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Full text of "Journal asiatique"

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JOURNAL  ASIATIQUE 


SIXIEME   SERIE 

TOME   V 


JOURNAL  ASIATIQUE 


OD 


RECUEIL    DE   MEMOIRES 

D'EXTRAITS  ET  DE  NOTICES 

RELATIFS  A  L'HISTOIRE,  A  LA  PHILOSOPHIE,  AUX  LANGUES 
ET  A  LA  LITTÉRATURE  DES  PEUPLES  ORIENTAUX 

uésigé 

PAU  MM.  BARBIER  DE   MEYNARD  ,  BELIN  ,   BOTTA,  CAUSSIN    DE    PERCEVAL 

CHERBONNEAU,   DEFRÉMERY,  DDGAT,    DOLAURIER,  FOUCAUX 

GARCIN  DE  TASSy,  STAN.  JULIEN 

KASEM-BEG,  MOHI.  ,   MDNK  ,   OPPERT,    REGNIER,   REINAUD 

r.ENAN,  DE  ROSNY,  DE  ROUGE,  SÉDILLOT 

DE  SLANE,   ETC. 

ET  PUBLIÉ  PAR  LA  SOCIÉTÉ  ASIATIQUE 


SIXIEME  SERIE 
TOME   V 


PARIS 

IMPRJMF,    PAR   AUTORISATION    DE   M.    LE   GARDE   DES   SCEAUX 

A  LTMPRIMERTE  IMPÉRIALE 


M    DCCG   LXV 


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35 
seV.  6 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

JANVIER-FÉVRIER  1865. 


LE  LIVRE 
DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES, 

PAR    IBN-KHORDADBEH, 

PUBLIÉ,  TRADUIT  KT  ANNOTi; 

PAR  C.  BARBJER  DE  MEYNARl). 


INTRODUCTION. 

Publier  et  traduire  un  des  plus  anciens  documents  des 
archives  musulmanes, d'après  deux  copies  mutilées  et  à  peu 
près  illisibles,  est  une  tentative  dont  je  ne  me  dissimule  pas 
la  témérité.  Il  y  a  là,  en  effet,  un  double  écueil.  Si  l'on  se 
borne  à  reproduire  l'original,  par  un  calque  fidèle,  qui  en 
conserve  toutes  les  imperfections  ,  on  ne  livre  au  public  qu'un 
texte  hérissé  de  difficultés,  plein  d  incertitudes  et  d'un  usage 
très-limité.  L'édition  autograpbiée  du  Livre  des  Climats ,  d'is ■ 
takhri,que  bien  peu  de  savants  ont  le  courage  de  consulter, 
et  la  traduction  allemande  de  cet  ouvrage,  presque  aussi  dé- 
laissée, ne  sont-elles  pas  la  preuve  des  inconvénients  que 
présente  ce  mode  de  publication  ?  8i ,  d'autre  part ,  pour  épar- 
gner an  lecteur  de  pénibles  recherches,  on  entreprend  de 
restituer  un  texte  contre  lequel  les  efforts  de  la  critique  vien- 
nent trop  souvent  se  briser,  on  risque,  ce  qui  n'est  pas  un 
moindre  péril,  d'effacer  le  caractère  original  de  l'œuvre, 
d'en  dénaturer  le  sens  et  d'y  substituer  de  vaines,  conjectures. 


6  .lANMEK-FEVlilEK  18G5. 

Je  ne  dois  donc  ni  m'étonner,  ni  me  plaindre  du  senlimenl 
de  méliance  qui  accueillit  l'annonce  de  ce  travail.  Prétendre 
qu'il  est  le  résultat  d'un  défi,  ce  ne  serait  ni  rendre  exac- 
tement ma  pensée,  ni  dissiper  de  légitimes  appréhensions; 
mais,  il  faut  bien  en  convenir,  l'attrait  d'une  sérieuse  diffi- 
culté à  vaincre  n'a  pu  que  stimuler  mes  forces  et  tenir  ma 
vigilance  en  haleine.  Ai-je  toujours  su  éviter  le  double  péril 
que  je  viens  de  signaler?  Ma  traduction  n'est-elle  pas  deve- 
nue çà  et  là  trahison?  Il  y  aurait,  de  ma  part,  plus  que  de 
la  présomption  à  l'affirmer.  J'ai  cru  néanmoins  que  des  dil- 
licultés  de  détail  ne  sauraient  entraver  la  publication  d'un 
document  estimable,  dont  la  science  peut  faire  son  profit. 
Puisse  le  suffrage  du  lecteur  me  prouver  que  celte  convic- 
tion est  fondée! 

Je  dois,  avant  tout,  faire  connaître  les  matériaux  qui  ont 
été  mis  à  ma  disposition. 

Il  y  a  quelques  années,  me  trouvant  à  Oxford,  ou  j'étudiai 
le  texte  du  grand  dictionnaire  géographique  de  Yakout,  je 
cherchai,  dans  la  riche  collection  de  la  bibliothèque  bod- 
léienne,  tout  ce  qui  pouvait  m'offrir  d'utiles  renseignements 
sur  la  Perse  musulmane.  Le  traité  d'Ibn-Khordadbeh,  dont 
un  fragment  d'un  grand  intérêt  avait  été  déjà  traduit  par 
M.  Reinaud  [Introd.  à  la  géographie  des  Orientaux,  p.  Lvm), 
fut  un  des  livres  que  je  mis  à  contribution.  Les  premières 
difficultés  de  lecture  surmontées,  je  fus  élonné  de  l'abon- 
dance de  détails  précieux  qui  se  cachaient  sous  une  rédac- 
tion sèche  et  monotone.  Je  me  proposai  d'en  prendre  une 
copie,  sans  toutefois  songer  encore  à  en  îaive  l'objet  d'une 
élude  particulière;  mais,  pressé  par  le  temps,  je  dus  partir 
avant  d'avoir  mis  mon  dessein  à  exécution. 

En  1862,  un  savant  hébraisant,  M.  A.  Neubauer,  voulut 
bien  se  charger  de  ce  soin,  pendant  son  séjour  à  Oxford, 
et  il  s'acquitta  de  sa  tache  avec  tant  d'exactitude,  que  je  pus 
me  considérer  comme  possesseur  d'une  photographie  de  l'o- 
riginal. La  copie  d'Oxford,  la  seule  qui  ait  été  signalée,  jus- 
(]ii  ;.  .w.  W..M    rj  .M.  Mr.w  rf ,1  |p(» j, ,t)^  d'Kuropc,  csl  décrilc  avec 


INTRODUCTION.  7 

soin  dans  le  Catalogue  de  la  Bodléienne  (Catalogue fonds  Uri, 
n"  U33).  C'est  un  volume  in-S"  de  64  folios,  sur  papier  de 
soie,  d'une  écriture  grosse  et  espacée.  Une  lacune  considé- 
rable se  remarque  vers  la  fin.  On  lit  sur  le  dernier  feuillet 
que  la  copie  a  ététermiijée  le  jeudi  12  redjeb63o  (mai  i232). 
Ce  feuillet  et  les  deux  qui  précèdenl  sont  d'une  écriture  dif- 
férente. La  plupart  des  noms  propres  sont,  ou  privés  de  points 
diacritiques,  ou  ponctués  au  hasard.  Quelques  leçons,  mais 
en  petit  nombre,  ont  été  corrigées  à  la  marge;  en  outre, 
une  main  européenne  a  indiqué  certaines  corrections  sur  le 
texte  arabe. 

Je  me  mis  aussitôt  à  l'œuvre,  et,  comme  la  Perse  m'était 
mieux  connue,  c'est  par  là  que  je  commençai  mes  essais  de 
déchiffrement.  Après  quelques  jours  de  travail,  je  constatai 
avec  une  vive  satisfaction  que  la  comparaison  de  plusieurs 
passages  entre  eux,  et  mieux  encore  la  lecture  des  anciens 
géographes  arabes,  me  révélaient  des  leçons  certaines,  là  où 
je  n'avais  vu  d'abord  que  des  formes  énigmatiques  et  des  grou- 
pes illisibles.  Un  secours  inespéré  redoubla  mon  ardeur. Un  des 
hommes  les  plus  éclairés  de  l'empire  ottoman ,  S.  Exe.  Ahmed 
Véfyk-Efendi,  alors  ambassadeur  de  la  Porte  à  Paris,  était 
sur  le  point  de  retourner  à  Gonstantinople ,  quand  je  lui  mon- 
trai le  premier  résultat  de  mes  recherches.  Ce  savant ,  qui  a 
pris  lui-même  une  part  considérable  au  développement  scien- 
tifique de  la  Turquie,  m'apprit  qu'une  copie  d'Ibn-Rhordad- 
beh  existait  encore  au  fond  d'une  des  mosquées  de  la  capi- 
tale, et  voulut  bien  m'en  promettre  la  communication.  Toutes 
les  bibliothèques  étant  soumises  aux  règlements  qui  régissent 
les  vaqoufs ,  aucun  livre  ne  pouvant,  par  conséquent,  être 
prêté  au  dehors,  l'ambassadeur  m'invita  à  lui  adresser  le 
texte  que  j'avais  entre  les  mains.  Dès  qu'ill'eut  reçu,  il  char- 
gea trois  personnes  versées  dans  la  littérature  arabe  et  per- 
sane de  comparer  les  deux  manuscrits,  et,  leur  examen  ter- 
miné, de  préparer  une  copie  bonne  pour  1  impression.  L'in- 
tention d' Ahmed-Véfyk  était  de  publier  le  texte  à  l'imprimerie 
du  Moniteur  ottoman,  en  me  laissant  le  soin  de  le  traduire  et 


8  JANVIEK-FÉ\  HIER   1865. 

de  le  commenter.  Mais  une  ol»jeclion ,  facile  à  prévoir,  le 
iorça  d'y  renoncer.  La  reslitulion  complète  du  manuscrit  fut 
déclarée  impossible,  à  cause  des  lacunes  et  des  noms  illi- 
sibles qui  le  déparaient.  Son  Excellence,  appelée  à  Brousse 
par  une  mission  urgente,  m'envoya  alors  tous  les  matériaux 
réunis  par  ses  soins ,  sans  trop  espérer,  je  crois ,  qu'un  meilleui- 
parti  put  en  être  tiré. 

Je  ne  puis,  à  mon  grand  regret,  donner  ici  la  description 
du  manuscrit  dont  je  dois  une  reproduction  tidéle  à  la  libé- 
ralité de  ce  haut  personnage.  Depuis  son  départ,  toutes  mes 
démarches,  secondées  cependant  par  le  zèle  de  notre  colla- 
borateur, M.  Belin,  n'ont  pu  me  faire  obtenir  les  renseigne- 
ments dont  j'avais  tant  besoin.  Mais  une  'étude  minutieuse 
des  d€ux  documents  me  permet  d'affirmer  qu'ils  proviennent 
Tun  et  l'autre  d'une  source  commune,  c'est-à-dire  d'une  ré- 
darlioM  abrégée,  la  seule,  comme  je  l'établirai  bientôt,  qui 
î-oit  parvenue  jusqu'à  nous.  La  copie  de  Constantinople  ^  pré- 
sente malheureusement  les  mêmes  lacunes,  le  même  désordre 
que  celle  d'Oxford;  elle  m'a  cependant  fotnni  un  assez  grand 
nombre  de  leçons  qui  étaient  illisibles  dans  celte  dernière. 
J'ai  indiqué  les  variantes  principales  dans  les  renvois  placés 
au-dessous  du  texte;  les  autres  dans  les  notes  de  la  traduc- 
tion. A  la  copie  turque  était  joint  le  corrigé,  résultat  de  la  ré- 
vision faite  à  Constantinople,  et  destiné  d'abord  aux  presses 
de  l'imprimerie  officielle.  Ce  travail,  dû  en  grande  partie  aux 
soins  d'un  Arabe  instruit,  Abdur-Rahman-Efendi ,  n'a  qu'une 
importance  grammaticale.  Les  fautes  de  langage,  imputables 
à  la  négligence  des  copistes,  y  sont  corrigées,  et  quelques 
termes  inusités,  expliqués  avec  justesse;  mais  à  cela  se  borne 
la  part  de  collaboration  du  savant  kialib ,  et  lui-même  a  re- 
connu avec  franchise  qu'il  ne  saurait  aller  plus  loin  dans  celle 
tentative  de  restauration. 

Et,  en  elTet,  les  inappréciables  secours  que  la  critlcjue 
«'iiropéenne  lire  de  l'examen  comparé  des  textes,  de  l'élude 

'  Elle  Csl  désigiici-  duns  les  notes  par  la  loltrc  l> ,  ri  la  co|)ic  d'Oxforil 
[>.ir  la  IfUi'f  A. 


INTROD-UCTION.  0 

(les  productions  contemporaines,  des  circonslances  particu- 
lières et  des  influences  au  niiiieu  desquelles  l'auteur  se  trou- 
vait placé;  en  un  mol,  tous  ces  procédés  délicats  qui  rendent 
la  vie  à  une  œuvre  morte  n'existent  pas  pour  l'érudition 
musulmane.  Elle  a  fourni  ses  preuves,  cependant,  et  la  sa- 
gesse avec  laquelle  elle  a  su  jadis  coordonner  ses  traditions 
montre  jusqu'où  elle  aurait  pu  aller  dans  celle  voie,  si  les 
subtilités  de  la  dialectique,  le  culte  exclusif  de  la  forme 
n'avaient  épuisé  ses  forces  et  rétréci  son  horizon.  Bornons- 
nous  désormais  à  lui  demander  l'accès  plus  facile  de  ses  tré- 
sors littéraires,  et  la  connaissance  plus  parfaite  du  langage, 
sans  laquelle  la  science  ne  saurait  échapper  aux  conjectures. 

Cet  historique  un  peu  minutieux  des  préliminaires  de  mon 
travail  devait  trouver  place  ici,  ne  fût-ce  que  pour  en  expli- 
quer les  imperfections.  Je  vais  essayer  maintenant  de  saisir 
la  physionomie  bien  effacée  d'Ibn-Rhordadbeh,  d'apprécier 
le  caractère  général  de  son  ouvrage  et  de  signaler  les  em- 
prunts qui  lui  ont  été  faits. 

Si  l'auteur  du  Livre  des  roules  avait  consacré  ses  veilles  à 
compulser  les  traditions,  ou  à  discuter  quelque  problème  de 
droit  ;  s'il  avait  enrichi  la  grammaire  et  la  poésie  de  commen- 
taires volumineux,  les  détails  de  sa  vie  nous  auraient  sans 
doute  été  révélés.  Le  silence  des  biographes,  tels  que  Thâ- 
lebi ,  Ibn-Khallikan ,  etc.  est  d'autant  plus  regrettable  que  le 
seul  de  ses  écrits  respecté  par  le  temps  ne  peut,  en  aucune 
façon,  y  suppléer.  Quelques  lign<'s  du  consciencieux  biblio- 
thécaire qui  rédigea  le  Filirisi^ei  deux  ou  trois  phrases  éparses 
dans  les  Prairies  d'or,  voilà  tout  ce  que  j'ai  pu  recueillir  sur 
un  homme  qui,  par  son  caractère  politique,  son  esprit  cul- 
tivé et  sa  plume  facile  ,  joua  un  rôle  brillant  à  la  cour  du 
khalife  Moutamid.  Abou'l-Kaçem-Obeïd- Allah,  fils  d'Abd- 
Allah,  fils  de  Khordadbeh,  descendait  d'une  famille  persane. 
Son  grand-père,  dont  le  nom  ^  atteste  suflisamment  l'origine 
guèbre,  abjura  la  religion  deZoroastre,  pour  plaire  aux  Bar- 

'  Khordadbeh  signifie  en  parsi  «l'excellent  don  du  soleil;»  c'est  l'équi- 
valent du  grec  Héliodore. 


10  JANVIER-FEVRIER  1865. 

mécides,  ses  protecteurs.  L'histoire  ne  nous  dit  rien  du  néo- 
converti,  ni  de  son  (Ils  Abdallah*;  mais  il  est  à  présumerque 
des  places  et  des  honneurs  furent  le  prix  du  sacrifice  de  leur 
nationalité.  On  sait  quelle  influence  les  idées  persanes  exer- 
cèrent ^UT  le  système  gouvernemental  des  khalifes.  Ibn  Rhal- 
doun  et  Mawerdi  affirment  que  la  création  des  Quatre  divans 
et  leurs  attributions  diverses  furent  empruntées  à  l'ancien 
mode  d'administration ,  établi  par  les  Sassanides.  Les  Arabes , 
méprisant  l'idiome  des  vaincus  et  fuyant  les  complications 
de  la  carrière  administrative,  en  laissèrent  volontiers  le  soin 
à  des  mains  étrangères.  Si,  eu  Egypte,  les  Coptes  purent 
rarement  prétendre  à  d'autres  emplois  que  ceux  de  receveurs 
et  d'agents  comptables ,  au  contraire ,  dans  les  provinces  orien- 
tales, les  Persans  et,  après  eux,  les  Turcs,  surent  atteindre 
aux  premières  fonctions  de  l'Etat.  L'omnipotence  de  la  fa- 
mille de  Barmek,  sous  Rachid ,  celle  de  Fadhl  et  de  Haçan 
ben  Sehl ,  sous  el-Mamoun ,  agrandirent  la  sphère  d'action  de 
leurs  compalrioles.  Ibn-Khordadbeh ,  né  dans  les  premières 
années  du  m'  siècle  de  l'hégire,  dut  sans  doute  à  son  origine 
persane,  plus  encore  qu'à  la  faveur  du  khalife Moutamid  (256- 
272) ,  le  grade  important  de  chef  des  postes  dans  le  Djébal, 
ou  anciennf  Médie. 

L'organisation  des  postes  était  vraisemblablement  d'origine 
romaine.  Je  pense,  avec  M.  Reinaud,  que  le  mot  berid,  qui 
désigne,  iiinsi  que  sikkeh,  l'ensemble  de  ce  service,  est  dé- 
rivé de  veredas  ou  veredarius.  Dans  Festus  (sub  verbo),  vere- 
dus  signifie  «  un  cheval  d'allure  rapide  servant  au  transport 
des  dépèches-.  D  La  poste  romaine  fonctionnait  encore,  en 

'  Le  père  de  notre  auteur  est  quelquefois  nommé  Ahmed,  notamment 
dans  le  Fihrisl;  mais  celte  variante  ne  se  Ht  pas  dans  les  deux  copies. 

'  (Cependant  une  autre  étymologic  est  proposée  par  quelques  auteurs 
arabes,  ils  prétendent  que  fcenV/ vient  du  persan  bnriden  «couper,  »  parce  que 
les  cbevaux  de  poste  avaient  ordinaircmeut  la  queue  coupée.  11  est  surpre- 
nant que  le  savant  auteur  de  Post-  uiul  Reiscroutcn  ail  accepté  sans  hésiter 
cette  plaisanterie.  Autant  vaudrait  admettre,  avec  les  mêmes  auteurs,  que 
divan  (bureau,  cour  des  comptes)  est  tiré  de  divanè  ou  de  div ,  parce  que, 
rians  le  feu  fin  travail,  rrniplovt'  se  rh'm»  ne  ((.iimii'  un  Inn     l't  .■!•.>     m:,,- .;, .^ 


INTRODUCTION.  11 

Svrie,  lorsque  Yézid ,  fils  de  Moâvyah,  en  lil  l'application 
dans  ses  Etats.  Selon  nos  idées  modernes,  ia  poste  est  véri- 
tablement un  service  public,  puisque  les  intérêts  des  particu- 
liers y  marchent  de  pair  avec  ceux  du  gouvernement.  Il  n'en 
était  pas  ainsi,  à  l'époque  des  khalifes.  Deux  fragments  du 
livre  du  Kharadj  par  Codama ,  dont  le  docleur  A.  Sprenger 
a  déjà  signalé  l'importance  \  prouvent  que  la  transmission 
des  dépêches  n'était  pas  le  seul  but  de  cette  institution.  «  Le 
chef  du  herid,  nous  dit  l'ancien  écrivain  arabe ,  doit  avoir 
un  divan  particulier  où  viennent  aboutir  toutes  les  lettres 
dont  la  transmission  est  confiée  à  ses  soins.  Il  veille  à  ce 
qu'elles  arrivent,  en  temps  voulu,  à  leur  destination.  11  dé- 
pouille la  correspondance  de  ses  agents,  groupe  leurs  infor- 
mations, et  les  porte,  intégralement  ou  en  extraits,  à  la  con- 
naissance du  prince  des  croyants.  Sous  ses  ordres  sont  pla- 
cés ]es  fervanegul ,  les  mouakki'  et  les  subalternes  attachés  aux 
relais;  il  se  charge  de  les  payer,  et  prend  les  mesures  né- 
cessaires pour  que  le?  lettres  et  valises  circulent  régulière- 
ment entre  tous  les  grands  centres  de  l'empire.  »  Ailleurs 
Codama  cite  un  décret  d'investiture,  adressé  par  le  khalife 
au  chef  des  postes,  où  se  lit  ce  qui  suit  :  «Ordre  est  donné 
au  fonctionnaire  susdit  d'inspecter  les  courriers  placés  sous 
ses  ordres ,  de  dresser  un  état  contenant  leurs  noms ,  le  chiHVe 
de  leurs  appointements ,  les  frais  de  leur  entretien  ,1e  nombre 
des  relais  et  l'évaluation  précise  des  distances ,  dans  toute  l'é- 
tendue de  son  ressort.  Il  est  responsable  de  la  prompte  expé- 
dition des  valises  dont  les  courriers  sont  porteurs.  Il  veillera 
à  ce  que  les  mouakki'  observent  avec  ponctualité  les  heures 
de  départ  et  d'arrivée,  de  sorte  qu'il  n'y  ait  jamais  de  retard 
dans  le  service  dont  ils  sont  chargés.  » 

Ce  curieux  fragment  nous  révèle  l'existence  d'une  hiérar- 

con  torsion  s ,  il  ressemble  aux  démons  de  l'enfer.  Privés  du  sentiment  philo- 
logique ,  les  Orientaux  ne  demandent  à  l'étymologie  qu'un  prétexte  à  jeux  de 
mots.  Accueillons  ces  prétendues  explications  comme  une  preuve  de  la  sub- 
tilité de  leur  esprit ,  mais  gardons-nous  de  les  prendre  au  sérieux. 
'  Voyez  Posi-  und  Reiscrouten ,  Vorrede,  p.  5. 


12  JANVIER-FEVHIER  1805. 

chie  régulièrement  élablie  dans  celle  partie  de  l'administra- 
licn  musulmane.  11  esl  facile,  en  le  rapprochant  d'autres  té- 
nioiiïnages,  d'en  connaître  les  rouages  intérieurs.  De  dix  en 
dix  kilomètres,  en  Perse,  et  à  une  dislance  double,  en  Syrie 
et  en  Egypte,  sont  établis  des  relais  [mbat ,  sikkch  ,  merkez  eh 
berid,  etc.);  deux  ou  Irois' chambres  meublées  d'un  tapis  et 
une  écurie  assez  vasle,  voilà  l'aspect  ordinaire  de  ces  lieux 
de  halle.  Un  certain  nombre  de  mourabbit  o  employés  subal- 
ternes u  y  veillent  nuit  et  jour,  prêts  à  monter  à  cheval  et  à 
porter  au  relais  voisin,  dans  le  temps  rigoureusement  fixé, 
les  lettres ,  groups  d'argent  et  autres  objets  qui  circulent  pour 
le  compte  du  gouvernement.  Ces  relais,  divisés  par  arron- 
dissements, sont  placés  sous  la  surveillance  d'un  employé 
(moiiakki'),  chargé  d'apposer  le  sceau  (/er/rr)  de  réception  sur 
les  dépèches,  et  de  maintenir  la  régularité  et  la  rapidité  des 
communications  postales.  Les  rapports  que  cet  agent  est  tenu 
de  rédiger,  non  point  seulement  sur  son  service  particulier, 
mais  aussi  sur  tout  événement  local  de  nature  à  intéresser  le 
gouvernement,  sont  transmis  au  fei^vanegiii,  sorte  d'inspec- 
teur divisionnaire,  qui  les  revise,  les  complète,  à  l'aide  de 
ses  informations  personnelles,  et  les  adresse  au  directeur  gé- 
néral de  la  province.  Ce  dernier,  véritable  agent  politique, 
correspond  avec  le  vizir  et,  au  besoin,  avec  le  khalife,  sans 
intermédiaire.  Menées  politiques  et  religieuses,  état  des  es- 
prits, relevés  commerciaux,  poids  et  mesures,  en  un  mot 
tout  ce  qui  touche  à  la  sécurité  du  pouvoir  et  à  l'ordre  public 
doit  être  mentionné  dans  ses  rapports.  Du  zèle  et  de  l'intel- 
ligence que  ce  fonctionnaire  déployait  dans  son  difficile  mi- 
nistère dépendait,  en  quelque  sorte,  le  repos  de  l'État,  sur- 
tout à  une  époque  où  la  difficulté  des  communications,  la 
variété  des  races  soumises  à  l'islam,  et  tant  d'autres  causes 
encore,  eussent  paralysé  l'influence  de  cette  centralisation 
savante,  qui  est  l'œuvre  et  peut-être  le  péril  de  nos  sociétés 
modernes.  Un  fait,  rapporte  par  Ibn-Khallikan ,  vient  à  l'ap- 
pui de  ce  que  nous  apprend  Codama  du  rôle  politique  du 
i\xf'i'  .|,s.  j.ov;t«.v    Pulhl  l>pn  Yahya  ,  ayant  clr  nomme  goiiver- 


INTRODUCTION.  13 

iieur  général  dans  le.  Khoraçàn,  négligea  d'abord  les  aiïaires, 
pour  s'adonnera  lâchasse  et  aux  plaisirs.  Pendant  longtemps 
Haroun  ar-Rachid  n'en  fut  pas  instruit;  mais  un  jour  qu'il 
s'entretenait  familièrement  avec  Yahya,  père  du  jeune  gou- 
verneur, il  reçut  un  rapport  du  chef  du  bcrid,  où  la  conduite 
frivole  de  Fadhl  et  le  mécontentement  du  peuple  étaient  signa- 
lés sans  le  moindre  ménagement.  Sur  l'ordre  de  Rachid, 
Yahya  prit  connaissance  de  ce  message;  puis  il  écrivit,  au 
verso  de  la  page  ,  quelques  lignes  de  reproches,  et  renvoya 
le  tout  à  son  fds,  par  la  même  voie.  Cet  avertissement  sufht 
pour  rappeler  Fadhl  au  sentiment  de  ses  devoirs. 

Telle  fut  la  part  que  prit  sans  doute  Ibn-Khordadbeh  au 
gouvernement  du  khalife  Moutamid,  et  c'est  en  ce  sens  que 
le  voyageur  Mokaddessi ,  lequel  écrivait  un  siècle  plus  tard, 
a  pu  dire,  sans  trop  d'exagération,  que  l'auteur  du  Livre  des 
roules  fut  non-seulement  l'ami,  mais  l'un  des  vizirs  du  kha- 
life. Ce  titre  pouvait,  à  la  rigueur,  être  donné  à  un  agent  qui 
avait  le  droit  de  correspondie  directement  avec  l'émir  des 
croyants,  et  dont  le  contrôle  s'étendait  sur  les  délégués  du 
pouvoir,  <à  tous  les  degrés  de  la  hiérarchie  administrative. 

Mais  figura-t-il  lui-même  au  nombre  des  vizirs  en  litre ,  qui 
se  disputèrent  le  pouvoir,  pendant  les  vingt-trois  années  de 
ce  règne?  Aucun  témoignage  historique  ne  le  laisse  supposer. 
Maçoudi  et  Ibn-el-Afhir  gardent  le  silence  le  plus  absolu.  El- 
Fakhri,qui  consacre  pourtant  un  paragraphe  particulier  à 
chaque  ministre,  ne  dit  pas  un  mot  d'ibn  Khordadbeh.  On 
sait,  d'ailleurs  ,  que  le  faible  Moutamid,  plus  soucieux  de  ses 
plaisirs  que  des  intérêts  de  son  empire,  avait  laissé  toute  la 
responsabilité  des  all'aires  à  son  frère  Mouaflak.  Esprit  cul- 
tivé et  élégant,  passionné  pour  la  poésie  et  la  musique,  ce 
khalife  aimait  à  s'entourer  d'hommes  de  lettres  et  d'artistes  . 
au  milieu  desquels  il  s'abandonnait  à  ses  goûts  délicats.  Je  sup- 
pose que,  dès  les  premières  années  de  son  règne,  il  rappela 
l'ancien  chef  du  berid  et  l'admit  dans  ce  cercle  de  privilégiés. 
Maçoudi  (Prairies  d'or,  ch.  cxxii)  nous  apprend  qu'il  exis- 
tait, de  son  temps ,  un  recueil  de  séances  ou  de  conférences 


1/1  JANVIER-FÉVRIER  I865. 

(mekamat ,  miizakerat)  composées  par  le  khalife  lui-même. 
L'éloge  du  vin,  un  clioix  de  poésies  bachiques,  des  considé- 
rations historiques  sur  l'art  du  chant,  enfin  un  code  de  belles 
manières  à  l'usage  des  convives  de  cour,  tels  étaient  les  su- 
jets développés  par  le  royal  écrivain.  On  trouve ,  dans  le  même 
chapitre  des  Prairies  d'or,  le  tableau  d'une  de  ces  réunions 
littéraires ,  où  Ibn-Rhordadbeh  tint  le  dé  de  la  conversation, 
et  fit  preuve  de  connaissances  sérieuses  dans  la  théorie  et 
l'histoire  de  l'art  musical.  Je  résume  en  quelques  lignes  cette 
longue  dissertation  étrangère  à  l'objet  de  ce  travail,  et  dont 
on  trouvera  d'ailleurs  la  traduction  dans  le  tome  VI  de  notre 
édition  des  Prairies  d'or. 

C'est  à  la  suite  d'un  gai  festin  que  Moulamid,  entouré  de 
ses  convives  ordinaires,  interroge  Ibn-Rhordadbeh  sur  l'ori- 
gine de  la  musique.  Le  courtisan  érudil ,  auquel  les  légendes 
rabbiniques  ne  sont  pas  inconnues,  place  la  naissance  de  cet 
art  aux  premiers  âges  du  monde,  sous  la  lente  de  l'hébreu 
Lamed  et  de  ses  fils.  11  en  suif  le  développement  dans  les  civi- 
lisations primitives ,  définit  la  part  que  les  Egyptiens ,  les  Grecs 
et  les  Indiens  prirent  à  ses  progrès ,  et  décrit  les  instruments  in- 
ventés ou  perfectionnés  par  ces  peuples.  Il  explique  pourquoi 
l'Arabe  pasteur  est  si  heureusement  doué  pour  la  poésie  et  la 
musique.  Il  cite,  à  ce  propos,  une  tradition,  rapportée  aussi 
par  ïeKitab  el-Aghani,  d'après  laquelle  une  circonstance  for- 
tuile  serait  la  cause  de  l'invention  de  ce  chant  monotone  et 
doux  (houda)  murmuré  par  le  Bédouin,  quand  il  veut  presser 
le  pas  de  sa  monture.  Puis,  sur  les  instances  dti  khalife,  le 
brillant  causeur  passe  à  la  pratique  môme  de  l'art.  Après  avoir 
défini  les  qualités  nécessaires  au  chanteur,  et  montré  combien 
l'étude  et  le  goût  développent  les  dons  de  la  nature,  il  dé- 
peint les  effets  merveilleux  produits  parla  musique,  lors- 
qu'elle demande  ses  inspirations  aux  trois  grands  mouve- 
ments de  l'âme  :  l'amour,  la  douleur  et  l'enthousiasme.  Il 
arrive,  après  cela,  aux  règles  de  l'exécution  [ika),  «qui  est 
au  chant  ce  que  la  prosodie  est  à  la  poésie,  »  et  termine  par 
un  parallèle  entre  Ir  rhyllime  et  la  métrique.  La  dernière  par- 


liNTRODUCTION.  15 

lie  de  ce  morceau  est  pleine  de  termes  techniques  dont  il  est 
malaisé  de  préciser  la  signification.  Maçoudi  ajoute  que  le 
khalife,  enchanté  du  talent  de  son  inlerloculeur,  le  combla 
d'éloges,  et  lui  dit,  en  le  revêtant  de  la  robe  d'honneur 
[khila) ,  distinction  si  enviée  des  Orientaux  :  «  Abou'l-Kaçem , 
lu  as  été  l'ornement  et  l'àme  de  notre  réunion.  Ton  éloculion 
brillante  et  souple  ressemble  à  cette  étoffe  soyeuse  dont  les 
reflets  changeants  sont  le  charme  des  veux  J  » 

L'hommage  rendu  ici  aux  connaissances  variées  de  notre 
auteur  est  confirmé  par  la  liste  de  ses  ouvrages,  telle  qu'elle 
nous  a  été  conservée  par  ibn-en-Nedim ,  dans  le  Fihrist.  On 
y  trouve  la  trace  des  recherches  sérieuses  de  l'érudit,  à  côté 
des  amusements  frivoles  du  courtisan. 

A  celui-ci  sont  dus  les  ouvrages  intitulés  : 

I  °  Les  Beautés  des  concerts  ; 

2°   L'Art  du  cuisinier; 

3°   Le  Livre  des  jeux  et  divertissements  ; 

k°  Le  Livre  du  vin; 

5°  Le  Manuel  des  convives  et  des  familiers. 

Au  savant  et  au  fonctionnaire  appartiennent  les  trois  ou- 
vrages dont  le  Fihrist  nous  donne  ainsi  les  litres  : 

6°  Collection  complète  des  généalogies  de  la  Perse  et  des  tri- 
bus nomades; 

7°  Le  Livre  des  routes  et  des  provinces  ; 

8°  Le  Livre  des  Anwa  ^ 


*  Je  joins  ici  le  titre  arabe  de  ces  livres ,  qui  ne  sont  pas  tous  exacte- 
ment cités  par  Hadji  Khalfa  : 

Le  titre  du  sixième  ouvrage  est  écrit  fautivement  AilyJl  dans  l'exem- 
plaire du  Fihrist  de  la  Bibliothèque  impériale,  fol.  202.  —  Sur  les  Anwa , 
on  peut  consulter  V Introduction  à  la  Géographie  des  Orientaux ,  p.  ci.xxxv. 


10  JANVlER-FEVKlflR  1805. 

.le  crois,  cependant,  que  cette  liste  n'est  pas  complète  et 
que  le  titre  principal  cribn-Rliorcladbeh  à  ]'estime  do  la  pos- 
térité ne  s'y  trouve  point  ujenliohné. 

Maçoudi,  en  faisant,  dans  sa  préface,  i'énuméraliou  des 
travaux  historiques  qu'il  avait  à  sa  disposition ,  parie  d'une 
grande  chronique  par  Obeïd  Allah,  fils  de  Khordadbeii  : 
«C'est,  dit-il,  un  écrivain  distingué  et  remarquable  par  la 
l)eaulé  de  son  style;  aussi  a-t-il  eu  un  grand  nombre  d'imi- 
tateurs qui  lui  ont  fait  des  emprunts,  ou  suivi  la  voie  qu'il  a 
tracée.  On  peut  s'en  convaincre,  en  examinant  son  grand  ou- 
vrage historique.  Ce  livre  se  distingue ,  entre  tous,  par  le  soin 
et  Tordre  de  sa  méthode,  l'abondance  de  ses  renseignements 
sur  l'histoire  des  peuples  et  la  biographie  des  rois  de  la  Perse 
ou  d'autre  race»  (I.  I,  p.  i3).  Le  succès  qui  accueillit  cet'o 
production  paraît  avoir  txcité  la  jalousie  d'un  écrivain  con- 
temporain, élève  du  célèbre  astronome  Kendi.  Ahmed  ,  lils 
de  Thayib,  originaire  de  Sarakhs,  ville  du  Khoraçân,  avait 
commencé  par  rédiger  un  traité  des  routes  et  des  provinces, 
qui  re^la  inachevé.  Plus  tard,  il  composa  pour  le  khalife 
Mo'thaded-billah,  dont  il  était  le  protégé,  un  recueil  d  his- 
toire universelle,  moins  pour  enrichir  la  science  d'aperçus 
nouveaux,  que  pour  enlever  à  celui  d'Ibn-Khordadbeh  la 
popularité  dont  il  jouissait.  Mais  il  n'eut  qu'un  médiocre 
succès,  et  Maçoudi,  à  qui  j'emprunte  ce  fait,  ajoute  :  «  Sa- 
rakhsi  est  presque  toujours  en  contradiction  avec  Ibn-Khor- 
dadbeh;  aussi  suis-je  porté  à  croire  que  ce  livre  lui  a  été 
faussement  attribué,  car  sa  science  était  bien  supérieure  à 
une  pareille  œuvre.  »  [Prairies  d'or,  i.  II ,  p.  72.  ) 

Le  temps,  qui  nous  a  ravi  les  œuvres  les  plus  considéra- 
bles d'Ibn-Khordadbeh ,  n'a  pas  même  laissé  intacte  celle  à 
laquelle  l'auteur  attachait  sans  doute  le  moindre  prix.  El 
ici ,  je  ne  parle  pas  seulement  des  mutilations  auxquelles  tous 
les  vieux  documents  littéraires  sont  condamnés  en  passant 
par  les  mains  des  copistes  ;  mais  il  me  paraît  incontestable 
aussi  qu'une  édition  écourtée  a  été  mise^  de  bonne  heure,  en 
circulation,  par  je  ne  sais  cpicl  ahrévialeur  maladroit,  et  s'est 


INTRODUCTION.  17 

])ropagée  au  détriment  de  la  rédaction  originak.  L'existence 
de  cette  dernière  peut  se  déduire  des  raisons  suivantes  : 

i"  Au  début  de  son  livre,  l'auteur  emprunte  à  la  Géogra- 
phie de  Ptolémée  une  remarque  qui,  dans  mes  deux  copies, 
se  borne  à  quelques  mots;  tandis  que,  dans  Hadji  Khalfa, 
elle  est  beaucoup  plus  développée  et  précédée  d'une  phrase 
également  omise  dans  les  copies  V 

2°  Le  début  de  l'itinéraire  d'Afrique  est  cité  par  Makrizi, 
dans  sa  Description  de  l'Egypte  et  du  Caire,  avec  des  variantes 
si  considérables,  que  la  source  de  cet  emprunt  serait  mécon- 
naissable, si  Makrizi  n'affirmait  qu'il  en  est  redevable  à  notre 
auteur. 

3"  Le  passage  relatif  à  l'Egypte  est  reproduit  par  Ibn- 
Khaldoun  avec  des  détails  qu'on  chercherait  vainement  dans 
le  texie,  tel  qu'il  nous  est  parvenu.  Un  autre  témoignage 
prouve  aussi  que  le  même  fragment  était  plus  circonstancié 
dans  la  rédaction  primitive.  Le  voyageur  musulman  Ibn-Djo- 
beïr  (p.  55,  édition  de  M.  W.  Wright),  parlant  des  ruines 
qui  bordent  la  rive  orientale  du  Nil,  depuis  Ikhmîm  jusqu'à 
Syène,  ajoute  que  ce  sont  les  débris  de  la  muraille  dite  de 
fa  Vieille,  dans  le  Livre  des  routes  et  des  provinces.  Mon  texte 
ne  dit  pas  un  mot  de  cette  légende.  A  la  vérité,  on  pourrait 
supposer  que  Ibn-Djobeïr  l'avait  lue  dans  un  autre  ouvrage 
portant  un  titre  semblable;  mais,  comme  Hamd  Allah  Mus- 
taufi  rapporte  précisément  le  même  fail,  sur  la  foi  d'ibn- 
Khordadbeh ,  on  est  en  droit  de  conclure  que  le  voyageurarabe 
et  le  géographe  persan  travaillaient  sur  un  texte  identique,  et 
ayant  subi  moins  de  mutilations. 

'  11  est  inutile  d'ajouter  que  Hadji  Klialfa  avait  sous  les  veux  un  ou- 
vrage différeut,  où  Je  passage  en  question  est  cité.  A  ce  propos,  je  dois  re- 
lever deux  inexactitudes  dans  le  texte  publié  par  M.  Fluegel.  Le  nom  de 
l'auteur  y  est  écrit  deux  fois  Kliordad ,  au  lieu  de  Khordadbeh;  en  second 
lieu ,  l'expression  proverbiale  qui  termine  l'extrait  de  la  préface  doit  être  lue 

^û^>Jt/0  v^Ul  ,  au  lieu  de  vftj^,iLo  ^^il.  On  sait  que  cette  sentence 
«œuvre  commandée  est  (d'avance)  excusée»  termine  ordinairement  les  pré- 
faces pompeuses  des  écrivains  musulmans. 


18  JANVIER-FÉVKIER  1805. 

En  dépit  de  ses  lacunes  et  malgré  le  désordre  que  des 
copistes  négligents  y  ont  introduit,  on  peut  retrouver  encore 
le  caractère  essentiel  de  ce  livre  et  les  traces  d'un  plan  sage- 
ment ordonné.  Dans  les  deux  premiers  siècles  après  la  mort 
du  Prophète,  c'est-à-dire  jusqu'à  la  fin  du  règne  d'el-Ma- 
moun,  l'étude  des  sciences  mathématiques  et  de  l'astronomie 
fit  un  peu  négliger  la  géographie  descriptive.  Ni  le  tableau 
rétrospectif  des  mœurs  du  désert,  offert  aux  Arabes  émigrés 
dans  le  Khoraçân,  par  Nadhr,  fils  de  Schomayl  (vers  7/jo  de 
J.  C.)  ;  ni  l'essai  de  géographie  et  d'histoire  naturelle  dû  à  la 
plume  naïve  de  Djahedh  (vers  820),  ne  pouvaient  ajouter 
grand'chose  aux  traductions  déjà  surannées  de  Plolémée. 
Sous  les  successeurs  d'el-Mamoun,  et  notamment  pendant 
le  règne  de  Moutamid ,  le  besoin  de  notions  plus  positives 
se  fit  impérieusement  sentir.  Les  Grecs,  profitant  de  l'éner- 
vement  moral  du  khalifat,  s'avançaient  au  cœur  de  l'Asie  Mi- 
neure. Le  malaise  général  se  révélait  par  des  révoltes  péni- 
blement étouffées.  L'Arménie  essayait  de  secouer  le  joug  de 
l'islam,  tandis  que  le  parti  des  Alides  reprenait  ses  projets 
ambitieux.  Quelques  années  plus  tard,  le  fils  d'un  chaudron- 
nier, Yakoub  ben  Leïth  ,  enlevait  à  la  dynastie  d'Abbas  ses 
provinces  orientales,  et  fÉgyptc  passait  sous  les  lois  d'Ah- 
med, fils  de  Touioun.  Pour  conjurer  tant  de  périls  et  en  pré- 
venir de  plus  grands,  une  surveillance  incessante  n'était  pas 
de  trop.  Le  croisement  continuel  des  courriers  de  cabinet, 
les  mouvements  de  troupes  dans  tous  les  sens  exigeaient  une 
connaissance  plus  exacte  des  voies  de  communication.  Aussi 
voyons-nous  deux  traités  spéciaux,  portant  le  même  titre, 
paraître  presque  simultanément.  L'auteur  du  Fihrist  assure 
que  le  premier  Livre  des  routes  fut  écrit  par  Djafar,  fils 
d'Ahmed,  originaire  de  Mervc,  mais  qu'il  demeura  ina- 
chevé. Je  crois  qu'Ibn-Khordadbeh  publia  le  sien  entre  les 
années  2  Ao  et  260  de  l'hégire ,  lorsqu'il  était  encore  directeur 
des  postes  et  de  la  sûreté  générale.  En  effet,  il  ne  peut  l'avoir 
rédigé  avant  l'an  2  3 1 ,  puisque ,  dans  le  tableau  des  redevances 
du  Khoraçân,  il  fait  usage  d'un  document  portant  celle  date 


INTRODUCTION.  19 

et  destiné  au  chef  des  Thahérides.  Il  ne  peut  non  plus  s'être 
mis  à  l'œuvre  plus  lard  que  l'année  260,  puisque,  en  261, 
Nasr,  fils  d'Ahmed  le  Samanidé,  reçut  l'investiture  de  la 
Transoxiane  ;  or  Ibn-Khordadheh  nous  apprend  que  cette 
province  obéissait  encore  à  Nouh,  fds  d'Açed.  Un  autre  pas- 
sage moins  explicite,  il  est  vrai,  vi§nt  à  l'appui  de  notre  hy- 
pothèse. Dans  le  paragraphe  relatif  à  l'Andalousie,  il  nous 
dit  que  ce  royaume  a  pour  souverain  un  Omeyade,  lils  d'Abd 
er-Rahman;  or,  quoiqu'il  ne  le  nomme  pas,  il  est  hors  de 
doute  qu'il  désigne  ainsi  Mohammed  I",  lequel  régna  de  288 
à  273  (850-856  de  J.C). 

Les  trois  ou  quatre  lignes  par  lesquelles  débute  h  Livre 
des  routes  sont  tout  ce  qui  reste  d'une  préface  où,  suivant 
l'usage  des  écrivains  arabes,  l'auteur  faisait  connaître  le  but 
et  le  plan  de  son  travail.  Cette  lacune  regrettable  n'empêche 
pas  de  distinguer  dans  l'ouvrage,  tel  qu'il  nous  est  parvenu, 
quatre  divisions  principales,  ou,  tout  au  moins,  quatre 
classes  de  renseignements  distincts.  Voici  comment  on  pour- 
rait les  grouper. 

S  I.  Tableau  de  l'impôt  foncier  et  des  redevances  en  na- 
ture, dans  les  provinces  soumises  à  l'autorité  immédiate  ou 
à  la  suzeraineté  du  khalife. 

S  II.  Evaluation  en  parasanges  ou  en  milles  de  toutes  les 
routes  qui  rayonnent  du  cœur  aux  extrémités  de  l'empire , 
suivie  de  renseignements,  ordinairement  trop  concis,  sur 
l'histoire  de  chaque  contrée,  ses  productions,  etc. 

S  m.  Abrégé  de  relations  de  voyagé ,  telles  que  la  descrip- 
tion des  lies  de  l'archipel  indien ,  d'après  le  récit  des  marins 
qui,  de  Siraf  et  d'Oman,  se  rendent  en  Chine;  l'intéressant 
itinéraire  des  marchands  juifs,  et  d'autres  voyages  lointains. 
En  outre,  un  choix  de  contes  et  de  légendes  merveilleuses, 
provenant  soit  d'une  tradition  apocryphe,  soit  de  livres  po- 
pulaires, dans  le  genre  de  celui  d'el-Djahedh. 

S  IV.  Description  des  montagnes ,  des  fleuves ,  des  lacs ,  etc. 
analogue  sans  doute  à  celle  qui  forme  un  des  chapitres 
du  livre  de  Codama  (section  VI,  chapitre' iv).   Il  ne  nous 


2. 


20  JANVIER-FEVRIER  1865. 

reste  que  le  début  de  cette  description ,  et  j'ajouterai  que  lu 
perte  en  est  peu  regreltable. 

Dans  cette  classilication ,  j'ai  négligé  quelques  morceaux, 
presque  indéchiffrables ,  que  le  caprice  des  copistes  a  semés 
au  hasard.  Par  exemple,  un  tableau  inachevé  de  l'orienta- 
tion vers  la  Kaabah  ;  la  liste  des  titres  donnés  aux  rois  du 
monde;  entin  un  paragraphe  emprunté  aux  vieilles  théories 
grecques  sur  la  constitution  physique  du  globe,  paragraphe 
dont  un  tronçon  est  rejeté,  on  ne  sait  pourquoi,  à  la  lin  du 
volume. 

Heureusement,  les  portions  pour  nous  les  plus  impor- 
tantes, celles  qui  comprennent  les  relevés  statistiques  de 
l'impôt  et  les  itinéraires,  nous  ont  été  transmises  avec  une 
exactitude  suffisante,  et  présentent  un  caractère  d'authenti- 
cité qui  en  double  le  prix.  L'auteur  s'occupe  d'abord  de  la 
division  territoriale  du  Smvad  ou  territoire  cultivé  de  la  Mé- 
sopotamie, sur  les  bases  établies  par  la  monarchie  persane 
et  maintenues  par  les  divans  arabes.  H  donne  la  liste  des 
districts  du  Tigre  et  de  VEuphrate,  suivant  leur  position 
riveraine;  leurs  subdivisions  en  cantons  et  bourgades;  le 
chiffre  des  récoltes  et  celui  de  la  taxe  prélevée  au  profit  du 
Trésor.  Il  n'indique,  il  est  vrai,  ni  la  provenance,  ni  la  date 
de  ses  matériaux  ;  mais  aurait-il  pu  réunir  des  détails  aussi 
précis,  sans  avoir  accès  aux  archives  de  l'Etal  ?  Si,  dans  un 
ou  deux  passages,  il  cite  un  chiffre  différent,  d'après  un 
certain  Ispahani,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  l'historien 
Hamza  (ce  dernier  écrivait  l'an  35o  de  l'hégire) ,  il  ne  signale 
ces  différences  qu'à  titre  de  renseignement,  et  comme  terme 
de  comparaison.  C'est  aussi  dans  ce  but  qu'il  résume  l'his- 
torique de  l'impôt ,  sous  les  Sassanides ,  et  durant  le  siècle  qui 
suivit  la  conquête  musulmane. 

Pour  le  Khoraçân  et  les  provinces  orientales,  Ibn  Khor- 
dadbeh  ne  pouvait  consulter  (|u'un  état  d'une  date  déjà  an- 
cienne, puisque,  au  moment  de  la  rédaction  du  Livre  des 
roules,  la  lutte  qui  éclata  entre  les  descendants  de  Thaher 
et  la  dynastie  desSalVarides  avait  tari  cette  source  importante 


INTRODUCTION.  21 

du  revenu.  L'étal  en  question  porte  la  date  des  aimées  221 
et 222  ;  on  sait  qu'alors  Abd  Allah,  fils  deThaher,  déjà  indé- 
pendant de  fait,  reconnaissait  encore,  par  une  redevance  an- 
nuelle, la  suprématie  religieuse  des  khalifes.  Plus  loin,  dans 
la  description  des  roules  de  l'Arabie,  l'impôt  du  Yémen  est 
donné  d'après  les  registres  de  compte  communiqués  à  Tau- 
leur  par  le  gouverneur  de  cette  province.  Un  écrivain  qui 
occupait,   quelques  années  plus  tard,  un  rang  élevé  dans 
l'administralion ,  Abou  Dja'farCodama,  rédigea  ,  sous  le  titre 
de  Livre  de  l'impôt  et  Art  du  commis-rédacteur,   un  ouvrage 
considérable ,  dont  la  dernière  moitié  seulement  nous  esl 
connue.  M.  de  Slane  a  publié,  dans  ce  recueil  (cahier  d'août 
1862)  ,  le  chapitre  qui  traite  précisément  de  la  division  ad- 
ministrative et  des  revenus  de  l'empire  musulman.  Au  pre- 
mier abord,  on  pourrait  croire  que  ce  document  a  la  même 
origine  que  le  nôtre.  Les  noms  de  lieu^s'y  déroulent  à  peu 
près  dans  le  même  ordre,  et  plusieurs  relevés  partiels  y  sont 
identiques.  On  verra  pourtant  combien  le  chiffre  total  du 
revenu,  d'après  Ibn-Khordadbeh,  est  loin  d'atteindre  celui 
qui  résulte  des  tableaux  de  Codama.  En  ce  qui  concerne 
l'empire   musulman  proprement  dit,  cette  différence  s'ex- 
plique par  la  date  des  comptes  que  Codama  avait  sous  les 
yeux,  et  aussi  par  la  prospérité  relative  des  finances  à  cette 
date.  En  2o3  (818-819  de  notre  ère),  un  terrible  incendie 
avait  détruit  les  archives  de  Bagdad.  Codama,  qui  cherchait 
avant  tout  des  modèles  de  comptabilité,  sans  se  préoccuper 
de  leur  actualité,  a  cru  indifférent  de  prendre  le  plus  ancien , 
c'est-à-dire  celui  de  l'année  20^.  Mais  depuis,  la  décadence 
du  khahfat  avait  fait  des  progrès  effrayants.  Le  luxe  avait 
relâché  les  mœurs,  l'abus  de  la  dialectique  avait  engendré 
les  hérésies,  et  celies-ci  la  révolte.  Le  règne  de  Molassem 
et  celui  de  Walhik-Billah  furent  une  ère  de  persécution  reli- 
gieuse et  de  désorganisation  sociale.  Les  chiffres  d'Ibn-Khor- 
dadbeh  le  disent  aussi  éloquemment  que  le  récit  des  histo- 
riens, et  ils  nous  prouvent  que  l'agriculture  et  le  commerce 
étaient  déjà  frappés   au   cœur.   On  remarquera  cependant 


22  JANVIER-FEVRIER  1865. 

combien  le  numéraire  élait  encore  abondant  jusque  dans 
les  moindres  bourgades,  et  celle  considération  justifiera 
sans  doute  la  valeur  très-modérée  que  j'ai  attribuée  au  dinar 
et  au  dirhem ,  ou ,  en  d'autres  termes ,  à  la  monnaie  d'or  et 
d'argent.  Un  calcul  plus  rigoureux  du  mishal  m'a  permis 
de  réiablir,  au  profil  de  la  monarchie  des  Perses,  un  revenu 
supérieur  à  celui  qui  est  présenté  dans  la  traduction  de  Co- 
dama.  De  graves  inexactitudes  déparent  les  deux  ouvrages  ; 
mais,  grâce  à  leur  origine  différente,  les  erreurs  ou  les  lacunes 
ne  portent  pas  sur  les  mêmes  points,  et  j'espère  avoir  tiré  de 
leur  examen  attentif  des  données  moins  incertaines.  Enfin, 
pour  accroître,  autant  qu'il  était  en  mon  pouvoir,  ces  maté- 
riaux de  l'histoire  économique  du  khalifat ,  j'ai  puisé  dans  la 
curieuse  relation  de  Mokaddessi ,  dont  M.  le  D'  A.  Sprenger 
a  bien  voulu  me  communiquer  une  copie,  tous  les  rensei- 
gnements que  ce  voyageur  put  se  procurer  sur  l'impôt  et  les 
tailles,  un  siècle  après  la  mort  d'Ibn-Khordadbeh. 

Les  itinéraires  rédigés  par  mon  auteur,  soit  d'après  les 
archives  de  Bagdad ,  soit  sur  des  notes  prises  dans  l'exercice 
de  ses  fonctions,  sont  également  coordonnés  avec  une  cer- 
taine méthode.  Dans  le  premier  paragraphe,  il  décrit  la  route 
qui,  de  Bagdad,  mène  dans  la  direction  du  nord-est,  jus- 
qu'aux extrémités  de  la  Transoxiane;  il  traverse  ensuite  le 
Kharezm ,  et  revient  par  la  Perse  à  son  point  de  départ.  Dans 
le  paragraphe  suivant ,  il  trace  la  route  que  suivent  les  bâti- 
ments, depuis  l'embouchure  du  Tigre  jusqu'à  l'Inde  et  à  la 
Chine.  Les  faits  que  les  marins  lui  ont  racontés  nous  re- 
présentent, dans  leur  forme  primitive,  ces  récils,  mélange 
de  vérités  et  de  fables  puériles,  qui,  vers  la  même  époque, 
furent  recueillis  et  publiés,  sous  le  nom  du  marchand  Su- 
leïman  et  d'Abou-Zeïd.  La  traduction  et  les  notes  dont 
iM.  Reinaud  a  enrichi  le  texte  de  cette  relation  m'ont  été  du 
plus  grand  secours.  Un  troisième  paragraphe  conduit  le  lec- 
teur de  Bagdad  en  Syrie,  en  Egypte  et  dans  le  Maghreb;  il 
se  termine  par  une  notice  de  l'empire  byzantin,  où  l'on  s'é- 
toime  de  trouver  des  renseignements  plus  exacts  qu'on  ne 


INTRODUCTION.  23 

pouvait  en  attendre  d'un  musulman,  sur  la  hiérarchie  mili- 
taire et  civile  du  Bas-Empire.  L'itinéraire  des  régions  sep- 
lentrionales  est  nécessairement  moins  complet  que  les  pré- 
cédents ;  il  y  est  fait  mention  seulement  des  voies  qui  mettent 
en  communication  l'Azerbaïdjân,  l'Arménie  et  le  Caucase. 
C'est  là  que  se  place  la  trop  fameuse  relation  de  Sallam  l'm- 
terprète,  envoyé  de  Samorra  aux  rives  du  Volga.  Dictée  à 
l'auteur  par  Sallam  lui-même ,  d'après  le  rapport  qu'il  adressa 
au  khalife  Wathik-Billah,  cette  relation,  conservée  ici  sous 
sa  forme  native,  a  été  reproduite  par  je  ne  sais  combien  de 
compilateurs  arabes  et  persans.  Comme  la  mission  de  Mo- 
hammed, fils  de  Mouça  l'astronome,  dont  on  trouvera  aussi 
le  récit  original ,  quoique  abrégé ,  le  voyage  de  Sallam  fut  pro- 
voqué par  les  scrupules  rehgieux  du  khalife  théologien.  Qu'il 
s'agît  des  Sept  Dormants  ou  de  Gog  et  Magog,  le  Coran 
laissait  le  champ  libre  aux  interprétations,  et  ce  fut  pour  cou- 
per court  aux  contes  ridicules  dont  le  livre  saint  était  le  pré- 
texte, que  Wathik-Billah  voulut  recueillir  des  informations 
sur  les  lieux  cités  par  la  tradition.  Le  voyage  de  Sallam, 
selon  moi,  eut  au  moins  un  commencement  d'exécution,  et 
les  fantaisies  qui  terminent  si  étrangement  sa  relation  me 
paraissent  une  concession  à  ce  goût  du  merveilleux  que  les 
conquêtes  scientifiques  d'el-Mamoun  n'avaient  pas  affaibli. 
Mais,  en  aucun  cas,  je  ne  me  déciderai  à  n'y  voir,  avec  le 
D'Sprenger,  «  qu'une  impudente  mystification.  » 

La  dernière  section  de  l'itinéraire  traite  de  l'Oman  et  de 
la  péninsule  arabique.  Pour  ce  fragment,  j'ai  consulté  avec 
fruit  le  texte  arabe  de  Yacoubi,  publié  à  Leyde  en  1860.  Cet 
ouvrage,  malheureusement  incomplet,  n'est  pas  sans  analogie 
avec  le  Livre  des  routes,  et  appartient  à  la  même  époque. 
Moins  crédule  et  plus  observateur  qu'lbn-Khordadbeh ,  Tau- 
leur  du  Kitah  el-bouldan  offre  à  l'ethnographie,  à  l'histoire 
et  à  l'archéologie  elle-même,  des  observations  pleines  d'inté- 
rêt ,  qui  tempèrent  la  sécheresse  de  ses  notes  de  voyage.  En  re- 
vanche, les  itinéraires  y  sont  moins  détaillés ,  et  leur  évalua- 
tion en  heures  ou  en  journées  de  marche  serait  d'un  médiocre 
f 


24  JANVIER-FEVRIER  1865. 

secours  pour  la  construction  d'une  bonne  carte  de  l'empire 
musulman  au  moyen  âge.  Au  reste,  comme  les  deux  écri- 
vains ont  leur  valeur  propre  et  se  complètent  l'un  par  l'autre, 
je  n'ai  pas  négligé  de  les  rapprocher,  toutes  les  fois  que  j'ai 
pu  le  faire  sans  dépasser  les  limites  de  ce  travail.  Il  ne  me 
serait  pas  difficile  de  m'élendre  sur  les  emprunts  plus  ou 
moins  déguisés  qui  ont  été  faits  ,  presque  jusqu'à  nos  jours, 
au  Livre  des  routes;  mais  la  plupart  étant  de  seconde  main, 
il  serait  oiseux  d'insister  sur  ce  point.  Au  rapport  de  Mokad- 
dessi ,  qui  se  prépara  à  ses  voyages  par  de  vastes  lectures,  le 
vizir  el-Djeïliani,  écrivain  de  la  première  moitié  du  x"  siècle, 
s'était  approprié  les  itinéraires  d'Ibn-Kliordadbeh  et  les  avait 
fait  insérer  dans  l'ouvrage  qui  fut  rédigé  sous  sa  direction 
(voyez    Vlnlrodiiction   à   la   Géographie   des  Orientaux,    par 
lVI.  Reinaud,  p.  lxiii).  Edrissi  les  transporta  dans  sa  Géo- 
graphie, sans  y  rien  changer,  et  c'est  là  qu'lbn-Khaldoun  a 
trouvé  quelques-uns  des  détails  topographiques  qui  se  lisent 
dans  le  livre  premier  de  ses  Prolégomènes.  Un  courant  ana- 
logue se  remarque  chez  les  Persans.  Hamd-Allah-Mustaufi 
consulte  la  rédaction  originale,  et  en  fait  usage  dans  son 
Nouzhet  el-Koulouh.  Mirkhônd  s'en  empare  et  les  résume 
dans  le  complément  de  son  Histoire  universelle.  Khôndémir 
les  trouve  au  milieu  de  l'héritage  paternel,  et  leur  donne 
place  dans  le  Habih-us  siej\  non   sans  les  abréger  encore. 
Enlin,  Ahmed-Razi,  s'aulorisant  de  leur  exemple,  enrichit 
de  ce  butin,  de  plus  en  plus  léger,  ses  notices  lilléraires  et 
descriptives.  Cette  singulière  transmission  ne  prouve  pas  seu-^ 
lement  le  sans-gêne  des  com[)ilateurs  orientaux  ;  elle  démontre 
aussi  que  Maçoudi  n'était  pas  loin  de  la  vérité,  lorsqu'il  disait 
du  Livre  des  routes  :  «  C'est  une  mine  de  faits  que  Ton  explenre 
«toujours  avec  fruit»  [Prairies,  t.  P',  p.  ]'6).  On  verra  que 
j'ai  partout  recherché  la  trace  de  ces  enqDrunts ,  et  que  la  ver- 
sion en  apparence  la  plus  détournée  m'a  (juel()uefois  remis 
dans  le  bon  chemin. 

Je  demande  grâce  pour  les  iiolt!^»  .si   notiibieu>t'i.  (jui  ai - 
compagneni  cette  traduction.  Je  sais  quelle  fatigue  en  résulte 

• 


INTRODUCïION.  25 

pour  le  lecteur,  sans  cesse  exposé- à  laisser  échapper  le  fil 
conducteur,  clans  ce  labyrinthe  de  gloses  et  de  citations.  Mais , 
à  vrai 'dire,  un  texte  aussi  mutilé,  ou  aussi  concis  quand  il 
est  complet,  exigeait  un  commentaire  perpétuel,  et  je  n'au- 
rais pu  me  soustraire  à  cette  obligation,  si  la  publication  ré- 
cente des  Post- und  Reise7X>uten  des  Orients ,  par  M.  A.  Spren- 
ger,  n'était  venue  rendre  ma  tâche  moins  pénible.  On  trouve 
dans  le  premier  fascicule,  le  seul  publié  jusqu'à  présent,  les 
itinéraires  d'Ibn-Khordadbeh,  mis  en  regard  de  ceux  de  Co- 
dama,  d'Isthakhri ,  de  Mokaddessi,  etc.  Si  mes  leçons  ne  s'ac- 
cordent pas  toujours  avec  celles  du  docteur  Sprenger,  il  est 
juste  de  rappeler  que  ce  savant  n'avait  à  sa  disposition  que 
le  texte  d'Oxford  ,  et  que ,  de  son  propre  aveu ,  il  l'a  copié  à 
la  hâte.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  judicieuses  remarques  et  les 
seize  cartes,  d'après  Birouni  et  ÏAtval,  dont  son  travail  est 
accompagné,  m'ont  rendu  des  services  que  je  ne  saurais  trop 
reconnaître.  Quelque  jugement  que  l'on  porte  d'ailleurs  sur 
le  plan  adopté  par  M.  Sprenger,  on  doit  le  remercier  d'avoir 
ouvert  à  la  science  des  trésors  jusqu'à  présent  inexplorés. 
Ai-je  eu  moi  aussi  le  bonheur  de  recueillir  une  parcelle  d'or 
sous  les  ruines  amoncelées  par  le  temps?  Je  n'ose  l'espérer; 
mais  si,  du  moins,  ce  travail,  tout  incomplet  qu'il  est,  pro- 
voque la  découverte  et  la  restauration  d'autres  monuments 
du  même  âge,  je  me  féliciterai  de  l'avoir  enirepris  et  m'es- 
timerai sulTisamment  récompensé. 


26  JANVIER-FEVRIER  1865. 


^^1  J^jJ».  |<>-»*^I^    ^^.^ii    0>&-    d    A^l^  JJjLÎI     ÔJ^ 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        27 

iL^yj^éJuo  Joj!i}\^  6  tX^iXil  ^^^.  i^ôOî  y^  iOj^.JL^: 

<_A  la  .il  Jl  Jl  J^-A..r^  ifcij-^.  j^tXj  (^*>Jl  (J.y*^  t-JaJiit 
«^JS^  yjîiXAAwli  é  (jiï^J^  '^^r^  *^.>>- j^*N?  t^*^î  (iUNiûJi 

i^^Uotll  ^!  .^i  dU^  JJiLo  l^k6^  l^jjiiXJLwl^  ^^j^  {jy*^^ 

'^(J^^^  (^  (iU>i*-Jt  ^j^\  t^  0.^^ô  ^^jUbwl  ^^H^^JI  j^  j«Xi 
LjLa^'  ^JJi  v.jUâJJ{^  ^J^  ^«X^  v|/^  <Xy^  ^J^^3 

<à?  ^l^^jJî  i  iO^-AJiil^i  <i)r  iUj*X^  IjuU^  iUjJ^  c3^î 
^jLyx*et^  yl*XSè^  *X3^l^^  ji^.jJi^  u',y^-?   «^.aaJI^ 


28  JANVIER-FÉVRIER  1805. 

^J^  f}{.4CjJ)  «-^Jiii^  ^^^  ^-f^  (^^^  ^-î^'  laLjU-  Jî 

<j!»>x3'  -'^H»^^  iCjÛMO   ijh^uâJL)  Ixiw^  v.^Ai&  S'jytnÀit) ^   (^yy<*aj] ^ 
^.^jl^Lwai  (^^?Jt   J^i^î    ^Ai  Ui^   ^  iï^^iii^^    (j^  A.|,xUi 

5j--r^-4^^    -LàJt^^^ja^i-*^   iôubyji^   V>*^^   à^^    *^^  ^^^ 

«j^  ij^-à^  Ixjul  iî^^^U  -(2?  ^3]^î  t^  <s^  j'Y'^i^j-Ji^  J^ 

iK-S^y-lj ^    vs^ym^   /jfci  ,A   ^M   /C:^>VmW UmJs^    /jUûm)    ^^^    *>^^ 


yi^^A-j»-  -^  j^j^  :>U;  ylx^l  »;^<2)  ^y*^  0>*t;^^ 


\^)yJ6  ^yMtJO  (^y>j^  <^^mJO  jyj\Mé^jyi    ^yM*,\o  (  ^^^^mLmJo 
'^ymJ^    iL*-AA*il     iLÂJ«>JLi     ^^-»*JfljJjl^    ^^mJo    (JV-^^J^ 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       29 


:>L^  ^Lx_^î  iij^-<2}  cMAM^iil  ^J\i>\J  ^yJio  ^^:j/î  ^\':>\j 

^JV_jiwJi      «»^_A«*_Io     ^^^»Ar>-^     >y^i>.     ^^^«*A*J3     ,>^NaA.*W     r^yMiJa 


j;î   (T  (j-«>f?  i>-w   (jIaawÎ    i*;^  ^  *i)!>^  ^3"**^  ibUw^l 

\y-^\-J*i  yJ<A    ^yjM^S    6    .^^■;MiX»ééXs    ^^V    O^^     ^Iaaw!     ^^ 
^U^î  ^^  "(2?  VMJ^I^  ^>****^  i^iyAS  i^^mAo  (jS^jm^   i^yMàJO 


30  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

^y.a*é.  L  (j^-^^  zy^^  juuJî  i^y^i  ^^^^-i^  U^î 


La-^  .v^   ^^  M»   la  -«^|j(^-*y  ^^^-«-^i»   atJyJl^  ifJ<^  Z.y^ 
^JlJ»^L   c:>{^^   ^^.wimJs  ^   ^^^mLaJo   iC.AMw.T'  JoLw^l   ^Uxr^ 

)^«X.A_J    ^ j^..  iM»^^     CJ^^    «J^W    *^"AX    /ULoUmj^    J'J^^ 

^^ni^^^  ^>-*^<2^A^  ^5  ^'  Oi;^^  j^  ^' >^*^^ 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       31 

iLla-Â-it  [;*>»^   uy^J^^      (j^U  »ji>Uj  ïjJis^s.  AJuj'Lwj^ 
(V^  Jj  j5  iuUjWbAMj  ^^î  j.ajuîJI^^  ioL#,jWbAw^  uxîî 


v^î  AJaÂ-^  };*^W^  U.^^"**^^  iCxAAM^  ^^^  *J^W  *j-û^ 
v^{   iU^Jvil   };4Xju>   ;j3-XJ)^^   ^^^^^^   ^UjU    ft^^Uj    ^Cjûimj 

'^  ^^1  se  trouve  en  B  senlemenl. 


32  JANVIER-FÉVRIER  186 


^^^-M^      -^:>  util  ^y..^^éJr^  util  AjUUo  (i,jyi\  \ji>^ 

)J*X-A-J    ^^yWuw^     ^LLSI.   S^iLçj    »jJm    AJUjLiyj  ^    /    jJlX»*JI 

ioU«ooji  j^\xXi*.l\  jS^  îkAjsÔÙ  idiÀ^I  V;«Xx?  (j^^Jf^  *>s^-t 

^^iuUvXS*  jdaÂ-s  rJ*Xjo  j.Âi^  **^1  *;^W  ^^"^  ^j^S-»^^^ 
•G^  J^i>  util  ur**^^   *^^^*"^  (ii)^^  J"^^  ioUjojî^yjuc&Jî 

é  dUJLIj^^  ^-«vwjjjL  ^^^-Js  <3)  1^^  v-xJi  ^U  ^j^5  j^ 

)^«X-AO    ^jy^Mt^    À.AJ^)^    iLjL^v-w    ôj^Laj    Sj.ji^    ^^-AjUw^) 

'    On  lit  dans  les  deux  copies,  à   la  suite  de   ces  chiffres  :  IJlT 
<t_i:ivJ|   çj    ^D    «conforme  à  l'original.  » 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVLNCES.       3:5 


(jw«^  j3   ioL^w-^^  ô^l  y<**éJ^  j.x.XAi*,l\   (j^^^J  ioUw^ 


^  JJiil?  i:^!^  ^r^  Û  1^^  v^î  U-^^-?  e)^^  dj>^^ 
)^4X..<-j  Q^-XiAiAM^  *x^l^  yLx-jU  }ij^\jf>^j jjiéS'  xJujUwj^ 


jS  uÀ-îî  i^aÂil  |;*^HV^  uy*^^^-?  **i;^  *;^W  '^  ^«^  UJ"^^ 
^jJi  C:jy^'^  ^-*^^   ^^  lij^^  ^;^*^Uv»A^^  Uk}\  jMtAit,l\ 

I^iXaj   ^jyJ<Mà^   »jÙ3^    ibU    Sj^Uj    iÛUMw   ^UUj'Uw;^    -C^jJûmJ 


'   Ce  mot  est  omis  dans  B. 
'  j34?j  dans  la  copie  B. 
V. 


34  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

w-AxàJl  »j   iLjL-<vwtÇ-^  y^^  iUaÂil  53*^*^  ^y*"^^  U->U 

J^SyJ^  Sr*^   "^   (^^    ^^    ^^    ^^yi  jS'oJl  j.AJCiJl 

|^«>oo  jwM^^  iU^^  ioU  «;^\jo  iÛMuw  ^Ju^Uw;  -(^  iuuxxit 


|^4>ou^   (jy-J^^   jjLXjU  tfji^  **^î    AJUjU«<j  /  (jvAM*)Jl 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        35 

«jiLjçj  iôuf-w  AJUj'U»^  <-  «pr^wiXJî  ^^5-**«J3  -C^y  ^i  odi 

otJI  iL^U  ^j^Jî  j^j  iCoUw^j»A*AM.ii  j5   ioUv^  J^kJ^ji 

v-Àil   v^l  (jjji^l  (j^  :>l^i)î^  iCS^bUîi  ^  {j\^y^  AÀjJà^j 

3. 


36  JANVIER-FEVRIER   1865. 


vjJl  o»Jî  U-?**^-?  ^'  ^^3j>^  (^'  ^iW^  ^^^  i^f=r 

y 

<  <^.y^  cÀ-IÎ  (ijvji^^  X>Lw  Ajl?^.r?-  oocUi  l^silî^  U^^.^ 


<^*.-î^.s»-  jc^  f^b^  ^j^  cKîsUl  <-^,?^.^  t^^  Cij:?^^  ^T"***^ 
^xJî   idU  (j*^  ;^  f^-^J  i^b^  ii-A-*M  i^j^\^  f*Jtr^^ 

v^i-uj^j  0j  ^^"^  *W?-^  ^  A^  v-*J^  vJlÎÎ  ^jJ,?^^;!**^  ^j^\ 
kiLJi^  oiJi  otîî  iLjL»  L-f^  (j-vs^  otîî  o»-lI  j-û^  ^^ 
Xjc-w   *Î  J^wa^  o»Jî  jJî  /ft.-fri^îj   ^^"^^  "Hj^J   ajUmjcÏ 

/j^UJî  JUi  iCftlj^î^  ci^^^yj^CJ 
^jl  «X-ju-i^Uj  j*»,^^^  «x-j^L^^  ^\  ■  V  .tw^^xJoj  (jjvi^L-X!^ 

*  A  etBc^Wf. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       37 


cjUl  ci^î  iù_*Mb-ft  i^y^^  (:J\-^^^  ^^uib^  (^jvXâjÎj  ^«x.^.! 


o^L  yjJll  tr«  l-^ij  <^  f^à  oJl  ô-^I  ^ÙM^  u^J^f^^ 

jjLjû^-V.w  /  J^i  oeil  otîî  (^X*M  ÏL.-^!^^  C^y^  c:aj\^^ 
jjîtKJÎ  i^A^-^  ?J^^^  (J^-?b~~*  sl^"^  (j^j-a^XâII  «X*j 
icjL»XA^w^   v.jU{  ô^{  iOûw  ^IjiUw^liË^  jy^'  ^^  ^\jûmAjIji^ 

ajU.*aa«j  O^l  iCoUr^  v^î  iwU^  0«-îî  ô<yî  A*J;Î  Jj*^i-* 


38  JANVIER-FEVRIER   1865. 


j^j^î  /  i^i  LàJI  1;l-«^'  ^  J^:>  cj^l  **^1  (j^-^-Sç^ 
*  ioii  ijJiéS^  ciAÀjj  Ifill^*  Uii  ^Upl^  (jl*>oJl  é  J^j:> 

'    Lps  deux  copies  portent  (ÀjiwJyC- 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        39 
fjjj  ULÎÎ  iboaJî  (j^^  ^  j^:>  i^U  (jJr3  oJ!  Uil  JoW 

^^  JoKj_5  ^  ^^j,?^-Ai^^  dUj^^^  (i^^l^^^  U^^^-5  U*^^  tr* 


J  ^  <XÂ^  iLç-l-A-*  l-TrJ^  A*Xi6Î^  ul/*^jt5  cK*^^3 
fjy^3  »JfJiJM^  v^l  iCjU  ^î  ci>l^  fÛJ^3*^  '^  (•^'^  ^-^^ 

^LxjU  iUU^  ^^  l^JU  /o^i^:>  icSU  jjjîj  1^'r  yj);-ii^^ 
là!^l  jrtbAjî^î  (j^  iU**A^^  iu^jiy^  J^^  ioU  ^jl^ 

^  A  ^^Ml 

'  A  ajoute  Te  mot  oaAL\Â.^=Jî- 


40  JANViEK-FÉVHIER  1805. 

l«fV-jJIj  v-X*mJ^  0**^^  (  |A-iî  j-n*Aj  )  AXî   ytXx*^  «XÀSjM«w^ 

K) »X— ;t-^ j  ^i;;:La«â-j1  ^^      iU^wn^A^   (:;^|^   "^«^^-^  (*^^ 
iL^U  ft  Jsjl^  <r  J^:>  ''S>Uj^  ô<^i  iuccMi^  oeil  aJjUv^  iùâÀJI 

^j^  ^^5  U.^"-*-v-?'-?  iv-JuA«j  o«Ji  A^U  y^"^  0«J1  oJl 

sLm)  \jU!  /âàJ{  (j^^  \j\:>  iijjit>£  cixAj»  (_>IjjJ|  ^J^^ 

^li*»^  j^tXJtîi  ij^^  IamI^  jm*>s.  UoÎj  u*'tJ  ^-*^'  c^y**^'  (j^^ 

JmoI  oL^MMot  Jw*!  dix*  (jt  0-)t  Imô  dLL«  (jj<w  i^5-â**xji 

viDwo  «Oyo^*  jb-J^^  ^i^  u^^^^J^/"^^  Jtr*  "^^  *^ 

^Ljs-^L.AJi  wiLLo  &Lm  «>o,«w>  ù\^jji^\  jiX«  ftUw  Job  JoW 

(j js,Ai^  i  iuUi^  t^LLo  dL^^fe.!  jsjùâJi  siXX«  ^U^L  JwLw 

'   Ou  i\KM^,  d'après  une  autre  leçon  à  la  marge^de  A. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       41 
j»wô^  O^^  U*!^*^^  (jvjl:^  A^Lwj  ^lî^  iXxAX*^-  0^^ 

jiU^^  <^Aif|  jàU*  «ji^  ^^^  «j,^  ^j^j  ^  »jfj5^ 
t)U-^i?  ^U^^  J^'S^^  ^3^^i  y^^  ^3^^  0^^^  (^j**^î 

C^a^ma^aJ    «-iX-jî^    3^L«*    <^*^»»À£>'    (J-*    ^»^>i^  jJJt*^    (j)    JW^ 

(^jvJUs*  crjl?  '^j^^  1^^  ^^  ^^  (^XXS-jjiyftiil  ^y^ 
{j^***^  jtyft^i  <^  k^Jb  \j^j3à\  owl^^  ^  («-^^  ^^  ^^ 

v-xJJ    OLJi    /J>JO;i    U^ijj3^<ic   \am*XS^   (^J^    ^^    ^^ 

^^u&-  ^j\^  ^  fi^j^  ^-"-J^  v^*-^^  iuljU  J^  *>^  W^  J*-*-^ 


42  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

x-MtJ^y  v-xJî  v-X)î  ii^U  ^-î^-w  ^oJ&;«xJî  yjj^  jJJi  ^jj^ 


^  ji^i  v^î  ^^î  ioL.iUj  ^î^jA^s-j  ^  JoijU»-^M^3  U^'*^*^ 

^^-  1  I*» 

»;L,«^I  5^-aJO  ^jb^^l  iCx*MÎ^  ^g^      iuJÂ^Î  (^y^  »^j^ 

^J    *^-g    <4^^    ^lî— ^-?    (•^J^    ^^*-^^     ^'^^    iÙ»AAW    Lr^s-!^^^ 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        43 

^^  ^yJa  siLL«^  »*xJ^  (^  4>ocwaJl^  -jj^i  JjXi  i^y^\ 

^ »*>J^  (j^  (S:^^3  ^y*^^  *^^  ay^'^  è^  y^ 

Juw  (3r?)  "*'    /J*»"*^'   0>»^     ts)"       cJf    (*3>~'^'3   f»^-^'    ^^>'^*^ 

^  ^1  ^.j^.  ^^yii\  3Xj  t3>    «J  S^\  Jjt^  è-^^i 


iL«UJl  Xj^-cvuco  <^«xJÎ  ob-*-^^  '^^  ^  U^^^^î   *i|^  V^^ 

'   Lacune  dans  les  deux  copies. 

*  B  présente  la  forme  plus  usitée  )^ft>»i- 


44  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

&l-AMk_jlv^_««l  ftL^  ^l..>w^   a\mw  (J*^o  oL-^  uW^  •   (:J*fr 

^UwL.i^  oUw  ^^i:>vX^M^^  oLwjIx>Uw 

<2>  ^  ôU  c^1«x5'»Uj  ^ji:>jio 


'  Tout  ce  passage  est  particulièrement  altéré  dan»  les  deux 

copies. 

'  Abréviation  pour  juU^  a/or*;  ce  mot  est  omis  dans  B. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       45 

y LamI^jÂ.   (3^?^  <N?^  c:^!^  5^U^  ^L)^  ^^^ 

w 

^^I^«XJI  cj^^  gb-^  iLjsA^  jî*Xi^  ^-  J^j^S'iX^I  g^ 
gî^  iLJC-u.  :>Î4X-s^  Jl  ^  g!^  AXfAw  ^^yAWi^juai  Jî 
gî^  iU*uÇ-  ^ji*X$  Jl  ^'  gi^  iCi^-  ,>.M«oJl  ii^  Jl  ^• 
iL^.^  ^;-^J>^  <i^  f^'  gL)-»  ^^*^  Vj^  <i^  U^*^  ^3 

^  '£l^  **0^  *)j-^  ^^  f^'  gb^  ^J^  *>j^  <i^  (^'  gb* 

gi^  iCjLij  «:^jj;^  ^u«^  Jî  aJ>  gîy  »juj\  »j^\a»^\  Ji 
gîj^  iLxIS*  (jvÂAM^^  Jl  A^'  giy  iuo^î  iLî  :>jîi  J|  ^• 
#0^'  gîj-i  iU**o  x?^X*Mw«  Jl  a:>  gîy  iu^  «^Lw  Jl  ^S* 
(j^^  gb-*  ^^-«-S'»»'  <^^î  Jî  /o^*  gb*  ^^*  ^Uaww-J»  Ji 


40  JANVIER-FÉVRIER   1865.. 

^'    gty   XAJU^   ^jU-JW   JÎ    Ai*    gl^   AAÇM   c^^M^Éi    ^^ij    Jî 

Lr-*y»  ci^  tk>^'  (iT*  ^  gl^*  *^^  Lr-*>»  J'  f^"  (:r?>=r  <iî 

Jj  A^  ^Lh  ^^*'!-**'  »^l*>^  Jl  (j*^>»  (j-^5  ^2s^^  t:;^*')^ 
Jl  A-S  l^^î^^^jil^  UjI  J%fy»  Jl  /frJ^  gl^  ikxK^  ^j*.*Xj»« 
Jl  aJ;  g|^  iouuw  iLl  J^Awl  Jl  Aj  gl^  Axf*M  «Xaj  J^ 
AjT  gl;— >  ii-A-u"  :>j^jj^j-«*i*.  Jl  /ojf  gljj  iU*w  îLi  ^jj^j 
/  glj3  am^^j^U^x»  Jl  Aj  glj.â  <xm*j^  »;:>  jXm-J  Jî 
^i-*  W-î^    '^^  ^^-***^^  iljL«L^*jl^U«.A3  Jl  iljsjb  ^ 

Xjv;I  j**-^a*]I  Jl  ^'  (  (^-^^  '{iS^y^^  jy^-^  pb  u*^' 

gl^  iu*^  (j-^  Jl  x)J?  gly  ioojl  ^j^  Jî  ^*  gîjj 
Ai"  gî^  iC^Aw  (jîi^^^  Jî  ^  gîjj  iû*^  U^-5-^  <^'  (*^* 
Jl  AjT  gî^  '^^*>-^  (y*^^^j-***  J^  (•^'  gL^*  ^-^^  *-^^l  Jl 
^^-  gî^  iu-^  JI^^jJUmI  Jl  A.5  gî^  iUXi-^UJvJl^^jkaj» 
^0^'  gl^  ^^^>^  ^UblJsJâ  Jl  ^S  giji  ^^AM  iulx^io  Jl 


'   (>e  mol  est  rf'pélé  deux   fois  dans  A,  et  la  seconde  l'ois  on  lit 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       47 
Jl  Aj  gi^  iuou»*  v^^  ^^  ^  g!;^  iU^  ^jûUio 

J^-*î    Jl   ^^^    (jji     <^    gî^    iCw*«    J-*l    Jl     AJ.'    gljj    »^  ji 

^  g'îj— »  i^->i-w  àjjU^jÂ^is-  0iA.^"w  J5  a:»  ^  j  C:j^  tJ' 

/Ijli^  (jw#  ^jj^^  jl^CJl  iUj«>w»  ô^jSj^^  »j\itj^^  (J^-3^^^ 
gl^  iKXjj]  kxÀMjS^  ii\^  (  (j?r>»AÎÎ  JU=?-  ^y^  ^*^  cj^ 
iL^^  iL^XftyAi  Jl  ^  -^jÀ  k^J^  yUjy  Jl  ^i  ■£\j^ 


^   C5«^" 


48  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

o^  Cf**"^*^^  (J^^^-J  iUiUMS^  iLA.^^*xil   (j*xXl    (j-« 

^*X>-x-^  Ji  ^Ji\.-ÀS^Jî  (JW4  ^  gl^  iU^jî  «JjU^  <^  ^^**^ 
Ù<x5j^^  (j)-i  ^  gi^*  iufcfc^  *)^^  <i^  (•^*  ^Lr*  iùw^  ^kàÀJî 
(J>^i)^^  ôjj;.*^  (:5Vo!;-?  ^^^^j^  U>*t>'-?  U^^  qùUJI  <jl 
<i^  CJîï-*b-?  ij!^^*^^  t5*:i^^  iOl^^  Ji^  *-!^'-^  (jiiUiJi  Jl 
iLjc-t*ô  yiil-ÀiJi  iùj3  j^  (jî  Aj'  ^5^  iowuw  ir^bU  j»^^^ 

4_;l^i^|  Jl  qùIâïJI  ^  /  gl^  iixvjî  «JjIjU  cjI^vjum!  <jl 

;^i^^  iLjK^^l  «^S^Uw  (J(  CjL^ÇVJUw!  (j^^  ^Ù^ji  jJitS'  AaIj 
Jl  t^^-:*-'   (^5^*  v^i   *i^j».  ^i  JlJUi  ^A>   ^W-jk?   gl^* 


'    A  porte  jljlmo  ;  mais  la  leçon  adoptée  ici  d'après  B  est  confirmée 
par  tons  les  itinéraires. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVIiNCES.       49 

J5  M^  g!^  ^^-^^^'  uL)-^'  ^^  (*•'•'  g!/^  ^^-«^  e^5j^ 

j 

J^J     tii    /O^'    g!^    ^J^    ^La^    iOjJ»    <-»i(P     <jî     AJ.-    0»^AW 

Ji  A^-  g[;-3  »^-3UiJ^  ^y^  Jï  (0^'  g[;-»   '^J^  -*'^^  ^^ 

gi^  iùuLAw  ^jU«  iiî  *J;  gî^  iUjjî  J^>  Ji  *j>;gi^ 
«i<5T^  Jî  A^*  gîj— >  A-j^jî  vi)^l  ^b^  iUj*x^  Ji  io^i* 

^j\ — :F>?  ci^  (6-^'  glr-*  iUjLjfjljiS"  Ji   ^jf  g[;J  iotvj' 
(JW4  ^^..jjJaiî   -(^  ^Cs^ji  jjits.  iL^J^  (jv^î  «X.>-  y^^  ^^^î 

Ji  A.j>  gî^  i^-A^  d|^^  (jî  loLU»  tj^^  l^iiitfîy  UJ^^''^-? 

Jl   A^'    gl^  iL-x«AA*»  ^jlJU^  (jl  ^"  gî^  iCxjjî   ««XÀ^ 

^j^  i  g!;—*  ^^j^  ioU^  Ji  Ao  gl^  i^A^-  c^L  ÀJo*x^ 

'  B  lit  cj^C 


50  JANVIER-FÉVRIER  J865. 

(j^j  ^^  ^it  ia-wj  ovaxIî^  iul^^^  ouûcil  (jvj  iUxft  ^^ 

jUJl  J^'  (j*.^  ^Â^  Jljjî  L^i^  u.y^'^^  jW^c^  i 
LL  j»M^  Lâ^'I  UJ  iUsIâf  »J^>Sj^  ^  dAll^  i^:>b)  /o^-^rii-^^ 
A— ^Uîj  ii)L.^^l^Uwo  (j^^  iC3:>b;  ^r^5^  Jsj«x.s^  ^^^ 

^yJi  U^  ijyàééX:^.  J^>-j  ii^U  fc-^.j  »j.Aai  jcî  ^^  t-*-Ai 
A-x_4^  >*-^'^  «iiU^yiij  é>^^-^  t-^I^  (:Jv>aJl   U5^j»- 

^^^^**^  j-V^^  <^*^3^**3  u=^^*^j>  0^^^  cr^^3^^^  ^^-^^^^ 

^  Celle  station  n'est  indiquée  que  dans  la  copie  B  seulement. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       51 
*_A-jj:^  iL-iÇ.:^>=^  ^Sy'^  iiJs*«w<j  (^jv-t^^wJj  icJsJl^  L^^ 

^^  dL^-j  J!  ^  gîj-i  iU^  Sjy  (Jl)  jy^  ^i\  ^  '£\ji 

<j5  /o^"  gî^  iù^  ylrjlï  <JI  ^-  gl^  ï^mJ^  "  ]oys>^  ya:i 
f^*  glr*  ^j' >*^^  ti^  f>^*  gî;-»  '^^-'^  à^^\  <JÎ  ^• 

(^'  giy  iu*^j^^u  jî  ^  (^  ^-  /  ^a^jji  uv^^^ 


En  B  on  trouve  vis. 


2  B. 


(>>^^   wo.5. 


B.     ^\3yAM. 


52  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

^^  ^J— K>  ^  ^  45-^^^.?  u^^^^  *x^l^  ^Aijà^S^ 

l^j  (j^  <JÎ   /o-J'  g[;J  ^^^^  y^  (•■u^  ^^   *>^yJi    (J-. 

Jl     xkS    gi^i    *AJU'   tJ^jXw  jL    <ji     yij^*X^    (J-*^     /j-A^sl    ^i 
■^]jj    »<mJ^  i£,J^3    (i^    ^    ij^    W^-J'     (jU*«;Ule    Jl    Aj    (j^ 

<3)'  ^3j"*^^  cHP^  ^iiXw 

'   A  omet  ici  qiielqius  mots;  ces  deux  (lorni<^res   dtapes  ne  s  y 
lisent  pas. 


LE  LIVKE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        53 
iLX«w  ^^^.AM^  c>«M  ^l.^,A.ioi  (il   aJ»  (j^^  «^JX^m  cIx^»  ^i  (il 

/  diwXwW  ^jMki^  t.iJB.wi0l  (il  A^  iCXw  5^wMb£  bUS'l  jtwyw  (it 
^l^-i-j  ii^^  v^l  iCjUvw^j  Otit  ci^l  ^^aÀS  ^ij*kAjl>j»^^ 
iL*-A-^3  iucli^  (ii   Aj  ^[;-J  iLJû-u<  lo)Jl  ci^  (•-J'*  ^î^* 


54  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

LJt^L   i^jj^j.-wiO  «jlaÂS  Unsij  gl^  ii*^  (jU^-lpl  Jî  aj 

Aj  gî^  iU-*w  (jLâ^jLs-  Ji  a3  JouiJI  iùJU  1^3  gîj.â 
j^  *HV-»  u^^  <-.oc-w  Lr^  gb^  iû**:^  jjlifci^l  Ji  Aji 

UJujUmj^  y^  j^i^l  j^P  (j-«  ji^^iX<i^  gi^*  iouuw  ^j^j^ 
j 

^j^^^UJî^  ^ilj^^  u^^'-?  u^i^^^  u^^^  u^*^^^ 
tj\^li-^  ja^i  ^jl^l^^  ubyb  ^ jm:^  aKmJî^  uW^j^-? 
Ly-^-J>^*>^^  4^  Agi  ij^  -(^  C4^.»^  ' Q^ t ^y^i^y  ^*)^^ 

'   liCçon  Houteuse  :  B  porte  v»-«  «cwl- 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        55 

^^1^  ^jLwî^  uLh-^^  '^Uà-A-Ji  iUjiXJLî  ^0-fvw!  l^Jujl^^ 

^  l^a^i  j.Àw^  <^^^  ^^^.;^lj:>  J{   l    .rw,.*»  iCJl^«X^  ^j^^  l^a^>^ 
(j-«^  ^i)-*  iucA-w  >UjiaaJÎ  <jl  l-^-Â*«j  l^atfîy»  (j 5j««*.e  ji^^ 

jl^^iXM     (iJ^J^    'Ù^y^    UJl?^*-?     iOkAji'JjLA^    (Jt     ^Im^-^XÂj^jJvÎI 


56  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

(j-jl?  J^-^^-iwî  ^3  yUoj-ll      (Jî)  ^-  gijj  iO^-  ^Iji^î 

Jl   ^-  (jlsS^^jJ  ij\^i  <jt   /frJ'"   gi;J   iovij-  2>jj^Ji    Ji  ^l*«?;-lî 
jjj^s-  <Xi»-î   yLJa-XwJl  ^-(rJV-s?  uW^^  iUj*X^  yUa-vS^Î 

^i^lî^    y)U5j    (joÀAJÎ     y  *^^^    t:^   U^J^   ^  l^a^^y 

(j^  ^  ^Ljl-.»wuv..aw  (JI  ^^— ,?^— laJt  ^l3»^^-^A*JL  JsJo  jjUaXu*.JÎ 
(jytju^  «jjUii^  gî^  -xxjjl  ijjbdî  (j*.îj  J^^î  <iî  /o^'  gî^ 

t^*-?  <"  ^jV-JiLm<>..Cam  ^^  «XjaXàsJî  f*^-*»^)  dlA^  J^'^î  u^y^  '^ 

'   (îc  mol  esl  omis  dans  les  deux  copies. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVllNCES.        57 

^î^  iocw*rj'  jUw^  Jl  /friS  g[/»  iJ^-ù^  (j*^^^  ci^  (*^*  Sb"* 

^Ul  J^  ciî  f-".^'  ^-=s£y  yjjj-ûx  L^^^  iCxLUU  (  Jî)  ^• 
iLJC-w  jL-l^  <JÎ  /OiJj  gî^  iùcM-J  Jc^î  (ji  Ajf  g-r^  iCÂLw 
aJlLj?  jjj^  Ji  Aj;  ■^\j^  iûojl  v^iXi-  c^l^'W'  J^   ^  ç^j^ 

^yJ>\M   «jjyAjLlî   Jl  C:;U^  Jjf  J^t   (jJÎ  ^  *XÂ^i^  *X^mJI 

«Li^  Jw«L^  xwJUî  0-j  *x-#  ij^  w^ jJI  ocAj  ^^ 

'   Les  deux  copies  portent  /jUyiO 


58  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

cj-*-^-*^  J-^-?^;î^  ^j^yK»^  JyoÎJUJ»^  (j\9yi\^  ^J\y^^ 

^j)*K-3j^  j^*XJ)^   \*X.^Mt\j^  J^-A-J*XJI^  yLwj4X.w^  (jU^-u)^ 

C^^   /  (^jv_jjj.g-^|    :>'^  <$>   ^JJ;J^   ^^^   J^   ^'^X)^ 

^j^y3  JI  Ao  g'î^  iUkfc^  (j-^  Jt  aJj  gl^  *AA«  Ob^i 
(jî«k_jLâ*  <ji  Aj  gî^  iuu{u*M  IsLjJl  (Jî  .(sS  gl^J  iCûMi 

^^^**^  ji>/^  p^c]^  L^V^J  (ij-*  ^  e^W^*^^  ti^  U*L?^  ^^  {^J^^ 
^'  ■£\ji  iCx?;î  Lj^  Jt  ^-  gî^  iu-bÇ-  «j^  Ji  /oJ»  gt^ 
JI  ^*  gî^  iL*»-^  »lx*i  Jl  A^j*  gî^  iu**^  j-^Uvw  <JI 

'   Les  deux  copies  portent  JiUll. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        59 


ii\  ^  glr*  ^^^^'^-^      (^  ci^  f-^'  g!^  ^^i'  >jt>r>  ci^  /o^' 
:>î*>oo  (j-4  ^^-ï^^aJl  <2)f  gl^  iUxiw  j^il  Jî  ajî  gî^  iUx**» 


60  JANVIEH-FÉVKIER  1865. 


w 

lld^^y»    y^x^«.w   A.*^^^   (J-w^jjLM  wA^o^l   Aia.û^  'ri/*^  C:^^'^^ 

^^  --^^î^i  tic  ij^-x^axj»  ijoya}  UAiûl^  Itstf^^  (j^**-**' 

j 
^^***^^  x5U  j^:>;«xiî    <JI   1^-0^  Jolj  Jj^  ^^  ^  ^Jlj 

^y-l\^  ^^jç_Aa-]i^  «XJL^i_j  *X.â.mJî  ç-U-<^  vii.-MJLi^  ^>*^^^ 

^^i  i«Xiû  ^j^  ^j^^  ^  ft)-^^-?  »«Xi5-^  y^AûAJi^  iuisxilj 

A-jU  iCJl<UA.]i  J^    dL<v-  AAi^  «XA4^j.yjJî  ^aaMÎ    vS^àmJÎ 

c^.  *n.'J^  jJLX.ji^  0-ji^i  (^  l^jL/o  O^^  ç-iji>  '(^aj^»^  ^b*^ 

'    A  ajoute  ici  un  mot  illisible  Ij3. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        (31 

i  ^^Idssy  ^^^  tJ^jÀ  ^yU"  civiJiJ  *M>^  <i^  ^^i   ^y^i 
L,^^^  LgAx«  ji  gî^i  iUjji  ^^   •^\ji  iUxw  ^j^^HvS'  »^^ 

àj^j^ss-  <Ji  xNJf  *>s^4  pj^îî  ^^  l^j^  ^i-v«iU^  J^j  ^jj 

l^Aiûî^  I^Xa^  i  gî^  iCUi-  ^^  l^a^  jwû^  iUiU'  ^î^l^'  ^1 
^-  gl^  iUA^  j^l  <jl  jl^l^  ^j^j^  Cl^♦^  ^  '^^^yôLl  »1^ 

'    Ce  nom  «'sf  illisible  clans  les  deux  copies. 


62  JANVIER-FÉVRIER  J805. 

1-^Ia>  ^  Uxll  ooJo  ^Jà'J^\  »*Xif>  i^  j.Li  iôvjl  ij;ju**-* 

(^^jvjtfiî^  ^  W^^  0^,y^  *Nî^^  ^-^î^  ^-^^^^  ti  ^Jj"^^^ 

Jw*  (jî  ^ItXJL»»*  (j^^  Uiil^  ST-UJI  IgJj  l^s^î^  juii^  ^ajUt 
^J^^  i^^  i  x»j^\  «oilft  :>lfc  îi>î^  AÀ*  ioj^î  osjtij^i  jlai! 

^JlLj  t>s?>^  «.-.vkâ.^  ij(^  Jî  W*^J  ^^  ^^  dJ^"*^  *)HV*«*^ 
(^jv_-*^  a^«A.w*w«  A.,^^J$^ jî^l^  d^^^^^^JÎ  W^^  ^L^* 

<-*w «XJ^,.,^*»    (Jl   (jv-Lj^-a»-  (\^^  l''^^*^î   ''^^^  W^^  r^lî^   ''^J^ 
'    Il  y  a  ici  mie  lactinr  do,  quelques  idoIs. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       63 
i^îi  Ju:?-  ybj  -.iUJl  *jçU  j«:>t  ^uXfi  iojuti  ^*>Jî  J^ 

AjLJ^  (j*.Uî   *«>:>îj  i^  l^  «Uci^î^  U^  xiî^L  «oyiUJî 
AmaA-^  j.iî  j.Jvj>  wjÎ  ^j!  «XJL^Î  Jj^Î  Jy^^  dUm  iL)ti 


64  JANVIER-KEVKIER   1865. 

ijy^^.  y>^^*^  ^y^  0**^  ^^^  *^?>^^  ^  /fi-fr^!>»v  AjjXtjçr 

jM^  W-^*j  J"^^  t^*^  ^  W^^  u^y^^^^  cMv^^  t^"*^ 

L^ij  «Xs*4ii  iôls*  aJKÛ?  ^^^  -l»i  ioU«  »;ju--^  xX  «;->*>^ 
l^Ai^  (J**W^  U-?-^^  ^-fr^5^  C:5V»>>  »;-^-«^  cic  0*-^!^  *J'-ir?' 

^_jw.-*L-L)  L^JL*^  iC^lâ^  ^^^  ^làtf?^  ^^^^  \s%^^  ^^W" 

J^^jIàJI  l^^  é  «ijyJi  *>y^J^  c-^i  a^M^jdi^  fc^i  aX^- 

^    B  donne  une  leçon  Ircs-cIilTc^rcnte  ^A.^ [a  (jLv^Ji   *_jLo  JJà_)  ; 
'•Ho  a  été  adopU'C  par  Ka/.wini. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        05 

« 

l^l:^^  ^JJùjJÔ\^  J«îjUJI^  J«XÂ^ijjX*Mii  t--wuaj»^  j^îj 

«^.-A-^w-w»  ^^  A^'  /  jb  cK^bj  (J^^  jW^I^  (fo  ^J  «>^ 
is^K  Q  Mi^  A-jLrs-  (iJ?r-^3  (j^-ia-J^Î  «^^J  ^yi  j'>*>^  iuwJ^ 
b^^Jî   (jj^-W    ^-^i^  «XJi^î  »i)^X«^       <-*^ 

C^î^y-dùJl^     b^l     ^j^    AjbjU    dUx>j.A^    C^î^ii    fjyO^^ 

\ — ^Ljf't  ^  *>^->j  ^^X-AÀJt  ^K-w  tj  ^r^j-J  *XÂ^i  vi)jX«5 

^j— /oil  cî):>^  (j^  *-jtUw  (jSwb^  ii)^^  ^-^^  ^/-iV»*^-»^  l;-^ 
ioU?-  (dLU)  ôjsjcj^  ^Ikiî  JlU  atXxj^  xSUiîJijI  *J«  J^ 

(^*»^   ^    yl    b^^^    ^"^   *^-«*^  ^^^   ClJVJ^   ^■^J'J    ^5% 

t-^i6«X«3î    «♦X-X_j    jj^   (j\..A^b   Ajdttf  J.AAi:j*  (^j^-«ijj    viiXo 

Jî  ^;— JLJî  Jjî  (jM,  àj^j-^  xô  ^Uûixo  ÀlâXi^  ciîji  iiijl» 

'   Le  reste  de  la  phrase  manque  dans  l'une  et  l'autre  copie.  Au 
lieu  de  jjia>" ,  B  porte  ^luJf. 

V.  5 


66  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

jUjà  ioUvXj  (^jvj  U  iC.tk,m  ^^U^  CJ^^Î  J^î  5*K-^v^ 
dl^JJLî  i'ii^^  O^^  <^^^  ^j'  J^  jW^  C3^1  ^^*  Jl 
xJCo  i^  ^1)4^^  45^  g!>^^  ^^^  U^^^^  U^3^  f-*^ 

Jï  ^^«î^JaJî  •(3)^jj^,«»il  JJiL*  2>^^  l^jki  «^.jî^is-^  ^  JU  o»jo 
i^jcJt  L4-AJ  iC^^^  5^»?^^  jU**jJt  cyîi  IojU  j^;-»  <^  (jjv^î 

^   uXwaJl  Jl  jU  (:^4j  jj^î   ^4^^  (^jUUi  c^tXÂ^i  iyJl 

(_^4X^^  tK?^  ^JI^Q'**"*^'  *XÀ^)  ^j*5^^  ij-*^  ^jh*A-«)^>^ 

(jj-5jj!  <jl  v.ÀjUaJi  ^  .jA^viASj jUûiXÂjiîi^  rA^*^^ 

(j-«^  /jy^l   L^-xij  ^^wuaJl  jUijJl^  *^Jv4^  C^VS^^   *Xj*XiL 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        67 

S^lf  iLJL)«X.4  iLjv^Uo  (jN^AâJb^  ($^  0^^^^.^^  2Kaamw4  lib^j^l 
^   Cljjà\^   OUuJi    Jî  ^^.^îS<îî    (iH   (iJh-^JÎ    <Xj»-^    gj|^fi.MV  '0   l^X 

l^î^^l^    A^^  J»^^^  (j^ «Xjsio  LgAiûI  ^1   ^^w^-   tj-wÉ^tXJl 

^,.-«^1^  (^A^l^^l  ^^U^  ^  ^tli  Uo  ^i  yir  liU 
^j^^  ^,^1  (^j\m  i  ^Ui  UIs  dUi  ^jW  \b>\sj^\  nx^ 


'   On  iit  dans  A  (jy^\j\  ^\.m^\  J-^a-«j.  Ce  même  passage  est 
entièrement  illisible  en  B. 


68  JANVIER-FKVRIEH   1865. 

i^X^    j^^  iJ^«-AjO   JUrs-  \jiAj[é  ^^j^^    (Jj^jÂ,)  (juuaAS 

jUajèJî^  ^jj^-mJî^  jyuJI^  ^^^3  viLJLI^  (jK^îj  <^j^\ 

JjJo^  /  yl^^^jvilj  Uiil^  iawwJLÎÎ  Js.^mJ!   tj^^  t^^i'XJî  ^oJuii 
iLjjiXj Lw*Ji  j^UL-^-I   iCxx*»»  iXÂ^Ji^  -(^j..^^  UVy^^^ 

'   B.    «-^ajUoJI.  (U'tli-   W'c^oii   rst    (lue,  siins   ;mrmi  doute,  à    (iii 
copiste. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       69 

^jjk  ^.q^  i^  u>*i;^-?  ^jUâjI  J^Â^Ji  JJw«5  rf-  o;U«5  ^ 
»^UJî  /fr^jU^  -^L^Jt  /ft-QA^ft  J^Av^I^  y^r^y^  (3^^^  <^>-y^ 

j-OJî^   ^y^\   /o-^ij   j^VJuJl   X>   ^jyUio^    s;:it>\^\   U   j^^L» 

iSyA   OOl(5 

c:a^  Ji   Ao  g"!^   iùuMA.  <->;  jJî  Jî  Ajf  gl^  iùûU""  jlxjiiî 

Ml  y  a  ici  une  grande  lacune ,  et  ce  n'est  que  par  conjecture  que 
nous  avons  rétabli  ce  dernier  lambeau  de  texte  jusqu'au  paragraphe 
du  Maghreb. 


70  JANVIER. FÉVRIER  1865. 

JLfL^  Jt  A^  glr-*  ^^**^-'?'  (^^-*,^^  c^)  ^^^  <jî  /^' 

^j^^^— U^-fii^  *X^-i  J^«»-Lt  (Jl  /o^'  l^a^îyi  j--ii^  iô«j;i  (;y^j^ 
{fjMyiKj^\s  éU^jij}[>  i^îj  )  gl^  iijùU-'  iiSjJl  Ji  >frj  l^s^^^j 
La_xJj   0jk<a>-^  ^ms-Mi^  IoWa^wj  ^Uû^Î^  (jL^*"^  ^^^^^ 

Jlï  ^jLjL-):)  otiî  cjji^l  iux_j;i  ^j^j^  ^!/^J  ^^3^^^3 
jlxiiil^  (^J<j^^  AAjtXiL^  cybUj  iUJl*xJi^  ^uc»-jJi^  j^UsI^ 

A-tf>lyJl^  /  t^-^As*  »j^^  U^>J  *)3^  <i|p:>  ^^^^  oouaxJl 
5ji^^iLjÇjUaj|  *;^^  jf?^*^  ^JJ^3  ^y=^  ^JJ^  UV^  ^J^ 
t1/^^  /  jUil  *Xxfc  ^  ^Uwa^  iCiLdj^  tj**-^y^  W^^  (^ji?/^-* 

'    A  et  R  partout  wâ./«    >U^- 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        71 

jA~^  rfv-îbî  d*x-.^^  ^  (jo^  Jl  a:>  «W"  Jî  &^jj^  ti^ 

^t;j^--i©  rfv^î  (jUjcJî  «j-fc^  /rcAâi  iU^bl  jrf>AsI ^j^ixîi  /<vkiî 

m 
^^-iUwJi     |^>Aj»{    (jljuJ    |<(>X3l    ^^.AMJUO    Jo    pÇvAjt    (^JV««J9^{    |i<V^i 

/jvAM^I  rf>Adî   «^IâJÎ  /rfvAj»!  jA.lkjiJl   ç(^\  j^\  /^bî  iuycç-^ 
l<(V^i      b^i   fO>ki\  iU4S^  <^\^l  JJxMJtil   rÇ)Xi\  (jv*^  r(\Ui 

(^j!ia}\  ^  Uî^l_5  (jjJ;i?^  U.^^-?  '^y^3  ^^^-f^^  J-mJÎj 
ij^^  ^>KmJ\  ^aX^  -y  J^  oôi^  îjjlï^  iUoJî  c:>îi>  -;!   ^^ 

oiJl  (^,5-*-^îj  Otil  iol^Aj  (jA^  sL>*^-?  ^y^J  c->l^PÎ 

'  Cette  ligne  manque  dans  A,  et  tout  ce  qui  suit,  jusqu'à  la  lin 
du  paragi'aphe,  est  défiguré  et  à  peu  près  illisible  dans  les  deux  co- 
pies. 


72  JANVIER-FÉVRIEK  1865. 


^jlxJ  /ivUî  ç.Uui!  viLfXxj  iCio*X^  j-AJLw  /rf>Jiî  iCJsyiiî  J»-<-*m 
^U^  c4^Aû-^^  iH^I  «ji^  JW  «j^  v^  y,^  jyJi 

»;^^_$"  J^    «j^^UoO    «j^y^LJ!   »;^iÛ^    5;^ 

^  JwJ  ^jLiLji   uaJI   y^^-w*^^  v-àJÎ    iLJU^^*  (J^J^\    ^l>^^ 
^î^-i*.  vdJ«X_5^  i«X-i5  v.jUa-j  laJ»  ^^j^i  ^i.)"^  (*-^-^ 

"    B.  ï^^9    J\. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVIiNCES.       73 


ïjj^jS^^  Ul?  *;jj-^^  -î^Xw*^  *J!>*^^  ^^"^    ^JJf^^  (J*'!^^  ^J!ri 


ii^X—*^  ^^j-jib*  *^i=«-^.^  jî  Aj  4^*«j  <i  ^^  (jJtH^^  *jvj^ 


^   Le  nom  et  la  dislance  de  cette  station  ne  sont  indiqués  que 
dans  B. 


74  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

«j^5^^L-*»fc_Â.^-xîl  »j^ \x^ iij^ ]oyi^\  Sj^ (j^^^^\ 

La-?^   àj^S^O^I   »;_^»4Xxi   «j^lfltf^  »;^\^U^  ïj^ 

Uâ.AW^   ^^   (jMk^  ClJ^^    ^^    ^f*"^^    ^^     ^^S^^(   Ô^^-À^    ^J^ 

,Ï^-aJî  o>^^  ^.y'-*-^^  M>-^^  *-Â-ii:>  ^  ^tx^-î  »;^ 

*X«A.x^a]|^  iCj^ç^j-àJî^  v-JU^Î  (:>^^  (J^^^  JoUwi  «^JS^vJî^ 
ia-A_-M*j^  «y-AJij^  éjj^AJ^  A^i^  Uyiiî^  Islx^^^  ^j^wOo^ 
cllt^^A.  It^  y^Jy^Jt  iLjjîtXjJî^  j-^s^i^  ^,^i^^?  ^SVyJaJLî^ 
ûf  (j-  <fi  "'?^^  C'A  ]a.»wy  Lx^tâil^  JnaJ»^^  Xij^ç^^  ^ysj^^ 
■j^  i^jS'^  ^J^yMi\  Jl  ^j;i;?^î^  (J^3J.^^\  ij^jMi^  ^y^3 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        75 

jl  Aj  '^la;^^  jjS^s-  iUiljf  -U^  «^îi  <ji  A^"  :iXjyo  ^jj^A^ 

^^-i'-Lî  io^;».liaJl  Jî  /o^*  "^huo  ijtfjji^^  ^j^  r»j^i  ^^À.=r 

(->l«.-é:^  <J{   Aji*  ^.Ji^  jjtf^   \mJ^   r*,y^^   ^^-^  (i^   (^'  ^^^H^ 

*"  "•  * 

aMI   Jv.a-^  V*-"^  <i^  (*^'  ^^'HS-*  (j^*^>  iui*^  *4rsA>.  jl 


76  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

J!  *^-  :5Xjço  ^yî)6-  JlUI  *xxfc  ^^  *xa)^î  4-.^>-U>  jL-jJt 

^LaJL^Î  iUj*X^  ^îjj^^l  Jl  ^-   ^\oç«  (jjîj-û^^ 

la— u.^  yljj^j— *.jiJî^   ^  ^^-A-«  \^^}*'*^3  ^J^  Vy^'  ^'*-**'^  (^^ 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       77 

(J~:    C5^>-^   L- j^-.Âw«  J^^^    IjVÀJ^    (J!^-"^J    iCxXiWj    iLjvjtLè"^ 

wàJI  fjtfjJi*s>%  ^«X.>-l  li^j^ji^j  lûxat'j.iS^vJj  J.£»-Um  ^^  ^^^ 
.^-*3  O**-^"^^  J"^^^  (_j^«Xi»yi^^  (j\o^  0^>>  (:3H^  ^y^ 
iK-'JLjM  ^JH^<yJ3\   iLJL>«>wo  iLUs^J»  Jl  .fiJ?  ^|>->  ^^X^w  cl)Ui& 

^^  LT^J^  CJ^^^J  ^^Ij^Î  |<Um;  ^  (:^5V^^  *^^^  (:)J^ 
(C  Lj6^Î^    U^  ci^yûb^  iCÀxX^j  v.jlaA^^   *J>^  Ai^^L*  Aa^^ 

•(^  yt^Jî    ioÙLMi  jiX^^  ^l^^jkiiiL  <^U»-  JI  iCxXiw 


78  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

j^ÀjijJol  Jl  Aa^Î  ^  :>y^)i\  jj^^  U^'ù^^  (S^^^^  cK^' 


j^-AJo-A--^  :>;^j  V>^^  J^  ^  ^^*  y«Xx-«  UpAi^  Joû^l 
^*><_j  iUj«X^  c!>î^^  t^,;'t^^^  *X4^  ^jjj  /<>J6Î^Î  ^«Xj  jj^ 

iL.^Uo  uJL\^_j  iC^Us  l^-iXi.^  1^^  (^^y^^^  **?;^  ^V*-»*^-« 

^^jJ^nâJ*^^  (^JIAJ  2(j.Aamw«  l^yÂAJj  ^^AAi^\  (j*«^JwJI  ^^^^1  (j*»^JkftJl 

^ji:>^^l^  iuio.iI  ,jb;l  i^^=^^    j  .^>-^î  ^iy  ij^ 

'  Tout  ce  passage  entre  crochets  paraît  une  digression,  ou,  ce 
qui  est  plus  vraisemblable,  une  note  marginale  ajoutëe  après  coup 
dans  le  texte  par  un  ancien  copiste. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       79 
(^-x-*w  (j^  «X^î^  fy.£>'  jjo^  OV^  ^  (:5??àa»»  ^a^  8j,am^^ 

J_^_i6U  ^jyS^*^   ij\j^  U^  ciJjLÎI   ^^U  Jylîî   l4Xi5  AÀ.M 


^^*  j^*>v_j^î  JUrs.  (j^  ^^y^  fJJp^^  JUviJl  Jcj  U^ 

i^\  L  dL-A^^  j«l\-A«Jl  (^^^î  Î*>^j6  je  jfc^-**^?^  ^  u^"^^ 


80  JANVIER-FEVRIER  1865. 


^^    A.**:^^^   aK-WW^   lf<M*^_yb^  X>b)^    5jt^    ^^^»j^i    (jbl^î 

^^.^^i  o^Ai^-  ^  :>^\i>  aKjG  Lt^  cj'^Us-  iO-^J()c«j  (j^]a,>*»U 
ii)LjLjft  c>.5ytAi  iUSi^^  *^^  <J^  ^,^4^^^  ^^*"  S-^H^^  <i^ 

*jl^  <^jj^  (jà^-^  0*^  ^-«jj^s»  ($^  j*^Uajî  ^^  g^yi 

^j-«   ii-iS»^    AJb*X.«    0^    ^^    <\:^Us   ^.JtXi.    j^i^l    (j**^-»*fcJl    Jî 

^-^-^^j  05i*x-«  ow^lx»  jUjJî^  JW^  ^,^l>^  (j*^^  ^^y"^ 

'  fci  commence  une  nouvelle  lacune  qui  se  termine  par  les  mots 
compris  entre  crochets;  il  ne  m'a  pns  rté  possible  He  les  rôt;«Mir, 
ignorant  ce  qui  les  prj^cëdait. 


LE  LIVRE  DES  HOU  J  ES  ET  DES  PROVINCES.       81 

^^yi  ^\J^\^  ^j\:>y^^  ^^^^  ^yM*^\  pO^  ayJt 

^  yLrs-^î  ii^Uiî  <XA.;wJ  <^*xJl  ^j  JshJuwJî  ^^j-9  <r>*^ 
a_aJ^  iLi^j«X^  ^-^^  iuJUùaJl  o»..^  ^^^xJî  ^^-^yJi  Uî^ 

viUiXS^  ^(^  AjwO  ^JS?  ^^   LJj\s  ^^  iuUXAM  ^3    C^;-^    (J^'ft^^ 

<3)r  ^^    Xi.^   ^^   ^^ 

\^j\>  Jl  <J>'  ip^y^  iLàJ:^  iU^w^b  (3.>^  ^^  (^'  ^L^  iôuAÔ' 
tiî  ^S'  gîy  Xm-cç-  cj]j}\  j,^^  ^^jwmJî  JÎ  aj  gî^i  iu-Jj- 
gî^    iucAAw  yWL  4^  Jî  ^'  L^i^ï^j.Âi^  USÎ  iijoJsJI 

■Ç^  g5/-»  ^^J^^^  J-*»^"*  J5  ^ 
A-A-k^^AàiiL  aju*X^  ioyJl  l^jVjUi  cx-;?^j  J^o^t   5;^5^ 

'   Dans  B,  t)n  ]it  plusieurs  fois  LiU,  au  lien  de  Jujf  que  donne 
l'autre  copie. 

-  A  et  B  portent  ij\U_«Jt. 

V.  G 


82  JANVIER-FÉVRIER  1805. 

iCÂA^^   ^J-*^   ^^^    îj^^^   (J^J-ff^^^  Jj^^     M>^    r»'^k^\ 

(^*X-fûjU^    (J-==^^_^  ^'!^<—»mj\   A-aA-^  CT^-J^  iUj*X^  (^^xj^ 
^jv-,«ij^  *Xw^l^  (j.mU31»^  *>*"3  (J-*î?^3  O^^^-î^"^*"^  [;*^y^ 

Jt  J^-tf»^i  (j^j  /  i^i  v-jUl  ô^t  iùojl  J^^\  '^^j^^ 

MU 

p  

(j%.^  (j*»tj  ^jjjî  (^3\-xA.Aaj  rf-  iùcujjl>:>  iJ^^^-(3>  iCxjujjLi 
J^i  0«-îî   ôi^î   <\_X-Mw    iUAJ^jbi  ^îwâ^^   ,r  (j^«Jy^j_jJs3 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVLXCES.       83 

îLxijS   ^;îj-^  Jî  (tt-J'  gî^  **J»j^  ^P^  J5  (*^'  g 5^  iCxA^ 

iLjt_A-w   ^jij^^— >-L  Jî  ^  gLn  ^j'  1,;-=*-^  cjî  ^  Sl^ 

■(^^  gîjj  iCiXj  iu>yî  <JÎ  Aj.-  gl^ 

^Uxîî  j.aX^  JÎ  aj  gj^  iu**:ç-  JlAil  (^^v^  Jî  a:5  gljj 
(:jV-^-»»»U  Jî  ^  gl^  iCwA^joJsjiJî  Jî  Aj  gî^  iucwwJ 
j^Lil    ^^  l^  ««Xiû^   U^M-oi^  Jt   AO  gl^  iÎA-M» 

»^Ja  Jj  iL^Ja-X.^  ji^^iAaJLA  0,*<a>-*.  ^jm*^  (j^y^Uw  /  iU^UiÂil 

Ut 

ïLxjljm  ^^j-mi  (jî  Aj  gî^  iou-*M  I«Xa^  Jo  <JI  /oo  g[jj 
iLjujL-u*  lsL*iuA-«w  (jl   Aj  gîjj  iCûw  AJbiXJLî  (jl  Aj  gl^ 

iUjjî  ci^«xit  Jt  ^-  gî^  iuwJÇ-  »j^j  S  fi^  gî;-*  »;-û^ 
AJijji  g^ d^  iuia^  (j^^  gî^  iu*k^  (jii«^^  tiî  (0^*  gJ^ 

^  Les  mots  *r**'^7^  A.stA^  ont  sans  doute  été  déplacés  par  le  co- 
piste, car  ils  semblent  indiquer  la  distance  entre  Maskîn  et  Kar- 
kyçyah. 

6. 


84  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

•C2)r  »j^  Ji   ^-  ^j^XJL-M*^  JI  ^'  1*1»  <JI  ^-  ô^^-*«;t  JJ 
yJit,^  ifoj\Jî  (iJîrX^w  JI   iO-S'  ^ViX*  ^jj>^-ù^^  «'^^^^   o^a^  <i^ 

^?  *» 
(3— *iw«i    JI    Ajf  ^^X-A^  ^jj^-*ik.^  iutxiaiJI   Jj    Ajf  !5X^y»j-i*^ 
—         ^ 

^  JIXmi  ^amo    (^.awwA^   JI   ^'  jXxmi  C:a.^  dLfXxj  JI   ^  «JXmi 

'    Dans  A,  l'ordre  de  ces  deux  villes  est  interverti. 
'^   11  Tant  ajouter  ici   jj-«i-«3  (Jf,  bien  que  ces  mots  manquent 
dans  les  deux  copies. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVLNCES.       85 


yls^U*»  ^^  ^^^   *il5lw  «.ixXS*  iCj:>î  Jî  ii>kûAAaJLl  ^j^^  L^joImaj 


86  JANVIER-FÉVRIER  1865. 


^\jÇ«  J.WMI^      ^^Ijf     ^JVV-**'      (î^-**!*^*"      Ci^      fi"^    J^i      5j.AM^     tSuMtJi 
«s» 

Ajf  :^La-*  j-âSn^  iLéJ^    ciJjUI  ^  (^^  <JÎ  iO.J  !iU^  uV*^' 
Là-jÎ  i_j.-j>AJ^   (^y^^*-^*"  <i^  (»^*  ^^^^jiÀî**  ^MéS^  iuUii  (^^ 

iû^  jpuji  jî  ^-  JM  iijas-  dUJiî  ^U5^ji  ^' 

JLç*i  iU-^  JJXl  cWxoî  Jî  /OJ-"  !>U^  j-ii*^  iU^  'ikxs^-Sf^ 
ojl  ^S-^-=^  Jî  (0-5  ^^^-*-*  ^yi^'  ^5/^i  (j^^^i^-  (J^  ^ 


J-t*^"  iuuuj  tj-*5  -«^îj-fJilt  A^sJ^.  *JSJ^y^  '^  ^^^  u^^H*^^ 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       87 

tJÎ    A.Â^    /frJ    (^^yXj    Q*.^.-w    ^jî  ji^UjOO  jj^î    i3*J;^   Ax*5 

Jljyol  iU^  viJUiû  Ajliû^  <j^J^^  jj^ J^'   (J-*  -*^45^  o**"^^ 
^j-«  ^-A^  (jv_AAw  (^  iU.U]bjUa  M^.iJ  L  j^  <^i-s*-  ^^  (4?-^ 

(j*t^*Xot  (:5??^_^  (*'V^  if^-^  Aaît^jU»  ^^C^  13 ^J  dJ^-^-S^?" 
(^  J^£»-^{   /OiwJs^j  A.(^,M)  ii^A.^  Ifju^a^  «XÂS  l'itiijl  <Xa^^^ 


88  JANVIER-FEVRIER  1865. 


^ii  ii-A-xhy  oujl(j  ^y^j=?'  ê^  *^4xo_j  iCv«;rj  <Ti;J^^  (j-« 

^jj^ y-^ilS    çJ^J    Ltf  j^AâJt    liû^^^    viUw^    12tt;i>    (JJJJ-ÂM^^ 

«.,^i^*xJI  t^L  L.r,j^  éjXXS' Lj]^\  y<l\  Jî  jyJ^  t-ôlii^ 

ijJ^iS  c-jt^l  l^Jj  <»^  jJL  5^  «XytX^L  <.^.oaiî^  c-jL  ^^ 

Mki  j^\  U».^  I4JU  %^  ^,ij^  iixij\  *iL$  wilUt  I^aJ^ 
ij^  «is^w^  A_AjUkiiix^3l  *xJb  yû^  Iï:^  J^  l^ijil  JUt 


LE  LIVRE  DES  ROCTES  ET  DES  PROVINCES.        89 

y li>^j  JUviwJî   (j^^   iûJUÙAÎÎ   i^j   S^>*^^    (J^^ 

^ya^  ijJitA^  (JLaJLxJ  iCiu«X««  <9^^  c^^V^*^^  cK^^  ^^/>^^ 

kJl^S  Cjlcâ<=>i   iUjtX^  jmwAwmÔI    iUjJ>wO    <XjU>^    ^mwA^mÔ^I    (^^ 

^^  <i'  *^  jLw  (j-«  iot<  (Xi?'^  i*JlH   v*"-^*"^  (J    tS***-*  (j^^ 

^  Les  copies  présentent  ici  une  lacune  de  quelques  mois,  a,vçc  la 
mention  Juo^i    ^^   f<3.i^«  conforme  à  Toriginal.  » 


90  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

ft^-jc^  iu^,<;w.  «o«X^^  a.^jL<o  iX,>>l^  jtXrftf  ^  c^«^ 
l-M  »*xJi-^  ^UxjJI  Lâ3U«^  SoUIs  ^  cK>it  bjjkàc»-!^ 
IjlUaj  ^{  :>\j\  Wl^  AÂfi  Ua^ajU  luMjbl  b^i  x«U]s  Uii> 
^^^-f^i  (j^  f*Jtr  ^  «iiXa  «XÂ^  *N?>^  ^  ^  ff^  ^^•^^^^.  ^^ 
(j^  ({  fiM».»  j^  U^*  vilôl  UâÎô  Ijfî  ^  cxXjii  /i\3j.Jl  <->l^Pt 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        91 


A-A-i^  v±>:iVjUî  Jjî;^  -(^  (jy^^^  ^^j^^  iCi-wj-i^  uy^^ 


iL-A-0_5  J—S"^  -(^  It^Anrw  ^Âix  iÎAAwj  iUi^  U^^  CJ-* 
(j^^  iuv-jj^ÀAw  J-J^  -(3)^  ^^j^kA^-  iUAw  AAi^  2^  «X:>-3 

jùco^î^  -«^^XjTi  ^i^  Ljys^!ii\^  îyilaiî^  juiiï*.^  «jji  ^j^>>n4 
J^  ^j^^ajU:*  (ô^5)  i^-i-^'  c^«>^  C5^^U  ^^^^.>-U*Mw«  f^jj^i 
/  J^à  iCJLwJl  ti  jb  4îui  4X5^  «^^-^  «X  (j-^  4XS-._^^  iUUfcJi 

ï  A  et  B  cj3  JLj. 

2  Cette  leçon,  qui  est  la  vraie,  se  trouve  en  B  seulement;  A  lit 

3  B  c.s^Ul  j3j;  tout  ce  qui  suit  entre  crochets  est  illisible  dans 
les  deux  copies. 


92  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

J^  iU-.-«Lî  iC-M^  jLs2^  Jf^  ^^^  J.£>.j  util  ^^  jlsi^ 

if^^j    \\Ki    iUA*-Ç-    (J<*^y»    tK  ^_J    cK^J    <^V-jU    ^^    (J**-*>» 

^ytj^î  ctJiSS  sJCUis?      Ikxîi^  ^  J.S-J  iJ^Ai^fc  ^^  ^r^^"^  ^ 

*-jjî  i  ^  Lf  )  Js-^î^  ^Ua.^  (:5^-À-A«  «iUj  J^  tj  U.^"*^ 
<-^j».U>  k*ww*>îl^  ^IH^  u^-^^^  v^is-lo  kjÇotîi  Ajf  »^Jj^^ 

/fr-'j'   ^^AiyULJÎ    A^'  às^yJuS   <.^A.^.U5j    t-'v^-U&Ij   (.^.^amI    L^!^ 

^^-Ac^ji^i  <y*y-^  ^j^Y^  fJ?y^^!>^  "^  Lr>^  c-/*j»-U£> 

yJi*.^    iu«J^    Lg-Jj^i^    ^jSJaJ^ïl     Sj^y^^    6    ^yiyiiéS^    \Xm>» 

^j^y^^  ^  -*xil  ^-wai^  cxjl^  l^j^  t.^I^i   »^jj^^  rf^  l^^ 
^^Àa9  -(^  i^^^^dA>.s  xmJ^  L^^:>^  iUXw  iyij^^  6  iOÂilt 


4^1  c^Lil  ^  l^i^^  Jjt  Jl  JUJi  c-ol4^  ^^^il 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       93 

Jk.i.i»xJî  j^^-mJÎ  (j=>j.^^  Stiji  (^jv.^^  ^^-'^  UyJV^J  ^J^ 

jJLoi  (jA<l^  iX^xj  lg.««  Jcuw^l  «oUJLs^^  c:jb!jla»»wi  <ùa}3^ 
-JsJL^  (jvj^  l^î^i  y^t^*  »4X5^Î  dUw^jL^I  Ljuj\^s^ 

cj>^=»-  je  o»Ji3  ^5ws*>  l^*  ^  xivAJUw.ii  ^^^j^Cj  \^^y,^^. 
ijtéjh^  j^vwl  ^^  4-i*-A^  iù^ÀJ  iCjL>Js-Li  J^iwîi  t^^  <r  <^A^ii 

lQ»lajV-*"j  <\M*-AÀSi  5<XiÛ  \.JiXyiM^  ÏL^j.*^  {J**^^  ij^  U^-?  J"***^^ 

^  Qû,«A-w^,  leçon  fautive. 

-   Les  mots  Jh-^\   /  ♦vL^  ^/o  ne  sont  pas  à  leur  place,  et  il  est 
«•vident  qu'il  y  a  encore  ici  une  erreiu-  du  copiste. 


94  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

^Jl     ^y-X^j\    L^-AJ^    ^jAK>\    pli-^    iiiaX^   l^  \^]yji^ 

^^^^  j.  *^  r>.  i  >^j  (j^  (3-^^)  u'iH^^  ''"^^  *r>*^  f:^^ 

(j^  lob  [j^j-*i*^^  -^^  iUdfcAÀiSI  StX^)^  iuM-AjJdl  1^jL«  ^Aàj' 
^^-w«  t^-x^j-ioî  (j*-!^*  (j-«  c-»U  v^î^  poiâ*  w^i  <»,vfl^i> 

(jl^^j  iLjjJOvCw^î  ^j^.  ^udjw  osJI^  a)^  ^  %^j\  Uj4>J! 

(^  Vr^b  W^^  0**^^  CJ^  *;^^^^  ^  S*^^^  AKJCi  ^î   *X^-Î 
^Ui  L^^  J^kiû  p^^-^^i  i  ^'^  iiU  :>U  ^jL  (j*.l^ 

w^^l     CXAOÀji    iiïU    ^U:<I    (^     \yXjiO^    SyXjééÀ    (JmIjJI     (-^jJ**^ 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        95 
Ji    A-yJLÀ^   ^Oi-^rr-^^   ^ft«^î:>:}i   /O^-^r^Àio   U   iU^^j   J^l 


fc,  A  yku  I-jlL.v.**-  ciî  <^ij  (j-*j-^  CJ-*  «^  Si;^^  (3^.^  til-x-u* 
dl-Xl^  iCjcMKo  iL«;i>î  <jt  a:»  dlXui  *jji  «xXj  Jî  Ai*  viliT^ 

^^^     tiXXiAW     f^>Xi     /0«,AM^     (Jt      /6>S'     Vi^iX-iW      %JM^     C^^^A^k.     (J)     AJ> 
^^'     viL^AW      fcjj!      ^^.ï^î      tJ)      AJ      ji^AW     J-***J*     (^iÀÎik^i      (Jî      aJ> 

lai  ,h  ^  iJ(  i^yjk^  6  »Sjm   'Àjj**a  *-»*o  iuSjyUJt   <jl   Ajf  xC*»» 


U^^^J^^  »*Xa4x«Î  ^_5^wo^  icXX^i  ^^  JU>iJî  i^Xj  jt -iL 


96  JANVJEU-FEVRIER  1865. 

^jH*?     t;)^--»**-^-*-i^5^      U^"*^-?     (J^^^^     ^jU^fM^Ûi^     (J**PLw^ 


ii^x-u.  iJwi^w^  .^»Xr»-î  (jUtVo^ii  Js^ j^\  ^^  ybj^  Jl 


tii^-^J»  <X-3^wo^  y^j,.^^  (j^»>..Mt\y^j\,.Mii^  &j>-^  AâaA,w  (jv*;^ 
i4-x-«^)^  j^jj^î  iLÂ-)*X-«  8^«\-ss-.^  ^'jj^^  IJ^.^^  ^y^^3 
^^  ^y»w=fcj2>t  jb  ^j^j^-A^iJl^  (j*\-ts^_5  o»-wi>^  (iub«X«) 
li^,r,  xs^jU  dUJLi  jJXo  iSl  ^i<  (j^^^jseJl  «XJLftjJsJiJI  i^Jô^ 


'   A  ajoute  ici  trois  mots  que  je  ne  puis  lire  kkj^a  sL^  ^«. 
-   Ce  mot  manque  dans  les  deux  copies. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.       97 

^r^    »j.-i^    ii\jJM    Jl    /frJ    gî^J    «j-i**    ^SJyO    <JI     Aj    gîjj 

^^*  gl^  y^-i*^  »^1^<JÎ  Aj?  gî^  iU^j^i  <jî  /o^* 

gj^  iUjU"*  ^yiJ>'  Ji    J^-^J^ji    (j^^  ^  gi;j    5j-i^   uk^*   <^^ 

<ji '^^jj^  cxji^  ^!^  ^^"^^  *'Miw  <i^  (*^ 

iCJoiX**    *X-fJl   Jî    Aj'  {j^^=^j-i  ciJlxîi    (jj*>swi^   A-AijJsXf^j 
yU^:5>o    Aj.:^   <JI   *X3j^   (j^  t>^iaJl    gy   viLl> 

^r^  iu^:^  sLt  t5^^  Jî  /o^*  gl^  aaaw  »^^  <i5  i^iyii 

-s.*;*  gl^   AajU"  ^ÎjjjJ^   Ji    /o-S'   gi^   A*^ji    »jj^    Ji   /0.J 

iutjjl  osAiirjj  »Sj4>^  ^-^j^  ci^  (fr^'  ^^>*  ^^j^  (ù^r^  ^^ 
6  gîj-i  *JLw  ii-A^i   *;-^^   <i  0*.U^^  <jl   /OJ-'  l^s^^^J^Âi^ 

<$)r   J^à   v^î    v^î  j^jJî    ^ij-i^J    <r    gi^   iUjjî 


98  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

^  gî;^  »)-à^  (^j\:>  <JI  <Xj^  (j^^  dlX.*M  &A^  Jh^^  JÎ 

gî^  iixxw  (jîj^^^l  Jl  A^'  gî^  ii^XS  (jL^  <Jt  ^jt»;^  di-»^ 


iuV.ÂJL^i     (j^^    <^    çjt*^xXsa^[f^    0**^^^    ^^Juite   is^V.^    IoUm^^^ 

^jU^  ojdi^  j[Â^  j\m^^  ôUJî^  xrjUjkâilj  c^*>>-^  ^^*^î 

v'^^  uIh^""**^^  '^  •-?  u~^^  v^3  Jj-*»  v^  W*^  u,y*^^*" 


'  Tout  ce  passage  sur  l'Arménie  est  presque  entièrement  dénut^ 
de  points  diacritiques. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.        99 

j*K.jL«w  «Xxj^  ^  [^  dr^J"^  45»iîJi3t  ]  ^  ^j^  UÔ\  ô^t 

u>  

<S-^^^  ^^jJLi^  ^^j^Uj  ^>i?-l»  (:5>J^  ULu  (ijvjyiii  ^i 

r*^^  Ai>  cjiiî  V^^^  ^"^5  j^^bjU?^  ô^î  iUwwfisr 

jLk-fti^  J^j  Jfi'iuLw  ^3^^  ^j:>  otiî  J^j  .K  ^tlaftl? 
yi^^  iUJU^Î  <-.^^.Lo  J«AX«wt  0j  ^5-^1  ii^  (3^*5^^  ^r^"^^ 

dix»  UJ  4-,a5^  ^Jyi\  éX^  Jl  ^^1  4^^.i»-U?  Ui  c^a5^ 

Là-x_-<  A-s»-_j  <s^^  ^^^    ^>?J>^  ^^^  *^^^  \JJi\9  jjÉ. 

JwAj  b:>j^j*  00»  U5^  i(^I^Î  iiJUÀ^  ^î:>^Hw  (jb;î  Jl  bj-*y 
bj^^»*<w-i  iu^j-CJll  x^\j^\  tj^  D>3.i»^  *^  ^.>  U  Ui^:> 

Wr-A_i    [jj-JM^    L^\jÂ.    (J«X^    <JÎ     b^    AO    -bl     HjjitS-    ^-^-AÀ 

L^_j|  \jj^.s^  {j*^^  '^^  {^  UJU**i  ^^  ^-A»^^  iutçM 

'  Ces  trois  mots  sont  certainement  intervertis. 

7  • 


100  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

UXi  Qjio  (^\  î^ljj^  lt*iaji  Î^A^sXi  cjUw  UUi  c-»Ui  -1  yû 
(jb^  ^:>i^t  ^^Li^  (^  J^4^  J^  U  ^jUaâv»  yb:>Uî* 

.Xo^il  (jy-AXi    dlJ*>v  ^^  iXJjjjOJi  ^^^  ^ji>l  ii-^ 
5«X^I^  tX  ^'J  oL»>»  ^-i  <X  O^  »j  )'*Xj  J^*^  i^\ij^ 


LE  LIVRE  DES  KOUTES  ET  DES  PROVINCES.      101 

JâX^  «i  c.jiî  «^  2*3^  JàJ»  olxîi  ^^j  JsJ^j  jJl  j «Xi  ^^ 

tMj-A-^ïi  *i^  ,>)^  ^jii  (j^  j*Xjb  J^Jl  ^y^  dtji 

^^^...«M^^  IJCJwi   >1^  oi  Ai^  i^  5^1^^  ^"^"^  ^^is  ^3*^^^^  ^Ujc« 
A_j^  «X^tX-rfel  (j^  ^jj^_5^.o  U  «X^\^  ï«X-&.î^  J&  iCjbl  Jsi^ 

i*N iû^   c^ii  ^j(w^  j-iûUôJî^  (jvJ:>Uiîxîl  o»-^  U  <^^5-w 

M  -^Z  Ml 

L>^:>  J^i^ii)    ^j^  ^^jjtfvwHS^  /0-4-JÎiî  ^yx^^  JjUii    UoLri?! 

^^U  l.<yX«  *X^.i^  J^  U^"  ^Uaû*.  cjUJÎ  *XÂfi.^  <r  I^Aa^ 
'   Ce  mot  est  omis;  nous  l'avons  rétabli  d'après  Kazwini. 


102  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

(j^  ^^jX  Uj-«5i  jjJvi  ^ji  0.53  tK  tic  Js>*>^  ô^Uiî^ 

jL-^pi  (jw«  «x->-lj  J^  J^-«>^  ^  ^^  c>Jî  xjLc.  ^^Xo^ 

j-k«    Jt    OOU>-j^    ^^1     UxL    4^fi»-    f^b^    ^^^    cK^b^^    (^^ 

,  p 


LE  LiVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      103 


Jî  ^0^*  gî^  iL-kw^  if^^  (^î^)-*^  <j5  fi''^  gl^  io«A^ 
J{  /o-j'  ^1^  iLjL^w  ^Uw  Ji  /o»S'  ^[/À  iixçw  <X^^{  ^^^ 
Aj  ^Kx*  j-û^  iÏM*.^  iUAw:>Uii  Jî  Aj?      giji  iû*^  iii^î 

fJ9)jjS!t^^^     iÛKAM^J  jtut     ^^^     iUoi»!^    Ji     ^'    ^^LyO     wAM^     "^^^ 

*   B  ajoute  js^^v^  iù*^  ^^C^-'^t  J^  f^ '^  ^^  ^^t  probable  que 
le  mot  iU^lrn'est  qu'une  répétition  fautive  du  nom  de  Koulah  ksS. 


104  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

Jl  ^Jsjdî  (ji  iUj*xil  ^^  Js-=wi  ^  i  J^i>  ô^i   '»^>^  S 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVJNCES.      105 


/^y-^Uû  (jv-s*-  f.^X^.-«-Ji  XaXc  4^JI  ^JCw  (^<XÎ|   (3-î^iaJî 
J^-s».Lam.JÎ    (JÎ   -ctsi-   ^^jis»^   iCX^  JjLwÎ   i  cWoJi   Aj    *K:^I 

iuÂ-j,_^  ^^^  Jjsjj  j-fLAi^^  (^yJ*^^^  t4>^^  iS^^^3  ^3J^^ 

<:>  iU^^  jXiil^  JoUj^  ibU»3 

L^— A_i  JlU   JI  l^jL«  Jljyol  ÏJJ^  iiJUiXJLI  ,^1  c:>Litç«  ^g^ 
j--i*_*  iC-*.JMwJ  jLl  l^^  i^\jçN*Jl   JI  Aj>  ^KA««^^-ii^  Ijul  jLl 


B.  3^L. 

Les  mois  compris  entre  crochets  mariffiieut  dans  la  copie  A. 


106  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

Jlyoi    iùoLC    ^^  l^A^^y^^Oî^   -UJl   Joui  c:>Ujy8  ^^^   iobs- 

iC>;.kw  ^^  la<w.il*  Uïfcxjdt^  ^^HS-<  (jy^l^  ^^*^*    ^M^  *^^  W^-» 
>\-A-^  ^j*w^,g^   ^W<J;i   -«=^L«   l^i    *^*»^  >^   oou»-  iiî   a(vXaw 

^jLoi  ^Lî^  tî)^  W^3  *^*^À*]5  <JÎ  (O'J'  !^>uy»^j-û^  iUXj  je 
'  A  ajoute  )y*««5- 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      107 

'i\j^\^  ^SyÂ.^  iL*tjS^  tf^x:^!^  ajUj^  »*m*^^  '»^ys^  ^^^|; 

•(^  (jîï'i'^J^  f^'*^^  (j^^^^^  iLfll^S  l^Â.*^ 

JI   ^-  OuLkJij   ^^î  J^i^l   c:jUjm.  J^Uiî   y^  Jt   ^• 
(^ijJ^  ^  Uu\  iaJt  Jl    iLL«  (  cj^)  :>î;î  ^^  /  ou'dail 

iLj^J>  ^hSUî  Jl  /o^'  JU^I  iUjU  tic  I4JU  oSi;4^  1^ 
'  A.  Qj«.«oiy 


108  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

(j^^  J-S'^   ^^^   QJ^ri    ^  *^^-*-  ^^   S^H*^^   XKii*.'J  iL^lôfc  *;^ 

a^-iuij  i^y>  ^î^jà-  Jî  Aj>  *j-^*i*«  djv.^  W^J  Wi^*  «.^^  ^ 
AÂjJs.^  cz^yUf  J{  ^'  q:;:^^^!  L^^i&!^  ^U5w  l^Ai  («^^^^ 

J^—w^^^  iLjLs*-j^  ^-Ji^Â^   -ï^Uà^  ô^^^  (:y-«>^'   O^^^ 

/ji^-X-âi.    (jl    ^lxÂ*«?     (jw«j     ^    iJ«Xx^    Ô^^»^^   -P-LxJufi»    OtAAW^ 

*XJ^  ^<3jJli  iOJiâi  oi^  ^^^  »;-=SUi  Jî  «Jsjuo  (j^^  l^^js:^;;^ 
(^_x-i  l^stf?y-i  c:;j>/--û^  ^  J^  Jj^i  1$  ^î   ^iUIÎ  iC:^ 

ô^^^^  (j^y^^  i  <^*>Jî  tXjvwiiwli  j.Aaxîl_5  iiXiaxLi  ^^j^î  *-Ai^ 

jLâJI  O"^'^  ^ljt\^  ^j^  (JM>^^  i^^  (:H>^^  ^^'  liûvXAXj 
o^^^J^^  (jl*X-$5  «^»-A-A-4I  ci^iVJ^^  V*"^^'^  r^^  ^^J^^^ 
^j-^  Ô^^-i^^  t^*^J  ^^«Xa»^  5<Xâ^  Ô^^«^^  iî^  ôï-s*' 
4jv_A..*-»Aiî^  ^o^xjl    ^!^t   ô^iVi^3  (J^**^^  ijj/*-*^^   O"^^^^ 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      lOU 

(J?î-?^    l<yÂAJ^    C:>jj-flj.AJlS*.    ô^XJ^^    «*XÂAM^    C^-*^^    ^»Js.-i«> 

je  ^U;^  JoLiL  ô^:^^j,^^jwl  ô:^^^^  (j-<?Ji  t^:»^^  AAi^ 

(^j%-*j  ô^^XJ^^  wi**  ij'^K^^  ô;-ùJî  o!5>^^  iU^j  cj^^^j 
*-ib  ô^^^^^   U^""^-5   ^\^-^-AS>  ô^Vi^j   ^j!5\n^^  ^U-w*J^ 

^j-û^  iL^-w  jUis  <Ji  *UJUs  (j^^  ^  JjXoôit^  f^^"^'  ô^^> 

_^:>^î^  v.ju-LwwJl  o^X^J^^  <^  ts^j^i  U^^-?  **jUr  (;j«X* 

iCJL.j*X^  (.^^'j^a^^  ^b~*  ^^^  fc^^uajC  ^yl^  JI  jUi  (j-«^ 
^X-ft  jjw«^  Jj'-ÂJ*   (jj-tf^îi   ti|^*«  owl^  U6ji<>o^  Uû^-AoS^  jlÂJà 

'   Ce  mot  est  omis  dans  A. 


110  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

^^  <J^^KJ^J^LxJLt  o"^^^  is^^j^^  ô^v:^  cr*^  ô^^^ 
Axi^  j^u=*UAil  ô^>c^  t-Jtîi  ô^VJ^  v*^'  ô^>^  *>ys^J 

c^jodî  J«=»-Lw_j  aJU"^  J^=».U«  ^VjL^  *^vst»j  ô^^^^  j^3 

y^X-{L>  -J^-x-i^  (jW^  o^^<^^  ^-*XJt«  o^5>J^^  ^^  ô^^^^^ 
^  Oj>^^i*-^îj  c^^î  o^^^^_5  (j:?^^  o>>^^  ^^  t^i>  J  ^  (j^ 
(jW^  ci'  ôjJ^i  cj^3  giy  ^^^"  ^j^'  dî  ^t-x-Uo  (j^^ 

^jj^iii  (S^s^^  ujy^-?  jV^  ô^^^^j  ^^-a^  o^^^^  ^ii^ 

iLÂj4>^  -J*^-^^  (J^^^J  y;^  (Jj^Xi^^  j^jkiij>-  O^^^^  -<^^^ 
(*-jLAA_iîjj    A_x-jl   ovxj^   f'W-*»'^   (:^"^'^  Ô^^^^   «^4*^ 

'  A.  JI^. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROV[NCES.      111 

jX-=»-  Ci^^^^^  (J^-^^^   U^U^*"  Ô5^^^  StXxAoJî   O'^K^^ 


dL-X_w  >c-aaw  <^J^^   ^lxÂ.o  (:5^>^^  wiiXw  xj^t  «XJu^^  jl«6 


qI^X-^  dLL«  j_A-j  <^«>J  (^jJaluûJl  oOj  ^^y^I  J.iû|  Jls 
iuA_À_j)^  l^^j''^  (j^i^^^  j*^mJI  AjçX^  /jLçvaaw  ?r3>-'  CJ^'^ 
rJfj^^  T^^j"^^  i^y^r^^  ^-^^^^^  W**»  ^•^:>  (c)^  J^  ^  <r'*'^3 

iuCULj    a,yM*xi^    iù^jùd^^    ïtXÂiftj    (J'I)^^    A.ol:>>vJ3    ijy^j^^ 

Jb  6  yaX,  ^^^  cxil^  iUAw^Aâiiil  IJsJb  ^^   ^  IdW  (Sj^i 


112  .lANVlf<:R-FÉVlUER  1865. 


iCJs>«>i««  C.>L    ^    «X.>^^   ^  ^jN^-O^I    ^«Xa^M       LJyJ<Xi  jMi*S-    /ol 
■(2)^   iCUw    ^j\.*Aa«^    (JV^'J»'    ^y^  ^^J^    fi-^*^ 

Ji  Aj  iC^k»  Jî  /fro  ÂXovXrs-  Jî  ^*  iL?^  Jî  a:?  iùUJe  Jî 

J,*.Ud^Î    Jî    Ajf  ij^3    Jî    /O.^'    ^^î^-*    Jî    /OO   Uj>    Jî     aJJ'    AAAi^î 

Jî  ^ j-jtXs^  (^  {j^^*-*f*^  Jî  /o^'  i^\^   (^jS-  c:>îi>  Jî  Aj^ 
Jî  iL^L.tfvJî  ij^  6  HkJL^  Jî  iooUJî  ij^  (^j^S  <5>  a5C« 

'    Dans  A,  ce  mot  se  termine  par  un  q,  et  présente  le  groupe 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      113 


114  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

^  ^jjj  Jv^  Jl  ^  lis.-  Jî  |fri'  *^>t  Jl  ^'  Jyu  Jt 

c^jcÛ  Jl  ^  io^î  Jl  A^' J>*^  (jî  /oo  *|^^l  Jl 

Jî  iCJL-)jm  (j^  Uj5ï>  -Job  ^!  JjUXt  Jî  A.'i'  iCÂj*xXî 

(jbî^i  -G)  iUl^?Jî  JI    -j  Jl*Ji  JI  ^  iLfJ^  Jl  w  J)ljL« 
f^jJi  A-A-*^  LgJjUwl  Jl  l^^Vftl  (j^  iUUJI  ^5-io  :>î^  J^ 


(j^  é  iL^\ 


iÛM^ 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      11: 


rfjLiJL  ^^..t^5jû>  (jjjjJl  <Jooî^J^i  -^^j^^î  j*»^?^î  dLLw^ 
iÙAjAJUâJl^  iuç^itXj^i^  iLA-:^y»^l^  iUj^lj  iCjyo^l^ 

'  B.  ^Ul^. 

^  A:  ciUuJf.  Celle  copie  intervertit  souvent  l'ordre  des  lettres.  C'est 
ainsi  que,  quelques  lignes  plus  bas,  elle  donne  ^ysuit^  pour 
l^yMKSLjJ  ,  qu'il  faut  lire  ^yAx^. 


'^#^ 


116  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

Jc»..r^    ciA^j  (jb;^î  t^  yjj^-x«*j^  iU^sUajL  (j3^^^^^ 

(jj>^l^  «XJ^.^i^  JsjuJîj  ^jU  (Ji  ^^i   (j^^  ^  *^?!i^î  <jl 
J^3  OJ'^^-^Jl?^^  jW^^  ^^  '*'  (J^*^  ^uax>  J.Aa;o»  viUi  J^ 

iUJlJuaiî  j^  ^j^Àam  ti  îj);^  'J^  u^-?  fJt^^   *^^  |^^)-^^^»*^* 

Jî  j.-xjtA-*  ^^-^y  cj^^  j^^xj:^!  (j^  ^/^  (^'V^  ^J^ 

JI  ^-  iUJi-^î  Jî  ^  iùssUs  Jî  j-A***^  ^^Aoi^î  ^yJ:\ 

^   Les  deux  copies  portent  itLs^l,  leçon  dont  la  fansselé  est  évi- 
dente. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      117 

1     •  ^  .  •  ^  ^ ^^^^^ 

»»4XÀ  (j^  AÀfi  tjA»^:  ^y^^  ik^MtJi^  (j-«  t^***^?^  (Sy^*^  u  .? 

j,-Jj.jU\^     ÏLmJJ^^    ^jXij\m  jJiO^    ^^^    ^^y^3    /  vAâ^    «X»- 

(jft^JiXj^i^  ff^fXxjio  y6  é  f^j^^  <-fi>^^ 


*  A  :  partout  ^J^  ,  nous  avons  suivi  de  préférence  les  leçons  de 
B  dans  ce  paragraphe  fort  mutilé. 


118  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

iyx^.^  0"=*^>  (0^"  c^*^.'î'^b  ^j^j"^  A^lss-l^.  j«XJLj  l^jc^ 

v.À^I  uJir^  (:r^^^  j^  cK^'^  ^  ^;-^i^  »î>?  f^^^  i^ 

jiail  (jw4  *Xj  ^  Xîil  evoJl  Joi  J^  JyM^  -î^iXsi  J^>;.)î 

A-ô  *Xj>-y  dl^JJLî  oyo  yû_j  t.ivsj  ^,^1  iUj*x^  «j  ^^-^?o 
^j^  iilX»  /oO^  -M-^  i^^^  <îuj»-Li>  /rfwî  «.b  Jo  c^^  W^ 

ii_xjji  jô..iil    o^uJl  ^^^  j»^X-»*Jl  Ijy-A^  i'^li  (jj  cjW^ 
(jjj^  «Xj  ,y  ^^  xaX^  ilj  ^j^^Jc*  JX«  viiX»  l,#J^  ^Vjii  (;)j>^)>-i**^ 

'  Jl  est  probable  qu'il  y  a  ici  une  iiouveUe  lacune. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      119 

^«..^aamJ»^  a^Ujj  A^^l^xj  ^o.^iAifc.  ^^  ç^^l  jojUaj  cxaaJÎ 

^^àL«Jyî  çj^  ^<yÀ-A^  ^  ^  ^UJî  î*Xi^  ^'^«*-*  (3-^  (S"^' 


120 


JANVIER-FEVRIER   I865< 


c>''^*  «Vr^jj 

f^41  cnJI 

^Lsoiyi  A.jLiLj  lx><Jf  ^^^  (3y^f 

^  oJ?^  ^L^-  ^y f  Ijofc  J  L>  ^^^' 

ju^yi  *jij                      iiUccifi  4iiL 

iLA^Uiîj   JL^oUJfj  iLaul^l  AjLcLwj 

LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      121 

Iç^J^  *Xj»-Ij  J^dUw  j-Cljf   yUr^î   0UâaJÎ    t-J'U^   çj^^ 

»^^^j  U-j^  l^Js-^  -yù  ^  Uj 4>Jî 

uxîî  iCjUUw  IgAiûl  (^^-w  l^AJ  (jl^  <xjt^  ^  >.^îSÎÎ  ti  ^^"'J?  cj^ 
xJL^eî  jJt«^  U-J-^î^*  iCÂj4>wo  otÀ-«^  <^  IgAiû^  Jj-s*-  c^^,^4î? 

çj^jJA^  {J^jif   (Jt*>-9<^    (iJ^-*J    (jUJt^„la.wî^    ^  iJ^J^^    54XÀ£>.^ 


>  A.  U^o. 


122  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

)j-^  |of^-^_Aj  l^Jî^'lj  o       i    ^    '^  J^l^l  ^J^  cy^j 

^    (JâJO^I    3^.fV^l    4;.wJl    !  JsJà 


'  A  et  BLjjyl. 

'  Les  copies  donnent  seulement  ^f  cvA^».»  cV^wl.  Après  ce  mot 
commence  une  lacune  assez  longue. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      123 

^j\  iô-r^U  JE  icib  l^.  ^j   


iL^w^sbj  i^^ÀJa-J  j   l^ 


J-*^ 


iui^  j-A.^  Sl/-*^^  4)yJLit  îiî  ^^j?UJî  >i  JUùj-wiu  a*^^ 

c^^jûo  ^^vi»-«  4J-4J  <r  Uftjjuoj  ^i>-   cjU«Jî 

U^     O^    ^^  j|>-'^*^'*   '-S^  tlivifc  *X^^ 


l^Jj  ^^Ji\  iw^Aî^  O^-^î  (^**^î  ^  (j^^^  i  >X!^  2i]Uu 
JLiifcwA^..^      l^JLxxkjwi^  iCs^ÂAâ,^  l^JwM»>>!^  ^Ij^i^i  (^y^^ 

^jb^,ill    0..A»J>-l^  JI^WAJ    iis^y^Mé^    L^-Â^MWy^î^    ^bUwj^Uô 


*  A  :  *.33^. 


124  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

(^3v^-A-*âj^  (ji»2>iyî  L^^  ids^î^  (ji>m^  (jy^>^'  W3 

l1,Â-*>fc.jN.j    1^c_aJ:>  l^xi?:!^  ^-fr^JÎ   ^  ^_j   (J^'è''^*^^^   -^^W'i 

j^-jLw^  (^Jî«xiî  A^^^lj  <^J[U  i_^i  dUJLI  iUï  Jlï 
^^-ft^'aU  tj^  (:Jv.A^  ^^  ^/^-?  g^^'  -^(^^  f^r^^  0=^^ 


L\L  LlVHt:  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      125 

^j    à*.   >^  ^^^J^]\  j.-^^\  ^  JoU^*Xj  Xf,àJLi  i..f\j>a^h  jjo^  <jî 

'   Tout  ceparagraphp  est  mutilé  ot  incomplet. 
'  B  :j^  j.   ' 


126  JANVIER-FÉVRIER  1865. 


J-**^^  L^Â-^  ^L-|^l  ^:>î^  ^i>;*>4)  ^^3  ^  4r^' 
^  U^J^dV^  c^**^  ^^=^  C:>^  ^  O^J^  S^  f^' 

*HV^   i  <-^^^^  idai^î  (^^•***^.^  ^^yX^   kiUi>  (j^  (^-iî--*^ 


!*>Ul  C:JH  t5*>^^î  ^r*^^  cX-f^  <^  JW4  <r^^  (j^^ 

Aj  -USJî  cilLÀiû  c^^-***-?.^  iUajuaJLi^  iuSliaii  cXx:??  cWisi 
XAJj  jj^-il  j«^   Jl  ^Vjuibj  loUfcXgw^   iUioLo  Jlx:s?  c^JS» 

'   Ici  finit  la  copie  B.  Ce  qui  suit  appartient  à  la  copie  A  seule- 
mont. 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.         127 

^  /  (^UJî  c^  l»  C:5?y»^  «jÂxJLI^  iûjxîlj  AajKJ  Ui^ 

ESSAIS 
SUR  L'HISTOIRE  ÉCONOMIQUE 

DE  LA  TURQUIE, 

D'APRÈS  LES  ÉCRIVAINS  ORIGINAUX. 

PAR  M.  BELIN, 

SKr.BÉTAIBG-INTEnPRÈTE  DE  L'EMPEREUR  À  COMSTâNTlNOPLE . 

(suite  et  fin.) 


SULTAN  SELTM  IIL 

Ce  monarque  monta  sur  le  trône  le  1 1  redjeb  i  2  o3 
(7  avril  1  789).  L'état  du  trésor  ne  permettait  pas  de 
songer  aux  hakhchîchi-djulous;  les  mévâdjib  même 
n'étaient  pas  payés;  tout  ce  qu'on  put  faire  pour  mé- 
nager l'esprit  des  milices,  ce  fut  de  leur  distribuer 
un  qyst,  le  1  5  ramazan^  Résolu,  malgré  les  obstacles, 
à  déraciner  les  abus  contre  lesquels  tant  d'efforts,  et 
en  particulier  ceux  de  son  père,  avaient  échoué, 
sultan  Sélim  écrivait  au  qaïmmaqâm,  en  réponse 
aux  plaintes  que  provoquaient  ses  réformes  :  «  Vous 
connaissez  tous  les  charges  de  l'Etat;  quant  à  moi, 
je  suis  prêt  à  me  contenter  seulement  de  pain  pour 
ma  table.  A  tout  ce  que  je  fais,  on  s'écrie  :  «  11  agit 

^  Djevdet,  246  ,  2^7. 


128  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

«  comme  son  père!  n  Mais,  pour  Dieu  !  le  pays  s'en 
va;  encore  un  peu,  et  on  ne  pourra  plus  le  sauver; 
je  vous  parle  sincèrement ,  agissez  de  même  ^  »  Quoi 
qu'il  en  soit,  le  sultan  ayant  donné  Tordre  d'augmen- 
ter de  dix  honunesle  chiffre  de  chaque  orta  delopdjis  ^ 
et  de  prélever  leur  solde  sur  les  mahloiil,  on  plaça 
sous  ses  yeux  des  rôles  complets,  ajoutant  qu'il 
n'y  avait  pas  de  vacances,  qu'il  faudrait  attendre  vingt 
à  trente  ans  pour  arriver,  par  les  vacances,  à  l'ins- 
cription du  nombre  d'hommes  indiqué.  «  Que  signifie 
cela?  répliquait  le  sultan;  en  tout  et  partout,  on  me 
cache  la  vérité;  deux  de  mes  barbiers  me  confessent 
qu'ils  sont  porteurs  d'èçâmè  de  topdjis ,  et  pourtant, 
si  je  demande  des  hommes  pour  farraée,  on  me  dit 
qu'il  n'y  a  pas  de  soldats;  si  j'ordonne  des  levées,  on 
me  répond  que  le  trésor  est  sans  argent;  si  je  veux 
remédier  aux  abus,  on  m'objecte  que  le  temps  n'est 
pas  favorable.  Je  ne  veux  dépouiller  personne;  mais 
j'entends  que  les  mahloal  soient  donnés  l\  qui  de 
droit;  si  cela  est  injuste,  qu'on  s'y  refuse;  mais  Dieu 
puinra  tout  ami  de  la  vérité  qui  ne  lui  prêtera  pas 
son  concours.  Voilà,  voilà  comment  périssent  les 
empires!  »  Au  reste,  voyant  que  la  réforme  ne  pour- 
rait être  que  l'œuvre  du  temps  seul,  et  que,  dans 
cet  état  de  complet  dénûment,  l'armée  ne  pouvait 
marcher  en  avant,  le  sultan  se  borna  à  la  défense  des 
places^.  D'ailleurs,  le  pays  n'était  pas  épuisé  simple- 
ment par  la  continuation  des  hostilités,  mais  ill'était 


'   Djevdet,  265.  Cf.  plus  liant,  année  io63. 
^  /("/.  IV.  266. 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUK  DE  LA  TURQUIE.  129 

par  les  taxes  de  guerre  levées  en  double  et  en  triple ,  à 
leur  profit,  parles  aïàns,  qâdis,  nâïbset  autres  agents 
de  l'autorité.  De  plus,  quand  un  vizir  était  nommé 
au  gouvernement  d'une  province,  il  avait,  en  sus  du 
djâïzè  officiel,  à  faire  des  cadeaux  an  grand  vizir  et 
à  d'autres  personnages;  et  si  Yéïâlet  était  important, 
il  devait  payer  une  certaine  somme  au  zarb-khânè. 
En  outre,  les  vâlis  étant  changés  deux  ou  trois  fois 
par  an,  et  passant  de  Roumélie  en  Anatolie  et  vice 
versa,  ils  avaient  à  supporter  des  frais  de  voyage 
considérables,  de  sorte  que  toutes  leurs  préoccupa- 
tions n'avaient  d'autre  objet  que  de  rentrer  dans 
leurs  débours.  Les  sièges  des  qâdis  et  des  nâïbs  ètaie\U 
souillés  par  la  corruption  ou  l'ignorance.  D'autre 
part,  les  titulaires  de  ziâmet,  timâr  et  moiiqâtéa,  et 
les  miitéveilis  de  vaqouf  étant  criblés  de  dettes,  ven- 
daient leurs  revenus  aux  sarrâfs ,  moyennant  bonne 
somme,  et  par  avance^;  ceux-ci,  à  leur  tour,  les 
réaffermaientà  des  tiers,  en  ajoutant  au  prix  de  vente 
celui  qu'ils  avaient  déjà  payé  aux  premiers  vendeurs. 
Sûrs  d'un  puissant  appui,  cessarrâfs  assuraient  fim- 
punité  aux  sous-fermiers,  et,  en  récompense  de  leur 
zèle  à  satisfaire  leur  cupidité,  ils  leur  promettaient, 
pour  l'année  suivante,  des  iltizâm  plus  productifs 
encore;  de  la  sorte ,  tel  mouqâtéa  qui  avait  été  affermé 
vingt  ans  auparavant  au  prix  de  5,ooo  ghourouch, 
était  monté  successivement  jusqu'à   2  5,ooo  ^.   Le 

'  OjcS^I  fi^y\  «»ij[  s.iJ(ja  (jjjjh  «^L^, 
»  Djevdet,  IV,  269. 


130  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

djizïè  était  perçu  même  des  enfants  au  herceau  ^  et 
les  moubâiéadjis  rançonnaient  le  paysan  par  toutes 
sortes  d'avanies;  aussi,  dans  le  khatt  adressé  au 
qaïmmaqâm,  le  sultan  s'écrie:  ('Aucune  vexation, 
aucune  avanie  n'a  été  omise  par  les  agents  de  l'au- 
torité; Dieu  nous  en  demandera  compte  un  jour  à 
tous;  qu'aurons-nous  àrépondre?  Vous  vous  concer- 
terez avec  le  cheïkh-ul-islam  et  les  grands  de  l'empire 
pour  mettre  fm  aux  abus;  je  veux  qu'on  dise  la  vé- 
rité tout  entière.  «  En  exécution  de  ce  firman,  dont 
je  ne  rapporte  pas  ici  toutes  les  sévères  dispositions, 
de  nombreux  medjlis  furent  lenus  pour  recbercber 
les  améliorations  réclamées  par  le  prince;  et,  fina- 
lement, un  conseil  général  eut  lieu,  au  kiosque 
d'Erivan,  sous  la  présidence  du  sultan,  le  20  cha- 
ban  1  2o3  (avril  1  789),  et  devant  servir,  en  quelque 
sorte,  de  préliminaire  aux  réformes  qu'il  mûrissait'^. 
Celte  assemblée  générale  fut  suivie  d'autres  réunions 
tenues  chez  le  cheïkh-ul-islam,  où  l'on  discuta  les 
réformes  à  introduire  dans  les  différentes  branches 
de  fadministration.  On  reparla,  sans  résultat,  de 
Yemprunt  de  i5,ooo  bourses  à  contracter  en  Hol- 
lande ,  et  l'on  songea  à  solliciter  un  prêt  du  gouver- 
nement espagnol;  mais  l'un  et  l'autre  projet  furent 
abandonnés,  aussi  bien  que  celui  d'un  emprunt  au 
Maroc  ou  dans  les  régences  d'Alger  et  de  Tunis.  «  De 
quelque  côté  qu'on  se  tournât,  dit  l'historiographe, 
on  recevait  de  belles  réponses,  mais  point  d'argent^. 

■    Voy.  mon  Éttide  sur  la  propriété ,  n"  93. 
'   Djevdct,  IV,  271.  —  ^   W.  p.  278. 


HISTOIRE  ÉCOiNOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.  131 

Aussi,  en  désespoir  de  cause,  et  pressé  par  la  Suède, 
qui  réclamait  le  payement  de  son  subside  \  le  gou- 
vernement dut  recourir  aux  moyens  employés  sous 
le  dernier  règne  :  la  fonte  des  vases  d'or  et  d'argent 
et  l'altération  de  la  monnaie.  Gardant  pour  son 
usage  uniquement  le  strict  nécessaire,  le  sultan  en- 
voya au  zarb-kbânè  tous  les  ustensiles  d'or  et  d'ar- 
gent de  sa  maison  ;  les  sultanes  et  les  grands  de  l'Etat 
suivirent  cet  exemple,  ainsi  que  les  gouverneurs  des 
provinces;  et  le  cheïkb-ul-islam  interdit  l'usage  légal 
de  tous  les  objets  précieux,  tels  que  selles,  bousses 
brodées,  etc.  à  l'exception  du  cacbet  et  des  armes. 
Les  matières  d'or  et  d'argent,  arrivant  ainsi  de  tous 
côtés,  furent  converties  en  numéraire,  et  donnèrent 
au  trésor,  au  commencement  de  iioli  (septem- 
bre lySg),  une  aisance  artificielle. 

Les  bostilités  avaient  recommencé  avec  la  Russie 
vers  la  fin  de  i  ^oS ,  et  Tannée  suivante,  malgré  ses 
efforts  énergiques,  le  sultan  éprouva  des  écbecs 
et  fit  des  pertes  graves  durant  l'bivernage  de  l'armée 
à  Choumla^. 

i2o/i  (1-789-90).  [^a  flotte  devait  reprendre  la 
mer  au  printemps;  mais  elle  était  aussi  dépourvue 
d'bommes  que  de  fonds;  et,  comme  les  recrues 
étaient  insuffisantes,  un  décret  impérial,  des  pre- 

'  Le  mode  de  payement  de  ce  subside,  fixé  à  la  somme  totale  de 
20,000  bourses,  avait  été  arrêté  dans  un  sened,  signé  à  Beïcos,  le 
18  chaoual  i2o3  =  11  temmouz  1789.  (Djevdet,  IV,  288.) 

-  C'est  dans  le  récit  de  celte  malheureuse  campagne  que  notre 
auteur  emploie,  pour  la  première  fois,  l'expression  bâchi-bozoïiq 
«troupes  irrégulières.  «  (Djevdet,  loc.  laud,  Z20.) 


132  JAiWIER-FEVKlEK   1865. 

iniers  jours  de  ramazan,  enjoignit  aux  fonctionnaires 
du  bîroun  et  de  Yendéroun^  de  fournir,  chacun  selon 
sa  position,  cinq  à  dix  hommes  équipés,  et  de  les 
envoyer  au  capitan-pacha -,  les  ulémas  seuls,  prétex- 
tant leur  pauvreté,  ne  donnèrent  pas  leur  contin- 
gent^. Déjà ,  du  temps  de  sultan  Abdulhamid ,  quand 
ce  prince  donna  l'ordre  à  ses  sujets  de  porter  et  de 
vendre  à  l'hôtel  des  monnaies,  à  raison  de  lo  paras 
la  drame,  tous  leurs  objets  superflus  d'or  et  d'ar- 
gent, les  ulémas  s'étaient  abstenus  de  fournir  une 
seule  drame;  et  ils  avaient  agi  de  même,  sous  le 
règne  de  Sélim,  lorsque,  l'année  précédente,  ce 
prince  avait  dû  recourir  à  la  même  mesure.  Non 
contents  de  cette  abstention,  les  ulémas,  par  leurs 
propos,  excitaient  encore  à  la  haine  et  au  mépris 
du  gouvernement.  Aussi,  cédant  à  son  indignation, 
le  sultan,  dans  un  khatt  au  qaïmmaqâm,  s'exprime 
ainsi  :  u  Chacun  sait  qu'à  mon  avènement  le  zarb- 
khânè  n'avait  en  capital  que  2,000  bourses;  les 
khaznè  de  Yendéroun  et  du  harèmi-humâioun  ne  conte- 
naient pas  plus  de  1  5o  bourses,  et  le  khaznè  du  miri 
n'en  avait  pas  une  seule;  nous  avions  la  guerre  avec 
la  Russie  et  l'Allemagne;  le  pays  était  dépourvu 
d'argent,  quand  il  lui  aurait  fallu  d'immenses  res- 
sources pour  lutter  contre  de  si  puissants  ennemis. 
Après  de  longues  délibérations,  sanctionnées  par 
fetva   du  cheïkh-ul- islam,  j'ai   décrété   l'envoi   au 

^  Endéroun-ou-biroun-ridjâli  «tous  les  fonctionnaires.»   {Vsci- 
Zafer,  76.) 

5  Djevdet,  IV,  369. 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.  133 
zarb-khânè  de  tous  les  objets  d'or  et  d'argent,  dé- 
fendus, d'ailleurs,  par  la  religion,  et  voici  que  cer- 
tains ulémas  et  ridjâl,  égoïstes  et  impies,  blâment 
ma  conduite  et  tiennent  des  discours  malveillants 
et  séditieux;  ce  n'est  pourtant  pas  moi  qui  ai  com- 
mencé la  guerre  ;  je  n'ai  fait  que  la  continuer,  de 
leur  propre  consentement.  Au  reste,  il  n'y  avait 
guère  en  caisse,  je  l'ai  dit,  que  2,000  bourses;  et, 
depuis  mon  avènement  jusqu'à  zilhidjè,  le  zarb- 
khânè  seul ,  d'après  les  relevés  que  j'en  ai  fait  dres- 
ser, a  fourni  plus  de  26,000  bourses  pour  les  frais 
de  la  guerre.  Certes,  ce  ne  sont  pas  mes  détracteurs 
qui  ont  donné  cette  somme;  elle  m'est  venue  de 
Dieu;  la  religion  et  fEtat  n'ont  nul  besoin  de  leur 
concours;  je  ne  leur  demande  que  du  silence,  et  je 
saurai  punir  les  perturbateurs  du  repos  public  ^.  » 

Le  sultan  faisait  des  efforts  inimaginables  pour 
pourvoir  aux  besoins  pécuniaires  de  farmée^;  mais 
la  victoire  lui  était  infidèle,  et  chaque  jour  lui  ap- 
portait, pour  ainsi  dire,  la  nouvelle  d'un  nouveau 
revers  jusqu'à  la  chute  de  Matchin  ^;  après  quoi,  la 
paix  fut  signée  avec  l'Allemagne,  à  Sistov,  le  1  2  zil- 
hidjè i2o5  (juillet  lygi^).  L'échange  d'un  sened, 
contenant  les  bases  de  la  paix  entre  la  Porte  et  la 
Russie ,  avait  eu  lieu  à  Galatz ,  le  1  o  du  même  mois^. 

1206   (1^91-92).   Les   récentes   mutineries   des 

•  Djevdet,  IV,  872. 
'  Id.  p.  392. 

'  Id.  p.  47 1 . 

*  On  en  trouve  le  texte  dans  Djevdet,  V,  887. 
'  Djevdet,  IV,  f)!  i. 


134  JANVIER-FÉVRIEK    18G5. 

suvâri-odjaqlary ,  c'est-à-dire  des  sipâh,  des  silihtar 
et  des  quatre  beuluks,  pendant  ia  dernière  guerre; 
Ja  désorganisation  complète  de  cette  milice  figurant 
sur  les  rôles  pour  12,000  hommes,  tandis  qu'elle 
n'en  avait  que  2,000  d'effectif,  la  plupart  des  èçâmè 
ayant  passé  dans  les  mains  des  kiâtibs  et  des  tclià- 
ouchs,  et  étant  dits,  pour  ce  motif,  qapoulou-èçâmè; 
l'inobservance  du  règlement,  devenu  lettre  morte; 
le  rjchvet  faisant  loi;  les  quatre  cinquièmes  de  la 
solde  des  garnisons  frontières  gaspillés  dans  la  ca- 
pitale, le  cinquième  seul  parvenant  à  destination, 
ou  mieux  à  des  individus  ayant  le  nom  de  mili- 
taires, mais  dont  la  seule  et  unique  pensée  était 
de  s'enrichir,  et  nullement  de  courir  sus  à  fennemi- 
toutes  ces  circonstances  démontraient  furgence  d'une 
réforme  radicale  de  f armée;  il  en  était  de  même 
pour  la  magistrature;  le  même  mal  appelait  le  même 
remède  ^ 

Du  reste,  si  l'interruption  momentanée  des  hos- 
tilités avait  allégé  les  charges  publiques,  les  besoins 
présents  et  surtout  éventuels  du  trésor  nécessi- 
taient la  création  de  nouvelles  ressources;  et,  entre 
autres  mesures,  on  rétablit  le  droit  de  zidjrïè,  déjà 
imposé  du  temps  de  Mourad  III,  sur  le  vin  et  les 
spiritueux^.  En  outre,  comme  le  prix  des  denrées, 
devenu  excessif  pendant  la  guerre,  n'avait  pu  re- 
prendre de  suite  son  niveau;  et,  d'autre  part,  comme 
la  monnaie,  frappée  à  cette  époque  à  un  (M!i([uiè)iH' 

'  Djevdel ,  V,  74  et  sniv. 
'^  Id.  p.  92. 


IIISTOJRE  ÉCONOMfQUE  DE  LA  TURQUIE.  135 
de  surélévation  ,  était  un  obstacle  à  ce  que  l'équilibre 
s'établît,  on  ne  vit  pas  d'autre  moyen  de  faire  di- 
minuer la  cherté  qu'en  créant  une  abondance  rela- 
tive par  le  recensement  de  la  ville  et  par  le  renvoi, 
dans  leurs  foyers,  comme  jadis,  de  tous  les  étrangers  ^ 

Débarrassé  des  préoccupations  de  la  guerre,  sul- 
tan Sélim  porta  toute  son  activité  sur  la  réorganisa- 
tion intérieure  du  pays,  le  but  constant  de  ses  pen- 
sées; et,  tour  à  tour,  le  costume,  l'armée  de  terre 
et  de  mer  et  la  magistrature  furent  l'objet  de  règle- 
ments organiques  importants. 

Les  forces  militaires  de  la  Turquie  se  divisaient 
en  deux  catégories  principales  : 

i*'  Armée  de  terre,  qapou-qolou  ou  cjcipou-khalqy'^, 
milice  soldée  et  casernée,  d'un  effectif  commun  de 
lio  à  5o,ooo  hommes;  sipâhi  ou  timariotes  «cava- 
lerie feudataire  des  éïâlets,))  s'élevant  à  200,000 
hommes  environ; 

2*'  Armée  de  mer,  ierçânè-khalciy  ou  azeb,  milice 
soldée  de  l'amirauté,  d'un  effectif  de  2, 5 00  hommes 
environ;  marine  feudataire  ou  timariote  :  10,000 
hommes  environ. 

Les  (japou-qolou  se  composaient  d'infanterie  (janis- 
saires el  autres  corps  à  pied)  et  de  cavalerie  (les 
six  beuluks). 

Tous  célibataires,  les  janissaires  recevaient,  en 
cas  d'infirmité,  un  uloafè  de  retraite,  et  pouvaient 
alors  se  marier.  En  temps  de  paix ,  il  y  avait  qapou 

"  Djevdet,  p.  108. 

-  Voyez  ci-dessus,  chap.  iv. 


J30  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

tous  ies  sept  ans,  c'est-à-dire  qu'on  faisait,  sur  le 
defter,  le  recensement  du  personnel,  et  qu'on  com- 
blait les  vides  par  un  nombre  égal  d'hommes;  pris 
parmi  les  adjémi-oghlan.  Le  même  système  élait  pra- 
tiqué pour  les  djèbèdjis  et  topdjis.  Les  adjémi-oghlan 
étaient  des  enfants  recueillis  par  le  devchirniè  dans 
leur  jeune  âge;  on  leur  enseignait  la  langue  turque 
et  fislamisme;  après  un  certain  temps  passé  dans 
leurs  casernes,  ceux  qui  en  étaient  jugés  dignes 
étaient  placés  dans  ïendéroani-humâïoun ,  les  autres 
incorporés  dans  les  odjaq^  Le  devchirmè  se  prati- 
quait seulement  sur  les  Bosniaques,  les  Bulgares  et 
les  Arméniens'-^;  les  fjls  de  janissaires  pouvaient 
être  admis  et  élevés  dans  les  casernes  des  adjémi- 
oghlan  et  suivre  la  même  carrière  ^. 

Les  six  beuluks  avaient  aussi  un  (fapoa  septennal  ; 
ils  se  recrutaient  seulement  parmi  les  plus  anciens 
agas  de  ïendérouni-humâïoan  ,  et  parmi  les  plus  braves 
des  odjaq  d'infanterie  *. 

La  partie  feudataire  de  farmée,  dite  aussi  éïâlâi- 
açâkiri  ^  et  éïâletlu-açâkir  ^,  se  composait  d'hommes 
qui ,  jouissant,  de  père  en  fils,  du  dirlik  «pension» 
du  souverain ,  sur  telle  partie  plus  ou  moins  étendue 
du  territoire,  dite  ziâniet  et  tiîuâr,  constituaient  une 

-   Voyez  ci-dessus,  année  1 1 15. 
Voyez  ci-dessus,  année  io65. 
^   Djevdel,  \  ,  189  ei  suiv. 
'  Id.  p.  276. 
'  Id.  p.  277. 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.  137 
sorte  de  noblesse  féodale  dans  la  nation,  se  grou- 
pant sous  le  drapeau  de  leurs  bannerets  respectifs 
(sandjaq-beï) ,  et  ceux-ci  sous  le  drapeau  du  beïler- 
beï  ou  bâch-bogh  a  commandant  en  clief.  »  Aux  plus 
braves,  on  accordait  un  téracfqy  d'un  aqtchè  sur  dix 
de  revenu,  quand  ils  s'étaient  distingués  au  combat; 
les  promotions  étaient  faites  sur  la  présentation  de 
l'alaï-beï,  chargé  du  maintien  des  règlements  orga- 
niques, et  les  vacances  [mahloal)  étaient  données 
aux  plus  dignes,  par  bérat  de  la  Porte,  sur  tezkcrè 
du  beïler-beï  ^.  Les  ziâmet  et  timâr  ne  pouvaient  être 
donnés  en  arpalyq  et  en  pachmaqlyq  ^. 

Dans  la  même  catégorie,  les  ïurakân  et  les  ma- 
cellem  de  Roumélie  devaient  fournir  un  contingent, 
si  les  hostilités  avaient  lieu  en  Anatolie  et  vice  versa; 
les  piâdégân  d' Anatolie  étaient  destinés  aux  travaux 
de  corvée  de  l'armée.  Enfin,  on  comptait  encore  les 
âqyndji  et  les  gueunalla,  chargés  de  faire  des  incur- 
sions sur  le  territoire  ennemi,  service  qui  incomba 
plus  tard  aux  Tatars  ^.  Les  garnisons  des  places 
fortes  se  composaient  de  troupes  régulières  et  indi- 
gènes^. Ces  institutions,  si  puissantes  dans  l'origine, 
mais  depuis  viciées  et  désorganisées,  n'existant  plus 
que  de  nom,  et  ne  pouvant  opposer  aux  armées 

'  Djevdet,  p.  21 5.  (Voir  mon  Étude  sur  la  propriété,  n'^  296  et  suiv.) 
^  Nous  avons  donné  plus  haut  (année  1  1  69)  la  définition  de  Var- 
paly<j;  le  pachmaqlyq  était  une  concession,  au-dessous  de  20,000  aq- 
tchè, donnée  en  dotation  [méâch]  aux  hhasséki-qâdin ,  sur  les  hhâs 
impériaux.  (Djevdet,  V,  292.) 
^  Djevdet,  V,  2o5. 

^X^C    JlÀSLJ^^Mtji   ^1?^    JyJt   là.  p.   199. 


138  JANVIER-FEVRIER  1865. 

modeines  qu'un  ramassis  d'hommes  incapables  de 
leur  résister  ^,  démontraient  la  nécessité  de  mettre 
à  exécution  les  plans  réformateurs  [nizânii-djédid) 
conçus  et  essayés  par  sultan  Moustafa,  père  de 
Sélim. 

La  marine  feudataire  se  composait  aussi  des  san- 
djaq  compris  dans  Yeiâlei  du  capitan-pacha^.  Plus 
tard,  de  nouveaux «livas  furent  ajoutés  à  cette  cir- 
conscription, et  l'on  inscrivit  au  dérïa-cjalémi  ((bu- 
reau des  fiefs  maritimes»  les  odjaq  des  ïaïa  et  des 
macellem  d'Anatolie.  Il  se  forma  ainsi  diverses  es- 
cadres [qol,  qol),  de  sorte  qu'en  sus  des  navires  de 
l'Etat  (min) ,  la  marine  ottomane  comptait  encore 
quarante  à  cinquante  voiles  feudataires.  Ultérieure- 
ment, on  voulut  réunir  en  odjaq  les  soldats  de  ma- 
rine (lévend)  tirés  de  ces  sandjaq;  mais  l'indiscipline 
de  ce  corps  força  sultan  Abdulhamid  à  le  dissoudre 
et  à  en  supprimer  même  le  nom.  Sultan  Sélim  ré- 
forma entièrement  ce  système,  et  promulgua  une  loi 
réglant  le  classement  des  navires  de  la  flotte,  l'a- 
vancement du  personnel,  l'élévation  de  la  solde 
annuelle^,  vu  la   dépréciation  du  ghourouch,  Tad- 

'    ô  tV-X^-*wft-û^     ^M-éJiXÂ.*   y^LuX-    «^-uUl    JKm*£.    'sJ^)^   *^J^  ^ 

^t\J^ji2w«*-y>lwJ  «\.^l  y  (Djevtlet,  V,  198,  210.) 

*  Cet  éïalet  était  composé  des  sandjaq  ou  liva  suivants:  GallipoH, 
chef-iieu;  Négrepont,  Lépante,  Metelin,  Sighadjyq,  Qodja-lli, 
Qarly-Ili,  Rhodes,  Bigha;  et,  en  Morée,  Misistra,  Chio,  Naxie  et 
Mehdiè.  Chaque  muf^farrt/"  «  titulaire»  de  liva  portait  le  titre  de 
déria-heli,  et  allait  rallier  le  pavillon  du  contre-amiral  avec  le  nombre 
de  navires  lui  afférant.  (Djevdet,  V,  p.  1  1 1 ,  et  Âïni-Ali,  édition  de 
S,  Exe.  Ahmed-Véfyq-Efendi.) 

^  SàliâiH'.  (Djevdet,  V,  169,  2  25.) 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.  130 
ministration  du  matériel ,  et  enfin  les  conditions 
d'admission  ^ 

Le  corps  des  ulémas ,  chargé  à  la  fois  de  l'ensei- 
gnement et  de  la  justice,  appela  aussi  l'attention  de 
fauguste  réformateur.  Il  fit  procéder,  le  3  zilqydè, 
à  un  examen  général  des  titulaires  actuels  de  roouci- 
tedrîs  «diplômes  de  professorat,»  lequel  eut  pour 
résultat  de  laisser  ces  diplômes  entre  les  mains 
seulement  de  qui  en  était  digne.  Le  muderrislik  con- 
duit au  mevlévïet  et  au  qâzi-askerlik ,  et  Ton  parvient 
à  ce  premier  grade  par  le  malâzémet  «  suppléance,  » 
lequel  s'obtient  après  un  certain  stage  dans  les  me- 
drècè ,  en  qualité  de  dânichmend;  le  tâlib  «  élève,  n 
postulante  ce  dernier  titre,  reçoit  les  leçons^  d'un 
professeur  du  degré  khâridj ;  il  est  adressé  ensuite  à 
un  second  professeur,  puis  à  un  troisième,  et,  après 
avoir  passé  en  qualité  de  dânichmend  par  les  degrés 
khâridj ,  dâkhil  et  sahn,  il  devient  mulâzini,  son  tour 
venu ,  et  son  nom  est  inscrit  sur  le  rouznamtchèï-hu- 
mâïoun.  Le  mulâzim  qui  établit  ses  droits  au  titre  de 
mumtâzul-aqrân  vè-qydvetal-uléniâil-mahaqqycjyn^  re- 
çoit d'abord  d'un  professeur  khâridj  le  diplôme  de 
professeur;  puis,  avançant  hiérarchiquement,  il 
devient  muderris  des  rangs  dâkhil  et  sahn;  ceux  qui  ne 
peuvent  atteindre  ce  degré  passent  dans  la  magistra- 

'  Djevdet,  p.  169.  (  Voyez,  sur  la  technologie  maritime  ottomane, 
Djevdet,  p.  i34  et  suiv.) 

'o^jM^^: 

^  Voyez  mon  Idjâzè  «diplôme  de  licence  pour  le  professorat,» 
Jonrn.  as.  mai-juin  i855,  p.  548. 


140  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

lure  [cfâzilyq).  Autrefois  les  simples  dânichmend  du 
salini-cémân  «des-  huit  medrècè  de  la  mosquée  de 
Fâtih  »  étaient  tous  des  ulémas  distingués,  dont  les 
plus  anciens,  dits  moa'id  «  répétiteurs,  »  étaient  char- 
gés d'une  téiimmè-medrècèci  a  chaire  complémen- 
taire \  ))  où  ils  professaient  avec  distinction;  mais  la 
désorganisation  et  la  démoralisation  de  ce  corps 
éminent,  et  jusqu'alors  respecté,  datent,  dit  notre 
auteur,  de  l'an  looo  (loga)*^;  et  elles  n'ont  cessé 
d'aller,  depuis,  en  croissant.  Aussi,  sans  compter  sur 
une  réforme  radicale  et  complète,  le  gouvernement 
prit  une  série  de  dispositions  relatives  à  l'admission, 
à  l'avancement  et  à  la  rémunération  des  emplois, 
dans  l'espoir  d'obtenir,  avec  le  temps,  des  améliora- 
tions réelles  ^. 

120-7  ('79^'9^)-  ^  l'effet  de  pourvoir  aux  dé- 
penses du  nouveau  régime,  il  avait  été  décrété* 
que  les  mahloulât  de  certains  moucjâtéa  ne  seraient 
plus  vendus,  mais  administrés  directement  en  ilti- 
zâm  par  la  direction  de  l'hôtel  des  monnaies.  On 
voulait  étendre  l'application  de  ce  système;  mais 
comme  la  plupart  des  hauts  fonctionnaires  [ridjâl) 
n'avaient  d'autre  revenu  que  celui  des  mouqâtéa,  on 
ne  put  adopter  d'une  manière  générale  cette  mo- 
dalité qui  les  aurait  privés  de  leurs  moyens  d'exis- 


'   Djevdet,  V,  172  et  suiv.  (Conf.  Hammer,  VI,  244.) 
-  Conf.  Qoutchi-Beï,  chap.  v. 

*  Djevdet,  V,  1-79,  d'après  le  laïlia  de  Tatardjiq-AbduHali-EfGiidi , 
sadr  de  Rouuiélie. 


JujjJjl  iU:"!  *ULi  Djevdei,  V,  269. 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUJE.  I4l 

teiice,  et  l'on  se  borna  à  décréter  que  ies  maliloalât 
des  mouqâtéa  d'un  revenu  excédant  i  o  bourses  se- 
raient seuls  retenus  el.  administrés  en  iltizâm  par  le 
zarbkhânè.  Du  reste,  cette  année  i  207  vit  succes- 
sivement paraître  la  réorganisation  des  ziâmet  et 
timâr,  l'augmentation  du  corps  des  officiers  de  ma- 
rine, l'élévation  de  leur  solde,  la  construction  de 
plusieurs  navires  de  guerre,  parmi  lesquels  le  vais- 
seau impérial  itakht-^éfînèci)  dit  Açâri-Noiisret  «le 
Viclorieux  ^  »  la  réforme  du  corps  des  bombardiers 
et  mineurs,  la  formation  de  l'infanterie  régulière^; 
puis  enfin,  pour  subvenir  à  toutes  ces  dépenses, 
évaluées  à  20,000  bourses  par  an,  et  que  le  budget 
ordinaire  ne  pouvait  couvrir,  la  création  d'un  nou- 
veau fonds  dit  irâdl-djédid ,  et,  le  i3  redjeb,  celle 
d'une  administration  centrale ,  placée  sous  la  direc- 
tion d'un  haut  fonctionnaire,  réunissant  entre  ses 
mains  les  charges  de  defterdâri-chùiqy-çdni ,  de  nâzir 
de  l'infanterie  régulière^  et  de  defterdâr  de  Yirâdi- 
djédid.  Le  capital  destiné  à  cette  administration  se 
composait  : 

1"  Des  moaqâtéa  des  dériâ-ziâmet  et  timâr,  alfec- 
tés,  avant  le  nizâm,  à  l'amirauté; 

2°  Des  droits  sur  le  coton,  des  moaqâtéa  perçus 
directement  par  le  mîri,  à  partir  de  1208,  et  des 
eshâmi-mahloiilè ,  à  compter  de  la  date  du  nizâm; 

'   Djevdet,  V,  279. 

^  Voyez  le  qânoun   de   ce  nouveau  corps,   édicté  seulement  le 
1"  zilhidjë  1210.  (Djevdet,  V,  d/ig  et  suiv.) 
^  O;^^"*  v^^  J^S^^Aj.  Id.  p.  275. 


J42  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

3°  Des  khoumbaradji-timâri ,  ainsi  que  des  mon- 
(jâtéa  et  eshâm  du  mîi'i  et  du  liaréméïn  d'un  revenu 
au  delà  de  lo  bourses,  et  qui,  selon  le  nizâm,  de- 
vaient être  retenus  par  le  mîri^; 

li°  Du  î3roduit  du  zidjrïè,  depuis  son  établisse- 
ment; 

5°  Enfin,  prenant  les  attributions  du  mevqoufât, 
cette  administration  devait  encaisser,  jusqu'en  mars 
suivant,  le  revenu  des  ziâmet'et  timâr  devenus  mah- 
Joui  par  le  décès  du  titulaire  avant  la  moisson^. 

La  comptabilité  de  ces  fonds,  déposés  dans  le 
khaznèï-irâdi-djédîd ,  établi  au  (japou-aracy,  devait  être 
présentée  au  sultan;  l'excédant  des  recettes  sur  les 
dépenses,  déposé  dans  un  bâtiment  spécial,  au  zarb- 
khânè,  devait  venir  en  aide  aux  dépenses  du  miri- 
khaznècy,  ordonnancées  par  khatti-humâïoun ,  avec 
indication  de  la  nature ,  de  la  quantité  et  du  lieu  de 
la  dépense^.  Le  i5  du  même  mois,  l'odjaq  des 
topdjis,  et,  le  i*"  ramazan ,  celui  des  arabadjis  furent 
réunis  à  ce  ministère*. 

D'autre  part,  convaincu  que  l'altération  de  la 
monnaie  portait  une  atteinte  grave  au  crédit  de  l'E- 
tat, sultan  Sélim  voulut  encore  diriger  ses  réformes 
sur  ce  point  important;  de  nombreux  medjlis  eurent 
lieu,  dans  ce  but,  cbez  le  cheïkb-ul-islam;  mais  cer- 
tain personnage,  trop  intéressé  au  maintien  du  statu 

'   Voyez  ci-dessus,  année  i  207. 

-  Djevdet,  V,  277.  (Conf.  ci-dessus,  chapitre  iv.  Budget  d'Eïonhi- 
Efcndi.) 

^  Djevdet,  268,  2  7(>. 
*  /(/.  277,  kk:>.. 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.  143 

r/ao,  parvint  àinfîuencer  l'entourage  du  prince,  et  il 
Tut  décidé,  non-seulement  de  continuer  à  frapper 
des  ikilik,  mais  encore  d'introduire  une  nouvelle 
monnaie  du  même  genre  ,  le  ïazlak^. 

1208  (1  7  g  3).  Au  mois  de  rebi-ewel  fut  aboli  le 
monopole  de  l'approvisionnement  de  l'armée  pour 
les  céréales,  concentré  jusqu'alors  dans  les  mains 
des  mouhâïéadji;  et  l'on  créa,  sous  le  nom  de  zakliirè- 
nazârèii  «ministère  des  subsistances,»  un  départe- 
ment spécial,  à  la  tête  duquel  fut  placé  le  defterclâri- 
chiq qy-sâli s ,  chargé  des  approvisionnements  et  aussi 
de  la  protection  des  intérêts  du  commerce^.  De  cette 
époque  date  encore  l'établissement  de  l'impôt  dit 
resmi-ïapaq  «  droit  sur  les  laines,  »  s'élevant  à  un  para 
par  mouton;  la  perception  en  fut  attribuée  aux 
agents^  de  la  defterdarie  de  Virâdi-djédid.  C'est  éga- 
lement au  même  temps  que,  dans  un  esprit  d'éco- 
nomie, on  supprima  lestaïin  affectés  précédemment 
à  l'entretien  des  ambassadeurs  étrangers,  durant  leur 
séjour  sur  le  territoire  ottoman*. 

•  ^f^'  0^5t.Ji.5  LÀi'^^j  f3cV^_5  «OwIajI  cJy)iCLSÇ\  00 1^ 
n0^^j»}j  Djevdet,  p.  291. 

2  Djevdet,  V,  3i5. 

^  Oummâl.  Mirkliond  [Vie  de  Djenguiz^p.  167  et  160)  emploie  ce 
mot  dans  le  sens  d'agents  du  souverain  et  comme  synonyme  de  huk- 
kiâm;  l'acception  est  ici  tout  autre. 

*  Djevdet,  Sdg.  (Cf.  mon  Ftade  sarla  propriété,  n°  25g -,  Rycaut, 
J,  190).  Des  charges  du  même  genre  pesaient  également,  en  France, 
sur  les  alleux.  (Guizot,  Essais  sur  l'hisl.  de  France,  p.  84.)  ^Ls-^>^  f 
tJiv»i  (^^^  désigne  aussi  bien  les  envoyés  des  souverains  étran- 
gers que  ceux  des  princes  tributaires.  (Naïma,  II,  386;  Izzi,  66  v"; 


144  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

Ici  se  termine  la  série  des  historiographes  ;  privé 
désormais  de  ce  précieux  secours,  ce  sera  à  l'aide 
de  notes  tirées  de  documents  publics  ou  officiels  que 
je  conduirai  rapidement  cette  esquisse  jusqu'à  nos 
jours. 

S  9.    1220-1279. SUPPRESSION  COMPLÈTE    DES   ANCIENNES    MILICES; 

MONNAIES  OBSIDIONALES  ET  FIDUCIAIRES  ;  TAtiZmAT,  PAPIER-MON- 
NAIE; NODVKAD  SYSTÈME  DE  MONNAYAGE  DE  BONNES  MONNAIES  D'OR 
ET  D'ARGENT;  EMPRUNTS  À  L'EXTERIEUR;  KHATTI-HUMAÏOUN  DE  l856; 
RETRAIT  DU  QAÏMÈ ;  PUBLICATION  DU  BUDGET  DE  L'ETAT;  EQUILIBRE; 
EXCÉDANT. 

SULTAN   MAHMOUD. 

Ce  prince  succéda,  le  28  juillet  1808  (i2  23),  à 
son  frère,  Moustafci  IV,  dont  le  passage  sur  le  Irône 
fut  d'une  année  seulement.  A  peine  en  possession 
du  pouvoir,  sultan  Mahmoud  voulut  continuer 
l'œuvre  des  réformes;  mais  le  soulèvement  des  mi- 
lices l'arrêta  bientôt;  les  janissaires  incendièrent  les 
casernes  du  nizâmi-djédid  «nouvelles  troupes,»  et 
vinrent  ensuite  protester  de  leur  fidélité  aux  pieds 
du  souverain.  Celui-ci,  qui,  aux  qualités  de  sultan 
Sélim,  joignait  aussi  celle  de  savoir  se  maîtriser, 
dissimula  sa  colère,  et,  cédant  en  apparence  au  vœu 
des  milices,  il  renvoya  à  dos  temps  plus  propices 

conf.  ci-dessus,  chap.  iv,  budget;  et  chap.  v,  année  1  i3i  et  1208.)  H 
semble  résulter  de  certains  passages  des  Néyociations  que  ces  rations 
étaient  considérées,  dans  l'origine,  comme  une  compensation  des 
présents  diplomatiques  apportés  aux  sultans  par  les  ambassadeurs 
étraLtig^TS,  et  vice  versa.  [Nétjociations,  II,  684;  Ht,  568,  IV,  98, 
755.) 


4 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.  145 

l'exécution  irrévocable  de  ses  desseins.  En  efYet,  la 
suppression  de  fait  et  de  nom  de  l'odjaq  des  janis- 
saires eut  lieu,  par  firmandu  i  i  zilqydè  i  2/11  (i  5  juin 
1 826)^;  et  l'armée  ottomane,  en  mémoire  peut-être 
de  la  victoire  remportée  sur  les  milices  par  les  troupes 
régulières  ^,  reçut  le  nom  de  moaallam-açâkirl-man- 
sourièï-moiihammédïè^.  La  suppression  des  sixbeuluks, 
qui,  d'ailleurs,  n'existaient  plus  que  de  nom  depuis 
longtemps,  suivit  de  près  celle  des  janissaires'^.  A  la 
suite  de  cette  violente  secousse,  sultan  Mahmoud 
s'occupa  de  régler  ses  rapports  avec  l'Europe  ;  des 
négociations  furent  ouvertes  avec  l'Angleterre  et  la 
Russie;  les  premières  aboutirent  au  traité  de  paix  du 
5  janvier  1809;  les  secondes  ne  furent  pas  aussi 
heureuses,  et  les  hostilités  continuèrent.  C'est  pour 
suppléer  à  la  pénurie  du  Trésor,  et  pour  subvenir 
aux  exigences  de  cette  campagne,  que  fut  frappé, 
l'an  ni  du  règne (1  29.5 —  1  810),  le  bechlik^  ou  pièce 
de  200  paras,  égale  de  poids  à  l'ancien  ikilik,  mais 
dont  la  valeur  intrinsèque,  en  piastres  médjidïè, 
était  de  18  piastres  8  paras,  tandis  qu'elle  aurait  dû 
être  de  26  piastres  y.  Pour  ce  motif,  ce  bechlik  fut 
dénommé  djihâdïè ,  «monnaie  de  guerre,  obsidio- 

^  Voyez  le  texte  dans  VUsci-zafer,  p.  1 1 1;  traduit  en  français  par 
M.  Caussin  de  Perceval. 

-  Id,  p.  108. 

■^  Id.ip.  1 1 5  ;  «  armée  régulière  impériale.  » 

"  Id.  p.  249. 

^  Fraehn  a  donné  la  description  de  cette  pièce (iîecenito,  p.  523), 
dont  Marsden  a, reproduit  le  dessin  (Tome  I,  pi.  XXVII,  n"  5 10). 
Voir  aussi  le  Tarif  ojjiciel  de  l'hôtel  des  monnaies.  Cette  monnaie  est 
connue,  dans  le  commerce,  sous  le  nom  de  «vieux  bechlik.  » 


146  JANVIER-FEVRIER   1865. 

nale.  »  Les  événements  qui  se  déroulèrent  de  i  8 1  b  à 
1828,  loin  d'améliorer  l'état  des  finances,  ne  firent 
que  l'aggraver,  et  sultan  Mahmoud,  n'ayant  pas 
d'autre  ressource,  dut  encore  se  résoudre  à  lever  un 
nouvel  impôt  sur  ie  pays  même ,  par  une  altération 
plus  considérable  de  la  monnaie  de  billon,  qui'  ne 
laissait  à  celle-ci  qu'une  valeur  purement  nomi- 
nale. Un  nouveau  bechlik  fut  émis  avec  ses  division- 
naires \  dits  ïuzluk,  iïrmilik  et  onloacjy  pièces  de  1  00 , 
20  et  10  paras.  Le  vieux  bechlik,  d'un  module  un 
peu  plus  grand  que  le  nouveau,  portait  pour  différend 
un  cordon  autour  de  l'inscription  et  du  toughra; 
sur  le  nouveau,  ce  cordon  ou  chaîne  [zindjîr)  est 
remplacé  par  deux  croissants  concentriques,  réunis, 
à  la  partie  inférieure,  par  un  nœud  de  ruban.  Les 
plus  anciens  hechlik  que  j'ai  vus  sont  de  la  22^  année 
du  règne,  répondant  à  1  2/i5  (1829-1  83o);  j'en  ai 
vu  également  des  années  1  2/16,  1  2A7  et  1  2/18  (i83o 
à  i833). 

L'émission  de  ce  bechlik,  y  compris  ses  division- 
naires, a  été,  au  titre  de  0,220  à  226  millièmes,  de 
1  1  5,000,000  de  piastres;  sa  valeur  intrinsèque  et, 
proportionnellement,  celle  de  ses  divisionnaires^,  se 
décompose  comme  suit  : 

i3o  paras  argent    Totalité  émise  :      74,760,000  piastres. 
1      //      cuivre  /'  576,000 

j3i  valeur  intrinsèque. 
69  surélévation  »  89,675,000 

200  paras.  Somme  égale.  .  .    1 1 5, 000, 000 

>  Aqçânii    (Tarif  des  douanes).  —  ^  C'est-à-dire:   2  pièces  de 


HISTOIRE  ÉCOiNOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.  147 

En  12/18  (i832-i833),  épocjue  du  conflit  lurco- 
égyptien,  parut  un  troisième  hechlik,  avec  abaisse- 
ment du  titre ,  et,  par  suite,  accroissement  de  la  suré- 
lévation; ce  bechlik  est  indiqué  par  un  point  placé 
au-dessous  et  au  centre  du  nœud  de  ruban  qui  relie 
le  double  croissant.  L'émission  de  ce  bechlik,  dit 
pointé,  à  raison  du  ditférend,  a  été,  y  compris  ses 
divisionnaires,  et  au  titre  de  o,  1  70  à  o,  1  76  millièmes, 
de  2/i5, 000, 000  de  piastres;  sa  valeur  intrinsèque, 
et,  proportionnellement,  celle  de  ses  divisionnaires, 
se  décompose  comme  suit  : 

101  paras  argent.    Totalité  émise  :    128,725,000  piastres. 
2      //      cuivre  //  2,A5o,ooo 


io3  valeur  intrinsèque. 
97  surélévation  //  118,825,000 


I  00  paras  Somme  égale  .  .  .    245, 000, 000 


J'ai  eu  sous  les  yeux  des  bechliks  pointés  des  26*, 
28^  et  3o''  années  du  règne,  c'est-à-dire  de  12/49  ^ 
1253  (1833-1837). 

L'émission  du  hechlik,  en  ne  considérant  pas  le 
fait  de  l'altération  de  la  monnaie,  eut  son  impor- 
tance à  un  autre  point  de  vue;  c'était  un  pas  de  plus 
dans  l'application  aux  monnaies  ottomanes  du  sys- 
tème décimal,  défmitivement  établi  ensuite  par  le 
monnayage  de  la  livre  d'or  médjidïè  à  100  piastres, 
avec  ses  divisionnaires  relatifs. 

Le  règne  de  sultan  Mahmoud  vil  aussi  la  mise  en 

2    piastres  et  demie,  ou  5  pièces  d'une  piastre,  ou  10  pièces  de 
20  paras,  on  20  pièces  de  10  paras. 


148  JANVIER-FEVRIER  1865. 

circulation  d'une  autre  monnaie  de  billon  :  Valtylyq , 
pièce  de  2Z10  paras  ou  6  piastres ,  moins  altérée  que 
le  bechlik,  et  se  rattachant  peut-être  au  système  du 
zolota,  dont  il  serait  le  huitième  multiple.  L'altylyq , 
encore  en  circulation,  comme  le  bechlik,  a  pour  di- 
visionnaires Yutchluk  («pièce  de  3  piastres,»  et  Vali- 
micMik  «pièce  d'une  piastre  et  demie,»  dite  par 
Marsden  double  zotota^.  Les  altylyq  que  j'ai  eus  sous 
les  yeux  sont  de  la  26*' à  la  3  2^  année  du  règne  :  1  2/19 
à  1255  (1833-1839). 

L'émission  de  Y  altylyq ,  y  compris  ses  division- 
naires, a  été,  au  titre  de  o,/i35  à  o,/i/io  millièmes, 
de  13-7, 7-76, 369  piastres;  sa  valeur  intrinsèque  et, 
proportionnellement,  celle  de  ses  divisionnaires,  se 
décompose  comme  suit  : 

285  paras  1/2  argent.  Totalité  émise.  1  17,970,160  piastres. 
1  cuivre  //  574,06/^ 


206  1/2  valeur  intrinsèque. 
33  1/2  surélévation  19,231,1/45 


2/10  paras  ou  6  piastres.  Somme  égale.  1 37,776,369 


SULTAN   ABDUL-MEDJID. 


1  2  55  (1838-1839).  Ce  prince  succéda  à  son  père 
en  rebi-akher  (1"  juillet  1839);  peu  après  son  avè- 
nement, il  proclama  et  institua  le  système  de  ré- 
formes organiques  connu  sous  le  nom  de  tanzîmâti- 
khaïrïè  ((heureuses  réformes,  »  lequel,  en  créant  un 
nouvel  état  politique  des  personnes,  ne  modifia  pas 

'    Loc.  laud.  p.  373. 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.  149 
moins  la  constitution  économique  du  pays,  par  une 
série  de  dispositions  législatives  qui  en  opèrent  la 
transformation  ^ 

1256  (1839-18/10).  Toutefois,  les  embarras  finan- 
ciers légués  par  le  dernier  règne,  et  accrus  des  non- 
valeurs  résultant  en  partie  des  modifications  ra- 
dicales apportées  dans  le  système  administratif  de 
l'empire ,  conduisirent  les  conseillers  de  la  couronne, 
en  vue  de  remédier  aux  difficultés  d'une  époque  de 
transition,  à  recourir  à  l'usage  du  papier-monnaie, 
dont  l'histoire  orientale,  d'ailleurs ,  et  même  celle  de 
l'Europe  contemporaine ,  offraient  divers  exemples^. 

La  première  émission  de  ce  nouveau  signe  moné- 
taire, qui  reçut  le  nom  de  qâïmè'P-miitèbèrèï-naqdïè^, 
expression  répondant  à  celle  de  papier-monnaie,  fut 
dansle  principe,  selon  le  rapport  de  Munif-Efendi^,  de 
trente- deux  mille  bourses  seulement ,  remboursables 
au  bout  de  huit  années,  et  portant  intérêt  annuel 

'  Elaborées  dans  le  sein  du  Conseil  de  V ahkiâmi-adlïè ,  puis  dans 
celui  du  tanzimât,  les  lois  de  la  seconde  série  sont  réunies  dans  le 
Destour,  «  code,  »  publié  à  Constantinople,  en  1279. 

2  Voyez  D'Ohsson ,  Histoire  des  Mongols,  II,  428,  629,  6(4i;  IV, 
101;  le  texte  de  Vassaf  sur  le  tchao,  texte  et  traduction  par  M.  Defré- 
mery,  Joiirn.  asiat.  novembre  i843,  p.  286;  M.  Reinaud,  L'Empire 
romain  et  l'Asie  centrale,  même  recueil,  mai-juin  i863,  p.  3/i/i  et 
345. 

^  Synonyme  proprement  dit  de  tahrirât  «note  écrite;  »  c'est  dans 
ce  sens  que  le  même  mot  est  employé  par  Soubhi ,  2/i  v°,  48 ,  56  ,  et 
par  Izzi,  73  v°. 

*  Au  pluriel  :  qavâïmi-naqdïè  et  evrâcjy-naqdïè. 

^  Premier  traducteur  de  la  Sublime  Porte,  et  l'un  des  princi- 
paux rédacteurs  du  Medjniouaî-funoun.  (Voy.  Journal  Je  Constanti- 
nople du  22  octobre  1S62.) 


150  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

de  8  p.o/o  ;  chaque  pièce,  au  maximum  de  5oo pias- 
tres, était  écrite  à  la  main,  en  forme  de  sergui^,  et 
devait  circuler  à  Constantinople  et  dans  les  provinces  ; 
mais  la  contrefaçon  s'étant  bientôt  exercée  sur  ces 
(jâïmè,  le  gouvernement  décida,  en  zilhidjè  1266 
(janvier  i84o),  de  les  retirer  et  de  les  remplacer 
par  des  qâïmè  imprimés:  ce  retrait  ne  fut  opéré 
que  le  3o  chaoual  i2  58  (novembre  18/12).  Cette 
seconde  forme  du  qâïmè  fut  elle-même  modifiée, 
afin  d'empêcher  la  contrefaçon;  puis  le  chiffre  des 
différentes  émissions  fut  réduit,  l'intérêt  abaissé  de 
8  à  6  p.  0/0;  et  enfin,  l'usage  du  qâïmè  à  intérêt  et 
celui  des  coupm^es ,  sans  intérêt ,  de  20  et  1  o  piastres, 
restreint  à  la  capitale  seulement. 

1260  (1844).  Cette  sorte  de  réforme  du  papier- 
monnaie  fut  suivie  de  celle  des  espèces  métalliques, 
et,  à  partir  du  i*''^  février  iSlik  ,  fhôtel  des  monnaies 
de  Constantinople  frappa,  aux  titre  et  poids  suivants, 
des  monnaies  d'or,  d'argent  et  de  cuivre,  ayant  pour 
étalon  Yaltoun,  dit  ïazluk  ou  ïazlak  médjidïè^n  écu  ou 
Hvre  d'or,  »  à  100  piastres  médjidïè. 

Titre,  poids,  valedr  intrinsèqce  et  quantité  des 
nouvelles  monnaies  frappées  à  Constantinople,  du 
i*''^  février  iSlili  au  3i  juillet  i856. 

Monnaies  d'or  [altoan  meskioakât)  :  pièces  de  5oo, 
260,  100,  5o  et  26  piastres. 

Valeur  émise  :  1,202,397,600  piastres. 

'   Voy.  ci-dessus,  chapitre  m,  S  3. 

^   Voyez   Tarif  des  douanes  précité,  p.  96;  110  piastres  médjidïè 
égalent  une  livre  sterling. 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.         151 
Titre  :  0,916  1/2  millièmes^;  tolérance  :  2  mil- 
lièmes en  dessus  ou  en  dessous. 

Poids;  pièces  de  1 00  piastres  :  2  drames,  li  qyrats, 
égalant  7  grammes  2  1 6  milligrammes  de  France. 
Valeur  intrinsèque  de  la  pièce  de  100  piastres  : 

2  dr.  1  qyrat  =  6  gr.  6i4  milligr.  or  fin. 

//      3      «/      =      //      602        If        cuivre. 


2  dr   4  qyrat  rr:  7  gr.  216  milligr. 

Monnaies  d'argent  (gumuch-meskioukât)  :  pièces  de 
20,  10,  6,  2,  1  piastre,  et  demi-piastre. 

Valeur  émise  :  41/1,571,775  piastres. 

Titre  :  o,83o  millièmes;  tolérance  :  3  millièmes 
en  dessus  ou  en  dessous. 

Poids;  pièce  de  20  piastres  :  7  drames,  8  qyrats, 
égalant  2  4  grammes  55  milligrammes. 

Valeur  intrinsèque  de  la  pièce  de  20  piastres  : 

6  dr.  3  qyr.  i6/32   =    19  gr.  945  milligr.  argent  fin. 
i    /y     4     '/     16/32   =     li   u     110       //         cuivre. 

'j   «    S         II  =  24   ^    o55       '/ 

Le  gbourouch  «  piastre  »  médjidïè  pèse  6  qyrats 
ottomans,  soit  1  gramme  202  milligrammes 2. 

Monnaies  de  cuivre  (nahâs-meskioakât)  :  pièces  de 
4o,  20,  10,  5  paras  ^  et  1  para. 

Valeur  émise  :  1  7,253,000  piastres. 

Titre  :  Les  anciennes  pièces  de  4o  et  20  paras 

^   ^J^3    lJ^^^       ^3  *^^^'  pur.»  [Sal-nâme  de  1280.) 

^  Sal-ndme,  id.  p.  i52. 

^  Le  huitième  [çumun)  de  la  piastre. 


152  JANMEH-FÉVKIEK   1865. 

contenaient  96/1  00'"  de  cuivre,  3  d'étain  ,  2  de  zinc 
et  de  plomb  ;  le  poids  de  la  pièce  de  20  paras  était 
de  5  drames  =  16  grammes  36  milligrammes;  il 
est  actuellement  de  3  drames  5  qyrats  10  otoiiz-iln 
=  10  grammes  693  milligrammes^ 

Le  gouvernement,  nous  l'avons  vu,  ne  se  dissi- 
mulait pas  les  inconvénients  et  les  dangers  de  l'exis- 
tence du  papier-monnaie;  aussi  essaya-t-il  maintes 
fois  de  l'enlever  de  la  circulation,  d'abord  par  le 
retrait  du  qâïmè  à  intérêt,  au  moyen  d'une  contri- 
bution ijânè)  prélevée  sur  les  fonctionnaires  et  les 
sujets  ottomans;  commencée  en  1  268  (1 85  1),  l'opé- 
ration fut  suspendue  par  la  guerre  d'Orient;  et,  au 
contraire,  le  gouvernement  se  vit  obligé  d'émettre 
des  coupures  de  20  et  de  10  piastres,  dites  ordou- 
cjdimècy,  devant  avoir  cours  dans  les  localités  occupées 
par  l'armée;  cette  espèce  spéciale  de  qaimè  s'élevait 
au  chiffre  de  171,260  bourses. 

Enfin ,  surmontant  les  difficultés  d'une  autre 
époque,  à  l'endroit  des  dettes  extérieures^,  la  Tur- 
quie réussit  à  contracter,  à  Londres,  le  2/1  août  i85/i, 
un  emprunt  de  3, 000, 000  de  livres  sterling;  et  les 
gouvernements  de  France  et  d'Angleterre  ayant  ga- 
ranti le  payement  des  arrérages,  une  commission 
mixte,  où  siégeaient  un  inspecteur  général  français 
(les  finances  et  un  délégué  anglais^,  fut  chargée  de 

^  Sal-nâmè,  loc.  laud. 
-   Voy.  années  1 198  et  suiv. 

'  M.  de  Codrozy,  inspecteur  général  de  la  trésorerie  de  l'armée 
d'Orient,  et  fou  M.  Falconnet,  directeur  de  la  Ban([ue  ottomane. 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.  153 

surveiller  l'emploi  des  fonds  de  cet  emprunt.  Ces 
deux  faits  importants  en  déterminèrent  un  troisième 
qui  ne  le  fut  pas  moins  :  la  réforme  administrative. 
En  effet,  une  loi  organique  des  finances,  édictée  le 
1 8  zilqydè  1271  (septembre  i855),  prescrivait,  en 
treize  articles,  la  confection  préalable,  et  par  exer- 
cice, des  budgets  ministériels,  la  division,  par  cha- 
pitres, des  recettes  et  des  dépenses,  la  création  de  la 
liste  civile  ^  etc.  Dans  la  même  année  i855  ,  un  se- 
cond emprunt  de  5, 000, 000  de  livres  sterling  fut 
conclu  en  Angleterre. 

1 856  (  1  2  7  2  ).  Ici  vient  se  placer  le  khatti-hamâïoan 
du  1  8  février,  dont  les  dispositions  assignent  à  ce 
document  un  rang  important  dans  Thistoire  écono- 
mique de  la  Turquie^. 

En  septembre  1887  (sefer  1  2  7  Zi),  le  gouvernement 
créa,  pour  1  5 0,000  bourses,  des  titres  de  rente,  dits 
eshâml  miimtâzè^,  à  8  0/0  d'intérêt ,  et  remboursables 
dans  trois  ans;  délai  prorogé,  faute  de  rembourse- 
ment. Peu  après,  et  dans  le  cours  de  la  même  année, 
parurent  d'autres  titres  de  rente,  dits  khaznè-tahvîli 
«bons  du  trésor,»  à  6  0/0  d'intérêt,  et  remboursa- 
bles le  1/1  3  mars  1861  ^.  La  dette  publique  était 
définitivement  créée. 

Enchaban  1276  (septembre  1 858),  un  troisième 

'    Voyez,  pour  le  texte  original,  Destour,  p.  260  et  suiv.  et  pour 
la  version  française,  \c  Journal  de  Conslandnople  du  27  septembre  1 855. 

^   Voyez  mon  Etude  sur  la  propriété,  chap.  x. 
Consolidation  de  selùnis;  même  expression  employée  pour  les 
hhazne-tahtîli,  dits,  après  cette  opération,  tahvîlâti-mumtâze . 

'  Par  notification  du  i5  février  1861,  ces  titres  de  rentes,  con- 


154  JANVIER-FÉVRIER  1865. 

emprunt  de  5, 000,000  de  livres  sterling  est  conclu  à 
Londres,  à  l'effet  de  retirer  le  qaïmè;  ce  résultat  n'est 
obtenu  que  partiellement  :  sur  1, 238, 000  bourses 
de  qaïmè,  alors  en  circulation,  1,088,000  sont  re- 
tirées, 1  5o,ooo  restent  encore  ;  et,  pour  les  couvrir, 
on  lève  une  imposition  dite  iânè,  sur  la  propriété; 
cette  contribution  produisit  90,000  bourses;  res- 
taient donc  encore  60,000  bourses  à  retirer;  pour 
cette  somme  minime,  l'opération  entière  avorta. 

En  septembre  1869,  le  règlement  des  dettes  du 
palais  donne  lieu  à  l'émission  de  nouveaux  titres  de 
rentes  dits  eshâmi-djédidè  «nouveaux  séhims,  d  dits, 
selon  l'acception  vulgairement  adoptée  «consolidés,  » 
à  l'intérêt  de  6  0/0 ,  remboursables  en  vingt-quatre 
ans;  la  totalité  de  l'émission  était  de  1,000,000  de 
bourses,  à  répartir  par  tiers,  dans  le  terme  de  trois 
années.  La  même  année  vit  émettre  encore  les  bons 
dits  sercjais  de  dix  ans,  ou  consolidation  des  sergiiis 
de  la  liste  civile,  à  l'intérêt  de  6  0/0,  et  remboursa- 
bles en  cinq  annuités,  à  partir  de  la  cinquième  an- 
née (i865). 

Les  charges  de  l'État  allaient  en  croissant,  et,  à 
l'efTet  d'aviser,  le  gouvernement  créa,  en  octobre, 
une  commission  spéciale  où  furent  appelés  des  fonc- 
tionnaires supérieurs  des  finances  de  France,  d'An- 
gleterre et  d'Autriche  ^    La   commission  avait,  en 

solides  sous  la  dénomination  de  tahvîlâti-mumtâzè ,  sont  amortissables 
en  vingt-quatre  ans. 

^  MM.  le  marquis  de  Ploeuc,  inspecteur  général  dos  Gnances. 
actuellement  directeur  général  de  la  Banque  impériale  ottomane ,  de 


histoirp:  économique  de  la  Turquie.  155 
quelque  sorte,  pour  mandat  d'appliquer  les  prin- 
cipes de  la  loi  du  1 8  zilqydè  1  27 1  ;  mais  recevant  des 
attributions  plus  étendues  par  décret  du  5  zil- 
hidjè  isyy  (2/1  juin  1860),  elle  prit  le  titre  de 
«  Conseil  supérieur  des  Trésors ,  »  et  un  ex-grand  vizir 
fut  placé  à  sa  tête.  Au  nombre  des  résultats  dus  aux 
soins  de  la  Commission  financière  et  du  Conseil  des 
Trésors,  figure,  en  première  ligne,  la  confection  ré- 
gulière des  budgets,  dont  l'extrait  général  accom- 
pagne le  rapport  sur  la  situation  financière  de  l'em- 
pire présenté  au  sultan ,  par  Fuad-Pacha,  grand  vizir, 
en  février  1862. 

1860.  Un  quatrième  emprunt,  contracté  en  vue 
du  retrait  du  cjâïmè,  et  qui  ne  put  sortir  son  plein  et 
entier  effet,  est  conclu  à  Paris,  le  29  octobre,  au 
chiffre  primitif  de  /ioo,ooo,ooo  de  francs,  réduit 
ensuite  à  2,087,000  sterling.  En  désespoir  de  cause, 
le  gouvernement  mit  à  l'étude  un  projet  ne  consis- 
tant plus  dans  le  retrait  actuel  du  qâïmè,  mais,  au 
contraire,  dans  son  extension  momentanée  à  tout 
l'empire ,  sauf  les  provinces  de  Djedda  et  du  Yémen, 
moyennant  telles  combinaisons  qui  permettraient 
d'en  effectuer  le  retrait  dans  le  délai  de  dix -huit 
années  '. 

Lackenbacher,  conseiller  aulique  de  S.  M.  l'empereur  d'Autriche,  et 
feu  M.  Falconnet,  alors  directeur  de  la  Banque  ottomane. 

'  On  peut  voir,  dans  ia  communication  officielle  du  1 4  avril  1861, 
l'ensemble,  en  onze  arlicles,  de  ce  plan  financier,  qui,  d'ailleurs, 
reçut  bientôt  un  commencement  d'exécution;  en  efifet,  une  com- 
mission inamovible,  dite  de  «remboursement  du  qaïmè,»  fut  insti- 
tuée, avec  mandat  de  contrôler  et  de  diriger  les  diverses  mesures 


156  JANVIER-FEVRIER   1865. 


SULTAN  ABDIJL-AZIZ. 


Toutefois,  et  en  attendant  la  mise  à  exécution  de  ce 
projet  qui  devait  entrer  en  pratique  le  i/i  3  mars  1862, 
les  ateliers  de  l'hôtel  des  monnaies  fabriquaient  du 
qâimè  pour  subvenir  aux  dépenses;  et  chaque  mois 
60,000  bourses,  en  ^aim^  de  10,  20,00  et  100  pias- 
tres, étaient  jetées  sur  la  place  de  Constantipople  ; 
il  en  résulta  une  dépréciation  considérable  du  pa- 
pier-monnaie; la  livre  d'or  rnédjidïè  atteignit,  gra- 
duellement, le  chilfre  de  260  piastres  en  qâïinè ;  et 
le  jeudi  1  o  djemâzi-akher  1  2'78  (i  2  décembre  1861), 
celui  de  3So  piastres  !  En  présence  des  dangers  de 
cette  situation,  le  gouvernement  renonça  au  projet 
de  l'extension  du  qâïmè ,  et  résolut,  quels  qu'en  fussent 
les  sacrifices ,  d'en  opérer  le  retrait  complet. 

1862  (1  278).  C'est  sous  cette  impression  qu'a  été 
rédigé  le  khatt  du  1 8  redjeb  (i  9  janvier  1 862  ),  pres- 
crivant au  grand  vizir  la  publicité  du  budget,  k  afin 
de  mettre  sous  les  yeux  du  contribuable  l'emploi  des 
deniers  publics.  »  Le  grand  vizir  exécuta  cet  ordre  par 
la  publication  du  rapport  et  du  budget  précités'  ;  et, 

de  l'opération;  et  1  5o  millions  de  piastres  cjaïmè  furent  distribués 
aux  populations  des  provinces,  contre  monnaies  d'or  ou  d'argent  de 
bon  aloi,  à  dire  de  prêt,  pour  une  année,  jusqu'à  fin  mars  1862, 
époque  à  laquelle  les  porteurs  de  ces  qaïmè  auraient  la  faculté  de 
les  livrer  à  la  circulation ,  el  d'en  disposer  à  leur  gré.  Le  montant 
(les  sommes  provenant  de  cet  emprunt,  versé  dans  les  caisses  de 
ia  commission,  et  remis  au  grand  vizir,  le  20  mai  1862  .  a  été  de 
1  26,18/4,789  piastres,  soit  environ  26,555,129  francs. 

'   Le  budget  pui)lié  est  celui  de  1  277;  il  était  accompagné  de  ta- 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA    TURQUIE.  157 

peuaprès,  un  cinquième  emprunt,  de  8,000,000  de 
livres  sterling,  fut  contracté  à  Londres,  pour  le  re- 
trait exclusif  du  qâïmè  et  la  consolidation  delà  dette 
flottante.  Concurremment  à  son  appel  aux  capitaux 
étrangers  et  indigènes,  le  gouvernement  faisait  une 
quatrième  émission  ^  de  titres  de  rentes  consolidées 
[eshâmi-djédîdè) ,  dites  azîzïè,  et  créait  une  nouvelle 
série  de  séhims  ou  eshâmi-aâdïè  «  séhims  ordinaires  ou 
rentes  viagères  2.»  Grâce  à  ces  mesures  non  moins 
habilement  conçues  qu'exécutées,  l'opération  du  re- 
trait du  qâïmè ,  commencée  le  1/1 3  juillet  1862, 
était  achevée  le  12  septembre  suivant;  et  la  livre 

bleaux  iiuliquanl  les  prévisions  budgétaires  de  1278  :  ces  chiffres 
étaient,  en  recettes,  de  3, 807, 368  bourses;  et,  en  dépenses,  de 
3,iio,8»3.  Le  rapport  du  ministre  des  finances  sur  le  budget  de 
1279  dit  (p.  5)  que  «selon  le  résumé  du  budget  de  1278,  la  tota- 
lité des  recettes  s'est  élevée  à  3,32  2,o/i2  bourses.  » 

'   Tertîbi-râbi. 

^  Telle  est  l'interprétation  dece  mot  donnée  par  le  ministre  des 
finances,  dans  son  rapport  précité,  p.  2.  Toutefois,  ces  rentes  ne  sont 
pas  viagères,  dans  l'acception  propre  du  mot;  le  détenteur  en  peut 
faire  la  vente,  la  cession,  même  à  son  lit  de  mort;  la  rente  viagère 
ne  s'éteint  et  ne  fait  retour  à  l'Etat  que  lorsqu'elle  se  trouve  en  la 
possession  d'un  individu  décédé.  Il  en  est  évidemment  de  même  des 
séhims,  mouqâtéa,  ziâmet  et  timâr  dont  les  arrérages  sont  inscrits  aux 
cliapitre  m,  titre  11  des  budgets  de  1862  et  63;  et  les  séhims  men- 
tionnés plus  haut  sont  sans  doute  du  même  genre.  (Cf.  ci-dessus, 
ch.  IV,  budget  d'Eïoubi-Efendi,  année  1 106,  et  mon  EtvJe  sur  la 
propriété,  n°'  353  et  suivants.)  Une  décision  de  l'autorité  supérieure, 
en  date  du  27  redjeb  1280,  vient  de  prescrire  la  révision  an  Mâlïè'. 
des  titres  de  séhims,  moucjâtéa,  ziâmet,  timâr  et  vazâi/,  actuellement 
existants;  faute  parles  porteurs  de  remplir  les  formalités  prescrites, 
en  temps  voulu,  leurs  titres  de  rente  seront  considérés  mahloul  «  va- 
cants» et  feront  retour  à  l'État.  (Voy.  Terdjumdni-ahvâl  du  27  re- 
djeb 1  280.) 


158  JAiNVlER-FÉVRIEK  1865. 

médjidïè,  abaissée  graduellement  jusqu'à  160  pias- 
tres, le  12  septembre,  était  au  pair,  à  100  piastres, 
le  lendemain  i3.  Le  chiffre  total  du  qâïmè  retiré, 
montant  à  998,800,7*20  piastres,  soit  1,997,601 
bourses,  220  piastres \  a  été  remboursé  aux  porteurs, 
sur  sa  valeur  nominale,  à  raison  de  60  p.  0/0  en 
métallique,  et  60  p.  0/0  en  consolidés  (esMmi-djé- 
dîdè),  au  pair  ^. 

1279  (1862-1863).  Poursuivant  le  même  but, 
le  rétablissement  des  finances,  sultan  Abdul-Aziz, 
dans  un  khatt  du  22  février  1 863  ,  enjoint  à  ses  mi- 
nistres de  veiller  à  la  sage  économie  des  deniers 
publics,  afin  de  parvenir  à  l'équilibre  du  budget;  et, 
prêchant  d'exemple,  «  il  abandonne  au  trésor  la  partie 
supplémentaire  de  sa  liste  civile,  réduit  les  dotations 
des  princesses ,  et  ordonne  la  suppression  de  toute 
sinécure  ou  emploi  inutile  ^.  »  Enfin  un  sixième  em- 

'  En  chiffres  ronds  :  2,000,000  de  bourses.  Voy.  le  rapport  précité 
du  ministre  des  finances  et  le  Journal  de  Constanlinople  des  2  2  octobre 
et  29  novembre  1862. 

^  A  une  autre  époque,  et  dans  des  circonstances  à  peu  près  sem- 
blables ,  le  gouvernement  avait  fait  une  émission  ayant ,  sur  le  chiffre 
de  sa  valeur  nominale,  d'abord  70,  puis  60  p.  0/0  de  valeur  intrin- 
sèque et  ^o  p.  0/0  de  surélévation.  (Voy.  années  1116  et  1 1 3 1 .) 

■*  Jusque-là ,  la  liste  civile  était,  par  mois,  de  1 5, 000  bourses  éga- 
lant 7,600,000  piastres,  et  de  5,000  autres  bourses  attribuées,  égale- 
ment par  mois,  aux  dépenses  imprévues  ;  cette  dernière  somme  a  été 
abandonnée  par  le  sultan.  Dans  le  rapport  de  lord  Hobart  et  de 
M.  Forster  (Voy.  Débats  du  5  juin  186.^),  envoyés  à  Conslanti- 
nôple,  en  mai  1861,  pour  y  étudier  Tétat  des  finances  turques, 
le  revenu  de  l'empire,  montant  à  12  millions  de  livres  sterling  à 
l'avènement  du  sultan  actuel,  était  évalué,  pour  l'année  1861-1862- 
i863,  à  i5  millions  de  livres  sterling. 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUK  DE  LA  TURQUIE.  159 

prunt,  de8,ooo,ooo  de  livres  sterling,  est  contracté, 
en  avril  1 863 ,  sur  la  place  de  Paris,  pour  solder  le  re- 
liquat de  la  dette  flottante-,  6,000,000  sont  affectés 
à  cet  objet,  le  reste  doit  être  employé  au  retrait 
graduel  de  la  monnaie  de  titre  inférieur^. 

1280  (i863  6/i).  Le  6  novembre  i863,  S.  A. 
Fuad-Pacha,  grand-vizir,  présente  au  sultan  le  budget 
général  de  l'empire  pour  le  dernier  exercice  12-79; 
ce  budget,  précédé  d'un  rapport  du  ministre  des 
finances  au  grand  vizir,  offre  les  résultats  suivants^  : 

Receltes  :      3, 01 0,629  bourses  335  piastres. 
Dépenses  :    2,969,00/i  492 

Excédant  :        4i,524  3^3 

Je  terminerai  cet  exposé  historique  en  mention- 
nant ici  le  récent  traité  de  commerce  signé  le  2  9  avril 
1861,  entre  la  France  et  la  Turquie,  abrogeant  et 
remplaçant  le  traité  de  i838  (zil-hidjè  i25/i).  Ce- 
lui-ci, tout  en  consacrant  un  grand  principe,  l'abo- 
lition des  monopoles,  s'était  cependant  montré  plus 
favorable  aux  intérêts  étrangers  qu'indigènes,  en 
frappant  les  produits  d'exportation  d'un  droit  de 
1  2  p.  0/0 ,  tandis  que  ceux  d'importation  n'étaient 
imposés  que  d'une  taxe  de  5  p.  0/0  seulement.  Plus 
libéral  dans  son  esprit,  le  nouveau  traité  s'est  pro- 
posé l'entier  dégrèvement   des  produits  indigènes 

'  Budget  précité ,  rapport  du  ministre  des  finances,  p.  3. 
^  Version  française,  traduction  officielle;  imprimerie  du  Journal 
de  ConstaïUinople. 


160  JANMKU-KKVlUtiK   180;>. 

destinas  t\  Texportalion;  et  eu  vue  d'éviter  toute  per- 
inrbatiou,  il  taxe  les  uns  comme  les  autix?s,  dans  le 
principe  «  à  un  droit  uniforme  de  8  p.  o/o.  Mais  si 
ce  droit  est  fixe  et  invariable  pour  les  importations 
en  Turtpiie,  il  est  provisoire  pour  kvs  exportations, 
et  réductible,  chaque' année,  d'un  huitième,  jusqu  à 
ce  qu'il  soit  abaissé  à  la  taxe  fixe  et  définitive  de 
i  p.  o/o ,  maintenue  seulement  pour  couvrir  les  frais 
de  bureau.  Paml  traité  a  été  conclu  avec  les  autres 
puissances;  le  traité  anglais  porte  la  même  date  que 
le  tiiiité  français;  les  autres  sont  postérieurs. 


RESUME. 


J*ai  dit  en  commençant  que  ia  Turquie  s'était 
appix)priée,  en  les  adaptant  à  ses  instincts  particu- 
liers, la  plupart  des  instilutions  déjà  existantes  dans 
Tordre  politique»  économique  et  administratif;  et 
que  rhisloire  de  ce  pap,  étudiée  à  ce  point  de 
vue,  en  montrant  le  jeu  et  îa  transformation  suc- 
cessive de  sa  constitution  organique,  otVrait  encore 
des  données  précieuses  sur  leconomie  politique  de 
TAsie  elle-même.  Ce  double  objet  ressort  ample- 
ment de  tout  ce  .qui  précède;  mais  je  me  bornerai 
à  gix>uper  les  principaux  trails  de  ce  tableau,  afin 
de  permettre  d'en  nneux  saisir  l'ensemble. 

Les  choses,  on  le  sait,  changent  peu  en  Orient; 
la  tradition,  les  habitudes  y  exercent  un  empire  ab- 
solu, incontestable;  les  mêmes  faits  se  reproduisent 
toujoui^  ou  à  peu  près,  malgré  la  dilïérence  des 
temps;  et  si  quelque  modification  s'opère,  elle  ne  se 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUI,.  iOI 

fait  ((lie  peu  à  peu ,  et  on  conservant,  le  plus  possible , 
la  forme  ou  même  seulement  l'apparence  de  ce  qu'on 
a  voulu  clinuger.  Ainsi ,  (juaiul  l'empire  des  Soldjou- 
(jydes  céda  la  place  à  celui  d'Osman,  les  nouveaux 
princes  gardèrent  à  peu  près  intactes  les  institu- 
tions de  leurs  prédécesseurs,  comme  ceux-ci,  sans 
doute,  avaienf  maintenu  les  routunies  de  leurs  de- 
vanciers. Le  type  el  la  forme  des  monnaies  seldjou- 
((ydes  sont  conservés;  mais ,  soit  nécessité ,  soit  peul- 
èlre  encore  tradition  d'un  autre  genre,  un  doidde 
système  monétaire,  imposé  |)ar  les  exigences  com- 
merciales, s'établit  bientôt  simullanément ,  l'un  na- 
tional, l'autre  étranger;  l'écu  d'argent  des  Francs 
reçoit  un  cours  légal  dans  le  nouvel  Etal;  puis  sur- 
frappe plus  tard,  comme  autrefois  celui  des  Byzan- 
tins chez  les  premiers  khalifes,  il  devient  le  type 
même  de  l'écu  d'argent  ottoman.  Ultérieurement,  et 
dès  la  conquête  de  l'Egypte,  fécu  d'or  ottoman,  se 
modelant  sur  celui  des  Mamlouks,  aucpiel  le  ducal 
vénitien  n  était  pas  étranger,  linit  par  prendre  aussi 
ce  dernier  type  qu'il  a  conservé  jusqu'à  une  époque» 
relativement  récente,  f/écu  d'or  turc  actuel ,  corres- 
j)Oudanl  à  peu  près  à  deux  ducats  vénitiens,  se  trouve 
avoir  une  valeur  iiiteruu'diaire  entre  le  napoléon  et 
la  livre  sterling. 

La  terre  est  concédée  par  lots  ou  circonscriptions 
de  plus  ou  moins  grande  étendue,  comme  sous  les 
khalilesel  les  sultans  mamlouks;  nommées  alors  iqia, 
ces  concessions  sont  dites  ziâmet  et  timar.  En  récom- 
pense des  services  éclatants  que  liii  rendit  Osman, 


102  JANVIER. FÉVRIER  1865. 

le  dernier  prince  seldjouqyde  donne  la  province  de 
Qaradja-Hiçar,  en  fief,  au  futur  fondateur  de  la  dy- 
nastie ottomane;  et,  à  son  tour,  celui-ci  partage  ses 
Etats  entre  ses  fils  et  ses  principaux  émirs,  et  ré- 
partit entre  \es  feadaiaires  les  villages  circonvoisins 
de  la  capitale  de  la  Bitbynie  dont  il  faisait  le  siège. 

Les  peuples  soumis  sont  tributaires,  comme  sous 
la  domination  arabe;  la  race  conquérante  se  partage 
en  caste  militaire  et  caste  agricole. 

L'administration  des  revenus  de  fEtat,  entrée  et 
sortie,  relève  du  mâlïè  «ministère  des  finances,» 
terme  généralement  employé  en  Orient,  depuis  l'isla- 
misme. Sauf  certaines  modifications  particubères  aux 
temps  et  aux  Heux,  le  budget  des  recettes  d'Eïoubi- 
Efendi  présente  à  peu  près  celui  des  monarcbies 
asiatiques  antérieures.  Le  produit  du  revenu  public 
reçoit  trois  directions:  celle  du  trésor  public,  d'où 
l'excédant  des  recettes  sur  les  dépenses  passe  ensuite 
au  trésor  de  réserve;  puis  le  trésor  particulier  du 
prince  ou  administration  de  sa  cassette. 

Les  dépenses  sont  acquittées,  comme  sous  les 
Seldjouqydes,  partie  en  numéraire,  partie  en  assi- 
gnations. 

L'usage  de  grouper  les  cbitTres  dans  une  quotité 
plus  ou  moins  considérable  se  retrouve  cbez  les 
Ottomans,  comme  autrefois  cbez  les  Arabes ,  et  avec 
des  dénominations  identiques. 

La  solde  se  payait,  ou,  du  moins,  devait  être  ac- 
quittée par  trimestre,  et,  dans  cette  quotité,  se  di- 
sait mévâdjèb  ,  terme  qui  désigne  encore  aujourd'hui , 


HISTOIRE  ÉCONOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.  163 

en  Perse,  le  traitement  d'un  fonctionnaire.  Sauf  de 
rares  exceptions,  cette  règle  ne  fut  pas  observée 
scrupuleusement. 

Comme  les  suUans  mamlouks  et  les  Seldjouqydes, 
les  princes  ottomans  avaient  coutume  de  faire  lar- 
gesse aux  milices,  à  leur  avènement  au  trône;  et 
même  de  nos  jours  pourrait-on  retrouver  une  ré- 
miniscence de  cet  usage  dans  le  payement  d'arriéré 
de  solde  qui  fut  fait  aux  troupes,  à  l'avènement 
de  Sultan  Abdul-Aziz,  actuellement  régnant.  A 
l'exemple  des  Seldjouqydes,  les  monarques  otto- 
mans donnaient,  sur  le  champ  de  bataille,  d'abon- 
dantes gratifications  à  leurs  soldats,  outre  la  haute 
paye  à  laquelle  les  services  exceptionnels  pouvaient 
donner  droit;  mais  ce  système  de  largesses  si  souvent 
répétées  et  plus  d'une  fois  provoquées  par  la  sédi- 
tion des  milices,  dont  le  nombre  toujours  croissant 
n'avait  d'autres  résultats,  vu  f organisation  viciée, 
que  d'accroître  les  charges  du  trésor,  ce  système, 
dis-je,  ou  plutôt  ses  effets,  venant  s'ajouter  au  dis- 
crédit de  l'administration  et  à  la  dépréciation  de  la 
monnaie,  non  moins  altérée  par  les  mesures  fiscales 
que  par  la  cupidité  publique,  fut  une  des  principales 
causes  des  embarras  financiers  qui  assaillirent  cons- 
tamment le  trésor.  Appauvri  par  ces  diverses  causes, 
aussi  bien  que  par  les  prodigalités  intérieures  et  par 
les  frais  de  guerres  continuelles  dont  l'issue  ne  fut 
pas  toujours  heureuse,  le  trésor  ordinaire  était  sou- 
vent vide.  Tant  que  cela  fut  possible,  on  puisa  dans 
le  trésor  réservé;  mais  cette  source  tarie,  on  eut  re- 


164  JANVIER-FÉVRIER   1865. 

cours  aux  expédients,  tels  que  la  saisie  ou  l'emprunt 
des  revenus  des  vaqoiifs  et  l'aliénation  de  certaines 
propriétés  de  l'Etat  ;  le  système  des  confiscations  de- 
vint à  l'ordre  du  jour;  finalement,  et  sentant  la  né- 
cessité d'en  appeler  au  contrôle  de  l'opinion  publique, 
on  publia  le  budget  parliel  d'Aïni-Ali  (1018=  1609), 
et  cinquante  ans  après,  celui  d'Eïoubi-Efendi  (107  1 
=  1660-1661).  Il  s'ensuidt  une  série  de  mesures 
qui  rendirent  au  pays  des  jours  plus  prospères,  sous 
les  vizirats  remarquables  de  Baïram-Pacha ,  de  Qara- 
Moustafa-Pacba ,  de  Tarkhoundji-Pacha ,  des  illustres 
Kuprulu,  de  Damad-Ali-Pacha  et  de  Damad-Ibra- 
him-Pacha ,  qui  tous  s.uccessivement  vinrent  clore 
(de  10/16  il  i  i  lx?i  ::=:  \  636  à  1  ySo)  la  période  cri- 
tique précédant  l'entrée  de  chacun  d'eux  aux  affaires. 
Cependant,  malgré  ces  efforts  énergiques  et  réi- 
térés, le  pays  ne  pouvait  se  relever;  les  armées 
n'éprouvaient  que  des  revers;  le  trésor  ordinaire  ne 
comblait  plus  ses  vides,  et  celui  de  réserve  était  hors 
d'état  de  l'assister;  on  émit  l'avis  d'un  emprunt  à 
[élranger(i  1  98=1  ySS);^  proposition  n'aboulit  pas, 
et  l'on  créa  la  dette  pablicjue  par  la  vente  ou  aliéna- 
tion de  certains  revenus  de  l'Etat,  en  faveur  de 
particuliers  indigènes,  contre  des  sehims  «titres  de 
rente,))  en  échange  du  capital  compté  par  eux  à 
l'État  (i  199=1785).  On  leva  ensuite  des  contribu- 
tions forcées;  puis  on  émit  des  monnaies  fiduciaires, 
ayant  un  cours  supérieur  à  leur  valeur  intrinsèque 
(i'2o3  =  i788);  enfin,  à  bout  de  ressources,  legou- 
V  ernement  reconnut  la  nécessité  d'apporter  une  rë- 


HISTOIRE  ECONOMIQUE  DE  LA  TURQUIE.  165 
forme  radicale  dans  les  institutions  existantes  (1206 
=  J  79  0*  C^-^tc  résolution  amène  des  luttes  vigou- 
reuses entre  les  partisans  du  nouveau  et  de  l'ancien 
régime;  mais  la  réforme  l'emporte,  et  les  milices 
sont  supprimées  et  remplacées  par  une  armée  régu- 
lière, formée  sous  la  direction  d'instructeurs  euro- 
péens. Comme  couronnement  de  l'œuvre,  lekhatti- 
chérîf  dti  Gulkhânè,  ou  autrement  le  tanzîmât,  est 
proclamé;  désormais  la  fortune  privée  est  assurée; 
le  système  des  confiscations  est  aboli;  mais  la  crise 
financière,  loin  d'être  conjurée,  s'aggrave  par  les 
événements  intérieurs  et  extérieurs;  et  comme  autre- 
fois chez  les  Mongols  ilkhaniens,  le  papier-monnaie 
est  créé;  il  s'accroît  bientôt  dans  des  proportions  con- 
sidérables; c'est  alors  que,  pendant  la  guerre  d'Orient, 
le  premier  emprunt  étranger  est  contracté;  il  est  suivi 
de  plusieurs  autres,  pour  parvenir  au  payement  de 
la  dette  flottante  et  au  retrait  du  caïmè;  ce  résultat 
est  finalement  obtenu;  la  publication  du  budget  est 
décrétée  et  pratiquée;  le  métallique  reparaît  et  re- 
devient le  seul  signe  représentatif  d'échange  ayant 
cours;  toutefois,  les  ressources  disponibles  n'ont  pas 
encore  permis  le  retrait  des  monnaies  fiduciaires. 

De  nouveaux  traités  de  commerce  sont  conclus 
avec  les  puissances  étrangères ,  sur  des  bases  libérales 
ayant  pour  objet  le  développement  de  l'agriculturo 
et  de  l'industrie  indigènes.  De  grandes  compagnies 
de  crédit  et  autres  se  forment  et  prospèrejit;  une 
nouvelle  ère  semble  commencer  pour  l'agriculture  , 
l'industrie  et  le  commerce  du  Levant. 


166  JANVIl^K-FEVHIKPi  J8C5. 


NOTES  ADDITIONNFXLES. 


1.  Mouqâtca.  Ce  mot,  comme  on  l'a  vu  dans  le 
cours  de  cet  exposé  historique,  prend,  dans  la 
technologie  du  ma/iè ,  diverses  acceptions  qu'on  peut 
rapporter  à  une  seule  et  unique  «le  montant  du 
chiffre  auquel  tel  revenu  public  a  été  fixé,  »  que  la 
perception  de  ce  revenu  soit  opérée  par  voie  de  régie 
ou  d'affermage;  ces  diverses  acceptions  sont,  d'ail- 
leurs, employées  égalernent  par  les  historiographes; 
ainsi,  moucjâiéa  désigne  parfois  une  concession  du 
genre  des  zidmet  et  timar  (voy.  années  i  i  68,  i  207); 
d'autres  fois,  une  concession  mâlihiânè  (  1  1 06, 1  1  Zi 3  , 
1  i/iy);  ailleurs,  ce  mot  désigne  une  forme  de  va- 
qouf  devenue  la  propriété  absolue  du  détenteur 
(Etade  sur  la  propiiété,  n°  355),  et  aussi  les  revenus 
publics  en  général  (années  926,  10/12,  iii3, 
1  1  26  et  1  2 o3 )  ;  de  là ,  moaciâtéadji  u  concessionnaire , 
pour  un  terme  plus  ou  moins  long,  d'une  branche 
du  revenu  public  «(années  io35,  1  o58).  Le  sens  de 
ce  mot  est,  d'ailleurs,  parfaitement  établi  parLoutfi- 
Pacha,  dans  son  Açaf-Nâmè  «Guide  des  grands 
vizirs,»  où  il  est  dit  (manuscrit  de  M.  Cayol)  :  «Il 
vaut  mieux  donner  les  mouqâtéa  «la  perception  des 
diverses  branches  du  revenu  public  »  en  régie  qu'en 
fermage.  » 

2.  Dans  le  même  livre,  Loutfi-Pacha,  qui  fut 
grand  vizir  de  Sultan  Suleïman,  de  g!\lx  à  967.  re- 
commande la  confection  annuelle  des  états  de  re- 


HISTOIRE  ÉCOiNOMlQUE  DE  LA  TURQUIE.  167 
cette  et  de  dépense,  afin  de  régler  la  comptabilité 
en  conséquence.  «A  Tavénenient  de  Sultan  Suleï- 
man,  dit-il,  le  budget  était  en  équilibre  ;  mais,  lors 
de  mon  élévation  au  grand  vizirat,  le  trésor  était 
en  déficit.  » 

3.  Avâriz.  Selon  Loutfi-Pacha ,  Vavâriz  était  une 
taxe  récente  qui  se  percevait  sur  les  raïas,  une  fois  tous 
les  quatre  ou  cinq  ans.  De  là,  sans  doute,  le  terme 
avâriz  u accident,  ce  qui  n'est  pas  ordinaire;»  elle 
était  fixée  à  20  aqlchè  par  homme,  et,  devant  être 
affectée  à  Tachât  de  biscuits  pour  l'armée,  elle  était 
nommée,  pour  ce  motif,  pekcimâi-pâliâ  «indemnité 
de  biscuit.  »  Loutfi  blâme  rétablissement  de  cette 
taxe,  qu'on  ne  doit  pas,  dit-il,  percevoir  annuelle- 
ment, afin  de  ne  pas  surcharger  les  raïas.  Du  reste, 
elle  ne  fut  prélevée  qu'une  seule  fois  sous  Sultan 
Sélim.  «  L'avâriz,  continue  le  même  écrivain  est  en 
outre  un  impôt  personnel  pour  le  service  des  ga- 
lères. Par  chaque  quatre  maisons  (kliânè) ,  on  lève 
un  homme  jeune  et  valide,  pour  faire  le  service  de 
rameur  sur  les  galères;  il  reçoit  du  khaznè  dix  aqtchè 
par  jour  pendant  tout  le  temps  qu'il  passe  à  la  mer.  » 
(Conf.  sur  Vavâriz,  années  1  0^2  et  1  o53  ci-dessus, 
et  mon  Etude  sur  la  propriété,  n°  334,  note.) 


# 


168  JANVIER-FEVRIER   1865. 

NOUVELLES  ET  MÉLANGES 

SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SÉANCE  Dli  9  DÉCEMBRE  186^. 

La  séance  est  ouverte  à  huit  heures  par  M.  Reinaud ,  pré- 
sidenJ. 

M.  Ramirez  écrit  de  Mexico  pour  annoncer  l'envoi  d'une 
brochure  sur  le  baptême  de  Moleuhzoma  II  (Monlézuma), 
neuvième  roi  de  Mexico. 

MM.  de  Rhanikof  et  Pauthier  annoncent  qu'ils  se  sont 
occupés  de  la  question  soulevée  dans  une  des  dernières 
séances,  au  sujet  de  l'entrée  du  Journal  asialique  en  Russie. 
D'après  les  renseignements  de  M.  de  Klianikof ,  les  obstacles 
proviennent  de  la  Prusse  qui,  suivant  une  convention  pos- 
tale, arrête  le  passage  des  numéros  à  Eydkuhnen;  toutefois, 
à  la  suite  des  observations  de  plusieurs  membres,  M.  de  Klia- 
nikof promet  de  s'occuper  de  nouveau  de  cette  affaire. 

A  la  suite  de  cette  discussion,  M.  Pauthier  demande  à 
signaler  au  Conseil  de  regrettables  inexactitudes  dans  le  ser- 
vice du  Journal,  que  des  membres  présentés  par  lui  et  qui 
demeurent  à  l'étranger  ne  reçoivent  que  très-inexactement. 
M.  l'agent  de  la  Société  sera  invité  à  tenir  à  la  disposition 
du  Conseil  un  livre  de  poste  qui  pourra  servir  au  besoin  à 
sa  justification. 

Le  bibliothécaire  adjoint  communique  un  tableau  qu'il  a 
rédige  des  numéros  de  la  Bihliotheca  indien  qui  se  trouvent 
dans  la  bibliothèque  de  la  Société.  Le  Conseil  prendra  ullé- 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  169 

lieurement  une  décision  pour  compléter  celle  importante 
collection. 

M.  Pauthier  lit  un  Bulletin  de  la  campagne  de  Houlagou , 
pour  la  conquête  de  la  Perse ,  au  milieu  du  xiii'  siècle ,  tiré  de 
l'Histoire  officielle  des  Yuen  ou  Mongols  de  la  Chine. 

M.  de  Labaithe  lit  un  rapport  que  le  Conseil  l'a  chargé 
de  rédiger  sur  l'ouvrage  de  M.  d'Hervey  Saint-Denys,  inti- 
tulé :  Poésies  des  Thang.  '' 

M.  de  Rosny  annonce  qu'il  s'occupe  d'une  Grammaire  et 
d'un  Lexique  du  Chih-king ,  qu'il  considère  comme  un  com- 
plément indispensable  de  l'édition  qu'il  se  propose  de  pu- 
blier. 

OUVRAGES  OFFERTS  À   LA   SOCIÉTÉ. 

Par  l'auteur.  Ibn-el-Athiri  Clironicon  quod  perfectissimuni 
inscribitur.  Volumen  X,  ad  tidem  codicum  parisinorum ,  edi- 
dit  Carolus  Joliannes  Tornbekg  Lugduni  Batavorum ,  1 864  , 
in-8°. 

Par  l'auteur.  Doctrine  des  bouddhistes  sur  le  Nii^vâna,  par 
Ph.  Éd.  FoDCAUx.  Paris,  i864,  in-8°. 

Par  l'auteur.  Bautismo  de  Moteuhzonia  II ,  noveno  rey 
de  Mexico.  Disquisicion  historico-critica  de  esta  tradicion,  por 
D.  José  Fernando  RamIrez.  Mexico,  186A,  in-4°. 

Par  la  Société  asiatique  du  Bengale.  Bibliotheca  indica, 
n°  k']  [The  Tabaqàiî-nàsiri ,  publié  par  le  capitaine  Nassau 
Lees  elles  mauiawis  Khadim  Hosaïn  et  Abd-al-Haï,  fasc.  4), 
in-8°. 

Par  l'auteur.  Annuaire  philosophique,  livraisons  8  à  12. 
Paris,  186A,  in-8°. 

Par  Ici  Société.  Journal  of  the  Royal  Asiatic  Society  ofGreat 
Britain  and  Ireland.  (Nouvelle  série,  n°  1.)  London,  i864, 
in-8». 

Par  l'Institut  royal.  Bijdragen  tôt  de  Taal-Land-en  Volken- 
kande von Nederlandsch Indie.  (Tome  VU,  livraison  5,  et  t. VIII, 
livraison  1.)  Amsterdam,  i864,  in  8°. 


170  JANVIER-FEVRIER   1805. 

Par  la  Société.  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  (oc- 
tobre i864).  Paris,  i864,  in-S". 

Par  les  éditeurs.  Journal  des  Savants  (aoûl  et  novembre 
i86Zi).  Paris,  i86/i,in-^''.  (Manquent  les  mois  de  septembre 
et  octobre.) 

Par  les  éditeurs.  Gazette  de  Beyrout  (deux  numéros). 


Tableau  de  la  presse  périodique  et  quotidienne  à  Constan- 
TiNOPLE  EN  186^,  par  M.  Belin  ,  secrétaire-interprète  de  l'Em- 
pereur à  Constantinople. 

L'annuaire  ottoman  [Sâl-nâmè)  de  i28ir=i864  donne 
celle  année,  la  dix-neuvième  de  sa  fondation,  la  liste  des 
journaux  et  revues  publiés  actuellement  à  Constantinople. 
Augmentée  des  rensei^^nements  qu'on  trouvera  ci-après, 
cette  liste  offre  un  intérêt  particulier,  en  ce  qu'elle  montre 
le  développement  successif  du  goût  des  diverses  populations 
de  la  capitale  pour  ce  genre  de  publications,  et  signale  en 
même  temps  les  tendances  de  l'esprit  public. 

Journaux  turcs.  —  i.  Taqvîmi-véqâu  -devlèti-aliïè  t  Mo- 
niteur ottoman»  ou  «Gazette  d'Etat,»  fondé  en  12^7  = 
i83i  ,  date  fixée  dans  le  chronogramme  ah.vâli-gharrâ  «cir- 
constances brillantes,»  dont  les  lettres,  additionnées  dans 
leur  valeur  numérique,  donnent  le  chiffre  ci-dessus.  Une 
version  française  de  la  Gazette  d'État  parut,  dans  le  principe, 
mais  elle  ne  fut  pas  continuée  ;  comme  le  Moniteur  français , 
le  Taqvîm  se  divise  en  deux  parties  :  officielle  et  non  offi- 
cielle. Il  paraît  seulement  une  fois  la  semaine,  le  lundi. 

2.  Djéridèï-havâdis  «  la  Gazelle ,  »  fondée  en  1 259  rr:  i843. 
Ce  journal  politique  et  littéraire  donne  les  actes  officiels  et 
les  nouvelles  diverses  de  l'intérieur  et  de  l'élranger  ;  il  paraît 
en  grand  format  le  dimanche  et  donne  un  bulletin  les  autres 
jours  de  la  semaine,  excepté  le  vendredi. 

3.  Tcrdjumâni  -  ahvâl  «l'Interprète  des  circonstances,» 
fondé  en  1277  =:::  1860;  journal  politique  et  littéraire  dont 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  171 

le  rédacteur  primitif  tenta  d'inaugurer  en  Turquie  une  cer- 
taine liberté  de  la  presse;  ce  journal,  d'un  petit  format,  pa- 
raît trois  fois  la  semaine,  les  dimanches,  mardis  et  jeudis. 

Ix.  Tasvîri-efkiâr  «la  Peinture  de  l'opinion  publique,» 
fondée  en  1278=  1861  ;  rédacteur  en  chef:  Chinaci-Efendi. 
Journal  politique  et  littéraire,  qui  s'est  fait  remarquer  à  di- 
vers titres;  d'abord  par  l'esprit  de  sa  rédaction,  puis  par 
l'introduction  d'une  sorte  de  ponctuation  dans  la  phraséolo- 
gie turque ,  et  surtout  par  la  publication ,  en  feuilleton  ou  dans 
le  corps  du  journal ,  d'ouvrages  importanls ,  tels  que  l'Histoire 
des  Séleucides  et  des  Achkaniens,  parSoubhi-Beï,  membre 
du  grand  conseil,  accompagnée  de  la  reproduction  de  mé- 
dailles à  images;  la  bibliographie  d'Avicenne;  un  extrait  du 
Droit  des  gens  de  Vattel;  une  grande  partie  de  V Histoire 
généalogique  des  Tatars  d'Aboulghazi,  le  Destour- ulamel  de 
Hadji-Khalfa  et  le  Mizan-elhaqg  du  même  auteu^^ 

5.  Djéridèï-askèrïè  «Gazette  militaire,»  dont  le  premier 
numéro  a  paru  le  7  chaban  1280  =:  16  janvier  i864;  pu- 
bliée sous  la  direction  des  officiers  du  corps  d'élat-major.  Ce 
journal  se  divise  en  deux  parties  :  officielle  et  non  officielle; 
la  première  contient  les  faits  relatifs  à  l'armée  de  terre  [mé- 
vâddi-berriïè) ,  à  la  marine  [mévâddi-bahriïè]  \  elle  traite  aussi 
des  innovations,  modifications  et  changements  introduits 
dans  l'armée  nationale,  fait  connaître  les  actes  officiels  la 
concernant,  les  nominations,  promotions  [tevdjihâl)  et  mu- 
tations; la  mise  à  la  retraite  (téqâud),  les  pensions  [mukiâfât] 
données  aux  officiers  qui  ont  atteint  la  limite  d'âge  ou  à  ceux 
qui  ont  contracté  des  infirmités  au  service;  les  pensions 
(takhcici-méâch)  accordées  aux  enfants  d'officiers  morts  sous 
les  drapeaux,  les  peines  disciplinaires  (médjâzât)  inffigées 
pour  crimes  et  délits,  avec  l'indication  du  crime  et  de  la 
pénalité  encourue,  ainsi  que  celle  du  nom  du  condamné. 

'  Sans  doute  comme  réponse  orthodoxe  à  un  livre  remarquable  publié 
dans  l'Inde,  en  1861  ,  sous  le  même  titre,  par  M.  Pfander,  contre  les  doc- 
trines mahométanes,  auquel  une  réponse  musulmane  a  été  faite  sous  le  titre 
de  ChemsiiL 


172  JAiNVIER-FEVRIER  1865. 

La  partie  lion  officielle  est  consacrée  aux  faits  divers  militaires 
de  l'intérieur  et  de  l'étranger  \ 

Journal  a'rabe.  —  El-djévâïb  «le  Nouvelliste;»  il  paraît 
une  lois  la  semaine,  le  mercredi;  rédacteur  en  chef:  Fâres- 
Ghidiaq. 

Journal  turgo-grec.  —  A nadoloa  a  VOr\er\l,r>  écrit  en 
langue  turque  avec  caractères  grecs;  paraît  une  fois  la  se- 
maine. 

Journaux  grecs.  —  i.  Byzantis  «le  Byzantin,»  paraît 
deux  fois  la  semaine  en  grand  formai;  donne  un  bulletin  les 
lundis  ,  jeudis  et  vendredis. 

2.  Armonia  «l'Harmonie,»  paraît  deux  fois  la  semaine, 
i" -année;  rédigé  dans  un  esprit  conservateur. 

3.  A  natolicos  aster  viVYiioWe  orientale,»  paraît  trois  fois  la 
semaine. 

Journaux  bulgares.  —  i.  Cevietniknle  Conseiller,  »  fondé 
en  i863,  paraît  une  fois  la  semaine.  Rédacteur  :  M  Bour- 
noff,  exétudiant  en  théologie  au  séminaire  de  Kiefl'.  Ce  jour- 
nal est  l'organe  des  Bulgares  dits  indépendants ,  qui  luttent 
actuellement  contre  le  patriarcat  grec. 

2.  Gaïda  «la  Musette,  »  i'*  année;  sorte  de  Charivari,  pa- 
raissant tous  les  quinze  jours;  rédacteur  :  M.  Sloveikoz^ 

Journaux  TURCOARMÉNiENS,  rédigés  en  langue  turque  avec 
lettres  arméniennes.  —  i.  Medjmouaï-havâdis  «Recueil  de 
nouvelles,»  journal  catholique,  rédigé  par  Vartan  -  Pacha , 
paraît  une  fois  la  semaine ,  en  grand  format ,  et  donne  en  outre 
deux  bulletins. 

Haqyqa  «le  Soleil  de  la  vérité,»  suivi  lui-même  d'une 
réplique  non  moins  remarquable  de  M.  Pfander,  intitulée 
Râfi-elchébéliut  «  le  Dissipateur  des  doutes.  » 

2.  Varaqaï-havâdis  «Feuille  des  nouvelles,»  paraît  une 
fois  la  semaine;  organe  des  Arméniens  protestants. 

'  Le  Journal  de  Conslantinople  annonce  ia  publication  prochaine  d'un  jour- 
nal persan  intitulé  Turkistân  «la  Turquie.» 

^  Le  même  Joarnal  de  Conslantinople  annonce  encore  la  publication  pro- 
chaine d'un  autre  journal  bulgare ,  sous  ce  titre  :  La  Turquie. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  173 

Journaux  arméniens.  —  i .  Macis  «  TArarat ,  »  fondé  en 
i852,  organe  semi  officiel  du  patriarcat  grec-uni,  donne- 
par  semaine ,  une  feuille  grand  format  et  trois  bulletins. 

2.  Avedaper  uQui  porte  la  bonne  nouvelle,»  fondé  en 
i855,  organe  des  Arméniens  protestants,  paraît  une  fois 
tous  les  quinze  jours. 

3.  Yérévang  «le  Saturne,»  fondé  en  1867,  journal  con- 
servateur, partisan  de  l'union  avec  Rome,  paraît  une  fois  la 
semaine. 

II.  Ser  «l'Amour,»  fondé  en  1867  ,  journal  libéral  mo- 
déré, imbu  de  protestantisme,  paraît  tous  les  dix  jours. 

5.  Méghoii  «l'Abeille,»  fondé  en  ï858,  paraît  une  fois  la 
semaine. 

6.  Jamanag  «le  Temps,»  fondé  en  janvier  i863,  paraît 
tous  les  quinze  jours. 

7.  Tzaïn  yngherassian  «  la  Voix  de  l'amour  fraternel,  »  fondé 
en  novembre  1 863  ,  paraît  tous  les  quinze  jours.  Ces  trois 
derniers  journaux  représentent  des  idées  d'un  ordre  très- 
avancé. 

Journal  Israélite.  —  Le  Journal  Israélite,  écrit  en  ca- 
ractères rabbiniques  dans  la  langue  espagnole  altérée  qui 
est  parlée  par  les  diverses  colonies  israéliles  du  Levant, 
compte  trois  années  d'existence,  paraît  deux  fois  la  semaine, 
et  se  borne  au  récit  des  faits  sans  leur  donner  nulle  couleur 
spéciale. 

Journaux  français.  —  1.  Le  Journal  de  Constautinople , 
fondé  en  i8/i5,  paraît  tous  les  jours,  excepté  le  dimanche  , 
sur  grand  format. 

2.  Le  Courrier  d'Orient,  continuateur  de  la  Presse d' Orient , 
compte  aussi  seize  aïis  d'existence;  il  paraît  deux  fois  la  se- 
maine sur  grand  format,  et  donne  un  bulletin  pour  les  autres 
jours. 

Journal  anglais.  — Levant  Herald,  paraît  une  fois  la  se- 
maine, sur  grand  format,  et  donne  un  bulletin  quotidien. 

PiEVUES.  —  1.  Medjrnoiiaï-fuTioun  «Revue  scientifique,» 
en  turc;  2'  année,  publiée  par  la  Société  scientifique  ollo- 


174  JANVIER-FEVRIER  1865. 

mane  (Djémi-éti-ilmaèi-osmâniiè) ,  paraît  une  fois  par  mois. 
Uédacleur  en  chef:  Munif-Ëfendi  \ 

2.  Medjmouaï-iber-intibâh  ï  Recueil  d'exemples  éveillanl 
l'attention,»  en  turc;  publiée  par  la  Société  littéraire  ( D/"e- 
mièti-kitâbet);  le  premier  numéro  a  paru  en  redjeb  1279 
(février  i863);  rédacteur  en  chef  :  Chinaci-Efendi.  Cette 
revue,  comme  la  précédente,  paraît  une  fois  par  mois,  et 
contient  des  articles  sur  les  lettres,  les  sciences,  etc.  elle 
joint  de  plus  un  texte  des  planches  explicatives,  dans  le 
genre  de  YIUiistratioTi. 

3.  Medjmouaï-askérïe  a  Revue  mililaire;»  en  turc;  recueil 
d'articles  relatifs  aux  sciences  militaires  et  à  l'instruction  de 
l'armée. 

4.  Zornitza  0  l'Etoile  du  matin,»  en  bulgare,  fondée  en 
i863,  et  rédigée  par  les  ministres  protestants,  paraît  une 
fois  par  mois. 

5.  Gazette  médicale  d'Orient,  en  français,  8^  année,  pu- 
bliée par  la  Société  impériale  ottomane  de  médecine  à  Cons- 
lantinople ,  fondée  elle-même  à  la  lin  de  la  guerre  de  Crimée. 

BÉCAPITDLATION   : 

Journaux  turcs 5 

Journal  arabe 1 

—       turco-grec 1 

Journaux  grecs 3 

—  bulgares 2 

—  turco-arméniens 2 

—  arméniens 7 

Journal  israélile 1 

Journaux  français '. 2 

Journal  anglais 1 

'  Cette  société  possède  une  bibliothèque  qui  est  ouverte  aux  lecteurs  trois 
lois  la  semaine,  et  elle  fait  des  cours  publics  où  elle  enseigne  l'économie 
politique,  la  langue,  l'écriture  et  la  composition  françaises,  l'aritlimétique, 
les  langues  turrpie,  anglaise,  ilalientte  el  grecque. 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  175 

Report 2  5 

Revues  turques 3 

Revue  bulgare i 

Revue  médicale i 

3o 


NOTICE  SUR  I  A  VIE  ET  LES  TRAVAUX  DE  M.  X.  BTANCHI. 

Dans  le  rapport  lu  à  la  séance  générale  de  cette  année, 
M.  Mobl,  se  faisant  l'interprète  des  regrets  inspirés  par  la 
mort  de  M.  Bianchi ,  a  apprécié  en  termes  sympathiques  le  ca- 
ractère spécial  de  ses  travaux  et  les  soins  qu'il  a  donnés,  pen- 
dant tant  d'années,  aux  détails  administratifs  de  notre  société. 
Qu'il  me  soit  permis  de  rendre,  à  mon  tour,  un  dernier 
hommage  à  la  mémoire  d'un  maître  vénéré,  et  de  retracer 
dans  cette  courte  notice  sa  vie  entièrement  vouée  à  l'élude, 
et  l'influence  que,  par  une  voie  détournée  mais  sûre,  ce  la- 
borieux orientaliste  a  exercée  sur  l'échange  de  nos  conniiu- 
nications  avec  le  monde  musulman  et  le  développement  de 
nos  connaissances  philologiques. 

Thomas-Xavier  Bianchi,  né  à  Paris  le  25  juin  1783,  ap- 
partenait à  une  famille  dont  le  nom  a  marqué  à  la  fois  dans 
les  sciences  et  la  carrière  des  armes.  Son  père ,  physicien  dis- 
tingué, fut  l'auteur  de  plusieurs  découvertes  remarquables 
qui  lui  valurent  la  faveur  de  l'impératrice  d'Autriche  Marie- 
Thérèse.  Le  fils  aine  de  ce  savant  devint  feld-maréchal  et 
déploya,  au  service  d'une  cause  peu  favorisée  de  la  fortune, 
des  talents  et  une  fermeté  qui  ont  assuré  à  son  nom  une 
place  honorable  dans  les  fastes  militaires  du  commencement 
de  ce  siècle. 

Xavier  Bianchi,  son  frère  d'un  autre  lit,  fut  appelé  à  des 
destinées  moins  brillantes,  mais  dont  la  trace  sera  peut-être 
plus  durable.  Né  d'une  mère  française,  il  obtint  des  lettres 


176  JANVIER-FEVRIER   1865. 

de  grande  naturalisation ,  et  fit  ses  classes  à  l'école  centrale  de 
Fontainebleau,  Ses  éludes  terminées,  il  devint  un  des  audi- 
teurs les  plus  assidus  de  S.  de  Sacy  et  de  Jaubert,  et  ne  larda 
pas  à  être  admis  à  l'école  des  Jeunes  de  langues  de  Constan- 
linople ,  en  qualité  d'élève  interprète. 

Une  réforme  importante  s'était  introduite  dans  le  drogma- 
nal  français.  Les  barrières  que  le  fanatisme  et  l'ignorance 
avaient  élevées ,  depuis  plus  de  trois  siècles ,  entre  l'Europe  et 
l'empire  ottoman,  résistaient  faiblement  aux  eflbrts  de  notre 
politique,  secondée  par  tant  de  succès  mih'taires.  Les  hu- 
miliations subies  autrefois  par  le  représentant  du  grand  roi 
n  étaient  plus  à  craindre,  et  la  France,  un  instant  soupçonnée, 
pendant  l'expédition  d'Egypte,  avait  repris,  auprès  des  sul- 
tans, le  rang  et  la  prépondérance  dont  François  I"  avait  jeté 
les  bases.  Ce  progrès  était  dû,  en  partie,  à  la  réorganisation 
du  personnel  de  l'ambassade.  On  avait  appris  ,  par  de  doulou- 
reuses expériences,  à  connaître  et  à  redouter  les  Grecs  of- 
frant leurs  services,  les  Arméniens  tremblant  devant  le  sour- 
cil irrité  d'un  grand  vizir,  les  interprètes  rnjas  trafiquant  du 
bérat.  Aussi,  depuis  quelques  années  déjà,  les  fonctions  im- 
portantes du  drogmanat  étaient-elles  confiées  à  des  Français, 
L'école  où  ils  se  préparaient  à  cette  carrière  était  placée  à 
Conslaiitinople  même,  sous  l'habile  direction  de  M.  Ducaur- 
loy ,  dont  les  recherches  sur  la  législation  hanéfite  n'ont  pas 
été  oubliées  des  lecteurs  de  ce  journal.  Tout  en  étant  soumis 
à  une  règle  commune,  les  jeunes  interprètes  avaient  la  fa- 
culté de  circuler  librement  dans  la  ville  turque,  et  pouvaient 
ainsi  compléter,  par  leurs  rapports  journaliers  avec  la  popu- 
lation ,  les  leçons  que  leur  donnaient,  dans  les  jardins  du 
Palais  de  France,  quelques  efendis  instruits.  Plusieurshommes 
d'un  mérite  réel,  formés  par  cet  enseignement,  contribuèrent 
par  leurs  talents  aux  succès  de  la  diplomatie  française  au  Le- 
vant, et  ils  auraient  sans  doute  pris  une  part  brillante  aux 
progrès  de  l'érudition ,  si  la  vie  des  affaires  n'avait  absorbé 
leur  dévouement  et  leur  activité.  M.  Bianchi,  sorti  de  leurs 
rangs,  pressentit  les  services  qu'il  pourrait  rendre  un  jour, 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  177 

et  s'y  prépara  par  une  étude  persévérante  de  la  langue,  des 
mœurs  et  des  institutions  de  l'empire  ottoman. 

Rnvoyé  à  Smyrne  en  181  »,  il  y  remplit  les  fonctions  de 
deuxième,  puis  de  premier  drogman  du  consulat  général,  et 
se  signala  par  sa  généreuse  conduite  durant  riiorrible  peste 
qui  ravagea  celte  ville  en  1812.  Quatre  ans  plus  lard,  il  fut 
appelé  à  Paris,  nommé  adjoint  aux  secrétaires-interprètes  du 
roi  pour  les  langues  orientales,  et  chargé  de  la  conduite  de  deux 
ambassadeurs  envoyés  parla  cour  de  Téhéran  à  Louis XVITL 
En  1829,  lorsque  éclatèrent  les  signes  avant-coureurs  de 
l'orage  qui  allait  jeter  une  armée  française  sur  le  rivage 
d'Alger,  M.  Bianchi,  devenu  secrétaire-interprète  en  litre,  eul 
à  remplir  auprès  du  Dey  une  mission  pleine  de  difficultés , 
sinon  de  périls,  et  dont  il  nous  a  retracé  les  principaux  inci- 
dents dans  une  intéressante  relation. 

Ces  interruptions  nécessitées  par  les  devoirs  de  sa  charge 
furent  les  seules  qui  vinrent  détourner  un  moment  M.  Bian- 
chi de  ses  études  favorites.  Pendant  vingt-six  ans,  c'est-à- 
dire  jusqu'en  18/42 ,  époque  où  il  fut  mis  à  la  retraite,  il  par- 
tagea toujours  son  temps  entre  la  composition  de  ses  ouvrages 
lexicographiques  et  l'enseignement  du  turc,  à  l'école  dile 
des  Jeunes  de  langues  de  Paris,  au  collège  Louis-le-Grand.  On 
sait  que  cet  établissement  fondé  par  Colbert  et  connu  long- 
temps sous  le  nom  de  Co//e^e  des  Arméniens,  en  souvenir  des 
premiers  élèves  qui  y  furent  envoyés,  est  destiné  à  fournir  aux 
services  diplomatiques  et  consulaires  tout  un  personnel  de 
drogmans  et  de  chanceliers.  Ce  n'est  pas  ici  que  nous  pou- 
vons examiner  si  son  ancienne  organisation  répond  aux  exi- 
gences du  présent,  ni  rechercher  ce  qu'il  aurait  à  gagner  au 
contact  de  l'enseignement  libre.  Un  sentiment  personnel 
de  déférence  et  les  bornes  de  cette  notice  nous  interdisent 
toute  discussion.  Mais  en  faisant  des  vœux  pour  qu'elle  soit 
étudiée  en  temps  opportun,  nous  sommes  heureux  de  re- 
connaître que,  grâce  à  la  coopération  de  MM.  les  secrétaires- 
interprètes  et  à  la  mesure  libérale  qui  en  a  ouvert  les  portes 
à  quelques  externes  privilégiés,  cetle  école  a  souvent  donné 


178  JANVIEK-FÉVRIER   1865. 

des  résultats  sa  lis  faisants.  M.  Bianclii  y  fut  chargé  du  cours 
de  turc,  jusqu'à  l'époque  où  une  combinaison,  à  laquelle 
on  aurait  souhaité  qu'un  de  ses  condisciples  restai  étranger, 
lui  créa  des  loisirs  qu'il  n'avait  pas  sollicités.  Mûri  par  ce 
long  professorat,  et  en  connaissant  mieux  que  personne  les 
besoins,  il  publia,  à  partir  de  i83i  ,  la  série  de  travaux  lexi- 
cograpbiques  qui  ont  fondé  sa  réputation,  et  ne  cessa  de  les 
perfectionner  jusqu'au  terme  de  sa  vie. 

Il  est  à  peine  nécessaire  de  rappeler  les  notices  si  exactes 
dont  il  a  enrichi  notre  journal.  On  sait  que  l'imprimerie  lut 
introduite  en  Egypte  par  Mohatnmed-Aly ,  vers  1822.  Deux 
listes  des  premiers  livres  sortis  des  presses  égyptiennes  avaient 
été  données  par  Hammer  et,  plus  tard,  par  M.  Reinaud.  En 
1 8/43,  M.  Bianchi ,  mettant  à  profit  ces  matériaux ,  livra  au  pu- 
blic le  catalogue  de  2  5o  volumes  se  composant,  soit  de  tra- 
ductions d'ouvrages  français  relatifs  aux  sciences ,  soit  des 
œuvres  lilléraires  auxquelles  les  musulmans  attachent  le 
plus  de  prix.  En  1869 ,  il  lit  paraître  une  suite  à  ce  premier 
article,  sous  le  titre  de  Bibliographie  ottomane,  en  s'aidant, 
pour  les  publications  les  plus  récentes,  des  renseignements 
iournispar  le  Djeridè-ï-havadis ,iourn[{[  turc  dont  l'apparition 
datn  de  i843.  Ce  second  catalogue,  qui  contient  le  titre  com- 
plet de  chaque  ouvrage,  le  prix  de  vente,  et  souvent  une 
mention  développée  des  sujets  qui  y  sont  traités,  s'étend  jus- 
qu'à l'année  1860.  Attentif  aux  moindres  innovations  adop- 
tées par  le  gouvernement  ottoman,  M.  Bianchi  nous  fit  le 
premier  connaître,  dans  une  notice  détaillée,  l'essai  d'an- 
nuaire publié  à  Constantinople  en  18^7,  sur  le  modèle  des 
recueils  de  ce  genre  répandus  en  Europe.  Ce  travail,  malgré 
Tinévitable  sécheresse  de  la  forme,  avait  le  mérite  de  nous 
initier  aux  réformes  introduites  dans  la  hiérarchie  des  pou- 
voirs, d'en  préciser  les  titres  et  les  fonctions,  enfin  de  conti- 
nuer jusqu'à  nos  jours  les  précieuses  indications  dues  à 
C.  D'Ohsson  et  à  Hammer,  sur  les  branches  les  plus  impor- 
tantes des  services  publics.  Une  deuxième  notice,  conçue  dans 
le  même  esprit,  parut  également  dans  le  Sommai  asiatique^ 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  179 

en  i85i.  M.  Blanchi  publia  encore,  soit  dans  ce  journal,  soil 
dans  d'antres  recueils \  la  traduction  de  plusieurs  documents 
émanant  de  la  Porte,  et  dans  le  tome  II  du  journal  de  la 
Société  de  géographie,  la  traduction  d'un  petit  traité  en  lan- 
gue turque  sur  l'itinéraire  de  Constanlinople  à  la  Mecque  et 
les  rites  du  pèlerinage  (Paris,  1826,  in-A").  Mais  c'est  sur- 
tout par  la  publication  de  ses  trois  ouvrages  lexicogra- 
phiques,  œuvre  de  sa  vie  entière,  qu'il  a  bien  mérité  des 
lettres  orientales.  Le  grand  dictionnaire  trilingue  deMéninski 
et  son  Onomasticon  resteront  longtemps  encore  l'auxiliaire 
indispensable  des  travaux  littéraires  ;  mais  leur  richesse  même 
est  un  embarras  pour  les  commençants,  un  hors-d'œuvre 
pour  ceux  qui  ne  demandent  à  l'étiide  du  turc  qu'un  but 
pratique  et  immédiat.  Excellents  pour  la  lecture  simultanée 
des  trois  principales  langues  musulmanes,  ces  quatre  vo- 
lumes in-folio  ne  peuvent  qu'effrayer,  par  leur  formidable 
appareil ,  les  voyageurs ,  les  négociants ,  tous  ceux ,  en  un  mot , 
qui  recherchent  la  connaissance  rapide  de  la  langue  vivante 
et  populaire.  C'est  pour  combler  celte  lacune  que  M.  Bian- 
chi  fit  paraître,  en  i83i,  un  vocabulaire  français-turc,  quel- 
ques années  plus  lard,  le  Dictionnaire  turc-français  (j835, 
deux  volumes  in-8''),  avec  le  secours  des  matériaux  réunis 
par  M.  Kiefferet  revus  par  M.  BuHin,  et,  en  dernier  lieu,  le 
Dictionnaire  français-turc  (  i838,  2  vol.  in-8°) ,  qui  n'est  que 
le  complément  du  vocabulaire  de  i83i. 

Dans  une  langue  qui  s'est  emparée  des  trésors  de  l'arabe 
et  du  persan,  et  où  chaque  écrivain  peut  puiser  à  sa  guise 
dans  l'un  et  l'autre  idiome,  la  principale  difficulté  consistait 
à  faire  un  choix  judicieux,  de  façon  à  présenter  le  répertoire 
complet  de  la  langue  usuelle,  et  en  même  lemps  de  faciliter 
l'intelligence  des  pièces  officielles  et  des  monuments  litté- 
raires. Notre  confrère  s'acquitta  avec  boniieur  de  cette  lâche 

'  Outre  les  travaux  cnumérés  ici ,  M.  Blanchi  a  laissé  en  manuscrit  une 
grammaire  turque,  à  laquelle  il  travaillait  depuis  longtemps  (voyez  Jour- 
nal asiatique ,  2*  série,  t.  XI ,  p.  100)  et  de  nombreuses  notes  en  vue  de  la 
réimpression  de  ses  dictionnaires. 


180  JANVIER-FEVRIEH   1865. 

délicate.  Pour  les  lermes  employés  surtout  dans  le  style  re- 
levé, il  consulta  avec  fruit  l'œuvre  de  son  devancier  et  le 
Lehdjet-ul-loughat ,  dictionnaire  fort  estimé  en  Turquie.  Grâce 
à  une  lecture  assidue  des  journaux  turcs  et  à  une  active  cor- 
respondance, il  put  ajouter  à  ce  fonds  commun  une  foule 
d'idiotismes ,  de  mots  techniques  et  de  locutions  nouvelles 
que  les  réformes  de  sultan  Mahmoud  avaient  contribué  à 
répandre  dans  toutes  les  classes. 

Le  Dictionnaire  français-turc  elle  Guide  de  la  conversation, 
qui  en  est  le  corollaire  et  l'application ,  quoique  conçus  Fun 
et  l'autre  sur  le  même  plan  et  rédigés  avec  le  même  soin , 
offraient  cependant  des  difficultés  d'exécution  dont  l'auteur 
a  fait  Taveu  sincère.  «  Ce  ne  sera ,  dil-\\  [Dictionnaire  français- 
turc,  2"  édit.  Préface,  p.  à),  que  lorsque  les  progrès  des  ré- 
formes en  Turquie  auront  mis  la  nation  et  la  langue  des  Ot- 
tomans dans  des  rapports  plus  intimes  avec  la  civilisation  du 
reste  de  l'Europe,  que  la  science  pourra  s'enrichir  d'un  dic- 
tionnaire des  deux  langues  véritablement  perfectionné.  Jus- 
qu'à présent,  il  est  encore  un  grand  nombre  de  termes  de 
notre  langue  que  les  lexicographes,  malgré  tous  leurs  efforts, 
n'ont  pu  rendre  en  turc,  et  même  en  arabe,  que  par  des 
équivalents  hasardés ,  ou  des  mots  d'une  traduction  plus  ou 
moins  exacte.  » 

Quelques  imperfections  de  détail,  d'ailleurs  inévitables, 
ne  pouvaient  nuire  au  mérite  de  ces  deux  ouvrages \  surtout 
parmi  les  Ottomans,  auxquels  ils  étaient  également  destinés; 
aussi  ont-ils  fait  fortune  dans  les  écoles  de  Constantinople, 
et  il  est  juste  de  reconnaître  qu'ils  ont  notablement  contri- 
bué à  y  répandre  la  pratique  de  notre  langue  et  le  goût  de 
nos  chefs  d'oeuvre  littéraires.  Plein  de  foi  dans  l'avenir  de  la 
Turquie  et  persuadé  que  les  idées  modernes  pouvaient  seules 
en  arrêter  la  décadence,  M.  Bianchi  fut  constamment  sou- 


'  La  a*"  édition  revue  et  augmentée  du  Dictionnaire  turc-français  a  paru 
en  i85o,  celle  du  dictionnaire  français-turc,  en  18/16,  Le  Guide  de  la  con- 
versation a  été  réimprimé,  avoc  quelques  morceaux  nouveaux,  en  i85a. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  181 

tenu,  dans  ses  pénibles  travaux,  par  ces  considérations  d'un 
ordre  élevé,  que  nous  lui  avons  souvent  entendu  exprimer 
avec  une  touchante  conviction.  Si  jamais  ces  généreuses  es- 
pérances se  réalisent,  et  tel  doit  être  le  vœu  de  tous  ceux 
qui  ont  fait  de  l'Orient  l'objet  de  leurs  études,  ce  sera  l'hon- 
neur de  sa  mémoire  de  les  avoir  proclamées  un  des  pre- 
miers, et  d'avoir  travaillé  avec  une  application  constante  à 
leur  prompt  accomplissement. 

Durant  le  cours  de  sa  longue  existence  et  jusqu'à  l'ex- 
trême vieillesse  dont  il  ne  connut  jamais  les  infirmités, 
M.  Blanchi  trouva,  dans  la  tendresse  dévouée  d'une  épouse 
et  d'une  fille  chéries  et  dans  le  recueillement  de  ses  travaux 
de  prédilection ,  l'oubli  ou  du  moins  une  douce  compensa- 
tion aux  mécomptes  qu'il  n'est  au  pouvoir  de  personne  d'évi- 
ter. Il  avait  suppléé ,  pendant  deux  ans ,  M.  Jaubert  à  la  chaire 
de  turc  de  l'École  spéciale  des  langues  orientales  vivantes. 
A  la  fin  de  l'année  dernière,  cette  chaire  étant  devenue  va- 
cante par  la  mort  de  M.  Dubeux,  le  vénérable  doyen  de  la 
littérature  ottomane  en  France  fut  présenté  en  première  ligne 
par  les  professeurs  de  l'Ecole  et  par  l'Académie  des  inscrip- 
tions. Si  son  âge  avancé  ne  lui  permit  pas  de  se  charger 
d'un  enseignement  qu'il  avait  plus  que  personne  contribué 
à  fortifier,  l'unanimité  de  suffrages  spontanément  offerts  et 
la  récompense  littéraire  que  lui  décerna  M.  le  ministre  de 
l'instruction  publique  lui  prouvèrent  que  ses  longs  services 
étaient  reconnus,  et  la  supériorité  de  ses  litres  dignement 
appréciée. 

M. Blanchi  s'est  éteint,  le  1 4  avril  dernier,  après  une  courte 
maladie ,  laissant  derrière  lui  le  souvenir  d'une  vie  noblement 
remplie  et  des  titres  à  la  gratitude  du  monde  savant.  C'était 
un  homme  d'une  nature  sincère  et  loyale,  d'un  commerce 
sûr,  inflexible  dans  le  devoir,  étranger  à  l'intrigue,  et  ca- 
chant sous  des  dehors  un  peu  froids  une  bonté  et  un  dévoue- 
ment à  toute  épreuve. 

Puissent  ses  nombreux  élèves ,  nos  chers  condisciples ,  au- 
jourd'hui investis  de  fonctions  importantes  en  Orient,  s'ins- 


182  JANVIER  FEVRIER   1865. 

pirer  de  son  exemple,  comme  jadis  de  ses  leçons,  el  ne  ja- 
mais perdre  de  vue  qu'au-dessus  des  intérêts  passagers  de 
]a  diplomatie  et  de  la  représentation,  planent  ceux  de  la 
science,  mise  au  service  de  la  civilisation  et  du  progrès  intel- 
lectuel ! 

C.  Barbier  de  Meynard. 


La  Femme  dans  l'Inde  antique,  éludes  morales  et  littéraires, 
par  M"°  Clarisse  Bader.  Paris,  i864,  in-S"  (578  pages). 

L'auteur  de  ce  volume  est  une  personne  très-lettrée ,  qui , 
toute  jeune,  a  conçu  l'idée  d'un  ouvrage  très-étendu  sur  le 
rôle  de  la  femme  dans  la  société  primitive-,  elle  se  propose 
de  l'étudier  chez  tous  les  peuples  orientaux  qui  ont  produit 
des  littératures  suffisantes  pour  son  but,  dans  la  Chine,  en 
Palestine,  en  Egypte,  en  Arménie  et  dans  l'Inde.  Elle  nous 
donne  aujourd'hui  sa  première  élude ,  qui  traite  de  la  posi- 
tion des  femmes  dans  l'Inde,  depuis  l'époque  des  Védas  jus- 
qu'au siècle  de  Kalidasa.  Le  volume  est  divisé  en  deux  parties , 
dont  la  première  traite  de  la  position  de  la  femme  dans  l'Inde , 
dans  les  différentes  phases  de  sa  vie,  d'abord  de  sa  position 
légale  et  religieuse ,  de  son  rôle  comme  jeune  fdle  et  fiancée, 
enfm,  de  sa  position  comme  épouse,  mère  et  veuve.  Dans  la 
seconde  partie,  l'auteur  fait  abstraction  de  ces  différents  états 
de  la  vie  de  la  femme,  et  elle  considère  son  rôle  dans  les 
époques  successives  de  l'histoire  indienne,  d'abord  dans  les 
temps  légendaires,  puis  dans  les  temps  héroïques,  enfin  dans 
le  temps  de  Vikramaditya.  Elle  choisit  pour  cela  dans  les  Pou- 
ranas,  dans  les  poëmes  épiques  et  dans  les  drames,  tantôt 
les  morceaux  de  doctrine,  tantôt  les  récils  les  plus  propres 
à  montrer  la  position  des  femmes  à  ces  époques  successives, 
cl  le  mouvement  des  idées  el  des  mœur.s  qui  y  introduit  des 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  183 

changements  graduels.  Elle  termine  son  élude  par  le  tableau 
de  la  cour  de  Vikramaditya ,  son  plan  la  dispensant  de  suivre 
le  sujet  dans  les  temps  plus  modernes  et  de  peindre  la  di- 
minution fatale  du  rôle  de  la  femme  dans  l'Inde,  surtout  par 
l'influence  des  idées  des  musulmans.  Elle  n'espère  un  retour 
vers  le  mieux  que  par  l'influence  du  christianisme,  et  il  y  a 
eff'ectivement  aujourd'hui  un  certain  mouvement  dans  l'in- 
térieur de  la  société  indigène  qui  se  manifeste  par  des  efforts 
pour  donner  aux  femmes  une  meilleure  éducation.  Ce  sont 
surtout  les  Zoroastriens  qui  favorisent  cette  tendance.  C'est 
un  commencement  encore  faible;  mais  il  faut  espérer  qu'il 
s'accélérera  et  qu'il  finira  par  pénétrer  cette  immense  masse 
inerte  de  la  population  indienne,  surtout  les  classes  riches, 
qui  auraient  tout  à  y  gagner.  On  voit  poindre  quelques  in- 
dices très-favorables  à  cet  espoir.  C'est  ainsi  qu'il  s'est  tenu , 
au  commencement  de  l'année  courante,  à  Calcutta,  une 
séance  publique  d'une  Société  pour  l'éducation  des  filles, 
dans  laquelle  plusieurs  grands  personnages  hindous,  des 
familles  les  plus  anciennes  et  les  plus  respectées  du  Bengale 
etd'Oude,  ont  déclaré  qu'ils  étaient  convaincus  de  la  néces- 
sité de  donner  une  meilleure  éducation  aux  filles  et  qu'ils  al- 
laient établir  immédiatement  chez  eux  des  écoles  dans  ce 
but.  Si  ce  mouvement  se  soutient,  il  inaugurera  la  plus 
grande  conquête  que  la  civilisation  européenne  aura  encore 
faite  en  Orient,  et  qui  sera  entièrement  due  aux  efl'orts  des 
femmes  des  missionnaires  protestants.  Ces  dames  ont  tra- 
vaillé à  cela  depuis  cinquante  ans,  avec  un  courage  et  un 
désintéressement  admirables  ,  que  ni  les  fatigues  ni  l'im- 
possibilité apparente  de  la  réussite  n'ont  jamais  pu  lasser. 

Mademoiselle  Bader  a  choisi  pour  objet  de  ses  études  une 
matière  vaste  et  importante,  dont  une  femme  seule  peut  "'%_ 

s'occuper  avec  l'intelligence  intime  du  sujet  et  avec  l'intérêt 
qu'il  mérite.  Elle  a  traité  son  sujet  avec  soin  et  avec  un  es- 
prit délicat,  en  se  servant  de  tous  les  documents  littéraires 
qui  sont  aujourd'hui  accessibles  sur  les  époques  dont  elle 
parle.  H  est  probable  que  la  publication  plus  complète  des 


184  JANVIER-FEVRIER   1865. 

anciens  ouvrages  de  droit  hindou  lui  fournira  un  jour  des 
matériaux  plus  amples  se  rapportant  au  côté  légal  de  la 
question,  et  pourra  donner  lieu  à  un  supplément  à  ce  tra- 
vail. —  J.  M. 


Tue  Sirerian  Ovehiand  Route  fiiom  Peking  to  Petersbvrg, 
by  A.  MiCHiE.  Londres,  i864,  in-8°  (A02  pages,  avec  une  carte 
et  bemicoup  de  gravures  sur  bois). 

M.  Michie  paraît  être  un  négociant  de  Shanghaï,  qui,  pour 
éviter  l'ennui  du  retour  par  mer,  a  préféré  aller  par  terre  à 
Péking,  ensuite,  avec  des  chameliers  mongols,  à  Kiachta,  et 
(le  là,  par  la  poste  russe,  à  Saint-Pétersbourg.  Cette  route 
avait  déjà  été  faite  par  d'autres  Européens,  même  par  des 
dames,  et  M.  Michie  a  exécuté  son  plan  sans  beaucoup  de 
difficultés,  mais  avec  des  fatigues  considérables.  Son  récit 
ajoute  quelque  chose  à  nos  connaissances  de  la  Mongolie  et 
de  ses  habitants;  mais  M.  Michie  n'était  pas  assez  préparé 
pour  pouvoir  faire,  dans  le  temps  fort  court  qu'il  a  passé  en 
route,  beaucoup  d'observations  neuves  ou  importantes.  Son 
livre  raconte  très-simplement  ses  aventures  journalières,  et  se 
lit  agréablement.  Il  a  ajouté  au  récit  de  son  voyage  quelques 
chapitres  sur  l'histoire  des  Mongols;  mais  ils  ne  contiennent 
rien  de  nouveau,  et  sont  pris  dans  des  livres  fort  connus. 
—  J.  M. 


JOURNAL  ASIATIQUE 

MARS-AVRIL   1865. 

SUR  LES  NOMS  DES  CÉRÉALES 

CHEZ    LES   ANCIENS, 

ET  EN  PARTICULIER  CHEZ  LES  ARABES, 
PAR  J.  J.  CLÉMENT-MULLET. 


OBSERVATIONS  PRELIMINAIRES. 

Nous  présentons  ici  un  simple  essai  de  synonymie,  car 
notre  intention  n'est  point  de  discuter  longuement  l'origine 
et  l'étymologie  des  noms  des  céréales,  ni  de  suivre  leurs 
variations  dans  les  langues  sémitiques  ou  indo -germaniques. 
Notre  travail  a  un  but  plus  spécial,  c'est  de  chercher  les  es- 
pèces aujourd'hui  cultivées  auxquelles  on  peut  rapporter 
chaque  nom  arabe  en  le  rapprochant  des  noms  grecs  et  la- 
tins auxquels  il  peut  se  rattacher.  Il  y  a  dans  ce  travail  deux 
genres  de  difficultés.  La  première  lient  à  l'insuffisance  des 
descriptions  que  nous  ont  laissées  les  auteurs;  la  seconde, 
à  la  confusion  qui  règne  dans  ces  mêmes  descriptions  et  dans 
l'application  des  noms  à  des  genres  différents.  Ainsi  prenons 
l'épeautre,  spelta  DDDD.  Ce  mot  est,  comme  nous  le  verrons, 
rendu  dans  les  versions  arabes  de  trois  manières  différentes. 
En  arabe,  nous  trouvons  plusieurs  mots  qui  peuvent  être 
appliqués  aussi  bien  à  un  triliciim  qu'à  un  hordeum. 

Nous  n'avons  point  la  prétention  de  résoudre  ces  divers 
problèmes  de  linguistique  et  de  botanique  ancienne,  mais 
v.  i3 


186  MARS-AVRIL   1805. 

nous  voulons  présenler,  dans  le  meilleur  ordre  possible,  Ifs 
passages  des  auteurs  arabes,  grecs  et  latins,  qui  ont  rapport 
aux  différents  points  douleux.  Nous  faisons  ressortir  les  diver- 
gences et  les  analogies,  en  ajoutant  les  raisons  qui  nous 
semblent  pouvoir  justifier  l'opinion  que  nous  avons  émise. 

Les  deux  bases  de  notre  travail  pour  l'arabe  sont  Ibn  Bei 
thar,  manuscrit  de  la  Biblioth.  imp.  i023,  ancien  fonds,  et 
Ibn  al-Awam,  texte  arabe  de  Banqueri,  2  vol.  in-fol.  Madrid, 
i8o2,  et  noire  traduction  ,  Paris,  i865. 

Nous  appelons  souvent  en  aide  Tbéopbrasle  et  Dioscorides 
et  sa  traduction  arabe,  B.  ï.  Man.  suppl.  n°  1067  ;  car  ce  sont 
les  deux  autorités  sur  lesquelles  on  peut  surlout  s'appuyer 
pour  le  grec.  Quant  au  latin ,  nous  avons  les  Rei  rasticœ  scrip- 
tores  et  Pline  le  naturaliste.  Voilà  pour  les  textes.  Parmi  les 
commentateurs  principaux,  nous  avons  donné  la  préférence 
à  Bodœas  a  Stopel,  médecin  à  Amsterdam,  qui  a  cnricbi 
Théophrasle  de  noies  savantes.  Pour  Pline,  nous  avons  le 
P.  Hardouin  et  les  noies  savantes  de  M.  Fée  dans  la  traduc- 
tion publiée  par  Panckoucke.  M.  Ernest  Mayer  et  Sprongel 
ont  encore  été  utilement  consultés  *. 

Nous  avons  aussi  rapporté  les  noms  sanscrits  quand  ils 
nous  ont  semblé  pouvoir  jeler  quelque  lumière  sur  la  ques- 
tion. Nous  nous  sommes  aidé,  pour  cetle  partie,  du  savant 

'  Tlieophrasti Eresii  de  hist.  plantarum  hhri  A,  (jrœce  et  latine,  etc. 
cuni  nous  et  commentarus  ;  item  rariorum  plantarum  iconihns  ilhislrarit 
JoaUj  Bodœus  a  Stopel,  medic.  Amstel.  accès.  J.  C.  Scalitjeri  aniniad- 
versiones  et  Roh.  Cotistantini  annot.  cum  indice  locupL  Amstel.  ap. 
Henric.  Laurentium.  In-fol.  i6/i/i. 

C.  P'inii  scciindi  Hist.  nai.  lihri  XXXVll ,  quos  inteipret.  et  nous 
illustr.  Joun.  Hardiiinus ,  jussu  régis.  3  vol.  in-fol.  Parisiis,  1741. 

Geschichte  der  Botanikstudien ,  von  Ernst  H.  F.  Meyer.  4  vol.  in-8°. 
Kônigsberg,  i854. 

Plusieurs  fois  aussi  nous  avons  consulté  les  Observations  sur  les 
cultures  de  lEgYpf^t  par  Bové,  ex  directeur  des  jardins  d'Ibraliim 
Pacha-,  opuscule  fort  utile  pour  la  culture  et  la  noiTK'nrlatine. 
(Paris,  M""H.r/.ara,  i835.) 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS,       187 

ouvrage  de  M.  Pictet  sur  Les  Origines  indo-européennes  \  et 
des  conseils  de  M.  Rodel,  jeune  savant  Irès-versé  dans  les 
idiomes  de  l'Inde. 

GÉNÉRALITÉS. 

Les  anciens  divisaient  les  plantes  alimentaires, 
o-ÏTOt,  en  deux  classes  principales.  La  première  com- 
prenait les  plantes  dont  les  graines  pouvaient  fournir 
du  pain,  et  la  seconde,  celles  dont  les  graines  n'en 
fournissaient  point.  La  première  classe  renfermait 
donc  les  céréales,  ^riyLriTpict,  xapiro) yfruges ,  framenta. 
La  seconde  renfermait  les  légumes,  x^Spo-rrà,  lega- 
mina.  Nous  allons  retrouver  ces  divisions,  avec  plus 
ou  moins  de  détails,  dans  Théophraste,  dans  Colu- 
melle  et  dans  Pline. 

Le  mot  grec  aÏToi  paraît  être  l'équivalent  de  l'arabe 
iCjUJdî  vy^^  (Ibn  Aw.  II,  /ly),  graines  alimentaires. 
Galien  étend  le  nom  de  Srjfxrfrpioi  même  aux  légumes 
[De  aliment.  1),  comme  nous  le  verrons  plus  loin. 
Telle  était  la  classification  générale  des  Grecs  et  des 
Latins;  passons  aux  détails. 

Théophraste  admet,  pour  les  graines  alimentaires, 
TSsp)  aiTov ,  deux  divisions  principales  :  i°  Frumen- 
tacea ,  ut  triticum,  hordeum,  tipha  et  zea  et  relicjaa 
(jaœ  fritici,  hordeive  spécimen  quodammodo  (jerant  : 
Ta  (xèv  yoLp  o-itcoSïj  oïov  'usvpoi,  npiBcà,  Ti(patf  ^sioù ,  Koi 
aXXa,  ofXQiÔTTvpa,  rj  ofxoioKpiOa.  2°  Legumina,  utfaba, 
cicer,  pisiim  :  toL  Se  ;^£^po7rà,  olov  xvaaosy  épé^ivôos , 


^  Les  Origines  indo-européennes ,  ou  les  Arjas  primitifs;  essai  de  pa- 
léontologie linguistique,  pav  Ad.  Pictet,  2  vol,  in-8°.  Genève,  J.  Cher- 
buliez,  1859. 

i3. 


188  MARS-AVRIL   1865. 

Tsiaôs.  Adde  tertium  genus ,  milium,  sesamum ,  et  ad 
summum  cjuœ  in  œstivis  sementihus,  communi  careant 
appellatione  :  Tphov  Se  -crapà  avrà  xéyy^pos,  fkvfioSf 
(Tvja-ayiov ,  K.  t.  X.  [Hist  plant.  VIll,  i .) 

Nous  trouvons  cette  division  en  frumenta  et  legu- 
mina  dans  Pline  (XVIII,  ix).  On  la  rencontre  aussi 
dune  manière  générale  dans  Varron  et  dans  Colu- 
melle.  Nous  nous  occuperons  ici  des  frumenta ,  lais- 
sant de  côté  les  legumina. 

Frumentum,  atioç  ou  o-itojSïi  de  Théophraste,  est 
donc  un  nom  générique  qui  ne  doit  point  se  tra- 
duire en  français  ^ar  froment,  mais  par  blé,  comme 
Ta  déjà  fait  observer  le  traducteur  de  Pline  (not.  7  1 , 
ad  loc.  cit.).  Le  mot  crhos  correspond  au  mot  sans- 
crit Ht^,  Sfter  sîtja,  cîtya  «grains,  blé,  »  pris  dans 
un  sens  général.  On  en  peut  dire  autant  du  mot 
grain  qui,  chez  nous,  est,  dans  le  langage  usuel,  pris 
pour  le  froment,  quand  il  n'est  point  accompagné 
d'un  autre  mot  déterminatif,  ainsi  on  dira  :  du  beau 
grain,  pour  :  du  beau  blé.  L'expression  menas  grains 
s'applique  à  l'orge,  à  l'avoine,  etc. 

Pline  comprenait  dans  les  frumenia  le  triticum,  le 
far,  ïhordeum,  auxquels  il  rattache  le  milium,  pani- 
cum,  sesama,  horminum ,  irio  (XVIII,  x);  mais  il  dit 
plus  loin  (ibid.  xix)  que  les  genres  de  blé  ne  sont 
point  partout  les  mêmes,  et  que  lorsqu'il  y  a  identité 
dans  les  mêmes  espèces,  les  noms  diffèrent:  Fra- 
menti  gênera  non  eadem  abicjue  :  nec  ubi  eadem  sunt, 
iisdem  nominibus.  Golumelle  admettait  aussi  la  même 
classification,  car  il  veut  qu'on  place  le  panicum  et 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  189 
le  miliam  parmi  les  framenta  (II,  ix,  xvii).  Pour 
Varron,Je  blé  est  la  plante  dont  le  chaume  produit 
un  épi  :  In  segetibas  frumentoram ,  qiiod  calmas  extalit, 
spica.  (Var.  I,  xlviii,  i  ^) 

Nous  retrouvons  à  peu  près  la  même  classifica- 
tion dans  l'hébreu.  Ainsi  |3i,  qui  se  prend  pour 
framentum  ou  blé,  est  encore  le  nom  générique  des 
espèces  végétales  qui  peuvent  fournir  du  pain.  On 
comprend  dans  cette  classe  les  cinq  espèces  sui- 
vantes :  nr2n,nDDD,  mi:?::^,  bvwrh^:!^,  ps^,  TrL 
ticum,  spelta,  hordeam,  avena,  secale^.  Ainsi  pi  se- 
rait, comme  on  le  voit  dans  Gesenius,  l'équivalent 
de  ahos  et  deframentam,  et  il  s'appliquerait  aux 
graines  qui  naissent  des  épis ,  fragibas  terrœ  qaœ  ex 
aristis  nascantar,  ou,  en  d'autres  termes ,  aux  plantes 
qui  poussent  en  épis.  Ceci  rappelle  la  définition  de 
Varron;  car,  dans  le  lexique  cité,  arista  est  pris 
comme  synonyme  de  spica. 

