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Full text of "Journal de l'anatomie et de la physiologie normales et pathologiques de l'homme et des animaux"

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JOURNAL 


L'AN ATOMIE 


LA PHYSIOLOGIE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES 


DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 


FARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, © | 


JOURNAL 


DE 


L'ANATOMIE 


ET DE 


LA PHYSIOLOGIE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES 


DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 


PUBLIÉ PAR MM. 


CnarLes ROBIN 


MEMBRE DE L'INSTITUT, 


Professeur d'histologie à la! Faculté 'de ‘mnéglecime de Paris, 
Membre de l'Académie de médeciné. 


ET 


G. POUCHET 


Maitre de conférences à l'Ecole normale supérieure 


1877 


PARIS 


LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Ci 
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108. 


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L’'ANATOMIE 


LA PHYSIOLOGIE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES 


DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 


RECHERCHES 


SUR LE 


SINUS RHOMBOIDAL DES OISEAUX 


SUR SON DÉVELOPPEMENT ET SUR LA NÉVROGLIE PÉRIÉPENDYMAIRE 


Par M. Mathias DUVAL 


PLANCHES I, I, HIT, IV 


[. -— INTRODUCTION. REVUE DES OPINIONS CLASSIQUES SUR LA 
NATURE DU SINUS RHOMBOIÏDAL. 


L'étude des noyaux des nerfs bulbaires et celle du mode d’entre- 
croisement des faisceaux médullaires au niveau du bulbe (1) de- 
vait naturellement nous amener à porter notre attention sur la 
région du sinus rhomboidal, c’est-à-dire du renflement sacré des 
oiseaux. Il est, en effet, admis dans tous les traités classiques 
que le sinus rhomboïdal des oiseaux est une formation tout à fait 
comparable au quatrième ventricule. Le canal central s’ouvri- 
rait à ce niveau et s’étalerait en un plancher de substance grise 
analogue à celui qui, dans le bulbe, forme le plancher du qua- 
trième ventricule, c’est-à-dire la masse grise bulbaire : le sinus 

(4) Voy. Math. Duval, Recherches sur l’origine réelle des nerfs crâniens (Journal 
de l'anatomie, n° de septembre, p. 496). — Sappey et Math. Duval, Trajet des cor- 
dons nerveux qui relient le cerveau à la moelle (Comptes rendus Acad. des Sc., 
17 janvier 4876). — Sappey, Traité d'anatomie, 3° édition, t. HIT. 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XII (1877). 1 


2 MATHIAS DUVAL. —— RECHERCHES 


rhomboïdal représenterait un véritable ventricule médullaire, 
vide et perméable comme les ventricules encéphaliques, ou du 
moins rempli, disent les auteurs classiques, par un liquide 
coagulable. Il nous paraissait donc très-important, pour arriver 
à une parfaite compréhension du bulbe et de la substance grise 
du quatrième ventricule, d'étudier le sinus rhomboïdal des 
oiseaux, dans l'espoir d’y trouver les dispositions du ventricule 
cérébelleux simplifiées et comme schématisées, puisqu’à ce 
niveau nous n’aurions dû avoir affaire qu’à la moelle proprement 
dite, sans aucune des complications qui résultent plus haut des 
formes de transition qui relient la moelle au bulbe et à la protu- 
bérance. (Décussation des cordons, formations olivaires, pédon- 
cules cérébelleux, etc.) 

Comme, dès nos premières recherches, nous nous sommes 
trouvé en présence de faits absolument en contradiction avec ce 
qui est généralement décrit, nous croyons devoir tout d’abord 
établir, par quelques citations textuelles, la manière de voir à 
peu près exclusivement admise aujourd’hui, réservant pour un 
historique, qui sera développé plus loin, la revue critique d’opi- 
nions plus ou moins anciennes, généralement passées inaperçues 
et qui, sous quelques rapports, pourraient être considérées 
comme se rapprochant de ce que nous aurons à décrire d’après 
les résultats de nos propres recherches. 

Nous ne saurions cependant reproduire 1c1 les quelques lignes 
qu'ont pu consacrer au sinus rhomboïdal des oiseaux les nom- 
breux auteurs qui ont eu à parler de la structure de la moelle 
épinière et de la configuration de son canal central : forcé de 
limiter nos citations, nous choisirons, d’une part, les anatomistes 
les plus autorisés de ces dernières années, et, d’autre part, ceux 
qui ont le plus récemment formulé une opinion sur ce sujet 
(Longet, Milne-Edwards, Gegenbauer, Huxley, etc.); tous ces 
auteurs considèrent le renflement sacré de la moelle des oiseaux 
comme présentant une cavité placée entre les cordons posté- 
rieurs, et expliquent l'existence de cette cavité par ce fait que, 
dans cette région, la gouttière méduliaire de l'embryon ne se 
serait pas fermée en canal cylindrique, ainsi qu’elle le fait dans 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. à 


les autres régions de l’axe médullaire. Quelques-uns se bornent à 
parler de la cavité rhomboïdale comme d’une disposition accu- 
sant très-fortement la présence d’un sillon médian postérieur 
(creusé jusqu’au centre de la moelle). 

Telle est la manière de voir de A. Serres, au delà duquel nous 
ne ferons pas remonter, pour le moment, cette revue des opinions 
que nous pouvons appeler contemporaines : « Chez les oiseaux, 
dit Serres, le sillon antérieur est constamment plus prononcé que 
le postérieur, qui même ne devient sensible que par l'effet de la 
macération, excepté toutefois à la région sacrée, sur laquelle 
l’écartement des lames postérieures produit un hiatus plus ou 
moins ouvert, selon la prédominance ou la faiblesse des extrémi- 
tés postérieures, hiatus constant chez les oiseaux, et qui est le 
caractère classique de leur moelle épinière (1). » 

Longet (2) fait provenir cet hiatus d'un évasement du canal 
central. « Chez les oiseaux, dit-il, la moelle offre un canal qui la 
parcourt dans toute son étendue, non-seulement chez l'embryon, 
mais encore chez l'adulte (3). Ce canal, à la hauteur du lieu où 
prennent naissance les nerfs qui se distribuent aux membres 
pelviens, se dilate au point d’écarter les cordons médullaires 
postérieurs, précisément comme à la région du quatrième ven- 
tricule : il en résulte une excavation remarquable décrite sous le 
nom de sinus rhomboïidal par Sténon, Perrault, Jacobœus, etc., 
el au fond de laquelle on aperçoit la liqueur du canal médullaire, 
contenue par la pie-mèêre. La substance grise en occupe l’intérieur 
et elle n’est appliquée nulle part en plus grande abondance 
qu'aux parois de ce sinus. » 

Les auteurs qui suivent Longet sont de plus en plus explicites 
sur la nature de ces rapports entre le sinus rhomboïdal et le 
canal central, sur l’homologie du ventricule bulbaire et du ven- 
tricule lombaire. En effet : 

« Chez les oiseaux, dit Milne-Edwards, le sillon tergal s’évase 


(1) A. Serres, Anatomie comparée du cerveau dans les quatre classes de vertébrés. 
Paris, 1826, t. II, p. 157. 


(2) Longet, Anat. et physiol. du syst. nerveux. Paris, 1842, t. 1, p. 262. 
(3) À cette époque on mettait encore en doute l'existence normale d’un canal cen- 
tral de la moelle (voy. Longet, vol. cité, p. 249). 


li MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


dans Ja région lombaire et forme une fosse particulière qui est 
désignée communément sous le nom de sinus rhomboidal, mais 
que je préfère appeler ventricule lombare. I occupe le milieu 
du renflement pelvien de la moelle épinière et loge une masse 
blanchâtre, d'aspect gélatineux, qui dépend de la pie-mère. IL 
constitue un des caractères anatomiques de la classe des 
oiseaux (1). » | 

«Le sillon médullaire (de l'embryon) restant ouvert, il se forme, 
dit Carl Gegenbauer, sur le renflement lombaire, une cavité en 
forme de losange (sinus rhomboïdal), qui persiste chez les 
oiseaux, mais se ferme graduellement chez les reptiles et les 
mammifères (2). » 

« Chez les oiseaux, dit Huxley, au niveau du renflement lom- 
baire, les cordons postérieurs divergent et donnent naissance au 
sinus rhomboidalis, qui est une sorte de répétition du quatrième 
ventricule, la dilatation centrale du canal étant simplement 
recouverte par une minçe membrane, qui consiste principalement 
en l’épendyme et l’arachnoïde (3). » 

Il nous paraît inutile de multiplier davantage les citations pro- 
pres à montrer quelle est-l’opinion aujourd’hui classique sur la 
nature de la formation dite sinus rhomboïdal. Nous emprunte- 
rons cependant encore les lignes suivantes à l’article, d’ailleurs 
si excellent, que Farabeuf a consacré, dans le Dictionnaire ency- 
clopédique des sciences médicales, à l'anatomie de la moelle, pour 
confirmer l’existence de l’epinion erronée (ainsi que nous le 
démontrerons dans un autre travail) d’après laquelle le canal mé- 
dullaire de l’homme lui-même s’ouvrirait en arrière, au niveau de 
la région lombaire : « Le canal central, dit Farabeuf, est cordi- 
forme dans la région lombaire, où il s’ouvre daus le sillon posté- 
rieur, comme l’a montré Stillinge en 1857, et comme cela a 
lieu d’une manière incomparablement plus manifeste chez les 
oiseaux » (p. 288). Et plus loin (p.294): «Stilling a montré que 

(1) Milne-Edwards, Leçons sur l'anat. et la physiol. comparées, t. XI, Paris, 1875, 
p. 262. 

(2) Carl Gegenbauer, Manuel d'anatomie comparée (trad. française, p. 696). 


(3) Th. Huxley, Éléments d'anatomie comparée des animaux vertébrés(trad, franc. 
Paris, 1875, p. 311). | 


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SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 


le ventricule de la moelle était ouvert sur une faible étendue dans 
le sillon postérieur, au niveau du renflement lombaire de 
l’homme. » 

Aïnsi, sillon postérieur et canal central communiqueraient chez 
l’homme, et surtout chez les oiseaux. Quant à la substance qu’on 
trouve dans cet hiatus, très-vaste chez les oiseaux, elle serait 
composée en partie du liquide coagulable du canal central (voy. 
ci-dessus la citation de Longet), et en partie du tissu conjonctif 
de la pie-mère. Tel est, en effet, pour terminer par une indica- 
tion sur la nature histologique du contenu cette revue des opi- 
nions actuelles relativement au sinus rhomboïdal, tel est, en 
dernier lieu, le sens des résultats communiqués récemment à la 
Société de biologie par MM. Brown-Séquard et Pierret (1). 


II. — DE L'ASPECT DU SINUS RHOMBOÏDAL PAR LA DISSECTION 
SIMPLE. 


Quang on ouvre, par la partie postérieure, la région sacrée du : 
canal rachidien d’un oiseau (pigeon, poule, moineau), en enle- 
vant avec un fort scalpel les parties osseuses par couches 
minces et en faisant délicatement sauter la lame interne de l'os, 
on arrive immédiatement sur la face postérieure du renflement 
lombo-sacré de la moelle, car en ce point les enveloppes ménin- 
giennes sont très-minces, presque transparentes, et sont entraî- 
nées en partie avec les fragments osseux, de sorte qu’il est facile 
d'étudier, sans autre préparation, la conformation extérieure de 
la face postérieure (ou mieux supérieure) (2) du renflement 
médullaire. 

(1) Société de biologie, 4 décembre 1875 (voy. Gaz. des hôpit., 1875, p. 4141, 
et Progrès mélical, 1875, p. 739). — « M. Brown-Séquard montre des oiseaux 
chez lesquels il produit des phénomènes ataxiques manifestes par l'irritation d’une 
sorte de substance grise qui se trouve (chez les oiseaux) dans la moelle, au niveau du 
renflement où les nerfs sciatiques prennent naissance. — Or il résulte des recherches 
de M. Pierret que cette substance ne renferme pas d'éléments nerveux, mais est 
constituée par une masse huileuse avec fort peu d’éléments figurés el quelques 
granulations, — M. Pierret dit qu’en effet cette substance grisätre ne renferme pas 
d'éléments nerveux ; c’est du tissu conjonctif très-délicat avec beaucoup de graisse. 


Comme il y a des nerfs dans la dure-mère, les effets de l’irritation, etc., etc. » 
- (2) Nous emploierons dans ce travail les mots supérieur, inférieur, antérieur , 


6 MATHIAS DUVAI. — RECHERCHES 


Ce renflement est losangique : ses parties latérales sont for- 
mées par la substance blanche de la moelle; mais sa partie cen- 
trale présente un aspect particulier. Si l'examen est fait sur un 
oiseau fraîchement sacrifié, il semble qu’au centre de la face 
postérieure du renflement se trouve enchâssée, comme une 
grosse perle dans le chaton d’une bague, une masse transpa- 
rente et brillante, comme une grosse goutte de gelée translu- 
cide. Get aspect est surtout très-net chez le moineau. Cette gelée 
tremblotante est comme maintenue sous une fine lamelle; dès 
qu’on déchire celle-ci, la masse s’affaisse; il s'écoule un liquide 
plus ou moins épais, transparent, comme l'humeur vitrée de 
l'œil. On voit alors que la place-occupée par le liquide gélatineux 
auquel on a donné issue se présente comme une cavité losangi- 
que, à pelit diamètre transversal. Cette cavité, qui pénètre très- 
profondément dans la moelle, est le sinus rhomboïdal des 
auteurs. \ 

Une semblable préparation ne saurait donner aucun rensei- 
onement sur la nature de cette cavité et de son contenu. L'exa- 
men microscopique de la gelée à laquelle on a donné issue montre 
un grand nombre de noyaux, assez analogues comme aspect aux 
globules blancs du sang, mais de moindres dimensions. Ces 
noyaux sont mêlés à des tractus qui par places ont l'aspect fibril- 
laire, et par places se montrent comme résultant du plissement 
de fines plaques membraneuses. Nous dirons dès maintenant que 
ces plaques membraneuses ne sont autre chose que les parois de 
grandes cellules vésiculeuses qui forment la substance gélati- 
neuse ou vitrée du sinus rhomboïdal, cellules qui contiennent 
chacune un noyau. Par l’écoulement et la dissociation de la sub- 
stance vitrée, ces cellules sont affaissées, écrasées et déchirées. 

Un examen intéressant et bien simple consiste à découvrir le 
renflement sacré sur un animal soumis à la cuisson, sur la car- 
casse d’un poulet rôti, par exemple. On ne voit plus alors, dans 
le centre de la face postérieure du renflement, une masse gélati- 


postérieur, dans le même sens que pour l’axe nerveux de l’homme, c’est-à-dire en 


supposant la moelle placée verticalement, quelle que soit sa direction normale chez 
l'animal vivant. 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. ÿà 


neuse brillante comme une goutte de rosée, mais une masse 
blanche opaque, d’un aspect analogue à celui du cristallin sou- 
ïnis à la cuisson. Cette masse peut être arrachée en bloc de la 
cavité qui la loge, et laisse alors parfaitement apercevoir le sinus 
rhomboïdal des auteurs : en l’extirpant, on constate qu’elle est 
molle, comme du blanc d'œuf légèrement coagulé, et qu’elle 
adhère aux parois du sinus, paraissant faire corps avec la sub- 
stance même de la moelle. La substance coagulée ainsi obtenue, 
dissociée et examinée au microscope, donne de fort bonnes pré- 
parations, qui montrent une masse formée uniquement de grosses 
cellules vésiculeuses, contenant un noyau et de l’albumine coa- 
gulée en fines granulations. 

On peut encore, sur le renflement sacré d’un oiseau fraiche- 
ment sacrifié, solidifier la substance vitrée en y déposant quel- 
ques gouttes d’une solution concentrée d’acide osmique, d’après 
le procédé de G. Pouchet, et faire ensuite la dissociation du tissu. 
Dans ce cas encore, on se trouve en présence de grosses cellules 
vésiculeuses contenant un noyau et une substance liquide, 
laquelle n’est pas de la graisse et ne renferme même aucun corps 
gras, car elle n’est nullement colorée en noir par l'acide osmique, 
comme l’est, par exemple, sur cette même préparation, la myé- 
line des tubes nerveux de la substance blanche voisine (cordons 
postérieurs). 

Ces diverses préparations, sur lesquelles nous n’insisterons 
pas, sont insignifiantes, car elles ne nous permettent pas d’étu- 
dier cette substance vitreuse en place et de constater ses disposi- 
tions générales, ses rapports avec les membranes d’enveloppe, 
ses connexions possibles avec les cordons blancs ou gris de la 
moelle. Pour arriver à ces résultats, nous avons pratiqué de 
nombreuses coupes sur des renflements sacrés dureis par l’action 
successive et longtemps prolongée (1) du bi-chromate de potasse 
et de l’acide chromique. A cet effet, nous plongions dans ces 
liquides toute la portion lombo-sacrée du corps d’un oiseau 
(moelle et colonne vertébrale), en laissant cette dernière intacte. 


(1) Voy. ci-dessus, Journal de l'anat. et de la physiol., année 1876, p. 497. 


S MATHIAS De VAL. — RECHERCHES 


Lorsqu’en effet on veut mettre préalablement la moelle à nu 
par sa face postérieure, il est difficile de ne point léser la sub- 
stance vitrée en question, et même lorsque celle-ci est restée bien 
intacte, ilarrive presque toujcurs que pendant la macération elle 
se gonfle, se fragmente et se détache, de telle sorte qu’il n’en 
reste presque plus trace, lorsque le tissu nerveux a acquis la 
fermeté nécessaire à la pratique de bonnes coupes. 

Nous allons passer à l'étude des coupes faites sur des pièces 
durcies dans les conditions que nous recommandons : ce sera la 
partie principale de ce travail. 


III. — DISPOSITION DES CORDONS DE LA MOELLE AU NIVEAU 
DU SINUS RHOMBOÏLAL,. 


À. Disposition des cordons blancs et gris. — Si l’on pratique, 
au niveau de la partie moyenne du renflement lombaire, une 
coupe perpendiculaire à l’axe de la moelle, on constate que les . 
parties constituantes du cylindre spinal sont disposées de la 
manière sulvanle : 

En avant, aussi bien chez le poulet que chez le pigeon (pl. I, 
fig. 1) etle moineau (pl. I, fig. 2 et pl. Il, fig. 1), la moelle est 
limitée par une ligne transversale, à direction rectiligne ou légé- 
rement courbe, avec convexité postérieure (pl. E fig. 2; pl. HF, 
lig. 1). Cette partie est formée par les cordons antérieurs, très- 
nettement séparés sur la ligne médiane par un s{lon antérieur, 
et séparés des cordons latéraux par le trajet et l'émergence des 
racines antérieures. Il est inutile d’insister sur ces dispositions 
qui reproduisent à peu près exactement ce qui.est classiquement 
connu de la moelle des mammifères. Nous ferons cependant 
remarquer le volume et le trajet curviligne des racines anté- 
rieures, lesquelles proviennent manifestement des groupes de 
grosses cellules nerveuses des cornes antérieures de la substance 
grise (voy. pl. I et IL). 

Au fond du sillon médian antérieur (pl, fig. Let 2, en a), 
on trouve la commissure blanche antérieure ; cetle commissure 
se présente ici avec les caractères qu’elle offre chez tous les ani- 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 9 


maux vertébrés, mais sous une forme beaucoup plus nette ; c’est- 
à-dire qu’elle n’est nullement constituée par des fibres transver- 
sales unissant la moitié latérale gauche de substance grise à la 
moitié latérale droite, mais qu’elle est formée par de gros cor- 
dons blancs qui s’entre-croisent obliquement et réunissent le 
cordon blanc antérieur gauche à la corne grise antérieure droite 
et vice versä: cetle commissure est, en un mot, une décussation 
de fibres allant des cordons antérieurs à la substance grise du 
côté opposé. (Voy. pl. IL, fig. 1.) 

En arrière de cette commissure blanche, si la préparation a 
été faite sur une moelle mal durcie, on aperçoit un vaste espace 
vide, qui n’est autre chose que la prétendue cavité classique du 
sinus rhomboïdal ; mais si la préparation est complète dans toute 
son étendue, c’est-à-dire si la moelle a été durcie et sectionnée 
dans les conditions délicates nécessaires à conserver sa parfaite 
intégrité, on aperçoit, en arrière de la commissure blanche anté- 
rieure, un lissu transparent qui se prolonge très-loin en arrière, 
et au milieu duquel apparaît toujours une perforation centrale. 
Comme nous le verrons bientôt avec plus de détails, cet orifice 
n’est autre chose que la lumière du canal central de la moelle 
épinière, canal creusé ici dans un tissu tout particulier et non 
largement dilaté et étalé comme dans la région du bulbe rachi- 
dien. 

En examinant les coupes en allant de la région latérale externe 
vers les parties centrales, on rencontre successivement les cordons 
latéraux (pl. I, fig. 4 et 2, en a), puis la substance grise. Nous 
n'avons pas à nous arrêter à la description de ces parties, et nous 
ferons seulement remarquer l'aspect réticulé que présentent ces 
cordons au voisinage de la substance grise, entre les cornes an- 
térieure et postérieure. Il yalà une disposition qui rappelle la 
formation réticulée décrite dans les régions correspondantes de 
la partie toute supérieure de la moelle cervicale des mammifères. 
Dans la substance grise, en allant toujours de dehors en dedans, 
on voit l'épanouissement des faisceaux décussés de la commis- 
sure blanche, et enfin on arrive de nouveau sur le tissu transpa- 
rent au milieu duquel est situé le canal central. 


10 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


Si l’on suit les racines postérieures (pl. [, fig. 4 et 2, et pl. IF, 
fig. 1, en e), on les voit aborder l'extrémité postérieure des cor- 
nes postérieures de la substance grise, pénétrer en partie dans 
ces cornes (pl. I, fig. 1) et aller se mêler en partie aux cordons 
postérieurs (en /, pl. let Il); en dedans de ces cordons posté- 
rieurs, on tombe de nouveau sur la substance ou tissu transpa- 
rent déjà signalé. 

Enfin, en portant l'examen directement sur les limites posté- 
rieures d’une coupe du renflement lombo-sacré, on trouve d’a- 
bord une mince membrane, la pie-mère (pl. I, fig. 1, en 9), puis 
on arrive aussitôt, en allant d’arrière en avant, sur le tissu trans- 
parent sus-indiqué. 

Ainsi, dans la région en question, dans les points où le renfle- 
ment lombaire présente ses plus grandes dimensions, cette partie 
de la moelle est caractérisée par l’existence d’un tissu particulier 
qui remplit un vaste espace, limité : en avant, par la commissure 
antérieure ; sur les côtés, par la substance grise et les cordons 
postérieurs ; en arrière, directement par la plus interne des en- 
veloppes de l'axe nerveux, par la pie-mère. Dans ce tissu, en 
arrière de la commissure antérieure, est creusé le canal central 
de la moelle. Ce tissu offre parfois, chez le moineau, par 
exemple (pl. I, fig. 2), un développement considérable, au point 
de présenter une surface de section égale et même supérieure à 
celle de tout l’ensemble de la moelle. 

Avec de faibles grossissements (gr. de 18 à 30), ce tissu pré- 
sente un aspect réticulé très-fin, tel que nous avons essayé de 
le rendre dans les figures 1 et 2 de la planche I. Sur des coupes 
de renflément lombaire de poulet, avec un grossissement de 50 
diamètres, on voit déjà que ce tissu d’aspect réticulé est abon- 
damment et régulièrement semé de noyaux (pl. Il, fig. 2 et 3). 
Mais ce n’est que par l'emploi de grossissements plus puissants 
qu'il est possible de se rendre compte de la nature de ce tissu, 
de saisir ses connexions avec les tissus voisins, et d'expliquer 
l’aspect réticulé qu’il présente : cet aspect, on le devine aisément 
d’après les résultats que nous a donnés précédemment la disso- 
ciation, est dû à la présence de grosses cellules vésiculeuses tas- 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. A1 


sées les unes contre les autres, sans interposition d’autres 
‘éléments, si ce n’est de quelques rares capillaires et tubes ner- 
veux, sur la présence dequels nous aurons à revenir longue- 
ment. 

Avant d'entrer dans cette étude, nous devons encore insister 
sur les dispositions morphologiques du sinus rhomboïdal, dispo- 
silions importantes à préciser au point de vue des expériences 
de vivisection dont cette région a été et sera l’objet; nous devons 
enfin indiquer comment quelques anatomistes, qui ont aperçu 
la substance placée dans le sinus rhomboïdal, en ont expliqué et 
l'origine et la nature. | 

B. Considérations physiologiques. — Les physiologistes ont 
considéré le sinus rhomboïdal des oiseaux comme un lieu expé- 
rimental tout particulièrement favorable à l'étude des propriétés 
et notamment de l’excitabilité de la substance grise. C’est qu’on 
croyait trouver dans êe sinus rhomboïdal un plancher de sub- 
stance grise, où les cornes antérieures et postérieures de la 
moelle se trouveraient étalées en une lame continue, facilement 
abordable par toute cause d’excitation portée d’arrière en avant 
(de haut en bas en ayant égard à la station de l'oiseau). Cepen- 
dant, si l’on considère la coupe représentée planche I, figure 1, 
il est facile de voir qu'en abordant le renflement lombo-sacré 
dans la direction sus-indiquée, en pénétrant dans le prétendu 
sinus rhomboïdal, en allant attaquer ses parois, la substance 
grise est, de toutes les parties de la moelle, celle qui se dérohe 
le plus à l’action expérimentale : vers la partie centrale on attein- 
dra les fibres blanches qui forment la commissure ou décussation 
antérieure ; sur les côtés, on atteindra les cordons postérieurs, 
mais il faudra un hasard bien particulier pour aller effleurer la 
partie de substance grise intermédiaire aux cornes antérieures 
et postérieures, l: seule qui fasse partie des parois de la préten- 
due cavité rhom' ïidale. 

L'étude anatomique du sinus rhomboïdal des oiseaux est donc 
d’une grande importance au point de vue des recherches physio- 
logiques, et les notions nouvelles sur sa constitution obligent à 
revoir les interprétations des expériences dont il a été l'objet. 


19 MATHIAS DUVAL. — RECHIERCHES 


Ces expériences sont dues à Brown-Séquard (1). Voici le résumé 
qu’en donne Vulpian (2) : « Sur certains animaux, l'expérience 
(excitation directe de la substance grise médullaire) peut être 
faite sans lésion préalable de la moelle, et, par conséquent, sans 
qu’on puisse objecter que l’excision de la partie postéro-latérale 
des faisceaux blancs médullaires a pu faire disparaître l’excita- 
bilité de la substance grise sous-jacente : ces animaux, ce sont 
les oiseaux, dont la moelle épinière, dans la région lombaire, 
s’ouyre au niveau du sillon supérieur (postérieur chez l’homme) 
en produisant, par l’écartement de ces faisceaux supérieurs 
(postérieurs), un ventricule rhomboïdal dont le plancher est 
revêlu par la substance grise étalée. M. Brown-Séquard a montré 
que les excitations directes expérimentales de la substance grise 
en ce point ne déterminent aucune réaction motrice, sensitive, 
ou excito-motrice. L'expérience a été répétée par divers physio- 
logistes et elle a toujours donné le résultat négatif indiqué. Tou- 
tefois, le contact de l’air paraît produire, sur cette substance 
grise du sinus médullaire des oiseaux, une excitation spéciale 
déterminant une sorte d’ataxie des mouvements plus ou moins 
analogue à celle que produit l’ablation du cervelet. » 

M. Brown-Séquard a insisté récemment sur les phénomènes 
ataxiques produits par l’excitation du sinus rhomboïdal des oi- 
seaux (3). Il est évident que si les excitations ont été portées dans 
la profondeur du sinus rhomboïdal et sur la ligne médiane, elles 
ont dû atteindre la commissure ou décussation blanche anté- 
rieure; les phénomènes d’ataxie des mouvements volontaires 
seraient donc dus à l'excitation de ces faisceaux blancs ; c’est ce 
que nous espérons montrer bientôt en publiant une série de 
recherches que nous avons entreprises à ce sujet; nous verrons 
en effet que, chez les oiseaux, la décussat on lombo-sacrée doit 
être considérée comme une décussation ana ‘gue à celle des pyra- 


(1) Brown-Séquard, Sur un trouble singulier des mouvements volontaires qui 
semble produit par l'action de l'air sur la substance grise du ventricule de la moelle 
épinière sur les oiseaux (Medical Examiner, 1853, p. 143). 

(2) Vulpian, Dict. encycl. des sciences méd. (Art. MOELLE ÉPINIÈRE, p. 344). 

(3) Voy. ci-dessus (p. 5, note 1), 


SUR LE SINUS RHOMBOIÏDAL DES OISEAUX. 13 


mides bulbaires, ou, pour mieux dire, comme une décussation 
identique, mais tardive, c'est-à-dire plus inférieure (postérieure). 

L’étude de la disposition de la substance blanche au niveau du 
sinus rhomboïdal montre également combien cette région est 
favorablement disposée pour porter l’expérimentation sur les 
cordons postérieurs, que l’on trouve nettement isolés de leurs 
congénères du côté opposé (pl. [, fig. 1 et 2). Dans un prochain 
travail, nous présenterons le résultat des recherches que nous 
avons instituées à ce sujet. 

C. Opinions diverses émises sur la nature du contenu du sinus 
rhomboïdal.— Nous avons précédemment donné quelques indi- 
cations bibliographiques destinées seulement à montrer quelle 
était l’opinion des auteurs contemporains sur le sinus rhomboi- 
dal, et à faire sentir, par les résultats mêmes de nos recherches, 
combien cette opinion doit être modifiée. Avant d'étudier his- 
tologiquement le contenu du renflement sacré, nous devons pré- 
senter, dès maintenant, une revue complète des travaux où ce suJel 
a été traité. Ces recherches bibliographiques nous ont été, nous 
devons le dire dès le début, rendues trés-faciles par les nombreu- 
ses indications qu’a données à ce sujet Ludwig Stieda, dans une 
monographie que nous analyserons plus loin, en suivant l’ordre 
chronologique (1). 

D’après tous les traités de névrologie, et notamment d’après 
Tiedemann (Anatomie und Naturgesichte der Vogel, 1. Bd, Hei- 
delberg, 1810, p. 728), Nicolas Steno (2), en 1667, aurait le 
premier signalé le sinus rhomboïdal in Myologiæ specimen 
s. muscul. descriptio geometrica, Florent., p. 108, car en par- 
lant de cane Carcharia il fait allusion à une cavité rhomboïdale 
développée dans la moelle des oiseaux. 

Perrault en parle plus explicitement comme d'une ouverture, 
d’une fente médullaire pleine d’une humeur lymphatique épaisse 
(Mém. de l' Acad. des sciences de Paris, 1666-1699, t. IE, partie 2, 
p. 800. — Description anatomique de trois aigles). 


(1) Ludwig Stieda, Studien über des centrale nervensyslem der Vügel und Saü- 
gethiere (Zeilschrifft f. Wissemchf. z0ol., 4869, p. 1). 
(2) Voy. ci-dessus, p. 3, la citation empruntée à Longet. 


A! MATHIAS DUVAL. —— RECHERCHES 


Le sinus rhomboïdal a été représenté et assez pauvrement dé- 
crit par Valentin (Amphaitheatrum zootomicum tabulis œneis 
quam plurimis exhibens historiam  animalium anatomicam. 
Gissæ, 1720, t. Il, p. 7, tab. xLvi), et par Ol. Jacobæus (Act. 
Hafn., vol. Il, Anatome psitaccr, p. 317). | 

Cuvier, dans ses leçons d'Anatomie comparée, ne parle pas 
du sinus rhomboïdal, mais, d’après L. Stieda, Meckel, dans 
sa traduction (Cuvier’s Vorlesung über vergleichende Anato- 
mie, ubersetz von Meckel. Leipzig, 1809, 2° partie, p. 193), 
parle du renflement sacré de la moelle des oiseaux, et d'un 
grand vide qu’il présente : ce vide serait produit, d’après Meckel, 
par un brusque changement de direction (écartement violent) 
des cordons postérieurs ; 1l est, dit-il, possible de produire ar- 
tificiellement un écartement semblable dans le renflement bra- 
chial. — Keuffel, en 1810 (De medulla spinali dissertatio. 
Halæ, 1810.— Voy. Reil’s und Autenrieth’s Arch. f. Physiolog., 
Bd. 10: Ueber das Ruckènmark), reproduit à peu près textuel- 
lement la description et l'interprétation de Meckel. — Par contre, 
Gall et Spurzheim, dans leur ouvrage paru la même année que la 
traduction de Cuvier par Meckel (Anatomie et physiologie du 
système nerveux en général et du cerveau en particulier, vol. I. 
Paris, 1809), ne parlent pas du sinus rhomboïdal, et donnent 
même le dessin de l'axe cérébro-spinal d’un poulet, sans aucune 
indication de ce sinus. 

Jusqu'à présent, nous voyons les auteurs cités ne parler du 
sinus rhomboïdal que comme d’une excavation résultant de l’exa- 
gération du sillon médian postérieur au niveau du renflement 
sacré. Avec Emmert, en 1811, une nouvelle interprétation est 
mise au jour, grâce à la connaissance de l’existence normale et 
constante d’un canal central dans l’axe cérébro-spinal, et nous 
voyons dès lors les anatomistes se rattacher tantôt à l'opinion de 
Meckel, tantôt à celle d'Emmert, tantôt enfin combiner les deux 
manières de voir. Emmert, disons-nous, en 1841 (Beobachtungen 
über einige anatomische Eingentumlichkeiten der Vôgel, — in 
Reils und Autenrieths Arch. f. Physiologie. Bd X. Halle, 1811, 
p.577), décrit le renflement sacré et le sinus rhomboïdal du 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 45 


pigeon : il considère le sinus rhomboïdal comme éapissé de 
substance grise et plein d’une substance gélatineuse : « Le sinus 
rhomboïdal, dit-il, paraît être une dilatation du canal qui parcourt 
toute la longueur de la moelle. » (Citation très-remarquable. 
C’est le point de départ de l'opinion classique.) 

Nicolaï (Ress Arch. f. Physiologie, Bd. XI, 1812. Ueber das 
Ruckenmark der Vügel.und die Bildung desselben in bebrüten 
E1) dit que : « Dans la région sacrée se détachent de très-grosses 
racines, et la conformation du sinus rhomboïdal paraît en rap- 
port avec la violence avec laquelle les nerfs quittent les cordons 
médullaires; là où le sinus est le plus large, de là partent les 
plus gros nerfs. » Nicolaï n'a pas vu le canal central de la moelle, 
et par suite n’en parle pas pour la formation du sinus rhomboi- 
dal. Il ne parait pas avoir eu connaissance du travail d'Emmert. 

Tiedemann (Anatomie und Naturgeschichte der Vügel, 1, 
Bd. 1813, p. 644) insiste sur l'existence du canal central de la 
moelle et considère le sinus rhomboïdal comme son élargis- 
sement. 

Carus (Versuch einer Darstellung des Nervensystems und 
Gelairns. Leipzig, 1814) dit : « Le sinus rhomboïdal ne provient 
pas purement de l'élargissement du sillon postérieur de la moelle, 
comme semblent le penser plusieurs auteurs récents, mais bien, 
comme l'ouverture de la moelle allongée en quatrième ventri- 
cule, de ce que le canal central s’élargit et s’ouvre. » (Voyez 
encore du même auteur : in Zootomie ; 2 Auflage, K° partie. 
Leipzig, 1834, page 70.) 

Burdach (Vom Bau und Leben des Gehirns. 1 Bd. Leipzig, 
1319, p. 116) se rattache à l'opinion de Garus et d'Emmert. 

Remak (Observationes anatomicæ et microscopicæ de syste- 
matis nervosi structurd. Berlin, 1838, p. 18) a le premier exa- 
miné au microscope le contenu du sinus rhomboïdal. I dit : 
« In substantiâ, quæ in ventriculo rhomboïdali avium invenitur, 
substantiæ vitreæ extus simili, intus non fibras reperi, sed tan- 
tum globulos, globulis adiposis similes (sed æthere non solvun- 
tur), corpuscula nucleata et vasa capillaria: » Ces résultats de 
Remak sont d’une remarquable précision; ils concordent exac- 


16 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


tement avec ce que nous à donné la simple dissociation du con- 
tenu du sinus (ci-dessus, p. 5 et 6). Malheureusement, nombre 
d’anatomistes se succèdent ensuite, ne faisant que reproduire les 
faits énoncés par Remak, sans pousser plus loin les investiga- 
tions à l’aide du microscope, ou même revenant à des opinions 
plus anciennes. C’est ainsi que : 

Wagner (Lehrbuch der vergleichenden Anatomie. Leipzig, 
1835, p. 404) se ratiache à l’opinion de Carus et regarde le 
sinus rhomboïdal comme une cavité dépendant du canal central, 

Swan (J{lustrations of the comparative Anatomy of the ner - 
vous system. London, 1835) figure (planche XXIT, fig. 10) le 
sinus rhomboïdal, sans s'expliquer à son sujel. 

Owen (Art. Aves, in the Cyclopedia of Anatomy and Physio- 
logy, vol. I. London, 1855) se rattache à l'opinion de Carus. 

Hay (De sinu rhomboïidali in medullà spinali avium. Diss. 
inaug. Hales, 1844) se rattache à l'opinion de Carus. 

Natalis Guillot (Exposition anatomique de l’organisation du 
centre nerveux dans les quatre classes d'animaux vertébrés. Pa- 
ris, 1844) s'exprime très-vaguement à ce sujet. 

Metzler (De medullæ spinalis avium texturd. Diss. inaug. 
Dorpati, 1855) regarde le sinus rhomboïdal comme l’élargisse- 
ment de la fissure postérieure, car il a pu, dit-il, suivre le canai 
central parfaitement fermé dans toute la longueur de la moelle. 
La substance gélatineuse, placée entre les cordons postérieurs, est 
regardée par lui comme du tissu conjonctif : « Tela conjoncliva 
in primo evolutionis gradu. » 

Bidder et Kupfer’s (Untersuchungen über die Textur des Ruc- 
kenmarkes. Leipzig, 1857) ne font, sur la moelle des oiseaux, 
que reproduire ce qu'avait dit Metzler. 

Il faut arriver jusqu’à Leydig pour trouver de nouvelles 
recherches microscopiques sur le sinus rhomboïdal. Ces travaux 
ont été publiés dans les Archives de Muller (1854. — Kleinere 
Mittheilungen zu thierische Geweblehre). D'après Stieda, auquel, 
nous le répétons, nous devons d’avoir pu retrouver la plus grande 
partie de ces indications bibliographiques sur les auteurs alle- 
mands, Leydig aurait également traité ce sujet dans son Manuel 


SUR LE SINUS RHOMBOIÏDAL DES OISEANX. 17 


d'histologie comparée (Lehrbuch der Histol, d. Mensch. und d. 
Thiere. Francfort, 1857); mais nous n’avons pu en trouver aucune 
trace dans la traduction française de cet ouvrage (Paris, 1866, 
par Lahillonne). Quoi qu’il en soit, voici à peu près textuelle- 
ment l’opinion de Leydig sur le tissu du sinus rhomboïdat : « Ge 
tissu, dit-il, est formé de cellules d’un aspect particulier, trans- 
parent, qui s’envoient des prolongements anastomotiques, d’où 
un tissu réticulé, dans les mailles duquel est placée une substance 
homogène. » Ainsi Leydig, dès 1854, aurait le premier affirmé, 
à la suite d’un examen microscopique, la prétendue nature 
conjonctive du tissu qui remplit le sinus rhomboïdal (voyez 
Metzler, ci-dessus). 

Stilling (Neue Untersuchungen uber den Bau des Rucken 
markes. Cassel, 1859) adopte une opinion déjà ancienne et con- 
sidére le sinus rhomboïdal comme un élargissement de la fissure 
postérieure, Il décrit le tissu qui le remplit comme formé de cel- 
lules rondes et polyédriques, qu'il considère comme de nature 
nerveuse, Car il dit textuellement (op. ct., p. 1114) : « La masse 
qui remplit le sinus rhomboïdal des oiseaux me paraît être le 
résultat d’une substance gélatineuse centrale ayant subi un grand 
développement, mais identique aux autres parties gélatineuses 
de la moelle, c’est-à-dire que ses cellules sont des cellules ner- 
veuses. » 

Lockhart-Clarke décrit et figure le renflement sacré de la 
moelle des oiseaux (Further researches on the gray substance of 
the spinal cord., in Philosoph. transactions. 1859, b. 437). 
« La pie-mère, dit-il (Op. cit., p. 465), descend et pénètre dans 
le sillon médian postérieur et va prendre la place occupée par la 
commissure postérieure. » Il est facile, en examinant ses figures 
(Op. cit., pl. XXII, fig. 35 et 36), de se convaincre que l’auteur 
n'a eu à sa disposition que des préparations défectueuses du pré- 
tendu sinus rhomboïdal. Ce fait que L. Clarke considère le tissu 
du sinus rhomboïdal comme une dépendance de la pie-mère est 
important à noter ; car cet auteur est le seul, à notre connais- 
sance, qui ait étudié le développement de la moelle du poulct à 
ce niveau, el nous verrons que son opinion sur la constitution du 


JOURN, DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — Te XIII (18771 2 


18 | MATHIAS DUVAL. —— RECHERCHES 


renflement sacré de l'oiseau adulte n’a pas été sans influence 
sur la manière dont il a interprété les faits embryologiques. 

De Siebold et Stannius reproduisent en partie les opinions 
anciennes, et en partie les résultats histologiques de Leydig, 
résultats qui, disent-ils, auraient été confirmés par Valentin. 

« Le renflement postérieur de la moelle des oiseaux présente 
une particularité remarquable : les colonnes postérieures de la 
moelle s’écartent ici l’une de l’autre, puis se réunissent de nou- 
veau après un court trajet : il en résulte une fissure assez large 
qui porte le nom de sinus rhomboïdal. Valentin a trouvé de 
grandes cellules à parois très-minces et pourvues d’un novau 
dans le liquide coagulable du sinus rhomboïdal (1). » 

En 1869, Ludwig Stieda (Zertschrift f. Wiss. Zooloq.) a publié 
un travail remarquable sur le système nerveux central des 
oiseaux, et a été ainsi amené à rechercher la nature du sinus 
rhomboïdal et de son contenu. Il considère ce sinus comme 
formé par une forte dilatation du sillon médian postérieur (sus 
longitudinalis superior. — Op. cit.,p.3 etA); la substance qui 
remplit cette dilatation serait, d’après lui, un tissu gélatineux 
(Gallersubstanz) formé d’un prolongement de la pie-mére, d’une 
cloison comme celle qui pénètre dans le sillon médian antérieur. 
Mais ce prolongement du tissu de la pie-mère ne pénétrerait pas 
jusqu’au centre de la moelle, jusqu’au canal central : celui-ct, 
parfaitement clos dans toute la longueur du canal médullaire, 
serait, au niveau du renflement sacré, creusé dans un tissu par- 
ticulier (swbstantia reticularis), formé d’un réseau délicat de 
fibres anastomosées (1) ; des noyaux seraient placés au niveau 
des nœuds du réseau. | 

Les résullats que nous allons exposer nous conduiront à des 
conclusions bien différentes de celles émises par Stieda, car ils 
nous montreront la substance du sinus rhomboïdal comme for- 
mé partout par le même tissu, aussi bien dans les parties pro- 


(1) De Sichold et Stannius, Anat. comparée (trad. fr., par A. ge et Th, La- 
cordaire), p. 306. 


(1) Stilling indique vaguement une distinction analogue (voy. Neue Untersu- 
chungén über den Bau der Ruckenmarks, 5° fascicule, Cassel, 1859, p. 1114). 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 19 


fondes que dans les parties superficielles (supéro-postérieures). 
Ce n’est pas le seul point sur lequel nous nous trouverions en 
désaccord avec le professeur de Dorpat, si nous avions à nous 
étendre longuement sur les diverses parties de la moelle des 
olseaux, cest ainsi, par exemple, que l’anatomisie que nous 
venons de citer, loin d’être frappé de la disposition oblique des 
fibres qui se décussent dans la commissure antérieure, continue 
à décrire ces faisceaux comme constituant essentiellement une 
commissure transverse entre les deux moitiés latérales de sub- 
stance grise (Op. cit., p. 10, 14, 12). 


IV. — Du TISSU CONTENU DANS LE SINUS RIHOMBOÏDAL. 


En examinant avec un grossissement supérieur à 500 diamètres 
un point quelconque du tissu du prétendu sinus rhomboïdal, sur 
une coupe semblable à celle figurée pl. F, fig. 2 et 2, on trouve 
que ce tissu, à part quelques légères modifications locales que 
nous étudierons plus loin, est partout semblable à lui-même. 

Il est formé de grosses cellules, polyédriques, dont les côtés 
offrent une coupe presque rectiligne : leur cavité est transpa- 
rente; elles renferment toujours un noyau autour duquel on 
trouve un peu de substance granuleuse (pl. EF, fig. 4). Le dia- 
mètre de ces cellules est de 30 à 60 millièmes de millimètre ; 
l'épaisseur de la paroi est en moyenne inférieure à 1 millième 
de millimètre; leur noyau a A millièmes de millimètre. Ce noyau 
n’est pas situé au centre de la cellule; il est toujours proche de 
l’un des points de la paroi, mais toujours distinct de celle-ci, car 
il n’est pas en contact immédiat avec elle. 

Ainsi, l'aspect réticulé du tissu à un faible grossissement n’est 
qu’une apparence; il est dù à l’intersection des parois de cel- 
lules superposées dans une coupe qui comprend plusieurs rangs 
de cellules (pl. L, fig. 3 et 6); les noyaux sont situés dans ces 
cellules, et nullement dans des nœuds ou points d’intersection 
des fibres d’un tissu réticulé. 

Ce premier point établi, il nous faut déterminer la nature du 
contenu de ces cellules, leurs rapports de connexion avec les: 


ue 


20 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


autres parties de la moelle, st enfin examiner ultérieurement 
leur origine embrvyologique. 

Nous avons appliqué à l’élude de ces éléments anatomiques la 
plupart des procédés de dissociation aujourd’hui classiques en 
histologie. En opérant soit sur des pièces fraiches, soit sur des 
pièces conservées dans la liqueur de Muller, soit enfin en examinant 
de fines coupes de moelles durcies par l'acide chromique, il est 
facile de se convaincre que la nature de ces cellules n’a aucun 
rapport avec celle des vésicuies adipeuses; elles ne contiennent 
qu’un liquide légèrement albumineux, ainsi que le montre l’action 
de la chaleur ; en dissociant ce tissu plongé quelques instants dans 
de l’eau en ébullition, on conslate dans la cavité des cellules de 
fines granulations d’albumine coagulée; sur de fines coupes de 
üssu durci dans l'acide chromique, ces cellules paraissent vides 
ou pleines d’un liquide transparent ; elles n’offrent alors à signa- 
ler que la présence du noyau et de la petite masse granuleuse qui 
le rattache à la paroi de la cellule (pl. [, fig. 4, 6, c). La coupe 
de ce tissu ressemble alors tout à fait à une coupe de la corde 
dorsale, ou bien encore, à part les dimensions, à une coupe de 
moelle de sureau. 

Ces cellules sont polyédriques par pression réciproque ; elles 
reprennent en effet la forme de vésicules sphériques par l'effet 
de la dissociation; elles préseutent, du reste, normalement et 2x 
situ, cet aspect sphérique dans certaines régions que nous étu- 
dierons bientôt. | 

L'usage de l'acide osmique ne donne aucune réaction particu- 
hére ou ulile à noter pour l’étude de ces éléments (voy. ci-dessus 
page 7). | 

Quels sont les rapports de connexion de ces éléments avee les 
parties voisines, c’est-à-dire d’une part avec les substances grise 
et blanche de la moelle, d'autre part avec la pie-mère, et enfin 
avec l’épithélium du canal central ? 

Les connexions avec la substance blanche sont faciles à consta- 
ter au niveau de la commissure blanche antérieure (fibres dé- 
cussées) ; le tissu vésiculeux en question existe au niveau de la 
commissure blanche : il forme là comme une gangue, dans la- 


_— 


SUR LE SINUS RHOMBOIDAL DES OISEAUX. SA 


quelle se glissent les fibres nerveuses (pl. I, fig. 3); mais comme 
ici ce tissu n’est plas isolé et réduit à lui-même, il est plus diffi- 
cile à bien distinguer, et il serait facilement pris pour un tissu 
réticulé, avec nœuds, ou intersections de fibres et noyaux au 
niveau de ces nœuds, si l'examen des extrêmes limites posté- 
rieures de la eommissure (pl. [, fig. 3) ne permettait de consta- 
ter l’identité de ce tissu à aspect réticulé avec le tissu de grosses 
cellules vésiculeuses qui occupent une si vaste étendue dans tout 
l'espace dit cavité du sinus rhomboïdal. 

Il en est de même vers les points de contact entre ce tissu et 
la substance grise centrale (en arrière de épanouissement de la 
commissure blanche). Du reste, l'étude du développement de 
ces parties nous fournira sur ce sujet les plus amples rensei- 
gnements. | 

Au niveau du canal central et des éléments anatomiques qui le 
circonscrivent, ce n’est pas une connexion, mais une véritable 
continuité, une transformation graduelle de tissu que l’on cun- 
state. En examinant, en effet (pl. [, fig. 3, en a), les cellules qui 
forment l’épithélium du canal, on voit qu’en dehors de ces 
cellules cylindriques se trouvent quelques cellules polyé- 
driques ou sphériques remplies d’un protoplasma granuleux 
avec un noyau trés-dishinct. Le diamètre de ces cellules est envi- 
ron de 10 millièmes de millimètre. Plus en dehors encore, on 
trouve des cellules dont le diamètre monte successivement de 10 
à 20 et 30 millièmes de millimètre, en même temps que leur 
contenu devient transparent et ne présente plus, comme masses 
granuleuses, que les petits tractus rattachant le noyau à la paroi 
cellulaire. En un mot, on peut suivre toutes les transitions des 
cellules épithéliales et sous-épithéliales, aux cellules grosses et 
vésiculeuses qui forment toute la masse remplissant le prétendu 
sinus rhomboïdal. 

Du côté de la pie-mère, c’est-à-dire vers les limites posté- 
rieures de la préparation (en g, pl. I, fig. 1), on voit qu’il n’y a, 
entre la pie-mère et le tissu vésiculaire, que de simples rapports 
de contiguité : la pie-mère forme une enveloppe d’ordinarre con- 
tinue, à la face interne de laquelle viennent s'appliquer des cel- 


22 MATHIAS DUVAL. —— RECHERCHES 


lules vésiculeuses ; à ce niveau, ces cellules sont souvent tassées 
et aplaties d'avant en arrière, de telle sorte qu’elles forment un 
tissu plus compacte et en apparence de nature différente; c’est ce 
qui a fait croire à Stieda (voy. ci-dessus, p. 18) que dans le 
sinus rhomboïdal se trouvaient deux substances différentes, dont 
l’une, située en arrière de la commissure blanche, serait une 
dépendance de la névroglie périépendymaire, et l’autre, située 
en arrière de la précédente, serait une dépendance de la pie- 
mère, Cette manière de voir ne saurait se soutenir si l’on exa- 
mine de bonnes préparations. 

Nous avons dit que la pie-mère, au niveau du sinus rhomboï- 
dal, en arrière du tissu à cellules vésiculeuses, formait d'ordi- 
naire une membrane continue. Mais elle est souvent interrompue 
et comme largement perforée (pl. I, fig. 2). Nous ne croyons pas 
que cette disposition, que nous avons constatée sur des coupes 
de renflement lombo-sacré de moineau (fig. 2), ou de poule, 
ou de pigeon, puisse être attribuée à une rupture qui se serait 
produite pendant que la pièce macérait dans les réactifs durcis- 
sants ; nous pensons, au contraire, que cest une disposition qui 
existe parfois sur l’animal vivant : en effet, si, le plus souvent, 
lorsque l’on met à nu, sur un oiseau fraichement tué, le sinus 
rhomboïdal, en l'abordant par sa partie postérieure (supérieure), 
le contenu de ce sinus se présente comme une goutte de liquide 
clair ou de gelée tremblotante emprisonnée sous une fine mem- 
brane, 1l arrive aussi très-souvent que ce tissu s’étale et se dé- 
verse sur les côtés de la pièce, dès qu’on a enlevé, avec les plus 
minulieuses précautions, la partie postérieure (supérieure) de 
l'enveloppe osseuse de la moelle, c’est-à-dire que, sur le vivant, 
le tissu vésiculeux peut se trouver extravasé hors de la pie-mèêre, 
ainsi que le montre en coupe la figure 2, planche I. Nous décri- 
rons donc comme normales, ou pour mieux dire comme nor- 
malement préexistantes, les modifications importantes que pré- 
sente alors le tissu vésiculeux, et dans ses dispositions générales 

et dans la forme de ses éléments. 1 
= Dans les cas où la pie-mère est largement perforée (pl. I, 
fiy. 2), le tissu vésiculeux déborde entre elle et les autres enve- 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 23 


loppes, tapissant le canal du rachis; mais la disposition la plus 
remarquable, dans ce cas, est celle que l’on observe sur les par- 
ties latérales (en o, pl. 1, fig. 2), où le tissu vésiculeux se répand 
comme une sorte d’écume. Gette expression rend assez bien l’as- 
pect que peut présenter, à un faible grossissement, la disposition 
de ce tissu, débordant alors en dehors de la pie-mère jusqu’à 
aller au contact des racines postérieures (tapissées de leur gaîne 
de pie-mère). | 

Si l’on examine avec un grossissement plus considérable les 
cellules qui composent ces parties du tissu vésiculeux (en 6, 
fig. 2, pl. L; voy. pl. [, fig. 5. Gross. de 220 à 250), on voit que 
ces cellules, libres ici de toute compression, ont repris la forme 
sphérique, abandonnant la forme polyédrique, qui, nous l'avons 
dit, dans les autres régions, n’est due qu'à un état de pression 
réciproque (d’où l'aspect réticulé du tissu). Ces cellules sont 
alors vésiculeuses au dernier point, c’est-à-dire qu’elles sont 
pour la plupart réduites à une simple enveloppe, plus ou moins 
plissée (pl. L, fig. 5), et que le noyau même a disparu dans plu- 
sieurs d’entre elles (en b). 

Les lambeaux de la pie-mère déhiscente se trouvent placés, 
comme le montre la figure 2, planche I, au milieu du tissu vési- 
culeux : c’est cette disposition, observée sans doute par Stieda, 
qui aura été une des raisons pour lesquelles cet observateur a 
divisé le tissu du sinus rhomboïdal en deux parties distinctes, 
comme nature et comme provenance, ainsi que nous l'avons dit 
précédemment. Mais une disposition de ce genre, sur des ani- 
maux à tissu réticulé perforant et débordant la pie-mére, se pré- 
sente avec des caractères remarquables, surtout lorsqu'on 
examine des coupes portant sur les limites du sinus rhomboïdal, 
c’est-à-dire sur les points où le renflement lombo-sacré se conti- 
nue avec la moelle dorsale, ou sur ceux où il se continue avec Île 
filum terminal. Le tissu réticulé ayant débordé la pie-mêre aussi 
bien selon l’axe longitudinal de la moelle que selon la direction 
transversale, on trouve ici (pl. IL, fig. 1) le tissu réticulé comme 
séparé en deux couches (a! et 0’) par la pie-mère (g); mais des 
coupes longitudinalés permettent facilement de constater que le 


2 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


tissu figuré en Ÿ' se continue avec le tissu figuré en & (dont il n’est 
qu’une exubérance), absolument comme Île tissu (pl. I, fig. 2) 
figuré en o se continue avec celui indiqué en 0. Nous devions 
cependant insister sur ces dispositions, car elles sont très-propres 
à expliquer l’opinion émise par Stüeda, ainsi qu'il est facile de 
s'en convaincre en comparant avec ses figures nos figures 1 de 
la planche IT et 2 de la planche I. 

Avant d'aborder l'étude du développement du renflement 
lombo-sacré et de £a substance vésiculeuse chez les oiseaux, 
nous devons encore indiquer comment se comporte cette sub- 
stance dans les points de jonction entre le renflement lombaire et 
les parties sus et soùs-jacentes de l'axe médullaire (moelle dorse- 
lombaire et moelle sacrée, filum terminale). Nous serons brefs 
dans cette étude, qui recevra son complément nécessaire et sa 
signification par celle même du processus de développement. 

La figure 2 (pl. Il) réprésente une coupe de la partie supé- 
rieure du prétendu sinus‘rhomboïdal : les cordons postérieurs 
se rapprochent et tendent à venir au contact l’un de l’autre; 
entre eux se trouve encore une certaine quantité de tissu vési- 
culeux (en a), qui n'’occupe que la moitié antérieure de cet 
espace ; la pie-mèêre passe des cordons postérieurs (/f) sur ce pro- 
longement de tissu vésiculeux; plus en avant (en b), ce tissu vésicu- 
leux remplit encore un assez vaste espace, entre les deux moitiés 
de substance grise médullaire d’une part et la commissure anté- 
rieure d'autre part (c); le canal central est presque en contact 
direct avec celle commissure. 

La figure 8 (pl. Il) représente une coupe pratiquée à un ni- 
veau encore plus supérieur (plus antérieur) : les cordons posté- 
rieurs (/, /) sont arrivés au contact l’un de l’autre, et la pie- 
mère seule les sépare; en avant d’eux, on trouve encore la sub- 
stance vésiculeuse dont la coupe est réduite cette fois à une faible 
surface, limitée, en avant comme sur les côtés, par la substance 
grise de la moelle. La coupe du canal central (+) se trouve placée 
dans une mince couche de substance grise, immédiatement en 
arrière de la commissure blanche ou antérieure (c). 

En examinant avec un fort grossissement des coupes du genre 


SUR LE SINUS RHOMPOÏDAL DES OISEAUX. 25 


de celles que nous venons de décrire (fig. 2 et 3, pl. Il), on ob- 
serve, au point de vue des rapports de contiguité ou plutôt de 
continuité, entre la substance grise médullaire et la substance 
vésiculeuse, les mêmes dispositions que nous avons décrites plus 
haut relativement aux cellules vésiculeuses et au cellules épithé- 
liales du canal central (voy. explic. de la fig. 3, pl. D). C’est-à- 
dire que les cellules vésiculeuses (en à, fig. 2 et 5, pl. Il) sont 
une transformation des cellules plus petites et à protoplasma plus 
abondant qui composent les parties voisines de la substance 
grise (en d, d, fig. 2 et 3, pl. Il). Si l'on suppose, par exemple, 
les cellules de la couche grise placée, dans la figure 3, immédia- 
tement en arrière de la commissure, et renfermant le canal cen- 
tral, si, disons-nous, on suppose ces cellules subissant la trans- 
formation vésiculeuse, on aura alors l'aspect présenté par la 
figure 2, où le canal central est entouré de tous côtés par du 
tissu vésiculeux (4, b). 

L’aspect représenté figure 2 et surtout figure 3 (pl, ID) subsiste, 
mais sous des formes très-restreintes, dans toute la longueur de 
la moelle de l'oiseau : la substance (4, b) se trouve toujours au- 
tour du canal central en plus ou moins grande abondance, formée 
de cellules vésiculeuses, et plus ou moins mélangée à des cellu- 
les n'ayant pas subi la transformation vésiculeuse. Dans cette 
formation complexe, les cellules vésiculeuses, avec leurs con- 
tours polyédriques et leurs noyaux, affectent on ne peut plus 
nettement l'aspect d’un tissu réticulé ; mais l’étude de ce tissu, 
au niveau de la partie la plus large du renflement lombo-sacré, 
où il est réduit à sa forme la plus simple, nous autorise à ne 
voir en lui qu’un agrégat de cellules vésiculeuses à noyaux ; c’est 
dans ce sens que nous avons, en communiquant à la Société de 
biologie les premiers résultats de nos recherches à ce sujet, 
formulé notre opinion sur le tissu réticulé dit névroglie péri- 
épendymaire ; mais nous ne voulions parler et nous ne par- 
lons encore que de la névroglie péri-épendymaire des oiseaux : 
« Le sinus rhomboïdal, disions-nous dès lors (1), est une ca- 


(1) Société de biologie, 29 juillet 1876 (Compte rendu, p. 286). 


26 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


vité factice, créée, lors de l'isolement de la moelle, par l’arra- 
chement d’une substance qui remplit complétement l’espace 
situé entre les cordons postérieurs de la moelle. Le canal central 
ne s’ouvre pas à ce niveau ; il continue son trajet sous forme de 
canal fermé, etil est creusé dans la substance gélatineuse qui 
remplit le prétendu sinus rhomboïdal. Gette substance gélati- 
neuse, entourant le canal central, se présente alors comme une 
masse particulière, provenant en ce point (sinus rhomboïdal) 
d'un développement considérable de la névroglie péri-épendy- 
maire, qui, partout ailleurs, ne forme qu’une couche relative- 
ment très-mince autour du canal central. Aussi peut-on, au 
niveau du sinus rhomboïdal des oiseaux, étudier très-facilemént 
la nature de la névroglie péri-épendymaire et se convaincre que, 
si elle a Paspect d'un #ssu réticulé, telle n’est point sa vraie 
nalure : la névroglie péri-épendymaire est ici formée de grosses 
cellules vésiculeuses pressées les unes contre les autres, consti- 
tuant un tissu qui ressemble à celui de la corde dorsale. » L’é- 
tude du développement du renflement sacré confirmera ces 
premières conclusions. 


V. — DÉVELOPPEMENT DU SINUS RHOMBOÏDAL ET DE SA 
SUBSTANCE VÉSICULEUSE. 


L'idée dominante, dans les ouvrages classiques au sujet du 
développement de la région bulbaire chez tous les vertébrés, et 
du renflement lombo-sacré chez les oiseaux, est que la disposition 
de ces parties serait due à ce qu’à leur niveau la gouttière nerveuse 
primitive ne se fermerait pas en canal, mais subsisterait sous la 
forme de demi-cylindre largement ouvert. Nous nous proposons 
de montrer que cette conception est erronée aussi bien pour le 
quatrième ventricule que pour le prétendu sinus rhomboïdal, 
et que, de plus, s’il y a occlusion de la gouttière primitive, dans 
l’une comme dans l’autre région, cette ocelusion se fait, dans la 
région lombo-sacrée des oiseaux, par un processus et par des 
modifications histologiques d’un caractère tout particulier. 

Nous commencerons, comme point de comparaison, par l'étude 


SUR LE SINUS RHOMBOIÏDAL DES OISEAUX. 927 


du développement de la région bulbaire, c’est-à-dire du quatrié- 
me ventricule ou ventricule bulbaire (cérébelleux). 

Dans les deux premiers jours de l’incubation, les futures ré- 
gions bulbaire et sacrée dé la moelle de l'embryon de poulet ne 
présentent pas des différences qui puissent faire prévoir combien 
elles seront dissemblables ultérieurement. Sur des coupes em- 
pruntées à un embryon à la fin du deuxième jour, on voit que 
la gouttière nerveuse n’est pas encore fermée au niveau de sa 
partie postérieure ou future région lombo-sacrée (pl. IL, fig. 4), 
tandis qu’à la partie antérieure l’occlusion est déjà complète 
(à peu près comme dans la fig. 5, pl. Il) (1); mais bientôt, c’est- 
à-dire dès lé troisième jour de l'incubation, la gouttière est 
complétement transformée en canal dans toute son étendue et 
se présente, notamment dans la région lombaire, sous l’aspect 
représenté en coupe, planche IL, figure 5 ; la cavité présente une 
coupe allongée de la région dorsale vers la partie ventrale (vers 
la corde dorsale ; e, fig. 5). Nous verrons bientôt que cette forme 
de fente s’accusera de plus en plus dans cette région avec les 
progrès du développement. 

_ À. Développement du ventricule bulbaire. — 1 en est tout 

autrement au niveau de la région bulbaire : après occlusion de 
la gouttière, le canal ainsi formé prend aussitôt une forme 
cylindrique, ainsi que le représente la figure 4, planche III. Les 
parois du canal médullaire sont formées par de nombreuses cou- 
ches de cellules, et ce tissu est encore en connexion (en d) 
avec le feuillet externe ou corné (c), dont il provient. A mesure 
que s'effectue la séparation entre le tube médullaire et le feuillet 
corné, c’est-à-dire à mesure que le feuillet moyen (#, m, fig. 1 
et 2) s'insinue entre ces parties désormais distinctes, on voit que 
la cavité du canal médullaire présente, sur les coupes, des formes 
qui s’éloignent de plus en plus de la forme représentée figure 1, 


(1) C’est cet aspect qui a fait croire que la fermeture était très-lardive chez les 
mammifères et ne se faisait jamais chez les oiseaux. «Chez les embryons humains, 
dit Milne-Edwards (loco cil.), l’écartement des bords de cette gouttière persiste plus 
dans la région lombaire que dans la région dorsale, et il en résulte une fosse tem- 
poraire analogue au sinus rhomboïdal des oiseaux.» — Voy. aussi Forster et Balfour, 
The elements of the embryologie, London, 1874, p. 61 et fig. 15. 


28 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


pour prendre celle indiquée dans la figure 2; c’est-à-dire que 
la cavité circulaire centrale, se rétrécissant graduellement dans 
ses parties les plus rapprochées de la région de la corde dorsale 
(ch), et s’étalant au contraire dans la partie qui confine au dos 
de l'embryon, arrive à présenter sur une coupe la forme très- 
nette de la lettre T («, a, fig. 2, pl. IT). En même temps, les 
éléments cellulaires qui forment les parois du tube présentent 
un développement bien différent dans les parties qui correspon- 
dent, soit à la branche transversale, soit à la branche verticale 
de ce T ; la partie supérieure de la branche horizontale du T (en 
b', fig. 2) n'est plus formée que d’une ou, au plus, deux couches 
de cellules, tandis que les parties qui limitent de chaque côté la 
branche verticale sont constituées par des couches de plus en 
plus nombreuses d'éléments cellulaires (gros noyaux, avec une 
mince couche de protoplasma : en b, b, fig. 2, pl. IN). En même 
temps, au dehors de ces couches de cellules, qui donneront nais- 
sance à la substance grise du bulbe, on voit déjà apparaître les 


premiers rudiments de la substance blanche (en /), c’est-à-dire 
des cordons latéraux (1). 


\ / 


La manière dont cette partie de l'axe nerveux, présentant chez 
l'embryon de poulet âgé de plus de six jours une coupe en forme 
de T, se transforme au point de réaliser l’aspect bien connu 
d'une coupe du quatrième ventricule, est on ne peut plus sim- 
ple : les parties de substance grise qui limitent ce que nous 
avons appelé Ja branche verticale du T se rapprochent l’une de 
l’autre et finissent par se souder; il ne reste plus comme lumière 
(comme coupe du canal central) que la branche horizontale du T, 
laquelle se dilate et présente la forme d’une cavité triangulaire, 
limitée en bas et en avant par d’épaisses couches de substance 
grise, recouverte en haut et en arrière par une simple lamelle 
d'éléments cellulaires, aux dépens des parties antérieures de 
laquelle commence dès lors à se développer le cervelet. Ge pro- 
cessus, que l'on suit très-bien sur le poulet, se montre de même 


(1) Cet état du ventricule bulbaire en voie de développement a été bien figuré 


pas Bættcher (Entioickelung und Bau des Gehürlabyrinths), et par Forster et 
Balfour (op. cilal., fig. 17, 26 et 34). 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 29 


chez les embryons de poissons ou de batraciens ; afin de donner 
une figure dont les dimensions fussent en rapport avec celles 
des précédentes, et pour éviter de reproduire les schéma donnés 
par Bœttcher et par Forster-Balfour d’après le développement du 
poulet, nous avons préféré représenter ce stade du développe- 
ment d’après une coupe faite sur un trés-Jeune embryon de gre- 
nouille: en comparant celte figure (fig. 3, pl. ID à la figure 2, 
on saisit, mieux que ne saurait le préciser aucune description, 
la manière dont se fait la transformation que nous avons essayé 
d’esquisser rapidement dans les lignes précédentes. 

Ainsi, le quatrième ventricule, ventricule cérébelleux ou bul- 
baire, ne résulte nullement de la persistance de la gouttière mé- 
dullaire : à ce niveau, la gouttière médullaire s’est parfaitement 
occluse en canal d’abord cylindrique, puis à coupe étoilée, puis 
enfin à coupe triangulaire, par l’oblitération de l’une des bran- 
ches de celte étoile: ainsi s'explique la présence de la grande 
masse de substance grise (pl. IL, fig. 3, en 4, b) placée en avant 
et au-dessous de cette cavilé triangulaire, substance grise qui 
forme chez l'adulte le plancher du quatrième ventricule, c’est-à- 
dire les noyaux d’origine des nerfs bulbaires et protubérantiels. 

Mais, en somme, et c’est là le fait important, la cavité du qua- 
trième ventricule est une véritable cavité, dont la présence n’a 
rien d’arlificiel, et qui représente le canal central du tube médul- 
laire. — Nous allons voir qu'il en est tout autrement pour le 
prétendu sinus rhomboïdal du renflement lombo-sacré. 

B. Développement du sinus rhomboïdal. — Si de la figure 5 
(pl. ID), qui représente le canal médullaire dans la région posté- 
rieure du corps d’un embryon de poulet âgé de trois jours, nous 
passons à l'étude de la figure 4 (pl. I) (embryon du 4° au 
5° jour de l'incubalion), nous voyons que la lumière du canal 
central a pris, sur la coupe perpendiculaire à l'axe du corps, 
une forme de plus en plus allongée (a, a); en même temps, les 
éléments cellulaires qui constituent les parois de ce canal forment 
des couches plus nombreuses, surtout sur les parties latérales 
(en b, b), aux extrémités desquelles on voit déjà se différencier 
(en A et P) des masses plus sombres, plus colorables par le car- 


30 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


min, et qui ne sont autre chose que les régions où vont se déve- 
lopper les cornes antérieures (A) et les cornes postérieures (P). 

À une époque plus avancée du développement (pl. HIT, fig. 5, 
coupe de la région lombo-sacrée d’un embryon de plus de 5 jours), 
le canal central a pris une forme de croix latine à branche trans- 
versale très-courte ; cette configuration est due sans doute au 
développement des régions qui donneront naissance aux cornes 
antérieures et postérieures. On remarque en effet que les masses 
cellulaires qui limitent le canal central, et en dehors desquelles 
la substance blanche est déjà très-nettement apparue, se diffé- 
rencient dès lors en régions distinctes : 1° en avant, la masse 
qui formera les amas de grosses cellules motrices (correspondant 
à l’origine des racines antérieures : comparez, pl. I, fig. 1 et 2) 
est distincte des couches cellulaires (A”), aux dépens desquelles 
se développera la substance grisé contiguë au canal central ; 
2° en arrière, une différenciation semblable tend à se produire 
(en B), mais elle n’est encore que faiblement indiquée. 

Mais si l’on examine une coupe semblable empruntée à la ré- 
gion lombo-sacrée d’un embryon plus âgé de quelques jours 
(fig. 1, pl. IV, embryon de poulet vers le 10° jour de l’incu- 
bation), on voit s'établir avec la plus grande netteté ces zones 
distinctes. Les régions postérieures des masses cellulaires ont 
dés lors dépassé en développement les parties antérieures ; aussi 
le canal central (4, a) offre-t-il une coupe en forme de raquette : 
les cornes antérieures (A) sont très-développées et bien distinc- 
tes de la substance grise (A') voisine du canal central. En arrière, 
la même distinction est encore plus accentuée : les cornes posté- 
rieures (B), avec la substance blanche des racines (R) et 
des cordons postérieurs, se sont portées en dehors, en diver- 
geant et laissant entre elles une masse cellulaire, analogue à 
celle qui entoure en avant le canal central, mais composée de 
cellules présentant déjà un aspect général particulier et un mode 
spécial d'évolution. | 

Il est facile de le comprendre en considérant la figure 1, plan- 
che IV, ce sont ces masses cellulaires placées entre les cornes 
postérieures et le prolongement en raquette du canal central, 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 31 


qui vont former les éléments du tissu vésiculeux du sinus rhom- 
boïdal, et constituer par leur ensemble la masse qui remplit le 
prétendu ventricule lombaire des oiseaux. 

La figure 2, planche IV, nous montre les dernières transforma- 
tions nécessaires pour nous ramener, des dispositions embryon- 
naires figurées précédemment, jusqu'aux dispositions que pré- 
sente l'oiseau adulte, telles que nous les avons étudiées d’après 
les figures 4 et 2 de la planche [. Les masses cellulaires situées 
entre les deux cornes postérieures augmentent de volume moins 
par la prolifération que par la transformation vésiculeuse de 
leurs éléments: elles arrivent ainsi au contact l'une de l’autre 
et finissent par se souder. La ligne de soudure est bien visible sur 
les embryons de dix-huit à vingt jours, c’est-à-dire à la veille de 
l’éclosion : dès lors la lumière du canal central est réduite à la 
partie antérieure de ce qu’elle représentait dans la figure 1 
(pl. IV); pour continuer la comparaison employée précédem- 
ment, nous pouvons dire que le manche de la raquette disparaît 
par coalescence des parties qui le limitaient. Le canal central 
est dès lors tel que chez l'animal adulte, mais cependant un peu 
plus large (1). 

Les cellules qui confinent immédiatement à la ligne de sou- 
dure (fig. 2, pl. IV) sont en général d’un volume moindre que 
celles situées plus en dehors (en B° B’, fig. 2); leur contenu pro- 
toplasmique est encore très-apparent, et il se colore par le car- 
min, comme pour les cellules qui, plus en avant, confinent im- 
médiatement au canal central. Les éléments cellulaires remplis- 
sant tout l’espace qui s'étend transversalement depuis la ligne 


(1) C’est à peu près à cet état de développement, mais sans avoir suivi, dans cette 
région, toutes les phases antérieures, que Lockart-Clarke a examiné le renflement 
sacré des oiseaux : « Une section de la moelle d’un embryon de poulet au niveau 
du renflement sacré montre, dit-il, que la partie interne des cordons postérieurs 
se trouve remplacée par une masse de tissu connectif ayant la forme d’une 
cloche. Ce tissu connectif est constitué par un réseau lâche de fibres reliées avec les 
noyaux, et se continuant directement avec le tissu connectif de la partie interne du 
cordon blanc postérieur et avéc le réseau de la tête de la corne, » (J. Lockbart : 
Clarke, Researches on the developpement of the spinal cord.— Philosoph. Transacl., 


1852, p. 726, et Journ. de l'anat. et de la physiol. de Ch. Robin, 1864, 
p. 4+98%)% 


32 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


de soudure jusqu'à la substance grise des cornes postérieures, 
ces éléments sont déjà vésiculeux, à contenu transparent, avec 
noyau, et leur masse présente déjà l’aspect trompeur d’un tissu 
réliculé, à peu près comme chez l'adulte. 

Si ces transformations ne vont pas plus loin, si la moelle reste, 
comme forme générale et développement des éléments voisins du 
canal, dans un élat analogue à celui représenté fig. 2, pl. IV, elle 
arrive, par l’achèvement de ses parlies grises et blanches, à don- 
ner précisément les régions qui correspondent aux extrémités du 
sinus rhomboïdal, telles que nous les avons étudiées précédem- 
ment, d’après les figures 2 et 3 de la planche IT. Mais si la trans- 
formation vésiculeuse se produit même dans les éléments cellu- 
laires qui entourent le canal central définitif, jusque dans ceux 
qui sont au contact de la commissure blanche antérieure (c, 
Hg, 2, pl. IV), il en résulte les dispositions si caractéristiques de 
la partie moyenne, la plus large, du renflement lombo-sacré. 

Cette étude du développement montre donc, conformément aux 
conclusions déjà énoncées, que : 

1° La goultière nerveuse primitive se ferme dans toute son 
étendue dès les premières époques de la vie embryonnaire ; 

2° Le quatrième ventricule aussi bien que le prétendu sinus 
rhomboïdal proviennent de transformations particulières du 
canal central; 

3° Tandis que le quatrième ventricule provient d’une dilata- 
tion partielle et d’une occlusion (soudure) partielle du canal cen- 
tral, le prétendu sinus rhomboïdal se forme par une oblitération 
complète, ne laissant subsister dans le renflement lombo-sacré 
qu'un mince canal identique à celui qui règne dans les parties 
dorsale el cervicale de la moelle (1); 


(1) 11 n’est pas vrai de dire que le canal central dont la coupe présente à un certain 
moment (pl. I, fig. 4) la forme d’une fente antéro-postérieure, se ferme par la 
coalescence seulement des parties moyennes des bords de cette fente, de telle sorte 
que l’espace resté libre en avant de ce point de coalescence forme le canal central, 
tandis que l’espace resté libre en arrière formerait le sillon médian postérieur. 
Cette opinion, que nous combattrons avec plus de développements dans la suite de 
nos études sur les centres nerveux et leur formation, a été soutenue, aprés Lockhart- 
Clarke, par Forster et Balfour (op. cit., p. 187). 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 33 


4° I n'y a donc plus à parler de sinus rhomboïdal, de ventri- 
cule lombaire chez les oiseaux. Il v a à étudier chez ces animaux, 
dans la partie postérieure (supérieure) du renflement lombo- 
sacré, une vaste masse de tissu, en apparence réticulé, mais 
formé en réalité de cellules vésiculeuses. Ce tissu occupe l’espace 
qui sépare les cornes postérieures et les cordons et racines pos- 
térieures. Dans la partie la plus large du renflement lombo- 
sacré, le canal central est creusé au milieu même de ce tissu ; 

5° Le tissu à cellules vésiculeuses interposé aux cordons et 
cornes postérieures du renflement lombo-sacré arrive en arrière 
au contact de la pie-mère; mais, malgré les apparences trom- 
peuses qui peuvent résulter de la déchirure et de la perforation 
de cette membrane, le tissu vésiculeux n’a aucun rapport de 
composition ni d’origine avec cette membrane (1); 

6 Ce tissu provient de la transformation des éléments cellu- 
laires qui forment chez l'embryon les parois du tube médullaire : 
tandis que ces éléments se transforment en certains points en 
cellules nerveuses, en d’autres points en cellules épithéliales du 
canal central, ils se transforment ici en un tissu particulier, 
caractérisé, outre la forme vésiculeuse de ses éléments, par sa 
transparence générale et par sa grande délicatesse ; il est facile- 
ment déchiré et enlevé en entier, de manière à laisser un vaste 
espace libre considéré comme un ventricule lombaire ; 

7° Dans ce tissu, on rencontre quelques vaisseaux et quelques 
fibres nerveuses (fig. 4, pl. 1). 

Les résultats auxquels nous sommes arrivés, quoique partant 
de cette idée préconçue que Le sinus rhomboïdal devait être ana- 
logue au ventricule bulbaire, suffisent pour nous démontrer qu’il 
n’y a aucune espèce de relation à établir entre ces deux ordres 

(1) Il est impossible, avec de bonnes préparations, de confondre le tissu du sinus 
rhomboïdal des oiseaux, avec la substance réticulée qui remplit parfois le canal 
central de la moelle des poissons, et que Reissner a décrite comme une substance 
fibrillaire (voy. Stieda, op, cit., p. 8). Le canal central de la moelle des poissons ren- 
ferme un liquide coagulable qui, sur les pièces durcies, peut simuler, mais d’une 
manière très-grossière, l'aspect d’un tissu. Nous possédons des coupes du bulbe 


(ventricule cérébelleux) de la raie où il est très-facile de se rendre compte de la 


nature exacte des prétendues Reissner’sche Centralfaien, comme disent quelques 
auteurs allemands. 


JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (1877). 3 


34 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


de formations. Reprenant, à un point de vue plus spécial, l'étude 
du renflement lombo-sacré des oiseaux, dans un prochain travail 
nous étudierons la disposition exacte des vaisseaux et des fibres 
nerveuses que nous avons indiquées, ainsi que le développement 
de ces derniers éléments. Nous analyserons également d’une ma- 
nière plus intime le processus de transformation vésiculeuse des 
cellules de ce tissu, en comparant l’évolution de ces éléments à 
celle des cellules, primitivement semblables, qui se transforment 
soiten cellules épithéliales, soit en cellulesnerveuses, etnousserons 
ainsi amenés à nous rendre compte de la nature de la névroghe 
périépendymaire chez les oiseaux, d’unè part, et, d’autre part, 
chez les autres classes de vertébrés (1); nous présenterons éga- 
lement les résultats fournis par quelques expériences d’inflam- 
mation artificielle de ce issu, et les données physiologiques 
résultant de sections nerveuses portant sur les cordons et sur la 
substance grise, si nettement séparées en masses latérales dis- 
tinctes au niveau du renflement lombo-sacré des oiseaux. Nous 
aurons enfin à rechercher si le tissu vésiculeux se trouve déve- 
loppé en masses plus ou moins considérables, selon qu’il est 
étudié sur un oiseau dont la locomotion est due plus spéciale- 
ment aux membres antérieurs ou aux membres postérieurs. 


EXPLICATION DES PLANCHES 
PLANCHE 1, 


Fié 1. — Coupe pratiquée dans la partie la plus large du renflement 
sacré d'un pigeon (Gross. 18). 
a. Sillon médian antérieur, 
b. Racines antérieures. 
e. Racines postérieures. 
d, Cordons latéraux. 


(1) Nous aurons, en effet, à nous expliquer sur la signification réelle de la disposition 
dela moelle des reptiles, disposition signalée brièvement par À. Serres : «Chez les 
» reptiles, la profondeur des deux sillons (antérieur et postérieur) est égale en avant et 
» en arrière : les lames postérieures de la moelle épinière sont écartées en haut de l4 
» région cervicale, comme elles le sont en bas chez les oiseaux. (A. Serres, Anat. 
comp. du cerveau des quaire classes de vertébrés. Paris, 1826, t. I, p. 458.) 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 39 


f. Cordons postérieurs. 

il. Canal central de la moelle au milieu de la substance vésiculeuse 
de la prétendue cavité rhomboïdale. 

g. Pie-mère formant une enveloppe partout continue. 


Fic. 2. — Coupe pratiquée dans la partie la plus large du renflement 
sacré d’un moineau (Gross. 20). 


a. Sillon médian antérieur. 

b. Racines antérieures. 

e. Racines postérieures. 

d. Cordons latéraux. 

f. Cordons postérieurs. 

0,0. Substance vésiculeuse (d'aspect réticulé) débordant latérale- 

ment la pie-mère perforée. 
o!'. Même substance en dedans de la pie-mère. 
Fic. 3. — Le canal central et Le tissu qui remplit le sinus rhomboïdal, 

dans la partie la plus large du renflement sacré d’un pigeon 
(Gross. 230). 


a. Canal central. 
b. Cellules vésiculeuses dont deux couches sont visibles avec leurs 
noyaux et leur aspect de tissu réticulé. 
c. Décussation des fibres blanches qui forment la commissure 
antérieure. 
Fic. 4, — Cellules du tissu du sinus rhomboïdal, Moineau (Gross. 500). 
a. Cavité d’une grosse cellule vésiculeuse à contours polyédriques. 
b. Noyau d’une cellule semblable. 
c. Léger tractus de substance granuleuse (protoplasma) rattachant 
ce noyau à la paroi cellulaire. 
Fic, 5. — Cellules du tissu du sinus rhomboïdal du moineau, prises au 
point o de la figure 2 (Gross. 220). 
a. Cellule avec noyau. 
b. Cellule ne présentant plus de noyau. 


PLANCHE Il, 


Fie. I, — Coupe de la moelle d’un moineau au niveau de la limite supc- 
rieure du renflement lombaire (Gross, 20). | 


a: Sillon médian antérieur, 
b. Racines antérieures. 
6. Racines postérieures, 
f. Cordons postérieurs. 
a. Substance vésiculeuse dans le sillon médian postérieur. 
g. Pie-mère à la région postérieure de la moelle. 
_b. Substance vésiculeuse qui a débordé et s’est répandue en dehors 
de la pie-mère (par une ouverture située à un niveau inférieur). 


36 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


Fic. 2. — Pigeon : coupe au niveau de la partie supérieure du renflement 
lombo-sacré. | 
a. Substance vésiculeuse entre les cordons postérieurs (f). 
b. Substance vésiculeuse centrale. 
i. Canal central. 
e. Commissure antérieure. 
d. Substance grise limitant latéralement la substance vésiculeuse 
(Gross. 50). 
Fic. 3.— Poulet. Coupe située à un niveau supérieur (plus antérieur que 
la précédente). (Gross. 50.) 
c. Commissure antérieure. 
b. Substance vésiculeuse centrale. 
d. Substance grise qui confine aux parties latérales de la substance 
vésiculeuse. 
f,f. Cordons postérieurs. 
it. Canal central, 
Fic. 4.— Coupe d’un embryon de poulet vers la fin du 2° jour (région 
moyenne du corps) (Gross. 45 à 50). 
a. Gouttière nerveuse. 
1. Feuillet externe ou\cutané (et nerveux). 
2,2. Feuillet moyen. 
3. Feuillet interne (ou muqueux). 
5. Grosses granulations du jaune de l’œuf. 
c. Corde dorsale. 
v. Membrane vitelline. 
Fic. 5, — Coupe d’un embryon de poulet âgé de trois jours, tiers pos- 
térieur du corps (future région sacrée) (Gross. 80). 
a. Canal médullaire (gouttière nerveuse fermée). 
b. Protovertèbre. 
1. Feuillet externe. 
2,2. Feuillet moyen (séparé en deux couches, entre lesquelles est 
la cavité pleuro-péritonéale, x). 
3. Feuillet interne. 
k. Vitellus blanc. 
5. Vitellus jaune avec grosses granulations. 
e. Corde dorsale, 


PLANCHE III, 


Fic. 1.— Coupe d'un poulet au commencement du troisième jour : 
région antérieure du corps (Gross. 458). 
a. Gouttière médullaire fermée en canal cylindrique, 
b. Couche de cellules formant les parois de ce canal, et se conti- 


nuant en d, avec la couche cornée (e, e) en feuillet externe. 
m. Protovertèbre. 


SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 37 


ch. Corde dorsale. 

ï. Cavité de l'intestin antérieur avec son épithélium (0/0!}), prove- 
nant du feuillet interne; lautre partie du feuillet interne 
(vésicule ombilicale) est en 0, 0 

m',m,m'. Replis de la lame fibro-intestinale du feuillet moyen. 

k,k. Le cœur. 

Fic. 2, — Coupe d’un poulet vers Le 6° jour (Gross. 158). 

Même région que fig. 1. 

Le canal médullaire a, a a pris, sur la coupe, une forme en T. 

b, b. Substance grise. 

1,1. Substance blanche. 

b',. Substance grise réduite à une mince lamelle au-dessus de la 
cavité du futur 4° ventricule, 

c,c. Feuillet corné. 

m. Feuillet moyen. 

ch. Corde dorsale. 

Fig, 3. — Région du bulbe sur une larve de grenouille. 

a, Partie restée libre et ouverte du tube médullaire primitivement 
en forme de T. 

a’ Branche verticale du T, réduite à une mince fente dont les bords 
vont se souder. 

b, b. Substance grise (du plancher du 4° ventricule). 

1, 1. Substance blanche située uniquement en avant et sur les côtés. 

ch. Corde dorsale. 


. Fic. h. Coupe de la région lombo-sacrée d’un poulet au 5° jour de 
l'incubation (Gross. 150). 

a, a. Cavité du canal médullaire, à coupe allongée de la région 
dorsale vers la région ventrale. 

b,b. Substance cellulaire formant les parois épaissies de ce tube et 
se différenciant déjà en cornes antérieures (A) et cornes posté- 
rieures (P.). 

ch. Corde dorsale, 

Fi. 5. — Même région chez un poulet au 6° jour de l'incubation 
(Gross. 145). 

a, «. Canal central en forme de croix. 

A. Cornes antérieures distinctes de la masse cellulaire (A”) immé- 
diatement contiguë au canal. 

B. Région des cornes postérieures où une différenciation semblable 
commence à être indiquée. 


PLANCHE IV. 


Fic. 1.— Même région que dans les figures 4 et 5 de la planche Ill, chez 
un poulet au 9° jour de l’incubation (Gross. 105). 
a, a. Canal central dont la coupe offre la forme d’une raquette, 


38 


RECHERCHES SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 


A, Cornes antérieures. 

A’. Couches de cellules distinctes de cette corne confinant immé- 
diatement au canal central. 

B. Cornes postérieures. 

B’, Couches de cellules distinctes de cette corne et confinant au 
canal central. 

R. Racines postérieures. 

ch. Corde dorsale. 


FiG. 2. — Même région sur un poulet au 15° jour de l’incubation 


(Gross. 70). | 


sŸ “ 


a. Canal central réduit à un orifice à peu près circulaire. En 
arrière de la coupe de cet orifice, on voit la ligne de soudure 
correspondant à la partie postérieure de la lumière du canal de 
la figure précédente. 

A. Région des cornes antérieures. 

A, A. Racines antérieures. 

1,1, Cordons blancs antérieurs et latéraux. 

B. Cornes postérieures. 

B' Masse cellulaire de plus en plus distincte de ces cornes posté- 
rieures et formant, par soudure des deux parties latérales pri- 
mitivement distinctes, la substance vésiculeuse (dite réticulée) 
qui remplit chez l’oiseau adulte la prétendue cavité du sinus 
rhomboïdal. 


ÉTUDE 


SUR 


LES MUSCLES DU PÉRINÉE 


EN PARTICULIER 


SUR LES MUSCLES DITS DE WILSON ET DE GUTHRIE (1) 


Par M. CADIAT 


PLANCHES V, VI, VII, VIII 


Ce travail a pour objet l’étude des différents muscles qui en- 
veloppent l’urêthre, depuis la vessie jusqu’à la portion pénienne. 

Les descriptions qui ont été données de ces muscles, sphincter 
de la vessie (interne et externe), muscle de Wilson, de Guthrie, 
nous ont toujours paru pleines de confusion: c’est là certainement 
l'impression générale qu’elles produisent. 

ILest difficile qu’il en soit autrement, car les auteurs classiques 
décrivent ces parties chacun à leur manière. Dans des régions 
aussi confuses , pour des muscles aussi petits, on a bien de 
la peine avec les moyens qu'offre la simple dissection à dis- 
tinguer ce qui est muscle lisse de ce qui est muscle strié ou fai- 
sceau fibreux. | | 

C’est pourquoi nous avons cherché à trancher la question par 
des procédés qui ne puissent être entachés d'erreur, — qui nous 
permettent de voir en même temps les rapports des parties et les 
éléments anatomiques. — Ce sont ces procédés que nous avons 
employés déjà avec M. le professeur Robin, pour étudier cer- 
taines muqueuses. 

Ils consistaient ici à prendre sur des cadavres d'enfants nou- 
veau-nés tout le périnée du pubis à l’anus, et à faire des coupes 
microscopiques comprenant toutes ces parties. Sur les enfants, 


(1) Ce travail a été présenté à la Société de biologie en juillet et en novembre 
1876. 


10 CADIAT, — ÉTUDE 


les différents organes sont mieux délimités étant plus écartés les 
uns des autres, vu le peu de développement des organes génitaux. 

Nous avons pu obtenir de cette façon des coupes longitudi- 
nales de l’urèthre, comprenant tout le canal depuis la vessie jus- 
qu’à la portion pénienne, s'étendant en travers jusqu’à l’anus, 
et d’autres perpendiculaires à l’axe de l’urèthre portant sur les 
mêmes points. 

Les coupes transversales ont été faites de telle façon qu'il n’y 
ait aucune interruption depuis la première jusqu’à la dernière. 
En les numérotant toutes exactement nous pouvons suivre avec 
le microscope tous les éléments qui entourent l’urêthre depuis la 
vessie jusqu’au bulbe et au delà. | 

Les résultats les plus importants obtenus par cette méthode, 
nous pouvons les énoncer tout d’abord, pour les discuter plus loin. 

1° Nous n'avons rien rencontré qu'on puisse décrire sous 
le nom de muscle de Wilson, rien non plus qui mérite d'être 
appelé muscle de Guthrie; 2° Tous ces muscles, que nous 
pourrions appeler constricteurs de l’urêthre, sont disposés d’une 
façon très-simple suivant un plan d’ensemble facile à com- 
prendre, bien loin d’être éparpillés pour ainsi dire comme 
autant d'organes séparés, ainsi que sembleraient le faire croire 
les descriptions classiques. 

Nous allons commencer par décrire la disposition générale de 
ces muscles, telle que nous la comprenons. Nous reviendrons 
ensuite sur des détails de structure en discutant les opinions des 
auteurs qui ont écrit sur ce sujet. 


L'appareil sphinctérien de l’'urèthre est représenté par une 
sorte d’entonnoir musculaire qui se continue directement avec 
les fibres circulaires de la vessie. Cet entonnoir formé de fibres 
perpendiculaires à l’axe du canal l’embrasse donc dans toute son 
étendue depuis le col de la vessie jusqu’au delà du bulbe. Mais 
en certains points il se modifie tantôt par l'interposition de cer- 
tains organes, comme la prostate ou le bulbe, tantôt parce que 
les fibres musculaires passent de l’état de fibres lisses à l’état 
de fibres striées. Mais lorsque ces éléments musculaires se sub- 


SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 1 


stituent les uns aux autres, ils le font progressivement, exacte- 
ment comme dans la tunique musculaire du tube digestif, dans 
l’œsophage par exemple. | 

Ainsi le plan général est une gaine musculaire enveloppant 
entièrement l’urèthre à partir de la vessie jusqu'au bulbe inclusi- 
vement, continuant la couche des fibres circulaires de la vessie, 

En dehors de cette couche il n’y a point de muscles extrin- 
sèques, de muscles allant s’insérer sur les parties périphériques, 
sur les os du bassin ou les ligaments qui les accompagnent. 

On voit par conséquent d’après cela que nous nous refusons à 
admettre l’existence du muscle de Wilson et de Guthrie. Ce qu'on 
a décrit sous ce nom représente simplement certains aspects 
qu’offrent les diverses parties de l'anneau musculaire. 

Le plan général de l'appareil sphinctérien étant conçu de la 
sorte, voyons quels en sont les détails principaux. 

Les fibres circulaires qui continuent celles de la vessie, sont 
des fibres lisses, comme celles du réservoir urinaire jusqu’au 
niveau de la région membraneuse. — Au col de la vessie 1l n’y 
a donc que des fibres musculaires de la vie organique. 

Plus loin, à la portion membraneuse, nous trouvons des modi- 
fications importantes. Une grande partie de ces éléments muscu- 
laires sont remplacés peu à peu par des faisceaux striés. Mais la 
gaîne musculaire ne change pas pour cela de forme et d’épais- 
seur., — L'ensemble de ces faisceaux forme donc au niveau de la 
région membraneuse un large anneau musculaire strié. Ge sont 
les différentes parties de cet anneau qui ont été décrites sous les 
noms de muscle-de Wilson et sphincter externe de la vessie. 

Jusqu'ici la description que nous venons de donner pourrait 
s'appliquer exactement à l’urèthre de la femme. Chez elle on n'a 
jamais décrit cet appareil musculaire si compliqué qu’on se plait 
à décrire chez l’homme. Et pourtant on pourrait croire que des 
parties deslinées à des usages identiques devraient être con- 
struites sur le même type. 

En cherchant par les procédés que nous avons indiquées, sur 
des cadavres de petites filles, la disposition de ces muscles, nous 
n’avons trouvé que cette sorte d’entonnoir musculaire allant de la 


A2 CADIAT. — ÉTUDE 


vessie jusqu’au voisinage de la vulve et dont une partie est 
formée de fibres striées. 

La disposition qu'’affectent ces muscles sur la femme repré- 
sente donc le plan d’ensemble suivant lequel est établi l’appa- 
reil musculaire de l’homme. Mais chez ce dernier se trouvent 
annexées deux parties importantes : la prostate et le bulbe. — 
Comment ces parties peuvent-elles modifier le plan général ? 

Prostate. — La prostate représente une glande simplement 
intercalée dans l'appareil musculaire sphinctérien ; étant donné 
la disposition qui existe chez la femme et supposant qu’on la 
modifie en interposant la prostate au milieu des fibres muscu- 
laires du col de la vessie, on aura l’urêthre tel qu’il se présente 
chez l’homme. En un mot la couche musculaire circulaire qui 
passe au niveau de la région prostatique est écartée par l’inter- 
position de la glande. Dans celle-ci, en effet, les fibres muscu- 
laires ont une direction subordonnée à celle des culs-de-sac 
glandulaires et non à celle du conduit urèthral. Ce fait, bien évi- 
dent chez l’homme, se voit encore plus facilement chez les animaux 
comme le singe, qui présentent un développement considérable 
de l'appareil glandulaire prostatique. Les fibres musculaires de 
la prostate appartiennent à la glande. Elles représentent très- 
exagéré ce qu’on voit sur les autres glandes en grappe. 

Bulbe. — Du côté du bulbe nous trouvons une disposition ana- 
logue, mais plus compliquée. 

L’anneau musculaire s'ouvre encore de ce côté pour recevoir 
le bulbe. Tout à fait au commencement on voit (pl. I, fig. 3 et 4) 
l'anneau musculaire complet; seulement la partie infé- 
rieure commence à se dissocier par l'interposition de gros 
vaisseaux artériels provenant du bulbe, car les veines passent 
sur les parties latérales, fait importaut pour la théorie de 
l'érection ; plus loin c’est le tissu érectile lui-même qui vient 
se placer entre les fibres musculaires. 

Enfin, en suivant la paroi inférieure du canal, en allant vers 
la région pénienne, il vient un moment où l’on ne rencontre 
plus de fibres musculaires doublant cette paroi. On n’en trouve 
plus qu'au-dessus de la paroi supérieure, et en dessous au delà du 


SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 13 


canal, en dehors du bulbe. C’est-à-dire que là où existe en réa- 
lité le renflement bulbaire, l'anneau musculaire de l’urêthre qui 
devrait se continuer à la partie inférieure, est rejeté au delà 
du tissu érectile pour former une partie des fibres du muscle 
bulbo-caverneux. 

Quant à cet anneau strié, il faut encore noter ce fait que, con- 
sidéré seul indépendamment du bulbo-caverneux, qu’on ne peut 
lui rattacher qu’indirectement, 1l se présente sur les coupes lon- 
gitudinales sous l’aspect de deux bandes (voir pl. I, de d’ à c fig. 1, 
et fig. 2 et 3 de e en 6), entre lesquelles passe le canal, la supé- 
rieure étant de beaucoup plus longue que l’inférieure. — C’est-à- 
dire que sur la prostate l'anneau est incomplet; 1l est ouvert à 
la partie inférieure et n’embrasse que la face supérieure de la 
glande. On ne voit sur cette glande qu’un demi-anneau de 
fibres striées. — Il en est de même du côté du bulbe. Cette dis- 
position ne peut-être attribuée à la présence de la prostate et du 
bulbe, car elle s’observe aussi bien chez la femme. 

Un fait important sur lequel nous voudrions insister, c’est que 
nulle part nous n'avons rencontré une disposition des muscles 
capable d'entraver la circulation veineuse. 

L’anneau musculaire strié est toujours très-nettement séparé 
des veines profondes de la verge, qui n’ont avec lui aucun 
rappoft, — ainsi sur aucune de nos coupes transversales, au 
nombre de quatre-vingts, faites sur une seule pièce qui renfer- 
me tout le tissu compris de la prostate au bulbe, nous n’avons 
trouvé nulle part un muscle triangulaire (muscle de Wilson) tra- 
versé par des veines, ou un muscle de Guthrie transversal et 
affectant les mêmes rapports. | 

La couche musculaire est toujours séparée du tissu fibreux de 
l’aponévrose moyenne par une fine bande claire (voir pl. IT /, 
pl. I, fig. 5, 6 e), représentant une couche de tissu cellulaire. 
C'est dans cette couche que sont les vaisseaux. Ainsi, ce qu’on 
décrit comme muscle de Wilson est bien nettement séparé de 
l’aponévrose moyenne elle-même, et ne peut donc aller s’insérer 
sur les os du bassin. 

On peut très-bien juger de ces dispositions sur les coupes mi- 


Ah CADIAT. — ÉTUDE 


croscopiques et sur les pièces obtenues par dissection qui con- 
cordent exactement. La présence de ces vaisseaux et de la cou- 
che celluleuse qui les entoure, entre l’aponévrose moyenne et 
l’anneau musculaire, est un fait très-important pour démontrer 
l'indépendance de chacune de ces parties. 

Il faut donc chercher une autre explication que celle tirée 
de ces rapports anatomiques, pour expliquer le phénomène de 
l'érection. | 

On peut voir sur les dessins la disposition des veines. Elles sont, 
comme on peut en juger, très en dehors de la couche musculaire. 

Voyons à présent comment les préparations que nous avons 
reproduites sur les planches ci-jointes peuvent démontrer les 
propositions que nous avons avancées et aussi quelles sont les 
dispositions qui en ont imposé aux anatomistes et ont fait croire 
à l’existence de muscles particuliers. 

Pour cela nous allons montrer comment sont disposées les 
fibres musculaires dans chaque partie du canal. 

Lorsqu'on examine une coupe faite en arrière de l’aponévrose 
moyenne, entre elle et la prostate on voit l’urêthre enveloppé 
entièrement par un anneau musculaire striè qui en fait tout 
le tour. Cet anneau musculaire est superposé lui-même à la 
couche musculaire dépendant de la muqueuse (voy. pl. IL, fig 3). 

C’est là le sphincter externe proprement dit. 

En dehors de ce sphincter on trouve une couche de tissu cel- 
lulaire renfermant des veines volumineuses. cette couche se 
poursuit jusque dans l’épaisseur de l’aponévrose moyenne. — 
Sur une coupe portant au niveau de l’aponévrose moyenne, 
comme celle que nous avons dessinée (fig. 2) on voit encore le 


sphincter externe parfaitement circulaire et nettement limité à 


la partie supérieure (pl. 11); mais à la partie inférieure ses 
fibres commencent à se dissocier pour ainsi dire pour recevoir 
un peu de tissu spongieux bulbaire (pl. IE, fig. 4). 

Il est facile de constater d’après ces dessins que les fibres 
striées n’ont aucune direction déterminée, forcées qu’elles sont 
de suivre les parois des cavités qu’elles entourent. Ici ce sont des 
éléments du bulbe qui commencent déjà à s’interposer au milieu 


SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. A5 


de la couche musculaire du canal, mais en même temps appa- 
raissent plus loin, recouvrant le bulbe, les premiers faisceaux du 
bulbo-caverneux, faisceaux de renforcement de l'anneau mus- 
culaire dissocié. 

Si l’on regarde maintenant la coupe longitudinale de l’urèthre 
— on voit qu’en effet en ce point le tube musculaire uréthral 
se continue sans interruption; seulement ses fibres changent de 
sens, pour s’accommoder à la forme du bulbe (voir fig. 1, pl. I c). 

La coupe figurée (pl. I) est faite au niveau de l’origine du 
bulbe. Il est facile de voir que rien, à la partie supérieure du 
canal, ne représente le muscle de Wilson, que l’on décrit en 
arrière de l’aponévrose moyenne. On ne le trouve pas davantage 
sur celles qui sont faites plus près de la prostate. On ne voit là 
qu'un muscle orbiculaire. 

Au-dessous du pubis dont les branches descendantes sont 
représentées figure 9, planche IV, on trouve une large couche de 
tissu fibreux formée de fibres transversales. C’est là le ligament 
sous-pubien et l’aponévrose moyenne. Il est bien important de 
remarquer que le canal de l’urèthre avec son sphincter est très- 
nettement séparé de ces fibres transverses par une bande de 
üssu cellulaire, continuation de celui que nous avons vu précé- 
demment. Dans ce tissu cellulaire, en dehors du sphancter, se 
trouvent les artères et les veines de la verge. 

Ce fait nous prouve que jusqu'ici, jusque dans l'épaisseur 
même de l’aponévrose moyenne, le canal de l’urêthre avec ses 
muscles, ses vaisseaux, forme un système indépendant, et éloigne 
même tout à fait de l’idée que les muscles iraient prendre un 
point d'insertion sur la lame fibreuse. C’est en vain qu’on cher- 
cherait ici les muscles pouvant comprimer les veines dans 
leur passage au travers de l’aponévrose moyenne. Les muscles 
et les vaisseaux sont donc chacun dans leur milieu et séparés 
les uns des autres. 

Si nous examinons maintenant une coupe faite un peu plus en 
avant, nous trouvons ce qui est figuré (pl. HE, fig. V). 

En haut, l’'aponévrose moyenne, en dessous l’urêthre et une 
partie du bulbe. 


A6 CADIAT. —— ÉTUDE 


Ici nous avons quitté la portion membraneuse, nous sommes 
à l'extrême limite de l'aponévrose moyenne. Alors seulement 
on aperçoit quelque chose ressemblant à un muscle de Wilson. 
C’est cet amas triangulaire de fibres striées figuré en d, figure 5, 
planche II au-dessus de l’urèthre. La disposition de ces fibres est 
très-remarquable. Les plus inférieures sont circulaires comme 
celles d'un sphincter, les autres n'ont aucun sens déterminé. 
Sur des coupes plus profondes, les premières vont en augmen- 
tant de nombre et de longueur ; peu à peu on arrive jusqu’au 
point où elles forment au canal un anneau complet. Inversement, 
elles diminuent sur les coupes qui se rapprochent de la surface. 
Ce sont ces fibres qu'on rencontre en disséquant le périnée, 
quand on a détaché l’urêthre des corps caverneux. 

Voyons comment les auteurs ont compris ces dispositions. 

D’après M. Sappey, « le muscle de Wilson est situé au-dessous 
» de la symphyse pubienne, sur le prolongement du grand axe de 
» cette symphyse au-dessus et en arrière de la portion bulbeuse 
» de l’urèthre, qu'il faut renverser en avant pour le mettre 
» en évidence. C’est une lamelle rougeâtre triangulaire ou plutôt 
» rayonnée et assez mince. Sa base dirigée en avant s'attache 
au ligament sous-pubien, par une expansion fibreuse que 
» traversent, sur la ligne médiane, la veine dorsale profonde de 
» la verge et, latéralement, les artères dorsales et les nerfs cor- 
» respondants. | 
» Le sommet du muscle, tourné en bas et en arrière, se perd 
sur lextrémité antérieure de la portion membraneuse de 
» l’urêthre. 

