avenir? Mais cette intéressante question n'est pas
du ressort de notre grave journal , et je me hâte de revenir
à la brochure fort instructive de M. Salvador. Le titre indique
que l'auteur n'a pas voulu seulement nous initier au style
562 MAI-JUIN 1865.
des maestri d'Algérie et d'Egypte, mais qu'il s'est proposé
encore de chercher, dans l'antiquité grecque et les premiers
âges du christianisme, l'origine d'un art dont la théorie est
aujourd'lmi lettre morte en Orient. Cette question, il l'a
étudiée avec une érudition sobre, sans pédanterie, ni abus
de fermes techin'ques. Tout ce qui touche à la musique spé-
culative chez, les anciens, à la science des nombres, à la
querelle des Pythagoiiciens et des Arisloxéniens; l'influence
des Juifs sur les progrès de l'ait; les réformes de saint Au-
gustin et du pape Grégoire; la découverte de Gui d'Arezzo,
qui pose les bases d'une gamme unique, et réunit dans son
système d'hexacordes les premiers éléments d'où doit jaillir
le nouveau principe musical, l'harmonie; tout cela, dis-je,
est tracé de main de maître, clairement et sans parti pris.
Je regrette de ne pouvoir suivre celte attrayante élude dans
ses développements; mais il y a deux points sur lesquels je
voudrais m'arrêter un instant, parce qu'ils sont de nature à
faciliter la lecture des poêles musulmans, à savoir : la défini-
lion des modes ou tonalités arabes, et la description des
instruments usités dans leur musique populaire. Ici surtout,
les connaissimces théoriques de l'auteur et le long séjour
qu'il a fait en Algérie donnent un caractère particulier d'exac-
titude à ses observations. Pour plus de rapidité, je réunis en
tableau les explications éparses dans plusieurs chapitres.
NOUVELLES ET MÉLANGES.
563
TABLEAU DES MODES ARABES COMPARES AUX MODES GRECS
RT À CEUX DU PLAIN-CHANT.
MODES ARABES.
MODE S
CORRESPONDANTS
chez les Grec?.
MODES
CORHESPON-
DANTS
dans le
p!aii)-cliaiil.
i
CARACTÈRE
PARTICULIER
(le ces modes.
/ 1 Irak ('jUc'
u \ 2 Mezmoum
^ j 3 Edzeil J.J oV-J 1
' /i Djorha l^yPi-
5 Elhosain
^ 6 Saika iLXA-'»^
s
■| ^ 7 Meïa jy Lo
Dorien
Lydien
Phrygien
Eolien ou Lydien
grave
Hypo-Dorien . . .
Hypo-Lydien . . .
Hypo-Phrygien .
Hypo-mixo-Ly-
i" ton. . .
y Ion . . ,
5' ton . . .
7' ton . . .
2' ton . . .
/l" ton.. . .
6" ton
8' ton
ré
,«i
fa
sol
]a
si
do
ré
sérieux et grave , pro-
pre à l.t guerre et à
fa religion.
triste, patlictique, ef-
féminé.
lier, majestueu» , ter-
rible.
grave, sévère; c'est un
de» plus usités,
plaintif, tendre.
se confond avec le mez-
moum ; emploi rare.
grand , majestueux.
/ .. . .
1
octave ) sérieux, lugubre.
MODES MIXTES.
"
//
"
9 Hummel Meïa
*-?. ^^ i}^) • • •
1 0 Elhosain Saha
1 1 Zeidan
\
1
)
1 ■
"
Llérivé du mcia simple.
!
l dérivé du Elhotain , cor-
I rcspond à nolregam-
1 me mineure , avec la
( noie sensible.
dérivé du mode iraA-.
(dérivé du mexmoam ; se
) confond souvent en
) Algérie avec le ze!"<Zan.
564 MAI-JUIN 1865.
Les huit premiers modes forment le g(3nre dialouique,
qui procède par deux tons et un demi-ton, pour chaque lé-
tracorde. Les quatre suivants semhlent appartenir à ce genre
chromatique auquel les Grecs attribuaient des effets mer-
veilleux. M. Salvador nous apprend que les Arabes comp-
tent en tout quatorze modes, mais que, malgré ses recher-
ches, il n'a pu obtenir aucun renseignement sur les deux
derniers. Les quatre modes mixtes accompagnent d'ordinaire
la danse furieuse qu'on nomme djunoiin « possession, folie. »
Un musicien de grand talent, attaché à la maison de Ben-
Ayied , l'ancien minisire du bey de Tunis, tombait en extase,
lorsqu'il exécutait sur son violon les rondes diaboliques en
mode asheïn. Pour nous qui condamnons, au théâtre, toute
manifestation bruyante, comme un manque de savoir-vivre,
et qui laissons aux stipendiés du parterre le soin de traduire
notre enthousiasme par des bravos tarifés, nous avons peine
à comprendre l'effet irrésistible que les combinaisons de
sonsetderhylhmes produisentsur les races impressionnables
et nerveuses de l'Orient. Pour s'en faire une idée, il faut
avoir assisté aux danses vertigineuses des mevlevites, ou à la
représentation d'un mystère, en Perse, pendant les fêtes de
moharrem ; on est alors plus disposé à admettre comme vrai-
semblables deux récits semi-légendaires et presque identi-
ques : le triomphe de Tyrlée au festin d'Alexandre, et celui
du musicien Alfarabby, chez le sultan Fakhr-ed Doôleli.
Ainsi que M. Salvador le démontre judicieusement, toute
composition musicale arabe repose sur deux principes inva-
riables ; 1° un motif très-simple coupé par une ritournelle,
et orné, à chaque reprise, d'une glose; en d'autres termes,
de fioritures et de variations où le goût de l'exécutant se donne
libre carrière, sans s'écarter cependant de certaines règles';
' Il est flilficilt! (l'analyser ces improvisalions briliaiilcs où le thème re-
paraît sans cesse, et toujours reconnaissablc. S'il fallait, à la rigueur, trou-
ver un terme de comparaison , je chercherais, dans les œuvres pour clavecin
<le Sébastien Bach et de Haendcl , quelques-unes de ces chaconnes ou sara-
baiules où un ihènjc de quchpics mesures est repris avec des traits rapides.
NOUVELLES ET MELANGES. 565
2° un accompagnement rhythmique, en guise d'harmonie, et
qui admet toutes les combinaisons possibles de mesures. Il
est donc naturel que les instruments dont se compose l'or-
chestre se divisent en deux classes : i" les instruments à
vent et à cordes, destinés à préluder et à rappeler le motif
principal ; 2° les instruments à percussion , dont le rôle est de
marquer les divisions rhythmiques et de remplacer la basse
sous le chant. J'ajoute ici, en l'abrégeant, la description de
ceux de ces instruments dont le nom peut se rencontrer sous
la plume des écrivains orientaux.
1° Instruments à vent.
Gosba hy^ , flûte à trois trous, de la dimension de notre
grande flûte. Elle donne quatre sons, et soutient la voix du
chanteur en répétant constamment le thème de la chanson.
C'est le neï 3 des poètes persans.
Djouak (^\c^, flûte plus moderne, à sept trous, donnant
l'octave complète.
Raïta ou liaïka jo^/x , musette à anche , percée de sept trous
et terminée en pavillon. C'est l'instrument connu, en Es-
pagne, sous le nom de gaita.
2° Instruments a cordes.
Kemandjah ^^àS , violon monté de quatre cordes, accor-
dées par quintes, comme notre violon moderne.
Rehah c->W;, nommé aussi rehec , violon plus simple, à
boîle bombée comme la mandoline. Deux cordes» grosses
comme celles de notre contre-basse , et accordées par quintes ,
sont mises en vibration à l'aide d'un très-petit archet de fer,
arrondi en arc.
Kouitra îyS?y , guitare de Tunis, tire son nom de la lyre
tikitharav des Grecs. Elle est montée de huit cordes, accor-
dées par deux à l'unisson, et mises en vibration au moyen
notes d'agrément, gruppetti, etc. qui enrichissent la mélodie , sans la déna-
turer.
37
566 M'AI-JUIN 1865.
d'un bec de pliimo lenii de la main droite, tandis que les
doigis de la main gauche exécutent le même travail que sur
notre guitare.
Kanoun ijy^ , le kinnor des Juifs, harpe de soixante et
quinze cordes, tendues sur une boîte harmonique on bois
d'érable, recouverte d'une peau séchéc comme celle d'un
tambour. On pince les cordes au moyen de petites baleines
ou de becs de plume, fixés à l'index et au médius de chaque
mnin, par des anneaux.
3° Instruments à percussion.
DoJ\j^ , tambour de forme carrée, nommé en Espagne
aduf.
Tar/' sLb, espèce de tambour de basque.
Attahal J^JaJî, timbales de différentes dimensions, blou-
sées, avec deux baguettes — Entin le darbouka et le hendaïr,
instruments le plus ordinairement employés; le dernier est
une simplilication du tarr.
Tels sont les principaux instruments décrits dans le tra-
vail que j'ai sous les yeux, et qui témoigne non-seulement
de connaissances techniques approfondies, mais aussi d'une
érudition trop rare chez les musiciens de profession. En fé-
licitant l'auteur du talent avec lequel il s'est acquitté de sa
tâche, je ne puis me dispenser de signaler un vœu bien té-
méraire qui lui est inspiré sans doute par l'étude de la mu-
sique arabe, et qui sert de conclusion à son livre. Après avoir
défini l'élément nouveau introduit dans notre système mu-
sical par la découverte de Gui d'Arezzo, M. Salvador se de-
mande si , dans les dix modes abandonnés à la même époque,
il n'y aurait pas, à côté des deux modes conservés, le ma-
jeur et le mineur, d'autres emprunts a faire au système mé-
lodique usité antérieurement au xiv* siècle. Pour parler plus
simplement, serait-il impossible d'appliquer à l'harmonie
moderne de nouvelles combinaisons appropriées à la gamme
de chaque mode, sans altérer le caractère de la mélodie:'
L'auteur répond affirmativement.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 567
S'il ne s'agissait que du plaiu-chant, une tentative de ce
genre devrait être favorisée. N'eûl-elle d'autre mérite que de
nous délivrer du contre-point bâtard , ajusté au style plagal
par l'école de Catel et de Perne, ce serait déjà un progrès in-
contestable. Partout ailleurs, j'en crois l'application impos-
sible. 11 y a cinquante ans, Reicba, lui aussi, rêva cette fu-
sion entre nos lois musicales et la mélodie antique. Dans un
recueil assez rare d'exercices d'école, dédié à Haydn, le sa-
vant harmoniste a exposé tout au long le mérite de son in-
novation, et, joignant l'exemple au précepte, il a composé,
d'après ce système renouvelé des Grecs, plusieurs fugues à
deux sujets, avec cadence à la dominante, à la deuxième,
à la troisième de la tonique, etc. Que M. Salvador veuille
bien lire ces bizarres compositions, où l'oreille est si peu mé-
nagée, et il restera convaincu, je n'en doute pas, que notre
harmonie ne peut en aucune façon se plier ni aux mélopées
grecques, ni aux cantilènes arabes, qui en sont l'écho af-
faibh'.
Barbier de Meynard.
SVH L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR TEL QU'IL EST ORGANISE EN
France, et sur le genre D'EXTENSio.y À y donner, par
P. G. deDumast. Paris, i865, in-S" (xii-ioo pages).
M. le baron Dumast expose dans cet écrit ses idées sur la
manière de compléter le haut enseignement en France,
tant par quelques changements dons l'organisation que par
une augmentation notable de chaires. Ce qu'il demande
pour les facultés des sciences, de droit et de médecine, n'est
pas du ressort du Journal asiatique; mais ce qu'il dit des
facultés des lettres nous louche vivement, car il insiste de
nouveau sur la création d'une chaire de vsanscrit et d'une
d'arabe auprès de chaque faculté des lettres. Plusieurs Aca-
568 MAI-JUIN 1865.
démies de province se sont déjà prononcées pour celle pro-
position, et il serait très-désirable qu'elle fùl prise en consi-
dération par le Gouvernement. Ensuite il passe au Collège
de France, dont il voudrait voir compléter l'enseignement
linguistique par des chaires de langue védique, de zend , de
perse et de pehlewi, de celtique, d'assyrien, d'éthiopien
et de copie. Puis il passe à l'Ecole des langues orientales
vivantes, auprès de laquelle il demande qu'on établisse des
chaires de tamoul, de cocliinchinois, de berbère, de basque
et de breton , et que l'on convertisse l'enseignenienl de l'arabe
algérien en une chaire régulière; de plus, il espère y voir
fonder bientôt une chaire de mexicain et une pour le ma-
gyar et le finnois. 11 faut lire dans le livre même les raisons
sur lesquelles Tauleur appuie chacune de ses demandes, et
l'on tombera certainement d'accord avec lui que l'enseigne-
ment des langues orientales en France est encore bien in-
complet. Ce petit livre est écrit avec beaucoup de chaleur et
inspiré par un véritable amour de la science et de la gloire
littéraire de la France. — J. M.
ERRATA nu CAHIER DE JANVIER-FÉVRIER l865.
P. ilx'jy ligne 17, lisez : 200 paras.
P. 1 48, ligue 17, lisez: 2o5 paras 1/2 argent.
P. i58, avant-dernière ligne, lisez : pour Tannée i862-i8t)3.
P. 171, ligne )7, lisez : Mizan-elhaqcj ; plus bas: levdjihât.
P. 171, dernière ligne , après les mots : de Chemsul , ajoutez les trois ligues
de la page suivante, transposées : Haqyqa nie soleil de la vérité,» etc.
P. 173, ligne 3 , lisez : patriarcal non-uni ; ligne 7 , lisez Yerévaq ; lig. 3 1 .
lisez: compte seize ans d'cxisleuce.
P. 17/i, ligue 10, lisez : joint de plus au texte.
TABLE DES MATIERES. 569
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE TOME V, Vl" SERIE.
MEMOIRES ET TRADUCTIONS.
Pa
Le Livre des roules et des provinces , par Ibn-Khordadbeh , pu-
blié, traduit et annoté par M. Barbier de Meynard 5
Suite , , 227
Suite et fin 446
Essais sur l'Histoire économique de la Turquie, d'après lés
écrivains originaux. (M. Belin.) Suite et fin 1 27
Sur les noms des céréales chez les anciens, et en particulier
chez les Arabes. (M. J. J. Clément-Mullet. ) 185
Mémoire sur Khâcâni , poëte persan du xiii* siècle. (M. de Kha-
NiKOF.) Seconde partie 296
Pantchâdhyâyî ou les Cinq chapitres sur les amours de Crichna
avec les Gopîs, extrait du Bhâgavata-Puràna. (M. Hauvette-
Besnault.) 373
NOUVELLES ET MELANGES.
Procès-verbal de la séance du 9 décembre i864 168
Tableau de la presse périodique et quotidienne à Constan-
tinople en 1 8G/i. (M. Belin.) — Notice sur la vie et les travaux
de M. Bianchi. (M. Barbier de Meynard.) — La Femme
dans l'Inde antique, études morales et littéraires , par M"' Cla-
risse Bader. (J. M.)
Procès-verbal de la séance du 10 février i865 367
570 MAI-JUIN 1865.
pages.
Procès-verbal Je la séance du lo mars i865 369
Travels iii Central Asia, by Arminius Vambery, et Reisc in
Mittelasien von Hermanu Vambery. (J. M. )
Procès-verbal de la séance du 1 2 mai i865 532
Rapports faits à M. le Ministre de l'instruction publique
sur les manuscrits hébreux de la collection Firkowilz, par
M. Neubauer. — La musique arabe, ses rapports avec la mu-
sique grecque et le chant grégorien, par F. Salvador Daniel.
(M. Barbier de Meïnard.) — Sur l'enseignement supérieur en
France, par P. G. de Dumast. (J. M.)
FIN DE LA TABLE.
JOURNAL ASIATIQUE
SIXIÈME SÉRIE
TOME VI
JOURNAL ASIATIQUE
OU
RECUEIL DE MÉMOIRES
D'EXTRAITS ET DE NOTICES
RELATIFS A L'HISTOIRE, A LA PHILOSOPHIE, AUX LANGUES
ET A LA LITTÉRATURE DES PEUPLES ORIENTAUX
HBOIGÉ
PAR MM. BARBIER DE MEYNÀRD , BELIN , BOTTA, CACSSIN DE PERCEVAL
CHEBBONNEAU, DEFRÉMERY, DUGAT, DULAURIER, FOUCAOX.
GARCIN DE TASSY, STAN. JULIEN
KASEM-BEG, MOHL , MDNK , OPPERT, PAUTHIEE, REGNIER, REINAUD
RENAN, DE ROSNY, DE RODGE , SÉDILLOT
DE SLANE, ETC.
ET PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
SIXIEME SERIE
TOME VI
PARIS
IMPRIMÉ PAR AUTORISATION DE M. LE GARDE DES SCEAUX
A L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE
M Dccr: Lxv
JOURNAL ASIATIQUE.
JUILLET 1865.
PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE ANNUELLE DU 28 JUIN 1865.
La séance est ouverte à une heure par M. Rei-
naud , président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu; la
rédaction en est adoptée.
Il est donné lecture d'une lettre de M. Ferdinand
de Lasteyrie, qui restitue à la Société un ouvrage
chinois qu'il a retrouvé dans la bibliothèque de son
père.
M. Saint-Amour, ancien sous-préfet à Oran, écrit
pour inviter les membres de la Société à entrer
dans la Société de civilisation orientale qu'il vient
de fonder.
Sont présentés et nommés membres de la So-
ciété :
iVlM. Le marquis de Gosentino.
Orlando (Diego).
Durand, interprète militaire en Algérie.
MiNAÏEF, de Saint-Pétersbourg.
Delaunay (Emile), au château de Bois-
Hunaut,prèslaChàtre-sur-Loire(Sarthe).
C. JUILLET 1865.
MM. FkAiDET, ou séminaire de Beauvais.
Ganikr (M. D.).
Caratheodory ( Alexandre ), docteur en droit
à Constantinople.
Hassan Ekendi Mahmoud, D' en médecine.
Le secrétaire donne lecture du Rapport annuel
.sur les travaux du Conseil.
M. Barthélémy Saint -Hilairo donne lecture du
Rapport des Censeurs, qui se termine ainsi : «Nous
renouvelons avec instance nos recommandations de
l'année dernière, en ce qui concerne les cotisations,
qui ne rentrent pas aussi régulièrement que nous
devons le désirer. Nous prions Messieurs les Membres
de vouloir bien se souvenir de l'époque où ils doi-
vent les acquitter, et nous engageons la Comnussion
et l'Agence à montrer la plus scrupuleuse exactitude
à les réclamer dès les prenuers mois de l'année.
« Nous adressons une autre prière à Messieurs les
Membres, et celle-là est toute dans leur intérêt,
c'e.st de vouloir bien avertir l'administration des ir-
régularités qui pourraient se produire dans la ré-
ception de leur Journal. L'administration fait tout
ce qu'elle peut pour prévenir ces irrégularités; mais
elle a besoin que Messieurs les Membres lui trans
mettent leurs réclamations sans trop de délai. »
M. Féer lit un mémoire sur l'introduction du
Bouddhisme dans le Kashmir.
Il est procédé au dépouiMcnioni du smilin. qui
donne les résultats suivant^
PROCÈS-VERBAL. 7
Président : M. Reinaud.
Vice- présidents: MM. Gadssin dePerceval, le duc
De Luynes.
Secrétaire : M. Mohl.
Secrétaire adjoint : M. Renan.
Trésorier : M. De Longpérier,
Commission des fonds : MM. Garcin de Tassy,
Mohl , Barbier de Meynard.
Membres du Conseil: MM. Régnier, Noël Des-
vergers, l'abbé Barges, Lancereau, Pavet de Cour-
teille, De Saulcy, De Slane, Troyer.
Censeurs : MM. Guigniadt, Barthélémy Saint-
Hilaire.
ouvrages présentés.
Par Tauteur. L'Algérie en 1865. Coup d'œil d'un
colonisateur, par le marquis de Cosentino. Paris,
i865, in-8°.
Par le secrétaire d'État pour l'Inde. The Aitareya
Brahmana of the Rigveda, by Martin Haug. Bombay,
i863, 2 vol. in-8^
Par l'auteur. Sur l origine de nos chiffres, par
M. Sédillot. Rome, i865, in-4°.
Par la Société. Journal of the Asiatic Society of
Bengal, if IV, et Supplementary number. Calcutta,
i864,in-8°.
Par l'Académie. Sitzangsberichte der Akademie der
fVissenschaften. Vienne, année i863, in-8*'.
Par l'auteur. Intorno a una traduzione italiana di
nna compilazione astronomica di A Ifonso X, re di Cas-
8 JUILLET 1865.
tiglia, nota di Enrico Narduccf. Uonie, i865,
in-/i".
Par l'auteur. Osmanische Sprachwôrter, publiés
par rAcadémie orientale à Vienne. Vienne, i865,
in-8^
Par la Société. Zeitschrift der deutschen morgen-
lândischen Gesellschaft. Vol. XIV, cahiers 3 et /|.
Vol. XIX, caliiers i et 2. Leipzig, in-8°.
Par la Société. Bibliolheca indica, nouvelle série,
ïf 68 et 69. Calcutta, i865,in-8^
Par la Société. Abhandiangen fur die Kunde des
Morgenlandes :
1° Hermœ Pastor, aethiopice edidit d'Abbadie.
Leipzig, 1860 , in 8".
2° Sse-scha, Scku-king , Schi-king , in mandschu-
rischer Uebersetzung, von Conon von Gabelentz.
Leipzig, i86/| , in-8°.
Par la Société. Actes de la Société d'ethnographie
(ancienne série, n' 7, et nouvelle série, n° i). Paris,
i865, in-8''.
Par l'auteur. Uncodice di Leggi e Diplomi siciliani
del medio evo , da Diego Orlando. Palerme, i85'7,
in^".
Par l'auteur. Dictionnaire des signes idéographiques
de la Chine, par Léon De Rosny. Paris, 186/4 , in-8"
(2' livraison).
Pai l'auteur. Lettre à M. Oppert sur quelques
|)articularités des inscriptions cunéiformes ana-
liennes, par M. Léon d(i Rosny. Paris, 186/1 (tirage
à part).
TABLEAU DU CONSEIL D'ADMLMSTRATIOiN. 9
Par l'auteur. La tradizbne dei sette Savi, di E. Teza.
Bologna, 186/4, in-12.
Par l'auteur. L'état social et politique da Mexique
avant l'arrivée des Espagnols , par M. Charles De La-
BARTHE. Paris, i865,in-8°.
TABLEAU
DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
CONFORMÉMENT AUX NOMINATIONS FAITES DANS L'ASSEMBLEE GÉNÉRALE
DD 28 JCIN l865.
PRESIDENT.
M. Reinaud.
VICE-PRÉSIDENTS.
MM. Gaussin de Perceval.
Le Duc DE LUYNES.
secrétaire.
M. MOHL.
SECRÉTAIRE ADJOINT ET BIBLIOTHECAIRE.
M. Renan.
TRÉSORIER.
M. DE LoNGPÉRIER.
COMMISSION DES FONDS.
MM. Garcin de Tassy.
MoHL.
Barbier de Meynard.
10 JUILLET 1865.
MEMBRES DU CONSEIL.
MM. Régnier.
Noël Desvergers.
L'abbé Barges.
Lancereal.
Paveï de Courte! ixe.
De Saolcy.
De Slane.
Troyer.
dulaurier.
FOUCAUX.
Guigniaut.
De Rosny.
Oppert.
Palthier.
Perron.
Stanislas Julien.
Defrémery.
DUGAT.
Sanguinetti.
Barthélémy Saint-Hilaire.
Brunet de Presle.
Le marquis d'Hervey de Saint -Denis.
Sédillot.
CENSEURS.
MM. Guigniaut.
Barthélémy Saint-Hilaibk.
RAPPORT ANNUEL. Il
RAPPORT
LES TRAVAUX DU CONSEIL DE LA SOCIETE ASIATIQUE
PENDANT L'ANNÉE 18 64-1865,
FAIT À LA SÉANCE ANNUELLE DE LA SOCIETE,
LE 28 JUIN l865,
PAR M. JULES MOHL.
Messieurs ,
La quarante- troisième année de l'existence de
votre Société n'a donné lieu à aucun fait particulier
dont j'aurais à vous entretenir. Vos travaux se sont
continués sans interruption, et la mort même, qui
nous avait frappés si cruellement l'année dernière
en nous enlevant un si grand nombre de collabora-
teurs distingués, nous a épargnés cette fois-ci.
Le Journal asiatique ^ a continué h traiter les
sujets les plus variés de l'érudition orientale. M. Sta-
nislas Julien a terminé la traduction des Extraits
des Annales chinoises relatifs à l'histoire des Turcs
orientaux, ou plutôt à l'histoire des rapports des
' Journal asiaùt^ue , sixième série, vol, IV, Paris, 186/1 (5/|/| pages)
in-8", et vol. V, i865 (670 pages).
12 JUILLET 1865.
Turcs avec l'enipire chinois. Ce sont des documents
très-secs, selon la manière du pays, mais qui four-
nissent sur la partie la plus ancienne el: la plus
obscure de l'histoire des Turcs des faits parfaitement
authentiques que leurs propres chroniqueurs ne con-
naissent pas.
M. Belin a de même terminé un long travail sur
l'histoire des finances de l'empire ottoman , histoire
que l'auteur a pu tirer des documents les plus sûrs
que lui offraient les chancelleries turques.
M, de Khanikof nous a donné un mémoire très-
curieux sur Khâcâni , poëte persan du xf siècle de
notre ère, dont il s'était beaucoup occupé pendant
son séjour en Perse. Pour faire comprendre son
poëte, il commence par un tableau rapide de l'état
politique de la Perse dans ce temps, puis il nous
donne la vie de Khâcâni, surtout d'après les rensei-
gnements que celui-ci fournit sur lui-même dans
ses œuvres. C'est bien une vie de poëte d'alors,
mendiant de fargent et des honneurs dans les cours
des princes, flattant les grands et couvrant d'invec-
tives ses ennemis, se vantant lui-même et conser-
vant pourtant le sentiment d'une certaine dignité.
M. de Khanikof termine cette belle étude par le
texte et la traduction de quatre des plus remar
quables poésies de Khâcâni. Ces poésies sont des
plus difficiles à entendre, remplies d'allusions tirées
des sciences et de l'histoire, de jeux de mots, de
tout ce qui faisait la gloire d'un poëte dans les cours
des princes turcs de ce temps, el de ce qui met à
RAPPORT ANNUEL. 13
j'épreuve le savoir et la patience du lecteur. M. de
Khanikof juge très-sévèrement cette poésie; mais
je crains qu'il n'ait été trop préoccupé des péchés
de Khâcâni, quand il étend son jugement sur toute
la poésie persane, car je crois qu'il ne peut repro-
cher ni à Firdousi, ni à Hafiz, ni à Djelaleddin
Roumi , et encore moins à Sadi les défauts qu'il
relève avec tant de raison dans Rhâcani.
M. Barbier de Meynard nous a donné le texte
et la traduction du Livre des routes d'Ibn Khor-
dadbeh, maître des postes du khalifat dans la
seconde moitié du uf siècle de l'hégire, par consé-
quent, un des géographes arabes les plus anciens. Il
s'est servi d'une copie du manusciit d'Oxford, et
Véfik Efendi a eu la complaisance de faire coila-
tionner pour lui le seul autre manuscrit qui soit
connu et qui se trouve dans la bibliothèque d'une
mosquée à Gonstantinople. Le livre de Khordadbeh
n'est pas seulement un routier, il indique la division
politique des provinces du khalifat, il donne le
montant des impôts que chaque district payait, tant
sous les rois de Perse que sous les khalifes, et il
ajoute à la liste des étapes de chaque grande route
des détails variés et souvent très-inléressants pour
l'histoire et la géographie. Le chef des postes sous
les khalifes était un personnage important, qui tra-
vaillait directement avec le khalife, à qui il commu-
niquait les rapports qu'il recevait des maîtres de
poste locaux sur l'administration et l'état des pro-
vinces. M. Barbier de Mevnard s'excuse d'avoir osé
14 JUILLET 1865
publier ce traité, en n'ayant à sa disposition que
deux manuscrits, également imparfaits et prove
nant d'un même original, qui paraît avoir été un
manuscrit déjà fatigué et mutilé. Mais on doit au
contraire le remercier de ne pas s'être laissé arrê-
ter par cette considération, car les ouvrages arabes
de cette époque ont péri en général, et il importe
beaucoup qu'on fasse connaître tout ce qu'on peut
en retrouver, si imparfaits et si fragmentaires que
puissent être les manuscrits. Qu'importe qu'il v ail
quelques lacunes et plus ou moins de noms dont ou
ne peut à l'instant déterminer la lecture? L'éditeur
lui-même en a déjà rétabli un grand nombre, et,
l'attention des savants une fois éveillée, on docou
vrira ou de nouveaux manuscrits, ou des matériaux
analogues, ou des plagiats commis par des auteurs
j)Ostérieurs q«ii expliqueront ce qui peut être resté
douteux au premier moment, et je suis convaincu
que, grâce à cette première édition, M. Barbier de
Meynard pourra publier, dans dix ans d'ici, un texte
de Khordadbeh qui le satisfera lui-même.
M. Clément-Mullet a publié dans votre Journal
un mémoire sur les noms arabes des dilférentes
espèces de céréales, recherches difficiles, dans les-
quelles il s'est aidé de toutes les lumières que les
descriptions des Arabes, les synonymies grecques et
la botanique moderne pouvaient lui fournir.
M. Renan nous a donné un curieux fac-similé
d'une antîienne inscription hébraïque, qu'il a co-
piée à la synagogue de Kefr-Bereim, en Galilée, et
RAPPORT ANNUEL. 15
qui est intéressante pour la paléographie des Hé-
breux.
Vous allez recevoir dans le cahier de mai-juui
une dissertation de M. Hauvette-Besnault sur l'his-
toire de Krischna et des Gopi, accompagnée du
texte et de la traduction des cinq chapitres que le
Bbagavala Pourana consacre à cet étrange fragment
de la mythologie indienne. Enfin, vous y trouverez
deux rapports de M. Neubauer sur la collection des
manuscrits caraïles formée par M. Firkowitz et les
observations de M. Munk sur ce sujet.
Le huitième volume de votre Collection d'ou-
vrages orientaux ^ qui forme le quatrième des Prai-
ries d'or, de Maçoudi, par M. Barbier de Meynard,
est entièrement composé et sera entre vos mains
dans quelques semaines. La première moitié de ce
volume traite de plusieurs sujets généraux relatifs à
la géographie physique , puis des édifices consacrés
aux différents cultes et spécialement au culte du feu ,
et se termine par un chapitre sur la chronologie
universelle, jusqu'au temps de Muhammed. Dans
' Il a paru de cette collection : i" Les Voyages d'Ibn Baloutah,
par MM. Defrémery et Sanguinetti, texte et traduction. Paris, i853-
1859. Complet, 4 vol. in-8°, et cahier supplémentaire contenant
la table des matières, 2° Les Prairies d'or, de Maçoudi, par MM. Bar-
bier de Meynard et Pavet de Courteille , volumes Ï-III , texte et tra-
duction. L'ouvrage entier aura huit volumes. Chaque volume de la
Collection se vend au prix de 7 fr. 5o c. et aux membres de la
Société, pour 5 fr. On peut acheter à part cliaque volume de la
Collection , et les Écoles qui veulent adopter un des volumes pour
les cours, l'obtiennent au prix des membres, si elles s'adressent
directement au Bureau de la Société.
16 Jl ILLKT 180 5.
la seconde moitié du volume , l'auteur commence
l'histoire de l'Islam , à laquelle le reste de l'ouvrage
entier est consacré. M. de Meynard est ainsi arrivé
à la moitié de son édition des Prairies d'or, et nous
pouvons espérer que dans peu d'années cet ouvrage,
dont la publication a été un grand desideratum,
sera complètement entre les mains des savants. C'est
un livre plein de renseignements inattendus; car
même dans les parties les plus connues de son su-
jet, l'esprit curieux de l'auteur ne se dément jamais,
et il nous fournit presque toujours quelques données
qu'on chercherait en vain ailleurs.
L'édition de l'ouvrage d'Albirouni sur la science
des Indiens, dont vous aviez chargé MiM. de Slane
et Woepcke, et dont M. Woepcke s'était occupé
avec beaucoup d'ardeur, n'est pas encore commen-
cée. Après la mort de M. Woepcke, qui est une si
grande perte pour nous, vous avez prié M. de Slane
de se charger seul de cet ouvrage; il s'est occupé
des manuscrits, mais d'autres travaux urgents ne lui
ont pas encore permis de vous annoncer sa déter-
mination. Nous attendions de l'Inde un nouveau ma-
nuscrit d'Albirouni, qui, quoique imparfait, aurait
été d'un grand secours; mais M. Cowell, qui nous
l'avait fait espérer, est revenu en Europe sans pou-
voir en obtenir le prêt pour nous ; espérons que
son zélé successeur, le capitaine Nassau Lees, sera
plus heureux.
Les autres sociétés asiati(|ues ont continué de
RAPPORT ANNUEL. 17
même leurs travaux, autant du moins que nous
pouvons en juger par ce que nous avons reçu de
leurs publications; car je ne puis que répéter une
plainte déjà ancienne sur la négligence que certaines
d'entre elles mettent à communiquer à l'Europe ce
qu'elles publient; elles paraissent se contenter du
cercle des lecteurs qui les entourent et ne pas vou-
loir comprendre que l'Europe est après tout roffi-
cine du savoir et que les livres qui ne parviennent
pas à Paris , à Londres et à Leipzig, sont des œuvres
mort-nées ou au moins frappées de stérilité.
La Société asiatique du Bengale paraît être pleine
dévie, elle trouve seulement qu'elle est surchargée
de travaux, et elle est sur le point de transférer au
gouvernement son musée d'histoire naturelle, qui de-
viendra un établissement de l'Etat. Cette division du
travail sera certainement heureuse , autant pour les
sciences naturelles que pour les sciences historiques,
auxquelles la Société pourra dorénavant consacrer
toutes ses forces et qui lui offrent un champ de travail
surabondant. Son Journal, pour Tannée i 86/i, con-
tient comme à fordinaire des travaux sur différentes
parties de f histoire et de la géographie de findo,
sur les antiquités bouddhiques et brahmaniques,
sur les anciens poids et mesures, et est accompagné
d'un cahier supplémentaire consacré au second rap-
port du colonel Cunningham sur les résultats de sa
mission archéologique dans le nord de l'Inde. Vous
savez que le colonel fait un pèlerinage bouddhiste,
dans lequel il suit f itinéraire de Hiouen-Thsang , pour
18 JUILLET J865.
dëcoiurir les restes du Bouddhisme dans les lieux
où le Bouddha avait vécu et que ses sectateurs ont
couverts de monuments. Dans ce second rapport, le
colonel a un peu dévié de son plan; il y traite ex-
clusivement des antiquités de Dehli, ville qui n'a
jamais été un chef-lieu du Bouddhisme et où M. Gun-
ningham n'a trouvé d'autres traces de cette religion
que les piliers d'Açoka, qui ont été érigés originaire-
ment dans d'autres localités et transportés plus tard
dans la capitale des Mogols. Le reste de son travail
sur Dehli traite des antiquités brahmaniques et mu-
sulmanes de cette ville. Au reste, dans le rapport
prochain, il va rentrer en plein dans l'archéologie
houddhique ^
La Société asiatique du Bengale a agité pendant
plusieurs séances la question de l'emploi du carac-
tère latin modifié dans les écoles indiennes et pour
les langues du pays. M. Nassau Lees a proposé, dans
un mémoire inséré dans le journal de la Société,
de renoncer à l'idée de substituer l'alphabet romain
aux alphabets sanscrit et arabe dans leur application
aux langues savantes, mais de s'en servir pour les
' Journal of the Âsiatic Society of Benyal. Calcutta, i 854 , in-8°.
vol. XXXin. Cinq cahiers et un cahier supplémentaire.
Le dernier cahier, qui est arrivé lorsque ce rapport était déjà
composé, contient une protestation très-vive do Rajendralala Mitra,
savant hindou, très-connu en Europe, contre la proposition d'intro-
duire les caractères lalius pour l'hindoustani; il en fait sentir tous
les inconvénienis , rimj)erfoctiou de l'écriture latine et la répugnance
in\ incible de la population contre une tentative de ce genre. Il
exhorte les Européens à approprier d'abord leur écriture à leurs
propres langjies, avant d'en proposer l'adoption à d'autres.
RAPPORT ANNUEL. 19
dialectes des peuplades qui n'ont pas de iittérature
à elles et qui ne savent pas encore écrire, et puis
de l'introduire pour l'hindoustani. Les raisons qu'il
donne pour cette dernière partie de sa proposi-
tion sont que l'hindoustani est une langue parlée
dans toutes les parties de l'Inde, et que ce serait un
grand pas de fait pour faciliter le rapprochement
entre les Indiens et les Européens, si elle était écrite
dans un alphabet commun aux deux, d'autant qu'on
ne trouverait pas pour l'introduction du caractère
romain des obstacles invincibles, parce que l'hin-
doustani, n'ayant pas de caractère propre, était écrit
dans toute la péninsule avec les alphabets propres
à chaque province. On lui a répondu par deux ob-
jections que je crois fatales à son plan , en ce qui
concerne l'hindoustani; d'abord les difficultés inhé-
rentes à l'application usuelle de l'alphabet latin à
une langue beaucoup plus riche de sons, difficultés
qu'on ne peut vaincre que par l'application d'une
foule de signes diacritiques qui jettent du trouble
dans l'écriture, et puis findiderence et la résistance
des populations. Au reste, ce côté de la question
des transcriptions ne nous touche pas, en Europe;
nos besoins et nos difficultés sont autres, et j'aurai à
en dire quelques mots un peu plus tard.
La Société du Bengale a continué avec beaucoup
de zèle la pubhcation de sa Bihliotheca indica, dont
il a paru quinze cahiers dans f année, et elle a l'es-
poir de pouvoir élargir encore considérablement le
cadre de cette collection et d'y comprendre la série
20 JUILLET 1865.
d'Iusloriens musulmans de l'Jncle que feu Sir H. E\-
liof avait préparée et annoncée. Lady Elliot vient
de mettre à la disposition de la Société tous les ma-
tériaux que son mari avait réunis, et le gouverne-
ment de la Reine a promis de venir en aide h la
Société pour faciliter cette grande et belle entreprise.
Puisse la Société trouver aussi moyen de publier
avec les textes toujours une traduction anglaise! Ce
serait une grande garantie pour obtenir de bonnes
et correctes éditions des textes, une grande économie
de lemps pour tous les Européens qui veulent cher-
cher un fait dans un de ces volumes, et probable-
ment un secours très-apprécié par les Hindous ou
les musulmans qui désirent apprendre l'anglais.
Nous n'avons reçu aucun envoi des Sociétés de
Madras, de Colombo et de Shanghaï, et j'ignore ce
qu'elles auront pu publier. Je sais que la Société de
Bombay n'a pas fait paraître depuis assez longtemps
la suite de son Journal ; mais le gouvernement in-
dien lui ayant accordé, au commencement de celte
année, une assez forte subvention pour ses publi-
cations, elle en a recommencé récemment l'impres-
sion.
La Société asiatique de Londres a commencé une
nouvelle série de son Journal^ Le demi-volume
qui a paru contient plusieurs mémoires d'une grande
importance, une continuation du grand travail de
M. Muir sur la théogonie védique, un mémoire de
' The Journal of the Royal Asiatic Society of Great Briiain anJ
hiland. New séries, vol. I , j). i. London, iSB/j. in-S" 2/»6 pai?es .
RAPPORT ANNUEL. 21
M. Bosanquet sur la comparaison des chronologies
biblique et babylonienne, une notice très-curieuse
du colonel Goidsmid sur la littérature populaire
dans le Sindh et sur les difficultés qu'on a rencontrées
à faire adopter aux habitauls indiens et musulmans
un même alphabet; ensuite un mémoire des plus
importants de R. Sir H. Rawlinson sur les inscrip-
tions bilingues, babyloniennes et phéniciennes, sur
lequel j'aurai à revenir plus tard; enfin la traduc-
tion du chinois d'un Sûtra bouddhique, par M. Beal.
La version chinoise dont se sert M. Beal a été faite
l'an liob de notre ère par Rumara-Siva, prêtre
indien établi au Tibet, qui s'était rendu tellement
célèbre par son érudition, que l'empereur de Chine,
désirant obtenir des traductions plus exactes des
livres bouddhistes que celles qui existaient alors,
envoya une armée dans le Tibet avec l'ordre de
ne pas revenir sans amener Kumara. Celui-ci fut
donc emmené en Chine, reçu avec grand honneur,
mis à la tête d'une légion de prêtres, et traduisit de
nouveau un grand nombre d'ouvrages bouddhistes
du sanscrit en chinois. « La plupart de ses traduc-
tions, dit M. Beal, furent refaites de nouveau deux
siècles plus tard par Hiouen-Thsang^ »
' Je me permets de faire à cette occasion une remarque qui m'a
frappé depuis longtemps. On voit qu il y a au moins trois grandes
couches de traductions chinoises des livres bouddhistes, celles qui
datent des premiers siècles de notre ère, celles de Kumara du cin-
quième et celles de Hiouen-Thsang du septième siècle. Pour la plu-
part de ces livres, il importe probablement peu de quelle époque
sont les traductions; mais il y en a pour lesquels la date peut être
22 JUILLET 1865.
Le Comité de traductions de la Société de
Londres a résolu de faire terminer quelques ou-
vrages considérables, entrepris depuis longtemps et
interrompus par des accidents divers. Vous connais-
sez tous les deux premiers volumes de rexcellente
traduction des Vies des hommes illustres d'Ibn Khal-
likan par M. de Slane. Tous ies savants regrettaient
que cet indispensable manuel de biographie et de
bibliographie n'eut pas été terminé, et, sur la de-
mande du comité, M. de Slane a mis sous presse ies
deux derniers volumes, et une vingtaine de feuilles
(l'une grande importance, par exemple, pour la vie du Bouddha, le
Lalita Vislara. M. Stanislas Julien a fait connaître Texistence de
quatre traductions chinoises de ce livre, dont la première est du
premier siècle de notre ère et dont !a quatrième doit être posté-
rieure au septième siècle. Cette dernière paraît être conforme à la
rédaction souscrite qui a été imprimée à Calcutta et à la version
tibétaine dont nous devons la publication et la traduction à M. Fou-
eaux. Mais de quelle date est cette rédaction, la seule que nous
connaissions jusqu'à présent? Personne ne saurait le dire-, mais elle
inspire des doutes légitimes sur son antiquité, car elle est bien
légendaire pour une vie écrite peu de temps après la mort du
Bouddha, et nous savons tous qu'il n'y a pas de livres plus exposés
à l'interpolation et à l'amplification que les vies des fondateurs de
religion. Il y a peu d'espoir qu'on trouve une rédaction sanscrite
différente de celle que nous avons; il est probable que M. Grimblol
rapporte de Ccylan des matériaux pour contrôler le Lulifa Vistara,
mais il est certain qu'en comparant les anciennes traductions chi-
noises avec la plus récente, on peut remonter, pour le moins, au
texte tel qu'il était au premier siècle, et s'assurer s'il était plus
ancien et plus pur que celui que nous possédons. Je crois que
M. Julien possède pres<[uc tous les éléments de celle question Irès-
curieusc. et il rendrait un grand service à la science s'il voulait s'en
occuper.
RAPPORT ANNUEL. 23
sont déjà imprimées. D'autres continuations de tra-
ductions interrompues sont en préparation.
La Société orientale allemande a publié quatre
nouveaux cahiers de son Journal , qui nous donnent ,
comme les volumes précédents, des travaux très-
importants ^ iVl. Wijstenfeld y publie une vie très-
délaillée du géographe Yacout, qu'il suit dans tous
ses voyages; M. Flûgel analyse les ouvrages de deux
autres voyageurs arabes; M. Rosen décrit quelques
anciens monuments samaritains dont il donne des
fac-similé; M. Blau discute l'authenticité de la se-
conde liste des rois parthesque contient Mirkhond;
M. Dieterici écrit sur les Frères de la pureté; M. de
Goeje décrit un manuscrit arabe très-ancien, qui
traite des mots inusités dont s'est servi Muhammed;
M. Rapp donne la première partie d'un intéressant
mémoire sur la religion et les mœurs des Perses selon
les Grecs; M. Meier reprend l'examen de l'inscrip-
tion phénicienne de Marseille; M. Euling donne un
catalogue raisonné des manuscrits sabéens des bi-
bliothèques de Paris et de Londres; enfin, il y a un
travail posthume de M. Osiander sur les inscriptions
himyarites découvertes par M. Playfair. Lorsque le
Musée britannique fit publier ces inscriptions, l'édi-
teur, M. Franck, ne voulut pas y ajouter un com-
mentaire parce qu'il savait que M. Osiander en
préparait un. Malheureusement, ce jeune savant
mourut avant d'avoir mis la dernière main à ce beau
' Zeilschrijt der deutschen morgenlàndischen Gesellschaft. Leipzig,
186/1 et i865, in-8°, vol. XVIII,cah.3et/i,etvol. XIX,cah. 1 et 2.
U JUILLET 1865.
travail , dont un de ses amis publie aujourd'hui avec
beaucoup de soin la preuiière partie, accompagnée
de fac-similé Irès-bien exécutés des photographies de
M. Playfair. La seconde partie du mémoire, qui doit
traiter de toutes les autres inscriptions himyarites
connues, sera publiée plus tard. Ce travail ne peut
qu'augmenter le regret qu'on éprouve à voir sitôt
s'éteindre une vie qui promettait tant à la science.
Je ne puis énumérer tout ce que contient encore
celte année du Journal de Leipzig, mais je dois un
mot à un article dans lequel M. Wickerhauser dis-
cute la transcription du turc en caractères latins, telle
({ue M. Brockhaus Ta appli(|uée. Il expase en détail
les dilïicultés que présente la transcription du turc
et établit en principe, et je crois avec raison, que
toute transcription doit s'attacher à reproduire l'or-
thographe de préférence à la prononciation, quand
il y a une différence entre les deux. Il y a du plaisir
à observer le zèle et la sagacité avec lesquels on
s'est appliqué de notre temps i\ trouver un alphabet
de transcription aussi exact que possible, et les ré-
sultats très-réels qu'on a obtenus. Non pas que je
croie qu'on puisse substituer l'alphabet latin modi-
lié aux écritures indigènes, je ne dis pas en Orient,
mais même dans les écoles en Europe; mais c'est
néanmoins un grand mérite que d'avoir trouvé moyen
de se passer au besoin de types orientaux. C'est utile
en mille cas, pourla transcription des noms propres,
pour fixer les étymologics, pour insérer des cita-
tions (piiind on n*a pas à sa disposition les types
RAPPORT ANNUEL. . 25
propres, ou quand la nature de l'ouvrage n'en admet
pas l'usage; cela peut être utile quand on applique
l'alphabet de transcription aux études des commen-
çants, pour leur en faciliter l'entrée, comme le pra-
tiquent M. Guerrier de Dumast et M. Barbe; mais
c'est surtout utile et même tout à fait indispensable
pour la grammaire comparée, où l'emploi de types
si différents rendrait la lecture intolérable et les
livres incompréhensibles, et où il est pourtant de
toute nécessité de rendre avec la plus grande préci-
sion en caractères latins toutes les nuances des écri-
tures originales. Je doute que l'emploi du caractère
latin aille beaucoup plus loin chez les savants en
Europe. On comprend que les missionnaires et les
administrations européennes en Orient désirent
en faire un usage habituel, et il n'y aura aucune
difficulté à l'enseigner à des tribus dont la langue
n'a pas encore été fixée par l'écriture. Mais quand
il s'agit de peuples qui ont un alphabet, même in-
commode , auquel ils sont accoutumés , on trouvera
des résistances impossibles à vaincre. On cite sou-
vent les Persans qui ont adopté l'alphabet arabe,
mais les Arabes avaient des moyens de persuasion
qui ne sont plus au service de personne, car qui-
conque se servait du caractère pehlevi était puni
de mort. On essaye dans ce moment d'introduire le
caractère latin modifié en Cochinchine; mais qui
peut croire qu'une écriture aussi surchargée de
signes supplémentaires puisse jamais devenir usuelle?
Le temps répondra à toutes ces questions.
2ft JUILLET 1865,
La Société orientale allemande a publié, en de-
hors de son Journal, trois nouvelles parties de ses
Mémoires relatifs à l'Orient, dont j'aurai à parier
plus tard à leur place.
La Société orientale américaine a lait paraître la
première moitié du volume Vlll de son Journal ^
qui contient un mémoire de M. Whitney sur les
opinions émises en Europe sur l'origine des Nak-
shatras, mémoire que j'ai annoncé, d'après un tirage
préliminaire, dans le Rapport de l'année dernière;
ensuite une traduction du turc d'un catéchisme
souli, par M. Brown, chargé d'afTaires d'Amérique
à Constantinople. Ce ti'aité est extrait d'un ouvrage
(jue l'auteur prépare sur le soufisme en Turquie, et
qui offrira des points de comparaison curieux avec ce
que nous savons des Soufis persans. Ensuite vient un
mémoire très-détaillé sur la prédestination chez les
Arabes, par M. Salisbury. Le résultat des recherches
de l'auteur est que les musulmans sont allés bien
plus loin dans la doctrine de la prédestination que
ne l'autorise le Coran. M. Perkins a inséré la traduc-
tion d'un apocryphe syriaque, intitulé la Révélation
de saint Paul, apocryphe qui était inconnu jusqu'à
présent. Enfin M. Stilson donne un bref aperçu de
la langue des Komi , tribu de montagnards de l'Ar-
racan, qui l'avaient appelé pour qu'il leur enseignât
un alphabet. 11 paraît leur avoir donné l'alphabet
birman, comme ses collègues avaient fait chez les
' Journal oftlie American Oriental Society. New-Havcn, 1 864 , In-S",
vol. VIII. p. I (2260! xxivpges).
RAPPORT ANNUEL. 27
Raren , je suppose pour ne pas les priver d'un moyen
de communiquer avec leurs voisins.
Nous n'avons rien reçu depuis longtemps du
Journal pour l'Archipel indien par M. Logan , et il
est à craindre que cet excellent recueil n'ait cessé
de paraître; mais nous recevons régulièrement les
Mémoires de l'Inslitut royal pour la connaissance
des langues des pays et des peuples de l'Inde néer-
landaise ^ Ce recueil contient des voyages et des
études géographiques, historiques, ethnographiques
et philologiques sur ces colonies, et l'importance de
ces belles îles, la variété des races qui les habitent,
le nombre des langues qu'on y rencontre et la difTé-
rence des caractères de tous ces peuples, assignent à
cette publication une place toute particulière dans
la littérature qui s'occupe de l'Orient.
M. Weber, à Berlin, nous a envoyé une nouvelle
partie de son journal intitulé. Etudes indiennes "^-^
elle est entièrement remplie de la fin de l'analyse
de rOupnekhat d'Anquetil Du Perron. L'Oupnekhat
est une rédaction persane des Upanischads, c'est-à-
dire de la partie ihéologique de la littérature vé-
dique, faite par l'ordre de Dara Schekoh au xvn"
siècle. Anquetil le traduisit en latin , et c'était réelle-
ment le premier travail qu'on possédait en Europe ,
* Bijdracjen tôt de Taal- Land- en Volkenkande van Nederlandsch
Indië. Uitgegeven door het Koninglyk Instituut vor de Taal- Land- en
Volkenkunde van Nederlandsch Indiê. Vol. VII, nouvelle série,
Amsterdann, i864,in-8°.
^ Indische Stadien. Beitràgefiir die Kunde des indischen Alterfhums,
von D' A. Weber, vol. IX, cab. i. Leipzig, i865, in-8°.
28 JUILLET 1865.
exécuté d'après des ouvrages védiques, quoique par
l'intermédiaire d'une rédaction musulmane. L'ou-
vrage, étant d'une origine douteuse et d'une forme
repoussante, n'a eu que peu de lecteurs, et ce n'est
qu'aujourd'hui que la connaissance des ouvrages
originaux nous met en état de lui assigner son véri-
table rang et d'apprécier l'usage dont il peut encore
être dans état actuel des études védiques. M. Weber
l'a fait avec beaucoup de savoir et avec une pieuse
sollicitude pour la mémoire d'Anquetil qui lui fait
honneur ^
Enfui , M. Benfey nous a fait parvenir la conti-
nuation de son Journal, intitulé : Orient and Occi-
dent^. Le nouveau cahier contient un grand nombre
de notices sur dilférents sujets orientaux par divers
auteurs, puis une longue dissertation de M. Benfey
sur la voyelle sanscrite ri, et la continuation de sa
' L'histoire de la publication do l'Onpneklial est curieuse et ëga-
lement honorable pour Anquetil et pour ses amis. Anquetil était
royaliste et ne voulut jamais rieu accepter des gouvernements répu-
blicain ou consulaire. Il vivait très-pauvrement, et ses amis, qui au-
raient voulu le mettre plus à son aise dans sa vieillesse, n'osaient
rien lui proposer directement. Mais ils savaient qu'il avait en porte-
feuille la traduction de l'Oupnckhat, et ils envoyèrent un libraire
pour lui offrir une somme assez considérable pour le droit d'impri-
mer le manuscrit. Anquetil accepta avec plaisir, car il attachait
beaucoup d'importance à ce travail , ce qui l'a probablement empê-
ché de se douter d'une ruse qui aurait révolté ses sentiments d'indé-
pendance. Ses amis payèrent an libraire les honoraires et l'impres-
sion , et c'est ainsi que l'OupueLhat put paraître.
* Orient und Occidenl. inshcsondcrc in ilircn yefjenseitiyen Bezieliun-
tjen. Forschungeu und Mittheiliuigcn , von Theodor nonlév. Vol. \\\ .
rah. I . fi(Pttingne, i86'i, in-8°.
RAPPORT ANNUEL. 29
traduction du Rigvcda. IJ avait rendu la première
centaine d hymnes en vers allemands, dans le même
rhythme que les originaux; la traduction était très-
littérale et parfaitement intelligible, ce qui était un
problème qu'on ne pouvait espérer résoudre qu'en
allemand et qui exigeait une rare habileté dans le
maniement de la langue. Il annonce maintenant
que, sur des avis qu'il a reçus de divers côtés, il
conlinuera sa traduction en prose, pour pouvoir
serrer encore de plus près la phrase sanscrite, et les
dix-huit hymnes que contient le nouveau cahier
sont traduits ainsi. La version est accompagnée d'un
excellent commentaire très-concis. Il est bien à dé-
sirer que M. Benfey achève cette traduction, qui
est une véritable œuvre d'art.
J'arrive maintenant à l'énumération des ouvrages
de littérature orientale qui ont paru depuis notre
dernière réunion annuelle, et je vais annoncer briè-
vement ceux qui sont arrivés à ma connaissance. Je
commence, selon mon habitude, par les ouvrages
relatifs aux Arabes.
Nous trouvons en Arabie, du temps de Muham-
med, de nombreuses et puissantes colonies juives,
formant des tribus, admises au partage de la pos-
session ou à l'occupation entière d'un certain nombre
de villes, par des droits évidemment anciens et in-
contestés, et traitant avec les tribus arabes sur un
pied d'égalité qui exclut l'idée d'une émigration ré- •
cente et seulement tolérée. Elles jouent un rôle
30 JUILLET 1865.
remarquable dans la vie de Muhammed , et l'in-
lîuence de leurs croyances se trouve j^crite sui-
toutes les pages du Coran. Le temps et les circons-
tances de leur émigration sont inconnus ; la ti^di-
tion arabe s'en occupe peu , par la raison (ouïe na-
turelle qu'elle est avant tout locale, s'attache à une
tribu , une généalogie , une famille ou un nom cé-
lèbre, et ne s'intéresse guère à ce qui est en dehors.
Les juifs arabes eux-mêmes avaient sans doute des
traditions; mais elles ont dû périr lorsque Muham-
med extermina ou convertit ces tribus.
M. Dozy ^ a entrepris de résoudre ce problème,
et il a su donner à son sujet une ampleur et un
intérêt qu'on n'aurait pas soupçonnés. Il part d'un
passage du Livre des Chroniques, qui raconte l'émi-
gration d'une grande partie de la tribu de Siméon
au temps de Saûl. Il procède alors à prouver que
ces Siméonites ont conquis sur les Minaeens le ter-
ritoire de la Mecque, l'ont déclaré haram, c'est-à-
dire consacré, y ont introduit le culte de Baal. ont
construit la Raaba et fondé les fêtes annuelles que
Muhammed fut obligé de conserver et qui sont de-
venues le pèlerinage actuel de la Mecque. M. Dozy
explique, d'après cette donnée, le sens premier de
ces cérémonies, les noms des lieux où elles se font
et une foule d'autres circonstances qiii s'y rattachent
et dont les Arabes eux-mêmes n'ont jamais pu se
' Die Israelilen zu Mekka, von Davids Zeil bis ins fûnfte Jahrhun-
dert unsercr Zeitreclinung, von Dozy. Loipzip;, \S&h , in-8° (196 p.
et une plancho).
RAPPORT ANNUEL. 31
rendre compte. Il m'est impossible de le suivre
dans le nombre des questions subsidiaires qu'il sou-
lève dans le courant de sa discussion , et qui touchent
à une multitude de points historiques plus ou moins
importants.
Le lecteur voit s'élever, à mesure qu'il avance, tout
un édifice historique, construit avec des matériaux
de toute espèce etdes données isolées de tout genre,
cachées auparavant dans les historiens et les géo-
graphes, dans quelques passages de la Bible, dans
les traditions obscures et confuses des Arabes. L'au-
teur emploie ces matériaux avec toutes les res-
sources que l'étymologie, l'esprit de combinaison
et la critique la plus hardie peuvent lui fournir; les
questions semblent naître d'elles-mêmes dans leur
ordre naturel, se prêter un appui réciproque, et
vous amènent graduellement à accepter les solu-
tions les plus inattendues. Beaucoup de lecteurs se-
ront sans doute choqués de la liberté avec laquelle
il applique la critique aux livres de l'Ancien Testa-
ment ; la plupart trouveront des étymologies , des con-
jectures et des corrections de textes qu'ils ne seront
pas disposés à accepter; mais je crois que presque
tous seront frappés de la coïncidence d'une multi-
tude de circonstances qui convergent vers la thèse
principale de fauteur, et de la lumière qu'il a su y
répandre, et certainement personne ne lira sans plai-
sir et sans fruit un livre composé avec un art con-
sommé , même parmi ceux qui penseront que tout cet
échafaudage n'est qu'une brillante fantasmagorie.
32 JUILLET 1865.
Le volume de M. Dozy fait partie d'une coller
tion de traités sur l'histoire des principales religions
qu'une Société de savants hollandais a commencé à
publier. M. Dozy y a donné pour sa part, outre les
Israélites à la Mecque, un ouvrage sur l'Islam, dans
lequel il traite de la religion des anciens Arabes, de
Muhammed, des sectes musulmanes et de la con-
dition de l'islam jusqu'à nos jours. Je regrette de ne
pas avoir réussi à voir ce dernier ouvrage, et je
ne puis qu'exprimer l'espoir qu'il sera traduit dans
une langue plus répandue que le hollandais, car tout
ce qu'écrit M. Dozy est bon à connaître.
Les études sur la vie de Muhammed et la publi-
cation des sources de son histoire ont été conti-
nuées de différents côtés. Les progrès que l'on a
faits de notre temps dans la connaissance de la vie
du Prophète et de son temps sont vraiment mer-
veilleux. On peut aujourd'hui se faire une idée suf-
fisante du peuple parmi lequel il est né et de fétat
social et politique du pays; on peut assister au déve-
loppement graduel et très-laborieux de cet esprit
lent et consciencieux , on peut voir avec quelle dif-
ficulté il a réussi à élaborer la seule idée dont il
était rempli, à trouver des expressions qui pouvaient
la rendre, à s'assimiler le peu de connaissances
qu'il est parvenu à acquérir; on peut suivre les
doutes et les défaillances qui l'ont assailli au com-
mencement de sa carrière, et observer les effets
désastreux que les besoins de la politique et l'ardent
désir de la réussite ont exercés sur son côté moral
RAPPORT ANNUEL. 33
pendant les dernières années de sa vie^ On ne
peut pas se refuser à voir dans les résultats de ces
études une très-précieuse conquête pour l'histoire,
quand on pense qu'il s'agit de l'origine d'une reli-
gion qui a cent millions d'adhérents, qui a réglé
depuis douze siècles les croyances, les lois et les
idées de tant de peuples d'origine différente, et
quand on réfléchit qu'une parole, peut-être acci-
dentelle, peut-être mal rapportée de Muhammed a
pu exercer et exerce encore une influence incalcu-
lable sur la civilisation d'une si grande partie de
l'humanité.
On doit donc applaudir à l'ardeur avec laquelle
une succession de savants a mis, par une série de
travaux, à notre disposition les véritables sources
de cette histoire, et a pénétré , par un travail infati-
gable, dans les obscurités de la tradition arabe, à
laquelle la critique européenne applique aujourd'hui
des règles plus strictes et plus éclairées que celles
qui ont servi aux docteurs musulmans. Personne
n'a poursuivi ces travaux avec plus de zèle et de per-
sévérance que M. Sprenger, qui vient de terminer
par un troisième volume sa Vie de Mohammed 2.
' On peut trouver une très-bonne étude morale sur Mohammed
et un jugement très-équitable sur lui dans Mohammed et le Coran,
précédé d'une introduction sur les devoirs mutuels de la philosophie
et de la religion, par Barthélémy Saint-Hilaire. Paris, i865, in-S"
(cxiii et 348 pages).
^ Das Lehen und die Lehre des Mohammed , nach bisher grœssten-
theils' anhenutzten Quellen bearbeitet, von A. Sprenger. Vol. III,
Berlin, i865, in-S" (clxxx et 55 'i pages).
VI. 3
34 JUILLET 1865.
Ce volume traite du séjour du Prophète à Médine,
de la preuiière organisation religieuse , politique et
financière de l'Islam, des expéditions militaires de
Muhammed, de sa rentrée triomphale à la Mecque,
de la soumission d'une grande partie de l'Arabie à
la nouvelle croyance, et se termine très-abrupte-
ment à la mort du Prophète. On voit pendant cette
époque le caractère de Muhammed soutTrir et fléchir
sous les nécessités de sa position; de prédicateur il
devient politique, de persécuté persécuteur ; sa
doctrine prend ce caractère menaçant et fanatique
qui a été un malheur pour le monde et a rendu
intolérants des peuples convertis, qui n'y étaient pas
portés naturellement. Il faut, pour le juger équita-
blement pendant les douze dernières années de sa
vie, se rappeler sans cesse le milieu dans lequel il
vivait, et l'on trouvera beaucoup à approuver et
beaucoup à excuser; mais il restera toujours quel-
ques actes d'une cruauté sanguinaire d'autant plus
funestes à sa mémoire, qu'ils ont servi d'exemple
à des énormités encore plus grandes de la part de
ses lieutenants et successeurs.
Le livre de M. Sprenger est plein de recherches
et de données nouvelles, ce qui en rendait la com-
position très-diflicile ; car rien n'obscurcit un récit
comme la nécessité d'y entremêler des discussions
et la critique des faits. M. Sprenger s'est tiré de cette
difficulté avec assez d'art, en rejetant dans des ex-
cursas les détails et l'appareil critique indispensables
pour lui, mais inconciliables avec un récit continu.
RAPPORT ANNUEL. 35
Ces détails sont ce qu'il y a de plus intéressant dans
le livre, et donnent une image plus vive de lelat
des choses et des esprits de ce temps que ne peut
le faire le récit lui-même. Si quelque chose peut
déplaire à quelques lecteurs, ce sont les allusions à
des événements de notre époque que l'auteur fait
de temps en temps; mais cela même découle de la
vivacité de ses impressions, qui est une grande qua-
lité, et il y a tant de vie, d'originalité et de sincé-
rité dans ce livre , qu'on s'en sépare avec regret.
La manière dont il se termine me fait espérer que
l'auteur le continuera pour nous donner l'histoire
des quatre premiers Khalifes, d'autant plus qu'il est
grand admirateur d'Omar, et devrait avoir du plaisir
à raconter sa vie et à expliquer l'immense influence
qu'il a exercée. Je ne puis quitter ce livre sans dire
un mot sur une longue introduction que l'auteur a
mise à la tête du troisième volume et dans laquelle
il traite des sources de l'histoire de Mohammed. Il
les divise en six classes : les documents officiels, qui
sont en petit nombre, le Coran, les biographes, la
tradition, les commentaires du Coran et les généa-
logies. H expose l'histoire, la nature et l'importance
de ces différentes classes de sources, le degré d'au-
thenticité qui appartient à chacune et les règles à
suivre poui' les contrôler l'une par l'autre ; enfin il
indique les ouvrages appartenant à ces différentes
classes qui manquent encore dans les bibliothèques
en Europe, et qu'il serait possible de retrouver en
Orient. Ce sont des résultats extrêmement précieux
3.
30 JUILLET 1865.
d'études continuées pendant trente ans dans les
grands centres du savoir musulman. M. Sprenger
n'a pas dit sur ce sujet tout ce qu'il avait à nous
dire, et il reviendra, dans un ouvrage particulier,
sur toutes ces matières.
C'est cerlainement une des études les plus cu-
rieuses que celle des traditions musulmanes, qui
sont des matériaux historiques uniques dans leur
genre, et qui n'ont pu naître et se conserver que
dans les circonstances particulières où se trouvait
placé un peuple illettré, agité subitement par tous
les motifs qui peuvent émouvoir la nature humaine.
Je me suis étendu, dans un rapport antérieur, sur
l'origine de ces traditions, et je n'y reviendrai pas;
mais je dois appeler l'attention sur les progrès que
cette élude difficile fait en Europe. On peut voir
dans tous les travaux récents sur ce sujet, et sur-
tout dans l'ouvrage de M. Sprenger, qu'on est par-
venu déjà bien souvent à rétablir la forme première
d'une tradition et à la suivre à travers les change-
ments qui en ont fait plus tard une légende mira-
culeuse. Le résultat de ces laborieuses recherches
est de donner à l'histoire de cette mémorable époque
une grande précision.
Les matériaux dont la critique européenne a be-
soin pour ces études se complètent de jour en jour.
M. Krehl a fait paraître à Leyde le deuxième volume
de sa belle édition des Traditions de Bokhari *,
' Le recueil des tradilions mahométanes par El-Bohhari , publié par
M. Ludoif Krehl, vol. If. Leyde, i8G4, in-/r.
RAPPORT ANNUEL. 37
et M. Lees a repris à Calcutta l'édition des Bio-
graphies des personnes qui ont connu Muhammed ,
par Ibn Hadjar^ Ces biographies fourniront un
contingent de données historiques, qui forment
un élément important pour la fixation de la chro-
nologie des événements et pour le contrôle des tra-
ditions, parce qu'elles proviennent de sources un
peu différentes de celles de la tradition ordinaire.
Enfin M. Weil, à Heidelbcrg, a publié la traduc-
tion complète de la Vie de Muhammed par Ibn
Ishak^; M. Wûstenfeld nous avait déjà donné
une édition du texte. C'est un Hvre des plus inté-
ressants, le premier essai qu'on ait tenté de cons-
truire une vie complète de Muhammed avec les
anecdotes isolées dont se composait la tradition
orale à la fm du premier siècle de fhégire. L'au-
teur s'y est pris très-simplement : il a placé les
anecdotes dont il a voulu se servir dans leur ordre
chronologique, et les a insérées dans leur forme
primitive, en laissant attachée à la plupart leur
généalogie comme preuve de leur authenticité. Il
n'y a aucune réflexion de l'historien, aucune com-
binaison, aucun effort de style; on sent la main
' A bioijraphical dicdonaiy of persons who knew Mohammed, by
Ibn Hajar. Editée! in arabic by Abd al-Haqq , Glioiam Qadir and
Nassau Lees. Vol. IV, fascic. i. 2, 3. CalcuUa, i864, in-8° (288
pages). Cet ouvrage fait partie de la Bibliotheca indica.
^ Dus Leben Mohammed' s nach Mohammed Ibn Ishak, bearbeitet
von Abd el-iVIalik Ibn Hiscliam. Aus dern arabischen ûbersetzt von
Dr, Gustav Weil. Stuttgart, i864. Deux volumes in-8° (vi, .^90 et
364 pages).
38 JUILLET 1865.
(le l'auteur seulement quand il fait un commen-
taire grammatical sur des vers cités dans le récit.
Tout le reste du livre n'est composé que des paroles
mêmes des premiers témoins de chaque lait, et
cette manière d'écrire l'histoire s'est conservée chez
les Arabes encore pendant deux siècles. La naïveté
et la fraîcheur de ces récits exercent un grand
charme sur les lecteurs européens par leur con-
traste absolu avec les généralités qui remplissent
nos littératures; mais on ne doit pas se fier entière-
ment à celte apparence do simplicité, car il y a
déjà de fart dans cette surface dépourvue d'artifice,
et la critique a ses devoirs même envers des maté-
riaux aussi primitifs. L'art d'Ibn Ishak consiste dans
le choix des traditions qu'il admet et dans l'exclusion
de celles qu'il rejetle, car à la fin du premier siècle
le monde musulman était inondé de traditions men-
songères. On ne peut pas s'étonner qulbn Ishak
n'ait pas échappé aux fables et que la légende ait
pénétré dans son livre; mais il faut dire, à son hon-
neur, qu'il a exercé une sévérité plus grande qu'on
n'avait le droit de s'y attendre, et que les légendes
qu'il admet sont bien peu de chose en comparaison
de celles qu'il exclut. On n'a qu'à lire avec quelle
sobriété il raconte le voyage nocturne de Muham-
med à Jérusalem et dans le ciel, ce voyage qui a
pris des proportions monstrueuses dans la mytho-
logie musulmane et qu'Ibn Ishak ne craint pas de
regarder comme un songe, à peu près comme nous
le faisons. C'est certainement un des livres les plus
RAPPORT ANiNUEL. 39
curieux qui existent, tant pour le fond que pour la
forme, et M. VVeil a eu le bon esprit de le traduire
sans rien omettre même des notes grammaticales
par lesquelles l'auteur interrompt de temps en
temps son récit.
Sur l'histoire politique des Arabes il n'est rien
venu à ma connaissance qu'un petit traité de M. de
Goeje, sur la conquête de la Syrie ^ Rien nest plus
confus que les traditions des musulmans sur leurs
premières conquêtes. C'était leur temps héroïque, et
la fable épique et romantique s'est greffée de très-
bonne heure sur les récits de leurs exploits, et l'on
n'avait pas les mêmes raisons de leur appliquer le
canon critique par lequel on était parvenu à mainte-
nir un peu d'ordre dans les traditions sur la vie du
Prophète. M. de Goeje qui, dans un mémoire pré-
cédent, avait sévèrement critiqué les opinions de
M. Lees sur les sources de l'histoire de la conquête de
la Syrie, a entrepris maintenant de rétablir les faits
dans cette partie de l'histoire dés Arabes. Il termine
son travail par quelques pièces justificatives.
Les ouvrages géographiques des Arabes sont dans
ce moment une des parties de leur littérature qui
attirent le plus l'attention des savants. Depuis que
M. Reinaud, dans son Iniroduction à la Géographie
d'Aboulféda, a donné le premier aperçu exact des
véritables sources de l'histoire de la géographie des
' Mémoires d'histoire et de géographie orientales , par M. J. de Goeje ,
n. 3, Mémoire sur la conquête de ta Syrie, Leyde. i864 , in-8° (i 3i
et XI pages). .
40 JUILLET 1865.
Arabes, cette étude a reçu une grande impulsion:
une partie des ouvrages dont il parlait alors d'après
les manuscrits a été publiée, d'autres ont été décou-
verts, et nous pouvons espérer posséder bientôt
en texte et traduction tout ce qui a réellement de
l'importance. M. Sprenger vient de faire paraître la
première partie de ses Itinéraires de l'empire des
Khalifes^. Il commence par l'énumération et la cri-
tique de ses matériaux, puis il procède à donner
par provinces les routes postales et commerciales
par stations et par distances, discute les différentes
données fournies par les auteurs et ajoute à mesure
de son progrès les détails sur les localités, surtout
dans les pavs qui sont les moins connus. Il résume
son travail dans seize cartes postales, une par pro-
vince. Ce livre est plein de choses nouvelles, et les
cartes seront d'un grand secours pour s'orienter
dans les récils des historiens, car elles indiquent
un nombre considérable de localités qui manquent
dans nos cartes et qu'on rencontre chez les histo-
riens, parce que les grandes routes sont restées à
peu près les mêmes dans tous les temps, et que tout
le monde a dû passer par les mêmes étapes. La
seconde partie traitera en détail de l'Arabie et de
la distribution géographique des tribus arabes.
M. Sprenger s'appuie dans ce travail surtout sur
le livre d'Ibn Khordadbeh , sur Yakout et sur Moka-
' Die Post- und Reiseroulen des Orient, mit 16 Karten nach ein-
heitnischen Quellen, von A. Sprenger, cali. i. Leipzig, »86/i, in-Si"
(xxvii, 1^9 pages ef i6 cartes).
RAPPORT ANNUEL. 41
dessy. Nous possédons maintenant le premier, grâce
à M. Barbier de Meynard ^ et je vais indiquer où
nous en sommes des deux autres.
M. Wûstenfeld s'est occupé depuis longtemps
d'une édition complète du dictionnaire géographique
de Yakout, le premier qui ait embrassé le monde
entier, tel qu'il était connu aux Arabes. M. Wiisten-
feld vient de publier la biographie de cet auteur,
je crois un peu pour le défendre contre un repro-
che de M. Sprenger, qui le traite de compilateur;
il aura voulu montrer combien de pays Yakout a
visités personnellement. Sir H. Ravvlinson avait déjà
eu l'idée de publier Yakout, mais en omettant les
nombreux détails qui se rapportent aux saints mu-
sulmans et autres sujets qui pouvaient intéresser les
lecteurs musulmans, mais dont nous pouvons nous
passer au moins dans l'état actuel de nos études.
M. Barbier de Meynard, dans son dictionnaire géo-
graphique de la Perse, extrait de Yakout, a procédé
ainsi. Mais M. Wûstenfeld s'est bravement déter-
miné à donner le texte entier, ce qui vaut certaine-
ment mieux, quand on le peut; car, d'un côté, il
est presque impossible de prévoir quelle classe de
faits acquerra un jour de l'importance; de l'autre,
il est naturel que celui qui se sert d'un livre in-
complètement publié soupçonne toujours qu'on ait
omis précisément les faits qu'il y a cherchés inutile-
ment. L'ouvrage est sous presse, et j'ai les premières
feuilles tirées sous les yeux.
' Dans le Journal asiatique, année i865 , janvier-juin.
42 JUILLET 1865.
Le troisième, auteur dont s'est surtout servi
M. Sprenger est Mokadessy, et c'est celui dont il
tait le plus grand cas, au point qu'il ne craint pas
de l'appeler le plus grand géographe qui ait jamais
vécu. La description qu'il fait de son ouvrage est
certainement très-propre, sinon à faire admettre de
suite une si haute qualification , au moins à appeler
l'attention sur cet auteur, qui était entièrement in-
connu, je crois, avant que M. Sprenger en eût dé-
com^ert une copie dans une bibliothèque à Luck-
now. On en a depuis trouvé une seconde dans la
bibliothèque d'une mosquée à Conslantinople. Né
en 376, Mokadessy passa sa vie à voyager et à obser-
ver avec une curiosité intelligente très-rare chez les
Orientaux. Vous trouverez prochainement des ex-
traits de son ouvrage dans ie Journal asiatique, et il
est à espérer que M. Sprenger se décidera à publier
l'ouvrage entier ou à en charger quelqu'un.
Les sciences des Arabes ont été l'objet de plu-
sieurs travaux. M. Steiner^ a pris pour thème d'un
mémoire l'histoire de la lutte de la philosophie
arabe avec le Koran ou plutôt avec l'interprétation
traditionnelle et la dogmatique qui en résultait. Dès
le commencement du 11^ siècle de l'hégire, la doc-
trine de la prédestination, que les traditionnistes
avaient encore exagérée, trouva des contradicteurs
dont elle révoltait le sentiment moral. Un peu plus
' bie Mulazditen , oder die Freidenker iiii Islam. Ein Beitraij zur
aUyeme'men CuUargeschichte , von H. Sleiner. Leipzig, 186/1, in-8"
( XV et III pages).
RAPPORT ANNUEL. 43
tard, lorsque l'influence des écoles grecques se fut
répandue, cette opposition s'étendit aux dogmes sur
les qualités de Dieu, sur la nature de la création et
sur la vie future , et l'on essaya de mettre le Roran
en accord avec les exigences de la philosophie et
de maintenir les droits de la raison et de la morale
contre l'exégèse littérale et les interprétations four-
nies par la tradition. Ces nouvelles doctrines péné-
trèrent profondément dans la nation et acquirent,
surtout sous le khalifat de Mamoun, une telle pré-
pondérance, qu'elles devinrent persécutrices à leur
tour. Pour leur malheur, les novateurs adoptèrent
la dialectique des aristotéliciens , avec laquelle ils em-
barrassèrent au commencement leurs adversaires;
mais ceux-ci s'emparèrent à leur tour de cette arme ,
la lutte dégénéra en querelles d'écoles fort obscures
et incompréhensibles à la grande masse, et perdit
de son intérêt populaire, pendant que le dogme
traditionnel se fortifiait par la forme plus systé-
matique qu'on lui donnait. Al-Aschar appliqua la
dialectique au dogme et forma ainsi la théologie sco-
lastique , qui fut adoptée par le parti orthodoxe ^
* Je sens que je me sers ici d'une expression qui n'est pas très-
correcte, mais je n'en trouve pas de meilleure, li n'y a pas, à propre-
ment parler, de l'orthodoxie. Les musulmans n'ont pas de prêtres,
ni un corps qui ait autorité pour di'-cider ce qui doit être la règle de
la foi. Leurs dogmes ont été fixés et définis dans les écoles savantes
par l'interprétation du Koran , telle qu'elle a prévalu contre les
Mutazilites et les écoles philosophiques. Mais cette interprétation a
pourtant pris une telle consistance et est si généralement acceptée
comme règle de la foi , qu'elle équivaut de fait à la décision d'une
autorité ecclésiastique compétente. Elle a été si bien acceptée que
44 JUILLET 1865.
et opposa aux novateurs un front qu'ils n'ont plus
réussi à entamer. C'est ainsi que fut perdue la li-
berté de penser chez les Arabes et que commença
la décadence du monde musulman , décadence
lente, interrompue par des époques brillantes, mais
irrésistible, et nous en voyons les fruits aujour-
d'hui. L'histoire de cette lutte est bien racontée par
M. Steiner, et l'on peut seulement regretter qu'elle
ne soit pas exposée encore plus en détail. Les ma-
tériaux ne sont pas abondants; on est obligé de les
prendre en grande partie dans les ouvrages des
vainqueurs , mais il doit pourtant en exister assez
pour une histoire digne d'un aussi grand mouve-
ment, qui forme époque dans l'histoire de la civili-
sation, parce qu'il a décidé de la direction qu'a
prise l'esprit musulman pour des siècles, et qu'il a
influé profondément sur le moyen âge latin par la
scolastique qu'il a fait naître.
Néanmoins la lutte ne cessait pas tout à fait avec
la défaite des Mutazilites; la philosophie grecque
avait pris trop d'empire chez les Arabes, pour que
l'adhésion de la grande masse à l'interprétation tra-
ditionnelle ait pu calmer les doutes des esprits cul-
tivés. Ainsi , nous trouvons , dans le x" siècle de notre
ère, l'association des Frères de la Pureté, qui avaient
la scoiastiqtie, qui servait à la défendre, a depuis des siècles cessé
d'être étudiée, parce que c'est une arme dont on n'a pius besoin.
Ibn Khaldoun assure que déjà de son temps cette science n'était
étudiée que par quelques esprits curieux , parce que l'absence de
secte» la rendait superflue.
RAPPORT ANNUEL. 45
leur centre à Basra et des maisons pour leurs réu-
nions dans toutes les villes où il se trouvait un
nombre sufFisant d'adhérents pour former une loge.
Leur but était de travailler en commun à élaborer
une philosophie de la nature, qui pût leur tenir
lieu de religion, de sorte que leur opposition à la
théologie convenue ne portait plus seulement sur
l'interprétation du Koran, comme chez les Mutazi-
lites, mais sur les fondements mêmes des croyances.
Ils nous ont laissé un très-curieux monument de
leur savoir dans cinquante et un traités, dans les-
quels ils embrassent toutes les sciences du temps et
les exposent systématiquement, en ne perdant ja-
mais de vue leurs théories générales, métaphysi-
ques et religieuses. Ils commencent par les sciences
mathématiques, parce qu'ils les regardent comme
un moyen indispensable pour la discipline de l'es-
prit, et parce qu'ils ont adopté les idées pythagori-
ciennes sur les nombres comme base de toute
chose; puis ils passent aux sciences logiques, dans
lesquelles ils suivent Aristote, de même que dans les
sciences d'histoire naturelle; enfm dans les sciences
théologiques, ils sont néoplatoniciens. M. Dieterici,
à Berlin \ qui avait déjà publié la traduction d'un
assez grand nombre de ces traités, nous donne
aujourd'hui celle des six premiers, qui compren-
* Die Propœdeiitilî der Araber im zehnten Jahrhundert, von
D"^ Fr. Dieterici. BerJin, i865, in-8° (xi, et aoi pages, avec deux
tableaux et une carte). Voyez pour les traités précédemment tra-
duits par M. Dieterici : Der Streit zwischen Mensch und Thier, Ber-
lin, 1 858; et Naturphilosophie und Natiminschaming. Berlin, 1861.
4(3 JUILLET 1865.
nent la théorie de l'arithmétique, de la géométrie,
de rastronomie, de la géographie, de la musique,
et celle des rapports entre les nombres et de leur
application aux sciences et aux arts. M. Dieterici
fait suivre sa version d'éclaircissements et d'une liste
de termes techniques. Il est fort à désirer que le
traducteur continue son entreprise difficile et déli-
cate , et nous fasse connaître toute l'œuvre des Frères
de la Pureté; car c'est une des manifestations les
plus frappantes de l'esprit philosophique chez les
Arabes et un des points culminants dans fhistoire
de leur civilisation. Ils avaient voulu relier toutes
les sciences, naturelles et morales, par une idée
commune; mais ils ne réussirent pas, et c'était le
dernier grand effort de la pensée hbre dans l'Orient
musulman, qui a sommeillé depuis sous l'influence
d'une théologie immobile et intolérante. On voit
bien encore chez Ghazzali et quelques autres que
l'esprit des hommes qui réfléchissaient n'était pas
satisfait; mais le mécontentement ne trouva plus
d'autre refuge que dans le mysticisme des Soulis.
Ce n'est que de notre temps qu on voit poindre un
réveil des esprits; mais ces tentatives sont encore
bien informes ou tellement cachées dans les mys-
tères de sociétés secrètes, qu'on peut à peine en au-
gurer quelque chose pour l'avenir.
M. de Slane a terminé l'impression du second vo-
lume de sa traduction des Prolégomènes d'ibn Khal-
doun\ que j'avais annoncé un peu prématurément
* Notices et Extraits des manuscrits (le la Bibliotlièifue impériale.
RAPPORT ANNUEL. 47
l'année dernière. Ce volume traite du pouvoir royal,
de ses officiers, des conditions de la croissance et de
la décadence des empires , de la vie municipale , de la
fondation et de la croissance des grandes villes, de
leurs monuments et de leurs richesses; ensuite il
passe aux arts, parmi lesquels il place la médecine;
enfin il entame la dernière section de fouvrage, qui
traite des sciences, à la tête desquelles il met la théo-
logie , par laquelle se termine ce volume. Le troisième
et dernier volume, qui est sous presse, comprend
l'histoire des autres sciences, de la jurisprudence
d'abord, puis de la logique et de la dialectique, des
sciences exactes et des sciences fausses (astrologie,
magie, alchimie), de la grannnaire, des méthodes
d'enseignement, de la composition en prose et en
vers, de la métrique et de la poétique. C'est un au-
teur toujours plein de faits qu'il relie par des idées
souvent fortes et vraies. Quand on réfléchit que c'est
un Arabe du xiv^ siècle, on ne peut pas lire sans
étonnement des chapitres comme ceux dans les-
quels il traite de la distinction entre le pouvoir tem-
porel et spirituel, des observations sur f économie
pohtique, comme, par exemple, le chapitre où il
entreprend de montrer que les octrois sont un signe
de la décadence des empires, ses observations sur
le dogme de la foi et des œuvres, ou son histoire de
t. XXI, i'* partie. Paris, i865. AgS pages in-4°. Ce volume parait
aussi dans un tirage à part, sous le titre de Prolégomènes d'Ihn Khal-
doun, traduits en français et commentés par M. de Siane, vol. II.
Paris, i865. (Le prix de chaque volume est de i5 francs.)
A8 JUILLET 1865.
Torigine de la scolaslique. Sans doute il est inégal,
quelquefois faible; mais c'est néanmoins un grand
osprit, et il est heureux qu'il se soit trouvé un tra-
ducteur aussi compétent pour interpréter son ou-
vrage.
Il ne me reste plus qu'à mentionner les traités
qui ont paru sur les sciences exactes des Arabes. Il
a paru à Rome, par les soins de M. le prince Bon-
compagni, une brochure intitulée^ Passages relatifs
à des sommations de séries de cubes, par M. Woepcke.
C'est la traduction d'extraits de deux manus-
crits arabes inédits du Briiish Muséum,, faits par
M. Woepcke à son dernier voyage de Londres, et
destinés évidemment à servir de matériaux pour l'his-
toire des sciences mathématiques chez les Arabes,
que malheureusement sa mort prématurée ne lui a
pas permis de compléter. Au bas des pages se trou-
vent des notes philologiques et la réduction des
calculs du texte en formules algébriques euro-
péennes. Je ne doute pas que ces pièces ne rem-
plissent une lacune dans nos connaissances des ma-
thématiques arabes; mais il faut être profondément
versé dans l'histoire des mathématiques grecques
pour préciser leur valeur exacte pour l'histoire des
sciences.
M. Marre a publié une deuxième édition de sa
traduction de l'Arithmétique de Beha eddin , auteur
* Passacjes relatifs à des sommations de séries de cubes , extraits de
deux manuscrits arabes inédits du British Muséum à Londres, par
F. Woepcke. Rome, 1864, in-/i° (26 papes).
RAPPORT ANNUEL. 49
du xvif siècle ^ Le texte arabe, accompagné d'une
traduction persane, avait paru à Calcutta par les
soins de M. Strachey; en 1806, M. Nesseîmann en
publia une bonne traduction en allemand, et
M. Marre en inséra une traduction française dans le
Journal de Terquem, en 18/16; aujourd'hui il la
réimprime avec des notes additionnelles. On avait
cru qu'en comparant cet ouvrage si récent avec celui
de Mousa, qui est du xv^ siècle, on pouvait en tirer
des conclusions sur les progrès que les Arabes
avaient faits dans la science des calculs. Mais des
études ultérieures ont prouvé que l'ouvrage de
Beha-eddin n'est qu'un manuel pour les écoles et
ne s'occupe pas des parties avancées de la science.
M. Woepcke, qui avait cherché avec beaucoup de
persévérance des matériaux pour remplir cette
lacune dans l'histoire des sciences et pour démon-
trer les progrès réels faits par les Arabes dans le
calcul arithmétique et algébrique, avait copié un
traité d'Albanna, célèbre mathématicien marocain
du xiif siècle. Ce traité contient une analyse ration-
nelle des opérations du calcul arithmétique et algé-
brique. M. Woepcke se proposait de le publier avec
un commentaire et une traduction; mais il n'eut
pas le temps d'exécuter ce plan, et M. le prince
Boncompagni pria M. Marre de se charger de cette
' Kholaçat al hissab, ou Quintessence du calcul, par Beba-eddin ai
AamouH, traduit et annoté par Aristide Marre; deuxième édition.
Rome, 1864, in-A° (xi et 83 pages).
VI. 4
o JUILLET ISOf).
traduction qui vient de paraître '. M. Marre donne
dans sa prélace tous les renseignements qu'il a pu
réunir sur Albanna, et accompagne la traduction
de la réduction des calculs arabes en formules algé-
briques. Il ne s'explique pas sur la place que ce
traité assigne à Albanna dans l'histoire de la science;
mais les mathématiciens, à qui il a rendu accessible
l'ouvrage, nous le diront un jour 2.
Enfin M. Sédillot^ a publié une leltre sur l'ori-
gine de nos chiffres, dans laquelle il discute l'opi-
nion de M. Woepcke et maintient celle qu'il a émise
antérieurement.
Ces pages étaient déjà sous presse lorsque a paru
une nouvelle partie du Dictionnaire arabe de
M. Lane, qui complète le premier volume de l'ou-
vrage^. Ce volume embrasse les mêmes lettres que
le premier du dictionnaire de Freytag, mais il con-
tient à peu près trois lois autant de matière. Aussi
est-il bien plus riche, les définitions des mots sont-
elles j)lus précises, les nuances et les formes indi-
quées bien plus nombreuses; on sent dans chaque
' Le Talkis d'ihn Albanna, publié et traduit par A. Marre. Rome,
iS65, in-.'i° (xii et 33 pages .
' Je vois que M. Cliastes s'est chargé de ce soin dans l'Académie
des sciences, séance du 27 mars i865. (Voyez le Compte rendu de
cette séance.)
3 Sur Voricjine île nos chiffres, lettre de M. Am. Scdillot. Rome,
i865, in-4° (9 pages . Extrait des Actes de l'Académie di Nuovi
Lincei, I. XVIII.
* An arahic-english Lexicon, derived from the best and most
copions sources, by E. W. Lane. Book I, part, 11. London, i863,
gr. in-V (pages 369-83*7 ).
RAPPORT ANiNUEL. 51
ligne la grande lecture qui en a fourni la matière et
le soin extrême avec lequel elle a été coordonnée
et exposée. Il faut, quand on s'en sert, toujours se
rappeler que l'auteur n'a eu en vue que l'arabe clas-
sique, c'est-à-dire les mots et les formes usités jus-
qu'à la fin du vii^ siècle de notre ère. Un jour, quand
on possédera de bonnes éditions arabes des au-
teurs principaux en tout genre, on pourra ajouter
un nombre presque infini de mots dérivés ou nou-
veaux, de sens techniques et de nuances plus mo-
dernes; mais ce temps est encore loin et exige un
grand nombre de travaux préliminaires. Mais dans
la limite que M. Lane s'est prescrite , son dictionnaire
est beaucoup plus complet, et, je crois, plus exact,
qu'aucun de ceux que nous possédons pour les autres
langues orientales.
De toutes les littératures secondaires qui se rat-
tachent à la famille sémitique des langues, il n'y en
a aucune qui ait été, depuis quelques années , l'objet
d'autant de travaux que la littérature syriaque. Elle
est presque tout entière ecclésiastique , compre-
nant d'anciennes traductions de la Bible, très-im-
portantes pour la critique du texte, des documents
d'histoire ecclésiastique qui remontent très-haut,
des traductions nombreuses d'ouvrages des Pères
de l'Eglise grecque , qui servent à nous faire con-
naître ceux dont les originaux ont péri , et à contrô-
ler le texte de ceux qui ont été conservés. Elle avait
toujours été cultivée en Europe par quelques théo-
logiens érudits, mais isolément et à d'assez longs
52 JUILLET 1865.
intervalles, de sorte que lorsque la première moitié
des manuscrits des couvents de la Nitrie arriva, il
y a une vingtaine d'années, au British Muséum,
M. Gureton exprima avec beaucoup de force sa
crainte qu'ils ne restassent encore longtemps lettres
closes. Mais l'arrivée même de cette magnifique col-
lection, coïncidant avec les discussions sur fhis-
toire des premiers siècles de VEglise, qui commen-
çaient alors à agiter tous les pays protestants ,
réveilla le goût des études syriaques, et M. Gureton
lui-même fut le premier à réfuter sa propre prédic-
tion par la publication d'une série d'ouvrages tirés
de ces manuscrits, ouvrages qui ont donné lieu à
des discussions très-vives et réveillé partout fintérêt
pour ces nouveaux trésors littéraires. M. Gureton,
presque mourant, a mis la dernière main à un ou-
vrage qui a paru depuis sa mort par les soins pieux
de M. Wright. Il a eu le temps de l'acliever, à l'ex-
ception de la préface, qui aurait sans doute, si elle
avait paru , donné lieu à d'intéressantes controverses.
Tel qu'il est, l'ouvrage sera reçu avec reconnais-
sance et un respectueux regret d'une mort préma-
turée et déplorable. Le contenu du livre ^ se compose
' Ancient sjriac documents, relative io the earlirst establishment
of Christianity in Edessa and the neitjhbouring countries , from the
year ajter car Lord' s ascension to the heginning oj the Jour th century,
discovered, edited, translatcd and annotated by the late W. Cureton,
wilh a préface by W. Wright. London , i864, in-4° (xiv, 196 et
11 4 pages) J'ai reçu , mais trop tard pour le mentionner à sa place
j>ropre, nn autre ouvrage posthume de M. Cureton, sous le titre de :
Thethirty JirslChupter of the booli intiiled : The Lamp thut guides to sal-
RAPPORT ANNUEL. 53
de documents qui se rapportent à l'histoire de la con-
version d'Abgare, roi d'Edesse, du vivant même de
Jésus-Christ. M. Gureton élail convaincu de l'au-
thenticité des lettres attribuées à Jésus-Christ et à
Abgare, et c'est, je crois, cette thèse qu'il se pro-
posait de défendre dans sa préface Les pièces qu'il
publie se rapportent à la conversion d'Abgare et d'une
grande partie de son peuple, et à la persécution à
laquelle les Chrétiens d'Edesse ont été exposés plus
tard. Elles sont extraites de plusieurs manuscrits de
la collection des couvents de la Nitrie, publiées en
texte et traduction, et accompagnées de pièces jus-
tificatives tirées d'ouvrages déjà connus et de notes
historiques et philologiques. Il serait inutile d'in-
sister sur l'importance de documents de ce genre,
qui nous fournissent de nouveaux matériaux sur des
temps si curieux et sur les premières luttes du chris-
tianisme que nous connaissons si imparfaitement et
qui ont eu de si grandes suites. D'autres ouvrages
tirés de cette collection, comme l'Histoire de l'Eglise
par Jean d'Ephèse, dont M. Cureton avait d'abord
publié le texte et que M. Payne Smith, à Oxford,
valion, by Abu Nasr Ibn Haris al Takriti , edited by the laie W. Cure-
ton , Londres , 1 865, in-8° ( 1 1 et 48 pages) . Ibn Haris était un jacobite ,
et le chapitre de son ouvrage traite de la Prêtrise. M. Cureton a fait
imprimer ce petit texte il y a vingt ans , mais il n'a pasachevé la tra-
duction et rintrofluction dont il voulait l'accompagner. Le sujet du
chapitre choisi par M. Cureton me fait croire qu'il avait voulu dis-
cuter à celte occasion certaines vues ecclésiastiques qui le préoccu-
paient alors, mais que d'autres devoirs l'ont empêché de donner
suite à son idée.
54 JUILLET 1865.
a rendue plus tard accessible à tous par une traduc-
tion anglaise, sont dans le même cas. Il y en a
d'autres qui sont peut-êlre tout aussi importants
pour la science, mais ils appartiennent tout à fait
au ressort intérieur de la théologie savante, et il
serait impossible de faire sentir l'inlérêl qu'ils pré-
sentent, sans entrer dans des détails étrangers au
but de ce rapport , et dépassant de beaucoup l'espace
qui est à ma disposition. Ainsi tous les théologiens
savent que la restitution de la rédaction de la Sep-
tante , telle qu'Origène l'avait insérée dans ses
Hexaples, est un objet d'une haute importance pour
la critique de la Bible. Ils savent aussi que cette
rédaction est en grande partie perdue et qu'on peut
y suppléer à peu près par ce qui nous reste de la
traduction syriaque que Paul de Telia en a faite.
Mais ici il faut que je me contente d'indiquer que
M. l'abbé Geriani, de Milan \ a tiré de la collection
de Nitrie une nouvelle partie de cette version sy-
riaque, et que M. Field, à Norwich, se propose de
réunir dans une édition complète tout ce qui nous
reste des Hexaples^. M. Philipps, à Oxford, a fait
' Monumenta sacra et profana ex codicibm prœsertun bibliothecœ
Ambrosianœ, edidit Ant. Maria Ceriani, vol. JI et vol. IH, cali. I,
Milan, i864, in-4°.
De Roërdam , à Copenhague , a aussi publié une partie des
Hexaples en syriaque, comprenant le livre des Juges et Rutb; mais
je n'ai pas vu cet ouvrage.
^ M. Field a publié un prospectus de son ouvrage intitulé : Pro-
posais for publiskiny by sub.\cripUon Origenis Hexaploruni quœ super-
sunt, conclnnavit, eniendavit et auxit F. Field. Norwicb , i8b5.
Le même aulcur avail dôjà publié : Otiwn Norviceiisc, sive leiHa-
RAPPORT ANNUEL. 55
paraître des Scholies sur l'Ancien Testament ' par
Mar Jacob, évêqiie clEdesse au vu" siècle de notre
ère, texte, traduction et notes. M. Wright^ a publié
un apocryphe sur la Mort de la Vierge. Ce livre est
récent pour un apocryphe; il a été condamné par
un concile en Ixgli, et était connu dans deux rédac-
tions, latine et arabe. M. Wright se propose de
publier tous les apocryphes syriaques, et il est na-
turel qu'on veuille posséder tous ces livres , dont la
plupart sont sans valeur réelle, mais qui indiquent
le courant des idées de leur temps. Mais M. Wright
est engagé dans une œuvre bien autrement impor-
tante et qui certainement donnera une grande im-
pulsion à ces études; c'est le catalogue des manus-
crits syriaques du British Muséum. C'est une entre-
prise des plus laborieuses, car tous ces beaux livres
sur parchemin sont arrivés à Londres dans un état
d'indicible désordre, par milliers de feuillets, ou en
cahiers isolés, ou en volumes quelquefois composés
de fragments mal assortis et reliés à contre-sens. 11
a fallu se rendre compte de chaque feuillet et de
chaque cahier, et retrouver et reclasser ce qui ap-
men de relicjuiis Aquilœ, Sjinmachi, Tlieodotionis e lingua sjriaca
in grœcam convertendis. Oxford, i86'i. Je n'ai pas réussi à me pro-
curer ces deux publications.
' SchoUa on passages of the old Testament by Mar Jacob , bishop
of Edessa, now fir^t edited in the original syriac with an english
translation and notes by George Phillpps. Londres, i864, in-S"
! XI , 5i et 34 pages).
* The dcparture oj my Ludy Mary froni tlùs world. Edited from
ivvo syriac manuscripts and translated by W. Wright. London, i 865.
in-8''(i 1-32 et 5i pages).
56 JUILLET 1865.
partenait au même ouvrage. M. Cureton avait déjà
employé des années à ce terrible travail , et M. Wright
Ta continué de manière à pouvoir prochainement
rendre compte au public savant de tout ce que loi
offre cette collection arrachée si heureusement aux
mains de moines ignorants.
Un autre secours dont les études syriaques ont
besoin depuis longtemps va à la fin leur être offert,
c'est un dictionnaire plus complet que ceux que
l'on possède. M. Quatremère s'en était occupé pendant
bien des années, mais il n'a jamais pu se décider à
rédiger un des nombreux dictionnaires dont il avait
accumulé les matériaux pendant une longue et la-
borieuse vie. M. Bernstein, à Breslau, avait com-
mencé la publication de celui qu'il avait préparé,
mais il mourut après l'impression de la première
livraison; aujourd'hui M. Payne Smith, à Oxford,
qui s'occupait de son côté d'un dictionnaire syriaque
et qui a obtenu de la bibliothèque de Munich
la communication des matériaux compilés par
M. Quatremère, est en mesure de commencer l'im-
pression d'un thésaurus qui suffira probablement
pour longtemps aux besoins des savants.
Je ne crois pas pouvoir mieux placer qu'ici la
Chronique samaritaine qu'a publiée M. Vilmar^
L'auteur était un Samaritain du xiv^ siècle qui com-
posa ces Annales en langue arabe sur la demande
' Abulfathi Annales samaritani, quos ad fideni codicum manu-
scriptorum edidil et prolegomenis inslruxit EduardnsVilmar. Gotha.
i865, iu-8° (cxx et i8<i P'igc^).
RAPPORT ANNUEL. 57
du grand prêtre de sa secte. M. Vilmar publie le
texte qu'il fait précéder d'une longue introduction,
dans laquelle il décrit les manuscrits dont il s'est
servi, raconte l'origine de l'ouvrage, énumère les
sources dont il est tiré, discute la chronologie et
les dogmes des Samaritains, décrit certaines addi-
tions qui ont été faites plus tard à ce livre, et in-
dique la valeur des renseignements qu'il nous four-
nit. Jl annonce qu'il se propose de publier plus tard
une traduction. L'ouvrage lui-même est tiré de ma-
tériaux d'origine fort variée, il est plein de lacunes
et d'imperfections de diverses espèces; mais dans
une matière sur laquelle nous avons si peu de don-
nées , une chronique de ce genre , si sujette à
critique qu'elle soit, est chose précieuse. Le travail
préliminaire de M. Vilmar est très-bien fait, il ne
veut pas attribuer à son auteur plus de valeur qu'il
. n'en a, et il est à désirer qu'il mette bientôt par sa
traduction l'ouvrage entre les mains de tous ceux
qui s'occupent de l'histoire de la Palestine.
Les Samaritains m'amènent à dire un mot de la
discussion très-courtoise entre MM. de Saulcy et de
Vogué sur l'antiquité relative de l'alphabet samari-
tain et de rhébreu carrée La question avait été sou-
vent soulevée et elle paraissait décidée en faveur du
samaritain; M. de Saulcy la conteste aujourd'hui. Je
crois que d'un côté les travaux de M. de Rougé sur
l'alphabet phénicien, de l'autre la grande masse de
' Voyez les mémoires publiés clans la Betnie archéolo(jiqiie , Paris,
in-8°, années i86/i et i865.
58 JUILLET 1805.
matériaux paléographiqiies sémitiques qui s'est accu-
mulée (le tous les cotés et que M. de Vogué se pro-
pose de réunir dans un travail d'ensemble, ne lais-
seront bientôt plus aucun doute sur l'histoire de ces
alphabets. C'est une très belle élude qui arrive au-
jourd'hui à maturité, ou au moins à un état d'avan-
cement tel, qu'on pourra en fixer les grandes hgnes
et espérer que les nouveaux faits que chaque jour
amène pourront se classer et remplir les lacunes,
sans en bouleverser de nouveau les traits princi-
paux.
La plus récente de ces découvertes est fort cu-
rieuse sous bien des rapports. On avait déjà ren-
contré sur des briques , sur des poids , sur des sceaux ,
des cylindres et autres débris et restes de l'antiquité
assyrienne , des inscriptions en phénicien ou ara-
méen qui montraient que l'usage de ce caractère et
de cette langue était très-répandu en Assyrie; au-
jourd'hui Sir H. Rawlinson^ fait connaître une nou-
velle classe de ces inscriptions, qu'il a trouvées sur
des tablettes en terre cuite , d'une forme particuhère ,
qui servaient d'actes de ventes et étaient conservées
dans les archives. L'acte y est inscrit en assyrien et
en cunéiforme ; mais sur un grand nombre de ces
tablettes se trouve de plus un sommaire en langue
et en caractères phéniciens, qui paraît avoir été
ajouté pour une plus grande facihté de reconnaitre
le contenu du document. On avait trouvé, à Baby-
• The Journal of the li. Asialic Society of Greal Biilain and Irelaïul
New séries, vol. I , p. i 87 et suiv. Londres, i86/i , in-8".
RAPPORT ANNUEL. 59
lone, un grand nombre de fragments de poteries
couvertes d'écriture araméenne; mais rien , je crois ,
ne prouvait qu'elles fussent du temps de l'ancienne
Babyione; ici nous trouvons cet alphabet employé
sur des pièces légales et officielles en conjonction
avec l'alphabet assyrien, ce qui ne peut laisser au-
cun doute sur l'usage simultané des deux écritures.
Ces inscriptions phéniciennes , qui malheureusement
sont, en grande partie, frustes ou très-négligemment
écrites , ne sont pas assez considérables par leur
nombre et leur étendue pour promettre beaucoup
de lumières nouvelles sur l'antiquité assyrienne;
mais si, comme on l'assure, elles prouvent, par les
noms propres qu'elles contiennent, l'exactitude du
système aujourd'hui adopté de lecture des noms
propres assyriens, même de ceux qui sont écrits en
partie idéographiquement, elles acquièrent une im-
portance extrême, par la conviction qu'elles porte-
raient dans l'esprit de ceux qui doutent de la lecture
des cunéiformes assyriens , précisément à cause des
difficultés qu'on trouve dans l'emploi des idéographes
pour les noms propres ^ Ces difficultés, si réellement
les Assyriens n'avaient pas d'autres règles pour s'y
reconnaître que celles qu'on a retrouvées jusqu'ici,
^ M. de Rosny signale un parallèle des procédés employés dans
l'écriture japonaise avec ceux qu'on trouve dans les cunéiformes as-
syriens, parallèle qui montre qu'on s'est servi des deux côtés d'expé-
dients similaires dans des cas de difficultés analogues. (Voyez Lettre
à M. Oppert sur quelques particularités des inscriptions cunéiformes
anariennes. Paris, i864, in-S" (8 pages, tirées des Annales^de philo-
sophie chrétienne, vol. IX.)
60 JUILLET 1865.
n'expliqueraient-elles pas aussi l'emploi des inscrip-
tions supplémentaires en phénicien dans des cas de
documents légaux où il s'agissait de lire rapidement
et avec certitude les noms propres?
Le seul autre travail sur les cunéiformes qui ait
paru, autant que je sache, depuis un an, est le com-
mencement d'un iong mémoire de M. Opperl sur
l'histoire des empires de Chaldée et d'Assyrie d'après
les monuments'. Il classe ici, d'après l'ordre chro-
nologique, les documents dont il avait déjà publié
une partie dans son Expédition en Mésopotamie
et dans d'autres travaux, et en forme, autant que
le permettent les matéiiaux aujourd'hui connus,
une série continue dans laquelle il prend, en géné-
ral, la chronologie de Bérose pour guide. A chaque
nom, contenu dans les listes royales des dynasties
successives, dont on possède des monuments, il rat-
tache une inscription qui fournit l'histoire de ce
roi, et il en donne toutes les parties qui lui pa-
raissent importantes, dans une traduction nouvelle,
qui souvent s'écarte assez notablement de celles qu'il
avait publiées antérieurement. Ces changements dans
une matière si neuve et si dilFicile sont inévitables
et ne sont que des preuves de la bonne foi des tra-
ducteurs et des progrès de la science. La dernière
partie publiée de ce mémoire va jusqu'au ix'' siècle
avant notre ère.
' Voyez les Annales de philosophie chréliennet dirigées par M. A.
BoDnelty (année i8G5, caliier de février et caliiers suivants). Paris,
i8G5, in-S".
RAPPORT ANNUEL. 61
M. Menant imprime dans ce moment son Sylla-
baire assyrien et une nouvelle grammaire assyrienne
qui reproduira les formes de la grammaire en ca-
ractères cunéiformes. Il n'a encore rien paru de ces
deux auvrages.
Les études zoroastriennes ont été l'objet de plu-
sieurs travaux remarquables. M. Spiegel , après avoir
complété la traduction du Zendavesta, a commencé
la publication de son commentaire philologique ^
11 énumère d'abord les nouveaux secours qu'il a pu
obtenir depuis que sa traduction a paru , surtout
l'édition du texte par M. Westergaard, et la traduc-
tion en guzzarati par Aspendiarji; ensuite il entre
dans l'explication des points douteux, verset par
verset, et discute les questions importantes avec
tous les détails qu'elles exigent. La grande difficulté
de cette étude consiste dans le sens, ou au moins
dans la nuance du sens, d'un grand nombre de
mots, quelquefois dans le doute sur l'état du texte
et le choix des variantes. M. Spiegel reste fidèle à
son ancienne conviction que le sens traditionnel,
autant qu'on peut s'en assurer, est encore notre
meilleur guide, sans être pourtant infaillible, ce qui
était le principe de Burnouf, et qu'il ne faut s'en
écarter que lorsque le progrès des études ou de
nouvelles ressources fournissent des moyens plus
sûrs d'arriver au sens primitif. Il trouve que fan-
cienne traduction pehlevie est ce qui nous reste de
* Commentar ûber das Avesta, von Friederich Spiegel, vol. I,
Vendidad. Leipzig, i865, in-8°(xv et 477 pages).
62 JUILLET 1865.
mieux de cette tradition, quoiqu'elle soit entourée
de grandes difficultés. Cette conviction n'a fait que
se fortifier dans le cours de son travail, et il revient
quelquefois dans son commentaire au sens donné
par la version pehlevie dans des cas où il favait
abandonnée dans sa traduction. Il discute celle-ci
très-librement, comme si elle était fœuvre d'un
autre, la défend ou la change, selon les cas, donne
ses raisons, expose les doutes et les nombreuses in-
certitudes qui lui restent. Le volume qui a paru
contient le commentaire du Vendidad. C'est un livre
fait avec une parfaite sincérité, et qui certainement
fera faire des progrès à cette étude importante,
M. Justi, à Marburg, y contribue de son côté,
par son Manuel de la langue zende ^ qu'il vient de
terminer, et qui comprend un dictionnaire, une
grammaire et une chrestomathie. L'ouvrage entier
est imprimé en caractères latins , et M. Justi y suit
le système de transcription adopté par M. Brock-
hans, avec quelques changements qu'il indique dans
la préface. Mais il me semble qu'il aurait dû donner
un tableau de son alphabet comparatif avec les carac-
tères originaux , pour que le lecteur puisse s'orienter
à finstant en cas de doute. Le mot zend est suivi
de son étymologie, quand fauteur a cru pouvoir en
proposer une, ou de sa dérivation quand c'est une
forme dérivée; ensuite viennent le sens et la citation
• Handbuch der Zendsprache, von F'erdinand Justi. Altbaklrisclies
Wœrterbuch, Granimatik , Chrestomathie. Leipzig, i864, in-S"
i XII et li2fi j>agcs).
RAPPORT ANNUEL. 63
des phrases dans lesquelles on le trouve employé.
Ces citations n'indiquent pas tous les passages où un
mot se trouve, excepté pour les mots rares et diffi-
ciles. La rédaction du lexique est aussi concise que
possible, mais elle est claire. Les passages cités pa-
raissent bien choisis, et les explications et les renvois
aux auteurs qui ont spécialement traité une ques-
tion sont suffisamment développés. Dans la gram-
maire l'auteur traite des sons, des racines, dont il
donne la liste, de la formation des mots par affixes
ou par composition, des numéraux, des pronoms,
de la déclinaison divisée en douze classes et de la
conjugaison en dix classes. Dans cette partie du livre,
la concentration est poussée au dernier degré et me
paraît excessive; le lecteur s'arrête devant ces listes
d'affixes, sans indication de la nuance qu'ils appor-
tent aux mots, et devant ces listes de mots sans tra-
duction et sans autre explication que le numéro de
la classe à laquelle ils appartiennent; on dirait qu'on
a devant soi Pânini lui-même et ses énigmes gram-
maticales. Je ne doute pas que M. Justi n'ait réussi
à y faire entrer tous les résultats de ses études gram-
maticales sur le zend, et qu'on ne puisse les tirer
de ses formules et les développer, et qu'à l'aide du
lexique on ne puisse se rendre compte de ses listes;
mais c'est un procédé laborieux. Je suppose que
M. Justi a été restreint par l'espace dont il pouvait
disposer ; mais , quoi qu'il en soit , son livre est fait
avec beaucoup de soin et une parfaite connaissance
de l'état actuel de la science, et rendra un service
64 JUILLET 1865.
signalé à l'étude de la langue zende. Jusqu'à pré-
sent on n'avait qu'un vocabulaire zend très -res-
treint, que M. Brockhaus a publié, et quiconque
s'occupait de Zoroastre devait composer son propre
dictionnaire. Celui que Burnouf a laissé n'a pas été
imprimé, et celui qui doit faire partie de l'ouvrage
de M. Weslergaard n'a pas encore paru. L'étude du
Zendavesta est une des parties les plus importantes
de la littérature orientale et en même temps une
des plus difficiles : tout ce qui peut la faciliter doit
être reçu avec reconnaissance. Il se prépare de nou-
veaux travaux sur ce sujet. M. Haug, à Pouna, a
annoncé un ouvrage en deux volumes sur le Zoroas-
trisme ^ dont le premier doit contenir une histoire
de la littérature zende et pehlevie et des grammaires
de ces deux langues, et le second un exposé de la
reli'iion de Zoroastre et des lois civiles et religieuses
qui en dérivent, et une histoire de cette religion,
de son développement et de ses rapports étroits avec
la religion des Védas. Enfin M. Kossowitch a fait
imprimer à Paris une chrestomathie zende avec un
commentaire en latin, destinée au cours qu'il fait à
l'Université de Saint-Pétersbourg. Le livre est im-
primé, mais il n'a pas encore paru et je ne l'ai pas vu.
Quant à la littérature persane, elle s'est, sans au-
^ The religion oj the Zoroastrians . as contained in their sacred
wrilings, with a history of the Zend and Pehlevi literatures and a
gramniar of the Zend and Pehlevi languages, by Martin Haug.
2 vol. of 7-800 pages. Le prix pour les souscripteurs est de 1 6 rou-
pies (4o fr.),pour le public de 20 roupies (5o fr.) On peut souscrire
chez Brockhaus, ù Leipiig.
RAPPORT ANNUEL. 65
cun doute, enrichie de nombreuses éditions litho-
graphiées à Tébriz, à Téhéran, à Bombay, à Luck-
novv et à Delhi. Malheureusement elles ne nous
arrivent que très-accidentellement, et quand on ap-
prend en Europe la publication d'un des ouvrages
et qu'on écrit pour le faire acheter, il est générale-
ment déjà épuisé et devenu rare avant que la lettre
soit arrivée dans l'Inde. Car on paraît, en géné-
ral, ne les imprimer que dans des éditions peu nom-
breuses, qui se dispersent rapidement par des voies de
trafic variées et irrégulières , et on ne sait plus où les
trouver. Leur valeur critique est très-inégale; quel-
quefois elles sont entreprises par un homme savant
et consciencieux, qui prend la peine de collationner
des manuscrits et d'en marquer les variantes sur la
marge; en général, c'est simplement la copie d'un
manuscrit faite par un écrivain lithographe, et le
hasard décide de la valeur de l'original et de l'exac-
titude de la copie. Mais, telles qu'elles sont, ces édi-
tions nous seraient extrêmement utiles en Europe,
et on ne peut trop désirer qu'un libraire entrepre-
nant trouve moyen de nous les procurer régulière-
ment. J'ai reçu quelques éditions lithographiées déjà
anciennes d'ouvrages persans, mais rien de récent,
si ce n'est un choix de passages de Firdousi, fait par
Kemal Efendi, et publié par ses soins à Constan-
tinople ^. Le choix consiste dans des moralités , quel-
ques pièces lyriques et autres fragments d'un intérêt
1 A^UsbLi; (^IaJ^Là.^ Constantinople, 1281 de l'Hégire, in-13
(95 pages), lithographie.
VI. 5
f)6 JUILLET 1865.
général, que l'éditeur fait précéder d'une préface
et suivre d'un petit vocabulaire de mots moins usi-
tés qu'il explique en turc.
La Société asiatique de Calcutta a achevé la pu-
blication de la partie du Thabakati Nasiri^ qu'elle a
jugée utile pour entrer dans la série des documents
relatifs à fhistoire desprinces musulmans qu'elle a en-
treprise. Le Thabakati Nasiri est une histoire univer-
selle composée par Abou Omar Minhadj au milieu
du xni* siècle de notre ère, par ordre de Nasireddin
Mahmoud, roi de Delhi, prince très-lettré, qui,
dans sa jeunesse, se trouvant en disgrâce, refusa
toute allocation du roi d'alors et vécut pendant des
années du produit de son travail de copiste de ma-
nuscrits. Devenu roi, il institua un concours de
poésie, dans lequel le grand prix fut adjugé à Min-
hadj , qui fut nommé ensuite Radi et employé plus
tard comme historiographe. M. Lees a jugé qu'il ne
fallait publier que la partie du Thabakat qui se rap-
portait à l'Inde musulmane, et qui remplissait uti-
lement la lacune qui existe aujourd'hui dans la série
des documents entre l'histoire de Baïhaki et celle de
Zia Barni, toutes les deux déjà publiées dans la Bi-
bliotheca indica. Le conseil de la Société partagea
cet avis, et c'est ainsi que parut le présent volume,
qui contient les livres XI, XVII à XXIII de l'ou-
' Tahakati Nasiri, of Aboo Omar Minhaj al-Din Otbman Ibn Si-
raj ai-Din al-Jawzjani , edileci by Caplain Nassau Lees and Mawlawis
Kbadim Hn?ein and Abd alHaï. Calcutta, i864, in-8" (/i, 8 et 453
pages).
RAPPORT ANNUEL. 67
vrage de Minhadj , c'est-à-dire l'histoire des rois inii-
suimans de l'Inde du nord, depuis Mahmoud le
Ghaznévide jusqu'au xiif siècle.
Ensuite la Société a commencé la publication de
l'Abrégé des Chroniques, par Badaoni^. C'est une
histoire des rois musulmans de Dehli, depuis les
Ghaznévides, mais plus de la moitié de l'ouvrage est
consacrée à la vie de l'empereur Akbar, sous lequel
l'auteur a vécu , et qui l'a employé comme traduc-
teur d'ouvrages sanscrits. Akbar le récompensa ma-
gnifiquement; maisBadaoni était un musulman fort
strict et ne pardonnait pas à l'empereur ses ten-
dances hérétiques. Aussi son ouvrage est-il écrit avec
un ton d'acrimonie qui contraste singulièrement
avec les nombreuses biographies d'Akbar, composées
par ses admirateurs et courtisans. Cet esprit de cri-
tique et d'opposition rend ce livre très-précieux pour
l'histoire de ce temps.. On ne le connaissait jusqu'à
présent que par d'assez nombreux extraits publiés
par Sir H. Elliot. M. Lees fait imprimer maintenant
toute la partie qui se rapporte à Akbar et son temps.
Mais pour rétablir la balance de l'impartialité, il
^ The Muntahab al-Tawarikh , of Abd ai-Qadir Biu-i Maluk Shali
al-Badaoni , edited by Nassau Lees and Mavviawi Kabir al-Din Ahmad
and Munsbi Ahmad Ali. Calcutta, )864, in-8°. Il eu a paru quatre
cahiers, contenant 38 j. pages. Il ne faut pas confondre cet ouvrage
avec une autre histoire de l'Inde qui, par une étrange coïncidence,
porte ie même titre , et est aussi écrite sous Akbar et conçue dans le
même esprit de haine religieuse contre lui. L'auteur de ce dernier
ouvrage est Hassan al-Schira/i. Je me permets cette remarque parce
que j'ai été longtemps {rompe par l'identité des titres et des tendances
et lrt\s-embarrassé dans des recherches que j'avais à faire.
5.
68 JUILLET 1865.
propose de faire suivre cette histoire de la publi-
cation d'une des vies d'Akbar qui ont été composées
par ses amis.
Quant à la littérature proprement dite des Per-
sans, je puis annoncer que M. Nicolas, chancelier
de l'ambassade de France à Téhéran , est sur le
point de publier le texte, la traduction et un com-
mentaire des Quatrains d'Al-Kbavyami \ mathéma-
ticien et poëte du xi^ siècle de notre ère. C'était un
grand mathématicien et un esprit hardi et profond.