Ce  que  nous  nous  proposons  d'étudier  ici  plus 
spécialement,  ce  sont  les  noms  divers  du  froment, 
de  lépeautre,  de  l'orge,  du  seigle,  de  l'avoine,  des 
miliacées  et  du  riz. 

^  Nous  admettons  la  variante  indiquée  dans  l'édition  in-4°  de 
Casp.  Fritscb ,  Lips.  17.35,  qui  est  celle  que  nous  citons  toujours. 
Vient  à  la  suite  du  même  passage  la  composition  d'un  épi  complet 
*yoUJ'  fX^XAu  spica  non  mutila,  comme  le  produisent  le  froment 
et  l'orge.  Les  parties  sont  (jranum,  jU:^;  gluma,  jtSvXc;  arista,  «la 
barbe»,  ycû.  Ainsi  l'épi  produit  par  le  miliam  et  le  panicum  au- 
raient été  incomplets.  (Var.  I ,  xlviii,  1 .) 

^  Les  trois  premiers  noms  seuls  sont  mentionnés  dans  la  Bible, 
les  deux  autres  sont  lalmudiques. 


190  MARS-AVRIL  1865. 

LE  FROMENT. 

Le  froment,  triiicam  sativum  Linn.  *iaAi»- ,  hinta, 
qui  a  pour  synonyme  ^  borr,  et  ^5  cjamah.  On  trouve 
ces  trois  noms  employés  indistinctement  dans  les  di- 
verses citations  faites  par  Ibn  al-Awam,  quelle  qu'en 
soit  l'origine,  et  lui-même  en  fait  également  usage 
dans  son  propre  texte.  Ces  trois  mots  se  rencontrent 
également  pour  le  mot  Tsvpos  dans  la  version  arabe 
de  Dioscorides.  (II,  cvii  ^.  Suppl.  ar.  B.  I.  1067.) 

Suivant  Gesenius,  »hXs>^  viendrait  de  l'arabe  laÀs^, 
rubuit,  h  cause  de  la  couleur  rousse,  ou  peut-être, 
suivant  d'autres,  il  dériverait  de  la  même  racine 
prise  dans  le  sens  de  condire,  quod  sît  framentam 
quasi  conditam;  mais  nous,  qui  voyons  dans  le  mot 
arabe  l'hébreu  npi;»,  nous  préférons  l'opinion  qui  le 
fait  dériver  de  îD:n,  edidit ,  protiiUt,  à  cause  de  la 
grande  production  du  froment,  en  quelque  sorte 
((la  plante  qui  pullule.»  Par  l'usage,  le  noan  s'est 
perdu  dans  l'hébreu,  tandis  qu'il  s'est  conservé  en 
arabe.  Le  nom  ,  au  pluriel  a^îon ,  se  prend  plus  spé- 
cialement pour  les  grains  de  froment. 

M.  Pictet  (I,  p.  2  63)  critique  cette  étymologie. 
Il  veut  que  le  nom  sémitique  du  froment  soit  d'ori- 
gine iranienne.  En  persan,  dit- il,  cKid,  ch'ayd, 
ch'mvid,  chid  (<XAi».  khid'^),  désigne  le  blé  en  herbe; 

'  Le  nom  sanscrit  du  iVomeat  est  îrtyiT  godkùma;  rAmarakocha 
donne  également  ÇTipq-  samana,  qui  paraît  désigner  une  variété  par- 
ticulière. 

^  Nous  conservons  la  transcription  de  M.  Pictet. 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  191 
mais  M.  Pictet  croit  y  voir  un  ancien  nom  du  fro- 
nnent  identique  à  çvada  hypothétique.  Or,  de  chid 
[khid) ,  on  arriverait  facilement  au  n^n,chitah  hébreu. 
Cette  opinion,  sans  doute,  peut  être  soutenue,  mais 
nous  ne  la  partageons  pas. 

Le  mot  arabe,  comme  chez  nous  le  mol  froment, 
se  prend,  dans  l'usage,  aussi  bien  pour  le  grain  que 
pour  la  plante  elle-mêrne. 

Le  mol  j^,  borr  (plur.  ji^jî) ,  a  aussi  son  équiva- 
lent dans  l'hébreu  nn,  bar;  mais,  suivant  les  lexico- 
graphes Castel  et  Gesenius,  il  faudrait  par  ce  mot 
entendre  le  blé  nettoyé,  vanné  et  disposé  pour  être 
conservé  dans  le  grenier.  En  effet,  le  mot  radical 
"ns  signifie  panifier,  monder^;  c'est  donc  comme  si 
on  disent  a  froment  purifié ,  nettoyé  » ,  1D  ntûn ,  cKitah 
bar.  Le  substantif  a  disparu  et  le  qualificatif  a  pris 
sa  place  et  l'a  fait  oublier,  comme  on  en  a  de  fré- 
quents exemples^. 

Qamah,  ffi ,  parait  aussi  venir  de  nDp,  employé 
chez  les  Hébreux  dans  le  sens  de  farine.  Nous  avons 
vu  qu'on  trouvait  ces  trois  noms  dans  la  version  de 
Dioscorides,  au  mot  ^vpôs;  on  les  trouve  aussi  dans 
le  Dictionnaire  français-arabe  de  M.  Caussin  de  Per- 
ceval.  Marcel ,  dans  son  Dictionnaire  arabe  algérien, 
et  Bové,  dans  sa  Notice  sur  les  cultures  d' Egypte ,  se 


'  Voy.  Gesenius,  Thésaurus phdologicus  et  criticasUiiguœ  hehrœee  et 
chaldaicœ  Vcteris  Testamenti.  Castel.  Lexic.  Iiept.  verb.  ÎOTI  et  12' 

*  Nous  retrouverons  plus  loin  le  mot  o,  à  l'occasion  du  latin 
far. 


192  MARS-AVRIL  1865. 

servent  seulement  du  mot  ^O»;  on  le  trouve  encore 

généralement  employé  dans  les  calendriers  arabes. 

Ces  variations,  dans  la  signification  des  noms  et 
leur  application ,  se  trouvent  aussi  dans  le  grec.  Ainsi, 
Link  fait  observer  [Monde  prim.  II,  32  5)  que  les 
grammairiens  et  les  savants  se  servaient  du  mot'cri/- 
p6s  pour  indiquer  le  triticam,  tandis  que  les  géopo- 
niques  emploient  toujours  le  mot  aÏTOs.  Les  Sep- 
tante ont  employé  le  mot  Tsupos  une  fois,  et  œïtos 
cinq  fois,  suivant  la  remarque  de  Gesenius(voy.  nîon 
Thés.).  Comment  traduire  fjLsXi(ppova  ^nvpov  dans 
Homère,  dans  ce  vers  de  ïlliade  (Vllï,  v.  i88) 
où  il  est  dit  qu'Hector  nourrissait  ses  chevaux  de  la 
graine  de  ce  nom?  Doit-il  être  entendu  du  froment, 
qu'on  sait  être  nuisible  aux  chevaux?  Le  scholiaste 
grec  dit  qu'il  faut  ici  entendre  xpiOfj ,  orge.  Galien 
élève  du  doute,  et  il  interprète  par  Ti(pri,  secale. 
Sprengel  semble  se  ranger  à  fopinion  de  Galien 
(Hist.  rei  lierbA,  1 1  ).  (Voy.  Bodœus  a  Stopel ,  Not.  ad 
Tlieoph.  Hist.  plant.  VIII,  ix,  956.) 

Nous  ne  voyons  point  qu  Ibn  al-Awam  ait  cité  les 
variétés  du  froment  autrement  que  par  leur  cou- 
leur; il  ne  parle  guère  que  du  blé  rouge,  de  celui 
qui  est  d'un  rouge  pâle;  enfin,  la  troisième  espèce 
serait  brune  (II,  22,  texte  et  trad.).  Avicenne  est 
très  explicite  ;  il  distingue  trois  nuances  principales  : 
le  blanc,  le  rouge  et  le  noir.  (A vie.  I,  176.) 

Bové  dit  que,  sous  les  noms  de  (^*Xa^«-o  ^i  et 
de  fsj^  ^,  ((  blé  du  Sayd  ou  du  sud,  et  blé  marin 
ou  du  nord,  >  on  cultive  on  Egypte  plusieurs  sous- 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  193 
variétés,  qu'on  distingue  d'après  leur  forme  et  leur 
couleur.  [Cuit.  Écjypt.  lib.) 

La  grande  Description  de  l'Egypte  indique  les  es- 
pèces ou  variétés  suivantes  : 

1°   Triticum   sativum,    aristatum,    vnlgare,   ^— *, 


2°  Blé  barbu  à  épis  lisses,  i^j^^  ^; 

3"  Blé  à  épis  plus  longs,  J^?^  c^r^*-*^  ^ » 

li'  Blé  rouge, ^Jr^i^I  ^; 

5°  Blé  à  épis  velus ,  j-**^  ^  ; 

6°  Blé  à  épis  velus  allongés,  iubLw  ^; 

•7°  Blé  à  épis  très-gros; 

8°  Blé  arabe,  j^  ^. 

Ces  deux  variétés  se  rapportent  au  triticum  far- 
gidum. 

9°  Blé  pyramidal,  ^^*i  ^  (cf.  Forskhal,  Flor. 
Mgypt.  26); 

10°  Blé  à  épis  courts,  (^yf^t^  ^J»,  blé  hordéi- 
forme  qui,  suivant  Forskhal,  serait  une  variété  de 
spelta  (Flor.  Mgypt.  26). 

{Descript.  Égypt.  Recueil  d'observations,  t.  II,  in- 
fol.  Mémoire  sur  les  plantes  qui  croissent  en  Egypte , 
par  A.  Ratfenaud  et  Delille.) 

Par  blé  noir  doit -on  entendre  un  blé  d'une  qua- 
lité inférieure,  de  couleur  brune  et  foncée,  ou  le 
sarrasin,  qui  porte  aussi  le  nom  de  hlé  noir,  polygo- 
nam  fagopyram  Linn.?  Si  nous  prenons  le  Diction- 
naire français -arabe  de  M.  Caussin  de  Perceval, 
nous  nous  prononcerons  pour  l'affirmative;  car  il 
traduit  sarrasin  ou  blé  noir  par  ii^A«  iLk»-.  Le  sar- 


194  MARS-AVRIL  1805. 

rasin  passe  pour  être  originaire  d'Asie,  d'où  il  a  été 
transporté  en  Afrique,  puis  introduit  en  Euiope  par 
les  Maures  ou  Sarrasins;  de  là  lui  vient  son  nom  de 
blé  sarrasin.  [Die.  H.nat  Deterv.)  Cependant,  une  rai- 
son de  douter,  c'est  que  rien  ne  vient  faire  soupçonner 
chez  les  auteurs  arabes  qu'il  ait  été  cultivé  chez  eux. 
Suivant  Beckman,  cité  par  Link,  le  sarrasin  aurait 
même  été  inconnu  dans  l'antiquité  (  Monde  primitif,  TI , 
343).  Faut-i!  phjtôt  appliquer  cette  dénomination 
de  blé  noir  au  blé  de  Barbarie,  dit  triticum  cineream 
maximum  J.  B.?  Le  secale ,  qualifié  par  Pline  de  noir 
et  triste,  nigriiia  triste,  donnant  du  pain  de  qualité 
inférieure,  pourrait  attirer  sur  lui  cette  dénomina- 
tion. Le  mot  grec  (xsXdfnrvpos ,  qui  est  la  traduction 
grecque  de  triticum  nigrum,  est  pris  généralement 
pour  le  melampyrum,  arvense  Linn.  qui  n'a  aucun  rap- 
port avec  le  blé  sarrasin ,  polygonum  fagopyrum  Linn  ^ 
Ce  dernier  mot,  (payonvpov,  est  mentionné  par  Bo- 
daeus,  dans  ses  commentaires  sur  Théophraste, 
page  /i2  I ,  pour  exprimer  une  forme  de  graine;  mais 
il  ne  se  rattache  à  aucune  de  nos  céréales. 

Link  (t.  II,  32  1,  trad.)  dit  que  rien  ne  prouve 

^  Le  fxeAafXTrupo?  est  nommé  clans  Théophraste  [Hist.  plant.  VIII, 
c.iv  Schneid.ctv  Bod.)  au  nombre  des  plantes  nuisibles  qui  croissent 
parmi  le  froment.  Galion  dit  qu'il  est  du  froment  dégénéré  :  To  fjLsXâfi- 
TTvpov  Kalovfievov  èx  (jLSiaSoXrjs  (lèv  xai  aCro  yivetai  tôSv  'ZJvpwv.  (  De 
iiUm.Jaciilt.  I,  c.ip.  ult.)  Bodaîus  dit  qu'on  le  prend  pour  le  tridcam 
vaccinum,  «blé  de  vache,»  un  des  noms  vulgaires  du  melampyrum 
(un'ense  h\nn.  Sprengel  partage  cette  opinion.  Hist.  rei  herh.l,  96, 
Mais  Link  croit  que  c'est  plutôt  ïa(jrostcma  (jithacjo  Linn.  la  nielle 
des  blés,  jlLà:^  yS^X:.  d'Ihn-al-Awain,  II,  266.  (Voy.  Schneider, 
Annot.  ad  Hist.  plant.  Theoph.  Vlil,  l.  III,  p.  667.; 


NOM^  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  195 
que  le  nîon  de  la  Bible,  le  iCkÂs«-  des  Arabes,  soit 
plutôt  notre  froment  que  notre  épeautre.  Nous  n'ad- 
mettons point  ce  doute.  Nous  voyons,  sans  hésita- 
tion, dans  ces  deux  mots,  le  trilicum  sativwn  in  gé- 
nère, le  ^.^XaS^  des  Persans  [Lex.  Samachshari) ,  et 
Gastel  [Lexic.  heptagl.  persic),  qui  cite  encore  les 
deux  variétés  suivantes,  J^-i-îjij:>  -*XaS"((  froment 
à  longue  barbe  » ,  (j^  p*KÂ5\  froment  de  couleur 
foncée,  qui  serait  sans  doute  le  froment  noir  arabe. 
Il  ne  faut  pas  confondre  cette  locution  avec  j^5' 
P*XaS",  que  nous  verrons  plus  loin.  Forskhal  semble 
venir  en  aide  à  l'opinion  de  Link,  car  il  emploie, 
pour  le  triticiim  spella,  les  deux  mots  ^Oj  et  iCkÂj>-. 
Ceci  nous  prouverait  simplement  que  Forskhal  a 
tiré  ses  renseignements  de  personnes  qui,  sans  doute, 
confondaient  les  tritica  et  les  speltœ  sous  un  même 
mot  générique.  Nous  trouvons  de  même  dans  le 
Dictionnaire  français-arabe  de  M.  Caussin  de  Perce- 
val,  Epeautre,  ^J»  ç.y,  sans  désignation  spéciale; 
mais  de  ces  faits  actuels  on  ne  peut  rien  conclure 
pour  ou  contre  les  agronomes  arabes  du  moyen 
âge. 

L'ÉPEAUTRE,  SPELTA  ^ 

C'est  particulièrement  pour  la  fixation  de  la  sy- 
nonymie de  l'épeautre  et  de  ses  congénères  que  se 
présentent  les  plus  grandes  difficultés  parlaconlra- 

^  Suivant  Saumaise ,  spella  vient  d'un  mot  grec  moderne  aTcéXrn 
pris  pour  Çéa.  Grœci  recentiores  ^éav  in  suis  Lexicis  intcrpretanlur 
oTiéXiinv.  (Salmas.  De  Homonymis  hyles  iatricœ,  68,  c.) 


196  MARS-AVRIL  1865. 

diction  des  descriptions  et  la  multiplicité  des  noms 

par  lesquels  on  a  cru  cette  céréale  indiquée ,  laquelle 

souvent  est  confondue  avec  l'orge,  comme  nous  le 

verrons. 

Nous  comprenons  particulièrement,  sous  le  nom 
à'épeautre,  trois  espèces  :  triticum  spelta,  triticum  di- 
coccum,  triticum  monococcum,  l'épeautre  ou  le  grand 
épeautre,  l'épeautre  à  deux  rangées  et  celui  à  une 
rangée,  ou  petit  épeautre.  Cette  division  est  con- 
forme à  celle  établie  à  l'école  pratique  du  Jardin  des 
plantes  dans  les  carrés  affectés  à  la  botanique. 

M.  Fée ,  dans  ses  notes  sur  Pline  (XVIII ,  x),  admet 
implicitement  cette  division.  En  effet,  il  indique, 
note  io5,  Yolyra,  oXvpa,  des  Grecs,  comme  étant  le 
triticum  spelta  de  Linné,  et  le  zea,  Çe/aou  ^ea,  com- 
prendrait le  triticum  dicoccum  et  le  triticum  mono- 
coccum comme  l'indique  du  reste  Dioscorides  (II, 
cxi).  L'épeautre  aurait  été  le  far  des  Latins  \  au- 
jourd'hui encore  il  porte,  dans  le  Frioul ,  le  nom 
de  farra. 

Un  des  caractères  essentiels  de  fépeautre,  c'est 
que  la  glume  reste  adhérente  au  grain,  à  ce  point 
qu'il  faut  employer  un  moyen  artificiel  pour  les  sé- 
parer, comme  dans  le  riz.  L'épeautre  ne  donnerait 
qu'un  pain  de  qualité  médiocre,  si  dans  la  panifi- 
cation on  ne  prenait  des  précautions  particulières. 

L'analogie  qui  se  trouve  d'une  part  entre  la  dis- 
position de   l'épi  de  l'épeautre  et  celle  de  certains 

*  Pline  donne  comme  synonyme  de  far  le  uiol  seincn.  (  Voy.  Pline , 
XVIII ,  LV  :  Farris  nul  semiiiis,  quod  frumenli  çicinis  ilu  appcllumus.) 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  197 
froments,  et  surtout  de  l'orge,  a  été  anciennement 
la  cause  de  confusions  et  d'erreurs  qu'il  est  aujour- 
d'hui difficile  de  reconnaître  et  d'ëciaircir. 

Dans  l'arabe ,  le  premier  nom  applicable  à  i'é- 
peautre  qui  se  présente,  c'est  ocUw,  soult,  qui,  sui- 
vant ce  que  dit  Ibn  ai-Awam  dans  sa  préface  I,  28, 
tex.  1  -7,  trad.  est  ce  que  les  Nabathéens  appellent  \x^\ 
mais  t.  TI,  p.  46,  tex.  et  trad.  il  parle  d'une  espèce 
d'orge  cultivée  dans  le  climat  de  la  Babylonie ,  qu'on 
nomme  kolba,  \jJé ,  qu'on  dit  être  une  orge  sans  en- 
veloppe :  i^  »>hXÂ  ijyMS  i  AJÎ  ^Ij-&JU^^-AJCCi  AJÎ  JUjj 

^UJl   (jâjo   l.^x;w»>^  Hiaj^ii  a^MJiJ]  xk  ^  UA£|  ^J\ 

i^^j.J\  ^^-Ajui.Jî  «  Il  a  été  dit  que  c'était  l'orge  sans  en- 
veloppe (nue),  ayant  la  forme  du  froment  pour  le 
grain  avec  un  manque  de  consistance  dans  le  corps, 
de  même  que  dans  l'orge.  Son  épi  est  pareil  à  celui 
de  l'orge,  sinon  que  celui-ci  tire  sur  le  foncé  (litt.  le 
noir)  plus  que  ce  grain.  Suivant  d'autres,  le  kolba 
ressemble  au  froment,  et  certaines  personnes  l'ap- 
pellent orcje  greccjue.  »  Avicenne ,  qui  lit  c:aJ-w  ,  le 
réunit  dans  un  même  article  avec  l'orge ,  et  l'indique 
aussi  comme  une  orge  nue,  j^i*^  "^jjjt^  ^  ^y, 
donnant  un  aliment  moins  nourrissant  que  le  fro- 
ment.   (Av.   I,    260.)  On   lit  dans   Ibn  Beithar  : 

Xs>-\yA  j^Aji!^  HSaXÂ  (j)««jJi*ol^  ^.jUJ^ j  ^X.*^  wyl5o  g^.i»-s' 


198  MARS-AVRIL   1865. 

^-ia-Lil  ^i>-jC  A^x-ûl  ((Le  soalt  est  appelé  par  Galien 
thahaqâ;  c'est  une  espèce  de  froment  qui  lire  sur 
le  roux;  il  est  dur,  compacte,  plus  petit  que  le  fro- 
ment, auquel  il  ressemble  par  sa  nature.  »  (Ibn 
Beithar,  mss.  55,  foi.  225  r°.) 

Dans  un  autre  passage,  extrait  d'ïbn  Beithar,  cité 
par  Banqueri  I,  page  23,  note,  on  lit  :  y~^  c:^^.^ 


^LjJî  j^xàJi  lijj^MéXS^  k^S  ((  Le  îowlt  est  une  espèce 
d'orge  qu'on  dépouille  de  toute  sa  glume  (litté- 
ral, son  écorce),  et  le  grain  resté  à  nu  est  pareil  au 
froment.  Cette  céréale  pousse  en  Perse.  Elle  est  de 
deux  espèces;  on  la  nomme  al-fahah,  qui  signifie 
orge  nue.  »  D'après  les  diverses  citations  qui  précè- 
dent, le  50H/f  serait  l'orge  nue,  ^jmnocn'^/ioM,  ou  forge- 
riz,  zeocrithon,  plutôt  que  fépeautre ,  le  spelta.  La 
définition  d'Ibn  al-Awam  conduirait  à  la  première 
opinion ,  puisque  le  grain  en  serait  plus  blanc  que  ce- 
lui de  l'orge ,  ce  qui  est  un  des  caractères  de  l'orge-riz. 
Parmi  les  noms  qui  peuvent  se  rapporter  à  un 
spelta  ou  bien  à  un  hordeuin,  nous  trouvons  dans 
Ibn  al-Awam  ahlas,  qui  est  aussi  Yiskâliah  (jf*-^ 
iL^^M,)}]  y^^  (IT,  26  ,  fm).  Dans  la  préface  du  même 
auteur,  on  lit  :  l-^Ji  cj-^^-?  ^^j'^^-^-^^  ^^  xJ^<A«^ii 
S^-^yj:*-  ^aIiaJJIj  i^^ç^'S.  aViskâliah  est  le  hhondros; 
je  pense  qu'il  est  appelé  hoaschaki  par  les  Naba- 
théens.j)  Dans  le  chapitre  xix,  art.  iv,  qui  traite  de 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  190 
la  culture  du  honschaki,  nous  trouvons  que  a  parmi 
les  graines  cultivées  en  Babylonie,  il  y  en  a  une  qui 
est  nommée  par  les  Grecs  khonàros ,  qui  ressemble 
au  kolba,  dont  elle  diffère  en  ce  qu'elle  est  plus 
grande,  que  sa  couleur  est  celle  du  kolba;  seulement 
elle  porte  deux  grains  accouplés  l'un  à  l'autre.  »  ^jyj 

(^r:Ais-^^^  (^5VA.x&-.  Ibn  Beitbar  dit  que  iskiliah  est  le 
nom  vulgiiire  cVaJilas  en  Espagne  ;  c'est  le  zea  de  Dios- 
corides.  La  version  arabe  traduit  aussi  zea  par  ahlas. 
Ajoutons  à  ces  définitions  celles  du  rpayo?  par  Dios- 
corides  (II,  cxv) ,  traduite  littéralement  par  Ibn  Bei- 
tbar :  VL?"!^  (j^  (:5?rÀÂAaJi  J^l^  -î^a-w  AkX^i  fjt^AS-]^^ 
ij~*  A_Ai  Le;  l^JL*  \*SS'   J^î  y^^  (jft. fcj 4>sJvui-  IaJ  JUù  <^i 

JI  -Lka-4-j^i  j-A*.^  dlJ*xJ^  aIU^JJ  «;^((  Le  ^m^/ii5 , 
pour  la  forme,  ressemble  à  ces  deux  espèces  de 
graines  nommées  chondros;  mais  il  est  moins  nour- 
rissant, à  cause  de  la  quantité  de  son  qu'il  contient, 
ce  qui  fait  qu'il  est  difficile  à  digérer,  etc.»  (V.  Ibn 
Aw.I,  2  3,  not.  Banq.)  Nous  avons  traduit  hoaschaki 
par  triticam  àicocciim,  en  nous  rapprocbant  du  texte 
grec,  qui  présente  quelques  variantes.  Le  chondros 
est,  suivant  Avicenne,  i^^;  i<kJL>  (I,  278). 

Un  nom  qui  vient  encore  parmi  ceux  qu'on  peut 
rattacher  au  spelta,  c'est  le  mot  o^aâS",  écrit  en 
marge  de  oXvpa.  dans  la  version  arabe  de  Diosco- 
rides.  Ibn  Beitbar  en  parle  comme  d'une  espèce  de 


200  MARS-AVRIL   1865. 

(j^iwXp,  connue  sous  ce  nom  dans  rYémen-,  à  la  suite 
vient  la  traduction  de  l'article  de  Dioscoridcs  sur 
Volyra  :  i  »«X-&.|^  iLA-s^  Jw**^?  /j*J*)î  ^-«  c^j  t-^JsÂ:^ 

^  (jAiJVjiy^^  (J^)^  rrfvwi^î    ^*^^  (:>'<irl?  ^-'Ji^*^  >^^  iUA^ 

<îuj|^^-A^  llj  (j--wJ^  0^  «.j-o^yt»  (j^^i)  îiXjJ^t  iUjlxîî 

^  A^  1^  J^i  (fol.  339,  i«).  D'après  Al-Ghafaki, 
ce  serait  une  plante  aquatique  qui  s'élève  en  tige 
noueuse;  à  chaque  nœud  est  une  feuille  qui  l'en- 
vironne tout  alentour.  Ce  serait  une  arondinacée, 
étrangère  à  l'cpeautre,  tandis  qu'ici  nous  trouvons 
dans  la  description  du  kanih  un  végétal  qui  serait  le 
triticurn  monococcam  pareil  au  kolba  ^ 

Le  nom  hébreu  générique  de  l'épeautre  est  dddd, 
en  chaldéen  ]''DDD.  Les  comnientateurs  de  laMischna 
donnent  pour  équivalent  l'arabe  (jf^  et  le  grec  oXvpa 
et  ^ea  ou  ^sia.  Il  a  été  traduit  dans  les  versions  arabes 
de  la  Bible  de  diverses  manières;  par  Sâdia,  dans 
l'Exode  (ix,32),partjLji£a-;dansEzéchiel(iv,  9),  par 
^AJ»^,  à  cause  du  pluriel  q^DDD;  dans  Isaïe  (xxvni, 
2  5),  on  trouve  (jU^  au  singulier.  La  version  de  la 
Société  biblique  anglaise  porte  0^^^=?-  dans  les  deux 
premiers  passages,  et  dans  Isaïe  iLXj^jS^,  Gesenius 
voit  dans  ce  mot  de  l'analogie  avec  le  nDDD  hébreu, 
ce  qu'il  explique  par  des  permutations  de  lettres.  Il 

^  Le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale  porte  o-UT^  dont 
il  détaille  l'orthographe  lettre  par  lettre;  les  dictionnaires  lisent  de 
même;  mais  Gesenius,  au  mot  nDDD,  lit  t:;>^y.«i  (  Thés,  phii  criticus 
limjuœ  hrhrœœ  et  chaldeœ.) 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  201 
cite  un  passage  explicatif  d'Abou'l-Waiid  que  nous 
rapportons  ici ,  et  qui  nous  explique  ce  nouveau  nom 
kirsanah  :  J^\^  4^_A^Â_fii  -UJI  J<^\  ^a^ua»»^  iiÂAw^l  ^g 
A  yU^i^  l^J^-cvwo  (j^\jj^\.  Voilà  donc  deux  nouveaux 
noms  donnés  à  Tépeautre.  Ce  sont  des  noms  de  lo- 
calité, comme  le  dit  Aboul-Walid;  car  nous  voyons 
dans  Ibn  al-A\vam,  comme  dans  Ibn  Beithar,  que 
iU-w^S" s'applique  à  Xervum  ervilia,  et  ^^UX^  au  pi- 
sum.  Le  nom  jii;t_5-=>- ,  employé  par  la  version  de  la 
Société  biblique,  est  synonyme  de  (j^^.  La  version 
grecque  porte  constamment  oXwpa,  et  la  Vulgate5/)Wto. 

Ce  mot  (jW^^  ,  qui  devient  dans  le  Talmud  N^bi: 
(Pesach.  fol.  35,  i),  nous  rappelle  le  nom  nabatbéen 
ou  babylonien  lx)^que  nous  avons  vu  précédemment 
comparé  àuhoaschaki,  duquel  lekolba  ne  diffère  que 
parce  qu'il  n'a  qu'une  seule  rangée  de  grains.  Rabbi 
Tanchum  explique  pDDD  par  (j^^^,  qui  est  le  <Csa 
de  Dioscorides. 

A  la  suite  de  ces  noms,  vient,  dans  Ibn  al-Awam 
(XIX,  5),  celui  de  <JU^.  «La  céréale  de  ce  nom, 
suivant  l'agriculture  nabatbéenne,  ressemble  au 
hoaschaki;  on  la  récolte  au  mois  de  haziran  (juin). 
Elle  donne  un  pain  qui  sert  pour  l'alimentation.  Sa 
farine  contient  beaucoup  de  son  ;  le  pain  qui  en 
vient  est  d'une  digestion  difficile;  il  reste  longtemps 
dans  l'estomac,  et,  quand  il  en  est  sorti,  il  traverse 
rapidement  le  tube  intestinal ,  et  il  relâche  le 
corps.  »  J^L-w^s*.  *-Mio  _j-^^  —  iCAkAjJi  iij»-^Xi  ^  Jljj 
^yAA-5  ^uLÇii)^  —  J^^  yK^  \k^  yx^,  «Xi^  —  J<xi  jj^ ù^^ 
V.  i4 


ii02  MARS -AVRIL   186  5. 

(j^-j^^  (ijrr-^j^  ^*î?^  *>*-^  »Js^i  ^  jjv.^5  lil^  Rappro- 
chons maintenant  ce  texte  de  celui  de  Dioscorides, 
qui  dit  du  tragiis  (II,  cxv)  :  Tpdyos  10  (ryrjyLa  (xèv  Tsa- 
poLirXrja-iCûs  tôj  yàvSpœ  soiksv  cêTpo(p^Tepo5  Se  trrapà 
^nroXit  ^eiots,  Stà  to  e^eiv  to  èxyypwSss'  Sio  Ttai  Svar- 
KOLTspyaa-los  écrit,  Kcù  aoi'kioLs  (xolXolktikos.  h  Le  tragas 
ressemble  beaucoup  au  chondros  pour  la  forme.  Il 
est  moins  nourrissant  quel02^«,  parce  qu'il  est  plus 
chargé  de  son.  Il  est  donc  d%ne  digestion  plus  dif- 
ficile, il  relâche  le  corps.  0  II  ressort  de  cette  com- 
paraison une  grande  analogie  entre  le  thourmahi  et 
le  tragiis. 

Mais,  dans  sa  préface,  Ibn  a]-Awam  pense  que  le 
t.hcmnir  est  le  thourniaki  :  ^5^w^  »^\  ^Ibi^  j-A^B^JaJî^ 
i^^^ç^  aaIaaâjL.  Après  cette  opinion  formulée  d'une 
manière  à  peu  près  positive,  l'esprit  se  trouve  rejeté 
dans  l'incertitude  au  sujet  de  ce  iharmir,  qui  devient 
un  nom  spécificalif  pour  le  froment  et  l'orge, ^-«^is 
j^x)t^\  jj>^jls ,  ^-^5.  (Il,  p.  29,  texte  et  trad.)  Qu'est- 
ce  donc  que  le  i/iarmiV,  dont  aucun  dictionnaire  ne  fait 
mention?  A  la  leclure  de  la  préface,  nous  avions  cru 
voir  dans  ce  mot  une  altération  de  ^Jt^^\Jlo\  mais 
son  application  au  froment  et  à  l'orge  nous  a  jeté 
dans  le  doute.  Peut-être  faut-il  voir  en  tharmir  l'in- 
dication d'une  forme  dans  l'épi,  rappelant  dans  le  blé 
celle  de  l'épeautre  à  deux  ou  à  une  rangée;  et  pour 
l'orge,  Yhorcleiim  zeocrithnn ;  opinion  à  laquelle  nous 
nous  rattachons. 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  203 
Ainsi,  pour  nous  résumer,  nous  trouvons  en  arabe 
huit  mots  répondant  au  spelta  et  à  ses  variétés  aux- 
quelles nous  rattacherons  le  zeocrithon  et  Je  cjymno- 
criihon ,  qui  souvent  s'y  trouvent  confondus.  Ces 
mots  sont  pour  l'arabe  c^Avw  ou  o>-U;,  o'.wU,  U^, 
<^;^,aJS^,  S^y^ ,  S^j^^  {jW'=r ,  ii-Â^j^;  pour  l'hé- 
breu et  le  talmudique,  nous  avons  dddd,  |''DD'id  et 
Nd'^IJ.  Ces  noms  paraissent  correspondre  aux  noms 
grecs  oXvpot,  ^éci  ou  Çs/a,  )(^6vSpos  et  rpayos. 

Si  maintenant  nous  voulons  entrer  dans  les  dé- 
tails de  spécification ,  c'est-à-dire  chercher  à  recon- 
naître à  quelle  espèce  doit  se  rattacher  tel  ou  tel 
nom ,  nous  nous  heurtons  contre  de  grandes  diffi- 
cultés. Le  seul  moyen  qui  nous  semble  le  plus  con- 
venable pour  nous  guider  à  travers  ce  dédale,  c'est 
de  nous  rattacher  aux  noms  grecs  si  souvent  cités 
dans  les  définitions  arabes,  parce  que  généralement 
on  est  assez  d'accord  sur  leur  interprétation. 

OXvpa  est  habituellement  pris  pour  le  triticum 
spelta,  le  grand  épeautre;  en  arabe  ce  nom  devient 
\j^\ ,  et  altéré  par  Ibn  Beithar  dans  la  transcrip- 
tion arabe  en  i<>s-^î,  il  est  rendu  dans  la  version 
arabe  de  Dioscorides  par  u^jvaS',  qui  est  une  espèce 
d'^jwwU  ou  de  ^ea,  iîj,  à  une  seule  graine,  rnono- 
coccam.  (jt*-^  est  Viskâliah  A-isil<*vî ,  qui  est  le  •/pvSpoç 
des  Grecs,  ^j^^j>y.Â^-^  mais  celui-ci  a  deux  grains 
juxtaposés.  iLLwp  ,  kirsanah  serait  encore  synonyme 
du  nom  syrien  kanib,  comme  (jWX=?-  fest  pour  les 
habitants  de  flraq.  Nous  avons  vu  plus  haut  qu'Ibn 
Beithar  Taisait  du  kanib  ou  oiyra  des  Grecs  une  espèce 


204  MARS-AVRIL   1865. 

de  ahtas  ou  zea  à  une  graine;  or  Dioscorides  ne  dit 
pas  cela;  pour  lui,  olyra  est  du  même  genre  que  zea. 
H  oXvpa,  Se  Kaï  tov  avTOv  ysvovs  èdl)  Trjs  ^eias,  àrpo- 
(panspa  Se  koltol  'tsocrov  éxeivrjs  (II,  cxiii). 

Ainsi  ïolyra  des  Grecs  n'est  point  le  zea,  avec  le- 
quel pourtant  il  forme  une  même  famille.  Il  ap- 
pelle comme  équivalent  <-^AJi5",  iuU»j^5',  yUI>,  qu'on 
devrait  appliquer  au  tritlcum  spelta. 

Le  zea  présente  dans  Dioscorides  une  définition 
bien  tranchée ,  c'est  un  nom  générique  qui  com- 
prend les  deux  espèces  dicoccam  et  monococcum.  Il 
aurait  pour  équivalent  en  arabe  (j*w^,  ^oJ\<Awi,  qu'Ibn- 
al-Awam  confond  avec  le  chonclros.  Nous  traduisons 
j^*  aidas  par  spelta  pris  aussi  dans  un  sens  géné- 
rique. 

Le  triticum  dicoccam  est  évidemment  le  S^y^ 
des  Nabathéens,  qui  porte  deux  rangées  de  graines; 
ce  serait  aussi  le  x^vSpos  des  Grecs,  triticum  (jrœcum, 
ïLx^tfj  iCkAj*-  d'Avicenne^ 


^  Saumaise  se  livre  à  de  longues  fit  minulieuses  recherches  sur 
l'origine  et  la  signification  primitive  de  -/ôvèpos^  recherches  dans 
lesquelles  nous  n'entreprendrons  point  de  le  suivre.  Ce  mot  aurait 
été  appliqué  à  une  molécule  d'un  objet  ou  substance  quelconque 
concassés  ,  comme  le  blé,  le  sel.  'KovSpoi  dXùiv  siint  'zsa^eîs  âXes  He- 
sychio;  yôvèpoi  ahœv,  grana  tritici  crussaisculis  fracjmenlis  coiicisa.  Il 
en  aurait  été  à  peu  près  de  même  de  Tpctyos.  Le  premier  de  ces  deux 
mots  aurait  été  ensuite  appliqué  à  une  préparation  appelée  par  les 
Romains  alica.  Pour  les  modernes,  clioiidros  est  devenu  une  espèce 
de  triticum,  et  les  Arabes  les  ont  imités.  Ainsi  Avicenne  dit  que  le 
chondros  est  \e  froment  yrec ,  JL^^-J]  ^'  *<> \J^  (Sa! m.  Hom.kjles  iatr. 
71,72.)  Nous  ferons  observer  que  ces  mots  arabes  ^mJLw  et  ^  sont 
dérivés  des  mots  hébreux  D'^C  ,  farimi  piirissinia  (Gen.  xvni,  fi),  de 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  205 
Le  ovX»«,  que  Galien  nomme  thabaqâ,  comme 
nous  l'avons  vu,  est  présenté  par  Ibn  Beithar  et  par 
Avicenne  comme  l'orge  nue.  Cette  opinion  est  ad- 
mise par  Castel,  qui  traduit  ce  mot  par  hordeum 
nudamy  qui  est  aussi  l'interprétation  du  UX,  suivant 
la  citation  nabatbéenne  que  nous  avons  lue  plus 
haut  :  c'est  peiU-êlre  ce  qui  a  déterminé  Ibn  al-Awam 
à  les  assimiler  dans  sa  préface.  Ern.  Meyer  voit  dans 
le  kolba  Vhordeam  disiicham,  variét.  nudam  (III,  84). 
Cette  interprétation  nous  paraît  très-admissible,  car 
elle  comprendrait  en  même  temps  le  gymnocrithon. 
Ainsi  oJ^  aurait  pour  synonyme  UX,  xnbiJ,  qui 
rappelle  ^ W^^ ,  comme  nous  l'avons  vu  plus  haut.  Ils 
auraient  de  l'affinité  avec  le  Tpayos  de  Dioscorides, 
fjM^\jls  d'Ibn  Beithar,j-ùJu>j.Ax,w  et  ^^j>j  j-Ajt-i ,  un 
hordeam  nudam  ou  gymnocrithon.  Ce  qui  tend  à  établir 
que  c'est  une  orge  et  qu'il  y  a  identité  des  deux 
noms,  c'est  qu'à  la  suite  de  l'article  kolba,  l'auteur, 
Ibn  Awam ,  rappelle  qu'au  XVIIP  livre  il  a  donné 
ce  que  Junius  dit  de  la  culture  de  la  terre  pour 
l'orge;  or  c'est  dans  ce  livre  qu'on  Irouve  le  mot 
soalt,  qui  serait  un  nom  arabe,  et  holba  un  nom 
nabatbéen. 

Quant  h  nous,  dans  notre  traduction  d'Ibn  al- 
Awam  ,  nous  nous  .sommes  arrêté  à  voir  dans  le  mot 
c:A^  (d'orge  nue»  hordeam  nudam,  et  dans  {j^^^ 
«  Tépeautre  »  spelta.  (II,  p.  25  et  16.) 

npp,  qui  a  aussi  le  sens  de  farina  (  loc.  cil.) ,  et  qui,  chez  les  Arabes, 
furent  appliqués,  le  premier  h  une  espèce  (.Vhordcuw ,  et  l'autre  au 
irilicum. 


206  MAHS-AVRIL   1865. 

Le  S^j^ ,  sur  lequel  Ern.  Meyer  ne  se  prononce 
pas,  nous  a  précédemment  paru  se  rattacher  au 
tragos.  M.  Fée  hésite  à  se  prononcer  sur  la  valeur 
du  mot  tragos;i\  pense  qu'il  peu!  être  un  épeautre 
(Pline,  XVIII,  xx,  note  loli).  Pour  nous,  nous  pen- 
sons voir  dans  le  thormaki  Vhordeum  zeocrithon. 

Forskhal  compte  cinq  espèces  d'épeautres  ou  va- 
riétés de  triticam  spelta  pour  lesquelles  il  emploie 
les  noms  de  ^J»  et  de  (^-^-«Ai,  mais  plus  particulière- 
ment le  premier.  Ces  cinq  espèces  ou  variétés  sont  : 
1°  T.  spelta,  villosarn;  2°  variété  g.lumis  vilJosis  f^ 
A;*^^;  y  (jliimis  sabvillosis  j^^  f<'i\  Zi"  T.  spelta,  gla- 
hram;  (jlumis  (jlahcrrimis  \  5"  ^^yf^^  ^,  espèce  mal 
déterminée  par  le  bolaniste  suédois  [Flor.  Mgypt. 
arah.  26).  Toutes  ces  espèces  ou  variétés  se  trou- 
vent dans  la  Description  de  rÉcjypte  (Mémoires  de 
Raffenaud  et  Delille,  t.  II,  p.  i3);  mais  elles  sont 
indiquées  comme  froj^ncnt  ou  blé,  et  l'espèce  incon- 
nue de  Forskhal  est  indiquée  comme  blé  à  épis 
courts. 

L'épeautre  porte  dans  Columelle  (II,  vi ,  5)  le 
nom  d'ador  comme  générique.  Il  admet  quatre  va- 
riétés :  i"" far  clusinum ;  9.° verrucosum  ratilam;  ^  alte- 
ram candidam y  et  l\° trimestre.  Ainsi  adoreifar  seraient 
à  peu  près  synonymes.  Pline  se  sert  du  nom  semen 
simplement  (XVIII.  xix).  Dans  le  même  chapitre, 
il  semble  à  tort  établir  une  distinclion  entre  le  zea 
eifar,  quoiqu'on  admette  toujours  identité  j)arrait(^ 
entre  les  deux  mots  ^ 

'    Voy.  liink,   Monde  prim.   II,;^2g. 


r 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  207 
Le  mot  latin  far  rappelle  rhébreu  12,  l'aiabe^o 
et  le  grec  'iffvpos.  Il  est  difficile  que  ces  mots  n'aient 
pas  une  origine  commune.  M.  Pictet  professe  la 
même  opinion.  Suivant  lui,  le  mot  hébreu  ne  peut 
se  séparer  de  l'arabe;  leur  origine  est  la  même.  Il 
les  veut  voir  dérivés  de  N13  ou  nii,  comedit.  Gese- 
nius  y  rapporte  le  grec  ^opoi,  pabulum,  qui  serait  le 
radical  primitif  de  vorare.  Cette  étymologie  nous  ra- 
mène à  ^poûcTxoû,  manger,  et  (Spcjfxos,  le  brome,  vé- 
gétal, de  même  que,  par  la  prononciation  dure  de 
la  consonne,  nous  avons  eu  7svp6s.  Le  sanscrit  a 
aussi  hhr,  bhar,  nutrire.  (Gesenius,  Lexic.  hebr.  v°,  ID  , 
et  Pictet,  Ori(j.  Ind.  Europ.  1,  26g.) 


L'ORGE. 


L'orge,  hordeam  satixniin  Linn.  s'appelle  en  arabe 
^A.*-iJî ,  comme  si  l'on  disait  j-ocaJI  4-^,  granum 
pilosiim ,  à  cause  des  barbes  dont  l'épi  de  l'orge  est 
hérissé.  En  hébreu,  elle  est  appelée  îTi*i:?t;,  qui  a  la 
même  signification  ;  a  spicis  hirsutis  dictum ,  dit  Ge- 
senius; au  contraire  de  npDS,  spelta  a  spicis  detonsis. 
En  grec,  on  l'appelle  xptdv ,  et  par  abréviation  Kp7; 
en  persan^i^  djaw,  qui  rappelle  le  zend  m»m/C  yava 
et  le  sanscrit  ^^  yava.  Cette  synonymie  est  incon- 
testée et  incontestable  ^ 


'  U Amarakocha  donne  encore  :  y)r{UI=h  sitaçuka.  Pictet  rap- 
proche du  latin  horJeum  le  sanscrit  ^q"  hrdja.  neutre  hrdjam,  ad- 
jectif qui  signifie  «aimé,  désiré,  agréable.»  (I.  271.) 


208  MARS-AVRIL   1805. 

Ibn  al-Awam  n'indique  aucune  espèce  particulière 
d'orge  nommément;  il  place  à  la  fin  de  l'article  qui 
traite  de  sa  culture  celle  du  kolba,  qu'il  a,  comme 
nous  l'avons  vu  ,  présenté  comme  synonyme  de  sonlt, 
que  nous  avons  reconnu  être  l'orge  nue.  Le  hoaschaki 
et  le  thourmahi  dont  il  traite  dans  les  art.  IV  et  V  à  la 
suite  de  l'orge,  doivent-ils  lui  être  nécessairement  réu- 
nis comme  variétés?  Nous  avons  vu  que  le  houschaki 
était  le  chondros  des  Grecs  et  l'épeautre  à  deux  ran- 
gées, T.  dlcoccam;  le  thourmahi  nous  a  paru  être 
Vhordeiim  zeocrithon,  congéquemment  il  se  rattache- 
rait «j  l'orge  comme  variété.  Nous  ferons  observer 
que  tout  ce  qu'on  lit  dans  ces  articles  sur  la  culture 
(le  l'orge  proprement  dite,  et  sur  celle  des  autres  cé- 
réales qui  viennent  à  la  suite,  est  extrait  de  l'agri- 
culture nabalhéenne,  et  qu'ainsi  les  trois  noms  kolba , 
hoaschaki  et  thoarniaki,  sont  des  noms  étrangers  à 
l'Arabie  et  à  l'Andalousie  surtout. 

Forskhal  ne  mentionne  l'orge  nulle  part;  mais 
Bcvé  parle  de  ïorcje  ordinaire  et  de  l'or^c  hexas- 
iique,  sous  le  nom  seul  de  j,xx^,  comme  étant  cul- 
tivées en  Egypte,  où  on  les  donne  aux  chevaux  pour 
nourriture.  Nous  ne  voyons  rien  dans  Ibn  al-Awam 
qui  j)uisse  rappeler  l'orge  hexastiqae  ou  escourgeon. 

L'orge  se  semait  chez  les  Arabes  comme  le  fro- 
ment, et  à  peu  piès  dans  les  mêmes  conditions. 
Quand  on  voulait  la  faire  manger  en  veit ,  on  semait 
en  mai.  Le  fourrage  qu'elle  fournissait  s'a ppelaitJ^AAaï 
en  arabe,  dj^s^s^-  en  peisan;  ce  mol  s'applique  aussi 
aux  lonrr.iges  verts  en  général,  comme  dans  le  Ta!- 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  209 
mud  nn^,  herba  (juœ  metitur  et  clatur  bestiis  adhuc  vi- 
rens.  (Peab.  VI,x)  ^.  Voy.Aw.II,  46,  texte,  et  45,  trad. 
Théophraste  indique  cinq  espèces  d'orge  :  i°  orge 
à  deux  rangs;  'i""  orge  à  trois  rangs;  3°  orge  à  quatre 
rangs;  à°  orge  à  cinq  rangs;  5°  orge  à  six  rangs  ou 
hexastique,  escourgeon,  (Théophraste,  ^5^  plant. 
VIII,  IV.)  Link  (II,  329,  trad.)  pense  que  les  co- 
pistes ont  bien  pu  intercaler  les  espèces  à  rangs  im- 
pairs, que  repousse  l'esprit  philosophique.  Columelle 
indique  seulement  deux  espèces  d'orge  :  hordeam 
disiicham  et  hordcum    hexastichum   ou   cantherinam. 

(Col.  VIII,   IX,  XIV,  XVI.) 

LE  SEIGLE. 

liC  seigle,  secale  céréale  Linn.  fut-il  connu  des 
Arabes?  Rien  ne  l'indique  précisément,  cl  comme 
il  n'est  point  originaire  de  l'Asie,  on  peut  en  douter. 
Pline,  parmi  les  Latins,  est  le  seul  qui  parle  du  se- 
caUy  nommé  asm  par  les  Taurini  (XVIII,  XLi).  Spren- 
gel  voit  le  secale  céréale  dans  le  siligo  de  Columelle 
(II,  VF,  IX.  Spreng.  Hist.  rei  herb.  i5i  ).  Le  Ti(prj  de 
Théophraste  [Hist.  plant.  VIII,  i,  11,  iv)  serait,  sui- 
vant le  même  Sprengcl,  le  secale  (I,  p.  80).  M.  Fée 
professe  la  même  opinion  (note  21-7);  mais  Anguil- 
lara ,  cité  par  le  P.  llardouin  (  note  3  ,  sur  le  ch.  xix , 
liv.  XVIÏI  de  Pline),  en  fait  un  spelia.  u  Rucllius,  dit 
Bodée  de  Stopel,  voit  dans  le  T/(pr;  le  secale;  mais  il 
faut  bien  se  garder,  dit-il,  de  le  confondre  avec  le 

'    Eu  sanscrit  le  mot  fTT^^  tohina  dësigni^  toules  les  céréales  en 
vert,  mnis  prineipalemenl  l'nrfje. 


2J0  MARS-AVRIL  1865. 

7v(pyi  par  un  upsilon,  qui  pousse  au  milieu  des  roseaux 
clans  les  lieux  humides.  »  Cette  dernière  plante  serait 
alors  le  typJia  latifolia  ou  angustifolia  Linn. 

Au  milieu  de  ces  mêmes  commentaires  de  Bodée 
de  Stopel  sur  le  liv.  VllI,  ch.  ix  ,  Hisl.  plant,  p.  966, 
est  la  figure  d'une  espèce  de  blé  qui  porte  le  nom 
de  triticani  tiphinum  ,  qui,  sans  être  le  tiphê ,  en  ap- 
proche beaucoup.  Triticani  tiphinum  proxinw  ad  ti- 
pham  accedere  niacjni  viri  scribimt.  Il  vient  des  îles 
Fortunées  ou  Canaries;  mais  il  n'est  point  le  tipha 
qui  esl  contenu  dans  plusieurs  enveloppes  et  qui  se 
détache  diffîcileinent  de  sa  glume,  tandis  que  c'est 
le  contraire  pour  le  triticam  fiphinam.  Suivant  Link 
[loc.  cit.  332),  le  tiphê  pourrait  bien  être  le  triticam 
monococcani,  qui  donne  un  pain  brun  et  foncé  comme 
le  tiphê.  Peut-être  aussi  pourrait-il  être  le  zeopyruni 
que  Galien  dit  être  cultivé  en  Bithynie,  et  qui  tient 
le  milieu  entre  le  froment  et  le  hryza.  Galien  cite 
cette  dernière  plante  pour  l'avoir  trouvée  cultivée 
en  Macédoine  et  en  Thrace;  elle  était  très-semblable 
au  tipkê.  Mais  Link  ajoute  qu'on  ne  peut  pas  attacher 
une  trop  (jrande  valeur  à  ce  passage.  (Gai.  De  alini. 
facult.  I,  xui;  Bod.  de  Stopel,  loc.  cit.  Link,  loc.  cit.) 
Galien,  continuant,  dit  que  le  grain  du  tiphê  esl 
plus  jaune  que  celui  du  froment;  il  esl  court  et  ra- 
massé. Tipheœ  triticis  Jlaviores  ;  quin  et  habet  corpus  den- 
suni  et  coactum.  Définition  qui  concorde  fort  j)eu  avec 
ce  que  dit  Pline  du  secale ,  qui  est  un  fort  mauvais 
blé,  souibre  et  noirâtre,  nicjritia  triste,  chaigeant 
beaucoup  l'estomac,  même  quand  il  est  mêlé  avec 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  211 
le  far;  fait  contraire  à  ce  qu'on  observe  journelle- 
ment. Link  ajoute  peu  de  confiance  à  la  description 
de  Pline,  auquel  il  reproche ,  et  avec  raison ,  de  man- 
quer de  méthode.  Gahen  dit,  en  terminant,  qu'on 
peut  très-bien  considérer  le  dphê  comme  un  blé  de 
petite  espèce,  puisqu'il  en  a  la  couleur,  la  densité 
et  la  chaleur.  Ovk  oltziOcIvwç  S*av  Tts  ovoiid^oi  isvpov 
fiixpbv  Trjv  Tt<pnv  net)  lYJ  X?^^?-  ^^^  "^V  ■tzrypivoTrjTf  xaî 
^-spfÀOTriTi  TYJs  ^vvdyieœç  éoiKeiov  avtoîs.  Cette  conclu- 
sion nous  mène  à  penser  que  le  tiphê  serait  proba- 
blement le  triticum  monococcum,  le  petit  épeautre, 
ce  qui  semble  être  l'opinion  de  Link.  (Galien,  Bod. 
de  Stopel  et  Link,  loc.cit.)  Sprengel,  comme  nous 
l'avons  vu,  le  prend  pour  le  secale. 

Il  en  est  qui  veulent  que  le  tiphê  ait  été  le  grain 
très-doux  qu'Hector  donnait  à  ses  chevaux;  nous  en 
avons  parlé  déjà  plus  haut. 

Saumaise,  parlant  du  secale  (Hom..  hyl.  iatrica, 
p.  68  et  69),  ne  veut  pas  qu'on  voie  le  secale  dans 
le zea  de  Dioscorides,  ni  dans  celui  de  Théophraste ^ 
Le  zca  de  Dioscorides,  dit-il,  est  bien  le  spelta 
(comme  nous  l'avons  reconnu  précédemment).  Les 
gloses  les  meilleures,  comme  celles  de  Servius, 
voient  dans  zea  et  ofyra,  le  spelta,  far  et  ador.  Ainsi 
le  pain  de  zea  de  Ménesthée,  cité  par  Athénée 
[Deipnos.  lib.  III,  p.  1  1  5),  qui  charge  l'estomac  et  qui 
est  d'une  digestion  difficile  ,  ne  peut  provenir  du  zea 
de  Dioscorides,  ni  de  celui  de  Théophraste.  11  ré- 

'   ^éa  est  lettre  pour  lettre  ie  sanscrit  ?Tôr  yava,  d'apiès  les  lois 
de  permutation  établies  pour  ces  deux  lant^ues. 


212  MARS-AVRIL   1805. 

pondiait  très-bien  au  secale ,  dont  la  farine  fournit, 
comme  on  le  sait,  un  pain  d'une  qualité  inférieure, 
qui  charge  davantage  l'estomac. 

Si  nous  voyons  dans  Athénée  le  zea  devenir  le 
secale,  qui  nous  empêcherait  de  le  voir  dans  le 
iL^JK^i ,  ishâliah  des  Arabes  d'Espagne ,  mot  donné 
comme  synonyme  de  (j<-w)^,  ahlas,  qui,  suivant  la 
version  arabe  de  Dioscorides ,  serait  l'équivalent  de 
^e/a?  Conjecture  que  pourraient  sulTisamment  justi- 
fier ces  confusions  de  noms  et  de  descriptions  si  fré- 
quentes chez  les  Arabes  et  les  anciens  en  général, 
pour  les  plantes  et  les  animaux.  Ce  nom  ishâliahva\)- 
pelle  celui  de  asxdXt  que  porte  le  seigle  chez  les 
Grecs  modernes. 

Le  seigle,  suivant  les  traducteurs  et  les  commen- 
tateurs, porte  dans  la  Mischna  le  nom  de  pD'»i:/* 
[Keldim,  I,  i).  On  trouve  aussi  N")î:;"I  avec  la  même 
signification  (Pcsach.  35,  i).  Il  y  a  en  arabe  le  mot 
^j-^^^  ^  Sous  ce  titre,  Avicenne  (I,  i  69)  donne  la 
traduction  de  l'or I ici e  A/yAwxf^  de  Dioscorides  (îV, 
cxxxix),  qu'on  croit  être  l'équivalent  à'avena  cjrœca 
de  Pline  (XVIII,  xlii),  et  qui,  suivant  Sprengel 
[Hist.  reiherh.  t.  1,  p.  1  Sq),  senût  Yavena  slerilis  ou 
fataa  Linn.  Ainsi  schiphon  restera  le  secale  céréale, 
surtout  quand  on  voit  que  sa  farine  peut  êtie  em- 
ployée à  la  confection  des  azymes  [Kelaïni,  I,  r; 
Gesenius,  note  5).  Le  mot  arabe  (jls^,  évidem- 
ment une  transcription  de  fhébrcu,  est  rendu  dans 
Castel  par  spelta,  et  la  version  de  Sàdia  femploi'V 

'    Caslcl  lit  ^5^  A  la  racine  N")u*",  o!  jjv^^-i  '^  !•'  '"cinr  ")r". 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  213 
comme  nous  l'avons  vu,  pour  dddd  (Ezéch.  iv,  9,  et 
Isaïe,  XXVIII,  26).  Pour  le  nom  talmudique  pD^îT ,  le 
dictionnaire  ne  donne  que  le  mot  secale,  aiCpwv , 
Castel.  D'un  autre  côté,  le  dictionnaire  grec  de  Bu- 
dëe  porte  ai(pœvLov,  herba  quœ  et  ^pMfjLOs  dicitar 
avena.  Nous  préférons  nous  en  tenir  à  l'interpréta 
lion  secale  de  Castel.  Le  seigle,  dans  le  Dictionnaire 
de  M.  Caussin  de  Perceval,  est  appelé jb^U»,  mot 
que  nous  ne  voyons  dans  aucun  autre  lexique;  le  mot 
(jlî^  reste,  dans  ce  dictionnaire,  appliqué  à  l'avoine. 


L'AVOINE. 


Nous  compléterons  cette  notice  sur  les  céréales 
proprement  dites  par  des  recherches  sur  l'avoine. 
Il  n'en  est  pas  fait  mention  dans  Ihn  al-Avvam  ,  sans 
doute  parce  que  les  Arabes  et  les  Orientaux  ne  fai- 
saient point  usage  d'avoine  pour  leurs  chevaux;  elle 
était  remplacée  par  l'orge.  L'avoine  n'était  employée 
à  cet  usage,  suivant  Galien ,  que  par  les  habitants  de 
l'Asie  au  delà  de  Pergame  et  surtout  dans  la  Mésie. 

Si  les  Arabes  ne  cultivaient  point  l'avoine,  ce- 
pendant elle  ne  leur  était  point  inconnue;  car  dans 
les  dictionnaires  on  la  trouve  indiquée  sous  plusieurs 
noms.  Ainsi  dans  le  dictionnaire  arabe  de  M.  Caus- 
sin dePerceval  et  dans  le  vocabulaire  des  idiomes  afri- 
cains de  Marcel,  on  trouve  ^l?^^,  JU^^i^-et^jUJoy-iû, 
mots  qui  ne  sont  point  d'origine  arabe.  Ibn  Beithar 
cite  le  nom  JUo^,  qu'il  écrit  encore  ^Us^-â-,  qui 
se  voit  dans  Castel.  Il  a  aussi  le  mot  ^jUJo^,  et 
il  traduit   presque    littéralement  l'article  de   Dios- 


214  MAHS-^AVRIL   1865. 

corides  sur  le  bromos.  (Ibn  Bcithar,  loi.  i/i5  v°  et 

890  r°,  ms.  1  02  3  A.  F.)  On  trouve  en  persan  (jUis^. 

li  y  a  dans  Avicenne  un  article  intitulé  ^L-Jo^îj^ift . 
mot  qui ,  suivant  Castel ,  est  l'équivalent  de  ^j\^j^, 
qu'il  traduit  par  Bryonia.  Or  ce  que  dit  l'arabe ,  que 
cette  plante  possède  une  force  pareille  à  celle  de 
l'orge;  qu'elle  tient  le  milieu  entre  l'orge  et  le  fro- 
ment; qu'elle  est  à  la  fois  laxative  et  styptique:  ne 
peut  s'entendre  que  d'une  céréale  et  non  de  la  bryone. 

Dans  la  version  arabe  de  Dioscorides,  ^^Us^  est 
donné  comme  la  traduction  du  mot  ^pwfxos. 

Les  Latins  connaissaient  deux  espèces  d'avoine, 
Tune  cultivée,  avenu  sativaLinn.  èromo5  (Pline,  XXII, 
Lxxix,  not.  Hard.),  et  l'autre  qui  ne  l'était  point, 
avenu  steriiis  Linn.  avenu  grœcu  (Pline,  XVIII,  xlii). 
Virgile  cite  ces  deux  espèces  d'avoine. 

Urit  enim  lini  campuQi  seges ,  urit  avenae. 

(Georg.  I,  V.77.) 

Urit  id  est  exsiccat  sej^es  avena  (cnlla). 

(  Interpr.  Ruai.  ) 

Infelix  lolium  et  stériles  dorainantur  avenae. 

{Eclog.\,v.^-j.) 

Dans  ce  dernier  vers  l'avoine  stérile  est  con- 
fondue connue  mauvaise  herbe  avec  l'ivraie.  Colu- 
melle  parle  de  l'avoine  qu'on  semait  en  automne 
pour  la  faire  manger  en  partie  en  vert ,  l'autre  partie 
restant  pour  graine.  [De  re  rast.  II,   11,9.) 

Comme  les  Latins,  les  Grecs  connaissaient  aussi 
deux  espèces  d'avoine,  savoir  :  celle  qui  était  culti- 
vée et  l'avoine  stérile.  La  première  était  le  ^pôJyLOç , 


INOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  215 
et  l'autre  YaiyiXco^,  dont  nous  avons  déj/i  parlé  à 
l'occasion  du  seigle.  Galien  ne  laisse  pas  de  doute 
sur  la  nature  du  bromos ,  puisqu'il  dit  qu'il  est  em- 
ployé pour  la  nourriture  du  bétail,  et  que  dans  les 
cas  de  disette  on  en  fait  du  pain,  alors  qu'on  y  est 
contraint  :  ipo^^n  S'ècrTiv  ovk  OLvSpcoTreov  elyn/j  tsûts  âpot 
XtfXGûTovTss.  C'est  bien  ainsi  qu'on  emploie  l'avoine 
de  nos  jours. 

Dioscorides  a  deux  articles  consacrés  au  ^pœfjLos; 
le  premier,  lib.  II,  cxvi,  et  le  second,  lib.  IV,  cxl. 
Quelques  auteurs  croient  qu'ils  se  rapportent  à  la 
même  plante-,  d'autres  voient  dans  le  premier  article 
la  description  de  la  plante,  et  dans  le  second  ses 
propriétés.  Ce  serait  peut-être  ainsi  que  penserait 
Sprengel,  qui  réunit  les  deux  articles  en  un  seul 
pour  l'explication.  Telle  n'est  pas  l'opinion  de  M.  Fée, 
qui  veut  que  dans  le  livre  II  l'auteur  grec  ait  eu  en  vue 
l'avoine  cultivée,  et  dans  le  livre  IV,  l'avoine  stérile. 
(Pline,  XXII,  Lxxfx,  not.  i  64.)  L'article  du  livre  II 
ne  laisse  pas  le  moindre  doute  sur  l'interprétation; 
ces  prétendues  petites  sauterelles  bipèdes,  dxpiSa  Si- 
xùûXoL,  qui  pendent  du  sommet,  et  dans  lesquelles  sont 
contenues  les  graines,  indiquent  bien  la  disposition 
des  graines  composant  l'épi  ou  grappe. 

Nous  avons  vu  aussi  que  tous  les  commentateurs 
étaient  d'accord  pour  reconnaître  Yavena  sterilis  dans 
ïœgylops.  Il  y  a  dans  le  IV*^  livre  de  Dioscorides  l'arti- 
cle ex  XXIX  consacré  à  Yœcjylops  qui  sert  de  type  pour 
la  forme  du  brome.  Quoi  donc  peut  nous  empêcher 
dewoivYavena  sterilis  déente  danscetarticleCXXXIX, 


210  MARS-AVRIL   1865. 

et  dans  l'article  GXL  qui  suit,  une  plante  analogue 
au  genre  bromus  des  botanistes  modernes?  Dans  la 
version  arabe  de  Dioscorides,  nous  trouvons  le  mot 
œgylops  rendu  par  ^j--*»»^  ^ . 

Dans  le  Talmud,  l'avoine  est  appelée  bvw  nb^V; 
suivant  l'auteur  de  la  note  talmudique,  par  ces  mots 
on  entendait  l'orge  sauvage ,  hordeam  silvestre;  mais 
dans  le  langage  vulgaire,  on  l'appliquait  à  l'avoine. 
(  Kelaïm ,  I ,  i .) 

Nous  avons  vu  aussi,  en  parlant  du  seigle,  le  mot 
talmudique  N^v^m,  rappelant  le  mot  arabe  ^rj-^^i 
qui,  dans  Avicenne,  est  l'intitulé  d'un  article  qui 
est  une  traduction  de  l'article  AiyiXoy^  de  Diosco- 
rides, comme  nous  l'avons  dit.  Ce  nom  est  présenté 
comme  l'équivalent  de  pD'iï^',  autre  nom  du  seigle, 
et  qui  rappelle  ^U^  appliqué  à  l'avoine  cultivée, 
ou  iSpdofjios.  Nous  aurions  donc  un  nouvel  exemple  de 
la  modification  que  les  mots  éprouvent  dans  leur 
signification  en  passant  d'une  langue  dans  une  autre. 

Bodée  de  Stopel  signale  les  différences  qui  exis- 
tent dans  la  manière  ^'écrire  le  mot  grec  hromos. 
Théopbraste  écrit  f3p6(xos  par  un  omicron,  tandis 
que  Dioscorides  écrit  (Spùjfxos  par  un  oméga.  Il  en 
est  qui  veulent  que  la  première  manière  soit  pour 
indiquer  Y  avenu  sativa,  et  la  seconde  ïavena  sterills. 
[Comm.ad.  Hist.  plant.  VIII,  p.  9 5 7.) 

Forskhal  cite  seulement  Yavena  pennsylvanica  avec 
le  nom  arabe  S-^  ^y^.  [Flor.  Mcjypt.  arab.  p.  2  3.) 

Les  Géoponiques  ne  disent  pas  un  mot  de  l'avoine, 
ni  du  bromos. 


NOMS  DES  CëRKALES  CHEZ  LES  ANCIENS.        217 
LES   MILIACÉES. 

Les  niiliacées  /jj^:>  et  «ji  ne  peuvent  être  sépa- 
rées; il  faut  nécessairement  les  étudier  ensemble,  à 
cause  de  leur  grande  affinité,  qui  les  a  fait  parfois 
prendre  l'une  pour  l'autre. 

{^^,  dokhn,  est  visiblement  le  mot  hébreu  ]ni, 
do'han.  (Ézéch.  iv,  9.)  Il  est  très-probablement  le 
nom  générique  primitif,  bien  qu'Ibn  al-Awam  cite 
des  opinions  qui  l'indiquent  comme  étant  le  nom 
d'une  espèce  appartenant  au  genre  dourrah ,  ce  qui 
alors  donnerait  à  ce  dernier  l'antériorité.  (jJJ^:>  a  été 
traduit  par  miliiim  aussi  bien  que  par  panicum.  C'est 
sans  doute  pour  cette  raison  que  dans  la  version  arabe 
de  Dioscorides,  aux  mots  Ksy^pos  et  sXvfÀOs,  on  lit 
(ji»-:> ,  et  cependant  nous  verrons  que  ce  sont  deux 
espèces  bien  distinctes.  Toutefois  nous  ferons  remar- 
quer que  ce  mot  a  été  ajouté  après  coup  à  la  suite  de 
Ksy)(^pos,  et  que  le  mot  employé  par  le  traducteur 
primitif  est  o^^^^ ,  mot  qui  est  aussi  employé  dans 
la  version  arabe  de  Sadias  pour  |ni ,  et  que  la  Vulgate 
traduit  par  miliam  ^ 

Ce  mot  (jj-i*-:* ,  en  persan  ijjj\ ,  nous  paraît ,  surtout 
dans  Ibn  al-Awam,  être  le  sXvfjLos  ou  (xsXivrj  de  Dios- 
corides (II,  cxx),  de  Théoph raste  (Hf5^  p/an^  VIII, 

^  Pictet  cite  comme  noms  sanscrils  du  panicum  miliaceum,  ^ÏÏT 
anu. ;  panicum  italiciim,  (y^^-  prijangii,  auqviel  VAmarahocha  ajoul-e 

^•^'  kangu.  Ce  dernier  donne  pour  le  panicum  pilosum  ôTiX^yi^  vri- 
hibheda,  anu.  (Pictet,  I,  280,  et  Amarakocha,  édit.  Loiseleur-Des- 
longcbamps,  I,  p.  2o5  el  suiv.) 

V.  i5 


218  MARS-AVRIL   1865. 

1,  in,  Vil),  le  panicum  de  Pline  (XVIII,  x),  panicum 
italicum  Linn.^  M.  Ernest  Meyer  admet  la  syno- 
nymie de  Forsklial,  qui  emploie  holcus  dochna  [Flor. 
Mcjypt.  17/1);  mais  il  place  en  première  ligne  an- 
dropojon  saccharatas.{Gesc]i.  d.  Bolan.  III,  y  1 .)  M.  Fée 
(note  76,  liv.  XVIII,  Pline)  traduit  par  panicum  mi- 
lîaceum  Linn.  millet  à  panicules  étalées.  Nous  n'ad- 
mettons point  cette  interprétation ,  guidé  par  la 
figure  que  donne  Malhiole  pour  accompagner  son 
explication,  p.  127,  et  par  la  description  qu'on  lit 
dans  Pline  [loc.  cit.)  :  Panicum  a  paniculis  dictum  caca- 
mine  languide  nalante;  paulatim  extenuato  culmo  pœnc 
in  surcuhim  prœdensis  acervatur  granis ,  cam  longissimo 
pédale  plioba^ .  «  Le  panic  est  ainsi  nommé  à  cause  de 

*  MeXîvn  est  cité  comme  synonyme  de  éXv^os,  non-seulement 
par  Dioscorides  et  Théopliraste ,  mais  Galien  l'admet  aussi;  il  dit 
que  c'est  une  dénomination  ancienne,  è'Aufxos  ^é  crot  (pevxTéos  det, 
KctXoxJai  SèavTov  évioi  (leXivrjv  tc5v  'zsaXctiœv .  A  panico  cjiiod  a  nonniilUs 
priscis  etiam  meline  nominatiir  prorsiis  abstineas.  [Alim.  facull.  I,  7.) 
Xénopbon  a  cité  cinq  fois  le  fieMvrj  dans  VAnahose.  Théopliraste 
VIII,  m)  lit  (xeXivov  au  masculin.  Sprengel  [Hist.  rei  Jierh.  I,  79) 
traduit  le  mot  par  ^a/«c«m  miliaceum,  et  plus  loin,  p.  208,  il  semble 
critiquer  Dioscorides  et  Galien  de  le  présenter  comme  synonyme  de 
ëXv^os  ^  qiiod  cum  fxeXtvrj  panico  miliaceo  componit.  (Conf.  Bodajus  a 
Stopel,  Comm.  ad  Hist.  plant.  VIII,  m,  p.  929:  Theophr.  opéra  edit. 
Schneider,  Index,  v°  (leXivv- 

^  Le  texte  que  nous  citons  est  celui  de  l'édition  de  Panckoucke; 
mais  celui  du  P.  Hardojiin  porte  ohba.  Borlœus  a  Stopel,  dans  sa 
citation  de  Pline,  p.  929,  lit  de  même.  Le  P.  Ilardouin  cite  un  ma- 
nuscrit qui  lit  obfa;  mais  il  préférerait  phoba,  qui  concorde  avec 
(^oêrj,  employé  par  Théopliraste.  Ta  (lèv  é'/£i  alâyov  as  anûSn ,  rà 
^£  ^(^eSpoTcà  Aoêoy,  Tfx  ^è  xe'yx,P^^V  <pà^vv.  AUa  spicam  (jernnt,  xitfrn- 
nxenlacea;  alia  silicpiani,  ut  legnmina;  alia  jubani  ut  niiliacea.  X£7;^pa'- 
Syjç  est  pris  ici  génériquemcnl  ,el  (pôërjv  ou jnbnni,  pour  un  panicule, 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  219 
ses  panicLiles  ;  sa  cime  se  penche  mollement;  sa  tige 
diminue  insensiblement  de  grosseur.  Les  graines, 
ramassées  et  pressées,  forment  un  épi  long  d'un 
pied.  »  Cette  description ,  comme  on  le  voit,  est  pré- 
cise; elle  rappelle  bien  les  figures  de  Matbiole  et  du 
commentaire  de  Théophraste,  qui  sont  semblables. 

àji  ,  pour  4^i ,  »,ji> ,  fjranorum  species,  milii  genus, 
scilicet  melica  valgo  dora.  Telle  est  l'explication  qu'on 
lit  dans  Castel  et  que  répète  Freytag.  Ibn  al-Awam 
lui  donne  pour  synonyme  u**j^\-=?' ,  qui  s'écrit  en 
persan  o*^;^^  On  lit  dans  le  Dictionnaire  de  Sa- 
macchari  0*^3 W-  =  (j)j^  j^  ^y^  {j^j^\^,djawaresch, 
(jhawaresch ,  espèce  de  (miliacée)  arzan.  L'agriculture 
nabathéenne  le  rapproche  du  (jyi^:> ,  avec  lequel 
Kazwini  le  confond,  ^j^ù^\  y^^  U^^W--  Avicenne 
a  un  article  sur  (j^-j^l-^?-,  dans  lequel  il  le  sépare  du 
dokhn,  sur  lequel  il  lui  donne  la  supériorité  pour 
les  qualités  ^ 

Le  ^oarra/i  a  généralement  été  pris  pour  le  Kéy^pos 
des  Grecs.  (Diosc.  III,  cxix;  Théoph.  VIII,  m,  etc.) 
Cependant  les  versions  arabes  des  Géoponiques 
qu'on  trouve  dans  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
impériale,    traduisant  le  chapitre  xxvni,  livre   II, 

qu'il  y  ait  agrégation  des  épillels,  ou  qu'ils  soient  étalés,  comosa, 
puisque  les  miliacées  n'ont  pas  toujours  les  panicules  diffus.  (Theopli. 
Hist. plant.  VIII,  m.) 

^  Banqueri ,  dans  le  texte  imprimé  d'Ibn  al-Awam ,  écrit  iisûLa^, 
djaivrcsch,  et  ^^ÀS,  ghmvresch,  avec  schin;  mais  partout  ailleurs, 
dans  Kaswini,  dans  Avicenne  et  dans  Castel,  nous  le  trouvons  avec 
un  sin;  aussi  nous  écrirons  constamment  ^»»lj^et  ^v»l^  avec 
un  sin, 

i5. 


220  MARS- AVRIL    1865. 

emploient  Je  mot  (^^^^^  pour  rendre  le  mot  Kéy^pos, 
rendu  en  latin  par  miliiim.  (Voy.  mss.  giô  anc.  f. 
p.  1  7.5  et  91  4  suppl.  fol.  6  v"*)  ^.  Cela  n'infirme  pas 
l'opinion  reçue,  mais  prouve  que  souvent  les  deux 
noms  ont  été  pris  l'un  pour  l'autre.  La  version  arabe 
de  Dioscorides  traduit  Kéy-^tos  par  (j-^^^L:?-.  A  côté 
on  lit,  d'une  autre  écriture,  (j^^.  Strabon,  parlant 
de  cette  partie  de  l'Italie  qui  produit  beaucoup  de 
millet,  la  qualifie  de  HS'y)(^po(pGpo$  (liv.  V,  p.  i5i). 
Les  noiha  ou  apocryphes  de  Dioscorides,  cités  plus 
haut,  disent  Pcoftaioi  Kéy/jpos  (xiXtovfJL.  (Notli.    12 y.) 

Nous  n'hésitons  point,  quant  à  nous,  à  voir  dans 
le  dourrah,  iJ;i>,  le  xéy)(^pos  des  Grecs,  le  miliam  de 
Pline,  le  pnnicum  miliaceum  de  Linn.  millet  à  pani- 
cules  étalées.  La  description  de  Pline  ne  laisse  aucun 
doute  à  cet  égard,  elle  est  précise  :  Milii  comœ  gra- 
niim  complexée,  fimbriato  capillo  carvantaw  (Pline, 
XVIII,  X.)  Telle  est  l'opinion  de  Bodaeus  a  Stopel 
dans  ses  commentaires  sur  Théophraste  (VIII,  m, 
p.  928  et  929),  et  de  Mathiole  sur  Dioscorides  (II, 
Lxxxix  et  xc).  Les  figures  qui  accompagnent  les  textes 
des  deux  auteurs  portent  des  ramifications ,  et  ne  lais- 
sent aucun  doute. 

M.  Fée  voit  dans  le  ëXvixos  des  Grecs  le  panicum 
de  Pline  et  le  panicum  miliaceum  de  Linnée,  millet  à 
panicules  étalées.  (Pline,  XVIII,  not.  76.)  M.Ernest 
Meyer  voit  dans  ledourrah  Vamlrapogon  sorgham ,  con  n  u 
en  Méso'potamie  sous  le  nom  de  holcus  sorgho,  tandis 

'  Ces  versions  arabos  ne  sont  pas  complrles,  elles  sont  seulement 
partielles. 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  2i>l 
que  le  djawares ,  o^Ji^  '  serait  le  panicwn  miiia- 
ceum.  (Gcsch.  der  Botan.  ÏII,  p.  65.)  Dans  le  Diction- 
naire de  M.  Caussin  de  Perceval,  le  miilet  porte  les 
noms  de  (^>â-^ ,  ^>ào  r,:>,  ($^[^\  (.^^^.  Il  ne  parle 
point  du  panic.  On  voit  qu'il  confond  le  dokhi  avec  le 
doarrak,  et  qu'il  n'en  connaît  que  le  blanc.  Il  faut  re- 
marquer que  cette  dénomination  est  celle  aujour- 
d'hui usi(ée.  Ce  mol  al-scharaniq  semblerait  presque 
une  altération  de  gharnoucji,  nom  spécifique  employé 
par  Ibn  al-Awam ,  et  que  nous  allons  voir. 

Ibn  al-Avvam  (XX,  arl.  vi)  dit  qu'il  y  a  doute 
si  le  doklin  ne  doit  point  être  nommé  djawares, 
jij^li^  (^^\j^^  <xj!  (^JLiuOjj;  mais  à  l'article  vin  ,  il  n'hé- 
site point  à  identifier  le  doarrak  avec  le  djaivares, 
qui  serait  son  nom  en  persan.  ^^.«wJu  ^CÂ  «*Xiû^  y^s 
fj*,j^\Jl  iLAAi|*;UiL.  Il  cite  deux  espèces  de  doarrak,  le 
blanc  et  le  noir;  mais  le  premier  serait  de  meilleure 
qualité.  Quant  au  dokhn  ou  panic,  il  en  indique  plu- 
sieurs espèces,  qui  sont,  pour  la  couleur  :  le  blanc, 
nommé  é^jS-,  gkarnoaqi,  le  rouge  et  le  noir.  Pline 
aussi  indique  plusieurs  espèces  de  panic,  qui  sont, 
pour  la  couleur  :  le  blanc,  le  noir,  le  rouge  et  le 
pourpre.  Columelle  se  contente  d'indiquer  le  pani- 
cam  et  le  milium,  sans  parler  d'aucune  espèce  parti- 
culière. 

Pline  parle  d'mie  très-grande  espèce  de  millet, 
importée  de  son  temps  de  l'Inde  en  Italie,  depuis  peu . 
Les  expressions  employées  par  le  naturaliste  latin 
ne  permettent  pas  de  douter  qu'il  veuille  parler  du 
sorgko  :  Milium,  dit  Pline,  intra  kos  decem  annos  ex 


222  •  MARS-AVRIL   1865. 

India  in  Italiam  invectum  est,  nigram  colore,  amplum 
grano,  amncïineam  culmo.  Adolescit  ad  pedes  altitadine 
septem,  prœgrandibas  cuirais  :  lohas  ^  vocant  :  omnium 
frugum  fertilissimam.  Ex  uno  grano  sextarii  terni  gi- 
gnuntar.  (Pline,  XVIII,  x.) 

Généralement  on  croit,  et  avec  raison ,  qu'il  est  ici 
question  du  sorgho ,  holcus  sorgho  Linn.  Cette  miliacée 
est  la  seule  qui,  pour  un  grain,  puisse  rendre  trois 
septiers  romains,  sextarii  (  i  litre  62),  et  qui  s'élève 
à  la  hauteur  de  sept  pieds  romains  (  2  mètres  07, 1  o), 
d'un  aspect  sombre,  et  dont  la  graine  est  grosse,  et 
qui,  comme  le  milium  de  Pline,  est  originaire  de 
l'Inde.  Cette  opinion  n'est -pas  nouvelle;  on  la  trouve 
professée  par  Bodaeus  a  Stopel  [loc.  cit.)  et  par  le 
Père  Hardouin ,   qui  cite  Scaliger.   [Exercit.   292, 

p.  869.) 

Le  sorgho  porte ,  chez  les  Arabes ,  le  nom  de  dour- 
rah,  5;i>,  et  dans  l'Yémen,  celui  de  j»l*io,  taham,  sui- 
vant Niebuhr  ( D£?5cnp^  Arabie,  I,  p.  2  1 8).  Forskbal, 
sous  le  nom  de  holcus  durra,  cite  quatre  variétés 
différentes,  dont  deux  glumis  fuscis,  à  glumes  noi- 
râtres (Flor.JEgypt.  1  y/i).  Marcel,  dans  son  Diction- 
naire arabe-algérien ,  emploie  (j**;^l.>  pour  désigner  le 
millet;  au  mot  dourra  il  renvoie  au  blé  de  Turquie. 

Bové  [Cuit.  d'Egypte,  p.  36)  cite  trois  espèces  de 
sorgho:   1°  sorgho  commun,  sorghum  vulgare  Linn. 

^  A  l'occasion  du  mot  /ofca^ï  qu'on  lit  ici ,  le  P.  Hardouin  rappelle 
ce  qu'il  a  dit  précédemment  sur  le  mot  ohhds,  qu'il  aimerait  mieux 
pliobas,  parce  que  Xo€6s  est  attribué  par  Théophrasle  aux  légumes, 
et  <p6€rj  aux  miliacécs.  (Vid.  sup.  p.  218,  noi.  2.) 


NOMS  DES  CÉRÉALES  CHEZ  LES  AWCIEISS.  223 
jjuo  «ji  ;  2°  sorgho  bicolor,  J^j  5;î  ;  3°  sorghum  cer- 
nuam,  jJit^  iijt>.  Bové  nous  apprend  aussi  qu'en 
Egypte  c'est  le  doarrah  blanc  qui  est  le  plus  estimé; 
Ibn  al-Awam  en  dit  autant  (loc,  cit.). 

Les  espèces  cultivées  en  Syrie  sont  souvent  atta- 
quées de  carie.  C'est  sans  doute  la  maladie  dont 
parle  Forskbal,  et  qui  était  connue  sous  le  nom  de 
okâb,  v^'  litt./wm«5,  ce  qui  peut  s'expliquer,  parce 
que  la  pulpe  noircit  et  tombe  en  poussière. 

Le  dourrali,  très-cultivé  dans  l'Orient,  fournit  à  l'ali- 
mentation des  populations,  et  cette  culture  doit  re- 
monter assez  haut,  puisque  nous  avons  vu  que  le 
grain  en  était  mentionné  dans  Ezéchiel  (iv,  g).  L'agri- 
culture nabathéenne  paraît  avoir  donné  aux  deux 
miliacées  qui  nous  occupent  beaucoup  d'attention, 
si  nous  en  jugeons  parla  description  minutieuse  de 
leur  culture  et  des  procédés  pour  en  obtenir  du 
pain,  que  nous  lisons  dans  Ibn  al-Awam.  Ce  pain 
est  d'une  qualité  assez  inférieure  par  la  faible  quan- 
tité de  gluten  que  contient  la  graine.  Cependant  il 
est  des  parties  de  l'Arabie  où  on  le  préfère  à  celui 
du  fi'omenl,  dit  Bové.  Niebubr  nous  apprend  aussi 
que,  dans  le  voisinage  de  Tripoli  de  Syrie,  proche 
le  Liban,  où  le  froment  abonde,  les  gens  du  peuple 
le  vendaient  et  se  nourrissaient  de  doarrah.  (Descript. 
Arah.  I,  2  i  -y.) 

Cette  grande  fertilité  du  dourrah,  si  supérieure  à 
celle  du  froment,  porte  Niebubr  à  dire  que  la  ré- 
colte si  abondante  que  faisait  Isaac,  qui  recueillait 
cent  mesures,   Dnviç;  hnd,   c'est-à-dire   au    centuple 


224  MARS-AVRIL    1805. 

{Geii.  XXVI,   12),  ne  peut  s'expliquer  que  par  la  cul- 
ture du  doarrah.  (Descr.  Arab.  I,  217.) 

Hérodote  nous  apprend  que  dans  la  Babylonic 
le  millet  et  le  sésame  atteignaient  la  hauteur  des 
arbres  :  E;^  Se  Ksy^pov  xa)  a-naafxov  oaov  ti  SévSpov 
fxéysôos  yivsTai  (Lib.  I,  p.  89,  éd.  H.  Step.),  hau- 
teur qui  rappelle  celle  attribuée  par  Pline  au  millet 
indien.  Il  y  a  donc  lieu  de  croire  que  ce  que  dit  ici 
l'historien  grec  doit  s'entendre  du  sorgho. 

Abdallatif,  dans  la  Description  de  l' Egypte,  ne  dit 
rien  des  miliacées. 

LE  RIZ. 

Le  riz,  oryza  scitiva  Linn.  en  arabe 3jî,  aroz,  en 
persan  hirindj,  g>j ,  opv^ov  (Théoph.  Hist.  plant.),  6pv^(a 
(Diosc.  II,  XVII  ),  Plin.  oryza  (XVIII,  xiii),  en  sans- 
crit ^^|fe  vrihi^,  en  chaldéen  îiiK  [Mischna,  Pea, 
II,  m). 

Il  est  peu  de  noms  de  plantes  moins  contestés  que 
celui-ci.  Le  riz  paraît  originaire  de  l'Inde,  et  Strabon 
le  cite  nommément  dans  la  description  de  cette  partie 
de  l'Asie  (XV,  /ly^,  Sg).  (>  Il  y  croît,  dit-il,  dans  les 
marais,  il  s'élève  à  la  hauteur  de  quatre  coudées;  on 
est  obligé  de  le  nettoyer  comme  le  zea,  c'est-à-dire 
l.'épeautre.  Cette  indication  ne  laisse  aucun  doute 
dans  l'esprit.  La  description  donnée  par  Théophraste 

'  VAmaralioclia  cite  encore  à^:u,  pàlala,  dhùiiya,  çaUuja.  Ce.s 
mois  dësignenl  plutôt  des  espèces  particulières  :  àçii  signifie  «  liàtil'»  ; 
/;d<a/a,  «pâle  »,  etc.  dliânjci  est  au  contraire  une  expression  gonéraic 
dont  le  sens  csl  «qui  constilne  la  ricbesse.  » 


NOMS  DES  CEREALES  CHEZ  LES  ANCIENS.  225 
ne  manque  pas  non  plus  de  précision.  Il  dit  que  le  riz 
ne  donne  pas  un  épi  proprement  dit,  mais  une  tête 
disposée  en  panicules,  comme  le  millet  et  le  panic. 
A7TO)(^s7Tai  Se  ovx.  eU  ŒloL)(riv,  àW  oïov  (pé^rjv  wsirep  à 
}céy)(^po?,  Hat  o  sXv^os.  [Hist.  plant.  IV,  v,  et  Comm, 
Bod.  a  Stop.  p.  362.)  La  description  de  la  plante  du 
riz  donnée  par  Pline  manque  d'exactitude  dans  la 
forme  qu'il  donne  de  la  racine ,  ainsi  que  lo  fait  obser- 
ver M.  Fée.  (Pline,  XVIII,  xm,  not.  116  et  1  17.) 

Le  riz  était  cultivé  par  les  Nabathéens,  comme 
le  prouvent  les  détails  extraits  de  l'agriculture  na- 
bathéenne  rapportés  par  Ibn  al-Awam(ch.  xx,  art.  1). 
Suivant  Link ,  le  riz  aurait  été  un  objet  de  commerce 
pour  les  Arabes,  qui  f exportaient  pour  la  Grèce,  et 
qui  par  là  y  introduisirent  son  nom  arabe  .  t,  aroz, 

d'où  est  venu  le  mot  grec  ôpv^a.  et  le  latin  oryza,  et 
enfin  notre  mot  riz,  par  le  retranchement  de  fo  ini- 
tial. Peut-être  aussi  le  mot  sanscrit  vnTiï  est-il  le  véri- 
table radical  par  le  changement  de  h,  en  5,  comme 
il  s'en  trouve  plusieurs  exemples,  notamment  sind 
pour  hiad  (hindiis).  (Gonf.  Link,  II,  p.  239.)  ' 

Le  riz  doit-il  être  considéré  comme  une  céréale? 
L'opinion  des  anciens,  à  cet  égard,  était  partagée. 
Abou'l-Khaïr,  cité  par  Ibn  al-Awam  (loc.  cit.),  dit 
en  termes  bien  précis,  que  le  riz  est  une  espèce  de 

froment,  \\^XÂ  çj^  <^j.^jj)\  mais  Galien,  qui  pen- 
sait sans  doute  qu'on  ne  pouvait  faire  du  pain  avec 

'  D'après  ies  lois  phoniques  aujourd'hui  connues,  opvia  corres- 
pond bien  lettre  pour  lettre  à  ^1^,  car  h  sanscrit  ==z  zend  et  grec. 


220  MARS-AVRIL    1865. 

il 
le  riz ,  le  range  dans  les  légumes.  OcnrptoL  Koîkovaiv 

SKSivct  TÔJv  S-n^YiTpi(t)v  (Tuep^dTCiôv  ej  wv  apios  où  yive- 

Tai ,  xvoLuovs,  'SîtacTOvs,  êps€tvdov$,  Çanovs,  B-épfxovs , 

opviov ,  bpô^ovs.  Legamina  appellant  ea  cerealia  semina 

ex  qaibiis  panis  non  fit,  ut  puta,fabas,  pîsa,  cicera, 

lentes,  lupinos,  oryzam,  enmni.  (Galien,  De  aliment. 

facult.  lib.  I,  ch.  xvi  et  xvii.)  Bodœiis  a  Stopei  s'élève 

contre  cette  opinion,  en  rappelant  que  le  riz  a  la 

plus  grande  analogie  avec  le  blé.  (  Comment,  ad  Hist. 

plant.  IV,  V,  p.  362.)  Le  Talmud  également  exclut 

le  riz  des  céréales,  comme  nous  l'avons  vu. 

Tels  sont  les  documents  que  nous  avons  pu  re- 
cueillir sur  les  noms  des  céréales.  Nous  les  avons 
groupés,  selon  les  espèces  auxquelles  ils  se  rattachent, 
dans  un  ordre  aussi  méthodique  que  possible.  Nous 
avons  présenté  les  opinions  de  divers  savants  sur 
leur  détermination;  nous  avons  aussi  présenté  notre 
pensée,  non  point  que  nous  ayons  la  conviction 
d'avoir  résolu  les  j)roblèmes  difficiles  que  soulève  la 
constatation  des  espèces  en  histoire  naturelle  chez 
les  anciens,  mais  bien  pour  apporter  notre  contin- 
gent de  matériaux  afin  d'aider  à  la  construction  de 
l'édifice,  et  par  le  désir  d'etie  utile  aux  traducteurs. 

Nota.  —  Pour  la  transcription  de  ij\|i  nous  avons  écril 
dourrah,  afin  de  nous  conformer  à  la  prononciation  arabe 
moderne. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      227 

LE  LIVRE 
DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES, 

PAR   IBN  KHORDADBEH, 

PUBLIÉ  ,  TRADUIT  ET  ANNOTÉ 

PAR  C.  BARBIER  DE  MEYNARD. 


TRADUCTION. 


O  mon  Dieu ,  bénis  Mohammed  et  sa  famille  ! 

Au  nom  du  Dieu  clément  et  miséricordieux.  Sei- 
gneur, facilite  les  bonnes  entreprises  ^ 

Louons  Dieu,  en  le  remerciant  de  ses  bienfaits. 
J'atteste  qu'il  n'y  a  d'autre  Dieu  que  Dieu,  en  con- 
fessant son  unité.  Je  proclame  que  Dieu  est  grand, 
en  m'humiliant  devant  sa  puissance.  Qu'il  bénisse 
Mohammed  son  prophète  et  la  meilleure  de  ses 
créatures!  Bénédictions  et  salut  sur  la  postérité  du 
Prophète  ! 

Le  présent  ouvrage,  qui  traite  de  la  description  de 
la  terre  et  des  êtres  qui  y  sont  établis ,  de  la  kiblah 
(orientation)  de  chaque  contrée,  des  royaumes  et 
des  routes  qui  s'étendent  jusqu'aux  extrémités  du 
globe,  a  pour  auteur  Abou'l-Kacem  Obeïd  Allah, 
fils  d'Abd  Allah ,  fils  de  Khordadbeh. 

Abou'l-Kacem  dit  :  La  terre  est  ronde  comme 

'  Allusion  au  passage  du  Koran,  chap.  x/c,  v.  27. 


228  MARS-AVRIL   18G5. 

une  sphère,  et  placée  au  milieu  de  l'espace  céleste, 
comme  le  jaune  dans  l'intérieur  de  l'œuf.  L'air  ^  l'en- 
veloppe et  l'attire,  sur  tous  les  points  de  sa  surface, 
vers  l'espacé  céleste.  Tous  les  corps  sont  stables  sur 
la  surface  du  globe,  parce  que  l'air  attire  les  prin- 
cipes légers  dont  ces  corps  se  composent,  tandis  que 
la  terre  attire  vers  son  contre  leurs  parties  pesantes, 
de  la  même  manière  que  l'aimant  agit  sur  le  fer. 
.  La  terre  est  partagée  en  deux  moitiés  par  l'équa- 
teur,  qui  s'étend  d'orient  en  occident.  C'est  l'étendue 
de  la  terre  en  long-,  et  la  ligne  la  plus  considérable 
du  globe  terrestre,  de  même,  que  la  ligne  zodia- 
cale est  la  plus  considérable  de  la  sphère  céleste. 
La  terre  s'étend  en  large  du  pôle  austral,  au-dessus 
duquel  tourne  la  constellation  des  Pléiades,  au  pôle 
boréal,  au-dessus  duquel  tourne  la  constellation  de 
l'Ourse. 

La  périphérie  du  globe  à  l'équateurest  de  3 60  de- 
grés. Le  degré  vaut  vingt-cinq  parasanges^;  la  pa- 

^  Le  mot  nhini^  employé  par  l'auteur,  se  traduirait  pius  exacte- 
ment par  atmosphère  terrestre.  Les  physiciens  arabes  donnaient  à  la 
couche  d'air  qui  enveloppe  la  terre  une  épaisseur  de  seize  mille 
coudées.  Kazvîny  entre  dans  de  longues  explications  à  cet  égard  , 
dans  le  deuxième  discours  de  sa  CosriW(j rapide  (texte  publié  par 
M.  Wûstenfeld,  p.  <^ï"). 

^  Au  lieu  de  s  jT^a  contrées ,  districts ,  »  leçon  qui  ne  donne  pas  de 
sens  satisfaisant,  je  lis  Jj?  «longueur,»  avec  Edriçy  et  Maçoudy, 
qui  onl  reproduit  littéralement  ce  passage. 

^  L'auteur  adopte,  on  le  voit ,  l'ancienne  évaluation  de  Ptoléjnée, 
qui  comple  20  stades  à  la  parasangc.  On  sait  que,  sous  le  règne  de 
Mamoun,  deux  commissions  furent  chargées,  à  quelques  années  de 
dislance,  de  mesurer  un  degré  d'un  grand  cercle  de  la  terre.  Les 
premières  observations.,  faites  cnlrc  Apaméc  et  Palmyre,  donnèrent 


LE  LIVHE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  229 
rasange,  douze  mille  coudées;  la  coudée,  vingt- 
quatre  doigts;  le  doigt,  six  grains  d'orge  alignés  les 
uns  à  côté  des  autres,  dans  le  sens  de  leur  épaisseur. 
Par  conséquent,  la  circonférence  de  la  terre  est  de 
9,000  parasanges  ^.  Entre  Téquateur  et  chacun  des 
deux  pôles,  on  compte  90  degrés.  Telle  est  aussi 
l'étendue  de  la  terre,  dans  le  sens  de  sa  largeur 
(latitude);  mais  elle  n'est  habitée  que  jusqu'au  2/1" 
degré,  à  partir  de  Téquateur^. 

Le  globe  étant  presque  entièrement  entoure  des 
eaux  profondes  de  la  grande  mer,  le  quart  septen- 
trional est  celui  que  nous  habitons,  tandis  que  le 
quart  méridional  est  désert,  à  cause  de  l'excessive 


pour  résuilat  67  milles  ;  les  secondes,  dans  la  plaine  de  Sindjar, 
56  milles^;  «chaque  mille  conlenant  quatre  mille  coudées  noires, 
de  celles  adoptées  par  Almamon.  »  (  Voyez  l'analyse  de  la  table  d'Ibn 
Younis,  dans  le  tome  VII  des  Notices  et  exlrails,  et  les  prolégo- 
mènes de  la  Géographie  d'Abou'1-Féda.)  Maçoudy  et  Yakont  ont  re- 
produit l'évaluation  des  anciens,  probablement  d'après  le  Livre  des 
routes.  Voici  enfin  un  troisième  système  cité  par  le  cosmographe 
Schemsed-dînDimichky(  ms.de  la  Bibl.imp.r°3).  Le  degré  terrestre 
égale  19  farsakhs  ou  parasanges,  moins  ^.  Le  farsakh  =  3  milles;  le 
farsakh  indien  =  8  milles-,  le  relai  de  poste  =  A  farsakhs.  D'après  le 
voyageur  Mokaddessy,  la  parasange  vaut  3  milles;  un  relai  de  poste 
1  2  milles  en  Syrie  et  en  Irak  ,  6  milles  seulement  dans  le  Khoraçàn. 
Une  journée  de  marche  est  en  moyenne  de  6  farsakbs  ^.  (Voy. 
Post-  und  Reiseroutcn ,  préf.  p.  xxvi.  ) 

'  C'est  par  erreur  qu'Edriçy,  en  copiant  ce  passage,  a  écrit 
I  2,000  parasanges  ;  cette  méprise  a  été  d'ailleurs  relevée  par  le  tra- 
ducteur (t.  I,  p.  2,  en  note). 

^  Je  pense  qu'il  Taut  lire  64°  degré,  avec  Edriçy  {ibid.) ,  au  lieu 
de  2/1%  afin  de  se  rapprocher  de  la  63*  parallèle  de  Ptolémée.  Le 
chiffre  6/;  se  trouve  aussi  dans  Ibn  Khaldoun  (Trad.  française  des 
Prolégomènes,  p.  92). 


230  MARS-AVRIL    1865. 

chaleur  qui  y  règne.  L'autre  moitié  de  la  terre,  placée 

au-dessous  de  nous,  ne  renferme  pas  d'habitants. 

Les  deux  quarts  de  la  terre,  celui  du  nord  et 
celui  du  sud,   se   divisent  l'un   et  l'autre  en  sept 

climats  ' Ptolémée  dit  dans  sa  Géographie  que, 

de  son  temps ,  le  nombre  des  villes  de  la  terre  était 
de  sept  mille  deux  cents. 

DE  L'ORIENTATION  DANS  LES    DIFFERENTES  CONTF.ÉES'. 

Les  habitants  de  l'Arménie,  de  l'Azerbaïdjàn,  de 
Bagdad ,  de  Koufah ,  de  Médaïn ,  de  Basrah ,  de  Houl- 

*  Celle  lliéorie  paraît  se  rapporter  au  système  géographique  des 
Romains,  mis  en  lumière  par  M.  Reinau(l.(iT/m.  sur  les  relations  de 
l'Emp.  romain  avec  l'Asie,  p.  61  et  carte  n°  2.) 

Toutes  les  généralités  de  géographie  physique  qu'on  lit  ici  ont 
été  copiées  et  développées  par  Mokaddessy  (P  /j2  ).  La  division  qu'il 
adopte  a  pour  origine  une  vieille  tradition  attribuée  à  Abd  Allah  ,  fils 
d'Amr.  On  peut  la  résumer  ainsi  :  «La  terre  a  une  étendue  de  5oo 
années  de  marche;  4oo  dans  les  pays  déserts  et  100  dans  les  pays 
habités.  Les  contrées  soumises  au  Koran  occupent  sur  cette  surface 
un  territoire  d'une  année  de  marche  environ.  La  race  humaine 
s'étend  sur  2^,000  parasanges,  dont  12,000a  la  race  noire,  8,000 
aux  Grecs,  aux  Francs,  etc.  3, 000  aux  Persans  et  1 ,000  aux  Arabes.  1 

^  Ce  paragraphe  est  un  des  plus  mutilés  du  livre;  les  erreurs  et 
les  lacunes  dont  il  fourmille  me  paraissent  cependant  devoir  cire 
attribuées  plutôt  aux  copistes  ou  au  premier  abréviateur  qu'à  l'auteur 
lui-même.  Depuis  longtemps  déjà,  la  nécessité  de  déterminer  exac- 
tement la  position  du  temple  de  la  Mecque  avait  donné  naissance  à 
des  traités  spéciaux  qu'Ibn  Khordadbeh  n'avait  pu  manquer  de  con- 
sulter. Un  de  ces  traités,  composé  sous  le  rëgne  de  Mamoun ,  par  un 
Persan  originaire  de  Neïriz,  dans  le  Fars,  était  répandu  dans  le  pu- 
blic. Mustaufy  en  a  fait  usage,  en  le  complétant,  au  début  de  la 
description  de  la  Perse  qui  termine  son  Noiizhet.  Kazvîny  [Athar 
el-Bilad,  p.  76)  a  donné  un  plan  grossier  de  la  kaabah ,  entouré 
de  médaillons  dont  les  légendes  indiquent  la  position  des  principales 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  231 
van,  de  Dinaver,  de  Nèbavend ,  de  Hamadân ,  d'Ispa- 
hân ,  de  Rey ,  du  Tabaristân  ,  de  tout  le  Khoraçân ,  du 
pays  des  Khozar  et  des  deux  parties  de  l'Inde  (c'est-à- 
dire  en  deçà  et  au  delà  del'Indus)  s'orientent,  pour 
prier,  vers  le  mur  où  se  trouve  la  porte  de  la  kaabab. 
Le  pôle  nord  est  donc  à  gaucbe,  relativement  au 
centre  de  l'Orient.  Le  Tibet ,  les  contrées  babitées  par 
les  Turcs ,  la  Cbine ,  Mansourah  et  tous  les  pays  situés 
à  six  degrés  au  delà  du  centre  de  TOrient  se  tour- 
nent vers  la  pierre  noire  ^  Les  babitants  du  Yémen 
se  tournent,  dans  leurs  prières,  vers  Van^le  yémény; 
ils  ont  alors  en  face  d'eux  les  habitants  de  l'Arménie. 
Les  peuples  du  Maroc ,  de  l'Afrique  (septentrionale) , 
de  la  Syrie,  d'Algeziras  et  du  centre  du  Magreb,  se 
tournent  vers  l'angle  chamy  (syrien);  par  conséquent 
ils  font  face  aux  habitants  de  Mansourah. 


DESCRIPTION   DES   PROVINCES. 

Commençons  par  le  Saivad  (portion  cultivée  de 
la  Mésopotamie).  Les  rois  de  Perse  l'avaient  sur- 
nommé le   Cœar  de  l'Irak   udil   iranschebr^.  »  Le 

contrées  du  monde  musulman  autour  de  «la  maison  sainte.  »  (Cf. 
Reinaud,  Inlrod.  à  la  géogr.  d'Abou'lfeda,  carie,  p.  cxcviii.  ) 

*  La  pierre  noire  est  encastrée  dans  le  mur  qui  fait  face  à  l'orient. 
(  Voyages  d'Ali-Bey,  II,  346.)  Il  faut,  je  pense,  donner  au  mot  p-y^ 
qui  se  lit  ici,  la  valeur  de  78  milles,  ainsi  que  le  dit  Birouny  d'après 
le  calcul  attribué  à  Ptolémée.  (Kazvîny,  Cosmographie ,  p.  i46.)  On 
obtient  ainsi  45o  milles  ou  i  5o  parasangcs,  à  raison  de  3  milles 
pour  une  parasange. 

^  Yakout  a  transporte  une  partie  de  ces  détails  dans  son  grand 
dictionnaire  géographique.  On  sait  que  le  mot  Irak  est  la  transcrip- 
tion arabe  de  Irak,  vocable  parsi  tiré   du   sanscrit   arya  et  ayria 


232  MAKS-AVRIL    1805. 

Sawad  se  compose  de  douze  districts  «koureh,)) 
chaque  koureh  IbrnianL  un  asitâii;  il  renferme 
soixante  cantons  «taçoudj.»  D'autres  traduisent 
iisitân  par  a  arrondissement^  »  et  taçoudj  par  nahjeh 
((  canton;  »  d'autres  donnent  à  asiiân]e  sens  de  u  lieu, 
résidence.  »  Enfin  (selon  une  opinion  diiïérente) ,  le 
Sawad  se  divise  en  quarante-huit  cantons. 

J.  Asitàn  de  Schad-Firouz,  chef-lieu  Houivân; 
cinq  cantons  :  \°  Firouz-Kobad;  2"  Djebhoul  ; 
y  Takwa;  /i"  Irbil  ;  S*'  Rhanikîn. 

RIVE  ORIENTALK   DU  TIGRE.  TAMARRA. 

IL  Asitân  de  Shad-Hormuz,  sept  cantons  :  i°Bu- 
zurg-Sabour;  2°Nehr-bouk;  3"  Kelwada  etNehrbîn; 
A^Khazer;  5'' la  Vieille- Ville;  6' h  Haut-Radàn; 
7"  le  Bas-Radân. 

m.  Asilân  de  Schad-Kobad,  huit  cantons:  i°Kous- 
toukbad  ;  2°Mehroud  ;  3"  Silsil  ;  lx°  les  Deux-Djaloula  ; 
5°  les  Deux-Zab;  6°  Bendendjeïn  ;  y''  Beraz  er-Roud  ; 
8°  Deskereh  et  les  deux  bourgades  (rousiakaïn). 

]\'.   Schada-hân-Khosrou'^,  cinq  cantons:  1°  le 

«homme  vertueux;»  c'est  un  nom  commun  ;\  toule  la  race  des 
Arians.  Le  persan  moderne  a  conserve?  la  forme  Iran  qui  désigne 
la  Perse.  M.  Reinaud  pense  que  le  nom  Irak  fut  appliqué  d'abord 
au  royaume  de  la  Mésène  et  de  la  Kliaracène ,  et  qu'il  s'étendit  plus 
tard  à  la  Babylonie.  [Mém.  sur  le  royanni'j  de  la  Mésène  et  de  la  Cha- 
rachxe,  p.  60.) 

'  Au  lieu  de  'è'^Xs^  ,  je  lis  'o\y^  «tractus,  regio.» 
■-'  Je  pense  qu'il  faut  lire,  avec  \ako\i{ySchadè-djâni-Khosron  «la 
joie  de  l'âme  de  Cosroès.  »  Cependant,  d'après  ce  qui  e.U  dit  dans 
le  Méraçid,  ce  district  paraît  avoir  été  plus  communément  connu 
sous  le  nom  de  Khosron-Sahour,  et  par  abréviation  Khasrahonr. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  233 
Haut-Nehrcvvan;  2°  le  Bas-Nehrewân  ;  3°  le  Moyen- 
iNehrewân;  /i"  Baderaïa;  f)°  Bakoiisaya. 

TERRITOIRES    ARROSES    PAR    LE    TIGRE    ET    L'EUPHRATE    REUNIS. 

V.  Asitân  de  Sabour  (nommé  aussi)  district  de 
Kesker,  quatre  cantons:  i°Zendaverd;  ^''Berboun^; 
3"  el-Ustnd;  /i"  ei-Djevazireb. 

VI.  Asitân  de  Schad-Babman ,  quatre  cantons  : 
1"  Babman-Ardechir;  2"  Meïsan;  3°  Dest-Meïsân; 
4°  Eberkobad  2. 

TERRITOIRES  ARROSES  PAR  L'EU  PUR  ATE  ET  LE  PETIT-TIGRE 

(dodjeïl)  l 

VII.  Asitân  el-Ali ,  quatre  cantons  :  i°Mîr-Sabour; 
2°  Mesken;  3°  Rotrobbol;  4°  Badouria. 

^  Ce  nom  ne  se  lit  dans  aucun  traité  géographique;  peut-être 
l'auteur  avait-il  écrit  ciSrîv^  i^oreït  «terre  UioUe  et  légère.»  Dans  le 
Méraçid,  une  localité  du  Sawad  est  ainsi  nommée. 

2  Le  nom  Ardcchir  est  écrit  y^bJ  dans  les  anciennes  copies 
persanes,  de  là  la  leçon  Azdechir,  si  fréquente  dans  Maçoudy, 
Hamzah  d'Ispahân ,  etc.  Babman  signifie  en  parsi  «  sage  et  heureux.  » 
Ce  fut  vers  l'an  225  de  Jésus  Christ  qu'Ardecliir,  après  avoir  détrôné 
les  Arsacides,  fit  la  conquête  de  la  Mésène  et  lui  donna  son  nom. 
(Voyez  le  passage  de  Hamzah  sur  cette  expédition,  Recherches  sur  la 
Mésène,  elc.  par  M.  Reinaud,  p.  46  et  suiv.)  La  description  de  Dest- 
Meïsan  «la  plaine  de  Mésène»  se  trouve  dans  Saint-Martin  [Hisl.  et 
géogr.  de  la  Mésène,  etc.  p.  69.)  Le  nom  du  quatrième  canton  cité  ici 
est  écrit  Ebezkobad  dans  Yakout  et  le  Méraçid.  Ainsi  que  l'auteur 
du  Mo'djem  le  remarque,  plusieurs  historiens  musulmans  ont  con- 
fondu ce  canton  avec  celui  d'Erradjân,  dans  la  Susiane.  (Cf.  mon 
Dict.  de  la  Perse,  p.  10.) 

■■'  La  copie  A  lit  iJ^^  «  !c  Tigre  ;  »  l'inexactitude  de  cette  leçon  est 
démontrée  par  ce  qui  précède.  Au  rapport  de  Yakout,  dans  le  Mosch- 
tarik,  on  nomme  Dodjeïl  un  canal  qui  prend  naissance  au-dessous 
f.  .  i6 


i^34  MARS-AVIUL   1865. 

VIII.  Asitân  ou  district  d'ArcIrchir-Bnbeguân , 
cinq  cantons:  i°  canal  de  Schîr;  2"  Roiimakân  ; 
•3°  Routa;   Zi'^  canal   Derkit;  5°  canal  Djoubarah  ^ 

IX.  District  de  Diwamastân,  ou  des  Zab,  trois 
cantons  :  1°  Zab  supérieur;  2°  Zab  moyen;  3"  Zab 
inférieur'-^. 

X.  District  du  Haut- Bebkobad,  six  cantons: 
1°  Babel;  2°  Kboutarnyab;  3°  Haute-Felloudjab  ; 
/i"  Basse-FeJloudjab^:  5°  les  Deux-Canaux;  6°  Aïn 
et-Tarnr  ((  la  Source  du  palmier.» 

de  Sorramènrâ,  et  se  dirige  sur  Bagdad  ,  à  travers  un  territoire  vaste 
et  fertile.  (Cf.  Description  du  pachalik  de  Bagdad,  par  Rousseau; 
Chrestom.  arabe,  I,  78.  )  L'asitân  el-Ali  fut  nommé  plus  tard  Nehr- 
ïça,  lorsque  l'oncle  du  khalife  Mansour  y  fit  creuser  un  canal. 
[Ahou'l-Féda,  trad.  française,  p.  67.)  C'est  le  nom  de  Mesken  qui 
avait  fait  croire  à  d'Anville,  égaré  par  le  témoignage  mal  compris 
de  Pline  le  Naturaliste,  qu'il  y  avait  deux  Mésènes,  dont  l'une  était 
placée  plus  au  nord.  Le  canton  de  Kotrobbol  (cette  prononciation 
est  donnée  par  le  Kamous  et  le  Moschtarik)  était  cité  à  côté  de  ceux 
de  Salyhia  et  de  Tizen-Abâd,  pour  ses  fameux  coteaux  :  ces  trois 
noms  se  rencontrent  souvent  dans  les  poésies  bachiques  d'Abou- 
Nowas.  (Voyez  Od^s  27,  36  et  passim,  édition  Ahlwardt. ) 

'  Parmi  les  canaux  dérivés  du  Petit-Tigre,  Yakout  mentionne  le 
canal  de  Scljirîn,  qui  ré|  ond  an  canal  nommé  ici  Scliîr.  Le  canal 
Derkit, qui  ne  se  trouve  nulle  part  ailleurs  sous  cette  forme,  est  peut- 
être  pour  Di'ïr  aie  couvent»  dont  il  est  question  dans  le  Mo'djem 
clBouldan.  Au  lieu  de  Djoubarah,  qui  est  la  vraie  leçon,  le  texte 
porte  el-Hoicaïzah.  Sur  le  canal  Kouta,  cf.  Abou'1-Féda,  ibid.  p.  67. 

2  Le  haut  Zab  est  surnommé  Medjnoiin  oie  fou»  à  cause  de  la 
violence  de  ses  eaux; il  commence  entre  Moçoul  et  Arbelles,  et  se 
jette  dans  le  Tigre,  prbs  de  Essînn.  Le  Zab  moyen  finit  dans  le 
canton  dcNômanyab.  Le  petit  Zab  passe  entre  Arbelles  et  Dakouka, 
avant  de  se  réunir  au  Tigre  (Yakout,  Abou'lFéda).  F.nfin  il  est 
question ,  dans  le  Moschlarik ,  d'un  quaU'i^me  canal  nommé  encore 
Zab,  qui  sort  de  l'FiUphrate  et  se  jette  dans  le  Tigre,  près  de  VVaçit. 

'   Les  deux  lexicogr.iplies  Djevvhcry  cl  Firotizâbàdy  disent  <[u'oii 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.     235 

XI.  Bebkobad  moyen,  quatre  cantons  :  i°  cl- 
Djenneh  et  el-Bedat;  i""  Soiira;  3°  Barbiçya;  4°  Ba- 
rousema;  5°  Nehr  el-Mélik  «  canal  du  roi^  » 

XII.  Bas-Behkobad,  cinq  cantons:  i°  Forat-Ba- 
dakla^;  2°  Siiaboun;  3°  Nister;  4°  Boumistân; 
5°  Hormuzdjird.  IVlais,  d'après  une  classification  dif- 
férente, ces  deux  derniers  cantons  sont  formes  de 
la  réunion  de  fermes  prises  çà  et  là  sur  divers  can- 
tons. 

L'impôt  foncier  des  districts  arrosés  par  le  Tigre 
(et  FEuphrate)  s'élève  à  huit  millions  cinq  cent 
mille  dirhems^. 


nomme  felloudj ah  une  terre  labourée,  arrosée  et  prête  à  recevoir  les 
semailles. 

'  Le  canal  de  Soura  est  le  dernier  bras  qui  met  en  communica- 
tion l'Euphrate  et  le  Tigre,  près  de  Korna;  quanta  l'emplacement 
de  la  ville  de  Soura,  il  a  donné  lieu  à  de  sérieuses  difficultés.  (Voyez 
Aboul-Feda,  trad.  p.  67.)  Le  Canal  royal,  en  araméen  Nahr-Malha, 
est  décrit  par  Saint-Martin  (Mémoire  cité,  p.  68). 

-  Le  nom  de  Forât  est  déjà  cité  par  Pline  {Hist.  nat.  VI,  xxxii). 
Saint-Martin  (même  ouvrage,  p.  29  et  suiv.)  place  ce  canton  un  peu 
au  nord-ouest  du  canal  el-Hajfar,  entre  Basrah  et  l'ancienne  ville  de 
Charax.  Sur  les  différentes  lectures  du  mot  hadakla ,oti  peut  consulter 
les  notes  et  additions  au  Meraçid  par  Juynboll  (I,  p.  171). 

'  Soit  5,626,000  francs,  à  raison  de  o^65  par  dirhem.  Ce  chiffre 
ne  s'accorde  pas  exactement  avec  les  sommes  portées  dans  les  ta- 
bleaux qui  vont  suivre;  je  ne  sais  si  l'on  doit  en  accuser  l'auteur  ou 
les  copistes.  Mais  il  est  hors  de  doute  que  ce  petit  paragraphe  est  mal 
placé  dans  les  deux  copies,  puisqu'il  se  trouve  entre  les  deux  der- 
niers districts  réunis  sous  le  nom  collectif  de  Bebkobad.  Sa  place 
naturelle  est  ici,  à  la  suite  des  douze  districts  qui,  selon  l'auteur, 
forment  le  Sawad,  et  avant  l'évaluation  des  ressources  agricoles  et 
financières  de  cette  province. 


16. 


!36  MARS-AVRIL  1865. 


OBSERVATION    PRELIMINAIIIK. 


J'ai  disposé  ce  qui  suit  en  tableau,  pour  éviter  des  redites 
faliganles,  et  aussi  pour  que  le  lecteur  puisse  saisir  dans 
leur  ensemble  les  chiffres  disséminés  dans  le  texte.  Un  mol 
d'explication  me  semble  nécessaire  sur  la  valeur  delà  mesure 
de  capacité  et  des  monnaies  dont  se  sert  Ibn  Khordadbeh. 
Firouzâbâdy  assure  que  le  korre  d'Irak  vaut  six  charges  ou 
soixante  kafiz ,  soit  quarante  ardeh.  Le  kafiz  contenant  douze 
saa  et  chaque  saa  pesant  à  peu  près  deux  litres  et  demi,  le 
korre  peut  être  évalué  à  18  hectolitres  environ.  C'est  aussi  par 
approximation  qu'il  convient  de  déterminer  la  valeur  du 
dinar  et  du  dirhem ,  c'est-à-dire  de  la  monnaie  d'or  et  d'ar- 
gent. On  sait  combien  le  taux  en  a  varié  dans  les  premiers 
siècles  de  l'hégire  :  ainsi  le  dinar,  de  i4  francs,  son  cours 
primitif,  est  descendu  au-dessous  de  7  francs;  pareille  fluc- 
tuation a  été  subie  par  le  dirhem.  Afm  de  ne  pas  exagérer 
des  chiffres  déjà  considérables ,  j'ai  donné  ici  au  dinar  la  va- 
leur moyenne  de  10  francs,  ce  qui  met  le  dirhem  entre  65  el 
70  cenlimes,  en  comptant  i5  dirhems  au  dinar,  ainsi  que 
le  fait  Kodama  dans  son  Livre  de  l'impôt.  (Cf.  Journ.  asiat, 
5*  série,  XX,  p.  179.)  Nous  aurons  ainsi  : 

Korre 18  hectohtres. 

Dinar 10  francs. 

Dirhem.  ....    G5  à  70  centimes. 


TABLEAU  STATISTIQUE 

DU  SAWAD. 


238 


MARS-AVRIL  1865. 

TABLEAU  STATI> 


POSITION 

RIVERAINE. 

CANTONS. 

NOMBRE    II 
des 

BOOnGAOES(l).  1 

NOMBRE 

SES  GRANGES. 

KORRES 

DE  Kl  ■ 

/   El-Anbar 

5 

200 

2,3oo 

Kotrobbol 

lO 

220 

1,000 

Mesken 

6 

io5 

3,000 

Badouria 

i4 

420 

3,5oo 

Canal  de  Scbîr 

lO 

2/io 

1,700 

Roumakân 

lO 

220 

3,3oo 

Koutha 

9 

220 

3,000 

Canal  Derkit 

9 

125 

2,000 

Canal  Djoubarah.  .  .  . 

lO 

227 

1,700 

Les  (trois)  Zab 

12 

2txl\ 

1,700 

Région  occidentale 
du  Sawad, 
arrosée  par       ^ 

le  Tigre 
et  l'Euplirale, 

Babel  et  Kbatarnyab. 
Haute-Felloudjah..  .  . 
Basse-Felloudjah.  .  .  . 
Les  deux  Canaux. .  .  . 

i6 

i5 

6 

3 

378 

24o 

72 
81 

i,i5o 

1,000 

3oo 

A  n  et-Tamr 

Djenneh  et  Bedat..  .  . 

3 

8 

i4 
71 

3oo 
1,200 

Soura  et  Barbiçya.  ,  . 

lO 

265 

700 

Barousama  etNabr  el- 
Mélik.. 

lO 

66/4 

i,5oo 

Sinnîn(6)etlesWakf. 

5oo 

Forat-Badakia 

lO 

271 

2,000 

Silahouu  (8) 

II 

34 

1,000 

Confluent 

ri  oc 

Roumistân     et     Hor- 

muzdjird 

Nister 

II 
7 

5oo 

i63 

i ,  2  5  0 

Iffhar  f  1  oV .  . 

Kesker,  canal  de  Sil- 
lah,      Rikkat     et 

} 

'  3,000 

deux  Heuves, 

Reyén. 

A  reporter,  .  . 

i83 

4.524 

37,6(- 

LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES. 
IIQUE  DU  SAWAD. 


239 


KORRES 

D'ORGE. 

PRODUIT 

DE    L'IMPÔT 

en  dirhems. 

OBSERVATIONS  DU  TRADUCTEUR. 

j,4oo 

i5o,ooo 

(i)  II  y  a  une  faute  dans  le  texte;   il  faut  lire  bourgades 

1,000 
1,000 

300,000(2) 
3oo,ooo 

«  resatik  » ,  au  lieu  do  taçondj. 

(2)  Le  texte  porte  trois  cents  seulement  ;  l'erreur  est  évidente. 

1,000 

1,000,000 

1,700 

ffl 

(3]   Les  copies  présentent   ici  une  lacune,  suivie  des  mots 

3,o5o 

35o,ooo 

cinq  mille.  Dans  Kodaraa  ,  où  tous  les  chiffres  de  cet  article  se 

2,000 
2,000 

i5o,ooo 
1 5o,ooo 

rapportent  aux  nôtres,  on  lit  i5o,ooo  diihems;  mais  si  cette 
leçon  était  acceptée,  le  total  de  l'impôt  dépasserait  le  chiffre 
de  8  millions  et  demi,  représentant  la  contribution  en  numé- 

6,000 

i5o,ooo 

raire  du  Sawad.    Pour  obtenir  cette  somme,    l'impôt  de  Ba- 

7,200 

260,000 

douria  doit  être  estimé  43, 160  dirhems  seulement. 

(4)- 

35o,ooo 

(4)   Le  produit  de  l'impôt  en  espèces  étant  le  même  dans 

5oo 
3,000 

70,000 
280,000 

Kodama,    oa    peut  combler  ainsi   les    chiffres  omis  :  3, 000 
korres  de  blé  et  5, 000  korres  d'orge. 

4oo 

75.000 

Il  00 

5 1,000 

1,600 

i5o,ooo 

2,4oo  (5). 

100,000 

(5)   Korres  de  riz. 

4,5oo 

25o,O0O 

5,5oo 

2,500(7). 

260,000 

(6)  «Sous  ce  nom,  ajoute  l'auteur,  sont  réunies  plusieurs 

900,000 

fermes  enlevées  à  différents  cantons.  Les  produits  en  nature  et 

1 ,5oo 

i4o,ooo 

en  espèces  y  sont  prélevés  à  litre  de  dîme  aamônière.  » 

5oo 

10,000 

{7)  Orge  et  riz. 

(8)  «Dans  ce  canton   sont  compris   Khawarnak   et    Tizen- 

2,000(9) 

3oo,ooo 
2oo,84o 

Âbàd. » 

(9)  Korres  d'orge  et  de  riz. 

(10)  On  nomme  ainsi  des  terres  de  franc  alleu,  prises  sur 

plusieurs  cantons  et  dont  l'impôt  entre  dans  le  trésor  particu- 

20,000 
orge  et  riz.) 

70,000(11) 

lier  du  khalife.  (  Voy.  mon  Dictionnaire  de  la  Perse,  à  ce  mot.  ) 

(11)  Le  texte  de  Kodaraa  porte  2  70,000  dirhems,  ce  qui  est 

évidemment  une  erreur.   Si  l'on  adoptait  ce  nombre ,  on  au- 

7i,i5o 

5,996,840 

240 


MARS-AVRIL  1865. 


POSITION 


niVEBAINE. 


Les  trois 
Nahre>Yân. 


Région  orientale 
du  Sawad. 


CANTONS. 


Report 

Buzurg-Sabour 

Radàn 

Canal  de  Bouk 

Kehvada,     canal     de 

Bîn 

Djazcr  et  la  vieille  ville. 
Les  deux  Djaloula .  .  . 

Deçîn 

Deskereh 

Beraz  er-Roud 

Bendendjeïa 

Haut-Nahrewàn 

Moyen-Nahrewàn.  .  .  . 

Bas  Nabrewân 

Badouria ,  Baksaya .  .  . 

Total  (i) 


i83 

9 

'9 


255 


NOMBRE 

DES  GRANGES. 


/l,52/i 
260 
302 

34 


116 
66(?i 
23o 

a 
26 
54 


5,656 


K  0  R  R  F.  s 

DE  BLÉ. 


37,600 

2,5oo 

4,800 

200 

1,600 

1  ,00u 

1,000 
700 
1,000 
3,000 
600 
2,700 
1,000 
1 ,000 
4,700 


63,4oo 


(i)  On  a  vu  précédemment  que  l'auteur  évaluait  l'iuipôt  du  Sawad  à  8,5oo,ooo 
dirhems,  tandis  qu'ici  nous  trouvons  seulement  3,450,84o.  Cette  difFérence  de  43, 160 
dirhams  sur  8  millions  et  demi  peut  s'expliquer  par  des  fautes  de  copistes,  fautes  iné- 
vitables dans  une  aussi  longue  nomenclature.  11  est  d'ailleurs  aisé  de  la  combler,  si  l'on 
admet  notre  conjecture  sur  les  chiffres  omis  à  l'article  Canal  de  5c/iir.  Le  total  de  Kodama 
présente ,  comme  on  devait  s'y  attendre,  des  chiffres  très-différents,  à  savoir  :  8,095,800 
dirhems,  117,200  horres  de  blé,  99,721  horres  d'orge.  Mais,  comme  M.  de  Slane  l'a 
judicieusement  remarqué,  il  y  a  un  tel  désaccord  entre  les  groupes  partiels  et  le  total  ré- 
sultant de  ces  mêmes  groupes  additionnes,  qu'il  est  impossible  de  prendre  ces  nombres 
pour  termes  de  comparaison.  Kodama  ajoute  à  sa  liste  une  indication  fort  précieuse  cl 
([ui  mérite  d'être  signalée  ici  :  il  nous  apj>rcnd  qu'un  liorre  de  blé  et  un  korre  d'orgo 
pris  ensemble  valent  60  dinars  monnayés.  Appliquant  celte  même  valeur  au  produit  des 
céréales,  tel  qu'il  nous  est  fourni  par  Ibn  Khordadbeh ,  je  trouve,  en  tenant  compte 
des  lacunes  du  texte,  environ  5o  millions  de  francs  pour  le  produit  annuel  des  ré- 


■'oltcs ,  ou  un  peu  j 


>lns 


l'on  adopte  la  récapitulation  do  Ko(l;«ma.  Mais  il  est  csscn- 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES. 


241 


r.RES 

PRODUIT 

; 'JRGE. 

DE  L'IMPÔT 

en  Jirheras. 

OBSERVATIONS  DU  TRADUCTEUR. 

.  1  5o 

5,996,840 

.200 

3oo,ooo 

rait,  pour  l'inipôt  du  Sawad ,  un  chiffre  supérieur  au  total  qui 

120,000 

résulte  de  l'exameudece  tableau.  D'ailleurs  Kodama  ajoute,  en 
note,  que  le  même  canton  payait  précédemment  90,000  dir. 

l,C>0O 

100,000 

il  serait  difficile  d'expliquer  une  plus-value  aussi  considérable, 

i,5oo 

33o,ooo 

et  en  si  peu  d'années,   le  produit  des  récoltes  étant  reste  le 
même. 

1,700 

25o,ooo 

1,000 

100,000 

1 3,000 

4o,ooo 

1,000 

70,000 

2,000 

1  20,000 

5oo 

100,000 

1,800 

35o,ooo 

5oo 

100,000 

1,200 

i5o,ooo 

5,000 

33o,ooo 

(1)    La  conversion  des  cbiflies  des   trois  dernières  colonnes 
donne  les    résultats   suivants   :  blé,    i,i4i,30o    hectolitres; 

o3,55o 

8,/i56,8/io(i) 

orge,  1,863,900  hectolitres;  numéraire,  5,496,946  francs. 

el  de  se  rappeler  que  ,  dans  le  tableau  de  cet  auteur,  comme  dans  le  mien ,  il  est 
ueslion  uniquement  du  produit  brut  de  la  terre  pour  une  année.  Or  il  résulte  de 
aveu  des  écrivains  les  plus  sérieux  ,  Mawcrdy,  l'auteur  du  Multeka ,  etc.  que  le  Sawad 
ut  déclaré  par  Omar  terre  kharadjydi  et  soumise  au  Uharadj  moukaçcmè,  c'est-à-dire 
l'impôt  proportionnel.  La  quotité  ordinaire  de  cet  impôt  étant  le  dixième ,  on  voit 
ue  le  droit  du  trésor  sur  le  rendement  de  cette  province  s'élevait  à  5  millions  de 
rancs.  Ajoutons  à  cette  somme  6  millions  de  francs,  produit  de  l'impôt  en  numé- 
airc,  plus  8  à  10  millions  pour  les  dîmes  aumônières  des  deux  grands  centres  «misr» 
iasrah  et  Koufab ,  et  nous  obtenons  un  cbiffre  de  20  millions  pour  la  province' du 
iawad  seulement.  11  résulte  encore  du  renseignement  fourni  par  Kodama  que ,  vers  le 
■iiilieu  du  m*  siècle  de  l'hégire,  l'hectolitre  de  blé  ou  d'orge  valait  de  i6  à  17  francs. 
]es  curieux  renseignements,  qu'on  chercherait  vainement  dans  les  chroniques' musul- 
aanes,  reposent,  on  le  voit,  sur  des  témoignages  authentiques;  ils  feront, je  l'espère', 
xcuscr  la  sécheresse  et  le  désordre  du  document  dont  j'ai  entrepris  la  publication. 


242  MARS-AVRIL  1865. 

Le  district  de  Schad-Firoiiz ,  qui  n'est  autre  que 
le  pays  de  Houlvân,  est  imposé  à  1,800,000  di- 
rhems,  y  compris  les  sommes  payées  par  Jes  popu- 
lations catholiques  et  kurdes. 

HISTOllIQUE   DE  L'IMPOT  DU  SAWAD. 

Sous  le  roi  Robad,  fils  de  Firouz,  l'impôt  était 
de  i5o  millions  de  miskals  ^  Omar,  fils  de  Khattab 
(que  Dieu  lui  fasse  miséricorde!),  ayant  ordonné  de 
procéder  au  cadastre  du  Sawad,  qui  a,  en  long, 
26  parasanges,  depuis  el-Haditlia  jusqu'à  Abbadân, 
et  en  large,  85  parasanges,  du  coteau  de  Houlvân 
jusqu'à  el-Odaïb ,  le  résultat  de  cette  opération  fut 
36,000  arpents  [cljérib).  Alors  le  khalife  établit  les 
taxes  suivantes  :  un  arpent  de  blé  =  4  dirhams  ; 
un  arpent  d'orge  ==:  2  dirhems-,  un  arpent  de  pal- 
miers^ 8  dirhems;  un  arpent  de  vignes  ou  d'arbres 
fruitiers  =  6  dirhems  ^.  La   capitation   fut  établie 

^  On  verra  plus  loin  que  la  valeur  attribuée  à  celte  quantité  par 
Tauteur  lui-même  est  de  33  dirhems,  plas  une  fraction. 
*  En  d'autres  termes  : 

1  arpent  blé 2^  60" 

id.      orge 1    3o 

id.       palmiers.  .  .    5    20 
id.       vigucs  ] 

et  >  ...  3  90 
vergers ) 
Tout  ce  qui  est  dit  ici  de  l'impôt  établi  par  Omar  est  traduit,  dis- 
cuté et  enrichi  de  documents  nouveaux,  par  Hamd  Allah ,  l'auteur  du 
Nouzhel  el-Kouloub.  Je  l'egretle  de  ne  pouvoir  ajouter  à  ma  traduc- 
tion le  travail  du  géographe  persan;  mais  j'espère  publier  tôt  ou 
tard  son  intéressant  livre  sur  la  topographie  de  la  Perse,  dénaturé 
et  mis  en  lambeaux  par  Langlès ,  dans  les  notes  du  Voyage  de  Chardin. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  243 
sur  5oo,ooo  têtes,  en  tenant  compte  des  difFérentes 
classes  de  tributaires.  En  résumé,  Omar  fixa  l'impôt 
du  Sawad  à  i  20  millions  de  dirhems.  (Il  y  a  ici  une 
erreur  du  copiste;  il  faut  lire  seulemenl  20  millions 
de  dirhems,  soit  i3  millions  de  francs.) 

El-Haddjadj ,  fds  de  Youçouf ,  par  son  gouverne- 
ment tyrannique  et  son  despotisme  fantasque  ^  ne 
put  tirer  de  cette  province  plus  de  1 8  millions  de 
dirhems;  encore  dut-il  consentir  un  dégrèvement 
de  deux  millions ,  de  sorte  que  l'impôt  ne  produisit  pas 
plus  de  16  millions  de  dirhems  (io,4oo,ooo  francs). 
Il  défendit  aux  cultivateurs  de  tuer  les  bœufs ,  croyant 
que  cette  mesure  suffirait  pour  développer  l'agricul- 
ture. C'est  ce  qui  a  fait  dire  à  un  poëte  : 

Quand  nous  déplorons  devant  lui  la  ruine  de  l'Irak,  lin- 
sensé,  il  nous  interdit  la  chair  de  nos  bœufs! 

La  monarchie  des  Perses  avait  établi^  un  impôt 
de  trente  millions  de  dirhems  surleDjebal,  l'Azer- 
baïdjân,  Rey,  Hamadân,  les  deux  Mah,  le  Tabari- 
stân,  Nèhavend,  Koumès,Maçabadân ,  Mihrdjânka- 
dak  et  Houlvân. 

^  Ce  prince  fut  envoyé-en  Irak ,  à  ^'âge  de  trente-trois  ans,  et  gou- 
verna cette  province  pendant  vingt  ans.  [Dici.  arabe  de  Nawawy, 
éd.  Wûstenfeld,  p,  \<m.) 

^  L'auteur  emploie  le  mot  ja^  qui  indique  un  payement  en  dif- 
férents termes.  Dans  l'ancienne  comptabilité  ottomane,  la  solde  de 
l'arm(fe  se  payait  par  qjsteïn,  c'est-à-dire  par  semestres.  (Voyez  Hist. 
économique  de  la  Turquie,  par  M.  Belin ,  Journ.  asiat.  1 864  ,111,  482 .) 


244  MARS-AVRIL   1865. 

RÔLE  DE  L'IMPÔT  PAYÉ  À  ABOU'L-iBBAS  AIJD  ALLAH,  FILS  DE 
TAHER,  FILS  DE  HUÇEÏN,  PAR  LE  KHORAÇÀN  ET  LES  AUTRES 
PROVINCES  SOUMISES  À  SON   AUTORITE,   L'AN    211    ET   212  '. 

Dii'heius. 

Rey 10,000,000 

Koumès  (Comisèiie) 2,170,000 

Djorcljân  ' 1  o,  1  70,000 

Le  Kermàn.  Celte  province,  dont  les  villes  prin- 
cipales sont  :  Baft,  Diliislàn  ,  Moukàn  et  Rer- 
mân,  a  180  parasanges  en  long  et  en  large. 
Sous  les  Sassanides,  Timpôt  était  de  60  mil- 
lions \  aujourd'hui  il  est  seulement  de 5, 000, 000 


Wl  y  a  ici  une  erreur  très-grave,  mais  dont  les  copistes  sont  seuls 
responsables ,  car  il  est  impossible  que  l'auteur  ignorai  la  date  d'évé- 
nements presque  conlemporains  et  aussi  important?.  Il  faut,  au  lieu 
de  2  1 1  et  2  I  2  ,  lire  221  et  222.  Nous  savons,  par  le  témoignage  de 
Hamzah  d'fspahàn  (p.  179),  qu'Abd  Allah,  fils  de  Taher,  reçut  du 
khalife  Mamoun  le  gouvernement  du  Kboraçân  en  2i5  (septembre 
S3o),  qu'il  administra  cette  province  pendant  quatorze  ans,  et 
mourut  en  280,  sons  le  règne  de  Wathik.  Celte  assertion  est  con- 
lirmée  de  point  en  point  par  Yacouby,  dans  son  Historique  du  gou- 
vernement du  Ivhoraçân  (éd.  JuynboU,  p.  ^\  ).  Enfin  Kodama  nous 
apprend  qu'une  répartition  de  l'impôt  fut  faite  par  Abd  Allah ,  fils 
de  Taher,  l'an  221  (836  de  J.  C),  et  c'est  là  très-certainement  le 
document  dont  Ibn  Khordadbeh  avait  une  copie  sous  les  yeux.  (Cf. 
Journ.  asiat.  août  1862  ,  p.  169.) 

^  Voici  l'impôt  payé  par  ces  trois  provinces  un  siècle  plus  tard  ; 
je  tire  les  chiffres  qui  suivent  du  manuscrit  de  Mokaddessy  appar- 
tenant au  docteur  Sprenger,  fol.  260.  «Rey,  10  millions;  Koumès, 
1,196,000;  Djordjân,  10,196,800.»  L'auteur  ajoute  :  «  Dinaver 
paye  3  milhons;  Koumni,  2  millions;  Saïmarah,  3, 100,000  dir.; 
Kachân,  1  million;  Démavcnd,  10  millions.  »  (i6u/.) 

^  Mokaddessy  dit  (jue  le  Kermàn  payait  encore  Go  millions  au 
moment  où  il  écrivait;  mais  je  crois  qu'il  y  a  une  erreur  de  copie  en 
cet  endroit.  Dans  Kod.ima,  on  lit  6  millions. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.     245 

Dirlieips. 

Le  Seïstân  (prélèvement  fait  du  dégrèvement  de 
Firavân  '  et  du  Rokkhedj),  y  compris  le  Zé- 
mîn-Daver  et  le  Zaboulislân,  qui  forment  la 

frontière  du  Tokharisiân 6,776,000 

Les  deux  Tabès 11 3, 000 

Le  Kouhistân 787,080 

Neïsabour;  cette  ville  a  une  citadelle  ^ /i,  108,700 


Tous 

Abiverd 

Serakhs 

MerveChabidjân;  cette  ville  a  une  citadelle.  .  . 

Talikân 

Gordjistân 

Cette  province  paye ,  en  outre ,  une  taxe 
en  nature  de  2,000  moutons. 

Badeghîs 

Herat,  Oustouvah  et  Esfidendj 

Pouchèng 

Province  du  Tokharisiân 

Gourgân 

Rhoulm.    

Khottolân  ^ et  ses  montagnes 

Fatrougas 

Termeta  * 

Eddour  et  Sindjân 


7/10,860 
700,000 
307,440 
,147,000 
2i,4oo 
100,000 


124,000 

,159,000 

559,350 

106,000 

1 54,000 

i2,3oo 

193,300 

4,000 

2,000 

12,600 


^  Ce  mot  est  douieux.  Le  'groupe  de  la  copie  A  pourrait  se  lire 
DeraverdOs^L^.  Le  Méraçid  place  une  ville  de  ce  nom  dans  le 
Klioraçân. 

'^  Kohendiz,  mot  qui  est  constamment  défigure  dans  les  copies. 
L'auteur  entend  par  là  le  centre  politique  d'une  province,  le  siège 
du  gouvernement.  Le  Kohcndiz  est,  pourles^villes  de  l'Orient,  ce  que 
la  Kasbah  était  pour  l'Afrique  septentrionale  et  l'Espagne. 

'  Un  mot  entièrement  illisible. 

^  Ce  nom  et  celui  qui  le  précède  sont  incertains:  ils  me  parais 
sent  répondre  à  qÀ^\.?  et  ^{am^Ju  dans  Edriçy,  [,  48o. 


246  MARS-AVRIL  1865. 

Dîrhcms. 

Endicliarân 10,000 

Bamiân 1 5, 000 

Cliermekàn  ,  Houraers(?)  et  IsFidjab 606, 5oo 

Termed ^7,100 

Soghdân 3,5oo 

Sa'yân A, 000 

Khàn 10,000 

Midedjân 2,000 

Ahazoun(?) 10,000 

ïabab. 20,000 

Baham 20,000 

Saghaniân .  .  .  , 4^,000 

Bassara 7,3oo 

Zagharsen 1 ,000 

Adan  et  Raman 1 2,000 

Plus  treize  chevaux  [sic). 

Kaboul , 2,ooo,5oo 

Plus  2,000  moutons  estimés  6,000  dir. 
Kaboul  est  sur  la  frontière  militaire  du 
1  okharistân.  Les  autres  villes  sont  :  Wa- 
dân,  Khâch,  Khocbhak,  Khibrîn.  Cette 
province,  qui  est  limitrophe  à  l'Inde,  pro- 
duit le  cocotier,  le  safran  etlemyrobolan. 

Bosl 90,000 

Kech 111 ,5oo 

Nîm  (Nîmrouz) 5, 000 

Badekîn  (?).... 6,200 

Richlàn  et  Djavân 9,000 

Zaubân 2,220 

Akat 48,000 

Khârezm  et  Khatb  ' 487,000 

Amol : 293,400 

'    En  dirhems  dits  hhârezniy. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.     247 


PAYS  AU  DELA  DE  L'OXUS. 

Dirhcms. 

Boukbara;  cette  ville  a  une  citadelle '  1,189,200 

Le  Soglîd  avec  tous  les  districts  qui  forment  le 

gouvernement  de  Neuh,  fils  d'Açed* 32  6,/|00 

Cette  somme  est  ainsi  répartie  : 

Ferghanah 280,000 

En  dirliems  mohammedy . 

Les  villes  turques à6,l\oo 

En  dirhems  khârezmy  et  moçaïby^.  De 

plus,   1,187    pièces   de    grosse    toile    et 

1 ,3oo  pièces  de  cuivre  ouvragé  (mol  à  mot , 

en  chaudières)  ou  en  plaques. 

Le  chiflre  total  de  l'impôt  (dans  laTransoxiane) 

est t 2,072,000 

En  dirhems  mohammedy. 
Le  Soghd,  c'est-à-dire  Samarcande,  la  mine  de 

sel,  Rech,  Neçef,  Nîm  el  les  autres  districts.      1,089,000 
En  dirhems  mohammedy. 


'  Une  copie  porte  taterjeh ,  l'autre  hataryeh  *^^Ja^.  La  citation 
de  Mokaddessy,  qui  est  donnée  pins  loin,  prouve  qu'il  faut  Wre  ghi- 
trijyehf  du  nom  de  l'auteur  de  cette  monnaie. 

*  Mirkhônd,  Histoire  des  Samanides,  traduite  par  M.  Defrémcry, 
p.  1 13,  dit  que  Nouh  gouvernait  seulement  Samarcande,  et  que  le 
reste  des  provinces  au  delà  de  l'Oxus  avait  été  partagé  entre  ses 
frères,  par  Ghassan,  ministre  du  khalife  el-Mamoun.  Ce  qui  se  lit 
ici  prouve  au  contraire  que  Nouh  réunissait  le  pays  entier  sous  son 
autorité.  Hamzah  Ispaliàny,  dont  les  Annales  furent  rédigées  vers 
35o,  vient  à  l'appui  de  cette  opinion.  Voici  ses  propres  paroles  : 
«Cum  Almamun  e  Chorassana  in  Iracam  proficisceretur,  Nuch , 
fihus  Asadi,  eum  illuc  comitatus  est,  ac  per  plures  annos  tam  assi- 
duum  ei  se  praîbuit,  ut  Transoxanam  auspiciis  Thaheridarum  ah  eo 
regendam  acciperet.  »  (Trad.  de  Goltwaldt,  p.  i85.) 

■^  A  ajoute  nysjeîn  a  deux  moitiés»,  ce  qui  pourrait  se  traduire 
par  «payahle  en  deux  termes.»  (  Voy.  la  note  2,  ci-dessus,  p.  2.43.) 


248  MARS-AVRIL   1865. 

Dirhem». 

Plus 2,000 

En  dirhems  moçaïhy. 

Chach  et  la  mine  d'argent 607,100 

Khcdjendeh 100,000 

En  dirhems  moçaïhy^. 

L'impôt  du  Khoraçâii,  en  y  comprenant  tous  les 
districts  et  cantons  gouvernés  par  Abou'l-Abbas, 
Abd  Allah ,  fils  de  Taber,  s'élève  à  la  somme  de 
4/1,686,000  dirhems,  à  laquelle  il  convient  d'ajouter 
(comme  taxe  en  nature)  i3  chevaux^,  2,000  mou- 
tons, 1,012  prisonniers  de  guerre  et  i,3oo  pièces 
de  cuivre  ouvragé  et  en  plaques  ^. 

^  Les  sommes  données  ici,  ajoutées  à  l'impôt  de  la  province  de 
Boukhara,  formeraient  un  total  de  3,087,800  dirhems.  Il  est  hors 
de  doute  que  plus  d'une  erreur  s'est  glissée  dans  les  copies.  Toute- 
fois, il  se  peut  que  l'auteur  n'ait  pas  compris  dans  sa  récapitulation 
les  taxes  en  nature,  telles  que  étoffes,  métaux,  etc.  En  adoptant 
pour  celles-ci,  d'après  les  données  mêmes  du  texte,  le  chiffre 
i,oi5,3oo  dir.  et  en  ajoutant  ce  total  à  la  somme  de  2,072,000  qui , 
selon  Ihn  Khordadbeh,  forme  le  montant  de  l'impôt  dans  la  Tran- 
soxiane,  on  obtient,  en  dernier  lieu,  8,087,300  dirhems. 

^  Jl  s'agit  probablement  de  chevaux  de  luxe  à  l'usage  des  souve- 
rains. Le  texte  de  Mokaddessy  donne  vingt  chevaux, 

^  Kodama,  qui  ne  travaillait  pas,  il  est  vrai,  sur  des  documents 
de  même  date,  évalue  les  contributions  du  Khoraçân  à  38  millions 
de  dirhems-,  mais  quelques  pages  plus  loin,  dans  sa  récapitulation, 
il  dit  87  millions  seulement.  Cette  contradiction  et  l'omission  de  la 
somme  payée  par  chaque  ville  ou  district  en  particulier  ne  permettent 
pas  de  tenir  grand  compte  de  son  témoignage.  D'autre  part,  un  écri- 
vain contemporain ,  Yacouby,  qui,  sans  avoir  accès  aux  sources  offi- 
cielles, possédait  cependant  des  renseignements  posilifssurl'histoire 
administrative  du  Khoraçân,  termine  ainsi  son  a|ierçu  chronologique 
des  gouverneurs  de  cetle  province  :  «L'impôt  du  Khoraçân  entier 
s'élève  à  ko  milliou.s  de  dirhems,  non  compris  le  quint  prélevé  sur 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      249 

SURNOMS  DES  ROIS  DU  KHORAÇÀN   ET  DE  L'ORIENT. 

Le  roi  de  Neïsabour  est  surnommé  Kenar;  —  le 

les  places  frontières  au  profit  dos  Tahérides.  Indépendamment  de 
celte  somme,  dont  ils  ont  la  jouissance  pleine  et  entière,  ils  reçoi- 
vent encore  treize  millions  et  de  riches  cadeaux,  de  la  part  du  kha- 
life. »  (Texte  arabe ,  p.  <lh .)  Un  témoignage  aussi  respectable  doi  t ,  ce  me 
semble ,  trancher  la  question  entre  les  chiffres  incertains  de  Kodama 
et  les  données  qui  résultent  de  notre  texte.  Tant  que  des  documents 
plus  précis  ne  viendront  pas  dissiper  nos  derniers  doutes,  nous  pou- 
vons accepter,  comme  une  approximation  satisfaisante ,  les  sommes 
suivantes  : 

Sawad 20  millions  de  francs. 

Khoraçân  et  Transoxiane. .  .  3o 

Fars 20 

Susiane 20 

90  millions. 


soit  de  90  à  100  millions  pour  les  quatre  provinces  principales  de 
l'empire  des  khalifes.  Je  crois  devoir  ajouter  ici  le  relevé  donné  par 
Mokaddessy,  à  la  suite  de  la  description  du  Khoraçân  et  des  pro- 
vinces situées  au  delà  de  l'Oxus.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  ce  voya- 
geur publia  son  ouvrage  en  376  de  l'hégire  {985  de  notre  ère).  «Im- 
pôts :  Ferghanah,  280,000  dirhems  mohammedy.  —  Chach,  180,000 
dir.  moçaïhy.  —  Khodjondeh  (sur  la  ferme  des  dîmes)  100,000  dir. 
moçaïhy. — Soghd,  Kech  ,  Neçef,  Achrousneh,  1, 089,03 1  [sic)  dir. 
mohammedy.  —  Isfidjab,  4,ooo  et  une  fraction,  plus  un  cadeau  pour 
le  sultan.  —  Boukhara,  1,166,897  ^^r.  nommés  (jhitrifyeh.  Les  trois 
sortes  de  monnaies  dont  il  est  question  ici  doivent  leur  nom  à  trois 
frères ,  Mohammed ,  Moçaïb  et  Ghitrif ,  qui  les  firent  frapper;  elles 
sont  noires,  mais  pUis  estimées  que  les  pièces  blanches.  —  Sagha- 
niân,  48,629. —  Dakhân  ,  4o,ooo. —  Le  Khârezm,  420,1  20  dir.  dits 
khârezmy;  le  dirhem  de  ce  nom  vaut  ^  danck  et  demi.  »  Puis  faisant 
allusion  au  Livre  des  routes  que,  nous  le  savons  par  sa  préface,  il 
avait  quelquefois  consulté,  il  ajoute  :  «J'ai  lu  ailleurs  que  l'assiette 
de  l'impôt,  dans  le  Khoraçân,  esl  44, 800,943  dirhems, plus  20  che- 
vaux, 2,000  moutons,  1,200  esclaves,   i,3oo  pièces  de  cuivre  en 

V  ,n 


250  MARS-AVRIL   1865. 

roi  de  Merve,  Mahavéih^  \  —  le  roi  de  Serakhs, 
Zadaveïh  ;  —  le  roi  d'Endekhoud,  Ba/imrni  (ou  Bah- 
maneh,  d'après  la  copie  A);  —  le  roi  de  Niça,  Ib- 
nan  (?);  —  le  roi  d'Amol,  Anseb  •  amol  chah  ;  —  le 
roi  de  Merve  er-roiid,  Kilân;  — le  roi  d'Isfizar,  Me- 
rahideh;  —  le  roi  du  Kaboul,  Kaboul-chah;  —  le 
roi  de  Termed,  Termed-chah ;  —  le  roi  de  Bamiân, 
Soïd-Bamiâîi;  —  le  roi  du  Soghd ,  Akhchak  ;  —  ic 

chaudières  ou  en  plaques.  »  On  voit  que  le  texte  d'Ibn  Khordadbeh 
qu'il  avait  sous  les  yeux  ne  différait  pas  sensiblement  du  nôtre ,  au 
n)oins  dans  ce  fragment.  Le  même  voyageur  donne,  sur  les  droits 
de  douane ,  des  détails  fort  curieux  et  qu'on  peut  résumer  ainsi  : 
«Ces  droits  sont  légers,  sauf  pourtant  la  taxe  prélevée  sur  les  es- 
claves au  passage  de  l'Oxus.  Nul  esclave  mâle  ne  peut  traverser 
le  fleuve  sans  être  muni  d'une  autorisation  du  sultan;  il  paye  en 
outre  70  à  loo  dirhems;  il  en  est  de  même  des  femmes  réduites  en 
esclavage;  mais  l'autorisation  du  gouvernement  n'est  pas  exigible 
pour  les  esclaves  de  race  turque.  Une  esclave  paye  de  20  à  3o  di- 
rhems; un  chameau  2  dirhems;  un  passager,  pour  son  bagage,  i  di- 
rhem.  Les  voyageurs  sont  fouillés  rigoureusement,  parce  que  les 
lingots  d'argent  qu'on  porte  à  Boukhara  sont  l'objet  d'un  commerce 
important.  Enlin ,  chaque  voyageur  est  soumis  à  un  droit  de  1  dirhem 
ou  d'un  demidirhem  ,  par  relai.  »  (  Fol.  221.) 

*  Ce  paragraphe,  qui  n'est  pas  ici  à  sa  place,  puisqu'il  se  rattache 
naturellement  à  la  section  qui  a  pour  titre,  «Des  rois  de  la  terre,  » 
plus  loin,  p.  2  56,  a  été  si  maltraité  par  le  temps  que  presque  tous 
les  noms  qu'il  renferme  sont  douteux.  L'auteur  du  Modjmei  a  con- 
sacré un  chapitre  au  même  sujet;  mais  l'unique  copie  de  la  Biblio- 
thèque impériale,  dont  j'ai  pu  faire  usage,  et  qui  a  servi  à  M.  Mohl 
pour  les  extraits  publiés  dans  ce  recueil  (IIP. et  IV  série,  i84i- 
i843),  est  elle-même  très-fautive  et  remplie  de  leçons  différentes. 
Je  signale  en  note  celles  qui  semblent  se  rapporter  aux  mêmes  per- 
sonnages. Dans  le  Dictionnaire  persan  intitulé  Dorhan-é-kati',  si  pré- 
cieux pour  l'histoire  et  l'archéologie  de  la  Perse  anté-islamique,  il 
est  dit  que  le  gouverneur  du  Seîslân ,  sous  Yezdidjird,  dernier 
prince  de  la  dynastie  s;»ss;nii(lr" .  sf  noinmaif  Mahaveïli. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  251 
roi  de  Ferganah,  Ikhchidîn  ou  Iklichidiz^;  —  Je  roi 
de  Rounsariân,  Zirîsân;  —  le  roi  de  Gourgân, 
Goiirganân;  —  le  roi  du  Khârezm,  Khârezm-chah; 

—  le  roi  du  Kholtol,  Huçeïn-Khottolân-Khodah^; 

—  le  roi  de  Boukhara,  Khodah;  —  le  roi  d'A- 
chrousneh,  Ifchin;  —  le  roi  de  Samarcande,  Tar- 
Jihoan^;  —  le  roi  du  Seïstân,  Rothil^\  —  le  roi  de 
Rokkhedj,  de  Daver  et  de  Nîm  (rouz),  Doul-na- 
naali^;  — le  roi  de  Vardaneh,  Vardân-chah;  — le 
roi  de  Héral,  de  Pouchèng  et  de  Badeghîs,  Arân; 

—  le  roi  de  Keched,  Madoun;  —  le  roi  du  Djor- 
djân,  Soal;  —  le  roi  de  la  Transoxiane,  Koasân- 
chah  ^. 

Rois  des  petites  tribus  turques  :  Tarkhân.  —  Ni- 
zek.  —  Hourtéguîn,  —  Ramroiin.  —  Ghourek.  — 
Chohrab  '^. 


^  «Le  roi  du  petit  Soghd  est  nommé  Bekteguîn;  le  roi  du  grand 
Soghd,  Ikchîd;  le  roi  de  Bamiân,  Schin.v  [Modjmel,  fol.  271  et 
suiv.) 

'  Les  deux  copies  portent  tantôt  t,  |(>2». ,  tantôt  8  [jcâ.. 

^  Est-ce  la  prononciation  emphatique  et  conforme  aux  habitudes 
persanes  du  vocable  tartare  tarhhân? 

^  Même  leçon  dans  le  Modjmel  et  dans  Yacouby.  L'auteur  du 
Modjmel  ajoute  que  ce  surnom ,  qui  date  de  l'âge  héroïque  de  Rous- 
tem,  est  encore  usité  dans  le  pays.  Maçoudy  [Prairies  d'or,  1\,  21  è,  sous 
presse),  parlant  d'un  combat  singulier  entre  un  Arabe  et  le  chef  du 
Sedjestân,  à  la  bataille  de  Kadiçyeh,  nomme  ce  dernier  Schahriar. 

^  t L'homme  à  la  huppe.»  sobriquet  tiré  de  l'idiome  d'Himyar, 
d'après  le  Kamous. 

®  Peut-être  faut-il  lire  :  Tourân-chah.  L'alphabet  arabe  rend  pos- 
sibles des  confusions  de  ce  genre. 

'  La  déplorable  incertitude  qui  règne  dans  ces  dernières  lignes 
provient  certainement  de  l'auteur,  qui  a  pu  prendre  des  noms  propres 

»7- 


252  MARS-AVRIL  1865. 

DISTRICTS  DE  L'AHVAZ  (sCSIANE). 

Souk  el-Ahvaz.  — Sous.  — Touster.  — Djoundeï- 
Sabour.  —  Rain-Hormuz. —  Eïdedj.  — Asker-Mo- 
krcni.  —  Nehr-Tira. — Sorrak.  — Menadirla  grande 
et  Menadir  ia  petite.  —  (Dépendances.)  Le  canton 
de  Sirv,  ou  Davrak,  et  Sinbil.  —  Le  canton  de  Ba- 
çiân.  —  D'autres  prétendent  que  Touster  dépend  de 
Djoundeï-Sabour,  et  que  Eïdedj,  au  Heu  de  former 
un  district  particulier,  est  enclavé  dans  celui  de 
Ram-Hormuz.  (D'après  une  autre  opinion),  cette 
province  se  divise  en  sept  districts  :  i°  Djoundeï-Sa- 
bour; 2°  Souk  el-Ahvaz;  3°  (les  deux)  Menadir ^ 
â"  Nehr-Tira;  5*^  Ram-Hormuz;  6°  Sorrak;  y^Sous^. 

L'impôt  foncier  de  l'Ahvaz  est  de  3o  miUions, 
celui  du  Fars  également  de  3o  millions^.  Sous  l'an- 

pour  des  titres,  et  les  a  défigurés,  à  mesure  qu'il  les  copiait  ou  les 
entendait  prononcer. 

'  Kodama  écrit  à  tort  Medhar.  Journ.  asiat.  loc.  laiid.  p.  i  68, 
^  Au  rapport  de  Mokaddessy,  cette  division  en  sept  districts  est  la 
seule  en  vigueur  dans  le  pays.  L'unique  variante  que  présente  le  texte 
de  cet  auteur  est  Davrak,  au  lieu  de  Sorrah;  c'est-à-dire  le  nom  du 
chef-lieu  substitué  à  celui  du  district.  (Cf.  Dictionnaire  géographique 
lie  la  Perse,  p.  24 1-) 

■*  Les  détails  que  donne  Mokaddessy  sur  la  répartition  de  l'impôt 
dans  le  Fars  trouvent  naturellement  leur  place  ici  :  «  Le  chiffre  des 
redevances  varie  dans  cette  province.  Ainsi,  à  Chiraz,  un  arpent  de 
blé  ou  d'orge  paye  190  dirhems;  un  arpent  de  fruits  ou  de  plantes 
potagères,  287  dirhems;  un  arpent  de  cotonniers,  2.37  dirhems  et 
4  danek-,  un  arpent  de  vigne,  1,42 5  dirhems.  (L'auteur  parle  ici 
du  grand  arpent  qui  vaut  70  coudées  royales;  cette  coudée  est  de 
9  perches.)  A  Kovar,  les  mêmes  produits  payent  un  tiers  de  moins 
qu'à  Chiraz,  en  vertu  d'une  loi  dont  Haroun  er-Récliid  est  l'auteur. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  253 
cienne  monarchie  des  Perses,  l'Ahvaz  était  taxé  à 
5o  millions  et  les  districts  du  Fars  à  ào  millions  de 
miskals.  Imrân ,  fils  de  Mouça  le  Barmécide ,  fut 
nommé  gouverneur  du  Sind,  à  la  condition  de 
payer  une  redevance  de  i  million ,  tous  frais  pré- 
levés. 

Kesra-Perviz  (Chosroès  II),  dans  la  dix-huitième 
année  de  son  règne,  tira  de  l'impôt  foncier  de  son 
royaume  2/1  millions  de  miskals ^  ce  qui  fait,  au  poids 
actuel  du  dirhem.,  ygS  millions  de  dirhems.  Plus 
tard,  le  revenu  (total)  de  son  royaume  s'éleva  au 
chiffre  de  600  millions  de  miskals  K 

A  Isthakhr,  les  prairies  sont  un  peu  moins  taxées  qu'à  Chiraz,  et 
les  terres  labourées  payent  un  tiers  de  moins  qu'au  chef-lieu.  Je  pas- 
serai sous  silence  les  autres  taxes  et  contributions  d'octroi,  qui  sont 
très-nombreuses  cl  très-lourdes.  »  (Fol.  293.) 

^  Kodama  établit  ainsi  l'impôt  sous  Chosroès  II  (608  de  J.  C.)  : 
720,000  mishals  d'or  monnayé  et  600  millions  de  dirhems  d'argent. 
Le  savant  traducteur  qui  nous  a  fait  connaître  ce  précieux  fragment 
{Journ.  asiat.  loc.  laiid.  p.  181)  termine  son  travail  par  cette  conclu- 
sion: 1°  qu'en  61  9  de  Jésus-Christ,  le  montant  des  impôts  payés  par 
l'empire  perse  dépassait  3oo  millions  de  francs;  2° qu'en  820  de  Jé- 
sus-Christ, sous  le  règne  d'El-Mamoun,  le  revenu  du  kiialifat  de 
l'Orient  dépassait  un  milliard.  Le  calcul  rigoureux  tiré  du  texte  d'ibn 
Khordadbeh ,  et  dont  on  a  déjà  vu  les  résultats  partiels  dans  les  notes 
qui  précèdent,  prouve  au  contraire  que  le  revenu  avait  considéra- 
blement baissé  sous  la  domination  musulmane.  En  revanche,  le  re- 
venu de  la  monarchie  sassanide  doit  être  supérieur  à  celui  qui  résulte 
de  l'évaluation  de  M,  de  Slane.  Ibn  Khordadbeh  affirme  que  le  mis- 
hal  des  Sassanides  valait,  non  un  dinar  musulman,  c'est-à-dire  de 
10  à  12  francs,  mais  bien  33  dirhems  et  une  fraction,  soit  environ 
21  francs  5o  cent.  Établissant  le  calcul  sur  celte  base,  on  voit  que 
Chosroès  avait  plus  que  doublé  la  richesse  publique ,  puisque  l'impôt 
s'éleva  de  5oo  millions  à  près  de  i3oo  millions  de  notre  monnaie. 
Kodama  ajoute  une  sorte  d'allusion  timide  qui  laisse  deviner  un  af- 


254  MARS-AVRIL  1865. 


DISTRICTS  DU  DJEBEL     . 

Maçabadân.  —  Mihrdjânkadak.  —  Dinaver.  — 
Nèhavend.  —  Hamadân.  —  Koumm.  Impôt  fon- 
cier de  Dinaver,  3, 8 00,000  dir.  On  prétend  que 
Koumm  appartenait  d'abord  à  la  province  d'Ispahân , 
et  qu'il  en  fut  séparé,  à  f époque  de  Haroun.  Le  dis- 
trict de  Keredj  eut  le  même  sort. 

Sous  la  monarchie  des  Perses,  le  Djîl  (Guilân), 
TAzerbaïdjân,  Rey,  Hamadân,   les  deux  Ma/i  ^,  le 

faiblissement  dans  le  revenu.  «Je  crois,  dit-il,  que  ces  pays  sont  en- 
core ce  qu'ils  étaient;  le  sol  est  fertile;  mais  pour  les  bien  adminis- 
trer, il  faut  un  homme  qui  ait  toujours  la  crainte  de  Dieu,  etc.» 
Que  l'auteur  du  Livre  des  routes  puisse  être  cru  sur  parole  dans  son 
évaluation  du  miskal  perse,  ii  est  permis  de  l'admettre,  si  l'on  veut 
bien  se  rappeler  qu'il  était  petit-fils  d'un  mage  originaire  du  Kho- 
raçân,  et  que  la  nature  de  ses  fonctions,  dans  l'Irak-Adjèaiy,  l'obli- 
geait à  connaître,  au  moins  à  titre  de  renseignement  et  comme  terme 
de  comparaison,  les  lois  et  usages  de  l'ancienne  administration.  Au 
surplus,  son  assertion,  bien  qu'il  nous  en  laisse  ignorer  la  source,  est 
corroborée  par  le  témoignage  unanime  des  chroniques  persanes  et 
despoëmes,  échos  des  souvenirs  populaires  dont  Khosrou  est  le  héros. 
Les  uns  et  les  autres  célèbrent  à  Tenvi  les  splendeurs  de  son  règne, 
ses  immenses  richesses  et  l'étendue  de  son  empire.  Toutefois,  il  im- 
porte de  remarquer  que  la  dix-seplième  année,  ou,  suivant  notre 
texte,  la  dix-huitième  de  ce  règne ,  coïncide  avec  l'année  607  ou  608 
de  l'ère  vulgaire,  et  non  point  avec  l'an  619,  comme  le  dit  la  tra- 
duction de  Rodama.  L'auteur  du  Modjem  el-Mulouh,  Mustaufy,  Mir- 
khônd,  etc.  tous  s'accordent  à  dater  l'avènement  de  Chosroès  II  de 
i'an  690  de  notre  ère,  lorsque  l'usurpateur  Vahram  fil  graver  le 
nom  du  jeune  prince  sur  la  monnaie  d'or  et  d'argent. 

'  Ou  Irak  persan  ;  on  écrit  plus  ordinairement  Djehul,  pluriel  de 
djebel,  «montagne.»  Le  terme  Kouh'isiân,  qui  en  est  l'équivalent  en 
persan,  est  réservé  à  une  province  du  Khoraçân. 

■*  On  désigne  ainsi  les  deux  districts  dont  Dinaver  et  Nèhavend 


L\L  LIVRE  DES  KOUTES  ET  DES  PROVINCES.  255 
Tabaristàn,  Nèhavend,  Koumès,  Mihrdjânkadak  et 
Houlvàii  étaient  taxés  à  3  millions  de  dirhems. 


DISTRICTS  D'ISPAHAN. 


Cette  province,  qui  a  80  parasanges  en  long  et 
en  large ,  renferme  dix-sept  bourgades  (rousfafc)  com- 
prenant trois  cent  soixante-cinq  villages,  sans  comp- 
ter les  domaines  immobilisés^,  qui  sont  vastes,  bien 
cultivés  et  peuplés.  L'impôt  de  cette  province  s'élève 
à  7  millions  de  dir.  Celui  de  Rey  h  1  o  millions.  D'a- 
près une  autre  version,  la  province  d'Ispahân  serait 
divisée  en  vingt  cantons,  non  compris  celui  de 
KouQim  ,  lequel  dépendrait  de  Dinaver  2. 

DU  ROYAUME  DE  LA  TERRE. 

Aféridoun  partagea  la  terre  entre  ses  trois  fils  : 
Selm  (ou  Selem)  régna  dans  l'occident;  les  rois  du 

sont  les  chefs-lieux.  Yakout  propose  différentes  étymologies  pour  le 
mot  mak.  (Voy.  Dict.  (jéogr.  de  la  Perse,  pages  5i4  et  674.) 

'  Ce  mot  est  incertain  :  A  lit  iLu^;  B  JUij^  ;  el  Yacouby  (p.  5o) 
ojjtf ,  «de  création  récente.»  Je  n'hésite  pas  à  lire  x.u»jo^,  con- 
vaincu qu'il  est  question  ici  de  domaines  constitués  en  fondations 
pieuses.  On  sait  que,  dans  le  langage  de  la  jurisprudence,  honbous 
ou  alihas  est  l'équivalent  du  terme  wahf,  vulgairement  vaqouf,  usité 
en  Turquie. 

^  C'est  ainsi  que  je  crois  devoir  corriger  le  texte,  qui  ne  présente 
aucun  sens  satisfaisant.  Istakhry  et  Ibn  Haukal  placent  Koumm  dans 
la  région  méridionale  du  Deïlem  ou  de  l'Azerbaïdjàn.  Mokaddessy 
comprend  dans  le  Djebal  toutes  les  villes  situées  entre  la  chaîne  du 
Démavend  et  les  plaines  d'Ispahân;  mais  il  ajoute  que  les  deux  dis- 
tricts de  Keredj  et  Koumm  ,  à  cause  de  leur  importance,  étaient  ad- 
ministrés séparément  el  pouvaient  être  considérés  comme  distincts 
de  rirak-Adjèmy  (fol.  2  53). 


256  MARS-AVRIL   1865. 

RoLîin  et  de  la  Soghdiane  descendent  do  lui.  Thoudj, 
nomme  aussi  Thoas ,  régna  en  Orient;  les  rois  dos 
Turcs  et  de  la  Chine  forment  sa  postérité  ^  Un  de 
leurs  poètes  a  dit  ; 

Nous  avons,  dans  notre  siècle,  partagé  noire  royaume, 
comme  la  viande  est  parlagée'sur  l'étal. 

Nous  avons  donné  la  Syrie  et  les  pays  du  Roum ,  jusqu'aux 
lieux  où  le  soleil  se  couche,  au  vaillant  Scleni , 

A  Thoudj,  le  gouvernement  des  Turcs,  dans  les  contrées 
réunies  sous  le  sceptre  d'un  cousin. 

Pour  Iran,  nous  avons  conquis  le  royaume  de  Perse,  el 
nous  l'avons  comblé  de  nos  bienfaits. 

TrrRES  DES  ROIS  DU   MONDE. 

Le  roi  d'Irak,  ordinairement  connu  sous  le  nom 
de   Kesra,  était  nommé  Chahinchah.  Le  roi  des  By 
zantins,  que  le  peuple  nomme  Kaïçar,  s'appelle  Ba 
slli^.  Les  rois  des  Turcs,  du  Tibet  et  des  Khazars, 

'  H  est  incontestable  que  le  texte  est  incomplet,  puisque  Iredj , 
autrement  dit  Iran,  n'est  pas  nommé.  Le  poète  qui  a  mis  en  vers  ce 
thème  ethnologique,  si  goûté  des  anciens  historiens  musulmans, 
appartenait,  s'il  faut  en  croire  Maçoudy,  h  l'une  des  familles  persanes 
qui,  de  bonne  heure,  se  convertirent  à  rislamisme.  Maçoudy 
(  Prairies  d'or,  II,  p.  i  16)  et  Yakout  [Dicl.  (}éogr.  de  la  Perse,  p.  6/1) 
rapportent  la  même  tradition  et  client  les  vers  qu'on  lit  ici.  Mais  l'un 
<  t  l'autre  écrivent  à  la  Cm  du  troisième  vers  ^sJ  »  au  lieu  de  la  leçon 
rapportée  par  Ibn  Kliordadbch,  et  qui  me  semble  plus  ancienne. 
(Cf.  Ibn  Khaldoun,  I"  vol.  de  son  Histoire  univ«*r.sclle,  traduite  en 
lurc  par  SoubljiBey,  p.  179;  Hamzah  Ispahàny,  p.  33.) 

*  Comme  il  s'agit  ici  de  titres  plutôt  que  de  noms  propres,  il  est 
naturel  de  croire  que  l'auteur  transcrit  ainsi  jSaa^Aeus;  cependant,  à 
en  juger  par  les  renseignements  assez  détaillés  qu'il  donne  sur  l'em- 
pire byzantin,  quelques  pages  plus  loin,  il  est  probable  qu'il  connais- 
sait de  nom  Basile  le  Mact'floni'n,  qin  occupa  \r  trône  do  866  A  886. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  257 
portent  tous  le  litre  de  Khahân.  Le  roi  de  la  Chine 
est  nommé  Baghhoar  (ou,  selon  l'autre  copie,  Fagh 
four).  Tous  ces  rois  descendent  en  ligne  directe 
d'Aféridoun,  à  l'exception  du  roi  des  Khozlodjes, 
Khankomveïh  '. 

Le  plus  grand  roi  de  l'Inde  est  le  Balhara  ou  roi 
des  rois  ^.  Les  autres  souverains  de  ce  pays  sont  ceux 
de  Djabalî,  de  Tafen,  de  Djouzr,  de  Ghanah,  de 
Rahma  et  de  Kamroun.  Le  roi  du  Zabedj  (il  faut  sans 
doute  lire  des  Zendjes)  se  nomme  Alfikhat;  le  roi 
des  Nubiens,  Kamil;  le  roi  des  Abyssins,  Nedjachy; 
le  roi  des  îles  de  la  mer  orientale,  Maharadja;  le 
roi  des  Slaves,  Kobacl. 

ROIS  SURNOMMÉS  CHAHINCHAH. 

Buzurg-Kousân-cbah  ;  Guilân  chah  ;  Ardhachirân- 

'  Je  suis  porté  à  croire  qu'il  faut  lire  après  Rhozlodjes  ij\j^y=^  ' 
«  les  Kirghyzes ,  »  comme  l'écrit  Schems  ed-din  de  Damas  (fol.  8  v°). 
Quelle  que  soit  d'ailleurs  la  lecture  qu'on  adopte,  il  est  iudubitable 
qu'il  s'agit  d'une  tribu  de  race  turque,  soumise  à  une  branche  col- 
latérale de  la  famille  de  Féridoun ,  d'après  le  système  ethnographique 
exposé  dans  les  vers  cités  précédemment.  (Cf.  Edriçy,  I,  p.  173.) 

^  Sur  le  Balhara,  souverain  de  Manguir,  voir  Prairies  d'or,  1 ,  1 76  ; 
et  sur  les  autres  rois  de  l'Inde ,  ibid.  p.  872  à  Sgo.  Edriçy  a  reproduit 
le  même  passage,  en  y  ajoutant  quelques  données  nouvelles  sur  les 
rois  de  Ghanah.  (  Voy.  traduction  de  Jaubcrt ,  I ,  p.  1 6.)  Ce  géographe 
parle  aussi  du  Kamil,  «nom  qui  passe,  dit-il,  par  voie  d'héritage, 
à  tous  les  princes  de  la  dynastie»  [Ibid.  p.  33.)  Une  grande  confu- 
sion règne  chez  les  auteurs  musulmans  qui  ont  essayé  de  transcrire 
et  d'expliquer  les  noms  des  souverains  de  l'Asie  et  de  l'Afrique.  Pour 
en  donner  un  exeniple,  le  roi  de  Kachcmir,  nommé  rniou  rajalipâr 
Maçoudy,  est  nommé  tchaïbal  dans  le  Modjmcli  l'auteur  de  cet  ou- 
vrage place  le  Maharadja  au-dessus  du  Balhara^  et  ainsi  du  reste. 
(Ms.  de  la  Rihlioth.  impér.  fol.  27''!.) 


258  MARS-AVRIL  1865. 

chah  \  roi  de  Moçoul;  Masoun-chah,  roi  de  Meïsân 
(Misène  et  Characène);  Buzurg-h'ân-chah;  Azer- 
baïdjan-chah; Seguistân-chah;  Harou-chali  (roi  de 
Hérat);  Kirmân-chah ;  (le  mot  suivant  est  ihisible) 
Samdad-chah,  roi  du  Yémen;  Barman-chah;  Kars- 
chah;  Farhân-cliah;  Amarkân-chah  (?);  Saibân-chah; 
Maskardân-chah ,  dans  le  Khoraçân;  —  Allan-chah , 
Baraskân-chah,  Mekrân-chah,  dans  le  Sind;  — 
Mourdân-cbah,  chez  les  Turcs;  — Hindovân-cliah, 
dans  l'Inde; —  Raboulân-chah,  dans  le  Kaboul;  — 
Schirân-chah,  Daân-chah,  Manaad-chah,  dans  le 
Sind;  —  Daverân-cbah,  dans  le  Zémin-daver;  — 
Lahsân-chah;  —  Kachmirân-chah^. 

ITINÉRAIRES. 

Aboul-Kaçem  (Obeid  Allah,  fds  d'Abd-Allab), 
fils  de  Khordadbeh,  dit: 

Commençons  par  l'Orient,  qui  forme  le  quart  de 
l'étendue  de  fempire,  et  parlons,  en  premier  lieu, 
du  Khoraçân.  Ce  pays  obéissait  autrefois  (sous  les 


'  Ce  nom,  donné  par  ia  copie  A,  la  seule  où  ce  paragraphe  soit 
lisible,  ne  serait-il  pas  un  souvenir  altéré,  mais  encore  reconnais- 
sable,  du  ITîî^N  y")î<  «le  pays  d'Assur?»  (Isaïe,  vu,  18.) 

^  Les  deux  mots  qui  terminent  cet  article  si  étrangement  altéré 
sont  entièrement  méconnaissables.  Il  est  d'ailleurs  facile  de  voir  qu'il 
ne  pouvait  pas  s'arrêter  aussi  brusquemenl  dans  la  rédaction  origi- 
nale, et  que  le  paragraphe  sur  les  rois  du  Klioraçàn  (ci-dessus, 
p.  249)  devait  en  être  la  suite  naturelle.  Quoiqu'il  en  soit,  la  pre- 
mière section  du  livre,  celle  qui  traite  de  l'impôt  et  de  la  division 
politique  des  royaumes,  s'arrête  ici,  et  l'auteur  va  commencer  la 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  259 
Perses)  à  un  sipahbed  nommé  Kadouskâu^.  Celui-ci 
avait  sous  ses  ordres  quatre  merzebân,  et  chaque 
merzebân  gouvernait  une  des  quatre  parties  du  Kho- 
raçân  ;  ils  venaient  dans  l'ordre  suivant  :  i"  le 
merzebân  de  Merve-Chahidjân  et  ses  dépendan- 
ces; 2°  le  merzebân  de  Balkh  et  du  Tokharistân; 
y  le  merzebân  de  Hérat,  Pouchèng,  Badeghîs  et 
Séguistân;  à°  le  merzebân  des  pays  situés  au  delà 
de  rOxus. 

ROUTE  DE  BAGDAD  AUX  LIMITES   LES   PLDS  RECULEES 
DU  KHORÂÇAN^  (rOUTES  DU  N.-E.). 

Nahrevân,  4  fars. —  Barma  (Mok.  Deir-Barima), 
/i  fars.  —  Deskereh,  8  fars.  —  Djaloula,  y  fars. — 
Khanikîn  (Kod.  Ed.  9  fars.),  y  fars. —  Kasr-Gbirîn 
(de  château  de  Chirîn,  »  6  fars. 

(Ici  fauteur  décrit  une  route  annexe  en  ces  ter- 
mes :  de  Kasr-Chirîn  à  Direkdân,  2  fars.  —  Chehr- 
zour,  18  fars,  puis,  reprenant  son  itinéraire  direct, 
il  continue  ainsi  :) 

Houlvân,  5  fars.  —  Maroustân  fil  faut  lire  Made- 


description  des  itinéraires,  qu'il  poursuivra,  à  travers  quelques  di- 
gressions, jusqu'aux  dernières  pages  de  son  livre,  ou  du  moins  jus- 
qu'au chap,  IV  «Description  des  montagnes,  des  fleuves,  etc.» 

'  Le  mot  sipahbed f  «  maître  de  la  cavalerie,  »  se  trouve  dans  Pro- 
cope.  De  bello  persico,  1,  ix.  Voyez  aussi  Lajard,  Uecherclies  sur  le 
culte  de  Mithra,  p.  81.  Selon  Yakout,  le  gouverneur  d'Ispahân,  à 
l'époque  où  cette  ville  fut  prise  par  les  Musulmans,  se  nommait  Ka- 
dàuskân.  [Vict.  géogr.  de  la  Perse ,  au  mot  Ispahân.) 

*  Afin  de  ne  pas  multiplier  inutilement  les  notes  et  les  renvois ,  je 
place  entre  parenthèses  les  variantes  de  noms  et  de  distances,  four- 


260  MARS-AVRIL  1865. 

roiistân  ,  avec  presque  tous  les  géographes) ,  /i  fars. 

—  Merdj    el-Rbala'h  «la  prairie   de  la  citadelle,» 

6  fars.  —  Kasr-Yézid  «  le  château  de  Yëzid,  »  6  fars. 

—  Zobeydyeh,  6  fars.  —  Kochkam  (?),  3  fars.  — 
Le  château  d'Amr,  li  fars.  —  Karmasîn  (aujourd'hui 
Kirmânchah),  3  fars.  \ 

Lacune 

On  continue  à  suivre  la  route  du  Khoraçân,  en 
appuyant  à  gauche,  et  Ton  se  dirige  vers  Dukkân, 

7  fars. 

(Celui  qui  va  dans  la  direction  de  Nèhavend  et 
d'Ispahân  tourne  à  droite,  en  partant  de  Dukkân, 
et  arrive  à  Maderân,  puis  à  Nèhavend,  qui  est  un 
des  districts  du  Djebal,  puis  à  Khodar,  y  fars.) 

De  Dukkân  à  Kasr  el-Luçous  «  le  château  des  vo- 
leurs,» y  fars.  —  Haddad,  6  fars.  —  Raryet  el- 
Açel  a  bourg  au  miel,  »  3  fars.  — Hamadân  2,  5  fars. 

nies  par  les  itinéraires  arabes.  Les  ouvrages  que  j'ai  consultés  sont 
désignés  par  les  abréviations  suivantes  : 

Kod.  =  Kodamali ,  livre  du  Kharadj. 

Ed.     =  Edriçy,  trad.  de  Jaubert. 

Yac.   =  Yacouby,  éd.  JuynboH. 

Yak.  =  Yakout,  Modjcm  cl-Bouldân. 

Mok.  =  Mokaddessy ,  ms.  du  docteur  Sprenger. 

Ist.     =  Istakhry,  éd.  Moeller. 

Fars,  vent  dire  J'arsahh  ou  parasange  (6  kilomètres). 

M.  =  mille,  tiers  de  la  parasange. 
•  /i  fars,  suivant  Mokaddessy.  Kodama  dit  que  la  distance  entre 
Bagdad  et  Kirmânchah  est  de  71  fars.  D'après  Ibn-Kliordadbeh,  elle 
serait  de  70  fars  (620  kilomètres). 

^  C'est  par  inadvertance  que  le  docteur  Sprenger  dit  que  ce  nom 
est  omis  par  l'auteur,  il  se  trouve  dans  les  deu\  copies  et  fort  lisi- 
Mrnx  nf  écrit.  Kodama  compte  3i  fars,  do  Kirmancbali  à  Hamadàn; 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.     2o» 

—  Darnava  (Kod.  Darira) ,  5  Fars.  —  Bouzanadjird, 
5  fars.  —  Erzeh,  /i  fars.  —  Herzeh,  k  fars.  — Ei- 
Asavireh,  «les  chevaliers,»  k  fars.  —  Youçeh  et 
Roiideh,  3  fars.  —  Davoud-Abâd,  k  fars. —  Soiise- 
nîn,  3  fars.  —  Savah,  5  fars.  —  Miskveïh,  9  fars. 

—  Kostana,  8  fars.  —  Hey,  7  fars  ^. 

De  Rey  à  Kazvîn,  en  tournant  à  gauche,  27  fars. 

—  De  Kazvîn  à  Abhar,  1  2  fars.  —  D'Abhar  à  Zin- 
djân,  i5  fars. 

De  Rey  à  Maskal-Abâd  (nom  incertain;  Ed.  Ma- 
kalabâd;  Kod.  Faslabâd.  Le  docteur  Sprenger  pro- 
pose Mofaddhal-Abâd),  k  fars.  ^—  Kast,  6  fars.  — 
Farrokhdîn,  8  fars.  —  Khovar  ou  Khâr,  6  fars.  — 
Kasr  el-Milh  «château  du  sel,  »  7  fars.  (Ed.  6  fars.) 

—  Ras  el-Kelb  «  tête  du  chien ,  »  7  fars.  —  Semnân , 

8  fars.  —  Djizîn 2.  —  Koumès,  8  fars. 

En  tout,  de  Rey  à  Koumès,  70  fars  ^. 

Haddadeh,  7  fars.  —  Hadès,  7  fars.  — Meïmel, 
1  2  fars.  —  Hemkend,  7  fars.  —  Açed-Abâd ,  7  fars. 

—  Bahman-Abâd,  6  fars. —  Khosroudjird*,  6  fars. 

—  Nisker-dereh ,  5  fars.  —  Neïsapour,  5  fars. 

mais  le  total  de  son  itinéraire  ne  donne  que  3o  fars,  le  nôtre  compte 
28  fars. 

^  Les  distances  additionnées  donnent  6 1  fars,  entre  Hamadân  et 
Rey,  ce  qui  s'accorde  avec  l'itinéraire  par  milles  d'Edriçy.  Dans  Mo- 
kaddessy  ,  on  lit  9  journées,  soit  56  fars.  —  En  résumé,  nous  trou- 
vons, entre  Bagdad  et  Rey,  169  fars.  (96/4  kilomètres.) 

-  La  distance  est  omise  et  le  nom  lui-même  est  douteux;  j'ai  suivi 
les  leçons  identiques  d'Edriçy  et  de  Kodama. 

^  Faute  des  copistes;  le  calcul  ne  donne  que  62  fars,  chiffre  con- 
firmé par  Edriçy,  qui  compte  189  milles  =  63  fars. 

■*  Kodama  et  Edriçy  placent  une  étape  intermédiaire  de  6  fars. 


^2  MARS-AVRIL    1865. 

La  distance  totale  entre  Bagdad  et  Neïsapour  est 
de  3o5  fars  ^  Les  villes  principales  de  cette  province 
sont  :  Zam  (Djam),  Bakherz,  Djoueïn  et  Beïhak. 

De  Neïsapour  à  Elghabis  ou  Ghaïbas,  k  fars.  — 

—  El-Djouzak  (ou  el-Djouza;  Mok.  lit:  Karyet  el- 
Homrâ  «  le  village  rouge  »),  Ia  fars.  —  Thous,  5  fars. 

—  Birakân  (je  crois  qu'il  faut  lire  Noukân),  5  fars. 

—  Mardoudân  (Mok.  Mazdourân),  6  fars.  —  Erki- 
neh,  8  fars.  —  Serakhs,  6  fars.  —  Kasr  et-Tudjar 
«château  des  marchands,»  3  fars.  — Astar-djemal 
(iMok.  et  Yac.  Astar-Mo'ad  ) ,  5  fars.  —  Bilistaneh, 
6  fars.  —  Dendanekân,  6  fars. —  Niredjird,  5  fars. 

—  Merve-iSchahidjân;  cette  ville  a  une  citadelle, 
5  fars.  —  Distance  totale  (de  Bagdad  à  Merve), 
87 1  fars 2.  De  Bagdad  à  Serakhs,  3 4 5  fars. 

De  Merve  partent  différentes  routes  qui  se  diri- 


entre  Baliman  et  Khosroudjird ,  et  une  autre  étape  de  k  fars,  après 
Khosroudjird.  Le  texte  est  donc  altéré  dans  mes  deux  copies.  L'éva- 
luation totale,  donnée  quelques  lignes  plus  loin,  prouve  bien  que 
deux  ou  même  trois  stations  doivent  être  ajoutées  à  celles  qui  sont 
nommées  dans  le  texte. 

^  Je  ne  trouve  que  3oi  fars,  même  en  tenant  compte  des  deux 
étapes  omises  sur  la  route  de  Koumès  à  Neïchapour;  il  se  peut 
qu'une  autre  station  ait  été  oubliée  par  l'auteur  lui-même.  Du  reste, 
cette  différence  est  minime ,  et  nous  pouvons  fixer,  sans  être  trop  loin 
de  la  vérité,  la  distance  entre  Bagdad  et  la  capitale  du  Khoraçàn  à 
environ  1800  kilomètres. 

^  Au  lieu  de  Bagdad,  les  copies  portent  «El-Haddadel» ,  »  leçon 
erronée;  en  outre  le  calcul  donne  seulement  368  ftms.  Cette  contra- 
diction s'explique  par  une  légère  différence  dans  la  distance  de  deux 
étapes.  Si  l'on  compte,  avec  Edriçy  et  Kodama,  5  fars,  entre  Neïcha- 
pour et  Ghaïbas,  6  fars,  entre  Ghaïbas  et  Djoiizak,  on  obtient,  grâce 
à  cette  correction ,  le  chiffre  de  871  fars,  donné  par  l'auteur. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  2C3 
gent  vers  Cbacli,  le  pays  des  Turcs,  la  province  de 
Balkh  et  le  Tokharistân. 


ROUTE  DE  MERVE  A  CHACH  ET  AU  PAYS  DES  TURCS. 

Kechmahen,  5  fars.  —  Deïoub  (Kod.  Divan), 

7  fars.  —  Mandou  (Rod.  Mansat),  6  fars.  —  Ahsa, 

8  fars.  —  Bir-Omar  «  le  puits  d'Omar»  (Kod.  Nehr- 
Othmân  «le  fleuve  d'Othmân  »)  k  fars.  —  Amol, 
6  fars.  —  Distance  de  Merve  à  Amol,  36  fars. 

De  Merve  aux  rives  du  fleuve  de  Balkh  (Oxus), 
1  fars.  On  traverse  le  fleuve  et  on  arrive  ensuite  à 
Karîn  (Kod.  Ed.  Ferebr),  i  fars.  —  La  forteresse 
de  Djâfar,  dans  le  désert,  6  fars.  —  Bykend, 
6  fars.  —  Ribat  v(  caravansérail  de  Boukbara,  n  i  fars. 

—  Masals  (Kod.  Yasara),  i  fars.  \.  —  Cbora',  place 
forte,  Ix  fars.  —  Kourousgboun  (Kod.  Koul),  6  fars. 

—  Distance  entre  Amol  et  Boukbara,  19  fars^ 
Les  villes  de  la  province  de  Boukbara  sont  :  Ker- 

minyeb,  Tavavis,  Virdaneh,  Bykend,  la  ville  des 
marchands,  et  Karîn  (Ferebr),  qui  n'est  pas  éloignée 
de  Boukbara.  Entre  Boukbara  et  Samarcande,  il  y 
387  fars.  Au  sud  de  cette  province  se  trouve  la 
chaîne  de  montagnes  qui  s'étend  jusqu'en  Chine. 

'  L'itinéraire  n'est  pas  complet ,  el  le  chiffre  1 9  fars,  doit  être  placé 
avant  Chora'.  C'est  ce  que  prouve  le  texte  de  Kodama,  qui  met  Bou- 
khara  à  5  fars,  de  Masals  ou  Yasara.  En  rétablissant  cette  distance, 
oubliée  dans  notre  texte,  nous  trouvons,  entre  Amol  et  Boukbara, 
20  fars.  \.  Edriçy  compte,  lui  aussi,  60  milles  entre  les  deux  villes, 
ce  qui  revient  au  même. 


264  MARS-AVRIL  1865. 


ITINERAIRE  DE   BOUKUARA  A  SAMARCANDE. 

Kerminyeh,  U  fars.  — Dobousyeh,  5  fars.  — Ir- 
tiklien,  5  fars. —  Rozmân,  5  fars.  — Château  d'Al- 
kamab ,  5  fars.  —  Samarcande ,  ville  fortifiée ,  2  fars. 

—  Les  principales  localités  qui  dépendent  de  Sa- 
marcande sont  :  Debousyeh ,  Rechanyeh ,  Irtikhen 
(ou  Kecli),  Nesef  (ou  Nakbcheb),  Kbodjendeb. — 
Distance  entre  Boukbara  et  Samarcande,  Sy  fars  '. 

De  Samarcande  à  Barket,  Ix  fars.  —  Djisr-bâgby 
(Kod.  Djisrify) ,  dans  le  désert,  li  fars.  ^ 

De  Cbacb  à  la  Mine  d'argent ,  7  fars.  —  Erihnou- 
zeb(?),  5  fars.  —  Distance  entre  Samarcande  et 
Cbacb,  li2  fars. 
Zamîn,  ville  connue 

Deux  routes  mènent  à  Cbacb,  au  (lleuve  des) 
Turcs,  et  à  Ferganab.  De  Cbacb  et  de  Zamîn  à 
Kbouloum  (Kod.  Ed.  Roulons) ,  par  le  désert ,  7  fars. 

—  De  là  au  fleuve  des  Turcs ,  sur  le  territoire  de 
Cbacb,  9  fars.  —  De  là  au  passage  du  fleuve, 
/i  fars.  —  Boumket ,  3  fars.  —  Cbacb ,  1  fars.  — 

^  Comme  on  l'a  vu  clans  la  note  précédente,  le  texte  a  été  mutilé 
en  cet  endroit,  et  le  nom  de  Boukhara  n'est  même  pas  mentionné 
après  Masals.  Il  faut  donc  prendre  pour  point  de  départ  l'étape 
nommée  Chora',  ce  qui  ne  donnerait  encore  que  36  fars.  Mais  je 
pense,  avec  le  docteur  Sprenger,  que,  pour  arriver  au  chiffre  pré- 
senté par  Ibn  Khordadbeh,  il  faut  compter,  comme  le  fait  Edriçy, 
6  fars,  au  lieu  de  5  entre  Irtikhen  et  Rozmân.  (Cf.  Die  PosI-  uiul  Bci- 
seroiiten,  p.  17.) 

^  Ici  commence  une  nouvelle  lacune  assez  considérable;  la  suite 
de  l'itinéraire  de  Samarcande  ù  Chach  est  perdue. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  265 
La  porte  de  fer,  2  milles.  —  Klialef ,  1  fars.  —  Ghar- 
keiiï  (ou  Gharkeul),  6  fars.  —  De  là  à  Isfidjab,  par 
le  désert,  Ix  fars. 

Distance  entre  Chach  et  Isfidjab  ,  1 3  fars. 

D'isfidjab  à  Sawat,  Ix  fars.  — Madoukbet  (Kod. 
Baroudjket),  5  fars. —  nomillisihle  (Kod.  Tamiadj), 
4  fars.  —  Nardjah,  Ix  fars.  —  Merly,  au  bord  du 
fleuve  (Kod.  au  lieu  de  Merly,  menzil  «station»), 
6  fars.  —  Nardjah  est  une  montagne  autour  de  la- 
quelle jaillissent,  dit-on,  mille  sources  qui  se  diri- 
gent vers  l'orient,  (et  forment)  un  fleuve  nommé 
Oïoarkoab  \  c  est-à-dire  le  fleuve  rétrograde.  —  On 
passe  le  fleuve  et  l'on  va  ensuite  à  Khounket,  5  fars. 
—  Atrân  (peut-être  Taraz),  3  fars^. 

D'isfidjab  au  pays  des  Keïmak  (Ed.  iv^  climat, 
p.  217,  Keïmaky),  80  fars.  Il  faut  emporter  des  vi- 
vres pour  toute  la  durée  de  ce  voyage. 

D' Atrân  au  Bas-Birsgbân ,  3  fars.  —  Kasr-Bas, 
repaire  où  les  Turcs-Khozlodjes  s'abritent  pendant 
l'hiver,  2  fars 3.  —  Keul  (lac)  de  Sout,  li  fars.  — 

'  Je  présume  que  ce  nom  vient  du  verbe  .'j^)<^.\  f^ ouïonrmaq ,  >y 
qui ,  en  turc  oriental ,  signifie  «  aller  à  reculons  ;  »  dans  le  même  dia- 
lecte, ouîouroun  a  aussi  le  sens  de  «tourbillon  ,  chute  d'eau.  » 

2  Le  texte  ajoute  :  «entre  Atrân  et  Khounket,  7  fars.»  Je  pense 
que  ce  mot  fait  double  emploi  avec  l'étape  placée  avant  Atrân  ou 
Taraz,  car  il  n'est  cité  dans  aucun  autre  itinéraire.  D'ailleurs  le  total 
donné  par  l'auteur  est  en  désaccord  avec  les  distances  partielles.  Il 
résulte  des  chiffres  présentés  par  Kodama,  dont  le  texte  a  subi  ici 
moins  de  mutilations,  qu'il  y  a  environ  3o  fars,  entre  Isfidjab  et 
Taraz. 

^  La  distance  manque  dans  les  copies,  je  l'ai  rétablie  d'après  Ko- 
dama. 

V.  1 8 


200  MAIUS-AVRII.    1805. 

Djebel  (montagne)  de  Sont '.  —  Koulab, 

riche  bourgade,  l\  lars,  —  Eberky,  rirhe  bourgade, 
/i  fars.  —  Asyreli ,  l\  fars.  —  Nounkel  (Kod.  Nourket) , 
gros  village,  8  fars.  —  Akhoundjaràn ,  Ix  fars.  — 
Djoul  (Giieul,  «lac  ?»),  l\  fars.  —  Menazib  (Kod. 
Sary),  y  fars. —  De  là  à  la  capitale  du  Kbakân  des 
Turcs,  Ix  fars.  —  Navaket,  [\  fars. —  Kcuar  ou  Ko- 
nad ,  8  fars.  —  Le  Birsghân  supérieur  ^  (c'est  là  que 
commencent  les  frontières  de  la  Chine),  i5  fars. 

ROUTE  DE  ZAMÎN  À  FERGHANAH. 

Sabat,  2  fars.  —  Echrousneh,  9  fars.  —  (De 
Samarcande  à  Echrousneh,  26  fars.)  Une  autre  route 
mène  de  Sabat  à  Aiouk  (ou  Gholouk),  6  fars.  — 
Khodjendeb,  k  fars.  —  Tarmakân,  7  fars.  —  Me- 
dînel-Bab,  3  fars.  —  Ferghanah,  4  fars. 

Dislance  totale  entre  Samarcande  et  Ferglianah, 
53  fars^.  Ferghanah  a  élé  fondée  par  Enouchirvân, 
qui  la  peupla  d'hommes  pris  dans  chaque  tribu; 
c'est  pourquoi  il  lui  donna  le  nom  de  Ez-her-khâneh , 
ce  qui  veut  dire  «  de  chaque  maison.  »  —  Rhodjen- 
deh  appartient  à  cette  province. 

De  Ferghanah   à   Roba,  ville,   10  fars.  —  Aus, 

•  .^ulre  lacune.  Le  nom  de  cette  station  manque  dans  Kodama. 
Dan.s  Edriçy  on  lit  :  Djebel-Choub,  1  2  milles  (soit  4  fars.). 

2  Le  texte  porte  plus  liaut  Birsakhaïa,el  ici ,  Bouchdjân;  j'ai  suivi 
la  lecture  du  docteur  Sprenger,  loc.  cit.  p.  28. 

^  Kodama  compte  seulement  35  fars,  mais  il  ne  veut  probable- 
ment parler  que  de  la  distance  entre Zamîn  etFerghanab  ;  il  resterait 
par  conséquent  1 8  fars,  pour  la  dislance  entre  Samarcande  et  Zamîn. 
Celte  indication  perniot  d.  mnibl.r  la  lacune  siirnali^e  ci-dessus. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVLNCES.  267 
lo  fars.  —  Yuzkend,  résidence  de  Hourteguîn, 
7  Tars.  —  El-Akabah  \  une  journée  de  marche.  — 
Atas,  une  journée.  —  Birsghân,  6  journées  à  tra- 
vers un  pays  où  ne  se  trouve  pas  un  seul  village. 

Atas,  dont  il  est  question  ici,  est  une  ville  bâtie 
sur  le  haut  plateau  qui  sépare  le  Tibet  de  Fergha- 
nah.  Le  Tibet  est  au  centre  de  l'Orient.  Du  Haut- 
Birsghân  à  la  capitale  du  Khakân  des  Tagazgaz  ^,  il 
y  a  trois  mois  de  marche,  à  travers  un  pays  couvert 
de  vastes  bourgades  et  de  forteresses.  Les  habitants. 
Turcs  d'origine,  sont  ou  mages  adorateurs  du  feu, 
ou  Zendik  (manichéens,  athées).  Leur  roi  réside 
dans  une  grande  ville  fermée  par  douze  portes  de 
fer.  La  population  professe  les  croyances  des  Zendik. 
A  gauche  (au  nord)  est  le  pays  des  Keïmak;  en  face, 
la  Chine,  à  une  distance  de  3oo  fars.  Le  roi  des 
Tagazgaz  possède  une  tente  d'or  placée  au  faîte  do 
son  palais;  elle  peut  abriter  neuf  cents  personnes, 
et  se  voit<^  5  fars,  de  distance^.  Le  roi  des  Keïmak 
campe  au  milieu  des  pâturages,  sous  des  tentes  en 

^  Akabah  ou  Nokaïl,  dans  leYénien,  est  un  roc  escarpé  qui  coupe 
une  route;  c'est  exactement  ce  que  les  Persans,  dans  leur  pays  si  ac- 
cidenté, nomment  hôtel. 

^  Maçoudy  place  dans  la  ville  de  Kouchân  la  résidence  habituelle 
de  ITrkhân,  roi  des  Tagazgaz.  «Ce  chef,  le  plus  puissant  des  souve- 
rains de  race  turque,  est  surnommé,  dit  le  même  auteur,  le  rci  des 
bêtes  féroces  et  des  chevaux.»  [Prairies  d'or,  I,  p.  358.  Cf.  M.  Rei- 
naud  ,  Relat.  des  voya(jes,  Introd.  p.  clïii.) 

^  oLa  tente  du  khân  s'ouvre  du  côté  de  l'orient,  par  respect  pour 
le  côté  du  ciel  où  se  lève  le  soleil.»  (Documents  chinois  sur  les Tou- 
kioue,  Irad,  par  M.  St.  Julien,  Journal  aMatiqnr ,  mars-avril  i86/j, 
p.  335.) 


268  MARS-AVRIL  1865. 

peaux  de  bêtes.  Le  pays  qu'il  occupe  est  séparé 
d'Atrân  (Taraz?)  par  vui  steppe  d'une  étendue  de 
81  journées  de  marche.  La  contrée  habitée  par  les 
Tagazgaz  est  le  plus  vaste  de  tous  les  pays  turcs;  elle 
est  entourée  par  la  Chine,  le  Tibet,  les  Rhozlodjes, 
les  Keïmak,  les  Ghozzes,  les  Djagha  (TchaghataïP), 
les  Petchénègues ,  lesTerkech ,  les  Euzkech ,  les  Khou- 
fach'.  Sur  le  bord  du  fleuve  vit  la  tribu  des  Khor- 
loukh  (?).  La  ville  de  Karat^  est  une  place  forte  oc- 
cupée à  la  fois  par  une  garnison  musulmane  et  par 
une  garnison  de  Turcs-Khozlodjes.  —  Gn  compte 
en  tout  seize  (grandes)  villes  turques. 

ROUTE  DE  MERVE-CHAHIDJAn  AU  TOKHARISTÂN. 

Kab  (Kar,  selon  Kod.  qui  ne  compte  que  6  fars, 
par  le  désert),  7  fars.  —  Mehdy-Abâd ,  6  fars.  — 
Medjd-Abâd  (Kod.  Yahya-Abâd) ,  7  fars. —  Karye- 
teïn  (des  deux  bourgs»  (Kod.  El-Feres),  5  fars.  — 
Açed-Abâd,  sur  le  fleuve  (l'Oxus),  6  fars.  —  Kasr- 
el-Ahnef  ^,  sur  le  fleuve ,  Ix  fars.  —  Merve-er-Roud 


^  Je  ne  puis  lire  les  deux  groupes  qui  suivent;  ce  sont  sans  doute 
des  noms  de  villes  que  l'auteur  aura  confondus  avec  les  noms  des 
principales  tribus.  (Cf.Sprenger,Zoc,ctf.  p.  26.)  Edriçya  cité  textuel- 
lement ce  passage,  I,  498;  mais  ses  leçons  ne  peuvent  inspirer  au- 
cune confiance. 

2  Les  copies  portent  Maçyat-Karat  ou  Farat,  peut-être  faut  il  lire 
Medynet-Farab . 

^  Au  rapport  de  Yakout,  dans  le  Mo'djem,  ce  château,  appelé 
Sinvân  avant  la  conquête  musulmane,  doit  son  nom  à  El-Ahnef,  fils 
de  Kaïs,  qui  s'empara  du  Tokharistân,  l'an  32  de  l'hégire.  {  Sur  ce 
personnage,  voy.  C.  de  Perceval,  Essai  sur  l'hisl.  des  Arabes,  l\l,  276  : 
Ibn-Kolaïhah,  éd.  Wnstenfeld,  p.  9\C).) 


LE  LIVRE  DES  ROLTES  ET  DES  PROVINCES.  269 
(Kod.  Merve-la- Haute),  5  fars.  -  Birichk,  sur  le 
fleuve,  5  fars.  —  Asrab,  6  fars.  (Rod.  7  fars.)  — 
Guendjabâd,  6  fars.  —  Talikân ,  6  fars.  —  Kich- 
tidjab  (Kod.  Kisdjân),  5  fars.  —  Argbiân,  Ix  fars. 

—  Kasr-Hout,  5  fars.  —  Karyân  (Faryab?),  5  fars. 

—  El-Raa'  a  la  plaine,»  dépendance  du  Gouzgân, 
g  fars.  —  Serkân  (Kod.  Oustourkân),  dépendance 
du  Gouzgân,  9  fars.  —  Sedreb  ^  dépendance  de 
Balkb,  6  fars.  —  Vucbkouk,  5  fars.  —  El-Ouz 
(El-Gbour?),  à  fars.  —  Balkb,  3  fars.  La  distance 
totale  entre  Merve  et  Balkb  est  de  1  26  fars.^ 

De  Balkb  à  Sarkbour,  5  fars.  —  De  là  aux  bords 
du  fleuve  Djeïboun  (Oxus),  7  fars.  A  droite  est  le 
pays  de  Rbottol  et  le  fleuve  du  Lion;  à  gaucbe,  le 
Kbârezm.  Merve  a  un  autre  nom ,  qui  est  iVi/.  Cette 
ville  est  formée  de  deux  quartiers,  sur  les  deux  rives 
du  fleuve  de  Balkb.  (Ses  dépendances  sont  :)  Amol, 
Rezm ,  les  montagnes  de  Talikân ,  Karyat  (Faryab?) , 

^  Kodama,  qui  donne  quelques  détails  sur  les  principales  stations 
de  cette  roule,  nous  apprend  que  Sedreh  était  d'abord  un  simple 
reiai  de  poste,  dans  le  désert.  L'an  2o3  de  l'hégire,  à  la  suite  d'un 
tremblement  de  terre  qui  se  fit  sentir  aux  environs  de  Merve  et  dans 
le  Tokharistân,  une  source  abondante  jaillit  auprès  de  Sedreh  et 
forma  une  rivière  qui  roula  ses  eaux  bourbeuses  jusqu'à  Merve  et 
Amol,  répandant  la  fertilité  sur  son  passage.  Depuis  ce  temps,  Se- 
dreh est  un  bourg  important,  entouré  de  vergers  et  de  champs  cul- 
tivés. 

^  Je  ne  trouve  que  1 18  fars,  mais  il  est  certain  que  deux  stations 
dont  le  nom  est  cité  par  Kodama  ont  disparu  de  nos  copies.  En 
tenant  compte  de  cette  omission ,  et  après  un  examen  attentif  des 
deux  documents,  je  trouve  que  cette  distance  est  de  127  fars.  (Cf. 
Sprenger, /oc. cif.  p.  4i.)  Mokaddessy compte  17 journées  démarche  , 
à  raison  de  6  fars.  1/2  par  journée. 


270  MAhS-AVKlL    1865. 

le  Nedjd  «haut  plateau,»  le  Djouzghân  ,  jusqu'aux 
derniers  bourgs  de  la  Bactriane.  Le  fleuve  de  Balkh 
conserve  ce  nom  jusqu'à  ce  qu'il  arrive  à  Terined; 
il  baigne  les  murailles  de  cette  ville,  bâties  en  pierres 
de  taille. 


ROUTE  DE  SAGHANIÀN. 


De  Termedà  Sarim-Khân,  6  fars.  —  Khân-Zen- 
djy  (Ist.  Darzindy),  6  fars.  —  Bertakht,  y  fars.  — 
Sagbaniân ,  5  fars.  —  Barabda ,  3  fars.  —  Hemdarân, 
7  fars.  Entre  ces  deux  dernières  stations,  s'étend  une 
vallée  qui  peut  avoir  2  ou  3  fars,  de  long. —  Barse- 
koun,  8  fars.  —  Savamàn,  5  fars.  —  Vachdjird, 
k  fars.  —  Rast ,  à  journées  de  marche.  Rast,  qui 
forme  la  frontière  du  Khoraçan  de  ce  côté ,  est  une 
vallée  étroite  entre  deux  montagnes;  c'est  par  là  que 
pénétraient  autrefois  les  Turcs,  quand  ils  envahis- 
saient le  pays.  Fadhl,  fils  de  Yahya,  fils  de  Khaled, 
fils  de  Barmek,  y  fit  construire  une  porte  ^ 

ROUTE  DE  BALKH  AU  TOKHARISTAN  SUPERIEUR. 

Valary,  5  fars.  —  Le  chef-lieu  du  Khoullam  ou 
Khoulm ,  5  fars.  —  Nahar,  ville,  6  fars  (Kod.  7  fars). 
—  Erkabouk,  5  fars.  —  Karisgbam  (Kod.  Karidh- 

'  Voilà  pourquoi  cette  station  est  nommée  Derbend  «barrière» 
dans  le  Livre  des  Climats.  Ibn-Kballikân,  citant  un  passage  de  17//5- 
toire  des  vizirs,  par  Djoucbiary,  assure  que  Fadbl  le  Barmécidc  fut 
investi  du  gouvernement  de  tout  le  pays  qui  s'étend  entre  le  Cbirvàu 
et  les  frontières  du  Turkeslân,  l'an  17G  de  rbégire.  Yakout  a  trans- 
crit textuellement  ce  passage  d'ibn  Kbordadbcb,  datjs  son  diclion- 
iKtir»',  an  mot  i_>.;;v. 


LE  LIVUE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  271 
Amir),  7  fars.  —  Près  de  là  sonl  les  bourgs  qui  ap 
partiennent  à  Bustam ,  fils  de  Soura ,  fils  de  Mosavir  ^  • 

RELAIS   DE   POSTE   SUR  LA   ROUTE   DE  L'ORIENT. 

De  Sorra  meu-râ  à  Deskereh,  12  relais.  —  De 
Bagdad  à  Deskereh,  10  relais. —  Moçaïr-Abâd  (ou 
Naçir-Abad),  9  relais.  —  Karmiçîn,  6  relais.  — 
Djoundân  (Khoundad),  10  relais.  —  Hamadàn , 
3  relais.  —  Miskveih,  2  i  relais.  —  Rey,  1  1  relais. 
—  Koiimès,  I  3  relais.  —  Neïsapour,  19  relais'-. 

'  La  longueur  totale  de  celte  route  est  ici  de  28  fars,  et  dans  Kod. 
<le  3o  fars. 

^  Il  est  bon  de  s'arrêter  un  moment  sur  ces  chiffres ,  afin  d'en  tirer 
des  indications  précises.  Kodama,  qui  part  de  Bagdad,  compte 
73  relais  jnsqu'à  Rey  ;  Ibn  Khordadbeh  part  de  Sorra-men-rà  ,  et  en 
compte  72.  Le  nombre  total  des  postes  entre  la  capitale  de  l'Irak  et 
celle  du  Khoraçân,  entre  Bagdad  et  Neicbapour,  s'élève  à  loi.  Or, 
comme  une  poste,  nous  le  savons  par  le  témoignage  du  voyageur 
Mokaddessy,  était  de  6  milles  dans  le  Khoraçân,  il  s'ensuit  que,  entre 
l'une  et  l'autre  capitale,  le  service  régulier  du  berid  avait  à  parcourir 
624  milles,  soit  208  parasanges  ou  fars  ak  lis  (12^8  kilomètres).  Ce- 
pendant nous  avons  vu  précédemment  que  cette  distance  était  de 
3oi  fars.  ;  et  il  serait  malaisé  de  trouver  la  raison  d'une  telle  inéga- 
lité si  l'on  oubliait  que  ce  dernier  chiffre  s'applique  seulement  à  la 
route  suivie  par  les  caravanes.  Quelque  considérable  que  paraisse  d'a- 
bord un  écart  de  gS  fars,  ou  plus  de  55  myriamètres,  cette  considc 
ration  suffit  à  l'expliquer.  Quiconque  a  voyagé  en  Asie  Mineure  ou 
en  Perse  sait  avec  quelle  lenteur  désespérante  marchent  le.s  cara- 
vanes; que  de  détours  et  de  contre-marches  elles  sont  condamnées  à 
faire  pour  trouver,  soit  un  gué,  soit  un  village  d'approvisionnement, 
soit  un  pâturage  pour  les  bétes  épuisées.  Le  Ichapar  «  courrier  »  brâlc 
l'espace  ;  n'ayant  d'autre  bagage  que  son  sac  de  dépêches ,  sa  pipe  et 
le  tapis  qui  lui  sert  de  lit,  il  vole  de  relais  en  relais,  franchissant 
torrents  et  montagnes,  prenant,  pour  abréger  sa  route,  des  sentiers 
escarpés  où  nul  autre  n'oserait  s'engager,  et  terminant  ainsi  en  vingt 
quatre  heures  le  trajet  que  le  paisible  muletier  accomplit  à  peine  eu 


272  MARS-AVRIL   1865. 

RELAIS   DE   POSTE   DANS   L'AHVAZ  ET   LE    FARS. 

De  Houlvàn  à  Chehrzour,  9  relais. —  De  Houlvân 
h  Syrevân ,  7  relais.  —  De  Syrevân  à  Samaïrah , 
Il  relais.  —  De  Hamadân  à  Koumiri,  li'j  relais.  — 
D'El-Warkâ  à  Roumm,  3  relais.  —  De  Kounim  à 
Ispahân,  16  relais.  —  De  Faderân  à  Nèhavend,  3  re- 
iais.  —  De  Bagdad  h  Vaçit,  26  relais.  —  De  Vaçit 
à  la  frontière  d'El-Ahvaz,  20  relais.  —  De  là  à  Nou- 
bendedjàn,  19  relais.  —  AChiraz,  12  relais.  —  A 
Istakhr,  5  relais. 

Contributions  de  Chehrzour,  Saineghân  et  Diza- 
bàd,  2,750,000  dirhems. 

Impôt  foncier  du  Maçabadân  et  de  Mihrdjânkadak, 
o,5oo,ooo  dirhems. 

Impôt  foncier  de  Koumm,  2  millions  de  dirhems. 

ROUTES  ENTRE  SOUK-EL-AHVAZ  ET  LE  FARS. 

De  Souk-el-Ahvaz  à  Azem,  6  fars.  —  Goubdin, 
(xAbdînP),  5  fars.  —  Zott,  6  fars.  —  Makhaçah  et 
Dhyâ  «la  ferme,  »  où  se  trouve  un  grand  pont  sur 
le  Oaadi-el- Milh  u  rivière  du  sel'.»  —  Dihlizân, 

huit  jours.  Les  paragraphes  spéciaux  consacrés  par  r\otre  auteur  aux 
stations  de  la  poste  [sikheh]  prouvent  incontestablement  qu'il  y 
avait  à  côté  de  la  route  ordinaire,  fréquentée  par  le  public,  une 
route  plus  spécialement  aflFectée  aux  besoins  du  service  postal ,  et  plus 
directe  que  la  première.  La  difl'érence  entre  les  deux  itinéraires  s'ex- 
plique ainsi  d'elle-même. 

'  La  distance  est  omise;  mais  dans  Kodama  on  lit  /i  fars.  Cet 
écrivain  estime  à  /i4  fars,  la  distance  entre  Souk-ol-Alivaz.le  principal 
marché  de  la  Susiane,  ei  Erradjân.  Mokaddessy  compte  7  journées, 
rnvircm  \b  fars.  =  2  25  kilom. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  273 
6  fars.  — Erradjân ,  5  fars.  Sur  la  rivière  d'Erradjân, 
s'élève  un  magnifique  pont  d'origine  sassanide;  il  est 
en  pierres  de  taille  et  long  de  plus  de  3oo  coudées. 
—  Destedjird,  5  fars.  —  Sedy,  c'est  là  qu'on  gravit 
la  côte  de  l'Eléphant  a  Akahat-el-Fil ,  ))  6  fars.  — 
Khardjân,  6  fars.  —  Zerdjouneh,  li  fars.  —  Nou- 
bendedjân,  5  fars.  —  Kourkhàn,  5  fars.  —  Dans  les 
environs  est  le  vallon  de  Bâwân,  célèbre  par  ses 
noyers,  ses  oliviers  et  autres  arbres  à  fruit,  qui 
poussent  au  milieu  des  rochers.  —  Harareh,  y  fars. 

Chiraz  forme  un  district  qui  dépend  d'Ardechir- 
Khoureh.  Les  autres  villes  de  ce  district  sont  :  Djour, 
Meïboud,  Djau,  Simghân,  Bendedjân,  Rerikhân , 
Khovar,  Roustak,  Kîz,  Guérouz,  Abdereh,  Sebdal, 
Tavvadj,  Kourân,  Sidîn,  Silaf,  Gouvân,  Zendjân  et 
Koulm-Firouz. 

La  distance  de  Souk-el-Ahvaz  à  Davrak  par  eau 
est  de  i8  fars.;  par  terre,  de  ih  fars. 

DISTRICT  DE  SABOUR. 

Il  est  ainsi  nommé  à  cause  de  son  chef-lieu.  Les 
cantons  qui  en  dépendent  sont  :  Noubendedjân , 
Khast  (ou  Khacht),  Kimaredj,  Kazeroun,  Djureh\ 
Goundivân,  Destbarîn,  Hindoukân,  Derdjerid , 
Soulaf,  Rhoubedân,  El-Meïdan,  Mahân,  Rasikhân, 
Chahidjân,  Merzefadîn,  Savroun,  Dizlendjân,Sileh- 
Misr  (?),  Enverân,  le  Bas-Khoumagân,  le  Haut- 
Rhoumagân,  Tabaz-Mardàn,  Kîst. 

*  C'est  la  petite  ville  nommée  Giironh  par  Hamd-Ailali-Mustaufy, 
dans  son  fjouzhet. 


274  MARS-AVRIL   1865. 

DISTRICT  DMSTAKHR. 

Istakhr  est  à  la  fois  le  nom  du  cliel-lieu  et  du  dis- 
trict. Dépendances  :  El-Beïda,  Bahrân,  Açân,  Iredj, 
Manis,  Djîr,  Kybr-Halkounah ,  Borghân,  Miavàn, 
Kaçalisân,  El-Oudar. 

De  Chiraz  à  F.aça  (nommée  aussi  Et-Béida)  et 
à  Darabjird,  3o  fars.  —  De  Faça  à  Darabjird , 
I  8  fars.  Les  cantons  qui  forment  le  district  de  Da- 
rabjird (aujourd'hui  pays  des  Ghebankareh)  sont  : 
Darabjird,  Guerm,  Djehrem,  Sahaf,  El-Akrad,  El- 
Abdiân,  Djouim,  Merdj  (Mergue),  Tarem ,  Ta- 
beslân. 

DISTRICT    D'ERRADJÀN. 

Bas,  Chebr\  Mildjân,  Buzm'g. 

Distance  de  Chiraz  à  Djour,  20  fars.  —  De  Djour 
à  El-Beïda,  8  fars.  —  De  Noubendjàn  à  Chiraz, 
23  fars.  —  De  Chiraz  à  Sabour  (Chapour),  20  fars. 
- —  De  Chiraz  à  Istakhr,  8  fars. 

CAMPEMENTS   DES  KURDES. 

Le  mot  remni'  (au  pluriel  rnmoani)   signifie  le 

'  Au  lieu  de  Cliehr,  Mustaufy,  qui  a  cité  cet  article  dans  le  même 
ouvrage,  écrit  Satr.  Le  nom  suivant  est  illisible  dans  le  texte;  c'est 
peut-être  le  Dariân  de  Mokaddessy.  (Cf.  Sprenger,  loc.  cit.  p.  69.) 

^  L'orthographe  de  ce  nom  n'est  pas  fixée.  Dans  les  traités  d'Ista- 
khry  et  d'Edriçy,  on  trouve  constamment  la  forme  j»;.  La  pronon- 
ciation adoptée  ici  est  celle  de  Yakout  et  de  Mokaddessy.  Ce  dernier 
(r  290)  compte  33  tribus  ou  clans  chez  les  Kurdes  ;  mais  il  est  im- 
possible de  les  rapprorber  des  noms  <  ités  par  noire  uuleur;  en  outre, 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  275 
campement  des  (tribus)  Kurdes.  On  en  compte 
quatre  :  i °le  remm  d'P^l-Huçeïn ,  fils  de  DjilaveïTi  (Ed. 
Khalaveïh),  surnommé  Miandjân;  il  est  à  \  k  fars, 
de  Chiraz;  2°  le  remm  de  Kaçem,  fiJs  de  Chahriar, 
nommé  Gouriân  (Yak.  et  Ed.  Barindjân),  il  est  à 
3o  fars  de  Cliiraz  ;  3°  le  remm  d'Ardamraï-Havamah 
(c'est  peut-être  \e^j^j^\  de  Mokaddessy),  à  26  fars 
de  Chiraz;  4°  le  remm  d'El-Huçeïn,  fils  de  Salih, 
nommé  Rizan  (copie  B.  Mouzan  ;  Yak.  Zizân) ,  à  7  fars 
de  Chiraz. 

La  province  du  Fars  a  1  5 o fars,  en  long  et  en  large; 
elle  renferme  six  districts^  :  i°Istakhr;  2°  Sabour  ; 
3°  Ardechir-Khoureh  ;  /i°  Darabjird;  5°Faça;  6°  Er- 
radjân. 

ROUTE   D'ISTAKHK  À  SIRDJÀN  (oU  CHIRDJÀN,  CAPITALE 
DU  KERMÂn). 

Khidbr,  7  fars.  —  Le  Lac^,  5  fars.  — Ersindjân, 
y  fars.  —  El-Astaf,  à  fars.  —  Chahek-la-Grande, 
6  fars.  —  Village  du  Sel  a  Qaryet-el-Milh ,  »  9  fars.  — 

trois  de  ces  tribus  sont  omises  dans  la  copie  du  D'  Spreiiger.  (Voyez 
aussi  Prairies  d'or,lll,  p.  2  53,  et  un  mémoire  d'E.  Quatremère  dans 
les  Notices  et  extraits,  t.  Xlli,  p.  3oo  et  suiv.)  J'ai  déjà  fait  remar- 
quer ailleurs  [Dict.  yéogr.  de  la  Perse,  p.  264)  quelle  confusion 
régnait  dans  les  auteurs  musulmans  qui  ont  parlé  des  tribus  kurdes. 
L'étude  plus  complète  des  dialectes  et  des  traditions  populaires 
pourra  seule  dissiper  ces  ténèbres. 

^  Il  faut  lire  six  au  lieu  de  cinq  que  portent  les  copies,  puisque  ce 
nombre  se  trouve  confirmé  parla  nouienclalure  qui  suit;  il  est  donné 
aussi  par  Mokaddessy.  (Cf.  Sprenger,  loc.  cit.  p.  69.) 

^  Ce  lac  est  nommé  Hen(/uium  par  Edriçy,  (jui  en  donne  la  des- 
cription (I,  p.  /n  1). 


276  MARS-AVRIL   1865. 

Mourianeh,  8  fars.  —  Arvân,  3  fars.  —  Marsan, 
dernière  dépendance  du  Fars  (distance  omise).  Ce 
qui  fait  depuis  Chiraz  jusqu'à  cette  station  6i  fars. 

—  De  Marsan  à  Roud,  3  fars.  —  Kelmân,  i  fars. 

—  Sirdjân,  capitale  du  Kermân  et  résidence  du 
sultan,  1  1  fars.  Il  y  a  donc  j  6  fars.^  depuis  la  fron- 
tière du  Fars  jusqu'à  cette  ville. 

Villes  du  Kermân 

(lacune),  Koufs,  Mazen,  Marah,  Balous,  Djiraft,  qui 
est  la  plus  grande  ville  du  royaume,  bien  que  le 
sultan  l'éside  à  Sirdjân  ^. 

ROUTE   (du  kermân)  AU  SEDJESTÂN. 

De  Djiraft  à  Bemm,  20  fars.  —  Bermasir,  7  fars. 

—  El-Amel.  sur  la  lisière  du  désert,  l\  fars,  de  là 
jusqu*au  Sedjestân  ,  yo  fars,  dans  le  désert^. 

Villes  du  Sedjestân  :  Zalek ,  Gourgveïh ,  Heïçoum , 

^  Ce  paragraphe  est  plein  de  lacunes  et  d'erreurs.  En  admettant 
comme  exactes  les  deux  dislances  additionnées  par  l'auteur,  on  a 
77  fars,  pour  la  distance  entre  Chiraz  et  la  capitale  du  Kermân.  C'est 
presque  le  résultat  obtenu  par  Kodama  :  76  fars.Edriçy,  qui  suit  une 
route  différente  par  le  désert,  dit  228  milles  (76  fars.).  Dans  Yakout, 
on  lit  64  fars,  seulement  ;  mais  le  texte  est  certainement  mutilé  dans 
cet  article  du  Mo'djem. 

^  Le  délabrement  du  texte  est  encore  évident  ici,  puisque  les  villes 
les  plus  importantes,  telles  que  Berdasir,  Bemm,  etc.  ne  sont  pas 
mentionnées.  Il  est  permis  de  supposer  aussi  que  l'auteur,  travaillant 
sur  un  document  incomplet  et  inexact,  aura  pris  pour  des  noms  de 
ville  les  clans  des  Koufs  et  des  Baloutches,  ainsi  que  les  gorges  de 
Karen  (écrites  aussi  Barzen)  où  vivaient  ces  nomades.  (Cf.  Istakhry, 
p.  72;  Dict.  de  la  Perse,  p.  452.) 

•*  Ce  qui  fait,  pour  la  longueur  totale  de  cette  route,  101  fars. 
Kodama  compte  seulement  80  fai's.  mais  il  faut  remarquer  qu'il  suit 
une  route  différente  à  travers  le  Kouhistàn. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  277 
Zârendj,  Bost,  Masverd,  Karyeteïii  «  les  deux  bourgs;  » 
en  cet  endroit  se  trouvent  les  écuries  de  Roustem; 
Rokhedj ,  Daver.  Le  fleuve  du  Sedjestân  est  nommé 
Hendmend.  Dans  les  anciens  âges,  le  roi  Reïkaous 
donna  la  couronne  du  Sedjestân  à  Roustem  le 
Héros. 

D'El-Amel  à  Taberân,  qui  dépend  du  Kermân, 
k  1  fars.  —  De  Taberân  à  Basour,  cbef-lieu  du  Dje- 
roun  (Ed.  Djervân),  \  li  fars.  —  De  là  au  village 
de  Yahya,  fils  d'Amr,  lo  fars.  —  Hadân,  lo  fars. 

—  Maaden  «la  mine,»  lo  fars.  —  Mousar,  9  fars. 

—  Direk-Mamounah ,  9  fars.  —  Guîr,  1  o  fars.  De 
là  au  pays  habité  parlesBalous  (Beloutches),  20  fars. 

—  La  Montagne  de  Sel,  6  fars.  —  Mahal ,  9  fars. 

—  Kalamân ,  6  fars.  —  Seraï-Kbalef ,  4  fars.  —  Fi- 
rouz ,  3  fars.  —  El-Hafsar,  sur  la  route  de  Kandabîl, 
en  suivant  le  steppe,  10  fars.  —  Seraï-Dara,  1  o  fars. 

—  El  Hoçaïbah,  10  fars.  —  Rasdân,  10  fars.  — 
Djour,  Zio  fars.  —  Bourg  de  Suleïman-ben-Somayi, 
1 8  fars.  (Ed.  village  de  Salem).  Ce  village  est  le  port 
du  Kboraçân  où  l'on  s'embarque  pour  aller  dans 
l'Inde  et  la  vallée  de  l'Indus  (le  Sind). 

De  la  frontière  du  Kermân  à  Mansourah ,  80  fars.; 
on  passe  par  le  pays  desZatbes  (ou  Djathes),  qui  ont 
la  garde  de  cette  route.  —  De  Zarendj,  capitale  du 
Sedjestân ,  à  Moultân ,  deux  mois  de  voyage.  Moultân 
fut  nommé  uleferdj  de  la  maison  d'or,»  parce  que 
Mohammed,  fils  de  Kaçem,  lieutenant  d'El-Had- 
djadj  \  y  trouva  Zio  bahar  d'oi'  dans  une  maison,  qui 

'  Sur  la  prise  de  Moultân  et  l'expédition  de  Mohammed  dans  la 


278  MARS-AVRIL  1865. 

fut  depuis  nommée  <(  maison  d'or.  »  Ferdj  (fente)  a  ici 
le  sens  de  «  frontière.  »  Le  bahar  vdut  333  menn,  et 
le  menn  i  ritles. 


PAYS  DU  SIND. 


El-Raïrounyeb ,  le  Mekrân  ^  El-Mend  (il  s'agit  du 
pays  des  Meyd),  Kandahar,  Kasrân ,  Noiikân,  Kan- 
dabîl ,  Kinnezboun  ,  Armabîl ,  Kanbaly,  Sebbân ,  Sa- 
dousân,  Deïbal ,  Raçek,  Daur,  Vendân ,  Moultân, 
Sendân ,  Mandai,  Salmân,  Seïrasp,  Keredj,  Roumiab, 
Kouly,  Kanoudj,  Baroub. 


PAYS  DES  PEHLEVIS, 

Hamadân,  Dinaver,  Nèbavend,  Mibrdjânkadak, 
Maçabadân,  Kazvîn.  Cette  ville  ,  qui  est  à  2-7  fars,  de 
Rey,  forme  la  frontière  du  Deïlem;  elle  comprend 
la  ville  de  Mouça  et  la  ville  de  Mubarek^.  Zendjân, 
selon  les  uns ,  est  à  1  5  fars. ,  selon  les  autres  à  1  2  fars. 
d'Abbar;  Essinn,  Taïlasân  (pays  des  Taliscbes)  et  le 
Deïlem.  L'impôt  foncier  de  Kazvin  et  de  Zendjân 

vallée  de  l'Indu  s,  on  peut  consulter  l'extrait  du  Livre  des  Conquêtes, 
de  Beladory,  publié  par  M.  Reinaud  dans  le  Journ.  asiat.  ^'  série,  t.  V, 
p.  121  et  suiv.  La  maison  ou  frontière  d'or  est  citée  par  Maçoudy, 
t.  I,  p.  207  et  p.  377. 

*  Les  copies  lisent  Kermàn.  La  confusion  entre  ces  deux  noms, 
qui  ne  diffèrent,  en  arabe,  que  par  la  position  d'une  lettre,  est  fré- 
quente dans  les  manuscrits.  (Voyez,  par  exemple,  le  passage  d'fbn 
Haukal,  cité  par  Abou'1-Féda,  texte,  p.  346.) 

'  L'origine  de  ces  deux  quartiers  est  expliquée  par  Muslaufy,  dans 
la  description  de  Kazvîn  qui  termine  son  Histoire  choisie.  (Voyez  un 
extrait  de  celte  cln-onique,  Journ.  asiat.  5*  série,  t.  X,  p,  261.) 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  270 
n'est  pas  établi  sur  une  base  (ixe;  mais  il  est  évalué 
approximativement. 


ROUTE  DE   L'AITVAZ   A    ISPAHAN. 


De  Eïdedj  à  Djoudardân,  3  fars.  —  Arestadjird, 
k  fars.  —  Sefid-Decht  «la  plaine  blanche,  »  6  fars. 
—  Tounien  (ou  Tonner),  5  fars.  —  Tenoudjird, 
6  fars.  —  Ribat,  y  fars.  —  Rhanedân,  7  fars.  — 
Ispahân,  7  fars.  ^ 


ROUTE  DU  FARS  A   ISPAHAN. 


Ramfirouz,  5  fars. —  Kouret  (ou  Koured),  5  fars. 

—  Kâb,  k  fars.  —  Semarmez  (Somaïrem?),  5  fars. 

—  Chebah,  5  fars.  —  Mourdah,  7  fars.  —  Kenz- 
el-Merdjân  «trésor  de  corail,»  7  fars.  —  Rhân-el- 
Abrar  «  l'Hôtel  des  hommes  généreux.  »  —  Ispa- 
hân^. 


ROUTE  D'ISPAHAN  A  REY, 


De  Yahoudyeh  (faubourg  d'Ispahân)  à  Berkhâr, 
3  fars.  —  Ribat-Der  a  la  station  de  la  porte,  »  7  fars. 
—  Enbazer,  5  fars.  —  Asfar,  6  fars.  —  Damar, 
k  fars.  —  Abâd,  5  fars.  —  Berouz,  5  fars.  — 
Koumni,  6  fars.  —  Khavas,  5  fars.  —  Mokattaa 

*  Distance  totale,  45  fars.  =  270  kilom. 

^  Les  distances  des  deux  dernières  stations  ne  sont  pas  indiquées. 
Dans  Istakhry,  oii  i'avant-dernière  étape  est  nommée  Khùnlendjân , 
la  distance  est  \lx  fars,  et  la  route  complète,  72  fars.  Dans  Kodania , 
70  fars,  mais  il  est  à  remarquer  que  l'un  et  l'autre  prennent  Cliiraz 
pour  point  de  départ. 


280  MARS-AVRIL    1865. 

«  la  ferme ,  »  5  fars.  —  Karem ,  9  fars.  —  Eddeïr  u  le 

couvent,  »  7  fars.  —  Dàr,  7  fars.  —  Hey,  7  fars.  ' 


ROOTE  DE  BAGDAD  A  BASRAH. 

Médain,  Deïr-el-Okoul ,  Dljardjaraya,  Djebboul, 
Fem-es-Silh,  Vaçit,  Farouth,  Deïr-el-Ommal ,  El- 
Hawanit.  On  traverse  ensuite  les  marais  [hataïh), 
jusqu'au  canal  d'Aboul-Açed.  Là  on  s'embarque  sur 
le  Didjlet-el-Awra,  puis  sur  le  canal  de  Ma'kal,  jus- 
qu'au cbâteau  de  Basrah  ^. 

RELAIS  DE  POSTE   ENTRE  SORRA-MEN-RÂ  ET  VAÇIT. 

Okbera,  9  relais.  —  Bagdad,  6  relais.  —  Me- 
daïn ,  3  relais.  —  Deïr-el-Okoul ,  k  relais.  —  t)jar- 
djaraya,  8  relais.  —  Djebboul,  5  relais.  —  Vaçil, 
8  relais^. 

'  Total  du  parcours,  81  fars.  La  carte  n"  VII  du  D' Sprenger, 
dressée  d'après  VAtval,  donne  79  fars. 

-  L'auteur  ne  donne  pas  les  distances  entre  chaque  station,  parce 
qu'une  partie  du  voyage  se  fait  sur  les  canaux  qui  coupent  toute 
cette  contrée.  Mais,  au  rapport  des  meilleurs  géographes  musulmans, 
Bagdad  étant  à  1 00  fars,  de  Basrah ,  Vaçit ,  qui  doit  son  nom  à  sa  po- 
sition intermédiaire  entre  les  deux  villes,  est  à  5o  fars,  de  l'une  et 
de  l'autre.  C'est  ce  qu'affirme  Yacouhy(p.  107  et  108),  qui  men- 
tionne avec  soin  chacune  des  stations  nommées  ici.  Kodama  suit 
exactement  le  même  itinéraire,  malheureusement  presque  tous  les 
noms  y  sont  méconnaissables.  Il  est  à  remarquer  qu'Edriçy  ne  compte 
que  120  m.  ou  ^o  fars,  de  Bagdad  à  Vaçit.  La  station  nommée  Deïr- 
el-Àimnal  doit  probablement  son  nom  aux  manufactures  de  tissus 
dont  parle  Yacouhy  [loc.  cit.  p.  1 09).  Enfin  le  Méraçid,  au  mot  y^  , 
explique  l'origine  des  deux  canaux  d'Abou'i-Açed  et  de  Ma'kal. 

^  En  évaluant  le  relai  à  6  milles  ou  2  fars,  la  distance  entre 
Bagdad  et  Vaçit  est  56  fars,  entre  Okbera  et  Vaçit,  86  fars.  Il  est 
vrai  que  Mokaddessy  donne  12  milles  au  relai,  dans  le  désert  et 


LE  LIVRE  DES  ROCTES  ET  DES  PROVINCES.     ^81 

ROUTE  DE  BASRAH  À  L'OMAN,  I.K  LONG  HE  LA  COTE. 

Abbadân,  Hadaryali,  Arfadja,  Zabounah ,  Ël- 
Maaz,  El-Assa,  El-Migras,  Holeïdjah,  Haçan ,  El- 
Kora,  Moreïlaha  (Ed.  Maslaklia),  Hamadh,  Hadjar, 
iMokabar  (Rod.  Mokayr),  El-Katan,  la  Sabkbah 
«  terrain  salsugineux,  >>  Oman  ou  Sohar^ 

ROUTE  (de  BASRAH  )   VERS  L'ORIENT,  PAR  MER. 

De  Basrab  à  Abbadàn ,  i  2  fars.  —  Les  Estacades^, 
1  fars,  c'est  là  qu'on  s'embarque.  La  côte  située  à 
droite  appartient  aux  Arabes,  celle  de  gauche  aux 
Persans;  elles  sont  séparées  par  un  bras  de  mer  qui 
a  70  fars,  de  largeur.  Dans  ces  parages  se  trouvent 
les  deux  montagnes  (récifs)  nommées  iS^ocaïr  et  Oivaïr\ 
La  profondeur  de  la  mer,  en  cet  endroit,  est  de  -70 

l'Irak;  mais  cela  n'est  pas  applicable  aux  stations  d'un  pays  sillonné 
(le  canaux,  où  les  détours  sont  à  l'infini.  Le  même  auteur  dit  que 
6  milles  font  un  fars,  en  Syrie,  et  je  pense  que  cette  base  est  plus 
acceptable  ici.  (Cf.  Sprenger,  Vorrede,  p.  6.)  Ce  qui  le  prouve  aussi , 
c'est  que  Mokaddessy  compte  10  fars,  entre  Bagdad  et  Okbera;  il 
faudrait  lire  20  fars,  si  le  relai  était  calculé  sur  le  pied  de  1 2  milles  , 
c'est-à-dire  exagérer  de  moitié  la  distance  bien  connue  entre  ces 
deux  points. 

'  Après  Oman  ,  la  copie  A  ajoute  un  mot  illisible.  Islaklii-y  (p.  1  5) 
dit  que  cette  route,  divisée  en  18  stations,  est  dangereuse  à  cause  des 
nomades  qui  y  exercent  leurs  déprédations.  Dans  Edriçy,  le  nom  des 
stations  est  totalement  différent  jusqu'à  El-Kora  (t.  I,  p.  371).  On 
sait  que  Sohar  fut  le  nom  primitif  de  la  ville  qu'on  appela  depuis 
Oman. 

^  La  description  des  hliachebat ,  ou  barrage  de  Basrah ,  se  trouve 
dans  Maçoudy,  I ,  p.  aSo. 

^    Prairies  d'or,  toc.  cit.  p.  2^0;  Ibn-Batoutab ,  H,  2 '17. 


9 


282  MAUS- AVRIL   1805. 

à  80  brasses.  Des  estacades  de  Basrah  a  la 
du  Bahreïn,  sur  la  côte  des  Arabes,  il  y  a 
Les  habitants  du  Bahreïn  sont  des  pirates;  1 
pas  do  champs  cultivés,  mais  possèdent  dc^ 
d'abeilles   et  des  chameaux.  De  là  au  Don 
i5o  fars.  —  de  là  à  Oman,  00  fars. —  De  ' 
Aden,  100  fars.  Aden  est  un  des  principauN 
do  relâche  dans  cette  mer.  On  n'y  trouve  m 
troupeaux;  mais  l'ambre,  Taloès .  le  musc  y  ah' 
Aden  est  rentrepôt  des  marchandises  du  > 
l'Inde,  de  la  Chine,  du  Zendj,  de  l'Abyssi 
Basrah ,  de  Djeddah  et  de  Kolzoum  (Suez).  Lii 
mer  orientale  produit  de  l'ambre  excellent. 
cèle  dans  ses  flots  un  poisson  long  de  cent 
cents  coudées;   les  marins  le   redouten 
l'éloigner,  ils  choquent  des  morceaux  de  1» 
contre  l'autre-.  On  trouve  dans  les  mêmes  p      <> 
un  poisson  volant,   long  d'une  coudée,  à   1.       lo 
chouette;  un  poisson,  long  de  vingt  coudée^ 
renferme  dans  son  ventre  jusqu'à  quatre  pois  tis 
du  même  genre  (squales,  requins);  une  tortur  1  (le 
de  vingt  coudées,  qui  pond  mille  œufs  à  la  i<        a 
carapace  fournit  une  écaille  excellente  :  cet 
est  vivipare.  (On  y  trouve  aussi)  un  poisson  vivi;  le 
qui  ressemble   au  chameau;  enfin,   un  oiseai    ui 


'   Le  lourbiHon,  aux  environs  du  cap  Moçendom.  (P/v/ 
/.  c.  Kaivîny,  Âthar-cl-Bilad,  p.  117,  et  Relalion  des  Voyaye.^ 

^  C'est  le  cachalot  décrit  par  Maçoudy,  sous  le  nom  d'ora/, 
;  Voyez,  aussi  Helation  des  Fovai/f.v ,  II,  vi ,  75.) 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      283 
nnd  et  couve  ses  œufs  à  la  surface  des  vagues,  sans 
naisse  poser  sur  le  rivage. 

ROUTE  DU  FARS  (goLFE  PERSIQUE)  VERS  L'ORIENT. 

D'Obollah  à  Kharek,  5o  fars.  Cette  île,  qui  a  un 
irsakh  en  long  et  en  large,  produit  du  blé,  des  pal- 
iiers  et  des  vignes.  —  De  Kharek  à  Lafet,  80  fars, 
iifet  a  2  fars,  en  long  et  en  large;  elle  produit  du 
lé  et  des  palmiers.  —  De  là  à  Aval  (ou  Abroun), 
11  longue  et  large  d'un  fars,  et  qui  produit  du  blé 
e  des  palmiers,  7  fars.  —  De  là  à  Khîn  ^  île  déserte 
<|i  n'a  pas  plus  d'un  demi-farsakh  d'étendue,  7  fai*s. 

—  Kîs  (Kîch),  île  qui  a  4  fars.  On  y  trouve  du  blé. 
ds  palmiers  et  des  troupeaux;  il  y  a  dans  ces  parages 
ue  pêcherie  de  perles  très-estimées.  7  fars.  —  Jle 
ds  Benou-Kavân,  3  fars,  d'étendue  et  de  largeur; 
fie  est  habitée  par  des  hérétiques  de  la  secte  des 

adites ,  1  8  fars.  —  Ormuz ,  7  fars.  —  Narmechîreh 

ci.  Barmechîn),  qui  est  la  ligne  de  démarcation 

être  la  Perse  et  le  Sind,  7  journées  de  navigation. 

—  Daïbal,  8  journées.  Cette  ville  est  à  2  fars,  des 
huches  du  Mehràn  (Indus).  Le  pays  du  Sind  pré- 
dit le  koust  {costas  speciosus,  famille  des  balisiers), 

Itrotang  et  le  bambou.  —  Du  fleuve  Mehrân  à ^ 

oi commence  le  territoire  indien,  /|  journées.  On 
\  écolte  le  rotang  dans  les  montagnes  et  le  blé  dans 

Khîn  n'est  cité  mille  part;  mais  on  lit  dans  Edriçy  (I,  4s4)  : 
•  )  muz  est  bâti  sur  les  bords  d'un  canal  dérivé  du  golfe  Persique, 
*  f^ii  est  nommé  EI-IlizL^Î.»  C/tsi  sans  rloui.-  lo  niénu'  nom  es- 
tnoié  par  les  copistes. 

Nom  illisible.  Edriçy  dit  )cI>mi  oti  \ 


rr>Mii. 


19- 


284  MARS-AVRIL   1805. 

les  vallées;  les  habitants,  divisés  en  tribus,  vivent 
de  brigandages.  Deux  farsakhs  plus  loin,  habite  une 
autre  peuplade  qui  se  livre  au  vol ,  ce  sont  les  Meyd  ^. 
—  De  là  à  Koul  (ou  Koiila),  2  fars.  —  De  Koul  à 
Sendân ,  011  l'on  récolte  le  bois  de  teck  a  sadj  »  et  le 
rotang,  18  fars.  —  De  Sendân  à  Mely  (Malabar), 
pays  du  poivre  et  du  rotang,  5  journées.  Au  dire 
des  marins,  chaque  grappe  du  poivrier  est  surmontée 
d'une  feuille  qui  l'abrite  de  la  pluie  ;  lorsque  la  pluie 
cesse,  le  feuillage  s'écarte;  s'il  recommence  à  pleu- 
voir, il  recouvre  de  nouveau  le  fruit  2.  —  De  Mely 
àBalîn,  ajournées  ^.  —  Delà  au  grand  golfe ,  ajour- 
nées. A  Bahn ,  la  route  se  partage.  En  suivant  la  côte, 
on  arrive  à  Baneh(ou  Bas) ,  qui  produit  du  riz  qu'on 
porte  à  Serendîb,  2  journées.  —  Sandy  et  Askan, 
pays  qui  produit  du  riz,  2  journées.  —  Koura,  où 
se  jettent  plusieurs  fleuves,  3  fars.  —  Kilakân  (FM. 
Kilkayân),  Louar  et  Rendjeh,  2  journées  ^.  Ce  pays 
produit  du  froment  et  du  riz;  on  y  expédie  de  l'a- 
loès  par  voie  d'eau  douce  (le  Godavery,  selon  le 
docteur  Sprenger) ,  de  contrées  situées  à  une  distance 
de  1  5  journées ,  comme  Kamoul  et  d'autres  lieux. 

^  Maçoudy,  I,  678. 

*  Kazvîny  [Atharel-Bilad,  p.  84,  au  mot  Melibar)  donne  de  nom- 
breux détails  sur  ce  phénomène,  qui  est  décrit  ici  en  termes  brefs 
et  obscurs. 

'  Baiin  peut  être  identifié  avec  le  port  nommé  *aL  par  M.  Rei- 
naud,  d'après  Birouny.  {Joarn.  asiat.  loc.  cit.  p.  128,  et  Mémoire  sur 
l'Inde,  p.  io4.) 

*  Il  Y  a  après  ces  mots  une  petite  lacune;  dans  Edriçy,  toutee  qui 
suit  se  rapporte  à  la  description  de  Semender. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVLNCES.  285 
—  De  Semender  à  Oiirtasîr  (Ed.  Kachmîr),  grand 
royaume  où  abondent  l'éléphant,  le  cheval,  le  buffle 
et  toutes  sortes  de  productions,  12  fars.  Le  roi  de 
ce  pays  est  très-puissante  —  D'Ourtasîr  à  Aïneh ,  où 
Ton  trouve  aussi  des  éléphants,  Ix  journées.  —  De 
Houbaiin  (?)  à  Serendîb,  2  journées. 

Serendîb  (Geyian)  a  80  fars,  en  long  et  en  large. 
On  y  voit  la  montagne  sur  laquelle  Adam  fut  préci- 
pité (après  avoir  été  chassé  du  paradis  terrestre).  Le 
sommet  se  perd  dans  les  nues ,  et  il  est  aperçu  des  na- 
vigateurs à  une  distance  d'environ  vingt  journées  [sic). 
Les  Brahmanes,  qui  sont  les  dévots  de  l'Inde,  mon- 
trent sur  cette  montagne  l'empreinte  de  l'un  des  pieds 
d'Adam;  fautre  empreinte  se  trouve  dans  flude,  à 
une  distance  de  deux  ou  trois  journées  de  la  pre- 
mière. On  recueille  dans  cette  montagne  faloès,  le 
poivre,  plusieurs  espèces  d'aromates  et  de  parfums. 
Ou  trouve  dans  les  environs  différentes  variétés  de 
rubis  et  d'autres  pierres  précieuses;  enlin,  dans  la 
vallée,  une  mine  de  diamants  et  des  chèvres  à  musc. 
Les  habitants  de  l'Inde  disent  que  le  pied  d'Adam 
n'a  laissé  qu'une  seule  empreinte  dans  le  roc,  et 
qu'une  flamme  jaillit  sans  cesse,  comme  un  éclair, 
du  sommet  de  la  montagne^.  Serendîb  produit  le 
cocotier,  et  l'émeri,  qui  sert  à  essayer  les  métaux;  on 


'  sjJUÎ  Aiifc  l  Y  £—^i^y  11  faut  ajouter  au  texte  ces  mots  donnes 
par  les  deux  copies,  et  qui  ont  été  omis  par  mégarde  au  moment  de 
la  composition. 

"^  Tout  ce  qui  est  dit  ici  du  Pic  d'Adam  et  du  volcan  a  élé  copié 
textuellement  par  Edriçy  (t.  I ,  p.  7  i  ).  Mokaddessy  rapporte  la  même 


286  MARS-AVlilL   1865. 

trouve  dans  ses  rivières  le  cristal  de  roche,  et  le  long 

de  ses  côtes  sont  établies  des  pêcheries  de  perles. 

Au  delà  de  Serendîb,  est  l'île  de  Ramy,  où  vit  le 
rhinocéros.  Elle  produit  le  bokam  (bois  de  Brésil) 
dont  les  racines  sont  efficaces  contre  les  poisons 
mortels.  Ce  remède  s'emploie  surtout  avec  succès 
pour  les  morsures  de  vipères.  On  y  trouve  aussi  des 
buffles  sans  queue  (lacune  de  quelques  mots). 

.  .  .  Les  habitants  de  ces  îles  vont  nus,  et  s'abri- 
tent au  milieu  des  tourrés.  Leur  langage  est  une 
sorte  de  sifflement  inintelligible.  Ils  évitent  la  so- 
ciété des  autres  hommes.  Leur  taille  est  de  d  chibr 
(36  pouces);  les  parties  génitales,  dans  les  deux 
sexes,  sont  de  petite  dimension;  ils  ont  les  cheveux 
rouges  et  crépus.  Ils  grimpent  aux  arbres  avec  les 

mains '.Il  existe  sur  le  rivage  de  cette  mer 

une  race  de  blancs  qui  peuvent  atteindre  à  la  nage 
les  bâtiments,  même  lorsqu'il  vente  grand  frais.  Ils 
échangent,  contre  du  fer, de  l'ambre  qu'ils  apportent 
entre  leurs  dents  ^.  —  Une  autre  île  est  habitée  par 


tradition,  et  avec  pins  fJe  précision.  «Serendîb,  dit  ce  voyageur,  a 
8o  fars,  en  long  et  en  large;  on  y  voit  la  montagne  où  tomba  Adam. 
Elle  est  nommée /?o/m  ^.  et  peut  être  aperçue  à  plusieurs  journées 
de  là.  On  y  remarque  une  empreinte  de  pied,  large  d'environ 
70  coudées;  l'autre  empreinte,  située  à  vingt-quatre  heures  de 
marche  de  la  première,  est  entourée  de  flammes  pendant  la  nuit.» 

'  «Sans  le  secours  des  pieds,  et  on  ne  peut  1rs  atteindre,  à  cause 
de  la  rapidili'  de  leur  course.»  C'est  ainsi  que  celte  lacune  est  com- 
plotée par  Edriçy  (l,p.  75). 

^  Edriçy  a  suivi  une  leçon  difl'érenle  et  moins  bonne;  «lis  écban- 
i^eut,  avec  les  navigateurs,  des  perles  contre  de  lambic  qu'ils  por- 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  287 
(les  noirs,  qui  mangent  leurs  prisonniers  tout  vi- 
vants, après  les  avoir  suspendus  et  en  avoir  partagé 
les  membres  ^ 

Une  montagne,  dont  la  terre  est  mêiée 

d'argent.  Soumise  à  l'action  du  feu  -^ 

Dans  les  montagnes  du  Zendj  (ZabedjP)  il  y  a 
d'énormes  serpents  qui  dévorent  les  hommes  et  les 
buffles;  on  en  trouve  même  qui  dévoient  les  élé- 
phants. Ce  pays  produit  le  camphrier  qui  a,  à  peu 
de  chose  près,  la  taille  de  l'homme^.  On  pratique, 
au  sommet  de  l'arbre ,  une  incision  par  laquelle 
s'échappe  l'eau  (la  résine)  de  camphre.  On  la  re- 
cueille; puis  on  fait  une  autre  incision  au  dessous, 
vers  le  milieu  de  l'arbre,  et  le  camphre  en  découle 
goutte  h  goutte.  Après  cela,  l'arbre  se  dessèche  et 


tcnt  ctieieux.  »La  lecture  qui  résulte  de  nos  deux  copies  est  la  niênie 
dans  Kazvîny.  [Adjaïb ,  p.  108.) 

'  Le  texte  a  souiFert  dans  ce  passage;  mais  il  peut  être  rétabli 
ainsi  qu'il  suit  avec  le  secours  d'Edriçy  : 

^  Ces  tignes  se  rapportent  dans  Edriçy  à  Djahms,  qui  est  l'île 
nommée  Bahus  par  notre  auteur.  «La  terre  ainsi  mêlée  se  dissout 
et  se  transforme  en  argent,  »  (  Loc.  cit.  p.  79.  ) 

^  Peut-être  iisait-on,  dans  la  rédaction  originale,  à  la  suite  de  ces 
lignes  la  description  du  baobab  ou  de  quelque  arbre  gigantesque, 
puisque  la  copie  B  a  conservé  une  leçon  très-différente ,  qui  se  trouve 
aussi  dans  Kazvîny  et  Edriçy  :  «Il  peut  étendre  Tombre  de  son  feuil- 
lage sur  cent  personnes.  »  On  sait  (jue  le  camphrier  a  d'ordinaire  le 
port  et  la  hauteiu-  du  tilleul. 


288  MARS-AVaiL   1865. 

meurt.  Cette  île  renferme  ime  foule  de  merveilles 

qu'on  ne  saurait  ni  énumérer,  ni- décrire  ^ 

La  route  de  Chine  fait  un  eoude  à  Balîn  (Ed.  Bal- 
bak  et  Baibank) ,  et  laisse  à  gauche  l'île  de  Serendîb. 
De  Serendîb,  on  se  rend ,  en  dix  ou  quinze  journées 
de  navigation,  à  l'île  de  Likbalous*^.  Les  habitants 
decetle  île  vont  nus;  ils  vivent  de  bananes,  de  pois- 
son cru  et  de  cocos;  leur  principale  richesse  est  le 
fer.  Ils  fréquentent  les  marchands  étrangers. 

De  Likbalous  à  l'île  de  Kalah,  six  journées  de 
navigation.  Celte  île  apparlientau  Djabali  de  l'Inde. 
Elle  renferme  des  mines  d'étain  allia  ly  et  des  plan- 
tations de  bambou^.  —  A  gauche  et  à  deux  journées 
de  Kalah  est  l'île  de  Balous,  habitée  par  des  anthro- 
pophages. Productions  :  camphre  excellent,  bananes, 
cocotiers,  canne  à  sucre.  Deux  fars,  plus  loin  est 
l'île  du  Djabah  de  Chelahet,  nommé  Maharadja. 
Cette  île  est  très-vaste;  le  roi  qui  la  possède  est  vêtu 
d'une  robe  et  d'un  chaperon  (Kalansoua)  d'or;  il 
adore  le  Bouddah.  Productions  :  cocotiers,  bananes, 
canne  à  sucre,  bois  de  sandal,  jacinthe,  giroflier. 
Près  de  là  se  trouve  une  petite  montagne  qui  vomit 
des  flammes,  sur  un  circuit  de  cent  coudées  et  h  la 
hauteui*  d'une  lance;  le  jour  il  en  sort  de  la  fumée, 
et  le  feu  ne  se  montre  que  durant  la  nuit.  Après 


'  Edriç)  a  reproduil  et  déveioppc  celle  dcscriplioii  ;  niai>  il  la 
rapporte  à  I  île  kilah  ou  Kalah  /.li  (l.  I,  p.  p.  79-80). 

^  iNonmice  aussi  Lcntjha(oiis ,  Lciujalous,  etc.  (Voyez  le>  variank's 
He  ce  nom  dans  le  Journal  des  saraïUs,  18 16,  p.  687.) 

'     fU  hili,,n  (/'  >    \'nya(ie.<^  ,    I  ,    l,\!I  ;    Prilir'u  \  il'nr,    I  ,  ?t  il. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  289 
quinze  jours  de  traversée,  on  arrive  au  pays  da  coton. 
Entre  Djaba  et  Chelahet,  on  compte  environ.  .  .^ 
Les  rois  et  les  peuples  de  l'Inde  s'abstiennent  de 
boire  du  vin'^  ;  mais  ils  considèrent  l'adultère  comme 
une  action  licite,  à  l'exception  du  roi  de  Komar,  qui 
s'interdit  et  l'adultère  et  l'usage  du  vin.  Au  contraire, 
le  roi  de  Serendîb  fait  venir  les  vins  de  l'Irak  pour 
sa  consommation.  Tous  ces  rois  font  grand  cas  de 
l'éléphant,  et  ils  s'en  disputent  facquisition  à  prix 
d'or.  Le  maximum  de  la  taille  chez  cet  animal  est 
neuf  coudées;  cependant,  on  trouve  dans  les  (jhobb^ 
des  éléphants  qui  ont  jusqu'à  dix  et  onze  coudées 
de  haut.  Le  plus  puissant  souverain  de  l'Inde  est  le 
BalharUy  dont  le  nom  signifie  «roi  des  rois.»  Sur 
le  chaton  de  sa  bague,  est  gravée  cette  devise  :  «  Ce 
qu'on  entreprend  avec  passion  fmit  toujours  par 
réussir.  »  Après  lui  viennent  le  roi  de  TaCen;  le  roi 
de  Djabah  (Java);  le  roi  de  Djozr  (Guzerat?),  cliez 
lequel  ont  cours  les  dirhems  dits  tatherides'^\  le  roi 
d'Anah  et  le  Rahma.  Les  Etats  de  ce  dernier  sont 
distants  de  tous  les  autres  d'une  année  de  marche^'. 
Le  Rahma  possède  cinquante  mille  éléphants,  des 


'  Lacune.  Edriçy  dit  deux  parasangcs  environ  [Le.  p.  80).  Au  lien 
rlc  «pays  du  coton,  »  la  copie  13  lit  Jajtlî  ^v^»  «P^Y^  ^'^^  aromates.  » 

■^   Passage  copié  par  Maçoudy  (  1 ,  168). 

^  Pluriel  :  aghbab.  Les  géographes  arabes  nomment  ainsi  des 
vallées  spacieuses  et  étendues  qui  s'avancent  dans  la  mer.  Maçoudy 
les  place  dans  le  voisinage  de  Ceylan. 

*  Voyez,  sur  cette  monnaie,  M.  Heinaud,  Mcin.  sur  /'/m/r  ,p.  235  , 
et  (jildemeister,  p.  28. 

^  Maçoudy  place  l'enipir^  du  Rahma  près  du  Ouzerat  (I.  383). 


290  MARS  AVRIL  1865. 

étoffes  de  coton  et  de  l'aloès.  Après  lui  vient  le  roi 
de  Kanîroun,  dont  le  royaume  touche  à  la  Chine, 
et  abonde  en  rhinocéros.  Cet  animal  porte  sur  le 
front  une  corne,  longue  d'une  coudée  ,  et  épaisse  de 
deux  palmes;  on  y  remarque  une  sorte  de  figure 
dans  le  sens  de  sa  longueur.  Quand  on  la  fend,  on 
trouve  dans  l'intérieur,  et  se  détachant  en  blanc 
sur  un  fond  noir,  l'image  de  l'homme,  du  cheval, 
du  poisson,  du  paon,  ou  de  quelque  autre  oiseau. 
Les  Chinois  les  achètent  et  en  fabriquent  des  cein- 
tures dont  le  prix  varie  depuis  deux  cents  dinars 
jusqu'à  trois  et  quatre  mille  dinars  ^ 

Tous  les  rois  dont  il  vient  d'être  parlé  ont  les 
oreilles  j)ercées  ^.  Le  roi  du  Zabedj  est  nommé  Ma- 
haradja;  il  possède  dans  ses  Etats  une  île  nommée 
Dhou-Taïl,  Qui  retentit  du  son  des  tambours  et  des 
timbales^.  Au  rapport  des  navigateurs,  on    trouve 

'  Maçoudy  a  cité  avec  quelques  délaits  nouveaux  celte  descrip- 
tion, dont  le  fond  paraît  avoir  été  emprunté  au  Livre  des  Animawc  de 
Djahez.  Après  avoir  parlé  de  la  gestation  fabuleuse  de  la  femelle  du 
rhinocéros,  l'auteur  des  Prairies  ti'or  termine  par  ces  mots  :  «J'ignore 
où  Djalicz  a  puisé  ce  conte,  et  s'il  est  le  résultat  de  ses  lectures, 
ou  de  ses  informations.»  (T.  T,  p.  388.) 

^  C'est-à-dire  portent  des  boucles  d'oreille.  (Cf.  Relat.  des  voyages, 
I,  i5i.) 

"'  Cette  île  est  nommée  Bcrtaïl  JljLL^j  par  kazvîuy,  mais  les 
manuscrits  de  cet  ouvrage  donnent  encore  d'autres  leçons.  (Voy.  édi- 
tion Wûstenfeld,p.  i  i2.)Cliems  ed-dîn  de  Damas (f ^8 2)  prétond  que 
l'île  de  Tanil  JujLi)  est  habitée  par  une  peuplade  qui  ressemble  aux 
Turcs,  et  que  les  bruits  signalés  par  les  voyageurs  sortent  d'une 
montagne  élevée.  Les  marins  musulmans,  au  dire  de  Maçoudy,  qui 
décrit  celte  île  sans  îa  nommer,  croient  (ju'clle  sert  de  séjour  au 
J)cd(l)al    ou    Anlecbrisl.  —  La    description  du  cheval  marin   se  lit 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  291 
dans  ces  parages  un  cheval  qui  ressemble  à  l'espèce 
chevaline  répandue  parmi  nous,  mais  dont  la  crinière 
est  si  longue  qu  elle  traîne  par  terre.  —  Le  Maha- 
radja  perçoit  chaque  jour  une  contribution  de  200 . . 
d'or;  il  fait  fondre  cette  somme  en  un  seul  lingot  et 
la  jette  dans  l'eau  en  disant  :  voilà  mon  trésor  ^  Il 
y  a  dans  cette  mer  une  île  où  vivent  des  singes  qui 
ont  la  taille  de  lane^. 


ITINERAIRE   DK  LA  CHINE. 


En  parlant  de  Mabit  (Ed.  Maït  et  Mafit),  on 
trouve  à  gauche  l'île  de  Koyouniah  (Ed.  Tonoumah, 
el  plus  loin,  Choumah.  Relnt.  des  voyages,  Botou- 
mah),  qui  produit  Taloès  indien  et  le  camphre.  De 
là  on  va,  en  cinq  journées,  à  Romar,  pays  qui  pro- 
duit l'aloès  indien  nommé  komary,  et  du  riz.  De 
Koniar  à  Senf-'*,  trois  journées,  en  suivant  la  côte. 

dans  le  même  passage  de  Kazvîny,  d'après  l'ouvrage  de  Mohammed, 
fils  de  Zakarya  er-Razy.  (V.  aussi  Relat.  des  voyages,  introd.  p.  xcv.) 

^  Le  même  fait  est  raconté  avec  plus  de  détails  par  Maçoudy 
(I,  176).  Cet  écrivain  ajoute  que  le  poids  de  la  brique  ou  lingot  d'or 
ne  peut  être  évalué  par  lui  avec  exactitude. 

^  Le  texte  est  mutilé  en  cet  endroit  :  la  rédaction  originale  devait 
ajoulerd'autres  renseignements  dont  on  retrouve  la  trace  dansEdriçy, 
Tout  ce  qu'on  vient  de  lire  sur  la  description  de  l'archipel  indien 
et  la  roule  suivie  par  les  navires  arabes,  a  été  soumis  à  un  examen 
sérieux  par  le  docteur  Sprenger.  Ce  savant  démontre,  par  d'ingé- 
nieux rapprochements,  que  le  fragment  d'Ibn  Khurdadbeh,  malgré 
ses  erreurs  et  ses  lacunes,  a  conservé  un  caractère  d'exactitude  re- 
marquable. [Die  Poste,  etc.  p.  82  et  suiv.)  On  peut  comparer  ce 
récit  à  celui  du  marchand  Siileiman  [Relat.  des  voyages,  I,  16-21). 
Voyez  aussi  la  discussion  de  cet  itinéraire,  par  M.  Alf.  Maury  dans 
le  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Paris ,  avril   1846. 

^  Tclienf,  la  Ciampa  de  Marco  Polo.  La  traduction  d'Edriçy  porto 


292  MARS-AVRIL    1805. 

L'aloès  de  Senf,  nommé  à  cause  de  cela  senfy, 
Ten^porte  sur  ceiui  de  Komar,  car  il  va  au  fond  de 
l'eau;  ce  qui  prouve  sa  qualité  supérieure.  On  trouve 
dans  cette  île  des  bœufs  et  des  buffles. 

Parmi  les  villes  les  plus  connues  de  l'Inde, 

sont:Saïl,  Medry  (Mendary),  Barouh,  Kandabar, 
Kacbmîr.  .  .  ^ 

De  Senf  à  el-Wakîn  (Ed.  Loukîn),  qui  est  le 
premier  point  de  relâcbe  en  Gbine,  loo  fars,  par 
la  route  de  terre  et  de  mer.  On  trouve  à  el-Wakîn 
d'excellent  fer  de  Gbine,  de  la  porcelaine  et  du  riz^. 
On  peut  aller  d'el-Wakîn,  qui  est  un  grand  port,  à 
Kbanfou,  en  quatre  journées  par  mer,  et  en  vingt 
journées  par  terre.  Kbanfou  (Hang-tcbeou-fou)  pro- 
duit toute  espèce  de  fruits  et  de  légumes,  le  blé, 
l'orge,  le  riz  et  la  canne  à  sucre.  De  Kbanfou,  on 
arrive  en  buit  journées  à  Djanfou  (Kban-dj en-fou), 
ville  qui  offre  les  mêmes  productions  que  Kbanfou. 
De  là  à  Kanlou  ,  où  l'on  trouve  aussi  les  mêmes  pro- 


à  torl8  milles, au  lieu  de  3  journées.  (Cf.  Rehl.  des  voya(jes,  p.  cvi.) 
Loin  de  faire  l'éloge  de  Taloës  komary,  l'auteur  de  VAthar  el-Bilad, 
p.  64,  assure  qu'il  est  d'une  qualité  inférieure  et  qu'il  diffère  peu 
du  bois  ordinaire.  (Cf.  Prairies  d'or,  I,  169.) 

'   Fragment  incohérent  et  qui  n'est  pas  à  sa  véritable  place. 

^  B,  au  lieu  de  porcelaine,  porte  «terre  vernissée  »  c-sivA»!  (^^^^Jajf. 
On  peut  consulter,  sur  la  fabrication  de  la  porcelaine  en  Cliinc, 
lielat.  des  voyages,  II,  76  -,  le  traité  chinois  traduit  par  M.  Stanislas 
Julien,  Paris,  i856,  et  le  Mémoire  sur  la  porcelaine  du  Japon  trad. 
par  M.  J.  Hoffmann,  Journ.  asiat.  V*  série,  t.  V,  p.  198.  La  traduc 
fion  d'Ldriçy  nomme  Loiikin  la  première  échelle  de  laCiiine  ;  M.  Jau- 
hert  paraît  avoir  lu  ^J  f^^  degrés,  qui  n'a  jamais,  je  crois,  le  sons 
de  port  ou  station. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  293 
ductions,  six  journées.  Dans  tous  les  ports  de  la 
Chine  il  y  a  un  grand  fleuve  navigable  qui  est  soumis 
à  l'influence  de  la  marée.  On  trouve  dans  le  fleuve  de 
Kantou  l'oie,  le  canard  et  d'autres  volatiles.  La  plus 
grande  longueur  de  la  côte  chinoise,  depuis  Almaïd 
(Ed.  sic  y  t.  Il,  p.  89)  jusqu'à  l'autre  extrémité,  est 
de  deux  mois  de  voyage.  La  Chine  renferme  trois 
cents  vifles ,  toutes  prospères  et  bien  connues.  Ce  pays 
est  borné  par  la  mer,  le  Tibet  et  le  pays  des  Turcs. 
Les  étrangers  venus  de  l'Inde  sont  établis  dans  les 
provinces  orientales. 

Le  pays  des  Wakwak  est  si  riche  en  mines  d'or, 
que  les  habitants  fabriquent,  avec,  ce  métal,  les 
chaînes  de  leurs  chiens  et  les  colliers  de  leurs  singes. 
Ils  livrent  au  commerce  des  tuniques  brochées  d'or. 

Abd  el-Ghaffar  le  marin,  originaire  de  Syrie  \ 
étant  interrogé  sur  le  flux  et  le  reflux,  en  donna  l'ex- 
plication suivante  :  Ce  phénomène  se  manifeste  dans 
la  mer  de  Perse,  au  lever  de  la  lune;  dans  la  grande 
mer,  il  se  divise  en  deux  saisons  :  l'une  d'été,  dans 
la  direction  d'est-nord- est,  pendant  six  mois;  à  cette 
époque,  la  mer  hausse  dans  les  régions  orientales, 
comme  la  Chine,  et  elle  diminue  dans  les  régions 
occidentales;  l'autre  d'hiver,  dans  la  direction  de 
l'ouest-sud-ouesl,  durant  six  autres  mois;  la  mer 
hausse  alors  dans  les  contrées  occidentales  ^. 


'  Tout  ce  qui  suit  esl  textuel  dans  Kazvîny;  c'est  en  consultant 
cette  cosmographie  que  j'ai  pu  rétablir  le  nom  cité  ici  et  absolument 
méconnaissable  dans  l'une  et  l'autre  copie. 

2  Passage  copié  presque  lilléralcnjent  par  Maçoudy  (I ,  aSa).  Ce- 


294  MARS-AVRIL   1865. 

Ce  qui  est  au  delà  de  la  Chine  n'est  pas  connu.  En 
face  de  Kantou,  s'élèvent  de  hautes  montagnes.  C'est 
le  pays  de  Sila  (Japon?)  où  l'or  abonde.  Les  Musul- 
mans qui  s'y  rendent  s'établissent  définitivement  dans 
cette  contrée,  à  cause  de  tous  les  avantages  qu'elle 
présente.  On  ignore  ce  qui  est  situé  au  delà.  Le  pays 
de  Sila  fournit  à  l'exportation  :  le  ghorraïb  (ixore , 
plante  de  la  famille  des  rubiacées),  la  gomme  kino, 
le  musc,  l'aloès,  le  camphre,  des  voiles,  des  selles, 
de  la  porcelaine,  du  satin,  le  cinnamorne  et  le  ga- 
langa.  Du  pays  des  Wakwak,  on  tire  l'or  et  l'ébène; 
de  l'Inde,  l'aloès,  le  camphre,  la  muscade,  le  clou 
de  girofle,  la  racine  de  nymphœay  le  cubèbe  ,  le  coco, 
des  tissus  de  coton  et  de  velours,  des  éléphants.  On 
exporte  de  Ceylan  toutes  les  variétés  du  rubis  et 
d'autres  pierres  de  ce  genre,  le  diamant,  les  perles 
et  i'émeri  qui  sert  à  essayer  les  métaux;  de  Mely 
et  de  Sendân.  le  poivre  et  le  cristal  de  roche;  de 
Kalah,  le  plomb  dit  alkafy;  des  régions  du  Sud ,  le 
bois  de  bokara  (bois  de  Brésil)  et  le  dary^,  le  cos- 
tus,  le  rotang  et  le  bambou.  —  La  longueur  de 
cette  mer,  entre  Rolzoum  (Suez)  et  le  pays  des 
Wakwak,  est  de  /i,5oo  fars.  (2,700  myriamètres). 
—  On  tire  principalement  du  Yémen  les  soies 
rayées   de    diverses   couleurs    et    plusieurs    autres 


|)endanl  cet  écrivain  dit  tenir  ses  renseignements  des  marins  de 
Sîraf  et  de  l'Oman. 

'   Je  crois  qu'il  faut  lire  ^^^:  .IjJ  !  «  Dracfena  ferrca ,  »  production 
([ue  Maçoudy  attribue  aussi  aux  iles  Kitali  et  Sorirali  (I,   2/12). 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      295 
ëtolTes,   l'ambre,    le   ivars   (safran    d'Arabie)   et   la 


gomme  V 


L'Inde  esl  partagée  en  sept  castes  :  i°  Les  Sabek- 
ferya  (B  :  les  Sabiens;  Ed.  Sakrya)  ;  c'est  la  caste  des 
nobles  et  du  roi.  Toutes  les  autres  castes  se  proster- 
nent devant  eux;  mais  ils  ne  rendent  cet  hommage 
à  personne,  s'' Les  Brahmanes,  qui  ne  boivent  ni  vin, 
niliquem'  fermentée.  3°  Les  ^e5rja(kcbatrya);  ils  boi- 
vent trois  coupes  de  vin  seulement;  ils  ne  peuvent 
contracter  alliance  dans  les  familles  des  Brahmanes; 
mais  ceux-ci  épousent  leurs  fdles.  li°  Les  Soudarya 
(soudra)  ou  cultivatem^s.  5°  Les  Meïsera  (veisya), 
artisans  et  ouvriers^.  6°  Les  Sandafya  (tchandala), 
gens  de  service  et  d'escorte,  7°  Les  Zenya,  musiciens 
et  jongleurs.  Il  y  a  quarante-deux  sectes  religieuses 
parmi  les  Hindous  ;  les  unes  croient  en  Dieu  (que  son 
saint  nom  soit  glorifié!)  et  en  la  mission  des  pro- 
phètes; d'autres  rejettent  les  prophètes,  d'autres  re- 
jettent toutes  ces  croyances  à  la  fois.  On  trouve  dans 
ce  pays  une  classe  de  magiciens  qui  réalisent  tout  ce 
qu'ils  veulent,  par  leurs  enchantements,  et  guéris- 
sent toutes  les  maladies.  Versés  dans  les  sciences 

'  Je  lis  ir*,  au  lieu  de  y^  et  de  ^,  leçoiie;  également  inadmis- 
sibles. 

-  On  voit  que  l'auteur  intervertit  l'ordre  de  ces  deux  castes,  celle 
des  veysias  ou  marchands  étant  supérieure  à  la  caste  des  soudras 
(artisans).  Je  n'ai  pas  hésité  à  transcrire  par  Tchandala  le  mot  sui- 
vant, écrit  Sandaljah  dans  les  deux  copies  ;  il  désigne  le  fils  d'un 
soudra  et  d'une  femme  d'origine  brahmanique.  Il  reste  encore  deux 
noms  douteux  dans  cette  liste,  celui  de  la  1"  caste  et  celui  de  la  7'. 
Edriçy  a  copié  ce  passage  (II,  98  );  mais  ses  leçons  s'éloignent  plus 
que  les  nôtres  du  llième  sanscrit. 


2i)J  MARS-AVRIL   1805. 

occultes  et  dans  l'art  de  la  divination  i,  ils  exercent 
une  autorité  absolue,  font  le  bien  et  le  mal,  évo- 
quent des  apparitions  et  des  fantômes  qui  frappent 
l'esprit  d'épouvante,  commandent  à  la  pluie  et  à  la 
grêle-.  .  . 


MEMOIRE  SUR  KHACÀNl, 

POÈTE  PERSAN  DU  XIP  SIÈCLE; 
PAR  N.  DE  KHANIKOF. 


SECONDE  PARTIE. 
TEXTE  ET  TRADUCTION  DE  QUATRE  ODES  DE  KHÂCÂNl. 

Avant  de  donner  le  texte  et  la  traduction  des 
pièces  annoncées  dans  la  première  partie  de  ce  mé- 
moire, je  crois  utile  d'exposer  les  raisons  qui  m'ont 
guidé  dans  le  choix  des  Tuorceaux  que  j'offre  au  lec- 
teur. 

La  poésie  de  l'Orient  musulman  a  été  assez  étu- 

^  L'expression  v>ahm  est  employée  dans  le  même  sens  et  au  sujet 
des  sorciers  de  l'Inde,  par  Maçoudy,  II,  452.  Ce  terme  assez  vague 
est  expliqué  dans  les  fragmentsde  Kazvîny  publiés  par  Chézy.  [Clircst. 
arabe,  III,  448.) 

'  Ici  commence  une  lacune  dont  il  est  impossible  de  déterminer 
l'étendue.  Elle  se  termine  par  deux  lignes  incohérentes  relatives  à 
certains  droits  fiscaux  de  la  ville  de  Bagdad,  H  y  est  dit  qiie  le 
trésor  perçoit  i3o,ooo  dirbems  (84, 5oo  francs)  sui-  les  Juifs,  et 
i,5oo,ooodirbems  (976,000  francs)  sur  les  approvisionnements  de 
la  capitale. 


MÉMOIRE  SUR  KHACÂNI.  297 

diée,  traduite  et  commentée  par  des  savants  de  pre- 
mier ordre,  pour  qu'on  ait  le  droit  de  formuler  un 
arrêt  définitif  sur  sa  valeur  intrinsèque.  Les  trésors 
cachés  d'un  monde  poétique  nouveau  qu'on  espérait 
y  trouver  jadis  n'existent  pas.  Les  muses  n'ont  pas 
entièrement  renié  le  génie  oriental,  mais  il  n'est  pas 
non  plus  f  enfant  chéri  de  leur  cœur.  Libre  et  sau- 
vage, il  s'est  développé  comme  ces  plantes  à  formes 
4)izarres  qu'on  rencontre  quelquefois  sur  le  sol  cal- 
ciné des  déserts  de  l'Asie  méridionale.  Hérissées  de 
ronces  et  d'épines,  imprégnées  de  sel ,  elles  suintent 
à  travers  une  écorce  rugueuse  des  gommes  aroma- 
tiques et  bienfaisanfes,^et  balancent ,  sur  leurs  tiges 
presque  desséchées ,  des  corolles  de  formes  élégantes 
et  vivement  colorées.  Beaucoup  de  laideur  avec 
quelques  étincelles  de  beauté,  telle  est,  selon  moi, 
la  devise  de  la  poésie  orientale.  Je  suis  loin  de  pré- 
tendre qu'il  est  absolument  impossible  à  un  Euro- 
péen, homme  de  talent,  de  puiser  à  cette  source 
quelques  bonnes  et  grandes  inspirations.  Riickert  a 
brillamment  prouvé  le  contraire  ;  mais  si  un  célèbre 
con>positeur  sait  donner  de  l'éclat  aux  thèmes  les 
plus  naïfs  et  les  plus  insignifiants,  son  habileté  à  les 
varier  ne  démontre  pas  leur  perfection.  L'imagina- 
tion des  poètes  orientaux  est  très-active;  elle  se 
peuple  facilement  d'images  tantôt  gracieuses  et  tan- 
tôt terribles;  mais  ils  les  laissent,  pour  ainsi  dire,  à 
l'état  de  rêves  et  de  cauchemars,  et,  comme  de 
vrais  dormeurs,  ils  s'inquiètent  peu  de  les  rendre 
conformes  aux  lois  les  plus  élémentaires  du   temps 


298  MARSAVRIL  1865. 

et  de  l'espace.  Ni  dans  ies  arts  plastiques ,  ni  en  poé- 
sie, les  Orientaux  ne  se  sont  jamais  élèves  au-dessus 
de  rornementation;  leur  épopée  même  n'est  qu'une 
série  d'arabesques,  reliées  par  un  fil  à  peine  percep- 
tible et  semblable  au  lierre  s'enchevôtrant  autour 
des  arbres  d'une  forêt,  sans  les  réunir  plus  étroite- 
ment les  uns  aux  autres.  Les  rapports  de  fécrivain 
oriental  se  font  avec  le  monde  réel  d'une  façon  bi- 
zarre et  peu  naturelle.  Il  voit  sans  doute  les  choses 
telles  qu'elles  sont;  mais,  en  les  décrivant,  il  se 
croit  obligé  de  fausser  le  vrai  pour  se  conformer 
aux  principes  immuables  d'une  théorie  surannée, 
véritable  chaîne  imposée  au^énie  oriental.  11  sem- 
blerait que  c'est  surtout  à  la  poésie  que  cette 
observation  devrait  s'appliquer;  mais  il  n'en  est 
pourtant  pas  ainsi.  Bien  que  le  poëte  soit  double- 
ment lié  par  les  principes  de  la  rhétorique  et  par 
ceux  de  la  prosodie,  il  a  néanmoins  les  allures 
beaucoup  plus  libres,  uniquement  parce  qu'il  reste 
plus  national  que  le  prosateur.  Aussi,  pour  com- 
prendre le  caractère  et  l'esprit  des  différents  peuples 
de  l'Orient,  il  faut  s'adresser  à  leur  poésie,  car  la 
prose  orientale  n'est  ni  persane,  ni  arabe,  ni  turque, 
elle  est  presque  toujours  exclusivement  musulmane. 
Tout  le  monde  connaît  finfluence  pernicieuse  exer- 
cée par  la  langue  du  Coran  sur  les  idiomes  des 
peuples  extra-sémitiques  qui  ont  adopté  ce  livre 
comme  leur  guide  moral.  Les  langues  les  plus  oppo- 
sées, par  la  richesse  de  leurs  formes,  aux  règles  de 
la  grammaire  arabe,    se  sont  saturées   d'éléments 


MÉMOIRE  SUR  KHÂCÂNI.  209 

sémitiques  au  delà  de  toute  mesure.  La  prose ,  sur- 
tout, s'est  montrée  docile  à  accepter  le  joug  de 
rinfluence  étrangère.  Autant  par  fanatisme  que  par 
manque  de  goût,  l'éloquence  de  tout  l'Orient  mu- 
sulman s'est  surchargée  de  tournures,  de  locutions  et 
de  phrases  arahes;  mais  les  vers  se  sont  montrés 
heaucoup  plus  rebelles.  Les  exigences  de  la  rime  et 
de  la  mesure  ont  forcé  les  poètes  à  ne  dédaigner 
aucune  des  ressources  offertes  par  leur  langue  ma- 
ternelle, et  la  résolution  presque  héroïque  de  Per- 
doussi  de  composer  un  long  poëme  en  pur  persan 
serait  impossible,  même  à  son  époque,  pour  un 
prosateur  iranien.  Ainsi,  c'est  presque  exclusive- 
ment dans  les  œuvres  des  poêles  qu'on  pourra  puiser 
une  idée  correcte  de  la  richesse  lexicologique  d'une 
langue  de  l'Orient  musulman.  Pour  l'arabe,  le  be- 
soin d'une  pareille  élude  est  reconnu  depuis  long- 
temps, et  l'on  ne  manque  pas  de  recherches  entre- 
prises dans  celte  direction.  (îolius  a  fait  quelque 
chose  de  semblable  pour  le  persan;  quant  au  turc 
djeghataï,  les  textes  mêmes  des  ouvrages  les  plus 
riches  en  mots  de  pure  origine  touranienne,  tels  que 
les  chants  de  Rurouglou,  les  poésies  de  Novaï,  etc. 
ne  sont  pas  encore  publiés.  Il  est  évident,  en  môme 
temps,  que  l'étude  des  poètes  est  infiniment  plus 
profitable  à  la  connaissance  exacte  de  la  grammaire 
et  de  la  syntaxe  d'une  langue  orientale,  que  l'ana- 
lyse de  sa  prose.  Les  licences  poétiques,  quelle  que 
soit  leur  étendue,  ne  dépassent  jamais  les  limites 
qui  leur  sont  imposées  par  le  génie  de  la  langue  ;  et 


300  MARS-AVRIL  1805. 

(!Vst  dans  les  vers  seulement  que  l'on  peut  observer, 
pour  ainsi  dire,  l'élasticité  des  formes  d'un  idiome. 
L'étude  des  poètes  orientaux  nous  présente  encore 
nn  attrait  tout  particulier  parles  secours  qu'elle  offre 
aux  recherches  historiques.  Généralement  parlant, 
ce  ne  sont  pas  des  faits  qu'il  faudra  demander  à  la 
poésie;  à  part  quelques  annales  rimées,  le  soin  de 
préserver  de  l'oubli  les  événements  du  passé  est 
abandonné  aux  prosateurs.  Ces  derniers  se  bornant, 
par  esprit  de  routine,  à  enregistrer  sèchement  les 
faits  officiels  du  monde  musulman  ,  f  esprit  du  temps 
se  reflète  rarement  dans  leurs  écrits,  et  si  les  poètes 
n'étaient  heureusement  venus  les  corriger  sous  ce 
rapport,  cet  élément  si  essentiel  à  la  juste  apprécia- 
tion du  passé  nous  échapperait  complètement. 

Pour  revenir  à  Khâcâni,  j'observerai  que,  guidé 
par  ces  considérations  ,  j'ai  choisi  pour  la  traduction 
quatre  de  ses  pièces  réputées  les  plus  difîicilcs.  Je 
commence  par  faire  remarquer  que,  dans  vuie  ver- 
sion, môme  très-fidèle,  ces  odes  perdent  presque 
tout  leur  attrait  littéraire,  ne  brillant  que  d'un  éclat 
purement  extérieur  qui  s'éteint  dès  que  ces  poésies 
passent  dans  un  autre  idiome.  Le  vrai  sentiment  s'y 
fait  rarement  jour  à  travers  des  métaphores  d'un 
goût  douteux,  et  un  fatras  d'érudition  désordonnée 
et  vaniteuse.  Les  aspirations  pieuses  s'y  mêlent  à 
des  sollicitations  de  cadeaux,  dépourvues  de  toute 
dignité.  La  flatterie  dépasse  les  bornes  de  toute  dis- 
crétion ,  et  ne  peut  être  comparée  qu'à  l'exagération 
de  f  amour-propre  et  de  la  vanité  du  ])oëte.  Les  qua- 


MEMOIRE  SUR  KUÀCÀNI.  301 

lités  mêmes  qui  le  font  tant  apprécier  par  ses  com- 
patriotes doivent ,  comme  nous  l'avons  fait  observer, 
disparaître  dans  la  traduction.  Elles  consistent,  chez 
Khacàni,  dans  une  grande  énergie  d'expression, 
dans  une  sonorité  harmonieuse  des  vers,  dans  la 
n)ultipHcité  des  calembours  et  des  jeux  de  mots,  dans 
la  facilité  enfin  de  grouper  des  syllabes  conson- 
nantes  et  dont  la  cadence  bizarre  flatte  l'oreille 
persane.  Or  toutes  ces  perfections  factices  ne  s'ob- 
tiennent qu'au  détriment  de  la  clarté  du  style  et  de 
l'élégance ,  comme  de  la  profondeur  des  idées.  Le 
sens  est  sacrifié  au  son,  et  le  mot  commode  rem- 
place l'expression  vraie.  Tel  nous  apparaît  notre  au- 
teur, à  la  clarté  des  lumières  du  goût  moderne;  mais 
il  ne  serait  pas  juste  de  le  juger  uniquement  du  point 
de  vue  européen  ,  lequel  est  complètement  étranger 
au  milieu  où  vécut  le  poète.  Il  ne  faut  pas  oublier 
{[ue  Khâcâni  débuta  à  une  époque  où  les  maqamats 
de  Hariri  étaient  encore  une  nouveauté.  On  jugeait 
alors  du  talent  de  l'écrivain  d'après  ses  tours  de 
force  grammaticaux,  et  on  ne  lui  reconnaissait 
une  science  profonde  d'une  langue  qu'à  la  condi- 
tion de  pouvoir  jouer  avec  ses  mots  à  volonté.  Des 
vers  arabes,  intercalés  dans  un  morceau  persan,  en 
lohaussaient  la  valeur,  et  rendaient  l'écrivain  très- 
populaire  dans  la  classe  toute-puissante  du  clergé. 
A  cette  époque,  un  poète  qui  fiusait  sans  peine  une 
pièce  de  vers  de  soixante  à  quatre-vingts  distiques 
sur  une  rime  donnée  et  sur  un  m///".difficile  à  répé- 
ter indéfiniment,  et  qui  [)ouvait  accorder  en  mesure 


302  MARS-AVRIL    1865. 

des  mots  dans  le  genre  rai  bé  Rei  tchiste ,  kkize  wa 
djai  hé  Djei  djoui,  etc.  gagnait  immanquablement  la 
réputation  d'écrivain  éminent.  Toutefois,  en  dehors 
de  cette  facilité  de  versifier,  Khâcâni  était  très-éru- 
dit;  dans  chacune  de  ses  grandes  compositions,  il 
avait  le  talent  de  faire  passer  devant  les  yeux  émer- 
veillés de  ses  lecteurs  le  ciel  et  la  terre,  avec  tout 
leur  cortège  sublime  et  mystérieux,  selon  les  idées 
de  son  siècle.  Cette  dernière  qualité  le  mettait  au- 
dessus  de  tous  ses  rivaux,  et  en  faisait  un  point 
de  mire,  une  sorte  de  merveille.  Ces  qualités  et  ces 
défauts,  richement  semés  dans  toutes  les  poésies  du 
célèbre  Chirwanien,  ne  sont  nulle  part  aussi  con- 
centrés que  dans  les  quatre  pièces  que  nous  offrons 
au  lecteur;  et  voilà  malheureusement  pourquoi  il 
est  impossible  de  les  lire  sans  un  commentaire  cou- 
rant. Je  me  suis  trouvé  ainsi  dans  l'obligation  de 
suicharger  ma  traduction  de  notes  nombreuses,  sans 
le  secours  desquelles  elle  ne  présenterait  qu'une  série 
de  périphrases  très-éloignées  du  sens  immédiat  du 
texte ,  ou  bien  elle  risquerait  d'être  parfaitement  inin- 
telligible pour  les  lecteurs.  Mais  comme  f  obligation 
de  consulter  à  chaque  instant  des  notes  ne  peut  être 
que  très-fatigante,  j'ai  adopté,  pour  les  restreindre 
autant  que  possible,  deux  genres  de  parenthèses; 
les  rondes  contiennent  des  complémenls  nécessaires 
aux  tournures  elliptiques  du  texte,  et  les  parenthèses 
carrées  sont  réservées  pour  des  versions  fidèles, 
donnant  le  mot  à  mot  de  l'original.  Les  crochets 
dans  le  texte  persan  conliennent  les  variantes. 


MÉMOIRE  SUR  KHACANI.  303 

Je  donnerai  ainsi  le  texte  et  la  traduction  i°  de 
l'ode  adressée  au  prince  byzantin  surnommé  par  le 
poëte  Azzdoadowlet  «gloire  de  TEtat;  »  2°  de  l'ode 
écrite  en  honneur  d'Ispahan;  3°  de  l'.ode  écrite  en 
prison,  et  4°  de  l'élégie  sur  le  sort  du  poëte  lui- 
même. 

cxA^-Cw  "Ty^j^  tKfwi^^  ^j^y^  ijaOJ^  c>«^:^  ^J^'  ^■^■^^ 
o-wi  ^^^,t«i*-^  Jl>:>   (^5V.À-:s>-   ^j[)j-w  1^^-^ 


304 


MARS-AVRIL   1865. 


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MÉMOIRE  SUR  KHÂCANI. 


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305 


306  MARS-AVRIL  18G5, 

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MEMOIRE  SUR  KHACANI. 


307 


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MARS-AVKIL  J805. 


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MÉMOIRE  SUR  KFIÂCÂNJ. 


309 


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MARS-AVRIL   1865. 


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MÉMOIRE  SUR  KHÂCÂNL 
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312  MARS-AVKIL  18C5. 


j^ ^    La 2»-^   \y  V      ■♦wt    ^ — i^j 

TRADUCTION. 

Le  ciel  a  une  marche  plus  tortueuse  que  les  boucles  des 
cheveux  des  chrétiens ,  il  me  tient  enchaîné  comme  un 
moine.  Or  si  [l'esprit  de  Dieu]  Jésus  se  trouve  (en  vérité} 
dans  ce  monastère,  pourquoi  ce  temple,  à  la  couleur  bleu 
d'émail,  se  comporle-t-il  à  mon  égard  comme  Dadjal*  ?  Mon 
corps  est  ployé  en  deux  comme  le  lil  de  Marie,  mais  mon 
cœur  est  droit  comme  l'aiguille  de  Jésus.  Je  reste  ici  les 
pieds  pris  dans  ce  fil,  comme  Jésus  fut  arrêté  là -haut  par 
une  aiguille  qui,  tout  en  n'ayant  qu'un  œil,  comme  Dadjal, 
parvint  à  se  glisser  dans  la  poche  de  Jésus^.  Mon  sort  a  pris 

'  Antéchrist  et  Polyphènie  de  l'Orient,  qui  doit  apparaître  près 
d'Ispahan ,  peu  d'années  avant  le  jour  du  juj^ement  dernier. 

-  D'après  la  tradition  musulmane,  Jésus  fut  arrêté  au  qualriome 
ciel,  à  cause  d'une  aiguille  qui  est  resiée  cachée  dans  ses  liahlts; 
aussi  l'aiguille  de  Jésus  est-elle  employée  par  les  poêles  persans 
comme  synonyme  îles  sentiments  terrestres.  Quant  au  fd  de  Marie, 
c'est  une  allusion  à  son  talent  de  couturière,  vanté  dans  les  Evangiles 
apocryphes  (Voyez,  particulièrement,  chap.  x,  p.  i  ?.  i ,  des  Evan- 
yiles  apocryphes ,  par  ().  Hrunet.) 


MÉMO[RE  SUR  KHÀCANI.  313 

les  liabils  d'un  ermite;  voilà  pourquoi,  semblable  à  ce  der- 
nier, je  lais  entendre  chaque  soir  mes  lamentalions.  (Dès) 
le  malin  mes  cris  percent  la  fenêtre  de  ce  toit  azuré.  L'ar- 
deur de  mes  soupirs  fait  bouillir  l'eau  de  TOcéan ,  si  bien 
que  Jésus  est  obligé  de  faire  le  Uiyammoiim  avec  du  sable  du 
lond  de  la  mer  \  Ils  ne  uie  sont  pas  bienveillants  mes  pères 
de  là -haut;  aussi,  comme  Jésus,  ai-je  répudié  mon  père. 
Que  me  fait  (l'éclat)  de  l'astre  de  la  science,  dont  le  corps 
est  Inmineux,  tandis  que  moi  je  suis  obscur!  Que  fait  à  la 
chauve-souris  [oiseau  de  Jésus]  qne  Jésus  soit  voisin  du  so- 
leil resplendissant^.  Si  en  effet  le  chirwanchah  [il]  est  le  sou 
verain  de  llran  et  dq  Touran  ,  pourquoi  Ridjan^  reste-t-il 
dans  un  puits  obscur?  Pourquoi  Jésus  ne  guérit-il  pas  son 
oiseau,  lui  qui  rend  la  vue  aux  aveugles  de  naissance?  Les 
enfants  de  la  virginité  de  mon  génie  sont  comme  Jésus,  ils 
témoignent  [parlent]  en  faveur  de  la  pureté  de  leur  mère. 
Mes  paroles  prouvent  [portent  témoignage  de]  la  virginité  de 
mon  talent,  comme  le  dattier  démontra  le  miracle  de  Marie*. 
L'an  5oo  ne  produisit  pas  un  homme  digne  de  ra'èlre  com- 
paré; ce  n'est  pas  un  mensonge?  moi  j'en  suis  la  preuve. 
Mon  cœur,  semblable  (par  sa  douceur)  à  une  ruche  d'a- 
beilles, pousse  des  cris  comme  des  mouches  à  miel  qu'on  ex- 
termine [maculées  de  sang]  ^  Ma  langue  huileuses'enflamme 

'  C'est  encore  la  tradition  qui  fait  descendre  Jésus  au  fond  de 
l'Océan;  quant  à  son  tayammoum,  c'est  une  invention  de  Khâcâni, 
pour  faire  mieux  ressortir  fardeur  de  ses  soupirs,  qui  dessèchent 
foute  humidité,  même  celle  de  l'Océan. 

-  Le  soleil,  d'après  l'ancienne  cosmogonie,  était  au  quatrième 
ciel,  le  même  où,  comme  je  viens  de  le  dire,  a  été  arrêté  Jésus. 

^  Bidjan  est  le  serviteur  de  Keikhosrou ,  emprisonné  par  Afra- 
siab,  roi  du  Touran,  à  cause  de  son  amour  pour  la  princesse  Me- 
nidjèh.  H  fut  délivré  par  Roustem  ,qui  vainquit  Afrasiab. 

'*  Allusion  au  Coran,  sourate  xix,  versets  22-2G.  (Voyez  aussi 
chap.  XX,  p.  2o4  ,  2o5  ,  des  Evang.  apocryp.  par  Gustave  Brunel.) 

^  Les  Orientaux  prétendent  que  les  abeilles  qu'on  tue  poussent 
des  cris,  et  rp^'elles  le  font  aussi  quand  on  a  tué  leur  reine*. 
V.  •. . 


314  MARS-AVRIL  1805. 

par  l'ardeur  de  mes  soupirs,  comme  la  mèche  [cœur]  '  de  la 
lampe  des  chrétiens.  En  outre,  je  ressemble  à  une  lampe 
(ju'on  suspend  et  qu'on  allume  [brùlej,  des  mains  ennemies 
(m')  ont  chargé  de  trois  chaînes.  Comme  Marie,  baissant  la 
tête  sous  le  poids  des  reproches,  je  verserai  des  larmes  lim- 
pides comme  le  souffle  de  Jésus.  Je  me  tiens  droit  devant 
les  calomnies,  comme  les  élifs  (du  mol)  utana  (nous  nous 
soumîmes).  La  justice  de  mes  amis  ne  vient  pas  à  mon  se- 
cours, et  mon  cou  opprimé  n'a  plus  de  force  de  résistance. 
Dieu  est  mon  refuge  contre  les  méchants  de  l'époque!  Dieu 
est  mon  refuge  !  Je  suis  loin  de  ceux  qui  s'éloignent  de  Dieu  ! 
Je  suis  loin!  Je  ne  demande  pas  assistance  aux  A'bassides, 
je  ne  cherche  pas  l'appui  des  Seldjoiiquides.  Puisque  le  ciel 
[ce  monastère]  est  sourd  à  mes  plaintes,  que  me  font  les 
sultans  Arslan  et  Toughra^?  Puisqu'il  n'y  a  pas  de  Joseph 
qui  puisse  me  préserver  de  la  famine,  que  me  font  Benjamin 
et  Judas  ?  Mais  comme  les  musulmans  ne  veulent  pas  me  faire 
justice,  je  renierai  l'Islam,  que  Dieu  m'en  garde! 

Après  avoir  puisé  l'enseignement  religieux  chez  les  sept 
hommes  \  après  avoir  étudié  la  révélation  sous  les  sept  lec- 


*  La  mèche  d'une  lampe,  occupant  sou  centre,  peut  être  com- 
parée au  cœur;  mais  ici,  évidemment,  Khâcâni  emploie  le  mot  J^ 
à  cause  du  mot  qui  lui  est  consonnant ,  Jut>x3. 

^  Arslan,  c'est  le  troisième  atabek  de  l'Aderbeidjan  Kizil  Arslan  , 
et  Tbughra  est  le  diminutif  de  Toughroul  le  Seidjouquide. 

'  Ces  hommes,  ou  t.^^c-  (J^)'  aussi  nommés  jl^oîi  sont 
des  serviteurs  des  Imams,  constamment  présents  dans  ce  monde, 
mais  inconnus  à  la  majorité  des  mortels.  Leur  mission  est  d'ensei- 
gner la  vraie  religion.  Le  nom  d'Abdals  leur  vient  de  ce  que  l'on 
croit  qu'ils  se  renouvellent  immédiatement  dès  que  l'un  d'eux  vient 
A  mourir.  Leur  nombre,  d'après  l'opinion  de  quelques  chiites,  est 
de  quarante;  mais  généralement  on  croit  qu'ils  sont  sept,  en  se  ba- 
sant sur  le  luidith  :  <jtA-w  ^^ôof  ^^jo.  c'est-à-dire  «les  Abdals  de 
ma  congrégation  sont  au  nombre  de  sept.  »  Chacun  d'eux  réside  dans 
un  des  sept  climats.  Celui  du  premier  climat  porte  le  nom  de  jk^ 


MEMOIRE  SUR  KHACANJ.  315 

leurs  (du  Coran'),  après  (m'être  pénétré  des  chapitres  du 
Coran)  VAlhamd  (chap.  i),  Tarra/iman  (ch  a  p.  i,v)  l'alkehj 
(cil.  xviii);  après  le  Ja-ssin  (ch.  xxxvi),  le  Teioumim 
(ch.  XXXVI )  ou  les  Choua'ra  (ch.  xxvi),  et  le  Taha  (ch.  xx)  ; 
après  avoir  accompli  les  cérémonies  du  Miq'at,  du  Harni , 
du  Taivaf,  du  Djimar,  du  Sai'i,  du  Lahheik  et  du  Moussalluh^; 

"il  cl  a  le  caractère  d'Abraham.  Les  habilants  du  second  climat 
sont  gouvernés  par  i\JlaJf  ju>^  >  doué  du  caractère  de  Moïse.  Le 
troisième  ressemble  à  Aaron  et  se  nomme  cVrîy^'  t>ja:.  Le  qua- 
trième est  N^liuf  cNz-c ,  et  a  le  caractère  d'Esdras.  Le  cinquième, 
semblable  à  Joseph,  est  yfcliJf  cSajc.  Le  sixième,  «<vcu^]f  j^c  ,a  la 

perfection  de  Jésus.  Enfin  le  septième,  ayant  le  caractère  d'Adam, 
est  y*,j2^]  jc\^-  Khizr  est  leur  directeur  général,  et,  faisant  cons- 
tamment la  tournée  des  sept  climats,  il  a  la  possibilité  de  les  visiter 
souvent.  (Voyez,  pour  phts  de  détails.  Diction,  of  the  technical  ternis 
used  in  the  sciences  of  musulmans,  éd.  Sprenger,  fasc.  III ,  p.  iA6, 
1  47  et  1 48.) 

^  Fondateurs  des  sept  écoles  musulmanes  principales,  connus 
sous  le  nom  de  «aLJÎ  pfy3.  Ce  sont:  %s\^  de  Médine,  wJo  of 
de  la  Mecque,  j^^^î  de  Bassra,  -^Lc  et  ol^  de  Koufab,  ^j\ 
yA^c  de  Syrie,  et  ùisj\  ^jf.  (Voyez  note  de  la  page  9  de  la  concor- 
<lance  dn  Coran  de  Kazem-Bek.) 

-  Noms  des  différentes  cérémonies  imposées  aux  musulmans, 
par  leur  loi,  pendant  leur  pèlerinage  de  la  Mecque.  cjl^U>« ,  heu 
d'où  commence  Vihram,  passé  lequel  beaucoup  d'actions  sont  défen- 
dues. ^y2^t  l'acte  même  de  Vihram.  ojti  ^^,  promenade  obli- 
gatoire autour  du  temple  de  la  Mecque.  vL^  ,  action  de  jeter  des 
petites  pierres  (»s.<^)  dans  la  plaine  de  Mina,  où  l'on  sacrifie  des 
nioutons  en  souvenir  du  sacrifice  d'Ismaël  par  Abraham,  arrêté  par 
Dieu.  ^^  ,  sauts  semblables  à  ceux  du  chameau ,  que  l'on  exécute 
en  parcourant  sept  fois  l'espace  qui  sépare  les  monts  li^  et  o^yjo. 
LÀ^1}^  mot  de  la  phrase  (A^^  ^^f  c^aaJ,  que  les  pèlerins  sont 
obligés  de  crier  presque  incessamment,  depuis  le  mont  Arafat  jus- 
qu'à leur  entrée  à  la  Mecque.  Ji,<a-«  -  endroit  où  l'on  récite  la  prière 


316  MARS-AVRIL  ISôf). 

après  plusieurs  quarantaines  durant  trente  ans  ',  je  gar- 
derai ostensiblement  le  carême  pendant  cinquante  jours.  J'ai 
une  poignée  d'ennemis  à  la  conduile  JLidaï(jue  et  je  crains, 
comme  Jésus,  qu'ils  ne  m'attaquent  à  Timproviste.  Que  di- 
rais-lu,  si,  par  crainte  de  l'oppression  des  Juifs,  je  m'en- 
fuyais vers  la  porte  du  monastère  épiscopal,  et  [que 
dirais-tu]  si  je  cherchais  (à  gagner)  le  seuil  de  l'inlKlélilé 
sans  m'enquérir  d'un  maître  élevé  sur  la  route  de  la  religion  ? 
Remarque  qu'cà  Andjaz^  la  porte  est  ouverte  et  que  les  lieux 
de  refuge  byzantins  sont  préparés.  J'échangerai  donc  le  qiu- 
blèli  du  temple  de  la  Mecque  [maison  de  Dieu]  contre  Jéru- 
salem [maison  sainte],  el  contre  la  tribune  de  VAqsa.  Les 
passe-dioits  me  forceront  d'aller  baiser  les  cloches,  les  in- 
justices m'obligeront  a  ceindre  mes  reins  d'une  ceinture 
de  corde".  Je  rédigerai  un  commentaire  de  l'Evangile  en  syria- 
que, je  lirai  en  hébreu  le  livre  des  Proverbes.  A  l'imitation 


du  Tawaf  à  Jeux  génuflexions.  (Voir  aussi  Dozy,  Die  Israelilen  zu 
Mehka,  p.  1 02-1 33.) 

'  Ces  quarantaines  sont  des  réclusions  volontaires  de  quarante 
jours  que  s'imposent  les  sectateurs  du  taruiuat  tlans  les  Tcidllek 
khaneh.  Ils  s'y  livrent  à  toutes  sortes  de  travaux  pieux,  dont  le  prin- 
cipal est  le  seiri  Allabi,  qui  consiste  à  répéter  mentalement  et  sans 
respirer  la  première  partie  du  symbole  de  Tislainisme.  (Voir,  pour 
plus  de  détails,  ma  Descriplion  du  Khanat  ci  BouhliarUi  p-  '  26-200, 
et  mes  Recherches  sur  le  muridisnie  du  Caucase.  ) 

^  Andjaz,  port  sur  la  mer  Caspienne,  dans  le  voisinage  d'Astra- 
khan.  Aboul-Fécla  dit  :  ^^  ^^.^=11  ^^y-^   ^  *-^y^   ^^  ;Ls:>^I 

jLd^f  ikjo-^^  LS'^.'y»^^  (J  J^  j^  ^^^y^^  U  f  ^j^^  c5;^ 
(^oô  .^ii«Jf  «Andjaz  est  un  des  ports  de  Kerkh,  ses  habitants 
sont  chrétiens.  Sa  longitude  est  68°  3o',  et  sa  latitude  de  /i6°oo'.)) 
Azizi  dit  ;  «Andjaz  est  renommée  pour  sa  grandeur.»  (Voyez  Géo- 
graphie d'Aboulféda,  édil.  et  trad.  par  Reinaud,  texte  arabe,  p.  2o3.) 
^  La  ceinture  de  corde  était  obligatoire  pour  les  chrétiens  dans 
les  pays  musulmans. 


MEMOIRE  SDR  KHACANI  317 

lie  Natljourmaki ',  dans  les  murs  du  couvent  de  Moukliran, 
je  Irouverdi  repos  et  refuge  dans  Hippocrate.  On  me  verra 
dans  un  coin  d'une  caverne  sonnant  de  la  corne  et  revèlu 
d'une  tchoiikha  ^.  Au  lieu  d'une  chemise  en  étoffe  de  soie,  je 
porterai  un  cilice  [une  en  laine],  comme  un  évêque,  et  je 
m'enfermerai  (comme  lui)  dans  une  pierre  dure^.  La  croix 
de  bois  qu'on  attache  au  cou  des  enfants,  je  la  porterai 
[mêla  mettrai  autour  du  cou]  avec  conscience.  Si  (par  ha- 
sard) on  ne  me  recevait  pas  avec  honneur  à  Andjaz,  je  sau- 
rai trouver  de  là  mon  chemin  jusqu'à  Byzance.  Je  fonderai 
une  école  dans  un  temple  byzantin,  je  polirai  les  rites  des 
archevêques.  Semblable  à  Poiiri-saqqa'\  j'échangerai  ïaba  et 
le  turban  contre  la  ceinture  de  corde  et  la  soutane  [burnous] . 
Je  discuterai  avec  un  (des)  grands  docteurs  de  la  chrélienlé 
sur  le  Saint-Esprit,  le  Fils  et  le  Père.  D  un  mol,  je  ramènerai 
ces  trinilaires  du  gouffre  du  doute  dans  la  plaine  de  la  certi- 
lucle.  L'évêque  me  reconnaîtra  comme  plus  véridique  que 
Jacob  ,  ([ue  Nestorius  et  qiie  Mélécias  ^  Je  dégagerai  les  mys- 

'  iNadjourmaki  est,  d'après  le  commentaire  de  Khàcâui,  un 
moine  célèbre  pour  ses  connaissances  médicales. 