» La face antérieure du muscle de Wilson, inclinée en bas, 
» semble prolonger celle du muscle de Guthrie, mais occupe en 
» réalité cependant un plan peu profond. Elle est recouverte 
» par une lame fibreuse dépendante de l’aponévrose périnéale 
» moyenne et par le bulbe de l’urêthre. - 

» Ge petit muscle est formé de fibres striées. Ses usages n’ont 
» pas été encore bien clairement déterminés. La direction de 
» ces fibres qui {outes convergent de la symphyse vers l'urèthre, 
» semble indiquer qu’il a pour attribution de soutenir ce canal 


4 


— 
La 


SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. L7 


» et même de le rapprocher un peu de la symphyse. On com- 
» prendra facilement son utilité à cet égard si l’on considère que 
» l’urêthre est sous-jacent à un plexus veineux qui, se remplis- 
» sant et se dilatant en toute liberté, pourrait modifier assez 
» notablement sa courbure s’il n’était soutenu par le muscle de 
» Wilson et la lame fibreuse antérieure à ce muscle. » 

La description de M. Sappey approche de la réalité. Elle cor- 
respond bien à la figure, faite d’après une pièce disséquée. 
M. Sappey a bien vu en effet, en arrière du bulbe, juste au- 
dessus, une petite lame triangulaire de fibres striées. Mais où 
commence l'erreur, c’est dans la forme, la disposition de cette 
lame, la direction des fibres qui la composent, ses points d’atta- 
che et surtout son rôle physiologique. 

D’autres anatomistes décrivent le muscle de Wilson comme 
formé en partie de fibres en anses embrassant l’urèthre et 
d’autres fibres ascendantes insérées sur la partie supérieure 
du canal (V. Baunis et Bouchard). 

Les premières appartiennent manifestement aux faisceaux 
transverses que nous verrons plus loin à propos du muscle de 
Guthrie ; seulement cette forme en anse est très-exagérée. Les 
secondes n’ont jamais existé. 

Nous ne pouvons quitter ce sujet sans rapporter la description 
même de Wilson, telle qu’elle se trouve dans le travail de 
Jarjavay. | 

« J'ai démontré, dit-il, depuis dix années, l'existence de deux 
» corps charnus, très-distincts, appartenant à des muscles de 
» forme triangulaire qui réunis inférieurement par un tendon 
» commun, tandis que chacun d'eux possède une attache tendi- 
» neuse distincte à la face interne de la symphyse pubienne, 
» sont placés de telle sorte qu'ils entourent la portion membra- 
» neuse de l’urèthre. Le tendon qui appartient exclusivement à 
» chaque muscleest d’abord arrondi, mais il s’aplatit àmesure qu'il 
» descend, il se fixe à la partie postérieure de la symphyse du 
» pubis chez l’adulte, à un huitième de pouce environ au-dessus 
» du bord inférieur de l’arcade cartilagineuse du pubis et à une 
» distance à peu près égale au-dessous de l'insertion du tendon 


h8 CADIAT. — ÉTUDE 


» de la vessie, auquel il est uni ainsi qu’au tendon du muscle du 
» côté opposé par du tissu cellulaire très-lâche. 

» Cetendon descend d’abord parallèlement à son congénère, 
» au contact duquel il se trouve, puis il s’élargit bientôt et donne 
» alors naissance à des fibres charnues qui augmentent aussi de 
» largeur et arrivées au voisinage de la partie supérieure de la 
» portion membraneuse de lurèêthre se séparent de celles du 
» côté opposé, s’isolent sur les parties latérales de cette portion 
» membraneuse dans toute son élendue, s’incurvent sous celle-ci 
» et rencontrant enfin les fibres homologues du côté opposé, 
» forment avec elles une ligne tendineuse médiane. » 

Cette description de Wilson est complétement imaginaire. 
Aucun anatomiste n’a rencontré de semblables dispositions. 
Et cependant que d’efforts n’a-t-on pas faits pour trouver ce 
muscle si complaisamment décrit et qui n’a jamais existé. Chaque 
aspect particulier de la couche musculaire de l’urêthre qui s’offre 
aux anatomistes fait imaginer un nouveau muscle de Wilson. 

Le premier est complétement oublié, et cependant l'erreur 
persiste avec le nom qui l'a consacré. 

Le sphincter externe est, comme nous l'avons dit plus haut, 
coupé en bec de flûte aux dépens de la moitié inférieure, et c’est 
l'extrémité effilée venant affleurer sur le plan de l’aponévrose 
moyenne qui forme cet amas de fibres, les unes entre-croisées 
en tous sens, les autres circulaires, qu'on aperçoit sur nos cou- 
pes et qu'on appelle muscle de Wilson. Il est facile de le vérifier 
sur les coupes longitudinales de l’urèthre, sur les coupes trans- 
versales et par simple dissection. En effet, lorsqu’on a obtenu la 
préparation que nous avons représentée figure 6, planche IH, si 
l’on fend l'aponévrose moyenne, on voit que la lame musculaire 
appelée muscle de Wilson se continue avec l'anneau musculaire 
qui embrasse toule la portion membraneuse et une partie de la 
prostate. 

Nousavons dessiné (Hg. 5 d'elfig. 6 /, pl. ID) cette petite lame mus- 
culaire triangulaire située au-dessus de l’urêthre. Mais elle ne re- 
présente que la terminaison de l'anneau musculaire quenous avons 
rencontré plus profondément, l'extrémité antérieure du sphincter 


DONNE Ÿ 


SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. A9 


externe. Seulement ici, où commence le bulbe, il semble que 
le tube musculaire se fende en deux, suivant un plan horizontal. 

Le segment inférieur séparé enveloppe le bulbe sous la 
forme de fibres appartenant au bulbo-caverneux. Le supérieur, 
allant en diminuant de plus en plus, se réduit à celle petite 
lamelle. 

* Ce qui le prouve d’une façon bien évidente, c’est que : 1° la 
majorité des fibres qui forment le triangle musculaire sus-uré- 
thral ont conservé la direction circulaire autour de l’urèthre, que 
les autres n’ont aucun sens déterminé, bien loin de converger 
toutes de la symphyse vers l'urêthre ; ® cette lamelle musculaire 
comme le sphincter strié que nous avons vu précédemment est 
séparée du tissu fibreux sous-pubien par cette même couche de 
tissu cellulaire que nous avons rencontrée tout à l'heure et qui 
l’isole dans tout son parcours ; 3° 1l n’y a aucune fibre traversant 
la couche cellulaire pour aller s’insérer sur le pubis. Aucune 
fibre ne s’insère perpendiculairement sur l’urêthre. Elles sont 
toutes circulaires au voisinage de la muqueuse. 

En un mot cette lamelle triangulaire siluée en avant de l’apo- 
. névrose moyenne est la fin du sphincter externe de l’uréthre. 

Notons encore que, d’après ses connexions, il est absolument 
impossible d'admettre qu'elle ait la moindre action sur la circu- 
lation sanguine, 

Il n’est donc pas utile de donner un nom particulier à cette 
partie de la couche musculaire uréthrale. Une désignation spé- 
ciale implique en effet l’idée d’usages différents. Or, ces fais- 
ceaux décrits sous le nom de muscle de Wilson n’en ont point 
d’autres, vu leur situation, leur direction, leurs rapports, que 
tout le reste du tube musculaire avec lequel ils sont en conti- 
nuité directe. 

En résumé, voici comment nous décrirons les muscles qui 
servent à fermer l’orifice vésical. 

L'urèthre, depuis le col de la vessie jusqu'au bulbe, est em- 
brassé par un cylindre de fibres musculaires dont les unes sont 
striées, les autres lisses ; en beaucoup de points ces éléments sont 


mélangés. 
JOURN, D£ L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL, — T, XIII (1877). h 


50 | CADIAT. —— ÉTUDE 


Les fibres lisses occupent la partie supérieure et le col vésical ; 
au milieu d'elles se trouve intercalée la prostate. Chez la femme, 
vu l'absence de cette glande, le cylindre musculaire est continu. 

Les fibres striées forment par leur ensemble une sorte d'étui 
taillé en bec de flüte par ses deux extrémités. Les deux extré- 
mités effilées sont à la partie supérieure de l'urèthre, de façon 
qu'au-dessous du plancher uréthral les faisceaux striés sont en 
petit nombre. Cet étui musculaire embrasse par son extrémité 
vésicale une partie de la face supérieure de la prostate, par son 
extrémité bulbaire, 1 vient proéminer légèrement sur le plan 
de l’aponévrose moyenne. 

Les vaisseaux, artères et veines sont situés en dehors de cette 


couche musculaire, et, par conséquent, la circulation ne peut en 


aucune façon être influencée par elle. 


\ 


Nous avons vu que le muscle de Wilson n’était pas un muscle 
particulier, mais l'extrémité antérieure de l’orbiculaire de l’uré- 
thre. Nous allons démontrer de même que le muscle de Guthrie 
ne mérite pas une description à part. 

En effet, sur aucune de nos coupes nous n'avons rencontré de 
fibres transversales allant s’insérer sur l’urèthre. Les seules fibres 
ayant cette direction et situées au voisinage de ce conduit sont 
situées à la partie inférieure en dehors de Panneau du sphincter, 
ce sont celles que nous avons figurées en #, figure 9, planche IV, 
sur une coupe faite en arrière de l'aponévrose moyenne. 

On peut voir déjà sur cette figure qu'’au-dessous de ces fibres 
transverses on en aperçoit d’autres qui leur sont parallèles ; 
à quelle couche musculaire apparliennent tous ces faisceaux 
transverses? Il résulte de nos recherches qu'ils appartiennent à un 
vaste plan musculaire commençant au bulbe dont ils embrassent 
la partie inférieure, et se terminant sur la région membra- 
.neuse. 

La portion la plus antérieure formerait une partie du bulbo- 
caverneux. 


SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 51 

Celle qui la suit, l'ensemble des faisceaux décrits sous le nom 
de transverse. 

Enfin la plus profonde, ces fibres que nous venons de voir au- 
dessous du sphincter externe. 

Sur la ligne médiane se trouve une sorte de raphé fibreux 
commençant sur l’urêthre, passant en dessous du bulbe et se con- 
tinuant entre la portion membraneuse de l’urèthre et le rectum. 

Ce raphé fibreux a été bien décrit par Jarjavay dans son mé- 
moire sur la structure de l’urêthre (Paris, 1856); seulement il 
l’a fait se continuer avec le verumontanum; il résulte de re- 
cherches que nous avons faites avec M. Robin, que la saillie 
du verumontanum a une autre origine. | Voir Mémoire sur l'utri- 
cule prostatique et les canaux déférents. (Journal d’Ana- 
tomie, 1874.) 

Sur ce raphé viennent s’insérer toutes les fibres tranverses 
formant le plan musculaire que nous venons de décrire. On ne 
saurait mieux comparer ce raphé avec les faisceaux qui en par- 
tent qu'à une plume couchée sur l’urèthre et dont les barbes 
isolées transversalement représenteraient les fibres musculaires 
tranversales. 

Le bulbo-caverneux appartient bien à ce système de fibres, car 
à la partie inférieure, au voisinage du bulbe, il envoic des 
faisceaux transversaux qui vont s’étaler jusque sur les corps 
caverneux, sans leur adhérer. Leurs insertions externes se font 
sur des brides nf A RE qui se e perdent dans l’aponévrose 
superficielle. 

Le transverse reproduit cette danesite mais bien plus 
accusée. 

[ne s'insère pas conne on le prétend sur les branches du 
pubis, mais sur des brides fibreuses de l'aponévrose superficielle. 

Nous avons essayé sur un dessin de représenter ces insertions 
des muscles transverses (pl. IV, fig. 8,c ce). 

Immédiatement au-dessous du bulbe, les fibres transversales 
sont interrompues. On ne suit plus bien la continuité entre les 
faisceaux du bulbo-caverneux et ceux du transverse proprement 
dit, Cela tient à la présence de fibres longitudinales que nous 


52 _CADIAT. — ÉTUDE 


avons figurées en /, figure 8, planche IV, et qui n’ont pas été dé- 
crites. Elles appartiennent au plan musculaire longitudinad du rec- 
tum, ainsi qu’on peut s’en assurer sur la coupe (pl. [, fig. 4 9,4). 
On voit en effet ici que les fibres longitudinales du rectum 
arrivées un peu au-dessus du sphincter anal se divisent comme 
les deux branches de l’Y. La branche inférieure va traverser le 
sphincter externe pour aller se perdre à la peau, l’autre va 
rejoindre le bulbo-caverneux. | 

Profondément enfin, au niveau de la région membraneuse, 
nous trouvons ce qui est figuré planche IV, figure 9, £, €, c’est-à- 
dire un plan de fibres transversales, situé en dehors du sphincter 
externe, véritables faisceaux de renforcement. 

Ces fibres s’insèrent d’une part sur le raphé, de l’autre sur le 
üssu cellulaire plus ou moins serré, qui plus haut forme l’apo- 
névrose latérale de la prostate. Leur mode d'insertion médian 
et latéral est bien le même, comme on le voit, que celui des 
faisceaux précédents : d’une part le raphé,de l'autre des brides 
fibreuses de direction indéterminée. 

Les rapports de ces muscles avec les veines méritent d’être 
étudiés. 

La théorie de l'érection, qui suppose un arrêt du sang par 
compression des veines, trouvait dans ces muscles du périnée 
(M. de Wilson, Guthrie,transverse) une explication toute natu- 
relle. Mais cette théorie de l'érection n'est plus acceptable auJour- 
d'hui, les recherches de Legros, toutes celles qui ont suivi sur les 
actions des vaso moteurs, l’ont complétement renversée. (V. Vul- 
pian, vaso-moteurs.) 

Mais les descriptions de ces muscles du périnée, les rapports 
qu’ils affectent avec les vaisseaux ont été inspirés néanmoins de 
ces idées erronées de physiologie. On voulait savoir comment les 
veines pouvaient être comprimées, et on trouvait des muscles 
capables de les comprimer! 

Si l'on s’en tient à la simple observation, aux résultats que 
donne la dissection seule ou les coupes comme nous les avons 
faites, on voit qu'il en est tout autrement. Que bien loin d’être 
comprimées par les muscles, tout, au contraire, est disposé de 


SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 5à 


* façon à laisser au sang un écoulement facile dans les veines, à ce 
que rien ne puisse entraver son cours. 

Ainsi la veine dorsale est située tout au sommet du triangle 
formé par l’aponévrose moyenne dans une boutonnière du tissu 
fibreux. 

Les veines latérales sont entre le sphincter externe le trans- 
verse et les os du bassin. Elles sont situées dans une sorte de 
région bien délimitée qui semble leur appartenir exclusivement. 
En aucun point on ne voit de faisceaux musculaires passer dans 
les intervalles qui les séparent les unes des autres. 

Les veines du bulbe vont se jeter dans ces plexus latéraux, au 
lieu de traverser cette région dessinée planche IV, figure 9, 
qui est immédiatement en arrière de lui, Avcune ne serait 
mieux disposée pour arrêter le cours du sang veineux. On y voit, 
en effet, des faisceaux musculaires entre-croisés dans toutes les 
directions. Malheureusement pour la théorie 1l n’y passe que 
des artères ; les veines s’en vont sur les parties latérales. 

Du reste tous ces muscles sont striés, sont soumis à la volonté, 
el ce sont eux qui, comprimant les veines, produiraient l'érection! 
Or, tout le monde sait bien que s’il est des organes disposés à 
faire le contraire de ce qu’on leur demande, c’est certainement 
ceux-là. 

En résumé, les muscles transverses du périnée, connus sous 
le nom de muscle de Guthrie, transverse superficiel, etc., appar- 
tiennent à une double bande musculaire insérée sur le raphé et 
dont les fibres se portant transversalement à partir de cette ligne 
vont s’altacher en dehors; les plus profondes, dans le tissu cel- 
lulaire du bassin, et les autres, dans le fascia superficialis du 
périnée (1). 

Cette sorte de sangle musculaire sert peut-être à isoler l'effet 
des contractions des deux sphincters (sphincter uréthral, 
_sphincter anal) entre lesquels elle est située. 

Elle peut aussi servir au bulbo-caverneux en lui donnant un 


(4) M. Farabeuf, dans ses cours à l’école pratique, enseignait déjà que tous ces 
muscles transverses formaient un seul plan musculaire. 


54 CADIAT. — ÉTUDE 


point d'appui postérieur. En tout cas, on peut dire que ses usages 


sont très-limités. 

Le muscle de Guthrie avait été décrit par cet anatomiste comme 
un muscle transverse profond. C’est aussi de cette façon qu’il est 
considéré par Cruveilhier. 

D'après Jarjavay, le transverse urétbral est situé au-dessus du 


ligament de Carcassonne, au-dessous de l’aponévrose latérale de . 


la prostate ou si l’on veut entre les deux feuillets de l’aponévrose 
moyenne du périnée. Il s’insère sur les branches ischio-pubiennes 
d’une part, de l’autre au-dessous de l’urêthre, sur ce que 
Jarjavay considère comme le point d’entre-croisement du muscle 
orbiculaire, D’après lui, ses fibres se continueraient avec cekes 
de l’orbiculaire, de telle sorte que le transverse uréthral et l’orbi- 
culaire ne feraient qu’un seul et même muscle fixé par ses deux 
extrémités sur les branches ischio-pubiennes et formant une 
véritable boucle embrassant l’urêthre. 

D'après M. Cruveilhier et Sce, voici comment il faudrait com- 
prendre la disposition du transverse : 

« En arrière de l’urêthre, au-dessus du bulbe, les fibres 
» transversales du côté droit et celles du côté gauche s’insèrent 
» sur la ligne médiane à la lame fibreuse médiane qui reçoit 
» également des fibres du bulbo-caverneux du releveur de l'anus, 
» et du transverse superficiel. Autour de la portion membraneuse 
» de l’urêthre elles se continuent d’un côté à l’autre en se recour- 
» bant en arc de cercle autour de la moitié postérieure de la 
» circonférence du canal. Il n’est pas rare de rencontrer au 
» voisinage immédiat de ce dernier de véritables faisceaux 
» annulaires. Aux fibres qui passent au-dessus de l’urèthre se 
» rattachent les faisceaux transverses de la prostate. | 

» La couche de fibres obliques, dont la direction principale 
» est celle du bord externe du muscle, présente des faisceaux 


» externes qui s’insèrent de distance en distance à la paroi osseuse . 


» du bassin circonscrivant ainsi des espèces de boutonnières 
» musculo-osseuses dans lesquelles passent les veines profondes 
» ou caverneuses du pénis qui gagnent la veine honteuse 
» interne. En avant, une portion plus où moins notable de ces 


SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 55 


fibres obliques s’insèrent à l’aponévrose moyenne du périnée. 


» La couche antéro postérieure se compose généralement 


de faisceaux isolés placés au-dessus du bulbe sur les côtés 
de l’urèthre qu'ils entourent. Tous ces faisceaux commencent 
en arrière à la lame fibreuse médiane. En avant, les plus 
internes s’insérent à la face supérieure du bulbe, celles qui se 
trouvent plus en dehors atteignent le tissu fibreux qui occupe 
l'angle de réunion des racines du corps caverneux. En arrière, 
toutes ces fibres s’insérent à l’aponévrose moyenne ou directe- 
ment. à la lame fibreuse médiane du périnée. 

» Le plus souvent ces trois couches sont très-difficiles à recon- 
naître. Le muscle paraît composé de lames multiples entre 
lesquelles se trouvent les glandes dé Cowper et les veines 
profondes du pénis, mais dans chaque lame on voit des fais- 
ceaux affectant différentes directions, les uns parallèles, les 
autres perpendiculaires aux vaisseaux, de sorte que l’en- 
semble offre l'aspect d’un tissu caverneux à trabécules muscu- 
laires striées. 

» En avant, le muscle transverse profond se termine quelque- 
fois par un bord transverse constitué par des fibres qui vont 
d’une branche descendante du pubis à l’autre. 

» Ou bien une portion de ses fibres obliques s’insérent sur 
l'aponévrose moyenne du périnée ou bien ces fibres obliques 
des deux côtés s'unissent à angle, passent sous le bord anté- 
rieur de l’aponévrose moyenne, gagnent le dos de la verge et. 


se confondent avec l'enveloppe fibreuse du corps caverneux. 


C'est cette portion antérieure du muscle transverse profond qui 
a été décrite sous le nom de muscle de Wilson ou pubio-pro- 
statique, muscle constricteur de l’urèthre. 

» En arrière, les muscles des deux côtés se confondent lue 
avec l’autre sur la ligne médiane par une sorte de raphé. 

» 4° Action : comprimant le bulbe et la portion membraneuse 
de l’urêthre, ils concourent à l'expulsion de l'urine et du 
sperme. 

» 2° Agent principal de l'érection en comprimant les veines 
profondes qui ramènent le sang du corps caverneux. » 


56 CADIAT. — ÉTUDE 


Enfin, d’après M. Sappey, le muscle transverse profond s’attache 
de chaque côté à toute la longueur des branches ischio-pubiennes, 
etau milieu sur la partiemédiane d’une lame fibreuse quirecouvre 
le muscle et qui constitue l’aponévrose périnéale moyenne. 

D’après M. Sappey, ces fibres ne se fixent nt sur le bulbe ni 
sur la partie membraneuse de l’urèthre. 

Ce muscle aurait pour action de fermer le périnée en avant 
comme les ischio-coccygiens et les releveurs le ferment en 
arrière et ne pourraient en aucune façon euh la partie 
membraneuse de l’urèthre. 

On voit que l’opinion de M. Sappey est à peu de chose près 
celle que nous soutenons relativement aux dispositions et aux 
usages du muscle transverse profond, puisque nous l'avons 
considéré comme faisant partie d’une sorte de sangle musculaire 
à laquelle appartiendraient aussi le transverse superticiel et, si 
l’on veut aussi, le bulbo-caverneux. . 

Seulement, nous différons un peu d’avis avec cet éminent ana- 
tomiste, relativement aux insertions externes du muscle 
transverse que nous n’avons jamais vu attaché directement sur 
les os du bassin. De sorte que son point fixe serait plutôt sur la 
ligne médiane que sur les côtés ; et aussi parce que nous pensons 
que ce muscle ne mérite pas une description à part, pas plus que 
le transverse superficiel ; que l’un et l’autre contribuent à former 
une seule et même couche musculaire interposée entre les 
deux muscles orbiculaires de l’urêthre et du rectum. 

En résumé, il existe au périnée, entre les deux sphincters, 
celui de l’urèthre et celui de l'anus, une sorte de bande muscu- 
aire à fibres transversales. Ces fibres s’insèrent d’une part sur 
le raphé, de l'autre sur des faisceaux celluleux appartenant au 
hssu cellulaire du bassin ou des couches sous-cutanées suivant 
le niveau où elles se trouvent. Une partie de ces fibres, forment 
ce qu'on à appelé le transverse profond ; l'autre les transverses 
superficiels ; enfin les plus inférieures appartiennent au bulbo- 
caverneux. Cette couche musculaire ne peut avoir aucune action 
sur la circulation veineuse. 


SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 57 


EXPLICATION DES PLANCHES V, VI, VIT er VIII. 


PLANCHE V. 


Sur cette planche on voit la coupe longitudinale de l’urèthre d’un 
enfant grossie dix fois. Elle montre le système des fibres circulaires de 
la vessie au bulbe, le rectum avec ses fibres longitudinales et le com- 
mencement du sphincter externe. 


La figure 2 représente le schéma de l'appareil sphinctérin chez la femme 
(la figure 3, le même appareil chez l’homme). 
a. Vessie. 
b. Urèthre. 
c. Bulbe. 
De d à e. Coupe de la couche des fibres cireulaires, commençant à 
la vessie et se terminant au bulbe. 
De d en d'. Fibres lisses. 
De d'äe. Fibres striées, mélangées en quelques points à des fibres 
lisses. 
f,g. Couche longitudinale du rectum. 
g, h. Fibres de la couche longitudinale du rectum allant rejoindre 
le bulbo-caverneux. 4 
p. Prostate. 
Sur la figure 9 de la planche VIII, représentant une préparation par 
dissection d’un périnée d’adulte, on voit ces fibres en 
g. Canal éjaculateur. 
g, t. Fibres de la même couche allant à la peau de l'anus, après 
avoir traversé le sphincter externe (4). 
Fi, 2. Dessin schématique de l’urèthre de la femme. 
De a en b. Coupe de l’orbiculaire uréthral. 
a en c. Fibres lisses. 
c, b. Fibres striées. 


Fic. 3. Dessin schématique de l’urèthre de l’homme. Ce sont les dispo- 
sitions de l’urèthre de la femme modifiées par l’interposition de la 
prostate (d). 

a, b, c, p. Même PEN 1 RS 


PLANCHE VI. 


Coupe transversale faite à la partie profonde de l’aponévrose moyenne. 
On voit sur cette coupe l’urèthre au centre, avec son muscle orbi- 
culaire nettement séparé du tissu fibreux de l’aponévrose moyenne. 

a, Urèthre. 
b, Muqueuse uréthrale, 


CADIAT. — ÉTUDE 


ce. Couche musculaire de la muqueuse. 

d, d. Orbiculaire de l’urèthre, se terminant en bas par des fibres 
irrégulières qui se perdent sur l’origine du bulbe. 

f. Tissu cellulaire séparant l'urèthre de l’aponévrose moyenne et 
renfermant les veines g, g, g. Sur toutes les coupes les veines 
affectent cette disposition par rapport aux muscles uréthraux. 
Les fibres circulaires vont se perdre en bas sur le raphé. Elles 
représentent ici la disposition qu’on retrouve plus accusée sur 
les coupes plus profondes, comme celle de la figure 3 de la 
planche IV. 

h. Aponévrose moyenne. 


PLANCHE VII. 


Fi, 4. Coupe transversale faite à la partie superficielle de l’aponévrose 


moyenne. 
Cette figure représente en coupe ce que l’on peut voir sur la figure 


suivante, faite d'après une pièce disséquée. 


Entre cette coupe et celle de la planche précédente, il existe une série 


d’intermédiaires dans lesquelles le petit triangle de fibres musculaires 
situées au-dessus de l’urèthre (4) s’allonge de plus en plus sur les côtés 
pour arriver à envelopper l’urèthre comme on le voit (pl. V). 


Ce triangle représente le muscle de Wilson. On voit qu'il est dans le 


tissu cellulaire péri-uréthral et en dehors des vaisseaux. 


a. Canal de l'urèthre. 

b. Muqueuse. 

c. Couche musculaire de la muqueuse. 

d. Triangle musculaire formé de fibres allant dans toutes les direc- 
tions, mais tendant à prendre la direction orbiculaire sur les par- 
ties latérales : c'est là ce qu’on a appelé le muscle de Wilson. Ce 
serait la coupe de l’orbiculaire uréthral faite au point d de la 
figure 1, planche IV. 

e. Tissu cellulaire péri-uréthral, séparant l’urèthre du tissu fibreux 
de l’aponéyrose moyenne. 

f, f. Bulbe à son origine, 

g. Veines situées en dehors de la couche musculaire. 

h. Aponévrose moyenne. 


Fic. 2. Dessin fait d'après une pièce obtenue par dissection. L’urèthre 


a été séparé du corps caverneux et abaissé. On voit très-bien sur cette 
figure la lamelle musculaire qu’on a appelée muscle de Wilson. Nous 
avons représenté à dessein, dans la figure précédente, la coupe mi- 
croscopique qui donne la disposition exacte de ces fibres musculaires, 


Sur ces deux préparations on peut voir que ces deux triangles mus- 


culaires se correspondent, et que les vaisseaux sont toujours dans une 
couche celluleuse particulière qui n’est pas l’aponévrose moyenne. 


SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 59 


a. Musceles ischio-caverneux. 

b, c. Bulbeet urèthre. 

d. Veine dorsale de la verge. 

e. Aponévrose moyenne. 

{. Lamelle musculaire correspondant à à de la figure précédente, 
séparée, comme dans cette figure, des vaisseaux et de l’aponé- 
vrose moyenne : c’est là le prétendu muscle de Wilson. 

g. Veines traversant le tissu cellulaire péri-uréthral, correspondant 
à g de la figure précédente. 

h. Tissu cellulaire péri-uréthral renfermant les veines. 


PLANCHE VIII. 


_ Sur cette planche on voit, figure 7, la coupe de l’urèthre en avant de la 
prostate, avec le sphincter externe en 4, le releveur de l’anus en b b, 
l’anus en c. | 

Sur la figure 8, les dispositions du transverse superficiel du bulbo-caver- 
neux, et les fibres longitudinales du rectum qui viennent rejoindre le 
bulbo-caverneux. 

a. Ischio-caverneux. 

b. Sphincter de l'anus. 

c. Bulbo-caverneux. 

d. Transverse superficiel. | 

e. Insertions du transverse superficiel qui se font par de petits ten- 
dons dans le tissu cellulaire. 

{. Fibres longitudinales du rectum allant se perdre dans le bulbo 
caverneux. 

Sur la figure 9, le transverse profond avec le sphincter externe. L’orbi- 
culaire uréthral est renforcé à sa partie inférieure par des fibres trans- 
versales nombreuses, qui forment en partie ce qu’on a appelé le 
transverse profond. 

a. Canal de l’urèthre. 

. Muqueuse de l’urèthre. 

. Fibres musculaires de la muqueuse. 

. Sphincter externe ou orbiculaire. 

. Raphé sous-uréthral sur lequel s’insèrent les fibres transverses. 

. Fibres transverses partant du raphé pour aller se perdre dans le 

tissu cellulaire. 

g. Veines (plexus de Saulowni). Ces veines sont dans une atmo- 
sphère celluleuse et bien séparées des muscles. Cette atmosphère 
celluleuse est la continuation de celle qu’on voit en c, figure V. 

k. Artères allant au bulbe, 


SAS 


RECHERCHES 


SUR 


LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU COEUR 


Par M. MAREY 
Professeur au Collége de France, 


a 


SOMMAIRE. 


Comparaison du cœur avec les autres muscles. — Action des courants induits isolés ; 
effets sur le cœur qui a cessé de se mouvoir ; systoles de l'oreillette et du ven- 
tricule; durée de chacune d'elles ; durée du temps perdu qui les précède. — Ac- 
tion des courants induits sur le cœur en place et qui a ses mouvements propres : 
expérience de Bowditch. — Influence de la phase d’une révolution cardiaque où 
l'excitation a été produite. — Influence de la température sur l’excitabilité du 
cœur. — Effets des courants induits successifs ; influence de la fréquence des cou- 
rants ; influence de leur force. — Tétanisation incomplète du cœur ; théorie de 
ce phénoinène. — Effets des courants de pile de courte durée ; leur analogie avec 
ceux des courants induits. — Tétanisation incomplète du cœur par les courants 
continus ; théorie de ces effets. 


Lorsqu'on soumet le cœur d’un animal à des excitations arti- 
ficielles capables de produire dans un muscle strié des secousses 
ou des télanos, on constate que le cœur présente des réaclions 
singulières qui différent suivant les conditions où il se trouve, et 
suivant la nature ou l'intensité de l’excitant qu’on a employé. Il 
est lrès-important de comparer plus attentivement l’excitabilité 
du cœur à celle des autres muscles, d'autant plus que les excep- 
tions aux lois physiologiques sont, en général, plutôt apparentes 
que réelles. Peut-être une étude plus approfondie rapprochera- 
t-elle les propriétés du muscle cardiaque de celles des autres 
muscles dont un examen superficiel tendrait à le distinguer. 

Dans cette recherche, il faudrait passer en revue, tour à tour, 
l’action des excitants de différentes natures, et l'influence que 
chacun d’eux exerce sur le cœur, suivant les conditions où cet 
organe se {trouve placé. 


(1) Extrait des travaux du laboratoire, G, Masson. 4876, 


Re. dt RS  e 


RECHERCHES SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 61 


Je crois avoir déjà rapproché le cœur des autres muscles de 
l'organisme, en montrant que le caractère intermittent et rhythmé 
des syStoles de cet organe n’a rien qui lui soit propre, et qu’on 
peut légitimement assimiler la série des systoles que le cœur 
exécute sans cesse à la série de secousses que produit un muscle 
contracté ; toute la différence consiste dans la durée des secousses 
du cœur qui dépasse de beaucoup celle des muscles soumis à la 
volonté (sauf chez la tortue et chez les animaux en état d’hiber- 
nation) et dans l'intervalle considérable qui sépare deux secousses 
conséculives du cœur. C’est cet intervalle qui empêche les systoles 
‘ cardiaques de se fusionner en un tétanos ou une contraction per- 
_manente. 

Mais on peut voir une tendance mamifeste vers cette fusion et 
vers la production d’un véritable tétanos du cœur, toutes les fois 
que, par une influence quelconque, on accélère le rhythme des 
systoles. Ainsi, par le chauffage, on accéière le rhythme du 
cœur, et on finit par mettre cet organe en lélanos presque com- 
plet. Cet état ne diffère en rien de celui d'un muscle qu'on sou- 
mettrait à une série d'excitations électriques de plus en plus fré- 
quentes. 

D'autre part, si l’on considère isolément une secousse du 
muscle cardiaque, on observe une notable différence dans la 
durée de ce mouvement, suivant qu’on explore l'oreillette ou le 
ventricule. Ces deux parties du cœur sont formées par des fibres 
musculaires douées de fonctions différentes. 

L’oreillette donne un mouvement brusque et de courte durée ; 
le ventricule réagit d’une façon plus tardive et plus lente. Pour 
bien observer ces mouvements, il faut prendre un cœur isolé et 
dont les mouvements propres aient disparu. On est alors bien 
certain que tout mouvement qui se produit est dû à l'excitation 
arlficielle qu’on a fait agir sur l'organe, et on peut mesurer avec 
exactitude le temps qui sépare l'excitation de la réaction du 
muscle, ainsi que la durée et les phases du mouvement provoqué. 

Ces expériences fournissent un résultat favorable à l’assimila- 
tion du cœur aux autres muscles ; elles montrent, en effet, que, 
suivant la loi générale, le ventricule, dont le mouvement est plus 


62 MAREY. — RECHERCHES 


lent que celui de l’oreillette, présente un temps perdu (retard du 
mouvement sur l'excitation) plus grand que celui de l'oreillette. 
Or dans tous les muscles on observe que la durée du temps 
perdu est proportionnelle à la durée de l'acte musculaire lui- 
même. 

Un cœur d'animal isolé et dépourvu de mouvements propres 
semble conserver son excitabilité pour les chocs, les piqüres ou 
autres influences traumatiques, lors même qu’il cesse de réagir 
à des courants induits assez intenses. Enfin, on observe nette- 
ment la propagation de l'onde musculaire sur les fibres du ven- 
tricule, quand celui-ci est affaibli et n’a plus que des systoles 
lentes. C’est le même phénomène qui a été décrit depuis long- 
temps sous le nom de péristalticité des mouvements du cœur; 
mais il semble préférable de désigner sous le nom de transport 
de l'onde musculaire, cette propagation du mouvement systo- 
lique, attendu que cette désignation rappelle l'identité de l’acte 
ondulatoire dans le muscle cardiaque et dans les muscles volon- 
taires. 

Pour voir nettement ce phénomène, il faut attendre qu’il n’y 
ait plus de mouvements spontanés du ventricule. On pique alors 
cet organe, au voisinage de son bord droit, par exemple, et l'on 
peut suivre la transmission de la systole ainsi provoquée jusqu’au 
bord gauche des ventricules. Il faut, pour cette transmission, de 
une demi-seconde à une seconde. 

Engelmann pense que la propagation du mouvement se fait, 
dans le muscle cardiaque, d’une cellule à l’autre, sans qu'il soit 
besoin d’admeltre aucune influence nerveuse pour comman- 
der ces mouvements. 

Il y a là une analogie nouvelle entre le cœur et les autres mus- 
cles de l'économie. On sait, en eflet, que l'onde chemine dans la 
fibre musculaire de proche en proche, abstraction faite de toute 
influence nerveuse, car ce transport s'effectue sur un muscle dont 
les nerfs ont été tués par le curare. 

Enfin, pour continuer la comperaison entre la fonction du : 
cœur et celle des autres muscles, il semble que, de part et d’au- 
tre, le mouvement ait des caractères différents suivant qu’il suc: 


SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 63 


cède à une excitation du nerf moteur ou à une excitation exclusi- 
vement appliquée au muscle. Aeby a montré que si on exaite le 
nerf moteur d’un muscle, le mouvement éclate en quelque sorte 
partout à la fois, au lieu de se transmettre de proche en proche 
en donnant lieu au phénomène de l’onde, comme cela se voit si 
on excite, par l’une de ses extrémités, le muscle d’un animal cu- 
rarisé. Or si l’on compare les mouvements spontanés du cœur 
à ceux que l’on provoque par des excilations locales quand les 
mouvements propres ont cessé, 1l semble que les mouvements 
spontanés, soumis à l'influence des nerfs intrinsèques du cœur, 
éclatent en divers points à la fois au lieu de se transmettre de 
proche en proche, à la façon de ceux que provoque une excita- 
tion traumalique localisée. 

Dans ces dernières années, d'importants travaux ont été entre- 
pris relativement à la fonction du muscle cardiaque. C’est en 
Allemagne surtout, et dans le laboratoire de ‘Ludwig, que ces 
études ont été faites, grâce à l'emploi de cette belle méthode des 
circulations artificielles qui permettent d'entretenir la fonction 
d’un organe isolé. Le cœur d’une grenouille, muni d’un petit 
manomètre inscripteur, fonctionne pendant plusieurs heures, 
nourri par du sérum qu'on peut additionner de diverses sub- 
stances dont les effets sur les mouvements cardiaques s’accusent 
très-nettement. Mais il n'est besoin de parler ici que des 
recherches faites à l’aide de cette méthode sur l’excitabilité du 
cœur. 

Un travail de Bowditch (1) signale des faits importants relatifs 
à l’excitabilité du cœur par les courants induits. L'auteur y dé- 
montre que les systoles provoquées par des courants induits 
croissent d’abord avec l'intensité de l’excitant; puis, que cette 
croissance devient de plus en plus lente, jusqu’à un degré où la 
force des systoles reste invariable, bien que les excitations aug- 
mentent encore d'intensité. En cela, le muscle cardiaque se com- 
porte comme les autres muscles dont les secousses atteignent un 
maximum qu’elles ne dépassent point, malgré l’accroissement 


(1) Arbeiten aus der phusiologischen Anstalt. Leipzig, 4872. 


64 MAREY. — RECHERCHES 


d'énergie des excitations. Ce fait a été signalé par Fick, par 
Chauveau, et après eux par tous les physiologistes. 

Bowditch constate ensuite que le cœur ne répond pas toujours 
aux excitalions qu'il reçoit, à moins que celles-ci n'aient une 
grande énergie. Il distingue, à ce sujet, deux sortes d’excita- 
uons : les unes, qu'il nomme suffisantes et qui, dans certains 
cas, provoquent manifestement des systoles; les autres qui sont 
assez énergiques pour produire à coup sûr une systole du cœur ; 
il les nomme excitations enfaillibles. 

Voulant ensuite déterminer quelles sont les circonstances dans 
lesquelles les excitations suffisantes restent inefficaces, l’auteur 
arrive à démontrer que, sur cent excitations données au Cœur, 
la proportion des systoles obtenues croît, non-seulement avec 
l'intensité des courants employés, mais aussi avec l'intervalle qui 
sépare les excitations. 

Enfin, il signale qu'après un repos, le cœur, peu excitable dans 
les premiers instants, le devient graduellement davantage sous 
l'influence des excitations qu’on lui applique. 

Dans ces expériences, Bowditch a côtoyé de très-près les con- 
ditions vérilables qui président aux changements de l’excitabilité 
du cœur, et s’il ne les a pas complétement saisies, cela tient, 
comme on le verra plus loin, à la méthode d'inscription dont il 
s’est servi. C’est par la méthode de Fick que les tracés ont été 
inscrits. Or, dans cette méthode, on ne fait mouvoir le cylindre 
que dans les intervalles des mouvements que l'on veut écrire, et 
c'est pendant l’immobilité du cylindre que le tracé s'inscrit. Il 
résulte de cette méthode qu’on obtient une série de lignes 
verticales pour une série d’oscillations du manomètre 
cardiaque, et que celte série de lignes, très-apte à faire 
juger des différentes amplitudes que présentent les excur- 
sions de la colonne de mercure, ne donne aucune idée des 
phases du mouvement qui s’est produit. La figure 4 montre trés- 
bien les variations de l'énergie ventriculaire, du commencement 
à la fin de l'expérience, mais elle n'indique ni le retard du mou- 
vement cardiaque sur l'excitation qui l'a provoqué, ni les phases 
de ce mouvement cardiaque. | 


SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 65 


Ainsi, par la méthode de Fick, on se prive d’un grand nombre 
de renseignements utiles sur les caractères du mouvement que 
l'on inscrit. On va voir que c’est l'emploi de cette méthode que 
Bowditch doit accuser s’il n'a pas vu les conditions dans les- 
quelles les excitations suffisantes provoquent ou ne provoquent 
pas de mouvements dans le cœur qui les reçoit. 


16. À, — Auginentation d'énergie des systoles du cœur sous l'influence d’excita- 
tions électriques croissantes. (Cette figure se lit de droite à gauche.) 


Un autre travail, relatif à l'excitabilité cardiaque, est dù à 
Rossbach ; il a pour objet l'étude des excitations traumatiques 
portées sur les ventricules ou sur les oreillettes (4). 

Cet auteur a signalé un phénomène fort curieux : c’est la pro- 
duclion d'une atonie locale et temporaire dans la pointe du 
ventricule quand elle à reçu une forte excitation traumatique. 
Après celte excitation, on voit, pendant une série de systoles, la 
région contuse rester relàchée pendant que le reste du ventricule 
devient pâle et dur. Celle partie contraste avec le reste de l’or- 
gane en ce qu'elle forme une petite hernie, une sorte de sac 
rouge dans lequel se réfugie le sang du ventricule en systole. 

Ces observations semblent avoir été faites exclusivement de 
visu; ainsi, quand il s’agit d'apprécier l'influence de la phase 
d’une révolution cardiaque dans laquelle s'obtient tel ou tel effet 
des excilations traumatiques, l’auteur nous semble parfois s'être 
trompé. Nous reviendrons, du reste, ultérieurement sur ces 
expériences. 


(1) Rossbach, Beëtrage sur Physiol. der Hersens, Verhandl. der Phys. nied. 
Gessellschaft. Wurtzbourg, vol. V, p. 183. 


JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PUYSIOL. — T, XII (1877). 9 


66 MAREY. — RECHERCHES 


Excitations électriques appliquées au cœur pendant que celui-ci 


exécute ses mouvements spontanés. 
A. Influence des courants induits sur les mouvements du cœur. 


Pour obtenir des résultats bien comparables entre eux, Je me 
suis servi exclusivement de courants induits de rupture. Or ces 
excitations, bien que toujours égales entre elles, donnent nais- 
sance à des effets très-différents. Tantôt le cœur semble n ‘avoir 
pas reçu d’excitation, tantôt il réagit. Dans ces derniers cas, le 
mouvement apparaît tantôt avec une grande soudaineté (1/10 de 
seconde), et tantôt après un retard considérable (1/2 seconde et 
même plus). Enfin, la systole provoquée peut être, dans certains 
cas, aussi forte que celles qui se produisent spontanément, tan- 
dis que, d’autres fois, elle est pour ainsi dire avortée. 

En faisant un grand nombre d’expériences, j'ai pu m'’assurer 
que si la réaction du cœur n’est pas toujours la même, cela tient 
à ce que l'excitation n’arrive pas toujours au même instant de la 
révolution du cœur, et que si on excite le cœur toujours à la 
même phase de sa systole ou de sa diastole, il donne toujours la 
même réaction. 

Voici les conditions dans lesquelles les expériences ont été 
faites. ; 

La figure 2 montre une grenouille étalée sur une planchette 
de liége et dont le cœur est mis à nu. Get organe est saisi, au ni- 
veau de la région ventriculaire, entre les mors d’une sorte de 
pince myographique formée de deux cuillerons portés chacun par 
un bras coudé. L'un de ces bras est fixe, et l’autre, mobile, porte 


un levier horizontal qui lui est perpendiculairement implanté et 


qui, par son extrémilé munie d’une plume, trace sur un cylindre 
enfumé. Le cuilleron mobile est rappelé par un petit fil de 
caoutchouc fixé à une épingle e et agissant comme ressort, de 
telle sorte que chaque systole du ventricule écarte les mors de la 
pince en tendant le fil élastique, tandis qu’à chaque diastole le 
cœur redevenant mou laisse revenir le mors de la pince sous la 
traction du ressort. 


SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 67 


La traction du fil de caoutchouc, suivant qu’elle est plus ou 
moins énergique, modifie les caractères du tracé cardiaque. Si la 
traction est très-forte, elle comprime énergiquement le ventri- 
cule et empêche le sang de le remplir pendant la diastole : dès 


FiG. 2. — Myographe du cœur. 


lors, on n'obtient plus que les courbes myographiques du ventri- 
cule qui fonctionne comme dans le cas où le cœur serait isolé. 
Mais si la traction est faible, le ventricule effectue sa réplétion 
diastolique et le tracé renferme tous les détails normaux de la 
pulsation cardiaque. 

Le tracé, figure 3, montre les transformations successives que 
présente le cœur d’une grenouille sous l’influence d’une traction 
de plus en plus énergique du fil tenseur du myographe. 


FIG. 3, — Tracés cardiaques de la grenouille sous l’influence d’une pression 
croissante du myographe. 


Sur les tracés représentés plus loin, le lecteur reconnaitra 
donc aisément, d’après la forme de la courbe, le degré de pres- 
sion auquel était soumis le ventricule. 


68 MAREY. — RECHERCHES 


Dans le myographe qui vient d’être décrit, les cuillerons sont 
électriquement isolés par des pièces d'ivoire placées sur le trajet 
des bras qui les supportent. Chaque cuilleron est mis en rapport 
avec un fil métallique destiné à transmettre au cœur des exci- 
tations électriques de différentes natures. Les courants de pile 
ou les courants induits traverseront donc le ventricule, dans le 
sens transversal, en passant d’un des cuillerons à l'autre. 

Enfin, pour signaler l'instant précis où se produit l'excitation 
électrique dont on veut connaître les eflets, on dispose, au- 
dessous de la pointe du levier qui trace les mouvements car- 
diaques, la pointe d’un signal de Deprés (fig. 4), qui inscrit, 


FiG. 4. — Signal de Deprés marquant l'instant des excitations électriques. 


avec une précision parfaite, le moment où lexcitation a 
eu lieu. € 

Supposons qu’on veuille appliquer au cœur une excitation 
par un courant induit de rupture: on fait passer à travers le 
signal de Deprés le courant qui traverse la bobine inductrice. 
Dès lors, au moment précis de la rupture du courant inducteur, 
le signal tracera sur le papier l'instant de cette rupture qui 
coïncide absolument avec la production du courant tiQuit eXCI - 
tateur. | : 

L'expérience étant ainsi disposée, on donne au cœur une exci- 
tation électrique au début d’une systole, puis, après avoir observé 
les effets qui se sont produits, on excite de nouveau le cœur à 
un moment plus avancé de sa phase systolique, puis, à un autre 
moment plus tardif encore; enfin, par des excitations successives, 
on explore de la même façon l’excitabilité du cœur aux diffé- 
rents instants de sa diastole (1). 

(1) J'avais d’abord essayé de provoquer, par les mouvements du cœur lui- 
même, les excitalions qu'il reçoit; mais le dispositif compliqué nécessaire pour 


obtenir cet effet n’est pas indispensable ; on s’habitue bien vite à produire l’excita- 
tion au moment voulu en se guidant sur le tracé qui s’inscrit, 


TT Se 


SUR LES EXUITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 69 


La figure 5 montre ce qui se produit dans certaines conditions 


FIG. 5. — Excitation d’un cœur de grenouille à différents instants de sa révolution. 
La ligne O 0’ représente l'origine commune des révolutions cardiaques pendant 
lesquelles l’excitation s’est produite. 


qui seront indiquées tout à l’heure. De la ligne inférieure 1 à 
la ligne 3, le cœur est réfractaire aux excitations ; cette période 
réfractaire correspond au début de la phase systolique. — De la 


70 MAREY. — RECHERCHES 


ligne À à la ligne 8, le cœur réagit aux excitations, mais avec 
des rapidités bien différentes. Ge retard correspond à ce que 
Helmholtz appelle £emps perdu pour les muscles volontaires. Or 
ce retard va toujours en diminuant à mesure que le cœur est 
excité dans une phase plus avancée de sa drastole; 1rès-long 
pour la ligne A où il atteint environ 1/2 seconde, il est presque 
nul pour la ligne 8. (Afin de rendre plus saisissable la durée de 
ce temps perdu, on a teinté par des hachures la: partie du tracé 
qui s’étend depuis le moment de l’excitation jusqu’à l'apparition 
de la systole provoquée.) 

En comparant entre elles les systoles provoquées à différents 
instants, on constate que la systole provoquée est d'autant plus 
forte, qu’elle arrive plus longtemps après la systole spontanée 
qui la précède. 1 semble que le cœur qui vient d’agir ait besoin 
d’un repos pour réparer ses forces, nerveuses ou musculaires, 
et que le mouvement qui se produit est d'autant plus intense 
que ce repos a été plus complet. 

Si l’on suit de bas en haut la série des tracés de la figure 5, 
on voit que l'amplitude des systoles provoquées est d’abord 
petite (ligne A), puis grande (ligne 5), puis qu’elle diminue 
encore (ligne 6), pour grandir de nouveau (dans les lignes 7 
et S). 

Ce fait ne contredit pas ce qui vient d’être dit précédemment ; 
car si dans la ligne 6, par exemple, on voit une systole provo- 
quée plus faible que die la ligne qui la précède et dans celles 
qui la suivent, c’est que la id de la ligne 6 est arrivée 
plus tôt. ; 

Dans l'expérience ci-dessus, une double influence règle le 
moment d'apparition de la systole provoquée. D'une part, l’arri- 
vée de plus en plus tardive de l'excitation électrique tend à retar- 
der de plus en plus l'apparition de ce mouvement; mais, d’autre 
part, la diminution graduelle du temps perdu tend à hâter cette 
apparition. Suivant la prédominance de ces influences contraires, 
les systoles provoquées se montreront plus ou moins tôt et leur 
amplitude en sera modifiée comme on le voit dans la figure 5. 

Après chaque systole provoquée, il se produit un repos com- 


SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 71 


pensateur qui rétablit le rhythme du cœur un instant altéré ; de 
sorte que le même nombre de systoles a lieu, soit qu’on excite 
le cœur, soit qu’on le laisse à son rhythme spontané. L'existence 
de ce repos est très-importante ; elle vient confirmer une loi que 
j'ai cherché à établir, à savoir que /e travail du cœur tend à res- 
ter constant. Les expériences auxquelles je fais allusion mon- 
traient que le cœur règle le nombre de ces mouvements sur les 
résistances qu'il doit vaincre à chacune de ses systoles: que si on 
élève la pression du sang dans les artères, le cœur, devant à 
chaque systole soulever une charge plus forte, ralentit ses batte- 
ments; car chacun d’eux constituant une plus grande dépense de 
travail, devra être suivi d’un plus long repos. Si, au contraire, 
une hémorrhagie diminue la résistance que chaque systole doit 
vaincre, chacun de ces mouvements représentera une moindre 
dépense de travail et sera suivi d’un moindre repos ; le cœur 
accélérera donc ses mouvements. 

Les expériences dans lesquelles on provoque des systoles du 
cœur au moyen d’excitations artificielles constituent un corol- 
laire de la loc d’uniformité du travail du cœur. 

Dans la figure 5, les mouvements cardiaques pendant lesquels 
“une excitation électrique a été produite sont superposés (ligne 
0 0’), les systoles spontanées qui réapparaissent après celles que 
l'excitation électrique a provoquées sont superposées également, 
de sorte que le cœur n’a été troublé dans son rhythme que pen- 
dant un temps très-court. Il n’en est pas toujours ainsi, et j’ai 
observé quelquefois qu’une excitation électrique du cœur en 
trouble les mouvements pendant un temps assez long. On observe 
alors une série de mouvements irréguliers qui se reproduisent 
périodiquement, dans un ordre toujours le même,-jusqu’à ce 
que réapparaisse le rhythme normal. Il m’a semblé que pour 
obtenir ces rhythmes irréguliers et périodiques, il fallait que 
l'excitation arrivât au ventricule à un instant déterminé de sa 
révolution, et cet instant correspondrait à celui qui sépare la sy- 
stole de la diastole du ventricule. Ces faits ont besoin d’être étu- 
diés avec plus de soin ; je ne puis que les signaler à l’attention 
des expérimentateurs. 


72 MAREY. — RECHERCHES 


Influence de l'intensité des courants induits sur l’excitabilité 
du cœur. — La phase réfractaire qui à été signalée dans l’expé- 
rience précédente n'existe que pour des excilations électriques 
peu intenses. Elle disparait quand on augmente l'intensité du 
courant induit, et reparaît de nouveau si l'intensité est diminuée. 
On ne peut, à cet égard, donner la valeur absolue des intensités 
électriques convenables pour faire paraître et disparaître la phase 
réfractaire, mais le tâtonnement conduit bien vite à la détermi- 
nation de ces intensités (1). 

Du reste, chaque cœur sur lequel on opère présente un degré 
particulier d’excitabilité et exige des courants induits d’intensités 
différentes pour présenter la phase réfractaire. On va voir que 
l'influence la mieux constatée pour faire varier lexcitabilité du 
cœur, c’est la température à laquelle cet organe est soumis. 

Influence de la température sur l'exatabihité du cœur. — En 
répétant un grand nombre de fois l'expérience dont les résultats 
ont élé représentés figure 5, je m'aperçus qu'à certains jours 
les cœurs de grenouille ne présentaient pas la période réfrac- 
taire, et constatai bientôt que ce phénomène tenait à une éléva- 
tion de la témpérature. La figure 6 montre un type de ce genre. 
On y voit que, sauf l'absence de période réfractaire, le cœur 
se comporte comme dans le cas précédent. Ainsi, on observe 
l’inégale durée du temps perdu suivant la phase de la révolution 
cardiaque où l'excitation est arrivée, le temps perdu étant tou- 
jours maximum quand l'excitation arrive au début d’une sy- 
stole. 

Dans le cas de la figure 6, si l’on eût diminué l'intensité des 
courants induits, on eût vu apparaître la phase réfractaire, ainsi 
que Je m’en suis assuré dans des cas analogues. 

Les deux phénomènes, perte de l’excitabilité et augmentation 
de la durée du temps perdu, sont de même ordre, c’est-à dire 


(1) Si l’on se sert d’une bobine d’induction à glissière et qu’on engage assez peu 
la bobine inductrice dans l’induite pour que le cœur, même en diastole, ne réagisse 
pas aux excitations, il suffit d'engager graduellement cette bobine, pour qu’à un mo- 
ment donné le cœur eu diastole se montre sensible aux excitations. Qu’on appli- 


que alors ces courants induits au cœur en systole, on les trouvera sans effets sur Le 
rhythme du cœur, 


EN PNR PR CES 


SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 73 


que tous deux se produisent sous les mêmes influences. Quand 
on éludie à l’aide du myographe un musçle quelconque, on voit 


FiG. 6.—- Excitations électriques d’un cœur réchauffé ; l'excitation arriveà différents 
instants de la révolution cardiaque. 


que la fatique diminue l'amplitude des secousses, accroît leur 
durée et augmente également celle du temps perdu. La même 
chose arrive par le refroidissement du muscle ; elle s’observe 
aussi quand on diminue l'intensité de l’excitant. Ainsi, les phé- 
noménes qui viennent d’être observés à propos du cœur le rap- 
prochent des autres muscles, et montrent que les mêmes in- 
Îluences augmentent ou diminuent l’excitabilité cardiaque. 

D'une part, en excitant le cœur toujours au même moment de 
sa révolution, sijl’on emploie des courants induits d'intensité 
décroissante, on voit s’allonger le temps perdu qui précède la 


7h MAREY. — RECHERCHES 


4 


systole provoquée, jusqu’à ce que le cœur soit réfractaire à 
l'excitation. 

D'autre part, si l’on conserve la même intensité aux excitations 
électriques, il suffit de refroidir le cœur pour que son temps 
perdu augmente graduellement et que lorgane devienne enfin 
réfractaire aux excitations. Ces variations de l’excitabilité cardia- 
que s’obtiennent à volonté en plongeant les pattes de la gre- 
nouille dans un bain froid ou chaud. Sur un cœur isolé de tor- 
tue, on obtient les mêmes effets en faisant circuler dans cet organe 
du sang échauffé ou refroidi. | 

En présence de ces faits, on est conduit à se demander si les 
variations de l’excitabilité du cœur aux différents instants de sa 
révolution ne dépendraient pas de changements rhythmés de sa 
température, de sorte que le cœur, au moment où il présente la 
moindre excitabilité, soit plus froid que dans les autres instants 
de sa révolution. D’après certaines expériences faites sur la tem- 
pérature du cœur au moyen d’aiguilles thermo-électriques, il m'a 
semblé que ces variations rhythmées de la température du cœur 
existent réellement, et que l’ordre dans lequel elles se produisent 
est précisément celui que l'hypothèse ci-dessus faisait prévoir, 

Influence de courants induits successifs sur le rhythme du 
cœur.— Au lieu de courants induits isolés dont chacun provoque 
dans le cœur une systole, de même qu’il provoque une secousse 
dans un muscle volontaire, prenons, comme excitants, des cou- 
rants induits fréquemment répétés : nous constaterons, dans la 
manière dont le cœur réagit, une particularité remarquable. 

Tandis que les muscles ordinaires se tétanisent sous l'influence 
de cette sorte d’excitant, ou du moins réagissent par une secousse 
à chaque courant induit qui les traverse, le cœur ne fait qu’ac- 
célérer le nombre de ses battements. 

Supposons que le cœur donne, par son rhythme propre, un 
battement par seconde, et qu’on lui applique des courants induits 
successifs au nombre de 10 par seconde; le cœur ne fera que 
doubler ou tripler la fréquence de ses mouvements. De sorte que, 
dans les conditions où un muscle ordinaire eût réagi dix fois, le 
cœur ne réagit que deux ou trois fois. 


SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR., 79 


Afin de rendre bien saisissable la manière dont les choses se 
passent, on a inscrit, dans la figure 7, le nombre des excitations 
que le cœur recevait, en même temps que le nombre des sy- 
stoles qu'il effectuait. Un signal électrique traversé par le courant 
inducteur sert à compter le nombre des courants induits qui sont 
envoyés au cœur de la grenouille : chaque inflexion de la ligne 
inférieure crénelée correspond à la production d'un courant 
induit (1). 

La figure 7 montre une série d’expériences faites avec des 
courants induits d'intensité constante, mais de fréquences iné- 


FiG. 7. — Excitation du cœur par des courants induits de rupture; le nombre de 
ces courants est indiqué par celui des vibrations du signal au-dessous de chacun 
des tracés. 


gales : pour la ligne 4, les courants se répétaient seize fois par 
seconde ; pour la ligne 2, quatorze fois; pour la ligne 3, huit 
fois. 

Or, malgré cette différence considérable dans la fréquence 
des excitations, celle des systoles provoquées reste presque con- 
sStante. 


(4) En effet, à chaque fois que la ligne s'élève, c'est que le courant inducteur 
est rompu et que la désaimantation du fer doux abandonne le style traceur à la 
traction d’un ressort. Chaque fois que la ligne s’abaisse, c’est que le courant est 
refermé et que l’aimantation du fer doux rappelle le style malgré la tension du 
ressort. 


76 MAREY. —-— RECHERCHES 


Ainsi, une même longueur prise sur chacune des trois lignes 
pendant la période d’excitations répétées contient sensiblement 
le même nombre de battements du cœur dans ces différents tra- 
cés, bien que la fréquence des excitations ait varié de 4 à 2. 

Si la fréquence des excitations modifie peu celle des batte- 
ments du cœur, il n’en est pas de même de la force de l’excitant. 
En augmentant l'intensité des courants excitateurs sans en faire 
varier le nombre, on change le nombre et le caractère des sy- 
stoles provoquées. 

Plus les courants induits seront intenses, plus seront nom- 
breuses les systoles du ventricule ; ‘celles-ci arriveront même à 
une sorte de fusion tétanique, lorsque l'intensité des courants 
sera suffisante. La figure 8 donne deux types bien tranchés de 
celte modification des mouvements du cœur. Pour la ligne 4, 
la bobine peu engagée donnait des courant très-faibles ; pour la 
ligne 2, la bobine était engagée au maximum. Or, dans les deux 
cas, la fréquence des excitations était la même. 


/ 
\/ 
VU 


VU uv u VUUUVUUUVUUUU 


FiG. 8. — Excitation du cœur par des courants induits de même fréquence, mais 
de force inégale. Ligne 1, courants faibles ; ligne 2, courants forts. 


Dans ces deux types, on retrouve l’analogue de ce qui se pro- 
duit dans un muscle ordinaire auquel on donne des secousses 
plus ou moins rapprochées. Tant que les secousses sont peu 
nombreases, elles restent distinctes, mais dès qu’elle se rappro- 
chent suffisamment, elles se fusionnent et le muscle semble être 
dans un état de raccourcissement permanent. Si la fusion téta- 
nique des systoles est plus complète dans la ligne 2, c’est que le 
nombre de ces systoles est plus grand que dans la ligne 1. 


SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 77 


Pour rendre le phénomène plus 
sensible, on a représenté dans là 
figure 9 les mouvements d'un cœur 
qui reçoit des courants induits de 
fréquence croissante, mais d'intensité 
variable à chaque instant. A cet eflet, 
pendant que linterrupteur électrique 
vibrait avec une fréquence constante, 
on enfonçait la bobine inductrice dans 
linduite d’une manière graduelle , 
afin d'accroître graduellement l'inten- 
sité des excitations, puis on retirait 
craduellement la bobine afin de dimi- 
nuer la force des courants induits. On 
voit que de a en à (période d’accrois- 
sement de l'intensité des courants), le 
nombre des systoles s’est accru, tandis 
qu'il a diminué dans la phase suivante, 
de à en c (période de diminution des 
excitations). 

Dans toutes ces expériences, on 
constate qu'après les périodes d’exci- 
tation, en c, le cœur présente un 
repos assez prolongé, ordinairement 
plus long que celui qui succède à 
une excitation simple. 

Notons enfin que le nombre des 
systoles provoquées, bien que crois- 
sant avec l'intensité des courants 
induits successifs, n’atteint pas le 
nombre de ces courants. Sur ce point, 
le muscle cardiaque semble donc se 
distinguer des autres muscles. 

Toutes les particularités qui vien- 
nent d'être signalées tiennent à une 
cause unique : Le cœur présente à 


— Excitatien du cœur, de fréquence constante, mais d’intensité croissante d’abord, puis décroissante, comme l’exprime la courbe a, b, c. 


uuunnnnnnin ent 
ÿ TUEUR UV LAVE UT LAND UV TUTELLE 


F6. 9. 


78 MAREY.— RECHERCHES 


chacune de ses révolutions une phase pendant laquelle il est 
réfractaire, et cette phase correspond à la systole ventriculaire. 
On a vu précédemment que cette hypothèse explique l’incon- 
stance que Bowditch avait signalée relativement à la manière 
dont le cœur réagit à des excitations qui suffisent parfois à provo- 
quer sa systole; elle explique également la raison pour laquelle 
le cœur, dans son tétanos incomplet, ne donne pas un nombre 
de secousses égal à celui des courants induits qui le traversent. 

En effet, supposons que, dix fois par seconde, les courants se 
reproduisent et que cette série d’excitations commence au moment 
où le cœur étant relâché est redevenu excitable pour les courants 
que l’on emploie : Le premier courant qui arrivera au cœur pro- 
duira une systole et aussitôt, le ventricule devenant réfractaire, 
tous les courants qui lui arriveront seront non avenus pour lui, 
jusqu'au moment où, la systole commencée étant finie, le cœur 
redeviendra excitable. 

Alors le premier courant que le cœur recevra le mettra dans 
un nouvel état systolique et le rendra de nouveau réfractaire, 
jusqu’à la fin de cette nouvelle systole pendant laquelle une série 
d’excitations seront encore inefficaces, et ainsi de suite : de cette 
façon, sur cinq excitations appliquées au cœur, qualre par 
exemple seront sans effet. 

Imaginons que le nombre des excitations soit porté à vingt 
par seconde. La première qui trouvera le cœur excitable le 
mettra en systole et le rendra réfractaire à une série de neuf ex- 
citations par exemple. La dixième trouvera le cœur redevenu 
excitable, mais le rendra aussitôt réfractaire pour une autre série 
de neuf excitalions, et ainsi de suite. 

On voit que dans cette théorie la fréquence des excitations a 
peu d'importance sur le nombre des systoles, le cœur ne pou- 
vant réagir qu'à celles qu'il reçoit au moment où il est exci- 
table. 

Mais si l'intensité des courants s’accroit, le tétanos est plus 
complet, c'est-à-dire que le nombre des secousses du cœur se 
rapproche davantage de celui des excitations. Ce fait, déjà signalé 
implicitement dans les expériences de Bowditch, tient à ce que, 


SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 79 


pour les excitations énergiques, la phase réfractaire du cœur di- 
minue de durée. Au lieu de correspondre à toute la systole, elle 
n’en occupera que la première partie, puis le début seulement, 
si les courants augmentent encore d’énergie ; avec une intensité 
suffisante de courant, la phase réfractaire disparaîtra même tout 
à fait. 

On comprend ainsi que le nombre d’excitations non avenues 
diminuant sans cesse, le cœur réagisse plus souvent et s'approche 
du télanos parfait, qu'il atteindra enfin si les excitations ont une 
intensité suffisante. 

Pour la même raison, on comprendra qu’un cœur chauffé soit 
plus complétement tétanisable qu’un cœur refroidi, attendu qu'en 
chauffant le cœur on diminue la durée de sa phase réfractaire. 


B. Influence des courants de pile sur les mouvements du cœur. 


Les courants de pile peuvent être appliqués de deux manières 

différentes : soit à titre d’excitations brèves, analogues à celles 
que fournissent les courants induits, soit à titre d’excitations de 
longue durée (courants continus). 
Pour appliquer au cœur d’ure grenouille des courants de pile, 
dont le commencement et la fin soient inscrits comme dans les 
expériences faites sur les courants induits, on recourt à la dispo 
sition suivante : 

Le circuit de la pile se fait à travers l’appareil-signal déjà dé- 
crit et se referme au moyen d’une clef de du Bois-Raymond. De 
cette clef part un circuit dérivé qui se rend au cœur de la gre- 
nouille et qui, au moment où l’on ouvre la clef, fait partie du 
circuit principal. 

Dans ces conditions, si la clef est fermée, rien ne passe par le 
cœur, car la résistance de son tissu est infinie pat rapport à celle 
de la clef métallique; alors le signal est traversé par le courant 
et le style est attiré dans la position inférieure. Dès qu’on ouvre 
la clef, le courant passe par le cœur de la grenouille, mais la ré- 
sistance que cet organe lui présente affaiblit tellement le courant, 
que le signal se désaimante comme si le circuit était rompu: 


80 MAREY. — RECHERCHES 
Alors le style passe à la position supérieure, où il reste jusqu’à ce 
que la clef soit fermée de nouveau et que le courant cesse de tra- 
verser le cœur pour repasser par le signal. 

Quand on a soin de n’ouvrir la clef que pendant un temps très- 
court, 1/5 de seconde, le cœur réagit à peu près commeaux cou- 
rants induits. 


VAN A AAA A 2 


EE 


F16: 10. — Cœur de grenouille excité par des courants de pile très-brefs et appliqués 
à des instants différents d’une révolution du cœur. 


La figure 10 montre une série d’excitations obtenues par de 


SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 81 


courts passages du courant d’un élément Daniell de grande di- 
mension. 

Les excitations sont appliquées à différents instants de la révo- 
lution du cœur, comme cela a été fait dans les expériences sur les 
courants induits. 

Mais, dans ce cas d'applications brèves d’un courant de pile, on 
constate que la période réfractaire est absente et que le temps 
perdu est sensiblement le même dans tous les cas. 

Il ne faudrait pas croire cependant à une action particulière du 
courant de pile sur le cœur. L'absence de la période réfractaire 
et la brièveté du temps perdu tiennent à ce que le courant em- 
ployé était trop fort. Il suffit de mettre des résistances sur le 
circuit de ce courant pour en réduire l'intensité. 

On voit alors apparaître les phénomènes auxquels donnent 
naissance les courants induits, c’est-à-dire la phase réfractaire et 
la varialion du temps perdu. Du reste, ces phénomènes varient 
suivant qu’on affaiblit ou qu'on augmente le courant de la pile, 
absolument comme ils varient pour les courants induits de forces 
différentes. 

Si le courant de pile est continu, il se comporte comme des ex- 
citations multiples et produit une tétanisation complète ou incom- 
plète suivant son énergie. 

Or, la théorie qui s'applique à l'influence des excitations in- 
duites fréquemment répétées explique également les influences 
du courant continu: Quand le cœur, à la suite de la clôture du 
courant qui le traverse, est entré en systole, il devient réfractaire, 
et pendant un certain temps les choses se passent comme si le 
courant ne le traversait pas. Puis le cœur redevient excitable et 
rentre dans une nouvelle systole qui lui enlève encore son exci- 
tabilité. 

En somme, les effets des courants de diverses natures se rap- 
prochent les uns des autres d’une manière très-apparente. 

_ Le cœur, de son côté, présente avec les autres muscles des 
analogies marquées, sauf en ce point : qu’à un moment de sa se- 
cousse qui correspond à sa période de raccourcissement, 1l est 


moins sensible aux excitations électriques. 
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL, — T. XI (1877). 6 


82 MAREY. — RECHERCHES 


Est-il bien sûr qu’on ne trouverait pas dans tous les muscles 
de l'organisme une phase de moindre excitabilité ? On n’en sau- 
rait répondre à priori, mais 1l sera intéressant de faire sur ce 
sujet des recherches spéciales, en plaçant les muscles explorés 
dans les conditions favorables à la production de la phase réfrac- 
taire. 


CONCLUSIONS. 


L’excitabilité du cœur n’est pas la même aux différents instants 
d’une révolution cardiaque. 

Une excitation unique, si elle est très-intense, provoque, il est 
vrai, toujours une systole du cœur, ainsi que l’a vu Bowditch ; 
mais si elle est faible elle ne trouve le cœur excitable qu'à cer- 
tains instants. 

Le cœur présente à chaque révolution une phase réfractaire. 
Celle-ci correspond au commencement de la systole des ventri- 
cules. Du reste, cette phase varie en durée suivant l’intensité de 
l’excitant et suivant les conditions où se trouve le cœur. 

Relativement à l'intensité de lexcitant on constate que si l’ex- 
citation est faible la période réfractaire dure au moins pendant 
toute la phase systolique ; quand l’excitation augmente de force, 
la phase réfractaire se réduit aux premiers instants de la systole 
ventriculaire et finit par disparaître tout à fait si l'excitation de- 
vient assez forte. 

Relativement aux conditions où se trouve le cœur, on voit que 
la chaleur abrége et peut même supprimer la phase réfractaire, 
tandis que le froid en augmente la durée. 

La position de cette phase, au début de la systole, tient peut- 


être à un abaïissement de la température du cœur qui se produit 


périodiquement à la fin de chaque diastole; cette supposition 
semble confirmée par certaines mesures thermo-électriques de 
la témpérature cardiaque. 

Les systoles provoquées artificiellement ne troublent pas sen- 
siblement le rhythme du cœur, car celui-ci compense par un 
repos plus grand qu’à l’ordinaire le travail excessif qu’on lui a 
fait faire. | 


SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 83 


Il y a là une nouvelle preuve de la tendance du cœur à tra- 
vailler uniformément. 

Toute systole provoquée a d'autant plus d'amplitude qu’elle 
arrive plus tard après la systole spontanée qui la précède. 

Toute systole provoquée a un temps perdu d’autant plus court 
que l’excitation qui lui a donné naissance est arrivée plus tard 
après la systole spontanée qui la précède. 

Quand une série d’excitations électriques faibles agit sur le 
cœur, la plupart de celles-ci trouvent le cœur réfractaire, aussi 
le nombre des systoles est-il beaucoup plus petit que celui des 
excitations. 

On peut faire varier la fréquence des excitations faibles sans 
changer sensiblement celle des systoles : le cœur, dès qu'il a reçu 
une excitation efficace, se trouvant ramené à la phase réfrac- 
taire. 

Mais si l’on fait varier l'intensité des excitations sans en changer 
la fréquence, comme la période réfractaire devient moins longue, 
le nombre des systoles s'approche de celui des excitations et peut 
l’atteindre, ce qui met le cœur dans un état de tétanos quand les 
excitations sont assez fréquentes. 

Les courants de pile de courte durée se comportent sensible- 
ment comme les courants d’induction. 

Le courant continu d’une pile, lorsqu'il est faible, agit comme 
une série d’excitations discontinues et ne fait qu’accélérer le 
rhythme du cœur. Cela tient à ce que le courant n’agit que dans 
le moment où le cœur n’est pas réfractaire. | 

Mais un courant de pile suffisamment intense acélère davan- 
tage le rhythme cardiaque, car la période réfractaire est plus 
courte pour les courants forts. 

À un certain degré d'intensité, le courant de pile met le cœur 
dans un tétanos complet. 


ANALYSES ET EXTRAITS 


DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS 


DU VOLUME DES ORGANES 


DANS SES RAPPORTS AVEC LA CIRCULATION DU SANG (1) 


Par M. FRANÇOIS-FRANCK 


Préparateur au Collége de France. 


Les changements de calibre des vaisseaux s’accompagnent de chan- 


gements de volume du tissu tout entier, et il est possible de constater 


ces variations en enfermant un organe vasculaire, la main par exemple, 
dans-un appareil en forme de manchon, rempli d'eau, hermétiquement 
fermé et ne communiquant avec l’extérieur que par un tube vertical. 
Chaque augmentation du volume de la main provoque un déplacement 
d’eau correspondant à la quantité de sang qui s'est ajoutée au contenu 
des vaisseaux; cette eau déplacée monte dans le tube vertical, et le 
niveau s'élève d'autant plus haut que l’augmentation du volume de l’or- 
gane immergé a été plus considérable. Inversement, quand jes vaisseaux 
se resserrent et que la main vient à contenir moins de sang, l’eau est 
rappelée vers l'appareil et son niveau s’abaisse proportionnellement à la 
quantité de sang qui vient d'abandonner le tissu vasculaire. 

C'est au D' Piégu que semble devoir être attribuée la première re- 
cherche de ce genre (Comptes rendus de l’Acad. des sc., 1846) ; plusieurs 
auteurs s'en sont depuis occupés, mais leurs expériences sont restées 
à peu près ignorées : Chelius et Fick en Allemagne, Ch. Buisson en 
‘ France, sont les seuls qui, d’après François-Franck et Mosso, aient fait 
quelques recherches sur ce sujet. 

A. Mosso (Turin) et François-Franck ont étudié chacun de leur côté, à 
des points de vue et avec des appareils différents, les changements de 


volume du membre supérieur dans ses rapports avec la circulation san-: 


guine. L'appareil dont s’est servi François-Franck est représenté dans la 
figure suivante. 

C'est avec cet appareil, analogue à celui que signala Buisson en 1862 
(Thèse inaug., Paris), qu'ont été étudiés les changements produits dans le 
volume de la main sous des influences variées. Les mouvements du 


(4) Extrait d'un mémoire publié dans les travaux du laboratoire du professeur 
Marey. G. Masson, 1876. — Voyez aussi Comptes rendus de l’Acad. des sciences, 
avril 4876. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 85 


liquide dans l’ampoule du tube vertical sont communiqués, par l’inter- 
médiaire de tubes à air, à un tambour à levier inscripteur de Marey et 
enregistrés sur un cylindre tournant. Les principaux résultats des expé- 


Fi. 4. — Appareil explorateur des changements du volume de la main. — La mem- 
brane au travers de laquelle passe l’avant-bras est immobilisée par une Flaque 
métallique ; dans le tube vertical muni d’une ampoule, s’opèrent les changements 
de nivzau qui s'inscrivent à distance à l’aide de la transmission par l'air. 


riences exécutées du mois de mars 1875 au mois de février 1876 sont 
résumés par l’auteur dans les conclusions suivantes : 

1° Les doubles mouvements dela main {augmentation et diminution), 
affectant avec la fonction cardiaque les mêmes rapports que le pouls 
d'une seule artère, doivent être considérés comme l’expression des pul- 
sations totalisées des vaisseaux de la main. 

2° Quand on examine la ligne d'ensemble du graphique fourni par les 
pulsations de la main, on y remarque de grandes ondulations dans les- 
quelles il est facile de reconnaitre l'influence des mouvements respira- 
toires ; en enregistrant comparativement les courbes de la respiration et 
celles des variations du volume de la main, on peut s'assurer que, 
dans les conditions normales, la main augmente de volume pendant 
l'expiration et diminue pendant l'inspiration. Les variations de volume 
sont du reste, ici comme en toute autre circonstance, en rapport avec 
les variations de la pression artérielle. 

3° L'expansion d’origine cardiaque du tissu vasculaire retarde sur le 


86 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


début de la systole du même temps que le pouls radial. Ce retard aug- 
mente ou diminue de part et d'autre suivant que l'évacuation du cœur 
gauche est lente ou rapide. 

L° Chaque tracé des variations du volume de la main présente un di- 
crotisme simple ou double, identique à celui du pouls artériel et recon- 
naissant la même cause (onde liquide de retour). 


FiG. 2. — Tracés des pulsations du cœur (ligne C) et des changements du volume 
de la main (ligne V) recueillis simultanément. Repères indiquant les rapports des 
pulsations de la main et des pulsations du cœur. (Courbes reproduites par l’hé- 
liogravure.) 


5° Le volume des organes explorés diminue sous l'influence de causes 
mécaniques variées, compression de l'artère principale, aspiration du 
sang vers d’autres organes, à l’aide de la ventouse Junod, par exemple. 

6° Ce volume augmente, au contraire, quand on provoque mécani- 
quement l'accumulation du sang dans l'organe : la compression veineuse 
réalise cette condition au maximum, il arrive même un moment où le 
sang artériel ne peut plus pénétrer dans la main quand on supprime les 
voies de retour : la pression dans les veines fait alors équilibre à la pres- 
sion dans les artères. D’autres causes mécaniques déterminent aussi 
l'augmentation du volume de la main, par exemple la compression d’ar- 
tères importantes (les fémorales), la compression d’un membre inférieur 


avec la bande d’Ezmarch, l'élévation du bras opposé au bras ex- 


ploré, etc. 

17° Des influences nerveuses directes ou réflexes modifient le volume 
des organes en modifiant le calibre de leurs vaisseaux. 

Le refroidissement de l’eau dans laquelle la main est immergée déter- 
mine un resserrement vasculaire et une diminution de volume. 

L'application passagére du froid sur la peau du bras détermine une 
diminution de volume dans la main correspondante, par le resserrement 
des petits vaisseaux, dû à un acte réflexe des nerfs sensibles sur les nerfs 
vasculaires. : 

La réalité de ce réflexe se démontre par l'exploration du volume d’une 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 87 


main quand on impressionne la main opposée par le simple contact d’un 
corps froid; l'expérience prouve en effet qu'il ne s’agit point, dans ce 
phénomène, d’un refroidissement du sang, ni d’une modification ap- 
portée au jeu du cœur. (Expérience faite par MM. Brown-Séquard et 
Tholozan avec l'exploration thermométrique. ) 

Le temps qui s'écoule entre l'instant de l'impression et l’apparition 
du resserrement des muscles vasculaires (temps perdu des muscles 
lisses) augmente avec la fatigue de ces muscles. 

8° Dans les respirations ordinaires, larges et faciles, le volume de la 
main augmente pendant l'expiration, diminue pendant l'inspiration. 
Mais les rapports des courbes de variations du volume avec les courbes 
respiratoires peuvent varier suivant le type de la respiration (thora- 
cique, abdominale). 

9° L’effort, par la compression intra-thoracique et intra-abdominale 
qu’il détermine, chasse du sang artériel vers la périphérie et favorise 
l'évacuation du cœur. 


L’exploration des variations du volume de la main peut être appliquée 
en médecine à l'étude des médicaments qui agissent sur l’appareil vas- 
culaire ; il est possible de suivre avec l'appareil à déplacement le progrès 
du rétablissement de la circulation collatérale après la ligature d’une 
artère ou après une oblitération spontanée, etc. 


 Ueber Zellbildung und Zellthelung von D' Edward STRASBURGER. 
Jéna, 1876, 1'° éd. (Sur la formation et la division des cel- 
lules), traduit de l’allemand avec le concours de l’auteur, par 
Jean-Jacques Kicks, professeur à l’université de Gand. 


M. Strasburger, donnant au terme «cellule » l’acception la plus large, 
envisage sous ce titre non-seulement les éléments composés de proto- 
plasma limité par une membrane et renfermant un noyau, mais encore 
toutes les formations qui, pouvant manquer de l’une de ces parties, ont 
cependant une égale valeur histologique. Le mode de formation de la 
cellule est, dans l’histoire de cet élément, un point particulièrement 
obscur et discuté ; aussi ces recherches puisent-elles un grand intérêt 
dans la nature même du sujet dont elles traitent, et cet intérêt s’accroît 
encore par l'étendue du champ des observations. M. Strasburger s’est, 
en effet, occupé de la formation des cellules à la fois chez les végétaux 
et chez les animaux, et les résultats de ce parallèle sont des plus féconds. 

Avec l’auteur, nous commencerons par les cellules végétales. Ici, trois 
modes de formation des cellules sont généralement admis, à savoir : 
4° la formation libre, 2° la division, 3° le rajeunissement. Mais ces 
divers procédés sont mal connus; le rôle du noyau est obscur, et la 


55 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET. ÉTRANGERS. 


production de la paroi des nouvelles cellules donne lieu aux explications 
les plus diverses. Y a-t-il un rapport quelconque entre la division du 
noyau et celle du protoplasma de la cellule-mère, entre la division du 
noyau et la formation des cellules-filles? Ce sont là autant de questions 
controversées ou à peine entrevues que M. Strasburger aborde franche- 
ment el étudie en détail. 

Examinons d’abord comment se comporte le noyau, et prenons le cas 
le plus compliqué du mode de formation des cellules, c'est-à-dire celui 
qui procède par division. Soit par exemple le Spirogyra orthospira, 
algue particulièrement propre à ces observations, parce qu'on peut sui- 
vre sur l'individu vivant tout le phénomène de division des cellules qui 
dure, suivant les circonstances, de trois à six heures. Tout ce que l’on 
savait sur le noyau du Spirogyra pendant la division, c’est qu’à la place 
du noyau primitif de la cellule, se forment deux nouveaux noyaux. 
D'après M. Strasburger, voici comment les choses se passent : le noyau, 
d’abord fusiforme, à grand diamètre perpendiculaire au grand axe de 
la cellule, commence par se gonfler et sa masse atteint, en une demi- 
heure environ, un volume quadruple de ce qu'elle était primitivement, 
A ce moment, le noyau a, sur une coupe, une forme rectangulaire; il 
est transparent ; le nucléole qu’il renfermait est entièrement disparu. 
On voit alors, subitement, sa masse affecter une disposition en filaments 
dont la différenciation avance des deux surfaces latérales vers le plan du 
milieu, où elle se condense en une lame qui réfracte plus fortement la 
lumière. « Sur des préparations qui ont séjourné dans l'alcool, on voit 
» très-bien les filaments ou stries et la plaque qui leur est perpendicu- 
» laire. Dans cesstries, on reconnaît facilement un plasma d’une texture 
» filamentaire. La plaque du milieu présente également des stries dans 
» la même direction, mais elles sont beaucoup plus épaisses. Ce sont de 
» courts bâtonnets séparés les uns des autres par des intervalles de mê- 
» me largeur, » et la lame ou plaque qu'ils constituent par leur ensem- 
ble présente, quand on l’examine de face, la forme d’un disque qui 
atteint par ses bords la périphérie du noyau. M. Strasburger appelle 
plaque nucléolaire cette lame naissant à l’équateur du noyau. 

Bientôt, le noyau s’allonge de telle sorte qu'il prend la forme d’un 
tonneau dont le grand diamètre est parallèle au grand axe de la cellule. 
La plaque nucléolaire s’élargit un peu par suite d’un léger étranglement 
du milieu des bâtonnets; en un mot, cette plaque commence à se divi- 
ser en deux segments. Par la suite, le noyau s’allonge encore, les deux 
segments de la plaque s’écartent davantage l’un de l’autre, et l’on peut 
remarquer qu'ils restent reliés par des fils qui représentent la partie 
médiane étirée des bâtonnets, et qui deviennent de plus en plus minces 
à mesure que les deux seoments s’écartent davantage. Quant aux stries 
qui au début s’étendaient de la plaque nucléolaire aux deux extrémités 


du noyau, elles existent toujours et se perdent maintenant aux deux 
extrémités du noyau. | 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 89 


Aussitôt que la longueur du noyau est devenue plus d’une fois et 
demie ce qu’elle était au moment de la division de la plaque nucléo- 
laire, on voit la paroi latérale de l'espèce de « tonneau » qui représente 
le noyau se partager en fils longitudinaux, et ce phénomène coïncide 
avec l’époque où lés segments de la plaque nucléolaire cessent de se mou- 
voir visiblement. C’est alors que les fils très-Lénus qui reliaient ces deux 
segments venant à se briser, le noyau primitif apparaît comme un ton- 
neau vide offrant à chaque extrémité un disque homogène, provenant 
de la bipartition de la plaque nucléolaire. Ces disques se gonflent, 
deviennent ventrus, et ainsi sont formés les deux nouveaux noyaux. 

Tel est le mode de bipartition du noyau dans la division des cellules 
du Spirogyra. 

Se présente-t-il ainsi ailleurs ? Pour ce qui est, par exemple, de la 
formation des nouveaux noyaux dans la division de la cellule-mère des 
cellules de bordure des stomates, M. Nœgeli pense que le noyau de la 
cellule-mère se résorbe, qu'un autre noyau secondaire se forme proba- 
blement alors et se divise en deux. M. Mohl croyait, au contraire, à la 
division immédiate du noyau de la cellule-mère. 

Voici comment M. Strasburger résume ses recherches sur les stomates 
de l’Iris pumila : « La cellule-mère des cellules de bordure renferme 
» d’abord un grand noyau avec un grand nucléole ou plusieurs nucléoles 
» plus petits. Ce noyau grossit en devenant homogène, puis on voit 
» apparaitre dans son intérieur les stries convergeant vers ses deux pôles, 
» et, à l'équateur, la plaque nucléolaire qui le divise en deux moitiés. 
_» Cette plaque se dédouble, et ses deux segments commencent à s’écar- 
» ter l’un de l’autre. Suit la formation définitive des nouveaux noyaux, 
» correspondant chacun à l’une des deux moitiés écartées du noyau pri- 
» maire. » 

Le procédé est donc semblable à celui que nous avons détaille pour 
le cas du spirogyra. M. Strasburger a observé la même façon d'agir du 
noyau dans la division des cellules de l’endosperme du phaseolus multi- 
florus, dans T’embryon du gingko biloba, dans celui du triticum vulgare, 
dans le cambium du ypinus sylvestris, dans les poils du tradescantia Vir- 
ginica, etc.; on peut donc admettre, pour le cas de formation des 
cellules par division, que le procédé de bipartition du noyau est général. 
Appelons-le, pour éviter toute périphrase, procédé typique. 

Il nous reste encore à examiner comment se comporte le noyau dans 
le cas, non plus d’une division binaire, mais d’une division tétraédrique. 
le divise-t-il en deux fois, ou bien des plaques disposées tétraédrique- 
ment apparaissent-elles dans ce noyau qui se séparerait ainsi aussitôt en 
quatre parties ? Les observations de M. Strasburger sur les pollens de tro- 
pæolum, de cucumis et de diverses autres dicotylées, permettent de con- 
clure qu’il n’existe pas de division tétraédrique d’emblée du noyau de 
la cellule-mère, mais qu’il y a partout une division en deux temps, c'est- 
à-dire, en premier lieu, division binaire du noyau de la cellule-mère, 


A 


90 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


d’après le procédé typique, et, en second lieu, division binaire des deux 
nouveaux noyaux, également par le procédé typique. Il en est de même 
du noyau de la cellule-mère des spores du psilotum triquetrum et de 
l’equisetum. 

En un mot, chaque fois que le noyau de la cellule-mère prend une 
part directe à la formation de nouveaux noyaux, il se divise par un pro- 
cédé unique. 

Cette conclusion, vérifiée par ces nombreux exemples pour le cas 
de la formation des cellules par division, est-elle applicable aux cas 
de formation libre des cellules? Les recherches de M. Strasburger 
à ce sujet ont porté sur des conifères (œuf de l’ephedra altissima, du 
gingko biloba, pinus et picea vulgaris), sur des champignons (spores d’anap- 
tychia ciliaris, de caliciées, de sphærophorées). En résumé, voici ce 
qu'il a observé : Le noyau primitif de la cellule-mère se dissout complé- 
tement, et c'est d’après cette disparition que l’on voit se produire par 
une sorte de genèse de nouveaux noyaux en nombre variable suivant les 
cas considérés. Prenons pour exemple l’œuf (cellule centrale de l’arché- 
gone) du picea vulgaris. Il renferme un gros noyau qui bientôt com- 
mence à s’effacer, sa substance se répandant dans le reste de l'œuf. 
Quand il est complétement réparti dans le protoplasma de l'œuf, on voit 
apparaître simultanément dans le sommet organique de cet œuf (partie 
inférieure de la cellule centrale de l’archégone) quatre nouveaux noyaux 
qui atteignent aussitôt leurs dimensions définitives. 

De la même manière peuvent se former de trois à huit noyaux dans 
l'œuf de l’ephedra altissima, et plus de trente dans l’œuf fécondé du 
gingko biloba. 

Ce procédé de formation semble complétement différer du procédé 
typique, mais, par de patientes recherches, M. Strasburger a été amené 
à saisir le rapprochement qui existe entre ces deux modes. En effet, 
dans l’œuf du picea, la formation des nouveaux noyaux ne s’arrête pas à 
quatre ; il doit en naître quatre nouveaux ; or M. Strasburger a observé 
que tantôt ces quatre derniers noyaux apparaissaient spontanément, 
c’est-à-dire par le même procédé que les quatre premiers, et que tantôt, 
au contraire, ils prenaient naissance par le procédé typique. Le plus sou- 
vent en effet, « dans l’œuf du picea, où existent déjà quatre noyaux, on 
» voit ces quatre noyaux s’arrondir légèrement et leur contour s’effacer 
» un peu. Puis on voit d’autres noyaux environ du même âge montrant 
» à l'équateur la plaque nucléolaire et les stries que nous connaissons. » 
On peut suivre sur des préparations la division d’après le mode typique, 
et finalement les huit noyaux sont formés. De ces faits, M. Strasburger 
pense pouvoir conclure que la différence entre les deux modes de forma- 
tion des nouveaux noyaux n’a pas autant de valeur qu'on pourrait le 
croire. L'apparition spontanée des quatre noyaux est due à une abrévia- 
tion du développement dans lequel des degrés intermédiaires ont été omis. 
Mais ces degrés peuvent réapparaitre ; aussi la division du noyau dans 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 94 


la formation libre des cellules peut-elle être ramenée à la division du 
noyau dans la formation des cellules par division. 

Comparons maintenant ces phénomènes à ceux qui se passent dans 
le noyau des cellules animales. M. Strasburger rapporte un certain nom- 
bre d’observations antérieures aux siennes, et parmi lesquelles nous 
relevons particulièrement celles de M. Bütschli sur les œufs du cucul- 
lanus elegans. Ici, pendant la division du vitellus, on constate la dispa- 
rition de toute délimitation nette entre le noyau primitif et ce vitellus, 
puis, « à l'emplacement du noyau, apparait un corps fusiforme. Ce 
» corps est manifestement formé de fibres longitudinales, et, en même 
» temps qu'il devient visible, on aperçoit dans chacune de ses fibres, 
» à l'équateur du corps, un grain sombre et brillant ; de sorte que ces 
» grains, considérés dans la direction des extrémités du corps fusiforme, 
» constituent par leur réunion un cercle complet. Ce cercle équatorial 
. » unique en développe bientôt deux qui s’éloignent l’un de l’autre dans le 
» sens de la longueur du corps fusiforme, vers les extrémités de celui-ci, 
» jusqu’à ce qu'ils arrivent environ au milieu des segments à former. » 
Le procédé ainsi décrit rappelle d'une manière frappante le procédé 
typique de division du noyau des cellules végétales. Les recherches de 
M. Strasburger ont été faites sur les cellules des cartilages de l'oreille du 
veau et sur des œufs de phallusia mamillata et d'unio pictorum. Pour les 
noyaux des cellules de cartilages, M. Strasburger n’a pas pu suivre toute 
la série des phénomènes, mais il a rencontré assez d'états différents 
dans la division pour pouvoir décider avec certitude que les noyaux des 
cellules du tissu cartilagineux ne se divisent pas par étranglement com- 
me on le supposait, mais par un procédé semblable au procédé typique 
chez les végétaux. Les œufs de phallusia mamillata et d'unio pictorum, 
beaucoup plus favorables aux observations, ont permis à M. Strasburger 
de retrouver dans toutes ses phases la division du noyau telle qu’il l’a 
décrite dans les cellules végétales, et de conclure ainsi à la généralisa- 
tion du procédé chez les plantes et chez les animaux. 

Quant aux phénomènes qui se passent dans le noyau pour arriver à 
sa division, voici comment M. Strasburger les interprète : Sans vouloir 
formuler une hypothèse sur la nature des forces en présence, il est cer- 
tain qu'un antagonisme se développe entre deux endroits opposés de la 
surface du noyau, qui s’allonge sous cette influence. Les molécules qui 
le composent prennent alors une disposition radiale par rapport à ses 
deux pôles. Puis une substance repoussée de ces pôles s’amasse dans 
la région équatoriale et forme la plaque nucléolaire. Cette explication 
repose sur l'observation directe, dans la cellule du spirogyra, où l’on 
peut suivre le mouvement de cette substance des pôles vers l’équateur ; 
son déplacement est accompagné de la différenciation de la masse nu- 
cléaire én stries. C’est alors que la plaque nucléolaire, sollicitée par 
l'influence respective qu’exercent l’un sur l’autre les deux pôles du 
noyau, se clive en deux segments égaux qui s’éloignent l’un de l’autre. 


92 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Sans insister davantage sur le procédé de division du noyau cellulaire, 
examinons maintenant comment se forment les nouvelles cellules et 
quel rôle joue le noyau dans cet important phénomène. 

Prenons, comme premier exemple, un cas de formation libre d’une 
cellule végétale, tel qu'il s'en présente dans l’endosperme du phaseolus 
multiflorus. Comme nous l'avons dit plus haut, le noyau de la cellule- 
mère disparait d’abord ; puis apparaissent les nouveaux noyaux ; mais 
ceux-ci ne précèdent pas, comme on le croyait, dans leur apparition le 
reste de la cellule : « Dans son évolution, en effet, le noyau apparait 
» comme un simple point; autour de celui-ci, pris comme centre, se 
» dessine en même temps une zone transparente qui, malgré ses con- 
» tours délicats, affecte la forme d’une sphère. » A mesure que le 
noyau ponctilorme s’accroit, la zone sphérique d'attraction qui l'entoure 
augmente en proportion, et prend une disposition manifestement rayon- 
nante. Pendant que l'accroissement de la cellule continue, le protoplasma 
se retire peu à peu du noyau vers la couche extérieure, où il se trans- 
forme en une couche granuleuse. Ce n’est que lorsque deux cellules 
viennent à se toucher que l’on peut constater entre leurs deux parois 
l'apparition d’une lamelle de cellulose. 

La formation libre des cellules dans l’œuf de l’ephedra et dans celui 
du gingko biloba est identique, et les mêmes phénomènes se présentent 
avec plus de netteté encore chez les animaux. M. Strasburger les a pu 
suivre en entier sur les œufs vivants du phallusia. « Dans ces œufs, on 
» constate un arrangement radial du protoplasma, par rapport aux deux 
» pôles du noyau cellulaire entrant en partage. Cette disposition s’ac- 
» centue davantage quand les deux segments de la plaque nucléolaire se 
» sont écartés l’un de l’autre. On obtient ainsi deux « soleils » dont les 
» rayons grandissent » jusqu'à, d’une part, atteindre la périphérie de 
l'œuf, et, de l’autre, se toucher sous un angle plus ou moins grand 
dans sa région équatoriale. Alors apparaît dans cette région un léger 
étranglement annulaire, qui commence uniformément sur tout le pour- 
tour de l'œuf et s’avance si rapidement vers l’intérieur, qu’en peu d’ins- 
tants la séparation des deux moitiés de l’œuf peut être achevée. 

Dans les points essentiels, ce procédé est le mème que celui qui est 
employé dans la formation libre des cellules végétales. M. Strasburger 
le considère comme le procédé typique, et nous allons voir qu’il se laisse 
également comparer au mode de formation des cellules par division, 
Prenons comme exemple le mode de formation par division des quatre 
dernières cellules dans l’œuf du picea. Nous avons dit plus haut com- 
ment la plaque nucléolaire, née par action répulsive à l'équateur du 
noyau de la cellule-mère, se dédouble pour donner naissance aux deux 
nouveaux noyaux. Les deux segments ainsi formés restent reliés l’un à 
l’autre par des filaments granuleux. C’est à ce point que nous avons 
cessé de poursuivre l'examen du noyau primitif, puisque cet état coïnci- 
dait avec la formation des deux jeunes noyaux. Voyons donc ce qui va 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 93 


se passer : Les filaments interposés entre les deux plaques nucléolaires 
commencent bientôt à se gonfler vers le milieu de leur longueur, et 
toutes ces parties gonflées, placées en un même plan, produisent une 
nouvelle plaque équatoriale qui devient de plus en plus distincte à me- 
sure que la différenciation définitive des jeunes noyaux avance. Vu son 
rôle, M. Strasburger appelle cette nouvelle plaque plaque cellulaire. Elle 
se divise bientôt par son milieu, et les deux moitiés qui en résultent 
deviennent les couches membraneuses des nouvelles cellules. Ce clivage 
d’une seule couche membraneuse en deux se fait d'une manière analo- 
gue au clivage des bâtonnets dans la plaque nucléolaire ; mais, tandis 
qu'entre les deux segments de cette dernière des fils granuleux persis- 
taient, ici, ces granulations se retirent dans les deux segments de la pla- 
que cellulaire, laissant entre ces segments un vide dans lequel la cellu- 
lose est sécrétée, et forme bientôt une membrane continue. Quant à la 
plaque cellulaire, elle résulte d’une action répulsive de la part des deux 
noyaux en voie de formation, et, dès lors, est comparable à la couche 
granuleuse que nous avons vue se produire par répulsion à la périphérie 
du protoplasma radié des jeunes cellules en voie de formation libre. Le 
rapprochement paraitra encore plus évident quand nous aurons dit que 
dans le picea, le noyau ne remplissant pas totalement la cellule, la pla- 
que cellulaire ne s'étend pas sur toute la coupe transversale suivant la- 
quelle s'opère la séparation, et que « les parties qui manquent vers les 
» bords sont fournies par le protoplasma voisin qui se montre plus ou 
» moins strié et complète la lame à travers ces stries, » La substance de 
la couche membraneuse répartie dans le protoplasma s’est donc accu- 
mulée directement en ces endroits, sous l'influence des deux jeunes 
noyaux qui exercent sur cette masse une action répulsive. Bien que 
M. Strasburger n'ait jamais observé une plaque cellulaire continue dans 
les cellules animales qu'il a étudiées, il croit cependant pouvoir admel- 
tre son existence, car il a souvent remarqué un faible épaississement 
des fils nucléaires à l'équateur, et c’est dans le plan de ces épaississe- 
ments que se fait la division. 

L’exposé de ces faits permet d'établir le parallèle entre la division et 
la formation libre des cellules : « Dans ces deux modes de genèse, le 
» noyau joue le même rôle et préside de la méme manière à la formation 
» cellulaire. La seule différence consiste dans la genèse même des 
>» noyaux, qui sont entièrement nouveaux dans la formation libre 
» (abréviation dans le développement), tandis que dans la division ils 
» résultent du partage d’un noyau déjà existant. » 

Ce n’est pas tout. Le procédé typique de division que nous venons de 

reconnaitre se rapporte à des cellules dont l’intérieur est rempli de 
protoplasma granuleux, et à noyau fixé dans ce protoplasma. Mais sou- 
vent il n’en est pas ainsi. Examinons rapidement ces cas distincts, et 
montrons comment M. Strasburger ramène les modifications ainsi en- 
trainées au procédé typique que nous venons d'exposer. 


94 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


La modification la moins profonde est celle où, dans la cellule-mère, 
le noyau est éloigné de la couche membraneuse et de la couche granu- 
leuse protoplasmique par'un liquide cellulaire dans lequel il est soutenu 
par de minces filaments qui le rattachent à cette dernière. La division 
dans l’endosperme du phaseolus peut être prise pour exemple. Dans ce 
cas, la plaque cellulaire se produit à l'équateur du noyau et est accom- 
pagnée d’un aplatissement du noyau vers ses pôles, de telle sorte que 
la distance de l’équateur et, par suite, de la plaque cellulaire à la paroi 
de la cellule-mère est diminuée sensiblement. La partie de la nouvelle 
cloison qui manque sur les bords de la plaque cellulaire est complétée 
à travers le liquide cellulaire par le protoplasma pariétal. Mais Le pro- 
cédé par lequel se produit ce complément de la paroi est différent de 
celui qui donne lieu à la plaque cellulaire. Tandis, en effet, que cette 
dernière se forme simultanément dans toute son étendue, le complément 
de la paroi se forme successivement par épaississements annulaires de la 
couche membraneuse, épaississements qui se produisent à la face interne 
les uns des autres, jusqu’à ce que l’anneau ainsi développé ait atteint la 
plaque cellulaire du noyau. Les anneaux successifs ainsi produits se fen- 
dent également successivement et suivant leur ordre d'apparition, et 
dans la fente ainsi produite est sécrétée la cellulose. D’après M. Stras- 
burger, on doit considérer la production de ces anneaux « comme une 
» adaptation nouvelle aux conditions de la cavité cellulaire, adaptation 
» que l’on ne saurait plus envisager comme une action mécanique 
» immédiate des noyaux, mais bien plutôt comme résultat d’un état 
» antérieur formé sous l’action des noyaux, puis devenu héréditaire et 
» modifié ensuite par la force des nouvelles influences. » 

C’est de la même façon que l’on pourrait envisager le cas que fournit 
encore l’endosperme du phaseolus où certaines cellules se montrent avec 
un noyau pariétal. Ici, c’est à travers toute la cavité de la cellule que la 
plaque cellulaire devra se compléter. On le voit, le rôle du noyau tend 
à diminuer sensiblement ; il devient presque nul dans la division des 
cellules du spirogyra orthospira, où l’on ne voit se former qu'un rudi- 
ment de plaque cellulaire qui n’arrive plus à être employé et finit par 
disparaitre. La formation successive s’opérant de la périphérie vers le 
centre se charge dès lors de tout le travail de division, et ce qui montre 
bien que cette formation est indépendante du noyau, c’est qu’elle appa- 
raît déjà, quand la plaque nucléaire est à peine ébauchée. On avait cru, 
dans cette division des cellules-mères du spirogyra, à une plissure de la 
couche membraneuse ou de la membrane de cellulose. On voit qu’il 
n’en est rien. 

Ces exemples conduisent à d’autres cas dans lesquels le noyau, devenu 
inutile, disparaîtra complétement. C’est ainsi que M. Strasburger inter= 
prète le cas du cladophora qui, par la division du protoplasma et le mode 
de production de la couche cellulosique, présente la plus grande analo- 
gie avec le spirogyra, mais sans montrer de noyau cellulaire. M. Stras- 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 95 


burger envisage encore de nombreux cas qui lui paraissent plus ou 
moins dérivés du procédé typique; notons en particulier la formation 
multicellulaire, ou production simultanée de beaucoup de cellules aux 
dépens de tout le contenu de la cellule-mère. Ici, les cellules-filles déri- 
vent, sans doute par abréviation, d’une série de divisions binaires qui 
se sont passées originairement les unes à la suite des autres. On en au- 
rait la preuve dans de nombreux états intermédiaires. 

Si l’on cherche maintenant comment le procédé de formation cellu- 
laire par rajeunissement se lie aux précédents, on verra que « pour ce 
» qui est du contenu de la cellule-mère, le rajeunissement appartient 
» en partie à la formation simultanée multicellulaire, » dans le cas où 
la cellule-fille unique naît de tout le contenu de la cellule-mère, en par- 
tie à la formation libre, lorsque tout ce contenu n’est pas employé à 
former la cellule-fille. 