Il partageait les opinions des Mutazilites alors déjà
opprimés et sur le déclin , et il exprime leurs opi-
nions théologiques avec une vivacité qui a fait de
ses quatrains un objet de curiosité pour les uns et
de scandale pour les autres. On l'a déclaré impie,
athée, impur; mais il n'est pas si facile déjuger ses
opinions et de savoir ce qui est persiflage des or-
thodoxes ou des mystiques et ce qui est conviction
chez lui. L'objet de sa grande aversion paraît avoir
été le dogme de la prédestination, et la manière
fort irrévérente avec laquelle il l'attaque doit être
une abomination pour les croyants. Dans tous les
cas ce sera un livre très-curieux pour la connais-
sance de l'état des esprits en Perse à cette époque.
Je devrais parler ici des ouvrages récents sur la
' Ces Quatrains de Khayyaml ne sont connus en Europe que par
quelques traductions très-partielles. M. de Hammer et M. Garcin de
Tassy en ont publié quelques-uns, et il a paru une brochure conte-
nant la traduction de soixante et quinze de ces petites pièces, en vers
anglais fort bien tournés, par un savant qui a gardé l'anonyme. Ce
RAPPORT ANNUEL. 69
littérature turque, mais il n'en est arrivé à ma con-
naissance qu'un seul ; la Collection de proverbes
osmanlis \ publiée par M. Schlechta de Wssehrd ,
directeur de l'Académie orientale à Vienne. Le but de
l'auteur est de donner aux personnes qui possèdent
un commencement de connaissance de l'écriture et
de la grammaire turques un moyen de faire des
progrès sans maître, en leur fournissant des textes
simples et idiomatiques avec tous les secours né-
cessaires à l'étude. Il accompagne pour cela cbaque
proverbe d'une traduction interlinéaire française et
allemande, d'une transcription double, qui rend la
prononciation d'après la valeur des lettres latines
en Allemagne et en France, et d'une traduction
plus libre également en allemand et en français, puis
il fait suivre les textes d'un glossaire. Cet ouvrage est
exécuté avec beaucoup de soin, et bien fait pour le
but qu'on s'est proposé; il contient cinq cents pro-
verbes, dont une grande* partie n'avait pas encore
été publiée, et qui par l'intérêt qu'ils présentent sont
bien calculés pour soutenir le zèle de ceux qui les
étudient.
M. Zenker, à Leipzig, continue la publication de
son dictionnaire turc-arabe-persan^. Il se sert de tous
les secours accessibles pour le rendre aussi riche
petit volume porte le tilre : Rubaiat of Omar Kliayyam, the astrono-
merpoctoj Persia, translatée! inlo english verses. Londres, 1859,
in-8° (xiii et 21 pages).
' Proverbes ottomans, publiés par l'Académie des langues orien-
tales à Vieune. Vienne, i865, in-S" ( 1 3 et 180 pages).
- Dictionnaire turc-arabe-persan, de Th. Zenker, Leipzig, 1 864 ,
70 JUILLET 1865.
que possible en termes de la langue turque, et la
libéralité très-lonable de la bibliothèque de Munich,
qui lui a communiqué ceux des manuscrits de Qua-
tremère qui contiennent ses matériaux pour un
dictionnaire turc et djagatéen, lui permet d'ajouter
pour la première fois un grand nombre de mois de
turc oriental, f.a partie turque est la chose princi-
pale pour M. Zenker, et il n'ajoute les termes arabes
et persans que comme un supplément indispensable
à cause de l'usage immodéré que les Turcs font de
mots de ces deux langues. Mais l'auteur ne néglige
pas cette parlie , et il établit avec beaucoup de soin
la nuance des dérivés arabes, qui ont acquis une
signification restreinte et convenue qu'on ne peut pas
tirer avec la précision nécessaire de Tétymologie des
mots. Il se prépare d'autres travaux sur le même su-
jet. M. Pavet de Courteille s'occupe depuis long-
temps d'un dictionnaire turc oriental, qui est très-
avancé maintenant. M. Vambery , qui a rapporté du
Turkestan de nombreux matériaux pour un ouvrage
sur les dialectes turcs orientaux, annonce de son
côté un dictionnaire; enfin M. Lequeux, chancelier
du consulat général de France à Tripoli, a terminé
une nouvelle traduction de l'histoire des Tartares,
par Aboul Ghazi, qu'il se propose d'imprimer pro-
chainement.
Je dois dire ici quelques mots d'un grand ouvrage ,
qui se rapporte également aux trois principales lit-
in-fbl. (H a paru les cahiers i-viii , qui forment 32o pages d'une im-
pression tr<*'S-compacte. )
RAPPORT ANNUEL. 71
tératuies musulmanes, et dont le premier volume
vient de paraître : c'est le Catalogue des manuscrits
arabes, persans et turcs de la Bibliothèque impé-
riale de Vienne, par M. Flûgel ^. Cette grande col-
lection de manuscrits était mal connue; on ne pos-
sédait, je crois, un catalogue imprimé que de la
partie des manuscrits qui lui avaient été cédés par
M. de Hammer, et encore il était bien difficile de
se le procurer, car il avait paru par portions dans
un grand nombre de volumes d'une revue trimes-
trielle. Une collection de manuscrits sans catalogue
imprimé perd la moitié de sa valeur, surtout aujour-
d'hui où la science est beaucoup plus cosmopolite
qu'elle ne l'a jamais été, et où la plupart des biblio-
thèques ont le bon esprit de prêter des manuscrits.
C'est donc une idée très-heureuse qu'on a eue à
Vienne de faire préparer ce catalogue et de le faire
préparer par un homme aussi savant et aussi com-
pétent que M. Flûgel. L'auteur divise les manuscrits
en classes, d'après les sujets dont ils traitent, et
subdivise chaque classe en trois sections , arabe, per-
sane et turque, de sorte qu'on trouve ensemble tout
ce que ces trois littératures, si étroitement liées,
contiennent sur un genre d'études donné. Ce pre-
mier volume comprend les encyclopédies, la biblio-
graphie, les dictionnaires, la grammaire, la mé-
trique, la rhétorique , l'épistolographie.les proverbes
' Die arahischen, fiers ischen und turkischen Handscliriften der K. K,
Hofbihliotheh zu Wien, geordnet und besclirieben von Dr, Gustav
Flùgei, vol. 1. Vienne, i865, in-4'' (x et 723 pages).
72 JUILLET 1865.
et la littérature proprement dite, tant en prose qu'en
vers; il embrasse y8i manuscrits. La description de
chaque manuscrit contient des indications sur l'au-
teur, quand on peut en trouver, quelquefois des
jugements sur l'importance de l'ouvrage, souvent
rénumération des chapitres et presque toujours le
texte de la première ligne, pour faciliter l'identifica-
tion avec d'autres manuscrits du même ouvrage;
puis la mention des éditions, traductions et autres
travaux dont l'ouvrao^e a été l'objet , enfin l'indication
de l'âge et de la condition de l'exemplaire. Tout
cela est énoncé brièvement et avec précision, de
manière à satisfaire le besoin de celui qui consulte
l'ouvrage; on ne peut pas demander davantage à un
catalogue, et celui-ci se tient dans la mesure vraie.
Il n'y a que ceux qui ont eu à classer et à déter-
miner une collection de manuscrits orientaux qui
sacbent ce qu'il faut de travail, de savoir et de soins
pour arriver à un résultat aussi satisfaisant que celui
que M. Flûgel nous olfre ici. Puissent toutes les bi-
bliothèques qui possèdent des manuscrits orientaux
suivre l'exemple que donne la Bibliothèque de
Vienne, et puissent-elles trouver des hommes aussi
capables et aussi dévoués à la science que M. Flii-
gel pour exécuter leurs bonnes intentions M
' Je reçois pendant l'impression de ces feuilles îe catalogue d'une
coilectioude manuscrits ;irabes et persans que M. de Khanikofacédée
rëcemment à la bibliulh^que de Saint-Pétersbourg. Il porte le titre
suivant : Die Sammlunçf von moryenleendischen Handschriften, welche
die Kaiserliche ôffeiuUchc HihHntliel, zu St.-Pttersbnr(i lin Jahre i86i ,
RAPPORT ANNUEL. 73
Je ne dois pas quitter les littératures de l'Asie
moyenne sans mentionner les travaux sur l'Arménie
qui ont paru dans l'année.
M. Emin , à Moscou , a publié des recherches sur
le paganisme arménien ^ L'auteur s'est proposé de
réunir et d'élucider tous les renseignements qui se
sont conservés sur l'état religieux de l'Arménie avant
von H. V. Chanykov erworben liât, von B. Dorn. Saint-Pétersbourg,
i865, in-S" (gS pages). La collection est fort belle et comprend
161 manuscrits; M. Dorn la décrit avec sa précision ordinaire, et
donne dans un appendice des détails sur quelques-uns de ces livres,
entre autres des extraits de ce qu'on appelle le Koran des Bahis, secte
persane moderne et extrêmement curieuse. Elle est aujourd'hui offi-
ciellement supprimée et réellement en grande partie exterminée; mais
nous en entendrons encore parler, sous une forme ou sous une autre,
car elle n'est qu'un symptôme d'un travail intérieur qui se fait dansie
sein de l'Islam. Il paraît que le quiétismedesSoufis ne suffit plus aux
esprits qui se révoltent contre les doctrines reçues, et qui autrefois
se réfugiaient dans le mysticisme. On aperçoit dans les doctrines des
Babis et d'autres sectes secrètes d'aujourd'hui un mélange d'aspi-
rations religieuses et politiques qui les rend tiès-remarquables. Nous
sommes encore très imparfaitement renseignés sur les doctrines de
Bah, et les extraits que donne M. Dorn d'un de ses écrits sont les
premières données authentiques que nous ayons sur elles. Ce qui est
singulier, c'est que Bab, quoique Persan de race et né à Schiraz, se
servait toujours de la langue arabe pour ses écrits , ce qui prouve qu'il
s'adressait avant tout aux classes lettrées. Nous connaîtrons bientôt
en détail ce mouvement mystérieux. M. Kazim Beg, à Saint-Péters-
bourg , en a écrit l'histoire en russe , et il a préparc une édition fran-
çaise de son travail ; plus tard il publiera les écrits de Bab el d'autres
pièces justificatives. De son côté, M. le comte Gobineau imprime
dans ce moment un ouvrage sur la Perse actuelle , dans lequel il fera
entrer la traduction ou l'analyse des écrits dogmatiques des Babis.
' Recherches sur le pacjanisme arménien , par M. J. B. Emin. Ou-
vrage traduit du russe par M. A. de Sfadler, Paris, 1861, in-8°
(56 pages).
74 JUILLET 1865.
sa conversion au Christianisme. On ne trouve nulle
part un exposé de cet état, et l'on est réduit à s'en
Taire une idée d'après des mentions accidentelles.
L'Arménie avait subi, en religion comme en poli-
tique, l'influence de la Mésopotamie, de la Perse et
de la Grèce. L'influence grecque s'est fait sentir sur-
tout après l'établissement du Christianisme, de sorte
que les traces qu'elle a laissées dans le culte anti-
chrétien des Arméniens sont assez faibles. Les dieux
principaux qu'on trouve sont d'origine perse et assy-
rienne. M. Emin les énumère, discute les témoi-
gnages et forme une mythologie arménienne classi-
fiée d'après le rang qu'il assigne aux dilFérents dieux,
en donnant le premier rang aux dieux des l^erses,
et le second aux dieux empruntés aux Assyriens.
Cette classification me laisse des doutes, non-seu-
lement sur fexistence de quelques-uns des membres
de cette mythologie , mais surtout sur le fait même
que les Arméniens aient réduit à un système uni-
forme et pour ainsi dire national les diflérents
cultes dont on trouve l'exercice chez eux. Il me pa-
raît bien plus conforme à la nature des choses et
aux indications des documents, d'admettre que le
culte perse prédominait dans les provinces du nord
et de l'est, qui ont toujours été plus soumises à
l'influence perse, et que le culte assyrien avait son
siège dans les provinces méridionales, attenantes à
la Mésopotamie, où l'influence araméenne a tou-
jours prédominé; de sorte que les cultes de diffé-
rentes origines n'auraient pas été combinés et auial-
RAPPORT ANNUEL. 75
gamés dans un système national , mais auraient été
suivis selon les localités et simultanément. Je sou-
mets mon doute à M. Emin, qui est infiniment
mieux en état que moi de donner une réponse satis-
faisante à ces questions.
M. Evariste Prud'homme a traduit l'histoire d'Ar-
ménie par Arisdaguès de Lasdiverd^ L'auteur était
un moine du \f siècle, qui a écrit l'histoire de son
temps ; il commence avec l'an i ooo et termine
avec l'année 1071. Les pères mékhitharistes de
Venise avaient publié le texte de ce petit livre, et
M. Prud'homme a pensé, avec raison, qu'un histo-
rien contemporain était toujours un témoin qu'il va-
lait la peine de faire connaître. Il a trouvé nécessaire
d'élaguer une partie des citations incessantes de l'An-
cien Testament dans lesquelles le moine cherche
des parallèles et peut-être des explications des faits
contemporains qu'il raconte, et, à en juger par les
nombreux exemples que M. Prud'homme a con-
servés, le lecteur ne peut que gagner à cette sup-
pression de citations fastidieuses qui n'éclaircissent
rien. L'ouvrage est écrit dans ce ton de déclama-
tion et d'élégie qui caractérise les historiens armé-
niens , et qui n'est que trop naturel chez eux, surtout
quand ils ont à décrire les derniers siècles de fhis-
toire de ce pays malheureux, histoire dont tout le
' Histoire d'Arménie par Arisdaguès de Lasdiverd , traduite pour
la première fois en français et accompagnée de notes par M. Evariste
Prud'homme. Paris, i864, in-8° ( i48 pages). Tiré à pari de la
Revue d'Orient.
76 JUILLET 1865.
courant n'est marqué que de sang et de ruines.
L'époque dont parle Arisdaguès comprend la des-
truction du royaume d'Ani par les Grecs et le com-
mencement de l'invasion des rois seldjoukides , et son
récit, malgré le ton de rhétorique qui y prédomine
et le rend difficile à lire, paraît sincère, car il ne
déguise point les fautes et les trahisons des Armé-
niens, et nous laisse voir les motifs et les moyens
d'action des acteurs dans cette longue et lugubre
tragédie.
La littérature sanscrite n'a pas fourni son contin-
gent habituel, au moins en Europe; je ne doute pas
que les nombreuses presses typographiques et litho-
graphiques hindoues n'aient publié un grand nom-
bre de livres sanscrits, mais je n'ai aucun rensei-
gnement à fournir sur leurs productions.
M. Fauche a fait paraître le troisième volume de
sa traduction du Mahabhârata^ et l'exactitude éton-
nante avec laquelle paraissent les volumes de cette
entreprise colossale est une garantie de son achè-
vement. L'auteur n'a pas dévié do son plan , fort sage ,
de faire uniquement une traduction sans aucun com-
mentaire, et une traduction littérale, sans l'affaiblir
par des tours de style qu'il pourrait être tenté d'em-
' Le Maliabhàrala, poëiiie épique, de Rrishna Dwaipayana, plus
communémejit appelé Véda-vyasa, cesl-à-dire le Compilateur et
l'Ordonnateur des Védas, traduit complètement pour la première
lois par M. Hippolyte Fauche, vol. III. Paris, i865, in-8° (viii et
5^3 pages). Le quairième volume est en grande partie imprimé et
devait paraître le i" juillet; mais une grève de compositeurs eti
relardera la publication de ([uohjues mois.
RAPPORT ANNUEL. 77
ployer pour déguiser la répétition des épithètes
compliquées de l'épopée. La traduction en devient
un peu rude, ce qui n'a aucun inconvénient; mais
je crois que le traducteur pourrait éviter certaines
tournures de phrases qu'il affectionne et l'emploi de
certains mots, comme sire, monarque, dame, vola-
tiles, etc. qui sonnent mal dans une épopée antique
et qu'on n'emploierait pas dans une traduction
d'Homère. iVlais ce sont de bien petites choses dans
une œuvre aussi considérable, et il faut savoir gré
à M. Fauche du dévouement qu'il a montré pour
la science, car c'est un grand service que de rendre
accessible à tous cet immense dépôt de légendes,
dont quelques parties sont d'une extrême beauté,
et qui, toutes, nous fournissent une foule de ren-
seignements sur les idées, les mœurs et les croyances
de l'Inde ancienne, que nous avons tant de peine
à comprendre. Une traduction du Mahabhârata est
indispensable à tous les savants qui s'occupent de
fhistoire de l'antiquité, de ia mythologie et des
mœurs des nations, et elle e'st presque tout aussi
nécessaire aux plus savants indianistes, car aucune
mémoire humaine ne peut suffire à se rappeler tout
ce que contient ce recueil , et aucun texte oriental ne
permet de retrouver rapidement un fait qu'on y a
remarqué, si versé qu'on soit dans la langue.
Un auteur anonyme a publié dernièrement à
Londres l'histoire de la secte des Maharadjas^ C'est
* Historj of the sect of the Maliaradjas or Vallabhacharyas of Wes-
tern India. Londres, i865, in-8° (xvi, 182 et i83 pages).
78 JUILLET 1805.
une secte de vishnouites, qui a été formée dans le
XV* siècle par un brahmane de race telinga, du nom
de Vallabhacharya. Il se donna pour une incarnation
de Vishnou , fit de la partie la plus scandaleuse de
la légende de Krishna la hase de sa religion, et tous
ses descendants ont, depuis ce temps, comme in-
carnations de Vishnou , exercé à leur tour une do-
mination très-immorale sur une secte nombreuse.
L'auteur donne des extraits des livres de la secte, dé-
crit le rôle des chefs, la démoralisation des sectaires,
fait la description de leurs orgies, donne le texte
hindi des chansons qui accompagnent leur culte, et
expose tout le système de débauches dégoûtantes
et d'exactions que les chefs déifiés de ces malheu-
reux leur imposent. On connaissait cette forme de
superstition indienne , quoique imparfaitement ;
mais dernièrement une enquête judiciaire a mis
toutes les turpitudes de cette secte au grand jour,
et l'auteur de l'ouvrage que j'annonce fournit, dans
un long appendice, les preuves de ce qu'il avance.
Il expose le contraste de ces énormités avec la pu-
reté des hymnes des Védas, et il paraît conclure,
du grand changement qu'il y aperçoit dans les idées
indiennes, qu'un changement total des croyances
des Hindous ne serait pas si difficile à amener. Je
crois qu'il se trompe. Il est certain que les croyances
exprimées dans le Rig-Véda auraient pu se déve-
lopper autrement que dans l'extravagante mytho-
logie sivaïte et vishnouite; mais le malheur de l'Inde
a voulu que ce soit \k la voie qu'a suivie la masse
RAPPORT ANNUEL. 79
du peuple, et des théories comme celles des Maha-
radjas ne sont que des conséquences extrêmes, mais
naturelles, de cette mythologie. On a vu dans d'au-
tres religions des superstitions qui paraissaient, au
premier aspect, tout aussi éloignées des origines de
la croyance, et qui ont presque étoulFé le fond pri-
mitif; mais quand on peut suivre leur histoire , on
voit qu'elles provenaient d'un développement de
quelque dogme, développement maladif et exorbi-
tant, mais qui n'indique pas le moins du monde
une disposition à changer.
L'Inde a été de tout temps plus fertile qu'aucun
autre pays en sectes religieuses et philosophiques,
et c'est dans ces spéculations que consiste en grande
partie son importance dans l'histoire de l'humanité.
L'étude de ces systèmes est des plus difficiles. On
a devant soi comme un immense kaléidoscope , dont
les mouvements incessants amènent des change-
ments perpétuels dans la valeur des éléments et où
une idée ou une forme mythologique qui paraissait
tout à fait secondaire devient tout à coup princi-
pale et le centre d'un système. Il en est ainsi dès
le commencement, et dans les hymnes mêmes des
Védas on voit déjà ces transformations. Plus tard,
quand la mythologie a pris le dessus, le nombre et
l'importance de ces variations augmentent indéfi-
niment. M. Muir a beaucoup fait, dans une série
déjà considérable de travaux, pour mettre de l'ordre
dans ce chaos apparent en suivant les idées reli-
gieuses fondamentales des Hindous , l'une après.
80 JUILLET 1865.
l'autre, dès leur origine et à travers leurs dévelop-
pements divers. Il continue aujourd'hui ce travail
dans trois essais\ sur la théogonie des Védas , sur
leurs idées sur la vie future, et sur les progrès qu'on
peut y suivre vers une conception abstraite de la
divinité.
M. Weber a pris pour thème d'un mémoire lu à
l'Académie de Berlin ^ un de ces livres de théologie
qui, sous le nom (ïUpanishads, se rattaclient aux
Védas, contiennent l'exposé des spéculations déjà
systématiques des anciennes sectes religieuses, et
dont les derniers se confondent par le sujet et par
l'époque avec les plus anciens Puranas. Le livre que
M. Weber a pris pour sujet estl'Upanishad de Rama,
dans lequel ce héros est représenté comme incarna-
tion de Vishnou et devient ainsi le centre d'un culte
sectaire dont il est le dieu suprême. M. Weber donne
le texte, la traduction complète et un commentaire
de ce livre, et discute toutes les données qu'il a pu
réunir sur la place que tient ce développement de
ia mythologie de Rama dans la grande masse des
variations du vishnouisme, et sur l'âge comparatif
de cet Upanishad. Malheureusement l'âge compara-
tif est tout ce qu'on peut atteindre dans fancienne
histoire de l'Inde, et c'est avec une peine infinie
* Dans le Journal of (hc R. Asiatic Society, voL I, p. i et 2. Lon-
dres, i865, in-8°. La deuxième partie de ce volume est arrivée à
Paris pendant l'impression de ces feuilles.
* Die Rama-Tapanîya Upanishad, \on A. Weber. Berlin, i864,
in-4°. (Tiré des Mémoires de l'Académie de Berlin, io5 pages.)
RAPPORT ANNUEL. 81
qu'on trouve de temps en temps moyen de fixer par
mie date certaine un nouveau jalon , qui , à son tour,
sert d'appui à un nombre de dates comparatives.
C'est pour augmenter le nombre de ces jalons que
M. Thomas ^ a entrepris de prouver, dans une sa-
vante dissertation , l'identité du Xandramas des Grecs
avec le Krananda des Indiens, et d'obtenir ainsi un
nouveau point fixe autour duquel d'autres dates au-
jourd'hui encore vagues pourraient se grouper.
De son côté, M. Bhau Daji^, professeur à Bom-
bay, détermine l'âge de cinq célèbres astronomes
indiens, ce qui permettra de fixer approximative-
ment l'époque de la composition des ouvrages qu'ils
citent dans leurs livres. Un de ces astronomes est
Varahamihira , dont îa Société de Calcutta publie un
ouvrage dans sa Bibliotheca indien ^. Elle continue de
même la publication des autres textes sanscrits qu'elle
a commencée, la Logique de l'école de Nyaya par
Gotama \ le Taittirya Aranyaka, un des appendices
théologiques du Yadjour Véda noir ^, le Srauta Sutra
^ On the identitj of Xandramas and Krananda , by E. Thomas.
Londres, 1 865, in-8°. (Tiré duJournaloftlie Asiatic Society, ki pages.)
^ On the ageandauthenticltjoflhe works ojArj'abhata, Varahamihira,
Brahmagupta, Bhaltolpala and Bashkaracharya, by Dr. Bliau Daji.
Journai de la Soc. as. de Londres, nouvelle série. Londres, i865,
in-8''.
^ The Brihatsanhita of Vahara-Mihira , edited by Dr. H. Kern,
fascic. V. Calcutta, i865, in-8''.
* The Nyaya Davsana of Gotama, with the commentary of Vat-
syayaiia, fascic. ii. Calcutta, i86i, in-8''.
^ The Taittirya Aranyaka of (he blach Yajar Veda, with the com-
mentary of Sayanacharya , edited by Rajendraiala Mitra , fascic. i.
Calcutta, i864, in-S".
VI. 6
»
82 JUILLET 1865.
d'Aswaiayana ', traité sur une des deux grandes
classes de cérémonies brahmaniques, et un ouvrage
de morale publique et privée, le Kamandakiya Ni-
tisara ^.
M. Brockhaus, à Leipzig, qui avait déjà publié
les cinq premiers livres de la grande collection de
contes indiens de Somadeva^, autem- du xii'' siècle,
continue aujourd'hui son travail par une analyse dé-
taillée du sixième livre. Toutes les recherches de
notre temps et, en dernier lieu surtout, celles de
M. Benfey^ ont prouvé que l'Inde est la véritable pa-
trie des contes et des fables, qui se sont répandus
de là vers l'Occident par l'intermédiaire des Perses
et des Arabes, et vers l'Orient par le bouddhisme,
et que toutes les littératures populaires ont vécu de
temps immémorial, et sans s'en douter pour la plu-
part, d'un fonds indien; ce qu'elles y ont ajouté n'est
qu'imitation et développement d'un genre donné,
qui était déjà arrivé à une grande perfection lors-
qu'il s'est répandu au dehors pour servir de modèle
et de stimulant à l'imagination des savants et des
ignorants.
M. Nève, à Louvain, dans un petit écrit sur Ka-
' TheSraula Sutra oj Asualayana , whh the commentary of Gargya
Narayana , edited by Rama Narayana Vidyaratna, fascic. iv. Calcutta ,
i865, in-8°.
^ The Kaniandakya Nidsara, with exlracts frora the commentary
entitied Vpadhyayanirapeksha , fasclc. m. Calcutta, i86/i, in-8°.
^ Analyse des sechslcn Bûches von Somadeva, von Brockhaus. Dans
les Benchte der K. Sàchsisehen (ieselLschaft der W xssenschaflen , 1860.
Leip/.ig, in-8''.
RAPPORT ANNCEL. 83
lidasa i, adopte pour ce poëte la date qui lui avait
été assignée par M. Lassen , la fin du second siècle
de notre ère. M. Bhau Daji^ fixe à son tour cette
date à la fin du v^ siècle; sa savante dissertation laisse
néanmoins au lecteur des doutes sur un nombre de
points auxquels touche l'argumentation et qui ont
encore besoin d'être précisés. La date de Kalidasa
est d'une importance considérable, car elle indique
l'époque de la fleur de la culture indienne. On a
assigné à Kalidasa successivement des dates qui va-
rient de neuf siècles, quoiqu'il ait été le plus grand
poëte du pays et ait vécu dans un temps de haute
civilisation. C'est un exemple caractéristique des dif-
ficultés qui entourent toutes les études indiennes,
et pourtant il faut les suivre et y mettre de l'ordre,
car il s'agit d'une des quatre ou cinq grandes civili-
sations auxquelles l'humanité doit ce qu'elle est, et
il y a tout un monde sous l'écorce rude et épineuse
qui recouvre la littérature indienne.
Le manque de dictionnaires sanscrits otfrait de-
puis longtemps un grand obstacle à l'extension de
ces études ; mais cette lacune va disparaître. MM. Bur-
nouf et Leupol, à Nancy, ont terminé leur Dic-
tionnaire sanscrit- français ^; le dictionnaire que
* Calidasa, oa la poésie sanscrite dans les raffiiiemenls de sa culture,
par M. Nève. Paris, i864 , in-8°.
^ On the sanscrit poet Kalidasa, by Btiao Daji. Bombay, in-8°.
Extrait d'un volume du Journal de la Société de Bombay, qui, je
crois, n'a pas encore paru.
^ Dictionnaire classique sanscrit-français , par E. Burnouf et L.
Leupol. Paris, i865, in-8° (vtii et 781 pajçes).
6.
84 JUILLET 1865.
MM. Boethlingk et Rotb publient pour l'Académie
de Saint-Pétersbourg est arrivé à la fin du quatrième
volume \ ce qui fait les trois cinquièmes de l'ensem-
ble, et les auteurs annoncent que dans huit ans leur
grande entreprise pourra être terminée. M. Benfey,
à Gœttingue, a préparé un dictionnaire sanscrit-an-
glais qui est, je crois, sous presse; M. Bopp fait im-
primer à Berlin une nouvelle édition de son Voca-
bulaire sanscrit, et M. Goldstûcker, à Londres,
annonce une nouvelle édition de Wilson qu'il se
propose de publier, sans renoncer au travail qu'il a
commencé à faire paraître et (jui est plutôt un thé-
saurus qu'un dictionnaire.
Je n'ai que peu à dire sur ce qui regarde les lit-
tératures qui se rattachent au sanscrit, soit par la
langue, soit par les influences historiques. Les per-
sonnes qui s'intéressent à la littérature bindouslanie
trouveront dans le discours annuel d'ouverture du
cours de M. Garcin de Tassv '^ tous les détails dési-
râbles sur les productions récentes de la presse mu-
sulmane de l'Inde. M. Garcin de Tassy lui-même
nous a donné la traduction de l'hindoustani^ d'une
histoire de Schir Schah, roi de Dehii. Schir Schah
était un Afghan qui avait profité des dissensions qui
' Sanshrit fVœrterhuch, hearbeitct von O. Boelhlingk und R.
Rolh.vol. IV. Salnt-Pôlersbourg, i865, in-4° (i,2i/4 colonnes).
* Cours d'hindoustani , discours d'ouverture, par M. Garcin de Tassy.
Paris, 1864, in-8° (27 p;iges).
' Un chapitre de l'Inde musulmane, ou Chronique de Scher Schah,
Sultan de Delhi, traduite de l'hindoustani par M. Garcin de Tassy.
Pans. i865. in 8° (i6/i pages).
RAPPORT ANNUEL. 85
s'étaient déclarées dans la famille de l'empereur Hou-
mayoun pourchasser l'empereur, s'emparer de Dehli
et y fonder une dynastie de peu de durée, que
Houmayoun lui-même parvint à détruire. L'empe-
reur Akbar demanda h Abbas Rhan Surwani, dont
la famille avait été très-impliquée dans ces affaires,
de décrire en détail ce sanglant épisode de l'histoire
de l'Inde. Le livre fut composé en persan , et M. Gar-
cin de Tassy l'a traduit d'après une version en hin-
doustani. L'auteur ne s'élève pas beaucoup au-dessus
des vues d'un chroniqueur oriental; mais l'exacti-
tude de ses renseignements, les détails dans lesquels
il entre et la vivacité de son récit font de son livre
une source précieuse pour l'histoire de l'Inde dans
le x\f siècle. Pour s'assurer de sa valeur, on n'a
qu'à le comparer avec le récit des mêmes événe-
ments qu'on trouve dans Ferischta , et qui est d'une
déplorable sécheresse à côté de la vie que respirent
ces souvenirs de famille.
De toutes les littératures qui se rattachent à la
littérature sanscrite par un lien quelconque, les plus
importantes de beaucoup sont les littératures boud-
dhistes. Elles ont été beaucoup étudiées de notre
temps, et elles le seront bien plus encore dans l'ave-
nir, jusqu'à ce que la nature de cette religion ait
été mise dans son véritable jour, que son histoire
ait été approfondie et que la croissance successive
des incroyables aberrations qui l'ont dénaturée ait
été éclaircie. M. Feer^ vient de traiter un point qui
' La Légende de Rahu chez les Bramanes et les Buddhistes , par
M. Feer. Paris, i865, in 8" (38 pages).
8(i JUILLET 1865.
se rapporte à cetle dernière question. Jl publie
une série de textes tibétains deslinés en premier
Jieu aux auditeurs de son cours de tibétain ^ et il
prend occasion d'un de ces textes pour expliquer la
manière dont s'est formée la mythologie boud-
dhique, qui, en principe, est entièrement étrangère
à la doctrine du Bouddha, et a fini par l'absorber
et i'étoulïer sous son monstrueux développement. 11
a choisi pour cela la fable de Kahu le géant, qui dé-
vore le soleil et la lune, ce qui produit les éclipses.
C'est une fable qui flottait dans les croyances in-
diennes, probablement des temps les plus anciens;
M. Feer nous la montre dans sa forme purement
brahmanique telle que la donne le Mahabhârata,
puis reprise et modifiée par les bouddhistes et exa-
gérée graduellement jusqu'au monstrueux.
Les textes que publie M. Feer sont tirés du
Kandjour, la grande collection de traductions tibé-
taines de livres bouddhiques, dont nous possédons
à Paris im exemplaire imprimé au Boutan et que
nous devons à la libéralité de la Société de Calcutta.
Mais il nous faudrait avoir aussi la collection encore
plus volumineuse intitulée le Tandjoar, et il serait
extrêmement important pour les études sur le boud-
' Exercice de langue tibétaine. Légende du roi Açoka. Texte tibé-
tain, transcription, traduction mot à mot par M. H. L. Feer. Paris,
i865, in- 8° 'i6 pages iithographiées).
Textes tirés du Kandjour, par M. L. Feer, ii" i. Tchandra-Sutra,
Surya-Sutra, Tclialur-Gallia. Paris, i864, in-S" (16 pages Iithogra-
phiées).
Textes tirés du Kandjour, par \\. L. Feer, n" 2. Composition des
ccrils buddhiques. Paris, i865, in-S'fiô pages Iithographiées).
RAPPORT ANNUEL. 87
dhisme qu on pût se procurer i'édition impériale de
Pékin de ces deux collections, inr) primées en tibé-
tain, en mongol, en chinois et en mandchou. Mal-
heureusement cette édition ne s'achète pas, et il n'y
a que l'ambassadeur de France à Pékin qui pourrait
l'obtenir directement du gouvernement chinois.
Nous ne possédons ni en pâli ni en sanscrit la plus
grande partie des traités qui forment ces immenses
collections tibétaines, et si même nous les possé-
dions, la valeur de ces traductions n'en serait pas
diminuée, parce qu'elles serviraient de contrôle
pour la critique des textes et pour leur interpréta-
tion par les savants en Europe.
On était très-pauvre en livres palis, qui sont les
vraies sources pour l'étude de la religion et de la litté-
rature bouddhistes; mais il vient d'en arriver à Paris
une très-belle collection. M. Grimblot, qui s'était
depuis longtemps livré à l'étude du pâli, fut envoyé
comme agent consulaire à Colombo, et y resta pen-
dant six ans, qu'il employa à continuer ses études.
Les prêtres bouddhistes, qui longtemps refusèrent
de lui céder des manuscrits, finirent par être tou-
chés de tant de zèle , consentirent à lui ouvrir leurs
bibliothèques, à lui vendre des manuscrits et à en
copier pour lui , et il réussit ainsi à réunir une grande
partie de ce qu'il y a de plus ancien et de plus im
portant pour l'histoire et la doctrine du boud-
dhisme. 11 se propose de publier une partie de ces
matériaux , accumulés si laborieusement, sous le titre
de Bibliotheca palica. Il commencera par les textes
88 JUILLET 1805.
des discours du Bouddha recueillis par ses disciples
dans le premier concile, tenu immédiatement après
sa mort, et contenus dans le Tipitaca; il accom-
pagnera ces textes des gloses de Bouddhagosha,
prêtre hindou du iv^ siècle, qui vint à Geylanpour
y recueillir les livres palis qui manquaient aux
Bouddhistes de l'hide, et qui composa, aussi en
pâli, un commentaire des actes du premier concile,,
travail plein d'éclaircissements et de faits histo-
riques, tirés de livres aujourd'hui perdus. Il fera
suivre ces textes du Dipavanso, histoire du boud-
dhisme à Ceylan, antérieure au Mahavanso, puis
d'un texte du Mahavanso, plus correct et plus com-
plet que celui de Turnour , et accompagné du
commentaire que l'auteur du Mahavanso lui-même
a écrit sur son livre. Pour faciliter l'Aude de ces
textes il publiera en même temps le plus ancien
dictionnaire pâli, l'Abidhana Padipika, avec une tia-
duction et un index alphabétique, et le texte de
deux anciennes grammaires , les Sutras de Kacciayana
et le Rupa Siddhi, avec les index nécessaires. Ces
publications donneront une nouvelle impulsion aux
études sur le bouddhisme, et permettront de con-
tinuer avec de plus amples ressources les travaux
que Burnouf avait entrepris et qu'une mort préma-
turée a si malheureusement interrompus. Ce sont
des éludes de la plus grande importance, d'abord
pour l'histoire dr l'Inde, pane que les livres boud-
dhiques donnent des dates autour desquelles on peut
fixer les vagues données que fournit la littérature
RAPPORT AxNNUEL. 89
brahmanique; ensuite et surtout elles sont impor-
tantes pour l'histoire de l'esprit humain, car aucune
religion n'a agi sur un aussi grand nombre d'hommes
que le bouddhisme, qui compte encore aujourd'hui
plus d'adhérents qu'aucune autre, et qui malgré sa
décadence spirituelle et les superstitions et les vaines
pratiques qui obscurcissent partout l'intelligence de
ses sectateurs, influence encore par la trace ineffa-
çable de ses premiers principes la manière de penser
et la conduite de centaines de millions d'hommes.
Il ne me reste plus qu'à mentionner le petit nom-
bre d'ouvrages qui ont paru sur la Chine et sur les
littératures des peuples qui l'entourent.
M. Plath, à Munich, continue ses recherches sur
l'état social de la Chine antique. Il vient de publier
un mémoire sur la constitution et l'administration
de la Chine sous les trois premières dynasties ^
M. E. Biot avait traité le même sujet, mais d'une
manière plus restreinte, et n'avait parlé que de la
troisième dynastie, parce qu'il supposait que le
système féodal chinois était né sous elle. M. Plath
prouve très-bien que ce système remonte beaucoup
plus haut, et qu'il a prévalu en Chine pendant près
de deux mille ans. La féodalité détruisit graduelle-
ment l'autorité des empereurs, jeta la Chine dans
des désordres épouvantables et donna à la lin lieu,
au iif siècle avant notre ère, aux entreprises de
' Ueber die Verfassung und Verwaltung Chinas unter den drei ersten
Djnastieen, von D'. J. H. Plalli. Munich, i865, in-4° ( «42 pages).
Tiré des Mémoires de l'Académie de Munich, vol. X.
90 JUILLET 1865.
Chi-hoang-ti, qui introduisit le système d'autocratie
et de centralisation que la Chine a gardé depuis
ce temps.
M. Plath traite de l'origine de l'empire chinois,
de l'organisation politique sous les trois premières
dynasties et de la constitution féodale des provinces,
et il montre les raisons de la décadence graduelle
que cette constitution a amenée. M. Plath a accu-
mulé beaucoup de faits et de matériaux sur le sujet
qu'il a choisi, et il précise et complète en beaucoup
de points l'image qu'on pouvait se faire de l'état po-
litique de la Chine au if siècle avant notre ère, d'a-
près les travaux des jésuites et ceux de Biot. Ces
études sur l'histoire de la civilisation chinoise sont
encore incomplètes; mais elles sont d'un grand in-
térêt et seront certainement continuées d'époque en
époque, jusqu'à ce que nous ayons une idée précise
de ce que ce peuple a réellement accompli, et en
quoi et pourquoi il est resté au-dessous de ce que
promettaient des commencements si brillants. On
peut entrevoir les causes de cette défaillance; mais
il faut encore bien des études spéciales sur beau-
coup de sujets avant qu'on puisse s'en rendre un
compte complet C'est tout un côté de l'histoire du
genre humain et digne des travaux les plus assidus
et des spéculations des esprits les plus distingués.
M. Pauthiera publié un nouveau texte des voya-
ges de Marco Polo \ et comme il en a fait, par une
' Le livre de Marco Polo, citoyen de Venise, conseiller privé el
rommissairc impérial de Koubilai-Khan , rédigé en français sous sa
RAPPORT ANNUEL. 91
longue introduction et par un commentaire, pres-
que un traité de l'histoire et de la géographie de la
Chine au xiif siècle, son travail rentre dans notre
sujet. M. Pauthier prouve que la relation la plus
authentique de ces voyages est contenue dans le
texte français que Marco Polo, après l'avoir revu,
avait remis à Thiébault Gépoy, et il puhlie ce texte,
qui n'avait jamais été imprimé, d'après un excellent
manuscrit de la bibliothèque de Paris. Il donne dans
une introduction un exposé critique de la vie et des
voyages de Marco Polo , une dissertation sur la
langue dans laquelle il a composé son livre et un
aperçu de l'état pohtique de l'Asie au xiif siècle;
ensuite il accompagne le texte d'un commentaire
fort étendu, tiré surtout de sources chinoises, dans
lequel il traite de tous les points historiques, géo-
graphiques et commerciaux auxquels a touché son
auteur. Il ajoute dans un appendice deux inscrip-
tions mongoles en écriture passapa qu'il avait déjà
expliquées dans votre journal , et les lettres de deux
princes mongols à Philippe le Bel, que Rémusat
avait fait connaître. Marco Polo a eu le sort d'Hé-
rodote; plus le savoir a fait des progrès dans le
monde, plus leur véracité a été reconnue, et celte
dictée en i 298 par Rusticien de Pise, publié pour la première fois
d'après la rédaction primitive du livre, revue par Marco Polo lui-
même et donnée par lui en 1 807 à Thiébault de Cépoy, accompagné
de commentaires géographiques et historiques, tirés des écrivains
orientaux principalement chinois , avec une carte générale de l'Asie ,
par M. G. Pauthier. Paris, i865; in-8° (glvi et 882 pages. Prix :
ko francs).
92 JUILLET 1865.
édition du meilleur texte du voyageur et le nouveau
commentaire, tiré de sources qui étaient inacces-
sibles aux éditeurs antérieurs, ne peuvent qu'ac-
croître encore i'eslime dans laquelle il a été tenu.
M. Legge, à Hongkong, continue son grand ou-
vrage , les Classiques chinois; on dit que le troisième
et le quatrième volume, contenant le Chou-king,
ont j3aru. C'est de beaucoup le plus important pour
nous des ouvrages classiques des Chinois, et le com-
mentaire de M. Legge sera reçu en Europe avec
reconnaissance et grande curiosité.
M. Edkins, à Shanghaï, a publié une nouvelle
édition de sa grammaire chinoise ^ Le but qu'il se
propose est d'aider les Européens en Chine à ap-
prendre la langue actuellement parlée et écrite par
les classes cultivées, c'est-à-dire ce qu'on est convenu
aujourd'hui d'appeler le dialecte mandarin. Il traite,
dans la première moitié du volume , en grand détail,
des règles et des variations de la prononciation , sujet
qui naturellement a plus d'importance pour les lec-
teurs qui se trouvent en Chine que pour nous ;
mais comme M. Edkins est un homme très-savant
dans l'histoire de la langue chinoise , il trouve
moyen de nous faire connaître une foule de rensei-
gnements sur l'ancienne prononciation chinoise qui
sont d'un intérêt Irès-réel pour f histoire de la
' A Grammur oj tlie Chincse colloqiiial laii(jua(jc , commonly called (lie
mandarin dialecl, by Joseph Edkirià, of the London missionary
Society. Second édition revised. Shanghaï, i863. in-â" (viii et
2 19 pages).
RAPPORT ANNUEL. 93
langue et pour l'intelligence des livres classiques,
et, s'il voulait écrire un traité systématique sur les
changements que la langue et la prononciation ont
éprouvés en Chine, il rendrait un grand service à
la science. Le reste du volume contient l'exposé des
formes grammaticales, ou plutôt des expédients
dont se sert la langue chinoise pour remplacer les
formes qui lui manquent. Cette partie de l'ouvrage
est traitée dans un ordre naturel et intelligible, et
remplie d'observations puisées dans une profonde
connaissance de la langue écrite et parlée.
J'ai annoncé l'année dernière un manuel de
grammaire chinoise, par M. Summers, à Londres.
Je ne connaissais pas alors une grammaire plus dé-
veloppée qu'il avait publiée presque en même
temps ^ Il s'y est proposé d'aider les étudiants en
Europe à acquérir la connaissance du dialecte man-
darin. Il donne, après avoir traité de l'écriture,
des formes et de la syntaxe, une chrestomathie avec
transcription et traduction. Il se sert beaucoup de
la transcription se"ule dans les exemples qu'il cite
dans la grammaire, je suppose pour en réduire
l'étendue; mais il vaudrait mieux omettre ce qu'on
ne veut pas écrire aussi en caractères chinois. On
voit dans les grammaires de M. Edkins et de M. Sum-
' A Handhook oj ihe Cliinese lanfjuuge. Parts i and ii, Grammar
and Chrestomathy, prepared with a view to initiale tbe stndent of
Chinese in tlie rudiments of this langtiage and lo suppiy materials
for his early studies , by James Summers. Oxford , 1 863 , in-8° (xxx »
23 1, io5 et Sg pages}.
94 JUILLET LS65.
mers que Ton attache, avec raison, plus d'impor-
tance qu'auparavant à rénumération et à la défini-
tion du sens des particules dans lesquelles consiste
la partie la plus importante et la plus délicate de la
grammaire chinoise. Ei pourtant je crois que ce
qu'on a fait jusqu'ici pour cette partie capitale de la
langue est très-insuffisant, et qu'un traité spécial et
détaillé sur les particules chinoises est un grand de-
sideratum. Tl devrait contenir l'énumération com-
plète de ces mots auxiliaires et la définition exacte
de leur emploi, de leur inlluence sur la tournure
de la phrase, et de leur valeur grammaticale, et ap-
puyer le tout par des exemples bien choisis et placés
dans leur ordre chronologique. L'étude du chinois
est, de toutes les études orientales, celle qui a fait
le moins de progrès en Europe, quoiqu'il n'y en ait
pas une qui puisse fournir des faits plus nombreux
et plus variés qu'elle; mais il faut des secours plus
amples que ceux que nous possédons pour cette
étude difficile.
Il est arrivé récemment quelques exemplaires
d'un vocabulaire latin-chinois, publié en Chine par
M^"^ Perny, évêque de Sse-Tchouen^. Ce volume est
destiné à l'usage des séminaires catholiques en
Chine, pour l'enseignement du latin aux prêtres
indigènes ; il contient à peu près vingt mille mots
' Vocabularium latino-sinicum , ad usam stiidiosœ juventutis sinicœ,
auclore Paulo Perny, 1861, in-8° (721 pages), A la Gn du volume
on lit : " Explicit vocabularium latino-sinicum , in pago dicto Kiéou-
tcliay e tribu aborigena Tchong-kin-tsi , anno Domini 1862.»
RAPPORT ANNUEL. 95
latins avec leur traduction en chinois, mais sans
autres détails, chaque mol n'occupant qu'une ligne.
Le livre est gravé sur bois en deux colonnes et assez
proprement exécuté , mais il ne peut être d'aucune
utilité pour les études chinoises en Europe. Nous
avons besoin d'un dictionnaire chinois, le plus riche
possible en mots composés, en emplois métapho-
riques de mots et de phrases, et en explications des
nuances délicates que l'usage introduit dans toute
littérature riche et ancienne comme celle de la
Chine.
Le Code annamite, dont M. Aubaret, consul
général de France à Bangkok, vient de publier
une traduction \ est un ouvrage tout chinois d'o-
rigine et de langue, car les Cochinchinois ont
adopté le Code chinois tout entier. Il n'y a de dif-
férence que dans les Règlements supplémentaires
que l'on y ajoute de temps en temps tant en Chine
qu'en Cochinchine. Ces règlements forment la
partie mobile de la législation; ils sont revus en
Chine tous les cinq ans et en Cochinchine à des
époques arbitraires. Le Code chinois est très-connu
en Europe, par la traduction qu'en a publiée sir G.
Staunton; M. Aubaret l'a traduit de nouveau sur
l'édition officielle cochinchinoise, qui ne diffère de
son prototype que par l'ordre plus logique dans le-
quel les chapitres sont placés. M. Aubaret a eu soin
* Code annamite. Lois el règlements du royaume d'Annam, traduits
do texte chinois original, par G. Aubaret. Paris, i865, 2 voL in-&*
(xiv, 394 et 3o9 pages).
96 JUILLET 1865.
de traduire aussi les Règlements supplémentaires
par lesquels le Code annamite se distingue du Code
chinois. Cette traduction mettra l'administration
française à Saigon en état d'appliquer les lois du
pays, et M. Aubaret espère qu'elle sera suivie de la
publication du Code en langue annamite, pour que
le peuple puisse prendre lui-même connaissance
des lois qui l'ont gouverné depuis si longtemps,
sans qu'il ait pu en lire le texte. Il est grand par-
tisan de l'introduction de l'alphabet de transcrip-
tion dont les missionnaires catholiques se servent
dans leurs écoles, et il fait imprimer dans ce mo-
ment une grammaire annamite-française dans ce
caractère. Il a préparé aussi un vocabulaire anna-
mite-français et français-annamite, qui sera imprimé
avec les caractères cochinchinois que l'Imprimerie
impériale a fait graver.
La littérature japonaise ne nous a guère apporté
cette année que des promesses. M. de Rosny a
publié un Guide de la conversation japonaise K Ce
sont des conversations, composées à faide des
membres de la première ambassade du Japon ,
qu'il fait précéder d'une instruction sur la pronon-
ciation en usage à Yédo. Le japonais est imprimé en
caractères français, ce qui n'offre pas de difficulté
tant qu'il ne s'agit pas de mots chinois. M. de Rosny
annonce la continuation de son Dictionnaire japo-
' Guide de la comerscK ion japonaise , précédé d'une introduction
sur la prononcialion en usage à Yédo, par Léon do Rosny. Paris.
1 865 , in-8° ( 56 page» ).
RAPPORT ANNUEL. 97
nais-français-anglais, dont la première partie a paru
il y a quelques années, et une collection de spéci-
mens d'ouvrages japonais reproduits en fac-similé et
traduits en français.
M. Léon Pages imprime, de son côté, la conti-
nuation de sa reproduction du Dictionnaire japonais
des jésuites, qu'il accompagne de la transcription
des mots japonais en caractères katakana et d'une
traduction française. L'impression de la seconde
livraison est très-avancée. Il nous promet aussi une
Histoire du Japon, dont le troisième volume, qui
doit paraître le premier et qui commence à l'année
i58o, est sous presse. Enfin M. Pages s'est chargé
des soins à donner à la publication du Dictionnaire
français-anglais-japonais de M. Mermet, mission-
naire au Japon, qui formera deux livraisons, dont
la première paraîtra dans le courant de l'année.
M. Mermet a composé de même un Dictionnaire
japonais-français-anglais, qui doit paraître à la suite
de la partie française et japonaise.
Nous ne manquerons donc pas de secours pour
l'étude de la littérature japonaise, et il faut qu'on
l'étudié en Europe , malgré la difficulté qu'elle oftVe
d'exiger la connaissance préalable de la langue et
de la littérature chinoises. Aussi longtemps que le
Japon avait réussi à se préserver du contact avec
les Européens, on pouvait s'occuper de sa littéra-
ture comme d'un objet de curiosité scientifique;
mais aujourd'hui la connaissance de sa langue , de
son histoire, de sa géographie, de son organisation
VI. 7
î>8 JUILLET 1865.
sociale, de ses mœurs, de sa religion et de ses
sciences, est devenue une nécessité pour nous, car
nous avons porté chez les Japonais, par notre en-
tière ignorance de leur état réel , de leurs idées et
de leurs habitudes, la guerre étrangère et la guerre
civile, et il est temps que l'Europe justifie par
d'autres résultats son intervention dans les alfaires
d'un pays qui ne demandait que de rester tran
quille.
Messieurs, les ouvrages de littérature orientale
dont vous venez d'entendre la liste et qui ont paru
depuis notre dernière séance annuelle, ou au moins
ceux qui sont arrivés à ma connaissance, sont
moins nombreux que ceux qui ont été publiés dans
la plupart des années antérieures; mais celte dimi-
nution ne peut être qu'accidentelle et momentanée,
car elle ne vient aucunement d'un alTaiblissement
de nos études communes. Celles-ci, au contraire,
n'ont jamais été plus sérieuses et plus profondes,
elles ne se sont jamais étendues à un plus grand
nombre de langues et de sujets, et elles n'ont ja-
mais été poursuivies avec des méthodes plus rigou-
reuses.
C'est un spectacle étonnant de voir avec quelle
rapidité elles se sont formées , et ont pris posses-
sion de toute l'étendue du cercle que la nature des
choses leiu' assigne. Plusieurs d'entre nous ont eu-
core pu connaître tous les initiateurs de ces nou-
velles études, excepté peut-être Sir W. Jones. Wil-
RAPPORT ANNUEL. 99
kins, Coiebiooke, Silvestre de Sacy , Gesenius,
Grotefend, Hammer, Rémusat, Champollion , Bur-
nouf étaient des hommes de notre temps; d'autres,
qui ont créé à leur tour de nouvelles branches de
nos études communes, ou même des sciences en-
tières qui en sont sorties, sont encore en vie et
continuent les travaux qu'ils ont si glorieusement
commencés. Je n'ai pas besoin de dire leurs noms,
qui sont dans toutes les bouches, partout où le sa-
voir est en honneur. Ce grand mouvement litté-
raire a été provoqué par la coïncidence de plusieurs
causes, indépendantes l'une de l'autre. Les exi-
gences d'une théologie plus savante et plus hbre,
l'extension donnée aux missions en Asie, les rap-
ports politiques plus intimes avec l'Orient, une
curiosité toute nouvelle tournée vers les problèmes
de l'histoire de la civilisation humaine, un chan-
gement dans le goût littéraire, qui cherchait avide-
ment d'autres formes et de nouvelles inspirations,
toutes ces raisons ont contribué au désir de mieux
connaître l'Asie, ses littératures antiques, ses re-
ligions et son histoire. Jusque-là les études orien-
tales s'étaient bornées à ce que réclamait l'inter-
prétation de la Bible, aux études des jésuites sur la
Chine, et à quelques tentatives généreuses, mais
isolées, comme celle d'Anquetil du Perron.
Les Anglais se sont mis à l'œuvre les premiers.
La possession de l'Inde les y conviait, l'intelligence
du gouvernement de la Compagnie et la position
de ses employés fournissaient les moyens, et l'é-
7. '
100 JUILLET 1865.
tude du sanscrit et de tout ce qui en dépend fut
fondée. En France les anciennes institutions savantes ,
l'Académie des inscriptions et le Collège de France
offraient un point d'appui. Silvestre de Sacy forma
une école, qui a renouvelé dans toute l'Europe
l'enseignement de l'arabe et lui a donné une pré-
cision qu'il n'avait jamais eue. Rémusat créa l'en-
seignement du chinois, Champollion découvrit la
lecture des hiéroglyphes et Burnouf fit revivre les
anciennes langues de la Perse. L'Allemagne entra
dans ce mouvement la dernière; tout y manquait,
les hommes et le matériel, mais le public y était
mieux préparé que nulle autre part à faire un ac-
cueil favorable à toute nouvelle branche de con-
naissances humaines. Les travaux sur l'antiquité
classique poussés à leur dernière limite, les sys-
tèmes de philosophie qui se succédaient, fimmense
extension donnée aux sciences théologiques, les be-
soins littéraires de l'école romantique qui cher-
chait à refaire sur un plan bien plus grand l'histoire
des littératures, enfin toute la tendance des esprits
portaient les hommes les plus intelligents vers les
lettres orientales, dont on attendait la solution des
plus grands problèmes historiques. Des hommes
d'un âge muret célèbres déjà par d'autres travaux,
comme les frères Schlegel, G. de Humboldt et
Goerres, furent saisis d'uu véritable enthousiasme
pour ces nouvelles éludes et s'y livrèrent avec la
plus grande ardeur. Aussitôt que les malheurs des
temps ne s'y opposèrent plus , des jeunes gens vinrent
RAPPORT ANNUEL. 101
à Paris et à Londres pour suivre des cours et copier
des manuscrits. Les universités allemandes, grâce à
leur constitution libre, s'ouvrirent rapidement à ce
nouvel enseignement, et aujourd'hui les lettres
orientales sont cultivées en Allemagne plus géné-
ralement que dans aucun autre pays. De là elles se
répandirent en Russie, en Danemark, en Suède et
surtout en Hollande, où elles trouvèrent, d'un côté
dans les universités, de l'autre dans les intérêts co-
loniaux néerlandais, de puissants encouragements;
enfin le mouvement pénétra, quoique plus faible-
ment , en Italie , en Espagne et aux Etats-Unis d'Amé-
rique, et embrassa ainsi à ditï'érents degrés tous les
pays qui suivent les voies de la civilisation moderne.
La tâche qu'on entreprit était des plus grandes et
des plus ardues. A la renaissance des lettres, on
n'avait devant soi que deux langues et deux littéra-
tures d'une étendue médiocre, et l'on a mis trois
siècles à les approfondir; mais les éludes orientales
étaient en face d'un nombre considérable de langues,
de quatre ou cinq grandes littératures, qui elles-
mêmes sont entourées d'un bien plus grand nombre
de littératures secondaires, dont l'étude devenait
indispensable à mesure qu'on avançait; enfin elles
avaient à déchiffrer un nombre immense d'inscrip-
tions, composées dans des langues oubliées depuis
des milliers d'années et écrites dans des alphabets
entièrement inconnus, et pourtant ces inscriptions
contenaient tout ce qui nous reste des œuvres de
nations qui ont exercé une grande influence sur
102 JUILLET 1865.
les destinées de l'humanité, et il était indispensable
d'en découvrir le sens.
On n'avait en général des secours, même les plus
élémentaires, que pour les langues sémitiques; pour
les autres, tout faisait défaut; on n'avait ni gram-
maires ni dictionnaires; la plupart des bibliothèques
étaient pauvres en manuscrits; les rares copies d'ins-
criptions qu'on possédait étaient généralement d'une
incorrection vraiment déplorable; enfin, on man-
quait presque partout de moyens d'imprimer des
textes. Mais on se mit courageusement h l'œuvre,
chacun créant pour soi-même et avec des difficultés
infinies ses instruments de travail; on composa des
grammaires et des dictionnaires de toutes les lan-
gues et d'un grand nombre de leurs dialectes; on
copia des manuscrits et on en fit venir de l'Orient;
on se procura des types pour toutes les écritures;
on imprima des livres élémentaires; on publia des
textes et des traductions, en y appliquant avec une
rigueur croissante les règles de la critique que la
philologie avait découvertes pour les textes clas-
siques. On ne recula pas devant l'étude des gram
maires et des commentaires indigènes , travail aride
entre tous , mais nécessaire pour bien pénétrer dans
l'histoire et les formations de ces langues antiques.
On a étudié ainsi le sanscrit et ses dialectes anciens
et modernes, le pâli, le pracrit,le kawi, l'hindous-
tani, le mahratli, le bengali, le gtizzurati; on a fait
de grands travaux sur les langues des aborigènes
de l'Inde, le tamoul , le canara, le telinga, et sur
RAPPORT ANNUEL. 103
les dialectes des tribus barbares qui se rattachent à
celte branche de langues; on a approfondi, comme
on ne l'avait jamais fait, l'arabe et tous les dialectes
sémitiques en usage dans l'espace compris entre
l'Abyssinie et la Mésopotamie; on s'est occupé du
persan et de ses dialectes; on a retrouvé le zend, le
pehlevi et le parsi; on a étudié l'arménien, le géor-
gien , l'afghan et toutes les langues tartares qui sont
parlées depuis Constantinople jusqu'à Pékin; et
même les dialectes finnois, qui oifrent à peine des
rudiments de littérature, ont été l'objet de travaux
considérables; on a cultivé les langues des îles de
la Sonde, le malais, le javanais; on a étudié le tibé-
tain et les langues de la presqu'île au delà du Gange,
le birman, le cochinchinois ; on a rendu accessible
le chinois, et l'on s'occupe très-sérieusement du ja-
ponais. Enfin on a fait revivre par des eftbrts
inouïs de travail et de sagacité les langues des
peuples antiques, qui ne nous en avaient laissé des
traces que dans leurs inscriptions, dont la lecture
et le sens étaient perdus depuis longtemps. On a
retrouvé ainsi l'ancien égyptien dans les hiéro-
glyphes, le perse du temps de Darius dans les ins-
criptions cunéiformes de Persépolis, le babylonien
dans les inscriptions de Ninive, la langue des Phé-
niciens dans les débris sculptés qu'on rencontre dans
les ruines de leurs colonies, le himyarite dans les
inscriptions de Saba , le nabalhéen dans les inscrip-
tions du Sinaï, le dialecte sanscrit du bouddhisme
primitif dans les inscriptions d'Âçoka; et l'on com-
104 JUILLET 1865.
prend tout l'appui que reçoit l'histoire ancienne de
la lecture de tant de documents contemporains et
d'une aussi incontestable authenticité.
Un des premiers résultats de ces travaux si pro-
fonds et si variés sur les langues a été la création
dune science toute nouvelle, de la grammaire com-
parée, qui est un instrument d'une délicatesse et
d'une puissance incomparables, tant pour la philo-
logie que pour les plus anciennes époques de l'his-
toire. Elle nous met en état de pénétrer dans les
lois du langage, d'expliquer les anomalies des dia-
lectes, de fixer avec précision les parentés des races
humaines, et permet de tirer des langues des indi-
cations certaines sur létat de la civilisation de chaque
race dans des temps bien antérieurs à toute tradi-
tion historique. Elle fait aujourd'hui encore essen-
tiellement partie des études orientales, parce qu'elle
en est sortie et qu'elle n'a encore guère été sérieu-
sement appliquée qu'à des langues ariennes et sé-
mitiques. Elle s'étendra un jour sur toutes les races
humaines, et, de même que Humboldt en a déjà fait
fapplication aux langues océaniennes, elle détei mi-
nera un jour fethnographie de l'Amérique et de
l'Afrique; mais les lettres orientales auront toujours
la gloire de lui avoir donné naissance.
Tous ces travaux de philologie n'étaient que des
préparatifs pour les études réelles des littératures
orientales. Aussitôt qu'on a été en possession de l'ins-
trument, on s'est mis à l'œuvre pour refaire l'histoire
de l'Orient, dans le sens du mot le plus large, et
RAPPORT ANNUEL. 105
toutes les parties des sciences historiques ont bientôt
ressenti l'influence de ce nouvel et puissant élé-
ment, même celles qui paraissaient devoir y parti-
ciper le moins, comme, par exemple, l'histoire des
sciences exactes. Mais ce sont avant tout les sciences
intellectuelles qui ont profité des nouvelles lu-
mières. L'histoire des religions dépend entièrement
de nos études; elle est à refaire en grande partie et
se refait tous les jours. Les travaux sm' les Védas et
le brahmanisme, sur le Zendavesla, sur le boud-
dhisme, sur Confucius, sur Muliammed et sur le
mysticisme des Soufjs , donnent déjà, tout incom-
plets qu'ils sont pour la plupart, une base bien au-
trement solide à l'histoire des religions que tout ce
qu'on possédait et imaginait autrefois. La philosophie
rencontje dans l'Inde ses origines et un développe-
ment d'une profondeur inattendue; elle ne peut né-
gliger les écoles métaphysiques et morales des Chi-
nois, et elle trouve chez les Arabes les maîtres do la
scolastique de l'Occident. L'histoire du droit trouve
dans l'Inde, en Chine. et chez les Arabes trois peu-
ples essentiellement législateurs, dont elle doit te-
nir un très-grand compte. L'histoire littéraire est
peut-être de toutes les parties des connaissances hu-
maines celle qui a gagné le plus à nos études. Les
hymnes des Védas, les drames indiens, les grandes
épopées indiennes et persanes, les romans chinois,
les poésies lyriques de tous les peuples orientaux,
les contes des Hindous et des Arabes, les ballades
nationales et, plus tard, la poésie d'art des Arabes
106 JUILLET 1865.
sont autant de manifestations de l'esprit littéraire
dans des œuvres qui nous étonnent par leur gran-
deur et leur force , ou nous charment par leur grâce.
Elles ne peuvent pas nous servir de modèles, mais
elles élargissent l'horizon littéraire d'une manière
incalculable.
Quant à l'histoire politique de l'Orient, elle
s'élabore lentement et graduellement ; car il ne
s'agit pas seulement de constater les gros faits des
conquêtes, des batailles et des successions des dy-
nasties, il s'agit de comprendre l'organisation de
ces peuples, les idées auxquelles ils obéissent, les
motifs qui les font agir, pour expliquer la résistance
qu'ils ont pu opposer, et pour donner les raisons
de leur grandeur et de leur décadence. L'histoire
de ces grandes monarchies n'a que peu d'intérêt si
nous nous en tenons aux fails extérieurs, parce que
leur sort a eu peu d'influence sur le nôtre; mais
il y a là-dessous une histoire humaine digne de toute
notre sympathie et faisant essentiellement partie de
l'histoire universelle. Qui es.t-ce qui pourrait pren-
dre plaisir à lire l'histoire de la Chine du P. Mailla?
Mais quand nous connaîtrons mieux le développe-
ment de la civilisation chinoise, quand nous pour
rons en suivre les phases et les causes, quand nous
verrons clairement de quoi il s'agissait dans ces évé-
nements, ces noms, qui ne nous font aujourd'hui
aucune impression, prendront de la vie et devien
dront les représentants d'hommes comme nous ,
d'idées et d'intérêts comme les nôtres. Les Anglais
RAPPORT ANNUEL. 107
ont pu faire cela pour quelques parties de l'histoire
de l'Inde, on la fait pour la vie de Muhammed,
on Ta essayé avec un certain succès pour les Djin-
guiskhanides; on pourra prochainement le faire
pour l'histoire du khalife Mamoun et montrer de
quels grands intérêts il s'agissait alors à Bagdad ; on
pourrait déjà le faire pour Confucius ou pour l'em-
pereur Akbar, et peut-être bientôt pour le Bouddha.
A mesure que des matériaux de toute espèce s'ac-
cumulent, de nouveaux points ressorliront de cette
masse encore un peu indistincte du monde oriental
ancien; et l'histoire que nous nommons universelle,
et qui est réduite aujourd'hui à celle d'un assez
petit nombre de peuples, gagnera en sm'face et en
profondeur, et deviendra de plus en plus ce qu'elle
doit être : le tableau de tous les grands faits et des
grands intérêts qui ont agi sur le développement
des sociétés humaines.
Cette histoire de la civilisation en Asie est le
point central vers lequel convergent tous les tra-
vaux que nous voyons s'accomplir tous les jours
dans nos études, et ce qu'il y a de vraiment admi-
rable dans la direction qu'ont prise les écoles orien-
tales en Europe, c'est qu'elles n'ont jamais perdu
de vue ce grand but. Si divers, si individuels, si
spéciaux, si arides en apparence que puissent être
les travaux de chacun de nous, tous sont néces-
saires à l'édifice à construire et finissent par y
prendre leur place.
Mais il ne faut pas se dissimuler que malgré tant
108 JUILLET 1865.
d'efl'orts nous sommes encore loin, je ne dis pas
(lu couronnement de l'œuvre, car heureusement
les sciences n'ont pas de couronnement , mais d'un
ensemble satisfaisant pour l'esprit. Tout est com-
mencé, mais aucune partie n'est achevée, les mé-
thodes sont trouvées, la route est ouverte, les
matériaux sont abondants, mais l'entreprise est im-
mense. Chaque progrès qu'on fait montre la né-
cessité d'en faire de nouveaux et dévoile des la-
cunes qu'on n'avait pas soupçonnées, chaque texte
qu'on publie provoque de nouveaux besoins, cha-
que sujet qu'on entame laisse voir une infinité de
recherches à faire. Les travailleurs ne manquent
pas, la grandeur du sujet, l'attrait de l'inconnu, la
certitude de voir récompenser tout elTort réel par
une découverte, sont de puissants stimulants pour
la jeunesse. Mais cette ardeur et ce dévouement ne
peuvent pas toujours vaincre le défaut de moyens
matériels , qui sont beaucoup au-dessous des besoins
de la science. Les gouvernements et les corps sa-
vants constitués ont fait quelque chose pour ces
études, mais beaucoup trop peu, et leurs progrès
rapides sont dus bien plus à des dévouements et à
des sacrifices individuels, sacrifices plus grands et
plus pénibles que le monde ne se l'imagine, (ju'à
des encouragements publics. Je ne m'étendrai pas
sur ce sujet, car je ne veux pas faire le martyrologe
des lettres orientales; je le dis seulement à la gloire
(le ceux qin' se sont sacrifiés ainsi à l'avancement de
la science.
RAPPORT ANNUEL. 109
Ce n'est pourtant pas une science que l'on puisse
sans dommage abandonner à ses propres forces dans
l'espoir que la curiosité des savants et du public
suffira à ia cultiver. Il faut l'aider et l'encourager, car
il y a un grand intérêt à ce qu'elle fasse des progrès
rapides. Toute découverte scientifique produit ses
effets; si abstraite, si éloignée de la vie pratique
qu'elle paraisse, elle ne reste pas stérile; les savants
la trouvent, le monde fappiique et souvent de la
manière la plus inattendue. Pour nos études, la
route est tout indiquée et l'application est certaine
et urgente. L'Europe est aujourd'hui maîtresse de
l'Orient, mais maîtresse ignorante et par conséquent
violente; elle ne sait que détruire, et pourtant il
lui importe de savoir ce qu'elle fait , de connaître
les hommes sur lesquels elle veut agir, de ne pas se
heurter inutilement contre des institutions et des
idées profondément enracinées dans les esprits, de
ne pas détruire ce qui fait la vie de ces peuples, ce
sur quoi on peut s'appuyer pour les relever. L'Orient
est presque partout en décadence, mais il n'en est
pas moins gouverné par des idées anciennes qui
servent de règle pour les actions de l'homme le plus
ignorant ; il ne pourrait pas les énoncer, mais il leur
obéit d'autant plus aveuglément qu'il a à côté de lui
une classe lettrée qui les partage et qui tient dans
ses mains la clef de sa conscience. Les missionnaires
le savent bien ; ils convertissent facilement une tribu
sauvage; mais fhômme ignorant, qui a derrière lui
une religion ancienne et une caste savante en la-
I
110 JUILLET 1865.
quelle il a confiance, est inaccessible. Voyez le peu
de sécurité de l'empire anglais dans l'Inde; et pour-
tant l'administration coloniale des Anglais est la
meilleure qu'il y ait jamais en. Mais l'opinion pu-
blique en Angleterre n'est pas assez éclairée sur
l'Inde pour produire un degré sufFisant de sympathie
pour ces peuples, et il n'y a que la sympathie
qui permette d'agir sur les hommes. On n'en a que
pour ce qu'on comprend; on ne peut ménager les
sentiments d'un peuple que quand on connaît son
passé; on ne peut l'élever que quand on respecte
ce qu'il a de bon. Les recherches des savants pa-
raissent bien éloignées de l'action directe , mais elles
servent par leurs résultats à former une opinion pu-
blique qui est toute-puissante dans l'état actuel du
monde. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, dont les
développements seraient infinis, mais la thèse elle-
même me paraît évidente; il est certain que l'Eu-
rope est aujourd'hui toute-puissante en Orient, mais
qu'elle est encore beaucoup trop ignorante pour
pouvoir exercer sur lui autre chose qu'une action
aveugle et généralement désastreuse, malgré toutes
ses prétentions de porter partout la civilisation; elle
doit apprendre à connaître l'Asie, sous peine de ne
produire que des ruines en Orient et des désastres
et de la honte pour elle-même.
L'influence des études orientales a encore un autre
côté, moins évident, mais tout aussi important. S'il
faut agir sur les Européens, il faut aussi agir sur
les Orientaux. Leur grand malheur est la décadence
RAPPORT ANNUEL. 111
dans laquelle sont tombées chez eux les sciences.
Après nous avoir souvent précédés , ils se sont
arrêtés par l'influence de diverses circonstances dans
les pays divers, ont adopté des théories toutes faites,
ont regardé leurs sciences comme achevées, ont né-
gligé la critique et les méthodes d'observation et se
sont contentés de formules qu'ils ont crues défini-
tives. Il est difficile de leur communiquer nos
sciences directement, elles sont trop loin de leur
point de départ; fesprit ne peut pas franchir d'un
bond une aussi grande distance. Ils doivent à leur
tour parcourir le chemin que nous avons fait, et ils
le feront plus facilement avec notre aide; mais la
première chose est d'éveiller en eux le besoin d'ap-
prendre, et c'est à cela que leur sert fobservation de
la manière dont nous nous occupons de leurs textes
sacrés, de leur histoire, de leurs sciences; ils y ap-
prennent les méthodes de la critique et l'avantage
de connaissances nouvelles pour comprendre ce
qu'ils croyaient si bien savoir. On voit l'efTet de cette
influence par bien des signes et par des exemples
qui deviennent de plus en plus nombreux chez les
Hindous, les Arabes et les Chinois, et qui se produi-
sent tantôt sous forme de controverse, tantôt sous
forme d'imitation. L'une et l'autre concourent éga-
lement au but, et si nos méthodes parviennent,
comme il y a lieu de l'espérer, à s'introduire dans
leurs écoles savantes , le plus grand pas pour leur ré-
génération sera fait; car la réforme ne peut venir
que de l'intérieur même d'une nation, et il n'est
112 JUILLET 1865.
possible d'agir sur elle d'une manière sûre que par
les classes savantes qu'elle est accoutumée à respec-
ter et de la main desquelles elle acceptera le progrès.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE
I.
LISTE DES MEMBRES SOUSCRIPTEURS,
PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE,
L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
MM. Abbadie (Antoine d), correspondant de l'Ins-
titut.
Abd-el-Kader (S. A. l'émir), à Damas.
AcoLLAs, docteur en droit.
Agop Effendi, conseiller à l'ambassade otto-
mane.
Ahmed Kiamil Effendi , membre du bui'eau des
interprètes aux affaires étrangères, à Paris.
Alcober (Vincent), employé au ministère de
l'intérieur, à Madrid.
Alekan (Alphonse), à Tunis.
Amari (Michel).
Arconati (Le marquis Visconti), à Turin.
Arnaud, pasteur protestant aux Vans ( Ar-
dèche).
LISTE DES MEMBRES. 113
MM. AuBARET, capitaine de frégate , consul de France
à Bangkok (Siam).
AuMER (Joseph), employé à la Bibliothèque
royale de Munich.
BlBLIOÏHÈQOE AMBROSIENNE, à Milan.
Bibliothèque de l'Université, à Erlangen.
Bader (Mademoiselle), à Paris.
Badiche (L'abbé), trésorier de la métropole, à
Paris.
Baissac (Jules), traducteur au ministère de la
guerre, à Paris.
Barb (H. A.), professeur, à Vienne.
Barbier de Meynard , professeur à l'Ecole des
langues orientales vivantes.
Bardelli, professeur à l'Université de Pise.
Barges (L'abbé), professeur d'hébreu à la fa-
culté de théologie de Paris.
Barré de Lancy, secrétaire archiviste de l'am-
bassade de France à Constantinople.
Barth (Auguste), à Strasbourg.
Barthélémy Saint-Hilaire, membre de l'Ins-
titut. •
Beauté fils, à Alexandrie.
Bealvoir-Priaux (De), à Londres.
Baudet, au grand séminaire de Beauvais.
Behrnauer (Walther), secrétaire de la Biblio-
thèque publique de Dresde.
Belin, secrétaire interprète de l'ambassade de
France à Constantinople.
VI. 8
114 JUILLET 1865.
MM. Bellecombe (André de), homme de lettres, à
Choisy-le-Roi (Seine).
Benzon (L'abbé comte), professeur d'hébreu
au séminaire patriarcal de Venise.
Berezine, professeur de langues orientales, à
Casan.
Berge, bibliothécaire, à Tifîis.
Bergstedt, agrégé, à Upsal.
Bertrand (L'abbé), chanoine de la cathédrale
de Versailles.
Bh'au-Daji, à Bombay.
Bland, membre de la Société royale asiatique
de Londres.
BoiLLY (Jules), peintre, à Paris.
Boissonnet de la Touche (Estève), lieutenant-
colonel d'artillerie, à Perpignan.
Boncompagni (Le prince Balthasar), à Rome.
BoNNETTY, directeur des Annales de philoso-
phie chrétienne.
Botta ( Paul-Emile j, consul général de France à
Tripoli de Barbarie, corresp. de l'Institut.
BoLCHER (Bichard), à Paris.
Boy( Victor), à Marseille.
Bréal, agrégé de l'Université, chargé de cours
au Collège de France.
Briau (René), docteur en médecine, à Paris.
Brosselard (Charles), secrétaire général de la
préfecture d'Alger.
Brown (John), chargé d'affaires des Ktats-Unis,
à Constantinople.
»
LISTE DES MEMBRES. 115
MM. Brunet de Presle, membre de l'Institut, à
Paris.
BucHÈRE (Paul), à Versailles.
BuHLER (George), à Londres.
BuLLAD, interprète de l'armée d'Afrique, à
Fort-Napoléon (Algérie).
Bureau (Léon), à Nantes.
BuRGRAFF, professeur d'arabe, à Liège.
BuRNOUF (Emile), professeur à la faculté des
lettres de Nancy.
Cahen , rabbin à Constantine.
Caix de Sa F NT -Amour, à Paris.
Calfa (Ambroise \ousouf Nar Bey), ancien
directeur du Collège national arménien de
Paris.
Cama (Rhursedji Rustomji), négociante Bom-
bay.
Caratheodory (Alexandre), à Constantinople.
Cartwright.
Catsephlis, consul de Prusse à Tripoli de
Syrie.
Caussin de Perceval , membre de l'Institut,
professeur d'arabe à l'Ecole des langues
orientales vivantes et au Collège de France.
Chaillet, payeur à Alger.
Challamel (Pierre), artiste peintre, à Paris.
Charencey (De), à Paris.
Charmoy, ancien professeur de langues orien-
tales à l'Université de Saint-Pétersbourg.
8.
116 JUILLET 1865.
MM. Cherbonneau , piofesseur d'arabe à Alger.
Chinaci Effendi, en^ployé supérieur du Gou-
vernement ottoman.
Chodzko (Alexandre), chargé du cours de lan-
gue et de littérature slaves au Collège de
France.
Cl^ment-Mullet (Jean-Jacques), membre de
la Société géologique de France.
CoHN (Albert), docteur en pinlosophie.
CoMBAREL, professeur d'arabe à Oran.
Constant (Calouste), à Smyrne.
CosENTiNO (Le marquis de).
CooMARA SwAMY, mudellar et membre du con-
seil législatif à Colombo, Ceylan.
Dastugues, chef d'escadron , à Oran.
Dalsème (Achille), à Paris.
Dax, capitaine d'artillerie, à Sebdou.
Defréwery (Charles), professeur suppléant au
Collège de France.
Delaunay, au château du Bois Hunaut.
Delessert (François), membre de l'Institut,
président de la caisse d'épargne.
Derenbourg (Joseph), à Paris.
Deschamps (L'abbé), à Paris.
Desvergers (Adolphe-Noël), correspondant de
l'Institut.
Devic (\j. m.), élève de l'Ecole spéciale des
langues orientales.
Dillmann, professeur, à Giessen.
LISTE DES MEMBRES. 117
MM. DiNi (D'), professeur au Collège de Fano ,
Marches d'Italie.
DiTANDY (Auguste), censeur au lycée d'Angou-
lême.
Djemil Pacha (S. E.), ambassadeur de la Su-
blime Porte, à Paris.
Drouin (Edmond), avocat à Paris.
DuGAT (Gustave), ancien élève de l'École spé-
ciale des langues orientales vivantes.
Ddlaurier (Edouard), membre de l'Institut,
professeur d'arménien à l'Ecole spéciale des
langues orientales vivantes.
Du Nant (G. Henry), à Genève.
Durand, interprète à l'armée d'Afrique.
Ddrr, juge de paix, à Tenès.
Eastwick, secrétaire du ministère de l'Inde, à
Londres.
EicHTHAL (Gustave d'), secrétaire de la Société
ethnologique.
Emin (Jean-Baptiste), professeur à l'Institut
Lazareff, à Moscou.
Enis Effendi, membre de l'Académie, à Cons-
tantinople.
Escayrac de Lautcre (Le comte d').
EspiNA , vice-consul de France à Sousa (Tunisie).
Fano (Le comte Camille Marcolini di).
Feer (Léon), chargé du cours de tibétain à
l'Ecole des langues orientales, à Paris.
118 JUILLET 1865.
MM. FiNLAY (Le docteur Edouard), à la Havane.
FiNN, consul d'Angleterre à Jérusalem.
Fleischer, professeur à TUniversité de Leipzig.
F^.iJGEL, professeur à Dresde.
FoucAux (Ph. Edouard), professeur de sanscrit
au Collège de France.
Franceschi (Richard), chancelier du consulat
d'Autriche à Scutari d'Albanie.
Frankel (Le docteur ) , directeur du séminaire ,
à Breslau.
Friedrich, secrétaire de la Société des sciences,
à Batavia.
Gabelentz (H. CoNON delà), conseiller d'Etat,
à Altcnbourg.
Gagnier, à Paris.
Ganneau, à Paris.
Garcin DR Tassy, membre de l'Institut, pro-
fesseur d'hindoustani à l'Ecole spéciale des
langues orientales vivantes.
Garrez (Gustave), à Paris.
Gauthier, docteur médecin , à Luxeuil.
Gay (Ferdinand), chancelier du consulat de
France à Mogador.
Gayangos, professeur d'arabe, à Madrid.
Gildemeister, professeur, à Bonn.
Gilbert, chancelier du consulat de France, à
Alep (Syrie).
GoLDESBLUM (Pli. V.), à Odcssa.
GoLDENTHAi., profcsscur, à Vienne.
LISTE DES MEMBRES. 119
MM. GoLDSTÛCKER, D' en philosophie, à Londres.
GoRGUos, professeur d'arabe au i)cée d'Al-
ger.
GoRRESio (Gaspard), secrétaire perpétuel de
l'Académie de Turin.
GoscHE (Richard ) , professeur à Halle (Prusse).
Grote (Georges), à Londres.
Guerrier DE Dumast( Le baron), correspondant
de l'Institut , à Nancy.
Guigniaut, membre de l'Institut, à Paris.
Hall (Fitz-Edward), dans l'Inde.
Hassan Efendi.
Hassler ( Conrad -Thierry ) , professeur, à
Ulm.
Hauvette-Besnault, bibliothécaire à l'Ecole
normale, à Paris.
Hecquart, consul de France à Damas.
Heraclius (Son Altesse), prince de Géorgie,
colonel d'état-major, à Tiflis.
Hermite, membre de l'Institut, à Paris.
Hervé Saint-Denys (Le marquis Léon d'), à
Paris.
Hoffmann (J,), interprète pour le japonais au
Ministère des affaires étrangères des Pays-
Bas, à Leyde,
HoLMRoË , conservateur de la bibliothèque de
Christiania.
HuREL, ancien élève de l'Ecole des langues
orientales, à Paris.
120 JUILLET 1865.
MM. Janin-Chevallier (André), professeur de lan-
gues sémitiques, à Genève.
Jean, prince de Géorgie, à Saint-Pétersbourg.
Jebb (Rév. John), recteur à Peterstow-Ross
(Herlfordshire).
Jc'DAS, secrétaire du conseil de santé des ar-
mées au ministère de la guerre, à Paris.
Julien (Stanislas), membre de l'Institut, pro-
fesseur de chinois et administrateur du Col-
lège de France.
Kasem-Beg (Mirza A. ) , professeur de mongol à
rUniversitc de Saint-Pétersbourg, conseiller
d'État actuel.
Kazimirski de Biberstein, secrétaire interprète
de l'Empereur aux Affaires étrangères.
Kemal Effendi (Son Exe), ambassadeur de la
Porte à Berlin.
Kerr (M™' Alexandre).
Rhalil EL Kouni, à Beyrouth.
Khanikof (Nicolas de), conseiller d'Etat actuel ,
à Saint-Pétersbourg.
KossowiTCH, professeur de sanscrit et de zend ,
à Saint-Pétersbourg.
Krehl, docteur en philosophie, à Dresde.
Kremer (De), consul d'Autriche, à Galalz.
KÛHLKÉ (J.), professeur h l'Ecole égyptienne
de Paris.
Labarthk (Charles de), professeur de sciences
LISTE DES MEMBRES. 121
mathématiques, ancien élève de l'Ecole des
langues orientales.
MM. Laemmerhirt (D'^), à Weimar.
Laferté-Senectère (Le marquis de), à Tours.
Lancereau (Edouard), licencié es lettres.
Langlois (Victor), ancien élève de l'Ecole des
langues orientales, à Paris.
Lazareff (S. E. le comte Christophe de), con-
seiller d'Etat actuel, chambellan de S. M.
l'empereur de Russie.
Leridart (Antoine de), à l'internonciature au-
trichienne, à Gonstantinople.
Leclerc, médecin-major.
Lefèvre (André), licencié es lettres, à Paris.
Legay (Léandre), professeur à l'état-major, au
Caire.
Lequeux, chancelier-drogman au consulat gé-
nérai de Tripoli de Barbarie.
Lenormant (François), sous -bibliothécaire de
l'Institut.
Letteris, directeur de l'Imprimerie impériale
orientale, à Prague.
Levander (H. C), de l'Université d'Oxford.
Lévy-Bing (L.), banquier, à Nancy.
LiÉTARD (D'), à Plombières.
Loewe (Louis), docteuren philosophie, à Brigh-
ton.
Longpérier (Adrien de), membre de l'Institut,
conservateur des antiquités au Louvre.
LuYNEs (Le duc de), membre de l'Institut.
122 JUILLET 1865.
MM. Mac-Douall, professeur, à Belfast.
Madden (J. p. a.), agrégé de l'Université, à
Versailles. •
Mahmoud Effendi , astronome du vice-roi
d'Egypte.
Mallouf (Nassif), professeur de langues orien-
tales au Collège de la Propagande, àSmyrne.
Martin (L. A.), homme de lettres, à Paris.
Medawar (Michel), secrétaire interprète du
consulat général de France, à Beyrouth.
Mehren (D"^) , professeur àe langues orientales ,
à Copenhague.
Meign AN (L'abbé) , chanoine honoraire, à Paris.
Mekerticht-Dadian, à Constantinople.
Menant (Joachim), juge à Evreux.
Mergian (Rév. Père Grégoire), membre du
Collège Mourad , à Paris.
Merlin (B.), conservateur du dépôt des sous-
criptions au Ministère d'Etat.
Metz-Noblat (Alexandre de), membre de
l'Académie de Stanislas, à Nancy.
MiLLiÈs D'), prof, de théologie, à Utrecht.
Miniscalchi-Erizzo, chambellan de S. M. l'em-
pereur d'Autriche, à Vérone.
MoHL (Jules), membre de l'Jnstitut, professeur
de persan au Collège de France.
MoiiN (Christian), ancien élève de l'Ecole spé-
ciale des lang. orient, vivantes, h Naples.
Mondain, colonel, diiecteur des travaux pu-
blics, à Belgrade (Servie).
LISTE DES MEMBRES. 123
MM. MoNBAD (D. G.), à Copenhague.
MosTAFA BEN Sadet (Tlialeb), à Constantine.
MoucHLiNSKi, professeur d'arabe, à Saint-Pé-
tersbourg.
MuiR (John), à Edimbourg.
MiJLLER (Joseph), secrétaire de l'Académie de
Munich.
MiJLLER (Maximilien), professeur, à Oxford.
MuiNK (S.), membre de l'Institut, à Paris.
Neubauer.
Nève, professeur à l'Université catholique, à
Louvain.
Noethen (Ch. Maximilien), curé à Berg-Glad-
bach.
NoRDMANN (Léon), à Paris.
OcAMPO (Meichior).
Offert, professeur de sanscrit à rÉcoie des
langues orientales.
Orbelian (S. E. le prince Djambakour), colo-
nel de la garde, aide de camp de l'empe-
reur, à Tiflis,
Or[.ando (Diego), à Palerme.
Overbeck (Le docteur), professeur, à Bonn.
Pages (Léon), à Paris.
Palmer, 8aint-John's Collège, à Cambridge.
Paspati, docteur-médecin, à Constantinople^
Pauthier (G.), à Paris.
124 JUI-LLET 1865.
MM. Pavet de Courteille (Abel), professeur de
turc au Collège de France.
Perétié, chancelier du consulat général de
Beyrouth.
Perron ( Le docteur) , directeur du Collège
impérial arabe-français, à Alger.
Pertsch (W.), docteur, à Gotha.
Petit (L'abbé), professeur au grand séminaire
de Beauvais.
PiLARD, interprète militaire, à Tlemcen.
Platt (William), à Londres.
Pleignier, professeur, à l'île de Man.
Portal, maître des requêtes, à Paris.
Prâtt (John), au collège de Saint-Mary, à
Oxford.
Preston (Th.1,Trinity-College, à Cambridge.
Prudhomme (Evariste), à Paris.
Pynappel, docteur et lecteur à l'Académie de
Leyde,
Régnier (Adolphe), membre de l'Institut.
Reinadd, membre de l'Institut, professeur d'a-
rabe à l'Ecole spéciale des langues orientales
vivantes.
Renan (Ernest), membre de l'Institut.
Richard (Franceschi), vice-chancelier du con-
sulat d'Autriche à Scutari en Albanie.
RiCHEBÉ, professeur d'arabe, à Constantine.
RiQUE (Camille), docteur en médecine, méde-
cin-major.
LISTE DES MEMBRES. 125
MM. RiviÉ (L'abbé), vicaire à Sainl-Tbomas d'Aquin.
RoGHET (Louis), statuaire à Paris.
RoDET (Léon), ancien élève de l'Ecole poly-
technique, à Paris.
RoNEL, lieutenant au sManciers.
RoNDOT (Natalis), délégué du commerce en
Chine, à Paris.
RosiN (De), propriétaire à Nyons, canton de
Vaud (Suisse).
RosNY (L. Léon de), à Paris.
RosT (Reinhold), secrétaire de la Société asia-
tique de Londres.
Rothschild (Le baron Gustave de), à Paris.
RouGÉ (Le vicomte Emmanuel de), membre de
l'Institut, conservateur honoraire des mo-
numents égyptiens du Louvre.
Rousseau (Le baron Adolphe), consul de
France à Bosna-Seraï.
RouzÉ (Edouard de), capitaine, attaché à la
direction des a flaires arabes à Alger.
Royer, à Versailles.
Salles (Le comte EusèbcDE), à Montpellier.
Sanguinetti (Le docteur B. R.), à Paris.
Sarasin , élève de l'Ecole des langues orientales.
Saulcy (F. de), membre de l'Institut, sénateur.
ScHACK (Le baron Adolphe de), à Munich.
ScHEFER (Charles), interprète de l'Empereur
aux alïaires étrangères, professeur de persan
à l'Ecole des langues orientales vivantes.
126 JUILLET 1865.
MM. ScHLAGiNTWEiT (Emile), docteur, à Wurtz-
bourg.
ScHLECHTA WssEHRD (Ottokar-Maria de) , direc-
teur de l'Académie orientale , à Vienne.
SCHLESWIG-HOLSÏEIN-AUGLSTENBURG (S.A. le
prince de), à Paris.
ScHWARZLOSE,doctem^ en philosophie, à Berlin.
Sédillot (L. Am.), professem' d'histoire au
lycée Saint-Louis, secrétaire de l'Ecole
spéciale des langues oiientales vivantes.
Seligmann (Le ry Romeo), professeur, à Vienne.
Seroka, chef du bureau arabe, à Biskara.
Skaïschkoff (Constantin), à Saint-Pétersbourg.
Slane (Mac Guckin de), membre de l'Institut.
SoLEYMAN al-Harairi, Secrétaire arabe du con-
sulat général de France à Tunis.
SoREï (Frédéric), orientaliste, à Genève.
SxiEHELiN (J. J.) , docteur et professeur en théo-
logie, à Baie.
Stecuer (Jean), prof, à l'Université de Gand.
SuMNER (George), à Boston.
Sutherland (H. C), à Oxford.
Taillefer, docteur en droit, ancien élève de
l'Ecole spéciale des langues orientales, à
Paris.
Terrien -Poncel, au Havre.
Théroulde.
Thomas (Edward), du service civil de la Com-
pagnie des Indes, à Londres.
LISTE DES MEMBRES. 127
MM. Thonnelier (Jules), membre de la Société
d'histoire de France, à Paris.
Tolstoï (Le colonel Jacques).
ToRNBERG, professeur à l'Université de Lund.
ToRREciLLA (L'abbé de), à Paris.
TuGAULT, élève de l'Elcole des langues orien-
tales, à Paris.
Troyer (Le major) , membre de la Société asia-
tique de Calcutta, à Paiis.
Trijbner (Nicolas), membre de la Société eth-
nologique américaine , à Londres.
Van der Maelen , directeur de l'établissement
géographique, à Bruxelles.
Vandrival (Le chanoine), à Arras.
Vanucci (Atto), bibliothécaire, à Florence.
Veth (Pierre -Jean), professeur de langues
orientales, à Leyde.
Villemain, secrétaire perpétuel de l'Académie
française.
Vogué (Le comte Melchior de), à Paris.
Waddington (W. h.), à Paris.
Wade (Thomas), à Shanghaï (Chine).
Vi^^EiL, bibliothécaire de l'Université de Heidel-
berg.
Westergaard, professeur de littérature orien-
tale, à Copenhague.
WlLHELM DE WuRTEMBERG (Le COmtc), à UlnU
WiLLEMS (Pierre), professeur, à Louvain.
128 JUILLET 1865.
MM. WoGUE (Lazare), professeur d'hébreu au Col-
lège israélite de Paris.
WoRMS, docteur en médecine, à l'Ecole de
Saint-Gyr.
WusTENFELD, profcsscur à Gœttingen.
Wylie, à Shanghaï.
ZiNGUERLÉ (Le père Pius), Bénédictin, à Rome.
ZoTENBERG (D*^ Th.), à Paris.
IL
LISTE DES MEMBRES ASSOCIÉS ÉTRANGERS.
SUIVANT L'ORDRE DES NOMINATIONS.
MM. MACBRiDE(Le docteur), professeur, à Oxford.
Bopp (F.)' lïiembre de l'Académie de Berlin.
Wyndham Knatchbull , à Oxford.
Briggs (Le général).
HoDGSON (H. B.), ancien résident à la cour de
Népal.
Radhacanï Deb (R.adja), à Gaicutta.
Manakji Gursetji, membre de la Société asia-
tique de Londres, à Bombay.
Lassen (Gh.j, professeur de sanscrit, à Bonn.
Rawlinson (Sir H. G.).
VuLLERS, professeur de langues orientales, à
Giessen.
KowALEwsKi (Joseph-Etienne), professeur de
langues tartares, à Kasan.
Flûgel, professeur, à Dresde.
LISTE DES OUVRAGES PUBLIÉS. 129
MM. DozY (Reinhart) , professeur, à Leyde.
Brosset, membre de l'Académie impériale de
Saint-Pétersbourg.
Fleischer, professeur à l'Université de Leipzig
DoRN, membre de l'Académie impériale de
Saint-Pétersbourg.
Werer (Docteur Albrecht), à Berlin.
Salisrury (E.), secrétaire de la Société orien-
tale américaine, à Boston (Etats-Unis).
Weil (Gustave), professeur à l'Université de
. Heidelberg.
III.
LISTE DES OUVRAGES
PUBLIÉS PAR LA SOCIETE ASIATIQUE.
Journal asiatique, seconde série, années 1828-1 835, 16 vol.
in-8°, complet ; 1 A4 fr.
Chaque volume séparé (à l'exception des vol. I et II, qui ne se
vendent pas séparément) coûte 9 fr.
Le même journal, troisième série, années i836-i842,
i4 vol. in-8°; 126 fr.
Quatrième série, années i8A3-i852, 20 vol. in -S*;
180 fr.
Cinquième série, années i853-i862, 20 vol. in-8°;
260 fr.
Sixième série, années 1 863- 186 5; 6 vol. in 8°; 76 fr.
Choix de fables arméniennes du docteur Varlan, en armc-
VI. 9
130 JUILLET 1865.
nien et en français, par J. Sainl-Martin et Zohrab. 1820.
In-8° ; 3 Ir.
Eléments de la grammaire japonaise, parle P. Rodrigue^,
traduits du portugais par M. C. Landresse; précédés d'une
explication des syllabaires japonais , et de deux planches
contenant les signes de ces syllabaires , par M. Abel
Hémusat, Paris, 1825, in-8°. == Supplément à la Gram-
maire japonaise , ou remarques additionnelles sur quelques
points du système grammatical des Japonais, tirées de la
grammaire composée en espagnol par le P. Oyanguren et
traduites par C. Landresse; précédées d'une notice com-
parative des grammaires japonaises des PP. Rodrignez
et Oyanguren, par M. le baron Guillaume de Humboldt.
Paris, 1826. In-8; 7 fr. 5o c.
Essai sur le Pâli , ou langue sacrée de la presqu'île au delà du
Gange, avec 6 pL^nches lithographiées et la notice des ma-
nuscrits palis de la Bibliothèque du Roi, par MM. E. Bur-
nouf et Lassen. Paris, 1826. In-8° ; 9 fr.
Meng-tseu vel Mencium, inter sinenses philo.sophos inge-
nio, doctrina, nominisque claritate Confucio proximum ,
sinice edidit, et latina interpretalione ad interpretalionem
tarlaricam ulramque recensila instruxil , et perpeluo com-
mentario e Sinicis deprompto illustravit Stanislas Julien.
Luteliœ Parisioram , 1824, 2 vol. in-8°; 24 fr.
Yadjnadattabadha, ou LA MoRT d'Yadjnaoatta , épisode
extrait du Râmâyana, poëme épique sanscrit, donné avec
le texte gravé, une analyse grammaticale Irès-délaillée,
une traduction française et des notes, par A. L Chézy, el
suivi d'une traduction latine littérale par J. L. Burnouf.
Paris, 1826. ln-4°, avec i5 planches; 9 fr.
Vocabulaire de la langue géorgienne, par M. Klaprolli.
Paris, 1827. In^"; 7 fr. 5o c.
LISTE DES OUVRAGES PUBLIES. 131
PÎlégie sur la Prise d'Édesse par les Musulmans, par Ner-
sès Rlaielsi, patriarche d'Arménie, publiée pour la pre-
mière fois en arménien , revue par le docteur Zobrab.
Paris, 1828. ln-8°; à tr. 5o c.
La Reconnaissance de Sacounïala, drame sanscrit et pra-
crit de Câlidâsa, publié pour la première fois sur un ma-
nuscrit unique de la Bibliothèque du Roi, accompagné
d'une Iraduclion française, de notes philologiques, cri-
tiques et littéraires, et suivi d'un appendice, par A. L.
Chézy. Paris, i83o. ln-/j% avec une plancbe; 2/j fr.
Chronique géorgienne, traduite par M. Brosset. Paris, Im-
primerie royale, i83o. Grand in-8°; 9 fr.
La traduction seule, sans texte, 6 fr.
CiiRESTOMATHiE CHINOISE (publiée par Klaprolh). Paris,
i8o3. In 8°: 9 fr.
Éléments de la langue géorgienne, par M. Brosset. Paris,
Imprimerie royale, 1887. In 8° ; 9 fr.
Géographie d'Arou'lféda, texte arabe, publié par MM.Rei-
naudetle baron de Slane. Paris, Imprimerie royale, i8/jo.
In-/t°; Zi5 fr.
Radjatarangini, ou Histoire des rois du Kachmîr, publiée
en sanscrit et traduite en français, par M. Troyer. Paris,
Imprimerie royale et nationale, 3 vol. in-8° ; 36 fr.
Le troisième volume seul , 6 fr.
Précis di: législation musulmane, suivant le rite malékile,
par Sidi Klialil , publié sous les auspices du ministre de la
guerre. Paris, Imprimerie impériale, i855. In-8; 6 fr.
132 JUILLET 1865.
COLLECTION D'AUTEURS ORIENTAUX.
Les Voyages d'Ibn Batoctah, texte arabe el Iradiiction par
MM. C. Defrémery el Sanguinetti. Paris, Imprimerie im-
périale; 4 vol. in-8° et i vol. d'Index; 3i fr. 5o c.
Table alphabétique des Voyages d'Ibn Batoutah. Paris,
1869, in-S"; 1 fr. 5o r.
Les Prairies d'OR de Maçoudi, texte arabe et traduction
par MM. Barbier de Meynard el Pavel de Courleille. Pre-
mier volume. Paris, 1861, in-8° ; 7 fr. 5o c.
— Deuxième volume. i863, 7 fr. 5o c.
— Troisième volume. i864, 7 fr. 5o c.
— Quatrième volume. i8G5, 7 fr. 5o c.
Chaque volume de la collection se vend séparément 7 fr. 5o c.
Nota. Les membres de la Société qui s'adresseront directement
au bureau de la Société, quai Malaquais, u° 3, ont droit à une re-
mise de 33 p. 0/0 sur les prix de tous les ouvrages ci-dessus.
JOURNAL ASIATIQUE.
AOÛT-SEPTEMBRE 1865.
GRANDE INSCRIPTION
DU PALAIS DE KHORSABAD,
PUBLIÉE
PAR MM. OPPERT ET MENANT.
VOCABULAIRE.
L'Inscription des fastes de Sargon , par son éten-
due, par son importance, peut déjà présenter une
idée assez exacte de la langue de Ninive au viii" siècle
avant notre ère. La traduction de ce long docu-
ment, suivie d'un commentaire rigoureusement ana-
lytique, appelle, comme complément nécessaire,
le résumé des données philologiques qui peuvent
ressortir de cette traduction et de cette analyse.
Nous publions maintenant ce résumé sous la
forme d'un Vocahalaire. C'est un inventaire, aussi
exact que possible, de tous les mots contenus dans
notre inscription , en les rattachant aux racines sémi-
tiques auxquelles ils appartiennent. Il suffira de
jeter les yeux sur cette liste pour suivre quelques
racines assyriennes dans les diverses formes sous
lesquelles elles se produisent au milieu des diffé-
rents passages qui en déterminent l'acception, et
134 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
reconnaître les points par lesquels l'assyrien se rap-
proche ou s'écarle des autres langues de la famille
de Sem. Un grand nombre de racines se sont sans
doute conservées dans tous les idiomes sémitiques
avec la même signification; cependant quelques-
unes ont en assyrien une acception particulière
qu'on peut rencontrer dans tel ou tel autre idiome,
sans qu'elle soit commune à tous. Enfm, quelques
racines, en petit nombre, restent avec une forme
propre, une signification assurée; mais elles ne se
retrouvent, au moins que nous sachions, ni avec
leur forme, ni avec leur signification, dans aucun
autre idiome. Des faits analogues se présentent
d'ailleurs dans chacune des branches de la même
famille : il suffit de consulter les dictionnaires des
langues hébraïque et araméenne, et particulièrcr
ment le lexique arabe. Ces différences ne peuvent
donc influer sur le caractère de l'idiome nouveau
qui vient prendre sa place parmi les langues sémi-
tiques. Nous aurions pu indiquer, sans doute, tous
ces rapports et toutes ces différences; mais ces faits
n'échapperont pas à ceux qui voudront consulter
notre travail avec quelque attention, et on com-
prend dans quelles longueurs nous eussions été
entraînés en mettant chaque mot assyrien en pré-
sence du mot correspondant que le dictionnaire
sémitique aurait pu nous fournir, et en le suivant
dans les acceptions diverses que nous présentent
tous les idiomes qui se rattachent c^ la même ori-
gine. Aussi nous avons renoncé à ce déploiement
GRANDE IxNSCRIPTION DE KHORSABAD. 135
d'une érudition facile, dès que la lecture du texte
assyrien élait assurée. Nous ne pouvons aspirer au
complet dans le vocabulaire dont nous tentons ici
pour la première fois l'essai. Beaucoup de racines
assyriennes, déjà connues et constatées avec leurs
formes et leurs dérivés dans d'autres 'inscriptions,
ne trouveront point place dans ce travail, et à l'ap-
pui des racines que nous enregistrerons, nous ne
recueillerons encore que les formes qui nous sont
données ^f^ir V Inscription des fastes, car il fallait nous
circonscrire, et, si nous étions sortis de notre texte,
il eût été difficile de savoir où nous arrêter.
Le moment d'ailleurs n'est peut-être pas encore
venu où le dictionnaire assyrien pourra être fixé
comme on a pu déjà fixer les données générales de
la grammaire. Ce n'est qu'après avoir expliqué les
grands documents qui appartiennent aux différentes
époques de la longue vie de la langue des fils d' As-
sur et aux différentes localités où elle était parlée,
qu'on pourra saisir les nuances qui caractérisent
chaque époque, chaque localité, et qui donnent à
chaque terme sa véritable signification. En atten-
dant, il faut recueillir des faits, examiner les dé-
tails, et préparer, par une analyse rigoureuse, des
matériaux pour une synthèse qu'il ne faut pas se
hâter de produire. Aussi nous aurons atteint notre
but, si cette esquisse renferme quelques éléments
sur lesquels le dictionnaire assyrien pourra s'appuyer
un jour.
Nous avons suivi un ordre alphabétique confor-
130 AOUT-SEPTEMHUE 18C5.
mément à Ja transcription des racines en caractères
sémitiques; puis, après chaque racine, nous avons
donné son dérivé assyrien avec sa signification et
sa transcription en caractères latins, de manière à
reproduire, aussi exactement que possible, le syl-
labisme de î'écriture anarienne pour qu'on jmisse
retrouver les formes dans les textes. Les chiffres
romains correspondent du reste aux différentes
lignes de l'inscription.
Voici les abréviations les plus fréquentes dont
nous nous sommes servis-:
adj
adjeclivum
nipli.
nipbal.
adv.
adverbium.
pa.
paël.
aor.
aoristus.
part.
parlicipium.
aph.
aphel.
phon.
phonetice.
conj.
conjimclio.
plur.
pluralis.
f. fem.
femininum.
p. pers.
persona
ideog.
ideograpbicc.
prec.
precalivus.
imp.
irnperativus.
prœp.
prœposilio.
inf.
infmitivus.
s. sing.
singiilaris.
1.
linea inscriplionis
subst.
subslaniivun»
m. m a se.
masculinum.
sbaph.
sbaphel.
n.
nomen.
su (T.
suffîxum.
n. pr.
nomen propriuni.
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.
137
AVIS.
La première colonne comprend la racine assyrienne dans
sa forme abstraite, transcrite en caractères béJîraïques, sans
en induire pour cela une étymologie tirée soit de l'hébreu,
soit de tout autre idiome sémitique, bien qu'elle soit sou-
vent évidente, ainsi qu'on pourra s'en convaincre en se re-
portant au commentaire.
La seconde colonne comprend la signification assyrienne
de la racine à laquelle les mots assyriens doivent être rat-
tachés.
La troisième colonne comprend la transcription des formes
assyriennes relevées dans notre inscription , avec la signifi-
cation qui leur est propre dans le passage qui a été précé-
demment traduit et analysé.
La sagacité du lecteur ne manquera pas de saisir ainsi
les ressemblances qui rattachent l'assyrien soit à l'hébreu,
soit à tout autre idiome, de même que les différences qui
l'en séparent et qui donnent à l'assyrien le caractère qui lui
est propre pour constituer son individualité.
^
abà, paler, ideog. 1. »24. iSy, phon. abu,
1. 167; ideog. plur. cura suff. ahutiya, pa-
ires raei, 1. 110, 147; ahisu, paler ejus.
29, 3i, 39; alulisu, paires ejus, 1. 3o, 110.
tul abubi , tumulns desolalionis , tul-a-bu-bi,
1. lU.
abil, imposai, oneravi , i'' pers. sing. aor. kal-
a-bH, \. 22, i38.
138
•
Î3X
fortem esse . .
ÎIN
cognoscere. .
foiiem redd*'*.
desiderare. . .
1 '*^
IDN*
ÎHN
prehendere . .
terribilein ess'
possidere. . . .
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
yahila, altulerunt, 3* p. plur. m. aor. kal. ya-
hi-li, 1. 36, 149.
yiisahla,sï\À afferri jussil, 3* p. sing. m. aor.
shaph. yu-sah-la, \. 1 13.
yasabila, sibi afferri jusserunt, 3' pers. plur. m.
aor. shaph. jtt-5rt-6i-/«, \. i45.
bilat, fribulum, ideog. 1. 24, 32; hii-tit 1. 90,
i53;/>i7-<tt, I. ii3;6i7-tttt'. 1.118.
Ubulam, Ubuluiiï, n. prop. gentis, U-hu-Uim,
1. 19.
ahan, lapis, ideog. ahan, \. i42, 169, 160,
16/4, i65, 180.
biritav, facinus, subst. hi-ri-Uiv, i. 112.
Abitikna, Abitikna, n. pr. urbis, A-bi-li-ik-na ,
l.i37.
Agagi, n. p. regionis, A-ga-gi, Agag, 1. 69.
adanni, senectus, subst. pi. a-dan-ni, 1. 117.
idii, agnorunt, 3" p. pi. m. aor kal. i-da-u,, 1. 96.
idir, iirmare, part. kal. i-dir, 1. 119.
ad iris. Iule, adv. a-di-ris, 1. 4i.
avi, iniquitas, subst. a-vi , 1. 5i.
iiiml, ulensilia, subst. u-nu-ut , 1. i48, 180.
Aza, Aza, n. pr. hominis, A-za-a, 1. 37, 38.
Azuri, Azuris, n. prop. hominis, A-zuri, 1. 90.
ahu, frater. subst. ideog. (reslitutus phon.)
a-lm, 1. 94.
asahiz, prehendi jussi , 1' pers. sing. aor. shaph.
usa-hi-iz, 1. 24.
Aliimiti, Ahimit, n. pr. bominis, A-hi-mi-ti,
i- 9^:
Aharr, ideog. Phœnicia, n. pr. regionis, 1. 17,
161.
ahratas, aliter, adv. ah-ra-tas, 1. 53.
imat, lerror, subst. fem. i-mat, 1. i3i.
inusunu, subsl. c. suff. res eoruni, i-nu-su-mi ,
1. 24.
GRANDE
1!3X
ODN
sumere, ca-
pere
bN
non
parère, gig"'"=.
velle
irTjN
inde a
3
videre
INSCRIPTION DE KHORSABAD. 130
Akkadi, Akkad, ideog. n. pr. regionis, 1. 3,
123, \Uo.
akhadiai, akkadius, vel polius armeniensis,
ideog. 1. Si.
ikimu, cepi,r p. sing. aor. kal. i-ki-mu,\. 62.
ikimassun, prehendere jussi eos , 1* p. sing. aor.
kal. cum suff. i-ki-ma-as-san , \. Ixk.
ikimi, usurpatores, 1. 3i.
Uknij Ukni, n. pr. fluminis, ÏJk-ni-i, 1. 19.
rI, negat. 1. i3, 98.
Aïlahraiy n. pr. regionis, Al-laahraaiy 1. 55.
lidtutu, progenies, n. Ut-tu-ta, L 191.
ilu, Deus, ideog. 1. 137, i55, 189; cuni
suff. ilu su, Deus ejtis, 1. 77; plur. ideog.
ilai, Dei,l. 3, 12,16, 112, 122, 12A, 126,
iSg, i4o, 137, i43, 79, 167, 171, 176,
187; cum suff. iîuisu, Dei ejus, 1. 76, io5.
ulluti, remolus, ul-lu-ti, \. i35.
aîat, deleclus; cum suff. a-lat-sa, deleclus sui,
1. 38.
alapu, bos, subst. sing. ideog. \. 189; plur.
alpiy boves, 1. 54, 168, i85, 189.
UlusunUy n. pr. bominis, Ul-la- su-nu , \. 38,
4o, 44, 5o.
ultu, ex, praep. ideog. 1. 94, 95; phon. ul-tu,
L 10, 23, 52, 57, 110, i35, i44, i46, 166.
ultukiribj inde a, ul-tu ki-rih , 1. 81, 128. Vide
Amhanda, Ambanda, u. pr. regionis, Am-ha-
an-duj 1. 69.
a-mi ? 1. i32.
timin, lapis angularis, ti-mi-iny\. i34, 174.
imar, vidit , 3' pers. sing. maso. aor. kal. i-mur,
1. 4i, ii4.
imiri, muli, subst. m. plur. i-miri, 1. i84.
140
]^
NiN
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
Amris, Amris, n. pr. liom. Ain ri-is, 1. 29, 1, 3i.
Amali, Haniat, n. pr. regionis, A-ma-at-ti ,
1. 33, 36, 49, 56-, liaraatensis, a-ma-ta-ai,
l 33.
(ma, ad, pracp. a-na , 1. 5, 17, 25, 29, 3 1, 32 ,
37, 39, 4o, /î3, 59, 61, 65, 67, 71, 72,
74, 78, 86, 88, 90, 91, 94, 100, 107, 1 10,
111, 123, 125, 126, i34, 137,139, i/io,
i4'^, 143, 147, i52, i53, i54i 164, i65
171, 1 88 , 1 92 ; ana siliirti su, omnino , 1. 83 ,
ii5 ; ana hassiya, conira me, L 26; ana issa-
ii , denuo, 1. 65, 82, 88, 107; ana' iti ,
ullra,l. 102 ; «na /ri-rz7), versus, 1. 64, H2,
Andiai , Andia, n. pr. regionis, An-di-ai, 1. 45.
ina, in, praep. i-na, 1. i3, 16, 23, 33, 39,
4o, 42, 43, 5 1,53, 70, 70, 77, 79, 84, 97,
112, 1x3, 119, 120, 121, 124, 129, i3o,
i35, i36, i4o, i46, i53, 159, 161, 166,
167, 176, 187; ideog. 12, i3, 24, 25, 26,
3o, 34, 35, 37, 38, 4 1, 42, 47, 54, 58,83,
120, i34, i36, i38, 139, i4o, i44, «48,
i5i, i58, i63, 192, 193-, ina Ub. ideog.
1. 02, 36 , 62 , 63, 1 16; ina lihbisunu, inter
eos, 1. 117; ina kirib , 1. 35, 56, 179; ina
kirbisu, niedio. i35'; ina nir, prope, ideog.
1. i54.
munilju, slrenuus, pari, pacl mn-ni-hu, \. i3.
Anzaria , Anzaria , n. pr. urbis , Anzari-a , 1. 64 •
nisi, homines, ideog. 1, 10, 24, 36, 45, 46,
56, 57, 61, 62, 64. 71, 75, 78, 88, 89.
93, .106, 108, 109, ii5, 116, i3i. i33,
i38, i53; sing. ideog. 1. 33; nisuti , 1. 3i,
sing. ideog populus,!. 139.
Aàludi , Asfiod, n. pr. urhis, As-dti-Hi, I. 90,
100; As dudn, 1. io4.
GRANDE
")DN
circumdare . .
tluere
egredi
ponere
npN
pretîosum ess'
insidiari . . . .
--)X
descendere. .
INSCRIPTION DE KHORSABAD. 141
Asdadim, Azotum , n. pr. urbis, As-du-di-im-
mu, I. io/|.
Asur, Assur, n. pr. dei, Asur, ideog. 1. 3, 28,
4o, 53, 58, 63, 70, 12/4, a5, i54, 166,
167, 172, 187; A-sur, \.3li.
Asurlih, Asurlius, n. pr. hominis, A-siir-Uh ,
\. 55, a-surlih, l. 56.
ipid y suhsi. i-pi-sa-un {^onri-pi-idsu-un),\a\\us
eorum , 1. 192.
apsa, effluvies, snbst. ideog. 1. 169.
appât ap-pa-a-ti 1. 161.
Usa, exeat, prec. kal. li-sa-a,\. 193.
sit, part. kal. si-it samsi, oriens solis, 1. i53;
sit su-un, exitus eorum, 1. 188.
usisUy ad bcUum compuli, 1" pers. sing. aor.
shap. U'si-su-u, \. 5.
usisassuv, egredi jussi eos, u-si-su-as-suv, 1. 81.
ussi, eduxi, 1' pers, sing. aor. pa. us-si, 1. 4j,
114.
ussib, posui, 1" pers. sing. aor. pa. us-sih , \. 29.
ussiba, exposui, 1" pers. sing. aor, pa. us-^i-ba
(pro u-us-si-ba), i. 171.
ash's, adv. radicitus, as-1i-is,\. i3i.
akartav, pretiosus: abiii. a-kar-iav, lapides pre-
liosi, 1. 180.
mihir> dileclus, mi-kir, 1. 3.
irbilti, decoralio, ir-bit-ti, 1. 16/4.
aribis, adv. insidiose, a-ri-bis, 1. 73.
argamannu, purpureus, panni purpurei, ar-çja-
mail-nu, 1. 1/42, 182.
Argistis, Argistfs, n. pr. hom. Ar-gis-tis, 1. 1 i3.
yurid, descendit, 5' pers. sing, aor. kal. ideog.
i. 123.
ardud, subjeclio, subst. ar-da-li, 1. 70, i53;
ideog. 1. 36, 70, 1 17.
142
nN*
•
n")K
leo
n*i}<
ire
mK
CD^N
V^
rogare
possidere. . .
2^K
• 2t'ii
Iiabitare
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
mirdat, valJes , subst. fein. plur. mir-da-at, i. 1 5.
uruda, color melallicus, ferrum ? ideog. 1. i4» ,
i6i, 162.
ariai, leones, subst. m. plur. ideog. 1. 162.
arassii, transportavi eum, 1' pers. s. m. aor.
kal. cum sulT. u-ras sa, 1. 69.
Urzana, Urzana, n. pr. hominis, Ur-za-na,
\. 72.
uruh, via, subst. u-ru-uh, 1. 110, ii4, 118,
âi.
arah, mensis, ideog. 1. 167.
Aralîi, Aralli, n. prop. regionis, A-ra-ul-li,
\. i56.
Arkuy Varka, Orchoë, n. pr. urbis, ideog. 1. 8,
i36.
Arimi, Aram, n. pr. gentis, A-ri-mi, 1. i5o.
Armit, Armit, n. pr. urbis, Ar-mi-it, 1. 4i.
irini, cedri, subst. plur. ideog. 1. i58, 160.
aranis, simul, adv. a-ra-nis , 1. 129.
Arpadda, Arpad, n. pr. urbis, Ar-padda, 1. 33.
Ursa, Ursa, n, pr. hominis, Ur-sa-a, 1. 3i, 37,
39, ^2, 52, 72, 76.
Urarli, Armenia, n. prop. reg. Ur-ar-ii, 1. 76,
78, ii3.
Urartai, Armeniensis, Ur-ar-ia-ai , 1. 37, 39,
4?, 73; ideog. (?) 1. 3i.
irisanni, rogavil me, S'* p. ai. aor. kal. cum sud.
i-ris-an-ni, 1. 120.
marsiti, res, possessio, mar-si-ti, \. /^b, 71, 75.
Irislana, Iristana, n. pr. urbis, l-ri-is-la-na ,
isali, ignis, ideog. 1. 35, txi, 43, 47, 70,
i34, i5o.
asah, babitalio, inf. kal. a-sah , 1. 118.
asib , Iiabilans, part. kal. m. ûu^. a-si-ih , 1. 78,
193; asib, I. 24, 126, 175.
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.
143
SDÎL'N*
wa
^^i<
largum esse. .
-)*^X
IW^
vaticman .
asUmt, habitantes, part. kal. m. plur. a-si-hn-
ut, 1. i/i3, 167; a-si-hu-ti,]. 176.
u-sibj sedi, 1' pers. sing. aor. kal. 1. 179.
yusihu, consedit, 3* pers. sing- m. aor. kal. ju-
si-ha, \. 84; yu-sih , L 4i, 4'2, 179.
iisisih, collocavi,i" pers. sing. aor. shaph. u-si-
516, 1. 32, 49, 56, 62, 63, 109, 116, 121;
u-si-si-ba, 1. 139; cum suff. ii-si-sib-sUj 1. 5i,
i34; u-si-sib-sa-na-tiy 1. 67.
yusisibu, collocaverunt, 3* pers. plur. m. aor.
shaph. jtt-5i-5i-6tt, 1. 3o, 37, 39.
subatt habitalio, nomen sii-bat-éa-un , cum suff.
1. i46.
musaby sedes, pari. aph. mu-sab, 1. 159.
astUy largus, as-tu^ 1. i4.
Asmun, Asmun(?), n. prop. regionis, As-mun,
\. i44; vide Niliik?
usman, acies, campus, subst. sing. us-ma-an,
1. 129; plur. us~ma-ni, 1. 124.
asputi, oraculo insignes, as-pu-ti, 1. 126.
/5/)a6c!ra, Ispabara , n. pr. liominis, Is-pa-ba-
a-ra, 1. 118, 119, 121.
asar, locus, subst. a-sar, 1. 85, 99, 110, 128;
cum suff. asar-sa , locus ejus ,1.26, 46 , 1 o4 ,
ii4; a-sar-si-na j cum suff. locus earum,
1. i5; asrisunu, locum eorum, 1. 57.
asrus, in locum suum, as-ru-us, 1. 12, 137.
isriti, opéra, subst. is-ti-ti, 1. i56.