^  A  prissent  on  désigne  par  tclioukha  le  par-dessus  à  manches 
pendantes  que  portent  les  Persans;  mais  jadis  ce  mot  s'appliquait 
spécialement  à  l'habit  de  moine.  Khâcâni  confond  ici  évidemment 
les  cénobites  chrétiens  avec  les  derviches  et  les  jongleurs  indiens. 

^  Allusion  aux  pénitences  que  s'imposaient  quelques  cénobites  de 
coucher  dans  un  sarcophai^e  en  pierre  qui  devait  leur  servir  de  tom- 
beau, ou  bien  aux  cavernes  où  ils  se  dérobaient  à  la  vue  du  monde; 
niais  il  est  évident  que  le  poëte  n'en  parle  (jue  pour  avoir  l'occasion 
(femployer  le  mot  Ll:^  dans  ses  deux  sens  de  soie  et  de  dur. 

'  Pouri-sa(jqa ,  d'après  le  commentaire,  est  un  nom  qui  s'applique 
à  deux  personnages  :  i°  à  un  ermite  musulman  qui  abjura  sa  foi  par 
amour  pour  une  iille  chrétienne,  et  2°  à  Cheikh  San'an. 

■'  Jacob  Zanzale,  évéque  d'Édesse,  (bndateur  de  la  secte  des  Ja- 
cobites;  il  n'admettait  qu'une  seule  nature  en  Jésus-("brist,  et  il  est 
mort  en  678  A.  D.  -  Nestorius,  .né  en  Syrie,  fut  nommé  en  /128 
patriarche  de  (lonstantijiople.  Ne  voulant  pas  reconnaître  à  la 
\  iergc  le  titre  fie  mère  de  Dieu  [Q^sotÔko^)  ,  il  fut  cou<lamué  par  (c 


318  MARS-AVRIL   1865. 

lères  divins  des  erreurs,  je  démonlrerai  que  Tliouime  esl 
composé  (aussi)  d'éléments.  Tu  verras  les  prêtres  attirés  et 
aHentifs  aux  enseignements  d'un  prélat  aussi  savarit  que  moi  *. 
On  me  nomme  le  second  Ptolémée,  on  m'appelle  le  grand 
Philippe.  J'enverrai  ma  thèse  sur  la  Trinitô  à  Baghdad  au 
marché  de  ihalallia  ".  On  portera  à  Conslantinople  les  herbes 
odoriférantes  et  les  essences,  produits  de  ma  plumé,  il  (y 
en  aura)  pour  les  morts  et  pour  les  vivants'.  Je  prendrai  la 
baguette  de  Moïse  et  j'en  ferai  une  croix.  Au  moyen  des  crot- 
tins de  l'àne  de  Jésus  ,  j'arrêterai  l'hémorragie  de  l'évêque, 
impuissant*.  J'enverrai  le  licou  de  cet  àne  comme  une'cou- 
ronne  an  souverain  de  Samarcande  et  de  Boukhara.  (En 
frottant)  mon  visage  (jauni)  contre  les  sabots  de  cet  âne,  et 
(en  les  arrosant)  des  larmes  (de  sang)  de  mes  yeux,  je  cou- 
vrirai ses  sabots  d'or  et  de  rubis.  Je  commenterai  les  trois 
ouqnoum  et  les  trois  qaj'qaf'  en  les  faisant  suivre  de  démons- 
trations abrégées.  (J'expliquerai)  ce  que  furent  l'insulîlalion 

troisième  concile  général  d'Eplièse  en  /i3i,  et  exilé  dans  un  cou- 
vent de  l'Arabie  Pétrée.  H  passi»  delà  dan.s  une  oasis  de  la  Lybie,  et 
enfin  alla  mourir  dans  la  haute  Egypte.  —  Mélécias.évêque  de  Lyco- 
polis,  vécut  dans  les  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne,  et  fut  de- 
posé  pour  avoir  sacrifié  aux  idole?. 

'  Vers  destiné  évidemment  à  relever  l'allitération  de  hechich 
«prêtre,»  de  hechich  «attiré,»  et  de  huchic'i  «zélé,  se  donnant  de  la 
peine,  »  et  enfin  de  qoussis  ou  qoussoiis  encore  «  prêtre.  » 

-  Marché  de  Baghdad,  qui  n'était  ouvert  que  le  lundi,  troi- 
sième jour  de  la  semaine  chez  les  musulmans,  d'où  lui  vient  aussi 
son  nom. 

'  Mon  commentaire  explique  JoJ^.2*.  par  «camphre,»  substance 
que  les  musulmans  mettent  toujours  dans  les  narines  et  les  oreilles 
des  morts;  mais  je  crois  que  Johnson  a  raison  de  l'expliquer  par 
siveet  hcrhs,  et  c'est  aussi  pourquoi  je  l'ai  traduit  ainsi. 

'  Moyen  employé  jusqu'à  nos  joiu'S  on  Perse  poui*  arrêter  la  sai 
gnemcnt  du  nez. 

•'  ^gÀ5i  est  l'iuie  des  personnes  lormanl  la  TriniU'.  (hiant  aux 
(^é-jS  ,  le  coînnionl^iie  n'fc\pli(pie  pas  ce  mot,  <«  .lohnsiMi  dit  ((m 
r'psl   ini  des  livre-,  des  ni.iirp.s. 


MEMOIRE  SUR  KHACANF.  319 

de  l'esprit,  l'ablution  et  le  carême;  comment  Marie  élait  nue 
et  seule  avec  l'Esprit  \  comment  la  perle  qui  illumine  l'àme 
()ut  apparaître,  quoique  la  cassette  du  fruit  fut  scellée  d'un 
cachet.  (Je  dirai)  quelles  furent  les  paroles  de  Jésus  au  mo- 
ment de  sa  naissance  ^  et  quelle  fut  la  modération  de  Marie 
lorsqu'elle  entendit  prononcer  des  injures'';  comment  Jésus 
moula  dans  l'argile  son  oiseau ,  et  comment  il  rendit  la  vie  à 
Lazare",  quel  fut  (enfin)  le  sens  des  paroles  prononcées  par 
Jésus  sur  le  gibet  ;  «  Je  me  presse  de  rejoindre  mon  Père 
là-liaut.  » 

Si  le  César  me  questionne  sur  Zoroastre,  je  raviverai  les 
principes  du  Zendavesta.  Je  lui  dirai  ce  que  c'est  que  le  zend 
et  ce  que  c'est  que  le  feu,  et  d'où  vient  ce  qu'on  nomme 
pazend  et  zend.  (Je  lui  dirai)  quelle  étincelle  resta  de  ce  feu 
au  moment  où  Abraham  y  fut  lancé  ^  Je  pèserai  sur  une  ba- 
lance le  mvstère  du  mage,  comme  si  le  peseur  élait  Qousta 
lils  de  Louqa*.  J'expliquerai  pourquoi  la  mouche  est  coiffée 
d'un  turban  et  la  sauterelle  porte  un  pantalon  en  diba.  Je 
dédierai  ces  écrits  à  César,  et  ils  seront  plus  parfaits  que 
i'Arjeng  de  Chine  et  (l'œuvre)  deTengloucha  ^ 

'  Allusion  au  verset  i  7  de  la  sourate  xix.  On  voit  ainsi  que  Khâ- 
càni  comprenait  ce  verset  d'une  manière  qui  se  rapproche  beaucoup 
plus  de  la  traduction  de  Wabl  que  de  celle  d'Lllmann,(  Voyez  Un- 
Koran  von  Ullmann,  quatrième  édition,  p.  262,  note  h.) 

-  Allusion  aux  versets  3  i-38  def  la  sourate.xix. 

^  Allusion  aux  mots  Ha^J  i^î^lL^Î  UJ^  0~'-<^>^  <-:>;0^ 
du  verset  27  de  la  sourate  xix. 

*  Allusion  au  verset  i  10  de  la  sourate  v. 

^  Allusion  au  conte  répandu  par  les  musulmans,  que  le  feu  des 
mages  a  été  allumé  pour  la  première  fois  au  bûcher  où  Nimrod  fit 
jeter  Abraham. 

"  Chrclien  de  Palmyre,  physicien  et  savant  du  m*  siècle  de  fh*';- 
gire,  connu  comme  traducteur  du  grec  en  arabe  de  plusieurs  traités 
scientifiques  des  anciens. 

'  Khàcàni  fait  allusion  à  la  galerie  du  peintre  Mani  et  aux  œuvres 
du  célèbre  philosophe  sahcen  Tengloucha. 


320  MARS-AVRIL   1805. 

Mais  (eu  voilà)  assez,  Kliàcàni,  Iréve  à  ces  méchantes  di- 
vaga(ions!  C'est  une  manie  inspirée  par  le  démon.  Le  faux 
frère  que  Irame-t-il  contre  Jésus,  le  vizir  infidèle  que  cons- 
pire-t-ii  (  pour  la  perte)  de  Darius  ?  Ne  profère  pas  de  pareilles 
hérésies,  reviens  de  nouveau  à  la  foi.  Dis:  Que  Dieu  me 
garde  de  pareilles  tentations!  Dis  :  En  vérité  je  confesse  que 
Dieu  est  unique.  Il  est  plus  élevé  que  je  ne  saurais  le  dire, 
bien  plus  élevé. 

Mais  pourquoi  faut-il  que  j'aille  jusqu'à  B)z<uice  pour  y 
chercher  refuge  contre  l'oppression  ?  Le  souverain  de  Bv - 
zance,  A'zz-oud-doulet  est  ici.  (Il  est  ici)  la  main  droite  de 
Jésus,  la  gloire  des  apôtres  ,  le  confident  de  Marie,  le  refuge 
des  chrétiens!  Homme  au  caractère  de  Jésus,  rejeton  des 
Césars,  je  le  conjure  en  vérité  par  le  Saint-Esprit,  par  son 
insuflîalion  et  par  Marie  î  par  l'Evangile,  par  les  apôtres  et 
par  Jésus,  par  le  berceau  du  juste  et  par  la  Vierge  enceinte, 
par  le  bras,  la  manche,  par  le  passage  du  souifle;  par  Jéru- 
salem, par  Aqsa  et  par  le  rocher  du  Golgotha!  par  les  anges 
tulélaires  et  les  apôtres I  par  la  cloche,  la  ceinture  de  corde 
et  la  lampe  de  l'église!  par  Jean,  par  Charnmas  cl  par  Ba- 
hira  ^  !  par  le  grand  carême  et  la  boucherie  de  la  nuit  âujitr^, 
par  la  fête  d'église  et  par  le  jeûne  des  vierges^  !  par  la  pureté 
de  Marie,  après  son  union  avec  Joseph!  par  réloignement 
de  Jésus  de  la  boulure  des  choses  (c'est-à-dire  par  sa  chas- 
teté)! par  les  racines,  les  branches  et  le  feuillage  de  l'arbre 
qui  porta  des  fruits  sous  Tinfluence  de  l'esprit  élevé!  par  le 
prenner  mois  de  l'année  qui  tomba  alors  en  avril!  parle 
vieux  palmier  transformé  en  arbre  plein  de  sève!  par  les 
cris,  les  chants  cl  par  la  Irompelie  du  monastère!   par  les 

*  Cbammas  est  réputé  en  Orient  comme  fondateur  du  culte  du 
feu,  et  Bahira  est  un  moine  neslorien  qui  a  prédit  l'apparitiou  dt- 
Mouiiammed. 

^  Khàcâni  confond  ici  la  nuit  de  Pâques  avec  le  Eidifilr  des  mu- 
sulmans. 

^  L'Église  arménieinie  a  ^ardé  jusqu'à  nos  jours  l'usaiif  de  làire 
ji-ùner  les  vicriies  cjuel(|ucs  jcuus  avant  Unir  n»aria|ie. 


MEMOIRE  SUP»  KHACANI.  321 

chaînes  en  fer  donl  ies  évêques  chargent  les  membres  de 
leur  corps!  par  le  trine  aspect  des  consL^.lîation'^ ',  de  la  lune 
et  des  astres!  par  le  carré  (des  points  cardinaux)  et  par  la 
Irinité  du  troisième  jour  de  la  semaine,  par  le  trine  opposi- 
lion  à  l'endroit  le  plus  propice  du  ciel^!  par  le  carré  et  la 
croix  des  vents  impétueux ■\  (je  te  conjure)  de  m'obtenir  du 
grand  Chah  Tordre  d'aller  visiter  Jérusalem  et  je  le  promets 
que,  tant  que  l'équaleur  et  l'axe  du  monde  se  rencontreront 
en  croix  et  la  rendront  évidente,  et  tant  que'  Jésus  sera  dans 
le  beiti  ma  amour,  ces  vers  resplendissants  glorifieront  Dieu. 

Avant  de  donner  le  texte  et  la  version  de  la  pièce 
suivante,  je  dirai  quelques  mots  de  celle  que  je  viens 
de  traduire.  Cette  ode  nous  permet  de  juger  com- 
bien,  à  l'époque  des  premières  croisades,  les  idées 
des  musulmans  sur  les  rites  et  sur  les  dogmes  de  la 
religion  chi^étienne  étaient  vagues  et  confuses.  Nous 
avons  devant  nous  le  témoignage  d'un  homme  re- 
marquable, qui   se   pose  en  érudit,  profondément 

'  Le  trine  aspect  est  la  position  de  deux  planètes,  séparées  par 
(rois  signes  du  Zodiaque  ou  par  90°  ou  six  heures. 

^  Nous  avons  traduit  (jXX3  o^su*,  par  l'endroit  le  plus  propice  du 
ciel;  mais  souvent  il  veut  dire  ce  que  les  astrologues  nommaient 
roue  de  fortune  (Glùcksrad),  endroit  du  ciel  dont  la  distance,  en 
longitude,  de  la  lune,  est  égale  à  la  distance  du  soleil  de  l'horos- 
cope, ou  du  signe  zodiacal  qui  se  lève  dans  un  instant  donné.  (Voyez 
Astrologisclie  Vortrfege  von  Adolph  Drechsçler,  p.  7.)  Si  l'on  accepte 
cette  signihcalion,  le  vers  susmentionné  doit  être  traduit  par  «le 
trine  opposition  dans  fa  roue  de  fortune,  »  ce  qui  ne  peut  avoir  lieu 
que  si  la  place  occupée  par  une  dos  planètes  coïncide  avec  celle  do 
celte  roue,  désignée  en  astrologie  par  le  signe  0. 

'  Le  carré  dont  il  est  question  ic.i  est  formé  par  les  points  cardi- 
naux, la  croix  des  vcnis  impétueux  est  celle  qui  est  formée  par  des 
vents  sounianl  des  (piatre  j>oinls  opposés  de  l'horizon. 


322  MARS-AVRIL   1805. 

versé  dans  les  mystères  de  tous  les  cultes ,  qui  a  l'air 
d'efïleurer  en  riant  tous  les  principes  de  la  doctrine 
chrétienne,  et  qui  confond,  néanmoins,  les  rensei- 
gnements sur  le  Christ,  donnés  par  le  Coran,  avec 
les  notions  puisées  dans  les  évangiles  apocryphes  et 
les  légendes;  qui  adopte  les  contes  superstitieux  des 
classes  les  plus  basses  et  les  moins  civilisées  des 
populations  chrétiennes  de  son  époque,  sans  ja- 
mais se  donner  la  peine  de  recourir  à  la  source 
authentique  et  admise  comme  seule  base  religieuse 
par  ceux  qu'il  se  propose  d'éblouir  au  moyen  de  sa 
science  théologique.  On  voit  en  même  temps  com- 
bien if  méconnaît  le  sens  et  la  nature  des  sentiments 
pieux  des  chrétiens  de  son  temps.  Dans  une  pièce 
destinée  à  disposer  en  sa  faveur  un  prince  profes- 
sant le  christianisme ,  il  se  place  partout  à  fégal  du 
fils  de  Dieu  et  de  la  Vierge,  traite  très- cavalière- 
meiit  les  prélats  de  l'Eglise,  et  se  vante  de  pouvoir 
redresser  toutes  les  erreurs  et  expliquer  tous  les 
mystères  des  dogmes  les  plus  sacrés  d'une  croyance 
quil  embrasse  par  dépit.  Khâcâni  paraît  complète- 
ment ignorer  les  ditférences  qui  existaient  de  son 
temps  entre  les  nombreuses  sectes  chrétiennes,  et  il 
cite  hardiment  les  noms  des  héj'ésiarques  condamnés 
par  tous  les  conciles,  croyant  naïvement  obtenir 
ainsi  les  bonnesgràcesd'un  prince  orthodoxe  du  Bas- 
Emj)ire.  Avec  intention  ou  par  ignorance  ,  il  confond 
les  momeries  des  derviches  de  l'Inde  avec  les  cou- 
tumes austères  des  cénoLutcs  cbréliens,  et  tout  en 
essayant  d(^  vouloir  lou(U'  la  relii^ion  d\\  Cbrisl,  il  la 


MÉMOIRE  SITR  KHACANI.  323 

met  bien  au-dessous  de  l'islamisme.  Toute  propor- 
tion gardée,  cette  pièce  de  vers  a  beaucoup  d'analo- 
içie ,  dans  sa  tendance ,  avec  Ja  moqueuse  controverse 
du  rabbin  et  du  théologien  chrétien  chez  Heine.  Le 
poëte  allemand  est  un  juif  converti,  mais  non  con- 
vaincu; le  Persan  est  un  musulman  très-convaincu 
et  qui  fait  semblant  de  se  convertir  par  dépit  Son 
ignorance  de  la  religion  de  Zoroastre  est  encore  plus 
évidente;  il  se  borne  simplement  h  répéter  la  fable 
absurde  de  Torigine  du  feu  sacré,  qui,  si  elle  n'était 
pas,  à  ce  qu'il  me  semble,  d'origine  purement  mu- 
sulmane, aurait  le  seul  avantage  d'établir  un  syn- 
chronisme entre  le  dernier  patriarche  et  le  premier 
législateur  iranien. 

Un  fait  politique  assez  curieux  nous  est  indiqué 
par  le  passage  où  Khâcâni  ])arle  d'Andjaz;  à  savoir 
que,  non-seulement  les  Byzantins  accueillaient  avec 
faveur  les  transfuges  arméniens  et  géorgiens,  ce  que 
l'on  savait,  mais  encore  qu'ils  en  usaient  de  même 
envers  les  sujets  de  leurs  voisins  musulmans,  ce  qui 
me  paraît  un  fait  assez  nouveau.  Andjaz  et  d'autres 
ports  de  la  côte  septentrionale  de  la  mer  Caspienne 
oifraienl  aux  habitants  des  provinces  orientales  du 
Caucase  un  moyen  facile  de  pénétrer  dans  ]es  plaines 
de  la  Russie  méridionale  de  nos  jours,  plaines  qui,  au 
xn'' siècle,  étaient  un  terrain  neutre,  habité  par  des 
nomades  de  race  tuique.  Ibn  Batouta  nous  a  laissé 
la  description  de  l'itinéraire  qu'on  suivait  poui'  se 
rendre  aux  conllns  du  Bas-Empire,  et  quoique  son 
\()yagc   à   Constant inople    soit    presque     de    deux 


:Wi  MARS- AVRIL   180  5. 

siècles  plus  moderne  que  l'éj3oque  dont  parle  Khà- 
cani,  la  direction  de  la  route  et  la  nature  du  terrain 
devaient  avoir  éprouvé  peu  de  changements.  Ces 
émigrations  nous  expliquent,  en  partie,  comment 
les  Grecs  du  Bas-Empire,  assez  peu  voyageurs  de 
leur  nature,  avaient  des  renseignements  exacts  sur 
des  provinces  éloignées,  et  qui  semblaient  être  en 
dehors  de  leur  activité  politique  et  commerciale. 

Je  terminerai  ces  observations  par  la  remarque 
que  Khâcâni,  en  se  comparant  à  Bidjan,  indique 
clairement  qu'à  l'époque  où  il  écrivait  cette  pièce,  il 
jouissait  encore  des  bonnes  grâces  de  son  maître, 
et  que,  s'il  était  malheureux,  il  le  devait  uniquement 
à  la  malveillance  de  quelque  gouverneur  d'une  pro 
vince  où  il  résidait  alors.  Ainsi,  en  évoquant  Texen)- 
ple  du  souverain  de  l'Iran  et  du  Touran ,  il  avait 
en  vue  d'intéresser  Akhistan  à  son  sort  et  de  l'enga- 
ger à  le  protéger  contre  les  persécutions  de  ses 
ennemis. 

La  seconde  pièce  que  je  me  propose  de  traduire 
est  l'ode  écrite  en  l'honneur  d'Ispahan  ;  en  voici  le 
texte  : 


<Xj^    ^j^    J^M     C^XJ^    (jliûUA3 


/  u 


L_tf>l)Lo  (S^,^-^  l? 


^jUûUaé^  (^Ui  L 


by 


u*— *^— **=  4^  y 


MÉMOIRE  SUR  KHÀCÂNl.  325 

*Jw^     CXA*i^>AMjU     (ji^>^     ((J-*)     ^_J«=^      *X\j 

/mu^uLo  ^^l_^JC-u»)    *X«»«I    (jijw-ft  w_^_3 

-^AM   (ji^-i^  cxA**ki6   aS   ^j   <xj    -:■  .-r^ 

^)i      0-A^*O     ?*^•*^^     (J*.lÂ-W     ^^VJWMudJ^  j  fcj 


320  MARS-AVRIL   1865. 

hj\i  ^i>  if>4ikh^i^  oôLaj  ^^j^  ».iwa^  Ci^«uii 

d 

jv_5»-:5   ^^^-^çycio  yt*x_-<  (jUûIju^  &^a- 
"    j    *^    ;    o        ^  -' 

y 


MÉMOIRE  SUR  kHÀCÀNf.  327 

C>-wl    «UljyLis.     Y'^   C>5v^~â»   -ilt>.sij   «U   A^oLà. 

^  Lift  Là— o  ^î^^— w  t-j^;— Is  <_j»!!5X^5^.-|-.^ 
c:a.amJ  «V»  Ak^^  ;^iés-^^  ^{«Xjo  io:^  jt 

g     w 

^ i  «X. ..  ■  X— J    Aaj?^    -Xj    Ci*..*«î  j.Aâ^    ^^"^^.^ 


328  MARS-AVRIL   180^^). 

U ^   v5   (:)■  ■■»^ — ^ — ^  (j*^^   (jv:^   *-^lj 


MÉMOIRE  SUR  KHÂCÂNI.  329 

j — à   Ao\  dl — jbl^j    A  5]  ^^  o*i*-^^. 

uJ-*0»  ^-^    oi»%Jûw  ^^^-*-.Cw   (jV^jvAaw   ^>\j 

^jîiy-^  (j^  ^*x.w  ^<Xaw  axj^  ,^^  u*^- 
_^t— j^HSf  ^j<^  ^^  *^j5  ^'•■'^^^^  3^^ 

i^— j^  u***— ^  ^  ^^^  5->**  *>^— ^^  ^LX-j^ 


330  MARS-AVRIL  1865. 

^L^IjL«o  (^Lsioîj  *Xj*XÂ^,.f.  Aj  (jjj5 


MÉMOIRE  SUR  KHÂCÂNI.  331 

ilxiî  dXjM>Â.^  JiâÀ^  f^^3  S^  0*^ 

LJ — fi».  Jv-^L-iÂ-j  *I  x_AjL5"L^)-i.t3 
^LifcLi.^  c^U-^  l^j-^  AkS"^! 

bl — K-^  i^^j^^p   iXjj^  ^U  ^- jl 


332  MAHS'AVIUL   180  5. 


TRADUCTION. 


Esl-ce  le  parfum  des  houris  ou  bien  est-ce  l'air  d'Ispaban  ? 
Vois-jela  face  (de  la  consiellalion)  des  Gemini,  ou  bien  est-ce 
la  beauté  d'Ispaban  ?  La  ricbesse  et  la  population  d'Ispaban 
naquirent  jumelles  comme  les  étoiles  de  la  constellation, 
(  elles  doivent  le  jour)  à  la  mère  de  la  fortune  qui  n'engendre 


MÉMOIRE  SUR  KHACANl.  333 

que  des  (enfants)  sans  pareils.  Les  hommes  purs  d'Ispalian 
sont  comme  l'or  des  Gemini  et  comme  les  astres*  du  ciel 
pesés  dans  la  Balance  \  Comme  c'est  à  (l'influence)  des  Ge- 
mini qu'Ispahan  doit  sa  puissance ,  la  richesse  de  son  sol  l'a 
faite  ré{2:ale  du  paradis,  ou  plutôt,  semblable  aux  deux  (as- 
tres) [Jumeauii]  des  Gemini,  le  neuvième  ciel  et  l'excellente 
(ville)  d'Ispahan  sont  frères  jumeaux.  Il  se  peut  même  que 
le  neuvième  ciel  ne  soit  qu'un  oreiller  carré,  fait  (exprès) 
pour  que  les  grands  d'Ispahan  puissent  y  reposer  leurs  bras  ^ 
Le  sol  d'Ispahan  produit  \esidrei,\Q  sidreti  muntaha  de  l'unité 
de  Dieu^.  Les  yeux  du  soleil  sont  constamment  malades  par 
suite  de  l'envie  qu'ils  portent  au  sol  d'Ispahan  qui  contient 

^  Pour  interpréter  ce  passage ,  nous  devons  encore  recourir  à 
l'astrologie.  Ispahan  se  trouvait  placée  sous  les  auspices  de  la  constel- 
lation des  Gemini ,  qui ,  en  astrologie ,  était  égale  en  force  à  la  pla- 
nète Mars.  Cette  dernière  était  réputée  très-chaude  et  sèche  ;  son 
influence,  sur  la  surface  de  la  terre,  s'exerçait  sur  le  chêne,  le 
bœuf,  et  produisait  la  couleur  rouge  de  feu;  dans  l'intérieur  de  la 
terre,  elle  engendrait  le  fer,  l'aimant  et  les  minéraux  amers.  Ainsi 
l'or  des  Gemini  veut  dire  force,  solidité,  attraction,  le  tout  couleur 
de  feu  ou  couleur  d'or.  Quant  aux  astres  du  ciel  pesés  dans  la  Ba- 
lance, ce  sont  évidemment  les  étoiles  qui  forment  cette  constella- 
tion. Je  trouve  dans  un  ancien  traité  intitulé  :  Aslrolofjia  Jiidi- 
ciaria,  etc.  durch  weyland  M.Thobiam  Mollernm  Crimicensem  Astro 
nomum  ,  le  passage  suivant  :  «Die  Zwilling  so  warm  und  feuchte, 
auch  Lufft  zugehôrtn,  pflegen  denjenigen,  so  sie  nach  verbrach- 
ten  und  gcsefzten  Unterrichte,  im  Calender  vermeldet,  befunden , 
fùrneniblich  einen  Lust  zur  Weeszheit,  Kunst ,  Verstand  und  Ge- 

schiclilichkeit Viel  Reichtumh  wird  er  durch  Cottes  Segen 

seine  Kunst,  Geschicklichkeit  ûberkommen  ,  etc.  » 

^  /ji'vfr  a  deux  significations,  celle  du  neuvième  ciel,  au-dessus 
duquel  il  n'y  a  plus  de  cieux,  et  celle  du  toit  d'une  maison;  l'auteur 
l'a  employée  dans  ce  dernier  vers,  évidemment,  pour  pouvoir  au  be- 
soin dire  qu'il  ne  voulait  parler  que  de  l'attrait  des  terrasses  élevées 
des  maisons  d'Ispahan. 

^  Le  sidrcli  mantaha  est  un  arbre  du  paradis,  selon  les  uns,  et  du 
septième  ciel ,  selon  les  autres ,  dont  les  feuilles  témoignent  de  l'unité 
de  Dieu. 


334  .  MARS-AVRIL  1865. 

du  manganèse.  Voilà  pourquoi  ja  main  de  Jésus  broie  pour 
les  yeux  du  soleil  le  manganèse  d'Ispahan  ^  Ne  vois-tu  pas 
que  le  ciel  en  a  pris  la  couleur  (du  manganèse  d'Ispahan), 
car  il  est  le  mortier  où  l'on  réduit  le  sourmèh  en  poudre. 
L'air  d'Ispahan  vivifie  le  corps  et  l'âme  comme  l'aube  blan- 
chissante et  l'aurore  du  malin ^  (Éveillée)  par  le  zéphyr  d'Is- 
pahan, l'aube  du  jour  fait  un  éternument  musqué  et  le  ciel 
lui  répond  :  Dieu  te  bénisse  î  La  main  du  prophète  Khizir  ne 
pouvant  retrouver  la  source  (de  Jouvence) ,  fil  (fablutiondite) 
le  tayammoum ,  avec  de  la  poussière  des  pieds  des  Ispaha- 
niens.  Tu  ne  dois  pas  considérer  le  puits  d'Ispahan  comme 
résidence  de  Dadjal;  envisage  (plutôt)  les  plaines  d'Ispa- 
han comme  lieu  d'apparition  de  Mehdi.  Jspahan  !  Le  parasol 
noir  est  le  grain  de  beauté  de  la  face  de  ta  souveraine!é\  el 
marque  le  bien;  c'est  la  couleur  brune  de  celte  petite  tache 
qui  rehausse  la  splendeur  [de  la  noirceur  de  ce  grain  de 
beauté  que  dérive  la  splendeur].  h'Unqua  (encourage)  l'oi- 
seau de  mon  cœur  en  lui  criant  :  Bravo,  rossignol  des  crieurs 
d'Ispahan*.  J'ai  dit  à  l'eou  de  Jouvence:  As-lu  une  source? 

'  Le  manganèse  se  trouve  dans  îa  province  d'Ispahan;  il  est  em- 
ployé comme  collyre  dans  les  maux  d'yeux;  écrasé,  il  est  d'un  bleu 
très  foncé.  Avoir  les  yeux  malades  à  cause  de  quelqu'un,  veut  dire 
lui  porter  envie;  enfin  le  ciel ,  ayant  la  forme  d'une  voîiie,  peut  être 
comparé  à  unmortrer  renversé.  C'est  sur  tous  ces  détails  que  se  joue 
le  poëte  dans  les  deux  vers  que  je  viens  de  traddire. 

^  L'action  vivifiante  du  malin  sur  le  moral  et  le  physique  de 
l'homme  est  aussi  bien  admise  en  Orient  qu'en  Europe,  où  l'on 
croit  que,  pour  être  vertueux,  il  faut  voir  lever  l'aurore. 

^  Le  parasol  noir  est  le  parasol  des  khalifes  abbassides;  il  est  pos- 
sihle  que,  parmi  d'autres  privilèges  accordés  par  eux  aux  Seldjou- 
quides,  se  trouvait  le  droit  de  se  servir  également  de  ce  signe  exfé- 
rienr  de  la  souveraineté, 

'*  Viinqua  est  l'oiseau  mythologique  que  le  Qamous  définit  très- 
bien  :  rui!  Jj^  pSf  <^jysu>yj[l7  Uaa,'I,  c'est-à-dire  «funqua 
est  un  oiseau  connu  de  nom,  mais  de  forme  inconnue.  »  Par  modes- 
tie, le  poëte  se  dit  être  crieur  d'Ispahan  ,  mais  loutefols  un  rossignol 


MEMOIRE  SUR  KHACANI.  335 

Elle  me  répondit:  Oui ,  elle  est  dans  le  creux  de  la  main  des 
hommes  riches  d'Ispahan.  J'ai  dit  à  (la  constellalion)  de  T ai- 
gle du  ciel  :  Prends-lu  de  la  nourriture  ?  Il  me  répondit  :  Oui , 
ce  sont  les  cadeaux  des  gens  libéraux  d'Ispahan  !  Pourquoi 
songer  à  Rei  ?  Lève  toi  et  cherche  ta  place  à  Djei,  car  celui 
(même)  qui  possède  Rei  pense  toujours  à  Ispahan^  L'année 
dernière,  étant  sur  les  bords  du  Tigre,  moi  seul  parmi  tous 
les  pèlerins,  je  réclamai  justice  pour  Ispahan.  Mon  compa- 
gnon [auditeur]  me  dit:  Comment  peux-tu  parler  des  qua- 
lités d'Ispahan,  ayant  en  vue  les  beautés  de  Bagdad?  Com- 
ment peut-on  médire  de  cette  ville,  quand  le  sable  du  fond 
du  Tigre  (à  lui  seul)  vaut  autant  qu'Ispahan.  De  plus,  Bag- 
dad est  le  coursier  favori  du  Calife ,  et  les  fers  de  celte  mon- 
ture valent  autant  qu'Ispahan.  Un  autre  observa  que  le  zé- 
kat  de  Kerkh  suffirait  (pour  l'entretien)  de  Djei  et  d'Ispahan'.^ 
Je  leur  répondis  que  Bagdad  est  la  réunion  des  prosliluéesw 
et  de  l'injustice,  et  as-tu  vu,  dis-le-moi, les  dons  des  jardins 
d'Ispahan^  ?  Kerkh  n'est  qu'un  plateau  des  échansonneries de 
Djei,  et  le  Tigre  n'est  que  la  jnoiteur  des  outres  des  porteurs 
d'eau  d'Ispahan.  Bagdad  acluellement  n'egt  habité  que  par 
des  vitriers  (occupés  à  fabriquer  des  flacons)  pour  l'eau  de 

parmi  ces  modestes  fonctionnaires,  et  de  plus  un  rossignol  applaudi 
par  funqua, 

^  Allusion  à  tous  les  conquérants  seldjouquides  de  l'Iraq,  qui, 
après  s'être  emparés  de  Rei,  cherchaient  à  devenir  maîtres  d'Ispa- 
han ,  sans  quoi  ils  ne  se  considéraient  pas  comme  solidement  établis 
en  Perse. 

^  Djei t  nom  d'un  faubourg  d'Ispahan;  Kerhh  est  celui  d'un  fau- 
bourg de  Bagdad;  quant  au  zekat,  c'est  un  impôt  prélevé  en  faveur 
des  pauvres. 

^  ^ijJtj  peut  être  décomposé  en  4j  et  313.  Le  premier  de  ces 
mois  veut  dire  «  oppression ,  prostituée ,  »  etc.  et  le  dernier  «justice  ;  » 
aussi  Khâcâni  lui  ajoute  la  négation  ^.  Par  contre,  é-u ,  qui  ne 
diffère  de  «j  que  par  un  élif,  veut  dire  «jardin,»  et  c'est  sur  ces 
trois  expressions  que  roule  le  jeu  de  mots  de  ces  vers. 


336  MARS-AVKIL  18ô5. 

rose,  joie  des  maisons  crispahanMJn  point  de  la  latitude  et  de 
la  longitude  d'Ispahan^  est  plus  vaste  que  la  ligne  (des  mai- 
sons) de  Bagdad  et  que  la  surface  (occupée)  par  le  Tigre.  Sache 
que  toute  la  province  de  Bagdad ,  comparée  à  Ispalian ,  est 
comme  le  point  de  ïefâu  mont  Kaf  comparé  à  l'étendue  de 
cette  montagne.  A  Bagdad,  on  prépare  un  parfum  avec  du  pa- 
leng  michk  (cest-k  dire  léopard  musqué,  nom  d'une  herbe),  tan- 
dis qu'on  prend  l'antilope  musquée  dans  les  plaines  d'Ispa- 
han.  Le  Caire  est  préférable  au  fur ze  h  de  Bagdad"^;  eh  bien! 
les  fondements  des  maisons  d'Ispahan  sont  plus  beaux  que 
les  édifices  du  Caire.  L'avarice  de  Bagdad  crée  la  famine  de 
Chanaan,  tandis  que  les  largesses  d'Ispahan  amènent  l'abon- 
dance égyptienne.  Le  Nil  est  plus  petit  que  le  Zenderoud, 
l'Egypte  est  inférieure  à  Djei,  et  la  ville  du  Caire,  elle-même, 
est  soumise  au  roi  d'Ispahan.  Le  verger  d'Eini-Chems*  n'est 
qu'un  parterre  de  fleurs  de  Djei,  et  l'herbe  commune  d'Ispa- 
lian  doit  être  regardée  comme  supérieure  au  hidssan\  Tout 
ceci  fut  dit  en  réponse  aux  attaques  (susmentionnées)  ;  mes  té 

'  Les  vitreries  de  Bagdad ,  de  même  que  ses  fabriques  de  papier, 
étaient  célèbres  dans  le  xii*  siècle.  Ispahan  a  conservé  jusqu'à  nos 
jours  le  privilège  de  fournir  une  excellente  eau  de  rose. 

-  Yakoul  dit:  ^ULio*  iùo».s3  (Jj_5ua_*«j  «^nÎ  ^Lg-^,-ol  Jfy? 
(^^^  ï^\^  ^jdj^  «jJ  L^yC^.  Beauchamp  lui  donne  32°  25' 
de  latitude  et  70°  3o'  de  longitude  à  l'est  de  Fero;  mais,  dans  tous 
les  cas,  sa  longitude  et  sa  latitude,  écrites  en  toutes  lettres,  auront 
beaucoup  de  points,  dont  Khâcâni  prend  un  seul  pour  le  comparer 
à  la  province  de  Bagdad. 

^  Le  Qâmous  dit  :  <^f^î  Ja^  ^y  f*-^^  ^^1»  c'esl-à- 
dire,  Alfurzeh,  avec  un  zammeh,  est  un  endroit  sur  TEuphrale. 

''  Le  Qamous  dit  :  wj,^  iu^  .  wJsCi  ^^^  ,  c'est-à-dire,  Einichanis 
est  un  village  d'Egypte. 

^  Le  commentaire  dit  :  k^^m^  c>-~♦«<y'^^•^  (ô^T^  J^  L>^  • 
OJuir^r.v^^N  (j[  ^iîv>  \\  i^^y^a-^  ')'''  l*''!^»''^^" '  prononcez  comme 
Sartan,  est  un  arbre  connu  dr  l'F-gyptc;  ou  extrait  de  ses  fouilles 
une  liuile. 


MÉMOIRE  SUR  KHAGANT.  337 

moins  sonl  Hatrde  I\ei  et  Ala  d'Ispahan'.  Il  y  a  déjà  trente  ans 
nue  je  suis  fidèle  à  Ispalian  et  queje  lui  suis  sincèrement  at- 
taché, et  l'on  peut  voir  enfin  par  ce  nec  plus  uUra  de  rareté 
(nom  de  cette  ode)  avec  quel  zèle  je  loue  Ispahan  ,  [jusqu'où 
j'ai  poussé  les  louanges  d'Ispahan.]  Que  n'ai-je  écrit  à  la  glo- 
rification des  deux  arbitres  de  la  religion  Sadr  et  Djemal,  ces 
deux  hommes  éminents  d'Ispahan!  Dans  l'année  tha,  noan, 
alif{bbi),  étant  à  Mossoul,  j'ai  prononcé  55 1  louanges  à  Is- 
pahan. Djemal  Mouhammed,  dont  l'àme  est  semblable  à  celle 
de  farchange  Gabriel ,  et  grâce  aux  bontés  duquel  j'ai  les  ca- 
deaux d'Ispahan,  il  m'a  donné  mille  étoiles  descendant  du 
soleil,  lui  qui,  par  l'élévation  (de  son  âme),  est  l'aslre  du 
berger  du  ciel  d'Ispahan^.  Je  porterai  ma  louange  d'Ispahan 
comme  cadeau  de  voyage  au  petit  A'iy  et  au  grand  atabek. 
Mon  roi  Salomon  ,  auprès  duquel  on  me  fit  la  réputation  [on 
me  loua]  d'Assif,  me  dit  :  0  huppe  de  l'air  d'Ispahan!  Par 
la  suite,  arrivé  à  la  Mecque,  je  devins  dès  cetinslant  l'esclave 
du  chant  à  la  louange  d'Ispahan.  La  Kaaba  (daigna)  deve- 
nir le  temple  de  ma  prière,  parce  qu'elle  vit  que  j'aspirais  à 
faire  l'éloge  d'Ispahan.  Elle  chercha  à  me  corrompre  en  m'of- 
frant  un  lambeau  de  sa  robe  verte,  pour  queje  ne  place  pas 
la  Mecque  au-dessous  d'Ispahan.  Tout  ceci  fut  fait  de  bon 
cœur,  et  non  par  convoitise  de  la  couronne  des  cadeaux  d'Is- 
pahan. Le  div  repoussé,  voleur  de  mes  vers,  lit  une  brèche  à 
ma  fortune  par  sa  satire  contre  Ispahan.  Au  jour  du  jugement 
dernier,  il  ne  se  lèvera  pas  avec  un  visage  radieux  [blanc], 
car  il  (osa)  noircir  le  cou  d'Ispahan.  Quelle  raison  peuvent- 
ils  donc  avoir,  les  habitants  d'Ispahan ,  pour  médire  sur  mon 
compte  ?  En  quoi  ai-je  jamais  manqué  à  Ispahan  ?  J'ai  re- 
cueilli du  vert-de-gris  et  non  de  l'or  de  son  cuivre  (c'est-à- 
dire  du  cuivre,  ou  de  la  mauvaise  poésie  de  Mudjir  Eildin)  ; 
la  rouille  peut  attaquer  tout,  sauf  la  pierre  philosophale  d'Is- 
pahan \  Ma  faute  est-elle  que,  tout  en  étant  le  trésor  de  Dieu 

'   C'est-à-dire  ^;L  jt^ ^  et  ^l.gA.^ |  (^jJ[  *s!^. 

-  Les  mille  étoiles  sont  evideinmenl  mille  pièces  d'or. 

■*  Allusion  aux  Iravaiix  des  alchimistes  qui,  croyant  pouvoir  ope- 


338  MARS-AVRIL  1865. 

de  sa  trésorerie  du  neuvième  ciel  \  je  ne  suis  qu'un  mendiant 
d'Ispahan  ?  Acceplemoi  comme  un  mendiant  de  les  faubourgs , 
car  au  fond  je  ne  suis  que  la  mouche  des  plats  succulents 
d'Ispahan  [la  mouche  des  plais  de  volailles  cuites  d'Ispahan]. 
On  ne  saisit  pas  le  trésor  de  Dieu  pour  se  dédommager  d'un 
vol  [en  punition  du  délit  du  voleur].  Les  élus  d'Ispahan  ne 
pourronl  jamais  l'approuver.  Pourquoi  les  chefs  de  la  loi  el 
les  gouverneurs  d'Ispahan  n'ont-ils  pas  fait  couper  sa  main 
et  sa  langue?  ou  bien  pourquoi  les  régulateurs  de  la  justice 
et  les  anciens  d'Ispahan  ne  le  iirenl-ils  pas  suspendre  à  un 
gibet  ?  La  faute  est  à  l'élève  el  la  punition  frappe  le  maître , 
cela  s'accorde  mal  avec  l'équité  des  hommes  justes  d'Ispahan. 
Le  blanchisseur  commet  un  délit  et  la  responsabilité  en  est 
au  maréchal  ferrant,  c'est  un  proverbe  (connu)  des  grands 
d'Ispalian.  Cela  rappelle  l'ordre  bouleversé  de  l'Egyple,  et 
en  vérité  les  villages  d'Ispahan  sont  (fertiles)  comme  l'Egypte. 
Les  anciens  du  sixième  ciel  ^  ne  doivent  pas  souffrir  qu'on 
appose  un  cachet  à  ce  décret  dans  les  plaines  d'Ispahan.  Du 
moment  où  mes  yeux  virent  Ispahan,  ma  lèvre  remplit  de 
perles  les  oreilles  de  l'époque,  et  pour  toute  récompense 
ceux  qui  sont  (comparables)  à  la  canne  à  sucre  el  à  l'eau 
de  rose  emplirent  ma  bouche  et  mes  oreilles  de  coloquintes 
(  t  de  melons  amers.  Les  cordes  de  ma  fortune  ont  été  bien 
accordées,  néanmoins  j'entends  de  faux  accords  des  luths 

rer  la  transmutation  du  cuivre  en  or,  en  le  soumettant  à  faction  des 
acides,  n'en  retirent  que  de  l'oxyde  de  cuivre.  La  pierre  philosophale 
était  considérée  comme  un  corps  supérieur  à  tous  les  autres,  pouvant 
les  attaquer  tous,  sans  subir  aucunement  leur  influence  réciproque. 

1  Allusion  au  hadith  :  L^Ui.^  ^}_^iyy^^^  ^^^^'  (J>^  ^  Ôl 
:*r.jjt^f  Juu*Jf.  c'cst-à  dire  :  «En  vérité,  le  Dieu  tout-puissant  pos- 
sède des  trésoreries  derrière  ÏArch,  dont  les  clefs  sont  les  langues 
des  poètes.  »  Comparez,  Bland ,  On  ihe  earUesl  Pers.  Bio(jr.  of  Poeis 
[Journ.  of  llie  liojal  asiatic  Society,  t.  IX  ,  p.  1 1 6 ,  note  5). 

^  Allusion  au  (jy/iJiLt,  consleHalion  protectrice  des  savants,  et 
(lui  s(>  Ironv»^  an  si\i(>mp  rii>j. 


MEMOIRE  SUR  KHACANI.  339 

(j'ispalian.  Ville  pleine  d'or,  Irôrie  des  Khosrow  de  Tuni- 
vers,  pourquoi  tes  mélodies  doivent- elles  être  des  disso- 
nances pour  moi  '  ?  J'ai  porté  ma  plainte  à  l'amant  du  tour- 
nesol contre  les  coups  de  massue  (dont  me  frappe)  la  rigueur 
d'Ispahan.  J'ai  plaint  le  soleil  lorsque  j'ai  vu  qu'il  n'était 
qu'une  lueur  d'éclair  de  la  lumière  d'Ispahan.  Il  me  dit  :  Ne 
pousse  pas  des  soupirs  par  la  langue  à  l'inslar  de  Berbed , 
pousse-les  plutôt  par  les  yeux  comme  les  lulhs  d'Ispahan^. 
Il  ne  faut  pas  médire  d'autrui  [manger  la  chair  de  l'uni- 
vers], car  il  ne  faut  pas  qu'Ispahan  risque  de  s'empoisonner^. 
Ispahan  commença  par  m'attrister,  quoique  la  racine  (du  mol) 
Ispahan  soit  la  joie\  On  ajouta  un  élifk  la  pomme  d'Ispahan 
pour  que  je  puisse  bien  sentir  la  douleur  des  morsures  d'âme 
d'Ispahan.  La  malveillance  des  Ispahaniens  consume  mon 
cœur,  et  je  risque  de  trouver  en  elle  le  brasier  d'Abraham. 
J'ai  (commencé)  par  être  mordu  par  un  chien,  puis  d'autres 
en  tirent  autant ,  mais  je  me  guérirai  bientôt  par  les  fèves 
d'Ispahan  ^  J'ai  avalé  tout  ce  sikba  de  la  colère  d'Ispahan 
pour  jouir  enfin  du  Jouzinèh  de  sa  reconnaissance^.  Quoique 

^  Le  mot  vA^i^isi.:^  ne  se  trouvant  pas  dans  les  dictionnaires, 
je  remarquerai  qu'il  est  composé  de  deux  mots,  cJ^^  »« paire» et 
«accord  en  musique,»»  et  de  ^^^5^  «  malveillance ,  inimitié;»  le  tout 
veut  dire  deux  sons  discordant?. 

2  Berbed,  célèbre  musicien  et  chanteur  persan.  Les  lutbs  d'Ispa- 
han sont  percés  de  huit  ou  neuf  trous  qu'on  nomme  cusk.  «yeux» 
en  persan. 

-V«  Manger  la  chair  de  l'univers»  a  la  même  signification,  en 
persan,  que  la  locution  familière  «  déchirer  son  prochain.  » 

*  Les  Persans  prétendent  que  la  racine  du  mot  ^Lgâ^l  est  li.-^. 
La  pomme,  en  persan,  est  sib ,  et  asib  veut  dire  «blessant.» 

^  On  prétendait  que  les  fèves  d'Ispahan  jouissaient  de  la  propriété 
de  guérir  la  rage. 

•^   Uxlw  en  persan,  ou  ^L/Xw  en  ai'abe,  signifient  chaque  mets 
préparé  avec  du  vinaigre.  Un  homme  d'un  caractère  aigre  est  nommé 
jiftyS  <KfyM  «marchand  de  vinaigre;»  JCÀj^y  ,  espèce  de  bonbon  fait 
avec  de  la  pâte  d'amandes  et  du  sucre. 


340  MARS-AVRIL   1865. 

cette  ville  lue  paye  par  le  mal,  je  le  lui  retournerai  en  bien. 
Le  pays  de  Chirwan  devint  célèbre  h  cause  de  moi,  mais 
puisse-(-il  être  détruit  pourvu  qu'hpaban  reste  toujours 
(prospère)!  On  me  fera  une  part  de  roi  si  la  gloire  m'est  dé- 
cernée par  les  experls  en  .Sciences  d'Ispahan.  L'an  5oo  de 
l'hégire  ne  produisit  pas  un  sans  pareil  comme  moi;  glori- 
fions donc  doublement  Lspahan.  On  me  reconnaît  pour  le 
grand  créateur  des  vers  et  de  la  prose,  (ainsi  tâchons)  que 
l'amitié  d'Ispahan  ne  diminue  pas  à  mon  égard,  et  lant  que 
je  vivrai,  Khâcâni  ne  cessera  de  proclamer  la  louange  des  con- 
vives de  Dieu  à  lspahan. 

La  pièce  que  je  viens  de  traduire  est  trop  artifi- 
cielle pour  ne  pas  perdre  presque  toute  sa  valeur 
littéraire  dans  une  traduction.  Elle  abonde  en  mé- 
laj)hores,  en  métonymies,  en  antithèses,  en  conve- 
nances (c-^«4wLij),  en  toutes  sortes  d'allitérations,  etc. 
qui  ne  sont  remarquables  que  dans  la  langue  dans 
laquelle  elles  furent  composées.  Avec  un  peu  de 
peine,  on  trouverait  dans  cette  ode  des  exemples 
de  toutes  les  formes  d'ornements  de  style  enseignées 
dans  les  rhétoriques  musulmanes.  Aussi  porte-t-elie 
le  cachet  d'un  long  travail,  et  le  poète  avoue  lui- 
même  qu'il  s'en  est  occupé  pendant  plus  d'un  an, 
depuis  son  arrivée  à  la  Mecque  jusqu'à  son  retour 
à  Mossoul.  Son  but  était  d'étonner  ses  contempo- 
rains par  la  profondeur  de  sa  connaissance  des  ri- 
chesses et  des  ressources  de  la  langue  persane;  il  en 
fait  l'aveu  sincère  par  le  titre  de  son  œuvre ,  intitulée , 
ainsi  que  je  fai  dit  :  t^j^i  /ïv^. 

Au  point  de  vue  historique,  cette  ode  présente 
aussi  ({uelquc  intérêt  par  la  monlion  de  trois  noms 


xVlËMOlUE  SUR  KHACÂNI.  341 

(riiomuies  politiques  de  l'époque.  Je  crois  devoir 
relever  ces  passages,  d'autant  plus  que  cela  précisera 
encore  plus  rigoureusement  l'époque  de  Ja  première 
publication  de  cette  pièce  de  vers.  Nous  avons  vu 
qu'il  nomme  Djemal  Muhammed ,  Aly  Asghar  et 
Souleiman  Chah.  Le  premier  est  le  vizir  de  Koutb 
eddine  Moudoud,  fds  de  Zengui,  tué  en  5 69  (voy. 
Barbier  de  Meynard,  Traduction  de  Yakoat,  p.  /i2); 
le  second ,  son  lieutenant  à  Mossoul ,  et  le  troisième , 
l'oncle  de  Mouhammed,  fils  de  Mahmoud  Seldjou- 
quide ,  régnant  à  cette  époque  sur  l'Iraq ,  et  connu  par 
sa  carrière  vagabonde  et  par  ses  insuccès  politiques. 
Le  premier,  natif  d'Ispahan,  protecteur  et  bienfai- 
teur immédiat  de  Khâcâni,  devait  avoir  tout  natu- 
rellement la  première  place  dans  une  pièce  de  vers 
destinée  à  immortahser  la  gloire  et  les  perfections  de 
sa  patrie.  Le  nom  complet  du  second  estZein  eddine 
Aly  Koutchik;  il  venait  tout  récemment  de  rendre 
un  service  signalé  à  son  maître,  en  faisant  prison- 
nier Souleiman  Chah  ,  au  mois  de  djemadi-el-awel  de 
l'an  55  I,  au  moment  où  ce  prince  espérait  pouvoir 
ravir  le  trône  à  son  neveu.  Khâcâni,  en  publiant 
son  ode  à  Mossoul,  ne  pouvait  se  passer  de  vanter 
un  homme  aussi  considérable;  mais  il  établit  une 
nuance  entre  les  deux  louanges,  en  tant  qu'il  cé- 
lèbre le  premier  sous  son  vrai  nom ,  tandis  que  dans 
celui  de  Zein  eddine  ,  il  traduit  le  mot  turco-persan 
de  koutchik  par  le  terme  arabe  cYasghar.  Cette  nuance 
est  encore  plus  renforcée  dans  le  compliment  qu'il 
adresse  à  Souleiman  Chah;  il  le  cite  d'une  manière 


342  MARS-AVRIL   1805. 

tellement  vague,  que  l'on  est  tenté,  au  premier 
abord,  de  traduire  le  vers  où  il  en  parle  par  umon 
roi  prudent  comme  Salomon,»  sans  l'attribuera 
une  personne  déterminée,  d'autant  plus  qu'il  parle 
en  même  temps  d'Assif,  ministre  du  roi-prophète, 
et  de  sa  huppe.  Cette  précaution  n'était  pas  inutile, 
car  nous  savons  par  Ibn  el-Athir  que  ce  prince, 
traité  à  Mossoul,  après  sa  capture,  avec  tous  les  égards 
dus  à  son  rang,  n'était  pas  moins  un  prisonnier 
d'État,  et  s'il  était  naturel  de  lui  présenter  un  voya- 
geur illustre ,  capable  de  le  distraire  un  peu  dans  sa 
prison,  ce  dernier  devait  en  parler  de  manière  à  ne 
pas  faire  croire  qu'il  prenait  trop  au  sérieux  son  litre 
de  roi.  Ainsi  toute  cette  parlie  de  l'ode  de  Rhâcâni 
s'explique  très-bien  au  moyen  de  l'histoire,  et  par 
conséquent  elle  sert  aussi  à  confirmer  l'exactitude 
des  détails  que  nous  fournissent  sur  cette  époque  les 
annahstes  arabes  et  persans. 

Pour  ce  qui  est  de  l'assertion  de  Khâcâni,  que 
le  Caire  était  conquis  par  Ispahan ,  nous  devons  la 
reléguer  au  nombre  de  ces  compliments  outrés  et 
hyperboliques  dont  il  se  montre  si  prodigue.  Non- 
seulement  sous  Mouhammed,  fils  de  Mahmoud,  le 
pouvoir  des  Seldjouquides  ne  s'étendait  pas  sur 
l'Egypte,  mais  même  du  temps  de  Mélik  Chah,  fils 
d'Alp-Arslan,  apogée  de  la  puissance  de  cette  dynas- 
tie, sa  domination  à  l'occident  s'arrêtait  à  Antioche, 
et  à  Laodicée ,  en  Syrie.  Le  plus  souvent  Khàcâni 
est  exact  dans  les  faits  historiques  qu'il  rapporte; 
mais  s'il  n'a  pas  reculé  dans  cette  pièce  devant  i'ab- 


MÉiVlOlRE  SUR  KHÂCÂNJ.  343 

surdité  géographique  de  faire  du  Zenderoud  un 
fleuve  plus  important  que  le  Nil,  on  peut  lui  par- 
donner d'avoir  agrandi  un  peu  les  limites  des  pro- 
vinces soumises  à  un  prince  dont  les  sujets  le  trai- 
taient si  bien.  En  général,  malgré  son  érudition, 
notre  poète,  entraîné  par  son  désir  de  louer  Ispahan 
aussi  éloquemment  que  possible,  a  complètement 
perdu  de  vue  les  règles  établies  par  les  rhétoriciens 
musulmans,  pour  distinguer  le  mensonge  (  <-» Jo  ) 
du  trope  (yjLjCUwî)  (voy.  Garcin  de  Tassy,  Rhétorique 
musulmane,  p.  62),  et  il  ne  se  laisse  que  trop  entraî- 
ner par  le  proverbe  arabe  L^JsSl  jjuiJl  ^^yM^^\, 
c est-à-dire  que  aies  plus  beaux  vers  sont  ceux  qui 
contiennent  le  plus  de  mensonges.  » 

La  troisième  pièce  de  vers  que  je  vais  transcrire 
et  traduire  est  considérée  en  Perso  comme  l'œuvre 
la  plus  remarquable  du  poëte  chirwanien  :  c'est  la 
fameuse  quassidèh  écrite  dans  sa  prison. 


^% 1 îl 


344  MARS-AVRIL   1865. 


(:^♦   t> 


U-*   <^ 


viLiw)  j    <X.A«i    ^Lâ..^    Î^L^    ij<X*o  yS^    ^j-«   4-»V^r>' 


MÉMOIRE  SUR  KHACÂNl.  345 

^j-«  ^l_<?y-w    cK-^-j  tK-X_i   t-^^-Ji    g^^  ^-^    (^î 

^•*^  y-T"  ^J^  '^^"'ff^  <s^j  v^  y^^  t^^*-^^  j^ 

t^♦  c^^-*— :^-^  jrt<b_S^3   A-i^Aw^  4>w   viLU  ^^jsi. 
>^*^^  JL?^  U>^   **^^^  <^A;J^  c^JD  O-*^  c:*-^^ 

Il  *         w  ^ 

(J-*  (^La_>_3  ou-*«>v-.oJji   ^3  i»Â.aCVs<y  yUwJtrù 
V.  23 


346  MARS-AVRIL   1865. 

CiT^  (S^j  t^^**-^-^  *^-'>-*-^  (j***xjUI  ^Sij  j^^y^ 

xSj\  jjijUail  XS'iXJCil  yU5:>ji>  ^-rs-  J^^J 

(j^  c^iiîj — ?  *^^ — ^  ^^  (j — ^^  C:^*  *^  C:5>-^-^"b 

CJkM^j{^  X^À^^^  c:a»w  ji.,.wi.:^  XmIS  iO>^U^  (J3^ 
jj-4  (^itX-^i   <X_ji   SJvÂJlii  jiSji)  ^^.♦jUJo  j^wbj 


MEMOIRE  SUR  KHACANI.  347 

jLxa.5»»    *X^j:>  (^S ^/%<y^  JS' »S^  ^Siù*j9  Aib 

(j>^   (^î>*'    U^    t-^^    ^^^  j^JS/:?    U^    t^^-**» 

(J^  c^k? ?  ^^  Lj— S'c^— ^  dJ — Loi   dLLjî 


348  MARS-AVRIL   1865. 

u^  c5^-^  u^>-*=i;  z^j"^^  ^^tJo-L^  ^j,x^j^ 


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MÉMOIRE  SUR  KHÂCÂNI.  3^9 

Ji}y ;i^  ^^t i    Ja    i  c:>c-Aw^  A.<^i^Mwo  ^«yii  ^<^>^ 

U^  i^Ll?  -?>  i>^^-~?  |-\— A— ij  vil — «U  i^  X—Ciij 
^%l— û  ^^\ — :^^   ^-A-Jg  5^^j»-i^  /tfv-M(w»  ^i^ 


(J^  c^^     »     ^ 


»     ^.     .«g 


^J>^    f^)^y^..i    d«_>)    \jk»_^)     (..••A.       AW^  Jj)     *X,W*iAw« 

(3     la     •>  ^— 5"yr|ivjbU.  ^^jjjsîJ'  dLUt  siUU 


;^50  MARS-AVKIL   1865. 


U^  iS^y—^  {J^ — >^  J — *-ft  ^*>^-^  ^i   c5^^  J^ 
TRADUCTION. 

Le  malin,  mon  soupir  s'envole,  semblable  à  un  voile  lé- 
ger comme  la  fumée,  et  le  sang  répand  une  teinte  d'aurore 
sur  mes  yeux  (fatigués)  de  mesurer  (la  profondeur)  de  la 
nuil.  Le  Irisle  festin  est  préparé;  et  moi,  je  suis  comme  le 
charbon  de  saule  ^  prêta  clarifier  le  vin  sécrété  par  mon  œil. 
Les  œuvres  du  ciel  [dôme  couleur  d'orange]  sont  (chan- 
geantes) comme  la  couleur  des  joujoux,  combien  dois-je  (en- 
core) bouillir  pour  que  mon  intérieur  ne  contienne  pas  de 
fiel?  Devant  l'averse  de  flèches  de  mes  (soupirs)  matinaux  cl 
devant  mes  clameurs,  comment  ne  jette  t-il  pas  son  bouclier, 
ce  vieux  loup  à  l'épaisse  fourrure^  ?  Cette  jarre  couleur  de  fer 
(la  prison) ,  après  avoir  purifié  et  brûlé  les  scories  de  mon  fer 
(c'est-à-dire  après  avoir  détruit  les  faiblesses  de  mon  carac- 
tère),  se  revêt  de  noir  de  fumée,  (lancée)  par  mon  cœur  en  la- 
mentations. Ma  face ,  couverte  de  poussière,  (se  colle)  comme 
la  paille  hachée  aux  murs  de  la  prison,  ramollis  par  mes 

'  On  clarifie  le  vin  avec  du  charbon  de  saule;  celle  opéralioii 
précède  le  feslin. 

'^  Khâcàni  compare  le  ciel  à  un  loup,  à  cause  de  la  malveillance 
(pi'il  montre  envers  lui.  L'épaisse  fourrure,  d'après  le  commenlaire, 
siiinifie  les  neuf  cienx. 


MÉMOIKE  SUR  KHACANI.  351 

jarmes  qui  délayent  de  la  boue  sur  le  sol  en  s'y  répandante 
Tu  as  vu  le  serpent  enroulé  dans  l'herbe,  regarde  {mainte- 
nant) le  reptile  qui  enlace  mes  jambes,  réduites  à  l'étal  de 
brinsde  paille  [d'herbe].  Jetle  les  yeux  surles  dragons  roulés 
en  anneaux  et  engourdis  sous  les  pans  de  ma  robe;  je  n'ose 
pas  bougerde  peurde  les  réveiller.  La  main  du  maréchal  fer- 
rant me  livra  aux  serpents  de  Zolihak;  à  quoi  me  sert  donc 
le  trésor  d'Ifridoun,  déposé  au  fond  de  mon  cœur  sagace^^ 

'  Allusion  à  la  manière  usitée  en  Orient  pour  préparer  les  nmrs 
en  pisé,  A/si  J5  0  ;  on  délaye  de  la  terre  argileuse,  puis  on  y  ajoute 
de  la  paille  hachée.  Le  poëte  veut  dire  que  ses  larmes  étaient  si  abon- 
dantes, qu'elles  suffisaient  pour  délayer  le  sol  de  sa  prison,  et  que 
son  visase,  jauni  et  desséché,  allait  se  coller  à  ses  murs. 

2  Le  nom  du  tyran  Zohhak,  sa  défaite  par  le  maréchal  ferrant 
Kawèhy  et  l'élévation  de  F^eridoun  au  Irône  de  la  Perse,  sont  trop 
connus  pour  qu'on  ait  besoin  d'entrer  à  ce  sujet  dans  de  grands  dé- 
tails; toutefois  je  profilerai  de  cette  occasion  pour  donner  une  gé- 
néalogie assez  curieuse  de  Zohhak,  insérée  dans  rtiistoire  univer- 
selle de  Rachid  eddin.  11  dit: 

(j-j.î  o^'  f**^>?  '^'^Jl^y  o^  (£xxù^  ^3fy  o^t  Jî^y  ^i 

(J^-î^^V  '^O^.  J*'^  t>~ôjXo  <->J^'  0-Î..UU  c>^3  <_>iu  (j^fj 
«  Notice  sur  Zohhak,  connu  sous  le  nom  de  Yourassh.  Par  rapport 


352  M4KS-AVRIL  )865. 

Je  verserai  l'eau  embrasée  [ignée]  de  la  source  couleur  de 
sang  jusqu'au  tibia,  (pour  faire  mouvoir)  les  meules  de  pierre 
que  portent  mes  pieds  (babilués)  à  mesurer  la  terre \  Mon 
collet  est  rayé  par  mes  pleurs  comme  le  soadreti  /i}iara;el  une 
monlagne  de  pierre  dure  (se  caclie)  sous  la  doublure  en  soie 
de  mon  babil^.  Mes  jambes  sont  crénelées  comme  le  rebord 
d'une  cbandelle  ;  on  dirait  qu'elles  portent  des  traces  de 
morsure  des  dents  (crochues)  de  mon  sort.  Pour  que  les 
deux  enfants  indiens  ne  soient  pas  effrayés  dans  le  berceau 
des  yeux,  je  cache  sous  les  pans  de  ma  robe  les  dragons  qui 
me  rongent  râme\  Je  suis  semblable  au  pôle,  quatre  clous 


à  sa  généalogie,  les  opinions  sont  partagées.  Quelques  Arabes  disent 
qu'il  est  fils  de  A'iouan,  frère  ds  Cheddad  A'd,  et  l'on  fait  remonter 
son  origine  à  Irem ,  fils  de  Sam ,  qui  était  fnVe  d'Arfakhchad,  coQ»n>G 
on  vient  de  l'exposer  plus  haut.  Ils  disent  que  Cheddad  l'envoya 
combattre  Djemehid,  Les  Persans  disent  que  son  nom  est  Yourassb. 
fils  d'Arwend  Assf,  fils  de  Zinkawez,  fils  de  Ssahirèh ,  fils  de  Taz, 
fils  de  Farwal,  frère  de  Houcheng,  aussi  fils  de  Farwal.  D'après 
leur  opinion,  ce  Taz,  fils  de  Farwal,  est  le  père  des  Tazis,  c'est-à- 
dire  de  tous  les  Arabes.  Ceci  a  déjà  été  rapporté.  Ils  disent  qu'il  fut 
surnommé  Yourassb  Zohhah,  c'est-à-dire  qu'il  était  affligé  de  dix  im- 
perfections et  défauts.  Après,  on  arabisa  ce  mot,  et  l'on  en  fit  soliah , 
c'est-à-dire  «liommequi  rit,»  et  ce  mauvais  sobriquet,  en  s'arabisantr 
devint  un  surnom  honorable.  Les  habitants  de  Yénien,  dont  les 
Toubba'ian  sont  une  souche,  disent  que  Zohhak  est  un  des  leurs.» 

Je  n'ai  pas  besoin  de  rappeler  que,  d'après  l'Histoire  des  Kurdes 
de  Khondemir,  les  Kurdes  sont  les  dcscenJants  de  ceux  qui  oui  pu 
s'échapper  des  mains  de  Zohhak. 

'  Par  surcroît  de  rigueur,  les  kundek  eu  bois  qu'on  atlachaht , 
et  qu'on  attache  encore  aux  pieds  des  détenus,  ont  été  remplacés 
par  des  meules  en  pierre. 

^  H  répète  ici  le  calembour  basé  sur  le  double  sens  du  mot  Lliw, 
que  nous  avons  déjà  rencontré  dans  l'ode  adressée  au  prince  byzan- 
tin. LIâ  ÏNtV^  est  une  étoffe  rayée  employée  pour  des  devants  de 
chemises. 

^  Ces  dragons  sont  évidemment  les  chaînes  que  le  poë«e  porlalt 
auv  pieds.  Les  enfants  indiens  sont  ses  yeux  noirs. 


MEMOIRE  SUR  RHÀCANI.  353 

lixenlà  un  point  ma  figure  de  Saturne,  (grâce)  au  dieu  Mars, 
aux  actions  de  Zeneb  \  Dès  l'instant  où  mes  pieds  se  placè- 
rent sur  le  siège  de  fer,  mes  lamentations  ,  semblables  aux 
sons  d'une  trompette ,  n'ont  pas  cessé  d' ébranler  le  ciel.  Quoi- 
que les  chaînes  aient  ployé  le  haut  de  mon  corps  comme 
un  anneau,  je  les  baiserai ,  oh  joie!  car  elles  me  donnent  de 
bons  enseignements.  En  dépit  de  mes  infortunes  ténébreuses 
comme  la  nuit,  je  finirai  par  avoir  un  visage  resplendissant 
comme  le  jour,  et  elle  deviendra  blanche  ma  demeure,  noire 
comme  la  nuit.  Adossé  au  mur  de  la  prison ,  le  visage  tourné 
vers  le  toit  du  ciel ,  les  narcisses  de  mes  yeux  bourgeonnent 
comme  le  cieP.  Le  malheur  et  moi  sommes  l'un  dans  l'autre 
comme  la  noix  dans  sa  coquille,  et  le  plafond  de  ma  triste 
demeure  manque  d'ouverture  comme  l'enveloppe  d'une  noi- 
sette. Tous  les  jours  des  chagrins,  chaque  minuit  des  cris 
oh  Seigneur!  oh  Seigneur!  Voyons  à  quoi  me  serviront  ces 
oh  Seigneur!  oh  Seigneur  de  chaque  nuit!  Il  est  clair  comme 
le  jour  qu'en  me  levant  pour  boire  le  vin  du  malin,  je  crains 
toujours  que  cette  matinée  ne  soit  la  dernière  après  ma  som- 
bre nuit.  Mes  soupirs  ont  la  force  des  balistes,  capables  de 
percer  cent  murs  ;  pourquoi  donc  l'ignorant  désarmé  [sans 
catapulte]  s'expose  comme  (la  flamme)  d'une  chandelle  au 
souffle  de  mon  orage  ^  ?  Comme  Marie  ,  j'ai  fait  vœu  de  jeû- 
ner, car  mon  cœur  (digne)  d'engendrer  Jésus,  et  voué  au 

^  Cette  image  astronomique  s'explique  par  rimmutabilité  de 
rétoile  polaire  entre  quatre  autres  astres  de  la  petite  Ourse,  Saturne 
étant  noir,  il  compare  à  cette  planète  sa  figure  attristée  par  le  mal- 
heur. Mars  est  la  planète  des  bourreaux.  Zenab  est  Tétoile  brillante 
de  la  queue  du  Dragon,  elle  présidait  aux  crimes;  Kliâcâni  désigne 
ainsi  ses  persécuteurs. 

2  D'après  le  commentaire,  les  bourgeons  du  ciel  sont  les  astres, 
et  les  bourgeons  des  yeux  sont  les  larmes. 

'  Le  commentaire  signale  que  :sUXj,  mot  arabe, se  dit  en  persan 
^^l_j,  et  il  l'explique  en  citant  une  phrase  du  Cherkb  des  poésies 

(VA'boul  Oulai  Mou'arra  { jZx^)  ■  (j.^c>-^*(J^f  ^v^f  c^  *^^-*-^J 


354  MARS-AVRIL   18G5. 

Saint-Esprit,  est  pur  comme  elle.  Mais  la  maladie  de  mon 
cœur  m'exempte  du  jeune,  voilà  pourquoi  il  est  rompu  par 
les  larmes  qui  me  salissent  la  bouche*.  Les  larmes  me  tom- 
bent dans  la  bouche,  aussi  mon  iftar  n'est  que  de  l'eau 
tiède,  elle  seule  me  passe  par  le  gosier^.  On  dirait  que  je 
souftre  d'une  luxation  des  pieds  par  suite  d'un  faux  pas,  tan- 
dis que  leur  seule  maladie  est  que  j'ai  perdu  la  tète.  Or, 
comme  la  cautérisation  par  le  fer  rougi  est  le  dernier  remède 
dans  loute  maladie,  le  feu  de  mes  soupirs  fait  rougir  les  fers 
de  mes  pieds.  Cent  geôliers  sont  préposés  à  chacun  de  mes 
soupirs  (pour  les  empêcher  de  se  faire  jour),  autrement  le 
ciel  en  serait  écrasé ,  car  ils  sont  (puissants)  comme  des  hé- 
ros. J'ai  regardé  le  malheur  en  face,  le  chagrin  a  hérissé  mes 
cheveux,  et  tous  les  membres  de  mon  corps  sont  en  désordre 
comme  la  chevelure  des  Dilems^.  Je  ressemble  au  violon- 
celle dont  la  caisse  est  desséchée  et  la  table  vide,  car  mes 
ennemis  m'ont  mis  des  cordes,  (mais)  au  cou.  Oh  mon  Dieu  ! 


^j^^Jl  ^.^v^^i  c'est-à-dire,  «Nekba-,  c'est  un  vent  qui  apparaît 
entre  la  direction  des  deux  vents.  » 

'  On  sait  que  la  maladie  sert  d'excuse  légale  à  un  niusuhuan 
pour  manger  pendant  le  jour  dans  le  mois  de  ramazan ,  et  que  toute 
chose  qui  lui  tombe  dans  la  bouche,  même  involontairement,  an- 
iude  la  valeur  religieuse  de  son  jeûne. 

-  L'iftar,  vLkiî,  est  la  première  bouchée  que  prend  ie  musul- 
man après  Tabstinence  de  toute  la  journée  pendant  le  jeûne  du  ra- 
mazan. En  Perse,  on  commence  par  avaler  quelques  gorgées  d'eau 
tiède ,  et  l'on  mange  le  os-^  >  pâtisserie  faite  avec  de  la  farine  et  des 
sucreries. 

^  Le  commentaire  prétend  que  les  Dilems  formaient  une  tribu  du 
Turkeslan ,  qu'ils  étaient  armés  de  petites  et  de  grandes  lances ,  et  que 
leurscheveuxsenlrclaçaicnlel  s'enflaient.  Je  crois  que  le  docte  auteur 
de  ce  commentaire  cherche  trop  loin  la  peuplade  dont  parle  Klià- 
càni;  selon  moi,  ce  sont  simplement  les  pàJres  du  Gbilan,  qui  ont 
une  chevelure  aussi  épaisse  qu'inculte;  mais,  dans  tous  les  cas,  cette 
mention  de  la  pUca  pnloivca,  parmi  une  ppuplade  d'Asie,  est  assez 
ciu'icuso. 


MEMOIRE  SUR  KHACANJ.  355 

pardonne  aux  grands  qui ,  sous  l'influence  du  fiel  de  la  puis- 
sance, n'oni  pas  hésité  à  prononcer  ce  jour  leur  que  Dieu 
détruise  sur  ma  jeunesse  (et  sur  mes  espérances).  L'or  est 
recherché  à  cause  de  sa  rareté,  les  fleurs  sont  soignées  par 
les  amateurs,  tandis  que  moi,  sans  conscience  comme  un 
papillon  ,  on  ne  m'accorde  pas  (la  moindre)  attention ^  Mais 
l'éclat  et  la  beauté  [l'or  et  les  fleurs]  sont  des  entraves  pour 
l'esprit  [des  ronces  dans  les  pieds  de  l'esprit]  ;  pourquoi  donc 
mon  esprit  éloquent  [qui  orne  les  mots]  ira-t-il  les  recher- 
cher [aller  à  la  chasse  des  ronces]  ?  Or  est  la  réunion  de  deux 
lettres  non  liées  l'une  à  l'autre  \  d'où  viendrait  donc  leur 
liaison  avec  un  cœur  d'un  non  pareil  comme  moi?  Que  j'aie 
les  mœurs  d'un  Samaritain  el  non  le  caractère  de  Moïse ,  si 
tant  que  je  vis  je  salirai  mes  mains  pures  [resplendissantes] 
aux  sabots  du  veau  d'or.  Au  cœur  de  mon  été,  je  n'ai  pas  même 
(l'ombre)  d'une  seule  feuille  de  saule;  néanmoins,  par  égard 
pour  mon  importance,  les  branches  du  Toaba  se  font  éven- 
tails pour  me  rafraîchir  [pour  éloigner  de  moi  la  chaleur]\ 
Je  suis  la  branche  du  palmier,  dont  les  hommes  se  servent 
comme  d'un  éventail  ;  le  vent  froid  est  sur  mes  lèvres  et  mes 

^  Le  dernier  vers  de  cet  hémistiche  a  une  construction  très-em- 
brouillée,  et  je  crois  rendre  un  service  au  lecteur  en  le  transcrivant 

en  prose  :  (j^^f^  0[j|^  ^j^jj^  ^\  ^^^  jjLijf  c>^- Ce  qui 
rend  cette  phrase  encore  plus  obscure,  c'est  que  tout  naturellement 
on  est  porté  à  rattacher  le  mot  ^Lij  f  aux  deux  sujets  précédents, 
)')  ^*  J^'  **"^'^  4"J^  ^^  rapporte  aux  grands,  dont  il  a  été  ques- 
tion dans  les  vers  <v.i)|    Ac  ^j] ,  etc. 

^  L'or,  zr,  en  persan  comme  en  français,  s'écrit  au  moyen  de 
deux  lettres;  mais  en  persan  ces  deux  caractères  ne  se  lient  pas  l'un 
à  l'autre. 

•^  Arbre  du  paradis  mentionné  dans  le  verset  28  de  la  xiii"  sou- 
rate du  Coran  :  t_>U  f^yui^s^  «  IaÎ  3 ai»,  passage  trop  vaguement 

traduit  par  Dllmann  :  Geniessen  Seliifkeif  iind  selig  ist  ihr  Eintritl  ins 
Paradies. 


356  MARS-AVRIL  1865. 

membres  sont  clécbiquet6s\  Je  suis  la  bourse  de  musc,  on 
peut  m'enferaier  derrière  cent  murailles  sans  empêcher  que 
mon  parfum  vivifiant  l'esprit  ne  trouve  son  chemin  vers  l'âme. 
Une  peau  de  chagrin,  colorée,  en  se  moquant  de  la  bourse 
de  musc,  lui  dit  :  Fi!  quelle  couleur,  lu  n'as  certes  pas  un 
aussi  bel  asj)ect  que  moi.  La  bourse  lui  répondit  :  Déraisonne 
un  peu  moins,  j'ai  des  qualités  invisibles.  Il  en  est  ainsi!  il 
en  est  ainsi!  la  preuve  de  mes  paroles  est  mon  souffle  par- 
fumé. L'éclat  [la  couleur  du  miroir]  de  ton  extérieur  est 
préférable  à  ta  partie  cachée,  tandis  que  moi,  je  suis  comme 
la  pierre  philosophais,  et  mes  vertus  secrètes  ont  plus  de  va- 
leur que  mon  apparence.  Je  suis  comme  la  Kaaba  un  modèle 
pour  les  habitants  du  ciel  qui  s'habillent  de  vcrt^,  car  mon 
brocart  est  un  morceau  de  l'étoffe  placée  sous  les  pieds  de 
Jésus.  Je  porte  une  robe  de  lin  et  mon  cœur  est  pétri  dans 
l'eau  du  Keouiher^.Je  roule  dansle  niouarradj ,  elles  bienheu- 
reux montent  jusque  chez  moi.  Ma  personne  est  une  belle 
rose  qui  mérite  d'être  cultivée,  et  ma  belle  rose  a  un  témoin 
de  son  martyre.  Que  de  moqueries!  (on  me  dit)  pour  une 
sottise,  tu  t'es  enfoncé  dans  une  caverne!  0  homme  qui  suis 
les  lutins  du  désert,  que  tu  es  loin  de  ma  sagesse  [plaine]  ! 
Je  suis  le  bois  d'ébène,  je  reste  au  fond  de  la  mer  avec  la 
coquille  de  perles,  et  je  ne  suis  pas  de  ces  copeaux  qui  sur- 
nagent et  s'associent  à  l'écume.  J'éparpillerai  mon  âme,  je 
répandrai  mon  esprit,  je  déverserai  mes  bienfaits,  je  donne- 
rai mon  cœur;  quel  est-il  le  génie  du  monde  qui  ait  le  droit 
cle  me  donner  des  ordres  ?  Je  suis  grand  ,  je  suis  du  nombre 

'  C'est-à-dire  déchiquetés  comme  les  fils  ou  fibres  du  palmier 
dout  ou  tisse  les  nattes,  les  éventails,  etc. 

^  C'est-à-dire  les  anges. 

-*  L'un  des  fleuves  du  paradis,  mentionné  dans  la  sourate  cviii . 
versel  i,  du  Coran,  Dans  ce  vers  et  dans  le  vers  suivant,  khâcàni 
joue  sur  les  mots  :  ;»-y.^  ,  «  «obe  de  lin ,  »  -y^^Ja  .  «  pétri,  »  -p.  ^^a  ,  qui 
d'après  le  commentaire  est  un  lieu  vaste,  élevé,  richonioni  orné  cl 
couvert  de  tapis,  cl  enfin  ■r\<>u^  «action  de  monter.  » 


MEMOIRE  SUR  KHACANI.  357 

des  esprits,  je  suis  du  monde  occulte  et  je  suis  saint  par  ma 
naissance.  Comment  est-il  donc  possible  que  mon  être  puisse 
se  laisser  subjuguer  par  la  matière  ?  La  raison  me  servit  de 
gouvernante,  ma  nourriture  était  la  loi  du  Prophète,  l'esprit 
était  mon  berceau,  mes  mères  sont  les  quatre  éléments  et 
les  (cieux)  élevés  mes  pères.  Quand  la  raison  frotta  d'aloès 
les  deux  mamelles  de  la  nature\  mon  grand  cœur  se  tourna 
vers  l'étude  du  tariqat^.  D'un  autre  côté,  comme  Jésus,  je 
suis  fds  de  menuisier,  et  ma  mère  chrétienne  était  sœur 
adoplive  de  Jésus.  Lorsque  la  source  de  l'épine  dorsale  de 
mon  père  se  déversa  dans  le  conduit  d'eau  de  la  matrice, 
la  perle  de  mon  océan  naquit  de  cette  source  bénite.  Le 
voile  de  Tindigence  me  servit  d'amnios,  la  main  de  la  bien- 
veillance fut  mon  accoucheuse,  la  terre  de  Chirwan  est  ma 
patrie  et  le  Daroul  adah  le  lieu  de  mon  éducation.  Dès  l'ori- 
gine, je  ne  me  suis  pas  livré  aux  distractions  de  la  paresse 
comme  un  enfant,  car  ma  mère  et  mon  père  veillaient  sur 
moi.  Mon  chameau  furieux^,  à  deux  bosses,  n'a  pas  mangé 
chez  vous  ni  du  cuit  ni  du  cru,  car  mon  indépendance  de 
vous,  hommes  grossiers,  ne  date  pas  déjà  d'aujourd'hui.  Que 
je  croie  aux  pertes  de  sang  des  houris  et  aux  pollutions  des 
anges,  si  mon  vin  a  jamais  été  fait  avec  du  sang  des  vierges 
de  la  treille.  Mais  si  même  je  buvais  du  vin,  je  l'aurais  mé- 
rité, le  maître  du  paradis  m'aurait  avancé  aujourd'hui  ma 
paye  de  demain*.  Je  suis  au  paradis  et  je  bois;  c'est  pur  et 

^  Méthode  employée  par  les  nourrices,  en  Orient,  pour  dégoûter 
les  enfants  de  leur  lait. 

^  Le  tariqat  est  une  doctrine  religieuse  qui  se  rapporte,  d'après 
les  théologiens  musulmans,  au  charia't,  ou  à  la  loi  proprement  dite, 
comme  la  parole  se  rapporte  à  l'action  ;  car  le  ciiariat  est  basé  sur  les 
ordres  verbaux  du  Prophète,  et  le  tariqat  sur  ses  actes.  Ces  deux 
doctrines  se  complètent  par  le  haquiqat,  dont  les  principes  sont  fon- 
dés sur  les  croyances  intimes  du  Prophète,  révélées  aux  élus  parmi 
ses  sectateurs. 

^  Le  chameau  furieux  mange  très-peu  et  soulève  de  grands  far- 
deaux. 

*  Le  vin  est  permis  aux  musulmans  dans  le  paradis  ;  aussi  Khâ- 


358  MARS-AVRIL  1865. 

permis ,  car  l'esprit  est  devenu  ma  poussière ,  el  il  admet  mes 
gorgées  rouges\  Je  baise  la  pierre  noire  et  le  Coran  lumi- 
neux, (aussi  complètement)  que  si  tout  mon  corps  se  chan- 
geait en  lèvres  comme  le  Keouther^.  Je  suis  Khàcàni,  roi 
du  royaume  delà  parole,  et,  dans  la  trésorerie  de  mon  élo- 
quence, un  seul  point  lumineux  de  mes  écrits  vaut  le  revenu 
de  cent  khaciuis.  Mes  mains  sont  la  constellation  des  Gemini , 
ma  plume  est  cœtus,  le  sens  de  mes  paroles  est  la  spica  et 
la  vierge  est  créée  par  la  bah  ine ,  par  suite  du  mouvement  de 
mes  jumeaux.  Quoique  les  (hommes)  au  cœur  de  femmes 
me  comprennent  aussi  peu  [difficilement]  que  la  (nature) 
de  l'hermaphrodite  compler\  mon  cœur  vierge  porte  le  fruit 
des  hommes  à  l'âme  virile.  Si,  dans  les  sept  climats,  il  se 
trouve  un  homme  capable  de  dire  deux  vers  semblables  aux 
miens,  je  consens  à  devenir  inhdèleet  à  échanger  le  Daroul 
qoummamèh  contre  la  mosquée  d'Aqsa.  Je  ne  tournerai  pas 
ma  bride  par  crainte  de  ceux  dont  la  conduite  est  semblable 
à  cell  d'Abou  Lahab^,  car  l'élrier  de  Moustapha  est  devenu 
mon  but  el  mon  refuge\  Par  la  bienveillance  d'Aboul  Qas- 


câni ,  qui  déclare  s'y  trouver,  se  croit  autorisé  à  cet  acte  défendu  par 
la  loi. 

'  C'est-à-dire,  comme  la  poussière  boit  avidement  le  liquide 
qu'on  y  verse,  de  même  son  esprit,  qu'il  a  su  dompter  et  réduire 
à  l'état  de  poussière  de  ses  pieds,  admet  ses  libations. 

^  Le  Kcouihery  n'ayant  ni  source ,  ni  embouchure ,  n'a  que  deux 
bords  <_>J  ou  «  lèvres  »  en  persan. 

■''  L'existence  de  l'hermaphrodite  complet  est  admise  par  la  loi 
musulmane ,  mais  personne  ne  l'a  vu. 

^  Abou  Labab,  l'un  des  fds  d'Abdoul  Moutalib,  oncle  du  Pro- 
phète, élait  connu  comme  son  mortel  ennemi;  aussi  Mouhammed 
lui  a-t-il  fait  l'honneur  de  le  mentionner  spécialement  dans  le  Coran , 

par  son  célèbre  ôjl  o^l  ^1  ftV  o-jJ' i  qui  jure  tellement  avec 
la  phrase  de  «Au  nom  du  Dieu  clément  et  miséricordieux»  précé- 
dant celte  apostrophe  pleine  d'amertume  el  de  haine  implacable. 
^   Un  homme  poursuivi  par  la  loi  devient  inviolable  s'il  parvient  à 


MEMOIRE  SUR  KHACÀNI.  359 

sim ,  distributeur  de  bienfaits  et  prophète  de  Dieu ,  les  rois 
de  l'entendement  sont  mes  esclaves. 

Cette  pièce  étant  suffisamment  analysée  dans  la 
première  partie  de  ce  mémoire  et  dans  les  notes 
jointes  à  ma  traduction,  je  passerai  à  l'ode  ëlëgiaque 
de  Rhâcâni  sur  son  propre  sort,  que  j'extrais  du  Ca- 
deau aux  deux  Iraqs. 


C'A         .W...       .1     ^y^\      S^\        X..3     ^V__J  J_^  ji 


pénétrer  dans  un  sanctuaire  renommé  pour  sa  sainteté, dans  l'écurie 
du  roi,  etc.  ou  s'il  réussit  à  toucher  son  étrier  pendant  qu'il  esta 
cheval. 


360  MARS-AVRIL  1865. 

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MÉMOIRE  SUR  KHÂCÂNI. 


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MARS-AVRIL  1865. 


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MEMOIRE  SUR  KHACANI. 


363 


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24. 


364  MA  HS- AVRIL   186  5. 


TKADIJCTION. 


Ecoule  maintenant  les  lamentations  (que  j'exhale)  sur 
mon  propre  sort.  Le  monde  touche  à  sa  fin.  Je  suis  profon- 
dément enseveli  dans  focéan  des  malheurs.  Je  suis  confondu 
et  semblable  à  une  coquille  de  perle,  je  n'ai  ni  bras  ni  jambes. 
Souvent  le  ciel,  pour  extraire  la  perle  royale,  brise  ma  poi- 
trine comme  si  j'étais  moi-même  une  coquille  de  perle.  Par- 
fois (je  supporte  le  malheur),  comme  l'argent  (supporlej 
l'action  du  iéu  ardent,  et  parfois,  dans  la  main  de  l'infor- 
tune, je  deviens  (mobile)  comme  le  vif-argent  L'œil  de  mon 
existence  est  voilé  par  une  taie;  la  face  de  mon  libre  arbitre 
est  marquée  de  petite  vérole.  Celte  taie ,  ce  sont  les  peines  de 
la  vie;  celte  petite  vérole,  c'est  la  méchanceté  du  Chirwan. 
Je  suis  l'épervier  auquel  on  a  coupé  le  bout  des  ai'es  et 
qui  a  éprouve  les  vicissitudes  de  la  fortune.  Il  ne  me  reste 
dans  le  gosier  ni  unité  ni  zéro ,  c'est-à-dire  que  je  n'ose  pro- 
férer un  ah,  par  crainte  de  mes  ennemis  \  Semblable  à  une 
génisse  qui  fait  tourner  un  mouhn ,  ma  carrière  est  bornée  ;  je 
tourne  autour  du  centre  des  péchés.  Je  succombe  sous  les 
coups  de  fouet  de  l'époque,  la  corde  est  à  mon  cou  et  mes 
yeux  se  ferment.  Regarde  la  génisse  du  moulin,  elle  tourne 
toute  l'année,  mais  elle  le  fait  sans  joie  et  sans  plaisir.  Elle  a 
toujours  devant  elle  un  râtelier  bien  lourni  et  frais*,  mais 
elle  ne  peut  jamais  assez  allonger  son  museau  pour  l'at- 

*  Ah  s'écrit  en  persan  par  nn  élij  ei  par  un  hei ,  ([ui  ont  aussi  la 
valeur  de  l'unité  et  de  zéro. 

'  Allusion  à  un  procédé  employé  en  Orient  pour  faire  tourner 
l'arbre  d'un  moulin  par  une  vache,  sans  être  obligé  de  la  faire  avan- 
cer à  coups  de  fouet.  Ou  cloue  à  cet  arbre  un  râtelier  abondamment 
garni  de  fourrage,  puis  on  attache  la  vache  de  façon  qu'elle  puisse 
le  voir  sans  pouvoir  assez  allonger  son  cou  et  son  museau  pour  l'at- 
leindrc.  Les  efforts  que  fait  la  vache  pour  y  parvenir  font  tourner 
l'arbre  du  moulin.  Le  poêle  oppose  les  cercles  décrits  par  la  bêle  à 
i;eux  des  danseurs  qui  loiu'uenl  tfaiemeut. 


MÉMOIRE  SUn   KHÀCANf.  365 

leiniire.  La  voie  est  ouverte  entre  elle  el  l'objet  de  son  désir, 
néanmoins  il  est  inaccessible  pour  elle.  Mes  larmes  prennent 
la  couleur  de  l'épine-vinelle;  mon  médecin  me  lâle  la  veine 
du  pouls.  Voyant  que  j'ai  de  la  chaleur  dans  le  cœur,  il  me 
dit  :  Prépare  une  tisane  de  les  larmes  \  Le  cœur  brisé  el  mon 
activité  paralysée,  j'ai  le  droit  de  me  plaindre,  oh  oui!  Mon 
huile  est  épuisée,  la  mèche  est  trop  fme,  la  flamme  de  ma 
lampe  a  peu  d'éclat,  elle  est  vacillante.  Jamais  aucun  jour 
de  mon  existence  n'a  été  béni  comme  l'est  le  jour  de  l'an. 
Mon  sort  [horoscope]  est  de  ressembler  à  un  almanach,  je 
n'ai  pas  été  respecté  même  durant  une  année.  Comme  il  ne 
peut  être  appliqué  à  autre  chose ,  il  n'a  plus  de  voleur  aux 
yeux  du  chronologisle.  Devenu  inutile,  il  est  déchiré  el  se 
couvre  de  poussière.  Il  est  détruit  par  le  rêveur,  par  le  dé- 
bauché ou  par  celui  qui  espère  encore,  autrement  on  l'en- 
voie chez  le  fripier,  on  l'expulse  de  la  bibliothèque.  Tantôt 
on  en  arrache  la  moitié,  tantôt  on  en  porte  une  partie  au 
marché ^  On  y  met  la  myrrhe  el  l'aloès  el  on  lui  lord  la  tête 
pour  en  faire  des  cornets.  Par  Dieu,  dans  les  mains  de  mon 
Ariman  de  sort,  cet  almanach  vieilli,  c'est  moi!  c'est  moi! 
Je  n'ai  jamais  trouvé  [vu]  de  bienveillance  parmi  les  hommes; 

*  La  tisane  d'épine-vinette  est  ordonnée  par  les  médecins  orien- 
taux pour  calmer  la  chaleur  du  sang.  Le  poëte  compare  la  couleur 
de  ses  larmes  de  sang  à  celle  de  cette  potion  calmante,  et  dit  que  le 
médecin  lui  en  a  prescrit  l'usage.  Le  mot  . «i^  que  j'ai  traduit  par 
tisane,  ne  se  trouve  pas,  avec  cette  signification,  dans  Ricbardson. 
Dans  les  notes  du  TouA/efautographié,  on  lit:  jcJcN^lL  îJ^jV^o^  Wy* 

cXÀib^  «  Mezuar,  ou  Mezwarehj  est  un  aliment  préparé  sans  viande. 
On  y  met  de  la  coriandre  ou  quelque  autre  ingrédient  de  ce  genre , 
et  on  le  donne  au  malade. 

-  Le  tcharssou  est ,  à  proprement  parler,  le  rond-point  du  bazar 
oriental ,  lieu  où  se  croisent  des  rues  venant  de  quatre  côtés.  C'est 
l'endroit  le  plus  fréquenté  par  les  acheteurs ,  et  c'est  là  aussi  que  se 
tiennent  de  préférence  les  épiciers  et  les  droguistes. 


366  MARS-AVRIL  1865. 

que  dis-je  vu,  que  je  sois  Juif,  si  j'en  ai  entendu  seulement 
parler!  Ce  que  firent  les  frères  de  Joseph  à  leur  frère,  je 
l'ai  enduré  autant  des  miens  et  peut-être  plus  encore.  Par 
crainte  de  plus  grands  désastres,  j'ai  jeté  la  pierre  aux  car- 
reaux des  vitres  de  la  parenté.  Je  ne  m'inquiète  plus  des  af- 
faires de  ma  famille ,  elles  agissent  sur  moi  comme  la  fumée 
d'une  mèche  (mal  éteinte)  agit  sur  le  cerveau.  Je  suis  le 
Touti  créateur  des  idées ,  et  le  Chirwan  est  ma  cage  de  fer.  Le 
sort  m'a  réduit  à  la  dernière  extrémité,  il  m'a  coupé  le  bec, 
la  langue  et  les  ailes.  Il  m'a  chassé  de  l'Inde  de  la  joie,  il  a 
extirpé  les  racines  de  mes  espérances.  Ce  n'est  pas  de  sucre, 
mais  bien  de  poison  qu'il  m'a  nourri  ;  il  m'a  servi  de  l'eau 
dans  la  gueule  d'un  crocodile.  Je  fais  le  mort  pour  mieux 
sauter,  tout  comme  le  Toati  qui  par  une  mort  (simulée)  re- 
couvra sa  liberté.  Je  me  suis  détaché  du  service  des  grands, 
j'ai  dénoué  ma  ceinture  et  j'ai  fermé  ma  bouche.  Je  suis  au 
chapitre  des  privations,  et  j'ai  biffé  le  verset  de  la  parole. 
Comme  Marie  exaspérée  parles  reproches  des  siens,  j'ai  dit  : 
je  ne  parlerai  à  personne  durant  tout  ce  jour\  Craignant 
pour  ma  tête,  j'ai  fermé  la  porte  de  ma  langue,  mais  j'ai  ou- 
vert celle  de  mon  cœur.  J'ai  tranché  ma  langue  par  le  glaive 
de  l'isolement;  mais  aussi  cette  langue  qui  témoignait  en  fa- 
veur de  l'unité  de  Dieu,  est  devenue  un  glaive.  Chemakha 
paraît  étroite  pour  mon  cœur,  c'est  un  four  (ardent)  dans  ce 
pays  ouvert^.  C'est  bien  si  la  langue  ressemble  au  glaive,  si 
elle  fait  des  actes  virils^  sans  proférer  de  paroles.  Ma  rési- 
dence est  une  vraie  prison;  chacun  de  mes  cheveux  se  dresse 

^  Citation  d'un  passage  du  verset  27  du  chap.  xix  du  Coran. 

^  J'ai  placé  ce  distique  à  l'endroit  que  lui  assignent  tous  les  ma- 
nuscrits où  je  l'ai  trouvé,  mais  il  me  semble  qu'il  devrait  suivre  le» 
mots  «  et  le  Chirwan  est  ma  cage  de  fer.  » 

^  J'ai  reproduit  le  mot  (J^J»,  car  je  l'ai  trouvé  dans  tous  les  ma- 
nuscrits que  j'ai  pu  consulter,  je  l'ai  traduit  par  «acte  de  virilité;» 

j 
mais  il  me  semble  toutefois  qu'il  faut  le  remplacer  par  >^  ^yA  et  tra- 
duire le  distique  on  il  «;r  trnuvr  par  :  «CVst  bien  si  l.i  liiitrue  res- 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  367 

vers  Dieu.  Aucun  des  voyageurs  de  ce  monde  ne  peut  me 
visiter;  on  empêche  même  le  vent  de  pénétrer  jusqu'à  moi. 
Si  je  fais  un  pas,  n'importe  dans  quelle  direction,  ou  si  mon 
poumon  laisse  échapper  un  soupir,  un  calomniateur  le  re- 
lève et  le  rapporte  travesti  à  l'oreille  du  Chah. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SÉANCE  DU  10  FÉVRIER  18G5. 

La  séance  est  ouverte  par  M.  Pauthier,  en  l'absence  du 
président. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  ;  la  rédaction 
en  est  adoptée. 

Sont  proposés  et  élus  membres  de  la  Société  ; 

MM.  KossowiTCH ,  professeur  de   sanscrit  et  de  zend  à 

l'Université  de  Saint-Pétersbourg; 
MouciiLiNSK! ,  professeur  d'arabe  à  l'Université  de 

Saint-Pétersbourg  ; 
A.  DE  Caix  de  Saint-Amodb,  à  Paris. 

Il  est  donné  lecture  d'une  lettre  de  M.  Reinaud ,  qui  an- 

semble  au  glaive,  si  elle  fait  la  morte  et  si  elle  ne  profère  pas  de 
paroles.»  Car  il  serait  assez  difficile  de  comprendre  comment  la 
langue  pourrait  accomplir  des  actes  virils  sans  proférer  de  paroles. 


368  MARS-AVRIL  J865. 

nonce  que  l'étal  de  sa  sanlc  l'empêchera  d'assister  a  la 
séance. 

On  lit  une  lettre  de  M.  Duruy,  ministre  de  rinstruction 
publique,  qui  annonce  à  la  Société  qu'il  vient  de  renouveler 
la  souscription  de  son  département  au  Journal  asiatique.  Des 
remercîments  seront  adressés  à  M.  le  Ministre. 

M,  Lancereau  lit  un  extrait  de  sa  traduction  du  Punlcha- 
i  unira. 

M.  Oppert  lit  une  lettre  adressée  nu  général  Rawlinson 
sur  les  inscriptions  araméennes  qui  se  trouvent  sur  quelques 
briques  de  Babylone. 

OUVRAGES   OFFERT.^   À   LA   SOCIÉTÉ. 

Par  l'éditeur.  Monumenla  sacra  et  profana,  opéra  Collegii 
doctorum  hibliolhecœ  Amhrosianœ ,  edidil  A.  M.  Ceriani  ,  vol.  H  , 
cab.  1  el  2;  vol.III,  cab.  1.  Milan,  1 863-1 864,  in-4°. 

Par  l'auteur.  Clave  harmonica.  Demonslracion  de  la  unidad 
de  ôrigen  de  los  idiomas ,  porH.  Mossi  de  Cambiano.  Deuxième 
édition.  Madrid,  186/i,  in  8°. 

Par  le  Gouvernement.  Tableau  des  étahlissenients  français 
dans  l'Algérie  en  1863.  Paris,  i864,  in-/i°- 

Par  l'auteur.  Lellre  à  M.  Opperl  sur  quelques  particularités 
des  inscîiptions  cunéiformes  anciennes,  par  M.  De  Rosny,  in-8°. 
(Extrait  des  Annales  de  philosophie  chrétienne.) 

Par  l'auteur.  Annuaire  philosophique,  par  L.  A.  Martin, 
t.  II,  cab.  i  et  2.  Paris,  i865,  in-8". 

Par  l'auteur.  Discours  prononcé  aux  funérailles  de  M.  l'abbé 
Flottes,  par  A.  Germain.  Montpellier,  i8G4,  iii-8°. 

Par  l'auteur.  Ouverture  du  cours  de  fdiilologic  comparée 
des  langues  indo-européennes,  par  M.  Jules  Oppert.  Paris, 
i864,in-8°. 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  369 

PROCÈS-VEHBAL  DE  LA  SÉANCE  DU   10  MARS  1865. 

La  séance  est  ouverte  à  hnil  heures  par  M.  Reinaud,  pré- 
sidenf. 

Il  est  donné  lecture  du  procès-verbal  de  la  dernière  séance  ; 
la  rédaction  en  est  adoptée. 

Est  nommé  membre  de  la  Sociélé,  M.  George  Grote,  à 
Londres. 

Le  secrétaire  fait  un  rapport  sur  une  demande  de  l'Ins- 
titut royal  de  l'Inde  néerlandaise,  que  l'échange  des  publica- 
tions des  deux  Sociétés  soit  rétabli.  Le  secrétaire  propose 
d'envoyer  à  l'Institut  dorénavant  le  Journal  asiatique. 

M.  Oppert  continue  la  communication  qu'il  a  commencée 
la  dernière  fois  sur  les  transcriptions  araméennes  ou  phéni- 
ciennes qui  accompagnent  certaines  inscriptions  cunéiformes 
assyriennes,  découvertes  par  le  général  Rawlinson,  et  qui 
servent  de  contrôle  et  de  confirmation  à  la  lecture  de  l'écri- 
ture cunéiforme. 

Il  expose  ensuite  des  considérations  sur  la  grande  inscrip- 
tion de  Sardanapale  III,  trouvée  à  Nimroud,  et  dont  lui- 
même  a  publié  la  traduction  dans  son  ouvrage  sur  l'Expédition 
en  Mésopotamie.  Dans  cette  inscription,  le  roi  rappelle  des 
stèles  qu'il  a  fait  graver  près  des  sources  du  Tigre,  stèles 
qui,  sur  ces  indications,  ont  été  retrouvées  par  M.  Jones 
Taylor,  et  qui  prouvent  de  même  rexactitude  de  la  lecture 
des  inscriptions  antérieurement  déchiffrées. 

OUVRAGES  OFFEBTS  À  LA  SOCIÉTÉ. 

Par  l'auteur.  Un  chapitre  de  l'histoire  de  l'Inde  musulmane , 
ou  Chronique  de  Scher  Schah ,  traduit  de  l'hindoustani  par 
M.  Garcin  DE  ÏASSY.  Paris,  i865  ,  in-8°.  (  Extrait  de  la  Revue 
de  l'Orient,  i6/i  pages.) 

Par  la  Société.  Actes  de  la  Liociélé  ethnoyraphiqae ,  n°  7. 
Paris,  1864,  in-8". 


370  MARS-AVRIL   1865. 

Par  la  Société.  Proceediiigs  of  the  Royal  geographical  So- 
ciety, vol.  IX,  n*"  1.  Londres,  i865. 

Par  l'auteur.  Du  signe  interrogatif  des  divers  peuples  et  des 
fausses  idées  de  l'Europe  sur  les  hiéroglyphes ,  dissertation  par 
le  chevalier  de  Paravey. Lyon ,  i865,  in-8°  (2A  pages). 

Par  la  Société.  Bulletin  de  la  Société  de  géographie.  Dé- 
cembre 1864.  Paris,  in-8°. 


Travels  in  Central  Asia,  by  Arminius  Vambery.  Londres ,  i864, 
in-8°  (443  pages,  beaucoup  de  planches  et  une  carte). 

Reise  jn  Mittelasien  von  Hermann  Vambery.  Leipzig,  chez 
Brockbaus,  i865,  in-8°. 

M.  Vambery,  Hongrois  de  naissance  et  membre  de  l'Aca- 
démie de  Pesth,  avait  passé  bien  des  années  à  Constanti- 
nople,  se  livrant  à  des  études  de  langue  et  de  littérature, 
lorsque  l'Académie  à  laquelle  il  appartient  le  chargea  d'un 
voyage  dans  l'Asie  centrale  ,  dont  le  but  principal  devait  être 
l'éclaircissement  des  origines  delà  langue  hongroise,  par 
l'étude  de  dialectes  congénères,  soit  finnois,  soit  tartares. 
M.  Vambery,  fort  de  sa  connaissance  intime  de  la  langue 
turque  et  des  coutumes  musulmanes,  se  décida  à  voyager 
sous  un  déguisement  oriental,  seul  moyen  d'aller  à  Rhiva  et 
à  Bokhara,  quand  on  n'est  pas  envoyé  russe  et  protégé  par 
une  escorte  militaire,  mais  moyen  dangereux  au  plus  haut 
degré,  parce  que  le  plus  léger  soupçon  de  son  origine  véri- 
lable  créait  un  péril,  et  la  découverte  de  sa  nationalité  entraî- 
nait inévitablement  sa  mort.  11  se  rendit  à  Téhéran,  où  il 
s'établit  chez  l'ambassadeur  turc,. qu'il  avait  connu  à  Cons- 
tantinople.  Il  trouva  bientôt  que  son  premier  dessein  d'aller 
à  Bokbara  par  Héral  était  devenu  inexécutable  par  suite  de  la 
guerre  qui  avait  éclaté  entre  la  Perse  et  l'Afghanistan,  et  il 
conçut  un  nouveau  plan,  qui  devait  le  conduire  droit  à  son 
but,  mais  avec  un  surcroît  de  dangers  et  de  fatigues.  L'am- 
bassade de  Turquie  à  Téhéran  est  le   rendez-vous  naturel 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  371 

des  pèlerins  sunnites  des  pays  tiircomans  qui  doivent  traver- 
ser la  Perse  pour  aller  à  la  Mecque  et  en  revenir.  Mal  vus  et 
persécutés  pendant  tout  leur  séjour  dans  la  Perse  schiite,  ils 
ne  trouvent  de  secours  et  de  protection  qu'à  l'ambassade 
turque,  qui,  en  conséquence,  est  toujours  entourée  de  com- 
pagnies de  pèlerins  turcomans,  auxquels  M.  Vambery  était 
en  position  de  rendre  des  services.  11  conçut  donc  l'idée  de 
se  joindre  à  une  de  ces  sociétés  de  dervicbes  revenant  de  la 
Mecque,  et  de  se  faire  conduire  par  eux  à  Bokbara  et  à  Sa- 
markand, sous  le  prétexte  d'un  vœu  qu'il  aurait  fait  de  visi- 
ter le  tombeau  d'un  célèbre  saint.  Il  se  fit  affilier  à  une  com- 
pagnie de  vingt-trois  badjis,  dont  une  grande  partie  étaient 
originaires  des  provinces  musulmanes  sujettes  de  la  Cbine.  Ils 
étaient  toustrès-sales,  ignorants ,  fanatiques  et  plus  ou  moins 
misérables ,  ne  possédant  en  partie  que  leur  bâton  de  voyage 
et  leur  caractère  de  dervicbe  et  de  hadji,  qui  leur  donnait 
le  droit  à  des  aumônes.  M.  Vambery  fut  alors  initié  à  leur 
manière  de  vivre,  se  réduisit  à  l'équipement  le  plus  simple, 
n*emporta  qu'une  très -faible  somme  d'argent,  et  se  mit  en 
route  avec  eux  par  le  Mazenderan  et  le  désert  de  Kbiva ,  où 
il  faillit  périr  de  soif  et  de  faim  ,  et  de  là  à  Bokbara  et  à  Sa- 
markand, d'où  il  les  laissa  partir  seuls  pour  le  Turkeslan 
chinois ,  parce  que  ses  ressources  suffisaient  à  peine  pour  son 
retour,  qu'il  fit  par  la  roule  méridionale  de  Hérat.  Il  m'est 
impossible  de  donner  dans  cette  note  une  analyse,  si  suc- 
cincte qu'elle  soit,  de  son  ouvrage  ;  il  faut  lire  son  livre  pour 
voir  quelle  résolution  il  fallait  pour  l'entreprendre,  quelle 
présence  d'esprit  continuelle  pour  ne  pas  se  trahir  par  un 
mot,  un  regard,  une  curiosité  quelconque,  l'omission  d'une 
cérémonie  ou  d'une  habitude  de  derviche.  Encore  le  récit  de 
l'auteur  n'en  donne-t-il  qu'une  idée  imparfaite;  car  M.  Vam- 
bery est  un  voyageur  singulièrement  modeste,  qui  ne  raconte 
de  ses  aventures  que  ce  qui  est  indispensable  à  son  liistoire, 
et  l'impression  que  donne  son  ouvrage  est  qu'il  ne  raconte 
pas  tout  ce  qui  lui  arrive,  de  peur  d'être  soupçonné  d'exagé- 
ration . 


372  MARS-AVRIL  1865. 

Le  voyage  n'occupe  que  la  moitié  du  volume;  la  seconde 
moitié  consiste  dans  un  résumé  des  observations  de  l'auteur 
sur  l'état  des  pays  turcomans ,  leur  population ,  leurs  produits , 
et  leurs  rapports  politiques  entre  eux  et  avec  les  pays  voisins. 
Les  circonstances  n'étaient  pas  favorables  à  des  recberches 
historiques  ou  archéologiques  ;  mais  M.  Vambery  a  rapporté 
une  quarantaine  de  manuscrits,  dont  il  nous  donnera  proba- 
blement le  contenu  sous  une  forme  quelconque  ;  lui-même 
pense  que  les  résultats  philologiques  qu'il  a  obtenus  sont  le 
produit  principal  de  ses  voyages,  et  le  premier  ouvrage 
qu'il  publiera  sur  ces  sujets  sera  un  Dictionnaire  turc  orien- 
tal, qu'il  prépare  dans  ce  moment.  Ce  qui  peut  sembler  sin- 
gulier à  ceux  qui  lisent  le  récit  des  misères,  des  fatigues  et 
des  dangers  qu'il  a  supportés,  c'est  qu'il  paraisse  dé.sireux  de 
recommencer  ses  voyages;  mais  l'attrait  qu'exerce  la  liberté 
dont  on  jouit  en  Orient  dans  la  vie  ordinaire  est  irrésistible , 
et  cela  devrait  donner  à  réfléchir  aux  admirateurs  exclusifs 
de  nos  institutions  européennes,  —  J.  M. 


On  trouve  dans  l'ouvrage  de  M.  Helmholtz,  intitulé  :  Die 
Lehre  von  den  Tonempfindungen  (2* édition.  Brunswick,  i865, 
in-8°),  pages  433-^37,  une  nouvelle  explication  de  l'échelle 
musicale  des  Perses ,  telle  qu'elle  paraît  s'être  formée  sous 
les  Sassanides.  Je  suis  beaucoup  trop  peu  musicien  et  mathé- 
maticien pour  prendre  sur  moi  d'exposer  l'idée  de  l'auteur; 
mais  il  est  peut-être  bon  d'indiquer  aux  savants  qui  s'occu- 
pent de  l'histoire  de  la  musique  en  Orient  un  passage  qui 
pourrait  aisément  leur  échapper,  et  je  me  contente  d'appeler 
leur  attention  sur  ce  paragraphe  de  l'ouvrage  de  M.  Helm- 
holtz. —  J.  M. 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

MAI-JUIN  1865. 


PANTCHADHYAYI 

ou 

LES  CINQ  CHAPITRES  SUR  LES  AMOURS  DE  CRICHNA 

AVEC  LES  GOPÎS, 

EXTRAIT    DU    BHÂGAVATA-PUrAnA, 
LIV.  x,cnAP.  XXIX-XXXIII, 

PAR  M.  HAUVEÏTE-BESNAULT. 


S'il  n'est  guère  de  Parâna  aussi  populaire  chez  les 
Hindous  que  le  Bhâgavata,  ainsi  que  l'attestent  le 
grand  nombre  des  manuscrits  et  plusieurs  éditions 
indigènes,  dans  ce  Parâna  lui-même  il  n'est  pas  de 
livre  plus  célèbre  que  le  dixième,  où  est  racontée 
l'histoire  de  Grichna,  la  dernière  et  la  plus  complète 
des  incarnations  de  Vichnu^  Le  fait  est  constaté  par 
les  traductions  ou  imitations  qui  en  ont  été  faites, 
à  différentes  époques,  et  presque  de  nos  jours  en- 
core, dans  les  divers  dialectes  de  l'Inde.  11  suffît  de 
citer  le  Dasam  A skand,  traduit  en  français  par  M.  Th. 
Pavie  ;  le  Prem  Sagar,  dont  M.  Eastwick  a  donné  la 
traduction  en  anglais,  et  une  imitation  en  langue 

'   Polier,  Mythologie  des  îndouSy  ch.  v  et  vi,  t.  I". 

V.  25 


374  MAI-JUIN   1865. 

persane  sur  laquelle  a  été  faite  la  tracluclion,  égale- 
ment en  anglais,  publiée  par  Maurice  dans  le  tome 
second  de  son  History  of  Hindoostan. 

La  doctrine  du  salut  par  la  dévotion,  enseignée 
dans  ce  livre,  en  explique  la  popularité.  Dans  un 
fragment  du  Padma  Parâiia^  le  Bhâgavata  Mâhâtmya^ 
qu'on  trouve  à  la  suite  de  quelques  exemplaires  du 
Bhâgavata  Pnrâna,  publié  à  Bombay  en  1860,  il  est 
dit,  au  chapitre  iv,  qu'un  brahmane  nommé  Atma- 
déva  se  retira  dans  la  forêt,  d'après  les  conseils  de 
son  (ils  Gokarna,  et  qu'il  obtint  Crichna  par  la  lec- 
ture de  ce  dixième  livre  :  <^UJ|Vr[M    fH^Td   5"5[TH^ 

Les  cinq  chapitres  dont  je  donne  ici  le  texte  et 
la  traduction  forment  un  épisode  désigné  dans 
l'Inde  sous  le  nom  de  rfts^^^Fft'  ^^^  ^^^  ^^^9  ^^^•' 
titres;  ils  sont  consacrés  au  récit  des  amours  de 
Crichna  avec  les  Gopis,  littéralement  ies  vachères. 
Les  principaux  traits  de  cette  légende  vivent  encore 
dans  la  mémoire  du  peuple  et  dans  les  cérémonies 
du  culte  :  nos  contemporains  ont  vu  des  processions 
où  figurait,  porté  sur  un  char,  Crichna  entouré  de 
ses  fidèles  Gopîs  ^  C'est  un  sujet  où  semblent  s'être 
complu  l'imagination  voluptueuse  et  la  piété  facile 
des  poètes  hindous.  On  sait  que  le  Gîta  Govinda  y 
tient  de  très-près,  h' Anthologie  d'Haeberlin  comprend , 
en  outre,  six  ou  sept  autres  petits  poèmes,  qui  tous 
ont  trait  aussi  à  la  même  légende.  Deux  sont,  quant 
à  la  forme,  des  imitations  du  Mégliadûta  et  traitent 

*    Voyages  dans  l'Inde j  par  le  prince  Sollykoff,  p.  A  i  4- 


PANTCHÀDHYAYÎ,  375 

du  message  d'Uddhava,  rapporté  dans  le  BMcjavata 
liv.  X,  cb.  xLvi  et  xlvii;  ils  ont  pour  titre  Uddhava- 
sandéça  et  Uddhavadata.  Deux  autres, le  Hamsadûta  et 
le  Paddhkadûla ,  ont  rapport,  l'un  indirectement, 
l'autre  directement,  aux  faits  racontés  dans  la  se- 
conde partie  de  notre  cbap.  xxx.  Le  Vrîndâvanaçataka 
et  le  Vrindâvanayamaka  célèbrent  la  forêt  témoin 
des  jeux  de  Gricbna.  Enfin  le  Vrajaviiâsa,  où  Râdbâ 
est  nommée,  est  l'œuvre  de  Çrîdbarasvâmin ;  on 
se  rappelle  que  c'est  le  noui  du  scboliaste  de  la 
Bhagavadgitâ,  du  Bhâfjavata  et  de  trois  des  cinq  livres 
du  Vaichnava,  le  V\  le  IP  et  le  V*^  (Wiison,  préf. 
du  V.  P.  p.  LxxTv).  La  Bibliotbèque  impériale  pos- 
sède en  manuscrit,  outre  le  Hamsadâta,  un  drame 
en  dix  actes,  par  Rùpagosvâmin,  le  Lalilamddhava , 
qui  roule  sur  les  amours  de  Gricbna  et  de  Râdbâ. 
[Catalogue man.  de  i\L  Munck.) 

On  ne  s'élonnera  pas  du  grand  nombre  de  ces 
compositions,  si  l'on  songe  que  les  Gopîs  sont  de- 
venues, dans  la  tradition  bindoue,  comme  le  type 
et  le  modèle  du  salut  par  la  dévotion  et  par  la  foi. 
Il  est  dit,  au  livre  Vil,  cb.  i,  st.  3o  du  Bhâgavata, 
que  les  Gopîs  ont  été  sauvées  par  l'amour,  ÎTT'^T: 
c^miH  •  Le  rédacteur  du  Prem-Sagar^  semble  s'être 

inspiré  de  ce  passage  dans  les  réflexions  qu'il  met 
dans  la  boucbe  de  Çuka  sur  les  moyens  d'arriver  à 
la  délivrance.  Le  Bhâgavata  Mâhâtmya,  déjà  cité, 
est  plus  explicite  encore  :  il  n'hésite  pas  à  déclarer 

•   P.  56  et  57  de  la  Irad.  (Cf.  ci-dessous,  ch.  xxix,  st.  i  3  et  suiv.) 

25. 


370  MAI-JUIN   1865. 

inutiles  et  de  nul  effet,  à  l'égard  du  salul,  les  iiior- 
tifications,  les  Védas,  la  science  et  les  œuvres;  c'est 
la  dévotion  qui  fait  obtenir  Hari ,  ainsi  que  le  prouve 
l'histoire  des  Gopîs,  II,  18  : 

^f^  Hro?T^  H^TT  TTîTTTlt  rT^  îft^:  M 

Plus  bas,  II,  56  et  5y,  opposant  le  bonheur  du 
ciel  des  dévas,  svarga,  à  celui  du  Vaikantha,  ou  de- 
meure de  Vichnu  :  «  Beaucoup  de  chemins,  dit-il, 
mènent  au  premier,  un  seul  mène  au  second ,  et 
c'est  celui  que  les  Gopîs  ont  suivi.  » 

5flftrftT%€T  ë^  ^^FT:  îT^rétWTT:  I 

Si  la  popularité  de  cette  légende  ne  laisse  aucun 
doute,  on  n'en  peut  dire  autant  de  son  antiquité.  Je 
ne  connais  dans  le  Mahâbhârata  qu'une  allusion  ra- 
pide à  l'histoire  des  Gopîs;  elle  se  trouve  dans  l'in- 
vocation de  Drâupadi  à  Crichna,  Gopijanapriya  (II, 
2291).  Les  développements  commencent  avec  le 
Harivamça  et  se  continuent  dans  les  Purânas.  Elle  est 
comme  en  germe  dans  le  premier;  elle  prend  dans 
quelques-uns  des  Purànas  des  développements  qui 
constatent  et  expliqueiit  la  faveur  dont  elle  jouissait. 


PANTCHADHYAYI.  377 

Le  Harivajfiça  y  consacre  une  vingtaine  de  stances  \ 
le  Vaichnava  plus  du  double ,  et  le  Bhâgavata  cinq  cha- 
pitres. Le  récit  du  Harivamça,  tout  bref  qu'il  est,  en 
contient  déjà  les  traits  essentiels.  On  y  voit  Crichna 
se  livrer  au  plaisir  avec  les  Gopîs  dans  des  circons- 
tances identiques  à  celles  qui  sont  décrites  dans  nos 
deux  ParânaSj  et  plus  d'une  fois  la  même  idée  y  est 
exprimée  dans  les  mêmes  termes  ^  soit  que  ce  récit 
ait  servi  comme  de  canevas  à  ceux  qui  ont  suivi,  soit 
que  la  tradition  eût  dès  lors  consacré  les  mêmes  lo- 
cutions à  l'énoncé  des  mêmes  faits.  Ici,  comme  dans 
les  Purânas,  l'amour  des  Gopîs  pour  Crichna  leur 
fait  braver  tous  les  obstacles  ^;  elles  se  rangent ,  pour 
danser,  deux  à  deux  sur  une  même  ligne ,  c'est-à-dire , 
suivant  la  glose  citée  par  Wilson*,  elles  forment  un 
cercle  dans  lequel  Crichna  figure  auprès  de  chaque 
Gopî;  elles  célèbrent  ses  louanges,  imitent  ses  ac- 
tions, l'accompagnent  dans  ses  promenades  et  dans 
ses  jeux,  et  ne  s'arrêtent  que  lorsqu'elles  sont  à  bout 
de  forces  et  ivres  de  plaisir. 

Le  Vichnu-Purâna ,  ainsi  que  je  viens  de  le  dire, 
est  plus  développé;  notre  sujet  y  comprend  près  de 

'   P.  584  de  l'édition  de  CalcuUa,  iSSg. 

*  Krisnas  tu  jauvanani  dristvâ  niçi  candramaso  navam  \ 
Çâradim  ca  niçdih  ramjâm  manuç  cakre  radin  prati  |[ 

cf.  ci-dessous,  p.  378,  note  i,  les  st.  i4  et  i5  du  V.  P.  et,  dans  le 
texte  du  Bhâçjcivata,  la  stance  i"du  ch,  xxix. 

^    Ta  vdryamânàh  pifribliir  bhràtribhir  mdtribhU  tatliâ  | 
hrisnani  gopâiujanâ  râtrau  niricjajante  ratipriyâh  j| 
cf.  ci-dessous,  p.  38 1  en  note,  la  slance  58  du  V.  P.  et,  dans  notre 
texte,  XXIX,  8. 

*  P.  53i  de  sa  trad.  du  V.  P.  note. 


378  MAI-JUIN   1865. 

cinquante  çlokas,  plus  des  trois  quarts  du  chap.  xfiî, 
liv.  V.  Comme  le  texte  de  ce  Purâna  attend  encore 
un  éditeur,  j'ai  cru  devoir  donner,  au  moins  en 
note  et  en  caractères  romains,  ce  passage  tout  en- 
tier ^  Je  l'ai  transcrit  sur  le  manuscrit  bengali  de  la 

'   Kiisnas  ta  vimalam  vyoma  çaraccandrasya  candrilcàm  j 
tailla  kumudinîni  phuHâm  âmodiladigantaràm  [|  i  4  [l- 
vanarâjiiîi  tattiâ  kùjadbhriiigamâiàmanoramâm  j 
vilolcya  saha  gopîbhir  manaç  cakre  ratim  prali  j|  1 5  {] 
salia  ramena  madburam  atîva  vanitàpriyam  J 
jagau  kalapadam  çaurir  nânâtantrikrilavratani  "  ||  i6  |j 
ramyagîladbvanim  çrutvâ  santyajyâvasalbâms  ladà  | 
àjagmus  tvarità  gopyo  yatrâslc  madbusûdanab  |]  17  [j 
çanaih  çanair  jagau  gopî  kàcit  tasya  layâougam  *"  | 
dattàvadbânâ  kâcic  ca  tam  eva  manasâsmarat  [|  1 8  l[ 
kâcit  krl.sneti  krisneti  proktvâ'^tajjàm  upâyayau  | 
yayau  ca  kâcit  premândliâ  talpàrçvam  avilajjitâ  "^  |1  1 9  j| 
kâcid  âvasatbasyântali  stbitâ  dristvâ  vabir  guram*  | 
tanmayatvena  govindam  dadbyau  mîbtalocanâ  [j  20  [j 
taccinlâvipulâblâdaxînapunyacayâ  tadâ  | 
tadaprâptimabâdulikbavilînâçesapâtakâ  |1  21  |j 
cintayantî  jagatsûtim  parabrahmasvarûpinam  [ 
niruccbvâsalayâ  muktim  gatânyâ  gopakanyakâ  ||  22  |{ 
gopîparivrilo  râtrim  çaraccandramanoramâm  | 
mânayâmâsa  govinda  râsârambbarasotsukah  ||  28  |j 
gopyaç  ca  vrindaçali  krisnacestàsv  àyattamûrtayah^  | 
anyadeçam  gâte  knsne  cernr  vrindàvanântaram  j|  2^  [| 
krisno  ^  ham  elallalitam  vrajâmy  âlokyalâm  gatih  | 
anyâ  bravîti  krisnasya  samagîtir^  niçamyatâm  l]  28  j] 
dusta  kâliya  listhâtra  krisno  S  bam  iti  câparà  [ 

'  16  d,  Nânâtantribhih.  kritam  vratatn  svaraniyatir  yasmin ,  scb. 

*"  18  b.  layânu(jL 

'■  196.  Prohlâ. 

^  19  c/.  AùkLyjilà. 

'  ao  6.   Çvaçurâdin^  scli. 

'  itxh.  Krisnacestàsv  âyaUâ'i  tadanukârinyo  mùrlayo  yâsâih  tnh ,  scb. 

*  20.  d.  Marna  gt°. 


PANTCHÂDHYÂTÎ.  379 

Bibliothèque  impériale  portant  le  li**  i  2,  P  2 5  2  b  et 
suiv.  C'est  le  seul  qu  il  y  ait  à  Paris.  M.  Moiiier  Wil- 
liam a  bien  voulu  comparer  avec  plusieurs  manus- 
crits, et  à  l'occasion  compléter  la  copie  que  je  lui  aï 
envoyée;  il  y  a  ajouté  quelques  variantes  et  quelques 

bâhum  âspholya  krisaasya  lîlâsarvasvam  âdade  [|  26  jj 

aoyâ  bravîli  bho  gopâ  nihçankaih  stbîyatâm  ilia  j 

alam  vristibhayonàtra  dhrito  govardbano  maya  ||  27  [] 

dlienuko  >S  yaiïi  maya  xiplo  vicarantu  yalbecchayâ  | 

gâvo  bravîti  caivânyâ  krisnalîlânakârinî  |j  28  || 

evain  nâiiâprakârâsu  krisnacestàsu  tàs  tadâ  ] 

gopyo  vyagrâli  samam  cerû  ramyam  vrindâvanam  vanam  j|  29  )| 

vHokyaikà  bbuvaiîi  pràlia  gopîr  gopavarânganà  j 

pulakâcitasarvàiigî  vikàsinayanotpalâ  |]  3o  ij 

dbvajavajrâiikuçânka.  .  .  ."  àli  paçyala  | 

padâny  etâni  krisnasya  lîlàlankritagâminah  |1  3  i  [j 

kâpi  tena  samam  yâtâ  krilapiuiyâ  madâlasâ  ] 

padâni  tasyâç  cailâni  gbanâny  alpatanûni  ca  ||  82  [j 

puspâvacayam  atroccaiç  cakre  dàmodaro  dbruvam  | 

yenâgrâkrântimâtrâni  padàny  atra  mabâlmanab  [|  33  j] 

atropaviçya  sa  tena  kâpi  puspair  alai'ikritâ  | 

anyajanmani  sarvâlmâ  visnur  alyarcilo''  yayà  \\  34  || 

puspabandhanasammânabritamânâm*^  apâsya  làm  | 

nandagopasulo  yàto  mârgenânena  paçyata  ||  35  || 

anuyâte  samartbânyâ  nitambabharamantharâ  [ 

yà  gantavye  drutam  yâti  nimnapâdàgrasamslbilib  ||  30  j 

hastanyaslâgrabasteyam  tena  yâti  yatbâsakbi  | 

anâyattapadanyâsâ  laxyate  padapaddbatih  [|  37  [j 

hastasamsparçamâtreiia  dhûrtenaisâ  vimânità  | 

iiairàçyam  mandagâminyà  nivrittam  laxyate  padam  ||  38  || 

nûnam  uktâ  tvarâmîti  punar  esyâmi  le  ^S  ntikam  | 

tena  krisnena  yenaisâ  Ivaritâ  padapaddbatib  |j  39  |j 

pravisto  gahanam  krisnah  padam  atra  na  laxyate  j 

'  3i  ab.  Il  y  a,  dans  cet  liëmisticlie ,  cjuali-e  syllabes  que  je  n'ui  pu  dé- 
chiffrer. —  AUsakhi  bahuvacanârlhe  cailmvacanam ,  sch. 
'•  34  d.  Abhyarcilo. 
''  35  b.  "KritamâJam. 


380  MAI-JLIN   1865. 

gloses  qu'on  trouvera  en  note.  On  peut  voir  le  pas- 
sage correspondant  dans  la  traduction  de  M.  Wilson, 
pag.  53i  et  suivantes.  Je  ne  veux  relever  ici  que 
les  éléments  nouveaux,  par  rapport  au  récit  du 
Harivamça.  Outre  la  doctrine  du  salut  par  la  dévo- 

nivariadhvam  çaçânkasya  naitaddîdhitigocare  jj  4o  j[ 

nivriltâs  tâs  tato  gopyo  nii-âçàh  krisnadarçane  | 

yamunâtîram  âgamya  jagus  taccaritam  tadà  |j  ii  ||. 

tato  dadriçur  âyâolam  vikâsimukhapankajâh"  | 

gopyas  IrailokyagoptâraiTi  krisnam  aklistacestitam  ||  42  j[ 

kâcid  âlokya  govindam  àyântam  aliharsità  | 

krisna  krisaeli  krisnetl  prâha  nânyad  udîrayat  ||  43  || 

kâcid  bhrûbhaijguram  kritvâ  lalàtaphalakam  hariro  1 

vilokya  netrabhriùgâbhyâm  papau  tanmukhapaùkajam  |j  44  |j 

kâcid  âiokya  govindam  nimîlitavilocanâ  j 

tasyaiva  rûpam  dhyâyanlî  yogârûdbeva  câbabhau  ||  45  j'[ 

tatah  kâçcit  priyâlâpaih  kâçcid  bhrûbbaùgavîxitaih  | 

ninye  ^  nunayam  anyâç  ca  karasparçena  màdbavah  |[  46  [| 

tâbhih  prasannacittâbhir  gopîbbih  saba  sâdaram  j 

rarâma  râsagosthîbbir  udâracarito  harih  |]  47  j| 

râsamandalabandho  ^  pi  krisiîapàrçvarri  anujjhatà  | 

gopîjanena  naivâbhûd  ekaslhânasthirâtmanâ  [j  48  |[ 

haste  pragrihya  caikaikâiïi  gopikâm  ràsamandalîm  [ 

cakâra  tatkarasparçanimîlitadriçam  harih  ||  49  j| 

tatah  pravavrite  râsaç  caladvalayanisvanah  [ 

anuyâtaçaratkâvyageyagîtir  anukramât  |j  5o  |1 

krisnah  çaraccandramasarii  kaumudîkiimudâkaram  [ 

jagau  gopîjanas  tv  ekam  krisnanâma  punah  punah  |j  5i  j{ 

parivartaçrameuaikâ  caladvaiayalâpinî  [ 

dadau  bâhulatâm  skandhe  gopî  ir.adhunighâtinah  |j  52  jj 

kâcit  pravilasadbâhuh  parirabhya  cucumba  tam  j 

gopî  gîtastutivyàjanipunâ  rnadhusùdanam  |1  53  jj 

gopîkapolasaiîîçiesam  abhipadya  harer  bhujau  | 

pulakodgamasasyâya  svedâmbuglianalâni  galau  **  ||  54  |) 

*   1x2  h.  "Pamkujam. 

^  bh  h.  "Palya;  —  cd.  Pulakodcjaina  eva  sasxum  tadartlunh  svedarupasyn 
nmbuno  ghunalârh  me^habhâvam  galau ,  sch. 


PANTCHÀDHYÀYÎ.  381 

tion  ^  on  y  remarquera  tout  d'abord  le  nom  du 
ràsa^,  la  disparition,  ici  non  motivée,  de  Crichna^ 
tout  le  passage  relatif  à  son  amante  préférée^,  le  dé- 
sespoir des  Gopîs  en  l'absence  de  Cricbna  ^,  et  leur 
joie  à  son  relour  au  milieu  d'elles^,  qui  est  suivi  de 
danses  el  de  chants. 

Nous  avons  là,  non  pas  seulement  le  fond,  mais 
la  plupart  des  détails  que  nous  retrouverons  dans 
les  cinq  chapitres  du  Bhâgavata.  A  part  le  bain  dans 
la  Yamunâ  et  la  promenade  dans  le  bois  voisin  "^j 

ràsageyarh  jagau  Itrisno  yâvat  târataradhvanih  | 
sâdhu  krlsiieti  tâvat  ta  dvigunam  jaguh  jj  55  || 
gâte  vS  nugamanam  cakrur  valane'  sammukham  yayuh  | 
pratilomànulomena  bhejur  gopâùganà  harim  ||  56  || 
sa  lathâ  saha  gopîbhî  rarâma  madhusûdanah  j 
yathàbdakotipratimah  xanas  tena  vinâbhavat  [j  87  || 
ta  vâryamâiiâh  patibhih  pitribhir  bhrâtribhis  tathâ  | 
krisnam  gopâùganà  râtrau  ramayanti  ratipriyâh  j|  58  |{ 
so  ^  pi  kaiçorakavavo  mânayan  madhusûdanah  ( 
reme  tâbhir  ameyâtmâ  xapâsu  xapltàhitali''  ||  59  [| 
tadbhartrisu  tathâ  lâsu  sarvabhûtesu  ceçvarah  | 
àtmasvarûparûpo  >s  sau  vyâpî''  vâyur  iva  sthitah  j|  60  jj 

jj  iti  çrîvisnupurâiie  paricame  ^  mçe  Irayodaço  ^  dhjàyah  jj 
'  St.  2  1  et  2  2  ,  reproduites  littéralement  avec  inversion  des  hémis- 
tiches de  la  st.  21,  dans  le  Kâvyaprakâça ,  p.  38 ,  Calcutta ,  i  829  ,  et 
dans  le  Sâlntyadarpana,^.  109,  Calcutta,  i85i. 

*  St.  23. 
'  St.  24. 

*  St.  32-/io. 

=*  St.  41-45. 

*  St.  46,  47  et  suiv. 

'  Cf.  ci-dessous,  ch.  xxxiii,  st.  2  3-2  5. 

'   56  b.    Valane  âvritlau ,  sch. 

69  d.  Xayitâhitah  ;  la  glose  dit  :  xtipanâltitah. 

*  60  cf.    Vyâpyci. 


382  MAI-JUIN  I8C5. 

que  le  scholiàste  considère  comme  faisant  partie  du 
rasa  '  ;  si  l'on  excepte  encore  dans  le  môme  chapitre 
les  stances  3-/i  et  20,  qui  ne  laissent  pas  de  doute 
sur  la  persuasion  où  étaient  les  Gopîs  que  chacune 
d'elles  possédait  Crichna  à  l'exclusion  de  ses  com- 
pagnes, ce  que  le  Bhâcjavaia  ajoute  au  Vaichnava  est 
purement  explicatif  ou  accessoire.  Telles  sont ,  au 
commencement  du  chapitre  xxix^  et  à  lafm  du  cha- 
pitre xxxiii^,  les  discussions  entre  le  narrateur  Çuka 
et  le  roi  Parîkchit;  les  moralités  adressées  par  Crichna 
aux  Gopîs  et  leur  réponse,  au  chapitre  xxix'*;  la 
prière  des  Gopîs  qui  remplit  tout  le  chapitre  xxxi, 
et  le  dialogue  entre  les  Gopîs  et  Crichna  h  la  fin  du 
chapitre  xxxii  ^. 

L'intention  religieuse  qui  ressort  de  ces  divers 
passages  et  des  comparaisons  mystiques  semées  à 
profusion  dans  tout  ce  morceau,  est  peut-être  en- 
core plus  accusée  dans  le  Dasam  Askand,  qui  semble 
être  surtout  un  livre  d'édification  et  de  piété,  où  les 
faits  n'ont  guère  qu'une  valeur  accessoire  et  sont 
presque  toujours  précédés  ou  suivis  de  réflexions  et 
dé  prières. 

Le  Prem  Sagar,  malgré  les  développements  de  sa 

'   Slhalajalakride  darçile  vaiiahmluni  darçajali rdsahridum 

nigamayati. 

2  St.  12-1  G. 

'  St.  27  et  suiv.  Ce  dernier  passage  a  été  inséré  et  traduit,  ainsi 
que  le  commentaire,  par  M.  John  Muir,  dans  la  quatrième  partie  de 
SCS  Sanscrit  Texts ,  p.  h  2  et  suiv. 

'•  St.  i8-i4i. 

*   St.  16  et  suiv. 


PANTCHÀDHYÀYÎ.  383 

rédaction,  qu'on  dirait  puisés  quelquefois  dans  la 
glose  du  Bhâgavata^  n'ajoute  aucun  trait  nouveau 
au  récit  de  nos  deux  Purânas. 

Je  ferai  remarquer  cependant  que  Râdhâ  y  est 
nommée,  dans  la  prose  seulement,  il  est  vrai,  à  ne 
considérer  que  la  Pantcliâdhyâyi ;  mais  plus  bas, 
elle  l'est  aussi  dans  les  vers ,  d'une  rédaction  beau- 
coup plus  ancienne,  à  en  juger  par  la  langue,  qui 
ont  été  fondus  dans  la  prose  lors  de  la  composition  de 
cet  ouvrage  au  commencement  du  siècle;  je  veux 
parler  du  chapitre  lxvi,  répondant  au  chapitre  lxv 
du  Bhâcjavata ,  où  est  racontée  la  visite  faite  par  Rama 
aux  habitants  du  parc  sur  l'ordre  de  Grichna.  On  sait 
que  W.  Jones  avait  cru  lire  ce  nom  dans  le  Bhâga- 
vata.  C'était  une  erreur;  elle  s'explique  facilement, 
si  on  suppose  que  W.  Jones  n'avait  fait  de  notre  cha- 
pitre XXX  qu'une  lecture  rapide.  Mais  si  le  nom  de 
l'héroïne  n'y  est  pas,  sa  personne  y  est;  et  le  culte 
rendu  par  elle  à  Crichna  est  exprimé  par  un  par- 
ticipe ou  un  verbe  formé  de  la  môme  racine  que 
son  nom,  ârâdhitali,  ou,  suivant  une  autre  leçon, 

^  Cela  ne  doit  s'entendre  que  de  la  partie  rédigée  en  prose  ;  voyez 
entre  autres,  dans  la  traduction  au  bas  de  la  page  63,  le  passage  ré- 
pondant à  la  stance  20  de  notre  chapitre  xxxii.  L'auteur  exprime 
dans  le  texte  le  jeu  muet  des  Gopîs  qui  se  regardent  en  souriant, 
persuadées  que  Crichna  va  se  condamner  par  ses  propres  paroles; 
c'est  ce  que  dit  Çrîdharasvâmin  :  Atra  caramahoiigatan  âlmânant 
matvâ  axisankocaih  parasparam  gûdhasmitamiihhis  ta  drisivâha.  Voyez 
encore  quelques  lignes  plus  haut,  répondant  à  notre  stance  17, 
Crichna  y  parle  comme  le  commentaire  :  gomahisyâdibhajanavaf  :  et 
les  passages  répondant  aux  stances  10,  i  i  et  i3  de  notre  ch.  xxix, 
p.  56  et  67. 


384  MAI-JUIN   1865. 

arâdhi  nah ,  de  râdh.  Cette  rencontre,  si  elle  est  for- 
tuite, est  au  moins  étrange,  et  elle  autorise  les  con- 
jectures ^ 

Les  sectes  religieuses  étaient  et  sont  encore  nom- 
breuses dans  l'Inde,  surtout  parmi  les  Vichnuïtes 
(Wilson,  Religions  sects  oj  the  Hindoos,  dans  les 
Asiatic  Researches,  t.  XVI);  et  elles  sont  loin  d'ad- 
mettre toutes  le  culte  de  Râdhâ.  Rien  d'étonnant, 
dès  lors,  que  son  nom  ait  été  passé  sous  silence  dans 
quelques  Purànas.  Celte  omission  est  établie  pour  le 
Bliâgavata,  sous  la  réserve  qui  vient  d'être  indiquée, 
et  pour  le  Vaichiava  par  le  texte  que  j'ai  donné  ci-des- 
sus (p.  378,  en  note).  M.  Burnouf  l'admet  aussi  {p.cvi, 
préface  du  premier  volume)  pour  VAgnéya,  d'après 
le  témoignage  de  Wilson.  Mais  la  conclusion  qu'il 
en  tire  paraît  peu  conforme  aux  textes.  Si  les  rédac- 
teurs de  ces  Purânas  n'ont  pas  nommé  Râdhâ,  ce 
n'est  pas  assurément  qu'ils  ignorassent  le  rôle  qu'elle 
joue  dans  l'histoire  de  Crichna,  puisqu'ils  y  ont  con- 
sacré, l'un  neuf  stances,  l'autre  dix-sept  ou  dix-huit. 
On  pourrait  en  inférer  tout  au  plus  qu'elle  n'avait 
pas  encore  de  nom.  Y  aurait-il  témérité  à  admettre, 
au  moins  provisoirement,  que  ce  nom  a  été  omis 
dans  un  intérêt  de  secte?  On  serait  ainsi  amené  à 
des  conséquences  tout  autres  que  celles  pour  les- 
quelles penchait  M.  Burnouf.  Car  si,  tout  hostiles 
qu'ils  peuvent  être  au  culte  de  Râdhâ,  deux  de  ces 
Purânas  s'étendent  sur  ses  amours  avec  Crichna  et 

'   Est-il  besoin  de  prévenir  le  lecteur  que  notre  Bàdhâ  n'a  rien  de 
commun  avec  la  mère  supposée  de  Karnft? 


PANTCHADHYAÏI.  385 

lui  donnent  un  rang  à  part  entre  les  Gojjîs,  on  est 
autorisé  à  penser  que  la  croyance  populaire  unissait 
intimement  les  deux  personnages  lors  de  la  rédaction 
de  ces  livres,  et  qu'il  était  impossible  à  un  écrivain 
de  parler  de  l'un  sans  indiquer  les  rapports  que  la 
tradition  lui  attribuait  avec  l'autre.  Par  cela  même, 
on  ne  pourrait  plus ,  sur  l'omission  de  ce  nom ,  fonder 
un  argument  en  faveur  de  l'antériorité  du  Bhdgavata, 
relativement  à  ceux  des  Purânas  où  il  est  fait  une 
mention  expresse  de  Râdhâ.  D'autre  part,  comme  le 
Harivarnça,  qui  donne  tant  de  détails  sur  la  vie  de 
Cricbna,  est  muet  sur  le  compte  de  sa  maîtresse,  il 
n'y  a  pas  de  raison  pour  en  faire  remonter  la  légende 
plus  haut  que  la  composition  de  ce  poëme;  mais  cela 
sufBt  peut-être,  indépendamment  des  inductions 
qu'on  peut  tirer  du  style,  pour  accorder  au  Hari- 
ramcrt,  jusqu'à  plus  ample  informé,  une  antiquité 
plus  grande  qu'au  Vichnii-Parâna,  contrairement  h 
l'opinion  de  Wilson.  On  a  vu  plus  haut,  en  effet, 
que  ce  dernier  ouvrage  est  cité  dans  le  Kâvya  Pra- 
liâça  et  le  Sâhitya  Darpana,  compositions  de  date  ré- 
cente qui  empruntent  la  plupart  de  leurs  exemples 
à  la  poésie  erotique  et  aux  drames ,  tandis  que  le  Ha- 
rivafhça  est  déjà  nommé  dans  Albirouny  (Reinaud, 
Mémoire  sur  l'Inde). 

Quant  à  l'origine  première  et  au  sens  de  cette 
légende,  il  serait  prématuré  d'en  tenter  aujourd'hui 
l'explication.  Holwell  et  après  lui  Maurice  ont  cru 
la  trouver  dans  l'astronomie,  et  c'est  bien  là,  selon 
toute  apparence,  qu'il  faudra  la  chercher.  Les  Hin- 


386  MAI-JUIN   1805. 

dous,  au  moins  dans  les  livres  d'imagination  et  de 
piété  qui  nous  sont  connus ,  paraissent  n'y  avoir  pas 
même  pensé.  Il  suffit,  pour  s'en  convaincre,  de  jeter 
un  coup  d  œil  sur  le  commentaire  de  Çrîdharasvâ- 
min  ^.  On  y  retrouve,  exposées  avec  plus  de  rigueur 
et  de  précision,  les  idées  mystiques  qui  dominent 
dans  le  Dasam  AsJtand  et  dans  le  Prem  Sagar.  Mais 
si  cette  interprétation  est  intéressante,  en  tant  qu'elle 
témoigne  de  la  croyance  générale  et  de  l'état  des 
esprits  dans  l'Inde  à  l'époque  où  elle  fut  adoptée , 
elle  mènerait  difficilement  à  un  résultat  scienti- 
fique. 

M.  Burnouf  a  décrit,  dans  la  préface  de  son  pre- 
mier volume  et  dans  celle  du  second ,  les  divers  textes 
manuscrits  et  imprimés  qu'il  a  eus  à  sa  disposition 

*  En  tête  de  chaque  chapitre ,  le  scboliasle  a  placé  dans  la  glose , 
tantôt  un,  lanlôt  deux  distiques  qui  en  résument  le  contenu.  Au 
chapitre" XXIX  nous  en  avons  deux,  suivis  d'une  courte  discussion  en 
guise  de  préambule.  Voici  ce  passage  avec  la  traduction  : 

ûnatriinçc  tu  râsârlham  nktipratyuktayo  Lareli  | 
gopîbhî  râsasamrambhe  tasya  cântardliikaulukam  ||  i  || 
brahtnâdijayasamrûflbamûclhakandarpadarpahâ  | 
jayati  çrîpatir  gopîrâsamandalamandanab  ||  2  || 

nanu    viparîtam    idam    paradâravinode    na    kandarpavijelritvapratîleb  | 
malvam  |  yocjamâyâm    upâçrilah  |  âtmdrâmo' py    arîramat  |  sâxàn    vianma- 
ihamanmalhah  |  âtmany  avaruddhasauraia  ity  àdisu  svâtantryâbbidhânât  | 
tasmâd     râsakrîdâvidambanam     kâmavijayakbyâpanâyely     eva    tallvam   j 
kinica  çrinigârakatbâpadeçena  viçesato  iiirvittipareyam  pamcâdhyâyîti  vya- 
ktîkarisyâmab. 

«Au  chapitre  vingt-neuf,  discours  el  réponse  entre  Hari  et  les  Gopîs, 
et  sa  disparition  surprenante  au  milieu  des  transports  du- rasa .  1  , 

«Gloire  à  l'époux  de  Çrî  qui  abat  l'orgueil  de  l'Amour  aveuglé  et  exalté 
par  sa  victoire  sur  Brabmâ ,  et  qui  fait  l'orncraent  du  cercle  formé  par  les 
Gopis  dans  le  rasa  .  a  . 


PANTCHADHYAYI.  387 

pour  la  publication  et  pour  la  traduction  des  neuf 
premiers  livres.  Le  dixième  manque  dans  le  ma- 
nuscrit dévanagari  portant  le  n"  i .  Parmi  les  au- 
tres, je  n'ai  pu  consulter  que  le  manuscrit  déva- 
nagari provenant  du  fonds  Burnouf,  l'édition  de 
Bombay  de  iSSg,  appartenant  l'un  et  l'autre  à  la 
Bibliotbèque  impériale,  et  l'édition  bengalie  appar- 
tenant à  la  Société  asiatique  de  Paris.  Je  dois  à  l'obli- 
geance de  M.  le  Bibliothécaire  de  l'Institut  d'avoir 
pu  coUationner  ces  divers  textes  sur  un  exemplaire 
de  la  nouvelle  édition  de  Bombay  encore  en  feuilles. 
Il  suffira  de  dire  quelques  mois  de  cette  dernière. 
Elle  serattacbe,  comme  l'édition  de  1889,  à  la  classe 
des  manuscrits  dévanagaris  (Burnouf,  préface  du 
premier  volume,  p.  clxih);  mais  elle  n'en  est  pas  la 

uMais,  dira-t-on,  il  y  a  la  conlradiclion  :  car,  puisqu'il  se  livre  au  plaisir 
avec  les  femmes  des  autres,  il  ne  peut  pas  être  considéré  comme  vainqueur 
de  l'amour,  —  Erreur;  car  des  passages  suivants,  entre  autres:  recourant 
à  l'illusion  de  Yoga;  bien  Cju'il  trouve  son  bonheur  en  lui-même,  il  çjoâta  le 
bonheur,  xxix,  1  et  Zia;  lui  qui  trouble  celui  même  qui  trouble  ks  cœurs, 
xxxil,  2;  lui  qui  renferme  sa  jouissance  en  lui-même,  xxxiii,  2G  ;  il  résulte 
expressément  qu'il  reste  maître  de  lui-même.  Par  conséquent  les  jeux  du 
rasa  sont  simulés  et  ont  pour  but  de  célébrer  sa  victoire  sur  l'amour;  voilà 
la  vérité;  et,  sous  prétexte  de  récits  d'amour,  la  délivrance  est  l'objet  exprès 
de  la  Pantchâdhyâyî  que  nous  allons  expliquer.  » 

Le  commentateur  revient  à  plusieurs  reprises  sur  la  même  idée. 
Je  ne  citerai  que  deux  autres  passages.  Dans  le  premier,  ch.  xxxiii, 
st.  o-j ,  il  dit  que  l'intention  de  Crichiia  est  de  s'attacher  le  cœur 
des  hommes  que  les  douceurs  de  l'amour  séduisent  et  entraînent 
vers  les  objets  sensibles,  çvihcjârarasâhrisUicclaso  tivahirmiikhân  api 
svaparân  kariiim.  Dans  le  second,  mêine  chapitre,  st.  4o  :  «L'au- 
teur, dit-il,  établit  ici  que,  pour  qui  écoute  le  récit  des  jeux  du 
rasa  ou  la  victoire  de  Bhagavat  sur  l'amour,  le  fruit  est  de  vaincre 
l'amour;»  Bhagavalah  hâmavija/yarûparàsahrîdâçraianâdch  lâmavi- 
jajam  cva  phalam  âha. 


388  MAI-JUIN   1805. 

reproduction  pure  et  simple.  Elle  donne  un  oloka  de 
plus  (cf.  XXX,  3/i,  note)  qui  se  retrouve,  d'ailleurs, 
dans  le  manuscrit  dévanagari;  si  elle  répète  plusieurs 
fautes  qui  s'étaient  glissées  dans  l'édition  précédente  ^ , 
il  en  est  d'autres  aussi  qu'elle  corrige  ^,  et  d'autres  qui 
lui  sont  propres'\  Ala  classe  des  manuscrits  bengalis 
appartient  l'édition  de  la  Société  asiatique.  Les  va- 
riantes assez  nombreuses  qu'elle  présente  n'afTectent 
pas  le  sens  général.  Ce  sont  parfois  de  simples  dif- 
férences d'orthographe;  d'autres  fois,  des  mots 
presque  semblables  pour  le  son  comme  pour  le  sens  ; 
presque  partout,  une  conformité  plus  sévère  à  l'u- 
sage général  dans  la  formation  du  féminin  des  par- 
ticipes présents  de  la  première  classe.  Deux  variantes 
seulement  méritent  une  mention  particulière,  je  veux 
parler  de  l'insertion  au  milieu  du  çloka  28  ,  ch.  xxx , 
d'un  troisième  hémistiche  qui  n'est  donné  par  aucun 
autre  texte;  et  du  çloka  1  5,  ch.  xxxi,  011  on  lit  trali, 
pour  le  besoin  de  la  mesure,  ce  semble,  tandis  que 
les  autres  textes  lisent  trutih  en  dépit  du  mètre,  mais 
conformément  à  l'usage  qui  donne  à  ce  nom  le  genre 
féminin.  Ailleurs,  l'édition  bengalie   ne  se  montre 

*  Ma  kridhvam  pour  nid  hidhvam,  xxix,  20;  visajân  tava  pour  vi- 
sayâms  tava,  xxix,  3o;  abihhrat  pour  ahibliran  (=  abibharuh),  xxix, 
4o;  tathâ  pour  jalhâ  ,  xxx  ,  27. 

^  Jagnpsitam  pour  jaciupsitam,  xxix,  26;  harâsprista  pour  hara- 
sprista,  xxx,  i3;  apidadhvam  pour  apidhadhvam ,  xxx,  22;  karinah 
pour  fearmd,  xxx,  27;  tathâ  pour  tayâ ,  xxx,  ^o;  svajamâna  pour 
smayamâna,  xxxii,  2. 

•''  Mâninah  pour  mâninyah ,  xxix,  47;  tv idg an da  pour  tvidganda, 
xxxiii  ,22;  ailleurs ,  xxx ,  39,  l'omission  de  l'apostrophe  présente  un 
sens  tout  opposé,  gopyo  vidiïratah  powr  yopyo  Z  vidùratah. 


PANTCHADHYÀYI.  389 

pas  plus  scrupuleuse  que  les  textes  dévanagaris  à 
l'égard  delà  versification  ,  et  elle  lit  comme  eux  :  ta- 
tra  alûkhale,  xxx,  2  3 ,  et  sanistatya  isat,  xxxii,  1 5  ^  On 
peut  voir  d'autres  exemples  de  cette  irrégularité  dans 
les  Indische  Sprûche  de  M.  Bôhtlingk,  910  ei  1  yS^. 
Le  sandhi  irrégulier  tTiyaHiavallabkam ,  xxix,  39, 
commun  également  à  tous  nos  textes,  pour  çrrya  ou 
çriyâ  eka°,  est  autorisé  par  plusieurs  exemples  de  la 
poésie  épique. 

Dans  les  citations  que  je  pourrai  faire  de  ces  dif- 
férents textes,  A  désigne  l'édition  dévanagarie  de 
1839;  B,  fédition  bengalie;  C,  l'édition  de  1860; 
Z),  le  manuscrit  dévanagari  du  fonds  Burnouf.  Les 
renvois  au  Bhâgavata- Piirâna  (^dit.  Burnouf,  pour 
les  neuf  premiers  livres;  éd.  de  Bombay,  1839, 
pour  les  suivants)  sont  indiqués  à  faide  de  Irois 
nombres  ou  de  deux,  selon  quils  se  réfèrent  à  la 
slanceouau  chapitre.  Les  lettres  V.  P.  suivies  d'un 
nombre,  désignent  une  des  stances  du  Vichm-Pa- 
râna,  livre  V,  chap.  xiti,  dont  j'ai  donné  ci-dessus^ 
tout  ce  qui  se  rapporte  aux  amours  de  Crichna  avec  les 
Gopîs.  Pour  la  transcription  en  caractères  romains , 
j'ai  suivi,  en  général,  celle  de  M.Weber,  moins  pour  le 
"^  que  j'ai  écrite,  comme  il  a  été  proposé  dans  ces 
temps  derniers,  par  analogie  avec  la  transcription  des 


'  Voyez  aussi  xxxi,  3,  où  le  2*  pada  commence  clans  tous  les 
lexles  par  -  ^  au  lieu  de  '-'^^,  à  l'inverse  du  1^'  pada  de  certains 
clokas. 

^   Voyez  pages  378  et  suivantes. 

V.  .  26 


300  MAI-JUIN  1865. 

cérébrales.  Cette  remarque  ne  s'applique  ([ii'aux  textes 
cités  dans  les  notes,  y  compris  celles  de  l'introduc- 
tion. La  traduction  et  les  observations  générales  qui 
l'accompagnent,  ainsi  que  celles  qui  précèdent,  pou- 
vant être  lues  par  des  personnes  étrangères  à  ces 
notations, j'ai  cru  devoir  y  conserver,  pour  les  con- 
sonnes surtout,  une  transcription  plus  conforme  à 
nos  babitudes. 


Il  ^  3^m  n 
m:  fu^Nl  5^  tr^7?h:  Il  ^  Il 


PANTCHÂDHYÂYÎ,  391 

:MHiM<^ls^^HHhdfTl44Hl: 

H  ^^  gRT^T  H^rTlH^^U^HI:  H  %  Il 

TntTsf^rfèrrïr  H<MMHHiimTTT^  ^^:  n  m  ii 
^^^n^:  TTrît^^ifiy<t,Hi^lsTTrFT  HtiFFrnCii 

oilc^H^^I^TTWT:  ^Tfèirr  ^fnTTTfrî^  qr^:  Il  S  II 
rTT  ^TWWT:  wfiT:  fÎTrîfir^^fiT:  I 
nm^lMc^dl^lHI  =7  ^A^d-rl  ïft%rT:  Il  l:  Il 

Wm  H^NHl^^tif  ^mTiHHHMHT:  Il  ^  Il 
I  :  H^Ù  ^R^rîtWfmT'^ïÇTT  :  1 
^  M  M I M I  -^^rTTmfïTf  rîTT  ^ftïïnT^rTT:  IMo  II 
rT%^  TT^îTT^TTïT  HT^f  ^ftr  H^rîT:  I 
il^ijlUM^Il;^  fRTlUlTHl'McM'^îT^:  Il  \\  Il 

26, 


392  MAI-JCIN  1805. 

ri  ^ïïr^fT^  ir 
Il  î^r^  3^T^  Il 

fiNs^nr  ^Nl^liii  f^^T^rairftnTT:  Il  'IB  It 

^fôsnr^srmH^^  f^m^  ^mi^^:  ii  i^  ii 

qFTS^;^5^  ^m  STrT  ^rîfl^^s^Trr  II  lill 
^^Zp^  ^^  ^^:  MÎIMVt^^FT^II  1^  It 

Il  ^vnT^FT^r^  ti 

^dUllHIH^  chr^^rim^TT^nr^  Il  \t)  Il 
ÎTf^r^TTrf  9rïï  ^^  ^4  F^tfvT:  H^HiTïTT:  Il  't^  I 


PANTCHÂDHYAvi.  303 

|:  SjtrTT  ^^Ffr  ^  irfT  ^rzT^rjts  frr  ^  l 

^ïTft^  ^  H^V  ^TtnTr^T  ^rrf^^qT:  Il  %  Il 

îT  rrSTT  Hrf|<=hNW  nfcRTn"  rTrTT  îJ^T^jr  II  "^^3  II 

Il  ^5^  3^T^  Il 
5^Ff  ftrU<MïTl^l[<M  îfttsfr  îTTf^HTftrrT^ I 
f%WTÏÏT  vrï^H|WTferTÎTïTT^"|17?T2îT^  Il  "^t  II 


394  MAI-JUIN   1865. 

rT^^^T^  3^|: Wvr^T:  FT  ^mtq  II  >e.  Il 
§n3ïï  d(^îiÎRM=<f?fHH4chlHI:  I 

^  ^ïjw  ^f^d'iM^d  FT  f^rf^n; 

H^"5H3T?:6m%s^m^^T:  Il  30  II 
l|Tft^^:ll 

5^  2Tmf^^^  HIÎH  Mg^HH^II  B\  Il 
sr^r^Mrilf^^^ilHH^f^^ 

wr  vï^ïïrTîj^yrrt  f^^r  ^^t^tt  ii  3"^^  11. 

■^TrSrftRT  TTfrlHrllf^fÎT^^^:  f^  | 
^Sjt  ^  ^fîT  R<l(i,<ft'^H^  Il  ??  Il 


PANTCHADHYAYI.  3^.>5 

^irpT  qrrïT  TT^^TT:  tt^^  HW  rT  II  BM  II 

rT^i;q  ^  m  msi^:  wxm:  u  B9  ii 

rîïïTrSqRt  tT^TfiJiErTïT  ^1^  ^TFT^  Il  ^t  11 


396  MAI -JUIN   18C&. 

^  1^^  ^  ^vFnr^T^rrîWîftrT- 

n  ^  3^=^  Il 
szrtt^B-ïïTTI  5^|fvr#:  Il  'èz  II 


PANTCHÂDllYÂVÎ.  ;397 

Il  5frT  ^ftvnrrm  ïT^^T^  WHf^Xns^FT:  Il 
Il  ^  3^r^  Il 

^Tîf^  vnr^^  H^e^  ^irr^  :  i 

HHl(mHIMf^^l<Ni^:  I 
^TTf^ïïf^rn":  IT^T^T  WIMcTh^ 
rflTcTT  f^t^  Jfîï^^^m^T:  Il  "^  Il 

ITRT:  fW^W  Uirr^^ïJrî^T:  I 


398  MAI-JUIN  1865. 

^=5r%f5f  :  ^ïiïïf^^ni^Hm:  Il  B  II 
H  {^  ^^jj^^  ri  ^^^H I  iH  M  I 

îT^ggrïïfT  ^^n  UlH^IHMHi^H:  Il  M  II 
^mrî  ^Ç^^n^T^H  I ^  I M  ?| FT^^ï'T^iï :  I 
^FTTî^rft  ïTTf^r?ft?Tt  TTrft  ^Tf^^FTrT:  Il  1  II 

H^^^rfrffîH^lTY^^^^ftTsfts^rT:  Il  9  11 

ifTïït  ^  îFnT=T  STTrr:  ^^^  m'^:  Il  d  II 

HH4^Hrc|^^m^^?fttTT:  I 

5TH^  ^UJiM^cf)*  ^%rr^3T3Tt  ^:  Il  ^  M 
f^  H"  fiff  T%frT  rTTTT  ^fî  ^5T^f|- 


PANTCIIÂDHYÂYÎ.  399 

3^T  ^^^^:  TTf^pH%îT  II  \o  II 
^T^rn^TTîTrr:  ftPT^^  in^g 

^iïTTT^H^f^^î|^"l%TrfFn  : 
^^Hd:  fFR^lt^  ^T^  3T^^:  Il  l'ï.  Il 

W^^TÏ  ^  ^:  rT^"^:  CnïïFT 
1^  ^TfiT=Tï5f?T  ^^flRJ^TT^^T^:  Il  'f^  Il 
tp^m  rCrTÎ  ^Tg^'>-HRM^I  =IHFIrf:  I 
^7T  cTT^IfFÎ^  ^^^^TF^T  in?  Il 

mrfT  vrrRrT^ïïïïT  ^g=^f  ïïTTjfoR^:  IH^  Il 
|r?TT^^^  ^^l<l-iHH^I  f^ttTTTVTMiciHI^^  I 

f^^^mm  ^FJ^ft  ^î^^  m^r#T^^:  ii  ^lii 

#^UJ|(Him  t  g  iJlMI^M-c^^  ^fra=7 1 
^^HFFÎf  ^Hî  =^F^T  rît^T  ^  ^^iï^rrft^  Il  13  II 


400  MAI-JLIN    1805. 

^ftCTfTs ^  îTS^rn"  TTirf  cT^Hlinfrl  rT^îTT:  Il  't^  Il 
^r^rtr%^  ^irFT  ^Trn^^^f^SS^r^  Il  "^^o  H 

=wi^^chi  tr^^T^F^r  fsj^T^tr^T  ^^  i 

I^T  ^  ïT^  ^TïïTts  ^  MHIHf  ^  ^ÏÏT'yL^  Il  "^^  H 
ri^^Rm  "^  îTFTT  2^ïï^  TT5?rrf frSRTî^  I 
^^pTTWr^''^  Ct  m^TFT  ^HH^HT  II  "^"î^  Il 
^P^^TT  ^niT  ^iïf^TT^T  ïï^  3(^r^  I  ' 
vftrTT  i^^  ftn^TFTT^  HH  Ht^Tfeî^^JT  (I  "î^B  II 
11^  ^m  tJ^HHI  ^NHHHIW^T^  I 

FT^T^  f^  '^ïïT^TTïï^'^l ^i)N=l  1 0,1^:  Il  "^M  II 
^■#r:  Tft;"^rr?^2^^t5Tr^=^i^Tsîrmrs^FfT:  I 
W^J:  '^:  g4^IH  f^RI«=NMI:  HHf^^  Il  "^i  M 
^^n:  TT^n^  %rrT^  qTrTiqr  îT^q^  I 

'  ^eljfn  iTTrrjîtwrt  ^^^^^  \?^(r\  i  «mire  les rkiix  lirm. dt 


•m.  (le  2v). 


PANTCHÀDHVÂYÎ.  401 

mt  f%^  îftf^^:  m?îT  ^ms^^Tj^:  mt  II 
^J7^  ^^mi  ^Ts^t  ç^i^W^ïTfr^  1 1  "^.^  ii 

M  «y  ^Ij^TiTrTI  firi  H I H  fil^  TTSTHf  ft^T:  Il  B^l  II  ' 
^r^  M^N-çjii:  ftr^^Tif  n^THT  §îrf :  I 
tm^lîhH^  ïï^  îTS^TrTTH^î^  ^  Il  B"^  Il 

rTTFT  ^^ijdl  ^PrïTg^f^^'iT^  g^î=r  II  ?B  II 

^iïmïTt  6#T^^^  ^mJ  %^  llT^rîT^  Il  B'^  11^ 
HT  ^  ^  rT^^FT  ^i  H^^TtftTrTT^  I 

'  ^Tî^chAJiHlfn-  q?^Tf^  ÔT^r  ^sT^^i 

3Ï^5I^1R|HI  chi-nT  ^^ffifT^TcîTR":  Il    fi  et  D  après  3 1 . 
m  ITimM-IdrchCiliFr  f^^ldkîIlR^^y;   H  C  et  D  après  3/». 


402  MAI-JUIN  1865. 

7{  TTTi^s  %  ^f^r^  ?R  m  2?5r  W  ^^:  Il  Bi  II 
ïï^^:  ftrsTFTT^  ^•MHI^^^HMMfïï  I 
rTrrWTTT^  ffHïï:  HT  ^;fHr|ti|rl  II  B3  II 

^  HTsr  ^TiT  îre  wnrfH  wrfH  ît^p|h  i 

5TWT^  fîTTXÏÏFTT  H  Hî^  7^  H^rftr^  Il  It  11 
Il  ^  3^T^  Il 

?;^5T:  m2T^^w%rf  |:  f^Trf  H^t^  n  b^  ii 
^srr  ^'èrdMichUii  MMMiiM  ^  m^^i 
^r^^iïT?t  =^:fr^ïï3=3Trfl;Fr^  tt^^  ^r^:  ii  ^o  n 

rrm  s  ^^?t  ^^"WT^T  2TT^fl>TTS2T^  1 
rHT:  lTmHIH«^  rfrft  f^T^t  ïït^:  Il  '^^  Il 

rT|MIM^  TTR^?^  ^TT^îTrnT^TftïT  HHTÇ:  Il  p  II 

HH^rii  Hn:  ^niïï  H^^iiiHHchifirrr:  ii  ^b  ii 

Il  l^  ajftvTTTT^  H^TïT^rfr  SSTïTRT^ 


PANTCHÂDHYÂYI.  403 

n  ÏTtW  ^:  Il 

W^  Tp^^  5T^5^  î^  I 

c^f^T  '^rTRRfc^t  T%f%^^  Il  1  II 

H^felftÇ^^gtrT  ^T  I 

^  f^rwr  ^  f^  ^^:  Il  "^^  Il 


^î^vr  ^  ^  ifwii  g^:  Il  B  II 

^rferfèj^H  I H  tI^T^^R^  I 

HW  d^f^cllHI^ HT^^Tît  ^^  Il  ^  Il 


404  MAI-JUIN   1865. 

ITH^^MH  ^T^  ?;^  Il  1 H 
M^ldl^r^Hi  MIMchNirf 

§TO  ^^  ^:  frf^  f ^^  Il  9  II 

^^^m^j  ^i^T^Txr  I 

^r^r^l'^ïTTT^FR^  ^:  Il  C  II 
^î%fÎTCtf3rt  chrHMIM^^  I 
H^  jprrfrï  ^  HT^T  ÎT?TT:  Il  Ç:  Il 
f^^tît  ^  ?r  ^MH^HM^  I 


PANTCHÂDHYÂYÎ.  405 

^rf^THcrt  îT=T:  ^ÎPFr  iT^^fïï  II  1*1  II 

ïT=TfH  ïT:  ^  ^  ^T^^fH  II  'l'^»  Il 

^çpïï  ^:  W^ytfiin^^  Il  •IB  II 
g^Tî^^  5ft^FrT5[Ff 
Hf(d9|M]HI  g^^ff3:^rr^| 
5rTnT3Tf%FrT?Tt  î^TO" 

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406  MAI-JUIN  1865. 

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412  MAI-JUIN  1865. 

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PANTCHÂDHYÂYÎ.  413 

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414  MAI-JUIN   1865. 

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PANTCIIÂDHYÂYÎ.  415 

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BHÂGAVATA  PURANA. 

LIVRE  X. 

DESCRIPTION  DES  JEUX  DU  RASA  EN   CINQ  CHAPITRES. 
CHAPITRE  XXIX. 

Cuka  dit  : 

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1.  A  la  vue  des  nuits  où  le  jasmin  s'épanouissait  au  souffle 
de  l'aulonine,  Bliagavat,voulant  se  livrer  au  plaisir,  recourut 
à  l'illusion  du  Yoga  ^ 

'  1 .  —  Cf.  F.  P.  1 4  et  1 5. —  A  la  fin  du  cliap.  xxii  de  notre  livre  X  , 
Grichna  promet  aux  Gopîs  de  satisfaire  leurs  désirs  pendant  les  nuits 
de  Tautomne  : 

YâtâhaJâ  rrajaih  suhlhâ  mayemâ  rantSYatha  xapâh. 


416  MAI-JUIN  1865. 

2.  Alors  la  lune,  rougissant  de  ses  rayons  propices  la  laco 
de  l'orient,  vint  dissiper  les  souffrances  des  mortels  :  ainsi 
fait  le  bien-aimé  pour  sa  bien-aimée  après  une  longue  ab- 
sence. 

3.  En  voyant  l'astre  ami  des  Kumudas,  dont  le  disque 
arrondi  et  rouge  comme  le  safran  nouveau  rivalisait  d'éclat 
avec  le  visage  de  Râma,  et  la  forêt  baignée  de  ses  doux 
rayons,  il  fit  entendre  d'harmonieux  accords  qui  ravissent  le 
cœur  des  (femmes)  aux  beaux  yeux. 

Ix.  A  ces  accents  qui  redoublent  leur  amour  pour  lui,  les 
femmes  du  parc  dont  Crichna  a  ravi  les  cœurs,  se  cachant 
les  unes  des  autres ,  allèrent  à  l'endroit  où  était  le  bien-aimé , 
en  .secouant  dans  leur  empressement  les  anneaux  de  leurs 
oreilles'. 

5.  Telles  qui  trayaient  les  vaches,  laissant  là  leur  seau, 
s'en  allaient  vers  l'objet  de  leurs  désirs;  telles,  après  avoir 
mis  le  lait  sur  le  feu,  parlaient  sans  retirer  le  gâteau. 

6.  Elles  laissaient  là,  qui  le  service  de  la  table,  qui  leurs 
enfants  qu'elles  allaitaient,  qui  leurs  maris  aux  vœux  de  qui 
elles  se  rendaient,  qui  les  aliments  qu'elles  prenaient. 

7.  Elles  se  rendaient  auprès  de  Crichna,  les  unes  en  se 
frottant  d'essences  et  en  s'essuyant,  d'autres  en  mettant  le 
collyre  sur  leurs  yeux;  celles-ci  affublées  au  hasard  de  leurs 
vêtements  et  de  leurs  parures^. 

8.  Quoi  que  hssent  pour  les  retenir  maris ,  pères ,  frères , 
parents,  elles  ne  pensaient  qu'à  Govinda  et  ne  revenaient 
pas,  tant  elles  étaient  troublées^. 

9    Plusieurs  Gopîs  qui  étaient  dans  le  gynécée,  et  qui  n'a- 

'  3-4.  —  Cf.  F.  P.  1 6-1 7.  —  On  remarquera  qu'il  n'est  pas  ques- 
tion de  Ràma  ou  Balaràma,  frère  aîné  de  Crichna,  clans  ce  passage 
du  Bhâgavata. 

^  5-7.  —  Elles  renoncent  aux  trois  espèces  d'œuvres,  c'est-à-dire 
au  dharmârtliakâma ,  {I,  ix,  28)  pour  ne  s'occuper  que  de  la  seule 
chose  nécessaire,  rnoxa  evàriliah  (IV,  xxii,  35).  —  7  b.  Kâçca  = 
kâçcit. 

1  8.  —  Cf.  V.  P.  58,  et  rintrodiiclion ,  p.  377.  note  3. 


PANTCIIADHYAYI.  417 

valent  pu  en  sortir,  s'unissanl  à  Crichna  par  la  pensée,  mé- 
ditèrent sur  lui  en  fermant  les  yeux  \ 

10.  La  douleur  cuisante  qu'elles  ressentaient  de  leur  pé- 
nible séparation  d'avec  le  bien-aimé  effaçant  leurs  péchés,  et 
la  félicité  des  embrassemenlsd'Atchyuta,  qu'elles  devaient  à 
la  méditation,  anéantissant  leurs  mérites, 

1 1 .  elles  furent  réunies  à  l'âme  suprême  en  croyant  l'être 
à  un  amant,  et  quittant  leur  corps  émané  des  qualités,  leurs 
liens  furent  soudain  anéantis^. 

Le  roi  dit  : 

i-i.  «Elles  ne  voyaient  en  Crichna  qu'un  amant,  et  non 
l'Elre  suprême,  ô  muni!  Comment  le  courant  des  qualités 
s'est-il  arrêté  pour  elles  puisqu'elles  méditaient  sur  les  qua- 
lités ?  » 

Çuka  dit  : 

i3.  Tu  as  appris  jadis  que  le  roi  de  Tchédi  obtint  la  dé- 
livrance ,  bien  qu'il  fût  ennemi  de  l'Incarné  ;  à  plus  forte 
raison ,  ceux  qui  aiment  l'Invisible. 

1  /i .  «  C'est  pour  le  sal  ut  des  hommes ,  ô  roi  !  que  Bhagavat 
se  manifeste,  lui  qui  est  immuable,  incompréhensible,  et 
indépendant  des  qualités  dont  il  est  Fâme. 

i5.   «Quiconque    éprouve    pour     Hari    amour,    colère, 

'  9.  —  Cf.  V.  P.  20. 

*  10-1 1. —  Cf.  V.  P.  21,  22  ,  et  l'introduction  ,  p.  38i ,  note  1. — 
Comment,  dit  la  glose,  ont-elles  pu  quitter  leur  corps,  puisqu'elles 
ignoraient  que  Crichna  fut  l'âme  suprême?  Le  texte  a  prévenu  cette 
objection  en  àisant,  jârabuddhyâpi;  c'est  que  les  choses  ont  une  vertu 
propre  et  indépendante  des  idées  qu'on  s'en  fait  :  ainsi  de  celui  qui 
boirait  l'ambroisie  sans  le  savoir.  —  Autre  difficulté  tout  à  fait  in- 
dienne. Le  texte  dit  que  leurs  liens  ont  été  anéantis  tout  à  coup.  Mais 
comment,  sans  un  bhocjay  l'œuvre  commencée  a-t-elle  été  anéantie? 
—  Il  y  a  eu  hhoga  :  pour  leurs  péchés»,  c'est  la  douleur  de  ne  pas  voir 
Crichna;  pour  leurs  mérites,  c'est  le  bonheur  suprême  de  s'unir  à 
lui  par  la  méditation.  Bhocja  paraît  signifier  ici  absorption. 


418  MAI-JUIN   1865. 

crainte,  affection;  qui  se  sait  un  avec  lui  et  lui  est  dévoué, 
toujours  celui-là  s'unit  à  son  essence. 

16.  «Et  cela  ne  doit  pas  t'jétonner,  puisque  Crichna  est 
Bhagavat,  l'Eternel,  le  maître  des  maîtres  du  Yoga,  celui  par 
qui  l'univers  est  délivré  ^  » 

17.  Quand  il  vit  les  femmes  du  parc  qui  étaient  venues  à 
lui,  Bhagavat,  le  premier  de  ceux  qui  parlent,  parla  ainsi, 
troublant  leurs  cœurs  par  les  charmes  de  sa  voix^. 

Bhagavat  dit  : 

18.  «Salut  à  vous,  femmes  vertueuses!  Que  puis-je  faire 
qui  vous  soit  agréable?  Comment  se  porte-t-on  au  parc? 
Dites  ce  qui  vous  amène. 

19.  «Voyez,  la  nuit  est  pleine  de  visions  effrayantes  et 
hantée  par  des  êtres  effrayants.  Retournez  au  parc.  Il  ne  con- 
vient pas  à  des  femmes  de  rester  ici,  ô  toutes  belles! 

20.  «Mères,  pères,  fds,  frères,  époux,  ne  vous  voyant 

'  12-16.  —  La  glose  explique  robjection  et  la  réponse.  «Il  ne  suflit 
pas,  pour  obtenir  la  délivrance,  d'aimer  son  mari,  ses  enfants,  etc. 
bien  qu'ils  ne  soient  autre  chose  que  Brahme;  il  faut  savoir  qu'ils 
sont  Brahme.  De  même  à  l'égard  de  Crichna  :  pour  être  sauvé,  il  ne 
suffit  pas  de  s'unir  à  lui ,  il  faut  savoir  qu'il  est  Brahme.  —  L'assimi- 
lation est  inexacte.  L'essence  suprême  est  comme  voilée  chez  les  êtres 
vivants,  mais  non  chez  Crichna,  parce  qu'il  est  Hrichikéça  (celui qui 
dispose  en  maître  des  sens,  Burn.  préf.  du  1"  vol.  p.  cxxix);  dès 
lors,  il  n'est  pas  besoin  de  penser  à  Brahme  en  pensant  à  lui.  —  Si 
on  demande  comment  une  âme,  dehl,  peut  n'être  pas  voilée,  on  ré- 
pond qu'il  s'agit  de  la  manifestation  de  Bhagavat,  l'âme  ou  le  régu- 
lateur des  qualités;  que,  par  conséquent,  il  ne  faut  pas  voir  en 
Crichna  une  âme  semblable  aux  nôtres;  qu'il  suffit  pour  le  salut  d'y 
appliquer  sa  pensée  de  quelque  manière  que  ce  soit;  et  qu'il  n'y  a  là 
rien  d'étonnant,  puisqu'il  est  Bhagavat.  »  Cf.  le  même  raisonnement 
abrégé,  X,  xlvii,  60.  —  Sur  Adhokchadja,  cf.  III,  xii,  19  :  Sarva- 
bhûtaguhdvâsum  :  son  opposé  Hrichikéça  s'applique  donc  à  la  divinité 
incarnée,  cf.  en  outre  I,  vin ,'^2 3;  et  M.  Bh.  II,  878.  —  La  mort  de 
Ciçupâla,  roi  de  Tchédi,  est  racontée  dans  notre  livre  X,  ch.  i,xxiv. 

^    17  (/.  — J^eçu  =  vâijvildsa ;  cf.  vâcah  supeçalâhyXxxiii,  ic. 


PANTCHADHYAYÎ.  419 

plus  là,  vous  cherchent;  ne  causez  pas  d'inquiétude  à  vos 
parents. 

2 1 .  «  Vous  avez  vu  la  forêt  en  fleurs ,  rougie  par  les  rayons 
de  la  pleine  lune  et  embellie  par  les  jeunes  pousses  des  ar- 
bres qui  frémissent  aux  caresses  de  la  brise  de  la  Yamunâ. 

22.  «Retournez  donc  au  parc  sans  tarder,  obéissez  à  vos 
maris ,  ô  femmes  dévouées  !  Les  veaux  et  les  enfants  poussent 
des  cris  :  faites-les  boire,  contentez-les  '. 

23.  «C'est  par  afl'ection  pour  moi  sans  doute  que,  maîtri- 
sant vos  pensées ,  vous  êtes  venues  ici.  C'est  bien  à  vous.  Tout 
ce  qui  a  vie  trouve  en  moi  le  bonheur. 

ilx-  «  Le  devoir  suprême  des  femmes  est  d'obéir  avec  droi- 
ture à  leur  mari ,  de  préparer  la  nourriture  de  ses  parents  et 
celle  de  leurs  enfants ,  ô  femmes  bienveillantes  ! 

2  5-  «Fût -il  d'un  mauvais  caractère,  laid,  vieux,  borné, 
malade  ou  pauvre ,  jamais  un  mari  qui  n'est  pas  dégradé  ne 
doit  être  abandonné  par  des  femmes  qui  désirent  gagner  les 
mondes. 

26.  «C'est  chose  contraire  au  ciel  et  à  la  gloire,  vaine, 
pleine  d'ennuis  et  de  périls,  et  blâmée  toujours  chez  une 
femme  de  noble  condition,  que  d'avoir  un  amant. 

27.  «  C'est  en  m' écoutant,  en  me  contemplant ,  en  pensant 
à  moi ,  en  célébrant  mon  nom  qu'on  me  témoigne  de  l'amour, 
et  non  par  un  tel  voisinage.  Retournez  donc  dans  vos  maisons.  » 

Çuka  dit  : 

28.  A  ce  langage  sévère  de  Govinda ,  les  Gopîs ,  abattues  et 
le  cœur  brisé ,  tombèrent  dans  une  profonde  tristesse. 

29.  Inclinant  vers  la  terre  leurs  visages  aux  lèvres  rouges 
comme  le  fruit  du  bimba  et  desséchées  par  les  soupirs  de  la 
douleur  ;  traçant  avec  le  pied  des  lignes  sur  le  soP,  et  de  leurs 

^  226.  —  Satih  =  he  salyah ;  cf.  ci-dessous ,  xxxiii ,  206 , yâvatih, 
p.  ""tyah. 

*  296.  —  Cf.  Likhant/y  adhomukhi  bhwnirh  padâ  nakhanianiçriyâ ^ 
III,  XXIII,  5o.  Ce  n'est  pas  creuser  la  terre  du  pied  en  signe  de  co- 
lère comnme  le  fait  le  taureau  furieux  Arichta  ,  X ,  xxxvi,  2  ;  mais  tracer 


420  MAI-JUIN   1865. 

larmes,  teintes  du  collyre  de  leurs  yeux,  enlevant  le  safran 
de  leurs  seins,  elles  restaient  debout  en  silence,  accablées 
sous  le  poids  du  nialbeur. 

3o.  En  entendant  les  paroles  austères  de  Crichna  leur  bien- 
aimé,  pour  qui  elles  avaient  renoncé  à  tous  les  désirs,  elles 
essuyaient  leurs  yeux  obscurcis  parles  larmes,  et,  d'une  voix 
altérée  parle  dépit,  elles  dirent  avec  amour  : 

Les  Gopîs  dirent  : 

3i.  «Loin,  ô  maître!  loin  de  toi  ces  discours  rigoureuxM 
Renonçant  à  tous  les  objets  sensibles,  nous  aimons  la  plante 
de  les  pieds,  aime-nous,  ô  (dieu)  capricieux!  ne  nous  aban- 
donne pas  :  ainsi  le  dieu  premier-né  des  êtres  aime  ceux  qui 
soupirent  après  la  délivrance. 

32.  «Ce  que  tu  as  dit,  avec  Tautorilé  de  la  science  du 
devoir,  que  le  devoir  des  femmes,  par  excellence,  est  le  dé- 
vouement à  leurs  maris,  à  leurs  enfants  et  à  leurs  parents, 
envers  qui  le  pratiquer  si  ce  n'est  envers  loi ,  qui  es  le  but 
des  préceptes  et  le  Seigneur  ?  Oui ,  tu  es  le  bien -aimé,  le  pa- 
rent, l'âme  des  êtres  animés  ^ 

des  lignes  sur  la  terre  avec  le  pied ,  en  signe  de  chagrin  et  de  confu- 
sion.Cf.  Amaru ,  6,  sch.  :  ahdranam  eva  likhati.  Le  Kâvya  Prakâça  est 
encore  plus  explicite  :  Bhûmim  iti  na  tu  bhiimau  nahi  hiiddhipûrvaham 
hincil  likhati;  et  M.  Bh.  III,  374-375. 

'  3i  a.  —  Le  manuscrit  D  seul  lit  ici  vaco  'rliati  au  lieu  de  vibho 
'rhati.  Sur  l'emploi  du  voc.  avec  bhavân  pour  sujet,  cf.  Bôhtlingk , 
Indische  Spriiche ,  iSgS. 

^  32.  —  Le  sch.  propose  ici  plusieurs  interprétations.  D'après  la 
première,  le  précepte,  rappelé  par  Crichna  et  répété  ironiquement 
[sopahâsam,  scb.)  par  les  Gopîs,  a  Crichna  pour  objet,  parce  qu'il 
est  le  seigneur,  c'est-à-dire  l'âtmâ,  le  seul  être  percevant  tout  ce  qui 
peut  être  perçu,  et  en  jouissant.  D'après  la  deuxième,  les  Gopîs  re- 
poussent le  conseil  de  Crichna,  parce  qu'elles  sont  venues  lui  de- 
mander, non  pas  la  connaissance  du  devoir,  mais  la  possession  de  sa 
personne;  avec  lui,  elles  auront  tous  les  fruits  des  devoirs.  D'après 
la  troisième,  la  loi  rappelée  par  Crichna  n'est  pas  applicable  quand 
il  s'agit  de  lui;  les  Gopîs  peuvent  l'aimer  sans  manquer  à  leurs  de- 


PANTCHADHYAYI.  421 

33.  «  Les  sages ,  en  effet ,  mellent  leur  bonheur  en  loi ,  leur 
bien-aimé  qui  réside  en  eux-mêmes  ';  qu'importent  maris ,  en- 
fants et  le  resie,  source  de  douleurs?  Sois-nous  donc  propice, 
ô  maître  suprême  !  ne  trompe  pas  l'espérance  que  nous  avons 
mise  en  toi  dès  longtemps,  (dieu)  aux  yeux  de  lotus! 

3^.  «Par  loi  nous  ont  été  ravies  les  pensées  qui  se  ren- 
ferment avec  joie  dans  la  maison,  et  les  mains  (qui  se  plai- 
sent) aux  travaux  domestiques^  ;  nos  pieds  ne  font  pas  un  pas 
loin  de  la  plante  de  tes  pieds  ;  comment  irions-nous  au  parc 
ou  qu'y  ferions-nous  ? 

35.  «  Oh  !  éteins  dans  le  lac  d'ambroisie  de  tes  lèvres  le  feu 
de  l'amour  qu'ont  allumé  en  nous  tes  regards  souriants  et 
les  accords  harmonieux!  Sinon,  consumant  nos  corps  dans 
le  feu  de  la  séparation,  nous  irons  par  la  méditation  sur  In 
trace  de  tes  pas,  ô  ami^I 

36.  «(Dieu)  aux  yeux  de  lotus!  depuis  que,  dans  ta  bonté 
pour  les  habilanls  de  la  forêt,  nous  avons  touché  parfois  la 
plante  de  tes  pieds,  joie  réservée  à  Ramâ;  depuis  que  par 
toi  nous  avons  connu  le  bonheur,  non,  nous  ne  pouvons 
plus  supporter  la  présence  d'un  autrp. 

3;.  «De  même  que  Çrî,  qui  repose  cependant  sur  la  poi- 
trine et  dont  les  autres  dieux  s'efforcent  d'attirer  sur  eux  les 
regards,  a  adoré  avec  la  Tulasî  la  poussière  de  les  pieds, 
chère  à  tes  serviteurs*;  de  même,  nous  aussi,  nous  nous  ré- 
fugions dans  la  poussière  de  tes  pieds. 

38.  «  Sois  nous  donc  propice,  ô  toi  qui  détruis  la  douleur  ! 

voirs  vis-à-vis  de  leurs  maris.  —  J'ai  suivi  la  première  :  sarvabandimsu 
karanijam  Ivayy  evâstu;  cf.  vâsiidcvaparo  dliarmah,  I,  ii,  2  g. 

'  33  ab. —  Pour  la  pensée,  cf.  ci-dessous  xxxii,  l^  h;  Sur  âtman 
p.  âlmanif  cf.  mahâtinan,  X,  xlvi,  3,  sch.  "âtmaiii. 

^  Z^  ab.  —  Sukhena,  suivant  la  glose,  peut  aussi  se  rapporter  à 
bhavatâ;  sur  le  sens  de  nirviçad  dans  notre  passage,  cf.  Wilson  au 
mot  nirviçat;  —  karâv  api  yau  grihakritye  nirviçaias  tau,  sch. 

^   35.  —  Cf.  ci-dessus  les  st.  9-1  1 . —  (/.  Padavim  =  antikam,  sch. 

*  37  a-b.  —  La  glose  construit  bhritjajustam  avec  °rajoli. —  c.  On 
sait  que  Çrî  est  la  déesse  de  la  forhme. 

v.  28 


422  MAI-JUIN   1865. 

nous  voici  à  tes  pieds,  ayant  quille  nos  demeures  dans  l'es- 
pérance de  te  servir;  la  beaulé  de  ton  sourire  el  de  Ion  re- 
gard a  allumé  un  ardent  amour  dans  nos  cœurs;  ô  perle  des 
hommes  !  donne-nous  d'être  tes  esclaves. 

Sg.  «  Oui,  depuis  que  nous  avons  vu  Ion  visage  qu'enlou- 
rent  les  boucles  de  tes  cheveux,  et  où  brillenl  les  pendants 
d'oreilles  sur  tes  joues,  sur  tes  lèvres  le  nectar  el  le  sourire 
dans  tes  yeux;  depuis  que  nous  avons  vu  les  deux  bras 
puissants  qui  donnent  la  sécurité,  et  ta  poitrine,  seules  délices 
de  Çrî,  nous  voulons  devenir  tes  esclaves  V' 

^o.  «Est-il  donc  une  femme  dans  les  trois  mondes  qui 
n'oublie  ses  devoirs  les  plus  saints,  troublée  aux  accords 
prolongés  de  ta  flùle  et  à  la  vue  de  cette  forme  qui  réunit  les 
perfections  des  trois  mondes,  quand  les  vaches,  les  oiseaux, 
les  arbres  et  les  bêtes  fauves  en  ont  tressailli  d'allégresse^! 

4i.  «Oui,  lu  naquis  pour  être  le  sauveur  du  parc  dans 
le  péril  et  la  douleur,  comme  le  dieu  ,  premier-né  des  êtres , 
est  le  protecteur  du  monde  des  Suras.  Oh  !  pose  ta  main  pa- 
reille au  lotus,  ami  des  affligés!  sur  nos  seins  brûlants  et  sur 
nos  têtes,  à  nous  les  sevvantes.  » 

Çuka  dit  : 

Ui'  Quand  il  eut  entendu  les  lamentations  des  Gopîs,  le 
maître  des  maîtres  du  Yoga,  souriant  avec  bonté,  goûta  le 
bonheur  avec  elles,  lui  qui  trouve  son  bonheur  en  lui-même'. 

Ix^.  Tandis  que  réunies  autour  de  lui,  leur  visage  s'épa- 
nouissait à  la  vue  du  bien-aimé,  le  (héros)  aux  nobles  ex- 


'   Sg  li.  —  Çriyaiharamanam  =  °çriya  eka". 

^  ^o  a.  —  Kalapudâmrita° ,  variante  fournie  par  la  glose,  dont  les 
sons  harmonieux  pareib  à  l'amhrolsie.  — c.  Sauhhagaj  d'ailleurs  formé 
réguHèrenient  (cf.  saahridam,  xxix,  1 5  6) ,  n'est  pas  dans  les  diction- 
naires; cf.  rûpafh  tava  sarvasaubhagam ,  I,  xi,  8.  —  d.  Abibhran  = 
ahihkaruh,  sch. 

^  42.  —  L'idée  que  Bhagavat  est  heureux  par  lui-même  [ânanda- 
maya,  de  la  doctrine  Védânta)  revient  en  maint  passage  du  Bhâga- 
vata,cf.  surtout  [|I,  ix,  19. 


I 


PANTCHÀDHYÂYÎ.  ^23 

pioils,  Atchyiila,  dont  le  noble  sourire  et  les  dénis  ont  l'éclat 
de  là  fleur  du  jasmin,  resplendissait  comme  la  lune  en- 
tourée par  les  étoiles  \ 

44.  Répondant  à  leurs  chants  par  ses  chants  et  marchant, 
paré  de  la  guirlande  vaijayanii^,  en  tête  de  la  troupe  de  ses 
cent  femmes,  il  parcourait  la  forêt  dont  il  faisait  l'ornement. 

45.  Entrant  avec  les  Gopîs  dans  une  île  du  fleuve  cou- 
verte d'un  sable  frais,  il  jouit  delà  brise  qui  en  caressait  les 
vagues  ^  et  qu'embaumaient  les  lotus  de  nuit. 

46.  Il  les  prenait  et  les  enveloppait  dans  ses  bras,  pro- 
menait sa  main  sur  leurs  mains,  dans  leurs  cheveux,  sur 
leurs  cuisses,  sur  leur  taille*,  sur  leurs  seins;  il  leur  impri- 
mait en  badinant  la  marque  de  ses  ongles,  jouait,  les  regar- 
dait et  souriait,  allumant  et  satisfaisant  à  la  fois  l'amour  des 
belles  du  parc. 

47.  Fières  de  posséder  ainsi  le  bienheureux  Crichna  à 
l'âme  magnanime,  elles  se  crurent  dans  leur  orgueil  bien 
au-dessus  des  femmes  de  la  terre. 

48.  A  la  vue  de  l'ivresse  et  de  l'orgueil  qu'inspirait  sa 
beauté,  Kéçava  disparut  du  milieu  d'elles  pour  les  punir  et 
les  calmer. 

'  43  a.  —  Les  œuvres  de  Hari,  aux  exploits  merveilleux  (III,  x, 
10),  sont  un  mystère  (IV,  11,  8)  comme  le  corps  qu'il  revêt;  cf.  ci- 
dessus  la  note  sur  1  2-16,  et,  ci-dessous,  ch.  xxxiii,  st.  36  et  suiv.  — 
c.  Sur  °hdsadvijakundadidliiti ,  cf.  sitadanta,  III,  xiii,  32.  La  même 
épithète  convient  aussi  au  sourire,  d'après  la  glose  :  udârahâsaç  ca 
dvijâç  ca  tesii  Itandahusutnavaddidliiiirjajsja  sah,  et  elle  lui  est  sou- 
vent  appliquée  dans  la  poésie  classique. 

*  44  c.  —  Vaijajanti  est  le  nom  donné  à  la  guirlande  de  Vichnu, 
d'après  Râdhâkânta;  elle  se  compose  de  fleurs  des  bois. 

•^  45  c. — Tara/a  revient  encore  ci-dessous,  .xxxii,  12  c,  oiîi  il  est 
commenté  par  taranga.  Ce  sens  n'est  pas  indiqué  dans  les  diction- 
naires. Même  observation  sur  uttamhhœyan  =  uddipayan,  de  la  stance 
suivante  d,  et  sur  praçamâya,  st.  48  c,  qui  revient  encore  plus  bas, 
xxxTii,  27  b,  et  sur  lequel  le  scholiaste  est  muet;  il  est  d'ailleurs 
assez,  fréquent,  cf.  M.  Bh.  I,  i258. 

*  46  b.  —  Nîvî,  prop.=pièce  d'étoffe  attachée  autoiu'  de  la  taille. 

28. 


l\'lk  MAI-JUIN   186  5. 

CHAPITRE   XXX. 

Cuka  dit  : 

1.  Bhagaval  ainsi  disparu  soudain,  les  lemiues  du  parc  se 
désolèrent:  telles  les  femelles  de  l'éléphant  qui  ne  voient  pas 
le  chef  du  troupeau. 

2.  Attachant  leur  pensée  à  sa  démarche,  à  son  sourire 
affectueux,  à  ses  regards  provoquants,  à  ses  discours  enchan- 
teurs, à  ses  jeux,  à  ses  gracieux  ébats,  les  femmes  imitèrent 
les  actions  diverses  de  l'époux  de  Rama  ,  en  s'identifiant  avec 
\m\ 

3.  Elles  reproduisaient  avec  amour  en  leur  personne  la 
démarche,  le  sourire,  le  regard,  les  discours  du  bien-aimé: 
«C'est  moi  qui  suis  Crichna ;  »  disaient  les  jeunes  femmes 
en  s'idenlifiant  avec  lui  et  en  imitant  la  grâce  de  ses  jeux*. 

l\.  Célébrant  ses  louanges  à  haute  voix,  elles  le  cher- 
chaient, en  troupe  serrée,  comme  des  insensées,  de  forêt  en 
forêt  relies  demandaient  aux  arbres  des  nouvelles  du  Puru- 
cha  qui,  pareil  à  l'éther,  est  au  dedans  et  au  dehors  des 
êtres  ■^. 

5.   «0  Açvallha,  Plakcha,  Nyagrodha!  avcz-vous  vu  le  fils 

'    1-3.  —  Cf.  F.  P.  2  4.  —  2  d.  Ja()rihuJt:=anukaranenâkndan. 

^3.  —  Cette  stance  n'est  en  partie  que  la  répélition  de  la  précé- 
dente. On  sait  que  ces  répétitions,  plus  ou  moins  affaiblies,  sont  fré- 
quentes chez  les  poètes  hindous.  (Cf.  C.  Schùtz,  Kalidâsas  Wolken- 
hote,  p.  8,  note.) 

^  4.  —  Selon  le  Prem-Sagar,  les  Gopîs  supposent  que  les  animaux  , 
les  oiseaux  et  les  arbres  de  Vrindâvana  sont  des  richis  et  des  munis 
descendus  sur  la  terre  pour  être  témoins  des  jeux  de  Crichna.  — 
c.  Sur  l'éther,  cf.  III,  xxvi,  34,  où  il  est  appelé  nabhali.  Hari  est  au 
dedans  et  au  dehors  de  toutes  choses,  I,viii,  i8  ;  au  dedans,  sous  la 
forme  de  l'esprit;  au  dehors,  sous  la  forme  du  temps,  III,  xxvi,  i8. 
Ailleurs,  III,  ix,  32,  il  est  comparé  au  feu  renfermé  dans  toutes  les 
espèces  de  bois.  Cf.  aussi  V.  P.  6o.  —  d.  Vanaspali,  en  dépit  de  l'éty- 
mologie,  roi  de  la  forêt,  semble,  d'après  les  stances  qui  suivent,  s'ap- 
pliquer à  des  végétaux  de  diverses  grandeurs. 


PANTCHADHYAYI.  425 

de  Nanda  qui  s'est  enfui  après  nous  avoir  ravi  nos  cœurs  ^  par 
ses  regards  aiî'ectueux  et  souriants? 

6.  «  Est-il  passé  ici,  ô  Kurubaka,  Açoka,  Nâga,  Punnàga  , 
Tchampaka!  le  frère  cadet  de  Rânia,  dont  le  sourire  abat 
l'orgueil  clés  femmes  superbes? 

7.  0  El  tc'i,  propice  Tulasî,  chère  aux  pieds  de  Govinda  ! 
as- tu  vu  celui  dont  lu  fais  l'ornement  avec  tes  essaims  d'a- 
beilles, ton  bien-aimé  Atchyuta^  ? 

8.  •(  0  Mâlalî ,  Mallikâ ,  Djâtî ,  Yuthikâ  !  Tavez-vous  vu  ?  est- 
il  passé  ici  celui  qui  vous  remplit  de  joie  au  contact  de  sa 
main ,  l'ennemi  de  Madhu  ? 

g.  Dites,  ô  Tchùta,  Priyâla,  Panasa ,  Asana,  Kovidàra, 
Djambu,  Arka,  Vilva,  Vakula ,  Amra,  Kadamba,  Nîpa ,  et 
vous  tous  qui  vivez  pour  le  bien  des  autres  \  (ô  arbres)  voisins 
de  la  Yamunâ!  dites-nous  le  chemin  suivi  par  Crichna,  car 
loin  de  lui  nous  nous  mourons. 

10,  «  Quelle  pénitence  as-tu  donc  accomplie,  ô  Terre!  pour 
jouir  du  contact  des  pieds  de  Kéçava,  et  briller,  frissonnante 
de  plaisir,  dans  tous  les  poils  de  Ion  corps?  Est-ce  impres- 
sion (récente)  de  ses  pieds?  ou  de  (l'antique)  pas  vainqueur 
du  héros  aux  grands  pas?  ou  de  l'étreinte  du  (dieu)  au 
corps  de  sanglier  *  ? 

^  5  6c.  —  Peut-être  faut-il  Urejo  au  heu  de  no.  ou  mieux  le  sup- 
pléer comme  le  fait  le  sclioliasle  ci-dessous,  st.  10  ab.  —  Cora  iva 
(jQtah,  sch, 

*  7  c.  —  Tvâ=  tvâm.  —  d.  Tavâdpriyah,  scb. 

'  9  c.  —  De  parârtliahhavaka  [=pardrtham  eva  hhavojanma  yesâm 
te) ,  il  faut  rapprocher  itarârtha,  II  ,vii,  27,(|ni  a  le  même  sens  et  qui 
n'est  pas  non  plus  dans  les  dictionnaires;  cf.  anyliripâh  parabhritah, 
II,  II,  5.  —  d.  La  glose  veut  que  la  troisième  personne  soit  mise  ici 
pour  la  seconde,  çamsantu  te  bhavantah;  cf.  xxxii,  22  c,  et  la  note. 

'*  10  ab.  —  La  même  pensée  et  le  même  mouvement  sont  repro- 
duits plusieurs  fois  dans  le  Bli.  P.  cf.  entre  autres  "V,  viii,  19,  avec 
cette  différence  que  la  construction  y  est  pleine,  tandis  qu'ici  elle  est 
elliptique  et  complétée  par  le  scholiaste  à  l'aide  des  mots  jâ  tvam. 
—  Xiti  =  hexile. —  Apj  ai'i(jhrisainbhav(ih  =  kim  ajam  iitsavah  adliund 


426  MAI-JUIN   1865. 

11.0  gazelle  amie  !  est-il  passé  ici  avec  sa  bien-aimée  celui 
dont  les  membres  font  la  félicité  des  yeux,  votre  cher  At- 
chyuta  ?  Rougie,  au  contact  de  l'amanle,  par  le  safran  de 
ses  seins,  la  guirlande  de  jasmin  du  noble  époux  embaume 
la  brise  qui  souffle  ici'. 

12.  «  Le  bras  appuyé  sur  sa  bien-aimée,  un  lotus  à  la  maiu, 
et  suivi  des  fols  essaims  d'abeilles  de  sa  Tulasi,  le  frère  cadet 
de  Râma ,  qu'en  ce  moment  vous  saluez  à  son  passage,  6  ar- 
bres! vous  répond- il  par  des  regards  affectueux.^ 

i3,  «Interrogez ces  lianes: bien  qu'elles  pressent  les  bras 
du  roi  de  la  forêt,  c'est  au  contact  de  ses  ongles  qu'elles 
tressaillent  d'allégresse,  ô  bonheur^!» 

i4.  Ainsi  disaient  les  Gopîs  dans  leur  égarement,  en  cher- 
chant Crichna  avec  angoisse;  (puis)  elles  imitèrent  les  jeux 
divers  de  Bhagavat  en  s'identifiant  avec  lui. 

i5.  L'une,  qui  faisait  Crichna,  suçait  le  sein  à  une  autre 
qui  faisait  Putanâ.  Telle  aulre,  faisant  le  petit  enfant  et  pleu- 
rant, frappait  du  pied  celle  qui  faisait  le  char  ^ 

tavaihadeçânghrisparçasamhhûlah. —  Vâ[  =  jadvâ)  avec  omission  du 
sandhi,  comme  il  arrive  souvent  à  la  pause.  —  Sur  l'incarnation  en 
nain,  cf.  liv.  VIII,  cb.  xxhï  (ses  pas  sont  la  terre,  l'atmosphère  et  le 
ciel,  II,  VI,  6).  —  L'incarnation  en  sanglier  est  la  seconde,  cf.  entre 
autres,  III ,  xiii ,  1 8  et  suiv.  Je  n'ai  retrouvé  l'expression  parirambhana 
dans  aucun  des  nombreux  passages  où  il  est  question  de  ce  fait;  sur 
le  sens  propre  de  ce  mot,  cf.  ci-dessus  xxix ,  46. 

*  ïid.  —  Les  adorateurs  de  Viclinu  forment  un  gotra  dont  il  est 
le  chef;  il  est  dit  ailleurs  de  Crichna,  gârhaspatyamâsthitah;  de  là 
peut-être  l'expression  kulapatih. 

^  1 3. — Les  lianes  sont  intérieurement  sensibles  au  toucher  Jatâh... 
antahsparçâh y  III,  x,  i  8. 

^  i5.  —  H  est  fait  souvent  allusion  aux  événements  de  la  vie  de 
Crichna  dont  il  est  question  ici  et  dans  les  stances  suivantes;  cf.  le 
ch.  Tii  du  livre  II.  —  ah.  Sur  Putanâ,  cf.  X,  vi;  sur  le  char,  X,  vu. 
—  cd.  Çahaiâyatîm  et,  plus  bas,  st.  1 7  c/,  vakâjatim,  formes parasmai- 
pades  à  la  place  de  la  forme  âlmanépade,  plus  usitoe  dans  ces  dénomi- 
natifs, et  même  irrégulières  à  favant-dernière  syllabe,  peut-être  pour 
le  besoin  du  mètre ,  surtout  si  Ton  considère  les  deux  autres  participes 


PANTCHADllYAÏI.  427 

16.  Telle,  imilanl  le  démon,  en  enlevait  une  qui  faisait 
Crichna  enfant.  Une  autre  rampait  en  traînant  ses  pieds  avec 
des  cris  afireux\ 

1 7.  Deux  font  Crichna  et  Rama ,  d'autres  font  les  bergers  ; 
celle  qui  fait  le  veau  tombe  sous  les  coups  de  l'une;  l'autre 
tue  celle  qui  fait  le  héron  ^. 

18.  A  une  autre  qui  rappelle,  comme  jadis  Crichna,  les 
vaches  entraînées  an  loin ,  joue  de  la  flûte  et  prend  ses  ébats , 
«  Très  bien  !  »  disent  ses  compagnes  ■\ 

19.  Le  bras  appuyé  sur  l'une  d'elles ,  une  autre  disait  tout 
en  marchant  :  «Ne  suis-je  pas  Crichna?  Regardez  ma  dé- 
marche gracieuse!  »  tant  son  cœur  est  plein  de  lui*. 

20.  «  Ne  craignez  ni  le  vent  ni  la  pluie  :  voici  un  abri  que 
je  vous  ai  ménagé ,  »  en  disant  ces  mots ,  elle  roidissait  le  bras 
et  soutenait  en  l'air  son  manteau  ^ 

21.  Telle,  en  terrassant  une  autre  et  lui  mettant  le  pied 
sur  la  têle,  ô  roi!  lui  disait  :  «Tu  es  une  perverse,  eh  bien! 
meurs.  Ne  suis-je  pas  né  pour  le  châtiment  des  méchants®?» 

22.  Telle  autre  disait  :  «Bergers  1  voyez  le  formidable  in- 
cendie ;  vite ,  fermez  les  yeux  ;  je  vais  vous  sauver  à  l'instant'.  » 

présents  de  cette  même  stance  1 7.  —  Cf.  sur  ces  jeux  des  Gopîs,  V. 
P.  24-28. 

^  16  ah.  —  Le  daitya  qui  enlève  Crichna  est  Trinâvarta,  X,  vu. 
Au  liv.  X,  cil.  X,  est  la  légende  des  deux  arbres  à  laquelle  le  second 
hémistiche  fait  allusion. 

*  17.  —  Cf.  X,  XI,  le  récit  de  ce  double  exploit. 

^  iS  ah.  —  Cf.  X ,  XIII  ;  Brahmâ  attire  et  cache  les  troupeaux  et  les 
petits  bergers  dans  une  caverne. 

4    ig.  —  Cf.    V.  P.  25. 

*  20.  — Cf.  X,  XXV.  Crichna,  pendant  un  orage,  met  les  troupeaux 
et  les  bergers  à  l'abri  sous  le  mont  Govardhana  qu'il  soutient  en  l'air; 
le  texte  est  reproduit  littéralement  ici  :  tat  trânarh  vihitam  hi  nah. 

^21.  —  Meurtre  du  démon  Aghâsura,  X,  xii. 

'  22.  —  Crichna  sauve  les  bergers  de  l'incendie,  X  ,  xix.  —  Sur 
le  mouvement  exprimé  par  caœûfhsy  âcv  apidhadhvam ,  cf.  C.  Schûtz , 
Wolhenbote ,  note  sur  la  st.  108.  Fréquence  et  causes  des  incendies, 
dans  les  régions  tropicales,  V,  vi ,  9. 


428  MAI-JUIN  1865. 

2  a.  Attachée  à  un  mortier  par  une  de  ses  compagnes  avec 
une  guirlande",  une  jeune  beauté,  tremblante  et  cachant 
son  visage,  simulait  la  frayeur \ 

ilx  Tout  en  interrogeant  ainsi  ^ur  Oiclina  les  lianes  et 
les  arbres  de  Vrindàvana,  elles  aperçurent  en  certain  lieu 
de  la  forêl  les  traces  de  celui  qui  est  l'àme  suprême^. 

2  5.  Car  les  traces  du  fils  de  Nanda  à  l'âme  magnanime 
se  reconnaissent  sûrenif-nt  à  l'étendard,  au  lotus,  au  foudre, 
à  l'aiguillon,  au  grain  d'orge  et  autres  signes^. 

26.  Tandis  que,  à  l'aide  de  ces  traces  diverses,  elles  cher- 
chaient le  chemin  qu'il  avait  suivi,  les  jeunes  femmes  aper- 
cevant devant  elles  des  pas  de  femme  régulièrement  mêlés 
au)L  siens,  se  dirent  entre  elles  avec  douleur'  : 

27.  «Quels  sont  ces  autres  pas?  Quelle  est  celle  qui  est 
partie  avec  le  fils  de  Nanda,  en  soutenant  sur  son  épaule  le 
bras  du  bien-aimé  comme  la  femelle  en  compagnie  de  l'élé- 
phant? 

28.  «Sûrement,  elle  a  gagné  le  cœur  du  Seigneur,  le 
bienheureux  Hari,  puisque  Govinda,  nous  abandonnant, 
s'est  plu  à  l'emmener  en  un  lieu  secret^. 

29.  0  0  bonheur!  amies,  c'est  la  poussière  sacrée  des  pieds 
de  Govinda,  pareils  au  lotus,  dontBrahmâ,  Iça  et  Ramâdêvi 
se  sont  couvert  la  tête  pour  effacer  leurs  péchés  ! 

*  23.  —  Cf.  X ,  IX ,  légende  du  mortier  auquel  Criclina  est  attaché 
par  sa  mère.  —  Sur  l'hiatus  de  6,  cf.  Bôht.  Ind.  Sp.  910  et  1784.  — c. 
D'après  une  autre  interprétation,  sudrih  se  rapporte  à  âsyam.  —  Au 
lieu  de  haiyancjava  dans  l'hém.  fourni  par  JB,Wilson  donne  liaiyan- 
(javîna. 

2   2/1.  — Cf.  V.  P.  29et3o. 

^  25.  —  L'énuméralion  de  I,  xvi,  34  omet  le  grain  d'orge  raiu  qui 
se  trouve  aussi  dans  le  Prem  Sagar,  p.  61;  le  lotus  est  nommé  entre 
autres,  111,  x\iv,  i^]  :  padmanmdrâpadâmbnjah.  Je  n'ai  pu  déchiffrer 
entièrement  le  texte  du  F.  P.  3i. 

*  26.  -  Cf.  V.P.  32. 

=*   28.  —  Cf.  ci-dessus,  préf  p.  383,  et  V.  P.  i-2  et  3/j. 

"  A  ces  mots  :  uJ'enciiaîiic  (|ui  brise  les  pois  cl  vole  le  beurre.» 


PAiNTCHÂDHYÀYÎ.  429 

3o.  «  Devanl  ces  pas  de  femme  notre  trouble  est  au 
comble,  parce  que  celte  Gopî  jouit  seule  en  secret,  à  notre 
détriment,  des  lèvres  d'Atchyuta  \ 

,  3i.  «  Nulle  trace  apparente  de  ses  pas  ici;  sans  doute,  les 
jeunes  pousses  des  herbes  blessant  la  plante  de  ses  pieds  dé- 
licats, le  bien-aimé  a  porté  sa  bienaimée^'. 
.  32.  «Ici  le  bien-aimé  a  cueilli  des  fleurs  pour  sa  bien- 
aimée  :  voyez  ces  deux  pas  à  moitié  tracés  par  la  pointe  de 
ses  pieds  ^ 

33.  «  Ici  encore  l'amant  a  arrangé  les  cheveux  de  l'amaale  : 
sûrement  il  était  assis  là,  en  disposant  ces  (fleurs)  sur  la  tête 
de  la  bienaimée\  » 

34.  Et  il  goûta  le  bonheur  avec  elle ,  bien  qu'il  trouve  son 
bonheur  et  sa  joie  en  lui-même  et  qu'il  soil  impassible,  pour 
montrer  l'abaissement  des  amants  etla  perversité  des  femmes^  ^. 

^  2  9-3o.  —  D'après  le  scholiaste  ces  deux  stances  sont  dites  par 
des  personnes  différentes,  dont  les  unes  croient  et  les  autres  ne 
croient  pas  à  un  acte  de  pénitence  accompli  par  leur  compagne.  — 
3o  d.  Au  lieu  dera/ifl/i{qui  s'emploie  même  à  la  question  uhi,  comme 
on  dit  dans  les  classes,  sutâm  api  rahojakydt,\ Il ,  xir,  g),  B  lit  dhanam 
pour  expliquer  gopinâm,  ce  semble ,  lequel  peut  se  rapporter  encore , 
soit  à  ekâ,  soit  d'après  la  glose  h  °adharam,  en  sous-entendant  sar- 
vasvam.  —  Sur  jat,  au  i"  hém.  cf.  Ind.  Spr.  2  1 13. 

^  3 1 .  —  La  si.  qui  suit  dans  B  ei  D  aurait  pu  être  insérée  dans  le 
texte;  elle  se  rattache  bien  aux  st.  3 1  et  32. 

3  32. —  Cf.  V.P.  33. 

*  33  ci.  —  Upavistam  paraît  employé  à  double  entente;  cf.  III, 
XIV,  3o,  upaviveça  «eut  commerce»  (Burn.) ,  et,  dans  la  stance  sui- 
vante, renie.  Cf.  V.  P.  34. 

*  34.  —  Ici  Çuka  reprend  la  parole,  çukoktih.  —  b.  Aklianditah= 
strivihhramair  anâhristo  'pi.  —  Suit  dans  C  et  D  une  stance  donnée 

*  «  A  ces  empreintes  plus  marquées ,  reconnaissez ,  ô  Gopîs  !  les  pas  de 
«l'amant,  de  Crichna,  appesantis  par  le  poids  de  la  femme  qu'il  portait.  Ici 
«le  liéros  à  l'âme  magnanime  a  posé  à  terre  sa  bien-aimée  pour  cueillir  des 
«fleurs.  —  B  ei  D  après  3i.  La  st.  suivante  vient  après  34  dans  Cet  D. 

Ainsi  disant  les  Gopîs ,  Lors  d'elles-mêmes ,  se  montraient  tout  en  mar- 
chant celle  que  Crichna  avait  emmenée  en  laissant  là  les  autres  femmes. 


430  MAI-JUIN   1865. 

35.  El  elle,  s'eslimant  alors  la  plus  grande  entre  loulcs 
les  femmes  :  «  11  a  délaissé  les  Gopîsqui  l'adorent,  disail-elle, 
et  c'est  moi  qu'aime  le  bien-aimé  \  « 

36.  Puis,  arrivée  à  certain  endroit  de  la  forêt,  elle  dit 
avec  orgueil  à  Kéçava  :  «Je  ne  peux  pas  marcher;  porte-moi 
où  tu  voudras  ^.  » 

37.  A  ces  mots,  il  répondit  à  sa  bien-aimée  :  «  Monle  sur 
mon  épaule»;  et  puis  Crichna  disparut,  laissant  l'épouse  à 
sa  douleur. 

38.  «0  seigneur!  ô  époux  bien-aimé!  où  cs-lu?  Où  es-tu 
(héros)  aux  bras  puissants?  0  ami!  montre-toi  à  moi,  ton 
esclave  digne  de  pitié  !  » 

Çuka  dit  : 

39.  En  cherchant  le  chemin  suivi  par  Bhagavat,  les  Gopîs 
virent  non  loin  d'elles  leur  infortunée  compagne,  consternée 
de  l'abandon  de  son  bien-aimé. 

^o.  En  apprenant  par  son  récit  quel  orgueil  elle  avait 
ressenti  (de  la  préférence)  de  Mâdhava  ,  et  quel  mépris ,  dans 
sa  perversité,  elle  avait  fait  de  lui,  elles  en  éprouvèrent  une 
surprise  très-grande. 

Al.  Ensuite  elles  s'enfoncèrent  dans  la  forêt  tant  que  dura 
le  clair  de  lune  ;  quand  elles  virent  les  ténèbres  venues  ,  elles 
revinrent  sur  leurs  pas^. 

42.  N'ayant  que  lui  dans  le  cœur  et  sur  les  lèvres,  imi- 

en  note  et  dont  l'objet  paraît  être  de  marquer  la  fin  du  discours  des 
Gopîs.  Elle  n'est  commentée  dans  aucun  exemplaire;  elle  contredit 
la  glose  çuhoJîtih;  elle  détroit  l'opposition  entre  rente  tayâ  en  et  sa  ca 
menej  des  st.  34  et  35;  enfin  le  2'  hém.  de  34  convient  mieux  à  un 
récit. 

*  35  c.  —  Kâmayânâh  =^  kâmo  yânam  âcjamanasâdhanam yâsâni  tâh  ; 
nous  disons  plus  simplement  pour  hâmayamânâh ;  cf.  cependant  Bopp, 
G.  L.  S.  S  598. 

*  36  d.  —  Cf.  V,  H ,  16  :  indm. .  .  arhasi  netam. .  .  te  cittam yatah. — 
Sur  la  cause  de  la  disparition  de  Crichna,  cf.  V.  P.  35. 

'  Al.  — Cf.  V.  P.lxo. 


PANTCHADHYAYI.  431 

(ant  ses  actions,  s'idenlifiant  avec  lui,  célébrant  ses  vertus, 
elles  ne  pensèrent  même  pas  à  leurs  maisons. 

43.  Revenues  dans  l'île  de  la  Râlindî  et  s'unissant  à  Cri- 
chna  par  la  pensée,  elles  chantaient  ensemble  les  louanges 
de  Crichna  et  elles  appelaient  son  retour'. 


Les  Gopîs  dirent  : 

1 .  «  Gloire  au  parc  entre  tous ,  grâce  à  la  naissance  !  Indirâ 
y  fixe  sa  demeure  à  jamais.  (Dieu)  compatissant!  montre-toi 
aux  tiens  qui  ne  vivent  que  pour  loi  et  te  cherchent  en  tous 
lieux  ^ 

2.  «Quand  de  ton  regard,  plus  i)rillant  que  le  calice  du 
lotus  épanoui  sur  la  mare  d'automne,  tu  frappes  tes  servantes 
volontaires ,  ô  maître  des  jeux  d'amour  !  (dieu)  libéral  !  n'est-ce 
pas  un  meurtre  ici-bas*? 

'  43.— Cf.  V.  P.  il. 

^  Je  ne  trouve  indiqué  nulle  part  le  mètre  employé  dans  les  stances 
1  - 1 8.  Sur  l'irrégularité  des  st.  3  et  1 5,  voy.  la  préface,  p.  388.  Suivant 
le  scholiaste,  les  stances  de  ce  chapitre  sont  dites  par  diverses  per- 
sonnes; mais  la  conclusion  ,  plus  ou  moins  explicite,  en  est  toujours 
la  même  :  driçyatâm.  On  peut  néanmoins,  toujours  suivant  la  glose, 
y  voir  aussi  un  discours  suivi.  Ainsi,  à  la  seconde  stance,  les  Gopîs, 
prévenant  l'objection  de  Crichna  :  «Que  m'importe  que  vous  me 
cherchiez?  »  répondent  :  «  Montre-toi  pour  nous  rendre  la  vie  que  tes 
regards  nous  ont  ôtée.  »  — St.  3"^  :  «Pourquoi  nous  négliger  aujour- 
d'hui ,  toi  qui  jadis ,  etc.  »  —  St.  à'  :  «  Puisque  tu  Cà  né  pour  le  salut 
du  monde,  il  ne  te  sied  pas  de  négliger  tes  adorateurs,  etc.  etc.  » 

•''   1 .  —  Tâvahâk,  masculin ,  =  tvadijâ  (jopîjanâk. 

*  2  ah.  —  Le  lotus  décrit  ici  paraît  être  le  çaratpadma ,  IV,  xxiv, 
52  ;  il  est  foncé,  çâradendivaraçjâmam,  III,  xxvi,  28,  et  on  y  compare 
souvent  les  yeux  de  Crichna.  —  d.  La  glose  établit  qu'on  peut  tuer 
autrement  qu'avec  le  glaive  ;  les  poètes  hindous  semblent  avoir  affec- 
tionné cette  idée;  cf.  Bôhtlingk ,  Ind.  Spr.  3 20  :  açastravihito  badhah, 
et  ci-dessous,  xxxii,  6. 


432  MAÎ-JUIN   1865. 

3.  a  Par  loi  nous  avons  échappé  maintes  fois,  6  liéros!  à 
mille  périls,  à  la  mort  dans  les  eaux  empoisonnées,  au  dé- 
mon fait  serpent,  à  la  pluie,  au  vent,  au  feu  de  l'éclair,  au 
taureau,  au  fils  de  Maya\ 

4.  «  Non  ,  tu  n'es  pas  fils  de  la  Gopî,  tu  es  celui  qui  voit  au 
fond  du  cœur  de  tous  les  êtres  !  Tu  naquis  à  la  prière  de 
Vikhanas,  pour  le  salut  du  monde,  ô  ami!  dans  la  famille 
des  Sâtvats^. 

5.  «  0  chef  des  Vrichnis!  ô  bien-aimé!  la  main,  pareille  au 
lotus,  donne  la  sécurité  n  qui  se  réfugie  à  tes  pieds  dans  la 
crainte  de  la  transmigration;  elle  comble  fous  les  désirs, 
elle  étreint  la  main  de  Çrî;  oh!  pose-la  sur  nos  têtes! 

6.  «  O  héros!  loi  qui  dissipes  les  souffrances  des  habitants 
du  parc!  toi  dont  le  sourire  anéanlit  l'orgueil  chez  ceux  qui 
t'appartiennent,  ô  ami  !  honore  en  nous  tes  servantes!  montre 
à  tes  femmes  ton  visage  brillant  comme  le  lis  des  eaux  M 

7.  «Ton  pied,  pareil  au  lotus,  efface  les  péchés  de  tes 
adorateurs,  il  suit  les  troupeaux,  il  est  la  demeure  de  Çrî, 
il  a  pressé  la  crête  du  serpent;  pose-le  sur  nos  seins!  anéan- 
tis notre  amour*  ! 

8.  «La  douceur  de  ta  voix  et  la  beauté  de  tes  discours 
qui  ravissent  les  sages,  héros  aux  yeux  de  lolus!  ont  jeté  le 
trouble  chez  tes  servantes;  nourris -nous  du  nectar  de  tes 
lèvres.. 

9.  «L'ambroisie  de  ton  histoire,  qu'ont  chantée  les  sages 

'  3  a.  —  Visajalâpjajcij  cf.  X,  xvi;  vyâlarâxasa  =  Aghâsura,  X, 
XII  ;  —  b.  varsamâru(a,\  ,  xxv  ;  —  c.  vrisa=  Avista;  X ,  xxxvi  ;  Mayâ- 
tmaja  =  Vyoma,  X,  xxxvii. 

2  ^  c.  —  Au  commencement  du  livre  X ,  Vikhanas  ou  Brahmâ  de- 
mande à  Bhagavat  de  s'incarner  pour  sauver  la  terre.  —  d.  Sdtvatâm 
fca/e,cf.  IX,  XXIV,  ainsi  que  pour  les  Vrichnis  de  la  slance  suivante. 

^  6  «.  —  D'après  la  construction  du  scholiaste  que  j'ai  suivie,  le 
génitif  jo^i<âm  est  régi  par  darçaya,  et  le  troisième  pada  forme  une 
sorte  de  parenthèse  dans  la  proposition  principale.  —  c.  sineù  niçci- 
tam,  sch. 

'^  7  c.  —  Pliani  =  serpent  Kâliya,  X,  xvii. 


PANTCHADHYAYI.  433 

inspirés,  rend  la  vie  aux  affligés,  enlève  les  souillures,  sanc- 
lifie  par  Taudition  et  donne  la  paix;  qui  la  célèbre  au  loin 
sur  la  terre,  y  lit  (jadis)  beaucoup  de  bien  \ 

10.  «Ton  sourire,  ô  bien-aimé!  ton  regard  affectueux  et 
les  joveux  ébats,  bonheur  de  la  méditation,  tes  secrètes  ca- 
resses qui  louchent  le  cœur,  ô  perfide!  jettent  le  trouble  dans 
nos  dmes  ^. 

11.  «Lorsque,  sortant  du  parc,  (u  mènes  paître  les  trou- 
peaux, ô  maître  chéri!  à  la  pensée  que  les  épis,  les  herbes  et 
les  jeunes  pousses  déchirent  ton  pied  ,  beau  comme  le  lotus, 
l'inquiétude  s'empare  de  nos  cœurs. 

12.  «  Le  soir  quand  tu  reviens  le  montrer  avec  ton  visage, 
pareil  au  Joins  des  bois,  encadré  dans  les  boucles  de  les  noirs 
cheveux  el  couvert  d'une  épaisse  poussière,  ô  héros!  tu  al- 
lumes l'amour  dans  nos  cœurs! 

i3.  «0  bien-aimé!  ô  toi  qui  tues  le  chagrin!  presse  sur 
nos  seins  ton  pied,  pareil  au  lotus,  qui  comble  les  vœux  de 
les  serviteurs,  qui  fut  adoré  par  Brahmâ,  et  qui  fait  l'orne- 
ment delà  terre,  l'objet  de  la  méditation  dans  l'adversité  et 
la  paix  de  l'âme. 

1  tx.  «  Donne-nous ,  ô  héros  !  les  lèvres  d'ambroisie  qui  com- 
plètent le  plaisir  et  détruisent  la  douleur,  que  baise  amou- 
reusement ta  flûte  harmonieuse  \  el  qui  font  oublier  aux 
hommes  les  autres  amours! 

i5.  «  Quand  pendant  le  jour  t»i  vas  parcourant  la  forêt  el 
te  dérobant  à  leurs  regards ,  une  seconde  est  pour  eux  une 
éternité;  lorsqu'ils  contemplent  tes  cheveux  bouclés  et  ton 

^  9  J.  —  Le  scholiaste  supplée  le  sujet  de  (jnnanti,  ye,  dont  l'an- 
técédent te  sert  de  sujet  à  la  proposition  principale  ;  cf.  une  pareille 
ellipse,  I,  VIII,  36.  Des  deux  inlerprélations  de  fe/uînJà/t,  j'ai  suivi  la 
seconde  :  te  bhûriJâh  imrvajunniasii  hahudattavantali  suhritina  Uj  ar- 
thah:  cf.  Bôhtlingk,  Ind.  Spmche,  2o36.  —  Le  scholiaste  établit, 
d'après  le  texte,  une  comparaison  suivie  entre  l'ambroisie  et  l'his- 
toire de  Criclina,  et  donne  l'avantage  à  celle-ci. 

"^    lo  c. — Saihvidah  ^==  saàhetanxirmàni ,  sch. 

^    1 /i  h.  — Nàdâmritavûsitam ,  sch. 


434  MAI-JUIN   1865. 

visage  divin,  ils  maudissent  l'insensé  qui  mit  des  paupières 
sur  les  yeux\ 

16.  «Foulant  aux  pieds  maris,  tils,  famille,  frères  et  pa- 
rents, ô  Atchyula!  nous  sommes  accourues  vers  loi,  tu  le 
sais,  troublées  par  tes  accords.  Perfide!  quel  autre  aban- 
donnerait des  femmes  au  milieu  de  la  nuil? 

17.  «Depuis  que  nous  avons  vu  les  jeux  secrets,  ton  vi- 
sage souriant  qui  fait  naître  Tamour,  Ion  regard  affectueux 
et  ta  large  poitrine  où  Çrî  repose ,  sans  cesse  de  violents  désirs 
(nous  assaillent)  et  troublent  nos  cœurs*. 

18.  «Oui,  ta  naissance  détruit  le  mal  et  répand  le  bien 
à  profusion  parmi  les  habitants  du  parc;  oh!  à  nous  aussi 
dont  le  cœur  brûle  pour  toi,  donne  un  peu  du  remède  qui 
tue  la  tristesse  chez  ceux  qui  l'appartiennent! 

ig.  «Quand  lu  parcours  la  forêt  de  Ion  pied  délicat,  pareil 
au  lotus,  que  nous  voudrions  po.^^er  avec  précaution  et  en 
tremblant  sur  nos  seins  déjà  trop  fermes,  la  crainte  qu'il  ne 
se  blesse  aux  cailloux  du  chemin  fait  palpiler  nos  cœurs  qui 
ne  vivent  que  pour  loi  ^  » 


CHAPITRE   XXXII. 

Çuka  dit  : 

1.  Ainsi  les  Gopîs  exhalaient  dans  leurs  chants  mille 
plaintes  diverses,  ô  roi!  et,  éclatant  en  sanglots,  elles  soupi- 
raient après  la  vue  de  Crichna*; 

2.  quand  à  leurs  yeux  apparut,  le  visage  souriant,  vêtu 

•  i5  b.  —  Sur  trnli,  voy.  la  préface,  p.  388;  suivant  la  glose,  c'est 
un  demi  xana  ou  l'espace  que  le  soleil  parcourt  en  un  instant.  —  d. 
Driçâm  pcurmahrit  =  Drahmâ;  cf.  nirviveko  vidhdld  dans  les  InJ.  Spr. 
2971. 

-    1 7  (Z.  —  La  glose  explique  le  nom.  sprihâ  on  suppléant  bhavati. 
•"'    i^d.  —  Kûrpa  [=  siixnmpâsâna]  n'est  pas  clans  les  dictionnaires 
avec  le  sens  qu'il  a  ici. 

*  I.  — Cf.  F.  P. /,2. 


PANTCHADHYAYJ.  /i35 

d'une  robe  jaune  et  paré  de  sa  guirlande,  lepelil-llls  deÇiira, 
qui  trouble  celui-là  même  qui  Irouble  les  cœurs  '. 

3.  En  voyant  leur  bien-aimé  de  retour,  les  jeunes  femmes , 
ouvrant  les  yeux  de  bonheur,  se  levèrent  toutes  au  même 
instant  comme  les  membres  à  l'arrivée  du  souffle  de  vie  ^. 

[\.  L'une  prenant  la  main  de  Çauri,  pareille  au  lotus,  la 
portait  avec  joie  sur  son  front  dans  les  siennes;  une  autre  sou- 
tenait sur  son  épaule  le  bras  de  Crichna,  orné  de  sandal. 

5.  Une  jeune  beauté,  joignant  les  mains,  y  recueillait  une 
bouchée  de  bétel '^;  une  autre,  brûlant  d'amour,  posait  sur 
ses  seins  son  pied  pareil  au  lotus. 

6.  Une  autre,  fronçant  les  sourcils,  semblait  vouloir 
dans  un  transport  d'amour  et  de  colère  le  tuer  de  ses  regards 
obliques  et  insultants,  en  se  mordant  les  lèvres  *. 

7.  Telle  qui  savourait,  les  yeux  immobiles,  le  lotus  de 
son  visage,  le  dévorait  sans  pouvoir  se  rassasier,  comme  les 
saints  aux  pieds  de  l'Etre  suprême  ^ 

'  3  a.  —  Cricbna  était  petit-fils  de  Çûra  par  son  père  Vasudéva, 
IX, XXIV,  25  etsuiv.  —  d.  Manma</iama/imaf/ia  «amour  de  l'amour», 
c'est-à-dire  qui  Irouble  l'amour  lui-même,  sâxât  iasya  [kânmsya)  api 
mohalta  ilY  arthah.  C'est  un  des  traits  cités  par  le  scholiaste  en  tête  de 
\aPantchâdhjâjî{\Aa  note  de  l'introduction,  p.  386);  cf.  11,11,  7,  et 
la  trad.  de  Burnouf  :  «  Si ,  voulant  entrer  dans  le  cœur  de  Bhagavat ,  la 
colère  tremble  de  crainte,  comment  l'amour  pourrait-il  y  trouver  un 
asile?»  et  un  composé  analogue  bhibhayam,  eu  parlant  de  Crichna. 

*  3  d.  —  Tanvah==karacaranàdajah.  Les  dictionnaires  ne  donnent 
pas  le  sens  de  membre  a  tanu.  La  même  comparaison  se  retrouve  JX,  x , 
46,et  X.LViii,  2;  allusion  à  un  passage  du  Véda,  publié  et  traduit  par 
Burnouf,  préf.  du  1"  vol.  du  Bh.  P.  p.  cxxxvi  et  suiv. 

•^  5  b.  —  Carvila  n'est  pas  dans  les  dictionnaires,  j'en  ai  Aiitunsyn. 
de  carvana;  cf.  hasita,  hasana,  etc. 

*  6  c.  —  Axepa  =  paribhava;  hata  =  halâxa,  ce  dernier  sens  n'est 
pas  dans  les  dictionnaires.  Sur  la  pensée  cf.  pradaxyantîvaixata ,  IV, 
IV,  2,  ci-dessus  xxxi,  2  d  note,  et  M.  Bh.  I,  Sooq. 

^  7.  —  Cf.  V.P.hli.  —  c.  La  métaphore âp{ta{d.\c\aiinbibitaure) 
est  ramenée  quelquefois  à  une  simple  comparaison  :  drigbhyâm  pra~ 
paçyan  prabibann  iva,  IV,  ix,  3.  —  (/.  Les  pensées  pliilosophiques, 


436  MAI-JUIN   1865. 

8.  Telle  aulre,  l'introduisant  clans  son  cœur  par  l'ouver- 
ture de  ses  yeux  aussitôt  refermés,  et  frissonnant  de  plaisir, 
reste  en  adoration  ,  inondée  de  joie  comme  un  ascète  '. 

9.  Toutes,  élevées  par  la  vue  de  Kéçava  au  comble  de  la 
félicilé,  elles  furent  affranchies  de  la  douleur  qui  naît  de  la 
séparation  :  ainsi  les  hommes ,  une  lois  réunis  à  celui  qui 
possède  la  science^. 

10.  Le  cœur  libre  de  souci,  elles  entouraient  le  bienheu- 
reux Alchyuta,  qui  resplendissait  d'un  éclat  suprême,  ô  roi! 
comme  le  Purucha  entouré  de  ses  énergies  ^  ; 

11."  alors  que ,  les  prenant  avec  lui ,  le  seigneur  entra  dans 
nie  delaKâlindî,  peuplée  d'abeilles  qu'attire  la  brise  em- 
baumée des  jasmins  épanouis  et  des  mandàras, 

12,  (île)  fortunée,  d'où  la  lune  d'automne,  par  la  multi- 
tude de  ses  rayons,  chasse  les  ténèbres  de  la  nuit,  où  la 
Crichnâ%  étendant  ses  vagues  comme  des  mains,  accumule 
les  cailloux  polis. 

prodiguées  ici,  reviennent  encore  ailleurs  :  neçah. .  .  hleçà  jnânodaye 
yathâ,  IV,  xt,  2.  Cf.  aussi  V.  P.  /jo,  et  Bôhtl.  Ind.  Spràche,  20^g. 

^   S  h.  —  Kritya  pour  hritvâ. 

^  9  d.  — Prâjnam^=içvaram,  ou  bien  «  le  sage  qui  connaît  l'être  su- 
prême, »  brahmajùam;  ce  qui  revient  presque  au  même ,  car  c'est  Bha- 
gavat  qui  transmet  la  science  par  l'intermédiaire  du  précepteur,  un 
précepteur  est  Bhagavat  lui-même,  VII,  xv,  29;  ou  bien  encore, 
saasupkim  [prâpya ) yalhâ  viçvataijasâvaslhâ  jîvâli. 

^  10.  —  Purasali  çakdhhir  yalhâ  «rame  suprême  entourée  des 
qualités  de  bonté,  etc.»  cf.  ci-dessus,  xxix,  i4;  ou  bien  \epurusa*k 
l'œuvre,  »  updsaka  «  entouré  de  la  science ,  de  la  force,  de  l'énergie;  » 
ou  bien  \c  purusa  anuçayi  [çaydnani  vd  guluiçayam  «endormi  dans  le 
mystère,  »  par  opposition  à  prexcmîyehitani  «  donnant  le  spectacle  de 
ses  œuvres,  »  III ,  xxviii,  19),  entouré  de  la  Prakriti  et  de  ses  autres 
énergies  en  puissance,  prakrityâdynpâdhihh'irvrkah. 

*  1  1. —  La  glose  rattache,  par  la  construction,  les  stances  1  1  et 
1  2  au  verbe  vyarocata  de  la  stance  \  o. 

*  12  c.  —  Krisnd  (la  noire)  =  Vamunâ;  cf.  dans  les  Ind.  Sprûche 
de  Bôhtl.  629  :  Ydiimnam  amhu  kajjcddbham.  —  Haslutanda ,  l'ordre 
inverse  est  pins  ordinaire;  cf.  dans  le  M.  Bh,  i,  121/1 ,  vicîhastuili. 


PAiNTCHADHYAYI.  /i37 

1 3.  Affranchies  de  îa  tristesse  par  la  joie  de  le  contempler, 
elles  obtinrent,  comme  les  Védas\ l'objet  de  leurs  désirs;  et 
de  leurs  vêlements  tachetés  du  safran  de  leurs  seins,  elles 
firent  un  siège  à  celui  qui  réside  au  fond  des  cœurs. 

1  Ix.  Quand  il  s'y  fut  assis ,  Bhagavat ,  le  Seigneur  qui  siège 
dans  le  cœur  des  maîtres  du  Yoga^,  brillait  au  milieu  des  Go- 
pîs  en  adoration  devant  lui,  revêtu  d'un  corps  qui  réunit  la 
beauté  des  trois  mondes. 

i5.  Après  qu'elles  eurent  honoré  celui  qui  les  embrase 
d'amour  et  pressé  ses  mains  et  ses  pieds  sur  leurs  seins,  en 
donnant  à  leurs  sourcils  un  mouvement  gracieux  accompagné 
de  regards  aimables  et  souriants,  elles  dirent  avec  des  éloges 
mêlés  de  quelque  dépit  \ 

Les  Gopîs  dirent  : 

16.  «Quelques-uns  aiment  quand  ils  sont  aimés;  d'au- 
tres, même  quand  ils  ne  le  sont  pas;  d'autres  encore  n'ai- 
ment jamais,  aimés  ou  non.  Oh  !  daigne  nous  expliquer  cela.  » 

Le  Bienheureux  dit  : 

17.  «Ceux  qui  aiment  pour  être  aimés,  ô  amies!  n'ont 

•  1 3  è.  —  Çrutayo  yalhâ.  «  Voici  le  sens ,  dit  la  glose.  De  même  que 
dans  le  Karmahhânda ,  ou  la  partie  qui  traite  des  œuvres  ,  les  Védas  ne 
voyant  pas  le  souverain  seigneur  sont  incomplets  à  cause  des  liens  des 
pratiques  diverses  ;  tandis  que ,  dans  la  partie  qui  traite  de  la  science , 
jhânakhânda ,  ils  voient  le  souverain  seigneur  et,  remplis  de  joie  à 
cette  vue,  ils  sont  affranchis  des  liens  des  œuvres,  de  même  celles- 
ci,  etc.  »  Sur  l'insuffisance  du  Véda,  ou  plutôt  du  Kannakhânda ,  voy. 
le  discours  du  brahmane  au  roi,  V,  xi ,  2  et  suiv.  —  (/.  Atmahandhave 
=  antaryâmine  et  «proche  parent,»  d'après  un  dictionnaire  indi- 
gène cité  par  Bôlill.  Le  mot  peut  être  pris  dans  les  deux  sens.  Cri- 
chna,  réputé  fils  de  Nanda,  était  regardé  comme  un  parent  par  les 
habitants  du  parc. 

2  ll^.  —  La  pensée  du  premier  hémistiche  est  une  de  celles  qui  re- 
viennent le  plus  souvent;  cf.  entre  autres  passages, IV, xxiv,37,p«ci- 
sade,  et  la  glose  :  hamsah  çiicisad  iti  çruteh. 

^   i5  d.  —  Hiatus  dans  un  pada,  cf.  note  sur  XXX,  2^  b. 
V.  29 


438  M  AI- JUIN  186  5. 

en  vue  que  leur  intérêt  propre;  il  n'y  a  là  ni  affection  ni 
devoir;  c'est  calcul  égoïste  et  rien  autre. 

18.  «  Là  où  l'amour  n'est  pas  payé  de  retour,  comme  chez 
les  êtres  compatissants  '  et  chez  les  pères,  là  est  le  devoir  par- 
tait et  le  dévouement,  ô  toutes  belles  ! 

19-  «Quelques-uns  n'aiment  pas  même  qui  les  aime,  en- 
core moins  qui  ne  les  aime  pas.  Ce  sont  ceux  qui  trouvent 
le  bonheur  en  eux-mêmes^,  ou  dont  les  désirs  sont  satisfaits, 
les  ingrats,  ceux  qui  maltraitent  un  gourou. 

20.  «Quant  à  moi,  ô  amies!  si  je  n'aime  pas  les  êtres  qui 
m'aiment,  c'est  pour  qu'ils  se  livrent  à  la  dévotion  :  ainsi 
riiomme  tombé  dans  la  pauvreté  par  la  perle  des  trésors  qu'il 
avait  amassés,  n'a  de  souci  et  de  pensée  que  pour  eux'. 

21.  «  De  même,  ô  femmes  qui  pour  moi  avez  renoncé  au 
monde,  au  Véda  et  à  tous  les  vôtres!  c'est  pour  que  vous 
me  soyez  dévouées  que,  vous  aimant  à  votre  insu,  je  me  dé- 
robe à  vos  yeux'*.  Ne  blâmez  donc  pas  votre  bien-aimé,ôbien- 
aimées  ! 

22.  «  Non,  je  ne  puis  reconnaître  le  mérite  de  votre  atta- 
chement désintéressé,  même  en  vous  donnant  de  vivre  au- 

^  18  b.  —  Karuna,  en  ce  sens,  n'est  pas  dans  les  dictionnaires;  cf. 
ci-dessous,  xxxiii ,  21. 

^  19  c.  — Atmârdmâh  =  aparâijdricah  «  ceux  qui  n'ont  pas  d'yeux 
pour  les  objets  du  dehors.  » — d.  Les  gourous  sont  le  précepteur,  le  père 
et  la  mère,/n(/.  Spr.  i8o4.  On  donne  aussi  ce  nom  à  tout  bienfaiteur, 
upakartâ  gurutuljah ,  sch. 

^  20  d.  —  Nibhrita  =  pûnïa,  vyâpta,  sens  inconnu  des  diction- 
naires ;  anyan  na  veda  «  il  en  perd  le  boire  et  le  manger,  »  xutpipâsâdi , 
dit  la  glose. 

''  21a.  —  Loka  =  juklœyukta  :  veda  =  dharmddharnia.  Cf.  X , 
XLVi,  4:   td  mannianaskd  malprând  madarthe  tyaktadaihikdh  \ 

ye  tyaktalokadharmdç  ca  madarthe  tân  bibharmy  akam  |j 
et  X,  XLVii,  9  :  tyaktalaukikâh ,  en  parlant  des  Gopîs. —  c.  Paroa;a  «in- 
visible,» cf.  paroxajit[Ul,xyinyli)  «vainqueur  invisible,  a  Pour  l'idée 
exprimée  ici,  cf.  IV,  xxviii,  65  :  paroxapriyadevabhagavân  «  Bhagavat 
est  le  dieu  ami  du  mystère.  »  En  effet,  il  entend  leurs  paroles  affec- 
tueuses, dit  la  glose,  bien  qu'elles  ne  le  voient  pas. — -  d.  Mâ=mâm. 


PANTCHADHYAYI.  439 

tant  que  les  dieux,  ô  vous  qui  m'avez  aimé'  jusqu'à  briser 
les  chaînes  indesiruclibles  de  la  famille  !  Que  vos  mériles 
soient  leur  récompense  à  eux-mêmes  !  » 


CHAPITRE   XXXlll. 

Çuka  dit  : 

i.  En  entendant  de  la  bouche  de  Bhagavafc  ces  paroles 
pleines  de  charmes,  les  Gopîs  furent  affranchies  de  la  dou- 
leur qui  naît  de  la  séparation,  et  sa  présence  mit  le  comble 
à  leurs  vœux. 

2.  Alors,  sous  la  conduite  de  Govinda,  commencèrent  les 
jeux  du  râsa^  que  célébraient  avec  lui  ses  femmes  dévouées 
et  joyeuses,  brillantes  comme  des  perles,  en  se  tenant  entre 
elles  parle  bras. 

3  et  4^.  La  fête  du  rasa,  embellie  par  le  cercle  des  Gopîs, 
était  menée  par  Grichna ,  qui,  usant  de  sa  puissance  magique 
et  se  plaçant  entre  elles,  deux  à  deux,  les  tenait  embrassées 
par  le  cou;  et  chaque  femme  croyait  qu'il  était  auprès  d'elle. 
Cependant  le  ciel  se  couvrit  de  cent  chars  montés  par  les 
dieux  en  compagnie  de  leurs  épouses ,  et  le  cœur  consumé 
de  regret. 

5.  Alors  les  tambours  retentirent,  des  pluies  de  fleurs 
tombèrent  du  ciel  et  les  chefs  des  Gandharvas  chantèrent  avec 
leurs  épouses  sa  gloire  sans  tache. 

6.  Les  bracelets,  les  anneaux  des  pieds  et  les  clochettes 
des  femmes,  accompagnées  de  leur  bien-aimé,  produisaient 
un  bruit  confus  dans  le  cercle  du  rasa  *. 

^   2  2  c.  —  Yâh=  hhavatyah,  sch.  cf.  xxx,  gcd  et  la  note. 

^   1  b.  —  Basa  ■■=  bahunartahîyuhto  nrityaviçesah. 

^  3-4.  —  Le  sch.  fait  remarquer  que  la  o'  st.  a  trois  hémistiches 
et  quelle  enjambe  d'un  pied  sur  la  suivante,  axaracalustayâdhikena 
sârddhena.  —  VS.  V.  P.  hi-liç,  et  la  note  de  Wilson ,  p.  538  de  sa 
traduction. 

4  6,— Cf.  V.P.  5o. 


29 


440  MAI  JUIN   1865. 

7.  Là  resplendissait  sous  l'éclat  de  ses  femmes  le  Bienheu- 
reux ,  fils  de  Dévakî,  comme  une  grosse  émeraude  parmi  des 
pierreries  aux  reflets  d'or  '. 

8.  Tandis  que,  à  frapper  la  terre  du  j)ipd,  à  agiter  les 
bras,  à  mouvoir  les  sourcils  avec  grâce  on  souriant,  à  se  bri- 
ser la  taille^,  à  faire  bondir  leurs  seins  et  flotter  leurs  voiles; 
tandis  qu'à  secouer  sur  leurs  joues  leurs  boucles  d'oreilles 
la  sueur  inondait  leur  visage,  et  que  leurs  cheveux  et  leurs 
ceintures  se  dénouaient,  les  femmes  de  Crichna  brillaient  en 
chantant  ses  louanges,  comme  les  éclairs  sur  le  cercle  du 
nuage. 

9.  Elles  chantaient  avec  force  en  dansant,  variant  le  son 
de  leurs  voix,  s'enivrant  de  plaisir  et  transportées  de  joie  aux 
caresses  de  Crichna  dont  la  louange  remplit  le  monde. 

'7  a.  —  Tâbhih  svarnavarnâbhih ,  sch.  On  sait  que  Crichna  était 
d'un  bleu  foncé.  —  c.  Suivant  la  glose,  on  bien  Témeraude,  c'est-à- 
dire  Crichna,  resplendit  entre  chaque  couple  de  pierreries  jaunes, 
kaimânâih  maninâin  madhje  madhje;  ou  bien,  sans  répéter  madhye, 
li  n'y  en  a  qu'une  seule  aux  yeux  des  Gopîs,  cjopîdristjahhiprâjerui 
vâvinaiva  madhyapadâvrktim. ,  delà  le  singulier  fupufc/te,  plus  difli- 
cile  à  expliquer  dans  la  première  interprétation.  Cf.  ci-dessus,  st.  3, 
—  d.  Mahâmarahata  ==  nîlamani  «saphir.  »  Le  premier  de  ces  mots 
est  constamment  traduit  par  «émeraude,»  et  on  y  rattache  le  grec 
(Tfidpayêos.  Il  y  en  a  de  vertes,  harinmarahata^Wll^u,  4;  de  foncées, 
marahataçjâmavapuseyWU,  xvt,  3  (=  megliaçjâmayV\[\,\u,  1 7, égale- 
ment appliqué  à  Bhagavat);  les  vertes  elles-mêmes  ont  des  reflets 
foncés,  VIII,  II,  l\.  La  glose  ne  donne  d'explication  que  sur  ce  dernier 
passage,  harit=  pâlàçavurna.  Le  marakata,  dans  certains  cas,  peut-il 
se  confondre  avec  la  pierre  d'un  bleu  foncé,  nUamani?  xJ'ai  passé 
huit  jours,  dit  le  prince  SollykofT,  dans  les  montagnes  qui  s'appellent 
Nilguerries ,  ce  qui  veut  dire  les  montagnes  bleues,  apparemment 
parce  qu'elles  apparaissent  bleues  aux  Indiens  des  plaines;  mais 
elles  sont,  au  contraire,  éternellement  vertes,  .l'ai  entendu  dire, 
d'ailleurs,  que  nil  veut  dire  indifféremment  bleu  et  vert.»  (  Voyages 
dans  l'Inde,  p.  117.) 

^  8  b.  —  Bliajjat  =  bhajyamâna  de  bhamj.  Cf  VIII ,  xn ,  i  9. —  Au 
3*pada,  si  on  \\t°grantliayah  au  lieu  de  °agrantliaYah ,  on  a  un  sens 
tout  opposé,  admis  aussi  par  le  scholiaste. 


PAiNTCHADHYAYI.  hliY 

lO.  Certaine  Gopî,  accompagnée  par  Mukunda  sur  une 
clef,  chanlait  sur  une  autre;  et  lui,  prenant  plaisir  à  l'en- 
tendre, l'honorait  en  disant  :  u  Très-bien!  très-bien!»  Elle 
chanlait  le  refrain,  et  il  lui  témoignait  beaucoup  d'estime  \ 

il.  Une  autre,  épuisée  de  fatigue  par  le  rasa,  appuyant 
son  bras  sur  l'épaule  du  héros  armé  d'une  massue,  qui  se 
tenait  auprès  d'elle,  laissait  flo!  1er  ses  bracelets  et  les  jasmins 
de  sa  guirlande. 

12.  L'une  d'elles,  qui  soutenait  sur  son  épaule  le  bras  de 
Cricbna  imprégné  de  sandal ,  sentant  le  parfum  délicieux  qu'il 
exhalait,  le  baisait  en  tressaillant  de  plaisir  ^ 

i3.  A  une  autre,  qui  pressait  sur  sa  joue  la  joue  (du 
héros)  embellie  par  d'éclatants^  pendants  d'oreilles  qu'il  agi- 
tait en  dansant,  il  donnait  une  bouchée  de  bétel. 

1/4.  Tout  en  dansant,  en  chantant  et  en  faisant  résonner 
les  anneaux  de  ses  pieds  et  (les  clocheltes)  de  sa  ceinture, 
une  autre,  accablée  de  fatigue,  prenant  la  main  propice 
d'Atchyuta ,  qui  se  tenait  auprès  d'elle ,  la  posait  sur  ses  seins. 

i5.  Les  Gopîs  réunies  au  bien-aimé  Atchyuta,  le  favori 
préféré  de  Çrî  entre  tous,  se  livraient  à  la  joie  et  chantaient 
ses  louanges,  pendant  qu'il  les  tenait  parle  cou  dans  ses  bras. 

16.  Les  oreilles  parées  delolus,  les  joues  ornées  de  bou- 
cles de  cheveux,  le  visage  élincelant  de  sueur,  les  Gopîs 
dansaient  au  son  des  bracelets,  des  anneaux  des  pieds,  des 
clochettes  et  des  instruments  de  musique,  en  compagnie  de 
Bhagaval ,  laissant  tomber  les  fleurs  de  leur  chevelure,  dans 
la  salle  où  les  abeilles  tenaient  lieu  de  musiciens. 

17.  Ainsi,  parmi  les  embrassejiienls,  les  attouchements 
voluptueux,  les  amoureux  regards,  les  jeux  effrénés  et  les 
rires,  l'époux  de  Rama  goûtait  le  bonheur  avec  les  belles  du 
parc ,  comme  l'enfant  qui  s'amuse  de  la  réflexion  de  son  image. 

^  9-10.  —  Cf.  le  Preni  Sacjar,  p.  64  de  la  traduction  anglaise.  — 
9  d.  Yad(jîtena ,  etc.  cf.  urugâya,  III,  v,  44. 

2   11-12.  — Cf.  F.  P.  [)2-53. 

^  i3  6.  —  Tvisa.  Les  dictionnaires  ne  donnent  que  Ivis  et  Ivisâ, 
cf.  22  a.  ci-dessons. 


442  MAI-JUIN  1865. 

18.  La  joie  d'être  unies  à  lui  troublant  tous  leurs  sens,  les 
femmes  du  parc  n'avaient  pas  la  force  de  relever  soudain  ' 
leurs  cheveux,  leur  robe  ou  le  voile  de  leur  sein,  et  elles 
laissaient  tomber  leurs  guirlandes  et  leurs  ornements,  ô  des- 
cendant des  Rurus  ! 

19.  A  la  vue  des  jeux  de  Crichna,  le  trouble  s'empara 
des  épouses  des  dieux  en  proie  aux  tourments  de  l'amour; 
et  la  lune,  ainsi  que  les  constellations,  en  fui  émer- 
veillée^. 

20.  Le  Bienheureux,  se  multipliant  autant  de  fois  qu'il  y 
avait  de  Gopîs,  goûta  le  bonheur  avec  elles  en  se  jouant,  lui 
qui  trouve  son  bonheur  en  lui-même  \ 

2 1 .  Les  voyant  fatiguées  par  ces  violents  ébats ,  (le  héros) 
compatissant  leur  essuyait  le  visage  avec  amour  de  sa  main 
propice ,  ô  roi  î 

22.  D'un  regard  souriant  que  rehaussait  l'éclat  de  leurs 
joues,  où  brillaient,  mêlés  aux  boucles  de  leurs  cheveux,  d'é- 
lincelanls  pendants  d'oreilles  en  or,  les  Gopîs,  honorant  le 
héros,  chantaient,  ivies  de  joie  au  contact  de  ses  ongles,  les 
actions  méritoires  qu'il  avait  accomplies. 

23.  Confondu  an  milieu  d'elles  et  suivi  d'abeilles,  pa- 
reilles aux  chefs  des  Gandharvas,  qu'attirait  sa  guirlande 
froissée  par  les  étreintes  de  ses  femmes  et  rougie  du  safran 
de  leurs  beaux  seins,  il  entra  dans  l'eau  pour  se  délasser  : 
tel  (y  entre) ,  épuisé  de  fatigue,  le  roi  des  éléphants  avec  ses 
conopagnes  en  brisant  les  barrières  ^. 

'    18  c.  —  Amjas  =  anijasd. 

^  19.  —  La  marche  des  astres  est  suspendue,  suivant  la  glose; 
de  là  ce  qui  est  dil  ci-dessous,  si.  Sg  a. 

'  20.  —  Cf.  in,  m,  8  et  9.  Le  scholiaste  cite  ici  deux  textes  :  la 
prière  par  laquelle  les  Gopîs  demandent  d'être  unies  à  Crichna,  cfX, 
XXII  :  nandagopasutam  devi  pat'iin  me  kurii,  et  la  promesse  de  Crichna  , 
rapportée  en  noie,  xxix,  1.  —  Notre  stance  justifie  l'épithèle  satya- 
kâma  ==  sutyasankalpa  que  nous  trouverons  ci-dessous,  st.  26  6; 
comparer  avec  ces  deux  composés  satyavikrama,  etc. 

''    23  (/.  —  Bhinnasrtn.  Ce  qui  est  dit  de  l'éléphant  doit  s'entendre 


PANTCIIADHYAYI.  443 

24-  Tandis  qu'au  milieUi  des  ondes  les  jeunes  femmes 
l'arrosaient  à  l'envi  et  lui  jetaient  de  l'eau  de  toutes  parts 
avec  une  aimable  gaielé,  ô  roi!  tandis  que  du  haut  de  leurs 
chars  les  dieux  versaient  des  pluies  de  fleurs  et  chantaient 
ses  louanges,  il  prenait  plaisir,  bien  qu'il  trouve  son  bon- 
heur en  lui-même,  à  jouer  au  milieu  d'elles  comme  le  roi 
des  éléphants  \ 

25.  El  puis,  dans  le  bosquet  de  la  Crichnâ  où  l'air  est 
embaumé  de  tous  côtés  par  l'arôme  des  fleurs  de  la  terre  et 
des  eaux,  il  se  promenait  entouré  d'une  multitude  d'abeilles 
et  de  femmes,  comme  î'élé[)hant  en  rut  avec  ses  femelles. 

26.  Ainsi,  fidèle  à  sa  promesse,  il  passait  avec  la  troupe 
de  ses  femmes  dévouées  toutes  les  nuits  éclairées  par  les 
rayons  de  la  lune  et  propices  aux  sentiments  célébrés  dans  les 
poënies  d'automne,  lui  qui  renferme  sa  jouissance  en  lui- 
même  ^. 

Le  roi  dit  : 

27.  «C'est  pour  afl'ermir  la  justice  et  pour  réprimer  le 
crime  que  Bhagavat,  le  maître  du  monde,  a  incarné  une 
portion  de  son  être. 

28.  «Comment  lui  qui  enseigne,  établit  et  protège  les 

en  ce  sens,  suivant  la  glose,  que  Crichna  foule  aux  pieds  les  usages 
du  monde  et  les  pratiques  du  Véda.  Cf.  I,  xviii,  35;  et  ci-dessous 
28  a. 

^  2lid.  —  Gajeiidralila,  cf.  V,  xviii ,  39,  où  la  comparaison  est  ex- 
primée à  la  manière  européenne  :  krîdann  ivehhah. 

^  26. — J'ai  suivi  la  première  interprétation  du  scholiaste;  d'après 
la  seconde,  il  faudrait  séparer °/vaf/td  de  rasâçrajâh ,  et  faire  du  com- 
posé '^niçâk, un  compl.  circonstanciel  de  siscve.  —  c.Sauratah  =  cara- 
madhâtuh.  Dans  une  des  énumérations  de  dhâtu,  rapportées  par  Bôhtl. 
dans  son  dictionnaire,  le  septième  et  le  dernier  est  le  samen;  il  y  a 
peut-être  là  une  comparaison  implicite,  tout  à  l'avantage  de  Vichnu  , 
avec  ce  qui  est  raconté  de  Çiva  poursuivant  Vicbnu  déguisé  en  cour- 
tisane, Vin,  XII,  32  ;  cf.  en  outre  dans  le  M.Bh.l,  aSSo,  la  légende 
de  Vasu,  iasya  retali  pracaskanda.  —  d.  Çaralkâvya ,  cf.  V.  P.  5o. 


444  MAI-JUIN  1865. 

barrières  de  la  justice',  ô  brahmane!  a-t-il,  au  mépris  de  la 
justice,  louché  à  des  femmes  qui  n'étaient  pas  à  lui  ? 

29.  «  Puisque  ses  désirs  sont  satisfaits ,  que  voulait  le  chef 
des  Yadus,  quand  il  commit  cet  acte  blâmable?  Dissipe  le 
doute  qui  s'élève  en  nous,  ô  pieux  solitaire!  » 

Guka  dit  : 

30.  «  Parce  que  des  grands  ont  violé  la  loi  et  commis  un 
crime,  gardons  de  l'imputer  à  faute  à  ces  élres  puissants,  non 
plus  qu'au  feu  de  tout  dévorer  \ 

3 1 .  «  Que  jamais  nul ,  s'il  n'est  leur  égal ,  ne  commette  un 
tel  acte  même  en  pensée;  ainsi  tout  autre  que  Rudra  périt  à 
avaler  follement  le  poison  sorti  de  l'Océan  \ 

32.  «  Ce  que  disent  les  grands  est  bien  ;  ce  qu'ils  font ,  l'est 
quelquefois.  D'eux,  le  sage  n'imite  que  ce  qui  est  conforme 
à  leurs  discours  ''. 

33.  «  Il  n'y  a  pour  eux  ici-bas  ni  avantage  à  bien  faire,  ni 
dommage  à  mal  faire,  6  roi  !  parce  qu'ils  n'ont  pas  de  person- 
nalité. 

34.  «  A  plus  forte  raison  le  rapport  de  bien  et  de  mal 
n'existe  pas  entre  le  Seigneur  de  tous  les  élres,  animaux, 
morlels  ou  dieux,  et  les  créatures  qui  lui  sont  soumises. 

35.  a  Quand  ceux  qui  se  sont  complu  à  adorer  la  pous- 

*  28  b.  —  Bhagavat  crée  et  protège  les  barrières  de  la  loi,  III, 
IX ,  1 9.  c.  Pratîpam  =  pradkûlam.  Les  femmes  des  autres  doivent  être 
respectées  comme  une  mère,  mâtribhakiih  parastrisu,  IV,  xv!,  17. 

^  3o.  —  Sur  le  nom  dlçvara  donné  à  d'autres  qu'à  l'être  suprême , 
cf.  I,  III,  27  (lesRichis,  etc.  sont  réputés  tous  des  portions  deHari), 
et  l'emploi  du  nom  français  seigneur. 

^  3i.  —  Il  s'agit  ici  du  poison  kdlahâki  avalé  par  Rudra  ou  Çiva. 

^  32.  —  M.  Muir,  tjuem  honoris  causa  nomino ,  en  traduisant  ainsi 
le  deuxième  hémistiche,  Let  a  wise  man  observe  their  command  which 
is  right,  semble  avoir  lu  séparément  svavaco ynham ,  qu'il  faut  réunir 
comme  le  veut  la  glose,  tesàm  vacasd  yad  yuktam  aviruddham  tat; 
d'ailleurs,  tout  ce  que  disent  les  grands  est  bien,  satyani  vacali:  c'est 
entre  leurs  actions  qu'il  faut  choisir  celles  qu'on  peut  imiter. 


PANTCHÀDHYÀYÏ.  445 

sière  de  ses  pieds,  pareils  au  lotus,  sont  délivrés  de  tous  les 
liens  des  œuvres  par  la  puissance  du  Yoga;  quand  les  mu- 
nis marchent  libres  et  sans  entraves,  comment  celui  qui  a 
pris  un  corps  de  sa  propre  volonté  serait-il  enchaîné  par  les 
œuvres  ? 

36.  «En  révélant  un  corps  ici-bas,  lui  le  régulateur  su- 
prême, qui  se  moût  au  sein  des  Gopîs,  de  leurs  époux  et  de 
tous  les  êtres  animés,  il  ne  faisait  que  se  jouer  ^ 

87.  «  C'est  par  bienveillance  pour  les  êtres  qu'il  prend  un 
corps  humain  et  se  livre  à  ces  jeux,  afin  qu'on  s'attache  à  lui 
en  en  écoutant  le  récit. 

38.  lEt,  certes,  les  habitants  du  parc,  troublés  par  sa 
puissance  magique,  n'ont  eu  garde  d'accuser  Crichna,  per- 
suadés que  leurs  femmes  étaient  auprès  d'eux. 

39.  «Quand  la  nuit  de  Brahujâ  fut  terminée ^  les  Gopîs, 
qu'avait  troublées  Je  fils  de  Vasudésa,  retournèrent  à  regret 
dans  leurs  maisons,  le  cœur  plein  de  Bhagavat. 

40.  «  Et  quiconque  écoute  et  raconte  avec  foi  ces  jeux  de 
Vichnu  avec  les  femmes  du  parc,  animé  soudain  d'une  dé- 
votion profonde  pour  Bhagavat,  il  est  affranchi  du  désir  qui 
ronge  le  cœur,  et  affermi  dans  la  sagesse.  »  ^ 

»  36.  —  Cf.  V.  P.  60. 

-  39  a.  —  Brahinarâtra  upâvritle  =  hrâhme  muhurte  prâpte,  cf. 
Dasam  Ashandj  Ir.  Pavie,  p.  109  :  «Et  il  se  trouva  qu'une  nuit  du 
jour  de  Brahine  était  terminée;»  le  Prem  Sagar,  trad.  Eastwick, 
p.  65  ;  «  Meanwhile,  the  night  advanced  and  no  one  was  aware  of  it , 
and  from  that  time  tlie  name  of  that  night  has  heen  the  night  of 
Brahmâ;  »  on  peut  voir  dans  Polier,  ch.  vi,  p.  455  ,  ce  qu  est  devenu 
dans  la  tradition  populaire  ce  trait  merveilleux  de  notre  légende. 

^  4o.  —  Dans  le  Bhâgavata,  les  épisodes  sont  ordinairement  ter- 
minés comme  celui-ci ,  par  une  prière  ou  bénédiction ,  dont  la  pensée 
est  prise  dans  l'épisode  lui-même. 


446  MAT-JUrN   1865. 


LE  LIVRE 
DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES, 

PAR   IBN-KHORDADBEH, 

PUBLIÉ,  TRADUIT  ET  ANNOTE 

PAR  C.  BARETER  DE  MEYNARD. 


(suite  et  fin.) 

le     maghreb  ou  occident. 

Le  Maghreb  formait  un  quart  de  l'Empire  sous 
lancienne  monarchie  des  Perses;  son  gouverneur 
était  nommé  Kharherân-Espehboad. 

ROUTE  DE  BAGDAD  AU  MAGHREB. 

Sindjileïn(Yak.  Salyaheïn,  3  fars.),  4  fars.  — El- 
Anbar,  8  fars.  —  Ed-Derb,  7  fars.^  —  Hît,  1  2  fars. 
—  Narousyeh,  île  sur  TEuphrate,  y  fars.  —  Ela- 
dousyeh  (Kod.  Alouseh),  7  fars.  —  Ed-Dara,  6  fars. 
El-Fakhîmah  (Ed.  Odjaïmah),  6  fars.  —  Ei-Behyeh 
(Kod.  El-Behymeh),  12  fars'.  —  El-Fardhah  (Kod. 
Ei-Ardhah)  dans  la  plaine,  6  fars. —  Ouady  es-seba' 
(1  vallée  des  Hons,  »  6  fars.  —  Khilidj  «  le  canal  »  (  Ed. 
((  canal  des  Béni  Djoumah  ou  Djoumaï,  »>  ibid.  1  /i5), 

^  Kodama  écrit  c^^Jf  ;  Edriçy  cjîjî-  P^^  une  inadvertance  sin- 
gulière, Jaubert  a  lu  ejam  au  lieu  de  enijal,  et  il  traduit,  eu  con- 
séquence,  journées  au  lieu  de  milles,  II,  i44. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  kM 
5 fars.  —  Montagnes^  de  Karkisya,  7  fars.  —  Nahr- 
Sayid,  8  fars.  —  EM3ourrîn  (Kod.  El-Houran;  Ed. 
Djordjân),  \l\  fars.  —  El-Menzil  (Ed.  El-Mebrek; 
Kod.  El-Menazil),  21  fars,  (il  faut  lire  1  1  fars.)  — 
Rakkah,  ville  nommée  par  les  Grecs  Kalanikous^, 
8  fars. 

(Villes  principales)  :  Rakkah;  Harran;  Roha;  So- 
maïsat;  Saroudj ;  Hisn-Kifa;  El-Ard  el-Bei'dha  «la 
terre  blanche;»  Tell  ((colline»  de  Mauzen;  Ezze- 
waby;  El-Mazidjân;  Roçafah;  Zeïtounah.  —  Impôts 
de  la  Mésopotamie  [El-Djezireh)  :  quatre  millions  de 
dinars.  Au  rapport  d'El-ïspahâny,  l'impôt  du  Diar- 
Modar  a  été  fixé  à  la  somme  de  9,600,000  dinars, 
y  compris  les  dîmes  ^. 

^  Avant  jL^,  la  copie  B  donne  le  groupe  ^lijî.  Comme  il  n'y 
a  pas  de  montagnes  autour  de  Circesium,  le  docteur  Sprenger 
propose  de  lire  jUs».  En  acceptant  cette  conjecture,  on  devrait 
traduire  :  «de  là  à  Elghas,  en  face  de  Circesium,  7  fars.» 

^  Callinicum  est  le  premier  nom  de  cette  ville  fondée  par  Se- 
leucusCallinicus.  (D'Anville.)  La  distance  compkHe  est  ici  i34  fars, 
dans  Kodama  on  lit  126  seulement;  mais  il  est  vrai  que  son  itiné- 
raire omet  deux  étapes.  D'après  Edriçy,  il  y  a  en  tout  872  milles, 
ou  12/i  fars.,  ce  qui  établit  une  différence  de  10  fars,  entre  son  iti- 
néraire et  le  nôtre.  Il  importe  de  remarquer  qu'indépendamment 
de  cetle  route,  laquelle  suit  la  rive  de  i'Euphrate,  il  y  a,  ainsi  que 
l'atteste  Kodama,  un  chemin  pins  direct,  par  l'intérieur  du  pays, 
jusqu'à  Deïr,  où  l'on  rejoint  I'Euphrate.  Dans  Edriçy  il  est  fait  aussi 
mention  d'une  voie  qui  traverse  le  désert  et  abrège ,  de  cinq  journées 
environ  ,  la  durée  du  voyage. 

'  D'après  cette  seconde  version  ,  le  revenu  de  la  province  présen- 
terait une  différence  de  plus  du  double.  Comme  je  l'ai  dit  ailleurs, 
ce  témoignage  paraît  n'avoir  été  invoqué  par  l'auteur  que  pour  four- 
nir de  plus  amples  matériaux  et  d'autres  points  de  comparaison  à 
l'histoire  économique  du  khalifat.  Cependant  il  ne  serait  pas  impos- 


448  MAI-JUIN    1865. 

Division  administrative  de  l'Euphrate  :  Karkiçya; 
KliaboLir;  Rahbah;  Eddalyali  «la  vigne;  »  Anal;  El- 
Hadîlhah;  Hit;  Elanbar;  Beïder;  Masîn  ;  Somaïsat; 
Es-Sikr^...    Tabân;    Bir   el-Alya;    Bir    es-Soufla. 
Telles   sont  les  villes  nommées  villes   dii  Khaboar. 
Les  stations  de  cette  route,  en  partant  de  Rakkah, 
sont:    Douser;    Balès,    où   Ton    passe   l'Euphrate; 
Khousaf;  Naourah;  Aiep;  Rinnisrîn.  —  La  province 
de  Rinnisrîn  comprend  les  districts  suivants  :  Maa- 
rat-Moft în '^  ;   Berdjewân;  Sermîn;  Djebar  el-Açab 
Dolouk;  Raabân;  Alep.  —  Places  fortes^  :  Kourès 
El-Djoumeh;  Menbedj;  Antakyeh;  iNirîn;  Loubna 
Balès;  Rossafah  u  la  chaussée  »  de  Hicham  ,  iils  d'Abd 
el-Mélik.  —  L'impôt  de  la  province  de  Rinnisrîn 
et  des  places  fortes  se  monte  à  600,000  dinars. 

De  Rinnisrîn  on  se  rend  à  Chîzer,  puis  à  Hamat, 
puis  à  Hims  (Emèse).  La  province  de  Hims  ren- 
ferme les  districts  suivants  (dans  ce  pays,  on  donne 
au  district  le  nom  d'Iklim  u climat»)  :  Cbîzei  ;  Afa- 
myah;  Marat  en-No'mân;  Sourân;  El-Atmîn;  Tell- 

sible  que  les  chiffres  généraux  donnés  ici  et  dans  d'autres  passages, 
sur  la  foi  d'EMspahàny,  fussent  simplement  des  annotations  mar- 
ginales, introduites  plus  tard  dans  le  texte  par  un  copiste. 

^  Le  mot  qui  suit  n'est  pas  ponctué.  Le  groupe  entier  répond  au 
Sikket  el-Âhhas  d'Edriçy,  II,  i  5/i. 

^  La  copie  B  porte  Marin.  Il  est  parlé  de  Marat-Mofrîn  et  de  la 
ville  de  Naourah  dans  les  fragments  de  l'histoire  d'Alep,  publiés  par 
Frevlag,  6  et  passim. 

•'  La  nomenclature  des  places  frontières  se  trouve  textuellement 
dans  le  traité  d'Ibn-Haukal,  et  elle  est  citée,  d'après  ce  dernier,  par 
Abou'lféda,  texte,  p.  2  33.  La  seule  variante  qui  mérite  d'être  notée 
est  Tizin  au  lieu  de  Nirin. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  449 
Meïçerah;  Loubnân  (le  Liban);  Es-Sofrah;  les  cinq 
districts  où  l'on  cultive  le  dattier;  Ei-Ghoutas;  Na- 
wah  ;  Raçîn  ;  Damîn  ;  Koustoul  ;  Selniyah  ;  Adounah  ; 
Djoiiçyah  ;  Soudanyah  ;  Tadmor  (  Palmyre).  —  Villes 
delà  côle:  Kilata(?);  Djebelali;  Bolonyas  (Apollonie 
de  Syrie);  Natroun  (peut-être  Antartoiis,  Tortose); 
Merkabah  (Castrurn  Merghabum)  ;  Racirab;  Saka; 
Habyah;  El-Houleh  ;  Adjloun;  Barîn;  Afirama. 

ROITE    PARTANT    DE    HIMS     (ÉMÈSE). 

Djousiah  ^  lo  fars.  —  El-Kara,  3o  m.  —  Nebek, 
12  m.  —  Kotaïfah,  20  m.  —  Damas,  2/4  m.  Damas, 
qui  est  la  ville  nommée  Dhat  el-Imad^,  existait,  dit- 
on  ,  avant  le  prophète  Noé.  L'arche  partit  du  som- 
met du  Liban  et  s'arrêta  sur  le  mont  Djoudy,  dans 
le  Kurdistan.  Lorsque  les  enfants  de  Noë  se  furent 
nuiltipliés,  ils  abandonnèrent  les  serdab  (cavernes, 
voûtes  cyclopéennes)  au  roi  Nimroud ,  fds  deKouch, 

'  Ce  nom  est  Indéchiffrable  dans  les  deux  copies;  j'ai  suivi  la  le- 
çon de  \akouby,  laquelle  se  trouve  aussi  dans  Ko  Jama  et  Mokad- 
dessy,  il  faut  lire  avec  ces  trois  écrivains  i3  milles,  au  lieu  de  10  fars, 
que  porte  notre  texte.  Il  est  à  remarquer  que  la  route  décrite  par 
Ibn-Kliordadbeh  est  une  de  celles  que  suivait  la  poste,  mais  elle  pas- 
sait par  Nebek,  tandis  que  l'autre,  mentionnée  par  Mokaddessy, 
passait  par  Ba'lkek;  elles  avaient  à  peu  près  la  même  étendue,  en- 
viron 200  kilomètres. 

^  La  ville  aux  piliers .  allusion  au  passage  du  Koran,  LXXXIX,  5 
et  suiv.  Ce  n'est  pas,  à  proprement  parler,  Damas  même,  mais  bien 
un  temple  d'origine  prétendue  adite,  et  nommé  Djeîro un,  en  souve- 
nir de  son  fondateur,  qui  est  l'objet  de  la  légende  musulmane.  Ma- 
çoudy,  après  avoir  résumé  les  différentes  versions  qui  circulaient, 
de  son  temps,  sur  la  ville  et  le  temple  aux  piliers,  cherche  à  en  dé- 
montrer l'origine  fabuleuse.  [Prairies  d'or,  t.  IV,  p.  88,  sous  presse.) 


450  MAI-JUIN   1865. 

le  premier  qui  régna  sur  les  Juifs,  sectateurs  de  la 
Thorah.  —  Impôt  foncier  de  Hims,  3/io,ooo  di- 
nars. Mais,  suivant  Ispabâny,  il  n'a  jamais  dépassé 
1  8o,ooo  dinars  ^ 

Province  de  Damas,  districts  :  la  plaine  du  Gaw- 
tah  (banlieue  et  jardins  de  Damas);  Senîr;  la  ville 
de  Ba'lbek;  la  Bekaa  el  le  Liban;  district  de  Djou- 
nyab;  district  de  Tripoli;  district  de  Djobeïl  (ou 
Gebaïl);  Beïrout;  Saïda  et  Batbanée;  district  du 
Haurân;  district  de  Djaulân;  la  banlieue^  de  Balka; 
les  environs  du  Jourdain;  district  de  Moab;  district 
du  Djebal  ou  Montagnes;  district  de  Gbera  (ou  Obé- 
rât); Bosra;  Amman  et  El-Djabyeb. 

HOUTE    PARTANT    DE    DAMAS. 

Djaçim,  2I1  m.  —  Fîk,  2/1  m.  —  Tibériade, 
cbef-lieu  du  Jourdain ,  6  m.^  —  Impôt  foncier  de 

'  S'il  faut  en  croire  Yakouby,  l'impôt  d'Emèse,  établi  sur  une 
base  invariable,  ne  déjsasse  pas  220,000  dinars,  non  compris,  il  est 
vrai ,  les  redevances  des  biens  affermés  par  l'État.  Les  contradictions 
qu'on  remarque  dans  ces  chiffres  tiennent  surtout  à  l'âge  différent 
des  documents  que  les  trois  auteurs  avaient  sous  les  yeux.  (Voyez 
aussi  la  note  3,  ci-dessus,  p.  A47.) 

^  Littéralement  «l'extérieur»  zhahit  ;  cette  expression  est  appli- 
quée par  Yakouby  à  la  même  localité,  texte  arabe,  p.  1 1  ï. 

^  Total,  182  kiloni.  L'impôt  de  cette  province  est  à  peu  près  le 
même  dans  la  relation  de  Yakouby  :  3oo,ooo  dinars,  sans  compter 
les  domaines  affermés.  Ibn-el-Moudebbir,  dont  paile  notre  auteur, 
après  avoir  été  fait  prisonnier  par  le  chef  des  Zendjes,  sous  le  règne 
de  Mo'taded,  fut  mis  en  liberté  et  passa  au  service  d'Obeïd  Allah, 
fds  de  Suleïinân,  dernier  vizir  de  ce  khalife.  C'est  du  moins  ce  qui 
résulte  d'une  anecdote  racontée  par  Ibn-Rhallikàn  (  Vie  da  poète 
Ahou  l- A' la  ).  SWe  per-sonnagc  en  question  est  bien  celui  dont  l'an- 


LE  LIVIVE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  A51 
Damas,  /ioo,ooo  dinars,  plus  une  fraction.  El-Ispa- 
bâny  ajoute  :  d  Cet  impôt  a  été  rigoureusement  éva- 
Jué  par  Ibn  eJ-Mouclebbir;  il  se  monte,  en  y  com- 
preiiant  le  total  des  dîmes  et  la  capitation  des  Juifs, 
à  la  somme  de  i/io,ooo  dinars.» 

Districts  :  le  Jourdain;  Tibériade;  Samarie;  Beï- 
sàn;  Fahl;  Hawîm  ;  Naplouse;  Djadar;  Abil  (Méra- 
cid  :  Abil  ez-Zeït);  Sousyah;  Safouryab;  Akka  (Saint- 
Jean -d'Acre);  El-Rouds  (Jérusalem);   Sour  (Tyr). 

De  Tibériade  à  El-Lahoun,  20  m.  —  Kaïsaryeb, 
20  m.  —  Ramiab ,  chef-lieu  de  la  Palestine,  2/1  m. 
(Total,  i28kilom.)  —  Impôt  de  la  province  du 
Jourdain,  35o,ooo  dinars;  mais,  selon  Ispahàny, 
il  n'a  jamais  dépassé  la  moitié  de  cette  somme ,  non 
plus  que  l'impôt  de  la  Palestine  ^ 

Districts  de  la  Palestine  :  Ilya  ou  Beït  el-Makdes 
(Jérusalem,  jElia  Capitolina).  David  et  Salomon  y 
avaient  déposé  leurs  trésors.  De  Jérusalem  à  la 
mosquée  d'Abraham  (Hébron),  où  se  trouve  le  tom- 
beau de  ce  prophète,  on  compte  1  3  m.  —  Suite 
des  districts  :  Amwas;  Loudd;  Ramlah;  Yafa;  Kaï- 
saryeb; Sebastyeh;  Askaloun;  Ghazza;  Beït-Djebrîn. 

ROUTE    PARTANT    DE    RAMLAH. 

Azdoud,    12  m.    —   Gbazza,   20  m.    —  Rafah 

leur  invoque  ici  l'autorité ,  il  n'est  pas  facile  d'expliquer  la  différence 
énorme  des  deux  évaluations. 

^  Yakouby  donne  à  peu  près  le  même  renseignement;  il  estime 
l'impôt  du  Jourdain ,  prélèvement  fait  des  fermes,  à  1 00,000  dinars. 
L'évaluation  d'Ibn-Khordadbeh  semble  donc  exagérée  d'un  tiers  au 
moins. 


452  MAI-JUIN  1865. 

(Bekry  ;  Rafakli),  i  6  ni.  —  El-Arîch ,  dans  les  sables , 
2  II  m.  —  Warradali,  i8  nn.  —  Ghoraïbeh  (Kod. 
Bakarah;  Mok.  Nafarah) ,  20  m.  —  Faranria  (Péluse), 
2/1  m.  dans  les  sables.  —  Djordjîr,  3o  m.  —  El- 
Kaçyrah,  2/1  m.  —  Mosquée  de  Kodhaa,  18  m.  — 
Bilbîs,  21m.  —  Fostat,  capitale  de  l'Egypte,  2  4  m. 
(Total,  261  m.  =  5o2  kilom.)  L'Egypte,  patrie 
des  Pharaons,  était  nommée  aussi  Macédoine.  Fostat 
doit  son  nom  au  camp  qui  y  fut  dressé  par  Amr, 
fils  d'El-Assy.  —  Impôt  de  la  Palestine,  5oo, 000  di- 
nars ^ . 

DISTRICTS    DE    L'EGYPTE. 

Menf;  Waçîm;  Dalass;  Bousîr;  le  Fayyoum; 
Ahnas;  El-Kaïs  ;  Taha  ;  Achmounîm;  Osyouth; 
Kehfa;  Behnesa;  ïkbmîm;  Ed-Deïr  (c'est  le  couvent 
d'Abou  Chanoudah);  Abchayah;  Ermount;  Kyft; 
El-Askir  (Méraçid  :  El-Aksar);  Esnè;  Ramîl;  Oswân; 
Alexandrie;  Rolzoum  [Clisma,  Suez)  ;  Thour;  Eilah; 
MaçîletMalidous;  Kartassa;  Kliarbita;  Sabas;  Sakha; 
Nebdeh  (Yak.  Tydeh);  Aiaf-,  Loubya;  El-Awsyeh; 
Thowah;  le  Bas-Menouf;  Ghantouf;  le  Haut-Me- 
nouf;  Atrîb;  Aïn-Ghems;  Karasla(?);  Kaïinen(?);  San 


^  On  a  vu  dans  la  note  précédente  que,  d'aprtîs  une  évaluation 
plus  modérée ,  l'impôt  de  la  Palestine  n'atteignait  pas  niéme  à  200,000 
dinars.  Mokaddessy,  après  avoir  donné  les  chilTres  de  notre  auteur 
pour  les  villes  de  Kinnisrîn ,  Émèse,  le  Jourdain  et  la  Palestine, 
les  rectifie  ainsi  qu'il  suit,  d'après  ses  informations  j)articulières  : 
«Kinnisrîn  et  les  places  frontières,  36o,ooo  dinars.  —  Jourdain, 
700,000  dinars  (le  texte  me  paraît  fautif).  —  Palestine,  269,000 
dinars.  —  Damas,  400,000  dinars  et  une  fraction,  «  |  F"  1  26.) 


l 


LK  LIVHE  DE^  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  45:^ 
etlblîl;  El-Bokhoum;  Moghîrah;  Ahyâ  et  Dachnah; 
El-Hauf  occidental;  El-Hauf  oriental;  Bohaïrali  «le 
lac»  ou  région  basse ^;  Bathn  er-Rîf;  Ghorounah; 
Saïd;  Tinnis;  Dimyat;  Farama;  Dokhoula;  Bothai- 
rah;  Nakyzah;  Bosaïth;  Matharyeh;  Ternout;  El- 
Bahr(?);  Bedaryeh:  Bedakoun  ;  Cherak;  Maryout; 
Samryah  (Yak.  Wasioiah);  Bernîl;  Ansina;  Chatai; 
Debîk.  L'étendue  de  l'Egypte  en  long,  depuis 
Gbedjretein  ules  deux  arbres^,  »  et  El-Arîch  jusqu'à 
Oswân  «Syène,  »  et  en  large,  depuis  Barkah  jusqu'à 
Eïlah,  est  évaluée  à  un  mois  de  voyage. 

ROUTE   D'EGYPTE    AU    MAGHREB,   EN    PARTANT  DE  POSTAT. 

Dhat  es-Sahil  (Rod.  Dhat  es-Setasil),  2(1  ni.  - — 
Tarnout  (Marbout,  leçon  erronée  dans  Makrizy) , 
22  m.  —  Rafikab  (Rod.  Rafyah),  le  long  du  Nil, 
ili  m.  —  Rarasla(Ed.  Rarma)  ,24  m.  —  Rerboun, 
2Z1  m.  —  Alexandrie,  2 à  m.  —  Nounyah  (Rod. 
Abou-Mounyah;  Mok.  Bayyoubab),  20  m. —  Dhat 
el-Houmam  «séjour  de  la  fièvre,  «  18  m.^  —  Djen- 

'  Selon  Yakoiiby,  ce  district  se  compose  de  six  villes,  situées 
sur  la  rive  orientale  du  Nil.  (Ibid.  p.  126.) 

^  On  trouve  souvent  la  variante  Chedjreli  «l'arbre.»  Celte  bour- 
gade, située  entre  El-Arîch  et  Rafah ,  séparait  la  Syrie  de  l'Egypte. 
(  C  f .  Prairies ,  II ,  295.) 

•*  De  cette  étape  part  l'embrancliemeut  des  deux  routes  condui- 
sant à  Barkah.  (Cf.  Bekry ,  Irad.  par  M.  de  Slaiie,  Journ.  asiat.  5*  sé- 
rie, XII,  p.  48.)  La  distance  jusqu'à  cette  station  est,  d'après  notre 
texte,  de  180  milles  =  36o  kilom.  Mais  Kodama  ajoute  une  étape 
de  2lx  milles,  enlre  Tarnout  et  Kaum-Cheryk  ,  lieu  dont  il  n'est  pas 
fait  mention  ici.  D'après  cela,  la  distance  entre  Alexandrie  et  Tem- 
hrancliement  de  Dhal  el-Houmam  doit  être  62  milles  :;=:  \2k  kilom. 
V.  3u 


45/i  MAI-JIIN    186  [). 

net  er-Roum  ^ jardin  des  Grecs»  (Bekry  :  Hanyat 
er-Roum  ((Tarcadc  des  Grecs  »),  2/1  m.  —  Thahou- 
nah  ((la  meule,»  3o  m.  —  Renais  el-Awsedj  ((ci- 
terne de  la  plante  nommée  rhamnus ,  »  on  n'y  trouve 
que  de  l'eau  de  pluie,  3o  m.  —  Sikket  el-Hammam 
((relais  du  bain,»  3o  m.  —  Kasr-Chemmas  «châ- 
teau du  diacre  ,  »  2  5  m.  —  Khirbet  ei-Koum  u  ruine 
de  sable,»  i5  m. — Rharab  Abou  Halyma(Bekry  : 
Kharaïb;  Mok.  et  Ed.  Haouanit  n  boutiques  ») ,  35  m. 

—  La  citerne  d'Abd  Allah,  3o  m.  —  Djanad  es- 
Saghîr,  3o  m.  —  ...  35  m.^  —  Ouady  Makhîl, 
35  m.  —  Citerne  de  Houlmân  (variante  :  Holaï- 
mân),  35  m.  —  El-Megbar  (da  caverne»  (Ed.  Me- 
gliar  er-Rakîm  u  des  Sept  dormants»),  35  m.  — 
Takenest  (Ed.  Yakîst),  2  5  m.  — Nedamah,  26  m. 

—  Barkah  6  m.^  Cette   ville,  au  milieu   du  sable 

Dans  Mokaddessy,  on  la  trouve  évaluée  à  3  journées,  plus  deux 
postes;  mais  le  manuscrit  présente  quelques  incertitudes  dans  ce 
passage;  il  semble  d'ailleurs  que  ce  voyageur  ait  copié  et  réuni  par 
mégarde  l'itinéraire  d'Ibn-Khordadbeh  et  celui  de  Kodama, 

*  Le  nom  de  la  station  est  en  blanc.  Dans  Edriçy  on  lit  <_>c^ 
(jfcwtf  «citerne  du  champ  de  course,»  et  dans  Mokaddessy  «->:^ 
NUij^f  0  citerne  de  la  terreur.  » 

^  En  ajoutant  le  nombre  des  stations  indiquées  par  le  contexte 
au  fragment  de  route  évalué  ci- dessus,  jusqu'à  Dhat  el Hoamam, on 
trouve  entre  le  Caire  et  Barkah  65o  milles  z=z  1,000  kilom.  Edriçy 
compte  552  milles  environ  entre  Alexandrie  et  Barkah,  ce  qui, 
réuni  aux  xàk  m.  qui  séparent  Alexandrie  de  Fostat,  donne  696  m. 
Il  importe  de  remarquer  que  notre  texte  décrit,  à  partir  de  Sikket 
el'llammum ,  la  route  la  plus  courte  à  travers  le  désert;  1  autre  che- 
min mentionné  par  Kodama  donne,  à  une  légère  différence  près, 
le  total  des  stations  d'Edriçy.  Bekry,  qui  note  avec  une  si  scrupu- 
leuse exactitude  les  moindres  stations  de  cet  itinéraire, oublie  mal- 
heureusement quelquefois  de  compter  la  distance  qui  les  sépare. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  ^55 
rougeàtre  du  désert,  ressemble  à  une  belle  lleur  de 
lotus;  un  amphithéâtre  de  montagnes  l'environne  à 
une  distance  de  6  milles. 

ROUTE  DE  BARKAH  À  I/OCCIDENT. 

Mabanah  (Kod.  Melitya;  Mok.  Meïseh) ,   i5  m. 

—  Kasr  el-Açel  a  château  du  miel,  »  29  m.  (il  faut 
lire  1  g  m.  d'après  les  autres  itinéraires).  —  Awirân 
(Ed.  Avrar;Kod.  Awirab),  12  m.  —  Selouk,  3om. 

—  Barmest  (Ed.  Tourmest;  Kod.  Termeçeh),  sur 
la  côte,  s/im^  —  Makyali,  sur  la  côte,  20  m.  — 
Adjabyah,  2/1  m.  — El-Djezîreh  (Kod.  Haï-Nowah), 
20  m.  —  La  Sabkkah  «  terrain  salé  »  de  Men- 
housah ,  3o  m.  —  Kasr  el-Atach  «  château  de  la  soif,  » 
2  à  m.  —  El-Yahoudyeh ,  sur  le  bord  de  la  mer, 
34  m.  —  Tombeau  d'El-Ibady,  34  m.  —  Sarb  (li- 
sez Syrt  «  la  grande  Syrte  )^  ) ,  3  A  m.  —  Karyeteïn  «  les 
deux  bourgs»  (Kod.  Karneïn),  i3  m.  —  Château 
de  Haçan  ben  No'mân  el-Ghassany^,  compagnon  de 


^  De  là  parlent  plusieurs  embranchements  jusqu'à  Adjabyah;  le 
nôtre  a  68  m.  de  parcours;  celui  dont  parle  Kodama  (Sprenger, 
ibid.  p.  98) ,  74  m.  D'où  il  résuite  que,  d'après  Ibn-Khordadbeli ,  la 
distance  entre  Barkah  et  Adjabyah  est  de  i44  m.  d'après  Kodama, 
de  i5o  ni.  Le  calcul  d'Edriçy  donne  6  journées=:  i52  m. 

^  Ce  général,  investi  du  gouvernement  de  T Afrique  septentrio- 
nale par  le  khalife  Abd  el-Mélik,  en  687  de  J.  C.  fut  défait  près  de 
Cabès  par  une  armée  berbère.  Obéissant  aux  ordres  de  son  souve- 
rain ,  il  demeura  dans  le  pays  et  y  construisit  deux  forteresses  aux- 
quelles il  donna  son  nom;  Bekry  dit  en  avoir  vu  les  ruines.  [Journ. 
asiat.  5*  série,  XII,  433;  Hist.  des  Berbères,  III,  192  et  suiv.)  Le 
même  fait  est  raconté  par  Ibn-Haukal.  (Voir  l'extrait  de  son  livre 
publié  par  M.  de  Slane,  Journ.  asiat.  mai  î84  1 ,  p-  ^^V-) 

;k). 


456  MAI-JUIN   1865. 

Walid,  fils  d'Abd  el-Mélik,  3o  m.  —  Marsat'(Kod. 
Mansaf),  /lo  m.  — Tonrgha,  2/1  ni. —  Ragoiiga, 
2  A  m.  —  Wardaçab,  8  m.  —  Un  poëte  a  dit  : 

Il  rencontra  un  jour  El-Biraz  qui  conduisait  son  cheval , 
aussitôt  il  le  jela  sur  Wardaçali. 

El-Medjteby,  2rt  m.  —  Ouady  er-Reml  «torrent 
de  sable,»  20  m.  —  Tripoli  \  2/1  m.  —  Sabrah , 
2/1  m.  —  Bîr  (ou  Beït)  el-Hanaaialin,  20  m.  — 
Kasr  er-Rizk  (Kod.  Er-Rouk),  3o  m.  —  Naderkbat, 
2/i  ni.2.  .  . 

Kaïrowân ,  ville  située  au  centre  du  Maghreb 
dont  elle  est  la  capitale,  2/1  m.  —  Distance  entre 
Bagdad  et  Misr  (vieux  Caire  j  Syo  fars,  ce  qui  équi- 
vaut à   1,710  milles^. 

ÉTATS  DMBN-EL-AGULEB. 

Kaïrowân;  le  cours  supérieur  du  Nil,  l'Abyssinie 
et  la  Nubie.  Les  Nubiens  ont  acheté  la  paix  des  mu- 
sulmans, au  prix  d'un  tribut  annuel  de  600  esclaves*. 

'  La  comparaison  du  paragraphe  mutilé  d'Edriçy  avec  le  texte 
ci-dessus  donne  entre Syrt  et  Tripoli  9.bà  milles  =:  3o8  kilom. 

^  La  fin  de  cette  route  est  perdue;  mais  on  peut  la  compléter 
avec  les  relations  de  Yakouby,  de  Kodama  et  de  Mokaddessy  :  Fawa- 
rah,  3o  m.  —  Kabès,  3o  m,  —  Bîr-Zeïtounah ,  18  m.  —  Ketanah, 
2/1  m.  —  Lebès  oa  Kebès  (dist.  omise).  —  Kaïrowân,  2/i  m.  — 
Ce  qui  fait,  entre  Tripoli  et  cette  dernière  ville,  200  m.  (^oo  ki- 
lom.) ou  un  peu  plus,  si  l'on  tient  compte  de  la  lacune  des  textes. 

^  A  raison  de  3  m.  pour  une  parasange,  soit  3,4 20  kilom.  Il  est 
aisé  de  voir  que  ce  paragraphe  a  été  déplacé  par  les  copistes  et  qu'il 
devait  se  trouver  primitivement  à  la  suite  de  la  route  dont  Fostat  est 
le  terme. 

*  Maçoudy  [ Prairies ,  fil,  39)  relate  les  circonstances  historiques 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  457 
Sous  les  Pharaons,  l'impôt  foncier  de  i'Egypte  s'é- 
levait à  96  millions  de  dinars.  Abd  Allah,  fils  d'El- 
Hidjab  (lisez  El-Haddjadj),  le  fixa,  souslesOmeyades, 
à  2,128,837  dinars. 

Après  l'avènement  de  la  maison  d'Abbas,  Moiiça , 
fils  d'Yça,  fils  d'Aly,  taxa  l'Egypte  à  2,180,000  di- 
nars. —  Les  autres  possessions  de  l'Aghlebite  sont 
Kabès;  Djeloula  ;Subeïtyah  (Sufietula),  ville  du  roi 
chrétien  Djordjis  (sans  doute  Grégoire,  préfet  de 
l'empire),  à  70  m.  de  Kaïrovvân;  Zeraoud  (?);  Gha- 
damès;  Merdjanah;  Kafsah;  Kastylyah  ;  la  ville  du 
Zab  (TobnahP)  ;  Benzert;  Chelehbân  (Cheloubinah)  ; 
Waddân;  le  versant  du  mont  Wa'rân  (Ouigran?); 


qui  ont  «donné  naissance  à  cet  impôt,  qu'il  nomme  bakt  ou  iiakt.  Le 
nombre  des  esclaves  livrés  annuellement  aux  musulmans  s'élevait, 
dit-il,  à  442.  Ce  passage  a  été  reproduit  par  Et.  Quatremère,  darjs 
son  Mémoire  sur  la  Nubie.  Les  renseignements  que  nous  a  laissés 
Ibn-Khordadbeh  sur  les  fluctuations  de  l'impôt  en  Egypte,  outre 
qu'ils  ne  sont  pas  à  leur  place  naturelle ,  dénotent  une  rédaction 
précipitée  et  confuse.  Mokaddessy,  après  les  avoir  insérés  dans  son 
livre,  ajoute  (fol.  142)  :  «J'ai  lu  dans  le  traité  du  Kharadj ,  par  K.o- 
dama,  que  le  revenu  métallique  de  l'Egypte  était  autrefois  de 
2,5oo,ooo  dinars.  Or  j'ai  trouvé  dans  l'ouvrage  d'Ihn-el-Fakih  des 
cliilTres  bien  diflérents  ,  ainsi  qu'un  historique  détaille  du  revenu  de 
l'Egypte  sous  les  Pharaons,  sousHaddjadj  et  la  dynastie  abbasside.  » 
Mokaddessy  critique  la  justesse  du  mot  kharadj,  employé  en  cet 
endroit,  et  rapporte  à  ce  propos  une  conversation  curieuse  qu'il  eut 
avec  un  Egyptien  établi  à  Boukhara.  De  ce  morceau,  que  je  regrette 
de  ne  pouvoir  traduire  ici,  il  résulte  que  :  «Dès  le  n*  siècle  de  l'hé- 
gire, le  système  de  l'impôt  en  numéraire  était  tombé  en  désuétude; 
que  le  fellah  payait  une  redevance  en  nature  pour  la  terre  dont  il 
était  usufruitier;  que  cette  redevance  reposait  sur  le  rendement  an- 
nuel de  la  terre,  ou,  pour  parler  plus  exactement,  de  la  crue  plus  ou 
moins  favorable  du  Nil .  etc.» 


458  MAI-JUIN  1865. 

Tunis,  à  deux  journées  de  caravane  de  l'Ifrikyah. 
Tunis  se  nommait  autrefois  Karthadjina  (du  latin 
Carthacjini).  Elle  était  située  sur  le  bord  de  la  mer, 
et  entourée  d'un  mur  de  2  i,ooo-coudées  de  circuit 
(dans  Bekry,  2/1,000).  Tunis  est  séparée  de  l'Esr 
pagne  par  la  mer  Blanche,  qui  a,  en  cet  endroit, 
7  fars,  de  large  [sic).  De  là  on  va  à  Gordoue  en  six 
journées. 

ÉTATS   DU    ROUSTEMIDE    MEÏMOLN  ,  FILS    D'ABD    EL-WEHHAB , 
FILS  D'ABD  ER-RAUMAN,  FILS  DE  ROUSTEM  EL-IBADy^ 

Ce  prince  est  d'origine  persane,  et  on  le  salue  du 
nom  de  khalife.  Ses  États  sont  :  Herzeh;  Chelîf; 
Melyanah;  Tahert  et  ses  dépendances;  cette  ville 
est  à  un  mois  de  voyage  de  l'Ifrikyah,  par  caravane; 
enfin  le  territoire  de  Sebtah  où  régnait  Julien, 
jusque  dans  le  voisinage  d'El-Khadrâ. 


.  .  .  Jusqu'à  Ouady  er-Remel;  Ouady  ez-Zeïtoun; 
le  château  d'Aswed,  fils  d'El-Heïthem ,  jusqu'à  Tri- 
poli; tout  le  territoire  situé  en  deçà,  jusqu'à  la  mer 
qui  baigne  l'Espagne. 

'  Les  bornes  de  mon  travail  ne  permettent  pas  de  rappeler  les  évé- 
nements historiques  qui  morcelèrent  l'Afrique  septentrionale  en  plu- 
sieurs petites  principautés  indépendantes;  ils  sont  d'ailleurs  connus 
des  lecteurs  de  ce  recueil ,  par  les  fragments  de  Bekry  et  d'Ibn-Hau- 
kal ,  dont  M.  de  Slane  a  donné  la  traduction.  J'indiquerai  donc  sim- 
plement les  passages  qui  peuvent  éclaircir  les  données  si  confuses 
du  Livre  des  routes. 

^  Le  texte  ajoute  un  mol  méconnaissable,  peut-être  Djelyanah. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      450 

ÉTATS   DE   L'HÉRÉTIQUE  ES-SOFRy\ 

Marghah,  grande  ville  très-peuplée  .  .  .  Mine  d'ar- 
gent sur  les  frontières  méridionales  de  l'Abyssinie  ; 
une  autre  ville  nommée  Din. 

Ibrahim,  fds  deMohammet  le  Mo'tazely,  possède 
une  ville  nommée  Er-Rezah,  dans  le  voisinage  de 
Tahert. 

ÉTATS  DE  LA  DYNASTIE  D'IDRIS  ,  FILS  DMDRIS  ,  FU^S  D'ABD  ALLAH  , 
FILS    D'EL-HAÇAN    (lisez  HUÇEÏn)   LE    THALÉBITE. 

Tlemsen,  à  26  journées  de  marche-  de  Tahert, 
sur  un  territoire  partout  cultivé;  Tanger;  Fez,  rési- 
dence du  souverain  ,  à  2  /ijournéesdeTahert.  Derrière 
Tanger  vient  le  Sous  el-Adna  (inférieur),  à  2,000  m. 
de  Kaïrowân;  derrière  le  Sous  el-Adna,  le  Sous  el- 
Akça  (supérieur).  Ces  deux  provinces  sont  à  plus  de 
20  journées  l'une  de  fautre. — Au  même  souverain 
idriçite  appartiennent  aussi  Walila  (en  berbère,  Ou- 
lîli);   Medaka;   Zeloula;  Rakoun  ^,  Heudjrah  (Ibn 

'  On  peut  consulter,  sur  la  secte  des  Sofriles  et  des  Waçililes,  le 
Journ.  asiat.  5'  série,  XIII,  p.  116.  Maigre  les  déplorables  mutila- 
tions du  texte,  il  n'est  pas  impossible  de  démêler  à  quelle  contrée 
de  l'Afrique  l'auteur  fait  allusion.  Selon  moi,  c'est  le  pays  de  Ta- 
medelt,  sur  la  route  d'Aghmat  au  Sous.  D'après  le  témoignage  de 
Bekry,  il  y  a,  à  une  faible  distance  deMerghad,  une  mine  d'argent 
d'un  ricbe  produit.  La  ville  nommée  plus  loin  Din  répondrait,  en  ce 
cas,  à  Derâ,  bourg  situé  à  l'orient  de  Tamedelt.  {Journ.  asiat.  ibid. 
p.  483.) 

2  il  n'y  a  pas  plus  de  5  à  6  journées  de  voyage  entre  ces  deux 
villes.  Presque  toutes  les  distances  indiquées  dans  les  paragrapbes 
suivants  sont  calculées  avec  la  même  exagération. 

•^   Peul-être  Zerboun  m^^n'^,  sur  les  ruines  de  l'ancienne  Onlîli 


àdi)  MAI-JUIN  1865. 

Haukal  ajoute  cn-Ners  «le  nid  de  l'aigle»);  Ël-Ho- 
djeïrah;  El-Hadjir;  Madjeradjera;  Figoiin  (Ifghan); 
El-Rhadhra\  sur  le  bord  de  la  mer  qui,  en  eet  en- 
droit, n'a  que  6  fars,  de  large;  (le  mont)  Auras;  le 
pays  contigu  au  royaume  du  Dayi,  fils  du  Dayi-,  et 
le  pays  des  nègres  qui  vont  nus,  lequel  s'étend 
jusqu'au  rivage  de  la  mer. 

^  [On  a  reconnu  que  le  pays  habité  par  les  Abys- 
sins et  les  Noirs  a  une  étendue  de  sept  années  de 
marche.  L'Egypte  ne  forme  que  la  soixantième  par- 
tie de  la  terrre.  D'après  l'opinion  la  plus  répandue, 
la  terre  n'a  pas  moins  de  5oo  années  de  marche, 
dont  un  tiers  est  cultivé,  habité  et  peuplé,  un  tiers 
occupé  par  de  vastes  solitudes,  et  le  dernier  tiers 
envahi  par  les  eaux  de  la  mer.]  Le  roi  de  la  famille 
des  Idriçites  ne  reçoit  pas  le  surnom  de  khalife;  on 
le  salue  du  titre  de^ls  de  l'apôtre  de  Dieu. 

ÉTATS  DE  L'OMEYADE  ISSU  IVABD  ER-RAIIMAN,  FILS  DE  MOA- 
WYAH,  FILS  DE  HICHAM,  FILS  D'ABD  EL-MELIK  ,  FILS  DE 
MERWÂN. 

Le  pays  d'El-Andaious\  situé  de  l'autre  côté  de 

'  La  position  de  Khadhra  me  paraît  répondre  au  petit  château 
s^suo-lî  s*aiiiî  dont  il  est  fait  mention  dans  la  Table  géographique  àv 
l'Histoire  des  Berbères, 

^  Ou,  en  d'antres  termes,  le  missionnaire  des  Fatimitrs.  (Voir 
Journ,  asiat.  3'  série,  XIII,  p.  2A9.) 

^  Tout  le  passage  compris  entre  crochets  est  interpolé. 

*  M.  Reinaud  [Géographie  d'Abon'lfcda, trad.  française,  p.  234)  a 
déjà  signalé  l'emploi  vague  et  arbitraire  que  les  écrivains  arabes  du 
moyen  âge  font  du  mol  Aiidalnu.s ,  dont  l'acreption  vulgaire  es!  I'FjS- 
pagne  musuinvmc. 