Des différents phénomènes que nous venons de voir déterminer la 
‘ formation de nouvelles cellules, il résulte : 

1° Que dans les cellules la couche membraneuse ne peut pas étre 
considérée comme Substance fondamentale du protoplasma, puisque sous cer- 
taines influences elle s’en sépare, ainsi que nous l'avons vu lorsqu'elle 
était repoussée à la périphérie sous l’action des forces centrales, ce qui 
démontre aussi qu’elle se comporte tout autrement que le protoplasma 
par rapport au noyau ; 

2° « Que la séparation du protoplasma en plasme granuleux, couche 
» membraneuse et noyau, signifie une division du travail, de manière 
» qu'une partie, le noyau, régit surtout les phénomènes moléculaires 
dans la genèse des cellules, tandis que la couche membraneuse est 
» chargée de la délimitation de l’ensemble à l'extérieur, et la couche 
» granuleuse de la nutrition. » 

Quoi qu’il en soit, de l’ensemble de ces recherches on peut conclure 
que la division cellulaire, quant aux points essentiels, se passe de la 
même façon chez les plantes et chez les animaux, et que ces points 
essentiels ont une valeur générale pour toutes les cellules organiques. 
« Peut-on en déduire une origine commune pour les animaux et les 
» plantes? Maintes observations semblent parler en faveur d’une telle 
» opinion, mais il faut y opposer notre ignorance complète des phéno- 
»y mènes moléculaires qui se passent à l’intérieur des cellules. » 

M. Strasburger étudie à la fin de son ouvrage, dans un chapitre spé- 
cial, les phénomènes de la fécondation et leur rapport avec la for- 
nation et la division des cellules. Prenant comme point de départ les 
récents travaux de M. Bütschli qui tendent à démontrer qu'une partie 
du noyau ovulaire, sinon ce noyau tout entier, est expulsé de l'œuf pour 
former le corpuscüle de direction, l’auteur expose le résultat d’investi- 
gations analogues sur le règne végétal, et croit pouvoir établir un accord 
dans les phénomènes de fécondation pour tout le règne organique. 


Ÿ 


Henri BEAUREGARD. 


96 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 


Et Tilfälte af utérus fœtalis hos en 57-ürig Kwinde. Utérus fæ- 
tal chez une femme âgée de 57 ans, par F. Levison. (Nordiskt 
medicinskt Arkiv, redigerardt af AxeL Key, 1876, III.) 


Par l'exploration digitale d'une femme, qui n'avait jamais eu ses 
règles, on trouva l’orifice vulvaire du vagin étroit ; le vagin était assez 
large, avait 7 centimètres et demi de longueur ; au fond du vagin on 
toucha la petite portion vaginale ayant 4 centimètre de longueur et 
l'épaisseur d’un petit doigt ; l'exploration bimanuelle pratiquée pendant 
la narcose par plusieurs médecins ne fit reconnaître ni la présence du 
corps de l'utérus, ni celle des ovaires. 

Après une année la malade mourut et l’autopsie démontra une con- 
formation anormale des organes génitaux. Les grandes lèvres, le clitoris 
et son prépuce étaient naturels, les petites lèvres atrophiées. Le vagin 
ne montrait pas de colonnes, mais seulement quelques rides transver- 
sales dans son tiers inférieur, tandis que plus haut la muqueuse était 
parfaitement lisse. L'utérus avait 3 centimètres et demi de longueur, 
dont 2 et demi appartenaient au col, À seulement au corps ; le col était 
de forme et de consistance ordinaires, le corps ne consistait qu’en une 
cavité étroite et rubanée, entourée par des parois minces ayant deux 
millimètres d’épaisseur. La muqueuse du col montrait l'arbre de vie 
bien développé, tandis que la muqueuse du corps était lisse, mais par- 
semée de petits kystes. L'ovaire droit avait 1,5 centimètres de longueur, 
6 à 7 millimètres de largeur et 5 à 6 millimètres d’épaisseur ; l’ovaire 
gauche avait 2,5 centimètres de longueur, 12 à 143 millimètres de 
largeur et 7 à 8 millimètres d’épaisseur ; il n’y avait aucune trace de 
follicules de Graaf dans aucun des ovaires. 


Le propriétaire-gérant, 


GERMER BAILLIÈRE, 


PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2. 
: 


MÉMOIRE 


LE DEMODEX FOLLICULORUM, Owen 


Par M. P. MÉGNIN 


Lauréat de l'Institut (Académie des sciences) 


PLANCHE IX 


te 


HISTORIQUE. 


C'est en cherchant à se rendre compte de la nature de la ma- 
ladie de la peau de l’homme, connue sous le nom d’acne sebacea 
et en examinant le contenu des pustules qui la constituent, que 
Simon, de Berlin, en 1842 (1), fit la découverte du parasite dont 
nous allons reprendre l’histoire. Après avoir reconnu que les 
pustules d’acné étaient le résultat de l’inflammation d’un ou de 
plusieurs bulbes pileux renfermés dans le même follicule et que 
la matière grasse qui les remplit et qui forme des boudins de ma- 
lière « swifeuse » noircis par la saleté à leur extrémité externe 
(tannes, comedons, acne punctata), provient de glandes sébacées 
qui s'ouvrent toujours dans les follicules des poils follets, il fit 
celte remarque importante : « Outre les substances que je viens 
» d'indiquer, j'en rencontrai une autre dont je ne pus d’abord 
» me rendre compte. Jeremarquai plusieurs fois un corps mince 
» d'environ un dixième de ligne de long, arrondi à l’une de ses 
» extrémités un peu plus étroit à l’autre, celle-ci paraissant 
» bordée de petites dentelures. Je crus d’abord que les glandes des 
» follicules pileux du nez étaient peut-être d’une structure dif- 
» férente de celles des autres parties du corps, et qu’en expri- 
» mant la tanne j'avais pu arracher en même temps le canal 


(1) Archiv für Anal. und Physiol. und Wiss. Medicin, herausgegeben von Muller, 
1842, Heft 2, n° 3, S. 218. 


JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). 7 


98 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


» excréteur d’une de ces glandes avec un fragment du tissu 
» glanduleux qui y serait resté adhérent. Mais ceci était con- 
» tredit par celle circonstance que l'extrémité mince de ce 
» corps et celle qui est arrondie paraissaient parfaitement closes, 
» et que celle qui était dentelée était toujours conformée de la 
» nière, ce qui n'aurait pu arriver s’il se fût agi d’un 
» fragment arraché d’une glande. Je continuai donc mon examen 
> et tâchai, lorsque je rencontrai ce corps dans la matière des 
» lannes, de l'isoler convenablement par des mouvements de va- 
» et-vient de la plaque de verre supérieure et j'en vins enfin 
» à supposer que ce devait être un animal et q''avec un plus 
» fort grossissement je pourrais distinguer nettement la tête, les 
» membres, le thorax et l’abdomen. Cette supnosition fut 
» changée en certitude lorsque, dans un cas où J'avais com- 
» primé doucement entre les deux plaques de verre la matière 
» à examiner, je pus y reconnaître des mouvements évidents. 
» Depuis lors, j'ai fait si souvent la même observation, que je 
» suis parfailement convaincu de son exactitude. J'ai montré 
» ce corps à beaucoup de naturalistes et de médecins à Berlin, 
» qui tous ont reconnu que c’était bien là un animai. 

Ces parasites existaient exclusivement dans la matière des 
lannes, car après avoir raclé avec un scalpel la surface de la 
peau de personnes affectées d’acné, et examiné au microscope 
la substance ainsi obtenue, Simon ne put jamais y rencontrer 
d'animaux, tandis qu’on les apercevait dès qu’on exprimait les 
tannes et qu’on en examinait le contenu. 

Au total Simon trouva des animalcules dans la matière des 
tannes du nez sur trois sujets vivants : un homme de quarante 
ans, un de trente et un de vingt-deux, tous trois en bonne santé 
et fort propres ; chez septautres personnes, la matière des tannes 
ne lui fournit aucun animalcule. Sur huit cadavres d'hommes, 
dont six étaient affectés de tannes développées pathologiquement 
il trouva des animalcules ; les cadavres re nouveau-nés ne 
lui en fournirent pas. 

Lesanimalcules des follicules pileux trouvés par Simon n'avaient 
pas tous le même aspect, mais présentaient des différences dépen- 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 99 


dant de la forme plus ou moins allongée ou obtuse del’abdomen, 
différences qu’ilregarde comme dépendant de l’âge. La forme qu'il 
rencontra le plus souvent avait 0"",985 à 0"",125 de lignes 
(0"",19 à 0", 98) de long, sur environ 0"",002 de ligne (0"",043) 
de large. Voici comment il décrit ces parasites en commençant 
par le rostre qu'il appelle tête. 

« La tête, qui se rétrécit en avant, est formée de ‘leux corps 
placés latéralement (palpe<) et d’un suçoir situé entre ces deux 
palpes. Les palpes sont composés de deux articles, un postérieur 
plus long et un antérieur plus court. Ce dernier paraît avoir à 
son extrémité de petites dentelures. Le suçoir, qui quelquefois 
dépasse les palpes, et qui d’autres fois est moins long qu'eux, 
ressemble à un tuyau allongé. Au-dessus du suçoir existe un 
organe triangulaire dont la base, très-courte, appuie sur les par- 
ties postérieures du suçoir, mais dont le sommet ne va pas jus- 
qu’à l'extrémité de celui-ci. Au moyen d'un fort grossisse- 
ment, on voit que ce corps triangulaire est formé de deux lames 
pointues qui sont placées l’une à côté de l’autre. 

» La tête se continue immédiatement avec le thorax, lequel 
forme environ le quart de la longueur des corps et est un peu 
plus large que la partie supérieure de l'abdomen. Des deux côtés 
du thorax -existent quatre paires de pieds très-courts ayant la 
forme d’un cône dont la base appuierait sur la partie latérale du 
(horax. En général, on remarque sur chaque membre trois lignes 
transversales obscures qui semblent indiquer l'existence de trois 
articulations. À l'extrémité de chaque pied on ape:çoit avec un 
fort grossissement trois crochets déliés, un long et deux plus 
courts. Ces crochets se terminent généralement par une pointe 
aiguë, quelquefois cependant ils m'ont paru arrondis. De la par- 
tie antérieure de la base de chaque pied part une raie formée 
d'une double ligne, laquelle s’avance jusqu'à la ligne médiane 
du thorax; il en existe quatre en tout. Sur la ligne médiane 
chacune de ces raies est unie à celle qui est placée immédiate- 
ment en arrière d'elle au moyen d'une raie longitudinale, ordi- 
nairement peu marquée. Les raics transversales font probablement 
le tour du thorax, da moins je les ai trouvées aussi marquées, 


100 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


soit que j'examinasse l'animal par le dos ou par le ventre. Quant 
à la forme générale du thorax, il avait une largeur presqu'égale 
partout, seulement à la partie moyenne, au niveau de la 
‘deuxième paire de pattes il était plus large qu'ailleurs. 

» Au thorax succède sans interruption l’abdomen qui à sa 
partie antérieure est seulement un peu plus étroit que le thorax, 
mais qui s’amincit insensiblement et se termine par une extré- 
mité arrondie; sa longueur est environ trois fois celle du thorax. 
Sur tout l'abdomen on remarque des lignes transversales très- 
fines, très-rapprochées et très-régulières qui paraissent formées 
par des enfoncements ou des saillies, car quand on examine les 
parties latérales de l'abdomen avec un grossissement un peu fort, 
le bord paraît taillé comme une lime. Le contenu granuleux ou 
globuleux de l'abdomen empêche souvent de voir ces stries. 
L’abdomen renferme une matière granuleuse semblable à du 
pigment irrégulièrement distribué, mais souvent rassemblée en 
une masse globuleuse brune à l'extrémité antérieure de labdo- 
men. Outre cette matière granuleuse on remarque souvent, 
dans l'abdomen, des globules clairs comme graisseux en 
nombre et en dimensions variables ; quelquefois deux suffisent 
pour remplir l'abdomen, d’autres fois elles forment deux rangées 
régulières. (Fig. A.) | 

» La deuxième forme sous laquelle j'ai observé ces aMininiéie 
se rapproche beaucoup de la précédente dont elle ne diffère que 
par la moindre longueur de l’abdomen ; il n’est qu’une fois ou 
une fois et demie aussi long que le thorax. En général il n’existe 
pas de ligne de démarcation bien tranchée entre cette forme et 
la précédente; elles paraissent se confondre par une gradation 
insensible. (Kig. B.) | 

» Une frorsième forme est surtout caractérisée par un abdo- 
men très-court et terminé en pointe ; le thorax paraît aussi 
renflé de façon que tout le corps de l'animal a de la ressem- 
blance avec un pelit navet. Dans cette forme les lignes transver- 
sales de l'abdomen manquent complétement. (Fig. C.) 

» Enfin une quatrième forme ressemble beaucoup à la pre- 
mière par la longueur de son abdomen, mais elle en diffère en 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. AO1 


ce qu'elle n'a que trois paires de pieds, qu’elle est plus grèle, 
plus délicate et plus courte dans son ensemble. » (Fig. D). 


« La premiére forme est la plus fréquente, puis vient, la se- 
conde ; quant aux deux autres, elles sont à la première comme 


102 P, MÉGNIN. — MÉMOIRE 


10 est à 100 pour la troisième, et seulement comme 6 est à 100 
pour la quatrième. » — Quant aux nombres de parasites contenus 
dans chaque tanne, Simon en trouvait généralement de deux 
à six, exceptionnellement de onze à treize, tous dirigés parailé- 
lement au poil et la tête en bas. 

Simon, s'appuyant sur l'opinion du docteur Erichson, natu- 
raliste dont il avait réclamé les conseils, rangea son animalcule 
dans la classe des arachnides et dans l’ordre des acares, à cause 
du nombre des pieds et de la composition de la tête; le suçuir 
qui se trouve à l’extrémité de la tête n’est autre chose que la 
lèvre inférieure; les deux soies qui la recouvrent, les mandi- 
bules, et les corps placés sur les côtés du suçoir des palpes maxil- 
laires. «€ Très-probablement, ajoute-t-il, les différentes formes 
décrites plus haut ne sont que différents degrés du développe- 
ment du mème insecte, et ce qui est décrit comme la quatrième 
forme est la première période, car beaucoup d’acares n’ont dans 
les premiers temps que trois paires de pieds. La premiére forme 
indiquée est la deuxième période, et les formes avec abdomen 
peu allongé sont des périodes encore plus avancées. IL est pro- 
bable que chez l'animal entièrement développé l'abdomen se 
rétracte complétement, aussi y a-t-il lieu de croire que la 
dernière période d’accroissement de l'animal est encore incon- 
nue; par conséquent on ne peut dès à présent fixer à quelle 
famille et à quel genre il appartient. » 

Cette idée du docteur Erichsen de voir dans l’acare des foili- 
cules un état incomplet d’un acare encore inconnu lui est 
suggérée par les travaux de Hartig (1), qui a observé et décrit chez 
une mite, dont la larve vit dans les gales du sapin, mite prise à 
tort pour l'Oribata geniculata de Latreille et qui n’est autre 
qu'un tétranique gallicole, une métamorphose qui a une certaine 
analogie avec celle qu’il attribue à ces parasites cutanés. En 
effet ces larves gallicoles de tétraniques sont vermiformes à 
abdomen allongé et strié en travers, comme les acares des folli- 


(4) Furstl. und forsinaturvissenschaft. Conve: sations-Lexicon von G. L. und 
Th. Hartig. Berlin, 1834, S. 737. 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 103 


cules, seulement elles n'ont que quatre pattes (deux paires) el le 
rosire diffère entiérement de celui de ces derniers. 

C’est sans doute cette idée de développement incomplet qui a 
empêché Simon de rechercher s’il y avait des différences de 
sexes dans les nombreux parasites qu’il a examinés et de voir 
des œufs en voie de développement dans les cellules apparais- 
sant dans l'abdomen de sa première forme ; c’est ce qui l'a aussi 
empêché de comprendre la signification de l’observalion qu’il a 
encore fait et qu’il raconte en ces termes: 

« Environ six fois, tant dans les tannes des sujets vivants que 
dans les follicules des cadavres, j'ui observé un pelit corps cor- 
diforme garni à son extrémité obtuse d’un court appendice. La 
longueur en était à peu près égale à la largeur du corps d’un 
acare ; il était ordinairement coloré en brun et paraissait rempli 
d'une matière granuleuse. Dans les follicules pileux ce corps 
était toujours placé tout près d'un animal, mais sans connexion 
avec lui. Cette circonstance, aussi bien que le défaut de ressem- 
blance de ces corps avec aucune partie du corps humain, m'a fait 
penser qu’ils avaient peut-être quelques rapports avecles acares. 
Ce pourrait être, par exemple, la coque d’un œuf d’où un animal 
se serait échappé. » 

Ici se termine notre analyse du travail de Simon, ct si nous 
l'avons faite si complète, c’est pour prouver que tous les auteurs 
qui l'ont suivi, ou bien se sont contentés de le copier, ou bien lui 
ont élé trés-inférieurs tant dans les descriptions anatomo-zoolo- 
giques que dans les vues physiologiques. Certainement, comme 
nous le montrerons plusloin, Simon a commis des erreurs graves 
et nombreuses et bien des détails importants lui ont échappé, soit 
à cause de l'imperfection des microscopes de son temps, soit par 
suite de son manque d'habitude et d’expérience dans l'étude des 
parasites microscopiques de l’ordre des acariens ; mais les er- 
reurs des observateurs qui, après lui, ont voulu étudier le 
Demodez, et nous n’exceptons pas les plus modernes, sont au- 
trement sérieuses. 

Simon venait de communiquer la découverte de son Acarus 
folliculorum à la Société des naturalistes de Berlin, lorsque le 


104 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


professeur [enle, de Zurich, lui apprit, par une lettre datée du 
3 mars 1842;que dans le courant de l'automne précédent, il 
avait observé un petit animal semblable au sien dans les follicules 
pileux du conduit auditif externe, et qu’il avait annoncé ce fait 
provisoirement dans l’Observatèur de Zurich du mois de 
décembre. 

Aussitôt après la découverte de Simon, une foule d’ jar 
teurs se mirent à étudier le nouveau parasite. 

Owen, le premier, comprenant là nécessité de le séparer nette- 
ment des autres acariens parasites dont il diffère tant, proposa de 
le nommer Demodex follhiculorum (1), nom que MM. Littré et 
Robin, dans leur Nouveau Dictionnaire de médecine, font dériver 
de duas, corps, CLAE, lever du bois, el qui pourrait tout aussi bien 
venir de duos, peuple, no mordre, piquer. Un autre auteur, Mies- 
cher, appelle ce parasite Macrogaster platypus. Erasmus Wilson 


le nomme Æntozoon folliculorum, en refusant de le regarder 


comme un acarien (2), et M. Paul Gervais Séroner follcu- 
lorum (3). 

C’est le nom d’Owen qui a prévalu, suivant la loi de propriété 
observée en histoire naturelle, 

Outre les auteurs précédents, nous citerons encore comme 
s'étant livrés à l'étude du Demodex folliculorum de l'homme 
Erdt (4) et Wadl Carl (5): | 

L'année qui suivit la découverte du Demodex folliculorum, 
Topping signala la présence d’un parasite analogue chez le chien 
et Tulk le décrivit (6). Gruby (7) s’attacha à démontrer liden- 


(1) Owen, Ann. and magaz. of naturalé hist., London, 1843. 

(2) Erasmus Wilson, Researches iuto structure and development of a new cula- 
neous parasile, the enlozoon folliculorum, in Philosophical transactions of the Royale 
Sociely of London. for the year MpccexLiL, part. 1, p. 303-320. London, 1844. 

(3) Walkenaer et P. Gervais, Histoire nalurelle des aptères, 4° volume, supplé- 
ment, in Suile à Buffon, chez Roret, Paris, 1847. 

(4) Erdt, Ueber Acarus folliculorum, in Bull. acad. München, 1843. 

(5) Wadl Carl, Ueber die Haarsackmilbe (acarus RE in Jaidinger 
Berichte Bd 2, p. 272-267, Jahr 1847. 

(6) Tulk, Demodex fulliculorum caninus, in Ann. of nat. hist, vol. 43, 1844. 

(7) Gruby, Sur les animalcules parasites des follicules sébacés (Comptes rendus 
Acad, sc., Paris, t, XX, 1815.) 


PE 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 105 


lité des deux expèces dans des expériences plus ou moins con- 
cluantes qu’il: soumit au jugement de l’Académie des sciences, 
ce qui ne fut pas contredit par MM. Neiss et Haubner, Lafosse 
et Baillet (1), Cornevin (2), G. Pennetier (3), Zürn (4) et Saïnt- 
Cyr (>) qui plus tard reprirent l'étude du Demodex du chen. 

Enfin Simon de Berlin lui-même rencontra encore un De- 
modex : dans les glandes de Meibomius du mouton, et ce fait est 
unique jusqu’à présent dans les annales de la science. 

Nous avons dit que la plupart de:ces auteurs n'avaient fait que 
paraphraser le‘ travail de: Simon de Berlin ou même lui étaient 
restés inférieurs. Nous devons faire cependant une exception en 
. faveur de celui d'Erasmus Wilson qui a fait une excellente étude 
du parasite des follicules, qu’il nomme Entozoon, surtout dans ses 
élats imparfaits en voie de développement ; où il commet une grave 
erreur, c’est dans lamanière dont il explique la croissance, car il 
n’a aucune idée des vérilables métamorphoses qui s’accomplis- 
sent; il ne distingue non plus ni les mâles mi les femelles et fait 
une description des organes de /a tête qui comporte une paire 
d’yeux (!), trois paires de palpes labiaux (1), etc., etc., description 
par trop fantaisiste et qui semble avoir: pour but de faciliter le 
classement de l’entozoon dans le voisinage des crustacés et des 
annélides. La fonction et les organes de la ponte sont aussi pour 
lui un mystère aussi bien que ceux de la digestion, car il place 
l'anus sous forme d’un petit pertuis penctiforme à l’extrémité 
caudale de l'abdomen, ce qui n’est pas. Il n’est pas non:plus fixé 
sur l'organisation des pattes, puisque dans ses figures on 
compte lantôt deux, tantôt trois, tantôt quatre ongles à leur ex- 
trémité, Il admet aussi plusieurs variétés dans l'espèce parasite 
de l’homme, tout en constatant que les contractions de labdo- 

(1) Lafosse, Pathologie vélérinaire, 2° vol. Toulouse, 1861. 

(2) Cornevin, Du demodex caninus et de la maladie qu'il occasionne: Lyon, 
1868 (Thèses vétérinaires). 

(3) Georges Pennetier, Note sur. le demodex caninus et la gale folliculaire, in 
Bulletin de la Société des amis des sciences naturelles de Rouen, 1872, 
1° semestre, 

(4) Zürn, Die Schmarotzer, Weimar, 1872. 


(5) Saint-Cyr, La gale folliculaire, in Journal de médecine vélérinaire el de 
3volechnie de l’école de Lyon, juillet 1876. 


106 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


men peuvent modifier beaucoup la longueur qui est la base uni- 
que sur laquelle Simon s’est fondé pour créer ses variétés. En 
somme, el malgré nos criliques, nous reconnaissons que le tra- 
vail d’Erasmus Wilson sur le parasite des follicules est un pro- 
grès sur celui de Simon. 

Nous n’en dirons pas autant sur ceux des auteurs qui ont suivi, 
pas mème sur celui de notre jeune confrère, M. Cornevin, pour- 
tant un des plus considérables et des plus récents, mais qui est 
aussi faible dans la partie où il traite de l'anatomie entomologi- 
que du Demodez du chien qu'il est remarquable dans la nosogra- 
phie de l'affection qu'il cause. En jetant les yeux sur notre 
planche, 1l y reconnaîtra facilement, nous en sommes sûrs, dans 
notre figure 7, lettre C, qui représente une nymphe en voie de 
se mélamorphoser en adulte, la prétendue vartété qui l'intrigue si 
fort, et dans laquelle il est tenté de voir un mâle. C’est l'objet de 
sa figure 2. Nous bornons là nos critiques, persuadé que les im- 
perfections du travail de M. Cornevin tiennent exclusivement à son 
inexpérience en acariologie, défaut qu’il est en bonne position 
pour combattre et pour corriger. 

La note de M. G. Pennetier n’est qu'un résumé de la thèse 
de M. Cornevin à laquelle il emprunte même ses défectueuses 
figures. 

Nous bornons là la partie historique de notre travail. Nous 
aurons du reste à revenir souvent sur les opinions des auteurs 
que nous avons cilés, soit dans la description entomologique 
que nous allons donner du Demodex folliculorum,: soit dans 
l'histoire de ses mœurs et de son acclimatation sur l’homme. 

Nous allons passer à la discussion de sa position zoologique, 
puis à celle de sa description. 


PosiTion ZOOLOGIQUE pu Demodex folliculorum (Owen). 


Nous avons vu que Simon de Berlin, après avoir pris conseil 
d’un naturaliste, le docteur Erichson, rangea le parasite qu'il 
avait découvert dans la classe des Arachnides de l’ordre des 
acares, à raison du nombre de ses pattes et de la composition de 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 107 


son rostre dans lequel 1l retrouvait une lèvre, des mandibules 
et des palpes maxillaires. Erasmus Wilson, se basant sur la sé- 
paration nette de la tête d'avec le thorax, tête caractérisée par 
la présence d’une paire d'yeux (!) — qu'il a été jusqu’à présent le 
seul à voir sur la face supérieure de cette prétendue tête (1), — 
sur la siparation, bien qu’incomplète, du thorax de l'abdomen, 
sur la structure annelée de ce dernier qui présente, de plus, des 
mouvements indépendants et des phénomènes de contraction, 
enfin sur sa forme allongée, refuse de le considérer comme fai- 
sant partie de l’ordre des Acariens et de la classe des Arachnides, 
et voit en lui une Annélide. M. Gray, du British Museum, à qui 
Erasmus Wilson soumit le parasite en question, le rangea dans 
les Entomostracés-crustacés, genre d'animaux compris entre les 
vers et les insectes. Enfin, à l’appui de son opinion, Wilson rap- 
pelle ces paroles de de Blainville extraites du Dictionnaire d'hus- 
toire naturelle, article LERNÉES : « Genre d'animaux tellement 
bizarres au premier aspect que les zoologistes sont encore lort 
peu d’accord sur la place qu’ils doivent assigner à ce groupe 
dans la série animale. » 

Malgré cette tentative de Wilson de ranger le parasite des 
‘follicules parmi les vers, les auteurs qui l’on décrit aprés lui ne 
l’ont pas suivi et ont continué à regarder ce parasite comme un 
Acarien ; en cela ils ont eu raison. En effet, voyons la caracté- 
ristique dé cet ordre d’après M. Ch. Robin ; il la donne comme 
suit dans le Dictionnaire déjà cité : « Arachnides à corps plus 
ou moins aplati en dessous, convexe en dessus ; appareil buccal 
ou rostre disposé en organe propre à diviser ou à sucer, enve- 
loppé par une lèvre inférieure ou sternale en cuiller ou en étui 
(thécastome de Walknaer) rapproché en forme de tête saillante 
“ou cachée sous l’épistome (nuque labre ou bandeau) inséré dans 
une dépression spéciale du céphalothorax ; thorax le plus souvent 
non segmenté, largement uni à un abdomen non annelé dont 
rien ne le sépare ({horaco-gaster, Dugès). Demi-métamorphose 


(1) Ce que cet auteur a pris pour des yeux, ce sont prebabl ment deux petits 


tubercules ponctiformes qui se voient à la face supérieure du premier article des 
palpes. 


108 :P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


‘ 


ou mélamorpliose partielle caractérisée par la naissance à l’état 

dit de larve portant six paltes seulement; puis après une ou 

deux mues passant à l’état de nymphe aetopoñe, mails non 

sexuée, pour subir encore une mue qui les amène à l'état SexUÉ 
mâle ou femelle.’ » 

En modifiant légèrement celte caractéristique dans la partie 
concernant le nombre des pattes des larves, qui n’est quelquefois 
que de quatre, on même qui sont absentes, et la configuration 
de l'abdomen qui, ainsi qu’on le voit dans les larves tétrapodes 
des tétraniques, est quelquefois vermiculaire et finement strié 
plutôt qu'annelé, elle s'applique alors parfaitement au Demodex 
folliculorum. Donc ce parasite est un Acarien. 

L'ordre des Acariens comprend une dizaine de familles ; dans 
laquelle doit-il prendre place? M. Robin, dans le Dictionnaire 
déjà cité, la mis dans la famille des Sarcoptidés, en compagnie 
des autres sarcoptides psoriques qui: composent les genres Sar- 
coptes, Psoroptes et Chorioptes. Mais un des caractères constants 
des Acariens de celte famille est d’avoir les pattes à cinq articles, 
el les pattes des Demodex n’en présentent que trois ; il n’appar- 
lient donc pas à la famille des Sarcoptidés. 

Nicolet, dans les généralités de sa monographie de la: famille 
des Oribatides (1) avait déjà compris que le Demodez diffère assez 
de tous les Acariens déjà connus pour former une famille à part 
et il avait créé la famille des Demodides pour lui et pour les 
Tardigrades, autres petits Acariens aquatiques quiressemblent au 
Demodezx pour la forme du thorax et la disposition des pates, 
mais quin'ont pas l'abdomen prolongé en forme de queue du 
Demodexz, ni le rostre à organes distincts comme eux. Aussi 
M. le professeur Gervais (1)'a-t-1l été bien inspiré en laissant les 
Demodex constituer seuls une famille qu’il nomme les Demonici- 
pés, et les Tardigrades celles des Arcrisconipés, ces deux famill2s 
formant le dernier échelon de la série acarienne. 

Ainsi donc les Demodez forment un genre unique dans la 
famille des Demodicidés. 


(1) Archives du Muséum, t. VII. 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 109 


Mais y a-t-1l plusieurs espèces de Demodex, ou tout au moins 
plusieurs variétés ? Nous n'admettons pas, bien entendu, les di- 
verses variétés signalées chez l’homme par Simon et Wilson, parce 
qu'elles n’ont pour base que des différences de longueur dues aux 
contractions cadavériques de l'abdomen ou à des différences d'âge ; 
mais il est évident pour nous que le Demodezx du chien diffère 
de celui de l’homme, l’action nocive du premier, si différente de 
celle du second qui est presqueinoffensive, jointe à la forme si dis- 
semblable de leurs larves apodes, en est une preuve, bien qu’à 
l'état adulte les deux Acariens aient la plus grande analogie 
d'aspect et de forme, tout au moins du céphalo-thorax, car 
l’abdomen de celui de l'homme est beaucoup plus long que chez 
celui du chien. Ces différences constituent tout au moins deux 
variétés que nous nommerons Demodex folliculorum, variété 
caninus et Demodex folliculorum, variété hominis ; il y a proba- 
blement d’autres variétés, celle par exemple que Simon a rencon- 
trée dans les glandes de Meibomius du mouton et qu'aucun 
observateur n’a revue depuis. — Nous-même nous en avons ren- 
contré une autre petite variété dans l'oreille du chat, qui paraît 
aussi inoffensive que celle de l’homme. 

Nous allons donner la diagnose de la famille, du genre et 
des espèces ou variétés, en prenant pour type celle du chien, la 
plus importante à connaître comme la plus dangereuse, 


Famille des DEMODICIDÉS, P. Gervais. 


Âcariens à rostre proéminent saillant à l’extrémité antérieure 
du céphalo-thorax (Fig. 3 et A) composé : 1° d’une paire de mä- 
choires ou maxilles (m x) soudées à leur base et dans une par- 
tie de leur longueur, à extrémités aiguës et divergentes adhé- 
rant par leur bord externe au premier article des palpes ; 2° d’une 
languette veposant sur la face supérieure des mâchoires (2) trian- 
gulaire, mobile et rétractile ; 3° d'une paire de palpes marillaires 
(p m) à quatre articles dont le premier, le plus grand, de forme 
cylindroïde, à base conique, arrondie et recourbée en dedans, est 
immobile et adhérent aux mâchoires ; le deuxième et le troisième 


410 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


cylindriques et semblables, le quatrième sphérique portant deux 
papilles aiguës de chaque côté et un fort crochet terminal re- 
courbé en bas ; — ces trois articles terminaux des palpes sont 
mobiles et se fléchissent en tous sens d'une manière indépendante 
dans chaque palpe; — 4° d’une paire de mandibules (m d) tex- 
minées en stylets à pointes un peu divergentes, tronquées et 
comme refoulées, à base large et triangulaire soudée avec celle 
de sa congénère (B); ces mandibules sont fixes, sans mouvements 
indépendants de ceux du rostre tout entier, et remplissent le 
rôle d’une bêche. | 

Pattes à trois articles (fig. 5) une hanche (a), une jambe (7) et 
un tarse (4). Les pattes s’articulent par la hanche à un squelette 
composé d'épièmères en nombre égal à celui des pattes, tous reliés 
par un séernite médian occupant toute la longueur de la face 
inférieure du céphalo-thorax. 

Génération vivipare : les femelles donnant naissance à des 
larves apodes, contractiles, sans organes buccaux apparents qui, 
quelque temps après leur naissance, acquièrent, en guise de 
paites, trois paires de tubercules coniques, papilliformes, servant 
à la reptation. À cette première larve succède, à la suite d'une 
mue, une nymphe semblable à la larve, mais plus longue, à 
quatre paires de membres papilliformes et à rostre encore impar- 
fait (fig. 7, A BC). À cette nymphe succède, à la suite d’une 
deuxième mue, un Demodex parfait en apparence, mais non en- 
core sexué. Les organes sexuels apparaissent sur les individus à 
forme définitive sans qu’on puisse dire que ce soit à la suite d’une 
dernière métamorphose car on n’en trouve pas les débris. 

La famille des Demodicidés ne comprend qu’un genre. 


Genre DEMODEX, Owen. 


Acariens vermiformes, à thorax distinct de l'abdomen, sans 
poils ni spinules d'aucune sorte; thorax cylindroïde, rigide, à 
face supérieure demi-cylindrique, cuirassée, aplatie antérieure- 
ment ; abdomen mou, conoïde, allongé, finement strié transver- 
salement à extrémité arrondie, fortement contractile aprés la 
mort; — chez les larves et les nymphes l'abdomen est conique, 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 411 


à extrémité aiguë, non strié transversalement et non séparé dis- 
tinctement du thorax qui est mou et ne présente aucune trace de 
squelette. — Rostre recouvert supérieurement par un prolonge- 
ment membraneux de l’épistome (e p), analogue aux joues de 
quelques sarcoptides. Mäles (fig.1) à organe sexuel placé immé- 
diatement en avant de l’anus qui se présente sous forme d’une 
courte fente, peu visible hors du moment de la défécation, situé 
à l'extrémité antérieure et inférieure de l'abdomen. Femelle 
(fig. 2) à vulve se confondant avec l'anus, sous forme d’une fente 
longitudinale (a c) s’ouvrant au même point que l’anus du mâle. 
Le genre Demodex comprend quatre espèces ou variétés dont 
nous ne connaissons, comme nous l'avons dit, que les trois pre- 
mières, celle qui vit sur le chien, celle de l’homme et celle du 
chat, 


1. Demodex folliculorum, Owen, var. caninus. 


Femelle ovigère : longueur totale 0"",25 à 0m" 30, 

longueur du rostre 0,03, largeur à la base 07,03. 

longueur du thorax 0"",10, largeur 0"",045. 
Md'e : longueur totale 0mm,29 à Omm 95, 

dimensions du rostre comme chez la femelle. 

longueur du thorax 0"",095, largeur 0"",045. 
Première larve (apode) long. totale 0", 06 à 0mm,09, larg. 0,015 à 0m",025 
Deuxième larve (hexapode), longueur totale 0"",11, largeur 0mm,032. 
Nymphe (vctopode), longueur totale 0,19, largeur 0"® 04. 


Nora. — Dans les individus adultes le rostre et le thorax ont 
seuls des dimensions constantes à fixer, les dimensions et même 
la forme de l’abdomen, qui changent très-peu pendant la vie, 
sont très-variables lorsqu'ils sont morts, car l'abdomen se rétracte 
souvent, de manière à n’avoir pas la moitié de la longueur qu'il 
présentait pendant la vie, et même beaucoup moins, out en de- 
venant plus anguleux; c’est sur ces différentes formes que pré- 
sente l'abdomen après la mort que sont basées les prétendues 
variétés admises par Simon et plusieurs autres auteurs. 

Quant à sa quatrième forme qui ressemblerait à la première 
mais qui n'aurait que six pattes, c’est évidemment par erreur 
qu'il n’a pas vu la quatrième paire qui, chez les nymphes, est 
plus près de la ligne médiane, ne dépasse pas le bord du corps, 


112 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


et est, par suile de cette disposition, souvent presque invisible. 

Sur la face supérieure du rostre se voit une paire de tuber- 
cules ponctiformes qui appartiennent à chaque article basilaire 
des palpes; ce sont sans doute les prétendus yeux d'E. Wilson 
(fig. 4). Sur le plastron dorsal se voient des tubercules sembla- 
bles, au nombre de trois paires symétriques. 


2, Demodex folliculorum, Owen, var. hominis. 


Femelle ovigère ou nymphe : longueur totale 0,26 à 0"",40. 

longueur du rostre 0"",02, largeur base 0"",03. 

longueur du thorax 0"",09, largeur 0"",040, 
Mâle : longueur totale 0"",30. 

dimensions du rostre comme chez la femelle. 

longueur du thorax 0"",085 largeur 0"",040. 
Première larve (apode), ovale-cordiforme, longueur 0"",06, largeur 0"",04. , 
Deuxième larve (apode), franchement cordiforme long. 0"",08, larg. 0"",06. 
Larve hexapode oblongue, longueur 0"",12, largeur 0"",05. 


La figure À, sur bois, que nous avons donnée plus haut (page 101) 
d’après Simon, représente exactement la forme générale d’un 
adulte de cette variété, aussi bien que les proportions relatives 
des différentes régions du corps, au grossissement de 250 diamé- 
tres, bien que les détails des pattes et du rostre soient faux ou 
incomplets. 

Cornme on voit, en comparant les dimensions de cette variété 
avec celles de la précédente, dimensions prises. sur les individus 
vivants, que le rostre est plus petit, le céphalo-thorax plus 
court, mais l'abdomen bien plus long, car il a plus de trois 
fois la longueur du céphalo-thorax. — Les tubercules puncti- 
formes de la face supérieure du rostre et du plastron dorsal sont 
ici plus apparents. Le céphalo-thorax est aussi plus ovale, les 


épimères de la première et quatrième paire de pattes plus obli- 


ques vers le centre de la région et les pattes aussi plus courtes. 
3. Demodex folliculorum, Owen, var. eati. 


C’est un diminutif de la variété caninus.dont on aura exacte- 


ment la figure en diminuant toutes ses dimensions d’un quart. 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM.  ‘ 113 


ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE. 


Les fonctions de la vie et leurs organes que nous allons étudier 
chez les Demodex seront considérés, dans les premiers paragra- 
phes qui vont suivre, exclusivement chez les adultes; nous ver- 
rons les differences qu'ils présentent chez les larves des divers 
âges au paragraphe consacré aux métamorphoses. 


$ 1. — ©rganes et fonctions de translation. 


Les organes de translation à considérer ici sont les membres 
et le squelette. 

Le squelette, chez les Demodezx comme chez tous les autres aca- 
riens, et, en général, chez les articulés, est constitué par le té- 
gument durci en certaines de ses parties de manière à former 
des épimères, des plastrons, des épidèmes et les articles des mem- 
bres. Les parties dures, chez les acariens qui nous occupent, ne 
se rencontrent qu'au céphalo-thorax et dans le rostre ; elles sont 
blanches et aussi diaphanes que les parties molles, et elles ne 
sont bien distinctes que grâce aux lignes très-nettes qui les déli- 
mitent. — L'abdomen, comme nous l'avons déjà vu, est allongé 
en forme de queue cylindrique, un peu comprimée latéralement 
dans sa partie terminale, et recouvert d’un tégument mou et 
transparent finement strié en travers. 

Après la mort, cette queue abdominale se raccourcit considé- 
rablement, se déforme, et c’est là le fait qui a servi de base à 
Simon pour l'établissement de ses diverses variétés. 

Le céphalo-thorax a la forme d’un tronc de cône à base posté- 
rieure, à sections obliques, l’antérieure étant la plus étroite et, 
de plus, aplatie de dessus en dessous (fig. 1, B). Les téguments 
de cette région sont entièrement rigides et constituent supérieu- 
rement un plastron dorsal lisse, rectiligne d’avant en arriére, 
mais incurvé en voûte plus haute postérieurement ; comme nous 
l'avons dit plus haut, il porte trois paires de tubercules poncli- 


formes symétriques. 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (4877). 8 


114 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


La face inférieure du céphalo-thorax est plane, parcourue 
dans toute sa longueur par un épidème sternal, envoyant de 
chaque côté quatre paires d’épemères opposés, à l'extrémité des- 
quels s’articulent les pattes. 

Les pattes (fig. 5, À B) sont à trois articles seulement (1) et 
très-courtes. Ces articles sont : 1° la Aanche (a), qui est le plus 
volumineux, est assez semblable à la hanche des Sarcoptides, re- 
présentant un segment de cylindre qui se meut de droite à gauche 
et vice versa ; 2° la jambe (}), tronc de cône renversé, à sections 
obliques, articulé à la hanche par son extrémité la plus étroite, 
se mouvant de haut en bas; 3° le arse (£), pièce aplatie, ar- 
rondie, à mouvement de charnière très-borné, portant deux 
ongles mousses (fig. 6) dont l’interne ou l’antérieur est le plus 
grand et qui sont comme enchatonnés à la face inférieure du 
tarse, qu'ils dépassent de leur pointe seulement, peu mobiles, 
mais pouvant néanmoins écarter leurs extrémités. C’est certai- 
nement par suite d’une erreur d'optique ou par une analogie 
forcée, que beaucoup d'auteurs décrivent tros ongles aux tarses 
des Demoder et que d’autres, comme M. G. Pennetier, y ont uw 
un onglet, plus deux espèces de ventouses. 

Les muscles intérieurs de la jambe, chargés de faire jouer les 
articles les uns sur les autres et ceux-ci sur le céphalo-thorax, et 
dont les plus grands s’attachent à la face interne des épimères 
el de l’épidème médian, sont si diaphanes qu’ils sont à peu près 
invisibles ; cependant, lorsqu'on examine l'animal vivant et 
marchant, leurs contractions les mettent quelque peu en évi- 
dence. 

Comme organes de translation, il faut encore, chez les 
Demoder, compter les palpes maxillaires (fig. 3 et 4, p m) ; en 
effet, ces organes, presque inertes chez les Sarcoptides, sont ici 
très-actifs et aident puissamment à la reptation par leur jeu alter- 
natif de haut en bas et d'avant en arrière et par les crochets dont 


(4) C'est par suite d'insuffisance de connaissances en anatomie comparée des 
Acariens que MM. Cornevin et Pennetier comptent quatre articles aux pattes des 


Demodicidés : ils compteut à tort comme un premier article l'espace compris entre 
deux épimères qui se suivent. É 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 145 


leur extrémité est armée, ce qui les rapproche des Trombidiés et 
des Hydrachnidés. 

Les mouvements des pattes sont alternatifs, comme ceux des 
palpes, non-seulement dans la même paire, mais encore dans 
ies deux paires qui se suivent, en sorte que la troisième et la 
quatrième paire de pattes répêtent exactement les mouvements 
de la première et de la deuxième. 


$ 2. — @rganes et fonctions de nutrition. 


Parmi les organes principaux ou accessoires des fonctions di- 
_gestives, on ne peut guère analyser que le rostre parce que seul 
il est composé de parties dures ; on ne voit ni œsophage, ni es- 
tomac distinctement; dans l'abdomen on constate souvent la 
présence de granulations colorées, formant des groupes plus ou 
moins nets, dont les plus gros sont toujours dans le voisinage du 
cloaque et qui sont certainement des résidus de digestion, mais 
elles paraissent être contenues dans une matière sarcodique très- 
transparente chez laquelle aucune trace d'organisation n'est per- 
ceptible. | 

Le rostre (fig. 3 et A) forme un ensemble conique tronqué, 
aplati de dessus en dessous, nettement distinct et séparé du cé- 
phalo-thorax avec lequel il s’articule par sa base. Il est constitué : 
1° par une paire de mazxilles ou mâchoires étroites (2 x), soudées 
sur la ligne médiane dans leur moitié postérieure, à extrémités 
antérieures pointues et divergentes entre lesquelles est logée la 
languette (1) ; 2° à toute l'étendue du bord externe de chaque 
mâchoire adhère, par son premier article, un gros palpe maxil 
laire (p m) quadri-articulé, à article basilaire énorme, trois fois 
plus gros et plus grand que les trois derniers ensemble; ceux-ci 
sont courts et cylindriques, le dernier arrondi à son extrémité 
libre porte trois crochets recourbés dont le terminal est le 
plus grand ; les trois articles terminaux sont seuls mobiles, mais 
ils le sont largement, agissant surtout de haut en bas, en arrière 
et en dehors et à jeu alternatif; ils aident puissamment, comme 
nous l'avons déjà dit, à la progression; 3° au-dessus des mâ- 


116 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


choires et de leurs palpes et fermant par en haut le tuberostral, 
se voit une paire de mandibules à base large, épaisse, triangn- 
laire-arrondie, à extrémité antérieure allongée, cylindrique, 
brusquement tronquée, sans division en pince terminale (m d) ; 
les deux mandibules, soudées par leur bord interne sur la ligne 
médiane et unies par leur base au bord antérieur du céphalo- 
thorax, sont fixes et immobiles, mais leurs deux pointes anté- 
rieures, placées côte à côte et divergeant légèrement à leur ex- 
trémité, constituent un boutoir ou organe de fouille très-puissant ; 
h° enfin un épistome membraneux (e p) recouvre supérieurement 
et dépasse latéralement les palpes maxillaires et les mandibules, 
tout en laissant l’extrémité de ces dernières à découvert. 

L’ANUS ou CLOAQUE est une fente longitudinale de 10 à 15 mil- 
lièmes de millimètre de long, située sur la ligne médiane, à la 
partie antérieure et inférieure de l'abdomen, et qui n'est visible 
qu'au moment de la défécation ; c’est sans doute à cette circon- 
stance qu'est due l'ignorance dans laquelle se sont trouvés tous 
les auteurs qui ont écrit jusqu’à présent sur le Demodex, relati- 
vement à la situation de cette ouverture, que les uns placent au 
milieu de l'abdomen et les autres à l'extrémité postérieure. 

Aucun organe de circulation, de respiration ou d’innervation 
ne s’est manifesté à nous pendant nos nombreuses recherches 
sur le Demodex; mais nous avons pu voir, au moment même de 
leurs fonctions, les organes de reproduction qui, avant nous, 
étaient complétement inconnus. 


$S 3. — Organes et fonctions de reproduction. 


Les Demodex sont monoïques, comme tous les acariens. La 
différence des sexes est très-peu marquée et très-difficile à ap- 
précier, les individus sexués étant relativement rares et perdus 
dans la foule des individus asexués, véritables nymphes qui sont 
de même taille et en apparence aussi parfaits que les précédents, 
et qui fournissent la grande majorité, quelquefois la totalité, de 
la population qui remplit les follicules pileux dilatés chez les 
chiens atteints de gale folliculaire, ou chez l’homme atteint 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 147 


d’acne sebacea ; on ne trouve même d’individus sexués accom- 
pagnés des larves que les femelles viennent de mettre au monde, 
que dans certains boutons acnéiques particuliers, et c’est la 
présence des jeunes larves apodes qui doit servir d'indice 
pour rechercher dans leur voisinage les individus réellement 
adultes. 

Les mâles (fig. 4, À, B) sont un peu plus petits que les femelles, 
ou plutôt c’est leur abdomen qui est plus court, plus étroit, et 

qui a à peu près la même longueur que le thorax; le pénis se 
montre en avant de l’anus et en arrière de la dernière paire 
d'épimères ; il a la forme d’un tubercule conique, à arêtes, et 
tronqué, qui se montre en quelque sorte seulement au moment 
d'entrer en fonction. 

La femelle (fig. 2) a le thorax un peu plus fort que le mâle ; 
son abdomen, plus arrondi, dépasse le céphalo-thorax d’un 
quart en longueur ; la fente anale sert en même temps de vulve 
d'accouchement, et probablement aussi de vulve de copulation, 
— ce qui serait une exception chez les acariens, — mais, si 
nous n'avons pas vu de Demodex accouplés, par contre nous 
avons assisté à la sortie, par cette ouverture, de ce que l’on a 
appelé jusqu’à présent un œuf et qui n’est autre qu’une véritable 
larve apode. En effet, cette larve, qui ressemble à.une petite 
sole à queue pointue, s’est montrée à nous de différentes tailles, 
ce qui prouve qu'elle grandit, et s’est manifestement contractée 
sous nos yeux, ce qui prouve qu’elle est douée de mouvement, 
qualités qui n’appartiennent nullement aux œufs. 


$ 4. — métamorphoses et mues. 


Nous venons de voir que les Demodex sont vivipares et qu'ils 
donnent naissance directement à de petites larves plates, rhom- 
boïdales, à extrémité antérieure arrondie et sans trace de bou- 
che ni d'ouverture en tenant lieu, à extrémité postérieure allon- 
gée et pointue, ressemblant en un mot à de petites soles aveugles 
et astomes (fig. 2, B). Les larves de la variété kominis sont cordi- 
formes (fig. 9). Ces larves, qui en naissant n’ont guère que 


118 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


0"*,060 de long sur 0"",015 de large, acquièrent vite 0"",090 
sur 0"",025, et c’est à cette dernière dimension qu’on les distin- 
gue le plus facilement, la première ayant quelque analogie avec 
une grosse cellule embryoplastique fusiforme sans noyau. Ces 
larves vivent certainement par imbibition ou absorption cutanée 
puisque, nous le répétons, elles sont astomes (fig. 7, À). 

La larve apode, continuant à croître, arrive bientôt à avoir 
0"" 150 de long avec une largeur proportionnée; à cette taille, 
elle acquiert, sous la partie qu'on peut appeler céphalo-thora- 
cique, trois paires de pelits tubercules papilliformes qui tiennent 
lieu de pattes, mais dans lesquelles on ne distingue ni articula- 
tion ni crochets terminaux (fig. 7, B). 

Après ce deuxième âge, la larve continue à croître et acquiert 
encore une paire de tubercules papiliformes qui se montre en 
arrière des premières. Bientôt après elle se prépare à muer, car 
sous les téguments de ce troisième âge commencent à appa- 
raitre les linéaments d’une forme à pattes articulées et à rostre 
distinct (fig. 7, C). C'est celte larve au troisième âge, prête à 
muer et montrant la forme de nymphe à rostre et à pattes encore 
indécises dans son intérieur, que MM. Cornevin et G. Pennetier 
ont prise pour une variété de Demodex, peut-être un mâle. Des 
notions plus étendues sur l’organisation et les métamorphoses 
des acariens leur auraient permis d’éviter cette erreur d’inter- 
prétalion. 

Lorsque la nymphe est sortie de son enveloppe constituée par 
les téguments de la larve au troisième âge, les parties dures des 
pattes, du céphalo-thorax et du rostre se solidifient ; les articles 
des pattes et des palpes, le plastron dorsal et les épimères, les 
mandibules et les maxilles, se montrent nettement; l'abdomen 
s'allonge, et les stries de son tégument se dessinent ; enfin, cette 
nymphe apparaît avec toutes les formes et la taille de l’âge 
adulte, dont elle ne se distingue que par l'absence d’organes 
sexuels. 

Y a-t-il eu d’autres mues, d’autres métamorphoses que celle 
qui marque la transformation de la larve au troisième âge en 
nymphe? Chaque âge de la larve par exemple ne donne-t-il pas 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 119 


lieu à une mue ? Nous ne le croyons pas, car nous n’avonñs jamais 
pu voir de larve à tégument double, c’est-à-dire se préparant à 
muer, comme cela se voit si facilement chez d’autres acariens, 
les sarcoptidés par exemple. Ce fait de croissance sans change- 
ment de peau, que présentent les larves de Demodex, est excep- 
tionnel dans l'ordre des acariens et les rapproche des larves 
d'insectes, des diplères par exemple. 


$ 5. — mœurs et habitudes. 


Les Demodex vivent et pullulent dans les follicules pileux ou 
cébacés du chien, du chat, du mouton et de l’homme, seulement 
- la variété caninus habite indifféremment les follicules pileux de 
toute la surface du corps; la variété cati, particulièrement les 
olandes sébacées de l'oreille; la variété ovis, seulement les 
glandes de Meibomius ou du bord palpébral des paupières ; et la 
variété Aominis, exclusivement les follicules pileux des poils 
follets du visage et les glandes sébacées de la même région, parli- 
culièrement du nez et du front. 

Quelle que soit la variété que l’on observe, on voit toujours les 
Demodex disposés dans les follicules, le rostre dirigé vers le fond 
et en plus ou moins grand nombre ; quand ils ne sont pas plus 
de deux ou trois, rien au dehors ne trahit leur présence ; mais 
quand ils sont au nombre d’une douzaine environ, le follicule 
dilaté donne lieu à une élevure conique de la peau, à une saillie 
qui a un poil follet à son sommet, à un comédon en un mot; 
enfin, lorsque les parasites sont au nombre de deux ou trois 
douzaines (fig. 8), les parois du follicule, dilatées et irritées par la 
présence de ces nombreux hôtes, s’injectent aussi bien que le 
bulbe sécréteur du poil, celui-ci se détache, et une véritable pus- 
tule d’acné se développe (1). C’est dans les pustules d’acné, dont 
le centre contient quelquefois de quarante à cinquante Demo- 


(1) M. Gruby prétend, dans un mémoire cité, qu'après avoir examiné soixante 
personnes il a trouvé des demodex sur quarante ; nous, dans un régiment d’artil- 
lerie composé de soldats de diverses régions de la France, nous n’avons trouvé de 
demodex que sur un dixième environ de ces hommes. 


120 F. MÉGNIN. — MÉMOIRE. 


dex (1), que l’on rencontre particulièrement les individus adultes 
et leurs larves, et c’est la population de ces pustules qui, en 
essaimant littéralement, va peupler les follicules voisins du trop- 
plein de leur contenu. C’est pourquoi l'extension de la gale folli- 
culaire chez le chien se fait ordinairement en rayonnant et pro- 
duit souvent de véritables cercles simulant parfaitement des 
plaques d’herpès cireiné ; nous disons « ordinairement », car il 
ya un autre moyen de propagation, le grattage, par lequel le 
chien porte sur les différentes parties de son corps où il peut 
atteindre les animalcules qu’il a arrachés avec ses ongles en 
déchirant des pustules d’acné. 

La rapidité de propagation des Demodex est bien moins grande 
que celle de certains autres acariens psoriques ; les différentes 
variétés du Sarcoptes scabiei par exemple, dont quelques-unes 
peuvent, en quinze jours, couvrir le corps d’un cheval de leurs 
colonies. La pullulation des Demodex de la variété caninus est 
comparable à celle des psoroptes, car nous avons vu la gale folli- 
culaire chez le chien, débutant par le tour des yeux et l’extré- 
mité des patles, mettre environ deux mois à envahir le reste du 
corps. Elle s'accompagne aussi de démangeaisons d'autant plus 
vives qu’elle est plus générale. 

La variété Aominis est bien plus lente encore que la précédente 
dans sa multiplication; elle reste même souvent stationnaire 
après qu'elle a produit quelques comédons ou quelques pustules 
d'acné; on trouve même chez certains hommes des Demodex 
vivants, en petit nombre il est vrai, dans les follicules du visage, 
sans déterminer aucune lésion apparente; celte variété ne cause 
non plus aucune démangeaison, ce qui la distingue encore d’une 
manière capitale de la première. 

La variété cali, que nous avons rencontrée dans les oreilles 
de deux chats, paraît aussi très-peu prolifère et bien peu dange- 


(1) Le même M. Gruby parle de follicule chez le chien affecté de gale folliculaire, 
contenant jusqu’à 200 parasites, ce qui porterait la population de la peau de cet 
animal à 80 000 habitants par centimètre carré. Nous croyons ces chiffres très- 
exagérés, car, bien que nous ayons examiné beaucoup de chiens atteints de la même 
affection, nous n’avons jamais pu compter plus de cinquante parasites environ par 
follicule. 


SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 191 


reuse: rien ne décelait la présence des quelques rares représen- 
tants de cette variété que nous avons trouvés mélangés à du 
cérumen où nous récoltions en abondance des Chorioptes ecau- 
datus, qui ne sont non plus nullement psoriques. 

Quant à celle qui habite les glandes de Meibomius du mouton, 
personne ne l’a revue depuis Simon de Berlin; nous ne pou- 
vons par suite rien en dire. 

M. Gruby, imbu de lidée que le Demodex du chien et celui de 
l'homme sont identiques, recommandait de grandes précautions 
pour éviter la contagion de la gale folliculaire du chien à l’hom- 
me. Cette crainte est illusoire : nous avons manipulé bien des 
_ chiens atteints de gale folliculaire et nous n’avons jamais rien 
contracté, non plus que nombre de nos collègues et d'élèves 
vétérinaires qui se sont trouvès aussi exposés que nous. Nous 
avons cependant vu dernièrement le propriétaire d’un chien 
affecté de cette gale bien constatée, être atteint, sur la face dor- 
sale de chaque main, d’un prurigo regardé par son médecin 
comme dû au contact de son chien, prurigo qui a cédé facilement 
à l’aide de quelques soins appropriés. Si l’acclimatement des Demo- 
dex avait été complet sur la peau de cet homme, -ce n’est pas 
quelques jours de soins seulement qui auraient été nécessaires 
pour les détruire, mais des mois, car il n’y a pas d’affection 
psorique plus grave et plus tenace que la gale folliculaire du 
chien. Nous savons cependant, par notre expérience personnelle 
et par celle de notre distingué confrère M. C. Leblanc, que par 
des bains de Baréges administrés avec persistance, soigneuse - 
ment et quotidiennement, pendant un mois au moins, puis de 
huit jours en huit jours pendant deux ou trois autres mois, on 
vient sûrement à bout de cette affection. Nous nous expliquons 
action de ce traitement de cette façon : les Demodex mi- 
graieurs trouvant constamment la mort hors du follicule, les 
nouvelles colonies deviennent impossibles à constituer ;. les an- 
ciennes disparaissant forcément par la mort naturelle de leurs 
fondateurs, la population parasitaire disparaît ainsi, car nous 
ne croyons pas qu'un médicament inoffensif pour la peau et 
en même temps parasilicide puisse pénétrer dans la profondeur 


4922 p. MÉGNIN. — MÉMOIRE SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 


des follicules pileux ou sébacés ; nous avons par devers 
nous des expériences qui nous le prouvent et qui nous donnent 
la raison des insuccès des nombreuses préparations proposées 
contre la gale folliculaire du chien et des dangers de la plupart 
d’entre elles. 


EXPLICATION DE LA PLANCRE IX. 


Fic. 4.— Demodex folliculorum (Owen), variété caninus J', À vu de face, 
B vu de profil, p penis, a anus (grossiss. 300 diam.). 

F1G. 2. — Demodex folliculorum (Owen), variété caninus, A? vu de face, 
ac ouverture vulvo-anale, B sa larve apode au moment de sa naissance 
(grossiss. 300 diam.). 

Fic. 3. — Rostre de Demodex vu de face (grossiss. 900 diam.). 

m,æ. Maxilles ou mâchoires soudées. 

L. Languette. | 

p,m. Palpe maxiMaire à quatre articles. 

m,d. Mandibules. 

e,p. Épistome; j, son prolongement en forme de joues. 

Fi. 4. — Rostre du Demodex vu de profil (grossiss. 900 diam.). (Mêmes 
lettres que dans les figures précédentes.) 

B. — Mandibules vues par la face supérieure (même grossiss. ). 

Fi. 5.— Une patte d’adulte, À dans l'extension, B dans la flexion 
(grossiss. 900 diam.). 

a. Hanche. 
. Jambe ou tibia. 
Tarse. 
FiG. 
Fic. 


j 

L, 

6. — Les deux crochets du tarse, le plus grand est l’interne. 

7. — Phases de développement de la larve de Demodex. . 

A. Deuxième âge de la larve (grossiss. 300 diam.). 

B. Troisième âge, ou hexapapillaire. 

C. Quatrième âge ou octopapillaire, se métamorphosant en 

nymphe. 

Fi. 8. — Un follicule pileux de chien affecté de gale folliculaire et 
dilaté par une accumulation de Demodex et de leurs larves (grossiss. 
200 diam.). 


Fic. 9. — Une larve cordiforme du Demodex folliculorum (Owen), variété 
hominis (grossiss. 300 diam.). 


PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, y À 


CONTRIBUTION 


À L’HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE 


Par M. POINCARÉ 


Professeur adjoint à la Faculté de médecine de Nancy. 


Il y a trente-deux ans que Henle déclarait que la glande thy- 
roïde, le thymus, la rate, les capsules surrénales ont cela de com- 
mun que leur structure intime et leurs fonctions sont totalement 
. ignorées (1). Ce jugement pourrait encore être porté aujourd’hui 
avec presque autant de raison. Car on en est encore à se deman- 
der si le corps thyroïde est formé par des vésicules closes, con- 
glomérées et indépendantes les unes des autres, comme le veut 
l'opinion classique, ou si, comme l’affirme Boechatt (2), les pré- 
tendus follicules clos forment entre eux un système de canali- 
cules avec ramifications étendues. Pour vérifier celte dernière 
asserlion, j'ai pratiqué un certain nombre d’injections, à l’aide 
de l'appareil de Gréhant transformé. Tantôt je n’ai obtenu 
qu'une imbibition purement mécanique des parties voisines du 
point d'introduction de la canule, tantôt les résultats semblaient 
justifier jusqu'à un certain point l’idée de Boechatt; mais ils 
étaient si variés dans leur forme et dans leur aspect qu’on était 
en droit de les considérer comme des produits artificiels. Dans 
ces conditions il m’a semblé qu’il ne fallait attacher qu’une mé- 
diocre importance aux recherches faites à l’aide des procédés 
indirects d'investigation, et qu’au lieu de scruter avec des réac- 
tifs variés quelques thyroïdes, il serait peut-être plus profitable 
de passer en revue le plus grand nombre possible de glandes, en 
les puisant à tous les échelons de la série des vertébrés, et en fai- 
sant porter l'observation sur un grand nombre d'individus de 


(1) Henle, Traité d'anatomie générale, traduction de Jourdan, 4843, t. II, p. 578. 

(2) Recherche sur la structure normale du corps thyroïde. Paris, 1873. Voyez 
aussi dans ce recueil, t. VII, années 1870-1871, p. 244, J.-J, da Silva Amado : Sur 
un point obscur de l’histologie de la thyroïde (avec figures). 


12h POINCARÉ. — CONTRIBUTION 


chaque espèce. J'ai pensé qu’en agrandissant ainsi le champ de 
l'observation et en passant en revue toutes les variantes réalisées 
par la nature, il serait probablement plus facile de dégager le 
type commun et fondamental. C’est dans ce but que j'ai examiné 
un nombre considérable de glandes thyroïdes empruntées aux 
animaux qui servent habituellement à l’alimentation, que pen- 
dant deux ans je me suis fait adresser celles de la plupart des ani- 
maux morts au Muséum et dans quelques ménageries privées ; 
qu’enfin je me suis fait remettre pendant plusieurs années celles 
de tous les malades morts à l'hôpital Saint-Charles de Nancy. 
Comme mon but était avant tout de me former une opinion sur 
la structure de cet organe, J'ai eu le tort, pendant longtemps, de 
ne rien inscrire et de ne pas tenir un compte régulier des pièces 
examinées. Mais m'étant aperçu que la plupart des faits que j’ob- 
servais méritaient d’avoir leur fréquence relative fixée par la sta- 
tistique, j'ai depuis pris des dessins, et j'ai dressé des tableaux 
où se trouvent indiqués la provenance, l’âge, le sexe, la nature 
des maladies et des circonstances qui ont occasionné la mort, les 
particularités relatives au stroma, aux éléments glandulaires, aux 
kystes, aux sympexions, aux cristaux et aux diverses dégénéres- 
cences. Je regrette de ne l'avoir pas fait plus tôt, car les asser- 
tions que je vais émettre seraient appuyées par des chiffres bien 
plus considérables. Toutefois, je puis assurer que mes impres- 
sions antérieures ont toutes abondé dans le sens des conclusions 
que je vais tirer de l'inspection de ces tableaux. 

Ces derniers comprennent 106 glandes de l'espèce humaine, 
fournies par 55 femmes et 51 hommes. La mort a été déterminée, 
28 fois par la tuberculisation pulmonaire; 8 fois par l’emphy- 
sème pulmonaire; 2 fois par la congestion pulmonaire; 4 fois 
par la pneumonie ; 41 fois par une maladie organique du cœur ; 
7 fois par la fièvre typhoïde ; 4 fois par la variole; 2 fois par 
l’entérite; 1 fois par le tétanos; A fois par l’éclampsie ; 4 fois 
par l’épilepsie ; 8 fois par la méningite ; 1 fois par la congestion 
cérébrale; 1 fois par le ramollissement cérébral ; 4 fois par l’a- 
poplexie cérébrale ; 8 fois par l’albuminurie ; 1 fois par la périto- 
nite puerpérale ; 1 fois par une hépatite suppurée; 5 fois par 


A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 195 


la cyrrhose du foie ; 10 fois par une affection cancéreuse; 2 fois 
par la maladie de Pott et coxalgie ; 1 fois par une grossesse extra- 
utérine ; À fois par la gangrène du poumon ; 1 fois par l’opéra- 
tion de la hernie étranglée ; 1 fois par asphyxie par submersion ; 
À fois la maladie est restée inconnue ; 3 fœtus et un nouveau-né 
mort au bout de deux heures. * 

C’est surtout pour les animaux que J'ai négligé de prendre 
des notes sur les glandes examinées, de sorte que le chiffre de 
celles inscrites sur les tableaux est de beaucoup inférieur à celui 
des thyroïdes qui ont été réellement passées en revue. Je ne suis 
autorisé à faire entrer dans le roulement de ma statistique 
_ que 91 glandes empruntées à des animaux. Ces 91 glandes se ré- 
parlissent dans l'échelle ainsi qu'il suit : 22 moutons ; 17 veaux ; 
9 bœufs ; 7 pores; 3 chevaux ; 3 chevreuils ; 3 lèvres ; 2 chiens; 
2 singes ; 1 lion; À Cervus axis; 1 antilope; 1 Proteus anqui- 
nus ; 6 poules et poulets; 2 milans; 1 cardinal ; À pic-vert ; 
4 padda; 1 épervier ; 1 grimpeur ; 1 moyen-duc; 1 gros-bec; 
À tortue; 1 grenouille et 2 raies. 

Un premier fait général qui est ressorti pour moi de cet 
ensemble d'observations, c’est que chez la plupart des animaux 
l'existence de vésicules closes se montre incontestable. Il est loin 
d’en être toujours ainsi dans l'espèce humaine, où l’organisation 
de laglande paraît être plus complexe et plus confuse. Ilest probable 
que chez l’homme le vague tient à ce que le stroma est beaucoup 
plus abondant et plus dense que chez les animaux, de sorte que 
les contours des vésicules et leurs connexions relatives se dessi- 
nent moins bien. Mais on ne saurait douter un seul instant de la 
vérité de l'interprétation classique, lorsqu'on s'adresse aux 
glandes des poissons, des batraciens, des oiseaux. Il en est de 
même lorsqu'on se rapproche beaucoup plus de nous, notam- 
ment chez le chevreuil, le lièvre, le veau et le mouton. Chez ces 
derniers, les trabécules lobulaires sont nettement réduits à leur 
plus simple expression, la transparence générale est tellement 
complète, les vésicules sont tellement bien dégagées et circons- 
crites, qu’il serait impossible de songer à leur appliquer l'idée 
de Boechatt. Ilest bien probable que quels que soient les perfec- 


126 POINCARÉ. — CONTRIBUTION 


tionnements et les richesses de détail que peuvent présenter chez 
l’homme le stroma et les éléments généraux auxquels celui-ci 
sert d’atmosphère, l'agent fondamental de la glande doit aussi 
y consister en des follicules parfaitement clos et sans aucune 
communication entre eux. Car il n’est pas dans les allures de la 
nature de-ne pas suivre le même plan pour toute l'échelle. Elle 
se montre prodigue de broderies, mais elle respecte toujours les 
grandes lignes qu’elle a cru devoir adopter. Je reste donc con- 
vaincu que le lobule thyroïdien est toujours constitué par des 
vésicules conglomérées, mais parfaitement indépendantes. 
L’organe dont la thyroïde se rapproche le plus, comme structure, 
est certainement l'ovaire. 

Une seconde remarque générale est que chéz l’homme la thy- 
roïde est rarement normale dans toute la rigueur du mot. Il n’est 
pas nécessaire que la glande atteigne des proportions capables 
d'attirer l'attention et de la faire classer parmi les goîtres, même 
les plus humbles, pour qu’elle renferme un ou plusieurs petits 
kystes, soit des amas de cristaux, soit des magmas calcaires, soit 
des signes de dégénérescence graisseuse, soit de petits points 
caséeux. Le corps thyroïde entre beaucoup plussouvent qu’on ne 
croit snr la scène pathologique ; ce qui, indirectement, donne à 
supposer que son rôle physiologique n’est pas aussi effacé qu'on 
a coutume de l’admettre. Les influences hygiéniques spéciales 
auxquelles l'homme est soumis, les habitudes morbides qui sont 
devenues son apanage à travers les générations subissant ces 
influences, retentissent sur la thyroïde aussi bien que sur les 
autres organes. Car elle se montre altérée chez lui infiniment 
plus souvent que chez les animaux. C’est ce qui résultera de l’exa- 
men que nous allons faire des diverses particularités que cet 
organe peut présenter comme coloration, poids, stroma, vési- 
cules, kystes, cristaux, sympexions, dégénérescence grais- 
seuse, elc. 

Coloration. On accorde généralement à la thyroïde humaine 
une coloration rougeâtre, analogue à celle du tissu musculaire. 

Je ne l'ai trouvée que 17 fois remplissant cette condition. Elle 
- s’est montrée 25 fois d’un rose pâle ; 9 fois d’un rouge livide et 


A L’HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 127 


violacé ; 2 fois d’un gris ardoisé ; 4 fois d’un brun assez foncé. 
Le plus souvent elle a offert une teinte jaune: 48 fois (34 fois 
un jaune pâle, et 14 fois un jaune chrôme). La coloration jaune, 
quoiqu’étant la plus fréquente, est cependant un produit pa- 
thologique, car le microscope montre qu’elle est due à la dégé- 
nérescence graisseuse. | 

La teinte jaune se rencontre un peu plus souvent dans le sexe 
masculin que dans le sexe féminin, ce qui tient peut-être à ce 
que les hommes abusent ordinairement plus de l'alcool : car 
quelle que soit la maladie finale, l'alcoolisme la détermine con- 
stamment. (Jaune chez 25 hommes sur 51 et 23 femmes sur 55; 
_rose chez 17 femmes et 8 hommes, rouge musculaire chez 
11 femmes et 6 hommes; rouge livide chez 6 hommes et 
3 femmes; grise chez 2 hommes; brune chez 3 hommes et 
4 femme.) 

La teinte jaune n’est pas l’œuvre de l’âge, car on peut la ren- 
contrer à toutes les époques de la vie. Mais c’est à l’âge adulte 
qu'elle est le plus fréquente, probablement parce que c’est à cette 
époque que se montrent le plus souvent les maladies capables de 
la déterminer. Elle a été observée 8 fois de 4 à 20 ans ; 20 fois 
de 20 à 40 ans ; 12 fois de A0 à 60 ans; 9 fois de 60 à 80 ; 2 fois 
au delà. La coloration a été rose 9 fois et 1 fois rouge muscu- 
laire de 4 à 20 ans; 5 fois rose et 9 fois rouge musculaire de 
20 à A0 ans; 7 fois rose et 7 fois rouge musculaire de 40 à 60 ans ; 
k fois rose et 1 fois rouge de 60 à 80 ans. La vivacité de la teinte 
rouge n’est donc pas, comme on l’a dit, en raison inverse de 
l’âge. L'état fœtal semble communiquer à la glande une teinte 
brune qui persiste même pendant les premières heures après la 
naissance. Les quatre glandes brunes appartenaient à 3 fœtus et 
à un nouveau-né. La vieillesse ne produit pas plus la teinte grise, 
c'est-à-dire la pigmentation, que la teinte graisseuse; car des 
deux glandes grises, l’une appartenait à un individu âgé de 
52 ans et l’autre à un individu âgé de 32 ans. 

Dans la tuberculisation pulmonaire, la thyroïde offre une ten- 
dance des plus marquées à prendre une teinte jaune (19 fois sur 
28 tuberculeux et sur 4S glandes jaunes). La nuance jaune 


128 POINCARÉ. — CONTRIBUTION 


chrome est presque spéciale à cette affection. Sur 14 glandes 
ayant offert cette nuance, 11 appartenaient à des phthisiques. 
Quand dans cette maladie la glande conserve une teinte rouge 
(9 fois), celle-ci est ordinairement très-pâle ; 3 fois seulement elle 
avait atteint ou conservé la nuance du muscle. 

En raison de l’excessive gêne que l’emphysème apporte dans 
la respiration et la circulation, gêne qui se traduit si souvent par 
la turgescence des veines du cou et de la tête, je m'attendais à 
trouver la thyroïde des emphysémateux gorgée d’un sang foncé. 
Sur 8 glandes de cette provenance je n’en ai rencontré qu'une 
offrant une teinte rouge foncé; et encore non-seulement cette 
coloration était limitée à la partie la plus centrale de l’organe, 
mais en outre 1l y avait là des lésions de kystes qui avaient bien 
pu développer autour d’eux celte atmosphère de congestion. 
Parmi les 7 autres une seule avait la teinte rouge musculaire ; 
2 étaient d’un rouge pâle ; 3 d’un jaune pâle et À d'un jaune 
chrôme. Pour cette dernière on pouvait invoquer un haut degré 
d’antécédents alcooliques. Ces résultats ne parlent certainement 
pas en faveur de l'hypothèse de Maignien qui présente le corps 
thyroïde comme un diverticulum destiné à donner asile au sang, 
pendant le phénomène effort. Ce défaut de congestion dans l’em- 
physème, lequel se retrouvera encore dans d’autres maladies ca- 
pables d’entraver la circulation, me porte à penser que dans les 
faits qui ont été donnés à l’appui de cette théorie, on a attribué 
au tissu thyroïdien lui-même un gonflement qui avait pour siége 
le lacis veineux qui existe à la périphérie de la glande, et qui se 
gorgeait de sang au même titre que les autres veines du cou. 
D'ailleurs un pareil office ne saurait être rempli efficacement par 
un tissu formé de vésicules. Celles-ci n'auraient nullement leur 
raison d’être. 

La congestion pulmonaire n’entraîne pas celle de la glande 
thyroïde qui s’est montrée d’une teinte jaune dans les deux cas 
observés. L’un des malades était fortement alcoolisé. 

Il en est de même de la pneumonie ; quoique dans deux des 
cas 11 y eut à la fin des phénomènes d’asphyxie, la glande s’est 
montrée 1 fois rose et 3 fois jaune. * 


A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 129 


La théorie Maignien ne rencontre pas des arguments beaucoup 
plus favorables dans les maladies organiques du cœur ; 5 offri- 
rent la teinte musculaire ; à la teinte rose ; 2 la teinte jaune et 
À la teinte grise. 

J'ai été surpris dela teinte rouge bleuâtre que la fièvre typhoïde 
a tendance à communiquer à la glande thyroïde; sur 7 cas je 
n’ai rencontré que deux exceptions à cette régle; dans l'une la 
coloration était rouge musculaire, dans l’autre elle était simple- 
ment rose. Les cinq autres thyroïdes rappellaient par leur cou- 
leur et par leur consistance l'aspect des glandes mésentériques 
dans la même maladie. Loin de moi la penséelle vouloir faire ici 
_entre le corps thyroïde et les glandes lymphatiques une assimila- 
Lion que condamnent l’histologie et Surtout l'embryogénie.Mais ce 
fait semble indiquer que le premier organe doit aussi interve 
nir d’une manière quelconque dans l’hématopoièse. La variole 
ne paraît pas exercer une influence analogue sur la thyroïde. 
Dans l'unique cas observé, elle était rose. Dans la cyrrhose elle 
s’est montrée à fois d’un rouge musculkure et 2 fois d'un rouge 
bleuâtre. Dans le cas d'hépalite suppurée elle était d’un jaune : 
chrorne. La diathèse cancéreuse semble, comme la diathése tu- 
berculeuse, engendrer très-souvent la teinte graisseuse ; mais 
elle produit beaucoup plus rarement la nuance chrome. Sur 
10 cas il veut 7 fois la coloration jaune, dont 1 fois la nuance 
chrome. Dans les 3 autres cas la glande était d’un rose pâle. Chez 
les trois albuminuriques elle fut 2 fais Jaune et 1 fois d’un rouge 
musculaire. Chez les quatre apoplectiques elle fut 3 fois rose et 
À fois jaune. Elle offrit cette dernière teinte dans l'unique cas de 
ramollissement cérébral, et la première chez le malade mort de 
congestion cérébrale. Rose dans les deux cas de méningile aiguë, 
elle fut grise dans celui de méningite chronique, jaune dans les 
deux cas de maladic de Pott, dans celui de gangrène du pou- 
mon, dans celui de grossesse extra-utérine, dans celui d’épilep- 
sie et dans l’un des deux cas d’entérite : elle fut au contraire rouge 
livide dans le fait de hernie étrangiée, ei rouge musculaire dans 
le second fait d’entérite, ainsi que dans celui de péritonite. Elle 
n’offrit que cette dernière teinte dans les cas d’asphyxie par 

JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. XII (1877), 9 


450 POINCARÉ. — CONTRIBUTION 


submersion, d’éclampsie et de tétanos. C’est là une circonstance 
quiest encore à mettre au passif de lathéorie Maignien. Notons 
encore, en terminant ce sujet, que chez la plupart des malades 
non tuberculeux, l'alcool a Joué un rôle plus où moins important 
dans la production de la teinte jaune. 

Si on débarrasse la thyroïde des animaux des amas adipeux qui 
se trouvent dans les principales cloisons du stroma, et qui sont 
surtout très-abondants chez les poissons, les oiseaux et Les porcs, 
on constate que le tissu glandulaire est par lui-même rarement 
jaune, et que par conséquent il éprouve la dégénérescence grais- 
seuse beaucoup moins souvent que la thyroïde humaine. Sur 
91 animaux, ce tissu n'offrit cette teinte que 7 fois (2 bœufs, 
4 veau, 1 chevreuil, 1 chien, 4 pic-vert, 1 milan). Elle ne fut 
grise qu’une fois (4 mouton) ; 5 fois très-brune par suite de pig- 


mentation (3 chevaux, 2 lièvres) ; 4 fois d’un rouge livide (2 mou- 


tons, 2 porcs). Chez les 74 autres animaux la glande a été d’un 
rouge oscillant autour de la teinte musculaire; ce qui prouve 
que ce doit être là la coloration normale. 

Poids et volume. La moyenne de poids de la glande thyroïde 
chez l'adulte a été estimée par Meckel à 33 grammes, par 
Legendre à 50 grammes, par Sappey à 24 grammes. Pour ma 
série d'observations, la moyenne générale a été de 35,55. Si on 
élimine quatre glandes qui, par leur volume exceptionnel, méri- 
taient déjà d’être classées dans la catégorie des goîtres, elle des- 
cend à 28,21. Pendant la période fœtale, la moyenne a été de 
11/2; pendant l’adolescence, de 22,29; pendant l’âge adulte, de 


26,89 ; pendant la vieillesse de 41,27. La glande semble donc 


augmenter en poids et en volume avec l’âge. Les moyennes par- 
ticulières ont été, pour le sexe féminin, de 26,88; pour le sexe 
masculin, de 30,04. 

La tuberculisation pulmonaire tend à atrophier la glande thy- 
roïde par la résorption des éléments morts de dégénérescence 
graisseuse. Sur 18 cas, cet organe s’est montré 23 fois au-dessous 
de la moyenne et est même descendu jusqu’à 13 grammes. Dans 
l'emphysème, le poids atteint a été 2 fois au-dessus, 3 fois au- 
dessous et 2 fois au niveau de la moyenne; dans la congestion 


A L’HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 131 


pulmonaire, 4 fois au-dessus et 4 fois au-dessous ; dans la pneu- 
monic la glande s’est peu écartée de la moyenne. Dans les maladies 
de cœur, 6 fois elle a été un peu au-dessus et 6 fois un peu au- 
dessous; dans la fièvre typhoïde, 5 fois au-dessus et ? fois au-des- 
sous ; dans la variole, elle s’est montrée au-dessous; de même 
dans l’entérite. Elle l’a réalisée dans l’éclampsie, à peine dépas- 
sée dans le tétanos, ct est restée au-dessous dans lépilepsie ; 
elle la dépassée dans le fait de méningite chronique, dans 
les cas d’apoplexie. Elle est restée au contraire en dessous dans 
les deux méningites aiguës, la congestion et le ramollissement du 
cerveau, dans l’albuminurie : 2 fois au-dessous et 1 fois au-des- 
sus ;inférieur dans la péritonite puerpérale, l'hépatite suppurée et 
dans trois cas de cyrrhose, le poids de la glande a un peu débordé 
la moyenne dans les 2 autres cas de cyrrhose. À part 8 cas, elle 
s’est montrée un peu amoindrie dans tous les faits de cancer. Il 
en a été de même dans Îles cas de coxalgie et de grossesse extra- 
utérine. Elle a offert le poids normal dans les faits de hernie 
étranglée et d’asphyxie par submersion. D'une manière générale 
on peut dire que toutes les maladies qui tendent à décolorer la 
lande tendent aussi à l’amoindrir. 

Pour Les animaux, il faudrait pouvoir donner, non pas une 
moyenne qui n'aurait aucune signification, mais un tableau des 
poids des glandes des diverses espèces animales examinées. Mal- 
heureusement! mes notes sont complétement muettes à cet égard, 
ou ne portent que des mentions trop vagues établies sur des com- 
paraisons faites à l'œil avec différents objets. Aucune pesée ne 
paraît avoir été faite. Quelques mesures seulement ont été prises. 
Je les reproduis telles qu'elles sont consignées: chez le singe, 
chaque lobe avait 15 millimètres de diamètre ; chez le chien ro- 
quet, 20 millimètres ; chez ie Pada, 2 millimètres ; chezun milan, 
12 millimètres ; chez l’épervier, 2 millimètres ; chez le grimpeur, 
1 millimètre ; chezle moyen-duc,7 milimètres; chez le grus-bec, 
2 millimètres ; chez le poulet, 10 millimètres. 

Stroma. [existe une différence énorme entre le stroma thy- 
roïdien de l'homme et celui des anmaux. Tandis que chez le pre- 
mier il constitue une bonne partie de la masse totale el se 


132 POINCARÉ. — CONTRIBUTION 


proche du tissu fibreux par sa composition, sa consistance et son 
opacité relative, chez les animaux, au contraire, iln’existe presque 
qu’à la périphérie et dans les grandes intersections lobulaires. 

De plus il est excessivement lâche, riche en cellules plasma- 
tiques, mais très-pauvre en fibres conjonctives. Même chez les 
mammifères supérieurs, quand on prend des lambeaux de la 
glande en deçà des couches périphériques, on n’aperçoit pour 
ainsi dire que des vésicules qui, malgré leur imbricalion sur 
plusieurs plans, n’en restent pas moins avec des contours parfai- 
tement distinets. On ne voit qu'une multitude de petits sacs qu’on 
fait facilement glisser les uns sur les autres, tant est molle et ré- 
duite à sa plus simple expression la substance conjonctive qui les 
unit, Dans les grandes cloisons il y a toujours une forte quantité 
de cellules adipeuses, tandis que celles-ci sont relativement rares 
dans l'espèce humaine. Chez le cheval, le singe, le lièvre et le 
chevreuil, le stroma est presque partout parsemé de traînées pig- 
mentaires. 

Si, chez l'homme, le stroma offre peu de cellules adipeuses, 1l 
se montre souvent, à titre morbide, parsemé de granulalions 
graisseuses : 27 fois sur 106 cas. C’est incontestablement dans la 
tuberculisation pulmonaire que cette dégénérescence graisseuse 
du stroma se produitle plus souvent (17 fois). Elle est pour beau- 
coup dans la teinte jaune qu’affecte Fa plupart du temps la thy- 
roïde dans cette affection, car elle faisait défaut surtout dans les 
glandes de tuberculeux qui avaient exceplionnellement conservé 
une teinte rouge ou rosée. Les autres affections où ces granula- 
tions se montrèrent dans le stroma furent : l’albuminerie, 2 fois; 
la cyrrhose, 2 fois; la maladie de Pott, 2 fois ; la maladie de cœur. 
À fois ; le tétanos, 1 fois; l’épilepsie, 4 fois; l’apoplexie, À fois. 
Dans tous ces cas variés, l'alcoolisme semble avoir joué le princi- 
pal rôle. 

Les maladies de cœur qui sont incapables de congestionner la 
glande thyroïde d'une manière appréciable peuvent parfois œdé- 
matier son stroma ; du moins il en a été ainsi dans deux cas. Le 
cancer prédi: pose le stroma à prendre un caractère fibreux. Il 
en a été ainsi dans 6 cas sur 40, Le même fait a été observé chez 


A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 4133 


2 tuberculeux, dans le cas de méningite chronique et dans celui 
de ramollissement cérébral. La pigmentation du stroma est assez 
rare chez l’homme. Elle n’a été rencontrée que ? fois, dans un 
cas de maladie de cœur et dans celui de congestion cérébrale. 
Chez un des tuberculeux, il était criblé de granulations calcaires 
‘amorphes. 

Vésicules. On s'accorde assez généralement à considérer les vé- 
sicules comme étant tapissées d’une simple couche épithéliale et 
comme contenant un liquide qui ne possède aucun élément 
figuré. Il en est en effet sonvent ainsi; mais ce n’est pas là une 
règle générale. Fréqjuemment, surtout chez les animaux qui ont 
-élé sacrifiés dans un parfait état de santé, elles renferment une 
plus ou moins grande quantité de noyaux libres et de cellules 
sphériques. Les noyaux sont parfois tellement serrés les uns 
contre les autres, que le Hiquide est presque nul et n'apparaît plus 
que comme la substance fondamentale d’un tissu nucléaire. On 
peut se convaincre que cette disposition est réelle et que ce n’est 
pas Pépithélium qui en impose pour une masse nucléaire : 1° en 
rompant une ou plusieurs vésicules ; on voit alors s'échapper une 
telle quantité de noyaux, qu’elle dépasse de beaucoup celle que 
pourrait fournir une couche épithéliale; 2° en faisant en un point 
des coupes dans toutes les directions, après avoir solidifié le con- 
tenu à l’aide de l'alcool; 3° en écrasant ce contenu solidifié. Les 
noyaux s'y montrent pris sur place par la solidification. Sans 
doute sur presque toutes les glandes on trouve un grand nombre 
de vésicules à liquide à peu près amorphe. Souvent même on 
tombe sur cet état de choses dans une grande quantité de coupes 
successives, de sorte que l’on conçoit qu’on en ait fait la règle 
générale. Mais le fait d’un contenu nucléaire n'en existe pas 
moins assez souvent pour qu’on soil conduit à penser que ces 
deux dispositions constituent deux phases distinctes de l'évolu- 
tion des vésicules. Comme l'aspect amorphe appartient surtout 
aux vésicules volumineuses, il est possible qu’il représente la 
phase la plus avancée, d'autant plus qu'il se généralise avec l’âge 
et que chez le fœtus toutes les cavités thyroïdiennes sont complé- 
tement remplies de noyaux. Toutefois, comme il se montre sur- 


13! POINCARÉ. — CONTRIBUTION 


tout dans l'espèce humaine et chez des individus dont la nutri- 
tion est altérée par la maladie, on peut aussi se demander s’il ne 
représente pas un état déjà moins physiologique. 

Quoi qu’il en soit de ces interprétations, voici quels ont été les 
résultats bruts de mes observations. Sur les 61 glandes d’ani- 
maux, 10 seulement ont montré sur toutes les coupes des vési- 
cules à contenu amorphe ; 15 ont offert au contraire sur tous les 
points des vésicules gorgées de noyauxlibres, comme s’il s'était 
fait là un véritable travail de prolifération. Dans les 66 autres, la 
plupart des vésicules renfermaient un plus ou moins grand 
nombre de noyaux épais. 

Dans l’espèce humaine, 47 glandes se signalèrent par des vé- 
sicules qui, presque toutes, étaient même dépouillées d’épithé- 
lium (4 tuberculeux, ? congestions pulmonaires, 2 pneumonies, 
À épilepsie, 1 ramollissement cérébral, 1 apoplexie, 3 albuminu- 
ries, 3 cancers, À hernie élranglée) ; 30 par des vésicules munies 
d'épithélium, mais contenant un liquide à peu près amorphe 
(14 tuberculisations pulmonaires, 2 ‘emphysèmes pulmonaires, 
3 maladies organiques du cœur, À variole, 4 entérite, 1 éclamp- 
sie, À congestion cérébrale, 4 cancers, ? maladies de Pott, 1 gan- 
orène pulmonaire) ; 40 par des vésicules contenant, en outre de 
l’épithélium, des noyaux épais plus ou moins nombreux (7 tuber- 
culisations pulmonaires, 3 emphysèmes pulmonaires, 2 pneu- 
monies, 8 maladies de cœur, 2 fièvres typhoïdes, 4 entérite, 
1 tétanos, 2 méningites, 1 hépatite, 1 péritonite, 5 cyrrhoses, 
3 cancers, ! grossesse extra-utérine, À asphyxie par submersion); 
enfin 16 par des vésicules gorgées de noyaux (3 tuberculisations 
pulmonaires, 3 emphysèmes pulmonaires, 5 fièvres typhoïdes, 
4 méningite et A fœtus). Cette condition était très-accentuée 
dans les 5 cas de fièvre typhoïde, fait qui mérite d’être rappro- 
ché de la congestion que nous avons signalée antérieurement 
comme établissant une certaine solidarité pathologique entre la 
glande thyroïde et les ganglions mésentériques. 

Il est un travail d'évolution dont on peut suivre les phases 
chez beaucoup d'animaux, mais qui est surtout trés-apparent 
chez le veau, le bœuf et le porc. Parmi les cellules de l’épithélium 


A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 1435 


de chaque vésicule, on en voit 2, 3, A, qui sont devenues plus 
volumineuses, turgescentes , sphériques et brillantes, et qui, 
tout en faisant encore partie de la couche épithéliale, la débor- 
dent. Si la préparation est favorable, on peui rencontrer sur les 
mêmes vésicules une ou deux cellules plus grosses encore, déta- 
chées et libres ; d’autres qui, plus engagées encore vers le centre, 
sont en train de se détruire en donnant la liberté aux noyaux 
qu’elles -renfermaient. Ge sont sans doute ces faits que Cornil et 
Ranvier ont regardés comme exprimant la dégénérescence col- 
loïde des cellules épithéliales (1). Mais quand on a soin de n’em- 
ployer aucun réactif capable de solidifier le contenu vésiculaire, 
- on peut constater les mêmes faits sur des vésicules qui, rompues 
par pression, donnent issue à un liquide très-fluide, n'ayant rien 
des caractères de la substance colloïde. Pour moi, j'ai cru voir là 
les manifestations d’une sécrétion par épithélium; et ce que j'ai 
observé m’a rappelé ce qui se passe dans les tubes séminifères, 
où l’on voit les cellules se gonfler, élaborer leur contenu, se dé- 
tacher et donner la liberté aux spermatozoïdes qu’elles ont créés. 
S1 l'interprétation est vraie pour la sécrétion spermatique, elle 
doit l’être aussi pour la sécrétion thyroïdienne, car elle repose 
sur les mêmes faits dans les deux cas. Et alors on peut se deman- 
der si le travail qui aboutit à une prolifération des noyaux n’est 
pas comparable à celui qui remplit les acini du sein de cellules 
au lieu de lait, de sorte que, contrairement à ce que nous avons 
supposé antérieurement, l’état liquide représenterait plutôt l’é- 
tat de fonctionnement réellement physiologique. 

Cristaux. On sait depuis longtemps que la thyroïde offre la 
particularité de renfermer très-souvent un plus ou moius grand 
nombre de cristaux. Mais le cas n’est pas constant, et on n’a pas 
cherché jusqu'ici à déterminer la fréquence du fait par la statis- 
tique. Moi-même, en me basant sur l'impression vague que m'a- 
vait laissée la longue série de glandes que j'avais examinées sans 
prendre des notes, j'étais resté convaincu que cette fréquence 


(1) Manuel d’hisiologie pathologique, troisième partie, p. 996, par Cornil et Ran- 


vier, 
49 


136 POINCARÉ. — CONTRIBUTION 


était beaucoup plus grande qu’elle ne l'est en réalité. Ainsi, sur 
91 glandes d'animaux, 68 en étaient complétement privées ; sur 
106 thyroïdes humaines, 51 seulement en présentaient. 

L'espèce animale ne paraît pas exercer ici une influence très- 
accentuée. Toutefois les chiffres précédents prouvent que l'espèce 
humaine est, sous ce rapport, un peu plus favorisée que l’anima- 
lité considérée en général. Pour celle-ci, les thyroïdes à cristaux 
se sont trouvées réparties ainsi : moutons, à fois sur 22 ; bœufs, 
2 fois sur 9 ; veaux, 2 sur 17; porcs, 1 sur 7 ; lièvres, ? sur 3 ; 
chevreuils, 1 sur 8 ; chiens, 4 sur 2; lion, 1 sur 1 ; singe, À sur 
2; antilope, 4 sur 1. Sur 15 oiseaux, A seulement présentèrent 
des cristaux (pic-vert, grimpeur, moyen-duc, gros-bec). L’unique 
tortue en possédait. Il est impossible du reste d'établir entre les 
animaux des comparaisons exactes à cause de la trop grande iné- 
galité de nombre es représentants de chaque espèce. Si je me 
reporte à ce que j'ai vu en dehors des thyroïdes inscrites, je 
crois pouvoir assurer que l'homme n’occupe même pas le pre- 
mier rang, et que celui-ci appartient à la raie, car j’ai rencontré 
des cristaux d’une manière constante chez tous les animaux de 
celte espèce et presque dans toutes les vésicules. 

Dans l'espèce humaine, 1] semble que le sexe masculin y soit 
plus exposé que le féminin (sur 55 femmes, 17 fois; sur 
1 hommes, 24 fois). La nature de la maladie à laquelle le sujet 
a succombé n’exerce pas une influence très-démontrée. Toutefois 
1} semble que la formation des cristaux soit favorisée par l’emphy- 
sème et les maladies de cœur. En effet, j'en aitrouvé chez 6 em- 
physémateux sur 8, et 7 fois sur 11 cas de maladie du cœur ; 
5 fois sur 28 phthisiques ; 4 fois sur 2 cas de congestion pul- 
mopaire ; À fois sur 4 cas de pneumonie ; 3 fois sur 7 fièvres ty- 
phoïdes ; 2 fois sur % méningites ; 1 fois chez un apoplectique ; 
chez 2 albuminuriques sur 3 ; dans le cas de péritonite puerpé- 
rale ; 2 fois sur 6 affections du foie; 4 fois sur 10 affections 
cancéreuses; À fois dans un cas de grossesse extra-utérine ; enfin 
dans le cas de hernie étranglée. Leur présence n’est pas non 
plus l'œuvre de l’âge, car j’en aï trouvé dans la thyroïde d’un 
fœtus de 5 mois. Il y en eut 18 fois chez des vieillards ; 47 fois 


A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 137 


chez des adultes; 2 fois chez des enfants. L’âge est resté inconnu 
pour 3 des thyroïdes en renfermant. 

Le plus souvent ils affectent la forme de prismes quadrangu- 
laires ; d’autres fois, ce sont des octaëdres qui donnent à l’œil 
la sensation de croix de Malte. Chez les animaux, ils se montrè- 
rent 15 fois, tous exclusivement prismatiques; 3 fois exclusive- 
ment en croix de Malte ; 2 fois les deux formes étaient abondam- 
ment représentées dans la même glande. La croix de Malte n’a 
été rencontrée que chez le mouton, la tortue et la raie, Chez ces 
deux derniers animaux, il y en avait un nombre prodigieux. 
Dans l'espèce humaine, ils ont été 29 fois exclusivement prisma- 


-tiques ; 5 fois exclusivement en croix de Malte; 5 fois mélangés. 
Dans 3 cas, les prismes ont consisté en aiguilles très-fines dispo- 


sées en étoiles. On peut aussi rencontrer des plaques de cholesté- 
rine. Mais chez l’homme elles nese montrent guère que dans les 
kystes thyroïdiens. Il en a été ainsi dans les 3 cas où j'ai eu à les 
signaler. Toutefois j’en ai rencontré dans une vésicule saine sur 
uneraie. 

Les cristaux, quelles que soient leurs formes, ne sont pas tou- 


Jours contenus dans les vésicules. On en trouve souvent dans le 


b 


stroma lui-même. Il est vrai que, dans bien des cas, on est en droit 
de se demander s'ils ne se trouvent pas là arüficiellement par 
suite d’une rupture. Le doute n’est plus permis pour les masses 
calcaires que l’on trouve fréquemment dans le stroma qui entourè 
les kystes. Ces masses sont parfois tellement considérables, qu'au 
toucher et à l’œil nu on croirait à une dégénérescence osseuse. 
Il est même probable que bien des ossifications signalées par les 
auteurs auralent montré à l'examen microscopique une simple 
imprégnation de cristaux. Ceux-ci donnent souvent aux poches 
kysteuses la transparence de l’aragonite. Ils sont alors incontes- 
tablement formés par du carbonate de chaux, car on produit de 
l'effervescence sous l’objectif en sms de l’eau acidulée par 
de l'acide sulfurique. 

Je n'ai pas les éléments nécessaires pour indiquer la composi- 
tion des cristaux thyroïdiens. Tout ce qu'on peut dire, c'est que 
ceux en croix de Malte doivent être constitués, ou par du chlo- 


138 POINCARÉ. — CONTRIBUTION 


rure de sodium, ou par de l'oxalate de chaux, car cette forme 
n'appartient guëre qu’à ces deux sels. Si d’une part leur fré- 
quence chez les raies qui vivent dans un milieu chargé de chlo- 
rure de sodium fait penser qu'ils sont formés par ce dernier sel, 
d'autre part, la façon dont ils résistent à une longue macération 
de la glande dans l’eau plaide en faveur de loxalate de chaux. 
On peut provoquer artificiellement la formation de cristaux pris- 
matiques. J’en ai fait naître en grand nombre dans une glande 
en la plongeant dans un bain de soude, et ils ont paru naître 
exclusivement dans les vésicules, ce qui prouve que le liquide 
thyroïdien a dû prendre part à la réaction. Dans. une autre 
glande, j'ai produit des cristaux de cholestérine par l’action pro- 
longée d’une chaleur douce. 

Les cristaux sont-ils l’expression d’un état morbide de la 
glande ? Je ne le crois pas, puisque je suis loin d’en avoir trouvé 
dans toutes les glandes altérées, et puisqu'il en existe dans les 
glandes les plus saines, surtout chez les animaux. Mais ils ne 
sont pas cependant des produits tout à fait physiologiques, puis- 
qu'ils constituent l'exception. 

Sympexions. On doit accorder la même signification à ce qu’on 
appelle des sympexions. Quand on comprime certaines glandes 
thyroïdes, on fait jaillir de petits corps plus ou moins ovoides, 
complétement amorphes, excessivement transparents. [ls s’échap- 
pent comme des amandes qu’on énucléerait par pression. On di- 
rait des morceaux de gomme qui fuient sous le doigt qui les 
presse. Ils sont enfermés dans l’intérieur des vésicules où ils res- 
tent toujours libres. Toutefois ce sont ces corps qui, appelés par 
M. Robin corps albuminoïdes, sont plus généralement connus 
sous le nom de sympexions. Chezles animaux, ces pelits corps se 
rencontrent plus souvent que les cristaux : 22 fois sur 91 sujets 
(2 bœufs, 7 moutons, 5 veaux, 3 poules, 2 chevaux, 1 cardinal, 
1 milan, 1 antilope). 

Dans l'espèce humaine, au contraire, la fréquence des cristaux 
l'emporte sur celle des sympexions. Je n’ai trouvé ces corps albu- 
minoïdes que 28 fois sur 106 thyroïdes, 15 fois chez des femmes 
el 11 fois chez des hommes, sur 55 femmes et 51 hommes. Ils se 


A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 139 


sont répartis dans le cadre nosologique de la manière suivante : 
6 fois sur 28 tuberculeux ; 1 fois sur 8 emphysémateux ; À fois 
sur À pneumonies ; 7 fois sur 11 maladies du cœur ; 2 fois sur 
7 fièvres typhoides; 2 fois sur à albuminuriques ; 5 fois sur 
6 maladies du foie ; 3 fois sur 10 affections cancéreuses et dans 
4 cas de suppuration prolongée. Le premier rang appartient 
donc aux affections du foie et à l'albaminurie ; le second aux ma- 
ladies de cœur. C’est aussi dans ces dernières qu’il y avait le plus 
souvent des cristaux. 11 est à remarquer que la présence des 
sympexions marche souvent de front avec celle des eristaux. Il 
est possible que les mêmes modifications chimiques solent sus- 
. ceptibles de favoriser cette double formation. 

Corps amyloïdes. | est une particularité qui ne s’est rencon- 
trée que chez les animaux, très-rarement du reste : c’est la pré- 
sence de corps amyloïdes dans le stroma. Il en fut ainsi chez une 
raie, le cervus axis et un poulet. 

Dégénérescence graisseuse. La thyroïde offre une certaine ten- 
dance à éprouver, dans quelques points ou dans sa totalité, une 
dégénérescence graisseuse qui se traduit par la présence de gra- 
nulations et de globules graisseux, soit dans les vésicules, soit 
dans les espaces plastiques du plasma, soit dans ces deux siéges 
à la fois. Dans le premier cas, qui est le plus fréquent, non-seule- 
ment les cellules de la couche épithéliale se remplissent de gra- 
nulations brillantes, mais on voit nager dansle liquide vésiculaire 
de grosses gouttes de matière grasse. D’autres fois la cavité vési- 
culaire est réduite à un amas ovoïde de granulations graisscuses 
sans épithéllum, et sur lequel l'enveloppe extérieure apparaît 
plus ou moins ridée. Parfois la graisse est colorée par du pig- 
ment. Sur les LG thyroïdes humaines, 28 fois le stroma était 
atteint de dégénérescence graisseuse, et les vésicules 48 fois. 

Le sexe ne crée pas une prédisposition bien démontrée. Cepen- 
dant pour le stroma je trouve 13 hommes et 15 femmes, et pour 
les vésicules 22 hommes et 27 femmes, ce qui donne unc cer- 
taine priorité à la femme. 

Je n’ai pas observé la dégénérescence graisseuse avant la naïs- 
sance ; mais peudant la vie extra-utérine, on peut la rencontrer 


440 POINCARÉ. — CONTRIBUTION 


à tout âge : 7 fois de 1 à 20 ans sur 17, c’est-à-dire dans un peu 
plus du tiers des cas ; 18 fois de 20 à 40 ans sur 38, c’est-à-dire 
un peu moins de moitié ; 17 fois de 40 à 60 ans sur 29, c'est-à- 
dire dans plus de la moitié des cas; 6 fois de 60 à 90 ans, c’est- 
à-dire un peu moins de moitié, de sorte que celle dégénéres- 
cence ne suit pas une proportion constante avec l’âge, et qu’elle 
tient plutôt aux conditions pathologiques genérales qu'aux pro- 
orès de l’âge. Relativement à l'influence des maladies, il semble 
que la tuberculisation pulmonaire soit particuliérement apte à 
engendrer la dégénérescence graisseuse de la thyroïde. Sur 28 tu- 
berculeux, elle envahit 17 fois le stroma et 19 fois les vésicules. 
Il en est de même de l’albuminurie qui, 2 fois sur 3, donna lieu 
à un très-haut degré de dégénérescence. Les affections cancé- 
reuses l’engendrèrent 6 fois sur 10, et toujours exclusivement 
dans les vésicules. L’emphysème donna 3 fois sur 6, exclusive- 
ment-dans les vésicules aussi. La congestion pulmonaire, 2 fois 
sur > dans les vésicules seulement; la pneumonie, 2 fois sur 4 
dans les vésicules; les maladies du cœur, 2 fois dans le stroma et 
2 fois dans les vésicules, sur 11 cas. Elle ne se montra jamais 
dans les faits de fièvre typhoïde. Dans les maladies du foie, elle 
eut lieu 2 fois dans le stroma et 2 fois dans les vésicules, sur 
6 cas. Elle envahit à la fois le stroma et les vésicules chez les 
deux malades atteints de coxalgie. Elle fut constatée dans les vési- 
cules chez 3 malades atteints, l’un de gangrène du poumon, 
l’autre de hernie étranglée, le troisième d’abcès par suite de gros- 
sesse extra-utérine. L'état de goître ne semble pas l’entraincr 
d'une manière spéciale dans les parties restées relativement 
saines, puisque cela n’eut lieu qu’une fois sur A goîtres. IL est 
une circonstance qui, dans toutes les maladies, paraît donner une 
bien plus grande intensité à la dégénérescence graisseuse : c'est 
l’alcoolisme. 

Cette dégénérescence s’observe, mais à un beaucoup moindre 
degré, dans l’animalité. Le fait s’est présenté 6 fois sur 91 ani- 
maux (1 singe, 1 antilope, 1 proteus, 1 poule et 2 chevaux). Chez 
ces deruicrs les granulations étaient en outre fortement pigmen- 
tées. 


A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 141 


Kystes. C’est surtout sous le rapport des kystes qu’on est sur- 
pris en examinant des glandes qui, à l'œil, semblent offrir des 
conditions tout à fait normales. Comme dans les autopsies on 
n’a la pensée de sectionner la thyroïde que lorsqu'elle attire lat- 
tention par son volume et sa déformation, il en résulte que pour 
tout le monde l’idée de kyste reste attachée à celle de goître, et 
que lon croit à une rareté qui est loin d'exister. Les glandes les 
plus petites peuvent en renfermer, et souvent d'un très-grand 
diamètre. 

Sur les 106 glandes humaines, 43 portaient des kystes, 25 fois 
chez des femmes et 18 fois chez des hommes. Je n’en ai rencon- 
tré chez aucun fœtus; mais à partir de la naissance 1l peut s’en 
présenter à lous les âges : 5 fois de 1 à 20 ans sur 17, c’esl-à- 
dire un peu au-dessous du tiers ; 14 fois de 20 à A0 ans sur 38, 
c'est-à-dire un peu plus du tiers ; 14 fois de AO à 60 ans sur 29, 
c'est-à-dire presque la moitié; 7 fois de 60 à 90 ans sur 14, c’est- 
à-dire la moitié; de sorte que la fréquence semble augmenter 
dans de faibles proportions avec l’âge. 