Assur, n. pr. regionis, Assyria, ideog. 1. 2, 32 ,
44, 59, 64, 67, 72, 89, 92, 109, 112, 167,
176, 179.
Assurai, Assyrius, ideog. 1. 32.
asariddati, subst. masc. plur. magnâtes . a-sa-rid-
du'tiA'^i.
assu, pro ana su, propterea, 1. 92, 173.
144
nnx
dirige
re.
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
a-sur-n-si-ui
ustislra, suslenlavi, i" pers, sing. aor. iphleal.
us-ti-si ra, 1. i2 4-
asurrisin, paries, cuni suff. plur.
parietes eorum, 1. i65.
isiii, praep. inde a, is-tu, 1. i6.
asuti, expiravîl, 3' p. aor. shaph. a-su-
iti, praep. ultra, i-ti-i , J. 18, 1 5o.
itti, praep. cum, it-ti, \. 25, 3o, 3i, 32, 34
72, 75, 81, 85, 87, 89, 99, 106, 109
îi4, ïi5, 123, i33, 172, 177.
-ti>\-ir
ikVn
effodere. . . .
33
maie agere. .
S33
1^3
"in3
' '?n3
-)n3
colligcrc . . . .
birit, ripa, hi-nt,\. 129.
birâti, puteus, bi-ra-a-ii , 1. 1 5.
biruti, spissus, bi-ru-ti, 1. i4-
basa, malum, ma-la, ba-su-u, quodnon est sper-
nendum 1. 7, 20, 2 1, 56, 75, 80, 87, i33.
babi, portœ, ba-bi-sun, subsl. f. cum suff. plnr.
1. 162.
Bab-karak, Bab-Rarab, n. pr. urb. ideog. 1. 20.
Bub-lmir, Bab-Hisir, n. pr. urbis, ideog. l. i38.
bibil, ina bibil, in voluntate, 1. i55.
biblal, ex, in, praep. bib-lat, \. 170; bi-ib-lat ,
\. i43, i63.
Bagbartii, Bagabarlus, n. pr, dei , Ba-ag-bar-
iav, 1. 76.
Babilu, Bahylon, n. pr. urbis, ideog. Babllii,
\. 2, 6, 124, 125, i35, i4o, 149-
Buhi, Bubi, n. pr. urbis, Bu-bii, 1. 20, i38.
Bagdalti, Bagadates, n. pr. bominis, Ba-ag-
da-at-ti , 1. 49.
biihari, splendor, ba-'a-ri, subî>t. 1. 194.
bathalliv , équités, ipbteal, bat-hal-Uv, \. 35,
85, ii4, 116.
nabhar, coliectio , omnis , uabhar, 1. 1 3 ; nabmir,
1.17.
î!/'1D
GRANDE
cessare
n''3
nbi
vectigal afferr^
,0
n:3
œdificare , fa-
cere,creare
INSCRIPTION DE KHORSABAD. 145
bma, spolia, ideog. 1. 69,75,87, 106, ii5.
batilta, alteralus, ha-tU-ta, 1. 1 1 ; pi, m. ha-at-
lu'ii, alterati, I. 137.
hutni, pistacium, n. arboris, hu-ut-ni, \. 169.
Bikni, Bikni, n, pr. regionis, Bi-ik-ni, 1. 18.
Bala^ Baia, n. pr. urbis, Ba-a-la, \. 57.
hiraii, urbes munitae, ideog. 1. 89, 42, 43,
44,52.
hit, domus, subst. ideog. 1. 3i, i4i»i6i,i62.
Bit-Amukkan, Bit-Amukkan, n. pr. regionis,
Bit-A-muk-ka-ni, 1. 21.
Bit-Bagaya, Bit-Bagaya , n.pr. regionis ^Bil-Ba-
ga-ya, L 64-
Bit-Dakkiiri , Bit-Dakkuri, n. pr. regionis, Bit-
Dak-kuri, 1. 21.
Bit-Yakin, Bit-Yakin, n. pr. regionis, Bit-Ya-
kin, 1. 22, 116, 187, 149.
Bil-Palla, Bit-Pahalla, n. pr. regionis , Bt<-
Pa-'al-la, L 86.
Bit-Sa'ïla, Bit-Sabaliu , n, pr. regionis, I?i7-j5a-
•-al-la, L 21.
BitSilan, Bit-Silan , n. pr. reg. Bit-Sil-a-ni , 1. 2 1 .
ibtillu, adminislrarunt, 3" pers. plur. m. aor.
pa. ib'tillu, l. i36.
bilat, vectigal, 1. i4i, 162.
Balbiki, Balbek (?) , n. pr. urb. Bal-hi-ki, 1. 10.
halnm (?), 1. 84.
abni, feci , 1' pers. ï>ing. aor. kal. ab-ni, 1. 159,
i64.
yusabni, perficere jussi , 1' p. sing. aor. sbapb.
yiisah-ni, 1. 128.
banu, œdificans , part. ka!. bami-su-iin , cum snff.
1. .9..
binixi, creatura, n. bi-nu-iit, \. 180.
banâli, fdiae, ideog. pî. 1. 76,80, io5, 1 i5, i33.
binii, filiaf?), n. bi-in-ti,]. 3o.
]46
TJ2
permittere. . .
by:ï
dominari. . . .
)i2
abscindere . .
P13
populari ....
n-)3
perpeluare . .
r~»"i"(
u*n3
xî:'3
spernerc. . . .
Qv:i
fingere. . . . .
pn3
abscidere . . .
nn3
separare. . . .
AOUT -SEPTEMBRE 1865.
ahud, i' pers. sing. aor. kal. a-bu-ud, permis! ,
l i35.
Baitili . Baïliil , n. pr. regionis , Ba-'-it-i-li, \. 68.
hil, dominus, ideog. \. 82, 35, 96, 12a, 124,
iSg, \ko, lAij 167, 176; cum suff. hilya,
dominus meus, 1. 53, 63, 189, 166; biU
sanu, 38; bili-ya, 16.
bilti, dea, ideog, 1. i63.
bildcKjon, \W6-
Bilsarrusur, n. pr. hominis, Balthazar, \. 59.
biîut, potenlia, subst. abst. bi-la-ii, 1. 96; cum
suff. bi-Ia-ii-ya, polentiamea, 1. 1 3, 2 2, 32,
116, 159; bi-lat-m, potenlia ejus, 1. 71,
93,95.
busrat, locis inaccessis, n. bu-us-rat, 1. 4i.
ubuk, condonavi, 1' pers. sing. aor. kal. a-bu-
uk, J. 5i.
listabra, perpétuent, precat. istaph. lis-iab-ru,
labràti, admiratio, iab-ra-a-ti, 11, 1. i65.
birmi, berom, genus coloris, bir-mi, i. i42,
181.
barsa, brasa, genus mensurae, bar-sa, l. 128.
Barsippa, Borsippa ,n. pr. urb. ideog. 1. 6, i35.
ibsu, spernebant, 3' p. m. plur aor. kal. ib-su,
1. i3.
absim, adaptavi, i' persona aor. kal. ubsim,
1. i65.
yubattiha, abscidit, 3' pers. sing. m. aor. pael.
yu-bat-ll-ha , 1. 128.
bitruti, separati, bit-ru-ti, 1. 168.
133
;î?33
forlem esse,
colligere. . .
^faèrai, rivales, plur.^a6-r«-rt/ J. \Z\gabri, 159.
(jabsûti, cuncta, plur. f. (jub sa-a-ti, ]. 34, /|0.
gibis, impelus, gi-bis, 1. 72, 97.
m 3
?
bm
")d:i
fmire
m:
aggredi
1
INSCRIPTION DE KHORSABAD. 147
gubus ? ga-bu-us^ \. i 22.
gada ga-du^ ]. 28.
guhlvLV , margarita, gii-uh-luv, 1. i33.
G uUatuv , GuWat , n. pr. urbis, G ul-la-tuv,\. 20.
Gamhula, Gambul, n. pr. gentis, Gam-bii-lu
(II. luv), \. 19, 126, i4o.
(^mgumi, Gamgumus, n. pr. genlis, Gam-
gu-mi, 1. 83; gamgumaai , 1. 88.
gammal, camelus, subst. m. gam-mal, 1. 27;
plur. gammali, 1. i85.
giniri, familia , omnis , gim-ri,\. 88 ; gi-mir, 1. 1 23.
Gimlu, Gimtu, n. pr. urbis, Gi-im-tu, 1. lo/j.
Gunzinanu, Gunzinanus, n. pr. hominis, Gun-
zi-na-nUj 1. i83.
gari, hosles; cum suff. 1" pers. gariya, hosles
mei; part. m. ga-ri-ya,\. 16.
gisla, lis, subst.; cum suff. gi-is-îi-su, lis ejus,
i. 1 18, 1 19, 120.
gusur, Irabes, subst. plur. ideog. 1. 160.
Guti umki, 11. pr. gentis, 1. 17.
nNT
221
insidiari . . . .
bai
stare
b:i
splendere. . .
")m
durare
l'T
occidere. . . .
nui
diruere
datûti, possessio, da-'-ta-u-ti,\. 39.
dabib, raoliens, part. kal. da-bi-ib, 1-95, da-hi-
bu, ]. ii3.
idbub, 3' pers. s. m. aor. kal. idbu-ub , \. 38.
usadgila, concredidi, 1' pers. sing. aor. shapb.
R-sad-gi-la, 1. 117, 121, i36.
digili, splendor, di-gi li, 1. 1^2.
Dight, Tigris, n. pr. fluminis, ideog. 1. 18.
darûti, perennes, da-ra-a-tiy 1. 192.
adiik, occidi, 1* pers. sing. aor. kal. a-dak,
1.3.5,42.
diklu, actio occidendi, inF. kal. di-ik-tii, ]. /\2.
dihi , dirutio, inf. kal. di-hi, 1. i32.
148
numerare. . .
commitlere . .
forlem red-
dere.
■)DT
CD"I"I
im
morari
AOUT-SEPTEMBKE 1805.
Dayakku, Dayakku, n. pr. hominis , Da-ai-
ah-kvL, 1. 49.
adki , 1 ' p. s. aor. kal. numeravi , ad-ki , 1. 34 , ko.
^/i7//t, Iranquillitas, subsl. di-U-ih, \. i36; dali-
ili-tav, 1. 62 , 121.
usadlimuuiva , commiserunt mihi , 3* pers. p. m.
aor. sliaph. yu-sad-l^-mu-ni-va , \. 4-
Dimaska, Damas, 11. prop. urbis, Di-mas-ka ,
l. 33; Di-mas-ki, b'j.
mlannin, forlificavi, 1' pers. sing. aor. pa. u-dan-
ni-na, 1. 66; 3' pers. ya-dan-ni na , 1. 126.
adnin, me fortem reddidi, 1' p. sing. aor. kal.
iid-niii, 1. 1 7D.
danmi, polens, dan-nu, 1. 1.
dunna, pclenlia, subst. dun-nu,]. i3.
danniit, fortes, pari, plur, ideog. 1. 43, 47.
1 i5, i34; m. pi. dannu-ti, 52 , 54, 81, i34;
ïem. pi. dan-na-u-ti, 42.
danan, polestas , exallalio , da-na-an ,\. 1 1 1 , 1 45 ;
dana-ni, 1. 16.
Dunni sanias , Dunnisamas, n. pr. urbis, Dun-
ni-samas, 1. 20.
daprani , dapran, n. arboris, dap-ra-ni, \. iSg.
daru(jsany condensa earum, durti-ug-sa-un ,\, 1 5.
darumi, princeps, da-ru-mi, I. i65; darumi ma-
titan, principes lerrarum,
durar, commemoralio; da-ra-ar-su-iin , ]. 13^,
cum sufF. commemoralio eorum.
-)in
verlere
honora ro.
Vide -|Dn.
habal, fdius, ideog. 1. 38, 122; liabli , fdii,
ideog. 1. 76, 1 18, i34; hablu-su, lilius ejus,
cum suff, ]. 37, 84, 86; hahh-su , filii pjus,
plur. cum suIT. 1. 80, io5, 1 15, i33.
udir, adorans, a-dir, \. 112.
mn
1^n
venire
-jDn
vertere
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 149
fJii, Ao, n. pr. Dei, ideog. Hu, 1. i55.
hekal, regia, ideog. subst. 1. i, 169, 161;
plur. hekali, regiae, 1. i58, 166, 186: he-
kalya, regia mei, 1. 179; hekal-su, regia
ejus, i. 59, 76, 80, 87, 106, ii5, i33.
allik, veni, 1° pers. sing. aor. kal. al-lik, î. 71,
86, 101, 102.
illik, adivit, 3' pers. sing. m- aor. kal. il-lik,
1. i5i; plur. il-Ji-ku, ibant. 1. i3o.
illika, 3" pers. plur. fem.aor. kal. il-li~ka, 1. 1 18,
119.
lilîik,vemat, precat. kal. lil-Uk, 1. 191.
alak, actio eundi, inf. kal. a-lak, 1. 101, 126;
a-la-ka, 1. i25.
alikut, part, euntes, plur. 1. 162.
malak, viam , n. ma-lak , 1. 1^6.
?/)uA:,vertit, 3' pers. sing. m. aor. kal. i-pu-uk,
1. 79. 122.
ittahiksu, convertit eum, 3* pers. s. m. aor. kal.
cum suff. it-ta-hi-ik-su , \. 111.
hapiktasu, fuga ejus, ideog. 1. 23 ; hapiktasuni,
1. 26; hapiklasun, 1. i3o; fuga eorum.
1
au, et, conj. 1. 78, 119, 12A, i35, 162, i53,
i56, 181, 194.
Vannai, Van, n, pr. gentis, Van-na-ai, 1. 36 , 38,
39, 4o, A4, 48, 5o.
Upiri, Upirus, n. pr. hom. U-pi-i-ri, 1. i44-
Varkasl , Varkasa, n. pr, urb. Var-ka-si, 1. 86.
vind
îcarc. . .
zibirti ? zi-hi-ir-ii, 1. 122.
izuzii, vindicavit, 3* p. s. m. aor. kal. i-zu-zu
1.118.
50
repudiare. . .
pacisci
meniorare. . .
V^T
nï
VIT
deficere. . . .
h2n
vulnerare. . .
in
nn
confugere. . .
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
azuz, vindicavi, i* p. s. m. aor. kal. a-zii-nz ,
1.1 4o.
izir, repiidiavit, 3* p. s. aor, kal. i-zirii, i. ^b.
ziràti , fastidium , zira-a-ii, 1, 92.
zakut, leges, subst. masc. plur. za-kiit, 1. ic.
azkar, memoravi, 1* pers. sing. aor. kal. az-
kur, 1. 63.
azkara, nuncupavi , az-ka-ra, 1. 1 55.
zikir, memoTy subst. zi-kir, 1. l\-
zikar^ raemoria, inf. zi-kar, 1. 122, \l\q\ plur,
zik-ri, 1. 112.
zakrutiy antiquas, zak-ru-ti, 1. i34.
zikruti, obedienlia, zik-ru-ti,\. i3.
Zikartai, n. prop. reg. zi-kar-ta-ai , 1. 87, 45-
zu/u//, columnae, ideog. 1. 161.
Zari, Zerghoul? n. pr. urbis, ideog. 1. 9, 187,
zarû ? 1. 171.
Zurzakka, Zurzukka, n. pr. urbis, Zu-ur-
zu'uk-ka, 1, 48.
zirkut, insignia(?), s. m.ipl.zir-kut, 1. 129, i3i.
zir, semen, ideog. 1. 3i, 42, 139.
Za/pamtov, Zarpanita, n. pr. deae, Zar-pa-ni-
tuv, 1. i43.
zararti, defectio, subst, za-rar-li, 1. 95, ii3;
zar-ra-a-ti, \. 38.
n
hibiltasun, cum suff. Iransgressio eorum, Iji-
hil-ta-sun, 1. 7.
Hubuskia, Hubuskia, n. pr. urbis, Hu-bu-us-
' kia, \. 54.
hadis , solus, adv. ha-dis^ 1. i4i.
Jlavranu, Hauran, n. pr. genlis, Ha-av-ra-nu ,
' 1. 18.
mahaziy lempla, subst. plur. ma-ha-zi , i. 137.
i4o, i43.
bbn
QDn
HDn
I
-)2:n
pe(
iilcisci.
festinare.
calefacere .
affligere.
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 151
Haziti,'Gaza, n. pr. urbis, Ha-zi-ti, \. 25, 26.
hitatisuy subst. f. plur. cum suff. peccata ejus,
hi-ia-ti-SR, 1. 5i.
hitli, subsl. plur. rebelles, hi-it-ii , 1. 35.
Hallii, HuUius, n. pr. homînis, Hal-li-i, 1. 3o.
Hald'ia, Haldia,n. pr. dei, Hal-di-a, 1. 76, 77.
iït7i7m, Hilibus, n. prop. iirbis, Hi-li-ih-ha,
1. 20.
Hilakki, Cilicia, n, prop. regionis, Hi-lak-hi,
' 1. 3o.
[mltuv , subst. ultio, hul-iuv, 1. 92.
Hamhanigas, Humbanigas, n. prop. bominis,
Hum-ba-ni-gas , 1. 23, i2 3.
Iiitmudis, adv. festinanter, hi-it-mu-dis , 1. 86.
hammami, elementa, subst. lia-am-ma-mi , 1. i4.
Haniani, Hamanus, n. pr. regionis, Ha-ma-a-
ni, 1. i43; Ha-nui-ni, l.i63.
Hindaru, Hindarus, n. pr. j^entis, Hi-in-da-ru ,
1. 19, 127.
Hanunu, Hanon, n. pr. bominis, Ha-nu-nu,
1. 25, 26.
hipi, subst. clades, hi-pi-i, \. 'j'j.
hapiktasu, clades ejus, ideog. 1. 121.
ahpi, terrui, 1" pers. sing. aor. kal. ah-pi, I.80.
iihappi, terrore implevi, 1' pers. s. m. aor. pa.
a-hap-pi, 1. i^-
hisir, castelium, ideog. cum suf. hisirsu, 1. i32.
Hisir-Yakin, Hisir-Yakin, n. pr. urbis, 1. i32,
' 'i3A;
Hisir-Sarkin, Hisir-Sarkin , n. pr. urbis (Klior-
sabad), 1. i55, 1 57.
Hisir-THitiv, Hisir-Tilit, n. pr. urbis, Hisir-
Ti-li-tivJ. i38.
Harhar, Kborkbor, n. pr. urb. Har-ha-ar, 1. 6 1 .
Harilluv , Harillu, n. pr. gentis, 1. 18.
Harrani, Harran , n. pr. urbis , Har-ra-ni, 1. 1 o.
1 1 .
circumdare .
152
mn
V")n
eligerc.
scalpere .
fodere. . .
\OUT-SEPTEMBRE 1865.
hij^at, uxor, subsl. hi-ra-ti-sii-nu , uxores eoruin ,
cumsufi. 1. i56; ideog. sing. 1.75,80, io5,
1 15, i33; plur. 1. 1 18.
haral, sceplrum , ideog. I. i3i.
harisi, fovea , subsl. plur. ha-ri-si , 1. 127.
haras, aurum, subsl. ideog. i. 27, 87, i3i,
i32, i33, 1^1, làS, 159, i8(5.
harsani, silvœ, subsl. plur. har-sa-ni , 1. 1^, 4G.
hattav, formido, subst. hu-at-tav , \. iii.
Hatti, S}ria, n. pr. regionis, Ha-at-h , 1. f)5.
Hat-ii,V 17, 57, i38, 1A7, 161.
libhulti, subst. plur. vestes linctae, tib-bul li,
1. i42, 181.
tub , bonus, adj. tu-ub , 1. iqS; la-bu, 1. 173-,
ta-a-bii, 1. iA3.
/a6i5, adv. fauste, ta-bis, 1. 167.
/ttm, suslentio, inf. pa. tiir-ri,\. 119.
T»
□r
. . . .
id , pes, subst. cum suff. ideog. id-ya, pes
meus, 1. 85, 100, ii4; piplion, i-da-su-un,
pedes eorum, 1. 190.
Yaubidii, Yaubidus, n. pr. bominis, Ya-ii-bi-
di, 1. 33.
jiim, dies, ideog. 1. i3,37, 167; — jumt, plur.
dies , 1. 1 o , 1 1 o , 1 1 7 , 1 /i6 , 1 74 > 1 80, 1 92 ,
— inayiimi suva, in illo tempore, 1. 1 53.
Izibia, Izibia, n. pr. urbis, I-zi-bi-a, 1. 4».
Izirta, Izirlu, n. pr. urbis, I-zir-tii , 1. /u, 35.
Ikbibil, Ikbibil, n. pr. urbis, Ik-bi-bil, 1. 125.
ihmaii , anleriores, ili-mu-ti , 1.
\akin, Yakin, n. pr. bominis, 1. 122.
lUipi , Albanin, n. pr. regionis. Il-li-pi, 1. 18,
117, 121.
assignare. . . .
K")"»
timere
vv^
spaliosum e"*.
GRA.NDE INSCRIPTION DE KIIORSABAD. 153
lUipai, n. prop. genlis, Il-li-pa-a, Albanus,
1. 70.
Yamani, Yamanus, n. pr. hoininis, Ya-ma-ni,
1. 95, 101.
Yajiagil, Yanagia, n.pr. regionis, Ya-'-na-gi~i,
1. i45.
YanzUy Yanzu, n. pr. hominis, Ya-anzu-u ,
1. blx.
adï, praecepta, subst. plur. a-d-i-i, \. 79.
iriy silva; cum suff. plur. i-rl-siin, 1. i43.
irivva. Supers, sing. aor. kal. non sustinuii,
i-riv-va, 1. 26.
Iranzii, Iranzu, n. pr. hom. Ir-an-zu , 1. 36.
musa, salus, musa, 1. 190.
Itu, Ilu, n. pr. gentis, I-tu, î. 18.
lui, Iltius, n. pr. hominis, It-ti-i, I. 55, 56.
Yalburi, Yatbur, n. pr. regionis, Y a-at-hu-ri ,
1. 20, i5o.
Ilamaru, Ilamarus, n. prop. hominis, It-'-am-
a-ni, 1. 27.
Yalnan, Cyprus , n. pr. genlis, Ya-at-na-na,
1. 16, i45.
^D-ND
133
33D
n3D
ki, ex, contra, cum, praep. 1. 89, 83, 12 4, 126,
i55.
Kui, n. pr. regionis, Ku-i, 1, i5o.
Kibaha, Kibaba, n. pr. hominis , 1. 61.
ikbud, durum fuit, 3" pers. sing. aor. kal. ik-
bu-ud, 1. 33 , 91 .
kababi, scutorum genus, ka-ba-bi, I. 117.
kabiltu, multus, ka-bil-tu (/t), 1. 72, i33,
i5i, 168, i85.
kabatti, propositum, ka-bat-ti, 1. 19/4.
kibit, iua ki-bit , ope, 1. 1 2 4; ki-bi-tus-su, favente
eo
19^
154
A
comburere. . .
esse, stare. . .
tondeie, exco-
ria re.
prohibera . . .
nbD
perticere. . . .
rDbD
invigiiare. . . .
nCD
prehendere . .
AOUT-SEPTEMBRE 18C5.
kidinni, norma, sub. m. pi. ki-diti-nl, 1. 7; [ki-
dinmil) ki-din-nu-us'-mn , norma eorum , 1. 1 1 .
Kiakku, Kiakkus, n. prop. hominis, Ki-ak-kii,
l 28.
akvu, combussi, i' pers. sin^^ aor. kal. ak-vu,
1. 35, /i2, A3, ^7, i3/j.
uktin, imposai, 1" pers. sing. aor. iphleal, iik~
tin, \. 67.
wÂ^mJmposui,!* pers. sing. aor. kal. u-kin,\. 02 ,
83, 116, i6/i.
ukinna, rectificavi, 1, 167, 160.
kiin, stans. inf. kal. ku-un, \. 12; kun-nu,
1. 174.
kinis, adv. constanter, 1. i56, 188.
kitti (pro kiuii), kinat, fœdiis, kit-ti, l. 3o.
akus , excoriavi, 1" pers. sing. aor. kal. a-ka-
us, 1. 35, à^, 56.
kukum, crocus, ku-kiim, 1. 1^2 , 181.
iklû, retinuit,3"pers. sing. m. aor. kal. ik-lii-u,
i. 28, 69, 1 13.
iA-/a, abnuit, ik-la-a, 1. 79, 122.
Kalu, Kalah, n. pr. urbis, ideog. 1. 8, 23.
kola, omnis, ka-la, \. i/i3; cum suff. ka-U~
sun, 1. \l\.
Kalanu , Ralanus, ideog. 1. 8.
Kaldi, Ghaldœa, n. pr. genlis, Kal-di, 1. 21,
122, 125, 147.
Kaldudii ,Cha\dud , n. pr. gentis, kaldu-duj. 1 8.
ukallim, invigilavl, 1" pers. sing. aor. pael,
ii-kal-lim , 1. i35.
kima, sicut, ki-ma, 1. 96, i25, 129, i32,
i34, iM.
/mmu, possessio, inl". kal. ka-mu-u, 1. i35.
Kummahi, n. pr. regionis, Kum-mu-hi, 1. 82.
Kanunuhai, Kammanius, 11. pr regionis, Kitm-
nui-lja-al , 1. 1 1 y.
DD3
V12
îviDD
no
cogère.
inlricarc.
expiare. .
separare, dis-
tribuere.
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 155
akmisa, rogavi, i* pers. sing. aor. kal. ak-mi-
sa, 1. 174.
Kindau, Kindaus, n. pr. urbis, Kin-da-u, \. 64.
iknusu, se submiserunt, 3" pers. plur. m. aor.
kal. ik-nu-su, 1. i52.
usaknisu, 1" p. sing. aor. slmp. coegi, u-sak-ni-
sa, 1. i54.
kiissu, thronus, ideog. 1. 3o, 33, Sy, Sg, 5i,
84, 95, 118, 121, i3i.
Kisik, n. pr. urbis, Ki-sik, 1. 9, 137.
kasap, argentum, ideog. 1. 87, i3i, i33, i4i,
i48, 169, 168, 180.
kapidu, inlricans , inf. kal. ka-pi-du, 1. 112.
kaprasu, subst. cum sufl'. kap-ra-sn, dona ex-
piationis, 1. i45.
aksura, distribui , 1" pers. sing. aor. kal. ak-
sii-ra, i. 98, 124.
ikmru, distribuit, 3" pers. s. m. aor. kal. ik-su-
rtt, 1, 34, 12 3, 129.
aksur, conscripsi , 1" pers. s. aor. kd\* ak-sur,
1. 24, 36, 117.
kisir, porlio. ki-sir, 1. 36.
Kar, iirbs, arx.
Kar-Islar, Kar-Istar, n. pr. urb. Kar-Istdr, 1. 65.
Kar-HiL, Kar-Hu, n. pr. urbis, 1. 65.
Kar-Yakin, Kar-Yakin, n. pr. urbis, 1. 126.
Kar-Marduk, Rar-Marduk, n. pr. urbis, 1. 60.
Kar-Nahu, Rar-Nabu, n. pr. urbis, 1. 65.
Kar-Sin, Kar-Sin , n. pr. urbis, 1. 65.
Kar-Sarkin, Kar-Sargon, n. pr. urb. 1. 63, 66.
Kar-Tilit, Rar-Tilit, n. pr. urbis, l. 20.
karhi, arces; cum suff. karhi-su, arces ejus;
kar-hi, 1. 126, i34; ideog. 1. 127.
karka, lliesaurus, ideog. 1. 56, 75, 106, 1 15,
i33.
Karallii, Raraliiv^, n. pr. regionis, Karal-la,
156
1V2
AOUT-SEPTEMBRE 1805.
1. 56; Kar al-la-ai, Carallaius, I. 55.
kurunmi, piacula , ?,vihs>i. kii-rii-un-nu , 1. 170
karpanis adv. kar-pa-nis , 1. i/j, 80.
karri, expedilio; karriya, ideog. cum sufl, i. 2 3 ;
kar^ri-ya ,\. l\\, \o\, wk, \ib.
karasi, impedimenta, subst. ka-ra-si, 1. 98.*
kisati, cuncta, ki-sa-a-ti , L làà-
Kisisim, Kesisi, n. prop. uibis, ki-si-siim, 1. Sç).
kasad, appropinqualio, .subsl. ka-saà, !. /jo.
kisad, ripa, ideog. 1. 18, 19; ki-sad, 22.
kisidti, prseda , ki-sid-ti , 1. 62, 82, 108, ii3,
116, i5/i, i65, 171.
aksiid, cepi , 1* pers, s. aor. kal. aksud — ak-
siL-ud, ak-sii-du, 1. 23, 35 , ^a , 43, 45, à'j,
58, 60, 61, 64, 66, 71, io5, 11 5; ideog.
l 68, i32, 166.
iksada, attigerunt, 3" pers. pliir. fem. aor. kai.
ik-sii-da, J. 117, 128, 139.
liksud, conlingat, precat. kal. lik-su-iid, 1. 191.
kisurri, lermini, ki-siir-ri , 1. 82, i36.
commovere . . iktumusu, comnioverunt eum, ik-tii musa, 1. 1 1 1 .
colligere.
ire, appropin-
quarc.
superbum ess"
cor
la, negat. 1. i4, 26, 3o, 33, 46, 71, 86, 90,
95, 96, 100, io3, iii, 112, ii3,ii4, ii5,
i>6, 122, i42, 147, i52, 157, 169.
la'ari, desertus, 1. i5, 110.
Util Sun 1. 160.
lliti, honos, li-i-li, I. 16, 53.
lihhi , cor, ideog. 109, i24; hh-bi, i4o; cum
siiff. Ubhi-ya, cordis mei , l. 4o, 79, 84, 97,
ii3, i55; lihhi-suy l. 24; Ub-bi-su, 1. 194;
lib-su . I. 91 ; Ubbisu, 1. 78; libbi-suna, ). 24 ,
126; Ub-bi-su-na, 1. 12, 24. 193.
lib, Ubbu, superbia . Ub-bu-suiin , Miperbia sua ,
I. u/iH.
GRANDE
■)Db
nb
consumere. . .
discere
appropinquar*
invenire
îc^b
rnultum esse
favere.
administrare
INSCRIPTION DE KHORSABAD. 157
lahbis, adv. in animo, lab-bis , I. /jo.
lilhiir, precal. kal. duret, lil-il-hiir, 1. ig2.
Lagiida, Laguda, n. pr. dei, Lagii-da, \. g,
.37.
luddii, consumptio, subst. liid-dii, 1. i5.
Lallukna, Lallucanu , n. pv. urhis, Lal-lii-uk-
nu, 1. 57.
lamidlav , pro lamidaiuv , doclae, la-mid-tav ,
\. i58.
lammïi, pael. desolalio, iul-lum-mu , lumuluni
desoiationis , 1. 35.
a/mj, obsedi, 1' pers. s. aor. kal. al-mi, i. 23,
35, Gi, 64, 68 , 71, io5, 1 15 , i32.
limitasa, 1. A7, 66 , 68 , 80 , 91, 93 ; limil , 1. 66.
îimnu, inimicus, lim-nii, 1. 33, 112.
limniti, inimicitia , lim-ni-i-tij \. 11 3.
alkasu, 1* pers. s. m. aor. kal. cum suff. abri-
pui eum, a/-A;a-«5-5u, 1. 32.
ilhû, assumpserant, 1. 55.
Larsam, Larsam , n. pr. urbis , ideog. i. 9 , 137.
lisan, subst. lingua. Usa-an, 1. 161; plur. li-
sa-na-an, i. 4-
Lilai, Liteiis, n. pr. genlis, Li-ta-ai, 1. 19.
D
maduti, raulli, ma-dii~ti , 1. 11; ideog. 1. i4i ;
ma'adti, 77.
Vide '^yiD.
magdansiin, subsl. cum suff. opiniones suas.
mag-da-aii-su-un , 1- i58.
imgurii, o'^ pers. pi. m. aor. kal. im-gu-ni , 1. 71.
mitgari, felix, mit-ga-ri, 1. 167.
Marfai, Media, n. pr. rcgionis, Ma-da-ai,\. 17,
65,66,69.
yiimahir, adminislravit, 3'
kal. yii-ma-'-ir, 1. 84-
pers.
SUli
m. aor.
15J
mD
imponere. . .
mulare
cedere
mori
dimicare . . .
"'D
")DD
implere
AOUT-SEPTEMBRE 1805.
mahhuy medulla, miih-lm,\. i42.
mUharîs, cum Iributis, mit-ha-ris, 1. 22, i38.
amura, me amovi, l'p. sing. aor. kal. a-mii-ru ,
1. i3, i5.
immasu, in desuetudinem abierant, 3" p. plur.
m. aor. niph. im-ma-su, 1. 1 1 .
imisu, denegavi, 1" pers. sing. aor. kal.t-mf-
sii, 1. 73.
masuli (?) , anteriores, ma-su-ti (?) , 1. i36.
musis^ cedendo, adv. ma-sis, 1. 126.
nmti, mors, ma-u-ti, l. 118, i3i.
amhas, in fugam eos vcrli, 1° pers. sing. aor.
kal. am-ha-as, 1. 26.
miimtahsis, diraicantes, part, mun-tah-si, \. 34,
28, 129.
«m/tar, imposai , impers, sing. aor. kal. am-hav,
1". 27, 54.
usamliir, afferri jussi, 1" pers. sing. aor. shaj).
u-sam-hir, 1. 168, 186.
maliarsu, anteillos, ma-kar-sn, 1. 175.
mahri, anlerior, ma-lii-ri^ 1. 24 , 83 ; adi-mahryu ,
12,
maltriti, anterius, mah-ri-ti, 1. 29.
mihrit, in Ira, ini-ih-rit, 1. 162.
mi, aqua, ideog. subst. plur. 128, i3o.
makrii, servus, ma-ak-rii, ]. 1 15.
usamliir, excilavi, 1" pers. sing. aor. shaph.
iL-sam-kir, 1. 123.
yiimalli, implevit, 3' pers. sing. m. aor. paei ,
ya-mal-li , l. 128.
mala, neg. mal ma-la, 1
87, i33.
Mildisai, Mildisensis , n
ai, 1. 37, 49.
Miliddai , Miliddensis, n. prop. urbi
dti-ai , I. 79-
7, 20, 21, 75, 80,
pr. iiionlis, Mil-di-is-
Mi-Jid-
GRANDE
^'jD
nhi2
possidere. . .
numerare. . .
-jDD
")DD
1UD
npD
fugere
volarc
INSCRIPTION DE KHORSABAD. 159
malmalis, pignoris instar, adverb. mal-ma-lis,
1. i/jo.
milammi, magnitude, subst. plur. m. mi-lam-
mi, 1. 1 1 1.
M«7tt/t/ia, Meroe, n. prop. ve^ioms , Mi-luh-ha ,
\. io3, 109.
milki, gloria, siibst. mil-ki, 1. 171.
malku, rex, mal-ku, 1. 191; mal-ki, 1. 177;
plur. ma-li-ki, reges, 1. i3.
mana, mina, subst. ma-na, l. i^i.
minav , numerus ; la mi-nav, sine numéro , i. lk^
5i, 72.
amna, numeravi, 1" pers. sing. aor. kal. ani-
na, 1. 28, 61, 76, 81, 83, 87, 89, 107,
109, i34, lAo.
imncisuniiti , 3* pers. sing. fem. aor. kal. cum
suff. im-na-su-nii-ii , 1. i48.
manamma, ullum, 1. ii5, 1^7.
mussikki, coronae, subst. plur. mus-sik-hi ,\. 8;
mus-sik-ku, 1. 83.
Mmki, Muski, n. pr. regionis, Mii-iis-ki, 1. 7,
3i; Mii-us-ka-ai , \. i5i, i52.
Musri, n. pr. regionis, Mu-us-ri, \. i54-
musarri, tabulae, subst. plur. masc. mii-sar-ri ,
1. .59.
Musari, .Egyptus, n. pr. regionis, Mii-sii-ri,
1. 17, 25, 27, 102, i83.
Miisasir, Musasir, n. prop. urbis, Mu-sa-sir,
Mii-su-si-ri , 1. 7 4; Mu-sa-sir-ai y 1. 72; Mii-
s a-si-ru y I. 73.
imkutsu, fugit eum , 3' pers. s. m. aor. kal. en m
suff. im-kul-su, 1. 126.
iisamkit, redegi, l'pers. sing. aor. shaph. tt-5rtm-
hit, 1. i36.
rnarûii. volantes, ?na-m-u-ti, 1. 168.
160
I^D
ne
ire
delrahere
comoarare
AOUT-SEPTEMBRE 1805.
Marduk, Merotlacliiis, nom. prop. dei , ideog.
1. 3, 1 1 1, 1 24, I /il, 1 45, 1 54-
Marduk- bal -iddin, Merodach Baladan, n. pr.
hominis, 1. 121, i2 5.
Marubisli, Marubusti , n. pr. urbis, Mar-ii-bi-
is-ti, 1. 121.
marsi, al lus, mar-si, 1. 38, 4ii 42, 5o; mar-
sa-a-li, inaccessus, l. 43.
marrani, passus, mur-ra-ni, 1. 112.
marrati, mare, mar-ra-ti , I. 22, 122.
mamraru, 1" pers. sing. aor. shaph. exlendi,
u-sam- ra-rii, i . 1 5 o .
tamartus, donum , .subsl. la-mar-ias , 1. 28, 79,
ii3, 123, 168.
tamirtus, cursus, subst. la-mir-tuSy \. 128.
Marsanai, Marsanius, n. prop. genlis, Mar-sa-
na-ai, 1. i3o.
masak , culis, ma-sak , 1. 35, 49, 56.
Misiandia, Misiandia, n. pr. rcgionis, Mi-si-an-
di-ia, 1. 37.
tamsil,ad instar, adv. tam-sil , 1. 161.
mat, regio, ideog. 1. 1 36 ; ideog. praef. nomi-
num regionis, Passim. Plur. mali, 1. i35;
cum suft. malisii, vel. mal-su, ideog. 1. 3o,
01, 46, 52, 61, 74, 84, 1 1 5, 1 18, \k']\mati-
sii-a-tu, 1. 83, i4o; mat-ya, \. 178; ma-a-ti,
\. i35; mali-sa, 1. 74, ii5; plur. matât,
ideog. 1. i4, 4o, 62, 108 i53, 170; irrcg.
matitan, 1. i65, 177.
Mita, Mita, nomen prop. hominis, 1. 3i,
i5o, i52.
Mitatti, Mitatli. n. pr. hominis, Mi-la-al-li ,
1. 45, 48, 52.
Malti, Maliens, n. prop. hominis, Matti-i ,\. 29,
Miillalluv, Mullallus, n. pr. hominis, Mut-ial-
luv, 1. 84, 86, 112.
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.
101
on:
Nîs:
Nî3:
velle. . . .
edicere. .
eniintiare
>sîd:
DD3
nj:
3"i:
ni:
pellere. .
evertere
verlere .
caedere
eruere.
olTerre. . .
relinquere.
nimiya, volunlas mea , nimi-ya, 1. 84.
nim, decrelum, ni-im, I. i55.
uhhi , nominavi, i" pers. sing. aor. [kal. ab-bi,'
1. 6o, 65.
nibit, nomen, subst. cum sufF. ni-bit-sii, no-
men ejus, 1. i55.
Nabu, Nebo, n. pr. dei, ideog. 1. 3, 1^3, i45,
i5A, i55.
Nabu-pakid-iliii , Nabud-pakid-ilui, n. pr. ho-
minis, 1. 139.
niba, numerus, ni-ba, i. 87.
Nibi, Nibius, n. pr. hominis, Ni-bi-i, ]. 118,
120.
innabit, aufngit, 3" pers. sing. aor. niph. in-na-
bit, 1. 26, 46, io3.
abbul, everli, 1' pers. sing. aor. pa. db-bul,
1. 70, i34.
ibbiil, evertit, 3" p. s. m. aor. pa. ib-bul,\. i5i .
nabasis, siciit folia arboris(?) adv. na-ba-si-is,
\. i3o.
nagû, oppidum, na-gu-u, 1. 1 15; na-gi-i, l. 44.
63, 66, 68, 70, 71 ; na-gi'i-sii , cum sufl.
1. 43, i5i.
nagap, clades, na-gap, \. 16, i49-
agqiir, erui, i''pers. sing. aor. kal. ag-gur, I. 70,
"1 34.
iggur, destruxit, 3* pers. sing. m. aor. kal. ig-
giir, ]. i5i.
nadbiiii, sponlanea oblalio, subst. fem. na-ad-
bu-ti,\.\b^.
addâ, disperlivi, 1^ pers. sing. aor. pa. ad-da-u,
1. i4.
^7c?tt5/««, adminislralio, subst. cum sud. ni-dn-
ns-su, 1. 139.
162
m:
n:
in:
slernere,
querc.
darc
vovere.
consnescere . .
procerumesse
ina
fluere
m:
raorari
pi:
4tD:
ponderare. . .
^2:
periicere. . . .
DDi
diminuere . . .
abscindere.. .
id:
non agnoscer',
allerare.
nîd:
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
acMâ^dispertivi, l'pers. sing. aor. l.a].ad-da-a,
l 14.
addi, stravi, 1" pers. sing. aor. kal. 1. iGo.
iddû, dispertivit, 3" pers. s. m* aor. kal. id-
du-u, 1. 38, 96.
nadan, donum , inf. kal. iia-dan, 1. 67, ii3.
addin, dedi, 1' pers. sing. aor. kal. ad-dinX 29;
cum sufF. ad-din-su, dedi ei, 1. 3o, 52.
iddin, 3' p. s. m. aor. kal. id-din-sa,\. 39, 119.
mandatta, Iribula, man-da-at-ta, [ti, tav.)
1. 29, 54, 69, I i3, t85; ma-da-at-ta , \. 27,
32.
annadir, votum feci, i"" pers. sing, aor. nipb.
an-na-dir, 1. 4o.
nigutav, jurisdictio, ni-gu-tav, 1. 179.
iiadis , auguste, adv. na-di-is, i. 174.
iiada, proceri , na-da , i. 174.
nada, ideog. augustus , 1. 34, 124, i4i.
nahari, flumen, subst. plur. ideog. 1. 129, i3o,
et anle nomina fluminum; na-'-i-ri, \. 54.
nivit, habilatio, ni-vit, 1. 9, 137.
niik , satisfaclio, mi-iik, 1. 194.
nathiti, ponderosa, nat-lu-ti, 1. 168.
nakliiti, artificiosus, nak-lii-ti , 1. 157.
nahlis , artificiose, adv. nak-lis , 1. j64.
Niksammu, Niksam, n. pr. regionis, 1. 58.
iinahkis, erui, l'pers. sing. aor. pa. a-nak-kis,
1. i3i.
nakiri, rebelles, subst. m. plur. na-ki ri, 1. i4;
ideog. 1 12 5.
M//rtMar, alleravi, 1' pers. s. aor. pa. u-nak-kar,
1.93.
nakratisu, rebellio cjus, subsl. feni. cum suff.
nak-ra-ti-sii , 1. 1 28.
akkirvu, proslravi, ak-kir-vu , i. 73.
numma , simul, 1. i3, 189.
GRANDE
id:
videre
mjj
P^
sobolescere. .
no:
suppiilare. . .
noj
evellere
dd:
elevare
1d:
fundere
id:
amovere ....
ns:
oriri
riDJ
-)d:
l!rD3
flare
-)2ÎJ
protéger e. . .
INSCRIPTION DE KHORSABAD. 163
narnar, visio, inf. kal. na-mar, 1. 19/i.
numri, splendens, particip. plur. kal. nam-ri,
1. 161, 162.
namrati, splendentia , subst. plur. fem. nam-
ra-a-ti, 1. i56.
nummur, splendor, inf. pa. na-um-mur, 1. i^i,
innamir, videbatur, 3* pers. s. m. aor. niph.
in-na-mir, \. 26, 46, io3, 11 4.
Ninua, Ninive, n. pr. urbis, ideog. 1. i54-
imni, pisces, s. plur. nuu-ni^. lUlw ideog. 169.
Ninip , Ninip, n. pr. dei, ideog. 1. 112, i56.
yunissi, supputavit, 3' pers. s. m. aor. pa.yuni-
is-si, 1. 127.
isassusu, dicunt, 3" pers. plur. m. aor. sbapb.
i-sa-cLS-su-sa , 1. 162.
assuhav, transportavi , 1' pers. sing. aor. kal.
as-sii-ha-av, 1. ^9, 56, i34.
nissat, elevalio, ni-is-sat, 1. i46.
nisiktu, metallum, ideog. 1. i^S.
adsiirsuruili , amovi eos, 1" pers. s. m. aor. kal.
cum suff. as-sar-su-nu-ti , 1. 67.
nipih, oriens, ni-pi-ih, \. 69, 109, i44.
usappili, anhexui, 1* p. s. m. aor. sh. ii-sap-pih ,
1. 9. (ForsannSi:*?)
nupai\ cor, nu-par-sun , 1. 186; nu-par-su-un,
1. 168.
Nipur, Nipur, n. pr. urbis, ideog. î. 6, i34-
napsat, st. emph. napasti, anima, vila , na-pas-ti,
1. 119; na-pas-ti, 1. 173-, cum sulL na-pas-
ta-su, vila ejus, L 77; ideog. 1. 7^.
nasir, protegens, part. kal. na-sir, 1. 3o; na-si-
ru, 1. 189.
masartu, subst. arx, mà-sar-tu, 1. 66.
nisirti , familia , subst. ui-sir-ti, \. 69, "5, 80 î
106, ii5, i33.
IG4
AO
np:
perl'orarc. . .
21:
elevare
pn:
porlare
langere
osculari . . . .
eripere
UT-SEPTEMBRE 1865.
nakab , perforatio , subst. na hah , \. i5.
nakhi, rivus, nak-hi , 1. 128.
makkii, insons, mak-ku, 1. 5.
nir, prope, praep. nir, 1. iSg; ni-ir^ 1. 22, 28,
55, 70, 116; nir-ya, cura sufT. 1. 5o, 85,
ii4, 1^9, i5/i; ni-ri-ju, 1. 36, 117.
nirib-siin, inlersiilia corum, ni-rib-su-nu , 1. i4,
161. (Videm:^.)
naram, exallans, na-ram , 1, 34-
nirariil , adj utor, ni - ru - ru -ti ,\. 7 1 ; lù-ra-ri ,
I. ii3.
Nirisar, Nirisar, n. prop. hominis, Niri-sar,
vel Isli-sar, 1. 58.
nus, porlator, na-as , 1. 117.
nasii, praestatio, na-si-i, 1. 90, 1 53.
usassig , cinxi , i" p- sing. aor. shaph. ii-sa-as-sik ,
1.8.
yunassiku, osculati sunt, 3' pers. plur. aor. pa.
yu-na-as-si-kii , 1. \l\(^.
issur, deleta fuit, 3" p. m. s. aor. k. is-sur, i. 5i.
Nituk, Nituk, n. pr. regionis, Ni-tuk-ki, 1. 22;
vide Asmun.
NÎDD
■):d
PD
-inD
Sabai , Sabai , n. pr. regionis, Sa-b a-' -ai , 1. 27.
sibittu .... (?) si-bit-tu, 1. 78.
littasgar, serviat , precal. islapbal , lit-laé-gar,
l 188.
sigar, margo; sigar-sun, cum sufT. marge co-
runi , 1. 164.
sudinni , pulli aviunn, sa-din-ni , 1. i25.
misir, corona, mi-sir, 1. 161.
ullil, erexi, 1° pers. sing. aor. iplileal , ul-til,
1.53. Go, 63.
mD
-ne
nno
nnc
CD
amovere ....
verrere
circumdare. .
7^D
1 ^
nbD
peccare
agglomerare .
i*DD
")DD
P]PD
-nu;
l'gare
dominari. . . .
i
GRANDE INSCRIPTIOxN DE KHORSABAD. 165
27, '29, 54, 67,72,
^7.
39.
J5-
s'iisi, equi, subst. ideog.
i83.
msiir, amovi, 1' pers. sing. aor. as-sur su-nu- li ,
amovi eos, 1. 67.
asm\ investivi, 1" p. sing. aor. kal. a-sar,\. 88.
shit, serpens, is-hi-it. 1. 169.
sahru, fœdus, sah-ru, 1. 119, 120.
ishar, compulerat, is-har, 3" pers, s. m. aor.
"kaL 1. 123.
sihirli, cotnplexus, si-hir-ti (su, sa), \. 17, 21,
82. ii5.
simâii, aerarium, si-ma-a-li, 1. 166.
Sin, Sin, n. pr. dei, ideog. 1. i55.
Sukki , Sukkia, n. pr. urbis, Su-uk-kia , 1.
Sakhat, Sakbat, n. pr. wThis , Sa- ak-bat , \. 1
islu, peccarunt, 3" pers. plur. m. aor. kal.
lu-u, 1. 28, 55.
yusalluv, aggere munivit, 3' pers. sing. pa. aor.
m. yu-sal-luv,]. 128.
s'almi, sandalorum genus, sa-al-mi , J. 99,
1 14 ; sal-mi, 1. 85.
Samuna, n. pr. urbis, Sa-am-'u-na, 1. 20.
Samirina, n. pr. urbis, Sa-mi-ri-na, 1. 23, 33,
Samuna, Sammuna, n. pr, urb. Sa-am-'-u-nu,
]. i38.
Samsië, Samsia, n. pr. reginae Arabiae, Sa-am-
si-i, I. 27.
s'upii, praeslatio, su-pi-i, \. 120.
Sipar, Sipar, n. pr. urbis, ideog. 1. 5, i34-
askuppi, superliminarium, as-kup-pi, 1. i65.
Nis'ruk, Nisroch, n. pr. dei, Nis-ruk, 1. i55.
sur, st. emph. sarru, rex, ideog. 1. i, 2, 23,
•xlx, 25, 26, 27, 3i, 54, 76, 83, 90, 109,
11 3, 119, 122, 123, \lxk\ plur. sarri,
st. emph. sarvani, reges, ideog. 1. 91 , 110
i/j5, 1A7, i52. .
12
J66
nriD
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
sarrat, regina, sar-rat, 1. 27.
sarriit, regnum, sar-riit , \. li, sarriiti, 33, 94 ;
cum sulï. sarrutiya, regnum raeuni, \. 23,
36, 53, 60, 63, 111, i/i4, 171; samitisu,
regnum suum, ]. 29, 4», /42, 47, 5i, 53,
80 , 118, 129, i3i.
Sarkin, Sargon, n. pr. régis, ideog. 1. i.
Siirapp i,Surap, n. pr. fluminis,iStt-rap-pi,l. 19.
sittat, ordines reliqui, si-it-la-at , \. i3i, i33.
siltuti, reliqui, si-it-tu-ti, 1. 24-
sattukki, sal-tu-ki, \. 157, pacla eorum, /«/-
tuk-ki-su-mi , 1. 137.
Sati, Suti, n. pr. gentis, su-ti-i, 1. i35.
suti sazah , ... 1. 82; sali zabgati, 1. 19; s'idi-
zab hiLSzah, \. i23.
in:?
vel
nv
transira,
facere. .
itibhira, transeundo paravi, i" pers. sing. aor.
iphteal, i-iih-hi-ra, 1. i5.
ipsit, facinus, subst. ip-sit, 1. 1 ^7 ; ip-si-it,\. 5o.
apsani, pietas, ab-sa-ni, ]. 109, i54-
i/)tt5, feci, 1' pers. sing. aor. kal. i-bu-su, 1. 92 ,
118; ipus, ideog. 1. 53, 60, i55.
ibis, ad faciendum, i-his, 1. 1 3, 1 52 ; i-pis , 1. 2 5.
itibbusa, perfeci, 1" pers. sing. aor. iphtaal,
i-tib-bu-sa, 1. 7.
itibbus , facinus, inf. iphtaal, i-tib-bu-us , l. i48.
nibisti, fabricata, n. ni-bis-ti, l. i48.
ibbusŒy facere, iuf. pa. ib-bu-su.
usipisa, perfeci jussi, 1' pers. sing. aor. sliaph.
a-si-pi-sa, 1. 162.
adi, usque ad, praep. 1. 17, 18, 20, 22, 23,
3A, A3, 4A, 45, 46, 49, 52, 56, 59, 60,
61, 68,71,74,75, 76,80,86, 110, 112,
iî5, 129, i3o, i33, i38, i44, i45, i46,
i4q, l52, 166.
GRANDE
deficere. . . .
2î:?
relinquere. . .
ni3y
tegere
qd:^
accedere. . . .
n'?^?
ascendere. . .
îby
exhilarare. . .
nV^
p-'?^*
lorquere. . . .
ÎDr
^Dy
ponere, slare.
INSCRIPTION DE KHORSABAD. 107
adi mahriya, coram me, ]. i^g.
adi una, diim, i^Q.
idinmissii, solus, i-din-nii-us-su , 1. qlx.
idiir, dereliqueral, .V p. sing^. aor. kal. i-diir,
\. 46.
izib , reliqui, i" pers, sing. m. aor. kal. i-zib,
1. i32; i-zi-bii, ]. 1 15.
Azuri, Azurus, n. pr. hominis, Aznri, 1. 90.
itis , clam, adv. i-iis , 1. i32.
akamii, accessus, inf. a-ka-mii, 1. /u, iik-
yiilliy eievavit, Z" pers sing. m.yul-li-i, ]. 38.
illu, supremiis, ideog. 1. 170, 189; U-li-tiv,
l->93.
m, super, ideog. 1. 29, 36, 48, 69, 60, 62, 6/4,
7/i, 78, 93, 113,119, 121, 129, 139, 1^2,
i5o, 159, i63; cum sufF. ili-su, 1. 29,53,
83; ili-sii-im, super eos, L 22, 24 • 32, 62,
67, 84, 89, 94i 96, 116, 160; i-li, 1. 169;
ili-su-un, 1. 32, 160; ili-su-un, \. 116.
ilis, supra, i-lis, 1. 20, i38.
ilina, loco, i-li-na, 1. i54.
usaliza, exhilaravi, i" pers.
u-sa-li-za, 1. 168, 186.
Usaliza, gaudeat, precat.
1-194.
iliz, gaudio, i-li-iz, 1. i4o.
Elamii, Susiaria, n. pr. regionis, ideog. 1. 18,
21 , 23, 119, 120 (?) , 123, i38 , 139, i5o.
ilku, lorquatus, il-ku, 1. 83.
ummaii, exercitus, iim-ma-an, 1. 120; iim-ma-
iia-al, 1. 4o; um-m«-ni-ja, 1. 97.
um-ma-nat, 1. 34; um-ma-na-al , 34, ^o; ideog.
1. 97; cum suff. iim-ma-na-ti-su-nu, 1. 120.
um-ma-ni-ya , exercitus meus, 1. 73.
imid, redegi, 1* pers. sing. aor, kal. cum sufî.
i-mid-su-im-ti , redegi eos, 1. 2 3, 2 5.
1 2 .
sing. aor. shaph.
shapli. U-sa-li-sa,
168
im
slare
pDi?
profundum
esse.
nii*
□2:i?
ny:?
dominare, . .
cogère.
lorquere
inlrare,
gerniinare. .
69.
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
imidu i-mi-du, 1. 78.
andiisun, adoralio eoriim, 1. i58.
iniiki , Immiliatio, ti-mi-ki, \. 120.
imiik, aiicloritas, i-mu-iik , 1. 166.
innsii, intentio, ni-in-sa, 1. i52.
asmii, maleries, as-mu, 1. 164.
misir, dominium, rni-sir, \. 21, 3o, 46. 67,
i38, iSg.
misria, provincia mea, mi-is-ri-a, \. 3i.
usurat, morbus, ii-m-rat, \. 117.
issur, avis, 1. i29;plur. ideog.l. 16A, »68,
issuris, adv. sicut avis, is-m-ris , 1. 5o.
«A-//, sapienles, ak-li , i. 178.
a/r^i, impiiis, ak-si , 1. i2 5.
i'r, urbs , subst. ir, 1. 29, 34, 4i, 47, 53, 54,
62, 80, 81, 124, 128, 1 33, 1 34, 137, 1 55;
an le nomina urbiiim , passim , cum sufl". ir su ,
1. 59; ir-sii-a-tu, 1. 1 14; ideog. plun irani,
ideog. i. 43, 47, 48. 58, 60, 68, 80, 107.
11 5, i5i; cum suff. irani-su, \. 52, 126;
irani-sunulu , urbes eorum , 1. 35.
Aribi, Arabia, n. pr. regionis,^-r/-6/, 1. 27, 69.
iriiba , intravi , 1* pers. sing. m. aor. kal. i-rii-ba,
1. 132. :
irib, occidens, i-ri-ib, 1. i46.
yiisirib, inlrare juvssit, 3' pers. s. m. aor. shapli.
yu-si-rib, 1. 126.
nirib sun, interslilia earum, iii-rib-su-nii, 1. i4,
161.
iri , colores? ideog. 1. 160.
ira, profeclus sum, 1' pers. s. m. aor. sbapb.
i-ru-uv , \. i4i-
îruvva, animadverli , i ^ p. s. a. k. i-7m-uv-va ,1.74
isbi, berbae (odorantes), is-bi, 1. 27.
isuti, adv. ana issnli, denuo, is-sii-ti , 1. 62 , 1 1 5.
islin , unus, ideog. 1. 128; is-tin,\. 126, i34.
progredi
GRAiNDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 169
istinis, adv. is-fi-uis, uterque pro se, 1. 1 18.
istarat , dese , s. fera, plar. is-tar-at,\. 167, 176.
ilitlika, peragravi, 1" pers. sing. aor. iphlaal,
i-ti-it-ti-ka , 1. i5.
itkili, praeda, U-ki-ti, 1. i/ii.
"IJQ
mD
redirnere. . .
nriD
nnD
disperlire . .
■•D
^^D
n'^D
colère
nD^D
cum dolo âge"
^^bs
2;'7D
favere
pagar, cadaver, subst. plur. ideog. i. 38, 1- i3o.
pudisu, ditionis ejus, subst. cum suS. pa-di-su,
1-70.
tapdi, punilio, iap-di , \. i/iQ.
pahat, satrapes, ideog. pa-kat, 1. 5^, 62, 89,
116, 179; pa-fia-ii, 1. 22, 178; ideog. oa;
piha-atA'^^; pi-lm-ti-sii , 1. 60, 6/i.
upahhir, dispertitus sum, 1" pers. sing. aor.
pa. u-pah-hir, 1. 98.
yupalihir, distribuit, 3' pers. sing. m. aor. pa.
y u-pah-hir, 1. 126.
pî, os, subst. pi-i, 1. 189.
pili, lapidis genus, pi-i-li, 1. i65-
palah, cuitum, subst. pa-lah, 1. 96.
palihu, adorans, part. kal. pa-li-hu, 1. 122.
upalili, exaltans, u-pa-lih , J. 32.
pulhi, lerrores , pul-hi, 1. 111.
yuspulkit, dolo excitavit, 3" pers. sing. m. aor.
sbaph. us-pal-kit, \. 34 1 i23.
ppalkitu, cum dolo egerunt, 3" p. m. pllar. aor.
niph. ip-pal-ki-ta , 1. 71.
pâli, subst. ideog. cum suf. paliya, 1. l'jl^.
ippalsuniva, bearunt me, 3* pers. plur. m. aor.
nipb. ip-pal-su-ni-va, \. 12.
Uppalis, faveanl, 3" pers. plur. m. prec. niph.
Up-pa-lis, ]. 188.
Pukud, Pukud, n. pr. genlis, Pu-ku-dii, 1. 19,
126.
Pappa, Paphos, n. pr. urbis, Pa-ap-pa, 1. 67.
170
IVl'D
nriD
nriD
pnD
verleie
injtislumesse.
extendere
se substrahere
lordere.
fraudera agere
aperire
pei
'forare
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
puni, anle, pa-ni, 1. i4i; cuiii sufi'. pa-ni-yu
1. 39, i b2 ; pa-7ii-su , 1. 9/i , iSj , pa-nu-ussu
lapaii, anle, la-pa-an, I. 128, 127.
par/, asinus, pa-n'-i, 1. 29; ideog. 184.
Parada, Parada, 11. pr. urbis, Pa-ra-da, 1. 47
parzil, ferriim, subs. par-zil-hi, [luv) ,1. i/ia
180; ideog. 1. 160.
ipparkâ, .se di.sjungendo amiltebaiit 3" pers. pi
m.aor. nipli. ip-par-ku-ii,\.8b, 100, 1 i4, 190
Pirii, Pharao, 11. pr. honiinis, Pi-ir-'-a, 1. 27
Pursiius, PersiaP n.pr.regionis, Par-5u-a5,I. 58
usapris, 1' pers. sin^. apr. sbapli. extendi jussi
u-sap-r'is , 1. 129. %
ipparis , sese exlendit, 3* pers. sing. m. aor
niph. ip-pa-ris , 1. 126.
suprus, circumagendum, inf. sbapb. su-up-rus
I- 'H
ipparsid, 3' p. sing. ni. aor. nipb. se substraxit
ip-par-sid, \. 5o, 74, i32.
ipparsidu, 3" pers. plur. m. se substraxerunt
ip-par-si-du , \. 1 3 3 .
Piiniti, Eupbra'.es, n. pr. fluniinis, Para-ti ,
i. 128.
paskâti, lortiiosœ, adj. f. pi. pa-as-ka-a-ti , I. 1 5
pat, ideog. 1. i5, 78, 88; pa-at, finis, I. 17
18, 22, 10^; pa-ti, Ô9; cum sufl*. padi-sii,
1.60, 63.
patii, fraudulosus, pa-ta-a, \. 33, 112.
yuputli, 3" p. sing. m. aor. pa. aperui, u-pal-
ti, \. i5.
patnus, coercendum , pat-na- us , 1. 65. (?)
iptuka, perforavit, 3° pers. sir)g. m. aor
ip-iu ka, \. 128.
pututku, perforalio, pu-/MA--/a, 1. 128.
ippatkû (pro ippaHiku), 3' pers. plur. 111
nipli. ip-pal-kn-u, 1. i63.
kal.
nor
GKANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.
171
-)D2Î
lis
^apere.
murare,
rogare.
infundere .
cogitare.
irrnere .
sini, agnus, snbst. si-i~ni , 1. 54-
5tfè, homo, sa-ab, 1. 33 ; ^atiV, bomines, ideog.
1. 7, 129, i36.
asbal, cepi, 1' pers. sing. aor. kal. as bat, \. 26 ,
58, 62, 65, 82, 108, 116, iA>.
assabat, secutus sum, 1" pers. sing. aor. nipli.
as-sa-bat, 1. 1 14-
usabbit , ce^i , i*p. s. 111. aor. iphl. u-sab-bit , 1.43.
vLsasbit, polirijussi, 1* pers. sing. aor. shaph.
u-sa-as-bit, 1. 82.
isbat, 3" p. sing. m. aor. kal. is-bat, 1. 5o, i32.
issabat, 3' pers. sing. m. aor. ideog. 1. 112.
usasbita, exornavi, 1' pers. sing. aor. shaph.
u-sa-as-bi-ta ,1. 1 64 •
sibitta, divitiae, si-bit-ta, 1. i35.
usaskiva, aedificavi, 1° pers. sing. aor. kal. usa-
as-hi-ra, l. i65.
sirti, superior, si-ii^-ti, 1. i84
sirassin, super iis, si-ru-us-si-in , 1. i65.
yusallàni, adjuravit me, 3* pers. s. aor. pa. va-
sal-la-an-ni , 1. 120.
aslulia, infudi, 1' pers. sing. aor. kal. as-la-lia,
'l.'iSi.
salam, imago, sa-lam, 1. 53, 60, 63.
silik, initium, si-lik, i. 166.
sindia, forlitudo, siin-di-ya, 1. I24-
Simirra, Simyra, n. pr. urbis, Si-mir-ra, 1. 32.
isniur, cogitavit, 3' p. s. m. aA.is-mar,\. 123.
supur, cuprum, subst. ideog. 1. i42, 159.
sissi, subst. admiralio, si-is-si, 1. 112.
musukkani, lentiscus, arbor, mii-suk-kan-ni ,
i. *i'58.
isnibu, irruerunt, 3" pers. plur. m. aor. kal. is-
ra-bii, 1. i3o.
72
m:
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
. . sirha. .••(?) sir-lia, 1. 78.
.. sirriti, symbola dominalionis, sir-ri-i-ti , 1. \li.
sariri, vilreus, sa-ri-ri, 1. 167.
nap
dicere
Qip
niop
Nîip
colligere. . . .
manere
suflire
nidum facere.
vocare
3^p
appropinquar*
Tip
'?np
Ni:?p
np
akbi, 1' pers. s. m. aor. kal. proclamavi, uk-hi ,
1. 125.
kahal, médium , ideog. 1. 1 3 , 1 6 ; praelium ,1.25,
i44 i46, 1A7.
akali, y" pers. sing. aor. pa. ii-ka-li, 1. \l\k-
kimti, familia, kim-ti, l. 3i, 49» 86.
katri, thuribulum, kat-ri-i, 1. 167.
kiiiisu, habitaculum ejus, ki-ni-su, \. 56.
aA:/7, invocavi, i* p. sing. aor. kal. ak-ri-i, i. 167.
ikdrav, convocavit, 3^ pers. s. m. aor. iphlaal,
ik-li-rav , 1. 127.
kirih , in , in medio , ki-rib , 1. zig , 5o , 1 09 , 1 3 2 ,
i38, 149; cum sufî". ki-rib-sii, \. iSg, 19^;
khib Sun, in medio eorum, 1. 190; ki-rib-si-
na, in medio earum, 1. 167; ana kirib,
I. 46, 72; ina kirib, 1. 59, 110, 147, i56,
157, 170; iiltii kirib, 1. 125; ina kirbisii,
1. 60, 63, 127; kirbussu, 159.
kiirad, bellalor, cum sufî". kii-ra-di-ya, bellato-
res mei, 1. 99; ka-ra-di-sii, bellatores ejust
1. 8i,i3o.
karzilli, ornamenta, kar-zd-li, i. i32.
Karkari, Korkor, n. pro[). urbis, Kar-ka-vi ,
1. 34; Kar-ka-ru, 1. 35.
kisàli, omnia, ki-sa-a-ti, 1. i44-
hissât, legio, subsl. kis-sa-ti, 1. 1.
kal, manus, I. i4o, i4i ; J>lur. ku-li, 1. 26,
58,83; ideog. I. 52,71, i4i; cum suffixe,
kali-ya, 1. 62, 82, 108, 116, 139, i54,
i65, 171.
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.
173
121
sternere.
r\21 multum esse
nsi
^21
n2i
I
221
P"»
lalere
favere
pede niovere
addere ....
misereri . . .
vaslum esse.
equitare ,
novum esse.
Basi, Ras, n. pr. regionis, Ra-a-si , 1. i8.
ris, ideog. inilium, caput, 1. aS, i44.
risity cul m en, ri-si-it, I. 170; ris-ti, 1. 1 58.
irhidti, legumenta, ir-bit-ti, 1. i6A-
Rubuh, Rubu, n. p. rcgionis, Ru-ba-uh, J. 18.
yiirabbàj elevarunt, 3' p. plur. m. aor. pa. yii-
rab-bii, 1. 96.
rxibi, magnâtes, ru-bi, ideog. 1. 178.
rabu, magnus, ideog. 1. 1, 12/1, 167, 176;
plur. 1. 3, 12, 16, 38, 79, 122, 127, 139,
lAi, 160, 161 ; rabali, fem. magnaî, ra-ba-
a-ii, 1. i56; ra-bii-ti , 1. i65; rabili, ideog.
1. i63.
rubis, adv. magnopere, ra-bis, 1. i5, 168.
arba, quatuor, adj. num. ar-ba'-, 1. ik-
narbam, latebra , nar-ba-m, 1. i44.
urabbis, l'pers. sing. aor. pa. forlunavi, ii-rab-
bis, 1. 3o.
ribit, vicinitas, planities, li-bit, 1. 20.
Niryal, Nirgal, n. pr. dei.
nirgali, nirgali, nir-gal-i,\. i63.
iiraddi, addidi, i' pers. sing. aor. pa. u-rad-di,
l 36,58, 60, 64
yusardà, in canales diverlit, 3* pers. s. m. aor.
ûïdi^. yu-sar-da-â,\. 128.
rima, venia, ri-i-ma, 1. 5i.
rukiiti, longinquus, ru-kii-li, 1. 17, 110, i/i6,
188; ideog. l. 174.
rukis, adv. late, 77i-/ii5, 1. 102, làS.
Ru ha, Ruha, n. pr. genlis. Ru- -ha, 1. 19, 127.
rakbu , legatus , rak-bu , 1 . 1 1 1 ; ideog. 1 . 3 1 , 1 5 2 .
rukubi, currus(?), ideog 1. 2 à, 28, 32,
84, ii4, i3i.
rikki, no vus , ri-ik-ki , 1. i43.
174
aDi
DD-)
circumdare. .
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mutare
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favere
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aiuplum esse.
nin
velle
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remiltere. . - .
l'V)
malum esse. .•
^^")
nm
disponere . . .
AOUT-SEPTEMBRE 1805.
rikitn, iiiipelus , rl-kim, 1. 26.
iirakkis, cinxi , 1 ' pers. sing. aor. paël , u-ruk-kis ,
1.161.
usarkis, vectigal exegi, 1' pers. sing. aor. shap.
ii-sar-kisj 1. iSg.
asarnti, permulando injeci, 1" pers. sing. aor.
shaph. ii-sar-mi, 1. iSg.
irmu, exlialarunt, 1' pers. sing. aor. kal, ir-
mu-ii, 1. 1 67,
ramanusiin, in loco eorum, cum suff. ra-ma-nu-
su-un, 1. 77, i36; ram-nusu, 1. 126.
rinin, ad incipiendam hoslilitalem , 1. iiq.
urassibu, obtinui, impers, sing. aor. pa. u-ra-as-
s'i-bu, ]. i6.
yiirassibu, succedere jusserat, 3" pers. sing. m.
aor. pa. yii-ra-as-si-ba-su , 1. 8/4.
rapastav , ideog. ampla, 1. 17.
urappisa, prosperare feci, 1" pers. sing. aor.
pa. u-rap-pi-sii , 1. 82.
Rapihi, Rapia, n. pr. urbis, Ra-pii, 1. 2.").
risi, socius, adj. ri-st, 1. 1 2 1 , 129 ; ri-su, 1. 1 3o.
risuli , fœdus, rlm-ti, î. 123.
arsisu, permisi id, 1* pers. sing. aor. kal. cum
sufï". arsisu, 1. 5i.
risit, nequities, risi-li, 1. 5.
russï, opéra cœlata, ru-ussi-i, 1. 167.
Rata, Râla, n. pr. urbis, 1. 8, i36.
Ritâ, Rila, n. pr. hominis, Ri-ia-a, I. 70, 117.
uratta, disposui, l'pers. sing. aor. pael, u-iat-
la-a, 1. 161.
rogare
septemplicen»
esse.
sa, qui, qua:»., quod , pron relat. passiin.
sa'aï, pelendus, inf. kal. sa-'-al , 1. 111.
lisbâ, septnplum facial, precal. kal U-is-bu-a ,
I. 19/i.
D2V
ni:;
nîDtr
addilumesse.
idere
parem esse
rcquare. . .
ponere. . . .
servare. . .
perdere. . .
sequi.
deprimi.
scribere.
facere. ; ,
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 175
Sahi, Sebecluis, n. pr. hominis, Sab-i-i, 1. 25,
26.
sibiiia, stirps, si-hu-ta, 1. 191.
sadid, addictus fuerit, part, kal. sa-di-id, 1. 36,
70, 117.
saddi Sun 1. i 64-
sadu, mons, ideog. 1. 38, ^9; plur. sadi, \. ài,
Z»2, 5o, 164, 170, 175, 180.
su, ille, 1. 3o, l^l^, 4i6, 7^, 101, i23, 12/4,
126, 129, i3i, 162; suasu, 1. 28, 3/(, 35,
60, 61, 80, i33; suasunu, ). 96; saalu,
\. 62; suatav, I. ii5; suatunu, 1. 58, 59,
71, 106; sun-sunu, iWi, 1. 22; salina, illae,
J. 4o, 166, 186.
5111, pares, su-'-i, 1. 168.
isu, aequatur, 3' pers. sin^. m. aor. kal. i-su-u,
I. 87, \[\i , 169.
simtu, st. empb. [simal] sors, sim-tu, \. 36.
surani, murum, su-ra-ni, 1. i32.
suzub, servandum , inf. sbapb. su-zu-ub , i. 74-
suhut, ira, ideog. 1. 4o, 79, ii3; su-liu-ul,
L84,97-
isutu, 3" pers. p. m. aor. kal. seculi sunt, i-su-lu,
1. 109, i54.
siiuti, contemplio, 5i-/K-<<, 1. 55.
shi, orain , si-lj-i, 1. i53.
astur, scripsi, 1' pers. s. aor. kal. as-tur, 1. 53.
askun, feci, 1* pers. sing. aor. kal. as-kun, 1. 24 ,
29, 32, 59, 62 , 89, 94, 1 16; as-ku-uiiy 166.
askuna, feci, 1. 23, 137.
is-kun, fecit, 3" pers. sing. m. aor. kal. is-kun,
1. 127, 129.
iskunu, fecerunl, 3^* pers. plur. m. aor. kal. is-
ku-nu, 1. 121, 1 3o.
asiakan, direxi , T pers. sing. aor. ipbteal , as-ta-
kan, 1. 4i>, 179.
176
b'^v
ob^*
silere . . . .
finire . . , .
dominare.
spoliare. .
finire
allum esse,
nominare.
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
sUkunii, conslitutio, sit-ku-mi, 1. làà, là^.
asakkumi, vacabam, i" pers. sing. aor. pael,
a-sak-ka-mi, 1. i5o.
astakkan, àxTexi, i' pers. sing. aor. iphtael ,
as-tak-kan, 1. 22; as-tak-ka-na , 1. 166.
usaskin, mutavi, 1" pers. sing. aor. sliapli. u-su-
as-kiîi, 1. 35.
yusaskin, molitus est, 3* pers. sing. masc. aor.
s\\ai^\\. yu-sa-as-kin , 1. 34-
lissakin, ponatur, habilet, precat. fem. nipli.
Us-sa-kijiy ]. 189.
Sakkannakku ideog. nomen regium, \. 1.
sikitti, silentium, si-kit ti , I. i3.
sillan, finis, sil-Ia-an, 1. 166.
siltan, imperotor, sil-tan-nu, 1. 25.
sithtis, sicut imperator, sit-lutis, \. yli.
salât, prififectus, sa-lat, \. i4o, i5o; plur.
ideog. 1. 37.
aslula, in captivitalem redegi, i" pers. s. aor.
kal, as-lii-lay\. 24,45,^7, 48, 68, 71, 11 5.
islulav , eduxit , 3' p. s. m. aor. kal . is-lu-lav, 1. 1 5 1 .
salai, spoliallo, inf. sa-lal, 1. 77, 81, i33.
sallatis, spoliorum instar, sal-la tis, [ana sal-
la-ti), 1. 28, 76, 81, 87, 107.
sallati, captivitas, sal-la-ti, i. 28, 61, 107, i34,
.37.
sallatu, 1. 72; cum sufl". sallatsunu, 1. 48:
sulla-sun, \. 47, 68, i5i.
salam, occasus, sa-lam , \. 17.
mu-sal-li-mu, part, paël , ]. iSf).
usallimu, perfeci , i* pers. s. aor. p. u-sal-li-mu ,
1.8, i4i.
tusmî, elevatio, tus-mi-i, J. 129.
sum, nomen, ideog. cura sufl". sam-ya, nomen
meuni, 1. 4; siimsu, nomen ejus, 1. 60, 63;
suin-su-nu, nominasua, 1. 65.
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD.
177
"712^
'J^V
audire
O'DC»
servire
n2^
mulare .....
nw
"^^fv
*LÛD2?
judicare
bzv
huinilem esse.
ID^
mittere
"iDîy
placere
b]>z'
pondérale. . .
simli, genus arboris, î. i5g.
Siimir, Sumir, n. prop. regionis, ideog. I. 2,
123 ; sa-mi-ri , là^.
Tasmit, n. pr. deae, Tas-mi-tuv , \. i43.
ismi, audivit, S"* pers, sing, m. aor. kal. is-mi,
1. 5o, 77, 102, 125, 1^5.
ismâ, audieriinl, 3" pers. plur. m. aor. kal. is-
mu-u , 1. 1^7, «48.
siml, auditio, subst. si-mi-i, 1. 167.
samas, sol, subsf. ideog. 1. i55; sam-si , \deo^.
i. 17, 69, 109, i/i4, 1^6, i53.
yuLsanna, mutaverat, 3' pers. sing. in. aor. kal.
yu-sa-an-nii,\. 162.
sanat, annus, subst. ideog. I. \lxk\ plur. 124.
Sinuhtu, Sinuchtu , n. pr. urbis, Si-nii-uh-in ,
1. 29 ; 5i-ntt-u^-fa-at, Sinuclitensis, 1. 28.
sa'ari, porta, subst. sa-a-ri, 1. 164.
sapit, judex, ideog. I. 22, 24, 32, 69, 62,
83, 88, 116, 120, i4o, i4i, i5o, 178.
Siiandalml, Suandubal, n. pr. urbis, Su-an-da-
ha ul, 1. 48.
saplis, infra, adv. sap-lis , 1. 2 1 , i38.
aspur, emisi, 1" p. sing, aor. kal. as-pur, 1. 120.
ispur, misit, 3* pers. sing. ni. aor. kal. is-pur,
1. 92, 124; is-pu-ra, 3i, i53.
ispuru, miserunt, 3* pers. plur. m. aor. kal.
is-pa-rii, 1. 111.
sipar, ina sipar, per ingenium, si-par, \. 166.
Sïipar, gloria, subst. su-par, 1. 162, 163.
sipirtisiin, magnificenlia ejus, cum suff. sipirti-
sun, 1. 1 92.
sapiri, doctores, subst. sa pi-ri , 1. 178.
sahil, ponderare, inf. kal. ideog. 1. 124. i4o,
'l. 162.
Surgadia, Surgadia, n. pr. urhis , Snr-(ja-di a ,
I. 58.
178
mi^*
ornare
r>TC
animadverler'
-jitr
permillere. . .
r]i^
urere
")")^
AODT-iiEPTEMBRE 1865.
siri , ornamentum, si-ri-i, 1. i68.
yusasriha, animadverti, 3" peis. sing. m. aor.
shaph. y«-5«5-r«-Art, 1. 119, 127.
israkii, permiserunl, 3^ pers. plur. m. aor. kal.
is-rii-ku, 1. i3.
o^riip, concremavi, i' pers. sing. aor. kal. «5-
ru-up , l. 70.
isrup, combussil, 3" pers. sing. masc. aor. kal.
is-m-up , 1. i5i.
survan, cupressus, diïhov , suv-ran , 1. i43, i58,
161.
»Stt/riA:iVtf/mwc?i,Sulruknaliunla ,n. pr. régis Ely-
malàh, Sa-llk-rak-Na-ha-un-ti, 1. 119.
ire
onn
inn
ire, fieri. . . .
Tiiaya, Tuai, n. pr. regionis, Tua-ya, 1. 4/i.
Tuanii, gemini, adj. pi. Tu-a-mi, 1. 162.
ilhuiii, 1" pers. sing. aor. kal. it-hu-ni, 1. 26.
usaihu, fieri jussi, i'' pers. sing. aor. sliapli.
usal-bu.
Tabalai, Tabul, n. pr. reg. Ta-hal-ai, 1. 3o.
<i/iam/i,mare,ideog. 1. 16, 1 A4, 1^6, 1 48, i53.
utir, reslilui, 1" pers. sing. aor. aphel, n-tir,
l 11, 137.
utirra, reslilui, 1" pers. sing. aor. aph. u-tir-
m, 1. 44,65, 67, i34, i36.
ituru, niorantur, i" p. pi. aor. k. i-ta-rii, 1. 177.
jfwaf f im, imposuerunt, 3' pers. piur. m. aor.
shapb. jji-5«-/t-7*tt, 1. i3.
yiitir, allraxit, 3" p. s. m. aor. pa. yii-iir, 1. 127.
tarri, suslinendum, inf. tur-ri, 1. 118, 120.
lilurri, conductus, ii-tiir-ri, 1. 129.
tahaz, praelium, ideog. 1. i3, 25, 34, 129,
137; ta-ha-zu, l. 118, 123.
itimzu, exponebant, 3' pers. pi. m. aor. kal. il-
hn-zn, 1. 1 58.
GRANDE
1^^
confidere. . . .
îpn
reslituere. . . .
y-in
relinquere. . .
INSCRIPTION DE KHORSABAD. 179
tiksu iik-sii, 1. i32.
ittakil, confisuserat, 3" pers.sing.m. aor. riiph.
ittaklii, I. /j8, 78; //-to-yczV, 1. Sg, ii3, 122.
tiiklat, ideog. 63, 8A, i36; tuklatiya, ideog.
cum suff. 1. 16,26, 46; s. e. tu-kul-ti, i3S ,
i38, i5o, lôy.
likni, pondéra, ti-ik m, 1. i32.
lakillav , caenileus, ta-kil-tav^\. 1^2, 182.
tul, coWis, tul-Iummu.
Tiilçjarimmi , Tulgarim, n. pr. urbis, Tul-ga-
rimmi, \. 81, 82
Tul-Humha, Tul-Humba, n. pr. urbis, Tiiî-
liun-ha, 1. i38.
Tiilahitib, Tulahilib , n. pr. urb. Tul-ahi-tih,\. 64l.
Tiliisirm ,Tï\us\n?i , n. pr. urb. ÏY-Zii-Zi-zia,!. 45-
rftmKWii, Tamun, n. pr. gent. Ta-nmnu^l. 126.
Tunnai ,Tunr\&i , n. pr, re^.Tu-un-na-ai.l. 29.
iitakkin, restitui, 1* pers. sing. aor. kal. u-tak-
kin, 1. 121; u-tak-ki'iia, 1. 62.
tukuntu. ... ? iu-ku-un-tu, \. 79.
Tarhulara, Tarhular, n. pr. hominis, Tar-ku-
la-ra, 1. 83.
Tarhunazi, Tarhunazi, n. pr. hominis, Tar-
hu-na-zi, 1. 78.
iiruku, dereliquerunt, 3* pers. plur. m. aor. kal.
it-rii'ku, \. i48.
iisatrisa, redis lineis disposui , 1' pers. sing.
aor. shapb. u-sat-ri-sa, 1. 160.
Tirat-danias , Chaldaea inferior, n. pr. regionis,
Tirât- du- ni- as , 1. 21, i47-
J80 AOIIT-SEPTEMBRE 1865.
ÉTLDES PALÉOGRAPHIQUES
SUR L'ALPHABET PEHLEVI,
SES DIVERSES VARIETES
ET SON ORIGINE,
PAR M. FRANÇOIS LENORMANT.
L
Le premier qui ait fait connaître à la science eu-
ropéenne l'idiome et l'alphabet peblevis est Anquetil-
Duperron. Avant l'achèvement de la publication de
son livre sur le Zend-Avesta, l'intrépide pionnier de
la science qui avait été conquérir jusque dans l'Jnde,
au prix de fatigues et d'efforts inouïs, le texte des
livres de Zoroastre, imprima dans les Mémoires (le
V Académie des inscriptions^ une dissertation Sur les an-
ciennes langues de la Perse, où il donna les alphabets
zend et pehlevi , d'après les manuscrits qu'il avait rap-
portés et d'après les explications de ses maîtres les
Parsis de Surate. Un peu plus tard, dans le tome III
de son Zend-Avesta, il publia le fac-similé de la pre-
mière page des man-uscrits du Buundehesch , avec une
• Tome XXXI, p. 339-392. La partir relalivc aux pcriturpx va de
lu page 35 1 à la page 359.
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 181
transcription et* une explication ad verbam qui lui
avaient été fournies par les docteurs parses, et il re-
produisit son tableau des alphabets zend et pehlevi.
Les recherches des savants plus modernes sur les ma-
nuscrits pehlevis n'ont fait faire aucune modification
sérieuse à l'alphabet d'Anquetil , qui demeure le fon-
dement nécessaire de toute étude sur les textes ma-
nuscrits de cette écriture.
Le caractère des manuscrits offre des différences
si considérables dans la forme des lettres avec le
pehlevi monuiîiental des inscriptions et des mon-
naies sassanides, que les travaux d'Anquetil n'ont,
pour ainsi dire, servi en rien au déchiffrement de
celte dernière écriture. Tout l'honneur de la dé-
couverte appartient à M. de Sacy. Elle marque
dans la science de l'archéologie orientale, avec les
Mémoires de Barthélémy et de Swinton sur les ins-
criptions paimyréniennes, une époque nouvelle.
C'est en elTet dans la dissertation de Barthélémy que
nous rappelons ici et dans le Mémoire sar quelques
antiquités de la Perse de M. de Sacy\ publié pendant
les plus mauvais jours de la tourmente révolution-
naire, qu'ont été indiquées pour la première fois les
règles exactes et philosophiques d'après lesquelles
on peut procéder avec succès au déchiiïrement
d'une langue et d'une écriture également perdues.
S'appuyant sur la comparaison du texte grec des
inscriptions de Naksch-i-Roustam et de Rirmanschah
avec le texte pehlevi des mêmes inscriptions , l'illustre
' Paris, 1793, in-A".
VI. ,3
ki
182 AOÛT-SEPTEMBRE 1865.
orienlalisle français parvint à traduire ce dernier
texte dans son entier et à dresser un alphabet com-
plet de l'écriture nationale des Sassanides. Appliquant
ensuite aux monuments numisma tiques les résultats
que lui avait fournis l'étude des inscriptions, il dé-
termina les monnaies de plusieurs des princes de
cette dynastie ^.
Sir W. Ouseley reprit l'étude au point où M. de
Sacy l'avait laissée , et , sans rien ajouter sous le rap-
port de la philologie et de la paléographie , il expliqua
au moyen de l'alphabet de notre illustre compatriote
un plus grand nombre de médailles et quelques
pierres gravées 2. Tychsen fit de même dans quatre
dissertations^ insérées aux tomes I à 111 des Com-
mentationes Socielatis regiœ scientiaram Gottingensis.
Enfin M. de Longpérier réunit en un corps d'ouvrage
les observations de ses prédécesseurs, en y ajoutant
quelques lectures personnelles ^.Environ à la même
époque , M. MùUer publia sur le côté philologique de
la question, dans le Journal asiatique^, un mémoire
^ H consacra encore à ce sujet un nouveau mëmoire dans let. Il
de la seconde série des Mém. de l'Acad. des inscr. p. 162 et suiv.
^ Observations on some medals and gems bearing inscriptions in tlie
Pahlavi or ancient Pcrsic character. Londres, 1 801.
3 Conimentaliones quatuor de nummis velerum Persarum.
* Essai sur les médailles des rois perses de la dynastie sassanide.
Paris, i84o, in-A". — Citons encore Dorn, Ueber einige unhekannte
Mànzen des dritten Sassaniden-Kônigs Hormisdas I, dans le Bulletin
de l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg , classe des sciences his-
toriques, 18 A 3.
s Avril 1839.
>
ÉTUDES SUR L'AF.PHABET PEHLEVI. 183
encore très-incomplet , mais renfermant de précieuses
observations.
Malgré les travaux de ces divers savants, l'étude
des monuments et de l'écriture pehlevis était de-
meurée assez stationnaire depuis le temps de M. de
Sacy, lorsque parut la dissertation de M. Olshausen
sur les monnaies à légendes peblevies de la dernière
époque ^. Ce travail contenait à la fois la lecture cer-
taine et l'attribution des médailles émises sous les
derniers Sassanides , celle des pièces frappées en Perse
au nom des premiers khalifes et des monnaies des
Ispehbeds du Taberistan, portant les noms de ces
princes et des dates qui s'étendent de l'an y 3 à l'an
189 de l'ère d'Yzdegerd. M. Olshausen y expliquait
en même temps les indications d'ateliers monétaires,
dont les noms, plus ou moins abrégés, sont écrits
au revers de toutes les pièces à partir du règne de
SaporIII,et qui avaientjusqu'alors résisté aux efforts
des érudits^. Par la fécondité des résultats et la sû-
reté des déchiffrements la dissertation du savant da-
nois était le plus remarquable travail qui eût été
produit sur cet ordre d'études depuis le mémoire
de M. de Sacy; elle ouvrait des séries entièrement
nouvelles en numismatique, et faisait connaître des
^ Die PeUewi-Legenden auf clen Miinzen der letzten Sâsâniden. aiif
den àltesten Miinzen arabischer Chalifen, aufden Mûnzen der Ispehbed's
von Taheristân und auf indo-persischen Mànzen des ôstlichen Iran, ziim
ersien Maie (jelesen und erklàrt. Copenhague, i843, in-4°.
- M. Olshausen a consacré à l'examen de ces marques d'ateliers
monétaires une dissertation spéciale insérée dans le Zeitschr. der
deutsch. morcjenl. Gesellsch. t. II , p. 1 1 2 sqq.
i3.
184 AOÛT-SEPTEMBRE 1865.
formes postérieures et dégénérées du pehlevi monu-
mental, qui établissaient la transition entre celui des
inscriptions et celui des manuscrits. MM. KrafFt^
Edward Thomas ^ et Mordtmann ^ ont suivi la voie
ouverte par M. Olshausen, et même le dernier de
cesérndits, en i85/i, a rassemblé en un corps de
doctrine l'état actuel de la science sur les monnaies
peblcvies^.
En même temps M. Rawlinson, dans les notes
qu'il a jointes à la publication du texte perse de la
grande inscription cunéiforme de Behistoun^, con-
sacrait un certain nombre d'observations à quelques-
unes des expressions que l'on rencontre dans les
textes monumentaux des Sassanides , et, serrant de
plus près, grâce aux documents nouveaux que l'on
possède aujourd'hui, l'interprétation philologique de
ces expressions, proposait plusieurs changements à
l'alphabet de M. de Sacy.
Ker-Porter ^ avait rapporté les copies de plusieurs
inscriptions, provenant toutes des environs de Per-
sépolis, où l'on remarquait, outre le texte grec, un
' Wiener Jahrbiichcr der Literalur, t. CVI, Anzeigeblatt.
- Journal of (he Bojal Asiatic Society, t. XII, part. ii. ~ Numis-
matic chronicle, t. XV, p. 180-187.
•■' Zeitschriftderdeatsch..morgenl. Gesellsch. t. II, p. 108-116.
* Erklàrung der Munzen mit Pehlvi-Legendcn, di Ans ]e Zeitschr. der
deatsch. morgenl. Gesellsch. t. VIII , p. 1 -1 94. — Le même M. Mordt-
mann a publié tout récemment, dans le t. XVII du Zeitschr. der
deutsch. morgenl. Gesellsch. (p. i-52),un mémoire fort intéressa ni
sur les pierres gravées à légendes pcldevies.
* .Journal 0/ the Royal Asialic Society, t. X, p. 1 18 sqq.
' Travels,'p\. XXII, p. 548; pi. XXVIII, p. 672.
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 185
double texte pehlevi : l'un semblable pour les carac-
tères à ceux que M. deSacy a expliqués; l'autre conçu
dans une écriture et dans un dialecte un peu diffé-
rents. M. Bore publia dans le Journal asiatique, en
i84i \ une nouvelle inscription dans le même ca-
ractère, et M. Rawlinson, quelques années plus
tard, rapporta à Londres des moulages en plâtre des
textes pehlevis du second système, tracés à côté des
textes pehlevis ordinaires sur les rochers de Naksch-i-
Roustam, de Naksch-i-Rajab et de Hadji-Abad. C'est
avec l'aide de ces moulages que M. Edward Thomas
a pu, sans parvenir à un déchiffrement complet,
expliquer une partie de ces textes et en fixer l'al-
phabet, lequel lui a permis d'interpréter les légendes
de drachmes à types mazdesniens frappées sous
l'autorité des Arsacides par les satrapes héréditaires
de la Perse ^.
IL
Tels sont les travaux publiés jusqu'à ce jour sur
les monuments pehlevis. Avec leur aide nous allons
jeter un coup d'œil sur les différentes variétés de
cette écriture, lesquelles doivent être considérées
comme au nombre de quatre :
1° Le proto-pehlevi;
2° Le pehlevi persépolitain;
3'' Le pehlevi sassanide;
^ T. XI, p. 640-673. — Cf. Dubeux, Journal asiatique, i843,
t. I, p. 28-72.
^ Nuniismatic chronicle, t. XII, p. 68-77, 91-1 1 4.
186 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
/i° Le pehlevi des manuscrits.
Nous commencerons notre étude par le pehlevi
sassanide, le mieux connu de tous.
Donnons d'abord l'alphabet de cette écriture, tel
qu'il a été établi par M. de Sacy, avec les modifica-
tions que les travaux postérieurs de MM. Olshausen ,
Rawlinson et Edward Thomas doivent y faire ap-
porter.
Nous plaçons dans la première colonne les let-
tres extraites des inscriptions monumentales, et dans
les trois suivantes les caractères fournis par les lé-
gendes des médailles, en distinguant dans ces der-
niers monuments, avec M. Mordtmann, trois pé-
riodes paléographiques, indiquées par des degrés de
dégénérescence de plus en plus marqués. La pre-
mière de ces périodes s'étend depuis Artaxerce I"
jusqu'à Narsès, la seconde va de Sapor II à Chos-
roès II, la troisième de ce prince à la chute de la mo-
narchie sassanide , et le type paléographique adopté
alors se continue sous les premiers khalifes et sous
les régents ou Ispehbeds du Taberistan. Les difté-
rcnces qui se remarquent dans l'écriture de ces di-
verses époques frapperont au premier coup d'oeil nos
lecteurs. Quant à ce qui est de la valeur des lettres,
nous favons marquée de deux façons, on lettres hé-
braïques et persanes.
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVI.
187
TABLEAU 1.
PEHLEVI SASSANIDE.
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MONNAIES.
VALEURS. Il
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188 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
On remarquera dans le tableau précédent, pour
ce qui est des lettres tirées des inscriptions, un cer-
tain nombre de différences entre les formes que
nous donnons et celles qui figurent dans le tableau
de M. de Sacy ^ En effet cet illustre savant travaillait
sur les copies de Ker-Porter, un peu ine^ùactes dans
le tracé des caractères, et nous avons relevé nous-
même les figures que nous donnons sur les plâtres
otferts à la Société asiatique de Londres par M. Ravv-
linson.
De plus, nous avons marqué autrement que
M. de Sacy la valeur de deux lettres :
Le n° 1 6 du tableau = 3 d'après M. de Sacy :=
^ suivant nous ;
Le n° 5 du tableau = n d'après M. de Sacy =
n suivant nous.
Nous avons enfm ajouté un 3 qui manque à fal-
pbabet du Mémoire sur les antiquités de la Perse, et
en revanche nous avons supprimé ^^ = n suivant
M. de Sacy.
Il nous faut justifier ces changements.
La valeur de ^) comme n avait été extraite, par
l'illustre auteur du déchiffrement des textes pehlevis,
du mot qui se lit dans les titres de tous les princes,
aussi bien sur les inscriptions que sur les monnaies,
après celui de p^iîD, l'adorateur d'Ormuzd. Ce mot,
qui est traduit en grec par 6600 , est écrit dans les
' Reproduit par: Kopp, Bilder und Schriftcn , l. il, p. 284.
(jrsenius, Monuments phœnicia, pi. III.
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVF. 189
textes épigraphiques tel qu'on le verra au if i de
la pi. A, et sur les monnaies tel qu'on le verra sous
PLANCHE A.
iyy'^'^J'i>
les n°* 2 et 3. M. de Sacy y voyait bèh, qui est rendu
par « excellent » dans le vocabulaire pehlevi-persan
publié par Auquetil-Duperron. Mais M. Rawlinson
IdO AOÛT-SEPTEMBRE 1865.
a montré qu'il fallait y reconnaître au lieu de cela
la racine sanscrite Bhaçja, zend Bâgha, persan ^,
«dieu,)) ce qui donne un sens beaucoup plus con-
forme à la traduction grecque, et, a remarqué de-
puis M. Edward Thomas, à l'équivalent dans le
pehlevi du second système, lequel est le mot tracé
sous le if Ix de la pi. A, Nn'jN, chaldaïque n^tc,
« dieu. •) Seulement ce savant s'est trompé en voulant
lire Baga, car on ne saurait reconnaître dans ce
groupe un N* final. M. Mordtmann , remarquant cette
absence d'K et adoptant d'ailleurs l'explication de
M. Rawlinson, a proposé de lire :id, en considérant
2] comme une seule lettre de la valeur de 2. M. Ed-
ward Thomas, enfin, a prouvé que les deux signes
placés dans l'intérieur du D initial, quoique assez
souvent liés sur les médailles, sont toujours séparés
dans les inscriptions et doivent être considérés
comme distincts, que le second, troisième du mot,
est évidemment un "i de forme ordinaire et que l'on
doit par conséquent transcrire '»33 ou Bacjhi, ce qui
assure au 3^ signe de notre tableau la valeur de ;.
Du moment que nous avons ainsi un 3 certain
avec le son de^ ou^/i,il devient impossible de trans-
crire par cette lettre le signe n° 1 6 , dont i\l. de Sacv,
tout en le rendant ainsi, avait bien reconnu l'iden
tité avec le ^ de l'alphabet persan. La prononciation
de tch était en elfet indiquée avec certitude par le
mot n° 5 de la planche A, où M. de Sacy avait re-
connu du premier coup d'œil le minoutclièlr, « germe
divin, )) du vocabulaire d'Anquetil.
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVJ. 191
Nous avons hésité quelque temps pour savoir si
nous rendrions le signe n° 1 6 par 3, comme M. Mordt-
mann, afin de nous tenir plus près de ^, ou par s,
comme M. Edward Thomas. A la fin nous nous
sommes décidé pour ce dernier parti :
1° Parce que le signe dérive, comme nous le ver-
rons plus loin, du "2 araméen;
2° Parce que cette transcription rend mieux la
nature de l'articulation que le signe représente et la
facilité avec laquelle il permute avec le î de l'alphabet
sémitique.
On le rencontre en effet :
1° Dans le nom du roi Përose, écrit sur les
monnaies (pi. A,n°6) : ""lân^D.
Arabe :jjj;-^. Grec: ïlepolrjs. Syriaque : fo;.*^.
Arménien : ^IJ^^f?*^.
2° Dans celui de la province du Chuzistan (per-
san : yUj)^), abrégé en (pi. A, n° y) âin.
3° Dans celui de Bassora, écrit (pi. A, n° 8) Nniâs.
4° Enfin dans celui de la ville de Schasch dans
le Mavaraennahr (pi. A, n° 9) : ii^iiv.
Pour le caractère n° 5 de notre tableau , la trans-
cription que nous avons adoptée est aussi celle de
M. Thomas. Elle s'appuie:
1° Sur l'origine du caractère qui vient du n ara-
méen;
1° Sur la transcription de ce signe dans le pehlovi
du second système par ^, qui est un n certain , dif-
tcrent do /S qui est un n.
\92 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
Cependant quelques exemples, entre autres ie
nom du Ghuzistan , prouvent que ce n avait un son
un peu plus dur qu'en hébreu et en araméen et ré-
pondait pour la prononciation à ^ , tandis que le n
correspondait probablement à ^.
Mais si nous acceptons les opinions de M. Edward
Thomas pour ces trois lettres, nous nous écartons
de lui au sujet du d, pour lequel nous restons fidèle
à la tradition de M. de Sacy. Le savant anglais a
prétendu, en effet, que le pehlevi ne possédait pas
de D, et que le caractère auquel M. de Sacy avait
attribué cette valeur (n*" ili de notre tableau) de-
vait se décomposer en deux lettres , î"» (les n°' 9 et y ) ;
que le mot écrit tantôt comme il est au n° 10 et
tantôt comme il est au n° 1 1 de la pi. A, «l'ado-
rateur d'Ormuzd » , devait se transcrire , non ptiTD ,
mazdièsn , mais ]V^1]1D, mazdiizn.
Les noms de Chosroès (pi. A, n° 12), moin,
i^Vy^J"^ , de Abou-Sofyân (pi. A , n° 1 3 ) , jX-'D'îD-lDX ,
^Uj^Aw y\ , de Selem (pi. A , n'' 1 4 ) , d^d , ^ ; ceux
des ateliers du Séistan, d'Istakhar, d'Ispahan, de
Saferaïn , du Segestan , du Khorasan , et d'autres mots
encore qu'il nous serait facile de citer, prouvent
fexactitude de la lecture de M. de Sacy et fexistence
du D dans l'alphabet pehlevi.
Toutes les lettres sont constamment détachées
dans les inscriptions monumentales, lesquelles
appartiennent aux règnes d'Artaxerce 1" ^ , Sa-
' Ker-Porler, pi. XXII. — De Sacy, p. G2.
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLP^VL 193
por P' \ Sapor IP et Sapor IIP; elles le sont aussi
sur les médailles jusqu'au règne de Cavadès. Cepen-
dant on y rencontre quelques ligatures, mais en
petit nombre.
C'est dans les inscriptions le groupe n" 1 5 de
la pi. A, |D, inutilement contesté par M. Ed-
ward Thomas, mais prouvé par les mots n** 16 de
la même planche, «fils de,» que l'on ne doit pas
lire, il est vrai, homan, comme M. de Sacy, puisque
cette leçon du vocabulaire d'An quetil est une faute
pour han man, ]12 p^, mais que l'on doit expliquer
par p "11. Ce sont aussi, sur les monnaies, les
groupes qui dans la planche A sont désignés par les
n^ 17, ^^f;
18, n;
19, in;
•2 0, DH;
2 1 , D*?.
A partir de Cavadès, nous voyons les ligatures
se multiplier de plus en plus dans les légendes mo-
nétaires. Enfin sous les premiers khalifes et sur les
pièces des régents du Taberistan , l'usage de lier
toutes les lettres, usage ordinairement inventé dans
les manuscrits, est employé constamment dans les
inscriptions des monnaies.
' Ker-Porter, pi. XXVHL — De Sacy, i>. 1.— Rich, Bahylon and
Persepolis, pi. XIL — Ker-Porter, pi. XV.
' Ker-Porter, t. II, pi. LXVIIL — Malcolm , Pmia, t. I, pi. III,
^ De Sacy, p. 211. — Ici. Mém. de l'Acad, des Inscr. nouv. sér^
t. II, p. 162 et suiv.
* MûHer, Journal asiatique, iSSg, p. 33o.
194
AOUT-SEPTEMBRE 1865.
m.
Après celle des monuments sassanides, Ja mieux
connue des quatre espèces de caractères pehlevis
est celle des manuscrits. Elle compte 2 3 lettres au
lieu de 1 8. En voici, d'après Anquetil-Duperron, la
liste, dans Tordie (calqué sur celui de l'alphabet
persan) où les manuscrits des Néaeschts la fournis-
sent.
Nous accompagnons cette liste des valeurs en
persan et en hébreu.
TABLEAU II.
PEHLEVI DES MANUSCRITS.
FORMES.
VALE
Eîi PERSAN.
URS.
EN HÉBRED.
FORMES.
VALE
EN PER.SAN.
URS.
EN HEBREU.
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1
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL
195
FQRMES ,
S
e)
VALEURS.
EN PERSAN. EN HÉBBEr.
D
FORMES.
VALEURS.
EN PERSAN. EN H
4
n
n
Le lecteur a pu voir, en examinant le tableau
que nous venons de donner, que les formes des let.
très y sont presque identiques à celles que nous ont
fournies les médailles de la troisième époque.
Pour ce qui est des cinq caractères ajoutés, qui
portent le nombre à ^3, ce sont des lettres de
lalpbabet ordinaire auxquelles on a donné une va-
leur légèrement différente en y joignant un point
diacritique ou un appendice.
^ ==r «-> est presque identique à ^ rrz ô.
jj ou ^= ^ n'est autre que ju = », sorti de
/%/ ou A/, avec un point dans le premier cas et
un appendice inférieur, ^, dans le second.
196 AOÛT-SEPTEMBRE 1805.
J5 = «. et 3 = d) sont le ^ dont les deux pro-
nonciations se distinguent par des points; ^est en-
core la même lettre, mais avec un appendice infé-
rieur ^ dirigé à droite.
£j z= c±> est comme (^ = v::^ un dérivé de fj^'
Les points sont aussi employés dans cette écriture
comme moy en d'éclaircissement , pour faire discerner
certaines lettres, entièrement différentes comme son
et comme origine, auxquelles les progrès de l'altéra-
tion des formes avaient fini par donner des figures
semblables. Ainsi :
Le ^ des monnaies de la 3® époque = ^ 3) de-
:>
Z
vient dans l'alphabet des manuscrits .* ^,
Le ^ des monnaies de la ^ époque ^=z dJde-
vient dans l'alphabet des manuscrits ô
Le J des monnaies de la 3* époque = ^ devient
dans Talphabet des manuscrits J)
Le ^ des monnaies de la 3^ époque = ^ devient
dans l'alphabet des manuscrits ô.
L'emploi de ces signes diacritiques pom' faire re-
connaître, non les lettres nettement différentes,
car leurs figures étaient d'abord bien distinctes , mais
les articulations voisines contenues dans un même
caractère, remonte assez haut. Dans quelques-unes
des inscriptions monumentales, le /V avec la valeur
' Edward Thomas, Numismalic chronicir, t. \II,p. f)T, noie i.
ETUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 197
de 7- est accompagné d'un signe de ce genre,
A/ , pour le distinguer de ia lettre simple.
Il est probable que, dès les premiers temps de la
monarchie sassanide , à côté du peblevi monumental
exista un caractère de manuscrits plus cursif, où les
lettres étaient liées les unes aux autres et où Ton
employ ait habituellement des signes diacritiques por-
tant le nombre des articulations distinguées dans
l'écriture à 22 ou 28 , selon que l'on compte ou que
l'on ne compte pas le ^ pour deux valeurs, P et PH.
Ce caractère des manuscrits suivit la même marche
de dégénérescence et de déformation que le carac-
tère monumental, et, à mesure que les figures d'un
plus grand nombre de lettres tendirent à se con-
fondre, on multiplia l'emploi des points diacritiques
afin de maintenir la clarté dans les textes.
Le Kitah-al-fihrist contient de curieux renseigne-
ments sur les diverses sortes d'écritures usitées à la
cour des derniers Sassanides ^ On y voit qu'alors le
peblevi des manuscrits se distinguait en plusieurs va-
riétés calligraphiques.
L'auteur parle d'abord ^ d'une écriture appelée
gwct^i que l'on employait dans les pièces officielles
tracées avec un grand soin, dans les inscriptions,
' Je dois ici exprimer toute ma reconnaissance à mon ami M. Mi
chel Amari, qui, encore exilé alors à Paris, a bien voulu, en i858,
m'aider et me diriger dans l'étude , faite sur le manuscrit de la Bi-
bliothèque impériale, des passages du Kitah-al-fihrist relatifs à
l'écriture pehlevie.
- Ms. arabe de Paris, n° 87/1 , f° i5 verso.
VI. i4
198 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
sur les sceaux et sur les monnaies. C'est le pehievi
monumental. « Cette écriture , dit Mobammed-ibn-
(dscbak , se compose de 28 lettres. » Il est probable
qu'il compte les 28 lettres de l'alpbabet des manus-
crits comme existant dans celui des monuments,
quoique cinq d'entre elles n'y eussent pas de signes
distincts, et qu'il compte aussi comme lettres quel-
ques ligatures abréviatives très-usuelles. C'est l\c
cette façon que dans l'alphabet publié par Anqueiil
le nombre des lettres peblevies est porté i\ 26, au
lieu de 2 3. L'auteur du Fihrist donnait l'alphabet
de cette écriture; malheureusement cet alphabet
s'est tellement défiguré sous la main des copistes
successifs que dans le manuscrit de Paris, dont nous
avons fait usage, on ne peut plus rien y discerner.
Mohammed-ibn-Ischak mentionne ensuite ^ une
seconde écriture, du nom de .^jLàS'comme la pré-
cédente, «qui servait, dit-il, dans les livres de mé-
decine et de philosophie , ) et probablement dans
tous les manuscrits. La liste de l'alphabet suivait.
Dans l'exemplaire de la Bibliothèque impériale, au
milieu de caractères tellement déformés qu'on ne
saurait plus les reconnaître, on distingue encore
avec certitude dans cette liste les lettres :
Une troisième forme de caractères servait d'écii-
ture secrète pour le cabinet du roi^.
' F" 16 rrclo,
^ Ihid.
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 199
Une quatrième, appelée ^o^-^jlj, servait dans
les uianuscrits; elle comptait ko lettres, voyelles et
ligatures ^
Enfin une cinquième variété de caractères était
également mise en usage par les calligraplies. C'était
le A^^^ (j**tj dans lequel on n'employait pas de
ligatures ni de groupes abréviatifs, mais seulement
2 4 lettres «avec points diacritiques^.» Le nombre
de 2 A est celui même de l'alphabet des manuscrits
en y joignant le am = â, monogramme pour mm ou
jjjk), qui s'emploie dans les manuscrits comme une
véritable lettre.
L'ouvrage arabe d'où nous extrayons ces rensei-
gnements contient aussi une donnée que nous ne
saurions passer sous silence.
Tandis que l'étude des monnaies et des inscrip-
tions pehlevies a fourni des résultats considérables à
l'histoire et à la philologie, celle des manuscrits de
la même langue est restée presque stérile maigre
tous les efforts des érudits. Anquetil-Duperron a
donné au public savant de l'Occident la version du
Boundehesch et des Néaeschts pehlevis, telle que la
tradition s'en conserve de génération en génération
chez les docteurs parses. Il a publié , d'après la même
tradition, la transcription et la traduction ad verbnm
de la première page du Boundehesch. Mais lorsque des
savants plus modernes ont voulu faire pour le Boan^
' F" i6 verso.
« IbuJ.
200 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
(lehesch ou pour les Ncaeschts pelilevis ce que Biir-
nouf avait fait pour le Yaçnâ zend , recourir au texie
original, le soumettre à une rigoureuse analyse phi-
lologique et reconstituer par là l'idiome perdu dans
lequel il est conçu, ils ont été arrêtés par des obs-
tacles insurmontables; non-seulement ils n'ont sou-
vent pas pu l'expliquer, mais même ils ne sont pas
toujours |)arvenus à le décliilTrer.
Cet insuccès tient à plusieurs causes. D'abord les
manuscrits pehlevis, transcrits depuis longtemps par
des hommesquinele comprenaient plus, fourmillent
de fautes, comme Anquetil s'en était déjà aperçu.
Ensuite les copistes y omettent constamment des
points, de manière que lorsqu'on rencontre la lettre
A on ne sait si c'est ^, ^, ^ï^ ou ^^ que l'on doit
lire. On éprouve la même difficulté qu'un homme
qui voudrait deviner l'arabe sur un manuscrit sans
points ni voyelles.
En outre il y a peut-être une troisième source
d'obscurités inextricables à laquelle on n'a point
pensé, et dont fidée nous est suggérée par ce qui
se lit dans le Kitab-aljihrlst après la mention des
cinq écritures que nous avons énumérées :
((Les Perses ont aussi un alphabet appelé zewo-
resch, Qii;i^j (c'est une corruption évidente de hizwa-
resch), dont les lettres sont tantôt liées, tantôt
isolées. Le vocabulaire se compose d'environ mille
mots, et ils s'en servent pour distinguer les expres-
sions qui ont une forme semblable. Par cxcinple,
quiconque veut écrire le mot cfonschl, c.*-i^5^, qui
ETUDES SUH L'ALl'HABET PEHLEVI. 201
en arabe se traduit /o-i « chair », écrit bisra , [^-j^j, qu'il
prononce (jouscht; si Ton veut écrire nan, ^b, qui si-
onifie « pain », on trace le mot lakma, Uyi, que l'on
prononce nan. Il en est ainsi des autres mots, à
l'exception de ceux qui n'ont point besoin d'être dé-
guisés et que l'on écrit comme ils se prononcent ^ n
Dans ce passage assez obscur on reconnaît la
mention d'une cryptographie mystique, consistant
h écrire, pour représenter un certain nombre de
mots, des lettres déterminées que l'on lisait autre-
ment que leur véritable prononciation, absolument
comme les Juifs lisent Adonaï dans la Bible lorsqu'ils
rencontrent l'inetfable tétragramme mn\
Ce système de cryptographie, que Mohammed
ibn-Ischak atteste avoir été en usage chez les Perses
sassanides, n'aurait-il pas été employé dans les ma-
nuscrits du Boundehescli et des Néaeschts? Ainsi n'est-
ii pas probable que l'on prononçait d'une manière
voisine de YAhouramazda zend et de r"'iîD'nnK des
inscriptions sassanides le nom de la divinité du bon
principe, écrit constamment ju^^juw dans les ma-
nuscrits pehlevis, ce qui régulièrement, d'après l'al-
phabet, devrait se lire Anhoama, comme l'a fait An-
quelil?
IV.
M. Rawlinson appelle parlhique le second système
de pehlevi des inscriptions de Naksch-i-Roustam, de
Naksch-i-Rajab et de Hadji-Abad. Mais M. Edward
' F" 1 6 verso.
202 AOUT-SEPTEMBRE 1805.
Thomas lui donne avec plus de raison le nom de
pehlewi persépolitain , puisqu'on le trouve principale-
ment dans les inscriptions des environs de Persé-
polis, où il occupe' la place d'honneur tandis que le
pehlevi oiïiciel ordinaire est relégué à la seconde. On
le rencontre encore à Amadîah, Holwàn, Schimbor
dans les monts Bakhtiari, Schahrzor et Bebahân,
c'est-à-dire dans toute la région qui s'étend du Tigre
à Persépolis. Le pehlevi habituel des inscriptions et
des monnaies, celui que nous avons appelé spécia-
lement pehlevi sassanide, paraît avoir eu pour patrie
originaire les provinces nord-ouest du royaume de
Perse.
Noiis donnons la liste de l'alphabet du pehlevi per-
sépolitain telle qu'elle a été dressée par M. Thomas.
ETUDES 6UR L ALPHABET PEHLEVI.
TABLEAU III.
PEHLEVI PERSÉPOLITAIN.
203
NUMÉROS
D'ORDRE.
FIGURES.
VALEURS. 1
EN HÉBREU.
EN PERSAN.
1
M
^^
I
2
,^
D
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3
^
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^
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^
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D
V
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n
:>
»7
y
^
cr
i8
J5
n
(^
204 AOUT-SEPTEMBRE 186l).
Les valeurs des lettres
n C» T D D : D ^7 D M 1 n 1 N
sont fournies avec certitude par les mots ID^IID ^ kd'jd ,
et par les noms propres in^'nmx , "jdnd , nniDn^ ,
■'lîDlinK, orthographiés comme dans le pehlevi du
premier système.
Le signe n° 3 est absohiment identique au : du
pehlevi sassanide; la valeur de 2 assignée au carac-
tère n^ 2 ressort de la forme même de cette lettre
et de son emploi dans un assez grand nombre de
mots. Pour ce qui est du n° 8= ^, la lecture en est
fournie par le n° i delà pi. B. = nDin, persan ; iC^^Xii-,
PLANCHE B.
^ Ji^')ht^
7
yyyi^yy
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 205
répondant au sassanide n° i de la même planche :
piiiV > persan : (^:>l.
On remarquera l'emploi, pour distinguer :» de dC
d'un signe diacritique ayant absolument la même
forme que celui qui distingue dans le peliievi des
manuscrits ^ =: J de ^ = dC seulement placé au-
dessous de la lettre au lieu d'être par-dessus.
Le dialecte écrit avec l'alphabet persépoiitain
diffère notablement, surtout pour le vocabulaire ou
du moins le choix des mots, de celui qu'écrit le
pehlevi ordinaire; cependant c'est encore un dialecte
pehlevi, c'est-à-dire iranien par la grammaire et par
une partie du lexique, araméen par un très-grand
nombre de mots, un plus grand nombre, peut-être,
que l'autre dialecte.
V.
Nous désignons par l'appellation de prolo-pelilevi la
forme la plus ancienne du pehlevi, qui nous est ré-
vélée par les légendes des drachmes d'argent des sa-
trapes héréditaires de la Perse sous la domination
des Arsacides. Ces pièces portent au droit la tête du
roi parthe régnant, au revers un mobed en adoration
devant le pyrée et une légende pehlevie.
M. Edward Thomas a expliqué le premier ces lé-
gendes avec un grand bonheur; seulement il s'est
trompé sur fépoque où ces pièces ont été frappées.
^JVouvant sur elles les noms d'un Papec et d'un Ar-
taxerce, il les a attribuées à la fm de l'empire des
Arsacides et au début de celui des Sassanides. Mais
200 AOUT-SEPTEMBRE J805.
Je style, la nature de la fabrication et les tètes qui
se lemarquent au droit montrent, au contraire,
qu'elles ont été émises sous les premiers règnes de
la dynastie parthe.
La plus ancienne de ces monnaies ^ nous offre
en effet la tête de Mithridate I", coiffée de la tiare,
et, au revers, la légende n"* 3 de la pi. B, où il est
facile de reconnaître les mots :
Papec roi, fils d'Ithoucapheth roi^.
Une autre ^ porte l'effigie de Phraalace , avec au
revers une légende reproduite sous le n° Zi de la
pi. B, que M. Thomas a fort bien lue :
Ariaxerce roi, fils de Kciilik roi. Le nom d'Artaxerce
fut, du reste, porté à plusieurs reprises parmi ces
satrapes de la Perse, car nous en retrouvons la trace
certaine sur une monnaie assez postérieure, portant
la tête d'un autre Arsacide, et au revers, non le
mobed avec le pyrée, mais l'effigie du satrape, dont
le nom est inscrit sur la pièce ^, ainsi qu'on le verra
sous l'indication du n'' 5 dans notre planche :
Cette dernière légende n'a été qu'incomplètement
lue par M. Thomas.
' Numismalic chronicle, l. Xlf , pi. ad p. 68, u°* 6-7.
•' M. Thomas ne lisait que : ND^D P ID-- "ID I^DXP.
' Nwn. chron. loc. cit. 11° 8.
' Ibid. n° 3.
ETUDES JSUR L'ALPtUBET PEHLEVI. 20'
Le type des deux têtes se retrouve, malheureuse-
ment avec l'effigie de l'Arsacide tellement effacée
qu'elle n'est plus reconnaissable , sur une quatrième
drachme \ dont la légende est figurée au n° 6 de la
pi. B:
Cavadès roi, fils de Kamiouth roi.
Nous pourrions citer encore quelques autres
drachmes, inédites jusqu'ici, de la même série, dont
l'une offre la tête d'Orode. Mais ces pièces, qui font
partie de la collection du Cabinet de France, sont
dans un assez mauvais état de conservation. Il fau-
drait, pour établir la lecture de leurs inscriptions,
une assez longue discussion; d'ailleurs nous ne fai-
sons pas ici un traité spécial des monnaies de la
Perse sous les Arsacides, et pour fobjet de notre
mémoire les exemples que nous avonr> cités suffisent
parfaitement.
Il est inutile d'insister sur l'importance historique
des lectures que l'on fait dans cette série monétaire.
Les pièces portant constamment les noms, non-seu-
lement de celui qui les a fait frapper, mais encore de
son père, et les effigies du droit fournissant une date
certaine, on parviendra, lorsque les monuments de
ce genre se seront un peu multipliés, à reconstituer
la suite presque complète des princes qui, sous la
suzeraineté des Arsacides, ont gouverné la Perse,
princes sur lesquels les auteurs classiques et les écri-
vains orientaux gardent un silence absolu. Jusqu'ici,
• Niim. chron. n" ^.
208 AOUT-SEPTEMBRE L8G5.
en etVet, ce qu'on savait d'eux se bornait à quelques
lignes de Strabon : ^vv S^rjSv koB' av-covs (Twea-lw-res
oï Tlepcrat fScta-iXécts e^ovaiv vTrrjxaovs étépois /BaaiXeCai ,
'srpÔTspov [X£v M.0LK£^6(7t , vvv Ss ^apOvaiots^ . uMiiinle-
(( nant les Perses , s'étant reconstitués cbez eux, ont des
« rois vassaux d'autres rois, d'abord des Macédoniens
« et aujourd'hui des Parthes. »
Ce rétablissement d'une histoire qui n'a pas laissé
d'autres traces pourra peut-être jeter un jour nou-
veau sur Torigine de la dynastie sassanide et faire
modifier les idées généralement reçues à ce sujet.