I.E  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROV[NCES.  461 
la  Méditerranée.  Gordoue  est  à  5  journées  de  la  mer. 
Depuis  le  littoral  de  la  province  de  Gordoue  jus- 
qu'à Narbonne,  ville  frontière  entre  l'Espagne  et  le 
pays  des  Francs,  il  y  a  une  étendue  de  1,000  m. 
Tolède,  où  réside  le  roi,  est  à  20  (sic)  journées  de 
Gordoue.  L'Espagne  renferme  quarante^  villes, 
comme  Marida ,  Saragosse,  Larida,  Djarbada  (Gi- 
ronne)  et  El-Beïdhâ.  Ge  royaume  est  limitrophe  de 
la  Frar>ce,  et  au  delà  s'étendent  les  contrées  habitées 
par  des  peuples  polythéistes.  La  dimension  de  l'Es- 
pagne ,  en  long  et  en  large ,  est  d'un  mois"^  de  marche 
à  travers  une  contrée  riche,  fertile  et  abondante  en 
fruits.  Les  montagnes  qui  la  bornent  au  nord ,  sur  la 
frontièredes Romains  et  des  Francs(empire  deGhar- 
lemagne),  sont  couvertes  de  neiges.  De  la  dernière  de 
ces  montagnes  on  voit  sans  cesse  jaillir  des  flammes, 
au  milieu  d'une  pluie  de  pierres  et  de  sable ^.  —  A 
l'époque  delà  conquête  musulmane,  l'Espagne  avait 
pour  roi  Lodarik  (Rodrigue)  originaire  d'Ispahân. 
En  effet  c'est  de  la  ville  d'Ispahân  que  les  habitants 
de  Gordoue  dérivent  leur  nom  Espâa'^.  Le  prince 

'  Mokaddessy,  en  citant  ce  passage  in  extenso,  fait  remarquer 
qu'il  y  est  seulement  question  des  villes  les  plus  importantes. 
(Fol.  j46.) 

^  Ou  deux  mois,  d'après  la  leçon  conservée  dans  les  Prairies 
d'or.  Ibn-Yça,  écrivain  espagnol ,  ayant  reproduit  ce  passage  de  Ma- 
çoudy,  Makkary  en  démontre  l'exagération  et  cherche  à  prouver 
qu'il  faut  réduire  la  distance  à  un  mois  et  demi,  (Ed.  de  Boulac,  I, 
p.  65.) 

^  La  description  fantastique  de  ce  volcan  se  trouve  dans  \ Alhar 
el-Bilad,  p.  oSg. 

^   Maçoudy,  qui  emprunte   ces  dernières  lignes  à  notre  auteur, 


462  MAI-JUIN  1865. 

omeyade  qui  règne  actuellement  en  Espagne  est  sa- 
lué du  titre  de  fils  des  khalifes,  et  non  pas  du  titre 
même  de  khalife,  qui  n'appartient  qu'au  souverain 
des  deux  villes  saintes. 

TRIBUS  BERBÈRES  '. 

Les  Howarah;  les  Zenatab  ;  les  Dharyssah;  les 
Maghîlah;  les  Ouarfaddjoumah ,  branche  des  Naf- 
zah;  les  Oulîtah;  les  Matmatah;  les  Sanhadjah;  les 
Waharah  ;  les Ketamah  ;  les  Louatali  ;  les  Mezatab  ;  les 
Mediounah;  lesMasmoudah;  les  Gomarah;  les  Kal- 
mah  (Guelma);  les  Warkab  (Ouergha);  les  Asab  ; 
les  Béni  Sokbour;  les  Arkinab  (Auga,  tribu  zéna- 
tienne);  les  Béni  Remlân;  les  Béni  Masdouren;  les 
Béni  Ouandjen;  les  Béni  Manbousab  (Mettousa).  — 
Les  Berbères ,  domiciliés  d'abord  en  Palestine ,  obéis- 
saient au  roi  Djalout.  Lorsque  ce  roi  fut  tué  par 
David ,  ils  émigrèrent  vers  l'occident,  et,  arrivés  dans 

ajoute  qu'on  considère  les  Eclibân  comme  un  peuple  issu  de  Japhet 
et  dont  il  ne  reste  aucun  vestige.  Mais  il  fait  remarquer,  en  même 
temps,  que  l'opinion  la  plus  accréditée  en  Espagne  rattachait  Ro- 
drigue à  la  race  des  Galiciens,  peuple  d'origine  franque.  Toutes  les 
conjectures  des  musulmans  sur  l'origine  des  Espagnols  sont  recueil- 
lies sans  ordre  par  Makkary.  (Ed.  de  Boulac,  1 ,  p.  70.)  D'après  l'au- 
teur des  Prairies  d'or,  d'accord  en  cela  avec  le  témoignage  des 
numismates,  les  Omeyades  d'Espagne  recevaient  le  titre  d'emir  el- 
moumindi  «prince  des  croyants.» 

'  Ce  paragraphe,  qui  fourmille  de  noms  étrangers,  nous  est  par. 
venu  dans  un  état  méconnaissable.  En  le  comparant  à  la  non)encla- 
ture  donnée,  dans  le  même  ordre,  par  Maçoudy  (III,  aii),  j'avais 
réussi  à  restituer  le  nom  de  quelques  tribus;  mais  c'est  surtout  aux 
conseils  de  M.  de  iJlane  que  je  suis  redevable  d'une  restauration 
aussi  complète  rpie  possible. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  463 
le  pays  de  Loubyali  et  de  Maiakyah,  ils  se  dissémi- 
nèrent. Les  tribus  Zenatah,  Maghîlah  etDharyssah 
établirent  leur  résidence  dans  les  montagnes.  Les 
Louatah  s'arrêtèrent  à  Barkah,  ville  nommée  par 
les  Grecs  Antaholous ,  'nszwamokiç ,  ce  qui  signifie  «  les 
cinq  villes.  »  Les  Hovvarah  vinrent  habiter  Eyas^  ou 
Tarobolous,  c'est-à-dire  en  grec  «les  trois  villes.  A 
la  suite  de  cette  invasion,  les  Grecs  se  réfugièrent 
en  Sicile,  qui  est  une  île  de  la  Méditerranée.  Les 
Berbères  se  répandirent  jusqu'à  Sous  el-Adna,  der- 
rière Tanger,  à  2,o5o  m.  de  la  ville  nommée  Kam- 
mounyah^,  dans  le  Kaïrowân.  Alors  les  Grecs  et  les 
Francs  revinrent  dans  leurs  anciennes  possessions, 
après  avoir  conclu  la  paix  avec  les  Berbères.  Ceux- 
ci,  dédaignant  le  séjour  des  villes,  se  fixèrent  dans 
les  montagnes  et  au  milieu  des  plaines  sablonneuses. 
La  discorde  décbira  les  colonies  grecques  jusqu'à 

l'époque  de  finvasion  musulmane (suit  une 

ligne  illisible). 

On  exporte  par  la  mer  du  Maghreb  des  eunuques 
tirés  du  pays  des  Slaves^  et  du  Soudan;  de  jeunes 

'  Ce  mot  transcrit  assez  exactement  le  grec  ÈoSas,  premier  nom 
de  Tripoli.  {Journ.  asiat.  j858,  p.  429.) 

^  Un  canton  du  même  nom  est  cité  par  Bekry,  sur  la  roule  d'Oran 
à  Kaïrowân,  dans  le  voisinage  de  la  petite  ville  de  Kafsah.  Maçoudy, 
en  copiant  tout  ce  paragraphe  sur  les  émigrations  berbères  (III, 
242),  écrit  Kabouçah.  Il  oublie  aussi  de  mentionner  l'établisse- 
ment de  la  tribu  des  Loualab  à  Barkah.  Dans  Ibn-Haukal,  le  nom 
de  cette  même  localité  est  écrit  Kamoudah.  [Journ.  asiat.  i842, 
p.  244.) 

'  C'est  par  erreur  que  nous  avons  imprimé  ^ oyJjLoJ  f  ;  les 
deux  copies   portent  lisiblement  ^y^'i^l;  et  dans  le  fragment 


464  MAI-JUJN   1865. 

esclaves  chrétiens;  des  filles  espagnoles;  des  peaux 
de  buffles  et  des  laines;  des  parfums,  entre  autres 
le  storax  benjoin,  et  parmi  les  résines,  le  mastic.  On 
tire  du  fond  de  cette  mer,  dans  le  voisinage  du  pays 
des  Francs,  le  sehed^,  substance  connue  ordinaire- 
ment sous  le  nom  de  merdjân  «corail.  » 

La  mer  qui  s'étend  au  delà  du  pays  des  Slaves 
jusqu'à  la  ville  de  Boalyah  n'est  fréquentée  par  au- 
cun navire  ni  bâtiment  de  commerce,  et  Von  n'en 
tire  aucun  produit.  Pareillement, l'Océan  occidental, 
où  se  trouvent  les  îles  Fortunées,  n'est  pas  exploré 
par  les  marins  et  ne  fournit  au  commerce  aucun 
objet  de  consommation. 

ITINÉRAIRE  DE  BAGDAD  À  RAKKAII  ,   PAR  MOÇOIJL. 

De  Bagdad  à  El-Baradân,  Ix  fars.  —  Okbera, 
5  fars.  —  Badjoumaïra,  3  fars.  —  Kadiçyeh,  y  fars. 

—  Sorra-men-râ ,  3  fars.  —  Kerkh,  2  fars.  —  Hai- 
lita  (Mustaufy  :  Hafyân),  9  fars.  —  Souk-Kadiçyeh 
«  le  marché  de  Kadiçyeh  »  (Kod.  Soudfanyeh) ,  5  fars. 

—  Narema  (Kod.  Barema),  5  fars.  —  Sinn  et  la 
rivière  du  Zab,  5  fars.  —  El-Hadythah,  12  fars.  — 
Beni-Taïbân  (Ed.  Tamyàn),  y  fars.  —  Moçoul, 
7  fars.  ^ 

tl'Ibn-Haukal  cité  ci-dessus ,  il  est  parlé  aussi  des  eunuques  escla- 
vons.  (Cf.  Invasion  des  Sarrasins,  etc.  par  M.  Reinaud,  p.  2  36.) 

*  Ou  zehed  marin,  selon  l'orthographe  de  Kazwîny,  qui  donne 
une  longue  description  de  la  pêche  du  corail  sur  les  côtes  d'Afrique, 
{a.Adjaïb,ix  238.) 

*  Distance  de  Bagdad  à  Moçoul,  74  fars,  ou  Mili  kiloni.  Ccltr 
route  est  une  de  celles  que  Muslaufy  a  empruntées  à  l'auteur. 


LK  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  ^i65 
Villes  de  la  province  de  Moçoul  :  Tikrit;  en  l'ace 
est  Taubeb,  ville  du  prophète  Khidr^;  Tizer;  Ti- 
rhân;  Essinn  ;  El-Houlyeh  ;  Merdj-Djohaïneh  ;  Ni- 
nive,  ville  du  prophète  Jonas;  Badjila;  Marhada  ; 
Baadra  ;  Houbtoun  ;  Maïkaîa  ;  Hazzah  ;  Yanaas  (P)  ; 
El-Maallah  ;  Ramîn  ;  El-Hannanah  ;  Mahawa  ;  Maalya  ; 
Tell-Sabour  (Maçondy  :  «  tombeau  de  Sabour  )>)  ;  Da- 
kouka  ;  Khanidjar.  —  Impôt  foncier  de  cette  pro- 
vince, l\  millions  de  dirhems. 

(suite  de  L'ITINÉRAIRE.) 

De  Moçoul  à  Beled,  7  fars.  —  Baaïnatha,  6  fars. 
(Kod.  7  fars.)  —  Barkaïd,  6  fars.  —  Adhramah, 
6  fars.  — Tell-Feraçah,  5  fars.  (Kod.  3  fars.) —  Ni- 
çibîn,  cbef-lieu  du  Diar-Rebyab,  k  fars.^  —  Pro- 
vinces du  Diar-Rebyab  :  Niçibîn-,  Erzen;  Raçaïn  ; 
Myafarikîn  ;  Mardîn;  Baaïnatba  ;  Beled;  Sindjar; 
Kyrda^;  Bazibda  ;  Thour;  Abdyn.  —  Impôt  fon- 
cier,  7,700,000  dirbems. 

De  Niçibîn  à  Dara ,  5  fars.^ — Refer-Toutha ,  7  fars. 
—  Raçaïn,  7  fars.  —  Djaroud,  5  fars.  —  La  forte- 

*  On  lit  dans  le  Méraçid  :  «  La  colline  du  repentir,  tauheh,  est  un 
surnona  donné  à  Ninive,  »  Ibn-Djobeïr  la  place  à  2  milles  de  Mo- 
çoul, sur  la  rive  gauche  du  Tigre,  «C'est  là,  dit  ce  voyageur,  que 
Jonas  prêcha  et  convertit  les  infidèles;  telle  est  l'origine  de  son 
nom»  (p.  237). 

'^  En  tout,  2o4  kilom. Mais,  d'après  Mokaddessy,  il  y  aurait  6 jour- 
nées de  marche  entre  les  deux  villes;  ce  qui ,  à  raison  de  6  fars.  1/7, 
donnerait  un  supplément  de  route  d'environ  22  kilom. 

^  Un  fragment  de  vers  cité  par  Maçoudy  (  I ,  p-  227  )  prouve  qu'il 
faut  lire  Bakjrda.  Ces  deux  villes  ou  bourgades  étaient  situées  près 
du  confluent  du  Khabour  et  du  Tigre. 


466  MAI-JUIN   1805. 

resse  de  Masamah,  6  fars.  —  Badjrewân,  7  fars.  — 

Rakkah,  3  fars.  ^ 

Embranchement  de  droite,  conduisant  de  Niçi- 
bîn  à  Erzen  :  Dara,  5  fars.  —  Kefer-Toutha ,  7  fars. 

—  Château  des  Béni  Zinaa'^,  6  fars.  —  Amid,  sur 
le  Tigre,  7  fars.  —  Myafarikîn,  5  fars.  —  Erzen, 
7  fars.  (Total,  222  kilom.) 

Embranchement  de  gauche  d'Amid  à  Rakkah  ^  : 
Chimchat,  7  fars.  — Tell-Hazm  (Mok.  Tell-Khoum), 
5  fars.  —  Djernân,  6  fars.  —  Bam'adah,  5  fars.  — 
Djoullab,  7  fars.  —  Koha  (Edesse),  [\  fars.  —  Har- 
rân,  Ix  fars.  —  Badjra(?),  k  fars.  —  Badjrewân, 
7  fars.  —  Rakkah,  3  fars.  (Total,  3i2  kilom.) 

ROUTE  DE  GAUCHE  ALLANT  DE  BELED  À  SINDJAR  ET  KARKIÇYA. 

Tell-Afar  u colline  cendrée,  »>  5  fars.  —  Sindjar, 
7  fars.  —  Aïn  el-Djebal  «  la  source  des  montagnes,  » 
5  fars.  —  Sokaïr  c  la  petite  digue  »  d'el-Abbas ,  9  fars. 

—  EhGhadîr,  5  fars.  —  Masekîn,  6  fars.  —  Kar- 
kiçya ,  7  fars.  '^  —  Toutes  ces  stations  sont  sur  les 
bords  du  Khabour  et  de  l'Euphrate. 

'  Les  distances  additionnées  donnent  ko  fars,  ce  qui  met  Bag- 
dad à  i48  fars.  =  888  kilom.  de  Rakkah.  ((]f.  Sprenger,  carte 
n°  i5.)  Le  calcul  d'Edriçy  donne  un  résultat  un  peu  plus  fort: 
2  5  journées  =:  9 2  4  kilom. 

^  Kodama  :  château  des  Béni  Baldaa'  ;  Edriçy  écrit  Ihn-Bari  et 
ajoute  une  station  qu'il  désigne  sous  la  forme  Tell-Yaraa. 

^  Dans  le  texte,  p.  82,  ligne  dernitVe,  il  faut  lire  iijà s  (J,\  au 
lieu  de  'i3s  ^• 

*  Total  du  parcours,  àli  fars.  =  264  kilom.  Edriçy  place  Circe- 
sium  à  4  journées  de  Rakkah ,  par  un  chemin  direct. 


I 


LE  LIVRE  DE6  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      /i67 


ROUTE  DE  RAKKAH  AUX  VILLES  FRONTIERES. 

A  savoir  :  Salaous;  Keïçoum;  forteresse  de  Man- 
sour  ;  Malatliyab  ;  Zibetrah  ;  El-Hadeth;  Mar'ach; 
Kamakh.  — -  De  Rakkah  à  Aïn  er-Roumyeli  «  source 
de  la  Grecque,))  6  fars.  —  Tell-Abda^  7  fars.  — 
Saroudj,  7  fars.  —  El-Medîneh  (Kod.  Merîneh), 
6  fars.  —  Somaïsat,  7  fars.  —  Forteresse  de  Man- 
sour,  6  fars.  —  Malatbyab ,  1  o  fars.  —  Zibetra  (So- 
zopetra),  5  fars.  —  El-Hadetb,  Ix  fars.  —  Mar'ach, 
5  fars.  —  Kamakh,  à  Ix  fars,  de  Malatbyab.  —  El- 
Omk,  près  de  Mar'acb.  On  appelle  omk  une  vallée 
profonde  encaissée  dans  de  bautes  montagnes. 

De  Aïn  et-Tamr  «  source  du  palmier  »  à  Bosra  : 
on  passe  par  El-Abdabyab,  —  El-Djisr  «  pont  de  ba- 
teaux, ))  —  El-HoJaït,  —  Sera,  —  El-Odjaïfar  «le 
petit  puits,))  et  on  arrive  à  Bosra. 

ROUTE  DE  LA  MESOPOTAMIE  AU  LITTORAL  (dE  LA  MEDITERRANEE). 

Stations  depuis  Rakkab  :  Douser;  Rasten  (Are- 
tbusa);  Pont  de  Menbedj  ;  Alep;  El-Erbab;  Haïr; 
Antakyeb;  Ladikyeb;  Djebelleh;  Tripoli;  Beïrout; 
Saïda;  Sour;  El-Kades  (dans  le  voisinage  du  Car- 
mel);  Kaïçaryeb  ;  Arsouf  (Apollonia);  Yafa;  Aska- 
loun  ;  Gazzab. 


^  Ou  Tell-Ahdah  i$<>AC,  d'après  l'auteur  du  Méraçid  et  Ibn-Djo- 
beïr.  Celui-ci  ajoute  :  «Cette  colline,  qui  a  la  forme  d'une  table,  est 
couronnée  d'un  édifice  en  ruine.  » 


468,  MAI-JUIN   1865. 

De  Hakkah  à  Damas,  par  Roçafali  '  :  Roçatah , 
'ik  m.  —  Zeraat  (Kod.  Mok.  Deraat),  ko  m.  — 
Kastal,  36  m.  —  Salamyah,  3o  m.  —  Hims(Emèse), 
2/4  m.  —  Semkîn  (Kod.  Mok.  Chemsin),  18  m.  — 
Karah,  22  m.  ■ —  Nebok,  12  m.  —  Kotayah,  20  m. 

—  Damas,  2/1  m.  ^ 

Postes  entre  Hims  et  Damas,  en  passant  par  Baal- 
bek  :  d'Emèse  à  Hawseh,  Ix  relais.  —  Baalbek,  6  re- 
lais. —  Damas,  9  relais^. 

Route  de  Roufah  à  Damas  (par  le  désert)  :  on  va 
d'El-Hîrah  à  Kotkotanah ,  puis  à  Abyad;  —  Djoussa 

—  Djema'  ;  —  Kbouta;  —  Mihneh  ;  —  El-Oulvva 

—  Dawary  ;  —  Saïdah;  —  Bokayiah;  —  El-Anak 

—  Adri'at;  —  Damas. 


^  On  nomme  ainsi  une  chaussée  en  pierres  plates  et  bien  ci- 
mentées, au-dessus  d'un  terrain  accidentellement  inondé;  plusieurs 
villes  portaient  ce  nom.  Celle  dont  il  est  question  ici  fut  construite 
par  le  khalife  Hicham,  Gis  d'Abd  el-Mélik ,  qui  en  fit  sa  résidence, 
alors  que  la  peste  ravageait  la  Syrie, 

2  Une  partie  de  cette  route  a  été  suivie  par  Ibn-Djobeïr,  dans  son 
voyage  d'Emèse  à  Damas.  Parmi  les  particularités  que  signale  sa 
relation,  on  lit  que  «le  village  de  Karah  est  entièrement  habité  par 
des  chrétiens  de  Saint-Jean,  et  qu'on  n'y  trouverait  pas  un  seul  mu- 
sulman» (p.  266).  Le  total  des  stations  réunies  donne  aSo  milles. 
Nebek  est  cité  pour  la  beauté  de  ses  sources.  (Cf.  Kremer,  Ausjluge 
nach  Palmyrat  p.  2 4.)  La  station  suivante,  nommée  dans  le  texte 
Kolaya,\eqon  qui  est  répétée  par  Kodama ,  répond,  je  crois,  au  vil- 
lage de  Koçaïr,  dans  Ibn-Djobeïr. 

^  En  estimant  le  relais  de  poste ,  en  Syrie ,  à  i  2  milles ,  comme  le 
veutMokaddessy,la  distance  complète  serait  228  milles  =  456  kilom. 
chiffre  évidemment  exagéré.  Il  résulte,  en  elfot,  des  relations  mo- 
dernes les  plus  exactes,  que  le  trajet  de  Damas  à  Baalbek  n'exige 
pas  plus  de  dix-huit  heures,  ni  celui  de  Baalbek  à  Émèse  plus  de 
vinst  heures. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES,      hm 

POSTES  ENTRE   ALEP   ET  LES   VILLES  FRONTIÈRES. 

D'Alep  à  Kinnisrîn,  7  relais  (Kod.  9).  —  An- 
tioche,  Il  relais.  —  Iskenderyeh  (il  faut  lire  Isken- 
deroun,  Alexandrette),  Ix  relais.  —  Maçyça,  ville 
sur  les  bords  du  Djeïhân  (Djeban-Tchaï,  Pyramos) , 
7  relais.  —  Adanab ,  sur  le  Seibân  (Seïkboun-Tcbaï, 
Saras),  3  relais.  —  Tarsous,  5  relais.  —  Les  places 
fortes^  sur  les  frontières  de  Syrie  sont  :  Aïn-Zerbah; 
Harounyeh  ;  Reniçet  es-Souda  a  église  de  la  (Vierge) 
noire;  »  Tell-Djobeïr;  Derb  es-selamah  acbemin  du 
salut.  )) 

ROUTE  (de  tarsous)  AU  CANAL  DE  CONSTANTINOPLE. 

El  Olaïk,  I  a  m.  —  Zobour  (distance  omise.  Cf 
Edriçy,  II,  3o8).  —  Djauzat,  12  m.  —  Kbarbout, 
y  m.  —  Bedendoun  (ancien  Podandus),  7  m.  — 
Ma'sker  el-Mélik  «le  cannp  du  roi,»  10  m.  —  On 
passe  devant  Loulouah  et  Safsaf,  si  l'on  veut  tra- 
verser le  Derb  [Pylœ  CUiciœ).  —  De  Ma'sker  à 
Ouady-Tarfa,  12  m.  —  Mina,  20  m.  —  Rivière 
d'Héraclée  (cf.  Abou'1-féda,  p.  01),  12  m.  —  Sel- 
mîn,  1  6  m.  —  Sources  de  Bargoutâ  ,12m.  —  Ri- 
vière d'El-Absa,  18  m.  —  Rebedh  «faubourg»  do 
Naumab  (Ed.  Kounyab),  1  3  nn.  —  El-Alémeïn  (Ed. 


'  Sur  les  boulevards  de  ia  Syrie,  que  uos  doux  copies  nomment 
à  {.oTiawadil,  au  lieu  de  awaçim,  voyez  Abou'I-féda ,  texte,  p.  2  35.  Aïn- 
Zerba  est  l'antique  Anararba.  Tell-Djobeïr,  d'après  le  Méraçidj  est 
à  10  milles  seulement  de  Tarsous.  La  ville  de  Harounyeh  doit  son 
nom  au  khalife  Haroun  er-Réchîd.  (Cf.  Edriçy,  îl ,  i  /i  i .) 


470  MAI-JUIN   1«65. 

Meldjis),  i5n).  —  Encloiimyanah ,  20  m.  —  Ouadv 
el-Hout  ((  rivière  du  poisson ,  «  i  2  m.  — Amouryah, 
1 1  m.  [Mais  il  y  a  une  autre  route  partant  d'El-Alé- 
meïn.  —  De  là  aux  villages  de  Nasr-le-Crétois, 
1  5  m.  —  La  pointe  du  lac  de  Masiloun ,  1  o  m.  — 
Sedd  ((la  digue,»  10  m.  —  Forteresse  de  Seyya- 
rah,  18  m.  —  Saala,  25  m.  —  Akyb-Amouryah 
«chaussée  d'Amoriurn,  »  3o  m.  —  Villages  des  Be- 
nou'l-Hareth ,  1  5  m.  —  Saïry  ^  est  un  autre  nom  de 
la  ville  d'Amouryah.]  De  là  à  F'endj ,  12  m.  —  Le 
khalife  Mo'taçem-Billah  fonda  la  ville  d'Angora  et 
fit  la  conquête  d'Amouryah.  —  On  passe  ensuite  par 
Kalamy  el-Ghabeh  ((  les  roseaux  des  jungles ,  »  1  5  m. 
—  Hisn  el-Yahoud  a  forteresse  du  Juif,  »  1  2  m.  — 
Sendabery  (Santabaris,  aujourd'hui  nommée  Seià  el- 
Ghazy),  1  5  m.  —  Merdj  «la  prairie,  n  i3o  m.  — 
Forteresse  de  Gharouboly,  1  5  m.  —  Renais  el-Mé- 
lik  H  églises  du  roi,  »  3  m.  —  Teloui  «les  collines,  » 
20  m.  —  El-Akwar,  1  5  m.  —  Meladjina  (Aïn- 
Gueul),  i5  m.  —  Ecuries  du  roi,  5  m.  —  Hisn  el- 
Koubara  (Ed.  El-Abra),  3o  m.  —  Le  canal  de  Cons- 
tantino'ple ,  2  4  ni. — Nikyeh  est  en  face  d'El-Koubara , 
et  à  3o  m.  de  Constantinople.  C'est  un  lieu  de  transit 
pour  les  colis  de  marchandises^  à  destination  de  cette 
capitale. 

^  Peut-être  faut-il  lire  Saghiry,  du  nom  de  la  rivière  Sangaris,  qui 
passe  à  l'occident  d'Amoriuni.  Ici  se  termine  l'embranchement  dont 
parlent  l'auteur  et  Kodama.  Les  stations  suivantes  sont  communes 
aux  deux  routes. 

^  Au  lieu  de  cette  leçon,  on  trouve,  dans  la  traduction  de  Jau- 
bert,  «légumes;»  on  voit  qu'il  a  lu  abhal:  la  fertilité  des  environs  de 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  E'J  DES  PROVL^CES.  471 
Autre  route  partant  de  Bedendoun  :  Keroum  «  les 
vignes;»  -^  El-Ba'ryeh;  —  El-Kenaïs,  h  droite  de 
Kaukeb  (Ed.  Tfiouleb)  ;  —  Zendeh  ;  —  Belysah  ;  — 
Merdj  el-Askaf  a  la  prairie  de  i'évêque  ;  »  —  Felou- 
gary  ;  —  Karyet  ei-Asnam  «  bourg  des  idoles  -,  »  — ^ 
Ouady  er-Rîh  «  vallon  du  vent  ;  )>  —  Sabbah  ;  —  Aï- 
nawab  ;  —  Medjassah  ;  —  Karyet  el-Djouz  a  le  bourg 
aux  noix  ;  »  —  Rostaçyn  ;  —  Karyet  el-Bathrik  «  bourg 
du  patrice  ;  »  —  Merdj-Bamoulyah  ;  —  Ednos.  — 
Là  commence  une  route  qui  aboutit  à  Deroulyah; 
une  autre  route,  tournant  à  droite,  passe  par  la  for- 
teresse de  Beloumîn,  et  finit  au  canal  de  Constanti- 
nople. 

Ce  canal  est  formé  par  la  mer  Nitas  (Pont- 
Euxin),  qui  dérive  de  la  mer  des  Khozars^  La  lar- 
geur de  son  embouchure,  en  cet  endroit,  est  de 
6  milles.  Il  se  dirige,  sous  l'impulsion  d'un  fort  cou- 
rant, jusqu'à  Constantinople,  à  60  milles  de  ses 
bouches;  parvenu  à  l'endroit  nommé  Abydos^,  il 
passe  entre  deux  montagnes,  et  se  rétrécit  telle- 
ment que  ses  deux  rives  ne  sont  qu'à  une  portée 
de  flèche  l'une  de  l'autre.  Abydos  est  à  100  milles 

Nicée,  au  moyen  âge,  peut  justifier  cette  variante.  La  distance  entre 
Nicée  et  Constantinople,  telle  qu'elle  est  présentée  ici,  est  une  er- 
reur évidente. 

'  Ibn-Khordadbeh  partageait,  d'après  cela,  l'opinion,  générale- 
ment accréditée  à  cette  époque,  d'une  prétendue  communication 
entre  la  mer  Caspienne  et  la  mer  Noire.  [Prairies  d'or,  I,  278.  In- 
troduction à  la  Géographie  d'Ahou'lféda,  p.  ccxcv.) 

^  L'auteur  du  Takwîm  el-Boiilddn  et  d'autres  géographes  comptent 
70  milles,  exagérant  ainsi  la  longueur  du  Bosphore  d'au  moins 
I  6  milles.  L'étendue  réelle  de  ce  canal  est  de  27  kilom. 

3i. 


472  MAI-JUIN   1865. 

de  Gonstantinople,  par  une  route  unie.  C'est  ià  que 
se  trouve  la  source  à  laquelle  Maslamah,  fils  d'Abc! 
el-Mélik,  laissa  son  nom  \  à  l'époque  où  il  assiégeait 
Gonstantinople.  Le  canal  se  prolonge  jusqu'à  la  mer 
de  Syrie;  et  h  son  embouchure  dans  cette  mer,  ses 
rives  sontéloignées  seulement  d'une  portée  de  flèche; 
deux  hommes  peuvent  communiquer  avec  la  voix, 
d'un  bord  à  l'autre,  le  canal  n'ayant  alors  que 
/i  milles  de  largeur.  En  cet  endroit  est  bâtie,  sur 
un  rocher,  une  tour  à  laquelle  est  attachée  la  chaîne 
qui  ferme  l'entrée  du  canal  aux  navires  musulmans. 
La  longueur  entière  du  détroit,  depuis  la  mer  des 
Khozars^,  jusqu'à  la  mer  de  Syrie,  est  de  820  milles. 
Il  est  sillonné  par  les  bâtiments  qui  descendent  des 
îles  de  la  mer  des  Rhozars  ou  des  parages  voisins, 
et  par  ceux  qui,  de  la  mer  de  Syrie,  remontent  vers 
Gonstantinople.  La  largeur  du  canal,  près  de  cette 
ville,  est  de  l\  milles. 

Les  autres  pays  du  Roum,  à  TOccident,  sont,  en 
premier  lieu,  Rome  et  la  Sicile,  qui  est  une  île. 
Rome,  Tancienne  capitale  de  cet  empire,  tut  la  ré- 
sidence de  vingt-neuf  rois  ;  deux  autres  rois  habi- 


'  Dans  le  tome  II  des  Prairies  d'or,  où  se  trouve  le  même  ren- 
seignement,  il  faut  substituer  Ahjdos  à  la  leçon  Andalous  que  don- 
nent les  copies.  Ce  Heu  est  mentionné  avec  son  nom  correctement 
écrit  dans  la  Géoyraphie  d'AbouM-féda ,  et  l'expédition  de  Maslamah  , 
dans  les  Annales  musulmanes  du  même  auteur  (I,  434). 

*  Ce  nom  avait  été  donné  h  la  mer  Noire,  à  cause  du  séjour  de 
la  tribu  larlare  des  Khozars  dans  la  presqu'île  de  Crimée,  ou  Kko- 
zarie.  Maçoudy  évalue  à  35o  milles  la  longueur  du  déiroit,  des 
bouches  de  la  mer  Noire  aux  Dardanelles. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  473 
tèrent  Amouiyah ,  qui  est  située  à  60  milles  de  Cons- 
tantinople,  sur  la  rive  asiatique  du  canal.  Constantin 
le  Grand,  après  avoir  tenu  d'abord  sa  cour  à  Rome, 
se  transporta  à  Byzance,  qu'il  fortifia  et  nomma 
Constantinyeh.  Depuis  cette  époque,  elle  est  restée 
la  capitale  du  Roum. 

On  dit  que  le  canal  baigne  cette  ville  de  deux 
côtés,  à  l'orient  et  au  nord  ^  ;  les  deux  autres  côtés, 
ceux  du  coucbant  et  du  midi,  tiennent  au  continent. 
Le  mur  d'enceinte  le  plus  élevé  a  2  1  coudées,  et  le 
plus  bas,  qui  donne  sur  la  mer,  5  coudées  de  haut 
{Maçoudy,  10  coudées).  Entre  ce  mur  et  la  mer,  il 
y  a  un  espace  de  5 Sur  la  face  méridio- 
nale du  mur,  du  côté  de  la  terre  ferme .,  s'ouvrent 
plusieurs  portes,  entre  autres  la  porte  Dorée,  dont 
les  battants  sont  en  fer  incrusté  d'or.  Constantinople 
possède  environ  cent  portes. 

On  dit  que  les  patrices  et  leur  suite  résident  au- 
près du  souverain  dans  Constantinople.  La  cavalerie 
se  compose  de  quatre  mille  hommes  et  l'infanterie 
de 2 

^  Il  faut  lire  chimal  au  lieu  de  châm,  comme  dans  Maçoudy,  II, 
319.  Cet  auteur  a  su  éviter  l'erreur  commise  par  Ibn-Khordadbeh , 
qui  joint  le  côté  méridional  de  la  ville  au  continent.  Je  profite  de  ce 
rapprochement  pour  corriger  une  faute  d'impression  qui  s'est  glissée 
dans  ce  même  passage  de  notre  édition.  Ligne  1 5  :  «  mais  c'est  au 
sud  que  la  mer  a  le  plus  d'élévation.»  Au  lieu  de  la  mer,  lisez  le 
mur.  La  porte  Dorée,  dont  il  est  question  quelques  lignes  plus  loin, 
se  voit  encore  derrière  les  sept  tours,  à  la  pointe  sud-ouest  du  mur 
d'enceinte.  (Cf.  Edriçy,  II,  298.^ 

^  Le  texte  ajoute  arbaa'  «  quatre  »  suivi  d'une  lacune.  Les  données 
des  Iiistoriens  byzantins  sur  la  garde  urbaine  sont  trop  vagues  pour 


474  MAI-JUIN    1865. 

Au  rapport  de  Mousiim,  surnommé  El-Haramy, 
l'empire  byzantin  se  divise  en  quatorze  provinces 
administrées  par  les  délégués  du  roi.  Trois  de  ces 
provinces  sont  situées  de  l'autre  côté  de  la  mer  ^ 

1°  Thalaka  (Thrace),  province  qui  renferme 
Gonstantinople ''^.  Ses  limites  sont,  à  l'orient,  la 
partie  du  canal  formée  par  la  mer  de  Syrie,  jus- 
qu'à la  muraille  (sic)-^  à  l'occident,  tout  ce  qui  est 
compris  entre  la  mer  des  Khozars  et  la  mer  de  Sy- 
rie. Son  étendue  en  long  est  de  quatre  journées  de 
marche. 

2°  (La  province  qui  commence  à  deux  jour- 
nées de  Constantinople),  bornée,  au  midi,  par  la 
mer  de  Syrie.  Elle  est  nommée  Torakya^  ;  ses  bornes 

qu'il  me  soit  possible  de  rétablir  ce  fragment.  On  entrevoit  cepen- 
dant, dans  ce  que  dit  l'auteur,  une  allusion  au  magister  equitum  et 
au  magister  peditam,  dont  la  création  est  attribuée  à  Constantin. 
(Voyez  Schœll,  Histoire  de  la  littérature  romaine,  III,  368.) 

*  Ce  paragrapbe  sur  la  division  administrative  et  les  limites  des 
provinces  grecques  est  rempli  de  lacunes,  de  mots  intervertis  et  illi- 
sibles. Quelques-uns  se  retrouvent,  il  est  vrai,  dans  Edriçy  (II, 
299)  ;  mais  ils  y  sont  aussi  défigurés  et  classés  dans  un  ordre  diffé- 
rent. J'ignore  où  Ibn-Kbordadbeh  a  trouvé  sa  division  en  1 4  pro- 
vinces, au  lieu  de  la  classiGcation  bien  connue  en  32  thèmes,  dont 
i5  en  Europe  et  1 7  en  Asie.  Il  nous  reste ,  à  cet  égard,  un  important 
témoignage ,  c'est  le  Hep}  tcov  0efzaT&)j;  de  Constantin  Porphyrogé- 
nète.  Quelques  passages  de  ce  livre,  dont  je  dois  la  communication 
à  l'obligeance  de  M.  Brunet  de  Presle,  m'ont  paru  se  rapporter  aux 
indications  si  incomplètes  de  mon  géographe;  je  les  indique  en 
note ,  sans  discuter  les  questions  intéressantes  que  ces  rapproche- 
ments pourraient  soulever. 

^  Premier  thème  de  Conslanlin  :  to  Séfia  tyIs  BpcfJtVS.  (Edition 
Bekker,  Bonn,  i84o,p.4/J.) 

^  C'est  ainsi  que  je  propose  de  lire  le  groupe  «v^S   (J)^;  ^«  suit*' 


LE  LÏVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  475 
sont  la  muraille  à  Test,  la  Macédoine  au  sud,  le 
pays  des  Bordjân  à  l'ouest,  la  mer  des  Khozars  au 
nord.  Elle  a  quinze  journées  de  marche  en  long, 
sur  trois  journées  en  large. 

3°  La  Macédoine.  Ses  limites  sont,  à  l'est,  la  mu- 
raille; au  sud,  la  mer  de  Syrie;  à  l'ouest,  le  pays 
des  Slaves;  au  nord,  celui  des  Bordjân lar- 
geur, 5  journées  de  marche  de  la  mer 3  for- 
teresses à  1  1  m.  du  canal. 

k"  Afladjounyah  (  Paphlagonie),  qui  renferaie 
cinq  forteresses  ^ 

5°  Antamathy ,  nom  qui  signifie  «  l'oreille  et 
l'œil;))  cette  province  renferme  trois  forteresses^. 

6°  Elasik  (Ed.  Opsikion),  dont  la  ville  principale 
est  Nikyeh  (Nicée);  dix  forteresses. 

7°  El-Efesis,  dont  le  chef-lieu  porte  le  même 
nom  (Ephèse);  c'est  la  ville  des  Compagnons  de  la 
caverne;  quatre  forteresses. 

Le  khalife  Wathik-Billah  avait  chargé  Moham- 

se  rapporte  avec  une  exactitude  suffisante  au  Séfxa  ^vppaKiov.  [Ibid. 
P-56.) 

*  Constantin  ne  nomme  que  six  villes  principales  dans  ce  thème. 
[Ibid.  p.  3o.) 

^  Le  texte  ajoute  Amourjah,  erreur  de  copiste.  La  province  que 
l'auteur  désigne  sous  cette  dénomination  bizarre  répond  très-proba- 
blement au  thème  Ôir7/fiaToy,  dans  Porphyrogénète ,  qui  avoue  lui- 
même  ne  pas  en  connaître  l'origine.  Le  Grec  peu  instruit  qui  four- 
nit à  Ibn-Khordadbeh  ces  vagues  renseignements  sur  l'empire 
byzantin  dut,  suivant  un  procédé  familier  aux  Orientaux,  demander 
à  la  langue  usuelle  l'explication  des  noms  de  pays  et  de  villes  ;  de 
là  la  définition  «l'oreille  et  l'œil,  avri  (kxti.  »  Le  traducteur  d'Edriçy 
avait  déjà  reconnu,  dans  le  thème  suivant,  VO-^iKtov  des  Grecs. 
(Cf  Coiist.  Porphyrog.  p,  2li.) 


476  MAI-JUIN   1865. 

med,  fils  de  Mouça  l'astronome,  d'une  mission  re- 
lative aux  Sept  dormants.  [Ashab  er-rakim ,  Cf.  Koran, 
chap.  xviii.)  En  conséquence  il  écrivit  au  roi  de  By- 
zance,  afm  qu'il  pourvût  aux  frais  du  voyage.  — 
Moi  Abou'l  Kaçem  ^ ...  fds  de  Khordadbeh ,  j'ajoute  : 
Voici  la  relation  de  ce  voyage,  telle  que  je  l'ai  re- 
cueillie de  la  bouche  de  Mobammed  ben  Mouca 
lui-même.  Le  roi  de  Byzance  lui  donna  une  escorte 
qui  les  conduisit  à  Rorrah^.  Puis  ils  continuèrent 
leur  route  et  arrivèrent,  en  quatre  étapes,  devant 
une  colline  dont  le  diamètre  à  sa  base  n'était  pas 
de  mille  coudées.  Un  souterrain ,  dont  l'entrée  s'ou- 
vrait à  ras  de  terre,  donnait  accès  au  lieu  où  repo- 
saient les  Sept  Dormants.  «Tandis  que  (racontait 
Mobammed)  nous  gravissions  le  sommet  de  la  col- 
line, nous  vîmes  un  puits  assez  large  à  son  orifice, 
et  au  fond  duquel  jaillissait  une  source.  Nous  redes- 
cendîmes ensuite  jusqu'à  la  porte  du  souterrain ,  et, 
après  avoir  marché  trois  cents  pas,  nous  arrivâmes 
au  lieu  même  que  nous  dominions  auparavant.  Une 
salle  en  arceaux,  taillée  dans  le  roc  et  soutenue 
par  des  piliers  sculptés,  renfermait  plusieurs  cham- 
bres (chapelles).  Une  d'elles,  dont  le  seuil  s'élevait 

'  Après  Abou  1-Kaçem,  le  texte  ajoute  Mohammed,  ce  qui  est  sans 
doute  une  inadvertance  du  copiste  et  fait  double  emploi  avec  le  nom 
du  voyageur  dont  la  relation  est  citée.  On  pourrait,  à  la  rigueur,  au 
lieu  de  Mohammed ,  lire  hen  Ahmed  t  pour  se  rapprocher  de  la  filiation 
donnée  à  l'auteur  dans  le  Fihrist.  (Voyez  ci-dessus,  Introd.  p.  lo.) 

^  Ce  lieu,  s'il  n'est  pas  question  ici  du  promontoire  de  Kara- 
Bournouy  ne  peut  être  cherché  que  dans  le  voisinage  de  Smyrne; 
il  y  a  seulement  «jfuttfrf?  étapes  entre  cette  villeetEphèse,  parTrianda 
et  Yéiil  Kcuï. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  477 
d'une  brasse  au-dessus  du  sol,  était  fermée  par  une 
porte  en  pierre  taillée  au  ciseau;  c'est  là  que  les  corps 
étaient  conservés.  Un  gardien,  assisté  de  deux  eunu- 
ques d'une  beauté  remarquable,  dérobe  la  vue  de  ces 
corps  à  la  curiosité  des  pèlerins.  Dans  ce  but  il  leur 
fait  accroire  que,  s'ils  allaient  plus  loin,  ils  s'expose- 
raient aux  plus  terribles  malheurs,  et  ce  mensonge 
est  pour  lui  une  source  intarissable  de  profits, 
u  Laisse-moi  entrer,  lui  dis-je,  ta  responsabilité  sera 
à  couvert.  »  Puis  je  pénétrai  dans  le  sépulcre,  avec 
un.de  mes  serviteurs,  muni  d'une  grosse  torcbe. 
Les  corps  étaient  revêtus  de  suaires  qui  s'effilaient 
en  charpie,  au  simple  toucber;  ils  étaient  enduits 
de  substances  propres  à  les  conserver,  telles  que 
Taloès ,  la  myrrbe  et  le  camphre.  La  peau  était  col- 
lée aux  os;  en  passant  ma  main  sur  la  poitrine  de 
l'un  d'eux,  je  sentis  le  contact  rugueux  des  poils.  Le 
gardien  avait  fait  préparer  un  repas  auquel  il  nous 
invita;  mais,  dès  la  première  bouchée,  nous  quit- 
tâmes la  table  en  refusant  de  prendre  aucune  nour- 
riture. En  effet  cet  homme  voulait  ou  nous  empoi- 
sonner, ou  tout  au  moins  nous  infliger  un  traite- 
ment honteux,  afin  de  perpétuer  dans  l'esprit  de  son 
roi  la  croyance  que  ces  corps  étaient  bien  ceux  des 
Sept  dormants^  Je  lui  dis  en  partant  :  «Je  croyais 

*  La  légende  des  Compagnons  de  la  caverne  ou  des  Sept  dormants, 
car  je  crois  qu'elle  a  été  mal  à  propos  dédoublée  par  quelques  écri- 
vains musulmans,  fut  recueillie  par  Mahomet  dans  un  de  ses  voyages 
en  Syrie.  On  sait  comment  il  l'a  racontée  à  son  tour;  mais  le  récit 
tronqué  et  puéril  du  Koran  suffit  pour  exciter  à  un  haut  degré  la 
curiosité  des  néo-convertis.  Au  rapport  du  Modjmel  (  fol.  292  ) ,  au  dé- 


478  MAI-JUIN   18G5. 

que  tu  nous  aurais  montré  des  morts  dont  i'aspect 
serait  celui  des  vivants;  mais,  ici,  nous  n'avons 
vu  rien   de  semblable.  » 

8°  L'Anatholos,  c'est-à-dire  le  Levant,  c'est  la 
plus  grande  province  de  l'empire  grec;  elle  ren- 
ferme la  ville  d'Amoryab ,  les  forteresses  El-Alémeïn, 
Bordj  ech-Chebm ,  Bargouth ,  Miclikîn  et  trente 
autres  places  fortifiées. 

9°  Khorsoun  (Kepo-àr),  sur  la  route  de  Malatbya  : 
ville  principale  Kbaracbna  (Chersonus)  et  quatre 
forteresses. 

10°  Kalath  (Galatie):  ville  principale,  Angora; 
seize  forteresses. 

1  1°  El-Arsak^  :  Kolonyah,  ville  fortifiée,  et  seize 
forteresses. 

but  de  Ici  guerre  contre  les  Grecs ,  Moawyah  et  Abd  AHah,  fils  d'Ab- 
bas,  étant  arrivés  aux  environs  d'Ephëse,  Moawyah  voulut  pénétrer 
dans  la  fameuse  caverne,  malgré  les  instances  de  son  cempagnon. 
«Enfin  il  se  précipita  aveuglément  dans  le  souterrain-,  mais  un  veut 
impétueux,  sortant  des  profondeurs  de  la  montagne,  le  rejeta  au 
dehors.  »  Le  thème  incomplet  du  Koran  fut  développé,  avec  plus  de 
naïveté  que  de  richesse  d'invention  ,  par  Técole  traditionniste  ,  à  par- 
tir de  Kaab  ei-Ahbar,  un  des  pères  de  la  tradition  musulmane.  (Voyez 
une  de  ces  mille  versions  dans  les  Mines  de  l'Orient,  t.  III,  p.  347») 
Une  seconde  rédaction  un  peu  différente  du  voyage  de  Mouça  fut 
publiée  par  Serakhsy,  et  Maçoudy  l'inséra  dans  son  Histoire  moyenne. 
C'est  du  moins  ce  qu'on  peut  conclure  d'un  passage  assez  laconique 
des  Prairies.  Ici  encore  notre  traduction  a  besoin  d'être  corrigée  sur 
le  teste  même  du  fAvre  des  routes.  T.  II,  p.  3o8, 1.  6,  au  lieu  de 
«le  meurtre  de  tous  les  musulmans  qui  l'avaient  accompagné,»  on 
voit  qu'il  faut  traduire  plus  exactement  :  «La  tentative  d'empoison- 
nement faite  contre  lui  et  contre  les  musulmans  qui  l'avaient  accom- 
pagné. » 

'    H  est  possible  que  cette  forme  désigne  !<'  pays  nommé  par  les 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.     479 

l 'i*"  Kelkyeh(Cilicie),seslimitessont..  .(lacune), 
six  forteresses. 

i3°  Seloukyah,  depuis  la  mer  de  Syrie  jusqu'à 
Tarsous  elle  Lamis  (fleuve  Lamotis  ou  Lamuzo); 
cette  province  est  gouvernée  par  l'intendant  des 
routes.  VilJe  principale,  Seloukyah;  six  forteresses. 

1 4°  Kabadak  (Cappadoce),  province  comprise 
entre  les  montagnes  de  Tarsous,  Adanah  et  Messis- 
sah.  Ses  forleresses  sont  Korah  \  Hadhar,  Antakoua, 
El-Ahzab,  Dou'1-Kela'  et  quatorze  autres  places  (suit 
une  ligne  illisible). 

L'impôt  foncier  est  affermé  annuellement  à 
200  modi  (de  pièces  valant)  3  dinars.  Le  modi  vaut 
3  mekkouk^.  La  dîme  prélevée  sur  les  céréales  est 
destinée  aux  approvisionnements   de   l'armée.  Les 

Grecs  Arzes  (Cf.  Constantin,  ibid.  p.  3i);  en  efFel  le  thème  de  Co- 
lonea  était  considéré  comme  d'origine  arménienne. 

^  «PropugnaculumquodCorumdicitur.  »  (Constantin, ièttZ. p.  21.) 
Je  ne  sais  à  quelles  villes  rapporter  les  noms  qui  suivent.  La  der- 
nière place,  nommée  ici  Dou'l-Kela,  est  peut-être  la  transcrip- 
tion par  métathèse  de  'Loih^os,  ville  classée  par  Porphyrogénète 
dans  le  même  thème. 

^  Le  mekkouk  était  autrefois,  chez  les  Arabes,  l'équivalent  d'un 
saa  et  demi,  ce  qui  fait  3  litres  3/4.  D'après  cela  le  modi  [modius) 
pourrait  valoir  de  1 1  à  i  2  litres.  Le  modius  des  Romains  ne  valait 
que  8  litres  63.  On  sait  à  quel  point  les  mesures  musulmanes 
ont  varié  selon  les  époques  et  les  provinces;  il  serait  donc  difficile 
de  tenter  une  appréciation  du  revenu  de  l'empire  grec,  d'après  une 
donnée  aussi  incertaine.  Cette  difficulté  est  rendue  plus  sérieuse  en- 
core par  l'incertitude  qui  règne,  parmi  les  auteurs  byzantins,  sur  la 
valeur  relative  des  monnaies,  et  l'impossibilité  où  l'on  est  de  tirer 
de  leurs  renseignements  une  notion,  même  par  à  peu  près,  div 
chiffi^e  de  l'impôt  foncier.  (Voyez  ï'Hist.  du  droit  byzantin ,  par  Mor- 
treuil,  t.  111,  107.) 


480  MAI-JUIN    1865. 

juifs  et  les  idolâtres  payent,  chaque  année,  i  dinar 
par  tête.  On  prélève  aussi  une  contribution  annuelle 
de  1  dirhem  sur  chaque  feu^ .  —  Les  fruits  arrivent 
à  maturité  en  septembre ,  dans  les  montagnes  comme 
dans  les  plaines. 

Le  rôle  de  l'armée  comprend  i  20,000  hommes^. 

^  Ce  terme  traduit  exactement  le  aa-nviKov  des  Novelles  de  Com- 
nène,  (Cf.  Mortreuil,  ihid.) 

^  Lalisie  qui  suit  n'est  pas  tellement  déflgurée  qu'on  ne  puisse 
en  rétablir  quelques  passages,  malgré  la  double  mutilation  qu'elle  a 
subie  de  la  part  de  l'auteur  et  des  copistes.  Le  thoumarkk  et  le  thoa- 
mahar,  noms  qui  semblent  provenir  d'une  même  leçon,  font  penser 
à  deux  grades  de  l'armée  grecque,  d'une  dénomination  presque 
identique  :  le  [lepâpyii^ç  et  le  fioipdpxjns.  Le  passage  suivant  de  la 
Tacticfue  de  Léon,  que  M.  E.  Miller  a  bien  voulu  me  faire  connaître, 
laisse  supposer  que  notre  thoiwiarkh  pourrait  être  le  Mœrarchh  des 
Byzantins  : 

a  Mejodp;^»^ ,  ol  \sy6\i.evoi  xsore  al paTrjXoiTai ,  vvv  §è  tyj  (TvvTjôe/çt, 
KaXox)[t.£voi  ■vovp^iâpyai.  » 

Il  resterait  encore  à  rechercber  si ,  vers  la  fin  du  ix*  siècle  ,  la  [lolpa. 
était  composée  de  cent  hommes;  mais  c'est  une  question  qu'il  ne  m'ap- 
partient pas  de  discuter.  Le  Coumes  ne  doit  donner  lieu  à  aucune 
difficulté;  il  se  nommait  aussi  Tpi$oîivos,  et  pouvait  commander  jus- 
qu'à 4oo  hommes,  h' èxatovtdp-^os  est  encore  reconnaissable  dans 
îe  groupe  suivant:  seulement,  pour  observer  la  proportion  numé- 
rique qui  se  remarque  dans  les  grades  précédents,  il  semble  que  le 
nombre  de  ces hékatontarqnes  doive  êtreporiéà  deux  au  lieudecinq. 
Le  dernier  titre  damarkh  est ,  sans  contredit,  le  èeHâp-jçoi^  deciirio. 
La  confusion  entre  le  mim  et  le  /îo/' médiat  est  trop  fréquente,  pour 
qu'il  y  ait  lieu  de  douter  de  cette  lecture.  —  De  tous  les  au- 
teurs musulmans  auxquels  j'ai  demandé  des  éclaircissements  ou  une 
citation  analogue,  l'écrivain  anonyme  du  Modjmel  est  le  seul  qui 
ait  traitéde  la  hiérarchie  militaire  des  Grecs,  à  peu  près  dans  le  même 
ordre  qu'Ibn-Khordadbeh;  et  malheureusement  Tunique  copie  que 
nous  possédons  de  cet  ancien  document  est  déparée  par  des  fautes 
non  moins  graves.  Après  avoir  énuméré  ces  différents  grades  au- 
dessus  desquels  il  place  V AstartahhçuSt  forme  sous  laquelle  ou  ne 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      481 

Un  patrice  commande  10,000  hommes.  Il  a  sous 
ses  ordres  deux  thoamarkli ,  q-ui  commandent  cha- 
cun 5,0  00  hommes.  Puis  viennent  :  cinq  thoumahar 
commandant  1,000  hommes;  cinq  coumès,  com- 
mandant 200  hommes-,  cinq  katontarkh,  comman- 
dant   1  00  hommes  ;    dix    damarkJi ,    commandant 

10  hommes. —  La  paye  (des  officiers)  est,  au  maxi- 
mum, de  Zio  rides  d'or;  eile  descend  à  36,  à  2/1,  à 

1  2  ,  à  6  ,  et  jusqu'à  1  ritle.  (Ce  nom  répond  ici  à  la 
X/rpa.  Cf.  Ducange,  Dict.  meà.  grœc.  sub  verb.)  La 
paye  du  soldat  varie  entre  8  et  1  2  dinars  (de  80  à 

1  20  francs)  par  an.  Mais  ordinairement  elle  n'a  lieu 
que  tous  les  trois  ans.  On  paye  alors,  en  une  fois,  la 
somme  représentant  quatre,  cinq  et  même  six  an- 
nées de  service.  Le  grand  patrice  est  en  même  temps 

peut  méconnaître  le  SrpaTrfyos,  l'auteur  persan  termine  en  ces 
termes  : 

^Ji^yX^,f  fY^^  ^•s\^  «tCj  c^LLo  ^y^  cAjL  Jaj^aj.^  L^[  t_>jL)j 

«Le  plus  grand  de  tous  les  chefs  (civils)  était  nommé  barmakin 
(grand  primicier) ,  son  lieutenant,  dikrit  (drungaire,  êpovyydpios). 
Le  chef  de  la  garde  du  roi  était  le  kollos  [dxôXovdos,  chef  des  Varan- 
giens).  Un  domestikos  était  chargé  de  l'entretien  des  villes,  et  ainsi 
de  suite.  Plusieurs  de  ces  dignités  sont  encore  en  vigueur  aujour- 
d'hui» (fol.  275-276).  Cette  dernière  ohservation  est  parfaitement 
jusiifiée  par  ce  que  nous  savons  des  changements  continuels  surve- 
nus dans  les  charges  du  palais  et  de  l'administration.  Une  étude  sé- 
rieuse du  Tct  ÙÇxpUioLTOv  'ZsaXaTiov  de  Codinus  apporterait  plus  de  cer- 
titude aux  assimilations  que  je  propose. 


482  MAI-JUIN  1865. 

ie  lieutenant  et  le  ministre  du  roi.  Puis  viennent  le 
otaïth  (le grand  dioctète?),  chef  du  département  des 
finances;  le  locjaïth  (le  grand  logothète?),  chef  du 
bureau  des  requêtes;  le  chef  des  postes,  le  grand 
juge  et  le  chef  des  gardes. 

Iles  du  pays  de  Roum  :  Chypre,  qui  a  un  circuit 
de  i5  journées  de  marche.  —  La  Crète,  i5  jour- 
nées de  marche.  —  L'île  du  Moine,  où  l'on  mutile  les 
esclaves  destinés  auservice d'eunuques.- — L'îled'Ar- 
gent. —  La  Sicile,  qui  a  en  circuit  i5  journées  de 
marche  \ 


Cette  ville  est  baignée  par  la  mer  au  levant,  au 
midi  et  au  couchant;  ie  côté  septentrional  seul  tient 
à  la  terre  ferme.  Son  étendue,  de  la  porte  orientale 
à  la  porte  occidentale,  est  de  28  milles.  Deux  murs, 

'  L'île  (lu  Moine  (aujourd'hui  Favicjnana)  devait  ce  nom,  comme 
l'atteste  Ibn-Djobeïr,  à  un  anachorète  qui  vivait  dans  les  ruines  d'un 
château,  au  sommet  de  la  montagne.  (Édition  Wright,  p.  34o; 
Journ.  asiat.  1 846 ,  p.  86.)  L'île  d'argent  est  nommée  Kousoiirah  par 
Edriçy.  C'est  la  Koacrupa  des  Grecs,  aujourd'hui  Pantellaria. 

^  Cette  peinture  d'une  Rome  digne  des  Mille  et  une  Nuits  n'appar- 
tient point  à  l'auteur.  Mise  depuis  longtemps  en  circulation  d'après 
de  vagues  récits  faits  par  les  marchands  musulmans  et  juifs,  elle 
était  déjà  ornée  de  ses  détails  fantastiques  lorsque  Ibn-Khordadheh  , 
ami  du  merveilleux  et  peu  sceptique,  lui  donna  droit  de  cité  dans  son 
recueil.  C'est  là  qu'Edriçy,  et  plus  tard  Mustaufy,  Ibn  el-Wardy  sont 
venus  la  chercher  pour  l'embellir,  ou  plutôt  la  défigurer  à  leur  guise. 
Une  description  analogue  à  la  nôtre  par  le  fond,  mais  plus  exagérée 
encore,  était  due  à  l'imagination  d'Ibn-cl-Fakih,  écrivain  assez  frivole 
du  IV*  siècle  de  l'hégire.  Elle  a  passé  de  son  traité  dans  celui  de 
Kazwîny  [Athar,  p.  897  et  suiv.). 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  483 
séparés  par  un  espace  de  60  coudées,  forment  son 
enceinte;  le  mur  intérieur  a  22  coudées  de  krge 
sur  -72  de  haut;  le  mur  extérieur  8  coudées  sur  /i2. 
Entre  cette  double  enceinte  passe  un  canal  couvert, 
pavé  de  dalles  en  cuivre,  longues  de  li6  coudées 
chacune.  Entre  la  porte  d'or  et  la  porte  du  roi  on 
compte  22  milles.  Près  du  mur  compris  entre  la 
porte  orientale  et  la  porte  occidentale  s'élève  un 
triple  portique,  dont  les  arcades  centrales  reposent 
sur  des  colonnes  de  cuivre  romain;  le  pied,  le  fût 
et  le  chapiteau  ont  été  fabriqués  avec  ce  cuivre  mis  en 
fusion  ;  elles  ont  3o  coudées  d'élévation.  C'est  le  lieu 
où  sont  les  boutiques  des  marchands;  entre  ces  bou- 
tiques et  l'entrée  du  portique  passe  un  petit  canal 
(pavé)  de  cuivrejaune^;  il  se  dirige  de  l'est  à  l'ouest. 
Ge  canal,  qui  communique  avec  la  mer,  sert  au 
transit  des  marchandises,  de  sorte  que  les  bâti- 
ments qui  les  transportent  s'arrêtent  devant  les  bou- 
tiques mêmes.  On  voit  dans  la  ville  une  église  sous 
l'invocation  des  apôtres  Pierre  et  PauP  ;  sa  longueur 
est  de  3 00  coudées  et  sa  hauteur  de  200.  Elle  est 
formée  par  des  arceaux  de  bronze  ;  la  toiture  et  les 
parois  latérales  sont  en  cuivre  jaune  roumy.  Rome 

*  Passage  cité  textaellement  par  Edriçy ,  mais  entièrement  mé- 
connaissable dans  la  traduction  française.  Sur  le  fleuve  et  l'ère  de 
bronze,  on  consultera  avec  fruit  les  remarques  de  M.  Rcinaud, 
Trad.  d'Abou'l-fàla,  p.  3 11. 

^  L'auteur  n'a  fait  qu'une  seule  et  même  église  de  l'ancienne  ba- 
silique de  Saint-Pierre,  fondée  par  Constantin  le  Grand,  et  d'une 
autre  église  du  v* siècle,  dédiée  à  saint  Paul;  elle  était  située  hors  des 
murs  de  Rome.  La  même  confusion  se  remarque  chez  Maçoudy  et 
Edriçy.  (Cf.  Abou'1-féda,  ibid.  p.  280.) 


484  MAl^JUrN  1865. 

renferme  douze  cents  églises ,  un  grand  nombre  de 
marchés  pavés  de  maibre  blanc ,  et  quarante  mille ^ 
bains.  Une  de  ses  églises,  construite  sur  le  modèle 
de  celle  de  Jérusalem,  a  i  mille  de  longueur.  L'au- 
tel sur  lequel  on  célèbre  le  sacrifice  est  d'émeraude 
verte;  il  a  20  coudées  de  long  sur  6  de  large;  il  est 
entouré  de  douze  statues  d'or  hautes  de  2  cou- 
dées 1/2  ;  les  yeux  de  ces  statues  sont  formés  de  ru- 
bis ponceau,  dont  l'éclat  illumine  l'église  tout  en- 
tière. Elle  a  vingt-huit  portes  de  l'or  le  plus  pur, 
mille  portes  de  bronze ,  sans  compter  celles  en  ébène , 
et  de  magnifiques  boiseries,  dont  la  valeur  ne  peut 
être  estimée.  Hors  de  l'enceinte  de  Rome ,  il  y  a 
deux  cent  vingt  colonnes  habitées  par  des  moines 
(stylites). 

Au  rapport  d'Abd  Allah  ^,  fils  d'Amr,  fils  d'el- 
Assy  ,  on  compte  quatre  merveilles  dans  le  monde  : 
1°  le  miroir  suspendu  au  phare  d'Alexandrie.  Un 
homme  placé  sous  ce  miroir  y  voyait  facilement  ce 
qui  se  passait  à  Constantinople,  malgré  l'étendue  de 

^  Edriçy,  effrayé  d'une  pareille  exagération,  en  a  réduit  le 
nombre  à  mille;  mais  Ibn-el-Wardy  et  les  traducteurs  persans, 
moins  scrupuleux,  ont  répété  la  leçon  de  notre  texte.  L'église  bâtie 
sur  le  modèle  du  Saint-Sépulcre  est  nommée  «église  deSion»  par 
KsLivflny  [Athary  p.  SgS). 

^  Ce  personnage,  après  avoir  pris  une  part  brillante  à  la  bataille 
de  Siffîn,  se  retira  en  Syrie  et  y  demeura  jusqu'à  la  mort  du  kbalife 
Yézid.  Il  mourut  à  la  Mecque,  ou,  selon  d'autres,  en  Egypte,  âgé  de 
soixante  et  douze  ans,  en  65  de  l'hégire.  Il  avait  étudié  le  syriaque 
et  recueillit  curieusement  les  traditions  rabbiniques  et  les  légendes 
populaires;  un  grand  nombre  de  traditions  apocryphes  ont  été  pla- 
cées sous  son  autorité. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  485 
mer  qui  sépare  les  deux  villes  (cf.  Maçoudy,  II,  /|3  i); 
2"  le  cavalier  de  bronze  en  Espagne ,  qui ,  le  bras 
étendu,  semblait  dire  du  geste:  ((Derrière  moi  il  n'y 
a  plus  de  routes  frayées;  quiconque  s'aventurera  au 
delà  périra  sous  le  dard  des  abeilles^  ;  »  3°  dans  le 
pays  des  Adites,  une  colonne  de  bronze  portant  un 
cavalier  de  même  métal.  Pendant  les  mois  sacrés 
l'eau  en  jaillissait  assez  abondante  pour  suffire  aux 
besoins  des  habitants  et  remplir  leurs  citernes;  ce 
temps  expiré,  l'eau  cessait  de  couler;  Zi"  à  Rome^, 
un  arbre  de  bronze  sur  lequel  est  perché  un  oiseau 
semblable  à  la  grive,  également  en  bronze.  Dans  la 
saison  des  olives,  cet  oiseau  de  métal  se  met  à  sif- 
fler, toutes  les  grives  arrivent  aussitôt,  tenant  trois 
olives,  l'une  dans  leur  bec  et  les  deux  autres  dans 
leurs  pattes,  et  elles  les  laissent  tomber  sur  cette 

'  J'ai  lu  cavalier  au  lieu  de  cheval  que  portent  les  copies,  pour 
me  conformera  la  leçon  de  Maçoudy  et  du  Modjmel  qui  interprètent 
de  cette  façon  la  légende  des  colonnes  dTIercule.  Quant auX  abeilles, 
il  n'en  est  parlé  nulle  part,  sauf  par  Jbn-el-Wardy ,  dont  le  témoi- 
gnage est  de  nulle  valeur  ;  j'ignore  où  l'auteur  a  trouvé  ce  supplé- 
ment à  la  tradition  attribuée  à  Abd  Allah. 

'  Ce  conte,  d'originegrecque.afaitsonchemindanslemondemu- 
sulman.  On  en  trouve  la  traduction  littérale  dans  le  Modjmel  {ï°  822), 
dans  les  compilateurs  persans,  et,  en  général,  chez  tous  ceux  qui 
ont  consulté  le  Livre  des  routes.  Comme  toujours ,  c'est  Apollonius  de 
Tyane  qui  a  les  honneurs  de  ce  singulier  talisman.  —  Maçoudy  ne 
pouvait  se  dispenser  de  mentionner  un  récit  aussi  populaire;  mais 
il  en  parle  en  coui'ant  et  d'une  manière  assez  confuse.  (T.  IV,  p.  9^  , 
sous  presse.)  Cependant  l'auteur  des  Prolégomènes  le  blâme 
d'avoir  accueilli  ce  conte  en  même  temps  que  d'autres  légendes 
(trad.  de  M.  de  Slane,  vol.  I,p.  73),  reproche  assez  peu  fondé, 
car  Maçoudy  n'en  dit  quelques  mots  qu'à  titre  d'information  cu- 
rieuse et  sous  forme  dubitative. 

V.  32 


'hm  MAI-JUIN    1865. 

itiiage.  Les  liahitants  ramassent  le  Iruit,  le  mettent 
au  pressoir  et  en  tirent  assez  d'huile  pour  la  prépa- 
ration des  peaux  et  des  cuirs  de  sandale,  jusqu'à 
l'année  suivante. 

RELAIS  SUR  I  A  ROUTE  DE   L'OCCIDENT  (mAGHREB). 

De  Sorra-men  râ  à  Haïletha,  7  relais.  —  Essinn  , 
10  relais.  —  Hadithah,  9  relais.  —  Beled,  h  relais. 

—  Adramah,  9  relais.  — Nissibîn ,  6  relais.  —  Kc 
fer-Toutha  (distance  omise  ;  Kod.  3  relais).  —  Ra 
çaïn,    10  relais.  —  Rakkali ,   i5  relais.  —  Nokaï- 
rah,    10   relais.  —  Menbedj ,   5  relais.  —  Alep, 
9  relais.  —  Rinnisrîn,  3  relais.  —  Sour,  10  relais. 

—  Hamat,  2  relais.  —  Hims,  Ix  relais.  —  Kharech- 
tah.  Ix  relais.  —  Baalbek,  6  relais.  —  Damas,  9  re- 
lais. —  EUadjoun  ,  Ix  relais.  —  Ramlah ,  chef-lieu  de 
la  Palestine,  9  relais.  —  El-Djefar,  1  relais  (?).  — 
Barouk^eh,  19  relais^  —  De  Fostat  à  Alexandrie, 
1 3  relais.  —  D'Alexandrie  à  Djoubb  er-remel  «  puits 
de  sable, .)  dans  le  voisinage  de  Barkah,  3o  relais. 

PAYS   DU  NORD  OU   EL-HARBY  (eNNEMi). 

ILs  formaient  un  quart  de  la  monarchie  (des 
Perses)  sous  l'autorité  d'un  chef  nommé  Azerbaïdjan' 
Espehboud  ^.  —  Sous  le  nom  d'El-Harby  étaient  com- 
pris :  l'Arménie;   l'Azerbaïdjan;  Rey;  Donbavend, 

'   Voir  dans  Post-  und  Reiserouten  du  17  Sprenger,  p.  8,  le  même 
itinéraire,  d'après  Kodama. 

*  Le  gx'oupe  illisible  qui  suil  ce  mot  me  paraît  devoir  être  rclahli 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  487 
dont  le  roi  se  nommait  Donbavend,  fils  de  Karen; 
le  Tabaristân;  Rouïân  ;  Amol;  Saryeh;  Chalous; 
Dihistân;  Guilân;  Beïlakàn;  Thaïiiçân  (pays  desTa- 
iiches);  les  Khozars;  les  Alans;  les  Abar  [Abari,  cf. 
Hist,  des  Mongols,  p.  /n3). 

liOUTE  (du  KHORAÇÀn)   À  L'AZERBAÏDJAN  ET  L'ARMENIE. 

De  Sersameïrah  à  Dinaver,  5  fars,  (lisez  relais). 

—  Zendjân,  29  relais.  —  Meragab,  19  relais.  — 
Mianedj  (Mianeb),  2  relais.  —  Ardebîl,  11  relais. 

—  Warthân,  qui  forme  la  limite  de  l'Azerbaïdjân , 
1  1.  relais. 

Villes  et  bourgs  principaux  de  l'Azerbaïdjân  : 
Meragab  ;  Mianedj  ;  Ardebîl;  Wartbân;  Selîneb; 
Berzeh;  Sarkhâst;  Tebriz;  Mérend;  Rbouï;  Kou- 
sireb  ;  Moukân;  Berzendj  ;  Djenzeb  (Guenjcb), 
ville  du  roi  Pervîz;  Ourmyab,  ville  de  Zoroastre; 
Selmas;  Cbîz.  Dans  cette  ville  est  Y Azerkhastas  ^ , 
temple  du  feu ,  très-vénéré  des  Guèbres.  Sous  l'an- 
cienne monarcbie,  leurs  rois  s'y  rendaient  en  pè- 
lerinage,  et  à   pied,  depuis   Médaïn    (Ctésiphon). 

^  C'est  le  pyrée  nommé  Nar-Dirakhch  dans  le  Borhané-Katy  et 
clans  la  Géographie  de  Kazwîny.  L'aulenr  des  Prairies  d'or  (t.  IV, 
p.  7A)  en  dit  quelques  mots  et  rappelle  une  légende  qui  n'est  pas 
sans  analogie  avec  celle  des  trois  Mages  chez  les  chrétiens.  La  res- 
semblance entre  les  noms  de  Chiz,  Ckîzer  et  Chîraz,  a  déterminé 
quelques  auteurs  musulmans  à  placer  dans  la  province  du  Fars, 
et  à  PersépoHs  même,  le  temple  du  feu  et  les  récits  apocryphes 
dont  il  est  l'objet.  (Cf.  Yakout,  Dict.  de  la  Perse,  p.  368.)  Le  co- 
lonel Rawlinson  a  identifié  ce  temple  avec  les  ruines  trouvées  près 
de  Sohraverd-,  sur  l'emplacement  de  l'Ecbalane  du  nord,  [Jonrn.  nf 
the  Geogr.  Societr^  t.  X  ,  p.  7  1 .) 

32. 


488  MAI-JUIN   1805. 

Badjrevân;  bourg  d'Oui  em  ;  bourg  de  Chrzob  (Yak 
Chîzer);  bourg  de  Mabalhoudj. 

ROUTE   DE   DINAVER  À   BIRZEND. 

Djenardjân,  7  fars.  (Ed.  et  Kod.  9  fars.)  —  Teli 
Van,  6  fars.  —  Sîser,  y  fars.  (Il  y  a  ici ,  d'après 
Kodama,  une  bifurcation.)  —  Enderâb,  Ix  fars.  — - 
Beïlakân,  ville  d'Arménie,  5  fars. —  Berzeh  ,  6  fars. 
(Kod.  8). —  Serkbâst,  8  fars.  —  Meragbab',  y  fars. 
—  Kbirguân,  1  1  fars.  —  Tebriz  ,  9  fars. —  Merend, 
10  fars.  —  Serah  (Yak.  Serav),  10  fars.  —  El-Bîr 
(de  puits,  »  5  fars.  —  Kouvasireb,  1  o  fars.  —  Mou- 
kân ,  1  o  fars.  —  D'Ardebîl  à  Khoch  ,  8  fars.  —  Bir- 

zend  (ou  Birzendj),  6  fars.  Cette  ville 

à  Chaderaâp,  où  se  trouve  le  premier  retrancbe- 
ment  d'Ëi-Afcbîn,  2  fars.  —  Rehguzer,  où  est  le 
troisième  retrancbement,  2  fars.  —  Bedd,  ville  de 
Babek  2. 

'  Cet  itinéraire  ne  nous  a  pas  été  conservé  inlact,  et  les  stations 
y  sont  calculées  trop  faiblement  ;  car  on  ne  trouve  que  5o  fars,  de 
Dinaver  à  Meraghah ,  tandis  que  Mokaddessy  et  le  Livre  des  climats 
en  comptent  60. 

^  Distance  omise.-Kodama  met  Ardebîl  à  8  farsakhs  de  Khân- 
Babek,  Les  retranchements  dont  il  est  parlé  ici  sont,  je  crois,  les 
trois  camps  fortifiés  que  Haïdar,  fils  de  Taous,  surnommé  El- 
Afckin,  fit  creuser,  quand  il  poursuivit  Babek,  révolté  contre  le 
khalife  Mo'taceni.  Ce  sectaire,  dont  les  dogmes  encore  peu  connus 
se  rattachaient  à  ceux  des  Batbéniens,  tint  en  échec  pendant  vingt 
ans  l'armée  du  khalife.  Vaincu  dans  une  grande  bataille  contre 
El-Afchîn ,  il  se  réfugia  auprès  du  gouverneur  d'Arménie,  qui  le 
livra  à  ses  ennemis,  en  222  de  l'hégire.  (Abou'1-féda,  Ann.  moslem. 
t.  II.)  Le  nom  de  sa  patrie  est  incertain;  Yakout  et  Maçinidy 
l'écrivent  comme  notre  géographe. 


LE  LIVKE  DES  ROUTES  ET  DES  PhOVENCES.     480 

De  Birzend   au  désert  de  Belasdjân  et  à    War- 

thàn,  sur  la  limite  de  l'Azerbaïdjân,  i  2  fars.  —  De 

Meraghah  à  Djenzeh,  6  fars.  —  Mouça-Abâd ,  5  fars. 

—  Berzeh,  Ix  fars.  —  Djabrevân,  8  fars.  —  Berîn, 
k  fars.  —  Ourmyah,   vilie  de  Zoroastre,    \lx  fars. 

—  Selmas,  ville  sur  le  lac  d'Ourmyah,  6  fars.  — 
ï^orsque  Tbn-et-Thaousy  (El-Afcbîn)  conduisait  les 
sectaires  (de  Babek)  dans  l'Azerbaïdjân,  il  alla  de 
Meraghah  à  Berzeh,  ensuite  à  Sîser,  ensuite  à  Ghîz, 
k  fars.  —  Impôt  de  Dinaver,  un  million  de  di- 
rhems. 

ROUTES  D'ARMÉNIK. 

De  Warthân  à  Berdaah,  8  relais.  —  De  là  à 
Mansourah ,  l\  relais.  — De  Berdaah  à  Tiflis,  1  o  re- 
lais ,  et  à  Bab-el-Abwab  ( Derbend ) ,  1 5  relais.  —  De 
Berdaah  à  Debîl,  7  relais.  (Ed.  162  milles.)  — De 
Merend  à  Dara,  10  fars.  —  Nechwa  (ou  Naktche- 
vân),  20  fars.  —  Ardebîl,  20  fars.  —  De  Warthân 
au  Koubân.  (Ed.  3  fars.  Ist.  7  fars.)  —  Chirvân, 
7  fars. —  Berdaah,  3  fars.  —  De  Bedd  à  Berdaah, 
3o  fars. 

Division  administrative  ^  Arménie  1""  :  Sisdjân; 
Errân;  Bidlîs;  Berdaah;  Beïlakân;  Fileh;  Chirvân. 
— Arménien  :  Khazai  an  (autre  nom  de  Tiflis,  selon 
Yakout);  Soghdebil;  Bab-Firouz-,  le  Koiirr.  —  Ar- 

^  Dans  le  grand  dictionnaire  de  Yakout,  les  villes  principales  de 
l'Arménie  sont  classées  à  peu  près  dans  le  même  ordre.  (Cf.  Moscli- 
terik;  Aboul-féda,  teste,  387;  Saint-Martin,  Méni.  sur  l'Armdnie, 
107  et  suiv.) 


/iOO  MAl-JLI.N    186  5. 

ménie  III  :  Sefourdjân  (Baslburguân);  Debîl  ;  Siradj- 
et-Taïr  «  flambeau  de  l'oiseau  ;  »  Birzend  ;  Nechwa. — 
Arménie  IV:  Ghimchat;  Rhilat;  Kalikala;  Erdjîch; 
Badjenîs  (Bayézid,  selon  Jaubert).  Les  autres  villes 
de  ce  pays  sont  :  Halda ,  Sanaryeh  \  Baf,  Kisar,  Djar, 
Kalat-el-Hourmân,  Houbrân,  Ghakky. 


BAB-EL-ABWAB. 


On  nomme  ainsi  les  bouches  des  vallées  formées 
par  le  mont  Kabk  (Caucase).  Les  principales  for- 
teresses de  ce  pays  sont:  Bab-Soul;  Bab-EHân;  Bab- 
essabirân;  Bab-Lazikah  (Lezguis);  Bab-Selsedjy  ;  la 
ville  du  Maître  du  trône  «Sahib-es-Serir;  »  la  ville 
de  Filân-Chah;  Bab-Karounân;  la  ville  de  Tabari- 
stân-Ghah  (alii  Teberserân);  la  ville  d'Abvar-Cbah 
(Abkhazes?);  la  ville  de  Lebân-Chah^;  la  ville  de 
Semender,  derrière  Bab-el-Abwab,  bâtie  par  le  roi 
Enouchirvân,  fils  de  Kobad.  Tout  le  pays  situé  au 
delà  est  occupé  par  les  Khozars.  —  Impôt  de  l'Ar- 
ménie,  4  millions  de  dirhems. 

Derrière  Semender  est  la  muraille  de  Gog  et  Ma- 
gog.  Voici  ce  qui  m'a  été  raconté  par  Sallam  l'inter- 
prète^: «  Le  khalife  Wathik,  ayant  vu  en  songe  que 

^  Ou  Sanabaryeh ,  cliei  Edriçy.  Maçoudy  uonime  cette  ville  Sa- 
nareh  et  la  place  au  confluent  du  Kourr  et  de  l'Araxe. 

^  On  peut  comparer  ces  noms,  dont  j'ai  respecté  l'orthographe , 
avec  la  liste  de  Maçoudy  dans  le  chapitre  consacré  à  l'ethnographie 
du  Caucase.  (  Prairies,  t.  II,  chap.  xvii.) 

^  Parmi  les  huit  relations  arabes  et  persanes  de  ce  voyage  que  j'ai 
pu  consulter,  relations  dont  l'ouvrage  d'Ibn-Khordadbeh  a  été  le 
point  dv  départ ,  j'ai  choisi  de  préférence  cellrs  qui  s'en  éloignai<'nt 


LL  LrVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  491 
la  muraille  élevée  par  Dou'l-Karneïn  entre  nos  con- 
trées et  Gog  et  Magog  était  ouverte,  m'ordonna 
d'aller  sur  les  lieux  et  de  lui  rendre  compte  de  ce 
que  j'aurais  vu  ^  Il  me  donna  une  escorte  de  cin- 
quante hommes,  une  somme  de  5,ooo  dinars, 
plus  une  indemnité  personnelle  de  i  o,oao  dirhems. 
Chaque  homme  reçut  i,ooo  dirhems  et  des  pro- 
visions pour  une  année  ;  deux  cent  mulets  portaient 
les  vivres  et  l'eau  nécessaires  au  voyage.  Nous  par- 
tîmes de  Sorra-men-râ ,  munis  d'une  lettre  adressée 
par  le  khalife  à  Ishak ,  fils  d'Ismaïl ,  qui  gouvernait 
l'Arménie  et  résidait  à  Tiflis,  l'invitant  h  faciliter 
notre  voyage.  Ishak  nous  remit  une  lettre  pour  le 
Maître  da  trône  a  Sahib-es-Serir;  »  celui-ci  écrivit  li 
notre  sujet  au  roi  des  Allâns;  ce  roi  au  Filàn-Chah, 
et  ce  dernier  au  Tharkhân,  roi  des  Khozars.  Arrivés 
chez  le  Tharkhân,  nous  nous  arrêtâmes  un  jour  et 
une  nuit,  puis  nous  repartîmes  accompagnés  de 
cinq  guides  que  ce  roi  nous  donna.  Après  avoir 
marché  pendant  vingt-sept  jours,  notre  troupe  en- 
tra dans  un  pays  dont  le  sol    était  noir  et  fétide; 

le  n»oins,  ou  |)ar  leur  date  comme  la  version  du  Modjmcl  et  le  traité 
de  Mokaddessy,  ou  par  une  reproduction  assez  exacte  de  l'original, 
comme  la  cosmographie  de  Kazwîny.  Ce  dernier  cependant  ainsi 
que  les  deux  autres  ont  corrigé  les  mots  peu  lisibles  du  texte  qu'ils 
avaient  sous  les  yeux  ,  ou  cherché  à  l'expliquer  dans  les  passages 
obscurs.  Je  ne  donnerai  qu'un  très-peht  nombre  des  variantes  dues 
à  ce  travail  de  révision. 

'  Mokaddessy  ajoute  ici  un  fait  que  je  n'ai  trouvé  dans  aucune 
aulre  version:  a  Wathik  avait  envoyé  précédemment  l'astronome 
Mohammed,  fils  de  Mouça,  originaire  du  Kliârezm,  chez  le  Thar- 
kliân,  roi  des  Khozars,  Ce  voyageuj-  se  joignit  à  moi ,  etc.  » 


an  MAI-JUIN    1805. 

heureusement  nous  avions  eu  la  jDrécaution  de  nous 
pourvoir  de  parfums  propres  à  combattre  le  mau- 
vais air.  Au  bout  de  dix  journées' de  voyage  à  tra- 
vers cette  contrée,  nous  passâmes,  durant  vingt-sept 
jours,  au  milieu  de  villes  en  ruines.  On  nous  apprit 
que  c'étaient  les  restes  des  villes  envahies  autrefois 
par  les  peuples  de  Gog  et  Magog.  Nous  arrivâmes 
enfin  près  des  forteresses  (Kazwîny:  d'une  forte- 
resse) bâties  au  fond  de  la  vallée  formée  par  la 
montagne  où  se  trouve  la  muraille.  Les  habitants 
de  ces  forteresses  sont  des  musulmans,  sachant  lire 
le  Koran ,  possédant  des  écoles  et  des  mosquées.  Ils 
nous  interrogèrent  sur  notre  origine  et  notre  pays 
natal.  Apprenant  que  nous  étions  les  envoyés  de 
l'Émir  des  croyants,  ils  s'écrièrent  avec  surprise: 
c<  L'Emir  des  croyants!  —  Oui,  leur  répondîmes- 
nous,  tel  est  son  nom.  —  Est-il  vieux  ou  jeune? 
—  Il  est  jeune,  d  —  Leur  étonnement  redoubla;  ils 
ajoutèrent  :  «Où  réside-t-il?  —  En  Irak,  dans  une 
ville  nommée  Sorra-men-râ.  —  Nous  n'en  avions 
jamais  ouï  parler,  »  répondirent-ils.  Cependant  nous 
étions  arrivés  devant  une  montagne  ^  lisse  et  sans 
végétation,  coupée  par  une  vallée  large  de  i5o 
coudées.  Deux  énormes  piles  (ou  jambages)  de 
2  5  coudées  de  large  et  formant  une  saillie  de 
10  coudées  s'élevaient  sur  chaque  versant  de  la 
montagne,  à  droite  et  à  gauche  de  la  vallée,  bâties 

'  Ici  commence  la  description  abrégée ,  empruntée  au  Livre  des 
roules,  par  le  cosmographe  Cliems  ed-dîn ,  de  Damas.  (Ms.  de  ta 
Bibl.  imp.  1°  i3,  v".) 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  493 
en  briques  de  fer,  recouvertes  de  bronze,  sur  une 
hauteur  de  5o  coudées.  Entre  ces  deux  piles  s'éten- 
dait une  barrière  [dervend)  en  fer  de  i  20  coudées  de 
long;  elle  était  ajustée  à  chaque  pile,  à  une  pro- 
fondeur de  10  coudées,  sur  5  de  large.  Au-dessus 
de  la  barrière,  une  maçonnerie  massive  en  fer  et 
en  bronze  se  dressait  jusqu'au  sommet  de  la  mon- 
tagne, à  perte  de  vue;  elle  était  couronnée  de  cré- 
neaux en  fer,  reliés  entre  eux  par  des  hourdis  en 
forme  de  cornes.  La  porte  aussi  en  fer  avait  deux 
battants  de  5o  coudées  (Kazwîny  :  60)  de  large,  sur 
5  d'épaisseur;  les  gonds  étaient  proportionnés  aux 
dimensions  de  la  barrière.  Sur  la  porte,  et  à  25  cou- 
dées du  sol,  on  voyait  une  serrure  longue  de  7  cou- 
dées et  d'une  brasse  de  circonférence  ;  au-dessus  de 
la  serrure,  un  verrou  plus  long  que  celle-ci,  et  dont 
les  deux  crampons  avaient  chacun  2  coudées.  Une 
clef  pendait  au-dessus  du  verrou,  longue  de  7  cou- 
dées et  demie ,  et  terminée  par  douze  dents  de  fer 
d'une  force  étonnante  ^  La  chaîne  qui  la  retenait 
était  longue  de  8  coudées  sur  à  empans  de  dia- 
mètre, et  l'anneau  auquel  elle  était  rivée  ressemblait 
à  l'anneau  des  machines  de  siège '^.  Le  seuil  de  la 
porte  avait   10  coudées  de  haut,  sur  un  dévelop- 

'  Kazwîny  et  Mokaddessy  remplacent  ces  mots  par  une  leçon  dont 
je  ne  comprends  pas  la  signification  :  (Jav^Î  J^O^ 

'  Mendjanih  «  mangonneau  ;  »  ce  terme  est  expliqué  par  M.  Rei- 
naud  [Journ.  asiat.  sept.  i848,  p.  2  25).  Je  pense  que  le  narrateur 
entend  par  l'anneau  Tare  du  centre  ménagé  de  façon  à  livrer  pas- 
sage au  projectile,  conformément  à  la  description  des  machines 
anciennes  telle  qu'on  la  trouve  dans  Vitruve,  X,  xv. 


494  MAI-JUIN    1865. 

peinent  de  loo  coudées,  non  compris  la  maçon 
nerie  placée  au-dessous  des  deux  jambages,  et  la 
partie  saillante  de  5  coudées.  La  coudée  dont  il  est 
parlé  ici  est  la  coudée  noire  \  Le  roi  qui  commande 
dans  ces  forteresses  sort  tous  les  vendredis ,  suivi  de 
dix  cavaliers  munis  de  masses  d'armes  en  fer,  du 
poids  de  cinquante  menn.  Ils  frappent  trois  fois  la 
serrure ,  avec  ces  masses ,  pour  avertir  ceux  du  de- 
hors que  la  porte  est  bien  gardée,  et  prévenir  de 
leur  part  toute  tentative  d'agression.  Ln  de  nos 
compagnons  ayant  frappé  ainsi  sur  la  serrure,  nous 
appliquâmes  nos  oreilles  contre  la  porte  et  nous 
entendîmes  un  bruit  sourd,  provenant  de  l'inté- 
rieur. 

«  Dans  le  voisinage  s'élève  une  grande  forteresse , 
qui  a  10  farsakhs  en  long  çt  en  large  (Kazwîny  : 
1  fars.).  La  porte  elle-même  est  flanquée  de  deux 
citadelles  qui  ont  chacune  200  coudées  en  long  et 
en  large;  à  droite  et  à  gauche  de  leur  porte  sont 
plantés  deux  arbres;  une  source  d'eau  douce  coule 
entre  les  deux  citadelles.  On  conserve,  dans  l'une 
d'elles,  les  instruments  qui  ont  servi  à  la  construc- 
tion de  la  muraille  ;  ce  sont  d'énormes  chaudières 
de  fer,  comme  celles  qui  servent  à  la  fabrication 
du  savon,  placées  à  chaque  angle  de  la  place;  des 
haches  en  fer;  des  débris  de  blocs  du  même  métal, 
soudés  les  uns  aux  autres  par  la  rouille.  Ces  blocs 
sont  hauts  et  larges  d'une  coudée  et  demie,   sur 

'   Appelée  aussi  uiamouny,  parce  qu'elle  fut  adoptée  sous  le  rrgne 
rrEI-Mauioun -,  elle  ('tait  <lr  vin^jt-sept  doigts. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  495 
un  empan  d'épaisseur.  Nous  demandâmes  aux  ha- 
bitants s'ils  avaient  jamais  vu  des  hommes  de  Gog 
et  Magog;  ils  nous  racontèrent  qu'ils  avaient  aperçu, 
un  jour,  une  troupe  de  ces  barbares  au-dessus  du 
mur,  où  un  vent  impétueux  les  avait  jetés.  Vus  à 
cotte  distance,  leur  taille  ne  paraissait  pas  dépasser 
un  empan  et  demi.  A  notre  départ,  nous  fûmes  es- 
cortés  par  des  guides  qui  nous  mirent  sur  la  route 
du  Khoraçân  ;  nous  continuâmes  notre  voyage,  mu- 
nis de  provisions  par  les  soins  du  chef  des  forte- 
resses. Nous  sortîmes  enfin  dans  la  plaine,  à  y  fars, 
derrière  Samarcande ,  et  nous  nous  rendîmes  ^  chez 

^  Dans  Mokaddessy,  la  relation  se  termine  par  ces  mots  :  «Je  me 
rendis  ensuite  chez  le  khalife  et  lui  racontai  mon  voyage.  Le  récit 
qu'on  vient  de  lire  prouve  que  c'est  à  lorl.  qu'on  a  voulu  placer  en 
Espagne  le  mur  de  Gog  et  Magog.  »  Il  paraît,  en  effet,  que  quelques 
écrivains  avaient  proposé  cette  conjecture;  d'autres  confondaient 
les  Yadjoiidj  et  Madjoudj  du  Koran  avec  les  Khozars,  et  leur 
donnaient  pour  séjour  la  contrée  située  derrière  Derb-Houzân.  Ma- 
çoudy  [Prairies t  II,  3o8),  après  avoir  signalé  l'incertitude  de  ces 
hypothèses,  ajoute  qu'on  voyait,  de  son  temps,  des  images  repré- 
sentant la  grande  muraille  de  Gog  et  Magog,  à  laquelle  la  croyance 
populaire  donnait  un  développement  de  1 5o  fars.  Un  savant  astro- 
nome, Mohammed,  originaire  de  Ferghanab,  mort  en  8i5  ,  c'est-à- 
dire  trente  ans  environ  avant  l'expédition  de  Sallam,  avait  cherché, 
dans  ses  ouvrages,  à  démontrer  combien  ces  contes  étaient  ab- 
surdes et  dénués  de  vraisemblance.  En  effet,  lorsque  les  barrières 
du  Caucase  cédèrent  devant  l'effort  des  armées  musulmanes,  il 
fallut  reculer  la  demeure  supposée  des  peuples  dont  Mahomet  avait 
fait  une  peinture  terrrfiante.  Des  rives  du  Volga ,  on  les  tran.sporta 
dans  les  steppes  de  l'Oural  et  de  l'Altaï;  on  finit  même  par  confondre 
la  digue  d'Alexandre  avec  la  grande  muraille  de  la  Chine.  (Cf.  Intro- 
duction à  la  Géographie  des  Orientaux,  $  3.)  Je  crois  que  la  mission 
de  Sallam  avait  surtout  un  but  politique  ;  le  prétendu  songe  du  kha- 
life exprimait  l'inquiétude  qu'inspiraient  aux  musulmans  les  hordes 


496  MAI-JUIN    1865. 

Abou'l-Abbas  Abd  x\llah,  fils  de  Taher.  »  L'iiiler- 
prête  Sallam  ajoutait  :  a  Ce  gouverneur  nie  donna 
100,000  dirhems  et  en  distribua  5oo  à  cbacun  de 
mes  compagnons;  il  alloua ,  en  outre,  5  dirbems  par 
jour  à  chaque  cavalier  et  3  dirhems  à  chaque  fan- 
tassin. Nous  arrivâmes  ainsi  à  Rey,  et  de  là  je  regagnai 
Sorra-men-râ,  vingt-huit  mois  (Kazwîny  :  dix-huit 
mois)  après  mon  départ.  »  Le  récit  abrégé  qui  pré- 
cède m'a  été  fait  par  Sallam  l'interprète,  lequel  me 
l'a  dicté  sur  la  relation  même  qu'il  rédigea  pour  lo 
khalife  Wathik-Billah. 


PAIS  DE  LA  DROITK  OU  MIDI. 


L'Espehboad    qui    les   gouvernait    autrefois  était 
nommé 


ROUTE  DE  BAGDAD  À  LA  MECQUE  \ 

Djisr-Kouta,  7  fars,  —  Château  d'Ibn-Hobeïrah , 
5  fars.  —  Souk-el-Açed  u  marché  du  lion»  (Kod. 

(le  Scythes  et  de  Huns  massées  sur  la  frontière  nord-est  de  l'empire. 
Sallam,  qui  s'arrêta  probablement  sur  les  bords  du  Volga,  avait  été 
chargé  de  recueillir  des  informations  à  cet  égard.  Pour  concilier  la 
réalité  de  son  voyage  avec  les  fables  puériles  qui  en  remplissent  la 
seconde  moitié,  on  doit  donc  supposer  que  ces  fables  furent  inven- 
tées après  coup,  et  répandues  dans  le  public,  pour  satisfaire  sa  cu- 
riosité et  lui  donner  le  change,  en  le  rassurant  sur  Timminence  du 
danger. 

'  Décrite  par  Yakouby,  mais  moins  détaillée  (p.  92  du  texte  pu- 
blié à  Leyde).  Le  docteur  Sprenger  a  étudié  avec  un  soin  particulier 
ritinéraire  d'Arabie,  et  j'ai  profilé,  en  maint  passage  douteux,  de 
ses  judicieuses  observations  [Posl-  und  Beiserouten ,  p.  109-159). 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  497 
El-Oçaïd),  7  fars.  —  Cbaliy,  6  fars.  —  Koufah, 
5  fars.  —  Kadiçyeh,  i  5  fars.  ^  —  El-Odhaïb,  sur 
Ja  limite  du  désert,  6  m.  —  El-Moghaïbah  (Kod. 
Moghythah),  \  à  m.  on  soupe  à  Oaady  es-Seba' 
«vaJiée  des  lions,»  y  m^.  —  El-Kara',  3^  m.  on 
soupe  à  la  mosquée  de  Saad,  i /i  m.  —  Wakiçah, 
puits,  29  m.  —  El-Akabah  «la  côte,»  27  m.  (Kod. 
29);  on  soupe  à  El-A'sat,  là  m.  —  El-Kaa',  'ili  m.^ 
on  soupe  à  Kbaldja,  1 1\  ni.  — Zobalah,oiiron  trouve 
de  l'eau  en  abondance,  2/1  m.  on  soupe  à  Djou- 
beïn,  :h  m. —  Gbokouk,  citernes^,  29  m.  (Mok. 
21);  on  soupe  à  Elmas,  1  4  m.  —  El  Bitbân,  tom- 
beau d'El-lbady,  29  m.  on  soupe  à  Yalhab'ab,  1  4  m. 
— Tagblebyeh^,  citernes  etpuitsbydrauliques.  Sa  m. 
(Kod.  et  Mok.  29);  on  soupe  à  El-Amîs,  i/j  m. — 

'  Bourg  important  entouré  de  palmiers ,  et  arrosé  par  les  canaux 
de  l'Euphrate.  (Ibn-Djobeïr. )  Le  même  voyageur,  passant  à  Koufah 
vers  minuit ,  arriva  le  matin  à  Kadiçyeh ,  ce  qui  prouve  qu'il  faut , 
au  lieu  de  \h  farsakhs,  lire  i5  milles,  comme  dans  le  texte  de  Ko- 
daoïa.  Hamdâny,  cité  par  Sprenger,  évalue  la  distance  à  \k  milles. 

^  Les  haltes  de  repos,  étapes  intermédiaires  où  les  caravanes 
faisaient  le  repas  du  soir,  ne  sont  citées  que  par  Ibn-Khordadbeh , 
ce  qui  ne  m'a  pas  permis  de  contrôler  l'exactitude  des  noms  propres. 
Elles  indiquent  ordinairement  le  milieu  de  la  distance  entre  deux 
stations  :  c'est  donc  par  en-eur  qu'ici  les  copistes  ont  écrit  i4  milles 
au  lieu  de  7. 

'  Le  texte  porte  à  tort  ik  milles  La  distance  est  donnée  régu- 
lièrement dans  Kodama. 

*  «La  plupart  des  puits  et  des  citernes  qu'on  trouve  sur  cette 
route  sont  dus  à  la  munificence  de  Zobeïde,  femme  du  khalife  Ha- 
roun  er-Réchîd.  >  (Ibn-Djobeïr.) 

*  Ibn-Djobeïr  écrit  iU;JAAjî,  leçon  qu'on  rencontre  aussi  chez 
Kodama  et  Mokaddessy.  Près  de  cet  endroit,  est  une  forteresse  en 
ruines. 


498  MAI-JUIN  1865. 

El-Hareçyeb,  citernes,  3 2  m.  —  Hal'ar  \  puils, 
2 II  m.  on  soupe  à  Eladj ,  1  5  m.  —  Feïd,  source 
d'eau  vive,  3o  m.  (Kod.  et  Mok.  36);  on  soupe  à 
El-Hodjaïmali^,  i3  m.  —  El-Hadjir,  puits,  3o  m. 
(Kod.  et  Mok.  33);  on  soupe  à  Belasah,  1  1  m.  — 
Ma'den-en-Nokrah  «  la  mine  d'argent,  »  puils,  32  m. 
(Kod.  27).  La  dîme  aumônière  de  la  tribu  de  Bekr 
ben  Waïi,  qui  occupe  la  route  de  la  Mecque,  se 
monte  à  3, 000  dirhems^. 

De  Ma'den-en-Nokrab ,  un  embranchement  con- 
duit àMédine,  par  les  stations  suivantes  :  El-Oçaïlah 
{Ed.  Koçailah),  puits  d'eau  saumàtre,  66  m.  — 
Bathn-Nakhl  «vallon  des  dattiers,  »  eau  abondante, 
36  m.  —  Taraf  (Yac.  Tarfab),  eau  de  pluie,  22  m. 
—  Médine,  35  m.  Médine,  nommée  aussi  Tayibeh 
et  Yatrib,  était  gouvernée,  ainsi  que  le  Tehamah, 
avant  l'islamisme,  par  un  délégué  du  Merzehân  du 
désert  y  chargé  de  la  perception  des  impôts.  Les  tribus 
Koraïzah  et  Nadhîr  possédaient  ce  territoire,  sous  la 
suprématie  des  Aws  et  des  Khazradj  *.  Le  poëte  El- 

^  Kodama  et  Ibn-Djobeïr  :  El-Adjfar.  «  Les  Arabes,  dit  ce  dernier, 
nomment  cette  station  le  beau  site  ou  îa  colline  des  deux  vierges.  » 

^  Feïd  est  à  i  2  journées  de  Koui'ah ,  c'est-à-dire  à  peu  près  à  moitié 
route  de  Bagdad  à  la  Mecque.  Ce  renseignement ,  donné  par  Ibn-Djo- 
beïr, s'accorde  avec  les  distances  d'Edriçy  et  de  Yakouby. 

2  L'itinéraire  est  coupé  ici  par  l'embranchement  qui  mène  à  Mé- 
dine; il  est  continué  plus  loin ,  p.  5oo. 

*  Voyez  Y  Histoire  des  Arabes  avant  l'islam,  par  M.  C.  de  Perceval , 
t.  II,  livre  Vil.  L'auteur  des  vers  cités  ci-après  est  Abou  Abd  Allah 
Djaber  el-Ansary,  l'un  des  plus  célèbres  Compagnons  de  Maliomet, 
mort  en  7/1  ou  78  de  l'hégire.  [Ann.  Moslcm.  I,  1  o5  el  passim.  Mich- 
kal  el-Meçubih,  1 ,  p.  1  3.) 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  499 
Aiisary  a  rappelé  cette  circonstance,  quand  il  a 
dit: 

Apres  le  tribut  du  Chosroës,  après  le  tribut  de  Koraïzah 
et  de  Nadhîr,  on  nous  rançonne  encore  ! 

De  la  province  de  Médine  dépendent  le  Taïmâ  et 
la  forteresse  d'El-Ablak,  surnommée  l'unique,  entre 
la  Syrie  et  le  Hédjaz;  elle  appartenait  au  Juif  Sa- 
muel^, fds  d'Adya,  que  sa  bonne  foi  a  rendu  cé- 
lèbre. On  connaît  le  vers  : 

11  réside  dans  le  Teîma ,  à  El-Ablak  l'unique,  forteresse  re- 
doutable, auprès  d'un  hôte  sans  félonie. 

ROUTE  SUIVIE  PAR  LE  PROPHETE  DANS  SA  FUITE. 

Le  guide  vint  le  prendre  au-dessous  de  la  Mecque 
et  le  conduisit  à  Es-Sahil,  au  bas  d'Osfàn.  Puis,  tra- 
versant la  route ,  il  passa  par  Kodaïd  et  voyagea  dans 
la  Hararah^,  jusqu'à  Thenyet-el-Morar.  Après  avoir 
laissé  sur  sa  route  Medlet-Modjab,  Madhedj,  Dhat- 
Reched,  El-Adjrad,  il  s'engagea  dans  Dhou-Samor 
(Ed.  Dhou-Chamir),  dans  le  vallon  de  Aada,  appar- 
tenant à  la  tribu  de  Madhedj ,  et  arriva  dans  Ocliaï- 

^  L'histoire  de  ce  personnage  est  bien  connue  et  elle  a  donné 
naissance  à  un  dicton  expliqué  par  Meïdany.  Vers  Tan  535  de  notre 
ère,  ilaccorda  l'hospitalité  à  Imroul-Kaïs,  et,  pour  défendre  la  fille 
de  ce  poëte ,  il  soutint  un  long  siège  contre  El-Harith  ,  roi  gassanide. 
(Cf.  C.  de  Perceval,  ouvrage  cité,  II,  p.  323;  Meïdany,  I,  218.)  Le 
même  vers  est  donné  par  Maçoudy,  qui  Tattribue  au  poëte  El-Acha'. 
[Prairies,  III ,  199.) 

^  Terrain  volcanique ,  couvert  de  pierres  calcinées  et  de  sables  ; 
ce  mot  est  expliqué  par  M.  Reinaud ,  dans  une  note  de  sa  traduction 
d'Abou'I-féda,  p.  loA. 


500  MAI-JUIN   1865. 

rah.  Il  reçut  l'hospitalité  à  El-Fahid  (Ed.  Fadjah), 
se  reposa  à  El-Ardj ,  et,  continuant  son  voyage  par 
Thenyet-el-Ayar,  à  droite  de  Rakoubah,  il  mit  enfin 
pied  à  terre  au  puits  d'Amr  fds  d'Awf,  à  Koubba. 
Autres  dépendances  de  Médine  :  El-Fourou'; 
Dhou'I-Mirwah;  Ouady'I-Kora  ;  Madian;  Khaïbar; 
Fedek;  villages  d'Oraïnah;  El-Wahîdeh;  Nomeïrah; 
EI-Hadîkah  «le  verger;»  Ady  ;  Rabbah;  Seyyalab  ; 
Sabeh;  Rohatb  ;  El-Akhal  ;  El-Hamyyeb. 

ROUTE  DES  PÈLERINS  DE  MEDINE  À  LA  MECQUE. 

De  Médine  à  Cliedjrah  «l'arbre,  »  où  les  Médi- 
nois  prennent  le  manteau  pénitentiel  ihram,  6  m.  — 
Melel,  puits,  12  m.  —  Seyyalab,  puits,  19  m.  ^  — 
Sokya,  où  se  trouvent  une  rivière  et  des  jardins, 
36  m.  —  El-Abwa,  puits,  29  m.  (Ed.  27).  — 
Djohfah,  où  les  pèlerins  de  Syrie  prennent  Vihram; 
cette  étape  est  à  8  milles  de  la  mer  (Yak.  6;  Ed.  4), 
27  m.  —  Kodaïd,  puits,  27  m.  —  Osfân,  puits, 
23  m.^ 

SUITE  DE  LA  ROUTE  DE  BAGDAD  À  LA  MECQUE,  DEPUIS  MA'dEN- 

en-nokrah\ 
Mogbîthat-el-Mawân,  citernes  et  puits,  33  m. 

'  Ici  manque  une  étape  de  34  milles,  nommée  Rowaîthah;  elle 
est  formée  de  la  réunion  de  quatre  puits,  au  milieu  du  désert, 
(Edriçy;  Yakouby.) 

-  Le  paragraphe  finit  brusquement  ici  ;  mais  il  se  complète  par  le 
texte  de  Kodama,  qui  ajoute  :  «Batn-Marr,  16  m.  et  de  là  à  la 
Mecque,  16  m.  »  La  distance  entière  de  Médine  à  la  Mecque  est»  en 
ajoutantles  stations  omises  dans  les  deux  copies,  a46  milles.  D'après 
Burton  et  Burckhardt,  elle  est  de  2/18  milles  anglais. 

'   La  premitrc  partie  de  cet  itinéraire  se  trouve  ci-dessus,  p.  496. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  50 J 
(Kod.  27);  on  soupe  à  Saiiiatli,  16  m.  —  Raba- 
dheh,  citernes,  ili  m.  on  soupe  à  Ada'bah,  1  Zi  m. 
—  Mine  des  Benou-Solaïm ,  où  il  est  impossible  de 
se  procurer  de  l'eau,  si  les  citernes  sont  desséchées, 
2  II  m.  on  soupe  à  Saroura,  12  m.  —  Chelîiah, 
26  m.  on  soupe  à  Aiem-Nohas,  i3  m.  —  Omk, 
puits  ,21m.  on  soupe  à  Amdjeh ,  1 3  m.  —  Ofay'iah , 
citernes  et  puits,  82  m.  on  soupe  à  Kirah,  1  5  m.  — 
Maslah,  citernes  et  puits,  34  m.  on  soupe  à  Ki- 
ram,  1 /i  m.  —  Ghonirah  (ou  Omrah),  citernes  et 
puits,  18  m.  —  Dhat-Yrk,  puits  abondants,  26  m. 
on  soupe  à  Awtas  ,12m.  —  Jardin  des  Benou- 
Amir,  puits  abondants,  32  m.  on  soupe  à  Omrat- 
Kendah,  12  m.  —  La  Mecque,  2  4  m.  on  soupe  à 
moitié  route,  à  Besatîn. 

Distance  totale  de  Bagdad  à  la  Mecque,  275  fars. 
(y)  ou  827  m.  (  1,654  kilom.). 

Cantons^  de  la  Mecque  :  Tayef;  Nedjrân;  Kyrn- 
el-Ménazil;  El  Akik  u  vallée  creusée  par  les  eaux  ;  » 
El-Okazh  ;  Walîmeh  ;  Turbeh  ;  Bîcheh  ;  Tebalah  ; 
Hodjeïrah  ;  Kyçeh;  Djorach  ;  Gherat  ;  Tehamah  ; 
Senkân  ;  Anîm;  Beicb. 

Route  de  la  Mecque  à  Tayef  :  Bir-Ibn-el-Mortafi' 
(Ed.  au  lieu  de  bîr  «  puits,  »  kybr  «  tombeau»);  — 

'  Mikhlaf,  terme  spécial  à  la  Péninsule  arabique.  { Cf.  Ann.  Moslem. 
U ,  66/i.)  Les  noms  qui  suivent  étaient  presque  tous  illisibles  dans 
le  texte;  ils  se  retrouvent  dans  Edriçy  (1,  i42  et  suiv.),  mais  non 
moins  défigurés.  Pour  cette  partie  du  livre,  le  Méraçid  est  un  guide 
précieux;  les  noms  y  sont  orthographiés  soigneusement,  avec  des 
preuves  tirées  soit  de  la  Chronique  du  Yémen ,  soit  du  témoignage 
respectable,  en  cette  circonstance,  de  l'auteur  du  Knmous, 

V.  33 


^02  MAI-JUIN   1865. 

Kyrii-el-Mc'iiazil,  rendez-vous  des  Yëinëiiiles  et  prises 
de  lilirom;  —  Tayef.  —  On  peut  aller  de  la  Mecque 
à  Tayef  par  les  hauteurs  «  Akabah,  »  en  passant  par 
Arafat,  ie  vallon  de  No'man,  la  côte  de  Hokaybah, 
et  de  là  à  Tayef. 

STATIONS   DIC    LA    MECQUE   AU   YÉMEN. 

Puits  d'Jbn-el-Mortafi  ;  -  Ry  rn-el-Ménazil ,  grosse 
bourgade;  —  El-Ghaïk  (Faïk),  grosse  bourgade;  — 
Safar;  —  Berneh,  grosse  bourgade;  —  Kodâ ,  pal- 
miers et  sources;  —  Rowaithah  (Kod.  Wathyah), 
palmiers  et  sources;  —  Tebalah,  ville  importante; 
sources;  —  Djesdâ,  puits,  lieu  désert  ^  ;  —  Recheh, 
grosse  bourgade;  sources;  lieu  de  garnison;  —  Bî- 
cheh-Yaktan;  eau  limpide;  vignes,  à  8  milles  de  Djo- 
rach;  — Mahdjerab,  gros  village;  sources  et  puits; 
halte  des  caravanes.  On  y  remarque  un  grand  arbre 
nommé  thalhat  el-mélik;  il  ressemble  au  gharab  «  salix 
babylonica;  »  ce  lieu  est  la  limite  entre  le  territoire 
de  la  Mecque  et  le  Yëmen;  —  Orfah;  eau  rare; 
lieu  désert;  —  Saadah,  gros  village;  tannerie  de 
peaux  et  de  cuir  pour  chaussures;  —  Amchyah.  lieu 
inhabité;  petite  source;  —  Khaïwân,  village  riche 
en  vignobles;  deux  citernes;  les  habitants  y  souffrent 
d'ophthalmie  ;  —  Anabit,  ville  :  blé ,  vignes  et  sources  ; 
—  Sanaa  ,  capitale  du  Yémen  ^. 

'  Edriçy  dit  peu  d'habitants.  D'après  Kodama ,  c'est  un  «ampe- 
ment  d'Arabes  de  la  tribu  de  Kaïs. 

'  Au  lieu  des  j8  stations  nommées  dans  cet  article,  Kodama  en 
cite  19;  mais  dans  un  autre  passage,  il  compte  18  journées  de  ca- 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      503 

CANTONS  DU  YÉmEN. 

Sanaa  ;  el-Hacheb  ;  Rohabeh  ;  Mei  sel  ;  Sîf-Sanaa 
«  littoral  de  Sanaa;  »  Saadali.  De  Sanaa  à  Rhaïwân, 
'2  II  fars.  —  De  Khaïwân  à  Saadah,  16  fars.  —  De 
Saadah  à  Mahdjerah,  sous  le  coteau  d'El-Mounsih, 
non  loin  de  Talliat  el-Mélik,  où  commence  le  terri- 
toire de  la  Mecque,  20  fars.  —  Total,  60  fars,  de 
Saadah  à  Sanaa.  —  Canton  de  Nour,  où  se  trouvent 
Reïbeh,  le  puits  tari,  et  le  château  fortifié ,  dont  il  est 
parlé  dans  le  Koran  ^  ;  —  Khaïwân  ;  —  Dhou-So- 
haïm  ;  —  Adwah ,  où  se  voit  la  colline  de  feu,  adorée 
par  les  anciens  habitants  du  Yémen.  —  Cantons  à 
droite  de  Saana  :  En-Nar  ;  —  War'ah  ;  Tam  ;  Arhab  ; 
Djobeïrah  ;  Hamdân;  Djoraf;  Murad  ;  —  Sendeh  ; 

—  Soudda;  —  Djoufâ;  —  El-Harreb  ;  —  El-Me- 
chrek;  —  Berchân  ;  —  Ala'k;  —  Ana'm.  —  Can- 
ton El-Moçabîn.  —  Canton  des  Benou  1-Othaïf;  — 
Karyet-Mareb,  qui  renferme  le  village  de  Salomon; 

—  Sirwab:  —  Saha,  pays  du  château  de  Biikis  et 
de  la  digue  El-Arim.  —  De  Sanaa,  on  se  rend  à 
Soudda,  Djoufa,  Sendeh,  et  le  Hadramaut;  ces  deux 
cantons  sont  séparés  de  la  mer  par  des  plaines  de 
sable.  —  Distance  de  Sendeh,  3o  fars.  —  De  Sa- 
naa au  Hadramaut,  ^2  fars.  —  Canton  de  ï^awlân 
et  Rakh,  où  est  le  Oaady-Yémen.  —  Canton  Ahwar. 

ravane  entre  ia  Mecque  et  Sanaa.  Au  surplus,  quelques  lignes  pins 
loin,  Tbn-Kliordadheh  va  nous  apprendre  qu'entre  la  frontière  du 
Hédjaz  et  Sanaa  il  y  a  60  fars. 

'   CLap.  XXII,  vers.  4/i.  Les  l«^gendes  relatives  à  ce  passage  du 
livre  saint  sont  racont(^es  par  Kazwîny,  Athar,  p.  67. 

33. 


504  .VJ  Al -JUIN    1805. 

—  Hakal-Warmàn  [Méraçid  :  Mehrân),  à  i  6  fars,  de 
Sanaa;  —  Canton  des  Benou-Amir;  —  Bah;  — 
Reda'  ;  —  Renyeh  ;  —  Cheref  ;  —  Ochar  ;  —  Roaïn  ; 

—  Nesefàn;  —  Kalilân;  —  Sankân;  —  Reihân;  — 
Nafé';  —  Mousby  ;  —  Hodjr  ;  —  Bedr  ;  —  Aslah  ; 

—  Seïheb  [Méraçid  :  Sihab).  Canton  d'Abian,  où  se 
trouve  Aden,  —  Canton  de  Badân  et  Yéman.  — 
Canton  de  Nebah  et  d'el-Mizra'.  —  Canton  d'Ei- 
Mekarim  et  d'Amloul  K 

Distances  :  de  Sanaa  à  Dhimar,  8  fars.  —  De 
Saba  à  Hodjr  et  Bedr  (Mok.  Badad),  20  fars.  —  De 
là  au  bourg  d'Aden,  dans  le  canton  d'Abian ,  2/4  fars. 

—  En  tout,  entre  Sanaa  et  Aden,  68  fars. 
Ccintons  de  Salif;  —  El-Adanv,  —  A'ian;  —  El- 

Hinneb;  —  Sekasik  (tribu  des  Benou  Seksek,  Mé- 
raçid), qui  est  le  dernier  canton  du  Yémen.  —  De 
Sanaa  à  Dbimar,  1  6  fars.  —  De  Dbimar  au  Haut- 
Yabsoub,  8  fars.  C'est  dans  ce  canton  de  Yahsoub 
que  se  trouvent  la  ville  de  Dhafar  et  son  château 
(Kasr-Zeïdân),  résidence  des  anciens  rois  du  Yémen. 

—  Du  Haut-Yahsoub  à  Sohoul ,  8  fais.  —  De  Sohoul 
à  Tboudjeh,  /i8  fars,  (lisez  8  fars.  Mok.  dit  8  fars. 
Ed.  36  milles). 

Cantons  de  gauche,  en  retournant  à  Sanaa  :  Ans 
(Yac.  Khams)  ;  —  Ziady  ;  —  El-Moahr  ;  —  Benou'I- 
iMedjid;  —  Rekeb;  —  Chakab;  —  Thanadjir;  dans 
ce  canton  est  le  bourg  fortifié  nommé  Almad;  i\ 
est  habité  par  la  postérité  de  Dhou'l-Menakh.  Ibn 

'  Ces  quatre  derniers  cantons,  d'après  le  Méraçid,  doivent  leur 
nom  anx  petites  Iribns  (|ui  les  habitent. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET|DES  PROVINCES.  505 
el-Djoun  el-Meiiakhy  Thimyarite  en  est  originaire. 
—  Canton  de  Sohoul;  —  les  Benou-Saab;  —  Wa- 
hadhah  ;  —  Haut-Yashoub  ;  —  Ranaah  ;  —  Ei-War- 
dyeh;  —  El-Hadjar;  —  Zebîd ,  en  face  est  le  lit- 
toral de  Galiafikah  et  El-Mandeb;  —  Rima';  — 
Makda  ;  —  Alhân  ;  dans  ce  canton  est  compris  Djou- 
blân,  possession  de  la  famille  (himyarite)  de  Dhou 
Sarh;  —  El-Hakaleïn;  —  El-Ourf;  —  El-Ohrouf 
(Méraçid  :El-Okhrout), 

Distances  :  de  Sanaa  à  El-Ourf,  8  fars.  —  D'El- 
Ourf  à  Alhân,  lo  fars.  —  D'Alhàn  à  Djoublân, 
i  k  fars.  - —  De  Sanaa  à  Djoublân,  32  fars.  —  De 
Djoublân  à  Zébid  et  Rima\  1 1  fars. 

Suite  des  cantons  :  Kawlân,  au  delà  de  Sanaa;  — 
Hadar  et  Houcheb;  —  Akk-Rezzabah;  quiconque 
va  dans  ce  pays  y  meurt  ^  ;  —  Yahcha';  —  Haraz  et 
Hawzen;  —  El-Okhroudj  et  Medjnab;  —  Hadhour; 
Mareb  et  Djamlân  (  Méraçid  :  Hamlân),  où  se  trouve 
la  ville  de  Sahiad.  —  Sakin;  Chibam  ;  Beit  An^am 
et  El-Meçani',  demeures  de  la  postérité  de  Dhou- 
Hawal,  fils  de  Maghar.  Dja'far,  fils  d'Abd  er-Rab- 
man,  fils  de  Roreïb,  appartient  à  cette  famille;  — 
Watha'  et  El-Meflek,  entre  Sanaa  et  Chibam.  — 


^  Je  pense  que  l'auteur  avait  écrit  (3IU3  «Lwwo»  «son  port  est 
Dehlek ,  »  leçon  conforme  à  celle  du  Méraçid.  Les  copistes  ne  pou- 
vant lire  ce  membre  de  phrase  l'auront  interprété  par  sLw  ^ju» 
CiUst»  fV^,  On  doit  cependant  faire  remarquer,  en  faveur  de  cette 
variante,  que  l'île  de  Delilek  a  toujours  été  considérée  comme  un 
séjour  mortel  à  cause  de  l'excessive  chaleur  qui  y  règne.  Les  pre 
miers  khalifes  y  exilaient  ies  agents  dont  ils  avaient  à  se  plaindre. 


506  MAf-JUJN   1805. 

De  Sanaa  à  Chibam,  8  fars.  —  Hakein  ^  ;  —  Dja- 
zâii;  —  iMouça  (Cf.  Fresnel,  Journ.  asiat.  i8/io, 
p.  gS);  —  Chardjah;  —  Hadjour  et  El-Maareb. 

Entre  Basrab  (il  faut  lire  Omrali  avec  les  autres 
itinéraires)  et  Sanaa,  il  y  a  /i 9  relais  de  poste.  — 
Entre  Sanaa  et  Dbimar,  li  relais.  —  Entre  Dhimar 
et  Aden,  y  relais,  —  Entre  Dhimar  et  El-Djened, 
4  relais.  —  Entre  Sanaa  et  Mareb,  7  relais.  —  Entre 
Mareb  et  Abdal,  c'est-à-dire  le  Hadramaut,  9  relais, 
•à  dos  de  chameau. 

J'ai  trouvé  dans  les  registres  de  compte  d'un  agent 
du  Yémen  que  le  maximum  do  l'impôt  payé  par 
cette  province,  sous  la  dynastie  actuelle,  se  monte 
à  600,000  dinars  (6  millions  de  francs).  Après  la 
conquête  musulmane,  le  Yémen  fut  divisé  en  trois 
gouvernements  :  le  premier  et  le  plus  important  est 
Djened  et  ses  cantons;  le  deuxième,  d'une  impor- 
tance moyenne,  Sanaa  et  ses  cantons;  le  troisième, 
qui  est  le  plus  petit,  l'Hadramaut  et  ses  cantons. 

Les  habitants  du  Yémen  racontent  que,  lorsque 
le  prophète  Salomon  épousa  la  reine  Bilkîs,  les  dé- 
mons bâtirent,  pour  Dhou-Tôbba ,  roi  de  Hamdàn 
(sic),  des  châteaux  et  d'autres  éditices.  Une  pierre 
portait  l'inscription  suivante  :  «  Nous  avons  bâti  Seld- 
!(jen,  Sirwab,  Mirwah  (suivent  deux  noms  ilbsibles), 
((  Aiîn,  (Idrit?),  Hindeh  et  Honeïdeh,  Kaïsoum-Be- 
((  faa ,  et  les  bourgs  de  Namath.  Ce  château  a  été  cons- 
»  truit  l'année  où  nos  demeures  étaient  en  Egypte.  » 

'  Ce  canton,  d'après  le  Wrraçid,  doit  son  nom  à  Kl-Hakeni,  fils 
de  Saad  el-Acliirah. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  507 
Selon  Wahb,  fiis  de  Mounebbih,  cela  fait  plus  de 
seize  cents  ans.  Une  inscription  himyarite  ^  d'un  châ- 
teau appartenant  à  Chammir  était  ainsi  conçue  : 
«  Cet  édifice  a  été  bâti  par  Chauinnir,  fils  d'Achar. . . 
((  reine  du  soleil.»  —  On  lisait  sur  la  porte  de  la 
ville  de  Dhafar^  :  u  Qui  posséda  Dhafar?  —  Les 
«  nobles  de  la  Perse.  —  Qui  possède  Dbafar  P  — 
(«Les  marchands  koreichites.  —  A  qui  Dbafar?  — 
<(  Il  reviendra  [ioahar)  aux  fils  d'Himyar.  »  Les  Abys- 
sins ayant  envahi  le  Yémen,  quatre  de  leurs  rois 
régnèrent  dans  ce  pays  pendant  soixante-douze  ans. 

'  li  y  aurait  plus  que  de  la  témérité  à  tenter  des  recherches  sé- 
rieuses sur  un  texte  aussi  mutilé.  Je  ne  puis  cependant  m'empêcher 
de  signaler  la  singulière  ressemblance  que  présente  la  première 
moitié  du  groupe  c^^xsu  v.«i.c  avec  le  nom  himyarite  lu  et  trans- 
crit yJ^  par  Fresnel ,  sur  les  fragments  IX,  LV  et  LVI  des  inscrip- 
tions recueillies  par  M.  Arnaud.  On  sait  que  Fresnel  y  trouvait  le 
nom  d'Astarlé,  Vénus- Uranie,  ï Aschtôretli  des  Sidoniens.  L'épi- 
thète  domina  solis,  qui  se  lit  dans  la  version  arobe  d'Ibn-Khordadbeh, 
rend,  il  me  semble,  ce  rapprochement  encore  plus  frappant.  (Cf. 
Journ.  asiat.  octobre  i8/i5.)  Bien  entendu,  toute  trace  de  ce  nom  a 
disparu  chez  les  écrivains  musulmans.  Dans  la  table  ethnologique 
des  rois  himyarites,  Chammir  est  fils  tantôt  d'Vfrikous,  tantôt  de 
Yaçer-Younim. 

*  Cette  prétendue  inscription  ,  où  se  révèlent  pourtant  les  aspira- 
tions d'une  nationalité  souvent  asservie  au  joug  étranger,  est  posté- 
rieure à  la  conquête  du  Yémen  par  les  musulmans.  Elle  a  été  mise 
en  vers,  pour  être  plus  facilement  retenue,  et  c'est  sous  cette  forme 
qu'on  la  trouve  dans  les  ouvrages  historiques  de  Maçoudy  et  d'Ibn 
Khaldoun.  Kazwîny  et  d'autres  compilateurs  l'ont  citée  en  prose, 
avec  des  variantes  qui  en  modifient  sérieusement  le  sens.  Le  défaut 
d'espace  m'empêche  de  discuter  ce  fragment,  d'ailleurs  épisodique 
dans  le  Livre  des  routes.  La  durée  de  la  domination  des  Abyssins  est 
ici  exactement  indiquée;  elle  prit  place  entre  525  et  597  de  J.  C. 
date  de  réliihlissenK^nt  du  premier  vice-roi  persan  dans  le  Yémen. 


508  MAI-JUIN  1865. 

STATIONS   ENTRE  MESDJID-SAAD  ET  BASRAH. 

Barik.  —  EI-Asla.  —  SeJmân.  —  Akmar  — El- 
Adjaryeh.  —  Aïn-Saïdam  (Yak.  Saïd).  Aïn-djemel 
«  source  du  chameau.  »  —  Basrah.  (D'après  Edriçy, 
il  y  a  cinq  journées  entre  Koufah  et  Basrah.) 

STATIONS  ENTRE  BASRAH  ET  LA  MECQUE  '. 

Sabkhayeh  (Sabayeh).  —  Kofaïr  (Djofaïr,  Ho- 
daïr).  —  Rohaïl.  —  Sadjr  (Sendjek).  —  Kefer 
(Djefer-Aby-Mouça).  —  Matoumali  (Mawyah).  — 
Dhat-el-Açeb  (Ochar).  —  Basnouah  (Suraah).  — 
Chemseh  (Somaïrah).  —  Sebah.  —  Oumoudyah. 

—  Karyeteïn.  —  Ram  ah.  —  Thikfah.  —  Daryyah. 

—  Djadîlah  (Hawîlah).  —  Feledjeh  (Milhah).  — 
Rokaïbah.  —  Kana  (Koba).  —  Merrân.  —  Ouadj- 
rah.  —  Awtas.  —  Dhat-Yrk,  dans  le  Tehamah.  — 
Le  jardin  des  Benou-Amir.  —  La  Mecque. 

STATIONS   DU  YEMAMAH  À  LA  MECQUE. 

El-Hadîkah  (de  verger  ))  (Ed.  Arydh).  —  Sabal). — 

'  Les  leçons  entre  parenthèses  sont  données ,  soit  par  Mokaddessy, 
soit  par  Bekry.  Le  calcul  des  stations  n'est  pas  relevé  dans  notre 
texte,  non  plus  que  dans  celui  de  Kodama,  encore  plus  incomplet 
en  cet  endroit.  On  trouve  dans  Bekry  16  stations,  formant  un  total 
de  4ii  milles,  et  dans  Mokaddessy,  20  stations,  dont  le  total  se- 
rait 538  milles  :  celui-ci  cependant  affirme  que  la  distance  exacte 
de  Basrah  à  la  Mecque  est  700  milles.  On  voit,  d'après  cela,  que 
4  étapes  ont  été  omises  probablement  par  les  copistes,  M.  Sprenger 
en  a  déjà  fait  la  remarque.  (Même  ouvrage,  p.  117.)  Cette  distance 
est  évaluée  ordinairement  à  827  milles,  en  3»  joiirnées  de  cara- 
vane. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  509 
Thenyeh  (Kod.  ajoute  £/-^Ja).  —  Saka.  —  Sedd  «la 
digue.  ))  —  Sadat  (Kod.  Merarah).  —  Sovaïkah.  — 
Karyeteïn.  Puis  viennent  les  stations  entre  Basrah 
et  la  Mecque,  indiquées  dans  la  route  précédente, 

ROUTE  D'OMAN   À    LA   MECQUE,   LE  LONG  DE   LA  COTE  '. 

Fawk  (Farak).  —  Awkelân  (Arkelân).  —  La  côte 
de  Hamat  (Minah).  —  Chihr,  habitée  par  la  tribu 
de  Kindah.  —  Bourg  de  Kindah.  —  Bourg  d'Abd 
Allah,  fils  de  Madhedj.  —  Hadjedj? —  Aden,  qui 
dépend  d'Abian.  —  La  pêcherie  de  perles. — Canton 
des  Benou-Medjîd  (Benou-Mohammed).  —  Mend- 
jelah  (Menhad).  —  Canton  de  Rekeb.  —  Mendeb 
(Mender).  —  Zebyd.  —  Ghalafikah.  —  Canton 
d'Akk.  —  Djoudah.  —  Canton  de  Hakem.  —  So- 
haïm.  —  Havre  de  Dhenkân.  —  Havre  de  Nalila 
(Halya).  —  Serîr.  —  Ounab.  —  Merdjab-sasah 
(Sefîneh).  —  Une  autre  station.  —  Djeddah.  — 
La  Mecque. 

DE  KHAWLÀN-DHOU-SOHAÏM  À   LA  MECQUE  ^ 

Bîcheh.  —  Yaktân.  —  Dhenkân.  —  Hala.  — 
Bîcheh  (Ed.  ajoute  Harân).  —  Ranouna.  —  Ha- 
chah.  —  Darkah.  —  Olaïb.  —   Nyah.  —  Bîrek. 

—  Yelem  [Méraçid  :  Yelemleh);   c'est  là  que  les 
habitants  de  la  Mecque  revêtent  Vïhram,  —  Melkân. 

—  La  Mecque. 

*  Les  variantes  de  cette  route  peu  connue  sont  tirées  de  la  copie 
de  Kodama. 

^  Cette  route  est  donnée  en  sens  iiîVerse  par  Edriçy,  I,  \lxh. 


510  MAI-JUIN   1865. 

STATIONS  D'EGYPTE    \  LA  MECQUE  V 

De  Fostat  à  El-Djoubb  «  le  puits.  »  —  Boaïb.  — 
Station  d'Ibn-Sadakah  (Yac.  Ibn-Rarkarah).  —  Adj- 
roud.  —  Demeh  (Rod.  Rebîbeh).  —  Kersen.  — 
Hofaïr.  —  Station  '^.  —  Eïlab.  —  Hafa.  —  Madian. 

—  Ela'râ.  —  Station  (nom  omis).  — Kilabeb  (Kila- 
nyeh).  —  Cba'b.  —  Bedâ  (Kod.  Bena).  —  Sarha- 
teïn.  —  Badhâ.  —  Ouady'1-Rora.  — Robaïbab.  — 

—  Dhou'l-merwab.  —  Médine.  —  Voir,  pour  la 
suite  de  l'itinéraire ,  la  route  de  Médine  à  la  Mecque, 
oi-dessus  p.  5oo. 

DE  DAMAS   À   LA   MECQUE. 

Station.  —  Autre   station^.   —  Dhat-el-Ménazil. 

—  Yanou'.  - —  Tebouk.  —  Mobaïnah.  —  Elakra'. 

—  Hanefyeh.  —  Ouady'1-Rora.  —  Robaïbab.  — 
Dhou'l-merwa.  —  Soeïdâ.  —  Dbou-kbacbeb.  — 
Médine.  —  Pour  le  reste  des  stations ,  voir  la 
route  de  Médine  à  la  Mecque,  ci-dessus,  p.  5oo. 

'  Route  indiquée  par  Edriçy,  1,  Sag,  et  par  Yakouby,  p.  129. 
chez  ce  dernier  avec  des  variantes  notables.  La  première  station , 
le  Puits,  à  cinq  heures  du  Caire,  est,  au  rapport  de  Burckhardt,  le 
rendez-vous  des  pèlerins  égyptiens. 

^  Nom  omis  ;  il  manque  aussi  chez  Edriçy.  —  Dans  le  texte  de 
Yakouby  on  lit  :  Jc.iAjf   civ-ii. 

'  Ni  l'une  ni  l'autre  ne  sent  nommées  dans  nos  copies;  mais  on 
lit  dans  Edriçy:  «De  Damas  à  une  petite  rivière,  et  de  là  à  Daai» , 
une  journée.  »  Du  reste,  tout  ce  paragraphe  est  mutilé  et  il  manque 
encore  deux  étapes  entre  Damas  et  Tebouk.  D'après  les  relations 
modernes,  on  compte  onze  journées  entre  ces  deux  points,  et  douze 
entre  Tebouk  ot  Médim*. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.      511 

'de  basrah  au  yémamah. 

De  Basrah  à (Ed.  Dehmân).  —  Kazhimah. 

—  Autre  station.  —  Rora'.  —  (Rod.  Fora').  — 
Thikhfah  (Rod.  Safhah).  — Samân.  —  Cinq  autres 
stations  ^  —  Soleïmah.  —  Sal  (Rod.  Sînal).  — 
Yémamah. 

Dépendances  du  Yémamah  :  Hadjar;  Houd,  à 
24  heures  de  Hadjar;  El-Yrdh,  vallée^  qui  traverse 
le  Yémamah  dans  tonte  sa  longueur,  et  renferme 
plusieurs  villages;  El-Manfoukhah  (Ed.  Manbou- 
khah);  Thoudah;  Makrah;  Nedjarah;  Ouady'l-fitar. 

Bourgs  du  Bahreïn  :  Rhatt;  Ratîf;  Elawreh; 
Hadjar;  Awrak;  Yalnoubeh;  Machkar;  Zarch;  Hou- 
lyeh;  Saboun;  Darîn  ^;  El-Ghabeh. 

STATIONS  ENTRE   LE  YEMAMAH   ET  LE  YÉMEN. 

Houroudj.  —  Merdj  «  la  prairie.  »  —  Safa.  —  Bîr- 
el-abar  a  le  puits  des  puits.  »  —  Nedjrân.  —  Hama. 
Barakas.  —  Merba'.  —  Mahdjereh.  —  Pour  la  suite 
des  stations,  voyez  la  route  ordinaire  jusqu'à  Sanaa, 
ci-dessus,  p.  5o3. 

*  Kodama  nomme  les  deux  dernières  seulement:  elles  sont  appe- 
lées, d'après  cet  auteur,  Djoiihb-el-Korat  et  Mutevelly. 

^  «Cette  vallée  est  arrosée  par  la  rivière  appelée  A  flan;  elle  sé- 
pare la  province  en  haute  et  basse.  Sur  ses  bords  sont  situés  des 
villages  bien  peuplés,  des  champs  cultivés,  des  palmiers  et  d'autres 
arbres.»  (Edriçy,  I,  i56.) 

*  «  Port  du  Bahreïn ,  entrepôt  du  musc  nommé  pour  cette  raison 
musc  Dariny>  bien  qu'on  le  tire  de  l'Inde.»  [Méraçid.) 


512  MAI-JUIN  1865. 

RÉCAPITCLATION  DES  STATIONS  DE  POSTE  '. 

Le  nombre  total  des  relais  de  poste  dans  l'em- 
pire s'élève  à  980 ;  les  dépenses  pour  l'achat  et  la 
nourriture  des  chevaux,  l'entretien  du  personnel  et 
des  fervanègui  (voir  l'introduction  p.  1  1  )  se  mon- 
tent à  i5/i,ioo  dinars  (  1 ,5/n  ,000  francs.) 

ITINÉRAIRE   DES  MARCHANDS  JUIFS,   DITS  RADANITES  ^ 

Ces  marchands  parlent  le  persan,  le  romain 
(grec  et  latin),  l'arabe,  les  langues  franque,  espa- 

^  Après  avoir  calculé  avec  soin  les  chiffres  partiels,  indiqués 
dans  le  couinant  de  l'ouvrage,  aux  paragraphes  spéciaux,  je  ne 
trouve  que  63 1  relais;  mais  il  est  juste  d'ajouter  que  les  postes  de 
plusieurs  routes  importantes,  comme  celle  de  Bagdad  à  la  Mec- 
que, etc.  ne  se  trouvent  plus  dans  le  traité  dlbn-Khordadbeh  ,  tel  que 
le  temps  nous  l'a  transmis,  M.  Sprenger,  qui  a  fait  usage,  avant  moi, 
de  ces  renseignements,  en  les  comparant  à  ceux  de  Kodama,  les 
résume  ainsi  :  «En  jetant  les  yeux  sur  le  réseau  des  routes  postales, 
il  est  aisé  de  comprendre  le  système  de  ce  service.  De  Bagdad,  sa 
résidence ,  le  Khalife  était  en  communication  avec  ses  agents  les  plus 
éloignés  :  il  pouvait  correspondre  au  nord-ouest  avec  Neïchapour, 
dont  le  gouverneur,  vassal  de  nom,  indépendant  de  fait,  exerçait 
son  autorité  jusqu'aux  rives  du  Yaxarte.  Au  sud-ouest,  le  Khalife 
correspondait  avec  Chîraz  et  Istakhr,  où  régnaient  les  Boueïhides.  Il 
est  intéressant  de  remarquer  que  ses  intelligences  s'étendaient  jus- 
qu'aux frontières  les  plus  reculées,  au  nord.  Obligé  de  défendre 
l'empire  musulman  contre  les  Grecs,  il  avait  besoin  de  recevoir 
aussi  rapidement  que  possible,  par  ses  estafettes,  tous  les  rensei- 
gnements de  nature  à  l'éclairer  sur  les  mouvements  de  l'ennemi.  » 
[Post-  und  lîeiseroulen ,  p.  lo.) 

^  Ce  morceau  si  intéressant  pour  l'histoire  du  commerce  de  l'Eu- 
rope avec  l'Orient,  au  moyen  âge,  a  été  traduit,  pour  la  première 
fois,  par  M.  Reinaud  {Introduction  à  la  géographie  des  Orientaux^ 
p.  58).  Je  no  pouvais  mieux  faire  que  do  ronscrvor  la  tiathiotion  flo 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVLNCES.  513 
gnole  et  slave.  Ils  voyagent  de  l'Occident  en  Orient, 
et  de  l'Orient  en  Occident,  tantôt  par  terre,  tantôt 
par  mer.  Ils  apportent  de  l'Occident  des  eunuques, 
des  esclaves  femelles,  des  garçons,  de  la  soie,  des 
pelleteries  et  des  épées.  Ils  s'embarquent  dans'  le 
pays  des  Francs,  sur  la  mer  occidentale,  et  se  di- 
rigent vers  Farama  (près  des  ruines  de  l'ancienne 
Péiuse);  là  ils  chargent  leurs  marchandises  sur  le 
dos  de  bêtes  de  sommes,  et  se  rendent  par  terre  à 
Kolzoum  (Suez),  à  cinq  journées  de  marche,  sur 
une  distance  de  20  farsakhs.  Ils  s'embarquent  sur  la 
mer  orientale  (la  mer  Rouge)  et  se  rendent  de  Kol- 
zoum à  El-Djar  ^  et  à  Djeddah;  puis  ils  vont  dans 
le  Sind ,  l'Inde  et  la  Chine.  A  leur  retour,  ils  se  char- 
gent de  musc,  d'aloès,  de  camphre,  de  cannelle  et 
des  autres  productions  des  contrées  orientales,  et 
reviennent  à  Kolzoum ,  puis  à  Farama,  où  ils  s'em- 
barquent de  nouveau  sur  la  mer  occidentale.  Quel- 
ques-uns font  voile  pour  Constantinople ,  afin  d'y 
vendre  leurs  marchandises  ;  d'autres  se  rendent  dans 
le  pays  des  Francs. 


mon  savant  et  cher  maître ,  en  y  introduisant  un  ou  deux  change- 
ments de  détails ,  nécessités  par  la  comparaison  des  deux  copies. 
Le  surnom  donné  ici  à  ces  marchands  me  paraît  devoir  son  origine 
aux  trois  cantons  de  Radân,  dans  la  partie  orientale  du  Sawad.  (Cf. 
ci-dessus,  Tableau  statistique,  p.  2/10.)  Cette  forme  est  expliquée  de 
la  même  manière  par  Soyoulhy ,  dans  son  Dictionnaire  des  surnoms 
ethniques. 

^  Au  lieu  de  Hédjaz,  je  lis  A^î  forme  très-nettement  écrite  dans 
les  deux  copies.  El-Djar  est  un  port  à  trois  marches  de  Médine,  et 
une  île  près  de  Djeddah,  fréquentée  par  les  navigateurs,  qui  y  font 


514  MAI-JUIN   1865. 

Quelquefois  les  marchands  juifs,  en  s'embar- 
quant  sur  la  mer  occidentale,  se  dirigent  (à  l'em- 
bouchure de  rOronte)  vers  Antioclie.  Au  bout  de 
trois  jours  de  marche,  ils  atteignent  les  bords  de 
l'Euphrale  et  arrivent  à  Bagdad.  Là  ils  s'embarquent 
sur  le  Tigre  et  descendent  à  Obollah ,  d'où  ils  met- 
tent à  la  voile  pour  l'Oman,  le  Sind ,  l'Inde  et  la 
Chine.  Le  voyage  peut  donc  se  faire  sans  interrup- 
tion. 

Les  Russes,  qui  appartiennent  à  la  race  slave,  se 
rendent,  des  régions  les  plus  éloignées  du  pays  des 
Slaves  \  sur  les  côtes  de  la  mer  de  Roum  (la  Médi- 
terranée), et  y  vendent  des  peaux  de  castor  et  de 
renard,  ainsi  que  des  épées.  L'empereur  (grec)  se 
contente  de  prélever  un  dixième  sur  leurs  mar- 
chandises. Les  négociants  russes  descendent  aussi  le 
fleuve  des  Slaves  (le  Volga) ,  traversent  le  bras  qui 
passe  par  la  ville  des  Kbozars  (aux  environs  d'Astra- 
khan) ,  où  le  souverain  du  pays  prélève  sur  eux  un 
dixième;  puis  ils  entrent  dans  la  mer  de  Djordjân 
(Caspienne) ,  et  se  dirigent  sur  le  point  qu'ils  ont  en 
vue.  Cette  mer  a  5oo  fars,  de  diamètre.  Quelque- 
fois les  marchandises  des  Russes  sont  transportées, 
à  dos  de  chameaux,  de  la  ville  de  Djordjân  jusqu'à 
Bagdad. 

Ces  divers  voyages  peuvent  se  faire  également 
par  terre.  Les  marchands  qui  partent  de  l'Espagne 

de  l'eau.  L'auteur  du  Méraçid  ajoute  que  la  partie  de  la  mer  Rouge 
comprise  entre  Djeddah  et  Suez  se  nomme  elle-même  El-Djar. 
'   11  faut  en  effet  corriger  ainsi  le  texte,  qui  porle  ^/JjL-s. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  515 
et  du  pays  des  Francs  se  rendent  à  Tanger  et  au 
Maroc,  d'où  ils  se  mettent  en  marche  pour  la  pro- 
vince d'Afrique  et  l'Egypte.  De  là  ils  se  dirigent  vers 
Ramlah,  visitent  Damas,  Roufah,  Bagdad  et  Bas- 
rah,  pénètrent  dans  l'Ahvaz,  le  Fars,  le  Kermân,  le 
Sind  et  arrivent  dans  l'Inde  et  à  la  Chine.  —  On 
peut  encore  prendre  la  route  d'Arménie  et  se  ren- 
dre, à  travers  le  pays  des  Slaves,  auprès  de  la  ville 
des  Rhozars;  on  s'embarque  sur  la  mer  de  Djordjân , 
puis  on  arrive  à  Balkh,  dans  la  Transoxiane,  le 
pays  des  Tagazgaz  et  la  Chine. 

L'accès  à  la  cour  du  Chosroès  était  interdit  aux 
étrangers  qui  arrivaient  des  cinq  contrées  suivantes  : 
de  Syrie,  par  Hît;  du  Hédjaz  et  du  Yémen,  par  El- 
Odhaïb;  du  Fars,  par  Nabîn;  du  pays  des  Rhozars 
et  du  pays  des  Allans,  par  Bab-el-Abwab  (Derbend). 
On  lui  adressait  un  rapport  sur  les  arrivants,  et  on 
retenait  ceux-ci  à  la  frontière,  jusqu'à  ce  que  le  roi 
eût  pris  une  décision  à  leur  égard. 

La  terre  a  été  partagée  en  quatre  parties  :  i"  l'Eu- 
rope, comprenant  fAndalous,  le  pays  des  Slaves, 
des  Grecs  et  des  Francs;  Tanger,  jusqu'à  la  frontière 
égyptienne;  2°  la  Libye,  comprenant  l'Egypte,  (la 
mer  de)  Rolzoum,  l'Abyssinie,  les  Berbères  et  les 
payssitués  au  delà  ;  3°  la  mer  méridionale ,  qui  baigne 
le  Tehamah,  le  Yémen ,  le  Sind,  l'Inde  et  la  Chine; 
4°  l'Asie,  comprenant  l'Arménie,  le  Rhoraçân,  le 
pays  des  Turcs  et  des  Rhozars.  Il  y  a  encore  une  di- 
vision du  globe  différente  de  celle  qui  précède. 


516  MAI-JUIN  1865. 


Volcan  de  Sicile 

L'Espagne 

On  voit,  dans  l'Inde  un  rocher  d'où  jaillit  du  feu, 
mais  on  ne  peut  rien  allumer  à  sa  flamme 

On  ne  trouve  pas  en  Sicile  la  grosse  fourmi  nom- 
mée el-foursân  [formica  leo),  et  les  singes  sont  in- 
connus en  Espagne,  à  cause  du  grand  nombre  d'ani- 
maux sauvages  que  renferme  cette  contrée. 

Dans  le  pays  des  Grecs,  sur  les  bords  de  la  mer 
des  Khozars  (mer  Noire),  est  une  contrée  nommée 
Mostatîleh^,  où  l'hiver  et  l'été  sont  la  saison  des 
pluies;  les  habitants  ne  peuvent  ni  battre,  ni  van- 
ner leurs  blés;  ils  les  entassent  en  gerbes  dans  leurs 
maisons;  puis,  au  fur  et  à  mesure  de  leurs  besoins, 
ils  prennent  une  certaine  quantité  d'épis,  les  frot- 
tent dans  leurs  mains ,  pour  en  extraire  le  grain  ; 
après  quoi  ils  le  font  moudre  et  le  cuisent.  Les 
singes  sont  nombreux  dans  ce  pays. 

Dans  le  Hédjaz  et  le  Yémen ,  il  pleut  tout  l'été , 

'  Le  commencement  de  ce  chapitre  est  entièrement  perdu,  et  le 
reste  ne  nous  est  parvenu  qu'avec  des  lacunes  considérables.  La  lec- 
ture du  peu  qui  nous  a  été  conservé  n'est  pas  de  nature  à  en  faire 
regretter  sérieusement  l'ensemble. 

'  «Contrée  longue,  étendue.»  Kazwîny  a  trouvé  ce  passage  dans 
le  traité  de  géographie  de  Djeîhany,  où  l'ouvrage  de  noire  auteur 
avait  passé  presque  en  entier,  et  il  l'a  cité  d'une  façon  peu  correcte. 
Mustaufy  l'a  traduit  dans  son  Nouzhet;  mais,  oubHant  que  l'expres- 
sion «mer  des  Khozars»  désignait  aussi  la  mer  Noire,  il  suppose 
que  cette  description  s'applique  au  Guilân ,  dont  le  climat  est  hu- 
mide et  pluvieux. 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  517 
mais  jamais  en  hiver.  A  Sanaa  et  au  delà  de  cette 
ville,  la  pluie  tombe  en  juin,  juillet,  août  et  une 
partie  de  septembre,  depuis  midi  jusqu'au  coucher 
du  soleil.  C'est  pourquoi  les  habitants  s'abordent  en 
disant  :  «Hâlons-nous  avant  la  pluie,  car  voici  la 
saison  pluvieuse  qui  arrive.  » 

Lorsque  les  Arabes  conquirent  l'Espagne,  ils 
trouvèrent  dans  le  palais  de  la  ville  des  rois  (Tolède) 
vingt-quatre  couronnes,  autant  qu'il  y  avait  eu  de 
rois  dans  ce  pays.  Chacune  de  ces  couronnes  était 
d'un  prix  inestimable;  elle  portait  le  nom  du  roi  au- 
quel elle  avait  appartenu ,  la  mention  de  son  âge  et 
la  durée  de  son  règne.  On  y  trouva  aussi  une  table 
qui  provenait,  dit-on,  de  Salomon,  fils  de  David. 
Dans  ce  palais  était  une  autre  salle  fermée  par  vingt- 
quatre  serrures,  chaque  roi  ayant  ajouté  une  ser- 
rure à  celle  de  son  prédécesseur  ^;  personne  ne  sa- 
vait ce  que  cette  chambre  renfermait.  Le  dernier 
roi  (chrétien)  de  TEspagne  voulut  en  violer  le  se- 
cret, persuadé  qu'elle  recelait  des  trésors.  Les  évo- 
ques et  les  prêtres  cherchèrent  à  lui  représenter  la 
gravité  de  cet  acte ,  et  le  supplièrent  de  se  conformer 

^  Il  est  inutile  d'insister  sur  ces  légendes  d'origine  chrétienne, 
qui  ont  défrayé  bon  nombre  d'historiens  arabes  et  persans.  On  en 
trouve  le  détail  dans  le  grand  ouvrage  de  Makkary  (édition  de  Bou- 
lac,  I,  p.  1 15  et  suiv.) ,  d'après  Hafiz  el-Homaïdy,  auteur  d'une  ga- 
lerie des  savants  et  des  littérateurs  arabes-espagnols.  (Cf.  Dozy,  Introd. 
au  Bajân  al-Mogrib,  p.  70,)  Le  conte  rapporté  par  Ibn-Khordadbeb 
se  lit  également  dans  un  des  annalistes  les  plus  graves  de  la  con- 
quête musulmane,  Ibn-el-Koutya,  dont  M.  Cberbonncau  a  publié 
d'intéressants  fragments  [Jonrn.  asiat.  i856,  novembre-décembre, 
p.  434). 

V.  34 


518  MAI-JUIN  1865. 

à  l'exemple  des  vois  qui  l'avaient  précédé,  eu  lui  di- 
sant :  «Si  c'est  de  l'or  qu'il  vous  faut,  nous  vous  en 
donnerons,  à  la  condition  que  cette  porte  restera 
fermée.  »  Mais  le  roi,  sourd  à  leurs  prières,  ordonna 
qu  elle  fut  ouverte.  On  y  trouva  des  figures  d'Arabes 
à  cheval,  avec  leurs  turbajns  et  leur  costume,  armés 
d'arcs  et  de  flèches.  Ce  fut  en  cette  même  année 
qu'eut  lieu  l'invasion  de  l'Espague  par  les  musul- 
mans. 

Los  savants  qui  ont  tracé  cette  sphère,  image  du 
globe  terrestre,  ont  voulu  donner  une  preuve  sen- 
sible de  la  divine  sagesse,  laquelle,  réunissant  sur 
les  bords  et  autour  du  globe  les  affinités  de  ces  élé- 
ments, c'est-à-dire  mélangeant  la  chaleur  avec  la 
chaleur,  le  froid  avec  le  froid,  comme  on  le  voit 
ci-dessous,  a  créé  le  monde,  avec  les  oppositions  et 
les  contrastes  qui  y  régnent  ^ 

'  L'obscurité  de  cette  théorie  se  complique  du  laconisme  de  l'au- 
teur Cl  de  rincorrcction  du  texte.  Je  n'essayerai  pas  de  discuter  cetle 
flibse  enlièremenl  étrang^re  à  l'objet  principal  de  mon  travail;  je 
me  bornerai  à  rappeler  cpe  le  cosmographe  et  naturaliste  arabe 
Kanvîny  a  consacré  un  long  paragrapbc  à  l'élude  des  quatre  élé- 
ments, de  leurs  cojnbinaisons,  etc.  (édition  Wûstenfeld,  p.  89), 
où  l'idée  fondamentale  qu'on  entrevoit  à  peine  ici  est  développée 
avec  une  clarté  satisfaisante.  En  ce  qui  concerne  les  caractères  dis- 
tinctifs  de  chaque  quart  du  monde,  les  déïinitions  renfermées  dans 
Icj  quatre  cases  de  la  figure  ci-jointe  sont  répétées  presque  mot 
pour  mot  dans  le  chapitre  lxii  des  Prairies  d'or  (t.  IV,  sous  presse). 
Une  seule  différence,  mais  radicale,  sépare  les  deux  rédactions  : 
Maçoudy  applique  h  l'orienllcs  caractères  qui,  selon  lbn-K.bordad- 
beh,  distinguent  le  midi.  En  s'oricnfaiil  à  la  façon  des  musulmans, 
de  manière  à  avoir  le  levant  en  face  de  soi,  le  midi  à  droite,  etc. 
l'ordre  indiqué  par  notre  le.\le  semble  plus  ralionnel. 


LE  LIVRE  DES  ROCTES  ET  DES  PROVINCES.     519 


Tout  ce  que  renferme  ce  quart  de  la 
terre  est  chaud  et  sec ,  tempérament  du 
feu,  de  la  Lilc,  de  l'été;  c'est  l'Orient. 
—  Vent  d'est.  —  Quatrième  ,  cinquième 
et  sixième  heure,   —  Facultés  organi- 
ques :  force  vitale  et  animale.   —  Sa- 
veur :  l'amertume.  —  Planètes  :  Mars  et 
le  Soleil.  —  Signes  du  Zodiaque  :  l'Écro- 
visse,  le  Lion,  l'Epi. 

Tout  ce  que  renferme  ce  quart  de  la 
terre  est  chaud  et  humide,  tempérament 
de  l'air,  du  sang,  du  printemps  et  du 
vent  d'est;  c'est  le  Sud. — Vent  du  sud- 
—  Première  ,  deuxième  et  troisième 
heure.  —  Forces  physiques  :  faculté  di- 
gestive.  —  Saveur  douce.  —  Planètes  :  la 
Lune  et  Vénus.  —  Signes  du  Zodiaque  : 
le  Bélier,  le  Taureau,  !cs  Gémeaux. 

Tout  ce  que  renferme  ce  quart  de  la 
terre  est  froid  et  sec  ,  tempérament  de 
la  terre ,  de  l'atrabile  ,  de  l'automne ,  de 
la  décrépitude  (un  mot  illisible).  —  Vent 
du  nord.  —  Septième ,  huitième  et  neu- 
vième heure.  —  Force  organique  :  l'ah- 
sorption.  —  Saveur  :  l'âcreté  (lisez  el- 
hamidheh  ,  au  lieu  de  kabidkeh),  —  Pla- 
nète :  Saturne.  —  Signes  du  Zodiaque  : 
la  Balance,  le  Scorpion  ,  le  Sagittaire. 

Tout  ce  que  renferme  ce  quart  de  !a 
terre  est  froid  et  humide,  tempérament 
de  l'eau,  de  la  pituite,  de  l'hiver,  de 
la  vieillesse;  c'est  l'Occident.  —  Vent 
d'ouest.  —  Dixième,  onzième  et  douzième 
heure.  —  Saveur  salée  et  goûts  analo- 
gues (il  faut  lire  mâlih,  au  lieu  de  ma). 
—  Planètes  :  Jupiter  et  Mercure.  —  Si- 
gne» du  Zodiaque  :  le  Chevreau  et  le 
Verseau.  —  Force  répulsive. 

EDIFICES   DIGNES  D'ADMIRATION. 


Les  pyramides  d'Egypte,  construites  en  granit  et 

3^. 


520  MA[  JUIN   1865. 

en  marbre;  leur  hauteur  (verticale)  est  de  l\oo  cou- 
dées; c'est  aussi  leur  mesure  en  long  et  en  large  L 
Toutes  sortes  de  recettes  médicales  et  de  talismans 
merveilleux  y  sont  gravés.  On  y  lit  aussi  :  ((Que  le 
roi  qui  se  dit  puissant  essaye  de  les  détruire,  quoi- 
qu'il soit  plus  facile  d'abattre  que  d'édifier.  »  Et,  en 
effet,  le  revenu  du  monde  entier  ne  sufBrait  pas  pour 

cette  œuvre  de  destruction 

On  rapporte  que  la  construction  d'Alexandrie 
dura  trois  cents  ans,  et  que,  pendant  soixante  et  dix 
ans,  les  habitants  n'osaient  sortir  durant  le  jour, 
leurs  yeux  ne  pouvant  supporter  le  reflet  mat  et 
éclatant  de  ses  murs.  Son  phare  prodigieux  s'élevait 
du  milieu  de  la  mer,  sur  une  écrevisse  de  verre  (Cf. 
Prairies  d'or,  II,  Zi3o,  /i33).  Outre  sa  population  in- 
digène, Alexandrie  comptait  600,000  juifs  tribu- 
taires. 

—  Memphis,  capitale  et  lésidence  des  Pharaons; 
leur  armée  résidait  à  Djeïroun. 

—  Deux  colonnes,  vestiges  des  démons ^  à  Aïn- 

*  Sur  les  dimensions  des  pyramides ,  calculc^es  par  les  Arabes,  voir 
Abdallatif  (p.  216).  D'après  les  mesures  du  colonel  Wyse,  la  grande 
pyramide  de  Khéops  a  187  mètres  de  hauteur  verticale  et  2  27'°,3o 
de  largeur  à  chacune  de  ses  bases;  la  hauteur  de  la  face  mesurée  sur 
le  plan  incliné  est  do  178  mètres. 

-  Makrizy,  en  copiant  ce  passage,  lit  j^jaLL-I  Ij'^  ij^  «restes 
d'un  plus  grand  nombre  de  colonnes»  (voyez  la  note  de  S.  de  Sacy, 
Relation  d' Abdallatif f  p.  227).  Ainsi  que  je  l'ai  dit  en  commençant 
(  introduction  ,  p.  17),  l'historien  arabe  de  Tr^gypte  devait  avoir  sous 
les  yeux  une  rédaction  plus  complète  et  plus  correcte  que  Ja  nôtre. 
Il  est  difficile  d'admettre  qu'Ibn-Khordadbeh,  malgré  sa  crédulité  dé- 
sespérante, ait  attribué  aux  démons  les  deux  colonnes  d'Aïn-Chems, 


LE  LIVRE  DES  BOUTES  ET  DES  PROVLNCES.  521 
Chcms,  en  Egypte.  Au  sommet  de  chacune  est  un 
collier  de  cuivre;  de  Tune  des  deux,  et  au-dessous 
de  ce  collier,  il  distille  de  l'eau  qui  descend  jusqu'à 
la  moitié  de  la  colonne,  sans  arriver  plus  bas.  Elle 
suinte  sans  interruption ,  jour  et  nuit;  la  partie  de  la 
colonne  qui  en  est  mouillée  est  verte  et  humide; 
l'eau  ne  tombe  pas  jusqu'à  terre.  C'est  un  ouvrage 
de  Houcheng. 

—  La  forteresse  de  Souk-el-Ahvaz:  ce  sont  deux 
forteresses  superposées.  Un  édifice  tout  semblable 
se  voit  au  Maroc.  C'est  l'œuvre  de  Houcheng  ^ 

Les  Grecs  prétendent  qu'il  n'y  a  pas  de  monu- 
ments en  pierre  qui  égalent  l'église  de  Roha  (Edesse) 
et  l'église  d'Emèse.  Abou'l-Kaçem ,  fils  de  Khordad- 
beh,  dit  :  «De  tous  les  édifices  construits  en  bri- 
ques et  en  ciment,  le  plus  beau  était  le  palais  (Eïvân) 
du  Chosroës  à  Médain;  il  fut  détruit  et  servit  à  la 
construction  de  Koufah.»  Un  poète  a  dit  : 

Les  ancêtres  et  les  rois  (kaïl)  de  Kalitân  placent  les  bases 
de  leur  gloire  sur  BabramGour; 

C'est  dans  son  palais  de  Kliavarnak  et  dans  le  Seclîr  qii'ils 
ont  manifesté  la  justice  de  leur  règne. 

Un  des  plus  magnifiques  monuments  en  pierre 
et  en  ciment  est  le  Chadrevân  de  Touster.  Ce  châ- 
teau d'eau  est  en  pierre,  porté  par  des  piliers  de 
fer  et  pavé  de  dalles  en  plomb. 

puisque,  deux  iignes  plus  loin,  il  fait  remonter  leur  origine  à  Hou- 
cheng, le  roi  légendaire  de  la  dynastie  des  Pichdadiens. 

^  Ces  mots  me  semblent  une  répétition  inutile  de  la  fin  du  para- 
graphe précédent. 


522  MAI-JUIN  1865. 

Parmi  les  transformations  de  l'eau  les  plus  singu- 
lières, on  cite  mie  montagne  du  Yémen,  du  sein  de 
laquelle  jaillit  une  source,  qui  se  répand  sur  ses  pa- 
rois et  se  solidifie,  avant  d'arriver  à  terre;  elle  forme 
le  beau  cristal  blanc  nommé  y émany.  On  trouve  dans 
l'Azerbaïdjân  une  rivière  dont  l'eau,  après  avoir  coulé 
quelque  temps,  se  transforme  ensuite  en  couches 
de  silex. 

PARTICULARITÉS  CDHIEUSES  DES  CLIMATS. 

Quand  un  étranger  arrive  au  Tibet,  il  éprouve, 
sans  pouvoir  s'en  rendre  compte,  un  sentiment  de 
gaieté  et  de  bien-être  qui  persiste  jusqu'au  départ. 
Vers  les  confins  de  la  Chine  est  une  contrée  nom- 
mée Siltty  très-riche  en  mines  d'or.  Les  musulmans 
sont  tellement  séduits  par  la  beauté  de  ce  pays, 
quand  ils  y  pénètrent,  qu'ils  s'y  fixent  et  ne  veulent 

plus  en  sortir.  (Voyez  ci-dessus,  p.  29/1.) Si  un 

étranger  demeure  un  an  à  Moçoul son  intelli- 
gence s'éteint,  ou  tout  au  moins  s'amoindrit^ 

El-Djahiz   affirme   avoir  entendu    dire   aux  sages- 
femmes  de  l'Alïvaz  qu'elles  trouvaient  souvent  des 

*  J'ai  séparé  par  des  points  ces  phrases  incohérentes,  parce  que 
je  crois  qu'il  y  a  plusieurs  lacunes  dans  le  texte.  On  lit  à  la  suite  : 
«On  ne  trouve  personne  dont  le  teint  soil  coloré,  »  et,  après  un  es- 
pace en  blanc,  «la  fièvre  y  est  endémique.  i>  Ces  lambeaux  me  sem- 
blent se  rapporter,  non  pas  à  la  ville  de  Moçoul ,  mais  à  une  des- 
cription perdue  de  la  Susiane.  Yakout  {Dict.  de  la  Perse,  p.  60) 
parle  à  peu  près  dans  les  mêmes  termes  de  la  fièvre  et  des  animaux 
nuisibles  de  ce  pays.  «On  ne  voit,  dit-il  en  citant  le  témoignage 
d'Ahmed  Hamadâny,  sur  aucun  visage  le  coloris  de  la  santé-,  les  fiè- 
vres de  l'Ahvaz  sont  permanentes,  etc.» 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  523 
enfants  atteints  de  la  fièvre  en  venant  i^u  monde.  — 
Sur  la  nionti»gne  qui  domine  la  ville  et  sm^plombe 
les  niaisons,  à  Souk-el-Ahvaz  \  pullulent  les  vipères; 
les  scorpions  appelés  djerrareh,  dont  la  piqûre  est 
mortelle,  abondent  dans  les  demeures.  Au  bout  de 
deux  mois,  les  parfums  s'altèrent  dans  cette  ville, 
de  même  qu'à  Antioche.  —  Quiconque  arrive  dans 
le  pays  des  Zendjes  gagne  la  lèpre  (ou  Télépbantia- 
sis).  — Quiconque  jeûne  pendant  l'été,  à  Messiss^h 
(Mopsueste) ,  est  tourmenté  par  l'atrabile  et  exposé  à 
perdre  la  raison.  —  Le  climat  de  Bahreïn  provoque 
des  engoi^ements  du  foie,  comme  l'a  dit  un  poêle  : 

Celui  qui  demeure  à  Bahreïn  sent  son  foie  grossir  et  son 
ventre  se  gonfler,  malgré  la  diète  ^. 

Au  rapport  des  savants,  la  contrée  la  plus  favo- 
risée de  la  nature  est  Rey  avec  son  cliarmant  canton 
de  Sinn;  celle  qui  l'emporte  par  l'industrie  et  le  tra- 
vail de  l'bomme  est  le  Tabarislân;  la  plus  produc- 
tive, Neïsabour;  celle  dont' la  beauté  a  survécu  aux 
ravages  du  temps,  Djoundeï-Sabour  avec  sa  magni- 
fique végétation.  Puis  on  cite  Merve  pour  ses  oli- 
viers; El-Madjân  et  le  Gautali  (banlieue)  de  Damas 
pour  leurs  fertiles  vallons;  Niçibîn,  arrosée  par  le 
Hermas;  Samaïrah  et  ses  deux  forteresses;  Basrah 
et  son   (canal)  Nahrevân;   en  Perse,   le  vallon  de 

*  Je  lis  .oyw  au  lieu  de  «uSa  qui  n'offre  pas  de  sens  satisfaisant. 
Edriçy  parle,  lui  aussi ,  du  scorpion  jaune  nommé  djerrarch. 

^  Après  cela  vient  une  ligue  illisible  pour  moi ,  suivie  de  quelques 

mots  incohércnls  :  «On  trouve  à  Yatrib  une  racine  odorante 

à  Chîraz,  ville  <lu  Fars une  chanson  agréable» 


524  MAI-JUIN  1865. 

Bewân  et  les  coteaux  de  Chebrezour  couverts  de 
jardins  à  droite  et  à  gauche  ;  Médaïn;  Sous;  Touster 
entre  ses  quatre  rivières  :  le  petit  Tigre,  le  Mousri- 
kân,  le  Mabàn  et  le  Pouriân;  enfin  Néhavend,  Is- 
pahân  et  Balkh.  Mais  les  hauteurs  de  Samarcande, 
dans  la  Sogdiane,  l'emportent  sur  tout  le  reste  par 
leur  beauté  et  leur  richesse.  —  Le  roi  Kobad  disait 
que,  dans  tout  son  royaume,  les  meilleurs  fruits 
venaient  des  villes  suivantes  :  Médaïn,  Sabour,  Er- 
radjân,  Rey,  Néhavend,  Houlvân  et  Maçabadân. 

SOURCE   ET  EMBOUCHURE  DES  FLEUVES. 

—  Le  Dj eïhoan  [Oxxis] ,  fleuve  de  Balkb,  sort  des 
montagnes  du  Tibet,  passe  devant  Balkh,  Teimed, 
le  Khârezm  et  se  jette  dans  la  mer  de  Djordjân 
(Caspienne).  —  Le  Sind  (Mehrân  ou  Indus)  sort 
d'une  montagne  appelée  Saghyân  ^  passe  par  Man- 
sourah  et  se  jette  dans  l'Océan  oriental,  après  avoir 
formé  plusieurs  des  rivières  de  l'Inde. 

—  Le  fleuve  de  Chacb  ^ 

—  L'Euphrate  sort  de  Kalikala,  traverse  le  pays 
des  Grecs  jusqu'à  Kamakh,  passe  à  deux  milles 
de  Malatya  et  arrive  à  Somaïsat,  où  il  devient  navi- 
gable     —  Le  Tigre  prend  sa  source  dans  les 

montagnes  d'Amid,  traverse  le  mont  Selseleh  (ula 
chaîne,»  le  Taurus).  Grossi  par  de  nombreux  af- 

*  Birouny  place  la  source  de  l'indus  dans  les  montagnes  d'On- 
nanak,siirle.s  frontières  du Turkestau.(Jo«ru.  asiat.  septembre  i8/i/|. 
Cf.  Burnes,  1 ,  63  et  262.) 

•*  Lacune.  (  Voyez  Abou'l-féda ,  11 ,  78.) 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  525 
fluents  venus  de  l'Arménie,  il  passe  à  Beled,  où  il 
commence  à  porter  les  bateaux  et  les  kelehs;  plus 
loin,  il  reçoit  les  deux  Zab  et  le  Nabrevân,  passe  à 
travers  les  Etangs  et  se  joint  au  Tigre  d'Obollab  (ca- 
nal), pour  se  jeter  ensuite  dans  la  mer  orientale. 

—  L'Araxe,  fleuve  d'Arménie,  sort  de  Kabkala, 
traverse  l'Errân,  où  il  reçoit  la  rivière  de  ce  nom, 
passe  devant  Wartbân  et  à  El-Djem!  (confluent),  où 
il  se  joint  au  Kourr;  la  ville  de  Beïlakân  est  entre  les 
deux  fleuves;  après  leur  jonction,  ils  se  jettent  dans 
la  mer  de  Djordjân  ^.  —  Les  deux  Zab  sortent  de 
l'Arménie  et  se  jettent  dans  le  Tigre  :  le  grand  Zab 
à  El-Hadîthah,  le  petit  Zab  à  Essinn.  —  Le  Nabre- 
vân (canal  dérivé  du  Tigre)  sort  de  l'Arménie,  passe 
h  Bab-Taloua,  où  il  est  appelé  Mamara  (il  faut  lire 
{^fleuve  de  Sorra-men~râ) ,  reçoit  les  affluents  nommés 
Kathoul,  arrive  au  canton  de  Souly '^,  où  il  prend  le 
nom  de  Nahrevân,  et  se  jette  dans  le  Tigre  au-des- 
sous de  Djebboul.  —  Le  Kbabour  sort  de  Ras-Aïn, 
reçoit  le  Hermas  et  se  jette  dans  l'Eupbrate  h  Kar- 
kiçya.  —  Le  Balîkb  (Billicha)  sort  d'une  source 
nommée  Debbanyeb,  dans  la  province  de  Harrân, 
et  se  joint  à  l'Eupbrate  au-dessous  de  Rakkab.  — 
Le  Hermas  part  de  Tour-Abdîn  et  se  jette  dans  le 

^  Cette  dernière  page  nous  est  parvenue  dans  un  état  déplorable. 
Voici  les  mots  qui  doivent  être  ajoutés  au  texte  pour  lui  donner  un 
sens,  p.  125,  1.  4.  Après  LtfiL^f  fil  il  faut  lire  :  ^^  ^j  (jl-y.â>^3 

2  C'est  ainsi  que  je  corrige  ,  avec  Abou  '1-féda  (II,  78),  le  groupe 
inintelligible  (jj.4»OkUj. 


526  MAI-JUIN  1865. 

Khabour.  —  Le  Theiihar  est  un  bras  du  lleniias 
qui  passe  à  El-Adhr  (Atra)  et  se  jette  dans  le 
Tigre.  ^^ 

—  Le  Nil  d'F^gypte  sort  des  montagnes  de  la 
Lune,  se  dirige  vers  les  contrées  sises  au  nord  de 
l'équateur,  coule  le  long  de  la  Nubie,  et  entre  en 
Egypte;  enfin  une  de  ses  branches  débouche  dans  ia 
mer  de  Roum,  à  Damiette;  l'autre  branche  se  jette 
dans  la  même  mer,  après  avoir  passé  à  Fostat  (  Vieux - 
Caire). 

—  Le  Dodjeïi  «  petit  Tigre ,  »  dans  TAhvaz ,  sort  de 
la  province  d'ispahân  et  se  jette  dans  la  mer  orientale 
(près  d'Abbadàn).  —  Le  fleuve  de  Djoundcï-Sa- 
bour,  un  de  ses  affluents,  vient  aussi  du  fond  de  la 
province  d'ispahân.  —  Le  fleuve  de  Sous,  autre  af- 
fluent du  petit  Tigre  ,  part  de  Zeïtoun.  —  Le  Mous- 
rikân  vient  du  Ghadrevân  a  château  d'eau,  aqueduc,  » 
de  Touster  et  se  jette  dans  la  mer  orientale.  —  Le 
Zendéroud ,  fleuve  d'ispahân ,  prend  sa  source  dans 
cette  province,  arrose  ses  dix-sept  cantons,  se  perd 
ensuite  dans  les  sables,  et  reparaît,  soixante  fars, 
plus  loin,  dans  le  Rermân;  là,  après  un  certain  par- 
cours, il  se  jette  dans  la  mer  orientale. 

—  Le  Seïhân,  fleuve  d'Adanah,  et  le  Djeïhân, 
fleuve  de  Messissah,  viennent  l'un  et  l'autre  du  pays 
des  Grecs  et  se  jettent  dans  la  mer  de  Syrie.  —  L'O- 
ronte,  fleuve  d'Antioche,  prend  naissance  dans  lu 
province  de  Damas,  du  côté  de  Baalbek  (je  lis  ainsi, 
au  lieu  de  Berhcr),  coule  du  sud  au  nord  et  se  jette 
dans  la  Méditerranée.  —  La  rivière  de  Damas,  cpii 


LE  LIVRE  DES  ROUTES  ET  DES  PROVINCES.  527 
fertilise  le  Gautab,  se  jette  dans  le  lac  de  Damas. 
(Ce  sont  les  trois  étangs  à  l'est  de  la  ville.) 

MONTAGNES. 

Le  mont  El- Ardj ,  situé  entre  Médine  et  la  Mecque, 
se  dirige  vers  la  Syrie;  là  il  se  réunit  au  Liban,  près 
de  Hims,  et,  plus  loin,  aux  montagnes  d'Antakieh 
et  de  Messissab;  il  prend  alors  le  nom  à' El-Lokam ; 
il  se  joint  ensuite  à  la  chaîne  de  Malatya ,  de  Somaï- 
sal  et  de  Kalikala,  et  s'étend  jusqu'au  rivage  de  la  mer 
des  Kbozars  (Caspienne),  près  de  Bab  el-Abwab 
(Derbend)i. 

'  Passage  copié  par  Kazwîny,  II,  169.  Maçoudy,  qui  cite  cette 
opinion  de  l'auteur  pour  la  critiquer,  nous  fournit  en  même  temps 
la  preuve  que,  loin  de  se  terminer  aussi  brusquement,  ce  chapitre 
renfermait  une  théorie  complète  de  la  constitution  du  globe.  «  Il 
nous  enseigne,  dit  Maçoudy,  que  les  différentes  parties  du  monde 
se  touchent  et  tiennent  ensemble,  sans  solution  de  continuité;  que 
la  surface  de  la  terre  offre  tantôt  des  dépressions,  tantôt  des  renfle- 
ments considérables,  etc.»  A  en  juger  par  l'ensemble  du  chapitre, 
celte  dernière  partie  devait  être  aussi  peu  développée  et  présentée 
avec  la  même  sécheresse  que  le  reste;  on  n'en  trouve  aucune  trace 
ni  dans  la  copie  de  Constantinople,  ni  dans  celle  d  Oxford.  Cette 
dernière  seule  porle  une  date;  elle  a  été  terminée  le  jeudi  2  du 
mois  de  redjeb  632  (avril  i235). 


528  MAI-JUIN   1865. 


TABLE  DES  MATIERES. 


iV.  B.  —  Les  chiffres  en  italique  indiquent  la  pagination  du  texte  arabe 
les  chiffres  en  romain,  celle  de  la  traduction. 


Introduction 5 

Généralités  de  géographie  physique 27  228 

Evaluation  des  mesures 27  229 

De  l'orientation  dans  les  différentes  contrées 27  23o 

Description  du  Sawad 28  28 1 

Rive  orientale  du  Tigre;  Tamarra 28  282 

Territoires  arrosés  par  le  Tigre  et  l'Euphratc 29  2  33 

Territoires  arrosés  par  TEuphrate  et  le  Petit-Tigre.  ...  '29  233 

Tableau  statistique  du  Sawad 30  287 

Historique  de  l'impôt  de  cotte  province. 36  2A2 

Rôle  de  l'impôt  payé  aux  Tahérides  par  le  Khoraçân .  .  37  244 

Par  les  pays  au  delà  de  l'Oxus 39  247 

Récapitulation  des  sommes  précédentes ^0  2  48 

Surnoms  des  rois  du  Khoraçân  et  de  l'Orient ^0  2^g 

Districts  et  impôt  de  l'Ahvaz  (Susiane) 4/  202 

Districts  et  impôt  du  Djebel à2  254 

Districts  et  impôt  d'ispahân 4.2  2  55 

Royaumes  de  la  terre ^2  2  55 

Titres  des  rois  du  monde :  .  .  45  256 

Rois  surnommés  Chahinchali . 45  257 

Itinéraires 44  2  58 

De  Bagdad  aux  limites  les  plus  reculées  du  Khoraçân 

(routes  du  nord-est) 44  2  5() 

De  Merve  à  Chach  et  au  pays  des  Turcs 47  263 

Villes  de  la  province  de  Boukhara 47  263 

De  Boukhara  à  Samarcande 47  264 

De  Zamîn  à  Ferghanah 4P  266 

Tribus  turques,  Tagazgaz,  Keïmak,  elc 50  267 

De  Mcrvc-Chahidjân  au  Tokharistân 51  268 

Roule  de  Saghaniân;  route  de  Balkh  au  Tokharistàn  su- 
périeur    52  270 


TABLE  DES  MATIÈRjES.  529 

Relais  de  poste  sur  la  route  de  l'Orient 52  271 

Relais  de  poste  dans  TAhvaz  et  le  Fars 53  272 

Cantons  du  district  de  Sabour 54  278 

Cantons  d'Islakhr  et  d'Erradjân 54,  55  274 

Campements  des  Kurdes 55  274 

Division  de  la  province  du  Fars 55  276 

Route  d'Istakhr  à  la  capitale  du  Kermân 55  276 

Route  du  Kermàn  au  Sedjestân 56  276 

Villes  principales  du  Sind;  pays  des  Pehlevis 57,  58  278 

De  l'Ahvaz  à  Ispabân 58  279 

Du  Fars  à  Ispahân 58  279 

D'Ispaliân  à  Rey 59  27g 

De  Bagdad  à  Basrah 59  280 

Relais  de  poste  entre  la  capitale  du  khalife  et  Vaçit.  ...  59  281 

Roule  de  Basrah  à  l'Oman,  le  long  de  la  côte 59  281 

De  Basrah  à  rOrienL,par  mer 60  281 

Poissons  extraordinaires  dans  la  mer  orientale 60  282 

Du  golfe  Persique  à  l'Orient 61  2  83 

Serendîb  (Ceylan)  ;  le  pic  d'Adam 63  2  85 

lie  de  Ramy,  etc 63  286 

Le  camphrier 6ù  287 

Likbalous;  Kalah;  productions  de  ces  îles 6â  288 

Principaux  rois  de  l'Inde;  éléphants 65  289 

Le  roi  de  Kamroun  et  le  Maharadja 66  290 

Itinéraire  de  la  Chine 66  291 

Aloès  de  Senf;  El-Wakîn;  Khanfou 66  292 

Pays  des  Wakwak 67  293 

Phénomène  du  flux  et  du  reflux 67  298 

Pays  de  Sila;  productions  de  l'Inde ^ 68  29A 

Castes  et  magiciens  de  l'Inde 69  296 

Le  Maghreb  ou  Occident;  roule  de  Bagdad  au  Maghreb.  69  446 
Villes  du  Khabour  ;  province  de  Kinnisrin  ;  impôts  de  ce 

pays 70  448 

Route  partant  d'Emèse. ...  - 7i  449 

Province  de  Damas;  route  partant  de  Damas 72  4 00 

Districts  de  la  Palestine 73  45 1 

Route  partant  de  Ramiah 73  45 1 

Districts  de  l'Egypte 73  452 

Route  d'Egypte  au  Maghreb,  en  partant  de  Fostat 74  453 

Route  de  Barkah  à  l'Occident 75  455 


530  MAI-JUIN  1865. 

États  d'Ibn  el-Aghleb 76  456 

Etats  de  Meïmoun  el-Roustemy,  et  de  Sogbaïr  le  Berbère.  77  458 

Etats  de  l'bcrétiquo  Es-Sofry  et  des  Edricites 78  459 

Passage  interpolé  sur  l'étendue  de  la  terre 78  46o 

L'Espagne  sous  les  Omeyades 79  46 1 

Tribus  berbères 80  462 

Exportations  de  la  mer  du  Maghreb 81  463 

Itinéraire  de  Bagdad  à  Rakkah  par  Moçoul  ;  villes  prin- 
cipales   81  465 

Route  de  gauche  allant  de  Beled  à  Sindjar  et  Karkiçya. .  83  466 

Route  de  Rakkah  aux  villes  frontières 83  467 

De  la  Mésopotamie  à  la  Méditerranée SI4  467 

Postes  entre  Émèse  et  Damas  ;  route  de  Koufah  à  Damas, 

par  le  désert 8à,  85  468 

Postes  entre  Alep  et  les  villes  frontières 85  469 

De  Tarsous  au  canal  de  Constantinople 85  469 

Description  de  ce  canal 87  47  i 

Murs  d'enceinte  de  Constantinople 87  473 

Provinces  de  l'empire  byzantin 88  474 

Mission  de  l'astronome  Mouça  relative  aux  Sept  Dormants.  89  476 

Suite  des  provinces  de  l'empire  byzantin 90  478 

Impôt  foncier  chez  les  Grecs 91  479 

Fonctionnaires  militaires  et  civils;  solde  de  l'armée..  .  .  92  48i 

lies  du  pays  de  Roum 92  482 

Description  de  Rome 92  482 

Les  quatre  merveilles  du  monde ^.  9â  484 

Relais  sur  la  roule  de  l'Occident 95  485 

Pays  du  nord  [el-Harhj] 95  486 

Route  du  Khoraçân  à  rAzcrbaïdjàn  et  l'Arménie;  villes 

et  bourgs  de  l'Azerbaïdjân 96  487 

Route  de  Dinaver  à  Birzcnd 97  488 

Roules  et  division  administrative  de  l'Arménie 97  489 

Bab-el-Abwab  ou  Caucase 98  490 

Mission  de  Sallam  l'interprète  chez  les  peuples  de  Gog 

et  Magog 99  490 

Description  de  la  fameuse  barrière  de  ce  nom 100  493 

Pays  de  la  droite  ou  midi  ;  route  de  Bagdad  à  la  Mecque.  103  496 

Embranchement  conduisant  à  Médine 10^  498 

Roule  suivie  par  le  Prophète  dans  sa  fuite 105  499 

Houle  des  pèlerins  de  Médine  à  la  Mecque 105  5oo 


TABLE  DES  MATIERES.  531 

Suite  tic  la  roule  de  Bagdad  à  la  Mecque .    106  5oo 

Cantons  de  la  Mecque;  route  de  cette  ville  à  Tayef.  .  .  .    107  5oi 

Stations  de  la  Mecque  au  Yémen 107  5o2 

Cantons  du  Yémen 108  5o3 

Relais  entre  Omrah  et  Sanaa 111  5o6 

Impôt  du  Yémen 111  5o6 

Inscriptions  himyaritcs 111 ,   112  5o6 

Stations  entre  Mesdjid-Saad  et  Basrah 112  5o8 

Entre  Basrah  et  la  Mecque ll'i  5o8 

Entre  le  Ycmamah  et  la  Mecque 112  5o8 

Route  d'Oman  a  la  Mecque,  le  long  de  la  côte 113  5o() 

De  Khawlàn  à  la  Mecque 113  Sog 

Stations  d'Egypte  à  la  Mecque 113  5io 

De  Damas  à  la  Mecque lia  5io 

De  Basrah  au  Yémamah IIU  5 1 1 

Stations  entre  le  Yémamah  et  le  Yémen 115  5i  i 

Récapitulation  des  relais  de  poste 115  5i  2 

Itinéraire  des  marchands  juifs 115  5 1  2 

Itinéraire  des  marchands  russes 116  b\!x 

La  cour  du  Chosroës  fermée  à  certains  étrangers 117  5i5 

Les  quatre  parties  du  monde 117  5 1 5 

Merveilles  de  la  terre  (chapitre  mutilé) 117,  118  5i6 

Contrée  nommée  Mostatileh 118  5i(i 

Pluies  en  Arabie 118  bij 

La  chambre  des  rois  à  Tolède 118,  119  617 

Théorie  des  éléments  dans  leur  rapport  avec  les  pays.  .    119  5 18 

Figure  explicative 120  5 1 9 

Les  Pyramides  d'Egypte.. 121  619 

Alexandrie  et  son  phare;  Mempbis 121  620 

Colonnes  d'Aïn-Chems 121  62  1 

Edifices  remarquables;  églises;  palais  de  Médaîn  (Ctési- 

phon);  château  d'eau  de  Toustcr 121 ,  122  62  1 

Pétrifications 122  52  2 

Particularités  curieuses  des  climats;  le  Tibet;  Sîia;  Mo- 

çoul;  la  Susiane . .    122,  123  622 

Antioche,  Lèpre  chez  les  Zendjes.  Climat  du  Bahreïn.  .    123  523 

Contrées  les  plus  fertiles  de  la  terre 12^ ,  125  523 

Source  et  embouchure  des  fleuves  :  I'Oaus,  le  Sind, 

l'Euphrate  et  le  Tigre /24,   125  52/i 


532  MAI-JUIN  1865. 

L'Araxe,  les  deux  Zah,  le    Nahrevân,  le  Khabour,  le 

Hermas i25  025 

LeNil,leDodjeïl,leZendéroud,lesfleiivesdeSyne.   125,  126  626 

Montagnes 126  627 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES. 

SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


PROCES-VERBAL  DE  LA  SEANCE  DU   12  MAI  1865. 

La  séance  est  ouverte  à  8  heures,  par  M.  Reinaud,  pré- 
sident. 

Sont  proposés  et  nommés  membres  de  la  Société  : 
MM.  Boy  (Victor),  libraire  à  Marseille; 

Pleignier  (Victor),  professeur  à  Casteltown ,  dans 
l'île  de  Man  (Angleterre). 

Il  est  donné  lecture  d'une  lettre  de  M.  Numa,  photo- 
graphe, rue  Richelieu,  qui  désire  faire  un  album  des  mem- 
bres de  la  Société,  et  s'offre  de  les  photographier  gratis  et 
de  donner  à  chaque  membie  six  exemplaires  de  son  por- 
trait. 

Le  secrétaire  donne  lecture  des  comptes  de  l'année  i864 
et  du  budget  de  i865.  Renvoi  à  la  commission  des  censeur.s. 

M.  le  président  annonce  que  la  Société  tiendra  sa  séance 
annuelle  au  mois  de  juin,  et  que  les  membres  seront  avertis 
du  jour  par  lettres  individuelles. 

Un  membre  donne  quelques  détails  sur  l'impression  du 
Catalogue  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale.  La 
première  livraison,  qui  contient  les  manuscrits  hébraïques, 
est  très-avancée  et  sera  publiée  dès  que  l'impression  sera 
achevée.  Le  même  membre  annonce  la  publication  prochaine 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  533 

du  Catalogue  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale 
de  Vienne,  rédigé  par  M.  Flûgel. 

OUVRAGES  OFFERTS  À  LA  SOCIÉTÉ. 

Par  l'auleur.  Extraits  du  Livre  des  rois  de  Firdausî,  pu- 
bliés par  S.  E.  Kemal  Efendi,  à  Constanlinople;  lithographie 
in-i6  (i865),  en  persan. 

Par  l'éditeur.  Catalogue  de  la  bibliothèque  d'un  orientaliste, 
rédigé  et  publié  par  M.  Thonnelier;  vol.  L  Paris,  i864; 
in-8'. 

Par  l'auteur.  Tibetische  Texte  ùberselzt  und  erlaeutert  von 
Emii  ScHLAGiNTWEiT.  Munich,  186 A;  in-8°. 

Par  l'éditeur.  Annuaire  philosophique,  par  L.  A.  Martin; 
l.  II,  n°  3  (mars).  Paris,  i865. 

Par  la  Société.  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie,  jan- 
vier-mars. Paris,  i865;  in-8°. 

—  Bibliotheca  indica.  Calcutta,  i864;  in-8°. 
Nouvelle  série,  n°  63.    The  Brihatsanhita ,  fasc.  l\. 

—  N°  67.    The  Nyaya  Darsana  of  Gotama. 

—  N°'  61  et  66.  The  Sraufa  Suira  of  Aswalayana,  fasc.  2 
et  3. 

—  N"'  62  et  64.  TheMuntakhab  al  Tawarikh, ïasc.  3  et  4. 
Ancienne  série,  n"*  2o5  et  206.   Biographical  Diciionary 

of  Ibn  Hajab,  vol.  IV,  fasc.  1  et  2. 

Par  l'éditeur.  Monatschrift fur  Geschichte  des  Judentham, 
vol.  XIV,  cahier  d'avril.  Breslau,  i865;  in-S". 

Par  l'auteur.  Geogràfia  de  las  lenguas  y  carta  etnogrà- 
fica  de  Mexico,  par  Manuel  Orozko  y  Berra.  Mexico,  1864  ; 
\n-lx\ 

Par  l'éditeur.  Exercice  de  la  langue  tibétaine.  Légende  du 
roi  Açoka.  Texte  tibétain  ;  transcription,  prononciation  figu- 
rée; traduction  en  français  par  H.  L.  Feer.  Paris,  i865; 
in-8°  oblong. 

—  Textes  tirés  du  Kandjour,  par  H.  L  Feer;  2'  livraison. 
Composition  des  écritures  bouddhiques.  Paris,  i865;  in-8° 
oblong. 

V.  35 


534  MAI-JUIN  1865. 

Parla  Société.  Annuaire  de  la  Société  d'elhnocjraphie ,  par 
Alfred  Ledier.  Cinquième  année.  Paris,  i864;  in-S". 

Par  l'auteur.  Contributions  towards  the  ancient  fjeocjraphy  of 
ihe  Troad.  On  ihe  site  of  Gergis,  by  Frank  Calvert.  (Tirage 
à  parl^  sans  aucune  indication.) 


RAPPORTS 

FAITS  A  M.  LE  MINISTRE  DE  L'INSTRUCTION  PUBLIQUE 

SUR  LES  MANUSCRITS  HEBREUX  DE  LA   COLLECTION  FIRK.OWITZ  » 

PAR   M.  NEDBADER  , 

ET    OBSERVATIONS   SUR  CES  RAPPORTS    FAITES 

À  L'ACADÉMIE  DES  INSCRIPTIONS   ET  BELLES-LETTRES. 

PAR  M,  MUNK.. 

PREMIER  RAPPORT  DE  M.   NEUBAUER. 

La  collection  Firkowitz,  acquise  par  la  Bibliothèque  impé- 
riale de  Saint-Pétersbourg,  consiste  en  rouleaux  du  Penla- 
teuque,  en  copies  (fac-similé)  des  épitapbes  se  trouvant  sur 
des  tombeaux  juifs  en  Crimée,  en  fragments  d'anciens  textes 
de  la  Bible,  et  en  manuscrits  concernant  les  littératures  ca- 
raïte  et  rabbinique. 

Parmi  les  rouleaux  il  y  en  a  qui  sont  très-anciens,  à  en 
juger  d'après  les  épigraphes  placées  soit  au  commencement, 
soit  à  la  fin  de  ces  rouleaux.  Le  plus  ancien,  qui  porte  ici 
le  numéro  6 ,  est  de  l'année  489  P.  C.  Voici  l'inscription 
qu'on  déchiffre  non  sans  difficulté  :  «  Dédié  ....  ici  dans  la 
communauté  de  Tamatarka,  auparavant  appelée  Tamirha, 
l'année  44.  •  de  la  création  du  monde  et  i485  de  notre  exil 
(des  dix  tribus).  » 

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NOUVELLES  ET  MELANGES.  535 

Avant  de  parler  du  caraclèrc  paiéographique  et  des  diffé- 
rences massoréliqucs  de  ces  rouleaux,  je  dois  relever  les 
objections  que  je  me  suis  faites  sur  l'anciennelé  de  ces  do- 
cuments, et  que  le  monde  savant  m'aurait  sans  doute  posées  : 
1°  qu'on  ne  trouve  nulle  part  mentionnée  dans  le  Talmud 
une  épigraphe  sur  les  rouleaux;  cet  usage,  au  contraire,  y 
est  rigoureusement  défendu;  2°  l'ère  de  la  création  du  monde 
n'était  pas  encore  employée  à  cette  époque,  à  en  juger  d'après 
les  documents  connus  jusqu'à  présent;  3°  l'ère  de  l'exil  des 
dix  tribus  est  quelque  chose  de  fabuleux  et  prouverait  contre 
l'authenticité  de  ces  épigraphes. 

Je  n'ai  point  l'intention  de  soutenir  l'ancienneté  de  ces 
rouleaux,  en  en  admeltant  la  possibilité;  j'ai  assez  souvent 
dit  qu'il  faut  se  méfier  des  documents  caraïtes.  Je  veux  seu- 
lement démontrer  que  les  objections  mentionnées  ne  sont 
pas  concluantes  contre  l'ancienneté  des  manuscrits  dont  il 
s'agit.  Il  faut  se  rappeler  qu'ici  on  a  affaire  aux  Juifs  anté- 
talmudiques;  chez  ceux-ci,  les  épigraphes  sur  les  rouleaux 
étaient  probablement  permises  et  peut-être  même  de  rigueur. 

Les  caraïtes  en  Crimée,  comme  je  peux  m'en  convaincre 
ici  par  mes  propres  yeux,  en  font  encore  aujourd'hui.  D'ail- 
leurs, on  peut  juger  par  la  négligence  et  l'irrégularité  de 
l'écriture  de  ces  rouleaux,  comme  on  le  verra  plus  loin,  que 
ces  juifs  ne  se  montrent  pas  aussi  minutieux  pour  la  manière 
d'écrire  leurs  rouleaux  que  le  sont  les  rabbanites.  Il  y  a  un 
grand  nombre  de  rouleaux  écrits  sur  cuirs,  ce  qui  est  sévère- 
ment défendu  par  le  Talmud. 

Quant  au  deuxième  point,  on  ne  peut  pas  rigoureusement 
alhrmer  que  tel  ou  tel  usage  n'ait  point  existé  à  un  certain 
temps,  par  cela  seul  qu'on  ne  le  trouve  pas  mentionné  dans 
les  livres  composés  à  cette  époque.  Le  savant  M.  Rappo- 
port  a  fait  [Kereni  Chemed,  année  v)  la  même  objection  pour 
les  épitaphes  trouvées  en  Crimée,  et  dont  je  parlerai  dans  ce 
rapport.  Ce  savant  dit  que  l'ère  de  la  création  du  monde  se 
trouve  pour  la  première  fois  employée  chez  Sabtaï  Donolo 
(x' siècle);  depuis  on  a  trouvé  le  Traité  astronomique  de 

35.    • 


536  MAI-JUIN  1865. 

Samuel  le  Petit,  ouvrage  qui  date  au  moins  du  ix*  siècle,  et 
où  celle  ère  esl  déjà  employée  (Cf.  Boreïtha  dischmouel  haka- 
ton,  Salonique,  1860,  page  ili).  Il  esl  possible  qu'on  trouve 
plus  tard  des  documents  plus  anciens  qui  l'emploient  éga- 
lement. 

Quant  à  l'ère  de  l'exil  de  Samarie,  il  est  probable  que 
ce  soit  une  imagination  de  ces  juifs,  dont  proviennent  ces 
rouleaux.  Cependant  elle  peut  daler  d'un  temps  très-reculé; 
on  la  trouve  également  sur  les  épitaphes  à  côté  de  l'ère  de 
la  création  du  monde.  M,  Munk  en  donne  un  exemple  d'un 
manuscrit  de  Paris  (cf.  sa  notice  sur  la  version  persane  de 
la  Bible,  lome  IX  de  la  Bible  de  M.  Cahen,  préface, 
page  i56).  Tout  le  monde  ici  sait  que  les  juifs  du  Caucase 
se  servent  encore  aujourd'hui  de  celle  ère  sur  leurs  docu- 
ments (actes)  civils;  ils  se  sont  toujours  adressés  à  Tempereur 
Nicolas  comme  descendants  des  dix  tribus. 

Le  rouleau  n"  6,  qui  contient  le  Deutcronome,  est  écrit 
sur  parchemin  avec  des  caractères  carrés  un  peu  négligés  ; 
les  lettres  sans  les  couronnes  [taguîn);  Tordre  massoré- 
tique  pour  les  espaces  entre  les  chapitres  est  pareil  à  celui 
des  rouleaux  des  rabbanites;  le  nombre  des  colonnes  sur  un 
lé  de  parchemin  varie  ici  comme  dans  plusieurs  autres. 

Le  n"  8  porte  la  date  i335  de  l'exil  (èSg  P.  C.) ,  il  est  en 
parchemin  et  écrit  presque  en  entier  avec  les  taguin.  H  y  a 
aussi  les  signatures  de  deux  témoins  pour  confirmer  la  dé- 
dicace de  ce  rouleau  à  la  synagogue  de  Choaphoaicalé  (i?7D 
cnriTi).  Les  lagnîn  y  sont  différents  de  ceux  des  rouleaux 
des  rabbanites.  Ceux-ci  consistent  toujours  en  trois  traits  et 
ne  sont  placés  que  sur  les  lettres  :  îî',  3',  î',  3',  îû',  i^',  ^,  tandis 
qu'ici  ils  forment  tantôt  un  trait,  tantôl  trois  traits;  ils  sont 
placés  aussi  sur  d'autres  lettres*. 

'  Voici  les  textes  des  épigraphes  : 


NOUVELLES  ET  MÉLAiNGES.  537 

Le  n*  9  porte  la  dale^  de  iA6ode  l'exil  (764  P.  C);  il  est 
en  parchemin,  sans  laguîn,  avec  des  correclions  énormes 
entre  les  lignes,  de  sorte  que  je  n'ai  pu  admettre  d'abord 
qu'on  eût  employé  ce  rouleau  dans  la  synagogue;  j'ai  pensé 
qu'il  était  peut-être  destiné  à  l'école,  mais  j'ai  dû  revenir  de 
celle  opinion ,  quand  j'ai  vu  que  cette  négligence  se  retrouve 
dans  d'autres  rouleaux,  écrits  d'ailleurs  avec  grand  soin. 

Le  n*  1 3  est  dédié  par  la  femme  Olo ,  fille  d'Aliron  des 
'Hazars  (-)ÎD  ''JDD  pHN  D2  ItûlK),  /i54i  de  la  création  du 
monde(78lP.C.)^ 


]pTn  pw^^  "iDb  imx  TnDD  ^d  n'i'a  pn^j*»  Y3  ^hd  n^")Dî 

G^^bv  niND  ^bm  fjbx  n:îyn  -iddh  nx  M^b  jn^T  m^d 
pN  vm-)nb  imx  n:i])b  îû"d  UTiib^b  n^^^  n^Dn) 

'  pHN  î^^i-ipDn  ••^••n^::  nu;^  ••-.^D-'Dn  nt:;^ 

nî^^D  •••im  •••inM  :?bD  •••'ib^b  D'n'N ^xidd'  p 

'?î<"':i  •••^"ib  pn!: 

QD  h)r  -)îD  ^:3D  pHN  n-3  lîû^N  'D  nu;npn  n-nnn  idd 
nî:;D:  mDD  -nn:?3  n"n  nîit:?  '-)  p  js^-i'^^c  "n  "ii:  nty"'K 
nwvb^  nDb"*?!  in  m:nb  c:dî^  n"3pi-n  n^^a  u;d:  mDD^ 


538  MAI-JUIN   1865. 

Le  n"  1^  porte  dans  son  épitaphe  :  «Dédié  par  la  commu- 
nauté de  nos  frères  les  'FJazars  à  la  communauté  de  Krim  » 
(  Qnp  nD  1]D  ■i:'«nK  bn])  )  i  485  de  l'exil ,  4700  de  la  créa- 
tion (789  P.  G.),  signé  David  lils  de  Jizhak  Sangari  (?)  le 
fils  de  celui  qui  a  converti  le  roi  des  'Hazars  au  judaïsme  (?], 
d'après  la  lettre  de  Hasdai  (cf.  livre  Cosri,  éd.  Buxlorf).  Il  s'y 
trouve  également  beaucoup  de  corrections,  et  cette  parti- 
cularité qu'à  la  fm  des  colonnes  [yeriot]  il  y  a  un  custos 
(premier  mot  de  la  colonne  suivante);  les  lettres  y  sont  sans 
laguîn  \ 

Le  n°  i5  appartenait  à  la  communauté  de  Cafa  et  est  écrit 

nD")2?Dn  ••nVND  n^^i^  idiu'»')  ':";  "jyni  ""DDi  "j^dd  î^in  minn- 
XM^  mnnn  nbnp^  itr-'ipm  id^ini  in"'3  pin  nM^ib  i^v\ 
nnî<i  ^2:^:  inK  îûdIîd  hn^2  ï^diîod  hn^2  nb:^i2b  nnirr 
id"'u;di  iD^"VnD  inKi  in^npD  nnx  îiik  nmD  inKi  tidid 
nyi  nv2  n^DDD  -jTim  i^^'iaiiD  -jnm  mtdw  -jnm  ]idî:;d 

nsD  n*?  un  'dd::;  'pD  n^b:?  D^''p"'i  'i:mM  ^r^j  pian  nDHi"»"! 
cz3'>"'p^T  «T'isbi  n''^D  ''JD  PW")'?  'iî;''n''7  n'n'p'n  hdt^  dji  n^T» 
::?^n"'  b^m  '})  i^^it  >ddt  ^^dd  it;iD^  nî'?  n^riDi  'pD  rriby 
Qi^pi  nnr:;  'pDm  n'pD  ;dn  nnp  pm  mnon  'î:?''  id^  nbix; 


P"d'7  mn"'  •?{<  D'^i'jjn  iD^n  '•jsi 
'  ")îD  u-inx  Snp  t:;npn  niDN:n  riD^Dnn  minn  riKT 
i:r"n  UTii^j'?  .Yen  ï^bx  njt:^  n'jyD  Sip  d^d  ns  ic;npnc 
lyS  '7n;^  kSi  nDD'»  nS  ^Nity^  ^nhab  ^mp  Nini  p"D  n^^s"»'? 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  539 

pour  le  chef  de  la  ville  ben  Yaldougan  hakadri  (l'Arabe  ou 

'Hazar  nîp  ?)  (^Il^n  pnb''  p  T:?.*!  l^'P'D  (?  beg)  D^>3  d5S). 
i484  dé  noire  exil,  ^709  de  la  création  (788  P.  C),  sans 
taguîn,  beaucoujD  de  corrections  *;  ici  le  n  et  le  U  ont  des 
formes  particulières.  Ces  quatre  derniers  numéros  ont  des 
points  à  la  fin  de  chaque  verset. 

Le  11"  2  offre  le  plus  d'intérêt;  d'abord  il  est  écrrt  sur  cuir 
et  porte  une  épigraphe  historique.  En  voici  à  'peu  près  le 
contenu  :  «Qui  peut  décrire  tous  les  miracles  qui  ont  été 
faits  pour  nous  depuis  quinze  cents  ans  que  nous  sommes 
dans  l'exil?  Nous  sommes  tombés  dans  les  mains  de  ceux 
qui  adorent  le  feu  et  l'eau  ;  ils  nous  ont  pillés  et  pris  nos  livres 
saints  dont  ils  ont  fait  un  sujet  de  moquerie.  C'est  surtout 
notre  dernier  ennemi,  le  prince  Gatom  avec  son  peuple  les 
Tatraktisiim  ^eu  nombreux,  Nî^  Q2;  in^HD  Q!?  Dni?:  ^T7N) 
(D''''Dp1îûîO  DDti^'l  □Ijîi'*,  qui  voulait  cependant  nous  détruire 
complélement  ;  mais   Dieu   nous   a   envoyé   une  assistance 

□^"«nb  nnD^  ban"^^  id^  dvt  u^td^  3inD3  niDD^  •^'V'  DiT^^* 
"•n"»  a^Nnn  ddVdt  nin  UV2  np^^  in^^  hv  insDii  Q^bti^n^s 

îû"D  n:3D  D"Di  n"3:  pni:^  "in  i^m  dk: 

'  -)^N  nîn  minn  ^dd  -«n-iDD  iDion  ni2bv  p  .-TibN*  ':k 

ns  V's''  mpn  pnb^  p  Ti^^n  i^pD  D^^n  d"d'?  V't  "»dn  ^dd 

man''?  nDî"»  m''*i"'''?  n"u;n  ^2nih:/7  Tsn  f]bN  d^i  ^iin  bi*  ndd 


540  MAI-JUIN  1865. 

dans  nos  frères  les  'Hazars  (?),  [llp  "^JDD)  qui  scnl  devenus 
juifs,  le  prince  Mibsam  (N'^u'in  Dl^'SDl)  était  en  tête.  Ils 
ont  conquis  la  forteresse  Doura  (">"m  DIjÎDD)  et  ils  ont 
sauvé  ce  livre  saint,  dans  l'année  courante  i5oi  de  notre 
exil,/|5()5  de  la  création^  »{8o5  P.C.)  Je  ne  suis  pas  en  étal, 
pour  le  moment,  de  faire  des  recherches  sur  le  fait  cité, 
mais  je  crois  me  rappeler  qu'un  semblable  peuple  a  exisié 
à  celle  époque ,  et  a  fait  une  invasion  en  Crimée. 

Ce  rouleau  est  presque  entier,  il  contient  Irès-peu  de  cor- 
rections entre  les  lignes;  sur  les  premières  colonnes,  les 
lettres  ont  des  taguîn,  mais  ces  lettres  ne  sont  pas  les  mêmes 

'  D^DDipnDD  i:"'D''3  Q^Din  y'C'iJD  ^'V^  inD  ^^in^  iii-^  în^ 
]nnx  nnb  p")Dî  qm^nh  min  iddd  n:^ic*nn  nxî  dj  nriDn- 

^iDiy  ^-■'3  UND  n^:v  pTiT  f]^s  nî  m^;3  m^i  orD  i:mi< 
"la'»©!  iDDDi  lii^DN"!  i:Tîîm  Q^Dn  nnii'  n^n  Tùxn  crxn 
'iiiiiw  p^HKi-i  nî")  ann  ibbi^n^i  'i^^vi'p  ncD  nx  i32;n 

nM*c;  "«'r^  ■'bi^  n3D  D-i^nD:T  i^b  |nî2  nDN  i^^'n  D''''Dp-ii:D 
Q2;3Dr  □nn'TiDn  i-p  ^:3D  d^hn  d^:?^î:;id  i:b  n'?^''i  ij*? 

cn^D  nîn  mipn  ison  nî*i  i:b"'S^i  aî:?Kin ii^^zn 

n"Dp'n'T  i:nib:!b  N"pn'N  nxTn  lin:::;^  nn  a-iî23D  i^2d^t 

•  ]DN  Ij^d^d  mnD3  IjN''^: 

Au  lieu  de  D''''Dp")îOlO  ,  il  faut  peut-être  lire  D''''Dp")îyiÛ ,  tribu  de  1» 
ville  Tscherkas;  l'iuvasion  des  difïérentes  tribus  en  Crimée  a  eu  lieu  vers 
8oo.  (Cf.  Lebeau,  Histoire  du  Bas-Empire ,  t.  XIII  ;  Klaproth ,  sur  Tscher- 
kas, Ane.  Journ.  usiat.  t.  III,  p.  169,  et  Nouv.  Journ.  asial.  t.  I,  p.  4»3.  ) 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       541 

que  sur  les  rouleaux  actuels;  dans  les  colonnes  suivantes 
les  taguîn  deviennent  de  plus  en  plus  rares  et  finissent  par 
disparaître  tout  à  fait.  —  C'est  là  à  peu  près  la  description 
des  plus  anciens  rouleaux;  quant  aux  variantes  dans  le  texte, 
j'en  ai  peu  remarqué,  il  y  en  a  quelques-unes  massorétiques 
(plene  et  defective).  Le  caractère  paléographique  ne  diffère 
pas  beaucoup  de  celui  des  rouleaux  actuels,  et  je  crois  qu'avant 
de  se  livrer  à  des  études  sérieuses  sur  les  rouleaux,  il  fau- 
drait que  la  chimie  vînt  en  aide  à  la  philologie  pour  en  cons- 
tater l'antiquité. 

Les  épitaphes ,  dont  la  plus  ancienne ,  d'après  le  fac-simile , 
date  de  la  première  moitié  du  ii'  siècle  de  notre  ère,  seraient 
d'un  grand  intérêt  si  on  pouvait  constater  par  le  déchiffre- 
ment minutieux  de  l'original  l'authenticité  de  ces  documents. 
Ici  le  caractère  paléographique  varie  beaucoup  selon  la  date 
de  chaque  inscription;  dès  le  n°  5,  fère  de  la  création  est 
déjà  en  usage.  Il  y  a  des  noms  tartares  et  persans  dans  ces 
inscriptions;  ainsi  le  n"  6,  qui  porte  la  date  de  A091  de  la 
création  du  monde  (180  P.  C.) ,  a  le  nom  pblD;  le  n"  7,  qui 
date  de  ii  1 08  (  1 97  P.  C),  a  le  nom  d'une  femme  f]^^^  (  Rose)  ; 
le  n°  9,  de  A 173  (262  P.  C),  a  les  noms  tartares  "'îi^DD  et 

Le  n°  3  porte  la  date  des  deux  ères,  celle  de  la  création 
du  monde  et  celle  de  notre  exil.  On  trouve  aussi  parmi  eux 
le  nom  célèbre  de  Jizhak  Sungari,  où  les  lettres  du  nom  font 
la  date  3D  njjD  \>r\'2^;  une  autre  épitaphe  a  le  nomlT^li^D. 
On  peut  s'étonner,  à  juste  titre,  de  ne  trouver  aucun  nom 
des  princes  'Hazar  dans  ces  épitaphes;  le  mot  I^Dj  se 
trouve  déjà  sur  celle  du  commencement  du  11*  siècle.  On  ne 
peut  cependant  pas  douter  de  l'existence  des  communautés 
juives  dans  ce  pays,  puisqu'on  connaît  des  inscriptions  grec- 
ques sur  des  synagogues  du  1"  siècle.  (Cf.  M.  Le\y  y  Jahrbuch 
fur  jûdische  Literatur.  Leipsik,  1860.)  Pour  qu'on  puisse 
mieux  apprécier  le  caractère  paléographique,  j'ai  joint  à  mon 
rapport  un  fac-simile  du  n°  1,  qui  est  le  plus  ancien. 

Ce  qui  est  de  la  plus  grande  valeur,  d'après  mon  opinion, 


542  MAI-JUIN    1865. 

pour  la  science  biblique,  ce  sont  les  vieux  fragments  des 
livres  de  la  Bible.  Ils  portent  des  variantes  qui  simplifient 
beaucoup  le  sens;  je  n'en  donnerai  que  quelques-unes  qui 
m'ont  frappé  au  premier  examen. 

Genesis,  xxii,  i3,  on  lit  dans  cinq  manuscrits  :  inx  h\^ 
au  lieu  de  "inK  conformément  à  la  Septante  sîç  et,  je  crois 
aussi,  à  la  traduction  samaritaine.  —  Exod.  xiii,  i3,  ^Dplii^l 
au  lieu  de  "înD")>"I  Sept.  Xvrpœarj.  —  Juges ,  xviii ,  3o  nlb:!  Dl"» 
]i"lKn  au  lieu  de  y")Nn;  en  effet  ]  1  se  confondent  facile- 
ment avec  y.  —  II  Rois,  xxiii,  9  :  n*!"':p  V^DK  DX  au  lieu 
de  mîîD.  —  haïe,  xiv,  6:  rj-iip  •  •  •  f]X3  5]-;^  \  — Jérém,  viii , 
k  :  IV^l  n'"?  ^-^W^  DK.  —  Ézéchiel,  xvi,  36  :  T|D::;n  ]V^ 
"jnî:;n:;  —  ibid.  xxm,  2  1  :  ini^a  ^IV  ^i?p"'7;  —  ibid.  XLUi , 
7  :  DriiD3,  au  lieu  de  DITlDn;  —  ibid.  xlvii,  17  :  nJÇS  DN'î 
jlDî:;  —  ïèic?.  18  :  'p;  riKD  nX'T  □"'H  b^  b''33Ç  ;  —  i6ic?. 

19  :  nii:  n:D\-i  dnd  nxî;  —  ibid  20  :  ...  hd:  lir  b"'3ap 

—  Sophonie,  11,  16  :  nil^ni  ^n^C  nnîl?;  —  zttc/.  17,  il  y  a  à 
la  marge  pour  jrT'n'»  ^  "^OT'"! . 

Je  regrette  que  la  Bibliotlièque  impériale  de  Saint-Péters- 
bourg ne  possède  point  la  précieuse  collection  de  variantes 
par  Rennicot;  on  aurait  pu  constater  si  ces  variantes  sont 
déjà  relevées ,  car  cela  confirmerait  cncorQ  mieux  l'exactitude 
de  ces  leçons. 

'  Cette  correction  semble  être  d'une  main  récente;  celle  de  plDD  ")^i?, 
au  lieu  de  DinD  T'i?  (Isaïe,  xix  ,  18),  mentionnée  par  M.  de  Mural 
{Deutsche  Vierleljahresschrijt ,  par  M.  Heidenbeim,  i863,  p.  168  et  suiv.). 
se  trouve  à  la  marge  du  manuscrit,  et  est  d'une  main  toute  récente.  (Conf. 
Zeilschrijljur  Wissenschajl  itiul  Lehen ,  par  M.  le  D'  Geiger.  Breslau,  i863, 
p.  288,  289.) 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  543 


OBSERVATIONS  DE  M.  MUNK  SUR  CE  RAPPORT. 

La  Bibliothèque  impériale  de  Saint-Pétersbourg  a  acquis 
récemment  une  coUeclion  d'anciens  manuscrits  hébreux, 
recueillis  dans  plusieurs  communautés  juives  de  la  Crimée 
par  M.  Abraham  Firkowilz,  ancien  'hakham  ou  chef  religieux 
des  Caraïtes  d'Odessa.  Ces  manuscrits  sont  généralement 
d'un  haut  intérêt  pour  la  philologie  hébraïque,  la  critique 
biblique  et  l'histoire  littéraire  des  Juifs;  ils  nous  fourni- 
raient aussi  quelques  renseignements  précieux  sur  l'origine 
et  l'histoire  des  juifs  de  Crimée,  si  l'on  pouvait  avoir 
pleine  confiance  dans  l'authenticité  des  dates  et  des  notices 
historiques  que  renferment  plusieurs  de  ces  documents. 
Depuis  vingt  ans  à  peu  près,  plusieurs  des  manuscrits  bi- 
bliques de  Crimée  ont  attiré  l'attention  des  hébraïsants  par 
leur  système  particulier  de  vocalisation  et  d'accentuation.  Les 
voyelles  et  les  accents  toniques  de  ces  manuscrits  diffèrent 
lolalement  de  ceux  de  nos  manuscrits  et  de  nos  bibles  im- 
primées, et  paraissent  remonter  à  une  plus  haute  antiquité. 
Plusieurs  savants  distingués,  tels  que  Luzzatto,  Ewald  et 
Rœdiger,  en  ont  fait  l'objet  de  leurs  recherches,  et  tout  ré- 
cemment un  savant  hébraïsant  d'Odessa ,  M.  Pinsker,  a  soumis 
ce  système  à  une  étude  approfondie,  dont  il  a  publié  les  ré- 
sultats sous  le  titre  de  Einleitung  in  dus  hahyhnisch-hebraïsche 
Panktationssystem.  il  Introduction  au  système  de  la  ponctuation 
«  hébraïque  de  Babyione.  » 

L'historien ,  en  usant  avec  réserve  des  notices  disséminées 
dans  les  manuscrits  et  des  copies  d'épitaphes  que  renferme 
la  collection,  pourra  y  découvrir  des  faits  curieux  relatifs  à 
l'histoire  des  Khazares,  peuple  dont  le  nom  même  a  disparu, 
qui  n'a  laissé  aucune  trace  de  son  ancienne  puissance  et  dont 
les  restes  existent  probablement  encore  dans  les  commu- 
nautés juives  de  la  Crimée.  Nous  possédons  quelques  docu- 
ments juifs  qui  constatent  la  conversion  au  judaïsme  d'un 
Koi  des  Khazares,  nommé  Boiilân,  et  d'une  grande  partie  de 


544  MAI-JUIN  1865. 

son  peuple.  Ces  documents  ont  été  longtemps  l'objet  d'amers 
sarcasmes  de  la  pari  d'écrivains  chrétiens ,  tels  que  Jean 
Buxtorf  le  lils,  Baratlier, le  savant  enfant,  elBasnage.  Ce  der- 
nier va  jusqu'à  dire  :  «On  a  beau  chercher  le  royaume  de 
«  Cozar,  on  ne  le  trouve  point.  »  Le  silence  intéressé  des  his- 
toriens byzantins  ne  pouvait  qu'augmenter  la  défiance  qu'ins- 
piraient les  relations  juives;  il  a  fallu,  pour  réhabiliter  ces 
dernières,  les  témoignages  précis  et  détaillés  des  auteurs 
arabes  réunis  par  plusieurs  écrivains  de  notre  siècle  et  no- 
tamment par  M.  Fraehn ,  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  de 
Saint-Pétersbourg,  et  par  M.  C.  d'Ohsson,  dans  son  ouvrage 
intitulé:  Des  peuples  du.  Caucase  ou  Voyage  d'Aboul  Cassem. 
Nous  savons  maintenant  que  le  judaïsme  était  la  religion 
dominante  en  Rhazarie,  depuis  le  milieu  du  viii*  siècle  jus- 
qu'à la  fin  du  x'.  Mais  les  lois  des  Khazares  proclamaient 
une  liberté  de  conscience  illimitée.  Les  auteurs  arabes  nous 
disent  que ,  dans  ce  pays ,  les  juifs ,  les  chrétiens  et  les  musul- 
mans vivaient  fraternellement  ensemble  et  qu'on  y  tolérait 
même  des  païens.  Le  roi  était  juif;  mais  dans  son  conseil 
siégeaient,  à  côté  du  premier  ministre  également  juif,  six 
autres  ministres,  deux  juifs,  deux  chrétiens  et  deux  musul- 
mans. La  monarchie  des  Khazares  fut  détruite  vers  l'an  looo, 
et  les  restes  de  ce  peuple,  refoulés  vers  l'ouest,  s'établirent 
sur  les  côtes  de  la  mer  Noire.  Selon  M.  d'Ohsson,  il  n'en 
resterait  pas  d'autre  trace  que  le  nom  de  Ghyssr,  par  lequel 
plusieurs  peuplades  du  Caucase  désignent  les  Juifs.  Mais 
nous  croyons  pouvoir  affirmer  que  les  restes  des  Khazares 
existent  encore  aujourd'hui  parmi  les  juifs  caraïtes  de  Cri- 
mée :  ceux-ci,  par  la  physionomie,  le  costume  et  le  langage, 
révèlent  leur  origine  tartare,  et  dans  la  forteresse  de  Tschou- 
foutcalé,  près  de  Bakhtchéseraï ,  les  juifs  se  divisent  encore 
aujourd'hui  en  deux  communautés,  dont  Tune  est  appelée 
communauté  des  Khazares. 

Les  juifs  caraïtes  de  la  Crimée  parlent  entre  eux  un  dia- 
lecte tartare  qu'ils  écrivent  en  caractères  hébraïques.  Ils 
possèdent  dans  ce  même  dialecte  des  hymnes  et  des  ver- 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  545 

sions  de  la  Bible  qui  ont  été  imprimées  il  y  a  environ  qua- 


ante  ans  à  Eupaloria.Peut-êIre,  en  étudiant  ces  versions,  y 
retrouverait-on  les  restes  de  la  langue  des  Rhazares.  Un  au- 
teur arabe  du  x^  siècle,  Ibn  al-Nedim,  dans  l'introduction  de 
son  Kitab  al-Fihrist,  en  parlant  des  alphabets  et  de  l'écriture 
des  différents  peuples,  dit  que  les  Kbazares  écrivent  en  ca- 
ractères hébraïques.  On  peut  juger  par  là  de  l'influence  que 
le  judaïsme  avait  exercée  sur  la  civilisation  des  Khazares. 

On  comprendra  maintenant  tout  l'intérêt  que  peuvent  of- 
frir les  monuments  littéraires  des  juifs  de  Crimée.  Un  jeune 
orientaliste,  M.  Neubauer,  qui  a  obtenu  une  mention  hono- 
rable dans  le  dernier  concours  Volney,  a  voulu  profiter  d'un 
voyage  qu'il  avait  à  faire  à  Saint-Pétersbourg,  pour  examiner 
les  manuscrits  et  les  fac-similé  d'épitaphes  déposés  à  la  Bi- 
bliothèque impériale  de  cette  ville,  et  M.  le  Ministre  de 
l'instruction  publique  a  bien  voulu  lui  accorder  une  sanction 
officielle,  en  le  chargeant  d'une  mission  gratuite.  Dans  son 
premier  rapport  qui  nous  a  été  soumis ,  M.  Neubauer  rend 
compte  des  rouleaux  du  Pentateuque  destinés  à  l'usage  des 
synagogues,  des  épitaphes  les  plus  remarquables  et  de  plu- 
sieurs fragments  d'anciens  manuscrits  bibliques. 

Les  rouleaux  du  Pentateuque  n'offrent,  selon  lui,  que 
peu  d'intérêt  sous  le  rapport  paléographique.  Les  caractères 
ne  diffèrent  guère  de  ceux  qui  sont  employés  encore  aujour- 
d'hui; mais  ,  en  revanche,  la  haute  antiquilé  de  ces  rouleaux 
est  constatée  par  des  épigraphes  placées  soit  au  commence- 
ment, soit  à  la  fm.  Celles-ci  ont  des  dates  qui  remontent, 
selon  M.  Neubauer,  jusqu'à  l'an  /jSg  de  l'ère  chrétienne.  Ce 
renseignement  serait  précieux,  si  nous  pouvions  nous  assu- 
rer de  l'authenticité  de  ces  épigraphes.  L'ère  qui  y  est  em- 
ployée est  désignée  par  le  mot  Ijnibnb  de  notre  exil.  Selon 
M.  Neubauer,  on  désignerait  par  ce  mot  l'exil  deSamarie,  qu'il 
fait  remonter  seulement  à  l'an  696  avant  l'ère  chrétienne, 
et  il  nous  assure  que  celte  ère  est  en  usage  encore  aujour- 
d'hui chez  les  juifs  du  Caucase,  qui  s'en  servent  dans  leurs 
documents  et  actes  civils.  C'est  là  un  fait  fort  extraordinaire 


546  MAI-JUIN   1865. 

qu'il  faudrait  pouvoir  constater,  et  il  est  à  regretter  que 
M.  Neubauer  n'ait  pu  communiquer  aucun  de  ces  documents , 
dont  il  ne  parle  que  par  ouï-dire.  Jusqu'ici  l'ère  de  l'exil  de 
Samarie  n'a  été  trouvée  dans  aucun  manuscrit  hébreu;  car 
ce  que  M.  Neubauer  dit  de  l'emploi  de  cetle  ère  dans  un 
manuscrit  hébreu-persan  de  notre  Bibliothèque  impériale 
est  une  grave  erreur. 

Souvent  l'ère  de  la  création  du  monde  figure  à  côté  de 
celle  de  l'exil,  sans  que  les  deux  ères  puissent  se  mettre  d'ac- 
cord. Ainsi,  par  exemple,  l'épigraphe  n"  \l\  porte  :  «Dédié 
0  par  la  communauté  de  nos  frères  les  Khazares ,  ici  à  Krim , 
«l'an  i/i85  de  l'exil,  4,700  de  la  création.  »  Or  la  première 
date  correspondrait,  selon  le  calcul  de  M.  Neubauer,  à  l'an 
789  de  J.  C.  tandis  que  l'an  li,']00  de  la  création  correspond 
à  g/jo  de  J.  C.  Cette  même  épigraphe  porte  la  signature  de 
David,  fils  d'Isaac  Sangari.  On  sait  que,  selon  une  tradition 
juive,  mentionnée  pour  la  première  fois  par  le  juif  espa- 
gnol SchemTob,  dans  son  Sépher  ha-Emounôth  (au  com- 
mencement du  XV*  siècle) ,  Isaac  Sangari  fut  le  nom  du  doc- 
teur qui  convertit  le  roi  des  Khazares  au  judaïsme;  ce  nom 
reparaît  aussi  sur  l'une  des  épitaphes  trouvées  en  Grimée  et 
dont  l'authenticité  n'est  pas  moins  douteuse  que  celle  de 
notre  épigraphe. 

Pour  que  nous  pussions  juger  en  connaissance  de  cause, 
il  faudrait  engager  M.  Neubauer  à  communiquer  les  fac-si- 
milé, ou  tout  au  moins  l'original  hébreu  de  plusieurs  de  ces 
épigraphes,  dont  il  ne  donne  que  la  traduction  française. 
L'ère  dont  se  servaient  généralement  les  juifs  du  raoven  âge 
est  celle  des  Séleucides,  ou  celle  de  la  destruciion  de  Jéru- 
salem par  les  Romains.  Nous  serions  portés  à  croire  que  le 
mot  lin^b^i^  des  épigraphes  désigne  cetle  dernière  ère,  ce 
qui  rajeunirait  considérablement  les  épigraphes  en  question, 
mais  présenterait  d'autres  difficultés  chronologiques.  En  gé- 
néral ,  ces  épigraphes  nous  paraissent  fort  suspectes ,  et  nous 
ne  saurions  en  tirer  aucun  résultat  historique.  Ce  qui  aug- 
mente nos  soupçons,  c'est  que  dans  l'épigraphe  n°  2  ,  qui  ra- 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  547 

conte  une  invasion  ennemie  repoussée  par  les  *Tlp.  ''J3  Tar- 
(ures  ou  Khazares,  nous  voyons  figurer  d'une  part  ie  prince 
(ïrttom  (Dnyj  ^I^N)  et  d'autre  part  le  prince M/65rtm  (DlirDD) , 
deux  noms  empruntés  au  Pentateuque  (Genèse,  xxxvi ,  16, 
XXV,  i3),  et  dont  l'un  désigne  un  prince  iduméen,  petit-fils 
d'Esaù ,  et  l'autre  un  fils  d'Ismaël. 

Les  épitapbes  nous  placent  sur  un  terrain  un  peu  plus  so- 
lide; mais  encore  ici  nos  doutes  sont  nombreux  et  nous  de- 
vons regretter  l'absence  des  originaux.  M.  Neubauer  donne 
le  fac-similé  d'une  de  ces  épitapbes,  qui,  selon  lui,  remonte 
à  la  première  moitié  du  11^  siècle  de  notre  ère.  Il  n'en  donne 
pas  le  déchiffrement,  qui,  à  l'exception  de  la  première  ligne, 
nous  paraît  très-facile  et  donne  un  sens  Irès-plausible.  Voici 
comment  nous  lisons  celte  épitapbe  : 

3'c?'n  n::r  bK-i^''  nyi^"»  ni?  'v'j  ^hd  pn^i"'  p 

«  . . , Monument  de  Kouki  (?)  fds  d'Isaac  Cohen  [qu'il  re- 
«  pose  dans  le  paradis].  A  l'époque  du  salut  d'Israël,  l'an 
a  -702  de  notre  exil.  » 

Ici ,  si  nous  considérons  le  mot  1  im^jb ,  de  notre  exil,  comme 
désignant  l'ère  de  la  destruction  de  Jérusalem  par  les  Ro- 
mains, fan  702  correspondrait  à  l'an  771  de  l'ère  chré- 
tienne, qui  peut  être  l'époque  de  la  conversion  du  roi  des 
Khazares  au  judaïsme,  désignée  ici  par  les  mots  époque  du 
salut  d'Israël.  A  la  vérité,  s'il  faut  en  croire  l'historien  arabe 
Masoudi,  le  roi  des  Khazares  n'embrassa  le  judaïsme  que 
sous  le  règne  d'Haroun  al-Raschid,  qui  monta  sur  le  trône 
en  786;  mais  nous  croyons  qu'il  ne  faut  pas  prendre  à  la 
lettre  Tassertion  de  Masoudi.  Si  on  appliquait  le  mot  ^jmb:i'? 
à  l'exil  de  Samarie,  ce  monument,  selon  le  calcul  suivi  par 
M.  Neubauer,  remonterait  à  l'an  6  de  l'ère  chrétienne,  et 
non  pas,  comme  il  le  dit,  à  la  première  moitié  du  11"  siècle. 
Dans  tous  les  cas,  il  strail  apocryphe.  M.  Neubauer  rendrait 


548  MAI-JUIN  1865. 

un  grand  service  en  donnant  le  fac-similé  des  autres  épila- 
phes,  qui  seules  pourraient  nous  mettre  à  même  de  juger  de 
l'authenticité  et  de  l'importance  de  ces  documents. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  intéressant  et  de  plus  sûr  dans  la  com- 
munication de  M.  Neubauer,  ce  sont  les  variantes  bibliques, 
dont  quelques-unes  méritent  d'appeler  l'attention  des  hébraï- 
sants.  Nous  attendons  maintenant  un  rapport  sur  les  manus- 
crits de  la  littérature  hébraïque  du  moyen  âge  et  notamment 
de  celle  des  Caraïtes,  encore  peu  connue.  La  collection 
de  Saint-Pétersbourg  possède  les  manuscrits  caraïtes  les 
plus  rares.  Un  examen  approfondi  de  ces  manuscrits  ne  peut 
manquer  de  nous  faire  connaître  des  faits  que  nous  ignorons 
encore  et  de  rectifier  nos  connaissances  sur  divers  points. 
M.  Neubauer  est  parfaitement  préparé  pour  un  tel  examen, 
et,  en  l'y  encourageant,  le  Gouvernement  rendrait  certaine- 
ment un  grand  service  à  la  science. 


DEUXIEME  RAPPORT  DE  M.  NEUBAUER. 

Les  manuscrits  caraïtes  de  la  collection  Firkowilz  sont 
d'une  grande  importance  pour  la  littérature  hébreu-arabe; 
on  y  trouve  des  citations  tirées  mot  à  mot  des  commentaires 
de  Saadyah,  qui  ne  nous  sont  pas  parvenus  jusqu'aujour- 
d'hui. M.  Pinsker,  dans  son  ouvrage  plein  d'érudition  Likouté 
Kadmonioth^,  nous  a  donné  beaucoup  d'extraits  de  celle  col- 
lection, mais  ses  conclusions  concernant  soit  les  auteurs 
des  ouvrages,  soit  l'époque  où  ceux-ci  vivaient,  ne  sont  pas 
toujours  heureuses.  Ainsi  nous  trouvons  mentionné  chez  lui 
(page  44)  un  commentaire  sur  l'Ecclésiaste  en  arabe  de  Ben- 

'  Cf.  notre  compte  rendu  sur  ce  livre,  Journ.  asiat.  i863,  t.  III,  et  aussi 
celui  du  savant  M.  Goiger,  dans  le  recueil  iiébreu  Oçar  ne'hmad,  t.  IV. 


iNOUVELLES  ET  MÉLANGES.  540 

iaimn  al-Nahevendi,  qui  n'est  certainement  pas  de  cet  écri- 
vain, à  en  juger  d'après  deux  passages  que  Salmon  ben 
Jerouham  cite  dans  son  commentaire  sur  l'Ecclésiaste  (  même 
collection);  j'ai  d'ailleurs  dit  dans  un  recueil  allemand' que 
ce  n'est  point  probable  que  Benjamin  ait  écrit  en  arabe. 

La  collection  possède  les  commentaires  sur  les  Psaumes 
et  Lamentations  de  Salmon  ben  Jerouham;  elle  est  surtout 
riche  en  ouvrages  de  Jepheth  ben  Ali,  tels  que:  plusieurs 
fragments  de  son  commentaire  sur  le  Pentaleuque(diiïérents 
de  ceux  que  M.  Munk  a  rapportés  d'Egypte  et  qui  se  trouvent 
à  la  Bibliothèque  impériale);  les  commentaires  sur  Isaïe, 
Jérémie,  Hoséa,  Joël,  les  Psaumes,  Proverbes,  deuxième 
partie  de  Job  et  Daniel;  il  résulte  des  citations  contenues 
dans  ces  commentaires  qu'il  a  également  composé  un  Livre 
de  Préceptes.  Il  y  a  un  autre  commentaire  anonyme  sur 
Daniel,  intitulé  Commentaire  sur  l'avenir  (miTli^^N  m^), 
qui  semble  être  également  du  x'  siècle  ^ 

Dans  tous  ces  commentaires  on  ne  voit  d'autre  but  que 
celui  de  défendre  le  dogme  caraïte  et  d'y  appliquer  les  ver- 
sets bibliques;  on  y  trouve  très-rarement  des  explications 
grammaticales,  de  sorte  qu'on  serait  tenté  de  dire  que  la 
grammaire  était,  comme  la  philosophie,  une  étude  mal  vue 
par  les  caraites  zélés,  et  que  l'école  d'exégèse  n'avait  rien  de 
commun  avec  celle  de  la  grammaire;  les  docteurs  de  celle- 
ci  ne  sont  point  hostiles  aux  rabbanites ,  tandis  que  les  au- 
tres, à  en  juger  d'après  leurs  livres  que  nous  possédons,  ne 
tâchent  même  pas  de  caclier  tout  au  moins  un  peu  ce  fana- 
tisme. Les  autres  commentaires  de  cette  collection  écrits  en 
hébreu  ne  sont  qu'une  compilation  descommenlairos  arabes; 
on  en  trouve  également  un  grand  nombre  à  Leyde  et  dans 
d'autres  bibliothèques. 

Les  livres  grammaticaux  sont  connus  en  partie  par  l'ou- 

'  Cf.  le  Journal  Ben  Hananyah,  publié  ù  Szegcdin  (Hongrie) ,  par  M.  le 
grand  rabbin,  L.  Lôw,   i863,  p.  678. 

'Ce  commentaire  semble  être  un  extrait  de  celui  de  Jeplielli  ben  'Ali  sur 
DmhA. 

V.  3  G 


5f)0  MAI-JUIN   1865. 

vrage  de  M.  Pinsker  et  par  ma  Notice  sur  la  lexicographie 
hébraïque'.  La  collection  contient  à  peu  près  70  numéros  de 
livres  pins  ou  moins  étendus,  purement  dogmatiques,  mais 
qui  sont  presque  sans  importance;  si  on  en  a  lu  l'un  des 
plus  volumineux,  tel  que  celui  de  Levi  ben  Jcpheih,  ou  de 
Ahron  le  second,  on  est  presque  sur  de  ne  rencontrer  rien 
de  nouveau  dans  les  autres.  Encore  ceux  qui  sont  écrits  en 
arabe,  comme  celui  de  R.  Samuel  ha-maarbi,  offrent  le  plus 
d'intérêt;  en  général  il  n'y  a  là  que  de  la  valeur  bibliogra- 
phique. 

Les  livres  de  prières  sont  assez  nombreux;  ils  contiennent 
généralement  des  prières  composées  de  versets  bibliques, 
mais  on  y  trouve  aussi  un  assez  grand  nombre  de  poésies  du 
second  rang;  les  auteurs  sont  désignés  par  l'acrostiche  avec 
le  prénom  seulcmenf.  On  y  voit  une  prière  qui  annonce 
comme  auteur  Jiçhak  Sangari,  chef  de  l'école^.  Dans  un 
recueil  parmi  les  manuscrits  qui  appartiennent  à  la  littéra- 
ture rabbanile  de  cette  collection,  il  y  a  des  prières  du  R. 
Gamaliel,  de  Hilel,  du  R.  Johanan  et  d'autres  docteurs  du 
temps  du  Talmud;  je  crois  qu'il  serait  superflu  de  dire  que 
tout  cela  est  apocryphe.  Les  plus  grands  rôles  dans  les  com- 
positions des  prières  appartiennent  aux  deux  Ahron  et  au  fa- 
meux Moïse  Dari;  ce  dernier  était,  selon  M.  Pinsker,  prédé- 
cesseur des  grands  poètes  espagnols  Gabirol,  Jehuda  Halevi , 

'  Cf.  Journ.  asiat.  18G1  et  1862. 

»  N"  83o  îûrD  -'21  nbnp  "-?:'?  Nînuiûi  NtriDisi  x^oh^  ""n^ 

avec  l'acrosticlie  pHîi''  .  imN"?  HDnD  bl"?  ÎI^D  »  ]V'ni<  UD^-^  HS^Vi 

Plus  loin  on  trouve  nNJiD^N  HD^V  ")h  XD^X 

avec    l'acrostiche    nizb^'     -^L^HID    tlDIDl     Vidl    pDD     nn^Dll!; 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  551 

Moïse  el  Abraham  Ibn  Ezra,  et  aurait  vécu  par  conséquent 
au  ix'  siècle. 

J'ai  dil  dans  ma  Notice  sur  la  lexicographie  hébraïque^, 
avant  d'avoir  vu  le  manuscrit,  que  ce  poëte  ne  pouvait  appar- 
tenir au  ix' siècle,  et  je  l'ai  donné  comme  contemporain  de 
Hariri  (xii'  siècle);  en  même  temps  M.  Geiger  et  d'autres 
savants  en  Allemagne  ont  émis  la  même  opinion  que  moi 
sur  ce  point. 

Après  un  examen  minutieux  du  manuscrit,  je  trouve  par- 
faitement confirmée  l'opinion  que  j'avais  émise,  car  l'auteur 
a  été  témoin  des  croisades,  époque  où  la  ville  sainte  se  trou- 
vait tantôt  entre  les  mains  des  chrétiens,  tantôt  entre  celles 
des  Arabes.  Voici  deux  des  nombreux  passages  où  il  y  fait 
allusion  : 

Poëme  5o  (l'ouvrage  n'est  pas  encore  paginé)  : 

nnspn  npxn  ]2  i]2 

Poëme  60  : 

IPV  ''75^1  "^yv  '^V  ^P^  ''?  "i?!  ^'^n  ^'^V 

La  date  à  la  tin  de  l'ouvrage,  quoi  que  M.  Pinsker  en  dise, 
me  semble  altérée  par  une  main  récente.  M.  Firkowitz,  dans 
un  catalogue  provisoire,  place  un  certain  Samuel  Sani  (Sini?) 
au  viii'siècle,  parce  que  Dari  imite  ses  poésies;  je  n'ai  pas 
besoin  de  mentionner  cet  anachronisme  qui  parle  de  poé- 
sies rhythmiques  de  tous  les  genres  existants  d'après  le  mo- 
dèle arabe,  à  une  époque  où  les  Arabes  n'ont  guère  com- 
mencé à  connaître  ces  rhythmes;  aussi  M.  Pinsker  a  eu  le 
bon  sens  de  ne  pas  mentionner  même  le  poëte  Sani  dans 
son  livre  Likouté  Kadmonioth. 

Une  seule  feuille  d'un  poëte  inconnu,  Moses  hamaariçi, 
contient  une  imitation  complète  des  Makamet  d'Al  Hariri; 

'  Cf.  Joiirn.  asiat.  i86i,  l.  II. 

30. 


552  MAI-JUIi\   1865. 

l'auleur  y  donne  îles  louanges  à  un  certain  Samuel  Sani  qui 
denieurail  à  Alexandrie  en  Egypte. 

Dans  ce  fonds  se  trouvent  aussi  trois  relations  de  voyage 
en  Palestine  dont  la  plus  ancienne  date  de  la  fin  du  xvi*  siècle  ; 
celle-ci  a  pour  auteur  Samuel  le  Saint,  fiis  de  David  C^NlDu' 
^*'D'i?'''  Tl"  1"D'2  D'npn)  et  le  commencement  existe  imprimé 
dans  la  Bibliotheca  hebrœa  de  Wolf  (lequel  a  considéré  par 
erreur  les  dernières  lettres  qui  constituent  l'abréviation  d'une 
formule  précative  pour  un  mort  comme  le  nom  de  famille 
de  Samuel);  quelques  livres  de  controverse  et  discussions 
religieuses,  des  chroniques  d'une  date  récente  sont  sans  im- 
portance. On  y  trouve  encore  les  œuvres  presque  complètes 
de  R.  Simhah.  Jiçhak,  originaire  de  Loçka  en  Wolhynie 
et  demeurant  en  Crimée  au  milieu  du  siècle  dernier;  celui- 
ci  se  donne  de  la  peine  pour  être  le  médiateur  entre  le  ca- 
raïsme  et  le  rabbanisme,  il  est  d'ailleurs  adhérent  fervent  du 
système  cabalistique  de  Loiirya. 

Les  livres  philosophiques  que  j'ai  rencontrés  sont  presque 
les  mêmes  qu'on  trouve  à  Leyde  et  maintenant  à  la  Biblio- 
thèque impériale,  savoir  ceint  de  Joseph  Haroéh  et  de  Yes- 
houah ,  qui  ont  pour  base  leKalam  avec  application  des  versels 
bibliques;  c'est  à  peu  près  le  procédé  qu'a  employé  Maï- 
monide  pour  le  système  d'Aristote.  Il  y  a  encore  quelques 
monographies,  comme  le  Ziddouk  haddin  et  d'autres,  attri- 
buées à  d'anciens  caraïtes,  qui  sont  certes  d'une  date  posté- 
rieure à  Maïmonide.  M.  Pinsker  en  a  publié  plusieurs. 

A  cette  collection  appartiennent  des  liasses  contenant  des 
feuilles  détachées  soit  de  lettres  soit  de  contrats  de  différents 
genres  qui  sont  assez  importants  pour  l'histoire  de  la  situa- 
tion sociale  et  politique  des  caraïtes,  et  aussi  des  rabbanites 
en  Pologne  et  en  Crimée;  ces  documents  commencent  à  par- 
tir du  xv"  siècle;  une  grande  quantité  est  en  russe,  je  n'ai 
pu  les  examiner,  ne  connaissant  pas  cette  langue.  Quant  aux 
traductions  de  la  Bible,  il  y  en  a  un  fragment  de  celle  de 
Saadyah ,  une  page  détachée  de  la  Genèse  en  arabe  d'un 
auteur  anonyme  (presque  illisible),  quelques  fragments  des 


NOUVELLES  ET  MELANGES.   .  553 

(iiirérenls  chapitres  en  persan,  dont  la  Bibliothèque  impé- 
riale possède  la  collection  la  plus  complète  ;  trois  exemplaires 
d'une  traduction  en  turc  criméen  avec  peu  de  variantes  \  et 
d'un  auteur  très-récent  (celte  traduction  est  imprimée  à 
Gonslantinople  pour  l'usage  des  écoles),  et  enfin  un  vocabu- 
laire pour  les  premiers  prophètes,  en  grec  moderne. 

Pour  l'histoire  des  Hazars,  pas  de  trace  dans  cette  collec- 
tion ,  excepté  dans  les  épigraphes  des  rouleaux ,  dont  j'ai  parlé 
dans  mon  premier  rapport.  Quant  à  l'histoire  du  caraïsme 
primitif,  avant  le  x*  siècle,  il  n'y  a  pas  là  une  grande  récolte 
à  faire.  En  général  on  peut  dire  que  cette  collection ,  quoique 
la  plus  complète  comme  liltérature  caraïte,  n'a  pas  l'impor- 
tance nécessaire  pour  mériter  le  bruit  qu'en  ont  fait  les  jour- 
naux, et  récemment  encore  un  des  bibliothécaires  de  Saint- 

^  N°  ilili  contient  la  traduction  complète  du  Pentateuqiie  ;  i/i3  com- 
meuce  par  l'Exode  xxi,  21.  Nous  allons  donner  deux  versets  seulement  de 
ces  deux  traductions  : 

Exode   XXI,   12    (n"   16/i)    h^c'^IN*     NÎD^IKT     "riT^D     "'ïînmN 

(N"i/i3)  ■>p^n^ïÛ'''?1iX  ^sîD"'?^N  ^^^INl  ^^^^'^■d  NîD-nx  '^D  U^2 

Transcription  d'après  M.  Barbier  de  Meynard ,  professeur  de  langue  turque 
à  la  Bibliothèque  impériale  :  ,x_^J^Î  (jlàJ^f.i  v^$wù-i  JU«  v »  I  «vi'^AJ 

Exode  XXI,  i3  (n?i/,3):  ^nmiDDi'^r  n^issi  -);:n*  "'"ip.^''^'l  '•^l 

Transcription:   àjj^    ^O^JL»  (Jy^\  »  .i   ci<>^rî^  cV^J*   «vj^».i 

12.  «Si  quelqu'un  frappe  un  homme  et  qu'il  en  meure,  on  le  punira  de 
mort.  »  « 

i3.  «Que  s'il  ne  lui  a  point  dressé  d'embûches,  mais  que  Dieu  l'ail  lait 
rencontrer  sous  sa  main ,  je  l'établirai  un  lieu  où  il  s'enfuira.  » 


554  MAI-JUIN  1865. 

Pétersbourg  dans  le  recueil  allemand  :  Deutsche  Vierteljahres- 
schrift  von  fleidenheim  *. 

Les  manuscrits  qui  ont  trait  à  la  littérature  rabbinique 
sont  de  beaux  et  anciens  exemplaires  du  Targoum,  —  les- 
quels seront  très-précieux  pour  une  édition,  fort  désirable, 
de  celte  paraphrase,  —  des  commentaires  de  Rashi  et  d'Ibn 
Ezra,  un  commentaire  inconnu  de  Ix.  Abraham  Rrimi  (de  la 
Crimée,  xiii*-xiv' siècle),  un  vocabulaire  quelque  peu  expli- 
cite en  arabe,  mais  qui  connaît  déjà /Ca/zi/iJ,  et  un  dictionnaire 
hébreu-persan  incomplet,  le  premier  dont  j'aie  à  signaler 
l'existence,  etdont  l'auteur  ignore  le  système  deHayyoïidj ;  on 
trouve  à  la  fin  de  ce  livre,  heureusement  conservée,  celle  note  : 

n")  Kin-  7)2^2  pnn  121  '"^d  p-iriDi  piJK  -idd  n;  d^^id: 

«fini  ce  IguTvn  le  deuxième  jour  de  la  semaine,  qui  est  le 
premier  jour  du  mois  de  Tamouz  i65i  de  l'ère  des  Séleu- 
cides  (iSSg) ,  dans  la  ville  de  Gorgandj  ^.  »  Il  y  a  là  quelque 
chose  d'étrange,  car  le  premier  jour  du  mois  de  Tamouz, 
d'après  les  rabbaniles,  ne  peut  être  qu'un  dimanche,  un 
mardi,  un  jeudi  ou  un  vendredi  (Vn'J'N);  ce  diclioimaire  a 
été  cependant  composé  par  un  rabbanite,  car  l'auteur  expli- 
que aussi  des  mots  qui  se  trouvent  dans  le  Talmud  (ce  qui 
rend  cet  ouvrage  analogue  au  Havi  de  R.  Haya,  dont  j'ai 
parlé  dans  ma  Notice  sur  la  lexicographie  hébraïque'^).  Quel- 
ques recueils  rituels  offrent  un  certain  intérêt;  les  manus- 
crits qui  ont  rapport  à  la  philosophie,  aux  mathématiques  et 
à  la  médecine,  sont  presque  les  mêmes  qu'on  trouve  dans 
beaucoup  d'autres  bibliothèques. 

Qu'il  me  soit  permis  de  revenir  sur  un  passage  de  mon 

'   Cf.  ci-dessus,  p.  5^2,  note  i. 

^   /^Law^^  ,  ville  située  (d'après  Yaltout)  entre  le  Tabaristân  et  le  Kliora- 
çàii.  (Cf.  Dictionnaire  de  la  Perse,  par  M.  Barbier  de  Meynard,  ad  v.) 
^   Cf.  Journ.  asiat.  1862  ,  t.  11,  p.  212. 


NOUVELLES    ET  MÉLANGES.  555 

premier  rapport  ;  j'ai  donné  par  erreur  pour  la  dale  de  l'épi- 
taphe  la  plus  ancienne  le  milieu  du  ii*  siècle,  c'esl-à-dire  d'a- 
près le  calcul  usité  maintenant  chez  les  juifs,  et  j'ai  oublié 
d'ajouter  que  d'après  mon  calcul  cela  fait  6  P.  C.  L'Aca- 
démie, dans  son  rapport,  a  attiré  mon  attention  sur  cette 
erreur,  et  j'ai  eu  depuis  l'occasion  d'examiner  huit  pierres 
tumulaircs;  j'ai  trouvé  les  fac-similé  de  la  collection  d'accord 
avec  l'original  et  j'ai  publié  dans  le  Bulletin  de  l'Académie  de 
Saint-Pétersbourg^  les  textes  de  ces  huit  pierres.  L'ère  delà 
création  se  trouve  également  déjà  dans  le  W  livre  d'Esdras 
(texte  arabe)  publié  récemment  par  M.  Ewald^;  selon  ce 
savant,  la  traduction  date  du  temps  d'Adrien.  Quant  aux 
textes  des  épigraphes  des  rouleaux,  dont  l'Académie  désire 
avoir  les  copies,  ils  seront  bientôt  publiés  et  soumis  eo  ipso 
à  l'examen  de  tous  les  hébraïsanls. 


OBSERVATIONS  SUR  LE  DERNIER  RAPPORT  DE   M.   NEUBAUER, 
PAR  M.  MUNK. 

La  seconde  partie  du  Rapport  de  M.  Neubauer  sur  les  ma- 
nuscrits caraïtes  de  Saint-Pétersbouig  offre  beaucoup  moins 
d'intérêt  que  la  première.  L'espérance  que  nous  avions  ex- 
primée d'y  trouver  des  faits  que  nous  ignorons  encore»  et 
notamment  des  données  sur  l'histoire  des  Rhazares,  ne  s'est 
point  réalisée.  Mais  la  faute  n'en  est  pas  à  M,  Neubauer,  qui 
lui-même  s'est  trouvé  déçu,  en  examinant  la  collection. 
Celle-ci  n'offre  presque  rien  qui  ne  fut  déjà  connu  par  le 
Mémoire  de  Trigland  (Diatribe  de  seclu  Carœorum] ,  par  la 
Notilia  Carœoram  publiée  par  Wolff ,  par  mes  Notices  recueil- 
lies dans  les  manuscrits  que  j'ai  moi-même  rapportés  d'E- 
gypte, et  notamment  par  l'excellent   ouvrage  hébreu  que 

'   Cf.  Mélanges  asiatiques  ,  t.  V,  [).  119-125;  ibid.  M.  Dorn,  p.  1  28-1  32. 
'  C£.  Das  viertc  Ezrabuch  ,  e.lc.  par   M.  H.  Ewald.  (Tirage  à   part  du 
XI"  volunii'  des  Mémoires  de  l'Académie  de  Goettingue ,  p.  92.) 


556  MAI-JUIiN   1865. 

M.Pinsker  d'Odessa  a  publié  en  i  860  sous  le  titre  de  Lickouté 
Kadmonioth  (Recueil  d'antiquités).  On  savait  déjà  par  mes 
écrits  et  par  ceux  de  M.  Pinsker,  que  les  ouvrages  caraïtes 
de  la  fin  du  x*  siècle  offrent  le  plus  d'intérêt  pour  l'histoire 
littéraire  des  juifs,  notamment  par  les  nombreux  fragments 
qu'ils  nous  fournissent  de  plusieurs  écrits  de  Rabbi  Saadia 
aujourd'hui  perdus.  Saadia  al-Fayyoumi  élail  un  des  plus  cé- 
lèbres auteurs  rabbanites  du  x^siècle,  dans  lequel  les  Caraïtes 
voyaient  leur  plus  redoutable  adversaire  et  dont  ils  cherchent 
à  réfuter  les  écrits,  surtout  ceux  qui  sont  relatifs  à  la  fixa- 
tion des  Néoménies. 

Les  livres  de  prières  et  de  cantiques  examinés  par 
M.  Neubauer  n'offrent  également  rien  d'intéressant.  Le  re- 
cueil de  poésies  d'un  certain  Moïse  Dara'i,  que  M.  Pinsker 
a  été  le  premier  à  faire  connaître,  serait  important  pour  l'his- 
toire littéraire,  si  la  date  qu'il  porte  pouvait  être  considérée 
comme  authentique.  Il  en  résulterait  que  les  juifs  caraïtes, 
dès  le  ix'  siècle,  employaient  dans  leurs  vers  la  prosodie 
arabe  et  qu'ils  furent,  sous  ce  rapport,  les  prédécesseurs  des 
grands  poêles  juifs  d'Espagne,  tels  que  Salomon  Ibn  Gebi- 
rol,  Juda  ha-Levi  et  les  deux  Ibn  Ezra  ;  ces  poètes  n'au- 
raient même  été  que  les  plagiaires  de  Moïse  Dara'i,  dont  on 
n'avait  jamais  entendu  parler.  M.  Pinsker  s'est  laissé  induire 
en  erreur  par  la  date  du  manuscrit,  et,  grâce  à  lui,  le  pré- 
tendu poëte  Moïse  Dara'i  a  trouvé  place  dans  la  grande  His- 
toire des  Juifs  de  M.  Graetz,  comme  une  des  célébrités  du 
ix'  siècle.  Mais  les  lecteurs  hébraïsants  sans  prévention  ne 
pouvaient  manquer  d'avoir  des  doutes  sur  l'authenticité  de 
la  date  de  ce  recueil,  et,  dans  les  fragments  qu'en  donne 
M.  Pinsker,  on  reconnaissait  au  plus  léger  examen  critique 
un  auteur  qui  ne  pouvait  remonter  au  delà  du  xiii*  siècle. 
MM.  Pinsker  et  Graelz  avaient  seuls  pu  se  tromper,  l'un  par 
sa  prédilection  pour  la  littérature  caraïte,  l'autre  par  sa  trop 
grande  avidité  des  nouveautés.  M.  Neubauer,  qui  a  eu  l'oc- 
casion à  Saint-Pétersbourg  d'examiner  ce  curieux  manuscrit, 
nous  confirme  ce  dont  nous  étions  sûrs  d'avance  :  «  L'auteur, 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  557 

«  dit-il,  a  été  témoin  des  Croisades,  époque  où  la  ville  sainte 
«  se  trouvait  tantôt  entre  les  mains  des  chrétiens,  tantôt  entre 
«  celles  des  Arabes;  »  et  il  cite  deux  exemples  tirés  des  nom- 
breux passages  où  il  est  fait  allusion  aux  Croisades.  «La 
«  date  à  la  fin  de  l'ouvrage,  dit-il  encore,  me  semble  altérée 
«  par  une  main  récente.  »  En  effet,  il  ne  saurait  en  être  autre- 
ment; le  poëte  Dara'i  doit  descendre  du  piédestal  que 
MM.  Pinsker  et  Graetz  lui  ont  élevé;  et,  au  lieu  d'être  le  pré- 
décesseur et  le  modèle  des  poètes  juifs  d'Espagne,  il  doit  se 
résigner  à  en  être  le  modeste  imitateur.  Peut-être  le  manus- 
crit ne  renferme-t-il  autre  chose  qu'un  recueil  de  poésies  de 
divers  auteurs,  copié  par  Moïse  Dara'i,  dont  le  nom  n'appa- 
raît chez  aucun  des  auteurs  juifs,  rabbanites  ou  caraïtes. 
Cependant,  M.  Neubauer  ne  s'exprime  pas  avec  exactitude 
en  parlant  d'un  certain  poêle  Samuel  Sani,  que  M.  Firko- 
witz  fait  remonter  au  viii'  siècle  :  «Je  n'ai  pas  besoin,  dit 
«  M.  Neubauer,  de  mentionner  cette  erreur  d'anachronisme 
M  qui  parle  des  poésies  rhythmiques  de  tous  les  genres  exis- 
«  taiils  d'après  le  modèle  arabe  à  une  époque  où  les  Arabes 
«  n'ont  guère  commencé  à  connaître  ces  rhylhmes.  »  On  sait 
que  tous  les  genres  de  rhythmes  arabes  existent  dans  les 
poésies  antérieures  à  l'islamisme;  mais  il  est  vrai  de  dire 
que  le  premier  qui  en  ait  exposé  la  théorie  fut  Khalil  ben 
Ahmed,  au  if  siècle  de  l'hégire. 

Les  ouvrages  de  philosophie,  ou  plutôt  de  théologie  ra- 
tionnelle, de  Josej)h  ha-Roéh,  de  Yeschou'a  etc.  sont  les 
mêmes  que  ceux  qui,  selon  l'observation  de  M.  Neubauer,  se 
trouvent  aussi  à  la  Bibliothèque  de  Leyde  et ,  depuis  peu ,  à  la 
Bibliothèque  impériale  de  Paris.  Ces  ouvrages,  primitive- 
ment écrits  en  arabe  et  mal  traduits  en  hébreu,  renferment 
l'application  au  judaïsme  du  calâm  arabe  et  notamment  du 
système  des  Motazales.  Ils  peuvent  être  utiles  à  ceux  qui  dé- 
sirent connaître  les  principales  questions  ihéologiques  qui 
occupaient  les  Motazales  ;  le  système  y  est  présenté  d'une 
manière  complète  et  concise,  et  appuyé,  pour  les  juifs,  de 
passages  bibliques. 


558  MAI-JUIN  1865. 

M.  Neubauer  mentionne  uu  dictionnaire  hébreu-persan 
incomplet,  le  seul  dont  on  ait  entendu  parler  jusqu'ici.  Cet 
ouvrage,  qui  a  pour  auteur  un  juif  rabbanite,est  de  l'an  iG5i 
des  Contrats  ou  des  Séleucides  (i3/io  de  J.  C.  et  non  idSg, 
comme  il  est  dit  dans  le  Rapport) ,  et  M.  Neubauer  s'étonne 
qu'il  soit  daté  du  Lundi  1"  lumoiiz ,  «  car,  dit-il  avec  raison  ,  le 
«  premier  tamouz,  selonie  calendrier  des  rabbnnites,  ne  peut 
«jamais  tomber  sur  un  lundi.  »  Mais  la  date  hébraïque,  que 
M.  Neubauer  a  reproduite,  porte  simplement  :  Nconiénie  de 
tamouz.  Or  on  sait  que  certains  mois  ont  deux  jours  appelés 
néoménie,  dont  le  premier,  jour  de  la  conjonction,  est  consi- 
déré comme  le  dernier  jour  du  mois  précédent.  H  s'agit  donc 
ici,  non  du  i"  tamouz,  mais  du  3o  sivan  qui,  en  efl'et,  en 
1  34o,  fut  un  lundi. 

M.  Neubauer  convient  que  l'observation  qui  lui  a  été  faite 
dans  notre  premier  rapport  sur  la  concordance  do  l'an  703 
le-galoulhénoa  (de  notre  exil)  avec  l'ère  chrétienne  est  biec; 
fondée,  et  il  avoue  qu'il  fallait  dire  :  l'an  vi  de  l'ère  chré- 
tienne, au  lieu  de  :  la  première  moitié  du  n'  siècle. 

En  somme,  comme  le  dit  M.  Neubauer  lui-même,  on 
peut  dire  que  cette  collection,  quoique  la  plus  complète  de 
la  littérature  caraïte,  n'a  pas  l'importance  que  lui  ont  attri- 
buée les  journaux.  Ce  n'est  donc  pas,  ainsi  que  nous  l'avons 
déjà  dit  plus  haut ,  la  faute  de  M.  Neubauer  si  les  espérances 
que  nous  avions  fondées  sur  cette  collection  ne  se  sont  point 
réalisées. 


La  Musique  arabe,  ses  rapports  avec  la  musique  (jrecqiie  et  le  citant 
grégorien,  par  F.  Salvador  Daniel,  in-8°.  Alger,  i863. 

Amateurs  privilégiés,  qui  vous  pressez  dans  la  salle  trop 
étroite  de  la  Société  des  conceris;  dileltanli  exclusifs,  qui 
n'osez  encore  vous  prononcer  sur  la  neuvième  symphonie  de 
Beethoven;  arbitres  du  goût,  qui  refusez  le  don  de  l'inven- 
tion à  Mendelssohn,  et  qui  traitez  l'auteur  du  Tannhaiiser  do 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  55U 

barbare  frotté  d'orgueil ,  venez  :  de  plus  grandes  surprises 
vous  sont  ménagées  aujourd'hui.  Le  Caire  est  en  fêle.  Mêlez- 
vous  à  celte  foule  bigarrée  qui  se  répand  sous  les  frais  om- 
brages de  l'Ezbekyieh ,  c'est  M .  Salvador ,  un  musicien  homme 
d'esprit  (il  s'en  trouve  encore  en  Egypte),  qui  se  charge 
de  vous  conduire.  Prenez  place  au  premier  rang;  la  Noabah, 
la  symphonie  cantate  va  commencer.  Ils  sont  là  cinq  ou  six 
virtuoses  en  turban,  accroupis  ou  debout  sur  un  tapis  un 
peu  flétri,  mais  de  noble  origine.  L'orchestre  est  au  com- 
plet :  ce  jeune  garçon  et  son  voisin ,  bon  nègre  à  la  face  ré- 
signée, tiennent  l'un  le  taiT,  l'autre  \ehendaïr,  instruments 
de  percussion  chargés  de  l'accompagnement  rhylhmique.  De- 
vant eux,  sur  le  premier  plan,  voici  trois  habiles  artistes 
maniant  avec  dextérité  la  guitare,  la  mandoline  et  le  violon; 
ils  suivront  et  soutiendront  la  voix  de  ce  chanteur  aveugle, 
au  visage  mélancolique  et  doux.  Prêtons  l'oreille;  le  signal 
est  donné.  Les  premières  notes  du  becherafa  prélude  »  se  font 
entendre.  «  Ce  prélude  exécuté  par  les  instruments  chantants 
est  destiné  à  indiquer  le  mode  dans  lequel  la  chanson  doit 
être  renfermée.  Il  reproduit  d'abord  la  gamme  ascendante 
et  descendante  du  ton,  ou  pour  mieux  dire,  du  mode;  puis 
il  indique  les  transitions  par  lesquelles  on  pourra  passer  ac- 
cidentellement dans  un  autre  mode.  D'ordinaire,  l'introduc- 
tion a  un  accent  de  trisiesse  plaintive,  de  douce  mélancolie, 
parfaitement  en  rapport  avec  le  genre  d'interprétation  que 
lui  donnent  les  Arabes.  »  Mais  déjà  le  violon  file  son  dernier 
point  d'orgue,  les  instruments  à  percussion  s'annoncent  sur 
un  rhythmc  joyeux;  après  un  court  récitatif,  voici  la  mélodie 
qui  commence;  laissons  à  M.  Salvador  le  soin  de  l'analyser, 
il  s'en  acquittera  mieux  que  nous. 

•  «  Quel  que  soit  le  mode  auquel  appartienne  la  mélodie,  le 
chanteur  traînera  la  voix,  en  montant  ou  en  descendant,  de- 
puis la  dernière  note  du  récitatif  jusqu'à  la  première  de  la 
chanson.  Le  premier  couplet  offrira  un  chant  simple  et  de 
peu  d'étendue;  il  paraîtra  facile  à  saisir,  abstraction  faite  de 
l'accent  guttural  du  chanteur  et  des  combinaisons  rhylhmi- 


5130  MAI^JUIN   1865. 

ques  frappées  sur  les  instruments  à  percussion.  Mais  le 
violon  fait  sa  ritournelle,  en  ajoutant  à  la  mélodie  les  enjoli- 
vements qui  constituent  la  partie  essentielle  de  son  talent, 
tandis  que  la  guitare  continue  invariablement  le  thème.  Puis 
le  chanteur,  reprenant  le  second  couplet,  commence  à  orner 
ses  terminaisons ,  ses  cadences  avec  une  série  de  petites  notes, 
empiétant  en  haut  ou  en  bas  sur  l'étendue  de  l'échelle  donnée. 
Il  s'anime,  à  mesure  que  le  sujet  se  développe;  bientôt,  aux 
petites  notes  viennent  se  joindre  des  fragments  de  gamme 
traînée,  sans  régularité  apparente,  et  cependant  sans  altéra- 
tion de  mesure,  puisque  le  chant  est  joué  et  chanté  souvent 
aussi,  mais  toujours  à  l'unisson,  par  les  autres  nmsiciens, 
tandis  que  les  instruments  à  percussion  frappent  uniformé- 
ment le  rhythme  commencé  sur  le  premier  couplet  de  la 
chanson.  » 

La  symphonie  s'est  achevée  au  milieu  de  l'enthousiasme 
général.  La  foule  émue  prodigue  ses  applaudissements  et 
ses  largesses  aux  brillants  virtuoses;  les  barekallah,  les  mâ- 
châîlah se mèlenl au  glou-glou  du  narguilé.  Nous  seuls,  trans- 
fuges du  conservatoire,  nous  restons  étrangers  à  ces  mani- 
festations joyeuses.  La  curiosité  seulement  nous  a  empêchés 
de  prendre  la  fuite;  étonnés  de  cet  étrange  concert,  nous 
avons  ri,  sans  être  désarmés;  et  nous  partons,  mécontents, 
agacés,  jurant  qu'on  ne  nous  reprendra  plus  à  pareille  fête. 
M.  Salvador,  notre  guide,  sourit  de  notre  désappointement, 
mais  ne  s'en  étonne  pas;  lui-même  l'a  éprouvé,  lorsque,  se 
mêlant,  pour  la  première  fois,  aux  musiciens  nomades  de 
l'Algérie,  il  a  essayé  de  surprendre  le  secret  de  leur  art,  et 
de  renouer  la  chaîne  brisée  des  traditions  lyriques.  A  quoi 
doit-on  attribuer  l'éloignement  que  celle  musique  orientale 
nous  inspire?  Est-ce  à  l'accent  nasillard  du  chanteur,  au  ca-f 
ractère  indécis  que  l'absence  de  note  sensible  donne  à  la  mé- 
lodie, à  ces  fragments  de  gamme  traînée  que  l'on  veut,  a 
tort  ou  à  raison,  traduire  en  tiers  et  en  quaris  de  ton?  Sans 
nier  l'influence  de  ces  causes  secondaires,  M.  Salvador  pose 
en  principe  que,  pour  apprécier  à  sa  valeur  une  musique  si 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  561 

différenle  de  la  nôtre,  la  condition  rig^oureuse  est  Vhabiliide 
d'cnttndre ,  ou  V éducation  de  l'oreille.  Voilà  qui  contrarie  un 
peu  nos  théories  en  matière  d'esthétique.  Faut -il  donc  re- 
iuser  aux  œuvres  musicales  ce  que  l'on  accorde  à  la  poésie 
et  aux.  arts  plastiques  :  un  caractère  de  beauté  absolu ,  indé- 
pendant des  temps  et  des  milieux  .►^  Le  charme  de  la  mélodie 
n'estil  plus  qu'une  question  de  latitude,  de  climat,  de  race? 
Soutenir  une  proposition  semblable  serait  presque  une  pro- 
fanation; et  pourtant,  il  faut  bien  admettre,  dût-on  en  dé- 
duire une  sorte  d'infériorité  relative  pour  l'art  musical,  qu'il 
est,  plus  que  tout  autre,  exposé  aux  vicissitudes  du  temps  et 
aux  caprices  de  la  mode.  Deux  siècles  à  peine  se  sont  écoulés 
depuis  que  le  drame  lyrique  est  créé  en  France,  et,  malgré 
le  verdict  sévère  de  Despréaux  ,  les  vers  de  Quinault  se  li- 
sent encore  avec  plaisir,  tandis  que  les  accords  de  LuUi  dor- 
ment d'un  sommeil  éternel.  Nous  voyons  dans  les  mémoires 
du  xviii"  siècle  qu'un  air  de  son  opéra  de  T/ie'5t/e(  1675-1679) 
avait  conservé  une  vogue  extraordinaire  :  au  théâtre,  on 
l'acclamait  avec  frénésie;  h.  la  ville,  on  le  fredonnait  sur  tous 
les  tons.  Cbercbons  dans  celte  poudreuse  partition  le  mor- 
ceau qui  lit  les  délices  de  nos  aïeux.  O  déception!  nous  n'y 
trouvons  qu'un  dessin  servile  de  basse  instrumentale,  une 
sorte  d'antienne  lugubre,  moins  la  grandeur  il  la  simplicité 
du  plain-cbanl.  La  même  expérience  pourrait  se  faire  sur  les 
œuvres  de  Rameau,  de  Salieri  et  de  tant  d'autres  compo- 
siteurs presque  contemporains.  Les  dieux  de  l'harmonie 
qu'adoraient  nos  pères  sont  irrévérencieusement  classés  au 
musée  des  antiques,  et  leurs  créations  si  populaires  devien- 
nent une  curiosité  d'archéologue.  Cette  conviction  malheu- 
reusement trop  fondée  ne  devrait-elle  pas  nous  rendre  plus 
respectueux  envers  des  tentatives  où  le  génie  a  laissé  son 
empreinte,  et  dont  le  plus  grand  tort  est  de  s'intituler  mu- 
sique de  l'avenir?  Mais  cette  intéressante  question  n'est  pas 
du  ressort  de  notre  grave  journal ,  et  je  me  hâte  de  revenir 
à  la  brochure  fort  instructive  de  M.  Salvador.  Le  titre  indique 
que  l'auteur  n'a  pas  voulu  seulement  nous  initier  au  style 


562  MAI-JUIN    1865. 

des  maestri  d'Algérie  et  d'Egypte,  mais  qu'il  s'est  proposé 
encore  de  chercher,  dans  l'antiquité  grecque  et  les  premiers 
âges  du  christianisme,  l'origine  d'un  art  dont  la  théorie  est 
aujourd'lmi  lettre  morte  en  Orient.  Cette  question,  il  l'a 
étudiée  avec  une  érudition  sobre,  sans  pédanterie,  ni  abus 
de  fermes  techin'ques.  Tout  ce  qui  touche  à  la  musique  spé- 
culative chez,  les  anciens,  à  la  science  des  nombres,  à  la 
querelle  des  Pythagoiiciens  et  des  Arisloxéniens;  l'influence 
des  Juifs  sur  les  progrès  de  l'ait;  les  réformes  de  saint  Au- 
gustin et  du  pape  Grégoire;  la  découverte  de  Gui  d'Arezzo, 
qui  pose  les  bases  d'une  gamme  unique,  et  réunit  dans  son 
système  d'hexacordes  les  premiers  éléments  d'où  doit  jaillir 
le  nouveau  principe  musical,  l'harmonie;  tout  cela,  dis-je, 
est  tracé  de  main  de  maître,  clairement  et  sans  parti  pris. 
Je  regrette  de  ne  pouvoir  suivre  celte  attrayante  élude  dans 
ses  développements;  mais  il  y  a  deux  points  sur  lesquels  je 
voudrais  m'arrêter  un  instant,  parce  qu'ils  sont  de  nature  à 
faciliter  la  lecture  des  poêles  musulmans,  à  savoir  :  la  défini- 
lion  des  modes  ou  tonalités  arabes,  et  la  description  des 
instruments  usités  dans  leur  musique  populaire.  Ici  surtout, 
les  connaissimces  théoriques  de  l'auteur  et  le  long  séjour 
qu'il  a  fait  en  Algérie  donnent  un  caractère  particulier  d'exac- 
titude à  ses  observations.  Pour  plus  de  rapidité,  je  réunis  en 
tableau  les  explications  éparses  dans  plusieurs  chapitres. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES. 


563 


TABLEAU  DES  MODES  ARABES  COMPARES  AUX  MODES  GRECS 
RT  À  CEUX  DU  PLAIN-CHANT. 


MODES  ARABES. 

MODE  S 

CORRESPONDANTS 

chez  les  Grec?. 

MODES 

CORHESPON- 

DANTS 

dans  le 

p!aii)-cliaiil. 

i 

CARACTÈRE 

PARTICULIER 

(le  ces  modes. 

/     1    Irak   ('jUc' 
u   \    2  Mezmoum 

^  j    3  Edzeil  J.J  oV-J  1 
'     /i  Djorha  l^yPi- 

5       Elhosain 

^        6  Saika  iLXA-'»^ 

s 

■|  ^    7   Meïa  jy  Lo 

Dorien 

Lydien 

Phrygien 

Eolien  ou  Lydien 
grave  

Hypo-Dorien .  .  . 
Hypo-Lydien .  .  . 

Hypo-Phrygien  . 

Hypo-mixo-Ly- 

i"  ton.  .  . 

y  Ion  .  .  , 
5'   ton  .  .  . 

7'  ton  .  .  . 

2'  ton  . .  . 
/l"  ton..  .  . 

6"  ton 

8'  ton 

ré 

,«i 
fa 

sol 

]a 
si 

do 

ré 

sérieux    et  grave ,   pro- 
pre à   l.t    guerre  et  à 
fa  religion. 

triste,   patlictique,  ef- 
féminé. 

lier,     majestueu»  ,    ter- 
rible. 

grave,  sévère;  c'est  un 
de»  plus  usités, 

plaintif,  tendre. 

se  confond  avec  le  mez- 
moum ;  emploi  rare. 

grand  ,  majestueux. 
/     ..            .        . 

1 

octave  )  sérieux,  lugubre. 

MODES  MIXTES. 

" 

// 

" 

9   Hummel  Meïa 
*-?.  ^^  i}^)  •  •  • 

1 0  Elhosain  Saha 

1  1    Zeidan 

\ 

1 

) 

1     ■ 

" 

Llérivé  du  mcia  simple. 

! 

l  dérivé  du  Elhotain  ,  cor- 
I       rcspond  à  nolregam- 
1       me  mineure  ,  avec  la 
(       noie  sensible. 

dérivé  du  mode  iraA-. 

(dérivé  du  mexmoam  ;  se 
)      confond    souvent    en 
)      Algérie  avec  le  ze!"<Zan. 

564  MAI-JUIN   1865. 

Les  huit  premiers  modes  forment  le  g(3nre  dialouique, 
qui  procède  par  deux  tons  et  un  demi-ton,  pour  chaque  lé- 
tracorde.  Les  quatre  suivants  semhlent  appartenir  à  ce  genre 
chromatique  auquel  les  Grecs  attribuaient  des  effets  mer- 
veilleux. M.  Salvador  nous  apprend  que  les  Arabes  comp- 
tent en  tout  quatorze  modes,  mais  que,  malgré  ses  recher- 
ches, il  n'a  pu  obtenir  aucun  renseignement  sur  les  deux 
derniers.  Les  quatre  modes  mixtes  accompagnent  d'ordinaire 
la  danse  furieuse  qu'on  nomme  djunoiin  «  possession,  folie.  » 

Un  musicien  de  grand  talent,  attaché  à  la  maison  de  Ben- 
Ayied  ,  l'ancien  minisire  du  bey  de  Tunis,  tombait  en  extase, 
lorsqu'il  exécutait  sur  son  violon  les  rondes  diaboliques  en 
mode  asheïn.  Pour  nous  qui  condamnons,  au  théâtre,  toute 
manifestation  bruyante,  comme  un  manque  de  savoir-vivre, 
et  qui  laissons  aux  stipendiés  du  parterre  le  soin  de  traduire 
notre  enthousiasme  par  des  bravos  tarifés,  nous  avons  peine 
à  comprendre  l'effet  irrésistible  que  les  combinaisons  de 
sonsetderhylhmes  produisentsur  les  races  impressionnables 
et  nerveuses  de  l'Orient.  Pour  s'en  faire  une  idée,  il  faut 
avoir  assisté  aux  danses  vertigineuses  des  mevlevites,  ou  à  la 
représentation  d'un  mystère,  en  Perse,  pendant  les  fêtes  de 
moharrem  ;  on  est  alors  plus  disposé  à  admettre  comme  vrai- 
semblables deux  récits  semi-légendaires  et  presque  identi- 
ques :  le  triomphe  de  Tyrlée  au  festin  d'Alexandre,  et  celui 
du  musicien  Alfarabby,  chez  le  sultan  Fakhr-ed  Doôleli. 

Ainsi  que  M.  Salvador  le  démontre  judicieusement,  toute 
composition  musicale  arabe  repose  sur  deux  principes  inva- 
riables ;  1°  un  motif  très-simple  coupé  par  une  ritournelle, 
et  orné,  à  chaque  reprise,  d'une  glose;  en  d'autres  termes, 
de  fioritures  et  de  variations  où  le  goût  de  l'exécutant  se  donne 
libre  carrière,  sans  s'écarter  cependant  de  certaines  règles'; 

'  Il  est  flilficilt!  (l'analyser  ces  improvisalions  briliaiilcs  où  le  thème  re- 
paraît sans  cesse,  et  toujours  reconnaissablc.  S'il  fallait,  à  la  rigueur,  trou- 
ver un  terme  de  comparaison  ,  je  chercherais,  dans  les  œuvres  pour  clavecin 
<le  Sébastien  Bach  et  de  Haendcl ,  quelques-unes  de  ces  chaconnes  ou  sara- 
baiules  où  un  ihènjc  de  quchpics  mesures  est  repris  avec  des  traits  rapides. 


NOUVELLES   ET  MELANGES.  565 

2°  un  accompagnement  rhythmique,  en  guise  d'harmonie,  et 
qui  admet  toutes  les  combinaisons  possibles  de  mesures.  Il 
est  donc  naturel  que  les  instruments  dont  se  compose  l'or- 
chestre se  divisent  en  deux  classes  :  i"  les  instruments  à 
vent  et  à  cordes,  destinés  à  préluder  et  à  rappeler  le  motif 
principal  ;  2°  les  instruments  à  percussion ,  dont  le  rôle  est  de 
marquer  les  divisions  rhythmiques  et  de  remplacer  la  basse 
sous  le  chant.  J'ajoute  ici,  en  l'abrégeant,  la  description  de 
ceux  de  ces  instruments  dont  le  nom  peut  se  rencontrer  sous 
la  plume  des  écrivains  orientaux. 

1°  Instruments  à  vent. 

Gosba  hy^ ,  flûte  à  trois  trous,  de  la  dimension  de  notre 
grande  flûte.  Elle  donne  quatre  sons,  et  soutient  la  voix  du 
chanteur  en  répétant  constamment  le  thème  de  la  chanson. 
C'est  le  neï  3  des  poètes  persans. 

Djouak  (^\c^,  flûte  plus  moderne,  à  sept  trous,  donnant 
l'octave  complète. 

Raïta  ou  liaïka  jo^/x  ,  musette  à  anche ,  percée  de  sept  trous 
et  terminée  en  pavillon.  C'est  l'instrument  connu,  en  Es- 
pagne, sous  le  nom  de  gaita. 

2°  Instruments  a  cordes. 

Kemandjah  ^^àS ,  violon  monté  de  quatre  cordes,  accor- 
dées par  quintes,  comme  notre  violon  moderne. 

Rehah  c->W;,  nommé  aussi  rehec ,  violon  plus  simple,  à 
boîle  bombée  comme  la  mandoline.  Deux  cordes»  grosses 
comme  celles  de  notre  contre-basse ,  et  accordées  par  quintes , 
sont  mises  en  vibration  à  l'aide  d'un  très-petit  archet  de  fer, 
arrondi  en  arc. 

Kouitra  îyS?y ,  guitare  de  Tunis,  tire  son  nom  de  la  lyre 
tikitharav  des  Grecs.  Elle  est  montée  de  huit  cordes,  accor- 
dées par  deux  à  l'unisson,  et  mises  en  vibration  au  moyen 

notes  d'agrément,  gruppetti,  etc.  qui  enrichissent  la  mélodie  ,  sans  la  déna- 
turer. 

37 


566  M'AI-JUIN   1865. 

d'un  bec  de  pliimo  lenii  de  la  main  droite,  tandis  que  les 
doigis  de  la  main  gauche  exécutent  le  même  travail  que  sur 
notre  guitare. 

Kanoun  ijy^  ,  le  kinnor  des  Juifs,  harpe  de  soixante  et 
quinze  cordes,  tendues  sur  une  boîte  harmonique  on  bois 
d'érable,  recouverte  d'une  peau  séchéc  comme  celle  d'un 
tambour.  On  pince  les  cordes  au  moyen  de  petites  baleines 
ou  de  becs  de  plume,  fixés  à  l'index  et  au  médius  de  chaque 
mnin,  par  des  anneaux. 

3°  Instruments  à  percussion. 

DoJ\j^  ,  tambour  de  forme  carrée,  nommé  en  Espagne 
aduf. 

Tar/' sLb,  espèce  de  tambour  de  basque. 

Attahal  J^JaJî,  timbales  de  différentes  dimensions,  blou- 
sées, avec  deux  baguettes  — Entin  le  darbouka  et  le  hendaïr, 
instruments  le  plus  ordinairement  employés;  le  dernier  est 
une  simplilication  du  tarr. 

Tels  sont  les  principaux  instruments  décrits  dans  le  tra- 
vail que  j'ai  sous  les  yeux,  et  qui  témoigne  non-seulement 
de  connaissances  techniques  approfondies,  mais  aussi  d'une 
érudition  trop  rare  chez  les  musiciens  de  profession.  En  fé- 
licitant l'auteur  du  talent  avec  lequel  il  s'est  acquitté  de  sa 
tâche,  je  ne  puis  me  dispenser  de  signaler  un  vœu  bien  té- 
méraire qui  lui  est  inspiré  sans  doute  par  l'étude  de  la  mu- 
sique arabe,  et  qui  sert  de  conclusion  à  son  livre.  Après  avoir 
défini  l'élément  nouveau  introduit  dans  notre  système  mu- 
sical par  la  découverte  de  Gui  d'Arezzo,  M.  Salvador  se  de- 
mande si ,  dans  les  dix  modes  abandonnés  à  la  même  époque, 
il  n'y  aurait  pas,  à  côté  des  deux  modes  conservés,  le  ma- 
jeur et  le  mineur,  d'autres  emprunts  a  faire  au  système  mé- 
lodique usité  antérieurement  au  xiv*  siècle.  Pour  parler  plus 
simplement,  serait-il  impossible  d'appliquer  à  l'harmonie 
moderne  de  nouvelles  combinaisons  appropriées  à  la  gamme 
de  chaque  mode,  sans  altérer  le  caractère  de  la  mélodie:' 
L'auteur  répond  affirmativement. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       567 

S'il  ne  s'agissait  que  du  plaiu-chant,  une  tentative  de  ce 
genre  devrait  être  favorisée.  N'eûl-elle  d'autre  mérite  que  de 
nous  délivrer  du  contre-point  bâtard ,  ajusté  au  style  plagal 
par  l'école  de  Catel  et  de  Perne,  ce  serait  déjà  un  progrès  in- 
contestable. Partout  ailleurs,  j'en  crois  l'application  impos- 
sible. 11  y  a  cinquante  ans,  Reicba,  lui  aussi,  rêva  cette  fu- 
sion entre  nos  lois  musicales  et  la  mélodie  antique.  Dans  un 
recueil  assez  rare  d'exercices  d'école,  dédié  à  Haydn,  le  sa- 
vant harmoniste  a  exposé  tout  au  long  le  mérite  de  son  in- 
novation, et,  joignant  l'exemple  au  précepte,  il  a  composé, 
d'après  ce  système  renouvelé  des  Grecs,  plusieurs  fugues  à 
deux  sujets,  avec  cadence  à  la  dominante,  à  la  deuxième, 
à  la  troisième  de  la  tonique,  etc.  Que  M.  Salvador  veuille 
bien  lire  ces  bizarres  compositions,  où  l'oreille  est  si  peu  mé- 
nagée, et  il  restera  convaincu,  je  n'en  doute  pas,  que  notre 
harmonie  ne  peut  en  aucune  façon  se  plier  ni  aux  mélopées 
grecques,  ni  aux  cantilènes  arabes,  qui  en  sont  l'écho  af- 
faibh'. 

Barbier  de  Meynard. 


SVH  L'ENSEIGNEMENT    SUPERIEUR    TEL     QU'IL     EST    ORGANISE    EN 

France,  et  sur  le  genre  D'EXTENSio.y  À    y  donner,  par 
P.  G.  deDumast.  Paris,  i865,  in-S"  (xii-ioo  pages). 

M.  le  baron  Dumast  expose  dans  cet  écrit  ses  idées  sur  la 
manière  de  compléter  le  haut  enseignement  en  France, 
tant  par  quelques  changements  dons  l'organisation  que  par 
une  augmentation  notable  de  chaires.  Ce  qu'il  demande 
pour  les  facultés  des  sciences,  de  droit  et  de  médecine,  n'est 
pas  du  ressort  du  Journal  asiatique;  mais  ce  qu'il  dit  des 
facultés  des  lettres  nous  louche  vivement,  car  il  insiste  de 
nouveau  sur  la  création  d'une  chaire  de  vsanscrit  et  d'une 
d'arabe  auprès  de  chaque  faculté  des  lettres.  Plusieurs  Aca- 


568  MAI-JUIN  1865. 

démies  de  province  se  sont  déjà  prononcées  pour  celle  pro- 
position, et  il  serait  très-désirable  qu'elle  fùl  prise  en  consi- 
dération par  le  Gouvernement.  Ensuite  il  passe  au  Collège 
de  France,  dont  il  voudrait  voir  compléter  l'enseignement 
linguistique  par  des  chaires  de  langue  védique,  de  zend ,  de 
perse  et  de  pehlewi,  de  celtique,  d'assyrien,  d'éthiopien 
et  de  copie.  Puis  il  passe  à  l'Ecole  des  langues  orientales 
vivantes,  auprès  de  laquelle  il  demande  qu'on  établisse  des 
chaires  de  tamoul,  de  cocliinchinois,  de  berbère,  de  basque 
et  de  breton  ,  et  que  l'on  convertisse  l'enseignenienl  de  l'arabe 
algérien  en  une  chaire  régulière;  de  plus,  il  espère  y  voir 
fonder  bientôt  une  chaire  de  mexicain  et  une  pour  le  ma- 
gyar et  le  finnois.  11  faut  lire  dans  le  livre  même  les  raisons 
sur  lesquelles  Tauleur  appuie  chacune  de  ses  demandes,  et 
l'on  tombera  certainement  d'accord  avec  lui  que  l'enseigne- 
ment des  langues  orientales  en  France  est  encore  bien  in- 
complet. Ce  petit  livre  est  écrit  avec  beaucoup  de  chaleur  et 
inspiré  par  un  véritable  amour  de  la  science  et  de  la  gloire 
littéraire  de  la  France.  —  J.  M. 


ERRATA  nu  CAHIER   DE  JANVIER-FÉVRIER  l865. 


P.  ilx'jy  ligne  17,  lisez  :  200  paras. 

P.  1 48,  ligue  17,  lisez:  2o5  paras  1/2  argent. 

P.  i58,  avant-dernière  ligne,  lisez  :  pour  Tannée  i862-i8t)3. 

P.  171,  ligne  )7,  lisez  :  Mizan-elhaqcj ;  plus  bas:  levdjihât. 

P.  171,  dernière  ligne ,  après  les  mots  :  de  Chemsul ,  ajoutez  les  trois  ligues 
de  la  page  suivante,  transposées  :  Haqyqa  nie  soleil  de  la  vérité,»  etc. 

P.  173,  ligne  3 ,  lisez  :  patriarcal  non-uni  ;  ligne  7 ,  lisez  Yerévaq  ;  lig.  3 1 . 
lisez:  compte  seize  ans  d'cxisleuce. 

P.  17/i,  ligue  10,  lisez  :  joint  de  plus  au  texte. 


TABLE  DES  MATIERES.  569 

TABLE  DES  MATIÈRES 

CONTENUES  DANS  LE  TOME  V,  Vl"  SERIE. 


MEMOIRES  ET  TRADUCTIONS. 


Pa 


Le  Livre  des  roules  et  des  provinces ,  par  Ibn-Khordadbeh  ,  pu- 
blié, traduit  et  annoté  par  M.  Barbier  de  Meynard 5 

Suite , , 227 

Suite  et  fin 446 

Essais  sur  l'Histoire  économique  de  la  Turquie,  d'après  lés 
écrivains  originaux.  (M.  Belin.)  Suite  et  fin 1 27 

Sur  les  noms  des  céréales  chez  les  anciens,  et  en  particulier 
chez  les  Arabes.  (M.  J.  J.  Clément-Mullet.  ) 185 

Mémoire  sur  Khâcâni ,  poëte  persan  du  xiii*  siècle.  (M.  de  Kha- 
NiKOF.)  Seconde  partie 296 

Pantchâdhyâyî  ou  les  Cinq  chapitres  sur  les  amours  de  Crichna 
avec  les  Gopîs,  extrait  du  Bhâgavata-Puràna.  (M.  Hauvette- 
Besnault.) 373 


NOUVELLES  ET  MELANGES. 

Procès-verbal  de  la  séance  du  9  décembre  i864 168 

Tableau  de  la  presse  périodique  et  quotidienne  à  Constan- 
tinople  en  1 8G/i.  (M.  Belin.)  —  Notice  sur  la  vie  et  les  travaux 
de  M.  Bianchi.  (M.  Barbier  de  Meynard.)  —  La  Femme 
dans  l'Inde  antique,  études  morales  et  littéraires  ,  par  M"'  Cla- 
risse Bader.  (J.  M.) 

Procès-verbal  de  la  séance  du  10  février  i865 367 


570  MAI-JUIN   1865. 

pages. 

Procès-verbal  Je  la  séance  du  lo  mars  i865 369 

Travels  iii  Central  Asia,  by  Arminius  Vambery,  et  Reisc  in 
Mittelasien  von  Hermanu  Vambery.  (J.  M.  ) 

Procès-verbal  de  la  séance  du  1 2  mai  i865 532 

Rapports  faits  à  M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique 
sur  les  manuscrits  hébreux  de  la  collection  Firkowilz,  par 
M.  Neubauer.  —  La  musique  arabe,  ses  rapports  avec  la  mu- 
sique grecque  et  le  chant  grégorien,  par  F.  Salvador  Daniel. 
(M.  Barbier  de  Meïnard.) —  Sur  l'enseignement  supérieur  en 
France,  par  P.  G.  de  Dumast.  (J.  M.) 


FIN  DE  LA  TABLE. 


JOURNAL  ASIATIQUE 


SIXIÈME   SÉRIE 
TOME   VI 


JOURNAL  ASIATIQUE 

OU 

RECUEIL    DE    MÉMOIRES 

D'EXTRAITS  ET  DE  NOTICES 

RELATIFS  A  L'HISTOIRE,  A  LA  PHILOSOPHIE,  AUX  LANGUES 
ET  A  LA  LITTÉRATURE  DES  PEUPLES  ORIENTAUX 

HBOIGÉ 

PAR  MM.  BARBIER  DE   MEYNÀRD  ,  BELIN  ,  BOTTA,  CACSSIN    DE    PERCEVAL 

CHEBBONNEAU,    DEFRÉMERY,   DUGAT,    DULAURIER,  FOUCAOX. 

GARCIN  DE  TASSY,  STAN.  JULIEN 

KASEM-BEG,  MOHL  ,  MDNK  ,  OPPERT,  PAUTHIEE,   REGNIER,  REINAUD 

RENAN,  DE   ROSNY,   DE   RODGE  ,  SÉDILLOT 

DE  SLANE,    ETC. 

ET  PUBLIÉ  PAR  LA  SOCIÉTÉ  ASIATIQUE 


SIXIEME  SERIE 
TOME   VI 


PARIS 

IMPRIMÉ  PAR  AUTORISATION  DE  M.  LE  GARDE  DES  SCEAUX 

A  L'IMPRIMERIE  IMPÉRIALE 


M  Dccr:  Lxv 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

JUILLET  1865. 

PROCÈS-VERBAL 

DE  LA  SÉANCE  ANNUELLE  DU  28  JUIN  1865. 


La  séance  est  ouverte  à  une  heure  par  M.  Rei- 
naud ,  président. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu;  la 
rédaction  en  est  adoptée. 

Il  est  donné  lecture  d'une  lettre  de  M.  Ferdinand 
de  Lasteyrie,  qui  restitue  à  la  Société  un  ouvrage 
chinois  qu'il  a  retrouvé  dans  la  bibliothèque  de  son 
père. 

M.  Saint-Amour,  ancien  sous-préfet  à  Oran,  écrit 
pour  inviter  les  membres  de  la  Société  à  entrer 
dans  la  Société  de  civilisation  orientale  qu'il  vient 
de  fonder. 

Sont  présentés  et  nommés  membres  de  la  So- 
ciété : 

iVlM.  Le  marquis  de  Gosentino. 
Orlando  (Diego). 

Durand,  interprète  militaire  en  Algérie. 
MiNAÏEF,  de  Saint-Pétersbourg. 
Delaunay    (Emile),    au  château   de   Bois- 
Hunaut,prèslaChàtre-sur-Loire(Sarthe). 


C.  JUILLET  1865. 

MM.  FkAiDET,  ou  séminaire  de  Beauvais. 
Ganikr  (M.  D.). 
Caratheodory  (  Alexandre ),  docteur  en  droit 

à  Constantinople. 
Hassan  Ekendi  Mahmoud,  D'  en  médecine. 

Le  secrétaire  donne  lecture  du  Rapport  annuel 
.sur  les  travaux  du  Conseil. 

M.  Barthélémy  Saint -Hilairo  donne  lecture  du 
Rapport  des  Censeurs,  qui  se  termine  ainsi  :  «Nous 
renouvelons  avec  instance  nos  recommandations  de 
l'année  dernière,  en  ce  qui  concerne  les  cotisations, 
qui  ne  rentrent  pas  aussi  régulièrement  que  nous 
devons  le  désirer.  Nous  prions  Messieurs  les  Membres 
de  vouloir  bien  se  souvenir  de  l'époque  où  ils  doi- 
vent les  acquitter,  et  nous  engageons  la  Comnussion 
et  l'Agence  à  montrer  la  plus  scrupuleuse  exactitude 
à  les  réclamer  dès  les  prenuers  mois  de  l'année. 

«  Nous  adressons  une  autre  prière  à  Messieurs  les 
Membres,  et  celle-là  est  toute  dans  leur  intérêt, 
c'e.st  de  vouloir  bien  avertir  l'administration  des  ir- 
régularités qui  pourraient  se  produire  dans  la  ré- 
ception de  leur  Journal.  L'administration  fait  tout 
ce  qu'elle  peut  pour  prévenir  ces  irrégularités;  mais 
elle  a  besoin  que  Messieurs  les  Membres  lui  trans 
mettent  leurs  réclamations  sans  trop  de  délai.  » 

M.  Féer  lit  un  mémoire  sur  l'introduction  du 
Bouddhisme  dans  le  Kashmir. 

Il  est  procédé  au  dépouiMcnioni  du  smilin.  qui 
donne  les  résultats  suivant^ 


PROCÈS-VERBAL.  7 

Président  :  M.  Reinaud. 
Vice- présidents:  MM.  Gadssin  dePerceval,  le  duc 

De  Luynes. 
Secrétaire  :  M.  Mohl. 
Secrétaire  adjoint  :  M.  Renan. 
Trésorier  :  M.  De  Longpérier, 
Commission  des  fonds  :  MM.  Garcin  de  Tassy, 

Mohl  ,  Barbier  de  Meynard. 
Membres  du  Conseil:  MM.  Régnier,  Noël  Des- 
vergers, l'abbé  Barges,  Lancereau,  Pavet  de  Cour- 
teille,  De  Saulcy,  De  Slane,  Troyer. 

Censeurs  :  MM.  Guigniadt,  Barthélémy  Saint- 
Hilaire. 

ouvrages  présentés. 

Par  Tauteur.  L'Algérie  en  1865.  Coup  d'œil  d'un 
colonisateur,  par  le  marquis  de  Cosentino.  Paris, 
i865,  in-8°. 

Par  le  secrétaire  d'État  pour  l'Inde.  The  Aitareya 
Brahmana  of  the  Rigveda,  by  Martin  Haug.  Bombay, 
i863,  2  vol.  in-8^ 

Par  l'auteur.  Sur  l origine  de  nos  chiffres,  par 
M.  Sédillot.  Rome,  i865,  in-4°. 

Par  la  Société.  Journal  of  the  Asiatic  Society  of 
Bengal,  if  IV,  et  Supplementary  number.  Calcutta, 
i864,in-8°. 

Par  l'Académie.  Sitzangsberichte  der  Akademie  der 
fVissenschaften.  Vienne,  année  i863,  in-8*'. 

Par  l'auteur.  Intorno  a  una  traduzione  italiana  di 
nna  compilazione  astronomica  di  A  Ifonso  X,  re  di  Cas- 


8  JUILLET  1865. 

tiglia,    nota    di   Enrico    Narduccf.    Uonie,    i865, 

in-/i". 

Par  l'auteur.  Osmanische  Sprachwôrter,  publiés 
par  rAcadémie  orientale  à  Vienne.  Vienne,  i865, 
in-8^ 

Par  la  Société.  Zeitschrift  der  deutschen  morgen- 
lândischen  Gesellschaft.  Vol.  XIV,  cahiers  3  et  /|. 
Vol.  XIX,  caliiers  i  et  2.  Leipzig,  in-8°. 

Par  la  Société.  Bibliolheca  indica,  nouvelle  série, 
ïf  68  et  69.  Calcutta,  i865,in-8^ 

Par  la  Société.  Abhandiangen  fur  die  Kunde  des 
Morgenlandes  : 

1°  Hermœ  Pastor,  aethiopice  edidit  d'Abbadie. 
Leipzig,  1860  ,  in  8". 

2°  Sse-scha,  Scku-king ,  Schi-king ,  in  mandschu- 
rischer  Uebersetzung,  von  Conon  von  Gabelentz. 
Leipzig,   i86/| ,  in-8°. 

Par  la  Société.  Actes  de  la  Société  d'ethnographie 
(ancienne  série,  n'  7,  et  nouvelle  série,  n°  i).  Paris, 
i865,  in-8''. 

Par  l'auteur.  Uncodice  di  Leggi  e  Diplomi  siciliani 
del  medio  evo ,  da  Diego  Orlando.  Palerme,  i85'7, 
in^". 

Par  l'auteur.  Dictionnaire  des  signes  idéographiques 
de  la  Chine,  par  Léon  De  Rosny.  Paris,  186/4  ,  in-8" 
(2'  livraison). 

Pai  l'auteur.  Lettre  à  M.  Oppert  sur  quelques 
|)articularités  des  inscriptions  cunéiformes  ana- 
liennes,  par  M.  Léon  d(i  Rosny.  Paris,  186/1  (tirage 
à  part). 


TABLEAU  DU  CONSEIL  D'ADMLMSTRATIOiN.  9 

Par  l'auteur.  La  tradizbne  dei  sette  Savi,  di  E.  Teza. 

Bologna,  186/4,  in-12. 

Par  l'auteur.  L'état  social  et  politique  da  Mexique 

avant  l'arrivée  des  Espagnols ,  par  M.  Charles  De  La- 

BARTHE.  Paris,  i865,in-8°. 


TABLEAU 

DU  CONSEIL  D'ADMINISTRATION 

CONFORMÉMENT    AUX    NOMINATIONS    FAITES    DANS    L'ASSEMBLEE    GÉNÉRALE 
DD     28    JCIN    l865. 


PRESIDENT. 

M.  Reinaud. 

VICE-PRÉSIDENTS. 

MM.  Gaussin  de  Perceval. 

Le  Duc  DE  LUYNES. 

secrétaire. 

M.   MOHL. 

SECRÉTAIRE  ADJOINT  ET  BIBLIOTHECAIRE. 

M.  Renan. 

TRÉSORIER. 
M.   DE  LoNGPÉRIER. 

COMMISSION   DES  FONDS. 

MM.  Garcin  de  Tassy. 

MoHL. 

Barbier  de  Meynard. 


10  JUILLET  1865. 

MEMBRES  DU  CONSEIL. 

MM.  Régnier. 

Noël  Desvergers. 

L'abbé  Barges. 

Lancereal. 

Paveï  de  Courte! ixe. 

De  Saolcy. 

De  Slane. 

Troyer. 

dulaurier. 

FOUCAUX. 

Guigniaut. 
De  Rosny. 

Oppert. 
Palthier. 
Perron. 

Stanislas  Julien. 
Defrémery. 

DUGAT. 

Sanguinetti. 

Barthélémy  Saint-Hilaire. 

Brunet  de  Presle. 

Le  marquis  d'Hervey  de  Saint -Denis. 

Sédillot. 

CENSEURS. 

MM.  Guigniaut. 

Barthélémy  Saint-Hilaibk. 


RAPPORT  ANNUEL.  Il 


RAPPORT 


LES   TRAVAUX  DU  CONSEIL  DE  LA  SOCIETE   ASIATIQUE 

PENDANT  L'ANNÉE   18  64-1865, 

FAIT  À  LA  SÉANCE  ANNUELLE  DE   LA  SOCIETE, 

LE   28  JUIN    l865, 

PAR  M.  JULES  MOHL. 


Messieurs , 

La  quarante- troisième  année  de  l'existence  de 
votre  Société  n'a  donné  lieu  à  aucun  fait  particulier 
dont  j'aurais  à  vous  entretenir.  Vos  travaux  se  sont 
continués  sans  interruption,  et  la  mort  même,  qui 
nous  avait  frappés  si  cruellement  l'année  dernière 
en  nous  enlevant  un  si  grand  nombre  de  collabora- 
teurs distingués,  nous  a  épargnés  cette  fois-ci. 

Le  Journal  asiatique  ^  a  continué  h  traiter  les 
sujets  les  plus  variés  de  l'érudition  orientale.  M.  Sta- 
nislas Julien  a  terminé  la  traduction  des  Extraits 
des  Annales  chinoises  relatifs  à  l'histoire  des  Turcs 
orientaux,  ou  plutôt  à  l'histoire  des  rapports  des 

'  Journal  asiaùt^ue ,  sixième  série,  vol,  IV,  Paris,  186/1  (5/|/|  pages) 
in-8",  et  vol.  V,  i865  (670  pages). 


12  JUILLET  1865. 

Turcs  avec  l'enipire  chinois.  Ce  sont  des  documents 
très-secs,  selon  la  manière  du  pays,  mais  qui  four- 
nissent sur  la  partie  la  plus  ancienne  el:  la  plus 
obscure  de  l'histoire  des  Turcs  des  faits  parfaitement 
authentiques  que  leurs  propres  chroniqueurs  ne  con- 
naissent pas. 

M.  Belin  a  de  même  terminé  un  long  travail  sur 
l'histoire  des  finances  de  l'empire  ottoman ,  histoire 
que  l'auteur  a  pu  tirer  des  documents  les  plus  sûrs 
que  lui  offraient  les  chancelleries  turques. 

M,  de  Khanikof  nous  a  donné  un  mémoire  très- 
curieux  sur  Khâcâni ,  poëte  persan  du  xf  siècle  de 
notre  ère,  dont  il  s'était  beaucoup  occupé  pendant 
son  séjour  en  Perse.  Pour  faire  comprendre  son 
poëte,  il  commence  par  un  tableau  rapide  de  l'état 
politique  de  la  Perse  dans  ce  temps,  puis  il  nous 
donne  la  vie  de  Khâcâni,  surtout  d'après  les  rensei- 
gnements que  celui-ci  fournit  sur  lui-même  dans 
ses  œuvres.  C'est  bien  une  vie  de  poëte  d'alors, 
mendiant  de  fargent  et  des  honneurs  dans  les  cours 
des  princes,  flattant  les  grands  et  couvrant  d'invec- 
tives ses  ennemis,  se  vantant  lui-même  et  conser- 
vant pourtant  le  sentiment  d'une  certaine  dignité. 
M.  de  Khanikof  termine  cette  belle  étude  par  le 
texte  et  la  traduction  de  quatre  des  plus  remar 
quables  poésies  de  Khâcâni.  Ces  poésies  sont  des 
plus  difficiles  à  entendre,  remplies  d'allusions  tirées 
des  sciences  et  de  l'histoire,  de  jeux  de  mots,  de 
tout  ce  qui  faisait  la  gloire  d'un  poëte  dans  les  cours 
des  princes  turcs  de  ce  temps,  el  de  ce  qui  met  à 


RAPPORT  ANNUEL.  13 

j'épreuve  le  savoir  et  la  patience  du  lecteur.  M.  de 
Khanikof  juge  très-sévèrement  cette  poésie;  mais 
je  crains  qu'il  n'ait  été  trop  préoccupé  des  péchés 
de  Khâcâni,  quand  il  étend  son  jugement  sur  toute 
la  poésie  persane,  car  je  crois  qu'il  ne  peut  repro- 
cher ni  à  Firdousi,  ni  à  Hafiz,  ni  à  Djelaleddin 
Roumi ,  et  encore  moins  à  Sadi  les  défauts  qu'il 
relève  avec  tant  de  raison  dans  Rhâcani. 

M.  Barbier  de  Meynard  nous  a  donné  le  texte 
et  la  traduction  du  Livre  des  routes  d'Ibn  Khor- 
dadbeh,  maître  des  postes  du  khalifat  dans  la 
seconde  moitié  du  uf  siècle  de  l'hégire,  par  consé- 
quent, un  des  géographes  arabes  les  plus  anciens.  Il 
s'est  servi  d'une  copie  du  manusciit  d'Oxford,  et 
Véfik  Efendi  a  eu  la  complaisance  de  faire  coila- 
tionner  pour  lui  le  seul  autre  manuscrit  qui  soit 
connu  et  qui  se  trouve  dans  la  bibliothèque  d'une 
mosquée  à  Gonstantinople.  Le  livre  de  Khordadbeh 
n'est  pas  seulement  un  routier,  il  indique  la  division 
politique  des  provinces  du  khalifat,  il  donne  le 
montant  des  impôts  que  chaque  district  payait,  tant 
sous  les  rois  de  Perse  que  sous  les  khalifes,  et  il 
ajoute  à  la  liste  des  étapes  de  chaque  grande  route 
des  détails  variés  et  souvent  très-inléressants  pour 
l'histoire  et  la  géographie.  Le  chef  des  postes  sous 
les  khalifes  était  un  personnage  important,  qui  tra- 
vaillait directement  avec  le  khalife,  à  qui  il  commu- 
niquait les  rapports  qu'il  recevait  des  maîtres  de 
poste  locaux  sur  l'administration  et  l'état  des  pro- 
vinces. M.  Barbier  de  Mevnard  s'excuse  d'avoir  osé 


14  JUILLET   1865 

publier  ce  traité,  en  n'ayant  à  sa  disposition  que 
deux  manuscrits,  également  imparfaits  et  prove 
nant  d'un  même  original,  qui  paraît  avoir  été  un 
manuscrit  déjà  fatigué  et  mutilé.  Mais  on  doit  au 
contraire  le  remercier  de  ne  pas  s'être  laissé  arrê- 
ter par  cette  considération,  car  les  ouvrages  arabes 
de  cette  époque  ont  péri  en  général,  et  il  importe 
beaucoup  qu'on  fasse  connaître  tout  ce  qu'on  peut 
en  retrouver,  si  imparfaits  et  si  fragmentaires  que 
puissent  être  les  manuscrits.  Qu'importe  qu'il  v  ail 
quelques  lacunes  et  plus  ou  moins  de  noms  dont  ou 
ne  peut  à  l'instant  déterminer  la  lecture?  L'éditeur 
lui-même  en  a  déjà  rétabli  un  grand  nombre,  et, 
l'attention  des  savants  une  fois  éveillée,  on  docou 
vrira  ou  de  nouveaux  manuscrits,  ou  des  matériaux 
analogues,  ou  des  plagiats  commis  par  des  auteurs 
j)Ostérieurs  q«ii  expliqueront  ce  qui  peut  être  resté 
douteux  au  premier  moment,  et  je  suis  convaincu 
que,  grâce  à  cette  première  édition,  M.  Barbier  de 
Meynard  pourra  publier,  dans  dix  ans  d'ici,  un  texte 
de  Khordadbeh  qui  le  satisfera  lui-même. 

M.  Clément-Mullet  a  publié  dans  votre  Journal 
un  mémoire  sur  les  noms  arabes  des  dilférentes 
espèces  de  céréales,  recherches  difficiles,  dans  les- 
quelles il  s'est  aidé  de  toutes  les  lumières  que  les 
descriptions  des  Arabes,  les  synonymies  grecques  et 
la  botanique  moderne  pouvaient  lui  fournir. 