C'est dans les maladies de cœur que les kystes se sont montrés 
le plus souvent : 8 fois sur 11. J'en ai trouvé 3 fois sur 6 emphy- 
sémateux; 8 fois sur 28 tuberculeux ; 1 fois sur quatre pneumo- 
nies ; 2 fois sur 7 fièvres typhoïdes ; 3 fois sur 6 affections du 
foie ; 7 fois sur 10 affections cancéreuses ; 1 fois sur 4 variole; 
1 fois sur À éclamptique ; À fois sur 4 épileptique ; 4 fois sur 
3 cas de méningite ; À fois sur À ramollissement cérébral; À fois 
sur À apoplectie ; À fois sur 3 albuminuries ; 1 fois sur 2 mala- 
dies de Pott ; 3 fois sur 4 glandes méritant d’être rangées parmi 
les goitres. 

Non-seulement un grand nombre de glandes peuvent, sous une 
apparence normale, cacher la présence d’une production kys- 
tique, mais souvent chacune d'elles en renferme plusieurs. J'en 
ai trouvé une qui en contenait jusqu à 12 ; une autre en renfer- 
malt 10 ; une, 7 ; une, 6 ; trois, 5; cinq, 4; quatre, 3; cinq, 2 ; 
quatre, 1. Ensemble, les glandes kysteuses donnèrent 95 kystes. 

Ces kystes à présence masquée varient en général du volume 
d’un pois à celui d’un œuf de poule. J’en ai même trouvé un 


1h92 | POINCARÉ. — CONTRIBUTION 


beaucoup plus considérable, qui avait réduit la glande à une 
simple coque, sans altérer son aspect extérieur. 

Le contenu était teinté en rouge chocolat par une ancienne 
hémorrhagie dans 24 kystes. Les 70 autres présentaient une cou- 
leur citrine ; un seul renfermait du pus. 

La consistance du contenu a varié de celle du sérum à celle 
d’une gelée résistante, 

En général on trouvait dans ce contenu, au microscope, un 
mélange en proportions variables de noyaux identiques à ceux qui 
se trouvent dans les vésicules saines, de granulations graisseuses, 
de corpuscules de Gluge, soit incolores, soit tentés en brun. A 
ces éléments se joignaient parfois des sympexions ct des cristaux. 
Dans 32 de ces kystes, les corpuscules de Gluge dominaient d’une 
manière notable. Dans 42, des granulations graisseuses étaient 
excessivement abondantes. L’un d'eux consistait même en une 
gelée amorphe dans laquelle étaient enchâssées des aggloméra- 
tions ovoides de granulations graisseuses, comme si un groupe 
de vésicules était mort par dégénérescence graisseuse, pen- 
dant que le stroma ambiant s'était transformé en gelée; 
16 étaient constitués avant tout par des amas considérables de 
noyaux, séparés ou non par des îlots d’une gelée amorphe. Dans 
2 de ces kystes à contenu nucléaire on trouvait, malgré la consis- 
tance molle de l’ensemble, des trabécules de tissu conjonctif s’en- 
tre-croisant dans tous les sens; de sorte que sion peut penser avec 
une certaine raison que des kystes résultent parfois de l’hyper- 
trophie sans cesse croissante d’une même vésicule, il est pro- 
bable qu’il en est d’autres quisont dus à la fusion d’un départe- 
ment de vésicules dans un même travail pathologique. Je n’ai 
rencontré des cristaux de cholestérine que dans des kystes appar- 
tenant à des glandes méritant d’être classées parmi les goîtres. 

Les kystes sont certainement plus rares chez les animaux. Je 
n’en ai trouvé que 10 fois sur 91 animaux (6 moutons, ? che- 
vaux, À veau et 1 singe); chez eux la constitution des kystes a 
offert certaines particularités. Ceux du singe contenaient une li- 
queur citrine où nageaient exclusivement des corpuscules de 
Gluge. Ceux des chevaux présentaient un mélange desimpexions, 


me ni D 


- 
PP SO 


A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 413 


de granulations graisseuses, et des grains de pigment. Parmi les 
7 autres, un seul appartenant à un mouton offrit des corpuscules 
de Gluge ; tous les autres (5 moutons et À veau) présentaient une 
constitution que je n’ai jamais rencontrée dans l’espèce humaine, 
et qui offrait de l’analogie avec les tumeurs perlées; à savoir, une 
sphère formée par des lamelles concentriques de larges cellules 
épithéliales. Au centre se trouvait presque toujours un gros cris- 
tal en croix de Malte. 


RECHERCHES 


L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE 


Par le D' PAULET 


Professeur d'anatomie à l'École du Val-de-Grâce. 


Malgré les.travaux si nombreux des anatomistes, lant anciens 
que modernes, concernant l'étude du périnée, on peut dire que 
celle importante région n’est pas encore connue avec le degré 
de précision qu'ont acquis les ouvrages d'anatomie humaine dans 
presque toutes leurs parties. Les différences si notables que l’on 
constate dans les descriptions des anthropotomistes tiennent 
d’abord à ce que la dissection du périnée de l’homme n’est pas 
chose facile, de sorte que le résultat obtenu diffère nécessaire- 
ment suivant le plus ou moins d’habileté manuelle des investi- 
gateurs. D'un autre côté, les cadavres humains présentent d'as- 
sez fréquentes variétés individuelles, variétés insignifiantes pour 
la plupart, mais dont on exagère l'importance comme à plhusir, 
faute de pouvoir les rapporter à un type bien défini. Ce type, Je 
crois qu’on arriveralt plus aisément à l’établir si, au lieu de s’en 
tenir, comme on de fait, à l'étude exclusive du périnée de l’hom- 
me, on Joignait à cette étude des recherches analogues faites sur 
des cadavres d'animaux. Or, si l'on excepte un petit nombre 
d'ouvrages à l’usage des écoles vétérinaires et quelques rares 
monographies, telles que celle de Straus Durckheim, on peut 
affirmer que l’anatomie comparée du périnée est tout entière à 
faire, car le peu que nous en savons se réduit en somme à la 
descripuon abrégée de ce que l’on rencontre chez quelques ani- 
maux domestiques. Les trailés d'anatomie comparée, même les 
plus étendus, indiquent brièvement la disposition de l'urèthre et 
de ses glandes annexes, celle du rectum et de l'anus, chez une 


(4) Mémoire lu à l’Académie de médecine le 26 décembre 1876. 


RECHERCHES SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 1/49 


foule d'animaux de différents ordres ; mais, quant aux connexions 
des organes génito-urinaires avec l'organe défécateur, quant aux 
muscles, aux aponévroses de la région périnéale , quant aux 
homologies de ces différentes parties chez les animaux et dans 
l'espèce humaine, il n’en est pas question ou il en est à peine 
question. 

J'ai cherché à combler cette lacune et j’ai entrepris, dans ce 
but, dès le mois de décembre 1875, une série de recherches 
que je devrai nécessairement poursuivre pendant plusieurs 
années pour obtenir un ensemble de faits suffisant, mais qui, 
malgré leur nombre relativement restreint, m’ont cependant 
. donné des résultats encourageants. Ces recherches ont été faites 
à l’École d’Alfort et surtout au laboratoire d'anatomie comparée 
du Muséum, dont les ressources ont été très-obligeamment 
mises à ma disposition. 

Jusqu'ici mes dissections ont porté sur onze espèces d’ani- 
maux réparties de la façon suivante : 

Ruminants, trois espèces ; 

Solipèdes, une espèce ; 

Carnassiers, quatre espèces ; 

Quadrumanes, trois espèces. 

J'y ai joint un nombre considérable de préparations faites sur 
l’homme. 

J’exposerai la description du périnée de ces différentes espèces 
en suivant l’ordre ci-dessus indiqué, c’est-à-dire en procédant 
du simple au composé, pour en arriver à celte conclusion, justi- 
fiée par les faits anatomiques, que chacune des parties consti- 
tuant la région périnéale de l’homme a son homoloque dans la 
région périnéale des animaux mammifères. 


RUMINANTS. 


Les trois espèces de ruminants que j'ai eu l’occasion d’exa- 
miner appartiennent au genre cervus. Ge sont le cerf d’Aristote, 
le cerf Muntjac et le cerf frontal ou cerf Sungnaiï. Voici quelle est 
la disposition de leur périnée. 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). 10 


116 PAULET, — RECHERCHES 


Fascia superficialis. — En procédant des parties superficielles 
aux parties profondes, on trouve d’abord, au-dessous de la peau, 
une aponévrose résistante et franchement fibreuse qui recouvre 
entièrement le périnée, sauf dans les points où le sphincter ex- 
terne de l’anus vient s’insérer à la face profonde du derme; à 
ce niveau, l'aponévrose devient plus mince, se dissocie et se 
fusionne avec la gaine cellulo-fibreuse des faisceaux musculaires 
du sphincter. Sur la périphérie de la région, cette aponévrose n’a 
pas, à proprement parler, de limites, car elle se prolonge, en 
bas (1), vers la face interne des cuisses, et, en avant, vers l’ab- 
domen où elle se confond avec le dartos. Bien qu’elle soit tout à 
fait indépendante du tégument, et que l’on ait décrit sous le 
nom d’aponévrose superficielle le feuillet analogue que l’on ren- 
contre chez le bœuf, je crois néanmoins que cette dénomination 
doit être changée, car Je ne puis voir dans cette lame fibreuse 
autre chose que ce que l’on désigne, chez l'homme, sous le nom 
de fascia super ficialis. Je lui conserverai donc ce dernier nom. 

Muscles rétracteurs de la verge. — Ils sont formés de fibres 
musculaires lisses et cheminent entre le fascia superficialis et 
une aponévrose plus profonde que je décrirai dans un 1ins- 
tant. Leur extrémité antérieure s’insère tout à fait en avant de 
la gaine fibreuse des corps caverneux, sur la face inférieure du 
pénis. Leurs corps, cylindroïdes et semblables à deux gros lom- 
brics, marchent accolés en suivant la ligne médiane d’avant en 
arrière ; arrivés à quelques centimètres en avant de l’anus, ils 
divergent et se terminent différemment suivant l’espèce que l’on 
étudie. Chez le cerf Muntjack et chez le cerf frontal, ils vont ma- 
nifestement se perdre dans le sphincter externe de l’anus, et l’on 
peut constater la continuité entre leurs fibres musculaires lisses 
et les fibres striées du sphincter, ainsi qu’on en rencontre des 
exemples sur d’autres points du corps des mammifères. 

Chez le cerf d’Aristote, la disposition est différente el ressem- 
ble absolument à celle que l’on a décrite chez le bœuf. Après s’être 
écarté de son congénère, chaque rétracteur se bifurque. La 


(1) Il est bien entendu que les expressions : en haut, en bas, en avant, en arrière, 
elc., se rapportent à la station quadrupède. 


L 


SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 117 


branche interne de cette bifurcation, la moins volumineuse, se 
jette dans les fibres profondes du sphincter anal. La branche 
externe, de béaucoup la plus considérable, contourne l'extrémité 
postérieure du rectum, comprise entre l’ischio-anal et le sphinc- 
ter, et va, en définitive, se fixer sur les côtés du sacrum par une 
extrémité aplatie et rubanée. 

Aponévrose périnéale. — Généralement moins épaisse que le 
fascia superficialis, cette lame fibreuse a été décrite chez le cheval 


sous le nom d’aponévrose périnéale profonde. Je l'appellerai 


simplement aponévrose périnéale, par la raison que c’est la 
seule Loile aponévrotique que l’on rencontre dans le périnée des 


ruminants après avoir franchi le fascia sous-cutané. Sa disposition 


est extrêmement importante à bien connaître. Sur les animaux 
que J'ai disséqués, 11 m'a été facile de constater que l’aponévrose 
périnéale forme, dans l’intérieur du bassin, une cloison trans- 
versale dont une face regarde en bas et l’autre en haut. Cette 
cloison n’est, du reste, pas absolument plane : sa face supérieure 
est convexe et sa face inférieure concave, de telle façon que celle- 
ci forme une sorte de goutlière antéro-postérieure parallèle à 
la symphyse ischio-pubienne, et située au-dessus de cette sym- 
physe. 

Si nous voulons entrer dans plus de détails et chercher à nous 
rendre compte des connexions de cette aponévrose, nous ver- 
rons que sa face inférieure est en rapport avec l'appareil génito- 
urinaire (vessie, urêthre, corps caverneux, muscles et glandes 
annexes); sa face supérieure regarde le rectum qu’elle sépare 
ainsi des organes précédents ; elle est aussi en rapport, de 
chaque côté, avec le muscle ischio-anal. Ses deux bords latéraux 
vont se fixer sur la branche ischiale, immédiatement en dedans 
du trou ischio-pubien et jusqu’à la tubérosité ischiatique. Son 
bord antérieur ou vésical se prolonge jusque sur la face supé- 


‘rieure de la vessie où il se perd. Enfin, son extrémité postérieure 


devient verticale et descendante, puis postéro-antérieure, de 
façon à contourner l’arcade ischiale pour aller se continuer avec 
la gaine fibreuse du pénis. 

Il résulte de cette disposition que l’aponévrose périnéale divise 


118 PAULET. — RECH&ERCHES 


la cavité pelvienne et tout le périnée en deux loges distinctes et 
complétement indépendantes. La loge inférieure, comprise entre 
l’aponévrose périnéale el la symphyse ischio-pubienne, contient 
l'appareil génito-urinaire ; on peut même dire qu’elle s’étend 
depuis la vessie jusqu’à l'extrémité libre de la verge, car l’apo- 
névrose périnéale va former la gaîne fibreuse du pénis. La loge 
supérieure, comprise entre l’aponévrose périnéale et la colonne 
sacro-coccygienne, est beaucoup plus vaste que l’autre; elle 
renferme l'extrémité postérieure du rectum, le muscle ischio- 
coccygien inférieur, l’ischio-anal et le sphincter de l'anus, c’est- 
à-dire l'appareil défécateur. | | 

Enfin, il est à remarquer que la loge inférieure ou génito- 
urinaire est elle-même subdivisée en loges secondaires par des 
cloisons émanées de la face profonde de l’aponévrose périnéale ; 
— une de ces cloisons s’insinue entre les muscles ischio-caver- 
neux et bulbo-caverneux, — absolument comme chez l’homme, 
avec cette différence que ces cloisons vont s’insérer, d’autre part, 
sur lischion, car l’aponévrose périnéale moyenne de l’homme 
n'est pas représentée chez ces ruminants. 

Il convient maintenant de dire quelques mots des organes ren- 
fermés dans chacune des deux loges périnéales. 


Loge supérieure ou anale. 


Elle contient l’extrémité postérieure du rectum, que je ne 
décrirai pas, et les muscles sphincter externe,. ischio-anal et 
ischio-coccygien. 

Splancter de l'anus. — Formé de fibres circulaires. Régulié- 
rement arrondi chez le cerf d’Aristote et chez le cerf frontal, il 
fournissait de chaque côté, chez le cerf Muntjack, un petit fais- 
ceau transversal aboutissant à la partie la plus reculée de la 
tubérosité de l’ischion. 

Ischo-anal ou rétracteur de l'anus. — Ce muscle est l’homo- 
logue du releveur de l’anus de l’homme, mais il en diffère par la 
forme et ressemble à celui du bœuf ou du cheval. Comme celui- 
ci, il est pair et constilué, de chaque côté, par une large bande- 


SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 119 


lette qui part de l’intérieur du bassin, où elle se fixe à la crête 
sus-cotyloïdienne et au ligament ischiatique, pour aller se con- 
fondre, par son extrémité postérieure, avec les fibres du sphinc- 
ter de l'anus. En réalité, l'ischio-anal représente le releveur de 
l'anus de l’homme, moins la portion qui, chez ce dernier, s’insère 
à l’aponévrose de l’obturateur interne et au pubis : différence 
qui se conçoit sans peine lorsque l'on compare la longue sym- 
physe ischiale des ruminants avec la cavité pelvienne de l’hom- 
me, si large relativement à sa hauteur. Considérés collectivement, 
les deux ischio-anaux forment, avec le rectum, une gouttière 
embrassant la face supérieure de l’aponévrose périnéale. 

Ischio-coccygien inférieur. — Étendu du ligament sacro-scia- 
tique aux premières vertèbres coccygiennes. Il est indépendant 
de l’appareil défécateur et se rattache à l’appareil caudal. 


Loge inférieure ou génito-urinaire. 


Les organes qu’elle renferme sont, je le répète, complétement 
isolés par l’aponévrose périnéale et n’ont aucune connexion 
directe avec les parties constituant l'appareil défécateur. 

Canal de l'urèthre. — X ne mérite pas une étude spéciale, en 
raison de sa similitude avec celui du bœuf, décrit dans la plupart 
des ouvrages d'anatomie comparée. Comme ce dernier, il se 
compose de deux portions distinctes : 1° la portion membra- 
neuse, ou mieux #nusculeuse, étendue depuis le col de la vessie 
jusqu’au bulbe ; 2° la portion spongieuse, allant du bulbe à l’ex- 
irémité du pénis. La première est solidement appliquée contre 
la symphyse ischio-pubienne par l’aponévrose qui l’isole en haut. 
La seconde est fixe à son origine, c’est-à-dire un peu au-dessus 
du contour ischial; mais elle devient bientôt mobile dès qu'elle 
a franchi ce contour et qu’elle s’est unie aux racines du corps 
caverneux pour constituer la verge. A chacune de ces deux 
portions sont annexés des muscles spéciaux, savoir : le sphincter 
uréthral pour la portion musculeuse, le bulbo-caverneux pour 
la portion spongieuse, muscles auxquels il convient d’ajouter 
l’ischio-caverneux et quelquefois le transverse. 


150 PAULET, — RECHERCHES 


Sphincter uréthral. — appelle ainsi le muscle auquel les 
traités d'anatomie comparée ont donné le nom de muscle de 
Wilson, dénomination contre laquelle on ne saurait trop s’éle- 
ver, car elle n’est justifiée par aucune analogie. Ainsi que je le 
démontrerai plus bas en parlant du périnée de l’homme, rien ne 
ressemble moins aux faisceaux musculaires décrits par Wilson 
que le sphincter de l’urêthre tel qu'il existe chez les mammifères, 
et il faut vraiment connaître bien imparfaitement le travail du 
chirurgien anglais pour donner son nom à des fibres musculaires 
dont il n’a pas même soupçonné l'existence (1). D'ailleurs, si 
Wilson ne paraît pas avoir fait des recherches très-approfondies 
sur l’urêthre de l’homme, il est à peu près certain qu'il n’en a 
fait aucune sur les animaux, du moins ne les a-t-1l pas mention- 
nées dans son mémoire. 

Quoi qu’il en soit, le sphincter uréthral forme, chez le cerf, un 
muscle très-fort, très-apparent, entièrement composé de fibres 
striées, et étendu à toute la portion membraneuse de l’urêthre, 
depuis le col de la vessie où il recouvre une partie de la prostate, 
jusqu’au bulbe. Ses fibres, circulaires, représentent une suite 
d’anneaux parallèles entre eux, de sphincters si l’on veut, consti- 
tuant, sur l’une et l’autre face de l’urêthre, une couche épaisse 
de plusieurs millimètres. Toutefois, ces anneaux musculaires ne 
sont pas tout à fait complets, en ce sens qu'il existe, sur la face 
supérieure de l’urèthre, un raphé fibreux médian, longitudinal, 
de chaque côté duquel viennent s’insérer les deux extrémités de 
chaque fibre circulaire, au moyen d’un petit tendon bien visible. 
Cette insertion au raphé médian supérieur est la seule que 
présente le sphincter uréthral et, en aucun point, ses fibres ne 


viennent se fixer ni sur l’aponévrose périnéale ni sur les os du 
bassin. 


(1) On cite ordinairement le travail de Wilson avec cette indication : Wilson- 
Descriplion of the muscles surrounding part of the uréthra. (Med. chir. transactions, 
t. 1, p. 175. — 1815.) Cette date est bien effectivement celle que porte le premier 
volume des Med. chir. trans. dans l’exemplaire que possède la Faculté de médecine 
de Paris. Mais je ferai remarquer que cet exemplaire appartient à la 3° édition, ce 
qui implique une date antérieure pour la publication du mémoire; et, de fait, le 


travail de Wilson a été lu à la Société médico-chirurgicale de Londres le 13 décem- 
bre 1808, 


SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 451 


Bulbo-caverneux. — Comparé à celui de l’homme, le muscle 
bulbo-caverneux est au moins trois ou quatre fois plus développé ; 
mais, malgré ce volume considérable, son corps charnu ne se 
prolonge pas très-loin sur la portion spongieuse du canal, et il 
ne tarde pas à s'attacher au corps caverneux sans présenter 
aucune particularité notable. 

Ischio-caverneux. — Aussi développé, relativement, que le 
bulbo-caverneux, son insertion postérieure se fait comme à 
l'ordinaire sur la face inférieure de lischion. Son extrémité anté- 
rieure s’élargit, s’élale et se fixe non-seulement sur l'enveloppe 
fibreuse du corps caverneux correspondant, mais encore sur la 
branche ischio-pubienne : d’où il résulte que la portion externe 
du muscle forme un arc fixé aux os du bassin par ses deux extré- 
mités et embrassant, par sa concavité, la racine du corps caver- 
neux. Il est facile de concevoir que la contraction musculaire, 
tendant à redresser cette courbure, comprime énergiquement 
la racine du corps caverneux contre l’ischion, et contribue ainsi 
puissamment à produire l'érection. 

Transverse. — On Va décrit comme constant chez le bœuf, 
mais 1l n'existait chez aucune des trois espèces de cerfs que j'a: 
disséquées, ce qui, — soit dit en passant, — prouve qu'il est 
bien loin d’avoir l'importance qu’ont voulu lui attribuer quelques 
anatomistes. 

Conduits éjaculateurs. — Chacun d'eux présente près de sa 
terminaison un renflement considérable, identique à celui qui a 
été noté chez d’autres mammifères. Comme chez ceux-ci, le r'n- 
flement en question est occasionné surtout par l’augmentat'on 
d'épaisseur de la paroï et non par une dilatation du calibre infé- 
rieur. 

Les vésicules séminales n’existent pas. 

Prostate. — Elle est composée de quatre lobes: deux lobes 
latéraux et deux lobes médians. Les deux premiers sont très- 
volumineux, et font une forte saillie sur les côtés du col vésical 
et de la partie antérieure du sphincter uréthral. Les deux lobes 
médians, beaucoup plus petits, occupent la face supérieure du 
col de la vessie et recouvrent l'extrémité terminale des conduits 


152 PAULET. — RECHERCHES 


éjaculateurs ; ils s’insinuent sous la couche supérieure des fibres 
du sphincter uréthral qui les cache en grande partie. La face 
supérieure de la prostate n’est séparée du rectum que par l’apo- 
névrose périnéale. 

Glandes de Cowper. — Tous les traités d'anatomie comparée 
s'accordent à dire que le bœuf et le cerf n'ont pas de glandes de 
Cowper. Gela est vrai pour le bœuf; mais, quant au cerf, l’ab- 
sence de ces glandes n’est pas aussi générale qu'on l’a cru jus- 
qu'ici, et il y a là une petite erreur que je dois rectifier. Si les 
glandes de Cowper n'existent pas dans plusieurs espèces de cerfs, 
et notamment chez le cerf d’Aristote et le cerf frontal, on en ren- 
contre au contraire une paire chez le cerf Muntjack, et j'ajoute 
que ces glandes sont relativement volumineuses, puisque chez 
un individu adulte, de taille ordinaire, chacune d'elles représen- 
tait un ovoïde dont le grand axe était long de deux centimètres. 
Elles sont situées à la jonction de la portion musculeuse avec la 
portion spongieuse de l’urêthre ; leur grosse extrémité est tour- 
née en dehors; leur petite extrémité forme comme une espèce 
de col regardant l’urèthre qu’elle touche presque, car leur con- 
duit excréteur est fort court. 


SOLIPÉDES. 


La seule espèce que j'aie disséquée est le cheval, dont l’ana- 
tomie a été faite avec soin et dont le périnée a été plusieurs fois 
décrit. Je n’aurai donc pas à répéter ici ce que l’on trouve dans 
tous les livres classiques, mais je veux appeler l'attention sur 
quelques points qui me paraissent avoir été incomplétement étu- 
diés ou inexactement interprétés. | 

Ma première rectification est relative aux aponévroses, dont 
la description laisse incontestablement à désirer. Je ne parle pas 
ici de la plus superficielle de ces aponévroses, du fascia superli- 
cialis, mais bien de l’aponévrose périnéale, celle que les auteurs 
désignent sous le nom d'aponévrose profonde. 

D'après M. Chauveau, cette aponévrose, « formée par du tissu 
fibreux blanc, extensible, adhère à la précédente par sa face 


SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 153 


externe, et aux muscles bulbo-caverneux et ischio-caverneux par 
sa face interne. » Jusque-là rien de plus exact, mais l’auteur 
ajoute : « Getle membrane se perd insensiblement, en haut, 
autour de la terminaison du rectum ; en bas, elle s’épuise dans 
l’entre-deux des cuisses. ». Or, en disséquant avec un peu de 
soin cette lame fibreuse, il est possible, facile même, d'obtenir 
une préparation reproduisant le type que nous avons rencontré 
chez les ruminants, c'est-à-dire qu'on voit l’aponévrose péri- 
néale prendre naissance sur la face supérieure de la vessie, se 
prolonger d'avant en arrière sous la face inférieure du rectum, 
contourner l’arcade ischiale et aller se continuer avec l’enve- 
loppe fibreuse du pénis, tandis que ses bords latéraux se fixent 
aux branches ischio-pubiennes. En un mot, chez les solipèdes 
comme chez les ruminants, l'aponévrose périnéale partage le 
périnée en deux loges indépendantes: 1°loge inférieure, génilo- 
urinaire; 2° loge supérieure, défécatrice. Le type est donc le 
même. 

La seconde question dont je m’occuperai a trait à la disposi- 
tion du sphincter uréthral. Et d’abord, j'insiste tout spécialement 
pour que les vétérinaires ne désignent plus ce muscle sous le 
nom de muscle de Wilson qui ne lui convient à aucun égard. En 
outre, et après vérification faite, je crois pouvoir affirmer que 
les parlies latérales du sphincter uréthral ne prennent aucune 
insertion aux os du bassin ainsi qu’on l'avance, de sorte que, 
sous ce rapport encore, il y a similitude complète entre le péri- 
née des solipèdes et celui des ruminants. 

On décrit généralement (1) le muscle transverse du périnée 
comme constant chez le cheval. Je reconnais qu’en effet ce petit 
muscle se rencontre dans la majorité des cas; mais je lai vu 
manquer des deux côtés sur un cheval que j'ai disséqué lan 
dernier à Alfort, et peut-être constaterait-on son absence sur un 
certain nombre de sujets, si l’on préparait plus fréquemment la 
région périnéale. 

Outre la présence, chez les solipèdes, de deux énormes vési- 


(1) Chauveau, Anatomie comparée. — Gurti, die Analomie des Pferdes, etc. 


154 PAULET. — RECHERCIIES : 


cules séminales et d’un utricule prostatique très-développé, la 
différence la plus considérable que l’on puisse signaler entre le 
périnée des ruminants et celui du cheval est constituée par l’exis- 
tence, chez ce dernier, de deux glandes de Cowper et de mus- 
cles spéciaux destinés à former, autour de ces glandes, une 
enveloppe contractile. Les glandes de Cowper sont assez volumi- 
neuses. L’extrème briéveté de leur canal excréteur, unique pour 
chacune d'elles, les fait paraître presque sessiles. Les fibres mus- 
culaires qui les entourent forment deux couches, l’une supérieure, 
l'autre inférieure, et, comme ces deux couches se rejoignent 
par leurs bords latéraux, il en résulte qu’elles environnent la 
glande de toute part. Chacune de ces couches représente une 
bandelette peu épaisse, constituée par des fibres musculaires 
striées, parallèles, se raltachant manifestement par leur extré- 
milé antérieure au sphincter uréthral, tant sur la face supérieure 
que sur la face inférieure de la glande. En arrière, elles vont se 
fixer à l’arcade ischiale et aux racines des corps caverneux. 

Les auteurs d'anatomie vétérinaire regardent les fibres supé- 
rieures comme une dépendance de leur prétendu muscle de 
Wilson, c’est-à-dire du sphincter uréthral; tandis qu'ils font de 
la bandelette inférieure un muscle à part, auquel ils donnent le 
nom d’eschio-uréthral. | 

Cette complication me paraît inutile et irrationnelle ; les deux 
couches musculaires dont il s’agit présentent une telle commu- 
nauté d’origine et de destination, elles se fusionnent si intime- 
ment sur les parties latérales de la glande, qu’on doit les décrire 
comme un seul et même muscle auquel conviendrait parfaite- 
ment le nom de muscle compresseur de la glande de Cowper. 

En résumé, analogie du plan général d'organisation de la 
région périnéale chez les ruminants et les solipèdes, identité 
typique dans les deux ordres : telle est la conclusion à laquelle 
nous sommes conduits par l’étude qui précède. 


CARNASSIERS. 


Il m'a été facile de me procurer des chiens de grande taille, 
sur lesquels J'ai pu faire à loisir des préparations variées. De 


SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 455 


plus, j'ai eu à ma disposition des loups appartenant aux espèces 
de. France et de Russie, et un magnifique tigre royal provenant 
du Muséum. Je n'ai,pas cru devoir refaire l'anatomie du chat, 
connaissant de longue date l'important ouvrage de Straus-Durc- 
keïm ; cependant, après avoir relu dans ces derniers temps la 
partie de cet ouvrage relative à la disposition du périnée, il n’a 
semblé que la question élait à reprendre, non pas au point de 
vue de l'exactitude des descriptions que je ne mets pas en doute, 
_ mais pour chercher à déterminer les homologies dont l’auteur 

ne s’est nullement préoccupé, pour mieux préciser certains 
points un peu vagues du travail de Straus, et probablement pour 
modifier quelques dénominalions dont la justesse m'a paru con- 
testable. Malheureusement, le temps m'a fait défaut jusqu’à pré- - 
sent pour mettre ce projel à exécution, et, en attendant que je 
puisse le réaliser, je dois me borner à mentionner ici le résultat 
de mes recherches sur les espèces que je viens d'indiquer et 
parmi lesquelles se trouve compris le tigre royal dont l’organi- 
sation est analogue à celle du chat. 

Fascia superficialis. — 11 forme, chez les carnassiers, un 
feuillet aponévrotique bien distinct qui se prolonge en avant vers 
 l’abdomen, en bas sur la face interne des cuisses, et qui se com- 
porte, relativement au sphincter externe de l’anus, comme celui 
de tous les autres mammifères et de l’homme. Inutile d’insister 
sur ce point. | 

Muscles rétracteurs de la verge. — Is sont tellement accolés, 
sur la ligne médiane, qu’il y a entre eux une véritable fusion, et 
qu'on peut les considérer comme uu seul muscle cylindroïde, 
légèrement aplati de haut en bas, et constitué, comme à l’ordi- 
naire, par des fibres lisses. 

Ce rétracteur unique est compris dans un dédoublement du 
fascia superficialis. Son extrémité antérieure s'étale et se confond 
avec l'enveloppe fibreuse du corps caverneux, au niveau de la 
partie la plus renflée de l'os pénien, chez le chien et chez le 
loup ; tandis que, chez le tigre, on peut la suivre jusqu’à la par- 
tie antérieure des corps caverneux, imniédiatement derrière le 
gland de la verge. Son extrémité postérieure présente, chez le 


156 PAULET. — RECHERCHES : 


tigre royal, la même disposition que chez le bœuf et le cheval, 
c’est-à-dire qu’elle se bifurque; de sorte que chaque muscle 
rétracteur reprend ainsi son indépendance, se porte en dehors, 
s'enfonce entre le bulbo-caverneux et l’ischio-anal, abandonne 
quelques-unes de ses fibres au sphincter externe de l’anus, péné- 
tre dans le bassin et s'insère sur les côtés du sacrum. Chez le 
chien et chez le loup, le muscle rétracteur du pénis reste unique 
jusqu'au bout, et son extrémité postérieure vient toui entière 
se perdre dans le sphincter externe de l’anus, mode de terminai- 
son que nous avons déjà rencontré dans une espèce de rumi- 
nants. 

Aponévrose périnéale. — Celle aponévrose, trés-forte, pré- 
- sente encore, chez les carnassiers, la disposition que nous lui 
avons reconnue chez les ruminants et les solipèdes. Née en avant 
et en bas de l'enveloppe fibreuse de la verge, avec laquelle elle 
esten continuité directe, elle se porte d’abord d’avant en arrière, 
puis de bas en haut, puis d’arrière en avant, décrivant ainsi, 
autour de l’arcade ischio-pubienne, un arc dont la concavité, 
tournée en avant, embrasse celle arcade. La portion intra-pel- 
vienne de l’aponévrose périnéale suit la face inférieure du rec- 
tum et se Lermine sur la face supérieure de la vessie ou un peu 
en deçà, car elle se perd ordinairement dans le tissu conjonctif 
sous-péritonéal ; or, chez certains animaux, chez le tigre royal, 
par exemple, le cul-de-sac recto-vésical du péritoine se prolonge 
très-loin en arrière et va même jusqu’au milieu de la portion 
musculeuse de l’urèthre. Latéralement, laponévrose périnéale se 
fixe aux branches ischiales et ferme ainsi complétement la loge 
génilo-urinaire du périnée, comme dans les types que j'ai décrits 
plus haut. | 

Toutefois je dois faire observer que, si l’on veut du premier 
coup réaliser une semblable préparation, le scalpel en main, il 
est indispensable de prendre quelques précautions. Chez les ru- 
miñants, la face recto-anale de l'aponévrose périnéale est séparée 
de l'extrémité terminale de lintestin par un tissu conjonctif 
lâche, très-facile à disséquer, de sorte que rien n’est plus aisé 
que de découvrir et d'isoler cette face dans toute son étendue. 


SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 457 


Chez les carnassiers, on peut isoler sans trop de peine la partie 
de l’aponévrose qui regarde le rectum ; mais, lorsqu'on arrive à 
quelques centimètres au-dessus de l'anus, on constate que les 
fibres du sphincter vont s’insérer sur l’aponévrose périnéale à peu 
près à la hauteur du bulbe de l’urèthre, de telle façon que, si l’on 
n'y prend garde, on peut enlever le feuillet aponévrotique sans 
l'apercevoir et croire à une continuité entre les fibres du sphinc- 
ter externe et celles du bulbo-caverneux. Cette continuité n'existe 
pas. En détachant avec précaution les fibres du sphincter de leur 
insertion antérieure, on voit que l’aponévrose périnéale forme 
bien un plan continu qui sépare l’appareil défécateur de l’appa- 
-reil génito-urinaire. 

C’est faute d’avoir connu ce détail que beaucoup d’anatomistes 
ont commis l'erreur que je viens de signaler, non point à pro- 
pos du périnée des carnassiers, car je ne sache pas que personne 
ait jamais entrepris de disséquer les aponévroses périnéales chez 
ces animaux, mais à propos du périnée de l’homme, où l'on ren- 
contre une disposition identique. 

Le périnée des carnassiers étant ainsi divisé en deux loges, 
J'aurai successivement à passer en revue les organes contenus 
dans chacune de ces deux loges, suivant l’ordre que j'ai adopté 
dés le début de ce travail. 


Loge supérieure ou anale. 


Sphincter de l'anus. — Chez le chien et chez le loup, sa dis- 
position est des plus simples et ressemble beaucoup à celle qu'il 
affecte chez l’homme. En arrière, quelques-unes de ses fibres 
s’insérent aux premières vertèbres coccygiennes. En avant, ses 
fibres les plus superficielles se prolongent sous la face inférieure 
du bulbo-caverneux et se continuent avec le muscle rétracteur de 
la verge; ses autres fibres viennent s'insérer, suivant la ligne 
médiane, sur la face postéro-inférieure de l’aponévrose périnéale 
qui les sépare du bulbo-caverneux. Par sa face profonde, le 
sphincter est en contact avec les poches anales dont il est le 
muscle compresseur. 


158 PAULET. — RECHERCHES 


Chez le tigre royal, le sphincter anal présente une structure 
beaucoup plus compliquée et se trouve constitué par plusieurs 
plans de fibres (1) dont chacun mérite une description dé- 
taillée : 

1° Le plan superficiel est formé de deux faisceaux qui partent 
du tissu sous-dermique, de chaque côté de la racine de la queue, 
croisent obliquement la face inférieure du muscle ischio-coccy- 
gien latéral, et descendent sur les parties latérales de l'orifice 
anal qu'ils circonscrivent. Au-dessous de cet orifice, ces deux 
faisceaux se rejoignent et n’en forment plus qu’un seul : de telle 
sorte que l’ensemble de ce plan représente une espèce d’Y dont 
la branche inférieure occupe la ligne médiane du périnée, et 
dont les deux branches supérieures circonscrivent l’ouverture 
anale et se rendent aux parties latérales de la base de la queue. 
Le faisceau médian continue sa marche d’arrière en avant et se 
termine dans le scrotum où il contracte des adhérences intimes 
avec le derme cutané et avec la cloison du dartos. Ce plan super- 
ficiel peut être considéré comme un #uscle rétracteur du scro- 
lum. 

2° Le second plan forme le sphincter anal proprement dit. Il 
est constitué par des fibres annulaires ou plutôt ellipsoïdes dont 
les plus superficielles adhèrent aux précédentes et se confondent 
avec leur face profonde. Ces fibres circonscrivent l'extrémité infé- 
rieure du rectum et recouvrent les poches anales, très-saillantes 
et très-développées chez cet animal. En avant du rectum, les 
moins profondes de ces fibres se prolongent en forme de lan- 
guette médiane, et vont s’insérer sur l’aponévrose périnéale, en 
arrière et au-dessous du bulbo-caverneux. Les parties latérales 
de cette languette sont en rapport avec les racines du muscle 
rétracteur de la verge. 

3° Les fibres qui recouvrent la face postérieure des poches 
anales donnent naissance, de chaque côté, à un faisceau aplati, 
rubané, large d'environ un centimètre chez un animal adulte ct 
de grande taille. Ce faisceau, qui fait directement suite aux fibres 


(1) Straus-Durckheim a décrit, chez le chat, une disposition analogue. 


SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 159 


du sphincter dont il n’est, en définitive, qu'une portion, se dirige 
en bas, puis en avant, et suit la face inférieure des poches anales ; 
puis il croise obliquement la face inférieure du muscle ischio- 
caverneux, contourne la face externe du corps caverneux corres- 
pondant, et va s’insérer sur la partie la plus reculée de la sym- 
physe ischio-pubienne. Il est évident que cette insertion osseuse 
antérieure fournit un point d'appui solide aux fibres musculaires 
et rend leur contraction plus énergique. On peut désigner ce 
faisceau sous le nom de muscle constricteur des poches anales. 

Ischio-anal. — Il ressemble beaucoup à celui des ruminants 
et des solipèdes. Comme celui-c1, il part de l'intérieur de la cavité 
pelvienne, et forme une large bandelette dont les fibres vont se 
continuer avec les fibres propres du sphincter externe de l'anus; 
une partie de ces fibres se prolonge jusque sur les poches anales. 
De même que chez les ruminants et les solipèdes, les deux ischio- 
anaux, réunis au rectum, représentent une sorle de gouttière 
antéro-postérieure, longeant la face supérieure de l’aponévrose 
périnéale. 


Loge inférieure ou génito-urinairce. 


La loge génito-urinaire est subdivisée en loges secondaires 
par des cloisons assez fortes qui se détachent de l’aponévrose 
périnéale, et vont s’insérer sur une lame aponévrotique plus 
profonde dont j'indiquerai plus loin l’origine et les connexions. 
Les organes contenus dans celte loge sont, comme précédem- 
ment : le canal de l’urèthre, ses muscles et ses glandes annexes. 

Uréthre. — Sa situation et ses rapports sont les mêmes que 
chez les ruminants et chez les solipèdes. Sa portion musculeuse 
est bien distincte de sa portion spongieuse; seulement, chez les 
carnassiers, le bulbe de l’urèthre est ordinairement moins pro- 
noncé que chez les ruminants. 

Sphincter uréthral, — 1 entoure l’urêthre depuis la prostate 
jusqu’au bulbe, et se prolonge même, ainsi que nous le verrons 
plus bas, jusque sur les glandes de Cowper, quand ces glandes 
existent. Sur tous les animaux que j'ai examinés, ce muscle était 
constitué par des fibres striées. Chez le loup, la couche superfi- 


160 PAULET. — RECHERCHES 


cielle de ces fibres est longitudinale et fait suile aux fibres de la 
vessie ; la couche profonde est uniquement composée de fibres 
circulaires ; l'épaisseur totale de cette tunique dépasse deux mil- 
limètres. Chez le tigre royal, les fibres longitudinales ne forment 
qu’un faisceau médian qui se détache en saillie sur la face supé- 
rieure du canal. Ce faisceau provient des fibres longitudinales 
de la face dorsale de la vessie ; 1l se prolonge sur toute la lon- 
gueur de la portion musculeuse et se fixe, en arrière, sur l’apo- 
névrose supérieure du transverse. Toutes les autres fibres du 
sphincter uréthral sont circulaires ; leur épaisseur est extrême- 
ment considérable. En aucun point, le sphincter uréthral des 
carnassiers ne contracte d'insertions aux os du bassin. 

Ischio-caverneux. — Chez le chien et chez le loup, ce muscle 
ressemble à celui de l’homme. Chez le tigre, les deux ischio- 
caverneux viennent se joindre sur la ligne médiane, en confon- 
dant leur tendon avec les fibres du ligament suspenseur de la 
verge (1). 

Bulbo-caverneux. — Chez le chien et chez le loup, sa gaîne 
aponévrotique est très-résistante ; mais, en lui-même, ilne pré- 
sente rien de particulier à noter. 

Chez le tigre, ce muscle est relativement peu développé; aussi 
l’aponévrose qui le limite sur les côtés est-elle plus mince que 
chez les animaux précédents. 

Transverse. — S'il faut entendre par muscle transverse un 
muscle identique à celui que l'on décrit chez l’homme sous le 
nom de éransverse superficiel où transverso-anal, c'est-à-dire 
un muscle dirigé de la tubérosité sciatique à la ligne médiane, 
où il aboutit immédiatement en avant de l'anus, on peut affirmer 
que ce muscle n’existe pas chez les carnassiers, du moins n’en 


ai-Je pas trouvé trace chez ceux que j'ai eu l’occasion d’exa- 
miner. 


(1) Chez cet animal, le ligament suspenseur de la verge est extraordinairement 
fort et vigoureux. Il se compose, en réalité, de trois ligaments superposés : le plus 
superficiel el le moins résistant se fixe à la face inférieure de la symphyse ischio- 
pubienne ; le moyen s’insère à l'arcade ischiale; le profond, qui représente un 
faisceau extrêmement puissant, part de la face supérieure de la symphyse, 


SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 161 


Mais on rencontre, chez ces animaux, un muscle transverse 
tout spécial, qui n’a point d’analogue, ni chez les ruminants ni 
chez: les solipèdes, et dont l'étude est certainement très-impor- 
tante au point de vuc des homologies à établir entre le périnée 
de l’homme et celui des mammifères monodelphes. J'ai trouvé 
ce muscle chez le chien, chez le loup et chez le tigre royal. 
Straus-Durckheim l’avait mentionné chez le chat, et Guvier l’in- 
dique comme existant chez l’ours, le raton et le chien, mais il 
n’en dit qu'un mot en passant. D’ailleurs, les descriptions qui en 
ont été faites jusqu’à présent, outre qu’elles sont fort écourtées, 
me paraissent inexactes. 

D'après Cuvier, ç les fibres charnues partent des branches du 
corps caverneux et se réunissent à un tendon moyen qui se fixe 
à la verge, au-dessous du pubis » (1). Ces quelques lignes du 
grand naturaliste ont été presque littéralement transcrites par 
ceux qui ont suivi. Pour M. Chauveau, dont le traité d’anatomic 
comparée est un des plus récents, « ce sont deux faisceaux qui 
procèdent des racines péniennes, se portent en avant et se réunis- 
sent par un tendon commun implanté sur le bord dorsal de la 
verge ». 

Quant à moi, voici ce que j'ai rencontré dans mes dissections : 

Chez le chien, l'insertion externe du muscle transverse se fait 
à la face supérieure de la tubérosité de l’ischion et à la lèvre 
supérieure de la branche ischio-pubienne. Il est facile de con- 
stater qu’en plaçant cette insertion sur la gaîne fibreuse des raci- 
nes du corps caverneux les naturalistes ont commis une erreur ; 
car, non-seulement les fibres charnues du transverse ne touchent 
pas cette gaine, mais elles en sont séparées par une forte apo- 
névrose qui cache la face postéro-inférieure du muscle, et qui va 
s’insérer sur l’interstice saillant de la branche ischio-pubienne. 
En résumé, l'insertion externe du muscle transverse est intra- 
pelvienne, le bassin se trouvant précisément fermé, à cet endroit, 
par l’aponévrose postéro-inférieure du muscle transverse. Nées 
de ces insertions, les fibres charnues se dirigent en dedans et for- 


(4) Anat. comp. t. VI, p. 231. 
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, Xi (1877), 11 


162 PAULET. — RECHERCHES : 


ment, par leur convergence, un muscle triangulaire dont le 
sommet, tourné vers la ligne médiane, aboutit à un fort tendon 
aplati qui se réunit, derrière la symphyse, à un tendon semblable 
fourni par le transverse du côté opposé. Ce tendon commun 
croise perpendiculairement la face inférieure de l’urèthre et 
adhère intimement, par sa face profonde, à la portion muscu- 
leuse du canal, tout près de sa jonction avec la portion spon 
gieuse. | 


Les deux muscles transverses réunis constituent ainsi une sorte. 


de sangle transversale représentant un véritable muscle digas- 
trique tendu entre les deux ischions. Leur face inférieure est en 
rapport avec une aponévrose épaisse qui la cache, et qui reçoit 
les cloisons fournies par la face profonde de l’aponévrose péri- 
néale. Le tendon intermédiaire aux deux transverses touche, en 
haut, la portion de l’urèthre sur laquelle il s’insère et, en bas, 
les veines dorsales de la verge qui le séparent de la symphyse 
ischio-pubienne et qui viennent passer entre les deux transver- 
ses pour gagner le plexus de Santorini. La face supérieure de 
ces deux muscles est également recouverte par une aponévrose 
de force variable, mais toujours franchement fibreuse et facile à 
démontrer par la dissection ; comme l’aponévrose inférieure, 
celle-ci s'étend d’une branche ischio-pubienne à l’autre. 

Quel peut être l’usage de semblables muscles ? Faut-il les con- 
sidérer, avec M. Chauveau, comme deux muscles « qui paraissent 
destinés à relever le pénis et à le diriger convenablement pour 
son introduction dans les parties génitales de la femelle, en rai- 
son de ce que son érection préalable est toujours faible »? 
Tel n’est pas mon avis. Sans doute, les deux muscles transverses, 
considérés dans leur ensemble, forment un arc dont la ligne bi- 
ischiatique représenterait la corde. Leur contraction tendant à 
transformer la ligne courbe en ligne droite, tend par cela même 
à rapprocher l’urèthre de l’arcade ischio-pubienne ; mais cette 
contraction ne saurait, en aucun cas, avoir pour objet de rele- 
ver le pénis comme on l’a prétendu. Pour en être convaincu, 1l 
suffit de se rappeler que les muscles transverses s’insèrent non 
pas sur la portion libre de l’urêthre, sur la portion pénienne, 


SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 163 


mais dans l'intérieur du bassin, ou plutôt à la limite de la cavité 
pelvienne, sur l'extrémité bulbaire de la portion musculeuse et, 
par conséquent, sur une partie du canal fort pea mobile. Quant 
à la raison tirée de la faiblesse préalable de l'érection chez le 
chien, elle ne me paraît pas non plus concluante, car les carnassiers 
autres que le chien possédent aussi ce muscle transverse, bien 
que, chez eux, l'érection détermine de prime-abord une turges- 
cence de la verge largement suffisante pour les nécessités du coît. 

L'action du muscle transverse s'explique tout naturellement 
par la situation de ce muscle entre l’urêthre et.les veines dorsa- 
les du pénis. Sa contraction rapproche l’urêthre de l’arcade pu- 
“bienne; mais, en même temps, elle comprime les veines dorsales 
contre la symphyse et joue un rôle incontestable dans l'érection. 
D'autre part, quand les muscles transverses sont ainsi contractés 
et tendus, ils forment un plan résistant et offrent un point d'appui 
solide aux muscles du plan superficiel, — bulbo-caverneux, 
ischio-caverneux, — qui, eux aussi, peuvent alors comprimer 
efficacement les tissus spongieux sur lesquels ils s’insèrent et 
en favoriser la turgescence. Comme on le voit, cette opinion est 
un peu en désaccord avec celle des physiologistes modernes, pour 
qui l'érection serait un phénomène absolument indépendant de 
la contraction des muscles du périnée ; pourtant, je la crois basée 
sur une connaissance exacte des faits anatomiques. Et d’ailleurs, 
je suis loin de vouloir faire jouer à ces muscles le principal rôle 
dans le phénomène en question ; ce rôle est secondaire, mais il 
est indéniable. 

En résumé, chez le chien, le muscle transverse est un muscle 
essentiellement érecteur ; 1l clôt le bassin, et se trouve compris 
entre deux aponévroses dont l’une, la plus superficielle, se ratta- 
che à l’aponévrose périnéale par des cloisons aponévrotiques. 
En raison de sa direction et de ses Insertions, il peut être juste- 
ment nommé éransverso-uréthral, 

Chez le loup, les choses sont semblablement disposées. Seule- 
ment, en disséquant à quelque temps d'intervalle un loup de 
France et un loup de Russie, j'ai été surpris de rencontrer, chez 
le premier de ces animaux, un muscle transverse très-peu déve- 


164 PAULET. —-- RECHERCHES 


loppé, tandis que ce muscle était beaucoup plus volumineux chez 
le loup de Russie. Ai-je eu affaire à une simple variété indivi- 
duelle, ou bien s’agit-il d’une disposition différente chez des 
animaux pourtant si voisins? C’est ce que je ne saurais décider 
pour le moment, faute d’une expérience suffisante. 

Chez le tigre royal, non-seulement le muscle transverse existe, 
mais encore il double de chaque côté, et chacun de ces deux 
muscles est lui-même compris entre les deux lames d’une gaîne 
aponévrotique très-puissante. Ils sont à peu près semblables pour 
la forme, avec cette différence que le plus profond des deux est 
énorme, tandis que le plus superficiel est certainement moins 
développé que chez le chien, toute proportion gardée. Par leur 
extrémité externe, ces deux muscles s’insèrent à la branche 
ischio-pubienne. Leurs deux tendons médians sont situés l’un 
au-dessus de l’autre. Le plus superficiel s’insère au: point de 
jonction des deux corps caverneux et sur la face profonde du 
faisceau le plus volumineux du ligament suspenseur ; il est en- 
core séparé de la symphyse pubienne par les veine dorsales du 
pénis. Le plus profond s'insère au-dessus du précédent, sur la 
face inférieure de la portion musculeuse de l’urêthre, dans la par- 
tie la plus rapprochée du bulbe, absolument comme le musele 
transverse du chien et du loup. 

Je n’ai pas besoin d'insister pour faire comprendre que l'ac- 
tion de ces deux transverses est identique à celle du transverse 
unique que j'ai décrit chez les autres carnassiers. 

Conduits éjaculateurs. — Aucun des animaux que J'ai étudiés 
ne possède de vésicules séminales. Les conduits éjaculateurs ne 
présentent non plus aucune dilatation apparente ; ils s’accolent à 
quelques centimètres avant d’arriver à la prostate, mais ils ne se 
fusionnent pas et viennent s'ouvrir, par deux orifices bien dis- 
üncts, sur les côtés d’un verumontanum trés-saillant. 

Prostate. — Elle entoure le col de la vessie. Chez le chien et 
chez le loup, elle a la forme et le volume d’une olive. 

Chez le tigre, elle est relativement plus grosse ; sa face infé- 
rieure est manifestement subdivisée en deux lobes par un sillon 
médian que l’on retrouve à peine sur la face supérieure. 


SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 165 


Glandes de Cowper. — Elles manquent chez le chien et chez 
leloup. Chez le tigre royal, elles sont très-volumineuses, ovoïdes, 
et sont entourées d’une gaine musculaire qui, au premier abord, 
m'avait paru faire suite aux fibres postérieures du bulbo-caver- 
neux; mais j'ai constaté qu’en bas ce muscle compresseur de la 
glande de Cowper est séparé du bulbo-caverneux par un feuillet 
aponévrotique. En haut et en avant, au contraire, ses fibres se 
prolongent jusqu'au sphincter uréthral dont elles m'ont paru 
être une dépendance, ainsi que cela a lieu chez les solipèdes. 


REMARQUES GÉNÉRALES. 


Avant de passer à l'étude comparative du périnée chez les 
quadrumanes et chez l’homme, que le lecteur veuille bien jeter 
un coup d’œil récapitulatif en arrière, et il arrivera sans peine 
à cette conclusion que : les modifications successives présentées 
par l’ensemble périnéal, à mesure que l’on passe des ruminants 
aux solipèdes et de ceux-ci aux carnassiers, ne changent rien au 
plan fondamental de l’organisation qui reste le même. Chez les 
uns comme chez les autres, l’appareil génito-urinaire est complé- 
tement isolé de l’appareil défécateur, par une aponévrose que 
j'ai désignée sous le nom d’aponévrose périnéale. Getle aponé- 
vrose reste unique chez les ruminants et les solipèdes; mais 
il s’y Joint, chez les carnassiers, de nouvelles lames fibreuses qui 
ferment le bassin en bas, et dont l'existence est intimement liée 
à celle d’un nouveau muscle érecteur, le transverso-uréthral, 
dont elles constituent la gaine propre. 

Type fondamental immuable, modifications secondaires en 
rapport avec le perfectionnement des organes, telle est la con- 
clusion à laquelle nous a conduit cette partie de notre étude. 


QUADRUMANES. 


Je n’ai pas préparé les aponévroses périnéales superficielles 
sur les animaux de cet ordre que j'ai eus à ma disposition, et 
j'ai peu à le regretter ; car, si ce n’est un papion adulte et d'assez 


166 PAULET. — RECHERCHES 


belle taille, les deux autres singes que j'ai disséqués, un sajou 
et un magot, étaient fort jeunes, fort petits, et ne m’auraient 
probablement pas donné des préparations bien nettes. Le périnée 
du singe étant, en somme, peu différent de celui de l’homme, il 
est à penser que je n'aurais eu, sous ce rapport, qu'à constater 
des identités ou des analogies rapprochées ; toutelois, je ne me 
crois pas capable de traiter cette question dès à présent, faute de 
documents, et j'attends que de nouvelles recherches me permet- 
tent de la résoudre. Chez les singes à callosités, après avoir en- 
levé le tégument glabre et épais qui revêt la partie postérieure de 
la région périnéale, on découvre deux tubérosités ischiales apla- 
ties et sensiblement plus larges que celles des autres mammi- 
fères. Ces deux tubérosités sont réunies l’une à l’aure par un 
ligament transversal extrêmement épais, sorte de voûte renversée 
dont la face superficielle est convexe et dont la face profonde, 
concave, donne insertion à des fibres musculaires appartenant 
au sphincter externe de l’anus. 

L'ischio-anal a beaucoup plus d’analogie avec celui des autres 
mammifères qu'avec le releveur de l’anus de l’homme. Il forme, 
de chaque côté, une simple bandelette dont le bord inférieur ne 
dépasse guëre les parties latérales du rectum, de sorte que les 
deux ischio-anaux laissent entre eux un large espace dans lequel 
est contenue la partie génito-urinaire du périnée. 

Le bulbo-caverneux est peu développé, mais, en revanche, 
l’ischio-caverneux atteint un volume énorme. Je n’ai pas trouvé 
le éransverse superficiel du périnée (transverso-anal) chez le 
papion. 

Quant aux autres organes, tels que le sphincter uréthral, la 
prostate, les glandes de Cowper, l’aponévrose périnéale moyen- 
ne, etc., ils m'ont paru différer très-peu de ceux de l’homme; 
aussi m’abstiendrai-je d'en donner une description détaillée, car 


c'est surtout à propos de ce dernier que je compte m’étendre sur 
la détermination des homologies. 


SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 4167 


DU PÉRINÉE DE L'HOMME, COMPARÉ A CELUI DES ANIMAUX 
MAMMIFÈRES. 


Mon but n’est pas de refaire ici toute l’anatomie de la région 
périnéale chez l’homme, mais seulement d'examiner en quoi 
chacun des organes composant celte région se rapproche ou 
s'éloigne des types que les dissections faites sur les animaux nous 
- ont permis d'établir. 

Fascia superficialis. — Je ne m’y arrêterai pas. On a pu voir que 
cette membrane est identique chez tous les mammifères et qu’elle 
ne varie, d’une espèce à l’autre, que par son épaisseur, ordinai- 
rement en rapport avec la taille de l’animal. 

Les muscles rétracteurs de la verge n’existent pas chez l’homme, 
et ne sont représentés par rien d’analogue. Ils n’existent pas 
davantage, du reste, chez les quadrumanes qui ont le pénis libre 
comme l’homme. 

Aponévrose périnéale. — Est-il possible de retrouver dans cette 
aponévrose, chez l’homme, la disposition si nettement accusée 
chez certains mammifères, principalement chez les ruminants, 
disposition que nous avons vue exister également chez les soli- 
pédes et les carnassiers ? 

Pour répondre à cette question, il suffira de réaliser la prépa- 
ration suivante : Que l’on commence d’abord par mettre à nu la 
gaine fibreuse du pénis, et qu'on la suive d’avant en arrière, 
c’est-à-dire du gland vers le pubis (1). On verra qu'après avoir 
reçu l'extrémité inférieure du ligament suspenseur, la partie 
dorsale de cette gaîne se fixe au bas de la symphyse du pubis, 
tandis que ses parties latérales s’insérent à la lèvre externe de la 
branche 1ischio-pubienne. Sa partie inférieure, au contraire, se 
prolonge bien au delà de l’arcade pubienne ; après avoir tapissé 
la face inférieure du bulbo-caverneux, elle passe sous la portion 

membraneuse de l’urèthre, puis entre la prostate et le rectum, 


(1) Lorsqu'il s’agit de l’homme, les expressions : en avant, en arrière, en haut, 
en bas, elc., se rapportent à l'attitude bipède, 


168 PAULET. -— RECHERCHES 


et peut être suivie jusqu’au bas-fond de la vessie, où elle se perd 
ordinairement au niveau du cul-de-sac vésico-rectal du péritoine. 
Si cette disposition n’a pas élé mise en évidence par tous les ana- 
tomistes, cela tient à ce que, chez l’homme comme chez les car- 
nassiers, les fibres profondes du sphincter externe de l’anus 
viennent s’insérer sur la face postéro-inférieure de l’aponévrose 
périnéale ; mais, avec un peu d'attention, 1l est possible d'isoler 
l’aponévrose, d’en séparer les fibres du sphincter, et de constater 
que ces fibres n'ont aucune continuité avec celles du bulbo- 
caverneux ni du transverse superficiel, ainsi qu’on la tant de 
fois avancé. à | 

On voit donc que chez l’homme comme chez les animaux, 
l'appareil génito-urinaire est complétement indépendant de l’'ap- 
pareil défécateur, et que la cloison fibreuse qui l’en sépare s’étend 
sans interruption depuis l'extrémité antérieure des corps caver- 
neux jusqu’au cul-de-sac recto-vésical du péritoine. Toutefois, 
il existe entre l’homme et les animaux une légère différence qui 
porte seulement sur la portion intra-pelvienne de l’urêthre. Chez 
les animaux, la distance comprise entre le col de la vessie et le 
bulbe est en rapport avec l’allongement antéro-postérieur du 
bassin. La portion membraneuse, beaucoup plus longue que 
chez l’homme, repose, dans la station quadrupède, sur la sym- 
physe ischio-pubienne contre laquelle elle est maintenue appli- 
quée par l’aponévrose périnéale, ainsi que je l’ai indiqué dés le 
début de ce travail. 

Chez l'homme, en raison de l'attitude bipède, le col de la ves- 
sie et la prostate s’éloignent de la symphyse pubienne, de sorte 
que la cloison génito-urinaire, au lieu de se borner à tapisser la 
face inférieure du canal, passe sur ses faces latérales, puis sur sa 
face supérieure et forme ainsi un véritable cylindre qui entoure 
l'appareil génilo-urinaire intra-pelvien, de même que la gaîne 
fibreuse du pénis entoure l'appareil génito-urinaire extra- 
pelvien. | 

Résumant en une vue d’ensemble la description dont je viens 
d'exposer les détails, je dirai que, chez l’homme, l'appareil 
génilo-urinaire est enveloppé d’une gaine aponévrotique, sorte 


SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE: 169 


de manchon fibreux qui l'entoure de toules parts et l’isole de l’ap- 
pareil défécateur. Ce manchon se moule sur les organes qu'il 
recouvre. Son extrémité vésicale s'insère à la partie inférieure 
de la vessie, mais à des hauteurs différentes suivant le point que 
Von examine. En avant, celte insertion se fait presque immédia- 
tement au-dessus de la base de la prostate. En arrière, la gaine 
fibreuse se prolonge sous le bas-fond de la vessie et remonte jus- 
qu’au cul-de-sac recto-vésical du péritoine. Entre ces deux points 
extrêmes, la ligne d'insertion occupe toutes les positions inter- 
médiaires. Son extrémité pénienne se fixe au pourtour de la base 
du gland et à l'extrémité antérieure des corps caverneux de la 
verge. 

Sa face antérieure s'étend depuis la vessie jusqu’au gland, 
mais elle est interrompue au moment où le canal de lurèthre 
passe sous l’arcade pubienne, c’est-à-dire qu'en ce point le tissu 
fibreux du manchon génito-urinaire est remplacé par le bord 1n- 
férieur de la symphyse pubienne. Cette paroi antérieure est donc 
subdivisée, par l’arcade du pubis, en deux portions : une portion 
rétro-pubienne, étendue du col de la vessie au pubis, et décrite 
sous le nom de /gaments pubio-vésicaux (4). La portion pré- 
pubienne n’est autre chose que l’enveloppe fibreuse du pénis. 

Ses faces latérales, de même que sa face antérieure, sont con- 
stituées par du tissu osseux dans le point qui correspond à la 
branche ischio-pubienne. Depuis cette branche jusqu’à la vessie, 
on les a nommées aponévroses latérales de la prostate. Hors du 
bassin, et jusqu’à leur extrémité antérieure, elles forment les 
parties latérales de la gaine fibreuse du pénis. 

Sa face postérieure, entièrement fibreuse depuis le cul-de-sac 
vésico-reclal jusqu’au gland, est formée, dans toute son étendue, 
par une seule aponévrose à laquelle on a, très-improprement, 
donné des noms différents, suivant les points où on la considère. 


(1) Que l’on considère les ligaments pubio-vésicaux comme une dépendance du 
fascia pelvia ou qu’on les regarde, avec M. Sappey, comme les tendons des fibres 
longitudinales antérieures de la vessie, il n’en est pas moins vrai qu’il existe là une 
lame fibreuse qui se confond, sur les côtés, avec les aponévroses latérales de la pre- 
state, 


170 PAULET, — RECHERCHES 


On retrouve en effet, comme faisant partie intégrante de cette 
face : l’aponévrose prostato-péritonéale, le bord postérieur de 
l’aponévrose périnéale moyenne, l'aponévrose périnéale superfi- 
cielle et la gaîne fibreuse de la verge. 


Loge postérieure ou anale. 


Sphincter externe de l’anus. — Sa disposition est bien connue, 
et si je la rappelle, c’est pour faire observer que, sur un assez 
grand nombre de sujets, l’extrémité antérieure du sphincter va 
manifestement se continuer avec le dartos et peut quelquefois 
être suivie jusque sur les bourses; disposition qui représente bien 
évidemment le muscle rétracteur du scrotum que nous avons 
rencontré si développé chez le tigre et que Straus a mentionné 
chez le chat. Cette continuité n’existe que pour les fibres les plus 
superficielles ; quant aux fibres profondes, elles se fixent en assez 
grand nombre sur la face postéro-inférieure de l’aponévrose 
périnéale, toujours assez mince en ce point et un peu difficile à 
ménager dans les dissections. 

Releveur de l'anus. — Homologue de l’ischio-anal, mais sen- 
siblement modifié dans sa forme, en raison de la plus grande 
largeur du bassin chez l’homme. Les insertions de ce muscle ont 
été décrites par tous les anatomistes ; mais Jj'insiste tout parti- 
culièrement sur la disposition de son extrémité antérieure qui, 
comme on le sait, s’avance bien plus que l'ischio-anal vers la 
ligne médiane du corps. Ainsi que le dit très-exactement M. Sap- 
pey, le releveur de l'anus forme là « un anneau ovalaire qui est 
complété en avant par la symphyse pubienne et qui entoure la 


prostate sans contracter avec celle-ci aucune adhérence et sans 


prendre sur celle-ci aucune insertion ». 


Loge antérieure ou génito-urinaire. 


Sphuncter uréthral. — On s'étonne de ce qu’il a fallu si long- 
temps aux anthropotomistes pour découvrir l'existence du sphinc- 
ter uréthral chez l’homme, alors que ce muscle est si développé 
et si facilement visible chez les animaux. Il est vrai que les zooto- 


SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 41741 


mistes ont contribué pour une bonne part à entretenir cette 
ignorance en employant, pour désigner le constricteur de l’urè- 
thre, l’expression impropre de #uscle de Wilson, expression 
que les anthropotomistes appliquent à tout autre chose. Pourtant 
il faut ajouter que, depuis les travaux des histologistes modernes, 
surtout de Henle et de Luschka, le sphincter uréthral a été étu- 
dié et généralement bien décrit. Qu'il me suffise de mentionner 
ici que ce sphincter ressemble complétement à celui des animaux 
mammifères. Il est constitué par des fibres musculaires striées, 
dont les plus superficielles sont longitudinales, tandis que les 
fibres profondes, circulaires, forment une couche épaisse et ex- 
-trêmement apparente sur des coupes perpendieulaires à l’axe du 
canal. Au niveau de la prostate, les fibres musculaires sont mê- 
lées aux glandules prostatiques, comme cela a lieu chez les ani- 
maux dont la prostate entoure le col de la vessie, notamment chez 
les carnassiers. Il est à remarquer que la face pubienne de l'urè- 
thre est toujours séparée de la symphyse par une couche de 
glandules beaucoup moins épaisse que celle de la face rectale ; 
et même, sur quelques individus, les fibres du sphincter forment 
seules la paroi antérieure du canal, ainsi que cela existe chez 
les animaux dont la prostate n'occupe que la face rectale de 
l’'urèthre. 

Bulbo-caverneux, ischio-caverneux. — Leur analogie avec 
ceux des mammifêres ne peut être l’objet d'aucun doute et ne 
mérite pas de nous arrêter. 

Transverse superficiel. — L'homme est un des rares animaux 
chez lesquels on rencontre le muscle tranverso-anal et encore ce 
muscle manque-t-il fréquemment chez lui. Je l’ai vu manquer 
d’un seul côté, ce qui, Je crois, est trés-exceptionnel. On se trouve 
fort embarrassé quand il s’agit de déterminer l’analogie et le 
rôle de ces fibres musculaires. En principe, le transverse super- 
ficiel ne me paraît pas faire partie du plan général de l’organisa- 
tion du périnée. Son existence est, pour ainsi dire, tout à fait 
fortuite, et je dirais volontiers qu’on le rencontre à titre d’ano- 
malie, si l'on examine non une espèce ou un genre, mais l’en- 
semble des mammifères monodelphes. Quant à la nature de ses 


172 PAULET. - RECHERCIHES : 


fonctions, elle n’est pas plus évidente que sa raison d’être, et 
l’on en a fait tour à tour un tenseur du raphé périméal, un eom- 
presseur et même un dilateur du bulbe, ce qui revient à dire que 
son mode d'action n’a aucune espèce d'importance. Cela est 
d'autant plus vrai que l’absence du transverse superficiel chez la 
plupart des mammifères ne paraît exercer aucune influence sur 
les fonctions génitales. 

J'en dirai autant de ces faisceaux musculaires insignifiants, 
qu'on a décrit avec le plus grand soin, bien que leur disposition 
n’ait rien de fixe, et auxquels on donne le nom de #nuscle ischio- 
bulbaire. 

Transverse profond. — ei se présente une des questions les 
plus controversées de l’anatomie humaine; car, à l'heure actuelle, 
les auteurs sont bien loin d’être d'accord quand 1l s’agit de dé- 
crire le plan musculaire profond de la région périnéale. Que faut- 
il entendre par muscle transverse profond ? par muscle de Gu- 
thrie ? par muscle de Wilson? Voilà tout autant de sujets à pro- 
pos desquels on diffère d'opinion et sur lesquels rêgne une 
confusion vraiment regrettable. 

Moi-même, suivant la tradition, je dirai presque la routine, 
J'ai fait autrefois des préparalions avec l’idée de retrouver une 
disposition préconçue plutôt que de rechercher une disposition 
réelle, et J'avoue avoir décrit, dans mes précédentes publications, 
des choses dont je n'avais peut-être pas une idée suffisamment 
nelte. Aujourd'hui, grâce aux lumières que m'a fournies l’ana- 
tomie comparée, j'ai pu faire, sur l'homme, un nombre considé- 
rable de dissections très-démonstratives. J'ai oblenu des résultats 
qui ne laissent aucun doute dans mon esprit et qui, je l'espère, 
n’en laisseront pas davantage dans celui de mes lecteurs. | 

La première condition pour bien distinguer les fibres muscu- 
laires profondes des plans aponévrotiques qui les entourent, c’est 
de vider au préalable les veines dorsales et celles des plexus péri- 
prostatiques. Faute de cette précaution, le sang, qui sort à la 
moindre piqüre, rougit également toute la surface de la prépa- 
ration et donne au tissu fibreux les apparences du tissu muscu- 
laire. : 


SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 173 


Sur un sujet dont le périnée a été ainsi rendu exsangue, si 
l’on renverse de haut en bas les racines des corps caverneux, et 
si l’on enlève le feuillet inférieur de l’aponévrose moyenne, on 
aperçoit un plan musculaire composé de fibres striées dont la 
disposition est des plus simples. Ces fibres s’insèrent, en dehors, 
sur: la lèvre interne de la branche ischio-pubienne, immédiate- 
ment au-dessus du feuillet inférieur de l'aponévrose moyenne. 
De là, elles se dirigent vers la ligne médiane du corps, en conver- 
_geant de manière à constituer, de chaque côté, un muscle trian- 
gulaire dont la base adhère à la branche ischio-pubienne, et dont 
le sommet s’unit à la face latérale et à la face antérieure de la 
portion membraneuse de l’urèthre, tout près du bulbe. Quelques- 
unes de ces fibres alteignent la face postérieure de l’urêthre, 
mais c’est l’exception; car le plus grand nombre se portent en 
avant du canal, où elles passent d’un côté à l’autre de la ligne 
médiane; de telle sorte que les deux muscles transversés sem- 
blent en réalité n’en constituer qu'un seul composé de deux moi- 
üées symétriques. Les insertions externes de ce transverse uni- 
que remontent plus ou mois haut sur la branche ischio-pubienne, 
mais elles n’atteignent 7amais la symphyse; de sorte que les 
deux moitiés du muscle sont toujours séparées, en haut, par un 
espace dans lequel s'engagent les veines dorsales de Ja verge 
pour gagner le plexus de Santorini. Notons enfin, en terminant, 
que le transverse profond est compris entre les deux feuillets de 
l’'aponévrose moyenne. 

Telle est la description exacte de ce que l’on rencontre sur le 
sujet. Telle est aussi, ou à peu de chose près, celle qu'a donnée 
Guthrie (1), l’'anatomiste qui, à mon avis, s’est le plus approché 
de la vérité. 

Si l’on a compris la disposition du muscle transverse profond, 
si, d'autre part, on veut bien se reporter aux recherches d’ana- 
tomie comparée qui forment le fond de ce mémoire, on n’éprou- 
vera pas la moindre difficulté à déterminer la signification zoolo- 
gique de ce muscle, et l’on conclura immédiatement qu’il a pour 


(1) Anatomy and diseases of the urinary organs, 3° édit., London 1843, p. 36. 


474 PAULET. — RECHERCHES 


homologue le muscle transverso-uréthral des carnassiers : même 
insertion externe aux branches ischio-pubiennes, en arrière de 
la racine du corps caverneux ; même continuilé médiane des 
deux muscles sur la face pubienne de l’urêthre, mêmes Insertions 
à cette face ; même situation entre deux feuillets aponévrotiques 
résistants; même rapport avec les veines dorsales de la verge et 
incontestablement même action compressive exercée sur ces 
veines. On le voit, l'identité ne saurait être plus complète. Ajou- 
tons cependant que le tendon moyen, si apparent chez les car- 
nassiers, ne se retrouve ni chez l’homme ni chez les quadrumanes, 
ce qui, on l’avouera, ne constitue pas une différence dont il faille 
tenir grand compte. 

L'identité que je viens de signaler n’avait pas échappé à Cuvier 
qui, après avoir indiqué plutôt que décrit le transverse des car- 
nassiers, ajoute : « Dans la guenon Callitriche, où nous l'avons 
également trouvé, il n’avait pas ce tendon moyen et devait servir 
à comprimer la veine dorsale » (1). 

Tout en reconnaissant que Guthrie, le premier, a bien décrit 
le muscle transverse profond, je voudrais pourtant voir dispa- 
raître l’expression de muscle de Guthrie, encore employée par 
quelques anatomistes pour le désigner. Cette expression semble 
n'avoir en vue que l'étude de l’homme, et je lui préférerais 
celle beaucoup plus générale de transverse profond qui s’ap- 
plique indistinctement à tous les mammifères. 

On a encore mentionné, comme constituant le transverse pro- 
fond, des faisceaux obliques plus ou moins antéro-postérieurs, 
des fibres en anses, etc.; mais je n’ai jamais trouvé rien de sem- 
blable et je considère la présence, de ces fibres comme de pures 
anomalies, à moins qu’elles ne soient le résultat d’une erreur 
d'observation. En fait d'anomalies, j'ai vu un sujet n’avoir qu’une 
moitié du transverse profond et une seule glande de Cowper; 
de ce côté du périnée, l’aponévrose moyenne existait seule. 

Pour être définitivement fixé quant à l'existence et à la con- 
stitution anatomique du #uscle de Wilson, j'ai repris la question 


(4) Anat. comp.,t. VII, p. 234, 


SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 4175 


ab ovo et, tout en faisant de nombreuses préparations, cette fois 
sans parti pris, J'ai consulté les auteurs en commençant par 
Wilson. Le chirurgien anglais indique (1) d’une façon suffisam- 
ment étendue la direction et les inserlions des fibres musculaires 
qu'il croit avoir découvertes, mais après l’avoir lu attentivement, 
on se demande si sa description s’applique au muscle transverse 
profond ou aux fibres antérieures du releveur de l'anus, et l’on 
s'arrête à celte dernière interprétation, d'autant plus que la 
_ figure annexée au mémoire représente exactement l'extrémité 
antérieure du releveur. Wilson reconnaît lui-même que la con- 
fusion est possible, que les deux muscles sont contigus et que 
leurs fibres semblent se mêler : « Sometimes, indeed, below the 
passage of these veins, I have found a little b/ending of the fibres 
of the two muscles, but never more than is often found between 
muscles contiguous to each other. » Il y a loin de là à cette sépa- 
ration si nette que l’on a mentionnée depuis, et qui serait for- 
mée par l’aponévrose latérale de la prostate. 

Guthrie, qui donne une bonne description du transverse pro- 
fond, a toujours considéré ses fibres comme se rattachant à 
celles décrites par Wilson et constituant avec elles un seul et mé- 
me musele ; erreur incontestable, mais qui prouve bien qu’à ses 
yeux 1l n’y avait, entre le bulbe et la prostate, qu’un seul plan 
musculaire. 

M. Richet (2), après avoir étudié le muscle de Guthrie, pénètre 
au-dessus de l’aponévrose moyenne et décrit, dans l’étage supé- 
rieur du périnée, un muscle de Wilson ou pubio-uréthral, formé 
de « fibres musculaires qui, nées de la face postérieure de la 
symphyse et du corps du pubis, convergent vers la portion mus- 
culeuse de l’urêthre ». Jusque-là, on pourrait croire que cette 
description s'applique à quelque chose ressemblant au muscle de 
Guthrie, mais l’auteur ajoute : « En résumé, le muscle dit de 
Wilson ou mieux pubio-uréthral se compose principalement de 
fibres ayant des attaches fixes au squelette et des attaches mob 


(1) Mémoire cité. 
(2) Anat. méd. chir., 4° édit., p. 478. 


176 PAULET. — RECHERCHES 


les à l’urèthre, quelquefois à la prostate et même au rectum. » 
Or, on se demande comment ce muscle, situé en avant de l’apo- 
névrose prostato-péritonéale, pourrait aller s’insérer au rectum, 
et l’on a quelque raison de supposer que ces fibres à insertions 
rectales appartiennent au releveur de l’anus. 

Pour M. Sappey (1), le muscle de Wilson « est situé au devant 
du plexus de Santorini, au-dessous de la symphyse pubienne, 
sur le prolongement du grand axe de cette symphyse, au-dessus 
et en arrière de la portion bulbeuse de l’urèthre, qu’il faut ren- 
verser en avant pour le mettre en évidence. C'est une lamelle 
rougeâtre, triangulaire ou plutôt rayonnée, assez mince. Sa base, 
dirigée en avant, s'attache au ligament sous-pubien par une ex- 
pansion fibreuse que traverse sur la ligne médiane la veine dor- 
sale profonde de la verge et latéralement les artères dorsales et 
les nerfs correspondants. Le sommet du inuscle, tourné en bas 
eten arrière, se perd sur l'extrémité antérieure de la portion 
membraneuse de l’urêthre. — La face antérieure du muscle de 
Wilson, inclinée en bas, semble prolonger celle du muscle de 
Guthrie, mais occupe en réalité cependant un plan plus profond. 
Elle est recouverte par une lame fibreuse dépendante de l’apo- 
névrose périnéale moyenne, et par le bulbe de lurèthre. — Sa 
face postérieure, inclinée en haut, répond au plexus de Santo- 
rini. » Ici, la confusion avec le releveur de l'anus n’est plus pos- 
sible. Pourtant, je crois que, malgré son incontestable habileté, 
M. Sappey s’est laissé tromper par les apparences, et qu’il a pris 
pour un muscle le tissu conjonctif un peu serré qui entoure les 
vaisseaux dorsaux à leur passage sous l’arcade pubienne, lequel 
est toujours rendu rougeâtre par le sang qui s'écoule infaillible- 
ment des veines dorsales, si l’on n’a pas eu le soin de les vider 
avant la préparation. 

En parcourant les pages précédentes, on a sans doute prévu à 
quelle conclusion j'en allais arriver. Gelte conclusion, c'est que 
le muscle de Wilson n'existe pas. Au-dessus du muscle transverse 
profond et de l’aponévrose moyenne, 1l n’y a plus rien que la 


(4) Anal, 3° édit., t. IV, p. 655. 


SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 177 


prostate entourée de sa gaîne aponévrotique et circonscrite par 
les fibres antérieures du releveur de l’anus qui en longent les 
parties latérales, mais qui ne s’y insérent pas. J’ai partagé autre- 
{ois l'illusion générale et je préparais un muscle de Wilson tout 
artificiel dont les formes variaient suivant que J'étais plus ou 
moins bien disposé. Aujourd'hui que J'ai disséqué un nombre 
considérable de périnées, je me suis mis à l’abri de cette cause 
d'erreur, et je ne puis plus trouver, autour de la portion mem- 
_braneuse, que le sphincter uréthral et le transverse profond. Il 
ne sera peut-être pas hors de propos de rappeler que, bien avant 
les anatomistes de la génération actuelle, Cruveilhier n’a jamais 
rencontré àce niveau qu'un seul plan de fibres qu’il désigne sous 
le nom de muscle transverse profond ou transverso-uréthral, 
mais auxquelles il assigne une disposition un peu plus compli- 
quée qu’on ne le voit d'ordinaire. 

Aponévrose moyenne. — Les deux feuillets qui la composent 
sont ceux-là mêmes qui constituent la gaine du muscle transverse 
des carnassiers. Chez l’homme, ce double plan fibreux se pro- 
longe, en arrière, jusqu’à la rencontre de l’aponévrose qui passe 
au-dessous de la prostate et du bulbe ; d’où il résulte que la loge 
aponévrotique gémito-urinaire est subdivisée en deux portions 
par un diaphragme musculo-aponévrotique formé par le muscle 
transverse et sa gaine : l°une portion intra-pelvienne contenant 
la prostate et le sphincter uréthral ; 2° une portion extra-pelvienne, 
renfermant la partie spongieuse de l’urèthre, les corps caver- 
neux et leurs muscles annexes, c’est-à-dire l'organe copulateur. 

Vésicules séminales. — La seule particularité qui mérite d’être 
signalée à propos des vésicules séminales, c’est que leur face 
inférieure est en contact avec un véritable plan musculaire à 
fibres lisses, qui double l’aponévrose prostaio-péritonéale et qui 
représente évidemment l’enveloppe musculeuse si développée 
chez certains animaux, entre autres chez l'éléphant. 

Glandes de Cowper. — Elles sont situées dans le même plan 
que le muscle transverse profond et sont entourées par les fibres 
postéro-inférieures de ce muscle, qui leur constitue une gaine 


contractile analogue au muscle compresseur des solipèdes et des 
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PIIYSIOLe "== Te XIII (18773. 12 


178 PAULET. — RECHERCHES 


carnassiers. D'ailleurs, 1l est probable que l’usage de ces glandes 
n’a pas une très-grande importance, car, outre que chez les 
mammifères on les voit tantôt manquer absolument, tantôt être 
très-développées dans «les espèces voisines, j'ai constaté plusieurs 
fois leur absence complète chez l’homme. 


CONCLUSIONS. 


Sans outrepasser le cadre que les circonstances m'ont tracé, et 
sans aller au delà des espèces sur lesquelles ont, jusqu’à présent, 
porté mes recherches, je crois pouvoir tirer de ce travail les 
conclusions suivantes : | 

[. — Les modifications successives présentées par l’ensemble 
périnéal, à mesure que l’on passe des ruminants aux solipèdes, 
de ceux-ci aux carnassiers, aux quadrumanes et à l’homme, ne 
changent rien au plan fondamental de l’organisation, au type 
qui reste le même. 

IL. — Chacune des partes constituant la région périnéale de 
l’homme a son homologue dans la région périnéale des animaux 
mammifères. 

II. — Le fascia superficialis est identique chez tous les mam- 
mifères et chez l’homme ; il ne varie, d’une espèce à l’autre, que 
par son épaisseur, ordinairement en rapport avec la taille de 
l’animal. Fra 

IV. — Chez tous les mammifères et chez l'homme, l'appareil 
génito-urinaire est nettement séparé de l'appareil défécateur 
par une cloison aponévrotique étendue depuis la face postéro- 
supérieure de la vessie jusqu’à l'extrémité libre du pénis. Chez 
l’homme, cette cloison forme une véritable gaine génito-urinaire 
cylindroïde, dont les diverses portions ont été très-Improprement 
désignées sous des noms différents par les anthropotomistes. 

V. — Les muscles rétracteurs de la verge paraissent n’exister 
que chez les animaux dont le pénis est fixé à l'abdomen par un 
fourreau. Îls ne sont pas représentés chez l’homme. Ils n’existent 
pas non plus chez les singes qui ont le pénis libre. 

VI. — Le muscle rétracteur du scrotum de certains carnassiers 


SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 179 


est représenté, chez l’homme, par la continuité fréquente des fibres 
superficielles du sphincter anal avec la portion scrotale du dartos. 
VII. — Le muscle releveur de l’anus de l’homme est l’homo- 
logue de lischio-anal des mammifères. Son élargissement et 
l'étendue de ses insertions dans l’espèce humaine sont en raison 
directe des dimensions transversales du bassin relativement à sa 
hauteur. 
VIIL. — Chez l’homme et chez les mammiféres, le sphncter 
uréthral s'étend de la vessie au bulbe. Il est toujours constitué 
par des fibres circulaires, striées, auxquelles s'ajoutent, chez 
certaines espèces, des fibres longitudinales diversement dispo- 
sées et faisant suite aux fibres longitudinales de la vessie. 
IX. — Les muscles bulbo-caverneux et ischio-caverneux ne 
présentent, dans la série, que des différences peu considérables ; 
leur disposition anatomique est fondamentalement la même chez 
tous les mammifères et ils paraissent appelés à remplir les 
mêmes fonctions que chez l’homme. 
X. — Le muscle #ransverse superficiel n'appartient pas à pro- 
prement parler au plan général de la région. Son existence n’est 
soumise à aucune règle fixe. Il manque normalement dans un 
grand nombre d'espèces, et l’on constate souvent son absence, à 
titre d’anomalie, chez les animaux mêmes où il existe le plus 
constamment. Ses fonctions, si elles ne sont pas nulles, sont au 
moins trés-peu importantes. | 
Les mêmes remarques sont applicables aux faisceaux décrits 
sous le nom de muscle 2sch10-bulbaire. 
XI. — Le muscle éransverse profond ou muscle de Guthrie 
est identique au éransverso-uréthral des carnassiers, dont il re- 
produit exactement les insertions, les rapports et la disposition 
anatomique. Ce muscle est compresseur des veines dorsales du 
pénis. 
XIE — L'expression muscle de Walson doit disparaitre. Em- 

ployée en anthropotomie, cette expression consacre une erreur 
d'observation, en ce sens qu’elle Lend à faire considérer comme 
un muscle distinct des fibres appartenant au transverse profond 
ou au releveur de l'anus. Elle est tout aussi incorrecte dans le 


180 RECHERCHES SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 


langage des zootomistes, car alors, elle s'applique au sphineter 
uréthral, muscle dont Wilson ne parait pas avoir soupçonné 
l'existence. 

XI. — L’aponévrose dite périnéale moyenne n’est autre 
chose que la gaine du muscle transverso-uréthral ; elle n’existe 
pas chez tous les animaux normalement dépourvus de ce muscle. 
Chez l’homme, les deux feuillets de cette aponévrose et le 
muscle transverse profond qu’ils comprennent ferment le bassin 
et subdivisent Ja loge génito-urinaire du périnée en deux por- 
tions : 1° portion intra-pelvienne, comprenant le sphincter uré- 
thral ; 2° portion extra-pelvienne, affectée à l'organe copulateur. 

XIV. — Chez les animaux pourvus de vésicules séminales, ces 
réservoirs sont recouverts d’un plan musculaire destiné à les 
comprimer. Chez l'homme, ce plan est constitué par les fibres 
hsses de l’aponévrose prostato-péritonéale. 

XV. — Typiquement, la prostate occupe Ja face rectale du col 
vésical. Lorsqu'elle entoure Purèthre, la portion de la glande 
qui couvre la face pubienne du canal est toujours moins épaisse 
que l’autre. 

XVI. — L'existence des glandes de Cowper ne paraît assujettie 
à aucune loi; ces glandes se rencontrant normalement dans une 


espèce, peuvent manquer, normalement aussi, dans l'espèce la 
plus voisine. 

XVIT. — Les fibres musculaires destinées à comprimer les 
glandes de Cowper constituent, dans certains cas, un muscle 
constricteur indépendant. Dans d’autres cas, la compression est. 
exercée par des fibres appartenant au muscle le plus voisin. Chez 
l’homme, le muscle constricteur de la glande de Cowper est re- 
présenté par les fibres postéro-externes du transverse profond. 

XVIIT. — Le muscle ischio-uréthral du cheval n’est qu’une por- 
lion du constricteur de la glande de Cowper, l’autre portion 
étant formée par la bandelette émanée du sphincter uréthral. 
C'est donc à tort que l’on décrit ces deux moitiés d’un même 
muscle comme deux muscles indépendants. 


RECHERCHES 


SUR 


L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS 


Par M. le D' Mathias DUVAL 


(Suite) (1) 


PLANCHES X ET XI. 


DU NERF FACIAL CHEZ L'HOMME. 


. Après avoir étudié les origines du facial sur un animal, tel 
que Je chat, chez lequel la région bulbo-protubérantielle est peu 
compliquée de fibres transversales, 1l devient très-facile d'aborder 
la même étude sur des coupes des centres nerveux de l'homme. 
Le facial de l’homme présente, exactement comme celui des 
animaux, un trajet coudé, depuis le point où se fait son émer- 
gence jusqu'à celui où il aborde son noyau inférieur. Mais, chez 
l’homme, ce coude, ce genou du facial, pour employer l’expres- 
sion de Deiters (voy. l'historique ci-après), se complique de deux 
fortes inflexions que subit la partie supérieure du facial, depuis 
| l'extrémité supérieure du fasciculus teres jusqu’au lieu d’émer- 
gence. En effet, tandis que le facial, chez la plupart des animaux, 
se porie directement d’arrière en avant et de dedans en dehors, 
depuis le noyau commun du facial et de l’oculo-moteur externe 
jusqu’à la surface antéro-externe de la région bulbo-protubéran- 
uelle, chez l’homme cette partie du trajet n’est nullement directe : 
1° En partant du noyau commun du facial et de l’oculo-mo- 
teur externe, le tronc facial efférent chemine d’abord horizonta- 
lement et directement de dedans en dehors, sous le plancher du 
quatrième ventricule (pl. IL (2), fig. 4, en 7); arrivé à l’angle ex- 
terne de ce plancher, il se dirige alors en avant et en dehors (en 
7’, fig. 4, pl. IN). Il forme donc un coude dans le plan horizon- 
(4) Voy. Journ. de l’Anat. et de la Physiol., septembre 1876, p. 496. 


(2) Nous avons numéroté les deux planches de notre travail jointes à cette livrai- 
son, II et IV, pour faire suite aux précédentes numérotées I et IT. 


182 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


tal représenté figure 1, planche IT. Ce coude avait été déjà par- 
faitement décrit par Vulpian, qui le premier a suivi le facial chez 
l'homme, dans sa portion horizontale et transversale sous le 
plancher du quatrième ventricule (voy. l'historique ci-après). 

2° Lorsque le facial,se dirigeant vers son émergence, comme le 
montre la figure 1 de la planche IT (en 7), arrive vers les couches 
profondes des fibres transversales de la protubérance, il ne les 
traverse pas, mais les contourne en s’inclinant en bas, de sorte 
qu'il vient émerger sous le bord inférieur du pédoncule céré- 
belleux moyen: ilest donc impossible, chez l’homme, d'obtenir, 
comme chez le chat, dans une seule coupe perpendiculaire à 
l'axe nerveux, à la fois l'émergence du facial et sa jonction avec 
l'extrémité supérieure du asciculus teres : ainsi, cette émer- 
gence ne se voit pas dans la figure 1 de la planche IIT ; elle se 
voit seulement dans la figure 3 de la planche IV (en 7), c’est-à- 
dire sur une coupe qui passe précisément par l'extrémité infé- 
rieure du fasciculus teres (en 1, fig. 5) et qui comprend la partie 
moyenne du noyau inférieur ou noyau propre du facial. 

On comprend dès lors toutes les difficultés de l'étude des ori- 
gines au facial, quand on aborde directement cette étude chez 
l’homme : on comprend toutes les hésitations des auteurs, tels 
que Sülling, Schrœder van der Kolk, Clark, Dean, etc., qui con- 
sidérent le facial comme le nerf le plus difficile à suivre de son 
origine apparente à son origine réelle, c’est-à-dire à ses noyaux. 
Même en étudiant ces parties sur les animaux, ces auteurs ne 
sont point arrivés à reconnaître entièrement les connexions du 
facial avec son véritable noyau inférieur; c'est qu’ils n’avaient 
pas assez multiplié les coupes dans une étendue très-restreinte, 
et qu'ainsi, faute de pièces où toutes les transitions se fissent 
d’une manière insensible, ils ont dû fatalement s’égarer en in- 
duisant de prétendues connexions d’après des idées préconçues. 

Après l'étude que nous avons faite du facial chez le chat, la 
description du facial chez l’homme pourra se réduire à une explica- 
tion détaillée des deux planches annexées au présent mémoire. 
Quoique nous ayons multiplié les coupes au point de conserver 
toute la série des préparations dans lesquelles se trouve quelque 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 183 


détail des parties appartenant au facial, il nous était impossible 
de donner le dessin de toutes ces tranches de la région bulbo- 
protubérantielle. Nous avons seulement représenté celles qui 
donnent les régions où se font les transitions les plus impor- 
tantes, el nous pensons qu'elles suffiront pour permettre la dé- 
monstration des origines du facial, en ayant égard aux nombreux 
points identiques que présente la disposition de ce nerf chez 
l’homme et chez le chat. | 

Nous suivrons ici le facial depuis ses parties les plus infé- 
rieures jusqu’à son émergence, c’est-à-dire vers les parties supé- 
rieures. 

La figure 4 (pl. IV) représente une coupe pratiquée au niveau 
de l’extrémité toute supérieure des olives bulbaires : la lame 
grise olivaire forme ici un dessin polygonal irrégulier (OT); on 
voit en avant les cordons pyramidaux (P,P'); en arrière et en 
dehors (en 3, fig. A), on voit un amas de substance grise, formé 
de trois ou quatre îlots intimement accolés. Cette masse grise, 
située immédiatement en dedans de la racine ascendante (V) ou 
bulbaire du trijumeau, n’est autre chose que le noyau inférieur 
du facial, ainsi que le fait prévoir ses analogies de situation et de 
configuration avec le noyau homologue du bulbe du chat, ainsi 
que va le démontrer l'examen de coupes successives faites à des 
niveaux plus élevés. Déjà, dans la coupe en question (fig. A), on 
voit que ce noyau (3) est bien limité en dedans, en avant et en 
dehors, mais qu’en arrière 1l donne naissance à une série de 
tractus (cylindres-axes) qui se dirigent obliquement (4) en ar- 
rière et en dedans vers l’extrémité postérieure du raphé. Mais ils 
n’arrivent pas jusqu’à cette extrémité postérieure, parce qu’ils 
ont une direction oblique légérement ascendante, et qu’ils sont 
sectionnés successivement, après un trajet plus ou moins consi- 
dérable. 

Mais sur une coupe pratiquée (fig. 3, pl. [V) à un niveau supé- 
rieur, on voit ces fibres (fibres radiculaires inférieures du facial) 
arriver jusqu'à l'extrémité postérieure du raphé, et s’y condenser 
en un faisceau situé immédiatement au-dessous du plancher du 
ventricule (en 4, fig. 3). Le noyau gris (3); d’où elles partent, 


184 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


se présente avec les mêmes caractères que dans la figure précé- 
dente. Le faisceau qu’elles forment (en 1) n’est autre chose que 
le fasciculus teres coupé perpendiculairement à la direction de 
ses fibres. 

Sur une coupe succédant à la précédente dans une série 
ascendante, le fasciculus teres (1, fig. 2, pl. HI) s’est considéra- 
blement grossi par l’apport de nouvelles fibres venant du noyau 
fascial inférieur (3), toujours bien visible sur cette coupe, comme 
sur toutes les coupes intermédiaires. De plus, le fasciculus teres 
a pris une forme un peu rubanée, de telle sorte que sa coupe est 
ovale plutôt que circulaire. En même temps, on voit apparaître 
sur le côté antéro-externe de ce fasciculus une nouvelle masse 
grise (2, fig. 2, pl. I) qui n’est autre chose que le noyau du 
nerf moteur oculaire externe, dont on voit les fibres radiculaires 
se diriger directement en avant, comme chez le chat, en décri- 
vant seulement deux très-légères courbes dans le plan hori- 
zontal. 

Les détails intéressants à étudier à ce niveau sont les rapports 
de ce noyau oculo-moteur externe avec les fibres qui vont du 
noyau facial inférieur au fasciculus teres. Ces fibres (4, fig. 2) 
ne vont plus directement de leur lieu d’origine vers l'extrémité 
postérieure du raphé: le noyau oculo-moteur externe se trouve 
interposé sur ce trajet; les fibres inférieures du facial contour- 
nent donc ce noyau, en décrivant une courbure à convexité pos- 
téro-externe ; mais, tout en décrivant cette anse, quelques-unes 
des fibres traversent la partie la plus postérieure du noyau oculo- 
moteur externe et reçoivent de lui des fibres additionnelles. Il 
en résulte que le fasciculus teres, si volumineux en ce point, est 
formé non-seulement de fibres venues du noyau facial inférieur, 
mais encore de fibres venues du noyau oculo-moteur externe, 
c’est-à-dire, en d’autres termes, que ce dernier noyau est com- 
mun à la fois au nerf moteur oculaire externe et au nerf 
facial. 

L'examen de coupes faites à des niveaux successivement plus 
élevés nous amène bientôt à des préparations semblables à celle 
représentée par la figure 1 (pl. II). Ici on voit l'extrémité supé- 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 485 


rieure du fasciculus teres et sa continuité avec le facial efférent : 
on voit que le tronc du facial, à peu près définitivement consti- 
tué, abandonne le trajet perpendiculaire au plan de la coupe 
(fasciculus teres, 1, fig. 1, pl. I) pour prendre une direction 
d’abord transversale (7), puis une direction oblique en avant et 
en dehors (7), restant tout le temps compris dans le plan même 
de la coupe jusqu’à ce qu'il atteigne les faisceaux les plus posté- 
rieurs des fibres transversales de la protubérance (en 7, fig. 1, 
pl HI). | 

À ce niveau, le noyau inférieur du facial se présente encore: 
il est sectionné au niveau de son extrémité toute supérieure et se 
montre sous l’aspect de deux amas gris (3, 3) placés le long du 
bord interne de la portion oblique (7) du facial et envovant 
quelques fibres vers la portion transversale (7) de ce nerf. 

En somme, ce qu’il importe de préciser le plus nettement ici, 
c’est la position et les rapports de ce noyau inférieur du facial à 
ses divers étages : or, il est facile de voir, d’aprèsles descriptions 
précédentes, que l'extrémité tout inférieure du noyau facial 
inférieur (fig. 4, pl. IV) est placée au milieu des fibres longitu- 
dinales du bulbe, tout près de la surface antéro-externe de cette 
portion de l’axe cérébro-spinal, c’est-à-dire presque en contact 
avec le fond du sillon latéral du bulbe. A ce niveau, le seul fais- 
ceau distinct avec lequel ce noyau soit en rapport, c'est la racine 
ascendante ou bulbaire de la cinquième paire. 

Il en est de même pour les étages moyens de ce noyau (fig. 3, 
pl. IV). 

Vers les étages supérieurs de ce noyau, les dispositions devien- 
nent plus complexes par suite de l'apparition de formations nou- 
velles. En effet, le noyau facial inférieur est ici (fig. 2, pl. ID) 
toujours en rapport avec la racine bulbaire du trijumeau, mais 
à son côté interne se montre une masse grise formée d’une dou- 
ble lamelle contournée, dont la disposition rappelle un peu celle 
de l’olive bulbaire. Cette formation, bien plus nette dans la ré- 
gion bulbo-protubérantielle des animaux, tels que le chat, le 
chien, le mouton, porte, depuis les travaux de L. Clarke, de Dean, 
de Schræder van der Kolk, le nom d'olive supérieure ; nous lui 


186 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


avons conservé ce nom dans l’étude précédemment faite du facial 
chez le chat; nous le lui conserverons donc également chez 
l’homme. Nous dirons donc que les parties supérieures du noyau 
facial inférieur de l’homme sont situées entre l’olive supérieure 
et la racine ascendante du trijumeau. 

Mais, plus haut encore, au niveau de l’extrémité toute supé- 
rieure du noyau facial inférieur, l'olive supérieure et la racine 
ascendante du trijumeau (fig. 4, pl. IT) se rapprochent et chas- 
sent pour ainsi dire en arrière le noyau facial (3 et 4), ne lais- 
sant entre eux qu’un intervalle suffisant pour le passage du tronc 
efférent du facial (VIE, fig. 1). 

Comme nous le verrons dans l'historique ci-après, le noyau 
facial inférieur et l'olive supérieure ont été souvent, par divers 
auteurs, confondus en une seule et même masse. Cependant il 
est facile de se convaincre, d’une part, que ces parties sont tou- 
jours bien isolées l’une de l’autre, et, d'autre part, qu’elles ren- 
ferment des cellules nerveuses de nature tout à fait différente. 
La figure 6 (pl. IV) représente les grosses cellules étoilées qu’on 
rencontre dans toute la hauteur du noyau facial inférieur, des- 
sinées à un grossissement de 280 diamètres ; elles sont multipo- 
aires, avec un protoplasma granuleux à amas pigmentés, avec 
un noyau clair sphérique et un nucléole foncé : elles sont en tout 
semblables, sauf leur dimension un peu plus considérable, aux 
cellules du noyau moteur oculaire externe ou facial supérieur 
(fig. 7, pl. IV). Au contraire, les cellules qui forment l’olive supé- 
rieure se présentent telles qu’elles sont dessinées figure 8 (pl. IV), 
toujours à un grossissement de 280 diamètres, sous forme de 


petites cellules en fuseau, n'ayant de prolongements qu’à leurs 


deux extrémités, munies d’un noyau clair et d’un nucléole extré- 
mement petit; on n’aperçoit dans leur protoplasma aucune par- 
tie pigmentée. 

Pour résumer d’une manière synthétique le trajet du faisceau 
radiculaire du facial, nous l’avons représenté dans le schéma de la 
figure 5 (pl. IV) ; le bulbe est vu par sa face postérieure (plancher 
du quatrième ventricule): du côté droit, le quart supérieur de 
la région bulbo-protubérantielle a été enlevé par deux sections: 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 187 


l’une suivant le plan médian antéro-postérieur, l’autre suivant 
un plan horizontal (ou pour mieux dire perpendiculaire à l’axe 
du bulbe) passant par le point d’émergence du facial et de l’acou- 
stique. En suivant le facial (7) de la superficie vers la profon- 
deur, c’est-à-dire de son émergence vers ses noyaux, on le voit 
changer cinq fois de direction et présenter cinq parties dis- 
tinctes : 4° il se dirige obliquement (7) d'avant en arrière et de 
dehors en dedans ; 2° (7) directement de dehors en dedans; 3 il 
parcourt un très-court trajet (1’) parallèlement à l'axe du bulbe 
(fasciculus teres) ; 4° il va directement de dedans en dehors (4); 
5° il se dirige enfin obliquement en avant et en dehors pour at- 
. teindre son noyau inférieur (en 3). 

Quelle est exactement la longueur du fasciculus teres, ou, en 
d’autres termes, quelle distance sépare le plan dans lequel 
émerge le facial du plan passant par la partie inférieure de son 
noyau inférieur? Cette question est facile à résoudre sur des 
coupes parallèles à l’axe du bulbe, coupes sur lesquelles on peut 
directement mesurer les longueurs et les distances en question. 
Comme ces coupes nous seront également utiles pour l'étude du 
nerf trijumeau, nous nous réservons d’en donner alors seule- 
ment une série de dessins, et d'étudier alors avec détail les 
questions que nous venons de poser. Pour le moment, nous 
dirons seulement, sans en donner la démonstration, que le 
fasciculus teres n’a guère plus de 4 millimètre à 2 millimètres 
de longueur. 


HISTORIQUE. 


Pendant longtemps on s’est occupé de rechercher non pas les 
noyaux d'origine des nerfs, mais de préciser la nature des fais- 
ceaux blancs au niveau desquels 1ls émergent et dont on les 
regardait comme une émanation directe. C’est ainsi que Longet 
a décrit le faisceau latéral de la moelle comme se prolongeant 
en partie dans le bulbe et la protubérance; le fait de cette pro- 
longation d’un faisceau qu’il considère comme moteur lui suffit 
pour se rendre compte de l’origine des nerfs moteurs de la pro- 
tubérance et de la partie supérieure du bulbe. « Nous avons 


188 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


prouvé, dit-il (1), que ce faisceau est destiné au mouvement et 
qu'il donne insertion à quatre nerfs moteurs : le spinal, le facial, 
le masticateur et le pathétique. C’est au moment même de s’en- 
gager dans l'épaisseur de la protubérance que le faisceau latéral 
laisse surgir le nerf facial, qu’il m’a toujours été impossible de 
poursuivre profondément et au delà de son point d’émergence. 
Les anatomistes qui, avec Malacarne, disent avoir poursuivi le 
nerf facial jusqu’au plancher du quatrième ventricule, ou bien 
dans le corps restiforme, me paraissent avoir émis une asser- 
tion que ne sauraient légitimer les recherches les plus minu- 
tieuses. » 

C’est ainsi que déjà Ch. Bell (2), voyant le nerf facial émerger 
d’une colonne blanche, sur le trajet de laquelle émerge égale- 
ment le nerf vague, le spinal, considérait tous ces nerfs comme 
faisant partie d’un même système (système des nerfs de la respi- 
ration). « Je prouvai, dit-il, par une expérience, que le nerf qui 
se distribue aux muscles de la face est le muscle respiratoire de 
la face, et, de là, je conclus qu’il a l’origine que nous voyons et 
qu'il suit la même marche que les nerfs respiratoires, parce qu’il 
est nécessaire pour associer les joues, les narines et les lèvres 
aux autres muscles employés dans la respiration, la parole, etc.» 

C'est ainsi également que A. Serres (3), s’attachant à conduire 
les racines du facial vers les cordons antérieurs du bulbe, prend 
pour racines de ce nerf soit des fibres arciformes sus-olivaires, 
soit les faisceaux les plus inférieurs du trapèze. « L'insertion du 
facial, dit-il, se fait sur la même partie de la moelle allongée que 
celle de l’auditif ; mais, tandis que les racines de l’auditif se por- 
tent en arrière, celles du facial se dirigent vers la partie anté- 
rieure de la moelle allongée, au-dessus de la partie supérieure 
de l’olive du même côté. » | 

C’est ainsi, enfin, que Lieutaud et Sœmmering faisaient naître 
le moteur oculaire externe des pyramides, tandis que Santorini 


(1) Anal. et physiol. du syst. nerv., t. II, 1842, p. 408. 