En effet, la présence des noms d'Artaxerce, de Ca-
vadès, de Papec, répétés plus tard dans la liste des
Sassanides, parmi ces régents héréditaires de la
Perse, semblerait prouver que c'était à cette même
famille que se rattachait Papec ou Babec, grand-père
maternel d'Artaxerce l""" et gouverneur de la pro-
vince de Fars, ainsi qu'intendant de tous les temples
du feu de l'empire, d'après les écrivains de l'Orient.
Il est vrai que les auteurs grecs et la lins veulent,
au contraire , que le gouverneur de la Perse, grand-
père ou père adoptif d'Artaxerce , se soit nommé
Sassan et que le nom de Papec ait appartenu à
l'homme de condition vulgaire , père naturel du fon-
dateur de la nouvelle monarchie persane'-^. Mais,
comme on le voit, nos monnaies donnent une plus
1 Strah. XV, p. 736.
* Voyez dans M. de Sacy [Mémoire sur (juciqucs antuiuilés de la
Perse, p. 62, ifiy cl 57/1) les diffërenls récits sur l'origine d'Ar-
taxerce 1".
ÉTLDES SUR L ALPHABET PEHLEVI. 200
grande autorité au rapport des écrivains orientaux,
lesquels étaient mieux à portée de connaître la vé-
rité, et d'ailleurs leur récit est confirmé par la ma-
nière dont Artaxerce s'intitulait constamment sur
ses monuments «fils de l'adorateur d'Ormuzd, du
divin Papec, o YIOC MAZAACNOY GeOY nAPAKOV,
en pehlevi : -j^DND ^;n p"'nTD p ^2, comme pour éta-
blir la légitimité de son pouvoir.
Au point de vue de la paléographie, les monnaies
que nous venons de citer sont aussi très-précieuses.
Elles nous fi)nt connaître la fi)rme la plus ancienne
de l'alphabet pehlevi, et cette forme est, comme le
lecteur a déjà dû s'en apercevoir, presque absolu-
ment identique au pehlevi persépolitain.
La transition entre ces deux écritures est fiDurnie
parles monnaies de bronze de Vologèse IIP, portant
la légende reproduite dans la planche B sous le n° y,
que M. Thomas a fort bien interprétée par :
C'est-à-dire ND^D pD'jD ^Vjhl IC?:^, Arsace Vologèse
roi des rois.
VI.
Après félude rapide dans laquelle nous venons
de passer en revue les diverses variétés de l'écriture
pehlevie, depuis sa première apparition sur les mo-
numents jusqu'à la conquête de la Perse par les mu-
' Pellerin, IIV supplément, p. 32. — Payne Kni^ht, Cataloy.
imm. grœc. p. 201. — Nuni. chron. t. XII, pi. ad p. 68, n°' 1 cl 2.
210 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
sulmans, nous (levons passer à l'examen de la qiies
tion d'origine.
Que l'alphabet national de la nation perse sous
les Arsacides et les Sassanides soit un dérivé de l'al-
phabet araméen , c'est ce dont on ne saurait douter;
M. de Sacy Ta établi dès la fin du siècle dernier
d'une manière certaine, bien que le passage de saint
Epiphane sur lequel il s'appuyait n'ait pas en réalité
le sens qu'il cherchait à lui donner s Mais du temps
où ont été écrits les admirables Mémoires sur quel-
ques antiquités de la Perse, d'un côté on ne con-
* Le passage de saint Epiphane [Adv. hœres. II, p. 629,0(1. Patav.)
allégué par M. de Sacy prouve seulement que du temps de ce Père
de l'Eglise, c'est-à-dire sous les Sassanides, on se servait concur-
remment en Perse de l'alphabet syriaque et de l'alphabet pehlevi,
isepcftxà (/loiy/ict. Voici en efiVt le texte de ce ])assage : B/^Aous yàp
ovTos (o MâvTjs) SiaÇopovs è^édcTO. Mlav (jlsv ia(ipiO(xov eiHoai Svo
aloiysiœv lœv HatotTriv Sup&jy alor/^elwaiv èi aÀi^a^r?T&jf crup «e<fxéyr?v.
XpôUvrai yàp 01 'urXsïcrTOi tôov ïlépcrœv (xerà UcpciHa aloiysïa xoà rœ
Supûi) ypâfxuaTi, œaTtsp 'zsap'ri(j.7v 'ssoXXà éQvr\ to7s hÀArjviKoïs Ké^pnjvTat
xahoi yt ôvzwv cr^eSov xarà êSvos lèiœv ypanfidrcov. AXXoi èè SfjOev
T^v ^advTciTrjv roov Sw'pwv SiâXemov aeyiVvvovTai , xi/fv te xarà T17V
Jla.Xy.xipav êidXeKTOv, aCrriv êè xa< xà avTÔ5v aloiysïa, eïxocrt Svo xa<
laîjTct vTtdp^et.
On s'aperçoit qu'il n'y est pas dit un seul mot de ce que l'écriture
des Perses était dérivée de l'écriture syrienne ou sembhible ù celle-ci.
Tout ce que saint Epiphane a dit et voulu dire, c'est que, de son
temps, les gens instruits de la Perse connaissaient et employaient
l'alphabet araméen à côté de leur alphabet national, lequel ne
pouvait être alors que le pehlevi , et que Manbs avait divisé un de ses
ouvrages en 22 livres, à chacun desquels répondait une lettre ara-
méenne. L'auteur du Kitab-al-filirisl (Ms. arabe de Paris, n° 874 >
f 16 recto) va encore plus loin cl dit que de son temps (dans le
iv' siècle de l'Ilégire) l'ancien syriaque était encore la langue
mune du peuple dans certaines parties de l,i Porsp.
rom-
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 211
naissait que le pehlevi sassanide, le troisième en
date; de l'autre on était bien loin de connaître les
diverses évolutions de la paléographie des écritures
sémitiques; on en était encore, par exemple, c^ con-
sidérer le caractère de l'inscription de Carpentras
comme du phénicien. C'était donc un résultat qui
demandait toute la pénétration d'esprit et l'instinct
divinatoire de M. de Sacy, que d'arriver dès cette
époque à discerner et à faire voir dans le pehlevi un
dérivé de l'alphabet sémitique de 22 lettres. Mais il
était impossible ,^'aller plus loin et de préciser la
dérivation d'une manière plus exacte. La multipli-
cité ées documents nous permet aujourd'hui d'ar-
river bien plus facilement à une autre précision, et,
tout en proclamant la certitude de plus en plus ma-
thématique du fait général découvert par le génie de
M. de Sacy, de ne pas désigner avec lui le palmy-
rénien comme la source'd'oii sortit le pehlevi. C'est
là, nous le reconnaissons, une question de détail
bien secondaire; mais dans la science aucun détail
n'est absolument indifférent, et dans le moment ac-
tuel, où la paléographie sémitique est en voie de se
fonder, il importe de déterminer avec l'exactitude
la plus scrupuleuse la place qui appartient dans le
tableau de filiation des écritures de cette famille h
chacun des alphabets qui la composent.
On sait actuellement d'une manière certaine^ que
l'alphabet araméen, après s'être constitué comme
' Voy. Melchior de Vogiié, Revue ai chéolocjique j nonv. sér. t. V,
p. 3'i-38; t. JX, p. 2o3-2o8.
212 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
un type d'écriture propre et distinct de celui qu'em-
ployaient les Phéniciens, demeura un pendant plu-
sieurs siècles; , et ces siècles correspondent exacte-
ment ci l'époque durant laquelle MM. Lassen^ et
Layard ^ ont démontré qu'il était, ainsi que dans
l'Assyrie et la Babylonie, employé dans la Perse
même comme caractère cursif , à côté du cunéiforme
servant d'écriture monumentale. Dans son état
d'unité, l'écriture araméenne présenta trois formes
successives, dont il importe de résumer en quelques
mots l'histoire.
Antérieurement au vf siècle avant l'ère chré-
tienne , l'alphabet commun à toutes les popidations
sémitiques de la Syrie, en donnant à ce mot le sens
le plus étendu qui lui fut attribué dans l'antiquité,
est Y alphabet phénicien archaïque , souche de l'écriture
grecque et de tous les systèmes graphiques de l'Oc-
cident. Vers le vi^ siècle, l'écriture phénicienne de
la seconde époque, que l'on a nommée sidoniennc,
se constitue définitivement : le plus beau monument
de cette écriture est l'inscription du sarcophage
d'Eschmounazar; en même temps la branche ara-
méenne se sépare de la souche commune. Le carac-
tère principal de ce nouvel alphabet est l'ouverture
des boucles des lettres 3, T, ir, "). Mais pendant deux
siècles environ, à côté de ces formes nouvelles se
maintiennent un certain nombre de formes an-
ciennes ; l'altération de toutes les lettres n'est pas
' Zeitschrift fur die Kundc des Morgenlandes , t. VI, p. 502.
* Discoverici at Nincveh and Bahylon , p. i55 et 3/|6.
ÉTUDES SUB L'ALPHABET PEHLEVL 213
simultanée, de sorte que l'alphabet conserve un
caractère de transition qui marque nettement sa
première époque; à cette variété originaire nous
donnons le nom de protaraméen. Vers la fin du
v' siècle, l'alphabet araméen proprement dit ou ara-
méen secondaire , car on peut lui donner indifférem-
ment l'un et l'autre nom , se constitue définitivement
sur les pierres gravées et les médailles des satrapes
de l'Asie Mineure. Mais il subit bientôt lui-même
l'effet de la loi de dégénérescence constante qui pré-
side k l'histoire des écritures ; vers la fin du iv^ siècle
ou le commencement du iii% on vit naître un nou-
vel alphabet, dérivé du précédent, comme celui-
ci était dérivé de celui qui l'avait encore précédé;
ce fut l'alphabet dont les principaux monuments
jusqu'à présent connus, inscriptions et papyrus, ont
été découverts en Egypte, mais qui n'était pas,
comme l'ont cru quelques érudits , limité à ce pays,
car il existe des preuves certaines de son emploi
dans d'autres parties, et assez éloignées, des do-
maines de i'aramaïsme; nous l'appelons araméen
tertiaire.
Cet alphabet fut le dernier commun à toutes les
populations de la famille. Un siècle environ avant
la venue du Christ, l'observation attentive des mo-
numents nous montre l'unité de Técriture araméenne
se brisant, se subdivisant, suivant qu'elle est em-
plovée par des Palmyréniens, des Nabathéens, des
Auranites ou des Juifs, et donnant naissance à toute
une série d'alphabets nouveaux , particuliers aux dif-
VI. i5
214 AOÛT-SEPTEMBRE J805.
féients peuples et suivant chacun de leur côté, d une
manière absolument indépendante, leur marche de
dégénérescence.
Plusieurs des écritures ainsi dérivées de l'ancien
type graphique commun à tous les Araméens devin-
rent à leur tour la souche de nouvelles sous-familles.
Le paluiyrénien produisit l'estranghelo et toutes les
variétés des alphabets syriaques ; le nabathéen, comme
je l'ai déjj'i indiqué ici même et comme j'espère un
jour le prouver plus complètement, donna naissance
à l'arabe. Dans le tableau généalogique résultant de
ces observations, quelle place doit-on assigner au
pehievi? Faut-il le tenir comme une écriture dérivée
del'araméen terliaireparallèlement aupalmyrénien ,
au nabathéen, à l'auranite et à l'hébreu carré du type
le plus ancien? Ou bien faut-il le considérer comme
issu par une seconde dérivation du palmyrénien?
Pour connaître la marche suivie par falphabet
sémitique de 22 lettres dans les contrées au delà
du Tigre, nous devons demander des renseignements
à une série de monuments numismatiques encore
très-peu étudiés et même imparfaitement connus
des savants.
Ce sont des monnaies d'argent de différents mo-
dules, portant au droit une tête de satrape coiffée
de la mitra, qui varie selon les époques, et au re-
vers un temple surmonté de plusieurs pyrées ou
autels du feu, avec presque toujours à côté un prêtre
en adoration. Ce dernier type est accomp.igué d'une
légende contenant le nom du piinre ou satrape ré-
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEYL 215
gnant, qui, outre le titre de son autorité, porte celui
de pontife d'une déesse, laquelle ne saurait, pense
M. le duc de Luynes , qui a fait de ces pièces une
étude toute particulière, être considérée comme dif-
férente de l'Aitémis Nanaea de l'Elymaïs, dont le
temple, objet de la vénération de tous les peuples
voisins, fut pillé par Antiochus le Grand, roi de
Syrie. Une de ces monnaies, avec le nom d'un sa-
trape appelé Saripadate, a été publiée par M. le duc
de Luynes ^ qui la considérait alors comme frappée
dans la Bactriane, opinion sur laquelle il est com-
plètement revenu; trois autres ont été gravées dans
le Numismatic chronicle de Londres^. Mais il en
existe un bien plus grand nombre, encore inédites,
dans la collection de M. le duc de Luynes et dans
l'ancien médaillier de la Bibliothèque impériale. Les
différences que ces monnaies offrent entre elles sous
le rapport du style prouvent qu'elles ont été émises
pendant un assez long espace de temps par une
dynastie de satrapes héréditaires ou de roitelets , dont
les plus anciens étaient contemporains et vassaux
des Achéménides, et les plus récents des premiers
Arsacides.
Les légendes de ces pièces sont en langue ara-
méenne. Sur les plus anciennes, celles du temps des
Acbéménides (il n'en a encore été publié que de
cette époque), l'écriture dans laquelle elles sont con-
çues est faraméen secondaire des monnaies des sa-
' Numismaticjue des satrapies, pi. VI, n° 3.
- T. XVIII, pi. Vf,!!"' 6-8.
i5.
216 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
trapos de Ja Cilicic et des autres parties de l'Asie
Mineure; un peu plus tard nous y voyons apparaître
l'araméen tertiaire des papyrus et de rinscription
de Carpentras ; enfin sous les Arsacides l'alphabet
de ces légendes se rapproche de plus en plus du
pehlevi et arrive à ne plus différer de la variété de
cette dernière écriture que nous avons designée par
]e nom de persépolitaine.
Dans la série d'écritures successives qu'offrent
ainsi les monnaies dont nous venons de parler, la
forme palmyrénienne n'a pas sa place; elle semble
n'avoir pas été connue dans la région lointaine h
laquelle appartient cette numismatique. On passe
directement de l'araméen au pehlevi, sans l'intermé-
diaire de l'alphabet de Palmyre. Ce serait assez déjà
pour faire conclure avec une entière confiance que
l'écriture pehievie est un des dérivés directs de l'ara-
méen tertiaire, une écriture sœur et non fille du
palmyrénien. Nous achèverons de le démontrer par
le tableau suivant, où nous avons placé falphabet
araméen en usage du uf au i" siècle de notre ère
et falphabet palmyrénien en regard des diverses
formes paléographiques de l'alphabet pehlevi , dispo-
sées dans Tordre de leur dégénérescence.
TABLEAU IV.
ORIGINE DE L'ECRITURE PEHLEVIE,
i\ i
218
AOUÏ-SEPTEMBRK 1865.
ARAMEEN
PEHLEN
PALMYRÉNIEN.
PROTO-PEHLEVI.
TERTIAIRE.
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219
PEHLEVI
SASSANIDE.
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des
MANUSCRITS.
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MÉDAILLES.
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2° époque.
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2î
220 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
Ce tableau réclame un commentaire; nous allons
le donner en suivant l'ordre des lettres :
N. — La forme que l'on peut considérer comme
typique pour les quatre variétés du pelilevi, \i>
sort évidemment de l'araméen KJ^ avec le trait
inférieur reporté au point de départ du Irait ver-
tical et du trait oblique. Voici, du reste, tous les
degrés par lesquels on passe pour arriver du pliemi-
cien au pehlvi*:
^' )é >^ X yt ^
Sur les monnaies de ia fm de la première et du
commencement de la seconde époque, cette lettre
devient X/; mais à la lin de la seconde époque et
dans toute la troisième on voit reparaître la figure
«4j, plus conforme à forigine, laquelle produit le
41 des manuscrits.
2. — La tête de la lettre est plus atrophiée dans
le proto-peblevi que déins le type persépolitain. Sui-
vant le progrès de cette tendance, elle disparaît dans
le type des inscriptions sassanides, lequel ne varie
plus jusqu'à l'extinction de l'alphabet pehlevi.
3. — Dans toutes les variétés du pehlevi cette lettre
suit un type constant, lequel dérive de l'araméen,
renversé sur le côté. Le pivotement des caractères
dont nous avons ici un premier exemple s'observe
à plusieurs reprises dans le passage de l'araméen au
prolo-pehlevi et au persépolitain; il se reproduit en-
core dans d'autres cas lorsque l'on suit la marche des
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 221
letlres, de ces deux alphabets au pehlevi sassanide
ou des provinces orientales.
1. — Leproto-pehlevi manque. Le pejsépolitain est
presque identique au typearaméen.Dansle sassanide
cette lettre subit un changement bizarre; elle se ren-
verse sur le côté, se recourbe légèrement par l'extré-
mité inférieure, et en môme temps sa tête passe à
droite.
Cette explication de la forme X^ ou '^ est peut-
être trop compliquée. On pourrait aussi en produire
une autre plus simple et peut-être plus vaisemblable.
Sur certains monuments persépolitains, le signe dia-
critique qui accompagne le i se confond avec le
corps de la lettre sous la forme d'un appendice Irès-
développé. Ainsi à Naksch-i-Roustam le nom d'Or-
muzd, dans le texte pehlevi persépolitain , au lieu de
la forme régulière retracée sous le n*' 8 de la pi. B,
est écrit , comme on le voit au n° 9 \ iîD"nnN*. ^ a pu
produire ^. Dans ce cas l'appendice ajouté comme
marque diacritique sera devenu plus important
comme dimension que le corps même de la lettre,
ce qui se voit quelquefois en paléographie.
Toujoursest-ilquele"ipehlevisassanide,aprèsavoir
été longtemps invariable avecla forme J , se réduit sur
les monnaies de la 3^ époque à un simple trait courbe,
par une abréviation qui ramène au type primitif. De
celte dernière figure sortie J des manuscrits.
• Cf. Rawlinson , Jnurn. .of the Rojal Asiat. Soc. t. Xï, I pari.
p. 69.
222 AOUT-SEPTEMBKE 1865.
n. — La forme de cette lettre en proto-peliJevi
dérive tout naturellement de i'araméen , dont l'exti ë-
mité gauche s'est relevée. Dans le pelilevi persépoli-
tain, la tradition du type primitif est déjà oblitérée;
le trait qui relie les deux hastes se trace obliquement.
Dans le sassanide la partie droite de la lettre n'est
plus que peu développée et la baste de gauche lé-
gèrement infléchie par la base. Cette lettre devient
bientôt, par une nouvelle déformation, /V, ce qui
produit le ju des manuscrits et ramène par consé-
quent très-près de la figure du persépolitain.
T. — Dans le proto-pehlevi et dans le caractère
persépolitain, la figure est une simple courbe comme
en araméen. Dans le sassanide on ajoute en bas un
appendice analogue à celui du "i, pour distinguer
cette lettre de l'^ . Sur les médailles de la troisième
époque et dans les manuscrits, le tracé s'abrège et
se réduit à \.
T. — Nous ne connaissons pas la forme proto-
pehlevie. Dans les trois autres alphabets la figure est
ondulée, et non droite comme en araméen.
n. — Cette lettre n'existe qu'en persépolitain , où
sa figure dérive de celle de I'araméen , presque sans
aucune diflerence. En sassanide elle est rempla-
cée constamment par n , avec ou sans point diacri-
tique.
\ — En proto-pehlevi la forme de ce caractère est
identique à celle de la lettre araméenne. Plus droite
dans l'alphabet persépolitain , elle se recourbe dans
ETUDES ^R L'ALPHABET PEHLEVJ. 223
le sassanide et finit dans les manuscrits par être sem-
blable an 1, au 3 et au -j, JJ.
D. — La lettre proto-pehlevie est semblable à
l'araméen, mais avec la tête plus ouverle. Dans le
persépolitain la bastese recourbe et la figure devient
pareille à celle du ". Cette ressemblance fait que
dans le sassanide le D se trace de même, avec un
petit appendice diacritique à la partie inférieure.
De là résulte le ^ des médailles, qui, s'abrégeant
à la troisième époque, revient presque au type ori-
ginaire et produit le a des manuscrits.
b. — Le proto-peblevi est identique à l'araméen.
La figure du caractère pehlevi persépolitain semble
influencée par celle de la lettre correspondante du
palmyrénicn. Elle produit le L, qui sur les médailles
de la seconde époque devient }^, la partie supé-
rieure perdant beaucoup de son développement.
A la troisième époque la lettre s'abrège en /' et de-
vient ) dans les manuscrits^
D. — Le proto-peblevi et le persépolitain sont en-
core exactement pareils à l'araméen. Dans le sassanide
la figure de la lettre devient fermée , mais d'une autre
manière que dans les écritures dérivées du palmyré-
nicn , comme l'estrangbelo et l'bébreu carré, par la
jonction du sommet du trait transversal avec l'ex-
trémité inférieure de la baste de droite. Sur les mé-
dailles le D devient Jfc7, puis, à la fin de la seconde
et dans toute la troisième époque >{ , d'où le ^des
manuscrits.
224 AOUÏ-SEPTEiMBRE ^805.
:. — Dans -le proto-pelilevi celte lettre est re-
courbée par en bas et prolongée horizontalement
vers la gaucbe, comme dans le paimyrénien. Ici la
dérivation dans les deux alphabets collatéraux s'est
opérée dans un même sens. Mais cette inflexion à
gauche n'est pas aussi essentielle en pehlevi qu'en
araméen, cardans le caractère sassanide la courbure
a lieu vers la droite. De là le J^ des médailles, abrégé
en g à la troisième époque; enfin le ^ des manuscrits
qui, par un singulier hasard , est revenu à une forme
identique à celle du type araméen.
D. — Leprolo-pehlevi ne nousestpas connu. Dans
le persépolitain il estfiicile de reconnaître l'araméen ,
avec ses deux hastes parallèles si caractéristiques. La
différence de proportion entre ces deux hastes, qui
rappelait encore en araméen le type primitif ^p* , a
cependant disparu en pehlevi. Dans l'écriture sassa-
nide le D devient }J, puis sur les médailles, dès la
fin de la preniière époque, J>>; plus tard les deux
traits se rejoignent de nouveau, mais par en bas
cette fois, la tradition de l'origine étant perdue, J||.
D'où, dans les manuscrits, ^.
D. — Dans l'alphabet proto-pehlevi les différences
avec l'araméen, pour ce caractère, consistent dans
l'ouverture plus grande de la tête et dans l'ondula-
tion de la haste principale, ", le tout combine poui'
distinguer cette lettre du 2. Dans la paléograpliie
persépolitaine la figure se renverse on avant et les
traits s'arrondissent. Passant de là dans le pehlevi
offici*»! (les Sassnnidf's, h» h'tlie, pivotant encorr^ unr
ÉTUDES SUR L'ALPHABET PEHLEVL 22o
fois, se trouve piacée en sens absolument opposé à
ce quelle était d'abord, la partie supérieure en bas;
en même temps la partie primitivement inférieure
et devenue supérieure se recourbe complètement
vers le bas , et, venant rejoindre le trait horizontal,
produit une figure fermée, d'où sur les médailles
de la seconde et de la troisième époque ^ et dans
les manuscrits ^.
!:. — Nous ne possédons pour cctle leltre les
formes, ni du proto-pehlevi, ni du caractère persc-
politain. Mais, comme l'a très-bien vu M. Thomas,
on reconnaît encore indubitablement dans la lettre
sassanide le tracé du )i araméen. Sur les médailles,
dès la première époque, cette figure compliquée se
simplifie en f^. Le ^dcs manuscrits revient plus
près de la première forme.
-). — Semblable dans les deux alphabets les plus
anciens au "i araméen. Dans les inscriptions sassa-
nides et sur les médailles de la première époque , le
tracé s'arrondit et un appendice diacritique s'ajoute
par en bas. Il dislingue le ") du "i, sans appendice,
et du 1 , où l'appendice est beaucoup plus développé.
Sans cette marque dillérentielle , ces trois lettres se
seraient facilement confondues. Sur les médailles, à
partir de la deuxième époque, et dans les manus-
crits le tracé du ") ne diffère plus de celui du b.
V. — Le proto-pehlevi est identique à l'araméen.
Dans le persépolitain le trait de droite, sur lequel se
greffent les deux autres, s'allonge par le bas et tend à
se coucher. Dans la paléographie sassanide la lettre
226 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
est complètement renversée sur le côté, et cette dis-
position se maintient jusque dans les manuscrits.
n. — Semblable à l'araméen dans le proto-peblevi
et le persépolitain. Dans les inscriptions sassanides
la haste de gaucbe s'ondule et se recom^be vers la
droite : en même temps la proportion du crochet
de droite se réduit. Ces deux tendances se pronon-
cent beaucoup plus sur les médailles. A la Iroisième
époque, le crochet de droite se bouclant, la figure
devient k?, puis yo, d'où le f^ = c:> et le ^^ = ci»
des manuscrits, ce dernier étant le caractère re-
tourné.
En terminant ici cette courte dissertation, nous
ne prétendons pas avoir apporté des faits bien nou-
veaux pour la science , mais seulement avoir coor-
donné les données acquises parles derniers travaux
sur cette branche de la paléographie sémitique. Si
nous avons réussi dans celte coordination, si nous
avons mieux précisé qu'auparavant le mode de gé-
nération de l'écriture pehlevie par l'écriture ara-
méenne, qui en était déjà considérée comme la
mère, notre but est atteint et notre ambition satis-
faite.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TUIUN. 227
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN,
PUBLIE
ET TRADUIT POUR LA PREMIERE FOIS
PAR M. T. DEVÉRÏA.
I.
ÉTAT ACTUEL DU MANUSCRIT ET DISPOSITION DU TEXTE.
Parmi les manuscrits égyptiens que possède le
musée de Turin, il en est un qui se fait remarquer
par une très-belle écriture hiératique dont les signes
atteignent une dimension peu commune; ils sont
hauts de 2 à 3 centimètres en moyenne, et les traits
lâchés au-dessus ou au-dessous des lignes occupent
en quelques endroits un espace d'environ 5 centi-
mètres.
Dans son état actuel, la première page est malheu-
reusement détruite, à l'exception d'un fragment qui
contient seulement un ou deux mots de la fin de
chacune des neuf lignes qui la composaient.
Cinq colonnes de texte formées d'un plus ou
moins grand nombre de lignes inégales en longueur
constituent, avec ce premier fragment, fensemble
du manuscrit. Le papyrus dont a été formé le vo-
lumen est de la plus belle qualité ; il pouvait avoir
5o centimètres de hauteur avant que les marges
228 AOUT-SEPTEMBRE 1805.
eussent été coupées, ce qui le réduit mainlenani à
42 centimètres environ, et une longueur de plus de
5 mètres, que l'absence du commencement ne per-
met pas de déterminer exactement.
M. Alphonse Mallet, en reconnaissant, le pre-
mier, il y a quelques années, la nature judiciaire de
ce manuscrit, comprit tout l'intérêt qui s'y rattache
pour la connaissance de la langue, des usages et de
la législation de l'ancienne Egypte; il en fit alors une
copie très-complète qu'il a bien voulu me commu-
niquer depuis , et dont j'ai vérifié moi-même la par-
faite exactitude sur foriginal, à Turin.
M. Lieblein , de Christiania , a aussi obligeamment
mis à ma disposition , depuis que mon travail est
terminé, un calque fac-similé du même papyrus,
qui a l'avantage de conserver, ligne par ligne, la dis-
position du texte. C'est donc cette dernière repro-
duction que je choisirai pour la publication, en la
réduisant de moitié par la photographie et en la
vérifiant sur la copie déjà collationnée dont je suis
redevable à M. Mallet.
Ce beau manuscrit, qui peut passer pour un mo-
dèle de calligraphie hiératique , est un document
officiel , une pièce originale des archives pharao-
niques et non pas un simple récit , comme on pourrait
le croire; il date du règne de Ramsès ITÏ, premier
roi de la vingtième dynastie , c'est-à-dire environ d'un
demi-siècle après rjExode, ainsi que je le démon-
trerai plus loin. 11 nous fait voir, à cette époque
séparée de notre temps par trois nulle ans au moins,
»
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 220
tout le procès d'une conspiration contre la personne
ou l'autorité du roi , et un tribunal régulièrement
constitué dans une cour de justice, saisi par déci-
sion royale de cette affaire, qui motiva de nom-
breuses condamnations et plusieurs exécutions delà
peine capitale; il nous donne un exemple de la
toute-puissance d'un Pharaon qui rend la justice
contre les magistrats eux-mêmes; il nous fait con-
naître aussi les formules judiciaires et la rigueur des
lois égyptiennes , tout en nous fournissant d'inté-
ressantes notions philologiques sur la langue parlée
de cette époque.
L'étude de ce papyrus est donc intéressante à
plusieurs points de vue : c'est ce qui m'a décidé à
y consacrer un long travail.
La destruction presque complète de la première
colonne du texte est des plus regrettables , car l'ex-
posé de l'affaire amenée devant le tribunal devait y
être contenu, et ce n'est, maintenant, qu'en ras-
semblant et en comparant entre elles les diverses
accusations des condamnés , qu'on peut deviner quel
fut le motif ou le but de leurs délits, ainsi que le
lien qui pouvait exister entre eux.
La seule chose qui ressorte d'une manière évi-
dente, à un premier examen du texte, encombré
par la répétition continuelle des formules, c'est que
le crime principal des coupables se borne h des paroles
prononcées par eux, ou seulement tenues secrètes après
avoir été entendues, et ayant pour but de nuire ou
d'exciter des malfaiteurs à nuire à leur seigneur.
VI. «6
(
230 AOÛT-SEPTEMBRE 1865.
On constate ensuite : 1° que ces paroles furent
prononcées particulièrement dans un lieu liabité
par des femmes, où étaient aussi des fonctionnaires,
parmi lesquels on distingue deux intendants du ha-
rem royal ; on peut en conclure que ce lieu était le
gynécée ou harem du palais de Ramsès III;
2° Que des femmes de ce lieu, probablement
esclaves ou concubines du Pharaon, sont accusées
elles-mêmes d'av^oir prononcé des paroles sem-
blables;
y Que , parmi les accusés, il y a plusieurs grands
personnages et fonctionnaires du palais, dont le sei-
gneur ne pouvait être que le roi lui-même, et, con-
séquemment, que leur crime ou les paroles pronon-
cées ou entendues et ayant pour biil de nuire à leur
maître ne pouvaient être qu'une conspiration contre
la personne ou l'autorité royale;
li° Que cette dernière déduction est confirmée
par la sévérité des jugements et par la rigueur plus
grande encore des arrêts rendus en dernier lieu par
le roi lui-même, contre quelques-uns des membres
du tribunal et d'autres officiers de justice qui furent
trouvés trop indulgents pour les coupables, ou qui
allèrent jusqu'à s'unir à leur cause.
L'ensemble de ces observations empêche de sup-
poser, comme j'avais d'abord été tenté de le faire,
que le véritable délit des coupables consistait en des
relations d'adultère entre les accusés et les femmes
du gynécée, aucun fait de ce genre n'étant d'ailleurs
formulé, et le fond de faccusation portant toujours
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 231
sur les paroles prononcées ou entendues que le roi
donne dans la première partie du manuscrit comme
seul motif de la sévérité recommandée aux magis-
trats.
Quelques-unes des constatations que je viens
d'indiquer sont heureusement corroborées par trois
fragments d'un autre papyrus, également conser-
vés jusqu'à nous, qui paraissent faire partie d'un
autre procès concernant la même afl'aire , mais avec
complication d'opérations magiques dont certains
personnages ont été accusés d'avoir fait usage pour
s'approcher du harem, essayer d'y pénétrer et y
faire passer ou en rapporter les paroles criminelles,
c'est-à-dire les premiers germes de la conspiration.
Il est à noter que le manuscrit de Turin semble
contenir les jugements de toute la partie du com-
plot qui se produisit dans l'intérieur du gynécée,
mais qu'il n'y est pas question de moyens surnatu-
rels; tandis que l'autre papyrus relatait probable-
ment tout ce qui s'était passé en dehors de ce lieu
et les moyens, supposés surnaturels, qu'on avait
employés pour y établir une communication.
Une première interprétation de ces trois frag-
ments connus sous les noms de papyrus Lee et Rollin
est due à M. Chabas^; ils avaient été signalés à ce
savant par M. Goodwin, qui avait remarqué la liai-
son des deux premiers^ que possède M. Lee, en
Angleterre, avec le troisième qui est conservé à la
' Le pai)jrus macjiqiie Harris j p. 170.
^ Sbarpe, Eyypt'uui inscriptions , 2** série, pi. 87 et 88.
iG.
232 AOUT-SEPTEMBRE 1805.
Bibliothèque impériale de Paris. J'eus occasion de
communiquer à M. Gliabas quelques observations
qui m'étaient suggérées par ma première étude du
papyrus de Turin; il en tint compte et modifia plus
tard sa traduction'. On y retrouve les noms de
deux des accusés que nous rencontrerons dans le
manuscrit de Turin, avec des détails intéressants
sur les délits dont ils furent coupables.
V^oici maintenant la disposition matérielle du
texte du papyrus judiciaire de Turin.
' Mélanyes éqyptologuines , I , p. 9
TABLEAU SYNOPTIQUE
DU
PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN.
234 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
PREMIÈUE PARTIE.
DISCOURS PRÉLIMINAIRES POUR LA MISE EN FONCTION DU TRIE
(très-grosse Écriture.)
COLONNE 1. (fragment.) COLONNE 2. ( AVEC LACUNES. ) COLONNE 3. (bNTIÈ
Ligne i [ Dale ? ] Prolocole royal.
î» /
Discours adresse par
le roi aux magistrats.
Ligr
Suite du discours du
roi : les membres de
la commission judi-
ciaire, noramémeut
désignés, sont saisis
de l'affaire , et la plus
grande sévérité leur
est ordonnée.
Ligne
I Corolijire du discou
^ \ royal : imprécatii
3 ^ contre les coupable
f i hommage rendu à
f doublr justice divin
Ce tableau synoptique suffit pour qu'on puisse se
rendre un compte exact de la disposition du texte
original dont je vais maintenant donner la transcrip-
tion alphabétique et la traduction littérale.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN.
235
DEUXIEME PARTIE.
JUGEMENTS RENDUS CONTRE LES COUPABLES.
RITURE MOINS GROSSE QUE CELLE DES TROIS PREMIÈRES COLONNES.)
.^^^__
_^^_
COLON.NE 4. (entière.)
COLONNE 5. { ENTIÈRE.)
COLONNE 6. (entière.)
i
( i" rubrique. ) Coupa-
Ligue 1
j Six femmes et deux ac-
> cusés subissent éga-
Ligne i
( 4* rubrique.) Gens (de
\
bles de grands crimes ,
2
justice) qui ne tin-
Ligne I (
condamnés par la
3
] lemeut leur peine.
rent pas compte des
3 >
i" section de la com-
mission judiciaire.
4
{a* rubrique.) Coupa-
bles de crimes et de
complicité . condam-
témoignages à la
charge des coupa-
bles, condamnés par
le roi avec les fem-
3
nés ( mais non exé-
mes et un accusé
4
5
cutés) par quatre
membre.s de la a* sec-
a
déjà nommé (v, 5).
/ Quatre personnes, dont
lion de la commis-
3
1 deux membres de
6
7
8
9
lO
Quatorze accusés sont
successivement ame-
i nés, jugés, condam-
nés, et subissent
leur peine.
ô
6
sion judiciaire.
Six personnes jugées.
( 3* rubrique. ) Coupa-
blés de crimes , jugés
par les mêmes magis-
trats, et un membre
supplémentaire de
4
5
6
'. la commission judi-
1 ciaire et deux ofiS-
\ ciers de justice.
(5* rubrique.) Gens
complices des cou-
pables, ou énonçant
lie mauvaises pa-
12
la commission judi-
roles , sont condam-
i3
ciaire.
7
nés sans exception.
Un seul nom suit 1.»
i5
7
8
9
lO
(Quatre coupables, coii-
) damnés et exécutés.
rubrique et termine
lo manuscrit; c'est
celui d'un oiricicr,
peut-être chargé des
exécutions.
Ma première intention , en coinniençant celte tra-
duction, était de donner une transcription liiërogly-
pliique interlinéaire de tout le texte hiératique , pour
en faciliter l'étude; mais j'ai dû y renoncer devant
536 AOUÏ-SEPTEMBRE 1865.
les difïicullës typographiques que présente encore
remploi des types égyptiens, et surtout à cause du
temps énorme que m'auraient demandé la notation
par cbiflres de tous les signes et la correction des
épreuves. Les nombreuses réj)étilions que contient
le manuscrit rendent d'ailleurs ce genre de trans-
cription moins utile pour ce texte que pour tout
autre. Je me suis donc borné à une transcription
alphabétique suffisante pour aider à suivre notre
traduction sur les fac-similé qui seront réunis à la
lin du mémoire.
Le système de transcription que j'ai adopté est
emprunté à ceux de MM. Brugsch^ et de Rougé-;
il a pour but : i"" la précision et la clarté, en ren-
dant chaque voyelle et chaque articulation de l'écri-
ture ^ égyptienne par une seule lettre de notre alpha -
^ Die Géographie f I, p. i5; Recueil, I, p. i, etc.
^ Revue archéologique yjioxeaxhve 1861, p. 352; Cours au Co!l6<^c
de France, etc.
^ Je ne dis pas «de la langue ,)> car je n'aurai jamais la préten-
tion d'exprimer les sons ou la prononciation d'une langue morte
depuis des siècles; je cherche seulement un équivalent conventionnel
des signes qui servaient à l'écrire.
Depuis que j'ai terminé le présent travail , M. Lepsius a publié
dans le Standard alphabet de la Société biblique de Londres un
système de transcription générale qui est presque entièrement
adopté pour les textes égyptiens, par MM. de Rougé, Brugsch et
Birch. Son application à mon mémoire aurait nécessité trop de cor-
rections pour un travail terminé; je le laisse donc tel que je l'ai
écrit. Ce nouveau système, que je n'ai d'ailleurs pas suflisamment
étudié, me paraît cependant présenter encore quel(|ues imperfec
tions et quelques inconvénients, parmi lesquels je signalerai seule
n)ent l'introduction du ;^ grec dans notre alphahet, cl la néces^ité
d'employer des signes spéciaux pour la notation fie certaines lellrrs.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 237
het; 2" la facilité de ia composition typographique
et ia commodité pour tous les usages auxquels il
peut s'appliquer par l'emploi exclusif des sicjnes usuels
de la typographie française, évitant ainsi tous les
signes particuliers qui nécessiteraient des types spé-
ciaux, et rejetant enfin toute notation pouvant aug-
menter récartementdes lignes, comme par exemple
le point sous une lettre, auquel l'œil ne s'habitue
d'ailleurs que difficilement.
Les seuls signes distinctifs que j'admette sont ,
pour les voyelles, les accents ordinairement usités,
et, pour les consonnes, la virgule retournée ('),
placée après la lettre qu'elle sert à noter.
Voici maintenant les règles que j'ai suivies :
1° Toute voyelle accentuée, accompagnée du
tréma (ï), ou notée de la virgule renversée (a*], re-
présente une voyelle écrite dans le texte égyptien.
2° Toute voyelle non accentuée représente une
voyelle non écrite dans le texte . mais nécessaire à la
prononciation du mot, ou donnée, soit par des
transcriptions antiques , soit par l'orthographe capte,
ou bien encore cachée dans le syllabisme des écri-
tures égyptiennes, car, dans ce dernier cas, il est
souvent difficile de la déterminer exactement. Les
voyelles non accentuées dans nos transcriptions de-
vront donc être considérées comme moins certaines
que les voyelles accentuées.
3° Toute consonne qui n'est pas suivie de la
marque que j'ai adoptée ^ est supposée avoir été
' J'ai préfère pour celte marque la virgule retournée (') à Tapos-
238 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
prononcée d'une manière très-analogue , sinon iden-
tique, à l'articulation qu'elle représente ordinaire-
ment dans notre écriture.
4" Toute consonne suivie d'une virgule retournée
(') prend une valeur différente de sa prononciation
habituelle.
Voici maintenant mon alphabet de transcription ,
avec les correspondants coptes et sémitique^.
ALPHABET.
HIÉROGLYPHES.
COPTE.
HÉBREU.
a' 1
\
i>, E, H, 0, en
N
à
\
^, E,H,0,a\
X (n?)
à
-=>-•
i>,z, H,o, ai, 0-*
y
M
J
El
2
(/
^
1
9
G
K
j
h
h*
ï
m
1
^
^
n , 8 arabe,
n , ^ ^"-abe.
trophc ('), qui a déjà été employée pour lu uolation de certaines
consonnes, parce que ce dernier signe doit être réservé pour indi-
quer, au moyen de sa fonction habituelle, des cas délision que j'ai
souvent entrevus et qui pourront être un jour bien constatés.
' J'aurais préféré Vu (accent aigu) à l'a' (noté); mais j ai adopté
ce dernier, parce que Va (accent aigu) ne se trouve pas dans tous
1rs caractères de la typographie ordinaire.
^ Je transcris />', au lieu de bp , le !> doublé d'un p dans corlains
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN.
239
IIEROGLYPHES.
tllll
^
K
A
TT
p
c
'T
ov , If , a\ , o
h
P
-!
D
n
1
)^ , ^ arabe
mots, pour lui donner plus de force, comme dans la syllabe
^ Je transcris n* ïn aspiré qui prend dans les variantes un x* initial
comme dans la syllabe (^ n*
'em^x'nem.
* Je transcris ii (sans accent) le signe du pluriel, | 1 1, toutes les
fois que j'ai des raisons de penser qu'il pouvait influer sur la pro-
nonriation du mot qu'il suit.
240 AOIIT SEPTEMBRE 1805.
II.
TRANSCUfPTlUN ALPHABETIQUE ET TKADLCTION LITTÉUALE.
PREMIÈRE PARTIE.
COLONNE I , SEDI. FRAGMENT CONSERVÉ.
I , l Hyq-Ân . . .
[An... mois... jour... du règne de Rà-ouser-màà-mei-
Amon, du fds du soleil Ramessès IIP], Souverain
d'Ôn
de
r
l, 2 à ta'' H
p«y'
1,3 pà ta"
la terre pour.
1,4 . â nienmen-iL .
troupeaux*^ .
1,5 [ret']-u r a'ntâ-u'.
hommes pour les amener .
1,6 ... neb m- met- lî ' .
tous par-devant eux .
1,7 //(?)« a'û nà.
son( les .
1,8 rel'-a an .
hommes étant.
' Cf. Pap. Lee I , 1. 3. Les mois placés entre des crochets répondent à
des lacunes du texte.
'' Cf. col. II , 1. 1 ; Pap. Lee 1 , 1. 2 , et Pap. RolUn , L 5.
' îd. ihid.
'' Le Papyrus Lee I l'ail mention d'un «intendant des lioupeaux,» nommt'
Peu-houï-ban. (Cf. col. 5, i. 2 de noire papyrus.)
" Cf. IV, 1, etc. et chap. vi , Formules judiciaires.
' Cf. IV, 2, etc. et cliap. vi, Formules judiciaires.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 241
^ ' y Il a'â m ntû"
étant en eux
COLONNE II.
il, 1. nà bûtâ [i) n pà ta a' a- A' dâà-t m-h'er (2)
les exécrations de la terre, je les soumets
n mur-h'ez' (3) Mentâ-m-tà-ti mur-h'ez' Pàïwreiâ
au trésorier Mentou-m-ta-ti , ( au ) trésorier Paiwretou,
z'àï - œUi (II) Kar ûbâ (5)
11,2. (au) porte-chasse-mouche Kar, (à l'officier?)
Pàï-b'àst âhâ (?) Qedenden (?) âhâ (?)
Païbast, (à l'officier?) Qedenden (?), (à l'officier?)
Bâr-mâhàr II , 3. âbâ (?) Pà-a'rû- . . u, ubu (?)
Bâr-mâhar, (à l'officier ?) Pa-arou ... ou , (à l'officier?)
Z'od-tî-rex'-novre sûten âehmâ (6) Pen-Renâ
Thoti-rex'-nowre , (au) rapporteur royal Pen-Renou ,
sœ'à Mâï. III. 4. sx'à Pà-râ-m-h'eb n ta
(au) scribe Mâï, (au) scribe Pa-râ-m-h'eb , de la
a's-t nà s'ââ (7) z'àï - serï H'ora' n ta
bibliothèque , ( etau ) porte-ombrelle Har, du corps des
Aûâï-t [^) W , b . r z'od A'rnàz'od-tu a'-z'odû nà
Àouâï ^ en disant: « Les paroles que dirent ces
■ Ou a'û mentû «étant eux» (ces crimes) , car on peut voir ici une forme
plurielle du pronom mentuiv «lui.»
(1) Les chifFres renvoient aux notes philologiques réunies à la fin du mé-
moire. (Voyez chap. ix.) Les lettres placées au-dessus des lignes dans la tra-
duction sont seules en rapport avec les notes placées au bas des pages. Tout
ce qui est relatif aux noms propres et aux personnages sera expliqué dans
un chapitre spécial (viii) , auquel je renvoie une fois pour toutes.
•' Corps militaire chargé de la police , et probablement aussi des exécu-
tions judiciaires. ( Voir notes philologiques , n° 8. )
242 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
ret'u bu rex'-A'-se-t-u (9) h'enî-teii (10)
hommes, n'en ai-je pas connaissance? — Allez!
s-metî-s-i-u.[i\)\\.^. a'â-u s'emï a'ii-u s-meiï-û
Jugez-les. — Qu'ils avancent, qu'ils les jugent;
a'ii-u dâà-t mut-tâ nà dâàâ mata
qu'ils donnent la mort, ceux qui donnent la mort
m de-t-â r h'â-t-û II, 7. a'û bâ rex'
de leur main, à leurs membres \ — N'en ai-je pas
[-A'-se-t-u] ... a'r'-t sebàï-t (11)
connaissance? — [Faites] exécuter le châtiment de
helex'â a'âbâ rex'- A'-se-t-u
[mort et les] autres. — N'en ai-je pas connaissance,
m r-â {?) II, 8. œ'er a'û h' en. . .
actuellement ? — Or, ils avancent ! — [Jugez-les ]
r z'od h'et r-ro-ten sààû-tu-ten
suivant ce que vous dicte votre cœur; soyez vigilant
r dûà-t a'r-tû sebàï-t 11,9. r
à faire exécuter [le] châtiment pour [celui qui a
gàuàs'à (i3) a'û b[en] su h'cr h'er-w
mérité la] torture. Cela (le crime) n'est-il pas constant
x'er-A' un m-dunï (?)
à mon égard ? Eux , qu'il périssent ! ^
On voit dans ce discours, prononcé par le roi lui-même
pour instituer la commission judiciaire et pour la saisir de
l'afFaire , que la mise en accusation des coupables ne repose
• C'est-à-dire : a aux coupables. »
'' Ces derniers mots sont, pour moi, d'une signification douteuse. On
peut traduire littéralement: «Cela n'cst-il pas sur sa face vers moi.-* —
(Qu')ils périssent!» La transcription du dernier groupe, m-doûn , semble
donner le type du copte JUL'TOS^' mori.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 243
que sur la connaissance de certaines paroles prononcées
par eux.
Suit une imprécation contre les criminels, et un hom-
mage que le roi rend aux dieux de la justice.
COLONNE III.
111,1. A^r pàâ-a'rï-t neb n ntâ a'-a'r-t-sû
Étant toutes leurs actions pour ceux qui les ont faites*,
m, 2. a'mmâ x'operû pàâ ' a'-a'rû neb
puisse devenir (retomber) tout ce qu'ils ont
r z'àz'à-û 111,3. a'â-A' x'â-kâ-A'
fait, sur leur tête! Je dirige moi-même (et je)
muk-hâ-A* r s*àâ h'eh' a'û-A'
gouverne moi-même jusqu'à perpétuité, (car) je suis
III, k. x'er-tû nà Sâlenï-u màâ-tï-u ntï m met
avec les Rois des deux Justices qui sont devant
111,5. A^mon-Râ Sâten Nuter-a m metRes(ili)
Ammon-Râ , Roi des Dieux , et devant le Vigi-
hyq z'e-t-tà
lant, souverain éternel.
Après ce discours , qui sert en quelque sorte de corollaire
au précédent, commence la deuxième partie du manuscrit;
elle débute par une rubrique relative aux quatorze premiers
accusés; c'est le commencement du procès-verbal des juge-
ments. L'écriture, à partir de cet endroit, est moins grosse
que celle des trois premières colonnes.
' C'est-à-dire : «Chacun étant responsable de ses œuvres.»
244 AOUT SEPTEMBRE 1805.
DEUXIÈME PARTIE.
COLONNE IV DU PAPYRUS, l'" nUBRIQDE.
IV, 1 . Ret'-u a'nï-t h'er nà holàiiï âàïâ
Gens amenés pour les grandes abominations qu'ils
u'-a'rû (lûàï-n-a* " r ta a's-t s-mct m
ont faites. — Je les ai mis au lieu du jugement en
met nà ûerâ âàîu ta a's-t s-met
présence des grands magistrats du lieu du jugement
r s-met -û a'u mur-h'ez' Mentu-m-tà-ti
pour les faire juger par (le) trésorier Mentou-m-ta-ti ,
miu' h'ez, Pàïwretâ z'àï — x'A
(le) trésorier Pahvretou, (le) porte-chasse -mouche
Kàr ûhâ (?) Pàïh'as-t sx'à Mai n
Kar, ( l'officier ?) Pàïbast, (le) scribe Màï, de la
ta a's-t nà s'âû z'aï- serï H'ora' a'tî-u
bibliothèque, (et le) porte-ombrelle Har. Ils les
s-met-û, a'u-it qem-â m âz'àï u'â-u
jugèrent, ils les trouvèrent en culpabilité, ils leur
<lûà-t dema'â-ân tàï-ii sebâî-t a'û nàï-u botàut
firent appliquer leur châtiment , et leurs abominations
a'z'à-â
leur furent enlevées. (Ce sont : )
IV, 2. X'eru âà Pàï-bàka'-Kàmen ûnû m âà
Le graiîd criminel Paï-baka-Kanien , étant major-
* La forme de la ligature hiératique du pronom est irrégulière, et, bien
que le signe de majesté n'y ligure pas, il semble que c'est encore le roi qui
parle. (Voyez notes pliilologiquos , n" .3o.)
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 245
n â-t A'N-TÛ-w h'er pà h'u-iâ-w (i5) a'-a'rû-w h'er
tlome *. Amené pour son délit, qu'il fit à cause de
Taïïh'enânà hini-t'âperx'en-t-u (i6) a'â-w a'r-t ûâ a'rmâ-â
Taïï, avec les femmes du harem, 11 fit un avec elles ^.
a'â-w x'operâ a'z'à nàï-û zed-t-u r hâner (17)
Il lui arriva d'emporter leurs paroles au dehors,
n nàîâ mut-u nàïâ senâ-t ntï a' m r
à leurs mères (et à) leurs sœurs qui étaient là'' pour
z'od nû (18) ret'-u tehàmu (19) x'erûï (20)
dire d'exciter les hommes, d'engager les malfaiteurs
r a'r-t seha'â h^er Neh-û a'â-tâ dâà-tâ-w
à faire tort à leur Seigneur ^. — Il a été mis en
m met nà ûeriî âàîâ tà-a's-t s-met
présence des grands magistrats du lieu du jugement.
a'â-a s-met nàï-w botàuï a'û-u qem r z'od
Ils jugèrent ses abominations , ils trouvèrent à dire
a'rï-w-s-t-u a'â nàï-w botàâï
qu'il les fit (en réalité), et que ses abominations
meh' a'mw a'â nà âerû a'-
étaient complètes en lui. Les magistrats qui le
s-met su dâà-t doma'-â-n-w tàï-w shàï-t.
jugèrent lui firent appliquer son châtiment.
* Lilt. «Grand de maison.»
^ C'est-à-dire : «11 s'unit à leur cause.»
' Au dehors du harem.
' M. Chabas a traduit ce passage d'une manière plus énergique et peut-
être plus exacte : «Travailler les gens, convoquer des meurtriers pour com-
mettre des attentats contre leur seigneur.» (Mélancfes, vol. II, p. 206.)
VI. 17
240 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
IV, 3. X'ern âà Mesdï-sû-râ iinâ m âbû (?)
Le grand criminel Mesdi-sou-râ , étant (officier?)' —
An-tû-w h'er pàh'a-lû-w a'-a'rû-w [h'cr"^)
Amené pour son délit, qu'il fit (à cause de)
Pàï-bàka'-Kàmen nnû m àà-n-â-t a'rmââ nà
Paï-baka-Kamen , étant majordome , avec les
h'im-t-u r nu x'erûï r u'r-t seba'd
femmes, pour exciter les malfaiteurs à faire lorl
/?/er Neh-u a'â-tâ dâà-tû-iv m met nà
à leur Seigneur. — H a été mis en présence des
âerii âàïâ n ta a's-t s-met-ii u'â-u s-met
grands magistrats du lieu des jugements. Ils jugèrent
nàïw hotàûï au-u qem-tâ-w m âz'àï
ses abominations ; ils l'ont trouvé en culpabilité ,
aû-VL dâà-t doma'â-nw tàîw sebài-t.
(et) ils lui firent appliquer son châtiment.
IV^ U. X'eru âà Pà-a'na'ûk unû m mur
Le grand criminel Pa-anaouk, étant intendant
sâten- a'p-t-u{^) n per-x'en-t-u h'er s'enisu
du gynécée royal au harem, en service.
A'N-TÛ-w h*er pà a'r-t a'-a'rû-w ûâ a'rmââ Pàïbàka'-
— Amené pour le fait d'avoir fait un avec Paï-baka-
Kàmen Mesdï-sû-râ r a'r-t seba'û
Kamen(IV, 2) et Mesdi-sou-râ (IV, 3), pour faire tort
h'er Neb-â a'â-tû dâà-tâ-w m met nà
à leur Seigneur. — Il a été mis en présence des
' On a déjà trouvé celle (jualification appliquée à plusieurs des membres
de la commission judiciaire , et on verra plus loin (piVllo est 'lonnéc à plu-
sieurs accusés. (Cf. notes philologiques, n" h.)
LE PAPYRUS JUDICUrRE DE TURIN. 247
ûeriî âàïâ ta a's-t s-met. a'û-u s-met
grands magistrats du lieu du jugement. Ils jugèrent
nàî-V) hotàâi a'û-u qem-tû-iv m âz'àï
ses abominations; ils l'ont trouvé en culpabilité,
a'â-u dûà-t doma'û-n-w tàï-v) sehàï-t.
(et) ils lui firent appliquer son châtiment.
IV, 5. X'erû âà Pen-dâàââ ûniî m sxUi
Le grand criminel Pen-douaouou , étant scribe
sâten- a'p-t ri per-x'en-l-u h'er s'emsu,
du gynécée royal au harem, en service.
A'N-TÛ-w h'erpà a'r-t a'-a'rû-w ûâ a'rniâ Pàïbàka'-
— Amené pour le fait d'avoir fait un avec Paï-baka-
Kàmen Mesdï-sâ-râ pàî-kï x'erâ
Kamen (IV, 2) , Mesdï-sou-râ (4,3) et l'autre criminel'
unû m mur sâten-a'pt-u nà h'ime-t-u per
étant intendant du gynécée royal des femmes du
x'en-t-u r a'r-t âà
harem (cf. IV, 4), pour devenir le plus grand des
dûta'-u (21) a'rmâu-u r a'rt sebàu h'er
réprouvés avec eux, dans le but de faire tort à leur
Neb-â a'u-tu dâà-tu-w m met nà âerû
Seigneur. — 11 a été mis en présence des magistrats
n ta a's-t s met-u a'iiu s-met nàï-w botàûï
du lieu des jugements. Ils jugèrent ses abominations,
a'û-u qem-tû-w m âz'aî a'û-u. dûà-t
ils l'ont trouvé en culpabilité, (et) ils lui firent
doma'ûnw iàî-w sebàî-t.
appliquer son châtiment.
' Pa-anaouk (IV, /i ).
. 17 •
248 AOUT-SEPTEMBRE 1805.
IV, 0. X'eiHÎ âà Pàniwii-m-dûà-A'mon unâ
Le grand criminel Pa-niwoii-m-doua- Amon ' étant
m redâ n per-œ^en-t-ii h'er s'ems-n. A'n-tij-w h'er
employé du harem, en service. — Amené pour
/m sotem a'-a'rii-w nà z'od-t-u a'-a'râ nà ret'u
l'audition qu'il fit des discours que firent les hommes
âàâà-â (22) a'rmâii nà U'ime-t-u per-x'en-t-a
conversant avec les femmes du harem, et
a'û-iv tem per h'er r-ro-û a'â-iâ dâà-tu-w
qu'il ne produisit pas contre eux. — 1} a été mis en
m met nà ûerû âàïâ n ta a's-t s met
présence des grands magistrats du lieu du jugement.
«'tt-u s-mei nàî-w hotàâï a'uu qem-tu-w m
Ils jugèrent ses abominations; ils l'ont trouvé en
âz'àï a'û-u dâàt doma'u-n-w tàî-w
culpabilité, (et) ils lui firent appliquer son
sebàï-t.
châtiment.
IV, 7. X'eru âà Kàrpûs ânâ m redâ n
Le grand criminel Karpous, étant (employé?) du
per-x'en-t-uh'er s'ems-u A'n-tû-w h'er nà z'odt-u
harem , en service. — Amené pour les discours
a'-solem-w a'âw li'àpâ-â (28) a'â-t-â dâà-tu-w m
qu'il entendit (et) qu'il cacha. — 11 a été mis en
met nà âeru n ta a's-t s-met a'â-u
présence des magistrats du Heu du jugement. Us l'ont
* Ou Pa-niwu-mâ-Amon ?
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 249
qem- iâiv m âz'àï a'û-u dâà-t doma' Ci-nw
trouvé en culpabilité (et) ils lui firent appliquer
làï-w sebàï't.
son châtiment.
IV, 8. X'erâ âà S'â-ni-A'p-t ûmî m redââ n
Le grand criminel S'à-m-Ap-t, étant (employé) du
per-x'en-t-uh'er s'ems-u A'n-tûw h'er nà z'od-t-a
harem, en service. — Amené pour les discours
a'-sotem-w a'â-iv h'àpâ-â a'â-tâ dâà-tâ-iv m
qu'il entendit (et) qu'il cacha — 11 a été mis en
met nà lîerâ n ta a's-t s-met a'â-u
présence des magistrats du lieu du jugement. Ils l'ont
qem-tâ-w m âz'àï a'â-u dâà-t domaUi-n-w
trouvé en culpabilité (et) ils lui firent appliquer
iàï-io sebàï-t.
son châtiment.
IV, 9. X'erâ âà S'â-m-màà-ner (?) ânâ m redââ
Le grand criminel S'â-m-maa-ner, étant (employé)
n per-œ'en-tï h'er s'ems-u Ai^n-tû-w h'er nà z'od-t-u
du harem , en service. — Amené pour les discours
a'-sotem-îv a'â-tv h'àpâ-â a'â-tâ dâà-tâ-w m
qu'il entendit (et) qu'il cacha. — 11 a été mis en
met nà âerâ n ta a's-t s-met a'â-u
présence des magistrats du lieu du jugement. Ils font
qem-tâ-w m âz'àï a'â-u dâà-t doma'â-nw
trouvé en culpabilité (et) ils lui firent appliquer
tàï-iv sebàï-t.
son châtiment.
250 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
IV, 10. X'erâ âà Setï-m-per-Z'od-tï ûnâ m redââ
Le grand criminel Séti-ni-per-Thot-ti , étant ( employé )
n pei-x'en-t-a m s'emsii A'n-tû-w h'er nà z'od-lii
du harem, en service. — Amené pour les discours
a'-soleni-w a'à-w h'àpâ-u a'â-tâ dâà-tu-w m
(ju'il entendit (et) qu'il cacha. — 11 a été mis en
met nà lierâ n ta a's-t s-mel a'û-a
présence des magistrats du lieu du jugement. Ils Tout
qem-tâ-w m az'àï a'û-ix dâà-t doma*u-n-w
trouvé en culpabilité (et) ils lui firent appliquer
tàï-w sebàï-t.
son châtiment.
IV, 11. X'erâ âà Selï-m-per-[A']mon ânâ m redââ
Le grand criminel Séti-m-per-[A]mon , étant (employé)
n per-x'en-u h'er s'ems-u A'n-tv-w h'er nà z'od-t-u
du harem, en service. — Amené pour les discours
a'-sotem-w a'â-w h'àp\u\-â a'â-iâ dâà-tâ-w m
qu'il entendit (et) qu'il cacha. — Il a été mis en
met nà âejâ n ta a's-t s-met a'àu
présence des magistrats du lieu du jugement. Ils l'ont
qem-tâ-w m âz'àï a'â-u dâà-t doma'ânw
trouvé en culpabilité (et) ils lui firent appliquer
tàhw sebàï-t.
son châtimenl.
IV, 12. X'erâ âà lJàr...(?) ânâ m âbâ (?)
Le grand crimhiel Ouar {?), étant (officier?). —
A'N-TÛ-w h'er pàsotem a'-a'râ-w nà z'odtumduà (a4)
Amené pour l'audition qu'il lit des discours du
LE PAPYHUS JUDICIAIRE DE TURIN. 251
pùi âà-n-â-t ânâ-w refait (2 5)- n-w a'û-w
majordome ' ; il s'est détourné de lui , (mais) il les
h'àpâ-â a'u-w tem z'od sema'-û (26) a'â-td
cacha (et) il n'en lit pas déclaration. — Il a
dâà-tâ-iv m met nà âerû n ta u's-i
été mis en présence des magistrats du lieu du
s-mel a'û-a qem-tâ-w m âz'àï a'â-u
jugement. Ils l'ont trouvé en culpabilité ( et ) ils lui
dâà-t doma'â-n-w tàï-w sehàî-t.
firent appliquer son châtiment.
IV, 13. X'erâ âà As'-h'ebs-t ûnûin x'er-qàh'â['î^) n
Le grand criminel As'-hebs-t, étant valet'' de
Pàï-bàka-Kàmen A'n-tû-w h'er pà sotem
Paï-baka-Kamen ^ — Amené pour l'audition
a'-a'râ-w nà z'od-t-u m Pàî-hàka'-Kàmen
qu'il ht des discours de Paï-baka-Kamen ;
iinu-w âàûû[2%)- ii-xv a'u-w tem z'od sema'-û
il s'entretint avec lui (et) il n'en ht pas déclaration.
a'u-tâ dâà-tâ'W m met nà ueru n ta a's-t
— II. a été mis en présence des magistrats du lieu
s-met u'â-a qem-td-w m àz'à
du jugement. Us l'ont trouvé en culpabihté (et)
a'A-ii dâà-t doma'd-nw tàï-w sebàï-t.
ils lui hrent appliquer son châtiment.
iV, 14. X'eî'â âà Pàlkà ânâ m âbâ[?)
Le grand ciiminel Paika (étranger), étant (officier?)
" Pai-baka-Kamcn (IV, 2).
'' Ou serwiteiir.
• Cf. IV, a.
252 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
sx'à 11 per-ânx' (29) A'n-tû-w h'er
et scribe de la demeure de vie'. — Amexé pour
pà h'ii-tâ-w a'-a'râ-w h'er Pàï-bàka'-Kàmen
son délit qu'il fit à cause de Paï-baka-Kamen ;
a'â-w solem nà z'od-t-u m dâà-w a'â-w tem z'od
il entendit ses discours (et) il n'en fit pas
sema'-û a'â-tâ dâà-tâw m met nà
révélation. — Il a été mis en présence des
âeriî n ta a's-t s -met a'iî-u qem-tû-tv
magistrats du lieu du jugement. Ils l'ont trouvé
m âz'àï aUî-ii dûàt doma'â-n-w tàïtc
en culpabilité (et) Us lui firent appliquer son
sehàï-t.
châtiment.
IV, 15. X'em âà Libâ-ïnïnï ânu
Le grand criminel Libou-Inini (étranger), étant
m âbu (^) A'N-TÔ'W h'er pà h'u-tâ-iv a'a'riî-w
(officier?). — Amené pour son délit, qu'il fit a
h'er Pàï-bàka'-Kàmen a'â-w sotem nà z'od-t-ii
cause de Paï-baka-Kamen ; il entendit ses discours
m. dûà-iv a'â-w tem z'od sema'-â a'â-tâ dâàtâ-w
(et) il n'en fit pas révélation. — Il a été mis
m met nà âeru. n ta a's-t s met
en présence des magistrats du lieu du jugement.
a'â-a qem-tâ-w m âz'à a'â-u dâà-t
Ils ^ l'ont trouvé en culpabilité, (et) ils lui firent
doma'â-n-w tàï-w sebàï-t.
appliquer son rhàtimenl.
* l.a demeure <ie vie ëtail le nom du collège des scril>os.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 253
COLONNE V.
V, 1. Hime-t-a rel'-a pà sehà n per-œ'en-t-u ûnii
Les femmes des gens de la porte du harem , étant
doma'û n nà reV-ii a'r lîàâà nà z'od-t-ii
réunies aux hommes ", firent entretien de paroles.
dààï-n-a' (?) (3o) m met nà lierâ n ta
— Je (les) ai mises en présence des magistrats du
a's-t s-met a'â-u qem-tâ-u m âz'àï
lieu du jugement. Ils les ont trouvées en culpahilité
a'â-a dûàt doma'â-iîn tàï-iî sehàï-t.
(et) ils leur firent appliquer leur châtiment. —
se-t 6.
6 femmes.
V, 2. X'erû âà Pàî-a'rï si Lama
Le grand criminel Paï-ari, iils de Lama (étranger),
ûnâ mur per-h'az' A'n-tû-w h'er pà h'u-tâw
étant chargé du trésor. — Amené pour son délit
a'-a'râ-w h'er x'erû âà{3i) Pen-h'uï-b'an
qu'il fit à cause du grand criminel Pen-houî-ban '';
a'û-w a'r-tiiâ a'rmâû-w r tehàmiî x'erûï-a r
il fit un avec lui pour pousser les malfaiteurs à
a'r-t seba'â h'er Neh-u. a'Atii dûà-lâ-w m
faire tort à leur Seigneur. — Il a été mis en
met nà ûerii n ta a's-t s-met a'â-u
présence des magistrats du lieu du jugement. Ils l'ont
' Aux accusés.
'' \'oycz les Papyrus Lee et UoUin , et noire chapitre v.
254 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
(lem-tu-w m âz'àï a'â-a duà-t doma'iî n-w
trouvé en culpabilité, (el) ils lui firent appliquer
tàï-îv sebàï-t.
son châtiment.
V, 3. X'erâ âà Ba'n-niUùbâ ânâ mli'er-pel[3-2)
Le grand criminel Ban-em-Ouabou ', étant olllcier
jiKiis'ï A'N-TV-w h'er pà /ià6-< (33) a'-
d'Éthiopie. — Amené à cause du message que lui
' a'rû-w tàï-w soni ntï m per-x'en-tï
expédia sa sœur, qui était dans le harem ,
h'eî' s'emsii r z'od uâ (i8) ret'-u
en service, pour (lui) dire : «Excite les hommes à
a'r œ'erâï-u mtâk (3 A) ï r a'r-t seba'n
faire des méfaits, (et) toi, viens pour faire tort
h*er Neh-k a'â-iâ duà-tâ-w m met
à ton Seigneur. » — Il a été mis en présence
Qedenderi [?) Bâr-Mâhàr Pà-
de Qedenden (étranger), Bàr-Màhar (étranger), Pa-
a'rû. . . Z'od-tï-rex'-nowre a'â-ii. s-mel-tc n'â-u
arou-. (et) Thotti-rex'-nowre. Ils le jugèrent; ils l'ont
<jem-tâ-w m âz'àï a'â-u dâà-i donta'â-n-iv
trouvé en culpabilité, (et) ils lui firent appliquer
tàï-w sebàï-t.
son châtiment.
2 J'.UBUIQOE.
V, k. Ret'-u a'nï-t h'cr botàâï h'er pà
Gens amenés pour leurs abominations el pour lein
' D'après la lecture de M. Chabas, ohe [ùàbi'i] pour le nom de l'Iiùhcs.
(Voy- chap. viii, noms propres.)
LE PAPYRUS JUDICIAmE DE TURIN. 255
h'u-â a'-a'r-â h'er Pàïhàka' Kàmen Pàï-
délit , qu'ils firent à cause de Paï-baka-Kamen , Paï-
ii's Peii'tà-âr a'â-tû duà-tû-u m
as (et) Pen-ta-our (cf. V, 7). — Ils ont été mis en
met nà ûerâ n ta a's-t s-met r
présence des magistrats du lieu du jugement pour
s-met-û a'û-u qem-tâ-u ni âz'àï-u a'ii~ii
les juger. — Ils les ont trouvés en culpabilité ; ils les
âàh'-â h'er qâhUi-û m ta a's-t s-met
placèrent sous leurs mains" dans le lieu du jugement.
a'â-u. mut-un z'es-û a'û bu a'rït
— Ils seraient morts eux-mêmes s'il n'avait été fait
z'àï r-ro-u.
exception pour eux. (Ce sont:)
V, 5. X'eru âà Pàï-a's ûnâ m mur-mâsà-u (35).
Le grand criminel Paï-as, étant capitaine d'archers. —
X'erâ âà Mes-su-ï ûnâ m sx'à per-
Le grand criminel Mes-sou-ï, étant scribe de la
ânœ', X'erâ âà Pà-râ-Kàmen-w
demeure de vie. — Le grand criminel Pa-rà-Kamen-w,
ânâ m h'er-t-âp. X'erâ âà A'ï-rï
étant supérieur chef''. — Le grand criminel Aï-ri,
ânâ m mur-âbu Pax't. X'erâ
étant chargé de la libation de Pacht. — Le grand
âà Neh-z'eivàâ ânâ m âbâ (?) X'erâ
criminel Ne])-z'ewaou, étant (officier?). — Le grand
' Lilt. A leur bras , ils les laissèrent à disposition.
'' Titre de dignité (?}.
256 AOUT-SEPTEMBRE 18G5.
âà S'âd-mesz'er ânâ m sx'à per-
criiïiinel S'àd-mesz'er, étant scribe de la double de-
ânœ' Dâd (36) 6.
meure de vie. — Total 6.
3* RUBRIQUE.
V, 6. Ret'-ô a'nï-t h'er hotàï-â r là a's-t
Gens amenés , pour leurs abominations , au lieu du
s-niet 711 met Qedenden {?) Bâr-
jugement, par-devant Qedenden (?) (étranger), Bàr-
mâhàr Pà a'ra- ... a Z' od-tï-rex' -nowre
mahàr (étranger), Pa-arou-. .ou, Tliotti-rex'-nowre
(Mer-tï-ûs-A'mon) a'âu s-met-û h'er nàî-d
(et Merti-ous-Amon"). Ils les jugèrent sur leurs
botà-t (?) a'âu qeni tiî-u m âz'àï-u
abominations; ils les ont trouvés en culpabilité, (et)
a'â-u h'er âàh'-â h'er a's-t-tâ-u
ils disposèrent d'eux à la place (où) ils étaient. —
a'â-ii mut-un z'es-û.
~- Ils moururent eux-mêmes''. (Ce sont:)
V, 7. Pen-ià-âr pùï âii-iu z'od-n-w pàï kï ran
Pentaour (V, A), ayant été appelé d'un autre nom'.
• Ce dernier nom, qui ne figure pas dans la commission judiciaire, csl
ajouté au-dessus de la ligne.
'' Les coupables.
° Il est à noter que ce personnage n'est désigné (|ue sous un pseudonyme ,
et que ce pseudonyme n'est jias précédé , comme te nom des autres accusés ,
de répithcte flétrissunle de grand criminel. Nous reviendrons sur ce lail cl
sur les raisons qui ont pu le motiver.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 257
A'N-TÔ-w h'er pà h'u-tâ-w a'-a'râîv [her"] . Taïï
Amené pour son délit, qu'il fit (à cause de) Taïï,
lùï-w mu-t m-z'er ûnû-s-t nàiîà (Sy) nà z'od-t-u
sa mère , lorsqu'elle était entretenant des paroles
a'rmâû nà h'ime-t-u per-x'en-t-u h'er a'r-t
avec les femmes du har«m, dans le but de faire
seha'u h'er Neh-w a'â-tâ dâà-iâ-w m met
tort à son Seigneur^. — Il a été mis en présence
nà âbâ (?) r s-met-w a'û-u qem-tâ-w m
des (officiers?) pour le juger. — Ils font trouvé en
âz'àï a'û-u âàh'-w h'er a's-t tâ-w
culpabilité; ils disposèrent de lui à la place (où) il
a'û-w mut-n-w z'es-w.
était. — Il mourut lui-même.
V,S. X'erû âà Hàn-âten-A'mon ânu m âhâ (?)
Le grand criminel Han-outen-Amon, étant (officier ?).
A'N-TÛ-w h'er nà botàâï-u n nà h'ime-t-u
Amené à cause des abominations des femmes du
per-x'en-tuûnû-w m x'enû-ii a'-sotem-w
harem; étant dans leur intérieur, il (les) entendit
a'â-w tem z'od sema'u a'â-tu dûà-tu-w m
(et) il n'en fit pas déclaration. — Il a été mis en
met nà ubu (?) r semet-w a'û-u
présence des (officiers?) pour le juger. — Ils l'ont
qem-tû-w m âz'àï a'â-u ûàh'-w h'er a's-t
trouvé en culpabilité; ils disposèrent de lui à la place
tû-w a'û-w mut-n-w z'es-w.
(où) il était. — Il mourut lui-même.
' Particule omise.
'' Litt. «Au seigneur de lui.»
258 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
V,9. X'eru âà A'men-s'ââ ûnû mdenû n
Le grand criminel Amen-s'àou, étant (musicien?) du
per x'en-t-u h'er s'evis-a A'n-tjj-w h'er nà hotàâ
harem, en service. Amené pour les abomina-
n nà h'ime-t'U per-x'en-t-u ûnû-w m
lions des femmes du harem; étant dans
x'enû-û a'-sotemiv a'û-w lem z'od
leur intérieur, il (les) entendit (et) il n'en fit pas
sema'-û a'û-tû dâà-tâ-w m met nà
déclaration. — Il a été mis en présence des
«eu (?) /" s-met-w a'û-u qem-tû-w m
(officiers?) pour le juger. — Ils l'ont trouvé en
âz'àï a'â-u ûah'-w h'er a's-t-
culpabilité. — Ils disposèrent de lui à la place (où)
iû-w a'â-w mut-w z'es-w.
il était. — 11 mourut lui-même.
V, 10. X'erû âà Pàï-a'rïâ ûnû m sx'à sûfen
Le grand criminel Paï-ariou , étant scribe du gynécée
a'p-t {?) per-œ'en-tïp) h'er s'ems-u A'n-tv-w h'er
royal au harem, en service. — Amené pour
nà hotàâi n nà h'imetu per x'en-ta ûnû-w
les abominations des femmes du harem; étant
m x'enû-û a'-soleni-w a'û-w ieni
dans leur intérieur, il (les) entendit (et) il n'en lit
z'od sema'-û a'û-tâ dûà-tû-w m met nà
pa^ déclaration. — 11 a été mis en présence des
ûbû (?) r s-mel-w a'û-u qem-lû-w m
(officiers?) pour le juger. — ils l'ont trouvé en
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 259
âz'àï a'û-ii âàh'-w h'er a's-t tâ-w
culpabilité ; ils disposèrent de lui à la place (où) il élait.
a'âw mut-n-w z'es-w.
— Il mourut lui-même.
COLONNE VI , 4" RUBRIQUE.
VI, 1. Bet'-u a'rï ta un seha'ï-t m sààâ
Gens à qui l'on fit leur châtiment par le supplice '
'wend-â masz'er-û h'er
fa
de leur nez (et) de leurs oreilles, à cause de
x*àâ (38) a'-a'râ-u nà meter-tï-ii nowrâ (89)
l'abandon ^ qu'ils firent des bons témoignages ;
z'odï-n-A'-ân nà h'ime-t-u s'em a'â-u
je" leur ai dit : les femmes (étant) parties, qu'ils
peh'-â (4o) m pà ntï s- t-u a'm
les joignent dans le (lieu) où elles sont, (et)
a'û-u a'r â-t (4i) h'eqer-u a'm {/12) a'rmâû
qu'ils y fassent une habitation * de tourments ' avec
-a a'rmâ,u Pàï-a's a'â pàï-â botàï
elles (et) avec Paï-as (V, 4-5), et que leurs abomina-
a'z'à-u.
tions leur seraient enlevées. (Ce sont :)
VI, 2. X'erû âà Pàï-b'às-t ânâ m ubu(^) a'râ-n-w
Le grand criminel Paï-bast' étant (officier ?). Lui fut fait
■ La mutilation.
^ L'oubli, la négligence, le manque de prendre en considération.
" C'est le roi qui parle.
^ Un séjour, litt. «une maison.»
' Ou de jeûnes ?
' Membre de la commission judiciaire.
260 AOUT-SEPTEMBRE 1805.
làï sebàï-t a'âlu uàh'-w
le châtiment (et de plus) on a disposé de lui.
a'â-w mat-n-w z'es-w.
— 11 mourut lui-même.
VI , 3. X'erû âà Mai ânâ m sx'à n là a'st nà
Le grand criminel Mai ', étant scribe de la biblio-
s'âu.
thèque.
VI , 4. X'erû âà Tàî-nex'lûta' ânâ m âââ n ta
Le grand criminel Taï-nex'tou-ta , étant officier des
VI, 5. X'erâ âà Nànàïu ânâ mh'er-t
Le grand criminel Nanaïou( étranger), étant supé-
s-âs'-t-u (43).
rieur des \
5* RUBRIQUE.
VI, 6. Rët'-u ânâ mââ a'rmââ-u a'â-tâ
Ge\s (ou tout homme), étant uni avec eux^ ayant
x'eràâ [lili] m dâàw m z'od-t-uba'nâ z'era'â{lib)
été opposition de sa part en paroles fort mauvaises ;
a'â-tâ uàh'-w bâ a'rï-t z'ài
il est disposé de lui, (et) il n'est pas fait d'exception
r-w.
pour lui. (C'est :)
* Membre de la commission judiciaire.
^ Exécuteurs ?
' Fonclionnairc des prisons ?
"^ Avec les couiiables.
NOUVELLEïi ET MELAxNGES. 261
VI, 7. X'erâ âà H'ora' ânâ m z'àï-serï n
Le grand criminel Har \ étant porte-ombrelle du
ta âiîâï-t.
corps des àouàï ^.
(La suite au prochain numéro.)
NOUVELLES ET MÉLANGES.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 14 JUILLET 1865.
La séance est ouverte par M. Garcin de Tassy, en Tab-
sence du président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu; la rédaction
en est adoptée.
11 est donné lecture d'une lettre de M. Duruy, ministre
de l'instruction publique, qui annonce l'envoi d'une carie
des treize départements du Japon , d'où l'on voit la monlagne
Foussi-Yama, gravée au Japon.
Est présenté et nommé membre de la Société, M. Hecquart,
consul de France à Damas.
Il est procédé au renouvellement de la Commission du
Journal. Sont nommés :
MM. Garcin de Tassy.
Renan.
, dulaurier.
Régnier.
Defrémery.
M. Léon de Rosny communique au Conseil un ouvrage
' Membre de la commission judiciaire.
'' Exécuteurs?
VI. iS
202 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
japonais manuscrit, sur la culture du mûrier et réducalion
des vers à soie, par Sira Kawa Sabouro, dont il a entrepris
la traduction.
OUVRAGES OFFERTS X LA SOCIÉTÉ.
Par le Ministre de l'instruction publique. Une carte du
Jiipon, grande feuille gravée, in-folio.
Par la Société. Journal of the Asialic Society of Bengal.
Calcutta, n° V, 186A.
Par M. Sauvaire. Lettre à M. Soret sur des médailles ihoa-
loiinides, par M. Sadvairk. (Sans date ni lieu d'impression.)
Par l'auteur. Glohiis cœlestis arabicas qui Dresdae asserva-
tur illuslralus a C. Schier. Leipzig, i865.
Par l'auteur. Le Pentafeiique mosaïque, défendu contre les
attaques de la critique négative, par Arnaud. Paris, 1 865, in-8°.
PUBLICATIONS DE LA SOCIETE DE M'KITZE NIRDAMIM.
Il y a maintenant près de trois ans que le rédacteur du jour-
nal politique et littéraire Hunimacjuid {-ji^Dn le Nouvelliste)
qui se publie en bébreu à Lyck, petite ville de la Prusse
orientale, annonça son intention de fonder une société qui
se cbargerait de l'impression des travaux inédits de la litté-
rature juive. M. Silbermann, qui rédige presque à lui seul la
partie politique de celte feuille bebdomadaire ', arrivée au-
jourd'bui à sa buitièrae année, et qui y déploie un talent in-
contestable d'écrivain , voulait ainsi arracher à leur sommeil
les ouvrages qui dormaient paisiblement dans les bibliothè-
ques publiques et privées; de là le nom de M'hitzé Nirdamini
' C'est une œuvre éminemment civilisatrice pour les juifs de la Pologne,
de la Russie et de l'Orient, qui apprennent ainsi les nouvelles politiques
les plus intiîressantes qu'ils ne liraient pas dans aucune autre langue. Il pa-
raît chaque semaine une feuille grand in-/i°, dont les quatre premières pages
sont consacrées à la politique et aux faits divers qui peuvent intéresser les
israélites; trois autres pages traitent des questions littéraires et scienliûques,
et la dernière est remplie d'annonces de toute nature.
NOUVELLES ET MELANGES. 263
(D'^Dn^ '*2J''pD, ceux qui éveillent les assoupis) qu'il donnait
à celte Société. Il fallait à M. Silbermann, pour mener
cette entreprise à bonne fin, mille souscripteurs, payant
une contribution annuelle de deux tbalers (7 fr. 5o cent.),
et qui recevraient à ce prix, chaque année, un certain
nombre de volumes. Un comité fut formé, composé de
sept membres, dont un à Berlin, un à Paris (M. Albert
Cohn), deux à Londres, un à Padoue. un à Wilna et un à
Lyck, naturellement le savant rédacteur du Hawmaguid lui-
même. Grâce à l'activité de ces hommes , le nombre de mille
est atteint et même dépassé depuis un an , et il est curieux de
parcourir la liste des souscripteurs qui compte des adhérents
jusque dans l'ancienne ville des khalifes, à Baghdad \
Nous avons entre les mains les ouvrages de l'année i864i ,
et nous allons rendre successivement un compte exact de
cette première série.
Voici les titres des volumes qui ont paru cette année :
1° Divan, de l\. Jéhuda ha-Lévi, tiré d'un manuscrit de la bi-
bliothèque de M. S. D. Luzzatto, professeur du collège rab-
binique de Padoue, et publié par ce savant lui-même. 1" li-
vraison (16 pagres de préface et 42 feuillets de texte et de
notes); 2° ")D"iD ^*J {Et Sôpher, plume du scribe), compo-
sition grammaticale de R. David Kamhi, copiée sur un ma-
nuscrit de la Bibliothèque impériale de Paris, par M. Béer
Goldberg (82 pages) ; 3° D^j1N*3n m31î!?n {Tcschoaholli Hag-
gueonim, réponses et décisions des gueonim ou chefs des
écoles de Babylone) , publié et annoté par Jacob Musalia,
rabbin de Spalatro en Dalmatie [àà feuillets); 4° pril»"' "HD
( Pahad YitzhaJc, crainte d'Isaac) , encyclopédie talmudique et
rabbinique, par Isaac ben Samuel Lampronti, de Ferrare;
2 volumes, dont le premier (120 feuillets) renferme une
^ Cette Société marchera sur les traces de son aînée, l'Institution pour
le progrès de la littérature israélite {Institut zur Furderuncj der israeliti-
sclien Lileratur), fondée, il y a dix ans,, à Leipzig, et à laquelle on doit la
publication des travaux de Graetz, de Jost, de I.évy (de Breslau), de Gci-
ger, etc. etc. Elle compte plus de trois mille adliérents.
*i04 AOUT-SEPTEMBRE 18G5.
parlie de la letlre j^», el le second ( i oo feuillets) conlient la
lettre j.
I. Abou '1-Hassan Jéhuda ben Samuel ha-Lévi, le Castil-
lvTn\ était né à Tolède en 1080. A peine âgé de quatorze ans ,
il composa, à Tuccasion de la naissance d'un pelit-fils du fa-
meux rabbin Barucli ben Isaac, quelques strophes qui ont été
conservées, et qui faisaient bien augurer de sa facilité^. Quel-
ques années après, la gloire d'Abou Haroun Mosé ben Jacob
ben Esra, qui brillait déjà an premier rang, l'attira, et il lui
adressa un petit poëme qui fixa l'atlenlion du poète de
Grenade sur les qualités incontestables du jeune Castillan.
Mosé répondit par une lettre en vers, dans laquelle il salue et
devine tous les dons grands et sérieux de son jeune émule*.
C'était là le commencement des rapports d'amitié qui ont
lié les deux poètes jusqu'à leur mort.
Rien de semblable cependant entre le génie de Mosé et
celui de Jéliuda. Le premier avait toutes les qualités et
tous les défauts des poètes arabes de son temps; doué d'une
véritable inspiration, il se plaisait néanmoins dans tous les
artiliccs et tous les tours de force qui étonnent, surtout
quand on pense combien est restreint le terrain sur lequel
se meut un écrivain hébreu. Mosé se joue de toutes les
difficultés avec la dextérité et la .souplesse d'un prestidigita-
teur; les rimes les plus difficiles, les tadjnis les plus ardus,
lui viennent sans qu'il ait l'air de les avoir recherchés*. Les
' Voyez, sur la vie de R. Jéhuda, entre autres, M. Geif^er, Divan des
Casliliers Abou'l-HassanJada ha-Levi (Breslau, i85i), p. 116 et suivantes,
où sont discutées les opinions de MM. Rappoporl, l.uzzalto et Edelmann.
Comparez tSussi .M. Graitz, Gcschichle der Juden , vi , p. i/|oet suiv. (jui lui
a consacré uu chapitre particulier de son histoire.
^ Belhulat bat Ychouda , par Luzzatto. (Prague, i<SZ|o), p. 25, et F.flt^l
mann, Gu'inzé Oxforl , p. xi (Londres, 56io=i85o).
' Dukes, Moses ben Ksra (Allona, iSSg), p. 98 et suiv.
'* M. Dukes, dans le livre que je viens de citer, a réuni un grand nombre
de poésies de Moses ben Esra. Vovcz aussi Kerem Cliemed , vol. IV, année
I 8.'^ (Letires de M. Luzzalto), p. (55 et suiv. et p. 80 el suiv. sur son 7nr-
schisch (C^C^n ). coll. "('(ion fie i •> i <■ fli>-li<pM's <;r lonuinonl par <I«'<: <rtJ//(iv
NOUVELLES ET MELAvNGES. 205
sujets qui intéressent sa muse sont oncore ceux des Maures:
le vin, l'amour, les plaisirs de la jeunesse, et l'idiome sacré
doit se plier aux dures exigences d'une poésie qui prend des
allures fort libres et quelquefois même licencieuses'. Un
amour malheureux tempère, il est vrai, plus lard, cette
Le poëte dit lui-même dans son Traité d'éloquence (fol. 127 v") : \ 0>^i> ^ q
pii? j\ «Uû.Ciuj , jwUJr «Sur celle espèce de iadjnis il existe un re-
cueil qui i-enferme plus de 1200 distiques, formés de mots qui cadrent
ensemble et qui présentent à la lin des vers des tadjnis. Cet ouvrage est
divisé en dix chapitres et traite de divers sujets. Je l'ai composé dans les
jours où j'étais jeune et sans souci. Cet ouvrage se trouve dans les mains du
monde qui l'appelle Anak «collier.» Il paraît donc que ce nom d'anak
avait été donné par les lecteurs à cette composition de Mosé ben Esra,
que lui-même avait appelée Tarschisch , comme on le voit par les vers qu'il a
placés eu tête de son recueil. C'était, du reste, le nom que Salomon beu
Gebirol employait aussi pour son poëme didactique de grammaire , qui se
trouve en tête du lexique de Salomon Parchon (publié par S. G. Stern ,
Presbourg, iUh). Il y dit, p. xxiii : m:î< in^npi^M^ pj>* rnN")^
m3")J ^'^i? TTlD^* pj2/*3 □; «Je l'ai appelé anafc, parce que j'en fli^att
an don aux hommes; puis je l'ai mis comme un collier autour de son cou.»
(Il vaudrait mieux Î^TjN^ mpjlMC'* , cf.Deut.xv, iZi, ce qui ne change-
rait rien au mètre, qui est évidemment redjz. M. Stern ne s'en est pas aperçu ;
autrement il aurait, dès le premier vers, mis l'^xV pow 7X^* ^'^^ poètes
juifs se permettaient, en outre, de ne regarder quelquefois le schewa mobile,
suivi d'une voyelle , que comme une seule syllabe, comme dans "priNIp-
Voyez plus bas, p. 276.) On trouve des extraits d'un troisième anak, recueil
de Indjnis de R. Jéhuda Harizi , Guinzé Oxjort, p. A7. M. Pinsker [Likulé
Kadmonioth , p. ^^) prétend que le poêle caraïle Mosé Dar'i avait donné
à son divan aussi le nom d'anak; mais le vers cité à l'appui de celle opinion ;
«Toi qui demandes à connaître l'homme qui a enchâssé dans le collier ['anak)
de ce livre le schoham et le jaspe , sache que c'est le travail de la bouche
de Mosé ben Abraham le médecin , » ne pi-ouve rien. Nous savons, au con-
traire, par M. Pinsker lui-même, que ce divan était nommé: . Lu^^yS
' M. Luzzatto a fourni à M. Geiger [Divan, p. i3/i) un exemple frappant
2C6 AOÛT-SEPTEMBRE 1865.
gaieté Irop vive, et depuis la mort de celle qu'il a passion-
nément aimée, un sentiment mélancolique attriste sa nmse
et lui inspire des chants religieux qui lui ont valu le surnom
de « chantre de prières de contrition \ »
Jéhuda appartient aus>i à son pays et à son époque; il
ne dédaigne ni les faux ornements de la poésie arabe,
ni l'amour, ni les jeux de son âge^. Mais il est avant tout
israélite, et, malgré toute la sérénité de son caractère, sa
muse se ressent de la piété qui paraît lui avoir été inspirée
par sa première éducation , et qui répondait aux besoins
impérieux de son cœur tendre et sensible, et ses poëmes les
plus mondains ne dépassent jamais les limites de la conve-
nance la plus rigoureuse. 11 puise avant tout ses inspirations
aux sources de la Bible, et s'il ne peut pas s'affranchir com-
plètement du joug d'une diction et d'une prosodie qui ap-
partiennent à un idiome étranger, il s'y soumet tout en pro-
lestant, et à mesure qu'il avance dans la vie, il revient da-
vantage aux bonnes traditions de la poésie sacrée^.
des choses obscènes que Mi b. E. débitait en vers hébreux. Il cite les ver»
suivants, tirés du Divan de ce'^poëte (ms.) qu'il possède :
pi) HD^' K2D3 nt^*nn hi<
qu'il traduit en français : «Quand tu as obtenu un baiser, tu as droit de
prétendre à tout le reste.» Les hébraïsants verront facilement que M. Luz-
zatto, dans l'intérêt de la décence, a voilé beaucoup.
' Voyez Geiger, Divan, p. 3i et suiv.
■■' Luzzatto, Divan, u° 16, v. 3; n" yii, v. i5 et 16, 27;n''8Zi, v. i4cl
i5 , et passim.
^ Les avantages que présente le langage naturel et libre des Prophètes sur
les artifices des poêles arabes ont été exposés par II. Jéhuda ha-Lévi lui-
même dans son Khozari , liv. II, S 67- 70, et liv. V, S 16. M. Goldberg nous
a donné ces passages en arabe, tels qu'il les a copiés à Oxford , et nous en
donnons ici quelques extraits :
LLfc (AJ^ ijyj ^^^)
NOUVELLES ET MÉLANGES. 267
Jéhuda est philosophe et poêle. Le même ••enlimenl tl'un
Dl}< (Jî [^- <vll| ] L^ <^^| ijJl ^11 f l^ls JiiJl Cî CLs'j
Hjj n^ (J-» T\^^ ^n-iip ^-« pp^ ^n ^ mn^ t^r-'N ;j^ nî:;^^
L^Lâ-5 LoL LgÀjsLa-Jj U>=eL^L l^Uu-l ^j iUjLuJL îûosaJL
3f ciJi^->i^^ |u;njfj mDî<Jî^ pi:;Dll n-nnjf «^-^^ c>r»î;f
iL-jL:âel »wo .\Jjci.j ^rx c^^lXîj m j^Lô' ^Uxci^ ^^^[^
j^^^ «owoij^ «cvii^^ n'':^^;^ (>• -îi^j^) ^-^;>j
s 67. «Le roi des Khazars : L'hébreu anrail-il une supëriorilé sur les
208 AOUT-SEPTEMBRE 1805.
doux mysticisme forme le fond de son livre Khozari \ et a j)é-
nélré dans ses chants religieux, qui ont eu le rare privilège
autres îangucs, cjui, d'après ce que nous voyons avec évidence, sont plus
parfaites et plus riches?
§ 68. « Le docteur : L'hébreu a subi le sort de ceux qui en étaient chargés ;
il s'est affaibli à la suite de leur faiblesse, il s'est appauvri lors de leur dé-
cadence. Par sa nature, cependant, cet idiome est le plus noble, soit qu'on
consulte la tradition, soit qu'on le juge d'après le raisonnement. Selon la
tradition , Dieu s'est révélé dans cette langue à Adam et Eve , qui eux-mêmes
la parlaient, comme on le reconnaît en dérivant Adam d'adamnh (terre),
ischah (femme) de isch (homme), Hava (Eve) de hayy (vivant), Kaïn de
kaniihi (j'ai acquis), Seth de schath (il a remplacé), Noah dti yenahmcnoii
(il nous consolera) ; la Thora en témoigne, et la nation entière la rapporte a
Eber, puis à Noé, puis à Adam; elle porte le nom dliébraïcjue , parce que
Eber la conservait à l'époque de la dispersion et de la confusion du langage.
Abraham , à Lr-kasdim , se servait du syriaque , qui est la langue des Kasdim ;
l'hébreu était sa langue réservée, la langue sacrée, et le syriaque sa langue
profane. Ismaël l'emportait aussi chez les Arabes de race pure. De la la
ressemblance que ces trois idiomes, savoir: le syriaque, l'arabe et l'hébreu ,
ont conservée pour leurs dénominations, leur construction et leurs conjugai-
sons. On constate aussi cette supériorité par le raisonnement, en considé-
rant le besoin du peuple qui se servait de l'hébreu dans sa conversation, et
en pensant surtout à la prophétie, si répandue dans cette nation, à ce
que réclamaient les remontrances, les chants et les cantiques, et a leurs
rois , tels que Moïse, Josué , David et 8alomon. Se peut-il que , ayant besoin
de désigner une chose, l'expression leur manquât, comme cela nous arrive
aujourd'hui, parce que la langue est perdue.^ Regarde seulement la perfec-
tion et la belle ordonnance dans la description que la Thora fait du taber-
nacle, de l'éphod, du pectoral et d'autres objets, où il fallait des mots rares.
Il en est de même pour les noms des peuples, des espèces d'oiseaux et de
pierres, pour le langage employé dans les Psaumes de David, les plaintes
de Job et ses discussions avec ses amis, dans les remontrances, les pro-
messes et les menaces d'isaïe , etc.» — Le docteur continue à énumérer les
avantages d'un rhylhme libre, qui ne néglige point l'accent particulier de
chaque mot, sur la prosodie artificielle où le Ion est nécessairement sacrilié
au mètre, et où la composition matérielle de la syllabe détermine sa valeur
dans la phrase. Nous aurons ailleurs l'occasion de revenir à ces paragraphes ,
((ui ont reçu des éclaircissements notables par la communication de M. Pins-
ker [Likule Kadmoniolh , p. ÎOjctsuiv.). Nous nousborneronsàciter ici encore
quelques lignes (jue le traducteur hébreu nous [tarait avoir mal comprises;
elles sont tirées du S 78, où nous lisons dans l'original les mots suivants :
NOUVELLES ET MÉLANGES. 209
de se répandre dans les rituels des synagogues de tous les
pays \ La vérité, selon lui, n'est pas au bout des conclu-
sions trompeuses et des jugements fallacieux de la raison :
l'Israélite, qui a reçu la mission spéciale de la chercher, la
rencontre en s'appuyant sur des faits historiques, attestés par
une tradition non interrompue, en méditant sur les besoins
infaillibles de son cœur prédestiné, en sanctifiant sa vie par
les pratiques religieuses, en se plaçant dans un milieu plein
de souvenirs qui peuvent réagir sur ses pensées, et en s'élevant
ainsi par degrés presque jusqu'à l'inspiration prophétique.
Pour Jéhuda , Lsraël est comme le cœur des nations , la langue
sainle comme le cœur de tous les idiomes, la terre promise
comme le cœur de tous les pays, et Jérusalem le cœur de la
Palestine. Vers Jérusalem doivent donc tendre tous les ef-
forts, tous les désirs, toutes les aspirations; vivre loin de la
cité sainte, c'est subir l'exil le plus dur, le châtiment le
plus terrible. Aussi notre poëte est-il rempli d'un seul vœu,
celui de voir Jérusalem et de se prosterner en face des
Dn^U^i^D M12b^^ U^^}'2 m^n^V Jélmda ben Tibban traduit les mots
ly:^ [3f par DHD D^1Dî!7 JÏ2?D , ce qui ne donne pas. de sens convenable.
Je crois que le verbe ;^ est, comme bien d'autres dans cette littérature
juive-arabe, formé d'un mot hébreu, et a le sens de «faire un ÎTID ou une
rime.» Notre auteur veut sans doute dire : «Nous avons assez de latitude
en suivant la voie du Piut (composition destinée à entrer dans le Rituel) ,
qui ne gâte pas le langage quand on se sert de la rime ; mais en allant
jusqu'à la composition métrique, nous avons éprouvé le même sort que nos
ancêti*es , lorsque (le Psalmiste) dit d'eux : «ils se mêlèrent aux nations et
apprirent (à imiter) leurs actions (Ps. cvi , v. 35).»
On trouve une courte esquisse de cette philosophie religieuse dans le
Dictionnaire des sciences philosophiques , III, p. 3Go (article de M. Munk) ,
dans les Mélanges , du même auteur, p. /i83 , et une exposition plus détaillée
dans la WissenschafllicheZeitschriJtfiirjûdische Théologie (Francfort, i835),
I, p. 167 et suiv. (article de M. Geiger). La version hébraïque, la seule qui
soit publiée, a été traduite en espagnol, en latin et en allemand.
' Geiger, Divan, p. 109. — M. Zunz , Die synogogale Poésie des Millel-
allcrs , p. 23i.
270 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
ruines du t-aticluaire vénéré, d'en baiser la poussière. «Le
lils de Hagar, Vescîave, » le musulman si détesté, ne domi-
nait plus dans ces contrées , et Jéhuda espérait vivre et mou-
rir en paix et oublié dans un coin du royaume que les croisés
venaient de conquérir dans l'Orient. Les poésies qui expri-
ment avec tant de chaleur ces aspirations sont certainement
les plus belles et se ressentent le plus du souffle divin qui
pénétrait Jéhuda. Ce qu'il a rêvé si longtemps, il va le réa-
liser, et sur le seuil de lavieille.sse, âgé de presque soixante
ans, il abandonne une lille unique, un petit- iils qui porte son
nom ' et qu'il chérit entre tous, il quille parents et amis, et
se dirige vers Jérusalem. Y est-il arrivé ? A-t-il pu réjouir sa
vue de l'aspect de la ville qu'il a célébrée par tant de chants
immorlels? On l'ignore. 11 traverse l'Espagne, s'arrête à Cor-
doue et à Grenade, s'embarque pour Alexandrie et le Caire,
où l'enchaîne malgré lui, pendant plusieurs mois, l'hospi-
talité empressée de plusieurs hommes distingués parmi ses
coreligionnaires que sa réputation avait attirés et qu'il a cé-
lébrés en retour, par des vers charmants, presque les der-
niers que nous possédions de lui , car nous entendons encore
quelques accords de sa harpe retentir de Tyr^, et le silence
se fait ; nous perdons toute trace de la vie de notre poëte.
Les poésies de Jéhuda, qui ont été appréciées d'après leur
juste valeur par des maîtres tels que Jéhuda Harizi, le fa-
' LuzzaUo, Divan, n" 9,v. ii-i3.
•* On comprend difficilement comment R. Jéhuda, eu allant de l'Egypte
a Jérusalem, aurait pu passer par le Yémeu, comme on l'a soutenu. Ce pré-
tendu séjour dans le Yémen repose sur le commencement d'une pièce de
vers qui a été imprimée dans les Guinzé Oxfort, j). 21, et traduite eu al-
lemand par M. Geiger, Divan, p. loA- Le voici (mètre y^) :
ÎÇ'^NS 3Tlî^ ""bap ''TU]
ïùiï eflet, le mol ÎD^n signilie souvent dans l'Iiébrcu de ce temps «le
Ycmen;» niais ici il a certainement le sens de «sud,» et le vers doit Hre
NOUVELLES ET MÉLANGES. 271
meux traducteur des Makames de Har]ri\ n'ont été recueil-
lies et réunies dans un divan qu'après sa mort. Un certain
R. Hayya Haddayyan les a rassemblées le premier. De ce
recueil primitif sont nés les trois manuscrits du Divan que
nous connaissons maintenant. La bibliothèque Bodléienne
possède un volume sous le titre de nilîl'' n^HD [Mahné Je-
huda, campde Juda), écrit il y a à peu près deux cents ans , qui
renferme ces poésies^. Un second recueil appartient à M. Car-
moly à Francfort. Le troisième est celui de M. J. D. Luzzatlo,
qui l'a acheté en 1889 d'un juif venant de Tunis, et d'où
le savant professeur de Padoue a tiré la première livraison
qui vient de paraître. L'exemplaire de M. Luzzatto porte en
traduit : oEn traversant les passages de l'est et du sud, seul, sans parent,
comme un veuf.» D'après Mosé ben Esra, dans son Trailè de l'éloquence
(fol. 122 r°), ?D^n fie peut être traduit «vent ou pays du sud » qu'à la
suite d'une figure, appelée OsLcif, qui consiste, d'après les rhétoriciens
arabes, dans la faculté qu'on a de faire seulement uue allusion à ce qu'on
veut exprimer et à ce que le sens exige , et à se reposer pour le reste sur le
bon sens du lecteur. Voici ce qu'il dit : c.| û„j[ pyJJ iÇoly»JU | c^^'^îj
pTi nm pDîî nn o-j^ pin •'K31 pDS my L^ iy^
ri2D nD bDN"''! ^lil ^m N1T x-L*J[ ïXs. ^^^ / rD^3
U U^^ ^^s^l^ J^cJ^xl f,^yl\ ^X ptDj ^3'î/tlt i^ pDî:
^yf o^-^ ^^ /^ (J'yf^^^ ^-^U^ o^ ^.<>-^
Les deux versets cités dans ce passage se trouvent Cantique iv, 16, et
Isaïe, xLiii , 6.
' Mahberoth, chap. m et xviii. Harizi, après avoir énuméré les diverses
([ualités par lesquelles les poésies peuvent se recommander, finit par dire
f|ue Jélmdaha-Lévi les réunit toutes. (Voy. Geisfcr, Divan, 107 etsuiv. 166.)
^ Steinschneidcr.
272 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
tête une préface, écrite en arabe , de Jostié bar Elle lia Lévi ',
qui nous dit que la compilation de i\. Ilayya'' a bien servi
de base à ce Divan , mais qu'il Ta considérablement augmen-
tée ^ en y ajoulant un grand nombre de pièces , qui portaient
corame acrostiches les noms de Juda et de Lévi. Josué ne
s'est point préoccupé de savoir si ces compositions étaient
réellement de notre auteur ou des trois autres poètes qui por-
taient également ce nom \ ou bien d'un cinquième encore
qui s'appelait Lévi ^ par son prénom et qui avait, par consé-
quent, plus de raison qu'Abon'l-Hassan de le mettre en tête
de ses strophes ".
Ce Divan est divisé en trois parties. La première renferme
toutes les pièces qui observent le mètre et gardent partout
les mêmes rimes; elles sont au nombre de li2i , et rangées
dans l'ordre alphabétique des rimes comme les recueils des
poêles arabes Bohiori, Motanebbi et autres. Ceci facilite sin-
gulièrement les recherches des vers isolés qui se rencontrent
si souvent, et il est à regretter que le savant éditeur, qui a
parfait emeiît apprécié cet avantage, ne l'ait cependant pas
conservé. La seconde partie contient les poésies qui suivent
un mètre arabe, ou une simple mesure des syllabes, et qui
sont rangées par strophes; ce sont des stances qui ont dans
l'inlérieur chacune leur rime spéciale, et une rime com-
mune pour chaque hn des strophes. De ces poésies, 68
sont tirées du recueil de R. Hayya, et 1-^7 ajoutées par
' Geiger, Divan , p. 168, a donné cette préface, suivie d'une traduction
allemande.
'•' D'après Carmoly et Steinschneider, ce N^TI "1 porterait le surnom de
>2")2?D'?Î< "^^ Maglirebin ; » il est, du reste, tout a lait inconnu.
* Luzzalto, Bethulat hat Jehouda , p. 16 , dit que Josué avait encore deux
autres recueils devant lui, l'un de I\. David ben Maimon, l'autre de Abou
Saïd ibn Alkasch,
* Abou Zacariah Jéhuda ben Gavatli , Jéhuda ben Balam et Jéhuda Abbas.
* Lévi ben Allliaban, le dernier grammairien dont Abraham ben Ezra
lait mention dans l'introduction j)lacte en tête de son Moznayini.
* Dans la riche collection des manuscrits hébreux appartenant a M. Ho-
race Gùnzbourg, et dont M. Senior Sachs publie en ce moment le savant
catalogue en hébreu, il se trouve un quatrième exemplaire de ce divan.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 273
Josuc bar Elie. La troisième el dernière partie eiilîn est com-
posée de poésies tout à fait sans mesure et n'observant que
la rime, puis de quelques lettres en prose rimée.Le nombre
de ces compositions est de 180. Les trois parties réunies
donneraient donc 816 pièces; mais des lacunes qui se trou-
vent dans le manuscrit en réduisent le nombre à 6i3. M. Luz-
zatto a réuni , en outre , Sa pièces qu'il a trouvées dans des
rituels rares, imprimés ou inédits, et il est à espérer que
les listes des commencements de toutes les pièces, mises on
tête de notre livraison , exciteront l'attention des amateurs
de ces poésies, qui s'empresseront sans doute de mettre
entre les mains du savant professeur les moyens de com-
pléter l'œuvre qu'il a si dignement inaugurée.
Il importe de ne pas confondre ces poésies, appelées néo-
hébraïques , avec les pastiches plus ou moins réussis des
poètes latins du moyen âge ou des temps modernes. Pour
les juifs de l'Orient et de l'Egypte de ce temps la langue
sainte n'est pas une langue morte. Les contemporains de
R. Jéhuda ba-Lévi la bégayaient presque avant de s'exprimer
dans l'idiome de leur pays, et cet idiome même, l'arabe,
leur servait singulièrement pour l'intelligence de celui des
Ecritures. Les idées qu'ils propageaient dans leurs cantiques
étaient celles qui avaient inspiré les prophètes, et ils en
étaient tout aussi intimement pénétrés que leurs ancêtres. La
forme seule n'est plus la même. Assujettie d'abord, tomme
quelques psaumes, à la gène des acrostiches alphabétiques,
soumise ensuite, à Babylone surtout, à la rime, la langue
sacrifie les derniers restes de son ancienne liberté en enj
pruntant finalement aux Arabes le joug d'une prosodie com-
plète, et, nous l'avons déjà dit, des hommes inspirés comme
Jéhuda ha-Lévi cherchaient à s'en affranchir.
Cette prosodie même est simple; elle est transformée, et
très-bien adaptée au génie de la langue hébraïq^ie. Toute
syllabe pourvue d'une voyelle, simple ou composée \ est
' Une syllabe simple ou ouverte est une syllabe qui se termine par une
274 AOUT-SEPTEMBRE 1805.
longue; les scheva mobiles fournissent les brèves. Ainsi les
mots n2"13, ÎÛDÇ*p3 ibinient une brève suivie de deux lon-
gues (fâofiloûn). Il n'y a que certains scheva mobiles, au
milieu des mots , ceux qui se trouvent après des voyelles
lon<;ues, qui, pour la nécessité du mètre, peuvent être con-
sidérés comme quiescents : p. e. i^DI , "^?"ît2, peuvent être
considérés comme des spondées (--), ou des amphimacers (-^-),
selon qu'on prend le scheva comme mobile ou quiescenl.
Les auteurs hébreux qui ont écrit sur l'art métrique ont
laissé de côté la classification arabe, et ont adopté une ter-
minologie nouvelle, d'après laquelle on nomme in*' piea
un scheva mobile suivi d'une voyelle (iambe, ou "-) et nî^l^n
la voyelle seule. Les deux mots hébreux que nous avons
cités en premier forment donc un yathecl et une tenouah ;
les deux autres, selon les deux modes de les lire, deux
tenouoth, ou une tenouah et un yathed. Celte négligence
qu'on affectait contre l'ancien système arabe a ses inconvé-
nients. Elle est devenue la cause que certains phénomènes
delà versification restent inintelligibles. Comment cela sefail-
il, par ex. que le numéro 5 de notre Divan présente tantôt
(lignes 1 , 2 , 4 et 6) à la fin une ihsnouah, et tantôt (ligues
3 et 5) unyathed? En se conformant à la métrique arabe, on
sait que dans le redjz le dernier pied peut être moslafilon ou
mostafd. Puis on met quelquefois, très-mal à propos, une
voyelle, en vue du mètre, où un scheva serait mieux à sa
place et parfaitement permis par les altérations qu'admet le
pied. Je préfère, par exemple, numéro 22, v. 26, pns à
pn3, puisque en redjz la première syllabe du pied peut
être longue ou brève.
D'un aulre côté, bien que le scheva mobile fournisse dans
ce système les brèves , on ne s'en permet pas moins quelque-
voyelle, comme ha; une syllabe composée ou fermée a encore une consonne
derrière celle voyelle , comme hal. Celle distinction , si féconde pour l'ex-
plication d'un grand nombre de pliénomènes dans les langues sémitiques, a
été mise en lumière pour la première fois par M. Ëwald [Krilische Gramma-
lik (1er hebr. Sprache , 1827, p. .'17, 81 et passim).
NOUVELLES ET MELANGES. 275
fois de prendre îe schcva comme faisant partie de la syllabe
suivante et de compter le yallied entier comme una seule
longue. Voici, enlre autres, une pièce que M. Luzzallo
n'a pas su classer, et qui est cependant du mètre khafif
^_^ — l__^^l_^_j avec quelques altérations que comporte ce
paradigme en arabe :
Le mot ")^K est ici traité comme une seule syllabe; bs au
contraire est pris, dans celte pièce comme dans celle nu-
méro 7, vers 3, comme une brève V
D'après ces règles de la prosodie hébraïque, les mètres
arabes qui présentent des pieds renfermant deux brèves de
suite deviennent impossibles, parce que jamais deux scheva
mobiles ne peuvent se rencontrer ensemble. Deux desrhylh-
mes les plus usités , le A-ami/ et le wafir, seraient donc exclus,
s'ils n'avaient pas été transformés; lous les autres se rencon-
trent dans la livraison du Divan que nous avons sous les yeux*.
Le manuscrit de M. Luzzalto ne présente point de
voyelles; le savant et consciencieux éditeur, qui est lui-
' Au commencement du Divan des Caraïtes de Mosé TinTÏ^Likuté Kadxno-
nioth, p. T"D), on lit un vers du mètre hedjez , se terminant par les mots
31î!7T n52 DD^'N*?. Le mot X^ est traité comme une brève.
* R. Saadia ben Denan a composé un petit traité sur la métrique lié-
braïque, comparée à la métrique arabe, qui se trouve à la Bibliothèque im-
{îériale (ancien fonds hébreu, n" /182). Le titre de ce traité est: p"^2
l^îî^n ^'7pt!/*D2. En voici la substance :
Les poètes hébreux se sont servis de seize vaèlres ou Jleuves (O^DD =
)j-^.) '■ 1° le fleuve maggil (;>,ipr> 1?^? = ^^i^f v-^), qui est de
deux espèces: a, un paradigme (1p) composé des pieds {D'71P2J) suivants:
D'^l:?p 'DD 'DÇ .O'^IIJD D'h^)hv D'^:?1DÇ; h, dans les deux hémistiches
manque le pied D'bli^D . — 2° Le fleuve des rimes (fTîP? IC^ > y^ y I >-^)»
qui est de trois espèces : a, trois pieds D'biîDPD dans les deux hémistiches ;
b, le dernier pied du second hémistiche changé en O'^i^DDD (sans chevn) ;
c, deuxD'^Î^DTO seulement. — 3" Le fleuve au cours précipité (IPPPO 10^
270 AOUT-SEPTEMBRE 1805.
même poêle liébreu , les a ajoutées partout, travail tliflicile
el délicat, mais indispensable pour l'intelligence de textes
aussi obscurs. Des notes, aussi en hébreu, éclaircissenl
les passages qui pourraient laisser des doutes; nous les au-
rions désirées quelquefois plus courtes. Malgré rhabilelé
incontestable el la science consommée de M. Luzzatto, nous
= «J^^if y^), qui est de trois espèces : a, avec le paradigme D'^i^DrU
D'^i^lD D'^i^DPD dans les deux hcmisticlies ; b, le dernier pied des deux hémis
tiches remplacé par ;i?D> : c, sans le dernier pied, et le second pied changé en
0':^i'D/?D (--v^--),— 4" Le fleuve long (-jnf)? ")?: = JjjiJf ^),
qui est de trois espèces : a, deux fois cbi^^DÇ D'blX'D dans chaque hémis-
tiche; h, le dernier pied O'^i^lDD de chaque hémistiche changé en ;1i?D ;
c, les quatre D'bli'D du mètre remplacés par des ;i?Dr. — 5° Le fleuve étendu
(U1CD? lO:) = JayWAjf v^), qui consiste en deux lois O'bi^lD D'bi^DrD
pour chaque hémistiche. — 6° Le fleuve léger ( ;p? ID^ = ^__^^^Ài>i- y^^ ) ,
dont le paradigme est D'bui'D Ov^^D^JO 0 v ui'D pour chaque hémistiche.
— 7° Le fleuve qui se ressemble ( OV^PVZ^ 1?^ = ^ yuJj» ! y^ ) , qui ofl're
deux espèces : a, deux fois D^bi^DJ) O'bli^D, et h, deux fois D';ui?D D';"irD
dans chaque hémistiche. — 8° Le fleuve qui se rapproche (3")p/^PD ID^ ^^
c^sUixif s-^) , qui présente trois espèces : a, quatre 0*bl2?D pour chaque
hémistiche; 6, le dernier pied de chacun réduit à bli?D; c, deux foisO*;1i?D
0';i?1D dans les deux hémistiches. L'auteur ajoute : LitX-*^ v^-^' lô-^^
(__^y_XJ ^ fJ,y^JLujja a ce fleuve est usité chez nous et on le varie beaucoup. »
( (^_^:^yj A eut probablement dire : faire subir a un pied de vers des modifi-
cations nommées (__9 L^y Voy. de Sacy, Grammaire arabe , II, p. OaS.)— •
9° Le fleuve asoucj (pD^DD ")?^ :== 0>'^^ > y^ ) ' ^^"'^ '^ paradigme est :
D'^liî^JD D'bi^Di^D, pour chaque moitié de vers. — lo" Le fleuve de sable
(bip? IOj = J^v^f Y-^)' ^"i ^^^ ^^^ ^^^^ espèces : a, dans chaque hé-
mistiche O'b^JID D'blbi^D O'b^biJD [et 6, dan^ chacun des deux premiers pieds
seulement]. — ii" Le fleuve abondant (C^TIP? lZi2 = ^3 iy I >-^) , qui se
présente sous deux formes: a, O'^I^D O'^bi^DrîO D^O^^DrV dans chaque
hémistiche , et b, les deux premiers pieds seulement. (On voit que le pied
(le ce mètre est une transformation do |Js,_X&Ul/o , impossible en hébreu,
où la rencontre de deux brèves (|ui devraient êlre présentées par deux
NOUVELLES ET MELANGES. 277
nous permettrons de lui proposer quelques changements.
Numéro 2 , vers 3, nous voudrions : "jnSDN* ^V'Qlpî^ 13*)p"' ,
schevas mobiles est contraire au génie de la langue. Après avoir supprimé la
seconde brève, la prosodie hébraïque a prolongé aussi la brève qui com-
mence le pied, et il n'est plus resté qu'une brè^e, entourée des deux
côtés de deux longues. On a laissé cette brève au commencement du troi-
sième pied tronqué.) — ï 2° Le fleuve des voyelles (>:?13PD ")?;)), composé
de seize syllabes, pourvues de voyelles et formant deux hémistiches de
huit syllabes chacun. Les Arabes ne possèdent pas ce mètre; mais les
juifs, et surtout les poètes français, s'en servent pour les cantiques rituels
( O'PDliO U")D31 ?3")p 13 1'>">1C' D'7^?'?l ). — 1 S" Le fleuve parfait
(0*pr? ">D3 = JuoLCJ I ^^) , qui a deux formes : a, trois fois DD^rib^DIO
dans chaque hémistiche, et b, ODri^i^D 0'^2?Dr^ ODrlbl^D ( -^--o |
-%j--Kf I - xj — dans chaque hémistiche. (Ici , comme en n' 1 1 , le rhythme
arabe ^>ÀcLfl./> , qui commence par deux brèves, ne pouvait être con-
servé dans sa pureté en hébreu ; on a remplacé la première et la troisième
brève par deux longues dans tous les pieds , ou bien , on a changé la se-
conde brève en longue pour le premier et le troisième pied , et réuni les
deux brèves en une longue ( ylAÀAa»».-« pour .Xc lÂX^ ) pour le second
pied. ) — 1 4° Le fleuve étendu ( IICPO ">?>3 = cS? i^-* • y^. ) » <iont voici le
paradigme : D'bui?D D'>i?1D 0'blbi?D , dans chaque hémistiche. — 1 5° Le
fleuve rassemblé (CDlf?DO ")?3 ), dont les deux parties du vers sont, D^bl'ID
O'bi^DDÛ, une fois, ou deux fois. On voit que c'est le n° 5 interverti. —
i6° Leûeuvemeyouthar ("^DVPP 10^ := ^ yMjJil y-^). qui présente deux
formes : a, O'bsJDrD D'^l^i^D 0>^i?DrD , et fc , deux fois D'^i^DP^O et un troi-
sième pied DO;PDrD dans chaque hémistiche. Cette dernière forme est ,
à la vérité , un redjz , avec l'addition , connue dans la prosodie arabe , sous
le nom de tarfîl.
Il paraîtrait que cette division jouissait d'une certaine autorité , et était
répandue parmi les poètes. Un manuscrit d'Oxford renferme la défense d'un
poète que R. Jacob Gabchon (J1C3.1) avait crueUement maltraité et accusé
de plagiat envers R. Joseph Haézobi, l'auteur du «Plat d'argent.» Dans ce
plaidoyer, on lit ce passage curieux : !:"l."ip? ")?r>X) f)1D D"):?p? ")♦& O 7in
^ptVOKi 6l? i:>->3P 13 IDtt QV)2 311D3 ^l'<V '•^3 W^U bc 1>CD m
")?PPr ")W?D 'iC?. En efiet, le vers cité appartient à la seconde forme du
mètre n° 3 , et la terminologie est employée comme une chose connue et
adoptée. — M. Neubauer vient de publier le texle de ce petit traité dans un
petit recueil d'Anecdota hébraïques, u Francfort-s.-M. i8G5.