M.  Renan  nous  a  donné  un  curieux  fac-similé 
d'une  antîienne  inscription  hébraïque,  qu'il  a  co- 
piée à  la  synagogue  de  Kefr-Bereim,  en  Galilée,  et 


RAPPORT  ANNUEL.  15 

qui  est  intéressante  pour  la  paléographie  des  Hé- 
breux. 

Vous  allez  recevoir  dans  le  cahier  de  mai-juui 
une  dissertation  de  M.  Hauvette-Besnault  sur  l'his- 
toire de  Krischna  et  des  Gopi,  accompagnée  du 
texte  et  de  la  traduction  des  cinq  chapitres  que  le 
Bbagavala  Pourana  consacre  à  cet  étrange  fragment 
de  la  mythologie  indienne.  Enfin,  vous  y  trouverez 
deux  rapports  de  M.  Neubauer  sur  la  collection  des 
manuscrits  caraïles  formée  par  M.  Firkowitz  et  les 
observations  de  M.  Munk  sur  ce  sujet. 

Le  huitième  volume  de  votre  Collection  d'ou- 
vrages orientaux  ^  qui  forme  le  quatrième  des  Prai- 
ries d'or,  de  Maçoudi,  par  M.  Barbier  de  Meynard, 
est  entièrement  composé  et  sera  entre  vos  mains 
dans  quelques  semaines.  La  première  moitié  de  ce 
volume  traite  de  plusieurs  sujets  généraux  relatifs  à 
la  géographie  physique ,  puis  des  édifices  consacrés 
aux  différents  cultes  et  spécialement  au  culte  du  feu , 
et  se  termine  par  un  chapitre  sur  la  chronologie 
universelle,  jusqu'au  temps  de  Muhammed.  Dans 

'  Il  a  paru  de  cette  collection  :  i"  Les  Voyages  d'Ibn  Baloutah, 
par  MM.  Defrémery  et  Sanguinetti,  texte  et  traduction.  Paris,  i853- 
1859.  Complet,  4  vol.  in-8°,  et  cahier  supplémentaire  contenant 
la  table  des  matières,  2°  Les  Prairies  d'or,  de  Maçoudi,  par  MM.  Bar- 
bier de  Meynard  et  Pavet  de  Courteille  ,  volumes  Ï-III ,  texte  et  tra- 
duction. L'ouvrage  entier  aura  huit  volumes.  Chaque  volume  de  la 
Collection  se  vend  au  prix  de  7  fr.  5o  c.  et  aux  membres  de  la 
Société,  pour  5  fr.  On  peut  acheter  à  part  cliaque  volume  de  la 
Collection ,  et  les  Écoles  qui  veulent  adopter  un  des  volumes  pour 
les  cours,  l'obtiennent  au  prix  des  membres,  si  elles  s'adressent 
directement  au  Bureau  de  la  Société. 


16  Jl  ILLKT   180 5. 

la  seconde  moitié  du  volume ,  l'auteur  commence 
l'histoire  de  l'Islam ,  à  laquelle  le  reste  de  l'ouvrage 
entier  est  consacré.  M.  de  Meynard  est  ainsi  arrivé 
à  la  moitié  de  son  édition  des  Prairies  d'or,  et  nous 
pouvons  espérer  que  dans  peu  d'années  cet  ouvrage, 
dont  la  publication  a  été  un  grand  desideratum, 
sera  complètement  entre  les  mains  des  savants.  C'est 
un  livre  plein  de  renseignements  inattendus;  car 
même  dans  les  parties  les  plus  connues  de  son  su- 
jet, l'esprit  curieux  de  l'auteur  ne  se  dément  jamais, 
et  il  nous  fournit  presque  toujours  quelques  données 
qu'on  chercherait  en  vain  ailleurs. 

L'édition  de  l'ouvrage  d'Albirouni  sur  la  science 
des  Indiens,  dont  vous  aviez  chargé  MiM.  de  Slane 
et  Woepcke,  et  dont  M.  Woepcke  s'était  occupé 
avec  beaucoup  d'ardeur,  n'est  pas  encore  commen- 
cée. Après  la  mort  de  M.  Woepcke,  qui  est  une  si 
grande  perte  pour  nous,  vous  avez  prié  M.  de  Slane 
de  se  charger  seul  de  cet  ouvrage;  il  s'est  occupé 
des  manuscrits,  mais  d'autres  travaux  urgents  ne  lui 
ont  pas  encore  permis  de  vous  annoncer  sa  déter- 
mination. Nous  attendions  de  l'Inde  un  nouveau  ma- 
nuscrit d'Albirouni,  qui,  quoique  imparfait,  aurait 
été  d'un  grand  secours;  mais  M.  Cowell,  qui  nous 
l'avait  fait  espérer,  est  revenu  en  Europe  sans  pou- 
voir en  obtenir  le  prêt  pour  nous  ;  espérons  que 
son  zélé  successeur,  le  capitaine  Nassau  Lees,  sera 
plus  heureux. 

Les  autres  sociétés  asiati(|ues   ont   continué  de 


RAPPORT  ANNUEL.  17 

même  leurs  travaux,  autant  du  moins  que  nous 
pouvons  en  juger  par  ce  que  nous  avons  reçu  de 
leurs  publications;  car  je  ne  puis  que  répéter  une 
plainte  déjà  ancienne  sur  la  négligence  que  certaines 
d'entre  elles  mettent  à  communiquer  à  l'Europe  ce 
qu'elles  publient;  elles  paraissent  se  contenter  du 
cercle  des  lecteurs  qui  les  entourent  et  ne  pas  vou- 
loir comprendre  que  l'Europe  est  après  tout  roffi- 
cine  du  savoir  et  que  les  livres  qui  ne  parviennent 
pas  à  Paris ,  à  Londres  et  à  Leipzig,  sont  des  œuvres 
mort-nées  ou  au  moins  frappées  de  stérilité. 

La  Société  asiatique  du  Bengale  paraît  être  pleine 
dévie,  elle  trouve  seulement  qu'elle  est  surchargée 
de  travaux,  et  elle  est  sur  le  point  de  transférer  au 
gouvernement  son  musée  d'histoire  naturelle,  qui  de- 
viendra un  établissement  de  l'Etat.  Cette  division  du 
travail  sera  certainement  heureuse ,  autant  pour  les 
sciences  naturelles  que  pour  les  sciences  historiques, 
auxquelles  la  Société  pourra  dorénavant  consacrer 
toutes  ses  forces  et  qui  lui  offrent  un  champ  de  travail 
surabondant.  Son  Journal,  pour  Tannée  i  86/i,  con- 
tient comme  à  fordinaire  des  travaux  sur  différentes 
parties  de  f  histoire  et  de  la  géographie  de  findo, 
sur  les  antiquités  bouddhiques  et  brahmaniques, 
sur  les  anciens  poids  et  mesures,  et  est  accompagné 
d'un  cahier  supplémentaire  consacré  au  second  rap- 
port du  colonel  Cunningham  sur  les  résultats  de  sa 
mission  archéologique  dans  le  nord  de  l'Inde.  Vous 
savez  que  le  colonel  fait  un  pèlerinage  bouddhiste, 
dans  lequel  il  suit  f  itinéraire  de  Hiouen-Thsang ,  pour 


18  JUILLET  J865. 

dëcoiurir  les  restes  du  Bouddhisme  dans  les  lieux 
où  le  Bouddha  avait  vécu  et  que  ses  sectateurs  ont 
couverts  de  monuments.  Dans  ce  second  rapport,  le 
colonel  a  un  peu  dévié  de  son  plan;  il  y  traite  ex- 
clusivement des  antiquités  de  Dehli,  ville  qui  n'a 
jamais  été  un  chef-lieu  du  Bouddhisme  et  où  M.  Gun- 
ningham  n'a  trouvé  d'autres  traces  de  cette  religion 
que  les  piliers  d'Açoka,  qui  ont  été  érigés  originaire- 
ment dans  d'autres  localités  et  transportés  plus  tard 
dans  la  capitale  des  Mogols.  Le  reste  de  son  travail 
sur  Dehli  traite  des  antiquités  brahmaniques  et  mu- 
sulmanes de  cette  ville.  Au  reste,  dans  le  rapport 
prochain,  il  va  rentrer  en  plein  dans  l'archéologie 
houddhique  ^ 

La  Société  asiatique  du  Bengale  a  agité  pendant 
plusieurs  séances  la  question  de  l'emploi  du  carac- 
tère latin  modifié  dans  les  écoles  indiennes  et  pour 
les  langues  du  pays.  M.  Nassau  Lees  a  proposé,  dans 
un  mémoire  inséré  dans  le  journal  de  la  Société, 
de  renoncer  à  l'idée  de  substituer  l'alphabet  romain 
aux  alphabets  sanscrit  et  arabe  dans  leur  application 
aux  langues  savantes,  mais  de  s'en  servir  pour  les 

'  Journal  of  the  Âsiatic  Society  of  Benyal.  Calcutta,  i  854  ,  in-8°. 
vol.  XXXin.  Cinq  cahiers  et  un  cahier  supplémentaire. 

Le  dernier  cahier,  qui  est  arrivé  lorsque  ce  rapport  était  déjà 
composé,  contient  une  protestation  très-vive  do  Rajendralala  Mitra, 
savant  hindou,  très-connu  en  Europe,  contre  la  proposition  d'intro- 
duire les  caractères  lalius  pour  l'hindoustani;  il  en  fait  sentir  tous 
les  inconvénienis ,  rimj)erfoctiou  de  l'écriture  latine  et  la  répugnance 
in\ incible  de  la  population  contre  une  tentative  de  ce  genre.  Il 
exhorte  les  Européens  à  approprier  d'abord  leur  écriture  à  leurs 
propres  langjies,  avant  d'en  proposer  l'adoption  à  d'autres. 


RAPPORT  ANNUEL.  19 

dialectes  des  peuplades  qui  n'ont  pas  de  iittérature 
à  elles  et  qui  ne  savent  pas  encore  écrire,  et  puis 
de  l'introduire  pour  l'hindoustani.  Les  raisons  qu'il 
donne  pour  cette  dernière  partie  de  sa  proposi- 
tion sont  que  l'hindoustani  est  une  langue  parlée 
dans  toutes  les  parties  de  l'Inde,  et  que  ce  serait  un 
grand  pas  de  fait  pour  faciliter  le  rapprochement 
entre  les  Indiens  et  les  Européens,  si  elle  était  écrite 
dans  un  alphabet  commun  aux  deux,  d'autant  qu'on 
ne  trouverait  pas  pour  l'introduction  du  caractère 
romain  des  obstacles  invincibles,  parce  que  l'hin- 
doustani, n'ayant  pas  de  caractère  propre,  était  écrit 
dans  toute  la  péninsule  avec  les  alphabets  propres 
à  chaque  province.  On  lui  a  répondu  par  deux  ob- 
jections que  je  crois  fatales  à  son  plan ,  en  ce  qui 
concerne  l'hindoustani;  d'abord  les  difficultés  inhé- 
rentes à  l'application  usuelle  de  l'alphabet  latin  à 
une  langue  beaucoup  plus  riche  de  sons,  difficultés 
qu'on  ne  peut  vaincre  que  par  l'application  d'une 
foule  de  signes  diacritiques  qui  jettent  du  trouble 
dans  l'écriture,  et  puis  findiderence  et  la  résistance 
des  populations.  Au  reste,  ce  côté  de  la  question 
des  transcriptions  ne  nous  touche  pas,  en  Europe; 
nos  besoins  et  nos  difficultés  sont  autres,  et  j'aurai  à 
en  dire  quelques  mots  un  peu  plus  tard. 

La  Société  du  Bengale  a  continué  avec  beaucoup 
de  zèle  la  pubhcation  de  sa  Bihliotheca  indica,  dont 
il  a  paru  quinze  cahiers  dans  f année,  et  elle  a  l'es- 
poir de  pouvoir  élargir  encore  considérablement  le 
cadre  de  cette  collection  et  d'y  comprendre  la  série 


20  JUILLET   1865. 

d'Iusloriens  musulmans  de  l'Jncle  que  feu  Sir  H.  E\- 
liof  avait  préparée  et  annoncée.  Lady  Elliot  vient 
de  mettre  à  la  disposition  de  la  Société  tous  les  ma- 
tériaux que  son  mari  avait  réunis,  et  le  gouverne- 
ment de  la  Reine  a  promis  de  venir  en  aide  h  la 
Société  pour  faciliter  cette  grande  et  belle  entreprise. 
Puisse  la  Société  trouver  aussi  moyen  de  publier 
avec  les  textes  toujours  une  traduction  anglaise!  Ce 
serait  une  grande  garantie  pour  obtenir  de  bonnes 
et  correctes  éditions  des  textes,  une  grande  économie 
de  lemps  pour  tous  les  Européens  qui  veulent  cher- 
cher un  fait  dans  un  de  ces  volumes,  et  probable- 
ment un  secours  très-apprécié  par  les  Hindous  ou 
les  musulmans  qui  désirent  apprendre  l'anglais. 

Nous  n'avons  reçu  aucun  envoi  des  Sociétés  de 
Madras,  de  Colombo  et  de  Shanghaï,  et  j'ignore  ce 
qu'elles  auront  pu  publier.  Je  sais  que  la  Société  de 
Bombay  n'a  pas  fait  paraître  depuis  assez  longtemps 
la  suite  de  son  Journal  ;  mais  le  gouvernement  in- 
dien lui  ayant  accordé,  au  commencement  de  celte 
année,  une  assez  forte  subvention  pour  ses  publi- 
cations, elle  en  a  recommencé  récemment  l'impres- 
sion. 

La  Société  asiatique  de  Londres  a  commencé  une 
nouvelle  série  de  son  Journal^  Le  demi-volume 
qui  a  paru  contient  plusieurs  mémoires  d'une  grande 
importance,  une  continuation  du  grand  travail  de 
M.  Muir  sur  la  théogonie  védique,  un  mémoire  de 

'  The  Journal  of  the  Royal  Asiatic  Society  of  Great  Briiain  anJ 
hiland.  New  séries,  vol.  I ,  j).  i.  London,  iSB/j.  in-S"    2/»6  pai?es  . 


RAPPORT  ANNUEL.  21 

M.  Bosanquet  sur  la  comparaison  des  chronologies 
biblique  et  babylonienne,  une  notice  très-curieuse 
du  colonel  Goidsmid  sur  la  littérature  populaire 
dans  le  Sindh  et  sur  les  difficultés  qu'on  a  rencontrées 
à  faire  adopter  aux  habitauls  indiens  et  musulmans 
un  même  alphabet;  ensuite  un  mémoire  des  plus 
importants  de  R.  Sir  H.  Rawlinson  sur  les  inscrip- 
tions bilingues,  babyloniennes  et  phéniciennes,  sur 
lequel  j'aurai  à  revenir  plus  tard;  enfin  la  traduc- 
tion du  chinois  d'un  Sûtra bouddhique,  par  M.  Beal. 
La  version  chinoise  dont  se  sert  M.  Beal  a  été  faite 
l'an  liob  de  notre  ère  par  Rumara-Siva,  prêtre 
indien  établi  au  Tibet,  qui  s'était  rendu  tellement 
célèbre  par  son  érudition,  que  l'empereur  de  Chine, 
désirant  obtenir  des  traductions  plus  exactes  des 
livres  bouddhistes  que  celles  qui  existaient  alors, 
envoya  une  armée  dans  le  Tibet  avec  l'ordre  de 
ne  pas  revenir  sans  amener  Kumara.  Celui-ci  fut 
donc  emmené  en  Chine,  reçu  avec  grand  honneur, 
mis  à  la  tête  d'une  légion  de  prêtres,  et  traduisit  de 
nouveau  un  grand  nombre  d'ouvrages  bouddhistes 
du  sanscrit  en  chinois.  «  La  plupart  de  ses  traduc- 
tions,  dit  M.  Beal,  furent  refaites  de  nouveau  deux 
siècles  plus  tard  par  Hiouen-Thsang^  » 

'  Je  me  permets  de  faire  à  cette  occasion  une  remarque  qui  m'a 
frappé  depuis  longtemps.  On  voit  qu  il  y  a  au  moins  trois  grandes 
couches  de  traductions  chinoises  des  livres  bouddhistes,  celles  qui 
datent  des  premiers  siècles  de  notre  ère,  celles  de  Kumara  du  cin- 
quième et  celles  de  Hiouen-Thsang  du  septième  siècle.  Pour  la  plu- 
part de  ces  livres,  il  importe  probablement  peu  de  quelle  époque 
sont  les  traductions;  mais  il  y  en  a  pour  lesquels  la  date  peut  être 


22  JUILLET  1865. 

Le  Comité  de  traductions  de  la  Société  de 
Londres  a  résolu  de  faire  terminer  quelques  ou- 
vrages considérables,  entrepris  depuis  longtemps  et 
interrompus  par  des  accidents  divers.  Vous  connais- 
sez tous  les  deux  premiers  volumes  de  rexcellente 
traduction  des  Vies  des  hommes  illustres  d'Ibn  Khal- 
likan  par  M.  de  Slane.  Tous  ies  savants  regrettaient 
que  cet  indispensable  manuel  de  biographie  et  de 
bibliographie  n'eut  pas  été  terminé,  et,  sur  la  de- 
mande du  comité,  M.  de  Slane  a  mis  sous  presse  ies 
deux  derniers  volumes,  et  une  vingtaine  de  feuilles 


(l'une  grande  importance,  par  exemple,  pour  la  vie  du  Bouddha,  le 
Lalita  Vislara.  M.  Stanislas  Julien  a  fait  connaître  Texistence  de 
quatre  traductions  chinoises  de  ce  livre,  dont  la  première  est  du 
premier  siècle  de  notre  ère  et  dont  !a  quatrième  doit  être  posté- 
rieure au  septième  siècle.  Cette  dernière  paraît  être  conforme  à  la 
rédaction  souscrite  qui  a  été  imprimée  à  Calcutta  et  à  la  version 
tibétaine  dont  nous  devons  la  publication  et  la  traduction  à  M.  Fou- 
eaux.  Mais  de  quelle  date  est  cette  rédaction,  la  seule  que  nous 
connaissions  jusqu'à  présent?  Personne  ne  saurait  le  dire-,  mais  elle 
inspire  des  doutes  légitimes  sur  son  antiquité,  car  elle  est  bien 
légendaire  pour  une  vie  écrite  peu  de  temps  après  la  mort  du 
Bouddha,  et  nous  savons  tous  qu'il  n'y  a  pas  de  livres  plus  exposés 
à  l'interpolation  et  à  l'amplification  que  les  vies  des  fondateurs  de 
religion.  Il  y  a  peu  d'espoir  qu'on  trouve  une  rédaction  sanscrite 
différente  de  celle  que  nous  avons;  il  est  probable  que  M.  Grimblol 
rapporte  de  Ccylan  des  matériaux  pour  contrôler  le  Lulifa  Vistara, 
mais  il  est  certain  qu'en  comparant  les  anciennes  traductions  chi- 
noises avec  la  plus  récente,  on  peut  remonter,  pour  le  moins,  au 
texte  tel  qu'il  était  au  premier  siècle,  et  s'assurer  s'il  était  plus 
ancien  et  plus  pur  que  celui  que  nous  possédons.  Je  crois  que 
M.  Julien  possède  pres<[uc  tous  les  éléments  de  celle  question  Irès- 
curieusc.  et  il  rendrait  un  grand  service  à  la  science  s'il  voulait  s'en 
occuper. 


RAPPORT  ANNUEL.  23 

sont  déjà  imprimées.  D'autres  continuations  de  tra- 
ductions interrompues  sont  en  préparation. 

La  Société  orientale  allemande  a  publié  quatre 
nouveaux  cahiers  de  son  Journal ,  qui  nous  donnent , 
comme  les  volumes  précédents,  des  travaux  très- 
importants  ^  iVl.  Wijstenfeld  y  publie  une  vie  très- 
délaillée  du  géographe  Yacout,  qu'il  suit  dans  tous 
ses  voyages;  M.  Flûgel  analyse  les  ouvrages  de  deux 
autres  voyageurs  arabes;  M.  Rosen  décrit  quelques 
anciens  monuments  samaritains  dont  il  donne  des 
fac-similé;  M.  Blau  discute  l'authenticité  de  la  se- 
conde liste  des  rois  parthesque  contient  Mirkhond; 
M.  Dieterici  écrit  sur  les  Frères  de  la  pureté;  M.  de 
Goeje  décrit  un  manuscrit  arabe  très-ancien,  qui 
traite  des  mots  inusités  dont  s'est  servi  Muhammed; 
M.  Rapp  donne  la  première  partie  d'un  intéressant 
mémoire  sur  la  religion  et  les  mœurs  des  Perses  selon 
les  Grecs;  M.  Meier  reprend  l'examen  de  l'inscrip- 
tion phénicienne  de  Marseille;  M.  Euling  donne  un 
catalogue  raisonné  des  manuscrits  sabéens  des  bi- 
bliothèques de  Paris  et  de  Londres;  enfin,  il  y  a  un 
travail  posthume  de  M.  Osiander  sur  les  inscriptions 
himyarites  découvertes  par  M.  Playfair.  Lorsque  le 
Musée  britannique  fit  publier  ces  inscriptions,  l'édi- 
teur, M.  Franck,  ne  voulut  pas  y  ajouter  un  com- 
mentaire parce  qu'il  savait  que  M.  Osiander  en 
préparait  un.  Malheureusement,  ce  jeune  savant 
mourut  avant  d'avoir  mis  la  dernière  main  à  ce  beau 

'  Zeilschrijt  der  deutschen  morgenlàndischen  Gesellschaft.  Leipzig, 
186/1  et  i865,  in-8°,  vol.  XVIII,cah.3et/i,etvol.  XIX,cah.  1  et 2. 


U  JUILLET   1865. 

travail ,  dont  un  de  ses  amis  publie  aujourd'hui  avec 
beaucoup  de  soin  la  preuiière  partie,  accompagnée 
de  fac-similé  Irès-bien  exécutés  des  photographies  de 
M.  Playfair.  La  seconde  partie  du  mémoire,  qui  doit 
traiter  de  toutes  les  autres  inscriptions  himyarites 
connues,  sera  publiée  plus  tard.  Ce  travail  ne  peut 
qu'augmenter  le  regret  qu'on  éprouve  à  voir  sitôt 
s'éteindre  une  vie  qui  promettait  tant  à  la  science. 
Je  ne  puis  énumérer  tout  ce  que  contient  encore 
celte  année  du  Journal  de  Leipzig,  mais  je  dois  un 
mot  à  un  article  dans  lequel  M.  Wickerhauser  dis- 
cute la  transcription  du  turc  en  caractères  latins,  telle 
({ue  M.  Brockhaus  Ta  appli(|uée.  Il  expase  en  détail 
les  dilïicultés  que  présente  la  transcription  du  turc 
et  établit  en  principe,  et  je  crois  avec  raison,  que 
toute  transcription  doit  s'attacher  à  reproduire  l'or- 
thographe de  préférence  à  la  prononciation,  quand 
il  y  a  une  différence  entre  les  deux.  Il  y  a  du  plaisir 
à  observer  le  zèle  et  la  sagacité  avec  lesquels  on 
s'est  appliqué  de  notre  temps  i\  trouver  un  alphabet 
de  transcription  aussi  exact  que  possible,  et  les  ré- 
sultats très-réels  qu'on  a  obtenus.  Non  pas  que  je 
croie  qu'on  puisse  substituer  l'alphabet  latin  modi- 
lié  aux  écritures  indigènes,  je  ne  dis  pas  en  Orient, 
mais  même  dans  les  écoles  en  Europe;  mais  c'est 
néanmoins  un  grand  mérite  que  d'avoir  trouvé  moyen 
de  se  passer  au  besoin  de  types  orientaux.  C'est  utile 
en  mille  cas,  pourla  transcription  des  noms  propres, 
pour  fixer  les  étymologics,  pour  insérer  des  cita- 
tions (piiind  on   n*a   pas  à  sa  disposition   les  types 


RAPPORT  ANNUEL.  .  25 

propres,  ou  quand  la  nature  de  l'ouvrage  n'en  admet 
pas  l'usage;  cela  peut  être  utile  quand  on  applique 
l'alphabet  de  transcription  aux  études  des  commen- 
çants, pour  leur  en  faciliter  l'entrée,  comme  le  pra- 
tiquent M.  Guerrier  de  Dumast  et  M.  Barbe;  mais 
c'est  surtout  utile  et  même  tout  à  fait  indispensable 
pour  la  grammaire  comparée,  où  l'emploi  de  types 
si  différents  rendrait  la  lecture  intolérable  et  les 
livres  incompréhensibles,  et  où  il  est  pourtant  de 
toute  nécessité  de  rendre  avec  la  plus  grande  préci- 
sion en  caractères  latins  toutes  les  nuances  des  écri- 
tures originales.  Je  doute  que  l'emploi  du  caractère 
latin  aille  beaucoup  plus  loin  chez  les  savants  en 
Europe.  On  comprend  que  les  missionnaires  et  les 
administrations  européennes  en  Orient  désirent 
en  faire  un  usage  habituel,  et  il  n'y  aura  aucune 
difficulté  à  l'enseigner  à  des  tribus  dont  la  langue 
n'a  pas  encore  été  fixée  par  l'écriture.  Mais  quand 
il  s'agit  de  peuples  qui  ont  un  alphabet,  même  in- 
commode ,  auquel  ils  sont  accoutumés ,  on  trouvera 
des  résistances  impossibles  à  vaincre.  On  cite  sou- 
vent les  Persans  qui  ont  adopté  l'alphabet  arabe, 
mais  les  Arabes  avaient  des  moyens  de  persuasion 
qui  ne  sont  plus  au  service  de  personne,  car  qui- 
conque se  servait  du  caractère  pehlevi  était  puni 
de  mort.  On  essaye  dans  ce  moment  d'introduire  le 
caractère  latin  modifié  en  Cochinchine;  mais  qui 
peut  croire  qu'une  écriture  aussi  surchargée  de 
signes  supplémentaires  puisse  jamais  devenir  usuelle? 
Le  temps  répondra  à  toutes  ces  questions. 


2ft  JUILLET   1865, 

La  Société  orientale  allemande  a  publié,  en  de- 
hors de  son  Journal,  trois  nouvelles  parties  de  ses 
Mémoires  relatifs  à  l'Orient,  dont  j'aurai  à  parier 
plus  tard  à  leur  place. 

La  Société  orientale  américaine  a  lait  paraître  la 
première  moitié  du  volume  Vlll  de  son  Journal  ^ 
qui  contient  un  mémoire  de  M.  Whitney  sur  les 
opinions  émises  en  Europe  sur  l'origine  des  Nak- 
shatras,  mémoire  que  j'ai  annoncé,  d'après  un  tirage 
préliminaire,  dans  le  Rapport  de  l'année  dernière; 
ensuite  une  traduction  du  turc  d'un  catéchisme 
souli,  par  M.  Brown,  chargé  d'afTaires  d'Amérique 
à  Constantinople.  Ce  ti'aité  est  extrait  d'un  ouvrage 
(jue  l'auteur  prépare  sur  le  soufisme  en  Turquie,  et 
qui  offrira  des  points  de  comparaison  curieux  avec  ce 
que  nous  savons  des  Soufis  persans.  Ensuite  vient  un 
mémoire  très-détaillé  sur  la  prédestination  chez  les 
Arabes,  par  M.  Salisbury.  Le  résultat  des  recherches 
de  l'auteur  est  que  les  musulmans  sont  allés  bien 
plus  loin  dans  la  doctrine  de  la  prédestination  que 
ne  l'autorise  le  Coran.  M.  Perkins  a  inséré  la  traduc- 
tion d'un  apocryphe  syriaque,  intitulé  la  Révélation 
de  saint  Paul,  apocryphe  qui  était  inconnu  jusqu'à 
présent.  Enfin  M.  Stilson  donne  un  bref  aperçu  de 
la  langue  des  Komi ,  tribu  de  montagnards  de  l'Ar- 
racan,  qui  l'avaient  appelé  pour  qu'il  leur  enseignât 
un  alphabet.  11  paraît  leur  avoir  donné  l'alphabet 
birman,  comme  ses  collègues  avaient  fait  chez  les 

'  Journal  oftlie  American  Oriental  Society.  New-Havcn,  1 864  ,  In-S", 
vol.  VIII.  p.  I  (2260!  xxivpges). 


RAPPORT  ANNUEL.  27 

Raren  ,  je  suppose  pour  ne  pas  les  priver  d'un  moyen 
de  communiquer  avec  leurs  voisins. 

Nous  n'avons  rien  reçu  depuis  longtemps  du 
Journal  pour  l'Archipel  indien  par  M.  Logan ,  et  il 
est  à  craindre  que  cet  excellent  recueil  n'ait  cessé 
de  paraître;  mais  nous  recevons  régulièrement  les 
Mémoires  de  l'Inslitut  royal  pour  la  connaissance 
des  langues  des  pays  et  des  peuples  de  l'Inde  néer- 
landaise ^  Ce  recueil  contient  des  voyages  et  des 
études  géographiques,  historiques,  ethnographiques 
et  philologiques  sur  ces  colonies,  et  l'importance  de 
ces  belles  îles,  la  variété  des  races  qui  les  habitent, 
le  nombre  des  langues  qu'on  y  rencontre  et  la  difTé- 
rence  des  caractères  de  tous  ces  peuples,  assignent  à 
cette  publication  une  place  toute  particulière  dans 
la  littérature  qui  s'occupe  de  l'Orient. 

M.  Weber,  à  Berlin,  nous  a  envoyé  une  nouvelle 
partie  de  son  journal  intitulé.  Etudes  indiennes  "^-^ 
elle  est  entièrement  remplie  de  la  fin  de  l'analyse 
de  rOupnekhat  d'Anquetil  Du  Perron.  L'Oupnekhat 
est  une  rédaction  persane  des  Upanischads,  c'est-à- 
dire  de  la  partie  ihéologique  de  la  littérature  vé- 
dique, faite  par  l'ordre  de  Dara  Schekoh  au  xvn" 
siècle.  Anquetil  le  traduisit  en  latin ,  et  c'était  réelle- 
ment le  premier  travail  qu'on  possédait  en  Europe , 

*  Bijdracjen  tôt  de  Taal-  Land-  en  Volkenkande  van  Nederlandsch 
Indië.  Uitgegeven  door  het  Koninglyk  Instituut  vor  de  Taal-  Land-  en 
Volkenkunde  van  Nederlandsch  Indiê.  Vol.  VII,  nouvelle  série, 
Amsterdann,  i864,in-8°. 

^  Indische  Stadien.  Beitràgefiir  die  Kunde  des  indischen  Alterfhums, 
von  D'  A.  Weber,  vol.  IX,  cab.  i.  Leipzig,  i865,  in-8°. 


28  JUILLET  1865. 

exécuté  d'après  des  ouvrages  védiques,  quoique  par 
l'intermédiaire  d'une  rédaction  musulmane.  L'ou- 
vrage, étant  d'une  origine  douteuse  et  d'une  forme 
repoussante,  n'a  eu  que  peu  de  lecteurs,  et  ce  n'est 
qu'aujourd'hui  que  la  connaissance  des  ouvrages 
originaux  nous  met  en  état  de  lui  assigner  son  véri- 
table rang  et  d'apprécier  l'usage  dont  il  peut  encore 
être  dans  état  actuel  des  études  védiques.  M.  Weber 
l'a  fait  avec  beaucoup  de  savoir  et  avec  une  pieuse 
sollicitude  pour  la  mémoire  d'Anquetil  qui  lui  fait 
honneur  ^ 

Enfui ,  M.  Benfey  nous  a  fait  parvenir  la  conti- 
nuation de  son  Journal,  intitulé  :  Orient  and  Occi- 
dent^. Le  nouveau  cahier  contient  un  grand  nombre 
de  notices  sur  dilférents  sujets  orientaux  par  divers 
auteurs,  puis  une  longue  dissertation  de  M.  Benfey 
sur  la  voyelle  sanscrite  ri,  et  la  continuation  de  sa 

'  L'histoire  de  la  publication  do  l'Onpneklial  est  curieuse  et  ëga- 
lement  honorable  pour  Anquetil  et  pour  ses  amis.  Anquetil  était 
royaliste  et  ne  voulut  jamais  rieu  accepter  des  gouvernements  répu- 
blicain ou  consulaire.  Il  vivait  très-pauvrement,  et  ses  amis,  qui  au- 
raient voulu  le  mettre  plus  à  son  aise  dans  sa  vieillesse,  n'osaient 
rien  lui  proposer  directement.  Mais  ils  savaient  qu'il  avait  en  porte- 
feuille la  traduction  de  l'Oupnckhat,  et  ils  envoyèrent  un  libraire 
pour  lui  offrir  une  somme  assez  considérable  pour  le  droit  d'impri- 
mer le  manuscrit.  Anquetil  accepta  avec  plaisir,  car  il  attachait 
beaucoup  d'importance  à  ce  travail ,  ce  qui  l'a  probablement  empê- 
ché de  se  douter  d'une  ruse  qui  aurait  révolté  ses  sentiments  d'indé- 
pendance. Ses  amis  payèrent  an  libraire  les  honoraires  et  l'impres- 
sion ,  et  c'est  ainsi  que  l'OupueLhat  put  paraître. 

*  Orient  und  Occidenl.  inshcsondcrc  in  ilircn  yefjenseitiyen  Bezieliun- 
tjen.  Forschungeu  und  Mittheiliuigcn  ,  von  Theodor  nonlév.  Vol.  \\\ . 
rah.  I .  fi(Pttingne,  i86'i,  in-8°. 


RAPPORT  ANNUEL.  29 

traduction  du  Rigvcda.  IJ  avait  rendu  la  première 
centaine  d hymnes  en  vers  allemands,  dans  le  même 
rhythme  que  les  originaux;  la  traduction  était  très- 
littérale  et  parfaitement  intelligible,  ce  qui  était  un 
problème  qu'on  ne  pouvait  espérer  résoudre  qu'en 
allemand  et  qui  exigeait  une  rare  habileté  dans  le 
maniement  de  la  langue.  Il  annonce  maintenant 
que,  sur  des  avis  qu'il  a  reçus  de  divers  côtés,  il 
conlinuera  sa  traduction  en  prose,  pour  pouvoir 
serrer  encore  de  plus  près  la  phrase  sanscrite,  et  les 
dix-huit  hymnes  que  contient  le  nouveau  cahier 
sont  traduits  ainsi.  La  version  est  accompagnée  d'un 
excellent  commentaire  très-concis.  Il  est  bien  à  dé- 
sirer que  M.  Benfey  achève  cette  traduction,  qui 
est  une  véritable  œuvre  d'art. 

J'arrive  maintenant  à  l'énumération  des  ouvrages 
de  littérature  orientale  qui  ont  paru  depuis  notre 
dernière  réunion  annuelle,  et  je  vais  annoncer  briè- 
vement ceux  qui  sont  arrivés  à  ma  connaissance.  Je 
commence,  selon  mon  habitude,  par  les  ouvrages 
relatifs  aux  Arabes. 

Nous  trouvons  en  Arabie,  du  temps  de  Muham- 
med,  de  nombreuses  et  puissantes  colonies  juives, 
formant  des  tribus,  admises  au  partage  de  la  pos- 
session ou  à  l'occupation  entière  d'un  certain  nombre 
de  villes,  par  des  droits  évidemment  anciens  et  in- 
contestés, et  traitant  avec  les  tribus  arabes  sur  un 
pied  d'égalité  qui  exclut  l'idée  d'une  émigration  ré-  • 
cente   et  seulement  tolérée.   Elles  jouent  un  rôle 


30  JUILLET  1865. 

remarquable  dans  la  vie  de  Muhammed ,  et  l'in- 
lîuence  de  leurs  croyances  se  trouve  j^crite  sui- 
toutes  les  pages  du  Coran.  Le  temps  et  les  circons- 
tances de  leur  émigration  sont  inconnus  ;  la  ti^di- 
tion  arabe  s'en  occupe  peu ,  par  la  raison  (ouïe  na- 
turelle qu'elle  est  avant  tout  locale,  s'attache  à  une 
tribu ,  une  généalogie ,  une  famille  ou  un  nom  cé- 
lèbre, et  ne  s'intéresse  guère  à  ce  qui  est  en  dehors. 
Les  juifs  arabes  eux-mêmes  avaient  sans  doute  des 
traditions;  mais  elles  ont  dû  périr  lorsque  Muham- 
med extermina  ou  convertit  ces  tribus. 

M.  Dozy  ^  a  entrepris  de  résoudre  ce  problème, 
et  il  a  su  donner  à  son  sujet  une  ampleur  et  un 
intérêt  qu'on  n'aurait  pas  soupçonnés.  Il  part  d'un 
passage  du  Livre  des  Chroniques,  qui  raconte  l'émi- 
gration d'une  grande  partie  de  la  tribu  de  Siméon 
au  temps  de  Saûl.  Il  procède  alors  à  prouver  que 
ces  Siméonites  ont  conquis  sur  les  Minaeens  le  ter- 
ritoire de  la  Mecque,  l'ont  déclaré  haram,  c'est-à- 
dire  consacré,  y  ont  introduit  le  culte  de  Baal.  ont 
construit  la  Raaba  et  fondé  les  fêtes  annuelles  que 
Muhammed  fut  obligé  de  conserver  et  qui  sont  de- 
venues le  pèlerinage  actuel  de  la  Mecque.  M.  Dozy 
explique,  d'après  cette  donnée,  le  sens  premier  de 
ces  cérémonies,  les  noms  des  lieux  où  elles  se  font 
et  une  foule  d'autres  circonstances  qiii  s'y  rattachent 
et  dont  les  Arabes  eux-mêmes  n'ont  jamais  pu  se 

'  Die  Israelilen  zu  Mekka,  von  Davids  Zeil  bis  ins  fûnfte  Jahrhun- 
dert  unsercr  Zeitreclinung,  von  Dozy.  Loipzip;,  \S&h  ,  in-8°  (196  p. 
et  une  plancho). 


RAPPORT  ANNUEL.  31 

rendre  compte.  Il  m'est  impossible  de  le  suivre 
dans  le  nombre  des  questions  subsidiaires  qu'il  sou- 
lève dans  le  courant  de  sa  discussion ,  et  qui  touchent 
à  une  multitude  de  points  historiques  plus  ou  moins 
importants. 

Le  lecteur  voit  s'élever,  à  mesure  qu'il  avance,  tout 
un  édifice  historique,  construit  avec  des  matériaux 
de  toute  espèce  etdes  données  isolées  de  tout  genre, 
cachées  auparavant  dans  les  historiens  et  les  géo- 
graphes, dans  quelques  passages  de  la  Bible,  dans 
les  traditions  obscures  et  confuses  des  Arabes.  L'au- 
teur emploie  ces  matériaux  avec  toutes  les  res- 
sources que  l'étymologie,  l'esprit  de  combinaison 
et  la  critique  la  plus  hardie  peuvent  lui  fournir;  les 
questions  semblent  naître  d'elles-mêmes  dans  leur 
ordre  naturel,  se  prêter  un  appui  réciproque,  et 
vous  amènent  graduellement  à  accepter  les  solu- 
tions les  plus  inattendues.  Beaucoup  de  lecteurs  se- 
ront sans  doute  choqués  de  la  liberté  avec  laquelle 
il  applique  la  critique  aux  livres  de  l'Ancien  Testa- 
ment ;  la  plupart  trouveront  des  étymologies ,  des  con- 
jectures et  des  corrections  de  textes  qu'ils  ne  seront 
pas  disposés  à  accepter;  mais  je  crois  que  presque 
tous  seront  frappés  de  la  coïncidence  d'une  multi- 
tude de  circonstances  qui  convergent  vers  la  thèse 
principale  de  fauteur,  et  de  la  lumière  qu'il  a  su  y 
répandre,  et  certainement  personne  ne  lira  sans  plai- 
sir et  sans  fruit  un  livre  composé  avec  un  art  con- 
sommé ,  même  parmi  ceux  qui  penseront  que  tout  cet 
échafaudage  n'est  qu'une  brillante  fantasmagorie. 


32  JUILLET   1865. 

Le  volume  de  M.  Dozy  fait  partie  d'une  coller 
tion  de  traités  sur  l'histoire  des  principales  religions 
qu'une  Société  de  savants  hollandais  a  commencé  à 
publier.  M.  Dozy  y  a  donné  pour  sa  part,  outre  les 
Israélites  à  la  Mecque,  un  ouvrage  sur  l'Islam,  dans 
lequel  il  traite  de  la  religion  des  anciens  Arabes,  de 
Muhammed,  des  sectes  musulmanes  et  de  la  con- 
dition de  l'islam  jusqu'à  nos  jours.  Je  regrette  de  ne 
pas  avoir  réussi  à  voir  ce  dernier  ouvrage,  et  je 
ne  puis  qu'exprimer  l'espoir  qu'il  sera  traduit  dans 
une  langue  plus  répandue  que  le  hollandais,  car  tout 
ce  qu'écrit  M.  Dozy  est  bon  à  connaître. 

Les  études  sur  la  vie  de  Muhammed  et  la  publi- 
cation des  sources  de  son  histoire  ont  été  conti- 
nuées de  différents  côtés.  Les  progrès  que  l'on  a 
faits  de  notre  temps  dans  la  connaissance  de  la  vie 
du  Prophète  et  de  son  temps  sont  vraiment  mer- 
veilleux. On  peut  aujourd'hui  se  faire  une  idée  suf- 
fisante du  peuple  parmi  lequel  il  est  né  et  de  fétat 
social  et  politique  du  pays;  on  peut  assister  au  déve- 
loppement graduel  et  très-laborieux  de  cet  esprit 
lent  et  consciencieux ,  on  peut  voir  avec  quelle  dif- 
ficulté il  a  réussi  à  élaborer  la  seule  idée  dont  il 
était  rempli,  à  trouver  des  expressions  qui  pouvaient 
la  rendre,  à  s'assimiler  le  peu  de  connaissances 
qu'il  est  parvenu  à  acquérir;  on  peut  suivre  les 
doutes  et  les  défaillances  qui  l'ont  assailli  au  com- 
mencement de  sa  carrière,  et  observer  les  effets 
désastreux  que  les  besoins  de  la  politique  et  l'ardent 
désir  de  la  réussite  ont  exercés  sur  son  côté  moral 


RAPPORT  ANNUEL.  33 

pendant  les  dernières  années  de  sa  vie^  On  ne 
peut  pas  se  refuser  à  voir  dans  les  résultats  de  ces 
études  une  très-précieuse  conquête  pour  l'histoire, 
quand  on  pense  qu'il  s'agit  de  l'origine  d'une  reli- 
gion qui  a  cent  millions  d'adhérents,  qui  a  réglé 
depuis  douze  siècles  les  croyances,  les  lois  et  les 
idées  de  tant  de  peuples  d'origine  différente,  et 
quand  on  réfléchit  qu'une  parole,  peut-être  acci- 
dentelle, peut-être  mal  rapportée  de  Muhammed  a 
pu  exercer  et  exerce  encore  une  influence  incalcu- 
lable sur  la  civilisation  d'une  si  grande  partie  de 
l'humanité. 

On  doit  donc  applaudir  à  l'ardeur  avec  laquelle 
une  succession  de  savants  a  mis,  par  une  série  de 
travaux,  à  notre  disposition  les  véritables  sources 
de  cette  histoire,  et  a  pénétré ,  par  un  travail  infati- 
gable, dans  les  obscurités  de  la  tradition  arabe,  à 
laquelle  la  critique  européenne  applique  aujourd'hui 
des  règles  plus  strictes  et  plus  éclairées  que  celles 
qui  ont  servi  aux  docteurs  musulmans.  Personne 
n'a  poursuivi  ces  travaux  avec  plus  de  zèle  et  de  per- 
sévérance que  M.  Sprenger,  qui  vient  de  terminer 
par  un  troisième  volume  sa  Vie  de  Mohammed  2. 

'  On  peut  trouver  une  très-bonne  étude  morale  sur  Mohammed 
et  un  jugement  très-équitable  sur  lui  dans  Mohammed  et  le  Coran, 
précédé  d'une  introduction  sur  les  devoirs  mutuels  de  la  philosophie 
et  de  la  religion,  par  Barthélémy  Saint-Hilaire.  Paris,  i865,  in-S" 
(cxiii  et  348  pages). 

^  Das  Lehen  und  die  Lehre  des  Mohammed ,  nach  bisher  grœssten- 
theils' anhenutzten  Quellen  bearbeitet,  von  A.  Sprenger.  Vol.  III, 
Berlin,  i865,  in-S"  (clxxx  et  55 'i  pages). 

VI.  3 


34  JUILLET   1865. 

Ce  volume  traite  du  séjour  du  Prophète  à  Médine, 
de  la  preuiière  organisation  religieuse ,  politique  et 
financière  de  l'Islam,  des  expéditions  militaires  de 
Muhammed,  de  sa  rentrée  triomphale  à  la  Mecque, 
de  la  soumission  d'une  grande  partie  de  l'Arabie  à 
la  nouvelle  croyance,  et  se  termine  très-abrupte- 
ment  à  la  mort  du  Prophète.  On  voit  pendant  cette 
époque  le  caractère  de  Muhammed  soutTrir  et  fléchir 
sous  les  nécessités  de  sa  position;  de  prédicateur  il 
devient  politique,  de  persécuté  persécuteur  ;  sa 
doctrine  prend  ce  caractère  menaçant  et  fanatique 
qui  a  été  un  malheur  pour  le  monde  et  a  rendu 
intolérants  des  peuples  convertis,  qui  n'y  étaient  pas 
portés  naturellement.  Il  faut,  pour  le  juger  équita- 
blement  pendant  les  douze  dernières  années  de  sa 
vie,  se  rappeler  sans  cesse  le  milieu  dans  lequel  il 
vivait,  et  l'on  trouvera  beaucoup  à  approuver  et 
beaucoup  à  excuser;  mais  il  restera  toujours  quel- 
ques actes  d'une  cruauté  sanguinaire  d'autant  plus 
funestes  à  sa  mémoire,  qu'ils  ont  servi  d'exemple 
à  des  énormités  encore  plus  grandes  de  la  part  de 
ses  lieutenants  et  successeurs. 

Le  livre  de  M.  Sprenger  est  plein  de  recherches 
et  de  données  nouvelles,  ce  qui  en  rendait  la  com- 
position très-diflicile  ;  car  rien  n'obscurcit  un  récit 
comme  la  nécessité  d'y  entremêler  des  discussions 
et  la  critique  des  faits.  M.  Sprenger  s'est  tiré  de  cette 
difficulté  avec  assez  d'art,  en  rejetant  dans  des  ex- 
cursas  les  détails  et  l'appareil  critique  indispensables 
pour  lui,  mais  inconciliables  avec  un  récit  continu. 


RAPPORT  ANNUEL.  35 

Ces  détails  sont  ce  qu'il  y  a  de  plus  intéressant  dans 
le  livre,  et  donnent  une  image  plus  vive  de  lelat 
des  choses  et  des  esprits  de  ce  temps  que  ne  peut 
le  faire  le  récit  lui-même.  Si  quelque  chose  peut 
déplaire  à  quelques  lecteurs,  ce  sont  les  allusions  à 
des  événements  de  notre  époque  que  l'auteur  fait 
de  temps  en  temps;  mais  cela  même  découle  de  la 
vivacité  de  ses  impressions,  qui  est  une  grande  qua- 
lité, et  il  y  a  tant  de  vie,  d'originalité  et  de  sincé- 
rité dans  ce  livre ,  qu'on  s'en  sépare  avec  regret. 
La  manière  dont  il  se  termine  me  fait  espérer  que 
l'auteur  le  continuera  pour  nous  donner  l'histoire 
des  quatre  premiers  Khalifes,  d'autant  plus  qu'il  est 
grand  admirateur  d'Omar,  et  devrait  avoir  du  plaisir 
à  raconter  sa  vie  et  à  expliquer  l'immense  influence 
qu'il  a  exercée.  Je  ne  puis  quitter  ce  livre  sans  dire 
un  mot  sur  une  longue  introduction  que  l'auteur  a 
mise  à  la  tête  du  troisième  volume  et  dans  laquelle 
il  traite  des  sources  de  l'histoire  de  Mohammed.  Il 
les  divise  en  six  classes  :  les  documents  officiels,  qui 
sont  en  petit  nombre,  le  Coran,  les  biographes,  la 
tradition,  les  commentaires  du  Coran  et  les  généa- 
logies. H  expose  l'histoire,  la  nature  et  l'importance 
de  ces  différentes  classes  de  sources,  le  degré  d'au- 
thenticité qui  appartient  à  chacune  et  les  règles  à 
suivre  poui'  les  contrôler  l'une  par  l'autre  ;  enfin  il 
indique  les  ouvrages  appartenant  à  ces  différentes 
classes  qui  manquent  encore  dans  les  bibliothèques 
en  Europe,  et  qu'il  serait  possible  de  retrouver  en 
Orient.  Ce  sont  des  résultats  extrêmement  précieux 

3. 


30  JUILLET  1865. 

d'études  continuées  pendant  trente  ans  dans  les 
grands  centres  du  savoir  musulman.  M.  Sprenger 
n'a  pas  dit  sur  ce  sujet  tout  ce  qu'il  avait  à  nous 
dire,  et  il  reviendra,  dans  un  ouvrage  particulier, 
sur  toutes  ces  matières. 

C'est  cerlainement  une  des  études  les  plus  cu- 
rieuses que  celle  des  traditions  musulmanes,  qui 
sont  des  matériaux  historiques  uniques  dans  leur 
genre,  et  qui  n'ont  pu  naître  et  se  conserver  que 
dans  les  circonstances  particulières  où  se  trouvait 
placé  un  peuple  illettré,  agité  subitement  par  tous 
les  motifs  qui  peuvent  émouvoir  la  nature  humaine. 
Je  me  suis  étendu,  dans  un  rapport  antérieur,  sur 
l'origine  de  ces  traditions,  et  je  n'y  reviendrai  pas; 
mais  je  dois  appeler  l'attention  sur  les  progrès  que 
cette  élude  difficile  fait  en  Europe.  On  peut  voir 
dans  tous  les  travaux  récents  sur  ce  sujet,  et  sur- 
tout dans  l'ouvrage  de  M.  Sprenger,  qu'on  est  par- 
venu déjà  bien  souvent  à  rétablir  la  forme  première 
d'une  tradition  et  à  la  suivre  à  travers  les  change- 
ments qui  en  ont  fait  plus  tard  une  légende  mira- 
culeuse. Le  résultat  de  ces  laborieuses  recherches 
est  de  donner  à  l'histoire  de  cette  mémorable  époque 
une  grande  précision. 

Les  matériaux  dont  la  critique  européenne  a  be- 
soin pour  ces  études  se  complètent  de  jour  en  jour. 
M.  Krehl  a  fait  paraître  à  Leyde  le  deuxième  volume 
de   sa  belle  édition   des  Traditions  de    Bokhari  *, 

'    Le  recueil  des  tradilions  mahométanes  par  El-Bohhari ,  publié  par 
M.  Ludoif  Krehl,  vol.  If.  Leyde,  i8G4,  in-/r. 


RAPPORT  ANNUEL.  37 

et  M.  Lees  a  repris  à  Calcutta  l'édition  des  Bio- 
graphies des  personnes  qui  ont  connu  Muhammed  , 
par  Ibn  Hadjar^  Ces  biographies  fourniront  un 
contingent  de  données  historiques,  qui  forment 
un  élément  important  pour  la  fixation  de  la  chro- 
nologie des  événements  et  pour  le  contrôle  des  tra- 
ditions, parce  qu'elles  proviennent  de  sources  un 
peu  différentes  de  celles  de  la  tradition  ordinaire. 
Enfin  M.  Weil,  à  Heidelbcrg,  a  publié  la  traduc- 
tion complète  de  la  Vie  de  Muhammed  par  Ibn 
Ishak^;  M.  Wûstenfeld  nous  avait  déjà  donné 
une  édition  du  texte.  C'est  un  Hvre  des  plus  inté- 
ressants, le  premier  essai  qu'on  ait  tenté  de  cons- 
truire une  vie  complète  de  Muhammed  avec  les 
anecdotes  isolées  dont  se  composait  la  tradition 
orale  à  la  fm  du  premier  siècle  de  fhégire.  L'au- 
teur s'y  est  pris  très-simplement  :  il  a  placé  les 
anecdotes  dont  il  a  voulu  se  servir  dans  leur  ordre 
chronologique,  et  les  a  insérées  dans  leur  forme 
primitive,  en  laissant  attachée  à  la  plupart  leur 
généalogie  comme  preuve  de  leur  authenticité.  Il 
n'y  a  aucune  réflexion  de  l'historien,  aucune  com- 
binaison,  aucun  effort  de  style;  on  sent  la  main 

'  A  bioijraphical  dicdonaiy  of  persons  who  knew  Mohammed,  by 
Ibn  Hajar.  Editée!  in  arabic  by  Abd  al-Haqq ,  Glioiam  Qadir  and 
Nassau  Lees.  Vol.  IV,  fascic.  i.  2,  3.  CalcuUa,  i864,  in-8°  (288 
pages).  Cet  ouvrage  fait  partie  de  la  Bibliotheca  indica. 

^  Dus  Leben  Mohammed' s  nach  Mohammed  Ibn  Ishak,  bearbeitet 
von  Abd  el-iVIalik  Ibn  Hiscliam.  Aus  dern  arabischen  ûbersetzt  von 
Dr,  Gustav  Weil.  Stuttgart,  i864.  Deux  volumes  in-8°  (vi,  .^90  et 
364  pages). 


38  JUILLET  1865. 

(le  l'auteur  seulement  quand  il  fait  un  commen- 
taire grammatical  sur  des  vers  cités  dans  le  récit. 
Tout  le  reste  du  livre  n'est  composé  que  des  paroles 
mêmes  des  premiers  témoins  de  chaque  lait,  et 
cette  manière  d'écrire  l'histoire  s'est  conservée  chez 
les  Arabes  encore  pendant  deux  siècles.  La  naïveté 
et  la  fraîcheur  de  ces  récits  exercent  un  grand 
charme  sur  les  lecteurs  européens  par  leur  con- 
traste absolu  avec  les  généralités  qui  remplissent 
nos  littératures;  mais  on  ne  doit  pas  se  fier  entière- 
ment à  celte  apparence  do  simplicité,  car  il  y  a 
déjà  de  fart  dans  cette  surface  dépourvue  d'artifice, 
et  la  critique  a  ses  devoirs  même  envers  des  maté- 
riaux aussi  primitifs.  L'art  d'Ibn  Ishak  consiste  dans 
le  choix  des  traditions  qu'il  admet  et  dans  l'exclusion 
de  celles  qu'il  rejetle,  car  à  la  fin  du  premier  siècle 
le  monde  musulman  était  inondé  de  traditions  men- 
songères. On  ne  peut  pas  s'étonner  qulbn  Ishak 
n'ait  pas  échappé  aux  fables  et  que  la  légende  ait 
pénétré  dans  son  livre;  mais  il  faut  dire,  à  son  hon- 
neur, qu'il  a  exercé  une  sévérité  plus  grande  qu'on 
n'avait  le  droit  de  s'y  attendre,  et  que  les  légendes 
qu'il  admet  sont  bien  peu  de  chose  en  comparaison 
de  celles  qu'il  exclut.  On  n'a  qu'à  lire  avec  quelle 
sobriété  il  raconte  le  voyage  nocturne  de  Muham- 
med  à  Jérusalem  et  dans  le  ciel,  ce  voyage  qui  a 
pris  des  proportions  monstrueuses  dans  la  mytho- 
logie musulmane  et  qu'Ibn  Ishak  ne  craint  pas  de 
regarder  comme  un  songe,  à  peu  près  comme  nous 
le  faisons.  C'est  certainement  un  des  livres  les  plus 


RAPPORT  ANiNUEL.  39 

curieux  qui  existent,  tant  pour  le  fond  que  pour  la 
forme,  et  M.  VVeil  a  eu  le  bon  esprit  de  le  traduire 
sans  rien  omettre  même  des  notes  grammaticales 
par  lesquelles  l'auteur  interrompt  de  temps  en 
temps  son  récit. 

Sur  l'histoire  politique  des  Arabes  il  n'est  rien 
venu  à  ma  connaissance  qu'un  petit  traité  de  M.  de 
Goeje,  sur  la  conquête  de  la  Syrie  ^  Rien  nest  plus 
confus  que  les  traditions  des  musulmans  sur  leurs 
premières  conquêtes.  C'était  leur  temps  héroïque,  et 
la  fable  épique  et  romantique  s'est  greffée  de  très- 
bonne  heure  sur  les  récits  de  leurs  exploits,  et  l'on 
n'avait  pas  les  mêmes  raisons  de  leur  appliquer  le 
canon  critique  par  lequel  on  était  parvenu  à  mainte- 
nir un  peu  d'ordre  dans  les  traditions  sur  la  vie  du 
Prophète.  M.  de  Goeje  qui,  dans  un  mémoire  pré- 
cédent, avait  sévèrement  critiqué  les  opinions  de 
M.  Lees  sur  les  sources  de  l'histoire  de  la  conquête  de 
la  Syrie,  a  entrepris  maintenant  de  rétablir  les  faits 
dans  cette  partie  de  l'histoire  dés  Arabes.  Il  termine 
son  travail  par  quelques  pièces  justificatives. 

Les  ouvrages  géographiques  des  Arabes  sont  dans 
ce  moment  une  des  parties  de  leur  littérature  qui 
attirent  le  plus  l'attention  des  savants.  Depuis  que 
M.  Reinaud,  dans  son  Iniroduction  à  la  Géographie 
d'Aboulféda,  a  donné  le  premier  aperçu  exact  des 
véritables  sources  de  l'histoire  de  la  géographie  des 

'  Mémoires  d'histoire  et  de  géographie  orientales ,  par  M.  J.  de  Goeje , 
n.  3,  Mémoire  sur  la  conquête  de  ta  Syrie,  Leyde.  i864  ,  in-8°  (i  3i 
et  XI  pages).     . 


40  JUILLET  1865. 

Arabes,  cette  étude  a  reçu  une  grande  impulsion: 
une  partie  des  ouvrages  dont  il  parlait  alors  d'après 
les  manuscrits  a  été  publiée,  d'autres  ont  été  décou- 
verts, et  nous  pouvons  espérer  posséder  bientôt 
en  texte  et  traduction  tout  ce  qui  a  réellement  de 
l'importance.  M.  Sprenger  vient  de  faire  paraître  la 
première  partie  de  ses  Itinéraires  de  l'empire  des 
Khalifes^.  Il  commence  par  l'énumération  et  la  cri- 
tique de  ses  matériaux,  puis  il  procède  à  donner 
par  provinces  les  routes  postales  et  commerciales 
par  stations  et  par  distances,  discute  les  différentes 
données  fournies  par  les  auteurs  et  ajoute  à  mesure 
de  son  progrès  les  détails  sur  les  localités,  surtout 
dans  les  pavs  qui  sont  les  moins  connus.  Il  résume 
son  travail  dans  seize  cartes  postales,  une  par  pro- 
vince. Ce  livre  est  plein  de  choses  nouvelles,  et  les 
cartes  seront  d'un  grand  secours  pour  s'orienter 
dans  les  récils  des  historiens,  car  elles  indiquent 
un  nombre  considérable  de  localités  qui  manquent 
dans  nos  cartes  et  qu'on  rencontre  chez  les  histo- 
riens, parce  que  les  grandes  routes  sont  restées  à 
peu  près  les  mêmes  dans  tous  les  temps,  et  que  tout 
le  monde  a  dû  passer  par  les  mêmes  étapes.  La 
seconde  partie  traitera  en  détail  de  l'Arabie  et  de 
la  distribution  géographique  des  tribus  arabes. 

M.  Sprenger  s'appuie  dans  ce  travail  surtout  sur 
le  livre  d'Ibn  Khordadbeh  ,  sur  Yakout  et  sur  Moka- 

'  Die  Post-  und  Reiseroulen  des  Orient,  mit  16  Karten  nach  ein- 
heitnischen  Quellen,  von  A.  Sprenger,  cali.  i.  Leipzig,  »86/i,  in-Si" 
(xxvii,  1^9  pages  ef  i6  cartes). 


RAPPORT  ANNUEL.  41 

dessy.  Nous  possédons  maintenant  le  premier,  grâce 
à  M.  Barbier  de  Meynard  ^  et  je  vais  indiquer  où 
nous  en  sommes  des  deux  autres. 

M.  Wûstenfeld  s'est  occupé  depuis  longtemps 
d'une  édition  complète  du  dictionnaire  géographique 
de  Yakout,  le  premier  qui  ait  embrassé  le  monde 
entier,  tel  qu'il  était  connu  aux  Arabes.  M.  Wiisten- 
feld  vient  de  publier  la  biographie  de  cet  auteur, 
je  crois  un  peu  pour  le  défendre  contre  un  repro- 
che de  M.  Sprenger,  qui  le  traite  de  compilateur; 
il  aura  voulu  montrer  combien  de  pays  Yakout  a 
visités  personnellement.  Sir  H.  Ravvlinson  avait  déjà 
eu  l'idée  de  publier  Yakout,  mais  en  omettant  les 
nombreux  détails  qui  se  rapportent  aux  saints  mu- 
sulmans et  autres  sujets  qui  pouvaient  intéresser  les 
lecteurs  musulmans,  mais  dont  nous  pouvons  nous 
passer  au  moins  dans  l'état  actuel  de  nos  études. 
M.  Barbier  de  Meynard,  dans  son  dictionnaire  géo- 
graphique  de  la  Perse,  extrait  de  Yakout,  a  procédé 
ainsi.  Mais  M.  Wûstenfeld  s'est  bravement  déter- 
miné à  donner  le  texte  entier,  ce  qui  vaut  certaine- 
ment mieux,  quand  on  le  peut;  car,  d'un  côté,  il 
est  presque  impossible  de  prévoir  quelle  classe  de 
faits  acquerra  un  jour  de  l'importance;  de  l'autre, 
il  est  naturel  que  celui  qui  se  sert  d'un  livre  in- 
complètement publié  soupçonne  toujours  qu'on  ait 
omis  précisément  les  faits  qu'il  y  a  cherchés  inutile- 
ment. L'ouvrage  est  sous  presse,  et  j'ai  les  premières 
feuilles  tirées  sous  les  yeux. 

'  Dans  le  Journal  asiatique,  année  i865  ,  janvier-juin. 


42  JUILLET   1865. 

Le  troisième,  auteur  dont  s'est  surtout  servi 
M.  Sprenger  est  Mokadessy,  et  c'est  celui  dont  il 
tait  le  plus  grand  cas,  au  point  qu'il  ne  craint  pas 
de  l'appeler  le  plus  grand  géographe  qui  ait  jamais 
vécu.  La  description  qu'il  fait  de  son  ouvrage  est 
certainement  très-propre,  sinon  à  faire  admettre  de 
suite  une  si  haute  qualification ,  au  moins  à  appeler 
l'attention  sur  cet  auteur,  qui  était  entièrement  in- 
connu, je  crois,  avant  que  M.  Sprenger  en  eût  dé- 
com^ert  une  copie  dans  une  bibliothèque  à  Luck- 
now.  On  en  a  depuis  trouvé  une  seconde  dans  la 
bibliothèque  d'une  mosquée  à  Conslantinople.  Né 
en  376,  Mokadessy  passa  sa  vie  à  voyager  et  à  obser- 
ver avec  une  curiosité  intelligente  très-rare  chez  les 
Orientaux.  Vous  trouverez  prochainement  des  ex- 
traits de  son  ouvrage  dans  ie  Journal  asiatique,  et  il 
est  à  espérer  que  M.  Sprenger  se  décidera  à  publier 
l'ouvrage  entier  ou  à  en  charger  quelqu'un. 

Les  sciences  des  Arabes  ont  été  l'objet  de  plu- 
sieurs travaux.  M.  Steiner^  a  pris  pour  thème  d'un 
mémoire  l'histoire  de  la  lutte  de  la  philosophie 
arabe  avec  le  Koran  ou  plutôt  avec  l'interprétation 
traditionnelle  et  la  dogmatique  qui  en  résultait.  Dès 
le  commencement  du  11^  siècle  de  l'hégire,  la  doc- 
trine de  la  prédestination,  que  les  traditionnistes 
avaient  encore  exagérée,  trouva  des  contradicteurs 
dont  elle  révoltait  le  sentiment  moral.  Un  peu  plus 

'  bie  Mulazditen  ,  oder  die  Freidenker  iiii  Islam.  Ein  Beitraij  zur 
aUyeme'men  CuUargeschichte ,  von  H.  Sleiner.  Leipzig,  186/1,  in-8" 
(  XV  et  III  pages). 


RAPPORT  ANNUEL.  43 

tard,  lorsque  l'influence  des  écoles  grecques  se  fut 
répandue,  cette  opposition  s'étendit  aux  dogmes  sur 
les  qualités  de  Dieu,  sur  la  nature  de  la  création  et 
sur  la  vie  future ,  et  l'on  essaya  de  mettre  le  Roran 
en  accord  avec  les  exigences  de  la  philosophie  et 
de  maintenir  les  droits  de  la  raison  et  de  la  morale 
contre  l'exégèse  littérale  et  les  interprétations  four- 
nies par  la  tradition.  Ces  nouvelles  doctrines  péné- 
trèrent profondément  dans  la  nation  et  acquirent, 
surtout  sous  le  khalifat  de  Mamoun,  une  telle  pré- 
pondérance, qu'elles  devinrent  persécutrices  à  leur 
tour.  Pour  leur  malheur,  les  novateurs  adoptèrent 
la  dialectique  des  aristotéliciens ,  avec  laquelle  ils  em- 
barrassèrent au  commencement  leurs  adversaires; 
mais  ceux-ci  s'emparèrent  à  leur  tour  de  cette  arme , 
la  lutte  dégénéra  en  querelles  d'écoles  fort  obscures 
et  incompréhensibles  à  la  grande  masse,  et  perdit 
de  son  intérêt  populaire,  pendant  que  le  dogme 
traditionnel  se  fortifiait  par  la  forme  plus  systé- 
matique qu'on  lui  donnait.  Al-Aschar  appliqua  la 
dialectique  au  dogme  et  forma  ainsi  la  théologie  sco- 
lastique ,  qui  fut  adoptée  par  le  parti  orthodoxe  ^ 

*  Je  sens  que  je  me  sers  ici  d'une  expression  qui  n'est  pas  très- 
correcte,  mais  je  n'en  trouve  pas  de  meilleure,  li  n'y  a  pas,  à  propre- 
ment parler,  de  l'orthodoxie.  Les  musulmans  n'ont  pas  de  prêtres, 
ni  un  corps  qui  ait  autorité  pour  di'-cider  ce  qui  doit  être  la  règle  de 
la  foi.  Leurs  dogmes  ont  été  fixés  et  définis  dans  les  écoles  savantes 
par  l'interprétation  du  Koran ,  telle  qu'elle  a  prévalu  contre  les 
Mutazilites  et  les  écoles  philosophiques.  Mais  cette  interprétation  a 
pourtant  pris  une  telle  consistance  et  est  si  généralement  acceptée 
comme  règle  de  la  foi ,  qu'elle  équivaut  de  fait  à  la  décision  d'une 
autorité  ecclésiastique  compétente.  Elle  a  été  si  bien  acceptée  que 


44  JUILLET   1865. 

et  opposa  aux  novateurs  un  front  qu'ils  n'ont  plus 
réussi  à  entamer.  C'est  ainsi  que  fut  perdue  la  li- 
berté de  penser  chez  les  Arabes  et  que  commença 
la  décadence  du  monde  musulman ,  décadence 
lente,  interrompue  par  des  époques  brillantes,  mais 
irrésistible,  et  nous  en  voyons  les  fruits  aujour- 
d'hui. L'histoire  de  cette  lutte  est  bien  racontée  par 
M.  Steiner,  et  l'on  peut  seulement  regretter  qu'elle 
ne  soit  pas  exposée  encore  plus  en  détail.  Les  ma- 
tériaux ne  sont  pas  abondants;  on  est  obligé  de  les 
prendre  en  grande  partie  dans  les  ouvrages  des 
vainqueurs ,  mais  il  doit  pourtant  en  exister  assez 
pour  une  histoire  digne  d'un  aussi  grand  mouve- 
ment, qui  forme  époque  dans  l'histoire  de  la  civili- 
sation, parce  qu'il  a  décidé  de  la  direction  qu'a 
prise  l'esprit  musulman  pour  des  siècles,  et  qu'il  a 
influé  profondément  sur  le  moyen  âge  latin  par  la 
scolastique  qu'il  a  fait  naître. 

Néanmoins  la  lutte  ne  cessait  pas  tout  à  fait  avec 
la  défaite  des  Mutazilites;  la  philosophie  grecque 
avait  pris  trop  d'empire  chez  les  Arabes,  pour  que 
l'adhésion  de  la  grande  masse  à  l'interprétation  tra- 
ditionnelle ait  pu  calmer  les  doutes  des  esprits  cul- 
tivés. Ainsi ,  nous  trouvons ,  dans  le  x"  siècle  de  notre 
ère,  l'association  des  Frères  de  la  Pureté,  qui  avaient 

la  scoiastiqtie,  qui  servait  à  la  défendre,  a  depuis  des  siècles  cessé 
d'être  étudiée,  parce  que  c'est  une  arme  dont  on  n'a  pius  besoin. 
Ibn  Khaldoun  assure  que  déjà  de  son  temps  cette  science  n'était 
étudiée  que  par  quelques  esprits  curieux ,  parce  que  l'absence  de 
secte»  la  rendait  superflue. 


RAPPORT  ANNUEL.  45 

leur  centre  à  Basra  et  des  maisons  pour  leurs  réu- 
nions dans  toutes  les  villes  où  il  se  trouvait  un 
nombre  sufFisant  d'adhérents  pour  former  une  loge. 
Leur  but  était  de  travailler  en  commun  à  élaborer 
une  philosophie  de  la  nature,  qui  pût  leur  tenir 
lieu  de  religion,  de  sorte  que  leur  opposition  à  la 
théologie  convenue  ne  portait  plus  seulement  sur 
l'interprétation  du  Koran,  comme  chez  les  Mutazi- 
lites,  mais  sur  les  fondements  mêmes  des  croyances. 
Ils  nous  ont  laissé  un  très-curieux  monument  de 
leur  savoir  dans  cinquante  et  un  traités,  dans  les- 
quels ils  embrassent  toutes  les  sciences  du  temps  et 
les  exposent  systématiquement,  en  ne  perdant  ja- 
mais de  vue  leurs  théories  générales,  métaphysi- 
ques et  religieuses.  Ils  commencent  par  les  sciences 
mathématiques,  parce  qu'ils  les  regardent  comme 
un  moyen  indispensable  pour  la  discipline  de  l'es- 
prit, et  parce  qu'ils  ont  adopté  les  idées  pythagori- 
ciennes sur  les  nombres  comme  base  de  toute 
chose;  puis  ils  passent  aux  sciences  logiques,  dans 
lesquelles  ils  suivent  Aristote,  de  même  que  dans  les 
sciences  d'histoire  naturelle;  enfm  dans  les  sciences 
théologiques,  ils  sont  néoplatoniciens.  M.  Dieterici, 
à  Berlin  \  qui  avait  déjà  publié  la  traduction  d'un 
assez  grand  nombre  de  ces  traités,  nous  donne 
aujourd'hui  celle  des  six  premiers,  qui   compren- 

*  Die  Propœdeiitilî  der  Araber  im  zehnten  Jahrhundert,  von 
D"^  Fr.  Dieterici.  BerJin,  i865,  in-8°  (xi,  et  aoi  pages,  avec  deux 
tableaux  et  une  carte).  Voyez  pour  les  traités  précédemment  tra- 
duits par  M.  Dieterici  :  Der  Streit  zwischen  Mensch  und  Thier,  Ber- 
lin, 1 858;  et   Naturphilosophie  und  Natiminschaming.  Berlin,  1861. 


4(3  JUILLET   1865. 

nent  la  théorie  de  l'arithmétique,  de  la  géométrie, 
de  rastronomie,  de  la  géographie,  de  la  musique, 
et  celle  des  rapports  entre  les  nombres  et  de  leur 
application  aux  sciences  et  aux  arts.  M.  Dieterici 
fait  suivre  sa  version  d'éclaircissements  et  d'une  liste 
de  termes  techniques.  Il  est  fort  à  désirer  que  le 
traducteur  continue  son  entreprise  difficile  et  déli- 
cate ,  et  nous  fasse  connaître  toute  l'œuvre  des  Frères 
de  la  Pureté;  car  c'est  une  des  manifestations  les 
plus  frappantes  de  l'esprit  philosophique  chez  les 
Arabes  et  un  des  points  culminants  dans  fhistoire 
de  leur  civilisation.  Ils  avaient  voulu  relier  toutes 
les  sciences,  naturelles  et  morales,  par  une  idée 
commune;  mais  ils  ne  réussirent  pas,  et  c'était  le 
dernier  grand  effort  de  la  pensée  hbre  dans  l'Orient 
musulman,  qui  a  sommeillé  depuis  sous  l'influence 
d'une  théologie  immobile  et  intolérante.  On  voit 
bien  encore  chez  Ghazzali  et  quelques  autres  que 
l'esprit  des  hommes  qui  réfléchissaient  n'était  pas 
satisfait;  mais  le  mécontentement  ne  trouva  plus 
d'autre  refuge  que  dans  le  mysticisme  des  Soulis. 
Ce  n'est  que  de  notre  temps  qu  on  voit  poindre  un 
réveil  des  esprits;  mais  ces  tentatives  sont  encore 
bien  informes  ou  tellement  cachées  dans  les  mys- 
tères de  sociétés  secrètes,  qu'on  peut  à  peine  en  au- 
gurer quelque  chose  pour  l'avenir. 

M.  de  Slane  a  terminé  l'impression  du  second  vo- 
lume de  sa  traduction  des  Prolégomènes  d'ibn  Khal- 
doun\  que  j'avais  annoncé  un  peu  prématurément 

*   Notices  et  Extraits  des  manuscrits  (le  la  Bibliotlièifue  impériale. 


RAPPORT  ANNUEL.  47 

l'année  dernière.  Ce  volume  traite  du  pouvoir  royal, 
de  ses  officiers,  des  conditions  de  la  croissance  et  de 
la  décadence  des  empires ,  de  la  vie  municipale ,  de  la 
fondation  et  de  la  croissance  des  grandes  villes,  de 
leurs  monuments  et  de  leurs  richesses;  ensuite  il 
passe  aux  arts,  parmi  lesquels  il  place  la  médecine; 
enfin  il  entame  la  dernière  section  de  fouvrage,  qui 
traite  des  sciences,  à  la  tête  desquelles  il  met  la  théo- 
logie ,  par  laquelle  se  termine  ce  volume.  Le  troisième 
et  dernier  volume,  qui  est  sous  presse,  comprend 
l'histoire  des  autres  sciences,  de  la  jurisprudence 
d'abord,  puis  de  la  logique  et  de  la  dialectique,  des 
sciences  exactes  et  des  sciences  fausses  (astrologie, 
magie,  alchimie),  de  la  grannnaire,  des  méthodes 
d'enseignement,  de  la  composition  en  prose  et  en 
vers,  de  la  métrique  et  de  la  poétique.  C'est  un  au- 
teur toujours  plein  de  faits  qu'il  relie  par  des  idées 
souvent  fortes  et  vraies.  Quand  on  réfléchit  que  c'est 
un  Arabe  du  xiv^  siècle,  on  ne  peut  pas  lire  sans 
étonnement  des  chapitres  comme  ceux  dans  les- 
quels il  traite  de  la  distinction  entre  le  pouvoir  tem- 
porel et  spirituel,  des  observations  sur  f économie 
pohtique,  comme,  par  exemple,  le  chapitre  où  il 
entreprend  de  montrer  que  les  octrois  sont  un  signe 
de  la  décadence  des  empires,  ses  observations  sur 
le  dogme  de  la  foi  et  des  œuvres,  ou  son  histoire  de 

t.  XXI,  i'*  partie.  Paris,  i865.  AgS  pages  in-4°.  Ce  volume  parait 
aussi  dans  un  tirage  à  part,  sous  le  titre  de  Prolégomènes  d'Ihn  Khal- 
doun,  traduits  en  français  et  commentés  par  M.  de  Siane,  vol.  II. 
Paris,  i865.  (Le  prix  de  chaque  volume  est  de  i5  francs.) 


A8  JUILLET   1865. 

Torigine  de  la  scolaslique.  Sans  doute  il  est  inégal, 
quelquefois  faible;  mais  c'est  néanmoins  un  grand 
osprit,  et  il  est  heureux  qu'il  se  soit  trouvé  un  tra- 
ducteur aussi  compétent  pour  interpréter  son  ou- 
vrage. 

Il  ne  me  reste  plus  qu'à  mentionner  les  traités 
qui  ont  paru  sur  les  sciences  exactes  des  Arabes.  Il 
a  paru  à  Rome,  par  les  soins  de  M.  le  prince  Bon- 
compagni,  une  brochure  intitulée^  Passages  relatifs 
à  des  sommations  de  séries  de  cubes,  par  M.  Woepcke. 
C'est  la  traduction  d'extraits  de  deux  manus- 
crits arabes  inédits  du  Briiish  Muséum,,  faits  par 
M.  Woepcke  à  son  dernier  voyage  de  Londres,  et 
destinés  évidemment  à  servir  de  matériaux  pour  l'his- 
toire des  sciences  mathématiques  chez  les  Arabes, 
que  malheureusement  sa  mort  prématurée  ne  lui  a 
pas  permis  de  compléter.  Au  bas  des  pages  se  trou- 
vent des  notes  philologiques  et  la  réduction  des 
calculs  du  texte  en  formules  algébriques  euro- 
péennes. Je  ne  doute  pas  que  ces  pièces  ne  rem- 
plissent une  lacune  dans  nos  connaissances  des  ma- 
thématiques arabes;  mais  il  faut  être  profondément 
versé  dans  l'histoire  des  mathématiques  grecques 
pour  préciser  leur  valeur  exacte  pour  l'histoire  des 
sciences. 

M.  Marre  a  publié  une  deuxième  édition  de  sa 
traduction  de  l'Arithmétique  de  Beha  eddin ,  auteur 

*  Passacjes  relatifs  à  des  sommations  de  séries  de  cubes ,  extraits  de 
deux  manuscrits  arabes  inédits  du  British  Muséum  à  Londres,  par 
F.  Woepcke.  Rome,  1864,  in-/i°  (26  papes). 


RAPPORT  ANNUEL.  49 

du  xvif  siècle ^  Le  texte  arabe,  accompagné  d'une 
traduction  persane,  avait  paru  à  Calcutta  par  les 
soins  de  M.  Strachey;  en  1806,  M.  Nesseîmann  en 
publia  une  bonne  traduction  en  allemand,  et 
M.  Marre  en  inséra  une  traduction  française  dans  le 
Journal  de  Terquem,  en  18/16;  aujourd'hui  il  la 
réimprime  avec  des  notes  additionnelles.  On  avait 
cru  qu'en  comparant  cet  ouvrage  si  récent  avec  celui 
de  Mousa,  qui  est  du  xv^  siècle,  on  pouvait  en  tirer 
des  conclusions  sur  les  progrès  que  les  Arabes 
avaient  faits  dans  la  science  des  calculs.  Mais  des 
études  ultérieures  ont  prouvé  que  l'ouvrage  de 
Beha-eddin  n'est  qu'un  manuel  pour  les  écoles  et 
ne  s'occupe  pas  des  parties  avancées  de  la  science. 
M.  Woepcke,  qui  avait  cherché  avec  beaucoup  de 
persévérance  des  matériaux  pour  remplir  cette 
lacune  dans  l'histoire  des  sciences  et  pour  démon- 
trer les  progrès  réels  faits  par  les  Arabes  dans  le 
calcul  arithmétique  et  algébrique,  avait  copié  un 
traité  d'Albanna,  célèbre  mathématicien  marocain 
du  xiif  siècle.  Ce  traité  contient  une  analyse  ration- 
nelle des  opérations  du  calcul  arithmétique  et  algé- 
brique. M.  Woepcke  se  proposait  de  le  publier  avec 
un  commentaire  et  une  traduction;  mais  il  n'eut 
pas  le  temps  d'exécuter  ce  plan,  et  M.  le  prince 
Boncompagni  pria  M.  Marre  de  se  charger  de  cette 


'  Kholaçat  al  hissab,  ou  Quintessence  du  calcul,  par  Beba-eddin  ai 
AamouH,  traduit  et  annoté  par  Aristide  Marre;  deuxième  édition. 
Rome,  1864,  in-A°  (xi  et  83  pages). 

VI.  4 


o  JUILLET    ISOf). 

traduction  qui  vient  de  paraître  '.  M.  Marre  donne 
dans  sa  prélace  tous  les  renseignements  qu'il  a  pu 
réunir  sur  Albanna,  et  accompagne  la  traduction 
de  la  réduction  des  calculs  arabes  en  formules  algé- 
briques. Il  ne  s'explique  pas  sur  la  place  que  ce 
traité  assigne  à  Albanna  dans  l'histoire  de  la  science; 
mais  les  mathématiciens,  à  qui  il  a  rendu  accessible 
l'ouvrage,  nous  le  diront  un  jour 2. 

Enfin  M.  Sédillot^  a  publié  une  leltre  sur  l'ori- 
gine de  nos  chiffres,  dans  laquelle  il  discute  l'opi- 
nion de  M.  Woepcke  et  maintient  celle  qu'il  a  émise 
antérieurement. 

Ces  pages  étaient  déjà  sous  presse  lorsque  a  paru 
une  nouvelle  partie  du  Dictionnaire  arabe  de 
M.  Lane,  qui  complète  le  premier  volume  de  l'ou- 
vrage^. Ce  volume  embrasse  les  mêmes  lettres  que 
le  premier  du  dictionnaire  de  Freytag,  mais  il  con- 
tient à  peu  près  trois  lois  autant  de  matière.  Aussi 
est-il  bien  plus  riche,  les  définitions  des  mots  sont- 
elles  j)lus  précises,  les  nuances  et  les  formes  indi- 
quées bien  plus  nombreuses;  on  sent  dans  chaque 

'  Le  Talkis  d'ihn  Albanna,  publié  et  traduit  par  A.  Marre.  Rome, 
iS65,  in-.'i°  (xii  et  33  pages  . 

'  Je  vois  que  M.  Cliastes  s'est  chargé  de  ce  soin  dans  l'Académie 
des  sciences,  séance  du  27  mars  i865.  (Voyez  le  Compte  rendu  de 
cette  séance.) 

3  Sur  Voricjine  île  nos  chiffres,  lettre  de  M.  Am.  Scdillot.  Rome, 
i865,  in-4°  (9  pages  .  Extrait  des  Actes  de  l'Académie  di  Nuovi 
Lincei,  I.  XVIII. 

*  An  arahic-english  Lexicon,  derived  from  the  best  and  most 
copions  sources,  by  E.  W.  Lane.  Book  I,  part,  11.  London,  i863, 
gr.  in-V  (pages  369-83*7 ). 


RAPPORT  ANiNUEL.  51 

ligne  la  grande  lecture  qui  en  a  fourni  la  matière  et 
le  soin  extrême  avec  lequel  elle  a  été  coordonnée 
et  exposée.  Il  faut,  quand  on  s'en  sert,  toujours  se 
rappeler  que  l'auteur  n'a  eu  en  vue  que  l'arabe  clas- 
sique, c'est-à-dire  les  mots  et  les  formes  usités  jus- 
qu'à la  fin  du  vii^  siècle  de  notre  ère.  Un  jour,  quand 
on  possédera  de  bonnes  éditions  arabes  des  au- 
teurs principaux  en  tout  genre,  on  pourra  ajouter 
un  nombre  presque  infini  de  mots  dérivés  ou  nou- 
veaux, de  sens  techniques  et  de  nuances  plus  mo- 
dernes; mais  ce  temps  est  encore  loin  et  exige  un 
grand  nombre  de  travaux  préliminaires.  Mais  dans 
la  limite  que  M.  Lane  s'est  prescrite ,  son  dictionnaire 
est  beaucoup  plus  complet,  et,  je  crois,  plus  exact, 
qu'aucun  de  ceux  que  nous  possédons  pour  les  autres 
langues  orientales. 

De  toutes  les  littératures  secondaires  qui  se  rat- 
tachent à  la  famille  sémitique  des  langues,  il  n'y  en 
a  aucune  qui  ait  été,  depuis  quelques  années ,  l'objet 
d'autant  de  travaux  que  la  littérature  syriaque.  Elle 
est  presque  tout  entière  ecclésiastique ,  compre- 
nant d'anciennes  traductions  de  la  Bible,  très-im- 
portantes pour  la  critique  du  texte,  des  documents 
d'histoire  ecclésiastique  qui  remontent  très-haut, 
des  traductions  nombreuses  d'ouvrages  des  Pères 
de  l'Eglise  grecque ,  qui  servent  à  nous  faire  con- 
naître ceux  dont  les  originaux  ont  péri ,  et  à  contrô- 
ler le  texte  de  ceux  qui  ont  été  conservés.  Elle  avait 
toujours  été  cultivée  en  Europe  par  quelques  théo- 
logiens érudits,  mais  isolément  et  à   d'assez  longs 


52  JUILLET  1865. 

intervalles,  de  sorte  que  lorsque  la  première  moitié 
des  manuscrits  des  couvents  de  la  Nitrie  arriva,  il 
y  a  une  vingtaine  d'années,  au  British  Muséum, 
M.  Gureton  exprima  avec  beaucoup  de  force  sa 
crainte  qu'ils  ne  restassent  encore  longtemps  lettres 
closes.  Mais  l'arrivée  même  de  cette  magnifique  col- 
lection, coïncidant  avec  les  discussions  sur  fhis- 
toire  des  premiers  siècles  de  VEglise,  qui  commen- 
çaient alors  à  agiter  tous  les  pays  protestants , 
réveilla  le  goût  des  études  syriaques,  et  M.  Gureton 
lui-même  fut  le  premier  à  réfuter  sa  propre  prédic- 
tion par  la  publication  d'une  série  d'ouvrages  tirés 
de  ces  manuscrits,  ouvrages  qui  ont  donné  lieu  à 
des  discussions  très-vives  et  réveillé  partout  fintérêt 
pour  ces  nouveaux  trésors  littéraires.  M.  Gureton, 
presque  mourant,  a  mis  la  dernière  main  à  un  ou- 
vrage qui  a  paru  depuis  sa  mort  par  les  soins  pieux 
de  M.  Wright.  Il  a  eu  le  temps  de  l'acliever,  à  l'ex- 
ception de  la  préface,  qui  aurait  sans  doute,  si  elle 
avait  paru ,  donné  lieu  à  d'intéressantes  controverses. 
Tel  qu'il  est,  l'ouvrage  sera  reçu  avec  reconnais- 
sance et  un  respectueux  regret  d'une  mort  préma- 
turée et  déplorable.  Le  contenu  du  livre ^  se  compose 

'  Ancient  sjriac  documents,  relative  io  the  earlirst  establishment 
of  Christianity  in  Edessa  and  the  neitjhbouring  countries ,  from  the 
year  ajter  car  Lord' s  ascension  to  the  heginning  oj  the  Jour th  century, 
discovered,  edited,  translatcd  and  annotated  by  the  late  W.  Cureton, 
wilh  a  préface  by  W.  Wright.  London ,  i864,  in-4°  (xiv,  196  et 
11  4  pages)  J'ai  reçu ,  mais  trop  tard  pour  le  mentionner  à  sa  place 
j>ropre,  nn  autre  ouvrage  posthume  de  M.  Cureton,  sous  le  titre  de  : 
Thethirty  JirslChupter  of  the  booli  intiiled  :  The  Lamp  thut  guides  to  sal- 


RAPPORT  ANNUEL.  53 

de  documents  qui  se  rapportent  à  l'histoire  de  la  con- 
version d'Abgare,  roi  d'Edesse,  du  vivant  même  de 
Jésus-Christ.  M.  Gureton  élail  convaincu  de  l'au- 
thenticité des  lettres  attribuées  à  Jésus-Christ  et  à 
Abgare,  et  c'est,  je  crois,  cette  thèse  qu'il  se  pro- 
posait de  défendre  dans  sa  préface  Les  pièces  qu'il 
publie  se  rapportent  à  la  conversion  d'Abgare  et  d'une 
grande  partie  de  son  peuple,  et  à  la  persécution  à 
laquelle  les  Chrétiens  d'Edesse  ont  été  exposés  plus 
tard.  Elles  sont  extraites  de  plusieurs  manuscrits  de 
la  collection  des  couvents  de  la  Nitrie,  publiées  en 
texte  et  traduction,  et  accompagnées  de  pièces  jus- 
tificatives tirées  d'ouvrages  déjà  connus  et  de  notes 
historiques  et  philologiques.  Il  serait  inutile  d'in- 
sister sur  l'importance  de  documents  de  ce  genre, 
qui  nous  fournissent  de  nouveaux  matériaux  sur  des 
temps  si  curieux  et  sur  les  premières  luttes  du  chris- 
tianisme que  nous  connaissons  si  imparfaitement  et 
qui  ont  eu  de  si  grandes  suites.  D'autres  ouvrages 
tirés  de  cette  collection,  comme  l'Histoire  de  l'Eglise 
par  Jean  d'Ephèse,  dont  M.  Cureton  avait  d'abord 
publié  le  texte  et  que  M.  Payne  Smith,  à  Oxford, 

valion,  by  Abu  Nasr  Ibn  Haris  al  Takriti ,  edited  by  the  laie  W.  Cure- 
ton  ,  Londres ,  1 865,  in-8°  (  1 1  et  48  pages) .  Ibn  Haris  était  un  jacobite , 
et  le  chapitre  de  son  ouvrage  traite  de  la  Prêtrise.  M.  Cureton  a  fait 
imprimer  ce  petit  texte  il  y  a  vingt  ans ,  mais  il  n'a  pasachevé  la  tra- 
duction et  rintrofluction  dont  il  voulait  l'accompagner.  Le  sujet  du 
chapitre  choisi  par  M.  Cureton  me  fait  croire  qu'il  avait  voulu  dis- 
cuter à  celte  occasion  certaines  vues  ecclésiastiques  qui  le  préoccu- 
paient alors,  mais  que  d'autres  devoirs  l'ont  empêché  de  donner 
suite  à  son  idée. 


54  JUILLET   1865. 

a  rendue  plus  tard  accessible  à  tous  par  une  traduc- 
tion anglaise,  sont  dans  le  même  cas.  Il  y  en  a 
d'autres  qui  sont  peut-êlre  tout  aussi  importants 
pour  la  science,  mais  ils  appartiennent  tout  à  fait 
au  ressort  intérieur  de  la  théologie  savante,  et  il 
serait  impossible  de  faire  sentir  l'inlérêl  qu'ils  pré- 
sentent, sans  entrer  dans  des  détails  étrangers  au 
but  de  ce  rapport ,  et  dépassant  de  beaucoup  l'espace 
qui  est  à  ma  disposition.  Ainsi  tous  les  théologiens 
savent  que  la  restitution  de  la  rédaction  de  la  Sep- 
tante ,  telle  qu'Origène  l'avait  insérée  dans  ses 
Hexaples,  est  un  objet  d'une  haute  importance  pour 
la  critique  de  la  Bible.  Ils  savent  aussi  que  cette 
rédaction  est  en  grande  partie  perdue  et  qu'on  peut 
y  suppléer  à  peu  près  par  ce  qui  nous  reste  de  la 
traduction  syriaque  que  Paul  de  Telia  en  a  faite. 
Mais  ici  il  faut  que  je  me  contente  d'indiquer  que 
M.  l'abbé  Geriani,  de  Milan  \  a  tiré  de  la  collection 
de  Nitrie  une  nouvelle  partie  de  cette  version  sy- 
riaque, et  que  M.  Field,  à  Norwich,  se  propose  de 
réunir  dans  une  édition  complète  tout  ce  qui  nous 
reste  des  Hexaples^.  M.  Philipps,  à  Oxford,  a  fait 

'  Monumenta  sacra  et  profana  ex  codicibm  prœsertun  bibliothecœ 
Ambrosianœ,  edidit  Ant.  Maria  Ceriani,  vol.  JI  et  vol.  IH,  cali.  I, 
Milan,  i864,  in-4°. 

De  Roërdam ,  à  Copenhague ,  a  aussi  publié  une  partie  des 
Hexaples  en  syriaque,  comprenant  le  livre  des  Juges  et  Rutb;  mais 
je  n'ai  pas  vu  cet  ouvrage. 

^  M.  Field  a  publié  un  prospectus  de  son  ouvrage  intitulé  :  Pro- 
posais for  publiskiny  by  sub.\cripUon  Origenis  Hexaploruni  quœ  super- 
sunt,  conclnnavit,  eniendavit  et  auxit  F.  Field.  Norwicb ,  i8b5. 

Le  même  aulcur  avail  dôjà  publié  :  Otiwn  Norviceiisc,  sive  leiHa- 


RAPPORT  ANNUEL.  55 

paraître  des  Scholies  sur  l'Ancien  Testament  '  par 
Mar  Jacob,  évêqiie  clEdesse  au  vu"  siècle  de  notre 
ère,  texte,  traduction  et  notes.  M.  Wright^  a  publié 
un  apocryphe  sur  la  Mort  de  la  Vierge.  Ce  livre  est 
récent  pour  un  apocryphe;  il  a  été  condamné  par 
un  concile  en  Ixgli,  et  était  connu  dans  deux  rédac- 
tions, latine  et  arabe.  M.  Wright  se  propose  de 
publier  tous  les  apocryphes  syriaques,  et  il  est  na- 
turel qu'on  veuille  posséder  tous  ces  livres  ,  dont  la 
plupart  sont  sans  valeur  réelle,  mais  qui  indiquent 
le  courant  des  idées  de  leur  temps.  Mais  M.  Wright 
est  engagé  dans  une  œuvre  bien  autrement  impor- 
tante et  qui  certainement  donnera  une  grande  im- 
pulsion à  ces  études;  c'est  le  catalogue  des  manus- 
crits syriaques  du  British  Muséum.  C'est  une  entre- 
prise des  plus  laborieuses,  car  tous  ces  beaux  livres 
sur  parchemin  sont  arrivés  à  Londres  dans  un  état 
d'indicible  désordre,  par  milliers  de  feuillets,  ou  en 
cahiers  isolés,  ou  en  volumes  quelquefois  composés 
de  fragments  mal  assortis  et  reliés  à  contre-sens.  11 
a  fallu  se  rendre  compte  de  chaque  feuillet  et  de 
chaque  cahier,  et  retrouver  et  reclasser  ce  qui  ap- 

men  de  relicjuiis  Aquilœ,  Sjinmachi,  Tlieodotionis  e  lingua  sjriaca 
in  grœcam  convertendis.  Oxford,  i86'i.  Je  n'ai  pas  réussi  à  me  pro- 
curer ces  deux  publications. 

'  SchoUa  on  passages  of  the  old  Testament  by  Mar  Jacob ,  bishop 
of  Edessa,  now  fir^t  edited  in  the  original  syriac  with  an  english 
translation  and  notes  by  George  Phillpps.  Londres,  i864,  in-S" 
!  XI ,  5i  et  34  pages). 

*  The  dcparture  oj  my  Ludy  Mary  froni  tlùs  world.  Edited  from 
ivvo  syriac  manuscripts  and  translated  by  W.  Wright.  London,  i  865. 
in-8''(i  1-32  et  5i  pages). 


56  JUILLET  1865. 

partenait  au  même  ouvrage.  M.  Cureton  avait  déjà 
employé  des  années  à  ce  terrible  travail ,  et  M.  Wright 
Ta  continué  de  manière  à  pouvoir  prochainement 
rendre  compte  au  public  savant  de  tout  ce  que  loi 
offre  cette  collection  arrachée  si  heureusement  aux 
mains  de  moines  ignorants. 

Un  autre  secours  dont  les  études  syriaques  ont 
besoin  depuis  longtemps  va  à  la  fin  leur  être  offert, 
c'est  un  dictionnaire  plus  complet  que  ceux  que 
l'on  possède.  M.  Quatremère  s'en  était  occupé  pendant 
bien  des  années,  mais  il  n'a  jamais  pu  se  décider  à 
rédiger  un  des  nombreux  dictionnaires  dont  il  avait 
accumulé  les  matériaux  pendant  une  longue  et  la- 
borieuse vie.  M.  Bernstein,  à  Breslau,  avait  com- 
mencé la  publication  de  celui  qu'il  avait  préparé, 
mais  il  mourut  après  l'impression  de  la  première 
livraison;  aujourd'hui  M.  Payne  Smith,  à  Oxford, 
qui  s'occupait  de  son  côté  d'un  dictionnaire  syriaque 
et  qui  a  obtenu  de  la  bibliothèque  de  Munich 
la  communication  des  matériaux  compilés  par 
M.  Quatremère,  est  en  mesure  de  commencer  l'im- 
pression d'un  thésaurus  qui  suffira  probablement 
pour  longtemps  aux  besoins  des  savants. 

Je  ne  crois  pas  pouvoir  mieux  placer  qu'ici  la 
Chronique  samaritaine  qu'a  publiée  M.  Vilmar^ 
L'auteur  était  un  Samaritain  du  xiv^  siècle  qui  com- 
posa ces  Annales  en  langue  arabe  sur  la  demande 

'  Abulfathi  Annales  samaritani,  quos  ad  fideni  codicum  manu- 
scriptorum  edidil  et  prolegomenis  inslruxit  EduardnsVilmar. Gotha. 
i865,  iu-8°  (cxx  et  i8<i  P'igc^). 


RAPPORT  ANNUEL.  57 

du  grand  prêtre  de  sa  secte.  M.  Vilmar  publie  le 
texte  qu'il  fait  précéder  d'une  longue  introduction, 
dans  laquelle  il  décrit  les  manuscrits  dont  il  s'est 
servi,  raconte  l'origine  de  l'ouvrage,  énumère  les 
sources  dont  il  est  tiré,  discute  la  chronologie  et 
les  dogmes  des  Samaritains,  décrit  certaines  addi- 
tions qui  ont  été  faites  plus  tard  à  ce  livre,  et  in- 
dique la  valeur  des  renseignements  qu'il  nous  four- 
nit. Jl  annonce  qu'il  se  propose  de  publier  plus  tard 
une  traduction.  L'ouvrage  lui-même  est  tiré  de  ma- 
tériaux d'origine  fort  variée,  il  est  plein  de  lacunes 
et  d'imperfections  de  diverses  espèces;  mais  dans 
une  matière  sur  laquelle  nous  avons  si  peu  de  don- 
nées ,  une  chronique  de  ce  genre ,  si  sujette  à 
critique  qu'elle  soit,  est  chose  précieuse.  Le  travail 
préliminaire  de  M.  Vilmar  est  très-bien  fait,  il  ne 
veut  pas  attribuer  à  son  auteur  plus  de  valeur  qu'il 
.  n'en  a,  et  il  est  à  désirer  qu'il  mette  bientôt  par  sa 
traduction  l'ouvrage  entre  les  mains  de  tous  ceux 
qui  s'occupent  de  l'histoire  de  la  Palestine. 

Les  Samaritains  m'amènent  à  dire  un  mot  de  la 
discussion  très-courtoise  entre  MM.  de  Saulcy  et  de 
Vogué  sur  l'antiquité  relative  de  l'alphabet  samari- 
tain et  de  rhébreu  carrée  La  question  avait  été  sou- 
vent soulevée  et  elle  paraissait  décidée  en  faveur  du 
samaritain;  M.  de  Saulcy  la  conteste  aujourd'hui.  Je 
crois  que  d'un  côté  les  travaux  de  M.  de  Rougé  sur 
l'alphabet  phénicien,  de  l'autre  la  grande  masse  de 

'   Voyez  les  mémoires  publiés  clans  la  Betnie  archéolo(jiqiie ,  Paris, 
in-8°,  années  i86/i  et  i865. 


58  JUILLET   1805. 

matériaux  paléographiqiies  sémitiques  qui  s'est  accu- 
mulée (le  tous  les  cotés  et  que  M.  de  Vogué  se  pro- 
pose de  réunir  dans  un  travail  d'ensemble,  ne  lais- 
seront bientôt  plus  aucun  doute  sur  l'histoire  de  ces 
alphabets.  C'est  une  très  belle  élude  qui  arrive  au- 
jourd'hui à  maturité,  ou  au  moins  à  un  état  d'avan- 
cement tel,  qu'on  pourra  en  fixer  les  grandes  hgnes 
et  espérer  que  les  nouveaux  faits  que  chaque  jour 
amène  pourront  se  classer  et  remplir  les  lacunes, 
sans  en  bouleverser  de  nouveau  les  traits  princi- 
paux. 

La  plus  récente  de  ces  découvertes  est  fort  cu- 
rieuse sous  bien  des  rapports.  On  avait  déjà  ren- 
contré sur  des  briques ,  sur  des  poids ,  sur  des  sceaux , 
des  cylindres  et  autres  débris  et  restes  de  l'antiquité 
assyrienne ,  des  inscriptions  en  phénicien  ou  ara- 
méen  qui  montraient  que  l'usage  de  ce  caractère  et 
de  cette  langue  était  très-répandu  en  Assyrie;  au- 
jourd'hui Sir  H.  Rawlinson^  fait  connaître  une  nou- 
velle classe  de  ces  inscriptions,  qu'il  a  trouvées  sur 
des  tablettes  en  terre  cuite ,  d'une  forme  particuhère , 
qui  servaient  d'actes  de  ventes  et  étaient  conservées 
dans  les  archives.  L'acte  y  est  inscrit  en  assyrien  et 
en  cunéiforme  ;  mais  sur  un  grand  nombre  de  ces 
tablettes  se  trouve  de  plus  un  sommaire  en  langue 
et  en  caractères  phéniciens,  qui  paraît  avoir  été 
ajouté  pour  une  plus  grande  facihté  de  reconnaitre 
le  contenu  du  document.  On  avait  trouvé,  à  Baby- 

•    The  Journal  of  the  li.  Asialic  Society  of  Greal  Biilain  and  Irelaïul 
New  séries,  vol.  I ,  p.  i  87  et  suiv.  Londres,  i86/i ,  in-8". 


RAPPORT  ANNUEL.  59 

lone,  un  grand  nombre  de  fragments  de  poteries 
couvertes  d'écriture  araméenne;  mais  rien ,  je  crois  , 
ne  prouvait  qu'elles  fussent  du  temps  de  l'ancienne 
Babyione;  ici  nous  trouvons  cet  alphabet  employé 
sur  des  pièces  légales  et  officielles  en  conjonction 
avec  l'alphabet  assyrien,  ce  qui  ne  peut  laisser  au- 
cun doute  sur  l'usage  simultané  des  deux  écritures. 
Ces  inscriptions  phéniciennes ,  qui  malheureusement 
sont,  en  grande  partie,  frustes  ou  très-négligemment 
écrites ,  ne  sont  pas  assez  considérables  par  leur 
nombre  et  leur  étendue  pour  promettre  beaucoup 
de  lumières  nouvelles  sur  l'antiquité  assyrienne; 
mais  si,  comme  on  l'assure,  elles  prouvent,  par  les 
noms  propres  qu'elles  contiennent,  l'exactitude  du 
système  aujourd'hui  adopté  de  lecture  des  noms 
propres  assyriens,  même  de  ceux  qui  sont  écrits  en 
partie  idéographiquement,  elles  acquièrent  une  im- 
portance extrême,  par  la  conviction  qu'elles  porte- 
raient dans  l'esprit  de  ceux  qui  doutent  de  la  lecture 
des  cunéiformes  assyriens ,  précisément  à  cause  des 
difficultés  qu'on  trouve  dans  l'emploi  des  idéographes 
pour  les  noms  propres  ^  Ces  difficultés,  si  réellement 
les  Assyriens  n'avaient  pas  d'autres  règles  pour  s'y 
reconnaître  que  celles  qu'on  a  retrouvées  jusqu'ici, 

^  M.  de  Rosny  signale  un  parallèle  des  procédés  employés  dans 
l'écriture  japonaise  avec  ceux  qu'on  trouve  dans  les  cunéiformes  as- 
syriens, parallèle  qui  montre  qu'on  s'est  servi  des  deux  côtés  d'expé- 
dients similaires  dans  des  cas  de  difficultés  analogues.  (Voyez  Lettre 
à  M.  Oppert  sur  quelques  particularités  des  inscriptions  cunéiformes 
anariennes.  Paris,  i864,  in-S"  (8  pages,  tirées  des  Annales^de  philo- 
sophie chrétienne,  vol.  IX.) 


60  JUILLET  1865. 

n'expliqueraient-elles  pas  aussi  l'emploi  des  inscrip- 
tions supplémentaires  en  phénicien  dans  des  cas  de 
documents  légaux  où  il  s'agissait  de  lire  rapidement 
et  avec  certitude  les  noms  propres? 

Le  seul  autre  travail  sur  les  cunéiformes  qui  ait 
paru,  autant  que  je  sache,  depuis  un  an,  est  le  com- 
mencement d'un  iong  mémoire  de  M.  Opperl  sur 
l'histoire  des  empires  de  Chaldée  et  d'Assyrie  d'après 
les  monuments'.  Il  classe  ici,  d'après  l'ordre  chro- 
nologique, les  documents  dont  il  avait  déjà  publié 
une  partie  dans  son  Expédition  en  Mésopotamie 
et  dans  d'autres  travaux,  et  en  forme,  autant  que 
le  permettent  les  matéiiaux  aujourd'hui  connus, 
une  série  continue  dans  laquelle  il  prend,  en  géné- 
ral, la  chronologie  de  Bérose  pour  guide.  A  chaque 
nom,  contenu  dans  les  listes  royales  des  dynasties 
successives,  dont  on  possède  des  monuments,  il  rat- 
tache une  inscription  qui  fournit  l'histoire  de  ce 
roi,  et  il  en  donne  toutes  les  parties  qui  lui  pa- 
raissent importantes,  dans  une  traduction  nouvelle, 
qui  souvent  s'écarte  assez  notablement  de  celles  qu'il 
avait  publiées  antérieurement.  Ces  changements  dans 
une  matière  si  neuve  et  si  dilFicile  sont  inévitables 
et  ne  sont  que  des  preuves  de  la  bonne  foi  des  tra- 
ducteurs et  des  progrès  de  la  science.  La  dernière 
partie  publiée  de  ce  mémoire  va  jusqu'au  ix''  siècle 
avant  notre  ère. 

'  Voyez  les  Annales  de  philosophie  chréliennet  dirigées  par  M.  A. 
BoDnelty  (année  i8G5,  caliier  de  février  et  caliiers  suivants).  Paris, 
i8G5,  in-S". 


RAPPORT  ANNUEL.  61 

M.  Menant  imprime  dans  ce  moment  son  Sylla- 
baire assyrien  et  une  nouvelle  grammaire  assyrienne 
qui  reproduira  les  formes  de  la  grammaire  en  ca- 
ractères cunéiformes.  Il  n'a  encore  rien  paru  de  ces 
deux  auvrages. 

Les  études  zoroastriennes  ont  été  l'objet  de  plu- 
sieurs travaux  remarquables.  M.  Spiegel ,  après  avoir 
complété  la  traduction  du  Zendavesta,  a  commencé 
la  publication  de  son  commentaire  philologique  ^ 
11  énumère  d'abord  les  nouveaux  secours  qu'il  a  pu 
obtenir  depuis  que  sa  traduction  a  paru  ,  surtout 
l'édition  du  texte  par  M.  Westergaard,  et  la  traduc- 
tion en  guzzarati  par  Aspendiarji;  ensuite  il  entre 
dans  l'explication  des  points  douteux,  verset  par 
verset,  et  discute  les  questions  importantes  avec 
tous  les  détails  qu'elles  exigent.  La  grande  difficulté 
de  cette  étude  consiste  dans  le  sens,  ou  au  moins 
dans  la  nuance  du  sens,  d'un  grand  nombre  de 
mots,  quelquefois  dans  le  doute  sur  l'état  du  texte 
et  le  choix  des  variantes.  M.  Spiegel  reste  fidèle  à 
son  ancienne  conviction  que  le  sens  traditionnel, 
autant  qu'on  peut  s'en  assurer,  est  encore  notre 
meilleur  guide,  sans  être  pourtant  infaillible,  ce  qui 
était  le  principe  de  Burnouf,  et  qu'il  ne  faut  s'en 
écarter  que  lorsque  le  progrès  des  études  ou  de 
nouvelles  ressources  fournissent  des  moyens  plus 
sûrs  d'arriver  au  sens  primitif.  Il  trouve  que  fan- 
cienne  traduction  pehlevie  est  ce  qui  nous  reste  de 

*  Commentar  ûber  das  Avesta,  von  Friederich  Spiegel,  vol.  I, 
Vendidad.  Leipzig,  i865,  in-8°(xv  et  477  pages). 


62  JUILLET  1865. 

mieux  de  cette  tradition,  quoiqu'elle  soit  entourée 
de  grandes  difficultés.  Cette  conviction  n'a  fait  que 
se  fortifier  dans  le  cours  de  son  travail,  et  il  revient 
quelquefois  dans  son  commentaire  au  sens  donné 
par  la  version  pehlevie  dans  des  cas  où  il  favait 
abandonnée  dans  sa  traduction.  Il  discute  celle-ci 
très-librement,  comme  si  elle  était  fœuvre  d'un 
autre,  la  défend  ou  la  change,  selon  les  cas,  donne 
ses  raisons,  expose  les  doutes  et  les  nombreuses  in- 
certitudes qui  lui  restent.  Le  volume  qui  a  paru 
contient  le  commentaire  du  Vendidad.  C'est  un  livre 
fait  avec  une  parfaite  sincérité,  et  qui  certainement 
fera  faire  des  progrès  à  cette  étude  importante, 

M.  Justi,  à  Marburg,  y  contribue  de  son  côté, 
par  son  Manuel  de  la  langue  zende  ^  qu'il  vient  de 
terminer,  et  qui  comprend  un  dictionnaire,  une 
grammaire  et  une  chrestomathie.  L'ouvrage  entier 
est  imprimé  en  caractères  latins ,  et  M.  Justi  y  suit 
le  système  de  transcription  adopté  par  M.  Brock- 
hans,  avec  quelques  changements  qu'il  indique  dans 
la  préface.  Mais  il  me  semble  qu'il  aurait  dû  donner 
un  tableau  de  son  alphabet  comparatif  avec  les  carac- 
tères originaux ,  pour  que  le  lecteur  puisse  s'orienter 
à  finstant  en  cas  de  doute.  Le  mot  zend  est  suivi 
de  son  étymologie,  quand  fauteur  a  cru  pouvoir  en 
proposer  une,  ou  de  sa  dérivation  quand  c'est  une 
forme  dérivée;  ensuite  viennent  le  sens  et  la  citation 

•  Handbuch  der  Zendsprache,  von  F'erdinand  Justi.  Altbaklrisclies 
Wœrterbuch,  Granimatik ,  Chrestomathie.  Leipzig,  i864,  in-S" 
i  XII  et  li2fi  j>agcs). 


RAPPORT  ANNUEL.  63 

des  phrases  dans  lesquelles  on  le  trouve  employé. 
Ces  citations  n'indiquent  pas  tous  les  passages  où  un 
mot  se  trouve,  excepté  pour  les  mots  rares  et  diffi- 
ciles. La  rédaction  du  lexique  est  aussi  concise  que 
possible,  mais  elle  est  claire.  Les  passages  cités  pa- 
raissent bien  choisis,  et  les  explications  et  les  renvois 
aux  auteurs  qui  ont  spécialement  traité  une  ques- 
tion sont  suffisamment  développés.  Dans  la  gram- 
maire l'auteur  traite  des  sons,  des  racines,  dont  il 
donne  la  liste,  de  la  formation  des  mots  par  affixes 
ou  par  composition,  des  numéraux,  des  pronoms, 
de  la  déclinaison  divisée  en  douze  classes  et  de  la 
conjugaison  en  dix  classes.  Dans  cette  partie  du  livre, 
la  concentration  est  poussée  au  dernier  degré  et  me 
paraît  excessive;  le  lecteur  s'arrête  devant  ces  listes 
d'affixes,  sans  indication  de  la  nuance  qu'ils  appor- 
tent aux  mots,  et  devant  ces  listes  de  mots  sans  tra- 
duction et  sans  autre  explication  que  le  numéro  de 
la  classe  à  laquelle  ils  appartiennent;  on  dirait  qu'on 
a  devant  soi  Pânini  lui-même  et  ses  énigmes  gram- 
maticales. Je  ne  doute  pas  que  M.  Justi  n'ait  réussi 
à  y  faire  entrer  tous  les  résultats  de  ses  études  gram- 
maticales sur  le  zend,  et  qu'on  ne  puisse  les  tirer 
de  ses  formules  et  les  développer,  et  qu'à  l'aide  du 
lexique  on  ne  puisse  se  rendre  compte  de  ses  listes; 
mais  c'est  un  procédé  laborieux.  Je  suppose  que 
M.  Justi  a  été  restreint  par  l'espace  dont  il  pouvait 
disposer  ;  mais ,  quoi  qu'il  en  soit ,  son  livre  est  fait 
avec  beaucoup  de  soin  et  une  parfaite  connaissance 
de  l'état  actuel  de  la  science,  et  rendra  un  service 


64  JUILLET  1865. 

signalé  à  l'étude  de  la  langue  zende.  Jusqu'à  pré- 
sent on  n'avait  qu'un  vocabulaire  zend  très -res- 
treint, que  M.  Brockhaus  a  publié,  et  quiconque 
s'occupait  de  Zoroastre  devait  composer  son  propre 
dictionnaire.  Celui  que  Burnouf  a  laissé  n'a  pas  été 
imprimé,  et  celui  qui  doit  faire  partie  de  l'ouvrage 
de  M.  Weslergaard  n'a  pas  encore  paru.  L'étude  du 
Zendavesta  est  une  des  parties  les  plus  importantes 
de  la  littérature  orientale  et  en  même  temps  une 
des  plus  difficiles  :  tout  ce  qui  peut  la  faciliter  doit 
être  reçu  avec  reconnaissance.  Il  se  prépare  de  nou- 
veaux travaux  sur  ce  sujet.  M.  Haug,  à  Pouna,  a 
annoncé  un  ouvrage  en  deux  volumes  sur  le  Zoroas- 
trisme  ^  dont  le  premier  doit  contenir  une  histoire 
de  la  littérature  zende  et  pehlevie  et  des  grammaires 
de  ces  deux  langues,  et  le  second  un  exposé  de  la 
reli'iion  de  Zoroastre  et  des  lois  civiles  et  religieuses 
qui  en  dérivent,  et  une  histoire  de  cette  religion, 
de  son  développement  et  de  ses  rapports  étroits  avec 
la  religion  des  Védas.  Enfin  M.  Kossowitch  a  fait 
imprimer  à  Paris  une  chrestomathie  zende  avec  un 
commentaire  en  latin,  destinée  au  cours  qu'il  fait  à 
l'Université  de  Saint-Pétersbourg.  Le  livre  est  im- 
primé, mais  il  n'a  pas  encore  paru  et  je  ne  l'ai  pas  vu. 
Quant  à  la  littérature  persane,  elle  s'est,  sans  au- 

^  The  religion  oj  the  Zoroastrians .  as  contained  in  their  sacred 
wrilings,  with  a  history  of  the  Zend  and  Pehlevi  literatures  and  a 
gramniar  of  the  Zend  and  Pehlevi  languages,  by  Martin  Haug. 
2  vol.  of  7-800  pages.  Le  prix  pour  les  souscripteurs  est  de  1  6  rou- 
pies (4o  fr.),pour  le  public  de  20  roupies  (5o  fr.)  On  peut  souscrire 
chez  Brockhaus,  ù  Leipiig. 


RAPPORT  ANNUEL.  65 

cun  doute,  enrichie  de  nombreuses  éditions  litho- 
graphiées  à  Tébriz,  à  Téhéran,  à  Bombay,  à  Luck- 
novv  et  à  Delhi.  Malheureusement  elles  ne  nous 
arrivent  que  très-accidentellement,  et  quand  on  ap- 
prend en  Europe  la  publication  d'un  des  ouvrages 
et  qu'on  écrit  pour  le  faire  acheter,  il  est  générale- 
ment déjà  épuisé  et  devenu  rare  avant  que  la  lettre 
soit  arrivée  dans  l'Inde.  Car  on  paraît,  en  géné- 
ral, ne  les  imprimer  que  dans  des  éditions  peu  nom- 
breuses, qui  se  dispersent  rapidement  par  des  voies  de 
trafic  variées  et  irrégulières ,  et  on  ne  sait  plus  où  les 
trouver.  Leur  valeur  critique  est  très-inégale;  quel- 
quefois elles  sont  entreprises  par  un  homme  savant 
et  consciencieux,  qui  prend  la  peine  de  collationner 
des  manuscrits  et  d'en  marquer  les  variantes  sur  la 
marge;  en  général,  c'est  simplement  la  copie  d'un 
manuscrit  faite  par  un  écrivain  lithographe,  et  le 
hasard  décide  de  la  valeur  de  l'original  et  de  l'exac- 
titude de  la  copie.  Mais,  telles  qu'elles  sont,  ces  édi- 
tions nous  seraient  extrêmement  utiles  en  Europe, 
et  on  ne  peut  trop  désirer  qu'un  libraire  entrepre- 
nant trouve  moyen  de  nous  les  procurer  régulière- 
ment. J'ai  reçu  quelques  éditions  lithographiées  déjà 
anciennes  d'ouvrages  persans,  mais  rien  de  récent, 
si  ce  n'est  un  choix  de  passages  de  Firdousi,  fait  par 
Kemal  Efendi,  et  publié  par  ses  soins  à  Constan- 
tinople  ^.  Le  choix  consiste  dans  des  moralités ,  quel- 
ques pièces  lyriques  et  autres  fragments  d'un  intérêt 

1   A^UsbLi;  (^IaJ^Là.^  Constantinople,    1281    de  l'Hégire,   in-13 
(95  pages),  lithographie. 

VI.  5 


f)6  JUILLET  1865. 

général,  que  l'éditeur  fait  précéder  d'une  préface 
et  suivre  d'un  petit  vocabulaire  de  mots  moins  usi- 
tés qu'il  explique  en  turc. 

La  Société  asiatique  de  Calcutta  a  achevé  la  pu- 
blication de  la  partie  du  Thabakati  Nasiri^  qu'elle  a 
jugée  utile  pour  entrer  dans  la  série  des  documents 
relatifs  à  fhistoire  desprinces  musulmans  qu'elle  a  en- 
treprise. Le  Thabakati  Nasiri  est  une  histoire  univer- 
selle composée  par  Abou  Omar  Minhadj  au  milieu 
du  xni*  siècle  de  notre  ère,  par  ordre  de  Nasireddin 
Mahmoud,  roi  de  Delhi,  prince  très-lettré,  qui, 
dans  sa  jeunesse,  se  trouvant  en  disgrâce,  refusa 
toute  allocation  du  roi  d'alors  et  vécut  pendant  des 
années  du  produit  de  son  travail  de  copiste  de  ma- 
nuscrits. Devenu  roi,  il  institua  un  concours  de 
poésie,  dans  lequel  le  grand  prix  fut  adjugé  à  Min- 
hadj ,  qui  fut  nommé  ensuite  Radi  et  employé  plus 
tard  comme  historiographe.  M.  Lees  a  jugé  qu'il  ne 
fallait  publier  que  la  partie  du  Thabakat  qui  se  rap- 
portait à  l'Inde  musulmane,  et  qui  remplissait  uti- 
lement la  lacune  qui  existe  aujourd'hui  dans  la  série 
des  documents  entre  l'histoire  de  Baïhaki  et  celle  de 
Zia  Barni,  toutes  les  deux  déjà  publiées  dans  la  Bi- 
bliotheca  indica.  Le  conseil  de  la  Société  partagea 
cet  avis,  et  c'est  ainsi  que  parut  le  présent  volume, 
qui   contient  les  livres  XI,  XVII  à  XXIII  de  l'ou- 

'  Tahakati  Nasiri,  of  Aboo  Omar  Minhaj  al-Din  Otbman  Ibn  Si- 
raj  ai-Din  al-Jawzjani ,  edileci  by  Caplain  Nassau  Lees  and  Mawlawis 
Kbadim  Hn?ein  and  Abd  alHaï.  Calcutta,  i864,  in-8"  (/i,  8  et  453 
pages). 


RAPPORT  ANNUEL.  67 

vrage  de  Minhadj ,  c'est-à-dire  l'histoire  des  rois  inii- 
suimans  de  l'Inde  du  nord,  depuis  Mahmoud  le 
Ghaznévide  jusqu'au  xiif  siècle. 

Ensuite  la  Société  a  commencé  la  publication  de 
l'Abrégé  des  Chroniques,  par  Badaoni^.  C'est  une 
histoire  des  rois  musulmans  de  Dehli,  depuis  les 
Ghaznévides,  mais  plus  de  la  moitié  de  l'ouvrage  est 
consacrée  à  la  vie  de  l'empereur  Akbar,  sous  lequel 
l'auteur  a  vécu ,  et  qui  l'a  employé  comme  traduc- 
teur d'ouvrages  sanscrits.  Akbar  le  récompensa  ma- 
gnifiquement; maisBadaoni  était  un  musulman  fort 
strict  et  ne  pardonnait  pas  à  l'empereur  ses  ten- 
dances hérétiques.  Aussi  son  ouvrage  est-il  écrit  avec 
un  ton  d'acrimonie  qui  contraste  singulièrement 
avec  les  nombreuses  biographies  d'Akbar,  composées 
par  ses  admirateurs  et  courtisans.  Cet  esprit  de  cri- 
tique et  d'opposition  rend  ce  livre  très-précieux  pour 
l'histoire  de  ce  temps..  On  ne  le  connaissait  jusqu'à 
présent  que  par  d'assez  nombreux  extraits  publiés 
par  Sir  H.  Elliot.  M.  Lees  fait  imprimer  maintenant 
toute  la  partie  qui  se  rapporte  à  Akbar  et  son  temps. 
Mais  pour  rétablir  la   balance  de  l'impartialité,  il 

^  The  Muntahab  al-Tawarikh ,  of  Abd  ai-Qadir  Biu-i  Maluk  Shali 
al-Badaoni ,  edited  by  Nassau  Lees  and  Mavviawi  Kabir  al-Din  Ahmad 
and  Munsbi  Ahmad  Ali.  Calcutta,  )864,  in-8°.  Il  eu  a  paru  quatre 
cahiers,  contenant  38  j.  pages.  Il  ne  faut  pas  confondre  cet  ouvrage 
avec  une  autre  histoire  de  l'Inde  qui,  par  une  étrange  coïncidence, 
porte  ie  même  titre ,  et  est  aussi  écrite  sous  Akbar  et  conçue  dans  le 
même  esprit  de  haine  religieuse  contre  lui.  L'auteur  de  ce  dernier 
ouvrage  est  Hassan  al-Schira/i.  Je  me  permets  cette  remarque  parce 
que  j'ai  été  longtemps  {rompe  par  l'identité  des  titres  et  des  tendances 
et  lrt\s-embarrassé  dans  des  recherches  que  j'avais  à  faire. 

5. 


68  JUILLET  1865. 

propose  de  faire  suivre  cette  histoire  de  la  publi- 
cation d'une  des  vies  d'Akbar  qui  ont  été  composées 
par  ses  amis. 

Quant  à  la  littérature  proprement  dite  des  Per- 
sans, je  puis  annoncer  que  M.  Nicolas,  chancelier 
de  l'ambassade  de  France  à  Téhéran ,  est  sur  le 
point  de  publier  le  texte,  la  traduction  et  un  com- 
mentaire des  Quatrains  d'Al-Kbavyami  \  mathéma- 
ticien et  poëte  du  xi^  siècle  de  notre  ère.  C'était  un 
grand  mathématicien  et  un  esprit  hardi  et  profond. 
Il  partageait  les  opinions  des  Mutazilites  alors  déjà 
opprimés  et  sur  le  déclin ,  et  il  exprime  leurs  opi- 
nions théologiques  avec  une  vivacité  qui  a  fait  de 
ses  quatrains  un  objet  de  curiosité  pour  les  uns  et 
de  scandale  pour  les  autres.  On  l'a  déclaré  impie, 
athée,  impur;  mais  il  n'est  pas  si  facile  déjuger  ses 
opinions  et  de  savoir  ce  qui  est  persiflage  des  or- 
thodoxes ou  des  mystiques  et  ce  qui  est  conviction 
chez  lui.  L'objet  de  sa  grande  aversion  paraît  avoir 
été  le  dogme  de  la  prédestination,  et  la  manière 
fort  irrévérente  avec  laquelle  il  l'attaque  doit  être 
une  abomination  pour  les  croyants.  Dans  tous  les 
cas  ce  sera  un  livre  très-curieux  pour  la  connais- 
sance de  l'état  des  esprits  en  Perse  à  cette  époque. 

Je  devrais  parler  ici  des  ouvrages  récents  sur  la 


'  Ces  Quatrains  de  Khayyaml  ne  sont  connus  en  Europe  que  par 
quelques  traductions  très-partielles.  M.  de  Hammer  et  M.  Garcin  de 
Tassy  en  ont  publié  quelques-uns,  et  il  a  paru  une  brochure  conte- 
nant la  traduction  de  soixante  et  quinze  de  ces  petites  pièces,  en  vers 
anglais  fort  bien  tournés,  par  un  savant  qui  a  gardé  l'anonyme.  Ce 


RAPPORT  ANNUEL.  69 

littérature  turque,  mais  il  n'en  est  arrivé  à  ma  con- 
naissance qu'un  seul  ;  la  Collection  de  proverbes 
osmanlis  \  publiée  par  M.  Schlechta  de  Wssehrd , 
directeur  de  l'Académie  orientale  à  Vienne.  Le  but  de 
l'auteur  est  de  donner  aux  personnes  qui  possèdent 
un  commencement  de  connaissance  de  l'écriture  et 
de  la  grammaire  turques  un  moyen  de  faire  des 
progrès  sans  maître,  en  leur  fournissant  des  textes 
simples  et  idiomatiques  avec  tous  les  secours  né- 
cessaires à  l'étude.  Il  accompagne  pour  cela  cbaque 
proverbe  d'une  traduction  interlinéaire  française  et 
allemande,  d'une  transcription  double,  qui  rend  la 
prononciation  d'après  la  valeur  des  lettres  latines 
en  Allemagne  et  en  France,  et  d'une  traduction 
plus  libre  également  en  allemand  et  en  français,  puis 
il  fait  suivre  les  textes  d'un  glossaire.  Cet  ouvrage  est 
exécuté  avec  beaucoup  de  soin,  et  bien  fait  pour  le 
but  qu'on  s'est  proposé;  il  contient  cinq  cents  pro- 
verbes, dont  une  grande*  partie  n'avait  pas  encore 
été  publiée,  et  qui  par  l'intérêt  qu'ils  présentent  sont 
bien  calculés  pour  soutenir  le  zèle  de  ceux  qui  les 
étudient. 

M.  Zenker,  à  Leipzig,  continue  la  publication  de 
son  dictionnaire  turc-arabe-persan^.  Il  se  sert  de  tous 
les  secours  accessibles  pour  le  rendre  aussi  riche 

petit  volume  porte  le  tilre  :  Rubaiat  of  Omar  Kliayyam,  the  astrono- 
merpoctoj Persia,  translatée!  inlo  english  verses.  Londres,  1859, 
in-8°  (xiii  et  21  pages). 

'  Proverbes  ottomans,  publiés  par  l'Académie  des  langues  orien- 
tales à  Vieune.  Vienne,  i865,  in-S"  (  1  3  et  180  pages). 

-   Dictionnaire  turc-arabe-persan,  de  Th.  Zenker,  Leipzig,  1  864 , 


70  JUILLET  1865. 

que  possible  en  termes  de  la  langue  turque,  et  la 
libéralité  très-lonable  de  la  bibliothèque  de  Munich, 
qui  lui  a  communiqué  ceux  des  manuscrits  de  Qua- 
tremère  qui  contiennent  ses  matériaux  pour  un 
dictionnaire  turc  et  djagatéen,  lui  permet  d'ajouter 
pour  la  première  fois  un  grand  nombre  de  mois  de 
turc  oriental,  f.a  partie  turque  est  la  chose  princi- 
pale pour  M.  Zenker,  et  il  n'ajoute  les  termes  arabes 
et  persans  que  comme  un  supplément  indispensable 
à  cause  de  l'usage  immodéré  que  les  Turcs  font  de 
mots  de  ces  deux  langues.  Mais  l'auteur  ne  néglige 
pas  cette  parlie ,  et  il  établit  avec  beaucoup  de  soin 
la  nuance  des  dérivés  arabes,  qui  ont  acquis  une 
signification  restreinte  et  convenue  qu'on  ne  peut  pas 
tirer  avec  la  précision  nécessaire  de  Tétymologie  des 
mots.  Il  se  prépare  d'autres  travaux  sur  le  même  su- 
jet. M.  Pavet  de  Courteille  s'occupe  depuis  long- 
temps d'un  dictionnaire  turc  oriental,  qui  est  très- 
avancé  maintenant.  M.  Vambery  ,  qui  a  rapporté  du 
Turkestan  de  nombreux  matériaux  pour  un  ouvrage 
sur  les  dialectes  turcs  orientaux,  annonce  de  son 
côté  un  dictionnaire;  enfin  M.  Lequeux,  chancelier 
du  consulat  général  de  France  à  Tripoli,  a  terminé 
une  nouvelle  traduction  de  l'histoire  des  Tartares, 
par  Aboul  Ghazi,  qu'il  se  propose  d'imprimer  pro- 
chainement. 

Je  dois  dire  ici  quelques  mots  d'un  grand  ouvrage , 
qui  se  rapporte  également  aux  trois  principales  lit- 

in-fbl.  (H  a  paru  les  cahiers  i-viii ,  qui  forment  32o  pages  d'une  im- 
pression tr<*'S-compacte.  ) 


RAPPORT  ANNUEL.  71 

tératuies  musulmanes,  et  dont  le  premier  volume 
vient  de  paraître  :  c'est  le  Catalogue  des  manuscrits 
arabes,  persans  et  turcs  de  la  Bibliothèque  impé- 
riale de  Vienne,  par  M.  Flûgel  ^.  Cette  grande  col- 
lection de  manuscrits  était  mal  connue;  on  ne  pos- 
sédait, je  crois,  un  catalogue  imprimé  que  de  la 
partie  des  manuscrits  qui  lui  avaient  été  cédés  par 
M.  de  Hammer,  et  encore  il  était  bien  difficile  de 
se  le  procurer,  car  il  avait  paru  par  portions  dans 
un  grand  nombre  de  volumes  d'une  revue  trimes- 
trielle. Une  collection  de  manuscrits  sans  catalogue 
imprimé  perd  la  moitié  de  sa  valeur,  surtout  aujour- 
d'hui où  la  science  est  beaucoup  plus  cosmopolite 
qu'elle  ne  l'a  jamais  été,  et  où  la  plupart  des  biblio- 
thèques ont  le  bon  esprit  de  prêter  des  manuscrits. 
C'est  donc  une  idée  très-heureuse  qu'on  a  eue  à 
Vienne  de  faire  préparer  ce  catalogue  et  de  le  faire 
préparer  par  un  homme  aussi  savant  et  aussi  com- 
pétent que  M.  Flûgel.  L'auteur  divise  les  manuscrits 
en  classes,  d'après  les  sujets  dont  ils  traitent,  et 
subdivise  chaque  classe  en  trois  sections ,  arabe,  per- 
sane et  turque,  de  sorte  qu'on  trouve  ensemble  tout 
ce  que  ces  trois  littératures,  si  étroitement  liées, 
contiennent  sur  un  genre  d'études  donné.  Ce  pre- 
mier volume  comprend  les  encyclopédies,  la  biblio- 
graphie, les  dictionnaires,  la  grammaire,  la  mé- 
trique, la  rhétorique ,  l'épistolographie.les  proverbes 

'  Die  arahischen,  fiers ischen  und  turkischen  Handscliriften  der  K.  K, 
Hofbihliotheh  zu  Wien,  geordnet  und  besclirieben  von  Dr,  Gustav 
Flùgei,  vol.  1.  Vienne,  i865,  in-4''  (x  et  723  pages). 


72  JUILLET  1865. 

et  la  littérature  proprement  dite,  tant  en  prose  qu'en 
vers;  il  embrasse  y8i  manuscrits.  La  description  de 
chaque  manuscrit  contient  des  indications  sur  l'au- 
teur, quand  on  peut  en  trouver,  quelquefois  des 
jugements  sur  l'importance  de  l'ouvrage,  souvent 
rénumération  des  chapitres  et  presque  toujours  le 
texte  de  la  première  ligne,  pour  faciliter  l'identifica- 
tion avec  d'autres  manuscrits  du  même  ouvrage; 
puis  la  mention  des  éditions,  traductions  et  autres 
travaux  dont  l'ouvrao^e  a  été  l'objet ,  enfin  l'indication 
de  l'âge  et  de  la  condition  de  l'exemplaire.  Tout 
cela  est  énoncé  brièvement  et  avec  précision,  de 
manière  à  satisfaire  le  besoin  de  celui  qui  consulte 
l'ouvrage;  on  ne  peut  pas  demander  davantage  à  un 
catalogue,  et  celui-ci  se  tient  dans  la  mesure  vraie. 
Il  n'y  a  que  ceux  qui  ont  eu  à  classer  et  à  déter- 
miner une  collection  de  manuscrits  orientaux  qui 
sacbent  ce  qu'il  faut  de  travail,  de  savoir  et  de  soins 
pour  arriver  à  un  résultat  aussi  satisfaisant  que  celui 
que  M.  Flûgel  nous  olfre  ici.  Puissent  toutes  les  bi- 
bliothèques qui  possèdent  des  manuscrits  orientaux 
suivre  l'exemple  que  donne  la  Bibliothèque  de 
Vienne,  et  puissent-elles  trouver  des  hommes  aussi 
capables  et  aussi  dévoués  à  la  science  que  M.  Flii- 
gel  pour  exécuter  leurs  bonnes  intentions  M 


'  Je  reçois  pendant  l'impression  de  ces  feuilles  îe  catalogue  d'une 
coilectioude  manuscrits  ;irabes  et  persans  que  M.  de  Khanikofacédée 
rëcemment  à  la  bibliulh^que  de  Saint-Pétersbourg.  Il  porte  le  titre 
suivant  :  Die  Sammlunçf  von  moryenleendischen  Handschriften,  welche 
die  Kaiserliche  ôffeiuUchc  HihHntliel,  zu  St.-Pttersbnr(i  lin  Jahre  i86i  , 


RAPPORT  ANNUEL.  73 

Je  ne  dois  pas  quitter  les  littératures  de  l'Asie 
moyenne  sans  mentionner  les  travaux  sur  l'Arménie 
qui  ont  paru  dans  l'année. 

M.  Emin ,  à  Moscou ,  a  publié  des  recherches  sur 
le  paganisme  arménien  ^  L'auteur  s'est  proposé  de 
réunir  et  d'élucider  tous  les  renseignements  qui  se 
sont  conservés  sur  l'état  religieux  de  l'Arménie  avant 


von  H.  V.  Chanykov  erworben  liât,  von  B.  Dorn.  Saint-Pétersbourg, 
i865,  in-S"  (gS  pages).  La  collection  est  fort  belle  et  comprend 
161  manuscrits;  M.  Dorn  la  décrit  avec  sa  précision  ordinaire,  et 
donne  dans  un  appendice  des  détails  sur  quelques-uns  de  ces  livres, 
entre  autres  des  extraits  de  ce  qu'on  appelle  le  Koran  des  Bahis,  secte 
persane  moderne  et  extrêmement  curieuse.  Elle  est  aujourd'hui  offi- 
ciellement supprimée  et  réellement  en  grande  partie  exterminée;  mais 
nous  en  entendrons  encore  parler,  sous  une  forme  ou  sous  une  autre, 
car  elle  n'est  qu'un  symptôme  d'un  travail  intérieur  qui  se  fait  dansie 
sein  de  l'Islam.  Il  paraît  que  le  quiétismedesSoufis  ne  suffit  plus  aux 
esprits  qui  se  révoltent  contre  les  doctrines  reçues,  et  qui  autrefois 
se  réfugiaient  dans  le  mysticisme.  On  aperçoit  dans  les  doctrines  des 
Babis  et  d'autres  sectes  secrètes  d'aujourd'hui  un  mélange  d'aspi- 
rations religieuses  et  politiques  qui  les  rend  tiès-remarquables.  Nous 
sommes  encore  très  imparfaitement  renseignés  sur  les  doctrines  de 
Bah,  et  les  extraits  que  donne  M.  Dorn  d'un  de  ses  écrits  sont  les 
premières  données  authentiques  que  nous  ayons  sur  elles.  Ce  qui  est 
singulier,  c'est  que  Bab,  quoique  Persan  de  race  et  né  à  Schiraz,  se 
servait  toujours  de  la  langue  arabe  pour  ses  écrits ,  ce  qui  prouve  qu'il 
s'adressait  avant  tout  aux  classes  lettrées.  Nous  connaîtrons  bientôt 
en  détail  ce  mouvement  mystérieux.  M.  Kazim  Beg,  à  Saint-Péters- 
bourg ,  en  a  écrit  l'histoire  en  russe  ,  et  il  a  préparc  une  édition  fran- 
çaise de  son  travail  ;  plus  tard  il  publiera  les  écrits  de  Bab  el  d'autres 
pièces  justificatives.  De  son  côté,  M.  le  comte  Gobineau  imprime 
dans  ce  moment  un  ouvrage  sur  la  Perse  actuelle ,  dans  lequel  il  fera 
entrer  la  traduction  ou  l'analyse  des  écrits  dogmatiques  des  Babis. 
'  Recherches  sur  le  pacjanisme  arménien ,  par  M.  J.  B.  Emin.  Ou- 
vrage traduit  du  russe  par  M.  A.  de  Sfadler,  Paris,  1861,  in-8° 
(56  pages). 


74  JUILLET   1865. 

sa  conversion  au  Christianisme.  On  ne  trouve  nulle 
part  un  exposé  de  cet  état,  et  l'on  est  réduit  à  s'en 
Taire  une  idée  d'après  des  mentions  accidentelles. 
L'Arménie  avait  subi,  en  religion  comme  en  poli- 
tique, l'influence  de  la  Mésopotamie,  de  la  Perse  et 
de  la  Grèce.  L'influence  grecque  s'est  fait  sentir  sur- 
tout après  l'établissement  du  Christianisme,  de  sorte 
que  les  traces  qu'elle  a  laissées  dans  le  culte  anti- 
chrétien  des  Arméniens  sont  assez  faibles.  Les  dieux 
principaux  qu'on  trouve  sont  d'origine  perse  et  assy- 
rienne. M.  Emin  les  énumère,  discute  les  témoi- 
gnages et  forme  une  mythologie  arménienne  classi- 
fiée  d'après  le  rang  qu'il  assigne  aux  dilFérents  dieux, 
en  donnant  le  premier  rang  aux  dieux  des  l^erses, 
et  le  second  aux  dieux  empruntés  aux  Assyriens. 
Cette  classification  me  laisse  des  doutes,  non-seu- 
lement sur  fexistence  de  quelques-uns  des  membres 
de  cette  mythologie ,  mais  surtout  sur  le  fait  même 
que  les  Arméniens  aient  réduit  à  un  système  uni- 
forme et  pour  ainsi  dire  national  les  diflérents 
cultes  dont  on  trouve  l'exercice  chez  eux.  Il  me  pa- 
raît bien  plus  conforme  à  la  nature  des  choses  et 
aux  indications  des  documents,  d'admettre  que  le 
culte  perse  prédominait  dans  les  provinces  du  nord 
et  de  l'est,  qui  ont  toujours  été  plus  soumises  à 
l'influence  perse,  et  que  le  culte  assyrien  avait  son 
siège  dans  les  provinces  méridionales,  attenantes  à 
la  Mésopotamie,  où  l'influence  araméenne  a  tou- 
jours prédominé;  de  sorte  que  les  cultes  de  diffé- 
rentes origines  n'auraient  pas  été  combinés  et  auial- 


RAPPORT  ANNUEL.  75 

gamés  dans  un  système  national ,  mais  auraient  été 
suivis  selon  les  localités  et  simultanément.  Je  sou- 
mets mon  doute  à  M.  Emin,  qui  est  infiniment 
mieux  en  état  que  moi  de  donner  une  réponse  satis- 
faisante à  ces  questions. 

M.  Evariste  Prud'homme  a  traduit  l'histoire  d'Ar- 
ménie par  Arisdaguès  de  Lasdiverd^  L'auteur  était 
un  moine  du  \f  siècle,  qui  a  écrit  l'histoire  de  son 
temps  ;  il  commence  avec  l'an  i  ooo  et  termine 
avec  l'année  1071.  Les  pères  mékhitharistes  de 
Venise  avaient  publié  le  texte  de  ce  petit  livre,  et 
M.  Prud'homme  a  pensé,  avec  raison,  qu'un  histo- 
rien contemporain  était  toujours  un  témoin  qu'il  va- 
lait la  peine  de  faire  connaître.  Il  a  trouvé  nécessaire 
d'élaguer  une  partie  des  citations  incessantes  de  l'An- 
cien Testament  dans  lesquelles  le  moine  cherche 
des  parallèles  et  peut-être  des  explications  des  faits 
contemporains  qu'il  raconte,  et,  à  en  juger  par  les 
nombreux  exemples  que  M.  Prud'homme  a  con- 
servés, le  lecteur  ne  peut  que  gagner  à  cette  sup- 
pression de  citations  fastidieuses  qui  n'éclaircissent 
rien.  L'ouvrage  est  écrit  dans  ce  ton  de  déclama- 
tion et  d'élégie  qui  caractérise  les  historiens  armé- 
niens ,  et  qui  n'est  que  trop  naturel  chez  eux,  surtout 
quand  ils  ont  à  décrire  les  derniers  siècles  de  fhis- 
toire  de  ce  pays  malheureux,  histoire  dont  tout  le 

'  Histoire  d'Arménie  par  Arisdaguès  de  Lasdiverd  ,  traduite  pour 
la  première  fois  en  français  et  accompagnée  de  notes  par  M.  Evariste 
Prud'homme.  Paris,  i864,  in-8°  (  i48  pages).  Tiré  à  pari  de  la 
Revue  d'Orient. 


76  JUILLET  1865. 

courant  n'est  marqué  que  de  sang  et  de  ruines. 
L'époque  dont  parle  Arisdaguès  comprend  la  des- 
truction du  royaume  d'Ani  par  les  Grecs  et  le  com- 
mencement de  l'invasion  des  rois  seldjoukides ,  et  son 
récit,  malgré  le  ton  de  rhétorique  qui  y  prédomine 
et  le  rend  difficile  à  lire,  paraît  sincère,  car  il  ne 
déguise  point  les  fautes  et  les  trahisons  des  Armé- 
niens, et  nous  laisse  voir  les  motifs  et  les  moyens 
d'action  des  acteurs  dans  cette  longue  et  lugubre 
tragédie. 

La  littérature  sanscrite  n'a  pas  fourni  son  contin- 
gent habituel,  au  moins  en  Europe;  je  ne  doute  pas 
que  les  nombreuses  presses  typographiques  et  litho- 
graphiques hindoues  n'aient  publié  un  grand  nom- 
bre de  livres  sanscrits,  mais  je  n'ai  aucun  rensei- 
gnement à  fournir  sur  leurs  productions. 

M.  Fauche  a  fait  paraître  le  troisième  volume  de 
sa  traduction  du  Mahabhârata^  et  l'exactitude  éton- 
nante avec  laquelle  paraissent  les  volumes  de  cette 
entreprise  colossale  est  une  garantie  de  son  achè- 
vement. L'auteur  n'a  pas  dévié  do  son  plan ,  fort  sage , 
de  faire  uniquement  une  traduction  sans  aucun  com- 
mentaire, et  une  traduction  littérale,  sans  l'affaiblir 
par  des  tours  de  style  qu'il  pourrait  être  tenté  d'em- 

'  Le  Maliabhàrala,  poëiiie  épique,  de  Rrishna  Dwaipayana,  plus 
communémejit  appelé  Véda-vyasa,  cesl-à-dire  le  Compilateur  et 
l'Ordonnateur  des  Védas,  traduit  complètement  pour  la  première 
lois  par  M.  Hippolyte  Fauche,  vol.  III.  Paris,  i865,  in-8°  (viii  et 
5^3  pages).  Le  quairième  volume  est  en  grande  partie  imprimé  et 
devait  paraître  le  i"  juillet;  mais  une  grève  de  compositeurs  eti 
relardera  la  publication  de  ([uohjues  mois. 


RAPPORT  ANNUEL.  77 

ployer  pour  déguiser  la  répétition  des  épithètes 
compliquées  de  l'épopée.  La  traduction  en  devient 
un  peu  rude,  ce  qui  n'a  aucun  inconvénient;  mais 
je  crois  que  le  traducteur  pourrait  éviter  certaines 
tournures  de  phrases  qu'il  affectionne  et  l'emploi  de 
certains  mots,  comme  sire,  monarque,  dame,  vola- 
tiles, etc.  qui  sonnent  mal  dans  une  épopée  antique 
et  qu'on  n'emploierait  pas  dans  une  traduction 
d'Homère.  iVlais  ce  sont  de  bien  petites  choses  dans 
une  œuvre  aussi  considérable,  et  il  faut  savoir  gré 
à  M.  Fauche  du  dévouement  qu'il  a  montré  pour 
la  science,  car  c'est  un  grand  service  que  de  rendre 
accessible  à  tous  cet  immense  dépôt  de  légendes, 
dont  quelques  parties  sont  d'une  extrême  beauté, 
et  qui,  toutes,  nous  fournissent  une  foule  de  ren- 
seignements sur  les  idées,  les  mœurs  et  les  croyances 
de  l'Inde  ancienne,  que  nous  avons  tant  de  peine 
à  comprendre.  Une  traduction  du  Mahabhârata  est 
indispensable  à  tous  les  savants  qui  s'occupent  de 
fhistoire  de  l'antiquité,  de  ia  mythologie  et  des 
mœurs  des  nations,  et  elle  e'st  presque  tout  aussi 
nécessaire  aux  plus  savants  indianistes,  car  aucune 
mémoire  humaine  ne  peut  suffire  à  se  rappeler  tout 
ce  que  contient  ce  recueil ,  et  aucun  texte  oriental  ne 
permet  de  retrouver  rapidement  un  fait  qu'on  y  a 
remarqué,  si  versé  qu'on  soit  dans  la  langue. 

Un    auteur  anonyme  a   publié   dernièrement  à 
Londres  l'histoire  de  la  secte  des  Maharadjas^  C'est 

*   Historj  of  the  sect  of  the  Maliaradjas  or  Vallabhacharyas  of  Wes- 
tern India.  Londres,  i865,  in-8°  (xvi,  182  et  i83  pages). 


78  JUILLET  1805. 

une  secte  de  vishnouites,  qui  a  été  formée  dans  le 
XV*  siècle  par  un  brahmane  de  race  telinga,  du  nom 
de  Vallabhacharya.  Il  se  donna  pour  une  incarnation 
de  Vishnou ,  fit  de  la  partie  la  plus  scandaleuse  de 
la  légende  de  Krishna  la  hase  de  sa  religion,  et  tous 
ses  descendants  ont,  depuis  ce  temps,  comme  in- 
carnations de  Vishnou ,  exercé  à  leur  tour  une  do- 
mination très-immorale  sur  une  secte  nombreuse. 
L'auteur  donne  des  extraits  des  livres  de  la  secte,  dé- 
crit le  rôle  des  chefs,  la  démoralisation  des  sectaires, 
fait  la  description  de  leurs  orgies,  donne  le  texte 
hindi  des  chansons  qui  accompagnent  leur  culte,  et 
expose  tout  le  système  de  débauches  dégoûtantes 
et  d'exactions  que  les  chefs  déifiés  de  ces  malheu- 
reux leur  imposent.  On  connaissait  cette  forme  de 
superstition  indienne ,  quoique  imparfaitement  ; 
mais  dernièrement  une  enquête  judiciaire  a  mis 
toutes  les  turpitudes  de  cette  secte  au  grand  jour, 
et  l'auteur  de  l'ouvrage  que  j'annonce  fournit,  dans 
un  long  appendice,  les  preuves  de  ce  qu'il  avance. 
Il  expose  le  contraste  de  ces  énormités  avec  la  pu- 
reté des  hymnes  des  Védas,  et  il  paraît  conclure, 
du  grand  changement  qu'il  y  aperçoit  dans  les  idées 
indiennes,  qu'un  changement  total  des  croyances 
des  Hindous  ne  serait  pas  si  difficile  à  amener.  Je 
crois  qu'il  se  trompe.  Il  est  certain  que  les  croyances 
exprimées  dans  le  Rig-Véda  auraient  pu  se  déve- 
lopper autrement  que  dans  l'extravagante  mytho- 
logie sivaïte  et  vishnouite;  mais  le  malheur  de  l'Inde 
a  voulu  que  ce  soit  \k  la  voie  qu'a  suivie  la  masse 


RAPPORT  ANNUEL.  79 

du  peuple,  et  des  théories  comme  celles  des  Maha- 
radjas  ne  sont  que  des  conséquences  extrêmes,  mais 
naturelles,  de  cette  mythologie.  On  a  vu  dans  d'au- 
tres religions  des  superstitions  qui  paraissaient,  au 
premier  aspect,  tout  aussi  éloignées  des  origines  de 
la  croyance,  et  qui  ont  presque  étoulFé  le  fond  pri- 
mitif; mais  quand  on  peut  suivre  leur  histoire ,  on 
voit  qu'elles  provenaient  d'un  développement  de 
quelque  dogme,  développement  maladif  et  exorbi- 
tant, mais  qui  n'indique  pas  le  moins  du  monde 
une  disposition  à  changer. 

L'Inde  a  été  de  tout  temps  plus  fertile  qu'aucun 
autre  pays  en  sectes  religieuses  et  philosophiques, 
et  c'est  dans  ces  spéculations  que  consiste  en  grande 
partie  son  importance  dans  l'histoire  de  l'humanité. 
L'étude  de  ces  systèmes  est  des  plus  difficiles.  On 
a  devant  soi  comme  un  immense  kaléidoscope ,  dont 
les  mouvements  incessants  amènent  des  change- 
ments perpétuels  dans  la  valeur  des  éléments  et  où 
une  idée  ou  une  forme  mythologique  qui  paraissait 
tout  à  fait  secondaire  devient  tout  à  coup  princi- 
pale et  le  centre  d'un  système.  Il  en  est  ainsi  dès 
le  commencement,  et  dans  les  hymnes  mêmes  des 
Védas  on  voit  déjà  ces  transformations.  Plus  tard, 
quand  la  mythologie  a  pris  le  dessus,  le  nombre  et 
l'importance  de  ces  variations  augmentent  indéfi- 
niment. M.  Muir  a  beaucoup  fait,  dans  une  série 
déjà  considérable  de  travaux,  pour  mettre  de  l'ordre 
dans  ce  chaos  apparent  en  suivant  les  idées  reli- 
gieuses   fondamentales    des  Hindous ,   l'une    après. 


80  JUILLET  1865. 

l'autre,  dès  leur  origine  et  à  travers  leurs  dévelop- 
pements divers.  Il  continue  aujourd'hui  ce  travail 
dans  trois  essais\  sur  la  théogonie  des  Védas ,  sur 
leurs  idées  sur  la  vie  future,  et  sur  les  progrès  qu'on 
peut  y  suivre  vers  une  conception  abstraite  de  la 
divinité. 

M.  Weber  a  pris  pour  thème  d'un  mémoire  lu  à 
l'Académie  de  Berlin  ^  un  de  ces  livres  de  théologie 
qui,  sous  le  nom  (ïUpanishads,  se  rattaclient  aux 
Védas,  contiennent  l'exposé  des  spéculations  déjà 
systématiques  des  anciennes  sectes  religieuses,  et 
dont  les  derniers  se  confondent  par  le  sujet  et  par 
l'époque  avec  les  plus  anciens  Puranas.  Le  livre  que 
M.  Weber  a  pris  pour  sujet  estl'Upanishad  de  Rama, 
dans  lequel  ce  héros  est  représenté  comme  incarna- 
tion de  Vishnou  et  devient  ainsi  le  centre  d'un  culte 
sectaire  dont  il  est  le  dieu  suprême.  M.  Weber  donne 
le  texte,  la  traduction  complète  et  un  commentaire 
de  ce  livre,  et  discute  toutes  les  données  qu'il  a  pu 
réunir  sur  la  place  que  tient  ce  développement  de 
ia  mythologie  de  Rama  dans  la  grande  masse  des 
variations  du  vishnouisme,  et  sur  l'âge  comparatif 
de  cet  Upanishad.  Malheureusement  l'âge  compara- 
tif est  tout  ce  qu'on  peut  atteindre  dans  fancienne 
histoire  de  l'Inde,  et  c'est  avec  une   peine  infinie 


*  Dans  le  Journal  of  (hc  R.  Asiatic  Society,  voL  I,  p.  i  et  2.  Lon- 
dres, i865,  in-8°.  La  deuxième  partie  de  ce  volume  est  arrivée  à 
Paris  pendant  l'impression  de  ces  feuilles. 

*  Die  Rama-Tapanîya  Upanishad,  \on  A.  Weber.  Berlin,  i864, 
in-4°.  (Tiré  des  Mémoires  de  l'Académie  de  Berlin,  io5  pages.) 


RAPPORT  ANNUEL.  81 

qu'on  trouve  de  temps  en  temps  moyen  de  fixer  par 
mie  date  certaine  un  nouveau  jalon ,  qui ,  à  son  tour, 
sert  d'appui  à  un  nombre  de  dates  comparatives. 
C'est  pour  augmenter  le  nombre  de  ces  jalons  que 
M.  Thomas  ^  a  entrepris  de  prouver,  dans  une  sa- 
vante dissertation ,  l'identité  du  Xandramas  des  Grecs 
avec  le  Krananda  des  Indiens,  et  d'obtenir  ainsi  un 
nouveau  point  fixe  autour  duquel  d'autres  dates  au- 
jourd'hui encore  vagues  pourraient  se  grouper. 

De  son  côté,  M.  Bhau  Daji^,  professeur  à  Bom- 
bay, détermine  l'âge  de  cinq  célèbres  astronomes 
indiens,  ce  qui  permettra  de  fixer  approximative- 
ment l'époque  de  la  composition  des  ouvrages  qu'ils 
citent  dans  leurs  livres.  Un  de  ces  astronomes  est 
Varahamihira ,  dont  îa  Société  de  Calcutta  publie  un 
ouvrage  dans  sa  Bibliotheca  indien  ^.  Elle  continue  de 
même  la  publication  des  autres  textes  sanscrits  qu'elle 
a  commencée,  la  Logique  de  l'école  de  Nyaya  par 
Gotama  \  le  Taittirya  Aranyaka,  un  des  appendices 
théologiques  du  Yadjour  Véda  noir  ^,  le  Srauta  Sutra 

^  On  the  identitj  of  Xandramas  and  Krananda ,  by  E.  Thomas. 
Londres,  1 865, in-8°.  (Tiré  duJournaloftlie Asiatic  Society, ki  pages.) 

^  On  the  ageandauthenticltjoflhe  works ojArj'abhata,  Varahamihira, 
Brahmagupta,  Bhaltolpala  and  Bashkaracharya,  by  Dr.  Bliau  Daji. 
Journai  de  la  Soc.  as.  de  Londres,  nouvelle  série.  Londres,  i865, 
in-8''. 

^  The  Brihatsanhita  of  Vahara-Mihira ,  edited  by  Dr.  H.  Kern, 
fascic.  V.  Calcutta,  i865,  in-8''. 

*  The  Nyaya  Davsana  of  Gotama,  with  the  commentary  of  Vat- 
syayaiia,  fascic.  ii.  Calcutta,  i86i,  in-8''. 

^  The  Taittirya  Aranyaka  of  (he  blach  Yajar  Veda,  with  the  com- 
mentary of  Sayanacharya ,  edited  by  Rajendraiala  Mitra ,  fascic.  i. 
Calcutta,  i864,  in-S". 

VI.  6 


» 


82  JUILLET    1865. 

d'Aswaiayana ',  traité  sur  une  des  deux  grandes 
classes  de  cérémonies  brahmaniques,  et  un  ouvrage 
de  morale  publique  et  privée,  le  Kamandakiya  Ni- 
tisara  ^. 

M.  Brockhaus,  à  Leipzig,  qui  avait  déjà  publié 
les  cinq  premiers  livres  de  la  grande  collection  de 
contes  indiens  de  Somadeva^,  autem-  du  xii''  siècle, 
continue  aujourd'hui  son  travail  par  une  analyse  dé- 
taillée du  sixième  livre.  Toutes  les  recherches  de 
notre  temps  et,  en  dernier  lieu  surtout,  celles  de 
M.  Benfey^  ont  prouvé  que  l'Inde  est  la  véritable  pa- 
trie des  contes  et  des  fables,  qui  se  sont  répandus 
de  là  vers  l'Occident  par  l'intermédiaire  des  Perses 
et  des  Arabes,  et  vers  l'Orient  par  le  bouddhisme, 
et  que  toutes  les  littératures  populaires  ont  vécu  de 
temps  immémorial,  et  sans  s'en  douter  pour  la  plu- 
part, d'un  fonds  indien; ce  qu'elles  y  ont  ajouté  n'est 
qu'imitation  et  développement  d'un  genre  donné, 
qui  était  déjà  arrivé  à  une  grande  perfection  lors- 
qu'il s'est  répandu  au  dehors  pour  servir  de  modèle 
et  de  stimulant  à  l'imagination  des  savants  et  des 
ignorants. 

M.  Nève,  à  Louvain,  dans  un  petit  écrit  sur  Ka- 

'  TheSraula  Sutra  oj  Asualayana ,  whh  the  commentary  of  Gargya 
Narayana ,  edited  by  Rama  Narayana  Vidyaratna,  fascic.  iv.  Calcutta , 
i865,  in-8°. 

^  The  Kaniandakya  Nidsara,  with  exlracts  frora  the  commentary 
entitied  Vpadhyayanirapeksha ,  fasclc.  m.  Calcutta,  i86/i,  in-8°. 

^  Analyse  des  sechslcn  Bûches  von  Somadeva,  von  Brockhaus.  Dans 
les  Benchte  der  K.  Sàchsisehen  (ieselLschaft  der  W xssenschaflen  ,  1860. 
Leip/.ig,  in-8''. 


RAPPORT  ANNCEL.  83 

lidasa  i,  adopte  pour  ce  poëte  la  date  qui  lui  avait 
été  assignée  par  M.  Lassen ,  la  fin  du  second  siècle 
de  notre  ère.  M.  Bhau  Daji^  fixe  à  son  tour  cette 
date  à  la  fin  du  v^  siècle;  sa  savante  dissertation  laisse 
néanmoins  au  lecteur  des  doutes  sur  un  nombre  de 
points  auxquels  touche  l'argumentation  et  qui  ont 
encore  besoin  d'être  précisés.  La  date  de  Kalidasa 
est  d'une  importance  considérable,  car  elle  indique 
l'époque  de  la  fleur  de  la  culture  indienne.  On  a 
assigné  à  Kalidasa  successivement  des  dates  qui  va- 
rient de  neuf  siècles,  quoiqu'il  ait  été  le  plus  grand 
poëte  du  pays  et  ait  vécu  dans  un  temps  de  haute 
civilisation.  C'est  un  exemple  caractéristique  des  dif- 
ficultés qui  entourent  toutes  les  études  indiennes, 
et  pourtant  il  faut  les  suivre  et  y  mettre  de  l'ordre, 
car  il  s'agit  d'une  des  quatre  ou  cinq  grandes  civili- 
sations auxquelles  l'humanité  doit  ce  qu'elle  est,  et 
il  y  a  tout  un  monde  sous  l'écorce  rude  et  épineuse 
qui  recouvre  la  littérature  indienne. 

Le  manque  de  dictionnaires  sanscrits  otfrait  de- 
puis longtemps  un  grand  obstacle  à  l'extension  de 
ces  études  ;  mais  cette  lacune  va  disparaître.  MM.  Bur- 
nouf  et  Leupol,  à  Nancy,  ont  terminé  leur  Dic- 
tionnaire   sanscrit- français  ^;    le    dictionnaire    que 

*  Calidasa,  oa  la  poésie  sanscrite  dans  les  raffiiiemenls  de  sa  culture, 
par  M.  Nève.  Paris,  i864  ,  in-8°. 

^  On  the  sanscrit  poet  Kalidasa,  by  Btiao  Daji.  Bombay,  in-8°. 
Extrait  d'un  volume  du  Journal  de  la  Société  de  Bombay,  qui,  je 
crois,  n'a  pas  encore  paru. 

^  Dictionnaire  classique  sanscrit-français ,  par  E.  Burnouf  et  L. 
Leupol.  Paris,  i865,  in-8°  (vtii  et  781  pajçes). 

6. 


84  JUILLET  1865. 

MM.  Boethlingk  et  Rotb  publient  pour  l'Académie 
de  Saint-Pétersbourg  est  arrivé  à  la  fin  du  quatrième 
volume  \  ce  qui  fait  les  trois  cinquièmes  de  l'ensem- 
ble, et  les  auteurs  annoncent  que  dans  huit  ans  leur 
grande  entreprise  pourra  être  terminée.  M.  Benfey, 
à  Gœttingue,  a  préparé  un  dictionnaire  sanscrit-an- 
glais qui  est,  je  crois,  sous  presse;  M.  Bopp  fait  im- 
primer à  Berlin  une  nouvelle  édition  de  son  Voca- 
bulaire sanscrit,  et  M.  Goldstûcker,  à  Londres, 
annonce  une  nouvelle  édition  de  Wilson  qu'il  se 
propose  de  publier,  sans  renoncer  au  travail  qu'il  a 
commencé  à  faire  paraître  et  (jui  est  plutôt  un  thé- 
saurus qu'un  dictionnaire. 

Je  n'ai  que  peu  à  dire  sur  ce  qui  regarde  les  lit- 
tératures qui  se  rattachent  au  sanscrit,  soit  par  la 
langue,  soit  par  les  influences  historiques.  Les  per- 
sonnes qui  s'intéressent  à  la  littérature  bindouslanie 
trouveront  dans  le  discours  annuel  d'ouverture  du 
cours  de  M.  Garcin  de  Tassv  '^  tous  les  détails  dési- 
râbles  sur  les  productions  récentes  de  la  presse  mu- 
sulmane de  l'Inde.  M.  Garcin  de  Tassy  lui-même 
nous  a  donné  la  traduction  de  l'hindoustani^  d'une 
histoire  de  Schir  Schah,  roi  de  Dehii.  Schir  Schah 
était  un  Afghan  qui  avait  profité  des  dissensions  qui 

'  Sanshrit  fVœrterhuch,  hearbeitct  von  O.  Boelhlingk  und  R. 
Rolh.vol.  IV.  Salnt-Pôlersbourg,  i865,  in-4°  (i,2i/4  colonnes). 

*  Cours  d'hindoustani ,  discours  d'ouverture,  par  M.  Garcin  de  Tassy. 
Paris,  1864,  in-8°  (27  p;iges). 

'  Un  chapitre  de  l'Inde  musulmane,  ou  Chronique  de  Scher  Schah, 
Sultan  de  Delhi,  traduite  de  l'hindoustani  par  M.  Garcin  de  Tassy. 
Pans.  i865.  in  8°  (i6/i  pages). 


RAPPORT  ANNUEL.  85 

s'étaient  déclarées  dans  la  famille  de  l'empereur  Hou- 
mayoun  pourchasser  l'empereur,  s'emparer  de  Dehli 
et  y  fonder  une  dynastie  de  peu  de  durée,  que 
Houmayoun  lui-même  parvint  à  détruire.  L'empe- 
reur Akbar  demanda  h  Abbas  Rhan  Surwani,  dont 
la  famille  avait  été  très-impliquée  dans  ces  affaires, 
de  décrire  en  détail  ce  sanglant  épisode  de  l'histoire 
de  l'Inde.  Le  livre  fut  composé  en  persan ,  et  M.  Gar- 
cin  de  Tassy  l'a  traduit  d'après  une  version  en  hin- 
doustani.  L'auteur  ne  s'élève  pas  beaucoup  au-dessus 
des  vues  d'un  chroniqueur  oriental;  mais  l'exacti- 
tude de  ses  renseignements,  les  détails  dans  lesquels 
il  entre  et  la  vivacité  de  son  récit  font  de  son  livre 
une  source  précieuse  pour  l'histoire  de  l'Inde  dans 
le  x\f  siècle.  Pour  s'assurer  de  sa  valeur,  on  n'a 
qu'à  le  comparer  avec  le  récit  des  mêmes  événe- 
ments qu'on  trouve  dans  Ferischta ,  et  qui  est  d'une 
déplorable  sécheresse  à  côté  de  la  vie  que  respirent 
ces  souvenirs  de  famille. 

De  toutes  les  littératures  qui  se  rattachent  à  la 
littérature  sanscrite  par  un  lien  quelconque,  les  plus 
importantes  de  beaucoup  sont  les  littératures  boud- 
dhistes. Elles  ont  été  beaucoup  étudiées  de  notre 
temps,  et  elles  le  seront  bien  plus  encore  dans  l'ave- 
nir, jusqu'à  ce  que  la  nature  de  cette  religion  ait 
été  mise  dans  son  véritable  jour,  que  son  histoire 
ait  été  approfondie  et  que  la  croissance  successive 
des  incroyables  aberrations  qui  l'ont  dénaturée  ait 
été  éclaircie.  M.  Feer^  vient  de  traiter  un  point  qui 

'   La  Légende  de  Rahu  chez  les  Bramanes  et  les   Buddhistes ,  par 
M.  Feer.  Paris,  i865,  in  8"  (38  pages). 


8(i  JUILLET   1865. 

se  rapporte  à  cetle  dernière  question.  Jl  publie 
une  série  de  textes  tibétains  deslinés  en  premier 
Jieu  aux  auditeurs  de  son  cours  de  tibétain  ^  et  il 
prend  occasion  d'un  de  ces  textes  pour  expliquer  la 
manière  dont  s'est  formée  la  mythologie  boud- 
dhique, qui,  en  principe,  est  entièrement  étrangère 
à  la  doctrine  du  Bouddha,  et  a  fini  par  l'absorber 
et  i'étoulïer  sous  son  monstrueux  développement.  11 
a  choisi  pour  cela  la  fable  de  Kahu  le  géant,  qui  dé- 
vore le  soleil  et  la  lune,  ce  qui  produit  les  éclipses. 
C'est  une  fable  qui  flottait  dans  les  croyances  in- 
diennes, probablement  des  temps  les  plus  anciens; 
M.  Feer  nous  la  montre  dans  sa  forme  purement 
brahmanique  telle  que  la  donne  le  Mahabhârata, 
puis  reprise  et  modifiée  par  les  bouddhistes  et  exa- 
gérée graduellement  jusqu'au  monstrueux. 

Les  textes  que  publie  M.  Feer  sont  tirés  du 
Kandjour,  la  grande  collection  de  traductions  tibé- 
taines de  livres  bouddhiques,  dont  nous  possédons 
à  Paris  im  exemplaire  imprimé  au  Boutan  et  que 
nous  devons  à  la  libéralité  de  la  Société  de  Calcutta. 
Mais  il  nous  faudrait  avoir  aussi  la  collection  encore 
plus  volumineuse  intitulée  le  Tandjoar,  et  il  serait 
extrêmement  important  pour  les  études  sur  le  boud- 

'  Exercice  de  langue  tibétaine.  Légende  du  roi  Açoka.  Texte  tibé- 
tain, transcription,  traduction  mot  à  mot  par  M.  H.  L.  Feer.  Paris, 
i865,  in- 8°  'i6  pages  iithographiées). 

Textes  tirés  du  Kandjour,  par  M.  L.  Feer,  ii"  i.  Tchandra-Sutra, 
Surya-Sutra,  Tclialur-Gallia.  Paris,  i864,  in-S"  (16  pages  Iithogra- 
phiées). 

Textes  tirés  du  Kandjour,  par  \\.  L.  Feer,  n"  2.  Composition  des 
ccrils  buddhiques.  Paris,  i865,  in-S'fiô  pages  Iithographiées). 


RAPPORT  ANNUEL.  87 

dhisme  qu  on  pût  se  procurer  i'édition  impériale  de 
Pékin  de  ces  deux  collections,  inr) primées  en  tibé- 
tain, en  mongol,  en  chinois  et  en  mandchou.  Mal- 
heureusement cette  édition  ne  s'achète  pas,  et  il  n'y 
a  que  l'ambassadeur  de  France  à  Pékin  qui  pourrait 
l'obtenir  directement  du  gouvernement  chinois. 
Nous  ne  possédons  ni  en  pâli  ni  en  sanscrit  la  plus 
grande  partie  des  traités  qui  forment  ces  immenses 
collections  tibétaines,  et  si  même  nous  les  possé- 
dions, la  valeur  de  ces  traductions  n'en  serait  pas 
diminuée,  parce  qu'elles  serviraient  de  contrôle 
pour  la  critique  des  textes  et  pour  leur  interpréta- 
tion par  les  savants  en  Europe. 

On  était  très-pauvre  en  livres  palis,  qui  sont  les 
vraies  sources  pour  l'étude  de  la  religion  et  de  la  litté- 
rature bouddhistes;  mais  il  vient  d'en  arriver  à  Paris 
une  très-belle  collection.  M.  Grimblot,  qui  s'était 
depuis  longtemps  livré  à  l'étude  du  pâli,  fut  envoyé 
comme  agent  consulaire  à  Colombo,  et  y  resta  pen- 
dant six  ans,  qu'il  employa  à  continuer  ses  études. 
Les  prêtres  bouddhistes,  qui  longtemps  refusèrent 
de  lui  céder  des  manuscrits,  finirent  par  être  tou- 
chés de  tant  de  zèle  ,  consentirent  à  lui  ouvrir  leurs 
bibliothèques,  à  lui  vendre  des  manuscrits  et  à  en 
copier  pour  lui ,  et  il  réussit  ainsi  à  réunir  une  grande 
partie  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  ancien  et  de  plus  im 
portant  pour  l'histoire  et  la  doctrine  du  boud- 
dhisme. 11  se  propose  de  publier  une  partie  de  ces 
matériaux ,  accumulés  si  laborieusement,  sous  le  titre 
de  Bibliotheca  palica.  Il  commencera  par  les  textes 


88  JUILLET  1805. 

des  discours  du  Bouddha  recueillis  par  ses  disciples 
dans  le  premier  concile,  tenu  immédiatement  après 
sa  mort,  et  contenus  dans  le  Tipitaca;  il  accom- 
pagnera ces  textes  des  gloses  de  Bouddhagosha, 
prêtre  hindou  du  iv^  siècle,  qui  vint  à  Geylanpour 
y  recueillir  les  livres  palis  qui  manquaient  aux 
Bouddhistes  de  l'hide,  et  qui  composa,  aussi  en 
pâli,  un  commentaire  des  actes  du  premier  concile,, 
travail  plein  d'éclaircissements  et  de  faits  histo- 
riques, tirés  de  livres  aujourd'hui  perdus.  Il  fera 
suivre  ces  textes  du  Dipavanso,  histoire  du  boud- 
dhisme à  Ceylan,  antérieure  au  Mahavanso,  puis 
d'un  texte  du  Mahavanso,  plus  correct  et  plus  com- 
plet que  celui  de  Turnour  ,  et  accompagné  du 
commentaire  que  l'auteur  du  Mahavanso  lui-même 
a  écrit  sur  son  livre.  Pour  faciliter  l'Aude  de  ces 
textes  il  publiera  en  même  temps  le  plus  ancien 
dictionnaire  pâli,  l'Abidhana  Padipika,  avec  une  tia- 
duction  et  un  index  alphabétique,  et  le  texte  de 
deux  anciennes  grammaires ,  les  Sutras  de  Kacciayana 
et  le  Rupa  Siddhi,  avec  les  index  nécessaires.  Ces 
publications  donneront  une  nouvelle  impulsion  aux 
études  sur  le  bouddhisme,  et  permettront  de  con- 
tinuer avec  de  plus  amples  ressources  les  travaux 
que  Burnouf  avait  entrepris  et  qu'une  mort  préma- 
turée a  si  malheureusement  interrompus.  Ce  sont 
des  éludes  de  la  plus  grande  importance,  d'abord 
pour  l'histoire  dr  l'Inde,  pane  que  les  livres  boud- 
dhiques donnent  des  dates  autour  desquelles  on  peut 
fixer  les  vagues  données  que  fournit  la  littérature 


RAPPORT  AxNNUEL.  89 

brahmanique;  ensuite  et  surtout  elles  sont  impor- 
tantes pour  l'histoire  de  l'esprit  humain,  car  aucune 
religion  n'a  agi  sur  un  aussi  grand  nombre  d'hommes 
que  le  bouddhisme,  qui  compte  encore  aujourd'hui 
plus  d'adhérents  qu'aucune  autre,  et  qui  malgré  sa 
décadence  spirituelle  et  les  superstitions  et  les  vaines 
pratiques  qui  obscurcissent  partout  l'intelligence  de 
ses  sectateurs,  influence  encore  par  la  trace  ineffa- 
çable de  ses  premiers  principes  la  manière  de  penser 
et  la  conduite  de  centaines  de  millions  d'hommes. 

Il  ne  me  reste  plus  qu'à  mentionner  le  petit  nom- 
bre d'ouvrages  qui  ont  paru  sur  la  Chine  et  sur  les 
littératures  des  peuples  qui  l'entourent. 

M.  Plath,  à  Munich,  continue  ses  recherches  sur 
l'état  social  de  la  Chine  antique.  Il  vient  de  publier 
un  mémoire  sur  la  constitution  et  l'administration 
de  la  Chine  sous  les  trois  premières  dynasties  ^ 
M.  E.  Biot  avait  traité  le  même  sujet,  mais  d'une 
manière  plus  restreinte,  et  n'avait  parlé  que  de  la 
troisième  dynastie,  parce  qu'il  supposait  que  le 
système  féodal  chinois  était  né  sous  elle.  M.  Plath 
prouve  très-bien  que  ce  système  remonte  beaucoup 
plus  haut,  et  qu'il  a  prévalu  en  Chine  pendant  près 
de  deux  mille  ans.  La  féodalité  détruisit  graduelle- 
ment l'autorité  des  empereurs,  jeta  la  Chine  dans 
des  désordres  épouvantables  et  donna  à  la  lin  lieu, 
au    iif  siècle   avant  notre  ère,  aux  entreprises  de 

'  Ueber  die  Verfassung  und  Verwaltung  Chinas  unter  den  drei  ersten 
Djnastieen,  von  D'.  J.  H.  Plalli.  Munich,  i865,  in-4°  (  «42  pages). 
Tiré  des  Mémoires  de  l'Académie  de  Munich,  vol.  X. 


90  JUILLET   1865. 

Chi-hoang-ti,  qui  introduisit  le  système  d'autocratie 
et  de  centralisation  que  la  Chine  a  gardé  depuis 
ce  temps. 

M.  Plath  traite  de  l'origine  de  l'empire  chinois, 
de  l'organisation  politique  sous  les  trois  premières 
dynasties  et  de  la  constitution  féodale  des  provinces, 
et  il  montre  les  raisons  de  la  décadence  graduelle 
que  cette  constitution  a  amenée.  M.  Plath  a  accu- 
mulé beaucoup  de  faits  et  de  matériaux  sur  le  sujet 
qu'il  a  choisi,  et  il  précise  et  complète  en  beaucoup 
de  points  l'image  qu'on  pouvait  se  faire  de  l'état  po- 
litique de  la  Chine  au  if  siècle  avant  notre  ère,  d'a- 
près les  travaux  des  jésuites  et  ceux  de  Biot.  Ces 
études  sur  l'histoire  de  la  civilisation  chinoise  sont 
encore  incomplètes;  mais  elles  sont  d'un  grand  in- 
térêt et  seront  certainement  continuées  d'époque  en 
époque,  jusqu'à  ce  que  nous  ayons  une  idée  précise 
de  ce  que  ce  peuple  a  réellement  accompli,  et  en 
quoi  et  pourquoi  il  est  resté  au-dessous  de  ce  que 
promettaient  des  commencements  si  brillants.  On 
peut  entrevoir  les  causes  de  cette  défaillance;  mais 
il  faut  encore  bien  des  études  spéciales  sur  beau- 
coup de  sujets  avant  qu'on  puisse  s'en  rendre  un 
compte  complet  C'est  tout  un  côté  de  l'histoire  du 
genre  humain  et  digne  des  travaux  les  plus  assidus 
et  des  spéculations  des  esprits  les  plus  distingués. 

M.  Pauthiera  publié  un  nouveau  texte  des  voya- 
ges de  Marco  Polo  \  et  comme  il  en  a  fait,  par  une 

'  Le  livre  de  Marco  Polo,  citoyen  de  Venise,  conseiller  privé  el 
rommissairc  impérial  de  Koubilai-Khan  ,  rédigé  en  français  sous  sa 


RAPPORT  ANNUEL.  91 

longue  introduction  et  par  un  commentaire,  pres- 
que un  traité  de  l'histoire  et  de  la  géographie  de  la 
Chine  au  xiif  siècle,  son  travail  rentre  dans  notre 
sujet.  M.  Pauthier  prouve  que  la  relation  la  plus 
authentique  de  ces  voyages  est  contenue  dans  le 
texte  français  que  Marco  Polo,  après  l'avoir  revu, 
avait  remis  à  Thiébault  Gépoy,  et  il  puhlie  ce  texte, 
qui  n'avait  jamais  été  imprimé,  d'après  un  excellent 
manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Paris.  Il  donne  dans 
une  introduction  un  exposé  critique  de  la  vie  et  des 
voyages  de  Marco  Polo ,  une  dissertation  sur  la 
langue  dans  laquelle  il  a  composé  son  livre  et  un 
aperçu  de  l'état  pohtique  de  l'Asie  au  xiif  siècle; 
ensuite  il  accompagne  le  texte  d'un  commentaire 
fort  étendu,  tiré  surtout  de  sources  chinoises,  dans 
lequel  il  traite  de  tous  les  points  historiques,  géo- 
graphiques et  commerciaux  auxquels  a  touché  son 
auteur.  Il  ajoute  dans  un  appendice  deux  inscrip- 
tions mongoles  en  écriture  passapa  qu'il  avait  déjà 
expliquées  dans  votre  journal ,  et  les  lettres  de  deux 
princes  mongols  à  Philippe  le  Bel,  que  Rémusat 
avait  fait  connaître.  Marco  Polo  a  eu  le  sort  d'Hé- 
rodote; plus  le  savoir  a  fait  des  progrès  dans  le 
monde,  plus  leur  véracité  a  été  reconnue,  et  celte 

dictée  en  i  298  par  Rusticien  de  Pise,  publié  pour  la  première  fois 
d'après  la  rédaction  primitive  du  livre,  revue  par  Marco  Polo  lui- 
même  et  donnée  par  lui  en  1 807  à  Thiébault  de  Cépoy,  accompagné 
de  commentaires  géographiques  et  historiques,  tirés  des  écrivains 
orientaux  principalement  chinois ,  avec  une  carte  générale  de  l'Asie , 
par  M.  G.  Pauthier.  Paris,  i865;  in-8°  (glvi  et  882  pages.  Prix  : 
ko  francs). 


92  JUILLET  1865. 

édition  du  meilleur  texte  du  voyageur  et  le  nouveau 
commentaire,  tiré  de  sources  qui  étaient  inacces- 
sibles aux  éditeurs  antérieurs,  ne  peuvent  qu'ac- 
croître encore  i'eslime  dans  laquelle  il  a  été  tenu. 

M.  Legge,  à  Hongkong,  continue  son  grand  ou- 
vrage ,  les  Classiques  chinois;  on  dit  que  le  troisième 
et  le  quatrième  volume,  contenant  le  Chou-king, 
ont  j3aru.  C'est  de  beaucoup  le  plus  important  pour 
nous  des  ouvrages  classiques  des  Chinois,  et  le  com- 
mentaire de  M.  Legge  sera  reçu  en  Europe  avec 
reconnaissance  et  grande  curiosité. 

M.  Edkins,  à  Shanghaï,  a  publié  une  nouvelle 
édition  de  sa  grammaire  chinoise ^  Le  but  qu'il  se 
propose  est  d'aider  les  Européens  en  Chine  à  ap- 
prendre la  langue  actuellement  parlée  et  écrite  par 
les  classes  cultivées,  c'est-à-dire  ce  qu'on  est  convenu 
aujourd'hui  d'appeler  le  dialecte  mandarin.  Il  traite, 
dans  la  première  moitié  du  volume ,  en  grand  détail, 
des  règles  et  des  variations  de  la  prononciation ,  sujet 
qui  naturellement  a  plus  d'importance  pour  les  lec- 
teurs qui  se  trouvent  en  Chine  que  pour  nous  ; 
mais  comme  M.  Edkins  est  un  homme  très-savant 
dans  l'histoire  de  la  langue  chinoise ,  il  trouve 
moyen  de  nous  faire  connaître  une  foule  de  rensei- 
gnements sur  l'ancienne  prononciation  chinoise  qui 
sont    d'un   intérêt   Irès-réel    pour  f histoire   de   la 

'  A  Grammur  oj  tlie  Chincse  colloqiiial  laii(jua(jc ,  commonly  called  (lie 
mandarin  dialecl,  by  Joseph  Edkirià,  of  the  London  missionary 
Society.  Second  édition  revised.  Shanghaï,  i863.  in-â"  (viii  et 
2  19  pages). 


RAPPORT  ANNUEL.  93 

langue  et  pour  l'intelligence  des  livres  classiques, 
et,  s'il  voulait  écrire  un  traité  systématique  sur  les 
changements  que  la  langue  et  la  prononciation  ont 
éprouvés  en  Chine,  il  rendrait  un  grand  service  à 
la  science.  Le  reste  du  volume  contient  l'exposé  des 
formes  grammaticales,  ou  plutôt  des  expédients 
dont  se  sert  la  langue  chinoise  pour  remplacer  les 
formes  qui  lui  manquent.  Cette  partie  de  l'ouvrage 
est  traitée  dans  un  ordre  naturel  et  intelligible,  et 
remplie  d'observations  puisées  dans  une  profonde 
connaissance  de  la  langue  écrite  et  parlée. 

J'ai  annoncé  l'année  dernière  un  manuel  de 
grammaire  chinoise,  par  M.  Summers,  à  Londres. 
Je  ne  connaissais  pas  alors  une  grammaire  plus  dé- 
veloppée qu'il  avait  publiée  presque  en  même 
temps  ^  Il  s'y  est  proposé  d'aider  les  étudiants  en 
Europe  à  acquérir  la  connaissance  du  dialecte  man- 
darin. Il  donne,  après  avoir  traité  de  l'écriture, 
des  formes  et  de  la  syntaxe,  une  chrestomathie  avec 
transcription  et  traduction.  Il  se  sert  beaucoup  de 
la  transcription  se"ule  dans  les  exemples  qu'il  cite 
dans  la  grammaire,  je  suppose  pour  en  réduire 
l'étendue;  mais  il  vaudrait  mieux  omettre  ce  qu'on 
ne  veut  pas  écrire  aussi  en  caractères  chinois.  On 
voit  dans  les  grammaires  de  M.  Edkins  et  de  M.  Sum- 


'  A  Handhook  oj  ihe  Cliinese  lanfjuuge.  Parts  i  and  ii,  Grammar 
and  Chrestomathy,  prepared  with  a  view  to  initiale  tbe  stndent  of 
Chinese  in  tlie  rudiments  of  this  langtiage  and  lo  suppiy  materials 
for  his  early  studies ,  by  James  Summers.  Oxford ,  1 863 ,  in-8°  (xxx  » 
23 1,  io5  et  Sg  pages}. 


94  JUILLET  LS65. 

mers  que  Ton  attache,  avec  raison,  plus  d'impor- 
tance qu'auparavant  à  rénumération  et  à  la  défini- 
tion du  sens  des  particules  dans  lesquelles  consiste 
la  partie  la  plus  importante  et  la  plus  délicate  de  la 
grammaire  chinoise.  Ei  pourtant  je  crois  que  ce 
qu'on  a  fait  jusqu'ici  pour  cette  partie  capitale  de  la 
langue  est  très-insuffisant,  et  qu'un  traité  spécial  et 
détaillé  sur  les  particules  chinoises  est  un  grand  de- 
sideratum. Tl  devrait  contenir  l'énumération  com- 
plète de  ces  mots  auxiliaires  et  la  définition  exacte 
de  leur  emploi,  de  leur  inlluence  sur  la  tournure 
de  la  phrase,  et  de  leur  valeur  grammaticale,  et  ap- 
puyer le  tout  par  des  exemples  bien  choisis  et  placés 
dans  leur  ordre  chronologique.  L'étude  du  chinois 
est,  de  toutes  les  études  orientales,  celle  qui  a  fait 
le  moins  de  progrès  en  Europe,  quoiqu'il  n'y  en  ait 
pas  une  qui  puisse  fournir  des  faits  plus  nombreux 
et  plus  variés  qu'elle;  mais  il  faut  des  secours  plus 
amples  que  ceux  que  nous  possédons  pour  cette 
étude  difficile. 

Il  est  arrivé  récemment  quelques  exemplaires 
d'un  vocabulaire  latin-chinois,  publié  en  Chine  par 
M^"^  Perny,  évêque  de  Sse-Tchouen^.  Ce  volume  est 
destiné  à  l'usage  des  séminaires  catholiques  en 
Chine,  pour  l'enseignement  du  latin  aux  prêtres 
indigènes  ;  il  contient  à  peu  près  vingt  mille  mots 

'  Vocabularium  latino-sinicum ,  ad  usam  stiidiosœ  juventutis  sinicœ, 
auclore  Paulo  Perny,  1861,  in-8°  (721  pages),  A  la  Gn  du  volume 
on  lit  :  "  Explicit  vocabularium  latino-sinicum ,  in  pago  dicto  Kiéou- 
tcliay  e  tribu  aborigena  Tchong-kin-tsi ,  anno  Domini  1862.» 


RAPPORT  ANNUEL.  95 

latins  avec  leur  traduction  en  chinois,  mais  sans 
autres  détails,  chaque  mol  n'occupant  qu'une  ligne. 
Le  livre  est  gravé  sur  bois  en  deux  colonnes  et  assez 
proprement  exécuté ,  mais  il  ne  peut  être  d'aucune 
utilité  pour  les  études  chinoises  en  Europe.  Nous 
avons  besoin  d'un  dictionnaire  chinois,  le  plus  riche 
possible  en  mots  composés,  en  emplois  métapho- 
riques de  mots  et  de  phrases,  et  en  explications  des 
nuances  délicates  que  l'usage  introduit  dans  toute 
littérature  riche  et  ancienne  comme  celle  de  la 
Chine. 

Le  Code  annamite,  dont  M.  Aubaret,  consul 
général  de  France  à  Bangkok,  vient  de  publier 
une  traduction  \  est  un  ouvrage  tout  chinois  d'o- 
rigine et  de  langue,  car  les  Cochinchinois  ont 
adopté  le  Code  chinois  tout  entier.  Il  n'y  a  de  dif- 
férence que  dans  les  Règlements  supplémentaires 
que  l'on  y  ajoute  de  temps  en  temps  tant  en  Chine 
qu'en  Cochinchine.  Ces  règlements  forment  la 
partie  mobile  de  la  législation;  ils  sont  revus  en 
Chine  tous  les  cinq  ans  et  en  Cochinchine  à  des 
époques  arbitraires.  Le  Code  chinois  est  très-connu 
en  Europe,  par  la  traduction  qu'en  a  publiée  sir  G. 
Staunton;  M.  Aubaret  l'a  traduit  de  nouveau  sur 
l'édition  officielle  cochinchinoise,  qui  ne  diffère  de 
son  prototype  que  par  l'ordre  plus  logique  dans  le- 
quel les  chapitres  sont  placés.  M.  Aubaret  a  eu  soin 

*  Code  annamite.  Lois  el  règlements  du  royaume  d'Annam,  traduits 
do  texte  chinois  original,  par  G.  Aubaret.  Paris,  i865,  2  voL  in-&* 
(xiv,  394  et  3o9  pages). 


96  JUILLET  1865. 

de  traduire  aussi  les  Règlements  supplémentaires 
par  lesquels  le  Code  annamite  se  distingue  du  Code 
chinois.  Cette  traduction  mettra  l'administration 
française  à  Saigon  en  état  d'appliquer  les  lois  du 
pays,  et  M.  Aubaret  espère  qu'elle  sera  suivie  de  la 
publication  du  Code  en  langue  annamite,  pour  que 
le  peuple  puisse  prendre  lui-même  connaissance 
des  lois  qui  l'ont  gouverné  depuis  si  longtemps, 
sans  qu'il  ait  pu  en  lire  le  texte.  Il  est  grand  par- 
tisan de  l'introduction  de  l'alphabet  de  transcrip- 
tion dont  les  missionnaires  catholiques  se  servent 
dans  leurs  écoles,  et  il  fait  imprimer  dans  ce  mo- 
ment une  grammaire  annamite-française  dans  ce 
caractère.  Il  a  préparé  aussi  un  vocabulaire  anna- 
mite-français et  français-annamite,  qui  sera  imprimé 
avec  les  caractères  cochinchinois  que  l'Imprimerie 
impériale  a  fait  graver. 

La  littérature  japonaise  ne  nous  a  guère  apporté 
cette  année  que  des  promesses.  M.  de  Rosny  a 
publié  un  Guide  de  la  conversation  japonaise  K  Ce 
sont  des  conversations,  composées  à  faide  des 
membres  de  la  première  ambassade  du  Japon  , 
qu'il  fait  précéder  d'une  instruction  sur  la  pronon- 
ciation en  usage  à  Yédo.  Le  japonais  est  imprimé  en 
caractères  français,  ce  qui  n'offre  pas  de  difficulté 
tant  qu'il  ne  s'agit  pas  de  mots  chinois.  M.  de  Rosny 
annonce  la  continuation  de  son  Dictionnaire  japo- 

'  Guide  de  la  comerscK  ion  japonaise ,  précédé  d'une  introduction 
sur  la  prononcialion  en  usage  à  Yédo,  par  Léon  do  Rosny.  Paris. 
1 865  ,  in-8°  (  56  page»  ). 


RAPPORT  ANNUEL.  97 

nais-français-anglais,  dont  la  première  partie  a  paru 
il  y  a  quelques  années,  et  une  collection  de  spéci- 
mens d'ouvrages  japonais  reproduits  en  fac-similé  et 
traduits  en  français. 

M.  Léon  Pages  imprime,  de  son  côté,  la  conti- 
nuation de  sa  reproduction  du  Dictionnaire  japonais 
des  jésuites,  qu'il  accompagne  de  la  transcription 
des  mots  japonais  en  caractères  katakana  et  d'une 
traduction  française.  L'impression  de  la  seconde 
livraison  est  très-avancée.  Il  nous  promet  aussi  une 
Histoire  du  Japon,  dont  le  troisième  volume,  qui 
doit  paraître  le  premier  et  qui  commence  à  l'année 
i58o,  est  sous  presse.  Enfin  M.  Pages  s'est  chargé 
des  soins  à  donner  à  la  publication  du  Dictionnaire 
français-anglais-japonais  de  M.  Mermet,  mission- 
naire au  Japon,  qui  formera  deux  livraisons,  dont 
la  première  paraîtra  dans  le  courant  de  l'année. 
M.  Mermet  a  composé  de  même  un  Dictionnaire 
japonais-français-anglais,  qui  doit  paraître  à  la  suite 
de  la  partie  française  et  japonaise. 

Nous  ne  manquerons  donc  pas  de  secours  pour 
l'étude  de  la  littérature  japonaise,  et  il  faut  qu'on 
l'étudié  en  Europe  ,  malgré  la  difficulté  qu'elle  oftVe 
d'exiger  la  connaissance  préalable  de  la  langue  et 
de  la  littérature  chinoises.  Aussi  longtemps  que  le 
Japon  avait  réussi  à  se  préserver  du  contact  avec 
les  Européens,  on  pouvait  s'occuper  de  sa  littéra- 
ture comme  d'un  objet  de  curiosité  scientifique; 
mais  aujourd'hui  la  connaissance  de  sa  langue ,  de 
son  histoire,  de  sa  géographie,  de  son  organisation 
VI.  7 


î>8  JUILLET   1865. 

sociale,  de  ses  mœurs,  de  sa  religion  et  de  ses 
sciences,  est  devenue  une  nécessité  pour  nous,  car 
nous  avons  porté  chez  les  Japonais,  par  notre  en- 
tière ignorance  de  leur  état  réel ,  de  leurs  idées  et 
de  leurs  habitudes,  la  guerre  étrangère  et  la  guerre 
civile,  et  il  est  temps  que  l'Europe  justifie  par 
d'autres  résultats  son  intervention  dans  les  alfaires 
d'un  pays  qui  ne  demandait  que  de  rester  tran 
quille. 

Messieurs,  les  ouvrages  de  littérature  orientale 
dont  vous  venez  d'entendre  la  liste  et  qui  ont  paru 
depuis  notre  dernière  séance  annuelle,  ou  au  moins 
ceux  qui  sont  arrivés  à  ma  connaissance,  sont 
moins  nombreux  que  ceux  qui  ont  été  publiés  dans 
la  plupart  des  années  antérieures;  mais  celte  dimi- 
nution ne  peut  être  qu'accidentelle  et  momentanée, 
car  elle  ne  vient  aucunement  d'un  alTaiblissement 
de  nos  études  communes.  Celles-ci,  au  contraire, 
n'ont  jamais  été  plus  sérieuses  et  plus  profondes, 
elles  ne  se  sont  jamais  étendues  à  un  plus  grand 
nombre  de  langues  et  de  sujets,  et  elles  n'ont  ja- 
mais été  poursuivies  avec  des  méthodes  plus  rigou- 
reuses. 

C'est  un  spectacle  étonnant  de  voir  avec  quelle 
rapidité  elles  se  sont  formées ,  et  ont  pris  posses- 
sion de  toute  l'étendue  du  cercle  que  la  nature  des 
choses  leiu'  assigne.  Plusieurs  d'entre  nous  ont  eu- 
core  pu  connaître  tous  les  initiateurs  de  ces  nou- 
velles études,  excepté  peut-être  Sir  W.  Jones.  Wil- 


RAPPORT  ANNUEL.  99 

kins,  Coiebiooke,  Silvestre  de  Sacy ,  Gesenius, 
Grotefend,  Hammer,  Rémusat,  Champollion ,  Bur- 
nouf  étaient  des  hommes  de  notre  temps;  d'autres, 
qui  ont  créé  à  leur  tour  de  nouvelles  branches  de 
nos  études  communes,  ou  même  des  sciences  en- 
tières qui  en  sont  sorties,  sont  encore  en  vie  et 
continuent  les  travaux  qu'ils  ont  si  glorieusement 
commencés.  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  leurs  noms, 
qui  sont  dans  toutes  les  bouches,  partout  où  le  sa- 
voir est  en  honneur.  Ce  grand  mouvement  litté- 
raire a  été  provoqué  par  la  coïncidence  de  plusieurs 
causes,  indépendantes  l'une  de  l'autre.  Les  exi- 
gences d'une  théologie  plus  savante  et  plus  hbre, 
l'extension  donnée  aux  missions  en  Asie,  les  rap- 
ports politiques  plus  intimes  avec  l'Orient,  une 
curiosité  toute  nouvelle  tournée  vers  les  problèmes 
de  l'histoire  de  la  civilisation  humaine,  un  chan- 
gement dans  le  goût  littéraire,  qui  cherchait  avide- 
ment d'autres  formes  et  de  nouvelles  inspirations, 
toutes  ces  raisons  ont  contribué  au  désir  de  mieux 
connaître  l'Asie,  ses  littératures  antiques,  ses  re- 
ligions et  son  histoire.  Jusque-là  les  études  orien- 
tales s'étaient  bornées  à  ce  que  réclamait  l'inter- 
prétation de  la  Bible,  aux  études  des  jésuites  sur  la 
Chine,  et  à  quelques  tentatives  généreuses,  mais 
isolées,  comme  celle  d'Anquetil  du  Perron. 

Les  Anglais  se  sont  mis  à  l'œuvre  les  premiers. 
La  possession  de  l'Inde  les  y  conviait,  l'intelligence 
du  gouvernement  de  la  Compagnie  et  la  position 
de  ses  employés  fournissaient   les  moyens,  et  l'é- 

7.       ' 


100  JUILLET   1865. 

tude  du  sanscrit  et  de  tout  ce  qui  en  dépend  fut 
fondée.  En  France  les  anciennes  institutions  savantes , 
l'Académie  des  inscriptions  et  le  Collège  de  France 
offraient  un  point  d'appui.  Silvestre  de  Sacy  forma 
une  école,  qui  a  renouvelé  dans  toute  l'Europe 
l'enseignement  de  l'arabe  et  lui  a  donné  une  pré- 
cision qu'il  n'avait  jamais  eue.  Rémusat  créa  l'en- 
seignement du  chinois,  Champollion  découvrit  la 
lecture  des  hiéroglyphes  et  Burnouf  fit  revivre  les 
anciennes  langues  de  la  Perse.  L'Allemagne  entra 
dans  ce  mouvement  la  dernière;  tout  y  manquait, 
les  hommes  et  le  matériel,  mais  le  public  y  était 
mieux  préparé  que  nulle  autre  part  à  faire  un  ac- 
cueil favorable  à  toute  nouvelle  branche  de  con- 
naissances humaines.  Les  travaux  sur  l'antiquité 
classique  poussés  à  leur  dernière  limite,  les  sys- 
tèmes de  philosophie  qui  se  succédaient,  fimmense 
extension  donnée  aux  sciences  théologiques,  les  be- 
soins littéraires  de  l'école  romantique  qui  cher- 
chait à  refaire  sur  un  plan  bien  plus  grand  l'histoire 
des  littératures,  enfin  toute  la  tendance  des  esprits 
portaient  les  hommes  les  plus  intelligents  vers  les 
lettres  orientales,  dont  on  attendait  la  solution  des 
plus  grands  problèmes  historiques.  Des  hommes 
d'un  âge  muret  célèbres  déjà  par  d'autres  travaux, 
comme  les  frères  Schlegel,  G.  de  Humboldt  et 
Goerres,  furent  saisis  d'uu  véritable  enthousiasme 
pour  ces  nouvelles  éludes  et  s'y  livrèrent  avec  la 
plus  grande  ardeur.  Aussitôt  que  les  malheurs  des 
temps  ne  s'y  opposèrent  plus ,  des  jeunes  gens  vinrent 


RAPPORT  ANNUEL.  101 

à  Paris  et  à  Londres  pour  suivre  des  cours  et  copier 
des  manuscrits.  Les  universités  allemandes,  grâce  à 
leur  constitution  libre,  s'ouvrirent  rapidement  à  ce 
nouvel  enseignement,  et  aujourd'hui  les  lettres 
orientales  sont  cultivées  en  Allemagne  plus  géné- 
ralement que  dans  aucun  autre  pays.  De  là  elles  se 
répandirent  en  Russie,  en  Danemark,  en  Suède  et 
surtout  en  Hollande,  où  elles  trouvèrent,  d'un  côté 
dans  les  universités,  de  l'autre  dans  les  intérêts  co- 
loniaux néerlandais,  de  puissants  encouragements; 
enfin  le  mouvement  pénétra,  quoique  plus  faible- 
ment ,  en  Italie ,  en  Espagne  et  aux  Etats-Unis  d'Amé- 
rique, et  embrassa  ainsi  à  ditï'érents  degrés  tous  les 
pays  qui  suivent  les  voies  de  la  civilisation  moderne. 
La  tâche  qu'on  entreprit  était  des  plus  grandes  et 
des  plus  ardues.  A  la  renaissance  des  lettres,  on 
n'avait  devant  soi  que  deux  langues  et  deux  littéra- 
tures d'une  étendue  médiocre,  et  l'on  a  mis  trois 
siècles  à  les  approfondir;  mais  les  éludes  orientales 
étaient  en  face  d'un  nombre  considérable  de  langues, 
de  quatre  ou  cinq  grandes  littératures,  qui  elles- 
mêmes  sont  entourées  d'un  bien  plus  grand  nombre 
de  littératures  secondaires,  dont  l'étude  devenait 
indispensable  à  mesure  qu'on  avançait;  enfin  elles 
avaient  à  déchiffrer  un  nombre  immense  d'inscrip- 
tions, composées  dans  des  langues  oubliées  depuis 
des  milliers  d'années  et  écrites  dans  des  alphabets 
entièrement  inconnus,  et  pourtant  ces  inscriptions 
contenaient  tout  ce  qui  nous  reste  des  œuvres  de 
nations  qui  ont  exercé   une  grande  influence   sur 


102  JUILLET  1865. 

les  destinées  de  l'humanité,  et  il  était  indispensable 

d'en  découvrir  le  sens. 

On  n'avait  en  général  des  secours,  même  les  plus 
élémentaires,  que  pour  les  langues  sémitiques;  pour 
les  autres,  tout  faisait  défaut;  on  n'avait  ni  gram- 
maires ni  dictionnaires;  la  plupart  des  bibliothèques 
étaient  pauvres  en  manuscrits;  les  rares  copies  d'ins- 
criptions qu'on  possédait  étaient  généralement  d'une 
incorrection  vraiment  déplorable;  enfin,  on  man- 
quait presque  partout  de  moyens  d'imprimer  des 
textes.  Mais  on  se  mit  courageusement  h  l'œuvre, 
chacun  créant  pour  soi-même  et  avec  des  difficultés 
infinies  ses  instruments  de  travail;  on  composa  des 
grammaires  et  des  dictionnaires  de  toutes  les  lan- 
gues et  d'un  grand  nombre  de  leurs  dialectes;  on 
copia  des  manuscrits  et  on  en  fit  venir  de  l'Orient; 
on  se  procura  des  types  pour  toutes  les  écritures; 
on  imprima  des  livres  élémentaires;  on  publia  des 
textes  et  des  traductions,  en  y  appliquant  avec  une 
rigueur  croissante  les  règles  de  la  critique  que  la 
philologie  avait  découvertes  pour  les  textes  clas- 
siques. On  ne  recula  pas  devant  l'étude  des  gram 
maires  et  des  commentaires  indigènes ,  travail  aride 
entre  tous ,  mais  nécessaire  pour  bien  pénétrer  dans 
l'histoire  et  les  formations  de  ces  langues  antiques. 
On  a  étudié  ainsi  le  sanscrit  et  ses  dialectes  anciens 
et  modernes,  le  pâli,  le  pracrit,le  kawi,  l'hindous- 
tani,  le  mahratli,  le  bengali,  le  gtizzurati;  on  a  fait 
de  grands  travaux  sur  les  langues  des  aborigènes 
de  l'Inde,  le  tamoul ,  le  canara,  le  telinga,  et  sur 


RAPPORT  ANNUEL.  103 

les  dialectes  des  tribus  barbares  qui  se  rattachent  à 
celte  branche  de  langues;  on  a  approfondi,  comme 
on  ne  l'avait  jamais  fait,  l'arabe  et  tous  les  dialectes 
sémitiques  en  usage  dans  l'espace  compris  entre 
l'Abyssinie  et  la  Mésopotamie;  on  s'est  occupé  du 
persan  et  de  ses  dialectes;  on  a  retrouvé  le  zend,  le 
pehlevi  et  le  parsi;  on  a  étudié  l'arménien,  le  géor- 
gien ,  l'afghan  et  toutes  les  langues  tartares  qui  sont 
parlées  depuis  Constantinople  jusqu'à  Pékin;  et 
même  les  dialectes  finnois,  qui  oifrent  à  peine  des 
rudiments  de  littérature,  ont  été  l'objet  de  travaux 
considérables;  on  a  cultivé  les  langues  des  îles  de 
la  Sonde,  le  malais,  le  javanais;  on  a  étudié  le  tibé- 
tain et  les  langues  de  la  presqu'île  au  delà  du  Gange, 
le  birman,  le  cochinchinois ;  on  a  rendu  accessible 
le  chinois,  et  l'on  s'occupe  très-sérieusement  du  ja- 
ponais. Enfin  on  a  fait  revivre  par  des  eftbrts 
inouïs  de  travail  et  de  sagacité  les  langues  des 
peuples  antiques,  qui  ne  nous  en  avaient  laissé  des 
traces  que  dans  leurs  inscriptions,  dont  la  lecture 
et  le  sens  étaient  perdus  depuis  longtemps.  On  a 
retrouvé  ainsi  l'ancien  égyptien  dans  les  hiéro- 
glyphes, le  perse  du  temps  de  Darius  dans  les  ins- 
criptions cunéiformes  de  Persépolis,  le  babylonien 
dans  les  inscriptions  de  Ninive,  la  langue  des  Phé- 
niciens dans  les  débris  sculptés  qu'on  rencontre  dans 
les  ruines  de  leurs  colonies,  le  himyarite  dans  les 
inscriptions  de  Saba ,  le  nabalhéen  dans  les  inscrip- 
tions du  Sinaï,  le  dialecte  sanscrit  du  bouddhisme 
primitif  dans  les  inscriptions  d'Âçoka;  et  l'on  com- 


104  JUILLET   1865. 

prend  tout  l'appui  que  reçoit  l'histoire  ancienne  de 
la  lecture  de  tant  de  documents  contemporains  et 
d'une  aussi  incontestable  authenticité. 

Un  des  premiers  résultats  de  ces  travaux  si  pro- 
fonds et  si  variés  sur  les  langues  a  été  la  création 
dune  science  toute  nouvelle,  de  la  grammaire  com- 
parée, qui  est  un  instrument  d'une  délicatesse  et 
d'une  puissance  incomparables,  tant  pour  la  philo- 
logie que  pour  les  plus  anciennes  époques  de  l'his- 
toire. Elle  nous  met  en  état  de  pénétrer  dans  les 
lois  du  langage,  d'expliquer  les  anomalies  des  dia- 
lectes, de  fixer  avec  précision  les  parentés  des  races 
humaines,  et  permet  de  tirer  des  langues  des  indi- 
cations certaines  sur  létat  de  la  civilisation  de  chaque 
race  dans  des  temps  bien  antérieurs  à  toute  tradi- 
tion historique.  Elle  fait  aujourd'hui  encore  essen- 
tiellement partie  des  études  orientales,  parce  qu'elle 
en  est  sortie  et  qu'elle  n'a  encore  guère  été  sérieu- 
sement appliquée  qu'à  des  langues  ariennes  et  sé- 
mitiques. Elle  s'étendra  un  jour  sur  toutes  les  races 
humaines,  et,  de  même  que  Humboldt  en  a  déjà  fait 
fapplication  aux  langues  océaniennes,  elle  détei mi- 
nera un  jour  fethnographie  de  l'Amérique  et  de 
l'Afrique;  mais  les  lettres  orientales  auront  toujours 
la  gloire  de  lui  avoir  donné  naissance. 

Tous  ces  travaux  de  philologie  n'étaient  que  des 
préparatifs  pour  les  études  réelles  des  littératures 
orientales.  Aussitôt  qu'on  a  été  en  possession  de  l'ins- 
trument, on  s'est  mis  à  l'œuvre  pour  refaire  l'histoire 
de  l'Orient,  dans  le  sens  du  mot  le  plus  large,  et 


RAPPORT  ANNUEL.  105 

toutes  les  parties  des  sciences  historiques  ont  bientôt 
ressenti  l'influence  de  ce  nouvel  et  puissant  élé- 
ment, même  celles  qui  paraissaient  devoir  y  parti- 
ciper le  moins,  comme,  par  exemple,  l'histoire  des 
sciences  exactes.  Mais  ce  sont  avant  tout  les  sciences 
intellectuelles  qui  ont  profité  des  nouvelles  lu- 
mières. L'histoire  des  religions  dépend  entièrement 
de  nos  études;  elle  est  à  refaire  en  grande  partie  et 
se  refait  tous  les  jours.  Les  travaux  sm'  les  Védas  et 
le  brahmanisme,  sur  le  Zendavesla,  sur  le  boud- 
dhisme, sur  Confucius,  sur  Muliammed  et  sur  le 
mysticisme  des  Soufjs ,  donnent  déjà,  tout  incom- 
plets qu'ils  sont  pour  la  plupart,  une  base  bien  au- 
trement solide  à  l'histoire  des  religions  que  tout  ce 
qu'on  possédait  et  imaginait  autrefois.  La  philosophie 
rencontje  dans  l'Inde  ses  origines  et  un  développe- 
ment d'une  profondeur  inattendue;  elle  ne  peut  né- 
gliger les  écoles  métaphysiques  et  morales  des  Chi- 
nois, et  elle  trouve  chez  les  Arabes  les  maîtres  do  la 
scolastique  de  l'Occident.  L'histoire  du  droit  trouve 
dans  l'Inde,  en  Chine. et  chez  les  Arabes  trois  peu- 
ples essentiellement  législateurs,  dont  elle  doit  te- 
nir un  très-grand  compte.  L'histoire  littéraire  est 
peut-être  de  toutes  les  parties  des  connaissances  hu- 
maines celle  qui  a  gagné  le  plus  à  nos  études.  Les 
hymnes  des  Védas,  les  drames  indiens,  les  grandes 
épopées  indiennes  et  persanes,  les  romans  chinois, 
les  poésies  lyriques  de  tous  les  peuples  orientaux, 
les  contes  des  Hindous  et  des  Arabes,  les  ballades 
nationales  et,  plus  tard,  la  poésie  d'art  des  Arabes 


106  JUILLET   1865. 

sont  autant  de  manifestations  de  l'esprit  littéraire 
dans  des  œuvres  qui  nous  étonnent  par  leur  gran- 
deur et  leur  force ,  ou  nous  charment  par  leur  grâce. 
Elles  ne  peuvent  pas  nous  servir  de  modèles,  mais 
elles  élargissent  l'horizon  littéraire  d'une  manière 
incalculable. 

Quant  à  l'histoire  politique  de  l'Orient,  elle 
s'élabore  lentement  et  graduellement  ;  car  il  ne 
s'agit  pas  seulement  de  constater  les  gros  faits  des 
conquêtes,  des  batailles  et  des  successions  des  dy- 
nasties, il  s'agit  de  comprendre  l'organisation  de 
ces  peuples,  les  idées  auxquelles  ils  obéissent,  les 
motifs  qui  les  font  agir,  pour  expliquer  la  résistance 
qu'ils  ont  pu  opposer,  et  pour  donner  les  raisons 
de  leur  grandeur  et  de  leur  décadence.  L'histoire 
de  ces  grandes  monarchies  n'a  que  peu  d'intérêt  si 
nous  nous  en  tenons  aux  fails  extérieurs,  parce  que 
leur  sort  a  eu  peu  d'influence  sur  le  nôtre;  mais 
il  y  a  là-dessous  une  histoire  humaine  digne  de  toute 
notre  sympathie  et  faisant  essentiellement  partie  de 
l'histoire  universelle.  Qui  es.t-ce  qui  pourrait  pren- 
dre plaisir  à  lire  l'histoire  de  la  Chine  du  P.  Mailla? 
Mais  quand  nous  connaîtrons  mieux  le  développe- 
ment de  la  civilisation  chinoise,  quand  nous  pour 
rons  en  suivre  les  phases  et  les  causes,  quand  nous 
verrons  clairement  de  quoi  il  s'agissait  dans  ces  évé- 
nements, ces  noms,  qui  ne  nous  font  aujourd'hui 
aucune  impression,  prendront  de  la  vie  et  devien 
dront  les  représentants  d'hommes  comme  nous , 
d'idées  et  d'intérêts  comme  les  nôtres.  Les  Anglais 


RAPPORT  ANNUEL.  107 

ont  pu  faire  cela  pour  quelques  parties  de  l'histoire 
de  l'Inde,  on  la  fait  pour  la  vie  de  Muhammed, 
on  Ta  essayé  avec  un  certain  succès  pour  les  Djin- 
guiskhanides;  on  pourra  prochainement  le  faire 
pour  l'histoire  du  khalife  Mamoun  et  montrer  de 
quels  grands  intérêts  il  s'agissait  alors  à  Bagdad  ;  on 
pourrait  déjà  le  faire  pour  Confucius  ou  pour  l'em- 
pereur Akbar,  et  peut-être  bientôt  pour  le  Bouddha. 
A  mesure  que  des  matériaux  de  toute  espèce  s'ac- 
cumulent, de  nouveaux  points  ressorliront  de  cette 
masse  encore  un  peu  indistincte  du  monde  oriental 
ancien;  et  l'histoire  que  nous  nommons  universelle, 
et  qui  est  réduite  aujourd'hui  à  celle  d'un  assez 
petit  nombre  de  peuples,  gagnera  en  sm'face  et  en 
profondeur,  et  deviendra  de  plus  en  plus  ce  qu'elle 
doit  être  :  le  tableau  de  tous  les  grands  faits  et  des 
grands  intérêts  qui  ont  agi  sur  le  développement 
des  sociétés  humaines. 

Cette  histoire  de  la  civilisation  en  Asie  est  le 
point  central  vers  lequel  convergent  tous  les  tra- 
vaux que  nous  voyons  s'accomplir  tous  les  jours 
dans  nos  études,  et  ce  qu'il  y  a  de  vraiment  admi- 
rable dans  la  direction  qu'ont  prise  les  écoles  orien- 
tales en  Europe,  c'est  qu'elles  n'ont  jamais  perdu 
de  vue  ce  grand  but.  Si  divers,  si  individuels,  si 
spéciaux,  si  arides  en  apparence  que  puissent  être 
les  travaux  de  chacun  de  nous,  tous  sont  néces- 
saires à  l'édifice  à  construire  et  finissent  par  y 
prendre  leur  place. 

Mais  il  ne  faut  pas  se  dissimuler  que  malgré  tant 


108  JUILLET   1865. 

d'efl'orts  nous  sommes  encore  loin,  je  ne  dis  pas 
(lu  couronnement  de  l'œuvre,  car  heureusement 
les  sciences  n'ont  pas  de  couronnement ,  mais  d'un 
ensemble  satisfaisant  pour  l'esprit.  Tout  est  com- 
mencé, mais  aucune  partie  n'est  achevée,  les  mé- 
thodes sont  trouvées,  la  route  est  ouverte,  les 
matériaux  sont  abondants,  mais  l'entreprise  est  im- 
mense. Chaque  progrès  qu'on  fait  montre  la  né- 
cessité d'en  faire  de  nouveaux  et  dévoile  des  la- 
cunes qu'on  n'avait  pas  soupçonnées,  chaque  texte 
qu'on  publie  provoque  de  nouveaux  besoins,  cha- 
que sujet  qu'on  entame  laisse  voir  une  infinité  de 
recherches  à  faire.  Les  travailleurs  ne  manquent 
pas,  la  grandeur  du  sujet,  l'attrait  de  l'inconnu,  la 
certitude  de  voir  récompenser  tout  elTort  réel  par 
une  découverte,  sont  de  puissants  stimulants  pour 
la  jeunesse.  Mais  cette  ardeur  et  ce  dévouement  ne 
peuvent  pas  toujours  vaincre  le  défaut  de  moyens 
matériels ,  qui  sont  beaucoup  au-dessous  des  besoins 
de  la  science.  Les  gouvernements  et  les  corps  sa- 
vants constitués  ont  fait  quelque  chose  pour  ces 
études,  mais  beaucoup  trop  peu,  et  leurs  progrès 
rapides  sont  dus  bien  plus  à  des  dévouements  et  à 
des  sacrifices  individuels,  sacrifices  plus  grands  et 
plus  pénibles  que  le  monde  ne  se  l'imagine,  (ju'à 
des  encouragements  publics.  Je  ne  m'étendrai  pas 
sur  ce  sujet,  car  je  ne  veux  pas  faire  le  martyrologe 
des  lettres  orientales;  je  le  dis  seulement  à  la  gloire 
(le  ceux  qin'  se  sont  sacrifiés  ainsi  à  l'avancement  de 
la  science. 


RAPPORT  ANNUEL.  109 

Ce  n'est  pourtant  pas  une  science  que  l'on  puisse 
sans  dommage  abandonner  à  ses  propres  forces  dans 
l'espoir  que  la  curiosité  des  savants  et  du  public 
suffira  à  ia  cultiver.  Il  faut  l'aider  et  l'encourager,  car 
il  y  a  un  grand  intérêt  à  ce  qu'elle  fasse  des  progrès 
rapides.  Toute  découverte  scientifique  produit  ses 
effets;  si  abstraite,  si  éloignée  de  la  vie  pratique 
qu'elle  paraisse,  elle  ne  reste  pas  stérile;  les  savants 
la  trouvent,  le  monde  fappiique  et  souvent  de  la 
manière  la  plus  inattendue.  Pour  nos  études,  la 
route  est  tout  indiquée  et  l'application  est  certaine 
et  urgente.  L'Europe  est  aujourd'hui  maîtresse  de 
l'Orient,  mais  maîtresse  ignorante  et  par  conséquent 
violente;  elle  ne  sait  que  détruire,  et  pourtant  il 
lui  importe  de  savoir  ce  qu'elle  fait ,  de  connaître 
les  hommes  sur  lesquels  elle  veut  agir,  de  ne  pas  se 
heurter  inutilement  contre  des  institutions  et  des 
idées  profondément  enracinées  dans  les  esprits,  de 
ne  pas  détruire  ce  qui  fait  la  vie  de  ces  peuples,  ce 
sur  quoi  on  peut  s'appuyer  pour  les  relever.  L'Orient 
est  presque  partout  en  décadence,  mais  il  n'en  est 
pas  moins  gouverné  par  des  idées  anciennes  qui 
servent  de  règle  pour  les  actions  de  l'homme  le  plus 
ignorant  ;  il  ne  pourrait  pas  les  énoncer,  mais  il  leur 
obéit  d'autant  plus  aveuglément  qu'il  a  à  côté  de  lui 
une  classe  lettrée  qui  les  partage  et  qui  tient  dans 
ses  mains  la  clef  de  sa  conscience.  Les  missionnaires 
le  savent  bien  ;  ils  convertissent  facilement  une  tribu 
sauvage;  mais  fhômme  ignorant,  qui  a  derrière  lui 
une  religion  ancienne  et  une  caste  savante  en  la- 


I 


110  JUILLET  1865. 

quelle  il  a  confiance,  est  inaccessible.  Voyez  le  peu 
de  sécurité  de  l'empire  anglais  dans  l'Inde;  et  pour- 
tant l'administration  coloniale  des  Anglais  est  la 
meilleure  qu'il  y  ait  jamais  en.  Mais  l'opinion  pu- 
blique en  Angleterre  n'est  pas  assez  éclairée  sur 
l'Inde  pour  produire  un  degré  sufFisant  de  sympathie 
pour  ces  peuples,  et  il  n'y  a  que  la  sympathie 
qui  permette  d'agir  sur  les  hommes.  On  n'en  a  que 
pour  ce  qu'on  comprend;  on  ne  peut  ménager  les 
sentiments  d'un  peuple  que  quand  on  connaît  son 
passé;  on  ne  peut  l'élever  que  quand  on  respecte 
ce  qu'il  a  de  bon.  Les  recherches  des  savants  pa- 
raissent bien  éloignées  de  l'action  directe ,  mais  elles 
servent  par  leurs  résultats  à  former  une  opinion  pu- 
blique qui  est  toute-puissante  dans  l'état  actuel  du 
monde.  Je  ne  m'étendrai  pas  sur  ce  sujet,  dont  les 
développements  seraient  infinis,  mais  la  thèse  elle- 
même  me  paraît  évidente;  il  est  certain  que  l'Eu- 
rope est  aujourd'hui  toute-puissante  en  Orient,  mais 
qu'elle  est  encore  beaucoup  trop  ignorante  pour 
pouvoir  exercer  sur  lui  autre  chose  qu'une  action 
aveugle  et  généralement  désastreuse,  malgré  toutes 
ses  prétentions  de  porter  partout  la  civilisation;  elle 
doit  apprendre  à  connaître  l'Asie,  sous  peine  de  ne 
produire  que  des  ruines  en  Orient  et  des  désastres 
et  de  la  honte  pour  elle-même. 

L'influence  des  études  orientales  a  encore  un  autre 
côté,  moins  évident,  mais  tout  aussi  important.  S'il 
faut  agir  sur  les  Européens,  il  faut  aussi  agir  sur 
les  Orientaux.  Leur  grand  malheur  est  la  décadence 


RAPPORT  ANNUEL.  111 

dans  laquelle  sont  tombées  chez  eux  les  sciences. 
Après  nous  avoir  souvent  précédés ,  ils  se  sont 
arrêtés  par  l'influence  de  diverses  circonstances  dans 
les  pays  divers,  ont  adopté  des  théories  toutes  faites, 
ont  regardé  leurs  sciences  comme  achevées,  ont  né- 
gligé la  critique  et  les  méthodes  d'observation  et  se 
sont  contentés  de  formules  qu'ils  ont  crues  défini- 
tives. Il  est  difficile  de  leur  communiquer  nos 
sciences  directement,  elles  sont  trop  loin  de  leur 
point  de  départ;  fesprit  ne  peut  pas  franchir  d'un 
bond  une  aussi  grande  distance.  Ils  doivent  à  leur 
tour  parcourir  le  chemin  que  nous  avons  fait,  et  ils 
le  feront  plus  facilement  avec  notre  aide;  mais  la 
première  chose  est  d'éveiller  en  eux  le  besoin  d'ap- 
prendre, et  c'est  à  cela  que  leur  sert  fobservation  de 
la  manière  dont  nous  nous  occupons  de  leurs  textes 
sacrés,  de  leur  histoire,  de  leurs  sciences;  ils  y  ap- 
prennent les  méthodes  de  la  critique  et  l'avantage 
de  connaissances  nouvelles  pour  comprendre  ce 
qu'ils  croyaient  si  bien  savoir.  On  voit  l'efTet  de  cette 
influence  par  bien  des  signes  et  par  des  exemples 
qui  deviennent  de  plus  en  plus  nombreux  chez  les 
Hindous,  les  Arabes  et  les  Chinois,  et  qui  se  produi- 
sent tantôt  sous  forme  de  controverse,  tantôt  sous 
forme  d'imitation.  L'une  et  l'autre  concourent  éga- 
lement au  but,  et  si  nos  méthodes  parviennent, 
comme  il  y  a  lieu  de  l'espérer,  à  s'introduire  dans 
leurs  écoles  savantes  ,  le  plus  grand  pas  pour  leur  ré- 
génération sera  fait;  car  la  réforme  ne  peut  venir 
que   de  l'intérieur  même  d'une  nation,  et  il  n'est 


112  JUILLET  1865. 

possible  d'agir  sur  elle  d'une  manière  sûre  que  par 
les  classes  savantes  qu'elle  est  accoutumée  à  respec- 
ter et  de  la  main  desquelles  elle  acceptera  le  progrès. 


SOCIÉTÉ   ASIATIQUE 


I. 

LISTE  DES  MEMBRES  SOUSCRIPTEURS, 

PAR  ORDRE   ALPHABÉTIQUE, 

L'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres. 

MM.  Abbadie  (Antoine  d),  correspondant  de  l'Ins- 
titut. 

Abd-el-Kader  (S.  A.  l'émir),  à  Damas. 

AcoLLAs,  docteur  en  droit. 

Agop  Effendi,  conseiller  à  l'ambassade  otto- 
mane. 

Ahmed  Kiamil  Effendi  ,  membre  du  bui'eau  des 
interprètes  aux  affaires  étrangères,  à  Paris. 

Alcober  (Vincent),  employé  au  ministère  de 
l'intérieur,  à  Madrid. 

Alekan  (Alphonse),  à  Tunis. 

Amari  (Michel). 

Arconati  (Le  marquis  Visconti),  à  Turin. 

Arnaud,  pasteur  protestant  aux  Vans  (  Ar- 
dèche). 


LISTE  DES  MEMBRES.  113 

MM.  AuBARET,  capitaine  de  frégate ,  consul  de  France 
à  Bangkok  (Siam). 
AuMER  (Joseph),   employé   à  la  Bibliothèque 
royale  de  Munich. 

BlBLIOÏHÈQOE  AMBROSIENNE,   à  Milan. 

Bibliothèque  de  l'Université,  à  Erlangen. 

Bader  (Mademoiselle),  à  Paris. 

Badiche  (L'abbé),  trésorier  de  la  métropole,  à 
Paris. 

Baissac  (Jules),  traducteur  au  ministère  de  la 
guerre,  à  Paris. 

Barb  (H.  A.),  professeur,  à  Vienne. 

Barbier  de  Meynard  ,  professeur  à  l'Ecole  des 
langues  orientales  vivantes. 

Bardelli,  professeur  à  l'Université  de  Pise. 

Barges  (L'abbé),  professeur  d'hébreu  à  la  fa- 
culté de  théologie  de  Paris. 

Barré  de  Lancy,  secrétaire  archiviste  de  l'am- 
bassade de  France  à  Constantinople. 

Barth  (Auguste),  à  Strasbourg. 

Barthélémy  Saint-Hilaire,  membre  de  l'Ins- 
titut.    • 

Beauté  fils,  à  Alexandrie. 

Bealvoir-Priaux  (De),  à  Londres. 

Baudet,  au  grand  séminaire  de  Beauvais. 

Behrnauer  (Walther),  secrétaire  de  la  Biblio- 
thèque publique  de  Dresde. 

Belin,  secrétaire  interprète  de  l'ambassade  de 
France  à  Constantinople. 

VI.  8 


114  JUILLET   1865. 

MM.  Bellecombe  (André  de),  homme  de  lettres,  à 
Choisy-le-Roi  (Seine). 

Benzon  (L'abbé  comte),  professeur  d'hébreu 
au  séminaire  patriarcal  de  Venise. 

Berezine,  professeur  de  langues  orientales,  à 
Casan. 

Berge,  bibliothécaire,  à  Tifîis. 

Bergstedt,  agrégé,  à  Upsal. 

Bertrand  (L'abbé),  chanoine  de  la  cathédrale 
de  Versailles. 

Bh'au-Daji,  à  Bombay. 

Bland,  membre  de  la  Société  royale  asiatique 
de  Londres. 

BoiLLY  (Jules),  peintre,  à  Paris. 

Boissonnet  de  la  Touche  (Estève),  lieutenant- 
colonel  d'artillerie,  à  Perpignan. 

Boncompagni  (Le  prince  Balthasar),  à  Rome. 

BoNNETTY,  directeur  des  Annales  de  philoso- 
phie chrétienne. 

Botta  ( Paul-Emile  j,  consul  général  de  France  à 
Tripoli  de  Barbarie,  corresp.  de  l'Institut. 

BoLCHER  (Bichard),  à  Paris. 

Boy( Victor),  à  Marseille. 

Bréal,  agrégé  de  l'Université,  chargé  de  cours 
au  Collège  de  France. 

Briau  (René),  docteur  en  médecine,  à  Paris. 

Brosselard  (Charles),  secrétaire  général  de  la 
préfecture  d'Alger. 

Brown  (John),  chargé  d'affaires  des  Ktats-Unis, 
à  Constantinople. 


» 


LISTE  DES   MEMBRES.  115 

MM.  Brunet  de  Presle,   membre   de  l'Institut,   à 

Paris. 
BucHÈRE  (Paul),  à  Versailles. 
BuHLER  (George),  à  Londres. 
BuLLAD,    interprète   de   l'armée    d'Afrique,  à 

Fort-Napoléon  (Algérie). 
Bureau  (Léon),  à  Nantes. 
BuRGRAFF,  professeur  d'arabe,  à  Liège. 
BuRNOUF  (Emile),  professeur  à  la  faculté  des 

lettres  de  Nancy. 

Cahen  ,  rabbin  à  Constantine. 

Caix  de  Sa  F  NT -Amour,  à  Paris. 

Calfa  (Ambroise  \ousouf  Nar  Bey),  ancien 
directeur  du  Collège  national  arménien  de 
Paris. 

Cama  (Rhursedji  Rustomji),  négociante  Bom- 
bay. 

Caratheodory  (Alexandre),  à  Constantinople. 

Cartwright. 

Catsephlis,  consul  de  Prusse  à  Tripoli  de 
Syrie. 

Caussin  de  Perceval  ,  membre  de  l'Institut, 
professeur  d'arabe  à  l'Ecole  des  langues 
orientales  vivantes  et  au  Collège  de  France. 

Chaillet,  payeur  à  Alger. 

Challamel  (Pierre),  artiste  peintre,  à  Paris. 

Charencey  (De),  à  Paris. 

Charmoy,  ancien  professeur  de  langues  orien- 
tales à  l'Université  de  Saint-Pétersbourg. 

8. 


116  JUILLET   1865. 

MM.  Cherbonneau ,  piofesseur  d'arabe  à  Alger. 

Chinaci  Effendi,  en^ployé  supérieur  du  Gou- 
vernement ottoman. 

Chodzko  (Alexandre),  chargé  du  cours  de  lan- 
gue et  de  littérature  slaves  au  Collège  de 
France. 

Cl^ment-Mullet  (Jean-Jacques),  membre  de 
la  Société  géologique  de  France. 

CoHN  (Albert),  docteur  en  pinlosophie. 

CoMBAREL,  professeur  d'arabe  à  Oran. 

Constant  (Calouste),  à  Smyrne. 

CosENTiNO  (Le  marquis  de). 

CooMARA  SwAMY,  mudellar  et  membre  du  con- 
seil législatif  à  Colombo,  Ceylan. 

Dastugues,  chef  d'escadron ,  à  Oran. 
Dalsème  (Achille),  à  Paris. 
Dax,  capitaine  d'artillerie,  à  Sebdou. 
Defréwery  (Charles),  professeur  suppléant  au 

Collège  de  France. 
Delaunay,  au  château  du  Bois  Hunaut. 
Delessert  (François),  membre  de  l'Institut, 

président  de  la  caisse  d'épargne. 
Derenbourg  (Joseph),  à  Paris. 
Deschamps  (L'abbé),  à  Paris. 
Desvergers  (Adolphe-Noël),  correspondant  de 

l'Institut. 
Devic  (\j.  m.),  élève  de  l'Ecole  spéciale  des 

langues  orientales. 
Dillmann,  professeur,  à  Giessen. 


LISTE   DES   MEMBRES.  117 

MM.  DiNi  (D'),  professeur  au  Collège  de  Fano , 
Marches  d'Italie. 

DiTANDY  (Auguste),  censeur  au  lycée  d'Angou- 
lême. 

Djemil  Pacha  (S.  E.),  ambassadeur  de  la  Su- 
blime Porte,  à  Paris. 

Drouin  (Edmond),  avocat  à  Paris. 

DuGAT  (Gustave),  ancien  élève  de  l'École  spé- 
ciale des  langues  orientales  vivantes. 

Ddlaurier  (Edouard),  membre  de  l'Institut, 
professeur  d'arménien  à  l'Ecole  spéciale  des 
langues  orientales  vivantes. 

Du  Nant  (G.  Henry),  à  Genève. 

Durand,  interprète  à  l'armée  d'Afrique. 

Ddrr,  juge  de  paix,  à  Tenès. 

Eastwick,  secrétaire  du  ministère  de  l'Inde,  à 

Londres. 
EicHTHAL  (Gustave  d'),  secrétaire  de  la  Société 

ethnologique. 
Emin   (Jean-Baptiste),   professeur  à    l'Institut 

Lazareff,  à  Moscou. 
Enis  Effendi,  membre  de  l'Académie,  à  Cons- 

tantinople. 
Escayrac  de  Lautcre  (Le  comte  d'). 
EspiNA ,  vice-consul  de  France  à  Sousa  (Tunisie). 

Fano  (Le  comte  Camille  Marcolini  di). 
Feer  (Léon),  chargé  du  cours  de  tibétain  à 
l'Ecole  des  langues  orientales,  à  Paris. 


118  JUILLET   1865. 

MM.  FiNLAY  (Le  docteur  Edouard),  à  la  Havane. 
FiNN,  consul  d'Angleterre  à  Jérusalem. 
Fleischer,  professeur  à  TUniversité  de  Leipzig. 
F^.iJGEL,  professeur  à  Dresde. 
FoucAux  (Ph.  Edouard),  professeur  de  sanscrit 

au  Collège  de  France. 
Franceschi  (Richard),  chancelier  du  consulat 

d'Autriche  à  Scutari  d'Albanie. 
Frankel  (Le  docteur  ) ,  directeur  du  séminaire , 

à  Breslau. 
Friedrich,  secrétaire  de  la  Société  des  sciences, 

à  Batavia. 

Gabelentz  (H.  CoNON  delà),  conseiller  d'Etat, 
à  Altcnbourg. 

Gagnier,  à  Paris. 

Ganneau,  à  Paris. 

Garcin  DR  Tassy,  membre  de  l'Institut,  pro- 
fesseur d'hindoustani  à  l'Ecole  spéciale  des 
langues  orientales  vivantes. 

Garrez  (Gustave),  à  Paris. 

Gauthier,  docteur  médecin ,  à  Luxeuil. 

Gay  (Ferdinand),  chancelier  du  consulat  de 
France  à  Mogador. 

Gayangos,  professeur  d'arabe,  à  Madrid. 

Gildemeister,  professeur,  à  Bonn. 

Gilbert,  chancelier  du  consulat  de  France,  à 
Alep  (Syrie). 

GoLDESBLUM  (Pli.  V.),  à  Odcssa. 

GoLDENTHAi.,  profcsscur,  à  Vienne. 


LISTE   DES   MEMBRES.  119 

MM.  GoLDSTÛCKER,  D'  en  philosophie,  à  Londres. 

GoRGUos,  professeur  d'arabe  au  i)cée  d'Al- 
ger. 

GoRRESio  (Gaspard),  secrétaire  perpétuel  de 
l'Académie  de  Turin. 

GoscHE  (Richard  ) ,  professeur  à  Halle  (Prusse). 

Grote  (Georges),  à  Londres. 

Guerrier  DE  Dumast( Le  baron),  correspondant 
de  l'Institut ,  à  Nancy. 

Guigniaut,  membre  de  l'Institut,  à  Paris. 

Hall  (Fitz-Edward),  dans  l'Inde. 

Hassan  Efendi. 

Hassler     (  Conrad -Thierry  ) ,    professeur,    à 

Ulm. 
Hauvette-Besnault,    bibliothécaire   à    l'Ecole 

normale,  à  Paris. 
Hecquart,  consul  de  France  à  Damas. 
Heraclius  (Son  Altesse),  prince  de  Géorgie, 

colonel  d'état-major,  à  Tiflis. 
Hermite,  membre  de  l'Institut,  à  Paris. 
Hervé  Saint-Denys  (Le  marquis  Léon  d'),  à 

Paris. 
Hoffmann  (J,),  interprète  pour  le  japonais  au 

Ministère  des  affaires  étrangères  des  Pays- 
Bas,  à  Leyde, 
HoLMRoË ,  conservateur  de  la  bibliothèque  de 

Christiania. 
HuREL,  ancien  élève  de   l'Ecole  des  langues 

orientales,  à  Paris. 


120  JUILLET  1865. 

MM.  Janin-Chevallier  (André),  professeur  de  lan- 
gues sémitiques,  à  Genève. 
Jean,  prince  de  Géorgie,  à  Saint-Pétersbourg. 
Jebb  (Rév.  John),  recteur  à  Peterstow-Ross 

(Herlfordshire). 
Jc'DAS,  secrétaire  du  conseil  de  santé  des  ar- 
mées au  ministère  de  la  guerre,  à  Paris. 
Julien  (Stanislas),  membre  de  l'Institut,  pro- 
fesseur de  chinois  et  administrateur  du  Col- 
lège de  France. 

Kasem-Beg  (Mirza  A.  ) ,  professeur  de  mongol  à 

rUniversitc  de  Saint-Pétersbourg,  conseiller 

d'État  actuel. 
Kazimirski  de  Biberstein,  secrétaire  interprète 

de  l'Empereur  aux  Affaires  étrangères. 
Kemal  Effendi  (Son  Exe),  ambassadeur  de  la 

Porte  à  Berlin. 
Kerr  (M™'  Alexandre). 
Rhalil  EL  Kouni,  à  Beyrouth. 
Khanikof  (Nicolas  de),  conseiller  d'Etat  actuel , 

à  Saint-Pétersbourg. 
KossowiTCH,  professeur  de  sanscrit  et  de  zend  , 

à  Saint-Pétersbourg. 
Krehl,  docteur  en  philosophie,  à  Dresde. 
Kremer  (De),  consul  d'Autriche,  à  Galalz. 
KÛHLKÉ  (J.),  professeur  h  l'Ecole  égyptienne 

de  Paris. 

Labarthk  (Charles  de),  professeur  de  sciences 


LISTE    DES  MEMBRES.  121 

mathématiques,  ancien  élève  de  l'Ecole  des 
langues  orientales. 
MM.  Laemmerhirt  (D'^),  à  Weimar. 

Laferté-Senectère   (Le  marquis  de),  à  Tours. 

Lancereau  (Edouard),  licencié  es  lettres. 

Langlois  (Victor),  ancien  élève  de  l'Ecole  des 
langues  orientales,  à  Paris. 

Lazareff  (S.  E.  le  comte  Christophe  de),  con- 
seiller d'Etat  actuel,  chambellan  de  S.  M. 
l'empereur  de  Russie. 

Leridart  (Antoine  de),  à  l'internonciature  au- 
trichienne, à  Gonstantinople. 

Leclerc,  médecin-major. 

Lefèvre  (André),  licencié  es  lettres,  à  Paris. 

Legay  (Léandre),  professeur  à  l'état-major,  au 
Caire. 

Lequeux,  chancelier-drogman  au  consulat  gé- 
nérai de  Tripoli  de  Barbarie. 

Lenormant  (François),  sous -bibliothécaire  de 
l'Institut. 

Letteris,  directeur  de  l'Imprimerie  impériale 
orientale,  à  Prague. 

Levander  (H.  C),  de  l'Université  d'Oxford. 

Lévy-Bing  (L.),  banquier,  à  Nancy. 

LiÉTARD  (D'),  à  Plombières. 

Loewe  (Louis),  docteuren philosophie,  à  Brigh- 
ton. 

Longpérier  (Adrien  de),  membre  de  l'Institut, 
conservateur  des  antiquités  au  Louvre. 

LuYNEs  (Le  duc  de),  membre  de  l'Institut. 


122  JUILLET  1865. 

MM.  Mac-Douall,  professeur,  à  Belfast. 

Madden  (J.  p.  a.),  agrégé   de  l'Université,  à 
Versailles.  • 

Mahmoud    Effendi  ,    astronome    du    vice-roi 
d'Egypte. 

Mallouf  (Nassif),  professeur  de  langues  orien- 
tales au  Collège  de  la  Propagande,  àSmyrne. 

Martin  (L.  A.),  homme  de  lettres,  à  Paris. 

Medawar  (Michel),   secrétaire  interprète  du 
consulat  général  de  France,  à  Beyrouth. 

Mehren  (D"^)  ,  professeur  àe  langues  orientales , 
à  Copenhague. 

Meign AN  (L'abbé) ,  chanoine  honoraire,  à  Paris. 

Mekerticht-Dadian,  à  Constantinople. 

Menant  (Joachim),  juge  à  Evreux. 

Mergian  (Rév.  Père  Grégoire),  membre   du 
Collège  Mourad ,  à  Paris. 

Merlin  (B.),  conservateur  du  dépôt  des  sous- 
criptions au  Ministère  d'Etat. 

Metz-Noblat   (Alexandre    de),    membre    de 
l'Académie  de  Stanislas,  à  Nancy. 

MiLLiÈs    D'),  prof,  de  théologie,  à  Utrecht. 

Miniscalchi-Erizzo,  chambellan  de  S.  M.  l'em- 
pereur d'Autriche,  à  Vérone. 

MoHL  (Jules),  membre  de  l'Jnstitut,  professeur 
de  persan  au  Collège  de  France. 

MoiiN  (Christian),  ancien  élève  de  l'Ecole  spé- 
ciale des  lang.  orient,  vivantes,  h  Naples. 

Mondain,  colonel,  diiecteur  des  travaux   pu- 
blics, à  Belgrade  (Servie). 


LISTE   DES   MEMBRES.  123 

MM.  MoNBAD  (D.  G.),  à  Copenhague. 

MosTAFA  BEN  Sadet  (Tlialeb),  à  Constantine. 

MoucHLiNSKi,  professeur  d'arabe,  à  Saint-Pé- 
tersbourg. 

MuiR  (John),  à  Edimbourg. 

MiJLLER  (Joseph),  secrétaire  de  l'Académie  de 
Munich. 

MiJLLER  (Maximilien),  professeur,  à  Oxford. 

MuiNK  (S.),  membre  de  l'Institut,  à  Paris. 

Neubauer. 

Nève,  professeur  à  l'Université  catholique,  à 

Louvain. 
Noethen  (Ch.  Maximilien),  curé  à  Berg-Glad- 

bach. 
NoRDMANN  (Léon),  à  Paris. 

OcAMPO  (Meichior). 

Offert,  professeur  de  sanscrit  à  rÉcoie  des 
langues  orientales. 

Orbelian  (S.  E.  le  prince  Djambakour),  colo- 
nel de  la  garde,  aide  de  camp  de  l'empe- 
reur, à  Tiflis, 

Or[.ando  (Diego),  à  Palerme. 

Overbeck  (Le  docteur),  professeur,  à  Bonn. 

Pages  (Léon),  à  Paris. 
Palmer,  8aint-John's  Collège,  à  Cambridge. 
Paspati,  docteur-médecin,  à  Constantinople^ 
Pauthier  (G.),  à  Paris. 


124  JUI-LLET  1865. 

MM.  Pavet   de  Courteille    (Abel),   professeur  de 

turc  au  Collège  de  France. 
Perétié,   chancelier  du    consulat  général  de 

Beyrouth. 
Perron  (  Le  docteur) ,  directeur    du   Collège 

impérial  arabe-français,  à  Alger. 
Pertsch  (W.),  docteur,  à  Gotha. 
Petit  (L'abbé),  professeur  au  grand  séminaire 

de  Beauvais. 
PiLARD,  interprète  militaire,  à  Tlemcen. 
Platt  (William),  à  Londres. 
Pleignier,  professeur,  à  l'île  de  Man. 
Portal,  maître  des  requêtes,  à  Paris. 
Prâtt  (John),    au   collège   de  Saint-Mary,   à 

Oxford. 
Preston  (Th.1,Trinity-College,  à  Cambridge. 
Prudhomme  (Evariste),  à  Paris. 
Pynappel,  docteur  et  lecteur  à  l'Académie  de 

Leyde, 

Régnier  (Adolphe),  membre  de  l'Institut. 

Reinadd,  membre  de  l'Institut,  professeur  d'a- 
rabe à  l'Ecole  spéciale  des  langues  orientales 
vivantes. 

Renan  (Ernest),  membre  de  l'Institut. 

Richard  (Franceschi),  vice-chancelier  du  con- 
sulat d'Autriche  à  Scutari  en  Albanie. 

RiCHEBÉ,  professeur  d'arabe,  à  Constantine. 

RiQUE (Camille),  docteur  en  médecine,  méde- 
cin-major. 


LISTE   DES   MEMBRES.  125 

MM.  RiviÉ  (L'abbé), vicaire  à  Sainl-Tbomas d'Aquin. 

RoGHET  (Louis),  statuaire  à  Paris. 

RoDET  (Léon),  ancien  élève  de  l'Ecole  poly- 
technique, à  Paris. 

RoNEL,  lieutenant  au  sManciers. 

RoNDOT  (Natalis),  délégué  du  commerce  en 
Chine,  à  Paris. 

RosiN  (De),  propriétaire  à  Nyons,  canton  de 
Vaud  (Suisse). 

RosNY  (L.  Léon  de),  à  Paris. 

RosT  (Reinhold),  secrétaire  de  la  Société  asia- 
tique de  Londres. 

Rothschild  (Le  baron  Gustave  de),  à  Paris. 

RouGÉ  (Le  vicomte  Emmanuel  de),  membre  de 
l'Institut,  conservateur  honoraire  des  mo- 
numents égyptiens  du  Louvre. 

Rousseau  (Le  baron  Adolphe),  consul  de 
France  à  Bosna-Seraï. 

RouzÉ  (Edouard  de),  capitaine,  attaché  à  la 
direction  des  a  flaires  arabes  à  Alger. 

Royer,  à  Versailles. 

Salles  (Le  comte  EusèbcDE),  à  Montpellier. 

Sanguinetti  (Le  docteur  B.  R.),  à  Paris. 

Sarasin  ,  élève  de  l'Ecole  des  langues  orientales. 

Saulcy  (F.  de),  membre  de  l'Institut,  sénateur. 

ScHACK  (Le  baron  Adolphe  de),  à  Munich. 

ScHEFER  (Charles),  interprète  de  l'Empereur 
aux  alïaires  étrangères,  professeur  de  persan 
à  l'Ecole  des  langues  orientales  vivantes. 


126  JUILLET  1865. 

MM.  ScHLAGiNTWEiT     (Emile),    docteur,  à   Wurtz- 
bourg. 
ScHLECHTA  WssEHRD  (Ottokar-Maria  de)  ,  direc- 
teur de  l'Académie  orientale ,  à  Vienne. 

SCHLESWIG-HOLSÏEIN-AUGLSTENBURG     (S.A.     le 

prince  de),  à  Paris. 

ScHWARZLOSE,doctem^ en  philosophie,  à  Berlin. 

Sédillot  (L.  Am.),  professem'  d'histoire  au 
lycée  Saint-Louis,  secrétaire  de  l'Ecole 
spéciale  des  langues  oiientales  vivantes. 

Seligmann  (Le  ry  Romeo),  professeur,  à  Vienne. 

Seroka,  chef  du  bureau  arabe,  à  Biskara. 

Skaïschkoff  (Constantin),  à  Saint-Pétersbourg. 

Slane  (Mac  Guckin  de),  membre  de  l'Institut. 

SoLEYMAN  al-Harairi,  Secrétaire  arabe  du  con- 
sulat général  de  France  à  Tunis. 

SoREï  (Frédéric),  orientaliste,  à  Genève. 

SxiEHELiN  (J.  J.) ,  docteur  et  professeur  en  théo- 
logie, à  Baie. 

Stecuer  (Jean),  prof,  à  l'Université  de  Gand. 

SuMNER  (George),  à  Boston. 

Sutherland  (H.  C),  à  Oxford. 

Taillefer,  docteur  en  droit,  ancien  élève  de 
l'Ecole  spéciale  des  langues  orientales,  à 
Paris. 

Terrien -Poncel,  au  Havre. 

Théroulde. 

Thomas  (Edward),  du  service  civil  de  la  Com- 
pagnie des  Indes,  à  Londres. 


LISTE    DES    MEMBRES.  127 

MM.  Thonnelier  (Jules),  membre  de  la  Société 
d'histoire  de  France,  à  Paris. 

Tolstoï  (Le  colonel  Jacques). 

ToRNBERG,  professeur  à  l'Université  de  Lund. 

ToRREciLLA  (L'abbé  de),  à  Paris. 

TuGAULT,  élève  de  l'Elcole  des  langues  orien- 
tales, à  Paris. 

Troyer  (Le  major) ,  membre  de  la  Société  asia- 
tique de  Calcutta,  à  Paiis. 

Trijbner  (Nicolas),  membre  de  la  Société  eth- 
nologique américaine ,  à  Londres. 

Van  der  Maelen  ,  directeur  de  l'établissement 

géographique,  à  Bruxelles. 
Vandrival  (Le  chanoine),  à  Arras. 
Vanucci  (Atto),  bibliothécaire,  à  Florence. 
Veth    (Pierre -Jean),    professeur    de   langues 

orientales,  à  Leyde. 
Villemain,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie 

française. 
Vogué  (Le  comte  Melchior  de),  à  Paris. 

Waddington  (W.  h.),  à  Paris. 

Wade  (Thomas),  à  Shanghaï  (Chine). 

Vi^^EiL,  bibliothécaire  de  l'Université  de  Heidel- 
berg. 

Westergaard,  professeur  de  littérature  orien- 
tale, à  Copenhague. 

WlLHELM  DE  WuRTEMBERG    (Le  COmtc),   à  UlnU 

WiLLEMS  (Pierre),  professeur,  à  Louvain. 


128  JUILLET  1865. 

MM.  WoGUE  (Lazare),  professeur  d'hébreu  au  Col- 
lège israélite  de  Paris. 
WoRMS,  docteur  en  médecine,  à  l'Ecole  de 

Saint-Gyr. 
WusTENFELD,  profcsscur  à  Gœttingen. 
Wylie,  à  Shanghaï. 

ZiNGUERLÉ  (Le  père  Pius),  Bénédictin,  à  Rome. 
ZoTENBERG  (D*^  Th.),  à  Paris. 

IL 
LISTE  DES  MEMBRES  ASSOCIÉS  ÉTRANGERS. 

SUIVANT  L'ORDRE  DES  NOMINATIONS. 

MM.  MACBRiDE(Le  docteur),  professeur,  à  Oxford. 

Bopp  (F.)'  lïiembre  de  l'Académie  de  Berlin. 

Wyndham  Knatchbull  ,  à  Oxford. 

Briggs  (Le  général). 

HoDGSON  (H.  B.),  ancien  résident  à  la  cour  de 
Népal. 

Radhacanï  Deb  (R.adja),  à  Gaicutta. 

Manakji  Gursetji,  membre  de  la  Société  asia- 
tique de  Londres,  à  Bombay. 

Lassen  (Gh.j,  professeur  de  sanscrit,  à  Bonn. 

Rawlinson  (Sir  H.  G.). 

VuLLERS,  professeur  de  langues  orientales,  à 
Giessen. 

KowALEwsKi  (Joseph-Etienne),  professeur  de 
langues  tartares,  à  Kasan. 

Flûgel,  professeur,  à  Dresde. 


LISTE  DES  OUVRAGES  PUBLIÉS.  129 

MM.  DozY  (Reinhart) ,  professeur,  à  Leyde. 

Brosset,  membre  de  l'Académie  impériale  de 
Saint-Pétersbourg. 

Fleischer,  professeur  à  l'Université  de  Leipzig 

DoRN,  membre  de  l'Académie  impériale  de 
Saint-Pétersbourg. 

Werer  (Docteur  Albrecht),  à  Berlin. 

Salisrury  (E.),  secrétaire  de  la  Société  orien- 
tale américaine,  à  Boston  (Etats-Unis). 

Weil  (Gustave),  professeur  à  l'Université  de 

.     Heidelberg. 

III. 
LISTE  DES  OUVRAGES 

PUBLIÉS  PAR  LA  SOCIETE  ASIATIQUE. 

Journal  asiatique,  seconde  série,  années  1828-1 835, 16  vol. 
in-8°,  complet  ;  1  A4  fr. 

Chaque  volume  séparé  (à  l'exception  des  vol.  I  et  II,  qui  ne  se 
vendent  pas  séparément)  coûte  9  fr. 

Le  même  journal,  troisième  série,  années  i836-i842, 
i4  vol.  in-8°;  126  fr. 

Quatrième  série,   années    i8A3-i852,   20   vol.   in -S*; 
180  fr. 

Cinquième  série,   années  i853-i862,  20  vol.    in-8°; 
260  fr. 

Sixième  série,  années  1 863- 186 5;  6  vol.  in  8°;  76  fr. 
Choix  de  fables  arméniennes  du  docteur  Varlan,  en  armc- 

VI.  9 


130  JUILLET   1865. 

nien  et  en  français,  par  J.  Sainl-Martin  et  Zohrab.  1820. 
In-8°  ;  3  Ir. 

Eléments  de  la  grammaire  japonaise,  parle  P.  Rodrigue^, 
traduits  du  portugais  par  M.  C.  Landresse;  précédés  d'une 
explication  des  syllabaires  japonais ,  et  de  deux  planches 
contenant  les  signes  de  ces  syllabaires ,  par  M.  Abel 
Hémusat,  Paris,  1825,  in-8°.  ==  Supplément  à  la  Gram- 
maire japonaise  ,  ou  remarques  additionnelles  sur  quelques 
points  du  système  grammatical  des  Japonais,  tirées  de  la 
grammaire  composée  en  espagnol  par  le  P.  Oyanguren  et 
traduites  par  C.  Landresse;  précédées  d'une  notice  com- 
parative des  grammaires  japonaises  des  PP.  Rodrignez 
et  Oyanguren,  par  M.  le  baron  Guillaume  de  Humboldt. 
Paris,  1826.  In-8;  7  fr.  5o  c. 

Essai  sur  le  Pâli  ,  ou  langue  sacrée  de  la  presqu'île  au  delà  du 
Gange,  avec  6  pL^nches  lithographiées  et  la  notice  des  ma- 
nuscrits palis  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  par  MM.  E.  Bur- 
nouf  et  Lassen.  Paris,  1826.  In-8°  ;  9  fr. 

Meng-tseu  vel  Mencium,  inter  sinenses  philo.sophos  inge- 
nio,  doctrina,  nominisque  claritate  Confucio  proximum , 
sinice  edidit,  et  latina  interpretalione  ad  interpretalionem 
tarlaricam  ulramque  recensila  instruxil ,  et  perpeluo  com- 
mentario  e  Sinicis  deprompto  illustravit  Stanislas  Julien. 
Luteliœ  Parisioram ,  1824,  2  vol.  in-8°;  24  fr. 

Yadjnadattabadha,  ou  LA  MoRT  d'Yadjnaoatta  ,  épisode 
extrait  du  Râmâyana,  poëme  épique  sanscrit,  donné  avec 
le  texte  gravé,  une  analyse  grammaticale  Irès-délaillée, 
une  traduction  française  et  des  notes,  par  A.  L  Chézy,  el 
suivi  d'une  traduction  latine  littérale  par  J.  L.  Burnouf. 
Paris,  1826.  ln-4°,  avec  i5  planches;  9  fr. 

Vocabulaire  de  la  langue  géorgienne,  par  M.  Klaprolli. 
Paris,  1827.  In^";  7  fr.  5o  c. 


LISTE  DES  OUVRAGES  PUBLIES.  131 

PÎlégie  sur  la  Prise  d'Édesse  par  les  Musulmans,  par  Ner- 
sès  Rlaielsi,  patriarche  d'Arménie,  publiée  pour  la  pre- 
mière fois  en  arménien ,  revue  par  le  docteur  Zobrab. 
Paris,  1828.  ln-8°;  à  tr.  5o  c. 

La  Reconnaissance  de  Sacounïala,  drame  sanscrit  et  pra- 
crit  de  Câlidâsa,  publié  pour  la  première  fois  sur  un  ma- 
nuscrit unique  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  accompagné 
d'une  Iraduclion  française,  de  notes  philologiques,  cri- 
tiques et  littéraires,  et  suivi  d'un  appendice,  par  A.  L. 
Chézy.  Paris,  i83o.  ln-/j%  avec  une  plancbe;  2/j  fr. 

Chronique  géorgienne,  traduite  par  M.  Brosset.  Paris,  Im- 
primerie royale,  i83o.  Grand  in-8°;  9  fr. 

La  traduction  seule,  sans  texte,  6  fr. 

CiiRESTOMATHiE  CHINOISE  (publiée  par  Klaprolh).  Paris, 
i8o3.  In  8°:  9  fr. 

Éléments  de  la  langue  géorgienne,  par  M.  Brosset.  Paris, 
Imprimerie  royale,  1887.  In  8°  ;  9  fr. 

Géographie  d'Arou'lféda,  texte  arabe,  publié  par  MM.Rei- 
naudetle  baron  de  Slane.  Paris,  Imprimerie  royale,  i8/jo. 
In-/t°;  Zi5  fr. 

Radjatarangini,  ou  Histoire  des  rois  du  Kachmîr,  publiée 
en  sanscrit  et  traduite  en  français,  par  M.  Troyer.  Paris, 
Imprimerie  royale  et  nationale,  3  vol.  in-8°  ;  36  fr. 

Le  troisième  volume  seul ,  6  fr. 

Précis  di:  législation  musulmane,  suivant  le  rite  malékile, 
par  Sidi  Klialil ,  publié  sous  les  auspices  du  ministre  de  la 
guerre.  Paris,  Imprimerie  impériale,   i855.  In-8;  6  fr. 


132  JUILLET  1865. 

COLLECTION  D'AUTEURS  ORIENTAUX. 

Les  Voyages  d'Ibn  Batoctah,  texte  arabe  el  Iradiiction  par 
MM.  C.  Defrémery  el  Sanguinetti.  Paris,  Imprimerie  im- 
périale; 4  vol.  in-8°  et  i  vol.  d'Index;  3i  fr.  5o  c. 

Table  alphabétique  des  Voyages  d'Ibn  Batoutah.  Paris, 
1869,  in-S";  1  fr.  5o  r. 

Les  Prairies  d'OR  de  Maçoudi,  texte  arabe  et  traduction 
par  MM.  Barbier  de  Meynard  el  Pavel  de  Courleille.  Pre- 
mier volume.  Paris,  1861,  in-8°  ;  7  fr.  5o  c. 

—  Deuxième  volume.  i863,  7  fr.  5o  c. 

—  Troisième  volume.  i864,  7  fr.  5o  c. 

—  Quatrième  volume.  i8G5,  7  fr.  5o  c. 

Chaque  volume  de  la  collection  se  vend  séparément  7  fr.  5o  c. 


Nota.  Les  membres  de  la  Société  qui  s'adresseront  directement 
au  bureau  de  la  Société,  quai  Malaquais,  u°  3,  ont  droit  à  une  re- 
mise de  33  p.  0/0  sur  les  prix  de  tous  les  ouvrages  ci-dessus. 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

AOÛT-SEPTEMBRE  1865. 

GRANDE  INSCRIPTION 

DU   PALAIS    DE   KHORSABAD, 

PUBLIÉE 

PAR  MM.  OPPERT  ET  MENANT. 


VOCABULAIRE. 

L'Inscription  des  fastes  de  Sargon ,  par  son  éten- 
due, par  son  importance,  peut  déjà  présenter  une 
idée  assez  exacte  de  la  langue  de  Ninive  au  viii"  siècle 
avant  notre  ère.  La  traduction  de  ce  long  docu- 
ment, suivie  d'un  commentaire  rigoureusement  ana- 
lytique, appelle,  comme  complément  nécessaire, 
le  résumé  des  données  philologiques  qui  peuvent 
ressortir  de  cette  traduction  et  de  cette  analyse. 

Nous  publions  maintenant  ce  résumé  sous  la 
forme  d'un  Vocahalaire.  C'est  un  inventaire,  aussi 
exact  que  possible,  de  tous  les  mots  contenus  dans 
notre  inscription ,  en  les  rattachant  aux  racines  sémi- 
tiques auxquelles  ils  appartiennent.  Il  suffira  de 
jeter  les  yeux  sur  cette  liste  pour  suivre  quelques 
racines  assyriennes  dans  les  diverses  formes  sous 
lesquelles  elles  se  produisent  au  milieu  des  diffé- 
rents  passages  qui  en  déterminent   l'acception,   et 


134  AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

reconnaître  les  points  par  lesquels  l'assyrien  se  rap- 
proche ou  s'écarle  des  autres  langues  de  la  famille 
de  Sem.  Un  grand  nombre  de  racines  se  sont  sans 
doute  conservées  dans  tous  les  idiomes  sémitiques 
avec  la  même  signification;  cependant  quelques- 
unes  ont  en  assyrien  une  acception  particulière 
qu'on  peut  rencontrer  dans  tel  ou  tel  autre  idiome, 
sans  qu'elle  soit  commune  à  tous.  Enfm,  quelques 
racines,  en  petit  nombre,  restent  avec  une  forme 
propre,  une  signification  assurée;  mais  elles  ne  se 
retrouvent,  au  moins  que  nous  sachions,  ni  avec 
leur  forme,  ni  avec  leur  signification,  dans  aucun 
autre  idiome.  Des  faits  analogues  se  présentent 
d'ailleurs  dans  chacune  des  branches  de  la  même 
famille  :  il  suffit  de  consulter  les  dictionnaires  des 
langues  hébraïque  et  araméenne,  et  particulièrcr 
ment  le  lexique  arabe.  Ces  différences  ne  peuvent 
donc  influer  sur  le  caractère  de  l'idiome  nouveau 
qui  vient  prendre  sa  place  parmi  les  langues  sémi- 
tiques. Nous  aurions  pu  indiquer,  sans  doute,  tous 
ces  rapports  et  toutes  ces  différences;  mais  ces  faits 
n'échapperont  pas  à  ceux  qui  voudront  consulter 
notre  travail  avec  quelque  attention,  et  on  com- 
prend dans  quelles  longueurs  nous  eussions  été 
entraînés  en  mettant  chaque  mot  assyrien  en  pré- 
sence du  mot  correspondant  que  le  dictionnaire 
sémitique  aurait  pu  nous  fournir,  et  en  le  suivant 
dans  les  acceptions  diverses  que  nous  présentent 
tous  les  idiomes  qui  se  rattachent  c^  la  même  ori- 
gine. Aussi  nous  avons  renoncé  à  ce  déploiement 


GRANDE  IxNSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  135 

d'une  érudition  facile,  dès  que  la  lecture  du  texte 
assyrien  élait  assurée.  Nous  ne  pouvons  aspirer  au 
complet  dans  le  vocabulaire  dont  nous  tentons  ici 
pour  la  première  fois  l'essai.  Beaucoup  de  racines 
assyriennes,  déjà  connues  et  constatées  avec  leurs 
formes  et  leurs  dérivés  dans  d'autres 'inscriptions, 
ne  trouveront  point  place  dans  ce  travail,  et  à  l'ap- 
pui des  racines  que  nous  enregistrerons,  nous  ne 
recueillerons  encore  que  les  formes  qui  nous  sont 
données  ^f^ir  V  Inscription  des  fastes,  car  il  fallait  nous 
circonscrire,  et,  si  nous  étions  sortis  de  notre  texte, 
il  eût  été  difficile  de  savoir  où  nous  arrêter. 

Le  moment  d'ailleurs  n'est  peut-être  pas  encore 
venu  où  le  dictionnaire  assyrien  pourra  être  fixé 
comme  on  a  pu  déjà  fixer  les  données  générales  de 
la  grammaire.  Ce  n'est  qu'après  avoir  expliqué  les 
grands  documents  qui  appartiennent  aux  différentes 
époques  de  la  longue  vie  de  la  langue  des  fils  d' As- 
sur  et  aux  différentes  localités  où  elle  était  parlée, 
qu'on  pourra  saisir  les  nuances  qui  caractérisent 
chaque  époque,  chaque  localité,  et  qui  donnent  à 
chaque  terme  sa  véritable  signification.  En  atten- 
dant, il  faut  recueillir  des  faits,  examiner  les  dé- 
tails, et  préparer,  par  une  analyse  rigoureuse,  des 
matériaux  pour  une  synthèse  qu'il  ne  faut  pas  se 
hâter  de  produire.  Aussi  nous  aurons  atteint  notre 
but,  si  cette  esquisse  renferme  quelques  éléments 
sur  lesquels  le  dictionnaire  assyrien  pourra  s'appuyer 
un  jour. 

Nous  avons  suivi  un  ordre  alphabétique  confor- 


130  AOUT-SEPTEMHUE    18C5. 

mément  à  Ja  transcription  des  racines  en  caractères 
sémitiques;  puis,  après  chaque  racine,  nous  avons 
donné  son  dérivé  assyrien  avec  sa  signification  et 
sa  transcription  en  caractères  latins,  de  manière  à 
reproduire,  aussi  exactement  que  possible,  le  syl- 
labisme  de  î'écriture  anarienne  pour  qu'on  jmisse 
retrouver  les  formes  dans  les  textes.  Les  chiffres 
romains  correspondent  du  reste  aux  différentes 
lignes  de  l'inscription. 

Voici  les  abréviations  les   plus  fréquentes  dont 
nous  nous  sommes  servis-: 


adj 

adjeclivum 

nipli. 

nipbal. 

adv. 

adverbium. 

pa. 

paël. 

aor. 

aoristus. 

part. 

parlicipium. 

aph. 

aphel. 

phon. 

phonetice. 

conj. 

conjimclio. 

plur. 

pluralis. 

f.  fem. 

femininum. 

p.  pers. 

persona 

ideog. 

ideograpbicc. 

prec. 

precalivus. 

imp. 

irnperativus. 

prœp. 

prœposilio. 

inf. 

infmitivus. 

s.  sing. 

singiilaris. 

1. 

linea  inscriplionis 

subst. 

subslaniivun» 

m.  m  a  se. 

masculinum. 

sbaph. 

sbaphel. 

n. 

nomen. 

su  (T. 

suffîxum. 

n.  pr. 

nomen  propriuni. 

GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD. 


137 


AVIS. 

La  première  colonne  comprend  la  racine  assyrienne  dans 
sa  forme  abstraite,  transcrite  en  caractères  béJîraïques,  sans 
en  induire  pour  cela  une  étymologie  tirée  soit  de  l'hébreu, 
soit  de  tout  autre  idiome  sémitique,  bien  qu'elle  soit  sou- 
vent évidente,  ainsi  qu'on  pourra  s'en  convaincre  en  se  re- 
portant au  commentaire. 

La  seconde  colonne  comprend  la  signification  assyrienne 
de  la  racine  à  laquelle  les  mots  assyriens  doivent  être  rat- 
tachés. 

La  troisième  colonne  comprend  la  transcription  des  formes 
assyriennes  relevées  dans  notre  inscription ,  avec  la  signifi- 
cation qui  leur  est  propre  dans  le  passage  qui  a  été  précé- 
demment traduit  et  analysé. 

La  sagacité  du  lecteur  ne  manquera  pas  de  saisir  ainsi 
les  ressemblances  qui  rattachent  l'assyrien  soit  à  l'hébreu, 
soit  à  tout  autre  idiome,  de  même  que  les  différences  qui 
l'en  séparent  et  qui  donnent  à  l'assyrien  le  caractère  qui  lui 
est  propre  pour  constituer  son  individualité. 


^ 


abà,  paler,  ideog.  1.  »24.  iSy,  phon.  abu, 
1.  167;  ideog.  plur.  cura  suff.  ahutiya,  pa- 
ires raei,  1.  110,  147;  ahisu,  paler  ejus. 
29,  3i,  39;  alulisu,  paires  ejus,  1.  3o,  110. 

tul  abubi ,  tumulns  desolalionis ,  tul-a-bu-bi, 
1.  lU. 

abil,  imposai,  oneravi ,  i''  pers.  sing.  aor.  kal- 
a-bH,  \.  22,  i38. 


138 


• 

Î3X 

fortem  esse .  . 

ÎIN 

cognoscere.  . 
foiiem  redd*'*. 

desiderare.  .  . 

1  '*^ 

IDN* 

ÎHN 

prehendere .  . 

terribilein  ess' 
possidere.  .  .  . 

AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

yahila,  altulerunt,  3*  p.  plur.  m.  aor.  kal.  ya- 

hi-li,  1.  36,  149. 
yiisahla,sï\À  afferri  jussil,  3*  p.  sing.  m.  aor. 

shaph.  yu-sah-la,  \.  1 13. 
yasabila,  sibi  afferri jusserunt,  3' pers.  plur.  m. 

aor.  shaph.  jtt-5rt-6i-/«,  \.  i45. 
bilat,  fribulum,  ideog.  1.  24,  32;  hii-tit  1.  90, 

i53;/>i7-<tt,  I.  ii3;6i7-tttt'.  1.118. 
Ubulam,  Ubuluiiï,  n.  prop.  gentis,  U-hu-Uim, 

1. 19. 

ahan,   lapis,  ideog.  ahan,  \.  i42,    169,  160, 

16/4,  i65,  180. 
biritav,  facinus,  subst.  hi-ri-Uiv,  i.  112. 
Abitikna,  Abitikna,  n.  pr.  urbis,  A-bi-li-ik-na , 

l.i37. 
Agagi,  n.  p.  regionis,  A-ga-gi,  Agag,  1.  69. 
adanni,  senectus,  subst.  pi.  a-dan-ni,  1.  117. 
idii,  agnorunt,  3"  p.  pi.  m.  aor  kal.  i-da-u,,  1.  96. 
idir,  iirmare,  part.  kal.  i-dir,  1.  119. 
ad  iris.  Iule,  adv.  a-di-ris,  1.  4i. 
avi,  iniquitas,  subst.  a-vi ,  1.  5i. 
iiiml,  ulensilia,  subst.  u-nu-ut ,  1.  i48,  180. 
Aza,  Aza,  n.  pr.  hominis,  A-za-a,  1.  37,  38. 
Azuri,  Azuris,  n.  prop.  hominis,  A-zuri,  1.  90. 
ahu,   frater.   subst.  ideog.    (reslitutus    phon.) 

a-lm,  1.  94. 
asahiz,  prehendi  jussi ,  1'  pers.  sing.  aor.  shaph. 

usa-hi-iz,  1.  24. 
Aliimiti,  Ahimit,  n.   pr.  bominis,  A-hi-mi-ti, 

i-  9^: 

Aharr,  ideog.  Phœnicia,  n.  pr.  regionis,  1.  17, 

161. 
ahratas,  aliter,  adv.  ah-ra-tas,  1.  53. 
imat,  lerror,  subst.  fem.  i-mat,  1.  i3i. 
inusunu,  subsl.  c.  suff.  res  eoruni,  i-nu-su-mi , 

1.  24. 


GRANDE 


1!3X 

ODN 

sumere,      ca- 
pere 

bN 

non 

parère,  gig"'"=. 

velle 

irTjN 

inde  a 

3 

videre 

INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  130 

Akkadi,  Akkad,  ideog.  n.  pr.   regionis,  1.  3, 

123,  \Uo. 
akhadiai,    akkadius,    vel  polius   armeniensis, 

ideog.  1.  Si. 
ikimu,  cepi,r  p.  sing.  aor.  kal.  i-ki-mu,\.  62. 
ikimassun,  prehendere  jussi  eos ,  1*  p.  sing.  aor. 

kal.  cum  suff.  i-ki-ma-as-san ,  \.  Ixk. 
ikimi,  usurpatores,  1.  3i. 
Uknij  Ukni,  n.  pr.  fluminis,  ÏJk-ni-i,  1.  19. 
rI,  negat.  1.  i3,  98. 

Aïlahraiy  n.  pr.  regionis,  Al-laahraaiy  1.  55. 
lidtutu,  progenies,  n.  Ut-tu-ta,  L  191. 
ilu,  Deus,   ideog.   1.   137,    i55,    189;   cuni 

suff.  ilu  su,  Deus  ejtis,  1.  77;  plur.  ideog. 

ilai,  Dei,l.  3,  12,16,  112,  122,  12A,  126, 

iSg,  i4o,  137,  i43,  79,  167,    171,    176, 

187;  cum  suff.  iîuisu,  Dei  ejus,  1.  76,  io5. 
ulluti,  remolus,  ul-lu-ti,  \.  i35. 
aîat,  deleclus;  cum  suff.  a-lat-sa,  deleclus  sui, 

1.  38. 
alapu,  bos,  subst.  sing.  ideog.  \.   189;  plur. 

alpiy  boves,  1.  54,  168,  i85,  189. 
UlusunUy  n.  pr.  bominis,   Ul-la- su-nu ,  \.  38, 

4o,  44,  5o. 
ultu,  ex,  praep.  ideog.  1.  94,  95;  phon.  ul-tu, 

L 10, 23, 52,  57, 110, i35, i44, i46, 166. 
ultukiribj  inde  a,  ul-tu  ki-rih ,  1.  81,  128.  Vide 

Amhanda,  Ambanda,  u.  pr.  regionis,  Am-ha- 

an-duj  1.  69. 

a-mi ?  1.  i32. 

timin,  lapis  angularis,  ti-mi-iny\.  i34,  174. 
imar,  vidit ,  3'  pers.  sing.  maso.  aor.  kal.  i-mur, 

1.  4i,  ii4. 
imiri,  muli,  subst.  m.  plur.  i-miri,  1.  i84. 


140 


]^ 


NiN 


AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

Amris,  Amris,  n.  pr.  liom.  Ain  ri-is,  1.  29, 1,  3i. 
Amali,   Haniat,   n.    pr.  regionis,   A-ma-at-ti , 

1.  33,  36,  49,  56-,  liaraatensis,  a-ma-ta-ai, 

l  33. 
(ma,  ad,  pracp.  a-na ,  1.  5,  17,  25,  29,  3  1,  32  , 

37,  39,  4o,  /î3,  59,  61,  65,  67,  71,  72, 

74, 78,  86,  88, 90, 91,  94, 100, 107,  1 10, 

111,  123,  125,  126,  i34,  137,139,  i/io, 
i4'^,  143,  147,  i52,  i53,  i54i  164,  i65 

171,  1 88 , 1 92  ;  ana  siliirti  su,  omnino ,  1. 83 , 
ii5  ;  ana  hassiya,  conira  me,  L  26;  ana  issa- 
ii ,  denuo,  1.  65,  82,  88,  107;  ana' iti , 
ullra,l.  102  ;  «na /ri-rz7),  versus,  1.  64,  H2, 

Andiai ,  Andia,  n.  pr.  regionis,  An-di-ai,  1.  45. 

ina,  in,  praep.   i-na,  1.   i3,  16,   23,  33,  39, 

4o,  42,  43,  5 1,53,  70,  70,  77,  79,  84,  97, 

112,  1x3,  119,  120,  121,  124,  129,  i3o, 
i35,  i36,  i4o,  i46,  i53,  159,  161,  166, 
167,  176,  187;  ideog.  12,  i3,  24,  25,  26, 
3o,  34,  35, 37, 38, 4 1,  42, 47,  54,  58,83, 
120,  i34,  i36,  i38,  139,  i4o,  i44,  «48, 
i5i,  i58,  i63,  192,  193-,  ina  Ub.  ideog. 
1.  02,  36  ,  62  ,  63,  1 16;  ina  lihbisunu,  inter 
eos,  1.  117;  ina  kirib ,  1.  35,  56,  179;  ina 
kirbisu,  niedio.  i35';  ina  nir,  prope,  ideog. 
1.  i54. 

munilju,  slrenuus,  pari,  pacl  mn-ni-hu,  \.  i3. 
Anzaria ,  Anzaria ,  n.  pr.  urbis ,  Anzari-a ,  1.  64  • 
nisi,  homines,  ideog.  1,  10,  24,  36,  45,  46, 

56,  57,  61,  62,  64.  71,  75,  78,  88,  89. 

93, .106,  108,   109,  ii5,  116,  i3i.  i33, 

i38,    i53;  sing.  ideog.  1.  33;  nisuti ,  1.   3i, 

sing.  ideog   populus,!.  139. 
Aàludi ,  Asfiod,  n.  pr.  urhis,  As-dti-Hi,  I.   90, 

100;  As  dudn,  1.  io4. 


GRANDE 


")DN 

circumdare .  . 
tluere 

egredi 

ponere 

npN 

pretîosum  ess' 

insidiari .  .  .  . 

--)X 

descendere.  . 

INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  141 

Asdadim,  Azotum ,  n.  pr.  urbis,  As-du-di-im- 

mu,  I.  io/|. 
Asur,  Assur,  n.  pr.  dei,  Asur,  ideog.  1.  3,  28, 

4o,  53,  58,  63,  70,  12/4,  a5,  i54,  166, 

167,  172,  187;  A-sur,  \.3li. 
Asurlih,  Asurlius,  n.  pr.  hominis,  A-siir-Uh , 

\.  55,  a-surlih,  l.  56. 
ipid  y  suhsi.  i-pi-sa-un  {^onri-pi-idsu-un),\a\\us 

eorum ,  1.  192. 
apsa,  effluvies,  snbst.  ideog.  1.  169. 

appât ap-pa-a-ti 1.  161. 

Usa,  exeat,  prec.  kal.  li-sa-a,\.  193. 

sit,  part.  kal.  si-it  samsi,  oriens  solis,  1.  i53; 

sit  su-un,  exitus  eorum,  1.  188. 
usisUy  ad  bcUum  compuli,  1"  pers.  sing.  aor. 

shap.  U'si-su-u,  \.  5. 
usisassuv,  egredi  jussi  eos,  u-si-su-as-suv,  1.  81. 
ussi,  eduxi,  1'  pers,  sing.  aor.  pa.  us-si,  1.  4j, 

114. 
ussib,  posui,  1"  pers.  sing.  aor.  pa.  us-sih ,  \.  29. 
ussiba,  exposui,  1"  pers.  sing.  aor,  pa.  us-^i-ba 

(pro  u-us-si-ba),  i.  171. 
ash's,  adv.  radicitus,  as-1i-is,\.  i3i. 
akartav,  pretiosus:  abiii.  a-kar-iav,  lapides  pre- 

liosi,  1.  180. 
mihir>  dileclus,  mi-kir,  1.  3. 
irbilti,  decoralio,  ir-bit-ti,  1.  16/4. 
aribis,  adv.  insidiose,  a-ri-bis,  1.  73. 
argamannu,  purpureus,  panni  purpurei,  ar-çja- 

mail-nu,  1.  1/42,  182. 
Argistis,  Argistfs,  n.  pr.  hom.  Ar-gis-tis,  1.  1  i3. 
yurid,  descendit,  5'  pers.  sing,  aor.  kal.  ideog. 

i.    123. 

ardud,  subjeclio,  subst.  ar-da-li,  1.   70,  i53; 
ideog.  1.  36,  70,  1 17. 


142 


nN* 

• 

n")K 

leo 

n*i}< 

ire 

mK 

CD^N 

V^ 

rogare 

possidere.  .  . 

2^K 

•    2t'ii 

Iiabitare 

AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

mirdat,  valJes ,  subst.  fein.  plur.  mir-da-at,  i.  1 5. 
uruda,  color  melallicus,  ferrum ?  ideog.  1.  i4» , 

i6i, 162. 
ariai,  leones,  subst.  m.  plur.  ideog.  1.  162. 
arassii,  transportavi  eum,  1'  pers.  s.  m.  aor. 

kal.  cum  sulT.  u-ras  sa,  1.  69. 
Urzana,  Urzana,   n.    pr.   hominis,    Ur-za-na, 

\.  72. 
uruh,  via,  subst.  u-ru-uh,  1.  110,  ii4,  118, 

âi. 
arah,  mensis,  ideog.  1.  167. 
Aralîi,  Aralli,   n.  prop.    regionis,   A-ra-ul-li, 

\.  i56. 
Arkuy  Varka,  Orchoë,  n.  pr.  urbis,  ideog.  1.  8, 

i36. 
Arimi,  Aram,  n.  pr.  gentis,  A-ri-mi,  1.  i5o. 
Armit,  Armit,  n.  pr.  urbis,  Ar-mi-it,  1.  4i. 
irini,  cedri,   subst.  plur.  ideog.  1.  i58,   160. 
aranis,  simul,  adv.  a-ra-nis ,  1.  129. 
Arpadda,  Arpad,  n.  pr.  urbis,  Ar-padda,  1.  33. 
Ursa,  Ursa,  n,  pr.  hominis,  Ur-sa-a,  1.  3i,  37, 

39,  ^2,  52,  72,  76. 
Urarli,  Armenia,  n.  prop.  reg.  Ur-ar-ii,  1.  76, 

78,  ii3. 
Urartai,  Armeniensis,   Ur-ar-ia-ai ,  1.  37,  39, 

4?,  73;  ideog.  (?)  1.  3i. 
irisanni,  rogavil  me,  S'*  p.  ai.  aor.  kal.  cum  sud. 

i-ris-an-ni,  1.  120. 
marsiti,  res,  possessio,  mar-si-ti,  \.  /^b,  71,  75. 
Irislana,    Iristana,    n.  pr.   urbis,  l-ri-is-la-na , 

isali,  ignis,    ideog.   1.  35,  txi,   43,  47,    70, 

i34,  i5o. 
asah,  babitalio,  inf.  kal.  a-sah ,  1.  118. 
asib ,  Iiabilans,  part.  kal.  m.  ûu^.  a-si-ih ,  1.  78, 

193;  asib,  I.  24,  126,   175. 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD. 


143 


SDÎL'N* 


wa 


^^i< 


largum  esse. . 


-)*^X 


IW^ 


vaticman . 


asUmt,  habitantes,  part.  kal.  m.  plur.  a-si-hn- 

ut,  1.  i/i3,  167;  a-si-hu-ti,].  176. 
u-sibj  sedi,  1'  pers.  sing.  aor.  kal.  1.  179. 
yusihu,  consedit,  3*  pers.  sing-  m.  aor.  kal.  ju- 

si-ha,  \.  84;  yu-sih ,  L  4i,  4'2,  179. 
iisisih,  collocavi,i"  pers.  sing.  aor.  shaph.  u-si- 

516, 1.  32,  49,  56,  62,  63,  109,  116,  121; 

u-si-si-ba,  1.  139;  cum  suff.  ii-si-sib-sUj  1.  5i, 
i34;  u-si-sib-sa-na-tiy  1.  67. 
yusisibu,  collocaverunt,  3*  pers.  plur.  m.  aor. 

shaph.  jtt-5i-5i-6tt,  1.  3o,  37,  39. 
subatt  habitalio,  nomen  sii-bat-éa-un ,  cum  suff. 

1.  i46. 
musaby  sedes,  pari.  aph.  mu-sab,  1.  159. 
astUy  largus,  as-tu^  1.  i4. 
Asmun,  Asmun(?),  n.  prop.  regionis,  As-mun, 

\.  i44;  vide  Niliik? 
usman,  acies,  campus,  subst.  sing.  us-ma-an, 

1.  129;  plur.  us~ma-ni,  1.  124. 
asputi,  oraculo  insignes,  as-pu-ti,  1.  126. 
/5/)a6c!ra,  Ispabara ,   n.  pr.  liominis,  Is-pa-ba- 

a-ra,  1.  118,  119,  121. 
asar,  locus,  subst.  a-sar,  1.  85,  99,  110,  128; 

cum  suff.  asar-sa ,  locus  ejus  ,1.26,  46 ,  1  o4 , 

ii4;  a-sar-si-na j    cum   suff.    locus  earum, 

1.  i5;  asrisunu,  locum  eorum,  1.  57. 
asrus,  in  locum  suum,  as-ru-us,  1.  12,  137. 
isriti,  opéra,  subst.  is-ti-ti,  1.  i56. 
Assur,  n.  pr.  regionis,  Assyria,  ideog.  1.  2,  32  , 

44, 59, 64, 67,  72,  89, 92, 109, 112, 167, 

176,  179. 
Assurai,  Assyrius,  ideog.  1.  32. 
asariddati,  subst.  masc.  plur.  magnâtes .  a-sa-rid- 

du'tiA'^i. 
assu,  pro  ana  su,  propterea,  1.  92,  173. 


144 


nnx 


dirige 


re. 


AOUT-SEPTEMBRE  1865. 


a-sur-n-si-ui 


ustislra,  suslenlavi,  i"  pers,  sing.  aor.  iphleal. 

us-ti-si  ra,  1.  i2  4- 
asurrisin,  paries,  cuni  suff.  plur. 

parietes  eorum,  1.  i65. 
isiii,  praep.  inde  a,  is-tu,  1.  i6. 
asuti,  expiravîl,  3'  p.  aor.  shaph.  a-su- 
iti,  praep.  ultra,  i-ti-i ,  J.  18,  1  5o. 
itti,  praep.  cum,  it-ti,  \.  25,  3o,  3i,  32,  34 

72,   75,  81,  85,  87,  89,  99,   106,   109 

îi4,  ïi5,   123,  i33,  172,  177. 


-ti>\-ir 


ikVn 

effodere.  .  .  . 

33 

maie  agere.  . 

S33 

1^3 

"in3 

'  '?n3 
-)n3 

colligcrc  .  .  .  . 

birit,  ripa,  hi-nt,\.  129. 

birâti,  puteus,  bi-ra-a-ii ,  1.   1  5. 

biruti,  spissus,  bi-ru-ti,  1.  i4- 

basa,  malum,  ma-la,  ba-su-u,  quodnon  est  sper- 

nendum  1.  7,  20,  2 1,  56,  75,  80,  87,  i33. 
babi,  portœ,  ba-bi-sun,  subsl.  f.  cum  suff.  plnr. 

1.  162. 
Bab-karak,  Bab-Rarab,  n.  pr.  urb.  ideog.  1.  20. 
Bub-lmir,  Bab-Hisir,  n.  pr.  urbis,  ideog.  l.  i38. 
bibil,  ina  bibil,  in  voluntate,  1.  i55. 
biblal,  ex,  in,  praep.   bib-lat,  \.  170;  bi-ib-lat , 

\.  i43,  i63. 
Bagbartii,   Bagabarlus,  n.  pr,  dei ,  Ba-ag-bar- 

iav,  1.  76. 
Babilu,  Bahylon,  n.  pr.  urbis,  ideog.  Babllii, 

\.  2,  6,  124,  125,  i35,  i4o,  149- 
Buhi,  Bubi,  n.  pr.  urbis,  Bu-bii,  1.  20,  i38. 
Bagdalti,  Bagadates,   n.  pr.  bominis,  Ba-ag- 

da-at-ti ,  1.  49. 
biihari,  splendor,  ba-'a-ri,  subî>t.  1.  194. 
bathalliv ,   équités,   ipbteal,    bat-hal-Uv,  \.  35, 

85,  ii4,  116. 
nabhar,  coliectio ,  omnis ,  uabhar,  1.  1  3  ;  nabmir, 

1.17. 


î!/'1D 

GRANDE 

cessare  

n''3 

nbi 

vectigal  afferr^ 

,0 

n:3 

œdificare ,    fa- 
cere,creare 

INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  145 

bma,  spolia,  ideog.  1.  69,75,87,  106,  ii5. 
batilta,  alteralus,  ha-tU-ta,  1.  1 1  ;  pi,  m.  ha-at- 

lu'ii,  alterati,  I.  137. 
hutni,  pistacium,  n.  arboris,  hu-ut-ni,  \.  169. 
Bikni,  Bikni,  n,  pr.  regionis,  Bi-ik-ni,  1.  18. 
Bala^  Baia,  n.  pr.  urbis,  Ba-a-la,  \.  57. 
hiraii,  urbes  munitae,  ideog.  1.  89,  42,  43, 

44,52. 
hit,  domus,  subst.  ideog.  1.  3i,  i4i»i6i,i62. 
Bit-Amukkan,  Bit-Amukkan,  n.  pr.  regionis, 

Bit-A-muk-ka-ni,  1.  21. 
Bit-Bagaya,  Bit-Bagaya ,  n.pr.  regionis ^Bil-Ba- 

ga-ya,  L  64- 
Bit-Dakkiiri ,  Bit-Dakkuri,  n.  pr.  regionis,  Bit- 

Dak-kuri,  1.  21. 
Bit-Yakin,  Bit-Yakin,  n.  pr.  regionis,  Bit-Ya- 

kin,  1.  22,  116,  187,  149. 
Bil-Palla,  Bit-Pahalla,  n.  pr.  regionis ,   Bt<- 

Pa-'al-la,  L  86. 
Bit-Sa'ïla,  Bit-Sabaliu ,  n,  pr.  regionis,  I?i7-j5a- 

•-al-la,  L  21. 
BitSilan,  Bit-Silan ,  n.  pr.  reg.  Bit-Sil-a-ni ,  1. 2 1 . 
ibtillu,  adminislrarunt,  3"  pers.  plur.  m.  aor. 

pa.  ib'tillu,  l.  i36. 
bilat,  vectigal,  1.  i4i,  162. 
Balbiki,  Balbek  (?) ,  n.  pr.  urb.  Bal-hi-ki,  1.  10. 

halnm (?),  1.  84. 

abni,  feci ,  1'  pers.  ï>ing.  aor.  kal.  ab-ni,  1.  159, 

i64. 
yusabni,  perficere  jussi ,  1'  p.  sing.  aor.  sbapb. 

yiisah-ni,  1.  128. 
banu,  œdificans ,  part.  ka!.  bami-su-iin ,  cum  snff. 

1.  .9.. 

binixi,  creatura,  n.  bi-nu-iit,  \.  180. 

banâli,  fdiae,  ideog.  pî.  1.  76,80,  io5, 1  i5,  i33. 

binii,  filiaf?),  n.  bi-in-ti,].  3o. 


]46 


TJ2 

permittere.  .  . 

by:ï 

dominari. .  .  . 

)i2 

abscindere  .  . 

P13 

populari .... 

n-)3 

perpeluare  .  . 

r~»"i"( 

u*n3 

xî:'3 

spernerc.  .  . . 

Qv:i 

fingere.  . .  . . 

pn3 

abscidere  .  .  . 

nn3 

separare.  .  .  . 

AOUT -SEPTEMBRE   1865. 

ahud,  i'  pers.  sing.  aor.  kal.  a-bu-ud,  permis! , 

l  i35. 
Baitili .  Baïliil ,  n.  pr.  regionis ,  Ba-'-it-i-li,  \.  68. 
hil,  dominus,  ideog.  \.  82,  35,  96,  12a,  124, 

iSg,  \ko,  lAij  167,  176;  cum  suff.  hilya, 

dominus  meus,  1.   53,  63,  189,  166;   biU 

sanu,  38;  bili-ya,  16. 
bilti,  dea,  ideog,  1.  i63. 
bildcKjon,  \W6- 

Bilsarrusur,  n.  pr.  hominis,  Balthazar,  \.  59. 
biîut,  potenlia,  subst.  abst.  bi-la-ii,  1.  96;  cum 

suff.  bi-Ia-ii-ya,  polentiamea,  1.  1 3,  2 2, 32, 

116,  159;  bi-lat-m,  potenlia  ejus,  1.   71, 

93,95. 
busrat,  locis  inaccessis,  n.  bu-us-rat,  1.  4i. 
ubuk,  condonavi,   1'  pers.  sing.  aor.  kal.  a-bu- 

uk,  J.  5i. 
listabra,  perpétuent,  precat.  istaph.  lis-iab-ru, 

labràti,  admiratio,  iab-ra-a-ti,  11,  1.  i65. 
birmi,  berom,  genus  coloris,  bir-mi,  i.   i42, 

181. 
barsa,  brasa,  genus  mensurae,  bar-sa,  l.  128. 
Barsippa,  Borsippa  ,n.  pr.  urb.  ideog.  1.  6,  i35. 
ibsu,  spernebant,  3'  p.  m.  plur  aor.  kal.  ib-su, 

1.  i3. 
absim,  adaptavi,    i'  persona  aor.  kal.  ubsim, 

1.  i65. 
yubattiha,  abscidit,  3'  pers.  sing.  m.  aor.  pael. 

yu-bat-ll-ha ,  1.  128. 
bitruti,  separati,  bit-ru-ti,  1.  168. 


133 
;î?33 


forlem  esse, 
colligere.  .  . 


^faèrai, rivales,  plur.^a6-r«-rt/ J.  \Z\gabri,  159. 
(jabsûti,  cuncta,  plur.  f.  (jub  sa-a-ti,  ].  34,  /|0. 
gibis,  impelus,  gi-bis,  1.  72,  97. 


m  3 

? 

bm 

")d:i 

fmire 

m: 

aggredi 

1 

INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  147 

gubus ?  ga-bu-us^  \.  i  22. 

gada ga-du^  ].  28. 

guhlvLV ,  margarita,  gii-uh-luv,  1.  i33. 

G uUatuv ,  GuWat ,  n.  pr.  urbis,  G ul-la-tuv,\.  20. 

Gamhula,  Gambul,  n.  pr.  gentis,   Gam-bii-lu 

(II.  luv),  \.  19,  126,  i4o. 
(^mgumi,  Gamgumus,  n.  pr.    genlis,    Gam- 

gu-mi,  1.  83;  gamgumaai ,  1.  88. 
gammal,  camelus,  subst.  m.  gam-mal,  1.  27; 

plur.  gammali,  1.  i85. 
giniri,  familia ,  omnis ,  gim-ri,\.  88  ;  gi-mir,  1. 1 23. 
Gimlu,  Gimtu,  n.  pr.  urbis,  Gi-im-tu,  1.  lo/j. 
Gunzinanu,  Gunzinanus,  n.  pr.  hominis,  Gun- 

zi-na-nUj  1.  i83. 
gari,  hosles;  cum  suff.  1"  pers.  gariya,  hosles 

mei;  part.  m.  ga-ri-ya,\.  16. 
gisla,  lis,  subst.;  cum  suff.  gi-is-îi-su,  lis  ejus, 

i.  1 18,  1 19,  120. 
gusur,  Irabes,  subst.  plur.  ideog.  1.  160. 
Guti  umki, 11.  pr.  gentis,  1.  17. 


nNT 

221 

insidiari  .  .  . . 

bai 

stare 

b:i 

splendere. .  . 

")m 

durare 

l'T 

occidere.  .  .  . 

nui 

diruere 

datûti,  possessio,  da-'-ta-u-ti,\.  39. 

dabib,  raoliens,  part.  kal.  da-bi-ib,  1-95,  da-hi- 

bu,  ].  ii3. 
idbub,  3'  pers.  s.  m.  aor.  kal.  idbu-ub ,  \.  38. 
usadgila,  concredidi,  1'  pers.  sing.  aor.  shapb. 

R-sad-gi-la,  1.  117,  121,  i36. 
digili,  splendor,  di-gi  li,  1.  1^2. 
Dight,  Tigris,  n.  pr.  fluminis,  ideog.  1.  18. 
darûti,  perennes,  da-ra-a-tiy  1.  192. 
adiik,  occidi,  1*  pers.  sing.  aor.  kal.  a-dak, 

1.3.5,42. 
diklu,  actio  occidendi,  inF.  kal.  di-ik-tii,  ].  /\2. 
dihi ,  dirutio,  inf.  kal.  di-hi,  1.  i32. 


148 


numerare.  .  . 
commitlere .  . 

forlem       red- 
dere. 

■)DT 

CD"I"I 

im 

morari 

AOUT-SEPTEMBKE   1805. 

Dayakku,  Dayakku,  n.   pr.    hominis ,   Da-ai- 

ah-kvL,  1.  49. 
adki ,  1  '  p.  s.  aor.  kal.  numeravi ,  ad-ki ,  1. 34 ,  ko. 
^/i7//t,  Iranquillitas,  subsl.  di-U-ih,  \.  i36;  dali- 

ili-tav,  1.  62  ,  121. 
usadlimuuiva ,  commiserunt  mihi ,  3*  pers.  p.  m. 

aor.  sliaph.  yu-sad-l^-mu-ni-va ,  \.  4- 
Dimaska,  Damas,  11.  prop.  urbis,  Di-mas-ka , 

l.  33;  Di-mas-ki,  b'j. 
mlannin,  forlificavi,  1'  pers.  sing.  aor.  pa.  u-dan- 

ni-na,  1.  66;  3'  pers.  ya-dan-ni  na ,  1.  126. 
adnin,  me  fortem  reddidi,  1'  p.  sing.  aor.  kal. 

iid-niii,  1.  1  7D. 
danmi,  polens,  dan-nu,  1.  1. 
dunna,  pclenlia,  subst.  dun-nu,].  i3. 
danniit,  fortes,  pari,  plur,  ideog.  1.   43,  47. 

1  i5,  i34;  m.  pi.  dannu-ti,  52  ,  54,  81,  i34; 

ïem.  pi.  dan-na-u-ti,  42. 
danan,  polestas ,  exallalio ,  da-na-an ,\.  1 1 1 , 1 45  ; 

dana-ni,  1.  16. 
Dunni  sanias ,  Dunnisamas,  n.  pr.  urbis,  Dun- 

ni-samas,  1.  20. 
daprani ,  dapran,  n.  arboris,  dap-ra-ni,  \.  iSg. 
daru(jsany  condensa  earum,  durti-ug-sa-un  ,\,  1 5. 
darumi,  princeps,  da-ru-mi,  I.  i65;  darumi  ma- 

titan,  principes  lerrarum, 
durar,  commemoralio;  da-ra-ar-su-iin ,  ].   13^, 

cum  sufF.  commemoralio  eorum. 


-)in 


verlere 


honora  ro. 


Vide  -|Dn. 

habal,  fdius,  ideog.  1.  38,  122;  liabli ,  fdii, 
ideog.  1.  76,  1 18,  i34;  hablu-su,  lilius  ejus, 
cum  suff,  ].  37,  84,  86;  hahh-su ,  filii  pjus, 
plur.  cum  suIT.  1.  80,  io5,  1 15,  i33. 

udir,  adorans,  a-dir,  \.  112. 


mn 


1^n 


venire 


-jDn 


vertere 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  149 

fJii,  Ao,  n.  pr.  Dei,  ideog.  Hu,  1.  i55. 
hekal,  regia,   ideog.  subst.    1.    i,    169,    161; 

plur.  hekali,  regiae,  1.  i58,  166,  186:  he- 

kalya,    regia   mei,  1.   179;  hekal-su,  regia 

ejus,  i.  59,  76,  80,  87,  106,  ii5,  i33. 
allik,  veni,  1°  pers.  sing.  aor.  kal.  al-lik,  î.  71, 

86,  101,  102. 
illik,  adivit,  3'  pers.  sing.  m-    aor.  kal.  il-lik, 

1.  i5i;  plur.  il-Ji-ku,  ibant.  1.  i3o. 
illika,  3"  pers.  plur.  fem.aor.  kal.  il-li~ka,  1. 1 18, 

119. 
lilîik,vemat,  precat.  kal.  lil-Uk,  1.  191. 
alak,  actio  eundi,  inf.  kal.  a-lak,  1.  101,  126; 

a-la-ka,  1.  i25. 
alikut,  part,  euntes,  plur.  1.  162. 
malak,  viam  ,  n.  ma-lak ,  1.  1^6. 
?/)uA:,vertit,  3'  pers.  sing.  m.  aor.  kal.  i-pu-uk, 

1.  79.  122. 
ittahiksu,  convertit  eum,  3*  pers.  s.  m.  aor.  kal. 

cum  suff.  it-ta-hi-ik-su ,  \.  111. 
hapiktasu,  fuga  ejus,  ideog.  1.  23  ;  hapiktasuni, 

1.  26;  hapiklasun,  1.  i3o;  fuga  eorum. 


1 
au,  et,  conj.  1.  78,  119,  12A,  i35,  162,  i53, 

i56,  181, 194. 
Vannai, Van,  n, pr.  gentis,  Van-na-ai,  1.  36 ,  38, 

39,  4o,  A4,  48,  5o. 
Upiri,  Upirus,  n.  pr.  hom.  U-pi-i-ri,  1.  i44- 
Varkasl ,  Varkasa,  n.  pr,  urb.  Var-ka-si,  1.  86. 


vind 


îcarc.  .  . 


zibirti ?  zi-hi-ir-ii,  1.  122. 

izuzii,  vindicavit,  3*  p.  s.  m.  aor.  kal.  i-zu-zu 
1.118. 


50 


repudiare.  .  . 

pacisci 

meniorare.  .  . 

V^T 

nï 

VIT 

deficere.  .  .  . 

h2n 

vulnerare.  . . 

in 

nn 

confugere.  .  . 

AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

azuz,  vindicavi,  i*  p.  s.  m.  aor.  kal.  a-zii-nz , 

1.1 4o. 
izir,  repiidiavit,  3*  p.  s.  aor,  kal.  i-zirii,  i.  ^b. 
ziràti ,  fastidium  ,  zira-a-ii,  1,  92. 
zakut,  leges,  subst.  masc.  plur.  za-kiit,  1.  ic. 
azkar,  memoravi,  1*  pers.  sing.  aor.  kal.  az- 

kur,  1.  63. 
azkara,  nuncupavi ,  az-ka-ra,  1.  1  55. 
zikir,  memoTy  subst.  zi-kir,  1.  l\- 
zikar^  raemoria,  inf.  zi-kar,  1.  122,  \l\q\  plur, 

zik-ri,  1.  112. 
zakrutiy  antiquas,  zak-ru-ti,  1.  i34. 
zikruti,  obedienlia,  zik-ru-ti,\.  i3. 
Zikartai,  n.  prop.  reg.  zi-kar-ta-ai ,  1.  87,  45- 
zu/u//,  columnae,  ideog.  1.  161. 
Zari,  Zerghoul?  n.  pr.  urbis,  ideog.  1.  9,  187, 

zarû ?  1.  171. 

Zurzakka,   Zurzukka,    n.    pr.    urbis,    Zu-ur- 

zu'uk-ka,  1,  48. 
zirkut,  insignia(?),  s.  m.ipl.zir-kut,  1. 129,  i3i. 
zir,  semen,  ideog.  1.  3i,  42,  139. 
Za/pamtov,  Zarpanita,  n.  pr.  deae,  Zar-pa-ni- 

tuv,  1.  i43. 
zararti,  defectio,  subst,  za-rar-li,  1.  95,  ii3; 

zar-ra-a-ti,  \.  38. 


n 

hibiltasun,  cum  suff.   Iransgressio  eorum,  Iji- 

hil-ta-sun,  1.  7. 
Hubuskia,  Hubuskia,  n.  pr.  urbis,  Hu-bu-us- 
'  kia,  \.  54. 

hadis ,  solus,  adv.  ha-dis^  1.  i4i. 
Jlavranu,  Hauran,  n.  pr.  genlis,  Ha-av-ra-nu , 
'  1.  18. 

mahaziy  lempla,  subst.  plur.  ma-ha-zi ,  i.  137. 
i4o,  i43. 


bbn 


QDn 


HDn 


I 


-)2:n 


pe( 


iilcisci. 


festinare. 
calefacere . 


affligere. 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  151 

Haziti,'Gaza,  n.  pr.  urbis,  Ha-zi-ti,  \.  25,  26. 
hitatisuy  subst.  f.  plur.  cum  suff.  peccata  ejus, 

hi-ia-ti-SR,  1.  5i. 
hitli,  subsl.  plur.  rebelles,  hi-it-ii ,  1.  35. 
Hallii,  HuUius,  n.  pr.  homînis,  Hal-li-i,  1.  3o. 
Hald'ia,  Haldia,n.  pr.  dei,  Hal-di-a,  1.  76,  77. 
iït7i7m,  Hilibus,  n.  prop.   iirbis,  Hi-li-ih-ha, 

1.  20. 
Hilakki,  Cilicia,  n,  prop.  regionis,  Hi-lak-hi, 
'  1.  3o. 

[mltuv ,  subst.  ultio,  hul-iuv,  1.  92. 
Hamhanigas,  Humbanigas,  n.  prop.  bominis, 

Hum-ba-ni-gas ,  1.  23,  i2  3. 
Iiitmudis,  adv.  festinanter,  hi-it-mu-dis ,  1.  86. 
hammami,  elementa,  subst.  lia-am-ma-mi ,  1.  i4. 
Haniani,  Hamanus,  n.  pr.  regionis,  Ha-ma-a- 

ni,  1.  i43;  Ha-nui-ni,  l.i63. 
Hindaru,  Hindarus,  n.  pr.  j^entis,  Hi-in-da-ru , 

1.  19,  127. 
Hanunu,  Hanon,  n.  pr.   bominis,  Ha-nu-nu, 

1.  25,  26. 
hipi,  subst.  clades,  hi-pi-i,  \.  'j'j. 
hapiktasu,  clades  ejus,  ideog.  1.  121. 
ahpi,  terrui,  1"  pers.  sing.  aor.  kal.  ah-pi,  I.80. 
iihappi,  terrore  implevi,  1'  pers.  s.  m.  aor.  pa. 

a-hap-pi,  1.  i^- 
hisir,  castelium,  ideog.  cum  suf.  hisirsu,  1.  i32. 
Hisir-Yakin,  Hisir-Yakin,  n.  pr.  urbis,  1.  i32, 
'  'i3A; 
Hisir-Sarkin,  Hisir-Sarkin ,  n.  pr.  urbis  (Klior- 

sabad),  1.  i55,  1  57. 
Hisir-THitiv,  Hisir-Tilit,  n.    pr.  urbis,   Hisir- 

Ti-li-tivJ.  i38. 
Harhar,  Kborkbor,  n.  pr.  urb.  Har-ha-ar,  1.  6 1 . 
Harilluv ,  Harillu,  n.  pr.  gentis,  1.  18. 
Harrani,  Harran  ,  n.  pr.  urbis ,  Har-ra-ni,  1.  1  o. 

1 1 . 


circumdare . 


152 

mn 


V")n 


eligerc. 


scalpere . 
fodere.  .  . 


\OUT-SEPTEMBRE   1865. 

hij^at,  uxor,  subsl.  hi-ra-ti-sii-nu ,  uxores  eoruin  , 

cumsufi.  1.  i56;  ideog.  sing.  1.75,80,  io5, 

1 15,  i33;  plur.  1.  1 18. 
haral,  sceplrum ,  ideog.  I.  i3i. 
harisi,  fovea ,  subsl.  plur.  ha-ri-si ,  1.  127. 
haras,  aurum,   subsl.   ideog.  i.  27,  87,    i3i, 

i32,  i33,  1^1,  làS,  159,  i8(5. 
harsani,  silvœ,  subsl.  plur.  har-sa-ni ,  1.  1^,  4G. 
hattav,  formido,  subst.  hu-at-tav ,  \.  iii. 
Hatti,  S}ria,  n.  pr.  regionis,  Ha-at-h ,  1.  f)5. 

Hat-ii,V  17,  57,  i38,  1A7,  161. 

libhulti,   subst.   plur.  vestes    linctae,  tib-bul  li, 

1.  i42,  181. 
tub ,  bonus,  adj.  tu-ub ,  1.  iqS;  la-bu,  1.   173-, 

ta-a-bii,  1.  iA3. 
/a6i5,  adv.  fauste,  ta-bis,  1.  167. 
/ttm,  suslentio,  inf.  pa.  tiir-ri,\.  119. 


T» 

□r 



. . .  . 

id ,  pes,  subst.  cum  suff.  ideog.  id-ya,  pes 
meus,  1.  85,  100,  ii4;  piplion,  i-da-su-un, 
pedes  eorum,  1.  190. 

Yaubidii,  Yaubidus,  n.  pr.  bominis,  Ya-ii-bi- 
di,  1.  33. 

jiim,  dies, ideog.  1.  i3,37,  167; — jumt,  plur. 
dies ,  1.  1  o ,  1 1  o  ,  1 1 7 ,  1  /i6 ,  1 74 >  1 80, 1 92  , 
—  inayiimi  suva,  in  illo  tempore,  1.  1  53. 

Izibia,  Izibia,  n.  pr.  urbis,  I-zi-bi-a,  1.  4». 

Izirta,  Izirlu,  n.  pr.  urbis,  I-zir-tii ,  1.  /u,  35. 

Ikbibil,  Ikbibil,  n.  pr.  urbis,  Ik-bi-bil,  1.  125. 

ihmaii ,  anleriores,  ili-mu-ti ,  1. 

\akin,  Yakin,  n.  pr.  bominis,  1.  122. 

lUipi ,  Albanin,  n.  pr.  regionis.  Il-li-pi,  1.  18, 
117,  121. 


assignare.  .  .  . 

K")"» 

timere 

vv^ 

spaliosum  e"*. 

GRA.NDE  INSCRIPTION  DE  KIIORSABAD.  153 

lUipai,   n.    prop.    genlis,  Il-li-pa-a,  Albanus, 

1.  70. 
Yamani,  Yamanus,  n.  pr.  hoininis,  Ya-ma-ni, 

1.  95,  101. 
Yajiagil,  Yanagia,  n.pr.  regionis,  Ya-'-na-gi~i, 

1.  i45. 

YanzUy  Yanzu,  n.  pr.  hominis,    Ya-anzu-u , 

1.  blx. 
adï,  praecepta,  subst.  plur.  a-d-i-i,  \.  79. 
iriy  silva;  cum  suff.  plur.  i-rl-siin,  1.  i43. 
irivva.  Supers,  sing.  aor.  kal.    non  sustinuii, 

i-riv-va,  1.  26. 
Iranzii,  Iranzu,  n.  pr.  hom.  Ir-an-zu ,  1.  36. 
musa,  salus,  musa,  1.  190. 
Itu,  Ilu,  n.  pr.  gentis,  I-tu,  î.  18. 
lui,  Iltius,  n.  pr.  hominis,  It-ti-i,  I.  55,  56. 
Yalburi,  Yatbur,  n.  pr.  regionis,  Y a-at-hu-ri , 

1.  20,  i5o. 
Ilamaru,  Ilamarus,  n.  prop.  hominis,  It-'-am- 

a-ni,  1.  27. 
Yalnan,  Cyprus ,  n.  pr.  genlis,   Ya-at-na-na, 

1.  16,  i45. 


^D-ND 


133 

33D 

n3D 


ki,  ex,  contra,  cum,  praep.  1. 89, 83, 12 4,  126, 

i55. 
Kui,  n.  pr.  regionis,  Ku-i,  1,  i5o. 
Kibaha,  Kibaba,  n.  pr.  hominis  ,  1.  61. 
ikbud,  durum  fuit,  3"  pers.  sing.  aor.  kal.  ik- 

bu-ud,  1.  33 ,  91 . 
kababi,  scutorum  genus,  ka-ba-bi,   I.  117. 
kabiltu,   multus,    ka-bil-tu    (/t),   1.   72,    i33, 

i5i,  168,  i85. 
kabatti,  propositum,  ka-bat-ti,  1.  19/4. 
kibit,  iua  ki-bit ,  ope,  1. 1 2 4;  ki-bi-tus-su,  favente 


eo 


19^ 


154 

A 

comburere. .  . 
esse,  stare. .  . 

tondeie,  exco- 
ria re. 

prohibera  .  .  . 

nbD 

perticere.  .  .  . 

rDbD 

invigiiare. .  .  . 

nCD 

prehendere .  . 