(2) Exposition du système naturel des nerfs du corps humain, trad. par J. Ge-. 


nest. Paris, 1825, p. 33. 
(3) E.-A. Serres, Anatomie comparée du cerveau. Paris, 1824, t. I, p. 436. 


si né sé bé on 4-2 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 189 


et Zinn en cherchaient l’origine à la fois dans les fibres super- 
ficielles des pyramides et de la protubérance. (Vosr, pour ces opi- 
nions auciennes, Vulpian : Essai sur l'origine de plusieurs paires 
crâniennes, 1853, p. 30.) 

Natalis Guillot (4) n’a pas non plus poursuivi le nerf facial dans 
la profondeur ; il a pratiqué des coupes du bulbe et de la protu- 
bérance, mais il a attribué au facial des masses grises aperçues 
dans les couches les plus superficielles de ces centres nerveux; 
il est difficile, même à l'inspection de ses nombreuses figures, de 
dire quelles sont les véritables masses grises qui ont fixé son 
examen; nous pensons cependant, notamment d'après la fi- 
-gure 156de sa planche X[, qu'il a pris comme noyau du facialce qui 
est en réalité la substance gélatineuse placée dans la concavité de 
la racine bulbaire ou ascendante du trijumeau : «A linsertion 
du nerf facial, dit-il, se présente un amas de matière grise qui 
supporte immédiatement la racine nerveuse... Cette portion de 
substance grise est placée en avant et en dedans du corps resti- 
forme. » (Op. ct., p. 248 et 249.) 

Bien autrement précise est la description que, dès 1853, Vul- 
pian donne du trajet des fibres radiculaires du facial. S'il n'a 
pas conduit ces racines jusque dans le noyau dit 2n/érieur, dont 
la connaissance est de date toute récente, il a du moins suivi très- 
exactement les deux premières parties du facial chez l’homme, 
et indiqué la première courbure qu'il décrit en s’inclinant sous 
le plancher du quatrième ventricule. « Les radicules du nert 
facial, dit Vulpian (2), plongent directement d'avant en arrière 
dans le bulbe... Elles traversent toute l'étendue du bulbe en 
suivant la même direction... Cette racine atteint le plancher du 


(1) Exposilion anat. de l’organisat. du centre nerveux chez les vertébrés. Paris, 
Tout, p. 246. 


(2) A. Vulpian, Essai sur l'origine de plusieurs paires de nerfs crâniens (Thèse. 
de Paris, 1853, n° 170). : 

— Sur l’origine profonde des nerfs de la sixième et de la septième paire (Société 
de Biologie, juillet 14853, p. 99). 

— Note sur quelques points de l’anatomie du bulbe rachidien el de la prolube- 
rance annulaire chez l’homme (Soc. de Biologie, décembre 1858, t. V, p. 170). 

Vulpiau et Philippeaux, Note sur quelques expériences faites dans le but de déter- 
miner l’origine des nerfs pro‘onds de l’œil (Société de Biologie, avril 1854, p. 43). 


190 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


quatrième ventricule au niveau de son bord externe; elle devient 
alors superficielle et change de direction. Elle marche alors de 
dehors en dedans et un peu d’arriére en avant. À mesure qu’elle 
s'approche du sillon médian, elle devient de plus en plus super- 
ficielle. A ce niveau, elle n’est, pour ainsi dire, recouverte que 
par la membrane qui tapisse le plancher du quatrième ventri- 
cule, et elle s’élargit en éventail, » De plus, suivant Philippeaux 
el Vulpian, ces racines du nerf facial d’un côté s’entre-croisent 
eu partie dans le plan médian du bulbe avec celles du côté 
opposé. — P. Gratiolet (4) reproduit la description de Vulpian et 
l’adopte. Les remarques dont il la fait suivre marquent bien les 
tendances nouvelles d'après lesquelles on ne cherche plus l’ori- 
oine des nerfs crâniens dans des colonnes blanches, mais dans 
des noyaux gris faisant suite à la substance médullaire centrale : 
€ En résumé, dit-1l, c’est dans le plancher du quatrième ventri- 
cule que plongent les racines du facial, c’est-à-dire dans cette 
lame grise si riche en cellules multipolaires, qui prolonge dans 
le bulbe l’axe gris de la moelle. J’insiste sur ce mode d’origine, 
qui a été jusqu’à présent celui de tous les nerfs moteurs. » 
(Op. cut., p. 207.) 

Ainsi, Vulpian est le premier qui ait suivi le facial dans la pro- 
fondeur et, l’ayant conduit jusque sur les parties latérales du 
plancher du quatrième ventricule, ait décrit le coude qu’il forme 
à ce niveau (chez l’homme) pour se diriger vers la ligne médiane. 
Ce résultat déjà três-net est encore plus remarquable quand on 
songe aux procédés de recherches employés par Vulpian, qui 
disséquait et poursuivait les racines nerveuses sur des cerveaux 
macérés pendant huit à quinze jours dans de l'alcool. On com- 
prend combien un pareil mode d’examen pouvait aisément met- 
tre l’analomisie sur de fausses pistes, et le porter à confondre 
avec des racines les fibres blanches immédiatement conliguës. 
C’est sans doute ce qui est arrivé pour le nerf moteur oculaire 
externe, dont Vulpian décrit l’origine dans les termes sui- 
vants (2) : 


(4) Anal. comp. du syst. nerv.,t. 11, 4857, p. 206. 
(2) Essai sur l’origine de plusieurs paires de nerfs cräniens, p. 29. 


= s'lsté ml bes… must ot 


mi 


éd mé s: sin. 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS.' 191 


« Lorsqu'on a enlevé les membranes qui tapissent la fosse 
sus-olivaire, il n’est point rare d’apercevoir un ou deux filets ori- 
ginels de la sixième paire qui traversent superficiellement cette 
fosse dans toute sa largeur, de façon qu’on peut les suivre sans 
préparation depuis le collet de la pyramide jusqu’au niveau de 
l’origine apparente du nerf facial ; là, ils disparaissent. Or, tous 
les filets originels du nerf moteur oculaire externe suivent cette 
direction, mais ils sont un peu plus profondément placés. Tous, 
ils marchent au-dessous de la fosse sus-olivaire, depuis le collet 
de la pyramide antérieure jusqu’au niveau du corps restiforme, 
en dedans duquel ils changent de direction, etc., etc.; ils attei- 
gnent, dit-il, la paroi du quatrième ventricule à un centimètre 
environ du sillon médian. » 

À l’époque où Vulpian publiait ses recherches sur l’origine «de 
quelques nerfs crâniens, Stilling venait de faire paraître en Alle- 
magne son magnifique in-folio sur la structure des centres ner- 
veux (1). Cet auteur procédait à ces recherches en pratiquant des 
coupés plus ou moins fines, lesquelles étaient fidèlement dessi- 
nées. Ces magnifiques planches resteront à jamais célèbres : 
toutes les parties que nous avons décrites à propos du facial y 
sont parfaitement représentées. Mais combien l’interprélation de 
ces planches est inférieure à leur exécution ! Il semble que Sul- 
ling n’a pas voulu voir les connexions qu'aujourd'hui nous nous 
chargerions de démontrer en n'ayant recours qu’à ses propres 
figures. Il représente parfaitement l’amas gris que nous dési- 
gnons comme noyau inférieur du facial ; mais, le voyant placé 
(Sulling, op. cit., pl. Let pl. IT enr, el texte p. 163) tout con- 
tre la racine ascendante ou bulbaire du trijumeau, il n'hésite 
pas à en faire le noyau moteur de la cinquième paire. Il repré- 
sente non moins exactement le Jasciculus teres, mais il en fait 
une racine du trijumeau (radicem constantem  postericrem 
N. trigemini, texte p. 164). — Il confond l’olive supérieure 
(op. cit., pl. IT en SS) avec le noyau facial inférieur (pour lui noyau 
masticateur). — Il n’y a que le noyau commun au facial et au 


(1) B. Stilling, Untersuchungen über den Bau des Gehirns. lena, 1846. 


192 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


moteur oculaire externe qui soit exactement interprété par lui. 
—SursaplancheIV, rien n’est plus évident que la continuité du fas- 
ciculus teres avec le facial émergent (portion transversale) ; mais 
Sülling n’y voit qu’une disposition bizarre dans laquelle sa racine 
de la cinquième paire (radix constans trigemini) serait entourée 
comme d’une fourche par les racines du facial, etc. 

Schrœder van der Kolk a mieux vu que Stulling toutes les par- 
ties qui lorment et les noyaux et les fibres radiculaires du 
facial (4), mais il en a interprété les connexions d’une manière 
malheureuse et souvent fort obscure. 

Ce que nous appelons jasciculus teres, Schræder ne le consi- 
dère pas, ainsi que Sülling, comme un faisceau radiculaire du 
trijumeau, mais 1l en fait une racine de l’acoustique (une barbe 
du calamus, p. 110, op. ctt.). 

Le noyau commun du facial et du moteur oculaire externe, 
SchrϾder en fait uniquement un unique noyau du facial (op. cit., 
p. 121). Quelle origine assigne-t-il alors au moteur oculaire 
externe? Ici, Schrœder fait évidemment ce qu’on a appelé de 
l'anatomie de commande, lorsque, pour satisfaire à certaines 
idées physiologiques préconçues, il fait remonter les fibres radi- 
culaires de ce nerf de chaque côté du raphé, jusqu'au noyau du 
nerf moteur oculaire commun (op. cit., p. 121 et surtout p.123). 

Enfin, Schrœder a bien vu l’olive supérieure : il l’a d’abord 
découverte chez les ruminants (op. cit., p. 160), mais il confond 
en une même masse celte formation olivaire à petites cellules et 
la masse grise adjacente à grosses cellules multipolaires (noyau 
inférieur du facial). De cet ensemble de substance grise, il a bien 
vu parür des fibres se dirigeant en arrière vers le noyau du 
facial, mais il ne voit dans ces fibres qu’une connexion entre le 
facial et un appareil olivaire accessoire (op. cit., p.167). Il faut 
se rappeler, en effet, que Schræder regardait les olives bulbaires 
comme des appareils accessoires annexés aux nerfs hypoglosses, 
et qu'il en faisait un centre coordinateur de l'expression par Ja 


(1) G. Schræder van der Kolk. Baw und Functionen der Medulla spinalis and 
oblongata, eic. (Aus dem holland. Ubertragen von T. Teile. — Braunschweig, 
1859). 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 193 


parole. « Or, dit-il (p. 167), si les olives supérieures sont si 
développées chez les carnivores, c’est que chèz ces animaux les 
passions, notamment la colère, sont exprimées surtout par le 
mouvement des lèvres ». | 

John Dean (1) n’a décrit comme noyau du facial que le noyau 
qui lui est commun avec le moteur oculaire externe ; il donne à 
ce noyau, qui fait saillie sur le plancher du quatrième ventri- 
cule, le nom de fasciculus teres, sans appliquer plus spéciale- 
ment, comme nous le faisons aujourd’hui, cette dénomination 
au cordon de fibres nerveuses qui côtoie le plancher du ven- 
tricule, entre le noyau sus-indiqué et l'extrémité postérieure du 
raphé. Il n’est pas fixé, du reste, sur la signification précise de 
ce faisceau : « Lam inclined, dit-il, to consider these columns 
as, at least, partial channels by means of witch the upper por- 
tion of the facial roots are conveyed downwards, either to the 
underlying nucleus, or to decussate below in the raphé. » (P.59.) 
Mais ailleurs il dit : .« With the exception that they are inter- 
minged with descending facial roots, these columns seem to be 
simply bundles belonging to the general system of the longitu- 
dinal postéro-latéral columns, from which they are separated 
to some extend by the facial roots, etc. » (Op. cit., p. 48.) —- 
Il réfute (p. 68) l'opinion de Schrœder van der Kolk relativement 
aux connexions entre l’olive supérieure et le nerf facial, mais il 
continue à confondre en une masse commune l'olive supérieure 
et le véritable noyau inférieur du facial. 

En somme, J. Dean ne s'explique pas nettement sur la nature 
du faisceau que nous nommons /asciculus teres et sur la sub- 
stance grise qui l'entoure. Dans le passage où il énonce le plus 
clairement ses idées à ce sujet, 1l dit seulement : « The fasciculus 
teres wich becomes the nucleus of the sixth and facial nerves, 
ist first seen as a somewhat dark mass on the floor of the fourth 
ventricle, in that part of the auditory nucleus wich represents 


the upward extension of the hypoglossal. » (Op. cit., p. 45 
et 46.) 


(1) J. Dean, The gray substance of the medulla oblongata and trapezium. 
(Smithsonian contribution to knowledge.) Washington, 1864. 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (1877). 13 


194 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


Ces connexions, timidement indiquées par Dean, sont nette- 
ment affirmées par Lockhart-Clarke (1), qui décrit la continuité 
entre le facial et le fasciculus teres ; mais en cherchant où va se 
terminer en bas ce fasciculus teres, il s'égare, c’est-à-dire qu'il 
n’observe pas la brusque réflexion en avant et en dehors qu’é- 
prouve, après un très-court trajet, ce faisceau nerveux, et qu’il 
prétend le poursuivre relativement très-loin le long du plancher 
du quatrième ventricule, jusque dans la partie supérieure du 
noyau de l’hypoglosse : tantôt (op. ct., p. 279) il voit, dans les 
petits amas de cellules petites et sphériques dont est parsemée 
la colonne grise de l’hypoglosse, les noyaux d’origine de son 
fasciculus teres, c’est-à-dire les noyaux inférieurs du facial ; 
tantôt il insiste sur ce fait que le fasciculus teres se recourberait 
en boucle, en ganse autour du noyau commun du facial et du 
moteur oculaire externe (op. cit., p. 56 et 57). Enfin, sa descrip- 
lion est quelquefois obscure, car 1l emploie le mot de fasciculus 
teres lantôt pour désigner uniquement la-région du noyau du 
moleur oculaire externe, tantôt pour désigner toutes les fibres 
descendantes qu’il cherche à poursuivre jusque vers la colonne 
grise de l’hypoglosse, tandis que parfois il donne à ces fibres le 
nom de longitudinal column. 

À l'époque où Lockhart-Clarke publia ces recherches, 1! en fut 
donne eg France, dans les Archives générales de médecine (2),une 
analyse très-complête dans laquelle on crüt devoir traduire l’ex- 
pression de fasciculus teres par celle de faisceau grêle : or, cette 
dernière dénomination est consacrée pour désigner une colonne 
(s/ender column de Clarke) qui côtoie la colonne grise des nerfs 
mixtes. Cetté double confusion était peu propre à jeter de la 
clarté dans la description de Clarke. En ayant égard aux correc- 
tions nécessilées par cette dénomination malheureuse, nous 
reproduirons ici quelques passages de cette analyse française du 
mémoire de Clarke : ils donneront une idée fort exacte de la 
manière dont ont élé comprises chez nous les idées de l’anato- 
misle anglais relativement aux origines du facial. 

(1) Lockhart-Clarke, Researches on the intimale structure of the Brain. 2e séries 


(Philosoph. transact., 1868.) 
(2) Arch, gén. de méd., 1869, p. 97. 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 195 


« Le noyau hypoglosse présente encore une relation d’un 
grand intérêt. Lorsqu'on fait une coupe qui l’intéresse, on voit 
que parmi les fibres qui en émanent quelques-unes se dirigent 
en arrière jusqu'à un petit groupe de cellules et de fibres longi- 
tudinales situées au voisinage du canal central. Ce petit groupe 
forme la portion inférieure d’une colonne fibro-celluleuse qui 
remonte, sous le nom de fasciculus tores (sc), jusqu’au niveau 
du nerf facial. Ainsi, voilà une communication anatomique entre 
les origines du facial et celles de l’hypoglosse. » (Arch. génér. de 
méd., 1869, p. 103.) 

» Ce faisceau (fasciculus teres) prend naissance à peu près à 
Ja hauteur des noyaux spinal et hypoglosse. Il se rapproche en- 
suite du canal central, suit le quatrième ventricule de chaque 
côté du sillon médian et, dans ce trajet, longe le noyau du pneu- 
mogastrique. Arrivé au niveau des noyaux auditifs, il se termine 
dans le noyau interne. » (P. 104.) 

» Ce faisceau (fasciculus teres), de même que le reste de la 
surface du quatrième ventricule, est recouvert par un épithé- 
lium cylindrique. Au-dessous de cette couche se trouve une lame 
de substance grise, composée de fibres et de cellules reliées entre 
elles et aussi avec les parties sous-jacentes. Or, cette lame 
recouvre une expansion du faisceau grêle qui se renfle en un 
volumineux noyau : c’est le noyau facial, dont la constitution 
anatomique est très-analogue à celle des noyaux auditif interne 
et hypoglosse, c’est-à-dire qu'il se rattache au type des cornes 
antérieures. — Les fibres nerveuses qui émanent du noyau facial 
peuvent toutes se partager en trois groupes : 1° les unes, curvi- 
lignes et dirigées en dehors, vont former les racines du nerf 
facial : ce sont les plus nombreuses ; 2° d’autres se dirigent en 
avant et vont gagner le noyau moteur du trijumeau ; 3° quelques- 
unes, émanées du bord interne du noyau, suivent le même sens 
et s’accolent aux fibres du nerf abducteur de l'œil. » 

«……. D’après Lockhart-Clarke, le nerf facial, immédiatement 
au sortir de son noyau d’origine, éprouverait trois changements 
de direction successifs. Il se dirige d’abord transversalement vers 
le sillon médian pendant un très-petit parcours ; là, il s’infléchit 


196 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


brusquement sur lui-même et prend une direction presque per- 
pendiculaire à la précédente, de sorte qu’à ce niveau 1l forme 
un faisceau longitudinal parallèle à la ligne médiane. Bientôt, il 
se recourbe une seconde fois et redevient horizontal pour mar- 
cher de dedans en dehors (vers son émergence). » 

Deiters (1) est le premier auteur qui ait nettement déérit le 
noyau inférieur du facial et précisé ses connexions avec la partie 
longitudinale (/asciculus teres) du facial (Deiters, op. cit., p. 203, 
205 et 229). Il a bien spécifié la double courbure que décrit le 
facial pour aller depuis son point d’émergence jusqu'à son noyau 
définitif; il donne à ce trajet courbe, en fer à cheval, le nom 
de genou du facial (Knie). « Les fibres du facial, dit-il textuel- 
lement (p. 281), ne s'arrêtent pas, comme on l’a dit jusqu'à 
présent, uniquement dans le noyau commun au facial et au mo- 
teur oculaire externe, mais elles forment au-dessous de ce noyau 
même un tronc qui se recourbe complétement en genou à con- 
vexilé postérieure. » Ailleurs, 1l décrit les connexions de ces 
fibrs avec le vrai noyau inférieur du facial. 

La description de ces connexions, faite, 1l est vrai, d’une ma- 
nière un peu morcelée dans les notes laissées par Deiters et 
publiées après sa mort, celte description nous amène bien plus 
loin que tout ce qu’avaient indiqué Clarke et Dean. Deiters est 
incontestablement le premier anatomiste qui ait bien saisi toutes 
les origines du facial. Il nous semble donc que Külliker est sin- 
guliérement injuste à son égard, ou qu’il a bien peu compris la 
portée des descriptions de Deiters, lorsqu'il s'exprime en ces ter- 
mes à ce sujet (2) : « Quant au facial, Deiters décrit comme une 
nouveauté une réflexion en forme de genou que subit la racine 
de ce nerf sur le plancher du quatrième ventricule ; mais cette 
réflexion a déjà assez netlement été reconnue par Dean, qui a 
montré aussi que la racine longitudinale du facial n’est autre 
chose que la racine postérieure constante du trijumeau de 
Sulling, et que Schræder a considéré cette racine comme faisant 
partie de lauditif, » 


(1) Otto Deiters, Untersuchungen uber Gehirn und Ruckenmark, herausgegeben 
v. M. Schulize. Braunschweig, 1865. 
(2) A. Külliker, Éléments d’histologie humaine. Trad. franç. Paris, 1869, p. 383. 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 197 


Depuis Deiters, tous les anatomistes allemands qui se sont 
occupés de recherches microscopiques sur le système nerveux 
ont reproduit la description du genou du facial et de ses deux 
noyaux, en précisant les divers détails que présentent ces dispo- 
sitions complexes des fibres radiculaires du facial. Telle est la 
description de Meynert et de Huguenin; nous n’insisterons pas 
sur l'étude des indications données par ces deux auteurs dont les 
ouvrages sont aujourd’hui dans toutes les mains. 

Luys, dans son bel atlas (/Zconographie photographique des 
centres nerveux, Paris, 1873) désigne bien le noyau du moteur 
oculaire externe (pl. LV, en 7); mais les origines du facial sont 
vaguement indiquées, et ses fibres radiculaires inférieures con- 
fondues avec les fibres émergentes (supérieures) (voy. sa pl. LVT, 
en 7’). Nous sommes donc obligé, pour constater son opinion à ce 
sujet, d’avoir recours à l'ouvrage publié par lui bien antérieure- 
ment. Dans la partie anatomique de son traité paru en 1865, il est 
également difficile de bien comprendre ce qu’il a décrit comme 
noyau du facial: « Les noyaux d'implantation des fibres du nerf 
facial, dit-11 (1), se présentent sous l’aspect de deux petits amas de 
substance grise, situés de chaque côté du raphé médian, parais- 
sant continuer la ligne d'implantation centrale des hypoglosses. » 
Or, si l’on examine la figure à laquelle renvoie l’auteur (2), on 
se trouve en présence d’une coupe du bulbe au niveau de la partie 
la plus large des olives bulbaires: le noyau figuré de chaque 
côlé de la partie postérieure du raphé ne peut être autre chose 
que la partie supérieure de la colonne grise des hypoglosses ; 
quant aux fibres figurées comme fibres radiculaires du facial, 
comprises dans le plan de la coupe, depuis le susdit noyau jus- 
qu'à leur émergence entre la saillie de l’olive et celle du corps 
restiforme, et désignées, dans le texte explicatif, sous le titre 
de « Fibres des nerfs faciaux dans leur continuité, depuis leur 
point d’immergence dans la fossette sous-olivaire jusqu’à leur 
point d'implantation dans les amas de substance grise qui leur 


(1) J. Luys, Recherches sur le système nerveux cérébro-spinal. Paris, 1865. 
(Vol. de texte, p. 88.) 
(2) J, Luys, op. cit. Atlas, pl. VIIL, fig. 4, et texte explicatif, p. 18. 


198 MATHIAS DUVAL. — RECTERCHES 


appartiennent », quant à ces fibres, elles ne peuvent représenter 
que la de des fibres radiculaires les plus supérieures des 
nerfs glosso-pharyngiens. 

Dans une de ses figures (1), Luys représente, il est vrai, le 
noyau inférieur du facial et l’olive supérieure : mais ces deux 
parties sont confondues en une même masse et désignées par lui 
comme « des noyaux de substance gélatineuse propres au triju- 
meau ). 

Le même auteur, dans cette même figure, a très-nettement 
représenté la coupe des deux fasciculus teres, de chaque côté 
de l'extrémité postérieure du raphé (2); mais il est peu fixé 
sur la nature de ce faisceau : 1l le désigne, d’une part, dans 
l'explication des planches, comme la section transversale des 
fibres verticales ascendantes sous-jacentes à la substance gélati- 
neuse de l’acoustique, et, d'autre part, dans le cours de sa des- 
cription des noyaux du moteur oculaire externe, dont il indique 
du reste fort nettement la disposition en dehors et en avant de 
ce que nous appelons fasciculus teres, il considère ce fasciculus, 
comme formé par les fibres efférentes du moteur oculaire ex- 
terne, fibres qui « se relèvent brusquement pour passer au 
raphé » (3). 


EXELICATION DES PLANCHES X #7 XI. 
PLANCHE X. : 


FiG. À. Coupe faite au niveau de la partie supérieure du fasciculus teres. 
R. Raphé. 
P, P. Les cordons pyramidaux. 
VI. Fibres du moteur oculaire externe. 
1. Fasciculus teres. 
2. Noyau commun au moteur oculaire externe et au facial. 
3, 3. Parties supérieures du noyau propre du facial, 
h. Fibres réunissant les groupes de ce noyau et allant à la partie 
transverse (7) des fibres émergentes du facial. 


(1) J. Luys, Rec. sur le syst. nerv. céréb.-spin. Atlas, 1% VIII, fig. 3 en 10 et 10”. 
(2) J. Luys, op. cit., pl. VIII, fig. 3, en 9. 
(3) 3. Luys, op. cit., 1865, p. 88. 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 199 


OS. Olive supérieure. 
VIT. Le facial, près de son émergence, plongeant sous les fibres 
transversales inférieures de la protubérance. 
V,. Racine bulbaire du trijumeau. 
5. Substance gélatineuse placée en dedans de cette racine. 
CR. Coupe du corps restiforme. 
Fi. 2. Coupe faite un peu plus bas que la précédente, au niveau du 
bord inférieur de la protubérance. 
Les chiffres et lettres comme dans la figure précédente. 


PLANCHE XI. 


Fic. 3. Coupe au niveau du sillon qui sépare le bulbe de la protubé- 
rance (gross. 4/1). 

Lettres comme dans la figure précédente, 
VIII. Nerf acoustique. 
8. Sa racine interne. 

__ 8". Sa racine externe. 

Fic. 4. Coupe de la partie toute supérieure du bulbe, au niveau de 
l'extrémité supérieure de l’olive bulbaire (gross. 5/1). 

OI. Extrémité supérieure de l’olive bulbaire. 
c, €, ©. Substance grise du cervelet. 

Fire. 5. Figure demi-schématique montrant le trajet du facial avec ses 
cinq inflexions : ce trajet est marqué VII, 7, 1', 4, 3, de l'émergence 
vers le noyau propre (3). 

4. Saillie correspondant au fasciculus teres. 

P. Cordons pyramidaux. 

V. Racine bulbaire du trijumeau. . 

VIII. Nerf acoustique avec ses racines interne et externe (8). 

H. Colonne correspondant au noyau de l’hypoglosse. 

M. Colonne correspondant au noyau des nerfs mixtes. 

A. Colonne correspondant au noyau de l’acoustique. 

PR. Pyramide postérieure, 

c. Coupe du corps rectiforme. 

a. Coupe du pédoncule cérébelleux moyen. 

b. Coupe du pédoncule cérébelleux supérieur. 

6. Cellules du noyau inférieur du facial (gross. 280). 

Fi. 7. Cellules du noyau moteur oculaire externe (gross. 280). 

Fi. 8. Cellules de l’olive supérieure de l’homme (gross. 280). 


Fr. 


ANALYSES ET EXTRAITS 


DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS 


Persistance du canal de Müller chez l’homme adulte. — Per- 
sistentie der Müllersche gangen bij een volwassen man, par 
J. A. BooGaarD. (Verslagen en mededeelingen der kon. Aka- 
demie van Wetensch.— A fdeel.natuur Kunde,?° reeks.9°decl.) 


L'auteur de cette note publie, à la date de février 1875, l’observa- 
tion suivante, avec une figure des parties anatomiques décrites : 

Chez un homme de 66 ans, mort à l’hôpital académique de Leyde, à 
la suite d’une maladie de Bright, on a trouvé, lors de l’autopsie, outre 
les lésions en rapport avec la maladie, les anomalies suivantes, certai- 
nement congénitales : 

Les reins sont de grosseur inégale; le droit a 10,5 cent. de long, 6 de 
large et À d'épaisseur; le gauche mesure 9 cent. de long, 6 de large 
et 3,5 d'épaisseur. Les uretères sont en même temps très-différents de 
diamètre. Le droit mesure, vers le milieu de son parcours, 1 cent. de 
circonférence ; le gauche, 2 à 2,5 ; à gauche également le bassinet et les 
calices sont plus développés qu’à l’état normal. En dedans des uretè- 
res existe de chaque côté un canal qui dépasse en volume l’uretère près 
duquel il est placé. Ces canaux semblent, à première vue, se rendre du 
rein à la vessie. Le canal de droite a environ la grosseur du doigt 
(3,5 cent. de circonférence); celui de gauche a au moins le double 
(7 à 8 cent.) ; de ce côté également le canal est plus contourné. 

Un examen quelque peu attentif démontre immédiatement que ces 
canaux, tant en ce qui concerne leur origine qu’en ce qui concerne leur 
point d’aboutissement, sont tout à fait distincts des uretères. En effet, à 
leur extrémité supérieure ils ne se trouvent en rapport ni avec le bassinet 
ni avec les calices ; ils contournent le rein de sa région interne à son 
extrémité supérieure où ils se terminent, le droit en pointe, le gauche 
en formant au-dessus de l’extrémité supérieure du rein une sorte de 
cavité ou de vessie arrondie mesurant 7,5 à 8,5 centimètres de dia- 
mètre. 

Dans toute l'étendue de leur parcours, les conduits en question restent … 
situés en dedans des uretères, dont ils sont distincts. A quelques centi- 
mètres de leur extrémité inférieure, ils se placent derrière eux et 
s'unissent à eux, mais sans toutefois que les cavités des deux ordres de 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 201 


conduits se confondent. En effet ils débouchent non comme les uretères 
dans la vessie, mais plus bas dans la région prostatique du canal de l’urè- 
thre sur sa paroi postérieure, près de la ligne médiane, au-dessus du col 
séminal. L’orifice des conduits, aussi bien à gauche qu'à droite, ne 
laisse passer qu'une sonde étroite et ressemble, par ses dimensions, à 
l'ouverture par laquelle les conduits éjaculateurs communiquent avec 
l'urèthre; ils ne présentent, non plus que les vésicules séminales, 
aucune anomalie. Ils débouchent à la façon ordinaire des deux côtés 
de la crête uréthrale. Sur l’éminence elle-même on ne trouve aucun 
orifice conduisant à une utricule prostatique, mais une petite ouver- 
ture, située à 4 ou 5 millim. au-dessous des conduits éjaculateurs, sert 
de terminaison à un conduit remontant sur la ligne médiane jusqu'au 
canal gauche qui se trouve être ainsi en communication avec l’urèthre 
par deux orifices différents, tous les deux très-petits. — Dans les deux 
canaux se trouvait une matière liquide qui malheureusement a été 
perdue par la négligence de ceux qui ont fait l'autopsie. 

Cette observation offre, comme il est facile de le voir, un intérêt con- 
sidérable. Chez l’homme on sait que les conduits de Müller forment, par 
leur extrémité inférieure, l’utricule prostatique (utérus mâle), et on 
indique généralement comme trace de la persistance de leur extrémité 
supérieure une petite vessie pédiculée qu’on trouve entre le testicule et 
l’épididyme. 

En étudiant l'observation publiée par M. J.-A. Boogaard, il est difficile 
de donner à ces deux conduits, placés de chaque côté de la colonne ver- 
tébrale et allant de l'extrémité supérieure des reins à la région prosta- 
tique de l’urèthre, une autre signification que celle de conduits de Mül- 
ler ayant persisté chez l'adulte. En faveur de cette hypothèse on peut 
invoquer non-seulement leur situation et leur complète indépendance, 
à la fois du rein et du testicule, mais surtout leur abouchement dans la 
partie prostatique de l’urèthre. Ces deux faits, le dernier surtout, pa- 
raissent devoir éloigner l’idée que ces conduits soient des uretères sur- 
numéraires. 

M. Boogaard signale lui-même, comme une objection que l’on pour- 
rait faire, la particularité que ces canaux sont restés en rapport avec le 
rein et n'ont pas suivi les testicules dans leur migration. Mais ce fait 
nous paraît surtout propre à attirer l'attention sur la destinée de la région 
supérieure des conduits de Müller chez l'homme ; il n’est pas impossible 
qu'on ait cru à tort retrouver les restes de cette extrémité entre le testi- 
cule et l’épididyme. 

Aucune objection ne saurait être tirée de la non-fusion des deux con- 
duits à leur partie inférieure. Cette indépendance peut fort bien avoir 
été un phénomène directement corrélatif de la persistance anormale 
des deux conduits. 

Un fait curieux également, sur lequel l’auteur de l'observation n’in- 
siste pas, est la différence de diamètre entre ces deux conduits de 


9202 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Müller du côté droit et gauche, qui rappelle l’atrophie unilatérale de 
ces organes chez la femelle des oiseaux. 
G. P. 


Lecons de pathologie générale; les grands processus morbides, 
par M. J. Picor, professeur suppléant à l’École de médecine 
de Tours, avec une introduction de M. le professeur Rosin. 
(G. Masson, 1876.) 


ANALYSE PAR M. V. FELTZ, 


Il est difficile de faire un compte rendu méthodique du livre de 
M. Picot, parce qu'il est rempli de faits qui s’enchainent si bien dans 
toute démonstration que l’on ne pourrait en avoir une notion précise 
par quelques extraits ou des analyses plus ou moins écourtées. 

Pour donner une idée exacte de l’ouvrage, il vaut mieux indiquer les 
principes qui ont guidé l’auteur dans ses énormes recherches biblio- 
graphiques et dans la saine application des connaissances théoriques et 
expérimentales actuellement acquises à l’étude de son sujet. 

Ce qui indique d'emblée le mérite de son travail, c'est la remarquable 
préface de M. Robin dans laquelle l’éminent professeur de Paris montre 
le trait d'union anatomique et physiologique qui relie l’état sain à l’état 
dit de maladie. 

M. Picot en écrivant son livre s’est placé sur le terrain des faits de 
biologie absolument admis ou expérimentalement démontrés. Il fait 
rentrer la pathologie dans le cadre dessciences physiologiques desquelles 
relèvent tout aussi bien les lois qui régissent la naissance, la vie ou 
la mort de chaque élément anatomique, la formation, la composition de 


chaque humeur, que celles qui ordonnent les modifications organiques 


ou fonctionnelles de ces mêmes unités solides ou liquides desquelles 
dépendent les états particuliers de l’organisme que l’on appelle les 
maladies. 


En analysant chaque processus morbide, M. Picot montre comment il 


entend appliquer aux études de pathologie les connaissances physiques, 
chimiques et expérimentales que nous avons aujourd’hui à notre dis- 
position. 

Les chapitres sur l’anémie, la congestion, l’embolie, l’inflammation et 
la fièvre peuvent servir de modèles d'étude de physiologie analytique et 
synthétique du sang. 

Dans les leçons si intéressantes que nous venons de citer, l’auteur 
procède du simple au composé. Après avoir mis le lecteur au courant 
des faits saillants concernant la composition, la circulation du sang et 
des sucs nutritifs, il développe ses idées sur ce que j'appellerais volon- 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 203 


tiers les maladies physiques, chimiques et organiques du liquide nour- 
ricier ; il y rattache immédiatement l’étude des hypertrophies, des hyper- 
plasies et des dégénérescences, et envisage ces processus comme plus ou 
moins liés à la quantité et à la qualité des sucs nutritifs. 

Après avoir éudié l’anémie dans toutes ses formes, l'hyperhémie dans 
toutes ses modalités, l’auteur nous place dans l’article inflammation en 
présence des déductions anatomiques et physiologiques que l'examen 
approfondi des lésions du sang impriment à l’évolution organique qui 
fait la base du processus inflammatoire. M. Picot nous conduit ainsi à 
admettre avec lui une inflammation destructive et une inflammation 
_formative, à saisir les nuances qui séparent du processus inflammatoire 
proprement dit, tout travail hypertrophique ou de dégénérescence. 
Disons ici que, pour bien comprendre M. Picot, il faut se rappeler que 
pour lui les mots d’hyperhémie et d’anémie comportent dans les tissus 
non vasculaires l'excès ou le manque relatif des sucs nutritifs ultimes, 
et que dans les tissus vasculaires il y a entre ces sucs et le sang une 
espèce de parallélisme constant quant à la composition fondamentale. 

Après avoir discuté les différentes théories émises sur la fièvre que 
M. Picot considère à bon droit comme un processus morbide très-impor- 
tant, nous le voyons dans sa définition s’arrêter d’une part à considérer 
la persistance de la chaleur anormale comme la fièvre elle-même, et à 
assurer d'autre part que l'augmentation de température tient à des phé- 
nomènes de combustion intra-organique exagérés et à une certaine ré- 
tention de calorique dépendant d’une influence du grand sympathique. 
Sur tous ces points je me permets d’opposer quelque résistance que tout 
letalent de M. Picot n’a pu vaincre, car de nombreuses expériences surla 
digitale, les bains froids et autres médications grâce auxquelles on peut 
maintenir un animal normal ou fiévreux pendant très-longtemps à deux, 
trois et quatre degrés au-dessous de la température régulière, me font 
supposer que l’élément chaleur n’est, somme toute, qu’un facteur de la 
fièvre, tout comme l'excitation du pouls, la précipitation des mouve- 
ments respiratoires, l’anorexie, la soif ou tout autre manifestation du 
cortége fébrile. 

Quant à l’idée théorique de Dumas et de Liebig que l’urée serait un 
produit d’oxydation des matières albuminoïdes et que toute élimination 
d'urée dépassant la normale indiquerait une combustion exagérée et 
partant déterminerait une surélévation de la température, je ne puis la 
partager d’une manière absolue. Cette théorie vraie, peut-être dans une 
certaine limite, est loin d’être vérifiée par tous les faits, Il y a bien des 
fièvres dans lesquelles l'augmentation de température coïncide avec 
une diminution d’urée, et pour une même fièvre, il y a souvent des 
variations d’urée qui ne sont nullement en rapport avec celles de la 
chaleur. Ces faits s’expliquent, jusqu’à un certain point, en tenant 
compte des travaux intéressants de M. Schutzenberger qui nous font 
prévoir que l’urée formée dans l’économie n’est pas exclusivement un 


204 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


produit d’oxydation, mais peut être envisagée comme formée à la suite de 
dédoublements dans lesquels l'oxydation ne joue pas de rôle. Quoi qu'il 
en soit de la théorie, des expériences nombreuses commencées à Stras- 
bourg et continuées à Nancy établissent le fait clinique jusqu’à l’évi- 
dence, et rendent compte des erreurs qui ont été commises par beaucoup 
d'analystes. 

Les quelques critiques que je me suis permises n’enlèvent rien au 
mérite réel du livre de M. Picot qui, j'en suis sûr, établira d’une ma- 
nière solide la notoriété scientifique d’un ami, que des circonstances 
fortuites seules, ont empêché de devenir mon collègue à Strasbourg. 


Recherches sur les propriétés physiologiques et le mode d'élimi- 
nation de l’éther bromhydrique, par M. RaBurTEau. (Comptes 
rendus de l’Académie des sciences, 1876, t. LXXXIIE, p.1294.) 


L’éther bromhydrique ou bromure d’éthyle, CHÿBr, est un liquide 
incolore, d’une odeur agréable, bouillant vers 40 degrés, ayant une den- 
sité de 1,43 et brülant difficilement. 

J'ai fait sur cet éther, dont le point d’ébullition et la densité sont in- 
termédiaires à celles du chloroforme et de l’éther sulfurique, diverses 
recherches dont je citerai les conclusions. 

1° Le bromure d’éthyle, absorbé par les voies respiratoires, produit 
l'anesthésie absolue aussi rapidement et même plus rapidement que le 
chloroforme, Ces résultats ont été constatés sur les grenouilles, les co- 
bayes, les lapins et les chiens. Au bout de cinq minutes, et même parfois 
de deux minutes d’inhalation pratiquée à l’aide d’une éponge imbibée 
de bromure d’éthyle, les chiens sont comiplétement anesthésiés. 

2° Les animaux reviennent à eux-mêmes plus rapidement que lors- 
que l’anesthésie a été produite par le chloroforme. 

3° Ayant injecté sous la peau, chez les chiens, avant de les anesthé- 
sier, des solutions de chlorhydrate de narcéine ou de chlorhydrate de 
morphine, j'ai observé une action analogue, mais peut-être inférieure, 
à l’action simultanée de la narcéine, ou de la morphine et du chloro- 
forme. 

L° L'éther bromhydrique n’est pas caustique, ni même irritant, com- 
parativement au chloroforme, On peut l’ingérer sans difficulté, l’appli- 
quer sans danger, non-seulement sur la peau, mais dans le conduit au- 
ditif externe et sur les muqueuses. Il est préférable, sous ce rapport, au 
chloroforme, qui est très-caustique, et à l’éther sulfurique dont l’inges- 
tion en nature est presque impossible. 

5° Le bromure d’éthyle, ingéré dans l'estomac aux doses de 1à92 
grammes, ne produit pas l’anesthésie comme lorsqu'il est absorbé en 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 205 


quantité suffisante par les voies respiratoires. I1 calme la douleur s’il en 
existe, Il ne trouble en aucune façon l'appétit. 

6° Cet anesthésique est presque insoluble dans l’eau. Néanmoins, 
l’eau qu’on a agitée avec ce liquide possède une odeur et une saveur 
agréables. Les grenouilles introduites dans l’eau saiurée de bromure d’é- 
thyle sont anesthésiées au bout de dix à quinze minutes. 

7° Le bromure d’éthyle s’élimine presque en totalité, sinon compléte- 
ment, par les voies respiratoires, quel qu’en ait été le mode d'absorption. 
On n’en retrouve pas, ou bien on n’en retrouve que des traces dans l’u- 
rine, lorsqu'il a été ingéré dans l’estomac ; on peut déceler la présence 
_de minimes quantités dans ce liquide, lorsqu'il a été absorbé par inhala- 
tion. Le bromure d’éthyle ne se décompose pas dans l’organisme en 
donnant naissance à un bromure alcalin, tel que le bromure de sodium, 
sel facilement éliminable par les voies rénales. 

J'effectue les recherches du bromure d’éthyle dans les urines à l’aide 
d’un appareil qui se compose : 1° d’une fiole contenant les urines, 
chauffée au bain-marie, et dont le bouchon est traversé par deux tubes 
de verre, dont l’un communique avec l’air extérieur, l’autre avec une 
éprouvette verticale remplie de chlorure de calcium desséché; 2° d’un 
tube de porcelaine contenant de la chaux pure et chauffée au rouge ; 
3° d’une trompe à eau communiquant avec celui-ci. En faisant fonction- 
ner la trompe, il s’établit dans l’appareil un courant d’air qui entraine 
le bromure d’éthyle qui pourrait se trouver dans les urines, et qui serait 
ensuite décomposé par la chaux, en donnant du bromure de calcium. 

D'autre part, en chauffant 50 à 100 grammes des mêmes urines dans 
une capsule de porcelaine, achevant l’évaporation avec un peu de po- 
tasse pure, calcinant le résidu au rouge et traitant ce résidu par l’eau 
distillée, il est impossible de déceler dans la liqueur claire ainsi obtenue, 
des traces de brome, en l’agitant dans un tube de verre avec du sulfure 
de carbone et de l'acide nitrique chargé de vapeurs nitreuses. Le bro- 
mure d’éthyle ne donne point, par conséquent, naissance à un bromure 
alcalin dans l'organisme. | 

En somme, cet agent anesthésique possède des propriétés intermé- 
diaires à celles du chloroforme, du bromoforme et de l’éther. Il ne reste 
plus guère qu’à répéter, avec ce même agent, les expériences faites par 
M. CI. Bernard, avec d’autres anesthésiques sur la végétation, et à l’em- 
ployer pour obtenir l’anesthésie chirurgicale. 


Des changements des procès ciliaires pendant l'accommodation. 
Cas d’iridérémie traumatique totale, par M. J. Hyorr. 


Le sujet, qui a fourni à l’auteur l’occasion d'étudier les rapports des 
procès ciliaires pendant l’acte de l’accommodation, était un ouvrier qui, 


206 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


par une explosion de dynamite, avait reçu des fractures multiples et 
graves des os de la face, et présentait en outre une absence complète de 
l'iris de l’œil droit, Il n’y avait d’autre blessure extérieure du bulbe 
qu’une plaie verticale de la cornée, de l’étendue de 3 millimètres. Il est 
certain que l’iridérémie n’était pas congénitale ; d’un autre côté on ne 
trouvait nulle part, dans l’intérieur de l’œil, de traces de l'iris, de sorte 
qu'il faut admettre que celui-ci avait été chassé de l’œil à travers la 
fente étroite dans la cornée. Le cristallin restait à sa place entièrement 
normal, la zonule de Zinn était également intacte, le corps vitré trans- 
parent ; l’acuité de la vision ne laissait, après quelque temps, rien à dé- 
sirer. On voyait les procès ciliaires très-distinctement, soit à l'éclairage 
oblique, soit avec l’ophthalmoscope, mais encore mieux avec l'éclairage 
oblique et la loupe de Brücke à la fois, et on pouvait à son aise étudier 
les rapports des procès ciliaires pendant laccommodation, et mieux en- 
core leurs changements après l’instillation de l'extrait de calabar. Les 
résultats de ces observations sont que, par le fait de l’accommodation ou 
de la contraction provoquée par le calabar : 

4° Le bord obscur du cristallin devient plus large ; 2° les procès ciliaires 
s’approchent de l’axe de l’œil et se gonflent ; 3° la distance entre le bord 
du cristallin et les bouts des procès ciliaires (l’espace zonulaire selon 
l'auteur) ne parait subir aucun changement ; 4° les changements ob- 
servés ne s’opèrent pas d'une manière instantanée, mais demandent un 
temps très-appréciable, quoique pas trop long. Le relâchement de l'ac- 
commodation se fait aussi d’une manière graduelle. 

La distance entre le bord du eristallin et la sclérotique se trouve 
agrandie pendant l’accommodation, et juste assez pour correspondre à 
l'avancement des procès ciliaires. 

Par l’action de l'atropine, les procès ciliaires reculaient peut-être un 
peu, mais on ne pouvait constater aucun changement de l'espace zonu- 
laire. 

L'auteur a aussi pu examiner quelques albinos, et il a trouvé que 
chez eux les choses se passent exactement de la même manière, seule- 
ment l'observation est ici un peu plus difficile à faire. 

Par ces recherches de l’auteur, la théorie de l’accommodation, telle 
qu'elle a été formulée par Helmholtz, de Graefe et la plupart des phy- 
siologistes modernes, se trouve pleinement confirmée. Becker, qui a 
examiné les yeux de plusieurs albinos, diffère en ce qu'il a trouvé que 
les procès ciliaires sont tirés en arrière pendant l’accommodation, opi- 
nion qui à beaucoup préoceupé M. Hjort, « d'autant plus qu'il lui est 
arrivé de voir le même phénomène, » mais il en a trouvé l’explication, 
d'abord en ce que le calabar employé n’était pas assez puissant pour 
produire un effet suffisant, ensuite et principalement en ce que le mou- 
vement rétrograde des procès ciliaires n’est qu'illusoire, causé par ce 
fait que les procès ciliaires se cachent plus derrière le bord. scléral, 
quand l'œil fait un petit mouvement en dehors, pendant l'examen, — 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 207 


ce qui probablement est arrivé à Becker, comme une fois à l’auteur. 
Cette explication est du reste confirmée par l'observation que la distance 
entre le bord du cristallin et celui de la sclérotique se trouvait en même 
temps diminuée. 

IL a aussi essayé la muscarine. L'effet en est le même que celui du 
calabar, mais beaucoup plus faible. 


Beobachtungen über de Beschaffenheit des Zellkerns, von 
prof. Walther FLemminc, in Kiel. (Arch. f. mikr. Anat., 
Bd XIE, 3 Heft.) 


Dans ce travail, qui n’est que la suite d'observations antérieures, l’au- 
teur s’est surtout proposé de déterminer si les réticulums décrits dansles 
noyaux de différentes cellules existent pendant la vie, ou s'ils ne sont pas 
dus à l’action des réactifs, ou bien encore à une altération cadavérique. 

Il a étudié pour cela la paroi transparente de la vessie urinaire chez 
la salamandre, dont les éléments volumineux sont très-favorables pour 
l'examen. Les résultats ont été identiques en opérant sur des animaux 
intacts ou curarisés portés vivants sur la platine du microscope, la vessie 
étant placée entre une lame et une lamelle sans ajouter aucun liquide. 

Il à vu ainsi (syst. Hartnack VIIL, et IX à immersion), de la manière 
la plus nette, une charpente de fibrilles déliées dans tous les noyaux 
des différents éléments qui forment la paroi vésicale : cellules épithé- 
liales du péritoine, fibres musculaires lisses, cellules du tissu conjonc- 
tif, etc., de même que dans les noyaux des vaisseaux, des globules san- 
guins et des corpuscules migrateurs. Quant aux noyaux des cellules 
épithéliales de la vessie, le réticulum ne s’y montre pas d’une façon 
bien distincte. Il n’est apparent que dans un petit nombre d’entre eux, 
et ce n’est qu'exceptionnellement que l’on peut constater sa continuité 
avec la paroi nucléaire (Kernwand). Ce réticulum est semblable à ceux 
qu’on a décrits dans les ovules : au premier abord on ne voit qu'une 
image confuse, et l’on appliquerait volontiers aux noyaux l’épithète 
usuelle de granuleux. Mais un examen plus approfondi montre que ces 
granulations ne sont que la coupe optique de filaments très-grèles anas- 
tomosés ; c'est dans Les noyaux musculaires qu’on les voit le plus nette- 
ment. Les bords des trabécules n’apparaissent jamais d’une façon bien 
tranchée ; dans les mailles du réseau se trouvent des granulations libres, 
à coloration foncée et à contour très-net; les nucléoles sont enclavés 
dans les fibrilles. | 
| Bien qu’on ne puisse mettre ainsi en évidence la structure fibrillaire 
| des noyaux que sur un petit nombre d'éléments, l’action des réactifs 
| doit nous faire admettre leur existence comme un fait général qui se 
| retrouve partout, sans exception, du moins sur toutes les pièces sou: 
| mises à l'examen dans ce but. 


208 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Si l’on vient, en effet, à traiter la membrane par l’acide acétique 
(1 0/0), où voit apparaître instantanément dans tous les noyaux un 
réticulum très-net, continu avec la paroi nucléaire. Les nucléoles sont 
moins distincts, mais il suffit d’amoindrir la réfringence des fibrilles en 
faisant arriver un peu de glycérine pour les rendre très-apparents. ‘ 

Le meilleur procédé consiste à colorer par l’hématoxyline des prépa- 
rations fixées par le bichromate de potasse (1/4 0/0). On obtient ainsi 
une coloration bleu foncé du réseau et de la paroi nucléaire et l’on peut 
en saisir les moindres détails. La substance interfibrillaire offre une 
teinte plus claire, mais toujours beaucoup plus intense que celle du pro- 
toplasma de la cellule. Le réticulum n’est pas également serré dans ses 
différentes parties, et souvent on y remarque de petites lacunes tout à 
fait incolores. Les nucléoles principaux et accessoires (Kernkôrper und 
Nebenkernkôürper) sont moins nets que lorsqu'on a traité la préparation 
par l’acide chromique, qui agit à peu près également sur les travées et. 
les nucléoles, tandis que le bichromate communique au réseau une 
réfringence plus considérable, qui fait disparaître les nucléoles. Le car- 
min et l’alcool donnent des résultats analogues, mais le réticulum est 
un peu effacé, et les nucléoles plus visibles, Pour ces derniers, l’acide 
chromique est le réactif le plus favorable. L’acide osmique (1/2 0/0) est 
inférieur à toutes les substances précitées pour le sujet qui nous occupe. 

Quel que soit le mode de préparation employé, il y a des différences 
considérables d’un noyau à l’autre, mais, à ce point de vue, on n’observe 
aucun caractère constant que l’on puisse attribuer à telle ou telle caté- 
gorie de cellules ou à une action inégale des réactifs. Ces différences 
répondent plutôt à des variations physiologiques. Le rouge d’aniline agit 
d'une façon toute spéciale sur les noyaux. I} colore les nucléoles et dé- 
termine en outre la production d’un certain nombre de taches rouges, 
qui ne sont autre chose que des portions du réticulum plus fortement 
teintées : cela prouve que l’aniline différencie plus qu'aucun autre réactif 
le contenu des noyaux. Un autre fait qui tend à lui attribuer cette pro- 
priété, c’est la striation qu’elle fait apparaître sur les noyaux rétiniens 
de la couçhe externe. 

Les observations faites sur le cartilage, les épithéliums buccal et olfac- 
tif, etc., chez la salamandre, la grenouille et les mammifères, config 
ment en tous points les données précédentes, 

Pour terminer, l’auteur s’attache à réfuter les opinions de divers obser- 
vateurs, qui ne sont pas en accord avec les résultats de ses recherches, 
et conclut en disant que les réticulums nucléaires sont des formations 
anatomiques normales et se retrouvant dans la très-grande majorité des 
éléments anatomiques, au moins à un certain stade de leur évolution. 

ER: 1 


Le propriétaire-gérant, 
GERMER BAILLIÈRE, 


PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2, 


MÉMOIRE 


LES SARCOPTIDES PLUMICOLES 


Par MM. Ch, ROBIN et MÉGNIN 


PLANCHES XII ET XIII. 


Ce mémoire se composede deux parties. Dans la première nous 
examinons les caractères généraux des Sarcoptidés. Nous y étu- 
dions aussi les caractères anatomiques qui servent le plus à la 
classification des genres et des espèces ; c’est assez dire que cette 
partie traite surtout des pièces squelettiques et des téguments 
ainsi que de leurs dépendances piliformes et autres. 

Plus tard probablement nous étudierous les organes muscu- 
laires et viscéraux de ces animaux, dans un travail spécial, com- 
paralivement à ce que l’on sait déjà sur ce sujet. 

La deuxième partiede ce mémoire contient la description par- 
üculière des genres et des espèces que nous avons pu trouver 
sur les plumes des divers oiseaux soumis à nos observations. 

Il'est des acariens qui vivent dans les sacs aériens et qui péné- 
trent même dans le Lissu cellulaire des oiseaux. Ils appartiennent 
à des genres autres que ceux que forment les espèces plumi- 
coles, aussi seront-ils décrits par l’un de nous dans un autre 
travail. 


PREMIÈRE PARTIE 


SUR LA CONSTITUTION ANATOMIQUE EXTÉRIEURE DES SARCOPTIDÉS 
EN GÉNÉRAL, DES SARCOPTIDES PLUMICOLES EN PARTICULIER. 


L'expérience en anatomie et en zoologie a montré depuis 
longtemps qu’il élait nécessaire de se soumeltre à certaines 


règles lorsqu'il s’agit de décrire les organes ou les animaux eux- 
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (1877). 42: 


210 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


mêmes. L’oubli de ces règles conduit soit à des omissions, sait à 
donner beaucoup plus d'importance qu'il ne faut à certains 
caractères ou vice versa, importance que la comparaison des 
animaux les uns aux autres fait seule reconnaître. Du reste on ne 
trouve aucune supériorité, au point de vue de l’exactitude, dans 
les descriptions qu'ont données les auteurs qui se sont affranchis 
de ces règles, sur celles qui sont dues aux observateurs qui ont 
jugé nécessaire de s’y soumettre ; il en est de même pour la 
valeur des résultats auxquels ils sont arrivés. Il est vrai que le 
travail de l’auteur qui les prend en considération est d’abord 
plus difficile et que l'esprit du lecteur qui n’est pas habitué à 
leur emploi méthodique en est fatigué dans le principe: mais 
on reconnaît bientôt que les suivre simplifie les descriptions et 
fait éviter de donner des noms nouveaux ou arbitraires à des 
organes dont les analogues ont déjà été nommés; on reconnaît 
surtout que leur usage conduit à rechercher des organes qui 
quelquefois ne sont que rudimentaires sur les êtres qu'on étudie 
et qui seraient négligés, sans les investigations que suscite toute 
méthode vraiment scientifique. | A2 


© $ 1. — Caractères taxinomiques de l’ordre des Acariens Dugès (4). 


Corps plus ou moins aplati en dessou:, convexe en dessus; ap- 
pareil. buccal ou rostre disposé en organes propres à diviser ou 
à sucer, enveloppés ou supportés par une lèvre inférieure ou 
sternale en cuiller, ou en étui ({hécastome Walckenaer), rap- 
prochés en forme de têle saillante ou cachée sous l’épistome 
(nuque, labre ou bandeau), insérés dans une dépression du cépha- 
lothorax, le plus souvent non segmenté, largement uni à un 
abdomen non annelé dont parfois rien ne le sépare ({horaco- 
gastre, Dugès). Métamorphose normale, caractérisée par la 
naissance à l’état de larve (ou demi-nymphe), portant six pattes 
seulement et passant ensuite par l’état de nymphes octopodes 


(1) Acaridies, Acaridiens, Acarides, Acarins, Acarés de. divers auteurs, consi- 
dérés tantôt comme ordres, tantôt comme familles ; : sous-classe des Arachnides ho 
logastres ou Acarulisles de Dugès. | 


22 BR: 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 211 


non sexuées ; et métamorphose hypopiale ou adventive chez quel: 
ques espèces, caractérisée par la transformation des nymphes en 
hypopes, ou nymphes exceptionnelles qui n’ont plus aucun des 
caractères spécifiques, génériques ou même de famille de leurs 
parents (1). L 
Remarques. 1; étude des animaux de l’ordre des Acariens exige, 


plus que celle d’aucun autre, une connaissance approfondie de 


l’organisation des autres groupes de la classe des Arachnides, 


_ Dans beaucoup de descriptions des Acariens, les organes buc- 


caux sont étudiés sous le nom de tête. En effet, « on croit voir 
chez quelques-uns une sorte de tête; mais ce n'est que le résultat 
du rapprochement des palpes gonflées et des mandibules (2) » 

Cette confusion entre les organes doit être évitée ef le nom 
de rostre, employé par Dugès pour désigner l'ensemble des 
parties de la bouche ainsirapprochées, doit être adopté ici comme 
chez les hémiptères. La situation du ganglion nerveux céphalique 
dans ce qu’on nomme le premier anneau du céphalothorax des 
Arachnides, et la manière dont les organes buccaux s’attachent à 
son orifice ou cavité antérieure appelé C'amérostome, sontautant 
de preuves qui démontrent que cet anneau est bien la tête des 
Arachnides, que par conséquent l'expression de céphalothorax 
est exacte. La première paire de pattes qu’elle porte est, comme 
on sait, très-probablement l’analogue du palpe labial des in- 
sectes (3). 

Malgré l'exemple donné par Dugès (1834), par Walckenaer (4), 


(4) Voyez, Mémoire sur les hypopes in Journal de l'anatomie, 1874. 

(2) Dujardin, Premier Mémoire sur les Acariens (Comptes rendus des séances dé 
l’Académie des sciences. Paris, 4844. In-4°, t. XIX, p. 1118 et Ann. des sc, nat. 
Paris, 1841. In-8°, t. LIT, p. 8). 

(3) Dugès, Recl:erches sur l’ordre des Acariens (Ann. des sc. na, Paris, 1834, 
t I, p. 7et 9). 

Ce fait, qui n'était que très-probable pour Dujardin, est maintenant certain. 
Voyez le mémoire de l’un de nous sur l'organisation des Gamasidés dans ce même 
journal, n° de mai 1876. 

(4) Walckenaer, Histoire naturelle des insectes aptères. Paris, 1837. In-8°, t. I, 
p: 40. Hering a cependant appelé le rostre du nom de bouche, mais il donne le 
nom de langue aux palpes, celui de valves à ces derniers et ce sont leurs poils 
saillants chez les Sarcoptes et autres Acariens qu’il nomme palpes (Hering, Die Krülz- 


212 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


par Dujardin (1844), beaucoup d'auteurs continuent à donner le 
nom de tête à l’ensemble des organes buccaux que porte l’an- 
neau céphalique,-erreur qu’il importe d'éviter. 

Chez les Acarides qui ont un ganglion céphalique bien évident 
(Trombidion, etc.), cet organe se trouve placé aussi dans la 
partie dorsale antérieure ou céphalique du céphalothorax, au 


niveau de l'intervalle qui sépare la première de la deuxième 


paire de paltes. Cette partie dorsale, différemment nommée dans 
les auteurs, est appelée la nuque (Dujardin) ou le vertez (Nicolet); 
son bord antérieur qui porte deux poils dans beaucoup d’espèces 
est nommé /abre ou bandeau [Walckenaer); il a aussi été appelé 
capuchon (Dujardin) lorsque, comme chez quelques Argas, il 
se prolonge au-dessus des organes buccaux, et les recouvre. Mais 
en réalité cette partie dorsale antérieure du premier anneau ou 
anneau céphalique du céphalothorax correspond à l’épistome des 
insectes et le labre de ceux-ci manque aux Arachnides en général, 
mais se retrouve chez certains Acariens, les Gamases. | 
Ainsi les Acariens ont un céphalothorax comme les autres 
Arachnides, celui-ci présente aussi en avant un épistome sous 
forme de bord ou de pli saillant qui sépare en dessous le cépha - 
lothorax des organes buccaux lorsqu'il ne les dépasse pas; la 
première paire de pattes comme les organes buccaux sont atta- 
chés à la partie ventrale et en avant de cette première portion 


du céphalothorax. Les Acariens n’ont jamais le ventre segmenté 
comme les phalangiens et les scorpionides, ni pédiculé comme … 


celui des aranéides ; il est toujours entier, sinon uni, fréquem- 
ment sans sillon entre lui et le segment qui porte les dernières 
pattes, et souvent même tous les segments, y compris la tête, 
sont coalescents en une seule masse (1). 


milben der Thiere und einige veriwvandte Arten. Nova acla physico-medica natur 
Curiosorum. Vratislaviæ et Bonnæ, 1838. In-4°, t. XVIII, pars secunda, p. 173). 
Latreille donnait le nom d’antennules aux palpes des Acariens. 


(1) Dugès, Recherches sur l’ordre des Acariens (Ann. des sc. nat. Paris, 1834, | 


t. 1, p. 11). | 


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a eu ge cb, VA : _. 
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SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 213 


$ 2. Caractères taxinomiques de la famille des Sarcoptidés. 


La famille des Sarcoptidés de M. Gervais (1), Sarcoptides de 
Sundewal (2), Koch (3), etc., se caractérise ainsi : 

Animaux grisâtres ou roussâtres très-petits (variant de volume 
entre À dixième de millimètre et 1 millimètre environ), à corps 
mou non cuirassé, sans yeux n1 stigmates respiratoires ; à rostre 
pourvu de mâchoires inermes très-petiles portant des palpes 
_maxillaires latéraux souvent volumineux, à trois articles, munis 
de un à trois poils, soudés dans une partie de l'étendue de leur 
bord interne à une lèvre membraneuse, dépassée par les mandi- 
bules, portant deux poils à sa face inférieure et une languette 
lancéolée à sa face supérieure ; pattes à cinq articles disposées 
en deux groupes de deux paires chacun, placés, l'un près de la 
tête, l’autre près de l’abdomen avec un intervalle parfois consi- 
dérable entre eux ; tarses terminés par une caroncule cupuli- 
forme onguiculée ou par une ventouse, avec ou sans crochet, aux 
pates antérieures au moins, et pédiculée ou non, mais manquant 
sur les femelles adultes de quelques espèces. 

Remarques. L'ordre des Acariens tel qu'il est adopté aujour- 
d'hui embrasse tous les animaux compris dans le genre Acarus 
de Linné. Beaucoup d’écrits les plus modernes parlent encore 
souvent des espèces du genre Acarus. Or il est très-important de 
rappeler que le genre n’existe plus en fait depuis assez longtemps 
et que nulle espèce de l’ordre des Acariens n’y rentre, car les 
Acarus de la gale déterminant des affections cutanées chez 
l’homme et les animaux rentrent dans les genres Sarcople (La- 
treille), Psoropte (Gervais), Choriopte (Gervais), etc. ; les Acarus 
du fromage, de la poussière, des collections, etc., rentrent dans 
les genres Zyroglyphus (Latreille), Glyciphagus (Hering), et 
ainsi des autres. Tous les genres cités ici appartiennent à la 
famille des Sarcoptidés. 


(1) Gervais et Van Beneden, Zoologie médicale, Paris, 1859. 

(2) Sundewal, Conspeclus arachnidum. 1833. 

(3) Koch, Uebersicht des Arachnidensystems. Drittes Heft. Nürnberg, 1842. 
In-8°, p. 118. 


21% CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


$ 3, Remarques sur les poils des Sarcoptides. 


Sur toutes les espèces qui rentrent dans la famille des Sarcop- 
tidés, on trouve des poils sur les côtés de l'extrémité de l’abdo- 
men, sur les flancs et sur les faces dorsale et ventrale tant du 
céphalothorax que de l’abdomen. Ces poils sont très-longs ou 
très-courts, d’une espèce, d’un âge ou d’un sexe à l’autre; ils 
sont toujours disposés symétriquement par rapport à la ligne 
médiane, soit par paire, soit pour chacun d’eux, soit par groupes 
de deux à quatre paires dans des points où d’autres espèces n’en 
ont qu’une paire. Ces dispositions ont certainement été trop 
négligées des naturalistes, qui se bornent à indiquer que le corps 
est glabre, épineux ou pourvu de poils. 

Les divers articles des pattes offrent aussi des poils se repro- 
duisant régulièrement d’une espèce à l’autre d’après un type 
constant. 

Ce que ces poils offrent de plus constant, c’est leur situation 
dans des parties du corps qui se correspondent d’une espèce et 
d’un genre à l’autre. Ge sont, en un mot, leurs connexions ou 
rapporls ; c’est ce que l’on constate aisément en comparant 
entre eux les articles des pattes ou les parties du corps qui se 
correspondent. Sur les articles on trouve habituellement des. 
poils qui se correspondent aussi, non-seulement par le lieu de 
leur insertion, mais encore par leur longueur, leur raideur ou 
leur flexibilité (voy. pl. XIT et XIIT). 

Mais ce qu'il importe de savoir, c’est que telle paire de poils 


qui est longue dans une espèce est très-courte dans une autre, 


et au lieu de l’état qui lui mérite le nom de sote ou de por, on 
lui trouve la disposition qui doit lui faire prendre celui de spi- 
nule ou d’aiguillon ; ou bien enfin elle peut manquer tout à fait, 
tandis que les paires de poils avoisinantes existent, ou vice versa. 
C’est ainsi que les deux poils qu’on trouve sur le bord de 


l’épistome des Tyroglyphes se trouvent encore à l’état de poil 


chez les Sarcoptes notoedres (Bourg. et Del.), sont représentés par 
deux courts aiguillons ou spinules à base large chez les Sarcoptes 


SUR LES SARCOPTIDES lPEUMICOLES. 215 


scabiei (Latreille), et manquent tout à fait sur le Sarcoptes 
mutans (Lanquetin et Robin). D'autre part les paires de poils 
qui sont longues et flexibles sur le dos au niveau de la deuxième 
paire de pattes et sur les côtés du corps chez les Sarcoptes 
scabier: sont représentés aux places correspondantes par un 
aiguillon ou spinule court, de même volume dans toute sa lon- 
oueur et presque mousse sur le Sarcoptes notoedres. Ce même 
Sarcopte porte deux paires d’aiguillons assez écartés, semblables 
aux précédents, sur les deux segments céphalothoraciques moyens, 
tandis que le Sarcoptes scabieï en. porte trois paires” plus rap- 
prochées et en triangle, dans lesquelles ces organes sont courts, 
coniques, gros, un peu renflés au milieu, terminés en pointe. 
Chez les Psoroptes, les Glyciphages, les Tyroglyphes, etc., ce 
sont deux ou trois paires de poils longs ou courts suivant les 
espèces, qui occupent les places correspondantes, et plus ou 
moins éloignés suivant que le céphalothorax est allongé ou 
élargi. | 

Ces faits montrent déjà qu'il est important de noter le 
nombre et la situalion relative des appendices cutanés de ces 
animaux. | 

L’anus est généralement situé à l'extrémité postérieure de la 
face ventrale de l’abdomen ; mais sur le Sarcoptes notoedres, 
il est à peu près vers le milieu de la face dorsalé ou supérieure 
de la portion abdominale du corps, entre deux rangées de spi- 
nules ou aiguillons roides à extrémité mousse. Or, sur les Sur- 
coptes scabrer et Tyroglyphus entomophaqus Laboulbène et Ro- 
bin, etc., l’anus est tout à fait au bord postérieur du notogastre 
ou face dorsale de l’abdomen. Chez le premier de ces animaux 
ces aiguillons, appelés aussi appendices cornés, piquants, spi- 
nules, elc., selon les auteurs, sont situés sur cette même région 
du‘corps, et l’anus se trouve entre les derniers d’entre eux. Ces 
aiguillons abdominaux ne sont, pas plus que ceux du céphalo- 
thorax, d’une nature différente des poils; on trouve en effet jusqu'à 
six paires de poils courts, raides, aigus, disposés sur les côtés de 
l'anus chez quelques Tyroglyphes; ils sont plus longs et plus 
flexibles dans les Psoroptes et surtout chez les Glyciphages. 


216 CII. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


Seulement sur ces animaux l’anus étant placé sous le ventre, 
ces poils occupent également celte situalion (1). | 

Des particularités semblables s’observent lorsqu'on vient à 
comparer les poils des divers articles des pattes entre eux, d’un 
genre à un autre. C’est ainsi que les appendices qui, à la jambe 
et aux tarses des Sarcoptes, des Psoroptes, elc., existent sous 
forme de spinules rigides, droites ou courbes, à sommet mousse, 
sont représentés chez les Tyroglyphes, les Carpoglyphes,?ete., 
par des poils longs ou courts, mais flexibles et aigus ; ou même 
lambulacre porté par le tarse peut être remplacé par une longue 
sole. 

Envisagés dans leur ensemble chez les Sarcoptides, ces appen- 
dices pileux se retrouvent partout d’une espèce à l’autre, dis- 
posés par paires, uniques ou multiples, de la manière suivante : 

A. Poils du rostre : 1° poils des palpes ; 2° poils de la lèvre. 

B. Poils des pattes : 1° de la hanche; 2° de lexinguinal ou 
trechanter ; 3° du fémoral ou cuisse; 4° de la jambe; 5° du 
tarse. | 

C. Poils du corps. 

a. Poils ou soies circonférenciels : 4° latéraux (2) ; 2° posté- 
rIeurs. 

b. Poils dorsaux : 4° paire de l’épistome (3), 2° une ou plu: 
sieurs paires sur le 2° anneau, à peu près au niveau de la 2° paire 


. (1) La présence d’une cavité dans les aiguillons gros et courts des Sarcoptes et 


leur absence dans ces poils n’établit pas non plus une différence ‘essentielle de na- 
ture ; car les mêmes poils, tels que ceux des pattes postérieures des Sarcoptes, 
offrent ou non une cavité selon que d’après l’âge de l'animal ils sont gros ou 
grêles. 

(2) Tous les sarcoptides plumicoles décrits dans ce mémoire portent de chaque 
côté, en avant de la troisième paire de pattes jet souvent sur une branche même du 
troisième épimère), soit deux poils fins (comme en portent un ou deux les Sarcoptes, 
les Psoroptes, les Chorioptes et d’autres sarcoptides), soit plus ordinairement un 
piquant rigide subulé et un poil plus ou moins long d’une espèce à l’autre. Ces poils 
n’offrent pas les mêmes dispositions sur les Listrophorus, ni sur divers sarcoptides 
autres que les Sarcoptes proprement dits, vivant sur les rats, les lapins et d’autres 
petits mammifères. 

(3) Sur l’animal libre ces poils sont dirigés en avant au-dessus du rostre, mais 
sur les individus logés dans le tégument qu’une mue prochaine va leur faire aban- 
donner, ils sont dirigés en arrière ; ces dispositions sont précisément inverses dans 
ces deux ordres de conditions pour la paire ou les paires de poils qui suivent. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 917 


de pattes; 3° sur le 3° anneau une ou plusieurs paires; 4° au 
niveau des pattes postérieures ; 5° sur le notogastre. 

. Poils ventraux : 1° entre les épimères de la 1" et de la 2 
paire; 2° en dehors des épimères de la 3° paire; 3° entre les 
épimères de la 3° et de la 4° paire; A° entre les épimères de la 
}° paire ; 5° autour de la vulve et de l'organe mâle. 

D. Poils anauzx ; ils sont dorsaux ou ventraux, selon la situa- 
tion de l’anus, sur ou sous le notogastre, dont ils suivent les 
changements de situation d’un genre ou même d’une espèce à 
l’autre. 

C’est par conséquent dans ces diverses régions et dans les par- 
lies du corps occupés par ces organes que devront être recher- 
chés ces annepaloss. sur chacune des espèces de Sarcoptides que 
l’on aura à étudier (1) (voyez pl. X et XI). 


$ 4. Remarques sur la peau et sur les sillons cutanés des Sarcoptides. 


La peau et les différentes parties du squelette se font récipro- 
quement continuité et constituent le tégument externe ; ce tégu- 
mert etses dépendances se renouvellent à chaque mue aussi bien 
que les différentes pièces du rostre ainsi que l’a démontré l’un 
de nous (2). Lors de ces mues, qui sont de véritables métamor- 
phoses, les différentes pièces du squelette se reproduisent inté- 
gralement ; elles augmentent même parfois en nombre et quel- 
ques-unes se montrent doubles, de simples qu'elles étaient. Les 
ambulacres au contraire et les derniers poils peuvent disparaître 
complétement à la mue qui caractérise le passage de l’état de 
nymphe à l’état d’adulte de certaines espèces, ainsi qu’on le voil 
sur le Sarcoptes mutans (Lanquetin et Robin). Et dans le cas de 
métamorphose hypopiale ou adventive (3), le rostre lui-même 
disparaît complétement, et les pates, aussi bien que les tégu- 


(4) Il est plusieurs paires de poils dont il ne sera pas fait mention dans les dia- 
gnoses spécifiques suivantes, soit parce que leur petit volume en rend la présence 
très-difficile à constater, soit parce qu’elles sont facilement caduques, ou même 
manquent parfois d’un individu à l’autre d’une seule espèce et de mêmesexe. Ce n’est 
que dans l'étude anatomique comparative de ces animaux qu’il en doit être question. 

(2) Comptes rendus, Acad. sc., 8 juin 1874. 

(3) Voyez Mégnin. Mémoire sur les Hypopes in Journal de l'Analomie, 1874. 


218 CI, ROBIN ET P. MIGNIN. — MÉMOIRE 


ments, se modifient au point que le nouvel animal n’a plus aucun 
des caractères spécifiques et génériques de ses parents, carac- 
tères qu’il reprendra par une nouvelle métamorphose. 

À chaque articulation des pattes on voit un espace clair, étroit, 
circulaire, bordé en haut et en bas par une ligne foncée, qui lors- 
qu'il offre une certaine largeur peut faire croire à l'existence 
d'un article distinct, mais ce n’est autre chose que l'intervalle 
existant entre le bord supérieur et le bord inférieur de la pièce 
squelettique de chaque article, espace que l'absence de colo- 
ration propre de la peau fait paraitre clair, tandis que la teinte 
jaune rougeâlre des articles donne moins de transparence au 
reste du membre. 

En suivant les phases de la formation du tégument qui doit 
remplacer celui qui tombe à chaque mue, on peut constater net- 
tement que cette production n’est pas de formation cellulaire. Il 
en est par conséquent de même pour les poils, pour le tubercule 
qui les porte et pour toutes les pièces squelettiques proprement 
dites. Ce fait se retrouve sur tous les articulés sans exception, 
pour toutes les pièces chitineuses de leur squelette externe ou 
exosquelelte, pendant et après la durée des mues qui marquent 
chacune de leurs phases évolulives. 

Quelles que soient les complications des dispositions morpho- 
logiques, grenues, striées, plissées, réticulées, avec ou sans 
pointes, etc., que présentent les pièces tégumentaires et sque- 
lettiques de ces animaux, partout elles se produisent molécule à 
molécule comme par une exsudation chitineuse, molle et mince 
d'abord, s’épaississant et se solidifiant ensuite peu à peu. Une 
mince eltunique rangée de cellulesépithélialesrecouvre une couche 
de Lissu cellulaire dermique mou, très-mince aussi, et c’est au tra- 
vers de ces cellules qu’exsudent les principes fournis par le 
derme ; c’est par l'intermédiaire de cette rangée épithéhiale que 
se produit molécule à molécule le tégument chilineux qui reste 
séparé du derme par celle-ci; mais nulle des parties tégumen- 
taires et squeleltiques caduques n’a été cellulaire, et ne présenté 
les caractères de noyau ni de cellule, histologiquement parlant. 

La peau, dans ses parlies non coriaces, est mince, transpa- 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 219 
rente, sans couleur propre, cassante, à brisure nette, non fila- 
menteuse. Elle s'étend sur toutes les parties du tronc-et des 
membres, sans discontinuité ailleurs qu’au niveau des orifices 
digestifs et génitaux. 

La peau du corps de tous les Sarcoptides décrits dans ce tra- 
vail offre des plis plus ou moins fins et plus ou moins profonds 
d’une région du corps à l’autre chez le même animal, et d’une 
espèce à l’autre pour les régions correspondantes. Chaque pli 
offre à observer une saillie tégumentaire, mince, à bord tran- 
chant, inclinée ou non en dedans ou en arrière, et un sillonétroit 
semblable à une taille de burin qui sépare cette saillie de la 
suivante (1). 

Sur le dos, presque immédiatement derrière les pattes de la 
deuxième paire, se voit une bandeïtransversale de plis parallèles, 
souvent un peu courbés en avant et en arrière de chaque côté. 
En avant et en arrière de celte bande transversale se voient sur 
les adultes les plaques jaunâtres finement granuleuses, et alors 
la bande est très-élroite, tandis qu’elle est large, et plus ou moins 
d’une espèce à l’autre, sur les nymphes et les larves. Dans toute 
l’étendue de chacune de ces plaques dites de l’épistome et dorso- 
abdominale, la peau est grenue et dépourvue de plis. De chaque 
côlé du corps, ces plis de transverses deviennent obliques en 
arrière d’une part, en avant de l’autre ; sur les côtés du dos ils 
s'infléchissent élégamment pour joindre des bandes obliques ou 
longitudinales de plis parallèles, diversement ondulés ou presque 
droits, qui vont gagner la face ventrale du corps en contournant 
ses bords ; mais qui n'existent que lorsque manque la plaque 
grenue dorso-abdominale. Une autre bande de plis transversaux 
se voit sur quelques espèces à l’arrière de la portion dorsale de 
Pabdomen (notogastre) dont ils contournent les bords pour ga- 
gner la face inférieure. 

En passant du dos sous le ventre, ces plis s’infléchissent pour 
se diviser en bandelettes qui contournent la fente anale, les épi- 

(1) Les plis de la peau des Sarcoptides semblent avoir été signalés pour la pre- 


mière fois par Dujardin, sur les psoroptes (Düjardin, Observateur au microscope. 
Paris, 1843. In-32, p. 149 et pl, 16 et 17). 


220 CH. ROBIN ET PF. MÉGNIN. -— MÉMOIRE 


mères et les côtés de deux groupes ou bandes de plis propres à la 
face ventrale du corps. L'une de ces bandes est formée de plis 
transverses placés derrière les épimères de la deuxième paire, 
elle est plus ou moins large d’un sexe, d’un âge et d’une espèce 
à l’autre. La seconde de ces bandes est composée de plis longitu- 
dinaux ; elle s'étend entre les quatre paires d’épimères sur la 
ligne médiane chez les larves, les nymphes et les mâles jusqu’au 
niveau de la quatrième paire de pattes. Sur les femelles elle 
s'étend de la commissure postérieure de la vulve jusqu’auprès 
de l'anus. Derrière elle est la bandelette qui contourne la com- 
missure antérieure et les côtés de l'anus pour gagner la partie 
dorsale de l'extrémité postérieure du corps. Sur certaines espèces, 
au lieu de se continuer en s’infléchissant en certains points, ces 
plis cessent neltement, suivant des lignes régulières et de dis- 
positions constantes, dans les régions où ils viennent à se ren- 
contrer sous des incidences telles qu’en se continuant ils au- 
raient limité des angles nets ou mousses. Ils manquent entre 
les épimères de la première paire et souvent entre ceux de la 
deuxième de quelques espèces ainsi qu'entre les pièces des or- 
ganes mâles. Ici la peau est alors lisse ou un peu grenue. 

Les plaques téqumentaires dont il a été question plus haut sont 
finement granuleuses et dépourvues de plis. Le tégument est 
moins flexible, plus rigide et plus dur là qu'ailleurs. Les larves … 
n'ont, une seule espèce exceptée, qu'une de ces plaques, celle qui 
forme l’épistome. Sur elles elle est petite, en forme dongle, ar- 
rondie ou ovalaire en arrière, et elle descend à peine jusqu’au 
niveau dela deuxième paire de pattes. Elle est même plus petite, 
à contour peu prononcé et à peine grenue sur quelques espèces, 

Les nymphes etles femelles accouplées, sans organes sexuels, 
n'ont également que la seule plaque granuleuse de l’épistome. 
Elle est absolument et proportionnellement un peu plus grande 
que sur les larves, à contour plus net et plus granuleuse. Sur 
les unes et les autres elle est incolore, ou à peine teintée dé 
jaune (pl. AU, fig. 6). 


}.2 10008 


existe une Banane étendue du milieu du céphalo- 


SUR LES SARCOPTILES PLUMICOLES. 291 


thorax jusqu’au bout ou à peu près au bout de l'abdomen; elles 
sont toutes deux d’un jaune rougeâtre ou de rouille plus ou moins 
foncé d’une espèce à l’autre, et beaucoup moins prononcé au 
moment où l’animal vient de sortir du tégument qu'il portait à 
l’état de nymphe qu'il ne l'est plus tard. Elles sont plus granu- 
leuses que sur les larves et les nymphes ; elles ont également des 
bords plus nets, indiquant une plus grande épaisseur. Celle de 
l’épistome est plus grande que sur les individus impubères, à 
bords plus nets, et descend jusqu’au niveau ou au-dessous des 
poils dorsaux placés vers le niveau des pattes de la deuxième 
paire (pl. XIL, fig. ?, et pl. XIIL, fig. 2). 

Ces plaques existent également sur les mâles des Psoroptes et 
des Chorioptes, mais avec une forme et des dimensions autres 
que chez les Sarcoptides décrits dans ce mémoire. Les femelles, 
les nymphes et les larves des espèces de ces genres n’ont que la 
plaque de l’épistome. Les auteurs qui se sont occupés de ces ani- 
maux à l’exception de l’un de nous (1), ne les ont pas décrites mal- 
gré l'importance des caractères qu’elles permettent de constater. 

Sur le Sarcoptes mutans (Lanquetin et Ch. Robin), chaque 
épimère de la première paire envoie un prolongement à la base 
du palpe maxillaire, et ce prolongement se continue jusqu'au 
bord de l’épistome. Là il se recourbe en arrière et tous deux 
descendent parallèlement l’un à l’autre de chaque côté de la ligne 
médiane en adhérant aux téguments du dos. Ils sont plus épais, 
plus larges et plus foncés dans toute cette partie de leur étendue 
qu'ailleurs. 

Chacun de ces prolongements dorsauxdes épimères se termine 
à peu prés au niveau de la deuxième paire de pattes par une 
bifurcation en deux divisions courbes dirigées transversalement ; 
les divisions internes sont continues l’une avec l’autre sur la 
ligne médiane ; elles relient ainsi en arrière la portion dorsale 
des deux épimères en un seul appareil; les divisions externes 
se terminent en pointe amincie après un court trajet. Une lame 
finement granuleuse, de même nature et de même teinte que 


(4) Mégnin, Monographie de la tribu des Sarcoptides psoriques in Revue et Ma- 
gasin de zoologie. Paris, 1877. 


229 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


les épimères, mais très-mince, est lendue sur la ligne médiane 
entre eux deux, depuis le milieu de leur longueur où elle est 
concave en haut, jusqu’à leur union en bas. Une petite mem- 
brane analogue est tendue avec continuité de substance comme 
les. prérédentes en dehors de chaque épimère entre lui et sa 
division externe (1). Il en est de même chez plusieurs Sarcoptides 
plumicoles. 


$ 5. Remarques sur les annerux du céphalothorax et sur le rostre, 
lcs pattes et l'abdomen des Sarcoptidés, 


Le céphalothorax de quelques Sarcoptidés est manifestement 
annelé sans disjonction des quatre segments qui le forment (2). 
Ce fait s'observe bien sur les Sarcoptes scabiei (Latreille) et No- 
toedres (B. et D.), lorsque ces animaux sont observés vivants ou 

morts, légèrement contractés mais préservés de toute compres- 
sion des lames de verre. 

Ainsi les Sarcoptidés rentrent dans le type des Arachnides non- 
seulement par le nombre de leurs pattes, mais encore par celui 
des pièces de leur céphalothorax, qui restent distincles entre 
elles, et de l’abdomen chez quelques espèces, bien qu'elles 
soient entièrement confondues chez la plupart. Comme sur les 
autres Arachnides aussi, ce sont les segments thoraciques, con- 
fondus ou distincts, qui portent les organes génitaux externes et 
non l'abdomen, qui ne porte que l'anus. La vulve en effet se 
trouve tantôt à la face ventrale du troisième anneau du cépha- 
lothorax, comme chez les Carpoglyphes, les Sarcoptes et les 
Psoroptes, tantôt sous le quatrième anneau entre les deux der- 
nières paires de pattes, comme dans les Tyroglyphes, les Glyci- 
phages, etc. C’est toujours au quatrième anneau entre les der- 
nières pattes aussi que sont fixés les organes génitaux mâles 
extérieurs, et nullement à l'abdomen, seulement ils se prolongent 


(4) Voyez Ch. Robin, loc, cit, Moscou, 1860. In-8°, p. 65, 

(2) Ces divisions sont figurées, mais inexactement quant au nombre et à la gran- 
deur, par Rennucci (1821), Raspail (1833), Dugès, sur le Sarcopte de la gale hu- 
maine (Ann. des sc. nat. 1835, t. II, p. 847, pl. 11), B. Hering (1838), Gervais 
(1841), Gerlach (1857), etc. 


DL he 


re Vite taie. fre sé dde) 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES,. 223 


plus ou moins loin sous celui-ci dans quelques Sarcoptidés. Les 
deux dernières paires de pattes s’attachent aussi à ce quatrième 
anneau d'une manière si constante que cette insertion peut ser- 
vir à déterminer les limites de l'abdomen et du céphalothorax, 
soit dans les espèces où elle est peu distincte, et la place où 
seront les organes génitaux, tant sur les larves et sur les nymphes 
ou individus qui, bien que octopodes, n’ont pas encore subi la 
mue après laquelle seulement se montre la distinction des sexes, 
par la présence des organes sexuels internes el externes (1). 

Le rostre des Sarcoptides plumicoles est jaunâtre, conoïde, 
généralement saillant entre les pattes antérieures; les palpes 
maxtllaires sont étroits, leur premier article seul est soudé à la 
lèvre el les deux autres sont libres; le troisième est infléchi en 
dedans. La lèvre est membraneuse, épaisse, Jaunâtre, à bord 
libre, en pointe mousse ou aiguë, munie de deux poils à sa face 
inférieure et d’une languette triangulaire à sa face supérieure. 

Les mandibules sont courtes et dépassent à peinele bord libre 
de la lèvre; leurs onglets sont pourvus de courtes dentelures 
mousses, et sont plus allongés que sur les Sarcoptes et les Cho- 
rioptes, mais non disposés en stylets comme sur les Psoroptes. 
Elles sont renflées à leur base sur laquelle empiête l’épistome 
qui est tantôt dépourvu de poils et de tout prolongement du 
camérostome, tantôt présentant ces deux sortes d'organes. 

Constitué ainsi par les mêmes organes que sur tous les autres 
Sarcoptides, le rostre des espèces décrites ici ne diffère de celui 
des. Glyciphages en particulier que par quelques dispositions 
d'importance secondaire. Telles sont celles qui se rapportent à 
sa longueur par rapport à sou épaisseur, à la forme de la lan- 
guelte et surtout à ce fait que les deux dermiers articles des palpes 
maxillaires sont entrèrement libres de toute soudure aux bords 
de la lèvre (2) (pl. XIT et XIE, fig, 3). 


* (4) Voyez Ch. Robin, Mémoire zoologique et analomique sur quelques Acariens 
de la famiile des Sarcoplides (Bulletins de la Soc. impér. des naturalistes de Moscou, 
1860. In-8°, p. 22). 

(2) Les mandibules (aussi appelés forcipules, chelicères, anténnes, pinces et serres; 
chez les arachnides en général) sont au nombre de deux, une de chaque côté de la 
ligne médiane dans les Sarcoptides ; elles y sont terminéés en pince didactyle; 


29] CI. ROBIN ET P. MÉGNIN. —- MÉMOIRE 


Les épimères offrent également le même type que ceux des 
autres sarcoptidés (1) avec de légères différences d’un genre à 
l’autre. Ils sont remarquables par leur couleur d’un jaune d’ocre 
rougeâtre, qui se retrouve sur toutes les autres pièces du sque- 
lette et sur les plaques tégumentaires avec une teinte plus ou 
moins foncée selon le degré d’épaisseur de ces pièces. 

Dans tous les genres décrits ici les pattes composées des mêmes 
articles que celles des autres genres de cette famille sont remar- 
quables en général par leur brièveté et leur similitude compara- 
tivement aux Glyciphages, à certains Tyroglyphes, etc., leur lon- 
oueur ne dépassant pas généralementles dimensions de la largeur 
du corps; par l’uniformité des proportions de leurs articles sans 
excés de la longueur du tarse par rapport aux autres, comme sur 
les Glyciphages, etc. ; par le peu de différence existant entre les 
dimensions des pattes, celles de la deuxième et de la troisième 
paires étant presque égales à celles de la première et de la qua- 
trième paires au lieu d'être sensiblement plus petites. Les mâles 
seuls de quelques espèces font exception à cet égard, et ont les 
uns des paites de la quatrième paire très-grosses et les autres 
celles de la troisième paire énormes. 

Ce grand volume des pattes des mâles ne constitue un carac- 
tère générique que lorsqu'il porte sur celles de la troisième paire, 
car nous verrons dans plusieurs genres les pattes de la quatrième 
paire être Lantôt petites, tantôt très-volumineuses. 

L'abdomen ne porte que l'anus sous forme de fente longitu- 
dinale, soit à sa face ventrale comme dans les Tyroglyphes, les 
Glyciphages, les Carpoglyphes; soit sur sa face dorsale ou noto- 
gastre (vros, dos el yasrhp, Ventre) comme chez les sarcoptes ; 
alors il est tantôt sur le milieu du notogasitre comme dans le 
Sarcoptes notoedres (B. et G.), tantôt plus reculé de manière à ce 
que son extrémité postérieure atteigne le bord postérieur du 


comme sur les autres Acariens, les Phalangides, etc, Chez ces derniers en particu- 
lier la pièce extérieure qu’on appelle doigt est plus forte, plus arquée, plus dente- 
lée parfois, que l’autre pièce qui est continue avec la tige de la mandibule. 

(4) Voyez A. Fumouze et Ch. Robin, Journal de l’anal. et de la physiol. Paris, 
1867. In-8°, p. 5914, et Recherches zoologiques et anatomiques sur les glyciphages 
à poils palmés ou plumeux (ibid., 1868. In-8°, p. 66 et 294), et Mégnin, loc. ci. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 225 


ventre, comme dans le Sarcoptes scabiet (Latreille) et la femelle 
da S. sautans(l). Tantôt enfin, comme pour le mâle et les larves 
_de cette espèce, il est placé sur ce bord même et s’avance autant 
sur la face dorsale que sur la face inférieure de l'abdomen. 


$ 6. — Organes génitaux. 


C’est aux dépens des pièces solides d’un segment sternal que 
les appareils génitaux externes se développent sur les arachnides. 
Ces pièces, comme les épimères qui portent les quatre dernières 
pattes, se prolongent plus ou moins loin sous l’abdomen. 

1. Organe mâle. — Les pièces solides de l'appareil mâle sont 
colorées en jaune rougeâtre comme les autres parties solides, 
elles sont au nombre de deux principales. 

La prémiére est une pièce médiane impaire, appelée sternite 
par l’un de nous (2) ; elleest placée immédiatement sous le tégu- 
ment dans toute son étendue. L’extrémité inférieure du sternite 
est selon les espèces simple ou bifurquée ; alors chacune des bran- 
ches légèrement courbée à concavité inférieure se porte un peu 
en dehors et se termine par une extrémilé mousse. Celle-ci est 
libre ou dans d’autres espèces articulée avec une des branches 
du quatrième épimère qui est soudé lui-même au troisième (3). 


(4) Gerlach place à tort l’anus sous forme de fente ou d’incisure sur le bord 
postéricur même de l’abdomen chez tous les Sarcoptes ; il commet une véritable 
erreur en décrivant les organes femelles extérnes des Sarcoptes comme doubles, 
sous forme de deux courts prolongements cylindriques de chaque côté de l'abdomen 
(Gerlach, Krülze und Rüude. Berlin, 1857. In-8°, p. 48 à 50, fig. 11). 

(2) Le nom de Sternite a déjà été donné par M. Lacaze-Duthiers à une pièce de 
armure génitale femelle des insectes, qui a sans doute son homologue dans les in- 
sectes mâles et probablement aussi chezles arachnides. C’est pourquoi nous employons 
ici ce terme, sans être complétement sûrs de cette analogie, mais pour ne pas faire 
un mot nouveau. Sur les insectes femelles, le Sternite est une pièce médiane impaire, 
antérieure, dépendant d’un anneau abdominal, dans lequel elle représente le Ster- 
num des anneaux thoraciques. Elle est saillante en dehors et était appelée autre- 
fois le gorgeret. Les épisterniles (analogues aux épisternums du thorax) sont des 
espèces doubles bilatérales comme les épisternums, et autrefois appelées écuelles 
latérales, etc. (Lacaze-Duthiers, Recherches sur l’armure génitale des insectes. Paris, 
. 1855. In-4°, p. 67). | 
= (3) Sur beaucoup d'espèces les deux branches sont courtes et n’atteignent pas les 
épimères réunis. Cette disposition s’observe sur presque tous les mâles de quelques 
espèces à une cerlaine période de leur développement lorsque celui-ci n’est pas 

IOURN, DE L'ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. XI (1877). 15 


226 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


La partie inférieure de ces branches du sternite envoie, mais 
sur quelques espèces seulement, une lame ou épidème coloré 
qui descend jusqu'auprès des ventouses anales ou copulatrices 
en prenant des formes différentes d'une espèce à l’autre. 

La partie supérieure du sternite porte le pénis sous forme de 
plaque cordiforme ou cpnoïde, à sommet tourné en avant. Dans 
d’autres espèces sur ce sommet se trouve arliculé un pénis en 
forme de stylet, souvent très-long, à sommet tourné en arrière. 

Cette pièce génitale est aussi chitineuse et rougeâtre ou de 
teinte ocracée. 

Sur tous les sarcoptides mâles décrits dans ce travail existent 
deux ventouses copulatrices circulaires d’un jaune rougeâtre 
foncé, placées de chaque côté de l’anus et constituées par les 
mêmes pièces élémentaires que celles des Tyroglyphes (pl. XIE, 
fig. 1) (1). 

2. Organe femelle. — La vulve est une fente longitudinale, ! 
placée au niveau des épimères de la troisième paire ou dans l’in- 
tervalle qui les sépare de ceux de la deuxième paire. 

Ses lèvres, non renflées, ni plissées, sont bordées de deux 
plaques ou lamelles allongées, chitineuses, ocracées, pouvant 
être comparées aux éptsternites de la vulve des insectes. Elles 
sont contiguës l’une à l’autre dans une partie de leur longueur, 

puis elles s’écartent en général beaucoup l’une de l’autre à partir 
du milieu de leur longueur ou environ; le tégument finement 
plissé dans le sens longitudinal s’avance entre elles. 

Au-dessus de leur commissure antérieure est couché trans- 
encore complet. Tous les mâles du Sarcoptes scabiei que Gerlach a figurés, eroyant 
qu'ils appartenaient à des espèces diverses, parce qu'ils vivaient sur des mammi- 
fères différents, sont représentés à cet état de développement (Gerlach, 1857, fig. 3, 
143 et 16). C’est l’état d'arrêt de développement que M. Bourguignon a décrit et figuré 
comme type du Sarcopte de la gale de l’homme (Traité de la gale de l’homme. 
Paris, 1852. In-4°, p, 194 et 206, pl. 10, fig. 58) et qu’il a adopté encore avec 
Delafond comme caractérisant le mâle de cette espèce. C’est de l’état de complet 
développement des deux branches avec continuité immédiate aux épimères réunis 
des troisième el quatrième pattes qu’ils ont fait une espèce distincte sous le nom de 
Sarcoptes suis, parce qu’iis l’ont observé sur le porc (Delafond et Bourguignon, Arch: 
gén. de médecine. Paris, 1858, In-8°, t. XI, p. 30); mais on rencontre cet état aussi 
bien que le précédent chez le S. scabiei Latreille, pris sur l’homme comme chez 


ceux qui vivent sur le porc, le mouton, le lama, le chien, etc. 
(1) Voyez leur description dans Fumouze et Ch. Robin, Loc. cit., 1868, 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 22F 


versalement un séernite, ou pièce solide chitineuse, ocracée ou 
jaunâtre, courbé en portion de cercle plus ou moins étendu, à 
concavité postérieure. Les extrémités de cette pièce sont, d’un 
genre à l’autre, soil libres, soit soudées à un des épimères ou 
à l’un des épisternites des lèvres vulvaires. Quelquefois cette 
pièce elle-même manque. 

Les deux paires de ventouses génitales incolores, cylindroïdes 
qui existent de chaque côté des organes sexuels femelles des 
Tyroglyphes, des Carpoglyphes et d'autres sarcoptides encore, 
manquent sur tous les sarcoptides plumicoles, comme sur les 
Glyciphages (1). 1 

Sur les Tyroglyphes et les Glyciphages la vulve est formée de 
deux lèvres un peu renflées, limitant une fente longitudinale. 
Ces lèvres portent chacune une écaille latérale ou épimérite, 
jaunâtre, aplatie, coupée obliquement en pointe antérieurement 
recourbée en dehors à son extrémité postérieure, qui se termine 
aussi en pointe. Ces épimérites se touchent par leur bord interne 
dans la plus grande partie de leur étendue. En dehors, ces lèvres 
sont marquées de plis transversaux très-fins et très-rapprochés 
qui manquent sur les sarcoptides plumicoles. A l'époque de la 
ponte, chez les Tyroglyphes et les Glyciphages, les épimérites 
s’écartent l’une de l’autre, et la portion terminale de l’oviducte 
vient faire une saillie relativement énorme sous le cépnalotho- 
rax. Ces faits suffisent pour montrer qu’on ne saurait considérer 
l'orifice génital femelle comme faisant suite à l’anus, ainsi que 
l’admet Pagenstecker qui décrit et figure une partie de la lon- 
gueur de ce dernier sous le nom de fente génitale sur le Tyro- 
glyphus siro femelle. 

On retrouve sur presque toutes les espèces de sarcoptides 
plumicoles la vésicule pleine de liquide incolore jaunâtre ou brun 
réfractant assez fortement la lumière qu’on voit par transpa- 

(1) Les diverses parties des organes sexuels dont il vient d’être question n'ont 
jamais été décrites avant nous chez les Sarcoptides autres que les Sarcoptes, les 
Psoroptes et les Chorioptes, ni pris en considération dans les diagnoses spécifiques. 
Aussi verrons-nous que Koch, qui distingue les sexes dans quelques-unes de ses des- 


criptions, parce qu’il a observé les individus accouplés, décrit les femelles comme 
étant les mâles et vice versd. 


228 CII. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


rence en arrière des dernières paites dans la cavité ventrale des” 
Tyroglyphus, de plusieurs Glyciphages et d’autres genres voisins. 


$ 7. — Bbes divers états par lesquels passe chacun des individus 
mâles et femelles pendant la durée de son existence (1). 


On sait que chez les Acariens tous les individus présentent, 
pendant la durée de leur existence hors de l’œuf, trois états qui 
se montrent brusquement après une mue et chacun d’une durée 
différente, bien que variable selon les conditions de tempéra- 
türe, "etc: (27. | 

Le premier état est celui de larve (de Geer), toujours hexa- 
pode, que présente l'animal en sortant de l'œuf, IL est caractérisé 
par le volume de l'arachnide, qui est toujours moindre que dans 
les phases ultérieures de l’évolution, bien que la forme soit dans 
le plus grand nombre dés espèces analogue à ce qu’elle sera 
pendant le reste de la vie. Indépendamment de l'existence de | 
trois paires de pattes seulement, il est caractérisé aussi par celle 
d’un nombre de poils moindre que par la suite ou de dimensions 
différentes ; quelquefois enfin par la présence d’appendices qu’on 
ne retrouve plus dans les états qui suivent. 

Le deuxième état est celui de rymphe (Dugès). 

Il comprend les Acariens octopodes qui sont dépourvus d’or- 
ganes sexuels. | 

Dugès se sert du mot nymphe pour désigner les Acariens qui 
ont déjà subi une ou plusieurs mues après leur sortie de l'œuf (3) 
et sont devenus ainsi octopodes, mais ne sont pas encore sexués. 
« Les métamorphoses de ces Acariens, dit-il, (les Rkyncholophes) * 
sont multiples; du moins, il s’en fait encore une après que leur 


2 


(4) Voyez sur ce point Mémoire sur les Sarcoplides avicoles et sur les mélamor- 
phoses des Acariens, par Ch. Robin (Comples rendus des séances de l'Académie 
des sciences. Paris, 1868, t. LXVI, p. 776). 

(2) C’est ainsi qu’on appelle nymphes mobiles ou demi-nymphes les insectes de 
quelques ordres ({lémiplères, elc.....) qui après avoir dépassé l’état de larve ont 
encore une mue à traverser, une enveloppe à rejeter avant d’être sexués, bien 
qu’ils aient déjà la forme et la bouche de l’adulte et se nourrissent d’une manière 
semblable ou analogue. 

(3) Dugès, Recherches sur l'ordre des Acariens (Annales des sciences naturelles. 
Paris, 1834. In-8°, t. I, p. 33 et 169), 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 299 


huit pattes sont déjà développées... Geux (les Rhyncholophes) 
qui n’ont pas encore subi cette métamorphose (celle quiles amène 
à l’état sexué) et qu’on peut croire 2»pubères, sont plus arron- 
dis, plus renflés et d’une couleur rougeâtre plus uniforme; on 
les trouve aux mêmes endroits et avec des dimensions qui va- 
rient (1) ». 

Cette forme sur laquelle Dugès ne s'étend pas plus longuement 
est d'autant plus importante qu’elle était, dans plusieurs genres 
d’Acariens, la seule qui fût connue. Les Chevyiètes, beaucoup de 
Gamases, elc., étaient dans ce cas avant les travaux de l’un de 
nous (M. Mégnin). 

Indépendamment de l'absence des organes génitaux et des dif- 
férences de volume que signale Dugès entre les individus à l’état 
de nymphe et ceux qui sont sexués, il peut en exisler d’autres. 
Cest ainsi, par exemple, que les nymphes des Glyciphages man- 
quent du prolongement tubuleux qui existe à l’extrémité posté- 

rieure du corps des adultes. Les larves des Cheylètes manquent 
d’une saillie portant des poils qu’on trouve sur les #ymphes de 
ces mêmes Acariens (2). Nous en trouverons de plus prononcées 
encore sur les sarcoptides décrits dans ce travail. 

Le troisième état des Acariens est celui de l’état adulte ou 
pubèére, qui comprend les endividus octopodes sexués. Or non- 
seulement cette forme embrasse dans chaque espèce les ëndividus 
mâles et les endividus femelles souvent fort différents les uns des 
autres, comme chez les Sarcoptides, mais encore les femelles des 
Sarcoplides avicoles passent par deux formes distinctes qu’on 
trouve toujours réunies et vivant ensemble. 


(1) Voyez A. Fumouze et Ch. Robin, Journal de l’analomie et de la physiologie. 
Paris, 1867. In-4°, p. 50. 

(2) Dans l’étude des Arachnides le mot larve n’est pas pris dans son sens étymo- 
logique de forme masquée, celle de ces articulés étant déjà dans ce qu'elle a de fon- 
damental ce qu’elle sera toujours à peu de chose près ; il est employé dans le sens 
plus général d'animal envisagé tel qu’il est au sortir de l’œuf (demi-larves de quel- 
ques auteurs ou larves à mélamcrphoses partielles comme chez les Hémiptères et 
les Orthoptères dont la larve diffère peu de l’insecte parfait), M. Nicolet appelle 
embryon les acariens hexapodes appelés larves par De Geer, Dugès et leurs suc- 
cesseurs, [1 nomme larves les individus octopodes impubères appelés nymphes par 
Dugès et les zoologistes qui l’ont suivi (Nicolet, Archives du Muséum d’hist. nat. 
Paris, 1855. In-4°, p. 396). 


230 CII. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


Ce sont : 1° les femelles accouplées ressemblant beaucoup aux 
nymphes et n'ayant pas encore des organes générateurs externes 
(vulve), ni de sternite en fer à cheval ou semi-lunaire, mais pos- 
sédant des organes d’accouplement chez certaines espèces ; 2° les 
femelles fécondées, d'une conformation et de dimensions très- 
différentes de celles des précédentes, d’une part, de celles des 
mâles d'autre part; elles sont pourvues des organes précédents 
(vulve), avec les pièces solides qui l’accompagnent, et ont un œuf 
dans l’oviducte sur le plus grand nombre des individus. 