278 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
à la place de 'ji?; u puissent (ces vagues) me rapprocher des
lieux subliaies de ton autour (cf. 2 Sam. xxiii, 1 , et Osée,
XI, 7, où Si' est un nom), et écarter de moi le joug (que
Fait peser sur moi) l'x\rabe. » Numéro 4, vers 3, le mot nrîDC*
me paraîtdevoir étrecliangé en nn^p. Le vers fait allusion au
psaume lxxxiv, 4 , où le temple est présenté comme un re-
fuge des oiseaux qui aiment à y construire leur nid, et aux
mots n'7^D )p (Isaïe xvi, 2) , expression qui signifie un nid
délaissé. Le vers serait donc à traduire : « Je contemplerais
cette demeure délicieuse, ce nid délaissé, d'où les jeunes
colombes (Israël) ont été chassées, où demeurent les petits du
corbeau (de l'Arabe). » Numéro 16, vers 1 1, je maintiendrais
TIJN' clans le sens de Job, 11, 1 1 ; Jérémie, xvi, 5, etc. Les
sentences du numéro 22 ne me paraissent pas toujours
bien comprises. Je traduirais v. 21 : ■]'':''y3 DDn •T'rin bi<
yjlDV D"'^*''î^ ^n^Z*^ |D «Ne sois pas sage à tes yeux; car
le monde pourrait bien oublier ce qu'en effet tu portes en
loi, » en d'autres mots, la vanité te ferait même contester ce
que tu possèdes réellement. Dans" le mot "ji^lDS il se trouve
une allusion aux Proverbes, x, i^.
Ces poètes nourris également d'arabe et d'hébreu ont
quelquefois transporté dans celte dernière langue des coiis-
Iructions qui appartiennent à la première. De cette nature
est la préposition 3 , placée après les verbes qui désignent un
mouvement ( voy. de Sacy , Gramm. arabe j,l, p. ^70) ; "'n ni2j
(numéro 4), "^S "iDi?'? (numéro 9) s'expliquent comme des
imitations des locutions arabes, telles que «u t_>jbi , «vo j,f, elc.
Nous pourrons être beaucoup plus court sur les n"' 11 à iv.
IL L'ouvrage de R. David Kauihi s'adresse, comme l'in-
dique sulïisamment le titre, aux sôferini ou scribes, chargés
d'écrire le Penlateuque ou la Bible entière et d'y mettre les
points-voyelles et autres signes massorétiqnes (D"'i1p3). Il est
divisé en trois chapitres Irailant de l'écriture ', de la ponc
' Le premier chapitre, «jui est Uès-courf , n'esl, a la \érité, que la ci-
tation ot l'explication du lamcuK passage du lalnuid , traité Ncdarim ,
NOUVELLES ET MELAiNGES. 279
tuation et de l'accenlualion. On y Irouvera à peine un pa-
ragraphe qui ne se renconlre pas dans le Mikiilol du même
auteur, et ce traité de grammaire étant très-répandu, VEt
Sofer a donc peu d'utilité. La copie qui a servi à celle pu-
blication est, en oulre, détestable et présente partout des la-
cunes. L'éditeur, M. B. Goldberg, si connu par sa grande
érudition et sa rare sagacité dans les choses hébraïques,
s'est contenté de faire la copie pour la Société, sans indi-
quer, au moins par des points, les pages entières qui man-
quent et qu'on ne pourra compléter qu'en comparant le
Mikhloî. Ainsi, par exemple, pag. 3, 1. ig, une ligne en-
tière est tombée entre les mots llD^n et ni'?"'D^'n; pag. 4,
1. 29, les mots îivm IC^X doivent être étonnés de se trouver
tranquillement placés l'un à côté de l'autre; il manque
entre les deux tout ce qui se lit Mikhlol depuis fol. i55 a,
1. 18, jusqu'à fol. i56 a, 1. \/i (éd. Fûrlh). Des corrections,
faites à propos, dans des passages évidemment fautifs, et
quelques notes aux rares endroits pour lesquels nous n'avons
pas trouvé de suite les passages analogues du Mikhlol, au-
raient été indispensables.
m. M. le rabbin de Spalatro a publié un nouveau recueil
des décisions et réponses de Gueonim, qui comprend 1 20 nu-
méros. Une partie en est déjà imprimée, mais il doit y avoir
encore un nombre considérable de Tschubôt dans les biblio-
fol. 37 b. Kamhi confirme la leçon de y")X yiX (Jérémie, xxii, 29),
passage où (Vmot, répété trois fois, est lu deux fois avec ségol, puis une lois
en pause, avec knmetz. La science du lecteur consistait , selon l'avis de notre
auteur, que nous partageons, à savoir distinguer les endroits où ce mot
devait être prononcé érez de ceux où il fallait lire àrez, ce que les igno-
rants ne savaient pas. Il en est de même des deux autres exemples cités par
le Talmud, et qui manquent chez Kamlii, savoir : Q'^Dîi? et D^12iD. Ces
deux mots sont très-fréquents, et se rencontrent quelquefois dans le même
verset avec palah et kametz, par exemple : Exode, vu, 21; xiv, 3o; Deulé-
ronome, iv, 82; là encore le A:ô;e ou lecteur instruit seul savait reconnaître
les versets où il fallait employer l'une ou l'autre des deux voyelles. ( Voyez
M. Geigor, Urschrift u. Uehersetziiiujcn der Bibel , 1867, p. aoi et suivantes,
(|ui est d'une opinion dilFércnte.)
^9-
280 AOUT-SEPTEMBRE 1805.
thèques el entre les mains de particuliers. Nous retrouvons en-
core ici (pag. 9) le mol r\'>^'Û2 (de Jua-Z = N^'i^îO) pour dire:
en arabe, mol que M. Hayya alVeclionne particulièrement el
qui se rencontre plusieurs fois à chaque page de son commen-
taire sur le sixième ordre de la Mischnah , Séder Taharoth.
L'éditeur a eu tort tie renvoyer encore pour l'explication
de ce mot à la note 17 de la biographie de W. Nathan, par
M. Rappoport \ Ce savant distingué a certainement renoncé
depuis longtemps à rinterprétalion insoutenable qu'il avait
donnée alors de ce mot. Dans notre passage, R. Hayya a
voulu citer la phrase arabe : jo^L jâ .vaX^ou correctement
fcN2^L Ui, « il l'a écrit d'une seule plume.»
IV. Cette encyclopédie a déjà élé imprimée jusqu'à la
lin de la lettre mim, depuis 1760 jusqu'à 181 3, à Ve-
nise. La Bibliothèque impériale de Paris a acheté depuis
le manuscrit complet de l'ouvrage, l'autographe de l'au-
teur et le seul qui existe. La direction du M'kiizé Nirdâ-
mim le publie en deux séries; elle réimprime \^ première
portion , et aborde en même temps la dernière partie inédite
depuis Noun.
Malgré l'importance incontestable de ces publications, le
choix laisse à désirer. Les bibliothèques renferment des tré-
sors autrement précieux qui auraient mérité la priorité , el
le cri de réveil aurait pu s'adresser à des dormeurs plus dignes
d'être ressuscites. Mais il faut tenir compte aux éditeurs des
tâtonnements inséparables d'un premier essai. Puis il y a une
difficulté que l'augmentalion du nombre des souscripteurs
qui, du reste, ne se fera pas attendre, pourra seule résoudre.
Les ouvrages qu'on désirerait surtout voir paraître sont
ceux d'Aboulwalid, de Tanhoum et de lant d'autres auteurs
du moyen âge, qui, écrits en arabe, sont peu accessibles à
la plupart des hommes qui souliennent celle œuvre , pas
autant en riches Mécènes qu'en studieux connaisseurs de
l'hébreu et du langage rabbiniquc. Nous espérons cependant
' Dans le recueil iutilulé : liiccurc hnïUim , 10' année (i8a(j).
NOUVELLES ET MELANGES. 281
qu'avec le temps , et les moyens pécuniaires de la Société
s'étanl accrus, il sera possible d'ajouter annuellement aux
œuvres hébraïques quelques-unes composées en arabe el
pour lesquelles les éditeurs ne manqueront pas.
J. Derenbodrg.
Poésies de l'Époque des Thang (vu', vm* et ix* siècle de notre ère)
traduites du chinois pour la première fois, avec une étude sur
l'art poétique en Chine et des notes explicatives par le marquis
d'Hervey Saint-Denys, suivies d'un index analytique et d'une
table des matières. Paris (Amyot éditeur, 8 , rue de la Paix), 1 862,
in-8° (cxii et 288 pages).
Cet ouvragée manquait aux études des orientalistes. La
poésie chinoise considérée dans ses éléments, dans sa fac-
ture, dans les formes plus ou moins heureuses qu'elle a suc-
cessivement revêtues, n'avait pas encore trouvé d'historien.
De plus , renfermée dans ses textes accessibles aux seuls ini-
tiés, elle restait lettre close pour la masse de nos érudits.
M. d'Hervey Saint-Denys a senti la lacune, il a voulu la
combler, et, mettant à profit les précieuses collections de nos
bibliothèques, il nous a donné avec le talent et le goût qui
le distinguent, une élude approfondie sur la poétique du
grand empire, et une reproduction fidèle de ses plus élé-
gantes compositions. La période desThang, pendant laquelle
les cadres poétiques se sont fixés définitivement, a exercé
en Chine à peu près la même influence que le siècle de
Louis XIV parmi nous. Aussi les écrivains de ce pays ont-
ils coutume de dire : «L'arbre de la poésie prit racine au
temps du Chi-king, ses bourgeons parurent avec Li-ling et
Sou-vou, ses feuilles poussèrent en abondance sous 1 in-
fluence des Han et des Ouei, mais il n'était réservé qu'aux
Thang de voir ses fleurs et de goûter ses fruits, » Le choix
282 AOUT-SEPTEMBRE 1805.
de M. d'Hervey Sainl-Denys se trouve ainsi parlaileuiciil
justilié par l'opinion môme des nalionanx.
Parmi les productions d'une foule d'auteurs renommés
que le savant traducteur nous fait connaître dans son livre,
nous mentionnerons spécialement celles des trois plus célè-
bres poètes qui illustrèrent ensemble le règne de Ming-
Hoang-ti et passèrent une partie de leur existence à la cour
de Tchan-ngan comme à un rendez -vous de gloire. Ces
hommes qui imprimèrent leur cachet à la poésie classique
de l'Empire sont l'illustre Li-Taï-peli , dont le scepticisme mé-
lancolique fit école; l'inébranlable Thou-fou, cette fleur de
l'élégance, qui dut à sa vertueuse sévérilé comme censeur
impérial des années de disgrâce; enfin le médecin Wang-
weï, doué d'autant de courage civique qu'il montra d'abné-
gation sur les champs de bataille. Ce dernier, en effet, osail
improviser des vers en l'honneur de son légitime souverain
à la table même du redoutable Ngan-lo-chan , prouvant ainsi
à ce rebelle que le poëte est avant tout une conscience in-
flexible, diargée de rappeler leurs devoirs aux hommes les
plus puissants, et capable de leur faire envisager face à lace
la vérité qu'ils voudraient fuir. Ce fut là sa manière de ré-
pondre à ce Tartare illettré qui avait demandé: « Quel animal
ce pouvait être qu'un poëte et à quel usage il pouvait servir. »
Il est consolant d'arrêter sa pensée sur de tels caractères, et
tout en remerciant M. d'Hervey Saint-Denys de nous avoir
donné ces détails, nous ferons remarquer que c'est un trait
particulier à la Chine et l'une des conséquences de ses insti-
tutions, qu'aux bonnes époques la plupart de ses lettrés ont
été aussi remarquables par leur moralité que par leurs la-
lents.
Tout sinologue sait qu'avec nos idiomes la traduction lit-
térale des vers chinois est le plus souvent impossible. On
doit alors se pénétrer vivement des images et du sens que
ces vers renferment, en saisir 1 idée principale , l'm/e«//oM ,
et s'efforcer lVqïï rendre la force el la couleur. A rap|)ui de
ce précepte l'auteur nous donne d'exrellcnls excnq4cs. Mais
NOUVELLES ET MELANGES. 283
à jTkirt la reproduction heureuse des textes et roriginalité de
la pensée, toutes les pièces de ce recueil se recommandent
encore par les circonstances historiques , les traits de mœurs
ou les traditions qui s'y rapportent. Plusieurs d'entre elles
présentent des allusions et donnent lieu à des expressions
figurées qu'on ne pourrait comprendre sans commentaire.
L'auteur s'est attaché à développer tous ces points dans les
notes nombreuses qui accompagnent partout sa traduction.
Parmi les morceaux les plus remarquables sous ces divers
rapports qui intéressent surtout les orientalistes, et pour ne
citer que les premiers, nous mentionnerons surtout les sujets
suivants : le Brave, le Retour des Beaux jours , la chanson des
quatre saisons dont l'héroïne Lo-foh , si populaire en Chine,
nous rappelle la moralité des fables de notre première en-
fance, et enfin la pièce intitulée : Quand les femmes de Yu-
tien cueillaient des fleurs, espèce d'élégie à laquelle se rattache
l'histoire singulière de la belle Tchao-kiun, tirée par mé-
prise du gynécée impérial pour devenir l'épouse d'un khan
tartare, qui plus tard refusera obstinément de rendre ses dé-
pouilles mortelles , malgré tous les trésors que le fils du ciel
lui offrira en échange.
Pour comprendre comment les Chinois entendent le pa-
rallélisme des idées et l'enchaînement des diverses parties
de l'oraison \ on peut consulter douze excellents vers inspirés
par «un vieil arbre» ainsi qu'une pièce portant le titre de
' Les poètes ont reconnu quatre ou cinq stades oratoires, que M. d'Hervey-
Saint-Denys nous expose avec dëtail, mais qui peuvent se réduire, comme
toute idée, à trois parties principales, savoir: à l'exorde ou mise en scène,
dont le nom ki , signifiant «fendre, ouvrir le titre (delà pièce),» représente
très-bien l'objet par une saisissante image; à la conclusion, dont le nom ho
«nœud,» rapport qui s'établit , qui se serre, ne rend pas l'effet avec moins
de bonheur ; enfin aux parties intermédiaires qui doivent former le passage
de la mise en scène au dénoûment. Les Chinois leur ont appliqué les noms
de tchun «réponse, développement,» de kincj «perspective, tableau,» de
Ichouen «tournant,» et l'on ne sait ce que l'on doit le plus admirer, ou de
l'analyse subtile qu'ils ont su faire des différentes parties de l'oraison , ou de
la brève et complète définition qu'ils en donnent.
284 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
Souvenir de rantiquité. Ënlin une improvisation faite à l'oc-
casion d'un tableau nous révèle un goût délicat de l'art, et
l'existence en Chine de grandes écoles de peinture encore
aussi inconnues de l'Europe, que l'étaient, il y a peu de
temps, les deux écoles de mathématiciens dont nous devons
la connaissance à M. Wylie. Je laisse à l'homme de goût,
à l'historien, au philologue, le soin d'aprécier le plaisir et
l'instruction qu'il pourra recueillir de la lecture attachante
de toutes ces compositions, et je passe aux vues, aux consi-
dérations que, dans une introduction savante, l'auteur nous
a présentées sur l'histoire et }<ur la nature de la poésie chi-
noise.
On sait que, des quatres parties dont se compose le Chi-
kijig (livre des vers), la première, appelée Koueh-foung (mœurs
des royaumes), est une collection de chants populaires com-
posés du xii'' au viii' siècle avant J. C. Le ministre de la mu
sique, dont les fonctions cessèrent lors du fractionnement de
l'empire (en — 770), était alors spécialement chargé de re-
cueillir ces chants qui nous peignent si bien les mœurs, les
besoins , les vœux des populations. Puisant avec bonheur à
cette source irréfragable d'informations historiques, M . d'Her-
vey Saint-Denys, qui nous traduit, ces chants et qui les com-
pare avec ceux d'un autre âge, nous fait assister aux trans-
formations successives qu'ont subies l'idée de la divinité et
la condition sociale delà femme qui n'en est, suivant nous,
qu'une conséquence pratique. Il nous montre cette condi-
tion s'abaissant toujours et dégénérant jusqu'à la polygamie
à mesure que le sentiment religieux perd de sa force et l'idée
philosophique de sa clarté. C'est aussi dans les chants popu-
laires, pour le dire en passant, qu'il faudrait rechercher
l'origine, sinon les règles, des conditions phonétiques de
toute poésie. Ces conditions phonétiques sont ici la rime,
l'œil et le ton. Quant aux cadres et aux rliythmes musi-
caux, s'ils sont, comme nous le croyons, fondés sur les
danses symboliques et sacrées de la haute antiquité, c'est aux
plus anciens monuments religieux de la nation qu'il appar-
NOUVELLES ET MELANGES. 285
tient de nous en révéler la clef. Aussi émettrons-nous le vœu
que la quatrième partie du Chi-king , laquelle contient des
hymnes qui se chantaient en grande pompe durant la célé-
bration des sacrifices et pendant qu'on procédait aux funé-
railles des empereurs, soit enfm étudiée et traduite à ce point
de vue. Nous ne pouvons quitter ce sujet sans signaler une
opinion qui donne beaucoup de force à nos conjectures.
C'est celle de M. Léon de Rosny qui accumule chaque jour
de nouveaux matériaux pour prouver jusqu'à l'évidence que
le Chi-king fut primitivement un livre phonétique et musical
qu'on letenait de mémoire , et dont Koung-fou-lseu ou ses
prédécesseurs, s'il en eut dans celte tentative \ n'ont fait
qu'obscurcir le texte en cherchant à le reproduire à l'aide
des signes idéographiques. Pour démontrer le caractère pho-
nétique de ces anciens livres, M. de Rosny s'occupe d'une
traduction du Chi-king dont il corroborera l'exaclitude en
s'appuyant sur les travaux nombreux, et jusqu'à présent
ignorés, des commentateurs japonais.
Mais hàtons-nous de revenir à l'œuvre de M. d'Hervey
Sainl-Denys. Continuant à remonter le cours des siècles et
après nous avoir signalé l'impolitique incendie des livres or-
donné par Thsin-chi-Hoang-li, il nous cite un nom glorieux,
celui de Kiu-youen , auquel on attribue la composition du
Li-sao. Ce titre qui signifie « épanchement de tristesse » an-
nonce assez le sujet de l'ouvrage et paraissait présager la fin
tragique de son auteur; minisire d'un roi de Thsou, n'ayant
^ De près de quatre mille pièces dont se composait le Chi-king, on sait
que Koung-fou-tseu n'en conserva que trois cent onze, lesquelles se rédui-
sirent enfin à trois cent cinq lorsqu'on entreprit de restaurer ce livre de
mémoire après le fatal incendie ordonné par Thsin-chi-Hoang-ti, Sans parler
des erreurs possibles lors de cette restauration et qu'on aura dû celer par
la suite , il est à penser que ces pièces d'origines si diverses , traduites d'abord
dans l'idiome propre au domaine impérial , furent transcrites en caractères
idéographiques bien avant l'époque de Koung-fou-tseu. S'il en est ainsi, les
altérations dont nous parlons ne peuvent être attribuées personnellement à
ce philosophe, dont nous n'entendons nullement attaquer les intentions ni
la gloire. Cependant la suppression que , pour différents motifs , il fit de la
plus grande partie des textes , n'est pas moins à regretter pour l'histoire.
286 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
pu par ses conseils sauver son maître, qui fut défait et dé-
trôné, Kiu-youen se noya de désespoir. Cet événement se
passait vers Ja fin du m* siècle avant notre ère, et telle est
en Chine la religion des souvenirs, qu'en 1716 on fêlait
encore l'anniversaire de ce généreux suicide.
Sous les rian , qui succédèrent aux Thsin et dont les deux
dynasties embrassent un intervalle d'environ quatre siècles (de
— 202 à-^2 2o), les éludes se réveillèrent de tous côtés. Les
poètes Sou-vou et Li-ling marquèrent brillamment le règne
de Wou-ti, l'empereur guerrier, et deux écoles nouvelles
apparurent : la première, celle du Roueï (adonnée h l'ex-
traordinaire), fut le résultat du mélange des doctrines de
Lao-lseu et des idées bouddhistes. Elle offre par ses concep-
tions et par son style des analogies surprenantes avec notre
école romantique moderne. La seconde, semi-historique,
semi-descriptive , naquit dans une circonstance qui prouve
l'influence souveraine du talent et des traditions en Chine;
l'empereur Hiao-ti ayant manifesté l'intention de quitter Lo-
yang où il tenait sa cour et de donner une autre capitale à
son empire, un grand écrivain, Pan-kou, prit la défense de
la ville menacée, et il gagna sa cause par un poème archéo-
logique et élogieux qui trouva partout des imitateurs.
Après la chute des Han devenus oppresseurs et que ren-
versèrent les sociétés secrètes vers l'année 220 de notre ère,
survint l'époque du San-koach (des trois royaumes); puis lu
Chine, troublée par la guerre, divisée daiîs son territoire,
traverse avec peine, et bien qu'avec des alternatives, les siè-
cles des six petites dynasties. Durant cette période, notre au-
teur constate la dégénérescence de la liitéralure, et nous
montre la poésie devenant tour à tour précieuse ou roma-
nesque, erotique et épicurienne selon l'impulsion de la cour
et le mouvement des mœurs. Apparaissent enfin les Thang,
et nous voyons de nouveau l'empire renaître à la puissance
et se reposer dans sa gloire. La voix inspiratrice de ses em-
pereurs évoque partout le génie littéraire, et bienlôt se pré-
sentent en foule les talents qui donneront à la poésie chinoise
NOUVELLES ET MÉLANGES. 287
ia loriiie détinitivc qu'elle devra conserver désormais. Arrivé
à ce point de l'ouvrage, il nous faudrait donner l'analyse
des règles et les conditions poétiques dont M. d'Hervey
Saint-Denys a reconnu l'existence dans toutes les composi-
tions de celte époque.
Ce travail curieux et que nous avons fait pour nous-même ,
si resserré qu'il soit, dépasserait de beaucoup les bornes
d'un compte rendu. C'est dans le livre même de M. d'Hervey
Saint-Denys qu'il faut voir comment les Chinois satisfont au
parallélisme des idées; comment dans une stance de quatre,
de huit ou de douze vers ils établissent d'un vers à l'autre
la correspondance des mots pleins et des mots vides ; comiuenl
les rimes qui sont obligatoires aux vers d'ordre pair, et de
plus au vers (inal, doivent sonner toutes dans le même Ion ;
comment les vers qui ne riment pas doivent finir dans le ton
opposé à la rime qui leur manque; comment enlin il faut qu'il
y ait une constante opposition de Ions entre les pieds corres-
pondants des deux vers d'un même di.-^tique \ Ce n'est pas tout
' Sous le rapport de la poésie , les tons chinois peuvent se diviser en
deuxdasses : celle du ton phùicj ^JT*. «égal ou fixe;» celle du ton tsii TK
« inégal ou modulé. » Ces classes se subdivisent , la première en deux ,
et la seconde en trois espèces ou accentuations différentes, qui sont :
le ton chànçj r «élever, monter,» le ton kiâ ZIl. « s'en aller, se perdre , »
et le ton ji yK «rentrer.» Le sens chinois de ces caractères figure par-
i'aitemeut le rôle de chacun de ces tons. M. d'Hervey Saint-Denys a tracé les
règles auxquelles donnent lieu toutes ces variétés , et il nous apprend que
sous les Thang la rime exigea non-seulement l'accord du son , mais encore
Videntité de la classe du ton et de son espèce, c'est-à-dire de l'accent. Nous
pensons que cette rigueur nouvelle fut déterminée en partie par les change-
ments qu'avait subis la langue dans son ancienne prononciation , prononcia-
tion que les Japonais nous ont conservée, ainsi que le démontre M. Léon
de Rosny. Un sent de suite que ces tons'el les lois qui les enchaînent étaient
d'absolue nécessité pour donner au récit poétique la couleur et le mouve-
ment dont il eût été privé par la monotonie 'de la prononciation mandari-
nique.
288 AOUT-SEPTEMBRE 1865.
encore; les vers portenl un repos, une césure, qui en marque
la cadence, Vœil qui suit celle césure et qui remplace Taccent
tonique' de nos langues indo-européennes est toujours l'an
iépénuitième monosyllabe; conséquerament à sa place et à
son caractère ce doit être un mot plein, et de plus il faul
qu'il rime ou alterne de ton avec l'œil des autres vers. Certes
aucune poésie au monde ne s'est assujettie à une pareille
gène; mais nous croyons aussi que, complète en ses cadres
et séparant entre eux pour les opposer plus librement les
différents éléments poétiques d'idéalité et de son que nous
avons mêlés et confondus dans nos langues, aucune n'esl
capable de produire des effets plus immédiats et plus grands.
M. d'Hervey Saint-Denys, se fondant sur le monosylla
bisme de la langue et sur les nécessités de l'barmonie, sur !e
double besoin de satisfaire à la fois l'oreille et l'esprit, nous
fait concevoir les motifs des singulières entraves que s'est
données, pour se rendre plus attrayante, la muse du céleste
empire. Il nous entretient des licences permises, des épi-
thètes, de la synonymie, des chevilles, du métier comme de
l'art. Il nous initie à tous les secrets de la composition poé-
tique , et , l'histoire à la main , il nous fait assister au dévelop
pement raisonné de ses règles, à l'éclosion graduelle de son
génie.
Charles de Labarthe.
' .\ l'ap{)ui de ce rôle que nous attribuons a Yœil du vers chinois , faisons
remarquer que les mêmes éléments poétiques existent, au moins virtuelle-
ment, dans toutes les langues, et que les différences qui, sous ce rapport,
séparent ces dernières et diversifient leur poésie, ne proviennent que de la
.siiperposition ou de l'énergie de certains de ces éléments qui se sont ren-
forcés par suite de l'affaiblissement des autres. Aussi, tiuelque étrange que
paraisse au premier abord la poésie chinoise, elle pourrait, étant bien com
prise, servir, à un certain point de vue, de prototype et de moyen de com-
paraison, si l'on entreprenait de faire l'Iiistoire et l'analvse approfondie de
la poétique chez les différents peuples.
JOURNAL ASIATIQUE.
OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
GRANDE INSCRIPTION
DU PALAIS DE KHORSABAD.
COMMENTAIRE PHILOLOGIQUE.
SUPPLEMENT.
L'adage Dies diem docet, vrai dans toutes les
sciences, peut surtout trouver son application dans
une branche du savoir humain où tout naguère
était à découvrir, et où la sagacité individuelle, sou-
mise à tant de bizarres conditions, à tant de hasards,
devra longtemps encore suppléer à la tradition in-
terrompue depuis des siècles. Nous nous sommes
suffisamment expliqué, dans le commencement de
ce commentaire, sur les difficultés que présente le
dictionnaire assyrien; il nous sera donc permis de
reprendre en sous-œuvre quelques points, peu
nombreux en comparaison des questions que nous
avons élucidées, et minimes en comparaison des
laits acquis à la science. Mais quelque accessoires
que puissent paraître ces particularités, ces petites
découvertes grammaticales et lexicographiques, elles
ne doivent pas être passées sous silence , aussitôt
290 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
qu'on a été assez heureux pour les acquérir; car le
maintien de ces erreurs peut en engendrer d'autres,
et la constatation de Ja vérité doit nécessairement
contribuer à i'éioignement des difficultés encore sub-
sistantes.
Les questions de grammaire sont presque entiè-
rement résolues. Depuis la publication des Éléments
de la Grammaire assyrienne, en 1 860, aucun principe
nouveau n'est venu modifier le système; les seuls
faits qui méritent d'être signalés sont des preuves
confirmatives des bases précédemment établies.
Nous suivrons pas à pas les quelques développe-
ments que nécessiteront les questions grammaticales.
REMARQUES GRAMMATICALES.
LOIS PHONÉTIQUES.
Les lois phonétiques de l'assyrien, compaiées à
celles des autres langues sémitiques, sont telles
qu'elles ont été présentées dans les paragraphes y h
24 de la Grammaire.
Les premières lignes du tableau du § 8 sont à
établir ainsi :
Assyrien. Hébreu. Assyrien. Hébreu.
t^ i^, ^ au lien do ^ ^
C C D D. t/*
Les deux lettres séparées en hébreu t; et e^ ne
sont pas encore distinguées en assyrien, ce qui est
très-important pour l'histoire do la langue hébraïque
elle-même ^ Ainsi nous avons :
' Nous n'avons pas voulu changer clans ce .supplément la tran.s-
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 291
Assyrien
. Hébreu.
Assyrieu.
Hébreu.
TIC*
lit: être plan.
n^2
DDD embaumer
mz'
mt; étendre.
HZ':
i^f^j élever.
nw
□Iè; poser.
}^:
3t*a atteindre.
Vndî:^
'pNDt? gauche.
im
iv:^ dix.
ii2^
ii:i^ haïr.
2m
nt^:? herbe.
f]-)^
?]-)îy brûler.
^iz
1Z;-)D étendre.
it
"iî:; prince, roi ^
pe^D
pt?D tordre.
Quand il y a à la fois D et l!; en hébreu, Tas-
syrien a également et D et e/; le premier surtout à
Babylone, le second à Ninive; nous citons d^d et
thz , D2D et ^22.
11 est bien entendu que la transcription par V ou
par V ne préjuge rien sur la prononciation même
des Assyriens.
Un autre équivalent composé est celui de u hé-
breu, et de îîD assyrien; ainsi nî:î hébreu est en as-
syrien Ti2; t:: devient y*i2. Ailleurs, dans les langues
sémitiques, la combinaison "AD est anomale.
Un D ne remplace que rarement un p , e^ vice versa,
à moins que toute la combinaison ne devienne plus
douce ou plus dure; ainsi de'7pn, on a l'équivalent
ninivite b^n; de 1D2 : i\>])\ mais ces cas sont rares.
Un autre changement, c'est le remplacement par
rrjptiou que nous avons suivie jusqu'ici; mais le progrès de nos
études a rendu nécessaire la suppression du point sur le ^. Cette
question se rattache à des études sur la prononciation antique de la
langue assyrienne qui seront exposées dans une lettre de M. Oppert
à M. Menant.
' Voir la remarque à la ligne i de l'inscription.
2o.
292 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
un n assyrien du n hébreu , arabe, syriaque et éthio-
pien; cette substitution mésopotamienne n'est pas
sans analogie dans les idiomes de Sem ^ et le com-
mentaire en a djéjà rendu compte. Nous citons, par
exemple :
Assyrien. Hébreu.
\>ni
]>m loin.
n]>b
npb prendre , trouver.
nns
riDD ouvrir.
□n")
DUl entrailles, miséricorde,
vm
^m nouveau*.
m
m un.
Dans la grande majorité des cas, pourtant, le n des
autres langues sémitiques est également représenté
en assyrien par un n.
* Nous citerons la langue des Sabéens et le dialecte de Galilëe,
où l'on ne pouvait distinguer, selon le Thalmud, les lettres N*, i«*,
n, n.
' La forme muddis, dans les titres de Nériglissor et de Nabonid,
est le participe paèi de ^ID (non expliqué, E. M. t. If, p. SaS);
Indis et luddis, souvent employés dans les formules imprécatoires
des fins de textes, sont, l'un le précatif du kal, l'autre le précatifdu
paël. L'infinitif du paël se trouve sur la pierre d'Aberdeen ( W. A. I.
pi. XLIX, col. III, 1. 23], dans un texte de Sardanapalc VI (coll.
ph. 89, a. K, 120); il est uddus. Selon ce que nous avons dit pré-
cédemment sur l'art de dégager les racines (voir Journal asiatique,
186 4, t. III, p. 4i2 ), il est évident que, dans cette forme de l'infi-
nitif paël, le d ne peut être que la seconde radicale. La racine est
donc i:;"n. et les formes sont ^iS, ^IHD, ^inb, C^lH.Le'n 'D
sp conjugue comme le 'X D.
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 293
NOMS DÉCLINABLES.
Il n'y a qu'à confirmer, en général, les principes
qui régissent le nomen, ou substantif ou adjectif. Les
grammairiens futurs , néanmoins , devront insister sur
la déclinaison de noms masculins 'n'b, qui confirme
également , de la manière la plus irréfragable , le prin-
cipe des trois cas en h, a et i; le pluriel est formé
en ut, comme le pluriel des adjectifs masculins.
(§§ 48, 56, 58, 77.) On déclinera donc :
Singulier.
Pluriel.
^p3, la victime.
np:. xn]?:
^?,^
^W
'r-
^K^V,^
Ainsi se déclinent UN « le père, » ut «le pacte, »
U"} («grand.» Les pluriels en n^n et "•- sont moins
fréquents pour cette classe de mots.
Le chapitre des suffixes est établi depuis long-
temps, et il n'y a que la question des dialectes qui
nous conduise à une addition. En effet, dans des
formules le suffixe de la y personne au féminin du
singulier est quelquefois ^p , au lieu de N^, et con-
curremment avec cette forme.
Les formes ]D-, ]d-, ]^-, ]p-, proviennent des
suffixes amplifiés ^U-, NU-, uur, KJîÇ^-.
Pronoms. Parmi les pronoms personnels (§ 8 1) , le
féminin singulier et le masculin pluriel de la 2^ per-
sonne ont été réellement constatés sur les monuments
294 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
(coll. ph. 111, K. 1 /i2 et passim, Prisme de Sardana-
pale), et dans les formes que nous avions proposées.
La leçon attunu au masculin conduit naturellement
à attina au féminin, et nous aurons :
rix, «tu (homme),» ^nx, a tu (femme).»
jriN, i:riK, avons (hommes),» ^riK, î<:nK, «vous
(femmes). »
Quant aux autres pronoms, il se pourrait que,
contrairement à notre opinion (E. M. t. II, p. i 62 ;
G. y4.§ 8 7), mais conformément à celle de M. Hincks,
le mot mala K^^D signifiât non pas «qui, ne pas , »
mais «tout ce qui,» quelles que soient les raisons
que nous puissions encore alléguer en notre faveur.
Noms de nombre. Parmi les nombres, nous cons-
tatons la présence du pluriel de un : '•"iriK — ^ina
[fV. A.L^\, XIX, 1. 81) « les uns, les autres; » puis
la forme nn, dans """in , (f un ; » ^in (adverbe), « seul. »
Dans les nombres dérivés, nous avons omis, k
côté des formes KC^^ç; (§ 99), celle de v^^.
L'idée de réciprocité est exprimée , en assyrien ,
comme dans toutes les langues sémitiques, par une
métaphore. Comme l'hébreu dit pour «moi-même »
la parabole «mon os,» l'arabe «mon âme, mon
souffle,» l'assyrien emploie «mon cœur,» '•a'?, ou
« mes entrailles, » ""^Dn"! ^
VERBES.
La classification des verbes est aussi complète
qu elle peut l'être; mais il resterait à insister davan-
' Nous reviendrons sur ce point h la discussion de la ligne 77.
GRANDE INSCRIPTION DE KUORSABAD. 295
lage sur l'article i i 4, qui parle des formes verbales
développées de l'aoriste simple. La crainte de trop sys-
tématiser avait empêché l'auteur d'entrer plus avant
dans le développement des aoristes apocope, antitlié-
ticjae en a, et paragngùjue en amina, qu'on retrouve
dans la Grammaire arabe.
Le progrès de nos études a démontré que cette
réserve était exagérée, et qu'il faut au moins consa-
crer quelques mots à l'aoriste en ma ou ua\ qui
paraît avoir donné naissance au ma si obscur, traité
au § 2 II il. Nous aurons donc, en conjuguant seule-
ment le kal, l'aoriste paragogique sans revenir sur
les autres voix :
Singulier. Pluriel.
1 T-\:- T-\:'
2' p. m. NDIDîn XD^nDTn
1 T-\:- T\\:-
2" p. f. ND:nDTn ND^iXI^Tn
3" p. m. KD-)3Î> J^DinDÎ^
3* p. f. XD-IDîn NDiNIDTD
Les foruïes comme ibfmrunamma (Bisoutoun , pas-
sim), issunumma, ïoï)t supposer, avec une certitude
presque complète, des analogies comme tabhaii-
mimma et tabhuranamma.
Toutes ces formes paragogiques, se plaçant à la
' Il rappelle les formes de la poésie hébi-aïquc en ID , comme
1DVDD\ 1D:?b3n, et tant d'autres.
* Les exemples, du reste peu nombreux, semblent donner nt au
lieu de notre na; ainsi on dira, à la i" personne du pluriel, nizkur
au lieu de nazhir; mais le nn de niuakhir doit être maintenu.
296 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
fin des plirases, se lient avec ce qui suit, de sorte
que dans le ma o.u va de la fin, on peut réellement
voir une sorte de copule.
Nous devons donc considérer comme vidée, dans
le sens négatif, la question du iSp:, nammac en-
semble,» dont il a encore été traité dans le com-
mentaire. (G. A. § 20 1 ; E. M. t. II, p. 223.)
La paragoge ma, ajoutée aux suffixes, telle que
aksadassamma (Inscription, 1. 117), liskanassamma
[Caillou (le Michaux, col. iv, l. 18), appartient à la
même classe de phénomènes grammaticaux.
Quant aux verbes défectifs , il y a peu de chose
à ajouter; les verbes k'd ont presque toujours a à
l'aoriste, sauf bDX manger, qui forme bDNV
Précatif. Depuis longtemps nous avions soup-
çonné que le précatif ne se bornait pas à la troisième
personne, mais quil était, comme les formes ana-
logues en arabe et en araméen, seulement formé
par faoriste avec le b préposé. M. Hincks avait déjà
cru voir une première personne dans les formes
b^Jl\ qui devaient être distinguées de la troisième
•7^3^. Nous venons de trouver la preuve de cette
supposition dans une prière (col. ph. 29, b. K. /i3),
où on lit anahu lablut^, Dbn'? ^iDiN; ailleurs nous
^ Tout en rendant hommage au mérite éclatant de M. Hincks,
nous ne pouvons pas accéder à tous ses principes soi-disant gram-
maticaux qui manquent généralement de simplicité, et par cela
même de justesse. Dans une note d'un écrit sur la polyphonie,
M. Hincks veut bien reconnaître que dans les Eléments de la Gram-
maire assyrienne il se trouve plusieurs grands principes qu'il
adopte; mais il dit qu'en dehors d'encjirs minnircs qu'il ne signale
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 297
croyons voir la seconde dsLUslûtapparraéa(co\\.ph. 2 1)
KD^pnb. Seulement la 3^ personne du féminin a dis-
paru et s'est confondue avec la forme du masculin.
Le î i 6l\, G. A. est k rectifier dans ce sens.
pas , il y voit des erreurs petnicieuses (sic) qui pervadent tout l'ouvrage.
M. Hincks, celte fois, veut bien spécifier nos aberrations, et, après
l'avoir écouté, il faut avouer que la terreur qu'inspire son épithète
diminue singulièrement. «Tout ce qui a la seconde radicale redou-
blée n'est pas un paël , et un paël peut ne pas avoir la seconde
radicale redoublée.» Nous n'avons jamais dit le contraire. — «Les
'^'D bébreux ne deviennent pas , en assyrien , des 'N'D , mais des VD. »
Nous sommes fâcbé de persister dans l'impénitence finale; il n'y
a pas de 'VD. Aux mots hébraïques lh'\ nibiD, D^\ 2^p\D ,
correspondent les assyriens aliJ, talidat, asib, musesih , et non pas
validf vasib ,'etc. Enfin, en dernier lieu, nous sommes accusé de ne
pas distinguer entre les formes de l'aoriste mufadves et permansives.
A cette occasion, M. Hincks ne s'explique pas, et nous ne le com-
prenons pas; toute la sagacité de nos amis ainsi que notre investi-
gation n'ont pu trouver dans les écrits de M. Hincks même le
moindre vestige qui pût nous éclairer sur sa découverte.
Espérons, toutefois, que cette découverte sera plus permansive
que celle du prétérit assyrien, dont M. Hincks a essayé de donner
les terminaisons; ce sont, singulier 1" pers. ku, 2" pers. ka et ki
(comparable à l'éthiopien), 3' pers. — et at, au pluriel, l'^'pers.
nu, 2' pers. tun et tin, 3' pers. u et a. Mentionnons tout d'abord
que pour la 2* pers. masc. et fém. du singulier, pour la 1'* et la
2* pers. du pluriel, M. Hincks n'essaye pas même de donner
d'exemples. Il est réduit, pour la 3" pers. du pluriel, à produire
les pronoms sunii et sina! Pour la 3* pers. du singulier, il subs-
titue des participes. Quant à la 1" pers. en ku, voici comme
M. Hincks la trouve. 11 allègue anaku «je,» et une forme sarraku
«je suis roi.» Quand même on ne devrait pas lire sarralus, on con-
viendra que le mot «je» ne prouverait pas l'existence d'un préte'rit
verbal. Puis il nous présente une forme usbaku, selon lui la 1"
pers. de D21. D'abord, on ne lit jamais ushaku, mais toujours us-
bakuni, dans les inscriptions de Sardanapale III, dans la phrase :
« Pendant qu'ils me retinrent à Ninive, etc.» Us'bakiini est la 3* pers.
298 OCTOBRE-NOVEMBRE J805.
Formation des voix. L'assimilation du n dans l'ipli-
teal et l'ipbtaal (§§ 12S, 1/1 3) a lieu, dans des cas
Irès-rares , pour d'autres lettres que les sufïixes. Nous
citons, par exemple, ^p^"' pour ^pnb"; (K. à6).
Verbes (juadrilitèrcs. Nous avons déjà remarqué,
dans le commentaire, que la Grammaire omet la
mention du shaphalel et de Yistaphalel des verbes qua-
drilitères; le nombre des voix pour ces verbes s'é-
lève donc à six.
Suffixes verbaux. A côté des formes ordinaires,
comme it:^"ipr , il faut noter ^îî^*l2r. , et avec le ma pa-
ragogique, NÇ^nDr..
Adverbes. La classe des particules offre les plus
grandes difficultés pour l'interprète; on peut même
dire qu'elle est la partie la plus ardue de toute la
grammaire, parce que les langues congénères ne
fournissent que peu de points de comparaison, et il
n'est accordé qu'à la sagacité du traducteur de se
rendre compte de la valeur de ces mots qui donnent
la vie à la langue.
Il est possible que (§ 20 i) il ne faille pas lire ^;iï)i< ,
du pluriel de ~pD à l'iphteal avec le suffixe. Sans suffixe, ce serait
yussabaku ID^D]", ou mèiwc jasahaku ^D3p^ (G. A. S 128), et con-
tracte avec le suffixe [Ihid. § 197) "'jlD3p\ Voilà à quoi se réduit la
ï" personne en lui. Et ce seul exemple, si même il était avéré, ne
pourrait avoir une grande portée, quand on le compare aux milliers
de formes des aoristes fournies par les textes.
La fin des prières de Nabuchodonosor est à modifier dans le sens
indiqué. (Voir E. M. 1. II, p. 284, t. I , p. i56.) — Le passage se
traduira donc :
«Avec ton assistance, ô Mérodach , le sublime , j'ai bâti ce palais.
Puissé-je , sans douleur, trôner à Babylonc, y trouver du repos, y
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 299
mais ""DIK « après \)) quoique la première forme
trouve bien son équivalent en syriaque; le mot "»pnx
a sûrement la signification de «après,» surtout
comme préposition.
Il faut rayer NDp (voir plus haut), et ajouter \y,
«jusqu'à ce que, » avec la signification de «jamais, »
(voir), XDJN «jamais» [unqaam), et puis parmi les
prépositions adverbiales : ''pn^ « derrière, après. »
Parmi les conjonctions, il y a dilTcrentes forma-
tions effectuées avec ND , telles que KD'^n; « puisque , »
NÇnp « tout ce que; » mais il faut rayer kjdn* « aussi, »
qui repose sur une interprétation défectueuse.
REMARQUES RELATIVES À L'INSCRIPTION.
Après ces remarques qui se trouvent déjà en partie
disséminées à divers endroits du commentaire, nous
nous adressons aux points de l'interprétation sur les-
quels nous croyons devoir revenir, soit qu'ils soient
susceptibles de recevoir un supplément de preuves,
soit qu'ils doivent être infirmés par des découvertes
survenues depuis la rédaction du commentaire.
Le nom du roi Sargon , composé avec le mot roi,
nous force à revenir sur la transcription de ce nom
propre, qui aujourd'hui seulementse trouve décidé-
ment résolue, et dans le sens même de la substitu-
tion de V kt;. [Joarn. asiat i863, t. II, p. AS/i,
note.) Nous croyions avoir une preuve directe pour
septupler ma race. Puisse, à cause de moi, mon peuple y dominer
jusqu'aux jours les plus reculés! »
' L'incertitude provient de la double prononciation du signe.
300 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
la transcription de èarra\ mais il est probable que ce
mot n'est pas identique à celui de « roi. » On se sou-
vient que jVI. de Saulcy établit pour la première fois,
dans son Mémoire autographié sur les inscriptions
des Achéménides, la transcription sarpour la lecture
du mot royal dans les légendes des chambranles
de Persépolis, quand M. Rawlinson [Beh. p. 3)
le lisait encore melek. Le mot étant ^^J T>-TT<Ti
il s'agissait de savoir si le premier signe devait être
lu sur ou sar. Nous avons lu le nominatif jusqu'ici
sarru, les Anglais ont adopté sarra; ils ont même
écrit 5/iarra , ce qui préjuge une question que nous ne
saurions résoudre, celle de la prononciation du mot
vivant dans la bouche des Assyriens. Pour parler plus
scientifiquement, faut-il transcrire ")D ou i^? Une
constatation récente que nous avons faite prouve
qu'il faut abandonner définitivement 1D.
Nous avons trouvé , dans les plancbes (pi. VI, rf 2)
que nous devons à notre ami regretté Loftus, un
fragment que nous avons eu le tort de ne pas exami-
ner, parce qu'il était trop fruste, et se composait
à peine de quelques signes. Cependant ce petit reste
de l'épigraphie achéménide de Suse , provenant d'Ar-
taxerxès Mnémon , fournit, sealde toas les monuments
assyriens connus, le mot wroi» en caractères pho-
nétiques simples. Voici ce texte en entier :
Ligne Z^ T S#^ 6==B^^^ V :ëJI
A - na - ku. ^ Ar - lak - sut - su.
Ego Arlaxerxes
GRANDE liNSCRIPTlON DE KHORSABAD. 301
Y <I-^K -T[f < ^—
sa ar - ri. raba
rex magnus
Ligne. ^< ^m 4^ ^I ^
sa ai' - ri. kak - ka - ru.
rex lerrae
ïï yT^i<T-ffî<-
habal. sa. * Da - ri - ya - vus.
filius Darii.
Ligne 3 V :HIT« ^ :=f <^Ï=
Ar - tak-sat - su . sarru. in. silli.
Aitaxerxes rex in (iilela
^-TTf-^<îfciT
A - hu ur - ma az - da.
Oromazis
Or, dans ce document, le mot de «roi» est écrit
sarri, sans équivoque aucune. On pourrait nous op-
poser que le monument ne date que d'Artaxerxès
Mnémon , donc d'une époque assez récente; mais une
preuve provenant de cette époque vaut toujours
mieux que l'absence de toute démonstration. D'ail-
leurs , les inscriptions babyloniennes de ce règne nous
montrent encore, ce qui n'a pas lieu pour l'idiome
perse , la langue assyrienne dans toute sa pureté. Nous
ajoutons que le fragment nous offre en outre une par-
ticularité d'ortbograpbe qui lui est commune avec
302 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
les plus anciennes inscriptions assyriennes; ici seule-
ment, dans le nom d'un texte trilingue , nous avons la
preuve que Je signe t~r. a la valeur de àr (peut-
être âr), et est , d'ordinaire , équivalent à /y^^JT^T ar.
Le nom de Sargon se transcrira donc en carac-
tères sémitiques Kj''D-)^ ou î<:^D-n^. La prononcia-
tion de ce nom, entendue par des oreilles juives ou
grecques, était ou Sargàn ou Sarkean^\ car la leçon
p2")D, un oiira^'kBy6{ievov,uesi pas sufïisamment sûre ,
quand nous pensons que les Massorètes ont sou-
vent été obligés de remplacer un i de l'écriture (stid)
par un "• de la lecture (''"'p) , ( par exemple iVum. xxvi,
9; Jer. xLvni, /i , et à chaque instant). Le 1 s'est in-
troduit dans le nom d'Assuérus D"n:^*nt< , où le sy-
riaque ne l'a pas, et probablement dans le nom de
Sippara n^nuD (voir Rois, 11, ly, 3i). Par toutes
ces considérations, il est probable que notre pro-
nonciation de Sargon ne repose que sur une erreur
d'écriture, et qu'elle élait inconnue aux contempo-
rains judaïques du monarque ninivite.
La locution si souvent répétée , mal basa ou mala-
basû (ligne y) , se trouve à chaque instant dans les ins-
criptions quand on entend insister sur l'importance
d'une province , d'un palais, d'un butin. La difficulté
réside dans le mot malâ N^D, aussi bien que dans la
' En effet, \v j hébraïque el araméen semble avoir en une pro-
nonciation voisine de celle de l'assyrien D. Le 3, dans le nom de
Téglathphalasar, le pronve cgaloment , car l'assyrien a anssi un D; el
le nom assyrien Mannii-ki-Arhaîl est transcrit dans les inscriptions
de Sir Henry Rawlinson par 73")N3 jtD ( liiUngnnl inscriptions, p. 2 1 8).
GRANDE INSCUlPTIOiN DE KHORSABAD. 303
signification de basû -t^n. Nous l'avons interprétée
par : «qui n'est pas ti dédaigner. »
MM. Rawlinson et Hincks avaient, en premier
lieu , vu dans mald un pronom indéfini « tout ce qui , »
et, il faut le dire, quelques passages des inscriptions
semblent indiquer cette signification. [Yoir R. Beh.
p. g/i.) C'est surtout des inscriptions trilingues [E de
Xerxès, 1. 9) que semble se développer l'acception
de {(tout ce qui,» et non pas. comme nous l'avons
cru, contrairement à fidée de Sir Henry Rawlin-
son, l'idée de «ce qui ne pas. » (E. M. t. Il,
p. 162.) Nous avions cru pouvoir inférei' la nécessité
de cette traduction d'un passage de l'inscription de
Bisoutoun (1. /i3), oii il est probablement question
desMèdes nomades, et où on lit les mots :
uliuîu sa Madai mala in bit
populiis Mediœ qui non in domo.
Et la traduction médo-scythique semble militer en
faveur de cette traduction. (Voir E. M. t. II , p. 2 2 1 .)
Néanmoins ici le manque de connaissance de la
langue médique ujême pourrait nous faire oppo-
ser finterprétation : a populus Mediae quisquis in
domo. » Ce passage ne prouve ni pour, ni contre.
Un passage bien souvent répété dans les textes
de Sargon [Inscription des Taureaux, Revers des pla-
ques et ailleurs, comparez aussi Menant, Revers des
plaques, 1. 35) semblerait plus concluant en faveur
de la traduction affirmative; on y parle des pays :
304 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
mati mald samsu irli 'a
terras quasquas sol aspicit^
Dans ce cas , la version négative serait beaucoup
moins à sa place. D'autres passages (par exemple.
Caillou de Micliaux , col. iv, 1. 22) sembleraient plu-
tôt nous faire pencher pour le sens « qui ne... pas; »
et parmi ces locutions, qui ne résolvent rien, se
trouve aussi notre mala hasû.
Il semble d'abord acquis que le verbe n^n veut
dire « être mauvais , » et qu'il est allié au mot ^'N3
qui, avec ce même sens inhérent aux mots hébreux
et araméens, se trouve dans les textes trilingues
(par exemple JS. B, 1. 33). Dans le syllabaire K. 46
(publié fî. M. t. II, p. 96), qui contient une liste
d'adjectifs assyriens exprimés en regard par des mois
touraniens, on lit après tdba y bon:» basa, comme
on voit après rahâ « grand, » si 'ir i^ii « petit. » Basa,
expression du mot touranien sara, semble signifier
(( mauvais. » Tel est le sens résultant des formes ver-
bales (par exemple E. 1. H. I. col. n, 1. 20).
A côté du mot touranien sara, ikla rend égale-
ment hasû, et le syll. K. 1 99 (coll. ph. 1 58 b.) nous
démontre que, dans notre phrase malabasû, c'est le
mot ikla qui traduit le sémitique basû. Ce mot ikla
^ La plupart des copies de M. Botta portent à tort saliu, le su et
le ir n'étant distingués que par la longueur du clou horizontal infé-
rieur-, cette erreur nous avait pendant longtemps caché la vraie si-
gnification de ce passage, car satin n'est pas un mot.
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 305
esl retrouvé dans un mot touranien ka ikla, qu'un
syllabaire traduit par les deux mots hncjurm i^yp et
rugummu Nîp:^ , synonymes dont le sens nous échappe,
mais qui, si nous admettons l'explication que nous
fournil le dictionnaire arabe , pourraient s'interpré-
ter par (( des défauts corporels. »
Nulle part nous ne pourrions retrouver l'idée de
«nombre,» que M. Hincks, nous croyons, avait
proposée, de sorte que mala basa aurait le sens,
très-plausible en lui-même, de « quisquis (sit) nume-
rus,» c( en entier, de quelque sorte que cela fût.»
D'autres passages ne démontrent pas la possibilité
d'un verbe W2 o compter»; et, 1. i3, le verbe ibsu,
assez obscur du reste, s'y refuse. Nous avons en de-
hors d'autres preuves, par exemple, dans les inscrip-
tions des Séleucides, le nom La-basi-Bel, b^2-^p2-i<b
u Non sperne Belum , » qui confirme encore l'existence
d'un verbe w:i, avec la signification de dédaigner
que nous lui avons primitivement reconnue.
Quoique nous ne puissions décider la question,
nous avons soumis à nos lecteurs les éléments de la
question relative à la phrase intercalaire mala basa,
dont le sens , nous le répétons, pourrait parfaitement
être ({ dans toute son étendue. »
Ligne i3. Israkanumma est un seul mot.
Ligne i 6. Le groupe idéographique ^^~T J^y se
classe , à l'heure qu'il est, encore parmi les questions
difficiles.il est sûr qu'il rend taklat n^pn , et. emph.
takulti; telle est sa valeur incontestable dans le nom
306 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
de Téglathphalasar. Mais il n'en est pas moins vrai
qu'il désigne une espèce d'arme dans le texte de
ce roi (par ex. col. v, 1. 58 etpassim) et son emploi,
comme équivalent d'arme, ainsi que M. Hincks l'a
supposé, semble assuré. 11 se peut donc que, quand
parfois nous le lisons au pluriel , nous devions le
traduire ainsi sans le prononcer, surtout dans la
phrase :
in ISKUêya. usamkit.
cum armis meis vici.
Ce dernier groupe est masculin.
Aussi les phrases telles que 1. 20, /iG se prêtent-
elles mieux à la dernière interprélation.
Ligne 2 5. Le nom de Sebechus est lu Sabhe; la
première lettre est ^ TT't-T- ^^ syllabaire R. 1 10
distingue ► T— 1*^1 ^^ tl 1^^ ' ^^^ ^^^ textes
eux-mêmes confondent, et donne au premier la va-
leur desip, au second celle de sap; dans ce cas le
nom serait sibhé, ce qui , du reste , ne change rien h
la question de l'identité avec le ^^'ID de la Bible.
Ligne 3o. Binti signifie réellement «fille;» un
fragment de K. 1 10 ainsi que des textes historiques
nouvellement examinés le prouvent.
Ligne 33. Nous transcrivons /T—w^ parlimna,
et nous y sommes autorisé par de nombreux pas-
sages; mais nous n'oublions pas que la leçon sina et
sineti pourrait parfaitement se justifier par le mot
i<W « haïr, » de sorte qu'on pourrait l'exprimer par
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 307
N^'Ç^ et jnN*::;.*. Le verbe dd'jd veut dire « se brouiller; »
le shaphalel , aspalkit D^b'Dp^ veut donc dire « bix)uil-
1er quelqu'un avec un autre, » Il se construit avec
itti ^riN', et la phrase signifie : u II brouilla avec moi
Arpad , Simyra , Damas et Samarie. »
Ligne 5o. Le signe /^^, au duel/^^^TT, a
bien , en dehors de la valeur de padan et de nir, celle
de sep, que nous traduisons par «jambe. » Cette
transcription a été publiée par Sir Henry Rawlinson,
dans le nouvel écrit sur les inscriptions araméennes,
qu'il- nomme partout à tort phéniciennes ; nous la
transcrivons par Ç]^^?, et nous l'assimilons à l'hébreu
^yD, qui signifie use bifurquer, se ramifier.» Mais
dans le passage, ligne 5o, il faut toujours transcrire
niriya, quoique, comme substitution à nir, le mot sep
lui-même soit devenu préposition. Nous lisons sepâa
(( au-dessous de moi » ( par exemple Lay. pi. XXXVIII ,
I. 5:/^'.i. /. pi. XXXVII, l.ï5).
. Ligne yS. Le signe unique \ ►fej^l a été trans-
crit par kir. Cette valeur semble être applicable i\
un caractère compliqué ainsi fait \ y^^^^ | .
D'autre part, le syllabaire K. j lo donne au signe
\^TTT la valeur de kir. Un fragment du même texte
donne pour < ►wj la valeur de éum ou zam, et
cette prononciation se trouve applicable à un passage
de Coll. phot. 2 1,1. 1, où le signe figure. Il s'agit
de savoir si le signe de la ligne ^3 est une variante de
308 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
< ►f^J ; i' faudrait alors Jire aksiiinma DD^wX u je dé-
cidai, » ou DT^N «je retranchai. »
Le signe se trouve encore dans la stèle de 8a nias
(col. 1, L 43. fV. A, L pi. XXXII), où l'on peut lire
également yusamklrva et yusamzavva [EL L H. L
col. VIII, 1. 3o); mais nous avons un passage qui
semble parler plus directement pour ja5rtm/fir (com-
parez le commentaire ad 1. i23).
Dans la ligne -76 se trouve le signe g — TTT'^ ^^ >
que nous avons laissé en blanc, parce qu'il rend
une valeur idéographique. Le caractère indiqué est
évidemment un objet du culte, car si nous y subs-
tituons X, nous aurons; uJe pris Haldia et Baga-
barta, ses dieux, et leur X (au singulier) nombreux.»
Depuis la rédaction du commentaire, nous nous
sommes souvenu que, dans un syllabaire, nous
lisons le signe expliqué par pasisu. ^^p'D. Ce mot pro-
vient d'une racine dont d'autres dérivations se voient
souvent à la fm des inscriptions, parmi les recom-
mandations faites par les rois à leurs successeurs. C'est
le terme î:^t:*p'7 ^^D que nous avons parfois traduit
par «qu'il nettoie les bas-reliefs. » On pourra croire
qu'il faille dire: «qu'il érige des autels.» En tout
cas, le sens de «bas-reliefs,» qui ne serait pas en
désaccord avec le sens général de la formule,, ne
pourrait plus convenir ici; mais toutes les considé-
rations semblent concourir à y faire admettre un
objet en pierre.
Ligne 77. Le passage relatif à la mort d'Ursa
exige une rectification très-importante, et qui prou-
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 309
vera de nouveau, par un exemple frappant, com-
bien souvent les vérités les plus simpJes se dérobent
longtemps à notre investigation. Il est dit qu'Ursa
mourut in katë ramanisa, ce que nous avions traduit,
selon un ancien précédent, par in manibas centurio-
num suoram, et nous avions fait remarquer que toute
cette manière de rendre le sens que nous lui sup-
posions était très-embarrassée. Mais rien n'était plus
erroné que la traduction de ramani par u soldats,»
traduction proposée en premier lieu par M. Rawlin-
son dans l'inscription de Bisoutoun, 1. I12 , et suivie
par nous-mêmes (E. M. t. II, p. 220).
Or le mot ramani, sur l'étymologie duquel nous
reviendrons, veut dire «même;» in kate ramanisa
signifie per manus saimeiipsias « de sa propre main. »
La pbrase entière se traduit: ((Lorsque Ursa, roi
d'Arménie, apprit la cbute de Musasir et l'enlève-
ment de Haldia , son dieu , il s'ôta la vie de sa propre
main , par l'épée de sa (?) ceinture. »
Or voici les preuves :
Le texte de l'inscription de Bisoutoun, \. l\2,
porte : issabta ana Martiya agasû sa in elisun rabû in
ramanisana idduhasa. Ce qu'il faut traduire :
(((Les Susiens effrayés) prirent ce Martiya, qui
avait été élu cbef, et le tuèrent eux-mêmes )) [in ra-
manisana , « d'eux-mêmes »).
Nous avions traduit : (( parmi leurs grands. »
Le perse dit simplement : atâsini avâiana (( et le
tuèrent, » et le texte médo-scythique exprime la même
idée par irhalpis.
310 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Mais ii y a plus, le récit de la mort de Cambyse
cache ce mot, sans que nous nous en soyons aperçus.
Le perse porte : Karnbaziya avâmarsiyas amaryatâ :
«Cambyse mourut, se tuant lui-même. » Le texte
assyrien a :
Kambuziya mituiu ramannisii mïti.
Nous avions, comme M. Rawlinson [R. Beh.
p. 63) , séparé ainsi : mita tara mannisa mïti, et dû
admettre une préposition maii qui, bien qu'hé-
braïque et arabe, ne se trouve pas ailleurs en assy-
rien. 11 faut traduire : \
« Cambyses morte suimet mortuus est. »
Le mot ramani se trouve souvent dans ce sens;
nous avons fréquemment la phrase, quand il s'agit
de faire d'une ville un dépôt de blé :
cr sualu ana ramaniya ashat.
urbem illam pro memetijDso cepi,
Assarhaddondit(^.^. /. pi. XLTX,col. iv,l. lo):
kudurru ina kakkadija assi va
tiavam in verticem nieura susluli et
usazbil ^ ramajii{ya).
imposui raihimetipsi.
I--:- .;-^ .- T-l-l-l- \\s
' La forme ramanni se trouve souvent dans les textes plus mo-
dernes, par exemple dans ceux de Sardanapale VI.
^ Le mol hébreu et chaldaïque correspondant est '^DD, et nous
aurions accejUé la transcription par un D , si la locution des inscrip-
GRANDE INSCRIPTION Dli KHORSABAD. 311
Dans le texte des Taureaux, où il est dit qu'Ursa
«dans sa peur se tua » in IS.KU, ramanisu, il faut
donc traduire : « par sa propre arme. »
Le mot ramani est exprimé par le signe idéogra-
phique ^►^-ff— ' ^^^ (p^^ exemple, Lay. pi. XIV,
1. i/i); le syllabaire K. 60, coll. ph. Ii6 a, donne
le mot touranien imteo.
Il nous reste encore à expliquer le mot ramani
par les langues sémitiques. L'idée «même)) est in-
terprétée dans tous les idiomes de la branche de
Sem par une idée concrète. Les Juifs emploient le
mot 05 W^:^ , et , pour « moi-même , » on dit u mon os ; »
les Arabes y substituent «mon souffle, mon âme,»
comme les Germains ont formé cette idée de corps ,
et disent «son corps» pour «lui-même» [selb]. Les
Assyriens ont également adopté une locution con-
crète qui, pour être un peu plus difficile à classer
dans le dictionnaire, n'en est pas moins sûre. /?a-
man/, avec le suffixe ranianija, doit se transcrire ^\:pni,
et veut dire «mes viscères,» correspondant à Yhé-
breu'iDnn; c'est le pluriel de raham, et, comme en
hébreu, un pluralis tantura.
On se rappellera, en effet, que la racine on"), mi-
sereri, change en assyrien en Dm, comme de pn"),
on fait \?ni, de znn : î:;"in. Nous avons lu dans ce texte
même Dnn «le pardon.» On devra donc transcrire
le m.ot ramani, ""iDn*], moins exactement "'jD'i.
lions zabil kudarriij « portans tiaram » pour «lieutenant,» ne nous
forçait pas à rendre la siiHante par un z ou un s, en marne temps
qu'elle explique la voix factitive du ))aisage d'Assailiaddon.
312 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Le fait important pour nous, c'est le dégagenienl
de la vraie signification de ramani : «même.»
La ligne 78 renferme des mots qui sont toujours
une énigme, au point d'obscurcir le sens de la phrase
entière. Seulement les mots 5a itti (c'est ainsi qu'il
faut lire, au lieu de ki) hullû yiisahsi commencent à
sortir de leur obscurité première. Nous traduisons :
eïi Urarli ana pat gimri sa îtii hiiUû
Supra Ariiieniam in omni parle qiiam cum nequilia
yusabsi (se. Ursa) nisi asih lihbisa emida
rebeliem reddiderat, homines habitantes in illa collocavi
sibittu au sirha.
ad casiigandum eo.s (?) et invigilandum in eos (?).
Dans ia stèie de Samas-Hou (col. I, 1. 4o) on lit
avat lialtl yasabsi, avec ia même signification.
De même, les mots de la ligne -79, Tarhalara
Miliddai tukanta ihsuh, sont inexpliqués, à cause des
deux derniers mots, et surtout du dernier nD*n dont
le sens nous échappe encore , ([uoiqu'une racine ainsi
composée se trouve en chaldaïque. Nous supposons
que sa signification est « chercher. »
La ligne 82, comme la ligne 116, contient le
groupe ^^ T^^-y T, qui signifie «arc,» et qui est
probablement équivalent au mot kisti ,Vhébi eu D^\>.
Le signe anarien se fait en babylonien \^ |t, et
se trouve dans les textes des Séleucides; il y est
question du dieu de l'arc, qui se trouve sur les mon-
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 313
iiaies à l'effigie de Séleucus. Or les médailles des
Séleucides portent un Apollon assis. La forme ba-
bylonienne archaïque du signe est ^rf-^ [Inscrip-
tion de Londres, col. ii, l. ^S). La valeur syJJabique
est han.
Le mot «arc» est féminin, et finit en t. (Prisme
de Téglathphalasar, col. vr, 1. 69 et 65.)
Ligne Sli. Balam n'est pas un mot alloph'bne,
comme nous fa vions cru, mais un terme parfaitement
phonétique, et signifiant a sans, contrairement à. >>
Il se rattache à la racine n^D, d'où viennent les mots
hébreux bi « non , » ""bs, r)b:i , « sans. » Et comme on
dit en hébreu "ib^D, on trouve en assyrien in bala ,
par exemple dans la phrase relative à Ninip (fV.
.4.7. pi. XVII, 1. 3) :
Ilu sa in balusu eshare samie au irsitiv la
Deus sine quo orbes cœli et terrae non
reguntur.
Comparez l'inscription de Bélochus et de Sëmi-
ramis, L 6. [W, A. L pi. XXXV.)
La phrase qui se retrouve I. 85 et pcissim ;
Sa asar salmi idaï la ipparkà, n'a pas reçu d'autre
solution. Id est une partie du corps; la locution ana
ide akharit (non pas ahata) ittakla, «ils eurent con-
fiance aux id d'akharit, » est obscure.
Ligne 87. Sa niha la isû, «dont le nombre n'a
pas d'égal. )) Le groupe niba est, malgré les doutes
314 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
que nous avions émis, phonétique. Ce fait est prouvé
par 1 ortbograplie incorrecte ni i-hi, et puis par la
forme babylonienne la ni-hie. Le mot provient de la
racine N3j « dire, annoncer, » et se transcrit : N33 K*?.
Ligne 112. Tout ce qui précède a été mal
compris. laman fuit vers Méroë, où il croit être à
l'abri; mais le roi d'Etbiopie noue des relations avec
Sargon, jette le fugitif d'Asdod dans les fers, et
l'envoie en Assyrie. Les mots sont à rétablir, 1. 1 1 2 :
Jna sissi parzilU ina kasritav parzilli iddisuvva « in
vincula ferrea, in catenas ferreas conjecit illum
(lamanem). Sissi a du rapport avec l'hébreu y^s
(Ex. XXVIII, 36), et kasrit (au lieu de birit) avec
lU'p ((lier. ))
Lignes 1 1 2 et suivantes. Les deux expéditions
contre Moutallou et les fils de Rita sont posté-
rieures à la douzième campagne, puisque, dans ce
récit, la capture de Dour-Iakin est mentionnée,
1. 116, comme déjà accomplie. L'histoire de Nibia
et d'Ispabara ne se trouve pas dans la grande inscrip-
tion dite les Annales; il est à présumer qu'elle forme
la quinzième campagne dont Sargon parle au com-
mencement de notre texte.
Nous voyons, lignes 1 1 9 et suivantes, le même
mot turri écrit par ^.^TZ^^T^ ^ — TW' ^* P"^^
par ►^rri ► — TT^T- ^^ premier signe du premier
groupe est tar, le premier du second, tnr; c'est
une preuve palpable de l'emploi souvent inexact
des homéoplwnes , ou signes à prononciation rap-
prochée.
GRAxNDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 315
Ligne laS. Le mot uspalkit, shaphel de nD'7D, si-
gnifie « faire brouiller quelqu'un » (voy. 1. 3/i). Sar-
gon parle de l'alliance de Mërodachbaladan , conclue
douze ans avant la défaite, avec Houmbanigas; les
Annales mentionnaient ce fait, ainsi qu'on le voit
par les fragments qui ont trait à la première cam-
pagne. En tout cas, Houmbanigas n'était plus sur le
trône, car le njonarque de Susiane régnant à cette
époque était Soutrouk-Nakhounti, l'un des succes-
seurs immédiats du roi cité. Soutrouk-Nakhounti se
nomme lui-même fds de Halloudous.
Ligne 126. La traduction de haramta ramnisa im-
huthi ne peut plus subsister, d'après ce que nous
avons dit de ramanià la ligne 77. Seulement le pas-
sage reste obscur, à cause des mots difticiles karamtu
et imkiit.
Ligne 1 28. Le passage traite des fossés entourant
la ville de Dour-Iakin , que Mérodachbaladan mit
en état de défense. II est dit :
I ^ V tz:yn=z srf^ :^^{^y
que nous avons transcrit: istin barsa yusabni , et tra-
duit « unam barsam largam perfici jussit. » Nous
nous demandons si nous ne devons pas lire le der-
nier signe tiz^ ^~-^T, que coll. ph. 6 a rend par
pil, transcrire ja^ap/)//, ^d:^^, et traduire : unam. barsa
profundam fecit. Nous croyons que cette interpréta-
tion s'accorde mieux avec les nécessités de la situa-
316 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
lion; en outre, l'idée de ia largeur aurait dû être
exprimée expressément. .
Le mot barsa est probablement identique au mot
t?n3 «genièvre; » le terme désigne aussi aie poids
le plus petit. » (Voir la note dans la traduction que
M. le duc de Blacas a faite de YHisfoire de la mon-
naie romaine de M. Mommsen, t. I, p. 4 i o.)
Lignes 129, 1 3 1 . Zirkat est à lire kulkut; le signe
\ — ^ zir et kul, s échangeant dans ce mot avec
/^^T, san et kal, dans quelques passages des An-
nales de Sargon et dans la stèle de Samas-Hou (col. iv,
\. Il II). Ce résultat ne modifie en rien le sens du mot ,
et fétymologie reste tout aussi obscure dans un cas
que dans l'autre.
Ligne i3o. Nous avons longuement discuté la
phrase parabolique où entrent le mot pagar, « ca-
davre,» le verbe sarab ou sarap et le mot obscur
nabas ou napas. Nous avons interprété ce dernier par
« tronc d'arbre » ou par « feuille » tout en disant
qu'en chaldaïque dDj signifiait «laine». Peut-être le
verbe se rapporte-t-il à la racine p]"12î qui, dans les
inscriptions (par exemple L. pi. LXVIII, pi. 1 ), se
trouve à côté du pourpre et du bleu, et signifie
colorer. Dans ce cas, nous modifions notre pre-
mière traduction ainsi : «Les guerriers teignirent
par les cadavres les eaux comme de la laine. » Qui
ne pense pas alors à Isaïe (I, 18) : yb^DD iD^nx^ DN
Ligne 1 /12. Lisez: sa niba la isù. I idc supra, 1. 87.
Ligne i/i/i. (Jkali est le paël de ^ip «assembler.»
GRAiNDE INSCRiPTlON DE KHORSABAD. 317
Nous connaissons le nom Assat-dar-kdli , écrit dans
Jes légendes araméennes du Musée britannique
bp*iltî?N, ce qui confirme la leçon cunéiforme :
La période astronomique dont le terme est cité,
lig. 110 et I /|6 , finit probablement en 708 av. J. C.
Ligne i35. Depuis la rédaction de notre com-
mentaire, Sir Henry Rawlinson a donné, dans ses
Bilinqual reaclings, une nouvelle valeur incontestable
de l'idéogramme T^ ^TTT, qui se transcrit par ekil,
et est traduit dans l'araméen par bpn, ce qui, en
chaldaïquc, en syriaque, comme en arabe, indique
(( un champ, une plaine rocailleuse. » Cette valeur a
été corroborée depuis pour nous par un autre glos-
saire, où elle se rencontre également. Mais cet équi-
valent ne rend nullement illusoire l'identification
avec le mot liaran, résultant du passage cité de la
grande inscription de Nabucbodonosor, col. 11, 1. -2 1
et suivantes.
Nous croyons que , dans notre passage , l'idéo-
gramme a réellement le sens de « champ. »
Si notre collaborateur s'était borné à établir cette
valeur, tout le monde lui en saurait gré; mais quand
il attaque la valeur du nom de Sargon que nous
avons donnée selon le passage du Baril, il dépasse le
but. Il veut hien convenir que le passage du Baril est
difficile; mais si la traduction qu'il propose n'a pas
le désavantage d'être de prime abord invraisem-
318 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
blable, elle froisse les sentiments grammaticaux les
moins développés et les moins susceptibles.
Certes, eMl ou haran, veut dire « plaine, la chose
aplanie et le champ,» mais également «la surface
aplanie, sur laquelle on écrit.» Sargon dit, selon
notre première traduction qu'il faut probablement
modifier :
«Je leur ai donné des statuts exempts d'injustice,
qui sont contenus dans les commentaires sur la loi
contre farbitraire, sur la loi de l'équité et sur la loi
de la conduite à suivre. »
Les mots assyriens sont :
Haran la sibù, haran misar, haran asar panasanu.
Sir Henry traduit :
«Le champ pour lequel on ne demande pas de
prix, le champ en arrière, le champ en avant. »
11 lit niihar, au lieu de misar, mot écrit ailleurs
misari. Le second signe est 5aret hir, il n'est jamais
har. Sir Henry Rawlinson a sans doute oublié le mot
haranav isartav (/. L. coi. i, 1. 6o) quand il rattache le
mlkhar imaginaire à la racine inx. D'ailleurs « der-
rière » se dit en assyrien arki et non pas ahar. Nous
connaissons le passage de Nabouïmtouk (J^\ A. 1.
pi. LXIX, col. II, 1. 5/i), où le roi dit «qu'on avait
cherché la pierre de fondation d'un temple, à droite
et à gauche, par devant et par derrière : » imna sa-
mila pani u arki : • ■'p^xi ^:d x^nDC^ K:p^ ♦
Et qu'est-ce que le champ en arrière et le champ
par devant? Sir Henry croit que le roi a donné aux
propriétaires des champs qui ne voulaient pas se
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 319
laisser exproprier pour de l'argent, en échange, ou
un champ en arrière, ou un champ par devant. Le
sens paraît clair; nous soutenons qu'il ne l'est que
trop. Il faudrait pour cela, d'abord, lire mikliar au
lieu de misar, admettre le mot inconnu mikliar^ don-
ner aux mots la sibû X22î i^h , « sine arbilrio , » toute
cette exubérante interprétation, admettre plusieurs
impossibilités grammaticales, et rayer le mot asar,
qui deviendrait inutile et gênant.
On lit les phrases assyriennes suivantes dans les
exercices de lecture que le roi de Ninive fait faire
à ses sujets dans les tables si précieuses, rédigées en
casdo-scythique, avec l'assyrien en regard. Nous ci-
tons, d'après M. Rawlinson, qui a eu le mérite de
nous les faire connaître :
Tallik tassa ekil nahri.
Ivisli, suslulisti tabuiam alteratani.
Illik issâ ekilka nakru.
Ivit, sustulit labulam tuam alteratam.
Il s'agit évidemment de l'enlèvement d'une borne ,
telle qu'est le Caillou de Michaux. M. Rawlinson
comprend ainsi le passage :
((Tu vas et tu enlèves le champ de l'ennemi. »
((Il va et il enlève ton champ, l'ennemi. »
Le savant anglais explique (( enlever, » par (< enle-
ver les récoltes!»
Il est pourtant clair pour quiconque est fami-
liarisé tant soit peu avec la structure des langues
sémitiques , que le mot nakar, qui s'emploie si sou-
320 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
vent en parlant de l'altération des tables, ne peut
être qu'un adjectif. Nakru, après ekilka, u ton e/fi7, »
ne pourra jamais être autre chose. Puis, pour ad-
mettre l'idée de (( champ , » il faut donner à NU;: l'idée
de «dévaster (!).»> Or cette racine veut dire «por-
ter,)) d'une lance, d'un casque qu'on porte (Nakch.
R., Khors.); «élever, » de la couronne qu'on élève
sur sa tête (Assarhaddon), de la main qu'on lève au
ciel; «enlever, » de la royauté que Gomatès le Mage
enlève aux Achéménides. Mais jamais nous n'avons
constaté d'autres significations.
Cet idéogramme peut parfaitement désigner une
borne , telle que le Caillou de Michaux. Voici ce
que nous devions ajouter au sujet de l'idéogramme
Ligne 1 36 se trouve la phrase ramanussun jalirra ,
que nous sommes maintenant en état d'expliquer
avec sûreté. Ramanussun veut dire « eux-mêmes. »
De là toute la phrase va obtenir une autre accep-
tion.
Le sens de la phrase entière, à partir dukallim-
sanuti, se trouve modifié.
En effet il paraît évident que nûra peut se rappor-
ter à ")i: , arare, et indiquer la récolte d'un champ
nouvellement défriché; il provient de la racine qui
forme, en hébreu, "i^: et ^^:D. Nous pourrons donc
chercher dans ce passage autre chose que ce que
nous y avons lu, et rectifier ainsi notre traduction ;
Nûrii i/disnnn sa ullii ynmi nlhiti
Primiliûs camporum .siiorum qui iiide a diebus reniolis
GRANDE INSCRIPTIOIN DE KHORSABAD. 321
ina isiti sati ikimà ramanussun
in possessione Suli (fueraiit), ceperiint sibimetipsisque
yutirru.
vindicariinl.
« Ils reprirent le produit de leurs champs défri-
chés, qui depuis l'antiquité avaient été dans la pos-
session des Suti, et se l'approprièrent, n
Mais cette modification, par les raisons que nous
avons données plus haut, n'emporte pas nécessai-
rement celle du texte du Baril , ni même celle du
Prisme d'Assarhaddon que nous avons cité^
Ligne 1 /n . Nos doutes au sujet de notre traduc-
tion de ibbu par « ivoire » sont confirmés ; ibbu veut
dire (X pur, sans tache;» ainsi on lit, nikat ibhat
« des victimes sans taches. »
Ligne i55. Kiniim anma. Nous avons pris anma
comme renfermant l'idée de u dieu » ila. Il paraît néan-
moins que anma n'est autre chose qu'une expres-
sion allophone de la première personne. Ainsi on
Ht ( fV. A. I. col. xvni , 1. 69 ) : in iimi annima a dans
ma propre éponymie. » Ainsi la phrase entière signi-
fierait : «Secundum decretum meum, in voluntate
cordis mei. »
Ligne 1 60. Nous avons prouvé la valeur métal-
lique des idéogrammes divins ►►-! w _^^T (Anu),
qui se prononce anaku, "|:k, en hébreu « élain, » et
►►— T >-j — (A'm/p), qui rend parzilla, bim en chal-
' Nous soumettrons néanmoins tous ces passages à une nouvelle
étude plus approfondie, et nous ne manquerons pas de signaler
franchement le parti auquel les faits nous forceront de nous arrêter.
322 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
(laïque « fer. » Il est possible que ►►— T ^ >^X — [Ha)
eût également uue valeur analogue, telle que le
plomb ou le mercure, si, ce qui est probable, ce
métal était déjà connu des Chaldéens. Néanmoins
le passage d'un syllabaire où la lumière, nùra, est ex-
primée par SIR. G AL, tend à nous faire identifier
fidéogramme divin au plomb, qui s'exprime par
(( pierre» IS. SIR. GAL. Ao est la lumière intelli-
gible. Les idéogrammes désignant « or » et « argent, »
commencent par le signe « sublime , )) ce qui tend à
en prouver le rapport avec une divinité. C'est de
ce fait que paraît procéder le système qui attribue
aux sept planètes les sept métaux principaux. Ces
idées, pourtant, paraissent être plus récentes, car
jusqu'ici rien ne prouve que Ninip désigne la pla-
nète de Mars, et Anou celle de Jupiter. Les assimi-
lations, d'abord des faits isolés, semblent plus tard
avoir été généralisées pour être érigées en système.
La ligne 167 répèle la phrase u dans un mois
propre, à un jour heureux; » mais finscription ne
donne pas, comme le texte des Taureaux et des Ba-
rils, les mois du calendrier que Sargon choisit pour
accomplir ses différents travaux. Le signe « mois » est
connu depuis la publication de l'inscription de Bi-
soutoun par M. Rawlinson. Les groupes exprimant
les douze mois le sont aussi, et il s'agissait seule-
ment de savoir si le premier mois coïncidait avec
l'équinoxe du printemps ou avec celui de l'automne.
Nous avons toujours , depuis la rédaction du second
volume de Y Expédition de Mésopotamie, défendu la
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 323
première de ces deux alternatives, que nous laissait
le texte publié à la ligne làà dans le Commentaire,
et qui établit que dans le premier mois l'un des équi-
noxes a lieu. M, Rawlinson semble être de notre avis;
mais il dit que cette opinion a encore besoin d'être
prouvée. Nous croyons avoir trouvé la preuve du
commencement de l'année dans l'équinoxe vernal
dans le texte de l'inscription de Sennachérib , dite/715-
cription de Constantinople. Le roi raconte comment,
pendant son expédition dans les montagnes d'Elam,
il fut obligé parles neiges de rebrousser chemin et de
retourner à Ninive. Il dit (1. lii , PV. A. L pi. XLIII) :
Aruli AP. kussa dannu iksudavva sagabtuv
Mense lo"" intempéries immanis irrupit, et tempestas
iaziztuv illik va salgu nahalluv nadbak sadi adura
liorrida venit; et nivem vallis parieiis montium vitavi,
utir va ana Assur ashuta murrana.
redii et versus Assyriani direxi passum.
Le Prisme a un passage parallèle (col.iv, 1. 76) :
Arah. UT. HI. rienti^ annu dannu erubavva
Mense (Tebet) fragor nubis ingentis intravit et
sagabtuv maadtuv yusaznin A. E. ê sa; A. Ë. ê.
tempesla«i magna pluere fecit aquas cœlestes suas; imbres
au saïga nalili nadbak sadé adura ^ etc.
el nivem vallium parieiis montium vitavi, etc.
' Rienti est XDDi*") , de Dyi changement de m en n ( G. y4. S 12).
L'idéogramme A. E. pourrait être zunuu, qui se trouve réellement
324 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
iNous n'insistons pas sur l'idéogramme du mois
dans le Prisme, correspondant à Tebet; dans le texte
de Constantinople, c'est clairement le i o^ mois^ F^e
groupe qui l'exprime se trouve , de plus , à Bisoutoun ,
où il se substitue au mois perse Anâmaka. Avant
môme de connaître le texte assyrien, nous avions
placé le mois Anâmaka au mois de décembre [Ins-
criptions des Achéniénides , p. 52), guidé seulement
par les exigences bistoiiques. Ce mois, correspon-
dant au 10*' mois babylonien, tomberait, selon l'un
des systèmes, au mois de juin-juillet; selon le nôtre,
en décembre-janvier. Les textes cités corroborent
cette opinion, car, au mois de juillet, il n'y a pas de
neige (saïga, ii:^^ , bébreu :hv) dans les montagnes
de l'Elymaïs et de la Susiane.
C'est ainsi que beaucoup de nos idées déjà an-
ciennes ont été confirmées, quoique d'aulres aient
été résolues contrairement à nos opinions, quel-
quefois cependant dans un sens purement négatif,
et sans mettre quelque chose à la place de ce qu'on
doit éliminer. Nous ignorons ainsi encore la pro-
nonciation du mot «cbar» que, »^ la I. 2/1, nous
avons dubitativement prononcé rukub. Jusqu'ici
cette prononciation nous paraissait probable; mais
dans des passages comme celui-ci , où l'idée de tremblement de terre
ne paraît pas être admissible. Il faudrait lire alors . . . yusaznin zun-
nésa; zunni au salgu, etc. Nous exprimons par ê le signe du pluriel.
^ Depuis que nous avons ëcrit ces lignes nous avons vu une liste
des mois signalée par M. Rawlinson, et dont le premier nom est Ni-
s'annu, le dernier Addaru. Nous reviendrons sur ce document d'une
grande importance.
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 325
un passage de Sardanapale VI, [ff'. AI. pi. 7, E.
j. d) s'y oppose. Nous voyons que le «char du roi»
est qualifié de rvkab^ sarruiiya , )) le véhicule de ma
royauté, 1^ et celte même locution est employée ail-
leurs, comme épithète à d'autres idées analogues.
Le char ne se dit donc pas rakub. Serait-ce zamam?
[Inscr. de Londres , pi. II , 2 2 . )
Nous avons laissé en dehors de nos explications
les noms géographiques. Ce sujet extrêmement
riche nécessitera des études spéciales, qui seront
d'une très-grande hnportance pour l'antiquité asia-
tique. Quelquefois nous aurons des rectifications
à faire aux lectures proposées; nous signalons celle
du pays Gullala, qu'une inscription nouvelle de
Téglathphalasar IV nous enjoint de lire Pillatu. On
sait que le premier signe du mot comporte les deux
lectures; le texte cité écrit le peuple Pi il-la-tu.
Une grande quantité de noms est déjà identifiée
à l'heure qu'il est, et peut nous guider pour recons-
tituer la carte de l'Asie au viif siècle av. J. C. Parmi
les assimilations fausses se trouve, nous croyons,
celle de la ville de Pappa qui semble n'être pas
Paphos de Chypre, mais la ville de Pappa en Pi-
sidie, à moins qu'on ne la croie déjà trop éloignée.
Le pays de Tanna (1. 29), Tana et Tuana est, selon
nous, Tyane en Cappadoce, la ville natale du cé-
lèbre thaumaturge. La ville de Milid est celle qui
' Par vin oubli inexplicable, le catalogue de V Expédition en Mé-
sopotamie ne mentionne pas au n° 34 la valeur hup , qui pourtant
est bien sûre.
326 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
a donné le nom à la Mëlitèno, en effet voisine de la
Commagène, définitivement identique au Kummukh
des inscriptions.
Nous réservons ces remarques, comme d'autres,
à nos travaux ultérieurs, et nous nous permettrons
ici quelques observations ayant trait à la mythologie.
Ligne i 69. Istarclt « les déesses, «est exprimé tout
simplement par l'idéogramme ^W 1<« dans la
pierre d'Aberdeen. (JV. A. L pi. XLTX, I. 6.) La
prononciation de ►►-! / W est Istar; cela résulte de
beaucoup de passages. Quant aux déesses Istar de
Ninive et Istar d'Arbèles, qui se montrent si sou-
vent dans les textes des derniers Sargonides, nous
apprenons par les inscriptions bilingues que la pre-
mière s'appelait Assat, et la seconde ArhaïL Ainsi nous
trouvons le nom : J^^ — ►►-! ^^ ^^àÛ ^""^'
Arbaïl-asirat , nn^K-bxyniN*.
<i Arbel favet , »
ce que la légende araméenne transcrit par nD'73")N.
Paka-ana-A rbaïl.
« Fide Arbelae. » bNV?1î^"î^?'^P?-
La déesse s'écrit ►►-T ^f — ►►"Tî ^^ ville, tou-
jours avec le déterminatif de ville, ►-fzzJT ^f —
Le nom de la déesse Arbel se trouve, selon nous,
^ Sir Henry Rawlinson s'est constamment mépris sur ce fait;
il n'a pas su lire le nom Arhaîl-asirat, c[uï\ a lu Arbaïl-hirat (!) , ce qui
ne donne aucun sens. Nous regrettons que notre cminent collabora-
teur n'ait pas encore soumis à un examen rigoureux les principes fon-
damentaux de la lecture, sans lesquels aucune interprétation n'est
possible. Il ne suffit pas de remplacer, pour le besoin spécial d'un
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 327
dans le fameux vers d'Osée (x, iZi) : "D^n pbv ^î^'D
bxnnN , où bxn'iKTi^s indique le temple de la déesse
Arbel.
Ligne 187, Asar abu ildni. Assonr, le père des
dieux, s'écrit, comme on sait, ►►-T ^, ce que, il y
a longtemps, nous avons traduit par «le dieu bon. »
Mais ce que nous avons déjà indiqué dubitative-
ment (E. M. t. II, p. 336, note 2) s'est confirmé; le
nom d'Assour ne signifiait pas autre chose. La lettre
^, abréviation de l'allophone higa «bon,» s'ex-
prime, en assyrien, par les racines sémiliques ma
et ivti ( n::^"'). Le premier mot des Psaumes , n'JX , pro-
vient de la même racine que le nom de la divinité
suprême de l'Assyrie. Ainsi l'idéogramme tziTTTT
^ t^^ TT, qui termine le nom de Téglathphala-
sar, se compose du signe « demeure, » du signe « bon »
[asar], et du complément phonétique ra; il se pro-
nonce asar, ou asri au génitif. Cette idée a écarté
notre ancienne transcription de ce groupe par nno.
Aussi quand M. Rawlinson propose, pour les be-
soins de sa cause, la valeur secondaire de zi ou tlii à
^, il est dans l'erreur. Il aurait dû abandonner,
avec les progrès de l'assyriologie, cette fausse idée
de la polyphonie multiforme, qui ne résulte que
d'une méconnaissance complète^ du caractère idéo-
graphique de l'écriture anarienne.
passage ou d'un nom , les valeurs principales par des soi-disant valeurs
secondaires, qui, la plupart du temps, n'existent même pas.
' Ces principes, déjà établis et développés dans le second vo-
lume de V Expédition de Mésopotamie , seront mis en lumière par des
exemples dans le Syllabaire de M. Menant.
328 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Le '^^*^?, asar, est donc une partie du ciel; nous
y avons vu le zodiaque, ce qui peut être vrai [E. M.
t. II, p. 336). Dans l'inscription de Sargon, publiée
par nous, le ^ — TTTT ^» — ^ ~TT est distingué du
^yyyy »%z=yytrfiz lt=^~ (voir p. 33/1). Ce terme
se traduit sûrement par domus verticis. Nous avons
voulu entendre la partie du ciel qui se trouve suc-
cessivement au zénith de la Mésopotamie, et les
étoiles qui se trouvent dans la bande formée entre
le 36' et le 30" degré de déclinaison boréale. Mais si
ce dernier idéogramme cité signifie l'endroit vertical,
le zénith , il se pourrait que asar désignât justement
le contraire , le nadir, la partie du ciel qui est ca-
chée aux regards des Chaldéens, et qui correspond
au segment compris entre le pôle antarctique et le
60* degré de déclinaison australe. Et si Ton n'admet
pas que les Chaldéens aient supposé la forme sphé-
rique du firmament, on pourrait y voir toute la
partie du ciel qui se lève et qui se couche en Méso-
potamie, c'est-à-dire la zone comprise entre le 60' de-
gré de déclinaison boréale et le 60^ degré de décli-
naison australe.
Dans les deux cas, asar pourrait se comparer à ce
que nous nommons « le monde inférieur. «
Quant aux interprétations que nous avons données
du nom de Salmanassar, et à d'autres de cette classe :
«Salman (est le) zodiaque », nous les avons abandon-
nées depuis longtemps. Le dernier élément , asir iVi<,
est le participe au masculin de "ic; « être propice , être
bon.» et correspond au féniinin asirat, mÇ^N , que
GRANDE INSCRIPTION DE KHORSABAD. 329
nous trouvons dans le nom d'Arbaïl-asirat, Ainsi les
noms de Nergal-asir, Nabâ-asir, Marduk-asir, s'expli-
quent très-rationnellement.
Nous n'aurions rien à ajouter au sujet des autres
dieux, pour lesquels les inscriptions araméennes ne
nous fournissent pas les renseignements que, dans
un article de VAthenœum, Sir Henry Rawlinson nous
avait promis. La transcription en caractères sémi-
tiques aurait été de la plus haute importance à
l'endroit des dieux Ninip-Sandan , Hou , Salman; car
quelque soiitenables que nous paraissent les pro-
nonciations que nous avons adoptées, nous aurions
été heureux de les voir corroborées par des preuves
plus irréfragables encore que ne le peuvent être
les raisons très-plausibles que nous avons jusqu'ici
fait connaître.
La seule addition que nous puissions faire ici, c'est
que nous croyons avoir trouvé la véritable forme
originaire du dieu SIn , qui entre dans le nom de Sen-
nachérib. Il se prononce 5m, ainsi que l'attestent la
glose d'Hésychius^ les écrits des Sabéens et la trans-
cription syriaque ; mais nous trouvons une fois le
dieu «Sinur aw dans les tablettes mythologiques, et
nous ne doutons pas que nous n'ayons ici la forme
phonétique du nom. Sin, le dieu de la lune, n'est
autre que le dieu^ qui change et se renouvelle; il
' 2tv Tijv (TeXrivr^v Ba^vXclivtoi, comme nous lisons, au lieu de
T^iv (Te(ivYiv, qui ne donne pas de sens.
^ Le signe \\\ «trente, » qui forme l'idéogramme du dieu Sin
►►— T<^<< (aussi ►►—! ^^^Hrdeus mensis), est rendu par si in
330 OCTOBRE NOVEMBRE 1865.
provient de la racine nii:;, qui, dans toules les
langues sémitiques, l'assyrien compris, a donné nais-
sance aux idées, de «nouveau, changement, deux,
année. »
Ce nom, en apparence si étrange, rentre dès lors
complètement dans le domaine de la philologie sé-
mitique.
Quant à Assour, nous lui avons définitivement
restitué sa signification de diea bon. Le mol, ainsi
que l'idée, est sémitique; mais les autres nations
de Sem semblent ne pas l'avoir connu. La diversité
d'origine des Assyriens et des peuples qui ado-
rent le bon principe est prouvée; mais il serait té-
méraire de vouloir nier les rapporls q^ii ont relié,
dès l'antiquité la plus reculée, les deux nations de
l'Assyrie et de l'Iran, appartenant pourtant à des ra-
meaux linguistiques distincts. Et comme, sur le do-
maine spécial des langues indo-européennes, l'in-
fluence des autres branches d'idiomes commence à
être de plus en plus reconnue, ainsi cette simple
remarque, déterminée strictement par les considé-
rations de la philologie sémitique, peut avoir, pour
l'histoire de la civilisation priniordiale du genre hu-
main , une importance plus grande que l'on ne sau-
rait dès à présent supposer.
{ W. A. I. coi. XXI, i. 70); mais il est employé souvent pour exprimer
le suffixe de la 3* pers. au pluriel du féminin sin. Du reste, le satel-
lite même de notre planète est exprimé par ce groupe divin ; mémo
pour indiquer ime éclipse de lune, on écrit éclipse de Sin.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 331
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN,
PUBLIÉ
ET TRADUIT POUR LA PREMIÈRE FOIS,
PAR M. T. DEVÉRIA.
m.
DATE DU PROCÈS.
Avant de récapituler les faits pour exaaiiner en
quoi pouvait consister, au fond , le délit des accusés,
il importe de fixer autant que possible la date et le
lieu où ces faits se passèrent.
Le manuscrit de Turin portait certainement, en
tête de la première colonne, la date du règne et le
protocole royal du pharaon qui prend lui-même la
parole dans le texte \ pour nommer la commission
judiciaire, exhorter les magistrats à la sévérité, et
enfin prononcer, de sa propre bouche, certains
arrêts. Mais il ne nous reste de cette formule initiale
que les signes hiératiques que je transcris en hiéro-
glyphes : 7-i vfii ^iy(J-àn, «souverain d'On , ou
«d'Héliopolis (?). )) Ils se trouvent, comme on le
sait, dans les cartouches de plusieurs rois. Ce titre
' Ainsi que l'indique, en plusieurs endroits, l'emploi du pronom
de majesté de la première personne.
332 OCTOBRE-NOVEMBRE 18C5.
se rencontre pour la première fois, d'nne manière
constante et officielle, dans le nom de Piamessès Ifl,
f JillP^^-^j J /id-me5-5a-/ij9-a/i, uRamessès, souve-
« rain d'On. »
Le papyrus Lee n° i , à l'occasion du coupable
Pen-houi-ban, qui est aussi mentionné dans le ma-
nuscrit de Turin (v. 2 ), nous apprend que ce per-
sonnage se procura « un des écrits de formules
'((magiques) de Râ-âser-màâ-mer-A'mon , vie! santé!
((force! le dieu grand, son seigneur, vie! santé!
((force!)) Or, c'est précisément le prénom de Ra-
messès III, (O j^^^^ , et quand bien même
l'exclamation (( vie! santé! force! » deux fois répétée,
n'indiquerait pas suffisamment que c'est du souve-
rain régnant qu'il est question, les mots ^ V"! J
2|^"^\k II^J pà nuter âà pàï-w neh, (de dieu
((grand, son seigneur,» ne pourraient laisser sub-
sister aucun doute à cet égard. De plus, les noms
propres Séti-m-per-Amon et Séti-m-per-Thot-ti , qui
rappellent ceux des rois Séti de la XIX^ dynastie,
n'ont pu être donnés qu'à des hommes nés sous le
règne d'un de ces pharaons, et conséquemment
notre papyrus date de cette génération. Enfin, le
style paléographique de ces manuscrits et la plu-
part des autres noms propres que contient en parti-
culier celui de Turin, s'accordent parfaitement avec
fépoque du commencement de la XX* dynastie.
Il est donc bien évident que c'est sous le règne de
Ramessès III que notre papyrus a été écrit.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 333
Nous n'avons malheureusement aucune indica-
tion de l'année du règne , à moins qu'on n'admette la
possibilité de reconnaître le Ramessès III des mo-
numents dans le Séthos ou Ramessès de Flavius
Josèpbe, et de rattacher notre procès aux faits que
cet historien, d'après Manéthon \ attribue à son
règne; il deviendrait évident, alors, qu'il aurait eu
lieu immédiatement après son retour des campa-
gnes d'Asie. C'est une question qui sera examinée
plus loin. Le seul point acquis avec certitude, rela-
tivement à la date de notre document, est qu'elle
se place dans le règne de Ramessès III, premier
pharaon de la XX^ dynastie.
IV.
LE HAREM DE RAME.SSÈS III.
Passons maintenant k l'examen de l'endroit où le
texte de notre manuscrit indique que les délits fu-
rent principalement commis. Ce lieu, que j'appelle
harem, répond au mot composé qui se présente dans
le texte hiératique sous les formes suivantes :
i'Morme(iv,2) J fl"^ 1 H
informe (iv, 3,5, ^) - ^[]=^\\]
3-^--Mv,3) nïl^m
La première partie de ce groupe se transcrit sans
' Josèphe, Contre Apion , cap. xv.
334 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
difficulté, en hiéroglyphes, de la manière suivante :
mi^m ou uu\mc:i. On y reconnaît : i° l'idéo-
gramme p_-.i per^ «demeure,)) 2** le nez ^, qui a
pkis hahituellement la forme a, souvent confondue
avec ]a tête de veau ^, et 3° une seconde fois le
signe jr3 « demeure, )i qui est ici l'un des détermi-
nalifs du groupe entier. La fin du mot se compose
d'autres déterminatifs, que j'ai d'abord été tenté de
transcrire par les caractères | J' | , ainsi que l'a fait
M, Chabas, pour la seconde forme, dans son inter-
prétation du papyrus Lee n° i ^ Mais j'ai acquis la
certitude, par la comparaison de plusieurs autres
mots qui devraient être déterminés par les mêmes
signes, et, par exemple ^\L,M\fn (^v, i, 2,
4, etc.), qu'il fallait chercher un autre déchiffre-
ment, car ces mots sont accompagnés de formes
hiératiques toujours différentes. En examinant d'au-
tres groupes, j'ai reconnu : 1° que la ligature de la
deuxième forme de notre mot était employée plu-
sieurs fois, et, par erreur sans doute, à la place des
signes hiéroglyphiques jt, dans le mot bien connu
^^ *^ j^ rel'-u a hommes » (iv, 2 ; v, 3 ) , où il ne dif-
fère de la forme régulière que par l'adjonction d'un
point qui sert ordinairement à distinguer la forme
hiératique du signe de la femme J de celui de
l'homme "^ ; et ce point est constant dans toutes
* Ligne 4. Le Pap. macj. llarris, p. 170, note 5. M. Chabas, qui
n'avait pas à sa disposition les mêmes documents que nous, a tra-
duit une variante du groupe entier par le mot «onicine; » mais on
va voir que celte interprétalion doit être abandonnée.
LL PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 335
les formes de notre groupe; 2° que la troisième
forme, plus irrégulièrement abrelgée, est employée
dans le groupe senû (iv, 2), où il faut reconnaître le
même mot qu'à la colonne v, ligne 3 , c'est-à-dire
I \^%1 snû-i, au lieu de I J seni «sœur,»
forme plus usitée, bien qu'elle ne soit pas régulière.
II résulte de là que la dernière forme de notre liga-
ture doit être transcrite par les signes ^ J, et que
les autres paraissent répondre à ceux-ci û , ce qui
nous donne , pour l'expression complète, les groupes
t^'c^^i"?! -^ r^nic^ri^ J, ou, pour nous con-
former aux règles de la carrure hiéroglyphique :
I nii. ^^ I c-3^ 4'
M. E. de Rougé, qui a connu avant moi le texte
du papyrus judiciaire de Turin, a bien voulu me
commimiquer quelques-unes de ses observations
sur ce précieux manuscrit; il avait remarqué que
ce lieu était habité par des femmes, ainsi que le
prouve la mention fréquente de ses habitantes :
et il supposait que c'était l'habitation particulière
d'un ordre ou d'une classe de femmes dont la supé-
rieure était désignée par le groupe ^ t^ ( Louvre,
E. 3/i65), ou mieux ^-^ J| (Champoll. Notices,
p. 523, etc.). Nous verrons tout à l'heure que cette
conjecture s'est confirmée. Mais il est nécessaire
d'établir une distinction importante, c'est que cette
expression ^^;^, ordinairement suivie du nom
d'Ammon ou de celui d'un autre dieu, dans les
330 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865
inscriptions, s'applique à un ordre religieux, tandis
que rien d'analogue ne semble ressortir du texte
de notre papyrus. On verra, tout au contraire, que
ce lieu devait faire partie du palais pharaonique,
et que les femmes qui l'habitaient devaient appar-
tenir à la maison royale. Néanmoins, le mot est le
même, et M. de Rougé avait été amené à le sup-
poser par la permutation fréquente du nez m et du
signe i — ou T, abusivement employé aux basses
époques pour la consonne m.
Le titre sacerdotal que je viens de citer a pour
variante ^^ # ^Jiii (Musée de Lyon, stèle 88,
2^ reg. 1. 4), qui nous donne la lecture du groupe
entier ûer-x'ent-u. Or la valeur x'en ou x'ena*, bien
connue pour le signe % ou T , est également ad-
mise aujourd'hui pour le nez a, et elle s'accorde
parfaitement avec une autre variante ^ z= ^ ï
Ta, <-*itée par M. de Rougé dans son cours au Col-
lège de France. Ces diverses formes, et particuliè-
rement la dernière, peuvent être comparées aux
mots x'en «intérieur,» x'enû «sanctuaire, boîte,
«colfre» (Chabas, Le pap. mag. gloss. n°* 7/18 et
7/19) et x'ena' «prison?» (Pap. Abbott, v, 17; vi,
10). Le sens primitif de l'expression semble donc
être celui de la réclusion : les recluses ou les cloî-
trées. Et il est à noter que le signe du nez s'applique
souvent comme déterminatif à l'idée de l'empri-
sonnement.
On sait que l'hiéroglyphe du nez ^ et ^ (ar-
chaïque), M (bonnes époques), ^ (bas temps),
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 337
détermine ordinairement le mot "iz:^^ wend (Chab.
Gloss. 2 7 2 ) , ou A^v^ ivent'î (T. li 'i , 8) , qui signifie
certainement u narines, nez; » ce mot n'a pas laissé de
trace en copte, mais on peut le rapprocher de l'hé-
breu n:D faciès , valtas. Comme des variantes bien
constatées prouvent que le signe M isolé pouvait
être pris pour l'expression idéographique de ce mot
ivencl ou wenti «nez,» on en avait conclu que ce
caractère, employé comme signe phonétique, de-
vait avoir la même valeur, c'est-à-dire celle de ivend
ou wentï, et sa fréquente permutation avec flffl
ou rfilfj faisait nécessairement attribuer cette même
valeur à ce dernier caractère. Mais si le signe M « nez »
a été employé pour l'expression idéographique du
mot wend ou wentï «nez,» rien ne prouve qu'em-
ployé comme caractère purement phonétique, il ait
eu la valeur de ce mot, et, conséquemment, que
cette valeur puisse être attribuée au signe (1 f ri- Au
contraire, la constance de l'expression phonétique
tvend, wendï ou wentï dans le nom du troisième pa-
rèdre, auquel le nez M sert de déterminatif (Todl.
125, i6), semble établir que sa valeur phonétique
était différente, car, sans cela, on trouverait ce
nom écrit quelquefois par le signe nez A, sans autre
expression phonétique, et même par le signe fifr|
son homophone évident. Or, cette dernière variante
ne s'est rencontrée qu'une seule fois dans les exem-
ples recueillis par M. E. de Rougé, et il est permis
VI. 23
338 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
d'y supposer une faute ou une confusion du scribe
égyptien. D'un autre côté, les transcriptions démo-
tiques donnent constamment x'en, x'ent et x'eniï,
pour les signes m et fif ri ; de pJus, les listes grec-
ques des décans, publiées par MM. Lepsius et
Brugsch, s'accordent à Jes transcrire x^v^, toutes
les fois qu'ils se présentent dans les noms hiérogly-
phiques. Ajoutons enfin que la valeur x'en, x'ent,
ou x'eiitï, s'accorde parfaitement avec le copte
aj5.2>.WT: nasas, naris, OJZ^mE nares , et l'on re-
connaîtra qu'il faut adopter cette valeur, en principe
x*en, plus tard x'en-t ou x'en-tï, pour les deux si-
gnes M et (flr). Ceci explique l'équation des trois
signes T, a et filr| , et cette équation une fois bien
établie, nous reconnaitrons facilement des variantes
du groupe que nous étudions dans les titres d'un
personnage nommé Amenmès sur le damier du
Louvre. On y lit en etïet qu'il était ^ « jl^ ^"
^, j^^ ilfffl^^ ^^^^" (^) P^^-^'^f^'ty (((musi-
ucien?) du harem. ^ » Le même radical figure aussi
dans ceux de quelques autres fonctionnaires, tels
que Ki'^iTriiJ i'^) ^^'^ ^ x'en-t (Sharpe, id.;
Louvre, vase Anastasi, n" 9/19), R j • sx*a
x'en-t «grammate du harem ou de la prison?»
(Sharpe, Eq. insc. I, 108, i3.) ï^n mur-x'en-t
«intendant du harem ou de la prison?» (Statuette
' Cf. Pap. judic. V, 9.
LE PAPYBUS JLlDfCIAIHE DE TURIN. 339
accroupie de Kertà, musée de Turin). Toutes les
formes certaines de l'expression étudiée : (hiérat.)
CTH^riJi (pap. de Turin), (hiérogl.) ruAm
(Louvre, stèle S, i li66), irDfiir|im et i — (Louvre,
échiquier d'Amen-mès), doivent donc se lire per-
x*en-t-a, ou simplement per-x'en, et si, dans ces
exemples, l'hiératique seul ajoute au dcternn'natif
«des lieux» celui de la femme et la marque collec-
tive, on trouve ces mêmes signes dans un texle hié-
roglyphique de l'époque ptolémaïque (Prisse, Mon.
pi. XXVI, 1. 1 2), où les deux déterminatifs sont em-
ployés simultanément : I Ik^vkA'^A ) ' 'lH
aâ un- n-a' x'enû-t nower nower nower, u était à moi
(( un excellent harem (quand j'accomplis l'âge de
« quarante- trois ans, Euais aucun enfant maie ne
«[m'j était né).» M. Birch a traduit un peu dilïé-
remment ce passage ( On iwo egyptian tahlets of the
Ptolemalc per'iod, p. 6 et 17). La lecture du mot
étant bien constatée maintenant, on reconnaîtra
facilement qu'il exprime la « demeure [per) des re-
<( cluses [x'en-t-u),)) et l'ensemble du texte indique
suffisamment que le lieu d'habitation des pallacides
ou concubines royales était ainsi appelé, quoique
ces pallacides soient désignées par une autre expres-
sion sur la stèle historique du roi Piankhi, décou-
verte, au mont Barkal , par M. Mariette, et analysée
par M. le vicomte E. do Rougé, dans la Reime ar-
chéologique ^
' Livraison de juin iS63. Je reviendrai plus loin sur la {orme
liiéroglypliiqne de cette dernière expression.
340 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Les prêtresses de l'ordre sacerdotal, dont nous
avons parlé plus haut, s'intitulaient aussi « pallaci-
(( des » de tel ou tel dieu , ordinairement d'Ainmon.
Ce titre exprimait leur entière dévotion, et l'on
pourrait également le rendre par a esclave >> de telle
ou telle divinité; il n'avait rien que de très-hono-
rable, tandis que la rareté de la mention des palla-
cides royales ou de celles des simples particuliers
semble indiquer qu'il n'en était pas de même pour
ces dernières.
Un très-ancien bas-relief' nous montre cependant
que le terme x'en-t^ s'appliquait aussi aux esclaves
des simples parliculiers , comme dans le passage
que je viens de citer de la stèle traduite par
M. Birch ; on y voit quatre jeunes femmes vêtues
d'une courte chenti et le corps ceint de bandelettes,
dansant devant deux chanteuses (Ji'es-t) qui battent
la mesure; auprès de chacune délies est inscrite
cette légende hiéroglyphique : a^^a^ ^ x'en-t n
a'm-t «palhuide de la tente, ou du campement,»
ou bien « du harem, » si l'on doit rapprocher ce mot
a'm-t de l'expression |V VJ "'«^ «favorite» (de
Rougé, cours, i863). Ces femmes appartenaient au
personnage principal représenté dans le bas-relief,
au même titre probablement que les esclaves du
' Lepsius , Denkmàler, II, i o i , B.
Le même radical était également employé dans le Rituel fané-
V"
rairc, chap. cxLViii (Louvre, pap. 8074 ), dans le groupe T ^•^
m
Mil
qui désigne les «sept femelles du taureau sacn
I I I
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 341
harem musulman, el, comme ces dernières, elles
pouvaient avoir la musique et la danse pour diver-
tissements et pom' talents particuliers.
Cette polygamie peut être illégale; mais, con-
sacrée par l'usage dans l'organisation sociale de l'an-
cienne Egypte \ elle est prouvée, pour les pharaons,
parlepassage déjà cité de Manéthon [Josèphe, Contre
Apion, cap. i5), et par les listes des nombreux en-
fants royaux, qui, pour Ramessès 11 en particulier,
s'élevaient à i i i fils et 69 filles ; elle est expliquée
pour les simples particuliers par Diodore de Sicile,
qui s'exprime en ces termes (I, 80) : «Chez les
((Egyptiens, les prêtres n'épousent qu'une seule
« femme, mais les autres citoyens peuvent en choisir
«autant qu'ils veulent. Les parents sont obligés de
«nourrir tous leurs enfants, afin d'augmenter la
«population, qui est regardée comme contribuant
« le plus à la prospérité de l'Etat. Aucun enfant n'est
«réputé illégitime, lors môme qu'il est né d'une
u mère esclave; car, selon la croyance commune,
« le père est l'auteur unique de la naissance de fen-
«fant, auquel la mère n'a fourni que la nourriture
« et la demeure. » (Traduction de M. Ferd. Hoefer.)
' On en trouve un curieux exemple sous la XII* dynastie : un
grand personnage nommé X'etï (ou X'eretï) était le « chef, décoré de
« l'abeille (?), favori unique, surveillant des hommes et des femmes,
<■ le [pourvoyeur?) du lit nuptial (ou du harem?). » Ce dernier titre est
exprimé par deux caractères figuratifs dont je ne connais pas d'au-
tres exemples. Dans une autre légende, peut-être funéraire, mais
relative au même individu , il est question de « millions de femmes. »
;Lepsius, Dcnkmàler, II, i43.
342 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865,
Cest oncore ce qui a lieu de nos jours en Egypte
et chez la plupart des peuples musulmans.
On a vu par ce qui précède, d'une part, que
ces esclaves dont parle Diodore, de même que les
pallacides royales, étaient désignées par le terme
x'en-t, et, d'autre part, que le lieu qu'elles habi-
taient, c'est-à-dire le gynécée ou harem, s'appelait
per-x'en-t-u «demeure des x'en-t-u ou pallacides,))
ainsi que l'indique dans notre manuscrit, et comme
nous l'avons déjà fait observer, la mention fréquente
de ses habitantes : <! les femmes du harem » (iv, 2 ,
3, 5, 6; V, 7, 8, 9, 10; VI, 1).
Ces femmes y étaient probablement enfermées,
mais elles recevaient la visite de leurs mères et de
leurs sœurs, qui habitaient au dehors (iv, 2).
Les papyrus Lee et Rollin nous montrent que les
abords de ce lieu n'étaient pas plus faciles que ceux du
sérail d'un souverain musulman, puisque quelques
accusés, parmi lesquels on remarque un grand per-
sojinage, «un intendant des troupeaux \)) crurent
avoir besoin d'opérations magiques pour tenter d'y
pénétrer et pour y étabhr une correspondance.
Dans ce lieu, cependant, un certain nombre de
fonctionnaires avaient des offices à remplir, et nous
y voyons, en première ligne, un intendant du gy-
nécée royal au harem (iv, 4), et deux scribes du
gynécée royal au harem (iv, 5; v, 10), tous trois
en fonctions. Mais je dois dire ici que la lecture du
' Voyez, sur l'imjiorlaiice hiérarciiique de ce titre, Chabas, Mé-
linijes, vol, I. Arrestation d'esclaves.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 343
groupe hiératique qui est déterminé par les mêmes
signes que le mot per-xen-t-a «harem » (iv, li\ iv, 5)
et que je traduis ((gynécée,» me laisse quelques
doutes. Je crois cependant reconnaître une variante
du premier do ces titres (iv, A) sur une sièle du
sérapéum. (musée du Louvre, /i 2 i , 1 1 . S. 1/166),
où je lis : ^n X '^ mm'l^ mur a'p sût\en]-
a n per-x'en-t m Men-nowre, « l'intendant des palla-
« cides royales (ou du gynécée royal) du harem à
(( Memphis. » Ce même titre est souvent abrégé sous
les formes l^\ et fg\ comme par exemple
dans les inscriptions de la stèle E. 333y, au musée
du Louvre ^ Je n'hésite pas à reconnaître dans ces
titres le groupe IlAm sii[ten] a'p-t-u , qui désigne
les pallacidcs du roi Piankhi, dans Ténumération
des femmes de son palais : 1 J i lA m i ^^
M X I y M. E. de Roueé a très-exactement rendu
ce passage par ces mots : «les reines, les favorites ,
« les filles et les sœurs du roi ^. » Mais il est possible
' On trouve également trois fois, dans la grande inscription de
la Vr dynastie, conservée à Boulaq, le groupe 1 /Zl [7^ qiii peut
avoir un sens analogue. Mais le signe a'p^ si toutefois il a cette va-
levir, est d'une forme plus analogue à celle du signe ^ et arrondie
par le haut.
2 Inscription historique du roi Piankhi, Extrait de la Revue archéo-
loijicfue, p. 6.
Trompé par une mauvaise copie, j'ai tiré une conclusion inexacte
du passage qui nous occupe , dans mon travail sur Quelques person-
344 OGTOBRE-NOVEMBRli 1865.
que ies caraclères ^ et /^ aient eu deux valeurs
clifTérentes; s'il en était ainsi, le premier seulement
répondrait au groupe hiératique de notre papyrus
et la lecture a'p n appartiendrait qu'au second. Quoi
qu'il en soit, ii est certain que les trois personnages
nommés dans le manuscrit de Turin étaient des
fonctionnaires royaux attachés au harem. Ce harem
était donc bien celui du roi, et le roi régnant était
Ramessès TU, ainsi que nous l'avons démontré plus
haut. C'est là ce qu'il importe de constater.
Nous trouvons encore en fonctions, dans ce lieu,
plusieurs officiers et employés dont les attributions
sont difficiles à déterminer; c'est premièrement un
^ « ^ ^ fi^nâ ou a'dnâ (v, 9).
Le personnage nommé Amen-mès, qui ejk>repré-
senté sur le damier du Louvre jouant seul à un jeu
analogue aux dames ou aux échecs, portait ce même
titre. Son costume indique un personnage impor-
tant : ii est coiffé d'une longue perruque, vêtu d'une
ample tunique plissée, et des colliers ornent son
cou ; un homme , ayant la tête rasée , se tient debout
devant lui et lui présente à boire. Sa légende se lit :
^,V^r.r|}t|r. ou ^ '^^Pfh
[I i^ X^L «le denû du harem Amen-mès,
«de Memphis. » Dans une autre légende, il est qua-
lifié : jMt^"]! "g«and chanteur du dieu bon,»
c est-à-dire {( du roi.» Etait-ce le a musicien, l'odiste
nages d'une famille pharaonique de la XXII' dynastie, extrait de la
Hevue archéologique , p. 9.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 345
« du harem? )) — Nous savons qu'il y avait des denâ
des soldats, qui pouvaient être les musiciens de
l'armée, car les troupes égyptiennes marchaient au
son de la musique.
Des employés inférieurs sont appelés '^VV*— '
redûû ou râdâ. Le manuscrit en mentionne six , tous
en service dans le harem (iv, 6-1 i ; cf. pap. Lee,
n" 1). Ces personnages avaient un rang inférieur
aux scribes, ainsi que semblent le démontrer cer-
tains textes où ils sont nommés après eux et après
d'autres fonctionnaires pins importants (Lepsius,
Denkmàler, III, 21 9, e, 1 6; Grand pap. hist. Harris,
Mus. brit. pi. K.). C'étaient peut-être même de sim-
ples serviteurs.
Nous voyons encore dans l'habitation des femmes
plusieurs :i^\ ^ âbû^ « otïiciers(?), » qui les ap-
prochent d'assez près pour entendre leurs paroles
(v, 8) et même pour s'entretenir avec elles (iv, 3).
Cela pourrait laisser supposer que ce sont des eu-
nuques, ou plutôt ce que la Bible appelle les saris
du pharaon, mais rien n'en donne la certitude;
d'autres passages du manuscrit (iv, 3-i 2-1 4-i 5) mon-
trent seulement qu'ils étaient en rapport avec le
grand de maison ou majordome. Quoi qu'il en soit,
ils figurent dans notre procès parmi les juges et
^ CeUe lecture est très-douteuse , mais je l'adopte provisoirement ,
faute de mieux; elle n'est donnée que par une seule variante qui
m'a été signalée par M. J. de Horrack : rj: \\ *^ j^ (hiérat.)
pap. Sallier III, 8/9 = f Ji \p (Brugsch , Recueil, I . pi. XXXI ,
col. 34).
346 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
parmi les accusés; dans d'autres textes, ils sont ap-
pelés les âbû (?) royaux, ou les âbû du pharaon;
ils paraissent parfois chargés de missions impor-
tantes ^
Il y avait aussi des agentes, auxquelles certaines
surveillances étaient confiées (pap. Lee, i, 5), et des
femmes qui occupaient d'autres fonctions, parmi les-
quelles était au moins une Ethiopienne (v, 3).