AOUT-SEPTEMBRE   18C5. 

kidinni,  norma,  sub.  m.  pi.  ki-diti-nl,  1.  7;  [ki- 

dinmil)  ki-din-nu-us'-mn ,  norma  eorum ,  1. 1 1 . 
Kiakku,  Kiakkus,  n.  prop.  hominis,  Ki-ak-kii, 

l  28. 
akvu,  combussi,  i'  pers.  sin^^  aor.  kal.  ak-vu, 

1.  35,  /i2,  A3,  ^7,  i3/j. 
uktin,  imposai,  1"  pers.  sing.  aor.  iphleal,  iik~ 

tin,  \.  67. 
wÂ^mJmposui,!* pers.  sing. aor.  kal.  u-kin,\.  02  , 

83,  116,  i6/i. 
ukinna,  rectificavi,  1,  167,  160. 
kiin,   stans.    inf.   kal.   ku-un,   \.    12;    kun-nu, 

1.  174. 
kinis,  adv.  constanter,  1.  i56,  188. 
kitti  (pro  kiuii),  kinat,  fœdiis,  kit-ti,  l.  3o. 
akus ,  excoriavi,  1"  pers.  sing.  aor.  kal.  a-ka- 

us,  1.  35,  à^,  56. 
kukum,  crocus,  ku-kiim,  1.  1^2  ,  181. 
iklû,  retinuit,3"pers.  sing.  m.  aor. kal.  ik-lii-u, 

i.  28,  69,  1 13. 
iA-/a,  abnuit,  ik-la-a,  1.  79,  122. 
Kalu,  Kalah,  n.  pr.  urbis,  ideog.  1.  8,  23. 
kola,  omnis,   ka-la,  \.   i/i3;  cum  suff.   ka-U~ 

sun,  1.  \l\. 
Kalanu ,  Ralanus,  ideog.  1.  8. 
Kaldi,  Ghaldœa,   n.  pr.  genlis,  Kal-di,  1.  21, 

122,  125,  147. 
Kaldudii ,Cha\dud , n. pr.  gentis, kaldu-duj.  1 8. 
ukallim,   invigilavl,    1"   pers.  sing.  aor.  pael, 

ii-kal-lim ,  1.  i35. 
kima,  sicut,   ki-ma,  1.  96,    i25,    129,    i32, 

i34,  iM. 
/mmu,  possessio,  inl".  kal.  ka-mu-u,  1.  i35. 
Kummahi,  n.  pr.  regionis,  Kum-mu-hi,  1.  82. 
Kanunuhai,  Kammanius,  11.  pr  regionis,  Kitm- 

nui-lja-al ,  1.  1  1  y. 


DD3 


V12 


îviDD 


no 


cogère. 


inlricarc. 
expiare.  . 


separare,  dis- 
tribuere. 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  155 

akmisa,  rogavi,  i*  pers.  sing.  aor.  kal.  ak-mi- 

sa,  1.  174. 
Kindau,  Kindaus,  n.  pr.  urbis,  Kin-da-u,  \.  64. 
iknusu,  se  submiserunt,  3"  pers.  plur.  m.  aor. 

kal.  ik-nu-su,  1.  i52. 
usaknisu,  1"  p.  sing.  aor.  slmp.  coegi,  u-sak-ni- 

sa,  1.  i54. 
kiissu,  thronus,  ideog.  1.  3o,  33,  Sy,  Sg,  5i, 

84,  95,  118,  121,  i3i. 
Kisik,  n.  pr.  urbis,  Ki-sik,  1.  9,  137. 
kasap,  argentum,  ideog.  1.  87,  i3i,  i33,  i4i, 

i48,  169,  168,  180. 
kapidu,  inlricans  ,  inf.  kal.  ka-pi-du,  1.  112. 
kaprasu,  subst.  cum  sufl'.  kap-ra-sn,  dona  ex- 

piationis,  1.  i45. 
aksura,  distribui ,   1"  pers.  sing.  aor.  kal.  ak- 

sii-ra,  i.  98,  124. 
ikmru,  distribuit,  3"  pers.  s.  m.  aor.  kal.  ik-su- 

rtt,  1,  34,  12  3,  129. 
aksur,  conscripsi ,  1"  pers.  s.  aor.   kd\*  ak-sur, 

1.  24,  36,  117. 
kisir,  porlio.  ki-sir,  1.  36. 
Kar,  iirbs,  arx. 

Kar-Islar,  Kar-Istar,  n.  pr.  urb.  Kar-Istdr,  1.  65. 
Kar-HiL,  Kar-Hu,  n.  pr.  urbis,  1.  65. 
Kar-Yakin,  Kar-Yakin,  n.  pr.  urbis,  1.  126. 
Kar-Marduk,  Rar-Marduk,  n.  pr.  urbis,  1.  60. 
Kar-Nahu,  Rar-Nabu,  n.  pr.  urbis,  1.  65. 
Kar-Sin,  Kar-Sin ,  n.  pr.  urbis,  1.  65. 
Kar-Sarkin,  Kar-Sargon,  n.  pr.  urb.  1.  63,  66. 
Kar-Tilit,  Rar-Tilit,  n.  pr.  urbis,  l.  20. 
karhi,  arces;   cum  suff.  karhi-su,  arces  ejus; 

kar-hi,  1.  126,  i34;  ideog.  1.  127. 
karka,  lliesaurus,  ideog.  1.  56,  75,  106,  1 15, 

i33. 
Karallii,  Raraliiv^,  n.  pr.  regionis,  Karal-la, 


156 


1V2 


AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

1.  56;  Kar  al-la-ai,  Carallaius,  I.  55. 
kurunmi,  piacula ,  ?,vihs>i.  kii-rii-un-nu ,  1.  170 

karpanis adv.  kar-pa-nis ,  1.   i/j,  80. 

karri,  expedilio;  karriya,  ideog.  cum  sufl,  i.  2  3  ; 

kar^ri-ya ,\.  l\\,  \o\,  wk,  \ib. 
karasi,  impedimenta,  subst.  ka-ra-si,  1.  98.* 
kisati,  cuncta,  ki-sa-a-ti ,  L  làà- 
Kisisim,  Kesisi,  n.  prop.  uibis,  ki-si-siim,  1.  Sç). 
kasad,  appropinqualio,  .subsl.  ka-saà,  !.  /jo. 
kisad,  ripa,  ideog.  1.  18,  19;  ki-sad,  22. 
kisidti,  prseda ,  ki-sid-ti ,  1.  62,  82,  108,   ii3, 

116,  i5/i,  i65,  171. 
aksiid,  cepi ,  1*  pers,  s.  aor.  kal.  aksud  —  ak- 

siL-ud,  ak-sii-du,  1.  23,  35 ,  ^a ,  43,  45,  à'j, 

58,  60,  61,  64,  66,  71,  io5,  11 5;  ideog. 

l  68,  i32,  166. 
iksada,  attigerunt,  3"  pers.  pliir.  fem.  aor.  kai. 

ik-sii-da,  J.  117,  128,  139. 
liksud,  conlingat,  precat.  kal.  lik-su-iid,  1.  191. 
kisurri,  lermini,  ki-siir-ri ,  1.  82,  i36. 
commovere .  .    iktumusu,  comnioverunt  eum,  ik-tii  musa,  1.  1  1 1 . 


colligere. 


ire,  appropin- 
quarc. 


superbum  ess" 


cor 


la,  negat.  1.  i4,  26,  3o,  33,  46,  71,  86,  90, 
95, 96, 100, io3, iii, 112, ii3,ii4, ii5, 
i>6,  122,  i42,  147,  i52,  157,  169. 

la'ari,  desertus,  1.  i5,  110. 

Util  Sun 1.  160. 

lliti,  honos,  li-i-li,  I.  16,  53. 

lihhi ,  cor,  ideog.  109,  i24;  hh-bi,  i4o;  cum 
siiff.  Ubhi-ya,  cordis  mei ,  l.  4o,  79,  84,  97, 
ii3,  i55;  lihhi-suy  l.  24;  Ub-bi-su,  1.  194; 
lib-su  .  I.  91  ;  Ubbisu,  1.  78;  libbi-suna,  ).  24  , 
126;  Ub-bi-su-na,  1.  12,  24.  193. 

lib,  Ubbu,  superbia  .  Ub-bu-suiin ,  Miperbia  sua  , 
I.  u/iH. 


GRANDE 


■)Db 

nb 

consumere. .  . 

discere 

appropinquar* 

invenire 



îc^b 

rnultum  esse 


favere. 


administrare 


INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  157 

lahbis,  adv.  in  animo,  lab-bis ,  I.  /jo. 
lilhiir,  precal.  kal.  duret,  lil-il-hiir,  1.  ig2. 
Lagiida,   Laguda,  n.  pr.  dei,  Lagii-da,  \.  g, 

.37. 

luddii,  consumptio,  subst.  liid-dii,  1.  i5. 
Lallukna,  Lallucanu ,  n.  pv.  urhis,  Lal-lii-uk- 

nu,  1.  57. 
lamidlav ,  pro    lamidaiuv ,   doclae,    la-mid-tav , 

\.  i58. 
lammïi,  pael.  desolalio,  iul-lum-mu ,  lumuluni 

desoiationis ,  1.  35. 
a/mj,  obsedi,  1'  pers.  s.  aor.  kal.  al-mi,  i.  23, 

35,  Gi,  64,  68  ,  71,  io5,  1 15 ,  i32. 
limitasa,  1.  A7,  66 ,  68 ,  80 ,  91,  93  ;  limil ,  1.  66. 
îimnu,  inimicus,  lim-nii,  1.  33,  112. 
limniti,  inimicitia ,  lim-ni-i-tij  \.  11 3. 
alkasu,  1*  pers.  s.  m.  aor.  kal.  cum  suff.  abri- 

pui  eum,  a/-A;a-«5-5u,  1.  32. 
ilhû,  assumpserant,  1.  55. 
Larsam,  Larsam ,  n.  pr.  urbis ,  ideog.  i.  9  ,  137. 
lisan,  subst.  lingua.   Usa-an,  1.   161;  plur.  li- 

sa-na-an,  i.  4- 
Lilai,  Liteiis,  n.  pr.  genlis,  Li-ta-ai,  1.  19. 

D 

maduti,  raulli,   ma-dii~ti ,  1.  11;  ideog.  1.  i4i  ; 

ma'adti,  77. 
Vide  '^yiD. 
magdansiin,  subsl.  cum  suff.  opiniones  suas. 

mag-da-aii-su-un ,  1-  i58. 
imgurii,  o'^  pers.  pi.  m.  aor.  kal.  im-gu-ni ,  1.  71. 
mitgari,  felix,  mit-ga-ri,  1.  167. 
Marfai,  Media,  n.  pr.  rcgionis,  Ma-da-ai,\.  17, 

65,66,69. 


yiimahir,  adminislravit,  3' 
kal.  yii-ma-'-ir,  1.  84- 


pers. 


SUli 


m.  aor. 


15J 


mD 

imponere.  .  . 
mulare 

cedere 

mori 

dimicare  .  .   . 

"'D 

")DD 

implere 

AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

mahhuy  medulla,  miih-lm,\.  i42. 

mUharîs,  cum  Iributis,  mit-ha-ris,  1.  22,  i38. 

amura,  me  amovi,  l'p.  sing.  aor.  kal.  a-mii-ru , 

1.  i3,  i5. 
immasu,  in  desuetudinem  abierant,  3"  p.  plur. 

m.  aor.  niph.  im-ma-su,  1.  1 1 . 
imisu,  denegavi,    1"  pers.  sing.  aor.   kal.t-mf- 

sii,  1.  73. 
masuli  (?) ,  anteriores,  ma-su-ti  (?) ,  1.  i36. 
musis^  cedendo,  adv.  ma-sis,  1.  126. 
nmti,  mors,  ma-u-ti,  l.  118,  i3i. 
amhas,  in  fugam  eos  vcrli,  1°  pers.  sing.  aor. 

kal.  am-ha-as,  1.  26. 
miimtahsis,  diraicantes,  part,  mun-tah-si,  \.  34, 

28,  129. 
«m/tar,  imposai ,  impers,  sing.  aor.  kal.  am-hav, 

1".  27,  54. 
usamliir,  afferri  jussi,  1"  pers.  sing.  aor.  shaj). 

u-sam-hir,  1.  168,  186. 
maliarsu,  anteillos,  ma-kar-sn,  1.  175. 
mahri,  anlerior,  ma-lii-ri^  1.  24 ,  83  ;  adi-mahryu , 


12, 


maltriti,  anterius,  mah-ri-ti,  1.  29. 

mihrit,  in  Ira,  ini-ih-rit,  1.  162. 

mi,  aqua,  ideog.  subst.  plur.  128,  i3o. 

makrii,  servus,  ma-ak-rii,  ].  1 15. 

usamliir,  excilavi,   1"  pers.  sing.   aor.    shaph. 

iL-sam-kir,  1.  123. 
yiimalli,  implevit,  3'  pers.  sing.  m.  aor.  paei , 

ya-mal-li ,  l.  128. 
mala,  neg.  mal  ma-la,  1 

87,  i33. 
Mildisai,  Mildisensis ,  n 

ai,  1.  37,  49. 
Miliddai ,  Miliddensis,  n.  prop.  urbi 

dti-ai ,  I.  79- 


7,  20,  21,  75,  80, 
pr.  iiionlis,  Mil-di-is- 
Mi-Jid- 


GRANDE 


^'jD 

nhi2 

possidere.  .  . 
numerare.  .  . 

-jDD 

")DD 

1UD 

npD 

fugere 

volarc 

INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  159 

malmalis,  pignoris  instar,  adverb.  mal-ma-lis, 

1.  i/jo. 
milammi,  magnitude,  subst.  plur.  m.  mi-lam- 

mi,  1.  1 1 1. 
M«7tt/t/ia,  Meroe,  n.  prop.  ve^ioms ,  Mi-luh-ha , 

\.  io3,  109. 
milki,  gloria,  siibst.  mil-ki,  1.  171. 
malku,  rex,  mal-ku,  1.   191;  mal-ki,  1.    177; 

plur.  ma-li-ki,  reges,  1.  i3. 
mana,  mina,  subst.  ma-na,  l.  i^i. 
minav ,  numerus  ;  la  mi-nav,  sine  numéro ,  i.  lk^ 

5i,  72. 
amna,  numeravi,    1"  pers.  sing.  aor.  kal.  ani- 

na,  1.  28,  61,   76,  81,  83,  87,  89,  107, 

109,  i34,  lAo. 
imncisuniiti ,  3*  pers.  sing.   fem.  aor.  kal.  cum 

suff.  im-na-su-nii-ii ,  1.  i48. 
manamma,  ullum,  1.  ii5,  1^7. 
mussikki,  coronae,  subst.  plur.  mus-sik-hi ,\.  8; 

mus-sik-ku,  1.  83. 
Mmki,  Muski,  n.  pr.  regionis,  Mii-iis-ki,  1.  7, 

3i;  Mii-us-ka-ai ,  \.   i5i,  i52. 
Musri,  n.  pr.  regionis,  Mu-us-ri,  \.  i54- 
musarri,  tabulae,  subst.  plur.  masc.  mii-sar-ri , 

1.  .59. 

Musari,  .Egyptus,  n.  pr.  regionis,  Mii-sii-ri, 

1.  17,  25,  27,  102,  i83. 
Miisasir,   Musasir,  n.    prop.   urbis,  Mu-sa-sir, 

Mii-su-si-ri ,  1.   7 4;  Mu-sa-sir-ai y  1.  72;  Mii- 

s a-si-ru  y  I.  73. 
imkutsu,  fugit  eum ,  3'  pers.  s.  m.  aor.  kal.  en  m 

suff.  im-kul-su,  1.  126. 
iisamkit,  redegi,  l'pers.  sing.  aor.  shaph.  tt-5rtm- 

hit,  1.  i36. 
rnarûii.  volantes,  ?na-m-u-ti,  1.  168. 


160 


I^D 


ne 


ire 


delrahere 


comoarare 


AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

Marduk,  Merotlacliiis,  nom.  prop.  dei ,  ideog. 

1.  3,  1 1 1,  1 24,  I /il,  1 45,  1 54- 
Marduk- bal -iddin,  Merodach  Baladan,   n.  pr. 

hominis,  1.  121,  i2  5. 
Marubisli,  Marubusti ,  n.  pr.  urbis,  Mar-ii-bi- 

is-ti,  1.  121. 
marsi,  al  lus,  mar-si,  1.  38,  4ii  42,  5o;  mar- 

sa-a-li,  inaccessus,  l.  43. 
marrani,  passus,  mur-ra-ni,  1.  112. 
marrati,  mare,  mar-ra-ti ,  I.  22,  122. 
mamraru,   1"  pers.  sing.  aor.  shaph.  exlendi, 

u-sam- ra-rii,  i .  1  5 o . 
tamartus,  donum ,  .subsl.  la-mar-ias ,  1.  28,  79, 

ii3, 123, 168. 
tamirtus,  cursus,  subst.  la-mir-tuSy  \.  128. 
Marsanai,  Marsanius,  n.  prop.  genlis,  Mar-sa- 

na-ai,  1.  i3o. 
masak ,  culis,  ma-sak ,  1.  35,  49,  56. 
Misiandia,  Misiandia,  n.  pr.  rcgionis,  Mi-si-an- 

di-ia,  1.  37. 
tamsil,ad  instar,  adv.  tam-sil ,  1.  161. 
mat,  regio,  ideog.  1.  1  36  ;  ideog.  praef.  nomi- 

num   regionis,  Passim.  Plur.  mali,  1.  i35; 

cum  suft.  malisii,  vel.  mal-su,  ideog.  1.  3o, 

01,  46,  52,  61,  74,  84, 1 1 5, 1 18,  \k']\mati- 

sii-a-tu,  1.  83,  i4o;  mat-ya,  \.  178;  ma-a-ti, 

\.    i35;   mali-sa,  1.   74,    ii5;  plur.   matât, 

ideog.  1.  i4,  4o,  62,  108  i53,  170;  irrcg. 

matitan,  1.  i65,  177. 
Mita,    Mita,    nomen   prop.   hominis,    1.    3i, 

i5o, i52. 
Mitatti,  Mitatli.  n.  pr.    hominis,   Mi-la-al-li , 

1.  45,  48,  52. 
Malti,  Maliens,  n.  prop.  hominis,  Matti-i  ,\.  29, 
Miillalluv,  Mullallus,  n.  pr.  hominis,  Mut-ial- 

luv,  1.  84,  86,  112. 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD. 


101 


on: 
Nîs: 


Nî3: 


velle.  .  .  . 
edicere.  . 
eniintiare 


>sîd: 


DD3 


nj: 


3"i: 


ni: 


pellere. . 
evertere 


verlere . 


caedere 
eruere. 


olTerre.  .  . 
relinquere. 


nimiya,  volunlas  mea ,  nimi-ya,  1.  84. 

nim,  decrelum,  ni-im,  I.  i55. 

uhhi ,  nominavi,  i"  pers.  sing.  aor.  [kal.  ab-bi,' 

1.  6o,  65. 
nibit,  nomen,  subst.  cum  sufF.  ni-bit-sii,  no- 

men  ejus,  1.  i55. 
Nabu,  Nebo,  n.  pr.  dei,  ideog.  1.  3,  1^3,  i45, 

i5A,  i55. 
Nabu-pakid-iliii ,  Nabud-pakid-ilui,  n.  pr.  ho- 

minis,  1.  139. 
niba,  numerus,  ni-ba,  i.  87. 
Nibi,  Nibius,  n.  pr.  hominis,  Ni-bi-i,  ].  118, 

120. 
innabit,  aufngit,  3"  pers.  sing.  aor.  niph.  in-na- 

bit,  1.  26,  46,  io3. 
abbul,  everli,    1'  pers.  sing.   aor.  pa.  db-bul, 

1.  70,  i34. 
ibbiil,  evertit,  3"  p.  s.  m.  aor.  pa.  ib-bul,\.  i5i . 
nabasis,  siciit  folia  arboris(?)  adv.  na-ba-si-is, 

\.  i3o. 
nagû,  oppidum,  na-gu-u,  1.  1 15;  na-gi-i,  l.  44. 

63,  66,  68,  70,  71  ;  na-gi'i-sii ,  cum  sufl. 

1.  43,  i5i. 
nagap,  clades,  na-gap,  \.  16,  i49- 
agqiir,  erui,  i''pers.  sing.  aor.  kal.  ag-gur,  I.  70, 

"1 34. 
iggur,  destruxit,  3*  pers.  sing.  m.  aor.  kal.  ig- 

giir,  ].  i5i. 
nadbiiii,  sponlanea  oblalio,  subst.  fem.  na-ad- 

bu-ti,\.\b^. 
addâ,  disperlivi,  1^  pers.  sing.  aor.  pa.  ad-da-u, 

1.  i4. 
^7c?tt5/««,  adminislralio,  subst.  cum  sud.  ni-dn- 

ns-su,  1.  139. 


162 

m: 


n: 


in: 


slernere, 
querc. 


darc 


vovere. 


consnescere . . 
procerumesse 


ina 

fluere 

m: 

raorari 

pi: 

4tD: 

ponderare.  .  . 

^2: 

periicere.  .  .  . 

DDi 

diminuere . .  . 

abscindere..  . 

id: 

non  agnoscer', 

allerare. 

nîd: 


AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

acMâ^dispertivi,  l'pers.  sing.  aor.  l.a].ad-da-a, 

l  14. 
addi,  stravi,   1"  pers.   sing.    aor.  kal.  1.    iGo. 
iddû,  dispertivit,  3"  pers.  s.   m*   aor.  kal.  id- 

du-u,  1.  38,  96. 
nadan,  donum ,  inf.  kal.  iia-dan,  1.  67,  ii3. 
addin,  dedi,  1'  pers.  sing.  aor.  kal.  ad-dinX  29; 

cum  sufF.  ad-din-su,  dedi  ei,  1.  3o,  52. 
iddin,  3'  p.  s.  m.  aor.  kal.  id-din-sa,\.  39,  119. 
mandatta,    Iribula,   man-da-at-ta,    [ti,    tav.) 

1.  29,  54,  69,  I  i3,  t85;  ma-da-at-ta ,  \.  27, 

32. 

annadir,  votum  feci,   i""  pers.  sing,  aor.  nipb. 

an-na-dir,  1.  4o. 
nigutav,  jurisdictio,  ni-gu-tav,  1.  179. 
iiadis ,  auguste,  adv.  na-di-is,  i.   174. 
iiada,  proceri ,  na-da ,  i.  174. 
nada,  ideog.  augustus ,  1.  34,  124,  i4i. 
nahari,  flumen,  subst.  plur.  ideog.  1.  129,  i3o, 

et  anle  nomina  fluminum;  na-'-i-ri,  \.  54. 
nivit,  habilatio,  ni-vit,  1.  9,  137. 
niik ,  satisfaclio,  mi-iik,  1.  194. 
nathiti,  ponderosa,  nat-lu-ti,  1.  168. 
nakliiti,  artificiosus,  nak-lii-ti ,  1.  157. 
nahlis ,  artificiose,  adv.  nak-lis ,  1.  j64. 
Niksammu,  Niksam,  n.  pr.  regionis,  1.  58. 
iinahkis,  erui,  l'pers.  sing.  aor.  pa.  a-nak-kis, 

1.  i3i. 
nakiri,  rebelles,  subst.  m.  plur.  na-ki  ri,  1.  i4; 

ideog.  1    12  5. 
M//rtMar,  alleravi,  1' pers.  s.  aor.  pa.  u-nak-kar, 

1.93. 

nakratisu,  rebellio  cjus,  subsl.  feni.  cum  suff. 

nak-ra-ti-sii ,  1.  1  28. 
akkirvu,  proslravi,  ak-kir-vu ,  i.  73. 
numma  ,  simul,  1.  i3,  189. 


GRANDE 


id: 

videre 

mjj 

P^ 

sobolescere.  . 

no: 

suppiilare.  .  . 

noj 

evellere 

dd: 

elevare 

1d: 

fundere 

id: 

amovere .... 

ns: 

oriri 

riDJ 

-)d: 

l!rD3 

flare 

-)2ÎJ 

protéger  e.  .  . 

INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  163 

narnar,  visio,  inf.  kal.  na-mar,  1.  19/i. 

numri,  splendens,  particip.  plur.  kal.  nam-ri, 

1.  161,  162. 
namrati,  splendentia ,  subst.  plur.   fem.  nam- 

ra-a-ti,  1.  i56. 
nummur,  splendor,  inf.  pa.  na-um-mur,  1.  i^i, 

innamir,  videbatur,  3*  pers.   s.   m.   aor.  niph. 

in-na-mir,  \.  26,  46,  io3,  11 4. 
Ninua,  Ninive,  n.  pr.  urbis,  ideog.  1.  i54- 
imni,  pisces,  s. plur.  nuu-ni^.  lUlw  ideog.  169. 
Ninip ,  Ninip,  n.  pr.  dei,  ideog.  1.  112,  i56. 
yunissi,  supputavit,  3'  pers.  s.  m.  aor.  pa.yuni- 

is-si,  1.  127. 
isassusu,  dicunt,  3"  pers.  plur.  m.  aor.  sbapb. 

i-sa-cLS-su-sa ,  1.  162. 
assuhav,  transportavi ,   1'  pers.  sing.  aor.  kal. 

as-sii-ha-av,  1.  ^9,  56,  i34. 
nissat,  elevalio,  ni-is-sat,  1.  i46. 
nisiktu,  metallum,  ideog.  1.  i^S. 
adsiirsuruili ,  amovi  eos,  1"  pers.  s.  m.  aor.  kal. 

cum  suff.  as-sar-su-nu-ti ,  1.  67. 
nipih,  oriens,  ni-pi-ih,  \.  69,  109,  i44. 
usappili,  anhexui,  1*  p.  s.  m.  aor.  sh.  ii-sap-pih , 

1.  9.  (ForsannSi:*?) 
nupai\  cor,  nu-par-sun ,  1.   186;  nu-par-su-un, 

1.  168. 
Nipur,  Nipur,  n.  pr.  urbis,  ideog.  î.  6,  i34- 
napsat,  st.  emph.  napasti,  anima,  vila ,  na-pas-ti, 

1.  119;  na-pas-ti,  1.  173-,  cum  sulL  na-pas- 

ta-su,  vila  ejus,  L  77;  ideog.  1.  7^. 
nasir,  protegens,  part.  kal.  na-sir,  1.  3o;  na-si- 

ru,  1.  189. 
masartu,  subst.  arx,  mà-sar-tu,  1.  66. 
nisirti ,  familia ,  subst.  ui-sir-ti,  \.  69,  "5,  80  î 

106,  ii5,  i33. 


IG4 


AO 


np: 

perl'orarc.  .  . 

21: 

elevare 

pn: 

porlare 

langere 

osculari  .  .  .  . 
eripere 

UT-SEPTEMBRE   1865. 

nakab ,  perforatio ,  subst.  na  hah ,  \.  i5. 

nakhi,  rivus,  nak-hi ,  1.  128. 

makkii,  insons,  mak-ku,  1.  5. 

nir,  prope,  praep.  nir,  1.  iSg;  ni-ir^  1.  22,  28, 

55,  70,  116;  nir-ya,  cura  sufT.  1.  5o,  85, 

ii4,  1^9,  i5/i;  ni-ri-ju,  1.  36,  117. 
nirib-siin,  inlersiilia  corum,  ni-rib-su-nu ,  1.  i4, 

161.  (Videm:^.) 
naram,  exallans,  na-ram ,  1,  34- 
nirariil ,   adj  utor,   ni  -  ru  -  ru  -ti  ,\.   7 1  ;   lù-ra-ri , 

I.  ii3. 
Nirisar,   Nirisar,  n.   prop.  hominis,  Niri-sar, 

vel  Isli-sar,  1.  58. 
nus,  porlator,  na-as ,  1.  117. 
nasii,  praestatio,  na-si-i,  1.  90,  1  53. 
usassig ,  cinxi ,  i"  p-  sing.  aor.  shaph.  ii-sa-as-sik , 

1.8. 
yunassiku,  osculati  sunt,  3'  pers.  plur.  aor.  pa. 

yu-na-as-si-kii ,  1.  \l\(^. 
issur,  deleta  fuit,  3"  p. m.  s.  aor.  k.  is-sur,  i.  5i. 
Nituk,  Nituk,  n.  pr.  regionis,  Ni-tuk-ki,  1.  22; 

vide  Asmun. 


NÎDD 

■):d 


PD 
-inD 


Sabai ,  Sabai ,  n.  pr.  regionis,  Sa-b a-' -ai ,  1.  27. 

sibittu    ....   (?)  si-bit-tu,  1.  78. 

littasgar,   serviat ,  precal.  islapbal ,   lit-laé-gar, 

l  188. 
sigar,  margo;  sigar-sun,  cum  sufT.  marge  co- 

runi ,  1.  164. 
sudinni ,  pulli  aviunn,  sa-din-ni ,  1.   i25. 
misir,  corona,  mi-sir,  1.  161. 
ullil,  erexi,  1°  pers.  sing.  aor.  iplileal ,  ul-til, 

1.53.  Go,  63. 


mD 

-ne 

nno 

nnc 

CD 

amovere .... 

verrere 

circumdare.  . 

7^D 

1  ^ 

nbD 

peccare 

agglomerare  . 

i*DD 

")DD 

P]PD 

-nu; 

l'gare 

dominari.  .  .  . 

i 

GRANDE  INSCRIPTIOxN  DE  KHORSABAD.  165 

27,  '29,  54,  67,72, 


^7. 
39. 

J5- 


s'iisi,  equi,  subst.  ideog. 

i83. 
msiir,  amovi,  1'  pers.  sing.  aor.  as-sur  su-nu- li , 

amovi  eos,  1.  67. 
asm\  investivi,  1"  p.  sing.  aor.  kal.  a-sar,\.  88. 
shit,  serpens,  is-hi-it.  1.  169. 
sahru,  fœdus,  sah-ru,  1.  119,  120. 
ishar,  compulerat,    is-har,  3"  pers,  s.  m.  aor. 

"kaL  1.  123. 
sihirli,  cotnplexus,  si-hir-ti  (su,  sa),  \.  17,  21, 

82.  ii5. 
simâii,  aerarium,  si-ma-a-li,  1.  166. 
Sin,  Sin,  n.  pr.  dei,  ideog.  1.  i55. 
Sukki ,  Sukkia,  n.  pr.  urbis,  Su-uk-kia ,  1. 
Sakhat,  Sakbat,  n.  pr.  wThis ,  Sa- ak-bat ,  \.  1 
islu,  peccarunt,  3"  pers.  plur.  m.  aor.  kal. 

lu-u,  1.  28,  55. 
yusalluv,  aggere  munivit,  3' pers.  sing.  pa.  aor. 

m.  yu-sal-luv,].  128. 
s'almi,    sandalorum    genus,    sa-al-mi ,   J.    99, 

1 14 ;  sal-mi,  1.  85. 
Samuna,  n.  pr.  urbis,  Sa-am-'u-na,  1.  20. 
Samirina,  n.  pr.  urbis,  Sa-mi-ri-na,  1.  23,  33, 
Samuna,  Sammuna,  n.  pr,  urb.  Sa-am-'-u-nu, 

].  i38. 
Samsië,  Samsia,  n.  pr.  reginae  Arabiae,  Sa-am- 

si-i,  I.  27. 
s'upii,  praeslatio,  su-pi-i,  \.  120. 
Sipar,  Sipar,  n.  pr.  urbis,  ideog.  1.  5,  i34- 
askuppi,  superliminarium,  as-kup-pi,  1.  i65. 
Nis'ruk,  Nisroch,  n.  pr.  dei,  Nis-ruk,  1.  i55. 
sur,  st.  emph.  sarru,  rex,  ideog.  1.  i,   2,  23, 

•xlx,  25,  26,  27,  3i,  54,  76,  83,  90,  109, 

11 3,    119,    122,    123,    \lxk\    plur.    sarri, 

st.  emph.  sarvani,  reges,  ideog.  1.  91  ,  110 

i/j5,  1A7,  i52.  . 

12 


J66 


nriD 


AOUT-SEPTEMBRE    1865. 

sarrat,  regina,  sar-rat,  1.  27. 

sarriit,  regnum,  sar-riit ,  \.  li,  sarriiti,  33,  94  ; 
cum  sulï.  sarrutiya,  regnum  raeuni,  \.  23, 
36,  53,  60,  63,  111,  i/i4,  171;  samitisu, 
regnum  suum,  ].  29,  4»,  /42,  47,  5i,  53, 
80 ,  118,  129,  i3i. 

Sarkin,  Sargon,  n.  pr.  régis,  ideog.  1.  i. 

Siirapp i,Surap,  n.  pr.  fluminis,iStt-rap-pi,l.  19. 

sittat,  ordines  reliqui,  si-it-la-at ,  \.  i3i,  i33. 

siltuti,  reliqui,  si-it-tu-ti,  1.  24- 

sattukki,  sal-tu-ki,  \.  157,  pacla  eorum,  /«/- 
tuk-ki-su-mi ,  1.  137. 

Sati,  Suti,  n.  pr.  gentis,  su-ti-i,  1.  i35. 

suti  sazah ,  ...  1.  82;  sali  zabgati,  1.  19;  s'idi- 
zab  hiLSzah,  \.  i23. 


in:? 


vel 


nv 


transira, 
facere.  . 


itibhira,  transeundo  paravi,  i"  pers.  sing.  aor. 

iphteal,  i-iih-hi-ra,  1.  i5. 
ipsit,  facinus,  subst.  ip-sit,  1.  1  ^7  ;  ip-si-it,\.  5o. 
apsani,  pietas,  ab-sa-ni,  ].  109,  i54- 
i/)tt5,  feci,  1'  pers.  sing.  aor.  kal.  i-bu-su,  1.  92  , 

118;  ipus,  ideog.  1.  53,  60,  i55. 
ibis,  ad  faciendum,  i-his,  1.  1 3, 1  52  ;  i-pis ,  1.  2  5. 
itibbusa,   perfeci,   1"  pers.   sing.   aor.  iphtaal, 

i-tib-bu-sa,  1.  7. 
itibbus ,  facinus,  inf.  iphtaal,  i-tib-bu-us ,  l.  i48. 
nibisti,  fabricata,  n.  ni-bis-ti,  l.  i48. 
ibbusŒy  facere,  iuf.  pa.  ib-bu-su. 
usipisa,  perfeci  jussi,  1'  pers.  sing.  aor.  sliaph. 

a-si-pi-sa,  1.  162. 
adi,  usque  ad,  praep.  1.  17,  18,  20,  22,  23, 

3A,  A3,  4A,  45,  46,  49,  52,  56,  59,  60, 

61,  68,71,74,75,  76,80,86,  110,  112, 

iî5,  129,  i3o,  i33,  i38,  i44,  i45,  i46, 

i4q, l52, 166. 


GRANDE 


deficere.  .   .  . 

2î:? 

relinquere. .  . 

ni3y 

tegere 

qd:^ 

accedere.  .  .  . 

n'?^? 

ascendere.  .  . 

îby 

exhilarare.  .  . 

nV^ 

p-'?^* 

lorquere.  .  .  . 

ÎDr 

^Dy 

ponere,  slare. 

INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  107 

adi  mahriya,  coram  me,  ].  i^g. 

adi  una,  diim,  i^Q. 

idinmissii,  solus,  i-din-nii-us-su ,  1.  qlx. 

idiir,  dereliqueral,  .V  p.  sing^.  aor.  kal.  i-diir, 
\.  46. 

izib ,  reliqui,  i"  pers,  sing.  m.  aor.  kal.  i-zib, 
1.  i32;  i-zi-bii,  ].  1 15. 

Azuri,  Azurus,  n.  pr.  hominis,  Aznri,  1.  90. 

itis ,  clam,  adv.  i-iis ,  1.  i32. 

akamii,  accessus,  inf.  a-ka-mii,  1.  /u,  iik- 

yiilliy  eievavit,  Z"  pers  sing.  m.yul-li-i,  ].  38. 

illu,  supremiis,  ideog.  1.  170,  189;  U-li-tiv, 
l->93. 

m,  super,  ideog.  1.  29,  36,  48,  69,  60,  62,  6/4, 
7/i,  78,  93,  113,119,  121,  129,  139,  1^2, 
i5o,  159,  i63;  cum  sufF.  ili-su,  1.  29,53, 
83;  ili-sii-im,  super  eos,  L  22,  24 •  32,  62, 
67,  84,  89,  94i  96,  116,  160;  i-li,  1.  169; 
ili-su-un,  1.  32,  160;  ili-su-un,  \.  116. 

ilis,  supra,  i-lis,  1.  20,  i38. 

ilina,  loco,  i-li-na,  1.  i54. 

usaliza,  exhilaravi,   i"  pers. 
u-sa-li-za,  1.  168,  186. 

Usaliza,    gaudeat,    precat. 

1-194. 

iliz,  gaudio,  i-li-iz,  1.  i4o. 

Elamii,  Susiaria,  n.  pr.  regionis,  ideog.  1.  18, 

21 ,  23,  119,  120  (?) ,  123,  i38  ,  139,  i5o. 
ilku,  lorquatus,  il-ku,  1.  83. 
ummaii,  exercitus,  iim-ma-an,  1.  120;  iim-ma- 

iia-al,  1.  4o;  um-m«-ni-ja,  1.  97. 
um-ma-nat,  1.  34;  um-ma-na-al ,  34,  ^o;  ideog. 

1.  97;  cum  suff.  iim-ma-na-ti-su-nu,  1.  120. 
um-ma-ni-ya ,  exercitus  meus,  1.  73. 
imid,  redegi,  1*  pers.  sing.  aor,  kal.  cum  sufî. 

i-mid-su-im-ti ,  redegi  eos,  1.  2  3,  2  5. 

1  2 . 


sing.  aor.  shaph. 
shapli.    U-sa-li-sa, 


168 


im 

slare 

pDi? 

profundum 

esse. 

nii* 

□2:i? 

ny:? 

dominare,  .  . 

cogère. 


lorquere 


inlrare, 


gerniinare.  . 


69. 


AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

imidu i-mi-du,  1.  78. 

andiisun,  adoralio  eoriim,  1.  i58. 

iniiki ,  Immiliatio,  ti-mi-ki,  \.  120. 

imiik,  aiicloritas,  i-mu-iik ,  1.  166. 

innsii,  intentio,  ni-in-sa,  1.  i52. 

asmii,  maleries,  as-mu,  1.  164. 

misir,   dominium,    rni-sir,  \.  21,  3o,   46.    67, 

i38,  iSg. 
misria,  provincia  mea,  mi-is-ri-a,  \.  3i. 
usurat,  morbus,  ii-m-rat,  \.  117. 
issur,  avis,  1.  i29;plur.  ideog.l.  16A,  »68, 
issuris,  adv.  sicut  avis,  is-m-ris ,  1.  5o. 
«A-//,  sapienles,  ak-li ,  i.  178. 
a/r^i,  impiiis,  ak-si ,  1.  i2  5. 
i'r,  urbs  ,  subst.  ir,  1.  29,  34,  4i,  47,  53,  54, 

62,  80,  81,  124, 128, 1 33, 1 34,  137, 1 55; 

an  le  nomina  urbiiim  ,  passim ,  cum  sufl".  ir  su , 

1.  59;  ir-sii-a-tu,  1.  1 14;  ideog.  plun  irani, 

ideog.  i.  43,  47,  48.  58,  60,  68,  80,  107. 

11 5,  i5i;   cum  suff.   irani-su,  \.  52,  126; 

irani-sunulu ,  urbes  eorum ,  1.  35. 
Aribi,  Arabia,  n.  pr.  regionis,^-r/-6/,  1.  27,  69. 
iriiba ,  intravi ,  1*  pers.  sing.  m.  aor.  kal.  i-rii-ba, 

1. 132.  : 

irib,  occidens,  i-ri-ib,  1.  i46. 

yiisirib,  inlrare  juvssit,  3'  pers.  s.  m.  aor.  shapli. 

yu-si-rib,  1.  126. 
nirib  sun,  interslilia  earum,  iii-rib-su-nii,  1.  i4, 

161. 
iri ,  colores?  ideog.  1.  160. 
ira,  profeclus  sum,  1'  pers.  s.  m.  aor.  sbapb. 

i-ru-uv ,  \.  i4i- 
îruvva,  animadverli ,  i ^  p.  s.  a.  k.  i-7m-uv-va  ,1.74 
isbi,  berbae  (odorantes),  is-bi,  1.  27. 
isuti,  adv.  ana  issnli,  denuo,  is-sii-ti ,  1.  62  ,  1 1  5. 
islin ,  unus,  ideog.  1.  128;  is-tin,\.  126,  i34. 


progredi 


GRAiNDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  169 

istinis,  adv.  is-fi-uis,  uterque  pro  se,  1.  1 18. 
istarat ,  dese ,  s.  fera,  plar.  is-tar-at,\.  167,  176. 
ilitlika,  peragravi,  1"  pers.  sing.  aor.  iphlaal, 

i-ti-it-ti-ka ,  1.  i5. 
itkili,  praeda,  U-ki-ti,  1.  i/ii. 


"IJQ 

mD 

redirnere.  .  . 

nriD 

nnD 

disperlire    .  . 

■•D 

^^D 

n'^D 

colère 

nD^D 

cum  dolo  âge" 

^^bs 

2;'7D 

favere 

pagar,  cadaver,  subst.  plur.  ideog.  i.  38,  1-  i3o. 
pudisu,  ditionis  ejus,  subst.  cum  suS.  pa-di-su, 

1-70. 

tapdi,  punilio,  iap-di ,  \.  i/iQ. 

pahat,  satrapes,  ideog.  pa-kat,  1.  5^,  62,  89, 

116,  179;  pa-fia-ii,  1.  22,  178;  ideog.  oa; 

piha-atA'^^;  pi-lm-ti-sii ,  1.  60,  6/i. 
upahhir,  dispertitus  sum,  1"  pers.   sing.    aor. 

pa.  u-pah-hir,  1.  98. 
yupalihir,  distribuit,  3'  pers.  sing.  m.  aor.  pa. 

y  u-pah-hir,  1.   126. 
pî,  os,  subst.  pi-i,  1.  189. 
pili,  lapidis  genus,  pi-i-li,  1.  i65- 
palah,  cuitum,  subst.  pa-lah,  1.  96. 
palihu,  adorans,  part.  kal.  pa-li-hu,  1.  122. 
upalili,  exaltans,  u-pa-lih ,  J.  32. 
pulhi,  lerrores ,  pul-hi,  1.  111. 
yuspulkit,  dolo  excitavit,  3"  pers.  sing.  m.  aor. 

sbaph.  us-pal-kit,  \.  34 1  i23. 
ppalkitu,  cum  dolo  egerunt,  3" p.  m.  pllar.  aor. 

niph.  ip-pal-ki-ta ,  1.  71. 
pâli,  subst.  ideog.  cum  suf.  paliya,  1.  l'jl^. 
ippalsuniva,  bearunt  me,  3*  pers.  plur.  m.  aor. 

nipb.  ip-pal-su-ni-va,  \.  12. 
Uppalis,  faveanl,  3"  pers.  plur.  m.  prec.  niph. 

Up-pa-lis,  ].  188. 
Pukud,  Pukud,  n.  pr.  genlis,  Pu-ku-dii,  1.  19, 

126. 
Pappa,  Paphos,  n.  pr.  urbis,  Pa-ap-pa,  1.  67. 


170 


IVl'D 


nriD 
nriD 

pnD 


verleie 


injtislumesse. 


extendere 


se  substrahere 


lordere. 


fraudera  agere 
aperire 


pei 


'forare 


AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

puni,  anle,  pa-ni,  1.    i4i;  cuiii  sufi'.  pa-ni-yu 

1.  39,  i  b2  ;  pa-7ii-su ,  1.  9/i  ,  iSj  ,  pa-nu-ussu 
lapaii,  anle,  la-pa-an,  I.  128,  127. 
par/,  asinus,  pa-n'-i,  1.  29;  ideog.  184. 
Parada,  Parada,  11.  pr.  urbis,  Pa-ra-da,  1.  47 
parzil,  ferriim,  subs.  par-zil-hi,  [luv)  ,1.  i/ia 

180;  ideog.  1. 160. 
ipparkâ,  .se  di.sjungendo  amiltebaiit  3"  pers.  pi 

m.aor. nipli.  ip-par-ku-ii,\.8b,  100, 1  i4, 190 
Pirii,  Pharao,  11.  pr.  honiinis,  Pi-ir-'-a,  1.  27 
Pursiius,  PersiaP  n.pr.regionis,  Par-5u-a5,I.  58 
usapris,  1'  pers.  sin^.  apr.  sbapli.  extendi  jussi 

u-sap-r'is ,  1.  129.       % 
ipparis ,  sese  exlendit,   3*  pers.  sing.   m.  aor 

niph.  ip-pa-ris ,  1.  126. 
suprus,  circumagendum,  inf.  sbapb.  su-up-rus 

I-  'H 

ipparsid,  3'  p.  sing.  ni.  aor.  nipb.  se  substraxit 

ip-par-sid,  \.  5o,  74,  i32. 
ipparsidu,  3"  pers.  plur.  m.  se  substraxerunt 

ip-par-si-du ,  \.  1 3 3 . 
Piiniti,  Eupbra'.es,    n.  pr.  fluniinis,   Para-ti , 

i.  128. 
paskâti,  lortiiosœ,  adj.  f.  pi.  pa-as-ka-a-ti ,  I.  1  5 
pat,  ideog.  1.  i5,  78,  88;  pa-at,  finis,  I.   17 

18,  22,  10^;  pa-ti,  Ô9;  cum  sufl*.  padi-sii, 

1.60,  63. 
patii,  fraudulosus,  pa-ta-a,  \.  33,  112. 
yuputli,  3"  p.  sing.  m.  aor.  pa.  aperui,  u-pal- 

ti,  \.  i5. 
patnus,  coercendum ,  pat-na- us ,  1.  65.  (?) 
iptuka,  perforavit,  3°  pers.  sir)g.   m.  aor 

ip-iu  ka,  \.  128. 
pututku,  perforalio,  pu-/MA--/a,  1.  128. 
ippatkû  (pro  ippaHiku),  3'  pers.  plur.  111 

nipli.  ip-pal-kn-u,  1.  i63. 


kal. 


nor 


GKANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD. 


171 


-)D2Î 
lis 


^apere. 


murare, 


rogare. 


infundere . 


cogitare. 


irrnere . 


sini,  agnus,  snbst.  si-i~ni ,  1.  54- 

5tfè,  homo,  sa-ab,  1.  33  ;  ^atiV,  bomines,  ideog. 

1.  7,  129,  i36. 
asbal,  cepi,  1'  pers.  sing.  aor.  kal.  as  bat, \.  26  , 

58,  62,  65,  82,  108,  116,  iA>. 
assabat,  secutus  sum,  1"  pers.  sing.  aor.  nipli. 

as-sa-bat,  1.  1 14- 
usabbit , ce^i ,  i*p.  s.  111.  aor.  iphl.  u-sab-bit ,  1.43. 
vLsasbit,  polirijussi,  1*  pers.  sing.  aor.  shaph. 

u-sa-as-bit,  1.  82. 
isbat,  3"  p.  sing.  m.  aor.  kal.  is-bat,  1.  5o,  i32. 
issabat,  3'  pers.  sing.  m.  aor.  ideog.  1.  112. 
usasbita,  exornavi,   1'  pers.  sing.  aor.  shaph. 

u-sa-as-bi-ta  ,1.  1 64  • 
sibitta,  divitiae,  si-bit-ta,  1.  i35. 
usaskiva,  aedificavi,  1°  pers.  sing.  aor.  kal.  usa- 

as-hi-ra,  l.  i65. 
sirti,  superior,  si-ii^-ti,  1.  i84 
sirassin,  super  iis,  si-ru-us-si-in ,  1.  i65. 
yusallàni,  adjuravit  me,  3*  pers.  s.  aor.  pa.  va- 
sal-la-an-ni ,  1.  120. 
aslulia,  infudi,  1'  pers.  sing.  aor.  kal.  as-la-lia, 

'l.'iSi. 
salam,  imago,  sa-lam,  1.  53,  60,  63. 
silik,  initium,  si-lik,  i.  166. 
sindia,  forlitudo,  siin-di-ya,  1.  I24- 
Simirra,  Simyra,  n.  pr.  urbis,  Si-mir-ra,  1.  32. 
isniur,  cogitavit,  3'  p.  s.  m.  aA.is-mar,\.  123. 
supur,  cuprum,  subst.  ideog.  1.  i42,  159. 
sissi,  subst.  admiralio,  si-is-si,  1.  112. 
musukkani,   lentiscus,     arbor,     mii-suk-kan-ni , 

i.  *i'58. 
isnibu,  irruerunt,  3"  pers.  plur.  m.  aor.  kal.  is- 

ra-bii,  1.  i3o. 


72 


m: 


AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

.  .    sirha.  .••(?)  sir-lia,  1.  78. 

..    sirriti,  symbola  dominalionis,  sir-ri-i-ti ,  1.  \li. 
sariri,  vilreus,  sa-ri-ri,  1.  167. 


nap 

dicere 

Qip 
niop 

Nîip 

colligere.  .  .  . 

manere 

suflire 

nidum  facere. 
vocare 

3^p 

appropinquar* 

Tip 

'?np 

Ni:?p 

np 

akbi,  1'  pers.  s.  m.  aor.  kal.  proclamavi,  uk-hi , 

1.    125. 

kahal,  médium ,  ideog.  1.  1 3 ,  1 6  ;  praelium  ,1.25, 

i44  i46,  1A7. 
akali,  y"  pers.  sing.  aor.  pa.  ii-ka-li,  1.  \l\k- 
kimti,  familia,  kim-ti,  l.  3i,  49»  86. 
katri,  thuribulum,  kat-ri-i,  1.  167. 
kiiiisu,  habitaculum  ejus,  ki-ni-su,  \.  56. 
aA:/7,  invocavi,  i*  p. sing.  aor.  kal.  ak-ri-i,  i.  167. 
ikdrav,  convocavit,  3^  pers.  s.  m.  aor.  iphlaal, 

ik-li-rav ,  1.  127. 
kirih ,  in ,  in  medio ,  ki-rib ,  1.  zig ,  5o ,  1 09 ,  1 3  2  , 

i38,  149;  cum  sufî".  ki-rib-sii,  \.  iSg,  19^; 

khib  Sun,  in  medio  eorum,  1.  190;  ki-rib-si- 

na,  in   medio    earum,    1.    167;    ana   kirib, 

I.  46,  72;  ina  kirib,  1.  59,  110,  147,  i56, 

157,    170;   iiltii  kirib,   1.    125;  ina  kirbisii, 

1.  60,  63,  127;  kirbussu,  159. 
kiirad,  bellalor,  cum  sufî".  kii-ra-di-ya,  bellato- 

res  mei,  1.  99;  ka-ra-di-sii,  bellatores  ejust 

1.  8i,i3o. 
karzilli,  ornamenta,  kar-zd-li,  i.  i32. 
Karkari,    Korkor,    n.    pro[).  urbis,  Kar-ka-vi , 

1.  34;  Kar-ka-ru,  1.  35. 
kisàli,  omnia,  ki-sa-a-ti,  1.  i44- 
hissât,  legio,  subsl.  kis-sa-ti,  1.  1. 
kal,  manus,   I.   i4o,  i4i  ;   J>lur.  ku-li,  1.  26, 

58,83;  ideog.  I.  52,71,  i4i;  cum  suffixe, 

kali-ya,  1.  62,   82,    108,    116,    139,    i54, 

i65,  171. 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD. 


173 


121 


sternere. 


r\21  multum  esse 


nsi 


^21 

n2i 


I 


221 


P"» 


lalere  

favere 

pede  niovere 
addere  .... 


misereri .  .  . 
vaslum  esse. 


equitare , 


novum  esse. 


Basi,  Ras,  n.  pr.  regionis,  Ra-a-si ,  1.  i8. 
ris,  ideog.  inilium,  caput,  1.  aS,  i44. 
risity  cul  m  en,  ri-si-it,  I.  170;  ris-ti,  1.  1  58. 
irhidti,  legumenta,  ir-bit-ti,  1.  i6A- 
Rubuh,  Rubu,  n.  p.  rcgionis,  Ru-ba-uh,  J.  18. 
yiirabbàj  elevarunt,  3'  p.  plur.  m.  aor.  pa.  yii- 

rab-bii,  1.  96. 
rxibi,  magnâtes,  ru-bi,  ideog.  1.  178. 
rabu,  magnus,   ideog.   1.   1,   12/1,   167,    176; 

plur.  1.  3,  12,  16,  38,  79,  122,  127,  139, 

lAi,  160,  161  ;  rabali,  fem.  magnaî,  ra-ba- 

a-ii,  1.    i56;  ra-bii-ti ,  1.  i65;  rabili,  ideog. 

1.  i63. 
rubis,  adv.  magnopere,  ra-bis,  1.  i5,  168. 
arba,  quatuor,  adj.  num.  ar-ba'-,  1.  ik- 
narbam,  latebra ,  nar-ba-m,  1.  i44. 
urabbis,  l'pers.  sing.  aor.  pa.  forlunavi,  ii-rab- 

bis,  1.  3o. 
ribit,  vicinitas,  planities,  li-bit,  1.  20. 
Niryal,  Nirgal,  n.  pr.  dei. 
nirgali,  nirgali,  nir-gal-i,\.  i63. 
iiraddi,  addidi,  i'  pers.  sing.  aor.  pa.  u-rad-di, 

l  36,58,  60, 64 
yusardà,  in  canales  diverlit,  3*  pers.  s.  m.  aor. 

ûïdi^.  yu-sar-da-â,\.  128. 
rima,  venia,  ri-i-ma,  1.  5i. 
rukiiti,  longinquus,  ru-kii-li,  1.  17,  110,  i/i6, 

188;  ideog.  l.  174. 
rukis,  adv.  late,  77i-/ii5,  1.  102,  làS. 
Ru  ha,  Ruha,  n.  pr.  genlis.  Ru- -ha,  1.  19,  127. 
rakbu ,  legatus ,  rak-bu ,  1 . 1 1 1  ;  ideog.  1 .  3 1 ,  1 5  2 . 
rukubi,  currus(?),  ideog 1.  2 à,  28,  32, 

84,  ii4,  i3i. 
rikki,  no  vus  ,  ri-ik-ki ,  1.  i43. 


174 


aDi 

DD-) 

circumdare.  . 

uD"1 

npi 

mutare 

P-' 

DD-) 

favere 

*^*D*1 

aiuplum  esse. 

nin 

velle 

nu;-) 

remiltere. .  -  . 

l'V) 

malum  esse.  .• 

^^") 

nm 

disponere .  .  . 

AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

rikitn,  iiiipelus ,  rl-kim,  1.  26. 

iirakkis,  cinxi ,  1  '  pers.  sing.  aor.  paël ,  u-ruk-kis , 

1.161. 
usarkis,  vectigal  exegi,  1'  pers.  sing.  aor.  shap. 

ii-sar-kisj  1.  iSg. 
asarnti,  permulando  injeci,  1"  pers.  sing.  aor. 

shaph.  ii-sar-mi,  1.   iSg. 
irmu,  exlialarunt,  1'  pers.  sing.  aor.    kal,   ir- 

mu-ii,  1.  1  67, 
ramanusiin,  in  loco  eorum,  cum  suff.  ra-ma-nu- 

su-un,  1.  77,  i36;  ram-nusu,  1.  126. 
rinin,  ad  incipiendam  hoslilitalem ,  1.  iiq. 
urassibu,  obtinui,  impers,  sing.  aor.  pa.  u-ra-as- 

s'i-bu,  ].  i6. 
yiirassibu,  succedere  jusserat,  3"  pers.  sing.  m. 

aor.  pa.  yii-ra-as-si-ba-su ,  1.  8/4. 
rapastav ,  ideog.  ampla,  1.  17. 
urappisa,  prosperare  feci,   1"  pers.  sing.  aor. 

pa.  u-rap-pi-sii ,  1.  82. 
Rapihi,  Rapia,  n.  pr.  urbis,  Ra-pii,  1.  2."). 
risi,  socius,  adj.  ri-st,  1.  1 2  1 ,  129  ;  ri-su,  1.  1  3o. 
risuli ,  fœdus,  rlm-ti,  î.  123. 
arsisu,  permisi  id,  1*  pers.  sing.  aor.  kal.  cum 

sufï".  arsisu,  1.  5i. 
risit,  nequities,  risi-li,  1.  5. 
russï,  opéra  cœlata,  ru-ussi-i,  1.  167. 
Rata,  Râla,  n.  pr.  urbis,  1.  8,  i36. 
Ritâ,  Rila,  n.  pr.  hominis,  Ri-ia-a,  I.  70,  117. 
uratta,  disposui,  l'pers.  sing.  aor.  pael,  u-iat- 

la-a,  1.  161. 


rogare 

septemplicen» 

esse. 


sa,  qui,  qua:».,  quod ,  pron    relat.  passiin. 
sa'aï,  pelendus,  inf.  kal.  sa-'-al ,  1.  111. 
lisbâ,  septnplum  facial,  precal.  kal    U-is-bu-a , 
I.  19/i. 


D2V 


ni:; 


nîDtr 


addilumesse. 


idere 


parem  esse 
rcquare.  .  . 

ponere. .  .  . 


servare.  . . 
perdere.  .  . 


sequi. 


deprimi. 
scribere. 
facere.  ;  , 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  175 

Sahi,  Sebecluis,  n.  pr.  hominis,  Sab-i-i,  1.  25, 

26. 
sibiiia,  stirps,  si-hu-ta,  1.  191. 
sadid,  addictus  fuerit,  part,  kal.  sa-di-id,  1.  36, 

70,  117. 

saddi  Sun 1.  i  64- 

sadu,  mons,  ideog.  1.  38,  ^9;  plur.  sadi,  \.  ài, 

Z»2,  5o,  164,  170,  175,  180. 
su,  ille,  1.  3o,  l^l^,  4i6,  7^,  101,  i23,  12/4, 
126,  129,  i3i,  162;  suasu,  1.  28,  3/(,  35, 
60,   61,   80,    i33;    suasunu,   ).   96;  saalu, 
\.  62;  suatav,  I.  ii5;  suatunu,   1.  58,  59, 

71,  106;  sun-sunu,  iWi,  1.  22;  salina,  illae, 
J.  4o,  166,  186. 

5111,  pares,  su-'-i,  1.  168. 

isu,  aequatur,  3'  pers.  sin^.  m.  aor.  kal.  i-su-u, 

I.  87,  \[\i ,  169. 
simtu,  st.  empb.  [simal]  sors,  sim-tu,  \.  36. 
surani,  murum,  su-ra-ni,  1.  i32. 
suzub,  servandum  ,  inf.  sbapb.  su-zu-ub ,  i.  74- 
suhut,   ira,   ideog.   1.   4o,  79,  ii3;  su-liu-ul, 

L84,97- 
isutu,  3"  pers.  p.  m.  aor.  kal.  seculi  sunt,  i-su-lu, 

1.  109,  i54. 
siiuti,  contemplio,  5i-/K-<<,  1.  55. 
shi,  orain ,  si-lj-i,  1.  i53. 

astur,  scripsi,  1'  pers.  s.  aor.  kal.  as-tur,  1.  53. 
askun,  feci,  1*  pers.  sing.  aor.  kal.  as-kun,  1.  24 , 

29,  32,  59,  62  ,  89,  94,  1  16;  as-ku-uiiy  166. 
askuna,  feci,  1.  23,  137. 
is-kun,  fecit,  3"  pers.  sing.  m.  aor.  kal.  is-kun, 

1.  127,  129. 
iskunu,  fecerunl,  3^*  pers.  plur.  m.  aor.  kal.  is- 

ku-nu,  1.  121,  1 3o. 
asiakan,  direxi ,  T  pers.  sing.  aor.  ipbteal ,  as-ta- 

kan,  1.  4i>,  179. 


176 


b'^v 


ob^* 


silere .  .  .  . 
finire .  .  ,  . 
dominare. 


spoliare.  . 


finire 


allum  esse, 
nominare. 


AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

sUkunii,  conslitutio,  sit-ku-mi,  1.  làà,  là^. 
asakkumi,  vacabam,    i"  pers.    sing.   aor.  pael, 

a-sak-ka-mi,  1.  i5o. 
astakkan,  àxTexi,   i'  pers.   sing.   aor.   iphtael , 

as-tak-kan,  1.  22;  as-tak-ka-na ,  1.  166. 
usaskin,  mutavi,  1"  pers.  sing.  aor.  sliapli.  u-su- 

as-kiîi,  1.  35. 
yusaskin,  molitus  est,  3*  pers.  sing.  masc.  aor. 

s\\ai^\\.  yu-sa-as-kin ,  1.  34- 
lissakin,  ponatur,  habilet,  precat.   fem.   nipli. 

Us-sa-kijiy  ].  189. 

Sakkannakku ideog.  nomen  regium,  \.  1. 

sikitti,  silentium,  si-kit  ti ,  I.  i3. 
sillan,  finis,  sil-Ia-an,  1.  166. 
siltan,  imperotor,  sil-tan-nu,  1.  25. 
sithtis,  sicut  imperator,  sit-lutis,  \.  yli. 
salât,    prififectus,  sa-lat,   \.    i4o,    i5o;    plur. 

ideog.  1.  37. 
aslula,  in  captivitalem  redegi,   i"  pers.  s.  aor. 

kal,  as-lii-lay\.  24,45,^7,  48,  68,  71,  11 5. 
islulav ,  eduxit ,  3' p.  s.  m.  aor.  kal .  is-lu-lav,  1. 1 5 1 . 
salai,  spoliallo,  inf.  sa-lal,  1.  77,  81,  i33. 
sallatis,  spoliorum  instar,  sal-la  tis,   [ana  sal- 

la-ti),  1.  28,  76,  81,  87,  107. 
sallati,  captivitas,  sal-la-ti,  i.  28,  61,  107,  i34, 

.37. 

sallatu,   1.  72;   cum  sufl".    sallatsunu,    1.    48: 

sulla-sun,  \.  47,  68,  i5i. 
salam,  occasus,  sa-lam ,  \.  17. 
mu-sal-li-mu,  part,  paël ,  ].  iSf). 
usallimu,  perfeci ,  i*  pers.  s.  aor.  p.  u-sal-li-mu , 

1.8,  i4i. 
tusmî,  elevatio,  tus-mi-i,  J.  129. 


sum,  nomen,  ideog.  cura  sufl".  sam-ya,  nomen 
meuni,  1.  4;  siimsu,  nomen  ejus,  1.  60,  63; 
suin-su-nu,  nominasua,  1.  65. 


GRANDE  INSCRIPTION  DE   KHORSABAD. 


177 


"712^ 

'J^V 

audire 

O'DC» 

servire 

n2^ 

mulare ..... 

nw 

"^^fv 

*LÛD2? 

judicare 

bzv 

huinilem  esse. 

ID^ 

mittere 

"iDîy 

placere 

b]>z' 

pondérale.  .  . 

simli,  genus  arboris,  î.  i5g. 

Siimir,  Sumir,  n.  prop.  regionis,  ideog.  I.   2, 

123  ;  sa-mi-ri ,  là^. 
Tasmit,  n.  pr.  deae,  Tas-mi-tuv ,  \.  i43. 
ismi,  audivit,  S"*  pers,  sing,  m.  aor.  kal.  is-mi, 

1.  5o,  77,  102,  125,  1^5. 
ismâ,  audieriinl,  3"  pers.  plur.  m.  aor.  kal.  is- 

mu-u ,  1.  1^7,  «48. 
siml,  auditio,  subst.  si-mi-i,  1.  167. 
samas,  sol,  subsf.  ideog.  1.  i55;  sam-si ,  \deo^. 

i.  17,  69,  109,  i/i4,  1^6,  i53. 
yuLsanna,  mutaverat,  3'  pers.  sing.  in.  aor.  kal. 

yu-sa-an-nii,\.  162. 
sanat,  annus,  subst.  ideog.  I.  \lxk\  plur.  124. 
Sinuhtu,  Sinuchtu ,  n.  pr.  urbis,  Si-nii-uh-in , 

1.  29  ;  5i-ntt-u^-fa-at,  Sinuclitensis,  1.  28. 
sa'ari,  porta,  subst.  sa-a-ri,  1.  164. 
sapit,  judex,  ideog.  I.  22,  24,  32,  69,   62, 

83,  88,  116,  120,  i4o,  i4i,  i5o,  178. 
Siiandalml,  Suandubal,  n.  pr.  urbis,  Su-an-da- 

ha  ul,  1.  48. 
saplis,  infra,  adv.  sap-lis ,  1.  2  1 ,  i38. 
aspur,  emisi,  1"  p.  sing,  aor.  kal.  as-pur,  1.  120. 
ispur,  misit,  3*  pers.  sing.  ni.  aor.  kal.  is-pur, 

1.  92,  124;  is-pu-ra,  3i,  i53. 
ispuru,  miserunt,  3*  pers.  plur.   m.  aor.  kal. 

is-pa-rii,  1.  111. 
sipar,  ina  sipar,  per  ingenium,  si-par,  \.  166. 
Sïipar,  gloria,  subst.  su-par,  1.  162,  163. 
sipirtisiin,  magnificenlia  ejus,  cum  suff.  sipirti- 

sun,  1.  1  92. 
sapiri,  doctores,  subst.  sa  pi-ri ,  1.  178. 
sahil,  ponderare,  inf.  kal.  ideog.  1.  124.  i4o, 

'l.  162. 
Surgadia,  Surgadia,  n.  pr.  urhis ,  Snr-(ja-di  a , 

I.  58. 


178 


mi^* 

ornare 

r>TC 

animadverler' 

-jitr 

permillere. .  . 

r]i^ 

urere 

")")^ 

AODT-iiEPTEMBRE   1865. 

siri ,  ornamentum,  si-ri-i,  1.  i68. 


yusasriha,  animadverti,  3"  peis.  sing.  m.  aor. 

shaph.  y«-5«5-r«-Art,  1.  119,  127. 
israkii,  permiserunl,  3^  pers.  plur.  m.  aor.  kal. 

is-rii-ku,  1.  i3. 
o^riip,  concremavi,  i'  pers.  sing.  aor.  kal.  «5- 

ru-up ,  l.  70. 
isrup,  combussil,  3"  pers.  sing.  masc.  aor.  kal. 

is-m-up ,  1.  i5i. 
survan,  cupressus,  diïhov ,  suv-ran ,  1.  i43,  i58, 

161. 
»Stt/riA:iVtf/mwc?i,Sulruknaliunla  ,n.  pr.  régis Ely- 

malàh,  Sa-llk-rak-Na-ha-un-ti,  1.  119. 


ire 

onn 

inn 

ire,  fieri.  .  .  . 

Tiiaya,  Tuai,  n.  pr.  regionis,   Tua-ya,  1.  4/i. 
Tuanii,  gemini,  adj.  pi.  Tu-a-mi,  1.  162. 
ilhuiii,  1"  pers.  sing.  aor.  kal.  it-hu-ni,  1.  26. 
usaihu,  fieri  jussi,  i''   pers.  sing.  aor.   sliapli. 

usal-bu. 
Tabalai,  Tabul,  n.  pr.   reg.  Ta-hal-ai,  1.  3o. 
<i/iam/i,mare,ideog.  1. 16, 1  A4, 1^6, 1 48,  i53. 
utir,  reslilui,   1"  pers.  sing.  aor.  aphel,  n-tir, 

l  11,  137. 
utirra,   reslilui,   1"  pers.  sing.  aor.  aph.  u-tir- 

m,  1.  44,65,  67,  i34,  i36. 
ituru,  niorantur,  i"  p.  pi.  aor.  k.  i-ta-rii,  1.  177. 
jfwaf f im,  imposuerunt,  3'  pers.  piur.  m.  aor. 

shapb.  jji-5«-/t-7*tt,  1.  i3. 
yiitir,  allraxit,  3"  p.  s.  m.  aor.  pa.  yii-iir,  1.  127. 
tarri,  suslinendum,  inf.  tur-ri,  1.  118,  120. 
lilurri,  conductus,  ii-tiir-ri,  1.  129. 
tahaz,  praelium,  ideog.  1.  i3,    25,   34,  129, 

137;  ta-ha-zu,  l.  118,  123. 
itimzu,  exponebant,  3'  pers.  pi.  m.  aor.  kal.  il- 

hn-zn,  1.  1  58. 


GRANDE 


1^^ 

confidere.  .  .  . 

îpn 

reslituere. .  .  . 

y-in 

relinquere.  .  . 

INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  179 

tiksu iik-sii,  1.  i32. 

ittakil,  confisuserat,  3"  pers.sing.m.  aor.  riiph. 

ittaklii,  I.  /j8,  78; //-to-yczV,  1.  Sg,  ii3, 122. 
tiiklat,  ideog.  63,  8A,  i36;  tuklatiya,  ideog. 

cum  suff.  1.  16,26,  46;  s.  e.  tu-kul-ti,  i3S , 

i38,  i5o,  lôy. 
likni,  pondéra,  ti-ik  m,  1.  i32. 
lakillav ,  caenileus,  ta-kil-tav^\.  1^2,  182. 
tul,  coWis,  tul-Iummu. 
Tiilçjarimmi ,  Tulgarim,   n.  pr.  urbis,   Tul-ga- 

rimmi,  \.  81,  82 
Tul-Humha,  Tul-Humba,   n.   pr.  urbis,    Tiiî- 

liun-ha,  1.  i38. 
Tiilahitib, Tulahilib , n. pr.  urb.  Tul-ahi-tih,\.  64l. 
Tiliisirm ,Tï\us\n?i ,  n.  pr.  urb.  ÏY-Zii-Zi-zia,!.  45- 
rftmKWii,  Tamun,  n.  pr.  gent.  Ta-nmnu^l.  126. 
Tunnai ,Tunr\&i ,  n.  pr,  re^.Tu-un-na-ai.l.  29. 
iitakkin,  restitui,  1*  pers.  sing.  aor.  kal.  u-tak- 

kin,  1.  121;  u-tak-ki'iia,  1.  62. 
tukuntu.  ...  ?  iu-ku-un-tu,  \.  79. 
Tarhulara,  Tarhular,  n.  pr.  hominis,  Tar-ku- 

la-ra,  1.  83. 
Tarhunazi,  Tarhunazi,   n.   pr.  hominis,    Tar- 

hu-na-zi,  1.  78. 
iiruku,  dereliquerunt,  3*  pers.  plur.  m.  aor.  kal. 

it-rii'ku,  \.  i48. 
iisatrisa,   redis  lineis  disposui ,    1'  pers.  sing. 

aor.  shapb.  u-sat-ri-sa,  1.  160. 
Tirat-danias ,  Chaldaea  inferior,  n.  pr.  regionis, 

Tirât- du- ni- as ,  1.  21,  i47- 


J80  AOIIT-SEPTEMBRE   1865. 

ÉTLDES  PALÉOGRAPHIQUES 
SUR    L'ALPHABET   PEHLEVI, 

SES  DIVERSES  VARIETES 

ET  SON  ORIGINE, 

PAR  M.  FRANÇOIS  LENORMANT. 


L 

Le  premier  qui  ait  fait  connaître  à  la  science  eu- 
ropéenne l'idiome  et  l'alphabet  peblevis  est  Anquetil- 
Duperron.  Avant  l'achèvement  de  la  publication  de 
son  livre  sur  le  Zend-Avesta,  l'intrépide  pionnier  de 
la  science  qui  avait  été  conquérir  jusque  dans  l'Jnde, 
au  prix  de  fatigues  et  d'efforts  inouïs,  le  texte  des 
livres  de  Zoroastre,  imprima  dans  les  Mémoires  (le 
V  Académie  des  inscriptions^  une  dissertation  Sur  les  an- 
ciennes langues  de  la  Perse,  où  il  donna  les  alphabets 
zend  et  pehlevi ,  d'après  les  manuscrits  qu'il  avait  rap- 
portés et  d'après  les  explications  de  ses  maîtres  les 
Parsis  de  Surate.  Un  peu  plus  tard,  dans  le  tome  III 
de  son  Zend-Avesta,  il  publia  le  fac-similé  de  la  pre- 
mière page  des  man-uscrits  du  Buundehesch ,  avec  une 

•  Tome  XXXI,  p.  339-392.  La  partir  relalivc  aux  pcriturpx  va  de 
lu  page  35 1  à  la  page  359. 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVL  181 

transcription  et*  une  explication  ad  verbam  qui  lui 
avaient  été  fournies  par  les  docteurs  parses,  et  il  re- 
produisit son  tableau  des  alphabets  zend  et  pehlevi. 
Les  recherches  des  savants  plus  modernes  sur  les  ma- 
nuscrits pehlevis  n'ont  fait  faire  aucune  modification 
sérieuse  à  l'alphabet  d'Anquetil ,  qui  demeure  le  fon- 
dement nécessaire  de  toute  étude  sur  les  textes  ma- 
nuscrits de  cette  écriture. 

Le  caractère  des  manuscrits  offre  des  différences 
si  considérables  dans  la  forme  des  lettres  avec  le 
pehlevi  monuiîiental  des  inscriptions  et  des  mon- 
naies sassanides,  que  les  travaux  d'Anquetil  n'ont, 
pour  ainsi  dire,  servi  en  rien  au  déchiffrement  de 
celte  dernière  écriture.  Tout  l'honneur  de  la  dé- 
couverte appartient  à  M.  de  Sacy.  Elle  marque 
dans  la  science  de  l'archéologie  orientale,  avec  les 
Mémoires  de  Barthélémy  et  de  Swinton  sur  les  ins- 
criptions paimyréniennes,  une  époque  nouvelle. 
C'est  en  elTet  dans  la  dissertation  de  Barthélémy  que 
nous  rappelons  ici  et  dans  le  Mémoire  sar  quelques 
antiquités  de  la  Perse  de  M.  de  Sacy\  publié  pendant 
les  plus  mauvais  jours  de  la  tourmente  révolution- 
naire, qu'ont  été  indiquées  pour  la  première  fois  les 
règles  exactes  et  philosophiques  d'après  lesquelles 
on  peut  procéder  avec  succès  au  déchiiïrement 
d'une  langue  et  d'une  écriture  également  perdues. 

S'appuyant  sur  la  comparaison  du  texte  grec  des 
inscriptions  de  Naksch-i-Roustam  et  de  Rirmanschah 
avec  le  texte  pehlevi  des  mêmes  inscriptions ,  l'illustre 

'   Paris,  1793,  in-A". 

VI.  ,3 


ki 


182  AOÛT-SEPTEMBRE  1865. 

orienlalisle  français  parvint  à  traduire  ce  dernier 
texte  dans  son  entier  et  à  dresser  un  alphabet  com- 
plet de  l'écriture  nationale  des Sassanides.  Appliquant 
ensuite  aux  monuments  numisma tiques  les  résultats 
que  lui  avait  fournis  l'étude  des  inscriptions,  il  dé- 
termina les  monnaies  de  plusieurs  des  princes  de 
cette  dynastie  ^. 

Sir  W.  Ouseley  reprit  l'étude  au  point  où  M.  de 
Sacy  l'avait  laissée  ,  et ,  sans  rien  ajouter  sous  le  rap- 
port de  la  philologie  et  de  la  paléographie ,  il  expliqua 
au  moyen  de  l'alphabet  de  notre  illustre  compatriote 
un  plus  grand  nombre  de  médailles  et  quelques 
pierres  gravées 2.  Tychsen  fit  de  même  dans  quatre 
dissertations^  insérées  aux  tomes  I  à  111  des  Com- 
mentationes  Socielatis  regiœ  scientiaram  Gottingensis. 
Enfin  M.  de  Longpérier  réunit  en  un  corps  d'ouvrage 
les  observations  de  ses  prédécesseurs,  en  y  ajoutant 
quelques  lectures  personnelles  ^.Environ  à  la  même 
époque ,  M.  MùUer  publia  sur  le  côté  philologique  de 
la  question,  dans  le  Journal  asiatique^,  un  mémoire 


^  H  consacra  encore  à  ce  sujet  un  nouveau  mëmoire  dans  let.  Il 
de  la  seconde  série  des  Mém.  de  l'Acad.  des  inscr.  p.  162  et  suiv. 

^  Observations  on  some  medals  and  gems  bearing  inscriptions  in  tlie 
Pahlavi  or  ancient  Pcrsic  character.  Londres,  1 801. 

3  Conimentaliones  quatuor  de  nummis  velerum  Persarum. 

*  Essai  sur  les  médailles  des  rois  perses  de  la  dynastie  sassanide. 
Paris,  i84o,  in-A".  —  Citons  encore  Dorn,  Ueber  einige  unhekannte 
Mànzen  des  dritten  Sassaniden-Kônigs  Hormisdas  I,  dans  le  Bulletin 
de  l'Académie  impériale  de  Saint-Pétersbourg ,  classe  des  sciences  his- 
toriques, 18  A  3. 

s  Avril  1839. 


> 


ÉTUDES  SUR  L'AF.PHABET  PEHLEVI.  183 

encore  très-incomplet ,  mais  renfermant  de  précieuses 
observations. 

Malgré  les  travaux  de  ces  divers  savants,  l'étude 
des  monuments  et  de  l'écriture  pehlevis  était  de- 
meurée assez  stationnaire  depuis  le  temps  de  M.  de 
Sacy,  lorsque  parut  la  dissertation  de  M.  Olshausen 
sur  les  monnaies  à  légendes  peblevies  de  la  dernière 
époque  ^.  Ce  travail  contenait  à  la  fois  la  lecture  cer- 
taine et  l'attribution  des  médailles  émises  sous  les 
derniers  Sassanides ,  celle  des  pièces  frappées  en  Perse 
au  nom  des  premiers  khalifes  et  des  monnaies  des 
Ispehbeds  du  Taberistan,  portant  les  noms  de  ces 
princes  et  des  dates  qui  s'étendent  de  l'an  y 3  à  l'an 
189  de  l'ère  d'Yzdegerd.  M.  Olshausen  y  expliquait 
en  même  temps  les  indications  d'ateliers  monétaires, 
dont  les  noms,  plus  ou  moins  abrégés,  sont  écrits 
au  revers  de  toutes  les  pièces  à  partir  du  règne  de 
SaporIII,et  qui  avaientjusqu'alors  résisté  aux  efforts 
des  érudits^.  Par  la  fécondité  des  résultats  et  la  sû- 
reté des  déchiffrements  la  dissertation  du  savant  da- 
nois était  le  plus  remarquable  travail  qui  eût  été 
produit  sur  cet  ordre  d'études  depuis  le  mémoire 
de  M.  de  Sacy;  elle  ouvrait  des  séries  entièrement 
nouvelles  en  numismatique,  et  faisait  connaître  des 

^  Die  PeUewi-Legenden  auf  clen  Miinzen  der  letzten  Sâsâniden.  aiif 
den  àltesten  Miinzen  arabischer  Chalifen,  aufden  Mûnzen  der  Ispehbed's 
von  Taheristân  und  auf  indo-persischen  Mànzen  des  ôstlichen  Iran,  ziim 
ersien  Maie  (jelesen  und  erklàrt.  Copenhague,  i843,  in-4°. 

-  M.  Olshausen  a  consacré  à  l'examen  de  ces  marques  d'ateliers 
monétaires  une  dissertation  spéciale  insérée  dans  le  Zeitschr.  der 
deutsch.  morcjenl.  Gesellsch.  t.  II ,  p.  1  1  2  sqq. 

i3. 


184  AOÛT-SEPTEMBRE   1865. 

formes  postérieures  et  dégénérées  du  pehlevi  monu- 
mental, qui  établissaient  la  transition  entre  celui  des 
inscriptions  et  celui  des  manuscrits.  MM.  KrafFt^ 
Edward  Thomas  ^  et  Mordtmann  ^  ont  suivi  la  voie 
ouverte  par  M.  Olshausen,  et  même  le  dernier  de 
cesérndits,  en  i85/i,  a  rassemblé  en  un  corps  de 
doctrine  l'état  actuel  de  la  science  sur  les  monnaies 
peblcvies^. 

En  même  temps  M.  Rawlinson,  dans  les  notes 
qu'il  a  jointes  à  la  publication  du  texte  perse  de  la 
grande  inscription  cunéiforme  de  Behistoun^,  con- 
sacrait un  certain  nombre  d'observations  à  quelques- 
unes  des  expressions  que  l'on  rencontre  dans  les 
textes  monumentaux  des  Sassanides ,  et,  serrant  de 
plus  près,  grâce  aux  documents  nouveaux  que  l'on 
possède  aujourd'hui,  l'interprétation  philologique  de 
ces  expressions,  proposait  plusieurs  changements  à 
l'alphabet  de  M.  de  Sacy. 

Ker-Porter  ^  avait  rapporté  les  copies  de  plusieurs 
inscriptions,  provenant  toutes  des  environs  de  Per- 
sépolis,  où  l'on  remarquait,  outre  le  texte  grec,  un 

'    Wiener  Jahrbiichcr  der  Literalur,  t.  CVI,  Anzeigeblatt. 
-  Journal  of  (he  Bojal  Asiatic  Society,  t.  XII,  part.  ii.  ~  Numis- 
matic  chronicle,  t.  XV,  p.  180-187. 

•■'  Zeitschriftderdeatsch..morgenl.  Gesellsch.  t.  II,  p.  108-116. 

*  Erklàrung  der  Munzen  mit  Pehlvi-Legendcn,  di Ans  ]e  Zeitschr.  der 
deatsch.  morgenl.  Gesellsch.  t.  VIII ,  p.  1  -1 94.  —  Le  même  M.  Mordt- 
mann  a  publié  tout  récemment,  dans  le  t.  XVII  du  Zeitschr.  der 
deutsch.  morgenl.  Gesellsch.  (p.  i-52),un  mémoire  fort  intéressa  ni 
sur  les  pierres  gravées  à  légendes  pcldevies. 

*  .Journal  0/  the  Royal  Asialic  Society,  t.  X,  p.  1  18  sqq. 
'   Travels,'p\.  XXII,  p.  548;  pi.  XXVIII,  p.  672. 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVL  185 

double  texte  pehlevi  :  l'un  semblable  pour  les  carac- 
tères à  ceux  que  M.  deSacy  a  expliqués;  l'autre  conçu 
dans  une  écriture  et  dans  un  dialecte  un  peu  diffé- 
rents. M.  Bore  publia  dans  le  Journal  asiatique,  en 
i84i  \  une  nouvelle  inscription  dans  le  même  ca- 
ractère, et  M.  Rawlinson,  quelques  années  plus 
tard,  rapporta  à  Londres  des  moulages  en  plâtre  des 
textes  pehlevis  du  second  système,  tracés  à  côté  des 
textes  pehlevis  ordinaires  sur  les  rochers  de  Naksch-i- 
Roustam,  de  Naksch-i-Rajab  et  de  Hadji-Abad.  C'est 
avec  l'aide  de  ces  moulages  que  M.  Edward  Thomas 
a  pu,  sans  parvenir  à  un  déchiffrement  complet, 
expliquer  une  partie  de  ces  textes  et  en  fixer  l'al- 
phabet, lequel  lui  a  permis  d'interpréter  les  légendes 
de  drachmes  à  types  mazdesniens  frappées  sous 
l'autorité  des  Arsacides  par  les  satrapes  héréditaires 
de  la  Perse  ^. 

IL 

Tels  sont  les  travaux  publiés  jusqu'à  ce  jour  sur 
les  monuments  pehlevis.  Avec  leur  aide  nous  allons 
jeter  un  coup  d'œil  sur  les  différentes  variétés  de 
cette  écriture,  lesquelles  doivent  être  considérées 
comme  au  nombre  de  quatre  : 

1°  Le  proto-pehlevi; 

2°  Le  pehlevi  persépolitain; 

3''  Le  pehlevi  sassanide; 

^  T.  XI,  p.  640-673.  —  Cf.  Dubeux,  Journal  asiatique,  i843, 
t.  I,  p.  28-72. 

^   Nuniismatic  chronicle,  t.  XII,  p.  68-77,  91-1 1 4. 


186  AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

/i°  Le  pehlevi  des  manuscrits. 

Nous  commencerons  notre  étude  par  le  pehlevi 
sassanide,  le  mieux  connu  de  tous. 

Donnons  d'abord  l'alphabet  de  cette  écriture,  tel 
qu'il  a  été  établi  par  M.  de  Sacy,  avec  les  modifica- 
tions que  les  travaux  postérieurs  de  MM.  Olshausen , 
Rawlinson  et  Edward  Thomas  doivent  y  faire  ap- 
porter. 

Nous  plaçons  dans  la  première  colonne  les  let- 
tres extraites  des  inscriptions  monumentales,  et  dans 
les  trois  suivantes  les  caractères  fournis  par  les  lé- 
gendes des  médailles,  en  distinguant  dans  ces  der- 
niers monuments,  avec  M.  Mordtmann,  trois  pé- 
riodes paléographiques,  indiquées  par  des  degrés  de 
dégénérescence  de  plus  en  plus  marqués.  La  pre- 
mière de  ces  périodes  s'étend  depuis  Artaxerce  I" 
jusqu'à  Narsès,  la  seconde  va  de  Sapor  II  à  Chos- 
roès  II,  la  troisième  de  ce  prince  à  la  chute  de  la  mo- 
narchie sassanide ,  et  le  type  paléographique  adopté 
alors  se  continue  sous  les  premiers  khalifes  et  sous 
les  régents  ou  Ispehbeds  du  Taberistan.  Les  difté- 
rcnces  qui  se  remarquent  dans  l'écriture  de  ces  di- 
verses époques  frapperont  au  premier  coup  d'oeil  nos 
lecteurs.  Quant  à  ce  qui  est  de  la  valeur  des  lettres, 
nous  favons  marquée  de  deux  façons,  on  lettres  hé- 
braïques et  persanes. 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVI. 


187 


TABLEAU   1. 

PEHLEVI  SASSANIDE. 

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MONNAIES. 

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188  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

On  remarquera  dans  le  tableau  précédent,  pour 
ce  qui  est  des  lettres  tirées  des  inscriptions,  un  cer- 
tain nombre  de  différences  entre  les  formes  que 
nous  donnons  et  celles  qui  figurent  dans  le  tableau 
de  M.  de  Sacy  ^  En  effet  cet  illustre  savant  travaillait 
sur  les  copies  de  Ker-Porter,  un  peu  ine^ùactes  dans 
le  tracé  des  caractères,  et  nous  avons  relevé  nous- 
même  les  figures  que  nous  donnons  sur  les  plâtres 
otferts  à  la  Société  asiatique  de  Londres  par  M.  Ravv- 
linson. 

De  plus,  nous  avons  marqué  autrement  que 
M.  de  Sacy  la  valeur  de  deux  lettres  : 

Le  n°  1  6  du  tableau  =  3  d'après  M.  de  Sacy  := 
^  suivant  nous  ; 

Le  n°  5  du  tableau  =  n  d'après  M.  de  Sacy  = 
n  suivant  nous. 

Nous  avons  enfm  ajouté  un  3  qui  manque  à  fal- 
pbabet  du  Mémoire  sur  les  antiquités  de  la  Perse,  et 
en  revanche  nous  avons  supprimé  ^^  =  n  suivant 
M.  de  Sacy. 

Il  nous  faut  justifier  ces  changements. 

La  valeur  de  ^)  comme  n  avait  été  extraite,  par 
l'illustre  auteur  du  déchiffrement  des  textes  pehlevis, 
du  mot  qui  se  lit  dans  les  titres  de  tous  les  princes, 
aussi  bien  sur  les  inscriptions  que  sur  les  monnaies, 
après  celui  de  p^iîD,  l'adorateur  d'Ormuzd.  Ce  mot, 
qui  est  traduit  en  grec  par  6600 ,  est  écrit  dans  les 


'    Reproduit  par:  Kopp,  Bilder  und  Schriftcn ,  l.   il,  p.  284. 
(jrsenius,  Monuments  phœnicia,  pi.  III. 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVF.  189 

textes   épigraphiques  tel  qu'on  le  verra  au  if  i  de 
la  pi.  A,  et  sur  les  monnaies  tel  qu'on  le  verra  sous 


PLANCHE  A. 


iyy'^'^J'i> 


les  n°*  2  et  3.  M.  de  Sacy  y  voyait  bèh,  qui  est  rendu 
par  «  excellent  »  dans  le  vocabulaire  pehlevi-persan 
publié  par  Auquetil-Duperron.  Mais  M.  Rawlinson 


IdO  AOÛT-SEPTEMBRE  1865. 

a  montré  qu'il  fallait  y  reconnaître  au  lieu  de  cela 
la  racine  sanscrite  Bhaçja,  zend  Bâgha,  persan  ^, 
«dieu,))  ce  qui  donne  un  sens  beaucoup  plus  con- 
forme à  la  traduction  grecque,  et,  a  remarqué  de- 
puis M.  Edward  Thomas,  à  l'équivalent  dans  le 
pehlevi  du  second  système,  lequel  est  le  mot  tracé 
sous  le  if  Ix  de  la  pi.  A,  Nn'jN,  chaldaïque  n^tc, 
«  dieu.  •)  Seulement  ce  savant  s'est  trompé  en  voulant 
lire  Baga,  car  on  ne  saurait  reconnaître  dans  ce 
groupe  un  N*  final.  M.  Mordtmann ,  remarquant  cette 
absence  d'K  et  adoptant  d'ailleurs  l'explication  de 
M.  Rawlinson,  a  proposé  de  lire  :id,  en  considérant 
2]  comme  une  seule  lettre  de  la  valeur  de  2.  M.  Ed- 
ward Thomas,  enfin,  a  prouvé  que  les  deux  signes 
placés  dans  l'intérieur  du  D  initial,  quoique  assez 
souvent  liés  sur  les  médailles,  sont  toujours  séparés 
dans  les  inscriptions  et  doivent  être  considérés 
comme  distincts,  que  le  second,  troisième  du  mot, 
est  évidemment  un  "i  de  forme  ordinaire  et  que  l'on 
doit  par  conséquent  transcrire  '»33  ou  Bacjhi,  ce  qui 
assure  au  3^  signe  de  notre  tableau  la  valeur  de  ;. 
Du  moment  que  nous  avons  ainsi  un  3  certain 
avec  le  son  de^  ou^/i,il  devient  impossible  de  trans- 
crire par  cette  lettre  le  signe  n°  1  6 ,  dont  i\l.  de  Sacv, 
tout  en  le  rendant  ainsi,  avait  bien  reconnu  l'iden 
tité  avec  le  ^  de  l'alphabet  persan.  La  prononciation 
de  tch  était  en  elfet  indiquée  avec  certitude  par  le 
mot  n°  5  de  la  planche  A,  où  M.  de  Sacy  avait  re- 
connu du  premier  coup  d'œil  le  minoutclièlr,  «  germe 
divin,  ))  du  vocabulaire  d'Anquetil. 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVJ.  191 

Nous  avons  hésité  quelque  temps  pour  savoir  si 
nous  rendrions  le  signe  n°  1 6  par  3,  comme  M.  Mordt- 
mann,  afin  de  nous  tenir  plus  près  de  ^,  ou  par  s, 
comme  M.  Edward  Thomas.  A  la  fin  nous  nous 
sommes  décidé  pour  ce  dernier  parti  : 

1°  Parce  que  le  signe  dérive,  comme  nous  le  ver- 
rons plus  loin,  du  "2  araméen; 

2°  Parce  que  cette  transcription  rend  mieux  la 
nature  de  l'articulation  que  le  signe  représente  et  la 
facilité  avec  laquelle  il  permute  avec  le  î  de  l'alphabet 
sémitique. 

On  le  rencontre  en  effet  : 

1°  Dans  le  nom  du  roi  Përose,  écrit  sur  les 
monnaies  (pi.  A,n°6)  :  ""lân^D. 

Arabe  :jjj;-^.  Grec:  ïlepolrjs.  Syriaque  :  fo;.*^. 
Arménien  :  ^IJ^^f?*^. 

2°  Dans  celui  de  la  province  du  Chuzistan  (per- 
san :  yUj)^),  abrégé  en  (pi.  A,  n°  y)  âin. 

3°  Dans  celui  de  Bassora,  écrit  (pi.  A,  n°  8)  Nniâs. 

4°  Enfin  dans  celui  de  la  ville  de  Schasch  dans 
le  Mavaraennahr  (pi.  A,  n°  9)  :  ii^iiv. 

Pour  le  caractère  n°  5  de  notre  tableau ,  la  trans- 
cription que  nous  avons  adoptée  est  aussi  celle  de 
M.  Thomas.  Elle  s'appuie: 

1°  Sur  l'origine  du  caractère  qui  vient  du  n  ara- 
méen; 

1°  Sur  la  transcription  de  ce  signe  dans  le  pehlovi 
du  second  système  par  ^,  qui  est  un  n  certain ,  dif- 

tcrent  do  /S  qui  est  un  n. 


\92  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

Cependant  quelques  exemples,  entre  autres  ie 
nom  du  Ghuzistan  ,  prouvent  que  ce  n  avait  un  son 
un  peu  plus  dur  qu'en  hébreu  et  en  araméen  et  ré- 
pondait pour  la  prononciation  à  ^ ,  tandis  que  le  n 
correspondait  probablement  à  ^. 

Mais  si  nous  acceptons  les  opinions  de  M.  Edward 
Thomas  pour  ces  trois  lettres,  nous  nous  écartons 
de  lui  au  sujet  du  d,  pour  lequel  nous  restons  fidèle 
à  la  tradition  de  M.  de  Sacy.  Le  savant  anglais  a 
prétendu,  en  effet,  que  le  pehlevi  ne  possédait  pas 
de  D,  et  que  le  caractère  auquel  M.  de  Sacy  avait 
attribué  cette  valeur  (n*"  ili  de  notre  tableau)  de- 
vait se  décomposer  en  deux  lettres ,  î"»  (les  n°'  9  et  y  )  ; 
que  le  mot  écrit  tantôt  comme  il  est  au  n°  10  et 
tantôt  comme  il  est  au  n°  1  1  de  la  pi.  A,  «l'ado- 
rateur d'Ormuzd  » ,  devait  se  transcrire ,  non  ptiTD , 
mazdièsn ,  mais  ]V^1]1D,  mazdiizn. 

Les  noms  de  Chosroès  (pi.  A,  n°  12),  moin, 
i^Vy^J"^  ,  de  Abou-Sofyân  (pi.  A ,  n°  1  3  ) ,  jX-'D'îD-lDX , 
^Uj^Aw  y\ ,  de  Selem  (pi.  A ,  n''  1  4 ) ,  d^d  ,  ^  ;  ceux 
des  ateliers  du  Séistan,  d'Istakhar,  d'Ispahan,  de 
Saferaïn ,  du  Segestan ,  du  Khorasan ,  et  d'autres  mots 
encore  qu'il  nous  serait  facile  de  citer,  prouvent 
fexactitude  de  la  lecture  de  M.  de  Sacy  et  fexistence 
du  D  dans  l'alphabet  pehlevi. 

Toutes  les  lettres  sont  constamment  détachées 
dans  les  inscriptions  monumentales,  lesquelles 
appartiennent    aux    règnes    d'Artaxerce    1"  ^ ,    Sa- 

'  Ker-Porler,  pi.  XXII.  —  De  Sacy,  p.  G2. 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLP^VL  193 

por  P' \  Sapor  IP  et  Sapor  IIP;  elles  le  sont  aussi 
sur  les  médailles  jusqu'au  règne  de  Cavadès.  Cepen- 
dant on  y  rencontre  quelques  ligatures,  mais  en 
petit  nombre. 

C'est  dans  les  inscriptions  le  groupe  n"  1 5  de 
la  pi.  A,  |D,  inutilement  contesté  par  M.  Ed- 
ward Thomas,  mais  prouvé  par  les  mots  n**  16  de 
la  même  planche,  «fils  de,»  que  l'on  ne  doit  pas 
lire,  il  est  vrai,  homan,  comme  M.  de  Sacy,  puisque 
cette  leçon  du  vocabulaire  d'An quetil  est  une  faute 
pour  han  man,  ]12  p^,  mais  que  l'on  doit  expliquer 
par  p  "11.  Ce  sont  aussi,  sur  les  monnaies,  les 
groupes  qui  dans  la  planche  A  sont  désignés  par  les 
n^  17,  ^^f; 

18,  n; 

19,  in; 
•2  0,  DH; 
2  1 ,  D*?. 

A  partir  de  Cavadès,  nous  voyons  les  ligatures 
se  multiplier  de  plus  en  plus  dans  les  légendes  mo- 
nétaires. Enfin  sous  les  premiers  khalifes  et  sur  les 
pièces  des  régents  du  Taberistan ,  l'usage  de  lier 
toutes  les  lettres,  usage  ordinairement  inventé  dans 
les  manuscrits,  est  employé  constamment  dans  les 
inscriptions  des  monnaies. 

'  Ker-Porter,  pi.  XXVHL  —  De  Sacy,  i>.  1.—  Rich,  Bahylon  and 
Persepolis,  pi.  XIL  —  Ker-Porter,  pi.  XV. 

'  Ker-Porter,  t.  II,  pi.  LXVIIL  — Malcolm ,  Pmia,  t.  I,  pi.  III, 

^  De  Sacy,  p.  211.  —  Ici.  Mém.  de  l'Acad,  des  Inscr.  nouv.  sér^ 
t.  II,  p.  162  et  suiv. 

*  MûHer,  Journal  asiatique,  iSSg,  p.  33o. 


194 


AOUT-SEPTEMBRE   1865. 


m. 

Après  celle  des  monuments  sassanides,  Ja  mieux 
connue  des  quatre  espèces  de  caractères  pehlevis 
est  celle  des  manuscrits.  Elle  compte  2 3  lettres  au 
lieu  de  1  8.  En  voici,  d'après  Anquetil-Duperron,  la 
liste,  dans  Tordie  (calqué  sur  celui  de  l'alphabet 
persan)  où  les  manuscrits  des  Néaeschts  la  fournis- 
sent. 

Nous  accompagnons  cette  liste  des  valeurs  en 
persan  et  en  hébreu. 


TABLEAU   II. 
PEHLEVI  DES  MANUSCRITS. 


FORMES. 

VALE 

Eîi     PERSAN. 

URS. 

EN    HÉBRED. 

FORMES. 

VALE 

EN    PER.SAN. 

URS. 

EN    HEBREU. 

JU 

f 

1 

^ 

D 

S 

\^ 

D 

3 

J- 

:} 

N 

^ 

n 

)  y 

J 

h 

ô 

c 

3 

^ 

r 

D 

<^ 

c 

n 

) 

u 

a 

is 

y 

• 

) 

y 

1 

ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVL 


195 


FQRMES , 


S 
e) 


VALEURS. 

EN  PERSAN.  EN  HÉBBEr. 


D 


FORMES. 


VALEURS. 


EN    PERSAN.  EN   H 


4 


n 

n 


Le  lecteur  a  pu  voir,  en  examinant  le  tableau 
que  nous  venons  de  donner,  que  les  formes  des  let. 
très  y  sont  presque  identiques  à  celles  que  nous  ont 
fournies  les  médailles  de  la  troisième  époque. 

Pour  ce  qui  est  des  cinq  caractères  ajoutés,  qui 
portent  le  nombre  à  ^3,  ce  sont  des  lettres  de 
lalpbabet  ordinaire  auxquelles  on  a  donné  une  va- 
leur légèrement  différente  en  y  joignant  un  point 
diacritique  ou  un  appendice. 

^  ==r  «->  est  presque  identique  à  ^  rrz  ô. 

jj  ou  ^=  ^  n'est  autre  que  ju  =  »,  sorti  de 
/%/  ou  A/,  avec  un  point  dans  le  premier  cas  et 
un  appendice  inférieur,  ^,  dans  le  second. 


196  AOÛT-SEPTEMBRE   1805. 

J5  =  «.  et  3  =  d)  sont  le  ^  dont  les  deux  pro- 
nonciations se  distinguent  par  des  points;  ^est  en- 
core la  même  lettre,  mais  avec  un  appendice  infé- 
rieur ^  dirigé  à  droite. 

£j  z=  c±>  est  comme  (^  =  v::^  un  dérivé  de  fj^' 

Les  points  sont  aussi  employés  dans  cette  écriture 
comme  moy  en  d'éclaircissement ,  pour  faire  discerner 
certaines  lettres,  entièrement  différentes  comme  son 
et  comme  origine,  auxquelles  les  progrès  de  l'altéra- 
tion des  formes  avaient  fini  par  donner  des  figures 
semblables.  Ainsi  : 

Le  ^  des  monnaies  de  la  3®  époque  =  ^  3)  de- 


:> 


Z 


vient  dans  l'alphabet  des  manuscrits    .*  ^, 

Le  ^  des  monnaies  de  la  ^  époque  ^=z  dJde- 
vient  dans  l'alphabet  des  manuscrits  ô 

Le  J  des  monnaies  de  la  3*  époque  =  ^  devient 
dans  Talphabet  des  manuscrits  J) 

Le  ^  des  monnaies  de  la  3^  époque  =  ^  devient 
dans  l'alphabet  des  manuscrits  ô. 

L'emploi  de  ces  signes  diacritiques  pom'  faire  re- 
connaître, non  les  lettres  nettement  différentes, 
car  leurs  figures  étaient  d'abord  bien  distinctes ,  mais 
les  articulations  voisines  contenues  dans  un  même 
caractère,  remonte  assez  haut.  Dans  quelques-unes 
des  inscriptions  monumentales,  le  /V  avec  la  valeur 

'    Edward  Thomas,   Numismalic  chronicir,  t.  \II,p.  f)T,  noie  i. 


ETUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVL  197 

de  7-  est  accompagné  d'un  signe  de  ce  genre, 
A/ ,  pour  le  distinguer  de  ia  lettre  simple. 

Il  est  probable  que,  dès  les  premiers  temps  de  la 
monarchie  sassanide ,  à  côté  du  peblevi  monumental 
exista  un  caractère  de  manuscrits  plus  cursif,  où  les 
lettres  étaient  liées  les  unes  aux  autres  et  où  Ton 
employ  ait  habituellement  des  signes  diacritiques  por- 
tant le  nombre  des  articulations  distinguées  dans 
l'écriture  à  22  ou  28 ,  selon  que  l'on  compte  ou  que 
l'on  ne  compte  pas  le  ^  pour  deux  valeurs,  P  et  PH. 
Ce  caractère  des  manuscrits  suivit  la  même  marche 
de  dégénérescence  et  de  déformation  que  le  carac- 
tère monumental,  et,  à  mesure  que  les  figures  d'un 
plus  grand  nombre  de  lettres  tendirent  à  se  con- 
fondre, on  multiplia  l'emploi  des  points  diacritiques 
afin  de  maintenir  la  clarté  dans  les  textes. 

Le  Kitah-al-fihrist  contient  de  curieux  renseigne- 
ments sur  les  diverses  sortes  d'écritures  usitées  à  la 
cour  des  derniers  Sassanides  ^  On  y  voit  qu'alors  le 
peblevi  des  manuscrits  se  distinguait  en  plusieurs  va- 
riétés calligraphiques. 

L'auteur  parle  d'abord  ^  d'une  écriture  appelée 
gwct^i  que  l'on  employait  dans  les  pièces  officielles 
tracées  avec  un  grand  soin,  dans  les  inscriptions, 

'  Je  dois  ici  exprimer  toute  ma  reconnaissance  à  mon  ami  M.  Mi 
chel  Amari,  qui,  encore  exilé  alors  à  Paris,  a  bien  voulu,  en  i858, 
m'aider  et  me  diriger  dans  l'étude ,  faite  sur  le  manuscrit  de  la  Bi- 
bliothèque impériale,  des  passages  du  Kitah-al-fihrist  relatifs  à 
l'écriture  pehlevie. 

-  Ms.  arabe  de  Paris,  n°  87/1 ,  f°  i5  verso. 

VI.  i4 


198  AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

sur  les  sceaux  et  sur  les  monnaies.  C'est  le  pehievi 
monumental.  «  Cette  écriture ,  dit  Mobammed-ibn- 
(dscbak ,  se  compose  de  28  lettres.  »  Il  est  probable 
qu'il  compte  les  28  lettres  de  l'alpbabet  des  manus- 
crits comme  existant  dans  celui  des  monuments, 
quoique  cinq  d'entre  elles  n'y  eussent  pas  de  signes 
distincts,  et  qu'il  compte  aussi  comme  lettres  quel- 
ques ligatures  abréviatives  très-usuelles.  C'est  l\c 
cette  façon  que  dans  l'alphabet  publié  par  Anqueiil 
le  nombre  des  lettres  peblevies  est  porté  i\  26,  au 
lieu  de  2  3.  L'auteur  du  Fihrist  donnait  l'alphabet 
de  cette  écriture;  malheureusement  cet  alphabet 
s'est  tellement  défiguré  sous  la  main  des  copistes 
successifs  que  dans  le  manuscrit  de  Paris,  dont  nous 
avons  fait  usage,  on  ne  peut  plus  rien  y  discerner. 
Mohammed-ibn-Ischak  mentionne  ensuite  ^  une 
seconde  écriture,  du  nom  de  .^jLàS'comme  la  pré- 
cédente, «qui  servait,  dit-il,  dans  les  livres  de  mé- 
decine et  de  philosophie ,  )  et  probablement  dans 
tous  les  manuscrits.  La  liste  de  l'alphabet  suivait. 
Dans  l'exemplaire  de  la  Bibliothèque  impériale,  au 
milieu  de  caractères  tellement  déformés  qu'on  ne 
saurait  plus  les  reconnaître,  on  distingue  encore 
avec  certitude  dans  cette  liste  les  lettres  : 

Une  troisième  forme  de  caractères  servait  d'écii- 
ture  secrète  pour  le  cabinet  du  roi^. 

'    F"  16  rrclo, 
^  Ihid. 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVL  199 

Une  quatrième,  appelée  ^o^-^jlj,  servait  dans 
les  uianuscrits;  elle  comptait  ko  lettres,  voyelles  et 
ligatures  ^ 

Enfin  une  cinquième  variété  de  caractères  était 
également  mise  en  usage  par  les  calligraplies.  C'était 
le  A^^^  (j**tj  dans  lequel  on  n'employait  pas  de 
ligatures  ni  de  groupes  abréviatifs,  mais  seulement 
2 4  lettres  «avec  points  diacritiques^.»  Le  nombre 
de  2 A  est  celui  même  de  l'alphabet  des  manuscrits 
en  y  joignant  le  am  =  â,  monogramme  pour  mm  ou 
jjjk),  qui  s'emploie  dans  les  manuscrits  comme  une 
véritable  lettre. 

L'ouvrage  arabe  d'où  nous  extrayons  ces  rensei- 
gnements contient  aussi  une  donnée  que  nous  ne 
saurions  passer  sous  silence. 

Tandis  que  l'étude  des  monnaies  et  des  inscrip- 
tions pehlevies  a  fourni  des  résultats  considérables  à 
l'histoire  et  à  la  philologie,  celle  des  manuscrits  de 
la  même  langue  est  restée  presque  stérile  maigre 
tous  les  efforts  des  érudits.  Anquetil-Duperron  a 
donné  au  public  savant  de  l'Occident  la  version  du 
Boundehesch  et  des  Néaeschts  pehlevis,  telle  que  la 
tradition  s'en  conserve  de  génération  en  génération 
chez  les  docteurs  parses.  Il  a  publié ,  d'après  la  même 
tradition,  la  transcription  et  la  traduction  ad  verbnm 
de  la  première  page  du  Boundehesch.  Mais  lorsque  des 
savants  plus  modernes  ont  voulu  faire  pour  le  Boan^ 


'   F"  i6  verso. 
«  IbuJ. 


200  AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

(lehesch  ou  pour  les  Ncaeschts  pelilevis  ce  que  Biir- 
nouf  avait  fait  pour  le  Yaçnâ  zend ,  recourir  au  texie 
original,  le  soumettre  à  une  rigoureuse  analyse  phi- 
lologique et  reconstituer  par  là  l'idiome  perdu  dans 
lequel  il  est  conçu,  ils  ont  été  arrêtés  par  des  obs- 
tacles insurmontables;  non-seulement  ils  n'ont  sou- 
vent pas  pu  l'expliquer,  mais  même  ils  ne  sont  pas 
toujours  |)arvenus  à  le  décliilTrer. 

Cet  insuccès  tient  à  plusieurs  causes.  D'abord  les 
manuscrits  pehlevis,  transcrits  depuis  longtemps  par 
des  hommesquinele  comprenaient  plus,  fourmillent 
de  fautes,  comme  Anquetil  s'en  était  déjà  aperçu. 
Ensuite  les  copistes  y  omettent  constamment  des 
points,  de  manière  que  lorsqu'on  rencontre  la  lettre 
A  on  ne  sait  si  c'est  ^,  ^,  ^ï^  ou  ^^  que  l'on  doit 
lire.  On  éprouve  la  même  difficulté  qu'un  homme 
qui  voudrait  deviner  l'arabe  sur  un  manuscrit  sans 
points  ni  voyelles. 

En  outre  il  y  a  peut-être  une  troisième  source 
d'obscurités  inextricables  à  laquelle  on  n'a  point 
pensé,  et  dont  fidée  nous  est  suggérée  par  ce  qui 
se  lit  dans  le  Kitab-aljihrlst  après  la  mention  des 
cinq  écritures  que  nous  avons  énumérées  : 

((Les  Perses  ont  aussi  un  alphabet  appelé  zewo- 
resch,  Qii;i^j  (c'est  une  corruption  évidente  de  hizwa- 
resch),  dont  les  lettres  sont  tantôt  liées,  tantôt 
isolées.  Le  vocabulaire  se  compose  d'environ  mille 
mots,  et  ils  s'en  servent  pour  distinguer  les  expres- 
sions qui  ont  une  forme  semblable.  Par  cxcinple, 
quiconque  veut  écrire  le   mot  cfonschl,  c.*-i^5^,  qui 


ETUDES  SUH  L'ALl'HABET  PEHLEVI.  201 

en  arabe  se  traduit  /o-i  «  chair  »,  écrit  bisra ,  [^-j^j,  qu'il 
prononce  (jouscht;  si  Ton  veut  écrire  nan,  ^b,  qui  si- 
onifie  «  pain  »,  on  trace  le  mot  lakma,  Uyi,  que  l'on 
prononce  nan.  Il  en  est  ainsi  des  autres  mots,  à 
l'exception  de  ceux  qui  n'ont  point  besoin  d'être  dé- 
guisés et  que  l'on  écrit  comme  ils  se  prononcent  ^  n 

Dans  ce  passage  assez  obscur  on  reconnaît  la 
mention  d'une  cryptographie  mystique,  consistant 
h  écrire,  pour  représenter  un  certain  nombre  de 
mots,  des  lettres  déterminées  que  l'on  lisait  autre- 
ment que  leur  véritable  prononciation,  absolument 
comme  les  Juifs  lisent  Adonaï  dans  la  Bible  lorsqu'ils 
rencontrent  l'inetfable  tétragramme  mn\ 

Ce  système  de  cryptographie,  que  Mohammed 
ibn-Ischak  atteste  avoir  été  en  usage  chez  les  Perses 
sassanides,  n'aurait-il  pas  été  employé  dans  les  ma- 
nuscrits du  Boundehescli  et  des  Néaeschts?  Ainsi  n'est- 
ii  pas  probable  que  l'on  prononçait  d'une  manière 
voisine  de  YAhouramazda  zend  et  de  r"'iîD'nnK  des 
inscriptions  sassanides  le  nom  de  la  divinité  du  bon 
principe,  écrit  constamment  ju^^juw  dans  les  ma- 
nuscrits pehlevis,  ce  qui  régulièrement,  d'après  l'al- 
phabet, devrait  se  lire  Anhoama,  comme  l'a  fait  An- 
quelil? 

IV. 

M.  Rawlinson  appelle  parlhique  le  second  système 
de  pehlevi  des  inscriptions  de  Naksch-i-Roustam,  de 
Naksch-i-Rajab  et  de  Hadji-Abad.  Mais  M.  Edward 

'  F"  1 6  verso. 


202  AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

Thomas  lui  donne  avec  plus  de  raison  le  nom  de 
pehlewi  persépolitain ,  puisqu'on  le  trouve  principale- 
ment dans  les  inscriptions  des  environs  de  Persé- 
polis,  où  il  occupe'  la  place  d'honneur  tandis  que  le 
pehlevi  oiïiciel  ordinaire  est  relégué  à  la  seconde.  On 
le  rencontre  encore  à  Amadîah,  Holwàn,  Schimbor 
dans  les  monts  Bakhtiari,  Schahrzor  et  Bebahân, 
c'est-à-dire  dans  toute  la  région  qui  s'étend  du  Tigre 
à  Persépolis.  Le  pehlevi  habituel  des  inscriptions  et 
des  monnaies,  celui  que  nous  avons  appelé  spécia- 
lement pehlevi  sassanide,  paraît  avoir  eu  pour  patrie 
originaire  les  provinces  nord-ouest  du  royaume  de 
Perse. 

Noiis  donnons  la  liste  de  l'alphabet  du  pehlevi  per- 
sépolitain  telle  qu'elle  a  été  dressée  par  M.  Thomas. 


ETUDES  6UR  L  ALPHABET  PEHLEVI. 

TABLEAU   III. 

PEHLEVI   PERSÉPOLITAIN. 


203 


NUMÉROS 

D'ORDRE. 

FIGURES. 

VALEURS.                         1 

EN    HÉBREU. 

EN    PERSAN. 

1 

M 

^^ 

I 

2 

,^ 

D 

t_> 

3 

^ 

:i 

^ 

k 

^ 

*! 

:> 

5 

A/ 

n 

» 

6 

O 

1 

^ 

7 

J 

t 

J 

8 

->> 

n 

t 

9 

/ 

> 

^ 

lO 

> 

D 

à 

1 1 

1  2 

J 

i3 

^ 

3 

(J 

i4 

^ 

D 

ur 

i5 

^ 

D 

V 

iG 

> 

n 

:> 

»7 

y 

^ 

cr 

i8 

J5 

n 

(^ 

204  AOUT-SEPTEMBRE  186l). 

Les  valeurs  des  lettres 

n  C»  T  D  D  :  D  ^7  D  M  1  n  1  N 
sont  fournies  avec  certitude  par  les  mots  ID^IID  ^  kd'jd  , 
et  par  les  noms  propres  in^'nmx ,  "jdnd  ,  nniDn^ , 
■'lîDlinK,  orthographiés  comme  dans  le  pehlevi  du 
premier  système. 

Le  signe  n°  3  est  absohiment  identique  au  :  du 
pehlevi  sassanide;  la  valeur  de  2  assignée  au  carac- 
tère n^  2  ressort  de  la  forme  même  de  cette  lettre 
et  de  son  emploi  dans  un  assez  grand  nombre  de 
mots.  Pour  ce  qui  est  du  n°  8=  ^,  la  lecture  en  est 
fournie  par  le  n°  i  delà  pi.  B.  =  nDin,  persan  ;  iC^^Xii-, 

PLANCHE  B. 

^    Ji^')ht^ 

7 


yyyi^yy 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVL  205 

répondant  au  sassanide  n°  i  de  la  même  planche  : 
piiiV  >  persan  :  (^:>l. 

On  remarquera  l'emploi,  pour  distinguer  :»  de  dC 
d'un  signe  diacritique  ayant  absolument  la  même 
forme  que  celui  qui  distingue  dans  le  peliievi  des 
manuscrits  ^  =:  J  de  ^  =  dC  seulement  placé  au- 
dessous  de  la  lettre  au  lieu  d'être  par-dessus. 

Le  dialecte  écrit  avec  l'alphabet  persépoiitain 
diffère  notablement,  surtout  pour  le  vocabulaire  ou 
du  moins  le  choix  des  mots,  de  celui  qu'écrit  le 
pehlevi  ordinaire;  cependant  c'est  encore  un  dialecte 
pehlevi,  c'est-à-dire  iranien  par  la  grammaire  et  par 
une  partie  du  lexique,  araméen  par  un  très-grand 
nombre  de  mots,  un  plus  grand  nombre,  peut-être, 
que  l'autre  dialecte. 

V. 

Nous  désignons  par  l'appellation  de  prolo-pelilevi  la 
forme  la  plus  ancienne  du  pehlevi,  qui  nous  est  ré- 
vélée par  les  légendes  des  drachmes  d'argent  des  sa- 
trapes héréditaires  de  la  Perse  sous  la  domination 
des  Arsacides.  Ces  pièces  portent  au  droit  la  tête  du 
roi  parthe  régnant,  au  revers  un  mobed  en  adoration 
devant  le  pyrée  et  une  légende  pehlevie. 

M.  Edward  Thomas  a  expliqué  le  premier  ces  lé- 
gendes avec  un  grand  bonheur;  seulement  il  s'est 
trompé  sur  fépoque  où  ces  pièces  ont  été  frappées. 
^JVouvant  sur  elles  les  noms  d'un  Papec  et  d'un  Ar- 
taxerce,  il  les  a  attribuées  à  la  fm  de  l'empire  des 
Arsacides  et  au  début  de  celui  des  Sassanides.  Mais 


200  AOUT-SEPTEMBRE   J805. 

Je  style,  la  nature  de  la  fabrication  et  les  tètes  qui 
se  lemarquent  au  droit  montrent,  au  contraire, 
qu'elles  ont  été  émises  sous  les  premiers  règnes  de 
la  dynastie  parthe. 

La  plus  ancienne  de  ces  monnaies  ^  nous  offre 
en  effet  la  tête  de  Mithridate  I",  coiffée  de  la  tiare, 
et,  au  revers,  la  légende  n"*  3  de  la  pi.  B,  où  il  est 
facile  de  reconnaître  les  mots  : 

Papec  roi,  fils  d'Ithoucapheth  roi^. 

Une  autre  ^  porte  l'effigie  de  Phraalace ,  avec  au 
revers  une  légende  reproduite  sous  le  n°  Zi  de  la 
pi.  B,  que  M.  Thomas  a  fort  bien  lue  : 

Ariaxerce  roi,  fils  de  Kciilik  roi.  Le  nom  d'Artaxerce 
fut,  du  reste,  porté  à  plusieurs  reprises  parmi  ces 
satrapes  de  la  Perse,  car  nous  en  retrouvons  la  trace 
certaine  sur  une  monnaie  assez  postérieure,  portant 
la  tête  d'un  autre  Arsacide,  et  au  revers,  non  le 
mobed  avec  le  pyrée,  mais  l'effigie  du  satrape,  dont 
le  nom  est  inscrit  sur  la  pièce ^,  ainsi  qu'on  le  verra 
sous  l'indication  du  n''  5  dans  notre  planche  : 

Cette  dernière  légende  n'a  été  qu'incomplètement 
lue  par  M.  Thomas. 

'  Numismalic  chronicle,  l.  Xlf ,  pi.  ad  p.  68,  u°*  6-7. 

•'  M.  Thomas  ne  lisait  que  :  ND^D   P  ID--  "ID  I^DXP. 

'  Nwn.  chron.  loc.  cit.  11°  8. 

'  Ibid.  n°  3. 


ETUDES  JSUR  L'ALPtUBET  PEHLEVI.  20' 


Le  type  des  deux  têtes  se  retrouve,  malheureuse- 
ment avec  l'effigie  de  l'Arsacide  tellement  effacée 
qu'elle  n'est  plus  reconnaissable ,  sur  une  quatrième 
drachme  \  dont  la  légende  est  figurée  au  n°  6  de  la 
pi.  B: 

Cavadès  roi,  fils  de  Kamiouth  roi. 

Nous  pourrions  citer  encore  quelques  autres 
drachmes,  inédites  jusqu'ici,  de  la  même  série,  dont 
l'une  offre  la  tête  d'Orode.  Mais  ces  pièces,  qui  font 
partie  de  la  collection  du  Cabinet  de  France,  sont 
dans  un  assez  mauvais  état  de  conservation.  Il  fau- 
drait, pour  établir  la  lecture  de  leurs  inscriptions, 
une  assez  longue  discussion;  d'ailleurs  nous  ne  fai- 
sons pas  ici  un  traité  spécial  des  monnaies  de  la 
Perse  sous  les  Arsacides,  et  pour  fobjet  de  notre 
mémoire  les  exemples  que  nous  avonr>  cités  suffisent 
parfaitement. 

Il  est  inutile  d'insister  sur  l'importance  historique 
des  lectures  que  l'on  fait  dans  cette  série  monétaire. 
Les  pièces  portant  constamment  les  noms,  non-seu- 
lement de  celui  qui  les  a  fait  frapper,  mais  encore  de 
son  père,  et  les  effigies  du  droit  fournissant  une  date 
certaine,  on  parviendra,  lorsque  les  monuments  de 
ce  genre  se  seront  un  peu  multipliés,  à  reconstituer 
la  suite  presque  complète  des  princes  qui,  sous  la 
suzeraineté  des  Arsacides,  ont  gouverné  la  Perse, 
princes  sur  lesquels  les  auteurs  classiques  et  les  écri- 
vains orientaux  gardent  un  silence  absolu.  Jusqu'ici, 

•   Niim.  chron.  n"  ^. 


208  AOUT-SEPTEMBRE   L8G5. 

en  etVet,  ce  qu'on  savait  d'eux  se  bornait  à  quelques 
lignes  de  Strabon  :  ^vv  S^rjSv  koB' av-covs  (Twea-lw-res 
oï  Tlepcrat  fScta-iXécts  e^ovaiv  vTrrjxaovs  étépois  /BaaiXeCai , 
'srpÔTspov  [X£v  M.0LK£^6(7t ,  vvv  Ss  ^apOvaiots^ .  uMiiinle- 
((  nant  les  Perses ,  s'étant  reconstitués  cbez  eux,  ont  des 
«  rois  vassaux  d'autres  rois,  d'abord  des  Macédoniens 
«  et  aujourd'hui  des  Parthes.  » 

Ce  rétablissement  d'une  histoire  qui  n'a  pas  laissé 
d'autres  traces  pourra  peut-être  jeter  un  jour  nou- 
veau sur  Torigine  de  la  dynastie  sassanide  et  faire 
modifier  les  idées  généralement  reçues  à  ce  sujet. 
En  effet,  la  présence  des  noms  d'Artaxerce,  de  Ca- 
vadès,  de  Papec,  répétés  plus  tard  dans  la  liste  des 
Sassanides,  parmi  ces  régents  héréditaires  de  la 
Perse,  semblerait  prouver  que  c'était  à  cette  même 
famille  que  se  rattachait  Papec  ou  Babec,  grand-père 
maternel  d'Artaxerce  l"""  et  gouverneur  de  la  pro- 
vince de  Fars,  ainsi  qu'intendant  de  tous  les  temples 
du  feu  de  l'empire,  d'après  les  écrivains  de  l'Orient. 
Il  est  vrai  que  les  auteurs  grecs  et  la  lins  veulent, 
au  contraire  ,  que  le  gouverneur  de  la  Perse,  grand- 
père  ou  père  adoptif  d'Artaxerce ,  se  soit  nommé 
Sassan  et  que  le  nom  de  Papec  ait  appartenu  à 
l'homme  de  condition  vulgaire  ,  père  naturel  du  fon- 
dateur de  la  nouvelle  monarchie  persane'-^.  Mais, 
comme  on  le  voit,  nos  monnaies  donnent  une  plus 

1  Strah.  XV,  p.  736. 

*  Voyez  dans  M.  de  Sacy  [Mémoire  sur  (juciqucs  antuiuilés  de  la 
Perse,  p.  62,  ifiy  cl  57/1)  les  diffërenls  récits  sur  l'origine  d'Ar- 
taxerce 1". 


ÉTLDES  SUR  L  ALPHABET  PEHLEVI.  200 

grande  autorité  au  rapport  des  écrivains  orientaux, 
lesquels  étaient  mieux  à  portée  de  connaître  la  vé- 
rité, et  d'ailleurs  leur  récit  est  confirmé  par  la  ma- 
nière dont  Artaxerce  s'intitulait  constamment  sur 
ses  monuments  «fils  de  l'adorateur  d'Ormuzd,  du 
divin  Papec,  o  YIOC  MAZAACNOY  GeOY  nAPAKOV, 
en  pehlevi  :  -j^DND  ^;n  p"'nTD  p  ^2,  comme  pour  éta- 
blir la  légitimité  de  son  pouvoir. 

Au  point  de  vue  de  la  paléographie,  les  monnaies 
que  nous  venons  de  citer  sont  aussi  très-précieuses. 
Elles  nous  fi)nt  connaître  la  fi)rme  la  plus  ancienne 
de  l'alphabet  pehlevi,  et  cette  forme  est,  comme  le 
lecteur  a  déjà  dû  s'en  apercevoir,  presque  absolu- 
ment identique  au  pehlevi  persépolitain. 

La  transition  entre  ces  deux  écritures  est  fiDurnie 
parles  monnaies  de  bronze  de  Vologèse  IIP,  portant 
la  légende  reproduite  dans  la  planche  B  sous  le  n°  y, 
que  M.  Thomas  a  fort  bien  interprétée  par  : 

C'est-à-dire  ND^D  pD'jD  ^Vjhl  IC?:^,  Arsace  Vologèse 
roi  des  rois. 

VI. 

Après  félude  rapide  dans  laquelle  nous  venons 
de  passer  en  revue  les  diverses  variétés  de  l'écriture 
pehlevie,  depuis  sa  première  apparition  sur  les  mo- 
numents jusqu'à  la  conquête  de  la  Perse  par  les  mu- 

'   Pellerin,  IIV  supplément,  p.   32. —  Payne    Kni^ht,    Cataloy. 
imm.  grœc.  p.  201.  —  Nuni.  chron.   t.  XII,  pi.  ad  p.  68,  n°'  1  cl  2. 


210  AOUT-SEPTEMBRE    1865. 

sulmans,  nous  (levons  passer  à  l'examen  de  la  qiies 

tion  d'origine. 

Que  l'alphabet  national  de  la  nation  perse  sous 
les  Arsacides  et  les  Sassanides  soit  un  dérivé  de  l'al- 
phabet araméen  ,  c'est  ce  dont  on  ne  saurait  douter; 
M.  de  Sacy  Ta  établi  dès  la  fin  du  siècle  dernier 
d'une  manière  certaine, bien  que  le  passage  de  saint 
Epiphane  sur  lequel  il  s'appuyait  n'ait  pas  en  réalité 
le  sens  qu'il  cherchait  à  lui  donner  s  Mais  du  temps 
où  ont  été  écrits  les  admirables  Mémoires  sur  quel- 
ques antiquités  de  la   Perse,  d'un   côté  on    ne  con- 

*  Le  passage  de  saint  Epiphane  [Adv.  hœres.  II, p.  629,0(1.  Patav.) 
allégué  par  M.  de  Sacy  prouve  seulement  que  du  temps  de  ce  Père 
de  l'Eglise,  c'est-à-dire  sous  les  Sassanides,  on  se  servait  concur- 
remment en  Perse  de  l'alphabet  syriaque  et  de  l'alphabet  pehlevi, 
isepcftxà  (/loiy/ict.  Voici  en  efiVt  le  texte  de  ce  ])assage  :  B/^Aous  yàp 
ovTos  (o  MâvTjs)  SiaÇopovs  è^édcTO.  Mlav  (jlsv  ia(ipiO(xov  eiHoai  Svo 
aloiysiœv  lœv  HatotTriv  Sup&jy  alor/^elwaiv  èi  aÀi^a^r?T&jf  crup  «e<fxéyr?v. 
XpôUvrai  yàp  01  'urXsïcrTOi  tôov  ïlépcrœv  (xerà  UcpciHa  aloiysïa  xoà  rœ 
Supûi)  ypâfxuaTi,  œaTtsp  'zsap'ri(j.7v  'ssoXXà  éQvr\  to7s  hÀArjviKoïs  Ké^pnjvTat 
xahoi  yt  ôvzwv  cr^eSov  xarà  êSvos  lèiœv  ypanfidrcov.  AXXoi  èè  SfjOev 
T^v  ^advTciTrjv  roov  Sw'pwv  SiâXemov  aeyiVvvovTai ,  xi/fv  te  xarà  T17V 
Jla.Xy.xipav  êidXeKTOv,  aCrriv  êè  xa<  xà  avTÔ5v  aloiysïa,  eïxocrt  Svo  xa< 
laîjTct  vTtdp^et. 

On  s'aperçoit  qu'il  n'y  est  pas  dit  un  seul  mot  de  ce  que  l'écriture 
des  Perses  était  dérivée  de  l'écriture  syrienne  ou  sembhible  ù  celle-ci. 
Tout  ce  que  saint  Epiphane  a  dit  et  voulu  dire,  c'est  que,  de  son 
temps,  les  gens  instruits  de  la  Perse  connaissaient  et  employaient 
l'alphabet  araméen  à  côté  de  leur  alphabet  national,  lequel  ne 
pouvait  être  alors  que  le  pehlevi ,  et  que  Manbs  avait  divisé  un  de  ses 
ouvrages  en  22  livres,  à  chacun  desquels  répondait  une  lettre  ara- 
méenne.  L'auteur  du  Kitab-al-filirisl  (Ms.  arabe  de  Paris,  n°  874  > 
f  16  recto)  va  encore  plus  loin  cl  dit  que  de  son  temps  (dans  le 
iv'  siècle  de  l'Ilégire)  l'ancien  syriaque  était  encore  la  langue 
mune  du  peuple  dans  certaines  parties  de  l,i  Porsp. 


rom- 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVL  211 

naissait  que  le  pehlevi  sassanide,  le  troisième  en 
date;  de  l'autre  on  était  bien  loin  de  connaître  les 
diverses  évolutions  de  la  paléographie  des  écritures 
sémitiques;  on  en  était  encore,  par  exemple,  c^  con- 
sidérer le  caractère  de  l'inscription  de  Carpentras 
comme  du  phénicien.  C'était  donc  un  résultat  qui 
demandait  toute  la  pénétration  d'esprit  et  l'instinct 
divinatoire  de  M.  de  Sacy,  que  d'arriver  dès  cette 
époque  à  discerner  et  à  faire  voir  dans  le  pehlevi  un 
dérivé  de  l'alphabet  sémitique  de  22  lettres.  Mais  il 
était  impossible  ,^'aller  plus  loin  et  de  préciser  la 
dérivation  d'une  manière  plus  exacte.  La  multipli- 
cité ées  documents  nous  permet  aujourd'hui  d'ar- 
river bien  plus  facilement  à  une  autre  précision,  et, 
tout  en  proclamant  la  certitude  de  plus  en  plus  ma- 
thématique du  fait  général  découvert  par  le  génie  de 
M.  de  Sacy,  de  ne  pas  désigner  avec  lui  le  palmy- 
rénien  comme  la  source'd'oii  sortit  le  pehlevi.  C'est 
là,  nous  le  reconnaissons,  une  question  de  détail 
bien  secondaire;  mais  dans  la  science  aucun  détail 
n'est  absolument  indifférent,  et  dans  le  moment  ac- 
tuel, où  la  paléographie  sémitique  est  en  voie  de  se 
fonder,  il  importe  de  déterminer  avec  l'exactitude 
la  plus  scrupuleuse  la  place  qui  appartient  dans  le 
tableau  de  filiation  des  écritures  de  cette  famille  h 
chacun  des  alphabets  qui  la  composent. 

On  sait  actuellement  d'une  manière  certaine^  que 
l'alphabet  araméen,  après  s'être  constitué  comme 

'   Voy.  Melchior  de  Vogiié,  Revue  ai chéolocjique j  nonv.  sér.  t.  V, 
p.  3'i-38;  t.  JX,  p.  2o3-2o8. 


212  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

un  type  d'écriture  propre  et  distinct  de  celui  qu'em- 
ployaient les  Phéniciens,  demeura  un  pendant  plu- 
sieurs siècles; , et  ces  siècles  correspondent  exacte- 
ment ci  l'époque  durant  laquelle  MM.  Lassen^  et 
Layard  ^  ont  démontré  qu'il  était,  ainsi  que  dans 
l'Assyrie  et  la  Babylonie,  employé  dans  la  Perse 
même  comme  caractère  cursif ,  à  côté  du  cunéiforme 
servant  d'écriture  monumentale.  Dans  son  état 
d'unité,  l'écriture  araméenne  présenta  trois  formes 
successives,  dont  il  importe  de  résumer  en  quelques 
mots  l'histoire. 

Antérieurement  au  vf  siècle  avant  l'ère  chré- 
tienne ,  l'alphabet  commun  à  toutes  les  popidations 
sémitiques  de  la  Syrie,  en  donnant  à  ce  mot  le  sens 
le  plus  étendu  qui  lui  fut  attribué  dans  l'antiquité, 
est  Y  alphabet  phénicien  archaïque ,  souche  de  l'écriture 
grecque  et  de  tous  les  systèmes  graphiques  de  l'Oc- 
cident. Vers  le  vi^  siècle,  l'écriture  phénicienne  de 
la  seconde  époque,  que  l'on  a  nommée  sidoniennc, 
se  constitue  définitivement  :  le  plus  beau  monument 
de  cette  écriture  est  l'inscription  du  sarcophage 
d'Eschmounazar;  en  même  temps  la  branche  ara- 
méenne se  sépare  de  la  souche  commune.  Le  carac- 
tère principal  de  ce  nouvel  alphabet  est  l'ouverture 
des  boucles  des  lettres  3,  T,  ir,  ").  Mais  pendant  deux 
siècles  environ,  à  côté  de  ces  formes  nouvelles  se 
maintiennent  un  certain  nombre  de  formes  an- 
ciennes ;  l'altération  de  toutes  les  lettres  n'est  pas 

'   Zeitschrift  fur  die  Kundc  des  Morgenlandes ,  t.  VI,  p.  502. 
*   Discoverici  at  Nincveh  and  Bahylon ,  p.  i55  et  3/|6. 


ÉTUDES  SUB  L'ALPHABET  PEHLEVL  213 

simultanée,  de  sorte  que  l'alphabet  conserve  un 
caractère  de  transition  qui  marque  nettement  sa 
première  époque;  à  cette  variété  originaire  nous 
donnons  le  nom  de  protaraméen.  Vers  la  fin  du 
v'  siècle,  l'alphabet  araméen  proprement  dit  ou  ara- 
méen  secondaire ,  car  on  peut  lui  donner  indifférem- 
ment l'un  et  l'autre  nom ,  se  constitue  définitivement 
sur  les  pierres  gravées  et  les  médailles  des  satrapes 
de  l'Asie  Mineure.  Mais  il  subit  bientôt  lui-même 
l'effet  de  la  loi  de  dégénérescence  constante  qui  pré- 
side k  l'histoire  des  écritures  ;  vers  la  fin  du  iv^  siècle 
ou  le  commencement  du  iii%  on  vit  naître  un  nou- 
vel alphabet,  dérivé  du  précédent,  comme  celui- 
ci  était  dérivé  de  celui  qui  l'avait  encore  précédé; 
ce  fut  l'alphabet  dont  les  principaux  monuments 
jusqu'à  présent  connus,  inscriptions  et  papyrus,  ont 
été  découverts  en  Egypte,  mais  qui  n'était  pas, 
comme  l'ont  cru  quelques  érudits ,  limité  à  ce  pays, 
car  il  existe  des  preuves  certaines  de  son  emploi 
dans  d'autres  parties,  et  assez  éloignées,  des  do- 
maines de  i'aramaïsme;  nous  l'appelons  araméen 
tertiaire. 

Cet  alphabet  fut  le  dernier  commun  à  toutes  les 
populations  de  la  famille.  Un  siècle  environ  avant 
la  venue  du  Christ,  l'observation  attentive  des  mo- 
numents nous  montre  l'unité  de  Técriture  araméenne 
se  brisant,  se  subdivisant,  suivant  qu'elle  est  em- 
plovée  par  des  Palmyréniens,  des  Nabathéens,  des 
Auranites  ou  des  Juifs,  et  donnant  naissance  à  toute 
une  série  d'alphabets  nouveaux  ,  particuliers  aux  dif- 
VI.  i5 


214  AOÛT-SEPTEMBRE  J805. 

féients  peuples  et  suivant  chacun  de  leur  côté,  d  une 

manière  absolument  indépendante,  leur  marche  de 

dégénérescence. 

Plusieurs  des  écritures  ainsi  dérivées  de  l'ancien 
type  graphique  commun  à  tous  les  Araméens  devin- 
rent à  leur  tour  la  souche  de  nouvelles  sous-familles. 
Le  paluiyrénien  produisit  l'estranghelo  et  toutes  les 
variétés  des  alphabets  syriaques  ;  le  nabathéen,  comme 
je  l'ai  déjj'i  indiqué  ici  même  et  comme  j'espère  un 
jour  le  prouver  plus  complètement,  donna  naissance 
à  l'arabe.  Dans  le  tableau  généalogique  résultant  de 
ces  observations,  quelle  place  doit-on  assigner  au 
pehievi?  Faut-il  le  tenir  comme  une  écriture  dérivée 
del'araméen  terliaireparallèlement  aupalmyrénien , 
au  nabathéen,  à  l'auranite  et  à  l'hébreu  carré  du  type 
le  plus  ancien?  Ou  bien  faut-il  le  considérer  comme 
issu  par  une  seconde  dérivation  du  palmyrénien? 

Pour  connaître  la  marche  suivie  par  falphabet 
sémitique  de  22  lettres  dans  les  contrées  au  delà 
du  Tigre,  nous  devons  demander  des  renseignements 
à  une  série  de  monuments  numismatiques  encore 
très-peu  étudiés  et  même  imparfaitement  connus 
des  savants. 

Ce  sont  des  monnaies  d'argent  de  différents  mo- 
dules, portant  au  droit  une  tête  de  satrape  coiffée 
de  la  mitra,  qui  varie  selon  les  époques,  et  au  re- 
vers un  temple  surmonté  de  plusieurs  pyrées  ou 
autels  du  feu,  avec  presque  toujours  à  côté  un  prêtre 
en  adoration.  Ce  dernier  type  est  accomp.igué  d'une 
légende  contenant  le  nom  du  piinre  ou  satrape  ré- 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEYL  215 

gnant,  qui,  outre  le  titre  de  son  autorité,  porte  celui 
de  pontife  d'une  déesse,  laquelle  ne  saurait,  pense 
M.  le  duc  de  Luynes ,  qui  a  fait  de  ces  pièces  une 
étude  toute  particulière,  être  considérée  comme  dif- 
férente de  l'Aitémis  Nanaea  de  l'Elymaïs,  dont  le 
temple,  objet  de  la  vénération  de  tous  les  peuples 
voisins,  fut  pillé  par  Antiochus  le  Grand,  roi  de 
Syrie.  Une  de  ces  monnaies,  avec  le  nom  d'un  sa- 
trape appelé  Saripadate,  a  été  publiée  par  M.  le  duc 
de  Luynes  ^  qui  la  considérait  alors  comme  frappée 
dans  la  Bactriane,  opinion  sur  laquelle  il  est  com- 
plètement revenu;  trois  autres  ont  été  gravées  dans 
le  Numismatic  chronicle  de  Londres^.  Mais  il  en 
existe  un  bien  plus  grand  nombre,  encore  inédites, 
dans  la  collection  de  M.  le  duc  de  Luynes  et  dans 
l'ancien  médaillier  de  la  Bibliothèque  impériale.  Les 
différences  que  ces  monnaies  offrent  entre  elles  sous 
le  rapport  du  style  prouvent  qu'elles  ont  été  émises 
pendant  un  assez  long  espace  de  temps  par  une 
dynastie  de  satrapes  héréditaires  ou  de  roitelets ,  dont 
les  plus  anciens  étaient  contemporains  et  vassaux 
des  Achéménides,  et  les  plus  récents  des  premiers 
Arsacides. 

Les  légendes  de  ces  pièces  sont  en  langue  ara- 
méenne.  Sur  les  plus  anciennes,  celles  du  temps  des 
Acbéménides  (il  n'en  a  encore  été  publié  que  de 
cette  époque),  l'écriture  dans  laquelle  elles  sont  con- 
çues est  faraméen  secondaire  des  monnaies  des  sa- 

'   Numismaticjue  des  satrapies,  pi.  VI,  n°  3. 
-  T.  XVIII,  pi.  Vf,!!"'  6-8. 

i5. 


216  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

trapos  de  Ja  Cilicic  et  des  autres  parties  de  l'Asie 
Mineure;  un  peu  plus  tard  nous  y  voyons  apparaître 
l'araméen  tertiaire  des  papyrus  et  de  rinscription 
de  Carpentras  ;  enfin  sous  les  Arsacides  l'alphabet 
de  ces  légendes  se  rapproche  de  plus  en  plus  du 
pehlevi  et  arrive  à  ne  plus  différer  de  la  variété  de 
cette  dernière  écriture  que  nous  avons  designée  par 
]e  nom  de  persépolitaine. 

Dans  la  série  d'écritures  successives  qu'offrent 
ainsi  les  monnaies  dont  nous  venons  de  parler,  la 
forme  palmyrénienne  n'a  pas  sa  place;  elle  semble 
n'avoir  pas  été  connue  dans  la  région  lointaine  h 
laquelle  appartient  cette  numismatique.  On  passe 
directement  de  l'araméen  au  pehlevi,  sans  l'intermé- 
diaire de  l'alphabet  de  Palmyre.  Ce  serait  assez  déjà 
pour  faire  conclure  avec  une  entière  confiance  que 
l'écriture  pehievie  est  un  des  dérivés  directs  de  l'ara- 
méen tertiaire,  une  écriture  sœur  et  non  fille  du 
palmyrénien.  Nous  achèverons  de  le  démontrer  par 
le  tableau  suivant,  où  nous  avons  placé  falphabet 
araméen  en  usage  du  uf  au  i"  siècle  de  notre  ère 
et  falphabet  palmyrénien  en  regard  des  diverses 
formes  paléographiques  de  l'alphabet  pehlevi ,  dispo- 
sées dans  Tordre  de  leur  dégénérescence. 


TABLEAU   IV. 


ORIGINE  DE  L'ECRITURE  PEHLEVIE, 


i\       i 


218 

AOUÏ-SEPTEMBRK  1865. 

ARAMEEN 

PEHLEN 

PALMYRÉNIEN. 

PROTO-PEHLEVI. 

TERTIAIRE. 

PEnSKPOLITj 

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ETUDES  SUP 

i  L'ALPHABET 

PEtlLEVL 

219 

PEHLEVI 

SASSANIDE. 

PEHLEVI 

des 

MANUSCRITS. 

IITIOÎIS. 

HA) 

MÉDAILLES. 

i"  époque. 

2°  époque. 

3*  époque. 

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2î 

220  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

Ce  tableau  réclame  un  commentaire;  nous  allons 
le  donner  en  suivant  l'ordre  des  lettres  : 

N.  —  La  forme  que  l'on  peut  considérer  comme 
typique  pour  les  quatre  variétés  du  pelilevi,  \i> 
sort  évidemment  de  l'araméen  KJ^  avec  le  trait 
inférieur  reporté  au  point  de  départ  du  Irait  ver- 
tical et  du  trait  oblique.  Voici,  du  reste,  tous  les 
degrés  par  lesquels  on  passe  pour  arriver  du  pliemi- 
cien  au  pehlvi*: 

^'  )é  >^  X  yt  ^ 

Sur  les  monnaies  de  ia  fm  de  la  première  et  du 
commencement  de  la  seconde  époque,  cette  lettre 
devient  X/;  mais  à  la  lin  de  la  seconde  époque  et 
dans  toute  la  troisième  on  voit  reparaître  la  figure 
«4j,  plus  conforme  à  forigine,  laquelle  produit  le 
41  des  manuscrits. 

2.  —  La  tête  de  la  lettre  est  plus  atrophiée  dans 
le  proto-peblevi  que  déins  le  type  persépolitain.  Sui- 
vant le  progrès  de  cette  tendance,  elle  disparaît  dans 
le  type  des  inscriptions  sassanides,  lequel  ne  varie 
plus  jusqu'à  l'extinction  de  l'alphabet  pehlevi. 

3.  —  Dans  toutes  les  variétés  du  pehlevi  cette  lettre 
suit  un  type  constant,  lequel  dérive  de  l'araméen, 
renversé  sur  le  côté.  Le  pivotement  des  caractères 
dont  nous  avons  ici  un  premier  exemple  s'observe 
à  plusieurs  reprises  dans  le  passage  de  l'araméen  au 
prolo-pehlevi  et  au  persépolitain;  il  se  reproduit  en- 
core dans  d'autres  cas  lorsque  l'on  suit  la  marche  des 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVL  221 

letlres,  de  ces  deux  alphabets  au  pehlevi  sassanide 
ou  des  provinces  orientales. 

1.  — Leproto-pehlevi  manque.  Le  pejsépolitain  est 
presque  identique  au  typearaméen.Dansle  sassanide 
cette  lettre  subit  un  changement  bizarre;  elle  se  ren- 
verse sur  le  côté,  se  recourbe  légèrement  par  l'extré- 
mité inférieure,  et  en  môme  temps  sa  tête  passe  à 
droite. 

Cette  explication  de  la  forme  X^  ou  '^  est  peut- 
être  trop  compliquée.  On  pourrait  aussi  en  produire 
une  autre  plus  simple  et  peut-être  plus  vaisemblable. 
Sur  certains  monuments  persépolitains,  le  signe  dia- 
critique qui  accompagne  le  i  se  confond  avec  le 
corps  de  la  lettre  sous  la  forme  d'un  appendice  Irès- 
développé.  Ainsi  à  Naksch-i-Roustam  le  nom  d'Or- 
muzd,  dans  le  texte  pehlevi  persépolitain ,  au  lieu  de 
la  forme  régulière  retracée  sous  le  n*'  8  de  la  pi.  B, 
est  écrit ,  comme  on  le  voit  au  n°  9  \  iîD"nnN*.  ^  a  pu 
produire  ^.  Dans  ce  cas  l'appendice  ajouté  comme 
marque  diacritique  sera  devenu  plus  important 
comme  dimension  que  le  corps  même  de  la  lettre, 
ce  qui  se  voit  quelquefois  en  paléographie. 

Toujoursest-ilquele"ipehlevisassanide,aprèsavoir 
été  longtemps  invariable  avecla  forme  J ,  se  réduit  sur 
les  monnaies  de  la  3^ époque  à  un  simple  trait  courbe, 
par  une  abréviation  qui  ramène  au  type  primitif.  De 
celte  dernière  figure  sortie  J  des  manuscrits. 

•  Cf.  Rawlinson ,  Jnurn.  .of  the  Rojal  Asiat.  Soc.  t.  Xï,  I  pari. 
p.  69. 


222  AOUT-SEPTEMBKE   1865. 

n.  —  La  forme  de  cette  lettre  en  proto-peliJevi 
dérive  tout  naturellement  de  i'araméen  ,  dont  l'exti  ë- 
mité  gauche  s'est  relevée.  Dans  le  pelilevi  persépoli- 
tain,  la  tradition  du  type  primitif  est  déjà  oblitérée; 
le  trait  qui  relie  les  deux  hastes  se  trace  obliquement. 
Dans  le  sassanide  la  partie  droite  de  la  lettre  n'est 
plus  que  peu  développée  et  la  baste  de  gauche  lé- 
gèrement infléchie  par  la  base.  Cette  lettre  devient 
bientôt,  par  une  nouvelle  déformation,  /V,  ce  qui 
produit  le  ju  des  manuscrits  et  ramène  par  consé- 
quent très-près  de  la  figure  du  persépolitain. 

T.  —  Dans  le  proto-pehlevi  et  dans  le  caractère 
persépolitain,  la  figure  est  une  simple  courbe  comme 
en  araméen.  Dans  le  sassanide  on  ajoute  en  bas  un 
appendice  analogue  à  celui  du  "i,  pour  distinguer 
cette  lettre  de  l'^ .  Sur  les  médailles  de  la  troisième 
époque  et  dans  les  manuscrits,  le  tracé  s'abrège  et 
se  réduit  à  \. 

T.  —  Nous  ne  connaissons  pas  la  forme  proto- 
pehlevie.  Dans  les  trois  autres  alphabets  la  figure  est 
ondulée,  et  non  droite  comme  en  araméen. 

n.  —  Cette  lettre  n'existe  qu'en  persépolitain ,  où 
sa  figure  dérive  de  celle  de  I'araméen ,  presque  sans 
aucune  diflerence.  En  sassanide  elle  est  rempla- 
cée constamment  par  n ,  avec  ou  sans  point  diacri- 
tique. 

\  —  En  proto-pehlevi  la  forme  de  ce  caractère  est 
identique  à  celle  de  la  lettre  araméenne.  Plus  droite 
dans  l'alphabet  persépolitain  ,  elle  se  recourbe  dans 


ETUDES  ^R  L'ALPHABET  PEHLEVJ.  223 

le  sassanide  et  finit  dans  les  manuscrits  par  être  sem- 
blable an  1,  au  3  et  au  -j,  JJ. 

D.  —  La  lettre  proto-pehlevie  est  semblable  à 
l'araméen,  mais  avec  la  tête  plus  ouverle.  Dans  le 
persépolitain  la  bastese  recourbe  et  la  figure  devient 
pareille  à  celle  du  ".  Cette  ressemblance  fait  que 
dans  le  sassanide  le  D  se  trace  de  même,  avec  un 
petit  appendice  diacritique  à  la  partie  inférieure. 
De  là  résulte  le  ^  des  médailles,  qui,  s'abrégeant 
à  la  troisième  époque,  revient  presque  au  type  ori- 
ginaire et  produit  le  a  des  manuscrits. 

b.  —  Le  proto-peblevi  est  identique  à  l'araméen. 
La  figure  du  caractère  pehlevi  persépolitain  semble 
influencée  par  celle  de  la  lettre  correspondante  du 
palmyrénicn.  Elle  produit  le  L,  qui  sur  les  médailles 
de  la  seconde  époque  devient  }^,  la  partie  supé- 
rieure perdant  beaucoup  de  son  développement. 
A  la  troisième  époque  la  lettre  s'abrège  en  /'  et  de- 
vient )  dans  les  manuscrits^ 

D.  —  Le  proto-peblevi  et  le  persépolitain  sont  en- 
core exactement  pareils  à  l'araméen.  Dans  le  sassanide 
la  figure  de  la  lettre  devient  fermée ,  mais  d'une  autre 
manière  que  dans  les  écritures  dérivées  du  palmyré- 
nicn ,  comme  l'estrangbelo  et  l'bébreu  carré,  par  la 
jonction  du  sommet  du  trait  transversal  avec  l'ex- 
trémité inférieure  de  la  baste  de  droite.  Sur  les  mé- 
dailles le  D  devient  Jfc7,  puis,  à  la  fin  de  la  seconde 
et  dans  toute  la  troisième  époque  >{ ,  d'où  le  ^des 
manuscrits. 


224  AOUÏ-SEPTEiMBRE  ^805. 

:.  —  Dans  -le  proto-pelilevi  celte  lettre  est  re- 
courbée par  en  bas  et  prolongée  horizontalement 
vers  la  gaucbe,  comme  dans  le  paimyrénien.  Ici  la 
dérivation  dans  les  deux  alphabets  collatéraux  s'est 
opérée  dans  un  même  sens.  Mais  cette  inflexion  à 
gauche  n'est  pas  aussi  essentielle  en  pehlevi  qu'en 
araméen,  cardans  le  caractère  sassanide  la  courbure 
a  lieu  vers  la  droite.  De  là  le  J^  des  médailles,  abrégé 
en  g  à  la  troisième  époque;  enfin  le  ^  des  manuscrits 
qui,  par  un  singulier  hasard  ,  est  revenu  à  une  forme 
identique  à  celle  du  type  araméen. 

D.  —  Leprolo-pehlevi  ne  nousestpas  connu.  Dans 
le  persépolitain  il  estfiicile  de  reconnaître  l'araméen , 
avec  ses  deux  hastes  parallèles  si  caractéristiques.  La 
différence  de  proportion  entre  ces  deux  hastes,  qui 
rappelait  encore  en  araméen  le  type  primitif  ^p* ,  a 
cependant  disparu  en  pehlevi.  Dans  l'écriture  sassa- 
nide le  D  devient  }J,  puis  sur  les  médailles,  dès  la 
fin  de  la  preniière  époque,  J>>;  plus  tard  les  deux 
traits  se  rejoignent  de  nouveau,  mais  par  en  bas 
cette  fois,  la  tradition  de  l'origine  étant  perdue,  J||. 
D'où,  dans  les  manuscrits,  ^. 

D.  —  Dans  l'alphabet  proto-pehlevi  les  différences 
avec  l'araméen,  pour  ce  caractère,  consistent  dans 
l'ouverture  plus  grande  de  la  tête  et  dans  l'ondula- 
tion de  la  haste  principale,  ",  le  tout  combine  poui' 
distinguer  cette  lettre  du  2.  Dans  la  paléograpliie 
persépolitaine  la  figure  se  renverse  on  avant  et  les 
traits  s'arrondissent.  Passant  de  là  dans  le  pehlevi 
offici*»!  (les  Sassnnidf's,  h»  h'tlie,  pivotant  encorr^  unr 


ÉTUDES  SUR  L'ALPHABET  PEHLEVL  22o 

fois,  se  trouve  piacée  en  sens  absolument  opposé  à 
ce  quelle  était  d'abord,  la  partie  supérieure  en  bas; 
en  même  temps  la  partie  primitivement  inférieure 
et  devenue  supérieure  se  recourbe  complètement 
vers  le  bas ,  et,  venant  rejoindre  le  trait  horizontal, 
produit  une  figure  fermée,  d'où  sur  les  médailles 
de  la  seconde  et  de  la  troisième  époque  ^  et  dans 
les  manuscrits  ^. 

!:.  —  Nous  ne  possédons  pour  cctle  leltre  les 
formes,  ni  du  proto-pehlevi,  ni  du  caractère  persc- 
politain.  Mais,  comme  l'a  très-bien  vu  M.  Thomas, 
on  reconnaît  encore  indubitablement  dans  la  lettre 
sassanide  le  tracé  du  )i  araméen.  Sur  les  médailles, 
dès  la  première  époque,  cette  figure  compliquée  se 
simplifie  en  f^.  Le  ^dcs  manuscrits  revient  plus 
près  de  la  première  forme. 

-).  —  Semblable  dans  les  deux  alphabets  les  plus 
anciens  au  "i  araméen.  Dans  les  inscriptions  sassa- 
nides  et  sur  les  médailles  de  la  première  époque ,  le 
tracé  s'arrondit  et  un  appendice  diacritique  s'ajoute 
par  en  bas.  Il  dislingue  le  ")  du  "i,  sans  appendice, 
et  du  1 ,  où  l'appendice  est  beaucoup  plus  développé. 
Sans  cette  marque  dillérentielle ,  ces  trois  lettres  se 
seraient  facilement  confondues.  Sur  les  médailles,  à 
partir  de  la  deuxième  époque,  et  dans  les  manus- 
crits le  tracé  du  ")  ne  diffère  plus  de  celui  du  b. 

V.  — Le  proto-pehlevi  est  identique  à  l'araméen. 
Dans  le  persépolitain  le  trait  de  droite,  sur  lequel  se 
greffent  les  deux  autres,  s'allonge  par  le  bas  et  tend  à 
se  coucher.  Dans  la  paléographie  sassanide  la  lettre 


226  AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

est  complètement  renversée  sur  le  côté,  et  cette  dis- 
position se  maintient  jusque  dans  les  manuscrits. 
n. —  Semblable  à  l'araméen  dans  le  proto-peblevi 
et  le  persépolitain.  Dans  les  inscriptions  sassanides 
la  haste  de  gaucbe  s'ondule  et  se  recom^be  vers  la 
droite  :  en  même  temps  la  proportion  du  crochet 
de  droite  se  réduit.  Ces  deux  tendances  se  pronon- 
cent beaucoup  plus  sur  les  médailles.  A  la  Iroisième 
époque,  le  crochet  de  droite  se  bouclant,  la  figure 
devient  k?,  puis  yo,  d'où  le  f^  =  c:>  et  le  ^^  =  ci» 

des  manuscrits,  ce  dernier  étant   le  caractère  re- 
tourné. 

En  terminant  ici  cette  courte  dissertation,  nous 
ne  prétendons  pas  avoir  apporté  des  faits  bien  nou- 
veaux pour  la  science ,  mais  seulement  avoir  coor- 
donné les  données  acquises  parles  derniers  travaux 
sur  cette  branche  de  la  paléographie  sémitique.  Si 
nous  avons  réussi  dans  celte  coordination,  si  nous 
avons  mieux  précisé  qu'auparavant  le  mode  de  gé- 
nération de  l'écriture  pehlevie  par  l'écriture  ara- 
méenne,  qui  en  était  déjà  considérée  comme  la 
mère,  notre  but  est  atteint  et  notre  ambition  satis- 
faite. 


LE   PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TUIUN.  227 

LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN, 

PUBLIE 
ET  TRADUIT  POUR  LA  PREMIERE  FOIS 

PAR  M.  T.  DEVÉRÏA. 


I. 

ÉTAT  ACTUEL  DU   MANUSCRIT  ET  DISPOSITION  DU  TEXTE. 

Parmi  les  manuscrits  égyptiens  que  possède  le 
musée  de  Turin,  il  en  est  un  qui  se  fait  remarquer 
par  une  très-belle  écriture  hiératique  dont  les  signes 
atteignent  une  dimension  peu  commune;  ils  sont 
hauts  de  2  à  3  centimètres  en  moyenne,  et  les  traits 
lâchés  au-dessus  ou  au-dessous  des  lignes  occupent 
en  quelques  endroits  un  espace  d'environ  5  centi- 
mètres. 

Dans  son  état  actuel,  la  première  page  est  malheu- 
reusement détruite,  à  l'exception  d'un  fragment  qui 
contient  seulement  un  ou  deux  mots  de  la  fin  de 
chacune  des  neuf  lignes  qui  la  composaient. 

Cinq  colonnes  de  texte  formées  d'un  plus  ou 
moins  grand  nombre  de  lignes  inégales  en  longueur 
constituent,  avec  ce  premier  fragment,  fensemble 
du  manuscrit.  Le  papyrus  dont  a  été  formé  le  vo- 
lumen  est  de  la  plus  belle  qualité  ;  il  pouvait  avoir 
5o  centimètres  de  hauteur  avant  que  les   marges 


228  AOUT-SEPTEMBRE  1805. 

eussent  été  coupées,  ce  qui  le  réduit  mainlenani  à 
42  centimètres  environ,  et  une  longueur  de  plus  de 
5  mètres,  que  l'absence  du  commencement  ne  per- 
met pas  de  déterminer  exactement. 

M.  Alphonse  Mallet,  en  reconnaissant,  le  pre- 
mier, il  y  a  quelques  années,  la  nature  judiciaire  de 
ce  manuscrit,  comprit  tout  l'intérêt  qui  s'y  rattache 
pour  la  connaissance  de  la  langue,  des  usages  et  de 
la  législation  de  l'ancienne  Egypte;  il  en  fit  alors  une 
copie  très-complète  qu'il  a  bien  voulu  me  commu- 
niquer depuis  ,  et  dont  j'ai  vérifié  moi-même  la  par- 
faite exactitude  sur  foriginal,  à  Turin. 

M.  Lieblein ,  de  Christiania  ,  a  aussi  obligeamment 
mis  à  ma  disposition  ,  depuis  que  mon  travail  est 
terminé,  un  calque  fac-similé  du  même  papyrus, 
qui  a  l'avantage  de  conserver,  ligne  par  ligne,  la  dis- 
position du  texte.  C'est  donc  cette  dernière  repro- 
duction que  je  choisirai  pour  la  publication,  en  la 
réduisant  de  moitié  par  la  photographie  et  en  la 
vérifiant  sur  la  copie  déjà  collationnée  dont  je  suis 
redevable  à  M.  Mallet. 

Ce  beau  manuscrit,  qui  peut  passer  pour  un  mo- 
dèle de  calligraphie  hiératique  ,  est  un  document 
officiel ,  une  pièce  originale  des  archives  pharao- 
niques et  non  pas  un  simple  récit ,  comme  on  pourrait 
le  croire;  il  date  du  règne  de  Ramsès  ITÏ,  premier 
roi  de  la  vingtième  dynastie  ,  c'est-à-dire  environ  d'un 
demi-siècle  après  rjExode,  ainsi  que  je  le  démon- 
trerai plus  loin.  11  nous  fait  voir,  à  cette  époque 
séparée  de  notre  temps  par  trois  nulle  ans  au  moins, 


» 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  220 

tout  le  procès  d'une  conspiration  contre  la  personne 
ou  l'autorité  du  roi ,  et  un  tribunal  régulièrement 
constitué  dans  une  cour  de  justice,  saisi  par  déci- 
sion royale  de  cette  affaire,  qui  motiva  de  nom- 
breuses condamnations  et  plusieurs  exécutions  delà 
peine  capitale;  il  nous  donne  un  exemple  de  la 
toute-puissance  d'un  Pharaon  qui  rend  la  justice 
contre  les  magistrats  eux-mêmes;  il  nous  fait  con- 
naître aussi  les  formules  judiciaires  et  la  rigueur  des 
lois  égyptiennes ,  tout  en  nous  fournissant  d'inté- 
ressantes notions  philologiques  sur  la  langue  parlée 
de  cette  époque. 

L'étude  de  ce  papyrus  est  donc  intéressante  à 
plusieurs  points  de  vue  :  c'est  ce  qui  m'a  décidé  à 
y  consacrer  un  long  travail. 

La  destruction  presque  complète  de  la  première 
colonne  du  texte  est  des  plus  regrettables ,  car  l'ex- 
posé de  l'affaire  amenée  devant  le  tribunal  devait  y 
être  contenu,  et  ce  n'est,  maintenant,  qu'en  ras- 
semblant et  en  comparant  entre  elles  les  diverses 
accusations  des  condamnés ,  qu'on  peut  deviner  quel 
fut  le  motif  ou  le  but  de  leurs  délits,  ainsi  que  le 
lien  qui  pouvait  exister  entre  eux. 

La  seule  chose  qui  ressorte  d'une  manière  évi- 
dente, à  un  premier  examen  du  texte,  encombré 
par  la  répétition  continuelle  des  formules,  c'est  que 
le  crime  principal  des  coupables  se  borne  h  des  paroles 
prononcées  par  eux,  ou  seulement  tenues  secrètes  après 
avoir  été  entendues,  et  ayant  pour  but  de  nuire  ou 
d'exciter  des  malfaiteurs  à  nuire  à  leur  seigneur. 
VI.  «6 


( 


230  AOÛT-SEPTEMBRE   1865. 

On  constate  ensuite  :  1°  que  ces  paroles  furent 
prononcées  particulièrement  dans  un  lieu  liabité 
par  des  femmes,  où  étaient  aussi  des  fonctionnaires, 
parmi  lesquels  on  distingue  deux  intendants  du  ha- 
rem royal  ;  on  peut  en  conclure  que  ce  lieu  était  le 
gynécée  ou  harem  du  palais  de  Ramsès  III; 

2°  Que  des  femmes  de  ce  lieu,  probablement 
esclaves  ou  concubines  du  Pharaon,  sont  accusées 
elles-mêmes  d'av^oir  prononcé  des  paroles  sem- 
blables; 

y  Que  ,  parmi  les  accusés,  il  y  a  plusieurs  grands 
personnages  et  fonctionnaires  du  palais,  dont  le  sei- 
gneur ne  pouvait  être  que  le  roi  lui-même,  et,  con- 
séquemment,  que  leur  crime  ou  les  paroles  pronon- 
cées ou  entendues  et  ayant  pour  biil  de  nuire  à  leur 
maître  ne  pouvaient  être  qu'une  conspiration  contre 
la  personne  ou  l'autorité  royale; 

li°  Que  cette  dernière  déduction  est  confirmée 
par  la  sévérité  des  jugements  et  par  la  rigueur  plus 
grande  encore  des  arrêts  rendus  en  dernier  lieu  par 
le  roi  lui-même,  contre  quelques-uns  des  membres 
du  tribunal  et  d'autres  officiers  de  justice  qui  furent 
trouvés  trop  indulgents  pour  les  coupables,  ou  qui 
allèrent  jusqu'à  s'unir  à  leur  cause. 

L'ensemble  de  ces  observations  empêche  de  sup- 
poser, comme  j'avais  d'abord  été  tenté  de  le  faire, 
que  le  véritable  délit  des  coupables  consistait  en  des 
relations  d'adultère  entre  les  accusés  et  les  femmes 
du  gynécée,  aucun  fait  de  ce  genre  n'étant  d'ailleurs 
formulé,  et  le  fond  de  faccusation  portant  toujours 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  231 

sur  les  paroles  prononcées  ou  entendues  que  le  roi 
donne  dans  la  première  partie  du  manuscrit  comme 
seul  motif  de  la  sévérité  recommandée  aux  magis- 
trats. 

Quelques-unes  des  constatations  que  je  viens 
d'indiquer  sont  heureusement  corroborées  par  trois 
fragments  d'un  autre  papyrus,  également  conser- 
vés jusqu'à  nous,  qui  paraissent  faire  partie  d'un 
autre  procès  concernant  la  même  afl'aire  ,  mais  avec 
complication  d'opérations  magiques  dont  certains 
personnages  ont  été  accusés  d'avoir  fait  usage  pour 
s'approcher  du  harem,  essayer  d'y  pénétrer  et  y 
faire  passer  ou  en  rapporter  les  paroles  criminelles, 
c'est-à-dire  les  premiers  germes  de  la  conspiration. 
Il  est  à  noter  que  le  manuscrit  de  Turin  semble 
contenir  les  jugements  de  toute  la  partie  du  com- 
plot qui  se  produisit  dans  l'intérieur  du  gynécée, 
mais  qu'il  n'y  est  pas  question  de  moyens  surnatu- 
rels; tandis  que  l'autre  papyrus  relatait  probable- 
ment tout  ce  qui  s'était  passé  en  dehors  de  ce  lieu 
et  les  moyens,  supposés  surnaturels,  qu'on  avait 
employés  pour  y  établir  une  communication. 

Une  première  interprétation  de  ces  trois  frag- 
ments connus  sous  les  noms  de  papyrus  Lee  et  Rollin 
est  due  à  M.  Chabas^;  ils  avaient  été  signalés  à  ce 
savant  par  M.  Goodwin,  qui  avait  remarqué  la  liai- 
son des  deux  premiers^  que  possède  M.  Lee,  en 
Angleterre,  avec  le  troisième  qui  est  conservé  à  la 

'   Le  pai)jrus  macjiqiie  Harris  j  p.  170. 
^  Sbarpe,  Eyypt'uui  inscriptions ,  2**  série,  pi.  87  et  88. 

iG. 


232  AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

Bibliothèque  impériale  de  Paris.  J'eus  occasion  de 
communiquer  à  M.  Gliabas  quelques  observations 
qui  m'étaient  suggérées  par  ma  première  étude  du 
papyrus  de  Turin;  il  en  tint  compte  et  modifia  plus 
tard  sa  traduction'.  On  y  retrouve  les  noms  de 
deux  des  accusés  que  nous  rencontrerons  dans  le 
manuscrit  de  Turin,  avec  des  détails  intéressants 
sur  les  délits  dont  ils  furent  coupables. 

V^oici    maintenant  la   disposition    matérielle    du 
texte  du  papyrus  judiciaire  de  Turin. 

'    Mélanyes  éqyptologuines ,  I ,  p.  9 


TABLEAU   SYNOPTIQUE 


DU 


PAPYRUS   JUDICIAIRE    DE    TURIN. 


234  AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

PREMIÈUE  PARTIE. 

DISCOURS  PRÉLIMINAIRES  POUR  LA  MISE  EN   FONCTION  DU  TRIE 

(très-grosse  Écriture.) 


COLONNE  1.  (fragment.)         COLONNE  2.  ( AVEC  LACUNES.  )  COLONNE  3.  (bNTIÈ 


Ligne  i    [  Dale  ?  ]  Prolocole  royal. 


î»  / 


Discours    adresse    par 
le  roi  aux  magistrats. 


Ligr 


Suite  du  discours  du 
roi  :  les  membres  de 
la  commission  judi- 
ciaire, noramémeut 
désignés,  sont  saisis 
de  l'affaire  ,  et  la  plus 
grande  sévérité  leur 
est  ordonnée. 


Ligne 


I  Corolijire  du  discou 
^  \  royal  :  imprécatii 
3  ^  contre  les  coupable 
f    i      hommage  rendu  à 

f       doublr  justice  divin 


Ce  tableau  synoptique  suffit  pour  qu'on  puisse  se 
rendre  un  compte  exact  de  la  disposition  du  texte 
original  dont  je  vais  maintenant  donner  la  transcrip- 
tion alphabétique  et  la  traduction  littérale. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN. 


235 


DEUXIEME   PARTIE. 

JUGEMENTS  RENDUS  CONTRE  LES  COUPABLES. 
RITURE   MOINS  GROSSE  QUE   CELLE  DES  TROIS   PREMIÈRES  COLONNES.) 


.^^^__ 

_^^_ 

COLON.NE   4.   (entière.) 

COLONNE  5.  {  ENTIÈRE.) 

COLONNE  6.    (entière.) 

i 

(  i"  rubrique.  )  Coupa- 

Ligue 1 

j  Six  femmes  et  deux  ac- 
>      cusés   subissent  éga- 

Ligne  i 

(  4*  rubrique.)  Gens  (de 

\ 

bles  de  grands  crimes , 

2 

justice)  qui  ne  tin- 

Ligne I    ( 

condamnés    par       la 

3 

]      lemeut  leur  peine. 

rent  pas  compte  des 

3    > 

i"  section  de  la  com- 
mission judiciaire. 

4 

{a*   rubrique.)    Coupa- 
bles de  crimes   et    de 
complicité .    condam- 

témoignages    à     la 
charge    des    coupa- 
bles, condamnés  par 
le  roi  avec  les  fem- 

3 

nés   (  mais  non   exé- 

mes   et    un    accusé 

4 
5 

cutés)     par     quatre 
membre.s  de  la  a* sec- 

a 

déjà  nommé  (v,  5). 
/  Quatre  personnes,  dont 

lion    de  la  commis- 

3 

1      deux     membres     de 

6 

7 
8 

9 

lO 

Quatorze    accusés    sont 
successivement  ame- 

i      nés, jugés,  condam- 
nés,     et      subissent 
leur  peine. 

ô 
6 

sion  judiciaire. 

Six  personnes  jugées. 

(  3*  rubrique.  )    Coupa- 
blés  de  crimes  ,  jugés 
par  les  mêmes  magis- 
trats, et  un  membre 
supplémentaire       de 

4 
5 
6 

'.      la  commission  judi- 
1      ciaire   et    deux  ofiS- 
\      ciers  de  justice. 
(5*    rubrique.)    Gens 
complices    des   cou- 
pables, ou  énonçant 
lie     mauvaises    pa- 

12 

la   commission  judi- 

roles ,  sont  condam- 

i3 

ciaire. 

7 

nés  sans  exception. 

Un  seul    nom   suit   1.» 

i5 

7 
8 

9 

lO 

(Quatre  coupables,  coii- 
)      damnés  et  exécutés. 

rubrique  et  termine 
lo  manuscrit;   c'est 
celui    d'un    oiricicr, 
peut-être  chargé  des 
exécutions. 

Ma  première  intention ,  en  coinniençant  celte  tra- 
duction, était  de  donner  une  transcription  liiërogly- 
pliique  interlinéaire  de  tout  le  texte  hiératique ,  pour 
en  faciliter  l'étude;  mais  j'ai  dû  y  renoncer  devant 


536  AOUÏ-SEPTEMBRE   1865. 

les  difïicullës  typographiques  que  présente  encore 
remploi  des  types  égyptiens,  et  surtout  à  cause  du 
temps  énorme  que  m'auraient  demandé  la  notation 
par  cbiflres  de  tous  les  signes  et  la  correction  des 
épreuves.  Les  nombreuses  réj)étilions  que  contient 
le  manuscrit  rendent  d'ailleurs  ce  genre  de  trans- 
cription moins  utile  pour  ce  texte  que  pour  tout 
autre.  Je  me  suis  donc  borné  à  une  transcription 
alphabétique  suffisante  pour  aider  à  suivre  notre 
traduction  sur  les  fac-similé  qui  seront  réunis  à  la 
lin  du  mémoire. 

Le  système  de  transcription  que  j'ai  adopté  est 
emprunté  à  ceux  de  MM.  Brugsch^  et  de  Rougé-; 
il  a  pour  but  :  i""  la  précision  et  la  clarté,  en  ren- 
dant chaque  voyelle  et  chaque  articulation  de  l'écri- 
ture ^  égyptienne  par  une  seule  lettre  de  notre  alpha - 

^   Die  Géographie f  I,  p.  i5;    Recueil,  I,  p.  i,  etc. 

^  Revue  archéologique  yjioxeaxhve  1861,  p.  352;  Cours  au  Co!l6<^c 
de  France,  etc. 

^  Je  ne  dis  pas  «de  la  langue ,)>  car  je  n'aurai  jamais  la  préten- 
tion d'exprimer  les  sons  ou  la  prononciation  d'une  langue  morte 
depuis  des  siècles;  je  cherche  seulement  un  équivalent  conventionnel 
des  signes  qui  servaient  à  l'écrire. 

Depuis  que  j'ai  terminé  le  présent  travail ,  M.  Lepsius  a  publié 
dans  le  Standard  alphabet  de  la  Société  biblique  de  Londres  un 
système  de  transcription  générale  qui  est  presque  entièrement 
adopté  pour  les  textes  égyptiens,  par  MM.  de  Rougé,  Brugsch  et 
Birch.  Son  application  à  mon  mémoire  aurait  nécessité  trop  de  cor- 
rections pour  un  travail  terminé;  je  le  laisse  donc  tel  que  je  l'ai 
écrit.  Ce  nouveau  système,  que  je  n'ai  d'ailleurs  pas  suflisamment 
étudié,  me  paraît  cependant  présenter  encore  quel(|ues  imperfec 
tions  et  quelques  inconvénients,  parmi  lesquels  je  signalerai  seule 
n)ent  l'introduction  du  ;^  grec  dans  notre  alphahet,  cl  la  néces^ité 
d'employer  des  signes  spéciaux  pour  la  notation  fie  certaines  lellrrs. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  237 

het;  2"  la  facilité  de  ia  composition  typographique 
et  ia  commodité  pour  tous  les  usages  auxquels  il 
peut  s'appliquer  par  l'emploi  exclusif  des  sicjnes  usuels 
de  la  typographie  française,  évitant  ainsi  tous  les 
signes  particuliers  qui  nécessiteraient  des  types  spé- 
ciaux, et  rejetant  enfin  toute  notation  pouvant  aug- 
menter récartementdes  lignes,  comme  par  exemple 
le  point  sous  une  lettre,  auquel  l'œil  ne  s'habitue 
d'ailleurs  que  difficilement. 

Les  seuls  signes  distinctifs  que  j'admette  sont , 
pour  les  voyelles,  les  accents  ordinairement  usités, 
et,  pour  les  consonnes,  la  virgule  retournée  ('), 
placée  après  la  lettre  qu'elle  sert  à  noter. 

Voici  maintenant  les  règles  que  j'ai  suivies  : 

1°  Toute  voyelle  accentuée,  accompagnée  du 
tréma  (ï),  ou  notée  de  la  virgule  renversée  (a*],  re- 
présente une  voyelle  écrite  dans  le  texte  égyptien. 

2°  Toute  voyelle  non  accentuée  représente  une 
voyelle  non  écrite  dans  le  texte .  mais  nécessaire  à  la 
prononciation  du  mot,  ou  donnée,  soit  par  des 
transcriptions  antiques ,  soit  par  l'orthographe  capte, 
ou  bien  encore  cachée  dans  le  syllabisme  des  écri- 
tures égyptiennes,  car,  dans  ce  dernier  cas,  il  est 
souvent  difficile  de  la  déterminer  exactement.  Les 
voyelles  non  accentuées  dans  nos  transcriptions  de- 
vront donc  être  considérées  comme  moins  certaines 
que  les  voyelles  accentuées. 

3°  Toute  consonne  qui  n'est  pas  suivie  de  la 
marque  que  j'ai  adoptée  ^  est  supposée    avoir  été 

'  J'ai  préfère  pour  celte  marque  la  virgule  retournée  (')  à  Tapos- 


238  AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

prononcée  d'une  manière  très-analogue  ,  sinon  iden- 
tique, à  l'articulation  qu'elle  représente  ordinaire- 
ment dans  notre  écriture. 

4"  Toute  consonne  suivie  d'une  virgule  retournée 
(')  prend  une  valeur  différente  de  sa  prononciation 
habituelle. 

Voici  maintenant  mon  alphabet  de  transcription  , 
avec  les  correspondants  coptes  et  sémitique^. 


ALPHABET. 

HIÉROGLYPHES. 

COPTE. 

HÉBREU. 

a'  1 

\ 

i>,  E,  H,  0,  en 

N 

à 

\ 

^,  E,H,0,a\ 

X  (n?) 

à 

-=>-• 

i>,z,  H,o,  ai,  0-* 

y 

M 

J 

El 

2 

(/ 

^ 

1 

9 

G 

K 

j 

h 

h* 

ï 

m 

1 

^ 

^ 

n  ,  8  arabe, 
n  ,  ^  ^"-abe. 

trophc  ('),  qui  a  déjà  été  employée  pour  lu  uolation  de  certaines 
consonnes,  parce  que  ce  dernier  signe  doit  être  réservé  pour  indi- 
quer, au  moyen  de  sa  fonction  habituelle,  des  cas  délision  que  j'ai 
souvent  entrevus  et  qui  pourront  être  un  jour  bien  constatés. 

'  J'aurais  préféré  Vu  (accent  aigu)  à  l'a'  (noté);  mais  j  ai  adopté 
ce  dernier,  parce  que  Va  (accent  aigu)  ne  se  trouve  pas  dans  tous 
1rs  caractères  de  la  typographie  ordinaire. 

^  Je  transcris  />',  au  lieu  de  bp ,  le  !>  doublé  d'un  p  dans  corlains 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN. 


239 


IIEROGLYPHES. 


tllll 


^ 


K 

A 

TT 

p 

c 

'T 

ov ,  If ,  a\ ,  o 

h 


P 

-! 

D 

n 
1 


)^ ,  ^  arabe 


mots,  pour  lui  donner  plus  de    force,   comme    dans    la   syllabe 

^  Je  transcris  n*  ïn  aspiré  qui  prend  dans  les  variantes  un  x*  initial 
comme  dans  la  syllabe    (^  n* 


'em^x'nem. 


*  Je  transcris  ii  (sans  accent)  le  signe  du  pluriel,  |  1 1,  toutes  les 
fois  que  j'ai  des  raisons  de  penser  qu'il  pouvait  influer  sur  la  pro- 
nonriation  du  mot  qu'il  suit. 


240  AOIIT  SEPTEMBRE  1805. 

II. 

TRANSCUfPTlUN    ALPHABETIQUE   ET  TKADLCTION    LITTÉUALE. 


PREMIÈRE  PARTIE. 

COLONNE  I  ,  SEDI.  FRAGMENT  CONSERVÉ. 

I ,   l Hyq-Ân  .  .  . 

[An...  mois...  jour...  du  règne  de  Rà-ouser-màà-mei- 
Amon,  du  fds  du  soleil  Ramessès  IIP],  Souverain 
d'Ôn 


de 
r 


l,   2 à   ta''      H 

p«y' 

1,3 pà    ta" 

la  terre  pour. 

1,4 .    â  nienmen-iL . 

troupeaux*^  . 

1,5 [ret']-u      r         a'ntâ-u'. 

hommes  pour  les  amener . 

1,6 ...    neb    m-     met-     lî  ' . 

tous  par-devant  eux . 

1,7 //(?)«  a'û        nà. 

son(       les . 

1,8 rel'-a        an    . 

hommes  étant. 

'  Cf.  Pap.  Lee  I  ,  1.  3.  Les  mois  placés  entre  des  crochets  répondent  à 
des  lacunes  du  texte. 

''  Cf.  col.  II ,  1.  1  ;  Pap.  Lee  1 ,  1.  2  ,  et  Pap.  RolUn ,  L  5. 

'  îd.  ihid. 

''  Le  Papyrus  Lee  I  l'ail  mention  d'un  «intendant  des  lioupeaux,»  nommt' 
Peu-houï-ban.  (Cf.  col.  5,  i.  2  de  noire  papyrus.) 

"  Cf.  IV,  1,  etc.  et  chap.  vi ,  Formules  judiciaires. 

'  Cf.  IV,  2,  etc.  et  cliap.  vi,  Formules  judiciaires. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  241 

^  '  y Il  a'â    m  ntû" 


étant  en  eux 


COLONNE  II. 


il,  1.   nà      bûtâ  [i)        n  pà  ta  a' a- A'  dâà-t  m-h'er  (2) 

les  exécrations  de  la  terre,  je  les  soumets 

n  mur-h'ez'  (3)  Mentâ-m-tà-ti        mur-h'ez'       Pàïwreiâ 
au  trésorier  Mentou-m-ta-ti ,  (  au  )  trésorier  Paiwretou, 

z'àï  -  œUi  (II)         Kar  ûbâ  (5) 

11,2.    (au)  porte-chasse-mouche     Kar,    (à  l'officier?) 

Pàï-b'àst         âhâ  (?)         Qedenden  (?)  âhâ  (?) 

Païbast,   (à  l'officier?)    Qedenden  (?),    (à  l'officier?) 

Bâr-mâhàr  II ,  3.  âbâ  (?)        Pà-a'rû- .  .  u,  ubu  (?) 

Bâr-mâhar,  (à  l'officier  ?)  Pa-arou  ...  ou ,  (à  l'officier?) 

Z'od-tî-rex'-novre  sûten  âehmâ  (6)  Pen-Renâ 

Thoti-rex'-nowre ,    (au)  rapporteur  royal  Pen-Renou , 

sœ'à       Mâï.    III.  4.     sx'à     Pà-râ-m-h'eb       n  ta 
(au)  scribe  Mâï,  (au)  scribe  Pa-râ-m-h'eb ,  de  la 

a's-t  nà  s'ââ  (7)  z'àï  -  serï  H'ora'  n      ta 

bibliothèque ,  (  etau  )  porte-ombrelle   Har,  du  corps  des 

Aûâï-t  [^)  W ,  b .   r  z'od     A'rnàz'od-tu   a'-z'odû    nà 
Àouâï  ^  en  disant:  «  Les  paroles  que  dirent  ces 


■  Ou  a'û  mentû  «étant  eux»  (ces  crimes) ,  car  on  peut  voir  ici  une  forme 
plurielle  du  pronom  mentuiv  «lui.» 

(1)  Les  chifFres  renvoient  aux  notes  philologiques  réunies  à  la  fin  du  mé- 
moire. (Voyez  chap.  ix.)  Les  lettres  placées  au-dessus  des  lignes  dans  la  tra- 
duction sont  seules  en  rapport  avec  les  notes  placées  au  bas  des  pages.  Tout 
ce  qui  est  relatif  aux  noms  propres  et  aux  personnages  sera  expliqué  dans 
un  chapitre  spécial  (viii) ,  auquel  je  renvoie  une  fois  pour  toutes. 

•'  Corps  militaire  chargé  de  la  police ,  et  probablement  aussi  des  exécu- 
tions judiciaires.  (  Voir  notes  philologiques ,  n°  8.  ) 


242  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

ret'u      bu  rex'-A'-se-t-u  (9)      h'enî-teii  (10) 

hommes,  n'en  ai-je  pas  connaissance?  —    Allez! 

s-metî-s-i-u.[i\)\\.^.  a'â-u  s'emï         a'ii-u    s-meiï-û 
Jugez-les.  —  Qu'ils  avancent,  qu'ils  les  jugent; 

a'ii-u  dâà-t  mut-tâ  nà  dâàâ  mata 

qu'ils  donnent  la  mort,   ceux  qui  donnent  la  mort 

m     de-t-â  r  h'â-t-û  II,  7.  a'û  bâ  rex' 

de  leur  main,  à  leurs  membres \  —  N'en  ai-je  pas 

[-A'-se-t-u]  ...    a'r'-t  sebàï-t  (11) 

connaissance?   —  [Faites]  exécuter  le  châtiment  de 

helex'â  a'âbâ         rex'-  A'-se-t-u 

[mort  et  les]  autres.  —  N'en  ai-je  pas  connaissance, 

m  r-â  {?)      II,  8.     œ'er  a'û  h' en.  .  .  

actuellement  ?  —  Or,  ils  avancent  ! —  [Jugez-les  ] 

r       z'od  h'et  r-ro-ten  sààû-tu-ten 

suivant  ce  que  vous  dicte  votre  cœur;  soyez  vigilant 

r  dûà-t  a'r-tû  sebàï-t      11,9.      r 

à  faire  exécuter  [le]  châtiment  pour  [celui  qui  a 

gàuàs'à  (i3)  a'û  b[en]  su  h'cr  h'er-w 

mérité  la]  torture.  Cela  (le  crime)  n'est-il  pas  constant 

x'er-A'  un  m-dunï  (?) 

à  mon  égard  ?  Eux ,  qu'il  périssent  !  ^ 

On  voit  dans  ce  discours,  prononcé  par  le  roi  lui-même 
pour  instituer  la  commission  judiciaire  et  pour  la  saisir  de 
l'afFaire ,  que  la  mise  en  accusation  des  coupables  ne  repose 

•  C'est-à-dire  :  a  aux  coupables.  » 

''  Ces  derniers  mots  sont,  pour  moi,  d'une  signification  douteuse.  On 
peut  traduire  littéralement:  «Cela  n'cst-il  pas  sur  sa  face  vers  moi.-*  — 
(Qu')ils  périssent!»  La  transcription  du  dernier   groupe,  m-doûn ,  semble 

donner  le  type  du  copte  JUL'TOS^'  mori. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  243 

que  sur  la  connaissance  de  certaines  paroles   prononcées 
par  eux. 

Suit  une  imprécation  contre  les  criminels,  et  un  hom- 
mage que  le  roi  rend  aux  dieux  de  la  justice. 

COLONNE  III. 

111,1.  A^r  pàâ-a'rï-t     neb        n      ntâ       a'-a'r-t-sû 

Étant  toutes  leurs  actions  pour  ceux  qui  les  ont  faites*, 

m,  2.  a'mmâ  x'operû  pàâ     '  a'-a'rû  neb 

puisse  devenir  (retomber)  tout  ce   qu'ils  ont 

r  z'àz'à-û     111,3.     a'â-A'  x'â-kâ-A' 
fait,  sur  leur  tête!  Je  dirige  moi-même    (et  je) 

muk-hâ-A*  r  s*àâ  h'eh'  a'û-A' 

gouverne  moi-même  jusqu'à  perpétuité,  (car)  je  suis 

III,  k.  x'er-tû  nà  Sâlenï-u  màâ-tï-u      ntï  m  met 

avec  les  Rois  des  deux  Justices  qui  sont  devant 

111,5.     A^mon-Râ     Sâten       Nuter-a  m  metRes(ili) 
Ammon-Râ ,  Roi  des  Dieux ,  et  devant  le  Vigi- 

hyq        z'e-t-tà 
lant,  souverain  éternel. 

Après  ce  discours ,  qui  sert  en  quelque  sorte  de  corollaire 
au  précédent,  commence  la  deuxième  partie  du  manuscrit; 
elle  débute  par  une  rubrique  relative  aux  quatorze  premiers 
accusés;  c'est  le  commencement  du  procès-verbal  des  juge- 
ments. L'écriture,  à  partir  de  cet  endroit,  est  moins  grosse 
que  celle  des  trois  premières  colonnes. 

'  C'est-à-dire  :  «Chacun  étant  responsable  de  ses  œuvres.» 


244  AOUT  SEPTEMBRE   1805. 

DEUXIÈME  PARTIE. 

COLONNE  IV  DU  PAPYRUS,  l'"  nUBRIQDE. 

IV,  1 .  Ret'-u   a'nï-t      h'er    nà    holàiiï         âàïâ 

Gens  amenés  pour  les  grandes  abominations  qu'ils 

u'-a'rû  (lûàï-n-a*  "  r  ta  a's-t  s-mct         m 

ont  faites.  —  Je  les  ai  mis  au  lieu  du  jugement  en 

met       nà    ûerâ  âàîu  ta  a's-t  s-met 

présence  des  grands  magistrats  du  lieu  du  jugement 

r       s-met     -û         a'u       mur-h'ez'     Mentu-m-tà-ti 
pour  les  faire  juger  par  (le)  trésorier  Mentou-m-ta-ti , 

miu'  h'ez,         Pàïwretâ  z'àï       —       x'A 

(le)   trésorier   Pahvretou,   (le)    porte-chasse -mouche 

Kàr         ûhâ  (?)        Pàïh'as-t  sx'à    Mai       n 

Kar,    ( l'officier ?)    Pàïbast,    (le)    scribe   Màï,    de    la 

ta  a's-t  nà  s'âû  z'aï-  serï        H'ora'  a'tî-u 

bibliothèque,    (et   le)    porte-ombrelle    Har.    Ils  les 

s-met-û,     a'u-it       qem-â  m  âz'àï  u'â-u 

jugèrent,  ils  les  trouvèrent  en  culpabilité,   ils  leur 

<lûà-t  dema'â-ân  tàï-ii  sebâî-t  a'û     nàï-u  botàut 

firent  appliquer  leur  châtiment ,  et  leurs  abominations 

a'z'à-â 
leur  furent  enlevées.  (Ce  sont  :  ) 

IV,  2.      X'eru  âà  Pàï-bàka'-Kàmen       ûnû     m  âà 

Le  graiîd  criminel    Paï-baka-Kanien ,   étant    major- 

*  La  forme  de  la  ligature  hiératique  du  pronom  est  irrégulière,  et,  bien 
que  le  signe  de  majesté  n'y  ligure  pas,  il  semble  que  c'est  encore  le  roi  qui 
parle.  (Voyez  notes  pliilologiquos ,  n"  .3o.) 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  245 

n  â-t    A'N-TÛ-w  h'er  pà  h'u-iâ-w  (i5)  a'-a'rû-w  h'er 
tlome  *.     Amené     pour  son  délit,  qu'il  fit  à  cause  de 

Taïïh'enânà  hini-t'âperx'en-t-u  (i6)  a'â-w  a'r-t  ûâ  a'rmâ-â 
Taïï,  avec  les  femmes  du  harem,  11  fit  un  avec  elles  ^. 

a'â-w  x'operâ  a'z'à  nàï-û  zed-t-u  r  hâner  (17) 

Il    lui   arriva    d'emporter   leurs  paroles   au  dehors, 

n   nàîâ  mut-u  nàïâ     senâ-t  ntï  a' m  r 

à  leurs  mères  (et  à)  leurs  sœurs  qui  étaient  là''  pour 

z'od    nû     (18)      ret'-u  tehàmu    (19)     x'erûï  (20) 

dire  d'exciter  les  hommes,  d'engager  les  malfaiteurs 

r  a'r-t  seha'â  h^er      Neh-û  a'â-tâ     dâà-tâ-w 

à  faire   tort   à  leur  Seigneur  ^.  —    Il  a  été  mis  en 

m  met  nà  ûeriî         âàîâ  tà-a's-t         s-met 

présence  des  grands  magistrats  du  lieu  du  jugement. 

a'â-a  s-met  nàï-w  botàuï  a'û-u  qem       r  z'od 

Ils  jugèrent  ses  abominations ,  ils  trouvèrent  à  dire 

a'rï-w-s-t-u  a'â  nàï-w  botàâï 

qu'il  les   fit   (en    réalité),   et   que   ses    abominations 

meh'  a'mw         a'â  nà  âerû         a'- 

étaient    complètes    en    lui.    Les    magistrats    qui   le 

s-met       su         dâà-t  doma'-â-n-w  tàï-w  shàï-t. 
jugèrent      lui  firent  appliquer  son  châtiment. 


*  Lilt.  «Grand  de  maison.» 

^  C'est-à-dire  :  «11  s'unit  à  leur  cause.» 

'  Au  dehors  du  harem. 

'  M.  Chabas  a  traduit  ce  passage  d'une  manière  plus  énergique  et  peut- 
être  plus  exacte  :  «Travailler  les  gens,  convoquer  des  meurtriers  pour  com- 
mettre des  attentats  contre  leur  seigneur.»  (Mélancfes,  vol.  II,  p.  206.) 

VI.  17 


240  AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

IV,  3.       X'ern  âà  Mesdï-sû-râ      iinâ  m   âbû  (?) 

Le  grand  criminel  Mesdi-sou-râ ,  étant  (officier?)'  — 

An-tû-w     h'er       pàh'a-lû-w  a'-a'rû-w         [h'cr"^) 
Amené      pour       son   délit,      qu'il   fit  (à  cause  de) 

Pàï-bàka'-Kàmen     nnû        m  àà-n-â-t    a'rmââ    nà 
Paï-baka-Kamen ,    étant      majordome ,    avec     les 

h'im-t-u       r         nu  x'erûï  r  u'r-t    seba'd 

femmes,  pour  exciter    les    malfaiteurs  à  faire     lorl 

/?/er         Neh-u  a'â-tâ  dâà-tû-iv    m       met       nà 

à  leur  Seigneur.  —    H  a  été  mis      en  présence  des 

âerii  âàïâ        n  ta  a's-t         s-met-ii        u'â-u     s-met 
grands  magistrats  du  lieu  des  jugements.      Ils  jugèrent 

nàïw        hotàûï  au-u     qem-tâ-w     m        âz'àï 

ses     abominations  ;    ils    l'ont  trouvé  en  culpabilité , 

aû-VL      dâà-t       doma'â-nw    tàîw     sebài-t. 
(et)    ils    lui  firent    appliquer     son    châtiment. 

IV^  U.    X'eru  âà        Pà-a'na'ûk     unû  m  mur 

Le    grand     criminel    Pa-anaouk,    étant  intendant 

sâten-       a'p-t-u{^)      n  per-x'en-t-u  h'er   s'enisu 
du      gynécée      royal      au      harem,     en       service. 

A'N-TÛ-w  h*er  pà  a'r-t  a'-a'rû-w  ûâ  a'rmââ  Pàïbàka'- 
—    Amené  pour  le  fait  d'avoir  fait  un  avec  Paï-baka- 

Kàmen  Mesdï-sû-râ  r     a'r-t  seba'û 

Kamen(IV,  2)  et  Mesdi-sou-râ  (IV,  3),  pour  faire  tort 

h'er    Neb-â  a'â-tû  dâà-tâ-w  m       met         nà 

à  leur  Seigneur.  —     Il  a  été   mis    en  présence  des 

'  On  a  déjà  trouvé  celle  (jualification  appliquée  à  plusieurs  des  membres 
de  la  commission  judiciaire ,  et  on  verra  plus  loin  (piVllo  est  'lonnéc  à  plu- 
sieurs accusés.  (Cf.  notes  philologiques,  n"  h.) 


LE  PAPYRUS  JUDICUrRE  DE  TURIN.  247 

ûeriî  âàïâ  ta  a's-t  s-met.     a'û-u  s-met 

grands  magistrats  du  lieu  du  jugement.  Ils  jugèrent 

nàî-V)  hotàâi        a'û-u     qem-tû-iv       m        âz'àï 
ses  abominations;     ils     l'ont   trouvé  en    culpabilité, 

a'â-u  dûà-t  doma'û-n-w  tàï-v)  sehàï-t. 

(et)     ils     lui  firent  appliquer  son  châtiment. 

IV,  5.       X'erû  âà  Pen-dâàââ  ûniî  m  sxUi 

Le     grand     criminel  Pen-douaouou ,  étant  scribe 

sâten-  a'p-t  ri     per-x'en-l-u    h'er   s'emsu, 

du      gynécée      royal     au      harem,        en      service. 

A'N-TÛ-w  h'erpà  a'r-t  a'-a'rû-w  ûâ  a'rniâ  Pàïbàka'- 
—    Amené  pour  le  fait  d'avoir  fait  un  avec  Paï-baka- 

Kàmen  Mesdï-sâ-râ  pàî-kï     x'erâ 

Kamen  (IV,  2) ,  Mesdï-sou-râ  (4,3)  et  l'autre  criminel' 

unû     m     mur  sâten-a'pt-u         nà  h'ime-t-u  per 

étant  intendant  du    gynécée    royal   des  femmes   du 

x'en-t-u  r        a'r-t  âà 

harem    (cf.  IV,  4),  pour  devenir  le  plus  grand  des 

dûta'-u  (21)  a'rmâu-u  r  a'rt  sebàu  h'er 

réprouvés  avec  eux,  dans  le  but  de  faire  tort  à  leur 

Neb-â  a'u-tu  dâà-tu-w  m     met       nà         âerû 

Seigneur.  — 11  a  été  mis  en  présence  des  magistrats 

n  ta  a's-t         s  met-u      a'iiu     s-met  nàï-w  botàûï 

du  lieu  des  jugements.  Ils  jugèrent  ses  abominations, 

a'û-u       qem-tû-w    m     âz'aî  a'û-u.      dûà-t 

ils  l'ont     trouvé     en  culpabilité,  (et)   ils   lui    firent 

doma'ûnw  iàî-w       sebàî-t. 
appliquer     son    châtiment. 

'  Pa-anaouk  (IV,  /i  ). 

.  17  • 


248  AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

IV,  0.       X'eiHÎ  âà  Pàniwii-m-dûà-A'mon         unâ 

Le  grand  criminel    Pa-niwoii-m-doua- Amon  '   étant 

m  redâ      n  per-œ^en-t-ii  h'er  s'ems-n.    A'n-tij-w    h'er 
employé    du     harem,      en  service. —  Amené    pour 

/m  sotem  a'-a'rii-w  nà  z'od-t-u       a'-a'râ     nà     ret'u 
l'audition  qu'il  fit  des  discours  que  firent  les  hommes 

âàâà-â  (22)    a'rmâii     nà     U'ime-t-u    per-x'en-t-a 
conversant  avec        les     femmes    du    harem,    et 

a'û-iv  tem  per  h'er  r-ro-û  a'â-iâ  dâà-tu-w 

qu'il  ne  produisit  pas  contre  eux.  —  1}  a  été  mis  en 

m  met     nà     ûerû  âàïâ       n  ta  a's-t       s  met 

présence  des  grands  magistrats  du  lieu  du  jugement. 

«'tt-u  s-mei  nàî-w  hotàâï       a'uu     qem-tu-w      m 

Ils   jugèrent    ses  abominations;  ils    l'ont    trouvé  en 

âz'àï  a'û-u       dâàt        doma'u-n-w  tàî-w 

culpabilité,       (et)     ils    lui     firent    appliquer    son 

sebàï-t. 
châtiment. 

IV,  7.       X'eru  âà  Kàrpûs      ânâ         m  redâ  n 

Le  grand  criminel  Karpous,  étant    (employé?)    du 

per-x'en-t-uh'er  s'ems-u     A'n-tû-w  h'er   nà    z'odt-u 
harem ,     en  service.  —  Amené  pour  les  discours 

a'-solem-w  a'âw  li'àpâ-â  (28)  a'â-t-â  dâà-tu-w  m 

qu'il   entendit  (et)  qu'il    cacha.  —   11  a    été    mis  en 

met       nà         âeru       n  ta  a's-t       s-met         a'â-u 
présence  des  magistrats  du  Heu  du  jugement.  Us  l'ont 

*  Ou  Pa-niwu-mâ-Amon  ? 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  249 

qem-     iâiv  m  âz'àï  a'û-u  dâà-t  doma' Ci-nw 

trouvé   en    culpabilité    (et)    ils   lui   firent   appliquer 

làï-w     sebàï't. 
son  châtiment. 

IV,  8.    X'erâ  âà  S'â-ni-A'p-t     ûmî     m  redââ       n 

Le  grand  criminel  S'à-m-Ap-t,    étant  (employé)  du 

per-x'en-t-uh'er  s'ems-u  A'n-tûw  h'er     nà  z'od-t-a 
harem,      en  service.  — Amené    pour    les  discours 

a'-sotem-w  a'â-iv  h'àpâ-â       a'â-tâ  dâà-tâ-iv  m 

qu'il  entendit  (et)    qu'il    cacha  —  11  a    été   mis  en 

met       nà        lîerâ     n  ta  a's-t  s-met  a'â-u 

présence  des  magistrats  du  lieu  du  jugement.  Ils  l'ont 

qem-tâ-w    m         âz'àï  a'â-u  dâà-t  domaUi-n-w 

trouvé     en    culpabilité  (et)  ils  lui  firent  appliquer 

iàï-io     sebàï-t. 
son  châtiment. 

IV,  9.   X'erâ  âà  S'â-m-màà-ner  (?)  ânâ    m  redââ 

Le  grand  criminel     S'â-m-maa-ner,   étant  (employé) 

n  per-œ'en-tï  h'er  s'ems-u  Ai^n-tû-w  h'er  nà  z'od-t-u 
du     harem ,   en  service.  —  Amené  pour  les  discours 

a'-sotem-îv  a'â-tv  h'àpâ-â        a'â-tâ  dâà-tâ-w  m 

qu'il  entendit  (et)  qu'il    cacha.  —  11    a    été   mis   en 

met       nà  âerâ        n  ta  a's-t      s-met         a'â-u 

présence  des  magistrats  du  lieu  du  jugement.  Ils  font 

qem-tâ-w    m        âz'àï  a'â-u  dâà-t  doma'â-nw 

trouvé     en  culpabilité  (et)  ils  lui  firent  appliquer 

tàï-iv     sebàï-t. 
son  châtiment. 


250  AOUT-SEPTEMBRE    1865. 

IV,  10.  X'erâ         âà  Setï-m-per-Z'od-tï      ûnâ     m  redââ 

Le  grand  criminel  Séti-ni-per-Thot-ti ,  étant  (  employé  ) 

n  pei-x'en-t-a  m  s'emsii  A'n-tû-w  h'er   nà    z'od-lii 
du     harem,     en  service.  —  Amené  pour  les  discours 

a'-soleni-w  a'à-w  h'àpâ-u       a'â-tâ  dâà-tu-w  m 

(ju'il  entendit  (et)    qu'il     cacha.  —   11  a  été  mis  en 

met        nà        lierâ        n  ta  a's-t         s-mel       a'û-a 
présence  des  magistrats  du  lieu  du  jugement.  Ils  Tout 

qem-tâ-w   m        az'àï  a'û-ix  dâà-t     doma*u-n-w 

trouvé    en   culpabilité  (et)  ils    lui    firent    appliquer 

tàï-w       sebàï-t. 
son    châtiment. 

IV,  11.  X'erâ  âà       Selï-m-per-[A']mon     ânâ    m  redââ 

Le  grand  criminel  Séti-m-per-[A]mon ,  étant  (employé) 

n  per-x'en-u  h'er  s'ems-u  A'n-tv-w  h'er  nà  z'od-t-u 
du     harem,      en  service. —  Amené  pour  les  discours 

a'-sotem-w  a'â-w  h'àp\u\-â    a'â-iâ  dâà-tâ-w   m 

qu'il  entendit  (et)    qu'il    cacha.  —  Il  a  été  mis  en 

met        nà  âejâ       n  ta  a's-t        s-met        a'àu 

présence  des  magistrats  du  lieu  du  jugement.  Ils  l'ont 

qem-tâ-w    m        âz'àï  a'â-u    dâà-t  doma'ânw 

trouvé    en    culpabilité  (et)   ils  lui  firent  appliquer 

tàhw     sebàï-t. 
son  châtimenl. 

IV,  12.  X'erâ  âà         lJàr...(?)       ânâ        m  âbâ  (?) 

Le  grand  crimhiel  Ouar   {?),   étant  (officier?).     — 

A'N-TÛ-w  h'er  pàsotem  a'-a'râ-w  nà  z'odtumduà  (a4) 
Amené  pour  l'audition  qu'il  lit  des       discours      du 


LE  PAPYHUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  251 

pùi     âà-n-â-t  ânâ-w     refait  (2  5)-  n-w  a'û-w 

majordome  '  ;      il  s'est  détourné  de  lui ,  (mais)  il  les 

h'àpâ-â       a'u-w     tem     z'od  sema'-û  (26)      a'â-td 

cacha       (et)  il  n'en  lit    pas    déclaration.    —    Il    a 

dâà-tâ-iv      m        met  nà  âerû  n  ta  u's-i 

été  mis       en    présence  des  magistrats   du    lieu    du 

s-mel     a'û-a    qem-tâ-w      m       âz'àï  a'â-u 

jugement.  Ils    l'ont   trouvé  en  culpabilité  (  et  )  ils  lui 

dâà-t  doma'â-n-w   tàï-w    sehàî-t. 
firent     appliquer     son  châtiment. 

IV,  13.      X'erâ       âà  As'-h'ebs-t  ûnûin  x'er-qàh'â['î^)  n 

Le  grand  criminel  As'-hebs-t,      étant      valet''      de 

Pàï-bàka-Kàmen  A'n-tû-w     h'er     pà  sotem 

Paï-baka-Kamen  ^   —         Amené       pour    l'audition 

a'-a'râ-w      nà       z'od-t-u      m  Pàî-hàka'-Kàmen 

qu'il     ht     des     discours     de         Paï-baka-Kamen  ; 

iinu-w  âàûû[2%)-  ii-xv         a'u-w  tem  z'od       sema'-û 
il  s'entretint   avec  lui  (et)  il  n'en  ht  pas  déclaration. 

a'u-tâ  dâà-tâ'W    m        met        nà        ueru     n  ta  a's-t 
—  II.  a   été   mis  en  présence  des  magistrats  du  lieu 

s-met         u'â-a  qem-td-w       m         àz'à 
du   jugement.    Us    l'ont   trouvé    en  culpabihté  (et) 

a'A-ii  dâà-t  doma'd-nw  tàï-w     sebàï-t. 
ils  lui  hrent  appliquer    son    châtiment. 

iV,  14.  X'eî'â  âà        Pàlkà  ânâ    m  âbâ[?) 

Le  grand  ciiminel  Paika  (étranger),  étant  (officier?) 


"  Pai-baka-Kamcn  (IV,  2). 
''  Ou  serwiteiir. 
•  Cf.  IV,  a. 


252  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

sx'à        11  per-ânx'   (29)  A'n-tû-w  h'er 

et  scribe  de  la  demeure  de  vie'.    —    Amexé  pour 

pà  h'ii-tâ-w  a'-a'râ-w       h'er  Pàï-bàka'-Kàmen 

son     délit    qu'il    fit   à    cause    de      Paï-baka-Kamen  ; 

a'â-w  solem     nà    z'od-t-u  m  dâà-w  a'â-w  tem     z'od 
il  entendit    ses     discours      (et)     il     n'en     fit     pas 

sema'-û  a'â-tâ     dâà-tâw    m  met         nà 

révélation.   —    Il    a     été       mis       en    présence   des 

âeriî       n  ta  a's-t  s -met  a'iî-u   qem-tû-tv 

magistrats     du     lieu  du  jugement.   Ils    l'ont  trouvé 

m       âz'àï  aUî-ii     dûàt     doma'â-n-w    tàïtc 

en   culpabilité     (et)    Us    lui    firent    appliquer     son 

sehàï-t. 
châtiment. 

IV,  15.  X'em  âà        Libâ-ïnïnï  ânu 

Le  grand  criminel    Libou-Inini     (étranger),     étant 

m  âbu  (^)       A'N-TÔ'W  h'er     pà  h'u-tâ-iv  a'a'riî-w 
(officier?).  —  Amené     pour  son    délit,    qu'il   fit    a 

h'er         Pàï-bàka'-Kàmen    a'â-w  sotem    nà      z'od-t-ii 
cause  de  Paï-baka-Kamen  ;   il    entendit  ses    discours 

m.  dûà-iv  a'â-w  tem  z'od    sema'-â  a'â-tâ  dâàtâ-w 

(et)       il  n'en  fit  pas  révélation.  —  Il  a  été  mis 

m        met        nà        âeru.         n  ta    a's-t  s  met 

en  présence  des  magistrats     du     lieu   du  jugement. 

a'â-a  qem-tâ-w      m  âz'à  a'â-u   dâà-t 

Ils ^  l'ont   trouvé    en    culpabilité,  (et)      ils  lui  firent 

doma'â-n-w  tàï-w        sebàï-t. 
appliquer    son     rhàtimenl. 

*  l.a  demeure  <ie  vie  ëtail  le  nom  du  collège  des  scril>os. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  253 


COLONNE  V. 

V,  1.    Hime-t-a        rel'-a     pà      sehà      n     per-œ'en-t-u   ûnii 
Les  femmes  des  gens  de  la  porte  du      harem ,      étant 

doma'û    n  nà     reV-ii  a'r         lîàâà       nà    z'od-t-ii 

réunies  aux  hommes  ",  firent  entretien    de   paroles. 

dààï-n-a'  (?)  (3o)      m       met       nà         lierâ         n  ta 
—  Je    (les)  ai  mises  en  présence  des  magistrats    du 

a's-t  s-met  a'â-u  qem-tâ-u     m       âz'àï 

lieu  du  jugement.  Ils  les  ont  trouvées  en  culpahilité 

a'â-a       dûàt     doma'â-iîn   tàï-iî     sehàï-t. 
(et)    ils    leur   firent   appliquer   leur  châtiment.  — 

se-t  6. 
6  femmes. 

V,  2.    X'erû  âà       Pàî-a'rï     si  Lama 

Le  grand  criminel  Paï-ari,  iils  de  Lama    (étranger), 

ûnâ     mur       per-h'az'     A'n-tû-w    h'er    pà  h'u-tâw 
étant  chargé  du  trésor.  —    Amené     pour  son    délit 

a'-a'râ-w     h'er  x'erû       âà{3i)  Pen-h'uï-b'an 

qu'il  fit  à  cause  du  grand  criminel    Pen-houî-ban  ''; 

a'û-w  a'r-tiiâ  a'rmâû-w  r     tehàmiî  x'erûï-a        r 

il    fit    un    avec    lui   pour  pousser  les   malfaiteurs  à 

a'r-t  seba'â    h'er       Neh-u.  a'Atii     dûà-lâ-w     m 

faire  tort  à  leur  Seigneur.  —  Il  a  été       mis        en 

met       nà         ûerii      n  ta  a's-t         s-met  a'â-u 

présence  des  magistrats  du  lieu  du  jugement.  Ils  l'ont 

'   Aux  accusés. 

''  \'oycz  les  Papyrus  Lee  et  UoUin  ,  et  noire  chapitre  v. 


254  AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

(lem-tu-w    m       âz'àï  a'â-a  duà-t  doma'iî  n-w 

trouvé     en  culpabilité,  (el)  ils  lui  firent  appliquer 

tàï-îv     sebàï-t. 
son  châtiment. 

V,  3.  X'erâ  âà         Ba'n-niUùbâ         ânâ  mli'er-pel[3-2) 

Le  grand  criminel  Ban-em-Ouabou  ',  étant     olllcier 

jiKiis'ï  A'N-TV-w     h'er     pà  /ià6-<  (33)         a'- 

d'Éthiopie.  —    Amené    à  cause  du  message  que  lui 

'  a'rû-w  tàï-w    soni  ntï  m  per-x'en-tï 

expédia    sa     sœur,    qui   était  dans     le       harem , 

h'eî'  s'emsii       r  z'od       uâ  (i8)  ret'-u 

en   service,  pour  (lui)   dire  :  «Excite  les  hommes  à 

a'r  œ'erâï-u     mtâk  (3 A)       ï  r     a'r-t  seba'n 

faire  des  méfaits,    (et)   toi,     viens  pour  faire    tort 

h*er      Neh-k  a'â-iâ     duà-tâ-w  m      met 

à  ton  Seigneur.  »  —  Il   a  été        mis       en  présence 

Qedenderi  [?)  Bâr-Mâhàr  Pà- 

de  Qedenden  (étranger),  Bàr-Màhar  (étranger),  Pa- 

a'rû. . .        Z'od-tï-rex'-nowre  a'â-ii.     s-mel-tc       n'â-u 
arou-.  (et)  Thotti-rex'-nowre.  Ils  le  jugèrent;  ils  l'ont 

<jem-tâ-w    m       âz'àï  a'â-u  dâà-i  donta'â-n-iv 

trouvé     en  culpabilité,  (et)   ils  lui  firent  appliquer 

tàï-w     sebàï-t. 
son  châtiment. 


2     J'.UBUIQOE. 


V,  k.    Ret'-u   a'nï-t     h'cr  botàâï  h'er     pà 

Gens     amenés  pour  leurs  abominations  el  pour    lein 

'  D'après  la  lecture  de  M.  Chabas,  ohe  [ùàbi'i]  pour  le  nom  de   l'Iiùhcs. 
(Voy-  chap.  viii,  noms  propres.) 


LE  PAPYRUS  JUDICIAmE  DE  TURIN.  255 

h'u-â       a'-a'r-â  h'er  Pàïhàka'  Kàmen    Pàï- 

délit ,  qu'ils  firent  à  cause   de   Paï-baka-Kamen ,   Paï- 

ii's         Peii'tà-âr  a'â-tû     duà-tû-u     m 

as  (et)  Pen-ta-our  (cf.  V,  7). —  Ils  ont  été  mis         en 

met        nà  ûerâ      n  ta  a's-t  s-met  r 

présence  des  magistrats  du  lieu  du  jugement  pour 

s-met-û  a'û-u     qem-tâ-u    ni       âz'àï-u       a'ii~ii 

les  juger.  —  Ils  les  ont  trouvés  en  culpabilité  ;  ils  les 

âàh'-â       h'er       qâhUi-û       m     ta  a's-t         s-met 
placèrent  sous  leurs  mains"  dans  le  lieu  du  jugement. 

a'â-u.  mut-un     z'es-û         a'û  bu  a'rït 

—  Ils  seraient  morts  eux-mêmes  s'il  n'avait  été  fait 

z'àï  r-ro-u. 

exception  pour  eux.   (Ce  sont:) 

V,  5.     X'eru  âà      Pàï-a's    ûnâ    m  mur-mâsà-u     (35). 

Le  grand  criminel  Paï-as,  étant  capitaine  d'archers. — 

X'erâ  âà  Mes-su-ï       ûnâ     m  sx'à      per- 

Le  grand   criminel   Mes-sou-ï,    étant     scribe    de    la 

ânœ',  X'erâ         âà       Pà-râ-Kàmen-w 

demeure  de  vie.  —  Le  grand  criminel  Pa-rà-Kamen-w, 

ânâ     m  h'er-t-âp.  X'erâ  âà  A'ï-rï 

étant  supérieur  chef''.   —  Le  grand  criminel    Aï-ri, 

ânâ  m  mur-âbu  Pax't.  X'erâ 

étant  chargé  de  la  libation  de  Pacht.  —  Le   grand 

âà         Neh-z'eivàâ       ânâ       m  âbâ  (?)  X'erâ 

criminel   Ne])-z'ewaou,   étant    (officier?).  —  Le  grand 

'  Lilt.  A  leur  bras ,  ils  les  laissèrent  à  disposition. 
''  Titre  de  dignité  (?}. 


256  AOUT-SEPTEMBRE   18G5. 

âà         S'âd-mesz'er     ânâ     m  sx'à  per- 

criiïiinel  S'àd-mesz'er,  étant  scribe  de  la  double  de- 

ânœ'  Dâd  (36)  6. 

meure  de  vie.  —  Total  6. 


3*  RUBRIQUE. 

V,  6.    Ret'-ô   a'nï-t       h'er  hotàï-â  r  là  a's-t 

Gens  amenés ,  pour  leurs  abominations ,  au  lieu  du 

s-niet         711      met      Qedenden  {?)  Bâr- 

jugement,  par-devant  Qedenden  (?)  (étranger),  Bàr- 

mâhàr  Pà  a'ra- ...  a     Z' od-tï-rex' -nowre 

mahàr    (étranger),    Pa-arou-.  .ou,  Tliotti-rex'-nowre 

(Mer-tï-ûs-A'mon)         a'âu      s-met-û     h'er    nàî-d 
(et  Merti-ous-Amon").   Ils    les   jugèrent    sur    leurs 

botà-t  (?)       a'âu      qeni  tiî-u    m       âz'àï-u 
abominations;  ils  les  ont  trouvés  en  culpabilité,    (et) 

a'â-u    h'er     âàh'-â     h'er       a's-t-tâ-u 
ils  disposèrent  d'eux  à  la  place  (où)  ils  étaient.  — 

a'â-ii     mut-un  z'es-û. 

~-     Ils  moururent  eux-mêmes''.  (Ce  sont:) 

V,  7.  Pen-ià-âr  pùï  âii-iu  z'od-n-w  pàï  kï     ran 

Pentaour  (V,  A),  ayant  été  appelé  d'un  autre  nom'. 


•  Ce  dernier  nom,  qui  ne  figure  pas  dans  la  commission  judiciaire,  csl 
ajouté  au-dessus  de  la  ligne. 

''  Les  coupables. 

°  Il  est  à  noter  que  ce  personnage  n'est  désigné  (|ue  sous  un  pseudonyme , 
et  que  ce  pseudonyme  n'est  jias  précédé  ,  comme  te  nom  des  autres  accusés , 
de  répithcte  flétrissunle  de  grand  criminel.  Nous  reviendrons  sur  ce  lail  cl 
sur  les  raisons  qui  ont  pu  le  motiver. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  257 

A'N-TÔ-w   h'er    pà  h'u-tâ-w  a'-a'râîv  [her"]         .  Taïï 
Amené     pour  son  délit,  qu'il  fit  (à  cause  de)  Taïï, 

lùï-w  mu-t     m-z'er       ûnû-s-t    nàiîà  (Sy)  nà     z'od-t-u 
sa  mère ,  lorsqu'elle  était  entretenant    des     paroles 

a'rmâû   nà  h'ime-t-u   per-x'en-t-u  h'er  a'r-t 

avec     les  femmes  du  har«m,  dans  le  but  de  faire 

seha'u  h'er  Neh-w  a'â-tâ  dâà-iâ-w  m       met 

tort  à  son  Seigneur^.  —  Il  a  été       mis     en  présence 

nà     âbâ  (?)         r       s-met-w  a'û-u     qem-tâ-w  m 

des  (officiers?)  pour  le  juger.  —  Ils  font  trouvé  en 

âz'àï  a'û-u     âàh'-w  h'er  a's-t  tâ-w 

culpabilité;  ils  disposèrent  de  lui  à  la  place  (où)  il 

a'û-w  mut-n-w  z'es-w. 
était.  —  Il  mourut  lui-même. 

V,S.        X'erû       âà  Hàn-âten-A'mon       ânu    m  âhâ  (?) 

Le  grand  criminel  Han-outen-Amon,  étant  (officier  ?). 

A'N-TÛ-w     h'er     nà     botàâï-u  n  nà  h'ime-t-u 

Amené    à  cause  des  abominations    des  femmes  du 

per-x'en-tuûnû-w  m        x'enû-ii  a'-sotem-w 

harem;     étant  dans  leur  intérieur,  il  (les)  entendit 

a'â-w  tem  z'od  sema'u  a'â-tu    dûà-tu-w  m 

(et)  il  n'en  fit  pas  déclaration.  —  Il  a  été     mis     en 

met       nà      ubu  (?)        r         semet-w  a'û-u 

présence  des  (officiers?)  pour    le  juger.  —  Ils  l'ont 

qem-tû-w  m        âz'àï         a'â-u  ûàh'-w  h'er  a's-t 

trouvé  en  culpabilité;  ils  disposèrent  de  lui  à  la  place 

tû-w  a'û-w  mut-n-w       z'es-w. 

(où)  il  était.  —  Il    mourut     lui-même. 

'  Particule  omise. 

''  Litt.  «Au  seigneur  de  lui.» 


258  AOUT-SEPTEMBRE    1865. 

V,9.      X'eru  âà       A'men-s'ââ        ûnû       mdenû       n 

Le  grand  criminel  Amen-s'àou,  étant  (musicien?)  du 

per  x'en-t-u  h'er  s'evis-a  A'n-tjj-w  h'er  nà     hotàâ 
harem,       en  service.       Amené    pour  les  abomina- 

n  nà     h'ime-t'U  per-x'en-t-u  ûnû-w       m 

lions       des       femmes     du       harem;       étant     dans 

x'enû-û  a'-sotemiv  a'û-w  lem  z'od 

leur  intérieur,  il  (les)  entendit  (et)     il    n'en   fit   pas 

sema'-û  a'û-tû       dâà-tâ-w    m        met  nà 

déclaration.   —  Il  a  été        mis        en    présence   des 

«eu  (?)  /"  s-met-w  a'û-u     qem-tû-w  m 

(officiers?)     pour     le  juger.  —  Ils   l'ont   trouvé  en 

âz'àï  a'â-u    ûah'-w     h'er      a's-t- 

culpabilité.  —  Ils  disposèrent  de  lui  à  la  place  (où) 

iû-w  a'â-w  mut-w  z'es-w. 

il  était.  —  11  mourut  lui-même. 

V,  10.    X'erû  âà       Pàï-a'rïâ     ûnû  m  sx'à        sûfen 

Le  grand  criminel  Paï-ariou ,  étant  scribe  du  gynécée 

a'p-t  {?)    per-œ'en-tïp)  h'er  s'ems-u       A'n-tv-w  h'er 
royal       au     harem,      en  service.   —    Amené    pour 

nà  hotàâi        n  nà    h'imetu       per  x'en-ta    ûnû-w 

les  abominations  des     femmes   du     harem;        étant 

m        x'enû-û  a'-soleni-w  a'û-w  ieni 

dans  leur  intérieur,  il  (les)  entendit  (et)    il    n'en    lit 

z'od    sema'-û  a'û-tâ     dûà-tû-w  m       met       nà 

pa^  déclaration.  —  11  a  été      mis       en  présence  des 

ûbû  (?)        r         s-mel-w  a'û-u    qem-lû-w  m 

(officiers?)  pour  le  juger.     —     ils  l'ont   trouvé    en 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  259 

âz'àï  a'û-ii  âàh'-w  h'er  a's-t  tâ-w 

culpabilité  ;  ils  disposèrent  de  lui  à  la  place  (où)  il  élait. 

a'âw  mut-n-w  z'es-w. 
—  Il    mourut    lui-même. 

COLONNE  VI ,  4"  RUBRIQUE. 

VI,  1.      Bet'-u      a'rï  ta  un    seha'ï-t       m  sààâ 

Gens  à  qui  l'on  fit  leur  châtiment  par  le  supplice  ' 


'wend-â  masz'er-û  h'er 


fa 


de      leur     nez    (et)  de   leurs    oreilles,  à  cause   de 

x*àâ  (38)  a'-a'râ-u        nà  meter-tï-ii  nowrâ  (89) 

l'abandon  ^  qu'ils  firent  des        bons  témoignages  ; 

z'odï-n-A'-ân  nà  h'ime-t-u  s'em       a'â-u 

je"  leur  ai  dit  :  les  femmes  (étant)  parties,   qu'ils 

peh'-â  (4o)     m  pà  ntï    s-  t-u    a'm 

les  joignent    dans    le     (lieu)    où    elles   sont,     (et) 

a'û-u     a'r  â-t     (4i)      h'eqer-u  a'm  {/12)  a'rmâû 

qu'ils  y  fassent  une  habitation  *  de  tourments  '    avec 

-a        a'rmâ,u  Pàï-a's  a'â  pàï-â     botàï 

elles  (et)  avec  Paï-as  (V,  4-5),  et  que  leurs  abomina- 

a'z'à-u. 
tions  leur  seraient  enlevées.  (Ce  sont  :) 

VI,  2.      X'erû       âà       Pàï-b'às-t  ânâ  m  ubu(^)    a'râ-n-w 
Le  grand  criminel  Paï-bast' étant  (officier  ?).  Lui  fut  fait 

■  La  mutilation. 

^  L'oubli,  la  négligence,  le  manque  de  prendre  en  considération. 

"  C'est  le  roi  qui  parle. 

^  Un  séjour,  litt.  «une  maison.» 

'  Ou  de  jeûnes  ? 

'  Membre  de  la  commission  judiciaire. 


260  AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

làï       sebàï-t  a'âlu  uàh'-w 

le     châtiment     (et   de  plus)    on  a  disposé  de    lui. 

a'â-w  mat-n-w  z'es-w. 
— 11  mourut  lui-même. 

VI ,  3.      X'erû  âà        Mai       ânâ  m  sx'à    n  là  a'st  nà 

Le  grand  criminel  Mai  ',  étant  scribe  de  la  biblio- 
s'âu. 
thèque. 

VI ,  4.      X'erû  âà  Tàî-nex'lûta'    ânâ     m  âââ  n  ta 

Le  grand  criminel  Taï-nex'tou-ta ,  étant  officier  des 


VI,  5.      X'erâ  âà         Nànàïu  ânâ  mh'er-t 

Le  grand  criminel  Nanaïou(  étranger),  étant    supé- 

s-âs'-t-u  (43). 
rieur  des \ 

5*    RUBRIQUE. 

VI,  6.       Rët'-u  ânâ  mââ  a'rmââ-u  a'â-tâ 

Ge\s  (ou  tout  homme),  étant  uni  avec  eux^  ayant 

x'eràâ  [lili]   m  dâàw     m  z'od-t-uba'nâ  z'era'â{lib) 
été  opposition  de  sa  part  en  paroles  fort  mauvaises  ; 

a'â-tâ  uàh'-w  bâ  a'rï-t       z'ài 

il  est  disposé  de  lui,  (et)  il  n'est  pas  fait  d'exception 

r-w. 
pour  lui.  (C'est  :) 

*  Membre  de  la  commission  judiciaire. 

^  Exécuteurs  ? 

'  Fonclionnairc  des  prisons  ? 

"^  Avec  les  couiiables. 


NOUVELLEïi  ET  MELAxNGES.  261 

VI,  7.      X'erâ  âà  H'ora'      ânâ     m  z'àï-serï  n 

Le  grand  criminel  Har  \    étant  porte-ombrelle  du 

ta  âiîâï-t. 

corps   des  àouàï  ^. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES. 

SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SÉANCE  DU  14  JUILLET  1865. 

La  séance  est  ouverte  par  M.  Garcin  de  Tassy,  en  Tab- 
sence  du  président. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu;  la  rédaction 
en  est  adoptée. 

11  est  donné  lecture  d'une  lettre  de  M.  Duruy,  ministre 
de  l'instruction  publique,  qui  annonce  l'envoi  d'une  carie 
des  treize  départements  du  Japon ,  d'où  l'on  voit  la  monlagne 
Foussi-Yama,  gravée  au  Japon. 

Est  présenté  et  nommé  membre  de  la  Société,  M.  Hecquart, 
consul  de  France  à  Damas. 

Il  est  procédé  au  renouvellement  de  la  Commission  du 
Journal.  Sont  nommés  : 
MM.  Garcin  de  Tassy. 
Renan. 
,   dulaurier. 
Régnier. 
Defrémery. 

M.  Léon  de  Rosny  communique  au  Conseil  un  ouvrage 

'  Membre  de  la  commission  judiciaire. 
''  Exécuteurs? 

VI.  iS 


202  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

japonais  manuscrit,  sur  la  culture  du  mûrier  et  réducalion 
des  vers  à  soie,  par  Sira  Kawa  Sabouro,  dont  il  a  entrepris 
la  traduction. 

OUVRAGES  OFFERTS  X  LA  SOCIÉTÉ. 

Par  le  Ministre  de  l'instruction  publique.  Une  carte  du 
Jiipon,  grande  feuille  gravée,  in-folio. 

Par  la  Société.  Journal  of  the  Asialic  Society  of  Bengal. 
Calcutta,  n°  V,  186A. 

Par  M.  Sauvaire.  Lettre  à  M.  Soret  sur  des  médailles  ihoa- 
loiinides,  par  M.  Sadvairk.  (Sans  date  ni  lieu  d'impression.) 

Par  l'auteur.  Glohiis  cœlestis  arabicas  qui  Dresdae  asserva- 
tur  illuslralus  a  C.  Schier.  Leipzig,  i865. 

Par  l'auteur.  Le  Pentafeiique  mosaïque,  défendu  contre  les 
attaques  de  la  critique  négative,  par  Arnaud.  Paris,  1 865,  in-8°. 


PUBLICATIONS  DE  LA  SOCIETE  DE  M'KITZE  NIRDAMIM. 

Il  y  a  maintenant  près  de  trois  ans  que  le  rédacteur  du  jour- 
nal politique  et  littéraire  Hunimacjuid  {-ji^Dn  le  Nouvelliste) 
qui  se  publie  en  bébreu  à  Lyck,  petite  ville  de  la  Prusse 
orientale,  annonça  son  intention  de  fonder  une  société  qui 
se  cbargerait  de  l'impression  des  travaux  inédits  de  la  litté- 
rature juive.  M.  Silbermann,  qui  rédige  presque  à  lui  seul  la 
partie  politique  de  celte  feuille  bebdomadaire ',  arrivée  au- 
jourd'bui  à  sa  buitièrae  année,  et  qui  y  déploie  un  talent  in- 
contestable d'écrivain ,  voulait  ainsi  arracher  à  leur  sommeil 
les  ouvrages  qui  dormaient  paisiblement  dans  les  bibliothè- 
ques publiques  et  privées;  de  là  le  nom  de  M'hitzé  Nirdamini 

'  C'est  une  œuvre  éminemment  civilisatrice  pour  les  juifs  de  la  Pologne, 
de  la  Russie  et  de  l'Orient,  qui  apprennent  ainsi  les  nouvelles  politiques 
les  plus  intiîressantes  qu'ils  ne  liraient  pas  dans  aucune  autre  langue.  Il  pa- 
raît chaque  semaine  une  feuille  grand  in-/i°,  dont  les  quatre  premières  pages 
sont  consacrées  à  la  politique  et  aux  faits  divers  qui  peuvent  intéresser  les 
israélites;  trois  autres  pages  traitent  des  questions  littéraires  et  scienliûques, 
et  la  dernière  est  remplie  d'annonces  de  toute  nature. 


NOUVELLES  ET  MELANGES.       263 

(D'^Dn^  '*2J''pD,  ceux  qui  éveillent  les  assoupis)  qu'il  donnait 
à  celte  Société.  Il  fallait  à  M.  Silbermann,  pour  mener 
cette  entreprise  à  bonne  fin,  mille  souscripteurs,  payant 
une  contribution  annuelle  de  deux  tbalers  (7  fr.  5o  cent.), 
et  qui  recevraient  à  ce  prix,  chaque  année,  un  certain 
nombre  de  volumes.  Un  comité  fut  formé,  composé  de 
sept  membres,  dont  un  à  Berlin,  un  à  Paris  (M.  Albert 
Cohn),  deux  à  Londres,  un  à  Padoue.  un  à  Wilna  et  un  à 
Lyck,  naturellement  le  savant  rédacteur  du  Hawmaguid  lui- 
même.  Grâce  à  l'activité  de  ces  hommes ,  le  nombre  de  mille 
est  atteint  et  même  dépassé  depuis  un  an ,  et  il  est  curieux  de 
parcourir  la  liste  des  souscripteurs  qui  compte  des  adhérents 
jusque  dans  l'ancienne  ville  des  khalifes,  à  Baghdad  \ 

Nous  avons  entre  les  mains  les  ouvrages  de  l'année  i864i , 
et  nous  allons  rendre  successivement  un  compte  exact  de 
cette  première  série. 

Voici  les  titres  des  volumes  qui  ont  paru  cette  année  : 
1°  Divan,  de  l\.  Jéhuda  ha-Lévi,  tiré  d'un  manuscrit  de  la  bi- 
bliothèque de  M.  S.  D.  Luzzatto,  professeur  du  collège  rab- 
binique  de  Padoue,  et  publié  par  ce  savant  lui-même.  1"  li- 
vraison (16  pagres  de  préface  et  42  feuillets  de  texte  et  de 
notes);  2°  ")D"iD  ^*J  {Et  Sôpher,  plume  du  scribe),  compo- 
sition grammaticale  de  R.  David  Kamhi,  copiée  sur  un  ma- 
nuscrit de  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris,  par  M.  Béer 
Goldberg  (82  pages)  ;  3°  D^j1N*3n  m31î!?n  {Tcschoaholli  Hag- 
gueonim,  réponses  et  décisions  des  gueonim  ou  chefs  des 
écoles  de  Babylone) ,  publié  et  annoté  par  Jacob  Musalia, 
rabbin  de  Spalatro  en  Dalmatie  [àà  feuillets);  4°  pril»"'  "HD 
(  Pahad  YitzhaJc,  crainte  d'Isaac) ,  encyclopédie  talmudique  et 
rabbinique,  par  Isaac  ben  Samuel  Lampronti,  de  Ferrare; 
2  volumes,  dont  le  premier  (120  feuillets)  renferme  une 

^  Cette  Société  marchera  sur  les  traces  de  son  aînée,  l'Institution  pour 
le  progrès  de  la  littérature  israélite  {Institut  zur  Furderuncj  der  israeliti- 
sclien  Lileratur),  fondée,  il  y  a  dix  ans,,  à  Leipzig,  et  à  laquelle  on  doit  la 
publication  des  travaux  de  Graetz,  de  Jost,  de  I.évy  (de  Breslau),  de  Gci- 
ger,  etc.  etc.  Elle  compte  plus  de  trois  mille  adliérents. 


*i04  AOUT-SEPTEMBRE   18G5. 

parlie  de  la  letlre  j^»,  el  le  second  (  i  oo  feuillets)  conlient  la 
lettre  j. 

I.  Abou  '1-Hassan  Jéhuda  ben  Samuel  ha-Lévi,  le  Castil- 
lvTn\  était  né  à  Tolède  en  1080.  A  peine  âgé  de  quatorze  ans  , 
il  composa,  à  Tuccasion  de  la  naissance  d'un  pelit-fils  du  fa- 
meux rabbin  Barucli  ben  Isaac,  quelques  strophes  qui  ont  été 
conservées,  et  qui  faisaient  bien  augurer  de  sa  facilité^.  Quel- 
ques années  après,  la  gloire  d'Abou  Haroun  Mosé  ben  Jacob 
ben  Esra,  qui  brillait  déjà  an  premier  rang,  l'attira,  et  il  lui 
adressa  un  petit  poëme  qui  fixa  l'atlenlion  du  poète  de 
Grenade  sur  les  qualités  incontestables  du  jeune  Castillan. 
Mosé  répondit  par  une  lettre  en  vers,  dans  laquelle  il  salue  et 
devine  tous  les  dons  grands  et  sérieux  de  son  jeune  émule*. 
C'était  là  le  commencement  des  rapports  d'amitié  qui  ont 
lié  les  deux  poètes  jusqu'à  leur  mort. 

Rien  de  semblable  cependant  entre  le  génie  de  Mosé  et 
celui  de  Jéliuda.  Le  premier  avait  toutes  les  qualités  et 
tous  les  défauts  des  poètes  arabes  de  son  temps;  doué  d'une 
véritable  inspiration,  il  se  plaisait  néanmoins  dans  tous  les 
artiliccs  et  tous  les  tours  de  force  qui  étonnent,  surtout 
quand  on  pense  combien  est  restreint  le  terrain  sur  lequel 
se  meut  un  écrivain  hébreu.  Mosé  se  joue  de  toutes  les 
difficultés  avec  la  dextérité  et  la  .souplesse  d'un  prestidigita- 
teur; les  rimes  les  plus  difficiles,  les  tadjnis  les  plus  ardus, 
lui  viennent  sans  qu'il  ait  l'air  de  les  avoir  recherchés*.  Les 

'  Voyez,  sur  la  vie  de  R.  Jéhuda,  entre  autres,  M.  Geif^er,  Divan  des 
Casliliers  Abou'l-HassanJada  ha-Levi  (Breslau,  i85i),  p.  116  et  suivantes, 
où  sont  discutées  les  opinions  de  MM.  Rappoporl,  l.uzzalto  et  Edelmann. 
Comparez  tSussi  .M.  Graitz,  Gcschichle  der  Juden  ,  vi  ,  p.  i/|oet  suiv.  (jui  lui 
a  consacré  uu  chapitre  particulier  de  son  histoire. 

^  Belhulat  bat  Ychouda ,  par  Luzzatto.  (Prague,  i<SZ|o),  p.  25,  et  F.flt^l 
mann,  Gu'inzé  Oxforl ,  p.  xi  (Londres,  56io=i85o). 

'  Dukes,  Moses  ben  Ksra  (Allona,  iSSg),  p.  98  et  suiv. 

'*  M.  Dukes,  dans  le  livre  que  je  viens  de  citer,  a  réuni  un  grand  nombre 
de  poésies  de  Moses  ben  Esra.  Vovcz  aussi  Kerem  Cliemed ,  vol.  IV,  année 
I  8.'^  (Letires  de  M.  Luzzalto),  p.  (55  et  suiv.  et  p.  80  el  suiv.  sur  son  7nr- 
schisch  (C^C^n  ).  coll. "('(ion  fie  i  •>  i  <■  fli>-li<pM's  <;r  lonuinonl  par  <I«'<:  <rtJ//(iv 


NOUVELLES  ET  MELAvNGES.  205 

sujets  qui  intéressent  sa  muse  sont  oncore  ceux  des  Maures: 
le  vin,  l'amour,  les  plaisirs  de  la  jeunesse,  et  l'idiome  sacré 
doit  se  plier  aux  dures  exigences  d'une  poésie  qui  prend  des 
allures  fort  libres  et  quelquefois  même  licencieuses'.  Un 
amour  malheureux  tempère,  il  est  vrai,    plus   lard,   cette 

Le  poëte  dit  lui-même  dans  son  Traité  d'éloquence  (fol.  127  v")  :  \  0>^i>  ^  q 

pii? j\  «Uû.Ciuj  ,  jwUJr  «Sur  celle  espèce  de  iadjnis  il  existe  un  re- 
cueil qui  i-enferme  plus  de  1200  distiques,  formés  de  mots  qui  cadrent 
ensemble  et  qui  présentent  à  la  lin  des  vers  des  tadjnis.  Cet  ouvrage  est 
divisé  en  dix  chapitres  et  traite  de  divers  sujets.  Je  l'ai  composé  dans  les 
jours  où  j'étais  jeune  et  sans  souci.  Cet  ouvrage  se  trouve  dans  les  mains  du 
monde  qui  l'appelle  Anak  «collier.»  Il  paraît  donc  que  ce  nom  d'anak 
avait  été  donné  par  les  lecteurs  à  cette  composition  de  Mosé  ben  Esra, 
que  lui-même  avait  appelée  Tarschisch ,  comme  on  le  voit  par  les  vers  qu'il  a 
placés  eu  tête  de  son  recueil.  C'était,  du  reste,  le  nom  que  Salomon  beu 
Gebirol  employait  aussi  pour  son  poëme  didactique  de  grammaire ,  qui  se 
trouve  en  tête  du  lexique  de  Salomon   Parchon  (publié  par  S.  G.  Stern , 

Presbourg,  iUh).  Il  y  dit,  p.  xxiii  :  m:î<  in^npi^M^  pj>*  rnN")^ 

m3")J  ^'^i?  TTlD^*  pj2/*3  □;  «Je  l'ai  appelé  anafc,  parce  que  j'en  fli^att 
an  don  aux  hommes;  puis  je  l'ai  mis  comme  un  collier  autour  de  son  cou.» 
(Il  vaudrait  mieux  Î^TjN^  mpjlMC'* ,  cf.Deut.xv,  iZi,  ce  qui  ne  change- 
rait rien  au  mètre,  qui  est  évidemment  redjz.  M.  Stern  ne  s'en  est  pas  aperçu  ; 
autrement  il  aurait,  dès  le  premier  vers,  mis  l'^xV  pow  7X^*  ^'^^  poètes 
juifs  se  permettaient,  en  outre,  de  ne  regarder  quelquefois  le  schewa  mobile, 
suivi  d'une  voyelle ,  que  comme  une  seule  syllabe,  comme  dans  "priNIp- 
Voyez  plus  bas,  p.  276.)  On  trouve  des  extraits  d'un  troisième  anak,  recueil 
de  Indjnis  de  R.  Jéhuda  Harizi ,  Guinzé  Oxjort,  p.  A7.  M.  Pinsker  [Likulé 
Kadmonioth ,  p.  ^^)  prétend  que  le  poêle  caraïle  Mosé  Dar'i  avait  donné 
à  son  divan  aussi  le  nom  d'anak;  mais  le  vers  cité  à  l'appui  de  celle  opinion  ; 
«Toi  qui  demandes  à  connaître  l'homme  qui  a  enchâssé  dans  le  collier  ['anak) 
de  ce  livre  le  schoham  et  le  jaspe ,  sache  que  c'est  le  travail  de  la  bouche 
de  Mosé  ben  Abraham  le  médecin ,  »  ne  pi-ouve  rien.  Nous  savons,  au  con- 
traire, par  M.  Pinsker  lui-même,  que  ce   divan  était   nommé:    .  Lu^^yS 

'  M.  Luzzatto  a  fourni  à  M.  Geiger  [Divan,  p.  i3/i)  un  exemple  frappant 


2C6  AOÛT-SEPTEMBRE  1865. 

gaieté  Irop  vive,  et  depuis  la  mort  de  celle  qu'il  a  passion- 
nément aimée,  un  sentiment  mélancolique  attriste  sa  nmse 
et  lui  inspire  des  chants  religieux  qui  lui  ont  valu  le  surnom 
de  «  chantre  de  prières  de  contrition  \  » 

Jéhuda  appartient  aus>i  à  son  pays  et  à  son  époque;  il 
ne  dédaigne  ni  les  faux  ornements  de  la  poésie  arabe, 
ni  l'amour,  ni  les  jeux  de  son  âge^.  Mais  il  est  avant  tout 
israélite,  et,  malgré  toute  la  sérénité  de  son  caractère,  sa 
muse  se  ressent  de  la  piété  qui  paraît  lui  avoir  été  inspirée 
par  sa  première  éducation ,  et  qui  répondait  aux  besoins 
impérieux  de  son  cœur  tendre  et  sensible,  et  ses  poëmes  les 
plus  mondains  ne  dépassent  jamais  les  limites  de  la  conve- 
nance la  plus  rigoureuse.  11  puise  avant  tout  ses  inspirations 
aux  sources  de  la  Bible,  et  s'il  ne  peut  pas  s'affranchir  com- 
plètement du  joug  d'une  diction  et  d'une  prosodie  qui  ap- 
partiennent à  un  idiome  étranger,  il  s'y  soumet  tout  en  pro- 
lestant, et  à  mesure  qu'il  avance  dans  la  vie,  il  revient  da- 
vantage aux  bonnes  traditions  de  la  poésie  sacrée^. 

des  choses  obscènes  que  Mi  b.  E.  débitait  en  vers  hébreux.  Il  cite  les  ver» 
suivants,  tirés  du  Divan  de  ce'^poëte  (ms.)  qu'il  possède  : 

pi)  HD^'  K2D3  nt^*nn  hi< 

qu'il  traduit  en  français  :  «Quand  tu  as  obtenu  un  baiser,  tu  as  droit  de 
prétendre  à  tout  le  reste.»  Les  hébraïsants  verront  facilement  que  M.  Luz- 
zatto,  dans  l'intérêt  de  la  décence,  a  voilé  beaucoup. 

'  Voyez  Geiger,  Divan,  p.  3i  et  suiv. 

■■'  Luzzatto,  Divan,  u°  16,  v.  3;  n"  yii,  v.  i5  et  16,  27;n''8Zi,  v.  i4cl 
i5 ,  et  passim. 

^  Les  avantages  que  présente  le  langage  naturel  et  libre  des  Prophètes  sur 
les  artifices  des  poêles  arabes  ont  été  exposés  par  II.  Jéhuda  ha-Lévi  lui- 
même  dans  son  Khozari ,  liv.  II,  S  67- 70,  et  liv.  V,  S  16.  M.  Goldberg  nous 
a  donné  ces  passages  en  arabe,  tels  qu'il  les  a  copiés  à  Oxford ,  et  nous  en 
donnons  ici  quelques  extraits  : 


LLfc     (AJ^    ijyj    ^^^) 


NOUVELLES   ET  MÉLANGES.  267 

Jéhuda  est  philosophe  et  poêle.  Le  même  ••enlimenl  tl'un 

Dl}<  (Jî  [^-  <vll|  ]  L^  <^^|  ijJl  ^11  f  l^ls  JiiJl  Cî  CLs'j 

Hjj  n^  (J-»  T\^^  ^n-iip  ^-«  pp^  ^n  ^  mn^  t^r-'N  ;j^  nî:;^^ 

L^Lâ-5  LoL     LgÀjsLa-Jj  U>=eL^L  l^Uu-l  ^j  iUjLuJL  îûosaJL 

3f  ciJi^->i^^  |u;njfj  mDî<Jî^  pi:;Dll  n-nnjf  «^-^^  c>r»î;f 

iL-jL:âel  »wo  .\Jjci.j  ^rx  c^^lXîj  m  j^Lô'  ^Uxci^  ^^^[^ 
j^^^  «owoij^  «cvii^^  n'':^^;^  (>•  -îi^j^)  ^-^;>j 

s  67.   «Le  roi  des  Khazars  :   L'hébreu  anrail-il  une  supëriorilé  sur  les 


208  AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

doux  mysticisme  forme  le  fond  de  son  livre  Khozari  \  et  a  j)é- 
nélré  dans  ses  chants  religieux,  qui  ont  eu  le  rare  privilège 

autres  îangucs,  cjui,  d'après  ce  que  nous  voyons  avec  évidence,  sont  plus 
parfaites  et  plus  riches? 

§  68.  «  Le  docteur  :  L'hébreu  a  subi  le  sort  de  ceux  qui  en  étaient  chargés  ; 
il  s'est  affaibli  à  la  suite  de  leur  faiblesse,  il  s'est  appauvri  lors  de  leur  dé- 
cadence. Par  sa  nature,  cependant,  cet  idiome  est  le  plus  noble,  soit  qu'on 
consulte  la  tradition,  soit  qu'on  le  juge  d'après  le  raisonnement.  Selon  la 
tradition ,  Dieu  s'est  révélé  dans  cette  langue  à  Adam  et  Eve  ,  qui  eux-mêmes 
la  parlaient,  comme  on  le  reconnaît  en  dérivant  Adam  d'adamnh  (terre), 
ischah  (femme)  de  isch  (homme),  Hava  (Eve)  de  hayy  (vivant),  Kaïn  de 
kaniihi  (j'ai  acquis),  Seth  de  schath  (il  a  remplacé),  Noah  dti  yenahmcnoii 
(il  nous  consolera)  ;  la  Thora  en  témoigne,  et  la  nation  entière  la  rapporte  a 
Eber,  puis  à  Noé,  puis  à  Adam;  elle  porte  le  nom  dliébraïcjue ,  parce  que 
Eber  la  conservait  à  l'époque  de  la  dispersion  et  de  la  confusion  du  langage. 
Abraham  ,  à  Lr-kasdim ,  se  servait  du  syriaque ,  qui  est  la  langue  des  Kasdim  ; 
l'hébreu  était  sa  langue  réservée,  la  langue  sacrée,  et  le  syriaque  sa  langue 
profane.  Ismaël  l'emportait  aussi  chez  les  Arabes  de  race  pure.  De  la  la 
ressemblance  que  ces  trois  idiomes,  savoir:  le  syriaque,  l'arabe  et  l'hébreu , 
ont  conservée  pour  leurs  dénominations, leur  construction  et  leurs  conjugai- 
sons. On  constate  aussi  cette  supériorité  par  le  raisonnement,  en  considé- 
rant le  besoin  du  peuple  qui  se  servait  de  l'hébreu  dans  sa  conversation,  et 
en  pensant  surtout  à  la  prophétie,  si  répandue  dans  cette  nation,  à  ce 
que  réclamaient  les  remontrances,  les  chants  et  les  cantiques,  et  a  leurs 
rois ,  tels  que  Moïse,  Josué ,  David  et  8alomon.  Se  peut-il  que ,  ayant  besoin 
de  désigner  une  chose,  l'expression  leur  manquât,  comme  cela  nous  arrive 
aujourd'hui,  parce  que  la  langue  est  perdue.^  Regarde  seulement  la  perfec- 
tion et  la  belle  ordonnance  dans  la  description  que  la  Thora  fait  du  taber- 
nacle, de  l'éphod,  du  pectoral  et  d'autres  objets,  où  il  fallait  des  mots  rares. 
Il  en  est  de  même  pour  les  noms  des  peuples,  des  espèces  d'oiseaux  et  de 
pierres,  pour  le  langage  employé  dans  les  Psaumes  de  David,  les  plaintes 
de  Job  et  ses  discussions  avec  ses  amis,  dans  les  remontrances,  les  pro- 
messes et  les  menaces  d'isaïe  ,  etc.»  —  Le  docteur  continue  à  énumérer  les 
avantages  d'un  rhylhme  libre,  qui  ne  néglige  point  l'accent  particulier  de 
chaque  mot,  sur  la  prosodie  artificielle  où  le  Ion  est  nécessairement  sacrilié 
au  mètre,  et  où  la  composition  matérielle  de  la  syllabe  détermine  sa  valeur 
dans  la  phrase.  Nous  aurons  ailleurs  l'occasion  de  revenir  à  ces  paragraphes , 
((ui  ont  reçu  des  éclaircissements  notables  par  la  communication  de  M.  Pins- 
ker  [Likule  Kadmoniolh ,  p.  ÎOjctsuiv.).  Nous  nousborneronsàciter  ici  encore 
quelques  lignes  (jue  le  traducteur  hébreu  nous  [tarait  avoir  mal  comprises; 
elles  sont  tirées  du  S  78,  où  nous  lisons  dans  l'original  les  mots  suivants  : 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       209 

de  se  répandre  dans  les  rituels  des  synagogues  de  tous  les 
pays  \  La  vérité,  selon  lui,  n'est  pas  au  bout  des  conclu- 
sions trompeuses  et  des  jugements  fallacieux  de  la  raison  : 
l'Israélite,  qui  a  reçu  la  mission  spéciale  de  la  chercher,  la 
rencontre  en  s'appuyant  sur  des  faits  historiques,  attestés  par 
une  tradition  non  interrompue,  en  méditant  sur  les  besoins 
infaillibles  de  son  cœur  prédestiné,  en  sanctifiant  sa  vie  par 
les  pratiques  religieuses,  en  se  plaçant  dans  un  milieu  plein 
de  souvenirs  qui  peuvent  réagir  sur  ses  pensées,  et  en  s'élevant 
ainsi  par  degrés  presque  jusqu'à  l'inspiration  prophétique. 
Pour  Jéhuda ,  Lsraël  est  comme  le  cœur  des  nations ,  la  langue 
sainle  comme  le  cœur  de  tous  les  idiomes,  la  terre  promise 
comme  le  cœur  de  tous  les  pays,  et  Jérusalem  le  cœur  de  la 
Palestine.  Vers  Jérusalem  doivent  donc  tendre  tous  les  ef- 
forts, tous  les  désirs,  toutes  les  aspirations;  vivre  loin  de  la 
cité  sainte,  c'est  subir  l'exil  le  plus  dur,  le  châtiment  le 
plus  terrible.  Aussi  notre  poëte  est-il  rempli  d'un  seul  vœu, 
celui  de  voir  Jérusalem  et  de  se  prosterner  en  face  des 

Dn^U^i^D  M12b^^  U^^}'2  m^n^V  Jélmda  ben  Tibban  traduit  les  mots 

ly:^  [3f  par  DHD   D^1Dî!7  JÏ2?D ,  ce  qui  ne  donne  pas.  de  sens  convenable. 

Je  crois  que  le  verbe  ;^  est,  comme  bien  d'autres  dans  cette  littérature 

juive-arabe,  formé  d'un  mot  hébreu,  et  a  le  sens  de  «faire  un  ÎTID  ou  une 
rime.»  Notre  auteur  veut  sans  doute  dire  :  «Nous  avons  assez  de  latitude 
en  suivant  la  voie  du  Piut  (composition  destinée  à  entrer  dans  le  Rituel) , 
qui  ne  gâte  pas  le  langage  quand  on  se  sert  de  la  rime  ;  mais  en  allant 
jusqu'à  la  composition  métrique,  nous  avons  éprouvé  le  même  sort  que  nos 
ancêti*es ,  lorsque  (le  Psalmiste)  dit  d'eux  :  «ils  se  mêlèrent  aux  nations  et 
apprirent  (à  imiter)  leurs  actions  (Ps.  cvi  ,  v.  35).» 

On  trouve  une  courte  esquisse  de  cette  philosophie  religieuse  dans  le 
Dictionnaire  des  sciences  philosophiques ,  III,  p.  3Go  (article  de  M.  Munk)  , 
dans  les  Mélanges ,  du  même  auteur,  p.  /i83  ,  et  une  exposition  plus  détaillée 
dans  la  WissenschafllicheZeitschriJtfiirjûdische  Théologie  (Francfort,  i835), 
I,  p.  167  et  suiv.  (article  de  M.  Geiger).  La  version  hébraïque,  la  seule  qui 
soit  publiée,  a  été  traduite  en  espagnol,  en  latin  et  en  allemand. 

'  Geiger,  Divan,  p.  109.  —  M.  Zunz  ,  Die  synogogale  Poésie  des  Millel- 
allcrs ,  p.   23i. 


270  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

ruines  du  t-aticluaire  vénéré,  d'en  baiser  la  poussière.  «Le 
lils  de  Hagar,  Vescîave,  »  le  musulman  si  détesté,  ne  domi- 
nait plus  dans  ces  contrées ,  et  Jéhuda  espérait  vivre  et  mou- 
rir en  paix  et  oublié  dans  un  coin  du  royaume  que  les  croisés 
venaient  de  conquérir  dans  l'Orient.  Les  poésies  qui  expri- 
ment avec  tant  de  chaleur  ces  aspirations  sont  certainement 
les  plus  belles  et  se  ressentent  le  plus  du  souffle  divin  qui 
pénétrait  Jéhuda.  Ce  qu'il  a  rêvé  si  longtemps,  il  va  le  réa- 
liser, et  sur  le  seuil  de  lavieille.sse,  âgé  de  presque  soixante 
ans,  il  abandonne  une  lille  unique,  un  petit- iils  qui  porte  son 
nom  '  et  qu'il  chérit  entre  tous,  il  quille  parents  et  amis,  et 
se  dirige  vers  Jérusalem.  Y  est-il  arrivé  ?  A-t-il  pu  réjouir  sa 
vue  de  l'aspect  de  la  ville  qu'il  a  célébrée  par  tant  de  chants 
immorlels?  On  l'ignore.  11  traverse  l'Espagne,  s'arrête  à  Cor- 
doue  et  à  Grenade,  s'embarque  pour  Alexandrie  et  le  Caire, 
où  l'enchaîne  malgré  lui,  pendant  plusieurs  mois,  l'hospi- 
talité empressée  de  plusieurs  hommes  distingués  parmi  ses 
coreligionnaires  que  sa  réputation  avait  attirés  et  qu'il  a  cé- 
lébrés en  retour,  par  des  vers  charmants,  presque  les  der- 
niers que  nous  possédions  de  lui ,  car  nous  entendons  encore 
quelques  accords  de  sa  harpe  retentir  de  Tyr^,  et  le  silence 
se  fait  ;  nous  perdons  toute  trace  de  la  vie  de  notre  poëte. 

Les  poésies  de  Jéhuda,  qui  ont  été  appréciées  d'après  leur 
juste  valeur  par  des  maîtres  tels  que  Jéhuda  Harizi,  le  fa- 

'   LuzzaUo,  Divan,  n"  9,v.  ii-i3. 

•*  On  comprend  difficilement  comment  R.  Jéhuda,  eu  allant  de  l'Egypte 
a  Jérusalem,  aurait  pu  passer  par  le  Yémeu, comme  on  l'a  soutenu.  Ce  pré- 
tendu séjour  dans  le  Yémen  repose  sur  le  commencement  d'une  pièce  de 
vers  qui  a  été  imprimée  dans  les  Guinzé  Oxfort,  j).  21,  et  traduite  eu  al- 
lemand  par  M.  Geiger,  Divan,  p.  loA- Le  voici  (mètre  y^)  : 


ÎÇ'^NS  3Tlî^  ""bap  ''TU] 

ïùiï  eflet,  le  mol   ÎD^n  signilie   souvent  dans  l'Iiébrcu  de  ce   temps  «le 
Ycmen;»  niais  ici  il  a  certainement  le  sens  de  «sud,»  et  le  vers  doit  Hre 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  271 

meux  traducteur  des  Makames  de  Har]ri\  n'ont  été  recueil- 
lies et  réunies  dans  un  divan  qu'après  sa  mort.  Un  certain 
R.  Hayya  Haddayyan  les  a  rassemblées  le  premier.  De  ce 
recueil  primitif  sont  nés  les  trois  manuscrits  du  Divan  que 
nous  connaissons  maintenant.  La  bibliothèque  Bodléienne 
possède  un  volume  sous  le  titre  de  nilîl''  n^HD  [Mahné  Je- 
huda,  campde  Juda),  écrit  il  y  a  à  peu  près  deux  cents  ans ,  qui 
renferme  ces  poésies^.  Un  second  recueil  appartient  à  M.  Car- 
moly  à  Francfort.  Le  troisième  est  celui  de  M.  J.  D.  Luzzatlo, 
qui  l'a  acheté  en  1889  d'un  juif  venant  de  Tunis,  et  d'où 
le  savant  professeur  de  Padoue  a  tiré  la  première  livraison 
qui  vient  de  paraître.  L'exemplaire  de  M.  Luzzatto  porte  en 

traduit  :  oEn  traversant  les  passages  de  l'est  et  du  sud,  seul,  sans  parent, 
comme  un  veuf.»  D'après  Mosé  ben  Esra,  dans  son  Trailè  de  l'éloquence 
(fol.  122  r°),  ?D^n  fie  peut  être  traduit  «vent  ou  pays  du  sud  »  qu'à  la 
suite  d'une  figure,  appelée  OsLcif,  qui  consiste,  d'après  les  rhétoriciens 
arabes,  dans  la  faculté  qu'on  a  de  faire  seulement  uue  allusion  à  ce  qu'on 
veut  exprimer  et  à  ce  que  le  sens  exige ,  et  à  se  reposer  pour  le  reste  sur  le 

bon  sens  du  lecteur.  Voici  ce  qu'il  dit  :   c.|  û„j[  pyJJ  iÇoly»JU  |   c^^'^îj 

pTi  nm  pDîî  nn  o-j^  pin  •'K31  pDS  my  L^  iy^ 

ri2D  nD  bDN"''!  ^lil  ^m  N1T   x-L*J[  ïXs.  ^^^  /  rD^3 

U  U^^  ^^s^l^  J^cJ^xl  f,^yl\  ^X  ptDj  ^3'î/tlt  i^  pDî: 
^yf  o^-^  ^^  /^  (J'yf^^^  ^-^U^  o^  ^.<>-^ 

Les  deux  versets  cités  dans  ce  passage  se  trouvent  Cantique  iv,  16,  et 
Isaïe,  xLiii ,  6. 

'  Mahberoth,  chap.  m  et  xviii.  Harizi,  après  avoir  énuméré  les  diverses 
([ualités  par  lesquelles  les  poésies  peuvent  se  recommander,  finit  par  dire 
f|ue  Jélmdaha-Lévi  les  réunit  toutes.  (Voy.  Geisfcr,  Divan,  107  etsuiv.  166.) 

^  Steinschneidcr. 


272  AOUT-SEPTEMBRE  1865. 

tête  une  préface,  écrite  en  arabe ,  de  Jostié  bar  Elle  lia  Lévi  ', 
qui  nous  dit  que  la  compilation  de  i\.  Ilayya''  a  bien  servi 
de  base  à  ce  Divan ,  mais  qu'il  Ta  considérablement  augmen- 
tée ^  en  y  ajoulant  un  grand  nombre  de  pièces ,  qui  portaient 
corame  acrostiches  les  noms  de  Juda  et  de  Lévi.  Josué  ne 
s'est  point  préoccupé  de  savoir  si  ces  compositions  étaient 
réellement  de  notre  auteur  ou  des  trois  autres  poètes  qui  por- 
taient également  ce  nom  \  ou  bien  d'un  cinquième  encore 
qui  s'appelait  Lévi  ^  par  son  prénom  et  qui  avait,  par  consé- 
quent, plus  de  raison  qu'Abon'l-Hassan  de  le  mettre  en  tête 
de  ses  strophes  ". 

Ce  Divan  est  divisé  en  trois  parties.  La  première  renferme 
toutes  les  pièces  qui  observent  le  mètre  et  gardent  partout 
les  mêmes  rimes;  elles  sont  au  nombre  de  li2i  ,  et  rangées 
dans  l'ordre  alphabétique  des  rimes  comme  les  recueils  des 
poêles  arabes  Bohiori,  Motanebbi  et  autres.  Ceci  facilite  sin- 
gulièrement les  recherches  des  vers  isolés  qui  se  rencontrent 
si  souvent,  et  il  est  à  regretter  que  le  savant  éditeur,  qui  a 
parfait emeiît  apprécié  cet  avantage,  ne  l'ait  cependant  pas 
conservé.  La  seconde  partie  contient  les  poésies  qui  suivent 
un  mètre  arabe,  ou  une  simple  mesure  des  syllabes,  et  qui 
sont  rangées  par  strophes;  ce  sont  des  stances  qui  ont  dans 
l'inlérieur  chacune  leur  rime  spéciale,  et  une  rime  com- 
mune pour  chaque  hn  des  strophes.  De  ces  poésies,  68 
sont  tirées  du  recueil  de   R.  Hayya,  et   1-^7  ajoutées  par 

'  Geiger,  Divan ,  p.  168,  a  donné  cette  préface,  suivie  d'une  traduction 
allemande. 

'•'  D'après  Carmoly  et  Steinschneider,  ce  N^TI  "1  porterait  le  surnom  de 
>2")2?D'?Î<  "^^  Maglirebin  ;  »  il  est,  du  reste,  tout  a  lait  inconnu. 

*  Luzzalto,  Bethulat  hat  Jehouda ,  p.  16  ,  dit  que  Josué  avait  encore  deux 
autres  recueils  devant  lui,  l'un  de  I\.  David  ben  Maimon,  l'autre  de  Abou 
Saïd  ibn  Alkasch, 

*  Abou  Zacariah  Jéhuda  ben  Gavatli ,  Jéhuda  ben  Balam  et  Jéhuda  Abbas. 

*  Lévi  ben  Allliaban,  le  dernier  grammairien  dont  Abraham  ben  Ezra 
lait  mention  dans  l'introduction  j)lacte  en  tête  de  son  Moznayini. 

*  Dans  la  riche  collection  des  manuscrits  hébreux  appartenant  a  M.  Ho- 
race Gùnzbourg,  et  dont  M.  Senior  Sachs  publie  en  ce  moment  le  savant 
catalogue  en  hébreu,  il  se  trouve  un  quatrième  exemplaire  de  ce  divan. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       273 

Josuc  bar  Elie.  La  troisième  el  dernière  partie  eiilîn  est  com- 
posée de  poésies  tout  à  fait  sans  mesure  et  n'observant  que 
la  rime, puis  de  quelques  lettres  en  prose  rimée.Le  nombre 
de  ces  compositions  est  de  180.  Les  trois  parties  réunies 
donneraient  donc  816  pièces;  mais  des  lacunes  qui  se  trou- 
vent dans  le  manuscrit  en  réduisent  le  nombre  à  6i3.  M.  Luz- 
zatto  a  réuni ,  en  outre ,  Sa  pièces  qu'il  a  trouvées  dans  des 
rituels  rares,  imprimés  ou  inédits,  et  il  est  à  espérer  que 
les  listes  des  commencements  de  toutes  les  pièces,  mises  on 
tête  de  notre  livraison ,  exciteront  l'attention  des  amateurs 
de  ces  poésies,  qui  s'empresseront  sans  doute  de  mettre 
entre  les  mains  du  savant  professeur  les  moyens  de  com- 
pléter l'œuvre  qu'il  a  si  dignement  inaugurée. 

Il  importe  de  ne  pas  confondre  ces  poésies,  appelées  néo- 
hébraïques ,  avec  les  pastiches  plus  ou  moins  réussis  des 
poètes  latins  du  moyen  âge  ou  des  temps  modernes.  Pour 
les  juifs  de  l'Orient  et  de  l'Egypte  de  ce  temps  la  langue 
sainte  n'est  pas  une  langue  morte.  Les  contemporains  de 
R.  Jéhuda  ba-Lévi  la  bégayaient  presque  avant  de  s'exprimer 
dans  l'idiome  de  leur  pays,  et  cet  idiome  même,  l'arabe, 
leur  servait  singulièrement  pour  l'intelligence  de  celui  des 
Ecritures.  Les  idées  qu'ils  propageaient  dans  leurs  cantiques 
étaient  celles  qui  avaient  inspiré  les  prophètes,  et  ils  en 
étaient  tout  aussi  intimement  pénétrés  que  leurs  ancêtres.  La 
forme  seule  n'est  plus  la  même.  Assujettie  d'abord,  tomme 
quelques  psaumes,  à  la  gène  des  acrostiches  alphabétiques, 
soumise  ensuite,  à  Babylone  surtout,  à  la  rime,  la  langue 
sacrifie  les  derniers  restes  de  son  ancienne  liberté  en  enj 
pruntant  finalement  aux  Arabes  le  joug  d'une  prosodie  com- 
plète, et,  nous  l'avons  déjà  dit,  des  hommes  inspirés  comme 
Jéhuda  ha-Lévi  cherchaient  à  s'en  affranchir. 

Cette  prosodie  même  est  simple;  elle  est  transformée,  et 
très-bien  adaptée  au  génie  de  la  langue  hébraïq^ie.  Toute 
syllabe  pourvue  d'une  voyelle,  simple   ou  composée  \  est 

'  Une  syllabe  simple  ou  ouverte  est  une  syllabe  qui  se  termine  par  une 


274  AOUT-SEPTEMBRE  1805. 

longue;  les  scheva  mobiles  fournissent  les  brèves.  Ainsi  les 
mots  n2"13,  ÎÛDÇ*p3  ibinient  une  brève  suivie  de  deux  lon- 
gues (fâofiloûn).  Il  n'y  a  que  certains  scheva  mobiles,  au 
milieu  des  mots ,  ceux  qui  se  trouvent  après  des  voyelles 
lon<;ues,  qui,  pour  la  nécessité  du  mètre,  peuvent  être  con- 
sidérés comme  quiescents  :  p.  e.  i^DI ,  "^?"ît2,  peuvent  être 
considérés  comme  des  spondées  (--),  ou  des  amphimacers  (-^-), 
selon  qu'on  prend  le  scheva  comme  mobile  ou  quiescenl. 
Les  auteurs  hébreux  qui  ont  écrit  sur  l'art  métrique  ont 
laissé  de  côté  la  classification  arabe,  et  ont  adopté  une  ter- 
minologie nouvelle,  d'après  laquelle  on  nomme  in*'  piea 
un  scheva  mobile  suivi  d'une  voyelle  (iambe,  ou  "-)  et  nî^l^n 
la  voyelle  seule.  Les  deux  mots  hébreux  que  nous  avons 
cités  en  premier  forment  donc  un  yathecl  et  une  tenouah  ; 
les  deux  autres,  selon  les  deux  modes  de  les  lire,  deux 
tenouoth,  ou  une  tenouah  et  un  yathed.  Celte  négligence 
qu'on  affectait  contre  l'ancien  système  arabe  a  ses  inconvé- 
nients. Elle  est  devenue  la  cause  que  certains  phénomènes 
delà  versification  restent  inintelligibles.  Comment  cela  sefail- 
il,  par  ex.  que  le  numéro  5  de  notre  Divan  présente  tantôt 
(lignes  1 ,  2 ,  4  et  6)  à  la  fin  une  ihsnouah,  et  tantôt  (ligues 
3  et  5)  unyathed?  En  se  conformant  à  la  métrique  arabe,  on 
sait  que  dans  le  redjz  le  dernier  pied  peut  être  moslafilon  ou 
mostafd.  Puis  on  met  quelquefois,  très-mal  à  propos,  une 
voyelle,  en  vue  du  mètre,  où  un  scheva  serait  mieux  à  sa 
place  et  parfaitement  permis  par  les  altérations  qu'admet  le 
pied.  Je  préfère,  par  exemple,  numéro  22,  v.  26,  pns  à 
pn3,  puisque  en  redjz  la  première  syllabe  du  pied  peut 
être  longue  ou  brève. 

D'un  aulre  côté,  bien  que  le  scheva  mobile  fournisse  dans 
ce  système  les  brèves ,  on  ne  s'en  permet  pas  moins  quelque- 
voyelle,  comme  ha;  une  syllabe  composée  ou  fermée  a  encore  une  consonne 
derrière  celle  voyelle ,  comme  hal.  Celle  distinction ,  si  féconde  pour  l'ex- 
plication d'un  grand  nombre  de  pliénomènes  dans  les  langues  sémitiques,  a 
été  mise  en  lumière  pour  la  première  fois  par  M.  Ëwald  [Krilische  Gramma- 
lik  (1er  hebr.  Sprache ,   1827,  p.  .'17,  81  et  passim). 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  275 

fois  de  prendre  îe  schcva  comme  faisant  partie  de  la  syllabe 
suivante  et  de  compter  le  yallied  entier  comme  una  seule 
longue.  Voici,  enlre  autres,  une  pièce  que  M.  Luzzallo 
n'a  pas  su  classer,  et  qui  est  cependant  du  mètre  khafif 
^_^ — l__^^l_^_j  avec  quelques  altérations  que  comporte  ce 
paradigme  en  arabe  : 


Le  mot  ")^K  est  ici  traité  comme  une  seule  syllabe;  bs  au 
contraire  est  pris,  dans  celte  pièce  comme  dans  celle  nu- 
méro 7,  vers  3,  comme  une  brève  V 

D'après  ces  règles  de  la  prosodie  hébraïque,  les  mètres 
arabes  qui  présentent  des  pieds  renfermant  deux  brèves  de 
suite  deviennent  impossibles,  parce  que  jamais  deux  scheva 
mobiles  ne  peuvent  se  rencontrer  ensemble.  Deux  desrhylh- 
mes  les  plus  usités ,  le  A-ami/  et  le  wafir,  seraient  donc  exclus, 
s'ils  n'avaient  pas  été  transformés;  lous  les  autres  se  rencon- 
trent dans  la  livraison  du  Divan  que  nous  avons  sous  les  yeux*. 

Le  manuscrit  de  M.  Luzzalto  ne  présente  point  de 
voyelles;   le   savant  et  consciencieux  éditeur,  qui  est  lui- 

'  Au  commencement  du  Divan  des  Caraïtes  de  Mosé  TinTÏ^Likuté Kadxno- 
nioth,  p.  T"D),  on  lit  un  vers  du  mètre  hedjez ,  se  terminant  par  les  mots 
31î!7T  n52  DD^'N*?.  Le  mot  X^  est  traité  comme  une  brève. 

*  R.  Saadia  ben  Denan  a  composé  un  petit  traité  sur  la  métrique  lié- 
braïque,  comparée  à  la  métrique  arabe,  qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque  im- 
{îériale  (ancien  fonds  hébreu,  n"  /182).  Le  titre  de  ce  traité  est:  p"^2 
l^îî^n  ^'7pt!/*D2.  En  voici  la  substance  : 

Les  poètes  hébreux  se  sont  servis  de  seize  vaèlres  ou  Jleuves  (O^DD  = 
)j-^.)  '■  1°  le  fleuve  maggil  (;>,ipr>  1?^?  =  ^^i^f  v-^),  qui  est  de 
deux  espèces:  a,  un  paradigme  (1p)  composé  des  pieds  {D'71P2J)  suivants: 
D'^l:?p  'DD  'DÇ  .O'^IIJD  D'h^)hv  D'^:?1DÇ;  h,  dans  les  deux  hémistiches 
manque  le  pied  D'bli^D  .  —  2°  Le  fleuve  des  rimes  (fTîP?  IC^  >  y^  y  I  >-^)» 
qui  est  de  trois  espèces  :  a,  trois  pieds  D'biîDPD  dans  les  deux  hémistiches  ; 

b,  le  dernier  pied  du  second  hémistiche  changé  en  O'^i^DDD  (sans  chevn)  ; 

c,  deuxD'^Î^DTO  seulement. — 3"  Le  fleuve  au  cours  précipité  (IPPPO  10^ 


270  AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

même  poêle  liébreu ,  les  a  ajoutées  partout,  travail  tliflicile 
el  délicat,  mais  indispensable  pour  l'intelligence  de  textes 
aussi  obscurs.  Des  notes,  aussi  en  hébreu,  éclaircissenl 
les  passages  qui  pourraient  laisser  des  doutes;  nous  les  au- 
rions désirées  quelquefois  plus  courtes.  Malgré  rhabilelé 
incontestable  el  la  science  consommée  de  M.  Luzzatto,  nous 

=  «J^^if  y^),  qui  est  de  trois  espèces  :  a,  avec  le  paradigme  D'^i^DrU 
D'^i^lD  D'^i^DPD  dans  les  deux  hcmisticlies  ;  b,  le  dernier  pied  des  deux  hémis 
tiches  remplacé  par  ;i?D>  :  c,  sans  le  dernier  pied,  et  le  second  pied  changé  en 
0':^i'D/?D  (--v^--),—  4"  Le  fleuve  long  (-jnf)?  ")?:  =  JjjiJf  ^), 
qui  est  de  trois  espèces  :  a,  deux  fois  cbi^^DÇ  D'blX'D  dans  chaque  hémis- 
tiche; h,  le  dernier  pied  O'^i^lDD  de  chaque  hémistiche  changé  en  ;1i?D  ; 
c,  les  quatre  D'bli'D  du  mètre  remplacés  par  des  ;i?Dr.  — 5°  Le  fleuve  étendu 
(U1CD?  lO:)  =  JayWAjf  v^),  qui  consiste  en  deux  lois  O'bi^lD  D'bi^DrD 
pour  chaque  hémistiche.  —  6°  Le  fleuve  léger  (  ;p?  ID^  =  ^__^^^Ài>i-  y^^  ) , 
dont  le  paradigme  est  D'bui'D  Ov^^D^JO  0 v ui'D  pour  chaque  hémistiche. 
—  7°  Le  fleuve  qui  se  ressemble  (  OV^PVZ^  1?^  =  ^  yuJj»  !  y^  ) ,  qui  ofl're 
deux  espèces  :  a,  deux  fois  D^bi^DJ)  O'bli^D,  et  h,  deux  fois  D';ui?D  D';"irD 
dans  chaque  hémistiche.  —  8°  Le  fleuve  qui  se  rapproche  (3")p/^PD  ID^  ^^ 
c^sUixif  s-^) ,  qui  présente  trois  espèces  :  a,  quatre  0*bl2?D  pour  chaque 
hémistiche;  6,  le  dernier  pied  de  chacun  réduit  à  bli?D;  c,  deux  foisO*;1i?D 
0';i?1D  dans  les  deux  hémistiches.  L'auteur  ajoute  :  LitX-*^  v^-^'  lô-^^ 
(__^y_XJ  ^  fJ,y^JLujja  a  ce  fleuve  est  usité  chez  nous  et  on  le  varie  beaucoup.  » 
(  (^_^:^yj  A  eut  probablement  dire  :  faire  subir  a  un  pied  de  vers  des  modifi- 
cations nommées  (__9  L^y  Voy.  de  Sacy,  Grammaire  arabe ,  II,  p.  OaS.)— • 
9°  Le  fleuve  asoucj  (pD^DD  ")?^  :==  0>'^^  >  y^  )  '  ^^"'^  '^  paradigme  est  : 
D'^liî^JD  D'bi^Di^D,  pour  chaque  moitié  de  vers.  —  lo"  Le  fleuve  de  sable 
(bip?  IOj  =  J^v^f  Y-^)'  ^"i  ^^^  ^^^  ^^^^  espèces  :  a,  dans  chaque  hé- 
mistiche O'b^JID  D'blbi^D  O'b^biJD  [et  6,  dan^  chacun  des  deux  premiers  pieds 
seulement]. —  ii"  Le  fleuve  abondant  (C^TIP?  lZi2  =  ^3  iy  I  >-^) ,  qui  se 
présente  sous  deux  formes:  a,  O'^I^D  O'^bi^DrîO  D^O^^DrV  dans  chaque 
hémistiche  ,  et  b,  les  deux  premiers  pieds  seulement.  (On  voit  que  le  pied 
(le  ce  mètre  est  une  transformation  do  |Js,_X&Ul/o  ,  impossible  en  hébreu, 
où  la  rencontre   de  deux   brèves   (|ui   devraient  êlre  présentées  par  deux 


NOUVELLES   ET  MELANGES.  277 

nous  permettrons  de  lui  proposer  quelques  changements. 
Numéro  2 ,  vers  3,  nous  voudrions  :  "jnSDN*  ^V'Qlpî^  13*)p"' , 

schevas  mobiles  est  contraire  au  génie  de  la  langue.  Après  avoir  supprimé  la 
seconde  brève,  la  prosodie  hébraïque  a  prolongé  aussi  la  brève  qui  com- 
mence le  pied,  et  il  n'est  plus  resté  qu'une  brè^e,  entourée  des  deux 
côtés  de  deux  longues.  On  a  laissé  cette  brève  au  commencement  du  troi- 
sième pied  tronqué.)  —  ï  2°  Le  fleuve  des  voyelles  (>:?13PD  ")?;)),  composé 
de  seize  syllabes,  pourvues  de  voyelles  et  formant  deux  hémistiches  de 
huit  syllabes  chacun.  Les  Arabes  ne  possèdent  pas  ce  mètre;  mais  les 
juifs,  et  surtout  les  poètes  français,  s'en  servent  pour  les  cantiques  rituels 
(  O'PDliO  U")D31  ?3")p  13  1'>">1C'  D'7^?'?l  ).  —  1  S"  Le  fleuve  parfait 
(0*pr?  ">D3  =  JuoLCJ  I  ^^) ,  qui  a  deux  formes  :  a,  trois  fois  DD^rib^DIO 
dans  chaque  hémistiche,   et  b,  ODri^i^D  0'^2?Dr^  ODrlbl^D  (  -^--o  | 

-%j--Kf  I  -  xj  —  dans  chaque  hémistiche.  (Ici ,  comme  en  n'  1 1 ,  le  rhythme 
arabe  ^>ÀcLfl./> ,  qui  commence  par  deux  brèves,  ne  pouvait  être  con- 
servé dans  sa  pureté  en  hébreu  ;  on  a  remplacé  la  première  et  la  troisième 
brève  par  deux  longues  dans  tous  les  pieds ,  ou  bien ,  on  a  changé  la  se- 
conde brève  en  longue  pour  le  premier  et  le  troisième  pied ,  et  réuni  les 
deux  brèves  en  une  longue  (  ylAÀAa»».-«  pour  .Xc  lÂX^  )  pour  le  second 
pied.  )  —  1 4°  Le  fleuve  étendu  (  IICPO  ">?>3  =  cS?  i^-*  •  y^.  )  »  <iont  voici  le 
paradigme  :  D'bui?D  D'>i?1D  0'blbi?D ,  dans  chaque  hémistiche.  —  1 5°  Le 
fleuve  rassemblé  (CDlf?DO  ")?3  ),  dont  les  deux  parties  du  vers  sont,  D^bl'ID 
O'bi^DDÛ,  une  fois,  ou  deux  fois.  On  voit  que  c'est  le  n°  5  interverti.  — 
i6°  Leûeuvemeyouthar  ("^DVPP  10^  :=  ^ yMjJil  y-^).  qui  présente  deux 
formes  :  a,  O'bsJDrD  D'^l^i^D  0>^i?DrD  ,  et  fc ,  deux  fois  D'^i^DP^O  et  un  troi- 
sième pied  DO;PDrD  dans  chaque  hémistiche.  Cette  dernière  forme  est , 
à  la  vérité ,  un  redjz ,  avec  l'addition ,  connue  dans  la  prosodie  arabe ,  sous 
le  nom  de  tarfîl. 

Il  paraîtrait  que  cette  division  jouissait  d'une  certaine  autorité ,  et  était 
répandue  parmi  les  poètes.  Un  manuscrit  d'Oxford  renferme  la  défense  d'un 
poète  que  R.  Jacob  Gabchon  (J1C3.1)  avait  crueUement  maltraité  et  accusé 
de  plagiat  envers  R.  Joseph  Haézobi,  l'auteur  du  «Plat  d'argent.»  Dans  ce 
plaidoyer,  on  lit  ce  passage  curieux  :  !:"l."ip?  ")?r>X)  f)1D  D"):?p?  ")♦&  O  7in 
^ptVOKi  6l?  i:>->3P  13  IDtt  QV)2  311D3  ^l'<V  '•^3  W^U  bc  1>CD  m 
")?PPr  ")W?D  'iC?.  En  efiet,  le  vers  cité  appartient  à  la  seconde  forme  du 
mètre  n°  3 ,  et  la  terminologie  est  employée  comme  une  chose  connue  et 
adoptée.  —  M.  Neubauer  vient  de  publier  le  texle  de  ce  petit  traité  dans  un 
petit  recueil  d'Anecdota  hébraïques,  u  Francfort-s.-M.  i8G5. 


278  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

à  la  place  de  'ji?;  u  puissent  (ces  vagues)  me  rapprocher  des 
lieux  subliaies  de  ton  autour  (cf.  2  Sam.  xxiii,  1  ,  et  Osée, 
XI,  7,  où  Si'  est  un  nom),  et  écarter  de  moi  le  joug  (que 
Fait  peser  sur  moi)  l'x\rabe.  »  Numéro  4,  vers  3,  le  mot  nrîDC* 
me  paraîtdevoir  étrecliangé  en  nn^p.  Le  vers  fait  allusion  au 
psaume  lxxxiv,  4 ,  où  le  temple  est  présenté  comme  un  re- 
fuge des  oiseaux  qui  aiment  à  y  construire  leur  nid,  et  aux 
mots  n'7^D  )p  (Isaïe  xvi,  2) ,  expression  qui  signifie  un  nid 
délaissé.  Le  vers  serait  donc  à  traduire  :  «  Je  contemplerais 
cette  demeure  délicieuse,  ce  nid  délaissé,  d'où  les  jeunes 
colombes  (Israël)  ont  été  chassées,  où  demeurent  les  petits  du 
corbeau  (de  l'Arabe).  »  Numéro  16,  vers  1 1,  je  maintiendrais 
TIJN'  clans  le  sens  de  Job,  11,  1 1  ;  Jérémie,  xvi,  5,  etc.  Les 
sentences  du  numéro  22  ne  me  paraissent  pas  toujours 
bien  comprises.  Je  traduirais  v.  21  :  ■]'':''y3  DDn  •T'rin  bi< 
yjlDV  D"'^*''î^  ^n^Z*^  |D  «Ne  sois  pas  sage  à  tes  yeux;  car 
le  monde  pourrait  bien  oublier  ce  qu'en  effet  tu  portes  en 
loi,  »  en  d'autres  mots,  la  vanité  te  ferait  même  contester  ce 
que  tu  possèdes  réellement.  Dans"  le  mot  "ji^lDS  il  se  trouve 
une  allusion  aux  Proverbes,  x,  i^. 

Ces  poètes  nourris  également  d'arabe  et  d'hébreu  ont 
quelquefois  transporté  dans  celte  dernière  langue  des  coiis- 
Iructions  qui  appartiennent  à  la  première.  De  cette  nature 
est  la  préposition  3 ,  placée  après  les  verbes  qui  désignent  un 
mouvement  ( voy.  de  Sacy ,  Gramm.  arabe j,l,  p.  ^70)  ;  "'n  ni2j 
(numéro  4),  "^S  "iDi?'?  (numéro  9)  s'expliquent  comme  des 
imitations  des  locutions  arabes,  telles  que  «u  t_>jbi  ,  «vo  j,f,  elc. 

Nous  pourrons  être  beaucoup  plus  court  sur  les  n"'  11  à  iv. 

IL  L'ouvrage  de  R.  David  Kauihi  s'adresse,  comme  l'in- 
dique sulïisamment  le  titre,  aux  sôferini  ou  scribes,  chargés 
d'écrire  le  Penlateuque  ou  la  Bible  entière  et  d'y  mettre  les 
points-voyelles  et  autres  signes  massorétiqnes  (D"'i1p3).  Il  est 
divisé  en  trois  chapitres  Irailant  de  l'écriture  ',  de  la  ponc 

'  Le  premier  chapitre,  «jui  est  Uès-courf ,  n'esl,  a  la  \érité,  que  la  ci- 
tation ot   l'explication    du  lamcuK  passage   du    lalnuid ,   traité    Ncdarim  , 


NOUVELLES  ET  MELAiNGES.  279 

tuation  et  de  l'accenlualion.  On  y  Irouvera  à  peine  un  pa- 
ragraphe qui  ne  se  renconlre  pas  dans  le  Mikiilol  du  même 
auteur,  et  ce  traité  de  grammaire  étant  très-répandu,  VEt 
Sofer  a  donc  peu  d'utilité.  La  copie  qui  a  servi  à  celle  pu- 
blication est,  en  oulre,  détestable  et  présente  partout  des  la- 
cunes. L'éditeur,  M.  B.  Goldberg,  si  connu  par  sa  grande 
érudition  et  sa  rare  sagacité  dans  les  choses  hébraïques, 
s'est  contenté  de  faire  la  copie  pour  la  Société,  sans  indi- 
quer, au  moins  par  des  points,  les  pages  entières  qui  man- 
quent et  qu'on  ne  pourra  compléter  qu'en  comparant  le 
Mikhloî.  Ainsi,  par  exemple,  pag.  3,  1.  ig,  une  ligne  en- 
tière est  tombée  entre  les  mots  llD^n  et  ni'?"'D^'n;  pag.  4, 
1.  29,  les  mots  îivm  IC^X  doivent  être  étonnés  de  se  trouver 
tranquillement  placés  l'un  à  côté  de  l'autre;  il  manque 
entre  les  deux  tout  ce  qui  se  lit  Mikhlol  depuis  fol.  i55  a, 
1. 18,  jusqu'à  fol.  i56  a,  1.  \/i  (éd.  Fûrlh).  Des  corrections, 
faites  à  propos,  dans  des  passages  évidemment  fautifs,  et 
quelques  notes  aux  rares  endroits  pour  lesquels  nous  n'avons 
pas  trouvé  de  suite  les  passages  analogues  du  Mikhlol,  au- 
raient été  indispensables. 

m.  M.  le  rabbin  de  Spalatro  a  publié  un  nouveau  recueil 
des  décisions  et  réponses  de  Gueonim,  qui  comprend  1 20  nu- 
méros. Une  partie  en  est  déjà  imprimée,  mais  il  doit  y  avoir 
encore  un  nombre  considérable  de  Tschubôt  dans  les  biblio- 


fol.  37  b.  Kamhi  confirme  la  leçon  de  y")X  yiX  (Jérémie,  xxii,  29), 
passage  où  (Vmot,  répété  trois  fois,  est  lu  deux  fois  avec  ségol,  puis  une  lois 
en  pause,  avec  knmetz.  La  science  du  lecteur  consistait ,  selon  l'avis  de  notre 
auteur,  que  nous  partageons,  à  savoir  distinguer  les  endroits  où  ce  mot 
devait  être  prononcé  érez  de  ceux  où  il  fallait  lire  àrez,  ce  que  les  igno- 
rants ne  savaient  pas.  Il  en  est  de  même  des  deux  autres  exemples  cités  par 
le  Talmud,  et  qui  manquent  chez  Kamlii,  savoir  :  Q'^Dîi?  et  D^12iD.  Ces 
deux  mots  sont  très-fréquents,  et  se  rencontrent  quelquefois  dans  le  même 
verset  avec  palah  et  kametz,  par  exemple  :  Exode,  vu,  21;  xiv,  3o;  Deulé- 
ronome,  iv,  82;  là  encore  le  A:ô;e  ou  lecteur  instruit  seul  savait  reconnaître 
les  versets  où  il  fallait  employer  l'une  ou  l'autre  des  deux  voyelles.  (  Voyez 
M.  Geigor,  Urschrift  u.  Uehersetziiiujcn  der  Bibel ,  1867,  p.  aoi  et  suivantes, 
(|ui  est  d'une  opinion  dilFércnte.) 

^9- 


280  AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

thèques  el  entre  les  mains  de  particuliers.  Nous  retrouvons  en- 
core ici  (pag.  9)  le  mol  r\'>^'Û2  (de  Jua-Z  =  N^'i^îO)  pour  dire: 
en  arabe,  mol  que  M.  Hayya  alVeclionne  particulièrement  el 
qui  se  rencontre  plusieurs  fois  à  chaque  page  de  son  commen- 
taire sur  le  sixième  ordre  de  la  Mischnah ,  Séder  Taharoth. 
L'éditeur  a  eu  tort  tie  renvoyer  encore  pour  l'explication 
de  ce  mot  à  la  note  17  de  la  biographie  de  W.  Nathan,  par 
M.  Rappoport  \  Ce  savant  distingué  a  certainement  renoncé 
depuis  longtemps  à  rinterprétalion  insoutenable  qu'il  avait 
donnée  alors  de  ce  mot.  Dans  notre  passage,  R.  Hayya  a 
voulu  citer  la  phrase  arabe  :  jo^L  jâ  .vaX^ou  correctement 
fcN2^L  Ui,  «  il  l'a  écrit  d'une  seule   plume.» 

IV.  Cette  encyclopédie  a  déjà  élé  imprimée  jusqu'à  la 
lin  de  la  lettre  mim,  depuis  1760  jusqu'à  181 3,  à  Ve- 
nise. La  Bibliothèque  impériale  de  Paris  a  acheté  depuis 
le  manuscrit  complet  de  l'ouvrage,  l'autographe  de  l'au- 
teur et  le  seul  qui  existe.  La  direction  du  M'kiizé  Nirdâ- 
mim  le  publie  en  deux  séries;  elle  réimprime  \^  première 
portion ,  et  aborde  en  même  temps  la  dernière  partie  inédite 
depuis  Noun. 

Malgré  l'importance  incontestable  de  ces  publications,  le 
choix  laisse  à  désirer.  Les  bibliothèques  renferment  des  tré- 
sors autrement  précieux  qui  auraient  mérité  la  priorité ,  el 
le  cri  de  réveil  aurait  pu  s'adresser  à  des  dormeurs  plus  dignes 
d'être  ressuscites.  Mais  il  faut  tenir  compte  aux  éditeurs  des 
tâtonnements  inséparables  d'un  premier  essai.  Puis  il  y  a  une 
difficulté  que  l'augmentalion  du  nombre  des  souscripteurs 
qui,  du  reste,  ne  se  fera  pas  attendre,  pourra  seule  résoudre. 
Les  ouvrages  qu'on  désirerait  surtout  voir  paraître  sont 
ceux  d'Aboulwalid,  de  Tanhoum  et  de  lant  d'autres  auteurs 
du  moyen  âge,  qui,  écrits  en  arabe,  sont  peu  accessibles  à 
la  plupart  des  hommes  qui  souliennent  celle  œuvre ,  pas 
autant  en  riches  Mécènes  qu'en  studieux  connaisseurs  de 
l'hébreu  et  du  langage  rabbiniquc.  Nous  espérons  cependant 

'    Dans  le  recueil  iutilulé  :  liiccurc  hnïUim ,  10' année  (i8a(j). 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  281 

qu'avec  le  temps ,  et  les  moyens  pécuniaires  de  la  Société 
s'étanl  accrus,  il  sera  possible  d'ajouter  annuellement  aux 
œuvres  hébraïques  quelques-unes  composées  en  arabe  el 
pour  lesquelles  les  éditeurs  ne  manqueront  pas. 

J.  Derenbodrg. 


Poésies  de  l'Époque  des  Thang  (vu',  vm*  et  ix* siècle  de  notre  ère) 
traduites  du  chinois  pour  la  première  fois,  avec  une  étude  sur 
l'art  poétique  en  Chine  et  des  notes  explicatives  par  le  marquis 
d'Hervey  Saint-Denys,  suivies  d'un  index  analytique  et  d'une 
table  des  matières.  Paris  (Amyot  éditeur,  8 ,  rue  de  la  Paix),  1 862, 
in-8°  (cxii  et  288  pages). 

Cet  ouvragée  manquait  aux  études  des  orientalistes.  La 
poésie  chinoise  considérée  dans  ses  éléments,  dans  sa  fac- 
ture, dans  les  formes  plus  ou  moins  heureuses  qu'elle  a  suc- 
cessivement revêtues,  n'avait  pas  encore  trouvé  d'historien. 
De  plus ,  renfermée  dans  ses  textes  accessibles  aux  seuls  ini- 
tiés, elle  restait  lettre  close  pour  la  masse  de  nos  érudits. 
M.  d'Hervey  Saint-Denys  a  senti  la  lacune,  il  a  voulu  la 
combler,  et,  mettant  à  profit  les  précieuses  collections  de  nos 
bibliothèques,  il  nous  a  donné  avec  le  talent  et  le  goût  qui 
le  distinguent,  une  élude  approfondie  sur  la  poétique  du 
grand  empire,  et  une  reproduction  fidèle  de  ses  plus  élé- 
gantes compositions.  La  période  desThang,  pendant  laquelle 
les  cadres  poétiques  se  sont  fixés  définitivement,  a  exercé 
en  Chine  à  peu  près  la  même  influence  que  le  siècle  de 
Louis  XIV  parmi  nous.  Aussi  les  écrivains  de  ce  pays  ont- 
ils  coutume  de  dire  :  «L'arbre  de  la  poésie  prit  racine  au 
temps  du  Chi-king,  ses  bourgeons  parurent  avec  Li-ling  et 
Sou-vou,  ses  feuilles  poussèrent  en  abondance  sous  1  in- 
fluence des  Han  et  des  Ouei,  mais  il  n'était  réservé  qu'aux 
Thang  de  voir  ses  fleurs  et  de  goûter  ses  fruits,  »  Le  choix 


282  AOUT-SEPTEMBRE   1805. 

de  M.  d'Hervey  Sainl-Denys  se  trouve  ainsi  parlaileuiciil 
justilié  par  l'opinion  môme  des  nalionanx. 

Parmi  les  productions  d'une  foule  d'auteurs  renommés 
que  le  savant  traducteur  nous  fait  connaître  dans  son  livre, 
nous  mentionnerons  spécialement  celles  des  trois  plus  célè- 
bres poètes  qui  illustrèrent  ensemble  le  règne  de  Ming- 
Hoang-ti  et  passèrent  une  partie  de  leur  existence  à  la  cour 
de  Tchan-ngan  comme  à  un  rendez -vous  de  gloire.  Ces 
hommes  qui  imprimèrent  leur  cachet  à  la  poésie  classique 
de  l'Empire  sont  l'illustre  Li-Taï-peli ,  dont  le  scepticisme  mé- 
lancolique fit  école;  l'inébranlable  Thou-fou,  cette  fleur  de 
l'élégance,  qui  dut  à  sa  vertueuse  sévérilé  comme  censeur 
impérial  des  années  de  disgrâce;  enfin  le  médecin  Wang- 
weï,  doué  d'autant  de  courage  civique  qu'il  montra  d'abné- 
gation sur  les  champs  de  bataille.  Ce  dernier,  en  effet,  osail 
improviser  des  vers  en  l'honneur  de  son  légitime  souverain 
à  la  table  même  du  redoutable  Ngan-lo-chan ,  prouvant  ainsi 
à  ce  rebelle  que  le  poëte  est  avant  tout  une  conscience  in- 
flexible, diargée  de  rappeler  leurs  devoirs  aux  hommes  les 
plus  puissants,  et  capable  de  leur  faire  envisager  face  à  lace 
la  vérité  qu'ils  voudraient  fuir.  Ce  fut  là  sa  manière  de  ré- 
pondre à  ce  Tartare  illettré  qui  avait  demandé:  «  Quel  animal 
ce  pouvait  être  qu'un  poëte  et  à  quel  usage  il  pouvait  servir.  » 
Il  est  consolant  d'arrêter  sa  pensée  sur  de  tels  caractères,  et 
tout  en  remerciant  M.  d'Hervey  Saint-Denys  de  nous  avoir 
donné  ces  détails,  nous  ferons  remarquer  que  c'est  un  trait 
particulier  à  la  Chine  et  l'une  des  conséquences  de  ses  insti- 
tutions, qu'aux  bonnes  époques  la  plupart  de  ses  lettrés  ont 
été  aussi  remarquables  par  leur  moralité  que  par  leurs  la- 
lents. 

Tout  sinologue  sait  qu'avec  nos  idiomes  la  traduction  lit- 
térale des  vers  chinois  est  le  plus  souvent  impossible.  On 
doit  alors  se  pénétrer  vivement  des  images  et  du  sens  que 
ces  vers  renferment,  en  saisir  1  idée  principale ,  l'm/e«//oM , 
et  s'efforcer  lVqïï  rendre  la  force  el  la  couleur.  A  rap|)ui  de 
ce  précepte  l'auteur  nous  donne  d'exrellcnls  excnq4cs.  Mais 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  283 

à  jTkirt  la  reproduction  heureuse  des  textes  et  roriginalité  de 
la  pensée,  toutes  les  pièces  de  ce  recueil  se  recommandent 
encore  par  les  circonstances  historiques  ,  les  traits  de  mœurs 
ou  les  traditions  qui  s'y  rapportent.  Plusieurs  d'entre  elles 
présentent  des  allusions  et  donnent  lieu  à  des  expressions 
figurées  qu'on  ne  pourrait  comprendre  sans  commentaire. 
L'auteur  s'est  attaché  à  développer  tous  ces  points  dans  les 
notes  nombreuses  qui  accompagnent  partout  sa  traduction. 
Parmi  les  morceaux  les  plus  remarquables  sous  ces  divers 
rapports  qui  intéressent  surtout  les  orientalistes,  et  pour  ne 
citer  que  les  premiers,  nous  mentionnerons  surtout  les  sujets 
suivants  :  le  Brave,  le  Retour  des  Beaux  jours ,  la  chanson  des 
quatre  saisons  dont  l'héroïne  Lo-foh ,  si  populaire  en  Chine, 
nous  rappelle  la  moralité  des  fables  de  notre  première  en- 
fance, et  enfin  la  pièce  intitulée  :  Quand  les  femmes  de  Yu- 
tien  cueillaient  des  fleurs,  espèce  d'élégie  à  laquelle  se  rattache 
l'histoire  singulière  de  la  belle  Tchao-kiun,  tirée  par  mé- 
prise du  gynécée  impérial  pour  devenir  l'épouse  d'un  khan 
tartare,  qui  plus  tard  refusera  obstinément  de  rendre  ses  dé- 
pouilles mortelles ,  malgré  tous  les  trésors  que  le  fils  du  ciel 
lui  offrira  en  échange. 

Pour  comprendre  comment  les  Chinois  entendent  le  pa- 
rallélisme des  idées  et  l'enchaînement  des  diverses  parties 
de  l'oraison  \  on  peut  consulter  douze  excellents  vers  inspirés 
par  «un  vieil  arbre»  ainsi  qu'une  pièce  portant  le  titre  de 

'  Les  poètes  ont  reconnu  quatre  ou  cinq  stades  oratoires,  que  M.  d'Hervey- 
Saint-Denys  nous  expose  avec  dëtail,  mais  qui  peuvent  se  réduire,  comme 
toute  idée,  à  trois  parties  principales,  savoir:  à  l'exorde  ou  mise  en  scène, 
dont  le  nom  ki ,  signifiant  «fendre,  ouvrir  le  titre  (delà  pièce),»  représente 
très-bien  l'objet  par  une  saisissante  image;  à  la  conclusion,  dont  le  nom  ho 
«nœud,»  rapport  qui  s'établit ,  qui  se  serre,  ne  rend  pas  l'effet  avec  moins 
de  bonheur  ;  enfin  aux  parties  intermédiaires  qui  doivent  former  le  passage 
de  la  mise  en  scène  au  dénoûment.  Les  Chinois  leur  ont  appliqué  les  noms 
de  tchun  «réponse,  développement,»  de  kincj  «perspective,  tableau,»  de 
Ichouen  «tournant,»  et  l'on  ne  sait  ce  que  l'on  doit  le  plus  admirer,  ou  de 
l'analyse  subtile  qu'ils  ont  su  faire  des  différentes  parties  de  l'oraison ,  ou  de 
la  brève  et  complète  définition  qu'ils  en  donnent. 


284  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

Souvenir  de  rantiquité.  Ënlin  une  improvisation  faite  à  l'oc- 
casion d'un  tableau  nous  révèle  un  goût  délicat  de  l'art,  et 
l'existence  en  Chine  de  grandes  écoles  de  peinture  encore 
aussi  inconnues  de  l'Europe,  que  l'étaient,  il  y  a  peu  de 
temps,  les  deux  écoles  de  mathématiciens  dont  nous  devons 
la  connaissance  à  M.  Wylie.  Je  laisse  à  l'homme  de  goût, 
à  l'historien,  au  philologue,  le  soin  d'aprécier  le  plaisir  et 
l'instruction  qu'il  pourra  recueillir  de  la  lecture  attachante 
de  toutes  ces  compositions,  et  je  passe  aux  vues,  aux  consi- 
dérations que,  dans  une  introduction  savante,  l'auteur  nous 
a  présentées  sur  l'histoire  et  }<ur  la  nature  de  la  poésie  chi- 
noise. 

On  sait  que,  des  quatres  parties  dont  se  compose  le  Chi- 
kijig  (livre  des  vers),  la  première,  appelée  Koueh-foung  (mœurs 
des  royaumes),  est  une  collection  de  chants  populaires  com- 
posés du  xii''  au  viii'  siècle  avant  J.  C.  Le  ministre  de  la  mu 
sique,  dont  les  fonctions  cessèrent  lors  du  fractionnement  de 
l'empire  (en  — 770),  était  alors  spécialement  chargé  de  re- 
cueillir ces  chants  qui  nous  peignent  si  bien  les  mœurs,  les 
besoins ,  les  vœux  des  populations.  Puisant  avec  bonheur  à 
cette  source  irréfragable  d'informations  historiques,  M .  d'Her- 
vey  Saint-Denys,  qui  nous  traduit,  ces  chants  et  qui  les  com- 
pare avec  ceux  d'un  autre  âge,  nous  fait  assister  aux  trans- 
formations successives  qu'ont  subies  l'idée  de  la  divinité  et 
la  condition  sociale  delà  femme  qui  n'en  est,  suivant  nous, 
qu'une  conséquence  pratique.  Il  nous  montre  cette  condi- 
tion s'abaissant  toujours  et  dégénérant  jusqu'à  la  polygamie 
à  mesure  que  le  sentiment  religieux  perd  de  sa  force  et  l'idée 
philosophique  de  sa  clarté.  C'est  aussi  dans  les  chants  popu- 
laires,  pour  le  dire  en  passant,  qu'il  faudrait  rechercher 
l'origine,  sinon  les  règles,  des  conditions  phonétiques  de 
toute  poésie.  Ces  conditions  phonétiques  sont  ici  la  rime, 
l'œil  et  le  ton.  Quant  aux  cadres  et  aux  rliythmes  musi- 
caux, s'ils  sont,  comme  nous  le  croyons,  fondés  sur  les 
danses  symboliques  et  sacrées  de  la  haute  antiquité,  c'est  aux 
plus  anciens  monuments  religieux  de  la  nation  qu'il  appar- 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  285 

tient  de  nous  en  révéler  la  clef.  Aussi  émettrons-nous  le  vœu 
que  la  quatrième  partie  du  Chi-king ,  laquelle  contient  des 
hymnes  qui  se  chantaient  en  grande  pompe  durant  la  célé- 
bration des  sacrifices  et  pendant  qu'on  procédait  aux  funé- 
railles des  empereurs, soit  enfm  étudiée  et  traduite  à  ce  point 
de  vue.  Nous  ne  pouvons  quitter  ce  sujet  sans  signaler  une 
opinion  qui  donne  beaucoup  de  force  à  nos  conjectures. 
C'est  celle  de  M.  Léon  de  Rosny  qui  accumule  chaque  jour 
de  nouveaux  matériaux  pour  prouver  jusqu'à  l'évidence  que 
le  Chi-king  fut  primitivement  un  livre  phonétique  et  musical 
qu'on  letenait  de  mémoire ,  et  dont  Koung-fou-lseu  ou  ses 
prédécesseurs,  s'il  en  eut  dans  celte  tentative  \  n'ont  fait 
qu'obscurcir  le  texte  en  cherchant  à  le  reproduire  à  l'aide 
des  signes  idéographiques.  Pour  démontrer  le  caractère  pho- 
nétique de  ces  anciens  livres,  M.  de  Rosny  s'occupe  d'une 
traduction  du  Chi-king  dont  il  corroborera  l'exaclitude  en 
s'appuyant  sur  les  travaux  nombreux,  et  jusqu'à  présent 
ignorés,  des  commentateurs  japonais. 

Mais  hàtons-nous  de  revenir  à  l'œuvre  de  M.  d'Hervey 
Sainl-Denys.  Continuant  à  remonter  le  cours  des  siècles  et 
après  nous  avoir  signalé  l'impolitique  incendie  des  livres  or- 
donné par  Thsin-chi-Hoang-li,  il  nous  cite  un  nom  glorieux, 
celui  de  Kiu-youen ,  auquel  on  attribue  la  composition  du 
Li-sao.  Ce  titre  qui  signifie  «  épanchement  de  tristesse  »  an- 
nonce assez  le  sujet  de  l'ouvrage  et  paraissait  présager  la  fin 
tragique  de  son  auteur;  minisire  d'un  roi  de  Thsou,  n'ayant 

^  De  près  de  quatre  mille  pièces  dont  se  composait  le  Chi-king,  on  sait 
que  Koung-fou-tseu  n'en  conserva  que  trois  cent  onze,  lesquelles  se  rédui- 
sirent enfin  à  trois  cent  cinq  lorsqu'on  entreprit  de  restaurer  ce  livre  de 
mémoire  après  le  fatal  incendie  ordonné  par  Thsin-chi-Hoang-ti,  Sans  parler 
des  erreurs  possibles  lors  de  cette  restauration  et  qu'on  aura  dû  celer  par 
la  suite ,  il  est  à  penser  que  ces  pièces  d'origines  si  diverses ,  traduites  d'abord 
dans  l'idiome  propre  au  domaine  impérial ,  furent  transcrites  en  caractères 
idéographiques  bien  avant  l'époque  de  Koung-fou-tseu.  S'il  en  est  ainsi,  les 
altérations  dont  nous  parlons  ne  peuvent  être  attribuées  personnellement  à 
ce  philosophe,  dont  nous  n'entendons  nullement  attaquer  les  intentions  ni 
la  gloire.  Cependant  la  suppression  que ,  pour  différents  motifs ,  il  fit  de  la 
plus  grande  partie  des  textes ,  n'est  pas  moins  à  regretter  pour  l'histoire. 


286  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

pu  par  ses  conseils  sauver  son  maître,  qui  fut  défait  et  dé- 
trôné, Kiu-youen  se  noya  de  désespoir.  Cet  événement  se 
passait  vers  Ja  fin  du  m*  siècle  avant  notre  ère,  et  telle  est 
en  Chine  la  religion  des  souvenirs,  qu'en  1716  on  fêlait 
encore  l'anniversaire  de  ce  généreux  suicide. 

Sous  les  rian  ,  qui  succédèrent  aux  Thsin  et  dont  les  deux 
dynasties  embrassent  un  intervalle  d'environ  quatre  siècles  (de 
—  202  à-^2  2o),  les  éludes  se  réveillèrent  de  tous  côtés.  Les 
poètes  Sou-vou  et  Li-ling  marquèrent  brillamment  le  règne 
de  Wou-ti,  l'empereur  guerrier,  et  deux  écoles  nouvelles 
apparurent  :  la  première,  celle  du  Roueï  (adonnée  h  l'ex- 
traordinaire), fut  le  résultat  du  mélange  des  doctrines  de 
Lao-lseu  et  des  idées  bouddhistes.  Elle  offre  par  ses  concep- 
tions et  par  son  style  des  analogies  surprenantes  avec  notre 
école  romantique  moderne.  La  seconde,  semi-historique, 
semi-descriptive ,  naquit  dans  une  circonstance  qui  prouve 
l'influence  souveraine  du  talent  et  des  traditions  en  Chine; 
l'empereur  Hiao-ti  ayant  manifesté  l'intention  de  quitter  Lo- 
yang  où  il  tenait  sa  cour  et  de  donner  une  autre  capitale  à 
son  empire,  un  grand  écrivain,  Pan-kou,  prit  la  défense  de 
la  ville  menacée,  et  il  gagna  sa  cause  par  un  poème  archéo- 
logique et  élogieux  qui  trouva  partout  des  imitateurs. 