Enfin, il est un état qui n'est pas constant et qui ne se montre 
que sous l'influence de certaines circonstances, de certains change- 
ments de milieux : c’est l'état hypopial dans lequel se dissimulent 
les nymphes d’une colonie d’Acariens menacée par la disette ou 
par l’imminence de la disparition de son habitat. A la suite d’une 
mue, qui est une métamorphose complète, on voit sortir des 
téguments rupturés des Tyroglyphes, comme de certaines espèces 
de Sarcoptides plumicoles sort une forme acarienne sans rostre ni 
aucune autre ouverture digestive ou sexuelle. Cette forme spé- 
ciale a huit pattes ongulées; elle est quelquefois munie d'un 
groupe de ventouses sous-abdominales, au moyen desquelles elle 
s'attache et adhère à des insectes ou à d’autres animaux qu’elle 
saisit au passage el se fait porter par eux en des lieux plus fortunés 
où elle reprend sa forme normale antécédente, de la même ma- 
nière qu’elle l'avait quittée. Ce sont ces nymphes adventives ou 
hypopiales, que les auteurs avaient décrites comme des espèces 
acariennes déterminées sous Les noms d’Æypopus, Homopus, Tri- 
chodactylus. Claparède (Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. 
nat. de Genève, Genève 1867, in-A°,t. XIX, 1" part. p.263, séance 
du 28 mars 1876) avait pris les nvmphes hypopiales des Tyro- 
glyphes pour une seconde forme des mâles de certaines espèces 
de ce genre d’Acariens; mais la découverte de l’un de nous a 
mis cetle inteprétation à néant et déterminé la place zoologique et 
le rôle physiologique de ces singulières formes acariennes (1). 

En résumé, tous ces Acariens passent par des états distincls 


(4) Voyez Mégnin, Mémoire sur les Hypopes dans ce journal, 1874, 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 931 


qui se manifestent chacun à la suite d'une mue. Ces états sont nor- 
malement au nombre de quatre pour les mâles, de cinq pour les 
femelles des Sarcoptides plumicoles et d'autres Sarcoptides égale- 
ment parasites des animaux. Ce sont : 

1° L'état d'œuf au sortir duquel l'animal a la forme de : 

2° Larve hexapode, suivie de l’état de : 

3° Nymphes octopodes sans organes sexuels ; 

h° De certaines de ces nymphes sortent : a, des mäles sexués, 
lors d’unè mue qui pour ceux-ci est définitive; 6, des autres sor- 
tent des femelles impubères ou sans organes génitaux externes, 
ressemblant par suite beaucoup aux nymphes dont elles viennent 
d'abandonner le tégument, mais plus grosses pourtant et ayant 
déjà des organes d’accouplement spéciaux dans quelques espèces. 
Voir ci-après les caractères de ces quatre PARSES évolutives. 

Lors d’une dernière mue consécutive à l’accouplement, ces 
femelles laissent sortir : 

5° Les femelles sexuées et fécondées, qui ne s’accouplent plus, 
et dans l'ovaire desquelles se montre un œuf. Ces dernières sont 
très-différentes des mâles d’une part et de l’autre des femelles 
sans organes génitaux externes; elles en différent tant par leur 
plus grande taille que par leur conformation. 

Une fois accomplie la mue qui laisse sortir les mâles ou les 
femelles pourvus d'organes sexuels, on ne voit plus s’en produire 
d'autre. Les caractères génériques de ces deux formes finales se- 
ront donnés dans la deuxième partie de ce mémoire. 

Le nombre des rues que subit pe 4 individu dans le cours 
de son existence ne correspond pas à celui des états successifs 
offerts par chaque arachnide. On voit, en effet, une mue ou deux 
avoir lieu, après chacune desquelles l'animal conserve encore 
soit l’état de larve hexapode, soit l’état de nymphe impubère, 
hypopiale ou non, c’est-à-dire avant que l’animal passe de ce 
premier état au deuxième, et de ce dernier à l’état d’individu 
adulte ou pubère. 

Chaque mue est annoncée par l’immobilité dans able reste 
l'animal. La première commence vers le quatrième jour après 
l'issue hors de l'œuf de l'individu hexapode, et l'animal reste 
environ trois jours dans l’immobilité avant d'abandonner son pre. 


232 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


mier tégument chitineux. Cette immobilité est de trois à cinq 
jours pour les autres mues, avec des périodes d’activité entre 
chaque mue, qui sont de six à huit jours au moins sur les Tyro- 
glyphes et les Glyciphages (1). 


re phase. — De l'etat ovulaire et embryonnaire. 


Les œufs de ces Acariens diffèrent un peu de forme et de struc- 
ture (en ce qui touche leur membrane vitelline ou coque) d’un 
genre à l’autre. Pourtant il faut noter que tous sont cylindroïdes, 
à extrémités mousses, et ont une longueur deux fois plus consi- 
dérable que leur épaisseur, avec une extrémité un peu plus atté- 
nuée que l’autre. Cette dernière est celle à laquelle correspond 
le rostre. 

Ils sont plus ou moins aplatis d’un côté dans le sens de leur 
longueur, et une fois le développement assez avancé, on voit que 
c'est à cette face que correspond le ventre de l'animal. L’éclo- 
sion a lieu par division en deux de l'extrémité céphalique de l’œuf, 
dont la coque se sépare sur une partie de sa longueur en deux 
valves, puis se roule sur elle-même une fois que la larve en est 
sortic. D'une espèce à l’autre elle est tout à fait homogène, ce 


(1) Dugès a entrevu sur les Hydrachnes qu’une fois arrivé à l’état sexué l’animal 
ne subit plus d’autre métamorphose, pourtant il ne formule pas nettement le fait. Il 
admet trois éclosions : 1° celle qui a lieu pour la sortie hors de l'œuf des individus 
hexapodes ; 2° celle qui a lieu pour l’issue des individus octopodes impubères hors 
de la peau de ceux qui sont hexapodes ; 3° celle qui a lieu pour la sortie des indi- 
vidus sexués hors de la peau des précédents. « Leurs griffes (celles des Hydrachnes), 
leurs cils et leurs poils, tout se forme avant cette troisième‘ éclosion, qui s’opère à 
travers une fente de la peau du dos et qui donne enfin le jour à un animal parfait » 
(Dugès, Loc, cit. ; Ann. des sc. nat. Paris, 14834. In-8°, t. TJ, p. 170). Dugès ap- 
pelle aussi les Hydrachnes octopodes impubères : « Hydrachnes du deuxième âge, 
c'est-à-dire ayant encore à subir la dernière transformation » (ibid., p. 171). 
Maigré ces indications, ni lui, ni ses successeurs n’ont tenu compte de ces faits 
dans les descriptions spécifiques des Acariens, comme on le fait au contraire en 
décrivant les Hyménoptères, etc, Les mâles mêmes n’ont pas été distingués des 
femelles malgré leurs différences, et dans bien des descriptions ce sont les nymphes 
qui malgré leurs analogies d’une espèce à l’autre ont fourni les caractères donnés 
comme spécifiques. M. Nicolet, quia vu et figuré les larves hexapodes et les individus 
octopades ayant encore à subir uue mue de plusieurs cspèces d’Oribates, donne le nom 
de larve à ces deux élats et en donne aussi une description commune. Il admet que 
c'est la deuxième paire de pattes qui manque aux individus hexapodes (loc. cit., 
p. 393), et ia vu les Arachnides Hoplophores sortir de l'œuf avec huit pattes. 


SUR LES SARCOPTIDES FLUMICOLES. 338 


qui est le cas le plus habituel, ou plus ou moins granuleuse. Tous 
les Sarcoptides plumicoles sont ovipares et placent leurs œufs, 
lors de la ponte, dans l’angle rentrant que forment les barbes des 
plumes avec la tige sur laquelle elles sont insérées. La plupart 
des espèces les pondent sur les rémiges, mais d’autres les dépo- 
sent sur les tectrices, où il faut les chercher lorsqu'on ne les 
trouve pas sur les premières. La segmentation du vitellus n'est pas 
encore commencée sur le plus grand nombre, lorsqu'a lieu la 
ponte ; cependant il est quelques espèces chez lesquelles le vitel- 
lus est déjà divisé en quatre globes vitellins, alors que l'œuf est 
encore contenu dans l’oviducte. La division a lieu par plans per- 
pendiculaires au grand axe du vitellus. 


2° phase.-— De l'état de larve. 


Dans toutes les espèces, les larves sont hexapodes, et la dispo- 
sition des épimères permet de reconnaitre que c'est la troi- 
sième et non la quatrième paire qu’elles ont en sortant de 
œuf (1). Rien ne fait distinguer les larves qui deviendront des 
individus mâles de celles qui seront des femelles. L'examen des 
larves et des nymphes des espèces dont les mâles adultes ont les 
pates de la troisième paire volumineuses d’une manière dispro- 
portionnéc à côté des autres, montre que ces patles restent petites 


(1) Les épimères de la troisième paire des Cheylètes et des Glyciphages offrent 
deux prolongements dirigés vers la ligne médiane qu’ils n’atteignent pas, et se re- 
courbent en bas pour se terminer librement en pointe. L'un de ces prolongements 
est en avant, l’autre en arrière de la pièce annulaire de l’épimère. La présence de 
cet épimère sur les larves hexapodes montre que c’est bien la quatrième paire de 
pattes qui leur manque. En effet, les épimères de la quatrième paire des nymphes 
cet des adultes de ces espèces n'ont qu’un prolongement de ce genre qui se détache 
de la partie postérieure de leur portion annulaire, puis se dirige en dedans et en 
haut en se recourbant un peu ; or c’est l’épimère ainsi organisé et la patte qu’il 
supporte qui manquent aux larves (Voyez A. Fumouze et Ch. Robin, Journal de 
l’analomie et de la physiologie. Paris, 1867. In-8°, p.524). La disposition précédente 
se retrouve sur les larves et les nymphes des sarcoptides avicoles, bien que plus ou 
moins facilement d’une espèce à l’autre. Il en est de même pour les Psoroptes et les 
Chorioptes ; de plus on constate sur ces derniers que lors de la mue qui amène à la 
forme octopode l’animal hexapode, les pattes qui apparaissent sont celles de la qua- 
trième paire, et on les reconnaît à ce qu’elles sont d’abord fort petites, puis de plus 
en plus grosses après chacune des mues qui ont lieu pendant la durée de l’état 
octopode impubère, 


254 CH. ROBIN ET P,. MÉGNIN, — MÉMOIRE 


pendant la durée de cet état, et qu’elles ne prennent leur grand 
voluine que sous la peau des nymphes avant leur dernière mue. 

Les larves sont presque identiques d’une espèce à l’autre et se 
ressemblent même souvent beaucoup d’un genre à l’autre. 

Toutes n'ont à l'arrière de l'abdomen qu'une paire de poils 
aussi longs ou un peu plus longs que le corps n’est large. Toutes 
ont un abdomen plus court et les flancs plus resserrés que 
durant les périodes ultérieures de leur développement. 

Dès le moment de l’éclosion, le rostre est constitué des mêmes 
parties que sur les individus adultes et de même configuration ; 
le volume seul de ses parties change à chaque mue, mais non 
leur constitution. 

Les larves de chaque espèce sont de dimensions diverses. En 
suivant leur évolution et par l’étude attentive des enveloppes hexa- 
podes abandonnées par des individus qui ont mué (enveloppes 
qui sont également de plusieurs grandeurs), on constate que ces 
Acariens subissent de deux à trois mues avant de passer à l’état 
de nymphes ou individus octopodes impubères, et qu'après chaque 
mue l'animal est un peu plus grand qu’il n’était auparavant. 

Les larves se tiennent particulièrement entre les barbes, ordi- 
nairement près de leur insertion sur la tige ; on les y retrouve 
souvent seules ou avec des nymphes, alors que les adultes se sont 
enfuis. Leur démarche, ainsi que celle des nymphes, est ordi- 
nairement plus lente que celle de ces derniers. Les larves de cer- 
taines espèces se rencontrent plus particulièrement dans les tec- 
trices, alors que les adultes se logent dans les rémiges; celles 
d’autres espèces sont mélangées à ces derniers entre les barbes 
de ces grandes pennes alaires. 

Dugès le premier (/oc. cit., 1834, p. 11), a montré que des 
Acariens, considérés comme espèces de tel ou tel genre, n’é- 
taient que des larves d’espèces appartenant à un ou plusieurs 
genres déjà connus. M. Nicolet a donné (/oc. cit., 1855, p. 389 
et 418), l'énumération de quatorze espèces, et d’un genre 
d'Oribatides décrits par Koch, devant disparaître nominale- 
ment, en montrant de quelles espèces de ces Acariens les for- 
mes précédentes étaient des individus octopodes impubères 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 239 


(nymphes de Dugès, appelées larves par M. Nicolet). Il a décrit 
et figuré plusieurs de ces nymphes des Oribatides, telles que celles 
des Oribata, des Nothrus, des Damaeus, des Hoplophora, eic. 
Il signale que ces jeunes se ressemblent dans chaque genre, 
mais différent entre elles d’un genre à l’autre; que dans cer- 
taines divisions les nymphes différent complétement des adultes 
et que dans d’autres elles n’en différent que par un tarse mono- 
dactyle au lieu d’être didactyle. Enfin l’un de nous a fait la même 
révision pour les différentes espèces de Gamasidés et pour cer- 
tains Thrombidions. | 


3° phase. — De l’état de nymphe. 


Les individus octopodes impubères ou #ymphes, dépourvus 
d'organes sexuels, ne présentent aucun caractère qui permette 
de distinguer ceux qui deviendront les mâles de l’espèce de ceux 
qui seront les femelles. L'étude des nymphes des espèces dont 
les mâles adultes ont les pattes de la quatrième paire d’un volume 
disproportionné à côlé des autres montre que ces pattes restent 
petites pendant toute la durée de cet état; elles ne prennent leur 
grand volume que sous la peau du corps avant la dernière mue ; 
en même temps que se produisent dans les mêmes conditions les 
organes sexuels. 

On sait toutefois que les Tyroglyphes et les Glyciphages por- 
tant des organes sexuels soit mâles, soit femelles, déjà recon- 
naissables, mais imparfaitement développés, subissent encore 
une dernière mue. Au sortir de celle-ci, ils montrent leur appa- 
reil d'accouplement entièrement formé et abandonnent un tégu- 
ment sur lequel on voit la trace bien dessinée des rudiments de 
ces organes. 

C’est aussi sous la peau des nymphes arrivées à la dernière 
période de cet état que se développent les prolongements posté- 
rieurs de l'abdomen tant des mâles que des femelles qui ont l’ab- 
domen bilobé. Pour les uns et les autres, on voit ces prolonge- 
ments recourbés sous le tégument de l'extrémité postérieure 
arrondie du corps des nymphes. Ils portent déjà les poils et les 


936 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


piquants qui sont insérés sur eux. Leur forme, ainsi que les 
pièces des organes sexuels, les ventouses copulatrices des 
mâles, etc., qu'on aperçoit par transparence, permettent de dis- 
tinguer les mâles des femelles avant leur issue du tégument des 
nymphes, ayant la même forme et des dimensions semblables. 

Cependant, lorsqu'on à sous les yeux deux nymphes simulta- 
nément, contenant l’une un mâle, l’autre une femelle prêts à sor- 
tir, on peut constater que celle qui renferme la femeile est sen- 
siblement plus grande que celle qui va donner issue au mâle, 
Dés leur issue, c'est-à-dire ? ou 3 minutes après, une fois étendus, 
les mâles, comme les femelles, ont les dimensions qu’ils conser- 
vent toujours, à 2 ou 3 centièmes de millimètre près. Seulement 
les pièces chitineuses sont encore incolores ou à peine-jaunâ- 
tres, et tout le corps est rempli de fines granulations graisseuses. 
(Voy. p. 230 ce qui concerne la forme Lypopiale de cette phase.) 

Les différences entre les nymphes d’espèces diverses sont un 
peu plus prononcées que celles qui existent entre les larves. Ge- 
pendant elles se ressemblent encore beaucoup dans chaque genre 
et même offrent d’un genre à l’autre un type commun de con- 
formation qu’on ne retrouve plus sur les individus sexués. Mais 
indépendamment de la quatrième paire de pattes qu’elles pos- 
sèdent déjà, elles se distinguent des larves par leur plus grand 
volume, par l'existence de deux paires de poils au bout de l’abdo- 
men; celui-ci est plus grand que sur ces dernières et à côtés or- 
dinairement plus arrondis. | 

Les larves, comme les nymphes, n’ont dans toutes les espèces, 
une seule exceptée, que l’unique plaque téqumentaire granu- 
leuse de l'épistome; elle est plus grande seulement sur ces der- 
nières que sur celles-là. Les unes et les autres manquent de la 
plaque thoraco-abdominale qui n'existe que sur les individus 
sexués. Ce fait, joint à ce que la conformation et les proportions 
de leurs paltes et de leur abdomen sont analogues d’une espèce 
à l’autre et même d’un genre à l’autre, montre encore une fois 
que les espèces fondées sur l’examen des nymphes seules ne sau- 
raient être maintenues, les différences spécifiques essentielles 
ayant nécessairement alors été omises. Or on sait que, malgré les 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 287 


différences de volume, de forme et de constitution qui séparent 
les mâles et les femelles de beaucoup d’arachnides, il est fort peu 
de descriptions spécifiques qui en tiennent compte, même dans 
des écrits des plus récents. 

Les nymphes n'ayant de commun avec les mâles et les femelles 
de la même espèce que la constitution du rostre et la présence de 
huit pattes (le plus souvent différentes de ce qu'elles seront après 
la mue suivante), 1l n’y a de valables scientifiquement que les es- 
pèces décrites et nommées d’après l’examen des mâles et des 
femelles comparés entre eux et aux individus encore impubèéres. 

Les nymphes sont d’une taille qui de l’une à l’autre varie entre 
celle des plus grosses larves et une grandeur un peu moindre que 
celle des individus adultes. Les enveloppes octopodes abandon- 
nées par les nymphes sont de plusieurs grandeurs, et d’après les 
variétés de leurs dimensions on voit que ces animaux subissent 
au moins deux ou trois mues en restant à l’état de nymphe, 
avant d'arriver à l’état sexué, et qu’à chaque mue l’Acarien sort 
plus grand qu'il n’était auparavant. 

Pour elles, comme pour les larves, la fente du tégument aban- 
donné à chaque mue et qui lui permet de sortir se produit sur le 
milieu du dos dans le sens longitudinal, en arrière de la plaque 
de l’épistome, ou parfois en même temps sur ses côtés. IL n’est 
pas rare de voir des nymphes pourvues de leurs huit paltes avec 
leurs deux paires de poils postérieurs repliés sous le tégument 
des plus grosses larves hexapodes, comme aussi on aperçoit des 
individus hexapodes prêts à sortir de dessous le tégument d’autres 
larves hexapodes. On rencontre également assez souvent des 
nymphes parmi les plus volumineuses, sur lesquelles on aper- 
çoit, au travers du tégument, un individu mâle ayant déjà tous 
ses organes sexuels bien développés et prêt à rompre l’enveloppe 
qu’il avait durant la phase octopode impubère ; on observe enfin, 
sous le tégument de certaines nymphes, des femelles sans organes 
génitaux externes, mais reconnaissables comme femelles quand 
il s’agit d'espèces possèdant des organes d’accouplement parti- 
culiers. Ces femelles-là montrent à leur tour sous leur tégument, 
peu après l’accouplement ou même pendant qu’il dure encore 


238 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


(mais peu avant qu’il finisse), la femelle pourvue d’organes 
sexuels externes, prête à sorlir de cette enveloppe par une der- 
nière mue. | | 

Les nymphes se rencontrent aux mêmes endroits que les larves; 
elles ont une démarche analogue, plus lente que celle des adultes. 
Comme les larves, elles sont d’un blanc grisâtre à surface bril- 
lante, au lieu d’avoir la teinte rousse des individus sexués. Leur 
démarche est surtout lente lorsque, sous le tégument, se déve- 
loppe une forme d’un âge plus avancé, dont par transparence on 
aperçoit les organes: alors l'animal reste presque immobile à 
Vaisselle d’une barbe de la plume insérée sur sa tige. 

La nymphe hypopiale de la seule espèce de Sarcoptide plumi- 
cole qui nous en ait montré habite le tissu cellulaire sous-cu- 
tané des oiseaux (Pigeons), dans les plumes desquels les adultes 
vivent. 


4° phase. —- Femelles accouplees. 


Bien que les femelles accouplées soient toujours sensiblement 
plus grosses que les nymphes, elles ne s’en distinguent aisément, 
lorsqu'elles ne sont pas en voie d’accouplement, que dans les 
espèces où elles portent à l’arrière du corps deux appendices 
incolores, cylindriques, qui manquent aux nymphes de ces mêmes 
espèces. Mais la présence de ces organes sur quelques espèces 
suffit pour prouver physiologiquement que, même dans celles où 
ces derniers manquent, ce n’est pas à des nymphes quelconques 
que s’accouplent les mâles. 

C’est une règle générale qui ne souffre pas d’exception, que les 
mâles des Acariens s’accouplent toujours avec des jeunes femelles 
qui n’ont pas encore la vulve de ponte ou qui n'ont cette vulve 
qu’à l’état rudimentaire (1). 

L’accouplement des mâles avec les femelles sans organes 


(1) Déjà MM, Bourguignon et Delafond ont noté chez les Psoroptes femelles un état 
propre à l’accouplement (consécutif à la mue qui fait passer l'individu hexapode 
à la forme octupode), suivi de deux mues qui amènent l’animal à l’état propre à la 
ponte ou définitif (1856). L’un de nous a constaté le même fait chez tous les autres 
Acariens psoriques, chez les Tyroglyphes, Glyciphages, Carpoglyphes (Ch. Robin), 
etc., chez tous les Gamasidés et les Trombidiés (Mégnin). 


SUR LES SARCOPTILES PLUMICOLES. 239 


sexuels externes a lieu de la manière suivante. Les deux indivi- 
dus accouplés se tiennent l'un à l’autre par l'extrémité postérieure 
de leurs corps de manière à ce que la tête de l’un soit dirigée en 
sens inverse de celle de l’autre. Sur la face dorsale de l'arrière 
du notogastre de la femelle, le mâle applique la face antérieure 
de son abdomen jusqu'au delà de l'anus; les deux ventouses co- 
pulatrices placées près de cet orifice sont saillantes et appliquées 
au tégument de la femelle de manière à lui adhérer assez inti- 
mement. 

Dans les espèces dont le mâle est pourvu de pattes postérieures 
 volumineuses et plus longues que les autres, celui-ci tient en 
outre les tarses appuyés fortement contre les flancs de la femelle 
et se fixe de la sorte à elle. 

Les deux sexes ont ainsi le dos tourné du même côté, et l’un 
des deux individus traîne l’autre derrière lui. C’est le mâle, en 
général, qui emporte la femelle, et 1ls restent ainsi plusieurs 
jours dans cette position. 

L'un de nous a observé que, aussi bien chez les Sarcoptides 
plumicoles que chez les Tyroglyphes, les Psoroptes, les Choriop- 
tes, les Sarcoptes, les Gamases, les Thrombidions, enfin chez tous 
les Acariens qu’il a observés, ce qui prouve que c’est une règle 
générale, la fécondation a lieu par suite de l'introduction du 
pénis du mâle dans l'anus de la jeune femelle, qu’elle ait ou 
non des rudinents de vulve sous-thoracique, ce qui prouve que 
la vulve sous-thoracique est exclusivement un organe de ponte, et 
que l’anus, chez les jeunes femelles pubères, est un véritable 
cloaque, comparable à celui des oiseaux (1). 

Les mâles des Sarcoptides plumicoles sont à peu prés aussi 
nombreux que les femelles, contrairement à ce que l’on voit pour 
plusieurs espèces de T\roglyphes et de Glyciphages, dans les- 
. quelles les mâles sont irès-rares, Dans presque toutes les espèces, 
les femelles accouplées sont, comme les nymphes et les larves, 


(1) Voyez Mégnin, Mémoire sur un nouveau Symbicle in Journal de l’anatomie. 
— Mémoire sur un nouveau Tyroglyphe, id. 1872-1873, — Mémoire sur les Hy- 
popes, id. 1874. =- Monographie des Sarcoplides psoriques in Revue de 300/ogie, 
1877, in-8. 


210 CI. ROBIN ET P. MÉGNIN. —-- MÉMOIRE 


d’une coloration d’un blanc grisâtre, tandis que les individus 
sexués sont moins transparents, roussâtres ou brunâtres. 

Ces derniers diffèrent toujours considérablement (les mâles 
au moins et quelquefois les femelles) des individus qui en sont 


encore aux états antérieurs de leur évolution. Les mâles diffé- . 


rent même beaucoup des femelles par leur volume, leur forme, 
les lobes ou les appendices de l’arrière de leur abdomen, et sou- 
vent par les dimensions et la disposition d’une de leurs paires de 
paltes, en sorte qu'il est impossible de bien établir les caractères 
d’une espèce tant qu’on n’a fait que l’examen d'individus de l’un 
seulement des deux sexes, même comparativement aux nymphes 
et aux larves. D’autre part, en raison des différences existant 
entre les individus sexués et les nymphes ou les femelles accou- 
plées, les doutes qui s'élèvent parfois sur leur identité spécifique 
ne sont nettement levés que lorsqu’on a pu observer l'issue des 
adultes hors de leur enveloppe de nymphe proprement dite ou 
de femelle accouplée. 

Les œufs se développent dans l'ovaire des femelles pendant 
qu'elles ont encore la forme des nymphes, avant la mue qui 
laisse en évidence les organes génitaux externes de la ponte bien 
développés. Souvent ces femelles, ayant des œufs dans l’abdomen 
et n'ayant pas encore l'appareil externe de la ponte ni la con- 
formation caractéristique de l’âge adulte, ont été décrites comme 
des femelles pleinement développées dans des espèces où celles-ci 
n'étaient en fait pas encore connues. Il en est ainsi pour les Sar- 
coples scabiei, notoëèdres, etc. 


REMARQUES GÉNÉRALES SUR LES MUES DES SARCOPTIDES. 


Au début du changement de peau, les Acariens deviennent 
immobiles, insensibles à tout contact et peu différents à cet égard 
des individus morts. Pendant la mue, la tête est infléchie en bas, 
les deux premières paires de pattes sont ramenées sous le céphalo- 
thorax parallèlement l’une à l’autre, les ventouses étalées. Celles 
de la troisième et de la quatrième paire, sur les nymphes, sont 
ramenées et recourbées en sens contraire, de manière que 


Se. ds À à tu né 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 2,1 


leurs poils et leurs ventouses se croisent sur la ligne médiane ou 
deviennent voisins les uns des autres. 

 L'accomplissement de la mue commence par un décollement 
de la couche chitineuse extérieure mince et qui doit être aban- 
donnée, de celle qui recouvre l’animal qui va devenir libre. 
Cette séparation a lieu aussi pour les appendices du tarse, c’est- 
à-dire son crochet, sa caroncule et le pédicule de celle-ci (1). 

Dans la première période de la mue, disent la plupart des au- 
leurs, ces parties se distinguent difficilement et, au moment où 
elles sont nettement visibles, elles ont déjà atteint leur grandeur 
naturelle. Sur les téguments abandonnés, Furstenberg n’a jamais 
pu, sur les poils ni sur le pédicule des ventouses, trouver un 
tronçon de ceux-ci autorisant à admettre que les poils se déta- 
chent de leur point d'insertion à la peau. Aussitôt que le tégu- 
ment ancien s’est séparé de celui qui lui est sous-jacent, ce qui 
a lieu plus ou moins tôt après que l'animal est devenu immobile 
(Furstenberg), les pattes se retirent de l’enveloppe qui leur cor- 
respond, et qu'on voit alors vide de tout contenu musculaire, etc. 
Les pattes se replient sous le ventre entre l’ancienne et la nou- 
velle peau, avec les ventouses et leur tige ou support tantôt re- 
courbés, tantôt dans la direction des pattes (2). Après que les 
jambes se sont relirées et se sont repliées sous le corps, le rostre 
se rétracte fortement vers le céphalo-thorax, c’est-à-dire qu'il 
abandonne son ancien tégument, qu'il laisse sous forme de cavité 
vide, sur une étendue égale au quart ou même à la moitié de 
sa longueur. 

D’après les observations de l’un de nous (3), les phénomènes 
de la mue, chez les Sarcoptides, ne se passent pas comme les 
auteurs sus-indiqués l’ont dit; ils se passent au contraire chez 


(1) Furstenberg n’a pu voir si les poils nouveaux se retirent comme le doigt d’un 
gant des poils anciens qui auraient formé un recouvrement à ceux qui leur succèdent. 

(2) Furstenberg a toujours vu les poils des palpes dirigés en arrière, ce qui le porte 
à croire que les poils se rompent à leur point d'attache et que de nouveaux poils 
poussent en ce point aussitôt après que les pattes ont pris la position qui vient d’être 
indiquée. 

(3) Mégnin, Note sur les métamorphoses des Acariens de la famille des Sarcop- 
lides el de celle des Gamasidés in Comptes rendus de l’Acad. des sc., 8 juin 4874. 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). 16 


2% CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


ces Acariens exactement de la même manière que sur les Atax, 
dans lesquels ils ont été si patiemment et si exactement suivis 
par Claparède. Lorsqu'un jeune Sarcoptide va muer, quel que 
soit son âge, pendant son immobilité son corps se remplit d’une 
substance sarcodique granuleuse résultant surtout de la liqué- 
faction des muscles dés pattes et du rostre qui se sont vidés ; 
une membrane analogue à la membrane blastodermique se 
forme à la surface de cette substance ; des bourgeons apparais- 
saient au nombre de trois paires vers l'extrémité céphalique 
et de quatre paires réparties symétriquement sur les côtés vis- 
à-vis de l’origine des membres ; ces bourgeons s’allongent sus 
les anciens téguments sous forme de cylindres qui deviennent 
des pattes complètes avec leurs poils et leurs crochets ou ven- 
touses ou les organes constitutifs du rostre, suivant qu'on con- 
sidére ceux des côtés ou de l'extrémité céphalique, et cela sans 
que les anciens organes aient concouru en rien à la formation 
des premiers et surtout sans qu’ils leur aient servi de gaîne. C’est 
en quelque sorte un œuf nouveau qui se forme dans le corps de 
l’animal qui mue, et dont le contenu bourgeonne et présente les 
mêmes phases que l’œuf primitif. Cela est si vrai que Claparède a 
vu cet état oviforme s’interposer entre chaque âge par suite de 
la dissolution rapide de la vieille enveloppe de larve on de nym- 
phe d’Atax dans l’eau dans laquelle il vit, dissolution qui n’a pas 
lieu chez les Sarcoptides qui vivent dans l'air. 

Tout le pourtour du corps s'éloigne également un peu de celui 
que représente l'enveloppe qui va être abandonnée, ce qui est 
aù à ce que le dos et le ventre se bombent plus ou moins; après 
quoi a lieu la rupture de l'enveloppe chitineuse ancienne dont 
sort l’Acarien, par suite des efforts qu’il fait. Sur les Tyroglyphes 
la fente dont il détermine la formation a lieu, en général, vers 
la partie postérieure de l’un des eûlés (1), et s’étend plus ou 
moins loin sur l’un des flancs ou sur le dos et, parfois, sous le 
ventre. On voit alors apparaître l'extrémité postérieure de l'ani- 
mal jusqu’à l’insertion des dernières pattes ; 1l fait ensuite sailhr 


(4) A. Fumouwze, De la cantharide officinale, Paris, 1867, In-8°, p. 45. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 243 


son dos, puis sortir son rosire, et dégage en dernier lieu ses 
pattes par une série d'efforts successifs. 

D’après Furstenberg, les Sarcoptes, les Psoroptes, les Cho- 
rioptes femelles muent au moins quatre fois (1). La première 
mue des larves hexapodes commence du troisième au quatrième 
jour aprés leur issue de l’œuf et dure pendant trois jours. 

C’est pendant ce temps-là que pousse la quatrième paire de 
pattes et, chez quelques espèces, d’autres organes, tels qu’une 
deuxième paire de poils à l'arrière du corps, la multiplication 
des saillies dorsales du tégument chez les Sarcoptes, etc. Mas 1l 
est des Acariens, comme les Sarcoptides plumicoles par exemple, 
qui changent deux fois et peut-être même trois fois de peau en 
restant hexapodes. Sur ceux-là ce n’est qu’à la deuxième mue ou 
à la troisième, que l’animal sort à l’état octopode impubère ou 
de #zymphe. Cette mue dure quatre à cinq jours. L'animal con- 
serve à peu près la forme qu'il avait pendant qu'il était hexapode ; 
seulement, 1l a huit pattes et dès qu’il sort 1l devient notablement 
plus gros qu’il n’était sous le tégument abandonné. 

Chez les Sarcoptides plumicoles, les Tyroglyphes et les Glyci- 
phages, ce phénomène se répète deux ou trois fois avant l’appa- 
rition des organes sexuels et, à chaque fois, l’animal sort nota- 
blement plus gros qu’il n’était. 

Cest à compter de la période pendant laquelle se forme la 
quatrième paire de paltes qu'on voit se développer graduelle- 
ment les organes génitaux internes et en particulier les ovules, 
qui acquièrent un développement plus ou moins considérable, 
selon les genres et les espèces, avant la mue qui amène l’appa- 
rition des organes sexuels extérieurs. 

Furstenberg signale que l’accouplement des femelles a lieu 
avant la dernière mue, qui est la troisième chez les Sarcoptes, 
les Chorioptes etles Psoroptes, et qu’on suit très-bien les phases de 
ce changement de peau pendant la durée de cet acte (Eichstedt, 
Gudden, Gerlach, Bourguignon). Cette dernière mue dure de 
deux jours et demi à trois jours. 


(1) Furstenberg, Die Krätzmilben, Leipzig. 1864. In-4°, p. 200, 


2,1 CII. ROBIN ET F. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


Les larves, les nymphes ou les individus sexués, séjournant 
sous le tégument qui appartient à leur état antériéur et qu'ils 
vont abandonner, montrent leurs pattes repliées sous l’abdomen. 
Dans les larves sous le tégument desquelles se développe une 
nymphe, on voit derrière la troisième paire de pattes apparaître 
la quatrième paire, par un bourgeon semblable à celui des 
autres membres. Elle est repliée d’arrière en avant sous le tégu- 
ment. Il en est, du reste, nécessairement de même des poils que 
les nymphes portent en plus grand nombre que les larves, et 
qui n'ont pas leurs analogues chez celles-ci. 

Les pattes qui bientôt vont devenir libres sont repliées sous 
l'abdomen, de telle sorte que les antérieures ont leurs trois der- 
niers articles et les poils qu’ils portent dirigés en arrière, et les” 
postérieures les articles correspondants dirigés au contraire du 
côté du rostre. Celles de la première paire sont parallèles entre 
elles, presque contiguës l’une à l’autre sur la ligne médiane, et 
celles de la quatrième paire offrent une disposition semblable, 
mais sont dirigées au sens inverse. Les pattes de la deuxième 
paire sont couchées en dehors de celles de la première, et celles 
de la troisième paire en dehors des dernières. Les poils de l’épi- 
stome et ceux du céphalo-thorax sont couchés, les premiers 
d'avant en arrière, les autres en sens inverse sous le tégument 
qui va être quitté. Les poils de la partie postérieure du corps et 
ses lobes, ainsi que leurs appendices (quand il y en a) sont re- . 
pliés et couchés sous le ventre contre les dernières pattes. Ces 
lobes et leurs appendices en se redressant dès leur sortie du tégu- 
ment chitineux abandonné font que les individus sexués se trou- « 
vent plus grands qu’ils n'étaient immédiatement avant sous forme « 
de nymphe (1). 


- 


(1) Les phases du phénomène de décollement dès que lé mince tégument chiti= 
neux de remplacement s’est produit comme il a été indiqué p. 242, sont faciles à 
observer sur les Crustacés, pour le rostre, les membres, les branchies, etc. Ce n’est 
qu'après la rupture dorsale du tégument au niveau de l’articulation thoraco-abdo- 
minale que ces divers organes se retirent de l’ancien comme le doigt se retire d’un 
gant. C’est sans doute par analogie avec ce qui se passe chez les Crustacés que les 
auteurs dont nous avons parlé avaient admis une formation de membres dans la cavité. 
des anciens et un décollement consécutif, mais, nous le répétons, les choses ne se 
passent pas ainsi chez les Acariens. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 2h45 


SUR L'HABITAT DES SARCOPTIDES PLUMICOLES EN GÉNÉRAL. 


Les femelles accouplées se trouvent:avec les mâles et aussi avec 
les femelles sexuées, soit mêlées aux nymphes et aux larves en 
séries, soit isolées, entre les barbes des rémiges seules ou des 
, rémiges et des tectrices (comme on le voit sur les cailles et les 
perdrix), soit plus particulièrement sur les rémiges. Les tectrices, 
au contraire, logent surtout des nympnes et des larves; le plus 
souvent, elles sont entre les grandes barbes. Sur quelques oiseaux, 
comme sur le martinet (Cypselus), il y en a aussi entre les bar- 
bes de la courte rémige. Parfois les mâles et les femelles fécon- 
dés, mais surtout ces dernières, se liennent appliqués plusieurs 
à la suite l’un de l’autre, ou en amas avec des nymphes, contre 
les faces latérales de la tige des plumes, à la base des barbes, ou 
entre les premières barbes duvetées qui sont près de l’âme de la 
plume, soit des rémiges, soit des tectrices. D’autres fois, les 
adultes sont dans le sillon de la face inférieure de la tige jus- 
qu'’auprés de l’âme, en même temps qu’il y en a sur les côtés de 
la tige. 

Dans tous les cas, on ne trouve ces Acariens que sur les ailes 
quand les oiseaux sont récemment tués, et ils rentrent rapide- 
ment entre les barbes quand on cherche à les enlever. Lorsque 
l'animal se refroidit, ils se répandent ordinairement sur la peau 
du corps, les adultes surtout, et on les trouve encore vivants 
trois à cinq jours après la mort de l’oiseau. Les nymphes et les 
larves restent plus longtemps à l’aisselle des barbes, et souvent 
même jusqu à ce qu’elles y meurent. 

Lorsque ces Acariens sont très-nombreux, comme on le voit 
souvent sur les perdrix et les cailles, les coques des œufs, et sur- 
tout les enveloppes de larves et de nymphes, sont abandonnées 
les unes à la suite des autres entre un certain nombre de barbes 
voisines sur une même plume. Elles forment ainsi des plaques 
grisâtres vers le milieu de la plume, pouvant atteindre une lar- 
geur de À centimètre carré ou environ. | 

Dans ces enveloppes, non plus que parmi celles qui sont épar- 


2h16 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN, — MÉMOIRE 


ses, on n’en trouve jamais qui aient appartenu aux femelles ni 
aux mâles sexués, qui en un mot reproduisent leur forme, leur 
plaque granuleuse céphalothoracique et la disposition des organes 
génitaux externes ; toujours on ne rencontre que des téguments 
reproduisant la conformation des larves et des nymphes avec. 
leur unique plaque grenue de l’épistome. Ces particularités mon- 
trent que les individus sexués ne subissent aucune mue; que la 
dernière mue de chaque espèce est celle qui s'annonce par l’appa- 
rition des organes sexuels complets sous le tégument des nym- 
phes proprement dites, quand il s’agit des mâles, et pour les 
femelles, sous celui des individus ayant la forme des nymphes, 
mais ayant été accouplées avec les mâles alors qu’elles étaient 
encore sars organes sexuels externes ou avec les lèvres de la 
vulve à l’état rudimentaire seulement. 

C'est surtout dans les premières plumes de l’aile qu’on les 
trouve et parfois, comme sur l’engoulevent (Caprimulqus\, dans 
la partie blanche des plumes à l'exclusion presque complète des 
portions autrement colorées. 

Sur les cailles et les perdrix, ils sont assez souvent accompa- 
onés de quelques Liothés. Ces derniers se tiennent plus particulié- 
rement entre les petites plumes de la tête, dans le voisinage de 
là base du bec, et quittent cette place très-peu de temps après la 
mort de l’animal. 


SUR LES AFFINITÉS ZOOLOGIQUES DES SARCOPTIDES PLUMICOLES, 


Les Sarcoptides plumicoles ont des affinités avec les Chorioptes, 
les Sarcoptes et les Psoroptes, par les analogies que présentent 
des uns aux autres les sillons de leurs téguments et par l’existence 
chez les uns et les autres de plaques granuleuses dorsales. Mais 
ils en diffèrent beaucoup par la forme de leur corps, par la dis- 
position de leur lèvre, de leurs palpes maxillaires, de leurs man- 
dibules, de leurs organes génitaux et surtout de leurs pattes. 

A ces derniers égards, ils se rapprochent davantage des Tyro- 
glyphes ct surtout des Glyciphages, mais ils se distinguent aisé- 
ment de ces derniers, qui ont le tégument lisse ou grenu)ÿ sans 


SUR LES SARGOUPI1IDES PLUMILOLES. 247 


sillons ni plaques granuleuses de l’épistome et thoraco-abdomi- 
nale et qui de plus ont le corps de forme plus massive. 

Enfin les larves et les nymphes différent plus des individus 
sexués, et les mâles différent quelquefois plus des femelles dans 
les espèces décrites dans ce mémoire que chez les Sarcoptes, les 
Chorioptes, les Psoroptes, les Tyroglyphes et les Glyciphages. 

Bien que par la constitution de leurs pattes, de l’arrière de 
l'abdomen du mâle, et par la disposition des organes génitaux, ils 
se rapprochent un peu des Listrophorus (1),ils s’en distinguent 
aisément par la structure, tant de leur rostre que de leur épis- 
tome, et par la forme générale de leur corps, de leur dos surtout. 

Ils se distinguent facilement aussi des autres Sarcoptides 
vivants, sur divers petits mammifères et rangés par Kock dans 
son genre Dermaleichus. | 

C’est le genre Pterolichus qui se rapproche le plus des Tyro- 
glyphes, surtout ses premières divisions, et le genre Dermalichus 
est le plus voisin des Psoroptes et des Chorioptes; le genre 
Pteronyssus établit le passage du premier de ces genres au se- 
cond. Quant au genre Proctophyllodes, si ses pattes et son rostre 
le rapprochent du Pterolichus et par suite des Tyroglyphes, 
lobes abdominaux des femelles adultes les éloignent à la fois 
et de ceux-ci et des Psoroptes et des Chorioptes. En somme, 
les Sarcoptides plumicoles forment une tribu bien distincte qui 
doit être placée entre les Sarcoptides détrilicoles et les Sarcop- 
tides psoriques, et à côté des Sarcoptides gliricoles ou parasites 
des rongeurs. 

L’Acarien décrit par M. Gervais sous le nom de Tyroglyphus 
bicaudatus comme suballongé de couleur rosée pâle, avec épines 
basilaires, des pattes fauves, abdomen des adultes prolongé en 
deux tubercules séligères portant chacune un stigmate inférieu- 
rement près de son extrémité, ce qui lui donne quelque analogie 
avec les Psoroptes (2), est certainement un Acarien du groupe 
des Sarcoptides plumicoles et non un 7Tyroglyphe; mais les 


(4) Pagenstecher, Listrophorus Leuckarti, Ein neues milbengeschlecht (Zeitschrift 
fuer wissens. Zoolog. Leipzig, 1861. In-8°, p. 109 et 156). 
(2) Gervaiset Walckenaer, Insectes aptères, Paris, 1844, In-8°, t. III, p. 262, 


2hS CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — SARCOPTIDES PLUMICOLES. 


caractères précédents ne permettent pas de dire auquel des gen- 
res suivants il appartient. 

La deuxième partie de ce travail contiendra la descriplion des 
genres et des espèces dont les noms seuls, pour la plupart, 
avaient été signalés par l’un de nous (1) à la suite d’un résumé 
des pages qui précèdent. 


(La suite au prochain numéro.) 


EXPLICATION DES PLANCHES XII er XIII. 
PLANCHE XII. 


Fic. À. — Pterolichus falcigerus mâle, face ventrale (grossiss. 100 diam.). 
Fi. 2, — Le même, face dorsale (même grossiss.). 


Fic. 3. — Son rostre, face inférieure (grossiss. 250 diam.). 
f,f. Mâchoires. 
g,h,i. Palpe maxillaire. 
ll, Lèvre. 
m,m. Mandibules. 
FiG, 4. — Une de ses mandibules (même grossiss.). 


PLANCHE, XIII. 


FiG. 1. — Pterolichus fulcigerus femelle, face ventrale (grossiss. 100 diam.). 
Fig. 2, — La même face dorsale (même grossiss.). 
Fi. 3. —- Son rostre, face inférieure (grossiss. 309 diam. ). 
f,f. Mächoires soudées. 
g,h,i. Palpe maxillaire à trois articles. 
1,1. Lèvre résultant de la soudure de la partie membraneuse des 
mâchoires, et portant une paire de poils. 
m,m. Mandibules. 
Fi6. 4. — Une mandibule isolée (grossiss. 300 diam.). 
Fi. 5. — Un œuf (grossiss. 100 diam.). 
F16. 6. — Une larve hexopode (même grossiss.) 
FiG. 7. — Une nymphe octopode (même grossiss.). 
Fi. 8. — Une nymphe en voie de subir la métamorphose hypopiale 
(même grossiss.). 


(1) Ch. Robin, luc. cit. (Comptes rendus de l’Académie des sciences. 1868, 
t. LXVI). 


MÉMOIRE 


SUR 


LA DUALITÉ PRIMITIVE DU COEUR 
DANS L’ÉVOLUTION DU POULET (1) 


Par M. Camille DARESTE 


On a signalé, à diverses reprises, l'existence de deux cœurs 
chez des oiseaux adultes et d’ailleurs bien conformés. Ces faits 
ont été généralement révoqués en doute (2). Mais ce doute n’est-il. 
pas exagéré, et doit-on considérer tous ces faits comme absolu- 
ment dépourvus d'authenticité ? Celle question, il y a vingt ans, 
aurait pu paraître étrange. Les observalions que j'ai faites sur 
le mode de formation du cœur m'autorisent du moins à la poser. 

Assurément, il n’est pas possible d'admettre, avec Théophraste, 
que les perdrix de Paphlagonié possédaient deux cœurs d’une 
manière normale (3). De pareils faits n’auraicnt pu évidemment 
se présenter que comme des faits exceptionnels. Mais je puis 
citer une observation beaucoup plus récente et dont l’authenti- 
cité me parait difficile à nier. Jela cite textuellement, telle qu’elle 
est rapportée dans l’Arstoire de l’Académie des sciences. 

€ M. Plantade (4), de la Société royale de Montpellier, étant 
à Paris, a trouvé à ses repas, deux fois de suite en assez peu de 
temps, deux poulets qui avaient chacun deux cœurs. Il donna 


(1) Ce mémoire forme un chapitre détaché d'un ouvrage actuellement sous presse 
et qui a pour titre : Recherches sur la production artificielle des monstruosités ou . 
essais de tératogénie expérimentale. 

(2) Voyez au sujet de ces faits de dualité du cœur, Is. Geoffroy Saint-Hilaire, 
Traité de tératologie, t. 1, p. 725. 

(3) A. Gellius. Noctes atiicæ, liv. XVI, cap. xv. 

(4) Plantade était un astronome éminent qui fut le fondateur de la Société royale 
de Montpellier. 11 mourut subitement à soixante-treize ans, sur le pie du Midi, pen- 
dant qu’il faisait des observations astronomiques. 


250 C. DARESTE. — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR 


ceux du dernier à M. Cassini le fils, qui les apporta à l'Académie. 
M. Littre les examina; il commença par les ramollir dans de 
l’eau tiède pour les mettre en élat d’être disséqués. Ils étaient 
égaux entre eux, et seulement tant soit peu plus petits chacun 
que le cœur d’un poulet du même âge. Ils étaient situés à côté 
l’un de l’autre, avaient chacun leurs ventricules, leurs oreillettes 
et tous leurs vaisseaux sanguins comme les cœurs ordinaires, et 
n'avaient rien de singulier sinon qu'ils étaient attachés tous deux 
par leur veine cave inférieure à un des lobes du foie. M. Littre 
conjectura que le sang du ventricule droit du cœur droit allait 
dans le poumon droit, et le sang du ventricule droit du cœur 
gauche dans le poumon gauche. Quant à l’autre circulation, ou 
les aortes des deux cœurs pouvaient s’unir etn’en former qu’une, 
ou l'aorte du cœur droit fournissait du sang aux parties du côté 
droit, et celle du cœur gauche au côté gauche ; ou toutes deux se 
distribuaient également par tout le corps, de sorte qu’il y avait 
toujours double artère. Du reste, comme chacun des deux cœurs 
avait presque autant de force qu’un cœur unique, ce poulet avait 
deux fois plus de vie qu’un autre, et si un cœur lui manquait, il 
en avait encore un de relais. Cette conformation, qui, selon ce 
qu’on a vu, n’est pas apparemment fort rare dans cette espèce, 
ne doit pas être impossible dans l’homme; et peut-être a-t-elle 
déjà produit des phénomènes qui ont confondu les physi- 
ciens. (1) » , 

Cette observation, si incomplète qu’elle soit, ne peut, ce me 
semble, laisser aucun doute, même aux esprits les plus sceptiques ; 
car il ne faut pas oublier que Littre était incontestablement l’un 
des premiers anatomistes de son temps. 

Il y a également des observations analogues de Sæœmmering et 
de Meckel sur l'oie. Meckel les rapporte sans aucun détail; il dit 
seulement qu'il a observé la dualité du cœur sur une oïe pendant 
un repas (2). Sans doute, cetteobservation de Meckel n’est qu'une 


(1) Fontenelle, Hist. de l’Acad. des sciences, 1709, p. 16. 

(2) Meckel, De duplicitate monstrosa commentarius, 1815, p. 54: « Sæmmering 
itidem cor anserinum observavit duplex, nosque ipsi tale coram habemus in ansere 
simplici; sed, proh dolor! inter cœnam tantum jam elixum quod fuit repertum. » 


DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 251 


simple allégation. Peut-on cependant contester l’allégation d’un 
anatomiste comme Meckel, lorsqu'il dit avoir rencontré deux 
cœurs ? 

Ces faits ont été observés chez des oiseaux. Je n’en connais 
qu’un seul dans l'espèce humaine ; mais, si incomplète que soit 
sa description, elle présente toutes les garanties d'authenticité. 
Elle appartient à un chirurgien de Lyon, nommé Collomb, dont 
le nom est aujourd’hui complétement oublié, mais qui était un 
praticien instruit et qui même professa la chirurgie à Lyon. 
Cette observation fut faite sur un monstre opocéphale qui avait 
vécu deux heures, et qui fut disséqué par Collomb. Je cite tex- 
tuellement ses paroles : « J’ouvris la poitrine et nous y trouvä- 
mes deux cœurs enveloppés chacun d’un péricarde ; leurs pointes 
étaient tournées, l’une du côté droit, l’autre du côté gauche ; les 
vaisseaux qui en partalent et qui s’y rendaient étaient nécessai- 
rement doubles ; mais ils se réunissaient à neuf lignes environ 
de distance du cœur pour ne former ensuite que les troncs 
ordinaires. (1) » 

En 1860, la question entra dans une phase nouvelle. M. Panum 
signala l'existence de deux cœurs sur des embryons monstrueux 
de poulets (2). Les observations de M. Panum, fort développées, 
ne pouvaient laisser aucun doute. Toutefois ce physiologiste, tout 
en les faisant connaître, n’en comprit point la signification. Il 
expliqua les deux cœurs par la division d’un organe primitivement 
unique. C'est précisément, je vais le montrer, le contraire de ce 
qui se passe dans la réalité. 

J'eus moi-même, en 1863, l’occasion d'observer un fait de ce 
genre (3). En 1864, ces faits se reproduisirent assez fréquem- 


(1) Collomb, OEuvres médico-chirurgicales, p. 462. Ce livre a été publié en 1798, 
l’année même de la mort de Collomb. Mais l'observation est beaucoup plus ancienne, 
car elle est citée en 1743 dans un des mémoires lus par Winslow à l’Académie des 


sciences. — Voy. sur Collomb, Dumas, Hist. de l'Acad. royale des sciences, beiles- 
lettres et arts de Lyon, t. I, p. 275. 
(2) Panum, dans Virchow’s Archiv, t. XVI, p. 39. — Voyez aussi son livre sur 


la production des monstruosités, Untersuchungen, etc., p. 86 et 94, pl. IV, fig. 1, 
2; pl. V, fig. 4 et 2. 

(3) Dareste, Nouvelles recherches sur la production artificielle des monstruosilés, 
dans les Comptes rendus, t, LVII, p. 445, 1863. 


252 C. DARESTE, — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR 


ment dans une série d’expériences faites pour déterminer l’in- 
fluence que les températures relativement basses exercent sur. le 
développement de l'embryon du poulet (1). Ils me paraïssaient 
étranges. Toutefois, je ne pouvais douter de leur réalité; car le 
cœur est le premier organe de l'embryon qui manifeste son rôle 
physiologique par un phénomène spécial, la contractilité, à une 
époque où la vie des autres organes ne consiste encore que dans 
la multiplication des cellules. Je voyais battre les deux cœurs, 
pendant un temps plus ou moins long, sur le blastoderme séparé 
du jaune et étalé sur le porte-objet du microscope : je pouvais 
même, en meltant en Jeu une particularité physiologique déjà 
signalée par Harvey, faire reparaître, à plusieurs reprises, les 
contractions du cœur par l’empioi de l’eau chaude, lorsqu'elles 
avaient cessé depuis un certain temps (2). J'avais donc bien réel- 
lement sous Les yeux deux cœurs distincts. 

Comment expliquer ces faits ? L'hypothèse qui me ‘parat la plus 
vraisemblable, c’est que le cœur serait primitivement double et 
que l'existence des deux cœurs, dans certains états tératologiques, 
serail la permanence d’un état primiuif résultant d’un arrêt de 
développement. Je consullai donc tous les ouvrages d’embryo- 
génie qui étaient à ma disposition, ouvrages fort peu nombreux 
du reste ; car j'étais alors en province et je n’avais à ma portée 
qu’un nombre très-restreint de livres de science. Tous ces ouvra- 


(1) Dareste, Recherches concernant l'influence des basses tempérrlures sur le 
développement de l’embryon de la poule, dans les Mém. de la Soc. des sciences, de 
l’agriculture et des arts de Lille, 3° série, t. Il, p. 294, 1865. 

(2) Je voyais récemment, dans un traité d’embryogénie publié en Allemagne, 
l'indication de cette propriété comme une découverte nouvelle. Voici les propres 
paroles de Harvey : 

«Ovo insuper aeri frigidiori diutius exposilo punctum saliens rarius pulsat et 
languidius agitatur : admoto autem digito calente, aut alio blando fotu, vires statim 
vigoremque recuperat. Quinetiam, postquam punctum hoc sensim us et san- 
guine plenum, a motu omni cessans nullumque vitæ specimen exhibens, morti peni- 
tus succubuisse visum est, imposito digito meo repente, spatio viginti arteriæ meæ 
pulsuum, ecce corculum denuo reviviscit, erigitur, et tanquam postliminio ab Orco 
redux pristinam choream redintegravit. Idque alio quolibet leni calore, ignis nempe 
aut aquæ tepidæ, iterum iterumque a me atque aliis factitatum est; ut, pro libito, 
misellam animam ve! morti tradere, vel in lucem revocare, in nostra potestate fuerit. » 
Exercitaliones de generalione animalium, ex. 16. 


DANS L'ÉVOLUTION DU POULET, 253 


ges décrivaient le cœur comme un orgare complétement simple 
à son début. Toutefois je lus dans un mémoire de Serres (1) que 
la dualité primitive du cœur aurait été figurée par Pander dans 
son célèbre mémoire sur le développement du poulet, mémoire 
que je ne pouvais alors consulter. J’acceptai done complétement 
l’opinion de Serres, et je partis du fait de la dualité primitive du 
cœur, que je croyais établi par Pander, pour expliquer non-seu- 
lement la dualité tératologique de cet organe, mais encore un 
certain nombre d’autres anomalies. Ce fut le sujet d’une note que 
j'adressai à l'Académie des sciences le 5 juin 1865 (2). 

Voici un extrait de cette note : 

Après avoir signalé la position de l’anse cardiaque, tantôt à la 
droite, et Lantôt à la gauche de l'embryon, j'ajoute : 


L’explication de ce fait m'a été donnée par l'étude des monstres à 
double cœur que j'ai rencontrés en assez grand nombre (une vingtaine 
environ) dans mes expériences. | 

Je n'ai pas encore été assez heureux pour observer directement le 
mode de formation de ces doubles cœurs; mais les connaissances que 
nous avons sur la formation normale du cœur me permettent de l’ex- 
pliquer d’une manière très-simple. 

Le premier indice que l'on ait de la formation normale du cœur con- 
siste dans l’apparition de deux replis latéraux que l’on observe au-dessous 
de la tête et au-dessus du pli transversal que forme le capuchon cépha- 
lique à l'endroit où il se sépare de la tête. Ces replis, qui ont été figurés 
pour la première fois par Pander, forment deux blastèmes situés symé- 
triquement des deux côtés de la ligne médiane. 

Lorsque ces deux blastèmes se développent inégalement et d’une ma- 
nière indépendante, ils donnent naissance aux deux anses cardiaques. 

Le plus ordinairement ces blastèmes se développent d’une manière 
inégale et l’un des deux est beaucoup plus apparent que l’autre. Celui 
de ces blastèmes qui prend le plus grand développement détermine la 
formation d’une anse cardiaque unique, qui occupe le côté de la ligne 
médiane primitivement occupé par le blastème le plus développé. 

Il reste maintenant à déterminer, pour compléter l’histoire de la for- 
mation du cœur, le rôle du blastème dont le développement est moin- 
dre. Disparait-il peu à peu en s’atrophiant? ou bien doit-il se souder 


(4) Serres, Recherches d'anatomie transcendante, dans les Annales des sc, nat., 
1'° série, t. XVI, p. 249, 1829, 

(2) Dareste, Mode de production de l’inversion des viscères ou de l’hétérolaxie, 
dans les Comptes rendus, t. LX, p. 746. 1865. 


254 C. DARESTE. — DÜALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR 


avec l’autre blastème et contribuerait-il à former les cavités du cœur 
pulmonaire ? 


Dans le premier cas, il y aurait primitivement deux cœurs qui, en se 
développant isolément, donneraient le cœur de l’état normal et le cœur 
de l’état inverse. Dans le second cas, Le cœur définitif serait formé par 
la soudure des deux blastèmes, dont le plus développé donnerait le cœur 
aortique, et le moins développé le cœur pulmonaire. 

Cette dernière opinion me parait être la plus conforme aux faits. Tou- 
tefois je n’ai pu encore m'en assurer d’une manière certaine. 


On le voit, je croyais alors, sur la foi de Serres, que Pander 
avait établi la dualité primitive du cœur et je’ ne pensais pas 
qu'il fût nécessaire de la démontrer après lui. 

Quelque temps après, pendant un séjour à Paris, J’eus occasion 
de lire le célèbre travail de Pander. Je vis, à mon grand étonne- 
ment, que Pander n’a ni décrit ni figuré la dualité primitive du 
cœur. Ge grand embryogéniste a cherché à expliquer la forma- 
tion du cœur, comme Wolff avait expliqué celle de l'intestin, par 
le repli d’une lame qui, formant d’abord une gouttière, se trans- 
formerait en un tube ; et, par conséquent, 1l considérait cet or- 
gane comme unique dès son origine. Ce qui a causé l'erreur 
de Serres, c’est qu'il a considéré comme deux parties distinctes 
les deux plis qui, dans la suite, forment le cœur (die beiden 
Falten des innern Seite der Kopfscheide, welche in der Folge 
das. Herz bilden) (1). Il est possible d’ailleurs que les plis figurés 
par Pander aient été les bords extérieurs des deux blastèmes 
cardiaques primitifs; mais, si Pander avait vu le fait, il n’en avait 
pas compris la signification. | 

Personne n'avait donc constaté la dualité primitive du cœur. 

Il n’y avait qu'un moyen de vérifier mon hypothèse : c’était 
l'observation directe. Je me posai ce problème : le cœur appa- 
rait-il, dans son premier état, sous la forme d’un tube cylindri- 
que, situé, dans la fosse cardiaque, au-dessous de l’œsophage, 


(1) Pander, Beitrüge zur Entwickelungsgeschichte des Hühnchens im Eï. 1817, 
p. 37. Voy. aussi pl. VII, fig. 3. — L’explication que Pander donne de la formation 
du cœur a été assez exactement reproduite en 1868 par His : Untersuchungen über 


die erste Anlage des Wirbelthierleibes. — Die erste Entwickelung des Hühnchers 
im Ei, p. 84. 


DANS L'ÉVULUTION DU POULET. 200 
comme le décrivent tous les embryogénistes ? ou bien, ne pre- 
senterait-il pas des phases antérieures, et ne serait-il pas double 
à un certain moment de son existence ? Je me mis à l’œuvre en 
1866; et j'arrivai, par une longue série d'observations, à con- 
stater que l’état de tube cylindrique, considéré pendant longtemps 
comme l’état primitif du cœur, a été précédé par une succession 
d’autres états pendant lesquels le cœur est manifestement dou- 
ble. C’était donc une découverte entièrement nouvelle à laquelle 
J'étais conduit par mes études tératogéniques. Mais je fis, en 
même temps, une autre découverte, tout à fait inattendue, c'est 
que la formation du cœur se lie à la formation même du segment 
antérieur du feuillet vasculaire. Il y avait donc là deux faits en- 
tièrement nouveaux que personne n'avait vus avant mol. 

Pour établir sur un texte précis mes droits à la découverte de 
la dualité primitive du cœur et du mode de formation du seg- 
ment antérieur du feuillet vasculaire, je citerai textuellement une 
note que J'adressai à l'Académie des sciences dans la séance 


du 8 octobre 1866, telle qu’elle a été publiée dans les Comptes 
rendus. 


Recherches sur la dualité primitive du cœur et sur la formation de l'aire 
vasculaire dans l'embryon de la poule (1). 


Tous les embryogénistes qui ont étudié avant moi la formation du 
cœur décrivent cet organe comme constituant, dès son origine, une 
masse unique. 

Mes études tératologiques m'avaient conduit depuis longtemps à soup- 
tonner, ainsi que Serres l'avait fait avant moi, que le cœur devait être 
double à son origine ; c’est-à-dire qu'il y aurait au début deux cœurs 
qui, primitivement séparés, se réuniraient de bonne heure sur la ligne 
médiane, J'avais constaté, en effet, dans un certain nombre d’embryons 
monstrueux, l’existence de deux cœurs complétement séparés et dont je 
ne pouvais me rendre compte que par la permanence d’un état primitif, 
En poursuivant des recherches dans cette direction j'ai constaté, confor- 
mément aux prévisions de Serres et aux miennes, que la dualité du 
cœur est un état normal, mais pendant une période tellement courte 
qu'elle a échappé à tous les observateurs. 

J'ai déjà l’année dernière annoncé ce fait à l’Académie, en le faisant 
servir à l'explication d’un certain nombre d'anomalies. Je me propose 


(4) Comples rendus, t. LXIIT, p. 608. 1866. 


256 | G. DARESTE. — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR 


aujourd’hui de montrer comment la dualité primitive du cœur se lie à 
certaines particularités non encore décrites du développement de l’aire 
vasculaire. | 

L’aire vasculaire, complétement et normalement développée, a un 
contour entièrement circulaire. Ce contour circulaire est décrit, par 
tous les embryogénistes, comme l’état primitif de l'aire vasculaire. Je 
me suis assuré qu'à son début l'aire vasculaire n'est pas entièrement 
limitée par une circonférence de cercle, et que son contour circulaire 
ne se complète que tardivement dans la région antérieure, celle qui se 
développe au-dessous de la tête de l'embryon. Il y a un état primitif 
dans lequel la forme de l’aire vasculaire est celle d’un cercle incomplet, 
dont on aurait retranché un segment antérieur, égal à peu près au quart 
de son aire. L’aire vasculaire est alors terminée en avant par un bord 
rectiligne qui ne dépasse pas le bord antérieur de la fosse cardiaque, 
celui qui est formé par le repli du feuillet séreux en arrière de la tête. 

La formation du segment antérieur de l’aire vasculaire, qui complète 
en avant son contour circulaire, résulte de la formation de deux lames 
qui sont elles-mêmes le résultat de la manière inégale dont se dévelop- 
pent les diverses parties du bord rectiligne antérieur. Très-actif aux 
deux extrémités de ce bord, le développement est à peu près nul à 
son-centre. Aussi cette ligne droite se transforme-t-elle en deux autres 
lignes droites, formant un angle rentrant dont l’ouverture est en avant, 
et qui marchant incessamment à la rencontre l’une de l’autre, dimi- 
nuent peu à peu l'ouverture de l’angle rentrant et finissent par se con- 
joindre sur la ligne médiane. On peut représenter très-exactement ce 
mouvement des deux lignes droites qui forment le bord antérieur de l’aire 
vasculaire en les comparant aux deux branches d’un compas. Sile compas 
est ouvert de manière que ses deux branches soient juxtaposées en for- 
mant une seule ligne droite, on a la représentation de l’état primitif du 
bord antérieur de l’aire vasculaire. Les divers états consécutifs sont re- 
présentés par les différents degrés d'ouverture du compas, lorsqu’on 
rapproche peu à peu les deux branches, jusqu'au moment où elles sont 
placées parallèlement l’une à l’autre et où le compas est entièrement 
fermé. 

La soudure des deux lames antérieures de l'aire vasculaire présente 
d’ailleurs un fait curieux, c’est qu’elle ne se produit pas simultanément 
dans toute leur longueur. Elle commence à leurs deux extrémités : d’utie 
part, dans la fosse cardiaque, et d’autre part, en avant de la tête, tandis 
que, dans leur région moyenne, c’est-à-dire au-dessous de la tête, les 
deux lames restent plus ou moins longtemps séparées. Ce fait explique 
certaines anomalies dans lesquelles la tête, pénétrant entre les deux 


lames et refoulant devant elle les feuillets séreux et muqueux, fait | 


hernie dans l’intérieur du vitellus. La tête est alors très -déformée, pré- 
sente de nombreux arrêts de développement et réalise assez exactement 
les conditions qu'elle présente chez les monstres hémiacéphales. 


DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 257 


J'ai constaté de nombreuses anomalies dans le développement de ces 
lames antérieures de l'aire vasculaire. Tantôt ces deux lames, également 
développées, ne se soudent point l’une à l’autre ; tantôt elles se dévelop- 
pent d'une manière {rès-inégale, l’une d’elles atteignant ses dimensions 
ordinaires, tandis que l’autre s’est arrêtée de très-bonne heure. De ces 
anomalies de l'aire vasculaire dérivent d’autres anomalies dans la dispo- 
sition des veines qui ramènent au cœur le sang provenant de la partie 
antérieure de l'aire vasculaire. 

La dualité primitive du cœur est la conséquence immédiate de cette 
dualité primitive des lames antérieures de l'aire vasculaire. En effet, 
les blastèmes qui formeront plus tard le cœur se présentent d’abord sous 
l’aspect de deux petites masses oblongucs que l’on observe à la partie 
inférieure et interne de chacune de ces lames, très-près du point où 
elles se réunissent pour former le sommet de l'angle rentrant que 
j'ai décrit plus haut. Ces deux blastèmes sont complétement séparés, 
comme les lames au sein desquelles ils ont pris naissance. Plus tard, 
lorsque les deux lames s'unissent sur la ligne médiane, les deux blas- 
tèmes cardiaques, dont le développement a suivi celui des lames elles- 
mêmes, vont, ainsi que les lames, à la rencontre l’un de l’autre, se 
Joiguent comme elles sur la ligne médiane et ne tardent pas à se fondre 
en une masse unique qui forme ce que les embryogénistes ont considéré 
jusqu’à présent comme l’état primitif du cœur. Toutefois on retrouve 
encore, pendant un certain temps, un indice de la dualité primitive; 
c'est une échancrure qui existe à la partie antérieure de l'organe et qui 
provient de ce que la soudure des deux blastèmes cardiaques procède 
d’arrière en avant, comme celle des lames de l'aire vasculaire qui leur 
servent de support. | j 

Tous ces faits sont très-difficiles à voir, lorsque l’on étudie l'embryon 
dans son état ordinaire, par suite de la grande transparence des tissus. 
Mais on arrive assez facilement à les constater lorsqu'on colore les 
tissus avec une dissolution alcoolique d’iode peu concentrée, Comme les 
blastèmes cardiaques forment deux masses dans lesquelles la matière 
blastématique est plus dense que dans le reste de la lame antérieure de 
l'aire vasculaire, ils absorbent la solution d’iode en plus grande abon- 
dance que les tissus voisins et prennent alors une coloration jaune plus 
intense. Mais il arrive un moment où toute la coloration des tissus prend 
une intensité égale partout. On peut alors faire reparaître les blastèmes 
cardiaques en lavant l’embryon avec de l'alcool pur, qui enlève peu à 
peu l’iode aux tissus qui l’ont absorbé et fait ainsi reparaître momenta- 
uément les deux blastèmes. 

Cette dualité primitive des blastèmes cardiaques n’a, dans l’état nor- 
mal, qu'une courte durée; mais il n’en est pas de même lorsque, par 
suite d’un développement anormal, la soudure dés lames antérieures de 
l'aire vasculaire ne s’est point produite, Dans ce cas, l'isolement des 
lames maintient l'isolement des blastèmes cardiaques. Ceux-ci se trans- 

JOURN, DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOLe — Te XIII (1877). 17 


25S C. DARESTE. — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR 


forment alors en deux cœurs entièrement distincts, qui, suivant le degré 
d’écartement des lames, sont tantôt situés au devant de la région anté- 
rieure de l'embryon et tantôt rejetés latéralement et occupant les deux 
côtés de cette région antérieure. 

Une autre particularité, également fort sMiboffinte, que présentent les 
blastèmes cardiaques, c’est leur volume inégal. Dans l’état normal, le 
blastème droit, celui qui correspond au membre antérieur droit, est le 
plus développé. Dans l’inversion des viscères, c’est le blastème gauche. 

On peut présumer que ces deux blastèmes sont Ie point de départ du 
cœur aortique et du cœur pulmonaire. Toutefois mes observations ne 
m'ant encore rien appris sur ce sujet. 


Cette note, un peu trop brève, comme toutes les communica- 
tions publiées dans les Comptes rendus de l’Académie des scien- 
ces, qui ne doivent pas dépasser une certaine longueur, contient 
l'indication très-nette de la dualité du cœur et de ses relations 
avec la formation du segment antérieur du feuillet vasculaire. 
Je dois la compléter en indiquant les différentes phases que tra- ‘ 
versent les blastèmes cardiaques pour atteindre l’état qui a été 
pendant longtemps considéré comme primitif, et dans lequel le 
cœur se présente sous l'aspect d’un tube rectiligne et contractile 
situé sur la ligne médiane, en avant de la partie du tube digestif 
qui deviendra l’œsophage. | 

Les deux blastèmes apparaissent d’abord sous la forme de deux 
petites masses oblongues , complétement distinctes l’une de 
l’autre. On les aperçoit dans cet espace que M. Wolff désignait 
sous le nom de fosse cardiaque (fovea cardiaca), et qui est limité 
en avant par le repli quise continue avec le capuchon céphalique 
de l’amnios, en arrière avec le repli qui se continue avec le revê- 
tement du vitellus. Cet espace est occupé par les parties anté- 
rieures du disque embryonnaire, ou, si l'on veut employer une 
expression nouvelle, assez généralement admise aujourd’hui, le 
mésoderme où mésoblaste. C’est dans la partie centrale de ce bord 
antérieur que se produisent les deux blastèmes cardiaques. 

Ces deux blastèmes sont généralement inégaux. Le blastème 
que l’on voit à gauche, quand on observe l'embryon par sa face | 
ventrale, est, le plus souvent, plus volumineux que celui que l’on 
voit à droite. Je suppose que c’est le plus grand volume de ce . 


DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 259 


blastème qui détermine le sens de l’incurvation de l’anse car- 
diaque, lorsqu'elle fait saillie en dehors de l'embryon. Dans 
l'évolution normale, l’anse cardiaque apparait à la gauche de 
l'embryon quand on l’observe par la face inférieure ; à sa droite, 
quand on l’observe par la face supérieure. Dans l’inversion des 
viscères, l’anse cardiaque fait saillie de l’autre côté de l'embryon. 

Ces deux blastèmes m'ont paru, dans leur origine, être com- 
plétement pleins et consister en une accumulation de cellules. 

Cela me semble résulter de la coloration intense qu’ils prennent 
_lorsqu’on les soumet à l'action de la teinture d’iode, coloration 
qui les distingue nettement des tissus environnants. Mais ils ne 
tardent pas à présenter une cavité dans leur intérieur. 

Un peu plus tard, les deux blastèmes se transforment en deux 
tubes complétement fermés à leurs extrémités. Ces deux tubes 
sont courbés en arc et se font face l’un à l’autre par leur con- 
vexité. Les extrémités de chacun de ces tubes sont d’abord très- 
rapprochées l’une de l'autre ; mais, peu à peu, les deux tubes se 
redressent et leurs extrémités s’écartent l’une de l’autre. Cela 
résulte de l'allongement de l’œsophage, de cette partie du tube 
digestif qui forme en quelque sorte, pendant cette période, le 
plafond de la fosse cardiaque. 

On voit en même temps les deux tubes se partager en trois 
chambres : l'oreillette, le ventricule et le bulbe. 

Pendant tout ce temps, on voit persister l'inégalité qui existait 
au début. Les deux tubes ont rarement le même volume et la 
même longueur. 

Les deux tubes contiennent dans leur intérieur un espace vide, 
une véritable lacune. Elle est remplie par un liquide compléte- 
ment transparent et incolore ; fait d’autant plus remarquable 
qu'à la même époque les globules du sang se produisent dans les 
lacunes ou cellules de l'aire transparente, ou ce que l’on appelle 
les {les de Wolff. 

Lorsque les deux tubes cardiaques se sont adossés sur la ligne 
médiane, ils ne tardent pas à s’accoler et à s'unir entre eux pour 
former un organe unique. Mais on retrouve encore pendant un 
certain temps dés traces non équivoques de la dualité primitive. 


260 C. DARESTE., — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR 


L'union ne se produit pas simultanément dans toute la longueur 
des tubes cardiaques : elle commence par la région inférieure, et 
se propage jusqu’à la région supérieure. Le cœur paraît alors 
bifide. Quand l’union s’est produite d’une manière complète, on 
en voit encore la trace dans l'existence d'un sillon médian qui 
indique le lieu d'union. Enfin, la paroi médiane résultant de 
l’accolement des deux tubes peut subsister pendant un certain 
temps, avant de disparaître et de transformer l'organe en un tube 
unique. 

L’extrémité antérieure du cœur unique ainsi formé, ou le 
bulbe, se continue avec les deux aortes. Nous ignorons encore 
par quel procédé les aortes se produisent dans l’intérieur des 
tissus embryonnaires. Est-ce une prolongation des tubes car- 
diaques dans l’intérieur des tissus ? ou bien ya-t-il une formation 
de lacunes comparable à celle de l’aire vasculaire? Plus tard, 
l'extrémité postérieure, qui correspond à la région auriculaire, 
s’ouvre des deux côtés de la ligne médiane et la met en commu- 
nication avec les lacunes de l'aire vasculaire, lacunes dans 
lesquelles se sont produits les globules du sang. Mais cette commu- 
nicalion ne se produit que lorsque le tube cardiaque, primitive- 
ment recliligne, s’est transformé en une anse qui vient faire 
saillie au côté droit de l'embryon, lorsqu'on l’observe par sa face 
supérieure. 

Un fait très-remarquable de l’histoire physiologique du cœur, 
c’est qu’il acquiert la faculté contractile, faculté qu’il manifeste 
par ses battements, avant que sa cavité se soit mise en commu- 
nication avec les cavités de Paire vasculaire, en d'autres termes, 
avant que le sang soil complété par l'adjonction des globules. 

Ce fait a été indiqué par Haller en 1758. Il est d'autant plus 
curieux que Harvey avait déduit de ses observations une consé- 
quence toute contraire. Il s'était posé la question suivante : les 
battements du cœur sont-ils antérieurs à la formation du sang ? . 
ou bien la formation du sang précède-t-elle les battements du 
cœur ? Il y répondait en admettant que la formation du sang 
précède les battements du cœur. Haller combattit l'opinion de 
Harvey; il avait vu deux fois le cœur battre à son début sur un 


DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 261 


liquide complétement incolore. Toutefois, 1! ne reconnut pas la 
généralité du fait qui ne fut constaté que par J. Hunter en 1794. 

On sait que l'on a considéré le sang comme l’excitant principal 
des battements du cœur. Les faits que je viens de signaler 
démontrent qu'au moins au début des formations embryonnaires 
le sang n’est pas la cause principale qui détermine les mouve- 
- ments du cœur, à moins que l’on n’admette que celte propriété 
appartienarait à la partie liquide du sang et non aux globules (1). 
 N'est-il pas plus naturel de penser que les battements du cœur 
dans l'embryon sont déterminés par la température de A0 degrés 
* à laquelle il est soumis dans l’incubation naturelle ? On sait que 
cette température réveille les battements, lorsqu'ils ont cessé 
depuis un certain temps, et qu’elle peut opérer ce réveil à 
plusieurs reprises. Pourquoi n'admettrait-on pas que c’est là la 
véritable cause des battements du cœur? et que, pendant toute la 
durée de l’incubation, ces battements se produiraient d’une 
_ manière continue, sous l'influence également continue de la 
chaleur, agissant directement sur les éléments contractiles du 
cœur. Sans doute, il arrive une époque où la contractilité du 
cœur peut être sous l'influence du sang et du système nerveux. 
Mais cela ne se produit pas au début (2). 


II 


Tous ces états successifs du cœur sont très-difficiles à voir dans 
l'évolulion normale, par suite de la brièveté excessive de leur 


(1) Harvey. « Magni certe momenti est hæc disquisitio : utrum scilicet sanguis 
insit ante pulsum ? | 

» Quantum mihi observare licuit, videtur sanguis esse ante pulsum... In ordine 
generationis, punctum, et sanguinem primum existere arbitror ; pulsationem vero 
non nisi postea accedere. » Exercitationes de gener. animalium, p. 51. 

Haller. Q In aliquot meis experimentis subsultum vidi nascentis embryonis, cum 
sanguis, totusque fœtus decolor esset, ut omnino hic ab Harveio differam, qui cau- 
sam motus cordis in sanguine posuit, priusque rubescere humorem vitalem sibi per- 
suasit quam cor moveri inciperet. » Opera minora, t. LU, p. 386. | 

(2) de dois poser ici une question : comment se comportent ies battements du cœur 
chez les embryons des animaux à sang froid? Ne peut-on pas supposer qu'ils sont 
également sous l’influence de la température extérieure, et qu’ils se ralentissent et 
même s'arrêtent complétement lorsque cette température descend à certains degrés ? 


262 C. DARESTE., — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR 


durée. J'y suis arrivé cependant, en soumettant à l’observation 
un nombre d'œufs extrêmement considérable. Mais j'ai trouvé, 
dans mes recherches tératogéniques, une confirmation bien 
remarquable de mes observations sur l’état normal. 

En effet, les deux cœurs, comme tous les autres organes de- 
l'embryon, peuvent s'arrêter dans une phase quelconque de leur 
développement ; ils ne se soudent pas entre eux, lorsque les deux … 
lames antérieures du feuillet vasculaire, à la base desquelles ils se 
sont produits , restent écartées et isolées l’une de l’autre. Alors 
les tubes cardiaques, qui ne peuvent s’unir, se constituent isolé- 
ment en deux cœurs qui restent séparés. Chacun de ces cœurs se. 
divise transversalement en oreillette, ventricule et bulbe. Chacun 
acquiert isolément la propriété de se contracter. L'indépendance 
complète de ces deux cœurs s’est manifestée à moi d’une manière 
bien remarquable, dans un cas tératologique, par le défaut d’iso- 
chronisme des battements: l’un des cœurs battait deux fois dans 
le même temps où l’autre cœur n'exécutait qu’un seul battement, 

Il arrive le plus ordinairement que les cavités de ces deux 
cœurs ne s’unissent point avec les cavités des vaisseaux capil- 
laires de l'aire vasculaire. Parfois cependant cette communica- 
tion s'établit. On voit alors les deux cœurs battre sur du sang 
rouge. 

La dualité des cœurs se lie presque toujours à d’autres ano- 
malies. On la rencontre fréquemment dans la triocéphalie, dans 
la cyclopie, et dans une monstruosité, non encore décrite, que 
je ferai connaître sous le nom d’omphalocéphalie. Elie joue un 
grand rôle dans la formation de certains types de la monstruosité 
double, ceux que l’on désigne sous les noms de 7aniceps, iniopes, 
synotes et déradelphes. 4 

J'ai constaté ces faits, comme d’ailleurs tous ceux qui font le 
sujet de ce livre, sur des embryons que j’observais dans les 
premiers jours de l’incubation. Je n’ai pas pu encore prolonger 
ces expériences jusqu’à une époque plus avancée; et j'ignore par 
conséquent ce que deviendraient ces doubles cœurs. Mais les. 
faits anatomiques signalés par Littre et par Meckel donnent lieu 
de croire que l'existence de deux cœurs, lorsque leurs cavités se 


DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 263 


remplissent de sang rouge, n’est pas incompatible avec la pro- 
iongation de la vie au delà de l’incubation. Je ne puis que signaler 
ici les questions que ce fait soulève, et qui se présentent d’elles- 
mêmes à l'esprit des physiologistes. J’ai lieu de croire que mes 
expériences me donneront un jour le moyen d’y répondre. 


III 


La note que j'ai publiée en 1866 sur la dualité primitive du 
cœur à passé presque inaperçue. Je ne connais que deux 
embryogénistes qui l’aient citée, M. His (4) et M. Schenck (2) ; 
tous deux ont nié les faits que j'y faisais connaître. 

Dans le cours de l’année dernière, trois embryogénistes alle- 
mands, M. Hensen, M. Külliker, M. Gasser ont parlé de la 
dualité primitive du cœur sans me citer. 

En 1867, un an par conséquent après la publication de ma 
note dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, 
M. Hensen présenta au Congrès des naturalistes à Francfort la 
préparation d’un embryon de lapin sur lequel il croyait recon- 
naître l’existence de deux cœurs séparés. M. His, qui avait pu 
étudier cette préparation , nia l’interprétation donnée par 
M. Hensen, relativement aux deux parties que celui-ci considérait 
comme des cœurs. L’année dernière, M. Hensen est revenu sur 
cette question, et il a publié un certain nombre de figures, dans 
lesquelles il représente ce qu’il considère comme deux cœurs 
primitifs dans l’embryon du lapin (3). Il en est une qui repro- 

(1) His. Untersuchungen über die erste Anlage der Wirbelthierleibes, p. 84. 

(2) Schenck. Lehrbuch der vergleichender Embryologie der Wirbelthiere, p.68, 
1874. 

(3) Hensen. Beobachtungen über die Befruchlung und Entwickelung des Ka- 
ninchens und Meerschweinchens, dans la Zeïlschrift für Analomie und Entwickei- 
ungsgeschichte, de His et Braune, t. I, p. 467. On voit très-bien les deux cœurs, 
pl. IX, fig. 33. Mais je n’admets pas, et ici je suis d’accord avec M. Külliker (Ent- 
wickelungsgeschichte des Menschen und der hüheren Thiere, 2° édit., p. 252), que 
le repli en fer à cheval qui entoure la tête de l'embryon, dans les fig. 28, 29, 30, 
31, soit le cœur. Dans la pensée de M. Hensen, le cœur serait donc primitivement 
simple, puis il deviendrait double, comme dans l’embryon représenté fig. 33 ; puis 


. enfin il redeviendrait simple. Ce repli en fer à cheval doit donc avoir une tout autre 
signification. 


264 C. DARESTE. — DUALITVÉ PRIMITIVE DU CŒUR 


duit très-exactement cette phase particulière des deux cœurs 
primitifs du poulet, dans laquelle les deux cœurs se présentent 
sous la forme de deux tubes semi-circulaires, opposés l’un à 
l’autre par leur convexité. La signification de celle figure ne 
peut être révoquée en doute. Quant aux autres figures dans - 
lesquelles M. Hensen à voulu représenter les états antérieurs du 
cœur, elles sont tout à fait différentes de ce que j'ai vu moi- 
même. Ilest donc évident que M. Hensen a constaté la dualité 
du cœur chez embryon du lapin, mais qu’il n’en a vu qu’une 
seule phase. 

M. Kôlhker (1), publiant l’année dernière la première partie 
de la seconde édition de son Zraité d'embryogénie, a confirmé 
l'exactitude des observations de M. Hensen, tout en faisant les 
mêmes réserves que moi sur les opinions de cette embryogé- 
niste. Il figure deux embryons de lapin présentant les deux 
cœurs, et tout à fait comparables à celui que M. Hensen avait 
représenté. Il a figuré de plus un autre embryon de lapin, dans 
lequel les deux cœurs, bien que formant déjà un organe unique, 
présentent encore une cloison médiane, vestige de leur dualité 
primitive. | 

M. Kôlliker indique également la dualité du cœur dans 
l'embryon du poulet. Mais ie la dualité serait beaucoup moins 
prononcée que chez les mammifères. Le cœur serait dès l’origine 
simple à l’extérieur ; mais il présenterait au début, dans son 
intérieur, une cloison longitudinale séparant complétement deux 
grandes lacunes. Un peu plus tard, cette cloison disparaitrait, 
et les deux lacunes se confondraient pour n’en former qu’une, 
qui deviendrait la cavité du cœur. La division du cœur en trois 
chambres, l’oreillette, le ventricule et le bulbe, ne se produirait 
qu'après la disparition de la dualité du cœur, tandis que chez le 
lapin elle aurait lieu dans chacun des cœurs avant leur réunion. 
M. Kôülliker insiste sur cette différence qu’il croit avoir observée 
entre la formation du cœur chez le lapin et la formation du cœur | 
chez le poulet. Mais ces différences ne sont qu'apparentes. Il est 


(1) Külliker. Entwickelungsgeschichle des Menschen und der hüheren Thiere, | 
2e édit., p. 215 à 250, fig. 166, 167, 168, 169, 170, 171, 172. 


2 


DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 265 


bien clair, d’après mes observations, que M. Külliker n’a observé 
dans le cœur de l'embryon du poulet que cette phase particu- 
lière qui termine la période de dualité, et qu'il n’a pas vu toutes 
les phases qui la précèdent (1). | 

Il parait que, tout récemment, un embryogéniste allemand, 
M. Gasser, aurait observé chez l'embryon du poulet des phases 
de la formation du cœur antérieures à celle qui est indiquée par 
M. Külliker. Je mai pu consulter ce travail, que je ne connais 
encore que par une très-courte analyse (2). 

Ainsi M. Hensen et M. Külliker ont constaté, le premier chez 
embryon du lapin, le second chez l'embryon du lapin et du 
poulet, certaines phases de la formation du cœur antérieures à 
celle où 11 est parfaitement simple. Ils confirment donc mes 
observations, mais sans y rien ajouter. Je dois dire d’ailleurs 
qu'ils ne parlent, ni l’un ni l'autre, du mode de formation du 
segment antérieur du feuillet vasculaire, qui se lie par des 
rapports si intimes à la formation même du cœur, puisque c’est 
l'union des deux lames antérieures de ce feuillet qui détermine 
l'union des deux cœurs. 

Je ne puis m'expliquer comment le fait de la formation du 
segment antérieur du feuillet vasculaire, par la réunion sur la 
ligne médiane de deux lames provenant du bord rectiligne 
antérieur de ce feuillet, ait été complétement méconnu par les 
embryogénistes. Je me l'explique d’autant moins que je vois ces 
deux lames antérieures très-neltement figurées dans un certain 
nombre d'ouvrages d’embryogénie. Ces faits sont déjà parfaite- 
ment visibles dans l’évolution normale. Mais, là, comme le fait 
de la dualité du cœur, ils n’ont qu’une existence temporaire. 
On s’en rend beaucoup mieux compte à l’aide de la tératogénie. 
Dans un grand nombre de cas de déformations elliptiques de 
l'aire vasculaire, les deux lames antérieures sont très-inégales, 
et ne s'unissent pas toujours entre elles. Mais c’est surtout la 


(4) Kôlliker. Loc. cit., p. 148, fig. 82. 

(2) Gasser. Ueber Entstehung des Herzcns beim Hühn. Je ne connais ce travail 
que par une simple indication dans la Centralblalt für die medicinischen Wissens- 
chaften. 1876, p. 793. | 


266 C. DARESTE. — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR, ETC. 


curieuse monstruosilé que je ferai bientôt connaître sous le nom 
d'omphalocéphalie, qui met en pleine évidence l'existence de 
ces deux lames: car elles jouent le principal rôle dans sa produc- 
tion. | | 

Je n’ai étudié jusqu’à présent la dualité primitive du cœur et 
du segment antérieur du feuillet vasculaire que dans l’embryon 
du poulet. MM. Külliker et Hensen ont observé la dualité du 
cœur dans l’embryon du lapin. Je ne doute cependant pas que 
le fait ne soit général, et qu'il ne s'applique à tous les vertébrés 
allontoïdiens, peut-être même à tous les vertébrés. C’est une 
question que je propose à toutes les personnes qui s’occupent 
d’embryogénie comparée. 


RECHERCHES CRITIQUES ET EXPÉRIMENTALES 


SUR LES 


MOUVEMENTS ALTERNATIES D'RAPANSION BT DK RESSERREMENT DU CERVEAU 


DANS LEURS RAPPORTS 


AVEC LA CIRCULATION ET LA RESPIRATION 


Par le D'° FRANCÇOIS-FRANCK 


Directeur-adjoint de laboratoire au Collége de France. 


Le cerveau est animé de battements isochrones à ceux du pouls 
artériel et subordonnés, comme ces derniers, aux systoles du 
cœur. 

Il présente en outre des mouvements plus lents et plus amples 
qui interfèrent avec les premiers, et qui sont en rapport avec les 
grandes oscillations que les actes mécaniques de la respiration 
déterminent dans le cours du sang artériel et veineux. 

Ces doubles mouvements sont la conséquence directe des 
variations de calibre que subissent les vaisseaux sous la double 
influence cardiaque et respiratoire. | 

Dans le cerveau, comme partout ailleurs, ces mouvements 
résultent donc des changements rhythmiques de volume du 
tissu vasculaire. 

Il y a aujourd'hui un certain intérêt à présenter une étude 
d'ensemble de ces phénomènes en les examinant comparative- 
ment dans le cerveau et dans une autre partie du corps facile à 
explorer, comme la main : nous possédons, en effet, des maté- 
TIaux nouveaux sur cette intéressante question, et c’est aux 
recherches toutes récentes de MM. Salathé (1), Mosso et Giacco- 
mini (2) que nous devons la plus grande partie des documents qui 
seront utilisés dans cette note. Nous avons nous-même pu vérifier 

(1) Salathé, Comptes rendus Acad. Sc., 19 juin 4876.— Travaux du laboratoire 
du professeur Marey. G. Masson, 1876. — Thèse de Paris, mars 1877. 


(2) Mosso et Giaccomini, Archivio per le sciense mediche, vol, 1, fasc. 2. Turin, 
1876. — Comptes rendus Acad. Sc., 3 janvier 4877, 


268 FRANCÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


avec M. Brissaud, interne des hôpitaux, la plupart des faits 
indiqués par les auteurs que nous venons de citer, en examinant, 
à l’aide de la méthode graphique, les mouvements du cerveau - - 
chez une malade de hôpital Saint-Louis : le docteur Fournier, 
nous a très-gracieusement aulorisé à étudier celte malade, qui - 
présente actuellement une vaste perte de substance des os du 
crâne à la suite de l'élimination d’un séquestre (nécrose syphi- 
litique): on trouvera plus loin son observation détaillée, recueillie 
par M. Brissaud, interne du service. 

Ce qui nous a engagé à résumer dans ce travail les faits relatifs 
aux mouvements du cerveau comparés à ceux des autres organes, 
c’est que les recherches exécutées sur ce sujet dans ces dernières 
années, empruntent une grande rigueur à la méthode graphique : 
l'inscription des mouvements du cerveau à côté des pulsations 
artérielles et des battements du cœur, fournit la preuve que le 
pouls artériel et le battement cérébral sont deux phénomènes 
ayant une source commune, l’ondée envoyée par le ventricule 
gauche : de cette ondée résulte la variation de pression qui dans 
l'artère se manifeste par la pulsation, et, dans Le tissu vasculaire, 
par l’augmientation de volume. La même inscription permet 
encore de déterminer comparativement le temps qui s'écoule 
entre la systole du cœur d’une part et la pulsation artérielle ou 
le mouvement cérébral d'autre part. 

Si on recueille en même temps les courbes des mouvements 
respiratoires et des mouvements du cerveau, on peut s'assurer 
que le cerveau devient turgescent pendant l'expiration et s’affaisse 
pendant l’inspiration ; ces alternatives d’élévation et d’abaisse- 
ment de la courbe cérébrale se retrouvent dans la courbe obtenue 
en metlant une artère d'animal en rapport avec un manomèlre 
enregistreur; on les obtient aussi sur le tracé du pouls chez 
l’homme, à la condition qu’on exagère un peu les influences 
mécaniques de la respiration sur la circulation artérielle, en 
apportant un certain obstacle à l'entrée de l’air dans la poi- 
trine. 

Les renseignements fournis par l'application de la méthode 
graphique à l’étude des mouvements du cerveau, peuvent être 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 269 


plus complets encore quand on compare sur deux tracés recueillis 
simultanément les changements de volume du cerveau et ceux 
d’un organe périphérique. La main se prête facilement à cette 
exploration : il suffit de l’enfermer dans un bocal qu’on remplit 
d’eau et qu’on ferme hermétiquement par en haut : un tube de 
large diamètre surmontant l’appareil, on voit se produire dans ce 
tube des oscillations de deux ordres, les unes petites et fré- 
quentes : ce sont les systoles du cœur qui les déterminent; les 
autres, plus rares et plus étendues, sont en rapport avec les mou- 
vements respiratoires. Nous avons étudié les changements du 
volume de la main dans un mémoire récent (1) et les principaux 
résultats de ce travail sont résumés dans une note de la précé- 
dente livraison de ce journal. En explorant simultanément les 
changements du volume du cerveau et ceux de la main, comme 
l'a fait Mosso sur la malade qu’il a examinée, on obtient des 
courbes dans lesquelles se retrouvent les mêmes éléments et 
qu’il est d'un grand intérêt de comparer l’une à l’autre. D’après 
les indications ainsi recueillies par Mosso, il semblerait que les 
modifications circulatoires dans le cerveau et dans un organe 
périphérique ne sont pas toujours concordantes : pendant que le 
cerveau augmente de volume sous certaines influences qui seront 
discutées plus loin, le sang affluerait dans la main avec moins 
d'abondance...? Est-ce là un effet du balancement physiologique 
en vertu duquel un organe se congestionne aux dépens d’un autre 
organe, ou devons-nous faire intervenir, pour interpréter ces 
phénomènes, la notion de l'indépendance relative des circula- 
tions locales ? Quoique ce fait soit encore entouré d’une obscu- 
rité que nous ne devons pas dissimuler, son importance ne peut 
échapper à l’attention du lecteur. Mais, à part ces cas particuliers 
dans lesquels peut varier en sens inverse la circulation dans 
deux organes soumis en apparence aux mêmes conditions circu- 
latoires, l’étude parallèle des changements de volume du cer- 
veau et d’une autre région du corps est féconde en enseignements. 


(1) François-Franck, Note à l'association française. Congrès de Nantes, août 
1875. — Travaux du laboratoire du professeur Marey. G. Masson, 1876. — 
Comples rendus de l’Académie des sciences, avril 1876. 


270 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D EXPANSION 


Tout ce que cette exploration par les méthodes nouvelles 
permet de constater d’important, a été déjà indiqué dans un 
remarquable article de ce journal, par le docteur Piégu, en 1872 : 
nous l’avons dit ailleurs, c’est au docteur Piégu que revient 
incontestablement l'honneur d’avoir démontré les doubles mou- 
vements d'expansion et de resserrement des tissus vasculaires 
sous l'influence cardiaque et respiratoire. Dès 1$46, bien avant 
l'allemand Chelius auquel on ferait volontiers remontrer la pre- 
mière indication de ces phénomènes, M. Piégu communiqua à 
l’Académie des sciences une note très-explicite, qui ne permet 
pas de douter qu'il ait vu se produire dans des appareils appro- 
priés les doubles mouvements dont il est question. Les mouve- 
ments qu'il avait constatés pour la main et pour le pied enfermés 
dans des appareils à déplacement, il les a logiquement considérés 
comme devant se produire dans le cerveau ; la disposition naturelle 
des centres nerveux, organes éminemment vasculaires, baïgnant 
dans un liquide susceptible de déplacement, était la fidèle image 
de la disposition artificiellement créée pour la main ou pour le 
pied qu’on plongeait dans l’eau d’un bocal fermé autour de 
l’avant-bras ou de la jambe, et dans lequel le déplacement du 
liquide pouvait s’opérer, grâce à un tube ouvert à l'extérieur. 

Dans l’article publié en 1872, M. Piégu a longuement insisté 
sur la nécessité de cette assimilation, et, en passant sous silence 
les réflexions philosophiques qui suivent la partie vraiment 
physiologique de son travail, nous devons reconnaître que rien 
de mieux n’a été dit ni fait sur les points fondamentaux de la 
question. Et pourtant, M. Piégu n'avait à sa disposition que des 
appareils bien élémentaires ; il ne pouvait étudier ces mouve- 
ments complexes qu'avec la vue toute seule, n'ayant pas eu 
recours aux appareils enregistreurs que chacun de nous a depuis 
appris à manier, c’est-à-dire que le présent article n’aurait pas 
sa raison d’être, si M. Piégu avait appliqué la méthode gra- 
phique aux mouvements dont il avait si nettement déterminé les 
conditions tant dans le cerveau que dans les organes périphéri- 
ques. Les auteurs dont nous avons spécialementen vue les récents 
travaux, MM. Mosso et Salathé, savaient très-bien quelle grande 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 271 
part revenait à M. Piégu dans la question ; ils n’ont pas manqué 
de lui rendre hommage, maïs, de notre côté, nous avons cru 
devoir ajouter ici quelques détails à ceux qui avaient été donnés 
par nos deux amis, désireux surtout de présenter cetle histoire 
des mouvements du cerveau sous son véritable jour, en mon- 
trant qu’il ne s’agit pas là de phénomènes particuliers au cer- 
veau, mais de variations circulatoires communes à tous les 
organes vasculaires (Voy. dans ce recueil, 1872, p. 160). 

Ici se présente tout naturellement à l'esprit du lecteur l’objec- 
tion tant de fois mise en avant que les mouvements du cerveau, 
incontestables quand le crâne offre une perte de substance ou 
quelques parties dépressibles n’existent pas dans la cavité crà- 
nienne intacte, incompressible par conséquent. L'expérience de 
Bourgougnon est restée classique et c’est sur elle que repose 
depuis trente ans la négation des mouvements du cerveau chez 
l'adulte. Insistons donc un instant sur les conditions de ces 
expériences pour bien établir la réalité des mouvements d’ex- 
pansion et de retrait du cerveau chez l'adulte, malgré la fixité 
des parois osseuses. 

Le professeur Richet à consacré un long et intéressant cha- 
pitre de son anatomie chirurgicale à la démonstration des dépla- 
cements du liquide céphalo-rachidien, qui peut trouver à se loger 
en partie dans le canal vertébral, grâce à la dépression facile 
des plexus veineux et à l'élasticité des parois rachidiennes au 
niveau des trous de conjugaison. C'est sur cette proposition bien 
établie par l’anatomie et les expériences que doit s’appuyer la 
rélutation des idées émises par Bourgougnon et acceptées par 
un grand nombre de physiologistes. 

Bourgougnon vissait dans le crâne d’un chien trépané une 
virole métallique surmontée d’un tube de verre. Dans l’intérieur 
du tube et reposant sur le cerveau, une petite plaque transmettait 
à un levier coudé les mouvements du cerveau : on les voyait très- 
nettement concorder avec les battements du cœur quand le tube 
contenant le levier coudé était ouvert. Mais si, après avoir rempli 
d’eau les deux tiers de ce tube jusqu'au-dessus d’un robinet qui 
pouvait intercepter complétement la communication avec l’at- 


272 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 
mosphère, on fermait le robinet, aussitôt on voyait disparaître 
les mouvements du levier : d'où cette conclusion que les mouve- 
ments du cerveau n'existent que dans le cas de communication 
artificielle avec l'atmosphère. Deux expériences bien simples 
vont nous permettre de ramener la question à ses véritables 
termes, sans insister sur la discussion théorique. 

Enfermons notre main dans un bocal muni de deux tubulures : 
l’une de ces tubulures est fermée par une membrane très-élas- 
tique; l’autre supporte un tube muni d'un robinet et rempli 
d’eau jusqu’au-dessus de ce robinet. Il est facile de voir, quand 
la communication existe avec l'air extérieur, que les oscillations 
de l’eau en rapport avec les variations du volume de la main, sont 
considérables dans le tube à robinet ouvert, et nulles ou presque 
nulles dans la tubulure fermée par une membrane élastique, 
Pourquoi? Évidemment parce que les changements de niveau se 
produisent dans le point de la moindre résistance, et rien ne 
s'oppose à leur manifestation dans le tube ouvert à l'air libre; 
tandis que, quelque faible qu’on la suppose, l’élasticité de la 
membrane de caoutchouc placée sur l’autre tubulure, oppose un 
obstacle sérieux aux mouvements de la colonne d’eau : tout est 
reporté vers le tube libre. Ceci correspond à la première partie 
de l'expérience de Bourgougnon, celle dans laquelle les mouve- 
ments du cerveau sont évidents. 

Fermons maintenant le robinet du tube dans lequel se produi- 
saientsi manifestement les oscillations : tout mouvement disparaît, 
et il n’en peut être autrement, puisque la colonne d’eau est 
incompressible : mais notre main a-t-elle pour cela cessé de 
changer de volume, de devenir turgescente à chaque afflux san- 
guin ? On n’a qu’à examiner la membrane élastique tout à l’heure 
immobile, maintenant soulevée et affaissée tour à tour, pour se 
convaincre que les oscillations existent toujours, qu'elles se 
manifestent, celte fois encore, du côté de la résistance la plus 
faible. Il en est de même dans la seconde partie de l’expérience 
de Bourgougnon : si le levier qui repose sur le cerveau cesse | 
d’accuser des mouvements quand on a fermé le robinet, c’est que 
tous les mouvements se reportent vers les parties dépressibles 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 9273 


du canal rachidien; cette expérience, qui nous semble très- 
démonstrative, est due à M. Mosso. 

La seconde expérience, qui va nous montrer le phénomène 
avec une netteté plus grande encore, a été faite par M. Salathé. 

M. Salathé avait construit, sur le conseil du professeur Marey, 
un petit appareil schématique destiné à montrer les mouvements 
_encéphaliques et à vérifier si, dans certaines conditions, ces 
phénomènes peuvent se modifier ou disparaître, comme dans 
l'organisme vivant. Voici la description que l’auteur donne lui- 
même de son schéma : « Il se compose d’un ballon de verre à 
». deux tubulures, rempli d’eau et figurant la boîte crânienne. 
» Au milieudel’eausetrouveune ampoule de caoutchouc remplie 
» de liquide et correspondant à l’encéphale. L’ampoule aboutit à 
» un tube de verre quitraverse le bouchon de caoutchouc fermant : 
» la tubulure inférieure du ballon. Ce tube se continue à l’exté- 
» rieur par un tube de caoutchouc qui représente une artère et 
» qui part lui-même d'une poire de caoutchouc, organe d’im- 
» pulsion jouant le rôle du cœur. » 

Le bouchon qui clôt inférieurement le ballon et au travers 
duquel passe le tube précédent, est traversé par un deuxième 
petit tube de verre qui s'ouvre d’un côté dans le ballon de verre 
et communique extérieurement avec un tuyau élastique repré- 
sentant ce que le professeur Richet a si justement appelé le 
« tuyau d'échappement rachidien », lequel se termine par une 
poche qu’on pourra assimiler à l'espèce d’ampoule qui entoure 
la queue de cheval ou à un hydrorhachis. 

La tubulure supérieure correspond à une trépanation. Elle est 
fermée par un bouchon de caoutchouc que traverse un gros 
tube muni d’un robinet. 

En imprimant au cœur artificiel représenté par la poire de 
caoutchouc une série de contractions rhythmées, on voit le 
liquide du ballon de verre monter et descendre dans la tubulure 
supérieure sous l'influence des augmentations et diminutions de 
volume successives de l’ampoule élastique qui représente le 
cerveau. Si l’on vient à fermer le robinet du tube dans lequel 


s’opérent les changements de ‘niveau de la colonne oscillante, 
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T, XII (1877). 18 


274 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


tout mouvement du cette colonne disparaît quoique l’on continue 


les systoles artificielles. Mais que voit-on alors? D’une part, 
ampoule continue à se dilater et à se resserrer; d’autre part, le 
tuyau d'échappement rachidien présente des ampliations et des 


retraits alternatifs qu’il ne présentait pas quand Je tube supérieur | 


élait ouvert à l'air libre. Dans cette expérience, comme dans celle 
de Mosso, la disparition des oscillations dans le tube explorateur 
aprés que le robinet est fermé rappelle exactement l’expérience 
de Bourgougnon; mais ces oscillations qui disparaissent dans 
un point se transportent dans un autre, toujours du côté de 
la moindre résistance : chez l’animal trépané, cette moindre 
résistance se rencontre dans le canal rachidien, comme l’ont bien 
établi les recherches du professeur Richet et celles de Ecker. 
- Dans une expérience sur le chien, M. Salathé a vu s’exagérer 
les mouvements du liquide dans an tube fixé à la colonne cervi- 
cale quand il fermait le tube fixé au cräne. 

Nous devions commencer par établir la réalité des mouve- 
ments du cerveau chez l'adulte dont le crâne est complétement 
ossifié, pour légitimer l'étude de ces mouvements sur l’homme 
présentant une perte de substance du crâne, sur l'enfant encore 
pourvu de fontanelles et sur les animanx trépanés : l'exploration 
des mouvements cérébraux n’aurait évidemment qu’un intérêt 
médiocre si ces mouvements n ‘existaient que dans les conditions 
artificielles créées par la maladie, le traumatisme ou l’expéri- 
mentation. Il n’en est pas ainsi, et nous sommes en droit de 
considérer les résultats fournis par l’étude des mouvements du 
cerveau dans les cas de perte de substance des os du crâne, 
comme directement applicables aux conditions physiologiques 
dans lesquelles la boîte crânienne est complétement fermée. 