Enfin, la porte de ce lieu était gardée par des
hommes ^, qui semblent y avoir été logés avec leur
famille, car leurs femmes sont mentionnées (v, i).
Une dernière remarque à faire, c'est que rien
n'indique que le grand de maison ou majordome
ait été attaché au harem; ce personnage, fonction-
naire du palais (iv, 2), n'y fut peut-être introduit
que par les manœuvres de l'intendant des troupeaux
Pen-houï-ban , qui n'y entra pas lui-même.
L'importance du personnel attaché à ce lieu, et
la difficulté (|ui paraît avoir existé pour y pénétrer,
montrent, comme je viens de le dire, que c'était
bien le harem du palais de Ramessès IIL
Or le palais qu'habitait ordinairement Rames-
sès lïl était celui qui subsiste aujourd'hui à Médinet-
Abou , presque entièrement construit et décoré par ce
pharaon ; l'avant-corps de cet admirable monument
contenait des appartements où nous voyons encore
le lieu qu'habitaient ses femmes. Les bas-reliefs
* Voyez note philologique n" 5.
^ La stèle du Louvre C 6 nous montre un ^ ^ —-. « por-
« lier du harem, ou peut-cire de la prison. »
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 347
nous y montrent ce roi dans l'intimité du harem :
tantôt il est assis, jouant aux échecs, avec une jeune
fille ime, qui se tient debout et lui fait sentir le
parfum d'une fleur ^; tantôt, dans la même occu-
pation , il passe affectueusement son bras gauche
autour du cou d'une autre esclave, ou bien il ca-
resse son menton et échange des fruits avec eWe.
D'autres encore lui présentent des fleurs et des
mets^. Cinq jeunes filles debout, portant des chasse-
mouches et d'autres objets, décorent aussi, au-des-
sous d'un vautour aux ailes éployées , l'intérieur d'une
sorte d'enfoncement semblable à une alcôve et ré-
servée dans l'une des parois de l'appartement. Dans
toutes ces sculptures, les femmes sont nues, et l'on
ne distingue, de l'ajustement du roi, que sa coiffure,
ses sandales^ et ses bracelets.
Là était indubitablement le harem, la demeure
des femmes, des paKacides royales, ainsi que les
appelait Manéthon , dans le passage conservé par
Flavius Josèphe, et que Ghampollion attribuait avec
raison , je crois , au règne de Ramessès III *; c'était, en
d'autres termes, l'habitation des x'en-t-ii «recluses»
et des a'p't-u «favorites (?) »> comme les appelle la
stèle du roi Piankhi. Là, en un mot, le pharaon
' Lepsius, Denkm. III, 208; Roseilini, Monumenti reali, pi. 228;
Lepsius, AiiswahlfTuL 23, d. elc.
^ Lepsius, ihid.
■' Sanddes dont la pointe relevée vient se rattacher sur le cou-
de-pied. Celte chaussure était de mode sous la XIX' et la XX' dy-
nastio.
* Voyez ChampoHiou-Figcac, V Egypte ancienne, p. 3'j5.
348 OCTOBRE-NOVEMBRE 18C5.
avait son harem, et il semble qu'il en poussa le
luxe plus loin qu'aucun autre souverain. Ses mœurs
voluptueuses prêtaient si bien à la critique de ses
contemporains, que, malgré le respect dont l'auto-
rité royale était entourée, des artistes satiriques de
l'antiquité n'hésitèrent pas à en charger spirituelle-
ment les traits caractéristiques. Dans ces caricatures ,
ils figurèrent le roi par un lion, ses femmes par un
troupeau de gazelles, ses enfants par un troupeau
d'oies, car l'oie 1^^ veut dire fils et fille dans les
hiéroglyphes; ses eunuques et le précepteur de ses
enfants par des chiens et des chats conducteurs de
ces troupeaux. On y remarque particulièrement la
partie d'échecs, que nous venons de mentionner,
et le lion s'approchant d'un lit sur lequel est couchée
une gazelle, scène qui ne demande pas plus ample
explication ^
Là probablement, enfin, eurent lieu les faits rap-
portés dans le papyrus judiciaire de Turin.
V.
MATIÈRE DU PROCES.
S 1 . DÉLIT PRINCIPAL.
Cherchons maintenant à nous éclairer sur le
fond de l'affaire, sur la nature des délits qui mo-
tivèrent la mise en accusation et le jugement des
' Lepsius, AasivaJd, Ta^. XXllI, C-D, cf. d., et le travail de
M. Champfleury sur ia Caricalure (Uns l'antiquité.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 349
coupables, sur le but et les résullats de leurs
crimes.
Comme je l'ai déjà dit , il est difficile de se for-
mer au premier abord une idée claire à cet égard,
par suite de la perte de la première colonne du
manuscrit, et aussi à cause de la répétition conti-
nuelle des formules qui viennent sans cesse em-
brouiller et noyer les faits. Je vais donc m'eflbrcer
de les dégager l'un après l'autre, et, pour procéder
méthodiquement, je les prendrai au fur et à me-
sure qu'ils se présentent dans le texte, sans en in-
tervertir Tordre.
Nous voyons par les restes de la dernière ligne
de la colonne i , et par la première de la colonne
2 , que dans les crimes en question étaient les exé-
crations de la terre ; cela rappelle la formule des pa-
pyrus Lee et RoUin dans laquelle il est dit, à propos
de ce qui constitue la culpabilité des accusés, que
c'est ce qn abominent tout dieu, et toute déesse^.
Plus loin (col. II, lig. 5) le roi adresse l'allocu-
tion suivante aux membres de la commission judi-
ciaire qu'il vient de nommer pour la saisir de l'af-
faire : « Les paroles que dirent ces hommes, — n'en ai-
' Voyez Pièces justificatives. Ce rapprochement semble établir
une différence de gravité entre les crimes produits par des moyens
naturels, exécrés de l'humanité entière, et les crimes produits par
des moyens surnaturels, comme ceux que mentionnent les pap. Lee
et RoHin, qui, bien plus grands, émeuvent les dieux eux-mêmes.
(Cf.Diodore de Sicile, i, 77 : «Le parjure était puni de mort comme
élant la réunion des deux plus grands crimes qu'on puisse com-
mettre, l'un contre les dieux, l'autre contre les hommes. »)
I
350 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
je pas connaissance? — Allez! — Jugez-les — Qu'ils
avancent , qu'ils les jugent, et que ceux qui donnent
la mort de leur main donnent la mort à leurs mem-
bres. — N'en ai-je pas connaissance? — Faites exécu-
ter le châtiment [de mort?] et les autres (aussi). —
N'en ai-je pas connaissance actuellement? — Or, ils
avancent! [Jugez-les suivant ce que vous] dicte
notre cœur; soyez vigilants à faire exécuter le châ-
timent, etc.
De ce passage il résulte que la mise en accusa-
tion des coupables est motivée sur certaines paroles
connues du roi; mais ces paroles sont-elles des
dénonciations, ou constituent- elles à elles seules
les délits des accusés? — C'est ce qu'expliquera la
suite de notre travail. Nous pouvons cependant ob-
server dès à présent qu'aucun crime n'étant men-
tionné dans ces lignes, il est supposable que ces
paroles ont pu être prononcées par les accusés eux-
mêmes, et constituer au moins une partie de leur
culpabilité.
S 2. PAPYBVS LEE ET ROLLIN.
Avant d'aller plus loin, il importe d'examiner
ce que nous apprennent les papyrus Lee et Rol-
lin ^ puisqu'on y trouve les noms et titres de deux
des principaux accusés du papyrus de Turin. Ces
précieux manuscrits nous présentent en eHét les
restes d'un autre procès relatif à des personnages
' Voyez Appendice el pièces juslifiroiivpK.
LE PAPYRUS JUDICrAIHE DE TURIN. 351
qui ne sont pas jugés dans le papyrus de Turin,
mais qui furent compromis dans la même atfaire.
Nous trouvons d'abord dans le papyrus Lee n° i ,
contenant le jugement d'un individu dont le nom
a disparu, qu'un grand personnage appelé Pen-
houï-ban\ qui était probablement nommé à la
r^ colonne du manuscrit de Turin (1. 4-5), comme
à la colonne v (1. 2), avec l'épithèle de grand cri-
minel, ce qui n'a lieu pour aucun des autres noms
cités dans le texte courant, est accusé : 1° d'avoir de-
mandé et obtenu des écrits magiques^ appartenant
au roi Ramessès III, son maîtie; 2° d'avoir fait usage
de la puissance suprême qu'ils communiquaient à leur
possesseur pour atteindre, en fascinant les gens de
service, un lieu grand et profond (un souterrain),
à la proximité du harem (royal); 3° d'avoir fait^
des figures (magiques) de cire et des écrits de sou-
haits (ou talismans) qu'il fit emporter à l'intérieur
(du harem) par l'employé Atïrmâ, pour éloigner
Tune des servantes , et pour agir magiquement sur
les autres; /i° d'avoir porté certaines paroles à l'inté-
rieur (du harem) et d'en avoir retourné d'autres
(au dehors).
' Il était « intendant des troupeaux» titre Irès-iiuportant dans la
hiérarchie administrative de l'ancienne Egypte, comme je l'ai déjà
fait remarquer.
^ La destruction du commencement du papyrus ne permet pas de
savoir à qui il s'adressa pour les obtenir; mais il est supposable que
c'est au personnage (jui était préposé à leur garde dans la bibliothè-
que du roi, et que c'est à ce même individu que se rapporte le ju-
gement.
' Sans doute au moyen de ces mêmes écrits magiques.
352 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Ce personnage j)arvint donc par des moyens par-
ticuliers, supposés surnaturels, à s'approcher du
liarem royal et au moins à y faire passer certaines
paroles, si ce n'est à y pénétrer lui-même. Voici
bien les paroles prononcées par les coupables et
auxquelles le roi fait allusion dans la première partie
du papyrus de Turin. On verra plus loin que ce
même Pen-houï-ban est en elïet l'un des principaux
instigateurs des coupables, et le premier de tous,
si notre interprétation des papyrus Lee et Rollin est
exacte.
Nous avons à regretter que le papyrus Lee n° 2 ^
ne nous présente plus que des lambeaux de l'acte
d'accusation d'un autre personnage; après quelques
signes séparés par des lacunes, on ne lit avec cer-
titude que ces mots : «sa main paralysée», qui in-
diquent probablement faction des talismans donnés
par Pen-houï-ban à f employé Atirmâ , pour s'en
servir dans le harem. Le jugement qui suit peut
donc être celui de cet Atirmâ.
Ce que nous possédons du papyrus Rollin est
parfaitement conservé, mais le commencement
manque entièrement. Le reste constitue la partie
la plus importante de f acte d'accusation d'un troi-
sième-personnage dont le nom a aussi disparu, et
dans lequel je n'hésite pas à reconnaître Pen-houï-
ban lui-même, le premier instigateur des coupa-
bles. On remarque en effet que ce personnage a
recours à des opérations magiques, et c'est à
' Voyez Appendice et pièces jiislifcalives.
LE PAPYRUS JUDTCIAÎRE DE TURIN. 353
Peii-houï-ban seulement qu'a été donné (pap.
Lee, i) le livre de magie au moyen duquel elles
pouvaient être faites. Le texte s'exprime ainsi: cdl
lui arriva de faire des écrits magiques pour repous-
ser et pour forcer; de faire certains dieux de cire et
certaines figures pour donner la paralysie au bras des
hommes, et de les placer dans la main de Paï-baka-
kamen ' ; mais le dieu Soleil ne l'a pas fait agir (ce)
majordome'^ (ni) les autres grands criminels en
disant: Qu'ils pénètrent, et en les faisant pénétrer^. »
Si notre attribution n'est pas fausse, nous aurons
donc à ajouter à la charge de Pen-houï-ban , qu'il
fut l'instigateur de Paï-baka-kamen , comme cohii
d'Atirmâ, et qu'à l'aide des prétendus talismans
dont le livre de la bibliothèque de Ramessès ÏII lui
avait révélé le secret, il avait essayé de faire entrer
dans le gynécée phisieurs malfaiteurs, sans toute-
fois y parvenir, ni se hasarder à y pénétrer lui-
même.
Après les sortilèges , sur lesquels pouvaient aussi
porter en partie les jugements qui nous sont con-
servés par ces trois papyrus, on peut donc, en ré-
sumé, constater les faits suivants: i° Pen-houï-ban
parvient à s'approcher du harem; 2" il y établit une
correspondance; 3° il y fait passer certaines paroles
et en rapporte d'autres au dehors, avec l'aide de
" Voyez chap. viii, Noms propres et personnages.
- Lit. grand de maison. (Voyez Pap. j mile, de Turin, col. 4 et 5.)
' C'est-à-dire : «Mais le dieu Soleil n'a lait agir ni (ce) major-
dome, ni les autres grands criminels; il n'a pas dit : Qu'ils pénè-
trent, et il ne les a pas fait pénétrer. »
VI. 24
I
354 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Paï-baka kamen (vi, 2); /i° il a donné des talismans
à Atirmâ et à Paï-baka-kamen , ses complices, pour
agir dans l'intérieur du barem; ce dernier, d'après
le papyrus de Turin, ourdit un complot avec les
babitantes et les fonctionnaires du même lieu.
Ces faits une fois établis, nous comprendrons
mieux les actes d'accusation du papyrus de Turin,
auxquels j'arrive sans autre préambule.
S 3. SUITE DES DÉLITS.
On lit colonne d , ligne 1 , du manuscrit judi
ciaire, une première rubrique relative à ce même
Paï-baka-kamen et à tous ses complices, tous fonc-
tionnaires du barem , à l'exception cependant dos
deux derniers; elle nous apprend seulement qu'ils
sont amenés devant le tribunal pour «les grandes
abominations qu'ils ont faites. »
En effet, le majordome Paï-baka-kamen com-
paraît (iv, 2) pour le délit dont il se rendit cou-
pable à cause de Taïï, avec les femmes du harem,
pour avoir /«if un avec elles, c'est-à-dire pour s'être
uni à leur cause; puis il lui arriva de porter leurs
paroles au dehors à leurs mères et h leurs sœurs,
afin d'exciter certaines gens et de pousser les malfai-
teurs à faire tort à leur seigneur.
Voici encore les paroles dont le roi a eu con-
naissance; elles avaient donc pour but de lui faire
tort et d'exciter d'autres individus h lui nuire.
Nous retrouvons ici Paï-baka kamen, fonction-
naire du palais et agent de Pen-houï-ban, conspi-
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 355
rant avec ies femmes fin roi, ou tout au moins avec
les femmes de sa maison, dans leur intérieur; nous
observons de plus que ce personnage devient com-
plice de la femme Taïï, déjà gagnée peut-être par
Pen-houï ban, et que les premiers germes de la
conspiration apportés du dehors, à l'instigation de
Pen-bouï-ban , sont maintenant reportés par Paï-
baka^kamen aux parentes des femmes , à l'extérieur.
C'est peut-être par cette voie aussi, et au moyen
d'une dénonciation, que les paroles en question
arrivèrent aux oreilles du roi.
L'(officier?) Mesdi-sou-râ (iv, 3), l'intendant du
gynécée royal Pa-anouk (iv, /i), et le grammate du
gynécée royal Pen-douaou, ces deux derniers étant
en service dans la demeure des femmes au harem,
s'unissent ensuite à leur cause, toujours dans le but
de nuire, ou d'exciter les malfaiteurs à nuire à leur
seigneur.
Les dix accusés suivants (iv, 6-1 5), occupant di-
vers emplois dans le harem, ou simplement (offi-
ciers?) , comparaissent successivement devant le tri-
bunal, pour avoir entendu, sans les dénoncer, les
paroles échangées entre les précédents personnages
et les femmes du gynécée.
Après eux, viennent six femmes des gens de la
porte du harem (v, 1), qui sont coupables de s'être
entretenues aussi avec les quatre premiers accusés.
Puis, un intendant du trésor (v, 2), complice de
Pen-houï-ban (pap. Lee, n° 1), qui s'unit à ce per-
sonnage également pour faire tort à leur seigneur.
24.
356 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Enfin, un (capitaine?) d'Ethiopie (v, '^), person-
nage assez important, auquel sa propre sœur, qui
avait des fonctions dans le harem , envoya un mes-
sage pour lui dire : u Excite les hommes à com-
mettre des méfaits, et toi-même, viens pour faire
toit à ton seigneur. » D'après Ja signification de son
nom (Mal dans Thèbes), ce personnage devait être
Ethiopien^; c'est en Ethiopie qu'il exerçait ses fonc-
tions et tout porte à croire que c'est aussi en Ethio-
pie que le message lui fut envoyé. Le complot,
comme on le voit, pouvait étendre ses ramifica-
tions au delà des frontières de l'Egypte : c'est dire
assez f importance qu'il devait avoir.
La 2^ rubrique (v, Ix) se rapporte à d'autres com-
plices de Paï-haka-kamen que nous avons reconnu
pour f agent principal de Pen-houï-ban, et à ceux
de deux autres des principaux conjurés, nommés
Paï-as et Pen-ta-our (cf. v, y). Ils sont au nombre
de six, en tête desquels apparaît Paï-as lui-même,
capitaine d'archers, qui pouvait certainement dis-
poser de forces militaires, ce qui est aussi à noter
(v, 5). Tous sont étrangers au harem, et ils pa-
raissent avoir été graciés après condamnation; on
voit cependant plus loin (v, y et vi, i) que Pen-la-
our et Paï-as eurent chacun une peine à subir. Le
texte ne donne pas le détail de la culpabilité de ces
six personnages.
La 3** rubrique (v, 6) est relative à quatre com-
plices des femmes du harem, qui n'eurent d'autres
' Voyez Noms propres.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 357
rapports avec les premiers instigateurs que de s'unir
à leur cause. A leur tète se trouve Pen-ta-our (v, 7)
qui nous est déjà connu comme l'un des chefs de
la conspiration , associé à Paï-baka-kamen et à Paï-
as (v, /i), et conséquemment personnage important
qui doit attirer notre attention. Il est amené pour
le délit qu'il commit (à cause) de Taïï, sa mère, lors-
qu'elle s'entretint avec les femmes du harem dans
le but de faire tort à son seigneur (littéralement au
seigneur de lui).
Le texte s'exprime ainsi à son égard :
^^ .^ , — v^Jr-^* — ^ ^^ .^ \ ! jéT A««N.\ jJQ
pdï ân-ià z'od-n-w pùî ht ran,
littéralement: «l'ayant été dit à lui l'autre nom,»
celui qui fut appelé de l'autre nom, connu sous
l'autre nom, et cet autre nom n'est pas écrit : il y
avait donc probablement quelque raison pour qu'on
dût le cacher [v, j).
Ce personnage n'est qualifié d'aucun titre, tandis
que les dignités et professions de tous les autres ac-
cusés sont soigneusement désignées; cependant sa
condition, pas plus que son nom, ne pouvait être
inconnue des magistrats, puisqu'il était fils de la
femme appelée Taïï qu'on a vue dans le harem en
rapport avec Paï-baka-kamen (iv, 2). Si le texte se
tait à cet égard, c'est donc sans doute aussi pour la
raison ignorée de nous qui le fit mentionner seu-
lement sous un pseudonyme, et non sous son nom
véritable. 11 est, de plus, le seul des accusés dont
358 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
l'indication personnelle, dans l'acte d'accusation, ne
soit pas précédée de l'épithète flétrissante dex'eruâà
«grand criminel». Or, rien n'autorisant à suppo-
ser trois omissions successives dans l'un des ma-
nuscrits les plus beaux et les plus soignés qui
soient parvenus jusqu'à nous, ce dernier fait doit
être expliqué comme les deux autres, c'est-à-dire
par quelque raison qui s'opposait à la flétrissure de
la personne, aussi bien que du véritable nom et du
titre de cet individu. Il pouvait donc être puni ju-
diciairement en vertu des lois, mais non déshonoré
par une dégradation officielle, et ce n'est qu'une
question de rang ou de naissance qui lui valut ce
privilège. Sa mère s'appelait Taïï (v, y) ; nous l'avons
déjà vue conspirant avec Paï-baka-kamen et les
femmes du harem royal (iv, !2 ; v, 7); elle semble
être comprise dans l'expression collective qui dé-
signe ces femmes (iv, 3; v, 8-10). Elle devait donc
appartenir elle-même au harem pharaonique, c'est-
à-dire que, si elle n'était pas esclave ou pallacide
du roi, elle devait être une validé de la famille
royale. Ces considérations nous amènent naturel-
lement à penser que si Pentaour n'était pas un fds
de Ramessès II! , il pouvait appartenir de près ou de
loin à sa famille, et cette conclusion très-probable
de nos observations explique tous les faits que nous
venons de constater, c'est-à-dire pour quel motif
ce |)ersonnage est désigné d'une manière mystérieuse
et tout à fait exceptionnelle.
M. E.de Bougé a ed'ectivemenl signalé un fait ana-
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 359
logue en expliquant les textes relatifs à la grande
expédition de l'an v de Ramessès II; quand ce pha-
raon adressa des reproches à ses généraux pour leur
manque de vigilance et leur lâcheté, les fils du roi,
qui étaient du nombre des officiers supérieurs, dis-
paraissent de la scène et ne sont pas même men-
tionnés, afin d'éviter toute flétrissure officielle à des
princes du sang.
Les trois autres accusés (v, 8-10), dont deux au
moins étaient des fonctionnaires du gynécée, ne
sont coupables que de n'avoir pas dénoncé les pa-
roles des femmes du Karem qu'ils avaient enten-
dues. Il est à noter que tous les quatre sont con-
damnés à mort et exécutés.
Jusqu'ici, comme on le voit, les faits s'enchaînent
avec une régularité parfaite : après les premiers ins-
tigateurs et leurs complices, en rapport avec les
femmes du gynécée, à l'intérieur du harem., les me-
neurs secondaires de la conspiration , puis les com-
plices de ces derniers , et enfin ceux des femmes . dont
l'un, personnage important devenu chef à son tour,
sont successivement amenés devant le tribunal, et
jugés.
Mais nous arrivons au passage le plus curieux
et peut-être le plus difficile à interpréter, à cause
du double sens qu'on peut attribuer ^ quelques
mots. Heureusement cette partie du texte est acces-
soire, car nous venons de passer en revue tous les
faits qui se rapportent directement au fond de l'af-
faire, c'est-à-dire à la conspiration.
360 OCTOBRE-NOVEMBRE J865.
C'est la a® rubrique (vi, i); la formule jucli-
ciaire y disparaît ou se modifie considérablement,
et l'emploi du pronom de majesté de la j " personne
qu'on y rencontre prouve qu'ici, comme dnns les
premières colonnes du manuscrit, le roi parle lui-
même.
Après une étude attentive de ce passage, voici
comment je l'interprète : «Gens à qui l'on fit leur
châtiment par la mutilation de leur nez et de leurs
oreilles, pour avoir abandonné les bons témoignages
(c'est-à-dire le résultat des interrogatoires constatant
la culpabilité), je^ leur aï dit, les femmes étant
parties, de les rejoindre dans le lieu où elles sont,
d'y faire un séjour de tourments^ avec elles et
avec Paï-as, et que leurs abominations seront enle-
vées. »
Cela veut dire, je crois, que les magistrats ou
officiers de justice qui acquittèrent les coupables, ne
les condamnèrent qu'à des peines secondaires, ou
refusèrent leur exécution, au lieu de leur inlîiger
la peine de mort, à cause de trop d'indulgence, par
oubli des faits constatés dans les interrogatoires, ou
plutôt par la crainte que pouvait leur inspirer le
parti des conspirateurs qu'ils étaient chargés de
juger, sont condamnés à leur tom% et par le roi lui-
même, d'abord , à avoir le nez et les oreilles coupés,
puis, avec les fenunes coupables et Paï-as, l'un des
C'est le roi qui reprend la parole.
Ou jeûne, faim; c'était sans (loiite fjurUjiio lieu de déporhiiicm
comme Rhinocolure.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 361
chefs de la conspiration, à une déportation (?) ac-
compagnée de tourments ou de privations, après
quoi ils seront libérés.
Les noms qui suivent sont en effet ceux de deux
membres de la commission judiciaire ' et de deux
autres officiers de justice (vi , 4-5). Mais il semble que
cet arrêt ne fut pas jugé suffisant pour le premier de
ces personnages, car il est dit qu'on exécuta son
châtiment, qu'on disposa (ensuite?) de lui, et qu'il
mourut lui-même, c'est-à-dire, qu'il subit la peine
de mort (vi, 2).
Une dernière rubrique s'applique à tout individu
ayant pu s'unir à ces hommes (aux coupables pré-
cédemment nommés) pour s'opposer par de mau-
vaises paroles à l'application la plus rigoureuse des
lois. — On dispose de lui , dit le texte , et il n'est fait
aucune exception en sa faveur. Un seul nom suit
cette rubrique, c'est celui d'un officier des Aouâï,
corps militaire qui était probablement chargé des
exécutions judiciaires ^.
Ainsi se termine la liste des accusés et celle des
jugements, la légende de ce personnage occupant
la dernière ligne du manuscrit.
Pour résumer en quelques mots les faits que
nous venons d'examiner, nous les récapitulerons
dans l'ordre suivant :
i** La mise en accusation des principaux cou-
' ( VI, 2 et 3). Voy. le chapitre intitulé Le Tribunal.
'^ Voy. noies philologiques, n° 8.
362 OCTOBRE-NOVEMBRE J865.
pables est motivée sur des paroles criminelles pro-
noncées par eux, et connues du roi.
2° Ces paroles criminelles ont été introduites
dans le harem royal par Pen-houï-ban, ou plutôt
par son agent le majordome Paï-baka-kamen, qui
obtint la complicité de plusieurs personnes attachées
au harem.
3° Elles avaient pour but de faire tort et d'exciter
certaines gens à faire tort h la personne ou à l'au-
torité du roi.
Zi° La femme appelée Taïï a des intelligences
avec Paï-baka-kamen et ses complices; elle est elle-
même instigatrice à l'intérieur du harem.
5° Ces mêmes paroles sont portées par Paï-baka-
kamen aux mères et aux sœurs de ces femmes, au
dehors du harem, et c'est probablement par cette
voie que le roi en eut connaissance.
6" Toutes les personnes qui avaient entendu ces
paroles sont condamnées pour le seul fait de ne les
avoir pas dénoncées; c'est donc bien d'un complot
ou d'une conspiration qu'il s'agit.
7° Les gens de service, et jusqu'aux femmes des
gardiens de la porte du harem se mêlent de la cons-
piration.
8° Le fils de la femme appelée Taïï, appartenant
probablement à la famille royale, et à cause de cela
sans doute désigné sous le pseudonyme de Pen-
ta-our, sans titre ou qualité, ni épithète flétrissante,
est coupable comme sa mère, et, devenu l'un des
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 363
chefs de la conspiration , il est du nombre de ceux
qui furent condamnés à mort et exécutés.
9° On remarque, parmi les complices de ce der-
nier et de deux autres meneurs, un capitaine d'ar-
chers, c'est-à-dire un personnage qui pouvait avoir
à sa disposition des forces militaires.
lo'' Quelques-uns des magistrats et officiers de
justice chargés de rendre ou d'exécuter les sentences
contre les coupables sont à leur tour accusés d'in^
dulgence et condamnés par le roi lui-même.
1 1° Tout individu s'unissant à la cause des cou-
pables et s'opposant à l'application la plus rigoureuse
des lois est également poursuivi et condamné.
Ces faits nous permettent de conclure : l'^que tous
les jugements que nous trouvons enregistrés dans
le manuscrit judiciaire de Turin et dans les papyrus
Lee et Rollin, sont relatifs à une véritable conspi-
ration contre la personne ou l'autorité souveraine
de Ramessès III; 2° que cette conspiration, dans la-
quelle plusieurs des femmes et probablement même
un proche parent du roi furent compromis, eut
son siège principal dans le harem de ce pharaon,
bien que ses premiers germes soient venus du
dehors; 3° que cette conspiration eut assez d'im-
portance pour motiver de nombreuses condam-
nations à mort, ainsi que le châtiment de certains
magistrats et officiers de justice, supposés coupables
d'indulgence.
Voilà tout ce que nous pouvons déduire, au
point de vue historique, de ce curieux document.
364 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Quel était le but précis des conjures? — Etait-
ce d'enlever la couronne à Ramessès TJI, pour la
donner au personnage désigné, par les raisons que
nous avons indiquées, sous le simple pseudonyme
de Pen-ta-our, et qui semble avoir appartenu à la fa-
mille royale? — Ce serait, je l'avoue, une conjec-
ture bien hardie , et nous ne pouvons constater qu'un
seul fait, c'est que ce personnage mystérieux subit
la peine de mort comme plusieurs autres coupables.
Quoi qu'il en soit donc du but véritable des con-
jurés, on doit reconnaître seulement que le papyrus
judiciaire de Turin nous met sous les yeux le plus
ancien exemple connu de ces conspirations de
harem, auxquelles se mêlent si souvent des eunuques
et des grands personnages, dans l'histoire de tout
l'Orient, et qui ne manquaient jamais d'entraîner
après elles de nombreuses condamnations à la peine
capitale.
§ 4. COMPARAISON HISTORIQUE.
Ce que nous savons par les monuments de l'his-
toire de Ramessès III ne nous apprend rien que nous
puissions rattacher aux faits que je viens d'indiquer;
mais il est impossible de ne pas en rapprocher, au
moins à titre de comparaison, un passage de Mané-
thon, conservé par Flavius Josèphe^ et dans lequel
nous lisons que le roi Séthosis ou Ramessès « as-
sembla de grandes armées de terre et de mer, laissa
Armais, son frère, son lieutenant général en Egypte
• Contre Apion , chap. v (ou xv , suivant l'édition).
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURLN. 365
avec un pouvoir absolu, et lui défendit seulement
de prendre la qualité de roi, de rien fan^e au pré-
judice de sa femme et de ses enfants, et d'abuser
de ses concubines. Il marcha ensuite contre l'île de
Chypre, la Phénicie, les Assyriens et les Mèdes,
vainquit les uns et assujettit les autres par la seule
terreur de ses armes. Tant d'heureux succès lui en-
flant le cœur, il voulait pousser ses conquêtes encore
plus loin dans l'Orient. Mais Armais, à qui il avait
donné une si grande autorité, fit tout le contraire
de ce qu'il lui avait ordonné. Il chassa la reine,
abusa des concubines du roi son frère, et, se lais-
sant persuader par ses flatteurs, mit la couronne
sur sa tête. Le grand prêtre d'Egypte en donna avis
à Séthosis. Il revint aussitôt, prit son chemin par
Péluse, et se maintint dans son royaume. On tient
que c'est ce prince qui a donné le nom à l'Egypte,
parce qu'il s'appelait Egyptus, aussi bien que Sé-
thosis, et Armais s'appelait autrement Danaùs \ »
J'ai été fort tenté de considérer le procès que
nous fait connaître le papyrus judiciaire de Tiu'in
comme celui du frère du roi et de ses comphces.
Le passage de Josèphe que je viens de citer doit en
effet se rapporter à Ramessès III, comme le pensait
Champollion , et non à Séti I", comme on le croit
généralement aujourd'hui; je diiai tout à l'heure
pourquoi. Mais je dois reconnaître que plusieurs
difficultés s'opposent à ce rapprochement histori-
que : la première et la plus importante, c'est que,
' Traduction du Panlhéon UUcraire , \^. 8^i .
fe
366 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
dans le récit de Manéthon, les femmes du roi ne
paraissent pas volontairement coupables comme
dans le procès du papyrus de Turin; On pouiTait
cependant répondre à cette objection que dans ce
dernier document Ja reine n apparaît pas et que les
six femmes condamnées ne devaient former qu'une
très-faible partie du harem royal. La seconde diffi-
culté est qu'il faudrait identifier le personnage dési-
gné sous le pseudonyme de Pen-ta-our, dans ie ma-
nuscrit, ave(" r Armais ou Danaûs de fhistorien. Cela
ne serait pas à la rigueur encore impossible, puis-
que c'est sous un pseudonyme que le papyrus désigne
ce personnage, et que celui dont parle Josèphe ne
peut avoir rien de commun avec Armais ou Danaiis,
dernier roi de la XVIIP dynastie , lequel répond
exactement à l'Har-em-heb des monuments. Je dé-
montrerai en effet qu'on ne peut trouver là qu'une
confusion de nonu Mais il faudrait aulsi que ce
personnage, caché sous le nom de Pen-ta-our, fût
un frère de Ramessès III, et conséquemment que
Taïï, sa mère, fût une femme ou concubine du
père de ce roi, restée dans son harem comme i;a-
lidé. J'ai déjà dit que cette dernière supposition
n'était pas plus inadmissible que les autres; mais de
toutes ces possibilités nous n'avons aucuire preuve,
et nous devons nous abstenir de toute conclusion.
S 5. EXAMEN CHEONOLOGIQLE DU PASSAGE DE MANETHON.
J'ai dit que le récit de Manéthon que je viens de
citer devait se rapporter au règne de Ramessès III
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIlN. 367
el non à celui de Séti I"; voici les motifs sur lesquels
j'appuie cette assertion •. Flavius Josèphe, dans
son Eloge des antiquités contre Apion , cite un pre-
mier passage de Manétlion relatif à l'occupation de
l'Egypte par les Pasteurs. Plus loin , il ajoute , comme
relatif aux temps qui suivirent cette période, un
autre passage du même auteur, dans lequel tous les
rois de laXVIir dynastie sont d'abord ënumérésavec
la durée du règne de chacun d'eux. Cette liste s'ac-
corde assez bien avec les monuments et avec l'ex-
trait qu'en a conservé aussi l'Africain. On observe
seulement quelques diflerences dans la durée des
règnes, l'Africain comptant généralement pour un
an les mois qui sont ajoutés aux années dans Jo-
sèphe. Peut-être aussi doit-on admettre deux er-
reurs.
L'avant-dernier roi de la XVIIP dynastie de Ma-
néthon est Ramessès P^ dont le règne, fort court
d'après les monuments, est indiqué d'un an seule-
ment par l'Africain et d'un an et quatre mois par
Josèphe. Après ce roi, la liste de Josèphe omettes
deux noms suivants, dont le second commence
la XIX^ dynastie de l'Africain et du Syncelle; ce
sont ceux d'Aménôphath ou Aménôphis et de Sé-
thôs^; puis, elle mentionne Armessès-Miammou
^ Ces deux noms doivent être réunis; ils répondent au Méné-
ptah-Séti ou Séti I" des monuments, et se placent coiiséquemment
l'un et l'autre dans la XIX* dynastie, puisqu'ils appartiennent à un
seul et môme roi. Ce dédoublen\ent fautif, qui a produit l'intercala-
tion arbitraire d'un règne dans les listes, explique le désaccord qui
existe dans la durée que les différentes versions lui attribuent; l'Afri-
368 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
dont le règne de 66 ans et 2 mois ne peut répondre
qu'au Rampsès ou Rapsakès des autres listes et au
Ra messes II, Meiamoun, des monuments; le suc-
cesseur de ce dernier est indiqué sous le nom d'Amé-
nôphis, rAménephthès de l'Africain, avec 19 ans
et 6 mois de règne, dans lequel on reconnaît le
Ménëptah-hotep-her-maa des monuments. L'Afri-
cain donne ensuite le nom d'un Ramessès, avec
y ans de règne , à la place du Ménéptah-Séti II
des textes hiéroglyphiques, qui n'est mentionné
dans aucune des autres listes. Toutes les listes, à
l'tixception de celle de Josèphe, s'accordent après
cela à donner Amménémès, 5 ans ou 26 ans, et
Thouoris, 7 ans, pour les deux derniers règnes de
la XÏX^ dynastie; on reconnaît dans le premier l'A-
menmésou desinscriplions,et dans le second la reine
Ta-ouser, épouse de Ménéptah-si-ptah. Les monu-
ments semblent indiquer encore un ou deux règnes
collatéraux ou illégitimes qui ne devaient pas figurer
dans les listes officielles; mais nous n'avons pas à
nous en occuper.
En résumé , le passage de Manéthon rapporté par
Flavius Josèphe ne mentionne ni Séti P", ni Séti II,
ni Amménémès, ni Thouoris; mais il donne pour
cain no donne que 19 ans à ce roi supplémentaire (Auiéiiôphath) ,
tandis qu'Eusèbe ; qui l'appelle Améuôphis , lui accorde ^o ans. Celte
durée de règne de 19 ou de 4o ans est donc à retrancher entière-
mont des calculs chronologiques. C'est peut-être ce fait que Flavius
Josèphe se rappelait {|uand il disait [Contre Apion , chap. ix) que
Manéthon parle d'un roi Aménôphis, qui est un roi imaginaire, dont
pour celle raison il n'a osé coter les années de règne.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 369
successeur à Aménophis (Ménéptah-hotep-her-maa)
le roi qu'il appelle Séthosis ou Ramessès surnommé
^gyptus. Or, ce dernier, nommé parmi les succes-
seurs^ de Ramessès II, Méiamoun, ne peut pas ré-
pondre, comme on Tadmct généralement, à Mené-
plah-Séti I", le prédécesseur immédiat de ce roi,
omis, il est vrai, dans ce passage, mais cité par Jo-
sèphe autre part sous le nom de Sétlion et appelé
Aménophath ou Aménôpbis-Séthon, jamais Rames-
sès, dans les autres documents. Josèphe fait effecti-
vement plus loin 2 deux personnages de ^n Sétho-
sis ou Ramessès, qu'il appelle alors Séthon et
Rampsès, et il est évident, par la durée de leur
règne , qu'il entend désigner ainsi les rois Séti ?' et
Ramessès IT des monuments. Mais le récit que nous
avons enregistré ne peut s.e rapporter qu'à un seul
^ On lit clans les annotations marginales d'un manuscrit la va-
riante fis6' èv, aprh lui, au lieu de tov Se [son fib). Bunsen y Eqypt's
place, vol. I, p. 649-
2 Contre Apion, cliap. ix, on xxvi, suivant l'édition. L'auteur
dit relativement à Manéthon : «Il parle ensuite du roi Aménophis,
qui est un nom imaginaire et dont pour cette raison il n'a osé coter
les années de règne , quoiqu'il les ait marquées particulièrement lors-
qu'il a parlé des autres rois. 11 ajoute à ces fables d'autres fables sans
se souvenir qu'il avait dit auparavant qu'il y avait 5i8 ans que les
pasteurs étaient sortis d'Egypte pour aller vers Jérusalem. Car ce
fut pendant la 4* année de Thetmosis (Âmosis) qu'ils en sortirent,
et ses successeurs régnèrent SgS ans, jusqu'aux deux frères Séthon
et Hermeus, dont il dit que le premier était surnommé Egyptien,
et l'autre Danaùs, que Séthon chassa , et régna ôg ans : que Ramp-
sès, fils aîné de Séthon , lui succéda et régna 66 ans. Ainsi, après
avoir reconnu qu'il y avait si longtemps que nos ancêtres étaient
sortis d'Egypte, il met au nombre de ces autres rois ce fabuleux
Aménophis, etc.» (Traduction du Panthéon littéraire.)
VI. 25
370 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
roi, et Ramessès II étant déjà désigné dans la liste
que nous venons d'étudier, sous le nom d'Armessès-
Miammou, reconnaissable à ses 66 ans de royauté,
il est certain que Josèphe n'a fait que des confusions
de noms, ce qui n'apporte aucune nouvelle diffi-
culté à l'assimilation que j'ai proposée et dont je
cherche les preuves.
Quant au Ménéptah-Séti II des monuments, qui
ne ligure dans aucune des listes manéthoniennes, si
ce n'est dans celle de l'Africain, sous le nom de
Ramessèst, Josèphe le nomme bien Séthon ou Ra-
messès \ mais les circonstances de son règne ne
paraissent pas concorder avec celles que l'historien
rapporte à Séthosis-Ramessès qui fit de grandes con-
quêtes en Asie. Les deux autres rois de la XIX®
dynastie sont, d'après les monuments, Ménéptah-
si-phah et Set-nekht dont les noms n'ont plus de
rapport avec ceux qui nous occupent. Or, le succes-
seur de ces trois derniers fut Ramessès III, le pre-
mier roi de la XX^ dynastie, que les inscriptions
appellent aussi Sésoa'^ comme Ramessès II, et au
règne duquel Champollion attribuait les faits rap-
portés par Manéthon au double nom de Séthosis ou
^ Le roi Aménôphis, se souvenant de ce que le prêtre Âménôphis
avait prédit, fut saisi d'une telle crainte , qu'après avoir tenu conseil
avec les principaux de son Etat, il envoya devant les animaux qui
passent pour sacrés en Egypte, commanda aux prêtres de cacher
leurs simulacres, mit entre les mains d'un de ses amis Séthon, son
fils, âgé seulement de cinq ans, autrement nommé Ramessès, du
nom de son aïeul. (Traduction du Panthéon littéraire, p. 835.)
•^ Lepsius, Drnhm. III, Bl. 208, o.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 371
Ramessès. Le nom de Sésou peut très-bien être en
effet altéré en grec sous la forme ^eôcos ou ^sôcoa-ts.
Le Séthosis ou Ramessès de Josèphe , l'un des suc-
cesseurs de Ramessès 11 , peut donc répondre au 5e'-
soa ou Ramessou III des monuments.
J'ai dit que rien n'indiquait, dans les extraits de
Manéthon rapportés par Josèphe , qu'Armais frère
de Sétbos ou Ramessès, dont le règne illégitime dut
être fort court , si tant est qu'il ait véritablement
régné, et qui conséquemment ne dut pas figurer
dans les listes officielles , soit le même que l'Armais
successeur du dernier Akhenkérès mentionné plus
haut avec un règne de li ans et i mois. On remar-
quera en effet que ce dernier est présenté comme
un roi légitime de la XVIIF dynastie, tandis que
l'autre ne fut tout au plus qu'un usurpateur bien-
tôt dépossédé du pouvoir. L'Africain appelle celui
de la XVIir dynastie Armessès et non pas Armais,
mais Eusèbe le confond avec Armais ou Danaus , et
le Syncelle qui fait , il est vrai , la même confusion ,
donne cependant une confirmation à notre manière
de voir, en appelant seulement Ramessès et non
pas Sétbos le frère d'Armaïs.
J'arrive à conclure de ces observations , qui ne for-
cent en rien le texte : i"* que Flavius Josèphe, dans
sa première liste extraite des livres de Manéthon, a
omis Séti ?" et les trois derniers rois de la XIX^ dy-
nastie; 2° que son Séthosis ou Ramessès, mentionné
parmi les successeurs de Ramessès II, ne peut être
que le Sésou ou Ramessès III des monuments, pre-
25.
372 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
mier roi de la XX' dynastie; 3° que rArmaïs (ou
Danaûs), dernier roi de la XVIIP dynastie, i'Har-
em-heb des inscriptions, ne peut avoir rien de com-
mun avec l'Armais ou Danaûs frère de Séthosisou
Ramessès , puisque l'un est un roi légitime tandis que
l'autre est un usurpateur, et que ces deux person-
nages doivent être séparés par toute la durée de la
XIX^ dynastie.
Ces déductions sont, comme on le voit, simples
et naturelles; l'identité de Ramessès III avec Sétho-
sis ou Ramessès est encore confirmée d'une manière
qui me paraît tout à fait probante par une circons-
tance du récit emprunté par Josèphe à Manéthon ,
c'est que Sétbosis ou Ramessès, l'un des grands con-
quérants égyptiens de TAsie, comme les monuments
nous montrent Ramessès III, possédait, outre son
armée de terre, àes forces maritimes assez considéra-
bles pour que l'bislorien ait cru devoir en faire une
mention spéciale ^ Or la plus ancienne représen-
tation d'un combat naval qu'on trouve dans les bas-
reliefs égyptiens remonte précisément au règne de
Ramessès III ^, et ce pbaraon , fier de sa flotte , la pre-
* \iniixi)v xai vavTix'fiv é)(wv êvvaiitv. (Cf. S. Theophilus, in libro
ad Antolycnm tertio, cap. xix : 6v Çatriv èayr)xévcu i!roAAi)i> êvvafiiv
iirTriHiis xal xsapâ-va^iv vavTtxrjs. )
* C'est dans les monuments du règne de Ramessès III qu'on ren-
contre, pour la première fois, la circonstance remarquable d'une ba-
taille navale. (De Rougé, Notice sommaire des monumenls égyptiens
da musée du Louvre, 2" édit. p. 18.) C'est le seul roi qui fit en même
temps, ainsi que les monuments le montrent, la guerre par terre et
par mer. (Brugsch, Histoire d'Egypte, I, p. lS^; cf. ChampoUion-
Figeac, L'Egypte ancienne, p. 3/j5.^
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 373
iilière qui ait été armée en Egypte, y attachait assez
d'importance pour la décrire lui-môme dans les ins-
criptions officielles du 2® pylône de son palais de
Médinet abou : «Elle paraissait sur la mer, dit-il,
comme un mur puissant; elle se composait de trois
sortes de vaisseaux (les Hâu, les Mens', et les Bdir), qui
étaient garnis, de la proue à la poupe, de braves
guerriers , munis de leurs armes ^ » D'autres ins-
criptions y font souvent aussi allusion ^.
En appliquant les mêmes observations à un pas-
sage de Diodore de Sicile, on peut penser que le roi
qu'il appelle Sésoosis est aussi le Sésou ou Rames-
sès III des monuments, car il lui attribue aussi ( i ,
55) la possession d'une flotte maritime, en indiquant
quilfat le premier Egyptien qui construisit des vaisseaux
longs. Celte circonstance pourrait nous faire recon-
naître, dans le même auteur, la suite et le complé-
ment, peut-être altérés, du récit de Josèphe relatif
à la trahison d' Armais, mais avec une variante qui
transporterait auprès du roi la reine, chassée par
Armais ou Danaiis. Diodore s'exprime ainsi ^ :
(( A son retour en Egypte , après sa grande expé-
dition, Sésoosis s'arrêta à Péluse, où il faillit périr,
lui, sa femme et ses enfants, dans un repas donné
par son frère ^. Pendant qu'ils étaient assoupis par
^ Greene, Fouilles , pi. lï, col. 20; de Rougé, Nolice de quelques
textes hiéroglyphiques , p. 8; Brugsch, Histoire d'Egypte,!, p. 187.
^ Brugsch, Histoire d'Egypte, I, p. 186, 188, etc.
^ Livre I , chap. lvii.
* M. Champollion-Figeac remarque que «selon quelques cri-
tiques, ce frère de Sésoosis serait le Danaus qui conduisit des coîo-
374 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
la boisson, le frère de Sésoosis profita de la nuit
pour mettre le feu à des roseaux secs accumulés
d'avance autour de sa tente. Sésoosis se réveilla sou-
dain à la clarté du feu; mais ses gardiens, enivrés,
tardèrent à venir à son secours. Levant alors les
mains, il implora les dieux pour le salut de ses en-
fants et de sa femme, et traversa les flammes. Après
s'être ainsi sauvé comme par un miracle, il éleva,
comme nous favons dit, des monuments h tous les
dieux, mais particulièrement à Vulcain, auquel il
devait surtout son salut ^ »
Quoi qu'il en soit des rapports qui peuvent exister
entre ces deux récits, les observations précédentes
nous amènent à établir, d'une manière que je crois
certaine, que les faits rapportés par Flavius Josèphe,
d'après Manétbon, se rapportent au règne de Ra-
messèslll, comme la conspiration jugée dans le texte
du papyrus judiciaire de Turin.
On sait, il est vrai, que des rois d'une époque
antérieure avaient déjà porté leurs armes dans les
îles de la Méditerranée; mais il ressort clairement
des textes qui mentionnent leurs conquêtes, que ces
souverains ne firent qu'y transporter des troupes de
terre ou de débarquement, ce qui ne constitue pas
des forces maritimes proprement dites, comme celles
de Ramessèslll. Quant aux listes monumentales des
victoires de ce Pharaon , elles correspondent au récit
nies égyptiennes clans la Grèce au xv' siècle avant noire ère. » [L'É-
(jyple ancienne, p. SSg.)
' Traduction de M. F. Hoefer, vol. I, p. 67.
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN. 375
de Josèphe, aussi bien et peut être mieux que celles
de Ménéptah-Séti I.
Aux faits que je viens de constater j'ajoute encore
une indication; c'est que nous savons, par les mo-
numents , que les principales campagnes de Rames-
sèslll, en Asie, datent de l'an viii et de l'an ix de
son règne, et conséquemment que le récit rapporté
par Josèphe doit être relatif à cette époque.
Voici, pour terminer cette digression, la concor-
dance des listes manéthoniennes avec les monu-
ments, telle que je la comprends pour les rois dont
je viens de parler :
376
OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
EUSÈBE.
AFRICAIN.
APMAIZÔKai Aara6g 5
APMEZZHZ
PAMEZZHZ b K^i kîyvivlos 68
PAMEZZHZ
AMENCJTIC [4o]
Èivvéa xaï èexifi) Svvaaieia.
ZE0COZ 55
AMENCO^PAe [
Èvvéa xai êexd-nj Svvaaleia.
ZEGOJZ
PAMVHZ 66
PAVAKHZ
AMMENET0IZ 4o
AMENET0HZ
PAMEZZHZ
AMMENEMHZ 26
AMMENEMHZ
eOYOJPIZ 7
eOYCOPIZ
Eîxo<r1il Svvaaielix.
-
LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN.
377
JOSEPHE.
C. Ap. cap. XT ou V.
APMAIZ
PAMEZZHZ
4,1
(Cap. XXVI ou IX. SE0Q ou
ZE0QZ, 59)
ARMEZZHS MIAMMOY 66,2
(Cap.xxviouix. PAMVHZ— 66)
AMENCOVIZ 19,6
(Cap. XXVI ou IX AMENCOTIZ //)
(Cap. XXVI ou IX. ZEGCiOZô Kaî
PAMEZZHZ.)
ZE0COZIZ b Kai PAMEZZHZ,
èxctX. kïyMulos. Confondu par
Josèphe avec Séti I et Rames-
sès II.
[Contre Apion, cap. xxvi ou ix.)
MONUMENTS.
HoR-EMHEB Mer en Amon
(Râ-z'osor-x'eper-u-sotep-en-Ra).
XIX' dynastie.
Rà-mes-sou I
(Râ-men-pah'u-tï).
Mei-en-ptah z=z Séti I
(Râ-men-maa).
Ramessou (II), Meianimoun,
( Râ-user-maa-sotep-en-Râ ) .
Mai-en-ptah holep her mâa,
(Ba-en-Râ-meï-Amon ).
Meï-en-ptah =r SÉTI II,
( Râ-user-x*eper-u-mei-Amen ).
Amen-mes-sou h yq-ouabou ,
( Men-ma-rà-sotep-en-Râ) .
Mei-en-ptah =: Si-Ptah
( X*ou-n-Râ-sotep-en-Râ ).
et la reine Ta-Ouser.
XX' dynastie.
SÉsou ou RÂ-MES-sou-h'yq-An,
( Râ-ouser-maa-Tneï-amon ^ .
( La suite à un prochain cahier. )
378 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
QUELQUES CHAPITRES DE MÉDECINE
ET DE THÉRAPEUTIQUE ARABES.
TEXTE ARABE, PDBLlÉ, TRADUIT, SUIVI D'UNE LISTE DE TERMES
TECHNIQUES ET AUTRES.
PAR M. LE DOCTEUR B. R. SANGUINETTI.
AVANT-PROPOS.
La Bibliothèque impériale de Paris possède deux exem-
plaires manuscrits d'un ouvrage arabe de thérapeutique mé-
dicale, intitulé : Le livre des jlambeaux resplendissants, au
sujet de la médecine humaine^. C'est un traité complet, ou
mieux une sorte de compilation, divisée en dix chapitres,
dont le premier est consacré à l'exposition de la doctrine
humorale. Les autres parlent du traitement des maladies des
diverses parties du corps , en commençant par les affections
de la tète. L'auteur de ce livre est appelé Chihâb Eddîn Ah-
med Alkalyoûby ^ et il est mort vers la fm du dixième mois
lunaire de l'année 1069 de l'hégire (juillet 1669 de J. C).
On trouve des détails sur AlkalyoûlDy dans le Dictionnaire
bibliographique et encyclopédique de Hâdji Khalfah , édition de
M. Fluegel, notamment : t. V, p. i53, n" io,5o5, où il est
question d'un ouvrage théologique de notre auteur; t. VII,
p. 856 et p. 899, d'après un assez long fragment du ji^s^Lî.
yj^\ , fol. 36 v°, fragment cité ainsi deux fois en arabe par le
savant éditeur, M. Fluegel. Il y est dit en somme qu'Alkal-
' *:ivJf ô-*'-'(J *.jyu«J[ ^La.lf cjLl^. Ancien fonds arabe,
n" 1069, et supplément arabe, mis en ordre par M. Reinaud, n" lolio.
" Originaire de Kalyoûb, petite ville d'Egypte, près du Caire.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 379
yoûby était un jurisconsulte distingué, auteur de plusieurs ou-
vrages de droit, de théologie, philosophie, grammaire, etc.
et^ aussi d'un livre] ou recueil de médecine, science qu'il
connaissait bien. Ce dernier ouvrage est sans doute celui
dont il est ici question. On ajoute que tous ses livres
étaient eslimés, qu'il est mort dans les derniers jours du
mois de chawwâl de l'an 1069 de l'hégire (juillet 1669 de
J. C.),et que Ralyoûb était une petite ville en Egypte, dis-
tante de deux ou trois parasanges du Caire'. Je noterai en-
core que, parmi les manuscrits arabes de la Bibliothèque
impériale ,^se trouvent d'autres ouvrages littéraires d'Alkal-
yoûby.
J'ai cru utile de publier le texte et de donner la traduc-
tion de plusieurs chapitres de ce livre de médecine; car, in-
dépendamment de l'intérêt que quelques personnes peuvent
prendre à ces sortes de matières, tous ceux qui s'occupent
d'arabe rencontreront ici beaucoup de termes qui manquent
dans nos lexiques, ou qui y sont mal expliqués. Ceux d'entre
les arabisants qui ont la louable habitude d'écrire en marge
de leur dictionnaire, soit Golius, soit Freytag ou autre, les
mots qui y sont omis, ou les éclaircissements qui seraient
nécessaires , trouveront dans ce travail de quoi augmenter
leurs notes d'un bon nombre de termes de médecine, d'his-
toire naturelle, etc.
' Le -j'^1 ''iUo>!^l:^> dont il est parlé plus haut', est un ouvrage bio-
graphique, composé vers l'an n33 de l'hégire (1720 de J. G.), dans le but
de faire connaître les hommes remarquables du onzième siècle de la même
hégire (xvii" de J. G.) ; son auteur est Amin Eddîn Mohammed Almohibby
Acchâmy, et il est cité par Hâdji Khalfah, édition de M. Fluegel, t. VI,
p. 6i5, n° iZi,882, ainsi qu'il suit : C^^L-LiL j>fyc»ijL j>IJjJ| c:iLiul'
yAc. (J^l:^. (jy? j y .^f ioos^ IjbLL' "^^ p[^3yfj. (Voyez
aussi t. VII, p. 965.) La Bibliothèque impériale de Paris renferme un exem-
plaire dudit 0^1 iL-vsvjLàfc » supplément arabe, mis en ordre par M. Rei-
naud, n" 676. On peut y lire la biographie d'Alkalyoùby , p. 96 et 96 , et
l'on enverra la traduction ci-après.
380 OCTOBRE-NOVEMBRE 1S65.
Le (exte et la version qui vont suivre comprennent : Ja pré-
face de l'ouvrage; le premier chapitre, qui traite du pouls, etc.
puis des maladies, des liquides du corps, des aliments, des
boissons ; et cela , d'après les principes de la doctrine humo-
rale; le chapitre deuxième, où il s'agit du traitement des
maladies de la tête; enfin, le troisième chapitre, consacré
en enlierà la cure des affections nombreuses des yeux. On y
remarquera une grande variété , une vraie richesse de médi-
caments; mais aussi, on y verra quelques préjugés et des
traces nombreuses de superstition. J'ai mis le plus grand soin
pour que le texte soit correci , en prenant surtout pour guide
le manuscrit n° 1069, qui m'a semblé le moins fautif des
deux manuscrits déjà mentionnés de la Bibliothèque impé-
riale. Lorsque la leçon de ces deux manuscrits m'a paru erro-
née, tantôt j'ai ajouté entre parenthèses la bonne leçon, ou,
du moins, celle que je crois préférable ; d'autres fois j'ai fait
connaître la bonne leçon par une note, ou dans les variantes.
Quant à la traduction, j'ose espérer qu'on la trouvera suffi-
samment exacte et fidèle. Quelques noies, d'ailleurs assez
courtes , fourniront à mes lecteurs les explications que j'ai
cru utile de leur donner. Parmi les manuscrits arabes de
médecine, celui qui m'a le mieux servi pour vaincre quel-
ques difficultés dans ce travail , c'est l'ouvrage du cheïkh
Dâoud Alanthâky, dont le titre est : Mémorial des hommes
intelligents ^
Il est maintenant de mon devoir de dire que, il y a quel-
ques années, M. Cherbonneau , avec son obligeance habi-
tuelle, a pris la peine de m'envoyer spontanément, de Cons-
tantine, un court extrait de cet ouvrage d'Aîkalyoûby , afin
d'appeler mon attention sur ce livre de médecine. Je le con-
naissais déjà par les deux manuscrits plusieurs fois cités de
la Bibliothèque impériale ; mais dès ce moment j'ai pris avec
moi-même l'engagement de le faire connaître aux lecteurs
' CjlxJjf ^ol iJ^ijo". Manuscrits de la Bibliothèque impériale, an-
cien fonds arabe, n' 10 58.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 381
du Joarnal asiatique. Différentes circonstances m'ont em-
pêché jusqu'à ce jour de mettre à exécution mon projet.
Le pelit extrait provenant de M. Clierbonneau, et dont il
vient d'être parlé, se compose généralement de formules
prises çà et là dans les trois premiers chapitres de l'ouvrage.
Il fait par conséquent partie de la présente publication.
Enfin, l'abondance des médicaments, la polypharmacie ,
que j'ai annoncée ci dessus, ne surprendra point mes lec-
teurs; car ils savent que les Arabes, par leur sol, et puis par
leur commerce, surtout avec l'Inde, se trouvaient en pos-
session d'un plus grand nombre de médicaments que les -
Grecs n'en avaient sous la main. De la sorte, leur pharmacie
s'accrut, leur matière médicale s'enrichit. Ils en furent pro-
digues , et renchérirent encore sur Galien dans l'emploi des
remèdes.
Voici maintenant la biographie de notre auteur :
« Ahmed, fils d'Ahmed, fils de Salâmah, Almisry, Alkal-
yoûby, Acchâfi'y, l'imam très-instruit, le jurisconsulte, le
Iraditionnaire , un des principaux savants, universellement
estimé et apprécié, à cause des grands services qu'il a ren-
dus. Il a étudié le droit et les traditions sous Chams (Eddîn)
Arramly, qu'il a suivi pendant trois années , vivant retiré
dans sa maison. 11 a aussi suivi les leçons de Noùr (Eddîn)
Azziyâdy, de Sâlim Acchebchîry, de 'Aly Alhaléby, d'Ahmed,
fils de Rhalîl Assoubky, et d'autres docteurs célèbres. A son
tour, il a donné des leçons à Mansoùr Attlioûkhy, à Ibra-
him Albirmâouy, à Cha'bân Alfayyoûmy et à d'autres sa-
vants bien connus.
« On le redoutait beaucoup; nul n'osait parler en sa pré-
sence sans tenir la tête baissée,, par crainte de lui et par
frayeur. Il n'acceptait rien de personne, et on le voyait, la
plupart du temps, faire l'aumône; il n'avait aucun traite-
ment, ni aucune fortune connue, et pourtant il ne manquait
de rien. Du reste, il ne mettait aucune recherche dans ses
repas ni dans ses habits; il n'était occupé que d'oeuvres
pieuses, et ne quittait pas l'enseignement, qui embrassait
382 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
toutes les sciences légales. 11 était instruit dans la géomancie,
la science de la lettre (une sorte de cabale), et dans son ap-
plication aux carrés magiques, à la zâïrdjah\ et autres stra-
tagèmes. Il avait acquis en cela de la célébrité. Alkalyoûby
était expérimenté et habile en médecine. De plus , il avait
l'art de bien raconter, d'exposer clairement les choses. Au
temps de son enseignement, ses auditeurs avaient un main-
tien fort grave et tout à fait silencieux ^.
rt Notre savant est l'auteur de beaucoup d'ouvrages d'une
utilité générale. Nous nous bornerons à citer ceux qui sui-
vent :
« i" Des gloses marginales sur le commentaire du Minhâdj
(ou Voie), parDjélâl (Eddîn) Almahally;
« 2° Des gloses marginales sur le commentaire du Tahrîr
{Revue ou Examen), par le clieïkh de l'islamisme;
« 3° Des gloses marginales sur le commentaire d'Abou
Chodjâ', par Ibn Râcim AIghazzy;
« l\° Des gloses marginales sur le commentaire de \ Azha-
riyah (ou la Resplendissante , ouvrage grammatical);
« 5° Des gloses marginales au commentaire du cheïkh Khâ-
iid sur VAdjorroâmiyak (autre ouvrage de grammaire);
« 6° Des gloses marginales au commentaire que le cheïkh
de l'islamisme a écrit sur VIsagoge ( ou Introduction de Porphyre
aux œuvres d'Aristote) ;
4 7° Une dissertation sur la manière de connaître la kiblah
* Ou tableau circulaire pour arriver à découvrir les clioses occultes. — Cr
passage du texte demande à être cité : (^y^l^ Jl_>Oy) I Àst^ iCiytvO jj»
\e.MLA^- Voyez sur ces matières les Prolégomènes d'ibn Khaldoun, dans les
Notices et Extraits des Manuscrits , notamment, texte arabe, t. XVI, p. 2o3
à 220; traduction française, t. XIX, p. 282 à aô/i.
"^ Littéralement : A ses leçons, les hommes étaient comme s'ils avaient en
des oiseaux sur leurs têtes ^^Joif j^-waN (^c- (jo «V^-*ws3 (J .*wUJk
MEDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 383
(ou la direction du temple de la Mecque), sans le secours
d'aucun instrument;
0 8° Un recueil de médecine ;
« q" Les cérémonies du pèlerinage.
tt Outre cela , il a aussi composé d'autres dissertations
et revues [tahrîrât), toutes fort utiles. — Sa mort a eu lieu
dans les derniers jours du mois de chawwâl de l'an 1069 ^^
l'hégire (juillet 1669 de J. C). — Quant au mot alkalyoûhy^,
qui s'écrit avec le fath du kâf, le soucoun du lâm, le dhamm
du yâ, lettre qui a deux points au-dessous, le soucoun du
ouâou, el après cela un hâ^ lettre qui porte un seul point
au-dessous; le mot alkalyouby , dis-je, est l'adjectif relatif
d'une toute petite ville (Ralyoùb), dont la distance du Caire
est de deux ou trois parasanges, et qui possède de nombreux
jardins, y
TEXTE.
-U.yi ^-ûJî ^-ÀjJb iLjjj^\ (LJio tj iUjL»#Jî ^IjuaJLî oU^
'^^iUJ\ j^JuJi ^^,ùJ\ v^^ Jc«UJî^lxJî pl<;^l^^
, '*' «<
♦x]^ b«X-jUM ^^c aMÎ Juo^ (j;^\ ASjb ifJLi^ ^j M ^^
aî^jjcâ.^î_5 ii)r,^iiî^ t^laÀJL 5jJU^ ftîyiiî jXî ^,L-j^l ^y
384 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
^^ lj\,.^j\ AK-r,.jS? ^ v^i^la) o»-î^ ^*^'(^* *^^-'V^ f W^'^
<,Ua3l iCioc^ (i iôeJsJiXi îUi\s»^^ V^^^ i^^^i^^ iCoJOU (_^
scji>^ iC -C^i -«^LJLo AJLjI^^ ^ji4>o^| iKS-yAb^^^ L-£^*X*ô3
w
^^gà*\jJî Lg-Â^ V^^/^^ LtîXi»-^! (jâxj àU^JU ^lyiî :>U*^
^j^X-»«Jî^ iL^v^^ iUâJtJl^j («^i^ JyajUij cyUlUaJî^
<-*vAAla-M \b\s ê,!jJÎx-%wiiîj (j*.IajC^.^Î^ (^jyvMÀJuî^ (^AJJyJl
^ ;::
^ J^^l J^waxîi iCjtjjî J^>wai Xaj^ d)Ji> wa^^ ^4*>^ ^^
' Le ms. n° loAo porte *Lyii>^| to^ ^kkIû}\ ^«Xkf f^j^, ré-
daction qui est peut-être préférable.
" La leçon du ms. n° 1069 est Jj*a3. ^
MEDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 385
w w^ —
2i.Jk,J^ iL^^^Ks- y^^ \SjJl ^J-^ c3^^ ^^^ (_j.N.«^wJ| (j^
(j^ 14-Loî^ Jldkii L^Aô^j -pb^^Jl iU^yûj iCS^
îtX-s» t>-JS-ij ^î^ iLA-ibuJîj iLidîj io^XÂ-i/I JÎ*X-JCfil
^ &jX^\j *jiXJî iU:^^ lôUJl ^ (jbUJl^ J.JJI <-^
»,JUaJî^ «;l;.il J^:> iCAaJlil «;^itj ^T:>y^\ iU:^ lâAàJî
UJH^-? ^î J^5 AA>UaJî 5^^^ icAiUiî^ i^M iU:^
QÎ^i^î ci^XJCi^î^ JyJî ^j«i*^ iU:^fi (J>^^^ *V^Î ^3^
* Le ms. n" 10/10 ajoute: qÎ^^I (Jiylij' ^^ iU^ «v^f^
VI. 26
38C OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
^^ j:,\j^:ii\ (j^ Lû^ Uvi jUJi JooaJi J^l iu:su
. 1 - . ^
Util ^j^"^^ RmJ^ Aj| «X^^ (^^JU^Î «Xj^ io^X^^i/l
UU l ^j^ IoXâ. Jo 0.* ci^tXa? U (jojo bjji «Xj»^ (j^**
p
^ J«X-x2.Jî^ jl^»xJI^ (j-[^^ tjUaJiJ A.JLfi ^^-i«*ÂAi j.«xJ|
c.^«xiî^ *ji)^ ^ «X-«j.JÎ^ (^jvJLxjcJî Jjijj ''^^î **>oL»
=?p
^y^\ ^^X-W^ ^lÂAwiil »^U^J3 i^Î tKb^J.^iiî ^^-^^5
iL-^«xJîj «o^j-ÀûJI iLs^y^^ iû^*Xc^ «jl^-^^ ^^ji^; ^
c3^5^-xJLî y^UaJî^ j^Uiîj t^Jo^î JU-«Jl^ *X^^i f^j^
^'^-^il iiL5àl^ iL^Aû-l^ c^J^-4^ |-îM^J ^^^
{*A3) l^i :>^*xJî^ ^"^"^^ (:J^*^^^ iûc?l^A«^î^ t^»^ cyîi_5
^ La leçon du ms. n° io4o est : 8Ujc:^«|j >!>[j ^ySJiw] jjij- — En
marge du ms. n" 1069, il y a, en cet endroit : «aXj ^Î , sans doute
pour -AXJ" (j î •
2 Le ms. n° lo/io porte ^jaaJIj.
' Le ms. n" io4o donne çj en place du j.
* Le ms. n° 1069 porte ^.^iUJf , terme plus vulgaire.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 387
^1 (i%A»,^ ^U>^ i3^î «jî^j lôJ^iiî à^i/J otiJS]^
jJuo^\ fiZM^ iL^Mw^UJl ^^jJi^\^ iS^"^^ 'éj^\^ Âjéé^^
*T:>^--«-JI iiX^ilî^ Jwiil ^\:>^ iLjLUî «jl^j ^^*^b
^j*»*^î iJ*Xd-.^ J^jXmJÎ ^\yJMyl\^ j.^Mé}\^ Cj^Jxîî ^UÂiw^
'^ p^^î^ ^^-A-^ ^^^3 p3 "^ Lh|/-*-A3l iU-Jt^tj (Sj'^^
^-=^33 t^^-AAxiî (_J.^^H^^ iL^**jU3i J.-^-«U*Xj|^j-j^^î^Aiî^
* Lems. n" 1069 paraît donner i^j^ cs<*j-
> Le ms. n° 10/10 aioute : J^^j|^ ^-^^-^^ J V^î 'Ul^
■* Le ms. n° 1069 porte ^viiJf. Ce serait alors le ténia.
* Le ms. W 1 o4o donne ^yj L , ou « la lèpre. »
26.
388 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Jjijj l^AM^^ Uûi^i^ ^Uaw^J J^^^ ^^"^^^ ^jli^î J^JLJ
^^jumJI •^^^ t-^wkxiJî ^^:>^ :>^^^l t3-ô^î^ <_*uAjJl i^Ufc.^^
(jÀiLiJi ^^^^ **>otîi ^^ Oi)*^^-? J^«Jiiî *r^^ (MV^^^
-JoOl Jl t;*.îpt (j^ iùUoUJI^ y^llôJî xftU*^!^ (j*>«AiI
u * w ,^^
«X-j^^îj^ ^jUmJo c.^»»^ i>yS'^ S^j^3 y^3 J-*-* ^Ij ^yh
JJiL«5 iC-j^j-w -^^^^s*-) L*XÂiûjjj^ u^tj^ jy^^ '^y^ Jj^3
* Le ms. n° io4o donne vLx.«.
' Le ms. n* 1069 donne jLwlj.
•^ La leçon du ms. n° 1069 est iiiMJl.
* Le ms. n" 1069 porte si .^^5- C'est la nie sauvage, 011 ruta syl-
vestris.
MÉDECINK ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 389
w
iLS^XJL? (^^^ ^J;^ (i^. o^Uî :>j^l ^Vj^ (^ JJjl
Uji eJUJi JoAiil dUJî ^1^ ^^yX\ J^x^i ^^^ 2<;iU^Î
L|^;-^^ >TJ.JUail Uî^ t^^Xx^Ji t^f^ *^tjUil iOoùJl^j
yXK^\ ^ X^^yKi^^ Aho^ U^^^^ t^!^VvMÎ f-\^^ ^X^o'^S^
f\A i)lj*. l^jiX»^^^5CwJî^ iii^jdl^ (iJV^Î^ iaî^^î^ y^-»«^
«Xj^I^ uy4;^^^^ u^^^^^^ a^i^I jj^^ ^jjà\ <lJ^
ia.Jk*JiJl *xiaJij^ J^v^î *>U|^ JouUi^î^ J.ajJI <-,o^ aJvxL»^
^ Le m?. n° io4o ajoute ^>aa:^JOL. C'est probablement pour
(jAA^yJL, ce qui signifie rosée miellée, ou manne.
390 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Z^^yKj^\ y^ iCi-^LîJ! Is^i^i/Î ^kû^ Jl^î^ :>^t^
^y.xj:iél\^ i^^J^a^Wy UijJljjUJI f^^^ ^xj^i^ J^ajJî
J.-JC-J ^— J^;-J AaX^ j^Joi-^^j^ »Xa£ -*x]1 (ji -PtJM^ o***^
l^S'y^Aj; vilU x)jiXJî (jîj l.^A^ U vJ^' cU^s^J^' lis"
(jî^ c^Jo; jl^»- -<xil kXs». ^î^ «^ ^ LU aaJU «^-Ui
(j^^c-jL ^jl* p^^j, Mé.\\ iaAifc yi^ (jwwjLjU»- ^lyuaJI laXâ.
tKj Jî*X-A-fi>^î (jl <-^J:3; jl>- 3-^ iXj l-^ytlo CJ-* Jfc^^
' La leçon du ms. n° 10/io est jLg.ukJ«.
- Le ms. n" io4o ajoute ^j,
^ Le ms. n° 1069 paraît porter i^.
* Le ms. n° io4o donne «vjJ^^, et ne contient pas XL» JdI
Jl. ^
' Le même ms. n° io4o ajoute : 3su ,^*-^^ y m^^*^^ <^
oAcf a>Uwaaj iaxU . jwoU •
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 391
jj^jCft^JjJU cKj «;JS5:5" ^i^^Jkilii^ »^UmJ^ i<s>^^j^ ^-^ cXVs?
Ig^Aiiil^ cl>b^l (j^jj^Â. ^^Sj^JI^j AAiûljo tj kJkwyU »_^jf <j
^b ^j.-gi (^5>J J^^ »jÂ.y.^ ^ iSj^^^ ^ (SJ^^^^^ &^
^Ui)i *J.jî ^^^4 <o.ij iUA^I J^^SJI ^ 20^^Ut
^ La ieçon du ms. n° io4o est J ^^ •
* La leçon du ms. n° 1069 est (_sa.o .
^ Le ms. n° io4o offre K^^jjf.
392 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
c:*ii'^^3U5 (j^ ^ii^ <^^îyuaJl Ul_j l^^^ cKsi^i /6-^^
^^^îj (j^*X-j<Jî^ dl-A^5^ ^jiJî dUvJi ^î t^^xil ^
A-rs»^il ^\ L«X-jLg.ii i*;_5^-*^ W*^ (J-^^ U^**? ^ (J^^'^
*_xJLij (jôaJ^ j.-*r-^ ^^ (Sj^^ (jÀ^lil (jv^î «oLjj^,-im
* La leçon du nis. n° io4o est O^lIL.
* Le ms. n" io4o porte Jù»yiif.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 393
(^jOlJÎ^ ^^>JCmjUÎ^ j^yJ^^aJ]^ ^^'^b <-r''*^^ A^slykit
Ul^ t-V^^ J^-'^î^ cM^Î^ c:^î;JSîj (j.ao:ilî 0^^^^
^^ (^^^.^î ^Uiiîl (;JV<^ c:>^_^^3Uî t>-4 Ai»î^^ ^xUJl
^^.^^î ^^ J.^]L j^^ iL,^|/î ^î JàUJî ^î J>^
^^ (jo^-^-li Lifiy-^^ ^^j-^il^ ^r^^j^î aST^I Cj-* *Aiî^^
jlJJI vW-îî v^r^ f4^^ H^ <^^' ^b ^^^ ^*^
^ Le ms. n" i o4o ajoute ici le mot ^i>-<-
' Le même ms. n° io4o ajoute isJuL.
^ Le ms. n" io4o ajoute ici le mot itiyco.
* Lems.n°io4oajoute:«vc[yL pljj^l ^^^t^cS^^t U<<^
^-^ I Ml' •••• •• . \ï
•vxl^^f Lob wuiuJU.
394 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
yV-^3 J^ çj^y^iy^J]^ (J^j^\ j^^\ (ijy^^3 <^;JaJuJI
i^M iax**05 (^.AXjtîî o«»^î çj^ f^J^ \^i^ *Xx? (j-^03
U^ U^ ^î*XAâJi Uî^ pl»l iLS-^V_3 «^-â^îj w^î J^î (j^
Xilî liyJL» ijy^^\ ^ Ltf>yA=fc. ^^îUo (j**iiî (j^^ y\ ^yl
»i^^^ 0-^ fjV yi^ c:>^«^ c5^5^5 c(js-uaiî çj^ tj^y^
ljjJm ^î ç-UJi -^U; 5^^î cj^ J^j5/* iC^-Mj^ (3"^^ Vj-*»* ^'
* La leçon du ms. n** lo/io est : ^^AA-ifyjl oyi <U/« »ÂJuw9.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 395
:>j^[i (jm\juJ] :>U./i> ^1 )^U (j*é^\ (jjiûà ^1 :)j^I 0j£>«Xj
^_iûi ^] jyj^] 0-iÛ4>O :>U^b (jUi-«XJI ^î ^JM-C^îj.^
^j\ e.|«X;kâji ^{ «t^-^^^ V>^ )«Xiji e.«>UâJ y^) Q^ili^^^l /Q»^
^ ia«-w*J^ ^J>m\ ^Î/^" (îJ^^* (:>^^^ (^î^^ <-^^ 0^^"^^^
^ ^\ y^yJn^S ^jhÀ (^^ k^ i ^iyC*Jî ^ dUJïi
j*m-Auj *^ ^î (j5>i *Ai ^^lo 0j6*X? laxAwuvi (j*«U^t ^3^ ^
tNiTs-'j-» ^^^î ^jA»«XJî^l (j-« (jvjijîi jJsJb la.ir,dWb.ô /<>L_wlAsàL <j
Uî^ r^^^ (•j^'*^ iCtl^ <X;ij iCftUw *Xr&-^ U^-?^ tK=^^
^ La leçon du ms. n** io4o est 153*0.
396 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
L^^ M^^ CJ^J^Î <iî W*^^ (-K'^j^ ^^<*^ ^J^^*^ «>M*i;! l^Xw
::iWjCùwî UuS^yX\ (jîSb^vi^ll (j^:>^ dUJLI «:>jL c:^.^!^!^)!
xwufwJî ^1 î:>U.-*(b ^\ Ww ^i^jÂft^î^ (^jv^-çwIajÎ^ /j.jjj»**JJÎ^
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^-X-X-ÂÏJÎ ^L-*j ^f jjiL^r^il y^ ^ir*-^ iij\Jl. (jw4 ^ÀJb^
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MEDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 397
jùJl^j\^<y}\^ J^^b ^^^^^î^ c:>UiJl^ O^w^î^ ^UJI
ii-Aâ^î *y«jj^XJl (i3r^ (j^ JUi*-« ç^^'Aw Ϋ>s5^ Uift^^ [tj^
* La leçon du ms. n" lodo est sl^UL . Le ms. n° 1069 donne
st\^fa, sans doute pourvj^îa.
* Le ms. n" io4o porte ywi^Jf.
^ Le ms. n° io4o ajoute \oJ>.
* Le ms. n° 1069 donne ici la note marginale suivante : jUxiL^
398 OCTOBRE-NOVEMBRE 1805.
^Jy^ (j^ JlÂA^ cjj.:^ ^^3 u^'^^ (:y^ ^ j^^ 63>^
%
-Ll iL5^' /i^l;:> iu**^ -^ tX ^^^ ^iV^j *)^ ^Ji^î^^
^jSjo^^ULI fjj3 y^^ /^ (j-«^ 'ri;'^ {♦xxiftj \mJ^ ^y*^.3
-•^K-^î iTj-AjS^ (J*i|^iî j-=?-^^ ylxw^l ^t'^^^ 13*^ ^
s; "
jj^ ^1 ub"*^^ -?' ^J^y^ iùA:2I_5Î J^yll^i yL^iUil
' Le ms. n° io4o porte -^3yii' r^j*
^ Le ms. n° io4o ajoute ^0!
^ Le même ms. n" io4o porte oAjÇ. UTa .
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 399
ouÇ^yi ^JL« ^ÀÀj u^^ jUS <Xxj j4Xajc«^ iCÂiAw (^j-^I^S-j^
^ La leçon du ms. n° io4o est s(>.*X^ .
* Lems. n° \ol\o porte A^ ^/> ïs5^y^\ ^Uixif.
400 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
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• Le ms. n° io4o donne ï]JL].
' Le même ms. n° io4o porte c.yy«JI
' Le ms. n" io4o donne
MÉDFXINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 401
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402 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
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' Le ms. n° 1069 porte Lrf-.
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3 Le ms. n" lo/io porte ^à-^i?.
* Le tns. n" 1 o4o donne (Jj j^ •
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 403
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' Le ms. n" loAo ajoute ^^^l-
* Le IMS. n" io4o porte ajc^jc^.
27.
404 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
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^^XJaJi ^î b!^ «-^ *^ iLj^j,^5s^ ''^^^^ iLÂww^i ^5-**^^
^:>jj^\^ pXm^XÂ (i^ysl^ ^lLH ^ jJuJi^ j^*iî ^^ ëJ>>^
^i^î ^ eJlAJÎ C->Uil Uijl ^Uil^ Rjy^^ (j-yliUîi ^jj^
' La leçon <Ju ms. n° 1069 est ^jâ-^i- .
^ Les deux mss. n"' io4o et 1069 portent qI^a^UI.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 405
isjl)^ <J^ lJ>5 U>K Jb>^ Vj^ ui^^ î^ (i^Xi
cM^j j^^ »^y^^ «2>yu» ^^.^^^ >^\^^ j^î dum^
jlj^pL Jl^v^î^ c->U5<>Jî c^b yt^ ^^JwaJl Jyuo *JÎ cK**
«X^î Jvx> i>^UjiJî^ iowjJî^ U^^^ «^ *r**^^ *^^
xJl (^LwâJ J^wm.^ ^ud;& 4X^i (Jl^ ^â31 ^!^ ■f'tJ^^I (jàxj
^^^L »Lûflu« «>^-*J<J^ ^JSilàf^il5 i>j^î ^kj^î^ U ^^
406 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
' Le ms. n" xo4o ajoute «*J^.
' Le ms. n° 1069 porte v^Li.Jî. Le ms. n°io4o porte Ul
^^.^LoJf [sic), sans doute pour JI j»U ^f .
' Les mss. portent *A=h.y I.
* Le ms. n° 1 o4o ajoute *U .
* La leçon du ms. n" lo^o est >adj|.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 407
oc*pi ^^^ ^^j^i utj isç^ ji iu;5ï y ^SJo l^xi
j-iJ «XJ»j :>j|^l Jît* ^1 i^X-s-^î âjl-ca* ^î p^A^4 j^U ^i
' Le ms. n* 1069 donne Lbo'jJL.
408 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
^jî U^-X-a)5 t^v-Vft ii;LwSLfi J^JJHi iLj^jJl Uî^ (^>:?>*'5
^î ^ ^Càsî^jj^JL^i ^IjJaJUL^Î iot-JlL^Î^L ji^JOfii
^ok^ *X,«»^ a-jUsSoi UûjI ^jb S^;-:^ ^^^ J"-^' j' uLt*^^
' Le nis.n" 1069 porte ^jyàLyybfî le ms. n° 1 o4 o donne J^«w,| 3^1 f,
pour J^t^^f.
^ La leçon du ins. n" lo/io est ^,^1 (jL^^f ydJ] J {sic.}\
le ms. n" 1069 porte i_^LviJl en place de (_>Ia^|.
"^ La leçon du ms. n" lo^o est Js^«jL.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 409
j-A-x^ *ilj>j^J s^=-^ ( J^"^) J^4 o^**^ -^"^ 3^ dlUiL
l^-&-^ ^^iljj^i V;-^^ c5*>^^î cdyT^ :>U»^ -î^:>jls^l
iC-jt-/o«xJI ûî^ k*l aMÎ^ ^y-^3 iûftLw v.juâ3 jJv3 ^4^*
^ ^î jî c^;-:^ c-^I^^^I «^ (jlj-icpJ j-xlaiuj ^^K^î^
iU-^î _5l^^:^i ôU^L Jl.âK^:iiU ^U^j^ii U!^ ^5î
^^ jJLî jî J^-M*u«Jt ^^ j^y^^ ^ ^yaà^ ^^^ouaJÎ (j^«X^
^^ cK^^ Jc»d- -IjÎ «^-ôjJî^ 4^-5 ^^*^*^- ^^^
^ La leçon dums. 11° io4o est vtSÀ^ .yiJI; celle chi ms. n* 1069
410 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
yÀhS dL^M-O f^y^ y^m (j[/Àft]j f^*yjjl^ VXjjJ CJ>^^j^î ^j^^
j.j^I *>oj^ ^I ^Uiî i^u^\ *λXJL> ^1 ^UjcJÎ ^^jUtio
' Le ms. n° io4o porte yifc.3f.
' Le ms. n° iO/4o donne QLJf.
^ La leçon du ms. n" 10G9 est c>Jv4-
* Les deux mss. portent (jIla^UIj-
MÉDECINK ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 411
«X -^^ w^ ^Lj-Aiaj^ iLxUI i3-A^ ^ O^*^^ O^W iûXà?
^ÎLc: L^iX-s»-! ujUaj «X-ÂJilï^ *î^^ ^bî^ o^aÂft ÎJsS^
(^ ^t CX-^îj-Xlft jî JojUJI ^Ijlill? i^;^^ ioyÏKilj
Ul^ iSU-^fi? ^t-^ Â-JI (çjJ *-« yl^^-jutpl ^1 V^aS :>;3Jî
* Le ms. n° io4o porte ï^.Ju»'
' Le ms. n" 1069 offre çj^yc^-
^ Le ms. n" loAo ajoute ici ^^IX .
^ Le même ms. ajoute \Z<ui f •
* Le même ms. ajoute ici c:>L)>^[ [sic).
412 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
(j-« c>uk»<^xU ^ |*{ t->L«>Jl JJU^^jwiaJÎ j»UÏ ^o^ (J^ *|^-*m
' Co passage inanqui? dans le ms. n" 1069.
MEDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 413
tLiLxjLÎÎ^ yii^:^^î^ ^^^JL$jÎj J,s>-jÀ^]^ cyL^A^ft)^!^
tj J^-x-:^^ J.>w»^^ cK^-^ ^<-^^ Jj^:^^^AiÂi.^î c.Uj^àJI ^j«Xj
«^^t-juiàl v|^~^ A^-«5 ^J^ f»^ cKj^Jtîî ^^ C:J??*ÎÎ ti
* La leçon du ms. n" lo/io est L*^ ^-<*^^ tj^ C^^ «^[^ ^ ^f
'^ Le ms. n° 1069 pai'aît porter cjft>4^-
^ Le ms. n" 10^0 donne ijyjuîJf.
414 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Ooufcjj ^^^ <i^ ■^^'^^ (i^^ W^-^' 5j-ioo gJaj^ ^=?- ^j
&Lâ-xJ L^x^ :>i^ tXd^ J^MjJt^ cu^L io^.^k>o ^^^1^
Jjljcîî ^Llt (j^j tj.J[^^ UmjJî^ x.»j>^J1j (j).^^j #»j Js^wwjtJî
* La leçon du ms. n" lO^o est cUat^JiJf; celle du ms. n" 1069,
ylff.
A-XJl.^
' Le ms. n" jo4o porte >LII C«L-
' La leçon du ms. n° io4o est juaL» *^^\-
* Le ms. n° lo/io donne jOv^U*
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 415
v^iAAJ JUX» -«^î^^ *X*Aw J«^ (j^^ (j,»«Us:U| 0l2fc.i^ iuJbw*
^U<[ XK^- v>-i:s?rj^^ J.i^ J-**^^ î*-^4^ (>^*v: U*Xj»-1
^î i^j :<* ^LL^L ^^j-^5sJLi (j^LJl ^j<**j5»^i (jj^^ ^j^
* Le ms.n^ioAo ajoute ce qui suit: (^_:^«ï[) [yïw>^f ^3 *l CJv^
^-« (jf^JzjJî^f Cjj^ ^Lo^^î <AjtX-l[ ^Lo3 ^^^A^f ^f
" Le même nis. n" io4o ajoute ici : <^>SZj (j'^^^-
' La leçon du ms. n° 1069 ®** U^^î.
* Le nis. n° io4o ajoute lys^f.
* Le même ms. n' io4o porte ^«sâ.yj[, c'est-à-dire : «la fou-
gère. »
416 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
^U:*? V^ ^.>^^ èLi^jj^A iULl*^ y^Uô Uû;.AP^ iouLJl
(ji <}<JùLo^ iooy:5ll ij^5>=^ (j-« ^^ «-^ J^ aL».'û:w>w^^
Lav»^-^^ ^jÎv-A-^Uj J^ÀAijii^ JsiXij (^«XÂiû Lo^ «Xi-j^
w
' La leçon du ms. n" io/io est <_>jsa1?,
^ Le ms. n° io4o porte <vXaÀ/nOû.
"• Le ms. n° 1069 donne Uutu» ou *<1am»*.
^ Le même ms. n^ioôg porte Asic. [sic).
^ Le ms. n°io4o ajoute «ijJî ^j .
^ Le ms. n" 10/10 ajoute ^«.
U
MÉDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 417
^ji «^iAûj iC:^p >i f^*^* u^ ^b^ (j^ <5^ ^^^* AÎ^«^ «i
^jlâÂiî (j^^i pUt.^ J^*^:> (J-* ^' ^«^^i^J (j^ ^i r»>^^ CJ-» ^^
j*,<xi]î^ Jytlî^ Jo^K 4:yt^^ili tXî (j^ ^î (jbUJî c:>îi
>LiSï «^-^loLjJl j>>-*-î? r^ J^ y^-&jb ^^-«^1 (J^-^^
If <\ A i
TRADUCTION.
LE LIVRE DES FLAMBEAUX RESPLENDISSANTS, AO SUJET
DE LA MÉDECINE HUMAINE.
C'est l'ouvrage du cheïkh imam , et du docteur
magnanime, le savant, le dévot, Chihâb Eddîn Al-
kalyoûby Acchâfi'y.Que le Dieu très-haut le recouvre
de sa miséricorde et concède aux musulmans une
part de sa bénédiction ! Qu'à cause de lui Dieu favo-
rise quiconque transcrit ce livre , et quiconque le lit !
Amen. Que Dieu bénisse notre. maître Mahomet,
' Le ms.n" io4o donne ^Lyls ,
VI. 28
418 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
sa famille et ses compagnons, sur lesquels soit le
salut! Amen. Amen.
Au nom du Dieu clément et miséricordieux, sur
qui repose toute ma confiance. Louange à Dieu,
qui a fait l'espèce humaine la plus parfaite de toutes
les espèces, qui fa distinguée parla parole, l'intel-
ligence et la découverte; qui a voulu que la santé du
corps et de l'esprit de l'homme soit la cause de l'in-
vention de choses utiles. Bénédiction et salut sur
notre maître Mahomet, qui fut hien proportionné
dans le corps, les qualités et le naturel !
Or, voici un petit livre que chacun pourra com-
prendre, et sans avoir besoin pour cela de secours
étrangers. 11 réunit ce qui se trouve répandu dans
les autres traités sur ces matières, et dispense ainsi
de recourir à ces derniers. Que le Dieu suprême
lui fasse atteindre son but sincère, et favorise celui
qui désire tirer profit de cet ouvrage, dans de bonnes
intentions! Certes, Dieu est proche, puissant et
maître d'exaucer la prière de celui qui l'invoque.
Cet écrit est divisé en une prélace, dix chapitres et
une conclusion.
PRÉFACE.
SUR LA CONNAISSANCE DE LA MEDECINE
ET DE CE QDI S'Y RATTACHE.
La médecine est une science qui fait connaîti^e
les états des corps, tant dans la santé que dans la
maladie. Son sujet est l'étude des corps; son but,
c'est la conservation de la santé et l'éloignement des
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 419
maladies. Les recherches qu elle exige sont innom-
brables, et il faut employer les plus grands soins
pour celles qui sont possibles.
Sachez donc que toutes les maladies sont le pro-
duit dune altération du tempérament, suite de la
corruption de quelqu'une des quatre humeurs fon-
damentales qui par leur mélange le constituent.
Les causes de cette corruption se trouvent dans le
mélange des aliments et des boissons, dans l'almos-
phère, les lieux, les professions, les saisons, le som-
meil, la veille, dans le mouvement et le repos,
aussi bien du corps que de l'esprit , dans ce qu'on re-
tient et dans ce qu'on rejette. Le médecin étant bien
instruit sur toutes ces choses, nulle altération ne
peut survenir que par la volonté du Savant et Très-
Saint. Or, l'on reconnaît les affections par les symp-
tômes, par l'inspection du pouls et des urines. Mais
le Dieu très-haut est le plus savant.
CHAPITRE PREMIER.
SUR LA CONNAISSANCE DES OUIGINES DES MALADIES, DE CE
QU'ELLES PRODUISENT, DE CE QUI LES SUIT, ETC.
Il y a ici quatre paragraphes.
S I.
SUIl LA CONNAISSANCE DES QUATRE HUMEURS FONDAMENTALES DD CORPS,
AU MOYEN DU POULS OU DES URINES.
Le pouls peut être grand et accéléré , ce qui est
le signe do l'humeur sanguine, et ce qui prouve que
28.
^20 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
le sang est on prédominance sur les autres humeurs.
I^a place du sang est dans ie foie, et son origine
dans le soleil (ou le feu). Si le pouls est petit et ac-
céléré, cela indique la prédominance de la bile. La
place de la bile est dans la vésicule du liel, et son
origine dans les vents (ou l'air). Quand le pouls
est petit et lent, c'est là le signe de l'atrabile. La
place de celle-ci est dans la rate, et son origine est
dans la terre. Le pouls étant grand et lent, c'est un
indice de la pituite, ou du flegme. Sa place est
dans le poumon, et son origine dans l'eau. Lorsque
le pouls tient le milieu entre ces différents états, cela
prouve les justes proportions dans les humeurs du
corps de l'homme, sa santé et sa situation intègre.
Si enfin le pouls est très petit et très-accéléré, il
indique l'épuisement des humeurs et l'imminence
de la mort.
Quant aux urines, si elles sont rouges et épaisses,
elles prouvent l'excès du sang; si elles sont blanchçs
et épaisses, elles indiquent la pituite; jaunes et
épaisses, elles dénotent l'atrabile; purement rouges,
elles indiquent l'inflammation; jaunes et légères,
elles prouvent la bile; légères seulement, elles sont
un indice de la siccité du corps; vertes, elles prou-
vent la froideur; blanches, elles prouvent l'humi-
dité; si elles sont d'un jaune clair, elles indiquent
un état de maladie; d'un jaune tempéré, à la manière
de la couleur du cédrat et du petit-lait, elles prou-
vent la santé et l'état intègre du corps; d'un rouge
clair, elles indiquent les soucis, le chagrin , ot la dou-
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 421
leur du foie^; si elles sont fort puantes, elles déno-
tent la difficulté d'uriner; enfui, lorsque les urines
varient beaucoup de couleur, c'est là un signe de
mort.
S II.
SUR LES MALADIES QUI SONT PRODUITES PAR LES HUMEURS DU CORPS.
D'après des recherches qui ont été faites avec
soin et persévérance, on a trouvé que le nombre
des affections engendrées par les humeurs se monte
à trente-cinq mille. Nous allons mentionner ici quel-
ques-unes des maladies produites par chacune des
humeurs du corps.
Le sang donne lieu aux affections suivantes : la
diminution de l'intelligence^, le vertige, la cépha-
lalgie au front, la pesanteur des yeux, la chassie,
ou lippitude, avec chaleur et larmoiement; i'oph-
thalmie des deux yeux, aussi avec chaleur et lar-
moiement; les ulcères de la prunelle de fœil, les
ulcères du nez, l'affaiblissement de la vue, le sai-
gnement de nez, les pustules des paupières, la dou-
leur des oreilles, accompagnée de chaleur; les taches
rousses de la face ou lentigo; l'érosion des gen-
cives, le ramollissement des dents, les pustules de
la bouche, accompagnées d'humidité, de chaleur,
et d'une saveur douce; la raucité de la voix, fes-
quinancie, le gonflement de la veine jugulaire ex-
' Le manuscrit n° io4o ajoute: la teinte grise des urines est
un signe de fièvre; la couleur de safran est un signe de bile.
* Mot à mot : l'affiubiissemcnt de la tête.
422 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
terne, la toux humide, les écrouelles, la peste, ap-
pelée (en Egypte) coabbah, ou bubon; la lèpre
tuberculeuse, la variole, la rougeole, le prurigo,
les furoncles, les ulcères, les clous nombreux, le
charbon ou anthrax^, la pleurésie, la ménorrha-
gie, le cours de ventre et les vers intestinaux, la
pustule maligne, la folie, et les fièvres continues.
Les maladies occasionnées par la bile sont : fin-
llammation de la tête, le vertige, la douleur dans
le sommet de la tête ou sinciput, la cataracte
blanche ^, la sécheresse du nez, l'air chaud des
oreilles, les grandes taches brunes du visage, l'amer-
tume et la sécheresse de la salive, les pustules
chaudes de la bouche, l'âpreté ainsi que la séche-
resse du gosier; l'inflammation de l'estomac, la
soif, la dureté de l'hypochondre droit, les ulcères
secs, la cataracte jaune ^, la colique, finflammation
de la vessie, la léontiasis^, la gangrène, la difficulté
d'uriner ou dysurie, les calculs, ou pierres dans
la vessie et les reins; les papules ou petit boutons;
les verrues, les gerçures des pieds pendant fêté,
fahénation mentale, et la fièvre tierce.
L'atrabile produit les affections qui suivent : les
' Littéralement : le Jeu persan. On l'appelle aussi le Jeu sacrée et
quelquefois il sert ù désigner une sorte (rérésipèlc.
* Mot à mot : l'eau blanche dans l'œil. Cela indique une des variétés
de la cataracte, ou la cataracte blanche.
^ C'est une autre variété de ia cataracte. Littéralement : l'eau
jaune.
* C'est l'éléphanliasis des Grecs, ayant son siégo h la face. A la
lettre : la maladie du lion.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 423
dartres dans la tête et dans le corps, la céphalalgie,
la migraine, le vertige, l'air du nez \ l'astlinje, le
vomissement violent, l'indigestion, rcmphysème,
la syncope, les palpitations du cœm% l'insomnie,
la folie taciturne, la fréquence de la respiration, la
dureté de la rate, les calculs rénaux, la difficulté
d'uriner, la colique, (la douleur dans) la région hy-
pochondriaque, les vers (qui ressemblent aux se-
mences) des courges, ou les ascarides; la goutte
ou névralgie sciatique; l'impuissance, les crevasses
des pieds , la petite vérole , le tremblement , la goutte ,
(podagre ou arthrite), sans enflure; la calvitie^,
l'enflure ou tumeur; les hémorrhoïdes, les furoncles
secs, la sécheresse des tendons, la douleur du dos,
la froideur des reins, la douleur des conduits dé-
férents, dans les testicules, etc.
Les maladies engendrées par la pituite sont : le
vertige, la migraine dans le côté droit, la sensation
de poussière dans l'œil , l'ophthalmie humide et
sans rougeur, la lippitude, aussi sans rougeur; le
rhume de cerveau, la douleur d'oreilles, et la du-
reté de l'ouïe, la douleur et la carie des dents,
ainsi que leur agacement, l'embarras de la langue,
la pesanteur des membres, la difficulté de parler,
la toux humide, la dyspnée, les palpitations, l'hal-
lucination, la folie taciturne, l'insomnie, les dou-
' Le manuscrit n° lodo ajoute : i'eau noire dans l'œil (autre
vari(?té de cataracte, ou cataracte noire), le bruit et le tintement
dans les oreilles, la toux sèche.
■^ Littéralement, la maladie du serpent , ou opliiasis. C'est une es-
pace d'alopécie.
424 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
leurs aiguës de l'estomac, avec abcès et petits vers;
le cours de ventre, la petite vérole, le tremble-
ment des yeux, la contorsion du visage, l'hémi-
plégie, le relâchement des tendons, le lichen noir,
l'alopécie, la chute des cheveux, l'enflure, l'abon-
dance des poux, la grande sueur, le gonflement des
pieds, et la fièvre accompagnée de frissons.
Remarque utile.
L'expérience a prouvé que l'électuaire ci-dessous
est avantageux dans toutes les maladies et toutes les
douleurs du corps, tant externes qu'internes, depuis
la tête jusqu'aux pieds, et qu'on peut l'employer
en tout temps. La dose est de deux à six gros (de
huit à vingt-quatre grammes environ), suivant l'état
des forces.
On le prépare avec les drogues qui suivent : le
spicanard, ou lavande indienne ^; le mastic ^, le
safran, l'antispode, ou spode des Arabes^; la can-
nelle [Winterania cannella), le jonc odorant^, l'asa-
rum ou asaret^, le costus doux ^, l'aigremoine ou
eupatoire"^; la garance, la laque purifiée^, la graine
* Andropogon nardus.
* Résine tirée du terehinthus lentiscus, etc.
' Spodium, ou cendres du roseau des Indes; cendres de canne,
sucre pétrifié, etc. On a dit aussi iabaschir et tabaxir.
* Andropogon shœnanllius.
^ C'est le nard sauvage; on l'appelle aussi oreillette, cabaret, etc.
* Appelé aussi costus indien.
^ Agrimonia eupatoria.
" C'est-à-dire, fondue et coulée. La laque est une substance rési-
neuse, qui exsude de plusieurs arbres des Indes.
MÉDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 425
de Paradis (amomam granum paradisi), les clous de
girofle, le bois d'aloès, le carpobalsamum \ la rhu-
barbe, la graine de la cuscute ou barbe-de-moine,
la graine de céleri, et la graine de chicorée; parties
égales de toutes ces substances. De plus, feuilles
de roses sèches, comme le poids total de la masse.
On pulvérisera le tout, et on le pétrira avec le triple
de miel écume. Dieu est celui qui guérit!
S III.
SUR CE QUI EST AVANTAGEUX, EN GENERAL, CONTRE CHACUNE
DES HUMEURS DU CORPS.
Quant au sang, on lui donne issue au moyen de
la saignée, ou de la purgation par la garance, l'hy-
dromel^, et le mézéréon^. On le rafraîchit, comme
l'expérience le prouve, au moyen de la moelle du
palmier, ainsi que par l'emploi des jujubes^, de la
laitue, du pourpier, et de la morelle.
La bile est évacuée par la violette , la scammonée ,
appelée màhmoûdah ^ l'asfar ^, l'eau de liseron ou
' Fruit du baisamier de la Mecque, amyris opohalsamum.
* Les deux manuscrits portent JLoU«^f et (jLo>«<yf; mais ia
vraie leçon est sans doute (JX^^^^^3] ^ du grec vSpàfieh.
^ C'est le bois gentil, ou la lauréole femelle. Daphne mezereum,
daphne oleoides, (jarou, etc.
* Zizyphus sadviis, zizjpha rubra, etc.
^ C'est-à-dire substance dlfjne de louange. Il s'agit du convohulas
scammonia.
^ Ou jaune. C'est, dit-on , une herbe laxative, qui ressemble à la
laitue, et qui croît dans les rivages sablonneux. Mais je pense qu'ici
426 OCTOBRE-NOVEMBRE 1805.
liset \ et les pommes grenades avec leur pulpe. Elle
est rafraîchie par l'orge, la chicorée et la laitue;
elle est adoucie par la manne, l'eau des fruits, le
tamarin et les prunes; elle est domptée par toutes
les substances acides et astringentes.
On expulse l'atrabile parla purgation , au moyen du
myrobalan chébale, du lapis-iazuli, de Tépithyme,
de l'agaric, du polypode^, du séné, et de la lavande
nommée stéchas [lavandala stœchas). On l'adoucit
par l'usage du myrobalan emblic^, de l'asarum, du
carpobalsamum , des séhestes \ des figues, de la
cannelle et du sucre. On la calme à l'instant par
l'emploi de l'eau de menthe.
La pituite est chassée au moyen de la purgation ,
par la pulpe de coloquinte, k moelle du safran
bâtard, ou carthame; les graines des orties, le col-
chique, l'agaric, et le turbith végétal ^. Elle est
adoucie par les graines de l'indigo , la scille et l'hy-
dromel, ou eau miellée. Elle est supprimée parle
costus des i\rabes, le bois d'aloès et la graine de Pa-
radis.
Les trois humeurs ci-dessus nommées (bile,
^^-^f est employé pour ^Â*tf^f JyJU>^l et signifie, par conséquent,
le myrobalan jaune, ou citrin.
' Cotivolvulus f convolvuUis arveiisis.
* Les deux manuscrits donnent ^isU: et ^U.*w; mais je ne doute
pas que la bonne leçon ne soit ^^JLmj.
■* Vhyllanthus emhiica, cmblica.
* Petites prunes, ou drupes noirâtres du sébestrier; cordia sehes-
tenUf cordia mixa.
■' ConvolvuUis turpelhuin. C'est une plante du genre liseron.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 427
atrabile et flegme) sont dominées par l'aloès, les
graines de l'indigo, le laurier, le concombre sau-
vage \ l'amidon, la centaurée, l'euphorbe pitbyuse,
l'ellébore^, la matricaire, elle sel gemme très-blanc,
ou sel dârâny.
Il faut bien savoir que débarrasser le corps par
un purgatif ou quelque chose d'analogue, c'est aider
les médicaments à produire l'effet que l'on a en
vue. Par conséquent, il convient de commencer par
la purgalion. Un médecin a dit à ce propos : « Le
sang est un esclave qu'on ne saurait dominer, et qui
souvent tue son maître; la bile est un chien qui
mord sa thériaque ^; l'atrabile est une terre qui,
chaque fois qu'elle est remuée, tout ce qui est sur
elle se met en mouvement; la pituite est un roi,
un chef : toutes les fois qu'on lui ferme une porte ,
il en ouvre une autre. »
L'humeur sanguine est chaude et humide; Thu-
meur biliaire est chaude et sèche; l'humeur atrabi-
laire est froide et sèche ; l'humeur pituitaire est
froide et humide. Chacune de ces humeurs doit
être traitée par les moyens qui sont en opposition
avec elle, soit dans ses deux qualités ensemble, soit
dans une seule.
La règle sur les propriétés des médicaments s'ap-
«
' Momordica claterium.
^ L'un (les deux manuscrits donne ^j'^-M-t et l'autre ,*J>=^ ; mais
il est probable que la bonne leçon est /aJ-J^-
^ C'est-à-dire, qui rend inefficace le meilleur médicament qu'on
dirige contre elle. De là la nécessité de l'évacuer.
428 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
prend par leur saveur. Ainsi, tout ce qui est doux
est modérément chaud et humide; tout ce qui est
amer, acre, est chaud et sec, mais avec prédomi-
nance de la chaleur; tout ce qui est salé est aussi
chaud et sec, mais avec prédominance de la séche-
resse; tout ce qui offre un mélange de doux et
d'acide (aigre-doux) est également chaud et sec,
mais avec prédominance de chaleur ^. Ce qui est
gras est modérément froid et humide; ce qui est
fade, c est-à-dire où ne domine aucune des saveurs
ci-dessus mentionnées, est humide, s'il s'agit d'une
substance liquide; sinon, il est sec, à l'exemple du
fromage. Tout ce qui a un goût agréable est tem-
péré. Les graines, les semences, et les écorces,
suivent la nature de leur origine; toutefois, avec
une tendance à la chaleur et à la siccité. Mais celles
qui ne sont pas en bon état donnent lieu à beau-
coup de flatuosités, elles se corrompent, et laissent
après elles d'abondants résidus. Au contraire, tout
ce qui est frit offre des effets opposés, mais cela
est de difficile digestion. Ce qui est bien broyé pé-
nètre plus vite dans le corps.
La chair de tout animal est mauvaise dans son
âge tendre, comme dans son extrême vieillesse;
elle est excellente dans sa croissance, et médiocre
dans sa maturité. Le mâle est toujours meilleur que
la femelle. Il faut préférer l'animal gras, et celui
' Le manuscrit n" lo/io ajoute : tout ce qui est acide, ou d'une
saveur fraîche, agréable, est froid et sec, mais avec prédominance
de la sécheresse.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 429
de petite taille. F^^es meilleures parties sont : d'abord
celles du devant, puis celles des côtés, en donnant
la préférence au côté droit sur le gauche; ensuite
les parties internes des membres, puis les parties
voisines du dos, et enfin celles qui adhèrent aux os.
Quant aux oiseaux en particulier, les oiseaux domes-
tiques, ou apprivoisés, sont préférables; viennent
ensuite ceux qui sont sauvages. Leurs ailes sont les
meilleurs morceaux , et après cela vient la poitrine.
Pour les poissons, ceux qui ont la chair ferme et
qui ne sont pas trop maigres sont les meilleurs. On
préfère les poissons petits, puis ceux d'eau douce,
ensuite ceux qui sont d'un gris rougeâtre, et enfin
ceux de la mer. Leur moitié postérieure est la plus
recherchée. Toutes les parties molles sont de la
nature de l'animal qui les renferme. Tous les fruits,
abondants en principes aqueux, sont plus humides
ou plus fi:'oids, suivant ce qui a été dit plus haut.
S IV.
QUELS SONT LES ALIMENTS, SOLIDES ET LIQUIDES, QUI CONVIENNENT À
CHACUNE DES QUATRE HUMEURS CARDINALES DU CORPS, POUR LE
MANGER ET POUR LE BOIRE.
L'humeur sanguine se trouve bien de l'emploi
des aliments qui suivent: la viande des veaux gras,
celle des chevreaux, ou celle des alouettes, les jeunes
pigeons, et les moineaux. Puis les mets aux lentilles,
ou aux navets, ou aux concombres, ou au sumac,
avec de l'huile d'olive et du sel. Ou bien : les plats
au riz , avec un peu de châtaignes, les pommes gre-
430 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
nades, le biscuit, et le pain, sans aucune graisse.
Il faut unir à ces substances quelque chose d'acide,
comme le vinaigre, ou le verjus, ou autre in-
grédient analogue. Voici les boissons et les fruits
qui conviennent à l'humeur sanguine : le lait aigre,
le suc de coings, ou de grenades, ou de tamarin,
les poires, la pulpe de palmier, etc.
Les aliments qui conviennent à l'humeur biliaire
sont: la viande de chevreau, les poissons frais, la
bouillie, faite au lait ou au froment, les lentilles,
les courges, le légume, ou haricot, appelé mâch^,
avec addition de graisse. Ensuite les plats de chi-
corée, ou de pourpier, ou de l'espèce de gelée à
l'amidon, à l'eau, au miel, etc. ou d'amandes
unies à une petite quantité de sucre ou de graisse.
Quant aux boissons : le lait aigre récent, bien que
non écrémé, l'infusion de tamarin, de prunes, etc.
Pour les fruits : la banane, la canne à sucre, la pulpe
du cédrat, le concombre, la rave, le melon, la
pomme, etc.
L'humeur atrabilaire demande, en fait d'ali-
ments : les moutons gras, les pigeonneaux rôtis, la
bouillie épaisse de dattes, les jaunes d'oeufs avec la
graisse de bœuf, la noix d'Inde avec le sucre rouge,
ou cassonade; ou bien avec le raisiné, etc. Pour les
boissons : le vin de dattes, ou de raisins secs privés
des pépins, etc. En fait de fruits : la canne (à sucre),
le cédrat, la pomme de pin, la pislache, la figue,
• Pha<;colus muncjo.
MÉDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 431
les grenades lisses, les poireaux, les radis, roi-
gnon, etc.
Enfin l'humeur pituitaire exige pour aliments :
les moutons gras rôtis, avec addition de la graine
de sénevé, ou de poivre, ou de carvi \ le pain au
miel, le fromage vieux avec l'huile, ou le fromage
piquant et gras, l'ail frais, la roquette^, les noix,
les dattes , et les carottes. Pour boissons : l'eau sucrée ,
l'infusion de girofles, de cannelle, etc. Pour fruits:
les raisins secs, les dattes, etc.
Eludiez avec soin les matières traitées dans ce
chapitre, car l'on trouve rarement dans les autres
ouvrages des considérations de cette même nature.
Le Dieu très-haut est le plus savant, et c'est lui
qui inspire le bien.
CHAPITRE DEUXIÈME.
SUR LES MALADIES DE LA TÊTE.
Ce chapitre est divisé en cinq paragraphes.
SI.
SUR CE QUI EST UTILE, D'UNE MANIÈRE GÉNÉRALE, CONTRE LES MAUX
DE LA TÊTE, SOIT LA CÉPHALALGIE, OU UNE AUTRE AFFECTION.
Maladies de la tête.
Les maladies de la tête, soit chaudes, soit froides,
sont combattues généralement avec efficacité par
l'emploi d'un mithkâl ( un gros et demi ou six grammes)
' Cariim carvi, ou cumin des prés,
^ Brassica eruca; eruca saliva.
432 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
de graine de henné \ avec trois onces deau et de
miel; ou bien, en prenant pour boisson l'eau des
fleurs de pommes, ou de poires, ou de coings, ou
en introduisant dans le nez le fiel d'ours, ou le fiel
de pélican, mêlés avec le suc delà poirée, ou bette.
On peut aussi prendre de l'aloès socotrin , du borax
rouge d'Arménie^, de la nigelle , ou herbe aux épices;
de chacune de ces substances deux gros. On les
pulvérisera; puis, au moyen d'un gros de vieille
huile d'olive, on en fera une pâte, à servir comme
errhin, c'est-à-dire médicament destiné à être
introduit dans les narines. Son emploi durera
trois jours, soit au commencement ou à la fin du
Céphalalgie.
Si la céphalalgie est le produit de la cbaleur, alors
sont utiles les réfrigérants qui suivent : les prunes,
les jujubes, pour manger; l'oxymei uni à l'eau de
pourpier, pour boire ; un gros et demi de henné , ou
de ses fleurs, avec du miel, en boisson, ou bien
avec du vinaigre, en application froide, ou épithème;
ou avec de l'eau de roses, pour flairer, ou avec des
roses pulvérisées, en épithème, ou pour flairer;
l'huile des semences de courges, pour flairer, ou
pour introduire dans le nez, ou pour être appli-
' Hinnâ. Lawsonia inermis.
^ Nitre rouge d'Arménie, sorte de nalron, ou azotate de potasse.
' H s'agit ici de mois lunaires, et l'auteur veut sans doute éviter
l'emploi do ce médicament lors de la pleine iuno.
MKDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 433
quée en topique ou épithème; l'huile de violette,
pour flairer, ou comme errhin, ou en topique, ou
pom' boire-, le suc de la moreile noire, Teau de
courges, le suc ou le sirop de citron , en applications
froides; le cubèbe indien et les noyaux de pêches,
unis avec Teau de roses, en frictions sur le front;
l'eau de roses, l'eau de coriandre verte et l'huile
d'amande, le tout en friction, comme il a été expé-
rimenté; f huile de roses, ou l'huile de myrte, aussi
en friction, spécialement avec l'opium, car celui-ci
délivre du mal de tête mortel.
Au contraire, si la céphalalgie est le produit du
froid, on emploiera : î'oxymel et l'épithyme, avec
le lait des fleurs mâles du palmier, en boisson; cinq
carats (vingt grains ou un gramme) de perles pul-
vérisées unies à feau de serpolet, également en
boisson; le breuvage à fbydromel avec un demi-
gros d'agaric. On appliquera comme topiques : le
fiel de la chèvre , les amandes a mères , ou leur huile ,
les cendres des poils humains, ou des poils des bre-
bis, la rue sauvage, ou harmale; le poivre, la ca-
momille et le serpolet; toutes ces substances étant
unies au vinaigre. Et l'on fera usage , pour onction ,
des huiles chaudes, telles que l'huile de camomille
et celle de costus.
Lorsque la céphalalgie est associée à la douleur
d'estomac , on emploiera à l'intérieur : les coings , les
poires, le sirop de jujubes, les prunes, les grenades,
les mûres, le myrte, etc. On oindra l'estomac et la
tête avec fhuile tiède de roses ou de myrte. L'on
VI. 29
434 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
peut aussi appliquer sur la tête : les roses, le sandal ,
l'acacia, ou le suc de son fruit; le cate, ou suc du
lyciuïn\ et la terre sigillée, avec les roses ou l'eau
de myrte, de vigne ou de fleurs de palmier.
Dans les cas où la céphalalgie est produite par
l'ardeur du soleil ou par la fumée, l'on doit oindre
la tête avec l'huile d'amandes ou de roses, avec
addition de vinaigre. Il sera utile de flairer les roses,
ou les fleurs de courges. L'expérience a prouvé que
celui qui flaire souvent la marjolaine n'a jamais de
mal de tête.
Il est bon de noter que, lorsque la céphalalgie a
lieu dans le côté droit de la tête, elle provient de
chaleur aux reins. Alors on doit introduire dans les
narines fhuile de violettes, avec de l'opium. Si, au
contraire, elle a lieu dans le côté gauche, elle pro-
vient de froid. On introduira dans les narines fhuile
de roses, etc. Si c'est dans le sommet de la tête, on
emploiera , comme errhin , f huile d'amandes douces,
avec le sucre, ou l'aneth^. Quand c'est au front, il
sera utile de boire la décoction d'orge sucrée. Si la
céphalalgie se fixe du côté du gosier, on mâchera la
nielle ou nigelle. Si elle est accompagnée de bruits
dans la tête, l'on introduira dans les narines de
l'huile, dans laquelle aura bouilli du lait. Si elle est
associée à de la sécheresse dans les cartilages du
nez, ou les fosses nasales, on emploiera comme
' Rhainnus infectorius.
'■^ Anetluim: anethumjœniciilum.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 435
orrhin deux dâniks^ de strutbium, ou saponaire^.
Si elle a lieu après de la somnolence, on appli-
quera sur les tempes de l'écorce de grenade, ré-
duite en pâte au moyen de l'eau de radis. Enfin si
elle se manifeste de temps en temps, on doit faire
en sorte de dormir beaucoup.
Migraine.
La migraine est analogue à la céphalalgie qui est
bornée à lune des moitiés de la tète. Seulement
elle est plus douloureuse, et les souffrances qu'elle
occasionne s'étendent jusqu'à ToeiL Quand la mi-
graine est froide on mettra en usage : le musc et
l'huile d'abricot à l'amande amère, n'importe le
mode d'emploi; la rose musquée^, le jasmin* et le
safran, pour flairer, ou comme topique; le sésame
avec son écorce, et l'encre à écrire (d'Orient), en to-
pique. Si la migraine est chaude, alors on emploiera :
la viande de bœuf pour nourriture, et le tamarin
^ Le dânik contient trois carats, c'est-à-dire douze grains, on
soixante centigrammes.
^ Gypsophila struthiam. Saponaire à petites fleurs blanches , pas-
j
serine , etc. Le terme arabe est ^(>3o synonyme de , *«LksJl .J^ ,
ou herbe à éternuer. AclueHement, en Egypte, le mot j*)<>JO dé-
signe l'achiUée ptarmique [achiliea ptarrnica), et en Algérie l'ellé-
bore. Du reste, pareil fait arrive pour plusieurs autres plantes, etc.
J'avertis, à ce propos, que j'ai donné généralement la dénomination
adoptée par M. le D"^ Sontheimer, dans sa traduction allemande de
l'ouvrage d'Ibn Baïthàr.
^ Rose pâle, ou rosa canina.
' Jasmin d'Arabie, ou sanibac.
29.
436 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
en boisson. On pourra aussi boire l'eau de morelle
noire, de pourpier, etc. ou s'en servir en applica-
tions froides.
§ II. .
SUR LES RHUMES OU LES CATARRHES.
Catarrhes.
Ce sont là des affections générales, et si on les
mentionne à l'occasion des maladies de la tête,
c'est qu'elles sont le plus fréquentes dans ces cas.
En Egypte elles sont nommées alhaoaâdir, ou les
fluxions. Sont utiles dans ces maladies, et d'une ma-
nière générale : la camomille, qui les chasse de la
tête, du corps et des os *; il en est de même de l'a-
rille, ou du macis, et du pouliot-, l'onction avec de
l'huile, dans laquelle on a fait frire les grains du
café, jusqu'à ce qu'il soit brûlé ou tori'éfié.
Les catarrhes chauds demandent les remèdes sui-
vants : le pavot à l'intérieur, ainsi que l'eau d'orge
et l'infusion de tamarin, pour boisson; la noix de
galle, laneth odorant ou puant^, la coriandre, le
myrte, le sandal , l'acacia, comme épilhème, em-
brocation et friction; le sucre solaïmâny, ou très-
pur, pour respirer par les narines, étant uni préa-
lablement au suc de l'orange ou du cédrat.
Les catarrhes froids sont traités par les substances
^ L'auteur veut probablement parler des cas dans lesquels ces
maladies sont ou deviennent des rhumatismes.
^'Anetlmm (jraveoleiis.
MÉDli:CINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 437
qui suivent : les noisettes unies au poivre, le chou
ordinaire uni au sucre, pour manger, et l'emploi
des liiera^; la nigelle, le cumin, l'ail et le séné, en
aspiration par les narines, avec de l'eau, ou en onc-
tion avec leurs huiles préparées.
En outre, tout ce que Ton dira à propos du co-
ryza ou rhume de cerveau est utile ici. Pour dis-
siper, en général, les gonflements dans les catarrhes ,
on fera usage dos frictions avec l'eau de coriandre
unie à l'huile d'amandes; ou bien on appliquera sur
la partie enflée la farine d'orge ou l'écorce de pa-
vot unies au vinaigre. L'on pourra boire aussi le
henné avec le miel, comme il a été dit ci-dessus.
S III.