Après  la  chute  des  Han  devenus  oppresseurs  et  que  ren- 
versèrent les  sociétés  secrètes  vers  l'année  220  de  notre  ère, 
survint  l'époque  du  San-koach  (des  trois  royaumes);  puis  lu 
Chine,  troublée  par  la  guerre,  divisée  daiîs  son  territoire, 
traverse  avec  peine,  et  bien  qu'avec  des  alternatives,  les  siè- 
cles des  six  petites  dynasties.  Durant  cette  période,  notre  au- 
teur constate  la  dégénérescence  de  la  liitéralure,  et  nous 
montre  la  poésie  devenant  tour  à  tour  précieuse  ou  roma- 
nesque, erotique  et  épicurienne  selon  l'impulsion  de  la  cour 
et  le  mouvement  des  mœurs.  Apparaissent  enfin  les  Thang, 
et  nous  voyons  de  nouveau  l'empire  renaître  à  la  puissance 
et  se  reposer  dans  sa  gloire.  La  voix  inspiratrice  de  ses  em- 
pereurs évoque  partout  le  génie  littéraire,  et  bienlôt  se  pré- 
sentent en  foule  les  talents  qui  donneront  à  la  poésie  chinoise 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       287 

ia  loriiie  détinitivc  qu'elle  devra  conserver  désormais.  Arrivé 
à  ce  point  de  l'ouvrage,  il  nous  faudrait  donner  l'analyse 
des  règles  et  les  conditions  poétiques  dont  M.  d'Hervey 
Saint-Denys  a  reconnu  l'existence  dans  toutes  les  composi- 
tions de  celte  époque. 

Ce  travail  curieux  et  que  nous  avons  fait  pour  nous-même , 
si  resserré  qu'il  soit,  dépasserait  de  beaucoup  les  bornes 
d'un  compte  rendu.  C'est  dans  le  livre  même  de  M.  d'Hervey 
Saint-Denys  qu'il  faut  voir  comment  les  Chinois  satisfont  au 
parallélisme  des  idées;  comment  dans  une  stance  de  quatre, 
de  huit  ou  de  douze  vers  ils  établissent  d'un  vers  à  l'autre 
la  correspondance  des  mots  pleins  et  des  mots  vides  ;  comiuenl 
les  rimes  qui  sont  obligatoires  aux  vers  d'ordre  pair,  et  de 
plus  au  vers  (inal,  doivent  sonner  toutes  dans  le  même  Ion  ; 
comment  les  vers  qui  ne  riment  pas  doivent  finir  dans  le  ton 
opposé  à  la  rime  qui  leur  manque;  comment  enlin  il  faut  qu'il 
y  ait  une  constante  opposition  de  Ions  entre  les  pieds  corres- 
pondants des  deux  vers  d'un  même  di.-^tique  \  Ce  n'est  pas  tout 

'   Sous  le  rapport  de  la  poésie ,  les  tons   chinois  peuvent  se  diviser  en 

deuxdasses  :  celle  du  ton  phùicj   ^JT*.    «égal  ou  fixe;»  celle  du  ton  tsii    TK 

«  inégal  ou  modulé.  »  Ces  classes  se  subdivisent ,  la  première  en  deux , 
et  la   seconde   en    trois  espèces  ou    accentuations  différentes,    qui    sont  : 

le  ton  chànçj     r    «élever,  monter,»  le  ton  kiâ  ZIl.  «  s'en  aller,  se  perdre ,  » 

et  le  ton  ji     yK      «rentrer.»  Le  sens  chinois  de  ces  caractères  figure  par- 

i'aitemeut  le  rôle  de  chacun  de  ces  tons.  M.  d'Hervey  Saint-Denys  a  tracé  les 
règles  auxquelles  donnent  lieu  toutes  ces  variétés ,  et  il  nous  apprend  que 
sous  les  Thang  la  rime  exigea  non-seulement  l'accord  du  son ,  mais  encore 
Videntité  de  la  classe  du  ton  et  de  son  espèce,  c'est-à-dire  de  l'accent.  Nous 
pensons  que  cette  rigueur  nouvelle  fut  déterminée  en  partie  par  les  change- 
ments qu'avait  subis  la  langue  dans  son  ancienne  prononciation ,  prononcia- 
tion que  les  Japonais  nous  ont  conservée,  ainsi  que  le  démontre  M.  Léon 
de  Rosny.  Un  sent  de  suite  que  ces  tons'el  les  lois  qui  les  enchaînent  étaient 
d'absolue  nécessité  pour  donner  au  récit  poétique  la  couleur  et  le  mouve- 
ment dont  il  eût  été  privé  par  la  monotonie 'de  la  prononciation  mandari- 
nique. 


288  AOUT-SEPTEMBRE   1865. 

encore;  les  vers  portenl  un  repos,  une  césure, qui  en  marque 
la  cadence,  Vœil  qui  suit  celle  césure  et  qui  remplace  Taccent 
tonique'  de  nos  langues  indo-européennes  est  toujours  l'an 
iépénuitième  monosyllabe;  conséquerament  à  sa  place  et  à 
son  caractère  ce  doit  être  un  mot  plein,  et  de  plus  il  faul 
qu'il  rime  ou  alterne  de  ton  avec  l'œil  des  autres  vers.  Certes 
aucune  poésie  au  monde  ne  s'est  assujettie  à  une  pareille 
gène;  mais  nous  croyons  aussi  que,  complète  en  ses  cadres 
et  séparant  entre  eux  pour  les  opposer  plus  librement  les 
différents  éléments  poétiques  d'idéalité  et  de  son  que  nous 
avons  mêlés  et  confondus  dans  nos  langues,  aucune  n'esl 
capable  de  produire  des  effets  plus  immédiats  et  plus  grands. 
M.  d'Hervey  Saint-Denys,  se  fondant  sur  le  monosylla 
bisme  de  la  langue  et  sur  les  nécessités  de  l'barmonie,  sur  !e 
double  besoin  de  satisfaire  à  la  fois  l'oreille  et  l'esprit,  nous 
fait  concevoir  les  motifs  des  singulières  entraves  que  s'est 
données,  pour  se  rendre  plus  attrayante,  la  muse  du  céleste 
empire.  Il  nous  entretient  des  licences  permises,  des  épi- 
thètes,  de  la  synonymie,  des  chevilles,  du  métier  comme  de 
l'art.  Il  nous  initie  à  tous  les  secrets  de  la  composition  poé- 
tique ,  et ,  l'histoire  à  la  main ,  il  nous  fait  assister  au  dévelop 
pement  raisonné  de  ses  règles,  à  l'éclosion  graduelle  de  son 
génie. 

Charles  de  Labarthe. 

'  .\  l'ap{)ui  de  ce  rôle  que  nous  attribuons  a  Yœil  du  vers  chinois ,  faisons 
remarquer  que  les  mêmes  éléments  poétiques  existent,  au  moins  virtuelle- 
ment, dans  toutes  les  langues,  et  que  les  différences  qui,  sous  ce  rapport, 
séparent  ces  dernières  et  diversifient  leur  poésie,  ne  proviennent  que  de  la 
.siiperposition  ou  de  l'énergie  de  certains  de  ces  éléments  qui  se  sont  ren- 
forcés par  suite  de  l'affaiblissement  des  autres.  Aussi,  tiuelque  étrange  que 
paraisse  au  premier  abord  la  poésie  chinoise,  elle  pourrait,  étant  bien  com 
prise,  servir,  à  un  certain  point  de  vue,  de  prototype  et  de  moyen  de  com- 
paraison,  si  l'on  entreprenait  de  faire  l'Iiistoire  et  l'analvse  approfondie  de 
la  poétique  chez  les  différents  peuples. 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 


GRANDE  INSCRIPTION 
DU  PALAIS  DE  KHORSABAD. 

COMMENTAIRE  PHILOLOGIQUE. 


SUPPLEMENT. 


L'adage  Dies  diem  docet,  vrai  dans  toutes  les 
sciences,  peut  surtout  trouver  son  application  dans 
une  branche  du  savoir  humain  où  tout  naguère 
était  à  découvrir,  et  où  la  sagacité  individuelle,  sou- 
mise à  tant  de  bizarres  conditions,  à  tant  de  hasards, 
devra  longtemps  encore  suppléer  à  la  tradition  in- 
terrompue depuis  des  siècles.  Nous  nous  sommes 
suffisamment  expliqué,  dans  le  commencement  de 
ce  commentaire,  sur  les  difficultés  que  présente  le 
dictionnaire  assyrien;  il  nous  sera  donc  permis  de 
reprendre  en  sous-œuvre  quelques  points,  peu 
nombreux  en  comparaison  des  questions  que  nous 
avons  élucidées,  et  minimes  en  comparaison  des 
laits  acquis  à  la  science.  Mais  quelque  accessoires 
que  puissent  paraître  ces  particularités,  ces  petites 
découvertes  grammaticales  et  lexicographiques,  elles 
ne   doivent   pas   être  passées  sous  silence ,  aussitôt 


290  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

qu'on  a  été  assez  heureux  pour  les  acquérir;  car  le 
maintien  de  ces  erreurs  peut  en  engendrer  d'autres, 
et  la  constatation  de  Ja  vérité  doit  nécessairement 
contribuer  à  i'éioignement  des  difficultés  encore  sub- 
sistantes. 

Les  questions  de  grammaire  sont  presque  entiè- 
rement résolues.  Depuis  la  publication  des  Éléments 
de  la  Grammaire  assyrienne,  en  1 860,  aucun  principe 
nouveau  n'est  venu  modifier  le  système;  les  seuls 
faits  qui  méritent  d'être  signalés  sont  des  preuves 
confirmatives  des  bases  précédemment  établies. 
Nous  suivrons  pas  à  pas  les  quelques  développe- 
ments que  nécessiteront  les  questions  grammaticales. 

REMARQUES  GRAMMATICALES. 
LOIS  PHONÉTIQUES. 

Les  lois  phonétiques  de  l'assyrien,  compaiées  à 
celles  des  autres  langues  sémitiques,  sont  telles 
qu'elles  ont  été  présentées  dans  les  paragraphes  y  h 
24  de  la  Grammaire. 

Les  premières  lignes  du  tableau  du  §  8  sont  à 
établir  ainsi  : 

Assyrien.        Hébreu.  Assyrien.         Hébreu. 

t^  i^,  ^   au  lien  do  ^  ^ 

C  C  D  D.  t/* 

Les  deux  lettres  séparées  en  hébreu  t;  et  e^  ne 
sont  pas  encore  distinguées  en  assyrien,  ce  qui  est 
très-important  pour  l'histoire  do  la  langue  hébraïque 
elle-même  ^  Ainsi  nous  avons  : 

'  Nous  n'avons  pas  voulu  changer  clans  ce  .supplément  la  tran.s- 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  291 


Assyrien 

.      Hébreu. 

Assyrieu. 

Hébreu. 

TIC* 

lit:  être  plan. 

n^2 

DDD  embaumer 

mz' 

mt;  étendre. 

HZ': 

i^f^j  élever. 

nw 

□Iè;   poser. 

}^: 

3t*a  atteindre. 

Vndî:^ 

'pNDt?  gauche. 

im 

iv:^  dix. 

ii2^ 

ii:i^  haïr. 

2m 

nt^:?  herbe. 

f]-)^ 

?]-)îy  brûler. 

^iz 

1Z;-)D  étendre. 

it 

"iî:;   prince,  roi  ^ 

pe^D 

pt?D  tordre. 

Quand  il  y  a  à  la  fois  D  et  l!;  en  hébreu,  Tas- 
syrien  a  également  et  D  et  e/;  le  premier  surtout  à 
Babylone,  le  second  à  Ninive;  nous  citons  d^d  et 
thz  ,  D2D  et  ^22. 

11  est  bien  entendu  que  la  transcription  par  V  ou 
par  V  ne  préjuge  rien  sur  la  prononciation  même 
des  Assyriens. 

Un  autre  équivalent  composé  est  celui  de  u  hé- 
breu, et  de  îîD  assyrien;  ainsi  nî:î  hébreu  est  en  as- 
syrien Ti2;  t::  devient  y*i2.  Ailleurs,  dans  les  langues 
sémitiques,  la  combinaison  "AD  est  anomale. 

Un  D  ne  remplace  que  rarement  un  p ,  e^  vice  versa, 
à  moins  que  toute  la  combinaison  ne  devienne  plus 
douce  ou  plus  dure;  ainsi  de'7pn,  on  a  l'équivalent 
ninivite  b^n;  de  1D2  :  i\>])\  mais  ces  cas  sont  rares. 

Un  autre  changement,  c'est  le  remplacement  par 

rrjptiou  que  nous  avons  suivie  jusqu'ici;  mais  le  progrès  de  nos 
études  a  rendu  nécessaire  la  suppression  du  point  sur  le  ^.  Cette 
question  se  rattache  à  des  études  sur  la  prononciation  antique  de  la 
langue  assyrienne  qui  seront  exposées  dans  une  lettre  de  M.  Oppert 
à  M.  Menant. 

'    Voir  la  remarque  à  la  ligne  i  de  l'inscription. 

2o. 


292  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

un  n  assyrien  du  n  hébreu ,  arabe,  syriaque  et  éthio- 
pien; cette  substitution  mésopotamienne  n'est  pas 
sans  analogie  dans  les  idiomes  de  Sem  ^  et  le  com- 
mentaire en  a  djéjà  rendu  compte.  Nous  citons,  par 
exemple  : 

Assyrien.  Hébreu. 


\>ni 

]>m  loin. 

n]>b 

npb  prendre ,  trouver. 

nns 

riDD  ouvrir. 

□n") 

DUl  entrailles,  miséricorde, 

vm 

^m  nouveau*. 

m 

m  un. 

Dans  la  grande  majorité  des  cas,  pourtant,  le  n  des 
autres  langues  sémitiques  est  également  représenté 
en  assyrien  par  un  n. 

*  Nous  citerons  la  langue  des  Sabéens  et  le  dialecte  de  Galilëe, 
où  l'on  ne  pouvait  distinguer,  selon  le  Thalmud,  les  lettres  N*,  i«*, 

n,  n. 

'  La  forme  muddis,  dans  les  titres  de  Nériglissor  et  de  Nabonid, 
est  le  participe  paèi  de  ^ID  (non  expliqué,  E.  M.  t.  If,  p.  SaS); 
Indis  et  luddis,  souvent  employés  dans  les  formules  imprécatoires 
des  fins  de  textes,  sont,  l'un  le  précatif  du  kal,  l'autre  le  précatifdu 
paël.  L'infinitif  du  paël  se  trouve  sur  la  pierre  d'Aberdeen  (  W.  A.  I. 
pi.  XLIX,  col.  III,  1.  23],  dans  un  texte  de  Sardanapalc  VI  (coll. 
ph.  89,  a.  K,  120);  il  est  uddus.  Selon  ce  que  nous  avons  dit  pré- 
cédemment sur  l'art  de  dégager  les  racines  (voir  Journal  asiatique, 
186 4,  t.  III,  p.  4i2  ),  il  est  évident  que,  dans  cette  forme  de  l'infi- 
nitif paël,  le  d  ne  peut  être  que  la  seconde  radicale.  La  racine  est 
donc  i:;"n.  et  les  formes  sont  ^iS,  ^IHD,  ^inb,  C^lH.Le'n  'D 
sp  conjugue  comme  le  'X   D. 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  293 

NOMS  DÉCLINABLES. 

Il  n'y  a  qu'à  confirmer,  en  général,  les  principes 
qui  régissent  le  nomen,  ou  substantif  ou  adjectif.  Les 
grammairiens  futurs ,  néanmoins ,  devront  insister  sur 
la  déclinaison  de  noms  masculins  'n'b,  qui  confirme 
également ,  de  la  manière  la  plus  irréfragable ,  le  prin- 
cipe des  trois  cas  en  h,  a  et  i;  le  pluriel  est  formé 
en  ut,  comme  le  pluriel  des  adjectifs  masculins. 
(§§  48,  56,  58,  77.)  On  déclinera  donc  : 


Singulier. 

Pluriel. 

^p3,  la  victime. 

np:.     xn]?: 

^?,^ 

^W 

'r- 

^K^V,^ 

Ainsi  se  déclinent  UN  «  le  père,  »  ut  «le  pacte,  » 
U"}  («grand.»  Les  pluriels  en  n^n  et  "•-  sont  moins 
fréquents  pour  cette  classe  de  mots. 

Le  chapitre  des  suffixes  est  établi  depuis  long- 
temps, et  il  n'y  a  que  la  question  des  dialectes  qui 
nous  conduise  à  une  addition.  En  effet,  dans  des 
formules  le  suffixe  de  la  y  personne  au  féminin  du 
singulier  est  quelquefois  ^p ,  au  lieu  de  N^,  et  con- 
curremment avec  cette  forme. 

Les  formes  ]D-,  ]d-,  ]^-,  ]p-,  proviennent  des 
suffixes  amplifiés  ^U-,  NU-,  uur,  KJîÇ^-. 

Pronoms.  Parmi  les  pronoms  personnels  (§  8 1) ,  le 
féminin  singulier  et  le  masculin  pluriel  de  la  2^  per- 
sonne ont  été  réellement  constatés  sur  les  monuments 


294  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

(coll.  ph.  111,  K.  1  /i2  et  passim,  Prisme  de  Sardana- 
pale),  et  dans  les  formes  que  nous  avions  proposées. 
La  leçon  attunu  au  masculin  conduit  naturellement 
à  attina  au  féminin,  et  nous  aurons  : 

rix,  «tu  (homme),»  ^nx,  a  tu  (femme).» 

jriN,  i:riK,  avons  (hommes),»  ^riK,  î<:nK,  «vous 
(femmes).  » 

Quant  aux  autres  pronoms,  il  se  pourrait  que, 
contrairement  à  notre  opinion  (E.  M.  t.  II,  p.  i  62  ; 
G.  y4.§  8  7),  mais  conformément  à  celle  de  M.  Hincks, 
le  mot  mala  K^^D  signifiât  non  pas  «qui,  ne  pas ,  » 
mais  «tout  ce  qui,»  quelles  que  soient  les  raisons 
que  nous  puissions  encore  alléguer  en  notre  faveur. 

Noms  de  nombre.  Parmi  les  nombres,  nous  cons- 
tatons la  présence  du  pluriel  de  un  :  '•"iriK  —  ^ina 
[fV.  A.L^\,  XIX,  1.  81)  «  les  uns,  les  autres;  »  puis 
la  forme  nn,  dans  """in  ,  (f  un  ;  »  ^in  (adverbe),  «  seul.  » 

Dans  les  nombres  dérivés,  nous  avons  omis,  k 
côté  des  formes  KC^^ç;  (§  99),  celle  de  v^^. 

L'idée  de  réciprocité  est  exprimée ,  en  assyrien , 
comme  dans  toutes  les  langues  sémitiques,  par  une 
métaphore.  Comme  l'hébreu  dit  pour  «moi-même  » 
la  parabole  «mon  os,»  l'arabe  «mon  âme,  mon 
souffle,»  l'assyrien  emploie  «mon  cœur,»  '•a'?,  ou 
«  mes  entrailles,  »  ""^Dn"!  ^ 


VERBES. 


La   classification  des  verbes    est  aussi   complète 
qu  elle  peut  l'être;  mais  il  resterait  à  insister  davan- 

'  Nous  reviendrons  sur  ce  point  h  la  discussion  de  la  ligne  77. 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KUORSABAD.  295 

lage  sur  l'article  i  i  4,  qui  parle  des  formes  verbales 
développées  de  l'aoriste  simple.  La  crainte  de  trop  sys- 
tématiser avait  empêché  l'auteur  d'entrer  plus  avant 
dans  le  développement  des  aoristes  apocope,  antitlié- 
ticjae  en  a,  et  paragngùjue  en  amina,  qu'on  retrouve 
dans  la  Grammaire  arabe. 

Le  progrès  de  nos  études  a  démontré  que  cette 
réserve  était  exagérée,  et  qu'il  faut  au  moins  consa- 
crer quelques  mots  à  l'aoriste  en  ma  ou  ua\  qui 
paraît  avoir  donné  naissance  au  ma  si  obscur,  traité 
au  §  2  II  il.  Nous  aurons  donc,  en  conjuguant  seule- 
ment le  kal,  l'aoriste  paragogique  sans  revenir  sur 
les  autres  voix  : 

Singulier.  Pluriel. 

1  T-\:-  T-\:' 

2'  p.  m.      NDIDîn  XD^nDTn 

1  T-\:-  T\\:- 

2"  p.  f.      ND:nDTn  ND^iXI^Tn 

3"  p.  m.        KD-)3Î>  J^DinDÎ^ 

3*  p.  f.         XD-IDîn  NDiNIDTD 

Les  foruïes  comme  ibfmrunamma  (Bisoutoun ,  pas- 
sim),  issunumma,  ïoï)t  supposer,  avec  une  certitude 
presque  complète,  des  analogies  comme  tabhaii- 
mimma  et  tabhuranamma. 

Toutes  ces  formes  paragogiques,  se  plaçant  à  la 

'  Il  rappelle  les  formes  de  la  poésie  hébi-aïquc  en  ID ,  comme 
1DVDD\  1D:?b3n,  et  tant  d'autres. 

*  Les  exemples,  du  reste  peu  nombreux,  semblent  donner  nt  au 
lieu  de  notre  na;  ainsi  on  dira,  à  la  i"  personne  du  pluriel,  nizkur 
au  lieu  de  nazhir;  mais  le  nn  de  niuakhir  doit  être  maintenu. 


296  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

fin  des  plirases,  se  lient  avec  ce  qui  suit,  de  sorte 
que  dans  le  ma  o.u  va  de  la  fin,  on  peut  réellement 
voir  une  sorte  de  copule. 

Nous  devons  donc  considérer  comme  vidée,  dans 
le  sens  négatif,  la  question  du  iSp:,  nammac  en- 
semble,» dont  il  a  encore  été  traité  dans  le  com- 
mentaire. (G.  A.  §  20  1  ;  E.  M.  t.  II,  p.  223.) 

La  paragoge  ma,  ajoutée  aux  suffixes,  telle  que 
aksadassamma  (Inscription,  1.  117),  liskanassamma 
[Caillou  (le  Michaux,  col.  iv,  l.  18),  appartient  à  la 
même  classe  de  phénomènes  grammaticaux. 

Quant  aux  verbes  défectifs ,  il  y  a  peu  de  chose 
à  ajouter;  les  verbes  k'd  ont  presque  toujours  a  à 
l'aoriste,  sauf  bDX  manger,  qui  forme  bDNV 

Précatif.  Depuis  longtemps  nous  avions  soup- 
çonné que  le  précatif  ne  se  bornait  pas  à  la  troisième 
personne,  mais  quil  était,  comme  les  formes  ana- 
logues en  arabe  et  en  araméen,  seulement  formé 
par  faoriste  avec  le  b  préposé.  M.  Hincks  avait  déjà 
cru  voir  une  première  personne  dans  les  formes 
b^Jl\  qui  devaient  être  distinguées  de  la  troisième 
•7^3^.  Nous  venons  de  trouver  la  preuve  de  cette 
supposition  dans  une  prière  (col.  ph.  29,  b.  K.  /i3), 
où  on  lit  anahu   lablut^,    Dbn'?  ^iDiN;  ailleurs  nous 

^  Tout  en  rendant  hommage  au  mérite  éclatant  de  M.  Hincks, 
nous  ne  pouvons  pas  accéder  à  tous  ses  principes  soi-disant  gram- 
maticaux qui  manquent  généralement  de  simplicité,  et  par  cela 
même  de  justesse.  Dans  une  note  d'un  écrit  sur  la  polyphonie, 
M.  Hincks  veut  bien  reconnaître  que  dans  les  Eléments  de  la  Gram- 
maire assyrienne  il  se  trouve  plusieurs  grands  principes  qu'il 
adopte;  mais  il  dit  qu'en  dehors  d'encjirs  minnircs  qu'il  ne  signale 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  297 

croyons  voir  la  seconde  dsLUslûtapparraéa(co\\.ph.  2  1) 
KD^pnb.  Seulement  la  3^  personne  du  féminin  a  dis- 
paru et  s'est  confondue  avec  la  forme  du  masculin. 
Le  î  i  6l\,  G.  A.  est  k  rectifier  dans  ce  sens. 


pas ,  il  y  voit  des  erreurs  petnicieuses  (sic)  qui  pervadent  tout  l'ouvrage. 
M.  Hincks,  celte  fois,  veut  bien  spécifier  nos  aberrations,  et,  après 
l'avoir  écouté,  il  faut  avouer  que  la  terreur  qu'inspire  son  épithète 
diminue  singulièrement.  «Tout  ce  qui  a  la  seconde  radicale  redou- 
blée n'est  pas  un  paël ,  et  un  paël  peut  ne  pas  avoir  la  seconde 
radicale  redoublée.»  Nous  n'avons  jamais  dit  le  contraire.  —  «Les 
'^'D  bébreux  ne  deviennent  pas ,  en  assyrien ,  des  'N'D ,  mais  des  VD.  » 
Nous  sommes  fâcbé  de  persister  dans  l'impénitence  finale;  il  n'y 
a  pas  de  'VD.  Aux  mots  hébraïques  lh'\  nibiD,  D^\  2^p\D  , 
correspondent  les  assyriens  aliJ,  talidat,  asib,  musesih ,  et  non  pas 
validf  vasib ,'etc.  Enfin,  en  dernier  lieu,  nous  sommes  accusé  de  ne 
pas  distinguer  entre  les  formes  de  l'aoriste  mufadves  et  permansives. 
A  cette  occasion,  M.  Hincks  ne  s'explique  pas,  et  nous  ne  le  com- 
prenons pas;  toute  la  sagacité  de  nos  amis  ainsi  que  notre  investi- 
gation n'ont  pu  trouver  dans  les  écrits  de  M.  Hincks  même  le 
moindre  vestige  qui  pût  nous  éclairer  sur  sa  découverte. 

Espérons,  toutefois,  que  cette  découverte  sera  plus  permansive 
que  celle  du  prétérit  assyrien,  dont  M.  Hincks  a  essayé  de  donner 
les  terminaisons;  ce  sont,  singulier  1"  pers.  ku,  2"  pers.  ka  et  ki 
(comparable  à  l'éthiopien),  3'  pers.  —  et  at,  au  pluriel,  l'^'pers. 
nu,  2'  pers.  tun  et  tin,  3'  pers.  u  et  a.  Mentionnons  tout  d'abord 
que  pour  la  2*  pers.  masc.  et  fém.  du  singulier,  pour  la  1'*  et  la 
2*  pers.  du  pluriel,  M.  Hincks  n'essaye  pas  même  de  donner 
d'exemples.  Il  est  réduit,  pour  la  3"  pers.  du  pluriel,  à  produire 
les  pronoms  sunii  et  sina!  Pour  la  3*  pers.  du  singulier,  il  subs- 
titue des  participes.  Quant  à  la  1"  pers.  en  ku,  voici  comme 
M.  Hincks  la  trouve.  11  allègue  anaku  «je,»  et  une  forme  sarraku 
«je  suis  roi.»  Quand  même  on  ne  devrait  pas  lire  sarralus,  on  con- 
viendra que  le  mot  «je»  ne  prouverait  pas  l'existence  d'un  préte'rit 
verbal.  Puis  il  nous  présente  une  forme  usbaku,  selon  lui  la  1" 
pers.  de  D21.  D'abord,  on  ne  lit  jamais  ushaku,  mais  toujours  us- 
bakuni,  dans  les  inscriptions  de  Sardanapale  III,  dans  la  phrase  : 
«  Pendant  qu'ils  me  retinrent  à  Ninive,  etc.»  Us'bakiini  est  la  3*  pers. 


298  OCTOBRE-NOVEMBRE  J805. 

Formation  des  voix.  L'assimilation  du  n  dans  l'ipli- 
teal  et  l'ipbtaal  (§§  12S,  1/1 3)  a  lieu,  dans  des  cas 
Irès-rares ,  pour  d'autres  lettres  que  les  sufïixes.  Nous 
citons,  par  exemple,  ^p^"'  pour  ^pnb";  (K.  à6). 

Verbes  (juadrilitèrcs.  Nous  avons  déjà  remarqué, 
dans  le  commentaire,  que  la  Grammaire  omet  la 
mention  du  shaphalel  et  de  Yistaphalel  des  verbes  qua- 
drilitères;  le  nombre  des  voix  pour  ces  verbes  s'é- 
lève donc  à  six. 

Suffixes  verbaux.  A  côté  des  formes  ordinaires, 
comme  it:^"ipr ,  il  faut  noter  ^îî^*l2r. ,  et  avec  le  ma  pa- 
ragogique,  NÇ^nDr.. 

Adverbes.  La  classe  des  particules  offre  les  plus 
grandes  difficultés  pour  l'interprète;  on  peut  même 
dire  qu'elle  est  la  partie  la  plus  ardue  de  toute  la 
grammaire,  parce  que  les  langues  congénères  ne 
fournissent  que  peu  de  points  de  comparaison,  et  il 
n'est  accordé  qu'à  la  sagacité  du  traducteur  de  se 
rendre  compte  de  la  valeur  de  ces  mots  qui  donnent 
la  vie  à  la  langue. 

Il  est  possible  que  (§  20  i)  il  ne  faille  pas  lire  ^;iï)i< , 

du  pluriel  de  ~pD  à  l'iphteal  avec  le  suffixe.  Sans  suffixe,  ce  serait 
yussabaku  ID^D]",  ou  mèiwc  jasahaku  ^D3p^  (G.  A.  S  128),  et  con- 
tracte avec  le  suffixe  [Ihid.  §  197)  "'jlD3p\  Voilà  à  quoi  se  réduit  la 
ï"  personne  en  lui.  Et  ce  seul  exemple,  si  même  il  était  avéré,  ne 
pourrait  avoir  une  grande  portée,  quand  on  le  compare  aux  milliers 
de  formes  des  aoristes  fournies  par  les  textes. 

La  fin  des  prières  de  Nabuchodonosor  est  à  modifier  dans  le  sens 
indiqué.  (Voir  E.  M.  1.  II,  p.  284,  t.  I ,  p.  i56.)  —  Le  passage  se 
traduira  donc  : 

«Avec  ton  assistance,  ô  Mérodach  ,  le  sublime  ,  j'ai  bâti  ce  palais. 
Puissé-je ,  sans  douleur,  trôner  à  Babylonc,  y  trouver  du  repos,  y 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  299 

mais  ""DIK  «  après  \))  quoique  la  première  forme 
trouve  bien  son  équivalent  en  syriaque;  le  mot  "»pnx 
a  sûrement  la  signification  de  «après,»  surtout 
comme  préposition. 

Il  faut  rayer  NDp  (voir  plus  haut),  et  ajouter  \y, 
«jusqu'à  ce  que,  »  avec  la  signification  de  «jamais,  » 
(voir),  XDJN  «jamais»  [unqaam),  et  puis  parmi  les 
prépositions  adverbiales  :  ''pn^  «  derrière,  après.  » 

Parmi  les  conjonctions,  il  y  a  dilTcrentes  forma- 
tions effectuées  avec  ND ,  telles  que  KD'^n;  «  puisque ,  » 
NÇnp  «  tout  ce  que;  »  mais  il  faut  rayer  kjdn*  «  aussi,  » 
qui  repose  sur  une  interprétation  défectueuse. 

REMARQUES  RELATIVES  À  L'INSCRIPTION. 

Après  ces  remarques  qui  se  trouvent  déjà  en  partie 
disséminées  à  divers  endroits  du  commentaire,  nous 
nous  adressons  aux  points  de  l'interprétation  sur  les- 
quels nous  croyons  devoir  revenir,  soit  qu'ils  soient 
susceptibles  de  recevoir  un  supplément  de  preuves, 
soit  qu'ils  doivent  être  infirmés  par  des  découvertes 
survenues  depuis  la  rédaction  du  commentaire. 

Le  nom  du  roi  Sargon ,  composé  avec  le  mot  roi, 
nous  force  à  revenir  sur  la  transcription  de  ce  nom 
propre,  qui  aujourd'hui  seulementse  trouve  décidé- 
ment résolue,  et  dans  le  sens  même  de  la  substitu- 
tion de  V  kt;.  [Joarn.  asiat  i863,  t.  II,  p.  AS/i, 
note.)  Nous  croyions  avoir  une  preuve  directe  pour 

septupler  ma  race.  Puisse,  à  cause  de  moi,  mon  peuple  y  dominer 
jusqu'aux  jours  les  plus  reculés!  » 

'   L'incertitude  provient  de  la  double  prononciation  du  signe. 


300  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

la  transcription  de  èarra\  mais  il  est  probable  que  ce 
mot  n'est  pas  identique  à  celui  de  «  roi.  »  On  se  sou- 
vient que  jVI.  de  Saulcy  établit  pour  la  première  fois, 
dans  son  Mémoire  autographié  sur  les  inscriptions 
des  Achéménides,  la  transcription  sarpour  la  lecture 
du  mot  royal  dans  les  légendes  des  chambranles 
de  Persépolis,  quand  M.   Rawlinson   [Beh.   p.   3) 

le  lisait  encore  melek.  Le  mot  étant ^^J  T>-TT<Ti 
il  s'agissait  de  savoir  si  le  premier  signe  devait  être 
lu  sur  ou  sar.  Nous  avons  lu  le  nominatif  jusqu'ici 
sarru,  les  Anglais  ont  adopté  sarra;  ils  ont  même 
écrit  5/iarra ,  ce  qui  préjuge  une  question  que  nous  ne 
saurions  résoudre,  celle  de  la  prononciation  du  mot 
vivant  dans  la  bouche  des  Assyriens.  Pour  parler  plus 
scientifiquement,  faut-il  transcrire  ")D  ou  i^?  Une 
constatation  récente  que  nous  avons  faite  prouve 
qu'il  faut  abandonner  définitivement  1D. 

Nous  avons  trouvé ,  dans  les  plancbes  (pi.  VI,  rf  2) 
que  nous  devons  à  notre  ami  regretté  Loftus,  un 
fragment  que  nous  avons  eu  le  tort  de  ne  pas  exami- 
ner, parce  qu'il  était  trop  fruste,  et  se  composait 
à  peine  de  quelques  signes.  Cependant  ce  petit  reste 
de  l'épigraphie  achéménide  de  Suse ,  provenant  d'Ar- 
taxerxès  Mnémon ,  fournit,  sealde  toas  les  monuments 
assyriens  connus,  le  mot  wroi»  en  caractères  pho- 
nétiques simples.  Voici  ce  texte  en  entier  : 

Ligne Z^  T  S#^  6==B^^^  V  :ëJI 

A   -  na  -  ku.    ^    Ar     -        lak      -      sut  -  su. 
Ego  Arlaxerxes 


GRANDE  liNSCRIPTlON  DE  KHORSABAD.  301 

Y  <I-^K -T[f  <  ^— 

sa  ar       -       ri.  raba 

rex  magnus      

Ligne. ^<    ^m    4^     ^I    ^ 

sa  ai'       -       ri.  kak    -    ka     -     ru. 

rex  lerrae 

ïï  yT^i<T-ffî<- 

habal.  sa.  *     Da       -       ri     -     ya     -     vus. 
filius  Darii. 

Ligne  3 V  :HIT«  ^  :=f  <^Ï= 

Ar  -  tak-sat  -   su    .  sarru.  in.  silli. 

Aitaxerxes  rex    in  (iilela 

^-TTf-^<îfciT 

A  -    hu         ur     -     ma  az     -     da. 

Oromazis 


Or,  dans  ce  document,  le  mot  de  «roi»  est  écrit 
sarri,  sans  équivoque  aucune.  On  pourrait  nous  op- 
poser que  le  monument  ne  date  que  d'Artaxerxès 
Mnémon ,  donc  d'une  époque  assez  récente;  mais  une 
preuve  provenant  de  cette  époque  vaut  toujours 
mieux  que  l'absence  de  toute  démonstration.  D'ail- 
leurs ,  les  inscriptions  babyloniennes  de  ce  règne  nous 
montrent  encore,  ce  qui  n'a  pas  lieu  pour  l'idiome 
perse ,  la  langue  assyrienne  dans  toute  sa  pureté.  Nous 
ajoutons  que  le  fragment  nous  offre  en  outre  une  par- 
ticularité d'ortbograpbe  qui  lui  est  commune  avec 


302  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

les  plus  anciennes  inscriptions  assyriennes;  ici  seule- 
ment, dans  le  nom  d'un  texte  trilingue ,  nous  avons  la 
preuve  que  Je  signe  t~r.  a  la  valeur  de  àr  (peut- 
être  âr),  et  est ,  d'ordinaire ,  équivalent  à  /y^^JT^T  ar. 

Le  nom  de  Sargon  se  transcrira  donc  en  carac- 
tères sémitiques  Kj''D-)^  ou  î<:^D-n^.  La  prononcia- 
tion de  ce  nom,  entendue  par  des  oreilles  juives  ou 
grecques,  était  ou  Sargàn  ou  Sarkean^\  car  la  leçon 
p2")D,  un oiira^'kBy6{ievov,uesi pas  sufïisamment  sûre , 
quand  nous  pensons  que  les  Massorètes  ont  sou- 
vent été  obligés  de  remplacer  un  i  de  l'écriture  (stid) 
par  un  "•  de  la  lecture  (''"'p) ,  (  par  exemple iVum.  xxvi, 
9;  Jer.  xLvni,  /i ,  et  à  chaque  instant).  Le  1  s'est  in- 
troduit dans  le  nom  d'Assuérus  D"n:^*nt< ,  où  le  sy- 
riaque ne  l'a  pas,  et  probablement  dans  le  nom  de 
Sippara  n^nuD  (voir  Rois,  11,  ly,  3i).  Par  toutes 
ces  considérations,  il  est  probable  que  notre  pro- 
nonciation de  Sargon  ne  repose  que  sur  une  erreur 
d'écriture,  et  qu'elle  élait  inconnue  aux  contempo- 
rains judaïques  du  monarque  ninivite. 

La  locution  si  souvent  répétée ,  mal  basa  ou  mala- 
basû  (ligne  y) ,  se  trouve  à  chaque  instant  dans  les  ins- 
criptions quand  on  entend  insister  sur  l'importance 
d'une  province , d'un  palais,  d'un  butin.  La  difficulté 
réside  dans  le  mot  malâ  N^D,  aussi  bien  que  dans  la 

'  En  effet,  \v  j  hébraïque  el  araméen  semble  avoir  en  une  pro- 
nonciation voisine  de  celle  de  l'assyrien  D.  Le  3,  dans  le  nom  de 
Téglathphalasar,  le  pronve  cgaloment ,  car  l'assyrien  a  anssi  un  D;  el 
le  nom  assyrien  Mannii-ki-Arhaîl  est  transcrit  dans  les  inscriptions 
de  Sir  Henry  Rawlinson  par  73")N3  jtD  (  liiUngnnl  inscriptions,  p.  2  1  8). 


GRANDE  INSCUlPTIOiN  DE  KHORSABAD.  303 

signification  de  basû  -t^n.  Nous  l'avons  interprétée 
par  :  «qui  n'est  pas  ti  dédaigner.  » 

MM.  Rawlinson  et  Hincks  avaient,  en  premier 
lieu ,  vu  dans  mald  un  pronom  indéfini  «  tout  ce  qui ,  » 
et,  il  faut  le  dire,  quelques  passages  des  inscriptions 
semblent  indiquer  cette  signification.  [Yoir  R.  Beh. 
p.  g/i.)  C'est  surtout  des  inscriptions  trilingues  [E  de 
Xerxès,  1.  9)  que  semble  se  développer  l'acception 
de  {(tout  ce  qui,»  et  non  pas.  comme  nous  l'avons 
cru,  contrairement  à  fidée  de  Sir  Henry  Rawlin- 

son,  l'idée  de  «ce  qui  ne pas.  »  (E.  M.  t.  Il, 

p.  162.)  Nous  avions  cru  pouvoir  inférei'  la  nécessité 
de  cette  traduction  d'un  passage  de  l'inscription  de 
Bisoutoun  (1.  /i3),  oii  il  est  probablement  question 
desMèdes  nomades,  et  où  on  lit  les  mots  : 

uliuîu  sa  Madai      mala      in    bit 
populiis   Mediœ  qui  non  in  domo. 

Et  la  traduction  médo-scythique  semble  militer  en 
faveur  de  cette  traduction.  (Voir E.  M.  t.  II ,  p.  2 2  1 .) 
Néanmoins  ici  le  manque  de  connaissance  de  la 
langue  médique  ujême  pourrait  nous  faire  oppo- 
ser finterprétation  :  a  populus  Mediae  quisquis  in 
domo.  »  Ce  passage  ne  prouve  ni  pour,  ni  contre. 

Un  passage  bien  souvent  répété  dans  les  textes 
de  Sargon  [Inscription  des  Taureaux,  Revers  des  pla- 
ques et  ailleurs,  comparez  aussi  Menant,  Revers  des 
plaques,  1.  35)  semblerait  plus  concluant  en  faveur 
de  la  traduction  affirmative;  on  y  parle  des  pays  : 


304  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

mati       mald       samsu     irli  'a 
terras  quasquas     sol        aspicit^ 

Dans  ce  cas ,  la  version  négative  serait  beaucoup 
moins  à  sa  place.  D'autres  passages  (par  exemple. 
Caillou  de  Micliaux ,  col.  iv,  1.  22)  sembleraient  plu- 
tôt nous  faire  pencher  pour  le  sens  «  qui  ne...  pas;  » 
et  parmi  ces  locutions,  qui  ne  résolvent  rien,  se 
trouve  aussi  notre  mala  hasû. 

Il  semble  d'abord  acquis  que  le  verbe  n^n  veut 
dire  «  être  mauvais ,  »  et  qu'il  est  allié  au  mot  ^'N3 
qui,  avec  ce  même  sens  inhérent  aux  mots  hébreux 
et  araméens,  se  trouve  dans  les  textes  trilingues 
(par  exemple  JS.  B,  1.  33).  Dans  le  syllabaire  K.  46 
(publié  fî.  M.  t.  II,  p.  96),  qui  contient  une  liste 
d'adjectifs  assyriens  exprimés  en  regard  par  des  mois 
touraniens,  on  lit  après  tdba  y  bon:»  basa,  comme 
on  voit  après  rahâ  «  grand,  »  si  'ir  i^ii  «  petit.  »  Basa, 
expression  du  mot  touranien  sara,  semble  signifier 
((  mauvais.  »  Tel  est  le  sens  résultant  des  formes  ver- 
bales (par  exemple  E.  1.  H.  I.  col.  n,  1.  20). 

A  côté  du  mot  touranien  sara,  ikla  rend  égale- 
ment hasû,  et  le  syll.  K.  1  99  (coll.  ph.  1 58  b.)  nous 
démontre  que,  dans  notre  phrase  malabasû,  c'est  le 
mot  ikla  qui  traduit  le  sémitique  basû.  Ce  mot  ikla 

^  La  plupart  des  copies  de  M.  Botta  portent  à  tort  saliu,  le  su  et 
le  ir  n'étant  distingués  que  par  la  longueur  du  clou  horizontal  infé- 
rieur-, cette  erreur  nous  avait  pendant  longtemps  caché  la  vraie  si- 
gnification de  ce  passage,  car  satin  n'est  pas  un  mot. 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  305 

esl  retrouvé  dans  un  mot  touranien  ka  ikla,  qu'un 
syllabaire  traduit  par  les  deux  mots  hncjurm  i^yp  et 
rugummu  Nîp:^ ,  synonymes  dont  le  sens  nous  échappe, 
mais  qui,  si  nous  admettons  l'explication  que  nous 
fournil  le  dictionnaire  arabe ,  pourraient  s'interpré- 
ter par  ((  des  défauts  corporels.  » 

Nulle  part  nous  ne  pourrions  retrouver  l'idée  de 
«nombre,»  que  M.  Hincks,  nous  croyons,  avait 
proposée,  de  sorte  que  mala  basa  aurait  le  sens, 
très-plausible  en  lui-même,  de  «  quisquis  (sit)  nume- 
rus,»  c(  en  entier,  de  quelque  sorte  que  cela  fût.» 
D'autres  passages  ne  démontrent  pas  la  possibilité 
d'un  verbe  W2  o  compter»;  et,  1.  i3,  le  verbe  ibsu, 
assez  obscur  du  reste,  s'y  refuse.  Nous  avons  en  de- 
hors d'autres  preuves,  par  exemple,  dans  les  inscrip- 
tions des  Séleucides,  le  nom  La-basi-Bel,  b^2-^p2-i<b 
u  Non  sperne  Belum ,  »  qui  confirme  encore  l'existence 
d'un  verbe  w:i,  avec  la  signification  de  dédaigner 
que  nous  lui  avons  primitivement  reconnue. 

Quoique  nous  ne  puissions  décider  la  question, 
nous  avons  soumis  à  nos  lecteurs  les  éléments  de  la 
question  relative  à  la  phrase  intercalaire  mala  basa, 
dont  le  sens ,  nous  le  répétons,  pourrait  parfaitement 
être  ({ dans  toute  son  étendue.  » 

Ligne  i3.   Israkanumma  est  un  seul  mot. 

Ligne  i  6.  Le  groupe  idéographique  ^^~T  J^y  se 
classe ,  à  l'heure  qu'il  est,  encore  parmi  les  questions 
difficiles.il  est  sûr  qu'il  rend  taklat  n^pn  ,  et.  emph. 
takulti;  telle  est  sa  valeur  incontestable  dans  le  nom 


306  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

de  Téglathphalasar.  Mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai 
qu'il  désigne  une  espèce  d'arme  dans  le  texte  de 
ce  roi  (par  ex.  col.  v,  1.  58  etpassim)  et  son  emploi, 
comme  équivalent  d'arme,  ainsi  que  M.  Hincks  l'a 
supposé,  semble  assuré.  11  se  peut  donc  que,  quand 
parfois  nous  le  lisons  au  pluriel ,  nous  devions  le 
traduire  ainsi  sans  le  prononcer,  surtout  dans  la 
phrase  : 

in       ISKUêya.     usamkit. 
cum    armis  meis     vici. 

Ce  dernier  groupe  est  masculin. 

Aussi  les  phrases  telles  que  1.  20,  /iG  se  prêtent- 
elles  mieux  à  la  dernière  interprélation. 

Ligne  2  5.  Le  nom  de  Sebechus  est  lu  Sabhe;  la 
première  lettre  est  ^  TT't-T-  ^^  syllabaire  R.  1  10 

distingue  ►  T— 1*^1  ^^  tl  1^^ '  ^^^  ^^^  textes 
eux-mêmes  confondent,  et  donne  au  premier  la  va- 
leur desip,  au  second  celle  de  sap;  dans  ce  cas  le 
nom  serait  sibhé,  ce  qui ,  du  reste ,  ne  change  rien  h 
la  question  de  l'identité  avec  le  ^^'ID  de  la  Bible. 

Ligne  3o.  Binti  signifie  réellement  «fille;»  un 
fragment  de  K.  1  10  ainsi  que  des  textes  historiques 
nouvellement  examinés  le  prouvent. 

Ligne  33.  Nous  transcrivons /T—w^  parlimna, 
et  nous  y  sommes  autorisé  par  de  nombreux  pas- 
sages; mais  nous  n'oublions  pas  que  la  leçon  sina  et 
sineti  pourrait  parfaitement  se  justifier  par  le  mot 
i<W  «  haïr,  »  de  sorte  qu'on  pourrait  l'exprimer  par 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  307 

N^'Ç^  et  jnN*::;.*.  Le  verbe  dd'jd  veut  dire  «  se  brouiller;  » 
le  shaphalel ,  aspalkit  D^b'Dp^  veut  donc  dire  «  bix)uil- 
1er  quelqu'un  avec  un  autre,  »  Il  se  construit  avec 
itti  ^riN',  et  la  phrase  signifie  :  u  II  brouilla  avec  moi 
Arpad ,  Simyra ,  Damas  et  Samarie.  » 

Ligne  5o.  Le  signe /^^,  au  duel/^^^TT,  a 
bien ,  en  dehors  de  la  valeur  de  padan  et  de  nir,  celle 
de  sep,  que  nous  traduisons  par  «jambe.  »  Cette 
transcription  a  été  publiée  par  Sir  Henry  Rawlinson, 
dans  le  nouvel  écrit  sur  les  inscriptions  araméennes, 
qu'il-  nomme  partout  à  tort  phéniciennes  ;  nous  la 
transcrivons  par  Ç]^^?,  et  nous  l'assimilons  à  l'hébreu 
^yD,  qui  signifie  use  bifurquer,  se  ramifier.»  Mais 
dans  le  passage,  ligne  5o,  il  faut  toujours  transcrire 
niriya,  quoique,  comme  substitution  à  nir,  le  mot  sep 
lui-même  soit  devenu  préposition.  Nous  lisons  sepâa 
((  au-dessous  de  moi  »  (  par  exemple  Lay.  pi.  XXXVIII , 
I.  5:/^'.i. /.  pi.  XXXVII,  l.ï5). 

.  Ligne  yS.  Le  signe  unique  \  ►fej^l  a  été  trans- 
crit par  kir.  Cette  valeur  semble  être  applicable  i\ 
un  caractère  compliqué  ainsi  fait  \  y^^^^  |  . 
D'autre  part,  le  syllabaire  K.  j  lo  donne  au  signe 
\^TTT  la  valeur  de  kir.  Un  fragment  du  même  texte 
donne  pour  <  ►wj  la  valeur  de  éum  ou  zam,  et 

cette  prononciation  se  trouve  applicable  à  un  passage 
de  Coll.  phot.  2  1,1.  1,  où  le  signe  figure.  Il  s'agit 
de  savoir  si  le  signe  de  la  ligne  ^3  est  une  variante  de 


308  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

<  ►f^J  ;  i'  faudrait  alors  Jire  aksiiinma  DD^wX  u  je  dé- 
cidai, »  ou  DT^N  «je  retranchai.  » 

Le  signe  se  trouve  encore  dans  la  stèle  de  8a nias 
(col.  1,  L  43.  fV.  A,  L  pi.  XXXII),  où  l'on  peut  lire 
également  yusamklrva  et  yusamzavva  [EL  L  H.  L 
col.  VIII,  1.  3o);  mais  nous  avons  un  passage  qui 
semble  parler  plus  directement  pour  ja5rtm/fir  (com- 
parez le  commentaire  ad  1.  i23). 

Dans  la  ligne  -76  se  trouve  le  signe  g — TTT'^  ^^  > 
que  nous  avons  laissé  en  blanc,  parce  qu'il  rend 
une  valeur  idéographique.  Le  caractère  indiqué  est 
évidemment  un  objet  du  culte,  car  si  nous  y  subs- 
tituons X,  nous  aurons;  uJe  pris  Haldia  et  Baga- 
barta,  ses  dieux,  et  leur  X  (au  singulier)  nombreux.» 
Depuis  la  rédaction  du  commentaire,  nous  nous 
sommes  souvenu  que,  dans  un  syllabaire,  nous 
lisons  le  signe  expliqué  par  pasisu.  ^^p'D.  Ce  mot  pro- 
vient d'une  racine  dont  d'autres  dérivations  se  voient 
souvent  à  la  fm  des  inscriptions,  parmi  les  recom- 
mandations faites  par  les  rois  à  leurs  successeurs.  C'est 
le  terme  î:^t:*p'7  ^^D  que  nous  avons  parfois  traduit 
par  «qu'il  nettoie  les  bas-reliefs.  »  On  pourra  croire 
qu'il  faille  dire:  «qu'il  érige  des  autels.»  En  tout 
cas,  le  sens  de  «bas-reliefs,»  qui  ne  serait  pas  en 
désaccord  avec  le  sens  général  de  la  formule,, ne 
pourrait  plus  convenir  ici;  mais  toutes  les  considé- 
rations semblent  concourir  à  y  faire  admettre  un 
objet  en  pierre. 

Ligne  77.  Le  passage  relatif  à  la  mort  d'Ursa 
exige  une  rectification  très-importante,  et  qui  prou- 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  309 

vera  de  nouveau,  par  un  exemple  frappant,  com- 
bien souvent  les  vérités  les  plus  simpJes  se  dérobent 
longtemps  à  notre  investigation.  Il  est  dit  qu'Ursa 
mourut  in  katë  ramanisa,  ce  que  nous  avions  traduit, 
selon  un  ancien  précédent,  par  in  manibas  centurio- 
num  suoram,  et  nous  avions  fait  remarquer  que  toute 
cette  manière  de  rendre  le  sens  que  nous  lui  sup- 
posions était  très-embarrassée.  Mais  rien  n'était  plus 
erroné  que  la  traduction  de  ramani  par  u soldats,» 
traduction  proposée  en  premier  lieu  par  M.  Rawlin- 
son  dans  l'inscription  de  Bisoutoun,  1.  I12  ,  et  suivie 
par  nous-mêmes  (E.  M.  t.  II,  p.  220). 

Or  le  mot  ramani,  sur  l'étymologie  duquel  nous 
reviendrons,  veut  dire  «même;»  in  kate  ramanisa 
signifie  per  manus  saimeiipsias  «  de  sa  propre  main.  » 
La  pbrase  entière  se  traduit:  ((Lorsque  Ursa,  roi 
d'Arménie,  apprit  la  cbute  de  Musasir  et  l'enlève- 
ment de  Haldia  ,  son  dieu ,  il  s'ôta  la  vie  de  sa  propre 
main ,  par  l'épée  de  sa  (?)  ceinture.  » 

Or  voici  les  preuves  : 

Le  texte  de  l'inscription  de  Bisoutoun,  \.  l\2, 
porte  :  issabta  ana  Martiya  agasû  sa  in  elisun  rabû  in 
ramanisana  idduhasa.  Ce  qu'il  faut  traduire  : 

(((Les  Susiens  effrayés)  prirent  ce  Martiya,  qui 
avait  été  élu  cbef,  et  le  tuèrent  eux-mêmes ))  [in  ra- 
manisana ,  «  d'eux-mêmes  »). 

Nous  avions  traduit  :  ((  parmi  leurs  grands.  » 

Le  perse  dit  simplement  :  atâsini  avâiana  ((  et  le 
tuèrent,  »  et  le  texte  médo-scythique  exprime  la  même 
idée  par  irhalpis. 


310  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

Mais  ii  y  a  plus,  le  récit  de  la  mort  de  Cambyse 
cache  ce  mot,  sans  que  nous  nous  en  soyons  aperçus. 
Le  perse  porte  :  Karnbaziya  avâmarsiyas  amaryatâ  : 
«Cambyse  mourut,  se  tuant  lui-même.  »  Le  texte 
assyrien  a  : 

Kambuziya  mituiu  ramannisii  mïti. 

Nous  avions,  comme  M.  Rawlinson  [R.  Beh. 
p.  63) ,  séparé  ainsi  :  mita  tara  mannisa  mïti,  et  dû 
admettre  une  préposition  maii  qui,  bien  qu'hé- 
braïque et  arabe,  ne  se  trouve  pas  ailleurs  en  assy- 
rien. 11  faut  traduire  :  \ 

«  Cambyses  morte  suimet  mortuus  est.  » 

Le  mot  ramani  se  trouve  souvent  dans  ce  sens; 
nous  avons  fréquemment  la  phrase,  quand  il  s'agit 
de  faire  d'une  ville  un  dépôt  de  blé  : 
cr       sualu  ana  ramaniya   ashat. 
urbem  illam  pro  memetijDso  cepi, 

Assarhaddondit(^.^.  /.  pi.  XLTX,col.  iv,l.  lo): 

kudurru  ina       kakkadija  assi    va 

tiavam  in  verticem  nieura  susluli  et 

usazbil  ^  ramajii{ya). 

imposui  raihimetipsi. 

I--:-  .;-^  .-        T-l-l-l-  \\s 

'  La  forme  ramanni  se  trouve  souvent  dans  les  textes  plus  mo- 
dernes, par  exemple  dans  ceux  de  Sardanapale  VI. 

^  Le  mol  hébreu  et  chaldaïque  correspondant  est  '^DD,  et  nous 
aurions  accejUé  la  transcription  par  un  D  ,  si  la  locution  des  inscrip- 


GRANDE  INSCRIPTION  Dli  KHORSABAD.  311 

Dans  le  texte  des  Taureaux,  où  il  est  dit  qu'Ursa 
«dans  sa  peur  se  tua  »  in  IS.KU,  ramanisu,  il  faut 
donc  traduire  :  «  par  sa  propre  arme.  » 

Le  mot  ramani  est  exprimé  par  le  signe  idéogra- 
phique ^►^-ff— '  ^^^  (p^^  exemple,  Lay.  pi.  XIV, 
1.  i/i);  le  syllabaire  K.  60,  coll.  ph.  Ii6  a,  donne 
le  mot  touranien  imteo. 

Il  nous  reste  encore  à  expliquer  le  mot  ramani 
par  les  langues  sémitiques.  L'idée  «même))  est  in- 
terprétée dans  tous  les  idiomes  de  la  branche  de 
Sem  par  une  idée  concrète.  Les  Juifs  emploient  le 
mot  05  W^:^ ,  et ,  pour  «  moi-même ,  »  on  dit  u  mon  os  ;  » 
les  Arabes  y  substituent  «mon  souffle,  mon  âme,» 
comme  les  Germains  ont  formé  cette  idée  de  corps  , 
et  disent  «son  corps»  pour  «lui-même»  [selb].  Les 
Assyriens  ont  également  adopté  une  locution  con- 
crète qui,  pour  être  un  peu  plus  difficile  à  classer 
dans  le  dictionnaire,  n'en  est  pas  moins  sûre.  /?a- 
man/, avec  le  suffixe  ranianija,  doit  se  transcrire ^\:pni, 
et  veut  dire  «mes  viscères,»  correspondant  à  Yhé- 
breu'iDnn;  c'est  le  pluriel  de  raham,  et,  comme  en 
hébreu,  un  pluralis  tantura. 

On  se  rappellera,  en  effet,  que  la  racine  on"),  mi- 
sereri,  change  en  assyrien  en  Dm,  comme  de  pn"), 
on  fait  \?ni,  de  znn  :  î:;"in.  Nous  avons  lu  dans  ce  texte 
même  Dnn  «le  pardon.»  On  devra  donc  transcrire 
le  m.ot  ramani,  ""iDn*],  moins  exactement  "'jD'i. 

lions  zabil  kudarriij  «  portans  tiaram  »  pour  «lieutenant,»  ne  nous 
forçait  pas  à  rendre  la  siiHante  par  un  z  ou  un  s,  en  marne  temps 
qu'elle  explique  la  voix  factitive  du  ))aisage  d'Assailiaddon. 


312  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

Le  fait  important  pour  nous,  c'est  le  dégagenienl 
de  la  vraie  signification  de  ramani  :  «même.» 

La  ligne  78  renferme  des  mots  qui  sont  toujours 
une  énigme,  au  point  d'obscurcir  le  sens  de  la  phrase 
entière.  Seulement  les  mots  5a  itti  (c'est  ainsi  qu'il 
faut  lire,  au  lieu  de  ki)  hullû  yiisahsi  commencent  à 
sortir  de  leur  obscurité  première.  Nous  traduisons  : 

eïi         Urarli     ana     pat     gimri       sa        îtii     hiiUû 
Supra  Ariiieniam  in  omni     parle  qiiam    cum  nequilia 

yusabsi  (se.  Ursa)       nisi         asih     lihbisa      emida 
rebeliem  reddiderat,  homines  habitantes  in  illa  collocavi 

sibittu  au  sirha. 

ad  casiigandum  eo.s  (?)  et  invigilandum  in  eos  (?). 


Dans  ia  stèie  de  Samas-Hou  (col.  I,  1.  4o)  on  lit 
avat  lialtl  yasabsi,  avec  ia  même  signification. 

De  même,  les  mots  de  la  ligne  -79,  Tarhalara 
Miliddai  tukanta  ihsuh,  sont  inexpliqués,  à  cause  des 
deux  derniers  mots,  et  surtout  du  dernier  nD*n  dont 
le  sens  nous  échappe  encore ,  ([uoiqu'une  racine  ainsi 
composée  se  trouve  en  chaldaïque.  Nous  supposons 
que  sa  signification  est  «  chercher.  » 

La  ligne  82,  comme  la  ligne  116,  contient  le 
groupe  ^^  T^^-y  T,  qui  signifie  «arc,»  et  qui  est 
probablement  équivalent  au  mot  kisti  ,Vhébi  eu  D^\>. 
Le  signe  anarien  se  fait  en  babylonien  \^  |t,  et 
se  trouve  dans  les  textes  des  Séleucides;  il  y  est 
question  du  dieu  de  l'arc,  qui  se  trouve  sur  les  mon- 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  313 

iiaies  à  l'effigie  de  Séleucus.  Or  les  médailles  des 
Séleucides  portent  un  Apollon  assis.  La  forme  ba- 
bylonienne archaïque  du  signe  est  ^rf-^  [Inscrip- 
tion de  Londres,  col.  ii,  l.  ^S).  La  valeur  syJJabique 
est  han. 

Le  mot  «arc»  est  féminin,  et  finit  en  t.  (Prisme 
de  Téglathphalasar,  col.  vr,  1.  69  et  65.) 

Ligne  Sli.  Balam  n'est  pas  un  mot  alloph'bne, 
comme  nous  fa  vions  cru,  mais  un  terme  parfaitement 
phonétique,  et  signifiant  a  sans,  contrairement  à.  >> 
Il  se  rattache  à  la  racine  n^D,  d'où  viennent  les  mots 
hébreux  bi  «  non ,  »  ""bs,  r)b:i ,  «  sans.  »  Et  comme  on 
dit  en  hébreu  "ib^D,  on  trouve  en  assyrien  in  bala  , 
par  exemple  dans  la  phrase  relative  à  Ninip  (fV. 
.4.7.  pi.  XVII,  1.  3)  : 

Ilu    sa  in  balusu  eshare  samie  au  irsitiv     la 
Deus   sine     quo      orbes  cœli     et  terrae  non 


reguntur. 


Comparez  l'inscription  de  Bélochus  et  de  Sëmi- 
ramis,  L  6.  [W,  A.  L  pi.  XXXV.) 

La  phrase  qui  se  retrouve  I.  85  et  pcissim  ; 
Sa  asar  salmi  idaï  la  ipparkà,  n'a  pas  reçu  d'autre 
solution.  Id  est  une  partie  du  corps;  la  locution  ana 
ide  akharit  (non  pas  ahata)  ittakla,  «ils  eurent  con- 
fiance aux  id  d'akharit,  »  est  obscure. 

Ligne  87.   Sa  niha  la  isû,  «dont  le  nombre  n'a 
pas  d'égal.  ))  Le  groupe  niba  est,  malgré  les  doutes 


314  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

que  nous  avions  émis,  phonétique.  Ce  fait  est  prouvé 
par  1  ortbograplie  incorrecte  ni  i-hi,  et  puis  par  la 
forme  babylonienne  la  ni-hie.  Le  mot  provient  de  la 
racine  N3j  «  dire,  annoncer,  »  et  se  transcrit  :  N33  K*?. 

Ligne  112.  Tout  ce  qui  précède  a  été  mal 
compris.  laman  fuit  vers  Méroë,  où  il  croit  être  à 
l'abri;  mais  le  roi  d'Etbiopie  noue  des  relations  avec 
Sargon,  jette  le  fugitif  d'Asdod  dans  les  fers,  et 
l'envoie  en  Assyrie.  Les  mots  sont  à  rétablir,  1.  1  1  2  : 
Jna  sissi  parzilU  ina  kasritav  parzilli  iddisuvva  «  in 
vincula  ferrea,  in  catenas  ferreas  conjecit  illum 
(lamanem).  Sissi  a  du  rapport  avec  l'hébreu  y^s 
(Ex.  XXVIII,  36),  et  kasrit  (au  lieu  de  birit)  avec 
lU'p  ((lier.  )) 

Lignes  1  1 2  et  suivantes.  Les  deux  expéditions 
contre  Moutallou  et  les  fils  de  Rita  sont  posté- 
rieures à  la  douzième  campagne,  puisque,  dans  ce 
récit,  la  capture  de  Dour-Iakin  est  mentionnée, 
1.  116,  comme  déjà  accomplie.  L'histoire  de  Nibia 
et  d'Ispabara  ne  se  trouve  pas  dans  la  grande  inscrip- 
tion dite  les  Annales;  il  est  à  présumer  qu'elle  forme 
la  quinzième  campagne  dont  Sargon  parle  au  com- 
mencement de  notre  texte. 

Nous  voyons,  lignes  1  1  9  et  suivantes,  le  même 
mot  turri  écrit  par  ^.^TZ^^T^  ^ — TW'  ^*  P"^^ 
par  ►^rri  ► — TT^T-  ^^  premier  signe  du  premier 
groupe  est  tar,  le  premier  du  second,  tnr;  c'est 
une  preuve  palpable  de  l'emploi  souvent  inexact 
des  homéoplwnes ,  ou  signes  à  prononciation  rap- 
prochée. 


GRAxNDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  315 

Ligne  laS.  Le  mot  uspalkit,  shaphel  de  nD'7D,  si- 
gnifie «  faire  brouiller  quelqu'un  »  (voy.  1.  3/i).  Sar- 
gon  parle  de  l'alliance  de  Mërodachbaladan ,  conclue 
douze  ans  avant  la  défaite,  avec  Houmbanigas;  les 
Annales  mentionnaient  ce  fait,  ainsi  qu'on  le  voit 
par  les  fragments  qui  ont  trait  à  la  première  cam- 
pagne. En  tout  cas,  Houmbanigas  n'était  plus  sur  le 
trône,  car  le  njonarque  de  Susiane  régnant  à  cette 
époque  était  Soutrouk-Nakhounti,  l'un  des  succes- 
seurs immédiats  du  roi  cité.  Soutrouk-Nakhounti  se 
nomme  lui-même  fds  de  Halloudous. 

Ligne  126.  La  traduction  de  haramta  ramnisa  im- 
huthi  ne  peut  plus  subsister,  d'après  ce  que  nous 
avons  dit  de  ramanià  la  ligne  77.  Seulement  le  pas- 
sage reste  obscur,  à  cause  des  mots  difticiles  karamtu 
et  imkiit. 

Ligne  1  28.  Le  passage  traite  des  fossés  entourant 
la  ville  de  Dour-Iakin ,  que  Mérodachbaladan  mit 
en  état  de  défense.  II  est  dit  : 

I  ^  V  tz:yn=z  srf^  :^^{^y 

que  nous  avons  transcrit:  istin  barsa yusabni ,  et  tra- 
duit «  unam  barsam  largam  perfici  jussit.  »  Nous 
nous  demandons  si  nous  ne  devons  pas  lire  le  der- 
nier signe  tiz^  ^~-^T,  que  coll.  ph.  6  a  rend  par 

pil,  transcrire  ja^ap/)//,  ^d:^^,  et  traduire  :  unam.  barsa 
profundam  fecit.  Nous  croyons  que  cette  interpréta- 
tion s'accorde  mieux  avec  les  nécessités  de  la  situa- 


316  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

lion;  en  outre,  l'idée  de  ia  largeur  aurait  dû  être 

exprimée  expressément.    . 

Le  mot  barsa  est  probablement  identique  au  mot 
t?n3  «genièvre;  »  le  terme  désigne  aussi  aie  poids 
le  plus  petit.  »  (Voir  la  note  dans  la  traduction  que 
M.  le  duc  de  Blacas  a  faite  de  YHisfoire  de  la  mon- 
naie romaine  de  M.  Mommsen,  t.  I,  p.  4  i  o.) 

Lignes  129,  1 3 1 .  Zirkat  est  à  lire  kulkut;  le  signe 
\ — ^  zir  et  kul,  s  échangeant  dans  ce  mot  avec 
/^^T,  san  et  kal,  dans  quelques  passages  des  An- 
nales de  Sargon  et  dans  la  stèle  de  Samas-Hou  (col.  iv, 
\.  Il  II).  Ce  résultat  ne  modifie  en  rien  le  sens  du  mot , 
et  fétymologie  reste  tout  aussi  obscure  dans  un  cas 
que  dans  l'autre. 

Ligne  i3o.  Nous  avons  longuement  discuté  la 
phrase  parabolique  où  entrent  le  mot  pagar,  «  ca- 
davre,» le  verbe  sarab  ou  sarap  et  le  mot  obscur 
nabas  ou  napas.  Nous  avons  interprété  ce  dernier  par 
«  tronc  d'arbre  »  ou  par  «  feuille  »  tout  en  disant 
qu'en  chaldaïque  dDj  signifiait  «laine».  Peut-être  le 
verbe  se  rapporte-t-il  à  la  racine  p]"12î  qui,  dans  les 
inscriptions  (par  exemple  L.  pi.  LXVIII,  pi.  1  ),  se 
trouve  à  côté  du  pourpre  et  du  bleu,  et  signifie 
colorer.  Dans  ce  cas,  nous  modifions  notre  pre- 
mière traduction  ainsi  :  «Les  guerriers  teignirent 
par  les  cadavres  les  eaux  comme  de  la  laine.  »  Qui 
ne  pense  pas  alors  à  Isaïe  (I,  18)  :  yb^DD  iD^nx^  DN 

Ligne  1  /12.  Lisez:  sa  niba  la  isù.  I  idc  supra,  1.  87. 
Ligne  i/i/i.  (Jkali  est  le  paël  de  ^ip  «assembler.» 


GRAiNDE  INSCRiPTlON  DE  KHORSABAD.  317 

Nous  connaissons  le  nom  Assat-dar-kdli ,  écrit  dans 
Jes  légendes  araméennes  du  Musée  britannique 
bp*iltî?N,  ce  qui  confirme  la  leçon  cunéiforme  : 

La  période  astronomique  dont  le  terme  est  cité, 
lig.  110  et  I  /|6  ,  finit  probablement  en  708  av.  J.  C. 

Ligne  i35.  Depuis  la  rédaction  de  notre  com- 
mentaire, Sir  Henry  Rawlinson  a  donné,  dans  ses 
Bilinqual  reaclings,  une  nouvelle  valeur  incontestable 
de  l'idéogramme  T^  ^TTT,  qui  se  transcrit  par  ekil, 
et  est  traduit  dans  l'araméen  par  bpn,  ce  qui,  en 
chaldaïquc,  en  syriaque,  comme  en  arabe,  indique 
((  un  champ,  une  plaine  rocailleuse.  »  Cette  valeur  a 
été  corroborée  depuis  pour  nous  par  un  autre  glos- 
saire, où  elle  se  rencontre  également.  Mais  cet  équi- 
valent ne  rend  nullement  illusoire  l'identification 
avec  le  mot  liaran,  résultant  du  passage  cité  de  la 
grande  inscription  de  Nabucbodonosor,  col.  11,  1.  -2 1 
et  suivantes. 

Nous  croyons  que ,  dans  notre  passage ,  l'idéo- 
gramme a  réellement  le  sens  de  «  champ.  » 

Si  notre  collaborateur  s'était  borné  à  établir  cette 
valeur,  tout  le  monde  lui  en  saurait  gré;  mais  quand 
il  attaque  la  valeur  du  nom  de  Sargon  que  nous 
avons  donnée  selon  le  passage  du  Baril,  il  dépasse  le 
but.  Il  veut  hien  convenir  que  le  passage  du  Baril  est 
difficile;  mais  si  la  traduction  qu'il  propose  n'a  pas 
le  désavantage  d'être  de  prime  abord   invraisem- 


318  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

blable,  elle  froisse  les  sentiments  grammaticaux  les 

moins  développés  et  les  moins  susceptibles. 

Certes,  eMl  ou  haran,  veut  dire  «  plaine,  la  chose 
aplanie  et  le  champ,»  mais  également  «la  surface 
aplanie,  sur  laquelle  on  écrit.»  Sargon  dit,  selon 
notre  première  traduction  qu'il  faut  probablement 
modifier  : 

«Je  leur  ai  donné  des  statuts  exempts  d'injustice, 
qui  sont  contenus  dans  les  commentaires  sur  la  loi 
contre  farbitraire,  sur  la  loi  de  l'équité  et  sur  la  loi 
de  la  conduite  à  suivre.  » 

Les  mots  assyriens  sont  : 

Haran  la  sibù,  haran  misar,  haran  asar  panasanu. 

Sir  Henry  traduit  : 

«Le  champ  pour  lequel  on  ne  demande  pas  de 
prix,  le  champ  en  arrière,  le  champ  en  avant.  » 

11  lit  niihar,  au  lieu  de  misar,  mot  écrit  ailleurs 
misari.  Le  second  signe  est  5aret  hir,  il  n'est  jamais 
har.  Sir  Henry  Rawlinson  a  sans  doute  oublié  le  mot 
haranav  isartav  (/.  L.  coi.  i,  1.  6o)  quand  il  rattache  le 
mlkhar  imaginaire  à  la  racine  inx.  D'ailleurs  «  der- 
rière »  se  dit  en  assyrien  arki  et  non  pas  ahar.  Nous 
connaissons  le  passage  de  Nabouïmtouk  (J^\  A.  1. 
pi.  LXIX,  col.  II,  1.  5/i),  où  le  roi  dit  «qu'on  avait 
cherché  la  pierre  de  fondation  d'un  temple,  à  droite 
et  à  gauche,  par  devant  et  par  derrière  :  »  imna  sa- 
mila  pani  u  arki  :  •  ■'p^xi  ^:d  x^nDC^  K:p^  ♦ 

Et  qu'est-ce  que  le  champ  en  arrière  et  le  champ 
par  devant?  Sir  Henry  croit  que  le  roi  a  donné  aux 
propriétaires  des  champs  qui  ne  voulaient   pas  se 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  319 

laisser  exproprier  pour  de  l'argent,  en  échange,  ou 
un  champ  en  arrière,  ou  un  champ  par  devant.  Le 
sens  paraît  clair;  nous  soutenons  qu'il  ne  l'est  que 
trop.  Il  faudrait  pour  cela,  d'abord,  lire  mikliar  au 
lieu  de  misar,  admettre  le  mot  inconnu  mikliar^  don- 
ner aux  mots  la  sibû  X22î  i^h ,  «  sine  arbilrio  ,  »  toute 
cette  exubérante  interprétation,  admettre  plusieurs 
impossibilités  grammaticales,  et  rayer  le  mot  asar, 
qui  deviendrait  inutile  et  gênant. 

On  lit  les  phrases  assyriennes  suivantes  dans  les 
exercices  de  lecture  que  le  roi  de  Ninive  fait  faire 
à  ses  sujets  dans  les  tables  si  précieuses,  rédigées  en 
casdo-scythique,  avec  l'assyrien  en  regard.  Nous  ci- 
tons, d'après  M.  Rawlinson,  qui  a  eu  le  mérite  de 
nous  les  faire  connaître  : 

Tallik     tassa         ekil  nahri. 

Ivisli,  suslulisti   tabuiam    alteratani. 

Illik     issâ  ekilka  nakru. 

Ivit,  sustulit  labulam  tuam  alteratam. 

Il  s'agit  évidemment  de  l'enlèvement  d'une  borne , 
telle  qu'est  le  Caillou  de  Michaux.  M.  Rawlinson 
comprend  ainsi  le  passage  : 

((Tu  vas  et  tu  enlèves  le  champ  de  l'ennemi.  » 
((Il  va  et  il  enlève  ton  champ,  l'ennemi.  » 
Le  savant  anglais  explique  ((  enlever,  »  par  (<  enle- 
ver les  récoltes!» 

Il  est  pourtant  clair  pour  quiconque  est  fami- 
liarisé tant  soit  peu  avec  la  structure  des  langues 
sémitiques ,  que  le  mot  nakar,  qui  s'emploie  si  sou- 


320  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

vent  en  parlant  de  l'altération  des  tables,  ne  peut 
être  qu'un  adjectif.  Nakru,  après  ekilka,  u  ton  e/fi7,  » 
ne  pourra  jamais  être  autre  chose.  Puis,  pour  ad- 
mettre l'idée  de  ((  champ ,  »  il  faut  donner  à  NU;:  l'idée 
de  «dévaster  (!).»>  Or  cette  racine  veut  dire  «por- 
ter,)) d'une  lance,  d'un  casque  qu'on  porte  (Nakch. 
R.,  Khors.);  «élever,  »  de  la  couronne  qu'on  élève 
sur  sa  tête  (Assarhaddon),  de  la  main  qu'on  lève  au 
ciel;  «enlever,  »  de  la  royauté  que  Gomatès  le  Mage 
enlève  aux  Achéménides.  Mais  jamais  nous  n'avons 
constaté  d'autres  significations. 

Cet  idéogramme  peut  parfaitement  désigner  une 
borne  ,  telle  que  le  Caillou  de  Michaux.  Voici  ce 
que  nous  devions  ajouter  au  sujet  de  l'idéogramme 

Ligne  1  36  se  trouve  la  phrase  ramanussun  jalirra , 
que  nous  sommes  maintenant  en  état  d'expliquer 
avec  sûreté.  Ramanussun  veut  dire  «  eux-mêmes.  » 
De  là  toute  la  phrase  va  obtenir  une  autre  accep- 
tion. 

Le  sens  de  la  phrase  entière,  à  partir  dukallim- 
sanuti,  se  trouve  modifié. 

En  effet  il  paraît  évident  que  nûra  peut  se  rappor- 
ter à  ")i: ,  arare,  et  indiquer  la  récolte  d'un  champ 
nouvellement  défriché;  il  provient  de  la  racine  qui 
forme,  en  hébreu,  "i^:  et  ^^:D.  Nous  pourrons  donc 
chercher  dans  ce  passage  autre  chose  que  ce  que 
nous  y  avons  lu,  et  rectifier  ainsi  notre  traduction  ; 

Nûrii  i/disnnn  sa      ullii     ynmi      nlhiti 

Primiliûs  camporum  .siiorum  qui   iiide  a  diebus  reniolis 


GRANDE  INSCRIPTIOIN  DE  KHORSABAD.  321 

ina         isiti  sati  ikimà       ramanussun 

in   possessione  Suli  (fueraiit),     ceperiint  sibimetipsisque 

yutirru. 
vindicariinl. 

«  Ils  reprirent  le  produit  de  leurs  champs  défri- 
chés, qui  depuis  l'antiquité  avaient  été  dans  la  pos- 
session des  Suti,  et  se  l'approprièrent,  n 

Mais  cette  modification,  par  les  raisons  que  nous 
avons  données  plus  haut,  n'emporte  pas  nécessai- 
rement celle  du  texte  du  Baril ,  ni  même  celle  du 
Prisme  d'Assarhaddon  que  nous  avons  cité^ 

Ligne  1  /n .  Nos  doutes  au  sujet  de  notre  traduc- 
tion de  ibbu  par  «  ivoire  »  sont  confirmés  ;  ibbu  veut 
dire  (X  pur,  sans  tache;»  ainsi  on  lit,  nikat  ibhat 
«  des  victimes  sans  taches.  » 

Ligne  i55.  Kiniim  anma.  Nous  avons  pris  anma 
comme  renfermant  l'idée  de  u  dieu  »  ila.  Il  paraît  néan- 
moins que  anma  n'est  autre  chose  qu'une  expres- 
sion allophone  de  la  première  personne.  Ainsi  on 
Ht  (  fV.  A.  I.  col.  xvni ,  1.  69  )  :  in  iimi  annima  a  dans 
ma  propre  éponymie.  »  Ainsi  la  phrase  entière  signi- 
fierait :  «Secundum  decretum  meum,  in  voluntate 
cordis  mei.  » 

Ligne  1  60.  Nous  avons  prouvé  la  valeur  métal- 
lique des  idéogrammes  divins  ►►-!  w  _^^T  (Anu), 
qui  se  prononce  anaku,  "|:k,  en  hébreu  «  élain,  »  et 
►►— T  >-j —  (A'm/p),  qui  rend  parzilla,  bim  en  chal- 

'  Nous  soumettrons  néanmoins  tous  ces  passages  à  une  nouvelle 
étude  plus  approfondie,  et  nous  ne  manquerons  pas  de  signaler 
franchement  le  parti  auquel  les  faits  nous  forceront  de  nous  arrêter. 


322  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

(laïque  «  fer.  »  Il  est  possible  que  ►►— T  ^ >^X —  [Ha) 
eût  également  uue  valeur  analogue,  telle  que  le 
plomb  ou  le  mercure,  si,  ce  qui  est  probable,  ce 
métal  était  déjà  connu  des  Chaldéens.  Néanmoins 
le  passage  d'un  syllabaire  où  la  lumière,  nùra,  est  ex- 
primée par  SIR.  G  AL,  tend  à  nous  faire  identifier 
fidéogramme  divin  au  plomb,  qui  s'exprime  par 
((  pierre»  IS.  SIR.  GAL.  Ao  est  la  lumière  intelli- 
gible. Les  idéogrammes  désignant  «  or  »  et  «  argent,  » 
commencent  par  le  signe  «  sublime ,  ))  ce  qui  tend  à 
en  prouver  le  rapport  avec  une  divinité.  C'est  de 
ce  fait  que  paraît  procéder  le  système  qui  attribue 
aux  sept  planètes  les  sept  métaux  principaux.  Ces 
idées,  pourtant,  paraissent  être  plus  récentes,  car 
jusqu'ici  rien  ne  prouve  que  Ninip  désigne  la  pla- 
nète de  Mars,  et  Anou  celle  de  Jupiter.  Les  assimi- 
lations, d'abord  des  faits  isolés,  semblent  plus  tard 
avoir  été  généralisées  pour  être  érigées  en  système. 
La  ligne  167  répèle  la  phrase  u  dans  un  mois 
propre,  à  un  jour  heureux;  »  mais  finscription  ne 
donne  pas,  comme  le  texte  des  Taureaux  et  des  Ba- 
rils, les  mois  du  calendrier  que  Sargon  choisit  pour 
accomplir  ses  différents  travaux.  Le  signe  «  mois  »  est 
connu  depuis  la  publication  de  l'inscription  de  Bi- 
soutoun  par  M.  Rawlinson.  Les  groupes  exprimant 
les  douze  mois  le  sont  aussi,  et  il  s'agissait  seule- 
ment de  savoir  si  le  premier  mois  coïncidait  avec 
l'équinoxe  du  printemps  ou  avec  celui  de  l'automne. 
Nous  avons  toujours ,  depuis  la  rédaction  du  second 
volume  de  Y  Expédition  de  Mésopotamie,  défendu  la 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  323 

première  de  ces  deux  alternatives,  que  nous  laissait 
le  texte  publié  à  la  ligne  làà  dans  le  Commentaire, 
et  qui  établit  que  dans  le  premier  mois  l'un  des  équi- 
noxes  a  lieu.  M,  Rawlinson  semble  être  de  notre  avis; 
mais  il  dit  que  cette  opinion  a  encore  besoin  d'être 
prouvée.  Nous  croyons  avoir  trouvé  la  preuve  du 
commencement  de  l'année  dans  l'équinoxe  vernal 
dans  le  texte  de  l'inscription  de  Sennachérib ,  dite/715- 
cription  de  Constantinople.  Le  roi  raconte  comment, 
pendant  son  expédition  dans  les  montagnes  d'Elam, 
il  fut  obligé  parles  neiges  de  rebrousser  chemin  et  de 
retourner  à  Ninive.  Il  dit  (1.  lii ,  PV.  A.  L  pi.  XLIII)  : 

Aruli     AP.        kussa  dannu       iksudavva     sagabtuv 

Mense     lo""   intempéries  immanis  irrupit,  et    tempestas 

iaziztuv    illik    va  salgu  nahalluv  nadbak      sadi         adura 
liorrida  venit;  et  nivem     vallis    parieiis  montium    vitavi, 

utir   va  ana  Assur      ashuta    murrana. 

redii  et  versus  Assyriani  direxi    passum. 

Le  Prisme  a  un  passage  parallèle  (col.iv,  1.  76)  : 

Arah.       UT.       HI.         rienti^      annu    dannu     erubavva 
Mense  (Tebet)  fragor  nubis  ingentis  intravit  et 

sagabtuv    maadtuv     yusaznin        A.  E.    ê  sa;       A.  Ë.  ê. 
tempesla«i  magna  pluere  fecit  aquas  cœlestes  suas;   imbres 

au    saïga       nalili     nadbak      sadé       adura ^  etc. 
el    nivem    vallium  parieiis  montium  vitavi,  etc. 

'   Rienti  est  XDDi*") ,  de  Dyi  changement  de  m  en  n  (  G.  y4.  S  12). 
L'idéogramme  A.  E.  pourrait  être  zunuu,  qui  se  trouve  réellement 


324  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

iNous  n'insistons  pas  sur  l'idéogramme  du  mois 
dans  le  Prisme,  correspondant  à  Tebet;  dans  le  texte 
de  Constantinople,  c'est  clairement  le  i  o^  mois^  F^e 
groupe  qui  l'exprime  se  trouve ,  de  plus ,  à  Bisoutoun , 
où  il  se  substitue  au  mois  perse  Anâmaka.  Avant 
môme  de  connaître  le  texte  assyrien,  nous  avions 
placé  le  mois  Anâmaka  au  mois  de  décembre  [Ins- 
criptions des  Achéniénides ,  p.  52),  guidé  seulement 
par  les  exigences  bistoiiques.  Ce  mois,  correspon- 
dant au  10*' mois  babylonien,  tomberait,  selon  l'un 
des  systèmes,  au  mois  de  juin-juillet;  selon  le  nôtre, 
en  décembre-janvier.  Les  textes  cités  corroborent 
cette  opinion,  car,  au  mois  de  juillet,  il  n'y  a  pas  de 
neige  (saïga,  ii:^^ ,  bébreu  :hv)  dans  les  montagnes 
de  l'Elymaïs  et  de  la  Susiane. 

C'est  ainsi  que  beaucoup  de  nos  idées  déjà  an- 
ciennes ont  été  confirmées,  quoique  d'aulres  aient 
été  résolues  contrairement  à  nos  opinions,  quel- 
quefois cependant  dans  un  sens  purement  négatif, 
et  sans  mettre  quelque  chose  à  la  place  de  ce  qu'on 
doit  éliminer.  Nous  ignorons  ainsi  encore  la  pro- 
nonciation du  mot  «cbar»  que,  »^  la  I.  2/1,  nous 
avons  dubitativement  prononcé  rukub.  Jusqu'ici 
cette  prononciation  nous  paraissait  probable;  mais 

dans  des  passages  comme  celui-ci ,  où  l'idée  de  tremblement  de  terre 
ne  paraît  pas  être  admissible.  Il  faudrait  lire  alors  .  .  .  yusaznin  zun- 
nésa;  zunni  au  salgu,  etc.  Nous  exprimons  par  ê  le  signe  du  pluriel. 
^  Depuis  que  nous  avons  ëcrit  ces  lignes  nous  avons  vu  une  liste 
des  mois  signalée  par  M.  Rawlinson,  et  dont  le  premier  nom  est  Ni- 
s'annu,  le  dernier  Addaru.  Nous  reviendrons  sur  ce  document  d'une 
grande  importance. 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  325 

un  passage  de  Sardanapale  VI,  [ff'.  AI.  pi.  7,  E. 
j.  d)  s'y  oppose.  Nous  voyons  que  le  «char  du  roi» 
est  qualifié  de  rvkab^  sarruiiya ,  ))  le  véhicule  de  ma 
royauté,  1^  et  celte  même  locution  est  employée  ail- 
leurs, comme  épithète  à  d'autres  idées  analogues. 
Le  char  ne  se  dit  donc  pas  rakub.  Serait-ce  zamam? 
[Inscr.  de  Londres ,  pi.  II ,  2  2 . ) 

Nous  avons  laissé  en  dehors  de  nos  explications 
les  noms  géographiques.  Ce  sujet  extrêmement 
riche  nécessitera  des  études  spéciales,  qui  seront 
d'une  très-grande  hnportance  pour  l'antiquité  asia- 
tique. Quelquefois  nous  aurons  des  rectifications 
à  faire  aux  lectures  proposées;  nous  signalons  celle 
du  pays  Gullala,  qu'une  inscription  nouvelle  de 
Téglathphalasar  IV  nous  enjoint  de  lire  Pillatu.  On 
sait  que  le  premier  signe  du  mot  comporte  les  deux 
lectures;  le  texte  cité  écrit  le  peuple  Pi  il-la-tu. 

Une  grande  quantité  de  noms  est  déjà  identifiée 
à  l'heure  qu'il  est,  et  peut  nous  guider  pour  recons- 
tituer la  carte  de  l'Asie  au  viif  siècle  av.  J.  C.  Parmi 
les  assimilations  fausses  se  trouve,  nous  croyons, 
celle  de  la  ville  de  Pappa  qui  semble  n'être  pas 
Paphos  de  Chypre,  mais  la  ville  de  Pappa  en  Pi- 
sidie,  à  moins  qu'on  ne  la  croie  déjà  trop  éloignée. 
Le  pays  de  Tanna  (1.  29),  Tana  et  Tuana  est,  selon 
nous,  Tyane  en  Cappadoce,  la  ville  natale  du  cé- 
lèbre thaumaturge.  La  ville  de  Milid  est  celle  qui 

'  Par  vin  oubli  inexplicable,  le  catalogue  de  V Expédition  en  Mé- 
sopotamie ne  mentionne  pas  au  n°  34  la  valeur  hup ,  qui  pourtant 
est  bien  sûre. 


326  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

a  donné  le  nom  à  la  Mëlitèno,  en  effet  voisine  de  la 
Commagène,  définitivement  identique  au  Kummukh 
des  inscriptions. 

Nous  réservons  ces  remarques,  comme  d'autres, 
à  nos  travaux  ultérieurs,  et  nous  nous  permettrons 
ici  quelques  observations  ayant  trait  à  la  mythologie. 

Ligne  i  69.  Istarclt  «  les  déesses,  «est  exprimé  tout 
simplement  par  l'idéogramme  ^W  1<«  dans  la 
pierre  d'Aberdeen.  (JV.  A.  L  pi.  XLTX,  I.  6.)  La 
prononciation  de  ►►-!  /  W  est  Istar;  cela  résulte  de 
beaucoup  de  passages.  Quant  aux  déesses  Istar  de 
Ninive  et  Istar  d'Arbèles,  qui  se  montrent  si  sou- 
vent dans  les  textes  des  derniers  Sargonides,  nous 
apprenons  par  les  inscriptions  bilingues  que  la  pre- 
mière s'appelait  Assat,  et  la  seconde  ArhaïL  Ainsi  nous 
trouvons  le  nom  :  J^^ —  ►►-!  ^^  ^^àÛ  ^""^' 
Arbaïl-asirat ,  nn^K-bxyniN*. 
<i  Arbel  favet ,  » 
ce  que  la  légende  araméenne  transcrit  par  nD'73")N. 

Paka-ana-A  rbaïl. 

«  Fide  Arbelae.  »  bNV?1î^"î^?'^P?- 

La  déesse  s'écrit  ►►-T  ^f —  ►►"Tî  ^^  ville,  tou- 
jours avec  le  déterminatif  de  ville,  ►-fzzJT  ^f — 

Le  nom  de  la  déesse  Arbel  se  trouve,  selon  nous, 

^  Sir  Henry  Rawlinson  s'est  constamment  mépris  sur  ce  fait; 
il  n'a  pas  su  lire  le  nom  Arhaîl-asirat,  c[uï\  a  lu  Arbaïl-hirat  (!) ,  ce  qui 
ne  donne  aucun  sens.  Nous  regrettons  que  notre  cminent  collabora- 
teur n'ait  pas  encore  soumis  à  un  examen  rigoureux  les  principes  fon- 
damentaux de  la  lecture,  sans  lesquels  aucune  interprétation  n'est 
possible.  Il  ne  suffit  pas  de  remplacer,  pour  le  besoin  spécial  d'un 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  327 

dans  le  fameux  vers  d'Osée  (x,  iZi)  :  "D^n  pbv  ^î^'D 
bxnnN  ,  où  bxn'iKTi^s  indique  le  temple  de  la  déesse 
Arbel. 

Ligne  187,  Asar  abu  ildni.  Assonr,  le  père  des 
dieux,  s'écrit,  comme  on  sait,  ►►-T  ^,  ce  que,  il  y 
a  longtemps,  nous  avons  traduit  par  «le  dieu  bon.  » 
Mais  ce  que  nous  avons  déjà  indiqué  dubitative- 
ment (E.  M.  t.  II,  p.  336,  note  2)  s'est  confirmé;  le 
nom  d'Assour  ne  signifiait  pas  autre  chose.  La  lettre 
^,  abréviation  de  l'allophone  higa  «bon,»  s'ex- 
prime, en  assyrien,  par  les  racines  sémiliques  ma 
et  ivti  (  n::^"').  Le  premier  mot  des  Psaumes ,  n'JX ,  pro- 
vient de  la  même  racine  que  le  nom  de  la  divinité 
suprême  de  l'Assyrie.  Ainsi  l'idéogramme  tziTTTT 
^  t^^  TT,  qui  termine  le  nom  de  Téglathphala- 
sar,  se  compose  du  signe  «  demeure,  »  du  signe  «  bon  » 
[asar],  et  du  complément  phonétique  ra;  il  se  pro- 
nonce asar,  ou  asri  au  génitif.  Cette  idée  a  écarté 
notre  ancienne  transcription  de  ce  groupe  par  nno. 
Aussi  quand  M.  Rawlinson  propose,  pour  les  be- 
soins de  sa  cause,  la  valeur  secondaire  de  zi  ou  tlii  à 
^,  il  est  dans  l'erreur.  Il  aurait  dû  abandonner, 
avec  les  progrès  de  l'assyriologie,  cette  fausse  idée 
de  la  polyphonie  multiforme,  qui  ne  résulte  que 
d'une  méconnaissance  complète^  du  caractère  idéo- 
graphique de  l'écriture  anarienne. 

passage  ou  d'un  nom ,  les  valeurs  principales  par  des  soi-disant  valeurs 
secondaires,  qui,  la  plupart  du  temps,  n'existent  même  pas. 

'  Ces  principes,  déjà  établis  et  développés  dans  le  second  vo- 
lume de  V Expédition  de  Mésopotamie ,  seront  mis  en  lumière  par  des 
exemples  dans  le  Syllabaire  de  M.  Menant. 


328  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

Le  '^^*^?,  asar,  est  donc  une  partie  du  ciel;  nous 
y  avons  vu  le  zodiaque,  ce  qui  peut  être  vrai  [E.  M. 
t.  II,  p.  336).  Dans  l'inscription  de  Sargon,  publiée 
par  nous,  le  ^ — TTTT  ^» — ^  ~TT  est  distingué  du 

^yyyy  »%z=yytrfiz  lt=^~  (voir  p.  33/1).  Ce  terme 
se  traduit  sûrement  par  domus  verticis.  Nous  avons 
voulu  entendre  la  partie  du  ciel  qui  se  trouve  suc- 
cessivement au  zénith  de  la  Mésopotamie,  et  les 
étoiles  qui  se  trouvent  dans  la  bande  formée  entre 
le  36'  et  le  30"  degré  de  déclinaison  boréale.  Mais  si 
ce  dernier  idéogramme  cité  signifie  l'endroit  vertical, 
le  zénith ,  il  se  pourrait  que  asar  désignât  justement 
le  contraire ,  le  nadir,  la  partie  du  ciel  qui  est  ca- 
chée aux  regards  des  Chaldéens,  et  qui  correspond 
au  segment  compris  entre  le  pôle  antarctique  et  le 
60*  degré  de  déclinaison  australe.  Et  si  Ton  n'admet 
pas  que  les  Chaldéens  aient  supposé  la  forme  sphé- 
rique  du  firmament,  on  pourrait  y  voir  toute  la 
partie  du  ciel  qui  se  lève  et  qui  se  couche  en  Méso- 
potamie, c'est-à-dire  la  zone  comprise  entre  le  60' de- 
gré de  déclinaison  boréale  et  le  60^  degré  de  décli- 
naison australe. 

Dans  les  deux  cas,  asar  pourrait  se  comparer  à  ce 
que  nous  nommons  «  le  monde  inférieur.  « 

Quant  aux  interprétations  que  nous  avons  données 
du  nom  de  Salmanassar,  et  à  d'autres  de  cette  classe  : 
«Salman  (est  le)  zodiaque  »,  nous  les  avons  abandon- 
nées depuis  longtemps.  Le  dernier  élément ,  asir  iVi<, 
est  le  participe  au  masculin  de  "ic;  «  être  propice ,  être 
bon.»  et  correspond  au  féniinin  asirat,  mÇ^N ,  que 


GRANDE  INSCRIPTION  DE  KHORSABAD.  329 

nous  trouvons  dans  le  nom  d'Arbaïl-asirat,  Ainsi  les 
noms  de  Nergal-asir,  Nabâ-asir,  Marduk-asir,  s'expli- 
quent très-rationnellement. 

Nous  n'aurions  rien  à  ajouter  au  sujet  des  autres 
dieux,  pour  lesquels  les  inscriptions  araméennes  ne 
nous  fournissent  pas  les  renseignements  que,  dans 
un  article  de  VAthenœum,  Sir  Henry  Rawlinson  nous 
avait  promis.  La  transcription  en  caractères  sémi- 
tiques aurait  été  de  la  plus  haute  importance  à 
l'endroit  des  dieux  Ninip-Sandan ,  Hou ,  Salman;  car 
quelque  soiitenables  que  nous  paraissent  les  pro- 
nonciations que  nous  avons  adoptées,  nous  aurions 
été  heureux  de  les  voir  corroborées  par  des  preuves 
plus  irréfragables  encore  que  ne  le  peuvent  être 
les  raisons  très-plausibles  que  nous  avons  jusqu'ici 
fait  connaître. 

La  seule  addition  que  nous  puissions  faire  ici,  c'est 
que  nous  croyons  avoir  trouvé  la  véritable  forme 
originaire  du  dieu  SIn ,  qui  entre  dans  le  nom  de  Sen- 
nachérib.  Il  se  prononce  5m,  ainsi  que  l'attestent  la 
glose  d'Hésychius^  les  écrits  des  Sabéens  et  la  trans- 
cription syriaque  ;  mais  nous  trouvons  une  fois  le 
dieu  «Sinur  aw  dans  les  tablettes  mythologiques,  et 
nous  ne  doutons  pas  que  nous  n'ayons  ici  la  forme 
phonétique  du  nom.  Sin,  le  dieu  de  la  lune,  n'est 
autre  que  le  dieu^  qui  change  et  se  renouvelle;  il 

'  2tv  Tijv  (TeXrivr^v  Ba^vXclivtoi,  comme  nous  lisons,  au  lieu  de 
T^iv  (Te(ivYiv,  qui  ne  donne  pas  de  sens. 

^  Le  signe  \\\  «trente,  »  qui  forme  l'idéogramme  du  dieu  Sin 
►►— T<^<<    (aussi  ►►—!  ^^^Hrdeus  mensis),   est   rendu  par  si  in 


330  OCTOBRE  NOVEMBRE  1865. 

provient  de  la  racine  nii:;,  qui,  dans  toules  les 
langues  sémitiques,  l'assyrien  compris,  a  donné  nais- 
sance aux  idées,  de  «nouveau,  changement,  deux, 
année.  » 

Ce  nom,  en  apparence  si  étrange,  rentre  dès  lors 
complètement  dans  le  domaine  de  la  philologie  sé- 
mitique. 

Quant  à  Assour,  nous  lui  avons  définitivement 
restitué  sa  signification  de  diea  bon.  Le  mol,  ainsi 
que  l'idée,  est  sémitique;  mais  les  autres  nations 
de  Sem  semblent  ne  pas  l'avoir  connu.  La  diversité 
d'origine  des  Assyriens  et  des  peuples  qui  ado- 
rent le  bon  principe  est  prouvée;  mais  il  serait  té- 
méraire de  vouloir  nier  les  rapporls  q^ii  ont  relié, 
dès  l'antiquité  la  plus  reculée,  les  deux  nations  de 
l'Assyrie  et  de  l'Iran,  appartenant  pourtant  à  des  ra- 
meaux linguistiques  distincts.  Et  comme,  sur  le  do- 
maine spécial  des  langues  indo-européennes,  l'in- 
fluence des  autres  branches  d'idiomes  commence  à 
être  de  plus  en  plus  reconnue,  ainsi  cette  simple 
remarque,  déterminée  strictement  par  les  considé- 
rations de  la  philologie  sémitique,  peut  avoir,  pour 
l'histoire  de  la  civilisation  priniordiale  du  genre  hu- 
main ,  une  importance  plus  grande  que  l'on  ne  sau- 
rait dès  à  présent  supposer. 

{  W.  A.  I.  coi.  XXI,  i.  70);  mais  il  est  employé  souvent  pour  exprimer 
le  suffixe  de  la  3*  pers.  au  pluriel  du  féminin  sin.  Du  reste,  le  satel- 
lite même  de  notre  planète  est  exprimé  par  ce  groupe  divin  ;  mémo 
pour  indiquer  ime  éclipse  de  lune,  on  écrit  éclipse  de  Sin. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  331 

LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN, 

PUBLIÉ 
ET  TRADUIT   POUR  LA  PREMIÈRE  FOIS, 

PAR  M.  T.  DEVÉRIA. 


m. 

DATE  DU  PROCÈS. 

Avant  de  récapituler  les  faits  pour  exaaiiner  en 
quoi  pouvait  consister,  au  fond ,  le  délit  des  accusés, 
il  importe  de  fixer  autant  que  possible  la  date  et  le 
lieu  où  ces  faits  se  passèrent. 

Le  manuscrit  de  Turin  portait  certainement,  en 
tête  de  la  première  colonne,  la  date  du  règne  et  le 
protocole  royal  du  pharaon  qui  prend  lui-même  la 
parole  dans  le  texte  \  pour  nommer  la  commission 
judiciaire,  exhorter  les  magistrats  à  la  sévérité,  et 
enfin  prononcer,  de  sa  propre  bouche,  certains 
arrêts.  Mais  il  ne  nous  reste  de  cette  formule  initiale 
que  les  signes  hiératiques  que  je  transcris  en  hiéro- 
glyphes :  7-i  vfii  ^iy(J-àn,  «souverain  d'On ,  ou 
«d'Héliopolis  (?).  ))  Ils  se  trouvent,  comme  on  le 
sait,  dans  les  cartouches  de  plusieurs  rois.  Ce  titre 

'  Ainsi  que  l'indique,  en  plusieurs  endroits,  l'emploi  du  pronom 
de  majesté  de  la  première  personne. 


332  OCTOBRE-NOVEMBRE   18C5. 

se  rencontre  pour  la  première  fois,  d'nne  manière 

constante  et  officielle,  dans  le  nom  de  Piamessès  Ifl, 

f  JillP^^-^j  J /id-me5-5a-/ij9-a/i,  uRamessès,  souve- 
«  rain  d'On.  » 

Le  papyrus  Lee  n°  i ,  à  l'occasion  du  coupable 
Pen-houi-ban,  qui  est  aussi  mentionné  dans  le  ma- 
nuscrit de  Turin  (v.  2  ),  nous  apprend  que  ce  per- 
sonnage se  procura  «  un  des  écrits  de  formules 
'((magiques)  de  Râ-âser-màâ-mer-A'mon ,  vie!  santé! 
((force!  le  dieu  grand,  son  seigneur,  vie!  santé! 
((force!))  Or,  c'est  précisément  le  prénom  de  Ra- 

messès  III,  (O  j^^^^     ,  et  quand  bien  même 

l'exclamation  ((  vie!  santé!  force!  »  deux  fois  répétée, 
n'indiquerait  pas  suffisamment  que  c'est  du  souve- 
rain régnant  qu'il  est  question,  les  mots  ^  V"!  J 
2|^"^\k  II^J  pà  nuter  âà  pàï-w  neh,  (de  dieu 
((grand,  son  seigneur,»  ne  pourraient  laisser  sub- 
sister aucun  doute  à  cet  égard.  De  plus,  les  noms 
propres  Séti-m-per-Amon  et  Séti-m-per-Thot-ti ,  qui 
rappellent  ceux  des  rois  Séti  de  la  XIX^  dynastie, 
n'ont  pu  être  donnés  qu'à  des  hommes  nés  sous  le 
règne  d'un  de  ces  pharaons,  et  conséquemment 
notre  papyrus  date  de  cette  génération.  Enfin,  le 
style  paléographique  de  ces  manuscrits  et  la  plu- 
part des  autres  noms  propres  que  contient  en  parti- 
culier celui  de  Turin,  s'accordent  parfaitement  avec 
fépoque  du  commencement  de  la  XX*  dynastie. 
Il  est  donc  bien  évident  que  c'est  sous  le  règne  de 
Ramessès  III  que  notre  papyrus  a  été  écrit. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  333 

Nous  n'avons  malheureusement  aucune  indica- 
tion de  l'année  du  règne ,  à  moins  qu'on  n'admette  la 
possibilité  de  reconnaître  le  Ramessès  III  des  mo- 
numents dans  le  Séthos  ou  Ramessès  de  Flavius 
Josèpbe,  et  de  rattacher  notre  procès  aux  faits  que 
cet  historien,  d'après  Manéthon  \  attribue  à  son 
règne;  il  deviendrait  évident,  alors,  qu'il  aurait  eu 
lieu  immédiatement  après  son  retour  des  campa- 
gnes d'Asie.  C'est  une  question  qui  sera  examinée 
plus  loin.  Le  seul  point  acquis  avec  certitude,  rela- 
tivement à  la  date  de  notre  document,  est  qu'elle 
se  place  dans  le  règne  de  Ramessès  III,  premier 
pharaon  de  la  XX^  dynastie. 

IV. 

LE  HAREM  DE   RAME.SSÈS  III. 

Passons  maintenant  k  l'examen  de  l'endroit  où  le 
texte  de  notre  manuscrit  indique  que  les  délits  fu- 
rent principalement  commis.  Ce  lieu,  que  j'appelle 
harem,  répond  au  mot  composé  qui  se  présente  dans 
le  texte  hiératique  sous  les  formes  suivantes  : 

i'Morme(iv,2) J  fl"^  1  H 

informe  (iv,  3,5,  ^)  -    ^[]=^\\] 

3-^--Mv,3) nïl^m 

La  première  partie  de  ce  groupe  se  transcrit  sans 

'   Josèphe,  Contre  Apion  ,  cap.  xv. 


334  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

difficulté,  en  hiéroglyphes,  de  la  manière  suivante  : 
mi^m  ou  uu\mc:i.  On  y  reconnaît  :  i°  l'idéo- 
gramme p_-.i  per^  «demeure,))  2**  le  nez  ^,  qui  a 
pkis  hahituellement  la  forme  a,  souvent  confondue 
avec  ]a  tête  de  veau  ^,  et  3°  une  seconde  fois  le 
signe  jr3  «  demeure,  )i  qui  est  ici  l'un  des  détermi- 
nalifs  du  groupe  entier.  La  fin  du  mot  se  compose 
d'autres  déterminatifs,  que  j'ai  d'abord  été  tenté  de 
transcrire  par  les  caractères  |  J'  | ,  ainsi  que  l'a  fait 
M,  Chabas,  pour  la  seconde  forme,  dans  son  inter- 
prétation du  papyrus  Lee  n°  i  ^  Mais  j'ai  acquis  la 
certitude,  par  la  comparaison  de  plusieurs  autres 
mots  qui  devraient  être  déterminés  par  les  mêmes 
signes,  et,  par  exemple  ^\L,M\fn  (^v,  i,  2, 
4,  etc.),  qu'il  fallait  chercher  un  autre  déchiffre- 
ment, car  ces  mots  sont  accompagnés  de  formes 
hiératiques  toujours  différentes.  En  examinant  d'au- 
tres groupes,  j'ai  reconnu  :  1°  que  la  ligature  de  la 
deuxième  forme  de  notre  mot  était  employée  plu- 
sieurs fois,  et,  par  erreur  sans  doute,  à  la  place  des 
signes  hiéroglyphiques  jt,  dans  le  mot  bien  connu 
^^  *^  j^  rel'-u  a  hommes  »  (iv,  2  ;  v,  3  ) ,  où  il  ne  dif- 
fère de  la  forme  régulière  que  par  l'adjonction  d'un 
point  qui  sert  ordinairement  à  distinguer  la  forme 
hiératique  du  signe  de  la  femme  J  de  celui  de 
l'homme  "^  ;  et  ce  point  est  constant  dans  toutes 

*  Ligne  4.  Le  Pap.  macj.  llarris,  p.  170,  note  5.  M.  Chabas,  qui 
n'avait  pas  à  sa  disposition  les  mêmes  documents  que  nous,  a  tra- 
duit une  variante  du  groupe  entier  par  le  mot  «onicine;  »  mais  on 
va  voir  que  celte  interprétalion  doit  être  abandonnée. 


LL  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  335 

les  formes  de  notre  groupe;  2°  que  la  troisième 
forme,  plus  irrégulièrement  abrelgée,  est  employée 
dans  le  groupe  senû  (iv,  2),  où  il  faut  reconnaître  le 
même  mot  qu'à  la  colonne  v,  ligne  3 ,  c'est-à-dire 

I  \^%1  snû-i,  au  lieu  de  I  J  seni  «sœur,» 
forme  plus  usitée,  bien  qu'elle  ne  soit  pas  régulière. 

II  résulte  de  là  que  la  dernière  forme  de  notre  liga- 
ture doit  être  transcrite  par  les  signes  ^  J,  et  que 
les  autres  paraissent  répondre  à  ceux-ci  û  ,  ce  qui 
nous  donne  , pour  l'expression  complète,  les  groupes 

t^'c^^i"?!  -^  r^nic^ri^  J,  ou,  pour  nous  con- 
former aux   règles  de  la  carrure  hiéroglyphique  : 

I  nii.  ^^    I   c-3^  4' 
M.  E.  de  Rougé,  qui  a  connu  avant  moi  le  texte 

du  papyrus  judiciaire  de  Turin,  a  bien  voulu  me 

commimiquer  quelques-unes  de   ses  observations 

sur  ce  précieux  manuscrit;  il  avait  remarqué  que 

ce  lieu  était  habité  par  des  femmes,  ainsi  que  le 

prouve  la  mention  fréquente  de  ses  habitantes  : 

et  il  supposait  que  c'était  l'habitation  particulière 
d'un  ordre  ou  d'une  classe  de  femmes  dont  la  supé- 
rieure était  désignée  par  le  groupe  ^  t^  (  Louvre, 
E.  3/i65),  ou  mieux  ^-^  J|  (Champoll.  Notices, 
p.  523,  etc.).  Nous  verrons  tout  à  l'heure  que  cette 
conjecture  s'est  confirmée.  Mais  il  est  nécessaire 
d'établir  une  distinction  importante,  c'est  que  cette 
expression  ^^;^,  ordinairement  suivie  du  nom 
d'Ammon  ou   de  celui  d'un   autre  dieu,  dans  les 


330  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865 

inscriptions,  s'applique  à  un  ordre  religieux,  tandis 
que  rien  d'analogue  ne  semble  ressortir  du  texte 
de  notre  papyrus.  On  verra,  tout  au  contraire,  que 
ce  lieu  devait  faire  partie  du  palais  pharaonique, 
et  que  les  femmes  qui  l'habitaient  devaient  appar- 
tenir à  la  maison  royale.  Néanmoins,  le  mot  est  le 
même,  et  M.  de  Rougé  avait  été  amené  à  le  sup- 
poser par  la  permutation  fréquente  du  nez  m  et  du 
signe  i —  ou  T,  abusivement  employé  aux  basses 
époques  pour  la  consonne  m. 

Le  titre  sacerdotal  que  je  viens  de  citer  a  pour 
variante  ^^  #  ^Jiii  (Musée  de  Lyon,  stèle  88, 
2^  reg.  1.  4),  qui  nous  donne  la  lecture  du  groupe 
entier  ûer-x'ent-u.  Or  la  valeur  x'en  ou  x'ena*,  bien 
connue  pour  le  signe  % ou  T ,  est  également  ad- 
mise aujourd'hui  pour  le  nez  a,  et  elle  s'accorde 
parfaitement  avec  une  autre  variante  ^  z=  ^  ï 
Ta,  <-*itée  par  M.  de  Rougé  dans  son  cours  au  Col- 
lège de  France.  Ces  diverses  formes,  et  particuliè- 
rement la  dernière,  peuvent  être  comparées  aux 
mots  x'en  «intérieur,»  x'enû  «sanctuaire,  boîte, 
«colfre»  (Chabas,  Le  pap.  mag.  gloss.  n°*  7/18  et 
7/19)  et  x'ena'  «prison?»  (Pap.  Abbott,  v,  17;  vi, 
10).  Le  sens  primitif  de  l'expression  semble  donc 
être  celui  de  la  réclusion  :  les  recluses  ou  les  cloî- 
trées. Et  il  est  à  noter  que  le  signe  du  nez  s'applique 
souvent  comme  déterminatif  à  l'idée  de  l'empri- 
sonnement. 

On  sait  que  l'hiéroglyphe  du  nez  ^  et  ^  (ar- 
chaïque),  M  (bonnes  époques),  ^   (bas  temps), 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  337 

détermine  ordinairement  le  mot  "iz:^^  wend  (Chab. 
Gloss.  2  7 2  ) ,  ou  A^v^  ivent'î  (T.  li 'i ,  8) ,  qui  signifie 
certainement  u  narines,  nez;  »  ce  mot  n'a  pas  laissé  de 
trace  en  copte,  mais  on  peut  le  rapprocher  de  l'hé- 
breu n:D  faciès ,  valtas.  Comme  des  variantes  bien 
constatées  prouvent  que  le  signe  M  isolé  pouvait 
être  pris  pour  l'expression  idéographique  de  ce  mot 
ivencl  ou  wenti  «nez,»  on  en  avait  conclu  que  ce 
caractère,  employé  comme  signe  phonétique,  de- 
vait avoir  la  même  valeur,  c'est-à-dire  celle  de  ivend 

ou  wentï,  et  sa  fréquente  permutation  avec  flffl 
ou  rfilfj  faisait  nécessairement  attribuer  cette  même 

valeur  à  ce  dernier  caractère.  Mais  si  le  signe  M  «  nez  » 
a  été  employé  pour  l'expression  idéographique  du 
mot  wend  ou  wentï  «nez,»  rien  ne  prouve  qu'em- 
ployé comme  caractère  purement  phonétique,  il  ait 
eu  la  valeur  de  ce  mot,  et,  conséquemment,  que 

cette  valeur  puisse  être  attribuée  au  signe  (1  f  ri-  Au 
contraire,  la  constance  de  l'expression  phonétique 
tvend,  wendï  ou  wentï  dans  le  nom  du  troisième  pa- 
rèdre,  auquel  le  nez  M  sert  de  déterminatif  (Todl. 
125,  i6),  semble  établir  que  sa  valeur  phonétique 
était  différente,  car,  sans  cela,  on  trouverait  ce 
nom  écrit  quelquefois  par  le  signe  nez  A,  sans  autre 

expression  phonétique,  et  même  par  le  signe  fifr| 

son  homophone  évident.  Or,  cette  dernière  variante 
ne  s'est  rencontrée  qu'une  seule  fois  dans  les  exem- 
ples recueillis  par  M.  E.  de  Rougé,  et  il  est  permis 

VI.  23 


338  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

d'y  supposer  une  faute  ou  une  confusion  du  scribe 
égyptien.  D'un  autre  côté,  les  transcriptions  démo- 
tiques donnent  constamment  x'en,  x'ent  et  x'eniï, 

pour  les  signes  m  et  fif  ri  ;  de  pJus,  les  listes  grec- 
ques des  décans,  publiées  par  MM.  Lepsius  et 
Brugsch,  s'accordent  à  Jes  transcrire  x^v^,  toutes 
les  fois  qu'ils  se  présentent  dans  les  noms  hiérogly- 
phiques. Ajoutons  enfin  que  la  valeur  x'en,  x'ent, 
ou  x'eiitï,  s'accorde  parfaitement  avec  le  copte 
aj5.2>.WT:  nasas,  naris,  OJZ^mE  nares ,  et  l'on  re- 
connaîtra qu'il  faut  adopter  cette  valeur,  en  principe 
x*en,  plus  tard  x'en-t  ou  x'en-tï,  pour  les  deux  si- 
gnes M  et  (flr).  Ceci  explique  l'équation  des  trois 
signes  T,  a  et  filr| ,  et  cette  équation  une  fois  bien 

établie,  nous  reconnaitrons  facilement  des  variantes 
du  groupe  que  nous  étudions  dans  les  titres  d'un 
personnage  nommé  Amenmès  sur  le  damier  du 
Louvre.  On  y  lit  en  etïet  qu'il  était  ^  «      jl^  ^" 

^,    j^^ ilfffl^^  ^^^^"  (^)  P^^-^'^f^'ty  (((musi- 

ucien?)  du  harem.  ^  »  Le  même  radical  figure  aussi 
dans  ceux  de  quelques  autres  fonctionnaires,  tels 
que  Ki'^iTriiJ  i'^)  ^^'^  ^  x'en-t  (Sharpe,  id.; 
Louvre,  vase  Anastasi,  n"  9/19),  R  j  •  sx*a 
x'en-t  «grammate  du  harem  ou  de  la  prison?» 
(Sharpe,  Eq.  insc.  I,  108,  i3.)  ï^n  mur-x'en-t 
«intendant  du  harem  ou  de  la  prison?»  (Statuette 

'  Cf.  Pap.  judic.  V,  9. 


LE  PAPYBUS  JLlDfCIAIHE  DE  TURIN.  339 

accroupie  de  Kertà,  musée  de  Turin).  Toutes  les 
formes  certaines  de  l'expression  étudiée  :  (hiérat.) 
CTH^riJi  (pap.  de  Turin),  (hiérogl.)  ruAm 

(Louvre,  stèle  S,  i  li66),  irDfiir|im  et  i —  (Louvre, 
échiquier  d'Amen-mès),  doivent  donc  se  lire  per- 
x*en-t-a,  ou  simplement  per-x'en,  et  si,  dans  ces 
exemples,  l'hiératique  seul  ajoute  au  dcternn'natif 
«des  lieux»  celui  de  la  femme  et  la  marque  collec- 
tive, on  trouve  ces  mêmes  signes  dans  un  texle  hié- 
roglyphique de  l'époque  ptolémaïque  (Prisse,  Mon. 
pi.  XXVI,  1.  1  2),  où  les  deux  déterminatifs  sont  em- 
ployés simultanément  :  I  Ik^vkA'^A  )  '  'lH 
aâ  un-  n-a'  x'enû-t  nower  nower  nower,  u  était  à  moi 
((  un  excellent  harem  (quand  j'accomplis  l'âge  de 
«  quarante- trois  ans,  Euais  aucun  enfant  maie  ne 
«[m'j  était  né).»  M.  Birch  a  traduit  un  peu  dilïé- 
remment  ce  passage  (  On  iwo  egyptian  tahlets  of  the 
Ptolemalc  per'iod,  p.  6  et  17).  La  lecture  du  mot 
étant  bien  constatée  maintenant,  on  reconnaîtra 
facilement  qu'il  exprime  la  «  demeure  [per)  des  re- 
<(  cluses  [x'en-t-u),))  et  l'ensemble  du  texte  indique 
suffisamment  que  le  lieu  d'habitation  des  pallacides 
ou  concubines  royales  était  ainsi  appelé,  quoique 
ces  pallacides  soient  désignées  par  une  autre  expres- 
sion sur  la  stèle  historique  du  roi  Piankhi,  décou- 
verte, au  mont  Barkal ,  par  M.  Mariette,  et  analysée 
par  M.  le  vicomte  E.  do  Rougé,  dans  la  Reime  ar- 
chéologique ^ 

'   Livraison  de  juin  iS63.  Je  reviendrai  plus  loin  sur  la  {orme 
liiéroglypliiqne  de  cette  dernière  expression. 


340  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

Les  prêtresses  de  l'ordre  sacerdotal,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  s'intitulaient  aussi  «  pallaci- 
((  des  »  de  tel  ou  tel  dieu ,  ordinairement  d'Ainmon. 
Ce  titre  exprimait  leur  entière  dévotion,  et  l'on 
pourrait  également  le  rendre  par  a  esclave  >>  de  telle 
ou  telle  divinité;  il  n'avait  rien  que  de  très-hono- 
rable, tandis  que  la  rareté  de  la  mention  des  palla- 
cides  royales  ou  de  celles  des  simples  particuliers 
semble  indiquer  qu'il  n'en  était  pas  de  même  pour 
ces  dernières. 

Un  très-ancien  bas-relief'  nous  montre  cependant 
que  le  terme  x'en-t^  s'appliquait  aussi  aux  esclaves 
des  simples  parliculiers ,  comme  dans  le  passage 
que  je  viens  de  citer  de  la  stèle  traduite  par 
M.  Birch  ;  on  y  voit  quatre  jeunes  femmes  vêtues 
d'une  courte  chenti  et  le  corps  ceint  de  bandelettes, 
dansant  devant  deux  chanteuses  (Ji'es-t)  qui  battent 
la  mesure;  auprès  de  chacune  délies  est  inscrite 

cette  légende  hiéroglyphique  :  a^^a^  ^  x'en-t  n 
a'm-t  «palhuide  de  la  tente,  ou  du  campement,» 
ou  bien  «  du  harem,  »  si  l'on  doit  rapprocher  ce  mot 
a'm-t  de  l'expression  |V  VJ  "'«^  «favorite»  (de 
Rougé,  cours,  i863).  Ces  femmes  appartenaient  au 
personnage  principal  représenté  dans  le  bas-relief, 
au  même  titre  probablement  que  les  esclaves  du 


'    Lepsius ,  Denkmàler,  II,  i  o i ,  B. 
Le  même  radical  était  également  employé  dans  le  Rituel  fané- 

V" 


rairc,  chap.  cxLViii  (Louvre,  pap.   8074  ),  dans  le  groupe    T  ^•^ 


m 


Mil 

qui  désigne  les  «sept  femelles  du  taureau  sacn 


I  I  I 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  341 

harem  musulman,  el,  comme  ces  dernières,  elles 
pouvaient  avoir  la  musique  et  la  danse  pour  diver- 
tissements et  pom'  talents  particuliers. 

Cette  polygamie  peut  être  illégale;  mais,  con- 
sacrée par  l'usage  dans  l'organisation  sociale  de  l'an- 
cienne Egypte  \  elle  est  prouvée,  pour  les  pharaons, 
parlepassage  déjà  cité  de  Manéthon  [Josèphe,  Contre 
Apion,  cap.  i5),  et  par  les  listes  des  nombreux  en- 
fants royaux,  qui,  pour  Ramessès  11  en  particulier, 
s'élevaient  à  i  i  i  fils  et  69  filles  ;  elle  est  expliquée 
pour  les  simples  particuliers  par  Diodore  de  Sicile, 
qui  s'exprime  en  ces  termes  (I,  80)  :  «Chez  les 
((Egyptiens,  les  prêtres  n'épousent  qu'une  seule 
«  femme,  mais  les  autres  citoyens  peuvent  en  choisir 
«autant  qu'ils  veulent.  Les  parents  sont  obligés  de 
«nourrir  tous  leurs  enfants,  afin  d'augmenter  la 
«population,  qui  est  regardée  comme  contribuant 
«  le  plus  à  la  prospérité  de  l'Etat.  Aucun  enfant  n'est 
«réputé  illégitime,  lors  môme  qu'il  est  né  d'une 
u  mère  esclave;  car,  selon  la  croyance  commune, 
«  le  père  est  l'auteur  unique  de  la  naissance  de  fen- 
«fant,  auquel  la  mère  n'a  fourni  que  la  nourriture 
«  et  la  demeure.  »  (Traduction  de  M.  Ferd.  Hoefer.) 

'  On  en  trouve  un  curieux  exemple  sous  la  XII*  dynastie  :  un 
grand  personnage  nommé  X'etï  (ou  X'eretï)  était  le  «  chef,  décoré  de 
«  l'abeille  (?),  favori  unique,  surveillant  des  hommes  et  des  femmes, 
<■  le  [pourvoyeur?)  du  lit  nuptial  (ou  du  harem?).  »  Ce  dernier  titre  est 
exprimé  par  deux  caractères  figuratifs  dont  je  ne  connais  pas  d'au- 
tres exemples.  Dans  une  autre  légende,  peut-être  funéraire,  mais 
relative  au  même  individu ,  il  est  question  de  «  millions  de  femmes.  » 
;Lepsius,  Dcnkmàler,  II,  i43. 


342  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865, 

Cest  oncore  ce  qui  a  lieu  de  nos  jours  en  Egypte 

et  chez  la  plupart  des  peuples  musulmans. 

On  a  vu  par  ce  qui  précède,  d'une  part,  que 
ces  esclaves  dont  parle  Diodore,  de  même  que  les 
pallacides  royales,  étaient  désignées  par  le  terme 
x'en-t,  et,  d'autre  part,  que  le  lieu  qu'elles  habi- 
taient, c'est-à-dire  le  gynécée  ou  harem,  s'appelait 
per-x'en-t-u  «demeure  des  x'en-t-u  ou  pallacides,)) 
ainsi  que  l'indique  dans  notre  manuscrit,  et  comme 
nous  l'avons  déjà  fait  observer,  la  mention  fréquente 
de  ses  habitantes  :  <!  les  femmes  du  harem  »  (iv,  2  , 
3,  5,  6;  V,  7,  8,  9,  10;  VI,  1). 

Ces  femmes  y  étaient  probablement  enfermées, 
mais  elles  recevaient  la  visite  de  leurs  mères  et  de 
leurs  sœurs,  qui  habitaient  au  dehors  (iv,  2). 

Les  papyrus  Lee  et  Rollin  nous  montrent  que  les 
abords  de  ce  lieu  n'étaient  pas  plus  faciles  que  ceux  du 
sérail  d'un  souverain  musulman,  puisque  quelques 
accusés,  parmi  lesquels  on  remarque  un  grand  per- 
sojinage,  «un  intendant  des  troupeaux  \))  crurent 
avoir  besoin  d'opérations  magiques  pour  tenter  d'y 
pénétrer  et  pour  y  étabhr  une  correspondance. 

Dans  ce  lieu,  cependant,  un  certain  nombre  de 
fonctionnaires  avaient  des  offices  à  remplir,  et  nous 
y  voyons,  en  première  ligne,  un  intendant  du  gy- 
nécée royal  au  harem  (iv,  4),  et  deux  scribes  du 
gynécée  royal  au  harem  (iv,  5;  v,  10),  tous  trois 
en  fonctions.  Mais  je  dois  dire  ici  que  la  lecture  du 

'  Voyez,  sur  l'imjiorlaiice  hiérarciiique  de  ce  titre,  Chabas,  Mé- 
linijes,  vol,  I.  Arrestation  d'esclaves. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  343 

groupe  hiératique  qui  est  déterminé  par  les  mêmes 
signes  que  le  mot  per-xen-t-a  «harem  »  (iv,  li\  iv,  5) 
et  que  je  traduis  ((gynécée,»  me  laisse  quelques 
doutes.  Je  crois  cependant  reconnaître  une  variante 
du  premier  do  ces  titres  (iv,  A)  sur  une  sièle  du 
sérapéum.  (musée  du  Louvre,   /i  2  i ,  1  1 .  S.  1/166), 

où  je  lis  :  ^n  X  '^  mm'l^  mur a'p sût\en]- 

a  n  per-x'en-t  m  Men-nowre,  «  l'intendant  des  palla- 
«  cides  royales  (ou  du  gynécée  royal)  du  harem  à 
((  Memphis.  »  Ce  même  titre  est  souvent  abrégé  sous 

les   formes    l^\   et    fg\   comme  par  exemple 

dans  les  inscriptions  de  la  stèle  E.  333y,  au  musée 
du  Louvre  ^  Je  n'hésite  pas  à  reconnaître  dans  ces 

titres  le  groupe  IlAm  sii[ten]  a'p-t-u ,  qui  désigne 
les  pallacidcs  du  roi  Piankhi,  dans  Ténumération 
des  femmes  de  son  palais  :  1  J  i  lA  m  i  ^^ 
M  X  I  y  M.  E.  de  Roueé  a  très-exactement  rendu 
ce  passage  par  ces  mots  :  «les  reines,  les  favorites , 
«  les  filles  et  les  sœurs  du  roi  ^.  »  Mais  il  est  possible 

'  On  trouve  également  trois  fois,  dans  la  grande  inscription  de 
la  Vr  dynastie,  conservée  à  Boulaq,  le  groupe  1  /Zl  [7^  qiii  peut 
avoir  un  sens  analogue.  Mais  le  signe  a'p^  si  toutefois  il  a  cette  va- 
levir,  est  d'une  forme  plus  analogue  à  celle  du  signe  ^  et  arrondie 
par  le  haut. 

2  Inscription  historique  du  roi  Piankhi,  Extrait  de  la  Revue  archéo- 
loijicfue,  p.  6. 

Trompé  par  une  mauvaise  copie,  j'ai  tiré  une  conclusion  inexacte 
du  passage  qui  nous  occupe ,  dans  mon  travail  sur  Quelques  person- 


344  OGTOBRE-NOVEMBRli  1865. 

que  ies  caraclères  ^  et  /^  aient  eu  deux  valeurs 
clifTérentes;  s'il  en  était  ainsi,  le  premier  seulement 
répondrait  au  groupe  hiératique  de  notre  papyrus 
et  la  lecture  a'p  n  appartiendrait  qu'au  second.  Quoi 
qu'il  en  soit,  ii  est  certain  que  les  trois  personnages 
nommés  dans  le  manuscrit  de  Turin  étaient  des 
fonctionnaires  royaux  attachés  au  harem.  Ce  harem 
était  donc  bien  celui  du  roi,  et  le  roi  régnant  était 
Ramessès  TU,  ainsi  que  nous  l'avons  démontré  plus 
haut.  C'est  là  ce  qu'il  importe  de  constater. 

Nous  trouvons  encore  en  fonctions,  dans  ce  lieu, 
plusieurs  officiers  et  employés  dont  les  attributions 
sont  difficiles  à  déterminer;  c'est  premièrement  un 
^  «  ^  ^  fi^nâ  ou  a'dnâ  (v,  9). 

Le  personnage  nommé  Amen-mès,  qui  ejk>repré- 
senté  sur  le  damier  du  Louvre  jouant  seul  à  un  jeu 
analogue  aux  dames  ou  aux  échecs,  portait  ce  même 
titre.  Son  costume  indique  un  personnage  impor- 
tant :  ii  est  coiffé  d'une  longue  perruque,  vêtu  d'une 
ample  tunique  plissée,  et  des  colliers  ornent  son 
cou  ;  un  homme ,  ayant  la  tête  rasée ,  se  tient  debout 
devant  lui  et  lui  présente  à  boire.  Sa  légende  se  lit  : 

^,V^r.r|}t|r.    ou     ^ '^^Pfh 

[I  i^  X^L  «le  denû  du  harem  Amen-mès, 
«de  Memphis.  »  Dans  une  autre  légende,  il  est  qua- 
lifié :  jMt^"]!  "g«and  chanteur  du  dieu  bon,» 
c  est-à-dire  {(  du  roi.»  Etait-ce  le  a  musicien,  l'odiste 

nages  d'une  famille  pharaonique  de  la  XXII'  dynastie,  extrait  de  la 
Hevue  archéologique ,  p.  9. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  345 

«  du  harem?  ))  — Nous  savons  qu'il  y  avait  des  denâ 
des  soldats,  qui  pouvaient  être  les  musiciens  de 
l'armée,  car  les  troupes  égyptiennes  marchaient  au 
son  de  la  musique. 

Des  employés  inférieurs  sont  appelés  '^VV*— ' 
redûû  ou  râdâ.  Le  manuscrit  en  mentionne  six ,  tous 
en  service  dans  le  harem  (iv,  6-1  i  ;  cf.  pap.  Lee, 
n"  1).  Ces  personnages  avaient  un  rang  inférieur 
aux  scribes,  ainsi  que  semblent  le  démontrer  cer- 
tains textes  où  ils  sont  nommés  après  eux  et  après 
d'autres  fonctionnaires  pins  importants  (Lepsius, 
Denkmàler,  III,  21  9,  e,  1 6;  Grand  pap.  hist.  Harris, 
Mus.  brit.  pi.  K.).  C'étaient  peut-être  même  de  sim- 
ples serviteurs. 

Nous  voyons  encore  dans  l'habitation  des  femmes 
plusieurs  :i^\  ^  âbû^  «  otïiciers(?),  »  qui  les  ap- 
prochent d'assez  près  pour  entendre  leurs  paroles 
(v,  8)  et  même  pour  s'entretenir  avec  elles  (iv,  3). 
Cela  pourrait  laisser  supposer  que  ce  sont  des  eu- 
nuques, ou  plutôt  ce  que  la  Bible  appelle  les  saris 
du  pharaon,  mais  rien  n'en  donne  la  certitude; 
d'autres  passages  du  manuscrit  (iv,  3-i  2-1 4-i  5)  mon- 
trent seulement  qu'ils  étaient  en  rapport  avec  le 
grand  de  maison  ou  majordome.  Quoi  qu'il  en  soit, 
ils  figurent  dans  notre  procès  parmi  les  juges  et 

^  CeUe  lecture  est  très-douteuse ,  mais  je  l'adopte  provisoirement , 
faute  de  mieux;  elle  n'est  donnée  que  par  une  seule  variante  qui 
m'a  été  signalée  par  M.  J.  de  Horrack  :  rj:  \\  *^  j^  (hiérat.) 
pap.  Sallier  III,  8/9  =  f  Ji  \p  (Brugsch ,  Recueil,  I .  pi.  XXXI , 
col.  34). 


346  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

parmi  les  accusés;  dans  d'autres  textes,  ils  sont  ap- 
pelés les  âbû  (?)  royaux,  ou  les  âbû  du  pharaon; 
ils  paraissent  parfois  chargés  de  missions  impor- 
tantes ^ 

Il  y  avait  aussi  des  agentes,  auxquelles  certaines 
surveillances  étaient  confiées  (pap.  Lee,  i,  5),  et  des 
femmes  qui  occupaient  d'autres  fonctions,  parmi  les- 
quelles était  au  moins  une  Ethiopienne  (v,  3). 

Enfin,  la  porte  de  ce  lieu  était  gardée  par  des 
hommes  ^,  qui  semblent  y  avoir  été  logés  avec  leur 
famille,  car  leurs  femmes  sont  mentionnées  (v,  i). 

Une  dernière  remarque  à  faire,  c'est  que  rien 
n'indique  que  le  grand  de  maison  ou  majordome 
ait  été  attaché  au  harem;  ce  personnage,  fonction- 
naire du  palais  (iv,  2),  n'y  fut  peut-être  introduit 
que  par  les  manœuvres  de  l'intendant  des  troupeaux 
Pen-houï-ban ,  qui  n'y  entra  pas  lui-même. 

L'importance  du  personnel  attaché  à  ce  lieu,  et 
la  difficulté  (|ui  paraît  avoir  existé  pour  y  pénétrer, 
montrent,  comme  je  viens  de  le  dire,  que  c'était 
bien  le  harem  du  palais  de  Ramessès  IIL 

Or  le  palais  qu'habitait  ordinairement  Rames- 
sès lïl  était  celui  qui  subsiste  aujourd'hui  à  Médinet- 
Abou ,  presque  entièrement  construit  et  décoré  par  ce 
pharaon  ;  l'avant-corps  de  cet  admirable  monument 
contenait  des  appartements  où  nous  voyons  encore 
le  lieu   qu'habitaient  ses  femmes.   Les   bas-reliefs 

*  Voyez  note  philologique  n"  5. 

^  La  stèle  du  Louvre  C  6  nous  montre  un  ^  ^   —-.  «  por- 

«  lier  du  harem,  ou  peut-cire  de  la  prison.  » 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  347 

nous  y  montrent  ce  roi  dans  l'intimité  du  harem  : 
tantôt  il  est  assis,  jouant  aux  échecs,  avec  une  jeune 
fille  ime,  qui  se  tient  debout  et  lui  fait  sentir  le 
parfum  d'une  fleur ^;  tantôt,  dans  la  même  occu- 
pation ,  il  passe  affectueusement  son  bras  gauche 
autour  du  cou  d'une  autre  esclave,  ou  bien  il  ca- 
resse son  menton  et  échange  des  fruits  avec  eWe. 
D'autres  encore  lui  présentent  des  fleurs  et  des 
mets^.  Cinq  jeunes  filles  debout,  portant  des  chasse- 
mouches  et  d'autres  objets,  décorent  aussi,  au-des- 
sous d'un  vautour  aux  ailes  éployées ,  l'intérieur  d'une 
sorte  d'enfoncement  semblable  à  une  alcôve  et  ré- 
servée dans  l'une  des  parois  de  l'appartement.  Dans 
toutes  ces  sculptures,  les  femmes  sont  nues,  et  l'on 
ne  distingue,  de  l'ajustement  du  roi,  que  sa  coiffure, 
ses  sandales^  et  ses  bracelets. 

Là  était  indubitablement  le  harem,  la  demeure 
des  femmes,  des  paKacides  royales,  ainsi  que  les 
appelait  Manéthon ,  dans  le  passage  conservé  par 
Flavius  Josèphe,  et  que  Ghampollion  attribuait  avec 
raison ,  je  crois ,  au  règne  de  Ramessès  III  *; c'était,  en 
d'autres  termes,  l'habitation  des  x'en-t-ii  «recluses» 
et  des  a'p't-u  «favorites  (?)  »>  comme  les  appelle  la 
stèle  du  roi  Piankhi.  Là,  en  un  mot,  le  pharaon 

'  Lepsius,  Denkm.  III,  208;  Roseilini,  Monumenti  reali,  pi.  228; 
Lepsius,  AiiswahlfTuL  23,  d.  elc. 

^   Lepsius,  ihid. 

■'  Sanddes  dont  la  pointe  relevée  vient  se  rattacher  sur  le  cou- 
de-pied. Celte  chaussure  était  de  mode  sous  la  XIX'  et  la  XX'  dy- 
nastio. 

*   Voyez  ChampoHiou-Figcac,  V Egypte  ancienne,  p.  3'j5. 


348  OCTOBRE-NOVEMBRE   18C5. 

avait  son  harem,  et  il  semble  qu'il  en  poussa  le 
luxe  plus  loin  qu'aucun  autre  souverain.  Ses  mœurs 
voluptueuses  prêtaient  si  bien  à  la  critique  de  ses 
contemporains,  que,  malgré  le  respect  dont  l'auto- 
rité royale  était  entourée,  des  artistes  satiriques  de 
l'antiquité  n'hésitèrent  pas  à  en  charger  spirituelle- 
ment les  traits  caractéristiques.  Dans  ces  caricatures , 
ils  figurèrent  le  roi  par  un  lion,  ses  femmes  par  un 
troupeau  de  gazelles,  ses  enfants  par  un  troupeau 
d'oies,  car  l'oie  1^^  veut  dire  fils  et  fille  dans  les 
hiéroglyphes;  ses  eunuques  et  le  précepteur  de  ses 
enfants  par  des  chiens  et  des  chats  conducteurs  de 
ces  troupeaux.  On  y  remarque  particulièrement  la 
partie  d'échecs,  que  nous  venons  de  mentionner, 
et  le  lion  s'approchant  d'un  lit  sur  lequel  est  couchée 
une  gazelle,  scène  qui  ne  demande  pas  plus  ample 
explication  ^ 

Là  probablement,  enfin,  eurent  lieu  les  faits  rap- 
portés dans  le  papyrus  judiciaire  de  Turin. 

V. 

MATIÈRE     DU     PROCES. 
S  1 .  DÉLIT  PRINCIPAL. 

Cherchons  maintenant  à  nous  éclairer  sur  le 
fond  de  l'affaire,  sur  la  nature  des  délits  qui  mo- 
tivèrent la  mise  en  accusation  et  le  jugement  des 

'  Lepsius,  AasivaJd,  Ta^.  XXllI,  C-D,  cf.  d.,  et  le  travail   de 
M.  Champfleury  sur  ia  Caricalure  (Uns  l'antiquité. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  349 

coupables,   sur  le    but    et  les  résullats   de    leurs 
crimes. 

Comme  je  l'ai  déjà  dit ,  il  est  difficile  de  se  for- 
mer au  premier  abord  une  idée  claire  à  cet  égard, 
par  suite  de  la  perte  de  la  première  colonne  du 
manuscrit,  et  aussi  à  cause  de  la  répétition  conti- 
nuelle des  formules  qui  viennent  sans  cesse  em- 
brouiller et  noyer  les  faits.  Je  vais  donc  m'eflbrcer 
de  les  dégager  l'un  après  l'autre,  et,  pour  procéder 
méthodiquement,  je  les  prendrai  au  fur  et  à  me- 
sure qu'ils  se  présentent  dans  le  texte,  sans  en  in- 
tervertir Tordre. 

Nous  voyons  par  les  restes  de  la  dernière  ligne 
de  la  colonne  i ,  et  par  la  première  de  la  colonne 
2 ,  que  dans  les  crimes  en  question  étaient  les  exé- 
crations de  la  terre  ;  cela  rappelle  la  formule  des  pa- 
pyrus Lee  et  RoUin  dans  laquelle  il  est  dit,  à  propos 
de  ce  qui  constitue  la  culpabilité  des  accusés,  que 
c'est  ce  qn abominent  tout  dieu,  et  toute  déesse^. 

Plus  loin  (col.  II,  lig.  5)  le  roi  adresse  l'allocu- 
tion suivante  aux  membres  de  la  commission  judi- 
ciaire qu'il  vient  de  nommer  pour  la  saisir  de  l'af- 
faire :  «  Les  paroles  que  dirent  ces  hommes,  —  n'en  ai- 

'  Voyez  Pièces  justificatives.  Ce  rapprochement  semble  établir 
une  différence  de  gravité  entre  les  crimes  produits  par  des  moyens 
naturels,  exécrés  de  l'humanité  entière,  et  les  crimes  produits  par 
des  moyens  surnaturels,  comme  ceux  que  mentionnent  les  pap.  Lee 
et  RoHin,  qui,  bien  plus  grands,  émeuvent  les  dieux  eux-mêmes. 
(Cf.Diodore  de  Sicile, i,  77  :  «Le  parjure  était  puni  de  mort  comme 
élant  la  réunion  des  deux  plus  grands  crimes  qu'on  puisse  com- 
mettre, l'un  contre  les  dieux,  l'autre  contre  les  hommes.  ») 


I 


350  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

je  pas  connaissance? —  Allez! — Jugez-les  — Qu'ils 
avancent ,  qu'ils  les  jugent,  et  que  ceux  qui  donnent 
la  mort  de  leur  main  donnent  la  mort  à  leurs  mem- 
bres. —  N'en  ai-je  pas  connaissance?  —  Faites  exécu- 
ter le  châtiment  [de  mort?]  et  les  autres  (aussi).  — 
N'en  ai-je  pas  connaissance  actuellement?  —  Or,  ils 
avancent!  [Jugez-les  suivant  ce  que  vous]  dicte 
notre  cœur;  soyez  vigilants  à  faire  exécuter  le  châ- 
timent, etc. 

De  ce  passage  il  résulte  que  la  mise  en  accusa- 
tion des  coupables  est  motivée  sur  certaines  paroles 
connues  du  roi;  mais  ces  paroles  sont-elles  des 
dénonciations,  ou  constituent- elles  à  elles  seules 
les  délits  des  accusés?  —  C'est  ce  qu'expliquera  la 
suite  de  notre  travail.  Nous  pouvons  cependant  ob- 
server dès  à  présent  qu'aucun  crime  n'étant  men- 
tionné dans  ces  lignes,  il  est  supposable  que  ces 
paroles  ont  pu  être  prononcées  par  les  accusés  eux- 
mêmes,  et  constituer  au  moins  une  partie  de  leur 
culpabilité. 

S    2.   PAPYBVS  LEE  ET  ROLLIN. 

Avant  d'aller  plus  loin,  il  importe  d'examiner 
ce  que  nous  apprennent  les  papyrus  Lee  et  Rol- 
lin  ^  puisqu'on  y  trouve  les  noms  et  titres  de  deux 
des  principaux  accusés  du  papyrus  de  Turin.  Ces 
précieux  manuscrits  nous  présentent  en  eHét  les 
restes  d'un  autre  procès  relatif  à  des  personnages 

'    Voyez  Appendice  el  pièces  juslifiroiivpK. 


LE  PAPYRUS  JUDICrAIHE  DE  TURIN.  351 

qui  ne  sont  pas  jugés  dans  le  papyrus  de  Turin, 
mais  qui  furent  compromis  dans  la  même  atfaire. 

Nous  trouvons  d'abord  dans  le  papyrus  Lee  n°  i , 
contenant  le  jugement  d'un  individu  dont  le  nom 
a  disparu,  qu'un  grand  personnage  appelé  Pen- 
houï-ban\  qui  était  probablement  nommé  à  la 
r^  colonne  du  manuscrit  de  Turin  (1.  4-5),  comme 
à  la  colonne  v  (1.  2),  avec  l'épithèle  de  grand  cri- 
minel, ce  qui  n'a  lieu  pour  aucun  des  autres  noms 
cités  dans  le  texte  courant,  est  accusé  :  1°  d'avoir  de- 
mandé et  obtenu  des  écrits  magiques^  appartenant 
au  roi  Ramessès  III,  son  maîtie;  2°  d'avoir  fait  usage 
de  la  puissance  suprême  qu'ils  communiquaient  à  leur 
possesseur  pour  atteindre,  en  fascinant  les  gens  de 
service,  un  lieu  grand  et  profond  (un  souterrain), 
à  la  proximité  du  harem  (royal);  3°  d'avoir  fait^ 
des  figures  (magiques)  de  cire  et  des  écrits  de  sou- 
haits (ou  talismans)  qu'il  fit  emporter  à  l'intérieur 
(du  harem)  par  l'employé  Atïrmâ,  pour  éloigner 
Tune  des  servantes  ,  et  pour  agir  magiquement  sur 
les  autres;  /i°  d'avoir  porté  certaines  paroles  à  l'inté- 
rieur (du  harem)  et  d'en  avoir  retourné  d'autres 
(au  dehors). 

'  Il  était  «  intendant  des  troupeaux»  titre  Irès-iiuportant  dans  la 
hiérarchie  administrative  de  l'ancienne  Egypte,  comme  je  l'ai  déjà 
fait  remarquer. 

^  La  destruction  du  commencement  du  papyrus  ne  permet  pas  de 
savoir  à  qui  il  s'adressa  pour  les  obtenir;  mais  il  est  supposable  que 
c'est  au  personnage  (jui  était  préposé  à  leur  garde  dans  la  bibliothè- 
que du  roi,  et  que  c'est  à  ce  même  individu  que  se  rapporte  le  ju- 
gement. 

'  Sans  doute  au  moyen  de  ces  mêmes  écrits  magiques. 


352  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

Ce  personnage  j)arvint  donc  par  des  moyens  par- 
ticuliers, supposés  surnaturels,  à  s'approcher  du 
liarem  royal  et  au  moins  à  y  faire  passer  certaines 
paroles,  si  ce  n'est  à  y  pénétrer  lui-même.  Voici 
bien  les  paroles  prononcées  par  les  coupables  et 
auxquelles  le  roi  fait  allusion  dans  la  première  partie 
du  papyrus  de  Turin.  On  verra  plus  loin  que  ce 
même  Pen-houï-ban  est  en  elïet  l'un  des  principaux 
instigateurs  des  coupables,  et  le  premier  de  tous, 
si  notre  interprétation  des  papyrus  Lee  et  Rollin  est 
exacte. 

Nous  avons  à  regretter  que  le  papyrus  Lee  n°  2  ^ 
ne  nous  présente  plus  que  des  lambeaux  de  l'acte 
d'accusation  d'un  autre  personnage;  après  quelques 
signes  séparés  par  des  lacunes,  on  ne  lit  avec  cer- 
titude que  ces  mots  :  «sa  main  paralysée»,  qui  in- 
diquent probablement  faction  des  talismans  donnés 
par  Pen-houï-ban  à  f  employé  Atirmâ ,  pour  s'en 
servir  dans  le  harem.  Le  jugement  qui  suit  peut 
donc  être  celui  de  cet  Atirmâ. 

Ce  que  nous  possédons  du  papyrus  Rollin  est 
parfaitement  conservé,  mais  le  commencement 
manque  entièrement.  Le  reste  constitue  la  partie 
la  plus  importante  de  f  acte  d'accusation  d'un  troi- 
sième-personnage dont  le  nom  a  aussi  disparu,  et 
dans  lequel  je  n'hésite  pas  à  reconnaître  Pen-houï- 
ban  lui-même,  le  premier  instigateur  des  coupa- 
bles. On  remarque  en  effet  que  ce  personnage  a 
recours    à    des    opérations    magiques,    et  c'est    à 

'  Voyez  Appendice  et  pièces  jiislifcalives. 


LE  PAPYRUS  JUDTCIAÎRE  DE  TURIN.  353 

Peii-houï-ban  seulement  qu'a  été  donné  (pap. 
Lee,  i)  le  livre  de  magie  au  moyen  duquel  elles 
pouvaient  être  faites.  Le  texte  s'exprime  ainsi:  cdl 
lui  arriva  de  faire  des  écrits  magiques  pour  repous- 
ser et  pour  forcer;  de  faire  certains  dieux  de  cire  et 
certaines  figures  pour  donner  la  paralysie  au  bras  des 
hommes,  et  de  les  placer  dans  la  main  de  Paï-baka- 
kamen  '  ;  mais  le  dieu  Soleil  ne  l'a  pas  fait  agir  (ce) 
majordome'^  (ni)  les  autres  grands  criminels  en 
disant:  Qu'ils  pénètrent,  et  en  les  faisant  pénétrer^.  » 

Si  notre  attribution  n'est  pas  fausse,  nous  aurons 
donc  à  ajouter  à  la  charge  de  Pen-houï-ban ,  qu'il 
fut  l'instigateur  de  Paï-baka-kamen ,  comme  cohii 
d'Atirmâ,  et  qu'à  l'aide  des  prétendus  talismans 
dont  le  livre  de  la  bibliothèque  de  Ramessès  ÏII  lui 
avait  révélé  le  secret,  il  avait  essayé  de  faire  entrer 
dans  le  gynécée  phisieurs  malfaiteurs,  sans  toute- 
fois y  parvenir,  ni  se  hasarder  à  y  pénétrer  lui- 
même. 

Après  les  sortilèges ,  sur  lesquels  pouvaient  aussi 
porter  en  partie  les  jugements  qui  nous  sont  con- 
servés par  ces  trois  papyrus,  on  peut  donc,  en  ré- 
sumé, constater  les  faits  suivants:  i°  Pen-houï-ban 
parvient  à  s'approcher  du  harem;  2"  il  y  établit  une 
correspondance;  3°  il  y  fait  passer  certaines  paroles 
et  en   rapporte  d'autres  au  dehors,  avec  l'aide  de 

"   Voyez  chap.  viii,  Noms  propres  et  personnages. 
-  Lit.  grand  de  maison.  (Voyez  Pap.  j mile,  de  Turin,  col.  4  et  5.) 
'  C'est-à-dire  :  «Mais  le  dieu  Soleil  n'a  lait  agir  ni  (ce)  major- 
dome, ni  les  autres  grands  criminels;  il  n'a  pas  dit  :  Qu'ils  pénè- 
trent, et  il  ne  les  a  pas  fait  pénétrer.  » 

VI.  24 


I 


354  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

Paï-baka  kamen  (vi,  2);  /i°  il  a  donné  des  talismans 
à  Atirmâ  et  à  Paï-baka-kamen ,  ses  complices,  pour 
agir  dans  l'intérieur  du  barem;  ce  dernier,  d'après 
le  papyrus  de  Turin,  ourdit  un  complot  avec  les 
babitantes  et  les  fonctionnaires  du  même  lieu. 

Ces  faits  une  fois  établis,  nous  comprendrons 
mieux  les  actes  d'accusation  du  papyrus  de  Turin, 
auxquels  j'arrive  sans  autre  préambule. 

S  3.    SUITE  DES  DÉLITS. 

On  lit  colonne  d ,  ligne  1 ,  du  manuscrit  judi 
ciaire,  une  première  rubrique  relative  à  ce  même 
Paï-baka-kamen  et  à  tous  ses  complices,  tous  fonc- 
tionnaires du  barem ,  à  l'exception  cependant  dos 
deux  derniers;  elle  nous  apprend  seulement  qu'ils 
sont  amenés  devant  le  tribunal  pour  «les  grandes 
abominations  qu'ils  ont  faites.  » 

En  effet,  le  majordome  Paï-baka-kamen  com- 
paraît (iv,  2)  pour  le  délit  dont  il  se  rendit  cou- 
pable à  cause  de  Taïï,  avec  les  femmes  du  harem, 
pour  avoir /«if  un  avec  elles,  c'est-à-dire  pour  s'être 
uni  à  leur  cause;  puis  il  lui  arriva  de  porter  leurs 
paroles  au  dehors  à  leurs  mères  et  h  leurs  sœurs, 
afin  d'exciter  certaines  gens  et  de  pousser  les  malfai- 
teurs à  faire  tort  à  leur  seigneur. 

Voici  encore  les  paroles  dont  le  roi  a  eu  con- 
naissance; elles  avaient  donc  pour  but  de  lui  faire 
tort  et  d'exciter  d'autres  individus  h  lui  nuire. 

Nous  retrouvons  ici  Paï-baka  kamen,  fonction- 
naire du  palais  et  agent  de  Pen-houï-ban,  conspi- 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  355 

rant  avec  ies  femmes  fin  roi,  ou  tout  au  moins  avec 
les  femmes  de  sa  maison,  dans  leur  intérieur;  nous 
observons  de  plus  que  ce  personnage  devient  com- 
plice de  la  femme  Taïï,  déjà  gagnée  peut-être  par 
Pen-houï  ban,  et  que  les  premiers  germes  de  la 
conspiration  apportés  du  dehors,  à  l'instigation  de 
Pen-bouï-ban ,  sont  maintenant  reportés  par  Paï- 
baka^kamen  aux  parentes  des  femmes ,  à  l'extérieur. 
C'est  peut-être  par  cette  voie  aussi,  et  au  moyen 
d'une  dénonciation,  que  les  paroles  en  question 
arrivèrent  aux  oreilles  du  roi. 

L'(officier?)  Mesdi-sou-râ  (iv,  3),  l'intendant  du 
gynécée  royal  Pa-anouk  (iv,  /i),  et  le  grammate  du 
gynécée  royal  Pen-douaou,  ces  deux  derniers  étant 
en  service  dans  la  demeure  des  femmes  au  harem, 
s'unissent  ensuite  à  leur  cause,  toujours  dans  le  but 
de  nuire,  ou  d'exciter  les  malfaiteurs  à  nuire  à  leur 
seigneur. 

Les  dix  accusés  suivants  (iv,  6-1  5),  occupant  di- 
vers emplois  dans  le  harem,  ou  simplement  (offi- 
ciers?) ,  comparaissent  successivement  devant  le  tri- 
bunal, pour  avoir  entendu,  sans  les  dénoncer,  les 
paroles  échangées  entre  les  précédents  personnages 
et  les  femmes  du  gynécée. 

Après  eux,  viennent  six  femmes  des  gens  de  la 
porte  du  harem  (v,  1),  qui  sont  coupables  de  s'être 
entretenues  aussi  avec  les  quatre  premiers  accusés. 

Puis,  un  intendant  du  trésor  (v,  2),  complice  de 
Pen-houï-ban  (pap.  Lee,  n°  1),  qui  s'unit  à  ce  per- 
sonnage également  pour  faire  tort  à  leur  seigneur. 

24. 


356  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

Enfin,  un  (capitaine?)  d'Ethiopie  (v,  '^),  person- 
nage assez  important,  auquel  sa  propre  sœur,  qui 
avait  des  fonctions  dans  le  harem ,  envoya  un  mes- 
sage pour  lui  dire  :  u  Excite  les  hommes  à  com- 
mettre des  méfaits,  et  toi-même,  viens  pour  faire 
toit  à  ton  seigneur.  »  D'après  Ja  signification  de  son 
nom  (Mal  dans  Thèbes),  ce  personnage  devait  être 
Ethiopien^;  c'est  en  Ethiopie  qu'il  exerçait  ses  fonc- 
tions et  tout  porte  à  croire  que  c'est  aussi  en  Ethio- 
pie que  le  message  lui  fut  envoyé.  Le  complot, 
comme  on  le  voit,  pouvait  étendre  ses  ramifica- 
tions au  delà  des  frontières  de  l'Egypte  :  c'est  dire 
assez  f  importance  qu'il  devait  avoir. 

La  2^  rubrique  (v,  Ix)  se  rapporte  à  d'autres  com- 
plices de  Paï-haka-kamen  que  nous  avons  reconnu 
pour  f agent  principal  de  Pen-houï-ban,  et  à  ceux 
de  deux  autres  des  principaux  conjurés,  nommés 
Paï-as  et  Pen-ta-our  (cf.  v,  y).  Ils  sont  au  nombre 
de  six,  en  tête  desquels  apparaît  Paï-as  lui-même, 
capitaine  d'archers,  qui  pouvait  certainement  dis- 
poser de  forces  militaires,  ce  qui  est  aussi  à  noter 
(v,  5).  Tous  sont  étrangers  au  harem,  et  ils  pa- 
raissent avoir  été  graciés  après  condamnation;  on 
voit  cependant  plus  loin  (v,  y  et  vi,  i)  que  Pen-la- 
our  et  Paï-as  eurent  chacun  une  peine  à  subir.  Le 
texte  ne  donne  pas  le  détail  de  la  culpabilité  de  ces 
six  personnages. 

La  3**  rubrique  (v,  6)  est  relative  à  quatre  com- 
plices des  femmes  du  harem,  qui  n'eurent  d'autres 

'   Voyez  Noms  propres. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  357 

rapports  avec  les  premiers  instigateurs  que  de  s'unir 
à  leur  cause.  A  leur  tète  se  trouve  Pen-ta-our  (v,  7) 
qui  nous  est  déjà  connu  comme  l'un  des  chefs  de 
la  conspiration ,  associé  à  Paï-baka-kamen  et  à  Paï- 
as  (v,  /i),  et  conséquemment  personnage  important 
qui  doit  attirer  notre  attention.  Il  est  amené  pour 
le  délit  qu'il  commit  (à  cause)  de  Taïï,  sa  mère,  lors- 
qu'elle s'entretint  avec  les  femmes  du  harem  dans 
le  but  de  faire  tort  à  son  seigneur  (littéralement  au 
seigneur  de  lui). 

Le  texte  s'exprime  ainsi  à  son  égard  : 

^^  .^     , — v^Jr-^* — ^  ^^  .^     \    !  jéT  A««N.\  jJQ 
pdï  ân-ià      z'od-n-w     pùî     ht  ran, 

littéralement:  «l'ayant  été  dit  à  lui  l'autre  nom,» 
celui  qui  fut  appelé  de  l'autre  nom,  connu  sous 
l'autre  nom,  et  cet  autre  nom  n'est  pas  écrit  :  il  y 
avait  donc  probablement  quelque  raison  pour  qu'on 
dût  le  cacher  [v,  j). 

Ce  personnage  n'est  qualifié  d'aucun  titre,  tandis 
que  les  dignités  et  professions  de  tous  les  autres  ac- 
cusés sont  soigneusement  désignées;  cependant  sa 
condition,  pas  plus  que  son  nom,  ne  pouvait  être 
inconnue  des  magistrats,  puisqu'il  était  fils  de  la 
femme  appelée  Taïï  qu'on  a  vue  dans  le  harem  en 
rapport  avec  Paï-baka-kamen  (iv,  2).  Si  le  texte  se 
tait  à  cet  égard,  c'est  donc  sans  doute  aussi  pour  la 
raison  ignorée  de  nous  qui  le  fit  mentionner  seu- 
lement sous  un  pseudonyme,  et  non  sous  son  nom 
véritable.  11  est,  de  plus,   le  seul  des  accusés  dont 


358  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

l'indication  personnelle,  dans  l'acte  d'accusation,  ne 
soit  pas  précédée  de  l'épithète  flétrissante  dex'eruâà 
«grand  criminel».  Or,  rien  n'autorisant  à  suppo- 
ser trois  omissions  successives  dans  l'un  des  ma- 
nuscrits les  plus  beaux  et  les  plus  soignés  qui 
soient  parvenus  jusqu'à  nous,  ce  dernier  fait  doit 
être  expliqué  comme  les  deux  autres,  c'est-à-dire 
par  quelque  raison  qui  s'opposait  à  la  flétrissure  de 
la  personne,  aussi  bien  que  du  véritable  nom  et  du 
titre  de  cet  individu.  Il  pouvait  donc  être  puni  ju- 
diciairement en  vertu  des  lois,  mais  non  déshonoré 
par  une  dégradation  officielle,  et  ce  n'est  qu'une 
question  de  rang  ou  de  naissance  qui  lui  valut  ce 
privilège.  Sa  mère  s'appelait Taïï  (v,  y)  ;  nous  l'avons 
déjà  vue  conspirant  avec  Paï-baka-kamen  et  les 
femmes  du  harem  royal  (iv,  !2  ;  v,  7);  elle  semble 
être  comprise  dans  l'expression  collective  qui  dé- 
signe ces  femmes  (iv,  3;  v,  8-10).  Elle  devait  donc 
appartenir  elle-même  au  harem  pharaonique,  c'est- 
à-dire  que,  si  elle  n'était  pas  esclave  ou  pallacide 
du  roi,  elle  devait  être  une  validé  de  la  famille 
royale.  Ces  considérations  nous  amènent  naturel- 
lement à  penser  que  si  Pentaour  n'était  pas  un  fds 
de  Ramessès  II! ,  il  pouvait  appartenir  de  près  ou  de 
loin  à  sa  famille,  et  cette  conclusion  très-probable 
de  nos  observations  explique  tous  les  faits  que  nous 
venons  de  constater,  c'est-à-dire  pour  quel  motif 
ce  |)ersonnage  est  désigné  d'une  manière  mystérieuse 
et  tout  à  fait  exceptionnelle. 

M.  E.de  Bougé  a  ed'ectivemenl  signalé  un  fait  ana- 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  359 

logue  en  expliquant  les  textes  relatifs  à  la  grande 
expédition  de  l'an  v  de  Ramessès  II;  quand  ce  pha- 
raon adressa  des  reproches  à  ses  généraux  pour  leur 
manque  de  vigilance  et  leur  lâcheté,  les  fils  du  roi, 
qui  étaient  du  nombre  des  officiers  supérieurs,  dis- 
paraissent de  la  scène  et  ne  sont  pas  même  men- 
tionnés, afin  d'éviter  toute  flétrissure  officielle  à  des 
princes  du  sang. 

Les  trois  autres  accusés  (v,  8-10),  dont  deux  au 
moins  étaient  des  fonctionnaires  du  gynécée,  ne 
sont  coupables  que  de  n'avoir  pas  dénoncé  les  pa- 
roles des  femmes  du  Karem  qu'ils  avaient  enten- 
dues. Il  est  à  noter  que  tous  les  quatre  sont  con- 
damnés à  mort  et  exécutés. 

Jusqu'ici,  comme  on  le  voit,  les  faits  s'enchaînent 
avec  une  régularité  parfaite  :  après  les  premiers  ins- 
tigateurs et  leurs  complices,  en  rapport  avec  les 
femmes  du  gynécée,  à  l'intérieur  du  harem.,  les  me- 
neurs secondaires  de  la  conspiration ,  puis  les  com- 
plices de  ces  derniers ,  et  enfin  ceux  des  femmes .  dont 
l'un,  personnage  important  devenu  chef  à  son  tour, 
sont  successivement  amenés  devant  le  tribunal,  et 
jugés. 

Mais  nous  arrivons  au  passage  le  plus  curieux 
et  peut-être  le  plus  difficile  à  interpréter,  à  cause 
du  double  sens  qu'on  peut  attribuer  ^  quelques 
mots.  Heureusement  cette  partie  du  texte  est  acces- 
soire, car  nous  venons  de  passer  en  revue  tous  les 
faits  qui  se  rapportent  directement  au  fond  de  l'af- 
faire, c'est-à-dire  à  la  conspiration. 


360  OCTOBRE-NOVEMBRE   J865. 

C'est  la  a®  rubrique  (vi,  i);  la  formule  jucli- 
ciaire  y  disparaît  ou  se  modifie  considérablement, 
et  l'emploi  du  pronom  de  majesté  de  la  j  "  personne 
qu'on  y  rencontre  prouve  qu'ici,  comme  dnns  les 
premières  colonnes  du  manuscrit,  le  roi  parle  lui- 
même. 

Après  une  étude  attentive  de  ce  passage,  voici 
comment  je  l'interprète  :  «Gens  à  qui  l'on  fit  leur 
châtiment  par  la  mutilation  de  leur  nez  et  de  leurs 
oreilles,  pour  avoir  abandonné  les  bons  témoignages 
(c'est-à-dire  le  résultat  des  interrogatoires  constatant 
la  culpabilité),  je^  leur  aï  dit,  les  femmes  étant 
parties,  de  les  rejoindre  dans  le  lieu  où  elles  sont, 
d'y  faire  un  séjour  de  tourments^  avec  elles  et 
avec  Paï-as,  et  que  leurs  abominations  seront  enle- 
vées. » 

Cela  veut  dire,  je  crois,  que  les  magistrats  ou 
officiers  de  justice  qui  acquittèrent  les  coupables,  ne 
les  condamnèrent  qu'à  des  peines  secondaires,  ou 
refusèrent  leur  exécution,  au  lieu  de  leur  inlîiger 
la  peine  de  mort,  à  cause  de  trop  d'indulgence,  par 
oubli  des  faits  constatés  dans  les  interrogatoires,  ou 
plutôt  par  la  crainte  que  pouvait  leur  inspirer  le 
parti  des  conspirateurs  qu'ils  étaient  chargés  de 
juger,  sont  condamnés  à  leur  tom%  et  par  le  roi  lui- 
même,  d'abord  ,  à  avoir  le  nez  et  les  oreilles  coupés, 
puis,  avec  les  fenunes  coupables  et  Paï-as,  l'un  des 


C'est  le  roi  qui  reprend  la  parole. 

Ou  jeûne,  faim;  c'était  sans  (loiite  fjurUjiio  lieu  de  déporhiiicm 


comme  Rhinocolure. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  361 

chefs  de  la  conspiration,  à  une  déportation  (?)  ac- 
compagnée de  tourments  ou  de  privations,  après 
quoi  ils  seront  libérés. 

Les  noms  qui  suivent  sont  en  effet  ceux  de  deux 
membres  de  la  commission  judiciaire  '  et  de  deux 
autres  officiers  de  justice  (vi ,  4-5).  Mais  il  semble  que 
cet  arrêt  ne  fut  pas  jugé  suffisant  pour  le  premier  de 
ces  personnages,  car  il  est  dit  qu'on  exécuta  son 
châtiment,  qu'on  disposa  (ensuite?)  de  lui,  et  qu'il 
mourut  lui-même,  c'est-à-dire,  qu'il  subit  la  peine 
de  mort  (vi,  2). 

Une  dernière  rubrique  s'applique  à  tout  individu 
ayant  pu  s'unir  à  ces  hommes  (aux  coupables  pré- 
cédemment nommés)  pour  s'opposer  par  de  mau- 
vaises paroles  à  l'application  la  plus  rigoureuse  des 
lois.  —  On  dispose  de  lui ,  dit  le  texte ,  et  il  n'est  fait 
aucune  exception  en  sa  faveur.  Un  seul  nom  suit 
cette  rubrique,  c'est  celui  d'un  officier  des  Aouâï, 
corps  militaire  qui  était  probablement  chargé  des 
exécutions  judiciaires  ^. 

Ainsi  se  termine  la  liste  des  accusés  et  celle  des 
jugements,  la  légende  de  ce  personnage  occupant 
la  dernière  ligne  du  manuscrit. 

Pour  résumer  en  quelques  mots  les  faits  que 
nous  venons  d'examiner,  nous  les  récapitulerons 
dans  l'ordre  suivant  : 

i**  La  mise  en   accusation  des  principaux  cou- 


'   ( VI,  2  et  3).  Voy.  le  chapitre  intitulé  Le  Tribunal. 
'^   Voy.  noies  philologiques,  n°  8. 


362  OCTOBRE-NOVEMBRE  J865. 

pables  est  motivée  sur  des  paroles  criminelles  pro- 
noncées par  eux,  et  connues  du  roi. 

2°  Ces  paroles  criminelles  ont  été  introduites 
dans  le  harem  royal  par  Pen-houï-ban,  ou  plutôt 
par  son  agent  le  majordome  Paï-baka-kamen,  qui 
obtint  la  complicité  de  plusieurs  personnes  attachées 
au  harem. 

3°  Elles  avaient  pour  but  de  faire  tort  et  d'exciter 
certaines  gens  à  faire  tort  h  la  personne  ou  à  l'au- 
torité du  roi. 

Zi°  La  femme  appelée  Taïï  a  des  intelligences 
avec  Paï-baka-kamen  et  ses  complices;  elle  est  elle- 
même  instigatrice  à  l'intérieur  du  harem. 

5°  Ces  mêmes  paroles  sont  portées  par  Paï-baka- 
kamen  aux  mères  et  aux  sœurs  de  ces  femmes,  au 
dehors  du  harem,  et  c'est  probablement  par  cette 
voie  que  le  roi  en  eut  connaissance. 

6"  Toutes  les  personnes  qui  avaient  entendu  ces 
paroles  sont  condamnées  pour  le  seul  fait  de  ne  les 
avoir  pas  dénoncées;  c'est  donc  bien  d'un  complot 
ou  d'une  conspiration  qu'il  s'agit. 

7°  Les  gens  de  service,  et  jusqu'aux  femmes  des 
gardiens  de  la  porte  du  harem  se  mêlent  de  la  cons- 
piration. 

8°  Le  fils  de  la  femme  appelée  Taïï,  appartenant 
probablement  à  la  famille  royale,  et  à  cause  de  cela 
sans  doute  désigné  sous  le  pseudonyme  de  Pen- 
ta-our,  sans  titre  ou  qualité,  ni  épithète  flétrissante, 
est  coupable  comme  sa  mère,  et,  devenu  l'un  des 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  363 

chefs  de  la  conspiration ,  il  est  du  nombre  de  ceux 
qui  furent  condamnés  à  mort  et  exécutés. 

9°  On  remarque,  parmi  les  complices  de  ce  der- 
nier et  de  deux  autres  meneurs,  un  capitaine  d'ar- 
chers, c'est-à-dire  un  personnage  qui  pouvait  avoir 
à  sa  disposition  des  forces  militaires. 

lo''  Quelques-uns  des  magistrats  et  officiers  de 
justice  chargés  de  rendre  ou  d'exécuter  les  sentences 
contre  les  coupables  sont  à  leur  tour  accusés  d'in^ 
dulgence  et  condamnés  par  le  roi  lui-même. 

1  1°  Tout  individu  s'unissant  à  la  cause  des  cou- 
pables et  s'opposant  à  l'application  la  plus  rigoureuse 
des  lois  est  également  poursuivi  et  condamné. 

Ces  faits  nous  permettent  de  conclure  :  l'^que  tous 
les  jugements  que  nous  trouvons  enregistrés  dans 
le  manuscrit  judiciaire  de  Turin  et  dans  les  papyrus 
Lee  et  Rollin,  sont  relatifs  à  une  véritable  conspi- 
ration contre  la  personne  ou  l'autorité  souveraine 
de  Ramessès  III;  2°  que  cette  conspiration,  dans  la- 
quelle plusieurs  des  femmes  et  probablement  même 
un  proche  parent  du  roi  furent  compromis,  eut 
son  siège  principal  dans  le  harem  de  ce  pharaon, 
bien  que  ses  premiers  germes  soient  venus  du 
dehors;  3°  que  cette  conspiration  eut  assez  d'im- 
portance pour  motiver  de  nombreuses  condam- 
nations à  mort,  ainsi  que  le  châtiment  de  certains 
magistrats  et  officiers  de  justice,  supposés  coupables 
d'indulgence. 

Voilà  tout  ce  que  nous  pouvons  déduire,  au 
point  de  vue  historique,  de  ce  curieux  document. 


364  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

Quel  était  le  but  précis  des  conjures?  —  Etait- 
ce  d'enlever  la  couronne  à  Ramessès  TJI,  pour  la 
donner  au  personnage  désigné,  par  les  raisons  que 
nous  avons  indiquées,  sous  le  simple  pseudonyme 
de  Pen-ta-our,  et  qui  semble  avoir  appartenu  à  la  fa- 
mille royale?  —  Ce  serait,  je  l'avoue,  une  conjec- 
ture bien  hardie ,  et  nous  ne  pouvons  constater  qu'un 
seul  fait,  c'est  que  ce  personnage  mystérieux  subit 
la  peine  de  mort  comme  plusieurs  autres  coupables. 
Quoi  qu'il  en  soit  donc  du  but  véritable  des  con- 
jurés, on  doit  reconnaître  seulement  que  le  papyrus 
judiciaire  de  Turin  nous  met  sous  les  yeux  le  plus 
ancien  exemple  connu  de  ces  conspirations  de 
harem,  auxquelles  se  mêlent  si  souvent  des  eunuques 
et  des  grands  personnages,  dans  l'histoire  de  tout 
l'Orient,  et  qui  ne  manquaient  jamais  d'entraîner 
après  elles  de  nombreuses  condamnations  à  la  peine 
capitale. 

§  4.  COMPARAISON  HISTORIQUE. 

Ce  que  nous  savons  par  les  monuments  de  l'his- 
toire de  Ramessès  III  ne  nous  apprend  rien  que  nous 
puissions  rattacher  aux  faits  que  je  viens  d'indiquer; 
mais  il  est  impossible  de  ne  pas  en  rapprocher,  au 
moins  à  titre  de  comparaison,  un  passage  de  Mané- 
thon,  conservé  par  Flavius  Josèphe^  et  dans  lequel 
nous  lisons  que  le  roi  Séthosis  ou  Ramessès  «  as- 
sembla de  grandes  armées  de  terre  et  de  mer,  laissa 
Armais,  son  frère,  son  lieutenant  général  en  Egypte 

•   Contre  Apion ,  chap.  v  (ou  xv  ,  suivant  l'édition). 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURLN.  365 

avec  un  pouvoir  absolu,  et  lui  défendit  seulement 
de  prendre  la  qualité  de  roi,  de  rien  fan^e  au  pré- 
judice de  sa  femme  et  de  ses  enfants,  et  d'abuser 
de  ses  concubines.  Il  marcha  ensuite  contre  l'île  de 
Chypre,  la  Phénicie,  les  Assyriens  et  les  Mèdes, 
vainquit  les  uns  et  assujettit  les  autres  par  la  seule 
terreur  de  ses  armes.  Tant  d'heureux  succès  lui  en- 
flant le  cœur,  il  voulait  pousser  ses  conquêtes  encore 
plus  loin  dans  l'Orient.  Mais  Armais,  à  qui  il  avait 
donné  une  si  grande  autorité,  fit  tout  le  contraire 
de  ce  qu'il  lui  avait  ordonné.  Il  chassa  la  reine, 
abusa  des  concubines  du  roi  son  frère,  et,  se  lais- 
sant persuader  par  ses  flatteurs,  mit  la  couronne 
sur  sa  tête.  Le  grand  prêtre  d'Egypte  en  donna  avis 
à  Séthosis.  Il  revint  aussitôt,  prit  son  chemin  par 
Péluse,  et  se  maintint  dans  son  royaume.  On  tient 
que  c'est  ce  prince  qui  a  donné  le  nom  à  l'Egypte, 
parce  qu'il  s'appelait  Egyptus,  aussi  bien  que  Sé- 
thosis, et  Armais  s'appelait  autrement  Danaùs  \  » 

J'ai  été  fort  tenté  de  considérer  le  procès  que 
nous  fait  connaître  le  papyrus  judiciaire  de  Tiu'in 
comme  celui  du  frère  du  roi  et  de  ses  comphces. 
Le  passage  de  Josèphe  que  je  viens  de  citer  doit  en 
effet  se  rapporter  à  Ramessès  III,  comme  le  pensait 
Champollion ,  et  non  à  Séti  I",  comme  on  le  croit 
généralement  aujourd'hui;  je  diiai  tout  à  l'heure 
pourquoi.  Mais  je  dois  reconnaître  que  plusieurs 
difficultés  s'opposent  à  ce  rapprochement  histori- 
que :  la  première  et  la  plus  importante,  c'est  que, 

'    Traduction  du   Panlhéon  UUcraire ,  \^.  8^i . 


fe 


366  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

dans  le  récit  de  Manéthon,  les  femmes  du  roi  ne 
paraissent  pas  volontairement  coupables  comme 
dans  le  procès  du  papyrus  de  Turin;  On  pouiTait 
cependant  répondre  à  cette  objection  que  dans  ce 
dernier  document  Ja  reine  n  apparaît  pas  et  que  les 
six  femmes  condamnées  ne  devaient  former  qu'une 
très-faible  partie  du  harem  royal.  La  seconde  diffi- 
culté est  qu'il  faudrait  identifier  le  personnage  dési- 
gné sous  le  pseudonyme  de  Pen-ta-our,  dans  ie  ma- 
nuscrit, ave("  r Armais  ou  Danaûs  de  fhistorien.  Cela 
ne  serait  pas  à  la  rigueur  encore  impossible,  puis- 
que c'est  sous  un  pseudonyme  que  le  papyrus  désigne 
ce  personnage,  et  que  celui  dont  parle  Josèphe  ne 
peut  avoir  rien  de  commun  avec  Armais  ou  Danaiis, 
dernier  roi  de  la  XVIIP  dynastie ,  lequel  répond 
exactement  à  l'Har-em-heb  des  monuments.  Je  dé- 
montrerai en  effet  qu'on  ne  peut  trouver  là  qu'une 
confusion  de  nonu  Mais  il  faudrait  aulsi  que  ce 
personnage,  caché  sous  le  nom  de  Pen-ta-our,  fût 
un  frère  de  Ramessès  III,  et  conséquemment  que 
Taïï,  sa  mère,  fût  une  femme  ou  concubine  du 
père  de  ce  roi,  restée  dans  son  harem  comme  i;a- 
lidé.  J'ai  déjà  dit  que  cette  dernière  supposition 
n'était  pas  plus  inadmissible  que  les  autres;  mais  de 
toutes  ces  possibilités  nous  n'avons  aucuire  preuve, 
et  nous  devons  nous  abstenir  de  toute  conclusion. 

S  5.    EXAMEN   CHEONOLOGIQLE    DU  PASSAGE  DE   MANETHON. 

J'ai  dit  que  le  récit  de  Manéthon  que  je  viens  de 
citer  devait  se  rapporter  au  règne  de  Ramessès  III 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIlN.  367 

el  non  à  celui  de  Séti  I";  voici  les  motifs  sur  lesquels 
j'appuie  cette  assertion  •.  Flavius  Josèphe,  dans 
son  Eloge  des  antiquités  contre  Apion ,  cite  un  pre- 
mier passage  de  Manétlion  relatif  à  l'occupation  de 
l'Egypte  par  les  Pasteurs.  Plus  loin ,  il  ajoute ,  comme 
relatif  aux  temps  qui  suivirent  cette  période,  un 
autre  passage  du  même  auteur,  dans  lequel  tous  les 
rois  de  laXVIir  dynastie  sont  d'abord  ënumérésavec 
la  durée  du  règne  de  chacun  d'eux.  Cette  liste  s'ac- 
corde assez  bien  avec  les  monuments  et  avec  l'ex- 
trait qu'en  a  conservé  aussi  l'Africain.  On  observe 
seulement  quelques  diflerences  dans  la  durée  des 
règnes,  l'Africain  comptant  généralement  pour  un 
an  les  mois  qui  sont  ajoutés  aux  années  dans  Jo- 
sèphe. Peut-être  aussi  doit-on  admettre  deux  er- 
reurs. 

L'avant-dernier  roi  de  la  XVIIP  dynastie  de  Ma- 
néthon  est  Ramessès  P^  dont  le  règne,  fort  court 
d'après  les  monuments,  est  indiqué  d'un  an  seule- 
ment par  l'Africain  et  d'un  an  et  quatre  mois  par 
Josèphe.  Après  ce  roi,  la  liste  de  Josèphe  omettes 
deux  noms  suivants,  dont  le  second  commence 
la  XIX^  dynastie  de  l'Africain  et  du  Syncelle;  ce 
sont  ceux  d'Aménôphath  ou  Aménôphis  et  de  Sé- 
thôs^;   puis,    elle   mentionne    Armessès-Miammou 

^  Ces  deux  noms  doivent  être  réunis;  ils  répondent  au  Méné- 
ptah-Séti  ou  Séti  I"  des  monuments,  et  se  placent  coiiséquemment 
l'un  et  l'autre  dans  la  XIX*  dynastie,  puisqu'ils  appartiennent  à  un 
seul  et  môme  roi.  Ce  dédoublen\ent  fautif,  qui  a  produit  l'intercala- 
tion  arbitraire  d'un  règne  dans  les  listes,  explique  le  désaccord  qui 
existe  dans  la  durée  que  les  différentes  versions  lui  attribuent;  l'Afri- 


368  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

dont  le  règne  de  66  ans  et  2  mois  ne  peut  répondre 
qu'au  Rampsès  ou  Rapsakès  des  autres  listes  et  au 
Ra messes  II,  Meiamoun,  des  monuments;  le  suc- 
cesseur de  ce  dernier  est  indiqué  sous  le  nom  d'Amé- 
nôphis,  rAménephthès  de  l'Africain,  avec  19  ans 
et  6  mois  de  règne,  dans  lequel  on  reconnaît  le 
Ménëptah-hotep-her-maa  des  monuments.  L'Afri- 
cain donne  ensuite  le  nom  d'un  Ramessès,  avec 
y  ans  de  règne ,  à  la  place  du  Ménéptah-Séti  II 
des  textes  hiéroglyphiques,  qui  n'est  mentionné 
dans  aucune  des  autres  listes.  Toutes  les  listes,  à 
l'tixception  de  celle  de  Josèphe,  s'accordent  après 
cela  à  donner  Amménémès,  5  ans  ou  26  ans,  et 
Thouoris,  7  ans,  pour  les  deux  derniers  règnes  de 
la  XÏX^  dynastie;  on  reconnaît  dans  le  premier  l'A- 
menmésou  desinscriplions,et  dans  le  second  la  reine 
Ta-ouser,  épouse  de  Ménéptah-si-ptah.  Les  monu- 
ments semblent  indiquer  encore  un  ou  deux  règnes 
collatéraux  ou  illégitimes  qui  ne  devaient  pas  figurer 
dans  les  listes  officielles;  mais  nous  n'avons  pas  à 
nous  en  occuper. 

En  résumé  ,  le  passage  de  Manéthon  rapporté  par 
Flavius  Josèphe  ne  mentionne  ni  Séti  P",  ni  Séti  II, 
ni  Amménémès,  ni  Thouoris;  mais  il  donne  pour 

cain  no  donne  que  19  ans  à  ce  roi  supplémentaire  (Auiéiiôphath) , 
tandis  qu'Eusèbe  ;  qui  l'appelle  Améuôphis ,  lui  accorde  ^o  ans.  Celte 
durée  de  règne  de  19  ou  de  4o  ans  est  donc  à  retrancher  entière- 
mont  des  calculs  chronologiques.  C'est  peut-être  ce  fait  que  Flavius 
Josèphe  se  rappelait  {|uand  il  disait  [Contre  Apion ,  chap.  ix)  que 
Manéthon  parle  d'un  roi  Aménôphis,  qui  est  un  roi  imaginaire,  dont 
pour  celle  raison  il  n'a  osé  coter  les  années  de  règne. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  369 

successeur  à  Aménophis  (Ménéptah-hotep-her-maa) 
le  roi  qu'il  appelle  Séthosis  ou  Ramessès  surnommé 
^gyptus.  Or,  ce  dernier,  nommé  parmi  les  succes- 
seurs^ de  Ramessès  II,  Méiamoun,  ne  peut  pas  ré- 
pondre, comme  on  Tadmct  généralement,  à  Mené- 
plah-Séti  I",  le  prédécesseur  immédiat  de  ce  roi, 
omis,  il  est  vrai,  dans  ce  passage,  mais  cité  par  Jo- 
sèphe  autre  part  sous  le  nom  de  Sétlion  et  appelé 
Aménophath  ou  Aménôpbis-Séthon,  jamais  Rames- 
sès, dans  les  autres  documents.  Josèphe  fait  effecti- 
vement plus  loin  2  deux  personnages  de  ^n  Sétho- 
sis ou  Ramessès,  qu'il  appelle  alors  Séthon  et 
Rampsès,  et  il  est  évident,  par  la  durée  de  leur 
règne ,  qu'il  entend  désigner  ainsi  les  rois  Séti  ?'  et 
Ramessès  IT  des  monuments.  Mais  le  récit  que  nous 
avons  enregistré  ne  peut  s.e  rapporter  qu'à  un  seul 

^  On  lit  clans  les  annotations  marginales  d'un  manuscrit  la  va- 
riante fis6'  èv,  aprh  lui,  au  lieu  de  tov  Se  [son  fib).  Bunsen  y  Eqypt's 
place,  vol.  I,  p.  649- 

2  Contre  Apion,  cliap.  ix,  on  xxvi,  suivant  l'édition.  L'auteur 
dit  relativement  à  Manéthon  :  «Il  parle  ensuite  du  roi  Aménophis, 
qui  est  un  nom  imaginaire  et  dont  pour  cette  raison  il  n'a  osé  coter 
les  années  de  règne ,  quoiqu'il  les  ait  marquées  particulièrement  lors- 
qu'il a  parlé  des  autres  rois.  11  ajoute  à  ces  fables  d'autres  fables  sans 
se  souvenir  qu'il  avait  dit  auparavant  qu'il  y  avait  5i8  ans  que  les 
pasteurs  étaient  sortis  d'Egypte  pour  aller  vers  Jérusalem.  Car  ce 
fut  pendant  la  4*  année  de  Thetmosis  (Âmosis)  qu'ils  en  sortirent, 
et  ses  successeurs  régnèrent  SgS  ans,  jusqu'aux  deux  frères  Séthon 
et  Hermeus,  dont  il  dit  que  le  premier  était  surnommé  Egyptien, 
et  l'autre  Danaùs,  que  Séthon  chassa  ,  et  régna  ôg  ans  :  que  Ramp- 
sès, fils  aîné  de  Séthon  ,  lui  succéda  et  régna  66  ans.  Ainsi,  après 
avoir  reconnu  qu'il  y  avait  si  longtemps  que  nos  ancêtres  étaient 
sortis  d'Egypte,  il  met  au  nombre  de  ces  autres  rois  ce  fabuleux 
Aménophis,  etc.»  (Traduction  du  Panthéon  littéraire.) 

VI.  25 


370  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

roi,  et  Ramessès  II  étant  déjà  désigné  dans  la  liste 
que  nous  venons  d'étudier,  sous  le  nom  d'Armessès- 
Miammou,  reconnaissable  à  ses  66  ans  de  royauté, 
il  est  certain  que  Josèphe  n'a  fait  que  des  confusions 
de  noms,  ce  qui  n'apporte  aucune  nouvelle  diffi- 
culté à  l'assimilation  que  j'ai  proposée  et  dont  je 
cherche  les  preuves. 

Quant  au  Ménéptah-Séti  II  des  monuments,  qui 
ne  ligure  dans  aucune  des  listes  manéthoniennes,  si 
ce  n'est  dans  celle  de  l'Africain,  sous  le  nom  de 
Ramessèst,  Josèphe  le  nomme  bien  Séthon  ou  Ra- 
messès \  mais  les  circonstances  de  son  règne  ne 
paraissent  pas  concorder  avec  celles  que  l'historien 
rapporte  à  Séthosis-Ramessès  qui  fit  de  grandes  con- 
quêtes en  Asie.  Les  deux  autres  rois  de  la  XIX® 
dynastie  sont,  d'après  les  monuments,  Ménéptah- 
si-phah  et  Set-nekht  dont  les  noms  n'ont  plus  de 
rapport  avec  ceux  qui  nous  occupent.  Or,  le  succes- 
seur de  ces  trois  derniers  fut  Ramessès  III,  le  pre- 
mier roi  de  la  XX^  dynastie,  que  les  inscriptions 
appellent  aussi  Sésoa'^  comme  Ramessès  II,  et  au 
règne  duquel  Champollion  attribuait  les  faits  rap- 
portés par  Manéthon  au  double  nom  de  Séthosis  ou 

^  Le  roi  Aménôphis,  se  souvenant  de  ce  que  le  prêtre  Âménôphis 
avait  prédit,  fut  saisi  d'une  telle  crainte ,  qu'après  avoir  tenu  conseil 
avec  les  principaux  de  son  Etat,  il  envoya  devant  les  animaux  qui 
passent  pour  sacrés  en  Egypte,  commanda  aux  prêtres  de  cacher 
leurs  simulacres,  mit  entre  les  mains  d'un  de  ses  amis  Séthon,  son 
fils,  âgé  seulement  de  cinq  ans,  autrement  nommé  Ramessès,  du 
nom  de  son  aïeul.  (Traduction  du  Panthéon  littéraire,  p.  835.) 

•^  Lepsius,  Drnhm.  III,  Bl.  208,  o. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  371 

Ramessès.  Le  nom  de  Sésou  peut  très-bien  être  en 
effet  altéré  en  grec  sous  la  forme  ^eôcos  ou  ^sôcoa-ts. 
Le  Séthosis  ou  Ramessès  de  Josèphe ,  l'un  des  suc- 
cesseurs de  Ramessès  11 ,  peut  donc  répondre  au  5e'- 
soa  ou  Ramessou  III  des  monuments. 

J'ai  dit  que  rien  n'indiquait,  dans  les  extraits  de 
Manéthon  rapportés  par  Josèphe ,  qu'Armais  frère 
de  Sétbos  ou  Ramessès,  dont  le  règne  illégitime  dut 
être  fort  court ,  si  tant  est  qu'il  ait  véritablement 
régné,  et  qui  conséquemment  ne  dut  pas  figurer 
dans  les  listes  officielles ,  soit  le  même  que  l'Armais 
successeur  du  dernier  Akhenkérès  mentionné  plus 
haut  avec  un  règne  de  li  ans  et  i  mois.  On  remar- 
quera en  effet  que  ce  dernier  est  présenté  comme 
un  roi  légitime  de  la  XVIIF  dynastie,  tandis  que 
l'autre  ne  fut  tout  au  plus  qu'un  usurpateur  bien- 
tôt dépossédé  du  pouvoir.  L'Africain  appelle  celui 
de  la  XVIir  dynastie  Armessès  et  non  pas  Armais, 
mais  Eusèbe  le  confond  avec  Armais  ou  Danaus ,  et 
le  Syncelle  qui  fait ,  il  est  vrai ,  la  même  confusion , 
donne  cependant  une  confirmation  à  notre  manière 
de  voir,  en  appelant  seulement  Ramessès  et  non 
pas  Sétbos  le  frère  d'Armaïs. 

J'arrive  à  conclure  de  ces  observations ,  qui  ne  for- 
cent en  rien  le  texte  :  i"*  que  Flavius  Josèphe,  dans 
sa  première  liste  extraite  des  livres  de  Manéthon,  a 
omis  Séti  ?"  et  les  trois  derniers  rois  de  la  XIX^  dy- 
nastie; 2°  que  son  Séthosis  ou  Ramessès,  mentionné 
parmi  les  successeurs  de  Ramessès  II,  ne  peut  être 
que  le  Sésou  ou  Ramessès  III  des  monuments,  pre- 

25. 


372  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

mier  roi  de  la  XX'  dynastie;  3°  que  rArmaïs  (ou 
Danaûs),  dernier  roi  de  la  XVIIP  dynastie,  i'Har- 
em-heb  des  inscriptions,  ne  peut  avoir  rien  de  com- 
mun avec  l'Armais  ou  Danaûs  frère  de  Séthosisou 
Ramessès ,  puisque  l'un  est  un  roi  légitime  tandis  que 
l'autre  est  un  usurpateur,  et  que  ces  deux  person- 
nages doivent  être  séparés  par  toute  la  durée  de  la 
XIX^  dynastie. 

Ces  déductions  sont,  comme  on  le  voit,  simples 
et  naturelles;  l'identité  de  Ramessès  III  avec  Sétho- 
sis  ou  Ramessès  est  encore  confirmée  d'une  manière 
qui  me  paraît  tout  à  fait  probante  par  une  circons- 
tance du  récit  emprunté  par  Josèphe  à  Manéthon  , 
c'est  que  Sétbosis  ou  Ramessès,  l'un  des  grands  con- 
quérants égyptiens  de  TAsie,  comme  les  monuments 
nous  montrent  Ramessès  III,  possédait,  outre  son 
armée  de  terre,  àes  forces  maritimes  assez  considéra- 
bles pour  que  l'bislorien  ait  cru  devoir  en  faire  une 
mention  spéciale  ^  Or  la  plus  ancienne  représen- 
tation d'un  combat  naval  qu'on  trouve  dans  les  bas- 
reliefs  égyptiens  remonte  précisément  au  règne  de 
Ramessès  III  ^,  et  ce  pbaraon ,  fier  de  sa  flotte ,  la  pre- 

*  \iniixi)v  xai  vavTix'fiv  é)(wv  êvvaiitv.  (Cf.  S.  Theophilus,  in  libro 
ad  Antolycnm  tertio,  cap.  xix  :  6v  Çatriv  èayr)xévcu  i!roAAi)i>  êvvafiiv 
iirTriHiis  xal  xsapâ-va^iv  vavTtxrjs.  ) 

*  C'est  dans  les  monuments  du  règne  de  Ramessès  III  qu'on  ren- 
contre, pour  la  première  fois,  la  circonstance  remarquable  d'une  ba- 
taille navale.  (De  Rougé,  Notice  sommaire  des  monumenls  égyptiens 
da  musée  du  Louvre,  2"  édit.  p.  18.)  C'est  le  seul  roi  qui  fit  en  même 
temps,  ainsi  que  les  monuments  le  montrent,  la  guerre  par  terre  et 
par  mer.  (Brugsch,  Histoire  d'Egypte,  I,  p.  lS^;  cf.  ChampoUion- 
Figeac,  L'Egypte  ancienne,  p.  3/j5.^ 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  373 

iilière  qui  ait  été  armée  en  Egypte,  y  attachait  assez 
d'importance  pour  la  décrire  lui-môme  dans  les  ins- 
criptions officielles  du  2®  pylône  de  son  palais  de 
Médinet  abou  :  «Elle  paraissait  sur  la  mer,  dit-il, 
comme  un  mur  puissant;  elle  se  composait  de  trois 
sortes  de  vaisseaux  (les  Hâu,  les  Mens',  et  les  Bdir),  qui 
étaient  garnis,  de  la  proue  à  la  poupe,  de  braves 
guerriers ,  munis  de  leurs  armes  ^  »  D'autres  ins- 
criptions y  font  souvent  aussi  allusion  ^. 

En  appliquant  les  mêmes  observations  à  un  pas- 
sage de  Diodore  de  Sicile,  on  peut  penser  que  le  roi 
qu'il  appelle  Sésoosis  est  aussi  le  Sésou  ou  Rames- 
sès  III  des  monuments,  car  il  lui  attribue  aussi  (  i , 
55)  la  possession  d'une  flotte  maritime,  en  indiquant 
quilfat  le  premier  Egyptien  qui  construisit  des  vaisseaux 
longs.  Celte  circonstance  pourrait  nous  faire  recon- 
naître, dans  le  même  auteur,  la  suite  et  le  complé- 
ment, peut-être  altérés,  du  récit  de  Josèphe  relatif 
à  la  trahison  d' Armais,  mais  avec  une  variante  qui 
transporterait  auprès  du  roi  la  reine,  chassée  par 
Armais  ou  Danaiis.  Diodore  s'exprime  ainsi  ^  : 

((  A  son  retour  en  Egypte ,  après  sa  grande  expé- 
dition, Sésoosis  s'arrêta  à  Péluse,  où  il  faillit  périr, 
lui,  sa  femme  et  ses  enfants,  dans  un  repas  donné 
par  son  frère  ^.  Pendant  qu'ils  étaient  assoupis  par 

^  Greene,  Fouilles ,  pi.  lï,  col.  20;  de  Rougé,  Nolice  de  quelques 
textes  hiéroglyphiques ,  p.  8;  Brugsch,  Histoire  d'Egypte,!,  p.  187. 

^  Brugsch,  Histoire  d'Egypte,  I,  p.  186,  188,  etc. 

^  Livre  I ,  chap.  lvii. 

*  M.  Champollion-Figeac  remarque  que  «selon  quelques  cri- 
tiques, ce  frère  de  Sésoosis  serait  le  Danaus  qui  conduisit  des  coîo- 


374  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

la  boisson,  le  frère  de  Sésoosis  profita  de  la  nuit 
pour  mettre  le  feu  à  des  roseaux  secs  accumulés 
d'avance  autour  de  sa  tente.  Sésoosis  se  réveilla  sou- 
dain à  la  clarté  du  feu;  mais  ses  gardiens,  enivrés, 
tardèrent  à  venir  à  son  secours.  Levant  alors  les 
mains,  il  implora  les  dieux  pour  le  salut  de  ses  en- 
fants et  de  sa  femme,  et  traversa  les  flammes.  Après 
s'être  ainsi  sauvé  comme  par  un  miracle,  il  éleva, 
comme  nous  favons  dit,  des  monuments  h  tous  les 
dieux,  mais  particulièrement  à  Vulcain,  auquel  il 
devait  surtout  son  salut  ^  » 

Quoi  qu'il  en  soit  des  rapports  qui  peuvent  exister 
entre  ces  deux  récits,  les  observations  précédentes 
nous  amènent  à  établir,  d'une  manière  que  je  crois 
certaine,  que  les  faits  rapportés  par  Flavius  Josèphe, 
d'après  Manétbon,  se  rapportent  au  règne  de  Ra- 
messèslll,  comme  la  conspiration  jugée  dans  le  texte 
du  papyrus  judiciaire  de  Turin. 

On  sait,  il  est  vrai,  que  des  rois  d'une  époque 
antérieure  avaient  déjà  porté  leurs  armes  dans  les 
îles  de  la  Méditerranée;  mais  il  ressort  clairement 
des  textes  qui  mentionnent  leurs  conquêtes,  que  ces 
souverains  ne  firent  qu'y  transporter  des  troupes  de 
terre  ou  de  débarquement,  ce  qui  ne  constitue  pas 
des  forces  maritimes  proprement  dites,  comme  celles 
de  Ramessèslll.  Quant  aux  listes  monumentales  des 
victoires  de  ce  Pharaon ,  elles  correspondent  au  récit 

nies  égyptiennes  clans  la  Grèce  au  xv'  siècle  avant  noire  ère.  »  [L'É- 
(jyple  ancienne,  p.  SSg.) 

'  Traduction  de  M.  F.  Hoefer,  vol.  I,  p.  67. 


LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN.  375 

de  Josèphe,  aussi  bien  et  peut  être  mieux  que  celles 
de  Ménéptah-Séti  I. 

Aux  faits  que  je  viens  de  constater  j'ajoute  encore 
une  indication;  c'est  que  nous  savons,  par  les  mo- 
numents ,  que  les  principales  campagnes  de  Rames- 
sèslll,  en  Asie,  datent  de  l'an  viii  et  de  l'an  ix  de 
son  règne,  et  conséquemment  que  le  récit  rapporté 
par  Josèphe  doit  être  relatif  à  cette  époque. 

Voici,  pour  terminer  cette  digression,  la  concor- 
dance des  listes  manéthoniennes  avec  les  monu- 
ments, telle  que  je  la  comprends  pour  les  rois  dont 
je  viens  de  parler  : 


376 


OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 


EUSÈBE. 

AFRICAIN. 

APMAIZÔKai  Aara6g              5 

APMEZZHZ 

PAMEZZHZ  b  K^i  kîyvivlos  68 

PAMEZZHZ 

AMENCJTIC                        [4o] 
Èivvéa  xaï  èexifi)  Svvaaieia. 

ZE0COZ                                  55 

AMENCO^PAe                      [ 

Èvvéa  xai  êexd-nj  Svvaaleia. 

ZEGOJZ 

PAMVHZ                               66 

PAVAKHZ 

AMMENET0IZ                    4o 

AMENET0HZ 

PAMEZZHZ 

AMMENEMHZ                      26 

AMMENEMHZ 

eOYOJPIZ                                7 

eOYCOPIZ 

Eîxo<r1il  Svvaaielix. 

- 

LE  PAPYRUS  JUDICIAIRE  DE  TURIN. 


377 


JOSEPHE. 
C.  Ap.  cap.  XT  ou  V. 


APMAIZ 


PAMEZZHZ 


4,1 


(Cap.  XXVI  ou  IX.  SE0Q  ou 
ZE0QZ,  59) 

ARMEZZHS  MIAMMOY  66,2 
(Cap.xxviouix.  PAMVHZ— 66) 
AMENCOVIZ  19,6 

(Cap.  XXVI  ou  IX  AMENCOTIZ  //) 

(Cap.  XXVI  ou  IX.  ZEGCiOZô  Kaî 
PAMEZZHZ.) 


ZE0COZIZ  b  Kai  PAMEZZHZ, 

èxctX.  kïyMulos.  Confondu  par 
Josèphe  avec  Séti  I  et  Rames- 
sès  II. 
[Contre  Apion,  cap.  xxvi  ou  ix.) 


MONUMENTS. 


HoR-EMHEB  Mer  en  Amon 
(Râ-z'osor-x'eper-u-sotep-en-Ra). 

XIX'  dynastie. 

Rà-mes-sou  I 

(Râ-men-pah'u-tï). 

Mei-en-ptah  z=z  Séti  I 
(Râ-men-maa). 

Ramessou  (II),  Meianimoun, 
(  Râ-user-maa-sotep-en-Râ  ) . 

Mai-en-ptah  holep  her  mâa, 

(Ba-en-Râ-meï-Amon  ). 

Meï-en-ptah  =r  SÉTI  II, 

(  Râ-user-x*eper-u-mei-Amen  ). 

Amen-mes-sou  h  yq-ouabou , 

(  Men-ma-rà-sotep-en-Râ) . 

Mei-en-ptah  =:  Si-Ptah 

(  X*ou-n-Râ-sotep-en-Râ  ). 
et  la  reine  Ta-Ouser. 

XX'  dynastie. 

SÉsou  ou  RÂ-MES-sou-h'yq-An, 
(  Râ-ouser-maa-Tneï-amon  ^ . 


(  La  suite  à  un  prochain  cahier.  ) 


378  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

QUELQUES  CHAPITRES  DE  MÉDECINE 
ET  DE  THÉRAPEUTIQUE  ARABES. 

TEXTE  ARABE,  PDBLlÉ,  TRADUIT,  SUIVI  D'UNE  LISTE  DE  TERMES 
TECHNIQUES  ET  AUTRES. 

PAR  M.  LE  DOCTEUR  B.  R.  SANGUINETTI. 


AVANT-PROPOS. 

La  Bibliothèque  impériale  de  Paris  possède  deux  exem- 
plaires manuscrits  d'un  ouvrage  arabe  de  thérapeutique  mé- 
dicale, intitulé  :  Le  livre  des  jlambeaux  resplendissants,  au 
sujet  de  la  médecine  humaine^.  C'est  un  traité  complet,  ou 
mieux  une  sorte  de  compilation,  divisée  en  dix  chapitres, 
dont  le  premier  est  consacré  à  l'exposition  de  la  doctrine 
humorale.  Les  autres  parlent  du  traitement  des  maladies  des 
diverses  parties  du  corps ,  en  commençant  par  les  affections 
de  la  tète.  L'auteur  de  ce  livre  est  appelé  Chihâb  Eddîn  Ah- 
med Alkalyoûby  ^  et  il  est  mort  vers  la  fm  du  dixième  mois 
lunaire  de  l'année  1069  de  l'hégire  (juillet  1669  de  J.  C). 

On  trouve  des  détails  sur  AlkalyoûlDy  dans  le  Dictionnaire 
bibliographique  et  encyclopédique  de  Hâdji  Khalfah ,  édition  de 
M.  Fluegel,  notamment  :  t.  V,  p.  i53,  n"  io,5o5,  où  il  est 
question  d'un  ouvrage  théologique  de  notre  auteur;  t.  VII, 
p.  856  et  p.  899,  d'après  un  assez  long  fragment  du  ji^s^Lî. 
yj^\ ,  fol.  36  v°,  fragment  cité  ainsi  deux  fois  en  arabe  par  le 
savant  éditeur,  M.  Fluegel.  Il  y  est  dit  en  somme  qu'Alkal- 

'    *:ivJf   ô-*'-'(J   *.jyu«J[  ^La.lf  cjLl^.  Ancien  fonds  arabe, 
n"   1069,  et  supplément  arabe,  mis  en  ordre  par  M.  Reinaud,  n"  lolio. 
"  Originaire  de  Kalyoûb,  petite  ville  d'Egypte,  près  du  Caire. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  379 
yoûby  était  un  jurisconsulte  distingué,  auteur  de  plusieurs  ou- 
vrages de  droit,  de  théologie,  philosophie,  grammaire,  etc. 
et^ aussi  d'un  livre]  ou  recueil  de  médecine,  science  qu'il 
connaissait  bien.  Ce  dernier  ouvrage  est  sans  doute  celui 
dont  il  est  ici  question.  On  ajoute  que  tous  ses  livres 
étaient  eslimés,  qu'il  est  mort  dans  les  derniers  jours  du 
mois  de  chawwâl  de  l'an  1069  de  l'hégire  (juillet  1669  de 
J.  C.),et  que  Ralyoûb  était  une  petite  ville  en  Egypte,  dis- 
tante de  deux  ou  trois  parasanges  du  Caire'.  Je  noterai  en- 
core que,  parmi  les  manuscrits  arabes  de  la  Bibliothèque 
impériale ,^se  trouvent  d'autres  ouvrages  littéraires  d'Alkal- 
yoûby. 

J'ai  cru  utile  de  publier  le  texte  et  de  donner  la  traduc- 
tion de  plusieurs  chapitres  de  ce  livre  de  médecine;  car,  in- 
dépendamment de  l'intérêt  que  quelques  personnes  peuvent 
prendre  à  ces  sortes  de  matières,  tous  ceux  qui  s'occupent 
d'arabe  rencontreront  ici  beaucoup  de  termes  qui  manquent 
dans  nos  lexiques,  ou  qui  y  sont  mal  expliqués.  Ceux  d'entre 
les  arabisants  qui  ont  la  louable  habitude  d'écrire  en  marge 
de  leur  dictionnaire,  soit  Golius,  soit  Freytag  ou  autre,  les 
mots  qui  y  sont  omis,  ou  les  éclaircissements  qui  seraient 
nécessaires ,  trouveront  dans  ce  travail  de  quoi  augmenter 
leurs  notes  d'un  bon  nombre  de  termes  de  médecine,  d'his- 
toire naturelle,  etc. 

'  Le  -j'^1  ''iUo>!^l:^>  dont  il  est  parlé  plus  haut',  est  un  ouvrage  bio- 
graphique, composé  vers  l'an  n33  de  l'hégire  (1720  de  J.  G.),  dans  le  but 
de  faire  connaître  les  hommes  remarquables  du  onzième  siècle  de  la  même 
hégire  (xvii"  de  J.  G.)  ;  son  auteur  est  Amin  Eddîn  Mohammed  Almohibby 
Acchâmy,  et  il  est  cité  par  Hâdji  Khalfah,  édition  de  M.  Fluegel,  t.  VI, 

p.  6i5,  n°  iZi,882,  ainsi  qu'il  suit  :  C^^L-LiL  j>fyc»ijL  j>IJjJ|   c:iLiul' 

yAc.  (J^l:^.  (jy?  j  y  .^f  ioos^  IjbLL'  "^^  p[^3yfj. (Voyez 
aussi  t.  VII,  p.  965.)  La  Bibliothèque  impériale  de  Paris  renferme  un  exem- 
plaire dudit  0^1    iL-vsvjLàfc  »  supplément  arabe,  mis  en  ordre  par  M.  Rei- 

naud,  n"  676.  On  peut  y  lire  la  biographie  d'Alkalyoùby ,  p.  96  et  96  ,  et 
l'on  enverra  la  traduction  ci-après. 


380  OCTOBRE-NOVEMBRE  1S65. 

Le  (exte  et  la  version  qui  vont  suivre  comprennent  :  Ja  pré- 
face de  l'ouvrage;  le  premier  chapitre,  qui  traite  du  pouls,  etc. 
puis  des  maladies,  des  liquides  du  corps,  des  aliments,  des 
boissons  ;  et  cela  ,  d'après  les  principes  de  la  doctrine  humo- 
rale; le  chapitre  deuxième,  où  il  s'agit  du  traitement  des 
maladies  de  la  tête;  enfin,  le  troisième  chapitre,  consacré 
en  enlierà  la  cure  des  affections  nombreuses  des  yeux.  On  y 
remarquera  une  grande  variété ,  une  vraie  richesse  de  médi- 
caments; mais  aussi,  on  y  verra  quelques  préjugés  et  des 
traces  nombreuses  de  superstition.  J'ai  mis  le  plus  grand  soin 
pour  que  le  texte  soit  correci ,  en  prenant  surtout  pour  guide 
le  manuscrit  n°  1069,  qui  m'a  semblé  le  moins  fautif  des 
deux  manuscrits  déjà  mentionnés  de  la  Bibliothèque  impé- 
riale. Lorsque  la  leçon  de  ces  deux  manuscrits  m'a  paru  erro- 
née, tantôt  j'ai  ajouté  entre  parenthèses  la  bonne  leçon,  ou, 
du  moins,  celle  que  je  crois  préférable  ;  d'autres  fois  j'ai  fait 
connaître  la  bonne  leçon  par  une  note,  ou  dans  les  variantes. 
Quant  à  la  traduction,  j'ose  espérer  qu'on  la  trouvera  suffi- 
samment exacte  et  fidèle.  Quelques  noies,  d'ailleurs  assez 
courtes ,  fourniront  à  mes  lecteurs  les  explications  que  j'ai 
cru  utile  de  leur  donner.  Parmi  les  manuscrits  arabes  de 
médecine,  celui  qui  m'a  le  mieux  servi  pour  vaincre  quel- 
ques difficultés  dans  ce  travail ,  c'est  l'ouvrage  du  cheïkh 
Dâoud  Alanthâky,  dont  le  titre  est  :  Mémorial  des  hommes 
intelligents  ^ 

Il  est  maintenant  de  mon  devoir  de  dire  que,  il  y  a  quel- 
ques années,  M.  Cherbonneau ,  avec  son  obligeance  habi- 
tuelle, a  pris  la  peine  de  m'envoyer  spontanément,  de  Cons- 
tantine,  un  court  extrait  de  cet  ouvrage  d'Aîkalyoûby ,  afin 
d'appeler  mon  attention  sur  ce  livre  de  médecine.  Je  le  con- 
naissais déjà  par  les  deux  manuscrits  plusieurs  fois  cités  de 
la  Bibliothèque  impériale  ;  mais  dès  ce  moment  j'ai  pris  avec 
moi-même  l'engagement  de  le  faire  connaître  aux  lecteurs 

'  CjlxJjf  ^ol  iJ^ijo".  Manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale,  an- 
cien fonds  arabe,  n'  10 58. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         381 

du  Joarnal  asiatique.  Différentes  circonstances  m'ont  em- 
pêché jusqu'à  ce  jour  de  mettre  à  exécution  mon  projet. 

Le  pelit  extrait  provenant  de  M.  Clierbonneau,  et  dont  il 
vient  d'être  parlé,  se  compose  généralement  de  formules 
prises  çà  et  là  dans  les  trois  premiers  chapitres  de  l'ouvrage. 
Il  fait  par  conséquent  partie  de  la  présente  publication. 

Enfin,  l'abondance  des  médicaments,  la  polypharmacie , 
que  j'ai  annoncée  ci  dessus,  ne  surprendra  point  mes  lec- 
teurs; car  ils  savent  que  les  Arabes,  par  leur  sol,  et  puis  par 
leur  commerce,  surtout  avec  l'Inde,  se  trouvaient  en  pos- 
session d'un  plus  grand  nombre  de  médicaments  que  les  - 
Grecs  n'en  avaient  sous  la  main.  De  la  sorte,  leur  pharmacie 
s'accrut,  leur  matière  médicale  s'enrichit.  Ils  en  furent  pro- 
digues ,  et  renchérirent  encore  sur  Galien  dans  l'emploi  des 
remèdes. 

Voici  maintenant  la  biographie  de  notre  auteur  : 

«  Ahmed,  fils  d'Ahmed,  fils  de  Salâmah,  Almisry,  Alkal- 
yoûby,  Acchâfi'y,  l'imam  très-instruit,  le  jurisconsulte,  le 
Iraditionnaire ,  un  des  principaux  savants,  universellement 
estimé  et  apprécié,  à  cause  des  grands  services  qu'il  a  ren- 
dus. Il  a  étudié  le  droit  et  les  traditions  sous  Chams  (Eddîn) 
Arramly,  qu'il  a  suivi  pendant  trois  années ,  vivant  retiré 
dans  sa  maison.  11  a  aussi  suivi  les  leçons  de  Noùr  (Eddîn) 
Azziyâdy,  de  Sâlim  Acchebchîry,  de 'Aly  Alhaléby,  d'Ahmed, 
fils  de  Rhalîl  Assoubky,  et  d'autres  docteurs  célèbres.  A  son 
tour,  il  a  donné  des  leçons  à  Mansoùr  Attlioûkhy,  à  Ibra- 
him Albirmâouy,  à  Cha'bân  Alfayyoûmy  et  à  d'autres  sa- 
vants bien  connus. 

«  On  le  redoutait  beaucoup;  nul  n'osait  parler  en  sa  pré- 
sence sans  tenir  la  tête  baissée,, par  crainte  de  lui  et  par 
frayeur.  Il  n'acceptait  rien  de  personne,  et  on  le  voyait,  la 
plupart  du  temps,  faire  l'aumône;  il  n'avait  aucun  traite- 
ment, ni  aucune  fortune  connue,  et  pourtant  il  ne  manquait 
de  rien.  Du  reste,  il  ne  mettait  aucune  recherche  dans  ses 
repas  ni  dans  ses  habits;  il  n'était  occupé  que  d'oeuvres 
pieuses,  et  ne  quittait  pas  l'enseignement,  qui  embrassait 


382  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

toutes  les  sciences  légales.  11  était  instruit  dans  la  géomancie, 
la  science  de  la  lettre  (une  sorte  de  cabale),  et  dans  son  ap- 
plication aux  carrés  magiques,  à  la  zâïrdjah\  et  autres  stra- 
tagèmes. Il  avait  acquis  en  cela  de  la  célébrité.  Alkalyoûby 
était  expérimenté  et  habile  en  médecine.  De  plus ,  il  avait 
l'art  de  bien  raconter,  d'exposer  clairement  les  choses.  Au 
temps  de  son  enseignement,  ses  auditeurs  avaient  un  main- 
tien fort  grave  et  tout  à  fait  silencieux  ^. 

rt  Notre  savant  est  l'auteur  de  beaucoup  d'ouvrages  d'une 
utilité  générale.  Nous  nous  bornerons  à  citer  ceux  qui  sui- 
vent : 

«  i"  Des  gloses  marginales  sur  le  commentaire  du  Minhâdj 
(ou  Voie),  parDjélâl  (Eddîn)  Almahally; 

«  2°  Des  gloses  marginales  sur  le  commentaire  du  Tahrîr 
{Revue  ou  Examen),  par  le  clieïkh  de  l'islamisme; 

«  3°  Des  gloses  marginales  sur  le  commentaire  d'Abou 
Chodjâ',  par  Ibn  Râcim  AIghazzy; 

«  l\°  Des  gloses  marginales  sur  le  commentaire  de  \ Azha- 
riyah  (ou  la  Resplendissante ,  ouvrage  grammatical); 

«  5°  Des  gloses  marginales  au  commentaire  du  cheïkh  Khâ- 
iid  sur  VAdjorroâmiyak  (autre  ouvrage  de  grammaire); 

«  6°  Des  gloses  marginales  au  commentaire  que  le  cheïkh 
de  l'islamisme  a  écrit  sur  VIsagoge  (  ou  Introduction  de  Porphyre 
aux  œuvres  d'Aristote)  ; 

4  7°  Une  dissertation  sur  la  manière  de  connaître  la  kiblah 


*  Ou  tableau  circulaire  pour  arriver  à  découvrir  les  clioses  occultes.  —  Cr 
passage  du  texte  demande  à  être  cité  :  (^y^l^    Jl_>Oy)  I  Àst^  iCiytvO  jj» 

\e.MLA^-  Voyez  sur  ces  matières  les  Prolégomènes  d'ibn  Khaldoun,  dans  les 

Notices  et  Extraits  des  Manuscrits ,  notamment,  texte  arabe,  t.  XVI,  p.  2o3 
à  220;  traduction  française,  t.  XIX,  p.  282  à  aô/i. 

"^  Littéralement  :  A  ses  leçons,  les  hommes  étaient  comme  s'ils  avaient  en 

des  oiseaux  sur  leurs  têtes  ^^Joif  j^-waN    (^c-   (jo  «V^-*ws3  (J    .*wUJk 


MEDECINE  ET  THERAPEUTIQUE  ARABES.         383 

(ou  la  direction  du  temple  de  la  Mecque),  sans  le  secours 
d'aucun  instrument; 

0  8°  Un  recueil  de  médecine  ; 

«  q"  Les  cérémonies  du  pèlerinage. 

tt  Outre  cela ,  il  a  aussi  composé  d'autres  dissertations 
et  revues  [tahrîrât),  toutes  fort  utiles. —  Sa  mort  a  eu  lieu 
dans  les  derniers  jours  du  mois  de  chawwâl  de  l'an  1069  ^^ 
l'hégire  (juillet  1669  de  J.  C). —  Quant  au  mot  alkalyoûhy^, 
qui  s'écrit  avec  le  fath  du  kâf,  le  soucoun  du  lâm,  le  dhamm 
du  yâ,  lettre  qui  a  deux  points  au-dessous,  le  soucoun  du 
ouâou,  el  après  cela  un  hâ^  lettre  qui  porte  un  seul  point 
au-dessous;  le  mot  alkalyouby ,  dis-je,  est  l'adjectif  relatif 
d'une  toute  petite  ville  (Ralyoùb),  dont  la  distance  du  Caire 
est  de  deux  ou  trois  parasanges,  et  qui  possède  de  nombreux 
jardins,  y 

TEXTE. 

-U.yi   ^-ûJî  ^-ÀjJb   iLjjj^\  (LJio  tj  iUjL»#Jî  ^IjuaJLî  oU^ 

'^^iUJ\  j^JuJi  ^^,ùJ\  v^^  Jc«UJî^lxJî  pl<;^l^^ 

,  '*'        «< 

♦x]^  b«X-jUM  ^^c  aMÎ  Juo^  (j;^\  ASjb  ifJLi^  ^j  M  ^^ 

aî^jjcâ.^î_5  ii)r,^iiî^  t^laÀJL  5jJU^  ftîyiiî  jXî  ^,L-j^l  ^y 


384  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 


^^   lj\,.^j\   AK-r,.jS?   ^  v^i^la)  o»-î^   ^*^'(^*   *^^-'V^  f  W^'^ 

<,Ua3l  iCioc^  (i  iôeJsJiXi  îUi\s»^^  V^^^  i^^^i^^  iCoJOU  (_^ 
scji>^   iC   -C^i    -«^LJLo   AJLjI^^   ^ji4>o^|   iKS-yAb^^^  L-£^*X*ô3 

w 

^^gà*\jJî   Lg-Â^  V^^/^^  LtîXi»-^!  (jâxj  àU^JU  ^lyiî  :>U*^ 

^j^X-»«Jî^  iL^v^^  iUâJtJl^j   («^i^  JyajUij  cyUlUaJî^ 
<-*vAAla-M  \b\s  ê,!jJÎx-%wiiîj  (j*.IajC^.^Î^  (^jyvMÀJuî^  (^AJJyJl 

^  ;:: 

^  J^^l   J^waxîi   iCjtjjî  J^>wai  Xaj^   d)Ji>  wa^^  ^4*>^  ^^ 

'  Le  ms.  n°  loAo  porte  *Lyii>^|  to^  ^kkIû}\  ^«Xkf  f^j^,  ré- 
daction qui  est  peut-être  préférable. 

"  La  leçon  du  ms.  n°  1069  est  Jj*a3.   ^ 


MEDECINE  ET  THERAPEUTIQUE  ARABES.         385 

w  w^  — 

2i.Jk,J^    iL^^^Ks-  y^^    \SjJl   ^J-^    c3^^    ^^^    (_j.N.«^wJ|    (j^ 

(j^  14-Loî^  Jldkii  L^Aô^j  -pb^^Jl  iU^yûj  iCS^ 

îtX-s»  t>-JS-ij   ^î^  iLA-ibuJîj  iLidîj  io^XÂ-i/I  JÎ*X-JCfil 

^   &jX^\j  *jiXJî  iU:^^  lôUJl  ^  (jbUJl^  J.JJI  <-^ 
»,JUaJî^  «;l;.il  J^:>  iCAaJlil  «;^itj  ^T:>y^\  iU:^  lâAàJî 

UJH^-?  ^î  J^5  AA>UaJî  5^^^  icAiUiî^  i^M  iU:^ 
QÎ^i^î  ci^XJCi^î^  JyJî  ^j«i*^  iU:^fi  (J>^^^      *V^Î  ^3^ 

*  Le  ms.  n"  10/10  ajoute:  qÎ^^I  (Jiylij' ^^  iU^  «v^f^ 
VI.  26 


38C  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 


^^  j:,\j^:ii\  (j^  Lû^  Uvi  jUJi  JooaJi  J^l  iu:su 
.    1  -  .    ^ 

Util    ^j^"^^  RmJ^      Aj|   «X^^  (^^JU^Î  «Xj^  io^X^^i/l 

UU  l  ^j^  IoXâ.  Jo  0.*  ci^tXa?  U  (jojo  bjji  «Xj»^  (j^** 

p  

^    J«X-x2.Jî^  jl^»xJI^  (j-[^^  tjUaJiJ  A.JLfi  ^^-i«*ÂAi  j.«xJ| 

c.^«xiî^  *ji)^  ^  «X-«j.JÎ^  (^jvJLxjcJî  Jjijj  ''^^î  **>oL» 

=?p 

^y^\       ^^X-W^      ^lÂAwiil       »^U^J3       i^Î       tKb^J.^iiî       ^^-^^5 

iL-^«xJîj  «o^j-ÀûJI  iLs^y^^  iû^*Xc^  «jl^-^^  ^^ji^;  ^ 
c3^5^-xJLî  y^UaJî^  j^Uiîj  t^Jo^î  JU-«Jl^  *X^^i  f^j^ 
^'^-^il   iiL5àl^   iL^Aû-l^   c^J^-4^  |-îM^J  ^^^ 

{*A3)  l^i  :>^*xJî^  ^"^"^^  (:J^*^^^  iûc?l^A«^î^  t^»^  cyîi_5 


^  La  leçon  du  ms.  n°  io4o  est  :  8Ujc:^«|j  >!>[j ^ySJiw]  jjij-  —  En 
marge  du  ms.  n"  1069,  il  y  a,  en  cet  endroit  :  «aXj  ^Î  ,  sans  doute 
pour  -AXJ"  (j  î  • 

2  Le  ms.  n°  lo/io  porte ^jaaJIj. 

'  Le  ms.  n"  io4o  donne  çj  en  place  du  j. 

*  Le  ms.  n°  1069  porte  ^.^iUJf ,  terme  plus  vulgaire. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         387 
^1  (i%A»,^  ^U>^  i3^î  «jî^j  lôJ^iiî  à^i/J  otiJS]^ 

jJuo^\  fiZM^  iL^Mw^UJl  ^^jJi^\^  iS^"^^   'éj^\^  Âjéé^^ 
*T:>^--«-JI  iiX^ilî^  Jwiil  ^\:>^  iLjLUî  «jl^j  ^^*^b 

^j*»*^î    iJ*Xd-.^    J^jXmJÎ    ^\yJMyl\^  j.^Mé}\^    Cj^Jxîî    ^UÂiw^ 

'^  p^^î^  ^^-A-^  ^^^3  p3  "^  Lh|/-*-A3l  iU-Jt^tj  (Sj'^^ 

^-=^33    t^^-AAxiî    (_J.^^H^^    iL^**jU3i    J.-^-«U*Xj|^j-j^^î^Aiî^ 


*  Lems.  n"  1069  paraît  donner  i^j^  cs<*j- 

>  Le  ms.  n°  10/10  aioute  :  J^^j|^  ^-^^-^^  J   V^î   'Ul^ 

■*  Le  ms.  n°  1069  porte  ^viiJf.  Ce  serait  alors  le  ténia. 

*  Le  ms.  W  1  o4o  donne    ^yj  L ,  ou  «  la  lèpre.  » 

26. 


388  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 


Jjijj  l^AM^^  Uûi^i^  ^Uaw^J  J^^^  ^^"^^^  ^jli^î  J^JLJ 

^^jumJI  •^^^  t-^wkxiJî  ^^:>^  :>^^^l  t3-ô^î^  <_*uAjJl  i^Ufc.^^ 
(jÀiLiJi  ^^^^  **>otîi  ^^  Oi)*^^-?  J^«Jiiî  *r^^  (MV^^^ 

-JoOl  Jl  t;*.îpt  (j^  iùUoUJI^  y^llôJî  xftU*^!^  (j*>«AiI 


u  *  w  ,^^ 

«X-j^^îj^  ^jUmJo  c.^»»^  i>yS'^  S^j^3  y^3  J-*-*  ^Ij  ^yh 

JJiL«5  iC-j^j-w  -^^^^s*-)  L*XÂiûjjj^  u^tj^ jy^^  '^y^  Jj^3 

*  Le  ms.  n°  io4o  donne  vLx.«. 

'  Le  ms.  n*  1069  donne  jLwlj. 
•^  La  leçon  du  ms.  n°  1069  est  iiiMJl. 

*  Le  ms.  n"  1069  porte  si .^^5-  C'est  la  nie  sauvage,  011  ruta  syl- 
vestris. 


MÉDECINK  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         389 

w 

iLS^XJL?  (^^^  ^J;^  (i^.  o^Uî  :>j^l  ^Vj^  (^  JJjl 
Uji  eJUJi  JoAiil  dUJî  ^1^  ^^yX\  J^x^i  ^^^  2<;iU^Î 

L|^;-^^  >TJ.JUail  Uî^  t^^Xx^Ji  t^f^  *^tjUil  iOoùJl^j 

yXK^\  ^   X^^yKi^^   Aho^  U^^^^    t^!^VvMÎ    f-\^^  ^X^o'^S^ 

f\A  i)lj*.  l^jiX»^^^5CwJî^  iii^jdl^  (iJV^Î^  iaî^^î^  y^-»«^ 

«Xj^I^  uy4;^^^^  u^^^^^^  a^i^I  jj^^  ^jjà\  <lJ^ 
ia.Jk*JiJl  *xiaJij^  J^v^î  *>U|^  JouUi^î^  J.ajJI  <-,o^  aJvxL»^ 

^  Le  m?.  n°  io4o  ajoute  ^>aa:^JOL.  C'est  probablement  pour 
(jAA^yJL,  ce  qui  signifie  rosée  miellée,  ou  manne. 


390  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

Z^^yKj^\  y^  iCi-^LîJ!  Is^i^i/Î  ^kû^  Jl^î^  :>^t^ 
^y.xj:iél\^  i^^J^a^Wy  UijJljjUJI  f^^^  ^xj^i^  J^ajJî 


J.-JC-J  ^— J^;-J  AaX^  j^Joi-^^j^  »Xa£  -*x]1  (ji  -PtJM^  o***^ 

l^S'y^Aj;  vilU  x)jiXJî  (jîj  l.^A^  U  vJ^'  cU^s^J^'  lis" 
(jî^  c^Jo;  jl^»-  -<xil  kXs».  ^î^  «^  ^  LU  aaJU  «^-Ui 

(j^^c-jL  ^jl*  p^^j,  Mé.\\  iaAifc  yi^  (jwwjLjU»-  ^lyuaJI  laXâ. 

tKj  Jî*X-A-fi>^î    (jl    <-^J:3;  jl>-  3-^    iXj    l-^ytlo   CJ-*  Jfc^^ 

'  La  leçon  du  ms.  n°  10/io  est  jLg.ukJ«. 

-  Le  ms.  n"  io4o  ajoute  ^j, 

^  Le  ms.  n°  1069  paraît  porter  i^. 

*  Le  ms.  n°  io4o  donne  «vjJ^^,  et  ne  contient  pas  XL»  JdI 
Jl.  ^ 

'  Le  même  ms.  n°  io4o  ajoute  :  3su  ,^*-^^  y  m^^*^^  <^ 
oAcf  a>Uwaaj  iaxU  .  jwoU  • 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         391 

jj^jCft^JjJU  cKj   «;JS5:5"  ^i^^Jkilii^   »^UmJ^   i<s>^^j^  ^-^  cXVs? 
Ig^Aiiil^  cl>b^l  (j^jj^Â.    ^^Sj^JI^j  AAiûljo  tj  kJkwyU  »_^jf  <j 

^b  ^j.-gi  (^5>J  J^^  »jÂ.y.^  ^  iSj^^^  ^  (SJ^^^^^   &^ 

^Ui)i  *J.jî  ^^^4  <o.ij  iUA^I  J^^SJI  ^  20^^Ut 

^  La  ieçon  du  ms.  n°  io4o  est  J  ^^  • 
*  La  leçon  du  ms.  n°  1069  est  (_sa.o  . 
^  Le  ms.  n°  io4o  offre  K^^jjf. 


392  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

c:*ii'^^3U5   (j^  ^ii^  <^^îyuaJl   Ul_j  l^^^  cKsi^i  /6-^^ 

^^^îj  (j^*X-j<Jî^  dl-A^5^  ^jiJî  dUvJi  ^î  t^^xil  ^ 

A-rs»^il  ^\   L«X-jLg.ii   i*;_5^-*^  W*^  (J-^^  U^**?  ^  (J^^'^ 
*_xJLij   (jôaJ^  j.-*r-^  ^^  (Sj^^   (jÀ^lil  (jv^î   «oLjj^,-im 

*  La  leçon  du  nis.  n°  io4o  est  O^lIL. 

*  Le  ms.  n"  io4o  porte  Jù»yiif. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  393 
(^jOlJÎ^  ^^>JCmjUÎ^  j^yJ^^aJ]^  ^^'^b  <-r''*^^  A^slykit 
Ul^  t-V^^  J^-'^î^  cM^Î^  c:^î;JSîj  (j.ao:ilî  0^^^^ 
^^  (^^^.^î  ^Uiiîl   (;JV<^     c:>^_^^3Uî   t>-4  Ai»î^^  ^xUJl 

^^.^^î  ^^  J.^]L  j^^  iL,^|/î  ^î  JàUJî  ^î  J>^ 

^^  (jo^-^-li  Lifiy-^^  ^^j-^il^  ^r^^j^î  aST^I  Cj-*  *Aiî^^ 
jlJJI  vW-îî  v^r^  f4^^  H^  <^^'  ^b  ^^^  ^*^ 

^  Le  ms.  n"  i o4o  ajoute  ici  le  mot  ^i>-<- 

'  Le  même  ms.  n°  io4o  ajoute  isJuL. 

^  Le  ms.  n"  io4o  ajoute  ici  le  mot  itiyco. 

*  Lems.n°io4oajoute:«vc[yL  pljj^l  ^^^t^cS^^t  U<<^ 

^-^  I       Ml'    ••••  ••  .  \ï 

•vxl^^f  Lob  wuiuJU. 


394  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

yV-^3  J^  çj^y^iy^J]^  (J^j^\  j^^\  (ijy^^3  <^;JaJuJI 
i^M  iax**05  (^.AXjtîî  o«»^î  çj^  f^J^  \^i^  *Xx?  (j-^03 
U^  U^  ^î*XAâJi  Uî^  pl»l  iLS-^V_3  «^-â^îj  w^î  J^î  (j^ 

Xilî  liyJL»  ijy^^\  ^  Ltf>yA=fc.  ^^îUo  (j**iiî  (j^^  y\  ^yl 
»i^^^  0-^  fjV  yi^  c:>^«^  c5^5^5   c(js-uaiî   çj^  tj^y^ 

ljjJm  ^î  ç-UJi  -^U;  5^^î  cj^  J^j5/*  iC^-Mj^  (3"^^  Vj-*»*  ^' 

*  La  leçon  du  ms.  n**  lo/io  est  :  ^^AA-ifyjl  oyi  <U/«  »ÂJuw9. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         395 


:>j^[i   (jm\juJ]  :>U./i>  ^1  )^U  (j*é^\  (jjiûà  ^1  :)j^I  0j£>«Xj 

^_iûi    ^]  jyj^]     0-iÛ4>O     :>U^b     (jUi-«XJI    ^î     ^JM-C^îj.^ 

^j\  e.|«X;kâji  ^{  «t^-^^^  V>^  )«Xiji  e.«>UâJ  y^)  Q^ili^^^l  /Q»^ 
^  ia«-w*J^  ^J>m\   ^Î/^"  (îJ^^*  (:>^^^  (^î^^  <-^^  0^^"^^^ 

^ ^\  y^yJn^S  ^jhÀ  (^^  k^  i  ^iyC*Jî  ^  dUJïi 
j*m-Auj  *^  ^î  (j5>i  *Ai  ^^lo  0j6*X?  laxAwuvi  (j*«U^t  ^3^  ^ 
tNiTs-'j-»  ^^^î  ^jA»«XJî^l  (j-«  (jvjijîi  jJsJb  la.ir,dWb.ô  /<>L_wlAsàL  <j 

Uî^  r^^^  (•j^'*^  iCtl^  <X;ij  iCftUw  *Xr&-^  U^-?^  tK=^^ 
^  La  leçon  du  ms.  n**  io4o  est  153*0. 


396  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 


L^^  M^^  CJ^J^Î  <iî  W*^^  (-K'^j^  ^^<*^  ^J^^*^  «>M*i;!  l^Xw 
::iWjCùwî  UuS^yX\  (jîSb^vi^ll  (j^:>^  dUJLI  «:>jL  c:^.^!^!^)! 

xwufwJî  ^1    î:>U.-*(b  ^\   Ww   ^i^jÂft^î^   (^jv^-çwIajÎ^    /j.jjj»**JJÎ^ 
<e-s^    iij\^'  oOls   ^1  ^i   l:>l.««Ai7   iCjbLMl   âtv>we^   6jJi^    M 

^^  cy^ii)-JLJî  tj  jLaJî  Jwkojiiî  îiL,«M^^  L^  A^-^yij 
ay*^  45^.=»-  i^^j^^Jl  0j  Ax»  Ju»  CA^  ^^Jodîj  ^yXj]^ 

^-X-X-ÂÏJÎ    ^L-*j    ^f    jjiL^r^il  y^    ^ir*-^    iij\Jl.    (jw4   ^ÀJb^ 

^;LJî^  Ifi:»^  :ji^k3^  î:>UMà  UIï:^)!  ^i  JJOUaJî  ^1  <j*.ïl  ^jl 

^  Igj  biUiwiJCkvî  Ua»JI^  ry^^^  ij^^^^  yf^y*^^  y^3  W^ 

j^î  ^:>  ^  ïj^y^S  ^îu;  ^:jUaJl  UUa^  ^i;^^  JA^^ 
l^yAj  Jjsl  ^  jjûLàJr^il  ^^di^i  ^i  ^.AxàJI  ^3-AJ*>o  :>Uuàii  ^\ 


MEDECINE  ET  THERAPEUTIQUE  ARABES.         397 


jùJl^j\^<y}\^  J^^b  ^^^^^î^  c:>UiJl^  O^w^î^  ^UJI 


ii-Aâ^î  *y«jj^XJl  (i3r^  (j^  JUi*-«  ç^^'Aw  Ϋ>s5^  Uift^^  [tj^ 


*  La  leçon  du  ms.  n"  lodo  est  sl^UL .  Le  ms.  n°  1069  donne 
st\^fa,  sans  doute  pourvj^îa. 

*  Le  ms.  n"  io4o  porte  ywi^Jf. 
^  Le  ms.  n°  io4o  ajoute  \oJ>. 

*  Le  ms.  n°  1069  donne  ici  la  note  marginale  suivante  :  jUxiL^ 


398  OCTOBRE-NOVEMBRE  1805. 


^Jy^  (j^  JlÂA^  cjj.:^  ^^3  u^'^^  (:y^  ^  j^^  63>^ 

% 

-Ll  iL5^'  /i^l;:>  iu**^  -^  tX  ^^^  ^iV^j  *)^  ^Ji^î^^ 
^jSjo^^ULI  fjj3  y^^  /^  (j-«^  'ri;'^  {♦xxiftj  \mJ^  ^y*^.3 

-•^K-^î    iTj-AjS^  (J*i|^iî    j-=?-^^    ylxw^l    ^t'^^^        13*^        ^ 

s;  " 

jj^  ^1  ub"*^^  -?'  ^J^y^  iùA:2I_5Î  J^yll^i  yL^iUil 

'   Le  ms.  n°  io4o  porte  -^3yii'  r^j* 

^  Le  ms.  n°  io4o  ajoute  ^0! 

^  Le  même  ms.  n"  io4o  porte  oAjÇ.  UTa  . 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         399 


ouÇ^yi  ^JL«  ^ÀÀj  u^^  jUS  <Xxj    j4Xajc«^  iCÂiAw  (^j-^I^S-j^ 

^  La  leçon  du  ms.  n°  io4o  est  s(>.*X^  . 

*  Lems.  n°  \ol\o  porte  A^  ^/>  ïs5^y^\  ^Uixif. 


400  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

^^.jkJu^  ^ui  iifg^\j^  (jté.s^'j^]  çf\^  1<>0^  ^J^  ty^^  ^^ 

iLj^^.yl  ^^.— ^*0*  ^^— s- ^jwJLa»  ^^UpÎ  v-À^aJ^  Sy*^  iliUil 

^uÂw«  ^-A-Â-jui  ^^I^^^.4mJ|  (jmI^^^I  Uij^  ^J-^^  (>^«^  ^^ 

jfcw^i^  \j\j^^  j^:^}]  (j4y-îJi  ^i  pl»î  iC>^*  ^3X^Jl  i>j^^  ^î 
cy^iXwA_i^  ^^-Â-fi  LâmJL»  iÙj^Ui  (j*é[^\   i  J-kAsC*  «Xj»  Aj| 


•  Le  ms.  n°  io4o  donne  ï]JL]. 

'  Le  même  ms.  n°  io4o  porte  c.yy«JI 


'   Le  ms.  n"  io4o  donne 


MÉDFXINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         401 
^jl»  c3j^-j«JLl  tjjUl  j.am»^  ^yû:>  ^_^-«  5*^^  ^^  ,^^^ 

^U4>^)i  (J^l^^   J^V^  (J^  ^"^    i=^K>aiJî    ^4>5^    «^^XaÂJI    ^   0.A£? 

^^^.tfw-Jî^  jjbj_jLJî^  ^tjU*JL*wi/î  (j^^  i^^;^^  »j^5jsJLi 
AJCjtJLo^  (j*^-*Jî  ^HV-*-J^  j4^^^  5«Xxiî^  j<XAalî  (jbl^i^ 
-^j—j'^î  (ji?Lj;^  (j^  i^\j!L«l  éjji^ju  (^-^^.^  ^^^  *^^'^^.  (j^ 
ti^j  ^-cHk^  «Xm^Jj  *;xJ^  ti  J^^î?  (*^*  (^W^  ^3"^i*^Jî   %-« 

(^^  (jlvyJî^  iJ^j-jUl  <-^Mfc^  ^.x^3 U  jUiA^  XiU  i4^y;Ji^ 
^jyj^J^  5>4*  (i-^^  .WJtÂ^^  c^s2  :>jaJU  ^bpt  (^^  ) 


402  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

«M 

A-^    ^j  Vl  , >   4X.J»^   i\.jsw«  la.)»:.iy>»J   «y^^   ^.^liCLo  »Jla   iC^w&Jl^ 


j.yJt  ^1  J-AJiJl  ji^  i^\y  ^î  J^l  ^^  pU-j  (^.x^  <^j^ 

'   Le  ms.  n°  1069  porte  Lrf-. 

»  La  leçon  dums.  n"  io4o  est:  y    ^t>Jl  ^u-j^-^"  J^  J  ^/^' 

3  Le  ms.  n"  lo/io  porte  ^à-^i?. 
*   Le  tns.  n"  1  o4o  donne  (Jj  j^  • 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         403 
l^Ai  ij^  J.5-  ^î  vl^î  ïjSjJi^  JU^S^I  ^î  ^iilj  ,^iJUw 

^^  ^^\  cU;??  Ctfj  iûsXil^  ^>^î^  v-J^Î^  cri/î 

IM 

'  Le  ms.  n"  loAo  ajoute  ^^^l- 
*  Le  IMS.  n"  io4o  porte  ajc^jc^. 

27. 


404  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 


iu^.^!  ^;2;JLÎÎ  i  iCXjsA-lî  ^-aJ^JL  UfcJ^Uo  ^i  «■ii>S?>Jt  *i 

^^XJaJi  ^î  b!^  «-^  *^  iLj^j,^5s^  ''^^^^  iLÂww^i  ^5-**^^ 
^:>jj^\^  pXm^XÂ  (i^ysl^  ^lLH  ^  jJuJi^  j^*iî  ^^  ëJ>>^ 

^i^î    ^  eJlAJÎ    C->Uil    Uijl   ^Uil^   Rjy^^    (j-yliUîi    ^jj^ 

'   La  leçon  <Ju  ms.  n°  1069  est  ^jâ-^i- . 

^  Les  deux  mss.  n"'  io4o  et  1069  portent  qI^a^UI. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         405 
isjl)^  <J^  lJ>5  U>K  Jb>^  Vj^  ui^^  î^  (i^Xi 

cM^j  j^^  »^y^^  «2>yu»  ^^.^^^  >^\^^  j^î  dum^ 

jlj^pL  Jl^v^î^  c->U5<>Jî  c^b  yt^  ^^JwaJl  Jyuo  *JÎ  cK** 
«X^î  Jvx>  i>^UjiJî^  iowjJî^  U^^^  «^  *r**^^  *^^ 
xJl  (^LwâJ  J^wm.^  ^ud;&  4X^i  (Jl^  ^â31  ^!^  ■f'tJ^^I  (jàxj 


^^^L  »Lûflu«  «>^-*J<J^  ^JSilàf^il5  i>j^î  ^kj^î^  U  ^^ 


406  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

'  Le  ms.  n"  xo4o  ajoute  «*J^. 

'  Le  ms.  n°  1069  porte     v^Li.Jî.  Le  ms.  n°io4o  porte  Ul 
^^.^LoJf  [sic),  sans  doute  pour  JI  j»U  ^f . 
'  Les  mss.  portent  *A=h.y  I. 

*  Le  ms.  n°  1  o4o  ajoute  *U . 

*  La  leçon  du  ms.  n"  lo^o  est  >adj|. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  407 

oc*pi  ^^^  ^^j^i  utj  isç^  ji  iu;5ï y  ^SJo  l^xi 

j-iJ  «XJ»j   :>j|^l  Jît*  ^1  i^X-s-^î  âjl-ca*  ^î  p^A^4  j^U  ^i 
'  Le  ms.  n*  1069  donne    Lbo'jJL. 


408  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 


^jî    U^-X-a)5    t^v-Vft    ii;LwSLfi    J^JJHi    iLj^jJl    Uî^    (^>:?>*'5 

^î  ^  ^Càsî^jj^JL^i  ^IjJaJUL^Î   iot-JlL^Î^L  ji^JOfii 

^ok^  *X,«»^   a-jUsSoi   UûjI  ^jb  S^;-:^  ^^^  J"-^'  j'   uLt*^^ 

'  Le  nis.n"  1069  porte ^jyàLyybfî  le  ms.  n°  1  o4  o  donne  J^«w,|  3^1  f, 
pour  J^t^^f. 

^  La  leçon  du  ins.  n"  lo/io  est  ^,^1  (jL^^f  ydJ]  J  {sic.}\ 
le  ms.  n"  1069  porte  i_^LviJl  en  place  de  (_>Ia^|. 

"^   La  leçon  du  ms.  n"  lo^o  est  Js^«jL. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         409 

j-A-x^  *ilj>j^J  s^=-^  (  J^"^)  J^4  o^**^  -^"^  3^  dlUiL 
l^-&-^  ^^iljj^i   V;-^^  c5*>^^î  cdyT^  :>U»^  -î^:>jls^l 


iC-jt-/o«xJI   ûî^  k*l  aMÎ^  ^y-^3  iûftLw  v.juâ3  jJv3  ^4^* 
^  ^î  jî  c^;-:^  c-^I^^^I   «^  (jlj-icpJ  j-xlaiuj  ^^K^î^ 

iU-^î  _5l^^:^i  ôU^L  Jl.âK^:iiU  ^U^j^ii  U!^  ^5î 

^^  jJLî  jî  J^-M*u«Jt  ^^  j^y^^  ^  ^yaà^  ^^^ouaJÎ  (j^«X^ 

^^  cK^^  Jc»d-  -IjÎ  «^-ôjJî^  4^-5  ^^*^*^-  ^^^ 

^  La  leçon  dums.  11°  io4o  est  vtSÀ^  .yiJI;  celle  chi  ms.  n*  1069 


410  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

yÀhS     dL^M-O    f^y^ y^m    (j[/Àft]j    f^*yjjl^    VXjjJ    CJ>^^j^î  ^j^^ 

j.j^I  *>oj^  ^I  ^Uiî  i^u^\  *λXJL>  ^1  ^UjcJÎ   ^^jUtio 

'  Le  ms.  n°  io4o  porte  yifc.3f. 

'  Le  ms.  n°  iO/4o  donne  QLJf. 

^  La  leçon  du  ms.  n"  10G9  est  c>Jv4- 

*  Les  deux  mss.  portent  (jIla^UIj- 


MÉDECINK  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         411 

«X  -^^  w^    ^Lj-Aiaj^  iLxUI  i3-A^  ^  O^*^^  O^W  iûXà? 

^ÎLc:    L^iX-s»-!  ujUaj  «X-ÂJilï^  *î^^  ^bî^  o^aÂft  ÎJsS^ 


(^  ^t   CX-^îj-Xlft  jî   JojUJI  ^Ijlill?  i^;^^   ioyÏKilj 


Ul^  iSU-^fi?  ^t-^  Â-JI  (çjJ  *-«  yl^^-jutpl  ^1  V^aS  :>;3Jî 

*  Le  ms.  n°  io4o  porte  ï^.Ju»' 

'  Le  ms.  n"  1069  offre  çj^yc^- 
^  Le  ms.  n"  loAo  ajoute  ici  ^^IX  . 
^  Le  même  ms.  ajoute  \Z<ui  f  • 

*  Le  même  ms.  ajoute  ici  c:>L)>^[  [sic). 


412  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 


(j-«  c>uk»<^xU  ^  |*{   t->L«>Jl  JJU^^jwiaJÎ   j»UÏ  ^o^  (J^  *|^-*m 
'   Co  passage  inanqui?  dans  le  ms.  n"  1069. 


MEDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         413 
tLiLxjLÎÎ^  yii^:^^î^  ^^^JL$jÎj  J,s>-jÀ^]^  cyL^A^ft)^!^ 

tj  J^-x-:^^    J.>w»^^  cK^-^  ^<-^^  Jj^:^^^AiÂi.^î   c.Uj^àJI   ^j«Xj 
«^^t-juiàl  v|^~^  A^-«5  ^J^  f»^  cKj^Jtîî  ^^  C:J??*ÎÎ  ti 

*  La  leçon  du  ms.  n"  lo/io  est  L*^  ^-<*^^  tj^  C^^   «^[^  ^  ^f 

'^  Le  ms.  n°  1069  pai'aît  porter  cjft>4^- 
^  Le  ms.  n"  10^0  donne  ijyjuîJf. 


414  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

Ooufcjj  ^^^  <i^  ■^^'^^  (i^^  W^-^'  5j-ioo  gJaj^  ^=?-  ^j 

&Lâ-xJ   L^x^  :>i^  tXd^  J^MjJt^  cu^L  io^.^k>o  ^^^1^ 

Jjljcîî    ^Llt  (j^j  tj.J[^^  UmjJî^  x.»j>^J1j  (j).^^j  #»j  Js^wwjtJî 

*   La  leçon  du  ms.  n"  lO^o  est  cUat^JiJf;  celle  du  ms.  n"  1069, 

ylff. 


A-XJl.^ 


'   Le  ms.  n"  jo4o  porte  >LII  C«L- 

'  La  leçon  du  ms.  n°  io4o  est  juaL»  *^^\- 

*  Le  ms.  n°  lo/io  donne  jOv^U* 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         415 

v^iAAJ  JUX»  -«^î^^     *X*Aw  J«^  (j^^  (j,»«Us:U|  0l2fc.i^  iuJbw* 

^U<[  XK^-  v>-i:s?rj^^  J.i^  J-**^^  î*-^4^  (>^*v:  U*Xj»-1 

^î  i^j    :<*   ^LL^L  ^^j-^5sJLi  (j^LJl      ^j<**j5»^i  (jj^^  ^j^ 

*  Le  ms.n^ioAo  ajoute  ce  qui  suit:  (^_:^«ï[)  [yïw>^f  ^3  *l  CJv^ 
^-«    (jf^JzjJî^f  Cjj^  ^Lo^^î  <AjtX-l[  ^Lo3  ^^^A^f  ^f 

"  Le  même  nis.  n"  io4o  ajoute  ici  :  <^>SZj  (j'^^^- 
'  La  leçon  du  ms.  n°  1069  ®**  U^^î. 

*  Le  nis.  n°  io4o  ajoute  lys^f. 

*  Le  même  ms.  n'  io4o  porte  ^«sâ.yj[,  c'est-à-dire  :  «la  fou- 
gère. » 


416  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

^U:*?  V^  ^.>^^  èLi^jj^A  iULl*^  y^Uô  Uû;.AP^  iouLJl 
(ji    <}<JùLo^  iooy:5ll  ij^5>=^  (j-«  ^^     «-^  J^  aL».'û:w>w^^ 

Lav»^-^^   ^jÎv-A-^Uj  J^ÀAijii^  JsiXij  (^«XÂiû  Lo^  «Xi-j^ 

w 


'  La  leçon  du  ms.  n"  io/io  est  <_>jsa1?, 

^  Le  ms.  n°  io4o  porte  <vXaÀ/nOû. 

"•  Le  ms.  n°  1069  donne  Uutu»  ou  *<1am»*. 

^  Le  même  ms.  n^ioôg  porte  Asic.  [sic). 

^  Le  ms.  n°io4o  ajoute  «ijJî  ^j . 

^  Le  ms.  n"  10/10  ajoute  ^«. 


U 


MÉDECINE  ET  THERAPEUTIQUE  ARABES.         417 


^ji  «^iAûj  iC:^p  >i  f^*^*  u^  ^b^  (j^  <5^  ^^^*  AÎ^«^  «i 

^jlâÂiî  (j^^i  pUt.^  J^*^:>  (J-*  ^'  ^«^^i^J  (j^  ^i  r»>^^  CJ-»  ^^ 
j*,<xi]î^  Jytlî^  Jo^K  4:yt^^ili   tXî   (j^  ^î  (jbUJî  c:>îi 

>LiSï  «^-^loLjJl  j>>-*-î?  r^  J^  y^-&jb  ^^-«^1  (J^-^^ 

If  <\ A i 

TRADUCTION. 


LE    LIVRE   DES    FLAMBEAUX    RESPLENDISSANTS,    AO  SUJET 
DE  LA  MÉDECINE  HUMAINE. 

C'est  l'ouvrage  du  cheïkh  imam ,  et  du  docteur 
magnanime,  le  savant,  le  dévot,  Chihâb  Eddîn  Al- 
kalyoûby  Acchâfi'y.Que  le  Dieu  très-haut  le  recouvre 
de  sa  miséricorde  et  concède  aux  musulmans  une 
part  de  sa  bénédiction  !  Qu'à  cause  de  lui  Dieu  favo- 
rise quiconque  transcrit  ce  livre ,  et  quiconque  le  lit  ! 
Amen.  Que  Dieu  bénisse  notre. maître  Mahomet, 

'  Le  ms.n"  io4o  donne  ^Lyls  , 

VI.  28 


418  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

sa  famille  et  ses  compagnons,  sur  lesquels  soit  le 
salut!  Amen.  Amen. 

Au  nom  du  Dieu  clément  et  miséricordieux,  sur 
qui  repose  toute  ma  confiance.  Louange  à  Dieu, 
qui  a  fait  l'espèce  humaine  la  plus  parfaite  de  toutes 
les  espèces,  qui  fa  distinguée  parla  parole,  l'intel- 
ligence et  la  découverte;  qui  a  voulu  que  la  santé  du 
corps  et  de  l'esprit  de  l'homme  soit  la  cause  de  l'in- 
vention de  choses  utiles.  Bénédiction  et  salut  sur 
notre  maître  Mahomet,  qui  fut  hien  proportionné 
dans  le  corps,  les  qualités  et  le  naturel  ! 

Or,  voici  un  petit  livre  que  chacun  pourra  com- 
prendre, et  sans  avoir  besoin  pour  cela  de  secours 
étrangers.  11  réunit  ce  qui  se  trouve  répandu  dans 
les  autres  traités  sur  ces  matières,  et  dispense  ainsi 
de  recourir  à  ces  derniers.  Que  le  Dieu  suprême 
lui  fasse  atteindre  son  but  sincère,  et  favorise  celui 
qui  désire  tirer  profit  de  cet  ouvrage,  dans  de  bonnes 
intentions!  Certes,  Dieu  est  proche,  puissant  et 
maître  d'exaucer  la  prière  de  celui  qui  l'invoque. 
Cet  écrit  est  divisé  en  une  prélace,  dix  chapitres  et 
une  conclusion. 

PRÉFACE. 

SUR  LA  CONNAISSANCE  DE  LA   MEDECINE 
ET  DE  CE  QDI  S'Y  RATTACHE. 

La  médecine  est  une  science  qui  fait  connaîti^e 
les  états  des  corps,  tant  dans  la  santé  que  dans  la 
maladie.  Son  sujet  est  l'étude  des  corps;  son  but, 
c'est  la  conservation  de  la  santé  et  l'éloignement  des 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  419 
maladies.  Les  recherches  qu  elle  exige  sont  innom- 
brables, et  il  faut  employer  les  plus  grands  soins 
pour  celles  qui  sont  possibles. 

Sachez  donc  que  toutes  les  maladies  sont  le  pro- 
duit dune  altération  du  tempérament,  suite  de  la 
corruption  de  quelqu'une  des  quatre  humeurs  fon- 
damentales qui  par  leur  mélange  le  constituent. 
Les  causes  de  cette  corruption  se  trouvent  dans  le 
mélange  des  aliments  et  des  boissons,  dans  l'almos- 
phère,  les  lieux,  les  professions,  les  saisons,  le  som- 
meil, la  veille,  dans  le  mouvement  et  le  repos, 
aussi  bien  du  corps  que  de  l'esprit ,  dans  ce  qu'on  re- 
tient et  dans  ce  qu'on  rejette.  Le  médecin  étant  bien 
instruit  sur  toutes  ces  choses,  nulle  altération  ne 
peut  survenir  que  par  la  volonté  du  Savant  et  Très- 
Saint.  Or,  l'on  reconnaît  les  affections  par  les  symp- 
tômes, par  l'inspection  du  pouls  et  des  urines.  Mais 
le  Dieu  très-haut  est  le  plus  savant. 

CHAPITRE  PREMIER. 

SUR    LA    CONNAISSANCE    DES    OUIGINES    DES    MALADIES,    DE  CE 
QU'ELLES  PRODUISENT,  DE  CE  QUI   LES  SUIT,  ETC. 

Il  y  a  ici  quatre  paragraphes. 

S  I. 

SUIl  LA  CONNAISSANCE  DES  QUATRE  HUMEURS  FONDAMENTALES  DD  CORPS, 
AU  MOYEN  DU  POULS  OU  DES  URINES. 

Le  pouls  peut  être  grand  et  accéléré ,  ce  qui  est 
le  signe  do  l'humeur  sanguine,  et  ce  qui  prouve  que 

28. 


^20  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

le  sang  est  on  prédominance  sur  les  autres  humeurs. 
I^a  place  du  sang  est  dans  ie  foie,  et  son  origine 
dans  le  soleil  (ou  le  feu).  Si  le  pouls  est  petit  et  ac- 
céléré, cela  indique  la  prédominance  de  la  bile.  La 
place  de  la  bile  est  dans  la  vésicule  du  liel,  et  son 
origine  dans  les  vents  (ou  l'air).  Quand  le  pouls 
est  petit  et  lent,  c'est  là  le  signe  de  l'atrabile.  La 
place  de  celle-ci  est  dans  la  rate,  et  son  origine  est 
dans  la  terre.  Le  pouls  étant  grand  et  lent,  c'est  un 
indice  de  la  pituite,  ou  du  flegme.  Sa  place  est 
dans  le  poumon,  et  son  origine  dans  l'eau.  Lorsque 
le  pouls  tient  le  milieu  entre  ces  différents  états,  cela 
prouve  les  justes  proportions  dans  les  humeurs  du 
corps  de  l'homme,  sa  santé  et  sa  situation  intègre. 
Si  enfin  le  pouls  est  très  petit  et  très-accéléré,  il 
indique  l'épuisement  des  humeurs  et  l'imminence 
de  la  mort. 

Quant  aux  urines,  si  elles  sont  rouges  et  épaisses, 
elles  prouvent  l'excès  du  sang;  si  elles  sont  blanchçs 
et  épaisses,  elles  indiquent  la  pituite;  jaunes  et 
épaisses,  elles  dénotent  l'atrabile;  purement  rouges, 
elles  indiquent  l'inflammation;  jaunes  et  légères, 
elles  prouvent  la  bile;  légères  seulement,  elles  sont 
un  indice  de  la  siccité  du  corps;  vertes,  elles  prou- 
vent la  froideur;  blanches,  elles  prouvent  l'humi- 
dité; si  elles  sont  d'un  jaune  clair,  elles  indiquent 
un  état  de  maladie;  d'un  jaune  tempéré,  à  la  manière 
de  la  couleur  du  cédrat  et  du  petit-lait,  elles  prou- 
vent la  santé  et  l'état  intègre  du  corps;  d'un  rouge 
clair,  elles  indiquent  les  soucis,  le  chagrin  ,  ot  la  dou- 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  421 
leur  du  foie^;  si  elles  sont  fort  puantes,  elles  déno- 
tent la  difficulté  d'uriner;  enfui,  lorsque  les  urines 
varient  beaucoup  de  couleur,  c'est  là  un  signe  de 
mort. 

S  II. 

SUR  LES  MALADIES  QUI  SONT  PRODUITES  PAR  LES  HUMEURS   DU  CORPS. 

D'après  des  recherches  qui  ont  été  faites  avec 
soin  et  persévérance,  on  a  trouvé  que  le  nombre 
des  affections  engendrées  par  les  humeurs  se  monte 
à  trente-cinq  mille.  Nous  allons  mentionner  ici  quel- 
ques-unes des  maladies  produites  par  chacune  des 
humeurs  du  corps. 

Le  sang  donne  lieu  aux  affections  suivantes  :  la 
diminution  de  l'intelligence^,  le  vertige,  la  cépha- 
lalgie au  front,  la  pesanteur  des  yeux,  la  chassie, 
ou  lippitude,  avec  chaleur  et  larmoiement;  i'oph- 
thalmie  des  deux  yeux,  aussi  avec  chaleur  et  lar- 
moiement; les  ulcères  de  la  prunelle  de  fœil,  les 
ulcères  du  nez,  l'affaiblissement  de  la  vue,  le  sai- 
gnement de  nez,  les  pustules  des  paupières,  la  dou- 
leur des  oreilles,  accompagnée  de  chaleur;  les  taches 
rousses  de  la  face  ou  lentigo;  l'érosion  des  gen- 
cives, le  ramollissement  des  dents,  les  pustules  de 
la  bouche,  accompagnées  d'humidité,  de  chaleur, 
et  d'une  saveur  douce;  la  raucité  de  la  voix,  fes- 
quinancie,  le  gonflement  de  la  veine  jugulaire  ex- 

'  Le  manuscrit  n°   io4o  ajoute:   la  teinte  grise  des  urines  est 
un  signe  de  fièvre;  la  couleur  de  safran  est  un  signe  de  bile. 
*  Mot  à  mot  :  l'affiubiissemcnt  de  la  tête. 


422  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

terne,  la  toux  humide,  les  écrouelles,  la  peste,  ap- 
pelée (en  Egypte)  coabbah,  ou  bubon;  la  lèpre 
tuberculeuse,  la  variole,  la  rougeole,  le  prurigo, 
les  furoncles,  les  ulcères,  les  clous  nombreux,  le 
charbon  ou  anthrax^,  la  pleurésie,  la  ménorrha- 
gie,  le  cours  de  ventre  et  les  vers  intestinaux,  la 
pustule  maligne,  la  folie,  et  les  fièvres  continues. 

Les  maladies  occasionnées  par  la  bile  sont  :  fin- 
llammation  de  la  tête,  le  vertige,  la  douleur  dans 
le  sommet  de  la  tête  ou  sinciput,  la  cataracte 
blanche  ^,  la  sécheresse  du  nez,  l'air  chaud  des 
oreilles,  les  grandes  taches  brunes  du  visage,  l'amer- 
tume et  la  sécheresse  de  la  salive,  les  pustules 
chaudes  de  la  bouche,  l'âpreté  ainsi  que  la  séche- 
resse du  gosier;  l'inflammation  de  l'estomac,  la 
soif,  la  dureté  de  l'hypochondre  droit,  les  ulcères 
secs,  la  cataracte  jaune ^,  la  colique,  finflammation 
de  la  vessie,  la  léontiasis^,  la  gangrène,  la  difficulté 
d'uriner  ou  dysurie,  les  calculs,  ou  pierres  dans 
la  vessie  et  les  reins;  les  papules  ou  petit  boutons; 
les  verrues,  les  gerçures  des  pieds  pendant  fêté, 
fahénation  mentale,  et  la  fièvre  tierce. 

L'atrabile  produit  les  affections  qui  suivent  :  les 

'   Littéralement  :  le  Jeu  persan.  On  l'appelle  aussi  le  Jeu  sacrée  et 
quelquefois  il  sert  ù  désigner  une  sorte  (rérésipèlc. 

*  Mot  à  mot  :  l'eau  blanche  dans  l'œil.  Cela  indique  une  des  variétés 
de  la  cataracte,  ou  la  cataracte  blanche. 

^  C'est  une  autre  variété  de  ia  cataracte.  Littéralement  :   l'eau 
jaune. 

*  C'est  l'éléphanliasis  des  Grecs,  ayant  son  siégo  h  la  face.  A  la 
lettre  :  la  maladie  du  lion. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  423 
dartres  dans  la  tête  et  dans  le  corps,  la  céphalalgie, 
la  migraine,  le  vertige,  l'air  du  nez  \  l'astlinje,  le 
vomissement  violent,  l'indigestion,  rcmphysème, 
la  syncope,  les  palpitations  du  cœm%  l'insomnie, 
la  folie  taciturne,  la  fréquence  de  la  respiration,  la 
dureté  de  la  rate,  les  calculs  rénaux,  la  difficulté 
d'uriner,  la  colique,  (la  douleur  dans)  la  région  hy- 
pochondriaque,  les  vers  (qui  ressemblent  aux  se- 
mences) des  courges,  ou  les  ascarides;  la  goutte 
ou  névralgie  sciatique;  l'impuissance,  les  crevasses 
des  pieds ,  la  petite  vérole ,  le  tremblement ,  la  goutte , 
(podagre  ou  arthrite),  sans  enflure;  la  calvitie^, 
l'enflure  ou  tumeur;  les  hémorrhoïdes,  les  furoncles 
secs,  la  sécheresse  des  tendons,  la  douleur  du  dos, 
la  froideur  des  reins,  la  douleur  des  conduits  dé- 
férents, dans  les  testicules,  etc. 

Les  maladies  engendrées  par  la  pituite  sont  :  le 
vertige,  la  migraine  dans  le  côté  droit,  la  sensation 
de  poussière  dans  l'œil ,  l'ophthalmie  humide  et 
sans  rougeur,  la  lippitude,  aussi  sans  rougeur;  le 
rhume  de  cerveau,  la  douleur  d'oreilles,  et  la  du- 
reté de  l'ouïe,  la  douleur  et  la  carie  des  dents, 
ainsi  que  leur  agacement,  l'embarras  de  la  langue, 
la  pesanteur  des  membres,  la  difficulté  de  parler, 
la  toux  humide,  la  dyspnée,  les  palpitations,  l'hal- 
lucination, la  folie  taciturne,  l'insomnie,  les  dou- 

'  Le  manuscrit  n°  lodo  ajoute  :  i'eau  noire  dans  l'œil  (autre 
vari(?té  de  cataracte,  ou  cataracte  noire),  le  bruit  et  le  tintement 
dans  les  oreilles,  la  toux  sèche. 

■^  Littéralement,  la  maladie  du  serpent ,  ou  opliiasis.  C'est  une  es- 
pace d'alopécie. 


424  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

leurs  aiguës  de  l'estomac,  avec  abcès  et  petits  vers; 
le  cours  de  ventre,  la  petite  vérole,  le  tremble- 
ment des  yeux,  la  contorsion  du  visage,  l'hémi- 
plégie, le  relâchement  des  tendons,  le  lichen  noir, 
l'alopécie,  la  chute  des  cheveux,  l'enflure,  l'abon- 
dance des  poux,  la  grande  sueur,  le  gonflement  des 
pieds,  et  la  fièvre  accompagnée  de  frissons. 

Remarque  utile. 

L'expérience  a  prouvé  que  l'électuaire  ci-dessous 
est  avantageux  dans  toutes  les  maladies  et  toutes  les 
douleurs  du  corps,  tant  externes  qu'internes,  depuis 
la  tête  jusqu'aux  pieds,  et  qu'on  peut  l'employer 
en  tout  temps.  La  dose  est  de  deux  à  six  gros  (de 
huit  à  vingt-quatre  grammes  environ),  suivant  l'état 
des  forces. 

On  le  prépare  avec  les  drogues  qui  suivent  :  le 
spicanard,  ou  lavande  indienne  ^;  le  mastic  ^,  le 
safran,  l'antispode,  ou  spode  des  Arabes^;  la  can- 
nelle [Winterania  cannella),  le  jonc  odorant^,  l'asa- 
rum  ou  asaret^,  le  costus  doux  ^,  l'aigremoine  ou 
eupatoire"^;  la  garance,  la  laque  purifiée^,  la  graine 

*  Andropogon  nardus. 

*  Résine  tirée  du  terehinthus  lentiscus,  etc. 

'  Spodium,  ou  cendres  du  roseau  des  Indes;  cendres  de  canne, 
sucre  pétrifié,  etc.  On  a  dit  aussi  iabaschir  et  tabaxir. 

*  Andropogon  shœnanllius. 

^  C'est  le  nard  sauvage;  on  l'appelle  aussi  oreillette,  cabaret,  etc. 

*  Appelé  aussi  costus  indien. 
^  Agrimonia  eupatoria. 

"  C'est-à-dire,  fondue  et  coulée.  La  laque  est  une  substance  rési- 
neuse, qui  exsude  de  plusieurs  arbres  des  Indes. 


MÉDECINE  ET  THERAPEUTIQUE  ARABES.  425 
de  Paradis  (amomam  granum  paradisi),  les  clous  de 
girofle,  le  bois  d'aloès,  le  carpobalsamum  \  la  rhu- 
barbe, la  graine  de  la  cuscute  ou  barbe-de-moine, 
la  graine  de  céleri,  et  la  graine  de  chicorée;  parties 
égales  de  toutes  ces  substances.  De  plus,  feuilles 
de  roses  sèches,  comme  le  poids  total  de  la  masse. 
On  pulvérisera  le  tout,  et  on  le  pétrira  avec  le  triple 
de  miel  écume.  Dieu  est  celui  qui  guérit! 

S III. 

SUR  CE  QUI  EST  AVANTAGEUX,  EN  GENERAL,  CONTRE  CHACUNE 
DES  HUMEURS  DU  CORPS. 

Quant  au  sang,  on  lui  donne  issue  au  moyen  de 
la  saignée,  ou  de  la  purgation  par  la  garance,  l'hy- 
dromel^, et  le  mézéréon^.  On  le  rafraîchit,  comme 
l'expérience  le  prouve,  au  moyen  de  la  moelle  du 
palmier,  ainsi  que  par  l'emploi  des  jujubes^,  de  la 
laitue,  du  pourpier,  et  de  la  morelle. 

La  bile  est  évacuée  par  la  violette ,  la  scammonée , 
appelée  màhmoûdah  ^  l'asfar  ^,  l'eau  de  liseron  ou 

'  Fruit  du  baisamier  de  la  Mecque,  amyris  opohalsamum. 

*  Les  deux  manuscrits  portent  JLoU«^f    et   (jLo>«<yf;  mais  ia 

vraie  leçon  est  sans  doute  (JX^^^^^3]  ^  du  grec  vSpàfieh. 

^  C'est  le  bois  gentil,  ou  la  lauréole  femelle.  Daphne  mezereum, 
daphne  oleoides,  (jarou,  etc. 

*  Zizyphus  sadviis,  zizjpha  rubra,  etc. 

^  C'est-à-dire  substance  dlfjne  de  louange.  Il  s'agit  du  convohulas 
scammonia. 

^  Ou  jaune.  C'est,  dit-on ,  une  herbe  laxative,  qui  ressemble  à  la 
laitue,  et  qui  croît  dans  les  rivages  sablonneux.  Mais  je  pense  qu'ici 


426  OCTOBRE-NOVEMBRE  1805. 

liset  \  et  les  pommes  grenades  avec  leur  pulpe.  Elle 
est  rafraîchie  par  l'orge,  la  chicorée  et  la  laitue; 
elle  est  adoucie  par  la  manne,  l'eau  des  fruits,  le 
tamarin  et  les  prunes;  elle  est  domptée  par  toutes 
les  substances  acides  et  astringentes. 

On  expulse  l'atrabile  parla  purgation ,  au  moyen  du 
myrobalan  chébale,  du  lapis-iazuli,  de  Tépithyme, 
de  l'agaric,  du  polypode^,  du  séné,  et  de  la  lavande 
nommée  stéchas  [lavandala  stœchas).  On  l'adoucit 
par  l'usage  du  myrobalan  emblic^,  de  l'asarum,  du 
carpobalsamum ,  des  séhestes  \  des  figues,  de  la 
cannelle  et  du  sucre.  On  la  calme  à  l'instant  par 
l'emploi  de  l'eau  de  menthe. 

La  pituite  est  chassée  au  moyen  de  la  purgation , 
par  la  pulpe  de  coloquinte,  k  moelle  du  safran 
bâtard,  ou  carthame;  les  graines  des  orties,  le  col- 
chique, l'agaric,  et  le  turbith  végétal  ^.  Elle  est 
adoucie  par  les  graines  de  l'indigo ,  la  scille  et  l'hy- 
dromel, ou  eau  miellée.  Elle  est  supprimée  parle 
costus  des  i\rabes,  le  bois  d'aloès  et  la  graine  de  Pa- 
radis. 

Les    trois    humeurs    ci-dessus    nommées    (bile, 

^^-^f  est  employé  pour  ^Â*tf^f  JyJU>^l  et  signifie,  par  conséquent, 
le  myrobalan  jaune,  ou  citrin. 

'   Cotivolvulus f  convolvuUis  arveiisis. 

*  Les  deux  manuscrits  donnent  ^isU:  et  ^U.*w;  mais  je  ne  doute 
pas  que  la  bonne  leçon  ne  soit  ^^JLmj. 

■*   Vhyllanthus  emhiica,  cmblica. 

*  Petites  prunes,  ou  drupes  noirâtres  du  sébestrier;  cordia  sehes- 
tenUf  cordia  mixa. 

■'  ConvolvuUis  turpelhuin.  C'est  une  plante  du  genre  liseron. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  427 
atrabile  et  flegme)  sont  dominées  par  l'aloès,  les 
graines  de  l'indigo,  le  laurier,  le  concombre  sau- 
vage \  l'amidon,  la  centaurée,  l'euphorbe  pitbyuse, 
l'ellébore^,  la  matricaire,  elle  sel  gemme  très-blanc, 
ou  sel  dârâny. 

Il  faut  bien  savoir  que  débarrasser  le  corps  par 
un  purgatif  ou  quelque  chose  d'analogue,  c'est  aider 
les  médicaments  à  produire  l'effet  que  l'on  a  en 
vue.  Par  conséquent,  il  convient  de  commencer  par 
la  purgalion.  Un  médecin  a  dit  à  ce  propos  :  «  Le 
sang  est  un  esclave  qu'on  ne  saurait  dominer,  et  qui 
souvent  tue  son  maître;  la  bile  est  un  chien  qui 
mord  sa  thériaque  ^;  l'atrabile  est  une  terre  qui, 
chaque  fois  qu'elle  est  remuée,  tout  ce  qui  est  sur 
elle  se  met  en  mouvement;  la  pituite  est  un  roi, 
un  chef  :  toutes  les  fois  qu'on  lui  ferme  une  porte , 
il  en  ouvre  une  autre.  » 

L'humeur  sanguine  est  chaude  et  humide;  Thu- 
meur  biliaire  est  chaude  et  sèche;  l'humeur  atrabi- 
laire est  froide  et  sèche  ;  l'humeur  pituitaire  est 
froide  et  humide.  Chacune  de  ces  humeurs  doit 
être  traitée  par  les  moyens  qui  sont  en  opposition 
avec  elle,  soit  dans  ses  deux  qualités  ensemble,  soit 
dans  une  seule. 

La  règle  sur  les  propriétés  des  médicaments  s'ap- 

« 

'   Momordica  claterium. 

^  L'un  (les  deux  manuscrits  donne  ^j'^-M-t  et  l'autre  ,*J>=^  ;  mais 
il  est  probable  que  la  bonne  leçon  est  /aJ-J^- 

^  C'est-à-dire,  qui  rend  inefficace  le  meilleur  médicament  qu'on 
dirige  contre  elle.  De  là  la  nécessité  de  l'évacuer. 


428  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

prend  par  leur  saveur.  Ainsi,  tout  ce  qui  est  doux 
est  modérément  chaud  et  humide;  tout  ce  qui  est 
amer,  acre,  est  chaud  et  sec,  mais  avec  prédomi- 
nance de  la  chaleur;  tout  ce  qui  est  salé  est  aussi 
chaud  et  sec,  mais  avec  prédominance  de  la  séche- 
resse; tout  ce  qui  offre  un  mélange  de  doux  et 
d'acide  (aigre-doux)  est  également  chaud  et  sec, 
mais  avec  prédominance  de  chaleur  ^.  Ce  qui  est 
gras  est  modérément  froid  et  humide;  ce  qui  est 
fade,  c est-à-dire  où  ne  domine  aucune  des  saveurs 
ci-dessus  mentionnées,  est  humide,  s'il  s'agit  d'une 
substance  liquide;  sinon,  il  est  sec,  à  l'exemple  du 
fromage.  Tout  ce  qui  a  un  goût  agréable  est  tem- 
péré. Les  graines,  les  semences,  et  les  écorces, 
suivent  la  nature  de  leur  origine;  toutefois,  avec 
une  tendance  à  la  chaleur  et  à  la  siccité.  Mais  celles 
qui  ne  sont  pas  en  bon  état  donnent  lieu  à  beau- 
coup de  flatuosités,  elles  se  corrompent,  et  laissent 
après  elles  d'abondants  résidus.  Au  contraire,  tout 
ce  qui  est  frit  offre  des  effets  opposés,  mais  cela 
est  de  difficile  digestion.  Ce  qui  est  bien  broyé  pé- 
nètre plus  vite  dans  le  corps. 

La  chair  de  tout  animal  est  mauvaise  dans  son 
âge  tendre,  comme  dans  son  extrême  vieillesse; 
elle  est  excellente  dans  sa  croissance,  et  médiocre 
dans  sa  maturité.  Le  mâle  est  toujours  meilleur  que 
la  femelle.  Il  faut  préférer  l'animal  gras,   et  celui 

'  Le  manuscrit  n"  lo/io  ajoute  :  tout  ce  qui  est  acide,  ou  d'une 
saveur  fraîche,  agréable,  est  froid  et  sec,  mais  avec  prédominance 
de  la  sécheresse. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  429 
de  petite  taille.  F^^es  meilleures  parties  sont  :  d'abord 
celles  du  devant,  puis  celles  des  côtés,  en  donnant 
la  préférence  au  côté  droit  sur  le  gauche;  ensuite 
les  parties  internes  des  membres,  puis  les  parties 
voisines  du  dos,  et  enfin  celles  qui  adhèrent  aux  os. 
Quant  aux  oiseaux  en  particulier,  les  oiseaux  domes- 
tiques, ou  apprivoisés,  sont  préférables;  viennent 
ensuite  ceux  qui  sont  sauvages.  Leurs  ailes  sont  les 
meilleurs  morceaux ,  et  après  cela  vient  la  poitrine. 
Pour  les  poissons,  ceux  qui  ont  la  chair  ferme  et 
qui  ne  sont  pas  trop  maigres  sont  les  meilleurs.  On 
préfère  les  poissons  petits,  puis  ceux  d'eau  douce, 
ensuite  ceux  qui  sont  d'un  gris  rougeâtre,  et  enfin 
ceux  de  la  mer.  Leur  moitié  postérieure  est  la  plus 
recherchée.  Toutes  les  parties  molles  sont  de  la 
nature  de  l'animal  qui  les  renferme.  Tous  les  fruits, 
abondants  en  principes  aqueux,  sont  plus  humides 
ou  plus  fi:'oids,  suivant  ce  qui  a  été  dit  plus  haut. 

S  IV. 

QUELS  SONT  LES  ALIMENTS,  SOLIDES  ET  LIQUIDES,  QUI  CONVIENNENT  À 
CHACUNE  DES  QUATRE  HUMEURS  CARDINALES  DU  CORPS,  POUR  LE 
MANGER  ET  POUR  LE  BOIRE. 

L'humeur  sanguine  se  trouve  bien  de  l'emploi 
des  aliments  qui  suivent:  la  viande  des  veaux  gras, 
celle  des  chevreaux,  ou  celle  des  alouettes,  les  jeunes 
pigeons,  et  les  moineaux.  Puis  les  mets  aux  lentilles, 
ou  aux  navets,  ou  aux  concombres,  ou  au  sumac, 
avec  de  l'huile  d'olive  et  du  sel.  Ou  bien  :  les  plats 
au  riz ,  avec  un  peu  de  châtaignes,  les  pommes  gre- 


430  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

nades,  le  biscuit,  et  le  pain,  sans  aucune  graisse. 
Il  faut  unir  à  ces  substances  quelque  chose  d'acide, 
comme  le  vinaigre,  ou  le  verjus,  ou  autre  in- 
grédient analogue.  Voici  les  boissons  et  les  fruits 
qui  conviennent  à  l'humeur  sanguine  :  le  lait  aigre, 
le  suc  de  coings,  ou  de  grenades,  ou  de  tamarin, 
les  poires,  la  pulpe  de  palmier,  etc. 

Les  aliments  qui  conviennent  à  l'humeur  biliaire 
sont:  la  viande  de  chevreau,  les  poissons  frais,  la 
bouillie,  faite  au  lait  ou  au  froment,  les  lentilles, 
les  courges,  le  légume,  ou  haricot,  appelé  mâch^, 
avec  addition  de  graisse.  Ensuite  les  plats  de  chi- 
corée, ou  de  pourpier,  ou  de  l'espèce  de  gelée  à 
l'amidon,  à  l'eau,  au  miel,  etc.  ou  d'amandes 
unies  à  une  petite  quantité  de  sucre  ou  de  graisse. 
Quant  aux  boissons  :  le  lait  aigre  récent,  bien  que 
non  écrémé,  l'infusion  de  tamarin,  de  prunes,  etc. 
Pour  les  fruits  :  la  banane,  la  canne  à  sucre,  la  pulpe 
du  cédrat,  le  concombre,  la  rave,  le  melon,  la 
pomme,  etc. 

L'humeur  atrabilaire  demande,  en  fait  d'ali- 
ments :  les  moutons  gras,  les  pigeonneaux  rôtis,  la 
bouillie  épaisse  de  dattes,  les  jaunes  d'oeufs  avec  la 
graisse  de  bœuf,  la  noix  d'Inde  avec  le  sucre  rouge, 
ou  cassonade;  ou  bien  avec  le  raisiné,  etc.  Pour  les 
boissons  :  le  vin  de  dattes,  ou  de  raisins  secs  privés 
des  pépins,  etc.  En  fait  de  fruits  :  la  canne  (à  sucre), 
le  cédrat,  la  pomme  de  pin,  la  pislache,  la  figue, 

•    Pha<;colus  muncjo. 


MÉDECINE  ET  THERAPEUTIQUE  ARABES.  431 
les  grenades  lisses,  les  poireaux,  les  radis,  roi- 
gnon,  etc. 

Enfin  l'humeur  pituitaire  exige  pour  aliments  : 
les  moutons  gras  rôtis,  avec  addition  de  la  graine 
de  sénevé,  ou  de  poivre,  ou  de  carvi  \  le  pain  au 
miel,  le  fromage  vieux  avec  l'huile,  ou  le  fromage 
piquant  et  gras,  l'ail  frais,  la  roquette^,  les  noix, 
les  dattes ,  et  les  carottes.  Pour  boissons  :  l'eau  sucrée , 
l'infusion  de  girofles,  de  cannelle,  etc.  Pour  fruits: 
les  raisins  secs,  les  dattes,  etc. 

Eludiez  avec  soin  les  matières  traitées  dans  ce 
chapitre,  car  l'on  trouve  rarement  dans  les  autres 
ouvrages  des  considérations  de  cette  même  nature. 
Le  Dieu  très-haut  est  le  plus  savant,  et  c'est  lui 
qui  inspire  le  bien. 

CHAPITRE  DEUXIÈME. 

SUR  LES  MALADIES  DE  LA  TÊTE. 

Ce  chapitre  est  divisé  en  cinq  paragraphes. 
SI. 

SUR  CE  QUI  EST    UTILE,   D'UNE    MANIÈRE  GÉNÉRALE,  CONTRE  LES   MAUX 
DE  LA  TÊTE,  SOIT  LA  CÉPHALALGIE,  OU  UNE  AUTRE  AFFECTION. 

Maladies  de  la  tête. 

Les  maladies  de  la  tête,  soit  chaudes,  soit  froides, 
sont  combattues  généralement  avec  efficacité  par 
l'emploi  d'un  mithkâl  (  un  gros  et  demi  ou  six  grammes) 

'   Cariim  carvi,  ou  cumin  des  prés, 
^  Brassica  eruca;  eruca  saliva. 


432  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

de  graine  de  henné \  avec  trois  onces  deau  et  de 
miel;  ou  bien,  en  prenant  pour  boisson  l'eau  des 
fleurs  de  pommes,  ou  de  poires,  ou  de  coings,  ou 
en  introduisant  dans  le  nez  le  fiel  d'ours,  ou  le  fiel 
de  pélican,  mêlés  avec  le  suc  delà  poirée,  ou  bette. 
On  peut  aussi  prendre  de  l'aloès  socotrin  ,  du  borax 
rouge  d'Arménie^,  de  la  nigelle ,  ou  herbe  aux  épices; 
de  chacune  de  ces  substances  deux  gros.  On  les 
pulvérisera;  puis,  au  moyen  d'un  gros  de  vieille 
huile  d'olive,  on  en  fera  une  pâte,  à  servir  comme 
errhin,  c'est-à-dire  médicament  destiné  à  être 
introduit  dans  les  narines.  Son  emploi  durera 
trois  jours,  soit   au  commencement  ou  à  la  fin  du 


Céphalalgie. 

Si  la  céphalalgie  est  le  produit  de  la  cbaleur,  alors 
sont  utiles  les  réfrigérants  qui  suivent  :  les  prunes, 
les  jujubes,  pour  manger;  l'oxymei  uni  à  l'eau  de 
pourpier,  pour  boire  ;  un  gros  et  demi  de  henné ,  ou 
de  ses  fleurs,  avec  du  miel,  en  boisson,  ou  bien 
avec  du  vinaigre,  en  application  froide,  ou  épithème; 
ou  avec  de  l'eau  de  roses,  pour  flairer,  ou  avec  des 
roses  pulvérisées,  en  épithème,  ou  pour  flairer; 
l'huile  des  semences  de  courges,  pour  flairer,  ou 
pour  introduire   dans  le  nez,  ou  pour  être  appli- 

'  Hinnâ.  Lawsonia  inermis. 

^  Nitre  rouge  d'Arménie,  sorte  de  nalron,  ou  azotate  de  potasse. 
'  H  s'agit  ici  de  mois  lunaires,  et  l'auteur  veut  sans  doute  éviter 
l'emploi  do  ce  médicament  lors  de  la  pleine  iuno. 


MKDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  433 
quée  en  topique  ou  épithème;  l'huile  de  violette, 
pour  flairer,  ou  comme  errhin,  ou  en  topique,  ou 
pom'  boire-,  le  suc  de  la  moreile  noire,  Teau  de 
courges,  le  suc  ou  le  sirop  de  citron ,  en  applications 
froides;  le  cubèbe  indien  et  les  noyaux  de  pêches, 
unis  avec  Teau  de  roses,  en  frictions  sur  le  front; 
l'eau  de  roses,  l'eau  de  coriandre  verte  et  l'huile 
d'amande,  le  tout  en  friction,  comme  il  a  été  expé- 
rimenté; f huile  de  roses,  ou  l'huile  de  myrte,  aussi 
en  friction,  spécialement  avec  l'opium,  car  celui-ci 
délivre  du  mal  de  tête  mortel. 

Au  contraire,  si  la  céphalalgie  est  le  produit  du 
froid,  on  emploiera  :  î'oxymel  et  l'épithyme,  avec 
le  lait  des  fleurs  mâles  du  palmier,  en  boisson;  cinq 
carats  (vingt  grains  ou  un  gramme)  de  perles  pul- 
vérisées unies  à  feau  de  serpolet,  également  en 
boisson;  le  breuvage  à  fbydromel  avec  un  demi- 
gros  d'agaric.  On  appliquera  comme  topiques  :  le 
fiel  de  la  chèvre ,  les  amandes  a  mères ,  ou  leur  huile , 
les  cendres  des  poils  humains,  ou  des  poils  des  bre- 
bis, la  rue  sauvage,  ou  harmale;  le  poivre,  la  ca- 
momille et  le  serpolet;  toutes  ces  substances  étant 
unies  au  vinaigre.  Et  l'on  fera  usage ,  pour  onction , 
des  huiles  chaudes,  telles  que  l'huile  de  camomille 
et  celle  de  costus. 

Lorsque  la  céphalalgie  est  associée  à  la  douleur 
d'estomac ,  on  emploiera  à  l'intérieur  :  les  coings ,  les 
poires,  le  sirop  de  jujubes,  les  prunes,  les  grenades, 
les  mûres,  le  myrte,  etc.  On  oindra  l'estomac  et  la 
tête  avec  fhuile  tiède  de  roses  ou  de  myrte.  L'on 

VI.  29 


434  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

peut  aussi  appliquer  sur  la  tête  :  les  roses,  le  sandal , 
l'acacia,  ou  le  suc  de  son  fruit;  le  cate,  ou  suc  du 
lyciuïn\  et  la  terre  sigillée,  avec  les  roses  ou  l'eau 
de  myrte,  de  vigne  ou  de  fleurs  de  palmier. 

Dans  les  cas  où  la  céphalalgie  est  produite  par 
l'ardeur  du  soleil  ou  par  la  fumée,  l'on  doit  oindre 
la  tête  avec  l'huile  d'amandes  ou  de  roses,  avec 
addition  de  vinaigre.  Il  sera  utile  de  flairer  les  roses, 
ou  les  fleurs  de  courges.  L'expérience  a  prouvé  que 
celui  qui  flaire  souvent  la  marjolaine  n'a  jamais  de 
mal  de  tête. 

Il  est  bon  de  noter  que,  lorsque  la  céphalalgie  a 
lieu  dans  le  côté  droit  de  la  tête,  elle  provient  de 
chaleur  aux  reins.  Alors  on  doit  introduire  dans  les 
narines  fhuile  de  violettes,  avec  de  l'opium.  Si,  au 
contraire,  elle  a  lieu  dans  le  côté  gauche,  elle  pro- 
vient de  froid.  On  introduira  dans  les  narines  fhuile 
de  roses,  etc.  Si  c'est  dans  le  sommet  de  la  tête,  on 
emploiera ,  comme  errhin ,  f  huile  d'amandes  douces, 
avec  le  sucre,  ou  l'aneth^.  Quand  c'est  au  front,  il 
sera  utile  de  boire  la  décoction  d'orge  sucrée.  Si  la 
céphalalgie  se  fixe  du  côté  du  gosier,  on  mâchera  la 
nielle  ou  nigelle.  Si  elle  est  accompagnée  de  bruits 
dans  la  tête,  l'on  introduira  dans  les  narines  de 
l'huile,  dans  laquelle  aura  bouilli  du  lait.  Si  elle  est 
associée  à  de  la  sécheresse  dans  les  cartilages  du 
nez,    ou  les  fosses    nasales,  on  emploiera  comme 


'   Rhainnus  infectorius. 

'■^  Anetluim:  anethumjœniciilum. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  435 
orrhin  deux  dâniks^  de  strutbium,  ou  saponaire^. 
Si  elle  a  lieu  après  de  la  somnolence,  on  appli- 
quera sur  les  tempes  de  l'écorce  de  grenade,  ré- 
duite en  pâte  au  moyen  de  l'eau  de  radis.  Enfin  si 
elle  se  manifeste  de  temps  en  temps,  on  doit  faire 
en  sorte  de  dormir  beaucoup. 

Migraine. 

La  migraine  est  analogue  à  la  céphalalgie  qui  est 
bornée  à  lune  des  moitiés  de  la  tète.  Seulement 
elle  est  plus  douloureuse,  et  les  souffrances  qu'elle 
occasionne  s'étendent  jusqu'à  ToeiL  Quand  la  mi- 
graine est  froide  on  mettra  en  usage  :  le  musc  et 
l'huile  d'abricot  à  l'amande  amère,  n'importe  le 
mode  d'emploi;  la  rose  musquée^,  le  jasmin*  et  le 
safran,  pour  flairer,  ou  comme  topique;  le  sésame 
avec  son  écorce,  et  l'encre  à  écrire  (d'Orient),  en  to- 
pique. Si  la  migraine  est  chaude,  alors  on  emploiera  : 
la  viande  de   bœuf  pour  nourriture,  et  le  tamarin 

^  Le  dânik  contient  trois  carats,  c'est-à-dire  douze  grains,  on 
soixante  centigrammes. 

^  Gypsophila  struthiam.  Saponaire  à  petites  fleurs  blanches ,  pas- 

j 

serine ,  etc.  Le  terme  arabe  est  ^(>3o  synonyme  de  ,  *«LksJl  .J^  , 
ou  herbe  à  éternuer.  AclueHement,  en  Egypte,  le  mot  j*)<>JO  dé- 
signe l'achiUée  ptarmique  [achiliea  ptarrnica),  et  en  Algérie  l'ellé- 
bore. Du  reste,  pareil  fait  arrive  pour  plusieurs  autres  plantes,  etc. 
J'avertis,  à  ce  propos,  que  j'ai  donné  généralement  la  dénomination 
adoptée  par  M.  le  D"^  Sontheimer,  dans  sa  traduction  allemande  de 
l'ouvrage  d'Ibn  Baïthàr. 

^  Rose  pâle,  ou  rosa  canina. 

'  Jasmin  d'Arabie,  ou  sanibac. 

29. 


436  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

en  boisson.  On  pourra  aussi  boire  l'eau  de  morelle 
noire,  de  pourpier,  etc.  ou  s'en  servir  en  applica- 
tions froides. 

§  II.       . 

SUR  LES  RHUMES  OU  LES  CATARRHES. 

Catarrhes. 

Ce  sont  là  des  affections  générales,  et  si  on  les 
mentionne  à  l'occasion  des  maladies  de  la  tête, 
c'est  qu'elles  sont  le  plus  fréquentes  dans  ces  cas. 
En  Egypte  elles  sont  nommées  alhaoaâdir,  ou  les 
fluxions.  Sont  utiles  dans  ces  maladies,  et  d'une  ma- 
nière générale  :  la  camomille,  qui  les  chasse  de  la 
tête,  du  corps  et  des  os  *;  il  en  est  de  même  de  l'a- 
rille,  ou  du  macis,  et  du  pouliot-,  l'onction  avec  de 
l'huile,  dans  laquelle  on  a  fait  frire  les  grains  du 
café,  jusqu'à  ce  qu'il  soit  brûlé  ou  tori'éfié. 

Les  catarrhes  chauds  demandent  les  remèdes  sui- 
vants :  le  pavot  à  l'intérieur,  ainsi  que  l'eau  d'orge 
et  l'infusion  de  tamarin,  pour  boisson;  la  noix  de 
galle,  laneth  odorant  ou  puant^,  la  coriandre,  le 
myrte,  le  sandal ,  l'acacia,  comme  épilhème,  em- 
brocation  et  friction;  le  sucre  solaïmâny,  ou  très- 
pur,  pour  respirer  par  les  narines,  étant  uni  préa- 
lablement au  suc  de  l'orange  ou  du  cédrat. 

Les  catarrhes  froids  sont  traités  par  les  substances 

^  L'auteur  veut  probablement  parler  des  cas  dans  lesquels  ces 
maladies  sont  ou  deviennent  des  rhumatismes. 
^'Anetlmm  (jraveoleiis. 


MÉDli:CINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  437 
qui  suivent  :  les  noisettes  unies  au  poivre,  le  chou 
ordinaire  uni  au  sucre,  pour  manger,  et  l'emploi 
des  liiera^;  la  nigelle,  le  cumin,  l'ail  et  le  séné,  en 
aspiration  par  les  narines,  avec  de  l'eau,  ou  en  onc- 
tion avec  leurs  huiles  préparées. 

En  outre,  tout  ce  que  Ton  dira  à  propos  du  co- 
ryza ou  rhume  de  cerveau  est  utile  ici.  Pour  dis- 
siper, en  général,  les  gonflements  dans  les  catarrhes , 
on  fera  usage  dos  frictions  avec  l'eau  de  coriandre 
unie  à  l'huile  d'amandes;  ou  bien  on  appliquera  sur 
la  partie  enflée  la  farine  d'orge  ou  l'écorce  de  pa- 
vot unies  au  vinaigre.  L'on  pourra  boire  aussi  le 
henné  avec  le  miel,  comme  il  a  été  dit  ci-dessus. 


S III. 

SLR  L'HÉMIPLÉGIE,  L'OUBLI  OC  PERTE  DE  LA  MÉMOIRE,  LA  LÉTHARGIE, 
L'APOPLEXIE,  LE  DELIRE,  LE  VERTIGE,  L'ENGOURDISSEMENT  DES 
MEMBRES,  L'INCUBE  OU  CAUCHEMAR   ET  LE    TREMBLEMENT. 

Hémiplégie,  perte  de  la  mémoire,  etc. 

Toutes  ces  affections  sont  le  produit  de  l'humidité 
et  du  froid.  Elles  sont  traitées  d'une  manière  géné- 
rale par  tout  ce  qui  est  chaud  et  humide ,  ou  chaud 
et  sec.  Par  exemple,  en  nourriture  :  la  tête  de  lièvre, 
les  pigeons  mâles  des  colombiers,  à  cause  d'une  qua- 

*  Du  grec  /epa,  sacrée  ou  sainte.  Ce  sont  plusieurs  médicaments 
composés, en  général  laxatifs,  que  les  Arabes  ont  appelés  ijâradj,  et 
au  pluriel ,  iyâradjât.  Le  plus  usité  était  celui  nommé  ijâradj  Jikr a, 
du  grec  îepà  tsixpâ,  hiera  picra,  sacrée  amère,  ou  sainte  amère. 
C'était  un  électuaire  amer  et  purgatif,  dont  Taloès  formait  la  base, 
car  il  en  était  le  principal  ingrédient. 


438  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

litë  particulière  dont  ils  sont  doués,  l'aii,  le  poivre, 
la  plante  nommée 'oud  alkarh  ou  pyrèthre',  surtout 
avec  addition  de  miel.  On  prendra  aussi  :  la  rhu- 
barbe, la  (gomme  résine)  bdeilium,  l'origan,  le  cé- 
leri, la  résine  mastic,  et  le  castoréum;  tout  cela  a 
été  expérimenté.  L'on  emploiera  également:  un  gros 
de  rue  chaque  jour,  ou  deux  mithkâls  (près  de  trois 
gros)  de  garance,  avec  de  Tanis,  et  dans  le  méli- 
crat^  ;  l'expérience  en  a  prouvé  refficacité.  En  outre, 
on  fera  usage  des  huiles  chaudes  à  l'intérieur  et  en 
frictions.  On  administrera  un  mithkâl  de  cristal  brûlé 
avec  une  once  de  lait  d'ânesse;  on  administrera 
tous  les  jours  la  même  dose  de  ce  composé  sec,  sa- 
voir :  clous  de  girofle,  cannelle,  nard  indien^,  iris 
faux  acore,  graine  de  paradis,  gingembre,  année, 
racine  de  grenadier  sauvage  et  anis  ;  parties  égales  de 
chacune  de  ces  substances;  sucre  blanc  et  candi,  du 
poids  total  delà  masse.  Enfin  on  se  frottera  avec  des 
amandes  brûlées  unies  au  lait  d'ânesse. 

Hémiplégie. 

Les  médicaments  qui  suivent  ont  été  trouvés  par- 
ticulièrement utiles  dans  l'hémiplégie.  Ce  sont  :  un 
mithkâl  de  l'électuaire  de  l'anacarde  avec  l'hydro- 
mel, une  fois  par  semaine;  l'onction  avec  l'huile  de 
costus,  ou  avec  fhuile  d'olive,, dans  laquelle  on  aura 
brûlé  du  poivre. 

'    Anthémis  Pyretkrnm. 

'■'  Melicratum  ou  apomeli,  espèce  d'hydromel  des  anciens. 

^    Valeriana  jaturnonsi.  Roxb. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         439 

Perte  de  la  mémoire. 

Dans  la  perte  de  la  mémoire  ont  été  trouvés 
utiles  les  médicaments  suivants  :  les  hiera^,  les  my- 
robalans,  l'encens,  mâché  habituellement,  l'onc- 
tion de  l'occiput  avec  de  l'huile  d'olive,  et  l'odeur 
de  la  fumée  des  cheveux  humains  que  1  on  brûle. 
Ensuite  ,  quiconque  portera  sur  soi  l'aiie  droite  de 
l'oiseau  nommé  huppe  se  rappellera  tout  ce  qu'il 
voudra,  et  n'oubliera  rien. 

Pour  aider  à  la  conservation  de  la  mémoire  et  de 
l'intelligence ,  on  Fera  usage  des  moyens  suivants  : 
la  viande  de  mouton,  le  raifort,  le  beurre,  la  rose 
musquée,  et  le  composé  sec,  formé  d  encens,  ou  oli- 
ban,  de  souchet^,  de  sucre  blanc;  parties  égales  de 
chacun  de  ces  ingrédients.  On  prendra  de  ce  com- 
posé, en  poudre,  cinq  gros  par  jour,  pendant  trois 
jours  de  suite,  et  l'on  se  reposera  cinqjours.  Après  on 
recommencera,  et  ainsi  successivement.  C'est  de  cette 
manière  que  l'expérience  en  a  indiqué  le  bon  em- 
ploi. Celui  qui  respirera  la  fumée  de  la  corne  de 
chèvre  que  l'on  brûle  se  rappellera  les  choses  qu'il 
avait  oubliées. 

Voici  ce  qui  provoque  la  perte  de  la  mémoire  et 
la  douleur  de  tête  :  parler  beaucoup,  trop  manger, 
abuser  du  coït,  dormir  pendant  le  jour,  faire  usage 
de  l'oignon,  delà  coriandre  verte,  de  l'ail,  de  l'a- 
neth  odorant,  quand  même  ils  seraient  cuits;  des 

'    Voir  ci-dessus,  p.  ASy. 
^   Cyperm ,  cyperus  rotundus. 


440  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

dattes,  soit  sèches,  soit  fraîchement  cueilHes;  des 
lentilles,  des  mûres  douces,  des  semences  de  lin ,  de 
la  mélongène,  de  la  graine  de  sénevé  on  moutarde, 
du  fenugrec ,  quand  bien  même  ce  ne  serait  pas  à  l'état 
cru; du  safran,  de  la  graine  de  céleri;  enfin  respirer 
le  parfum  des  ongles  de  senteur  \  et  du  storax. 

Vertige. 

Dans  le  vertige,  maladie  qu'en  Egypte  on  ap- 
pelle daoïihhah.,  ou  étourdissement,  on  prendra,  au 
moment  de  se  coucher,  ou  avant  de  s'endormir,  la 
poudre  de  coriandre  sèche,  spécialementaprèsqu'elle 
aura  infusé  dans  le  vinaigre,  et  qu'elle  aura  été  sé- 
chée;  on  ajoutera  du  sucre,  ou  du  raisin  sec  rouge, 
privé  de  ses  pépins.  Le  sirop  de  roses,  pris  à  jeun, 
est  aussi  fort  utile  dans  ce  cas. 

S  IV. 

SUR  L'ÉPILEPSTE,  LA  MÉLANCOLIE,  LA  MANIE,   ETC. 

Epilepsie,  mélancolie,  etc. 

Pour  ces  maladies,  l'utilité  de  (la  composition 
appelée)  southaïra^  a  été  prouvée  par  l'expérience. 

*  C'est  le  nom  qu'on  donne  à  une  coquille  odorante,  provenant 
du  mollusque  appelé  slrombus  lentiginosiis. Cette  dénomination  don- 
(fies  vient  sans  doute  de  ia  forme  de  ladite  coquille. 

2  C'est  le  nom  donné  h.  un  médicament  composé,  dont  la  réputa- 
tion approchait  de  celle  de  la  tliériaque.  Ce  mot  soulluura  vient  du 
grec  (jÛTSipoL,  ou  (la  médecine)  qui  sauve,  qui  guérit,  etc.  autrement 
dire,  \e  yrand  sauveur. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         441 

Epilepsie.- 

Une  espèce  d'épilepsie  est  la  maladie  générale- 
ment connue  sous  le  nom  de  oumm  assihiân,  ou  épi- 
lepsie  des  enfants.  Laguérison  de  l'épilepsie  est  facile 
avant  l'époque  de  la  puberté\  ensuite  elle  est  diffi- 
cile jusqu'à  l'âge  de  vingt-cinq  ans,  et  presque  im- 
possible plus  tard.  On  combat  cette  maladie  par  les 
substances  qui  vont  suivre  :  Tassa  fœtida ,  le  bois 
d'aloès,  le  sagapénum,  l'ambre  gris,  le  musc,  l'a- 
garic, la  pierre  du  taureau^,  la  décoction  de  l'épi- 
thyme,  la  rue,  l'iris  faux  acore,  l'iris  de  Florence, 
l'écume  de  mer^,  les  cendres  des  os  brûlés,  notam- 
ment de  ceux  des  crânes,  la  cendre  des  sabots  des 
ânes,  surtout  mêlée  au  miel ,  la  cervelle  du  chameau , 
la  vésiclile  du  fiel  de  l'ours,  la  présure  du  lièvre;  le 
tout  à  l'intérieur,  en  boisson;  la  pione,  ou  pivoine, 
nommée  aussi  'oud  assalîb ,  ou  bois  de  la  croix  ,  prise 
à  l'intérieur,  ou  bien  simplement  portée  sur  soi;  un 
carat  d'émeraudes,  dans  une  once  devin  blanc,  en 
boisson,  moyen  dont  l'utilité  a  été  établie  par  l'expé- 
rience; les  onctions  avec  les  huiles  chaudes;  les  fumi- 
gations avec  les  ongles  de  senteur^;  et  c'est  un  emploi 
que  f  expérience  a  sanctionné  aussi;  l'huile  de  finté- 
rieur  ou  amande  de  la  noisette ,  et  l'huile  de  sésame , 
introduites  dans  les  narines;  les  petites  pierres  que 

'   Litléralement  :  avant  la  sortie  des  poils  dans  le  pubis. 
^  C'est  une  concrétion  pierreuse  qui  se  forme  quelquefois  dans  la 
bile  de  cet  animal. 

^  Alcyonion,  spmna  maris. 
'   Voyez  ci-dessns,  p.  /|/io. 


442  OCTOBRE-NOVEMBRE    18C5. 

l'on  trouve  dans  le  ventre  du  coq  blanc,  portées  sus- 
pendues sur  soi;  manger  la  chair  de  la  huppe  et  du 
hérisson,  comme  cela  a  été  expérimenté;  prendre 
de  l'opopanax  en  boisson ,  ou  introduire  du  casto- 
réum  dans  le  nez;  cela  a  été  trouvé  utile  dans  Tépi- 
lepsie  des  enfants;  porter  au  doigt  une  bague  faite 
avec  le  sabot  de  l'âne,  notamment  avec  le  sabot 
droit;  enfin  manger  la  chauve -souris  en  friture, 
avec  l'huile  d'olive. 

On  a  appris  par  l'expérience  que,  lorsque  l'en- 
fant nouveau-né  a  reçu  des  fumigations  de  bile,  il 
est  garanti  contre  l'épilepsie.  Flairer  le  narcisse  est 
aussi  un  bon  moyen  prophylactique  contre  cette 
maladie,  à  cause  d'une  propriété  inhérente  à  celte 
fleur.  Il  faut  d'ailleurs  que  la  personne  atteinte 
d'épilepsie  évite  l'usage  des  substances  vaporeuses, 
et  emploie,  au  contraire,  les  moyens  qui  empê- 
chent les  vapeurs  de  monter  au  cerveau.  Tels  sont  : 
la  coriandre,  les  poires,  les  coings,  etc. 

Mélancolie. 

La  mélancolie  est  utilement  traitée  par  les  viandes 
de  faucon  et  de  sacre  ^ ,  par  l'eau  de  la  menthe  pouliot , 
avec  un  lénitif,  tel  que  les  prunes,  en  boisson; 
par  l'emploi  constant,  une  fois  par  semaine  et  en 
boisson,  d'un  mitliMl  de  lapis-lazuli ,  et  de  la  même 
quantité  d'épithym,  dans  l'eau  de  pouliot,  ou  dans 
l'oxymel.  On  peut  aussi  administrer  le  médicament 
composé  suivant:  épithym  et  absinthe,  deux  par- 

'  Falco  nisiis. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  443 
ties  de  chacune  de  ces  plantes;  mousses,  une  partie 
et  demie;  racine  dite  les  doigts  jaunes  \  une  partie. 
On  pulvérisera  ces  substances,  et  on  les  donnera, 
unies  avec  quelques-uns  des  véhicules  dont  il  a  été 
parlé  ci-dessus,  ou  bien  incorporées  avec  le  miel. 
Un  autre  moyen  contre  la  mélancolie,  c'est  Tintro- 
duclion  dans  les  narines  du  lait  de  femme ,  mêlé 
k  l'huile  d'amandes,  ou  à  l'huile  de  violettes,  ou 
à  celle  de  nénuphar,  ou  à  celle  de  courge. 

Manie. 

Quant  à  la  manie  atrabilaire  ou  noire,  on  la 
traite  par  les  remèdes  ci-après  :  le  séné,  la  coriandre 
verte,  le  lait  de  chèvre,  la  coloquinte,  la  tisane 
de  bette,  donnée  pendant  trois  jours,  et  la  racine 
de  béhen  rouge  ^,  administrée  plusieurs  fois. 

C'est  ici  la  place  de  noter  que  parfois  ont  lieu 
dans  la  tête  des  épanchements  sanguins,  qui  occa- 
sionnent de  fausses  imaginations,  autrement  dit 
des  hallucinations,  telles  que  la  vue  d'un  feu,  ou 
de  gens  qui  veulent  tuer  ou  battre  le  malade. 
Alors  celui-ci  parfois  déchire  ses  vêtements,  ou 
se  serre  contre  les  personnes  présentes,  ou  crie 
beaucoup,  etc.  Il  est  avantageux  d'employer  dans  ces 

^  Cette  racine  a  ia  forme  d'une  main;  on  l'appelle  aussi  la  main 
d'Aîchali,  femme  de  Mahomet,  et  plus  souvent,  la  main  de  Marie, 
f^.y^  ij^^  '  Il  s'agit  peut-être  ici  du  satyrium  basilicum.  Plusieurs 

'  (M    ^ 

autres  plantes  sont  nommées,  comme  celle-ci,  ddiy^  t_^  •  Telles 
sont:  l'agnus-castus,  la  rose  de  Jéricho,  etc. 
'^  Salvia  hœmatoides ,  staticc  limonium 


444  OCTOBRE-NOVEMBRE    1865. 

circonstances  l'huile  bien  connue  de  ces  courges  que 
l'on  coupe  par  tranches.  On  s'en  frottera  le  milieu 
de  la  tête,  les  tempes  et  le  front.  Pendant  plusieurs 
jours,  on  s'en  servira  également  comme  errhin. 