RÉSUMÉ HISTORIQUE: 


Avant d'exposer les résultats expérimentaux obtenus dans les recher- 
ches les plus récentes à l’aide de la inéthode graphique, jetons un coup 
d'œil en arrière et résumons les phases qu'a subies cette importante 
question. Nous n’en donnerons point un historique détaillé, renvoyant 
pour tous renseignements aux mémoires de MM. Mosso et Salathé; 
nous pensons que dans un article de critique générale il n’y a pas lieu 


LÉBS CUS LR CSS NS Sd tot 


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Ne EE qu élan ie 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 275 


de dresser la liste complète des auteurs qui se sont occupés d’une ques- 
tion, de discuter les opinions de chacun d'eux : il nous semble qu'il est 
beaucoup plus utile de signaler les progrès accomplis dans une re- 
cherche et d'en marquer les périodes, que d’accumuler les noms et les 
dates sans profit aucun pour le lecteur. 

Laissant donc de côté les théories contradictoires qui eurent cours 
dans la science, de l’époque de Galien au milieu du xvr° siècle, sur les 
causes des mouvements du cerveau, sur la participation'active de la dure- 
mère à ces mouvements, etc., nous reproduirons tout de suite Les pro- 
pres paroles de Lorry (1) qui a, dès 1760, très-nettement saisi les causes 
des mouvements du cerveau. 

Mo Dans le temps de la contraction du cœur, la force dilatante des 
artères tend à faire gonfler et à dilater, pour ainsi dire, fous les organes 
dans lesquels le sang est porté, et plus encore ceux qui, par leur mollesse et 
leur flexibilité, sont moins en état de résister à la force impulsive du sang. » 

Lorry complétait ainsi les notions, fort justes du reste, fournies quel- 
ques années auparavant par Lamure (2) et par Haller (3), qui faisaient 
surtout intervenir les variations apportées au cours du sang veineux par 
les mouvements respiratoires, pour expliquer les mouvements du cer- 
veau; Lorry réfutait en outre l’idée de Schlichting (4) qui, ayant bien 
décrit les mouvements cérébraux, ayant parlé d'expansion et de retrait 
(id est intumescere ac detumescere), n'avait point du tout saisi le 
rapport de ces variations avec les variations circulatoires, et les attribuait 
à des mouvements propres du cerveau lui-même, comme ses devanciers 
Paglioni, Baglivi, Santorini, etc., etc., les avaient attribuées aux contrac- 
tions de la dure-mère (cor cerebri, Baglivi). 

Lorry partage donc avec Haller et Lamure l’honneur d’avoir placé la 
question sur son véritable terrain, et c’est dans une courte période de 
dix ans (1750 à 1760) que se sont succédé ces travaux remarquables, 
détruisant d’une part les erreurs du passé, affirmant d’autre part Les 
faits positifs que la science moderne a depuis sanctionnés. 

Pendant les cinquante années qui suivirent, les saines notions dues 
aux savants que nous venons de citer régnèrent sans conteste, et tout 
semblait dit sur la question après que Ravina (de Turin) (5) eût rendu 
visibles, par des procédés aussi variés qu’ingénieux, les mouvements 
étudiés par Lamure, Haller et Lorry. Ravina, fixant au crâne d’un grand 


(4) Lorry, Sur les mouvements du cerveau et de la dure-mère. (Mém. de math. 
et de physig. Paris, 1760, t: IL, p. 305.) 

(2) Lamure, Mémoire sur la cause des mouvements du cerveau qui paraissent 
dans l’homme et dans les animaux trépanés. (Hist. de l'Ac. royale des sciences, 
1753.) 

(3) Haller, Mémoire sur la nature sensible et irrilable des parties du corps animal . 
Lausanne, 1755. 

(4) Schlichting, De motu cerebri (Mém. Ac. se, sav. étr. Paris, 4750, t. 1,p. 113). 

(5) Ravina, Specimen de motu cerebri. (Mém. de l’Ac. des sc. de Turin, 1811). 


276 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


nombre d’animaux un tube de cuivre, versait de l’eau dans ce tube et 
amplifiait ainsi les mouvements cérébraux ; c’est à lui que revient l’idée 
des fenêtres crâniennes dont nous verrons le professeur Donders faire 
usage ; il plaça aussi, sur le cerveau mis à nu, un levier coudé dont la 
grande branche se déplaçait au-devant d’une règle graduée, amplifiant 
dans un rapport connu les variations de niveau de la substance céré- 
brale ; enfin il démontra, en faisant varier l'attitude des animaux en 
expérience, l'influence de la pesanteur sur le volume du cerveau. Quand 
la tête était déclive, le cerveau, restant gorgé de sang, ne présentait plus 
que des mouvements imperceptibles ; l'amplitude de ces mouvements 
devenait au contraire considérable quand on facilitait, par l'attitude in- 
verse, le dégorgement du cerveau. 

Les expériences de Ravina n’ont sans doute pas été appréciées chez 
nous à leur juste valeur ; on en a peu parlé et, quand on les a citées, 
on les a vivement combattues. Longet, qui nous a laissé le meilleur his- 
torique de la question, écrivait avec la conviction que les mouvements 
du cerveau n’existaient pas chez l'adulte ; il adoptait pleinement les con- 
clusions, déjà discutées dans ce travail, de l'expérience de Bourgougnon, 
et ne pouvait dès Lors accorder aux recherches de Ravina toute l’impor- 
tance qui leur est réellement due. Mosso a beaucoup insisté sur les tra- 
vaux de son compatriote, et c’est justice. Ravina mérite d’être cité à côté 
de Lorry, dont il a établi expérimentalement, quelquefois rectifié les 
idées ; il a, de plus, démontré des faits nouveaux que nous retrouverons 
à leur tour vérifiés grâce aux méthodes actuelles. 

À partir de l’époque où les déplacements du liquide céphalo-rachidien 
qu'avait découvert Cotugno furent étudiés par Magendie, la question des 
mouvements du cerveau se confondit avec celle des mouvements du 
liquide sous-arachnoïdien; on vit même l'importance des mouvements 
de ce liquide exagérée à tel point, que Ecker crut devoir subordonner 
les changements de volume du cerveau aux flux et reflux du liquide 
sous-arachnoïdien, chassé du rachis vers le crâne par la turgescence des 
sinus vertébraux, rappelé dans le rachis par l’affaiblissement de ces 
sinus. Mosso dit avec raison que Ecker renversa les termes de la question, 
en considérant comme cause des mouvements cérébraux ces migrations 
du liquide céphalo-rachidien qui n’en sont que la conséquence. Mais la 
connaissance bien établie par Magendie de la distribution de ce liquide 
dans le crâne et dans le rachis devait faire naïître des théories nouvelles 
sur les condilions des mouvements cérébraux. IL semble qu'il n'était 
plus possible d'hésiter et d’invoquer l’incompressibilité des parois crâ- 
niennes pour mettre en doute les changements de volume du cerveau, 
puisqu'on savait que le liquide céphalo-rachidien passait du crâne dans 
la cavité rachidienne et réciproquement. Lorry avait pu encore émettre 
un doute sur la réalité de ces mouvements, dans les conditions ordinaires 
de la circulation, chez l’adulte dont la boite crânienne est ossifiée ; il 
croyait cependant que ces mouvements étaient possibles dans les cas où 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 74 


l'effort du sang vers la tête est considérablement augmenté ; mais on 
comprend qu’il ait été fort embarrassé pour se prononcer autrement en 
faveur des mouvements du cerveau, l'existence du liquide sous-arach- 
noïdien ne lui étant pas connue. Maintenant que la science était fixée 
sur ce point, on pouvait comprendre le mécanisme de ces mouvements, 
jusque-là difficiles à expliquer. 

Magendie, Burdach, Flourens, Burrow, se prononcèrent pour l’exis- 
tence de ces mouvements; beaucoup de physiologistes et de médecins 
se rangèrent à l'opinion inverse ; ils firent revivre la proposition qu'on 
pouvait croire oubliée et qui avait été’admise dans l’école d’Édimbourg 
sous le nom de théorème de Monro-Kellie : « Le contenu de la cavité 
crânienne est invariable ; tout changement de volume des centres ner- 
veux est donc impossible. » Le travail de Bourgougnon, qui parut alors, 
eut nécessairement un grand retentissement : l'expérience semblait 
rigoureuse. Un tube vissé sur le crâne d'un animal étant ouvert à l’ex- 
térieur, les mouvements du cerveau se produisaient ; on fermait ce tube, 
tout mouvement cessait.. Donc, dans les conditions normales, l’inexten- 
sibilité des parois crâniennes ne permettait pas au cerveau de changer 
de volume. La conclusion parut logique ; Longet la couvrit de son auto- 
rité, et, malgré les travaux importants du professeur Richet, qui devaient 
modifier l'opinion régnante, Longet maintint son dire dans la dernière 
édition de son Traité de Physiologie. Nous avons résumé au début de ce 
travail les principaux arguments sur lesquels est fondée la doctrine des 
mouvements du cerveau. L'existence des sinus vertébraux et l’extensi- 
bilité des parois du canal rachidien, que M. Richet appelle justement 
«un tuyau de dégagement », permettent de comprendre la possibilité 
de variations dans la quantité des liquides contenus dans le crâne; 
l'expérience démontre que ces variations sont rendues plus évidentes 
par une trépanation qui crée une diminution de résistance prédominante 
en un point de la cavité crânienne, et que, par conséquent, l'étude 
détaillée des mouvements observés dans les conditions spéciales où l’âge, 
la maladie, le traumatisme accidentel, chirurgical ou expérimental, 
placent les individus, mérite toute l'attention des physiologistes. On 
peut émettre des théories différentes sur le mécanisme grâce auquel le 
liquide céphalo-rachidien permet ces changements de volume du cer- 
veau; mais le fait fondamental qui nous semble aujourd’hui acquis à 
la sience, c'est que les mouvements du cerveau chez l'adulte, c’est-à- 
dire les variations de volume de cet organe, se produisent au sein du 
liquide céphalo-rachidien susceptible de déplacements, tout comme les 
changements de volume de la main ou d’une autre partie du corps 
plongée dans un appareil analogue à ceux qui ont été employés par 
Piégu, Chelius, Fick, Mosso et nous-même. 

Un grand progrès fut accompli dans l’étude des mouvements du cer- 
veau quand la méthode graphique leur fut appliquée. Substituer à nos 
sens qui peuvent nous tromper, des appareils qui nous retracent fidèle- 


278 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


ment les phénomènes les plus fugitifs, qui nous en laissent la trace 
écrite et nous fournissent des documents incontestables que chacun peut 
consulter et interpréter, c’est ce que permettent aujourd'hui les appa- 
reils enregistreurs. L'emploi de ce précieux moyen d'étude dans les 
recherches sur les mouvements du cerveau ne pouvait donc manquer de 
fournir les plus heureux résultats. 

Les battements du cerveau chez l’enfant encore pourvu de fontanelles 
ont été enregistrés, il y a plus de quinze ans, par le professeur Marey. 
Leyden, en 1866, a fait quelques essais d'inscription des battements du 
cerveau chez les animaux dont il soumettait l’encéphale à des compres- 
sions graduelles, mais il ne décrit pas ses appareils, considérant les 
résultats comme trop imparfaits. Langlet a étudié, en 1872, les batte- 
ments des fontanelles avec le sphygmographe pendant le sommeil; la 
brièveté des tracés ainsi obtenus ne lui permit pas de suivre les diffé- 
rentes phases du phénomène ; néanmoins il recueillit des courbes inté- 
ressantes qui démontrent qu’à l’état de calme les mouvements respira- 
toires ont peu d'influence sur la ligne d'ensemble du tracé. A notre 
connaissance, les premiers graphiques importants des mouvements du 
cerveau ont été obtenus par Mosso et par Salathé ; il ne saurait s'élever 
entre eux la moindre question de priorité sur ce sujet, car leurs travaux 
ont été faits parallèlement, l’un des auteurs faisant ses recherches à 
Paris, l’autre à Turin ; Mosso n’ajoute évidemment aucune importance 
à ce passage dans lequel il dit que les tracés des mouvements cérébraux 
qu'il a donnés sont les premiers qui aient été publiés ; ceux que Salathé 
avait recueillis avec nous sur un malade du service du professeur Broca … 
ont été publiés à une époque un peu antérieure, et, du reste, il n’y a. 
point à s'arrêter sur un aussi mince détail. g 


MÉTHODE D'ÉTUDE ET EXPÉRIENCES 


Ce qu’il importe d’indiquer pour ceux qui nous lisenc et qui. 
désireraient reprendre ces expériences, c’est la méthode em= 
ployée. Sur l’homme, une perte de substance des os du crâne a 
mis à découvert une surface plus ou moins étendue du cerveau, 
On peut appliquer sur cette surface mobile la membrane d’un de 
ces tambours à air dont l’emploi a été vulgarisé par M. Marey, et 
mettre en communication, par un tube de caoutchouc, la cavité 
de ce tambour explorateur avec un second tambour muni d’un 
levier inscripteur ; c'est ce que chacun de nous à fait dans les . 
cas qu’il a pu observer. Nous ferons ici une légère critique à 
Mosso au sujet du mode d'exploration qu’il a employé. Au lieu 
d'appliquer sur un point circonscrit de la surface à explorer le 


CSS 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 279 


bouton étroit d’un tambour à air, il aurait eu grand avantage à 
collecter à l’aide d’une plaque aussi large que possible les mou- 
vements du cerveau. Nous nous sommes bien aperçus de la supé- 
riorité des indications ainsi obtenues, en étudiant, avec M. Bris- 
saud, la malade du docteur Fournier. 

On transmet à distance les mouvements du cerveau, qui vont 


- s'enregistrer sur le papier enfumé d’un cylindre muni d’un régu- 


lateur, ou sur la bande sans fin du kymographion. Il est facile de 
recueillir, en même temps que ces courbes, les mouvements res- 
piratoires, soit avec le pneumographe de Marey, soit avec tout 
autre appareil, les battements du cœur et de telle ou telle artère, 
la radiale ou la carotide particulièrement. 

De cette façon, les rapports des mouvements du cerveau avec 
les battements du cœur et les mouvements respiratoires sont fa- 
ciles à déterminer. 

L'inscription simultanée des mouvements du cœur et des pul- 
sations cérébrales chez notre malade nous a fourni le tracé sui- 
vant, dans lequel les distances 7 r° expriment le retard de la pul- 


FIG. 1.— Retard de la pulsation cérébrale (ligne Ce) sur la systole cardiaque (ligne C), 
représenté par la distance r r/ — 2 sec. (Hôp. Saint-Louis.) Le repère r' a ête 
un peu trop reporté sur la droite. 


sation cérébrale sur le début de la systole du cœur. Compté au 
diapason chronographe, ce retard est de 1/35 de seconde, le 
retard du pouls radial étant de 4/25. 

On peut aussi, comme l’a très-judicieusement fait Mosso, 


280 FRANCOIS-FRANCK. —- MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


inscrire en même temps les changements du volume de la main 


plongée dans un appareil à déplacement de telle ou telle forme. 
Chez les animaux, l'inscription des mouvements du cerveau 
n’est point aussi facile, et cette difficulté relative tient à des con- 


ditions que de nombreuses expériences ont permis à M. Salathé - 


de bien déterminer. On fait à un chien ou à un lapin l’ablation 
d’une rondelle osseuse sur le pariétal à l’aide d’une couronne de 
trépan ; à la place de cette rondelle, on visse un tube métallique 
comme celui que Lorry et Ravina employèrent autrefois; dans le 
tube, dont le calibre doit être assez considérable (au moins de 
7 à 8 millimètres de diamètre intérieur), on verse de l’eau jus- 
qu’à une certaine hauteur. Si la dure-mère a été laissée intacte, 
les changements du niveau de l’eau contenue dans le tube sont, 
en général, assez peu marqués et ne permettent guère de distin- 
guer nettement, surtout sur le lapin, les petits battements en 
rapport avec l’action cardiaque ; si la dure-mère a été enlevée 
dans le fond de la trépanation, les mouvements sont assez com- 
plets pour fournir un bon tracé, grâce à la transmission par Pair; 
mais bien souvent ce succès dure peu : le cerveau fait volontiers 
hernie à travers l’orifice de la trépanation, et les mouvements 
transmis, n’appartenant plus qu’à la petite masse de tissu étran- 
glé, deviennent imperceptibles. On réduit alors la portion sail- 


lante, et, en mettant l’animal la tête en haut, on peut espérer 


obtenir encore pendant assez longtemps des courbes tout à fait 
satisfaisantes. Sur le lapin, il arrive fréquemment qu’on distingue 
seulement les grandes ondulations respiratoires des changements 
de volume du cerveau. Flourens avait été induit en erreur par 
l'absence de pulsations cardiaques visibles, et, dans son premier 
travail qu’on continue toujours à citer, il n’admet que ces grands 
mouvements du cerveau. Il est important de bien établir que, 
dans le mémoire peu étendu qu'il publia quatre ans après ses 
premières recherches, Flourens, ayant substitué le chien au 
lapin, vit très-nettement les pulsations cérébrales d’origine car- 
diaque et revint sur sa première opinion. 

En outre de l’exploration des mouvements qui se produisent 
dans la cavité crânienne, il est important de faire en même 


RE ES EE D 


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| 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 281 


temps l'étude des mouvements du liquide dans la cavité rachi- 
dienne et d'inscrire simultanément les tracés ainsi obtenus. On 
peut juger alors des rapports qui existent entre ces deux ordres 
de mouvements et trancher facilement la question du synchro- 
nisme ou de la succession, de la marche parallèle ou inverse 
des oscillations liquides dans les deux cavités. L'expérience dé- 
montre que ces oscillations sont synchrones ; elle établit aussi qu’il 
y alibre passage au niveau du trou occipital pour le liquide sous- 
arachnoïdien, lequel est refoulé vers la cavité rachidienne, pen- 
dant que le cerveau augmente de volume, et vice versa. C'est-à-dire 
que l'inscription de ces phénomènes ajoute une preuve nouvelle 
aux faits énoncés par le professeur Richet dans son Anatomie chi- 
rurgicale. I est regrettable que l’occasion ne se soit pas offerte 
à M. Mosso et à M. Salathé d'étudier, sur les enfants atteints de 
spina-bifida, les mouvements d’expansion et de resserrement de 
la tumeur rachidienne en même temps que les battements des 
fontanelles. Le parallèle entre les expériences sur les animaux et 
l'observation sur l’homme eût été ainsi plus complet. C’est là 
une lacune à combler, et ce point est assez important pour 
mériter l'attention des expérimentateurs. 

* Les recherches de M. Mosso ont porté exclusivement sur les 

mouvements du cerveau d’une femme atteinte de perte de sub- 
siance des os du crâne : celles de M. Salathé ont eu les animaux 
et l’homme pour ohjet. Les résultats qu'il a obtenus en explorant 
les fontanelles de jeunes enfants étant identiques à ceux qu’a 
fournis l'exploration sur l’homme, nous pouvons réunir tous ces 
documents en les rapprochant les uns des autres, et exposer 
tout d’abord les conclusions de nos deux auteurs, avec les remar- 
ques que nous croirons devoir y ajouter. 

Ces remarques nous ont été inspirées par les expériences que 
nous avons faites avec M. Brissaud, autant pour contrôler les ré- 
sultats des recherches déjà publiées, que pour chercher à déter-- 
miner quelques points encore négligés. 

Il est admis que les mouvements du cerveau sont de deux 
ordres : les uns en rapport avec les battements du cœur, les 


282 FRANCOIS FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


autres avec les mouvements respiratoires. Ces deux influences 
produisent des changements de volume dans le cerveau, comme 
dans les autres organes, et on ne peut plus admettre aujourd'hui 
que les mouvements cérébraux soient dus au soulèvement total de 
la masse encéphalique par les artères de la base, comme l’ensei- 
gnait Richerand; les variations de calibre des artères du poly- 
gone de Willis sont évidemment bien peu importantes à consi- 
dérer dans la production des mouvements cérébraux, eu égard à 
l'influence prédominante des alternatives de turgescence et de 
retrait de l'organe. 

Si la respiration est calme et facile, elle modifie à peine le 
tracé des variations d’origine cardiaque; au contraire, quand 
elle s’exagère, l’influence respiratoire peut arriver à supprimer 
en apparence la pulsation d’origine cardiaque, mais cette dispo- 
sition tient au mode d’exploration lui-même. Le liquide contenu 
dans le tube vissé sur le crâne est entraîné alternativement très- 
bas et très-haut, et les petites pulsations qui se produisent pen- 
dant les deux grands déplacements sont pour ainsi dire absorbées 
par eux. C’est aussi ce qui s’observe quand on inscrit les varia- 
tions de la pression artérielle avec le manomèëtre, ou quand on 
suit de l'œil la colonne de mercure, la respiralion étant rapide et 
profonde. On s’exposerait à nier les pulsations cérébrales tout 
aussi bien que les pulsations d’une artère, si l’on ne tenait 
compte de celte absorption des petits mouvements par les 
grands. 

En considérant les rapports qui existent entre les variations du 
volume du cerveau et les mouvements respiraloires, on vo't que 
ces rapports obéissent aux lois qui commandent les variations du 
volume d'un autre organe comme la main et les variations 
de la pression artérielle. Dans tous ces cas, ce sont les change- 


ments de l'aspiration thoracique qui exercent leur influence sur 


le cours du sang artériel et veineux. Dans les conditions de res- 
piration normale, le volume du cerveau, comme celui de la 
main, comme la pression artérielle, diminue pendant l’inspira- 
tion qui s'accompagne d'augmentation de l'aspiration thoracique, 
et augmente pendant l’expiration pour la raison inverse. Si les 


* 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 283 


animaux sont soumis à la respiration artificielle par le procédé 
de l’insufflation trachéale, on voit ce rapport se renverser, préci- 
sément parce qu’on renverse les conditions de la pression tho- 
racique, cette pression étant accrue pendant l’insufflation, di- 
minuée pendant l'expiration. 

Indépendamment de ces deux ordres de mouvements bien 
- connus, les uns cardiaques, les autres respiratoires, les seuls 
dont il ait été question jusqu'ici, le cerveau semble présenter 
d’autres variations plus lentes encore, très-peu sensibles, même 
sur le tracé recueilli dans une grande longueur, et qu’on ne voit 
bien qu’en traçant au-dessous du graphique des courbes céré- 
brales une abscisse très-rapprochée. Si l’on examine l’ensemble 
de la courbe en la regardant selon sa longueur, on voit, comme 
l’a indiqué Mosso, qu’elle offre de longues ondulations rhythmi- 
ques. Mosso a observé les mêmes ondulations sur les graphiques 
des changements du volume de la main avec son Pléthysmogra- 
phe, et tousles physiologistes savent que les tracés de la pression 
artérielle en offrent de semblables (wellexformige Schwan- 
kungen de Traube), particulièrement quand on inscrit les va- 
riations de la pression carotidienne d’un petit animal à pulsations 
rapides, comme le lapin. Ces ondulations sont bien visibles si l’on 
a soin de recueillir le tracé sur un cylindre animé d’une faible 
vitesse. Il semble logique de rapporter ces lentes variations de 
la circulation périphérique à une même cause, et c’est à des 
changements rhythmiques dans la tonicité des petits vaisseaux, à 
des contractions spontanées et périodiques suivies de relâche- 
ment gradue]l, qu’on peut les attribuer. Ces ondulations rappel- 
lent celles des vaisseaux de l'oreille du lapin et doivent, sans 
doute, être rapprochées des changements de calibre observés 
directement sur les vaisseaux de la pie-mère par Donders. Nous 
savons que Donders fixa, comme l'avait fait Ravina, une fenêtre 
au crâne des animaux en expérience, mais il prit soin d’éliminer 
complétement l’air de la chambre close ainsi formée, précaution 
indispensable qu'on peut reprocher à Ravina d’avoir négligée. 
Dans ses expériences, le savant physiologiste hollandais suivit 
minutieusement les changements du calibre des petits vaisseaux 


28h FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


de la pie-mère; il les vit se distendreetse resserrer ; il constala les 


alternatives de rougeur et de päleur de la substance cérébrale, et 
par suite dut admettre ses changements de volume. Mais, d’après 
Mosso, se rattachant à l'hypothèse de Berlin, il admit qu’il se 
produisait des variations extrêmement rapides dans la quantité du 
liquide sous-arachnoïdien, et, prévoyant une grave objection, il 
ajoute que la grande surface des circonvolutions cérébrales et la 
quantité énorme des petits vaisseaux de la pie-mère permettaient 
de comprendre la rapidité avec laquelle s’opéraient ces phéno- 
mènes. Nous pensons qu'il n’est plus utile de recourir à cette in- 
terprétation, étant démontré que les vaisseaux en se dilatant re- 
foulent le liquide sous-arachnoïdien; mais nous retenons le fait 
bien nettement observé par le professeur Donders des changements 
spontanés du calibre des vaisseaux. Les mêmes phénomènes 
vasculaires furent observés par Kussmaul et Tenner dans leurs 
recherches bien connues sur la circulation encéphalique. En 
ajoutant à ces faits d'observation les résultats des expériences qui 
ont montré à un grand nombre de physiologistes (CI. Bernard, 
Brachet, Schiff, Callenfels, ete.) l'influence du système nerveux 
vaso-moteur sur les vaisseaux de la pie-mère, nous pouvons 
entrevoir le mécanisme de ces grandes ondulations rhythmées et 
les considérer commele fait de celte indépendance relative des cir- 
culations locales, sur l'importance de laquelle M. CI. Bernard a 
insisté. Cette question, dont nous ne pouvons ici qu’indiquer les 
points essentiels, a été traitée en partie par Mosso; mais 1ly a là 
encore matière à de sérieuses recherches. 

Quelle que soit l’interprétation des phénomènes, c’est là un 
troisième ordre de mouvements du cerveau qu’il convient de 
distinguer dans le langage. Les dénominations adoptées par Mosso 
sont tout aussi justes que telles autres qui pourraient être pro- 
posées; aussi appellerons-nous avec lui pulsations les mouve- 
ments de cause cardiaque correspondant aux battements arté- 
riels; oscillations, les mouvements plus étendus que produisent 
une inspiralion et une expiration successives; le mot d’ondula- 
tions s’appliquerait à ces grandes variations lentes qu’on suppose 
subordonnées aux contractions rhythmiques des vaisseaux. 


+ 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 285 


Telles sont les principales modifications que présente le volume 
du cerveau conslatées dans les conditions d'observation simple, 
le sujet en expérience n’élant soumis à aucune cause de pertur- 
bation provoquée dans un but expérimental. 

L'influence du sommeil sur les mouvements du cerveau, déjà 
étudiée à l’aide du sphygmographe par Langlet, a été reprise par 
_Mosso sur la femme qui fait Le sujet de ses observations, et par 

Salathé sur de jeunes enfants. Ce dernier a noté la disparition 
des oscillations respiratoires dans le tracé cérébral, ce qui tient 
évidemment à la lenteur et au calme de la respiration; Mosso 
remarque une amplitude beaucoup plus considérable des pulsa- 
ions artérielles, et nous retrouvons cette amplitude exagérée 
dans les tracés obtenus par Salathé. Pouvons-nous tirer de cette 
remarque quelques conclusions relatives à l’état d’anémie ou de 
congestion du cerveau pendant le sommeil? Mosso se réserve 
d'utiliser ses observations pour des travaux spéciaux sur la 
question du sommeil. Nous nous bornerons par conséquent à 
noter que cette plus grande amplitude des pulsations cérébrales 
peut tenir à la moindre tension de la masse encéphalique pendant 
le sommeil, tout comme l’augmentation d'amplitude du pouls 
tent à l’extensibilité plus grande des artères dans les cas de fai- 
ble tension. Ce serait donc admettre l’anémie relative du cerveau 
pendant le sommeil, anémie qu’on ne saurait mettre sur le 
compte du resserrement actif des vaisseaux de l’encéphale, car 
dans ces conditions on n’observerait point l'amplitude exagérée 
des pulsations. On pourrait interpréter celte anémie relative par 
la dérivation sanguine qui semble s’opérer pendant le sommeil 
vers les parties périphériques. Chacun sait que le cou gonfle et 
que la constriclion, supportée à l’état de veille, devient gênante 
pendant le sommeil; il se produit du gonflement du corps thy- 
roïde, qui a été considéré un peu théoriquement comme produi- 
sant une compression physiologique des carotides, fait en désac- 
cord avec l'amplitude plus grande des pulsations cérébrales; 
enfin Mosso lui-même a signalé dans un précédent travail (4) la 


(1) A. Musso, Movimenti :lei vai sanguigni 1c.uomo. Turin, 1875, 


286 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


grande augmentation du volume de la main pendant le sommeil. 
Le cerveau subirait ainsi l'effet d’une abondante dérivation san- 
guine périphérique. Mais les hypothèsesne doivent pasnous arrêter 
longtemps : des faits assez nombreux méritent notre attention. 


On peut agir sur la circulation cérébrale comme sur celle d’un 
autre organe, en modifiant l’afflux sanguin par la compression 
des artères principales, par la compression des veines, en faisant 
intervenir la pesanteur comme cause adjuvante de la circulation 
ou comme influence retardatrice; on peut agir plus indirecte- 
ment sur cette circulation en apportant un grand nombre de 
modifications au rhythme respiratoire; enfin on peut essayer de 
provoquer dans le cerveau des modifications circulatoires en 
rapport avec des modifications fonctionnelles. Les faits observés 
par CI. Bernard, par Ludwig et d’autres, sur la suractivité circu- 
latoire des organes en fonction, doivent, en effet, engager à 
rechercher des phénomènes analogues dans le cerveau. Ces 
diverses expériences ont élé exécutées sur les animaux et sur 
l’homme, par MM. Mosso et Salathé ; nous allons en exposer les 
résultats, et les recherches que nous avons faites avec M. Bris- 
saud nous permettront de discuter quelques points de leurs con- 
clusions, en présentant les tracés que nous avons recueillis. 


Compression des carotides. 


Il est souvent difficile de comprimer la carotide primitive chez 
l'homme sans comprimer en même temps le nerf pneumogas- 
trique et la jugulaire interne : les rapports intimes des différents 
éléments du paquet vasculo-nerveux, leur réunion dans une gaîne 
commune rendent loujours un peu incertaine la compression 
que l’on voudrait faire porter exclusivement sur la carotide. 
Ainsi chez la malade du docteur Fournier, nous n’avons pu 
réussir à effacer le calibre de la carotide sans comprimer en 
même temps la jugulaire correspondante : aussi avons-nous 
observé du côté du cerveau des phénomènes complexes que nous 
sommes forcés de passer sous silence. Mosso a été plus heureux, 
et les modifications des mouvements cérébraux observées pen: 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 287 


dant la compression de l’une ou des deux carotides sont tout à 
fait concordantes avec celles qui se produisent dans les change- 
ments du volume de la main quand on comprime l’humérale. 
L’organe recevant moins de sang, présente une diminution ab- 
solue de volume, et l’amplitude des variations de ce volume est 
beaucoup moindre à cause de l'effacement d’un grand nombre de 
branches artérielles. Quand cesse la compression, les pulsations 
cérébrales présentent, pendant un certain temps, une amplitude 
exagérée, comme si les vaisseaux, déshabitués de la pression in- 
térieure à laquelle les a soustraits la compression, se laissaient 
ensuite passivement distendre : leur tonicité normale ne repa- 
raîtrait que peu à peu, et sa restitution raménerait l'amplitude 
des pulsations à sa valeur initiale. Les mêmes phénomènes s’ob- 
servent dans la main à la suite de la compression de l'artère 
humérale : nous les avons notés dans nos expériences sur les 
changements du volume de la main, sans présenter de théorie 
pour les expliquer. Mosso rejette, avec raison, l’hypothèse d’une 
augmentation passagère de l’énergie de l’impulsion cardiaque 
aprés la décompression, et pense qu’il s’agit là d’une moditi- 
cation toute locale, d’un trouble dans la résistance des parois 
vasculaires. Il admettrait volontiers une modification dans la 
nutrition de ces parois pendant que dure la compression, mais 
il juge prudent de s’abstenir de toute affirmation. 

Nous disions tout à l'heure que la compression exactement 
localisée à la carotide n’est pas toujours facile sur l’homme : 
nous allons voir qu’elle ne l’est pas davantage sur le chien, quand 
on ne prend pas la précaution d'isoler soigneusement l’artère et 
de la saisir dans l’anse d’un compresseur qui en efface la lumière 
sans produire de tiraillements, comme le ferait un fil qu’on sou- 
lèverait, ou des compressions des nerfs voisins, comme il arrive 
quand on repousse l’artère sur la colonne vertébrale. Nous avons 
étudié cette année les effets des variations de la pression intra- 
crâmenne sur le rhythme des mouvements du cœur, et nous 
avons toujours vu que la compression régulièrement faite de la 
carotide du chien produit une grande accélération des batte- 
ments du cœur et une trés-notable élévation de la pression ex- 


288 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D’'EXPANSION 


plorée dans n’importe quelle artère. Ces faits seront développés 
dans un prochain travail : nous les rappelons ici uniquement 
pour mettre en garde contre les conclusions qu’on pourrait tirer 
d'expériences faites sur le chien en comprimant médiatement 
une ou deux carotides : il nous semble évident, par exemple, que 
dans la courbe des mouvements cérébraux pendant la compres- 
sion" de la carotide présentée par Salathé, le défaut d’accéléra- 
tion des pulsations d’origine cardiaque tient à ce que la com- 
pression carotidienne a porté aussi sur le nerf pneumogastrique. 
L'auteur reconnaît, du reste, l'effet de la ligature indépendante 
de toute compression d'organes voisins. 

Nous nous réservons d’insister plus tard sur ces questions des 
rapports des changements de la pression artérielle et du volume 
des organes avec la fréquence des battements du cœur ; aussi 
n’entrerons-nous pas Ici dans des détails qui nous entraineraient 
beaucoup trop loin de notre sujet principal. 


Compression des jugulaires, 

C'est chez l’homme que la compression des jugulaires peut 
provoquer des modifications notables dans la circulation céré- 
brale ; chez les animaux, en effet, comme le chien et le lapin, les 
jugulaires internes sont presque rudimentaires; ce sont les 
jugulaires externes et surtout les veines vertébrales sortant du 
canal des apophyses transverses cervicales qui ramènent au 
cœur droit le sang de l’encéphale. 

Or, chez l’homme, la compression des jugulaires à la base du 
cou a donné à Mosso des résultats malheureusement inexacts; 
il a reconnu, depuis la publication de son travail, qu'il avait été 
induit en erreur par un petit accident survenu dans ses appareils 
et qui pouvait en effet passer inaperçu. 

Quant on se sert des appareils à transmission par l'air pour 
explorer et inscrire des variations un peu étendues et prolongées, 
une condition dont il est indispensable de se bien assurer, c’est 
la clôture hermétique des membranes de caoutchouc et des tubes 
de transmission : une fuite d’air, sans importance, quand on 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 289 


étudie des mouvements qui varient avec une certaine rapidité, 
peut, dans les autres cas, fausser complétement les indications : 
c'est ce que nous avons cherché à éviter en reprenant l'expé- 
rience de la compression des jugulaires chez notre malade : 
nous nous sommes au préalable assuré que nos appareils sup- 
portaient la pression d’air et gardaient le vide. Le tracé suivant, 
-obtenu dans ces conditions, montre que le cerveau augmente 
graduellement de volume pendant qu’on met obstacle au retour 
du sang veineux. 


F16. 2. — Augmentation graduelle du volume du cerveau (CE) pendant la compres- 
sion des jugulaires de E en E. — Ligne R. Courbes respiratoires. 


Si l’on compare cette augmentation de volume du cerveau, pen- 
dant la compression, des jugulaires à l’augmentation du volume 
de la main pendant la compression circulaire du bras par le ban- 
dange de la saignée (1), on est frappé de la différence des phé- 
nomènes. Cette différence porte sur deux points principaux : 
41° l'augmentation du volume du cerveau est infiniment moindre 
que celle de la main; 2° les pulsations du cerveau pendant la 
compression conservent leur forme à peu près normale, tandis 
que celles de la main perdent peu à peu la ligne d'inclinaison 
qui correspond à l’écoulement du sang des artères dans les 
veines. 

Pour expliquer la première différence, 1l faut se rappeler que 


(1) Voyez Travaux du laboratoire du professeur Marey. G. Masson, 4876. Fran: 
çois-Franck, Changements du volume des organes. 


JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. XII (1877), 19 


20 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D EXPANSION 


pendant qu'on met obstacle au dégorgement sanguin du cer- 


veau, le liquide céphalo-rachidien cède la place au liquide san- 
guin qui s’accumule, de telle sorte que le cerveau augmen- 
tant de volume par la stase du sang, diminue de volume par 


le départ du liquide sous-arachnoïdien el intra-veniriculaire : : 


ces deux effets inverses, ne se compensent cependant pas com- 
plétement, car on note une certaine turgescence du cerveau, 
Pour la main, les conditions ne sont plus les mêmes : quand 
le sang s’accumule sous l'influence de la compression veineuse, 
il n’y a d’autre liquide déplacé que celui dans lequel la main est 
plongée, « et tous les déplacements du liquide s’accusent à l'appa- 
reil enregistreur : aussi a-t-on une courbe beaucoup plus é él 
que celle fournie par le cerveau quand on comprime lesjug ulaires : 
l'augmentation totale du volume de la main est signalée; une 
| artie seulement du volume du cerveau est indiquée sur le tracé. 
F La différence de forme des pulsations de la Imain et du cer- 
veau quand on comprime les veines de l'un et de l'autre 
organes, s explique \ de la même façon : la main est de plus en 
lus distendue et devient de moins en moins exLensible : ; aussi 
la bgne de descente de chaque pulsation tend-elle davantage 
à se redresser et à se rapprocher de l'horizontale : c'est un véri- 
table escalier que l’on observe, et les degrés de cet escalier dimi- 
nuent de hauteur à mesure que la distension de la main aug- 
mente. Au contraire les pulsations cérébrales conservent à peu 
près leur forme initiale : ce qui peut tenir à la moindre disten- 
sion des vaisseaux cérébraux. 

Il faut ajouter que la compression des jugulaires ne suffit pas 
pour mettre un obstacle complet au retour du sang, et cette con- 
sidération doit aussi entrer en ligne ce compte dans l’interpré- 
tation de la forme des pulsations cérébrales et de la faible éléva- 
tion de la ligne générale pendant la compression veineuse. 


Modifications respiratoires. 


Nous avons vu que les influences respiratoires sont peu 
accusées sur les courbes des pulsations cérébrales quand la res- 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 291 
piration est calme, lente et facile : on sait, en effet, que 
les changements de la pression intra-thoracique n’influent 
d’une façon notable sur la circulation périphérique que quand 
ils sont un peu exagérés. On voit alors les organes augmenter 
de volume pendant l'expiration, diminuer pendant l'inspiration, 
suivant en cela les règles qui président aux variations respira- 

toires de la pression artérielle. Ce rapport est complétement 
” renversé quand on intervertit les conditions de la pression intra- 
thoracique par la respiration artificielle : le fait est bien acquis 
aujourd’hui, grâce à de nombreuses recherches parmi lesquelles 
nous citerons celles de Quincke et Pfeiffer, Héger,. Gréhant, 
Rosapelly, Gauthier. Ce dernier à fait l’année dernière dans le 
laboratoire du professeur Marey, quelques expériences qui éta- 
blissent que la respiration artificielle par le procédé usuel, c’est- 
à-dire par insufilation trachéale, fait varier en sens inverse du 
sens normal aussi bien le volume des organes que la pression 
dans les artères. Il en devait être du cerveau comme de tout 
autre tissu vasculaire, et M. Salathé a pu le constater par l’expé- 
rience directe. ( 

En portant à leur maximum les influences normales de la res- 
piration sur les changements de volume du cerveau, c’est-à-dire 
en exagérant l'inspiration et en produisant l'effort, on provoque 
d'importantes modifications dans la circulation cérébrale comme 
dans celle de tous les organes périphériques. Ces modifications 
sont identiques dans le cerveau et dans la main quand on pro- 
duit un effort d'expiration, la glotte étant fermée ; mais la même 
similitude, qu’on devait s'attendre à rencontrer de part et d’au- 
tre sous l'influence d’une inspiration profonde et prolongée, 
ne s’est rencontrée ni dans nos expériences, ni dans celles de 
Mosso. | 

Pendant qu’on dilate largement la poitrine en y augmentant 
considérablement le vide thoracique, on voit le volume de la 
main diminuer comme l'indique la figure 3. 

Les changements qui s’observent parallèlement du côté du 
cerveau (fig. 4) ne sont plus du tout les mêmes : le seul point 
commun dans l’un et l’autre cas, c’est le ralentissement des bat- 


292 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


tements du cœur. Nous ne voyons diminuer le volume du cer- 
veau que quand l'inspiration a cessé, phénomène inverse de celui 
qui s’observe à la main. Faut-il admettre que le sujet en expé- 
rience exécute mal l’acte qu’on lui commande, et que, péndant 


Fi16. 3. — Diminutivn du volume de la main avec raleutissemient des. pubations. 
pendant une inspiration profonde de I en |’. 


qu’il augmente l'aspiration vers sa poitrine, il comprime les 
viscères abdominaux en contractant les muscles droits et obli- 
ques. Dès lors l'effet de la dimiuution de pression intra-thora- 
cique serait annulé par l'effet de l'augmentation de pression 
intra-abdominale. | 

Nous aurions pu admettre cette explication, si l’examen 
comparatif des mouvements thoraciques et abdominaux, n€ 
nous en eût pas, dans une autre expérience, démontré le dé- 
faut de fondement. Du reste, le ralentissement des battements 
du cerveau suffirait à montrer que l'inspiration profonde de- 
mandée à la malade était accomplie dans les conditions voulues. Il 
faut nécessairement chercher dans un autre ordre d'idées l’inter- 
prétation du phénomène dont la figure 4 nous donne un exemple; 
probablement le fait a sa raison d’être dans une accumulation 
compensatrice du liquide céphalo-rachidien pendant que le sang 
est soustrait en partie au cerveau sous l’influence d’une aspira- | 
tion énergique vers la poitrine : nous ne sommes pas en MESUrTE 
de fournir la démonstration de cette hypothèse; nous aurons 
néanmoins à y revenir tout à l'heure à propos des effets de l'as 
piration du sang par l’application de la ventouse Junod. ; 

L’effort d'expiration, la glotte étant fermée, donne lieu à des 
modifications du volume du cerveau beaucoup plus concordantes 
avec celles qu’on observe en même temps du côté des organes 
périphériques. Mosso compare cet effet de l'effort à celui qu'il 
avait obtenu en comprimant les jugulaires, mais n’en donne point 
les courbes. Il à dû observer encore dans ce cas les consé- 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 293 


quences de la fuite d’air qui l’a- 
vait induit en erreur sur les résul- 
tats de la compression des veines 
du cou. 

Le malade examiné par Salathé 
à l’hôpital des Cliniques a pré- 
senté très-nettement la turges- 
cence du cerveau liée à l'effort ; 
mais la perte de substance du 
frontal étant comblée par une ci- 
catrice ancienne, l'indication gra- 
phique des phases de cette tur- 
gescence cérébrale manque de 
netteté. À mesure, en effet, que 
la cicatrice était tendue davantage, 
elle devenait plus résistante, et les 
détails de la circulation cérébrale 
devaient nécessairement être mas- 
qués par sa rigidité. 

Chez la malade du docteur Four- 
nier au contraire, l'absence de ci . 


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À 
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catrice nous a permis d'obtenir 
des courbes très-détaillées dans 
lesquelles on retrouvera tous les 
éléments observés jar le profes- 
seur Marey dans ses explorations 
du pouls et indiqués par nous dans 
l'étude des changements du vo- 
lume de la main. 


; 
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: 
£ 


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16. 4. — Mouvements du cerveau (Ce) avant, pendant et après une inspiration profonde I l'. 


Les conditions mécaniques de 
l'effort sont trop connues (1) pour 
que nous y insistions de nouveau; 
nous en rappellerons seulement 
les points principaux. Sous l’in- 
fluence de l’augmentation de la 


Ar 


Lait 


. (1) Voyez Marey, Physiologie médicale de La circulation du sang, 1863. 


29/ FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


pression intra-thoracique et intra-abdominale, le sang” artériel 
est refoulé et le sang veineux gêné dans son retour; de là l’aug- 
mentation de la tension dans les artères et du volume des. 
organes. À mesure que se prolonge l'effort, on voit diminuer la 


Fi. 5. — Augmentation du volume du cerveau peñdant l'effort de Een E, . | 
Pulsations de plus en plus fréquentes et dicrotes, 


pression et le volume, quoique cet effort soit maintenu au même 
degré manométrique. La raison en est dans l’affaissement pro= 
oressif de l'aorte et dans la diminution des ondées envoyées par 
le cœur. Pour maintenir au même niveau la pression artérielle et 
le volume des organes pendant l'effort, 1l faut redoubler d'éner- 
gie et pousser d autant plus qu’on prolonge l'effort. plus long- 
temps. On voit le résuliat de ce renforcement dans le tracé des 
mouvements cérébraux ci-joint. La ligne, s’abaissait, quand û 
malade fut invitée à augmenter son effort. À partir de,ce moment 
la ligne est redevenue ascendante jusqu’à ce que l'effort ait brus-. 
quement cessé. En même temps que se produisent ces phé 10- 
mènes périphériques, le cœur accélère ses battements.Il est, en. 
effet, dans le milieu comprimé et son évacuation dans l'aorte est 
facilitée par la pression qui s'ajoute à l’extensibilité plus gra | de 
du réservoir aortique. | 100 

Quant aux phénomènes consécutifs, 1ls sont exactement invers 
ses. La pression artérielle tombe brusquement très-bas; les orga- 
nes se dégorgent du sang qu’ils avaient reçu en excès, et le. cæ 
se ralentit. Marey a donné les raisons de ces différents phén 
mènes dans le livre que nous avons cité. 

A côté de ces modifications très-exagérées, nous devons rap- 


ET DE RESSEMREMENT DU CERVEAU. 295 


peler par un exemple les variations plus graduelles qui se pro- 
duisent dans les conditions presque normales. Dans le double 
tracé de la figure 6, nous voyons une longue expiration simple, 
sans effort, s'accompagner d’un certain degré de turgescence du 


F16. 6. — CR, Courbes respiratoire et cardiaque. C, volume du cerveau 
augmentant pendant l'expiration Exp. 


cerveau. La ligne qui donne la courbe respiratoire présente aussi 
des pulsations cardiaques trop imparfaitement indiquées pour 
que nous en tenions compte ici. 


Les développements dans lesquels nous sommes entrés sur les 
causes des variations du volume du cerveau pendant la compres- 
sion artérielle et veineuse, pendant les actes respiratoires nous 
forcent à abréger l'exposition des points qui nous restent à exa- 
miner : l’énfluence de la pesanteur, de la dérivation sanquine 
abondante, et de l’activité cérébrale sur les mouvements du cer- 
veau. 

L'influence de la pesanteur, qui semble très-simple au pre- 
mier abord, est, en réalité, tout entière à étudier. Comme 
MM. Mosso et Salathé, nous avons, avec M. Brissaud, examiné les 
mouvements cérébraux dans différentes attitudes; nos résultats 
concordent avec les leurs; mais aucun de nous n’a cherché à 
déterminer expérimentalement l'influence des déplacements du 
liquide céphalo-rachidien sur la circulation cérébrale. M. Marey 
nous faisait remarquer l’année dernière, aiñsi qu’à M. Salathé, 


296 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


que la colonne rachidienne devait représenter, dans la station 
verticale, la longue branche d’un siphon dont la cavité crânienne 
et les artères afférentes de l’encéphale constitueraient la courte 
branche; si le liquide sous-arachnoïdien est ainsi rappelé vers 
le rachis, quel effet cette aspiration peut-elle exercer sur la cir- 
culation propre de l'encéphale? Nous considérons toujours la 
subordination des mouvements du liquide céphalo-rachidien 
aux variations circulatoires, mais, dans certains cas cependant, 
ces mouvements du liquide, obéissant à une influence éner- 
gique, peuvent entraîner à leur tour des modifications importantes 
dans la circulation sanguine de l’encéphale. 

Ce n’est point à dire que nous revenions sur la critique adres- 
sée, au début de ce travail, à Ecker, qui subordonnait tous les 
mouvements cérébraux aux flux et reflux du liquide sous arach- 
noïdien; nous disons qu’on doit en tenir compte dans certains 
cas où l’influence de la pesanteur entre en jeu d’une façon pré- 
dominante du coté du liquide céphalo- -rachidien. La question 
est lout entière à étudier, et nous souhaitons qu’elle tente quel- 
ques-uns de nos Les 

Nous nous contenterons de donner ici un tracé montrant l’effet 
de cette aspiration sur le contenu de la cavité crânienne pendant 
la station verticale. 


ARNINAIN AIS Ah \ \ F 


FIG, 7. — Affaissement du cerveau pendant la station verticale. 
La malade s’est levée au début du tracé. 


Chez le malade examiné par M. Salathé, M. Marey avait constaté 
il ya trois ans, la dépression de la cicatrice frontale, qui devenait 
concave dans la station verticale, comme attirée par une aspira- 
tion énergique. Cette remarque vient bien à l’appui de l'hypothèse. 
présentée plus haut, et montre de plus que l’affaissement du cer- 
veau, dont nous donnons un exemple, n’est pas dû seulement à 
l’action de la pesanteur sur le cours du sang. 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 


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Nous avons obtenu des effets très-nets de cette dernière in- 


298 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


fluence enlsoulévant les bras de la malade de l'hôpital. Saint- 
Louis. Péndant l'élévation des membres supcrieurs, le volume 
du cerveau'augmente ; 1l reprend son niveau primitif quand les 
bras sont ramenés le Li du corps, comme l'indique la” figure 
ci-jointe (fig. 8). 1,18 
Nous rapprocherons les effets de l’élévation des membres sur 
le volume du cerveau de ceux qui se produisent dans là mâain 
d’un côté quand' on élève le membre supérieur du côté opposé. 
Un coup d'œil sur les deux figures (8 et 9) ) permettra de Saisir 
l'identité x 5 phénomiènes. 


Pa 


Mouvements du cerveau pendant l'aspiration exercée sur: <% 
un membre inférieur avec la ventouse Junod, “# 
. \ L, : à NE 


VAE 


Quand on enferme la main dans l'appareil explorateur des 
changements de volume, et qu'on exerce une aspiration rapidè à 
la surface d’un membre inférieur à l’aide de la ventouse Junod, on 
observe sur la main les effets rapides et considérables de la déri- 
vation sanguine : la main diminue de volume, l’eau est rappelée 
dans l’appareil et le levier inscripteur trace les pulsations de la 
main à un niveau de moins en moins élevé. La! figure suivante 
(fig. 10), empruntée à notre premier mémoire, donne une bonne 
idée des phénomènes. 

Nous avons fait plusieurs fois cette expérience sur nous-même 
en faisant raréfier rapidement l’air de la ventouse pendant que 
les tracés de notre main s’inscrivaient ; cette expérience a été 
répétée sur d’autres personnes, et dans tous les cas un peu de 
vertige s’est produit à un certain degré d’aspiration. TE 

Nous avions conclu de l'apparition de ces vertiges que le cer 
veau devait nécessairement présenter les mêmes phénomènes ci 


été surpris, au premier instant, de ne pas const sur té à 
des changements de volume du cerveau un abaissement de la 
courbe analogue à celui que nous avions obtenu sur la main. 


DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 


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ure 11 montre qu’à partir du point V, le vide étant rapide- 


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300 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


ment fait dans la ventouse, le cerveau ne s’affaisse que très- 
légèrement, et cela quand laspiration de la ventouse a été 
poussée très-loin. | 

La malade accusait à ce moment un grand malaise qui nous à 
fait immédiatement rétablir la communication avec l’air exté- 
rieur : la ligne d'ensemble des pulsations s’est légèrement re- 
levée alors, sans remonter au-dessus du niveau initial. 

Il est impossible de ne point admettre que, sous l’influence de 
l’abondante dérivation sanguine provoquée par l'application de 
la ventouse Junod le cerveau n'ait été soumis à une anémie très- 
notable : si le tracé n’accuse pas cette anémie par un abaisse- 
ment rnarqué de la courbe, les troubles présentés par la malade 
suffiraient pour l’affirmer. Il faut donc qu’une modification 
étrangère à la circulation sanguine soit intervenue pour main- 
tenir la dure-mère explorée à son niveau presque normal : nous 
croyons que c'est à un afflux compensateur du liquide sous 
arachnoïdien qu'est due cette permanence du niveau du tracé. 
L'équilibre dans la proportion relative des deux liquides san- 
guin et sous-arachnoïdien s’est manifesté dans cette expérience 
comme dans celle de la compression des jugulaires dont il à été 
question plus haut : dans les deux cas, la modification expéri- 
mentalement provoquée a porté sur la quantité du contenu sän- 
guin : celte quantité a augmenté par la compression des veines 
du cou ; elle a diminué sous l'influence de la dérivation vers le 
membre inférieur ; mais à mesure que se produisaient ces chan- 
gements graduels de la quantité du sang contenu dans le cerveau, 
le liquide sous-arachnoïdien maintenait à une valeur à peu près 
constante le volume du contenu crânien ; fuyant devant le sang 
qui s’accumulait pendant la compression veineuse, appelé au 
contraire par l'aspiration résultant de la réplétion sanguine dimi- 
nuée pendant la dérivation, le liquide sous-arachnoïdien mam- 
tenait, à peu près l'équilibre. | 

Il faudrait vérifier sur les animaux cette hypothèse de la sub- 
stitution du liquide céphalo-rachidien au sang dans la cavité crà- 
nienne, quand les variations de la quantité du sang s’opèrent 
avec une assez grande lenteur pour permettre à l'équilibre de 


ER mme ns man Me mm 


ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. aU1 


s'établir : les doubles trépanations crâniennes et rachidiennes 
seraient le seul moyen de contrôler l'interprétation qui précède. 
M. Salathé qui a déjà fait ce genre d'expériences, voudra peut- 
être compléter la série en les reprenant à ce point de vue : la 
question des migrations du liquide céphalo-rachidien qui domine 
toute l’histoire des mouvements du cerveau, appelle, en effet, de 


nouvelles recherches, et c’est à ceux qui les ont si bien commen- 


cées qu’il appartient de les pousser plus loin. 
Nous terminerons cette revue historique et critique en disant 


quelques mots d’un point particulier de la circulation cérébrale 


sur lequel Mosso a attiré l'attention et que nous n'avons fait 
qu’effleurer dans nos expériences sur la malade du docteur 
Fournier : nous voulons parler des modifications circulatoires 
qu'on voit se produire quans le malade se livre à un travail de 
tête. 

On comprend combien :1l serait prématuré de hasarder la 
moindre hypothèse sur le rapport de ces modifications circula- 
toires et du phénomène fravarl intellectuel : on doit se borner à 
sionaler quelques faits qui peuvent prendre plus tard un certain 
intérêt. 

Mosso a constaté que quand 1l fixait l’attention de sa malade en 
lui faisant faire de tête un petit calcul, le cerveau devenait turges- 
cent, ou, pour ne rien préjuger, que le tracé présentait une élé- 
vation notable. Il nous a semblé que la raison de cette modifica- 
tion dans la circulation intra-crânienne pouvait bien n’être pas 
aussi simple que l’a indiqué l’auteur. 

En reprenant sur la malade que nous avons examinée l’ex- 
périence faite par Mosso, c'est-à-dire en lui plaçant à un moment 
donné devant les yeux un papier portant des chiffres à multiplier 
ou à additionner, nous avons bien constaté une notable élévation 
de la courbe des mouvements du cerveau, comme l'indique la 
figure 12. Mais, pendant que se produisait ce phénomène, la 
malade avait complétement modifié son type respiratoire : elle 
présentait la respiration superficielle et incomplète d’une per- 
sonne dont l’attention est fixée. 

Il faut dès lors compter avec cette cause connue de change- 


VEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION 


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302 FRANCOIS-FRANCK. 


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ET DE RESSERREMENT. DU CERVEAU. 303 


à émettre de sérieuses réserves sur l'interprétation du phénomène 
observé. 


OBSERVATION DE LA MALADE QUI A FOURNI LES TRACÉS PRÉCÉDENTS, recueillie 
par M. Brissaun, Interne des hôpitaux. 


Syphilis tertiaire. — Lupus syphilitique de la fuce.— Nécrose d'une large 
portion de l'os pariétal droit. — Élimination du séquestre. — Dénudution 
de la dure-mére recouverte par des bourgeons charnus.(Hôpital Saint-Louis. 
Service de M, le D' Fournier.) 


AÏL..…, Victoire, est âgée aujourd’hui de 34 ans. Dans son enfance elle 
a eu des maux d'yeux persistants, qui ont déterminé une opacité par- 
tielle de la cornée droite. Elle a été réglée à 18 ans et s'est mariée au 
mois d’août 1863. Elle donne, relativement à l'époque de son mariage, 
un renseignement d’une certaine importance : le mariage aurait été 
reculé d’un mois, parce que le fiancé était atteint d’un mal de gorge. 
En 1864, cette femme eut un enfant qui mourut au bout de six semai- 
nes, après des convulsions qui avaient duré vingt jours. L'enfant n'avait 
pas eu de taches sur le corps et semblait avoir été sain. 

Le mari resta sujet à des angines périodiques ; sa femme le vit, à 
plusieurs reprises, prendre des médicaments. Elle affirme que c’est de 
lui qu’elle tient la syphilis. 

Jusqu'au mois de décembre 1870, elle n’avait présenté aucune espèce 
d'accidents spécifiques. Mais à partir de ce moment elle fut prise de 
maux de gorge ; sa voix était enrouée, souvent même tout à fait éteinte. 
Elle alla consulter un médecin .qui lui cautérisa immédiatement les 
amygdales et qui lui prescrivit de la liqueur de Van Swiéten et de l’io- 
dure de potassium. La malade ne suivit ce traitement que d’une façon 
irrégulière, sous prétexte que « cela la dégoûtait ». A cette époque, 
elle ne se rappelle pas avoir eu de démangeaisons à la vulve ; mais elle 
eut une fièvre dévorante qui dura pendant trois mois. De plus, elle fut 
en proie à de violentes céphalalgies qui lui faisaient porter instinctive- 
ment la main sur le dessus de la tête; elle sentait alors dans cette 
région deux petites glandes assez douloureuses, qui s’accrurent progressi- 
vement et dont nous ferons mention plus loin, à une période ultérieure 
de leur évolution. 

Le traitement assez défectueux qu'avait suivi la malade ne put enrayer 
les accidents qui avaient éclaté du côté de la gorge. La sécrétion de la 
membrane pituitaire était très-abondante. Les narines elles-mêmes 
devinrent le siége d’un suintement jaune et épais. D'ailleurs, ces phé- 
nomènes ne produisaient aucune douleur, ce qui explique l’étonnement 
et l'efroi qu’éprouva un jour la malade en s’apercevant que la cloison 
carlilagineuse du nez avait complétement disparu, 


30h FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D EXPANSION 


Au mois d'avril 1871, elle se rendit à Roubaix. A cette date, elle vit 
apparaître sur sa jambe droite une éruption qu’elle décrit de la manière 
suivante : c'était une série de clous, non douloureux, s’ouvrant au 
bout de deux ou trois jours, et donnant naissance à une plaie assez 
creuse. La formation de la plaie était rapide. Une de ces plaies a duré 
huit mois. D'ailleurs, elles ont toutes guéri, mais en laissant des cica- 
trices. On en constate l'existence dans plusieurs régions : l’une est 
située sur la crète du tibia, du côté droit ; une autre occupe la hanche 
droite ; une autre s'étend sur une bonne partie de la région poplitée; 
une autre encore sur la face dorsale du pied droit; il y en a trois sur 
le bras droit et une sous le sein gauche. Enfin la plus grande de toutes, 
Jarge comme le creux de la main, forme à la face externe de la cuisse 
droite, une tache blanche, superficielle, gaufrée, irrégulière comme les 
cicatrices des syphilides serpigineuses, et pigmentée sur tout son pour- 
tour, La malade consulta un médecin de Roubaix, qui lui prescrivit des 
pilules mercurielles et un sirop dont elle a oublié le nom. Elle prit en- 
viron quatre-vingts pilules, mais le mal durait encore lorsqu'elle aban- 
donna ce traitement. 

Au mois de mai, elle était revenue à Paris. Un certain nombre de ses 
ulcérations étaient en voie de guérison; toutefois, celle de la cuisse ne 
présentait nullement d'amélioration. C’est à cette époque qu’un nouvel 
accident se manifesta, beaucoup plus grave que les précédents. Une 
ulcération spontanée apparut à l’extrémité du lobule du nez. Cette ulcé- 
ration se couvrit de croûtes; puis, prenant de l'extension, envahit la 
face tout entière, qui devint le siége d’une éruption confluente, consis- 
tant en un grand nombre d’ilots d’une matière noire, croûteuse, sur- 
montant des ulcérations arrondies et festonnées. La malade entra dans 
le service de M, Lallier Le 30 août 1871, salle Saint-Thomas. A partir de 
cette époque, le mal ne cessa d’empirer, et une observation recueillie 
alors dans le service de M. Lallier, nous renseigne aujourd’hui d’une 
manière assez complète sur l’état de ces lésions : « Elles occupent les 
joues, le front et surtout le nez. Entre les îlots pustulo-crustacés, très- 
semblables à ceux de l’émpetigo rodens, la peau présente une tendance 
très-marquée à l’acne punctata ; l'élément acnéique pénètre même dans 
les groupes d’ulcérations. Le nez a été détruit en partie ; la sous-cloison 
n'existe plus, et les fosses nasales sont le siége d’une vaste ulcération. 
L’orifice des narines a la forme d’un V renversé, et le dos du nez est 
couvert de croûtes molles qui masquent des ulcérations saignantes et 
entourées d’une zone congestive très-vive. 

» Il n’existe au cou que très-peu d’adénite. Quelques pustules occupent 
le cuir chevelu ; les ganglions occipitaux sont faiblement développés. 

» Sur le reste du corps, l’éruption n'offre rien de particulier ; on y voit 
des îlots pustuleux et des cicatrices le plus souvent circinées. Le facies 
est anémique (léger roulement du second temps, résultant d’un dédou- 
blement du second bruit ; retentissement faible dans les carotides). Dou- 


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ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 205 


leurs ostéocopes nocturnes. Gonflement du périoste de la face interne 
du tibia. OŒEdème de la jambe droite. Traitement : une pilule de proto- 
iodure d'hydrargyre. » 

(La malade prit chaque jour une de ces pilules, mais seulement pen- 
dant trois semaines, Depuis ce temps, elle n’a plus repris de mer- 
cure.) | ,: 

Le 18 octobre 1871, la malade devint infirmière dans l'hôpital ; les 
ulcérations de la face étaient guéries, et avaient laissé à leur place des 
cicatrices gaufrées et déprimées, 

Pendant une année entière aucun accident nouveau ne se produisit. 

A partir du mois de janvier 4872, la malade, devenue infirmière dans 
le service de M. Vidal, eut encore des démangeaisons à la face. Des 
glandes apparurent en même temps sous le menton, s’ouvrirent spon- 
tanément et furent le siége d’une suppuration qui dura un an. A la 
même époque, M. Vidal incisa deux tumeurs fluctuantes occupant le 
sommet de la tête, rapprochées l’une de l’autre, et présentant le volume 
de deux grosses noisettes. Cette incision donna issue à un liquide blanc 
assez épais. La malade se souvient d'avoir entendu dire au chef de service 
que ces tumeurs étaient des gommes. Interrogée sur leur début, elle 
raconta que ces deux tumeurs étaient celles dont elle avait constaté 
pour la première fois l’existence au mois de décembre 1870. Elles au- 
raient donc mis deux ans à évoluer. 

Quatre mois après, c'est-à-dire vers la fin d'avril de 4872, un nouvel 
accident se manifesta. Lorsque la malade était dans le service de 
M. Lallier, elle resséntait fréquemment une douleur assez vive dans 
toute l'étendue du bras droit; la nuit surtout, le bras était « affreuse- 
ment lourd » ; il était gonflé en masse et, chaque jour, on le badigeon- 
nait sur toute sa surface avec de la teinture d’iode. Un matin, en se 
lavant les épaules, la malade sentit une grosseur molle située en arrière 
de l’épaule droite et tout à fait indolente. Trois ou quatre jours après, 
cette tumeur fluctuante s’ulcéra, et une faible quantité de pus s'en 
écoula. La plaie suppura pendant une année environ et, au bout de ce 
temps, elle livra passage à une esquille épaisse, irrégulière, et de la 
grandeur d'une pièce de cinquante centimes. En moins de quelques 
semaines l’ulcération était cicatrisée, et les douleurs du bras dont il 
vient d’être question disparurent pour ne plus se reproduire. Cet ac- 
cident a laissé une cicatrice qui est encore aujourd’hui fort remar- 
quable : c’est une dépression de la peau, creusée à la manière d’un 
puits circulaire, très-régulier, d’un centimètre de profondeur, et s’arré- 
tant brusquement à une surface osseuse recouverte par une mince 
couche de peau cicatricielle. Cette partie osseuse correspond exactement 
à la réunion de l’épine de l’omoplate avec le col de l’acromion. 

Pendant un an, la malade prit de l’iodure de potassium (4 à 6 grammes 
par Jour). Au bout de ce temps, toutes les manifestations syphilitiques 
dont elle avait été affligée semblaient avoir disparu d'une manière défi- 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA FHYSIOL. — 7. XIII (1877). 20 


306 FRANÇGUIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D EXPANSION 


nitive. Toutefois, la plaie du tégument crânien qui avait donné issue 
aux bourbillons des deux gommes restait encore béante, et tous les topi- 
ques dont on faisait usage demeuraient sans effet. Enfin, loin de se 
fermer, cette plaie prit, un beau jour, une extension rapide, etilenrésulta 
une large perte de substance, qui laissa complétement à nu la surface 
osseuse de l’os pariétal. 

Au mois d'avril 1873, la malade allait relativement bien. Sa plaie 
s'était limitée à une dimension qu'elle n'a pas dépassée depuis cette 
époque (10 centimètres de long sur 8 de large). Mais la syphilis n'avait 
pas dit son dernier mot. La face devenait tout à coup le siége d’un 
prurit horriblement douloureux; puis elle se couvrit de boutons croû- 
teux, confluents, à la suite desquels se formèrent de larges ulcérations 
occupant spécialement les deux joues, le nez et le pourtour de l’œil 
droit. Ces ulcérations suppurèrent pendant toute une année, 

Au mois d'avril 1874, la cicatrisation était à peu près complète, mais 
le nez avait été terriblement éprouvé. Depuis cette époque, la malade 
n'a pas eu de poussées nouvelles. La peau de la face est remplacée par 
un feutrage de cicatrices, rouges par places, nacrées sur d’autres points ; 
les narines ont totalement disparu, et il ne reste du nez que l’orifice des 
fosses nasales, dont les bords, tapissés par une peau luisante, ont une 
tendance continuelle à s'ulcérer. 

Vendredi, 16 mars 1877. Voilà trois ans que la nommée All... Victoire 
est infirmière dans la salle Saint-Thomas. Elle n'est plus sujette qu'à 
de rares accidents, qui consistent pour la plupart en des ulcérations 
cicatricielles de la face. 

Ce matin, en éternuant, «elle a senti craquer et se décrocher quel- 
que chose dans sa tête. » Elle consulte M. Fournier, qui remarque de 
légères oscillations du séquestre crânien. Le petit cordon de pus qui 
entoure le fragment osseux change de niveau à tout instant, et ces 
déplacements sont à peu près isochrones-avec les battements du cœur. 
La malade se plaint que le séquestre, sans être douloureux, est devenu 
fort gênant. Au moindre mouvement elle sent se produire un craque- 
ment nouveau, soit lorsqu'elle mange, soit lorsqu’elle tousse, soit même 
simplement lorsqu'elle parle. | 

Le 17 mars, nous inscrivons, avec M. François-Franck, le tracé des 
oscillations de l'os, au moyen des appareils enregistreurs du prof. Marey. 
I n’y a pas de réaction fébrile ; l'opération n’est nullement douloureuse. 
La malade n’a pas eu le plus petit mal de tête ; à plus forte raison, au- 
cune espèce d'accidents nerveux. 

Le 18 mars, le séquestre est un peu plus mobile ; on aperçoit, au 
niveau de son bord antérieur, un chapelet de bourgeons charnus qui, 
provenant d’un niveau inférieur à celui du fragment osseux, font hernie 
à travers la fissure de séparation des parties saines et des parties 
mortes. 

Le 19 mars, en lavant la plaie, le liquide, exprimé avec une éponge, 


ET DE RESSERREMET DU CERVEAU. 307 


décolle tout à fait le séquestre, qui se détache en glissant doucement 
sur une surface bourgeonnante, de bel aspect, et ondulant sous l'in- 
fluence des pulsations cérébrales. 

La plaie est détergée avec de l’eau légèrement alcoolisée, et Le repos 
le plus absolu est prescrit à la malade. 

20 mars. Nuit excellente. Pas la moindre fièvre; pas de douleurs, 
aucun accident nerveux. Appétit excellent. à 

17 avr. La plaie se comble peu à peu. Déprimée au début, à tel 

point que son niveau était situé à un centimètre et demi au-dessous du 
niveau des téguments crâniens, elle remplit aujourd’hui la presque 
totalité de la perte de substance. Les bords sont devenus fibreux et sem- 
 blent devoir être Le point de départ d’une cicatrisation en fontanelle qui 
s’accuse chaque jour par un progrès rapide. 

Les tracés des mouvements du cerveau ont été recueillis avant la chute 
du séquestre, quelques jours après, et une dernière fois le 17 avril. 


EXPOSÉ SUCCINCT 


D'UNE MÉTHODE ÉLECTROLYTIQUE 


LA RECHERCHB QUALITATIVE DES MÉTAUX DANS LES HUMEURS ET DANS 
LES TISSUS DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 


Par M. MAYENÇON 


Professeur de chimie au Lycée de Saint-Étienne 


Et M. le D' BERGERET (de Saint-Léger) 
Médecin de l'Hôtel-Dieu. 


$ H. — Moyen clinique de différencier immédiatement l’arsenic 
d'avec lantimoine et le phosphore. 


Dansle courant de l'année 1874, une réaction nouvelle (4) nous 
a permis de révéler et de séparer nettement l’un de l’autre lar- 
senic et l’antimoine, ce que ne fait pas immédiatement l'appareil 
de Marsh. Voici comment on procède : Dans la liqueur qui con- 
lient l’un de ces deux métalloïdes dissous, on ajoute du zinc et 
de l’acide chlorhydrique pur de manière à déterminer un dèga- 
sement d'hydrogène. Si la liqueur renferme de l’arsenic, on 
obuent de l'hydrogène arsénié qui Jaunit linmédiatement un 
papier imbibé d’une solution de bichlorure de mercure; si l’hy- 
drogène est stibié, le papier est brun. 

L’hydrogène phosphoré jaunit aussi le papier imbibé de chlo- 
rure mercurique ; mais la lache phosphorique est fixe, tandis que 
l’arsenicale est volatile. | 

À l'hôpital, au lycée, à l’école des mineurs, dans les établisse- 
ments métallurgiques, ce procédé est journellement employé. 


SI. — Recherches cliniques des métaux dans les tissus et les humeurs. 


La recherche des métaux par la méthode ordinaire exige, en. 
général, des manipulations nombreuses, souvent longues el. 


(1) Comptes rendus d's £éances de l’Atalémie des sciences, L. 79, 1874, p. 148. 


EXPOSÉ SUCCINCT D'UNE MÉTHODE ÉLECTROLYTIQUE. 309 


délicates et qui, pour être bien exécutées, demandent une habileté 
qui ne s’acquiert que par une longue pratique. Il est des cas 
très-nombreux où cette méthode ordinaire ne peut pas même 
être immédiatement appliquée. C’est ce qui se présente lorsqu'un 
composé métallique est en quantité extrêmement faible dans une 
humeur ou dans un tissu organisé, parce que les caractères 
distinctifs des dissolutions métalliques se trouvent masqués par 
la présence de matières organiques. C’est pour ces cas spéciaux, 
relatifs à la fozicologe, à la physiologie et à la médecine clini- 
que, elc., que nous avons créé notre méthode électrolytique. 

Voici en quoi elle consiste essentiellement. La substance à 
éprouver est lraitée à froid ou à chaud par un acide pur, 
azotique, sulfurique, chlorhydrique, ou par l'eau régale. Cette 
opération a pour but de:dissoudre le composé. métallique qui 
peut se trouver dans la malière organique. La liqueur obtenue, 
après filtration, sil y a lieu, est, le plus souvent, directement 
soumise à l’électrolyse. — Cependant, il peut être très-avantageux 
dans certains cas, de la rendre préalablement alcaline, au moyen 
d’un alcali en dissolution; ce traitement alcalin ne peut évi- 
demment convenir qu'aux métaux, dont les oxydes sont solubles 
dans les bases alcalines. 

Dans le produit ainsi obtenu, nous plongeons un couple 
voltaïque, composé d’un fil de platine, uni ordinairement par 
soudure à une pointe de fer ou à une lame de zinc, d’alumi- 
nium, elc. — Les couples aluminium et platine, ou zinc ct pla- 
line, conviennent surtout aux liqueurs alcalines. 

L'action chimique qui se produit fait naître un courant qui 
va, dans la liqueur, du métal attaqué au fil de platine et qui 
dépose sur ce dernier le métal qui était en dissolution. 

Le temps nécessaire pour obtenir ce résultat dépend de la 
richesse du liquide ; il varie, en général, de quelques minutes à 
une heure. 

Le couple est ensuite retiré du bain, lavé à l’eau pure et le fil 
de platine exposé une minute ouù deux aux vapeurs de chlore. 
Le métal déposé par électrolyse sur la platine est ainsi converti 
en chlorure. 


310 MAYENCON ET BERGERET. — EXPOSÉ SUCCINCT 


C’est à l'aide de ce chlorure et de réactifs convenablement 
choisis que nous obtenons, sur un morceau de papier blanc, 
des réactions caractéristiques pour les métaux dont nous nous 
sommes occupés. 

EN RÉSUMÉ, l'application de notre méthode comprend les quatre 
opérations suivantes : 

1° Dissolution du composé métallique contenu dans les tissus 
ou dans les humeurs ; | 

2° Fixation électrolytique du métal dissous sur le fil de platine 
d'un couple voltaïque ; 

3° Transformation du métal fixé en chlorure par l’action du 
chlore gazeux ; 

h° Coloration caractéristique d’un papier ou même du fil de 
platine par un réactif convenable. | 

Remarque. Pour obtenir bien nettement cette coloration, il est 
fréquemment nécessaire que le fil de platine soit bien débarrassé 
du chlore en excès et de l'acide chlorhydrique; car certains 
réactifs sont attaqués par ces corps. On y arrive en agitant le fil 
dans l'air ou en le chauffant légèrement au-dessus de la flamme 
d’une lampe à alcool. | 

Sensibilité de la méthode. Elle dépend du réactif employé. Elle 
est toujours excessive, comme on peut le voir dans chacun de nos 
mémoires. — Les matières organiques ne paraissent pas l’en- 
traver. — Pour n’en citer, ici, qu'un exemple, nous dirons 
qu’elle permet de déceler promptement et aisément —— d'or; 
il n’est même pas douteux que, par un fonctionnement prolongé 
du couple voltaïque, on püût reculer encore beaucoup plus lom 
la limite de cette sensibilité. | | 

Par cette méthode, on suit commodément les composés métal- 
liques dans toutes les parties de l'organisme. On peut ainsi étudier 
l'absorption, la diffusion minérale mstologique nutritive, médi- 
cinale ou toxique et l'élimination des sels métalliques. 

Nous avons déjà fait des recherches cliniques et de laboratoire 
sur les sels de mercure, d’or, de plomb, de bismuth, d'argent et 
de palladium (1). | 


(4) Nous avons publié un mémoire spécial sur chacun de ces métaux, dans le Jour- 


D'UNE MÉTHODE ÉLECTROLYTIQUE. 311 


Dans ce moment, nous poursuivons des recherches cliniques 
sur les sels de cuivre, de fer, de manganèse, de cobalt et de 
nickel. Nous les publierons au fur et à mesure de leur achè- 
vement. 

Les autres métaux que notre méthodenous permettra de révéler 
seront successivement mis à l'étude. 

Voici la liste de ceux que nous savons actuellement reconnaître 
et les réactifs que nous employons pour les caractériser. 

1° Mercure. — Liqueur acidulée. — Le fil de platine étant 
recouvert de chlorure de mercure est essuyé sur un papier sans 
colle, légèrement imbibé d’une solution étendue d'iodure de 
potassium. — Il apparaît un trait rouge brique de biiodure de 
mercure, soluble dans un excès d’iodure alcalin. 

2° Or. — Liqueur acidulée par acide azotique ou par eau 
régale. Le fil de platine, recouvert de chlorure d'or, est essuyé 
sur du papier blanc ordinaire, qu’on expose ensuite aux vapeurs 
d'acide sulfureux ou d'oxyde de carbone. Il apparaît un trait 
violet-brun. 

3° Argent. — Liqueur acidulée par acide azotique ou sulfu- 
rique. — Le fil recouvert de chlorure d’argent est essuyé sur un 
morceau de papier blanc ordinaire que l’on expose : 

À. aux vapeurs émises par une solution de phosphore dans du 
sulfure de carbone ; ou 

B. à l'hydrogène impur que dégage le zinc en présence de 
FH chlorhydrique ; ou 

1. à l'hydrogène phosphoré ; ou 

: au gaz de l'éclairage; ou 

E. à l'action d’une dissolution étendue d'acide pyrogallique ; 

Dans tous ces cas, il se produit un trait ou une tache à reflet 
métallique d’un Jaune-brun caractéristique. 

h° Palladium. — On le découvre de la même manière que 
l'argent et par l'emploi des mêmes réactifs. — Cependant, le 
chlorure de palladium déposé sur le papier n’est que. très-len- 


nal de l'anatomie ci de la physiologie (1873, p. 81, 233, 243, 226, 397, etc.). 
Ces mémores, soumis au jugement de l’Académie des sciences, ont été couronnés 
par elle (1876). 


312 MAYENCON ET BERGERET, — EXPOSÉ SUCCINCT 


tement réduit par la dissolution d’acide pyrogallique; tandis que 
le chlorure d’argent, dissous dans l'ammoniaque, l’est très- 
promptement. 

5° Cuivre. — La liqueur est acide ou rendue alcaline par 

l'ammoniaque ; on y plonge un couple approprié. Après chloru- 
ration, on essuie le fil de platine sur un papier imprégné d’une 
dissolution de ferro-cyanure de potassium. On obtient un trait 
rouge-brun caractéristique. 

6° Uranium. — Alcaliser la liqueur avec soude ou potasse 
caustique; électrolyser, chlorurer et passer le fil de platine sur 
papier imprégné de ferrocyanure de potassium. Tache brune. 
Mémoire non encore publié. 

7° Plomb.— Liqueur alcaline,— couple aluminium et platine. 
— Après chloruration, le fil est passé sur un papier sans colle, 
imbibé légèrement d’iodure de potassium. KW apparaît un trait 
jaune citron caractéristique. 

8 Étain. — Liqueur alcaline ou acide, — couple approprié. 
— Après chloruration, le fil de platine, recouvert de bichlorure, 
est essuyé sur un papier imprégné d’une dissolution de proto- 
chlorure d’étain ; puis, sur le trait, on passe une baguette de 
verre trempée dans du chlorure d’or. — Belle tache pourpre 
(pourpre de Cassius) ; 

9% Bismuth. — Liqueur acide. — Après chloruration, le fil est … 
passé sur un papier, imprégné d’une dissolution de su/fo-cyanure 
de potassium. -- Belle tache jaune, que l’eau peut faire dispa- 
raître. 

10° Fer. — Le fil de platine, bien débarrassé de chlore et 
d'acide chlorhydrique, est passé sur un papier imprégné d’une 
dissolution de su/fo-cyanure de potassium.— Trait rouge foncé. 
Ou bien sur un papier imprégné d’une dissolution de ferro- 
cyanure de potassium. — Trait bleu. 

11° Antimoine.— Liqueur acide ou alcaline, — couple appro- 
prié. — Après chloruration, déposer le chlorure sur du papier 
et révéler par Aydrogène sulfuré où par sulfhydrate d'ammo- 
niaque., — Trait jaune rougeâtre. | 

12% Cadmium. — Liqueur acide ou alcaline,— couple appro- 


DUNE MÉTIODE ÉLECTROLYTIQUE. 313 
prié. — Dépôt du chlorure sur papier et révéler par hydrogène 
sulfuré ou par sulfhydrate d'ammoniaque. — Trait d'un beau 
jaune qu’on ne saurait confondre avec la réaction d’antimoine. 

13° Manganèse. — Ajouter à la liqueur du chlorhydrate d’am- 
moniaque et un peu de cyanure de potassium, électrolyser. Le 
fil de platine devient verdâtre. Ce seul aspect peut caractériser 
le manganèse. On chauffe le fil à la flamme de la lampe à alcool; 
il devient brun par formation d’un oxyde salin de manganèse ; 
on trempe alors le fil de platine bruni, dans du nitrate de potasse 
pulvérisé et on porte de nouveau le fil dans la flamme de la lampe; 
on obtient une couleur verte, de manganate de potasse, came- 
léon. La recherche du manganèse devient ainsi des plus faciles. 

14° Cobalt. — Ajouter à la liqueur du chlorhydrate d’ammo- 
niaque et un alcali, électrolyser, chlorurer ; essuyer le fil de pla- 
tine sur du papier blanc, approcher le papier d’une flamme ou 
l’appuyer sur un corps chaud. Tache bleue. Tache qui disparait 
dans l'air humide et qui réapparaît par la chaleur. (Mémoire, 
in Journal de l'anatomie, t. X, p. 353.) 

15° Nickel, — On opère comme pour le cobalt, ou bien on 
passe le fil chloruré sur le papier imprégné d'une solution de 
sulfocyanure de potassium. La tache est Jaune. 

Si le nickel est mêlé au cobalt, la tache cest jaune-verdätre. 
(Mémoire, in Journal de l'anatomie, t. X, p. 357.) 

16° Zinc. — Le zinc est amené, par le courant, sur lélectrode 
négalif. Le fil de platine recouvert de zinc est bien lavé à l’eau 
pure, puis plongé, pendant quelques secondes dans une solution 
étendue de nitrate de cobalt. Le dépôt, de gris-bleuâtre, devient 
brun sur le fil de platine. On l’expose quelques instants à la 
flamme d’une lampe à alcool ; les azotates se détruisent et les 
oxydes, en se combinant, donnent sur le fil, un composé vert 
caractéristique. I ne faut chauffer qu’au rouge cerise, car une 


‘ température trop élevée modifie ou fait disparaître celte cou- 
leur. 


Tels sont les métaux que nous savons actuellement reconna ‘re, 


314  EXPOSÉ SUCCINCT D'UNE MÉTHODE ÉLEGTROLYTIQUE. 
lorsqu'ils sont à dose extrêmement faible dans une humeur ou 
dans un tissu organisé. Nous espérons pouvoir caractériser de la 
même manière la plupart de ceux des cinq dernières sections. 

Il pourra arriver, à la suite des recherches que nous poursui- 
vons, que certains réactifs soient substitués à quelques-uns de 
ceux que nous employons maintenant, et que, plus tard, nous 
puissions tracer une marche régulière à suivre, pour l'application 
de notre méthode à des dissolutions renfermant plusieurs métaux 
à la fois. Mais, dussions-nous être arrêtés par des difficultés 
inattendues, les résultats que nous possédons actuellement sont, 
à notre avis, importants pour la foxicologie, la RASE et la 
clinique medicale. | 


ANALYSES ET EXTRAITS 


DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS 


COLORATION POURPRÉE DE LA RÉTINE. 


BOLL, Ber. d. k. Akad. zu Berlin, 12 novembre 1876; zur Ana- 
tomie und Physiologie der Activa (extrait des is re rendus 

. mensuels de l’Acad. de Berlin) 1876 et Centralbl. 31 mars, 
1877. — KuuNE, Ber. d. naturhist. med. Vereins zu Heidel- 
berg, 5 janvier 1877; Vorläufige Mittheilung über optogra- 
phische Versuche (in Centrbl., 20 janvier 1877); Zweite Mit- 
theilung über Optographie (ibid., 27 janvier 1877); Sehpur- 
pur Qbid., 17 mars); Ueber das Vorkommen des Se hpurpurs 
(ibid., 14 avril 1877). 


La coloration pourprée de la rétine a été récemment l’objet de recher- 
ches que nous résumons ici et qui ont confirmé un fait signalé sans 
doute à la suite d'observations exactes, mais qu'on n'avait point su re- 
| produire et que, finalement, on avait laissé de côté ; nous voulons parler 
| de la production d'images visibles sur la rétine peu après la mort, La co- 
loration pourprée de la rétine, dont le siége est dans le segment externe des 
bâtonnets, était connue depuis longtemps. Leydig l’indique chez la gre- 
nouille et le pélobate en 1857, Schultze en 1866 chez le rat et la 
chouette. Elle a sans doute été vue également par E. Rose en 1860, au 
| cours de ses recherches sur la santonine. Nous pouvons ajouter à ces 
témoignages, rapportés par M. Kühne, celui encore plus ancien de 
H. Muller : « Die Substanz der Staebchen (des Frosches) sieht man, wie 
| ich in meiner ersten Notiz bereits bemerkt habe, ôfters rôthlich, wenn 
| sie eine gewisse Dicke hat » (Zeitschr. f. w. Zool., 1856, p. 1). Mais un 
fait assurément remarquable est l’extension de cette couleur rosée dans 
les éléments (analogues aux bâtonnets?) de l’œil des céphalopodes et des 
articulés (Astacus). 

M. Kühne cite parmiles animaux où il n’a pas retrouvé cette coloration, 
la chauve-souris (Rhinolophus hipposideros, Becshst), la poule et le pigeon. 
Elle est très-peu accentuée dans les éléments coniques du Triton cristatus 
qui semblent faire le passage aux cônes. Le segment externe de ceux-ci 
est toujours pâle, même chez la Coluber natrix. La coloration rose se re- 
trouve chez la lamproie, le Cobitis fossilis et surtout l’anguille. Elle a 
été directement constatée chez l’homme par Zuckerkandl (Atltg. Wiener 


316 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 


med Ztg, 1817, n° 11) et par Hans Adler (C#bl., 7 avril 1877). Chez les 
embryons de bœuf, dès que la rétine présente les segments externes des 
bätonnets, ces segments sont colorés en rose. Cette couleur disparait 
dans tous les cas par l’exposition à la lumière en passant comme le 
carmin très-affaibli, par une nuance chamois (1). 

Le pigment qui colore le segment externe de la rétine est extractif. 
Le seul dissolvant cannu jusqu'à présent, est la bile ou un cholate, où 
l'organe a été immédiatement plongé frais. La solution filtrée est d’un 
beau rouge, puis elle prend une teinte chamois et finalement disparait. 
La solution absorbe tout le spectre depuis le jaune verdâtre jusqu’au 
violet. Elle parait laisser passer un peu de violet et laisse à coup sûr 
passer tout le jaune, l’orangé et le rouge. En conséquence, la rétine 
regardée à la lumière incidente du spectre depuis le jaune verdâtre 
jusqu’au violet, paraît grise, puis noire. | 

Exposée au spectre d’un prisme de flint, la rétine pâlit entièrement 
en quinze minutes dans le jaune verdâtre et jusqu'au commencement du 
vert pur. Elle pâlit beaucoup plus lentementdans le vert bleuûtre, le bleu 
et le violet. Elle se comporte de même (chose remarquable) dans le jaune 
et l’orangé. Elle ne pâlit pas dans le rouge et l’ultra-violet. Après une 
heure d'exposition, la décoloration est complète dans le vert et le vert 
bleuâtre, presque complète dans le bleu, avancée dans l’indigo et le 
violet, évidente dans le fin du violel et le commencement de l’ultra- 
violet, à peine apparente dans la jaune et l’orangé, nulle dans le rouge. 
Le rouge spectral cependant paraît altérer aussi, à la longue, la pourpre 
rétinienne. La lumière monochromatique du sodium pâlit complétement 
une rétine de grenouille en deux heures. 

La pourprerétinienne se conserve dans une solution d’alun à 5 pour 100; 
elle se conserve également dans la solution de chlorure de sodium à 
1/2 pour 100. La lumière détruisant d’autre part cette coloration de la. 
rétine dès que cesse l'apport du sang à l'organe, et dès que cessent 
les conditions de sa nutrition, M. Kühne a pu obtenir et fixer des. 
images dites optogrammes. À 19 ou 27 centimètres de la tête d’un lapin, 
séparée du tronc ou de l'œil préalablement extirpé, on expose unes 
figure présentant une forte opposition de localités claires et foncées, en 
maintenant les choses immobiles, Après quelques minutes, on enlève. 
rapidement les rétines, qui sont plongées dans la solution d’alun et on 
observe la reproduction des figures exposées, les parties blanches de la 
rétine répondant aux localités noires du dessin, Sur des yeux de bœuf, 
une heure après que l'animal a été tué, on peut encore obtenir d’excel- 
lents optogrammes. sl 


(4) Nous avions eu l’occasion, il y a deux ans, de rapprocher la couleur de la 
rétine de la grenouille, de la nuance que l’on obtient en plongeant un fragment 
de carmin fin au fond d’un tube contenant de l’eau distillée. L'eau au voisinage du, 
carmin finit par prendre une teinte rosée uui se dégrade de bas en haut en pass 
par la même nuance chamois. de 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, 317 


Enfin, M. Kühne, en faisant sécher les rétines dans l'obscurité sur des 
lames de porcelaine, a pu conserver des rétines impressionnées où 
l’optogramme restait visible. 

On ne saurait se dissimuler l'intérêt des faits que viennent d' ta 
MM. Boll et Kühne, mêmeen les dépouillant des exagérations auxquelles 
tout d’abord ils ont donné lieu. La grande généralité de la coloration 
rose des éléments de l'œil chez des animaux appartenant aux divers em - 
branchements semble indiquer qu’elle joue un rôle important dans la 
perception des impressions lumineuses. Cette nuance pourra être rap- 
prochée de celle — plus intense à la vérité — des points oculiformes des 
larves de Cirrhipèdes, des copépodes et d’un grand nombre d'animaux 
inférieurs. 

On admet que la pourpre rélinienne est incessamment détruite par 
la lumière et régénérée au contact de la choroïde. M. Kühne constata 
que si l’on expose un œil de grenouille à la grande lumière du jour de 
manière à ce que la pourpre rétinienne ait à peu près disparu et que 
l'œil de l'animal ait été extirpé et conservé à l'obscurité, la pourpre réti- 
nienne reparail en moins d'une heure. Sur les places où la rétine est 
séparée de la choroïde la régénération ne se ferait point. 

Il n’est pas cerlain que le pigment rélinien soit le seul que l’action 
de la lumière ait ainsi la propriété de détruire comme elle détruit la 
plupart des couleurs des corps inertes, Sans parler du coloris plus bril- 
lant et quelquefois différent que présentent les poissons habitant une 
mer profonde, comparés aux individus de même espèce vivant près de 
la côte, nous pouvons indiquer le fait suivant, qui n’a pas été à la vérité 
directement vérifié par nous, mais que nous avons toute raison de croire 
exact : que si on fait vivre des cyprins dorés en pleine lumière du soleil 
et d'autres dans des conditions telles que, toutes choses égales d’ail- 
leurs, ils puissent trouver de l'ombre, les premiers, au bout de quelque 
temps, sont d’un coloris beaucoup moins vif que les seconds. En d’autres 
termes, la lumière qui semble apte à provoquer la production de 
pigment mélanique dans la peau de l'homme, aurait la propriété, 
d'autre part, de détruire dans une certaine mesure les pigments 
colorés sur certains animaux vivants. 

Notons encore que la facilité de produire des optogrammes plus ou 
moins nets sur la rétine des animaux, semble devoir permettre de 
| résoudre à l'avenir un grand nombre de problèmes touchant la vue 
| distincte et à l’accommodation de l'œil chez les espèces autres que 
l'homme. 


Gr, D: 


315 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Traité du microscope et des injections, de leur emploi, de leurs 
applications à l'anatomie humaine et comparée, à la patho- 
logie médico-chirurgicale, à l’histoire naturelle animale et vé- 
gétale, et à l’économie agricole, par M. le professeur Ch. RoBin, 

deuxième édition revue et augmentée, avec 336 figures inter- 
calées dans le texte et 3 planches gravées. Paris. 


Les progrès de l’art du constructeur de microscopes et les applications 
nouvelles de ces précieux instruments aux recherches scientifiques, à 
l’histologie particulièrement, se sont remarquablement accrus depuis un 
quart de siècle; aussi l'essai que M. Robin a fait paraître en 1849 devait- 
il subir de nombreuses modifications, et il comportait des développements 
considérables donnés à l’édition publiée en 1871. 

Bien que peu d'années se soient écoulées depuis la publication de cette 
édition, d'importantes additions ont dû être faites dans toutes les parties 
de ce traité. Les énumérer ici serait trop long. Les principales portent 
sur les divers procédés dits de technique micrographique mis en 
œuvre pour arriver à voir les dispositions organiques intimes du corps de 
l’homme, des animaux et des plantes. Un meilleur ordre a été donné 
aux HUE et aux subdivisions de ce livre, ce qui rendra cette édition 
bien plus facile à consulter que la précédente. à 

Ce volume se divise en trois parties. Dans la premiére partie sont décrits 
successivement : 4° les microscopes simples et composés construits en 
France, en Angleterre, en Allemagne, en Hollande, en Italie et en Amé- 
rique ; 2° les instruments et appareils accessoires dont les études micros- 
copiques demandent l'emploi (tables de travail, plaques ou lames de 
verre, cellules à préparation, porte-objets et chambres ou cellules à air, 
compresseurs, microtomes, tables à trancher, tranchoirs et autres objets 
servant à l'exécution des coupes des tissus durcis ou naturellement durs 
tant animaux que végétaux, etc.; 3° les agents physiques et chimiques 
employés en micrographie ; en distinguant bien les actions qui font voir 
plus aisément les noyaux, les cellules, etc., de celles qui mettent en 
évidence les caractères différentiels de chaque espèce d’élément ; 4° la u 
préparation et la conservation des objets microscopiques. Une section 
spéciale est consacrée à ce qui concerne lechoix du microscope, les soins 
qu’il faut lui donner, l'éclairage et l’examen des objets observés à son 
aide, aux données générales relatives à l'appareil de la vision, à la re- 
présentation et à la description des parties qu’il nous décèle, à l’indication 
des corpuscules que l’on peut rencontrer dans une préparation et qui 
sont étrangers à ce qu’elle doit montrer, aux test-objets, etc. 

La deuxième partie est l'exposé des applicationsdu microscope et de ses 
auxiliaires à l’anatomie, à la physiologie, à la médecine, à l’histoire na … 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 319 


turelle animale et végétale, à la chimie et à l’économie agricole. Cette 
deuxième partie, qui forme à elle seule la moitié de ce volume, n'existait 
pas dans l’essai publié en 1849. Chacun des groupes de corps invisibles 
à l'œil nu y est étudié, grâce à l'emploi de l'instrument qui grandit leur 
image, dans ses caractères distinctifs et dans certains de ses actes phy- 
siologiques. Ces corps sont en premier lieu les éléments anatomiques 
des animaux et un certain nombre de leurs organes, examinés tant à 
l’état normal qu’à l’état pathologique, en second lieu les liquides et les 
parties solides de l’économie. L'étude au point de vue clinique du sang, 
de la lymphe, du chyle, des sérosités, du lait, du mucus, de la salive, de 
la bile, des matières sébacées, de l'urine et des dépôts urinaires, du 
contenu intestinal et des fèces, etc., occupent une place proportionnée 
à leur importance. Il en est naturellement encore ainsi des tissus et des 
produits morbides qui en dérivent. 

L'emploi du microscope dans Les études physiologiques, telles que celles 
qui concernent la contraction musculaire, les mouvements des cils 
vibratiles, le cours du sang et divers autres phénomènes physiologiques 
est également l’objet d’une description particulière. 

Une section spéciale est consacrée à l’étude des animaux qui, dans le 
premier âge, ou pendant toute leur vie, restent microscopiques. L’inves- 
tigation des éléments anatomiques, des tissus et des organes des plantes 
forme le sujet d’une autre section. | 

Parmi les faits dont le microscope décèle la connaissance, on peut 
encore signaler les altérations naturelles ou frauduleuses des aliments 
de l’homme, des tissus qu’il fabrique, et, parmi les êtres dont il révèle 
l'existence, les parasites invertébrés et végétaux qui attaquent les animaux 
sauvages ou domestiques, les plantes cultivées ou non. 

Il existe enfin un, grand nombre de composés dont Les cristaux ou les 
groupements cristallins sont microscopiques, mélangés ou non les uns 
aux autres; ils peuvent nous montrer nettement leurs caractères distinc- 
tifs d'ordre cristallographique et optique, insaisissables sans les instru- 
ments grossissants. Une dernière section est consacrée à cette étude. 

Le microscope, on ne saurait trop insister sur ce point, n’est pas, pour 
le biologiste et le médecin, un instrument, dont, suivant sa volonté, il 
peut indifféremment ou se servir ou se passer. C’est un instrument 
dont l'emploi est parfaitement déterminé. Il est destiné à nous faire 
connaître un ensemble considérable de parties dont l’étude ne peut être 
faite ni à l'œil nu, ni à l’aide d’un autre instrument. 

Il est indispensable au zoologiste pour l'observation des animaux et de 
leurs organes de petit volume ; à l’anatomiste pour l’étude des éléments 
anatomiques, des tissus et la texture de ceux-ci; pour observer les 
organes si petits, que leur anatomie descriptive ne peut être faite à 
l’œil nu, etc. 

En physiologie, beaucoup de phénomènes, se passant dansdes organes 
d'un très-petit volume, ou chez des êtres transparents ou invisibles à 


220 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 


l'œil nu, exigent l'emploi du microscope. Tels sont les phénomènes du 
cours du sang dansles capillaires, les mouvements des cils vibratiles, etc. 

Dans celle série si étendue d’objets à observer, il y en a un graud 
nombre de remarquables par leur forme, leurs couleurs, etc. Mais pour 
nous ce ne sont pas là des objets de simple curiosité, nous avons en vue 
leur rôle dans tel ou tel appareil, dans tel ou tel ordre de fonctions, C'est 
pourquoi nous devons les étudier avec ordre. 

En pathologie, l'emploi du microscope est indispensable pour l'exa- 
men des altérations de toutes les parties envisagées précédemment à 
l'état normal. Mais il n’a d'utilité réelle et durable qu'autant que la dis- 
position des organes à l’état normal est déjà bien connue, autrement il 
conduit inévitablement à des déductions erronées ou illusoires. 

Une fois des connaissances positives acquises à l’aide de cet instrument, 
les applications relatives à la pratique de l’art médical se présentent en 
grand nombre. Mais il est difficile parfois de dire d'avance d'une manière 
précise aux praticiens de quelle nature peuvent être ces applications, 
car elles varient à l'infini, suivant la sagacité de chacun. 

Dans la troisième et derniére partie de ce livre sont exposés l’emplei 
d'instruments, le maniement de matières liquides ou de solides liqué- 
fiables, puis la mise en œuvre des procédés qui permettent d'étudier 
celles des parties constituantes des tissus qui offrent la disposition de 
conduits sanguins, lymphatiques et glandulaires; en d’autres termes, 
l'art des injections en est le sujet. 


S 


Le propriélarre-gérant, 


GERMER BAILLIÈRE, 


TARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2. É 


CONTRIBUTION 


A L'HISTOIRE 


DE LA LIGULE 


Par M. A. L. DONNADIEU 


Docteur ès sciences, professeur au Lycée de Lyon 


PLANCHES XIV A XX 


INTRODUCTION. 


Un parasite dont on à pu, depuis les temps les plus reculés, 
apprécier les funestes effets, a rencontré dans les étangs de la 
Bresse des circonstances qui lui ont permis de se développer à 
un tel point que l'industrie des étangs en a éprouvé des dom- 
mages considérables. Confondu autrefois sous différents noms 
spécifiques, on lui donna en dernier lieu le nom de ZLigule, et 
c’est par ce nom qu’on le désigne encore aujourd’hui. 

Il a été observé dans toutes les régions tempérées ou chaudes 
de l’Europe. On l’a trouvé en Belgique, en France, en Italie, en 
Grèce, etc. Peu commun en Belgique, d’où il a presque complé- 
tement disparu aujourd'hui, ilest au contraire très-répandu 
dans les autres pays. IL s’est même si multiplié en Italie qu'il y 
est vendu aux gens du peuple qui, sous le nom de macaront 
piatti, ne dédaignent pas de le faire servir à leur alimentation, 
et Rongeard a écrit encore à ce propos que beaucoup de gens le 
| mangent le prenant pour de la laitance. À Lyon même, plusieurs 
personnes en font usage à la manière des Italiens. On le connait 
vulgairement sous la dénomination de ver blanc. 

Partout où il se montre, il se développe assez Lou et 
surtout en grand nombre. Ce fait a été déjà constaté au siècle 
dernier par les auteurs qui ont ditque ce ver étail si commun que 
presque toutes les tanches le possédaient. Aussi a-t-il donné lieu 
à des écrits tellement spéciaux, que quelques-uns portent le Litre 


de Communications sur le Ver des tanches. Mais il n'est pas tou- 
JOURN DE L’ANAT,. ET DE LA PHYSIOL, — T. xIl (1877). 21 


72 DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L'HISTOIRE 


jours fixe et on le voit apparaître et disparaître tour à tour, con- 
stituant, à l’égard des étangs où il s’abat, une épidémie plus ou 
moins désastreuse. 

C'est ainsi qu'à un moment, maintenant assez éloigné, il s’est 
montré abondamment en Prusse, en Belgique, en Normandie et 
en Suisse. Plus tard il a frappé le canal de Bourgogne, attaquant 
de préférence les ablettes. Puis est venu le tour de quelques 
étangs du Dauphiné où on nele retrouve presque plus, et, depuis 
quelques années 1l semble s’être concentré sur les étangs de la 
Bresse. Il y a débuté en attaquant les goujons ; mais il les a bien- 
tôt délaissés pour les tanches, qu'il abandonne à leur tour, car 
tous les propriétaires des étangs s'accordent à reconnaître que la 
maladie diminue. 

Les étangs de la Bresse ont été des plus favorables à son déve- 
loppement qui, aidé par les circonstances, a acquis pendant un 
moment une très grande intensité. La plupart de ces étangs sont 
de tres-grandes cuvettes à fond argileux, sans aucune issue, où 
rien ne se perd et où tout peut se développer à l’aise. À des in- 
tervalles variés, le fond de ces étangs est rendu à la culture, 
pour servir plus tard de nouveau récipient, et ainsi de suite. La 
sécheresse influe beaucoup sur ces masses d’eau et, pendant l'été … 
de 1870, le plus grand nombre des étangs fut réduit à la tranchée 
ou fossé de pêche que les propriétaires font creuser dans le mi- 
lieu. Quelques-uns même furent complétement desséchés. Les 
oiseaux aquatiques ne trouvèrent, en traversant le pays, que quel- 
ques mares dans lesquelles ils disséminèrent des œufs à profu- 
sion et, dans ces eaux chaudes qu'aucun courant ne traversait, 
le parasite pullula, infestant le poisson qui, répandu plus tard 
pour repeupler les nouveaux étangs, devint une nouvelle cause de 
dissémination. | 

C’est alors qu’il attira vérilablement l'attention, car, aupara- 
vant, on ne s’en occupait que très-peu, el les pêcheurs furent. 
amenés à faire les observations que Je vais résumer en quelques. 
mots : l'A 

Le poisson attaqué par le parasite peut aller jusqu’à deux ans: 
il est rare qu’il dépasse cet âge. 


DE LA LIGULE. 323 


- C’est en été qu'il périt le plus de poissons ; mais c’est en hiver 
que le ver sort plus facilement du corps de son hôte. 

Les feuilles et. les amandes (1) ont le ver aussi bien que le 
poisson adulte. | 

Le ver se montre de préférence dans les étangs chauds; il est 
moins fréquent dans les étangs froids ; 1! l’est encore moins dans 
ceux qui sont traversés par un courant et dans ceux que l'on 
appelle étangs de rivière. Quoique les oiseaux aquatiques soient 

fort nombreux sur ces derniers, le ver n’v est pas répandu, tan- 
dis que le petit nombre d’oiscaux qui fréquentent les premiers 
n'empêche pas le ver d’y pulluler. L'intensité du fléau a été telle, 
qu’en 1875, sur 100 quintaux de tanches provenant des étangs 
de M. Chanot, maire de Bouligneux, pas une n’était indemne. 

Le ver ne porte aucun préjudice à l’alimentation par le poisson. 

Les pertes qu’il fait subir sont dues à ce qu’il devient, lors- 
qu'il ne peut abandonner le poisson, une cause de mort pour ce 
dernier; aussi, lorsqu'on parvient à débarrasser le poisson du 
parasite qui l'infecte, 1l peut être sauvé. | 

Lorsque le poisson d’un étang chaud est placé dans une eau 
froide et courante, il n’est pas rare de le voir se débarrasser de 
son parasite. Ge fait a été très bien observé dans la Saône par 
M. Rey, dans le Rhône par M. Côte, et J'ai pu moi-même le 
vérifier. LE 

Lorsqu'un étang a été desséché, le poisson qu’on y met ne 
prend pas le parasite et, si on empoissonne avec des individus 
déjà atteints, ils ne communiquent pas le ver aux autres. Les 
étangs de M. Chevrier à Meximieux en sont un exemple. 

Les espèces carnassières, telles que le brochet et la perche, 
n’ont pas le ver. 