SLR L'HÉMIPLÉGIE, L'OUBLI OC PERTE DE LA MÉMOIRE, LA LÉTHARGIE,
L'APOPLEXIE, LE DELIRE, LE VERTIGE, L'ENGOURDISSEMENT DES
MEMBRES, L'INCUBE OU CAUCHEMAR ET LE TREMBLEMENT.
Hémiplégie, perte de la mémoire, etc.
Toutes ces affections sont le produit de l'humidité
et du froid. Elles sont traitées d'une manière géné-
rale par tout ce qui est chaud et humide , ou chaud
et sec. Par exemple, en nourriture : la tête de lièvre,
les pigeons mâles des colombiers, à cause d'une qua-
* Du grec /epa, sacrée ou sainte. Ce sont plusieurs médicaments
composés, en général laxatifs, que les Arabes ont appelés ijâradj, et
au pluriel , iyâradjât. Le plus usité était celui nommé ijâradj Jikr a,
du grec îepà tsixpâ, hiera picra, sacrée amère, ou sainte amère.
C'était un électuaire amer et purgatif, dont Taloès formait la base,
car il en était le principal ingrédient.
438 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
litë particulière dont ils sont doués, l'aii, le poivre,
la plante nommée 'oud alkarh ou pyrèthre', surtout
avec addition de miel. On prendra aussi : la rhu-
barbe, la (gomme résine) bdeilium, l'origan, le cé-
leri, la résine mastic, et le castoréum; tout cela a
été expérimenté. L'on emploiera également: un gros
de rue chaque jour, ou deux mithkâls (près de trois
gros) de garance, avec de Tanis, et dans le méli-
crat^ ; l'expérience en a prouvé refficacité. En outre,
on fera usage des huiles chaudes à l'intérieur et en
frictions. On administrera un mithkâl de cristal brûlé
avec une once de lait d'ânesse; on administrera
tous les jours la même dose de ce composé sec, sa-
voir : clous de girofle, cannelle, nard indien^, iris
faux acore, graine de paradis, gingembre, année,
racine de grenadier sauvage et anis ; parties égales de
chacune de ces substances; sucre blanc et candi, du
poids total delà masse. Enfin on se frottera avec des
amandes brûlées unies au lait d'ânesse.
Hémiplégie.
Les médicaments qui suivent ont été trouvés par-
ticulièrement utiles dans l'hémiplégie. Ce sont : un
mithkâl de l'électuaire de l'anacarde avec l'hydro-
mel, une fois par semaine; l'onction avec l'huile de
costus, ou avec fhuile d'olive,, dans laquelle on aura
brûlé du poivre.
' Anthémis Pyretkrnm.
'■' Melicratum ou apomeli, espèce d'hydromel des anciens.
^ Valeriana jaturnonsi. Roxb.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 439
Perte de la mémoire.
Dans la perte de la mémoire ont été trouvés
utiles les médicaments suivants : les hiera^, les my-
robalans, l'encens, mâché habituellement, l'onc-
tion de l'occiput avec de l'huile d'olive, et l'odeur
de la fumée des cheveux humains que 1 on brûle.
Ensuite , quiconque portera sur soi l'aiie droite de
l'oiseau nommé huppe se rappellera tout ce qu'il
voudra, et n'oubliera rien.
Pour aider à la conservation de la mémoire et de
l'intelligence , on Fera usage des moyens suivants :
la viande de mouton, le raifort, le beurre, la rose
musquée, et le composé sec, formé d encens, ou oli-
ban, de souchet^, de sucre blanc; parties égales de
chacun de ces ingrédients. On prendra de ce com-
posé, en poudre, cinq gros par jour, pendant trois
jours de suite, et l'on se reposera cinqjours. Après on
recommencera, et ainsi successivement. C'est de cette
manière que l'expérience en a indiqué le bon em-
ploi. Celui qui respirera la fumée de la corne de
chèvre que l'on brûle se rappellera les choses qu'il
avait oubliées.
Voici ce qui provoque la perte de la mémoire et
la douleur de tête : parler beaucoup, trop manger,
abuser du coït, dormir pendant le jour, faire usage
de l'oignon, delà coriandre verte, de l'ail, de l'a-
neth odorant, quand même ils seraient cuits; des
' Voir ci-dessus, p. ASy.
^ Cyperm , cyperus rotundus.
440 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
dattes, soit sèches, soit fraîchement cueilHes; des
lentilles, des mûres douces, des semences de lin , de
la mélongène, de la graine de sénevé on moutarde,
du fenugrec , quand bien même ce ne serait pas à l'état
cru; du safran, de la graine de céleri; enfin respirer
le parfum des ongles de senteur \ et du storax.
Vertige.
Dans le vertige, maladie qu'en Egypte on ap-
pelle daoïihhah., ou étourdissement, on prendra, au
moment de se coucher, ou avant de s'endormir, la
poudre de coriandre sèche, spécialementaprèsqu'elle
aura infusé dans le vinaigre, et qu'elle aura été sé-
chée; on ajoutera du sucre, ou du raisin sec rouge,
privé de ses pépins. Le sirop de roses, pris à jeun,
est aussi fort utile dans ce cas.
S IV.
SUR L'ÉPILEPSTE, LA MÉLANCOLIE, LA MANIE, ETC.
Epilepsie, mélancolie, etc.
Pour ces maladies, l'utilité de (la composition
appelée) southaïra^ a été prouvée par l'expérience.
* C'est le nom qu'on donne à une coquille odorante, provenant
du mollusque appelé slrombus lentiginosiis. Cette dénomination don-
(fies vient sans doute de ia forme de ladite coquille.
2 C'est le nom donné h. un médicament composé, dont la réputa-
tion approchait de celle de la tliériaque. Ce mot soulluura vient du
grec (jÛTSipoL, ou (la médecine) qui sauve, qui guérit, etc. autrement
dire, \e yrand sauveur.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 441
Epilepsie.-
Une espèce d'épilepsie est la maladie générale-
ment connue sous le nom de oumm assihiân, ou épi-
lepsie des enfants. Laguérison de l'épilepsie est facile
avant l'époque de la puberté\ ensuite elle est diffi-
cile jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, et presque im-
possible plus tard. On combat cette maladie par les
substances qui vont suivre : Tassa fœtida , le bois
d'aloès, le sagapénum, l'ambre gris, le musc, l'a-
garic, la pierre du taureau^, la décoction de l'épi-
thyme, la rue, l'iris faux acore, l'iris de Florence,
l'écume de mer^, les cendres des os brûlés, notam-
ment de ceux des crânes, la cendre des sabots des
ânes, surtout mêlée au miel , la cervelle du chameau ,
la vésiclile du fiel de l'ours, la présure du lièvre; le
tout à l'intérieur, en boisson; la pione, ou pivoine,
nommée aussi 'oud assalîb , ou bois de la croix , prise
à l'intérieur, ou bien simplement portée sur soi; un
carat d'émeraudes, dans une once devin blanc, en
boisson, moyen dont l'utilité a été établie par l'expé-
rience; les onctions avec les huiles chaudes; les fumi-
gations avec les ongles de senteur^; et c'est un emploi
que f expérience a sanctionné aussi; l'huile de finté-
rieur ou amande de la noisette , et l'huile de sésame ,
introduites dans les narines; les petites pierres que
' Litléralement : avant la sortie des poils dans le pubis.
^ C'est une concrétion pierreuse qui se forme quelquefois dans la
bile de cet animal.
^ Alcyonion, spmna maris.
' Voyez ci-dessns, p. /|/io.
442 OCTOBRE-NOVEMBRE 18C5.
l'on trouve dans le ventre du coq blanc, portées sus-
pendues sur soi; manger la chair de la huppe et du
hérisson, comme cela a été expérimenté; prendre
de l'opopanax en boisson , ou introduire du casto-
réum dans le nez; cela a été trouvé utile dans Tépi-
lepsie des enfants; porter au doigt une bague faite
avec le sabot de l'âne, notamment avec le sabot
droit; enfin manger la chauve -souris en friture,
avec l'huile d'olive.
On a appris par l'expérience que, lorsque l'en-
fant nouveau-né a reçu des fumigations de bile, il
est garanti contre l'épilepsie. Flairer le narcisse est
aussi un bon moyen prophylactique contre cette
maladie, à cause d'une propriété inhérente à celte
fleur. Il faut d'ailleurs que la personne atteinte
d'épilepsie évite l'usage des substances vaporeuses,
et emploie, au contraire, les moyens qui empê-
chent les vapeurs de monter au cerveau. Tels sont :
la coriandre, les poires, les coings, etc.
Mélancolie.
La mélancolie est utilement traitée par les viandes
de faucon et de sacre ^ , par l'eau de la menthe pouliot ,
avec un lénitif, tel que les prunes, en boisson;
par l'emploi constant, une fois par semaine et en
boisson, d'un mitliMl de lapis-lazuli , et de la même
quantité d'épithym, dans l'eau de pouliot, ou dans
l'oxymel. On peut aussi administrer le médicament
composé suivant: épithym et absinthe, deux par-
' Falco nisiis.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 443
ties de chacune de ces plantes; mousses, une partie
et demie; racine dite les doigts jaunes \ une partie.
On pulvérisera ces substances, et on les donnera,
unies avec quelques-uns des véhicules dont il a été
parlé ci-dessus, ou bien incorporées avec le miel.
Un autre moyen contre la mélancolie, c'est Tintro-
duclion dans les narines du lait de femme , mêlé
k l'huile d'amandes, ou à l'huile de violettes, ou
à celle de nénuphar, ou à celle de courge.
Manie.
Quant à la manie atrabilaire ou noire, on la
traite par les remèdes ci-après : le séné, la coriandre
verte, le lait de chèvre, la coloquinte, la tisane
de bette, donnée pendant trois jours, et la racine
de béhen rouge ^, administrée plusieurs fois.
C'est ici la place de noter que parfois ont lieu
dans la tête des épanchements sanguins, qui occa-
sionnent de fausses imaginations, autrement dit
des hallucinations, telles que la vue d'un feu, ou
de gens qui veulent tuer ou battre le malade.
Alors celui-ci parfois déchire ses vêtements, ou
se serre contre les personnes présentes, ou crie
beaucoup, etc. Il est avantageux d'employer dans ces
^ Cette racine a ia forme d'une main; on l'appelle aussi la main
d'Aîchali, femme de Mahomet, et plus souvent, la main de Marie,
f^.y^ ij^^ ' Il s'agit peut-être ici du satyrium basilicum. Plusieurs
' (M ^
autres plantes sont nommées, comme celle-ci, ddiy^ t_^ • Telles
sont: l'agnus-castus, la rose de Jéricho, etc.
'^ Salvia hœmatoides , staticc limonium
444 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
circonstances l'huile bien connue de ces courges que
l'on coupe par tranches. On s'en frottera le milieu
de la tête, les tempes et le front. Pendant plusieurs
jours, on s'en servira également comme errhin.
Remarque.
J'ai connu par l'expérience que la théria(jue d'or,
de laquelle sont avares les hommes inteUigents, et
que tiennent cachée les hommes excellents, est
utile dans toutes les maladies du cerveau susmen-
tionnées, etc. Elle est utile aussi dans l'hydropisie,
l'ictère, contre les poisons, dans les affections de la
poitrine, de l'estomac, du dos et du reste du corps.
Voici comment on la prépare : on prend des
perles, qu'on pulvérise avec grand soin, et qu'on
arrose au moyen de dix fois leur poids de suc de
cédrat. Ensuite on les introduit dans une fiole,
que l'on bouche avec de la cire, et que Ton place,
jusqu'au goulot, dans l'eau chaude, pendant trois se-
maines. Après cela , on prend ce qui suit : aloès, sept
gros; scammonée, cinq gros; épithym, cannelle ^
roseau aromatique; de chacune de ces trois subs-
tances, quatre gros; lapis-lazuli , clous de girofle,
bois indien ou aloès , sandal rouge , gomme arabique ,
gomme adragant et or; de chacune de ces subs-
tances, trois gros. On pulvérise le tout, et l'on en
fait une pâte, au moyen de la solution ou soluté ci-
dessus. On en fabrique des pilules, grosses comme
' ïjaurus cinamonium.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABEi?. 445
les pois chiches. La dose de ce médicament est d'un
mithkâl et plus, suivant la force et l'âge (du malade).
L'électuaire qui suit est presque aussi utile que
le précédent, et il s'appelle l'électuaire qui renferme
de grands secrets. 11 est avantageusement employé
dans toutes les affections du cerveau; il augmente
l'esprit, la mémoii'e et la raison; il chasse les vents
et le froid. Ainsi l'expérience l'a fait connaître.
Pour le préparer on prend : myrobalan chébale,
une portion; agaric, gingembre, coriandre, graine
de moutarde, mousse, graine de henné, graine de
céleri et aloès; de chacune de ces substances une
demi-portion; mastic, roses, nard , bois d'aloès; de
chacune de ces substances , un quart de portion ;
safran, costus, musc, ambre gris et ladanum ou
labdanum^; de chacun un huitième de portion.
On dissoudra dans l'eau de roses celles parmi ces
substances qui peuvent s'y dissoudre; on pulvéri-
sera le reste, et l'on incorporera le tout dans une
quantité égale de miel écume, ou dans le suc de
chicorée ou de céleri. Puis on réduira la masse en
pilules. La dose est de deux mithkâls. Ce médica-
ment peut aussi être employé comme errhin et en
friction.
SV.
SDR L'AMOUR SEXUEL, SUR CE QUI LE PROVOQUE ET SUR SES SUITES.
Passion de l'amour.
On chasse l'amour, en buvant l'eau qui a servi
' Substance i^ommo-rësin^use tirée du cistus creùcus, etc.
446 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
à laver le bout du vêtement de l'objet aimé; en pre-
nant quatre grains de harmale \ ou rue sauvage;
ou sept grains d'indigo de l'Inde, dans de l'eau; ou
le marbre blanc pulvérisé provenant de quelque
tombe; la poussière des sépulcres de personnes
tuées, et en dormant dans les cimetières.
Parmi les moyens particuliers d'éloigner l'amour,
nous citerons les suivants : se rouler dans la même
poussière où s'est roulé un mulet, s'il s'agit d'un
homme, ou une mule, s'il s'agit d'une femme; porter
sur soi des os de l'oiseau cigogne; lier dans la
manche de l'amant, et k son insu, la tique, ou le
ricin, qui tourmente le chameau; prendre beaucoup
de harmale; boire l'eau où l'on a mis préalable-
ment la pierre trouvée dans le ventre de la poule;
ou bien, porter cette pierre suspendue sur soi.
Il est nécessaire de priver l'amant de toutes ces
choses qui provoquent l'amour. Telles sont par
exemple : manger les pigeons à collier, les merles ,
les ramiers; se complaire à entendre le son dune
voix; écouter les chants gais; regarder les jolies
figures, ou seulement penser à ces dernières.
Insomnie, etc.
Parmi ce qui occasionne Tinsonmie, nous cite-
rons : l'action de flairer le camphre, de porter sus-
pendu sur la tête le duvet de la chauve-souris, ou
son cœur, ou sa tête; de porter également sur la
tête des plumes ou un œil de hibou; de placer des
' Peyanum liarinola
MÉDECINE ET THEUAPEUTIQUE ARABES. 447
poils de loup derrière l'oreille; de se servir, en guise
de collyre, de fiel de corbeau; de porter au bras
gaucbe une bourse contenant du soufre, ou de Tar-
seiiic, uni à de la graine de lin; de se frotter le nez
avec le vitriol vert.
L'insomnie cessera par l'emploi de l'huile d'olive,
par l'acte d'attacher au pied du lit des pois chiches
noirs, renfermés dans un chiflTon.
Les substances suivantes sont nuisibles pour le
cerveau et les nerfs : le lait aigre, les lentilles, les
aubergines, l'oignon, les dattes sèches, le safran, la
graine de céleri, le raisin, les mûres, et le fenu-
grec. ,
Voici ce qui provoque le sommeil : le frottement
du front et des tempes, avec la graine de laitue pul-
vérisée, ou avec la graine de lajusquiame blanche,
ou avec l'amome, ou l'eau des fleurs mâles du pal-
mier, ou l'aneth, ou la matricaire, ou l'anémone,
ou la graine de pavot, le tout uni à l'opium; flairer
le safran, ou le carthame; appliquer cette dernière
substance sur le sommet de la tête; manger des
choux, ou des amandes douces, ou du fenugrec,
ou du riz; instiller l'huile d'amandes dans le nez.
Si on place sous le traversin de l'homme qui dort
une dent molaire de cadavre, ou une aile de la
huppe, il ne se réveillera pas jusqu'à ce que ces
objets aient été enlevés. Il en est ainsi des poils
du singe. Quand on frotte le front du dormeur avec
un gros d'opium , et un gros de graine de jusquiame
blanche, réduits en pâte au moyen de l'eau de lai-
448 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
tue, il ne se réveillera pas, quand même on lui cou-
perait les chairs. Il sera nécessaire alors de lui faire
flairer du vinaigre très-fort.
Pour se procurer des rêves agréables on portera
sur soi de l'or pur, ou du cristal, ou de la peau
d'âne; on se couchera après s'être lavé, en état de
pureté religieuse, ou légale, et avec l'esprit libre de
tout souci; on placera sous son chevet de falun du
Yamân, ou du pourpier.
Entre les choses qui servent à faire revenir de
l'état d'ivresse, nous nommerons ce qui suit: avaler
des pommes grenades acides; boire ou flairer de
i'eaii de roses; boire le pissat du chameau. ,
Calvitie.
On fait cesser la chauveté, soit accidentelle, soit
eflét de la teigne, en oignant la tête, après l'avoir
préalablement rasée, avec i'orobanche pulvérisée,
frite dans l'huile d'olive; en la frottant avec l'indigo,
qu'on a laissé une nuit entière dans le four, et que
l'on a pétri ensuite avec de la crème de lait, ou bien
de rhuile chaude ^ , dans laquelle on a fait dissoudre
du sel; ou en faisant ces frictions à plusieurs reprises ,
au moyen de faloès, de la farine de lentille ers, et
du henné, incorporés dans le vinaigre; ou bien en-
core en irottant la tête avec les ongles brûlés d'a-
nimaux de la race caprine ou de la race bovine,
• nL^ Or?). On eiUend quelquofois par ces mois l'iiuile de
graine de lin.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 449
mêlés an henné; ou avec le scarabée brûlé, le pa-
pyrus, et les feuilles de colocasie, incorporés aussi
dans le henné.
CHAPITRE TROISIÈME.
SUR LES NOMBREUSES MALADIES DES YEUX; SUR CE QUI AIGUISE
ET RENFORCE LA VUE; ET SUR CE QUI SE RATTACHE À CE
SUJET.
AfFeclions des yeux, en général.
Dans toutes les affections des yeux, quels que
soient le genre de ces maladies et les membranes
ou couches qui sont atteintes, il est avantageux
d'employer, en collyre: la solution des cheveux de
l'homme ou de ceux de l'enfant nouveau -né, au
moyen d'un stylet d'or, deux fois par mois; ie fiel
de la vache noire, pendant vingt-quatre jours; la
langue piléede la gazelle, ou le fiel du bouc rouge,
unis à un demi-dânik^ de sel ammoniac, pendant
cinq jours; et en instillation dans les yeux : faloès,
le suc du lycium, la poix liquide ou goudron, la
grande chélidoine ou éclaire, surtout unis au sa-
fran."
En général, dans tous les cas de douleurs des
yeux, il convient d'employer, comme topiques, les
substances suivantes : le jaune d œuf cuit dans l'eau,
avec le safran, ou avec l'huile de roses; les pommes
rôties, le fromage tendre, le pourpier, la violette,
* C'esl-à-dire un carat et demi , ou bien six grains , ou trente cen-
tigrammes.
VI. 3o
A50 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
le jaune d'œuf rôti avec le cumin. L'expérience a
prouvé que tout cela fait cesser le froid dans les
yeux.
Voici une composition fort utile contre la gêne
ou l'irritation de l'œil, contre l'affaiblissement de la
vue, et contre la plupart des maladies des yeux On
prendra des perles non percées, des coraux, comme
ci-dessus, des cornalines, du chiclim \ du musc de
Turquie ou de Tartarie, quantité égale de toutes ces
substances. On les pilera séparément, puis en-
semble, on les fera dissoudre, et l'on s'en servira
comme collyre.
Pour aiguiser la vue, on emploiera en collyri^ : le
suc du lycium, le safran, le poivre, le gingembre,
les cendres des noyaux de dattes, l'eau de la morelle
noire, l'eau de céleri, l'eau de rue, le fiel de coq,
et la vapeur de la poix liquide, ou goudron. On
mangera, dans le même but, des choux, ou des
graines de choux, des raves bouillies, surtout pour
déjeuner, et pendant longtemps; on mangera aussi
pendant longtemps des navets, puisqu'on dit que
les navets rétablissent la vue, quand bien même
elle serait presque perdue.
Le collyre fait de vert- de -gris dissous dans le
jaune d'omf est utile dans la dépilation , les pus-
tules, la démangeaison et la rougeur des paupières,
' C'est le nom qu'on donne aux graines du cassia absus. On les
réduit en poudre, et on les emploie beaucoup, surtout en Afrique,
contre les affections des yeux. Ce médicament, chez nous, est quel-
quefois appelé ahsus.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 451
dans le larmoiement et TafFaiblissement de la vue,
ou amblyopie, suite de la lippitude. Nous en dirons
autant d'un autre collyre, préparé avec les graines
du cassia absus (espèce de petite casse), unies à la
sarcocolle et au sucre.
11 arriva une fois que la vue d'un des saints de
l'islamisme s'était affaiblie. Or, ce saint vit en songe
le prophète Mahomet, sur qui soient la bénédiction
de Dieu et le salut! auquel il se plaignit de cette
infirmité. Mahomet lui ordonna de composer un
collyre pour ses yeux, avec l'écorce brûlée d'a-
mandes douces unie à l'antimoine,
Comme une d'entre les particularités, nous no-
terons que celui qui s'appliquera sur les yeux le
sang de la huppe, ou l'huile de sésame, dans la-
quelle on a fait frire un œil dudit oiseau, voit hi
nuit de la même manière que le jour.
Lippitude.
Pour ce qui est de la lippitude, outre ce que
nous avons dit plus haut, on la combat utilement,
en faisant cuire des roses et des pavots, et coa-
guler leur colature, à l'instar du sirop, au moyen
du sucre, pour l'employer en collyre. On peut aussi
dansée cas employer en collyre la joubarbe, la co-
riandre verte, la rosée des arbres, le lait de femme,
la crème de lait, la gomme arabique avec l'eau de
roses. Tout cela isolément, ou ensemble. Il est
encore avantageux de se frotter les yeux avec la
cervelle de mouton, les jaunes d'œufs, le safran,
3o.
452 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
mêlés à feaii de roses. On se trouve bien enfin de
suspendre des mouches au bras ou à la tête.
Pustules, démangeaison des paupières, etc.
Contre les pustules et la démangeaison (de l'œil
ou des paupières), on emploiera en collyre: le suc
du lycium, le safran, et les cendres des filaments
de la tige du palmier; en instillation dans les yeux,
les différents fiels d'animaux, l'eau de coriandre,
l'eau de roses, celle des deux espèces de grenades
(les douces et les acides), et l'infusion de sumac;
comme topiques, les lentilles bouillies, la pulpe des
grenades acides, et le pourpier; comme errhins,
l'aloès, le struthium ou saponaire, et le casto-
réuni.
Hyposphagme.
L'hyposphagme , ou ecchymose de fœil, sera
traité par le safran, en topique; par feau de céleri,
le sang de pigeon, le lait de femme avec l'eau de
roses, le petit-lait, la salive de fhomme qui jeûne,
le sel mâché avec le cumin , le tout en instillation
dans l'œil; foliban, uni à la fiente de bœuf, en fu-
migation.
Trichiasis.
Quant aux cils sur aihondants {trichiasis , distichia-
sis, etc.) , on devra d'abord les arracher; ensuite, on
frottera la place qu'ils occupaient avec Je sang de
grenouille, le sang ou le fiel de la huppe, et le iiel
de la chèvre avec le sel ammoniac, comme il a été
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 453
expérimenté. On pourra employer aussi : la civette ,
la cendre des coquilles, unie à la poix liquide; le
lait des figues, le safran, la gomme arabique, la
myrrhe dans l'eau de roses, le suc de l'aloès d'E-
gypte \ le suc de la fumeterre, avec la gomme ara-
bique; la cendre de mouches brûlées dans le four,
dans un roseau revêtu de pâte, ainsi que l'a indiqué
l'expérience. Enfin, si Ton a soin d'arracher avec
persévérance les cils trop longs au moyen d'une
petite pince, faite avec une sorte de cuivre jaune ^,
ils ne repousseront plus.
Grêlon et orgeolet.
Le tubercule dur de la paupière supérieure ^ et
l'orgeolet se traitent par l'application du sagapé-
num*, et de la gomme ammoniaque, unis au vi-
naigre; de la mie de pain chaude, à plusieurs re-
prises; des divers lieis, de l'aloès, et du suc de
centaurée.
Adhérence.
On guérit l'adhérence (des paupières ou des cils),
en s'enduisant les yeux avec les collyres nommés
roâchnâïa, ou brillants ^ Il est aussi avantageux de
' Aloe variegata.
' Les deux manuscrits portent ^liLJiJ f ; mais je suppose que la
bonne leçon doit être QyiJUaJl , mot qui désigne une espèce par-
ticulière de cuivre jaune.
' 'Appelé aussi chalaze, grêle ou grêlon, du grec ^aXd^iov ou
* Ferula persica.
' Ce sont des collyres composés qui donnent beaucoup d'éclat
aux yeux.
454 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
placer sur les paupières : la céruse, les scories de
cuivre, quelque huile, quelque lait et quelque mu-
cilage.
Milphose.
Contre In simple chute des cils, ou milphose,
on emploie en collyre toutes les substances qui font
pousser les poils; en friction , en collyre, et en onc-
tion on fait aussi usage dans ce cas du ladanum,
du lapis-lazuli, et des noyaux de dattes, mêlés à
quelque huile.
Chémosis.
L'espèce d'ophthalmie appelée chémosis, quand
même elle serait accompagnée de lippitude, sera
traitée par l'aloès, le suc de lycium, le safran, le
suc de coriandre, le cumin, la graisse d'ours avec
le blanc d'œufs, la sarcocolle et le lait des femmes
brunes, le tout soit en collyre, soit comme topique,
soit en instillation dans les yeux.
Ptilose.
La ptilose, ou chute des cils, par suite d'une
acrimonie corrosive, sera combattue par l'huile de
roses, le suc de chicorée, le blanc d'œufs, le verjus,
le suc de pourpier, l'eau de roses-, de phis, sont
avantageux dans cette affection, le cumin et le my-
robalan jaune, ou citrin, le tout en application ex-
térieure, ou en instillation dans les yeux.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. ^55
Hydalis.
On traite la tumeur enkystée de la paupière su-,
périeure, ou liydatis^p^r le glaucium (glaucier jaune
ou pavot cornu), l'acacia, et la myrrhe, avec l'huile
de roses; par le myrte, le safran, le suc du lycium,
le collyre citrin , le collyre gris, et le collyre nommé
azizy, ou précieux ^
Verrue.
La verrue, ou mûre de la paupière, sera com-
battue par la myrrhe, unie au suc de la morelle
noire; par le safran, uni à la joubarbe; et par le to-
pique dur, ou collyre sec, du glaucium. Si la ver-
rue est ancienne, on la frottera avec du sucre, ou
bien ou la coupera , et on la traitera avec l'onguent
de vert-de-gris, la tuthie (calamine, ou oxyde de
zinc), la litbarge, le sucre, et le topique dur, ou
collyre sec, rouge.
Plérygion.
Pour le ptérygion, ou excroissance variqueuse de
la conjonctive, on fera usage en collyre des fiels de
bœuf piles, avec la sarcocolle, moyen expérimenté;
de la nigelle pulvérisée, de l'aloès, dissous dans
* Je dirai ici, une fois pour toutes, que je ne crois pas utile de
donner la composition de ces collyres, etc. telle qu'on la trouve
dans quelques manuscrits arabes de médecine, et notamment dans
le manuscrit du traité de médecine du cheïk Dâoud Alanthâky. Il en
sera question plus tard , dans la liste des termes techniques.
456 OCTOBRE-NOVEMBRE J865.
l'eau de myrte, de la furnée de l'oliban, de ia
myrrhe, du storax, de la poix liquide ou goudron,
du cuivre brûlé \ du safran de Mars (tritoxyde de
fer), de l'alun, et du sel brûlé ou nitre : tous ces
remèdes ensemble, ou bien seulement quelques-uns
d'entre eux; ce qui vaut mieux.
Cancer.
Si l'on a affaire au cancer de la paupière, on
instillera dans l'œil malade le mélilot, le safran
unis au blanc d'œuf , le glaucium , l'hématite '^ et
les perles. Si le cancer ne disparaît pas, il suffira
alors (pour qu'il s'arrête?!) de l'abandonner à lui-
même , sans autre traitement.
Tumeur lacrymale.
La tumeur lacrymale, si elle n'est pas encore
ouverte, sera traitée en appliquant sur l'œil le vi-
triol vert (sulfate de fer), le myrte, le limaçon
(brûlé, etc.), l'oliban, l'aloès, le safran, ou la myrrhe,
comme cela est établi par l'expérience. Si la tumeur
tarde à s'ouvrir, on appliquera sur elle la décoction
des lentilles, ou celle des haricots nommés mâch, ou
le safran, etc. Après son ouverture, on traitera ladite
tumeur par le myrte, l'alun, le natron (nitrate de
potasse), la camomille unie aux vieilles noix, la
résine mastic , et l'eau de plantain [arnoglossa). On
' Cuivre calciné avec le soufre et un peu de sel marin.
' Pierre dure et ferrugineuse, appelée aussi sancfuine. C'est un
oxyde rouge de fer.
MÉDECINE El THÉRAPEUTIQUE ARABES. A57
a expérimenté avec avantage, pour faire disparaître
]a tumeur sans quelle s'ouvre, l'application persé-
vérante du (myrobalan) indien, râpé. On a aussi
expérimenté dans ce but, par suite de l'inspira-
tion divine, l'alun onctueux \ la tuthie ou calamine
de rinde, et l'humidité du scarabée noir. Pour re-
cueillir cette dernière, on place, pendant une demi-
heure, un peu de laine sur l'insecte, puis on la re-
tire. Dieu est le plus savant!
Epiphora, etc.
Quant au larmoiement ou epiphora, accompa-
gné de rougeur et d'excoriation du bord libre des
paupières, on le traite utileuicnt par l'instillation
du safran uni au vin, de la myrrhe avec le vinaigre,
du myrobalan citrin dans l'eau de roses, et de la
décoction de noix de galle ou de myrte.
Tuméfaction.
La tuméfaction des paupières guérit en mettant
sur les yeux le topique ou collyre sec rouge; en ap-
pliquant sur ces organes le mélilot, le jaune d'œuf
avec le safran ou le collyre sec et blanc, mêlé à un
peu d'oliban.
Sclérophthalmie.
Dans l'induration des paupières ou sclérophthal-
mie avec chaleur, on se sert, comme épithèmes ou
' C'est une sorte d'alun, d'aspect sale et jaunâtre, que Ton a
appelé aussi beurre de montagne.
458 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
topiques, de l'huile de violettes, notamment avec
le vert-de-gris, le miel ou la myrrhe. Dans la sclé-
roplîlhalmie sèche , on fait usage de la graisse d oie ,
de la moelle de la jambe de bœuf ou de quelque
huile lénitive, delà décoction de fenugrec ou d'orge
mondé.
Pannicule.
Le pannicule ^ sera traité par le médicament com-
posé suivant, employé en collyre : on fera bien
bouillir des coquilles d'œufs dans le vinaigre fort ,
puis on les laissera reposer environ dix jours, afin
quelles se déposent complètement. Alors on les fera
sécher, on les pulvérisera et on les emploiera comme
il a été dit. L'efficacité de ce remède a été constatée
par l'expérience. Si l'on y ajoute le suc de pourpier
et celui de concombre sauvage , desséchés , le collyre
sera ce qu'il y aura de mieux.
On guérit encore le pannicule avec le médica-
ment composé suivant : gomme ammoniaque et
encens; de chacune de ces substances une portion;
cinnabre^, horkoûs, ou cuivre bridé et calciné, ar-
senic rouge ^ et sucre; de chaque une demi-por-
tion; myrrhe, safran, curcuma ou safran des Indes;
de chaque un quart de portion. A réduire en col-
lyre sec, suivant la règle ou fart. Ce médicament a
été aussi utilement expérimenté.
' Réunion de plusieurs ptérygions sur la cornée, etc.
' Oxyde de mercure sulfuré rouge; sulfure rouge de mercure.
^ Réalgar ou sulfure rouge d'arsenic.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 459
Un troisième médicament composé, pour la cure
du pannicule, est celui qui suit : sarcocolle, tuthie
ou calamine des Indes , safran et sucre pur de Hamâli ,
musc odoriférant; partie égale de chaque. On tritu-
rera ces substances suivant l'art, et l'on en fera un
collyre, à employer matin et soir. L'expérience a
prouvé aussi l'utilité de ce remède.
On peut encore se gargariser avec le rob de rai-
siné \ ou de mûres, uni à l'iris faux acore, ou à
rhuile de violettes. On peut enfin employer comme
errhins : le slrutbium avec l'huile de violettes, la
myrrhe, le suc du lycium, l'ambre gris et le safran.
Taches rouges , etc.
La tache ou taie rouge ou brune de la cornée
transparente se traite par les substances ci-dessous,
en instillation dans l'œil, savoir: la myrrhe unie au
lait de femme , la décoction d'épithym , d'agaric ou de
figues; la moelle de carthame et autres substances
chaudes, si la nature de la maladie est froide, oq
bien froides, si elle est chaude.
Petit apostème, etc.
Nous parlerons plus tard du petit apostème, de
la petite pustule et de l'ulcère des paupières. Icj
nous mentionnerons seulement l'instillation tiède,
dans les yeux, du blanc d'œuf ordinairement uni
au lait, et du mucilage de fenugrec mêlé à la cé-
ruse. Si lesdites affections sont anciennes, elles sont
' Suc épaissi de raisin, sapa ou defrutum.
460 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
chaudes ^ et doivent être traitées coinine on vient
de ie dire.
Albugo.
La tache blanche de la cornée, ou albugo, sera
traitée par un collyre fait avec les substances sui-
vantes , unies ou séparées : le miel , le lyciiim euro-
péen, pendant sept jours; le fiel de l'hyène, la
présure du lièvre, les parties qui tombent en frot-
tant la malachite sur une pierre à aiguiser, le suc
de centaurée, l'anémone, la rosée prise sur la canne
à écrire ^, l'écume de mer, la grande chélidoine, la
myrrhe, lasarcocolle , le safran , le sucre, la gomme
ammoniaque et le suc de lycium.
Parmi les moyens acquis par l'expérience et
avantageux dans l'albugo, se trouve le suivant :
mêler le blanc d'oeuf avec le fenugrec pulvérisé,
et les battre ensemble, puis prendre leur écume
sur un peu de coton que l'on placera entre les
paupières.
On a aussi expérimenté que, pour faire cesser
cette tache, il est utile d'employer en collyre le
musc et l'antimoine, mélangés avec feau de roses.
Il en est de même de l'infusion , pendant un jour et
plus, de la limaille de cuivre de l'île de Chypre
dans l'urine ; et encore du collyre qui suit : noix de
galle et acacia, parties égales; vitriol vert, la moitié
' Ou « galeuses , » suivant une autre leçon.
■' Ou canne de Perse, ^nUji c-v^iaJi. Ce roseau est commun
en Egypte, et ses racines y sont employées dans la lliérapenlique.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 401
d'une desdites substances; le tout dans l'eau de
myrte ou dans l'eau du lycium européen.
Rougeur.
La rougeur galeuse des yeux, avec obscurcisse-
ment de la vue, sera traitée par le suc de centaurée,
l'huile d'amandes, l'huile de violettes, le lait de
femme, le lait d'ânesse, en instillation dans l'œil;
laloès, ou l'anis, en collyre.
Grosseur, durelé, elc.
La grosseur, la dureté et la rudesse des pau-
pières, avec ardeur de l'œil , seront combattues par
la myrrhe, le nard indien ou samhul, la lie de l'huile,
le lait de femme, l'alun et le miel, soit ensemble,
soit séparément.
Dilatation.
Contre le développement ou la dilatation des
paupières, on emploiera les astringents et lassa fœ-
tida, tant en aliments qu'en boissons; les œufs avec
l'huile de roses , en instillation dans l'œil ; le safran
uni au lait de femme, comme topique.
Rétrécissement.
Dans le rétrécissement, au contraire, on mettra
à contribution les lénitifs; on appliquera sur les
yeux les collyres secs, faits avec une partie de camo-
mille pyrèthre et un quart de partie d'opopanax.
On pourra aussi employer le collyre jaune ou citrin.
462 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865,
Proéminence.
La proéminence de l'œil sera traitée par la terre
sigillée, le safran, l'oignon rôti, le jaune cVoeAif,
l'eau de coriandre, l'eau de la morelle noire, de
pourpier et de courges.
Strabisme.
Quant au strabisme, il sera traité, en collyre,
par la fumée ou suie de la résine sandaraque, in-
corporée dans l'huile de roses, qui aura été prépa-
rée avec celle de sésame; l'armoise judaïque, la rue
et l'antimoine mêlé à la noisette indienne. Dans le
strabisme sec on fera usage des dilférents laits, en
instillation dans l'œil.
Héméralopie.
L'héméralopie ou cécité nocturne est avantageuse-
ment traitée en s'appliquant sur les yeux le collyre ré-
frigérant du verjus, les collyres brillants \ le foie rôti ,
le poivre long, notamment avec l'écume du foie rôti,
le suc du lycium, le natron ou nitre, le ventre des
scarabées, le cérumen avec le poivre, durant trois
jours; feau de rue, surtout unie à l'eau de coriandre
verte; l'eau des feuilles de radis, etc. On peut aussi
employer, comme errhin, le spode des Arabes^, h la
dose d'un huitième de gros, avec fhuile de violette,
' Conférez ci-dessus, p. 453.
- Cendres de canne, antispodo; sacharnm bambusa' anuuh-
nac€(e,etc. (Cf, ci-dessus, p. /ia/j.
MEDECINE ET THERAPEUTIQUE ARABES. 46^
et continué pendant trois nuits. Cela a été expéri-
menté.
Nyclalopie.
La nyctalopie ou cécité diurne sera combattue
par le décocté de camomille et de pavot, en embro-
cation; par l'huile de violette, la crème de lait ou
le beurre frais, l'huile de sésame et toute substance
humectante, à l'intérieur, ou introduite dans les
narines.
Visions.
Pour ce qui est des visions, ou hallucinations de
la vue, et de la confusion des couleurs, s'il arrive
que tantôt elles augmentent et tantôt diminuent,
ou bien qu'elles se montrent quand on a faim et
cessent quand on est rassasié , ou bien encore qu'elles
se prolongent au delà de six mois, soit que le ma-
lade croie voir devant ses yeux des mouches ou
non; dans ces cas, elles n'indiquent point un com-
mencement de cataracte. Si les symptômes parais-
sent venir de bas en haut, alors l'affection est le
produit des vapeurs de festomac. Si au contraire ils
descendent, elle est le produit du cerveau. Si ni l'une
ni l'autre de ces circonstances n'a lieu, alors fatfec-
tion est le produit tant de festomac que du cer-
veau.
Dans le premier cas, c'est-à-dire si la maladie en
question provient de festomac, il est avantageux
d'employer les médicaments qui empêchent les
404 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
vapeurs de monter. Tels sont, par exemple, à l'in-
térieur : les myrobalans, les coings, les poires, la
marjolaine, la menthe, les semences de plantain'
unies au julep, la lavande stécbas^, les fleurs de
violette, la résine mastic, la cannelle, l'anis, la co-
riandre, l'origan, même non lavé, la noisette, le
raisin sec, le carvi,*la laitue et les semences de pa-
vot. Tout cela à prendre avec le sucre. En collyre,
on se servira de la cendre des têtes de pigeons, de
la sarcocoUe, du safran, de l'alun, etc.
Dans le second cas , celui où la maladie provient
du cerveau, on mettra en usage les électuaires, et
encore les autres substances qui donnent de la force
à cet organe. Telles sont, en guise d'exemple, les
clous de girofle , l'iris faux acore , l'ambre gris et le
musc.
Dans le troisième cas, c'est-à-dire si la maladie
provient en même temps de l'estomac et du cer-
veau, les médicaments à mettre en pratique doivent
être composés de ceux des deux ordres qui viennent
d'être mentionnés. Ainsi l'on pulvérisera la menthe
verte, qu'on couvrira avec un peu de miel; ensuite
on la placera dans un vase ample qui sera exposé
à la rosée pendant toute une nuit; alors on la filtrera
à travers un morceau d'étofle, et on l'emploiera en
instillation dans les yeux, tous les jours, au moment
du déjeuner. L'utilité de ce moyen a été établie par
l'expérience.
' Ou herbe aux puces, pUmlaçjo psyllium.
' Luvandala stœchns.
MEDECfNE ET THÉRAPECTIQUE ARABES. 405
Il en est de même du remède appelé le sirop des
visions, ou des fantômes. C'est un des meilleurs mé-
dicaments composés que 1 on connaisse; il sert à For-
tifier le cerveau et l'estomac, h empêcher les va-
peurs de m.onter à la tête , à guérir un grand nombre
de maladies, et à purifier tous les sens. On le prépare
comme il suit : pommes coings, poires, de chaque
une partie; infusion de myrte, origan, marjolaine,
lavande stéchas, coriandres sèches, de chaque une
demi-partie; bois de sandal, anis, de chaque un
quart de partie. On fera bouillir le tout dans dix
parties d'eau, jusqu'à réduction au quart; on con-
densera la colature au moyen de quantité égale de
sucre et d'un quart de suc de citron , et l'on conser-
vera le sirop.
Un autre excellent moyen pour guérir la maladie
dont nous parlons, consiste dans le fiel de la chèvre
uni au miel , et employé en collyre. L'expérience
en a constaté l'avantage.
Pour chasser absolument les vapeurs on a con-
seillé l'électuaire suivant : feuilles de myrte, noix de
cyprès, bois de sandal, absinthe et bois d'aloès, pé-
tris avec de l'huile et du miel. On y a ajouté aussi
de la menthe , du serpolet et de la rue.
On a dit que l'usage persévérant du panicaut'
guérit radicalement ces hallucinations de la vue
dont nous nous occupons.
Voici encore un composé, dont l'utilité dans
cette affection est acquise par l'expérience : résine
^ Chardon Roland on roulant, chardon à cent têtes, etc.
VI. 3i
466 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
mastic, clous de girolle, bois d'aloès, coriandres
sèches, pyrèthre, iadanum et pommes de pin. On
arrosera trois parties de ces substances au moyen
d'une partie d'hydromel; puis on pétrira la masse
avec gomme, amidon, et l'on en fera des pilules.
Cataracte, etc.
La cataracte, dont les signes sont connus par ce
qui précède, est une sorte d'humeur aqueuse qui
s'interpose entre l'organe visuel et les objets que l'on
regarde. 11 y en a onze espèces, et la plus grave de
toutes est l'espèce nommée cataracte noire. Un trai-
tement qui réussit bien dans les premiers temps de
la maladie, c'est de faire bouillir vingt grains de
staphisaigre\ sept grains de polypode, trois grains
de chaque espèce de centaurée, autant de turbith
végétal, dans cent cinquante gros (cinq cent quatre-
vingt-cinq grammes) d'eau, jusqu'à ce qu'elle soit
réduite à un tiers, et de la boire.
Un autre traitement qui réussit bien , en général ,
dans la même affection, c'est de s'appliquer sur les
yeux les graines de cutam'^, la vieille huile, l'encre
a écrire (d'Orient), le sagapénum, Tassa fœtida, l'a-
némone, l'eau d'oignon, l'eau de pouliot, le suc de
la racine du cyclame^, le musc, le sel ammoniac, le
cerveau de la chauve-souris, uni à l'hydromel*, les
^ Herbe à ia pituiie, herbe aux poux, etc.
' Boxas dioica. Forsk.
^ Cjclamen curopewn , \yà\n-depourceaiU , arlbaulta , etc.
* Le manuscrit n" io/|o ajoute ici cr f|ui suit: l'huile «le briques,
MÉDECINK ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 467
perles dissoutes et la marcassite calcinée, comme on
le pratique pour la chaux. C'est ainsi que l'a indiqué
l'expérience, et de cette manière on guéritla cécité.
On peut aussi se servir, dans le même but , de ce
collyre composé : arsenic rouge ou réalgar, alun et
antimoine. Il a été avantageusement employé. On
peut en dire autant de celui qui suit : cadmie d'or,
marcassite d'or calcinée, et suie de cuivre, prove-
nant du lieu où l'on fait fondre ce métal, parties
égales de chacune; poivre, la moitié d'une de ces
parties; on pilera le tout, on arrosera la masse avec
le vinaigre de raisin, puis on la fera sécher; après
cela on l'arrosera encore avec l'eau de fenouil, on
la fera sécher de nouveau , on la triturera et on l'em-
ploiera.
Il est aussi avantageux dans la cataracte de se
frotter la tête avec les feuilles sèches de narcisse,
pétries avec le henné; ou bien, d'introduire dans
les narines l'ambre gris, la pierre qui se forme dans
le fiel du bœuf^ et dont on mettra, gros comme une
lentille, dans l'eau de bette; enfm l'huile d'iris avec
la nigelle. On a expérimenté qu'un mithkâl d'ori-
gan , pris au moment de se coucher, ou avant de
s'endormir, est une sauvegarde contre la cataracte.
On a expérimenté encore que l'emploi du collyre
dont nous allons parler est utile dans toutes les ma-
ladies qui ont été ci-dessus mentionnées, et autres,
l'aloès uni à la cervelle du coq, ou à celle de l'agneau, la poix
liquide mêlée au miel.
' Sorte de bézoard , lapis bezoardicus.
3i.
468 OCTOBRE-NOVEMBRE ISôf).
tant externes qu'internes, tant connues (dans leur
nature) qu'ignorées. Quiconque se sert de ce coi-
lyre n'a pas besoin de médecine ni de médecins. En
un mot, ce composé est doué des propriétés les
plus secrètes.
Voici comment on le prépare : tuthie de l'Inde,
poivre noir, poivre long, grande chélidoine, pissas-
phalte\ acacia, écume de mer et gomme arabique,
de chaque cinq mithkâls; or brûlé, perles, rubis,
nard indien , cadmie d'or et d'argent, de chaque trois
mithkâls; écrevisse chinoise^, terre ou argile de
Chine, corail, excréments du lézard, poivre blanc,
marcassite d'or et d'argent, de chaque deux mith-
kâls; cuivre brûlé et calciné [horkoûs), scorie^, acier,
fer, myrrhe, vert-de-gris, sel gemme indien, sel am-
moniac, de chaque un miihkâl. On triture le tout et
on l'emploie suivant la règle.
Le collyre suivant est presque aussi avantageux
que celui que nous venons de faire connaître : sco-
ries de cuivre, une portion; aloès, grande chéli-
doine, de chaque une demi-portion; écume de mer,
clous de girofle, sel ammoniac, ambre gris et musc;
de chaque un quart de portion. On pilera ces dro-
gues et l'on mouillera la masse pendant une semaine
avec l'eau du lycium d'Europe; puis on la fera sé-
cher, et on remploiera pour les yeux.
' Poix mêlée de bitume, poix minérale, goudron minéral, etc.
mumia, pissasphaltus , pittasphaltos , etc.
2 Ecrevisse de mer, cancer marinus.
2 Scories de fer, de cuivre , etc. tobal.
MÉDECINE ET THÉRAPEUTIQUE ARABES. 469
Une particularité remarquable, c'est que celui qui
s'enduit les yeux avec la graisse de la gazelle voit
les génies ou les esprits, et, s'il les interroge, il
en reçoit une réponse. Quant aux poils (qui bles-
sent l'œil ou les paupières, sorte de trichiasis, ou de
phalangosis), nous en parlerons plus loin.
Avertissement.
Quiconque veut conserver pendant longtemps le
bon état de sa vue doit se garantir contre la grande
chaleur, contre l'excès du froid et la violence des
vents, surtout du vent froid; contre la poussière
et la fumée. Il doit éviter l'excès dans le coït, dans
les pleurs, dans le sommeil, dans la veille, dans
l'usage des bains, dans l'action de fixer les petits
objets, les objets brillants, et ceux de couleur
blanche. Il ne doit pas manger beaucoup de ces ali-
ments vaporeux ou venteux, tels que les oignons,
les haricots, les lentilles. Il doit s'abstenir des mets
qui donnent de la pesanteur à la tête , ainsi qu'il a
été dit plus haut.
Enfin on a observé que l'habitude de manger tous
les jours une poignée de lupins du pays de Mahallah
(en Egypte), salés, et avec leurs gousses, donne de
l'éclat et de la force à la vue. C'est là une particu-
larité dont jouissent ces graines \
. * La liste des termes techniques et autres suivra dans un numéro
prochain. Elle sera précédée d'un Avertissement, dans lequel je don-
nerai à mes lecteurs des explications qui trouveront naturellement
là leur place.
470 OCTOBRE NOVEMBRE 1865.
NOUVELLES ET MÉLANGES
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1865.
La séance est ouverte à 8 heures par M. Reinaud, pré-
sident.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le secrétaire-adjoint donne lecture de la correspon-
dance.
M. de Rhanikof présente à la Société une description de
la côte méridionale de la mer Caspienne, par M. Melgounof,
avec une carte détaillée de la côte, en langue russe.
M. Pilard écrit à la Société pour lui annoncer l'envoi de
deux exemplaires d'un Traité d'arithmétique en arabe.
Lettre de M. G. d'Eichlhal, annonçant l'envoi de ses Ori-
gines asiatico-bouddhiques de la civilisation américaine.
M. le Ministre de la marine écrit à la Société pour lui an-
noncer l'envoi d'un exemplaire du Code annamite du capi-
taine Aubaret.
M. Orlando remercie la Société de l'avoir admis parmi ses
membres.
M. Léon de Rosny lit une note sur l'influence des migra-
tions bouddhiques sur le développement de la littérature en
Corée.
M. Drouin est chargé de faire un rapport sur l'ouvrage de
M. le capitaine Aubaret.
M. Oppert rend compte de ses dernières études au Musée
Britannique; il communique à la Société les noms des mois
assyriens et quelques résultats historiques relatifs à l'Egypte.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 471
OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIETE,
Par M. le Ministre de la marine. Code annamite; lois et
règlements du royaume d'Annam. Traduit du texte chinois,
par M. G. Aubaret. Paris , Imprimerie impériale , 1 865 , 2 vol.
grand in-S".
Par l'auteur. Etude sur les origines bouddhiques , 1" partie,
par M. G. d'Eichthal. Extrait de la Revue archéologique.
Paris, i865,in-8°.
Par l'éditeur. Homonyma inter noniina relativa, auctore
Ibno 'l-Raïsarani , edidit D' P. de Jong. Leyde , 1 865 , in-8°.
Par l'éditeur. Historia khalifatus Omari II, Jazidi et Ei-
schami, edidit M. J. De Goeje. Le.yde, i865, in-8°.
Par la Société. Bibliotheca indica, vol. IV, fasc. 3 : A bio-
graphical Dictionaiy of persons who knew Mohammed, edited
in arabic by W. N, Lees. Calcutta, 1864, iu-8°.
Par les éditeurs. Journal des Savants, juillet, août, sep-
tembre i865, in-A".
Par la Société. Transactions de la Société américaine, mai,
décembre 1860. Paris, in-8°.
— Bulletin de la Société de Géographie, juin, juillet et
août 1865 {2 livraisons).
— Revue orientale, n° 55. Paris, i865, in-S",
— Actes de la Société d'ethnographie , 2** livraison , 2' série.
Paris, i865, in-8^
— Traité d'arithmétique, par M. Pilard, interprète de
l'armée. Texte arabe. Paris, Imprimerie impériale, 186 5,
in-8°.
— Actes du Comité d'archéologie américaine, 3* livraison,
tome I".
— Bulletin et Annales du Conseil d'outre-mer, n'* 82 , 83,
84, 85, 117. Lisbonne, Imprimerie nationale, i865.
— Distribution des prix au Collège arabe d'Alger. Alger,
i865.
— Moniteur de Pékin.
472 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Histoire des khans de Kassimoff (en russe), par M. Wéliami-
noflf-Zernoff, membre de l'Académie des sciences de Saint-Péters-
bourg (tome II, de XVI, 498 pages).
Dans un précédent article , nous avons rendu compte du
premier volume de cet ouvrage, dû à l'un des savants acadé-
miciens russes qui se sont imposé la tâche d'étudier l'histoire
des populations musulmanes du vaste empire des tzars. Le
volume dont nous allons parler aujourd'hui ne le cède en
rien, comme intérêt, au premier; il embrasse les annales du
khanat de Kassimoff, depuis Tannée 1567 jusqu'à 1610,
c'est-à-dire un espace de quarante-trois ans , durant lesquels
trois souverains occupèreht le trône : Saïne-Boulate, Mous-
tapha-Ali et Onraz-Mohammed. Les deux premiers apparte-
naient à la famille des princes souverains d'Astrakhan, dont
le khanat fut détruit, en lôôy, par les Russes. Onraz-Mo-
hammed était un prince kirghiz-kaissak qui était tombé aux
mains des Russes pendant la conquête de la Sibérie, et que
la faveur des tzars avait placé à la tête du khanat de Kassi-
moff. Jusqu'à présent, on ne savait que fort peu de chose de
l'histoire de ces trois princes; leurs noms mêmes étaient à
peine connus. M. Wéliaminoff-Zernoff a réussi, à force de
recherches, à refaire entièrement leur biographie, et il est
parvenu à mettre en relief la vie de ces trois kbans, dont
l'existence se lie intimement à l'histoire de l'une des époques
les plus saillantes de la Russie, c'est-à-dire les règnes de
Jean IV le Terrible, de son lils Théodore, de Boris Godou-
noff ^ et la période de trouble des faux Démétrius. Les do-
cuments contemporains, mis en lumière par M. Wéliaminoff-
Zernoff, prouvent que les khans de Kassimoff prirent une
part active à tous ces événements. C'est ainsi que Saïne-
' Il est curieux de noter, en passant , que les seuls représentants de la
maison tzarienne des Godounoff sont actuellement les Sahou.ro ff ci les Wélia-
minoJf-ZernoJf .
NOUVELLES ET MELANGES. 473
Boulate, après un court séjour à Kassimoff, se laissa baptiser
sous le nom de Siméon, et, cédant sa place à Moustaplia-Ali ,
devint plus lard, sinon de fait, du moins de nom, grand-duc
de Twer. Onraz-Mohammed , de son côté , devint l'un des parti-
sans les plus zélés d'un des faux Démétrius, qui le récom-
pensa de son dévouement en le tuant de sa main, dans une
parlie de chasse, près de Kalouga, en 1810.
La parlie principale du second volume de l'histoire de
Kassimaff est , sans contredit, celle qui Iraile d'Onraz-Mo-
liammed. M. Wéliaminoff-Zernoff s'est attaché surtout à éta-
blir la généalogie de ce prince kirghiz, et, dans celle vue,
il a du écrire presque entièrement l'histoire des Rirghiz-Rais-
saks, depuis leur apparition jusqu'au commencement du
xviii^ siècle. Cette partie du second volume des khans de
Rassimoffest d'un intérêt capital, car elle renferme des dé-
tails inconnus jusqu'à présent sur un peuple dont on faisait
remonter l'origine à une époque fort ancienne, el dont l'exis-
tence est, au contraire, toute récente. Les Raissaks ne pa-
raissent être qu'une agglomération de différentes tribus de
l'Asie centrale qui , vers le milieu du xv' siècle , au moment
des troubles occasionnés par la mort du khan uzbek Abdoul-
Rhan, se réunirent dans les steppes de la Mongolie, sous les
drapeaux de certains descendants de Djenghiz-Rhan. Leurs
premiers chefs étaient les frères Djani-Bek et Ghiraï, (ils de
Barak-Rhan et arrière-petits-fds d'Ourous-Rhan , fondateur
d'une nouvelle dynastie des khans de la Horde d'Or. M. Wé-
liaminoff-Zernoff a raconté en détail toutes les révolutions
que le peuple kaissak a eu à subir pendant son existence
jusqu'au commencement du xvui" siècle. On voit les Rais-
saks tantôt vaincus, tantôt vainqueurs, mais se faisant tou-
jours craindre de leurs voisins, et réussissant à occuper les
terres sur lesquelles ils sont actuellement installés vers les
frontières d'Orembourg et de la Sibérie, jusqu'au moment
où ils durent se souuieltre à la Russie. A côté de ces données
toutes nouvelles, on trouve dans le livre du savant académi-
cien russe la liste entière de tous les khans kaissaks, depuis
474 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Djani Beg et Ghiraï jusqu'à Aboul-Khaïr qui se fil sujet
russe. En Europe, nous ignorions la plupart des noms de
ces souverains, et cependant plusieurs d'entre eux onl joui
d'une grande réputation en Asie. Le célèbre Kassim , iils de
Djani Beg, tint tête à Scheibani, émir de Boukhara; Scbigaï
fut l'allié d'Abdoullab, émir de Bqukbara, mort en 1698.
Twekkel s'empara de Tacbkend qu'il légua à ses descendanis,
M. Wéliaminoff-Zernoffa tiré tous les renseignements qu'il
a donnés dans son livre sur les Kaissaks de plusieurs sources
orientales et occidentales inédites, notamment du Tarichi-
Raschid, écrit par Mobammed-Haider, parent de Baber sul-
tan, et dont les manuscrits se trouvent à l'université de
Saint-Pétersbourg et au musée asiatique de l'Académie des
sciences (ce dernier en dialecte kascbgar).
Outre l'bistoire des Kaissaks el de Kassimoff, M. Wélia-
minoff-Zernoff a donné des notices nouvelles sur le kbanal
de Sibérie, dont l'bistoire se relie, à la tin du xvi' siècle, à
celle de Kassimoff, et un coup d'oeil général sur l'organisa-
tion intérieure des khanats de Crimée, de Kazan, d'Astra-
kban , clc.
Deux plancbes sont annexées à ce second volume. La
plancbe II contient des fac-similé d'inscriptions tumulaires
talares, découvertes à Kassimoff. La plancbe 1" représente
le mausolée de Scbab-Ali, klian de Kassimoff. M. Wélia-
minoff-Zernoff nous promet un troisième volume de l'His-
toire des kbans de Kassimoff, dont l'impression sera ter-
minée dans le courant de cette année.
En debors de cette importante publication, le savant aca-
démicien russe vient encore d'imprimer un grand recueil
de documents tatars tirés des arcbives de Moscou , sous le
litre de : Matériaux pour servir à l'histoire du khanat de
Crimée , avec une préface en russe et en français , donl nous
nous proposons de rendre compte dès que nous aurons reçu
le volume.
Nous ne pouvons que féliciter M. Wéliaminoff-Zernoff de
s'être engagé dans la voie peu tracée qu'il parcourt en ce
NOUVELLES ET MÉLANGES. 475
moment, et de faire connaître aux amis des études orientales
des points d'histoire intéressants qui comblent des lacunes
importantes dans ies annales des contrées asiatiques possé-
dées actuellement par la Russie.
Victor Langlois.
Die Himjarjsche Kasideh, herausgegeben und ûbersetzt von
R. von Kremer. Leipzig, i865 (vu et 33 pages).
11 se trouve dans la Bibliothèque impériale de Vienne un
volume contenant un poëme arabe en cent trente-cinq dis-
tiques, accompagné d'un long commentaire grammatical et
historique. Le poëme porte le titre âe Kasideh himyarite, soit
parce que l'auteur était un descendant des anciens princes
des Himyarites, soit à cause de la manière dont il a traité
son sujet. Ce sujet est l'incertitude des choses humaines, et
l'auteur appuie sa thèse sur de nombreux exemples tirés de
l'ancienne histoire himyarite. La brièveté de ces allusions
historiques rendait un commentaire indispensable, et l'im-
perfection de nos connaissances de l'ancienne histoire du sud
de l'Arabie rend les renseignements que doit contenir ce
commentaire extrêmement précieux pour nous. M. de Kremer
a commencé par publier le texte et la traduction du poëme,
et promet des extraits du commentaire. L'exemplaire de la
bibliothèque de Vienne est malheureusement trop défiguré
par des fautes et par des lacunes, pour que M. de Kremer
puisse entreprendre de le publier en entier, et il espère que
l'impression du texte du poëme appellera l'attention sur l'ou-
vrage dont il s'occupe, et conduira à la découverte d'un nou-
veau manuscrit de ce commentaire. Dans tous les cas, il nous
donnera ce qu'il pourra tirer du manuscrit de Vienne, et
quand on voit le nombre de personnages himyarites cités
dans ce poëme, qui nous sont tout à fait inconnus, on ne
peut qu'attendre de ce travail des éclaircissements inespérés
de cette partie de l'histoire de l'Arabie. — .1. M.
470 OCTOBRE-NOVEMBRE 1865.
Lettebs fp.om Egypt, 1863-1865, by Lady Ddff Gordon. Londres,
i865, in-8° {xii et 371 pages).
Lady Gordon fut envoyée en Egypte en i863 parles mé-
decins; elle ne trouva, ni à Alexandrie, ni même au Caire,
une température assez chaude, et linit par s'établir dans le
village d'El-Uksur, près de Thèbes , dans une maison que
M. Tastu, consul général de France, voulut bien mettre à
sa disposition. Le volume qui vient de paraître contient la
reproduction exacte de sa correspondance de famille, sans
qu'on ait supprimé ou ajouté quelque chose. Ces lettres sont
trè.s-intéressantes. Lady Gordon , qui parait être une personne
pleine de sympathie pour ceux qui souffrent, s'intéressa aux
Arabes et aux Coptes de ce village, apprit d'eux l'arabe, les
visita familièrement, se fit au besoin leur médecin ou leur
protectrice contre les oppressions des autorités subalternes,
et raconte dans ses lettres tout ce qu'elle apprend de jour
en jour. Elle observe curieusement les mœurs, les traits de
caractère, les superstitions, tout l'étal civil et moral de ces
pauvres gens. L'impression que donne la lecture de ses
lettres est très-favorable aux fellahs et très -défavorable au
gouvernement égyptien, dont les procédés dans les parties
éloignées du pays se ressentent peu du vernis de civilisation
européenne dont on se vante au Caire et à Alexandrie. Il
est fort à désirer que ce livre arrive aux mains de tous les
Européens qui voyagent sur le Nil, pour combattre le dédain
avec lequel ils traitent les Arabes, et pour leur inspirer un
peu de sympathie pour une population très-digne d'un meil-
leur sort. Les lettres de Lady Gordon sont non-seulement
d'une lecture instructive et attachante, mais elles sont une
véritable bonne œuvre, et nous avons grand besoin de livres
semblables sur toutes les parties de l Orient. — J. M.
JOURNAL ASIATIQUE
DÉCEMBRE 1865.
INTRODUCTION DU BUDDHISME
DANS LE KASHMIR,
PAR M. LÉON FEER.
Le premier livre buddhique^ que la science con-
temporaine ait révélé à l'Europe, la Chronique cin-
galaise, rédigée en pâii, sous le titre de Mahâvanso ,
nous présente dans son xif chapitre un grand et
solennel spectacle. On y voit tout un ensemble
de missions organisées sous le règne du grand roi
Dharma-Açôka pour porter de tous côtés dans les
pays étrangers les doctrines et les institutions bud-
dhiques.
«I Lethérô, fils de Moggali, dit l'auteur de ce livre,
celui qui fait briller renseignement du Jina, après
avoir tenu l'assemblée (le 3*" concile), envisageant
l'avenir, considéra que le moment était venu d'éta-
blir la loi dans les pays étrangers, et, dans le mois
' Parmi les lettres employées dans la transcription a = ou,j =
dj, ch = tclî , 5/1 = ch , X = kch ; le cj est toujours dur; ai = aï, au
= aou. Les autres lettres se prononcent comme en français. Ainsi
muni se lit mouni ; Jalodbhava , Djalodbbava; Panchakô, Panlchakô;
Kushmir, Kachmir; bhixu , bhikchu -, d(jé dguc. Dans les mots tibétains,
le / vaut notre j, et le son dj est rendu par dj.
V}. 32
478 DECEMBRE 18C5.
de kattika, il envoya des thêiôs, les uns d'un côté,
les autres d'un autre.
((A Rasmîra et Gandhâra, il envoya le tliêrô Maj-
jhantika ;dansleMahisamandala , lethêrôMahâdêva;
à Vanavasi, il envoya letbêrô nommé Rakkita, et à
Aparantaka, celui qui s'appelait Yonadbammarak-
kita; dans le Mahâratlba, il envoya le thêrô Mahâ-
dhammarakkila; quant au thêrô Mabârakkita , il
l'envoya dans la contrée de Yôna. 11 envoya le thêrô
Majjbima dans le territoire de l'Himavat, et dans la
terre de Suvanna les deux tbêrôs Sôna et Ultara. Il
envoya le thêrô Mahâmabinda avec les autres dis-
ciples Ittbiya , Vuttiya , Sanibala , Bbaddasala , en tout
cinq thêrôs, en leur disant : « Etablissez dans la déli-
« cieuse île de Lanka la délicieuse doctrine du Jina. »
Ce tableau intéressant , que je ne me propose pas
d'analyser dans son entier, frappe surtout par deux
traits, celui du commencement et celui de la fin,
la conversion des pays de Kasmîra et de Gandhâra ,
et celle de l'ile de Lanka ou de Geylan. Ce n'est pas
seulement la vaste extension du buddhisme qui est
indiquée dans cette simple énuméralion, c'est en-
core sa division en deux fractions: car, de même
que la conversion de l'île de Geylan a été l'origine
du buddhisme du Sud, celle de la vallée deKasbmir
a été le point de départ du buddhisme du Nord.
Cette vallée est, sinon Tunique, au moins la princi-
pale voie de communication de l'Inde avec les con-
trées centrales de l'Asie; c'est le chemin du com-
merce; et, comme les idées suivent d'ordinaire le
DU BUDDHÏSME DANS LE KASHMIR. "479
même chemin que les marchandises (bien cfue parfois
il leur arrive de suivre celui des armées) , c'est par cette
voie-là surtout que le buddhisme a été porlé dans
le pays limitrophe de l'Inde , qui est devenu le centre
du buddhisme septentrional , le Tibet. Aussi peut-
on dire que,. sauf la conversion de Geylan, il n'y
a pas, dans l'histoire du buddhisme, depuis Çâkya-
muni, d'événement aussi considérable et aussi fé-
cond en résultats que l'introduction du buddhisme
dans le Kashmir.
Il existe, à notre connaissance quatre récits de
cet événement : le xii^ chapitre du Mahâvanso en
contient un qui fait immédiatement suite au texte
cité tout à l'heure; le XP volume du Randjur, con-
sacré presque tout entier aux derniers événements
de la vie de Çâkyamuni, à sa mort, à ses premiers
successeurs, à la compilation de sa doctrine, nous
offre la version ofiRcielle des buddhistes du Nord.
Enfin Hiouen-Thsang recueillit à Kashmir même
la tradition locale sur cet événement, dont le récit
se trouve aussi dans l'histoire du buddhisme deTârâ-
nâtha, auteur tibétain qui écrivait dans le premier
quart du xvii^ siècle ^ Les renseignements fournis
par Hiouen-Thsang nous sont connus par la tra-
duction que nous devons à M. Stanislas Julien.
Quant <\ Târânâtha, nous ne possédons pas son
livre; mais M. Wassihef l'a traduit, et, en attendant
' On en trouve encore un résumé très-substantiel en six lignes
dans l'ouvrage de M. A. Schiefner intitulé : Eine ûheùsche Lehcns-
hesckreihiu\(j Çâhjainiuus, etc. p. 79.
480 DÉCEMBRE 1805.
qu'il publie ce travail, il nous donne clans le pre-
mier volume (le son ouvrage sur le buddhisme, le
seul qui soit encore venu jusqu'à nous, une précieuse
analyse du livre de Târânâtha. J'invoquerai sans les
reproduire les récits de Hiouen-Thsang et de Târâ-
nâtha; mais je veux donner d'abord intégralement
le récit du Mahâvanso et celui du Kandjur.
Voici d'abord le récit du Mahâvanso, depuis long-
temps connu par la publication que G. Turnour a
faite du texte pâli d'une portion de cet ouvrage en
raccompagnant d'une traduction anglaise :
«Alors dans les pays de Kasmîra et de Gandhâra,
le redoutable Aravâlô, roi des Nâgas, doué d'une
grande puissance surnaturelle, faisant tomber une
pluie mêlée- de grêle, submergea dans une véritable
mer toutes les moissons mûres ^ Le thôrô Majjhan-
tikô s'y rendit promptement à travers les airs, s'a-
battit sur le lac d'Aravâlô^, et se tint à la surface
de l'eau, marchant et absorbé dans la méditation.
Les Nâgas , furieux à cette vue , le firent savoir au roi.
Alois, le roi des Nâgas, furieux à son tour, em-
^ Un traité du Kandjur (section jR^juci) intitulé Nâga samaya
(serment des Nàgas) contient des descriptions des cérémonies et des
montras pour obtenir des Nâgas la pluie dans la saison des pluies,
et un engagement des Mdgas de ne pas détruire les blés et autres
grains. Ces données correspondent très-exactement à l'idée que le
Mahâvanso nous donne de ces êlres fabuleux.
2 Un des lacs du Kashmir porte encore le nom de Viilar ou Valler,
qui rappelle celui d'Aravâlô. Des étendues d'eau sont quelquefois
qualifiées row desNdçjcis.k'insï on retrouve le roi des Ndcjas , l'Océan,
(rgya mts'ô); le roides Nâyas, Anavalapta (Ma-dros-pa, lac célèbre).
{ Suvuma-prdhhâsd , éd. de la Bibliolb. do l'Institut, folio i3i.)
t>U BUDDHiSME DANS LE KASHMIR. 481
ploya tous les moyens d'épouvante : les nuages gron-
dèrent, envoyèrent la pluie; les Nâgas, prenant des
formes hideuses, essayèrent de toutes parts de l'épou-
vanter. Lui-même (le roi) exhala de la fumée et du
feu, lançant mille imprécations contre lui. Le thêrô
ayant, par sa puissance surnaturelle, repoussé tous
ces épouvantails, s'adressa au roi des Nâgas en lui
manifestant sa force supérieure :
u Le monde avec tous les dieux aurait beau réunir
«tous ses efforts, il ne serait pas capable de faire
«naître en moi la crainte. Tu pourrais, ô grand
« Nâga , lancer sur moi la terre avec ses mers et ses
«montagnes, tu ne parviendrais pas à faire naître
«en moi la crainte. Cesse donc, ô roi des serpents,
« de causer la destruction des moissons. » Ces pa-
roles l'ayant fait rentrer dans le calme , le thêrô lui
enseigna la loi. Alors le roi des Nâgas fut établi dans
la règle morale des (tiois) refuges. Il en fut de même
de quatre-vingt-quatre mille serpents et de bon
nombre de Gandabbas, de Yakkas et de Kumbhan-
dakas de l'Himavat.
«Un Yakka, nommé Panchakô, avec sa Yakkî
Harîtâ et leurs cinq cents fils, obtinrent le premier
degré (çrôta âpatti) : «Ne vous livrez plus désor-
« mais comme autrefois à la colère et à l'orgueil; ne
«détruisez plus les moissons; cherchez le bien-être
«des créatures, soyez compatissants pour tons les
«êtres; que les hommes habitent en paix.» Telle
fut fexhortation qu'il leur adressa, et ils s'y confor-
mèrent.
482 DÉCEMBRE 1865.
(( Alors le roi des serpents , ayant établi le thêrô
sur un trône de pierres précieuses , se tint tremblant
(et respectueux) en sa présence.
«En ce temps-là, les hommes qui habitent Kas-
mira et Gandhâra étaient venus rendre leurs hom-
mages au roi des Nâgas. Ayant salué humblement
le thêrô comme un thcrô doué d'une grande puis-
sance surnaturelle, ils s'assirent h l'un de ses côtés ;
le thêrô leur enseigna la loi intitulée Asivisôpama.
Quatre -vingt mille personnes acceptèrent la loi;
cent mille autres entrèrent dans la prêtrise en pré-
sence du thêrô.
« Depuis lors , dans lespaysdeKasmîra et de Gan-
dhâra, on vit briller les habits jaunes des religieux,
et l'on fut adonné aux. principes de la triple base. »
De ce récit, écrit en pâli pour les buddhistes du
Sud, je rapproche la narration tibétaine suivie par
les buddhistes du Nord : elle se trouve dans le XV
volume de la i'*' partie du Kandjur intitulée Dulva
ou la discipline, et fait partie d'une section du Dulva
qui occupe les volumes X et XI, et porte le nom de
Vinaya-xudraka-vastu, en tibétain Hdul-va-phran-
tsêgs-kyi-gji , recueil des minuties de la Discipline. On
ne voit pas bien en quoi cette section est plus mi-
nutieuse que les autres, car il y est question de
choses graves et importantes, et il semble même
qu'il y ait plus de minuties dans les livres dont le
titre n'en annonce point; mais nous n'avons pas ici
à discuter ces titres. Le Vinaya-xudraka-vastu,
comme tout le reste du Dulva tibétain, est traduit
DU BUDDllISME DANS LE KASHMIR. 483
du sanscrit; on donne même le nom des traducteurs:
ce sont les pandits indiens Vidya-kara-prabha , et
Dharma-çri-prabha , et le lotsava (interprète) tibé-
tain Ban-dhe-dpal-hbyor. L'épisode de la conversion '
du Kashmir n'a pas encore été traduit, que je sache;
seulement Gsoma de Kôrôs en a fait^ dans son ana-
lyse du KandJLirun résumé très-fidèle, mais très-bref.
Je le donne intégralement, le faisant précéder du
récit des derniers moments d'Ananda et le faisant
suivre de la liste des chefs spirituels du buddhisme,
pour rendre l'exposé plus complet et plus intelli-
gible.
M Dans le temps où arriva pour le sthavira^ Ananda
le moment d'entrer dans le nirvana complet (pari-
nirvana)^, cette grande terre trembla de six ma-
nières. En ce temps-là, quelques autres rishis ^S
s'étant réunis jusqu'à former un groupe de cinq
cents personnes, se rendirent, au moyen de leur
puissance surnaturelle, au lieu où était lâyushmat^
' Asiatic Researches , vol. XX, p. 92.
^ Ce mot, qui signifie vieillard, prêtre, sera l'objet d'une discus-
sion. — Je reproduis la forme sanscrite de tous les noms propres
et de tous les termes buddhiqucs traduils en tibétain dans le texte.
J'ajoute d'ordinaire, entre parenthèses ou en note, l'expression
tibétaine et l'interprétation en français, sans entrer dans aucune
explication, parce que ces restitutions sont certaines. Les cas dou-
teux ou difficiles seront l'objet soit d'une note, soit d'une discussion
ultérieure.
^ On sait que les Tibétains disent : d'être enùcrement passé hors
de la douleur.
* Saints personnages; en tibétain drang-sromj , «ermite. »
* En tibétain tse-dumj-ldan, «doué d'une longue vie,» (jualifica-
tion fréqueule des [)lns éininents disciples du Buddha.
484 1)ÉCEMBKE i865.
Ananda, et, ayant réuni les paumes de leurs mains,
ils dirent à layuslimat Ananda : «Pour apprendre
« la loi el la discipline ( Dharma et f^'inaya) ^ bien en-
te seignées, nous avons quilté notre demeure et
«nous sommes devenus des upâsakas^ (auditeurs
«laïques) accomplis : nous demandons maintenante
a être élevés à l'état de bhixus (moines mendiants). »
En tout autant de temps, l'âynshma* Ananda pro-
duisit cette pensée : «Disciples, venez ici tous en-
« semble près de moi.» Quand il eut produit cette
pensée, incontinent, conformément à ce (juil avait
dit y les cinq cents disciples se rendirent près de lui.
«Le sthavira Ananda, ayant accompli des trans-
formations surnaturelles sur la terre ferme, au
milieu de l'eau, ferma tout accès jusqu'à lui^. En
tout autant de temps, l'assemblée de rishis, com-
posée de cinq cents personnes qui avaient adopté
' Division originelle et fondamentale, des Écritures buddhique».
^ Les upâ-akas sont les individus, non encore reçus moines, qui
suivent l'enseignement religieux et observent certains préceptes.
On les appelle en tibétain d(je-hshen <i\o\ûn de la vertu. » Cependant
notre texte porte bsnen par-rdzoys « qui s'est parfaitement approché , »
composé auquel le diolionnaire attribue le sens de devenir reliyieux;
il se retrouve plus bas avec ce sens. Mais, ici, j'ai cru devoir tra-
duire par upâsaka à cause du contexte; car si l'on dit, « nous sommes
devenus des religieux,» la phrase qui suit n'a plus de raison d'être.
^ Sur la terre ferme , au milieu de i'cau, expression périplirastique,
pour désigner une île du Gange. Csoma de Kôrôs [As. lies. XX,
p. 92) dit que celte île est imaginaire. Je crois que, dans tous les
cas , on aurait de la peine à la retrouver. — Ferma tout accès auprh de
lui, je traduis ainsi lam med par byas sô (fil ou fut fait — à l'étal
de — sans chemin).
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 485
la vie religieuse , obtint la demande ^ , faite par ceux
qui la composaient, d'être reçus religieux; puis les
membres de cette assemblée arrivèrent à l'état
d'anâgami (qui ne revient pas à la vie), et, quand
la troisième opération eut été exposée^, ayant rejeté
loin d'eux toute la corruption naturelle, ils obtinrent
l'état d'arbat (digne, méritant). Ceux-là donc étant
devenus religieux au milieu de la Gangâ (du Gange)
et au milieu du jour : «L'un d'eux sera appelé
« Milieu de l'eau (ou l'île , de l'île) , l'autre sera appelé
« Milieu du jour (midi, Ni-ma-igung,Madhyântika)^; »
voilà ce qui fut proclamé.
* En tibétain, (jsôl pa hjas pa, ce qui pourrait se traduire par
«fit ia demande. » Mais ce sens ne conviendrait pas à l'ensemble de
la pbrase. D'ailleurs le génie de la langue tibétaine exigerait, pour
que co sens fût attaché à cette phrase, gsôl.var au lieu de gsôlpa.
' Les mots sont bien clairs [las gsum-pa brdjod pa), la pensée
l'est moins. Les trois opérations dont il s'agit sont sans doute : i° de-
venir bliixu ou moine; — 2° devenir anâgami; — 3° devenir athat
«parfait. » Le passage à chacun de ces états aurait été précédé d'une
instruction donnée par Ananda; le texte ne cite que la dernière.
Les trois degrés susindiqués sont loin d'être les seuls qui existent :
l'auteur eût facilement pu allonger la liste; il a su se borner.
^ Tout ce passage est assez obscur. S'agit-il de deux individus ou
de deux collections d'hommes, dont l'une aurait pris une dénomi-
nation, fautre une autre? Le texte tibétain a le singulier, il faut
bien le conserver dans la traduction ; mais le singulier a souvent la
valeur d'un pluriel, cas qui paraît se présenter ici. il semble donc
que les disciples d'Ananda auraient été partagés en deux classes.
Quelle peut être la valeur de cette division? 11 est d'autant plus diffi-
cile de le dire, que , plus loin , les cinq cents disciples d'Ananda (du
moins tout porte à croire qu'il s'agit d'eux) sont représentés comme
agissant de concert avec Madhyândka, dont la personnalité, forte-
ment mise en relief dans la suite du récit, se dessine assez faible-
ment ici. — On croit voir dans ces deux désignations, empruntées
480 DÉCEMBRE 1865.
«Ceux-là donc, ayant accompli ce qu'ils avaient
k faire, ayant honoré avec la tête les pieds de
ràyushmat Ananda, dirent : ((Puisque Bhagavat,
('arrivé au terme de toutes ses bonnes actions, est
((Cnlré antérieurement dans le nirvana complet,
« que le précepteur donne une instruction , car nous
(1 devons entrer les premiers ^ dans le nirvana com-
(( plet , nous désirons ne point voir le précepteur
(( entrer dans le nirvana complet. » — Le sthavira
repartit : (( Mon fils ^, Bhagavat, après avoir remis le
(( dépôt de son enseignement à l'âyushmat Mahàka-
« çyapa , est entré dans le nirvana complet. Le stha-
« vira Mahâkaçyapa à son tour, me l'ayant remis, me
« dit : Maintenant, quand je serai entré dans le nir-
<( vâna complet, surveille avec soin cet enseigne-
<• ment. — Bhagavat a dit : Le pays de Kashmir^
aux circonslances de temps et de lieu dans lesquelles s'accomplit
îa conversion des disciples d' Ananda, la trace obscure d'un schisme
mal dissimulé.
Ml y a dans le texte sncjar « premièrement. » On pourrait traduire
uvaiitque nous entrions, sens plus satisfaisant en lui-même, mais qui
s'accorderait moins bien, soit avec la construction de la phrase
tibétaine, soit avec le sens de celle qui suit. Bhagavat est le Buddlia .
et Mahâhaçyapa, son premier successeur.
^ Le texte porte hu, à peine lisible. Cette expression Jîij (bu) qui
ouvre le discours et est reproduite dans la conclusion nous prouve
(comme l'ensemble le démontre) qu'il est adressé tout entier au
seul Madhyantika, et cependant c'est la réponse d'Ananda aux
cinq cenis disciples. — Il y aiin peu d'incohérence dans cette partie
du récit.
^ En tibétain, kha chhé «grande bouche,» nom qui paraît être
seulement la prononciation populaire du sanscrit haçmira, défiguré
de manière à donner ini sens plus ou moins conforme A l'idée qu'on
se faisait du pays ou aux liiiditions dont il était le sujet.
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. HSl
« est le meilleur séjour pour le dhyâna (l'extase) et
(' le recueillement parfait (hlhun-samagra) ^ ; tel a été
u son oracle sur le pays de Kashmir. Et après le nir-
" vâna complet de Bhagavat , après un laps de cent
«ans, il existera un bhixu, nommé le Milieu du
a jour (Ni-ma-i gung, Madhyântika), par lequel on
«sera, ici^, établi dans la doctrine. — Telle a été
«sa prédiction. D'après cela, mon fils, à toi d'af-
«fermir ce pays dans la doctrine. — Je le ferai
« ainsi, » répondit-il.
«Ensuite l'âyusbmat Ananda commença à mani-
fester toutes sortes de transformations surnaturelles.
Or, un habitant du pays de Magadba-'*, pleurant de
tendresse, lui cria : «Maître, viens ici.» — Un
habitant de Vriji^ (Spong-byed), pleurant de ten-
^ Dhyâna, terme bien connu, en tibétain bsani (jtan, que je tra-
duis par extase; je rends par recueillement parfait le mot hlhiin
(unus) en sanscrit jorna^ra (totus). Ce mot semble désigner un
esprit ramassé sur lui-même, dont toutes les facultés, toutes les
énergies sont concentrées, rassemblées sur un point unique,
2 Ce mot prouve que le texte sanscrit de ce récit a été arrêté
dans le Kashmir; peut-être la traduction y a-t-elle été faite. Celte
circonstance est spécifiée pour quelques ouvrages.
^ Le Bihar méridional, véritable berceau du buddhisme, et qui
avait alors pour capitale Pataliputra et pour roi Ajâtaçatru.
'' C'est un habitant de Vriji qui demande à posséder le corps
d'Ananda, et le don est fait à un habitant de Vaïçâlî. Jl s'ensuit
que le pays de Vriji représente ici le territoire dont Vaïçâlî est le
chef-lieu; la même particularité se retrouve dans plusieurs textes
iVoy. des pel. buddh. JII, 366). Cela vient de ce que le royaume de
Vriji a été souvent réuni à celui de Vaïçâlî; mais, du reste, c'était
un Etat à part ayant sa capitale propre. ( Voy. des pel. buddh. loco
citato, et p. 4o2.) Ses frontières étaient à 5oo li, environ 87 lieues,
de Vaïçâlî.
488 DÉCEMBRE 1805.'
dresse , l'appela aussi , en disant : « Maître , viens ici. »
Telle ilit l'invitation que, de chacune des rives du
fleuve, deux hommes lui adressèrent. Ayant en-
tendu ces appels et agissant avec sagesse, il par-
tagea son corps vieilli en deux parties.
« Puis ràyushinat Ananda, ayant béni son corps,
ayant fait apparaître des transformations merveil-
leuses de toute espèce, semblable à la vapeur pro-
duite par l'eau dans le feu\ entra dans le nirvana
complet. Une moitié de son corps fut remise aux
habitants de Vaïçàlî, l'autre moitié au roi Ajâta-
çatru ; ce qui fit dire : «Le prince, la tête de la
{(Science, ayant disposé des parties de son corps ^,
K en a donné une moitié à l'Indra des hommes (au
' Je ne veux pas entrer dans la question du nirvana, qui n'est pas
de mon sujet; mais je dois au lecteur de justifier la traduction de
cette phrase qui s'y rapporte. On la retrouve plus loin avec une
variante. Ici nous avons : mé la (igni ou in ignem), chhus (aquâ),
(jtong-va (datum) ou gtor-va (sparsum, oblatum), vjin-du (sicut) :
«comme ce qui est donné par l'eau au feu,» c'est-A-dire apparem-
ment, «comme la vapeur d'eau.» L'autre phrase diffère unique-
ment par le verbe vstah-pa (donner, fournir), synonyme de cjtony.
Quanta gtor, très-semblable k gtoncj par la forme des lettres, il ne
diffère pas essentiellement par le sens. La pensée paraît donc être
«semblable à ce que donne l'eau mise en contact avec le feu. »
" Dans ce pada (car toute la pbrase est une stance de quatre
j)adas, dont chacun a sept syllabes) le texte est: raïuj-gi lus-kyi i
bchom-sle , «i ayant vaincu la montagne (?) de son propre corps.»
Cette expression pour dire « ayant dompté son corps avec les efforts
les plus pénibles» paraît bien exagérée. Je lis ris (partie) au lieu de
;i (montagne), ce qui m'obligea détourner un peu le sens de
bcliotn (vaincre) et à lui donner celui de "disposer en vainqueur ou
f-n maître souverain. »
DU BCDDHISME DANS LE KASHMIH. 489
«roi), l'autre moitié, il l'a donnée, ce muni \ à
«tout un peuple^.») — Ensuite les Lichavyi, ayant
bâti à Vaïçâlî un chaitya (ou stûpa)^, y mirent la
moitié du corps d'Ananda, et le roi Ajâtaçatru aussi,
ayant bâti un ebaitya dans la ville de Pataliputra, y
mit l'autre moitié.
((Ensuite, Madhyântika produisit celte pensée :
Mon précepteur m'a donné cet ordre : Introduis la
doctrine dans le pays de Kashmir, car Bhagavat a
fait cette prédiction : Il y aura un bhixu du nom de
Madhyântika (Ni-ma-i-gung « midi ») qui, après avoir
vaincu le méchant Nâga Hu-lun-ta^, introduira la
doctrine dans le pays de Kashmir. Eh bien ! je me
* Le mot muni se dit en tibétain thub-pa (fort, force) : nous avons
ihub-pas à l'instrumental, on pourrait traduire : «avec puissance;»
il paraît préférable de traduire par « ce muni. »
^ Notre texte porte Is'ocjs rnams « des troupes. » Ce mot, évidemment
opposé à roi (Indra des hommes), justifierait l'opinion de Csoma
que Vaïçâlî était un Etat républicain. Cette ville, où dominaient les
Lichavyi, paraît avoir eu une constitution aristocratique ou oligar-
chique. Cependant, clans le récit de la mort d'Ananda , Hiouen-
Thsang parle du roi de Vaïçâlî, qui aurait pris les armes pour dis-
puter au roi de Magadha la personne d'Ananda. Afin d'empêcher une
guerre entre les deux rois, Ananda, qui fuyait en bateau sur le
Gange, disparut et entra dans le nirvana. Le récit du voyageur
chinois diffère notablement du récit tibétain,
^ Monument de forme généralement pyramidale, renfermant des
reliques.
^ Ce nom sera étudié plus tard. Il est à remarquer que Hulunla
n'est point ici désigné comme roi, il est seulement qualifié de mé-
chant. Le teste porte mi sran; il faut lire mi bsriin, que le diction-
naire tibétain-sanscrit traduit par îpf^ : «Malicieux, méchant, bas,
vil.» Schmidt traduit dans son dictionnaire par «homme doux;»
mais le mot mi est à la fois la négation et le substantif /jonime; il est
évident que, ici, -/ni bsrun signifie : «qui n'est pas doux. »
490 DÉCEMBRE 1865.
pénétrerai à fond de l'esprit de la doctrine. C'est
ainsi qu'il pensa. L'âyushmat Madhyântika se ren-
dit donc dans le pays de Kasbmir et s'assit les jambes
croisées : puis Madhyântika fit cette réflexion : Pour
triompher de ces Nâgas du pays de Kashmir, je
mettrai ces Nâgas dans le trouble, et, par là, je les
snrmonlerai. — Telles furent ses réflexions, puis il
resta ainsi, absorbé dans la contemplation (samâ-
dhi), plongé dans le recueillement complet. Ainsi,
le pays de Kashmir trembla de six manières : pour
lors, les Nâgas troublés soufflèrent avec violence,
et, faisant tomber des pluies abondantes et impé-
tueuses, commencèrent à maltraiter le sthavira.
Mais le sthavira restait assis plongé dans la contem-
plation de maitrêya (ou de l'amour, Maitrêya ou
Maitrî samâdhi^), et les Nâgas ne furent pas ca-
pables d'agiter même le bord de son vêlement de
religieux. Ensuite, ces Nâgas firent tomber une
pluie de flèches; mais le sthavira les fit arriver en
fleurs éclatantes, en lotus, en lotus bleus, en lotus
rouges^, en lotus blancs. Ces Nâgas se mirent alors
' En tibétain hjamspa ting-ge hdzin. Ting-ge hdzin est la samâdhi
ou contemplation. Byams-pa signifie compassion ou compatissant ,
et correspond à maifrî et à maitrêya. Maitrî est l'amour universel;
Burnoufie traduit par charité : c'est l'amour étendu à tous les êtres.
Maitrêya est le nom du Buddha qui doit apparaître quand sera
achevée la période assignée à Çâkyamuni.
- Je traduis ainsi le mot du texte kan-mu qui n'existe pas, ot doit
être corrigé en ku-sa-ma (fleur) ou mieux kii-mu-da, f\m se ren-
contre dans des passages semblables, et qui, on\ro a-itres siunilîca-
tioiis, a celle de lotus rouge.
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIh. 401
à lancer sui- lui des amas ' de pointes de rochers, de
grandes flèches, des amas d'armes aiguës, des haches
d'armes : le tout tomba près du sthavira en pluie
de fleurs. Alors ils dirent : » Cet être semblable au
K sommet d'une montagne couverte de neige, et
« comm^ brillant de l'éclat du soleil, en restant ferme-
u ment assis, anéantit et rend invisibles, à mesure
«qu'elles arrivent, toutes ces pointes de roch'ers'^;
«quand tombe une averse qui balaye tout, il la fait
«arriver en pluie de fleurs de toutes sortes; s'il
«tombe du ciel une pluie de flèches, ce ne sont
«que guirlandes de fleurs qui couvrent le sol. »
« Ensuite , comme il était assis dans un calme par-
fait, plongé dans la contemplation de Maitrêya, que
le feu ne le brûlait pas, que ni les armes ni le
poison ne pouvaient s'attacher à son corps et y pé-
nétrer, les Nâgas furent émerveillés. Puis ces Nâgas,
étant venus près du sthavira, lui dirent: «Véné-
«rable, qu'ordonnes-tu ? o — Le sthavira repartit :
• Cette énumération présente deux fois le groupe rtsegchig
/ ^gi^qi ) , dont la division , incertaine la première fois , est la deuxième
fois assez bien indiquée sous la forme rtse-gcbig (une seule pointe),
mais rtseg signifiant «accumulation,» si l'on divise les lettres
ainsi, rtseg-chig, on aura rdo-rdje rtség- cliig (un amas de pierres,
pierres sur pierres), mts'ôn rtsêg-chig (un amas d'armes, armes sur
armes), ce qui est bien préférable. Il faut donc lire ; ^^H"^^ (rtség-
cbig), et non ^'^^^ (rlsê-gcbig).
^ La pbrase paraît assez claire; mais la construction en est em-
barrassée. Je traduis ainsi mot à mot en latin : « Nivei monlis vertice
illo quideni sub solis radiis firmiter sedente, monlium verlices illi
omnes ccrte haud (jam) esse, quum advencrmit, haud conspici [ou
ita ut conspici possint). »
492 DÉCEMBRE 1865.
(( Faites-moi don de ce lieu. » — Les Nâgas repri-
rent : ((On ne peut présenter un rocher comme
(( offrande ^ d — Le sthavira répondit : (( Bhagavat a
(( prédit que cette place serait mienne, parce que le
« pays de Kashmir est un lieu favorable pour le
(( dhyâna et le recueillement parfait. Désormais
(( elle est à moi. » — Les Nâgas repartirent : ((Slha-
((virà, Bhagavat la-t-il ainsi déclaré? — Bhagavat
((l'a ainsi déclaré,» répondit le sthavira. Les Nagas
dirent : ce Sthavira , combien d'espace te donnerons-
(( nous en offrande? — Autant que j'en occupe assis
«les jambes croisées, «répondit le sthaviia. — Les
Nâgas reprirent : « Révérend , nous te l'offrons. » —
Le sthavira s'assit les jambes croisées; les extrémités
des vallées furent déprimées par cette action^.
(( Les Nâgas dirent : (( Sthavira , à quel nombre
' Le texte tibétain est : Dbulvar (à offrir), rdo (une pierre), mi
(non) thôgê ? Thôgé n'existe pas. Thôg signifie «toit d'une
maison, foudre, production (moisson) ,» tous mots avec lesquels on
ne peut faire un sens raisonnable et naturel. Je transpose les voyelles,
et je lis thégô pour thég-gô. Thêg signifie : o porter, enlever, voiturer. »
L'emploi de ce terme ne paraîtra pas déplacé, si l'on songe que, en
général, le mot offrande emporte l'idée d'un meuble. Les Nâgas ne
comprennent pas l'oblation d'une chose immobilière. Des offrandes
de cette nature se voient cependantplus d'une fois dans le Buddhisme.
— En lisant thôg-gô, on pourrait traduire: un rocher n'est pas une
offrande relevée, ou bien n'est pas une offrande productive.
* Lang-pa dgu'hi mdo skyil-mô krung-gis-nôn-pa. « Vallium novcm os
T«? cruribus junctis sedere depressum fuit. — Je considère dgu, \o
nombre /jc«/, comme un simple signe du pluriel (ce qui n'est pas
rare en tibétain), et je vois dans cette phrase cette idée que les eaux
(dont les Nàgas sont l'emblème) , renfermées jusqu'alors entre les
montagnes , trouvèrent une issue par la dépression dont il s'agit. C'est
le seul indice que nous ayons de l'inondation et du dessèchement
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 493
d'hommes s'éJève l'assemblée de tes disciples?» — Le
slhavira se dit en lui-même : combien de disciples
rassemblerai-je ? — Et aussitôt le stbavira pensa :
Ce sera cinq cents arhats; et il dit aux Nàgas : « Elle
u s'élève au chiffre de cinq cents arhats. — Qu'il en
(( soit ainsi , répondirent les Nâgas. — Quand bien
(( même il s'en faudrait d'un seul arhat\ reprit Ma-
udhyântiku, je ravirai en ce temps-là le pays de
u Kashmir. »
«Puis le stbavira Madhyàntika dit aux Nâgas du
de la vallée de Kashmir, si clairement énoncés dans les autres textes
allégués; mais combien il est encore faible et obscur ! Le Kandjur
n'entre dans aucun détail qui ait trait aux choses naturelles, il est
tout entier à la fantasmagorie bouddhique. Dans l'ouvrage de
M. Schiefner [Eine Lebensbeschreibancj , ii.s.w. p. 79), ce fait est ainsi
exprimé: « Umfassle er so sitzend die Ausgànge von 9 Thàlern, \vo-
rauf ihm die Nâga's das Land einraùmten» (en s'asseyant ainsi, il
embrassa les issues de neuf vallées, ce qui fit que les Nâgas lui cé-
dèrent la place). Cette phrase répond assez bien au récit de Hioueu-
Thsaug. Nôn-pa devrait alors être traduit par : a embrasser, couvrir,
soumettre. » Mais il serait nécessaire aussi de connaître le texte dont
M. Schiefner a fait usage : il paraît identique au nôtre en cet en-
droit.
Je ne crois pas qu'on puisse traduire cette phrase autrement,
et cependant elle n'a guère de sens. Qu'importe qu'il manque un
arhat sur cinq cents ? Et à quoi se rapporte l'expression en ce temps-
là ? On est tenté de croire à une lacune que la forme extérieure du
texte n'indique d'ailleurs en aucune manière. Mais la mention des
interlocuteurs, énoncée constamment, fait ici défaut; le premier
membre de phrase est peut-être n>is dans la bouche des Nâgas, le
deuxième l'est certainement dans celle de Madhyàntika : cependant
rien n'indique qu'il prend la parole : et même, d'après la construc-
tion delà phrase, le tout se trouverait attribué aux Nàgas; l'évidence
du sens oblige seule à faire intervenir Madhyàntika comme le per-
sonnage qui parle. Le mot tibétain dhrôij répond au français raiir
dans sa double acceptiiin.
VI. U
4^4 DÉCEMBRE 1865.
pays de Kashmir : «Voilà ime atraire réglée; mais
«ce n'est pas assez : là où demeurent des gens qui
«donnent, là seulement il peut exister des gens qui
M reçoivent 1; en conséquence, je veux aussi établir
«ici des maîtres de maison. — Qu'il en soit ainsi. »
répondirent les Nàgas. — Incontinent, le sthavira
se mit à créer lui-même des villages, des villes, des
provinces, et il y installa des sociétés d'hommes.
Ceux-ci dirent : «Sthavira, comment nous accioî-
«trons-nousPn — Aussitôt le sthavira, emmenant
aveclui des multitudes d'hommes, se rendit sur la
montagne de Gandhamadana^ (la montagne des
parfums) et dit : Que le safran apparaisse ! — Aus-
sitôt les Nâgas du mont Gandhamâdana se soulevè-
rent; mais le sthavira les dompta également; ils
dirent alors : « Combien de temps doit durer l'ensei-
«gnement de Bhagavat P — Mille ans'',/) répondit
' Mot à mot en latin : » lie ita sese hahenle [ou rehus ita compa-
ratis) , atlamen , quia, ubi donantes versantnr, ibi sunl capientes. »
^ En tibétain : Spos. hyi ngad. ldun(j; n)ais ce nom a diverses
autres formes qui se rapprochent plus ou moins de celie-ci, et dont
l'analyse, assez difTicile, serait trop longue. Du resteil sagitbiendela
montagne des Parfums. On est étonné d'y trouver des Nâgas, ou
serpents d'eau ; peut-être ces Nâgas hantent-ils les nuages qui en-
tourent le sommet de la montagne. Le mot iiàya désigne aussi l'élé-
phant, et celle double acception a été la cause de plus d'une confu-
sion. On serait tenté d'en soupçonner une, si la montagne fabuleuse
de Gandhamâdana n'occupait une position septentrionale peu favo-
rable à la propagation des éléphants. Le iMahàbhârata y place toutes
sortes d'êtres.
^ C'est un des termes assignés à la période de Çàkyamuni ; mais
il y en a d'autres, en particulier celui de cin(j mille ans, qui paraît
plus généralement adopté.
DU BUDDEIISME DANS LE KASHMIK. 495
le sthavira. — Ceux-ci reprirent : «Aussi longtemps
(( que doit durer la doctrine de Bhagavat, aussi long-
« temps il faut la propager. » — Tel lut le vœu par
lequel ils se lièrent. — » Qu'il en soit ainsi, » reprit
le sthavira; et, sans plus tarder, le sthavira in-
troduisit le safran dans le pays de Kashrair et en
bénit la cuUare. Après un long temps employé à im-
plimter et à propager au loin dans le pays de
Kashmir renseignement de Bhagavat, le sthavira
Madhyântika, après avoir, par toutes sortes de mer-
veilles et de prodiges, réjoui le cœur de ceux qui
donnent, et dont la vie est conforme à la pureté,
semblable à la vapeur formée par feau dans le feu,
entra dans le nirvana. Son corps, brûlé avec du
bois d'excellent sandal, du bois d'akara et de di-
verses autres espèces d'arbres, fut mis dans un chai-
tya (ou stûpa) construit pour cela même.
«Ensuite l'àyushmat Çânavâsika \ ayant reçu
prêtre l'àyushmat Upagupta ( Vsiîe-Sva , sous-garde^),
puis ayant répandu au loin la doctrine, adressa ce
discours à l'àyushmat Upagupta : «Ayushmat Upa-
«gupta, apprends bien ce que je vais te dire : Bha-
u gavât a jadis remis l'enseignement à l'àyushmat
« Malîâkaçyapa , puis il est entré dans le nirvana
' En tibétain sha-nahi-(jos-chan , «vêtu de chanvre. »
^ Upagupta était fils de Gupta (protégé). La préposition upaaicila
valeur dejils. Elle signifie « secondaire, en sous-ordre. » C'est comme
si Ton disait : le petit Gupta, ou Gupta II, Gupla minor. C'est ainsi
que Çâriputra, l'un des principaux disciples de Çâkyamuni, appelé
de ce nom à cause de sa mère , tient de son père Tishya celui de
Upa-Tishya,
33.
496 DÉCEMBRE 1865.
« complet. 1^'àyushmal Mahâkaçyapa la remis à mon
« précepteur, et mon précepteur, à son tour, in'ayant
« confié (le dépôt de) l'enseignement, est entré dans
« le nirvana complet. Et maintenant que moi aussi ^
«je vais entrer dans le nirvana complet, ce sera à
(( toi désormais à développer tout au long cet ensei-
ugnement, à l'appliquer à faire connaître à tous en
<t quels termes Bhagavat a formulé sa doctrine. » —
Puis, fâyusbmat Çânavâsika, après avoir réjoui le
cœur de ceux qui donnent beaucoup et dont la ma-
nière de vivre est conforme à la pureté, ayant fait
apparaître des lueurs, des flammes, des pluies abon-
dantes, des éclairs et toutes sortes de prodiges,
entra dans le nirvana complet au sein du milieu
exempt de tout reste d'agrégat^.
' Les deux premières lettres de cetle phrase sont méconnais-
sables. On peut lire pung ou lang. Lung signifiant prédiction, la
phrase serait lumj.yang.yongs su. mja. ngan. las. Iidas. ste. L'annonce
du nirvana complet existant (pour moi). Mais il vaut mieux lire da.
luja (maintenant moi, etc.), d'autant plus que le membre de phrase
suivant commence par da hhyod (maintenant toi) , el qu'il y a ainsi
une sorte de parallélisme.
^ Celte phrase sur le nirvana est bien connue : Burnout" l'a citée
et discutée [Introd. à l'hist. du Buddh. ind. p. Bgi). Je me bornerai à
mettre* en regard les mots tibétains et les termes sanscrits corres-
pondants :
Pung.pô Ihag.ma med.pa dbyings.su
Upadhi Çésha ni: dhâtau
Agrégat reste sans milieu (région) dans
yongs.su raya ngan.las-hdas
parinirvrita
entré dans le nirvana complet.
Dans l'exemple cité par l'illu-strc indianiste, le tnat dhriiiffs su
DLI BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 497
u Le sthavira Upagupta, à son tour, enseigna à
1 ayushmat Dhîtika (ie penseur, ou chanteur d'hym-
nes) les parties essentielles et indispensables de la
doctrine; l'âynshmat Dhîtika ^ les enseigna à l'âyush-
mat Kâla(A^a^/)o,ienoir); l'âyushmatKâla àTaynsh-
mat Sudarçana [legs, mthong , qui voit bien^). Voilà
comment ces^ éléphants entrèrent dans le nirvana
complet*. »
Il est manifeste que le récit tibétain et le récit
pâli, composés dans des pays si éloignés l'un de
l'autre et dans des temps différents, dérivent d'une
même source et reproduisent la même tradition.
L'accord qu'ils présentent se trouve confirmé par les
récits de Hiouen-Thsang et de Târânâtha, ainsi que
le prouvera l'examen auquel nous allons nous li-
vrer.
Deux personnages principaux sont en présence
dans ces récits : un religieux buddhiste et un roi des
Nâgas du Kashmir. Le religieux buddhiste est ap-
pelé en pâli Majjhdntika, mot qui correspond au
sanscrit Madhyântika , dont le sens, quelque peu
obscur, paraît être , « qui est en présence du milieu , »
(lliâtau) est précédé du mol mja.ngan.las.hdas (nirvana) que nous
n'avons pas ici.
' Ce nom est transcrit dans le texte du Kandjur : c'est le seul nom
propre qui ne soit pas traduit. Il est écrit avec le premier i bref:
l'étymologie et l'orlhographe constante exigent Vi long.
* Ce nom a probablement un sens mystique et religieux : il si-
gnifie « exempt d'erreur. »
■^ Ces n'est pas dans le texte : il y a seulement glang-pô-chhenpô-
tlaxj; il faut intercaler dé (ce) entre chhen-pô et dag , signe du pluriel.
* Hdulva, vol. XI, fol. 686-689.
498 DÉCEMBRE 1865.
OU tout simplement « au milieu. » Les l'ibétains i ont
rendu par Ni-mai-rjung (le milieu du jour). Ce nom
semblerait devoir être plutôt la traduction du sans-
crit Madhydhna {ni\di)\ car midi se dit en tibétain
ni-mai gung et nin-giing (Dict. de Scbmidt). Le dic-
tionnaire tibétain-sanscrit de la Bibliotbèque impé-
riale donne pour équivalent du sanscrit Madhyâhna
(midi) le composé gang-inthun (égal par la moitié,
divisé en deux parties égales); il ne cite ni le com-
posé tibétain Ni-mai-gang , ni son équivalent sans-
crit Madhyântika. Il y a donc une certaine difficulté
à saisir un rapport très-exact entre ces deux mots :
un seul élément du composé , milieu (madhy a en sans-
crit, gung en tibétain) se trouve exprimé de part et
d'autre. Hiouen-Tbsang ne nous vient pas en aide
dans celte difficulté parce qu'il transcrit toujours le
nom de Madhyântika sous la forme Mo-tien-ti-kia,
et n'en donne point l'équivalent chinois : on n'en
trouve pas la traduction dans les tables que M. Sta-
nislas Julien a mises à la fin de son ouvrage.
Malgré ces difficultés, l'identité de Madhyântika
et de Ni-mai-gang n'est point douteuse. Il est adnûs
sans conteslation que ces deux noms sont celui d'un
seul et môme personnage, celui qui porta le bud-
dhisme à Kashmir.
Le rapprochement des noms donnés dans l'un et
l'autre texte ou roi desNâgas présente des difficultés
plus sérieuses. Ce personnage est appelé dans le
Kandjur Huhinla et dans le Mahavanso Aravàlô. Le
mot hilunta n'a une physionomie ni tibétaine ni
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 499
sanscrilc, et il ne paraît pas qu'il appartienne à au-
cune de ces deux langues. Le dictionnaire sanscrit-
tibétain intitulé Mahâvyatpatti renferme une liste
des rois des Nâgas. On trouve dans cette éniiméra-
tion très-longue le terme Hala-Halu, avec le corres-
pondant sanscrit Haliira, et les variantes Hulada et
Hulaiida. 11 n'est pas douteux que ce nom est bien
celui que nous avons dans le Kandjur. L'insertion
de la nasale est facultative; le cl cérébral est connu
pour se confondre avec la lettre r: Hulanta. Ulata,
Ulada, Ulanda, Ulura sont évidemment diverses
Ibrmes d'un même mot. La signification en est fort
douteuse, et c'est peut-être par ce motif que les Tibé-
tains, au lieu de le traduire suivant leur habitude
constante, se sont bornés à le transcrire. Il n'est pas
probable qu'il soit sanscrit, et il pourrait bien être
un mot local , propre au Rashmir. On s'expliquerait
ainsi les diverses lectures qui en existent ^ Immé-
diatement après le nom de Hulu, notre diction-
naire donne le terme Huluka ou Uluka : on pourrait
le considérer comme une variante du précédent, et
essayer de l'y rattacher; mais comme il est accom-
pagné d'une traduction tibétaine Gsal.mthong [c\mv-
voyant ou regard brillant), on hésite à les rappro-
cher; car si l'on a bien trouvé une traduction pour
fun, par quelle raison l'autre en serait-il privé^P
' Le terme Hulura ou Vlura ne serait-il pas la forme primitive
du nom Vular ou Valer que porte aujourd'hui un des lacs du Kash-
mir dans lequel on a cru reconnaître le lac d'Aravâlô { Aravàladaha)
cilé dans le Mâhâvanso (ch. xii, 1 1) ?
^ Il y a en sanscrit une racine hiid (hur), qui signifie «accumuler,
500 DECEMBRE 1865.
Le Dom d'Aravâlô, le roi des Nâgas du Malià-
vanso , se trouve aussi dans le Mahâvvulpatti , et vient
immédiatement à la suite des précédents : il est tra-
duit par le composé tibétain brtségs-rcjyas (élevé,
étendu, ou étendu en hauteur). Quant au mot sans-
crit-pâli Aravâlô, sa signification est très-incertaine :
on ne pourrait arriver, en cherchant à l'interpréter,
qu à des résultats fort douteux, et surtout il serait
très-difficile de trouver le sens indiqué par le tibé-
tain. L'identité dos personnages appelés Hulunta et
Aravâlô est donc très-peu certaine-, et même, d'après
le dictionnaire Mahavyutpatti, qui cependant les
rapproche l'un de l'autre, on devrait les considérer
comme tout à fait distincts. Ils n'ont de commun
que leur qualité de rois des Nàgas.
C'est seulement par cette qualité que Hiouen-
Thsang désigne l'adversaire de Madhyântika : il n'en
dit pas le nom. Autant en fait Târànâtha, à en ju-
être submergé;» cette dernière signification convient très-bien à un
serj)eiit d'eau; la première s'accorde avec le sens d'un des mots
tibétains par lesquels on traduit le nom d'Aravâlô. Je ne sais si l'on
peut faire venir de cette racine le nom de Hul-unla ou Hiiliida. Une
autre racine /lu/ signifie «aller, cacher, frapper, tuer :» ces signi-
fications ne répondent point à la traduction tibétaine du nom de
Huluka. Cependant, si les mots Hulata et Huluka sont sanscrits
(ce dont je ne suis pas persuadé), on ne peut pas les faire dériver
d'une racine autre que hal et peut-être Iwd. Les sens de «amasser»
(les eaux) «être plongé > (dans les eaux) « couvrir» (d'eau), «frapper,
tuer» (par la pluie, la tempête et l'inondation), conviendraient
très-bien à des Nàgas ou serpents d'eau, et r?ntrent dans l'ordre
d'idées que comporte le récit du Mahâvanso. Le sens de «regard
brillant » attribué par la traduction tibétaine à Huluka convient aussi
très-bien à des serpents et rappelle le grec Spâxojv.
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 501
ger par l'analyse de M. Wassilief; mais le nom de
Hulunta se retrouve dans Touvrage de M Schiefner.
Il est à remarquer que la chronique kashmirienne
Bâjalarancjinî ne connaît ni Aravâlô, ni Hulunta. Ce
n'est pas qu'elle ignore les Nâgas; bien au contraire,
elle les présente comme les amis et les prolecteurs
du pays, des divinités, dont les rois de Rashmir,
religieux et libérateurs, ont protégé le culte ou
vaincu les ennemis. Mais «lie donne au grand chef
de ces Nâgas le nom de Nîla (le bleu)^; il semble
avoir été confondu avec Çiva. La même chronique
cite deux autres chefs de Nâgas, Çankha et Padma^.
Ainsi il n'y a pas d'accord sur les noms entre les
buddhistes et les brahmanes, bien que les uns et les
autres assignent aux Nâgas un rôle important.
Les Nâgas ou serpents d'eau sont, en effet, repré-
sentés dans les documents brahmaniques et bud-
dhiques comme les habitants primitifs du Rashmir.
Il importe peu de rechercher ici si ce nom désigne
un peuple, les premiers habitants du pays, ou s'il
figure d'une manière allégorique les eaux qui l'au-
raient couvert entièrement et l'auraient rendu inha-
bitable dans des temps sans doute fort éloignés. Il
paraît démontré que la vallée de Rashmir fut jadis un
lac, et que les alluvions de la Vitastâ (le Jilun) , ai-
dées sans doute par l'industrie des hommes, y ont créé
peu à peu un sol habitable. Quoi qu'il en soit , et quel-
que sens particulier qu'on doive attacher au mot
' Râjataranginî, I, çl. 28. (Éd. Troyer.)
* Râjataranginî , l ^ ç\, 3o.
502 DECEMBRE 1865.
Nâga, le récit du Kaiidjur nous présente bien clai-
rement le Rashmir comme peuplé, ou tout au moins
civilisé par les bnddhistes. Avant l'arrivée de Ma-
dhyânlika le pays était entièrement désert , sans habi-
tants, sans villes , sans culture , occupé tout entier par
les eaux (c'est-à-dire par les Nâgas); ou, si l'on veut
considérer les Nâgas comme une race d'hommes,
c'était une population tellement sauvage et grossière
qu'on a pu aisément la confondre avec des reptiles
aquatiques. Hiouen-Thsang, qui st^ourna deux ans
dans le pays et eut tout le loisir d'y recueillir les tra-
ditions, cite une description du Kashmir d'origine
évidemment buddhique, qui dépeint d'une manière
plus positive encore que ne fait le Kandjur cette con-
trée comme entièrement submergée. Il y est dit, en
effet, (( que le pays était primitivementun étang de dra-
gons. Madhyântika, s'y étant rendu, obtint du roi des
dragons un petit espace au milieu du lac; à peine
eut-il occupé cet espace restreint qu'il agrandit dé-
mesurément son corps. A mesure que le nouveau
venu prenait des dimensions plus vastes, le roi des
Nâgas lesserrait ses eaux, si bien que, à la fin,
l'étang se trouva entièrement à sec. Le roi des Nâgas
fut donc réduit à demander à Madhyântika la faveur
d'un peu d'eau , et le religieux consentit à lui accorder
pour lui et ses sujets un petit étang de i oo lide tour,
environ y lieues. Depuis ce temps, les Nâgas fu-
rent attachés au buddhisme et très - respectueux
envers les religieux^» Târânâtha dit pareillement
' Hioucn'rhsau<i;, I, i08. (Trad. de M. Stanislas Julien.)
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 503
que le pays de Kashmir était primitivement un lac
ou une demeure de Nâgas, et que le premier soin
de Madhyântika fut de les chasser et d'en nettoyer
le pays ^
Tel étant 1 état du Kasbmir avant le buddhisme ,
l'œuvre des disciples de Çâkyamuni aurait été d'abord
de dessécher les» marais, de régler le cours des
eaux, de rendre le pays habitable , puis d'y attirer
les gens du dehors pour le peupler. Une telle œuvre ,
si elle n'est pas historiquement vraie,, est au moins
très-vraisemblable. Les moines chrétiens n'en ont
pas accompli d'autre du v*' au x° siècle en Gaule, en
Germanie et ailleurs^. Le Kandjur et Hiouen-Thsang
disent positivement que «Madhyântika fit venir des
contrées voisines d'abord des religieux, puis des
habitants, dans un pays primitivement désert, qu'il
y bâtit des villes et des villages, et y introduisit la
culture du safran. » Hiouen-Thsang ajoute que « à la
mort de Madhyântika, les Kashmiriens se don-
nèrent un roi ; » et il fait ainsi remonter jusqu'à
' Wassilief, I, Sg, note.
- Je ne crois pourtant pas que les moines buddhistes aient jamais
rendu des services de la nature de ceux par lesquels les Bénédic-
tins se sont honorés dans l'époque barbare. Les religieux bud-
dhistes ont exercé une immense influence morale; ils ont adouci le
caractère des peuples les plus féroces du monde ; mais ils n'ont pas
donné l'exemple du travail, du développement des facultés et des
énergies natives. Une telle tendance n'est pas dans la direction du
buddhisme. Le rôle attribué à Madhyântika présente une exception
remarquable et inattendue, à laquelle non-seulement les traits fa-
buleux du récit, mais même les prétentions évidemment exagérées
des buddhistes ne doivent pas noii.s empêcher d'avoir égard.
504 DÉCEMBRE J865.
Madliyântika et à la révolution opérée par lui l'oii-
gine même du royaume de Kashmir. Târâuâtha est
peut-être plus explicite encore; il raconte que, à
la place des Nâgas expulsés, Madhyântika fit venir
cinq cents religieux de sa suite, plus des brah-
manes, des maîtres de maison de Bénarès, qu'il
constitua ainsi une colonie, grossie depuis par les
émigrations nouvelles parties des pays voisins, qu'il
bâtit neuf villes, douze temples, nombre de villages,
et prépara ainsi la richesse du pays par la culture
du safran qu'il y introduisit et le vaste commerce
dont cette culture fut la cause. Hiouen-Thsang, en
effet, parmi les productions du Kashmir, cite les
chevaux de la race des dragons, et le hurkiima,
nom sanscrit du safran ^
Les buddhistes, au moins ceux du Nord, ont
donc la prétention d'avoir non-seulement converti,
non-seulement civilisé, mais même peuplé et con-
quis sur une nature sauvage le pays de Kashmir.
Est-il possible de leur faire cette concession? Les
brahmanes, eux aussi, revendiquent cette gloire;
ils la rattachent au nom de Kaçyapa, qui est appelé
le fils de Marîchi, le petit-fils de Brahmâ, le Pra-
jâpati, fauteur de toutes les créatures, et par là ils
reculent le dessèchement de la vallée de Kashmir
jusque dans les temps antéhistoriques. Ils disent
' M. Stanislas Julien dit dans sa traduction : «le kurkuma (yô-
kin-biang).» Le texte tibétain donne pour te nom de la plante
JTjx," îr]« (gurgum) ou peut-être mieux îH^' ^HW (gun-guni) suivi du
signe du pluriel ; le mot sanscrit est ^^^ (kunkuma).
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 505
que ce Kaçyapa, le créateur des êtres, après avoir
tué le démon Jalodbliava, qui demeurait dans l'eau,
forma dans le fond du lac le pays de Rashmir^ Ce
monstre Jalodbhava, dont le nom a un sens parfai-
tement clair : né de l'eaa ou dans l'eau (aquâ oriun-
dus), joue à l'égard de Kaçyapa le même rôle que
Aravâlô ou Hulunla à l'égard de Madhyâniika. Ja-
lodbhava figure ici, pour les brahmanes, un élément
destructeur qu'il fallait anéantir, l'inondation cons-
tante ou toujours menaçante, tandis que les Nâgas,
représentant sans doute l'eau et la pluie fécondante,
sont des êlres bienfaisants, qui deviennent acciden-
tellement nuisibles, lorsque leur culte a été négligé.
Telle est la conception brahmanique. Les buddhistes
ne distinguent point entre les bons et les mauvais
Nâgas, ils les traitent tous en adversaires. Mais leurs
procédés sont tout autres que ceux des brahmanes,
et c'est ici qu'on peut apprécier la différence des
deux religions. Kaçyapa, le civilisateur brahma-
nique, anéantit son adversaire, Jalodbhava; Ma-
dhyântika, le civilisateur bouddhiste, commence
par essuyer toutes les attaques les plus furieuses du
sien; il finit par l'adoucir, le convertir, et en faire
un fidèle disciple du Buddha.
La Râjataranginî, qui, d'accord avec le Kandjur
et le Mahâvanso , rappoiie l'établissement du bud-
dhisme dans le Kashmir au règne d'Açôka, est bien
éloignée de faire dater de cet événement l'origine du
royaume lui-même. Elle nous présente une série
' Râjalaranginîf l ,ç\. î>6-27.