Remarque. 

J'ai  connu  par  l'expérience  que  la  théria(jue  d'or, 
de  laquelle  sont  avares  les  hommes  inteUigents,  et 
que  tiennent  cachée  les  hommes  excellents,  est 
utile  dans  toutes  les  maladies  du  cerveau  susmen- 
tionnées, etc.  Elle  est  utile  aussi  dans  l'hydropisie, 
l'ictère,  contre  les  poisons,  dans  les  affections  de  la 
poitrine,  de  l'estomac,  du  dos  et  du  reste  du  corps. 

Voici  comment  on  la  prépare  :  on  prend  des 
perles,  qu'on  pulvérise  avec  grand  soin,  et  qu'on 
arrose  au  moyen  de  dix  fois  leur  poids  de  suc  de 
cédrat.  Ensuite  on  les  introduit  dans  une  fiole, 
que  l'on  bouche  avec  de  la  cire,  et  que  Ton  place, 
jusqu'au  goulot,  dans  l'eau  chaude,  pendant  trois  se- 
maines. Après  cela  ,  on  prend  ce  qui  suit  :  aloès,  sept 
gros;  scammonée,  cinq  gros;  épithym,  cannelle  ^ 
roseau  aromatique;  de  chacune  de  ces  trois  subs- 
tances, quatre  gros;  lapis-lazuli ,  clous  de  girofle, 
bois  indien  ou  aloès ,  sandal  rouge ,  gomme  arabique , 
gomme  adragant  et  or;  de  chacune  de  ces  subs- 
tances, trois  gros.  On  pulvérise  le  tout,  et  l'on  en 
fait  une  pâte,  au  moyen  de  la  solution  ou  soluté  ci- 
dessus.  On  en  fabrique  des  pilules,  grosses  comme 

'    ïjaurus  cinamonium. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABEi?.  445 
les  pois  chiches.  La  dose  de  ce  médicament  est  d'un 
mithkâl  et  plus,  suivant  la  force  et  l'âge  (du  malade). 

L'électuaire  qui  suit  est  presque  aussi  utile  que 
le  précédent,  et  il  s'appelle  l'électuaire  qui  renferme 
de  grands  secrets.  11  est  avantageusement  employé 
dans  toutes  les  affections  du  cerveau;  il  augmente 
l'esprit,  la  mémoii'e  et  la  raison;  il  chasse  les  vents 
et  le  froid.  Ainsi  l'expérience  l'a  fait  connaître. 

Pour  le  préparer  on  prend  :  myrobalan  chébale, 
une  portion;  agaric,  gingembre,  coriandre,  graine 
de  moutarde,  mousse,  graine  de  henné,  graine  de 
céleri  et  aloès;  de  chacune  de  ces  substances  une 
demi-portion;  mastic,  roses,  nard  ,  bois  d'aloès;  de 
chacune  de  ces  substances ,  un  quart  de  portion  ; 
safran,  costus,  musc,  ambre  gris  et  ladanum  ou 
labdanum^;  de  chacun  un  huitième  de  portion. 
On  dissoudra  dans  l'eau  de  roses  celles  parmi  ces 
substances  qui  peuvent  s'y  dissoudre;  on  pulvéri- 
sera le  reste,  et  l'on  incorporera  le  tout  dans  une 
quantité  égale  de  miel  écume,  ou  dans  le  suc  de 
chicorée  ou  de  céleri.  Puis  on  réduira  la  masse  en 
pilules.  La  dose  est  de  deux  mithkâls.  Ce  médica- 
ment peut  aussi  être  employé  comme  errhin  et  en 
friction. 

SV. 

SDR  L'AMOUR  SEXUEL,  SUR  CE  QUI  LE  PROVOQUE   ET  SUR  SES  SUITES. 

Passion  de  l'amour. 
On  chasse  l'amour,  en  buvant  l'eau  qui  a  servi 

'  Substance  i^ommo-rësin^use  tirée  du  cistus  creùcus,  etc. 


446  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

à  laver  le  bout  du  vêtement  de  l'objet  aimé;  en  pre- 
nant quatre  grains  de  harmale  \  ou  rue  sauvage; 
ou  sept  grains  d'indigo  de  l'Inde,  dans  de  l'eau;  ou 
le  marbre  blanc  pulvérisé  provenant  de  quelque 
tombe;  la  poussière  des  sépulcres  de  personnes 
tuées,  et  en  dormant  dans  les  cimetières. 

Parmi  les  moyens  particuliers  d'éloigner  l'amour, 
nous  citerons  les  suivants  :  se  rouler  dans  la  même 
poussière  où  s'est  roulé  un  mulet,  s'il  s'agit  d'un 
homme,  ou  une  mule,  s'il  s'agit  d'une  femme;  porter 
sur  soi  des  os  de  l'oiseau  cigogne;  lier  dans  la 
manche  de  l'amant,  et  k  son  insu,  la  tique,  ou  le 
ricin,  qui  tourmente  le  chameau;  prendre  beaucoup 
de  harmale;  boire  l'eau  où  l'on  a  mis  préalable- 
ment la  pierre  trouvée  dans  le  ventre  de  la  poule; 
ou  bien,  porter  cette  pierre  suspendue  sur  soi. 

Il  est  nécessaire  de  priver  l'amant  de  toutes  ces 
choses  qui  provoquent  l'amour.  Telles  sont  par 
exemple  :  manger  les  pigeons  à  collier,  les  merles , 
les  ramiers;  se  complaire  à  entendre  le  son  dune 
voix;  écouter  les  chants  gais;  regarder  les  jolies 
figures,  ou  seulement  penser  à  ces  dernières. 

Insomnie,  etc. 

Parmi  ce  qui  occasionne  Tinsonmie,  nous  cite- 
rons :  l'action  de  flairer  le  camphre,  de  porter  sus- 
pendu sur  la  tête  le  duvet  de  la  chauve-souris,  ou 
son  cœur,  ou  sa  tête;  de  porter  également  sur  la 
tête  des  plumes  ou  un  œil  de  hibou;  de  placer  des 

'    Peyanum  liarinola 


MÉDECINE  ET  THEUAPEUTIQUE  ARABES.  447 
poils  de  loup  derrière  l'oreille;  de  se  servir,  en  guise 
de  collyre,  de  fiel  de  corbeau;  de  porter  au  bras 
gaucbe  une  bourse  contenant  du  soufre,  ou  de  Tar- 
seiiic,  uni  à  de  la  graine  de  lin;  de  se  frotter  le  nez 
avec  le  vitriol  vert. 

L'insomnie  cessera  par  l'emploi  de  l'huile  d'olive, 
par  l'acte  d'attacher  au  pied  du  lit  des  pois  chiches 
noirs,  renfermés  dans  un  chiflTon. 

Les  substances  suivantes  sont  nuisibles  pour  le 
cerveau  et  les  nerfs  :  le  lait  aigre,  les  lentilles,  les 
aubergines,  l'oignon,  les  dattes  sèches,  le  safran,  la 
graine  de  céleri,  le  raisin,  les  mûres,  et  le  fenu- 
grec.   , 

Voici  ce  qui  provoque  le  sommeil  :  le  frottement 
du  front  et  des  tempes,  avec  la  graine  de  laitue  pul- 
vérisée, ou  avec  la  graine  de  lajusquiame  blanche, 
ou  avec  l'amome,  ou  l'eau  des  fleurs  mâles  du  pal- 
mier, ou  l'aneth,  ou  la  matricaire,  ou  l'anémone, 
ou  la  graine  de  pavot,  le  tout  uni  à  l'opium;  flairer 
le  safran,  ou  le  carthame;  appliquer  cette  dernière 
substance  sur  le  sommet  de  la  tête;  manger  des 
choux,  ou  des  amandes  douces,  ou  du  fenugrec, 
ou  du  riz;  instiller  l'huile  d'amandes  dans  le  nez. 

Si  on  place  sous  le  traversin  de  l'homme  qui  dort 
une  dent  molaire  de  cadavre,  ou  une  aile  de  la 
huppe,  il  ne  se  réveillera  pas  jusqu'à  ce  que  ces 
objets  aient  été  enlevés.  Il  en  est  ainsi  des  poils 
du  singe.  Quand  on  frotte  le  front  du  dormeur  avec 
un  gros  d'opium ,  et  un  gros  de  graine  de  jusquiame 
blanche,  réduits  en  pâte  au  moyen  de  l'eau  de  lai- 


448  OCTOBRE-NOVEMBRE    1865. 

tue,  il  ne  se  réveillera  pas,  quand  même  on  lui  cou- 
perait les  chairs.  Il  sera  nécessaire  alors  de  lui  faire 
flairer  du  vinaigre  très-fort. 

Pour  se  procurer  des  rêves  agréables  on  portera 
sur  soi  de  l'or  pur,  ou  du  cristal,  ou  de  la  peau 
d'âne;  on  se  couchera  après  s'être  lavé,  en  état  de 
pureté  religieuse,  ou  légale,  et  avec  l'esprit  libre  de 
tout  souci;  on  placera  sous  son  chevet  de  falun  du 
Yamân,  ou  du  pourpier. 

Entre  les  choses  qui  servent  à  faire  revenir  de 
l'état  d'ivresse,  nous  nommerons  ce  qui  suit:  avaler 
des  pommes  grenades  acides;  boire  ou  flairer  de 
i'eaii  de  roses;  boire  le  pissat  du  chameau.     , 

Calvitie. 

On  fait  cesser  la  chauveté,  soit  accidentelle,  soit 
eflét  de  la  teigne,  en  oignant  la  tête,  après  l'avoir 
préalablement  rasée,  avec  i'orobanche  pulvérisée, 
frite  dans  l'huile  d'olive;  en  la  frottant  avec  l'indigo, 
qu'on  a  laissé  une  nuit  entière  dans  le  four,  et  que 
l'on  a  pétri  ensuite  avec  de  la  crème  de  lait,  ou  bien 
de  rhuile  chaude  ^ ,  dans  laquelle  on  a  fait  dissoudre 
du  sel;  ou  en  faisant  ces  frictions  à  plusieurs  reprises , 
au  moyen  de  faloès,  de  la  farine  de  lentille  ers,  et 
du  henné,  incorporés  dans  le  vinaigre;  ou  bien  en- 
core en  irottant  la  tête  avec  les  ongles  brûlés  d'a- 
nimaux de  la  race  caprine  ou  de  la  race  bovine, 

•  nL^  Or?).  On  eiUend  quelquofois  par  ces  mois  l'iiuile  de 
graine  de  lin. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  449 
mêlés  an  henné;  ou  avec  le  scarabée  brûlé,  le  pa- 
pyrus, et  les  feuilles  de  colocasie,  incorporés  aussi 
dans  le  henné. 

CHAPITRE  TROISIÈME. 

SUR  LES  NOMBREUSES  MALADIES  DES  YEUX;  SUR  CE  QUI  AIGUISE 
ET  RENFORCE  LA  VUE;  ET  SUR  CE  QUI  SE  RATTACHE  À  CE 
SUJET. 

AfFeclions  des  yeux,  en  général. 

Dans  toutes  les  affections  des  yeux,  quels  que 
soient  le  genre  de  ces  maladies  et  les  membranes 
ou  couches  qui  sont  atteintes,  il  est  avantageux 
d'employer,  en  collyre:  la  solution  des  cheveux  de 
l'homme  ou  de  ceux  de  l'enfant  nouveau -né,  au 
moyen  d'un  stylet  d'or,  deux  fois  par  mois;  ie  fiel 
de  la  vache  noire,  pendant  vingt-quatre  jours;  la 
langue  piléede  la  gazelle,  ou  le  fiel  du  bouc  rouge, 
unis  à  un  demi-dânik^  de  sel  ammoniac,  pendant 
cinq  jours;  et  en  instillation  dans  les  yeux  :  faloès, 
le  suc  du  lycium,  la  poix  liquide  ou  goudron,  la 
grande  chélidoine  ou  éclaire,  surtout  unis  au  sa- 
fran." 

En  général,  dans  tous  les  cas  de  douleurs  des 
yeux,  il  convient  d'employer,  comme  topiques,  les 
substances  suivantes  :  le  jaune  d  œuf  cuit  dans  l'eau, 
avec  le  safran,  ou  avec  l'huile  de  roses;  les  pommes 
rôties,  le  fromage  tendre,  le  pourpier,  la  violette, 

*  C'esl-à-dire  un  carat  et  demi ,  ou  bien  six  grains ,  ou  trente  cen- 
tigrammes. 

VI.  3o 


A50  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

le  jaune  d'œuf  rôti  avec  le  cumin.  L'expérience  a 

prouvé  que  tout  cela  fait  cesser  le  froid  dans  les 

yeux. 

Voici  une  composition  fort  utile  contre  la  gêne 
ou  l'irritation  de  l'œil,  contre  l'affaiblissement  de  la 
vue,  et  contre  la  plupart  des  maladies  des  yeux  On 
prendra  des  perles  non  percées,  des  coraux,  comme 
ci-dessus,  des  cornalines,  du  chiclim  \  du  musc  de 
Turquie  ou  de  Tartarie,  quantité  égale  de  toutes  ces 
substances.  On  les  pilera  séparément,  puis  en- 
semble, on  les  fera  dissoudre,  et  l'on  s'en  servira 
comme  collyre. 

Pour  aiguiser  la  vue,  on  emploiera  en  collyri^  :  le 
suc  du  lycium,  le  safran,  le  poivre,  le  gingembre, 
les  cendres  des  noyaux  de  dattes,  l'eau  de  la  morelle 
noire,  l'eau  de  céleri,  l'eau  de  rue,  le  fiel  de  coq, 
et  la  vapeur  de  la  poix  liquide,  ou  goudron.  On 
mangera,  dans  le  même  but,  des  choux,  ou  des 
graines  de  choux,  des  raves  bouillies,  surtout  pour 
déjeuner,  et  pendant  longtemps;  on  mangera  aussi 
pendant  longtemps  des  navets,  puisqu'on  dit  que 
les  navets  rétablissent  la  vue,  quand  bien  même 
elle  serait  presque  perdue. 

Le  collyre  fait  de  vert- de -gris  dissous  dans  le 
jaune  d'omf  est  utile  dans  la  dépilation ,  les  pus- 
tules, la  démangeaison  et  la  rougeur  des  paupières, 

'  C'est  le  nom  qu'on  donne  aux  graines  du  cassia  absus.  On  les 
réduit  en  poudre,  et  on  les  emploie  beaucoup,  surtout  en  Afrique, 
contre  les  affections  des  yeux.  Ce  médicament,  chez  nous,  est  quel- 
quefois appelé  ahsus. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  451 
dans  le  larmoiement  et  TafFaiblissement  de  la  vue, 
ou  amblyopie,  suite  de  la  lippitude.  Nous  en  dirons 
autant  d'un  autre  collyre,  préparé  avec  les  graines 
du  cassia  absus  (espèce  de  petite  casse),  unies  à  la 
sarcocolle  et  au  sucre. 

11  arriva  une  fois  que  la  vue  d'un  des  saints  de 
l'islamisme  s'était  affaiblie.  Or,  ce  saint  vit  en  songe 
le  prophète  Mahomet,  sur  qui  soient  la  bénédiction 
de  Dieu  et  le  salut!  auquel  il  se  plaignit  de  cette 
infirmité.  Mahomet  lui  ordonna  de  composer  un 
collyre  pour  ses  yeux,  avec  l'écorce  brûlée  d'a- 
mandes douces  unie  à  l'antimoine, 

Comme  une  d'entre  les  particularités,  nous  no- 
terons que  celui  qui  s'appliquera  sur  les  yeux  le 
sang  de  la  huppe,  ou  l'huile  de  sésame,  dans  la- 
quelle on  a  fait  frire  un  œil  dudit  oiseau,  voit  hi 
nuit  de  la  même  manière  que  le  jour. 

Lippitude. 

Pour  ce  qui  est  de  la  lippitude,  outre  ce  que 
nous  avons  dit  plus  haut,  on  la  combat  utilement, 
en  faisant  cuire  des  roses  et  des  pavots,  et  coa- 
guler leur  colature,  à  l'instar  du  sirop,  au  moyen 
du  sucre,  pour  l'employer  en  collyre.  On  peut  aussi 
dansée  cas  employer  en  collyre  la  joubarbe,  la  co- 
riandre verte,  la  rosée  des  arbres,  le  lait  de  femme, 
la  crème  de  lait,  la  gomme  arabique  avec  l'eau  de 
roses.  Tout  cela  isolément,  ou  ensemble.  Il  est 
encore  avantageux  de  se  frotter  les  yeux  avec  la 
cervelle  de  mouton,  les  jaunes  d'œufs,  le  safran, 

3o. 


452  OCTOBRE-NOVEMBRE    1865. 

mêlés  à  feaii  de  roses.  On  se  trouve  bien  enfin  de 

suspendre  des  mouches  au  bras  ou  à  la  tête. 

Pustules,  démangeaison  des  paupières,  etc. 

Contre  les  pustules  et  la  démangeaison  (de  l'œil 
ou  des  paupières),  on  emploiera  en  collyre:  le  suc 
du  lycium,  le  safran,  et  les  cendres  des  filaments 
de  la  tige  du  palmier;  en  instillation  dans  les  yeux, 
les  différents  fiels  d'animaux,  l'eau  de  coriandre, 
l'eau  de  roses,  celle  des  deux  espèces  de  grenades 
(les  douces  et  les  acides),  et  l'infusion  de  sumac; 
comme  topiques,  les  lentilles  bouillies,  la  pulpe  des 
grenades  acides,  et  le  pourpier;  comme  errhins, 
l'aloès,  le  struthium  ou  saponaire,  et  le  casto- 
réuni. 

Hyposphagme. 

L'hyposphagme ,  ou  ecchymose  de  fœil,  sera 
traité  par  le  safran,  en  topique;  par  feau  de  céleri, 
le  sang  de  pigeon,  le  lait  de  femme  avec  l'eau  de 
roses,  le  petit-lait,  la  salive  de  fhomme  qui  jeûne, 
le  sel  mâché  avec  le  cumin ,  le  tout  en  instillation 
dans  l'œil;  foliban,  uni  à  la  fiente  de  bœuf,  en  fu- 
migation. 

Trichiasis. 

Quant  aux  cils  sur aihondants  {trichiasis ,  distichia- 
sis,  etc.) ,  on  devra  d'abord  les  arracher;  ensuite,  on 
frottera  la  place  qu'ils  occupaient  avec  Je  sang  de 
grenouille,  le  sang  ou  le  fiel  de  la  huppe,  et  le  iiel 
de  la  chèvre  avec  le  sel  ammoniac,  comme  il  a  été 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  453 
expérimenté.  On  pourra  employer  aussi  :  la  civette , 
la  cendre  des  coquilles,  unie  à  la  poix  liquide;  le 
lait  des  figues,  le  safran,  la  gomme  arabique,  la 
myrrhe  dans  l'eau  de  roses,  le  suc  de  l'aloès  d'E- 
gypte \  le  suc  de  la  fumeterre,  avec  la  gomme  ara- 
bique; la  cendre  de  mouches  brûlées  dans  le  four, 
dans  un  roseau  revêtu  de  pâte,  ainsi  que  l'a  indiqué 
l'expérience.  Enfin,  si  Ton  a  soin  d'arracher  avec 
persévérance  les  cils  trop  longs  au  moyen  d'une 
petite  pince,  faite  avec  une  sorte  de  cuivre  jaune  ^, 
ils  ne  repousseront  plus. 

Grêlon  et  orgeolet. 

Le  tubercule  dur  de  la  paupière  supérieure  ^  et 
l'orgeolet  se  traitent  par  l'application  du  sagapé- 
num*,  et  de  la  gomme  ammoniaque,  unis  au  vi- 
naigre; de  la  mie  de  pain  chaude,  à  plusieurs  re- 
prises; des  divers  lieis,  de  l'aloès,  et  du  suc  de 
centaurée. 

Adhérence. 

On  guérit  l'adhérence  (des  paupières  ou  des  cils), 
en  s'enduisant  les  yeux  avec  les  collyres  nommés 
roâchnâïa,  ou  brillants  ^  Il  est  aussi  avantageux  de 

'   Aloe  variegata. 

'  Les  deux  manuscrits  portent  ^liLJiJ  f  ;  mais  je  suppose  que  la 
bonne  leçon  doit  être  QyiJUaJl ,  mot  qui  désigne  une  espèce  par- 
ticulière de  cuivre  jaune. 

'  'Appelé  aussi  chalaze,  grêle  ou  grêlon,  du  grec  ^aXd^iov  ou 

*  Ferula  persica. 

'  Ce  sont  des  collyres  composés  qui  donnent  beaucoup  d'éclat 
aux  yeux. 


454  OCTOBRE-NOVEMBRE    1865. 

placer  sur  les  paupières  :  la  céruse,  les  scories  de 
cuivre,  quelque  huile,  quelque  lait  et  quelque  mu- 
cilage. 

Milphose. 

Contre  In  simple  chute  des  cils,  ou  milphose, 
on  emploie  en  collyre  toutes  les  substances  qui  font 
pousser  les  poils;  en  friction ,  en  collyre,  et  en  onc- 
tion on  fait  aussi  usage  dans  ce  cas  du  ladanum, 
du  lapis-lazuli,  et  des  noyaux  de  dattes,  mêlés  à 
quelque  huile. 

Chémosis. 

L'espèce  d'ophthalmie  appelée  chémosis,  quand 
même  elle  serait  accompagnée  de  lippitude,  sera 
traitée  par  l'aloès,  le  suc  de  lycium,  le  safran,  le 
suc  de  coriandre,  le  cumin,  la  graisse  d'ours  avec 
le  blanc  d'œufs,  la  sarcocolle  et  le  lait  des  femmes 
brunes,  le  tout  soit  en  collyre,  soit  comme  topique, 
soit  en  instillation  dans  les  yeux. 

Ptilose. 

La  ptilose,  ou  chute  des  cils,  par  suite  d'une 
acrimonie  corrosive,  sera  combattue  par  l'huile  de 
roses,  le  suc  de  chicorée,  le  blanc  d'œufs,  le  verjus, 
le  suc  de  pourpier,  l'eau  de  roses-,  de  phis,  sont 
avantageux  dans  cette  affection,  le  cumin  et  le  my- 
robalan  jaune,  ou  citrin,  le  tout  en  application  ex- 
térieure, ou  en  instillation  dans  les  yeux. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.         ^55 

Hydalis. 

On  traite  la  tumeur  enkystée  de  la  paupière  su-, 
périeure,  ou  liydatis^p^r  le  glaucium  (glaucier  jaune 
ou  pavot  cornu),  l'acacia,  et  la  myrrhe,  avec  l'huile 
de  roses;  par  le  myrte,  le  safran,  le  suc  du  lycium, 
le  collyre  citrin ,  le  collyre  gris,  et  le  collyre  nommé 
azizy,  ou  précieux  ^ 

Verrue. 

La  verrue,  ou  mûre  de  la  paupière,  sera  com- 
battue par  la  myrrhe,  unie  au  suc  de  la  morelle 
noire;  par  le  safran,  uni  à  la  joubarbe;  et  par  le  to- 
pique dur,  ou  collyre  sec,  du  glaucium.  Si  la  ver- 
rue est  ancienne,  on  la  frottera  avec  du  sucre,  ou 
bien  ou  la  coupera ,  et  on  la  traitera  avec  l'onguent 
de  vert-de-gris,  la  tuthie  (calamine,  ou  oxyde  de 
zinc),  la  litbarge,  le  sucre,  et  le  topique  dur,  ou 
collyre  sec,  rouge. 

Plérygion. 

Pour  le  ptérygion,  ou  excroissance  variqueuse  de 
la  conjonctive,  on  fera  usage  en  collyre  des  fiels  de 
bœuf  piles,  avec  la  sarcocolle,  moyen  expérimenté; 
de   la  nigelle  pulvérisée,   de  l'aloès,  dissous  dans 


*  Je  dirai  ici,  une  fois  pour  toutes,  que  je  ne  crois  pas  utile  de 
donner  la  composition  de  ces  collyres,  etc.  telle  qu'on  la  trouve 
dans  quelques  manuscrits  arabes  de  médecine,  et  notamment  dans 
le  manuscrit  du  traité  de  médecine  du  cheïk  Dâoud  Alanthâky.  Il  en 
sera  question  plus  tard  ,  dans  la  liste  des  termes  techniques. 


456  OCTOBRE-NOVEMBRE   J865. 

l'eau  de  myrte,  de  la  furnée  de  l'oliban,  de  ia 
myrrhe,  du  storax,  de  la  poix  liquide  ou  goudron, 
du  cuivre  brûlé  \  du  safran  de  Mars  (tritoxyde  de 
fer),  de  l'alun,  et  du  sel  brûlé  ou  nitre  :  tous  ces 
remèdes  ensemble,  ou  bien  seulement  quelques-uns 
d'entre  eux;  ce  qui  vaut  mieux. 

Cancer. 

Si  l'on  a  affaire  au  cancer  de  la  paupière,  on 
instillera  dans  l'œil  malade  le  mélilot,  le  safran 
unis  au  blanc  d'œuf ,  le  glaucium ,  l'hématite  '^  et 
les  perles.  Si  le  cancer  ne  disparaît  pas,  il  suffira 
alors  (pour  qu'il  s'arrête?!)  de  l'abandonner  à  lui- 
même  ,  sans  autre  traitement. 

Tumeur  lacrymale. 

La  tumeur  lacrymale,  si  elle  n'est  pas  encore 
ouverte,  sera  traitée  en  appliquant  sur  l'œil  le  vi- 
triol vert  (sulfate  de  fer),  le  myrte,  le  limaçon 
(brûlé,  etc.),  l'oliban,  l'aloès,  le  safran,  ou  la  myrrhe, 
comme  cela  est  établi  par  l'expérience.  Si  la  tumeur 
tarde  à  s'ouvrir,  on  appliquera  sur  elle  la  décoction 
des  lentilles,  ou  celle  des  haricots  nommés  mâch,  ou 
le  safran,  etc.  Après  son  ouverture,  on  traitera  ladite 
tumeur  par  le  myrte,  l'alun,  le  natron  (nitrate  de 
potasse),  la  camomille  unie  aux  vieilles  noix,  la 
résine  mastic ,  et  l'eau  de  plantain  [arnoglossa).  On 

'   Cuivre  calciné  avec  le  soufre  et  un  peu  de  sel  marin. 
'  Pierre  dure  et  ferrugineuse,  appelée  aussi  sancfuine.  C'est  un 
oxyde  rouge  de  fer. 


MÉDECINE  El  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  A57 
a  expérimenté  avec  avantage,  pour  faire  disparaître 
]a  tumeur  sans  quelle  s'ouvre,  l'application  persé- 
vérante du  (myrobalan)  indien,  râpé.  On  a  aussi 
expérimenté  dans  ce  but,  par  suite  de  l'inspira- 
tion divine,  l'alun  onctueux  \  la  tuthie  ou  calamine 
de  rinde,  et  l'humidité  du  scarabée  noir.  Pour  re- 
cueillir cette  dernière,  on  place,  pendant  une  demi- 
heure,  un  peu  de  laine  sur  l'insecte,  puis  on  la  re- 
tire. Dieu  est  le  plus  savant! 

Epiphora,  etc. 

Quant  au  larmoiement  ou  epiphora,  accompa- 
gné de  rougeur  et  d'excoriation  du  bord  libre  des 
paupières,  on  le  traite  utileuicnt  par  l'instillation 
du  safran  uni  au  vin,  de  la  myrrhe  avec  le  vinaigre, 
du  myrobalan  citrin  dans  l'eau  de  roses,  et  de  la 
décoction  de  noix  de  galle  ou  de  myrte. 

Tuméfaction. 

La  tuméfaction  des  paupières  guérit  en  mettant 
sur  les  yeux  le  topique  ou  collyre  sec  rouge;  en  ap- 
pliquant sur  ces  organes  le  mélilot,  le  jaune  d'œuf 
avec  le  safran  ou  le  collyre  sec  et  blanc,  mêlé  à  un 
peu  d'oliban. 

Sclérophthalmie. 

Dans  l'induration  des  paupières  ou  sclérophthal- 
mie avec  chaleur,  on  se  sert,  comme  épithèmes  ou 

'  C'est  une  sorte  d'alun,  d'aspect  sale  et  jaunâtre,  que  Ton  a 
appelé  aussi  beurre  de  montagne. 


458  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 

topiques,  de  l'huile  de  violettes,  notamment  avec 
le  vert-de-gris,  le  miel  ou  la  myrrhe.  Dans  la  sclé- 
roplîlhalmie  sèche ,  on  fait  usage  de  la  graisse  d  oie , 
de  la  moelle  de  la  jambe  de  bœuf  ou  de  quelque 
huile  lénitive,  delà  décoction  de  fenugrec  ou  d'orge 
mondé. 

Pannicule. 

Le  pannicule  ^  sera  traité  par  le  médicament  com- 
posé suivant,  employé  en  collyre  :  on  fera  bien 
bouillir  des  coquilles  d'œufs  dans  le  vinaigre  fort , 
puis  on  les  laissera  reposer  environ  dix  jours,  afin 
quelles  se  déposent  complètement.  Alors  on  les  fera 
sécher,  on  les  pulvérisera  et  on  les  emploiera  comme 
il  a  été  dit.  L'efficacité  de  ce  remède  a  été  constatée 
par  l'expérience.  Si  l'on  y  ajoute  le  suc  de  pourpier 
et  celui  de  concombre  sauvage ,  desséchés ,  le  collyre 
sera  ce  qu'il  y  aura  de  mieux. 

On  guérit  encore  le  pannicule  avec  le  médica- 
ment composé  suivant  :  gomme  ammoniaque  et 
encens;  de  chacune  de  ces  substances  une  portion; 
cinnabre^,  horkoûs,  ou  cuivre  bridé  et  calciné,  ar- 
senic rouge  ^  et  sucre;  de  chaque  une  demi-por- 
tion; myrrhe,  safran,  curcuma  ou  safran  des  Indes; 
de  chaque  un  quart  de  portion.  A  réduire  en  col- 
lyre sec,  suivant  la  règle  ou  fart.  Ce  médicament  a 
été  aussi  utilement  expérimenté. 

'   Réunion  de  plusieurs  ptérygions  sur  la  cornée,  etc. 

'  Oxyde  de  mercure  sulfuré  rouge;  sulfure  rouge  de  mercure. 

^   Réalgar  ou  sulfure  rouge  d'arsenic. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  459 
Un  troisième  médicament  composé,  pour  la  cure 
du  pannicule,  est  celui  qui  suit  :  sarcocolle,  tuthie 
ou  calamine  des  Indes ,  safran  et  sucre  pur  de  Hamâli , 
musc  odoriférant;  partie  égale  de  chaque.  On  tritu- 
rera ces  substances  suivant  l'art,  et  l'on  en  fera  un 
collyre,  à  employer  matin  et  soir.  L'expérience  a 
prouvé  aussi  l'utilité  de  ce  remède. 

On  peut  encore  se  gargariser  avec  le  rob  de  rai- 
siné \  ou  de  mûres,  uni  à  l'iris  faux  acore,  ou  à 
rhuile  de  violettes.  On  peut  enfin  employer  comme 
errhins  :  le  slrutbium  avec  l'huile  de  violettes,  la 
myrrhe,  le  suc  du  lycium,  l'ambre  gris  et  le  safran. 

Taches  rouges ,  etc. 

La  tache  ou  taie  rouge  ou  brune  de  la  cornée 
transparente  se  traite  par  les  substances  ci-dessous, 
en  instillation  dans  l'œil,  savoir:  la  myrrhe  unie  au 
lait  de  femme ,  la  décoction  d'épithym ,  d'agaric  ou  de 
figues;  la  moelle  de  carthame  et  autres  substances 
chaudes,  si  la  nature  de  la  maladie  est  froide,  oq 
bien  froides,  si  elle  est  chaude. 

Petit  apostème,  etc. 

Nous  parlerons  plus  tard  du  petit  apostème,  de 
la  petite  pustule  et  de  l'ulcère  des  paupières.  Icj 
nous  mentionnerons  seulement  l'instillation  tiède, 
dans  les  yeux,  du  blanc  d'œuf  ordinairement  uni 
au  lait,  et  du  mucilage  de  fenugrec  mêlé  à  la  cé- 
ruse.  Si  lesdites  affections  sont  anciennes,  elles  sont 

'  Suc  épaissi  de  raisin,  sapa  ou  defrutum. 


460  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

chaudes  ^  et  doivent  être  traitées  coinine  on  vient 

de  ie  dire. 

Albugo. 

La  tache  blanche  de  la  cornée,  ou  albugo,  sera 
traitée  par  un  collyre  fait  avec  les  substances  sui- 
vantes ,  unies  ou  séparées  :  le  miel ,  le  lyciiim  euro- 
péen, pendant  sept  jours;  le  fiel  de  l'hyène,  la 
présure  du  lièvre,  les  parties  qui  tombent  en  frot- 
tant la  malachite  sur  une  pierre  à  aiguiser,  le  suc 
de  centaurée,  l'anémone,  la  rosée  prise  sur  la  canne 
à  écrire  ^,  l'écume  de  mer,  la  grande  chélidoine,  la 
myrrhe,  lasarcocolle ,  le  safran  ,  le  sucre,  la  gomme 
ammoniaque  et  le  suc  de  lycium. 

Parmi  les  moyens  acquis  par  l'expérience  et 
avantageux  dans  l'albugo,  se  trouve  le  suivant  : 
mêler  le  blanc  d'oeuf  avec  le  fenugrec  pulvérisé, 
et  les  battre  ensemble,  puis  prendre  leur  écume 
sur  un  peu  de  coton  que  l'on  placera  entre  les 
paupières. 

On  a  aussi  expérimenté  que,  pour  faire  cesser 
cette  tache,  il  est  utile  d'employer  en  collyre  le 
musc  et  l'antimoine,  mélangés  avec  feau  de  roses. 
Il  en  est  de  même  de  l'infusion ,  pendant  un  jour  et 
plus,  de  la  limaille  de  cuivre  de  l'île  de  Chypre 
dans  l'urine  ;  et  encore  du  collyre  qui  suit  :  noix  de 
galle  et  acacia,  parties  égales;  vitriol  vert,  la  moitié 

'  Ou  «  galeuses ,  »  suivant  une  autre  leçon. 

■'  Ou  canne  de  Perse,  ^nUji  c-v^iaJi.  Ce  roseau  est  commun 
en  Egypte,  et  ses  racines  y  sont  employées  dans  la  lliérapenlique. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  401 
d'une  desdites  substances;  le  tout  dans  l'eau  de 
myrte  ou  dans  l'eau  du  lycium  européen. 

Rougeur. 

La  rougeur  galeuse  des  yeux,  avec  obscurcisse- 
ment de  la  vue,  sera  traitée  par  le  suc  de  centaurée, 
l'huile  d'amandes,  l'huile  de  violettes,  le  lait  de 
femme,  le  lait  d'ânesse,  en  instillation  dans  l'œil; 
laloès,  ou  l'anis,  en  collyre. 

Grosseur,  durelé,  elc. 

La  grosseur,  la  dureté  et  la  rudesse  des  pau- 
pières, avec  ardeur  de  l'œil ,  seront  combattues  par 
la  myrrhe,  le  nard  indien  ou  samhul,  la  lie  de  l'huile, 
le  lait  de  femme,  l'alun  et  le  miel,  soit  ensemble, 
soit  séparément. 

Dilatation. 

Contre  le  développement  ou  la  dilatation  des 
paupières,  on  emploiera  les  astringents  et  lassa  fœ- 
tida,  tant  en  aliments  qu'en  boissons;  les  œufs  avec 
l'huile  de  roses ,  en  instillation  dans  l'œil  ;  le  safran 
uni  au  lait  de  femme,  comme  topique. 

Rétrécissement. 

Dans  le  rétrécissement,  au  contraire,  on  mettra 
à  contribution  les  lénitifs;  on  appliquera  sur  les 
yeux  les  collyres  secs,  faits  avec  une  partie  de  camo- 
mille pyrèthre  et  un  quart  de  partie  d'opopanax. 
On  pourra  aussi  employer  le  collyre  jaune  ou  citrin. 


462  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865, 

Proéminence. 

La  proéminence  de  l'œil  sera  traitée  par  la  terre 
sigillée,  le  safran,  l'oignon  rôti,  le  jaune  cVoeAif, 
l'eau  de  coriandre,  l'eau  de  la  morelle  noire,  de 
pourpier  et  de  courges. 

Strabisme. 

Quant  au  strabisme,  il  sera  traité,  en  collyre, 
par  la  fumée  ou  suie  de  la  résine  sandaraque,  in- 
corporée dans  l'huile  de  roses,  qui  aura  été  prépa- 
rée avec  celle  de  sésame;  l'armoise  judaïque,  la  rue 
et  l'antimoine  mêlé  à  la  noisette  indienne.  Dans  le 
strabisme  sec  on  fera  usage  des  dilférents  laits,  en 
instillation  dans  l'œil. 

Héméralopie. 

L'héméralopie  ou  cécité  nocturne  est  avantageuse- 
ment traitée  en  s'appliquant  sur  les  yeux  le  collyre  ré- 
frigérant du  verjus,  les  collyres  brillants  \  le  foie  rôti , 
le  poivre  long,  notamment  avec  l'écume  du  foie  rôti, 
le  suc  du  lycium,  le  natron  ou  nitre,  le  ventre  des 
scarabées,  le  cérumen  avec  le  poivre,  durant  trois 
jours;  feau  de  rue,  surtout  unie  à  l'eau  de  coriandre 
verte;  l'eau  des  feuilles  de  radis,  etc.  On  peut  aussi 
employer,  comme  errhin,  le  spode  des  Arabes^,  h  la 
dose  d'un  huitième  de  gros,  avec  fhuile  de  violette, 

'  Conférez  ci-dessus,  p.  453. 

-  Cendres  de  canne,  antispodo;  sacharnm  bambusa'  anuuh- 
nac€(e,etc.  (Cf,  ci-dessus,  p.  /ia/j. 


MEDECINE  ET  THERAPEUTIQUE  ARABES.  46^ 
et  continué  pendant  trois  nuits.  Cela  a  été  expéri- 
menté. 

Nyclalopie. 

La  nyctalopie  ou  cécité  diurne  sera  combattue 
par  le  décocté  de  camomille  et  de  pavot,  en  embro- 
cation;  par  l'huile  de  violette,  la  crème  de  lait  ou 
le  beurre  frais,  l'huile  de  sésame  et  toute  substance 
humectante,  à  l'intérieur,  ou  introduite  dans  les 
narines. 

Visions. 

Pour  ce  qui  est  des  visions,  ou  hallucinations  de 
la  vue,  et  de  la  confusion  des  couleurs,  s'il  arrive 
que  tantôt  elles  augmentent  et  tantôt  diminuent, 
ou  bien  qu'elles  se  montrent  quand  on  a  faim  et 
cessent  quand  on  est  rassasié ,  ou  bien  encore  qu'elles 
se  prolongent  au  delà  de  six  mois,  soit  que  le  ma- 
lade croie  voir  devant  ses  yeux  des  mouches  ou 
non;  dans  ces  cas,  elles  n'indiquent  point  un  com- 
mencement de  cataracte.  Si  les  symptômes  parais- 
sent venir  de  bas  en  haut,  alors  l'affection  est  le 
produit  des  vapeurs  de  festomac.  Si  au  contraire  ils 
descendent,  elle  est  le  produit  du  cerveau.  Si  ni  l'une 
ni  l'autre  de  ces  circonstances  n'a  lieu,  alors  fatfec- 
tion  est  le  produit  tant  de  festomac  que  du  cer- 
veau. 

Dans  le  premier  cas,  c'est-à-dire  si  la  maladie  en 
question  provient  de  festomac,  il  est  avantageux 
d'employer   les    médicaments   qui    empêchent    les 


404  OCTOBRE-NOVEMBRE    1865. 

vapeurs  de  monter.  Tels  sont,  par  exemple,  à  l'in- 
térieur :  les  myrobalans,  les  coings,  les  poires,  la 
marjolaine,  la  menthe,  les  semences  de  plantain' 
unies  au  julep,  la  lavande  stécbas^,  les  fleurs  de 
violette,  la  résine  mastic,  la  cannelle,  l'anis,  la  co- 
riandre, l'origan,  même  non  lavé,  la  noisette,  le 
raisin  sec,  le  carvi,*la  laitue  et  les  semences  de  pa- 
vot. Tout  cela  à  prendre  avec  le  sucre.  En  collyre, 
on  se  servira  de  la  cendre  des  têtes  de  pigeons,  de 
la  sarcocoUe,  du  safran,  de  l'alun,  etc. 

Dans  le  second  cas ,  celui  où  la  maladie  provient 
du  cerveau,  on  mettra  en  usage  les  électuaires,  et 
encore  les  autres  substances  qui  donnent  de  la  force 
à  cet  organe.  Telles  sont,  en  guise  d'exemple,  les 
clous  de  girofle ,  l'iris  faux  acore ,  l'ambre  gris  et  le 
musc. 

Dans  le  troisième  cas,  c'est-à-dire  si  la  maladie 
provient  en  même  temps  de  l'estomac  et  du  cer- 
veau, les  médicaments  à  mettre  en  pratique  doivent 
être  composés  de  ceux  des  deux  ordres  qui  viennent 
d'être  mentionnés.  Ainsi  l'on  pulvérisera  la  menthe 
verte,  qu'on  couvrira  avec  un  peu  de  miel;  ensuite 
on  la  placera  dans  un  vase  ample  qui  sera  exposé 
à  la  rosée  pendant  toute  une  nuit;  alors  on  la  filtrera 
à  travers  un  morceau  d'étofle,  et  on  l'emploiera  en 
instillation  dans  les  yeux,  tous  les  jours,  au  moment 
du  déjeuner.  L'utilité  de  ce  moyen  a  été  établie  par 
l'expérience. 

'   Ou  herbe  aux  puces,  pUmlaçjo  psyllium. 
'   Luvandala  stœchns. 


MEDECfNE  ET  THÉRAPECTIQUE  ARABES.         405 

Il  en  est  de  même  du  remède  appelé  le  sirop  des 
visions,  ou  des  fantômes.  C'est  un  des  meilleurs  mé- 
dicaments composés  que  1  on  connaisse;  il  sert  à  For- 
tifier le  cerveau  et  l'estomac,  h  empêcher  les  va- 
peurs de  m.onter  à  la  tête ,  à  guérir  un  grand  nombre 
de  maladies,  et  à  purifier  tous  les  sens.  On  le  prépare 
comme  il  suit  :  pommes  coings,  poires,  de  chaque 
une  partie;  infusion  de  myrte,  origan,  marjolaine, 
lavande  stéchas,  coriandres  sèches,  de  chaque  une 
demi-partie;  bois  de  sandal,  anis,  de  chaque  un 
quart  de  partie.  On  fera  bouillir  le  tout  dans  dix 
parties  d'eau,  jusqu'à  réduction  au  quart;  on  con- 
densera la  colature  au  moyen  de  quantité  égale  de 
sucre  et  d'un  quart  de  suc  de  citron ,  et  l'on  conser- 
vera le  sirop. 

Un  autre  excellent  moyen  pour  guérir  la  maladie 
dont  nous  parlons,  consiste  dans  le  fiel  de  la  chèvre 
uni  au  miel ,  et  employé  en  collyre.  L'expérience 
en  a  constaté  l'avantage. 

Pour  chasser  absolument  les  vapeurs  on  a  con- 
seillé l'électuaire  suivant  :  feuilles  de  myrte,  noix  de 
cyprès,  bois  de  sandal,  absinthe  et  bois  d'aloès,  pé- 
tris avec  de  l'huile  et  du  miel.  On  y  a  ajouté  aussi 
de  la  menthe ,  du  serpolet  et  de  la  rue. 

On  a  dit  que  l'usage  persévérant  du  panicaut' 
guérit  radicalement  ces  hallucinations  de  la  vue 
dont  nous  nous  occupons. 

Voici  encore  un  composé,  dont  l'utilité  dans 
cette  affection  est  acquise  par  l'expérience  :  résine 

^  Chardon  Roland  on  roulant,  chardon  à  cent  têtes,  etc. 
VI.  3i 


466  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

mastic,  clous  de  girolle,  bois  d'aloès,  coriandres 
sèches,  pyrèthre,  iadanum  et  pommes  de  pin.  On 
arrosera  trois  parties  de  ces  substances  au  moyen 
d'une  partie  d'hydromel;  puis  on  pétrira  la  masse 
avec  gomme,  amidon,  et  l'on  en  fera  des  pilules. 

Cataracte,  etc. 

La  cataracte,  dont  les  signes  sont  connus  par  ce 
qui  précède,  est  une  sorte  d'humeur  aqueuse  qui 
s'interpose  entre  l'organe  visuel  et  les  objets  que  l'on 
regarde.  11  y  en  a  onze  espèces,  et  la  plus  grave  de 
toutes  est  l'espèce  nommée  cataracte  noire.  Un  trai- 
tement qui  réussit  bien  dans  les  premiers  temps  de 
la  maladie,  c'est  de  faire  bouillir  vingt  grains  de 
staphisaigre\  sept  grains  de  polypode,  trois  grains 
de  chaque  espèce  de  centaurée,  autant  de  turbith 
végétal,  dans  cent  cinquante  gros  (cinq  cent  quatre- 
vingt-cinq  grammes)  d'eau,  jusqu'à  ce  qu'elle  soit 
réduite  à  un  tiers,  et  de  la  boire. 

Un  autre  traitement  qui  réussit  bien  ,  en  général , 
dans  la  même  affection,  c'est  de  s'appliquer  sur  les 
yeux  les  graines  de  cutam'^,  la  vieille  huile,  l'encre 
a  écrire  (d'Orient),  le  sagapénum,  Tassa  fœtida,  l'a- 
némone, l'eau  d'oignon,  l'eau  de  pouliot,  le  suc  de 
la  racine  du  cyclame^,  le  musc,  le  sel  ammoniac,  le 
cerveau  de  la  chauve-souris,  uni  à  l'hydromel*,  les 

^  Herbe  à  ia  pituiie,  herbe  aux  poux,  etc. 

'  Boxas  dioica.  Forsk. 

^   Cjclamen  curopewn ,  \yà\n-depourceaiU  ,  arlbaulta  ,  etc. 

*  Le  manuscrit  n"  io/|o  ajoute  ici  cr  f|ui  suit:  l'huile  «le  briques, 


MÉDECINK  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  467 
perles  dissoutes  et  la  marcassite  calcinée,  comme  on 
le  pratique  pour  la  chaux.  C'est  ainsi  que  l'a  indiqué 
l'expérience,  et  de  cette  manière  on  guéritla  cécité. 

On  peut  aussi  se  servir,  dans  le  même  but ,  de  ce 
collyre  composé  :  arsenic  rouge  ou  réalgar,  alun  et 
antimoine.  Il  a  été  avantageusement  employé.  On 
peut  en  dire  autant  de  celui  qui  suit  :  cadmie  d'or, 
marcassite  d'or  calcinée,  et  suie  de  cuivre,  prove- 
nant du  lieu  où  l'on  fait  fondre  ce  métal,  parties 
égales  de  chacune;  poivre,  la  moitié  d'une  de  ces 
parties;  on  pilera  le  tout,  on  arrosera  la  masse  avec 
le  vinaigre  de  raisin,  puis  on  la  fera  sécher;  après 
cela  on  l'arrosera  encore  avec  l'eau  de  fenouil,  on 
la  fera  sécher  de  nouveau ,  on  la  triturera  et  on  l'em- 
ploiera. 

Il  est  aussi  avantageux  dans  la  cataracte  de  se 
frotter  la  tête  avec  les  feuilles  sèches  de  narcisse, 
pétries  avec  le  henné;  ou  bien,  d'introduire  dans 
les  narines  l'ambre  gris,  la  pierre  qui  se  forme  dans 
le  fiel  du  bœuf^  et  dont  on  mettra,  gros  comme  une 
lentille,  dans  l'eau  de  bette;  enfm  l'huile  d'iris  avec 
la  nigelle.  On  a  expérimenté  qu'un  mithkâl  d'ori- 
gan ,  pris  au  moment  de  se  coucher,  ou  avant  de 
s'endormir,  est  une  sauvegarde  contre  la  cataracte. 
On  a  expérimenté  encore  que  l'emploi  du  collyre 
dont  nous  allons  parler  est  utile  dans  toutes  les  ma- 
ladies qui  ont  été  ci-dessus  mentionnées,  et  autres, 

l'aloès  uni  à  la  cervelle  du  coq,  ou  à  celle  de   l'agneau,  la  poix 
liquide  mêlée  au  miel. 

'   Sorte  de  bézoard  ,  lapis  bezoardicus. 

3i. 


468  OCTOBRE-NOVEMBRE   ISôf). 

tant  externes  qu'internes,  tant  connues  (dans  leur 
nature)  qu'ignorées.  Quiconque  se  sert  de  ce  coi- 
lyre  n'a  pas  besoin  de  médecine  ni  de  médecins.  En 
un  mot,  ce  composé  est  doué  des  propriétés  les 
plus  secrètes. 

Voici  comment  on  le  prépare  :  tuthie  de  l'Inde, 
poivre  noir,  poivre  long,  grande  chélidoine,  pissas- 
phalte\  acacia,  écume  de  mer  et  gomme  arabique, 
de  chaque  cinq  mithkâls;  or  brûlé,  perles,  rubis, 
nard  indien ,  cadmie  d'or  et  d'argent,  de  chaque  trois 
mithkâls;  écrevisse  chinoise^,  terre  ou  argile  de 
Chine,  corail,  excréments  du  lézard,  poivre  blanc, 
marcassite  d'or  et  d'argent,  de  chaque  deux  mith- 
kâls; cuivre  brûlé  et  calciné  [horkoûs),  scorie^,  acier, 
fer,  myrrhe,  vert-de-gris,  sel  gemme  indien,  sel  am- 
moniac, de  chaque  un  miihkâl.  On  triture  le  tout  et 
on  l'emploie  suivant  la  règle. 

Le  collyre  suivant  est  presque  aussi  avantageux 
que  celui  que  nous  venons  de  faire  connaître  :  sco- 
ries de  cuivre,  une  portion;  aloès,  grande  chéli- 
doine, de  chaque  une  demi-portion;  écume  de  mer, 
clous  de  girofle,  sel  ammoniac,  ambre  gris  et  musc; 
de  chaque  un  quart  de  portion.  On  pilera  ces  dro- 
gues et  l'on  mouillera  la  masse  pendant  une  semaine 
avec  l'eau  du  lycium  d'Europe;  puis  on  la  fera  sé- 
cher, et  on  remploiera  pour  les  yeux. 

'   Poix  mêlée  de  bitume,  poix  minérale,  goudron  minéral,  etc. 
mumia,  pissasphaltus ,  pittasphaltos ,  etc. 
2  Ecrevisse  de  mer,  cancer  marinus. 
2  Scories  de  fer,  de  cuivre ,  etc.  tobal. 


MÉDECINE  ET  THÉRAPEUTIQUE  ARABES.  469 
Une  particularité  remarquable,  c'est  que  celui  qui 
s'enduit  les  yeux  avec  la  graisse  de  la  gazelle  voit 
les  génies  ou  les  esprits,  et,  s'il  les  interroge,  il 
en  reçoit  une  réponse.  Quant  aux  poils  (qui  bles- 
sent l'œil  ou  les  paupières,  sorte  de  trichiasis,  ou  de 
phalangosis),  nous  en  parlerons  plus  loin. 

Avertissement. 

Quiconque  veut  conserver  pendant  longtemps  le 
bon  état  de  sa  vue  doit  se  garantir  contre  la  grande 
chaleur,  contre  l'excès  du  froid  et  la  violence  des 
vents,  surtout  du  vent  froid;  contre  la  poussière 
et  la  fumée.  Il  doit  éviter  l'excès  dans  le  coït,  dans 
les  pleurs,  dans  le  sommeil,  dans  la  veille,  dans 
l'usage  des  bains,  dans  l'action  de  fixer  les  petits 
objets,  les  objets  brillants,  et  ceux  de  couleur 
blanche.  Il  ne  doit  pas  manger  beaucoup  de  ces  ali- 
ments vaporeux  ou  venteux,  tels  que  les  oignons, 
les  haricots,  les  lentilles.  Il  doit  s'abstenir  des  mets 
qui  donnent  de  la  pesanteur  à  la  tête ,  ainsi  qu'il  a 
été  dit  plus  haut. 

Enfin  on  a  observé  que  l'habitude  de  manger  tous 
les  jours  une  poignée  de  lupins  du  pays  de  Mahallah 
(en  Egypte),  salés,  et  avec  leurs  gousses,  donne  de 
l'éclat  et  de  la  force  à  la  vue.  C'est  là  une  particu- 
larité dont  jouissent  ces  graines  \ 

.  *  La  liste  des  termes  techniques  et  autres  suivra  dans  un  numéro 
prochain.  Elle  sera  précédée  d'un  Avertissement,  dans  lequel  je  don- 
nerai à  mes  lecteurs  des  explications  qui  trouveront  naturellement 
là  leur  place. 


470  OCTOBRE   NOVEMBRE    1865. 

NOUVELLES  ET  MÉLANGES 

SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SÉANCE  DU   13  OCTOBRE  1865. 

La  séance  est  ouverte  à  8  heures  par  M.  Reinaud,  pré- 
sident. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

M.  le  secrétaire-adjoint  donne  lecture  de  la  correspon- 
dance. 

M.  de  Rhanikof  présente  à  la  Société  une  description  de 
la  côte  méridionale  de  la  mer  Caspienne,  par  M.  Melgounof, 
avec  une  carte  détaillée  de  la  côte,  en  langue  russe. 

M.  Pilard  écrit  à  la  Société  pour  lui  annoncer  l'envoi  de 
deux  exemplaires  d'un  Traité  d'arithmétique  en  arabe. 

Lettre  de  M.  G.  d'Eichlhal,  annonçant  l'envoi  de  ses  Ori- 
gines asiatico-bouddhiques  de  la  civilisation  américaine. 

M.  le  Ministre  de  la  marine  écrit  à  la  Société  pour  lui  an- 
noncer l'envoi  d'un  exemplaire  du  Code  annamite  du  capi- 
taine Aubaret. 

M.  Orlando  remercie  la  Société  de  l'avoir  admis  parmi  ses 
membres. 

M.  Léon  de  Rosny  lit  une  note  sur  l'influence  des  migra- 
tions bouddhiques  sur  le  développement  de  la  littérature  en 
Corée. 

M.  Drouin  est  chargé  de  faire  un  rapport  sur  l'ouvrage  de 
M.  le  capitaine  Aubaret. 

M.  Oppert  rend  compte  de  ses  dernières  études  au  Musée 
Britannique;  il  communique  à  la  Société  les  noms  des  mois 
assyriens  et  quelques  résultats  historiques  relatifs  à  l'Egypte. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  471 


OUVRAGES  OFFERTS  À  LA  SOCIETE, 

Par  M.  le  Ministre  de  la  marine.  Code  annamite;  lois  et 
règlements  du  royaume  d'Annam.  Traduit  du  texte  chinois, 
par  M.  G.  Aubaret.  Paris ,  Imprimerie  impériale ,  1 865 ,  2  vol. 
grand  in-S". 

Par  l'auteur.  Etude  sur  les  origines  bouddhiques ,  1"  partie, 
par  M.  G.  d'Eichthal.  Extrait  de  la  Revue  archéologique. 
Paris,  i865,in-8°. 

Par  l'éditeur.  Homonyma  inter  noniina  relativa,  auctore 
Ibno  'l-Raïsarani ,  edidit  D'  P.  de  Jong.  Leyde ,  1 865 ,  in-8°. 

Par  l'éditeur.  Historia  khalifatus  Omari  II,  Jazidi  et  Ei- 
schami,  edidit  M.  J.  De  Goeje.  Le.yde,  i865,  in-8°. 

Par  la  Société.  Bibliotheca  indica,  vol.  IV,  fasc.  3  :  A  bio- 
graphical  Dictionaiy  of  persons  who  knew  Mohammed,  edited 
in  arabic  by  W.  N,  Lees.  Calcutta,  1864,  iu-8°. 

Par  les  éditeurs.  Journal  des  Savants,  juillet,  août,  sep- 
tembre i865,  in-A". 

Par  la  Société.  Transactions  de  la  Société  américaine,  mai, 
décembre  1860.  Paris,  in-8°. 

—  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie,  juin,  juillet  et 
août  1865  {2  livraisons). 

—  Revue  orientale,  n°  55.  Paris,  i865,  in-S", 

—  Actes  de  la  Société  d'ethnographie ,  2**  livraison  ,  2' série. 
Paris,  i865,  in-8^ 

—  Traité  d'arithmétique,  par  M.  Pilard,  interprète  de 
l'armée.  Texte  arabe.  Paris,  Imprimerie  impériale,  186 5, 
in-8°. 

—  Actes  du  Comité  d'archéologie  américaine,  3*  livraison, 
tome  I". 

—  Bulletin  et  Annales  du  Conseil  d'outre-mer,  n'*  82  ,  83, 
84,  85,  117.  Lisbonne,  Imprimerie  nationale,  i865. 

—  Distribution  des  prix  au  Collège  arabe  d'Alger.  Alger, 
i865. 

—  Moniteur  de  Pékin. 


472  OCTOBRE-NOVEMBRE  1865. 


Histoire  des  khans  de  Kassimoff  (en  russe),  par  M.  Wéliami- 
noflf-Zernoff,  membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Saint-Péters- 
bourg (tome  II,  de  XVI,  498  pages). 

Dans  un  précédent  article ,  nous  avons  rendu  compte  du 
premier  volume  de  cet  ouvrage,  dû  à  l'un  des  savants  acadé- 
miciens russes  qui  se  sont  imposé  la  tâche  d'étudier  l'histoire 
des  populations  musulmanes  du  vaste  empire  des  tzars.  Le 
volume  dont  nous  allons  parler  aujourd'hui  ne  le  cède  en 
rien,  comme  intérêt,  au  premier;  il  embrasse  les  annales  du 
khanat  de  Kassimoff,  depuis  Tannée  1567  jusqu'à  1610, 
c'est-à-dire  un  espace  de  quarante-trois  ans  ,  durant  lesquels 
trois  souverains  occupèreht  le  trône  :  Saïne-Boulate,  Mous- 
tapha-Ali  et  Onraz-Mohammed.  Les  deux  premiers  apparte- 
naient à  la  famille  des  princes  souverains  d'Astrakhan,  dont 
le  khanat  fut  détruit,  en  lôôy,  par  les  Russes.  Onraz-Mo- 
hammed était  un  prince  kirghiz-kaissak  qui  était  tombé  aux 
mains  des  Russes  pendant  la  conquête  de  la  Sibérie,  et  que 
la  faveur  des  tzars  avait  placé  à  la  tête  du  khanat  de  Kassi- 
moff. Jusqu'à  présent,  on  ne  savait  que  fort  peu  de  chose  de 
l'histoire  de  ces  trois  princes;  leurs  noms  mêmes  étaient  à 
peine  connus.  M.  Wéliaminoff-Zernoff  a  réussi,  à  force  de 
recherches,  à  refaire  entièrement  leur  biographie,  et  il  est 
parvenu  à  mettre  en  relief  la  vie  de  ces  trois  kbans,  dont 
l'existence  se  lie  intimement  à  l'histoire  de  l'une  des  époques 
les  plus  saillantes  de  la  Russie,  c'est-à-dire  les  règnes  de 
Jean  IV  le  Terrible,  de  son  lils  Théodore,  de  Boris  Godou- 
noff  ^  et  la  période  de  trouble  des  faux  Démétrius.  Les  do- 
cuments contemporains,  mis  en  lumière  par  M.  Wéliaminoff- 
Zernoff,  prouvent  que  les  khans  de  Kassimoff  prirent  une 
part  active  à  tous  ces  événements.  C'est  ainsi  que  Saïne- 

'  Il  est  curieux  de  noter,  en  passant ,  que  les  seuls  représentants  de  la 
maison  tzarienne  des  Godounoff  sont  actuellement  les  Sahou.ro ff  ci  les  Wélia- 
minoJf-ZernoJf . 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  473 

Boulate,  après  un  court  séjour  à  Kassimoff,  se  laissa  baptiser 
sous  le  nom  de  Siméon,  et,  cédant  sa  place  à  Moustaplia-Ali , 
devint  plus  lard,  sinon  de  fait,  du  moins  de  nom,  grand-duc 
de  Twer.  Onraz-Mohammed ,  de  son  côté ,  devint  l'un  des  parti- 
sans les  plus  zélés  d'un  des  faux  Démétrius,  qui  le  récom- 
pensa de  son  dévouement  en  le  tuant  de  sa  main,  dans  une 
parlie  de  chasse,  près  de  Kalouga,  en  1810. 

La  parlie  principale  du  second  volume  de  l'histoire  de 
Kassimaff  est ,  sans  contredit,  celle  qui  Iraile  d'Onraz-Mo- 
liammed.  M.  Wéliaminoff-Zernoff  s'est  attaché  surtout  à  éta- 
blir la  généalogie  de  ce  prince  kirghiz,  et,  dans  celle  vue, 
il  a  du  écrire  presque  entièrement  l'histoire  des  Rirghiz-Rais- 
saks,  depuis  leur  apparition  jusqu'au  commencement  du 
xviii^  siècle.  Cette  partie  du  second  volume  des  khans  de 
Rassimoffest  d'un  intérêt  capital,  car  elle  renferme  des  dé- 
tails inconnus  jusqu'à  présent  sur  un  peuple  dont  on  faisait 
remonter  l'origine  à  une  époque  fort  ancienne,  el  dont  l'exis- 
tence est,  au  contraire,  toute  récente.  Les  Raissaks  ne  pa- 
raissent être  qu'une  agglomération  de  différentes  tribus  de 
l'Asie  centrale  qui ,  vers  le  milieu  du  xv'  siècle ,  au  moment 
des  troubles  occasionnés  par  la  mort  du  khan  uzbek  Abdoul- 
Rhan,  se  réunirent  dans  les  steppes  de  la  Mongolie,  sous  les 
drapeaux  de  certains  descendants  de  Djenghiz-Rhan.  Leurs 
premiers  chefs  étaient  les  frères  Djani-Bek  et  Ghiraï,  (ils  de 
Barak-Rhan  et  arrière-petits-fds  d'Ourous-Rhan ,  fondateur 
d'une  nouvelle  dynastie  des  khans  de  la  Horde  d'Or.  M.  Wé- 
liaminoff-Zernoff a  raconté  en  détail  toutes  les  révolutions 
que  le  peuple  kaissak  a  eu  à  subir  pendant  son  existence 
jusqu'au  commencement  du  xvui"  siècle.  On  voit  les  Rais- 
saks tantôt  vaincus,  tantôt  vainqueurs,  mais  se  faisant  tou- 
jours craindre  de  leurs  voisins,  et  réussissant  à  occuper  les 
terres  sur  lesquelles  ils  sont  actuellement  installés  vers  les 
frontières  d'Orembourg  et  de  la  Sibérie,  jusqu'au  moment 
où  ils  durent  se  souuieltre  à  la  Russie.  A  côté  de  ces  données 
toutes  nouvelles,  on  trouve  dans  le  livre  du  savant  académi- 
cien russe  la  liste  entière  de  tous  les  khans  kaissaks,  depuis 


474  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

Djani  Beg  et  Ghiraï  jusqu'à  Aboul-Khaïr  qui  se  fil  sujet 
russe.  En  Europe,  nous  ignorions  la  plupart  des  noms  de 
ces  souverains,  et  cependant  plusieurs  d'entre  eux  onl  joui 
d'une  grande  réputation  en  Asie.  Le  célèbre  Kassim ,  iils  de 
Djani  Beg,  tint  tête  à  Scheibani,  émir  de  Boukhara;  Scbigaï 
fut  l'allié  d'Abdoullab,  émir  de  Bqukbara,  mort  en  1698. 
Twekkel  s'empara  de  Tacbkend  qu'il  légua  à  ses  descendanis, 

M.  Wéliaminoff-Zernoffa  tiré  tous  les  renseignements  qu'il 
a  donnés  dans  son  livre  sur  les  Kaissaks  de  plusieurs  sources 
orientales  et  occidentales  inédites,  notamment  du  Tarichi- 
Raschid,  écrit  par  Mobammed-Haider,  parent  de  Baber  sul- 
tan,  et  dont  les  manuscrits  se  trouvent  à  l'université  de 
Saint-Pétersbourg  et  au  musée  asiatique  de  l'Académie  des 
sciences  (ce  dernier  en  dialecte  kascbgar). 

Outre  l'bistoire  des  Kaissaks  el  de  Kassimoff,  M.  Wélia- 
minoff-Zernoff  a  donné  des  notices  nouvelles  sur  le  kbanal 
de  Sibérie,  dont  l'bistoire  se  relie,  à  la  tin  du  xvi'  siècle,  à 
celle  de  Kassimoff,  et  un  coup  d'oeil  général  sur  l'organisa- 
tion intérieure  des  khanats  de  Crimée,  de  Kazan,  d'Astra- 
kban  ,  clc. 

Deux  plancbes  sont  annexées  à  ce  second  volume.  La 
plancbe  II  contient  des  fac-similé  d'inscriptions  tumulaires 
talares,  découvertes  à  Kassimoff.  La  plancbe  1"  représente 
le  mausolée  de  Scbab-Ali,  klian  de  Kassimoff.  M.  Wélia- 
minoff-Zernoff  nous  promet  un  troisième  volume  de  l'His- 
toire des  kbans  de  Kassimoff,  dont  l'impression  sera  ter- 
minée dans  le  courant  de  cette  année. 

En  debors  de  cette  importante  publication,  le  savant  aca- 
démicien russe  vient  encore  d'imprimer  un  grand  recueil 
de  documents  tatars  tirés  des  arcbives  de  Moscou ,  sous  le 
litre  de  :  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  du  khanat  de 
Crimée ,  avec  une  préface  en  russe  et  en  français ,  donl  nous 
nous  proposons  de  rendre  compte  dès  que  nous  aurons  reçu 
le  volume. 

Nous  ne  pouvons  que  féliciter  M.  Wéliaminoff-Zernoff  de 
s'être  engagé  dans  la  voie  peu  tracée  qu'il  parcourt  en  ce 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       475 

moment,  et  de  faire  connaître  aux  amis  des  études  orientales 
des  points  d'histoire  intéressants  qui  comblent  des  lacunes 
importantes  dans  ies  annales  des  contrées  asiatiques  possé- 
dées actuellement  par  la  Russie. 

Victor  Langlois. 


Die  Himjarjsche  Kasideh,  herausgegeben  und  ûbersetzt  von 
R.  von  Kremer.  Leipzig,  i865  (vu  et  33  pages). 

11  se  trouve  dans  la  Bibliothèque  impériale  de  Vienne  un 
volume  contenant  un  poëme  arabe  en  cent  trente-cinq  dis- 
tiques, accompagné  d'un  long  commentaire  grammatical  et 
historique.  Le  poëme  porte  le  titre  âe  Kasideh  himyarite,  soit 
parce  que  l'auteur  était  un  descendant  des  anciens  princes 
des  Himyarites,  soit  à  cause  de  la  manière  dont  il  a  traité 
son  sujet.  Ce  sujet  est  l'incertitude  des  choses  humaines,  et 
l'auteur  appuie  sa  thèse  sur  de  nombreux  exemples  tirés  de 
l'ancienne  histoire  himyarite.  La  brièveté  de  ces  allusions 
historiques  rendait  un  commentaire  indispensable,  et  l'im- 
perfection de  nos  connaissances  de  l'ancienne  histoire  du  sud 
de  l'Arabie  rend  les  renseignements  que  doit  contenir  ce 
commentaire  extrêmement  précieux  pour  nous.  M.  de  Kremer 
a  commencé  par  publier  le  texte  et  la  traduction  du  poëme, 
et  promet  des  extraits  du  commentaire.  L'exemplaire  de  la 
bibliothèque  de  Vienne  est  malheureusement  trop  défiguré 
par  des  fautes  et  par  des  lacunes,  pour  que  M.  de  Kremer 
puisse  entreprendre  de  le  publier  en  entier,  et  il  espère  que 
l'impression  du  texte  du  poëme  appellera  l'attention  sur  l'ou- 
vrage dont  il  s'occupe,  et  conduira  à  la  découverte  d'un  nou- 
veau manuscrit  de  ce  commentaire.  Dans  tous  les  cas,  il  nous 
donnera  ce  qu'il  pourra  tirer  du  manuscrit  de  Vienne,  et 
quand  on  voit  le  nombre  de  personnages  himyarites  cités 
dans  ce  poëme,  qui  nous  sont  tout  à  fait  inconnus,  on  ne 
peut  qu'attendre  de  ce  travail  des  éclaircissements  inespérés 
de  cette  partie  de  l'histoire  de  l'Arabie.  —  .1.  M. 


470  OCTOBRE-NOVEMBRE   1865. 

Lettebs  fp.om  Egypt,  1863-1865,  by  Lady  Ddff  Gordon.  Londres, 
i865,  in-8°  {xii  et  371  pages). 

Lady  Gordon  fut  envoyée  en  Egypte  en  i863  parles  mé- 
decins; elle  ne  trouva,  ni  à  Alexandrie,  ni  même  au  Caire, 
une  température  assez  chaude,  et  linit  par  s'établir  dans  le 
village  d'El-Uksur,  près  de  Thèbes ,  dans  une  maison  que 
M.  Tastu,  consul  général  de  France,  voulut  bien  mettre  à 
sa  disposition.  Le  volume  qui  vient  de  paraître  contient  la 
reproduction  exacte  de  sa  correspondance  de  famille,  sans 
qu'on  ait  supprimé  ou  ajouté  quelque  chose.  Ces  lettres  sont 
trè.s-intéressantes.  Lady  Gordon  ,  qui  parait  être  une  personne 
pleine  de  sympathie  pour  ceux  qui  souffrent,  s'intéressa  aux 
Arabes  et  aux  Coptes  de  ce  village,  apprit  d'eux  l'arabe,  les 
visita  familièrement,  se  fit  au  besoin  leur  médecin  ou  leur 
protectrice  contre  les  oppressions  des  autorités  subalternes, 
et  raconte  dans  ses  lettres  tout  ce  qu'elle  apprend  de  jour 
en  jour.  Elle  observe  curieusement  les  mœurs,  les  traits  de 
caractère,  les  superstitions,  tout  l'étal  civil  et  moral  de  ces 
pauvres  gens.  L'impression  que  donne  la  lecture  de  ses 
lettres  est  très-favorable  aux  fellahs  et  très -défavorable  au 
gouvernement  égyptien,  dont  les  procédés  dans  les  parties 
éloignées  du  pays  se  ressentent  peu  du  vernis  de  civilisation 
européenne  dont  on  se  vante  au  Caire  et  à  Alexandrie.  Il 
est  fort  à  désirer  que  ce  livre  arrive  aux  mains  de  tous  les 
Européens  qui  voyagent  sur  le  Nil,  pour  combattre  le  dédain 
avec  lequel  ils  traitent  les  Arabes,  et  pour  leur  inspirer  un 
peu  de  sympathie  pour  une  population  très-digne  d'un  meil- 
leur sort.  Les  lettres  de  Lady  Gordon  sont  non-seulement 
d'une  lecture  instructive  et  attachante,  mais  elles  sont  une 
véritable  bonne  œuvre,  et  nous  avons  grand  besoin  de  livres 
semblables  sur  toutes  les  parties  de  l  Orient.  —  J.  M. 


JOURNAL  ASIATIQUE 

DÉCEMBRE   1865. 

INTRODUCTION  DU  BUDDHISME 

DANS  LE  KASHMIR, 
PAR  M.  LÉON  FEER. 


Le  premier  livre  buddhique^  que  la  science  con- 
temporaine ait  révélé  à  l'Europe,  la  Chronique  cin- 
galaise,  rédigée  en  pâii,  sous  le  titre  de  Mahâvanso , 
nous  présente  dans  son  xif  chapitre  un  grand  et 
solennel  spectacle.  On  y  voit  tout  un  ensemble 
de  missions  organisées  sous  le  règne  du  grand  roi 
Dharma-Açôka  pour  porter  de  tous  côtés  dans  les 
pays  étrangers  les  doctrines  et  les  institutions  bud- 
dhiques. 

«I  Lethérô,  fils  de  Moggali,  dit  l'auteur  de  ce  livre, 
celui  qui  fait  briller  renseignement  du  Jina,  après 
avoir  tenu  l'assemblée  (le  3*"  concile),  envisageant 
l'avenir,  considéra  que  le  moment  était  venu  d'éta- 
blir  la  loi  dans  les  pays  étrangers,  et,  dans  le  mois 

'  Parmi  les  lettres  employées  dans  la  transcription  a  =  ou,j  = 
dj,  ch  =  tclî ,  5/1  =  ch ,  X  =  kch  ;  le  cj  est  toujours  dur;  ai  =  aï,  au 
=  aou.  Les  autres  lettres  se  prononcent  comme  en  français.  Ainsi 
muni  se  lit  mouni  ;  Jalodbhava ,  Djalodbbava;  Panchakô,  Panlchakô; 
Kushmir,  Kachmir;  bhixu ,  bhikchu  -,  d(jé  dguc.  Dans  les  mots  tibétains, 
le  /  vaut  notre  j,  et  le  son  dj  est  rendu  par  dj. 

V}.  32 


478  DECEMBRE  18C5. 

de  kattika,  il  envoya  des  thêiôs,  les  uns  d'un  côté, 

les  autres  d'un  autre. 

((A  Rasmîra  et  Gandhâra,  il  envoya  le  tliêrô  Maj- 
jhantika  ;dansleMahisamandala ,  lethêrôMahâdêva; 
à  Vanavasi,  il  envoya  letbêrô  nommé  Rakkita,  et  à 
Aparantaka,  celui  qui  s'appelait  Yonadbammarak- 
kita;  dans  le  Mahâratlba,  il  envoya  le  thêrô  Mahâ- 
dhammarakkila;  quant  au  thêrô  Mabârakkita ,  il 
l'envoya  dans  la  contrée  de  Yôna.  11  envoya  le  thêrô 
Majjbima  dans  le  territoire  de  l'Himavat,  et  dans  la 
terre  de  Suvanna  les  deux  tbêrôs  Sôna  et  Ultara.  Il 
envoya  le  thêrô  Mahâmabinda  avec  les  autres  dis- 
ciples Ittbiya ,  Vuttiya ,  Sanibala  ,  Bbaddasala  ,  en  tout 
cinq  thêrôs,  en  leur  disant  :  «  Etablissez  dans  la  déli- 
«  cieuse  île  de  Lanka  la  délicieuse  doctrine  du  Jina.  » 

Ce  tableau  intéressant ,  que  je  ne  me  propose  pas 
d'analyser  dans  son  entier,  frappe  surtout  par  deux 
traits,  celui  du  commencement  et  celui  de  la  fin, 
la  conversion  des  pays  de  Kasmîra  et  de  Gandhâra , 
et  celle  de  l'ile  de  Lanka  ou  de  Geylan.  Ce  n'est  pas 
seulement  la  vaste  extension  du  buddhisme  qui  est 
indiquée  dans  cette  simple  énuméralion,  c'est  en- 
core sa  division  en  deux  fractions:  car,  de  même 
que  la  conversion  de  l'île  de  Geylan  a  été  l'origine 
du  buddhisme  du  Sud,  celle  de  la  vallée  deKasbmir 
a  été  le  point  de  départ  du  buddhisme  du  Nord. 
Cette  vallée  est,  sinon  Tunique,  au  moins  la  princi- 
pale voie  de  communication  de  l'Inde  avec  les  con- 
trées centrales  de  l'Asie;  c'est  le  chemin  du  com- 
merce; et,   comme  les  idées  suivent  d'ordinaire  le 


DU  BUDDHÏSME  DANS  LE  KASHMIR.  "479 

même  chemin  que  les  marchandises  (bien  cfue  parfois 
il  leur  arrive  de  suivre  celui  des  armées) ,  c'est  par  cette 
voie-là  surtout  que  le  buddhisme  a  été  porlé  dans 
le  pays  limitrophe  de  l'Inde ,  qui  est  devenu  le  centre 
du  buddhisme  septentrional ,  le  Tibet.  Aussi  peut- 
on  dire  que,. sauf  la  conversion  de  Geylan,  il  n'y 
a  pas,  dans  l'histoire  du  buddhisme,  depuis  Çâkya- 
muni,  d'événement  aussi  considérable  et  aussi  fé- 
cond en  résultats  que  l'introduction  du  buddhisme 
dans  le  Kashmir. 

Il  existe,  à  notre  connaissance  quatre  récits  de 
cet  événement  :  le  xii^  chapitre  du  Mahâvanso  en 
contient  un  qui  fait  immédiatement  suite  au  texte 
cité  tout  à  l'heure;  le  XP  volume  du  Randjur,  con- 
sacré presque  tout  entier  aux  derniers  événements 
de  la  vie  de  Çâkyamuni,  à  sa  mort,  à  ses  premiers 
successeurs,  à  la  compilation  de  sa  doctrine,  nous 
offre  la  version  ofiRcielle  des  buddhistes  du  Nord. 
Enfin  Hiouen-Thsang  recueillit  à  Kashmir  même 
la  tradition  locale  sur  cet  événement,  dont  le  récit 
se  trouve  aussi  dans  l'histoire  du  buddhisme  deTârâ- 
nâtha,  auteur  tibétain  qui  écrivait  dans  le  premier 
quart  du  xvii^  siècle  ^  Les  renseignements  fournis 
par  Hiouen-Thsang  nous  sont  connus  par  la  tra- 
duction que  nous  devons  à  M.  Stanislas  Julien. 
Quant  <\  Târânâtha,  nous  ne  possédons  pas  son 
livre;  mais  M.  Wassihef  l'a  traduit,  et,  en  attendant 

'  On  en  trouve  encore  un  résumé  très-substantiel  en  six  lignes 
dans  l'ouvrage  de  M.  A.  Schiefner  intitulé  :  Eine  ûheùsche  Lehcns- 
hesckreihiu\(j  Çâhjainiuus,  etc.  p.  79. 


480  DÉCEMBRE    1805. 

qu'il  publie  ce  travail,  il  nous  donne  clans  le  pre- 
mier volume  (le  son  ouvrage  sur  le  buddhisme,  le 
seul  qui  soit  encore  venu  jusqu'à  nous,  une  précieuse 
analyse  du  livre  de  Târânâtha.  J'invoquerai  sans  les 
reproduire  les  récits  de  Hiouen-Thsang  et  de  Târâ- 
nâtha; mais  je  veux  donner  d'abord  intégralement 
le  récit  du  Mahâvanso  et  celui  du  Kandjur. 

Voici  d'abord  le  récit  du  Mahâvanso,  depuis  long- 
temps connu  par  la  publication  que  G.  Turnour  a 
faite  du  texte  pâli  d'une  portion  de  cet  ouvrage  en 
raccompagnant  d'une  traduction  anglaise  : 

«Alors  dans  les  pays  de  Kasmîra  et  de  Gandhâra, 
le  redoutable  Aravâlô,  roi  des  Nâgas,  doué  d'une 
grande  puissance  surnaturelle,  faisant  tomber  une 
pluie  mêlée- de  grêle,  submergea  dans  une  véritable 
mer  toutes  les  moissons  mûres  ^  Le  thôrô  Majjhan- 
tikô  s'y  rendit  promptement  à  travers  les  airs,  s'a- 
battit sur  le  lac  d'Aravâlô^,  et  se  tint  à  la  surface 
de  l'eau,  marchant  et  absorbé  dans  la  méditation. 
Les  Nâgas ,  furieux  à  cette  vue ,  le  firent  savoir  au  roi. 
Alois,  le  roi  des  Nâgas,  furieux   à  son   tour,  em- 

^  Un  traité  du  Kandjur  (section  jR^juci)  intitulé  Nâga  samaya 
(serment  des  Nàgas)  contient  des  descriptions  des  cérémonies  et  des 
montras  pour  obtenir  des  Nâgas  la  pluie  dans  la  saison  des  pluies, 
et  un  engagement  des  Mdgas  de  ne  pas  détruire  les  blés  et  autres 
grains.  Ces  données  correspondent  très-exactement  à  l'idée  que  le 
Mahâvanso  nous  donne  de  ces  êlres  fabuleux. 

2  Un  des  lacs  du  Kashmir  porte  encore  le  nom  de  Viilar  ou  Valler, 
qui  rappelle  celui  d'Aravâlô.  Des  étendues  d'eau  sont  quelquefois 
qualifiées  row  desNdçjcis.k'insï  on  retrouve  le  roi  des  Ndcjas ,  l'Océan, 
(rgya  mts'ô);  le  roides  Nâyas,  Anavalapta  (Ma-dros-pa,  lac  célèbre). 
{  Suvuma-prdhhâsd ,  éd.  de  la  Bibliolb.  do  l'Institut,  folio  i3i.) 


t>U  BUDDHiSME  DANS  LE  KASHMIR.  481 

ploya  tous  les  moyens  d'épouvante  :  les  nuages  gron- 
dèrent, envoyèrent  la  pluie;  les  Nâgas,  prenant  des 
formes  hideuses,  essayèrent  de  toutes  parts  de  l'épou- 
vanter. Lui-même  (le  roi)  exhala  de  la  fumée  et  du 
feu,  lançant  mille  imprécations  contre  lui.  Le  thêrô 
ayant,  par  sa  puissance  surnaturelle,  repoussé  tous 
ces  épouvantails,  s'adressa  au  roi  des  Nâgas  en  lui 
manifestant  sa  force  supérieure  : 

u  Le  monde  avec  tous  les  dieux  aurait  beau  réunir 
«tous  ses  efforts,  il  ne  serait  pas  capable  de  faire 
«naître  en  moi  la  crainte.  Tu  pourrais,  ô  grand 
«  Nâga ,  lancer  sur  moi  la  terre  avec  ses  mers  et  ses 
«montagnes,  tu  ne  parviendrais  pas  à  faire  naître 
«en  moi  la  crainte.  Cesse  donc,  ô  roi  des  serpents, 
«  de  causer  la  destruction  des  moissons.  »  Ces  pa- 
roles l'ayant  fait  rentrer  dans  le  calme ,  le  thêrô  lui 
enseigna  la  loi.  Alors  le  roi  des  Nâgas  fut  établi  dans 
la  règle  morale  des  (tiois)  refuges.  Il  en  fut  de  même 
de  quatre-vingt-quatre  mille  serpents  et  de  bon 
nombre  de  Gandabbas,  de  Yakkas  et  de  Kumbhan- 
dakas  de  l'Himavat. 

«Un  Yakka,  nommé  Panchakô,  avec  sa  Yakkî 
Harîtâ  et  leurs  cinq  cents  fils,  obtinrent  le  premier 
degré  (çrôta  âpatti)  :  «Ne  vous  livrez  plus  désor- 
«  mais  comme  autrefois  à  la  colère  et  à  l'orgueil;  ne 
«détruisez  plus  les  moissons;  cherchez  le  bien-être 
«des  créatures,  soyez  compatissants  pour  tons  les 
«êtres;  que  les  hommes  habitent  en  paix.»  Telle 
fut  fexhortation  qu'il  leur  adressa,  et  ils  s'y  confor- 
mèrent. 


482  DÉCEMBRE  1865. 

((  Alors  le  roi  des  serpents ,  ayant  établi  le  thêrô 
sur  un  trône  de  pierres  précieuses ,  se  tint  tremblant 
(et  respectueux)  en  sa  présence. 

«En  ce  temps-là,  les  hommes  qui  habitent  Kas- 
mira  et  Gandhâra  étaient  venus  rendre  leurs  hom- 
mages au  roi  des  Nâgas.  Ayant  salué  humblement 
le  thêrô  comme  un  thcrô  doué  d'une  grande  puis- 
sance surnaturelle,  ils  s'assirent  h  l'un  de  ses  côtés  ; 
le  thêrô  leur  enseigna  la  loi  intitulée  Asivisôpama. 
Quatre -vingt  mille  personnes  acceptèrent  la  loi; 
cent  mille  autres  entrèrent  dans  la  prêtrise  en  pré- 
sence du  thêrô. 

«  Depuis  lors ,  dans  lespaysdeKasmîra  et  de  Gan- 
dhâra, on  vit  briller  les  habits  jaunes  des  religieux, 
et  l'on  fut  adonné  aux.  principes  de  la  triple  base.  » 

De  ce  récit,  écrit  en  pâli  pour  les  buddhistes  du 
Sud,  je  rapproche  la  narration  tibétaine  suivie  par 
les  buddhistes  du  Nord  :  elle  se  trouve  dans  le  XV 
volume  de  la  i'*'  partie  du  Kandjur  intitulée  Dulva 
ou  la  discipline,  et  fait  partie  d'une  section  du  Dulva 
qui  occupe  les  volumes  X  et  XI,  et  porte  le  nom  de 
Vinaya-xudraka-vastu,  en  tibétain  Hdul-va-phran- 
tsêgs-kyi-gji ,  recueil  des  minuties  de  la  Discipline.  On 
ne  voit  pas  bien  en  quoi  cette  section  est  plus  mi- 
nutieuse que  les  autres,  car  il  y  est  question  de 
choses  graves  et  importantes,  et  il  semble  même 
qu'il  y  ait  plus  de  minuties  dans  les  livres  dont  le 
titre  n'en  annonce  point;  mais  nous  n'avons  pas  ici 
à  discuter  ces  titres.  Le  Vinaya-xudraka-vastu, 
comme  tout  le  reste  du  Dulva  tibétain,  est  traduit 


DU  BUDDllISME  DANS   LE  KASHMIR.  483 

du  sanscrit;  on  donne  même  le  nom  des  traducteurs: 
ce  sont  les  pandits  indiens  Vidya-kara-prabha ,  et 
Dharma-çri-prabha ,  et  le  lotsava  (interprète)  tibé- 
tain Ban-dhe-dpal-hbyor.  L'épisode  de  la  conversion  ' 
du  Kashmir  n'a  pas  encore  été  traduit,  que  je  sache; 
seulement  Gsoma  de  Kôrôs  en  a  fait^  dans  son  ana- 
lyse du  KandJLirun  résumé  très-fidèle,  mais  très-bref. 
Je  le  donne  intégralement,  le  faisant  précéder  du 
récit  des  derniers  moments  d'Ananda  et  le  faisant 
suivre  de  la  liste  des  chefs  spirituels  du  buddhisme, 
pour  rendre  l'exposé  plus  complet  et  plus  intelli- 
gible. 

M  Dans  le  temps  où  arriva  pour  le  sthavira^  Ananda 
le  moment  d'entrer  dans  le  nirvana  complet  (pari- 
nirvana)^,  cette  grande  terre  trembla  de  six  ma- 
nières. En  ce  temps-là,  quelques  autres  rishis  ^S 
s'étant  réunis  jusqu'à  former  un  groupe  de  cinq 
cents  personnes,  se  rendirent,  au  moyen  de  leur 
puissance  surnaturelle,  au  lieu  où  était  lâyushmat^ 

'   Asiatic  Researches ,  vol.  XX,  p.  92. 

^  Ce  mot,  qui  signifie  vieillard,  prêtre,  sera  l'objet  d'une  discus- 
sion. —  Je  reproduis  la  forme  sanscrite  de  tous  les  noms  propres 
et  de  tous  les  termes  buddhiqucs  traduils  en  tibétain  dans  le  texte. 
J'ajoute  d'ordinaire,  entre  parenthèses  ou  en  note,  l'expression 
tibétaine  et  l'interprétation  en  français,  sans  entrer  dans  aucune 
explication,  parce  que  ces  restitutions  sont  certaines.  Les  cas  dou- 
teux ou  difficiles  seront  l'objet  soit  d'une  note,  soit  d'une  discussion 
ultérieure. 

^  On  sait  que  les  Tibétains  disent  :  d'être  enùcrement  passé  hors 
de  la  douleur. 

*  Saints  personnages;  en  tibétain  drang-sromj ,  «ermite.  » 

*  En  tibétain  tse-dumj-ldan,  «doué  d'une  longue  vie,»  (jualifica- 
tion  fréqueule  des  [)lns  éininents  disciples  du  Buddha. 


484  1)ÉCEMBKE   i865. 

Ananda,  et,  ayant  réuni  les  paumes  de  leurs  mains, 
ils  dirent  à  layuslimat  Ananda  :  «Pour  apprendre 
«  la  loi  el  la  discipline  (  Dharma  et  f^'inaya)  ^  bien  en- 
te seignées,  nous  avons  quilté  notre  demeure  et 
«nous  sommes  devenus  des  upâsakas^  (auditeurs 
«laïques)  accomplis  :  nous  demandons  maintenante 
a  être  élevés  à  l'état  de  bhixus  (moines  mendiants).  » 
En  tout  autant  de  temps,  l'âynshma*  Ananda  pro- 
duisit cette  pensée  :  «Disciples,  venez  ici  tous  en- 
«  semble  près  de  moi.»  Quand  il  eut  produit  cette 
pensée,  incontinent,  conformément  à  ce  (juil  avait 
dit  y  les  cinq  cents  disciples  se  rendirent  près  de  lui. 
«Le  sthavira  Ananda,  ayant  accompli  des  trans- 
formations surnaturelles  sur  la  terre  ferme,  au 
milieu  de  l'eau,  ferma  tout  accès  jusqu'à  lui^.  En 
tout  autant  de  temps,  l'assemblée  de  rishis,  com- 
posée de  cinq  cents  personnes  qui  avaient  adopté 


'  Division  originelle  et  fondamentale,  des  Écritures  buddhique». 

^  Les  upâ-akas  sont  les  individus,  non  encore  reçus  moines,  qui 
suivent  l'enseignement  religieux  et  observent  certains  préceptes. 
On  les  appelle  en  tibétain  d(je-hshen  <i\o\ûn  de  la  vertu.  »  Cependant 
notre  texte  porte  bsnen  par-rdzoys  «  qui  s'est  parfaitement  approché ,  » 
composé  auquel  le  diolionnaire  attribue  le  sens  de  devenir  reliyieux; 
il  se  retrouve  plus  bas  avec  ce  sens.  Mais,  ici,  j'ai  cru  devoir  tra- 
duire par  upâsaka  à  cause  du  contexte;  car  si  l'on  dit,  «  nous  sommes 
devenus  des  religieux,»  la  phrase  qui  suit  n'a  plus  de  raison  d'être. 

^  Sur  la  terre  ferme ,  au  milieu  de  i'cau,  expression  périplirastique, 
pour  désigner  une  île  du  Gange.  Csoma  de  Kôrôs  [As.  lies.  XX, 
p.  92)  dit  que  celte  île  est  imaginaire.  Je  crois  que,  dans  tous  les 
cas ,  on  aurait  de  la  peine  à  la  retrouver.  —  Ferma  tout  accès  auprh  de 
lui,  je  traduis  ainsi  lam  med  par  byas  sô  (fil  ou  fut  fait  —  à  l'étal 
de  —  sans  chemin). 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  485 

la  vie  religieuse ,  obtint  la  demande  ^ ,  faite  par  ceux 
qui  la  composaient,  d'être  reçus  religieux;  puis  les 
membres  de  cette  assemblée  arrivèrent  à  l'état 
d'anâgami  (qui  ne  revient  pas  à  la  vie),  et,  quand 
la  troisième  opération  eut  été  exposée^,  ayant  rejeté 
loin  d'eux  toute  la  corruption  naturelle,  ils  obtinrent 
l'état  d'arbat  (digne,  méritant).  Ceux-là  donc  étant 
devenus  religieux  au  milieu  de  la  Gangâ  (du  Gange) 
et  au  milieu  du  jour  :  «L'un  d'eux  sera  appelé 
«  Milieu  de  l'eau  (ou  l'île ,  de  l'île) ,  l'autre  sera  appelé 
«  Milieu  du  jour  (midi,  Ni-ma-igung,Madhyântika)^;  » 
voilà  ce  qui  fut  proclamé. 

*  En  tibétain,  (jsôl  pa  hjas  pa,  ce  qui  pourrait  se  traduire  par 
«fit  ia  demande.  »  Mais  ce  sens  ne  conviendrait  pas  à  l'ensemble  de 
la  pbrase.  D'ailleurs  le  génie  de  la  langue  tibétaine  exigerait,  pour 
que  co  sens  fût  attaché  à  cette  phrase,  gsôl.var  au  lieu  de  gsôlpa. 

'  Les  mots  sont  bien  clairs  [las  gsum-pa  brdjod  pa),  la  pensée 
l'est  moins.  Les  trois  opérations  dont  il  s'agit  sont  sans  doute  :  i°  de- 
venir bliixu  ou  moine;  —  2°  devenir  anâgami;  —  3°  devenir  athat 
«parfait.  »  Le  passage  à  chacun  de  ces  états  aurait  été  précédé  d'une 
instruction  donnée  par  Ananda;  le  texte  ne  cite  que  la  dernière. 
Les  trois  degrés  susindiqués  sont  loin  d'être  les  seuls  qui  existent  : 
l'auteur  eût  facilement  pu  allonger  la  liste;  il  a  su  se  borner. 

^  Tout  ce  passage  est  assez  obscur.  S'agit-il  de  deux  individus  ou 
de  deux  collections  d'hommes,  dont  l'une  aurait  pris  une  dénomi- 
nation, fautre  une  autre?  Le  texte  tibétain  a  le  singulier,  il  faut 
bien  le  conserver  dans  la  traduction  ;  mais  le  singulier  a  souvent  la 
valeur  d'un  pluriel,  cas  qui  paraît  se  présenter  ici.  il  semble  donc 
que  les  disciples  d'Ananda  auraient  été  partagés  en  deux  classes. 
Quelle  peut  être  la  valeur  de  cette  division?  11  est  d'autant  plus  diffi- 
cile de  le  dire,  que ,  plus  loin  ,  les  cinq  cents  disciples  d'Ananda  (du 
moins  tout  porte  à  croire  qu'il  s'agit  d'eux)  sont  représentés  comme 
agissant  de  concert  avec  Madhyândka,  dont  la  personnalité,  forte- 
ment mise  en  relief  dans  la  suite  du  récit,  se  dessine  assez  faible- 
ment ici.  — On  croit  voir  dans  ces  deux  désignations,  empruntées 


480  DÉCEMBRE   1865. 

«Ceux-là  donc,  ayant  accompli  ce  qu'ils  avaient 
k  faire,  ayant  honoré  avec  la  tête  les  pieds  de 
ràyushmat  Ananda,  dirent  :  ((Puisque  Bhagavat, 
('arrivé  au  terme  de  toutes  ses  bonnes  actions,  est 
((Cnlré  antérieurement  dans  le  nirvana  complet, 
«  que  le  précepteur  donne  une  instruction  ,  car  nous 
(1  devons  entrer  les  premiers  ^  dans  le  nirvana  com- 
((  plet ,  nous  désirons  ne  point  voir  le  précepteur 
((  entrer  dans  le  nirvana  complet.  »  —  Le  sthavira 
repartit  :  ((  Mon  fils  ^,  Bhagavat,  après  avoir  remis  le 
((  dépôt  de  son  enseignement  à  l'âyushmat  Mahàka- 
«  çyapa  ,  est  entré  dans  le  nirvana  complet.  Le  stha- 
«  vira  Mahâkaçyapa  à  son  tour,  me  l'ayant  remis,  me 
«  dit  :  Maintenant,  quand  je  serai  entré  dans  le  nir- 
<(  vâna  complet,  surveille  avec  soin  cet  enseigne- 
<•  ment.  —  Bhagavat  a  dit  :  Le  pays  de  Kashmir^ 

aux  circonslances  de  temps  et  de  lieu  dans  lesquelles  s'accomplit 
îa  conversion  des  disciples  d' Ananda,  la  trace  obscure  d'un  schisme 
mal  dissimulé. 

Ml  y  a  dans  le  texte  sncjar  «  premièrement.  »  On  pourrait  traduire 
uvaiitque  nous  entrions,  sens  plus  satisfaisant  en  lui-même,  mais  qui 
s'accorderait  moins  bien,  soit  avec  la  construction  de  la  phrase 
tibétaine,  soit  avec  le  sens  de  celle  qui  suit.  Bhagavat  est  le  Buddlia  . 
et  Mahâhaçyapa,  son  premier  successeur. 

^  Le  texte  porte  hu,  à  peine  lisible.  Cette  expression  Jîij  (bu)  qui 
ouvre  le  discours  et  est  reproduite  dans  la  conclusion  nous  prouve 
(comme  l'ensemble  le  démontre)  qu'il  est  adressé  tout  entier  au 
seul  Madhyantika,  et  cependant  c'est  la  réponse  d'Ananda  aux 
cinq  cenis  disciples.  —  Il  y  aiin  peu  d'incohérence  dans  cette  partie 
du  récit. 

^  En  tibétain,  kha  chhé  «grande  bouche,»  nom  qui  paraît  être 
seulement  la  prononciation  populaire  du  sanscrit  haçmira,  défiguré 
de  manière  à  donner  ini  sens  plus  ou  moins  conforme  A  l'idée  qu'on 
se  faisait  du  pays  ou  aux  liiiditions  dont  il  était  le  sujet. 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  HSl 

«  est  le  meilleur  séjour  pour  le  dhyâna  (l'extase)  et 
('  le  recueillement  parfait  (hlhun-samagra)  ^  ;  tel  a  été 
u  son  oracle  sur  le  pays  de  Kashmir.  Et  après  le  nir- 
"  vâna  complet  de  Bhagavat ,  après  un  laps  de  cent 
«ans,  il  existera  un  bhixu,  nommé  le  Milieu  du 
a  jour  (Ni-ma-i  gung,  Madhyântika),  par  lequel  on 
«sera,  ici^,  établi  dans  la  doctrine.  —  Telle  a  été 
«sa  prédiction.  D'après  cela,  mon  fils,  à  toi  d'af- 
«fermir  ce  pays  dans  la  doctrine.  —  Je  le  ferai 
«  ainsi,  »  répondit-il. 

«Ensuite  l'âyusbmat  Ananda  commença  à  mani- 
fester toutes  sortes  de  transformations  surnaturelles. 
Or,  un  habitant  du  pays  de  Magadba-'*,  pleurant  de 
tendresse,  lui  cria  :  «Maître,  viens  ici.»  —  Un 
habitant  de  Vriji^  (Spong-byed),  pleurant  de  ten- 

^  Dhyâna,  terme  bien  connu,  en  tibétain  bsani  (jtan,  que  je  tra- 
duis par  extase;  je  rends  par  recueillement  parfait  le  mot  hlhiin 
(unus)  en  sanscrit  jorna^ra  (totus).  Ce  mot  semble  désigner  un 
esprit  ramassé  sur  lui-même,  dont  toutes  les  facultés,  toutes  les 
énergies  sont  concentrées,  rassemblées  sur  un  point  unique, 

2  Ce  mot  prouve  que  le  texte  sanscrit  de  ce  récit  a  été  arrêté 
dans  le  Kashmir;  peut-être  la  traduction  y  a-t-elle  été  faite.  Celte 
circonstance  est  spécifiée  pour  quelques  ouvrages. 

^  Le  Bihar  méridional,  véritable  berceau  du  buddhisme,  et  qui 
avait  alors  pour  capitale  Pataliputra  et  pour  roi  Ajâtaçatru. 

''  C'est  un  habitant  de  Vriji  qui  demande  à  posséder  le  corps 
d'Ananda,  et  le  don  est  fait  à  un  habitant  de  Vaïçâlî.  Jl  s'ensuit 
que  le  pays  de  Vriji  représente  ici  le  territoire  dont  Vaïçâlî  est  le 
chef-lieu;  la  même  particularité  se  retrouve  dans  plusieurs  textes 
iVoy.  des  pel.  buddh.  JII,  366).  Cela  vient  de  ce  que  le  royaume  de 
Vriji  a  été  souvent  réuni  à  celui  de  Vaïçâlî;  mais,  du  reste,  c'était 
un  Etat  à  part  ayant  sa  capitale  propre.  (  Voy.  des  pel.  buddh.  loco 
citato,  et  p.  4o2.)  Ses  frontières  étaient  à  5oo  li,  environ  87  lieues, 
de  Vaïçâlî. 


488  DÉCEMBRE   1805.' 

dresse ,  l'appela  aussi ,  en  disant  :  «  Maître ,  viens  ici.  » 
Telle  ilit  l'invitation  que,  de  chacune  des  rives  du 
fleuve,  deux  hommes  lui  adressèrent.  Ayant  en- 
tendu ces  appels  et  agissant  avec  sagesse,  il  par- 
tagea son  corps  vieilli  en  deux  parties. 

«  Puis  ràyushinat  Ananda,  ayant  béni  son  corps, 
ayant  fait  apparaître  des  transformations  merveil- 
leuses de  toute  espèce,  semblable  à  la  vapeur  pro- 
duite par  l'eau  dans  le  feu\  entra  dans  le  nirvana 
complet.  Une  moitié  de  son  corps  fut  remise  aux 
habitants  de  Vaïçàlî,  l'autre  moitié  au  roi  Ajâta- 
çatru  ;  ce  qui  fit  dire  :  «Le  prince,  la  tête  de  la 
{(Science,  ayant  disposé  des  parties  de  son  corps ^, 
K  en  a  donné  une  moitié  à  l'Indra  des  hommes  (au 


'  Je  ne  veux  pas  entrer  dans  la  question  du  nirvana,  qui  n'est  pas 
de  mon  sujet;  mais  je  dois  au  lecteur  de  justifier  la  traduction  de 
cette  phrase  qui  s'y  rapporte.  On  la  retrouve  plus  loin  avec  une 
variante.  Ici  nous  avons  :  mé  la  (igni  ou  in  ignem),  chhus  (aquâ), 
(jtong-va  (datum)  ou  gtor-va  (sparsum,  oblatum),  vjin-du  (sicut)  : 
«comme  ce  qui  est  donné  par  l'eau  au  feu,»  c'est-A-dire  apparem- 
ment, «comme  la  vapeur  d'eau.»  L'autre  phrase  diffère  unique- 
ment par  le  verbe  vstah-pa  (donner,  fournir),  synonyme  de  cjtony. 
Quanta  gtor,  très-semblable  k  gtoncj  par  la  forme  des  lettres,  il  ne 
diffère  pas  essentiellement  par  le  sens.  La  pensée  paraît  donc  être 
«semblable  à  ce  que  donne  l'eau  mise  en  contact  avec  le  feu.  » 

"  Dans  ce  pada  (car  toute  la  pbrase  est  une  stance  de  quatre 
j)adas,  dont  chacun  a  sept  syllabes)  le  texte  est:  raïuj-gi  lus-kyi  i 
bchom-sle ,  «i ayant  vaincu  la  montagne  (?)  de  son  propre  corps.» 
Cette  expression  pour  dire  «  ayant  dompté  son  corps  avec  les  efforts 
les  plus  pénibles»  paraît  bien  exagérée.  Je  lis  ris  (partie)  au  lieu  de 
;i  (montagne),  ce  qui  m'obligea  détourner  un  peu  le  sens  de 
bcliotn  (vaincre)  et  à  lui  donner  celui  de  "disposer  en  vainqueur  ou 
f-n  maître  souverain.  » 


DU  BCDDHISME  DANS  LE  KASHMIH.  489 

«roi),  l'autre  moitié,  il  l'a  donnée,  ce  muni  \  à 
«tout  un  peuple^.»)  —  Ensuite  les  Lichavyi,  ayant 
bâti  à  Vaïçâlî  un  chaitya  (ou  stûpa)^,  y  mirent  la 
moitié  du  corps  d'Ananda,  et  le  roi  Ajâtaçatru  aussi, 
ayant  bâti  un  ebaitya  dans  la  ville  de  Pataliputra,  y 
mit  l'autre  moitié. 

((Ensuite,  Madhyântika  produisit  celte  pensée  : 
Mon  précepteur  m'a  donné  cet  ordre  :  Introduis  la 
doctrine  dans  le  pays  de  Kashmir,  car  Bhagavat  a 
fait  cette  prédiction  :  Il  y  aura  un  bhixu  du  nom  de 
Madhyântika  (Ni-ma-i-gung  «  midi  »)  qui,  après  avoir 
vaincu  le  méchant  Nâga  Hu-lun-ta^,  introduira  la 
doctrine  dans  le  pays  de  Kashmir.  Eh  bien  !  je  me 

*  Le  mot  muni  se  dit  en  tibétain  thub-pa  (fort,  force)  :  nous  avons 
ihub-pas  à  l'instrumental,  on  pourrait  traduire  :  «avec  puissance;» 
il  paraît  préférable  de  traduire  par  «  ce  muni.  » 

^  Notre  texte  porte  Is'ocjs  rnams  «  des  troupes.  »  Ce  mot,  évidemment 
opposé  à  roi  (Indra  des  hommes),  justifierait  l'opinion  de  Csoma 
que  Vaïçâlî  était  un  Etat  républicain.  Cette  ville,  où  dominaient  les 
Lichavyi,  paraît  avoir  eu  une  constitution  aristocratique  ou  oligar- 
chique. Cependant,  clans  le  récit  de  la  mort  d'Ananda ,  Hiouen- 
Thsang  parle  du  roi  de  Vaïçâlî,  qui  aurait  pris  les  armes  pour  dis- 
puter au  roi  de  Magadha  la  personne  d'Ananda.  Afin  d'empêcher  une 
guerre  entre  les  deux  rois,  Ananda,  qui  fuyait  en  bateau  sur  le 
Gange,  disparut  et  entra  dans  le  nirvana.  Le  récit  du  voyageur 
chinois  diffère  notablement  du  récit  tibétain, 

^  Monument  de  forme  généralement  pyramidale,  renfermant  des 
reliques. 

^  Ce  nom  sera  étudié  plus  tard.  Il  est  à  remarquer  que  Hulunla 
n'est  point  ici  désigné  comme  roi,  il  est  seulement  qualifié  de  mé- 
chant.  Le  teste  porte  mi  sran;  il  faut  lire  mi  bsriin,  que  le  diction- 
naire tibétain-sanscrit  traduit  par  îpf^  :  «Malicieux,  méchant,  bas, 
vil.»  Schmidt  traduit  dans  son  dictionnaire  par  «homme  doux;» 
mais  le  mot  mi  est  à  la  fois  la  négation  et  le  substantif /jonime;  il  est 
évident  que,  ici, -/ni  bsrun  signifie  :  «qui  n'est  pas  doux.  » 


490  DÉCEMBRE  1865. 

pénétrerai  à  fond  de  l'esprit  de  la  doctrine.  C'est 
ainsi  qu'il  pensa.  L'âyushmat  Madhyântika  se  ren- 
dit donc  dans  le  pays  de  Kasbmir  et  s'assit  les  jambes 
croisées  :  puis  Madhyântika  fit  cette  réflexion  :  Pour 
triompher  de  ces  Nâgas  du  pays  de  Kashmir,  je 
mettrai  ces  Nâgas  dans  le  trouble,  et,  par  là,  je  les 
snrmonlerai.  — Telles  furent  ses  réflexions,  puis  il 
resta  ainsi,  absorbé  dans  la  contemplation  (samâ- 
dhi),  plongé  dans  le  recueillement  complet.  Ainsi, 
le  pays  de  Kashmir  trembla  de  six  manières  :  pour 
lors,  les  Nâgas  troublés  soufflèrent  avec  violence, 
et,  faisant  tomber  des  pluies  abondantes  et  impé- 
tueuses, commencèrent  à  maltraiter  le  sthavira. 
Mais  le  sthavira  restait  assis  plongé  dans  la  contem- 
plation de  maitrêya  (ou  de  l'amour,  Maitrêya  ou 
Maitrî  samâdhi^),  et  les  Nâgas  ne  furent  pas  ca- 
pables d'agiter  même  le  bord  de  son  vêlement  de 
religieux.  Ensuite,  ces  Nâgas  firent  tomber  une 
pluie  de  flèches;  mais  le  sthavira  les  fit  arriver  en 
fleurs  éclatantes,  en  lotus,  en  lotus  bleus,  en  lotus 
rouges^,  en  lotus  blancs.  Ces  Nâgas  se  mirent  alors 


'  En  tibétain  hjamspa  ting-ge  hdzin.  Ting-ge  hdzin  est  la  samâdhi 
ou  contemplation.  Byams-pa  signifie  compassion  ou  compatissant , 
et  correspond  à  maifrî  et  à  maitrêya.  Maitrî  est  l'amour  universel; 
Burnoufie  traduit  par  charité  :  c'est  l'amour  étendu  à  tous  les  êtres. 
Maitrêya  est  le  nom  du  Buddha  qui  doit  apparaître  quand  sera 
achevée  la  période  assignée  à  Çâkyamuni. 

-  Je  traduis  ainsi  le  mot  du  texte  kan-mu  qui  n'existe  pas,  ot  doit 
être  corrigé  en  ku-sa-ma  (fleur)  ou  mieux  kii-mu-da,  f\m  se  ren- 
contre dans  des  passages  semblables,  et  qui,  on\ro  a-itres  siunilîca- 
tioiis,  a  celle  de  lotus  rouge. 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIh.  401 

à  lancer  sui-  lui  des  amas  '  de  pointes  de  rochers,  de 
grandes  flèches,  des  amas  d'armes  aiguës,  des  haches 
d'armes  :  le  tout  tomba  près  du  sthavira  en  pluie 
de  fleurs.  Alors  ils  dirent  :  »  Cet  être  semblable  au 
K  sommet  d'une  montagne  couverte  de  neige,  et 
«  comm^ brillant  de  l'éclat  du  soleil,  en  restant  ferme- 
u  ment  assis,  anéantit  et  rend  invisibles,  à  mesure 
«qu'elles  arrivent,  toutes  ces  pointes  de  roch'ers'^; 
«quand  tombe  une  averse  qui  balaye  tout,  il  la  fait 
«arriver  en  pluie  de  fleurs  de  toutes  sortes;  s'il 
«tombe  du  ciel  une  pluie  de  flèches,  ce  ne  sont 
«que  guirlandes  de  fleurs  qui  couvrent  le  sol.  » 

«  Ensuite ,  comme  il  était  assis  dans  un  calme  par- 
fait, plongé  dans  la  contemplation  de  Maitrêya,  que 
le  feu  ne  le  brûlait  pas,  que  ni  les  armes  ni  le 
poison  ne  pouvaient  s'attacher  à  son  corps  et  y  pé- 
nétrer, les  Nâgas  furent  émerveillés.  Puis  ces  Nâgas, 
étant  venus  près  du  sthavira,  lui  dirent:  «Véné- 
«rable,  qu'ordonnes-tu  ?  o  —  Le  sthavira  repartit  : 

•  Cette  énumération  présente  deux  fois  le  groupe  rtsegchig 
/  ^gi^qi  ) ,  dont  la  division ,  incertaine  la  première  fois ,  est  la  deuxième 

fois  assez  bien  indiquée  sous  la  forme  rtse-gcbig  (une  seule  pointe), 
mais  rtseg  signifiant  «accumulation,»  si  l'on  divise  les  lettres 
ainsi,  rtseg-chig,  on  aura  rdo-rdje  rtség-  cliig  (un  amas  de  pierres, 
pierres  sur  pierres),  mts'ôn  rtsêg-chig  (un  amas  d'armes,  armes  sur 
armes),  ce  qui  est  bien  préférable.  Il  faut  donc  lire  ;  ^^H"^^  (rtség- 
cbig),  et  non  ^'^^^  (rlsê-gcbig). 

^  La  pbrase  paraît  assez  claire;  mais  la  construction  en  est  em- 
barrassée. Je  traduis  ainsi  mot  à  mot  en  latin  :  «  Nivei  monlis  vertice 
illo  quideni  sub  solis  radiis  firmiter  sedente,  monlium  verlices  illi 
omnes  ccrte  haud  (jam)  esse,  quum  advencrmit,  haud  conspici  [ou 
ita  ut  conspici  possint).  » 


492  DÉCEMBRE   1865. 

((  Faites-moi  don  de  ce  lieu.  »  —  Les  Nâgas  repri- 
rent :  ((On  ne  peut  présenter  un  rocher  comme 
((  offrande  ^  d  —  Le  sthavira  répondit  :  ((  Bhagavat  a 
((  prédit  que  cette  place  serait  mienne,  parce  que  le 
«  pays  de  Kashmir  est  un  lieu  favorable  pour  le 
((  dhyâna  et  le  recueillement  parfait.  Désormais 
((  elle  est  à  moi.  »  —  Les  Nâgas  repartirent  :  ((Slha- 
((virà,  Bhagavat  la-t-il  ainsi  déclaré?  —  Bhagavat 
((l'a  ainsi  déclaré,»  répondit  le  sthavira.  Les  Nagas 
dirent  :  ce  Sthavira  ,  combien  d'espace  te  donnerons- 
((  nous  en  offrande?  —  Autant  que  j'en  occupe  assis 
«les  jambes  croisées,  «répondit  le  sthaviia.  —  Les 
Nâgas  reprirent  :  «  Révérend ,  nous  te  l'offrons.  »  — 
Le  sthavira  s'assit  les  jambes  croisées;  les  extrémités 
des  vallées  furent  déprimées  par  cette  action^. 
((  Les  Nâgas  dirent  :  ((  Sthavira ,  à  quel   nombre 

'  Le  texte  tibétain  est  :  Dbulvar  (à  offrir),  rdo  (une  pierre),  mi 

(non)  thôgê ?  Thôgé  n'existe  pas.    Thôg  signifie  «toit  d'une 

maison,  foudre,  production  (moisson) ,»  tous  mots  avec  lesquels  on 
ne  peut  faire  un  sens  raisonnable  et  naturel.  Je  transpose  les  voyelles, 
et  je  lis  thégô  pour  thég-gô.  Thêg  signifie  :  o  porter,  enlever,  voiturer.  » 
L'emploi  de  ce  terme  ne  paraîtra  pas  déplacé,  si  l'on  songe  que,  en 
général,  le  mot  offrande  emporte  l'idée  d'un  meuble.  Les  Nâgas  ne 
comprennent  pas  l'oblation  d'une  chose  immobilière.  Des  offrandes 
de  cette  nature  se  voient  cependantplus  d'une  fois  dans  le  Buddhisme. 
—  En  lisant  thôg-gô,  on  pourrait  traduire:  un  rocher  n'est  pas  une 
offrande  relevée,  ou  bien  n'est  pas  une  offrande  productive. 

*  Lang-pa  dgu'hi  mdo  skyil-mô  krung-gis-nôn-pa.  «  Vallium  novcm  os 
T«?  cruribus  junctis  sedere  depressum  fuit.  —  Je  considère  dgu,  \o 
nombre /jc«/,  comme  un  simple  signe  du  pluriel  (ce  qui  n'est  pas 
rare  en  tibétain),  et  je  vois  dans  cette  phrase  cette  idée  que  les  eaux 
(dont  les  Nàgas  sont  l'emblème) ,  renfermées  jusqu'alors  entre  les 
montagnes ,  trouvèrent  une  issue  par  la  dépression  dont  il  s'agit.  C'est 
le  seul  indice  que  nous  ayons  de  l'inondation  et  du  dessèchement 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  493 

d'hommes  s'éJève l'assemblée  de  tes  disciples?» —  Le 
slhavira  se  dit  en  lui-même  :  combien  de  disciples 
rassemblerai-je  ?  —  Et  aussitôt  le  stbavira  pensa  : 
Ce  sera  cinq  cents  arhats;  et  il  dit  aux  Nàgas  :  «  Elle 
u  s'élève  au  chiffre  de  cinq  cents  arhats.  — Qu'il  en 
((  soit  ainsi ,  répondirent  les  Nâgas.  —  Quand  bien 
((  même  il  s'en  faudrait  d'un  seul  arhat\  reprit  Ma- 
udhyântiku,  je  ravirai  en  ce  temps-là  le  pays  de 
u  Kashmir.  » 

«Puis  le  stbavira  Madhyàntika  dit  aux  Nâgas  du 

de  la  vallée  de  Kashmir,  si  clairement  énoncés  dans  les  autres  textes 
allégués;  mais  combien  il  est  encore  faible  et  obscur  !  Le  Kandjur 
n'entre  dans  aucun  détail  qui  ait  trait  aux  choses  naturelles,  il  est 
tout  entier  à  la  fantasmagorie  bouddhique.  Dans  l'ouvrage  de 
M.  Schiefner  [Eine Lebensbeschreibancj ,  ii.s.w.  p.  79),  ce  fait  est  ainsi 
exprimé:  «  Umfassle  er  so  sitzend  die  Ausgànge  von  9  Thàlern,  \vo- 
rauf  ihm  die  Nâga's  das  Land  einraùmten»  (en  s'asseyant  ainsi,  il 
embrassa  les  issues  de  neuf  vallées,  ce  qui  fit  que  les  Nâgas  lui  cé- 
dèrent la  place).  Cette  phrase  répond  assez  bien  au  récit  de  Hioueu- 
Thsaug.  Nôn-pa  devrait  alors  être  traduit  par  :  a  embrasser,  couvrir, 
soumettre.  »  Mais  il  serait  nécessaire  aussi  de  connaître  le  texte  dont 
M.  Schiefner  a  fait  usage  :  il  paraît  identique  au  nôtre  en  cet  en- 
droit. 

Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  traduire  cette  phrase  autrement, 
et  cependant  elle  n'a  guère  de  sens.  Qu'importe  qu'il  manque  un 
arhat  sur  cinq  cents  ?  Et  à  quoi  se  rapporte  l'expression  en  ce  temps- 
là  ?  On  est  tenté  de  croire  à  une  lacune  que  la  forme  extérieure  du 
texte  n'indique  d'ailleurs  en  aucune  manière.  Mais  la  mention  des 
interlocuteurs,  énoncée  constamment,  fait  ici  défaut;  le  premier 
membre  de  phrase  est  peut-être  n>is  dans  la  bouche  des  Nâgas,  le 
deuxième  l'est  certainement  dans  celle  de  Madhyàntika  :  cependant 
rien  n'indique  qu'il  prend  la  parole  :  et  même,  d'après  la  construc- 
tion delà  phrase,  le  tout  se  trouverait  attribué  aux  Nàgas;  l'évidence 
du  sens  oblige  seule  à  faire  intervenir  Madhyàntika  comme  le  per- 
sonnage qui  parle.  Le  mot  tibétain  dhrôij  répond  au  français  raiir 
dans  sa  double  acceptiiin. 

VI.  U 


4^4  DÉCEMBRE   1865. 

pays  de  Kashmir  :  «Voilà  ime  atraire  réglée;  mais 
«ce  n'est  pas  assez  :  là  où  demeurent  des  gens  qui 
«donnent,  là  seulement  il  peut  exister  des  gens  qui 
M  reçoivent  1;  en  conséquence,  je  veux  aussi  établir 
«ici  des  maîtres  de  maison.  —  Qu'il  en  soit  ainsi.  » 
répondirent  les  Nàgas.  —  Incontinent,  le  sthavira 
se  mit  à  créer  lui-même  des  villages,  des  villes,  des 
provinces,  et  il  y  installa  des  sociétés  d'hommes. 
Ceux-ci  dirent  :  «Sthavira,  comment  nous  accioî- 
«trons-nousPn  —  Aussitôt  le  sthavira,  emmenant 
aveclui  des  multitudes  d'hommes,  se  rendit  sur  la 
montagne  de  Gandhamadana^  (la  montagne  des 
parfums)  et  dit  :  Que  le  safran  apparaisse  !  —  Aus- 
sitôt les  Nâgas  du  mont  Gandhamâdana  se  soulevè- 
rent; mais  le  sthavira  les  dompta  également;  ils 
dirent  alors  :  «  Combien  de  temps  doit  durer  l'ensei- 
«gnement  de  Bhagavat  P —  Mille  ans'',/)  répondit 

'  Mot  à  mot  en  latin  :  »  lie  ita  sese  hahenle  [ou  rehus  ita  compa- 
ratis) ,  atlamen  ,  quia,  ubi  donantes  versantnr,  ibi  sunl  capientes.  » 

^  En  tibétain  :  Spos.  hyi  ngad.  ldun(j;  n)ais  ce  nom  a  diverses 
autres  formes  qui  se  rapprochent  plus  ou  moins  de  celie-ci,  et  dont 
l'analyse,  assez  difTicile,  serait  trop  longue. Du  resteil  sagitbiendela 
montagne  des  Parfums.  On  est  étonné  d'y  trouver  des  Nâgas,  ou 
serpents  d'eau  ;  peut-être  ces  Nâgas  hantent-ils  les  nuages  qui  en- 
tourent le  sommet  de  la  montagne.  Le  mot  iiàya  désigne  aussi  l'élé- 
phant, et  celle  double  acception  a  été  la  cause  de  plus  d'une  confu- 
sion. On  serait  tenté  d'en  soupçonner  une,  si  la  montagne  fabuleuse 
de  Gandhamâdana  n'occupait  une  position  septentrionale  peu  favo- 
rable à  la  propagation  des  éléphants.  Le  iMahàbhârata  y  place  toutes 
sortes  d'êtres. 

^  C'est  un  des  termes  assignés  à  la  période  de  Çàkyamuni  ;  mais 
il  y  en  a  d'autres,  en  particulier  celui  de  cin(j  mille  ans,  qui  paraît 
plus  généralement  adopté. 


DU  BUDDEIISME  DANS  LE  KASHMIK.  495 

le  sthavira.  —  Ceux-ci  reprirent  :  «Aussi  longtemps 
((  que  doit  durer  la  doctrine  de  Bhagavat,  aussi  long- 
«  temps  il  faut  la  propager.  »  —  Tel  lut  le  vœu  par 
lequel  ils  se  lièrent. —  »  Qu'il  en  soit  ainsi,  »  reprit 
le  sthavira;  et,  sans  plus  tarder,  le  sthavira  in- 
troduisit le  safran  dans  le  pays  de  Kashrair  et  en 
bénit  la  cuUare.  Après  un  long  temps  employé  à  im- 
plimter  et  à  propager  au  loin  dans  le  pays  de 
Kashmir  renseignement  de  Bhagavat,  le  sthavira 
Madhyântika,  après  avoir,  par  toutes  sortes  de  mer- 
veilles et  de  prodiges,  réjoui  le  cœur  de  ceux  qui 
donnent,  et  dont  la  vie  est  conforme  à  la  pureté, 
semblable  à  la  vapeur  formée  par  feau  dans  le  feu, 
entra  dans  le  nirvana.  Son  corps,  brûlé  avec  du 
bois  d'excellent  sandal,  du  bois  d'akara  et  de  di- 
verses autres  espèces  d'arbres,  fut  mis  dans  un  chai- 
tya  (ou  stûpa)  construit  pour  cela  même. 

«Ensuite  l'àyushmat  Çânavâsika  \  ayant  reçu 
prêtre  l'àyushmat  Upagupta  ( Vsiîe-Sva ,  sous-garde^), 
puis  ayant  répandu  au  loin  la  doctrine,  adressa  ce 
discours  à  l'àyushmat  Upagupta  :  «Ayushmat  Upa- 
«gupta,  apprends  bien  ce  que  je  vais  te  dire  :  Bha- 
u  gavât  a  jadis  remis  l'enseignement  à  l'àyushmat 
«  Malîâkaçyapa ,  puis  il  est  entré   dans  le  nirvana 

'  En  tibétain  sha-nahi-(jos-chan ,  «vêtu  de  chanvre.  » 
^  Upagupta  était  fils  de  Gupta  (protégé).  La  préposition  upaaicila 
valeur  dejils.  Elle  signifie  «  secondaire,  en  sous-ordre.  »  C'est  comme 
si  Ton  disait  :  le  petit  Gupta,  ou  Gupta  II,  Gupla  minor.  C'est  ainsi 
que  Çâriputra,  l'un  des  principaux  disciples  de  Çâkyamuni,  appelé 
de  ce  nom  à  cause  de  sa  mère ,  tient  de  son  père  Tishya  celui  de 
Upa-Tishya, 

33. 


496  DÉCEMBRE   1865. 

«  complet.  1^'àyushmal  Mahâkaçyapa  la  remis  à  mon 
«  précepteur,  et  mon  précepteur,  à  son  tour,  in'ayant 
«  confié  (le  dépôt  de)  l'enseignement,  est  entré  dans 
«  le  nirvana  complet.  Et  maintenant  que  moi  aussi  ^ 
«je  vais  entrer  dans  le  nirvana  complet,  ce  sera  à 
((  toi  désormais  à  développer  tout  au  long  cet  ensei- 
ugnement,  à  l'appliquer  à  faire  connaître  à  tous  en 
<t  quels  termes  Bhagavat  a  formulé  sa  doctrine.  »  — 
Puis,  fâyusbmat  Çânavâsika,  après  avoir  réjoui  le 
cœur  de  ceux  qui  donnent  beaucoup  et  dont  la  ma- 
nière de  vivre  est  conforme  à  la  pureté,  ayant  fait 
apparaître  des  lueurs,  des  flammes,  des  pluies  abon- 
dantes, des  éclairs  et  toutes  sortes  de  prodiges, 
entra  dans  le  nirvana  complet  au  sein  du  milieu 
exempt  de  tout  reste  d'agrégat^. 


'  Les  deux  premières  lettres  de  cetle  phrase  sont  méconnais- 
sables. On  peut  lire  pung  ou  lang.  Lung  signifiant  prédiction,  la 
phrase  serait  lumj.yang.yongs  su.  mja.  ngan.  las.  Iidas.  ste.  L'annonce 
du  nirvana  complet  existant  (pour  moi).  Mais  il  vaut  mieux  lire  da. 
luja  (maintenant  moi,  etc.),  d'autant  plus  que  le  membre  de  phrase 
suivant  commence  par  da  hhyod  (maintenant  toi) ,  el  qu'il  y  a  ainsi 
une  sorte  de  parallélisme. 

^  Celte  phrase  sur  le  nirvana  est  bien  connue  :  Burnout"  l'a  citée 
et  discutée  [Introd.  à  l'hist.  du  Buddh.  ind.  p.  Bgi).  Je  me  bornerai  à 
mettre*  en  regard  les  mots  tibétains  et  les  termes  sanscrits  corres- 
pondants : 

Pung.pô        Ihag.ma       med.pa  dbyings.su 

Upadhi  Çésha  ni:  dhâtau 

Agrégat  reste  sans  milieu  (région)  dans 

yongs.su  raya  ngan.las-hdas 
parinirvrita 
entré  dans  le  nirvana  complet. 
Dans  l'exemple   cité  par  l'illu-strc   indianiste,  le  tnat  dhriiiffs  su 


DLI  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  497 

u  Le  sthavira  Upagupta,  à  son  tour,  enseigna  à 
1  ayushmat  Dhîtika  (ie  penseur,  ou  chanteur  d'hym- 
nes) les  parties  essentielles  et  indispensables  de  la 
doctrine;  l'âynshmat  Dhîtika  ^  les  enseigna  à  l'âyush- 
mat  Kâla(A^a^/)o,ienoir);  l'âyushmatKâla  àTaynsh- 
mat  Sudarçana  [legs,  mthong ,  qui  voit  bien^).  Voilà 
comment  ces^  éléphants  entrèrent  dans  le  nirvana 
complet*.  » 

Il  est  manifeste  que  le  récit  tibétain  et  le  récit 
pâli,  composés  dans  des  pays  si  éloignés  l'un  de 
l'autre  et  dans  des  temps  différents,  dérivent  d'une 
même  source  et  reproduisent  la  même  tradition. 
L'accord  qu'ils  présentent  se  trouve  confirmé  par  les 
récits  de  Hiouen-Thsang  et  de  Târânâtha,  ainsi  que 
le  prouvera  l'examen  auquel  nous  allons  nous  li- 
vrer. 

Deux  personnages  principaux  sont  en  présence 
dans  ces  récits  :  un  religieux  buddhiste  et  un  roi  des 
Nâgas  du  Kashmir.  Le  religieux  buddhiste  est  ap- 
pelé en  pâli  Majjhdntika,  mot  qui  correspond  au 
sanscrit  Madhyântika ,  dont  le  sens,  quelque  peu 
obscur,  paraît  être ,  «  qui  est  en  présence  du  milieu ,  » 

(lliâtau)  est  précédé  du  mol  mja.ngan.las.hdas  (nirvana)  que  nous 
n'avons  pas  ici. 

'  Ce  nom  est  transcrit  dans  le  texte  du  Kandjur  :  c'est  le  seul  nom 
propre  qui  ne  soit  pas  traduit.  Il  est  écrit  avec  le  premier  i  bref: 
l'étymologie  et  l'orlhographe  constante  exigent  Vi  long. 

*  Ce  nom  a  probablement  un  sens  mystique  et  religieux  :  il  si- 
gnifie «  exempt  d'erreur.  » 

■^  Ces  n'est  pas  dans  le  texte  :  il  y  a  seulement  glang-pô-chhenpô- 
tlaxj;  il  faut  intercaler  dé  (ce)  entre  chhen-pô  et  dag ,  signe  du  pluriel. 

*  Hdulva,  vol.  XI,  fol.  686-689. 


498  DÉCEMBRE  1865. 

OU  tout  simplement  «  au  milieu.  »  Les  l'ibétains  i  ont 
rendu  par  Ni-mai-rjung  (le  milieu  du  jour).  Ce  nom 
semblerait  devoir  être  plutôt  la  traduction  du  sans- 
crit Madhydhna  {ni\di)\  car  midi  se  dit  en  tibétain 
ni-mai  gung  et  nin-giing  (Dict.  de  Scbmidt).  Le  dic- 
tionnaire tibétain-sanscrit  de  la  Bibliotbèque  impé- 
riale donne  pour  équivalent  du  sanscrit  Madhyâhna 
(midi)  le  composé  gang-inthun  (égal  par  la  moitié, 
divisé  en  deux  parties  égales);  il  ne  cite  ni  le  com- 
posé tibétain  Ni-mai-gang ,  ni  son  équivalent  sans- 
crit Madhyântika.  Il  y  a  donc  une  certaine  difficulté 
à  saisir  un  rapport  très-exact  entre  ces  deux  mots  : 
un  seul  élément  du  composé  ,  milieu  (madhy a  en  sans- 
crit, gung  en  tibétain)  se  trouve  exprimé  de  part  et 
d'autre.  Hiouen-Tbsang  ne  nous  vient  pas  en  aide 
dans  celte  difficulté  parce  qu'il  transcrit  toujours  le 
nom  de  Madhyântika  sous  la  forme  Mo-tien-ti-kia, 
et  n'en  donne  point  l'équivalent  chinois  :  on  n'en 
trouve  pas  la  traduction  dans  les  tables  que  M.  Sta- 
nislas Julien  a  mises  à  la  fin  de  son  ouvrage. 

Malgré  ces  difficultés,  l'identité  de  Madhyântika 
et  de  Ni-mai-gang  n'est  point  douteuse.  Il  est  adnûs 
sans  conteslation  que  ces  deux  noms  sont  celui  d'un 
seul  et  môme  personnage,  celui  qui  porta  le  bud- 
dhisme  à  Kashmir. 

Le  rapprochement  des  noms  donnés  dans  l'un  et 
l'autre  texte  ou  roi  desNâgas  présente  des  difficultés 
plus  sérieuses.  Ce  personnage  est  appelé  dans  le 
Kandjur  Huhinla  et  dans  le  Mahavanso  Aravàlô.  Le 
mot   hilunta    n'a   une   physionomie  ni  tibétaine  ni 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  499 

sanscrilc,  et  il  ne  paraît  pas  qu'il  appartienne  à  au- 
cune de  ces  deux  langues.  Le  dictionnaire  sanscrit- 
tibétain  intitulé  Mahâvyatpatti  renferme  une  liste 
des  rois  des  Nâgas.  On  trouve  dans  cette  éniiméra- 
tion  très-longue  le  terme  Hala-Halu,  avec  le  corres- 
pondant sanscrit  Haliira,  et  les  variantes  Hulada  et 
Hulaiida.  11  n'est  pas  douteux  que  ce  nom  est  bien 
celui  que  nous  avons  dans  le  Kandjur.  L'insertion 
de  la  nasale  est  facultative;  le  cl  cérébral  est  connu 
pour  se  confondre  avec  la  lettre  r:  Hulanta.  Ulata, 
Ulada,  Ulanda,  Ulura  sont  évidemment  diverses 
Ibrmes  d'un  même  mot.  La  signification  en  est  fort 
douteuse,  et  c'est  peut-être  par  ce  motif  que  les  Tibé- 
tains, au  lieu  de  le  traduire  suivant  leur  habitude 
constante,  se  sont  bornés  à  le  transcrire.  Il  n'est  pas 
probable  qu'il  soit  sanscrit,  et  il  pourrait  bien  être 
un  mot  local ,  propre  au  Rashmir.  On  s'expliquerait 
ainsi  les  diverses  lectures  qui  en  existent  ^  Immé- 
diatement après  le  nom  de  Hulu,  notre  diction- 
naire donne  le  terme  Huluka  ou  Uluka  :  on  pourrait 
le  considérer  comme  une  variante  du  précédent,  et 
essayer  de  l'y  rattacher;  mais  comme  il  est  accom- 
pagné d'une  traduction  tibétaine  Gsal.mthong  [c\mv- 
voyant  ou  regard  brillant),  on  hésite  à  les  rappro- 
cher; car  si  l'on  a  bien  trouvé  une  traduction  pour 
fun,  par  quelle  raison  l'autre  en  serait-il  privé^P 

'  Le  terme  Hulura  ou  Vlura  ne  serait-il  pas  la  forme  primitive 
du  nom  Vular  ou  Valer  que  porte  aujourd'hui  un  des  lacs  du  Kash- 
mir  dans  lequel  on  a  cru  reconnaître  le  lac  d'Aravâlô  { Aravàladaha) 
cilé  dans  le  Mâhâvanso  (ch.  xii,  1 1)  ? 

^  Il  y  a  en  sanscrit  une  racine  hiid  (hur),  qui  signifie  «accumuler, 


500  DECEMBRE    1865. 

Le  Dom  d'Aravâlô,  le  roi  des  Nâgas  du  Malià- 
vanso ,  se  trouve  aussi  dans  le  Mahâvvulpatti ,  et  vient 
immédiatement  à  la  suite  des  précédents  :  il  est  tra- 
duit par  le  composé  tibétain  brtségs-rcjyas  (élevé, 
étendu,  ou  étendu  en  hauteur).  Quant  au  mot  sans- 
crit-pâli  Aravâlô,  sa  signification  est  très-incertaine  : 
on  ne  pourrait  arriver,  en  cherchant  à  l'interpréter, 
qu  à  des  résultats  fort  douteux,  et  surtout  il  serait 
très-difficile  de  trouver  le  sens  indiqué  par  le  tibé- 
tain. L'identité  dos  personnages  appelés  Hulunta  et 
Aravâlô  est  donc  très-peu  certaine-,  et  même,  d'après 
le  dictionnaire  Mahavyutpatti,  qui  cependant  les 
rapproche  l'un  de  l'autre,  on  devrait  les  considérer 
comme  tout  à  fait  distincts.  Ils  n'ont  de  commun 
que  leur  qualité  de  rois  des  Nàgas. 

C'est  seulement  par  cette  qualité  que  Hiouen- 
Thsang  désigne  l'adversaire  de  Madhyântika  :  il  n'en 
dit  pas  le  nom.  Autant  en  fait  Târànâtha,  à  en  ju- 

être  submergé;»  cette  dernière  signification  convient  très-bien  à  un 
serj)eiit  d'eau;  la  première  s'accorde  avec  le  sens  d'un  des  mots 
tibétains  par  lesquels  on  traduit  le  nom  d'Aravâlô.  Je  ne  sais  si  l'on 
peut  faire  venir  de  cette  racine  le  nom  de  Hul-unla  ou  Hiiliida.  Une 
autre  racine /lu/  signifie  «aller,  cacher,  frapper,  tuer  :»  ces  signi- 
fications ne  répondent  point  à  la  traduction  tibétaine  du  nom  de 
Huluka.  Cependant,  si  les  mots  Hulata  et  Huluka  sont  sanscrits 
(ce  dont  je  ne  suis  pas  persuadé),  on  ne  peut  pas  les  faire  dériver 
d'une  racine  autre  que  hal  et  peut-être  Iwd.  Les  sens  de  «amasser» 
(les  eaux)  «être  plongé  >  (dans  les  eaux)  «  couvrir»  (d'eau),  «frapper, 
tuer»  (par  la  pluie,  la  tempête  et  l'inondation),  conviendraient 
très-bien  à  des  Nàgas  ou  serpents  d'eau,  et  r?ntrent  dans  l'ordre 
d'idées  que  comporte  le  récit  du  Mahâvanso.  Le  sens  de  «regard 
brillant  »  attribué  par  la  traduction  tibétaine  à  Huluka  convient  aussi 
très-bien  à  des  serpents  et  rappelle  le  grec  Spâxojv. 


DU  BUDDHISME  DANS  LE   KASHMIR.  501 

ger  par  l'analyse  de  M.  Wassilief;  mais  le  nom  de 
Hulunta  se  retrouve  dans  Touvrage  de  M  Schiefner. 
Il  est  à  remarquer  que  la  chronique  kashmirienne 
Bâjalarancjinî  ne  connaît  ni  Aravâlô,  ni  Hulunta.  Ce 
n'est  pas  qu'elle  ignore  les  Nâgas;  bien  au  contraire, 
elle  les  présente  comme  les  amis  et  les  prolecteurs 
du  pays,  des  divinités,  dont  les  rois  de  Rashmir, 
religieux  et  libérateurs,  ont  protégé  le  culte  ou 
vaincu  les  ennemis.  Mais  «lie  donne  au  grand  chef 
de  ces  Nâgas  le  nom  de  Nîla  (le  bleu)^;  il  semble 
avoir  été  confondu  avec  Çiva.  La  même  chronique 
cite  deux  autres  chefs  de  Nâgas,  Çankha  et  Padma^. 
Ainsi  il  n'y  a  pas  d'accord  sur  les  noms  entre  les 
buddhistes  et  les  brahmanes,  bien  que  les  uns  et  les 
autres  assignent  aux  Nâgas  un  rôle  important. 

Les  Nâgas  ou  serpents  d'eau  sont,  en  effet,  repré- 
sentés dans  les  documents  brahmaniques  et  bud- 
dhiques  comme  les  habitants  primitifs  du  Rashmir. 
Il  importe  peu  de  rechercher  ici  si  ce  nom  désigne 
un  peuple,  les  premiers  habitants  du  pays,  ou  s'il 
figure  d'une  manière  allégorique  les  eaux  qui  l'au- 
raient couvert  entièrement  et  l'auraient  rendu  inha- 
bitable dans  des  temps  sans  doute  fort  éloignés.  Il 
paraît  démontré  que  la  vallée  de  Rashmir  fut  jadis  un 
lac,  et  que  les  alluvions  de  la  Vitastâ  (le  Jilun)  ,  ai- 
dées sans  doute  par  l'industrie  des  hommes,  y  ont  créé 
peu  à  peu  un  sol  habitable.  Quoi  qu'il  en  soit ,  et  quel- 
que sens  particulier  qu'on    doive   attacher  au  mot 

'   Râjataranginî,  I,  çl.  28.  (Éd.  Troyer.) 
*   Râjataranginî ,  l  ^  ç\,  3o. 


502  DECEMBRE   1865. 

Nâga,  le  récit  du  Kaiidjur  nous  présente  bien  clai- 
rement le  Rashmir  comme  peuplé,  ou  tout  au  moins 
civilisé  par  les  bnddhistes.  Avant  l'arrivée  de  Ma- 
dhyânlika  le  pays  était  entièrement  désert ,  sans  habi- 
tants, sans  villes ,  sans  culture ,  occupé  tout  entier  par 
les  eaux  (c'est-à-dire par  les  Nâgas);  ou,  si  l'on  veut 
considérer  les  Nâgas  comme  une  race  d'hommes, 
c'était  une  population  tellement  sauvage  et  grossière 
qu'on  a  pu  aisément  la  confondre  avec  des  reptiles 
aquatiques.  Hiouen-Thsang,  qui  st^ourna  deux  ans 
dans  le  pays  et  eut  tout  le  loisir  d'y  recueillir  les  tra- 
ditions, cite  une  description  du  Kashmir  d'origine 
évidemment  buddhique,  qui  dépeint  d'une  manière 
plus  positive  encore  que  ne  fait  le  Kandjur  cette  con- 
trée comme  entièrement  submergée.  Il  y  est  dit,  en 
effet,  ((  que  le  pays  était  primitivementun  étang  de  dra- 
gons. Madhyântika,  s'y  étant  rendu,  obtint  du  roi  des 
dragons  un  petit  espace  au  milieu  du  lac;  à  peine 
eut-il  occupé  cet  espace  restreint  qu'il  agrandit  dé- 
mesurément son  corps.  A  mesure  que  le  nouveau 
venu  prenait  des  dimensions  plus  vastes,  le  roi  des 
Nâgas  lesserrait  ses  eaux,  si  bien  que,  à  la  fin, 
l'étang  se  trouva  entièrement  à  sec.  Le  roi  des  Nâgas 
fut  donc  réduit  à  demander  à  Madhyântika  la  faveur 
d'un  peu  d'eau ,  et  le  religieux  consentit  à  lui  accorder 
pour  lui  et  ses  sujets  un  petit  étang  de  i  oo  lide  tour, 
environ  y  lieues.  Depuis  ce  temps,  les  Nâgas  fu- 
rent attachés  au  buddhisme  et  très  -  respectueux 
envers  les  religieux^»  Târânâtha  dit  pareillement 

'   Hioucn'rhsau<i;,  I,  i08.  (Trad.  de  M.  Stanislas  Julien.) 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  503 

que  le  pays  de  Kashmir  était  primitivement  un  lac 
ou  une  demeure  de  Nâgas,  et  que  le  premier  soin 
de  Madhyântika  fut  de  les  chasser  et  d'en  nettoyer 
le  pays  ^ 

Tel  étant  1  état  du  Kasbmir  avant  le  buddhisme , 
l'œuvre  des  disciples  de  Çâkyamuni  aurait  été  d'abord 
de  dessécher  les»  marais,  de  régler  le  cours  des 
eaux,  de  rendre  le  pays  habitable ,  puis  d'y  attirer 
les  gens  du  dehors  pour  le  peupler.  Une  telle  œuvre , 
si  elle  n'est  pas  historiquement  vraie,,  est  au  moins 
très-vraisemblable.  Les  moines  chrétiens  n'en  ont 
pas  accompli  d'autre  du  v*'  au  x°  siècle  en  Gaule,  en 
Germanie  et  ailleurs^.  Le  Kandjur  et  Hiouen-Thsang 
disent  positivement  que  «Madhyântika  fit  venir  des 
contrées  voisines  d'abord  des  religieux,  puis  des 
habitants,  dans  un  pays  primitivement  désert,  qu'il 
y  bâtit  des  villes  et  des  villages,  et  y  introduisit  la 
culture  du  safran.  »  Hiouen-Thsang  ajoute  que  «  à  la 
mort  de  Madhyântika,  les  Kashmiriens  se  don- 
nèrent un   roi  ;  »  et  il  fait  ainsi  remonter  jusqu'à 

'   Wassilief,  I,  Sg,  note. 

-  Je  ne  crois  pourtant  pas  que  les  moines  buddhistes  aient  jamais 
rendu  des  services  de  la  nature  de  ceux  par  lesquels  les  Bénédic- 
tins se  sont  honorés  dans  l'époque  barbare.  Les  religieux  bud- 
dhistes ont  exercé  une  immense  influence  morale;  ils  ont  adouci  le 
caractère  des  peuples  les  plus  féroces  du  monde  ;  mais  ils  n'ont  pas 
donné  l'exemple  du  travail,  du  développement  des  facultés  et  des 
énergies  natives.  Une  telle  tendance  n'est  pas  dans  la  direction  du 
buddhisme.  Le  rôle  attribué  à  Madhyântika  présente  une  exception 
remarquable  et  inattendue,  à  laquelle  non-seulement  les  traits  fa- 
buleux du  récit,  mais  même  les  prétentions  évidemment  exagérées 
des  buddhistes  ne  doivent  pas  noii.s  empêcher  d'avoir  égard. 


504  DÉCEMBRE  J865. 

Madliyântika  et  à  la  révolution  opérée  par  lui  l'oii- 
gine  même  du  royaume  de  Kashmir.  Târâuâtha  est 
peut-être  plus  explicite  encore;  il  raconte  que,  à 
la  place  des  Nâgas  expulsés,  Madhyântika  fit  venir 
cinq  cents  religieux  de  sa  suite,  plus  des  brah- 
manes, des  maîtres  de  maison  de  Bénarès,  qu'il 
constitua  ainsi  une  colonie,  grossie  depuis  par  les 
émigrations  nouvelles  parties  des  pays  voisins,  qu'il 
bâtit  neuf  villes,  douze  temples,  nombre  de  villages, 
et  prépara  ainsi  la  richesse  du  pays  par  la  culture 
du  safran  qu'il  y  introduisit  et  le  vaste  commerce 
dont  cette  culture  fut  la  cause.  Hiouen-Thsang,  en 
effet,  parmi  les  productions  du  Kashmir,  cite  les 
chevaux  de  la  race  des  dragons,  et  le  hurkiima, 
nom  sanscrit  du  safran  ^ 

Les  buddhistes,  au  moins  ceux  du  Nord,  ont 
donc  la  prétention  d'avoir  non-seulement  converti, 
non-seulement  civilisé,  mais  même  peuplé  et  con- 
quis sur  une  nature  sauvage  le  pays  de  Kashmir. 
Est-il  possible  de  leur  faire  cette  concession?  Les 
brahmanes,  eux  aussi,  revendiquent  cette  gloire; 
ils  la  rattachent  au  nom  de  Kaçyapa,  qui  est  appelé 
le  fils  de  Marîchi,  le  petit-fils  de  Brahmâ,  le  Pra- 
jâpati,  fauteur  de  toutes  les  créatures,  et  par  là  ils 
reculent  le  dessèchement  de  la  vallée  de  Kashmir 
jusque  dans  les   temps   antéhistoriques.  Ils   disent 

'  M.  Stanislas  Julien  dit  dans  sa  traduction  :  «le  kurkuma  (yô- 
kin-biang).»  Le  texte  tibétain  donne  pour  te  nom  de  la  plante 
JTjx,"  îr]«  (gurgum)  ou  peut-être  mieux  îH^'  ^HW  (gun-guni)  suivi  du 

signe  du  pluriel  ;  le  mot  sanscrit  est  ^^^  (kunkuma). 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  505 

que  ce  Kaçyapa,  le  créateur  des  êtres,  après  avoir 
tué  le  démon  Jalodbliava,  qui  demeurait  dans  l'eau, 
forma  dans  le  fond  du  lac  le  pays  de  Rashmir^  Ce 
monstre  Jalodbhava,  dont  le  nom  a  un  sens  parfai- 
tement clair  :  né  de  l'eaa  ou  dans  l'eau  (aquâ  oriun- 
dus),  joue  à  l'égard  de  Kaçyapa  le  même  rôle  que 
Aravâlô  ou  Hulunla  à  l'égard  de  Madhyâniika.  Ja- 
lodbhava figure  ici,  pour  les  brahmanes,  un  élément 
destructeur  qu'il  fallait  anéantir,  l'inondation  cons- 
tante ou  toujours  menaçante,  tandis  que  les  Nâgas, 
représentant  sans  doute  l'eau  et  la  pluie  fécondante, 
sont  des  êlres  bienfaisants,  qui  deviennent  acciden- 
tellement nuisibles,  lorsque  leur  culte  a  été  négligé. 
Telle  est  la  conception  brahmanique.  Les  buddhistes 
ne  distinguent  point  entre  les  bons  et  les  mauvais 
Nâgas,  ils  les  traitent  tous  en  adversaires.  Mais  leurs 
procédés  sont  tout  autres  que  ceux  des  brahmanes, 
et  c'est  ici  qu'on  peut  apprécier  la  différence  des 
deux  religions.  Kaçyapa,  le  civilisateur  brahma- 
nique, anéantit  son  adversaire,  Jalodbhava;  Ma- 
dhyântika,  le  civilisateur  bouddhiste,  commence 
par  essuyer  toutes  les  attaques  les  plus  furieuses  du 
sien;  il  finit  par  l'adoucir,  le  convertir,  et  en  faire 
un  fidèle  disciple  du  Buddha. 

La  Râjataranginî,  qui,  d'accord  avec  le  Kandjur 
et  le  Mahâvanso ,  rappoiie  l'établissement  du  bud- 
dhisme  dans  le  Kashmir  au  règne  d'Açôka,  est  bien 
éloignée  de  faire  dater  de  cet  événement  l'origine  du 
royaume  lui-même.   Elle  nous  présente   une  série 

'   Râjalaranginîf  l ,ç\.  î>6-27. 


505  DECEMBRE  1865. 

de  souverains  qui  auraient  régné  avant  i'introduc- 
tion  du  biiddhisnie,  et  dont  l'ensemble  ne  com- 
prend pas  moins  de  quarante-six  générations.  Le 
Mahâbhàrata ,  dans  la  description  de  la  conquête  du 
monde  parles  lils  dePandu,  événement  bien  an- 
térieur, de  l'aveu  même  des  buddliistes^  à  l'appa- 
rition de  Çàkyamiini,  dit  que  Arjuna  vainquit  dans 
le  Nord,  entre  autres  adversaires,  \es  Xalryas  hé- 
roïques de  Kaçmîra^.  Le  témoignage  du  Mahâbhà- 
rala  peut,  il  est  vrai,  paraître  suspect;  car,  même 
en  admettant ,  ce  qui  semble  certain  ,  que  les 
divers  poèmes  particuliers  qui  le  composent  sont 
bien  antérieurs  au  buddhisme,  la  rédaction  défi- 
nitive peut  en  être  plus  récente,  et  il  a  dû  s'y 
glisser  des  interpolations,  surtout  dans  les  épisodes 
qui  contiennent  des  énumérations  géographiques, 
comme  celui  des  conquêtes  exécutées  parles  fils  de 
Pandu.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  voyons  la  chro- 
nique kashmirienne  et  le  grand  poëme  national  des 
Aryens  nous  montrer  la  civilisation  brahmanique 
établie  à  Rashmir  bien  avant  la  naissance  du  bud- 
dhisme. Du  reste,  les  buddhistes  du  Sud  eux- 
mêmes  semblent,  sur  ce  point  historique,  se  rap- 
procher des  brahmanes,  et  ils  sont  loin  d'être  aussi 
affirmatifs  que  leurs  confrères  du  Nord  sur  l'étendue 
de  l'œuvre  civilisatrice  accomplie  dans  le  Kashmir 

*  Us  disent  que  le  Biiddha  ne  voulut  pas  naître  dans  la  Taniille 
de  Pandu  à  cause  du  désordre  que  les  descendants  de  ce  prince 
avaient  mis  dans  leur  généalogie.  [LuUluvistara ,  trad.  de  M.  Fon- 
canx,  p.  26.) 

-   «  Kàçmîrlkàn  vîrân  Xattriyàn.  »  [Sithho  Parva ,  çl.  )025.) 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  507 

par  Madhyântika.  Il  est  vrai  que,  avec  leurs  Nàgas, 
leurs  Yakkas,  leurs  Gandhabbas  et  leurs  Kumbban- 
dakas  de  l'Hirnavat,  ils  nous  transportent  dans  le 
inonde  imaginaire  de  la  féerie  indienne  :  les  quatre- 
vingt-quatre  mille  serpents  qui  se  font  buddliistes,  et 
dont  le  nombre  rappelle  les  quatre-vingt-quatre  mille 
monuments  élevés  par  le  roi  Açôka  et  les  quatre- 
vingt-quatre  mille  subdivisions  de  la  loi,  peuvent 
être  considérés  comme  des  êtres  tout  à  fait  fantas- 
tiques. Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que ,  à  côté  de  ces 
êtres  surhumains,  le  texte  pâli  place  de  véritables 
hommes  dans  le  Kashmir.  11  nous  dit  que  les  mois- 
sons y  avaient  été  détruites  par  le  fait  des  Nâgas  : 
ces  moissons  ne  peuvent  avoir  été  que  le  produit  du 
travail  de  l'homme.  Madbyàntika,  dans  son  exhor- 
tation aux  Yakkas,  leur  recommande  de  ne  plus 
détruire  les  moissons,  de  laisser  les  hommes  habiter 
en  paix.  Enfin  le  texte  pâli  dit  de  la  manière  la  plus 
positive  que  les  hommes  [manujâ)  qui  habitent  les 
pays  de  Kasmîra  et  de  Gandhàra  étaient  venus 
pour  honorer  les  Nàgas  et  les  apaiser  par  des  of- 
frandes. Il  est  donc  bien  constant  que  le  Mahâ- 
vanso  considère  le  pays  de  Kashmir  comme  habité 
et  cultivé  avant  l'arrivée  des  buddhistes.  Madhyân- 
tika, en  s'y  établissant,  y  prêcha  avec  succès  les 
doctrines  de  sa  secte ,  et  substitua  au  culte  des 
Nâgas  les  institutions  monacales ,  les  croyances  et 
les  pratiques  religieuses  du  buddhisme.  C'est  évi- 
demment là  ce  que  le  texte  signifie. 

Cependant,  s'il  faut  tenir  compte  de  toutes  les 


508  DÉCEMBRE   1865. 

circonstances  indiquées  par  le  texte  pâli,  on  croit 
entrevoir  que  la  période  immédiatement  antérieure 
à  l'arrivée  de  Madhyàntika  aurait  été  une  période 
malheureuse,  signalée,  soit  par  des  calamités  natu- 
relles, inondations,  tempêtes,  etc.  soit  par  un  état 
d'anarchie  et  de  désordre.  Les  buddhistes  auraient 
calmé  CCS  maux  :  les  maux  physiques  par  de  nou- 
veaux procédés  ou  un  plus  grand  soin  dans  la  cul- 
ture ;  les  maux  politiques  et  sociaux,  par  rensei- 
gnement d'une  religion  nouvelle.  Cependant  la 
l\âjataranginî  ne  dit  rien  qui  puisse  faire  supposer 
l'existence  de  cette  époque  de  désordre  :  il  est  vrai 
qu'elle  avait  peut-être  intérêt  à  la  dissimuler;  mais 
les  buddhistes  ont  pu  avoir  intérêt  à  l'inventer  ou 
du  moins  à  l'exagérer.  On  voit  seulement  par  la 
chronique  brahmanique  que  les  quatre  rois  qui  pré- 
cédèrent Açôka  ,  l'introducteur  du  buddhisme  dans 
le  pays,  selon  notre  chronique,  viennent  après  un 
roi  mort  sans  postérité,  et  Açôka,  leur  successeur, 
ne  descendait  pas  d'eux  en  ligne  directe  ^.  Cette  in- 
terruption dans  la  filiation  de  la  dynastie  kashmi- 
rienne  est  le  seul  fait  qui  pourrait  être  l'indice  d'une 
époque  troublée  :  du  reste,  ces  quatre  rois  parais- 
sent avoir  été  recommandables,  religieux,  généreux 
envers  les  brahmanes,  et  l'un  d'eux  aurait  même 
fait  exploiter   une  mine^.  Le  pays  était  donc  fort 

'   Râjalaranijun ,  I,  d.  gS-ioo, 

2  Ce  roi  est  Suvarna,  qui  fit  exploiler,  dit  la  clironique,  une  mine 
(kulyà)  d'or  et  de  pierreries  dans  le  Karâla.  Le  nom  de  ce  roi  signifie 
nr,  et  il  distribua  aux  nécessiteux  une  part  du  produit  de  la  mine. 
Il  paraît  (jur.pru  avant  le  règne  d'Açôka ,  il  v  eut   une  émission 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  509 

heureux,  et  les  novateurs,  dont  la  force  s'accroît  par 
la  vie  errante  (c'est  ainsi  que  l'auteur  désigne  les  bud- 
dhistes),  n'avaient  que  faire  de  venir  troubler  l'ordre 
établi.  Ainsi  pensait  probablement  l'auteur  de  la 
Râjataranginî  :  l'introduction  du  buddhisme  dans  le 
pays  fut,  selon  lui,  un  mal;  mais  en  général  il  le 
traite  avec  une  certaine  légèreté,  ayant  l'air  de  n'y 
attacher  aucune  importance  et  de  ne  pas  même  le 
tenir  pour  digne  de  sa  colère.  Malgré  ce  dédain  des 
brahmanes,  il  n'est  pas  douteux  que  l'introduction 
du  buddhisme  dans  le  Kashmir  a  eu  les  plus  graves 
conséquences.  Il  a  pu  ne  pas  être  étranger  à  la  pros- 
périté matérielle  du  pays,  ainsi  que  le  prétendent 
tes  buddhistes  du  Nord.  Je  ne  saurais  affirmer  si  l'on 
doit  faire  dater  de  cette  époque  la  culture  du  safran. 
Cette  plante  est  connue  pour  être  une  des  produc- 
tions du  pays;  elle  a  même  en  sanscrit  le  nom  de 
kaçmîrajanman  (natif  du  Kashmir).  Mais  il  serait 
bon  de  savoir  s'il  existe  une  tradition  brahmanique 
qui  puisse  être  opposée  à  celle  des  buddhistes  rela- 
tivement à  cette  plante.  Du  reste,  d'importants  chan- 
gements, que  les  brahmanes  eux-mêmes  ne  contestent 
pas,  prouvent  que  l'introduction  du  buddhisme  au 
Kashmir  marque  une  ère  nouvelle  dans  l'histoire 

considérable  de  monnaie  de  cuivre  (je  tiens  ce  détail  de  M.  de  Long- 
périer);  notre  texte  ne  fait  allusion  qu'à  l'exploitation  d'une  mine 
d'or;  mais  il  a  bien  pu  passer  sous  silence  d'atitres  travaux  du  même 
genre,  tels  que  l'exploitation  de  mines  de  cuivre,  qui  ont  bien  plus 
d'intérêt  pour  nous  que  pour  les  chroniqueurs  indiens.  La  notice 
donnée  par  la  Râjataranginî  sur  ces  rois  est  fort  brève,  et  se  réduit 
à  un  çlôka  pourchac»m  d'eux. 

VI.  34 


510  DECEMBRE   J805. 

(lu  pays.  La  Rnjataranginî  va  jusqu'à  attribuer  au 
roi  Açôka  la  fondation  de  Çrînagarî,  la  ville  capi- 
tale. Ainsi  les  renseignements  qui  nous  viennent 
de  part  et  d'autre  se  confirment,  se  complètent  et 
s'atténuent  mutuellement.  Le  pays  n'était  point  pri- 
mitivement aussi  sauvage  que  le  veulent  bien  dire 
les  buddhistes.  L'arrivée  de  ceux-ci  lui  a  bien  com- 
muniqué quelque  chose  de  la  richesse  et  de  la 
gloire  qu'ils  se  vantent  de  lui  avoir  apportées.  11  esi 
bien  permis  de  croire  que  la  puissance  royale 
d'Açôka  a  fait  pour  le  moins  autant  en  faveur  de 
cette  prospérité  que  la  parole  de  Madhyântika.  La 
pai't  de  l'influence  religieuse  n'en  reste  pas  moins 
très-considérable.  H  s'en  faut,  sans  doute,  que  lé 
buddhisme  ait  eu  constamment  cette  prééminence 
souveraine,  cet  empire  exclusif,  que  lui  attribuent 
les  buddhistes  du  Sud  aussi  bien  que  ceux  du  Nord  : 
il  lui  a  bien  fallu  compter  avec  le  culte  de  Çiva.  Le 
Kashmir  n'en  est  pas  moins  devenu  un  des  plus 
ardents  foyers  du  buddhisme  :  il  lui  a  dû  la  gloire 
et  l'autorité  morale  qui  s'attachent  à  tout  peuple, 
si  peu  nombreux  soit-il,  qui  représente  une  grande 
idée,  ou  se  signale  par  quelque  grand  efl^brt  de 
l'intelligence,  et  l'exercice  d'une  véritable  autorité 
spirituelle,  depuis  longtemps  perdue,  mais  dont  les 
etTels  subsistent  encore  aujourd'hui. 

De  la  différence  qui  existe  entre  le  Mahâvanso 
d'une  part,  le  Randjur  et  les  autres  auteurs  bud- 
dhistes de  l'autre,  on  peut  tirer  cetfe  conclusion, 
que  le  récit  pâli  est  le  plus  rapproché  des  événe- 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  511 

ments.  Malgré  toute  la  fantaisie  qui  y  règne,  il 
suppose  une  notion  plus  exacte  de  l'état  du  pays. 
lî  se  borne  à  en  retracer  la  conversion,  et  ne  le 
présente  pas  seulement  comme  un  désert  liante  par 
des  monstres.  Le  Randjm  ,  au  contraire,  paraît  dé- 
crire un  état  plus  récent,  une  civilisation  bud- 
dliique,  déjà  avancée,  implantée  sur  la  civilisation 
primitive  venue  des  brahmanes.  Car  cette  culture  du 
safran,  ces  fondations  de  villes,  ce  développement 
de  la  richesse  du  pays,  tout  cela  est,  dans  la  pensée 
même  des  auteurs  buddhistes,  plus  récent  que  l'ar- 
rivée de  Madlnàntika  ,  bien  qu'ils  réunissent  tous  ces 
faits  comme  s'ils  étaient  simultanés.  On  comprend 
aisément  que,  en  présence  d'une  civilisation  bud- 
dhique  florissante,  ils  aient  pu  oublier  l'œuvre  anté- 
rieure des  brahmanes,  et,  même  sans  calcul,  la 
compter  pour  néant.  La  forme  même  des  deux  récits , 
et  les  circonstances  spéciales  par  la  mention  des- 
quelles ils  se  distinguent,  prouvent  l'antériorité,  d'ail- 
leurs attestée  par  l'ensemble  des  documents  histo- 
riques ,  du  récit  pâli  sur  les  récits  tibétains  et  chinois. 
La  preuve  du  même  fait  peut  se  tirer  de  la  men- 
tion du  pays  de  Gandhâra ,  qui  se  trouve  dans  le 
récit  pâli  et  ne  se  rencontre  dans  aucun  autre.  Le 
Mahâvanso  ne  cite  jamais  le  pays  de  Kasmîra  tout 
seul  ;  il  lui  associe  constamment  le  Gandhâra.  Ce- 
pendant ces  deux  contrées  ne  sont  pas  limitrophes, 
un  assez  grand  espace  les  sépare.  La  situation  du 
Gandhâra,  souvent  cité  par  les  historiens  et  les 
géographes  grecs,  et  dont  le  nom  se  lit  plusieurs 

34. 


512  DÉCEMBRE   1865. 

fois  dans  les  inscriptions  cunéiformes  perses,  est 
fixée  maintenant  cfune  manière  indubilable,  grâce 
surtout  aux  données  si  précises  fournies  par  Hiouen- 
Thsang  :  c'était  le  pays  situé  sur  la  rive  droite  de 
rindus,  à  l'extrémité  de  la  vallée  de  Kabui,  et  la 
ville  actuelle  de  Peisbaver  représente  l'antique  Pu- 
rusbapura,  capitale  du  pays  de  Gandbâra  ^  On  se 
demande  donc  quel  motif  a  pu  pousser  l'auteur  du 
Mahâvanso  à  unir  ainsi  Gandhâra  et  Kasmîra,  d'au- 
tant que  ces  descriptions  de  lacs,  de  débordements, 
ces  fables  relatives  aux  Nâgas  ou  serpents  d'eau ,  et 
aux  génies  habitants  de  l'Himavat  (ou  l'Himalaya), 
conviennent  très-bien  au  Kashmir  et  n'ont  plus  de 
raison  d'être  s'il  s'agit  du  Gandhâra.  On  est  d'abord 
tenté  de  croire  à  un  anachronisme,  à  une  confusion 
entre  Açôka  et  Kanishka,  tous  deux  rois  puissants, 
grands  protecteurs  du  buddhisme,  et  qui  réunirent 
chacun  un  concile.  Kanishka  régnait  peu  avant  le 
commencement  de  notre  ère.  La  Râjataranginî  le 
oite  comme  roi  du  Kashmir,  mais  le  qualifie  d'e^raw- 
ger^;  les  Pèlerins  buddhistes  l'appellent  roi  de  Gan- 
dhâra^. Le  siège  de  sa  puissance  était  en  eifet  à 
l'ouest  de  l'Indus.  La  qualification  de  «  roi  de  Gan- 
dhâra et  de  Kasmira  n  lui  conviendrait  donc  par- 

'  Voir  le  mémoire  de  M.  Vivien  de  Saint-Martin  à  la  fin  des 
Voyages  de  Hiouen-Thsang.  Le  nom  de  Peishaver  (s  yi^wj)  se  trouve 
écrit  quelquefois  Pershaver  {\y^  >-J  )  par  un  »  au  lieu  d'un  ^j  , 
forme  plus  exacte  et  plus  rapprochée  de  la  forme  primitivo  H^v 
(les  pèlerins  biiddhisles,  III.) 

^   Râjatarançjinî ,  I,  çl.  160-170. 

*    VoY.  des  pèlerins  buddh.  II,  17':'  et  ailleurs. 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  513 

faitement,  comme  celle  de  roi  de  France  et  de  Na- 
varre à  nos  anciens  rois.  Il  n'est  cependant  pas  pro- 
bable que  Mahânâma  ait  transporté  à  Acoka  des 
faits  concernant  Kanishka  :  ce  dernier,  célèbre  chez 
les  buddhistes  du  Nord,  qui  cependant  paraissent 
n'en  point  parler  dans  leurs  livres  canoniques,  est 
inconnu  aux  buddhistes  du  Sud.  La  séparation  des 
deux  branches  du  buddhisme,  postérieure  à  Açoka, 
sinon  contemporaine  de  ce  roi ,  est  antérieure  à  Ka- 
nishka, et  il  ne  paraît  pas  possible  d'admettre  un 
mélange  dans  les  traditions  qui  peuvent  se  rapporter 
à  ces  deux  personnages.  Du  reste,  l'union  des  noms 
de  Kasmîra  et  de  Gandhâra  s'explique  suffisamment 
par  le  vaste  développement  de  la  puissance  d'Açôka 
(puisque  la  ville  de  Taxaçilâ,  capitale  d'un  royaume 
limitrophe  du  Gandhâra  et  situé  entre  ce  royaume 
et  celui  de  Kashmir,  appartenait  à  Açôka)  et  par  la 
prompte  diffusion  du  buddhisme  au  delà  de  l'Indus. 
Car  le  Kashmir,  une  fois  gagné  au  buddhisme,  fut  le 
point  de  départ  dune  vaste  et  active  propagande. 
Nous  voyons  Dhîtika,  séparé  de  Macihyantika  par 
l'intervalle  d'une  seule  génération,  peut-être  même 
son  successeur  immédiat,  porter  déjà  les  doctrines 
de  Çâkyamuni  dans  la  Bactriane^  La  mention  ré- 
pétée du  nom  de  Gandhâra  dans  le  Mahâvanso 
marque  l'^  nremière  étape  dans  la  marche  du  bud- 
dhisme vers  les  contrées  occidentales;  d'où  Ton  est 
en  droit  de  conclure  que  le  récit  de  Mahânâma,  ou 

*  Dans  ie  pays  de  Tukharà,  disent  les  livres  buddhiques.  (Was- 
silicf,  I.  4/i.^ 


514  DÉCEMBRE   1865. 

du  moins  celui  qui  lui  a  servi  de  modèle,  fut  composé 
au  commencement  et  lors  des  premiers  succès  de  ce 
grand  et  magnifique  mouvement.  Mais,  après  des 
triomphes  qu'on  aurait  pu  croire  définitifs,  la  dé- 
cadence survint  :  au  temps  de  Hiouen-Thsang,  les 
buddbistes  ne  formaient  plus  dans  le  Gandhâra 
qu'une  faible  minorité  :  l'herbe  poussait  dans  les 
couvents  déserts  et  en  ruines  ^  Or  le  récit  du 
Kandjur,  dans  sa  rédaction  dernière,  date  bien 
certainement  de  cette  période  de  revers  :  il  n'a 
pas  célébré  des  conquêtes  reprises  par  l'ennemi; 
et  si  le  texte  original  les  racontait,  comme  il  y  a 
lieu  de  le  penser,  les  traducteurs  auront  sup- 
primé ces  témoignages  indirects,  mais  trop  positifs, 
des  défaites  du  buddhisme.  La  fin  du  volume  dont 
est  tiré  notre  récit  contient  des  remarques  d'un 
lama  sur  des  fautes  de  traduction  qui  existeraient 
dans  ce  volume  et  dans  le  précédent.  Peut-être  ce 
reproche  s'applique-t-il  aussi  h  des  réticences  du 
genre  de  celles  dont  nous  venons  de  signaler  la 
possibilité. 

On  a  pu  remarquer  que  le  Mahâvanso  et  la  Kâ- 
jataranginî  sont  d'accord  pour  rapporter  au  règne 
d'Açôka  l'établissement  du  buddhisme  dans  le  Kash- 
mir.  La  clu^onique  brahmanique  ne  parle  ni  de 
Madhyântika,  ni  d'aucun  missionnaire  buddhique; 
à  ses  yeux,  l'introduction  de  cette  religion  nouvelle 
ne  lut  qu'un  effet  du  caprice,  de  l'égarement,  de  la 
tyrannie  d'Açôka;  elle  ne  s'est  donc  point  complu  à 

'    Voyages  des  pèlerins  budditisles ,  II,  io5. 


DU  BUDDllISME  DANS  LE  KASHMIR.  bi^) 

en  décrire  les  progrès  et  les  triomphes.  Mais  dans 
son  indication  sommaire,  elle  établit  un  synchro- 
nisme remarquable  avec  l'auteur  cingalais.  On  a 
soupçonné  les  buddhistes  d'avoir  rassemblé  et  mis 
sous  le  nom  d'Aeôka  toutes  les  conquêtes  spirituelles 
de  leur  religion  :  voici  un  auteur  brahmanique  qui, 
certes,  ne  se  soucie  guère  de  la  gloire  d'Açôka , 
ni  surtout  des  triomphes  du  buddhisme,  et  qui, 
sur  un  point  particulier,  leur  donne  complètement 
raison . 

On  peut  ajouter  que  le  Kandjur  est  d'accord  avec 
ces  deux  ouvrages;  il  ne  prononce  pas,  il  est  vrai, 
le  nom  d'Açôka,  mais  i!  fixe  la  conversion  du  Kash- 
mir  à  la  loo"  année  après  le  Nirvana.  Or,  la  loo" 
année  du  Nirvana  tombe  sous  le  règne  d'Açôka  (d'a- 
près le  Kandjur).  La  chose  est  fort  connue;  mais  il 
n'est  pas  inutile  de  citer  un  des  textes  les  plus  cu- 
rieux parmi  ceux  qui  l'établissent  :  Un  jour,  Çâkya- 
muni,  accompagné  de  son  disciple  Ananda,  men- 
diait dans  les  rues  de  Çrâvastî  en  Kôçala  :  un  enfant 
qui  jouait  avec  d'autres,  le  voyant  venir  de  loin, 
monta  sur  les  épaules  d'un  de  ses  camarades  pour 
verser  comme  offrande,  dans  le  vase  aux  aumônes 
du  Buddha  ,  un  peu  de  la  terre  avec  laquelle  il  jouait; 
ce  qui  lui  attira  cette  prédiction  :  a  Cent  ans  après 
mon  Nirvana,  cet  enfant  sera  le  roi  appelé  Açôka,  et 
l'autre  enfant  sera  son  (premier)  ministre;  il  régnera 
sur  le  Jambudvîpa,  et,  après  avoir  proclamé  en 
tous  lieux  les  qualités  des  trois  joyaux,  il  élèvera 
SU!"  une  vaste  étendue  des  stupas  à  mes  reliques,  il 


&lf)  DECEMBRE   I8G5. 

répartira  dans  le  Jambudvipa  quatre-vingt-qualre 
mille  stupas  ^.  » 

Malgré  cet  accord  apparent  sur  la  date  de  l'in- 
troduction du  buddliisme  dans  le  Kashmir,  le  Ma- 
hâvanso  et  le  Kandjur  sont  profondément  divisés. 
Selon  le  Mahâvanso,  en  effet,  l'événement  se  place 
à  la  2  35*'  année  après  le  Nirvana.  Cette  divergence 
vient  de  ce  que  les  buddhistes  du  Nord  ne  recon- 
naissent qu'un  seul  Açôka ,  le  grand  roi  qui  réunit 
le  deuxième  concile  à  Vaïçàlî,  cent  dix  ans  après  le 
Nirvana,  tandis  que  les  buddhistes  du  Sud  en  re- 
connaissent deux  :  le  premier  Açôka  surnommé  le 
JSoir  (Kâla)  qui  réunit  le  deuxième  concile  àVaïçâlî 
cent  ans  après  le  Nirvana,  et  le  second  appelé  le 
pieux,  Dharma-Açôka,  qui  réunit  un  troisième  con- 
cile à  Pataiiputra  :  il  y  a  donc  une  différence  de  cent 
vingt-cinq  années  que  les  buddhistes  du  Nord  ont 
effacées  de  l'histoire  ou  que  les  buddhistes  du  Sud 
y  ont  gratuitement  ajoutées. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de*  discuter  cette  difficulté, 
qui  tient  à  l'ensemble  de  la  chronologie  indienne  : 
aussi  bien,  notre  sujet  en  renferme  une  qui  lui  est 
propre,  qui  peut  se  résoudre  indépendamment  de 
l'autre,  et  qui  nous  donnera  assez  d'embarras. 

Si  le  Mahâvanso,  la  Râjataranginî  et  le  Kandjur 
sont  d'accord,  nous  n'en  pouvons  pas  dire  autant  de 
Hiouen-Thsang  qui  assigne  à  l'événement  une  date 
différente,  en  quoi  il  paraît  soutenu  par  Târànâtha; 

'  Dzang-lun  (der  Weisc  und  derThor),  p.  176  du  texte,  217  do 
la  traduction  aHemandc  (édition  Sclimidt). 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  517 

et  il  se  trouve  en  outre  que  le  Kandjur,  partieile- 
ment  d'accord  avec  Hiouen-Thsang,  admet  et  com- 
bine les  deux  thèses  opposées,  d'où  il  résulte  dans 
le  texte  canonique  des  buddhistes  du  Nord  une  con- 
tradiction qu'il  importe  de  faire  ressortir. 

iMadhyântika  est  présenté  par  les  buddhistes  du 
Nord  comme  un  disciple  immédiat  d'Ananda.  Le  Kan- 
djur, Hiouen-Thsang,  Tàrânâtha  sont  unanimes  sur 
ce  point.  Le  Mahâvanso  ne  dit  rien  de  pareil ,  et  on  en 
comprend  la  raison;  les  deux  cent  trente-cinq  ans 
qu'il  place  entre  le  Nirvana  et  le  troisième  concile 
le  lui  interdisaient.  Le  Kandjur  ne  place  que  cent 
ans  entre  le  Nirvana  et  la  conversion  du  Kashmir, 
et  c'est  déjà  beaucoup  trop,  comme  on  va  le  voir. 
Les  dates  précises  de  la  vie  d'Ananda  sont  sujettes 
à  des  difficultés  :  cependant  il  semble  établi  que  ce 
cousin  de  Çâkyamuni,  beaucoup  plus  jeune  que  lui, 
mourut  à  quatre-vingt-cinq  ans^  après  avoir  été  chef 
de  l'association  buddhique  pendant  quarante  ans, 
ayant  reçu  cette  dignité  de  Kaçyapa,  qui  l'avait 
exercée  pendant  dix  ans.  La  vie  d'Ananda  peut  donc 
se  partager  en  trois  périodes;  trente-cinq  ans  pen- 
dant lesquels  il  est  le  contemporain  et  le  disciple  de 
Çâkyamuni;  dix  ans  pendant  lesquels  il  est  soumis 
à  Kaçyapa;  quarante  ans  pendant  lesquels  il  est  à 
la  tête  du  buddhisme  :  sa  mort  se  placerait  donc  en 
l'an  5o®  du  Nirvana.  Il  semble  impossible  de  repor- 
ter sa  naissance  et  sa  mort  à  des  dates  plus  rappro.- 

'  M.  A.  Scliiefner,  Eine  tibetischc  Lehensbcschreihany  ÇâUjamit- 
ni's,  etc.  p.  79. 


518  DÉCEMBRE  1865. 

chées  de  nous  :  tout  changement  qu'on  pourrait 
apporter  à  cette  chronologie  aurait  plutôt  pour  eHet 
de  les  reculer  dans  le  passé.  Quoi  qu'il  en  soit,  voilà 
les  résultats  :  Ananda  meurt  cinquante  a  us  après  le 
Nirvana;  peut-on  croire  que  son  disc^iple  Madhyân- 
tika  ait  attendu  cinquante  autres  années  pour  aller, 
k  l'âge  de  soixante  et  dix  ans ,  instruire  les  peuples  du 
Kashmir?  car,  d'après  le  Kandjur,  on  ne  peut  être 
reçu  religieux  avant  l'âge  de  vingt  ans.  Le  récit  tibé- 
tain renferme  évidemment  deux  assertions  contra- 
dictoires et  inconciliables.  Ou  Madhyântika  a  con- 
verti !e  Kashmir  cent  ans  après  le  Nirvana,  et,  alors, 
il  ne  peut  être  le  disciple  immédiat  d'Ananda;  ou  il 
est  effectivement  le  disciple  d'Ananda,  mais  alors  il 
a  joué  son  rôle  moins  d'un  siècle  après  la  mort  du 
Buddha.  Une  tradition  kashmirienne  recueillie  par 
Hiouen-Thsang  résout  la  question  dans  le  deuxième 
sens.  Nous  avons  vu  que  son  récit  reproduit  les 
principales  circonstances  du  récit  tibétain  ;  mais  il 
place  révénement  cinquante  ans  seulement  après  la 
mort  du  Buddha,  et,  par  conséquent,  à  l'époque 
même  de  celle  d'Ananda^:  dès  lors  on  n'a  plus  au- 
cune peine  à  concevoir  que  Madhyântika  soit  le 
disciple  de  ce  dernier.  Mais  aussi  on  est  lort  embar- 
rassé pour  fixer  l'époque  de  fintroduclion  du  bud- 
dliisme  dans  le  Kashmir  en  présence  de  trois  dates 
différentes.  Selon  le  pèlerin  chinois,  écho  fidèle,  on 
n'en  saurait  douter,  d'une  tradition  kashmirienne, 
cet  événement  aurait  eu  lieu  un  demi-siècle  après  le 

'   Mémoires  de  Hioiien-Tlisanij ,  I,  lOS. 


DU  BUDDBISME  DANS  LE  KASHMIR.  519 

Nirvana  ;  le  livre  sacré  des  buddhistes  du  Nord  pré- 
tend que  ce  fut  un  siècle  après;  enfin  le  Mahâvanso 
le  place  à  deux  siècles  et  un  tiers  de  dislance. 

Faut-il  voir  là  un  seul  et  même  fait  placé  dans 
des  temps  différents  par  des  écoles  rivales,  ou  plu- 
sieurs faits  distincts  racontés  d'une  manière  uni- 
forme, mais  dont  les  difficultés  chronologiques  font 
ressortir  la  diversité?  C'est  ce  qui  nous  reste  à  exa- 
miner. 

Le  récit  de  Târânâtha,  qui  fait  de  Madhyântika 
un  disciple  d'Ananda ,  permet  d'expliquer  l'arrivée 
de  ce  personnage  à  Kashmir  par  une  scission  qui  se 
serait  produite  au  sein  du  buddhisme.  D'après  cet 
historien,  l'agglomération  desbhixus  à  Bénarès  était 
si  grande  après  la  mort  d'Ananda,  les  habitants  de 
la  ville  étaient  tellement  à  l'étroit  que,  pour  les 
mettre  au  large,  Madhyântika,  en  buddhiste  compa- 
tissant qu'il  était,  s'enfuit  à  travers  les  airs  avec  dix 
mille  arhats  ^  Cela  veut  dire  en  langage  ordinaire 
que  Madhyântika  et  ses  amis  furent  expulsés  de  Bé- 
narès; et  ils  durent  l'être  par  des  buddhistes,  car 
cette  ville  était  dévouée  aux  disciples  de  Çâkyamuni 
et  soustraite  à  l'influence  brahmanique.  La  fuite  de 
Madhyântika  s'explique  par  sa  rivalité  avec  Çânavâ- 
sika.  Ce  personnage  fut  le  chef  de  la  société  bud- 
dhique  après  Ananda,  et  la  succession  de  ces  chefs 
présente  la  série  suivante  :  Mahâkaçyapa,  Ananda, 
Çânavâsika,  Upagupta,  etc.  Mais  Madhyântika  y 
figure  souvent  entre  Ananda  son  maître  et  Çànavâ- 

'  Wassilief,  I ,  p.  3g. 


620  DÉCEMBRE   1865. 

sika  ^  son  contemporain,  et  peut-être  son  concur- 
rent, d'autres  disent  d  son  disciple.  »  Le  rang  attribué 
indûment  peut-être  à  Madbyântika  parmi  les  chefs 
du  buddhisme  peut  s'expliquer  par  cette  circons- 
tance que  les  Kashmiriens  et  les  buddbistes  du  Nord 
auraient  tenu  à  donner  une  place  d'honneur  à  celui 
qui  leur  avait  apporté  leur  religion ,  ou  auraient  été 
entraînés  à  le  faire  d'une  manière  inconsciente-, 
mais  il  s'expliquera  encore  bien  mieux  si  l'on  sup- 
pose que  Madbyântika  et  Gânavâsika  se  disputèrent 
la  primauté,  et  que  Gânavâsika  l'ayant  emporté  dans 
la  lutte,  Madbyântika  n'eut  d'autre  ressource  que 
d'aller  se  créer  ailleurs  une  nouvelle  société  reli- 
gieuse. L'école  qu'il  aurait  fondée  l'aurait  maintenu 
sur  la  liste  des  grands  chefs  du  buddhisme. 

Cette  interprétation  est  combattue  par  une  as- 
sertion remarquable  des  buddbistes  :  ils  prétendent 
unanimement  que,  dans  les  cent  premières  années 
qui  suivirent  le  Nirvana,  il  n'y  eut  aucune  discus- 
sion, qu'un  accord  parfait  régna  dans  la  société  bud- 
dhique.  Aussi  M.  Wassilief,  qui  explique  la  fuite  de 
Madbyântika  par  une  lutte  au  sein  du  buddhisme, 

^  C'est  ce  que  l'on  volt  dans  une  liste  des  patriarches  que  donne 
le  Sse.  fung.  phiao.  commentaire  chinois  du  Vinaya  (Wassilief,  I, 
224-5).  D'un  autre  côté,  nous  savons  par  la  Vie  de  Çàkyamuni  de 
M.  Schiefner  [Fine  tib.  Leb.  desÇakj.  p.  79)  que  MadhyâiUika  fut  ré- 
puté le  précepteur  de  Upagupta  (successeur  de  Çànavâsika  d'après 
le  Kandjur,  et,  selon  cette  même  biographie,  successeur  de  Yaç.is, 
disciple  lui-même  de  Madhyântika,  et  identique  à  Çànavâsika]  : 
Madbyântika  joue  donc,  d'après  ce  document,  un  rôle  exceptionnel 
et  afifecte  une  véritable  supériorité  sur  Çànavâsika,  présenté  comm»' 
son  disciple. 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIU.  521 

considère  le  différend  entre  Madhyântika  et  Çânavâ- 
sika  comme  l'expression  légendaire  et  anticipée  d'un 
événement  postérieur,  la  scission  opérée  entre  les 
Mabâsangikas  et  les  Sthaviras ,  qui  arriva  cinquante 
ans  (ou  plus)  après  l'époque  supposée  de  la  fuite  de 
Madhyântika  au  Rashmir. 

On  comprend  très-bien,  si  la  fuite  prétendue  de 
Madhyântika  est  véritablement  de  beaucoup  posté- 
rieure à  la  mort  d'Ananda,  que  les  Kasbmiriens  aient 
reculé  cet  événement  dans  le  passé,  soit  pour  lui 
donner  le  prestige  de  l'antiquité,  soit  pour  s'attri- 
buer le  privilège  d'avoir  reçu  le  buddhisme  de  la 
bouche  d'un  disciple  direct  d'Ananda,  du  compa- 
gnon de  Çâkyamuni,  de  celui  qui  passe,  dans  le 
buddhisme ,  pour  avoir  reproduit  la'parole  du  maître. 
Mais,  dans  tous  les  cas,  ce  serait  s'appuyer  sur  une 
base  fragile  que  d'invoquer  contre  cet  anachronisme 
possible  l'assertion  des  buddhistes  sur  l'unité  qui 
signala  le  premier  siècle  du  Nirvana.  Cette  pre- 
mière centaine  d'années  fut-elle  aussi  calme  qu'on 
le  prétend?  cet  âge  d'or  est-il  certain?  et  devons- 
nous  croire  les  buddhistes  sur  ce  point,  quand  nous 
nous  méfions  d'eux  sur  tant  d'autres  ?  Et  d'abord,  ne 
sait-on  pas  qu'ils  font  tous  remonter  leurs  diverses 
écoles  aux  disciples  immédiats,  au  fils  de  Çâkya- 
muni, faute  de  pouvoir  les  faire  remonter  à  Çâkya- 
muni lui-même?  Tout  le  monde  reconnaît  qu'une 
pareille  prétention  n'a  aucune  valeur  historique;  elle 
est  cependant  de  nature  à  ébranler  le  préjugé  qu'ils 
ont  réussi  à  faire  admeltre  en  faveur  dejunité  qu'ils 


522  DÉCEMBRE  1865. 

auraient  observée  pendant  cent  ans.  Mais  il  y  a  plus  : 
il  existe  un  témoignage  contre  l'opinion  reçue,  té- 
moignage douteux,  il  faut  l'avouer,  mais  qu'il  n'est 
pas  permis  de  négliger.  Le  Mabâvanso,  après  avoir 
raconté  le  deuxième  concile  (tenu  à  Vaïçâlî  sous 
Kâla-Açôka),  commence  l'énumération  des  sectes 
buddhiques  par  cette  déclaration  : 

Ekô  ihêravàdô  sô  âdivassasatê  ahu  *. 
Una  slhavirorum  discordia  liaec  primo  saeculo  fuit. 
Celte  seule  division  entre  les  tliêrôs  exista  dans  le  premier 
siècle. 

Burnouf,  dans  la  liste  qu'il  a  dressée  des  écoles 
selon  les  buddhistes  du  Sud,  cite  cette  école  comme 
réelle,  quoique  non  désignée'-^;  en  quoi  il  se  montre 
d'accord  avec  G.  Turnour.  M.  Kœppen  considère  le 
texte  de  tout  ce  passage  du  Mabâvanso  comme  cor- 
rompu ^,  et,  quant  à  la  pbrase  ci-dessus,  il  propose 
de  la  traduire  ainsi  : 

La  seule  école  des  Sthaviras  exista  dans  le  premier  siècle*. 

Ce  qui  nous  ramènerait  à  l'assertion  des  buddhistes 
du  Nord,  et  mettrait  d'accord  les  deux  brancbes  du 
buddhisme.  Cette  explication  de  M.  Kœppen  est  au 
moins  tiès-ingénieuse  ;  elle  peut  fort  bien  se  dé- 
fendie;  elle  a  seulement  contre  elle  l'autoiité  de 
Burnouf  et  celle  de  Turnour  qui,  sans  doute,  inter- 

'  M  ah  do  ans  0 ,  ch.  v,  2. 

*  Lotus  (le  la  bonne  loi,  p.  357  (appendice). 
■^  Die  ReVij'iori  des  Buddha ,  1 ,  p.  1 33  ,  note  ï . 

*  Ibid.  p.  i56  ,  note  i. 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  523 

prétait  le  texte  de  ia  même  manière  que  les  doc- 
teurs cingalais.  Si  l'inlerprétation  ancienne  et,  je 
puis  le  dire,  traditionnelle  est  conservée,  ne  pour- 
rait on  pas  retrouver  la  scission  à  laquelle  le  Mahâ- 
vanso  fait  une  allusion,  du  reste  fort  obscure,  dans 
la  lutte  dont  les  buddhistes  du  Nord  semblent  indi- 
quer fexistence  entre  Çânavâsika  et  Madhyântika  ? 
Ce  serait  aussi  vm  moyen  d'accorder  le  Nord  et  le 
Sud.  Dans  tous  les  cas,  il  paraît  impossible  d'ad- 
mettre que  tant  de  schismes  aient  éclaté  dans  le 
h"  siècle  sans  qu'aucun  se  soit  manifesté  dans  le  i®""; 
il  en  a  certainement  existé  dans  cette  première 
période;  ils  ont  été  moins  graves,  plus  promp- 
tement  étouffés  que  ceux  des  âges  suivants;  mais 
rien  n'empêche  de  croire  que  quelques-uns  ont  pu 
avoir  un  certain  éclat,  et  entraîner  d'assez  graves 
conséquences,  sans  cependant  diviser  d'une  ma- 
nière profonde  et  irrévocable  la  société  buddhique. 
Cependant,  s'il  est  admis  que,  par  erreur  invo- 
lontaire, ou  par  falsification,  les  faits  ont  été  déna- 
turés dans  leur  forme  et  transposés  dans  le  temps, 
il  faut  faire  descendre  l'introduction  du  buddhisme 
à  Kashmir  de  l'an  5o  à  l'an  i  i  o  du  Nirvana,  et  au 
deuxième  concile  tenu  à  Vaïçâlî,  à  fépoque  de  la 
première  scission  avouée  qui  se  produisit  dans  le 
buddhis-ne. 

Le  concile  tenu  à  Vaïçâlî  par  l'ordre  du  roi  Açôka  , 
pour  mettre  un  terme  à  des  discussions  dont  le  sujet 
paraît  avoir  été  en  général  fort  puéril,  n'avait  guère 
atteint  son  but.  Les  religieux  disputaient  plus  que 


524  DÉCEMBRE  1865. 

jamais.  Pour  en  finir,  Açôka  les  fit  voter;  i'eftet  de 
cette  opération  lut  de  séparer  nettement  les  élé- 
ments contraires;  et  il  se  forma  deux  écoles  :  l'une, 
composée  des  religieux  les  plus  nombreux  et,  paraît- 
il,  les  plus  jeunes,  prit  le  nom  de  Mahâsanghikas 
(ceux  de  la  grande  assemblée);  l'autre,  composée  de 
la  minorité,  mais  des  membres  les  plus  âgés,  prit 
le  nom  de  Sthaviras.  Ce  fut,  dit  la  tradition,  la 
première  scission  du  buddhisme ,  et  toutes  les  autres 
en  sont  dérivées.  De  gré  ou  de  force,  les  sthaviras 
ayant  quitté  la  place  auraient  été  chercher  un  nou- 
veau théâtre  pour  leur  activité  religieuse  :  les  con- 
trées de  THimalaya  et  spécialement  le  Kashmir  leur 
auraient  donné  un  asile;  de  là  vient  que  le  nom 
d'Haimavalâ  (fécole  des  montagnes  de  neige)  a  été 
adopté  par  une  de  leurs  subdivisions,  et  même 
semble  avoir  été  appliqué  dans  l'origine  à  la  secte 
tout  entière  ^ 

Le  Mahâvanso ,  dans  la  célèbre  énumération  qu'il 
donne  des  écoles  buddhiques,  ne  parle  pas  de  celle 
des  sthaviras,  quoiqu'il  nomme  les  haimavatas.  Mais 
il  cite,  et  en  premier  lieu,  l'école  des  mahâsanghi- 
kas dont  il  fait  remonter  l'origine  au  deuxième  con- 
cile tenu  h  Vaïçâlî  sous  Kâla-Acôka,  en  quoi  il  est 
d'accord  avec  les  buddhistes  du  Nord.  Cependant, 
il  y  a  une  différence  importante  dans  la  manière 
dont  la  scission   est  envisagée   de  par    et  d'autre. 

'  Samuyavadhôparachanaclmkra  dans  V^assilief,  I,p.  sSo,  note  2. 
—  Liste  des  dix-huit  écoles  schismaticines,  etc.  par  M.  Stanislas  Julien. 
[Jouni:il  usiat.  ocf.-nov.  1869,  liste  A,  38-39,  P^^^  ^^9  ^^  passim.) 


DU  BUDDIIISME  DANS  LE  KASHMfR.  525 

Selon  le  Mahàvanso,  les  Mahâsanghikas  furent  la 
minorité  condamnée  par  le  concile,  minorité  im- 
posante puisqu'elle  est  représentée  par  ce  chiffre 
respectable  de  dix-mille  bhikkus  ^ ,  bien  suffisant  pour 
lui  mériter  le  titre  de  grande  assemblée,  mais  enfin, 
minorité  vaincue,  condamnée,  excommuniée  par 
le  concile  :  car  c'est  au  sein  même  du  concile  que 
le  schisme  se  produit  d'après  les  buddhistesdu  Sud. 
Ceux  du  Nord  au  contraire  paraissent  séparer  la 
formation  du  schisme  des  opérations  du  concile,  et 
surtout  ils  font  des  Mahâsanghikas  une  majorité  vic- 
torieuse qui  aurait,  par  son  vote,  maintenu  l'ancien 
état  de  choses,  tandis  que  la  minorité,  composée  des 
plus  âgés  ou  des  plus  dignes,  aurait  tenu  ferme  pour 
le  |)rogrès,  préférant  l'exil  à  l'abandon  de  la  cause 
qu'elle  soutenait^.  Les  buddhistes  du  Nord  et  ceux 
du  Sud  sont  donc  en  désaccord  complet  au  sujet 
des  Mahâsanghikas  :  les  premiers  voient  en  eux  une 
majorité  conservatrice,  les  seconds  une  minorité  fac- 
tieuse et  pervertie.  Quant  aux  adversaires  des  Mahâ- 
sanghikas, lesbuddhistesduNordenfont,  sous  le  nom 
de  Sthaviras,  une  secte  particulière  qui  représente  le 
mouvement  au  sein  du  buddhisme;  les  buddhistes 
du  Sud  ne  leur  donnent  aucun  nom ,  chose  assez 
naturelle  puisque  la  majorité,  attachée  aux  mêmes 

*    Mahàvanso,  ch.  iv.  53;  ch.  v.  3. 

'^  Wassilief,  p.  55  et  224-225.  Cependant  certains  indices ,  entre 
autres  l'assertion  que  les  Sthaviras  étaient  les  Arhats  les  plus  res- 
pectables, donneraient  lieu  de^croire  que  les  novateurs  étaient  les 
Mahâsanghikas,  tandis  que  les  Sth&viras  auraient- tenu  pour  le 
maintien  de  la  tradition, 

VI.  35 


526  DÉCEMBRE   1865. 

principes,  reste  ce  quelle  était,  et  qu'il  siiflit  de 
donner  un  nom  nouveau  à  la  nouvelle  école  que  la 
minorité  vient  d'inaugurer.  Toutefois  le  nom  de  thê- 
rôs,  correspondant  du  sanscrit  sthavira ,  s'applique 
de  lui-même  à  la  majorité;  car' nous  voyons  ce 
mot  désigner  constamment  la  portion  saine  et  res- 
pectable de  la  communauté  buddhique;  et  sur  ce 
point  encore,  il  semble  que  Taccord  entre  les  bud- 
dhistes  du  Nord  et  ceux  du  Sud  ne  soit  pas  très-bien 
établi;  mais  l'expression  thêrô  ou  sthavira  paraît  avoir 
eu  différentes  acceptions,  et  il  importe  de  l'examiner. 
Le  mot  sthavira  (pâli  thêrô)  signifie  ((vieillard;» 
il  vient  de  la  racine  sthâ(se  tenir  debout) ,  et  indique 
soit  la  rigidité  des  membres  que  l'âge  apporte  en  enle- 
vant l'agilité ,  soit  la  fermeté  de  caractère  et  la  ténacité 
d'habitudes  qui  succèdent  ou  sont  censées  succéder 
à  la  légèreté  de  la  jeunesse.  Ce  terme  s'emploie  pro- 
prement pour  désigner  une  portion  des  membres 
de  l'association  buddhique,  les  plus  âgés,  les  plus 
dignes  :  c'est  un  terme  de  distinction  qui,  dans  le 
Mahâvanso,  semble  parfois  s'étendre  à  tous  les  reli- 
gieux lorsque  rien  ne  vient  troubler  l'ordre,  mais 
qui,  en  cas  de  désaccord,  est  réservé  aux  seuls 
membres  orthodoxes  :  ainsi  les  dix  mille  religieux 
excommuniés  dans  le  deuxième  concile  ne  sont  ap- 
pelés que  bhikka  (religieux) ,  quelquefois  avec  la  qua- 
lification de  me'c/ia^^5  (pâpabhikku),  tandis  que  leurs 
adversaires  sont  les  thcrôs.  Bhikku  est  le  terme  gé- 
néral :  i/ierd  désigne  la  meilheure  partie,  la  fleur  des 
bhikkus. 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  527 

Cependant  les  Tibétains  traduisent  le  mot  stha- 
vira  par  le  composé  gnas-brlan,  qui,  au  premier 
abord,  n'y  correspond  nullement.  Ce  composé  tibé- 
tain a,  dans  les  dictionnaires,  le  sens  de  vicaire ,  lieu- 
tenant, remplaçant,  successeur.  Il  semble  alors  que  le 
sthavira  soit  le  lieutenant  de  Çâkyamuni  et  corres- 
ponde dans  le  buddhisme  à  ce  qu'est  le  khalife  dans 
l'islamisme,  le  pape  dans  l'Eglise  catholique  romaine. 
Mais  alors  le  nombre  des  stha viras  est  bien  consi- 
dérable pour  que  leur  titre  exprime  une  pareille 
idée;  et  si  tel  est  le  sens  du  mot  sthavira,  ou  plutôt 
de  gnas-brtan,  il  faut  lui  donner  la  plus  grande  ex- 
tension possible,  et  considérer  comme  vicaire  du 
Buddha  tout  docteur  capable  de  reproduire  ses  en- 
seignements :  ainsi  entendu,  le  mot  gnas-brtan  ré- 
pond parfaitement  à  l'acception  que  les  textes  nous 
obligent  à  donner  au  mot  sthavira. 

Cependant  les  livres  buddhiques ,  ceux  du  Nord 
surtout,  nous  présentent  une  succession  de  person- 
nages chargés,  directement,  officiellement,  d'ensei- 
gner la  doctrine  et  de  présider  la  communauté. 
Notre  texte  nous  donne  cette  liste  jusqu'à  Kâla^  Il 
semble  que  le  terme  sthavira  ou  plutôt  son  équi- 
valent tibétain  gnas-brtan  devrait  être  appliqué 
spécialement  et  exclusivement  à  ces  personnages , 
car  ils  sont  investis  d'un  véritable  vicariat;  cepen- 
dant il  s'en  faut  bien  que  ce  titre  leur  soit  particu- 
lièrement applicable,   et  nous  voyons  dans    notre 

^  Elle  comprend  les  noms  de  Mahâkaçyapa,  Ananda  (Madhyân- 
lika),  Çânavâsika  (on  Yaça),  Upagupta,  Dhîtika,  Kâla. 

35. 


528  DECEMBRE  1805. 

texte  le  mot  sthavira  employé  concuiTcmmeiit  avec 
le  mot  âyushmat,  qui  signifie  «doué  d'une  longue 
vie ,  »  et  qui  peut  être  considéré  comme  le  synonyme 
de  sthavira  dans  l'acception  de  «vieillard,»  mais 
lion  pas  dans  celle  de  «  vicaire.  »  Il  est  même  à  re- 
marquer que  dans  le  texte  duKandjur,  objet  de  notre 
étude,  le  titre  d'âyushmat  est  appliqué  seul  aux 
personnages  cités  en  dernier  lieu;  Kaçyapa  etAnanda 
sont  désignés  tantôt  par  le  mot  sthavira,  tantôt  par 
le  mot  âyashmat;  Madhyântika  seul  est  constam- 
ment appelé  un  sthavira.  D'où  vient  cette  particu- 
larité? Tient-elle  à  l'acception  de  «vicaire,  lieute- 
nant» attribuée  au  moi  sthavira,  et  qu'on  aurait 
maintenue,  sur  laquelle  on  aurait  appuyé  avec  soin 
dans  le  Kashmir,  pour  donner  une  plus  grande 
autorité  au  docteur  qui  y  apporta  le  buddhisme ,  en 
vue  de  faire  de  lui  un  représentant  officiel  de  la 
religion?  Ou  bien  vient-elle  de  ce  que  Madhyântika 
aurait  été  véritablement  le  chef  de  fécole  dite  des 
Sthaviras,  de  ce  que  son  nom  figurerait  en  quelque 
sorte  et  personnifierait  cette  école? 

Quoi  que  fassent  et  disent  les  buddhistes  pour 
rattacher  fécole  des  Sthaviras  aux  sthaviras  du  pre- 
miersiècle,  et  dût-on  même  admettre  leurs  raisons, 
il  est  difficile  de  croire  que  le  nom  de  l'école  dite 
des  Sthaviras  soit  le  môme  que  celui  des  anciens  stha- 
viras. Aussi  a-t-on  proposé  pour  expliquer  le  nom  de 
cette  école  des  interprétations  nouvelles  :  Burnoufa 
traduit  :  Ceux  cjui  ont  des  habitations  fixes  ^.  il  ne  serait 

^   Inlroiluclion  à  VUist.  du  buddii.  indien,  4V6-/i7.  Cetlp  intcrprt^- 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  529 

|3as  impossible  que  le  sens  de  vicaire  datât  de  l'époque 
du  schisme,  et  que  le  mot  sthavlra,  employé  seule- 
ment pour  désigner  les  plus  vieux,  pendant  le  premier 
siècle,  servît  dans  le  if  siècle  à  distinguer  les /<?rme5, 
les  persévérants.  M.  Wassilief  paraît  être  de  cette 
opinion  ^  Si  l'on  admet  que  l'école  des  Sthaviras 
fut  fondée  par  des  hommes  qui  refusèrent  énergi- 
quement  de  se  rendre  aux  décisions  de  la  majo- 
rité ,  on  reconnaîtra  que  le  nom  appliqué  à  ces  oppo- 
sants a  dû  exprimer  la  force  et  la  constance.  Or  ce 
sens  est  compris  dans  le  mot  sthavira ,  c'est  même 
là  sa  signification  première;  il  se  trouve  également 
dans  le  tibétain  gnas-brtan;  car  gnas  signifie  «  place ,  » 
brtan  exprime  la  «fermeté,  la  durée,  l'immobi- 
lité, l'immutabilité,  »  et  je  ne  sais  si  la  signification 
traditionnelle  (et  partant  inattaquable)  de  «  vicaire, 
lieutenant»  est  fondée  sur  la  juste  valeur  des  mots, 
et  si  le  composé  a  toujours  eu  cette  acception.  Il 
semble  pouvoir  très-bien  se  traduire  par  «  restant 
ferme  à  sa  place,  qui  ne  bouge  pas  de  place.  »  Cette 
idée  est  également  bien  rendue  en  sanscrit  par  le  mot 

tation  diilere  entièrement  de  l'explication  donnée  pages  288-89, 
297  et  565  du  même  ouvrage,  et  fait  du  mot  sthavira  (nom  de 
l'école)  un  terme  tout  différent  du  mot  sthavira  (nom  d'une  classe 
des  membres  de  la  société  buddhiquej.  Elle  est  fournie  aussi  par  le 
dictionnaire  tibétain-sanscrit  de  la  Bibliothèque  impériale,  qui 
donne  pour  !e  mot  gnas-brtan  les  deux  équivalents  sanscrits,  sthavira 
(vieillard)  et  vâsadhira  (qui  a  des  demeures  fixes)  —  D'après  un 
auteur  chinois,  cité  par  M.  Wassilief  (p.  2  25,  tjote  3),  le  nom  de 
slhavira  aurait  été  donné  aux  membres  de  cette  secte  parce  qu'ils 
occupaient  les  lieux  les  plus  élevés,  ou  les  plus  hautes  positions. 
'   Wassilief,  I ,  p.  55. 


530  DECEMBRE  1865. 

sthâvara  «ferme,  immobile,»  pris  substantivement 
dans  le  sens  de  «montagne;  »  et  je  me  demande  si 
le  mot  sthâvara  ne  serait  pas  la  désignation  origi- 
naire de  l'école  qui  se  sépara  desMahâsangbikas,  soit 
que  les  fondateurs  de  cette  école  l'eussent  adopté 
eux-mêmes,  le  prenant  en  bonne  part  avec  le  sens 
de  «  fermes,  inébranlables;  »  soit  qu'il  leur  eût  été 
jeté  comme  un  reprocbe  par  leurs  adversaires  avec 
la  nuance  de  «  entêtés,  opiniâtres  ^))  L'emploi  de  ce 
nom,  à  supposer  qu'on  en  eût  fait  usage,  aurait  été 
de  peu  de  durée;  on  n'aurait  pas  tardé  à  le  con- 
fondre avec  le  mot  sthaiira,  à  cause  de  la  ressem- 
blance de  son  et  de  sens ,  et  aussi  parce  que  cette 
école  proscrite  aura  pris  soin  de  se  rattacher,  à  tort 
ou  à  raison  ,  aux  origines  mêmes  du  buddhisme  ,  et 
aura  émis  la  piétention  de  continuer  par  une  sorte 
de  vicariat  l'œuvre  de  Çâkyamuni  et  de  ses  premiers 
disciples.  On  conçoit  donc  très-bien  que  les  traces 

^  Dans  l'Âmaraltôsha  tibétain  le  mot  sthâvirani  (vieillesse)  et 
sthavira  (vieillard)  sont  également  rendus  par  gnas  brtan,  qui  ici  no 
peut  signifier  «lieutenant.»  L'auteur  de  l'Amarakôsha  était  Inid- 
dliiste,  d'une  époque  postérieure  au  premier  siècle  du  Nirvana,  et 
d'ailleurs  la  traduction  tibétaine  est  plus  récente.  11  est  évident 
que  ce  dictionnaire  nous  donne  le  sens  buddbique  et  ordinaire  du 
mot  sthavira,  sans  se  préoccuper  des  sens  diflércnts  que  ce  mot  a  pu 
avoir.  Brtan,  tout  seul ,  dans  le  même  dictionnaire,  rend  les  mots 
sthâsnu  (fixe,  stable,  permanent)  et  JnfZ/ta5t/fi(Z/if  (fortement  lié). 
Quant  au  mot  sthâvara,  il  est  difficile  de  démêler  le  terme  tibétain 
qui  lui  correspond  dans  l'Amarakôsha:  ce  terme  répété  deux  ou  trois 
l'ois,  avec  variante,  paraît  être  :  bya  bjed  ou  bya  spyod  (agenda 
agens)  et  bya  spyod  bycd  pa  spyod  (pratiquant  ce  qu'il  faut  prati- 
quer) ,  ce  qui  suppose  une  acception  toute  morale  ol  revient  à  dire  : 
«  ferme  dans  le  devoir,  fidèle  au  devoir.  » 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  531 

de  celte  confusion  aient  disparu;  ii  en  reste  cepen- 
dant quelque  chose,  la  diversité  des  explications 
que  l'on  donne  du  nom  des  sthaviras.  Ainsi  les  Chi- 
nois expliquent  le  mot  5</ia vira  par  «vieillard,  an- 
cien» (chang-tso)\  et  par  L^  ils  remontent  jusqu'au 
premier  siècle  de  l'ère  buddhique,  aux  premiers 
sthaviras.  Les  Tibétains ,  en  l'interprétant  par  «  lieute- 
nant ,  vicaire ,  »  paraissent  remonter  seulement  au 
H*"  siècle  de  l'ère  buddhique,  à  la  création  de  l'école 
des  Sthaviras  par  laquelle  surtout  le  buddhisme  a 
pénétré  dans  le  Kashmir,  et  de  là  dans  le  Tibet. 

L'Himavat,  nous  dit-on,  fut  l'asile  des  Sthaviras 
exilés;  cette  expression  Himavat  désigne  toute  la 
bande  de  territoire  qui  longe  la  chaîne  de  l'Himalaya, 
ou  la  plus  grande  partie  de  cette  bande;  le  Kashmir 
semble  devoir  y  être  compris;  mais  d'après  le  Mahâ- 
vanso,  il  serait  en  dehors,  puisque  cette  chronique 
distingue  soigneusement  la  conversion  de  l'Himavat 
de  celle  de  Kasmîra  et  de  Gandhâra.  Kasmîra  et 
Gandhâra  désignent  apparemment  le  point  où  cesse 
l'Himavat  et  où  commence  la  région  d'Occident;  et, 
géographiquement,  le  Kashmir  peut  être  considéré 
comme  le  point  intermédiaire  des  deux  contrées.  Du 
reste  Kasmîra  n'est  point  tout  à  fait  exclu  de  la  dé- 
signation d'Himavat;  car,  dans  le  récit  pâli  de  la  con- 
version de  ce  pays,  il  est  question  de  quatre-vingt- 
quatre  mille  serpents  de  l'Himavat  persuadés  par 
la  parole  de  iVJadhyàntika.  Et  cependant  la  conver- 

'   Journ.  asiat.  oct.-nov.  1 869 ,  art.  de  M.  Stanislas  Julien ,  p.  347, 
II"  I   et  passim. 


532  DECEMBRE   1805. 

sion  de  l'Hirnavat  proprement  dit  fut  confiée  à  un 
autre  personnage,  Madhyama  (en  pâli  Majjhama), 
qui,  avec  quatre  autres  thêrôs,  établit  le  buddhisme 
dans  les  cinq  divisions  (pancha  rattbâni)  de  ce  terri- 
toire. Je  n'ai  point  à  traiter  ce  sujet  qui  ne  se  présente 
à  moi  qu'incidemment  ,  et  je  ne  rechercherai  pas  si 
ces  divisions  du  territoire  correspondent  à  des  divi- 
sions actuelles,  telles  que  Gerwal,  Népal,  Sikkim, 
Boutan.  Jene  veux  pas  même  insister  longuement 
sur  un  fait  qui  me  frappe,  mais  que  je  ne  puis  me 
dispenser  d'indiquer,  la  ressemblance  de  noms  de 
Madhyântika  et  de  Madhyama.  Je  ne  prétends  point 
nier  la  personnalité  distincte  de  chacun  de  ces  deux 
prédicateurs  du  buddhisme.  Je  remarque  seulement 
que,  si  Ton  fait  de  Madhyântika  le  chef  de  fécole 
des  Sthaviras,  et  de  Madhyama  le  missionnaire  de 
l'Himavat,  pays  qui  fut  le  refuge  des  sthaviras,  il  y  a 
de  fortes  présomptions  en  faveur  de  l'identité  de  ces 
deux  individus.  Enfin  je  retrouve  la  trace  de  cette 
ressemblance  des  noms  de  ces  deux  hommes ,  Ma- 
dhyântika et  Madhyama ,  qui  ont  opéré  dans  le  même 
temps,  à  si  peu  de  distance  l'un  de  fautre,  et  dans 
des  contrées  si  voisines,  je  la  retrouve  dans  nos  deux 
termes  tibétains  si  obscurs,  moins  par  eux-mêmes 
que  par  la  manière  dont  ils  sont  présentés  dans  le 
récit  du  Kandjur  :  Milieu  de  l'eau  (Ghhu  dbus)  et 
Milieu  du  jour  (Ni-mai-gung)'.  Dans  ces  deux  mots, 
le  terme  milieu,  exprimé  par  deux  termes  dilVérents 
mais  synonymes  [dbus  et  gung),  correspond  également 

'   V^oir  ci  dessus,  page  485. 


DU  BUDDHISiVIE  DANS  LE  KASHMIR.  533 

bien  au  sanscrit  madhya.  Quant  aux  déterminatifs 
chha  (eau) ,  hi-ma  (soleil  ou  jour),  le  second  ne  réj)ond 
à  aucun  élément  du  mot  sauscvh  Madliyântika ,  dont 
Ni-maigung  est  cependant  l'équivalent  reconnu;  le 
premier,  cliliu  (eau),  est  parfaitement  clair,  mais  ne 
correspond  à  aucune  partie  du  mot  Madhyama ,  dans 
lequel  il  n'entre  du  reste  aucun  déterminatif ,  et  qui 
se  compose  d  une  simple  racine  augmentée  d'un  suf- 
fixe. On  ne  peut  considérer  Clihu  dbas  (  milieu  de  l'eau) 
comme  la  traduction  certaine  de  Mndhyama [inWieu); 
mais  on  doit  reconnaître  que  ces  deux  mots  corres- 
pondent l'un  à  l'autre ,  au  moins  aussi  bien ,  si  ce 
n'est  mieux,  que  Madhyântika  et  Ni-mai-gung.  Et 
quand  on  voit  dans  deux,  textes  qui ,  pour  certaines 
parties  au  moins,  ont  une  origine  commune,  d'un 
côté  Madhyântika  (en  face  du  milieu,  médius)  et 
Madhyama  (qui  est  au  milieu,  médius);  de  l'autre 
Ni-mai-guTKj  (milieu  du  jour),  Chha  dbas  (milieu  de 
l'eau);  quand  il  est  reconnu  que  les  deux  premiers 
termes  de  chaque  série  désignent  une  seule  et  même 
chose ,  on  se  demande  avec  raison  si  les  seconds  ne 
désignentpas  aussi  une  seule  et  même  chose;  et  quand 
on  observe  d'une  part  la  synonymie  des  termes  sans- 
crits, et  d'autre  part  la  synonymie  partielle  des 
termes  tibétains,  et  les  particularités  du  récit  qui 
permettent  à  peine  de  remarquer  en  eux  une  dis- 
tinction bien  profonde,  on  est  porté  à  se  demander 
si  tous  ces  termes  ne  se  rapportent  pas  au  même 
objet,  envisagé  peut-être  de  deux  manières  un  peu 
dilférentes.  Ces  rapprochements  de  mots,  de  sens  et 


534  DECEMBRE  1865. 

de  sons  me  paraissent,  soit  renfermer  une  dilïicultë, 
soit  préparer  les  voies  à  une  solution;  mais  je  n'ai, 
quant  à  présent,  les  moyens  ni  de  lever  l'une,  ni 
d'arriver  à  l'autre. 

Puisque  la  fuite  des  sthaviras  dans  l'Himavat  est 
un  des  éléments  de  la  question  qui  nous  occupe,  je 
ne  veux  pas  l'abandonner  sans  faire  une  dernière 
remarque.  La  querelle  entre  Madhyântika  et  Çâna- 
vâsika  a  paru  n'être  pas  autre  chose  que  la  querelle 
élevée  entre  les  Mahâsanghikas  et  les  Sthaviras.  Ce 
serait  un  de  ces  doublements  dont  d'autres  histoires 
que  celle  dubuddhisme  offrent  des  exemples.  Mais  la 
querelle  des  Sthaviras  et  des  Mahâsanghikas  semble 
être  mise  aussi  sous  un  autre  nom  qui  se  rappor- 
terait à  une  époque  plus  moderne,  celui  de  Mahâ- 
dêva.  CeMahâdcva  est  un  des  plus  grands  schisma- 
tiques  du  buddhisme.  Il  se  permit  de  changer  le 
rituel,  d'émettre  des  propositions  téméraires  et  bles- 
santes pour  les  arhats;  il  souleva  ainsi  contre  lui  de 
violentes  colères,  et  fut  obligé  de  se  retirer;  mais 
de  nombreux  disciples  le  suivirent  et  formèrent 
une  école.  On  le  place  dans  le  iif  siècle  du  Nirvana \ 
et  par  conséquent  plus  de  cent  ans  après  Açôka , 
d'après  le  compte  des  buddhistes  du  Nord.  Mais  ce 
qui  est  remarquable,  c'est  que  Hibuen-Thsang  place 
Mahâdêva  sous  Açoka,  et  rattache  ce  nom  à  la  con- 
version du  Kashmir^.  11  raconte  que  Mahâdêva  s'eni- 

'   Wassilief,  p.  58,  Liste  des  écoles  bouddhitiiics  [Journ.  asiaf.  oct.- 
nov.  1869,  page  ?i'Mi ,  article  de  M.  Stanislas  Julien). 
^  Siju-ln  (M(^moires  fie  Hioiieii-Tlisang),  I,  171. 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  535 

para  de  l'esprit  d'Açôka  qui,  ayant,  à  ce  quii  paraît, 
plus  de  zèle  que  de  lumières,  ne  savait  pas  distin- 
guer un  bon  religieux  d'un  mauvais,  tellement  que 
ce  roi  si  juste,  Dharma-Açôka ,  voulut  faire  périr  et 
noyer  dans  le  Gange  cinq  cents  religieux  et  cinq 
cents  arhats  ^  Les  arhats  s'enfuirent  à  travers  les  airs 
et  se  rendirent  dans  le  Kashmir.  Açôka,  revenu  de 
ses  projets  criminels,  les  rappela  près  de  lui;  mais 
ils  refusèrent  de  se  rendre  à  son  appel,  et  le  roi, 
bâtissant  pour  eux  cinq  cents  couvents,  donna  tout 
ce  royaume  aux  religieux.  Cette  légende  reproduit 
quelques-uns  des  traits  de  celle  de  Madhyântika; 
elle  rappelle,  quoique  de  plus  loin,  ce  que  les  bud- 
dhistes  disent  communément  du  schisme  provoqué 
par  Mahâdêva.  Ce  Mabâdêva ,  contemporain  d'Açôka, 
est-il  le  même  que  celui  que  d'autres  documents 
plus  dignes  de  foi,  selon  toutes  les  apparences,  font 
vivre  cent  ans  après  lui?  Je  l'ignore;  il  est  seulement 
digne  de  remarque  que  Mahâdêva  est  cité  par  le 
Mahâvanso  comme  un  des  contemporains  et  même 
des  missionnaires  d'Açôka.  Son  nom  vient  immédia- 
tement après  celui  de  Majjhantiko,  et  il  fut  envoyé, 
dit  le  texte  pâli,  dans  le  Mahisamandala,  contrée 
dont  la  situation  n'est  pas  bien  déterminée. 

Il  serait  sans  doute  possible  de  ramener  à  funité 

^  On  ne  voit  pas  bien  si  ces  cinq  cents  arhats  représentent  l'as- 
sembiéc  des  disciples  ou  des  amis  de  Madtiyântilca ,  qui  étaient  réeîle- 
ment  au  nombre  de  cinq  cents  arliats.  Si  i'auteur  chinois  veut  dire 
que  Mahâdêva  provoqua  l'expulsion  de  Madhyântika  (et  il  a  l'air  de 
le  donner  à  entendre) ,  Mahâdêva  aurait  joué  à  peu  près  le  rôle  que 
Çânavâsika  paraît  avoir  joué  d'après  le  récit  de  Târânâtha. 


536  DÉCEMBRE  1865. 

les  traditions  diverses  qui  ont  cours  sur  Mahâdêva, 
si  l'on  n'était  à  peu  près  certain  qu'il  y  a  là  un  ana- 
chronisme 011  peut-être  même  un  mélange  de  sou- 
venirs relatifs  h  deux  personnages  distincts.  Du 
reste,  il  n'est  guère  possible  que  Madhyântika  et 
Mahâdêva  aient  été  confondus  :  trop  de  documents 
établissent  leur  indépendance  mutuelle  et  leur  in- 
dividualité distincte.  Mais  il  importe  de  noter  la  dif- 
férence de  ton  qui  existe  entre  le  Mahàvanso  et  les 
buddhistes  du  Nord  sur  tous  ces  personnages.  Le  livre 
pâli  nous  les  présente  comme  des  hommes  d'une 
pureté  parfaite,  des  missionnaires  qui  vont,  d'un 
commun  accord ,  prêcher  la  doctrine  de  leur 
maître  :  les  documents  du  Nord  nous  obligent  ou 
nous  autorisent  à  voir  en  eux  des  hérétiques,  ou  du 
moins  des  proscrits.  Je  ne  veux  pas  m'appesantir  ici 
sur  cette  différence  assez  remarquable;  mais  il  suffit 
de  signaler  ce  fait  que,  si  le  deuxième  concile  tenu 
par  RâlaAçôka  a  excommunié  dix  mille  bhikkus,  le 
troisième,  tenu  par  Dliarma  Açôka,  en  a  excommu- 
nié soixante  mille  '  (selon  les  buddhistes  du  Sud).  On 
peut  douter  que  tous  les  excommuniés  se  soient 
soumis  à  la  sentence  qui  les  avait  frappés,  et  se 
soient  condamnés  eux-mêmes  au  silence.  Aussi,  quel 
qu'ait  pu  être  le  calme  majestueux  avec  lequel  le  roi 
Açôka  a  exercé  son  zèle  pour  la  diffusion  du  bud- 
dhisme,  les  renseignements  fournis  par  les  bud- 
dhistes du  Sud  eux-mêmes  sont  un  motif  pour  nous 
de  tenir  compte  des   elfets  nombreux  et  considé- 

'   Mahàvanso,  c\\.  \i,  -i^S. 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIll.  537 

rables  que  les  buddhistes  du  Nord  allribuent  aux 
dissensions  religieuses. 

Et  maintenant  que  conclure  de  toutes  ces  discus- 
sions? Bien  des  points  restent  douteux  :  cependant 
il  semble  qu'on  peut  admettre  non  pas  peut-être 
comme  absolument  certains,  mais  au  moins  comme 
probables,  les  résultats  suivants  : 

Le  buddbisme  commença  à  dominer  dans  le 
Kasbmir  sous  le  règne  d'Açôka  :  quand  les  docu- 
ments brahmaniques  viennent  confirmer  sur  ce 
point  les  assertions  des  buddhistes,  la  question  doit 
être  regardée  comme  résolue,  et  il  ne  semble  plus 
possible  de  conserver  des  doutes. 

S'il  y  a  eu ,  comme  les  huddhistes  du  Sud  le  pré- 
tendent et  comme  cela  paraît  généralement  admis, 
deux  Açôka,  c'est  sous  le  second,  Dharma-Açôka , 
que  l'établissement  triomphant  du  buddbisme  eut 
lieu  dans  le  Kasbmir;  mais  il  faut  admettre  avec  les 
buddhistes  du  Nord  que  des  tentatives  plus  ou 
moins  fructueuses  ont  été  faites  avant  Açôka  pour 
porter  le  buddbisme  dans  le  Kasbmir;  et,  j)uisque 
Hiouen-Thsang  nous  signale  une  tentative  faite  cin- 
quante ans  après  le  Nirvana,  et  le  Kandjur  une 
autre  qui  daterait  du  commencement  du  if  siècle 
de  l'ère  buddbique,  rien  n'empêche  de  croire  que 
ces  tentatives  ont  eu  lieu.  La  première  aurait  eu  un 
caractère  tout  privé,  ce  serait  celle  de  Madhyân- 
tika,  le  disciple  d'Ananda;  la  seconde  aurait  élé 
faite,  sans  doute  avec  plus  de  succès  que  la  pre- 
mière, par  les  proscrits  de  l'école  dite  des  Stkaviros, 


538  DÉCEMBRE   1865. 

et  le  buddhisme,  prêché,  mais  combattu,  aurait  fait 
peu  à  peu  son  chemin  et  préparé  ainsi  la  victoire 
qu'Açôka  II  devait  lui  faire  définitivement  rem- 
porter. Quelques  raisons  que  l'on  puisse  avoir  de 
supposer  des  anachronismes  et  des  erreurs  ou  des 
falsifications  de  toute  espèce,  on  ne  doit  pas,  ce  me 
semble,  rejeter  les  documents  qui  tendent  à  éta- 
blir une  série  de  tentatives  d'introduction  du  bud- 
dhisme dans  le  Kashmir.  Nulle  part  cette  religion, 
qui  s'est  imposée  avec  tant  de  puissance  aux  peu- 
ples qui  l'ont  reçue,  n'est  entrée  sans  résistance. 
C'est  par  degrés,  tour  à  tour  triomphante  et  vaincue, 
qu'elle  a  pénétté  en  Chine,  au  Tibet,  en  Mongolie; 
et,  d'autre  part,  le  prosélytisme,  favorisé  par  di- 
verses circonstances ,  était  tellement  dans  son  esprit , 
qu'elle  devait  tenter  de  bonne  heure  de  pénétrer 
partout.  C'est  peut-être  à  tort  qu'on  attribue  presque 
exclusivement  ses  progrès,  soit  aux  persécutions 
qu'elle  aurait  souffertes,  soit  aux  divisions  qui  se 
seraient  produites  dans  son  sein.  Répandre  la  bonne 
loi  était  l'un  des  préceptes  du  buddhisme;  nous 
avons  vu  dans  notre  texte  les  Nâgas  du  Gandha- 
mâdana  dire  qu'il  faut  propager  l'enseignement  du 
Buddha  aussi  longtemps  que  cet  enseignement  doit 
durer,  et  une  déclaration  remarquable  du  Lotus  de 
la  bonne  loi  nous  apprend  qu'on  est  bien  moins 
coupable  pour  avoir  injurié  grossièrement  un  Ta- 
thâgata  (un  Buddha)  pendant  un  kalpa  tout  entier 
(c'est-à-dire  pendant  au  moins  seize  millions  d'an- 
nées) que  pour  avoir  dit  une  seule  parole  désobli- 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  530 

géante  à  un  simple  docteur  enseignant  la  loi  à  une 
créature  quelle  quelle  soil^.  Prêcher  la  loi  fut  donc 
un  besoin  et  un  devoir  pour  les  buddhistes,  et,  s'il 
fallait  des  divisions  entre  eux  pour  les  pousser  à 
aller  faire  cette  prédication  au  loiiî,  elles  n'ont 
manqué  en  aucun  temps.  On  doit  donc  croire  que 
le  Kashmir  a  reçu  de  bonne  heure  la  visite  des  dis- 
ciples de  Çâkyamuni.Çiva,  Nïla,  les  Nâgas,  les  vieilles 
divinités  kashmiriennes  ont  dû  résister  énergique- 
ment;  mais  la  persévérance  et  l'ardeur  des  nouveaux 
venus  finirent  par  triompher  et  par  faire  accorder 
une  place  et  une  place  importante  aux  doctrines  et 
au  culte  de  Çâkyamuni.  Cette  lutte,  les  écrivains 
buddhistes  nous  la  retracent  comme  malgré  eux, 
en  nous  laissant  entrevoir,  par  leurs  divergences  de 
toute  sorte,  et  surtout  par  leurs  divergences  chro- 
nologiques, que  la  conquête  du  Kashmir,  au  lieu 
d'avoir  été  exécutée  d'un  coup  de  baguette,  ainsi 
qu'ils  voudraient  le  faire  croire,  fut  une  assez  longue 
et  assez  laborieuse  entreprise. 

Quant  à  la  personnalité  de  Madhyântika  et  au 
rôle  propre  qu'il  a  joué,  ils  sont  assez  difficiles  à 
établir.  On  ne  doit  pas,  ce  semble,  le  placer 
parmi  les  sthaviras  ;  car,  bien  qu'il  soit  qualifié 
de  sthavira,  son  nom  ne  paraît  pas  être  attaché 
d'une  manière  spéciale  à  cette  secle  ;  d'ailleurs  cette 
école  des  Sthaviras  se  présente  avec  un  caractère 
collectif  et  non  individuel.  On  ne  peut  guère  non 
plus  le  faire  descendre  jusqu'à  Açôka,  car  il  n'aura 

^    Lotus  de  la  bonne  loi,  page  i38  de  la  traduclion. 


540  DÉCEMBRE  1805.. 

plus  la  gloire  d'avoir  converti  le  Kasbmir,  si  l'on 
est  forcé  d'admettre  que  le  buddhisme  était  déjà 
connu  au  Kashmir  avant  Açôka.  Puisque  l'introduc- 
tion du  buddhisme  au  Kashmir  est  mise  sous  son 
nom,  il  faut  le  considérer  comme  le  premier  pré- 
dicateur buddhique  qui  eut  quelque  succès  dans  la 
célèbre  vallée.  Il  n'est  pas  étonnant  que  son  nom  se 
retrouve  chaque  fois  qu'il  est  question  de  quelque 
tentative  nouvelle ,  prétendue  la  première  de  toutes, 
pour  amener  au  buddhisme  le  peuple  de  Kashmir. 
Les  prédications  des  sthaviras,  celles  des  mission- 
naires d'Açoka  auront  été  attribuées  à  Madhyântika  , 
qui ,  comme  certains  autres  personnages  du  bud- 
dhisme, entre  autres  Nâgârjuna ,  se  trouverait  obligé 
d'étendre  sa  vie  sur  plusieurs  siècles  pour  suffire  à 
tout  ce  qu'on  veut  lui  faire  accomplir. 

Je  termine  ici  cette  étude  sur  l'établissement  du 
buddhisme  dans  le  pays  de  Kashmir.  Je  me  con- 
tente d'avoir  exposé  ce  que  la  légende  rapporte  de 
ce  grand  événement  et  ce  que  la  critique  en  peut 
dire  avec  un  certain  degré  de  certitude  :  je  ne  me  pro- 
pose pas  en  ce  moment  d'en  suivre  et  d'en  développer 
les  vastes  conséquences.  Peu  defaitshistoriquesenont 
eu  d'aussi  étendues.  Le  buddhisme  a  eu  pour  appui 
à  Kashmir  une  des  plus  brillantes  et  des  plus  puis- 
santes royautés  que  l'on  connaisse,  celle  de  Kanishka  ; 
c'est  à  Kashmir  que  s'est  tenu  le  grand  concile  dé- 
finitif des  buddhistes  du  Nord  ;  c'est  de  là  que  le 
buddhisme  a  rayonné  dans  les  contrées  septentrio- 
nales et  occidentales.  Si  le  mouvement  vers  l'Ouest 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIH.  541 

fui  arrêté,  et  arrêté  pour  toujours,  le  mouvement 
vers  le  Nord  ne  s'en  continua  que  plus  profond  et 
plus  intense.  C'est  du  Rashmir  que  les  livres  bud- 
dhiques  ont  été  portés  au  Tibet.  La  plupart  des 
pandits  indiens  qui  ont  travaillé  à  la  traduction  de 
ces  livres  étaient  Kashmiriens;  c'est  même  à  Kashmir 
que  plusieurs  de  ces  traductions  ont  été  faites.  Le 
culte  de  Çiva,  qui  s'est  maintenu  dans  le  Kashmir 
en  présence  du  buddhisme,  et  a  fini  par  s'unir  c^  lui, 
a  laissé  sa  trace  dans  une  portion  considérable  de 
la  littérature  buddhiquedu  Tibet.  Et  si,  en  contem- 
plant la  vaste  diffusion  du  buddhisme  tibétain,  cette 
autorité  puissante  qui  retient  sous  la  sujétion  spi- 
rituelle du  pontife  de  Lhassa  tous  les  peuples  mon- 
gols et  une  grande  partie  des  habitanls  de  la  Chine, 
forçant  le  souverain  du  plus  vaste  empire  qui  existe 
à  s'incliner  devant  le  grand  prêtre  du  Tibet,  nous 
voulons  nous  rendre  compte  de  cet  état  de  choses 
et  remonter  d'effets  en  causes  jusqu'à  l'origine  du 
mouvement  dont  les  derniers  résultats  nous  frappent 
d'étonnement,  nous  sommes  ramenés  aux  légendes 
de  Hiouen-Thsang,  du  Kandjur  et  du  Mahâvanso, 
sur  fintroduction  du  buddhisme  dans  le  Kashmir, 
aux  missions  du  grand  roi  Dharma-Açôka  et  aux 
prédications  de  Madhyântika. 


542  DECEMBRE  1865. 

TEXTE  TIBÉTAIN  DU  KANDJUR. 

TRADUIT,    PAGES   ^8Z-!l^']. 

Mort  d'Ananda.  —  Conversion  du  Kashmir,  par  Madhyântika.  — 
Série  des  premiers  patriarches  buddhistes. 

(Dulva,  XI,  fol.  686-690.) 

(Je  mets  entre  crochets  [  ]  les  lettres  qne  je  propose  d'ajouter  au  texte , 
entre  parenthèses  (  )  celles  que  je  propose  d'en  retrancher.  ) 

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DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  543 

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^  •  qj^iw  •  ^Vs^ "  ^^  '  n>^3i  ■  ^  '  ^^  ■  I  ^3;^  •  woj   5  ■  «à&^n  •  ^'  ioT^  '  n.^- 

(g 3;  •  pj  •  s'f^  •  i^OJ  •  f^:;  •  q^5  •  t]  •  ^^  •  I  q^  '  /^  S  '  R^^  '^'î^'  '  uji^Jf^  '  ^ 


*  Le  texte  porte  zni::  •  znf\.  La  correction  du  deuxième  zn  en  q]  ne 
peut  être  douteuse. 

^  On  pourrait  lire  5^1  au  lieu  de  s- 

•''  On  pourrait  lire  q/g  en  un  mot  :  le  texte  sépare  q  et  /g  par  un 

point. 

*  Ce  mot  ^  est  peu  reconnaissable  dans  le  texte;  mais  comme  il 

est  répété  à  la  fin  du  discours,  la  lecture  ne  saurait  être  douteuse. 

36. 


544  DECEMBRE  1865. 

JoT^M  '  S"^'  M^  '  a^^•^\'  ^^^•\\ \^  '  raN:x. •  q^s '  a  '  oj  •  ra^^gi  • 

5î^  •  s  •  s^î;  •  (^5j  •  u  •  ^5  ■  ^îiiR  •"iS'îJ^i  •  3^*  n.gni  •  ¥54  •  a  •  ^  '  ^W^  "  ^^ss  • 
q^  •  q^&l'^i  •  i^'  •  ^ï;  •  I  54  •  :i|  ■  5  •  a  •  \î;  •  |3^  ■  4  •  ^î^  •  «"ïfjs  •  iT-  ^^a^  • 

q|.)|in':^  ■  n."q  s^  I  ^  '  ni^54  •  î;^:n  ■  g^  •  ^i  •  '^-  x^^  •  ^  î\'  'lè^il  '  q|^ï;^"  ^  | 

^î\'  1 1  ^i:  •  V  f^î^'  ■  "^  •  ^  r^\  '  q^'sj  'hu  ^^  •  ^  '  5^'^  '  ^^^ ""^ 
1^  1 1  l^-'^--^^- y^  ■  s^'^'  •  ^^'^'  •  â^  I  X"  ^'^'  ■ '^  ■  ^' â  •  i^^^' • 

•  Le  texte  a  Bi  au  génitif:  l'instrumental  nj^i  est  bien  préférable. 
^  On  pourrait  lire  mtx  ;  mais  le  texte  porte  bien  ^X^- 

^   Le  texte  a  g,  qui  existe;  mais  il  vaut  mieux  ajouter  un  r  e« 
lire|^. 

*  Le  texte  a  Sv  :  j'ajoute  un  ^i  (  Voir  la  note  2  ,  p.  àSS.) 


DU  BUDDHISMEDANS  LE   KASHMIH.  bk'j 

q^nj-qf  II  \'a;^  '\'  <w^'  ^^'^^'^1  '  cj5^5^   î^  '^^3^'  ■  q  I  cjî:în  "^  •  ' 

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\^-  (  ">X-(^^'f'^'^'«^fyS^«^-^-|^-^'^ûj;j^,-^^|g->^-z;^ïi|. 

i]'fî».*^^'\*RE3;  ■'^  '  ^^^  '  ^^'  f3[m^  '^'^l  ol  '  V  S^  "'^'^  '^5^'. 

^•z;^ïn'^^'-?^ï:^'f^'S3:s  •  tjq-tj-  z^^|zng^j^-rj?5-2'^'^8^'  V^'  Wi^m' 

îr:ç,'S3n-ir|  g  •^•;;^qj-^^'"^-"^^-'^q|-'^iIj-î;^^'|  jj^R'*!]'    *  •  ^i;  '  j 

*   Le  texte  a  q^lzTj  ■'^^is]  à  l'instrumentai  :  je  lis  q^zn  '  ^  au  génitif. 

^  Le  texte  a  ^5,  les  dictionnaires  donnent  unanimement  q^5 
Je  rétablis  le  préfixe. 

^  Le  texte  a*ïj  ou"q.  Cependant  les  dictionnaires  donnent  le  mot 
54  ^n  sans  suffixe. 


540  DECEMBHE   1865. 

^•n,^S''^'^^^'^^''^T^'^'^'|!^'^''^*^'^'^''^^'*^*^V'^'^  '^  " 

^  îjy  •  ^^^  '  ^W  ^^  ■  <^  V  ^s'*^'  ""b  '^  "  ^'^  '  ^^'^"  ^  '  ^'^  "  ^^^  *  "^  I 

zfj^^pi'sn^  ■  i^R*  n,"^-  q^'SJ  •  ^^5;'  s^  ■  i^^s;'  ^''^"  ^?n^'  '  ^i^  '"JS" 
-J  ^'  I  ^^  •  14  5^  •  s  ^  •  :;"r.  •  tM  ^  •  ^-  /^  ^1  •  1^.  •  rj  •  ^-  I  I  •  g^«  ^.  •  ^  ^,  • 

îg^î^.'  •  y  I  îJ|Sj5\'  •  q?5j  •  q"35^  •  /^Sj  •  Rs,^'  •^^''  n']f^'  ^m-Jjii  I  ïi]?^'^''  q??^- 

Bj^'î^'^'"^  I  ^^'^Y'^S'^'  '^'^'■^"|f^'^'^''5'||  3  '^^"^'"^^'' 

'    Entre  qx,  et  q^n^' ,  il  y  a  dans  le  texte  un  petit  intervalle  marqué 

(le, plusieurs  points;  mais  le  sens  n'indique  aucune  lacune. 

^   Le  texte  a  q  '  m^  en  deux  mots;  mais  il  faut  supprimer  le  point 

et  lire  qojx^,  la  mesure  du  vers  rcxigc. 

•\  Le  texte  a  "^m.  Il  faut  lire  gui  '  qj  ou  ^ii|'4|. 


DU  BUDDHISME  DANS  LE  KASHMIR.  547 

^^  Và^'  '  ST  '  §^  ""^  '%^'^T  ■  ^  V  ^^'  f^3  ^'  '^^  '  z;  "  q^'sjî^'  •  a- 

q^^î^i  •  5!\i  I  ^  •  q^w •  13  •  ra  ■  q j  R''^'^  •  ^^  •  t]  •  ^i;  •  j  ri  ■  îsj^'  ' 
^  î^''^'  q^5"  Y  2  =^'^^  I  ^m'\  '^g  •  '=i^5^  ■  y  ' ^"^^  "^^  •'zn^^- 5j'  ^^• 
ë^  I  "^"b,  •  i  •  pi  •  s'rii.'  u^ai  •  q  s^îH  •'^îJv!   ^^ïi|  •  n^'  rj ^  rC'^^i  •  ^^j^i  •  q  ■ 

3îi|-n.^aj"q3^'2^''cî^'"'^'^'y"^^'  I  £.'3iM'5'^<S^'^^^"^^  ' 

!n5.i  •  t;^:!! -Ts -"^îT] -^î^  •  ^^^  •  u •  z;^^:  i  \-é5J'5'^'^'^-"^  •■^i;^-^^* 
^•g  •îsj'M'f^g^'jy'îj'^^*  I  "ï^''^zi|- Jï;•îI|^^î^|•q^^j'^^•q^al• 
*   Les  dictionnaires  donnent  cette  forme  absolue  avec  la  parti- 
cule du  génitif  ^  .  Notre  texte  donne  ici  celle  de  l'instrumental. 

2  Le  texte  a  ici  ^  ^i  ;  il  est  évident  qu'il  faut  %  ,  qui  se  trouve  à  la 

ligne  suivante;  du  reste  cette  particule  est  ordinairement  retranchée 
dans  le  nom  propre.  (Voir  la  note  2  de  la  page  4  94.) 
^  Le  texte  a  r  ,  il  est  évident  qu'il  faut  ^. 


r}^iS  DÉCEMBRE   1865. 

^5  •  î;^5 •  sTâzn  •  •;;^K •  i  w  y  ^*  oj  •  ^yîH'^'  •  un. •  ^s •  ^s^  •  q^^j^i  •  sxsj  j 
54"o&^'?5-q"|ïnï^'-y  q/oT^n'^'l  I  ^'Sj*^-*'  s^^'n]?^"i!-^-5R-¥3^  • 

^î^'  •  s •  a •  s^ï; ' ni5  •  y  '"fî v" ^~  ' 5S  •"ïT"  oj  •  q^s  •  q  •  ^h\  s^  i "J^^'.' 

'  Le  texte  a  rs? ,  il  est  certain  que  /k^^!  est  la  vraie  l'orme  qui  con- 
vient ici. 

■^  Le  texte  a^è^^.  Le  dictionnaire  donne  pour  cette  expression 

composée  zsj  "^^  sans  î^!. 

*  La  véritable  lecture  doit  èfreq^q^';  maisleniot  du  texte  a  l'ap- 
parence de  qîS-iq^' ,  qui  s'cxjdiquerait  aisément,  ou  plutôt  de  q^q^', 
qui  s'explique  moins  bien. 

'  Le  texte  paraît  avoir  J^.  Je  lis  ^  connue  plus  bas. 


DU  BLJDDHISME  DANS  LE  KASUMIR.  549 

aj-5jpiY^'^''^'^''^  '  ^^V^  '^^S'  ^'^' ' '^^'^ ■  ^ ■  ^*  v5'  ajî^  • 
n>î;^ï^'-X'  Il  s^'  ^  '*'  "J^  ■  •ÏJ'^'^'  ■  ?^*  ^'  ^5"  wî^-  f^sf^'^S  I  n'S- 

?^^'  •  *  '  ^ï;  •  ^5  •  ^  '  ^  '  ^"^  ^^  •  55  •  ^^1  •  %5  •  r]  •  'q'-  r  i;  I  si;;^  •  tj  • 

S,^  •  s^qq  •  I]  •  i;^:;  •  I  ^qi  •  R  n  t^  •  q  •  r i;  •  i  ^'  n,g o]  '  ^^  '  t]  •  -^  '"^^^  ' 
xE^  ■  Sj'^'  I  -^^  ■'^'  ig^  ■  5^  ■'^^'  ^f^'  ^â^'^'  '  ^  '  ^^'^  '  ^  '  ^  '  ^?\  ■  f^^" 

«Ti; '  '^  ' ^'l  X '<g^'3^'  ^^ '  ^  rX"  1*  ^^  ■  "J'^^  ■  ^ *  ^  ■  " V  f^'^'' 

'  J'ajoute  au  lexte  la  particule  î^  et  la  deuxième  barre  verticale  : 

la  construction  de  la  phrase  me  paraît  exiger  cette  modification. 
-   s' '^.  Cette  lecture,  à  cause  d'une  expression  semblable  qui  se 

retrouve  un  peu  plus  bas  dans  la  même  phrase,  et  qui  s'est  déjà  pré- 
sentée dans  la  suite  de  ce  texte,  ne  me  laisse  aucun  doute;  mais  le 
groupe  est  illisible,  ou,  pour  mieux  dire,  méconnaissable  dans  l'é- 
dition du  Kandjur  que  possède  la  Bibliothèque  impériale. 

■•  On  attendrait  devant  la  particule  ^  une  racine  verbale,  car  il 

ne  paraît  pas  conforme  aux  usages  de  la  langue  que  cette  particule 
représente  elle  toute  seule  un  verbe  placé  plus  haut  dans  la  phrase 
et  séparé  d'elle  par  un  grand  nombre  de  mots.  Je  suppose  une  lacune; 
mais  je  donne  le  texte  tel  qu'il  est. 

^  J'ajoute  t  qui  n'est  pas  clans  le  texte,  mais  qui  devrait  y  être. 


550  DECEMBRE   1865. 

NOUVELLES  OBSERVATIONS 

ITÉPIGRAPHIE  HÉBRAÏQUE, 
PAR  M.  RENAN. 

I. 

Dans  la  séance  du  28  janvier  i  86Zi,  M.  deSaulcy 
parla  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres 
du  sarcophage  découvert  par  lui  dans  le  monument- 
appelé  «Tombeaux  des  rois,  »  près  de  Jérusalem,  et 
invita  les  hébraïsanls  à  s'occuper  de  l'inscription  qu'il 
présente.  Le  monument  était,  dès  cette  époque,  ex- 
posé au  Louvre. 

Un  estampage  de  l'inscription  ayant  été  apporté 
un  ou  deux  jours  après  par  M.  de  Longpérier  à  la 
conférence  de  philologie  hébraïque  que  je  faisais 
alors  chez  moi,  nous  passâmes  l'heure  du  cours  à 
déchiffrer  et  à  discuter  ensemble  ce  texte  curieux. 
Le  1  février,  je  lus  à  la  Société  des  Antiquaires  de 
France  ,  dont  j'avais  fhonneur  d'être  président,  une 
explication  de  ladite  inscription.  Le  soir  même,  ou 
le  lendemain  matin,  M.  fabbé  Barges  publiait  dans 
un  journal  quotidien  une  explication  identique  à  la 
mienne  et  des  réllexions  qui  concordaient  avec  les 
miennes.  A  la  séance  de  f  Académie  des  Inscriptions 
du  /]  février,  M.  de  Saulcy  déclara  qu'il  voulait  que 
rien  ne  fût  publié  sur  celte  inscription  avant  que 


OBSERVATIONS  D'ÉPIGRAPHIE  HÉBRAÏQUE.  551 
l'ouvrage  qu'il  préparait  sur  son  voyage  eût  paru. 
J'arrêtai  donc  la  publication  de  la  note  que  j'avais 
lue  à  la  Société  des  Antiquaires.  Aujourd'hui  l'ou- 
vrage de  M.  de  Saulcy  est  publié.  Ce  qu'il  dit  de  l'ins- 
cription ne  m'ayant  pas  semblé  rendre  inutile  la  note 
que  je  lus  à  la  Société  des  Antiquaires,  je  donne  ici 
le  texte  même  de  cette  note.  Les  bois  de  M.  de  Saulcy 
ne  m'ayant  pas  paru  représenter  les  caractères  avec 
toute  la  netteté  désirable,  je  donne  ici,  également, 
un  nouveau  fac-similé  de  l'inscription. 


«  De  tous  les  résultats  du  dernier  voyage  scientifique  de 
notre  savant  confrère,  M.  de  Saulcy,  le  plus  intéressant  est 
sans  contredit  la  découverte,  dans  le  monument  dit  «Tom- 
beaux des  rois,»  près  de  Jérusalem,  d'un  sarcophage  avec 
inscription.  La  vive  curiosité  qu'une  telle  inscription  doit 
exciter  m'excusera  de  venir  sitôt  vous  communiquer  le  résul- 
tat de  l'étude  que  j'en  ai  faite. 

«L'inscription  se  compose  de  deux  lignes ,  contenant  cha- 
cune huit  lettres.  Elle  est  bilingue,  ou,  pour  mieux  dire, 
(pardonnez-moi  le  barbarisme)  bigraphe,  les  deux  lignes  re- 
produisant le  même  texte  en  deux  écritures  différentes  et  avec 
de  légères  variétés  de  dialecte. 

«  Le  caractère  de  la  première  ligne  est  le  pur  estranghcio 


552  DECEMBRE   1805. 

ou  syrien  antique,  tel  qu'on  le  trouve  dans  les  plus  anciens 
manuscrits  syriaques,  sur  les  monnaies  d'Édesse  et  de  Mé- 
sène  et  dans  une  inscription  d'Édesse  du  temps  de  Jusiinien , 
dont  je  dois  la  copie  à  M.  Texier.  Il  faut  lire  cette  première 
ligne  : 

«  La  deuxième  ligne  est  en  caractère  héi»reu  carré  ana- 
logue à  celui  de  l'inscription  du  monument  dit  «  Tombeau  de 
saint  Jacques,  »  à  celui  des  anciennes  inscriptions  grecques 
juives  où  se  trouvent  quelques  lettres  hébriiïques,  à  celui  de 
l'inscription  de  Kefr-Bereim  enGalilée.  Tl  faut  lire  cette  ligne: 

«  La  langue  de  la  première  ligne  est  le  syriaque  pur;  il  faut 
traduire  «  La  reine  Saddane.  » 

«  La  langue  de  la  seconde  ligne  est  le  chaldéen  palesti- 
nien, à  peine  différent  du  syriaque.  Il  faut  traduire  «La 
reine  Sadda.  » 

«La  seule  lettre  de  la  première  ligne  qui  offre  quelque 
difficulté  est  la  première.  On  peut  être  tenté  un  moment  de 
la  prendre  pour  un  olaph.  Mais  ,  outre  qu'on  ne  trouve  à 
justifier  cette  supposition  par  aucune  preuve  paléographique 
satisfaisante,  une  rai.«-on  décisive  s'y  oppose.  La  dernière 
lettre  de  la  première  ligne  est  certainement  un  olaph.  Cette 
lettre  a,  dans  l'alphabet  estranghelo,  une  forme  grande, 
large,  très-constante,  très-caractérisée.  Impossible  de  sup- 
poser qu'à  six  lettres  de^ distance  le  lapicide  eût  fait  deux 
olaph  si  totalement  différents  l'un  de  l'autre.  Qu'obtient-on, 
d'ailleurs, par  lalectureyff  ?  Une  leçon  impossible,  if  (  n'est 
pas  un  mot  syriaque.  En  tous  cas,  ce  n'est  pas  un  mot  fé- 
minin qui  puisse  être  en  rapport  avec  le  féminin  (J^.  *^VV^- 
Ajoutons  que  la  valeur  de  ^  que  nous  attribuons  à  cette 
première  lettre  est  en  parlait  accord  avec  les  plus  vieilles 


OBSERVATIONS  DÉPIGRAPHIE  HÉBRAÏQUE.  bbS 
formes  de  celle  lettre  eu  eslianghelo  \  et  que  la  lettre  corres- 
ponJante  de  la  seconde  ligue,  ligue  qui,  comme  nous  l'avons 
dit,  n'est  qu'une  répétition  de  la  premier^ ,  est  évidemment 
nu  y. 

0  La  seconde  ligne  n'offre  pas  de  difficulté  paléographique 
sérieuse.  Le  y  initial  se  retrouve  dans  l'inscriplion  trilingue 
de  Torlose  (Espagne)'  et  dans  l'inscription  de  Ketr-Bereim. 
Le  D  initial  de  nriD^D  se  retrouve  identiquement  dans  l'ins- 
cription de  Kefr-Bereim. 

«Comme  on  le  voit,  l'orthographe  de  la  seconde  ligne 
diffère  de  la  première  en  deux  points  :  i°  Le  nom  propre 
écrit  p2J  dans  la  première  ligne  est  écrit  mSî  dans  la  se- 
conde. Ce  n'est  pas  là  une  différence  bien  importante.  Les 
langues  araméennes  affectionnent  la  terminaison  on  ou  an. 

•> 
%0  en  syriaque  est  nue  terminaison  de  diminutif,  qui  change 

à  peine  le  sens  du  mot^.  On  peul,  si  l'on  veut,  voir  dans  la 
première  forme  une  sorte  de  nunuation,  connue  ni^bv  = 
yO^isClA^Nj^  =  (jU»J^.  2°  Les  habitudes  juives  se  trahissent 
dans  l'orthographe  du  second  mot,  écrit  nriD^D  au  lieu 
de  KDDto.  On  sait  que  le  chaldéen  biblique  substitue  sou- 
vent l'orthographe  hébraïque  à  l'orthographe  araméennc, 
surtout  en  ce  qui  concerne  l'emploi  de  n  pour  N*. 

«  Quelle  est  cette  reine  Sadda  ou  Saddane  dont  le  corps  a 
été  sans  aucun  doute  déposé  dans  le  sarcophage  rapporté  par 
noire  savant  confrère  ?  Je  n'ai  pas  trouvé  dans  toute  l'histoire 
du  peuple  juif  une  seule  personne  qui  répondît  à  ce  nom. 
On  ne  peut  pas  même  dire  que  ce  suit  là  un  nom  hébraïque. 
Les  noms  hébreux  en  effet  sont  peu  nombreux  et  peu  variés. 
Sadda  est  un  nom  sémitique,  puisqu'il  renferme  un  y;  ce 
n'est  pas  précisément  un  nom  juif. 

«  Les  caractères  paléographiques  et  philologiques  de  l'ins- 

'  \'oir  les  spécimens  de  paléographie  syriaque  donnés  par  M.  Land  à  la 
suite  du  premier  volume  de  ses  Anecdota  syriaca  (Leyde,  1862). 

"  Revue  Archéol.  i*'nov.  1860,  p.  3/i5  et  suiv. 

^  Uhlemann,  Elementarlehre  der  syr.  Spr.  p.  101;  Gcsenius,  Lehrc^ch,  der 
hehr,  Spr.  p.  5i3. 


554  DÉCEMBRE   1805. 

criptlon  fournissent-ils  du  moins  quelque  lumière  sur  le 
siècle  où  elle  fut  tracée,  et  par  conséquent  sur  l'époque  où 
vécut  la  reine  en  question?  Ici  on  peut  s'exprimer  avec  plus 
d'assurance.  Faisons  complète  abstraction  des  considérations 
archéologiques  tirées  du  style  du  monument  dit  a  Tombeau 
des  rois,  »  et  du  sarcophage  rapporté  par  M.  de  Saulcy.  J'ose 
dire  que  si  l'inscription  qu'il  a  découverte  se  trouvait  sur  une 
pierre  isolée,  égarée  hors  de  sa  place  au  milieu  de  débris 
épars,  d'abord  il  n'y  aurait  aucun  doute  sur  ce  point  qu'elle 
est  postérieure  à  la  captivité  de  Babylone;  en  second  lieu, 
on  en  fixerait  la  date  par  approximation  vers  l'époque  du 
commencement  de  notre  ère. 

«J'établis  d'abord  le  premier  point  : 

«  1°  Bien  que  l'usage  du  caractère  carré  soit  plus  ancien 
chez  les  Juifs  qu'on  ne  le  croyait  autrefois ,  il  est  absolument 
impossible  de  le  faire  remonter  au  delà  de  la  captivité.  Cet 
alphabet  est  d'origine  araméenne,  comme  le  prouve  son  évi- 
dente similitude  avec  l'alphabet  palmyrénien.  Il  n  a  pu  être 
employé  par  le  peuple  juif  que  quand  celui-ci  se  trouva  en 
contact  avec  les  Araméens.  Le  nom  même  que  porte  le  ca- 
ractère carré,  D'^IV^'N  IDJ  «écriture  assyrienne,»  est  à  cet 
égard  une  démonstration  presque  suffisante.  Personne,  de- 
puis Louis  Cappel,  n'a  douté  que  jusqu'à  la  captivité  les 
livres  hébreux  ne  fussent  écrits  dans  le  caractère ,  analogue 
au  phénicien,  que  les  Samaritains  ont  conservé  et  qui  se 
trouve  sur  les  monnaies  juives  des  Asmonéens  \  En  sup- 
posant même,  contre  toute  vraisemblance,  que  l'alphabet 
carré  fût  employé  avant  la  captivité,  comment  admettre 
qu'on  y  pratiquât  les  ligatures  et  les  séparations  de  mots 
dont  notre  inscription  offre  de  si  curieux  exemples.  Les  liga- 
tures sont  un  fait  relativement  moderne.  L'écriture  phéni- 
cienne, même  la  plus  moderne,  n'en  offre  pas  de  trace. 
L'écriture  araméenne  n'en  offre  pas  non  plus  dans  ses  mo- 
numents les  plus  anciens. 

M  2°  La  langue  de  la  seconde  inscription  ne  constitue  pas 

'   Voir  Gosoiiius,  Gesch.  (1er  hehr.  Sprnche  und  Schrift ,  S  A  i . 


OBSERVATIONS  D'ÉPIGRAPHIE  HÉBRAÏQUE.       555 

une  moindre  difficulté  contre  l'hypolhèse  qui  prclerait  à 
l'inscription  de  Saddane  une  haute  antiquité.  Comment  ad- 
mettre une  inscription  en  cbaldéen  à  Jérusalem,  sur  le  tom- 
beau d'une  reine  juive  de  Ja  famille  de  David  ?  Le  chaldéen 
ne  gagna  du  terrain  chez  les  juifs  qu'à  partir  de  la  captivité. 
Le  verset  chaldéen  qu'on  lit  dans  Jérémie  (x,  ii)  est,  de 
l'aveu  de  tous  ,  le  résultat  d'une  erreur  de  copiste,  le  larguni 
s'élant  substitué  à  cet  endroit  à  l'original ,  ou  bien  une  glose 
marginale  s'étant  introduite  dans  le  texle\ 

«  3°  Comment  enfin  admettre  que  le  tombeau  d'une  reine 
de  la  famille  de  David  ait  pu  poiter  à  côté  de  l'inscription 
chaldéenne  une  inscription  syriaque  en  caractère  estranghelo  ? 
Mettons  que  l'estranghelo  remonte  dans  ses  traits  essentiels 
fort  au  delà  de  l'époque  à  laquelle  appartiennent  les  plus 
vieux  spécimens  que  nous  en  connaissons.  On  croira  bien 
difficilement  qu'il  ait  pu  garder  pendant  six  ou  huit  siècles 
une  telle  identité  dans  les  traits  les  plus  minutieux  de  sa 
physionomie.  Et  d'ailleurs,  je  le  répète,  comment  expliquer 
la  présence  d'une  inscriplion  syriaque  dans  le  tombeau  des 
plus  anciens  rois  de  Jérusalem  ? 

«  Obligés  de  chercher  après  la  captivité  une  dynastie  à  la- 
quelle ait  appartenu  notre  reine  Sadda,  nous  n'avons  de 
choix  qu'entre  les  Asmonéens ,  les  Hérodes  et  la  famille 
d'Hélène,  reine  de  l'Adiabène,  qui,  comme  on  sait,  embrassa 
le  judaïsme,  habita  Jérusalem  ^,  et  se  fit  bàlir  au  nord  de  la 
villeun  superbe  mausolée  dont  Josèphe,  Pausanias,  Eusèbe, 
saint  Jérôme,  Marin  Sanulo  parlent  d'une  façon  plus  ou  moins 
circonstanciée  ^.  On  ne  conçoit  guère  comment  les  Asmo- 
néens, représentants  si  exclusifs  du  judaïsme,  auraient  fait 
iracer  sur  un  de  leurs  tombeaux  une  inscription  bilingiie, 
une  inscription  où  le  texte  étranger  eût  tenu  la  première 
place.  Les  légendes  des  monnaies  de  ces  princes  sont,  comme 
on  sait,  en  hébreu  pur.  Pourquoi  ce  premier  texte  syrien, 

'  Cf.  GrafF,  Der  Prophel  Jeremia ,  p.  160. 

"  Jos.  Anticj.  XX,  Il  et  suiv.  ;  Bell.  Jud.  V,  ii,  2  ;  iv,  2  ;  vi,  1. 
'  Voir  les  textes  dans  Robinson  ,  Bihl.  rexearches  in  Palestine ,  I ,  p.  ."^62  et 
suiv.  (2*  édil.) 


550  DECEMBRE   1805. 

surtout  dans  un  endroit  qui  n'était  pas  desliné  à  frapper  les 
yeux?  L'Osrhoène,  la  Mésène,  l'Adiabène  étaient  des  pays 
éloignés  et  étrangers  pour  les  Hiérosolymites,  au  temps 
d'Alexandpe  Jannée  et  de  Hyrcan. 

«J'en  dis  autant,  quoique  avec  plus  de  réserve,  de  la 
dynastie  des  Hérodes.  Le  texte  estranghelo  n'a  guère  de  sens, 
si  la  personne  ensevelie  dans  le  cercueil  rapporté  par  notre 
confrère  a  appartenu  à  cette  dynastie.  C'est  le  grec ,  ce 
semble,  qu'on  trouverait  en  pareil  cas  sur  le  cercueil  à  côté 
de  l'écriture  courante  de  Jérusalem.  Sans  doute,  les  fiérodes 
ont  eu  bien  plus  de  liens  que  les  Asmonéens  avec  la  Syrie. 
MM.  de  Vogué  et  Waddington  ont  entre  les  mains  des  ins- 
criptions à  la  fois  grecques  et  nabaléennes  d'un  des  rois 
Agrippa,  trouvées  dans  le  Hauran.  Mais  l'alphabet  de  notre 
premier  texte  n'est  nullement  l'alphabet  nabatéen.  C'est  l'al- 
phabet de  la  Haute-Syrie,  d'Édesse.  de  Nisibe.  Les  Hérodes 
n'avaient  pas  de  raison  d'aller  prendre  cet  alphabet  d'un  pays 
éloigné, avec  lequel  ils  n'avaient  rien  à  faire,  pour  lui  donner 
la  première  place  sur  leurs  tombeaux. 

«  Reste  la  famille  d'Hélène,  reine  de  l'Adiabène,  ou  poui- 
mieux  dire  d'Izatès,  laquelle,  l'an  46  de  notre  ère,  élut  en 
quelque  sorte  domicile  à  Jérusalem  ,  y  lit  de  grandes  construc- 
tions ,  de  grandes  aumônes ,  et  y  jeta  beaucoup  d'éclat  '.  En  ad- 
mettant que  le  sarcophage  rapporté  par  M.  de  Saulcy  ait  con- 
tenu le  cadavre  d'une  princesse  de  cette  famille,  tout  s'explique 
dans  la  perfeclion.  On  sait  qu'une  opinion  ancienne,  dont 
M.  de  Chateaubriand  vit  la  force  avec  sa  pénétration  ordi- 
naire, et  à  laquelle  Robinson  a  prêté  l'appui  d'un  savoir  très- 
solide  et  d'une  forte  argumentation',  regardait  le  monument 
appelé  «Tombeaux  des  rois  acommeles  tombeaux  de  la  famille 
d'Hélène.  Divers  passages  de  Josèphe,  d'Eusèbe,  de  saint  Jé- 
rôme, surtoutde  Pausanias,  donnaient  à  cette  opinion  une  Irès- 

'  Jos.  loc.  cit.  1.C  Taimud  parle  souvent  de  divers  membres  de  cette  fa- 
mille, surtout  de  Monoha/.c,  dans  un  sens  parfaitement  concordant  avec  ce 
(jue  dit  Josèphe. 

*  JiihVtral  resefirclws  in  Polcsline  ,  I,  1^0 1  et  suiv.  III,  2  5i-f>2. 


OBSERVATIOiNS  DEPIGRAPHIE  HÉBRAÏQUE.       557 

grande  force.  J'ose  dire  que  Tinscription  dont  nous  parlons, 
rapprochée  de  ces  textes,  lui  donne  presque  la  certitude. 
Admettons  pour  un  moment  l'hypolbèse  que  le  tombeau 
trouvé  par  noire  savant  confrère  ait  renfermé  une  princesse 
de  la  famille  royale  d'Adiabène  :  i°  nous  apercevons  la  raison 
du  nom  de  cette  princesse,  lequel  est  sémitique,  mais  non 
pas  précisément  juif;  2°  nous  comprenons  à  merveille  la  pré- 
sence d'une  inscription  en  langue  et  en  caractère  de  l'Adia- 
bène  à  Jérusalem,  à  côté  d'une  inscription  en  langue  et  en 
caractère  palesliniens;  3°  nous  voyons  pourquoi  le  caractère 
adiabénien  occupe  la  première  place,  circonstance  inexpli- 
cable dans  un  tombeau  juif  ordinaire;  li"  les  caractères  pa- 
léographiques et  philologiques  de  l'inscription  sont  tous 
expliqués.  L'analogie  du  caractère  carré  de  notre  inscription 
avec  celui  du  tombeau  dit  de  saint  Jacques,  que  M.  de  Vogué 
rapporte,  avec  toute  raison  selon  moi ,  aux  temps  asmonéens 
ou  hérodiens;  l'analogie  moins  forte,  remarquable  cependant 
en  quelques  points ,  du  même  caractère  carré  de  notre  ins- 
cription avec  celui  de  l'inscription  de  Kefr-Bereim,  laquelle 
est  sûrement  postérieure  à  noire  ère;  enfin  la  similitude 
de  la  partie  esiranghelo,  surtout  du  mot  r^OV£ia^3  avec  le 
mol  r^îilJïTa  d'une  monnaie  de  la  Mésène,  qui  est  du  pre- 
mier siècle  de  notre  ère  ';  tous  ces  faits,  dis-je,  trouvent  leur 
pleine  et  entière  justification  dans  l'hypothèse  que  nous  pro- 
posons. La  famille  d'Izate  était  fort  nombreuse  ^.  Il  laissa 
vingt-quatre  fils  et  vingt-quatre  filles.  Cinq  de  ses  fils  ap- 
prennent à  la  fois  l'hébreu  à  Jérusalem^.  Monobaze,  son  frère, 
et  d'autres  de  ses  parents*  embrassèrent  le  judaïsme  comme 
lui.  Monobaze  fut  très-connu  à  Jérusalem,  et  y  laissa  une 
grande  réputalion  de  charité ^  Rien  n'est  donc  plus  facile  que 

'  Langlois,  Numismalique  des  Arabes  avant  l'islam,  p.  76-77;  pi.  u,  8. 
— -  Cf.  Lévy,  dans  la  Zeitschrift  der  dentschm  monjenl.  GcselUchaJt ,  i858  , 
p.  209,  2 10. 

'  Josèplie ,  ^ntiq.  XX,  iv,  3. 

*  /(/.  ihid.  m,  3. 

*  îd.  ibid.  IV,  i;  D.J.  II,  xix  ,  2. 

*  Voir  un  curieux  passage,  Talmud  de  Jérusalem,  Peah ,  i5  6;  Taimud 
de  Babylone,  Baba  hathra  ,  1  1  n. 

VI.  37 


558  DECEMliUE  186,). 

de  peupler  avec  celle  royale  faiullle  de  prosélytes  Jes  vasles 
salles  des  «  Tombeaux  des  rois,  n  Ce  nom  même  se  trouve 
n'être  pas  inexact.  Jusqu'en  plein  moyen  âge,  on  attacha  à 
cet  endroit  le  souvenir  d'une  reine  (rcgina  Jabenorum ,  Ile- 
lena  regina)^;  de  là  probablement  le  nom  de  Kobour  el-Mo- 
louk.  Plusieurs  femmes  de  la  famille  d'fzale  ont  pu  porler  le 
titre  de  reine \  et  certes  il  n'est  pas  surprenant  que  le  nom 
qui  s'olFre  à  nous  aujourd'hui  soit  nouveau  dans  l'histoire. 
Dans  cette  famille  si  nombieiise,  nous  ne  connaissons  qu'un 
seul  nom  de  femme,  celui  d'Hélène  elle-même.  Saddane  ou 
Saddu  a  pu  être  femme  d'Izalc  ou  de  Monobaze.  L'inscription  , 
dans  cette  hypothèse,  aurait  été  tracée  vers  le  milieu  du  pre- 
nûier  siècle  après  Jésns-Chrisl. 

u  En  résumé,  l'inscription  rapportée  par  M.  de  Saulcy  est 
Tépilaphe  d'une  reine  ;  c'est  l'épitaphe  d'une  Syrienne;  c'est 
l'épitaphe  d'une  juive  ;  cette  épitaphe  a  été  tracée  vers  l'époque 
de  notre  ère.  Conclure  de  là  qu'elle  est  l'épitaphe  d'une  prin- 
cesse de  la  famille  royale  d'Adiabène  convertie  au  judaïsme  est 
une  conséquence  presque  inévitable,  surtout  si  l'on  se  rappelle 
qu'avant  la  découverte  de  notre  inscription  on  était  incliné 
par  les  raisons  les  plus  fortes  à  voir  dans  les  «  Tombeaux  des 
rois  »  le  tombeau  de  la  famille  dont  nous  venons  de  parler. 

«  On  ne  peut  donc  placer  trop  haut  l'importance  de  la  dé- 
couverte faite  par  noire  confrère.  Elle  nous  apprend  des 
choses  capitales  :  i°  elle  résout  à  peu  près  le  problème  ar- 
chéologique du  curieux  monument  appelé  les  «  Tombeaux  des 
rois,»  et  elle  donne  ainsi  une  base  chronologique  solide  à 
l'histoire  de  l'art  juif;  2°  elle  nous  donne  le  plus  ancien  spé- 
cimen que  l'on  possède  de  l'estranghelo,  et  elle  enrichit  la 
paléographie  araméenne  d'un  texte  important;  3°  elle  ajoute 
un  numéro  de  plus  à  l'épigraphie  hébraïque,  malheureuse- 
ment si  limitée;  elle  prouve  en  particulier  que,  dès  le  premier 
siècle  de  notre  ère,  les  ligatures  et  la  séparation  des  mots 
existaient  dans  l'alphabet  carré  comme  dans  l'alphabet  es- 

•  Marinus  Sanulus,  Sécréta  fuUl.  Crucis ,  lll.xiv,  9. 

'■'  l.a  j)olvgami(!  régnait  dans  celte  famille.  (.los.  Ant.  W,  11,  à.) 


OBSERVATIONS  D'ÉPIGRAPHIE  HÉBRAÏQUE-  559 
Iranghelo;  4°  elle  prouve  de  plus  en  plus  que  la  langue  vul- 
gaire de  Jérusalem ,  à  l'époque  du  commencement  de  notre 
ère,  était  le  chaldéen,  que  l'on  orthographiait  selon  les  ha- 
bitudes hébraïques.  Bien  d'autres  conséquences  seront  sans 
doute  tirées  du  texte  rapporté  par  noire  savant  confrère.  Mais 
celles-ci  suffisent  certainement  pour  en  montrer  déjà  tout  le 
prix.  » 


Les  observations  publiées  par  M .  de  Saiilcy  (  Voyage 
en  Terre  Sainte,  I,  p.  384  et  suiv.)  ne  m'ont  fait 
modifier  aucune  de  ces  idées ^  M.  de  Saulcy  incli- 
nerait à  préférer  la  lecture  ms:  et  »  i  *  à  nm  et  yf  *. 

Cela  serait  admissible  paléographiquement.  Mais  le 
nom  de  Sadda  ou  Saddan  est  plus  satisfaisant,  phi- 
lologiqiiement.  Le  nom  de  ZAAAA  se  retrouve 
sur  une  inscription  des  environs  de  Damas,  datée 
de  fan  i  69  de  notre  ère  [Corp.  inscr.  grœc.  n°  45  1  9). 
XAAAAèOZ  se  trouve  dans  le  Hauran  (Wetz- 
stein,  Aasgewàhlte  griecliische  und  laieinisclie  Inschrif 
ien.  Berlin,  1864,  nU]5)\ 

Je  ne  comprends  pas  les  difficultés  deM.de  Saulcy 
(p.  389)  sur  le  mot  nr\DbiO.  Ce  mot  est  une  forme 

*  M.  Geiger,  datis  son  Journal  [Jàdische  Zeitschriftfûr  Wissen- 
schaft  und  Lehen  f  m®  année,  p.  227-228)  a  proposé,  sur  la  lecture 
de  cette  inscription,  quelques  idées  que  je  ne  discute  pas,  car  le 
savant  rabbin  les  a  conçues  sur  des  renseignements  insuffisants ,  et  ne 
les  défendra  pas.  M.  Geiger  a  bien  conclu,  du  reste,  du  caractère 
carré  et  des  aramaïsnies  de  l'inscription  ,  qu'elle  ne  pouvait  être  que 
des  temps  du  second  temple. 

^  L'explication  isjui,  que  propose  M.  Wetzstein,  me  paraît  peu 
satisfaisante,  La  forme  arabe  était  probablement  JJj.-». 

37. 


560  DÉCEMBKE   1865. 

emphatique  féminine  conformo  aux  règles  du  chai- 
déen  (voir  Winer,  Grammaùk  des  hihl.  und  targiim. 
Chaldaismus,  p.  69,  70).  L orthographe  araméenne 
pure  serait  xn^bD.  Cette  suhstitution  du  n  à  l\y  final 
est  un  hébraïsnie  qui  n'est  pas  rare  dans  le  chal- 
déen  biblique.  [Ibid.  p.  6-7,  etc.) 

Les  deux  dernières  lettres  de  la  première  ligne 
n'ont  rien  qui  s'écarte  del'estranghelo  pur;  seulement 
il  semble  que  le  lapicide  avait  d'abord  écrit  f^ûA:^, 
et  qu'il  a  substitué  le  à)  din)S  l'intervalle  des  deux 
lettres.  De  la  sorte,  le  à)  n'est  pas  lié  à  la  lettre  pré- 
cédente, comme  il  devrait  l'être.  S'il  se  joint  pres- 
que à  l'r^,  ce  n'est  pas  là  une  ligature  comme  le  croit 
M.  de  Saulcy,  mais  un  simple  rapprochement,  qui 
n'est  même  pas  rigoureux.  Que  le  C)  n'ait  pas  de  pe- 
tite boucle  à  gauche,  ainsi  qu'il  l'a  dans  les  manus- 
crits, c'est  là  une  circonstance  insignifiante.  Cette 
boucle  n'est  pas  essentielle  à  la  lettre;  c'est  un  trait 
de  calligraphie  propre  aux  manuscrits  et  qu'on  ne  de- 
vait pas  s'attendre  à  trouver  dans  le  caractère  épigra- 
phique.  On  sent  d'ailleurs  dans  notre  inscription  un 
lapicide  maladroit,  peu  maître  de  son  outil,  et  qui 
certainement  n'eût  pu  rendre  sur  la  pierre  un  trait 
aussi  dilïicile. 

En  ce  qui  concerne  la  question  de  la  date  do 
l'alphabet  carré  ,  je  n'ai  qu'à  renvoyer  à  M.  de  Vogiié , 
qui  l'a  traitée  à  fond  dans  la  Revue  archéologique ,  'd\n\ 
i865.  Pour  la  question  archéologique,  il  est  essen- 
tiel de  lire  Robinson,  Bihlical  researches  in  Palestine, 
I,  356  et  suiv.  (2'  édit.) 


OBSliHVATIOiNS  D'EPIGKAPHIE  llÉBKAÏOUi:.       501 


Je  saisis  cette  occasion  pour  revenir,  selon  une 
pralicjue  que  je  crois  ulile,  sur  des  inscriptions  que 
j'ai  publiées  il  y  a  quelque  temps  dans  ce  Journal  ^  et 
dont  plusieurs  savants,  M.  FrankeP,  M.  de  Saulcy^, 
M.  Lévy  et  M.  Geiger'^,  se  sont  depuis  occupés.  11 
s'agit  des  deux  inscriptions  de  Kefr-Bereirn. 

La  première  de  ces  inscriptions  est  fort  dou 
teuse,  et  je  n'en  avais  pas  donné  d'inlerprétation. 
M.  deSaulcy  propose  délire  pc  nn  it^bii  i:d  :  «  Eléazar 
fils  de  lefoun  l'a  bâti.  »  Mais  quelque  latitude  de 
lecture  que  permettent  les  caractères  qui  précèdent 
")î:?VîC,  un  fait  est  certain ,  c'est  qu'il  y  a  là  quatre  let- 
tres. r:D,  qu'on  pourrait  être  tenté  de  proposer,  est 
une  forme  impossible,  les  verbes  n"b  supprimant 
totalement  le  n  final  avant  le  pronom  suffixe.  D'ail- 
leurs, la  place  de  l'inscription,  sous  une  fenêtre,  et 
dans  un  endroit  tout  à  fait  accessoire,  ne  porte  nul- 
lement à  croire  que  son  objet  soit  d'indiquer  le  nom 
du  constructeur  de  l'édifice.  C'est  au-dessus  de  la 
porte  qu'une  telle  indication  aurait  dû  se  trouver. 
L'arcbitecture  de  cette  synagogue  est  très-régulière; 
une  telle  anomalie  ne  se  comprendrait  pas. 

M.  Frankel  ne  j)ropose  non  plus  sur  cette  inscrip- 

'  Mars-avril  i8G/i. 

°  Monalsschrifl  fi'ir  Gcschichte  nnd  IVissenschafi  des  Judenthwns , 
avril  i8f)5. 

•^  heviie  archéolocfiquc , '^mWei  i865. 

*  Jûdische  Zrifschrift  f'iir   Wlssrnschaff   iind    hrhen ,   m"  amU'O  , 


562  DECEMBRE  18  6  5. 

tion  rien  de  satisfaisant.  Jl  veut  qu'il  y  ait  là  deux 
inscriptions ,  d'époques  diflerentes ,  le  second  écrivain 
ayant,  par  une  sorte  dejeu,  voulu  continuer,  avec  un 
sens  ditï'érent,  ce  qu'il  trouvait  écrit.  Il  est  très-vrai 
(jue  deux  ou  trois  endroits  de  l'inscription  semblent 
offrir  des  retouches,  dont  noire  gravure  a  tenu 
compte.  Néanmoins  rhypothèse  de  JVl.  Frankel  est 
inadmissible.  Un  tel  jeu  se  comprendrait  tout  au  plus 
pour  une  inscription  placée  à  la  portée  de  la  main. 
Mais  faire  apporter  une  échelle  pour  se  donner  le 
plaisir  d'une  sorte  d'espièglerie  sur  un  graffito  anté- 
rieur, voilà  ce  qui  est  de  la  plus  haute  invraisemblance. 
Il  faut  donc  rester  encore  dans  le  doute  sur  cette  ins- 
cription. Ayant  de  nouveau  comparé  la  gravure  sur 
bois  avec  mon  estampage ,  j'ai  reconnu  qu'on  ne  pou- 
vait guère  mieux  rendre  les  traits  de  ce  dernier.  La 
petite  séparation  entre  les  caractères  pénultième  et 
antépénultième  existe  ,  et  j'ai  renoncé  à  voir  là  un  n 
ou  un  n .  Je  tiens  du  reste  mon  estampage ,  lequel  est 
l'équivalent  du  monument  lui-même,  à  la  disposition 
des  hébraïsants  qui  voudront  reprendre  la  question. 

Pour  la  grande  inscription,  les  quatre  savants  que 
j'ai  nommés  ne  s'écartent  de  mon  explication  qu'en 
de  légers  détails.  Je  vais  néanmoins  suivre  l'une  après 
fautre  toutes  leurs  observations,  et  consigner  ici 
quelques  idées  qui  me  sont  venues  depuis. 

Les  trois  premières  lettres,  comme  on  se  le  rap- 
pelle, offraient  quelque  difficulté.  L'allusion  au  pas- 
sage d'Aggée,  qui  se  trouve  dans  la  première  partie» 
de   l'inscription ,   me   j)orta    à   y  chercher  la  racine 


OBSERVATIONS  D'ÉPIGKAPHIE  HÉBHAÏQUE.  563 
Îd:;  je  proposai  de  lire  ^n:,  ^n-;  ou  ]n^  \  en  donnant 
une  certaine  préférence  h  ]r\\  Bien  que  plausible, 
cette  explication  n'offrait  pas  cependant  le  caractère 
absolument  plan  que  présente  le  reste  de  l'inscrip- 
tion. M.  Frankel  a  eu  ici  une  idée  singulière.  Il  veut 

lire HTH  DipDS  Dibtî?  in*»  :  «  Que  Jehova ,  qui  est 

la  paix,  [habite]  en  ce  lieu,  etc.  .  .  »  Cela  est  as- 
surément bien  peu  naturel;  je  remercie  toutefois 
M.  Frankel  d'être  revenu  sui"  ce  passage,  car  c'est 
en  lisant  ses  observations  à  ce  sujet  que  je  suis  arrivé 
à  une  lecture  et  à  une  interprétation  du  passage  en 
question,  qui  est  sûrement  la  vraie.  Il  faut  lire  in- 
dubitablement   wh^'  M"»  :  «Que    la   paix   soit 

en  ce  lieu,  etc.  .  .  »  Cela  est  si  simple  et  si  con- 
forme aux  habitudes  de  l'épigraphie  hébraïque,  que 
je  ne  conçois  pas  comment  je  ne  suis  pas  arrivé  de 
prime  abord  à  cette  idée.  J'ai  pour  circonstance 
atténuante  le  passage  d'Aggée ,  qui  me  préoccupait 
exclusivement,  et  la  grandeur  un  peu  insolite  du 
second  \  M.  Lévy  et  M.  Geiger  sont  arrivés  de  leur 
côté  à  la  môme  idée. 

M.  Frankel  croit  pouvoir  citer  quelques  exemples 
anciens  de  dV*?'^,  employé  comme  nom  propre.  Lors 
même  que  les  exemples  t[u'il  cite  ou  qu'il  a  en 
vue  seraient  démonstratifs  (ce  qui  est  douteux, 
la  vraie  lecture  étant  peut-êti'e  □l-'Ç^),  l'hypothèse 
que  je  juopose  sur  le  nom  Schalom  ben-Levi  dans  le 

'  M.  Frankel- veut  voir  une  faute  d'impression  «évidente»  dans 
]îl''.  îl  n'a  pas  son<;é  que  la  forme  du  futiu-  hopbal  |ri^  est  usitée. 
(V.  (lesenius,  Thcsanriis ,  p.  928.) 


504  DECEMBRE   180  5. 

voyage  de  Rabbi  Saiiuiel  bar-Simsoii  n'en  garderait 
pas  moins  sa  vraisemblance.  Le  nom  de  Schalom  est 
porté  aujourd'hui  par  beaucoup  de  juifs;  mais  c'est 
peut-être  une  altération  de  ScliaUoiim. 

La  lecture  du  nom  propre  riDP  est  approuvée  par 
les  trois  savants  israélites  allemands,  et  en  particulier 
confirmée  par  M.  Frankel.  M.  de  Saulcy  élève  ici 
des  objections.  Il  doute  d'abord  que  les  noms  de 
José  et  Joseph  soient  identiques.  Mais  c'est  là  un  doute 
qu'il  abandonnera,  j'espère,  devant  les  démonstra- 
tions données  par  M.  Frankel.  José  est  une  altéra- 
lion  palestinienne  du  nom  de  Joseph.  Le  même 
individu  s'appelait  Jo5^/)/i  à  Babylone  et  José  en  Pa- 
lestine. Dans  les  manuscrits  anciens  du  Nouveau- 
Testament,  les  noms  Icoa-rfs  et  lcoa'r](p  s'emploient 
inditféremment  pour  le  même  personnage  K  Nous 
citerons  bientôt  un  exemple  du  même  genre  tiré 
du  Pirhé  Avoth.  Eufm ,  on  trouve  dans  les  papiers 
de  Peiresc  l'épitaphe  d'un  Syrien  chrétien,  émigré 
en  Gaule,  du  nom  de  lUJCHC^;  or  un  chrétien  n'a 
pu  prendre  un  tel  nom  que  comme  synonyme  de 
Joseph.  La  lecture  ntûv  proposée  par  M.  de  Saulcy, 
outre  qu'elle  ne  donne  aucun  sens,  est  paléogra- 
phiquement  bien  moins  satisfaisante  que  nor.  En 
effet,  la  troisième  lettre  est  sûrement  un  d,  comme 
le  prouve  la  comparaison  avec  le  nom  ^DV  dans 

'  VoirWincr,  Bihl.  Uealwœrlerbucli ,  au  mol  Joscs ;  i.  C  M.  Lau- 
rent ,  NeutestamcntliclieStudien  (Gotha ,  1 86()),  j).  i  OH- 1 O9  ;  Eif^litroot. 
Horœ  hebr.  in  Act.  Apost.  1,  2.3. 

'   Eehiaiit,  Iiisc>\  chrét.  de  la  Gaule,  u"  021. 


OBSERVATIONS  DEPJGPiAPHIE  HÉBRAÏ(^)UE.  505 
l'inscription  du  «Tombeau  de  saint  Jacques ^))  Je 
sais'  que  la  forme  "'DT'  est  bien  plus  fréquente  que 
nor.  Cette  deuxième  forme  cependant  est  employée 
dans  le  Talmud  de  Jérusalem.  M.  Fiankel,  talmu- 
diste  si  exercé,  déclare  en  connaître  des  exemples, 
aussi  bien  que  de  la  forme  i<D''''  et  nD^\ 

Quant  à  la  date  où  l'on  commença  à  employer 
cette  forme  écourtée  du  nom  de  Joseph,  M.  de 
Saulcy  voudrait  la  reculer  le  plus  possible.  11  cite 
deux  personnages  du  second  siècle  avant  Jésus- 
Christ,  qui  sont  désignés  dans  quelques  textes  rab- 
biniques  par  le*  nom  de  José.  Mais  il  faut  remar- 
quer que  de  telles  particularités  d'orthographe  n'ont 
de  force  probante  que  pour  l'époque  de  la  rédaction 
des  textes  où  elles  se  trouvent.  La  preuve,  c'est  que 
les  deux  personnages  cités  par  M.  de  Saulcy,  Joseph 
ben-Joézer  de  Séréda  et  Joseph  ben-Johanan  de 
Jérusalem ,  sont  indifféremment  appelés  Joseph  (^Dv) 
ou  José  (^cr)  dans  les  meilleurs  textes,  en  particu- 
lier dans  le  Pirké  Avoth  (ch.  i,  §  à,  p.  5 ,  6  de  l'édi- 
tion de  Philippe  d'Aquin). 

En  ce  qui  concerne  le  sens  du  mot  ^^\>U ,  «lin- 
teau,» je  ne  peux  admettre  les  observations  de 
M.  de  Saulcy.  ^)\>VD  ne  signifie  pas  «fenêtre  ou 
baie;  »>  le  sens  radical  de  f]p^*  n'est  pas  «regarder.  » 
On  peut  s'en  convaincre  en  consultant  Gesenius, 
Thésaurus,  p.  i /lyy-i /iyS,  et  Buxtorf,  Lex.  chald. 
talm.  et  rabb.  col.  2517-251  8. 

'  M.  de  Vogué ,  Le  Temple  de  Jérusalem ,  p.  45  et  1 3o ,  et  pi.  xxxvir , 
fig.  '1,  pl  clans  ja  Revue  archéoloyiqae ,  avril  i865,  p.  326-327. 


500  DÉCEMBRE   1800. 

L'explication  que  j'avais  proposée,  d'après  M.  De- 
renbourg,  des  dernières  lettres  c;r:î?DD,  n'a  pas  satis- 
fait mes  savants  émules.  M.  Frankel,  réservant  la 
dernière  lettre  pour  en  faire  une  date,  lit  :  N2D 
^^02  nDin,  K  Veniat  benedictio  in  viscera  ejus.  » 
Pour  diminuer  ce  qu'une  telle  expression  a  de  cho- 
quant, il  suppose  une  allusion  au  Ps.  cix,  v.  i8: 
«Veniat  (maledictio)  sicut  aqua  in  interiora  ejus.  >> 
Mais  l'allusion  n'est  pas  suffisamment  justifiée.  L'hy- 
pothèse d'après  laquelle  r^D  serait  pour  v^D  ^NSN5î, 
avec  allusion  à  Isaïe,XLviii,  19,  est  encore  plus  forcée. 

Enfin,  pour  rendre  possibles  de  telles  explications, 
M.  Frankel  est  obligé  de  séparer  le  ^  et  d'en  faire  la 
date  de  l'inscription.  Nous  ne  discuterons  pas  ses  dif- 
férentes suppositions  l\  ce  sujet,  car  elles  vont  toutes 
se  briser  contre  un  fait  évident,  c'est  le  style  du 
monument,  lequel  exclut  absolument  les  dates  aux- 
quelles M.  Frankel  est  obligé  de  descendre  pour 
soutenir  ses  suppositions. 

Négligeant,  en  effet,  ce  que  j'avais  dit  du  style 
architectonique  de  la  porte  et  des  débris  gisant  alen- 
tour, M.  Frankel  s'est  laissé  aller  h  Thypolbèse  la 
plus  singulière.  Il  veut  que  la  synagogue  qui  j)orte 
notre  inscription  soit  de  la  fin  du  x'^  ou  du  com- 
mencement du  xf  siècle.  Je  regrette  de  ne  pouvoir 
donner  encore  de  ces  débris  un  dessin,  qui  sûre- 
ment mettrait  fin  h  un  pareil  débat.  iMais  je  le  dé- 
clare,  nulle  confusion  à  cet  égard  n'est  possible.  La 
synagogue  en  question  est  en  très-grands  matériaux, 
en   style  romain*de  décadence;  elle   olVre  les  jfar- 


OBSERVATrONS  D'EPIGRAPHIE  HÉBRAÏQUE.  567 
ticularités  que  présentent  les  édifices  analogues  du 
temps  des  seconds  Antonins.  Je  ne  connais  pas 
en  Syrie  de  synagogue  du  x"  ou  du  xi^  siècle.  Mais, 
bien  certainement,  si  on  en  a  construit  à  cette  époque , 
on  ne  les  a  pas  construites  en  un  style  oublié  depuis 
six  cents  ans  et  nullement  approprié  aux  habitudes 
du  temps.  On  ne  peut  donc  pas  tenir  compte  des  ob- 
servations de  M.  Fiankel  sur  ce  point. 

M.  Lèvy  s'était  d'abord  arrêté  «  faute  de  mieux ,  »  à 
une  hypothèse  analogue  à  celle  de  M.  Frankel.  Mais 
c'est  sûrement  M.  Geiger  qui  a  eu  ici  l'idée  la  plus 
ingénieuse.  Il  pense  que  le  lapicide  a  vouki  écrire 
TD^DS,  qu'ayant  omis  par  mégarde  le  u  après  le  :?, 
il  l'a  écrit  à  la  fin  du  mot,  en  le  faisant  suivre  du  ] 
renversé,  qui  dans  la  Bible  indique  les  transposi- 
tions. J'ai  de  très-grands  doutes  sur  ce  dernier  point, 
d'autant  plus  que  ce  trait  final  de  l'inscription  est 
fort  indécis.  Mais  je  regarde  comme  probable,  en 
effet,  que  l'on  a  voulu  écrire  rt^^i'Dn,  et  qu'il  faut 
simplement  traduire  :  u  Veniat  benedictio  in  opéra 
«ejus.  ))  M.  Geiger,  cependant,  a  tort  de  repousser 
absolument  l'explication  de  M.  Derenbourg.  Des 
abréviations  de  ce  genre  n'ont  rien  d'invraisem- 
blable, et  la  formule  proposée  par  M.  Derenbourg 
est  très-nsitée  dans  le  rituel. 

M.  Lévy  serait  porté,  par  la  paléographie,  à  sup- 
'    poser  le  monument  un  peu  plus  ancien  que  je  ne 
l'ai  fait.  Il  ne  croit  pas  qu'il  y  ait  deux  siècles  d'in- 
tervalle entre  notre  inscription  et  celle  du  «Tom- 
beau de  saint  Jacques.  »  ' 


568  DÉCEMBRE  1805. 

M.  de  Saulcy,  sur  la  question  de  la  date  du  mo- 
nument, apporte  avec  raison  beaucoup  de  réserve.  Il 
allègue  cependant,  pour  fixer  la  date  delà  construc- 
tion de  la  synagogue  qui  est  dans  l'intérieur  du  village, 
un  passage  de  Rabbi  Samuel  bar-Simson  ,  où  ce  pèle- 
rin dit  que  la  synagogue  de  KefV-Bereim  est  une  des 
vingt-quatre  synagogues  que  lit  bâtir  Rabbi  Siniéon, 
fils  de  Jochaï.  M.  de  Saulcy  prendrait  volontiers 
ce  passage  comme  historique.  Mais  ces  vingt-quatie 
synagogues  sont  très-pi  obablement  une  donnée  lé- 
gendaire dont  on  ne  peut  faire  usage.  Pour  bâtir 
vingt-quatre  synagogues  aussi  belles  que  celles  de 
Kefr-Bereim.  Siméon  ben-Jocbaï  aurait  dû  être  un 
Rothschild.  Samuel  bar-Simson  voyageait  en  Pa- 
lestine vers  12  10.  Une  telle  tradition,  h  mille  ans 
d'intervalle,  a  bien  peu  de  poids.  Les  pèlerins  juifs 
du  moyen  âge  n'ont  pas  plus  de  critique  que  les 
pèlerins  chrétiens.  Qui  ne  sait  combien  ces  sortes 
de  relations  établies  entre  les  monuments  de  Pales- 
tine et  les  hommes  célèbres  de  la  tradition  juive  et 
chrétienne  sont  frôles,  combien  elles  changent  iVé- 
quenmient  !  Les  guides  de  tous  les  temps  ont  été  les 
mêmes.  Quelquefois,  ces  traditions  qu'on  vous  donne 
en  un  village  comme  immémoriales,  n'ont  pas  cin- 
quante ans  de  date;  souvent  même  on  peut  toucher 
du  doigt  leur  formation.  Tous  les  tombeaux  de 
Meïron  ont  ainsi  des  attributions  à  des  célébrités  tal- 
inudiques,  qui  paraissent  gratuites. 

Quant  à  ridenlification  de  la  synagogue  qui  porte 
notre  inscription  avec  le  monument  qui  passait  pour 


OBSERVATIONS  D'ÉPIGRAPHIE  HÉBRAÏQUE.  569 
celui  de  Pinehas  ben-Jaïr,  elle  est  peu  probable.  Ce 
monument  était,  dit-on,  situé  au  sud  du  village;  le 
nôtre  (j'aurais  dû  le  dire  dans  mon  premier  article  , 
ainsi  que  M.  de  Saulcy  en  a  fait  la  remarque)  est  au 
nord-ouest.  Du  reste,  quoique  située  maintenant 
hors  du  village  ,  la  synagogue  en  question  peut  très 
bien  être  l'une  des  deux  synagogues  que  les  pèlerins 
juifs  placent  «dans  le  village.»  Le  village  pouvait 
être  alors  plus  étendu;  la  distance  des  dernières  mai- 
sons à  la  synagogue  est  très -peu  considérable;  les 
limites  du  village  ne  sont  pas  nettement  tracées. 

m. 

Enfin,  je  reviendrai  en  quelques  mots  sur  une 
inscription  trilingue,  hébraïque,  latine  et  grecque, 
trouvée  à  Tortose ,  en  Espagne ,  et  publiée  par  M.  Le- 
blant  et  moi  dans  la  Revue  archéologique  (novembre 
î86o).  Tous  deux  nous  nous  trouvâmes  amenés  à 
attribuer  cette  inscription  au  vi^  siècle  de  notre  ère. 
Le  P.  Garrucci  a  contredit  cette  opinion  [Cimitero 
degli  antichi  Ebrei  scoperto  receniemente  in  Vigna  Ran- 
danini.  Rome ,  1 862  ,  p.  2  7-28 ,  et  dans  la  Civiltà  cat- 
tolica,  série  5,  vol.  111,  fasc.  296,  p.  95),  et  voulu 
rapporter  ladite  inscription  à  la  période  qui  s'écoule 
du  x**  auxiii^  siècle.  Je  ne  puis  me  prêter  à  une  telle 
supposition.  Je  laisse  à  M.  Leblant  le  soin  de  mon- 
trer que  le  texte  latin  et  le  texte  grec  de  l'inscription 
ne  peuvent  être  d'une  si  basse  époque.  Mais  com- 
ment admettre,  en  Espagne,  aux  \f  et  xif  siècles, 
l'emploi  du  grec  dans  une  inscription  funéraire  î  Le 


;>70  DÉCEMBRE  1865. 

grec  était  en  Espagne,  à  cette  époque,  une  langue 
tout  à  fait  inconnue.  Les  études  classiques  étaient 
perdues.  D'un  autre  côté,  les  rapports  avec  les  pays 
où  l'on  parlait  grec  étaient  presque  nuls.  Sous  les 
Visigoths ,  au  contraire ,  l'érudition  grecque  était 
recherchée;  on  aimait  à  prouver  qu'on  en  possédait 
quelque  chose;  les  auteurs  donnaient  des  titres 
grecs  à  leurs  livres.  C'est  le  temps  d'Isidore  de  Sé- 
ville ,  de  Jean  de  Biclaro.  J'ai  recueilli  là-dessus  un 
grand  nombre  de  faits  dans  mon  Mémoire  encore 
inédit  sur  l'étude  du  grec  dans  l'occident  de  l'Eu- 
rope au  moyen  âge,  couronné  par  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  en  i8/i8.  Je  me  con- 
tenterai ici  d'inviter  le  lecteur  à  consulter  Antonio, 
Biblioiheca  hispana  Fêtas ,I,p.  179,18/1,186,193, 
226,  ilik,  202,  28-7,  307,308,321.  Dans  aucun 
pays,  au  contraire,  les  études  grecques  et  latines  ne 
furent  plus  abandonnées  qu'en  Espagne,  à  partir  du 
viii*  siècle.  Je  persiste  donc  à  regarder  finscription 
trilingue  de  Tortose  comme  antérieure  à  l'invasion 
arabe  ,  et  même  à  la  rapprocher  le  plus  possible  des 
beaux  temps  de  la  dynastie  des  Visigoths. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  571 

NOUVELLES  ET  MÉLANGES. 

SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


PROCÈS-VEHBAL  DE  LA  SÉANCE  DU  10  NOVEMBRE  1865. 

La  séance  est  ouverte  à  huit  lieures  par  M.  Reinaud,  pré- 
sident. 

Le  procès -verbal  de  la  dernière  séance  est  lu;  la  rédaction 
en  est  adoptée. 

Est  présenté  et  reçu  membre  de  la  Société  : 

M.  Waldemar  Schmidt,  de  Copenhague. 

Il  est  donné  lecture  d'une  lettre  de  M.  Ch.  Durand,  inter- 
prèle militaire  à  l'armée  d'Afrique,  qui  remercie  le  Conseil 
de  sa  nomination  de  membre  de  la  Société. 

M.  Barbier  de  Meynard  annonce  l'achèvement  du  vo- 
lume IV  des  Prairies  d'or  de  Maçoudi.  Le  volume  est  dans 
ce  moment  au  brochage  et  paraîtra  sous  peu  de  jours.  Il 
rend  compte  de  l'état  d'avancement  auquel  est  arrivé  le  vo- 
lume V  ;  il  aura  besoin  prochainement  des  deux  manuscrits 
de  la  bibliothèque  de  Leyde  qui  ont  été  prêtés  à  M.  Deren- 
bourg,  qui  les  a  collationnés  pour  les  quatre  premiers  vo- 
lumes. M.  Barbier  de  Meynard  espère  que  le  Conseil  deman- 
dera de  nouveau  à  la  bibliothèque  de  Leyde  le  prêt  de  ces 
deux  volumes,  et  que  celte  bibliothèque  voudra  bien  donner 
une  nouvelle  preuve  de  sa  libéralité  bien  connue. 

M.  de  Khanikof  rend  compte  de  la  réponse  favorable 
qu'il  a  reçue  de  MM.  Rieu  et  Birch  sur  la  possibilité  d'obte- 
nir soit  des  empreintes,  soit  des  photographies  des  tablettes 
assyriennes  à  écriture  phénicienne.  Le  Conseil  charge  M.  de 


572  DECKMBUE   1865. 

Khanikof  de  Iransmellrc  ses  remercîmenis  à  MM.  I\leu   et 
Birch. 

M.  Feer  lit  la  traduction  d'un  Soutra  bouddliique  traduit 
du  tibétain. 

OUVRAGES  OFFERTS   À    LA    SOCIÉTÉ. 

Par  l'auteur.  Le  lanijcige,  son  histoire,  ses  lois,  par  le  comte 
d'Escayrac  de  Lauture.  Paris,  i865,  in-Zi". 

Par  l'auteur.  Die  orientalischen  Handschriften  der  lierzogli- 
chen  Bibliothek  zu  Gotha,  verzeicbnet  von  D'  W.  Pertscb. 
Vol.  II.  Manuscrits  turcs.  Vienne,  i865,  in-8°. 

Par  les  auteurs.  Calalocjus  codiciim  orientalium  hibliothecœ 
académies  Lugduno-hatavœ ,  aucloribus  P.  de  Jong  et  M.  J.  de 
GoEJE.  Vol.  m.  Leyde,  i865,  in-8°. 

Par  la  Société.  Annual  report  of  the  board  of  régents  of  the 
Smithsonian  institution.  Washington,  i865,  in-8°. 

Par  l'auteur.  Indische  Studien,  von  D'  Albrecht  Weber. 
Vol.  IX,  cahiers  2  et  3.  Leipzig,  i865,  in -8°. 

Par  la  Société.  Balletin  de  la  Société  de  géographie ,  pour 
septembre.  Paris,  i865,  in-8°. 

Par  l'éditeur.  Actes  de  la  Société  d'ethnographie ,  SMivraison 
(nouvelle  série).  Paris,  i865,  in-8°. 

•  Par  la  Société.  Proceedings  of  the  American  philosophical 
Society  held  at  Philadelphia  for  promoting  usefnl  knowledge. 
Vol.  IX,  n°'  71  et  72.  Philadelphia,  i865,  in■8^ 

Par  l'auteur.  Annuaire  philosophique,  examen  critique  des 
travaux  de  physiologie ,  de  métaphysique  et  de  morale  accomplis 
dans  Vannée,  par  L.  A.  Martin.  Vol.  11,  livr.  7-10.  Paris, 
i865,  in-8°. 

Par  la  Société.  Journal  of  the  Asiatic  Society  ofBengal.  Index 
and  Conlenis  oi' vol.  XXXIII.  Calcutta,  i865,  in-8°. 

—  (Même  journal.)  Parlie  1,  n°  2.  Partie  2,  n°*  1  et  2. 
Calcutta,  i865,  in-8°. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  573 


HoMO.\YMA  iNTER  NOMI^'A  RELATiVA ,  auctOFc  Abul  Fadljl  Moham- 
med Ibn  Tallir  al-Makdisi,  vulgo  dicti  Ibn  el-Kaisarani,  qua^  cum 
appendice  Abu  Musœ  Isfabanensis  edidit  D*^  P.  Dk  Jong.  Lcydc , 
i865,  in-S"  (xix  et  229  pages). 

L'habitude  des  Arabes  de  citer  ies  auteurs  plutôt  par  uni- 
épithèle,  qui  devient  un  surnom,  que  par  le  nom  propre, 
donne  lieu  à  de  nombreuses  dilïicultés,  surtout  quand  deux 
ou  plusieurs  auteurs  portent  le  même  surnom.  L'auteur  du 
traité  dont  je  viens  de  donner  le  titre  a  voulu  remédier  à 
cet  inconvénient  par  un  dictionnaire  de  ces  surnoms  portés 
par  plusieurs  hommes.  11  était  né  à  Jérusalem  en  liàS,  et 
paraît  avoir  joui  d'une  grande  réputation  de  savoir.  Il  place 
les  surnoms  dans  leur  ordre  alphabétique,  et  procède,  sous 
chacun» à  donner  les  indications  nécessaires  pour  distinguer 
les  personnes  noiables  qui  l'ont  porté.  La  plupart  de  ces 
notices  sont  fort  brèves ,  et ,  comme  il  s'agit  en  général  de 
traditionnistes ,  il  indique  leurs  maîtres  et  quelquefois  leurs 
disciples,  mais  non  pas  la  date  de  leur  naissance  ou  de  leur 
mort,  ce  qui  crée  de  nouvelles  difficultés  à  des  Européens 
qui  ne  sont  pas  aussi  versés  dans  la  généalogie  spirituelle  de 
ces  docteurs  qu'on  l'est  dans  les  écoles  musulmanes.  Néan- 
moins l'ouvrage  sera  incontestablement  utile,  et  M.  de  Jong 
a  très-bien  fait  de  le  publier.  Il  y  a  ajouté  un  supplément 
composé  par  un  auteur  du  \f  siècle  de  l'hégire ,  et  la  biogra- 
phie de  Raisarani  par  Makrizi.  L'éditeur  n'a  pas  accompagné 
le  texte  d'une  traduction,  et,  de  fait,  elle  est  à  peine  néces- 
saire pour  un  livre  facile  et  destiné  avant  toul  aux  hommes 
du  métier.  —  J.  !VI. 


VT. 


38 


574  DÉCEMBRE  1865. 

ERKATA  DU  CAHIER  DE  MAI-JUIN    I  865. 

Page  376 ,  ligne  6  ,  au  lieu  de  jfnîl ,  iisez  rrtf^cFT  : 

Ibid.  ligne  i5,  au  lieu  de  gnftlTTî^»  lisez  qrdriTnif- 

Page  379.  le  premier  hémistiche  de  la  stancc  3i  doit  être  com 
piété  ainsi  : 

dlivajavajrânkuçâiïkâni  rehhâvanty  dli  puçyata  \ 

Page  379,  stance  35  c,  au  iieu  de  °hrila°,  lisez  °hrita°. 

Ibid.  stance  36  a,  devant  saynarlhânjd ,  mettez  un  S. 

Page  38 1,  stance  55  c,  ajoutez  une  seconde  fois  hrisneti. 

Ibidé  stance  59  d,  séparez  xapitâ  de  hitali,  et  de  même  ,  dans  I.' 
variante  donnée  en  note,  lisez  xayitâ  hilah. 

Page  386,  note,  ligne  9,  au  lieu  de  \'mode  na,  lisez  "vinodena. 

Ibid.  ligne  i3,  au  lieu  de  nirvitti°,  lisez  nirtritti". 

Page  398,  stance  9  c,  au  lieu  de  qTT^Tl^olcht ,  lisez  g^T^TiTcTcFiT. 

Page  399,  stance  11  a,  au  lieu  de   «q-oUq»    lisez  °qrRnT". 

Page  4oo,  stance  20  c,  au  lieu  de  ^rj?^j%^,  lisez  ^(^lï^n"- 

Page  4oi,  stance  35  a,  au  lieu  de  rfi^^WM  ,  lisez  rTHTriTFT. 
Page  4o2 ,  stance  Sg  cd,  au  lieu  de  "JâMt^o,  lisez  °4à(\|iT)°. 
Page  4o6,  avant-dernière  ligne,  au  lieu  de  'frf  ,  lisez  «Ffî». 

Page  407,  après  le  ^  (jui  termine  la  stance  2  ,  ajoutez  :. 
Page  /ii6,  ligné   7  et  en  d'autres  passages,  au  lieu  de  liàrno: 
lisez  Ramâ. 

Page  432  ,  note  4  ,  au  lieu  de  Piianij  lisez  Phanin. 


TABLE  DES  MATIERES.  57; 


TABLE  DES  MATIERES 


CONTENUES  DANS  LE  TOME  VI,  W    SERIE. 


MEMOIRES  ET  TRADUCTIONS. 


Pa 


g<-s. 


Procès-verbal  de  la  séance  annuelle  de  la  Société  asiatique 

tenue  le  28  juin  1 865 5 

Tableau  du  Conseil  d'administration ,  conformément  aux  no- 
minations faites  dans  l'assemblée  générale  du  28  juin  1 865.        0 
Rapport  sur  les  travaux  du  Conseil  de   la  Société  asiatique , 
pendant  l'année    i864- 1865,  fait  à  la  séance  annuelle  de 

la  Société,  le  28  juin  i865 ,  par  M.  Jules  Mohl il 

Liste  des  membres  souscripteurs,  par  ordre  alphabétique.  .  .    112 
Liste  des  membres  associés  étrangers,  suivant  l'ordre  des  no- 
minations      128 

Liste  des  ouvrages  publiés  par  la  Société  asiatique 129 

Collection  d'ouvrages  orientaux 132 

Grande  inscription  du  palais  de  Khorsabad.  (MM.  Oppert  et 

MENANT.  ) 133 

Appendice,  par  M.  Oppert 283 

Etudes  paléograpbiques  sur  l'alphabet  pehlevi,  ses  diverses 

variétés  et  son  origine.  (M.  François  Lenormant.) 180 

Le  papyrus  judiciaire  de  Turin ,  publié  et  traduit  pour  la  pre- 
mière fois ,  par  M.  Devéria 227 

Suite 331 

Quelques  chapitres  de  médecine  et  de  thérapeutique  arabes. 
Texte  arabe,  publié,   traduit,  suivi  d'une  liste  de   termes 

tecb niques  et  autres.  (  M.  le  D'  B.  R.  Sanguinetti.) 378 

Introduction  du  Buddhismc  dans  le  Kashmir.  (M.  Léon  Feer.)  477 
Nouvelles  observations  d'épigraphic  hébraïque,  (M.  Renan.)..    550 


576  DÉCEMBRE  1865. 

NOUVELLES  ET  MELANGES. 

Piiges. 

Procès-verbal  de  la  séance  du  id  juillet  i865 261 

Publication  de  la  Société  de  M'kitzé  Nirdamin.  (M,  Deren- 
BODRG.)  —  Poésies  de  l'époque  desThang,  traduites  du  chinois 
•  par  le  marquis  d'Hervey  Saint-Denys.  (Cliarles  Labarthe.) 

Procès-verbal  de  la  séance  du  i3  octobre  i865 470 

Histoire  des  khans  de  Kassimoff(en  russe),  par  M.  Wélia- 
minofF-Zernotl'.  (V.  Langlois.  )  —  Die  Himjarische  Kasideh, 
herausgegebcn  und  ùbcrsetzt  von  R.  von  Kremer.  (J.  M.)  — 
Letters  from  Egypt,  1 863-i8G5,  by  Lady  DuffGordon  (J.  M.) 

Procès-verbal  de  la  séance  du  lo  novembre  i865 r>7  I 

Homonyma,  etc.  par  M.  P.  De  Jong.  (  J.  M.)  —  Errata  du 
cahier  de  mai-juin  i865. 


FIN  DE   LA  TABLE 


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Journal  asiatique 


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