505 DECEMBRE 1865.
de souverains qui auraient régné avant i'introduc-
tion du biiddhisnie, et dont l'ensemble ne com-
prend pas moins de quarante-six générations. Le
Mahâbhàrata , dans la description de la conquête du
monde parles lils dePandu, événement bien an-
térieur, de l'aveu même des buddliistes^ à l'appa-
rition de Çàkyamiini, dit que Arjuna vainquit dans
le Nord, entre autres adversaires, \es Xalryas hé-
roïques de Kaçmîra^. Le témoignage du Mahâbhà-
rala peut, il est vrai, paraître suspect; car, même
en admettant , ce qui semble certain , que les
divers poèmes particuliers qui le composent sont
bien antérieurs au buddhisme, la rédaction défi-
nitive peut en être plus récente, et il a dû s'y
glisser des interpolations, surtout dans les épisodes
qui contiennent des énumérations géographiques,
comme celui des conquêtes exécutées parles fils de
Pandu. Quoi qu'il en soit, nous voyons la chro-
nique kashmirienne et le grand poëme national des
Aryens nous montrer la civilisation brahmanique
établie à Rashmir bien avant la naissance du bud-
dhisme. Du reste, les buddhistes du Sud eux-
mêmes semblent, sur ce point historique, se rap-
procher des brahmanes, et ils sont loin d'être aussi
affirmatifs que leurs confrères du Nord sur l'étendue
de l'œuvre civilisatrice accomplie dans le Kashmir
* Us disent que le Biiddha ne voulut pas naître dans la Taniille
de Pandu à cause du désordre que les descendants de ce prince
avaient mis dans leur généalogie. [LuUluvistara , trad. de M. Fon-
canx, p. 26.)
- « Kàçmîrlkàn vîrân Xattriyàn. » [Sithho Parva , çl. )025.)
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 507
par Madhyântika. Il est vrai que, avec leurs Nàgas,
leurs Yakkas, leurs Gandhabbas et leurs Kumbban-
dakas de l'Hirnavat, ils nous transportent dans le
inonde imaginaire de la féerie indienne : les quatre-
vingt-quatre mille serpents qui se font buddliistes, et
dont le nombre rappelle les quatre-vingt-quatre mille
monuments élevés par le roi Açôka et les quatre-
vingt-quatre mille subdivisions de la loi, peuvent
être considérés comme des êtres tout à fait fantas-
tiques. Il n'en est pas moins vrai que , à côté de ces
êtres surhumains, le texte pâli place de véritables
hommes dans le Kashmir. 11 nous dit que les mois-
sons y avaient été détruites par le fait des Nâgas :
ces moissons ne peuvent avoir été que le produit du
travail de l'homme. Madbyàntika, dans son exhor-
tation aux Yakkas, leur recommande de ne plus
détruire les moissons, de laisser les hommes habiter
en paix. Enfin le texte pâli dit de la manière la plus
positive que les hommes [manujâ) qui habitent les
pays de Kasmîra et de Gandhàra étaient venus
pour honorer les Nàgas et les apaiser par des of-
frandes. Il est donc bien constant que le Mahâ-
vanso considère le pays de Kashmir comme habité
et cultivé avant l'arrivée des buddhistes. Madhyân-
tika, en s'y établissant, y prêcha avec succès les
doctrines de sa secte , et substitua au culte des
Nâgas les institutions monacales , les croyances et
les pratiques religieuses du buddhisme. C'est évi-
demment là ce que le texte signifie.
Cependant, s'il faut tenir compte de toutes les
508 DÉCEMBRE 1865.
circonstances indiquées par le texte pâli, on croit
entrevoir que la période immédiatement antérieure
à l'arrivée de Madhyàntika aurait été une période
malheureuse, signalée, soit par des calamités natu-
relles, inondations, tempêtes, etc. soit par un état
d'anarchie et de désordre. Les buddhistes auraient
calmé CCS maux : les maux physiques par de nou-
veaux procédés ou un plus grand soin dans la cul-
ture ; les maux politiques et sociaux, par rensei-
gnement d'une religion nouvelle. Cependant la
l\âjataranginî ne dit rien qui puisse faire supposer
l'existence de cette époque de désordre : il est vrai
qu'elle avait peut-être intérêt à la dissimuler; mais
les buddhistes ont pu avoir intérêt à l'inventer ou
du moins à l'exagérer. On voit seulement par la
chronique brahmanique que les quatre rois qui pré-
cédèrent Açôka , l'introducteur du buddhisme dans
le pays, selon notre chronique, viennent après un
roi mort sans postérité, et Açôka, leur successeur,
ne descendait pas d'eux en ligne directe ^. Cette in-
terruption dans la filiation de la dynastie kashmi-
rienne est le seul fait qui pourrait être l'indice d'une
époque troublée : du reste, ces quatre rois parais-
sent avoir été recommandables, religieux, généreux
envers les brahmanes, et l'un d'eux aurait même
fait exploiter une mine^. Le pays était donc fort
' Râjalaranijun , I, d. gS-ioo,
2 Ce roi est Suvarna, qui fit exploiler, dit la clironique, une mine
(kulyà) d'or et de pierreries dans le Karâla. Le nom de ce roi signifie
nr, et il distribua aux nécessiteux une part du produit de la mine.
Il paraît (jur.pru avant le règne d'Açôka , il v eut une émission
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 509
heureux, et les novateurs, dont la force s'accroît par
la vie errante (c'est ainsi que l'auteur désigne les bud-
dhistes), n'avaient que faire de venir troubler l'ordre
établi. Ainsi pensait probablement l'auteur de la
Râjataranginî : l'introduction du buddhisme dans le
pays fut, selon lui, un mal; mais en général il le
traite avec une certaine légèreté, ayant l'air de n'y
attacher aucune importance et de ne pas même le
tenir pour digne de sa colère. Malgré ce dédain des
brahmanes, il n'est pas douteux que l'introduction
du buddhisme dans le Kashmir a eu les plus graves
conséquences. Il a pu ne pas être étranger à la pros-
périté matérielle du pays, ainsi que le prétendent
tes buddhistes du Nord. Je ne saurais affirmer si l'on
doit faire dater de cette époque la culture du safran.
Cette plante est connue pour être une des produc-
tions du pays; elle a même en sanscrit le nom de
kaçmîrajanman (natif du Kashmir). Mais il serait
bon de savoir s'il existe une tradition brahmanique
qui puisse être opposée à celle des buddhistes rela-
tivement à cette plante. Du reste, d'importants chan-
gements, que les brahmanes eux-mêmes ne contestent
pas, prouvent que l'introduction du buddhisme au
Kashmir marque une ère nouvelle dans l'histoire
considérable de monnaie de cuivre (je tiens ce détail de M. de Long-
périer); notre texte ne fait allusion qu'à l'exploitation d'une mine
d'or; mais il a bien pu passer sous silence d'atitres travaux du même
genre, tels que l'exploitation de mines de cuivre, qui ont bien plus
d'intérêt pour nous que pour les chroniqueurs indiens. La notice
donnée par la Râjataranginî sur ces rois est fort brève, et se réduit
à un çlôka pourchac»m d'eux.
VI. 34
510 DECEMBRE J805.
(lu pays. La Rnjataranginî va jusqu'à attribuer au
roi Açôka la fondation de Çrînagarî, la ville capi-
tale. Ainsi les renseignements qui nous viennent
de part et d'autre se confirment, se complètent et
s'atténuent mutuellement. Le pays n'était point pri-
mitivement aussi sauvage que le veulent bien dire
les buddhistes. L'arrivée de ceux-ci lui a bien com-
muniqué quelque chose de la richesse et de la
gloire qu'ils se vantent de lui avoir apportées. 11 esi
bien permis de croire que la puissance royale
d'Açôka a fait pour le moins autant en faveur de
cette prospérité que la parole de Madhyântika. La
pai't de l'influence religieuse n'en reste pas moins
très-considérable. H s'en faut, sans doute, que lé
buddhisme ait eu constamment cette prééminence
souveraine, cet empire exclusif, que lui attribuent
les buddhistes du Sud aussi bien que ceux du Nord :
il lui a bien fallu compter avec le culte de Çiva. Le
Kashmir n'en est pas moins devenu un des plus
ardents foyers du buddhisme : il lui a dû la gloire
et l'autorité morale qui s'attachent à tout peuple,
si peu nombreux soit-il, qui représente une grande
idée, ou se signale par quelque grand efl^brt de
l'intelligence, et l'exercice d'une véritable autorité
spirituelle, depuis longtemps perdue, mais dont les
etTels subsistent encore aujourd'hui.
De la différence qui existe entre le Mahâvanso
d'une part, le Randjur et les autres auteurs bud-
dhistes de l'autre, on peut tirer cetfe conclusion,
que le récit pâli est le plus rapproché des événe-
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 511
ments. Malgré toute la fantaisie qui y règne, il
suppose une notion plus exacte de l'état du pays.
lî se borne à en retracer la conversion, et ne le
présente pas seulement comme un désert liante par
des monstres. Le Randjm , au contraire, paraît dé-
crire un état plus récent, une civilisation bud-
dliique, déjà avancée, implantée sur la civilisation
primitive venue des brahmanes. Car cette culture du
safran, ces fondations de villes, ce développement
de la richesse du pays, tout cela est, dans la pensée
même des auteurs buddhistes, plus récent que l'ar-
rivée de Madlnàntika , bien qu'ils réunissent tous ces
faits comme s'ils étaient simultanés. On comprend
aisément que, en présence d'une civilisation bud-
dhique florissante, ils aient pu oublier l'œuvre anté-
rieure des brahmanes, et, même sans calcul, la
compter pour néant. La forme même des deux récits ,
et les circonstances spéciales par la mention des-
quelles ils se distinguent, prouvent l'antériorité, d'ail-
leurs attestée par l'ensemble des documents histo-
riques , du récit pâli sur les récits tibétains et chinois.
La preuve du même fait peut se tirer de la men-
tion du pays de Gandhâra , qui se trouve dans le
récit pâli et ne se rencontre dans aucun autre. Le
Mahâvanso ne cite jamais le pays de Kasmîra tout
seul ; il lui associe constamment le Gandhâra. Ce-
pendant ces deux contrées ne sont pas limitrophes,
un assez grand espace les sépare. La situation du
Gandhâra, souvent cité par les historiens et les
géographes grecs, et dont le nom se lit plusieurs
34.
512 DÉCEMBRE 1865.
fois dans les inscriptions cunéiformes perses, est
fixée maintenant cfune manière indubilable, grâce
surtout aux données si précises fournies par Hiouen-
Thsang : c'était le pays situé sur la rive droite de
rindus, à l'extrémité de la vallée de Kabui, et la
ville actuelle de Peisbaver représente l'antique Pu-
rusbapura, capitale du pays de Gandbâra ^ On se
demande donc quel motif a pu pousser l'auteur du
Mahâvanso à unir ainsi Gandhâra et Kasmîra, d'au-
tant que ces descriptions de lacs, de débordements,
ces fables relatives aux Nâgas ou serpents d'eau , et
aux génies habitants de l'Himavat (ou l'Himalaya),
conviennent très-bien au Kashmir et n'ont plus de
raison d'être s'il s'agit du Gandhâra. On est d'abord
tenté de croire à un anachronisme, à une confusion
entre Açôka et Kanishka, tous deux rois puissants,
grands protecteurs du buddhisme, et qui réunirent
chacun un concile. Kanishka régnait peu avant le
commencement de notre ère. La Râjataranginî le
oite comme roi du Kashmir, mais le qualifie d'e^raw-
ger^; les Pèlerins buddhistes l'appellent roi de Gan-
dhâra^. Le siège de sa puissance était en eifet à
l'ouest de l'Indus. La qualification de « roi de Gan-
dhâra et de Kasmira n lui conviendrait donc par-
' Voir le mémoire de M. Vivien de Saint-Martin à la fin des
Voyages de Hiouen-Thsang. Le nom de Peishaver (s yi^wj) se trouve
écrit quelquefois Pershaver {\y^ >-J ) par un » au lieu d'un ^j ,
forme plus exacte et plus rapprochée de la forme primitivo H^v
(les pèlerins biiddhisles, III.)
^ Râjatarançjinî , I, çl. 160-170.
* VoY. des pèlerins buddh. II, 17':' et ailleurs.
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 513
faitement, comme celle de roi de France et de Na-
varre à nos anciens rois. Il n'est cependant pas pro-
bable que Mahânâma ait transporté à Acoka des
faits concernant Kanishka : ce dernier, célèbre chez
les buddhistes du Nord, qui cependant paraissent
n'en point parler dans leurs livres canoniques, est
inconnu aux buddhistes du Sud. La séparation des
deux branches du buddhisme, postérieure à Açoka,
sinon contemporaine de ce roi , est antérieure à Ka-
nishka, et il ne paraît pas possible d'admettre un
mélange dans les traditions qui peuvent se rapporter
à ces deux personnages. Du reste, l'union des noms
de Kasmîra et de Gandhâra s'explique suffisamment
par le vaste développement de la puissance d'Açôka
(puisque la ville de Taxaçilâ, capitale d'un royaume
limitrophe du Gandhâra et situé entre ce royaume
et celui de Kashmir, appartenait à Açôka) et par la
prompte diffusion du buddhisme au delà de l'Indus.
Car le Kashmir, une fois gagné au buddhisme, fut le
point de départ dune vaste et active propagande.
Nous voyons Dhîtika, séparé de Macihyantika par
l'intervalle d'une seule génération, peut-être même
son successeur immédiat, porter déjà les doctrines
de Çâkyamuni dans la Bactriane^ La mention ré-
pétée du nom de Gandhâra dans le Mahâvanso
marque l'^ nremière étape dans la marche du bud-
dhisme vers les contrées occidentales; d'où Ton est
en droit de conclure que le récit de Mahânâma, ou
* Dans ie pays de Tukharà, disent les livres buddhiques. (Was-
silicf, I. 4/i.^
514 DÉCEMBRE 1865.
du moins celui qui lui a servi de modèle, fut composé
au commencement et lors des premiers succès de ce
grand et magnifique mouvement. Mais, après des
triomphes qu'on aurait pu croire définitifs, la dé-
cadence survint : au temps de Hiouen-Thsang, les
buddbistes ne formaient plus dans le Gandhâra
qu'une faible minorité : l'herbe poussait dans les
couvents déserts et en ruines ^ Or le récit du
Kandjur, dans sa rédaction dernière, date bien
certainement de cette période de revers : il n'a
pas célébré des conquêtes reprises par l'ennemi;
et si le texte original les racontait, comme il y a
lieu de le penser, les traducteurs auront sup-
primé ces témoignages indirects, mais trop positifs,
des défaites du buddhisme. La fin du volume dont
est tiré notre récit contient des remarques d'un
lama sur des fautes de traduction qui existeraient
dans ce volume et dans le précédent. Peut-être ce
reproche s'applique-t-il aussi h des réticences du
genre de celles dont nous venons de signaler la
possibilité.
On a pu remarquer que le Mahâvanso et la Kâ-
jataranginî sont d'accord pour rapporter au règne
d'Açôka l'établissement du buddhisme dans le Kash-
mir. La clu^onique brahmanique ne parle ni de
Madhyântika, ni d'aucun missionnaire buddhique;
à ses yeux, l'introduction de cette religion nouvelle
ne lut qu'un effet du caprice, de l'égarement, de la
tyrannie d'Açôka; elle ne s'est donc point complu à
' Voyages des pèlerins budditisles , II, io5.
DU BUDDllISME DANS LE KASHMIR. bi^)
en décrire les progrès et les triomphes. Mais dans
son indication sommaire, elle établit un synchro-
nisme remarquable avec l'auteur cingalais. On a
soupçonné les buddhistes d'avoir rassemblé et mis
sous le nom d'Aeôka toutes les conquêtes spirituelles
de leur religion : voici un auteur brahmanique qui,
certes, ne se soucie guère de la gloire d'Açôka ,
ni surtout des triomphes du buddhisme, et qui,
sur un point particulier, leur donne complètement
raison .
On peut ajouter que le Kandjur est d'accord avec
ces deux ouvrages; il ne prononce pas, il est vrai,
le nom d'Açôka, mais i! fixe la conversion du Kash-
mir à la loo" année après le Nirvana. Or, la loo"
année du Nirvana tombe sous le règne d'Açôka (d'a-
près le Kandjur). La chose est fort connue; mais il
n'est pas inutile de citer un des textes les plus cu-
rieux parmi ceux qui l'établissent : Un jour, Çâkya-
muni, accompagné de son disciple Ananda, men-
diait dans les rues de Çrâvastî en Kôçala : un enfant
qui jouait avec d'autres, le voyant venir de loin,
monta sur les épaules d'un de ses camarades pour
verser comme offrande, dans le vase aux aumônes
du Buddha , un peu de la terre avec laquelle il jouait;
ce qui lui attira cette prédiction : a Cent ans après
mon Nirvana, cet enfant sera le roi appelé Açôka, et
l'autre enfant sera son (premier) ministre; il régnera
sur le Jambudvîpa, et, après avoir proclamé en
tous lieux les qualités des trois joyaux, il élèvera
SU!" une vaste étendue des stupas à mes reliques, il
&lf) DECEMBRE I8G5.
répartira dans le Jambudvipa quatre-vingt-qualre
mille stupas ^. »
Malgré cet accord apparent sur la date de l'in-
troduction du buddliisme dans le Kashmir, le Ma-
hâvanso et le Kandjur sont profondément divisés.
Selon le Mahâvanso, en effet, l'événement se place
à la 2 35*' année après le Nirvana. Cette divergence
vient de ce que les buddhistes du Nord ne recon-
naissent qu'un seul Açôka , le grand roi qui réunit
le deuxième concile à Vaïçàlî, cent dix ans après le
Nirvana, tandis que les buddhistes du Sud en re-
connaissent deux : le premier Açôka surnommé le
JSoir (Kâla) qui réunit le deuxième concile àVaïçâlî
cent ans après le Nirvana, et le second appelé le
pieux, Dharma-Açôka, qui réunit un troisième con-
cile à Pataiiputra : il y a donc une différence de cent
vingt-cinq années que les buddhistes du Nord ont
effacées de l'histoire ou que les buddhistes du Sud
y ont gratuitement ajoutées.
Ce n'est pas ici le lieu de* discuter cette difficulté,
qui tient à l'ensemble de la chronologie indienne :
aussi bien, notre sujet en renferme une qui lui est
propre, qui peut se résoudre indépendamment de
l'autre, et qui nous donnera assez d'embarras.
Si le Mahâvanso, la Râjataranginî et le Kandjur
sont d'accord, nous n'en pouvons pas dire autant de
Hiouen-Thsang qui assigne à l'événement une date
différente, en quoi il paraît soutenu par Târànâtha;
' Dzang-lun (der Weisc und derThor), p. 176 du texte, 217 do
la traduction aHemandc (édition Sclimidt).
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 517
et il se trouve en outre que le Kandjur, partieile-
ment d'accord avec Hiouen-Thsang, admet et com-
bine les deux thèses opposées, d'où il résulte dans
le texte canonique des buddhistes du Nord une con-
tradiction qu'il importe de faire ressortir.
iMadhyântika est présenté par les buddhistes du
Nord comme un disciple immédiat d'Ananda. Le Kan-
djur, Hiouen-Thsang, Tàrânâtha sont unanimes sur
ce point. Le Mahâvanso ne dit rien de pareil , et on en
comprend la raison; les deux cent trente-cinq ans
qu'il place entre le Nirvana et le troisième concile
le lui interdisaient. Le Kandjur ne place que cent
ans entre le Nirvana et la conversion du Kashmir,
et c'est déjà beaucoup trop, comme on va le voir.
Les dates précises de la vie d'Ananda sont sujettes
à des difficultés : cependant il semble établi que ce
cousin de Çâkyamuni, beaucoup plus jeune que lui,
mourut à quatre-vingt-cinq ans^ après avoir été chef
de l'association buddhique pendant quarante ans,
ayant reçu cette dignité de Kaçyapa, qui l'avait
exercée pendant dix ans. La vie d'Ananda peut donc
se partager en trois périodes; trente-cinq ans pen-
dant lesquels il est le contemporain et le disciple de
Çâkyamuni; dix ans pendant lesquels il est soumis
à Kaçyapa; quarante ans pendant lesquels il est à
la tête du buddhisme : sa mort se placerait donc en
l'an 5o® du Nirvana. Il semble impossible de repor-
ter sa naissance et sa mort à des dates plus rappro.-
' M. A. Scliiefner, Eine tibetischc Lehensbcschreihany ÇâUjamit-
ni's, etc. p. 79.
518 DÉCEMBRE 1865.
chées de nous : tout changement qu'on pourrait
apporter à cette chronologie aurait plutôt pour eHet
de les reculer dans le passé. Quoi qu'il en soit, voilà
les résultats : Ananda meurt cinquante a us après le
Nirvana; peut-on croire que son disc^iple Madhyân-
tika ait attendu cinquante autres années pour aller,
k l'âge de soixante et dix ans , instruire les peuples du
Kashmir? car, d'après le Kandjur, on ne peut être
reçu religieux avant l'âge de vingt ans. Le récit tibé-
tain renferme évidemment deux assertions contra-
dictoires et inconciliables. Ou Madhyântika a con-
verti !e Kashmir cent ans après le Nirvana, et, alors,
il ne peut être le disciple immédiat d'Ananda; ou il
est effectivement le disciple d'Ananda, mais alors il
a joué son rôle moins d'un siècle après la mort du
Buddha. Une tradition kashmirienne recueillie par
Hiouen-Thsang résout la question dans le deuxième
sens. Nous avons vu que son récit reproduit les
principales circonstances du récit tibétain ; mais il
place révénement cinquante ans seulement après la
mort du Buddha, et, par conséquent, à l'époque
même de celle d'Ananda^: dès lors on n'a plus au-
cune peine à concevoir que Madhyântika soit le
disciple de ce dernier. Mais aussi on est lort embar-
rassé pour fixer l'époque de fintroduclion du bud-
dliisme dans le Kashmir en présence de trois dates
différentes. Selon le pèlerin chinois, écho fidèle, on
n'en saurait douter, d'une tradition kashmirienne,
cet événement aurait eu lieu un demi-siècle après le
' Mémoires de Hioiien-Tlisanij , I, lOS.
DU BUDDBISME DANS LE KASHMIR. 519
Nirvana ; le livre sacré des buddhistes du Nord pré-
tend que ce fut un siècle après; enfin le Mahâvanso
le place à deux siècles et un tiers de dislance.
Faut-il voir là un seul et même fait placé dans
des temps différents par des écoles rivales, ou plu-
sieurs faits distincts racontés d'une manière uni-
forme, mais dont les difficultés chronologiques font
ressortir la diversité? C'est ce qui nous reste à exa-
miner.
Le récit de Târânâtha, qui fait de Madhyântika
un disciple d'Ananda , permet d'expliquer l'arrivée
de ce personnage à Kashmir par une scission qui se
serait produite au sein du buddhisme. D'après cet
historien, l'agglomération desbhixus à Bénarès était
si grande après la mort d'Ananda, les habitants de
la ville étaient tellement à l'étroit que, pour les
mettre au large, Madhyântika, en buddhiste compa-
tissant qu'il était, s'enfuit à travers les airs avec dix
mille arhats ^ Cela veut dire en langage ordinaire
que Madhyântika et ses amis furent expulsés de Bé-
narès; et ils durent l'être par des buddhistes, car
cette ville était dévouée aux disciples de Çâkyamuni
et soustraite à l'influence brahmanique. La fuite de
Madhyântika s'explique par sa rivalité avec Çânavâ-
sika. Ce personnage fut le chef de la société bud-
dhique après Ananda, et la succession de ces chefs
présente la série suivante : Mahâkaçyapa, Ananda,
Çânavâsika, Upagupta, etc. Mais Madhyântika y
figure souvent entre Ananda son maître et Çànavâ-
' Wassilief, I , p. 3g.
620 DÉCEMBRE 1865.
sika ^ son contemporain, et peut-être son concur-
rent, d'autres disent d son disciple. » Le rang attribué
indûment peut-être à Madbyântika parmi les chefs
du buddhisme peut s'expliquer par cette circons-
tance que les Kashmiriens et les buddbistes du Nord
auraient tenu à donner une place d'honneur à celui
qui leur avait apporté leur religion , ou auraient été
entraînés à le faire d'une manière inconsciente-,
mais il s'expliquera encore bien mieux si l'on sup-
pose que Madbyântika et Gânavâsika se disputèrent
la primauté, et que Gânavâsika l'ayant emporté dans
la lutte, Madbyântika n'eut d'autre ressource que
d'aller se créer ailleurs une nouvelle société reli-
gieuse. L'école qu'il aurait fondée l'aurait maintenu
sur la liste des grands chefs du buddhisme.
Cette interprétation est combattue par une as-
sertion remarquable des buddbistes : ils prétendent
unanimement que, dans les cent premières années
qui suivirent le Nirvana, il n'y eut aucune discus-
sion, qu'un accord parfait régna dans la société bud-
dhique. Aussi M. Wassilief, qui explique la fuite de
Madbyântika par une lutte au sein du buddhisme,
^ C'est ce que l'on volt dans une liste des patriarches que donne
le Sse. fung. phiao. commentaire chinois du Vinaya (Wassilief, I,
224-5). D'un autre côté, nous savons par la Vie de Çàkyamuni de
M. Schiefner [Fine tib. Leb. desÇakj. p. 79) que MadhyâiUika fut ré-
puté le précepteur de Upagupta (successeur de Çànavâsika d'après
le Kandjur, et, selon cette même biographie, successeur de Yaç.is,
disciple lui-même de Madhyântika, et identique à Çànavâsika] :
Madbyântika joue donc, d'après ce document, un rôle exceptionnel
et afifecte une véritable supériorité sur Çànavâsika, présenté comm»'
son disciple.
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIU. 521
considère le différend entre Madhyântika et Çânavâ-
sika comme l'expression légendaire et anticipée d'un
événement postérieur, la scission opérée entre les
Mabâsangikas et les Sthaviras , qui arriva cinquante
ans (ou plus) après l'époque supposée de la fuite de
Madhyântika au Rashmir.
On comprend très-bien, si la fuite prétendue de
Madhyântika est véritablement de beaucoup posté-
rieure à la mort d'Ananda, que les Kasbmiriens aient
reculé cet événement dans le passé, soit pour lui
donner le prestige de l'antiquité, soit pour s'attri-
buer le privilège d'avoir reçu le buddhisme de la
bouche d'un disciple direct d'Ananda, du compa-
gnon de Çâkyamuni, de celui qui passe, dans le
buddhisme , pour avoir reproduit la'parole du maître.
Mais, dans tous les cas, ce serait s'appuyer sur une
base fragile que d'invoquer contre cet anachronisme
possible l'assertion des buddhistes sur l'unité qui
signala le premier siècle du Nirvana. Cette pre-
mière centaine d'années fut-elle aussi calme qu'on
le prétend? cet âge d'or est-il certain? et devons-
nous croire les buddhistes sur ce point, quand nous
nous méfions d'eux sur tant d'autres ? Et d'abord, ne
sait-on pas qu'ils font tous remonter leurs diverses
écoles aux disciples immédiats, au fils de Çâkya-
muni, faute de pouvoir les faire remonter à Çâkya-
muni lui-même? Tout le monde reconnaît qu'une
pareille prétention n'a aucune valeur historique; elle
est cependant de nature à ébranler le préjugé qu'ils
ont réussi à faire admeltre en faveur dejunité qu'ils
522 DÉCEMBRE 1865.
auraient observée pendant cent ans. Mais il y a plus :
il existe un témoignage contre l'opinion reçue, té-
moignage douteux, il faut l'avouer, mais qu'il n'est
pas permis de négliger. Le Mabâvanso, après avoir
raconté le deuxième concile (tenu à Vaïçâlî sous
Kâla-Açôka), commence l'énumération des sectes
buddhiques par cette déclaration :
Ekô ihêravàdô sô âdivassasatê ahu *.
Una slhavirorum discordia liaec primo saeculo fuit.
Celte seule division entre les tliêrôs exista dans le premier
siècle.
Burnouf, dans la liste qu'il a dressée des écoles
selon les buddhistes du Sud, cite cette école comme
réelle, quoique non désignée'-^; en quoi il se montre
d'accord avec G. Turnour. M. Kœppen considère le
texte de tout ce passage du Mabâvanso comme cor-
rompu ^, et, quant à la pbrase ci-dessus, il propose
de la traduire ainsi :
La seule école des Sthaviras exista dans le premier siècle*.
Ce qui nous ramènerait à l'assertion des buddhistes
du Nord, et mettrait d'accord les deux brancbes du
buddhisme. Cette explication de M. Kœppen est au
moins tiès-ingénieuse ; elle peut fort bien se dé-
fendie; elle a seulement contre elle l'autoiité de
Burnouf et celle de Turnour qui, sans doute, inter-
' M ah do ans 0 , ch. v, 2.
* Lotus (le la bonne loi, p. 357 (appendice).
■^ Die ReVij'iori des Buddha , 1 , p. 1 33 , note ï .
* Ibid. p. i56 , note i.
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 523
prétait le texte de ia même manière que les doc-
teurs cingalais. Si l'inlerprétation ancienne et, je
puis le dire, traditionnelle est conservée, ne pour-
rait on pas retrouver la scission à laquelle le Mahâ-
vanso fait une allusion, du reste fort obscure, dans
la lutte dont les buddhistes du Nord semblent indi-
quer fexistence entre Çânavâsika et Madhyântika ?
Ce serait aussi vm moyen d'accorder le Nord et le
Sud. Dans tous les cas, il paraît impossible d'ad-
mettre que tant de schismes aient éclaté dans le
h" siècle sans qu'aucun se soit manifesté dans le i®"";
il en a certainement existé dans cette première
période; ils ont été moins graves, plus promp-
tement étouffés que ceux des âges suivants; mais
rien n'empêche de croire que quelques-uns ont pu
avoir un certain éclat, et entraîner d'assez graves
conséquences, sans cependant diviser d'une ma-
nière profonde et irrévocable la société buddhique.
Cependant, s'il est admis que, par erreur invo-
lontaire, ou par falsification, les faits ont été déna-
turés dans leur forme et transposés dans le temps,
il faut faire descendre l'introduction du buddhisme
à Kashmir de l'an 5o à l'an i i o du Nirvana, et au
deuxième concile tenu à Vaïçâlî, à fépoque de la
première scission avouée qui se produisit dans le
buddhis-ne.
Le concile tenu à Vaïçâlî par l'ordre du roi Açôka ,
pour mettre un terme à des discussions dont le sujet
paraît avoir été en général fort puéril, n'avait guère
atteint son but. Les religieux disputaient plus que
524 DÉCEMBRE 1865.
jamais. Pour en finir, Açôka les fit voter; i'eftet de
cette opération lut de séparer nettement les élé-
ments contraires; et il se forma deux écoles : l'une,
composée des religieux les plus nombreux et, paraît-
il, les plus jeunes, prit le nom de Mahâsanghikas
(ceux de la grande assemblée); l'autre, composée de
la minorité, mais des membres les plus âgés, prit
le nom de Sthaviras. Ce fut, dit la tradition, la
première scission du buddhisme , et toutes les autres
en sont dérivées. De gré ou de force, les sthaviras
ayant quitté la place auraient été chercher un nou-
veau théâtre pour leur activité religieuse : les con-
trées de THimalaya et spécialement le Kashmir leur
auraient donné un asile; de là vient que le nom
d'Haimavalâ (fécole des montagnes de neige) a été
adopté par une de leurs subdivisions, et même
semble avoir été appliqué dans l'origine à la secte
tout entière ^
Le Mahâvanso , dans la célèbre énumération qu'il
donne des écoles buddhiques, ne parle pas de celle
des sthaviras, quoiqu'il nomme les haimavatas. Mais
il cite, et en premier lieu, l'école des mahâsanghi-
kas dont il fait remonter l'origine au deuxième con-
cile tenu h Vaïçâlî sous Kâla-Acôka, en quoi il est
d'accord avec les buddhistes du Nord. Cependant,
il y a une différence importante dans la manière
dont la scission est envisagée de par et d'autre.
' Samuyavadhôparachanaclmkra dans V^assilief, I,p. sSo, note 2.
— Liste des dix-huit écoles schismaticines, etc. par M. Stanislas Julien.
[Jouni:il usiat. ocf.-nov. 1869, liste A, 38-39, P^^^ ^^9 ^^ passim.)
DU BUDDIIISME DANS LE KASHMfR. 525
Selon le Mahàvanso, les Mahâsanghikas furent la
minorité condamnée par le concile, minorité im-
posante puisqu'elle est représentée par ce chiffre
respectable de dix-mille bhikkus ^ , bien suffisant pour
lui mériter le titre de grande assemblée, mais enfin,
minorité vaincue, condamnée, excommuniée par
le concile : car c'est au sein même du concile que
le schisme se produit d'après les buddhistesdu Sud.
Ceux du Nord au contraire paraissent séparer la
formation du schisme des opérations du concile, et
surtout ils font des Mahâsanghikas une majorité vic-
torieuse qui aurait, par son vote, maintenu l'ancien
état de choses, tandis que la minorité, composée des
plus âgés ou des plus dignes, aurait tenu ferme pour
le |)rogrès, préférant l'exil à l'abandon de la cause
qu'elle soutenait^. Les buddhistes du Nord et ceux
du Sud sont donc en désaccord complet au sujet
des Mahâsanghikas : les premiers voient en eux une
majorité conservatrice, les seconds une minorité fac-
tieuse et pervertie. Quant aux adversaires des Mahâ-
sanghikas, lesbuddhistesduNordenfont, sous le nom
de Sthaviras, une secte particulière qui représente le
mouvement au sein du buddhisme; les buddhistes
du Sud ne leur donnent aucun nom , chose assez
naturelle puisque la majorité, attachée aux mêmes
* Mahàvanso, ch. iv. 53; ch. v. 3.
'^ Wassilief, p. 55 et 224-225. Cependant certains indices , entre
autres l'assertion que les Sthaviras étaient les Arhats les plus res-
pectables, donneraient lieu de^croire que les novateurs étaient les
Mahâsanghikas, tandis que les Sth&viras auraient- tenu pour le
maintien de la tradition,
VI. 35
526 DÉCEMBRE 1865.
principes, reste ce quelle était, et qu'il siiflit de
donner un nom nouveau à la nouvelle école que la
minorité vient d'inaugurer. Toutefois le nom de thê-
rôs, correspondant du sanscrit sthavira , s'applique
de lui-même à la majorité; car' nous voyons ce
mot désigner constamment la portion saine et res-
pectable de la communauté buddhique; et sur ce
point encore, il semble que Taccord entre les bud-
dhistes du Nord et ceux du Sud ne soit pas très-bien
établi; mais l'expression thêrô ou sthavira paraît avoir
eu différentes acceptions, et il importe de l'examiner.
Le mot sthavira (pâli thêrô) signifie ((vieillard;»
il vient de la racine sthâ(se tenir debout) , et indique
soit la rigidité des membres que l'âge apporte en enle-
vant l'agilité , soit la fermeté de caractère et la ténacité
d'habitudes qui succèdent ou sont censées succéder
à la légèreté de la jeunesse. Ce terme s'emploie pro-
prement pour désigner une portion des membres
de l'association buddhique, les plus âgés, les plus
dignes : c'est un terme de distinction qui, dans le
Mahâvanso, semble parfois s'étendre à tous les reli-
gieux lorsque rien ne vient troubler l'ordre, mais
qui, en cas de désaccord, est réservé aux seuls
membres orthodoxes : ainsi les dix mille religieux
excommuniés dans le deuxième concile ne sont ap-
pelés que bhikka (religieux) , quelquefois avec la qua-
lification de me'c/ia^^5 (pâpabhikku), tandis que leurs
adversaires sont les thcrôs. Bhikku est le terme gé-
néral : i/ierd désigne la meilheure partie, la fleur des
bhikkus.
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 527
Cependant les Tibétains traduisent le mot stha-
vira par le composé gnas-brlan, qui, au premier
abord, n'y correspond nullement. Ce composé tibé-
tain a, dans les dictionnaires, le sens de vicaire , lieu-
tenant, remplaçant, successeur. Il semble alors que le
sthavira soit le lieutenant de Çâkyamuni et corres-
ponde dans le buddhisme à ce qu'est le khalife dans
l'islamisme, le pape dans l'Eglise catholique romaine.
Mais alors le nombre des stha viras est bien consi-
dérable pour que leur titre exprime une pareille
idée; et si tel est le sens du mot sthavira, ou plutôt
de gnas-brtan, il faut lui donner la plus grande ex-
tension possible, et considérer comme vicaire du
Buddha tout docteur capable de reproduire ses en-
seignements : ainsi entendu, le mot gnas-brtan ré-
pond parfaitement à l'acception que les textes nous
obligent à donner au mot sthavira.
Cependant les livres buddhiques , ceux du Nord
surtout, nous présentent une succession de person-
nages chargés, directement, officiellement, d'ensei-
gner la doctrine et de présider la communauté.
Notre texte nous donne cette liste jusqu'à Kâla^ Il
semble que le terme sthavira ou plutôt son équi-
valent tibétain gnas-brtan devrait être appliqué
spécialement et exclusivement à ces personnages ,
car ils sont investis d'un véritable vicariat; cepen-
dant il s'en faut bien que ce titre leur soit particu-
lièrement applicable, et nous voyons dans notre
^ Elle comprend les noms de Mahâkaçyapa, Ananda (Madhyân-
lika), Çânavâsika (on Yaça), Upagupta, Dhîtika, Kâla.
35.
528 DECEMBRE 1805.
texte le mot sthavira employé concuiTcmmeiit avec
le mot âyushmat, qui signifie «doué d'une longue
vie , » et qui peut être considéré comme le synonyme
de sthavira dans l'acception de «vieillard,» mais
lion pas dans celle de « vicaire. » Il est même à re-
marquer que dans le texte duKandjur, objet de notre
étude, le titre d'âyushmat est appliqué seul aux
personnages cités en dernier lieu; Kaçyapa etAnanda
sont désignés tantôt par le mot sthavira, tantôt par
le mot âyashmat; Madhyântika seul est constam-
ment appelé un sthavira. D'où vient cette particu-
larité? Tient-elle à l'acception de «vicaire, lieute-
nant» attribuée au moi sthavira, et qu'on aurait
maintenue, sur laquelle on aurait appuyé avec soin
dans le Kashmir, pour donner une plus grande
autorité au docteur qui y apporta le buddhisme , en
vue de faire de lui un représentant officiel de la
religion? Ou bien vient-elle de ce que Madhyântika
aurait été véritablement le chef de fécole dite des
Sthaviras, de ce que son nom figurerait en quelque
sorte et personnifierait cette école?
Quoi que fassent et disent les buddhistes pour
rattacher fécole des Sthaviras aux sthaviras du pre-
miersiècle, et dût-on même admettre leurs raisons,
il est difficile de croire que le nom de l'école dite
des Sthaviras soit le môme que celui des anciens stha-
viras. Aussi a-t-on proposé pour expliquer le nom de
cette école des interprétations nouvelles : Burnoufa
traduit : Ceux cjui ont des habitations fixes ^. il ne serait
^ Inlroiluclion à VUist. du buddii. indien, 4V6-/i7. Cetlp intcrprt^-
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 529
|3as impossible que le sens de vicaire datât de l'époque
du schisme, et que le mot sthavlra, employé seule-
ment pour désigner les plus vieux, pendant le premier
siècle, servît dans le if siècle à distinguer les /<?rme5,
les persévérants. M. Wassilief paraît être de cette
opinion ^ Si l'on admet que l'école des Sthaviras
fut fondée par des hommes qui refusèrent énergi-
quement de se rendre aux décisions de la majo-
rité , on reconnaîtra que le nom appliqué à ces oppo-
sants a dû exprimer la force et la constance. Or ce
sens est compris dans le mot sthavira , c'est même
là sa signification première; il se trouve également
dans le tibétain gnas-brtan; car gnas signifie « place , »
brtan exprime la «fermeté, la durée, l'immobi-
lité, l'immutabilité, » et je ne sais si la signification
traditionnelle (et partant inattaquable) de « vicaire,
lieutenant» est fondée sur la juste valeur des mots,
et si le composé a toujours eu cette acception. Il
semble pouvoir très-bien se traduire par « restant
ferme à sa place, qui ne bouge pas de place. » Cette
idée est également bien rendue en sanscrit par le mot
tation diilere entièrement de l'explication donnée pages 288-89,
297 et 565 du même ouvrage, et fait du mot sthavira (nom de
l'école) un terme tout différent du mot sthavira (nom d'une classe
des membres de la société buddhiquej. Elle est fournie aussi par le
dictionnaire tibétain-sanscrit de la Bibliothèque impériale, qui
donne pour !e mot gnas-brtan les deux équivalents sanscrits, sthavira
(vieillard) et vâsadhira (qui a des demeures fixes) — D'après un
auteur chinois, cité par M. Wassilief (p. 2 25, tjote 3), le nom de
slhavira aurait été donné aux membres de cette secte parce qu'ils
occupaient les lieux les plus élevés, ou les plus hautes positions.
' Wassilief, I , p. 55.
530 DECEMBRE 1865.
sthâvara «ferme, immobile,» pris substantivement
dans le sens de «montagne; » et je me demande si
le mot sthâvara ne serait pas la désignation origi-
naire de l'école qui se sépara desMahâsangbikas, soit
que les fondateurs de cette école l'eussent adopté
eux-mêmes, le prenant en bonne part avec le sens
de « fermes, inébranlables; » soit qu'il leur eût été
jeté comme un reprocbe par leurs adversaires avec
la nuance de « entêtés, opiniâtres ^)) L'emploi de ce
nom, à supposer qu'on en eût fait usage, aurait été
de peu de durée; on n'aurait pas tardé à le con-
fondre avec le mot sthaiira, à cause de la ressem-
blance de son et de sens , et aussi parce que cette
école proscrite aura pris soin de se rattacher, à tort
ou à raison , aux origines mêmes du buddhisme , et
aura émis la piétention de continuer par une sorte
de vicariat l'œuvre de Çâkyamuni et de ses premiers
disciples. On conçoit donc très-bien que les traces
^ Dans l'Âmaraltôsha tibétain le mot sthâvirani (vieillesse) et
sthavira (vieillard) sont également rendus par gnas brtan, qui ici no
peut signifier «lieutenant.» L'auteur de l'Amarakôsha était Inid-
dliiste, d'une époque postérieure au premier siècle du Nirvana, et
d'ailleurs la traduction tibétaine est plus récente. 11 est évident
que ce dictionnaire nous donne le sens buddbique et ordinaire du
mot sthavira, sans se préoccuper des sens diflércnts que ce mot a pu
avoir. Brtan, tout seul , dans le même dictionnaire, rend les mots
sthâsnu (fixe, stable, permanent) et JnfZ/ta5t/fi(Z/if (fortement lié).
Quant au mot sthâvara, il est difficile de démêler le terme tibétain
qui lui correspond dans l'Amarakôsha: ce terme répété deux ou trois
l'ois, avec variante, paraît être : bya bjed ou bya spyod (agenda
agens) et bya spyod bycd pa spyod (pratiquant ce qu'il faut prati-
quer) , ce qui suppose une acception toute morale ol revient à dire :
« ferme dans le devoir, fidèle au devoir. »
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 531
de celte confusion aient disparu; ii en reste cepen-
dant quelque chose, la diversité des explications
que l'on donne du nom des sthaviras. Ainsi les Chi-
nois expliquent le mot 5</ia vira par «vieillard, an-
cien» (chang-tso)\ et par L^ ils remontent jusqu'au
premier siècle de l'ère buddhique, aux premiers
sthaviras. Les Tibétains , en l'interprétant par « lieute-
nant , vicaire , » paraissent remonter seulement au
H*" siècle de l'ère buddhique, à la création de l'école
des Sthaviras par laquelle surtout le buddhisme a
pénétré dans le Kashmir, et de là dans le Tibet.
L'Himavat, nous dit-on, fut l'asile des Sthaviras
exilés; cette expression Himavat désigne toute la
bande de territoire qui longe la chaîne de l'Himalaya,
ou la plus grande partie de cette bande; le Kashmir
semble devoir y être compris; mais d'après le Mahâ-
vanso, il serait en dehors, puisque cette chronique
distingue soigneusement la conversion de l'Himavat
de celle de Kasmîra et de Gandhâra. Kasmîra et
Gandhâra désignent apparemment le point où cesse
l'Himavat et où commence la région d'Occident; et,
géographiquement, le Kashmir peut être considéré
comme le point intermédiaire des deux contrées. Du
reste Kasmîra n'est point tout à fait exclu de la dé-
signation d'Himavat; car, dans le récit pâli de la con-
version de ce pays, il est question de quatre-vingt-
quatre mille serpents de l'Himavat persuadés par
la parole de iVJadhyàntika. Et cependant la conver-
' Journ. asiat. oct.-nov. 1 869 , art. de M. Stanislas Julien , p. 347,
II" I et passim.
532 DECEMBRE 1805.
sion de l'Hirnavat proprement dit fut confiée à un
autre personnage, Madhyama (en pâli Majjhama),
qui, avec quatre autres thêrôs, établit le buddhisme
dans les cinq divisions (pancha rattbâni) de ce terri-
toire. Je n'ai point à traiter ce sujet qui ne se présente
à moi qu'incidemment , et je ne rechercherai pas si
ces divisions du territoire correspondent à des divi-
sions actuelles, telles que Gerwal, Népal, Sikkim,
Boutan. Jene veux pas même insister longuement
sur un fait qui me frappe, mais que je ne puis me
dispenser d'indiquer, la ressemblance de noms de
Madhyântika et de Madhyama. Je ne prétends point
nier la personnalité distincte de chacun de ces deux
prédicateurs du buddhisme. Je remarque seulement
que, si Ton fait de Madhyântika le chef de fécole
des Sthaviras, et de Madhyama le missionnaire de
l'Himavat, pays qui fut le refuge des sthaviras, il y a
de fortes présomptions en faveur de l'identité de ces
deux individus. Enfin je retrouve la trace de cette
ressemblance des noms de ces deux hommes , Ma-
dhyântika et Madhyama , qui ont opéré dans le même
temps, à si peu de distance l'un de fautre, et dans
des contrées si voisines, je la retrouve dans nos deux
termes tibétains si obscurs, moins par eux-mêmes
que par la manière dont ils sont présentés dans le
récit du Kandjur : Milieu de l'eau (Ghhu dbus) et
Milieu du jour (Ni-mai-gung)'. Dans ces deux mots,
le terme milieu, exprimé par deux termes dilVérents
mais synonymes [dbus et gung), correspond également
' V^oir ci dessus, page 485.
DU BUDDHISiVIE DANS LE KASHMIR. 533
bien au sanscrit madhya. Quant aux déterminatifs
chha (eau) , hi-ma (soleil ou jour), le second ne réj)ond
à aucun élément du mot sauscvh Madliyântika , dont
Ni-maigung est cependant l'équivalent reconnu; le
premier, cliliu (eau), est parfaitement clair, mais ne
correspond à aucune partie du mot Madhyama , dans
lequel il n'entre du reste aucun déterminatif , et qui
se compose d une simple racine augmentée d'un suf-
fixe. On ne peut considérer Clihu dbas ( milieu de l'eau)
comme la traduction certaine de Mndhyama [inWieu);
mais on doit reconnaître que ces deux mots corres-
pondent l'un à l'autre , au moins aussi bien , si ce
n'est mieux, que Madhyântika et Ni-mai-gung. Et
quand on voit dans deux, textes qui , pour certaines
parties au moins, ont une origine commune, d'un
côté Madhyântika (en face du milieu, médius) et
Madhyama (qui est au milieu, médius); de l'autre
Ni-mai-guTKj (milieu du jour), Chha dbas (milieu de
l'eau); quand il est reconnu que les deux premiers
termes de chaque série désignent une seule et même
chose , on se demande avec raison si les seconds ne
désignentpas aussi une seule et même chose; et quand
on observe d'une part la synonymie des termes sans-
crits, et d'autre part la synonymie partielle des
termes tibétains, et les particularités du récit qui
permettent à peine de remarquer en eux une dis-
tinction bien profonde, on est porté à se demander
si tous ces termes ne se rapportent pas au même
objet, envisagé peut-être de deux manières un peu
dilférentes. Ces rapprochements de mots, de sens et
534 DECEMBRE 1865.
de sons me paraissent, soit renfermer une dilïicultë,
soit préparer les voies à une solution; mais je n'ai,
quant à présent, les moyens ni de lever l'une, ni
d'arriver à l'autre.
Puisque la fuite des sthaviras dans l'Himavat est
un des éléments de la question qui nous occupe, je
ne veux pas l'abandonner sans faire une dernière
remarque. La querelle entre Madhyântika et Çâna-
vâsika a paru n'être pas autre chose que la querelle
élevée entre les Mahâsanghikas et les Sthaviras. Ce
serait un de ces doublements dont d'autres histoires
que celle dubuddhisme offrent des exemples. Mais la
querelle des Sthaviras et des Mahâsanghikas semble
être mise aussi sous un autre nom qui se rappor-
terait à une époque plus moderne, celui de Mahâ-
dêva. CeMahâdcva est un des plus grands schisma-
tiques du buddhisme. Il se permit de changer le
rituel, d'émettre des propositions téméraires et bles-
santes pour les arhats; il souleva ainsi contre lui de
violentes colères, et fut obligé de se retirer; mais
de nombreux disciples le suivirent et formèrent
une école. On le place dans le iif siècle du Nirvana \
et par conséquent plus de cent ans après Açôka ,
d'après le compte des buddhistes du Nord. Mais ce
qui est remarquable, c'est que Hibuen-Thsang place
Mahâdêva sous Açoka, et rattache ce nom à la con-
version du Kashmir^. 11 raconte que Mahâdêva s'eni-
' Wassilief, p. 58, Liste des écoles bouddhitiiics [Journ. asiaf. oct.-
nov. 1869, page ?i'Mi , article de M. Stanislas Julien).
^ Siju-ln (M(^moires fie Hioiieii-Tlisang), I, 171.
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 535
para de l'esprit d'Açôka qui, ayant, à ce quii paraît,
plus de zèle que de lumières, ne savait pas distin-
guer un bon religieux d'un mauvais, tellement que
ce roi si juste, Dharma-Açôka , voulut faire périr et
noyer dans le Gange cinq cents religieux et cinq
cents arhats ^ Les arhats s'enfuirent à travers les airs
et se rendirent dans le Kashmir. Açôka, revenu de
ses projets criminels, les rappela près de lui; mais
ils refusèrent de se rendre à son appel, et le roi,
bâtissant pour eux cinq cents couvents, donna tout
ce royaume aux religieux. Cette légende reproduit
quelques-uns des traits de celle de Madhyântika;
elle rappelle, quoique de plus loin, ce que les bud-
dhistes disent communément du schisme provoqué
par Mahâdêva. Ce Mabâdêva , contemporain d'Açôka,
est-il le même que celui que d'autres documents
plus dignes de foi, selon toutes les apparences, font
vivre cent ans après lui? Je l'ignore; il est seulement
digne de remarque que Mahâdêva est cité par le
Mahâvanso comme un des contemporains et même
des missionnaires d'Açôka. Son nom vient immédia-
tement après celui de Majjhantiko, et il fut envoyé,
dit le texte pâli, dans le Mahisamandala, contrée
dont la situation n'est pas bien déterminée.
Il serait sans doute possible de ramener à funité
^ On ne voit pas bien si ces cinq cents arhats représentent l'as-
sembiéc des disciples ou des amis de Madtiyântilca , qui étaient réeîle-
ment au nombre de cinq cents arliats. Si i'auteur chinois veut dire
que Mahâdêva provoqua l'expulsion de Madhyântika (et il a l'air de
le donner à entendre) , Mahâdêva aurait joué à peu près le rôle que
Çânavâsika paraît avoir joué d'après le récit de Târânâtha.
536 DÉCEMBRE 1865.
les traditions diverses qui ont cours sur Mahâdêva,
si l'on n'était à peu près certain qu'il y a là un ana-
chronisme 011 peut-être même un mélange de sou-
venirs relatifs h deux personnages distincts. Du
reste, il n'est guère possible que Madhyântika et
Mahâdêva aient été confondus : trop de documents
établissent leur indépendance mutuelle et leur in-
dividualité distincte. Mais il importe de noter la dif-
férence de ton qui existe entre le Mahàvanso et les
buddhistes du Nord sur tous ces personnages. Le livre
pâli nous les présente comme des hommes d'une
pureté parfaite, des missionnaires qui vont, d'un
commun accord , prêcher la doctrine de leur
maître : les documents du Nord nous obligent ou
nous autorisent à voir en eux des hérétiques, ou du
moins des proscrits. Je ne veux pas m'appesantir ici
sur cette différence assez remarquable; mais il suffit
de signaler ce fait que, si le deuxième concile tenu
par RâlaAçôka a excommunié dix mille bhikkus, le
troisième, tenu par Dliarma Açôka, en a excommu-
nié soixante mille ' (selon les buddhistes du Sud). On
peut douter que tous les excommuniés se soient
soumis à la sentence qui les avait frappés, et se
soient condamnés eux-mêmes au silence. Aussi, quel
qu'ait pu être le calme majestueux avec lequel le roi
Açôka a exercé son zèle pour la diffusion du bud-
dhisme, les renseignements fournis par les bud-
dhistes du Sud eux-mêmes sont un motif pour nous
de tenir compte des elfets nombreux et considé-
' Mahàvanso, c\\. \i, -i^S.
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIll. 537
rables que les buddhistes du Nord allribuent aux
dissensions religieuses.
Et maintenant que conclure de toutes ces discus-
sions? Bien des points restent douteux : cependant
il semble qu'on peut admettre non pas peut-être
comme absolument certains, mais au moins comme
probables, les résultats suivants :
Le buddbisme commença à dominer dans le
Kasbmir sous le règne d'Açôka : quand les docu-
ments brahmaniques viennent confirmer sur ce
point les assertions des buddhistes, la question doit
être regardée comme résolue, et il ne semble plus
possible de conserver des doutes.
S'il y a eu , comme les huddhistes du Sud le pré-
tendent et comme cela paraît généralement admis,
deux Açôka, c'est sous le second, Dharma-Açôka ,
que l'établissement triomphant du buddbisme eut
lieu dans le Kasbmir; mais il faut admettre avec les
buddhistes du Nord que des tentatives plus ou
moins fructueuses ont été faites avant Açôka pour
porter le buddbisme dans le Kasbmir; et, j)uisque
Hiouen-Thsang nous signale une tentative faite cin-
quante ans après le Nirvana, et le Kandjur une
autre qui daterait du commencement du if siècle
de l'ère buddbique, rien n'empêche de croire que
ces tentatives ont eu lieu. La première aurait eu un
caractère tout privé, ce serait celle de Madhyân-
tika, le disciple d'Ananda; la seconde aurait élé
faite, sans doute avec plus de succès que la pre-
mière, par les proscrits de l'école dite des Stkaviros,
538 DÉCEMBRE 1865.
et le buddhisme, prêché, mais combattu, aurait fait
peu à peu son chemin et préparé ainsi la victoire
qu'Açôka II devait lui faire définitivement rem-
porter. Quelques raisons que l'on puisse avoir de
supposer des anachronismes et des erreurs ou des
falsifications de toute espèce, on ne doit pas, ce me
semble, rejeter les documents qui tendent à éta-
blir une série de tentatives d'introduction du bud-
dhisme dans le Kashmir. Nulle part cette religion,
qui s'est imposée avec tant de puissance aux peu-
ples qui l'ont reçue, n'est entrée sans résistance.
C'est par degrés, tour à tour triomphante et vaincue,
qu'elle a pénétté en Chine, au Tibet, en Mongolie;
et, d'autre part, le prosélytisme, favorisé par di-
verses circonstances , était tellement dans son esprit ,
qu'elle devait tenter de bonne heure de pénétrer
partout. C'est peut-être à tort qu'on attribue presque
exclusivement ses progrès, soit aux persécutions
qu'elle aurait souffertes, soit aux divisions qui se
seraient produites dans son sein. Répandre la bonne
loi était l'un des préceptes du buddhisme; nous
avons vu dans notre texte les Nâgas du Gandha-
mâdana dire qu'il faut propager l'enseignement du
Buddha aussi longtemps que cet enseignement doit
durer, et une déclaration remarquable du Lotus de
la bonne loi nous apprend qu'on est bien moins
coupable pour avoir injurié grossièrement un Ta-
thâgata (un Buddha) pendant un kalpa tout entier
(c'est-à-dire pendant au moins seize millions d'an-
nées) que pour avoir dit une seule parole désobli-
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 530
géante à un simple docteur enseignant la loi à une
créature quelle quelle soil^. Prêcher la loi fut donc
un besoin et un devoir pour les buddhistes, et, s'il
fallait des divisions entre eux pour les pousser à
aller faire cette prédication au loiiî, elles n'ont
manqué en aucun temps. On doit donc croire que
le Kashmir a reçu de bonne heure la visite des dis-
ciples de Çâkyamuni.Çiva, Nïla, les Nâgas, les vieilles
divinités kashmiriennes ont dû résister énergique-
ment; mais la persévérance et l'ardeur des nouveaux
venus finirent par triompher et par faire accorder
une place et une place importante aux doctrines et
au culte de Çâkyamuni. Cette lutte, les écrivains
buddhistes nous la retracent comme malgré eux,
en nous laissant entrevoir, par leurs divergences de
toute sorte, et surtout par leurs divergences chro-
nologiques, que la conquête du Kashmir, au lieu
d'avoir été exécutée d'un coup de baguette, ainsi
qu'ils voudraient le faire croire, fut une assez longue
et assez laborieuse entreprise.
Quant à la personnalité de Madhyântika et au
rôle propre qu'il a joué, ils sont assez difficiles à
établir. On ne doit pas, ce semble, le placer
parmi les sthaviras ; car, bien qu'il soit qualifié
de sthavira, son nom ne paraît pas être attaché
d'une manière spéciale à cette secle ; d'ailleurs cette
école des Sthaviras se présente avec un caractère
collectif et non individuel. On ne peut guère non
plus le faire descendre jusqu'à Açôka, car il n'aura
^ Lotus de la bonne loi, page i38 de la traduclion.
540 DÉCEMBRE 1805..
plus la gloire d'avoir converti le Kasbmir, si l'on
est forcé d'admettre que le buddhisme était déjà
connu au Kashmir avant Açôka. Puisque l'introduc-
tion du buddhisme au Kashmir est mise sous son
nom, il faut le considérer comme le premier pré-
dicateur buddhique qui eut quelque succès dans la
célèbre vallée. Il n'est pas étonnant que son nom se
retrouve chaque fois qu'il est question de quelque
tentative nouvelle , prétendue la première de toutes,
pour amener au buddhisme le peuple de Kashmir.
Les prédications des sthaviras, celles des mission-
naires d'Açoka auront été attribuées à Madhyântika ,
qui , comme certains autres personnages du bud-
dhisme, entre autres Nâgârjuna , se trouverait obligé
d'étendre sa vie sur plusieurs siècles pour suffire à
tout ce qu'on veut lui faire accomplir.
Je termine ici cette étude sur l'établissement du
buddhisme dans le pays de Kashmir. Je me con-
tente d'avoir exposé ce que la légende rapporte de
ce grand événement et ce que la critique en peut
dire avec un certain degré de certitude : je ne me pro-
pose pas en ce moment d'en suivre et d'en développer
les vastes conséquences. Peu defaitshistoriquesenont
eu d'aussi étendues. Le buddhisme a eu pour appui
à Kashmir une des plus brillantes et des plus puis-
santes royautés que l'on connaisse, celle de Kanishka ;
c'est à Kashmir que s'est tenu le grand concile dé-
finitif des buddhistes du Nord ; c'est de là que le
buddhisme a rayonné dans les contrées septentrio-
nales et occidentales. Si le mouvement vers l'Ouest
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIH. 541
fui arrêté, et arrêté pour toujours, le mouvement
vers le Nord ne s'en continua que plus profond et
plus intense. C'est du Rashmir que les livres bud-
dhiques ont été portés au Tibet. La plupart des
pandits indiens qui ont travaillé à la traduction de
ces livres étaient Kashmiriens; c'est même à Kashmir
que plusieurs de ces traductions ont été faites. Le
culte de Çiva, qui s'est maintenu dans le Kashmir
en présence du buddhisme, et a fini par s'unir c^ lui,
a laissé sa trace dans une portion considérable de
la littérature buddhiquedu Tibet. Et si, en contem-
plant la vaste diffusion du buddhisme tibétain, cette
autorité puissante qui retient sous la sujétion spi-
rituelle du pontife de Lhassa tous les peuples mon-
gols et une grande partie des habitanls de la Chine,
forçant le souverain du plus vaste empire qui existe
à s'incliner devant le grand prêtre du Tibet, nous
voulons nous rendre compte de cet état de choses
et remonter d'effets en causes jusqu'à l'origine du
mouvement dont les derniers résultats nous frappent
d'étonnement, nous sommes ramenés aux légendes
de Hiouen-Thsang, du Kandjur et du Mahâvanso,
sur fintroduction du buddhisme dans le Kashmir,
aux missions du grand roi Dharma-Açôka et aux
prédications de Madhyântika.
542 DECEMBRE 1865.
TEXTE TIBÉTAIN DU KANDJUR.
TRADUIT, PAGES ^8Z-!l^'].
Mort d'Ananda. — Conversion du Kashmir, par Madhyântika. —
Série des premiers patriarches buddhistes.
(Dulva, XI, fol. 686-690.)
(Je mets entre crochets [ ] les lettres qne je propose d'ajouter au texte ,
entre parenthèses ( ) celles que je propose d'en retrancher. )
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DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 543
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P^*^'j^-tC!5:î^-^-^^'j^'^zn I q"^54"/g5-Rz;^îM''^'j^'-pi-l&R' \^a\
^ • qj^iw • ^Vs^ " ^^ ' n>^3i ■ ^ ' ^^ ■ I ^3;^ • woj 5 ■ «à&^n • ^' ioT^ ' n.^-
(g 3; • pj • s'f^ • i^OJ • f^:; • q^5 • t] • ^^ • I q^ ' /^ S ' R^^ '^'î^' ' uji^Jf^ ' ^
* Le texte porte zni:: • znf\. La correction du deuxième zn en q] ne
peut être douteuse.
^ On pourrait lire 5^1 au lieu de s-
•'' On pourrait lire q/g en un mot : le texte sépare q et /g par un
point.
* Ce mot ^ est peu reconnaissable dans le texte; mais comme il
est répété à la fin du discours, la lecture ne saurait être douteuse.
36.
544 DECEMBRE 1865.
JoT^M ' S"^' M^ ' a^^•^\' ^^^•\\ \^ ' raN:x. • q^s ' a ' oj • ra^^gi •
5î^ • s • s^î; • (^5j • u • ^5 ■ ^îiiR •"iS'îJ^i • 3^* n.gni • ¥54 • a • ^ ' ^W^ " ^^ss •
q^ • q^&l'^i • i^' • ^ï; • I 54 • :i| ■ 5 • a • \î; • |3^ ■ 4 • ^î^ • «"ïfjs • iT- ^^a^ •
q|.)|in':^ ■ n."q s^ I ^ ' ni^54 • î;^:n ■ g^ • ^i • '^- x^^ • ^ î\' 'lè^il ' q|^ï;^" ^ |
^î\' 1 1 ^i: • V f^î^' ■ "^ • ^ r^\ ' q^'sj 'hu ^^ • ^ ' 5^'^ ' ^^^ ""^
1^ 1 1 l^-'^--^^- y^ ■ s^'^' • ^^'^' • â^ I X" ^'^' ■ '^ ■ ^' â • i^^^' •
• Le texte a Bi au génitif: l'instrumental nj^i est bien préférable.
^ On pourrait lire mtx ; mais le texte porte bien ^X^-
^ Le texte a g, qui existe; mais il vaut mieux ajouter un r e«
lire|^.
* Le texte a Sv : j'ajoute un ^i ( Voir la note 2 , p. àSS.)
DU BUDDHISMEDANS LE KASHMIH. bk'j
q^nj-qf II \'a;^ '\' <w^' ^^'^^'^1 ' cj5^5^ î^ '^^3^' ■ q I cjî:în "^ • '
*ipi5 •"lî''^' • Ji; ■ pi • 5) • u^ry • ^ • q^g^ ■ t] • ?35| -^J^ ■ q'^R I j q^5J ' /^s '
^S^'i^'"^'^' STS^' V^^' ^^'^^'^ '^ "q '^^^1 • Rnï;'q3;-
^5" yK" î;^5ft'\!'tl'uT5^ï^i'^-qsq"t!^"^R"'^5J'S'^| S'^Ç^-'^S'
"^^ «55 -011 g •^' î;^ïi|'n,gïr|'^"iJ3^'^î^i-g^'R^A]-qx,-n,nj3;'X-
\^- ( ">X-(^^'f'^'^'«^fyS^«^-^-|^-^'^ûj;j^,-^^|g->^-z;^ïi|.
i]'fî».*^^'\*RE3; ■'^ ' ^^^ ' ^^' f3[m^ '^'^l ol ' V S^ "'^'^ '^5^'.
^•z;^ïn'^^'-?^ï:^'f^'S3:s • tjq-tj- z^^|zng^j^-rj?5-2'^'^8^' V^' Wi^m'
îr:ç,'S3n-ir| g •^•;;^qj-^^'"^-"^^-'^q|-'^iIj-î;^^'| jj^R'*!]' * • ^i; ' j
* Le texte a q^lzTj ■'^^is] à l'instrumentai : je lis q^zn ' ^ au génitif.
^ Le texte a ^5, les dictionnaires donnent unanimement q^5
Je rétablis le préfixe.
^ Le texte a*ïj ou"q. Cependant les dictionnaires donnent le mot
54 ^n sans suffixe.
540 DECEMBHE 1865.
^•n,^S''^'^^^'^^''^T^'^'^'|!^'^''^*^'^'^''^^'*^*^V'^'^ '^ "
^ îjy • ^^^ ' ^W ^^ ■ <^ V ^s'*^' ""b '^ " ^'^ ' ^^'^" ^ ' ^'^ " ^^^ * "^ I
zfj^^pi'sn^ ■ i^R* n,"^- q^'SJ • ^^5;' s^ ■ i^^s;' ^''^" ^?n^' ' ^i^ '"JS"
-J ^' I ^^ • 14 5^ • s ^ • :;"r. • tM ^ • ^- /^ ^1 • 1^. • rj • ^- I I • g^« ^. • ^ ^, •
îg^î^.' • y I îJ|Sj5\' • q?5j • q"35^ • /^Sj • Rs,^' •^^'' n']f^' ^m-Jjii I ïi]?^'^'' q??^-
Bj^'î^'^'"^ I ^^'^Y'^S'^' '^'^'■^"|f^'^'^''5'|| 3 '^^"^'"^^''
' Entre qx, et q^n^' , il y a dans le texte un petit intervalle marqué
(le, plusieurs points; mais le sens n'indique aucune lacune.
^ Le texte a q ' m^ en deux mots; mais il faut supprimer le point
et lire qojx^, la mesure du vers rcxigc.
•\ Le texte a "^m. Il faut lire gui ' qj ou ^ii|'4|.
DU BUDDHISME DANS LE KASHMIR. 547
^^ Và^' ' ST ' §^ ""^ '%^'^T ■ ^ V ^^' f^3 ^' '^^ ' z; " q^'sjî^' • a-
q^^î^i • 5!\i I ^ • q^w • 13 • ra ■ q j R''^'^ • ^^ • t] • ^i; • j ri ■ îsj^' '
^ î^''^' q^5" Y 2 =^'^^ I ^m'\ '^g • '=i^5^ ■ y ' ^"^^ "^^ •'zn^^- 5j' ^^•
ë^ I "^"b, • i • pi • s'rii.' u^ai • q s^îH •'^îJv! ^^ïi| • n^' rj ^ rC'^^i • ^^j^i • q ■
3îi|-n.^aj"q3^'2^''cî^'"'^'^'y"^^' I £.'3iM'5'^<S^'^^^"^^ '
!n5.i • t;^:!! -Ts -"^îT] -^î^ • ^^^ • u • z;^^: i \-é5J'5'^'^'^-"^ •■^i;^-^^*
^•g •îsj'M'f^g^'jy'îj'^^* I "ï^''^zi|- Jï;•îI|^^î^|•q^^j'^^•q^al•
* Les dictionnaires donnent cette forme absolue avec la parti-
cule du génitif ^ . Notre texte donne ici celle de l'instrumental.
2 Le texte a ici ^ ^i ; il est évident qu'il faut % , qui se trouve à la
ligne suivante; du reste cette particule est ordinairement retranchée
dans le nom propre. (Voir la note 2 de la page 4 94.)
^ Le texte a r , il est évident qu'il faut ^.
r}^iS DÉCEMBRE 1865.
^5 • î;^5 • sTâzn • •;;^K • i w y ^* oj • ^yîH'^' • un. • ^s • ^s^ • q^^j^i • sxsj j
54"o&^'?5-q"|ïnï^'-y q/oT^n'^'l I ^'Sj*^-*' s^^'n]?^"i!-^-5R-¥3^ •
^î^' • s • a • s^ï; ' ni5 • y '"fî v" ^~ ' 5S •"ïT" oj • q^s • q • ^h\ s^ i "J^^'.'
' Le texte a rs? , il est certain que /k^^! est la vraie l'orme qui con-
vient ici.
■^ Le texte a^è^^. Le dictionnaire donne pour cette expression
composée zsj "^^ sans î^!.
* La véritable lecture doit èfreq^q^'; maisleniot du texte a l'ap-
parence de qîS-iq^' , qui s'cxjdiquerait aisément, ou plutôt de q^q^',
qui s'explique moins bien.
' Le texte paraît avoir J^. Je lis ^ connue plus bas.
DU BLJDDHISME DANS LE KASUMIR. 549
aj-5jpiY^'^''^'^''^ ' ^^V^ '^^S' ^'^' ' '^^'^ ■ ^ ■ ^* v5' ajî^ •
n>î;^ï^'-X' Il s^' ^ '*' "J^ ■ •ÏJ'^'^' ■ ?^* ^' ^5" wî^- f^sf^'^S I n'S-
?^^' • * ' ^ï; • ^5 • ^ ' ^ ' ^"^ ^^ • 55 • ^^1 • %5 • r] • 'q'- r i; I si;;^ • tj •
S,^ • s^qq • I] • i;^:; • I ^qi • R n t^ • q • r i; • i ^' n,g o] ' ^^ ' t] • -^ '"^^^ '
xE^ ■ Sj'^' I -^^ ■'^' ig^ ■ 5^ ■'^^' ^f^' ^â^'^' ' ^ ' ^^'^ ' ^ ' ^ ' ^?\ ■ f^^"
«Ti; ' '^ ' ^'l X '<g^'3^' ^^ ' ^ rX" 1* ^^ ■ "J'^^ ■ ^ * ^ ■ " V f^'^''
' J'ajoute au lexte la particule î^ et la deuxième barre verticale :
la construction de la phrase me paraît exiger cette modification.
- s' '^. Cette lecture, à cause d'une expression semblable qui se
retrouve un peu plus bas dans la même phrase, et qui s'est déjà pré-
sentée dans la suite de ce texte, ne me laisse aucun doute; mais le
groupe est illisible, ou, pour mieux dire, méconnaissable dans l'é-
dition du Kandjur que possède la Bibliothèque impériale.
■• On attendrait devant la particule ^ une racine verbale, car il
ne paraît pas conforme aux usages de la langue que cette particule
représente elle toute seule un verbe placé plus haut dans la phrase
et séparé d'elle par un grand nombre de mots. Je suppose une lacune;
mais je donne le texte tel qu'il est.
^ J'ajoute t qui n'est pas clans le texte, mais qui devrait y être.
550 DECEMBRE 1865.
NOUVELLES OBSERVATIONS
ITÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE,
PAR M. RENAN.
I.
Dans la séance du 28 janvier i 86Zi, M. deSaulcy
parla à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres
du sarcophage découvert par lui dans le monument-
appelé «Tombeaux des rois, » près de Jérusalem, et
invita les hébraïsanls à s'occuper de l'inscription qu'il
présente. Le monument était, dès cette époque, ex-
posé au Louvre.
Un estampage de l'inscription ayant été apporté
un ou deux jours après par M. de Longpérier à la
conférence de philologie hébraïque que je faisais
alors chez moi, nous passâmes l'heure du cours à
déchiffrer et à discuter ensemble ce texte curieux.
Le 1 février, je lus à la Société des Antiquaires de
France , dont j'avais fhonneur d'être président, une
explication de ladite inscription. Le soir même, ou
le lendemain matin, M. fabbé Barges publiait dans
un journal quotidien une explication identique à la
mienne et des réllexions qui concordaient avec les
miennes. A la séance de f Académie des Inscriptions
du /] février, M. de Saulcy déclara qu'il voulait que
rien ne fût publié sur celte inscription avant que
OBSERVATIONS D'ÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. 551
l'ouvrage qu'il préparait sur son voyage eût paru.
J'arrêtai donc la publication de la note que j'avais
lue à la Société des Antiquaires. Aujourd'hui l'ou-
vrage de M. de Saulcy est publié. Ce qu'il dit de l'ins-
cription ne m'ayant pas semblé rendre inutile la note
que je lus à la Société des Antiquaires, je donne ici
le texte même de cette note. Les bois de M. de Saulcy
ne m'ayant pas paru représenter les caractères avec
toute la netteté désirable, je donne ici, également,
un nouveau fac-similé de l'inscription.
« De tous les résultats du dernier voyage scientifique de
notre savant confrère, M. de Saulcy, le plus intéressant est
sans contredit la découverte, dans le monument dit «Tom-
beaux des rois,» près de Jérusalem, d'un sarcophage avec
inscription. La vive curiosité qu'une telle inscription doit
exciter m'excusera de venir sitôt vous communiquer le résul-
tat de l'étude que j'en ai faite.
«L'inscription se compose de deux lignes , contenant cha-
cune huit lettres. Elle est bilingue, ou, pour mieux dire,
(pardonnez-moi le barbarisme) bigraphe, les deux lignes re-
produisant le même texte en deux écritures différentes et avec
de légères variétés de dialecte.
« Le caractère de la première ligne est le pur estranghcio
552 DECEMBRE 1805.
ou syrien antique, tel qu'on le trouve dans les plus anciens
manuscrits syriaques, sur les monnaies d'Édesse et de Mé-
sène et dans une inscription d'Édesse du temps de Jusiinien ,
dont je dois la copie à M. Texier. Il faut lire cette première
ligne :
« La deuxième ligne est en caractère héi»reu carré ana-
logue à celui de l'inscription du monument dit « Tombeau de
saint Jacques, » à celui des anciennes inscriptions grecques
juives où se trouvent quelques lettres hébriiïques, à celui de
l'inscription de Kefr-Bereim enGalilée. Tl faut lire cette ligne:
« La langue de la première ligne est le syriaque pur; il faut
traduire « La reine Saddane. »
« La langue de la seconde ligne est le chaldéen palesti-
nien, à peine différent du syriaque. Il faut traduire «La
reine Sadda. »
«La seule lettre de la première ligne qui offre quelque
difficulté est la première. On peut être tenté un moment de
la prendre pour un olaph. Mais , outre qu'on ne trouve à
justifier cette supposition par aucune preuve paléographique
satisfaisante, une rai.«-on décisive s'y oppose. La dernière
lettre de la première ligne est certainement un olaph. Cette
lettre a, dans l'alphabet estranghelo, une forme grande,
large, très-constante, très-caractérisée. Impossible de sup-
poser qu'à six lettres de^ distance le lapicide eût fait deux
olaph si totalement différents l'un de l'autre. Qu'obtient-on,
d'ailleurs, par lalectureyff ? Une leçon impossible, if ( n'est
pas un mot syriaque. En tous cas, ce n'est pas un mot fé-
minin qui puisse être en rapport avec le féminin (J^. *^VV^-
Ajoutons que la valeur de ^ que nous attribuons à cette
première lettre est en parlait accord avec les plus vieilles
OBSERVATIONS DÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. bbS
formes de celle lettre eu eslianghelo \ et que la lettre corres-
ponJante de la seconde ligue, ligue qui, comme nous l'avons
dit, n'est qu'une répétition de la premier^ , est évidemment
nu y.
0 La seconde ligne n'offre pas de difficulté paléographique
sérieuse. Le y initial se retrouve dans l'inscriplion trilingue
de Torlose (Espagne)' et dans l'inscription de Ketr-Bereim.
Le D initial de nriD^D se retrouve identiquement dans l'ins-
cription de Kefr-Bereim.
«Comme on le voit, l'orthographe de la seconde ligne
diffère de la première en deux points : i° Le nom propre
écrit p2J dans la première ligne est écrit mSî dans la se-
conde. Ce n'est pas là une différence bien importante. Les
langues araméennes affectionnent la terminaison on ou an.
•>
%0 en syriaque est nue terminaison de diminutif, qui change
à peine le sens du mot^. On peul, si l'on veut, voir dans la
première forme une sorte de nunuation, connue ni^bv =
yO^isClA^Nj^ = (jU»J^. 2° Les habitudes juives se trahissent
dans l'orthographe du second mot, écrit nriD^D au lieu
de KDDto. On sait que le chaldéen biblique substitue sou-
vent l'orthographe hébraïque à l'orthographe araméennc,
surtout en ce qui concerne l'emploi de n pour N*.
« Quelle est cette reine Sadda ou Saddane dont le corps a
été sans aucun doute déposé dans le sarcophage rapporté par
noire savant confrère ? Je n'ai pas trouvé dans toute l'histoire
du peuple juif une seule personne qui répondît à ce nom.
On ne peut pas même dire que ce suit là un nom hébraïque.
Les noms hébreux en effet sont peu nombreux et peu variés.
Sadda est un nom sémitique, puisqu'il renferme un y; ce
n'est pas précisément un nom juif.
« Les caractères paléographiques et philologiques de l'ins-
' \'oir les spécimens de paléographie syriaque donnés par M. Land à la
suite du premier volume de ses Anecdota syriaca (Leyde, 1862).
" Revue Archéol. i*'nov. 1860, p. 3/i5 et suiv.
^ Uhlemann, Elementarlehre der syr. Spr. p. 101; Gcsenius, Lehrc^ch, der
hehr, Spr. p. 5i3.
554 DÉCEMBRE 1805.
criptlon fournissent-ils du moins quelque lumière sur le
siècle où elle fut tracée, et par conséquent sur l'époque où
vécut la reine en question? Ici on peut s'exprimer avec plus
d'assurance. Faisons complète abstraction des considérations
archéologiques tirées du style du monument dit a Tombeau
des rois, » et du sarcophage rapporté par M. de Saulcy. J'ose
dire que si l'inscription qu'il a découverte se trouvait sur une
pierre isolée, égarée hors de sa place au milieu de débris
épars, d'abord il n'y aurait aucun doute sur ce point qu'elle
est postérieure à la captivité de Babylone; en second lieu,
on en fixerait la date par approximation vers l'époque du
commencement de notre ère.
«J'établis d'abord le premier point :
« 1° Bien que l'usage du caractère carré soit plus ancien
chez les Juifs qu'on ne le croyait autrefois , il est absolument
impossible de le faire remonter au delà de la captivité. Cet
alphabet est d'origine araméenne, comme le prouve son évi-
dente similitude avec l'alphabet palmyrénien. Il n a pu être
employé par le peuple juif que quand celui-ci se trouva en
contact avec les Araméens. Le nom même que porte le ca-
ractère carré, D'^IV^'N IDJ «écriture assyrienne,» est à cet
égard une démonstration presque suffisante. Personne, de-
puis Louis Cappel, n'a douté que jusqu'à la captivité les
livres hébreux ne fussent écrits dans le caractère , analogue
au phénicien, que les Samaritains ont conservé et qui se
trouve sur les monnaies juives des Asmonéens \ En sup-
posant même, contre toute vraisemblance, que l'alphabet
carré fût employé avant la captivité, comment admettre
qu'on y pratiquât les ligatures et les séparations de mots
dont notre inscription offre de si curieux exemples. Les liga-
tures sont un fait relativement moderne. L'écriture phéni-
cienne, même la plus moderne, n'en offre pas de trace.
L'écriture araméenne n'en offre pas non plus dans ses mo-
numents les plus anciens.
M 2° La langue de la seconde inscription ne constitue pas
' Voir Gosoiiius, Gesch. (1er hehr. Sprnche und Schrift , S A i .
OBSERVATIONS D'ÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. 555
une moindre difficulté contre l'hypolhèse qui prclerait à
l'inscription de Saddane une haute antiquité. Comment ad-
mettre une inscription en cbaldéen à Jérusalem, sur le tom-
beau d'une reine juive de Ja famille de David ? Le chaldéen
ne gagna du terrain chez les juifs qu'à partir de la captivité.
Le verset chaldéen qu'on lit dans Jérémie (x, ii) est, de
l'aveu de tous , le résultat d'une erreur de copiste, le larguni
s'élant substitué à cet endroit à l'original , ou bien une glose
marginale s'étant introduite dans le texle\
« 3° Comment enfin admettre que le tombeau d'une reine
de la famille de David ait pu poiter à côté de l'inscription
chaldéenne une inscription syriaque en caractère estranghelo ?
Mettons que l'estranghelo remonte dans ses traits essentiels
fort au delà de l'époque à laquelle appartiennent les plus
vieux spécimens que nous en connaissons. On croira bien
difficilement qu'il ait pu garder pendant six ou huit siècles
une telle identité dans les traits les plus minutieux de sa
physionomie. Et d'ailleurs, je le répète, comment expliquer
la présence d'une inscriplion syriaque dans le tombeau des
plus anciens rois de Jérusalem ?
« Obligés de chercher après la captivité une dynastie à la-
quelle ait appartenu notre reine Sadda, nous n'avons de
choix qu'entre les Asmonéens , les Hérodes et la famille
d'Hélène, reine de l'Adiabène, qui, comme on sait, embrassa
le judaïsme, habita Jérusalem ^, et se fit bàlir au nord de la
villeun superbe mausolée dont Josèphe, Pausanias, Eusèbe,
saint Jérôme, Marin Sanulo parlent d'une façon plus ou moins
circonstanciée ^. On ne conçoit guère comment les Asmo-
néens, représentants si exclusifs du judaïsme, auraient fait
iracer sur un de leurs tombeaux une inscription bilingiie,
une inscription où le texte étranger eût tenu la première
place. Les légendes des monnaies de ces princes sont, comme
on sait, en hébreu pur. Pourquoi ce premier texte syrien,
' Cf. GrafF, Der Prophel Jeremia , p. 160.
" Jos. Anticj. XX, Il et suiv. ; Bell. Jud. V, ii, 2 ; iv, 2 ; vi, 1.
' Voir les textes dans Robinson , Bihl. rexearches in Palestine , I , p. ."^62 et
suiv. (2* édil.)
550 DECEMBRE 1805.
surtout dans un endroit qui n'était pas desliné à frapper les
yeux? L'Osrhoène, la Mésène, l'Adiabène étaient des pays
éloignés et étrangers pour les Hiérosolymites, au temps
d'Alexandpe Jannée et de Hyrcan.
«J'en dis autant, quoique avec plus de réserve, de la
dynastie des Hérodes. Le texte estranghelo n'a guère de sens,
si la personne ensevelie dans le cercueil rapporté par notre
confrère a appartenu à cette dynastie. C'est le grec , ce
semble, qu'on trouverait en pareil cas sur le cercueil à côté
de l'écriture courante de Jérusalem. Sans doute, les fiérodes
ont eu bien plus de liens que les Asmonéens avec la Syrie.
MM. de Vogué et Waddington ont entre les mains des ins-
criptions à la fois grecques et nabaléennes d'un des rois
Agrippa, trouvées dans le Hauran. Mais l'alphabet de notre
premier texte n'est nullement l'alphabet nabatéen. C'est l'al-
phabet de la Haute-Syrie, d'Édesse. de Nisibe. Les Hérodes
n'avaient pas de raison d'aller prendre cet alphabet d'un pays
éloigné, avec lequel ils n'avaient rien à faire, pour lui donner
la première place sur leurs tombeaux.
« Reste la famille d'Hélène, reine de l'Adiabène, ou poui-
mieux dire d'Izatès, laquelle, l'an 46 de notre ère, élut en
quelque sorte domicile à Jérusalem , y lit de grandes construc-
tions , de grandes aumônes , et y jeta beaucoup d'éclat '. En ad-
mettant que le sarcophage rapporté par M. de Saulcy ait con-
tenu le cadavre d'une princesse de cette famille, tout s'explique
dans la perfeclion. On sait qu'une opinion ancienne, dont
M. de Chateaubriand vit la force avec sa pénétration ordi-
naire, et à laquelle Robinson a prêté l'appui d'un savoir très-
solide et d'une forte argumentation', regardait le monument
appelé «Tombeaux des rois acommeles tombeaux de la famille
d'Hélène. Divers passages de Josèphe, d'Eusèbe, de saint Jé-
rôme, surtoutde Pausanias, donnaient à cette opinion une Irès-
' Jos. loc. cit. 1.C Taimud parle souvent de divers membres de cette fa-
mille, surtout de Monoha/.c, dans un sens parfaitement concordant avec ce
(jue dit Josèphe.
* JiihVtral resefirclws in Polcsline , I, 1^0 1 et suiv. III, 2 5i-f>2.
OBSERVATIOiNS DEPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. 557
grande force. J'ose dire que Tinscription dont nous parlons,
rapprochée de ces textes, lui donne presque la certitude.
Admettons pour un moment l'hypolbèse que le tombeau
trouvé par noire savant confrère ait renfermé une princesse
de la famille royale d'Adiabène : i° nous apercevons la raison
du nom de cette princesse, lequel est sémitique, mais non
pas précisément juif; 2° nous comprenons à merveille la pré-
sence d'une inscription en langue et en caractère de l'Adia-
bène à Jérusalem, à côté d'une inscription en langue et en
caractère palesliniens; 3° nous voyons pourquoi le caractère
adiabénien occupe la première place, circonstance inexpli-
cable dans un tombeau juif ordinaire; li" les caractères pa-
léographiques et philologiques de l'inscription sont tous
expliqués. L'analogie du caractère carré de notre inscription
avec celui du tombeau dit de saint Jacques, que M. de Vogué
rapporte, avec toute raison selon moi , aux temps asmonéens
ou hérodiens; l'analogie moins forte, remarquable cependant
en quelques points , du même caractère carré de notre ins-
cription avec celui de l'inscription de Kefr-Bereim, laquelle
est sûrement postérieure à noire ère; enfin la similitude
de la partie esiranghelo, surtout du mot r^OV£ia^3 avec le
mol r^îilJïTa d'une monnaie de la Mésène, qui est du pre-
mier siècle de notre ère '; tous ces faits, dis-je, trouvent leur
pleine et entière justification dans l'hypothèse que nous pro-
posons. La famille d'Izate était fort nombreuse ^. Il laissa
vingt-quatre fils et vingt-quatre filles. Cinq de ses fils ap-
prennent à la fois l'hébreu à Jérusalem^. Monobaze, son frère,
et d'autres de ses parents* embrassèrent le judaïsme comme
lui. Monobaze fut très-connu à Jérusalem, et y laissa une
grande réputalion de charité ^ Rien n'est donc plus facile que
' Langlois, Numismalique des Arabes avant l'islam, p. 76-77; pi. u, 8.
— - Cf. Lévy, dans la Zeitschrift der dentschm monjenl. GcselUchaJt , i858 ,
p. 209, 2 10.
' Josèplie , ^ntiq. XX, iv, 3.
* /(/. ihid. m, 3.
* îd. ibid. IV, i; D.J. II, xix , 2.
* Voir un curieux passage, Talmud de Jérusalem, Peah , i5 6; Taimud
de Babylone, Baba hathra , 1 1 n.
VI. 37
558 DECEMliUE 186,).
de peupler avec celle royale faiullle de prosélytes Jes vasles
salles des « Tombeaux des rois, n Ce nom même se trouve
n'être pas inexact. Jusqu'en plein moyen âge, on attacha à
cet endroit le souvenir d'une reine (rcgina Jabenorum , Ile-
lena regina)^; de là probablement le nom de Kobour el-Mo-
louk. Plusieurs femmes de la famille d'fzale ont pu porler le
titre de reine \ et certes il n'est pas surprenant que le nom
qui s'olFre à nous aujourd'hui soit nouveau dans l'histoire.
Dans cette famille si nombieiise, nous ne connaissons qu'un
seul nom de femme, celui d'Hélène elle-même. Saddane ou
Saddu a pu être femme d'Izalc ou de Monobaze. L'inscription ,
dans cette hypothèse, aurait été tracée vers le milieu du pre-
nûier siècle après Jésns-Chrisl.
u En résumé, l'inscription rapportée par M. de Saulcy est
Tépilaphe d'une reine ; c'est l'épitaphe d'une Syrienne; c'est
l'épitaphe d'une juive ; cette épitaphe a été tracée vers l'époque
de notre ère. Conclure de là qu'elle est l'épitaphe d'une prin-
cesse de la famille royale d'Adiabène convertie au judaïsme est
une conséquence presque inévitable, surtout si l'on se rappelle
qu'avant la découverte de notre inscription on était incliné
par les raisons les plus fortes à voir dans les « Tombeaux des
rois » le tombeau de la famille dont nous venons de parler.
« On ne peut donc placer trop haut l'importance de la dé-
couverte faite par noire confrère. Elle nous apprend des
choses capitales : i° elle résout à peu près le problème ar-
chéologique du curieux monument appelé les « Tombeaux des
rois,» et elle donne ainsi une base chronologique solide à
l'histoire de l'art juif; 2° elle nous donne le plus ancien spé-
cimen que l'on possède de l'estranghelo, et elle enrichit la
paléographie araméenne d'un texte important; 3° elle ajoute
un numéro de plus à l'épigraphie hébraïque, malheureuse-
ment si limitée; elle prouve en particulier que, dès le premier
siècle de notre ère, les ligatures et la séparation des mots
existaient dans l'alphabet carré comme dans l'alphabet es-
• Marinus Sanulus, Sécréta fuUl. Crucis , lll.xiv, 9.
'■' l.a j)olvgami(! régnait dans celte famille. (.los. Ant. W, 11, à.)
OBSERVATIONS D'ÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE- 559
Iranghelo; 4° elle prouve de plus en plus que la langue vul-
gaire de Jérusalem , à l'époque du commencement de notre
ère, était le chaldéen, que l'on orthographiait selon les ha-
bitudes hébraïques. Bien d'autres conséquences seront sans
doute tirées du texte rapporté par noire savant confrère. Mais
celles-ci suffisent certainement pour en montrer déjà tout le
prix. »
Les observations publiées par M . de Saiilcy ( Voyage
en Terre Sainte, I, p. 384 et suiv.) ne m'ont fait
modifier aucune de ces idées ^ M. de Saulcy incli-
nerait à préférer la lecture ms: et » i * à nm et yf *.
Cela serait admissible paléographiquement. Mais le
nom de Sadda ou Saddan est plus satisfaisant, phi-
lologiqiiement. Le nom de ZAAAA se retrouve
sur une inscription des environs de Damas, datée
de fan i 69 de notre ère [Corp. inscr. grœc. n° 45 1 9).
XAAAAèOZ se trouve dans le Hauran (Wetz-
stein, Aasgewàhlte griecliische und laieinisclie Inschrif
ien. Berlin, 1864, nU]5)\
Je ne comprends pas les difficultés deM.de Saulcy
(p. 389) sur le mot nr\DbiO. Ce mot est une forme
* M. Geiger, datis son Journal [Jàdische Zeitschriftfûr Wissen-
schaft und Lehen f m® année, p. 227-228) a proposé, sur la lecture
de cette inscription, quelques idées que je ne discute pas, car le
savant rabbin les a conçues sur des renseignements insuffisants , et ne
les défendra pas. M. Geiger a bien conclu, du reste, du caractère
carré et des aramaïsnies de l'inscription , qu'elle ne pouvait être que
des temps du second temple.
^ L'explication isjui, que propose M. Wetzstein, me paraît peu
satisfaisante, La forme arabe était probablement JJj.-».
37.
560 DÉCEMBKE 1865.
emphatique féminine conformo aux règles du chai-
déen (voir Winer, Grammaùk des hihl. und targiim.
Chaldaismus, p. 69, 70). L orthographe araméenne
pure serait xn^bD. Cette suhstitution du n à l\y final
est un hébraïsnie qui n'est pas rare dans le chal-
déen biblique. [Ibid. p. 6-7, etc.)
Les deux dernières lettres de la première ligne
n'ont rien qui s'écarte del'estranghelo pur; seulement
il semble que le lapicide avait d'abord écrit f^ûA:^,
et qu'il a substitué le à) din)S l'intervalle des deux
lettres. De la sorte, le à) n'est pas lié à la lettre pré-
cédente, comme il devrait l'être. S'il se joint pres-
que à l'r^, ce n'est pas là une ligature comme le croit
M. de Saulcy, mais un simple rapprochement, qui
n'est même pas rigoureux. Que le C) n'ait pas de pe-
tite boucle à gauche, ainsi qu'il l'a dans les manus-
crits, c'est là une circonstance insignifiante. Cette
boucle n'est pas essentielle à la lettre; c'est un trait
de calligraphie propre aux manuscrits et qu'on ne de-
vait pas s'attendre à trouver dans le caractère épigra-
phique. On sent d'ailleurs dans notre inscription un
lapicide maladroit, peu maître de son outil, et qui
certainement n'eût pu rendre sur la pierre un trait
aussi dilïicile.
En ce qui concerne la question de la date do
l'alphabet carré , je n'ai qu'à renvoyer à M. de Vogiié ,
qui l'a traitée à fond dans la Revue archéologique , 'd\n\
i865. Pour la question archéologique, il est essen-
tiel de lire Robinson, Bihlical researches in Palestine,
I, 356 et suiv. (2' édit.)
OBSliHVATIOiNS D'EPIGKAPHIE llÉBKAÏOUi:. 501
Je saisis cette occasion pour revenir, selon une
pralicjue que je crois ulile, sur des inscriptions que
j'ai publiées il y a quelque temps dans ce Journal ^ et
dont plusieurs savants, M. FrankeP, M. de Saulcy^,
M. Lévy et M. Geiger'^, se sont depuis occupés. 11
s'agit des deux inscriptions de Kefr-Bereirn.
La première de ces inscriptions est fort dou
teuse, et je n'en avais pas donné d'inlerprétation.
M. deSaulcy propose délire pc nn it^bii i:d : « Eléazar
fils de lefoun l'a bâti. » Mais quelque latitude de
lecture que permettent les caractères qui précèdent
")î:?VîC, un fait est certain , c'est qu'il y a là quatre let-
tres. r:D, qu'on pourrait être tenté de proposer, est
une forme impossible, les verbes n"b supprimant
totalement le n final avant le pronom suffixe. D'ail-
leurs, la place de l'inscription, sous une fenêtre, et
dans un endroit tout à fait accessoire, ne porte nul-
lement à croire que son objet soit d'indiquer le nom
du constructeur de l'édifice. C'est au-dessus de la
porte qu'une telle indication aurait dû se trouver.
L'arcbitecture de cette synagogue est très-régulière;
une telle anomalie ne se comprendrait pas.
M. Frankel ne j)ropose non plus sur cette inscrip-
' Mars-avril i8G/i.
° Monalsschrifl fi'ir Gcschichte nnd IVissenschafi des Judenthwns ,
avril i8f)5.
•^ heviie archéolocfiquc , '^mWei i865.
* Jûdische Zrifschrift f'iir Wlssrnschaff iind hrhen , m" amU'O ,
562 DECEMBRE 18 6 5.
tion rien de satisfaisant. Jl veut qu'il y ait là deux
inscriptions , d'époques diflerentes , le second écrivain
ayant, par une sorte dejeu, voulu continuer, avec un
sens ditï'érent, ce qu'il trouvait écrit. Il est très-vrai
(jue deux ou trois endroits de l'inscription semblent
offrir des retouches, dont noire gravure a tenu
compte. Néanmoins rhypothèse de JVl. Frankel est
inadmissible. Un tel jeu se comprendrait tout au plus
pour une inscription placée à la portée de la main.
Mais faire apporter une échelle pour se donner le
plaisir d'une sorte d'espièglerie sur un graffito anté-
rieur, voilà ce qui est de la plus haute invraisemblance.
Il faut donc rester encore dans le doute sur cette ins-
cription. Ayant de nouveau comparé la gravure sur
bois avec mon estampage , j'ai reconnu qu'on ne pou-
vait guère mieux rendre les traits de ce dernier. La
petite séparation entre les caractères pénultième et
antépénultième existe , et j'ai renoncé à voir là un n
ou un n . Je tiens du reste mon estampage , lequel est
l'équivalent du monument lui-même, à la disposition
des hébraïsants qui voudront reprendre la question.
Pour la grande inscription, les quatre savants que
j'ai nommés ne s'écartent de mon explication qu'en
de légers détails. Je vais néanmoins suivre l'une après
fautre toutes leurs observations, et consigner ici
quelques idées qui me sont venues depuis.
Les trois premières lettres, comme on se le rap-
pelle, offraient quelque difficulté. L'allusion au pas-
sage d'Aggée, qui se trouve dans la première partie»
de l'inscription , me j)orta à y chercher la racine
OBSERVATIONS D'ÉPIGKAPHIE HÉBHAÏQUE. 563
Îd:; je proposai de lire ^n:, ^n-; ou ]n^ \ en donnant
une certaine préférence h ]r\\ Bien que plausible,
cette explication n'offrait pas cependant le caractère
absolument plan que présente le reste de l'inscrip-
tion. M. Frankel a eu ici une idée singulière. Il veut
lire HTH DipDS Dibtî? in*» : « Que Jehova , qui est
la paix, [habite] en ce lieu, etc. . . » Cela est as-
surément bien peu naturel; je remercie toutefois
M. Frankel d'être revenu sui" ce passage, car c'est
en lisant ses observations à ce sujet que je suis arrivé
à une lecture et à une interprétation du passage en
question, qui est sûrement la vraie. Il faut lire in-
dubitablement wh^' M"» : «Que la paix soit
en ce lieu, etc. . . » Cela est si simple et si con-
forme aux habitudes de l'épigraphie hébraïque, que
je ne conçois pas comment je ne suis pas arrivé de
prime abord à cette idée. J'ai pour circonstance
atténuante le passage d'Aggée , qui me préoccupait
exclusivement, et la grandeur un peu insolite du
second \ M. Lévy et M. Geiger sont arrivés de leur
côté à la môme idée.
M. Frankel croit pouvoir citer quelques exemples
anciens de dV*?'^, employé comme nom propre. Lors
même que les exemples t[u'il cite ou qu'il a en
vue seraient démonstratifs (ce qui est douteux,
la vraie lecture étant peut-êti'e □l-'Ç^), l'hypothèse
que je juopose sur le nom Schalom ben-Levi dans le
' M. Frankel- veut voir une faute d'impression «évidente» dans
]îl''. îl n'a pas son<;é que la forme du futiu- hopbal |ri^ est usitée.
(V. (lesenius, Thcsanriis , p. 928.)
504 DECEMBRE 180 5.
voyage de Rabbi Saiiuiel bar-Simsoii n'en garderait
pas moins sa vraisemblance. Le nom de Schalom est
porté aujourd'hui par beaucoup de juifs; mais c'est
peut-être une altération de ScliaUoiim.
La lecture du nom propre riDP est approuvée par
les trois savants israélites allemands, et en particulier
confirmée par M. Frankel. M. de Saulcy élève ici
des objections. Il doute d'abord que les noms de
José et Joseph soient identiques. Mais c'est là un doute
qu'il abandonnera, j'espère, devant les démonstra-
tions données par M. Frankel. José est une altéra-
lion palestinienne du nom de Joseph. Le même
individu s'appelait Jo5^/)/i à Babylone et José en Pa-
lestine. Dans les manuscrits anciens du Nouveau-
Testament, les noms Icoa-rfs et lcoa'r](p s'emploient
inditféremment pour le même personnage K Nous
citerons bientôt un exemple du même genre tiré
du Pirhé Avoth. Eufm , on trouve dans les papiers
de Peiresc l'épitaphe d'un Syrien chrétien, émigré
en Gaule, du nom de lUJCHC^; or un chrétien n'a
pu prendre un tel nom que comme synonyme de
Joseph. La lecture ntûv proposée par M. de Saulcy,
outre qu'elle ne donne aucun sens, est paléogra-
phiquement bien moins satisfaisante que nor. En
effet, la troisième lettre est sûrement un d, comme
le prouve la comparaison avec le nom ^DV dans
' VoirWincr, Bihl. Uealwœrlerbucli , au mol Joscs ; i. C M. Lau-
rent , NeutestamcntliclieStudien (Gotha , 1 86()), j). i OH- 1 O9 ; Eif^litroot.
Horœ hebr. in Act. Apost. 1, 2.3.
' Eehiaiit, Iiisc>\ chrét. de la Gaule, u" 021.
OBSERVATIONS DEPJGPiAPHIE HÉBRAÏ(^)UE. 505
l'inscription du «Tombeau de saint Jacques ^)) Je
sais' que la forme "'DT' est bien plus fréquente que
nor. Cette deuxième forme cependant est employée
dans le Talmud de Jérusalem. M. Fiankel, talmu-
diste si exercé, déclare en connaître des exemples,
aussi bien que de la forme i<D'''' et nD^\
Quant à la date où l'on commença à employer
cette forme écourtée du nom de Joseph, M. de
Saulcy voudrait la reculer le plus possible. 11 cite
deux personnages du second siècle avant Jésus-
Christ, qui sont désignés dans quelques textes rab-
biniques par le* nom de José. Mais il faut remar-
quer que de telles particularités d'orthographe n'ont
de force probante que pour l'époque de la rédaction
des textes où elles se trouvent. La preuve, c'est que
les deux personnages cités par M. de Saulcy, Joseph
ben-Joézer de Séréda et Joseph ben-Johanan de
Jérusalem , sont indifféremment appelés Joseph (^Dv)
ou José (^cr) dans les meilleurs textes, en particu-
lier dans le Pirké Avoth (ch. i, § à, p. 5 , 6 de l'édi-
tion de Philippe d'Aquin).
En ce qui concerne le sens du mot ^^\>U , «lin-
teau,» je ne peux admettre les observations de
M. de Saulcy. ^)\>VD ne signifie pas «fenêtre ou
baie; »> le sens radical de f]p^* n'est pas «regarder. »
On peut s'en convaincre en consultant Gesenius,
Thésaurus, p. i /lyy-i /iyS, et Buxtorf, Lex. chald.
talm. et rabb. col. 2517-251 8.
' M. de Vogué , Le Temple de Jérusalem , p. 45 et 1 3o , et pi. xxxvir ,
fig. '1, pl clans ja Revue archéoloyiqae , avril i865, p. 326-327.
500 DÉCEMBRE 1800.
L'explication que j'avais proposée, d'après M. De-
renbourg, des dernières lettres c;r:î?DD, n'a pas satis-
fait mes savants émules. M. Frankel, réservant la
dernière lettre pour en faire une date, lit : N2D
^^02 nDin, K Veniat benedictio in viscera ejus. »
Pour diminuer ce qu'une telle expression a de cho-
quant, il suppose une allusion au Ps. cix, v. i8:
«Veniat (maledictio) sicut aqua in interiora ejus. >>
Mais l'allusion n'est pas suffisamment justifiée. L'hy-
pothèse d'après laquelle r^D serait pour v^D ^NSN5î,
avec allusion à Isaïe,XLviii, 19, est encore plus forcée.
Enfin, pour rendre possibles de telles explications,
M. Frankel est obligé de séparer le ^ et d'en faire la
date de l'inscription. Nous ne discuterons pas ses dif-
férentes suppositions l\ ce sujet, car elles vont toutes
se briser contre un fait évident, c'est le style du
monument, lequel exclut absolument les dates aux-
quelles M. Frankel est obligé de descendre pour
soutenir ses suppositions.
Négligeant, en effet, ce que j'avais dit du style
architectonique de la porte et des débris gisant alen-
tour, M. Frankel s'est laissé aller h Thypolbèse la
plus singulière. Il veut que la synagogue qui j)orte
notre inscription soit de la fin du x'^ ou du com-
mencement du xf siècle. Je regrette de ne pouvoir
donner encore de ces débris un dessin, qui sûre-
ment mettrait fin h un pareil débat. iMais je le dé-
clare, nulle confusion à cet égard n'est possible. La
synagogue en question est en très-grands matériaux,
en style romain*de décadence; elle olVre les jfar-
OBSERVATrONS D'EPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. 567
ticularités que présentent les édifices analogues du
temps des seconds Antonins. Je ne connais pas
en Syrie de synagogue du x" ou du xi^ siècle. Mais,
bien certainement, si on en a construit à cette époque ,
on ne les a pas construites en un style oublié depuis
six cents ans et nullement approprié aux habitudes
du temps. On ne peut donc pas tenir compte des ob-
servations de M. Fiankel sur ce point.
M. Lèvy s'était d'abord arrêté « faute de mieux , » à
une hypothèse analogue à celle de M. Frankel. Mais
c'est sûrement M. Geiger qui a eu ici l'idée la plus
ingénieuse. Il pense que le lapicide a vouki écrire
TD^DS, qu'ayant omis par mégarde le u après le :?,
il l'a écrit à la fin du mot, en le faisant suivre du ]
renversé, qui dans la Bible indique les transposi-
tions. J'ai de très-grands doutes sur ce dernier point,
d'autant plus que ce trait final de l'inscription est
fort indécis. Mais je regarde comme probable, en
effet, que l'on a voulu écrire rt^^i'Dn, et qu'il faut
simplement traduire : u Veniat benedictio in opéra
«ejus. )) M. Geiger, cependant, a tort de repousser
absolument l'explication de M. Derenbourg. Des
abréviations de ce genre n'ont rien d'invraisem-
blable, et la formule proposée par M. Derenbourg
est très-nsitée dans le rituel.
M. Lévy serait porté, par la paléographie, à sup-
' poser le monument un peu plus ancien que je ne
l'ai fait. Il ne croit pas qu'il y ait deux siècles d'in-
tervalle entre notre inscription et celle du «Tom-
beau de saint Jacques. » '
568 DÉCEMBRE 1805.
M. de Saulcy, sur la question de la date du mo-
nument, apporte avec raison beaucoup de réserve. Il
allègue cependant, pour fixer la date delà construc-
tion de la synagogue qui est dans l'intérieur du village,
un passage de Rabbi Samuel bar-Simson , où ce pèle-
rin dit que la synagogue de KefV-Bereim est une des
vingt-quatre synagogues que lit bâtir Rabbi Siniéon,
fils de Jochaï. M. de Saulcy prendrait volontiers
ce passage comme historique. Mais ces vingt-quatie
synagogues sont très-pi obablement une donnée lé-
gendaire dont on ne peut faire usage. Pour bâtir
vingt-quatre synagogues aussi belles que celles de
Kefr-Bereim. Siméon ben-Jocbaï aurait dû être un
Rothschild. Samuel bar-Simson voyageait en Pa-
lestine vers 12 10. Une telle tradition, h mille ans
d'intervalle, a bien peu de poids. Les pèlerins juifs
du moyen âge n'ont pas plus de critique que les
pèlerins chrétiens. Qui ne sait combien ces sortes
de relations établies entre les monuments de Pales-
tine et les hommes célèbres de la tradition juive et
chrétienne sont frôles, combien elles changent iVé-
quenmient ! Les guides de tous les temps ont été les
mêmes. Quelquefois, ces traditions qu'on vous donne
en un village comme immémoriales, n'ont pas cin-
quante ans de date; souvent même on peut toucher
du doigt leur formation. Tous les tombeaux de
Meïron ont ainsi des attributions à des célébrités tal-
inudiques, qui paraissent gratuites.
Quant à ridenlification de la synagogue qui porte
notre inscription avec le monument qui passait pour
OBSERVATIONS D'ÉPIGRAPHIE HÉBRAÏQUE. 569
celui de Pinehas ben-Jaïr, elle est peu probable. Ce
monument était, dit-on, situé au sud du village; le
nôtre (j'aurais dû le dire dans mon premier article ,
ainsi que M. de Saulcy en a fait la remarque) est au
nord-ouest. Du reste, quoique située maintenant
hors du village , la synagogue en question peut très
bien être l'une des deux synagogues que les pèlerins
juifs placent «dans le village.» Le village pouvait
être alors plus étendu; la distance des dernières mai-
sons à la synagogue est très -peu considérable; les
limites du village ne sont pas nettement tracées.
m.
Enfin, je reviendrai en quelques mots sur une
inscription trilingue, hébraïque, latine et grecque,
trouvée à Tortose , en Espagne , et publiée par M. Le-
blant et moi dans la Revue archéologique (novembre
î86o). Tous deux nous nous trouvâmes amenés à
attribuer cette inscription au vi^ siècle de notre ère.
Le P. Garrucci a contredit cette opinion [Cimitero
degli antichi Ebrei scoperto receniemente in Vigna Ran-
danini. Rome , 1 862 , p. 2 7-28 , et dans la Civiltà cat-
tolica, série 5, vol. 111, fasc. 296, p. 95), et voulu
rapporter ladite inscription à la période qui s'écoule
du x** auxiii^ siècle. Je ne puis me prêter à une telle
supposition. Je laisse à M. Leblant le soin de mon-
trer que le texte latin et le texte grec de l'inscription
ne peuvent être d'une si basse époque. Mais com-
ment admettre, en Espagne, aux \f et xif siècles,
l'emploi du grec dans une inscription funéraire î Le
;>70 DÉCEMBRE 1865.
grec était en Espagne, à cette époque, une langue
tout à fait inconnue. Les études classiques étaient
perdues. D'un autre côté, les rapports avec les pays
où l'on parlait grec étaient presque nuls. Sous les
Visigoths , au contraire , l'érudition grecque était
recherchée; on aimait à prouver qu'on en possédait
quelque chose; les auteurs donnaient des titres
grecs à leurs livres. C'est le temps d'Isidore de Sé-
ville , de Jean de Biclaro. J'ai recueilli là-dessus un
grand nombre de faits dans mon Mémoire encore
inédit sur l'étude du grec dans l'occident de l'Eu-
rope au moyen âge, couronné par l'Académie des
inscriptions et belles-lettres en i8/i8. Je me con-
tenterai ici d'inviter le lecteur à consulter Antonio,
Biblioiheca hispana Fêtas ,I,p. 179,18/1,186,193,
226, ilik, 202, 28-7, 307,308,321. Dans aucun
pays, au contraire, les études grecques et latines ne
furent plus abandonnées qu'en Espagne, à partir du
viii* siècle. Je persiste donc à regarder finscription
trilingue de Tortose comme antérieure à l'invasion
arabe , et même à la rapprocher le plus possible des
beaux temps de la dynastie des Visigoths.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 571
NOUVELLES ET MÉLANGES.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
PROCÈS-VEHBAL DE LA SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 1865.
La séance est ouverte à huit lieures par M. Reinaud, pré-
sident.
Le procès -verbal de la dernière séance est lu; la rédaction
en est adoptée.
Est présenté et reçu membre de la Société :
M. Waldemar Schmidt, de Copenhague.
Il est donné lecture d'une lettre de M. Ch. Durand, inter-
prèle militaire à l'armée d'Afrique, qui remercie le Conseil
de sa nomination de membre de la Société.
M. Barbier de Meynard annonce l'achèvement du vo-
lume IV des Prairies d'or de Maçoudi. Le volume est dans
ce moment au brochage et paraîtra sous peu de jours. Il
rend compte de l'état d'avancement auquel est arrivé le vo-
lume V ; il aura besoin prochainement des deux manuscrits
de la bibliothèque de Leyde qui ont été prêtés à M. Deren-
bourg, qui les a collationnés pour les quatre premiers vo-
lumes. M. Barbier de Meynard espère que le Conseil deman-
dera de nouveau à la bibliothèque de Leyde le prêt de ces
deux volumes, et que celte bibliothèque voudra bien donner
une nouvelle preuve de sa libéralité bien connue.
M. de Khanikof rend compte de la réponse favorable
qu'il a reçue de MM. Rieu et Birch sur la possibilité d'obte-
nir soit des empreintes, soit des photographies des tablettes
assyriennes à écriture phénicienne. Le Conseil charge M. de
572 DECKMBUE 1865.
Khanikof de Iransmellrc ses remercîmenis à MM. I\leu et
Birch.
M. Feer lit la traduction d'un Soutra bouddliique traduit
du tibétain.
OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIÉTÉ.
Par l'auteur. Le lanijcige, son histoire, ses lois, par le comte
d'Escayrac de Lauture. Paris, i865, in-Zi".
Par l'auteur. Die orientalischen Handschriften der lierzogli-
chen Bibliothek zu Gotha, verzeicbnet von D' W. Pertscb.
Vol. II. Manuscrits turcs. Vienne, i865, in-8°.
Par les auteurs. Calalocjus codiciim orientalium hibliothecœ
académies Lugduno-hatavœ , aucloribus P. de Jong et M. J. de
GoEJE. Vol. m. Leyde, i865, in-8°.
Par la Société. Annual report of the board of régents of the
Smithsonian institution. Washington, i865, in-8°.
Par l'auteur. Indische Studien, von D' Albrecht Weber.
Vol. IX, cahiers 2 et 3. Leipzig, i865, in -8°.
Par la Société. Balletin de la Société de géographie , pour
septembre. Paris, i865, in-8°.
Par l'éditeur. Actes de la Société d'ethnographie , SMivraison
(nouvelle série). Paris, i865, in-8°.
• Par la Société. Proceedings of the American philosophical
Society held at Philadelphia for promoting usefnl knowledge.
Vol. IX, n°' 71 et 72. Philadelphia, i865, in■8^
Par l'auteur. Annuaire philosophique, examen critique des
travaux de physiologie , de métaphysique et de morale accomplis
dans Vannée, par L. A. Martin. Vol. 11, livr. 7-10. Paris,
i865, in-8°.
Par la Société. Journal of the Asiatic Society ofBengal. Index
and Conlenis oi' vol. XXXIII. Calcutta, i865, in-8°.
— (Même journal.) Parlie 1, n° 2. Partie 2, n°* 1 et 2.
Calcutta, i865, in-8°.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 573
HoMO.\YMA iNTER NOMI^'A RELATiVA , auctOFc Abul Fadljl Moham-
med Ibn Tallir al-Makdisi, vulgo dicti Ibn el-Kaisarani, qua^ cum
appendice Abu Musœ Isfabanensis edidit D*^ P. Dk Jong. Lcydc ,
i865, in-S" (xix et 229 pages).
L'habitude des Arabes de citer ies auteurs plutôt par uni-
épithèle, qui devient un surnom, que par le nom propre,
donne lieu à de nombreuses dilïicultés, surtout quand deux
ou plusieurs auteurs portent le même surnom. L'auteur du
traité dont je viens de donner le titre a voulu remédier à
cet inconvénient par un dictionnaire de ces surnoms portés
par plusieurs hommes. 11 était né à Jérusalem en liàS, et
paraît avoir joui d'une grande réputation de savoir. Il place
les surnoms dans leur ordre alphabétique, et procède, sous
chacun» à donner les indications nécessaires pour distinguer
les personnes noiables qui l'ont porté. La plupart de ces
notices sont fort brèves , et , comme il s'agit en général de
traditionnistes , il indique leurs maîtres et quelquefois leurs
disciples, mais non pas la date de leur naissance ou de leur
mort, ce qui crée de nouvelles difficultés à des Européens
qui ne sont pas aussi versés dans la généalogie spirituelle de
ces docteurs qu'on l'est dans les écoles musulmanes. Néan-
moins l'ouvrage sera incontestablement utile, et M. de Jong
a très-bien fait de le publier. Il y a ajouté un supplément
composé par un auteur du \f siècle de l'hégire , et la biogra-
phie de Raisarani par Makrizi. L'éditeur n'a pas accompagné
le texte d'une traduction, et, de fait, elle est à peine néces-
saire pour un livre facile et destiné avant toul aux hommes
du métier. — J. !VI.
VT.
38
574 DÉCEMBRE 1865.
ERKATA DU CAHIER DE MAI-JUIN I 865.
Page 376 , ligne 6 , au lieu de jfnîl , iisez rrtf^cFT :
Ibid. ligne i5, au lieu de gnftlTTî^» lisez qrdriTnif-
Page 379. le premier hémistiche de la stancc 3i doit être com
piété ainsi :
dlivajavajrânkuçâiïkâni rehhâvanty dli puçyata \
Page 379, stance 35 c, au iieu de °hrila°, lisez °hrita°.
Ibid. stance 36 a, devant saynarlhânjd , mettez un S.
Page 38 1, stance 55 c, ajoutez une seconde fois hrisneti.
Ibidé stance 59 d, séparez xapitâ de hitali, et de même , dans I.'
variante donnée en note, lisez xayitâ hilah.
Page 386, note, ligne 9, au lieu de \'mode na, lisez "vinodena.
Ibid. ligne i3, au lieu de nirvitti°, lisez nirtritti".
Page 398, stance 9 c, au lieu de qTT^Tl^olcht , lisez g^T^TiTcTcFiT.
Page 399, stance 11 a, au lieu de «q-oUq» lisez °qrRnT".
Page 4oo, stance 20 c, au lieu de ^rj?^j%^, lisez ^(^lï^n"-
Page 4oi, stance 35 a, au lieu de rfi^^WM , lisez rTHTriTFT.
Page 4o2 , stance Sg cd, au lieu de "JâMt^o, lisez °4à(\|iT)°.
Page 4o6, avant-dernière ligne, au lieu de 'frf , lisez «Ffî».
Page 407, après le ^ (jui termine la stance 2 , ajoutez :.
Page /ii6, ligné 7 et en d'autres passages, au lieu de liàrno:
lisez Ramâ.
Page 432 , note 4 , au lieu de Piianij lisez Phanin.
TABLE DES MATIERES. 57;
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS LE TOME VI, W SERIE.
MEMOIRES ET TRADUCTIONS.
Pa
g<-s.
Procès-verbal de la séance annuelle de la Société asiatique
tenue le 28 juin 1 865 5
Tableau du Conseil d'administration , conformément aux no-
minations faites dans l'assemblée générale du 28 juin 1 865. 0
Rapport sur les travaux du Conseil de la Société asiatique ,
pendant l'année i864- 1865, fait à la séance annuelle de
la Société, le 28 juin i865 , par M. Jules Mohl il
Liste des membres souscripteurs, par ordre alphabétique. . . 112
Liste des membres associés étrangers, suivant l'ordre des no-
minations 128
Liste des ouvrages publiés par la Société asiatique 129
Collection d'ouvrages orientaux 132
Grande inscription du palais de Khorsabad. (MM. Oppert et
MENANT. ) 133
Appendice, par M. Oppert 283
Etudes paléograpbiques sur l'alphabet pehlevi, ses diverses
variétés et son origine. (M. François Lenormant.) 180
Le papyrus judiciaire de Turin , publié et traduit pour la pre-
mière fois , par M. Devéria 227
Suite 331
Quelques chapitres de médecine et de thérapeutique arabes.
Texte arabe, publié, traduit, suivi d'une liste de termes
tecb niques et autres. ( M. le D' B. R. Sanguinetti.) 378
Introduction du Buddhismc dans le Kashmir. (M. Léon Feer.) 477
Nouvelles observations d'épigraphic hébraïque, (M. Renan.).. 550
576 DÉCEMBRE 1865.
NOUVELLES ET MELANGES.
Piiges.
Procès-verbal de la séance du id juillet i865 261
Publication de la Société de M'kitzé Nirdamin. (M, Deren-
BODRG.) — Poésies de l'époque desThang, traduites du chinois
• par le marquis d'Hervey Saint-Denys. (Cliarles Labarthe.)
Procès-verbal de la séance du i3 octobre i865 470
Histoire des khans de Kassimoff(en russe), par M. Wélia-
minofF-Zernotl'. (V. Langlois. ) — Die Himjarische Kasideh,
herausgegebcn und ùbcrsetzt von R. von Kremer. (J. M.) —
Letters from Egypt, 1 863-i8G5, by Lady DuffGordon (J. M.)
Procès-verbal de la séance du lo novembre i865 r>7 I
Homonyma, etc. par M. P. De Jong. ( J. M.) — Errata du
cahier de mai-juin i865.
FIN DE LA TABLE
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Journal asiatique
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