J’ai conservé à toutes les observations qui précèdent la forme 
qui leur a été donnée par ceux qui ont bien voulu me les com- 
muniquer et, à ce titre, je dois des remerciments à M. Rey et à 
M. Côte; je dois surtout savoir trés-bon gré à M. Rey d’avoir 


(1) On appelle feuilles et amandes la carpe et la tanche de petites ‘dimensions, et 
environ jusqu’à six mois. 


| 


32/ DONNADIEU., — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


bien voulu seconder mes travaux en me fournissant les maté- 
rjaux d'étude. Je ne pouvais écrire ce chapitre sans lui en témoi- 
gner ma reconnaissance. 

Interrogés sur leur opinion quant aux moyens de faire dispa- 
raître la maladie, les propriétaires et les pêcheurs m'ont répon- 
du : « Elle passera dans la Bresse comme elle a passé dans les 
autres pays, et la preuve c’est qu’elle diminue. » 

Il faut reconnaitre que les naturalistes ne sont pas restés dans 
une contemplation aussi placide et que, s'ils n’ont pu arriver à 
détruire l’effet, ils ont au moins cherché à connaître la cause. 
Car, à toutes les époques, on a vu les savants s'inquiéter de ce 
singulier parasite. Intrigués par les mœurs étranges des Ligules, 
les zoologistes en ont souvent entrepris l’histoire, el le nombre 
des observateurs dont l'attention a été attirée par ce ver est déjà 
considérable. Il a donné lieu à de nombreuses et intéressantes 
discussions et, pendant longtemps, il est resté une véritable 
énigme ; mais aujourd’hui on peut croire son histoire à peu prés 
complète. C’est à la mettre en lumière que je vais consacrer ce 
travail. | 

Avant d'aller plus loin, je dois encore remercier M. Gau- 
lain de lexcellent concours qu’il m’a prêté, en mettant à ma 
disposition les aqüariums des serres du pare de la Tête-d’Or 
el surtout le vaste bassin de la Victoria Regia, bassin qui, par sa 
température maintenue à 80 degrés environ, m'a été d’un puis- 
sant secours dans les expériences les plus concluantes. 

Enfin, pour bien préciser ce qui va faire l’objet de ces études, 
j'ajouterai que le ver, que je n’ai jusqu'ici désigné que sous le 
simple nom de Ziqule, est un Helminthe du groupe des Cestoides, 
c’est-à-dire un Helminthe rubané, dont les affinités zoologiques 
les plus directes sont le Bothriocéphale et tous les vers qui com- 
posent la famille des Dibothridés. 

Ce nom de Ziqule n’a pas été réservé exclusivement au ver 
parasilaire dont il va être question; car les naturalistes connais- 
sent aussi sous la même dénomination un mollusque acéphale, 
voisin des Tellines, Anatines et Donaces. Lamarck a appelé 
Amphidesme ce mollusque, que Montagu avait nommé Ligule. 


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L 
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L. 
Le 

‘ 


DE LA LIGULE. 325 


Et en botanique on donne encore le nom de Liqule à cette 
languette qui, dans beaucoup de graminées, s'implante sur la 
feuille à l'union du limbe ct de la gaîne, 


PREMIÈRE PARTIE 
ÉTUDES HISTORIQUES 


Ainsi que le titre l'indique, je traiterai dans ce chapitre de tout ce qui 
_a été écrit sur les Ligules et je ferai l’histoire de la question qui n'oc- 
cupe, Je n'aurai pour cela qu'à passer en revue tous les travaux qui ont 
eu ces parasites pour objet et je Le ferai en suivant l’ordre chronologique 
de la publication de chacun de ces travaux. C’est l’ordre qui me parait le 
plus naturel et le plus convenable; c'est celui qui permettra de suivre 
avec le plus de profit les différentes phases de la question, si souvent et 
parfois si vivement débattue.… | 

Je n'ai pas la prétention de tracer une histoire exactement complète ; 
car, parmi les nombreux recueils que j'ai consultés, peut-être se trou- 
vera-t-il quelque petite note qui aura échappé à mes investigations. 
D'autre part, il ne m'a pas toujours été possible de me procurer tous les 
Mémoires dont j'ai pu obtenir les indications. Mais si je ne connais pas 
les premiers, je puis affirmer que les seconds ne sont pas nombreux et 
qu'ils se réduisent à trois ou quatre observations, que j aurai cependant 
le soin de signaler. 

Ce que je peux toutefois affirmer, c'est que ce chapitre se rapportera 
à tous lestravaux fondamentaux et que, parmi ceux-là, aucun n'aura été 
ignoré. 

Les premières indications que, comme tous les auteurs, je peux four- 
nir se rapportent à Aristote ({). Onlit en effet dans l'Histoire des animaux, 
à la page 509 du tome I et au chapitre xx du livre VIE : « Le Ballére et 
le Tillon sont sujets à un ver qui se forme dans leur corps pendant la 
canicule : il Les affaiblit et les oblige de s'élever sur l’eau, ce qui les fait 
périr brûlés par la chaleur. » C’est à propos des poissons de rivière, dont 
il parle, dit-il, après ceux de la mer, qu'Aristote a été conduit à faire 
cette observation dont l'exactitude, comme celle de tant d’autres, ne 
laisse rien à désirer. 

On peut sans hésiter franchir un grand espace de temps et arriver à 
la fin du xvu* siècle, époque où Leuwenhoeck en publiant ses Arcana 
naturæ signala la présence de ces vers parasitaires dans la truite et dans 
li brème (2). 


(1) Aristote, Histoire des animaux, traduit par Camus, t. I, liv. VIE, ch. 1x, 
p. 909. Paris, 1783. 
(2) Leuwenhoeck, Arcana naturæ, 1695, p. 399, 


326 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


. Celui des savants français qui a le premier signalé les Ligules paraît 
être Geoffroy i ie jeune qui, en 1710, fit à l’Académie royale des sciences 
de Paris une communication sur un Ténia trouvé dans une tanche (1). 
Elle était fort saine et fort grasse, dit-il, et, d'après lui, ce Ténia était 
semblable à ceux qui se trouvent dans l'homme, à cela près qu’il n'était 
pas découpé par anneaux. Geoffroy ajoute encore un détail d'observation 
-qui prouve qu’il ne s'était pas uniquement préoccupé de la situation du 
ver, mais qu'il l'avait encore étudié. « Il avait, dit cet auteur, seulement 
» des raies ou plis perpendiculaires à sa SBEUEUr, selon laquelle une 
» autre grande raie allait depuis la tête jusqu'à la queue en la divisant 
» en deux moitiés égales. » 

En 1718, dans son Theatrum animalium, Henry Ruysch publia quel- 
ques observations, parmi lesquelles on peut lire ce qui suit (2) : « En ce 
» qui concerne les poissons, le barbillon est stérile par cette raison qu’on 
» trouve dans son abdomen des vers qui mangent la semence après 
» qu'il à pondu trois fois. ..…. Ils naissent dans les espèces de poissons 
» d’eau douce des environs de Bâle... Ils piquent en été... On les 
» reconnait à leur ventre dur, gros et blanc... Il y en a aussi dans le 
» ventre du goujon. » Toutes ces observations, que je détache au milieu 
de la citation de Ruysch, prouvent que parmi des réflexions erronées il 
s’en est trouvé de fort justes et qui n’ont été de nos jours que répétées 
presque sous la même forme. 

A la même époque, Andry publia un Atlas des Vers solitaires (3) et, 
parmi ses nombreuses figures, on doit certainement remarquer la plan- 
che 18. Elle représente, en grandeur naturelle, deux Ligules qui, au 
point de vue üe la forme générale du corps et de l’aspect des extréniités, 
sont très-exactement dessinées. On ne doit pas craindre de les considérer 
comme d'excellentes figures et, pour leur explication, Andry renvoie à 
son livre De la génération des vers, où elles sont reproduites en plus 
petites dimensions, mais moins bien exécutées. 

La note qui, dans le Traité de la génération des vers dans le corps de 
homme, parle des Ligules est presque en entier celle que je vais résu- 
mer en analysant l'observation de Rongeard. 

En 1793, Rongeard, docteur-médecin à l’Aigle, écrivit à Andry une 
lettre dont celui-ci rendit compte dans le Journal des Sçavants (4). Rudol- 
phi a signalé cette indication bibliographique sous le nom de Rongeard 
et tous les auteurs qui ont copié Rudolphi ont conservé cette indication. 


(1) Geoffroy Junior, in Histoire de l’Académie royale des sciences de Paris, 1740. 
(Hist., p. 39, obs. IV. Paris, 1732.) | 

(2) Ruysch Henry, M. D.Amstelod., Theatrum universale omnium animalium. De 
Insectis, hiber IT, articulus 11, p. 135, De vermibus qui in animalibus nascuntur. 

(3) Andry, Vers solitaires, pl. 18. Paris, 1718. 

(4) Rongeard, Observations sur les vers des tanches adressées à l’auteur du Trailé 
se la génération des vers dans le corps de l'homme, in Journal des Sçavants, 1723, 
p. 79; 


L! 


DE LA LIGULE. | 327 


Dans son compte rendu, Andry commence par publier la lettre de 
Rongeard, qu’il accompagne ensuite de quelques réflexions qui parais- 
saient lui appartenir, Rongeard, ayant lu les observations d'Andry, a fait 
ouvrir un grand nombre de tanches, ce qui lui a donné occasion de faire 
des observations qui, dit-il, ne sont pas à mépriser pour l’histoire natu- 
relle. Il indique où et comment il rencontre ces Ténias, et il se demande 
comment et par où ce ver prend sa nourriture. « Je pense, dit-il, que 
» ce ver se nourrit de l'humidité subtile dont la membrane qui tapisse 

la surface des viscères qu'il touche est arrosée. » Ces vers sont com- 
muns dans les tanches qui se trouvent à l’Aigle ; aussi les matériaux ne 
lui manqueront pas et Rongeard promet-il de les étudier plus au long 
s'il le peut. Sa lettre est datée du 2 janvier 1723. 

On peut résumer ainsi les réflexions dont elle est suivie : [Il n’y a pas 
de poissons qui se plaisent plus dans l’eau bourbeuse que la tanche, et 
elle est même si visqueuse, qu’on la croit parfois engendrée par du limon. 
Pierre Gontier, Scroder et d’autres persistent dans cette idée, Ce poisson 
étant si visqueux, il ne faut pas s'étonner qu’il soit sujet à celui de tous 
les vers dont la substance est aussi la plus visqueuse. Peu de gens con- 
naissent ce ver ; presque tous ceux qui se font servir des tanches n PT 
sitent pas à le manger, le prenant pour de la laitance. 

Dans l'explication des figures, il est encore dit que « ces sortes de 
» vers s'allongent toujours en mourant, » 

De toutes ces observations, celle que l’on peut surtout retenir et sur 
laquelle je reviendrai plus tard est celle qui se rapporte au genre de 
nourriture que l’auteur précédent a parfaitement saisi. 

Dans les Opera omnia, publiés par Ruysch en 1737, on peut voir une 
figure inexacte de la Ligule accompagnant l'observation LXIV, Vermes 
passim intra viscera delitescentes, et indiquée sous ce titre : Vermis e pisce (1). 

Une observation de laquelle peut dater l’idée d’expérimenter pour 
connaitre la véritable origine des Ligules est celle de Bonnet (2). 

Dans le tome I des Mémoires de l’Académie de Paris, tome se rappor- 
tant à l’année 1750, on trouve, à la page 478, une dissertation par 
M. Bonnet, correspondant de l’Académie, Sur le Ver nommé en latin Tænia 
et en français Solitaire. À la page 504 du volume se trouve la réponse de 
Bonnet à celte question : Quelle est l’origine du Ténia ? et cette réponse 
est on ne peut plus curieuse, car il en ressort clairement que Bonnet 
considérait les Ténias qui vivent dans les tanches (nos Ligules d’aujour- 
d’hui) comme capables de se reproduire et de fournir des œufs que ces 
poissons « laissent échapper dans leurs déjections et qui peuvent ensuite 


(4) Ruysch, Opera omnia anatomico-medico-chirurgica, p. 61, fig. C. Amster- 
dam, 1737. 

(2) Bonnet, Disseriation sur le Ver nommé en latin Tænia et en français Solitaire 
in Mémoires présentés à l’Académie royale dis sciences de Paris par divers savants, 
t. 1, 14750. 


328 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


» être introduits dans notre corps par mille moyens, l’eau par exem- 
» ple ». 

Bonnet part de cette idée pour proposer l'expérience suivante : (Après 
» avoir fait avaler à des chiens le nouveau spécifique (il a déjà parlé 
» d’un nouveau remède pour expulser le Ténia et il le dit très-sûr) et 
» s'être assuré ainsi qu'ils n'ont pas le Ténia, on leur fera boire à l’or- 
» dinaire de l’eau où des tanches auront séjourné, ou, si l’on veut, 
» dans laquelle on aura fait macérer durant quelque temps des en- 
» trailles de tanches habitées par des Ténias..Si ces chiens, ainsi 
» abreuvés pendant quelques années et ouverts ensuite montraient des 
» Ténias, ce serait un fort préjugé en faveur de l’idée que je propose 
» sur l'origine de ce ver. » 


Mais Bonnet à bien soin d'ajouter qu'il insiste sur l'expression de pré- 


jugé, parce qu'ilsera toujours difficile de pouvoir affirmer que les chiens 
soumis à l'expérience étaient absolument exempts de Ténia et de leurs 
œufs. 

Quoiqu'une certaine exagération, du moins au point de vue de notre 
époque, caractérise cette première tentative, il n’en est pas moins vrai 
qu’elle se présente à nous comme étant un premier jalon qu’un historien 
consciencieux ne saurait laisser de côté. 

D'ailleurs, la même idée se retrouve dans les écrits publiés à peu près 
à la mème époque dans les Amænitates academicæ de Linné. 

Déjà, dans les premières éditions de son Systema naturæ, le grand 
naturaliste avait caractérisé les Ligules sous le nom de Fasciola intesti- 
nalis, et c'est sous ce nom qu'on les retrouve dans la Fauna suecica. 
de 1761 (1). | 

Mais, dans le Systema naturæ Linnœæi, Gmelin rend aux vers qui m'oc- 
cupent le nom qu’ils ont conservé depuis (2) et il décrit d’après Bloch, 
Goëze, Pallas, Bonnet, cetc., un certain nombre d'espèces de Ligules, dont 
les principales sont : intestinalis, ubdominalis. La première habite, dit-il, 
dans l'intestin du harle, plongeon, etc.; la deuxième, dans l’abdomen 
des poissons dont, entre autres choses, il dit qu’elle perfore la peau. 

Le travail auquel je faisais allusion tout à l'heure est la thèse sou- 
tenue en 1748 par Godefroy Dubois. Elle est insérée dans le deuxième. 
volume des Amœnitates, publié en 1752 (3). Aux pages 71 ct 72 du vo- 
lume on peut lire ce qui se rapporte à la Fasciole, et il y est dit que 
c'est un Ténia plat et entier (non segmenté), avec des sillons longitudi- 
naux, caractères déjà indiqués et figurés par Spæring (4). Elle à été, 
dit l’auteur, observée plus souvent chez les poissons et les chiens que 


(4) Linoæus C., Fauna suecica, p. 505, n° 2076. Stock., 1761, 

(2) Gmelin, Systema naturæ Linnœæi, t. I, pars VI, p. 3024-3042 et 3043. 

(3) Dubois-Godofredus, thèse sur le Tœænia in Amænilales academicæ (Linné). 
Vol. 11, p. 71. Amsterd.,1752. 

(4) Spœring, Acta, p. 108, lab. 5, fig. 6. Stockholm, 1747. 


DE LA LIGULE. | 329 


chez les hommes. Car il résulte d'observations qu’elle a déjà été trouvée 
chez les hommes, mais cependant très-rarement. Il est facile de voir que, 
jusque-là, il y a en confusion complète entre les divers genres de Ces- 
toïdes, et qu'on ne se fait pas encore une idée bien exacte des Ligules 
des poissons. Mais la confusion est bien autre dans les lignes sui- 
vantes, où Dubois va jusqu'à dire que cette Fasciole se trouve dans les 
torrents, sous les pierres ; et, à la description qu’il en donne alors, on 
reconnait aisément l’un de ces vers que nous nommons aujourd’hui 
Planaires. Et, après cette digression, l’auteur revient à la caractéristique 
de la véritable Ligule. 

. Dans les Philosophical transactions de 1755, on trouve une lettre de 
Nicholls adressée à Birch, dans laquelle l'auteur attribue la maladie des 
poissons qui lui est signalée au ver dont il a constaté la] présence (1). 
D’après lui, parmi les causes de maladies et même de mort des animaux, 
il faut certainement compter la présence des vers dans leur corps. Aussi 
s'occupe-t-il des moyens d’expulser les vers. Ce que l’on peut citer de 
ses observations, c’est que le poisson atteint par le ver monte à la surface 
de l’eau en juillet et périt. La figure dont il accompagne ses explications 
est tout à fait incompréhensible. 

Le 5 décembre 1799, Annone écrivait à son ami Respinger une lettre 
qui a été insérée dans le tome IV des Acta helvetica 1760 (2). Respinger 
a envoyé à Annonc les figures très-bien peintes des poissons ayant des 
vers. Ces poissons ont été pêchés dans les ruisseaux et les mares des 
alentours de la Birse par des étudiants en médecine qui en ont trouvé 
une grande quantité. En envoyant les documents ci-dessus mentionnés, 
Respinger demande des renseignements. 

Annone commence par citer les auteurs qui ont vu ce qu'a trouvé 
Respinger et, après celles d’Aristote, de Bonnet et de Linné, on peut 
remarquer les citations suivantes : Lesserus CL. rapporte avoir trouvé de 
ces vers dans les intestins des cyprins ; Derham écrit avoir trouvé dans 
plusieurs poissons, surtout dans le ventre, des vers longs et grêles qui 
ont traversé la peau ct les chairs et qui peuvent être extraits; Richter 
les signale également ainsi que Frischius Cel. Annone entre ensuite dans 
la description du ver lui-même. Par ses caractères de genre il doit, 
dit-il, se rapporter aux Ténias. Son corps trés-simple le fait facilement 
distinguer. Et après avoir assez longuement discuté les caractères, il 
émet l'opinion que le ver peut perforer l'estomac ou l'intestin pour aller 
se loger dans la cavité abdominale. 

Il dit encore que les peuples qui se nourrissent abondamment de pois- 
sons sont infestés de Ténias. 


(4) Philosoph. transact., 1755, vol. XLIX, pars [, 246. London, 1756. Lettre de 
Frank Nicholls : An account of worms in animal bodies. 

(2) Jo. Jac. d’Annone, Lettre écrite à Respinger, in Acta helvetica, vol. IV, 
p. 301-306, pl. XVII. Basileæ, 14760. 


330  DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L HISTOIRE 


Respinger lui a demandé entre autres choses si ces vers avaient de. 
l'analogie avec ceux de l’homme, Annone cite à ce propos des faits qui 
se rapportent à des observations de Ténias chez l’homme, mais il ne 
saurait affirmer qu'il pourrait en être de même à l'égard de ces poissons. 
Enfin, s'adressant à son ami, il termine sa lettre en lui disant : Toutes 
» ces choses ne sont pas indignes de figurer dans nos Acta helvetica. C’est 
» toi qui les à vues et je n’en aurai pas peu de gloire. » 

Comme il est facile de le voir par ce court résumé, on est bien loin, 
en lisant cette lettre, de l'appréciation qu’en ont donné les auteurs qui 
se sont contentés de copier dans Rudolphi le nom d’Annone en l’accom- 
pagnant de cette singulière mention : «frappé surtout de la présence des 
» Ligules dans la cavité abdominale des poissons. » 

Dans les Gôttingische Commentaria de 1762 on trouve l'indication d’un 
mémoire de Rœderer et le renvoi aux Anzeigen pour le texte de ce mé- 
moire : Von einer gewissen bisher noch nicht beschriebenen Artwürmer im 
menschlichen Kürper Trichuris. Les Güttingische Anseigen de 1762 donnent 
en effet un travail de Rœderer dans lequel, s’occupant du genre Fusciola, 
il parle de la Fasciola truttæ intestinalis. Mais la description est on ne 
peut plus confuse et ne permet pas d'affirmer le genre de vers signalé 
par Rœderer ; je doute que ce soit la véritable Ligule que cet auteur 
décrit dans son Mémoire (1). 

L'observation de Montin est rapportée par un grand nombre d’au- 
teurs, mais il en est peu qui la considèrent comme exacte, et si je la 
rappelle ici, c’est pour laisser le moins de lacunes dans l'historique de 
cette question. Elle a été faite en 1763 et on la trouve dans le volume 
des Abhandlungen der Wissenschaften der künigl. schwed. Akad., qui 
porte la date de 1766 (2). Le mémoire semble avoir pour but principal 
les moyens d’expulser les vers des intestins, et c’est en employant ces 
moyens que Montin a constaté l'expulsion d’un fragment de Fasciole 
parmi des Ténias rendus par une jeune fille. Mais Montin a bien obssrvé 
les Ligules chez les poissons, tandis qu’il ne les a que très-peu étudiées 
dans le cas qui s’est présenté; dans sa discussion, il entremêle sans cesse 
les Ténias, les Lombrics ct les Fascioles; aussi est-il permis d’affirmer que 
le fragment de Ligule dont il s’agit n’est qu’un fragment de Ténia incom- 
plétement observé. | 

C'est en 1871 qu'a paru l'ouvrage de Pallas sur les Vers intestinaux de 
l'homme et des animaux (3); on y trouve très-peu de renseignements sur 


(1) Rœderer in Gütltingische Anzeigen von gelehrien Sachen unter der Anssicht 
der künigl. Gesellschaft der Vissenschaften-61 Stock., 1762. 

(2) Anszug eines Falles von einer Fasciola intestinalis mit wchrerlen Würmern 
bei einer Kranken, von Lorenz Montin, in Der kônigl. schwedischen Akad. der Wiss. 
Abhandl. 1763. Leipsig, 1766, p. 122. | 

(3) Pallas, Bemerkungen über die Bandwurmer in Menschen und Thieren in Neuen | 
nordischen Beyträgen, p. 39 à 112, pl. IN et III. Saint-Pétersbourg et [eipsig, 
1781. 


DE LA LIGULE,. 331 


les Ligules dont les espèces ont été mal comprises et rapportées à des 
Ténias. La planche II du mémoire et la planche I du volume donnent 
à la figure 28 la Ligule ordinaire décrite sous le nom de Tœænix fascicu- 
luris. Le sillon est bien marqué, mais la tête est comme celle de beau- 
coup de vers dessinés à ces époques, une tête toute de fantaisie. Enfin, 
les figures 29, 30, 32 <e rapportent certainement à des Ligules que, 
dans son texte, l’auteur décrit sous les noms de Tænia avium, Tænta nodu- 
losa. | 

Au cours de ce long Mémoire, Pallas fait cependant quelques observa- 
tions sur les migrations des vers des poissons ct il déclare qu'ils ne 
doivent pas alier chez l'homme. 

Mais l’année suivante, Goëze publia un travail GARE plus étendu 
et qui, ainsi qu’il le dit lui-même, lui fut inspiré par ses grands maitres 
el prédécesseurs Pallas et Müller (1). La Société de Copenhague a pro- 
posé comme prix, en 11780, la question de savoir si les vers tels que 
Ténia, Ascaride, Lombric, Fasciole, sont innés chez les animaux ou bien 
s'ils arrivent du dehors. Pour y répondre, Goëze écrit un volume gros 
d'observations et de recherches dans lesquelles les Ligules tiennent une 
large place. A 

Il leur conserve le nom générique de fasciole et il en distingue plu- 
sieurs espèces, parmi lesquelles : Fasciole abdominale, Fasciole intesti- 
nale. 
| … Sa dissertation sur ces deux espèces offre, pour ses conclusions, un 

grand intérêt : « Si les Ténias des poissons, dit-il à la page 25, se lais- 
» sent transférer dans d’autres corps, ce sont surtout les animaux vivant 
» de poissons qui doivent les avoir. Pour m'en assurer, j'ai disséqué 
» beaucoup de hérons, canards sauvages, cigognes, loutres. » Il trouve 
ainsi les vers habituels à ces animaux, mais il les voit différents de ceux 
des poissons; car, parlant des Fascioles qu’il a trouvées dans l’intestin du 
harle que lui a envoyé le D’ Bloch, il dit : « Mais après un examen 
» attentif cn peut voir que ces Fascioles, dans les entrailles du harle, 
» étaient différentes quant au corps et à la tête de la Fasciole abdominale 
» des poissons et je l’ai nommée Fasciole intestinale. Je vais encore plus 
» loin, ajoute Goëze, et je dis que les vers des poissons ne vont pas aux 
» mammifères pas plus que ceux des mammifères ne vont dans les 
» oiseaux et les poissons. » 

Cette opinion est d’ailleurs celle de Müller qui s’appuic sur l’organi- 
sation et qui dit (2) : « Il serait plus vraisemblable de dire que les vers des 
» poissons viennent chez les hommes, si la tête du rubané, chez l’homme, 
» n'avait pas de tout autres organes que n’en a celle des rubanés des 
» poissons. » 


A 
| 
k 


(4) Besuch einer Naturgeschichte der Eingeweidewürmer thierischer Kürper, 
von J.-A.-E. Goëze. 1782. 
(2) Müllers, Naturforschers, p. 181. 


332 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


Mais sur ce sujet Goëze est on ne peut plus précis et affirmatif : « Qui 
» donc à jamais trouvé de pareils vers de poissons dans des corps 
» humaines, ou bien un ver rubané de l’homme dans un Ténia, dit-il, 
» Comment se fait-il, s’il est facile à l’homme de recevoir des vers des 
» poissons, qu'on n'ait jamais trouvé d'Echinorhynchus dans un corps 
» humain ? Les Ténias des poissons, tant à cause de la différence de leur 
» structure corporelle qu’à cause de celle des organes de leur tête, for- 
» ment un genre à part. Par leur nature ils ne sont destinés qu'aux 
» poissons et ne prospéreront certainement jamais dans les intestins des 
» autres animaux. » 

La réponse à la question proposée comme prix est tout entière dans 
le développement de cette idée, que les vers intestinaux sont innés aux 
animaux qu'ils habitent. 

Mais, en ce qui concerne les Ligules, on trouve dans Goëze bien d'au- . 
tres renseignements relatifs à la structure, aux mœurs et aux espèces. 

Il constate que «le genre de vie de la Fasciola abdominalis est tel, 
» qu’elle s’entortille comme une courroie dans le nid des intestins et, 
» quand elle a fini sa course, elle sort par la partie postérieure du trone 
» des poissons sans qu'ils en meurent. Le trou se referme et le poisson 
» reste intact ». Les figures 7 et 9 de la planche XVI représentent très- 
exactement ces états. Les autres figures, en particulier la figure 8, sont 
assez exactes; mais celle-ci représente comme un état normal un état 
qui n’est qu'accidentel, vu que l’extrémité n’est telle que pendant un 
moment de contraction. 

Quant aux sillons et aux stries, voici de quelle façon Goëze les envi- 
sage : « La surface du corps est ridée comme a coutume de l'être celle 
» d'une courroic. Dans le milieu, une raie court de l'extrémité de la 

» tête mais ne va pas tout à fait jusqu’à l'extrémité de la queue, c’est 2 
» canal des aliments. 

Enfin de l'ouvrage de Goëze je ne retiendrai plus autre chose que la 
citation de ce que Bloch lui écrivait le 6 février 1780 : « La Fasciola in- 
» testinalis me semble aussi énigmatique dans sa structure intérieure que 
» votre Echinorhynchus géant. » A quoi Goëze répond par cette réflexion: 
«11 à raison; pourtant, j’ai trouvé dans ce dernier un peu plus d’organi: 
» sation que dans la première. » Bloch lui dit encore, en lui parlant de la 
Ligule : «Ce ver, je dois le reconnaitre, me rend indécis dans ma 
» théorie, qui est que les vers des poissons ne peuvent prospérer dans le 
» COrps d aucun autre animal, » 

A la mème époque on trouve quelques notions sur les vers des pois. 
sons dans le livre de Werner (1); mais ces renseignements ne sont que 
la copie de ce qu'ont déjà dit les auteurs précédents ; aussi je me bor: 
nerai à signaler simplement Werner comme ayant connu les vers dont 


2 


ES F 
(1) P.-C.-F. Werner, Fermium intestinalium brevis exposilio. Leipsig, 1782. 
— P.-C.-F, Werner et Fischer, Vermium inlestinalium continuatio. Leipsig, 1786. 


DE LA LIGULE. 333 


je m'occupe et en ayant parlé dans ses œuvres publiées successivement 
en 1782 et en 1786 avec l’aide de Fischer. 

En 1783, James Barbut fit paraître un atlas de figures coloriées, où 
parmi les animaux intestins et mollusques de Linné, il représenta les 
Ligules (1) sous le nom de Fasciole intestinale (fig. 2), mais cette figure, 
très-imparfaite, ne présente aucun intérêt. 

Au moment où Goëze publia le travail que je viens d'analyser, Bloch 
fit paraître une œuvre qui fut exécutée dans des conditions identiques, 
et le prix de l’Académie de Copenhague fut partagé entre ces deux au- 
teurs. Mais la traduction française du livre de Bloch ayant été pubiiée 
en 1788, c’est à cette époque que je rapporte l'examen de cet ouvrage (2). 

On a voulu essayer de faire du 7raité de la génération des vers des in- 
testins et des vermifuges une œuvre capitale, et cependant elle est bien 
loin de valoir ce qu’on en a dit. Quelle créance accorder, en effet à des 
observations et à des expériences qui débutent ainsi : Bloch dit «qu'il ne 
» saurait compreudre parmi les vers des intestins l'OEstre, le Dragon- 
» neau......, encore moins des animaux qui entrent dans notre corps 
» par notre nourriture ou boisson, tels que des serpents, des grenouilles, 
» des lézards, des crapauds, etc. » 

Le seul mérite que l’on puisse reconnaître à Bloch, c’est d’avoir donné 
aux vers qui nous occupent le nom de Ligule, nom que tous les auteurs 
ont conservé depuis et qui sera maintenant le seul que j’emploierai. Et 
cependant il s’est trouvé des auteurs qui ont fait des observations de 
Bloch une sorte d’assise sur laquelle ils se sont appuyés pour rehausser 
les recherches qui les ont conduits sans peine à des résultats con- 
traires. 

Il faut toutefois constater que si Bloch avait eu la hardiesse de dé- 
clarer dans son ouvrage ce qu'il ne craignait pas de dire dans ses lettres 
à Goëze, il aurait pu êlre cité comme ayant aidé à fonder le principe de 
la migration des Ligules. Il convenait, en effet, que les Ligules des 
oiseaux ne se rencontrent que dans les oiseaux qui se nourrissent exclu- 
sivement de poissons et, pour expliquer la forme un peu différente 
qu'elles lui paraissaient prendre dans ce nouvel habitat, il disait : « Comme 
» ils ont dans les intestins une nourriture abondante, ou plutôt parce 
» qu'ils ont plus chaud que dans la cavité abdominale des poissons... » 

Après avoir divisé les vers en plats et ronds, il arrive à l’ordre [ et 
au premier genre : la Bandelette, Ligula. Il en distingue deux espèces, la 
Ligula piscium et la Ligula avium. 

Dans la premivre il ne distingue presque rien au point de vue de l'or- 
ganisation et il indique seulement les mœurs que les précédents obser- 


(1) James Barbut, Les genres des vers exemplifiés par divers échantillons. Lon- 
dres, 1783. 

(2) Bloch, Trailé de la génération des vers des intestins et des vermifuges. Tra- 
duit de l’allemand. Strasbourg, 1788. 


334 DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L'HISTOIRE 


valeurs avaient décrites; mais il ajoute une notion qui présente ecepen- 
dant une certaine importance : six expériences successives lui ont permis 
de constater que les vers ne peuvent rester en vie lorsqu'ils sont bouillis 
avec le poisson. 

Dans la seconde espèce il ne reconnaît pas d'organisation supérieure 
à la précédente, et il se demande « s'ils ne se font un passage qu'après” 
» la mort de ces oiseaux (les harles), parce qu'après leur refroidisse- 
» ment ils se cherchent un asile plus chaud, ou bien s'ils les abandon- 
» nent, à de certaines époques, comme les précédents (les poissons) ». 

La thèse générale que Bloch soutient seule dans son traité est aussi 
celle de Goëze, à savoir : que les vers et leurs germes sant innés aux 
animaux et, pour le démontrer, Bloch s'appuie, non-seulement sur 
l'observation, mais encore sur l'expérience. C’est dans ce sens qu'ila 
expérimenté sur les Ligules et non pas pour en déterminer les espèces, 
comme d’autres auteurs semblent le faire croire. 

À la page 94 on trouve en effet sa onzième preuve qui consiste en … 
ceci : «Si les vers des intestins n'étaient point destinés à vivre dans le 
» corps d'autres animaux et si chaque espèce ne devait pas séjourner … 
» dans tel corps plutôt que dans tel autre, mais ne s’y trouvait que par. 
» accident, ils se laisseraïient aussi transplanter d’un animal dans un 
» autre. Mais mes expériences et mes observations m'ont prouvé le con- 
» traire, Car je fis souvent offrir la bandelette des poissons... , etc. » 
Bloch donne, en effet, des Ligules et des Ténias de brochet, ainsi que ceux … 
de l’oie à des canards, et il constate que ces vers ne continuent pas de 
vivre dans ces nouvelles conditions. Et pour appuyer sur la conclusion 
à laquelle ces expériences le conduisent, il ajoute : «On objectera peut- 
» être ici que ces vers étant digérés avec le reste de la chair, ne pour- 
» raient plus y vivre; mais leurs œufs, au moins, devraient se mêler 
» avec la mucosité des intestins, et pourquoi ne s’y développeraient-ils 
» pas aussi bien que ceux des vers qui sont particuliers à ces pois- 
» Sons ? » 

Enfin pour conelure dans le sens de l’idée qu’il développe, Bloch in= 
voque encore, à la page 86, le témoignage des Ligules des poissons qui 
se trouvent toujours dans la cavité du bas-ventre et jamais dans le canal 
intestinal. 

Le travail de Bloch est d’ailleurs bien inférieur à l'ouvrage de Goëtel 

Dans l’Helminthologie de Bruguière (1) les Ligules sont mentionnées, 
mais sans indications nouvelles, aussi ne ferai-je Ep signaler cette œuvre 
au titre de simple renseignement. | 

En 1800, Zeder publia un premier Senslét à l'ouvrage de 
Goëze (2), FL lequel il s'occupe des Ligules, qu’il décrit sous différents 


(1) Bruguière, Tableau encyclopédique #1 méthodique des tre ois règnes de la na- 
ture ; l’helminthologie. Paris, 17914. sil 
(2) Zedcr, Naturgeschichte. Premier supplément à l'ouvrage de Goëzel Leipsig, 
1800. | RTL 


DE LA LIGULE. 399 


noms, entre autres Ligula tincæ, abdominalis, colymbi, etc. Une remarque 
dont l’importance ne saurait échapper est celle du sillon longitudinal, 
que Zeder considère comme marquant une série d'ovaires. 

A la date de l’année suivante, on trouve les Ligules indiquées par La- 
marck dans son Sysféme des animaux sans vertébres (1). Mais dans ce 
court résumé qui a précédé l’œuvre capitale du grand naturaliste, La- 
marck ne cite qu'une espèce, la Ligula avium. Dans la caractéristique du 
genre, il dit qu'on ne voit ni la bouche, ni l'anus, et il ajoute encore : 
on trouve aussi des Ligules dans divers poissons. 

Bosc, dans son Histoire des vers publiée en 1802 (2), emprunte à Bloch 

les notions relatives à la détermination du genre, mais il ajoute une ob- 
_servation dont je n'ai pu vérifier l'exactitude. « Les anciens naturalistes 
» ont connu les Ligules, même sous leur nom actuel. Linné l'avait fait 
» oublier en les réunissant aux fascioles ; Bloch, Goëze, Pallas leur ont 
» rendu leur véritable nom. » Je crois que Bosc est dans l'erreur, car 
aucun des auteurs qui ont précédé Bloch n’emploie le mot Ligule, 
ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, et Bloch me paraît bien être le 
créateur du genre. : 

Mais Bosc parle déjà de « deux phases dans la vie des Ligules », ct ces 
phases correspondent aux deux espèces qu’il décrit : Ligula intestinalis, 
qu'il dit très-blanche et très-aiguë, et Ligula abdominalis, qu'il dit être 
cendrée et large. 

Schrank, dans sa Fauna boica, indique trois espèces de Ligules : Ligula 
Petromizontis, Ligula Truttæ et Ligula piscium (3). 

Blumenbach, dans son Manuel d'histoire naturelle publié à Metz en 
1803 (4), indique la Ligule en revenant au genre Fasciola et il l'appelle 
la douve des poissons. « Comme un bout de ruban étroit, dit-il, inarti- 
» culé dans le ventre de quelques poissons. » La note qu'il donne parait 
n'être qu'une copie de Linné ; car, comme lui, il ajoute : « On en à 
» trouvé de vivants encore dans les poissons cuits. » 

J'arrive à 1808, à l’époque où fut publiée l'œuvre de Rudolphi (5). 
Avec lui la question des Ligules entre dans une phase toute nouvelle, 
les théories de Bloch et de Goëze sont combattues et l’idée des migra- 
tions des vers intestinaux commence à se faire jour. 

Rudolphi discute en premier lieu les noms donnés à la classe des vers 
intestinaux, et il en arrive à indiquer celui d’entozoaires qu'il croit être 
nouveau (Linck le lui affirme); puis il entre dans les détails relatifs à 
l'histoire de ces entozoaires. Je ne relèverai que les plus importants 


(4) Lamarck, Système des animaux sans vertèbres. p. 334, Paris, 1801. 

(2) Bosc, Histoire naturelle des vers, t. 1, p. 275. Paris, an x. 

(3) Schranck fr. de Paul, Fauna boïca, deuxième partie, p. 1487, 1803. 

(4) Blumenbach J..Fr., Manuel d'histoire naturelle. Traduit par Soulange Artaud, 
t. Il, p. 14. Metz, 1803, an x1. 

(5) C.-A. Rudolphi, Entozoorum sive vermium inlestinalium historia naturalis. 
Amsterdam, 1808-1809, 


336 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


parmi ceux qui se rapportent aux Ligules, qu’il place parmi les Ces- 
toides, | 

C’est à ce titre que je signalerai la difficulté que Rudolphi éprouve à 
caractériser la partie antérieure, les mouvements qu'il a très-bien rap- 
portés à deux systèmes de fibres musculaires transverses et longitudi- 
nales, et qu’il a vu bien apparents dans les Trématodes, moins dans les 
Ligules, car il dit : «Il est permis d’apercevoir les fibres transverses, 
» cependant peu marquées, qui semblent aller mourir dans le reste de 
» la substance pulpeuse du ver ». Les entozoaires n’ont pas de système 
nerveux ; le mode de nutrition des Ligules lui échappe ; mais le sillon 
que Goëze a dit être un tube digestif, lui suggère l’idée d’une série 
d'ovaires, idée qu’il partage d’ailleurs avec Zeder. « Cette ligne, dit-il, 
» ést marquée de points qui ressemblent à ce que montrent les ovaires 
» de ténias au point de ne pas laisser douter de la chose. » Puis il émet 
l’opinion que la pulpe même peut contenir des vases fibreux très-fins 
qui tirent leur origine de la bouche, et il conclut en disant que les en- 
tozoaires doivent se nourrir par absorption cutanée, 

En traitant la question des organes génitaux, Rudolphi revient sur la 
ligne médiane qui lui paraît être «la trace d’ovaires simples et en forme 
» de sac ». « Le mode de copulation du scolex et dus Ligules est ignoré, 
» dit-il à la page 315 du tome I; mais par la raison qu'ily à une 
» grande ressemblance dans les ovaires, il doit y avoir de l’analogie avec 
» les genres suivants (Bothriocéphales, Ténias), du moins en ce qui con- 
» cerne les Ligules. » 

Parlant de l’âge des entozoaires, il indique les Ligules comme pou- 
vant, avant leur mort, sortir du corps de leur hôte et, comme la raison 
de ce fait lui échappe, il croit la trouver dans une phrase où l’observa- 
tion et l'expérience cèdent leur autorité au sentiment : «Peut-être que 
» la nature, prévoyante pour les animaux, a accordé ce suprème bénéfice 
» à ceux qui sont affectés de ce ver ». « Car ces vers, ajoute-t-il, provo- 
» quent de très-graves symptômes morbides. » 

Son chapitre xvir est consacré à «l’action pour les entozoaires de se. 
» communiquer », et après avoir successivement passé en revue les. 
preuves et les opinions, Rudolphi arrive à ces conclusions : «Les vers 
» qu'un animal contient peuvent être communiqués par la nourriture; 
» les vers des animaux à sang froid ne périssent pas dans les animaux à 
» sang chaud qui s’en nourrissent; accidentellement quelques oiseaux 
» aquatiques sont infestés par les vers des poissons qu'ils dévorent (té-. 
» moin les Échinorhynques des canards qui semblent être les mêmes 
» que l'Échinorhynque noueux des poissons). Les oiseaux aquatiques, 
» dont le goût et l’odeur rappellent les poissons et qui vivent à peu près 
» comme eux, conserveront facilement leurs vers. » 

Ainsi, pour le moment, Rudolphi ne croit, pour les Ligules, qu’à la pos- 
sibilité de continuer à vivre dans l'intestin des oiseaux ; il ne songe pas 
encore à les supposer capables de se développer dans ces derniers. Ce ne 


DE LA LIGULE. 397 


sera que dix ans plus tard qu'il reviendra sur ces faits, lorsque, éclairé 
par les discussions de ses contemporains, il aura mieux observé le sujet 
qu’il ne fait qu’effleurer dans les pages que je cite. C’est dans cet esprit, 
d’ailleurs, qu’il décrit vingt et une espèces de Ligules auxquelles il ne 
consacre pas moins de vingt pages, et encore discute-t-il une espèce 
douteuse trouvée dans un squale. 

Je ne rapporterai pas ici le nom de toutes ces espèces, qui sont en 
grande partie ceux des animaux chez lesquels elles ont été trouvées; 
j'indiquerai plus tard ce que de Blainville a dit à ce sujet. 

Le second ouvrage de Lamarck me séparant seul du second traité de 
Rudolphi, j'interromps un moment l’ordre chronologique que j'ai adopté 
pour résumer les notions fournies par le Synopsis entozoorum de ce der- 
nier (1); je les analyserai toutes en peu de mots. Il a observé que les 
Ligules des poissons n’ont que des ovaires « latents », tandis que celles 
des oiseaux ont des ovaires « distincts ». On ne voit pas les ovaires dans 
les premières, on les distingue dans les secondes. Ces observations mul- 
tipliées lui permettent d'établir l'hypothèse que les Ligules des poissons 
se développent dans les oiseaux, et cette hypothèse admise, il est conduit à 
restreindre le nombre de ses espèces qui n’est plus cette fois que de sept, 
cinq se rapportant aux Ligules des oiseaux, une se rapportant à la Ligule 
d'un phoque, et une autre enfin réunissant, sous le nom de Ligula sim- 
plicissima, toutes les Ligules des poissons. 

A partir de cette époque, la question de savoir si les Ligules des pois- 

sons vont dans les oiseaux, pour se développer, sera sans cesse agilée et 
trouvera ses partisans et ses adversaires. 
Lamarck revient sur les Ligules dans son Histoire des animaux sans 
vertébres (2), mais il déclare ne connaître que la première espèce et il 
semble emprunter à Rudolphi les documents au moyen desquels il dé- 
crit neuf espèces : cinq dans les poissons et quatre dans les oiseaux. La 
désignation de ces espèces, toutes empruntées à Rudolphi, semble être 
prise au hasard et une véritable confusion en est le résultat; car on se 
demande pourquoi Lamarck n'accepte pas toutes les espèces de Rudolphi, 
et on cherche vainement la raison du choix qu'il a fait. 

Dans son mémoire intitulé Enthelminthica (3), Bojanus mentionne les 
Ligules, mais d’une façon presque accessoire. Pour lui ce sont des ento- 
zoaires douteux qui doivent sous beaucoup de rapports faire des excep- 
tions dans le monde des enthelminthes. C’est surtout au point de vue 
anatomique qu'il étudie les entozoaires, en prenant des exemples un peu 
dans toutes les classes et en étudiant successivement des Cysticerques, 
des Ampbhistomes, des Distomes, des Strongles et des Échinorhynques. 


(4) C.-A, Rudolphi, Entozoorum synopsis. Berlin, 1819, 


(2) Lamarck, Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, t. III, p. 170. 
Paris, 1816. 


(3) Bojanus, Enthelminthica, in Isis von Oken crster Bd, p. 462-190. 1821. 
JOURN. BE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — T, XII (1877). 22 


338 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


* À la même époque, c’est à-dire en 41821, parut le traité De helmin- 
thibus acanthocephalis, par Westrumb. Les Ligules y sont signalées chez 
les oiseaux et les poissons, et c’est toujours la Ligula simplicissima qui 
est seule signalée (1). Westrumb a constaté la présence de cette Li- 
gule, pour les oiseaux, dans À espèce de falco, 3 espèces d’ardea, 1 espèce 
de scolopax, 2 espèces de sterna, 4 espèces de colymbus, 4 espèces de 
larus, 2 espèces de pélicans, 3 espèces de mergus et 1 seule espèce 
d’anas; pour les poissons, les cyprins sont représentés par 6 espèces, 
tandis que toutes les autres espèces ne sont représentées que par 2 per- 
ches, 1 silure et À saumon. On voit déjà que les canards sont en très- 
faible proportion par rapport aux autres oiseaux aquatiques, tandis que 
les cyprins l'emportent de beaucoup sur tous les autres poissons. 

L'Encyclopédie méthodique de Diderot et d’'Alembert renferme, dans 
l'Histoire des zoophytes publiée en 1824, un article assez intéressant sur 
le mot Ligule (2). Le nom seul du signataire me faisait un devoir de 
signaler ce résumé, car on sait combien Eudes Deslongchamps était 
compétent sur l’histoire des entozoaires des poissons. Ceux qui l'ont 
connu ont pu l'entendre répéter souvent : «C’est dans les poissons qu'il 
» faut chercher, parce que c’est là que l’on trouvera la clef de bien des 
» faits relatifs au parasitisme des vers. » 

Eudes Deslongchamps groupe les caractères généraux des Ligules 
sous deux chefs : 

1° Avant le développement complet; 

2° Après l’entier développement. 

Puis il décrit les Ligules en empruntant son texte aux notions fournies 
par Rudolphi et Bremser : comme Rudolphi, il dit que dans le royaume 
de Naples on mange sous le nom de macaroni piatti les Ligules qui vien= 
nent du lac Fuciano, et il adopte enfin les sept espèces de cet auteur, 
en ayant bien soin d'indiquer que la Ligula siraplicdseime renferme toutes 
les espèces des poissons. 

Ainsi l’idée de Rudolphi était déjà adoptée, et on sait maintenant que 
les Ligules des poissons sont «avant leur développement », tandis que 
celles des oiseaux sont les premières « après l’entier développement. » 

Mais, ainsi que j'ai déjà eu l’occasion de le dire, ces idées n’ont pas 
été partagées par tout le monde, car en 1824 paraissait également le 
traité de Bremser, qui n’accepte pas celte théorie (3). | 

Bremser n’est pas cependant exclusif, car il dit : « Quoique j ’aie posé | 
» en fait que la communication des vers ne pouvait pas avoir lieu par. 
» l'intermédiaire des aliments et des boissons, je ne veux pas cependant 
» nier la possibilité que les vers qui se sont introduits par ce moyen 


(1) A.-L. Westrumb, De helminthibus acanthocephalis. Hanoveræ, 1821. 

(2) Histoire nalurelle des 300phytes, par Lamouroux, Bory Saint-Vincent, Eudes 
Deslongchamps, faisant suite aux Vers de Bruguière. Paris, 4824, t. II, p. 491. 

(3) Bremser, Trailé zoologique et physiologique sur les vers intestinaux de 
l'homme. Traduction de Gründler, revue par de Blainville. Paris, 1824. 


DE LA LIGULE. 399 


» dans le canal intestinal d’un animal ne puissent y vivre, dans quelques 
» cas, pendant un certain temps. 

Bremser a fait entre autres observations une remarque d’une très- 
grande exactitude : il a constaté que l’on trouve des Ligules dans les 
oiseaux aquatiques, et il dit que dans l’estomac on les voit tels qu'ils se 
trouvent dans la cavité abdominale des poissons. « Mais ceux qui se sont 
» glissés plus loin que l'estomac ont éprouvé une altération, et elle est 
» d'autant plus visible qu’ils se trouvent plus éloignés de ce viscère..…… 
» Leur corps est allongé, aminci, ou au moins lésé ou comme macéré à 
» l’une de ses extrémités, de manière que l’on aperçoit clairement qu'ils 
» ont été en partie soumis aux lois de la digestion. » 

Un peu plus loin, il cite une observation relative aux mouvements 
des Ligules. « Quand on transporte de ces vers d’une assiette très-chaude 
» sur une très-froide, il s'opère alors par le changement de température 
» des contractions inégales des fibres que l’on peut aisément prendre 
» pour des mouvements volontaires. » 

Les planches XI et XIT de l'Atlas de Bremser renferment cinq figures 
très-bien exécutées, comme. d’ailleurs toutes les autres; mais tandis 
que les trois figures de la planche XII représentent très-exactement la 
Ligule des poissons avec sa tête pourvue de bothridies; les deux figures 
de la planche XI peuvent induire en erreur, car elles attribuent aux 
organes reproducteurs de la Ligula uniserialis une disposition qu'ils sont 
loin d’avoir. Bremser les gratifie d’un pénis considérable; mais il est 
probable qu’il ne l’a fait qu’en se basant sur l’analogie de ces vers avec 
les Ténias, car rien de semblable ne se peut apercevoir. 

Dans ses Éléments, publiés en 1825, Duméril parle des Ligules dans 
les termes suivants (1) : « Les douves ou fascioles appartiennent à la 
» première section (vers aplatis), ainsi que les Ligules et les Linguatules. 
» On les trouve dans le foie des poissons, dans les poumons des oiseaux 
» et des mammifères. » Il n’est pas possible, on le voit, d'établir plus 
de confusion. 

Un auteur italien, Briganti, trouve dans un cyprin qu’il décrit comme 
espèce nouvelle sous le nom de Cyprinus lacustris une Ligule qu’il trouve 
un peu différente de celles qui sont déjà connues, et il l’appelle Ligula 
edulis, par la raison « qu’on la mange en friture avec le poisson, la pre- 
» nant pour de la graisse » (2). 

Parmi les observations de Briganti, on peut noter ceci : « En l'irritant 
» mécaniquement ou en la mettant dans l’eau, elle exécute des mouve- 
» ments. » 


Baër, en 1827, a encore étudié les Ligules dont il parle dans un tra- 


(4) A.-M.-C. Duméril, Éléments des sciences naturelles, t. II, p. 40. Paris, 4825. 
(2) Briganti, Atti della r. Accad. sc. di Napoli, t. I, p. 209. — Résumé de la 
description des Ligules qui habitent dans l'abdomen d’une espèce de poisson in Bul- 

letin de Férussac, t. XVIII, p. 467. 


310 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


vail intitulé : Contributions à la connaissance des animaux inférieurs; mais 
il en dit fort peu de choses que nous ne connaissions déjà. Il les consi- 
dère comme vers parenchymateux et ne fournit aucune observation 
nouvelle (1). 

L'année suivante vit paraître l’article Vers, écrit par de Blainville 
dans le Dictionnaire des sciences naturelles (2). De Blainville place les 
Ligules dans les anorhynques, troisième famille des bothriocéphales, 
qui eux-mêmes appartiennent au sous-type des parentomozoaires ou 
subannélidaires. Il indique les caractères généraux des Ligules, aux- 
quelles, sur la foi des précédents observateurs, il attribue un cirrhule, 
Et cependant, en parlant de Ligules trouvées dans une spatule, il dit : 
« On voyait aussi sur quelques individus des traces des ovaires, mais 
» sans circonscription ni orifices, et encore moins de cirrhules pour 
» chacun d'eux, comme l’a figuré M. Bremser pour la Ligule sparsa. » 

L'opinion de Rudolphi est vivement attaquée par de Blainville, qui, 
dans un style railleur et agressif, combat l’idée des migrations de ces 
vers, appuyée seulement sur ce que, péritonéaux dans les poissons, ils 
sont intestinaux dans les oiseaux. Comme conclusion, il se range du côté 
de Bremser, qu’il défend contre Rudolphi. Il n’accepte pas plus les 
espèces de Rudolphi que les opinions de cet helminthologiste. Il dit que 
ces espèces sont plus faciles à nommer qu'à caractériser, et il laisse 
supposer que Rudolphi seul pourrait les reconnaître ; dans la spatule 
qu'il a examinée, il a trouvé ue ou trente individus qui ne se ressem- 
blaient pas deux à deux. 

Le premier ouvrage de Créplin ne fait aucune mention des Ligules 
qu’on ne retrouve que dans les « nouvelles observations » et dans des 
notes insérées dans divers recucils. A l’encontre de de Blainville, Créplin 
adopte et défend l'opinion de Rudolphi (3). Je ne m'étendrai pas sur les 
faits invoqués par Créplin; ils m’exposeraient à trop de répétitions, et je 
n'insisterai que sur les genres et les espèces à l'égard desquels cet 
auteur semble avoir pris pour but principal une multiplication souvent 
injustifiable. 


Parmi ceux-là, je ne considérerai que le genre Schistocephalus et: 


l'espèce Ligula digramma. 

Le genre Schistocephalus me parait complétement inadmissihle et doit 
être totalement retranché. il est plus qu'évident que ce genre a été 
créé aux dépens d’une véritable Ligule, et tous les auteurs qui, acceptant 


(1) Baër, Beiträge zur Kenniniss der niedern Thiere in Nova acla Leop. Car., 


vol. XVII, p. 525. ; 

(2) De Blainville, article Vers du Dictionnaire des sciences naturelles, t. LVII, 
p. 611. 1828. 

(3) 3.-C.-H. Créplin, Novæ observationes de Entozois. Berlin, 4829. — J.-C.-H, 
Créplin, Ersch et Grub, Encyclopédie, XXXII. — J.-C.-H. Créplin et Trosche’'s 
Archiv, 1, p. 79. | 


- 


DE LA LIGULE. 341 


cette création, ont étudié les Schistocephalus, ont donné des descriptions 
que l’on peut sans crainte rapporter à des Ligules. Aussi doit-on, sans 
hésiter, considérer ce que l’on a attribué au schistocéphale comme appar- 
tenant de droit et de fait aux Ligules proprement dites. Le Bothriocephalus 
solidus et le B. nodosus, que Créplin veut réunir dans son schistocéphale, 
ne sont d’ailleurs que des Ligules. 

Quant à la Ligula digramma, établie plus tard par Créplin, elle n’est 
certainement qu'une Ligule ordinaire (monogramma ou uniserialis) dont 
les matrices ont été assez nettement limitées chez ces individus pour que 
Créplin ne voyant que les deux extrémités renflées ait cru devoir les 
considérer comme une série double d’ovaires. 

Comme j'aurai occasion de le démontrer, ces matrices ont la forme 
d’un 8 allongé. Lorsqu'elles sont pleines d'œufs, cette forme s’atténue 
beaucoup, ct, le compresseur aidant, l’étranglement du milieu vu à 
travers la masse même du corps a très-bien pu se montrer vide et faire 
croire à l'existence de deux ovaires séparés. Il n’en fallait pas tant pour 
que Créplin se hâtât d'établir une espèce nouvelle qui ne saurait pas 
plus être admise que le genre précédent. 

En 1831, Melhis (1) rendant compte de l'ouvrage de Créplin et le 
faisant servir à ses propres études en adopte complétement le sens; il 
reproduit ainsi le Schistocephalus dimorphus. La figure qui accompagne 
son Mémoire représente un corps bien annelé de Ligule avec un pénis 
très-saiilant et une vulve placée au-dessous. On ne pouvait rien imagi- 
ner de plus contraire à la vérité. 

En 1834, M. Milne Edwards publia ses remarquables Éléments de 
zoologie (2), dans lesquels il cite les Ligules comme appartenant à la fa- 
mille des Cestoïdes (les Ténias sont pour lui les Ténioïdes). Il dit qu’ils 
» ne présentent ni suçoirs ni autres organes extérieurs et ressemblent 
» à un long ruban finement strié en travers, dans la substance duquel 
» on trouve seulement des œufs. On n’en connaît qu'un genre (les Li- 
» gules) qui se rencontrent dans l'abdomen des oiseaux et des poissons. » 

Un travail publié par Siebold en 1838, dans les Archives de Wiegmann, 
contient une note qui me parait avoir une certaine importance (3) : 
« Les jeunes et les embryons de Cestoïdes que j'ai observés jusqu'à pré- 
» sent manquent d'organes apparents (il s’agit des organes internes). Je 
» dis ceci parce que Créplin place dans les animaux infusoires les 
embryons du Bothriocephalus ditremus, de la Ligulu interrupta et de la 
» Ligula serialis, qu'il avoue lui-même ne pas bien connaître, et son 
assertion n’est qu’une supposition. » 

Il ressort clairement de ce passage que Siebold connaissait déjà les 


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ÿY 


(1) Melhis, in /ses von Oken, 1831, p. 166-199, pl. I, fig. 4 et 2. 

(2) H. Milne Edwards, Éléments de zoologie, t. I, p. 1034. Paris, 1834. 

(3) C.-Th. Siebold, Bericht über die Leistungen in Gcbiete der He'minthologie 
während des Jahres 1837, in Archiv für Naturg, p.. 304, Wiegmann., 1838. 


34? DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


embryons des Ligules, puisqu'il déclare que Créplin les méconnaissant 
les a considérés comme infusoires. Il est de toute évidence que s’il a pu 
relever cette erreur de Créplin c’est parce qu’il a eu lui-même connais- 
sance de ces embryons. 

En 1839, Lereboullet s'occupe des Ligules, dans lesquelles il décrit un 
système nerveux, et son observation est citée plus tard par Siebold et | 
Stannius (1). 

En 1841, Siebold revient encore sur les Ligules pour se ranger à 
l'opinion de Créplin, et il déclare alors que la Ligule à deux sillons du 
Cyprinus carassius donne chez les oiseaux la Ligula digramma, de même 
que la Ligula simplicissima devient dans les mêmes conditions la Ligula 
monogramma (2). Siebold constate ces deux transformations, qu'il ne fera 
que confirmer par la suite. 

Les citations de Pouchet, dans sa Zoologie classique (3), ne sont que les 
reproductions en résumé des notions établies par son illustre maitre et 
ami de Blainville : aussi ne citerai-je cette indication qu’à simple titre 
de renseignement bibliographique. 

Pour Dujardin, toute l’histoire des Ligules est douteuse (4). C’est avec 
un point de doute qu'il inscrit parmi les Cestoides vrais ou Ténioïdes, 
le douzième genre, le genre Ligula, Bloch. « Les Ligules, dit-il, sont 
» des vers en forme de bandelette blanche, sans articulations distinctes 
» et souvent même sans tête et sans autres organes distincts : aussi est-il 
» presque impossible de les caractériser comme espèces et même comme 
» genre.» Après avoir indiqué ainsi son opinion, il décrit les Ligules 
d’après les renseignements fournis par Rudolphi, Créplin, Bloch, etc., 
et il admet sept espèces, parmi lesquelles la Ligula digramma de 
Créplin. 

Correspondant à 1850, on trouve le petit Manuel d'anatomie comparée 
de Siebold et Stannius (5). Parmi les différentes indications, on peut 
remarquer les suivantes : « La scission des anneaux est imparfaite chez 
» la Ligula et le Triænophorus, où elle se borne presque à un étrangle- 

ment des bords latéraux. L’utérus des Ligula, Triænophorus et Bothrio- 
» cephalus consiste absolument, comme chez les trématodes, en un tube 
» très-contourné et rempli d'œufs ovales. Les œufs sont ovales et inco- 
» lores chez les Ligules. » 

Enfin il est question d’un pénis « qui fait saillie par un orifice spé 
» immédiatement en avant de la vulve ». Après l'embryon, voici main- 
tenant les organes reproducteurs qui commencent à être connus dans le 
sens interprété par la plupart des auteurs, mais il faut dire que c’est dans 


(1) Lereboullet, in Institut, p. 118, 1839. 

(2) C.-Th. Sicbold, Berich über die Leistungen in der Naturgeschichte der Annu- 
laten, 1840, in Archiv für Naturg. Wiegmann, 1841. 

(3) F.-A. Pouchet, Zoologie classique, t. IE, p. 537. Rouen, 1841. 

(4) F. Dujardin, Histoire naturelle des helminihes, p. 628. Paris, 1845. 

(5) Siebold et Stamius, Nouveau manuel d'anatomie comparée. Paris, 1850. 


DE LA LIGULE. 313 


le sens qui n’est pas tout à fait celui de la vérité. Car la notion du pénis 
ne peut se déduire que d'observations superficielles où sa comparaison 
avec le Ténia entraine l'observateur un peu loin du but véritable. Siebold 
d’ailleurs revient plus tard sur cette opinion, qu’il me semble avoir 
empruntée pour le moment (à Melhis peut-être ou à Bremser); car, lors- 
qu’il s'occupe exclusivement du bothriocéphale, il ne reconnait plus 
un pénis véritable, mais « un organe intromittant qui se dégage des 
» parois du conduit séminal et capable d’une extension considérable ; 
» il est souvent invaginé ». 

Les migrations des Ligules semblent désormais être considérées 
comme chose certaine et incontestable, car le principe en est nettement 
posé par Diesing dans son Systema helminthum, publié en 1851 (1). Pas 
plus dans le corps de cet ouvrage que dans sa Revision der Cephaloco- 
tyleen (2), Diesing n’ajoute à l’histoire des Ligules aucun fait nouveau ou 
personnel. Il se borne à condenser les notions fournies par ses prédé- 
cesseurs et ses contemporains, et, si le livre de Diesing est un aide pré- 
cieux pour ceux qui veulent s’éviter la peine de faire des recherches 
bibliographiques, en revanche il n’apprend rien de nouveau à celui 
qui a lu tous Les auteurs résumés par Diesing. J'irai même plus loin, et 
je dirai que si Diesing avait bien connu les Ligules il aurait fait justice 
des notions qui se rapportent à l'habitat sous-cutané de ces Cestoïdes chez 
les mammifères, les oiseaux et les batraciens. Je dirai encore que, tout 
en posant le principe de la migration, Diesing a complétement brouillé 
les espèces sur l'observation desquelles repose ce principe. C’est ainsi 
qu'il établit d’abord deux états : 1° Sfatus inevolutus; 2° Status evolutus, et 
à la suite de cette division il indique, sans aucun ordre et sans les sé- 
parer, les espèces qui s’y rapportent. Aussi l'ouvrage de Diesing ne sau- 
rait-il fournir autre chose qu'une longue série de noms synonymiques. 

Lorsqu'il veut s'étendre aux notions anatomiques, ‘Diesing ne me 
paraît pas plus heureux que lorsqu'il se borne à la description des 
espèces ; je n’en donnerai pour preuve que la manière dont il résume 
les observations faites par Wagener sur l'embryon. C’est sur ce résumé 
que quelques auteurs se sont appuyés pour affirmer la découverte de 
l'embryon; mais c’est une citation dont l'analyse suivante fera ample- 
ment ressortir l’inexactitude. 

Dans les Annales des sciences naturelles de 1853, on trouve au tome XIX 
une note de Rudolph Wagner sur le développement des vers intesti- 
naux. Dans le tome suivant, la rédaction a inséré une note rectificative 
pour attribuer à Guido Wagner et non à Rudolph Wagner la lettre qui, 
écrite de Berlin le 6 mars 1853, a fait l’objet de ja note précédente. Dans 
le Catalogue of scientific papers, vol. VI, on retrouve ces deux indications 


(4) Diesing, Systema helminthum, t. I, p. 579 et suivantes. Vindobonæ, 1851, 
2 vol. 
(2) Diesing, Revision der Cephalocotyleen. 


344 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'’HISTOIRE 


toujours attribuées à Wagner. Or, les Contributions au développement des | 
entozoaires sont de Guido-kudolph Wagener. 

Il ne parait pas douteux qu'une erreur de nom se soit glissée au 

uilieu de tous ces noms propres, et que toutes ces observations doivent 
être rapportées à l’auteur dont je viens d'écrire en dernier lieu le véri= 
table nom (1). Le travail de Wagener, paru en 1857, forme un long 
Mémoire accompagné de nombreuses. planches, et à l'égard des Ligules 
on peut en extraire comme notion imporlante les considérations que je 
transceris ici : « L'embryon a la forme d’une sphère contractile de nature 
» sarcodaire présentant en haut trois paires de crochets. On n'a pas 
» encore observé directement comment il quitte son enveloppe. On 
» voit quelquefois l'animal faire des mouvements de ses crochets dans 
» l’œuf, cela laisse supposer qu’il se sert de ses crochets pour ouvrir 
» l'œuf. Les articles se détruisent pendant le développement de l’œuf, 
» qu'ils protégent simplement. Cette destruction est nécessaire au déve- 
loppement. Jusqu'à présent les embryons de tous les Cestoïdes se 
ressemblent. Ils ne diffèrent que par la taille, etc... » 
Parlant ensuite des transformations, Wagener arrive à l’état de scolex, 
qu'il appelle « poche de cestode ou vésicule de cestode », et il dit : « Pen- 
» dant que chez les Tetrabothrium l'embryon est encore loin du but de 
» son développement, celui de la Ligule est déjà à la limite de sa jeu- 
» nesse. Des petites modifications immédiates de l'extrémité de la tête 
» (Caryophylleus) ou aussi aucune modification (Liqula proglottis) ne 
» peuvent être considérées comme formation de la tête, ainsi que chez 
» les Echinococcus.. La vésicule de cestode n’engendre donc ici rien de. 
» nouveau, Ce qu’elle forme, ce ne sont que des organes sexuels et des 
» masses pour l'augmentation de son corps. Il faut donc la regarder 
» comme une larve. » 

Plus loin Wagener ajoute : « Comme membre intermédiaire entre le 
» type de développement simple d’une Ligule et le type plus composé 
» d’un Tetrabothrium s'intercalent les formes jeunes de triænophores et 
» de Tœnia inermis. La faculté d'invaginer la tête existe chez les Triæno- 
» phores comme chez la Ligule, La formation des articles, qui est si 
» peu marquée chez la Ligule, peut s'élever jusqu’à des incisions impar- 
» faites chez le Triænophore. » 

Dans ses conclusions, on peut encore remarquer : «Chez Tetrabo- 
» thrium, Ligula, Tænia inermis, des organes naissent à l'extrémité de la 
» tête de l’embryon'en forme de fosses, ventouses, incisions, crochets. » 

Enfin la figure 15 de la planche Il indique l'embryon de la Ligule 
très-exactement représenté. 

On voit qu'il y a bien loin de toutes ces observations à la phrase 
que quelques auteurs ont empruntée à Diesing : Embryo adhuc dubius, 


ES € 


(4) Wagener (Guido-Rudolph). Beiträge zur Entwickelungsgeschichte der Emn- 
geweidewürmer, in Haarlem nat. verh. Maatsch. Wett. XII, 1857. 


DE LA LIGULE. 345 


Ligulæ speciei incertæ, ovalis, uncinulis seæ, subrectis versus unam extremi- 
tatem. 

. En 1854, on trouve dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences 
de Paris, un travail de M. Brullé (1) d’où ressortent les faits suivants : 
« Les Ligules sont vivipares pendant ce qu'on regarde comme leur état 
» de larve, ct ovipares lorsqu'elles sont parvenues à l’état parfait. » Mais 
M. Brullé n’a pas été le premier à indiquer cette prétendue viviparité, 
car M. Van Beneden la fait connaitre en 1858 dans les termes que je 
transcris ici, par anticipation sur ce que j'aurai à dire de ce savant hel- 
minthologiste : « Sparing écrivit, vers le milieu du siècle dernier, une” 
» notice curieuse dans laquelle il est question des Ligules des poissons 
| » qui mettent au monde des petits vivants. Ce passage, reproduit par 
» Goëze, a souvent attiré l'attention, mais sans produire d'autre effet que 
» de l’étonnement. » 

Les prétendues poches génératrices signalées par M. Brullé ne sont 
que les matrices rudimentaires dont il donne le signalement très-exact ; 
il en méconnait seulement et l'ouverture et surtout le rôle. Le système 
vasculaire est très-bien indiqué dans le travail de M. Brullé, et on est. 
presque tenté de regretter qu'il n’ait pas servi de modèle aux auteurs qui 
ont supposé une vascularisation probable en se basant sur le trajet suivi 
par les bulles de gaz dégagées à la suite de l’action de l'acide acétique 
sur les corpuscules calcaires. Eu égard à la nature lacuneuse du paren- 
chyme, ce mode de recherches est singulièrement inféricur à celui de 
l'injection, employé avec succès par M. Brullé, et à celui de l'observation 
directe, par la section horizontale, que j’ai.pu moi-même pratiquer. 
Relalivement aux migrations chez les oiseaux, M. Brullé ajoute qu'il a 
| commencé des recherches sans résultats, mais il annonce qu'il se pro- 
| pose de les continuer. 

Du travail de Leuckart inséré en 1855 dans les Annales des sciences 
naturelles (2), je ne retiendrai que ceci : c’est que les crochets des 
embryons de Cestoide débutent par des tubercules et que le développe- 
ment dure dé quatre à six semaines. Ces indications me permettent de 
constater encore une fois que les Ligules rentrent dans la règle générale 
applicable aux Cestoïdes. 

C'est dans le volume des mêmes Annales se rapportant à l'année 1855 
que l'on trouve la traduction du travail de Siebold (3), de ce travail qui, 


. (1) Brullé, Observations sur les Ligules, in Compt. rend. Acad, des sciences de 
Paris; t.. XXXIX, p. 773. 4854. 

(2) Leuckart, Note sur le développement des vers inleslinaux, in Ann. sc. nat, 
1855, p. 351. 

(3) C.T. Siebold, Mémoires sur les vers rubanés el vésiculaires de l’homme et des 
animaux. Traduit, Ann. sc. nat. zvol. 4° série, t. IV, 4855. — C.-T. Siebold, Ueber 
die Band und Blasemwürmer, nebst einer Eïinleilung über die Entsteclung der Ein- 
geweidewurmer. Leipzig, 4854, in-8. 


3A6 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


publié à Leipzig, fut traduit en anglais par Huxley et en français pour 
les Annales des sciences naturelles. Dans cette œuvre qui me paraît avoir 
une très-grande importance, on trouve les phrases que je transcris ici : 
«Il en est tout à fait de même du Ligula simplicissima, qui vit en pa- 
» rasite dans la cavité abdominale de diverses espèces de carpes, et qui 
» y conserve toujours les organes générateurs à l’état rudimentaire; 
» tandis qu'après être parvenu avec le poisson qui lui sert d'hôte dans 
» l'intestin des canards, des grèbes, des hérons et autres oiseaux aqua- 
» tiques, il achève de se développer et ses organes sexuels arrivent à 
» maturité. Dans les systèmes helminthologiques du siècle dernier on 
» donnait à cette Ligule adulte, parvenue aux diverses périodes de son 
» développement, d’autres noms, et on l’appelait tantôt L. sparsa, L. 
» uniserialis (le texte des Annales porte par suite d’une faute d'impres- 
» sion universalis), L. alternans, L. interrupta, etc... » 

Ainsi, d’après Siebold, la Ligula simplicissima est la larve de la Ligula 
monogramma où uniserialis, ce qui est exactement la même chose que les 
conclusions des travaux actuels, et Siebold a déjà dit ailleurs que la 
Ligula simplicissima devient la L. monogramma (1). 

Mais Siebold émet encore une autre opinion à l’égard des Ligules : 
« Dans le genre bothriocéphale, dit-il, les articles arrivent aussi à être 
» bien délimités, mais n’ont que peu de tendance à s’isoler compléte- 
» tement. Chez le Triænophorus, la division en articles est moins pro- 
» noncée, et chez la Ligule elle est encore plus incomplète... Sous ce 
» rapport, une Ligule considérée comme un animal composé peut se 
» comparer à certains polypiaires dans lesquels les individus sont égale- 
» ment moins indépendants et s’isolent par des troncs communs. » 

Enfin Siebold se sert de l'expression de «nourrice » pour désigner la 
Ligule à organes reproducteurs rudimentaires. | 

Ici se placerait l'ouvrage de Wagener que je viens d'analyser, et à la 
suite, c’est-à-dire en 1858, appartient le Mémoire sur les vers intestinaux 
de M. Van Beneden (2). Je dois en premier lieu établir que, dans ce 
savant et remarquable Mémoire, il n’est question des Ligules que d’une 
manière très-accessoire. M. Van Beneden n’a pas eu toujours assez de 
Ligules à sa disposition ; il le déclare lui-même, et, obligé de s'en rap= 
porter souvent à ce qu'avaient dit ses devanciers, il n’a pu ajouter beau- 
coup à la question qui m'occupe. Aussi, laissant de côté ce qui, dans le 
mémoire se rapporte à l'historique, je ne prendrai parmi les autres 
notions que celles qui présenteront un véritable intérêt. 

Il dit que l'embryon granuleux n’a pas de crochets; mais il prend. 
pour l’embrvon le simple contenu de l’œuf qui ne s’est pas encore déve- 
loppé, et cette indication ne saurait dès lors surprendre. Le résultat 
négatif des deux seules expériences qu’il a pu faire le laisse encore 


(4) Voy. page 342. h 
(2) P.-J. van Beneden, Mémoire sur les vers intestinaux. Paris, 1858. 


DE LA LIGULE. | 347 


hésitant; après ses observations M. Van Beneden n'aflirme rien, il se 
contente de doutes qu'il exprime ainsi : « Ces vers atteignent déjà toutes 
» leurs dimensions dans les cyprins et ne changent pas extérieurement 
» dans les nouveaux hôtes à sang chaud. Leurs organes sexuels existent- 
» ils seulement dans le dernier cas? Créplin l’affirme. Quant à nous, 
» nous en doutons. Nous n'avons pas étudié des Ligules de poisson dans 
» ce but et on les trouve trop rarement pour avoir pu décider cette 
» question. Deviennent-elles seulement complètes et sexuelles dans 
» les oiseaux? Nous n’oserions l’affirmer; au contraire, nous ne serions 
» pas étonnés si on démontrait que les Ligules des harles, au lieu de se 
» compléter dans les oiseaux aquatiques, y séjournent seulement et 
» qu’elles sont évacuées ensuite, comme elles ont été introduites, avec le 
» résidu des aliments. » 
M. Van Beneden n'affirme donc pas plus le pour que le contre. Il 
établit des réserves dont il faut tenir un compte d'autant plus sérieux que 
M. Van Beneden ajoute quelques pages plus loin : «Les pseudophylles 
» comprennent deux geures assez remarquables sous le rapport des 
» transmigrations : les genres Ligule, Schistocéphale; ils vivent d’abord 
» dans les poissons et passent, avec ceux aux dépens desquels ils vivent, 
» dans l'intestin des oiseaux. Ce n’est que dans ces nouveaux hôtes à 
» sang chaud que ces vers deviennent adultes et complets par l’appari- 
» tion de leur appareil sexuel, » Les conclusions de M. Van Beneden ne 
sauraient, dès lors, être opposées à celles auxquelles conduisent les re- 
cherches actuelles et une opinion ainsi formulée ne peut être combattue 
suivant une seule interprétation. 
Au sujet de l'embryon M. Van Beneden s’empresse encore de rectifier 
l’année suivante un fait mal observé : dans Le chapitre des vers, qu'il a 
traité dans la Zoologie médicale faite en collaboration avec M. Paul Ger- 
vais (1), il écrit que «les embryons ou protoscolex de plusieurs d’en- 
» tre eux (les Ligules) ont montré les six crochets des jeunes des ténias 
» ordinaires avant même leur sortie de l'œuf. » Dans ce même volume 
il ajoute : « Le corps des Ligules arrivé à l’état de strobile ne présente 
» pas de segments distincts, les proglottis ne s’en détachent pas comme 
» dans les autres Cestoïdes, mais la multiplicité de l’appareil sexuel per- 
» met de reconnaitre la limite de chacun des individus composants. » 
Dans le Traité des entozoaires de Davaine, publié en 1860 (2), on ne 
trouve, se rapportant à l’histoire des Ligules, que la citation du cas rap- 
porté par Montin; mais Davaine parait avoir ignoré la synonymie de 
Ligula simplicissima et de Fasciola intestinalis, car ce nom de Fasciola l’a 
conduit à supposer que les auteurs avaient rapporté au Distome hépatique 
les fragments qu'il croit appartenir à un Ténia ou à un Bothriocéphale. 
Il appuie sur ce fait, en disant que dans les poissons se trouvent des vers 
plus ou moins semblables « qui ne sont pas des Distomes ». 


(1) P. Gervais et van Beneden, Zoologie médicale, t. II, p, 232. Paris, 1859. 
(2) C. Davaine, Traité des entozoaires. Paris, 1860. 


318 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


Le Dictionnaire de Dupiney de Vorepierre (1) contient sous le titre 
ParencaymatTeux un article dans lequel il est dit que les Ligules des 
oiseaux sont les mêmes que celles des poissons, mais qu’elles ne peuvent 
prendre tout leur développement que lorsque de l'abdomen des derniers 
elles ont passé dans l'intestin des premiers. 

Dans le traité de Cobbold, paru en 1864 et intitulé : Entozoa (2), on 
trouve de précieux renseignements sur l'anatomie des organes repro- 
ducteurs du Bothriocéphale et sur le développement de l'œuf de cet 
helminthe. Les figures qui accompagnent le texte montrent « l'embryon 
» hexacanthe s’échappant de sa couverture ciliée » (embryophore). Une 
figure tirée de Leuckart montre l'œuf segmenté sorti de sa coque oper- 
culée. En ce qui concerne spécialement les Ligules, Cobbold reproduit 
les passages principaux de Siebold que j'ai déjà cités, et il ajoute : «On 
» ne peut guère douter que beaucoup d’autres prétendues espèces de 
» Ténias infestant les poissons se trouveront quelque jour être les formes 
» jeunes de Cestoïdes adultes également bien connus de la science. » 

Pour Cobbold, les Ligules appartiennent à la famille des Dibothridés, 
où le développement se montre uniforme dans tous les genres. 

Krabbe, à qui l’on doit des travaux remarquables sur les Ténias, s’est 
aussi occupé des Botriocéphales et des Ligules (3). Ce qu’il dit de ces 
dernières est trop important pour ne pas être cité textuellement : « Pour 
» Schistocephalus dimorphus et Ligula, la croissance se passe principale- 
» ment dans le premier séjour (différentes espèces de poissons), de 
» manière qu'ils ont déjà atteint un développement considérable lors- 
» qu'ils entrent dans l'intestin des oiseaux aquatiques, dans lesquels ils 
» trouvent, pour la première fois, les conditions pour le développement 
» et l’activité de leurs organes sexuels. » Krabbe s'ajoute donc à la liste 
nombreuse de ceux qui constatent que, pour Schestocephalus et Ligula, 
les phénomènes sont exactement les mêmes, à ce point qu’on peut très- 
bien Les confondre et prendre l’un pour l’autre. 

L'année 1869 est relativement féconde en observations sur les Ligules; 
aussi faut-il s'étonner que les publications de cette époque aient été 
totalement négligées par les observateurs les plus récents. Le Zeis- 
tschrift für Zoologie de cette époque contient une note sur le dévelop- 
pement du Schistocéphale, par Rudolf Willemoes-Suhm (4). L'auteur 
de la Notice helminthologique commence par dire qu'il a ‘supposé que … 
les œufs de la Ligula monogramma devaient se développer dans l'eau. 
Aussi les met-il dans un verre plein d'eau placé dans un bassin de sable 


(1) Dupiney de Vorepierre, Dictionnaire français, p. 634, article PARENCHYMA- 
TEUX. 

(2) T. Spencer Cobbold, Entozoa. London, 1864. 

(3) H. Krabbe, Holminthologiqte Undersogelser à Danmark ogpaa Island., in Vi- 
densk. selsk. skr.-5 Rakke, nalurv. og. mathem. afd. 7 Bd. #4 

(4) Rudolf Villemoes-Suhm., Notice helminthologique, in Zeilschrift für viss, Z00- 
logie von Siebold u. Külliker, t. XIX, p. 469. Leipzig, 1869. 


DE LA LIGULE, 319 


bumide. La température de la chambre était de 16 degrés Réaumur. 
Mais il est arrivé à Willemoes-Suhm ce qui est arrivé à tous les observa- 
teurs qui se sont placés dans les mêmes conditions, c’est que les œufs 
placés dans un peu d’eau non renouvelée se sont décomposés, et il est 
arrivé au même résultat, toujours dans des conditions identiques, avec 
les œufs d’Holostomum platycephalum et d'Echinorhynchus angüstatus. 

Willemoes a été conduit à supposer que l’eau n’était pas assez fraiche, 

et il a recommencé dans d’autres conditions ; mais cette fois il prend les 
œufs d’un ver qu'il croit être le Schistocephalus dimorphus ; il assiste au 
développement complet, qu'il décrit dans toutes ses phases et qui est 
très-exactement celui de la Ligule. Or, il n'est pas difficile d'affirmer 
que ce prétendu Schistocéphale n'était qu’une Ligule ordinaire ; car je 
doute qu'aucun helminthologiste puisse distinguer nettement ces deux. 
genres, et Willemoes-Suhm s'exprime lui-même trop clairement pour 
qu'on ne soit pas obligé de reconnaître avec moi que c’est d’une véri- 
table Ligule qu'il décrit très-exactement le développement. Il dit, en 
effet : «Jai trouvé le ver dans l'intestin du Larus ridibundus tué sur le 
» lac de l’Ammer-See, mais qui était de passage, vu que l’épinoche 
» avec laquelle la mouette à dû avaler le parasite manque au système 
» fluvial du Danube. » L’épinoche est, on le sait, le poisson habité par 
les Ligules, et ce sont ses débris presque entiers que Willemoes-Suhm 
trouve avec la Ligule, ainsi qu’il l'annonce au début. 

Il importait avant tout d'établir la confusion dans laquelle était tombé 
l'auteur dans la détermination du sujet qu'il a observé; car l’analyse du 
développement lui-même ne nous apprendrait rien que ne puissent 
nous montrer les études anatomiques qui vont suivre. J'ajouterai enfin 
que M. Van Beneden est si bien de mon avis à cet égard que, parlant du 
travail de Willemoes-Suhm, il accompagne le nom de Schistocephalus 
dimorphus d'un ?. 

C'est à Laboulbène que l’on doit l’article Lieuce, paru en 1869 dans 
le Dictionnaire des sciences médicales de Dechambre (1). C’est un résumé 
des notions déjà acquises, et l’on peut surtout y remarquer l'opinion 
ainsi formulée : « Quand les Ligules sont arrivées à l'état strobilaire, 
» leur corps ne présente pas de segments distincts; les proglottis restent 
» unis sans se détacher, à la manière des cucurbitains des Ténias; toute- 
» fois la multiplicité de l'appareil sexuel laisse voir la limite exacte des 
» individus composant le ver cestoïde. » 

Toujours à 1869 appartient l'ouvrage que je viens de citer, Les vers 
et zoophyles de G. Cuvier (2). Quoiqu'il n’en porte pas le nom, il est dû 
à M. Paul Gervais, et si je n’ai pas parlé en son moment du règne animal 
de Cuvier, c’est que je réservais pour les publications de M. Gervais les 


(1) A. Dechambre, Diclionnatre encyclopédique des sciences médicales, 2° série, 
t. IF, art. LIGULE, p. 575, signé A. Laboulbène. Paris, 1869. 
(2) Les vers et 3oophyles da Georges Cuvier. Paris, 1869, Baillière. 


350 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


notions que j'avais à lui emprunter. Au texte de Cuvier M. Gervais 
ajoute des figures, parmi lesquelles celles qui se rapportent aux Ligules 
sont des reproductions des figures de Bremser. La Bothridie céphalique 
y est bien indiquée. Quant au texte, il porte que la Ligula simplicissima 
est parasite des cyprinoiïdes d'Europe ainsi que des oiseaux d’eau. 

Je ne ferai que signaler le Manuel d'anatomie comparée de Gegenbaur, - 
publié en 1874 (1). On y trouve quelques renseignements anatomiques 
se rapportant à la segmentation, à la couche cuticulaire, aux fibres 
musculaires et à l'appareil reproducteur des Ligules, dont l’auteur 
constate la forme tubulaire. Je citerai encore de Gegenbaur l'opinion 
que les canaux des vers plats forment un système de canaux excréteurs. 

Au mois d'avril 1876, M. Lortet, professeur à la Faculté des sciences 
de Lyon, fit à la réunion des Sociétés savantes, à la Sorbonne, une com- 
munication sur les migrations des Ligules (2). IL indiqua les Ligules 
comme étant tour à tour parasites des poissons d’eau douce, tels que les 
tanches, et ensuite des oiseaux tels que les canards. 

M. Lortet ne se borna pas à la simple narration de ces faits, qui étaient 
déjà connus, mais il constata surtout que l'expérience les confirme et « 
que le développement des organes reproducteurs s'effectue avec une 
extrême rapidité. IL crut enfin devoir dire un mot de l'épidémie elle= … 
même, et il a annoncé que les Ligules se sont si fort multipliées parmi 
les poissons de la Bresse, que les propriétaires ont fait cette année des 
pertes énormes. | 

L'expérience, affirmative entre les mains de M. Lortet, venait à l’appui 
de l'observation, et celui-ci pouvait affirmer ce qui avait été d’abord | 
admis, puis rejeté, puis enfin admis comme hors de doute, ainsi que l'a 
montré l'analyse de tous les travaux qui précèdent. 

L'observation du savant organisateur du Muséum de Lyon semblait 
indiquer un travail suivi: il n’en était rien cependant, et le sujet aban= 
donné par lui fut repris par l’un de ses préparateurs, M. Duchamp, dans 
les conditions que je vais indiquer tout à l'heure. 4 

Mais auparavant j'emprunterai au travail qui va suivre une simple 
phrase qui me parait avoir assez d'importance pour être signalée ici. 

En analysant l’ouvrage de Bloch, M. Duchamp accuse M. Van Beneden 
d'avoir dénaturé le texte de Bloch, et il ajoute : « Ainsi donc Bloch a 
» ignoré la loi du parasitisme des Ligules, et bien qu’il eût été tout prés 
» de résoudre la question, égaré par ses idées théoriques, et surtout par 
» le besoin de les défendre, il ne fit pas de nouvelles tentatives où 
» peut-être, le hasard aidant, la cause d’erreur aurait été écartée. » 

Il semble découler de cette citation que M. Lortet n’a eu qu’à répéter 
les expériences de Bloch en observant avec plus d'attention, et que, le 


(4) Carl. Gegenbaur, Manuel d'anatomie comparée. Paris, 1874. 
(2) Revue des Sociétés savantes des départements, 6° série, t. III, p. 362. 1876. 
— Revue scientifique, 1876, Baillière, — Notes sur les communications de M. Lortet, 


* 


DE LA LIGULE. 351 


hasard l'ayant beaucoup mieux servi qu'il n'avait servi ce dernier, il 
avait pu voir l’évolution rapide dont il entretient la réunion. Il faut bien 
reconnaître que ce n’est pas dans ce sens que s'exprime l’auteur de la 
communication aux Sociétés savantes. 

Mais, en physiologie expérimentale, faire la part du hasard un peu 
trop grande me paraît une mauvaise méthode, et quand on veut avoir 
la clé d’un phénomène, il ne faut pas instituer des expériences et les 
diriger vers un but indéterminé en comptant trop sur le hasard, qui eût 
pu, selon l'expression précitée, aider un peu plus Bloch et le mettre sur 
la voie de la vérité, alors que, sans lui, il est resté dans l'erreur la plus 
complète. Compter enfin sur le hasard, c’est s’enlever tout esprit d'ini- 
| tiative et c’est faillir aux premiers devoirs imposés par les recherches 
scientifiques sérieuses où il semble que l'esprit d’intuition ne puisse 
laisser de place qu’à l’imprévu. 

J'arrive enfin au dernier travail publié sur les Ligules. Il a pour 
auteur M. G. Duchamp, que je viens de citer tout à l'heure, et il a été 
publié en 1876 (1). J'ai cherché à faire:de la question qui m'occupe une 
bibliographie aussi complète que possible, et si quelque lacune s’est 
produite, je dois déclarer qu’elle aura été bien involontaire. C’est pour- 
quoi je ne saurais passer sous silence une œuvre aussi récente que celle 
du docteur Duchamp, quoique les quelques pages qui la composent 
ne nous donnent que la simple confirmation expérimentale des faits 
reconnus et bien nettement exprimés par les précédents observateurs. 
Dès la première page, l’auteur semble avoir tranché une bien grande 
difficulté : ila pu déterminer, en effet, un ver qui était bien connu 
depuis fort longtemps, et, quoique ce ver ait de tout temps attiré l’atten- 
tion des naturalistes, il déclare que lorsqu'il parut dans la Bresse per- 
sonne ne songea à s'occuper de son histoire zoologique. De la Bresse au 
canal de Bourgogne il n’y a pas bien loin, et dans ce qui précède j'ai 
montré comment M. Brullé s'était occupé de cette histoire. Quant à 
l'épidémie elle-même, j'en ai assez dit dans la préface de ce volume 
pour n'avoir pas à y revenir ici. 

Les débuts de M. Duchamp arrivent encore à propos pour confirmer 
ce que j'ai déjà dit au sujet de la part que cet auteur attribue au hasard 
dans ses expériences; car on peut lire au troisième alinéa la phrase dont 
je reproduis ici une partie : « Dans le courant de l’année dernière, le 
» hasard nous fit rencontrer, en disséquant des tanches, un certain 
» nombre de ces parasites. » Six lignes plus haut, l’auteur avait cepen- 
dant annoncé que les poissons attaqués par les Ligules périssent par 
centaines de mille. Je ne vois pas que, dans ces conditions, le hasard ait pu 
intervenir dans les constatations que M. Duchamp établissait après un 
très-grand nombre d’observateurs. 

Tous les auteurs précédents qui ont étudié l’histoire zoologique de ces 


(4) G. Duchamp, Recherches anatom. et physiolog. sur les Ligules. Lyon, 1876. 


302 DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L'HISTOIRE 


parasites ontété, comme M. Duchamp, « vivement intrigués par leur sin- 
» gulier habitat», et tous comme lui «ont cherché à les mieux connaître », 
Et si M. Duchamp n'a trouvé « dans les auteurs, quant à l’évolution et 
» au développement, que des indications vagues », c’est qu'il a laissé de 
côté, comme je vais le montrer, ceux qui ont donné les affirmations les 
plus catégoriques. ete h 
Puis l’auteur me semble peu autorisé à dire qu'il a essayé de déter- 
miner le cycle des Ligules puisque ses études s'arrêtent juste au point où 
tous Les observateurs ont laissé la question et que le retour du parasite 
de l'oiseau au poisson n’a pas été abordé par lui. C'était, il me semble, | 
le point le plus important à établir, vu l’état actuel de la question. 
L'entrée en matière de M. Duchamp est terminée par une déclaration 
que l’on ne saurait laisser passer inaperçue. L'auteur y proclame qu'il 
ne s’est point contenté d'analyses plus ou moins fautives, mais qu’il est 
remonté aux sources mêmes des citations auxquelles il a fait de larges 
emprunts. Et, après semblable affirmation, on n’est pas peu surpris de 
voir que, dès les débuts de son historique, M. Duchamp s’est contenté 
d'emprunter à Rudolphi, sans remonter à leurs œuvres, les noms des 
premiers observateurs. | 
Ce chapitre est certainement le plus incomplet. Son titre même com- 
porte la revue de tout ce qui a été écrit sur les Ligules. Cette revue … 
devrait être à la fois complète et consciencicuse. Elle manque de ces 
deux qualités essentielles, et, pour rester dans le cadre d'analyse que je 
me suis tracé à l'égard de chaque auteur, je dirai que M. Duchamp n’a 
pris dans les quelques auteurs qu'il a cités que ce qui pouvait donner à 
son œuvre un caractère de nouveauté. 
C'est ainsi, par exemple, que M. Duchamp s’est empressé de citer les 
textes de M. Van Beneden où il est dit que les embryons des Ligules 
n'ont pas de crochets; de cette citation et de la discussion qui suit ilré= 
sulterait que M. Duchamp seul a montré les embryons hexacanthes des … 
Ligule:. Mais c’est ce qui ne saurait être admis, attendu que dans l’ou-. 
vrage de M. P. Gervais et Van Beneden on peut lire la phrase que j'ai 
déjà citée : « Les embryons ou protoscolex de plusieurs d’entre eux ont 
» montré les six crochets des jeunes des Ténias ordinaires avant même 
» leur sortie de l'œuf; » et attendu surtout les faits sur lesquels je vais. 
attirer l'attention. ra 
A la page 40 du travail de M. Duchamp on peut lire : « Celui-ci (il 
» est question de l'embryon des Ligules) était complétement inconnu. 
» Deux auteurs seulement en font mention, et encore avec une diver: 
» gence totale. Diesing, qui les cite dans sa révision Der Cephalocotyleen, 
» donne, d’après Wagener, ces quelques mots : « Embryo adhuc 
» dubius, Ligulæ speciei incertæ, ovalis uncinulis seæ, subrectis versus unam 
» extremitatem » (p. 31). Puis il renvoie au mémoire de M. Van Bencden 
lequel dit simplement que «le tissu qui constitue l'embryon est granu- 
» leux, et on ne voit rien qui ressemble à des crochets », (Op. cit., p. 41.) 


. DE LA. LIGULE. 5H) 


» De ces deux propositions l’une est erronée, l’autre tellement hypo- 
» thétique et incomplète qu'il est permis de la regarder comme fantaisiste. 

» L'observation directe des faits est donc le seul guide auquel nous 
» avons dû avoir recours pour la solution de ce second problème. » 

On reconnaitra avec moi que c’est pousser le mépris des prédéces- 
seurs à ses limites extrêmes que de taxer ainsi des œuvres que l’on a 
dédaigné de lire. Et si, comme il le dit dans son introduction, M. Du- 
champ, pour éviter des citations plus ou moins fautives, avait pris la 
précaution qu'il annonce, si, en un mot, remontant aux sources, il avait 
consulté l'ouvrage de Wagener, il ne se serait peut-être pas laissé cntrai- 
ner à une semblable appréciation. Il aurait lu, en effet, dans le mémoire 
de Wagener, imprimé en allemand et inséré en 1857 dans les Mémoires 
de la Société des sciences de Haarlem, la dissertation bien motivée sur 
l'embryon des Ligules, dissertation pour laquelle je renvoie à ce que j'ai 
dit plus haut en parlant de Wagener. 

Je ne lui reprocherai pas d’avoir laissé de côté les écrits de Linné, de 
Cuvier, de Lamarck, de Duméril et d’autres, où il n'est question des 
Ligules que d’une manière tout à fait accessoire; mais je ne saurais 
admettre que quiconque s'occupe d’helminthes n’aille pas demander 
des renseignements à Bremser, à Dujardin, à de Blainville, à Siebold et 
à tant d’autres que M. Duchamp n’a même pas pris la peine de consulter. 
S'il l’eût fait, il aurait connu exactement l’état de la question, et il ne se 
serait pas exposé à donner à ses conclusions une forme presque iden- 
tique à celle que l’éminent zoologiste allemand avait dounée aux 
siennes. 

De l’aveu de l’un des plus forts helminthologistes de notre époque, 
les recherches bibliographiques en helminthologie sont fort difficiles, et, 
pour me servir de l'expression de M. Van Beneden, elles sont fort péni- 
bles. Les écrits sur ce sujet sont nombreux et répandus dans une quan- 
tité de recueils que l’on ne peut pas toujours avoir sous la main. Mais si 
l'on est excusable de ne pas connaître les notes éparses dans tous les 
recueils étrangers, il n’en est pas de même des œuvres de Siebold, tra- 
dyites en anglais par Huxley, et dont une traduction française a été 
insérée dans les Annales des sciences naturelles. 

Que deviendraieni donc les travaux de nos illustres maitres si les 
commençants se permeltaient de les interpréter ainsi ou de les ignorer 
complétement? Conçoit-on, par exemple, des recherches sur la circu- 
lation des animaux inférieurs qui ne s’appuicraient pas sur les remar- 
quables travaux de M. Milne Edwards? Se figure-t-on des Études sur 
les fermentations laissant dans l'ombre les travaux de M. Pasteur? Et 
dans tout travail, enfin, ne doit-on pas avant tout s’enquérir de ce qu'ont 
fait nos prédécesseurs et nos maîtres? 

Le travail de M. Duchamp n’est que la simple confirmation expéri- 
mentale de ce qui a été, ainsi que je l'ai montré plus haut, énoncé par 
Sicbold; dès lors, pourquoi ne pas faire figurer ce qui aurait dû être 
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. x] (4877). 23 


394 DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L'HISTOIRE 


pris pour point de départ? Pourquoi aussi M. Duchamp n'a-t-il pas dit 
un mot de l’ouvrage de Bremser. Les renseignements qu'il y aurait 
trouvés lui auraient élé cependant très-utiles, et il en eût été de même 
de ceux qu'auraient pu lui fournir de Blainville et tant d’autres. 

Ce que l'historique écrit par M. Duchamp offre de plus surprenant, 
c'est qu’il n’y est nullement question de la Note de M. Lortet, note que 
je viens de rapporter plus haut. Dans son avant-propos, l’auteur adresse 
bien à M. Lortet son témoignage de reconnaissance pour l'appui et les 
copseils qu'il lui a prodigués; maïs il se borne à cela, etil ne dit pas un 
mot de la communication de M. Lortet. Dans tout l'ouvrage de M. Du- 
champ il n’est pas autrement question de l’éclaircissement que M. Lortet 
avait apporté au sujet. Cette lacune est profondément regrettable, car 
elle laisse supposer que M. Duchamp a constaté expérimentalement les 
migrations des Ligules alors que par la communication de M. Lortet il 
est bien établi que c’est à ce dernier qu’appartient la confirmation expé- 
rimentale des faits antérieurement bien affirmés par l'observation. Et 
j'ajouterai que cette simple confirmation ne demandait, ainsi que l'a 
très-bien compris M. Lortet, qu'un compte rendu de dix lignes. 

Mais ce que je reprocherai surtout à ce chapitre I”, c’est que les 
citations ne s'étendent pas aux seuls points anatomiques sur lesquels 
l’auteur ait donné une indication quelque peu exacte. C'est ainsi que les 
fibres musculaires, le système vasculaire, etc., avaient été déjà assez 
bien décrits pour que M. Duchamp ait dû, à côté de ses propres études, 
placer celles de ses devanciers. 

Ce nouveau point de vue m'amène aux chapitres qui se rapportent à 
l'anatomie des Ligules. Je diviserai en deux parties les notions qu'ils 
fournissent. La première, consacrée à l’anatomie générale, ne relate 
presque aucun fait nouveau, et c'est celle qui approche le plus de la 
vérité. 

Quant à la seconde, on peut en dire que l'observation la plus atten- 
tive et la plus minutieuse ne saurait démontrer ce que décrit M. Duchamp. 
C’est bien vainement que l'on chercherait tout ce qui se rapporte au 
pénis, aux cupules mâles et femelles, au germigène, au vitellogène, etc. 

IL n’est pas jusqu’à la configuration des matrices qui ne soit aussi 
éloignée que possible de la vérité. Ce n’est pas du reste ici que je peux 
le démontrer. Il me faudrait anticiper sur la suite de mon travail, et je 
vais avoir l’occasion de compléter ces simples observations par l’étude 
que j'aurai à faire de l’organisation des Ligules. 

Il me resterait enfin à parler du chapitre consacré à ce que M. Du- 
champ appelle « Recherches expérimentales, Parasitisme ». Ici, comme 
dans l'historique, l’auteur semble n'avoir rien négligé pour que son 
œuvre soit aussi parfaite que possible, mais on doit regretter sincère- 
ment les résultats contradictoires auxquels ont conduit la plupart des 
expériences. Mais, de même que pour l’anatomie des organes, je devrai . 
revenir sur ces expériences, et je me vois obligé, par l’ordre que je suis 


DE LA LIGULE. 399 


dans mon travail, d’en renvoyer l'analyse à ce que j’aurai à décrire à 
propos des migrations des Ligules. Je me bornerai pour le moment à 
cette simple citation : « Le 21 décembre 1879 un canard avale deux 
» Ligules ; il est laissé ensuite en demi-liberté et nourri avec des pommes 
» de terre et du pain. On prend soin de s'assurer que les Ligules ne sont 
» pas expulsées avec les matières fécales. » 

Or, non-seulement les Ligules sont expulsées avec les matières fécales, 
mais encore elles sont expulsées vivantes. C’est dans cet état et pleines 
d'œufs qu'on les retrouve au moins neuf fois sur dix dans les déjections. 

Et cependant M. Duchamp, s'appuyant sur le soin qu’on a pris, affirme 
le contraire. 

Déterminer les conditions dans lesquelles se fait le développement de 
la Ligule semblait devoir être le corollaire expérimental de la preuve 
du développement fournie par l’expérience. On est porté à regretter 
que M. Duchamp n'ait pas poussé jusqu’au bout ses investigations, 
et ce n’est pas sans quelque surprise que l’on peut comparer ces deux 
phrases mêmes de l’auteur, qui, placées aux premières et aux dernières 
pages, semblent indiquer d’abord un travail complet, puis une bonne 
volonté devenue stérile. Deuxième page de l’avant-propos : « C’est la 
» raison qui nous à engagé à en entreprendre l'étude anatomique et phy- 
» siologique, et à essayer d'en déterminer le cycle... -». Page 45 ou 
avant-dernière du mémoire : « Que deviennent ces embryons ciliés après 
» leur sortie de l’œuf? Aujourd’hui nous ne pouvons encore nous pro- 
» noncer sur cette question, les expériences que nous avons instituées 
» pour tâcher de suivre jusqu'à la fin les métamorphoses des Ligules 
» ne nous ayant pas encore donné de résultat. » 

Et plus bas : « Nous ajouterons même en faveur de cette dernière ma- 
» nière de voir, que nous avons trouvé fréquemment sur des tanches 
» provenant des étangs de la Bresse, dans des kystes microscopiques, 
» situés au milieu des fibres de la tunique externe de l'intestin et très- 
» près de la surface, des parasites rudimentaires qui pourraient bien. 
» être des Ligules en voie de développement. La suite de nos observa- 
» tions nous montrera s’il faut accepter ou rejeter cette opinion. » 

Il n’est pas nécessaire de s’arrêter plus longtemps à ce dernier membre 
de phrase, car les kystes dont parle M. Duchamp sont bien connus de 
tous les helminthologistes, ils ont été suffisamment décrits, et les Néma- 
toides qui les habitent offrent à l'observateur une organisation qu’il n’est 
nullement difficile d'apercevoir. 

La dernière page est consacrée aux conclusions. Ce n’est certes pas la 
| plusinstructive, car elle reproduit avec peu de variantes des phrases 
| que j'ai eu occasion de citer en analysant les travaux des auteurs pré- 
cédents. 

€ La Ligula simplicissima de la Tanche est la larve de la Ligula mo- 
» nogramma », dit M. Duchamp. Mais nous avons vu plus haut que, par- 
lant de la Ligula simplicissima, M. Brullé a dit : « Pendant ce qu’on 


396 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


» regarde comme leur état de larve ; » j'ai également montré comment 
Wagener, parlant de la Ligula proglottis dit : « Il faut donc la regarder 
» comme une larve. » 

Et Siebold est encore plus précis, lorsqu'il affirme les faits que M. Du- 
champ résume ainsi : « Pour arriver à l’état parfait caractérisé surtout … 
» par le développement des organes génitaux, Le cestoïde doit passer par 
» l'intestin d’un oiseau aquatique. » Et si la phrase de Siebold pour la- 
quelle je renvoie à quelques pages plus haut ne suffisait pas, je rappro- 
cherais encore cette expression de M. Brullé : « l’autre ovipare lorsque 
» ces vers sont parvenus à l'état parfait. » 

Parler ici des deux dernières conclusions serait anticiper encore sur 
les études qui vont suivre, et je répéterai ce que je viens de dire à pro- 
pos de l’anatomie des organes et des expériences, c'est que je serais 
forcé d’entrer dans des développements que ne comporte pas cette revue 
historique. Je n'ai dans ce chapitre qu'à bien établir les faits acquis et 
à préciser l’état de la question. Aussi les observations qui se rapportent 
à l’anatomie et à la physiologie proprement dites trouveront-elles mieux 
leur place dans les chapitres suivants. 

Je n’ai d’ailleurs donné que trop d’importance à l'analyse de l'œuvre 
de M. Duchamp, mais j'espère que ce développement sera justifié par 
ce seul fait que cette œuvre semble afficher la prétention d’être, pour 
les Ligules, l'expression indiscutable de la science actuelle. Je dirai enfin 
que parmi les médiocres figures qui accompagnent le mémoire, celle 
qui représente la Ligule est certainement la plus mauvaise qui ait été 
publiée jusqu'aujourd'hui. 

À la publication de M. Duchamp s'arrêtent toutes les notions biblio- 
graphiques que je peux fournir sur les Ligules, car, n'ayant pu les lire, 
je ne peux que signaler les observations, d'ailleurs peu importantes, 
pour le sujet qui m'occupe, de Frisch, Frolich, Nitzch et Bellingham. 

C'est au même titre que j'ai passé sous silence les deux ou trois au- 
teurs qui ont parlé d’un systeme nerveux chez les Ligules. es recher- 
ches anatomiques suffisent pour montrer qu'il y a eu confusion, proba- 
blement avec le système vasculaire, car on ne rencontre pas de système 
nerveux chez ces helminthes. 

Et fe ne saurais enfin attribuer* à l’histoire des Ligules les quelques 
mots que leur consacre le docteur Magnin (1). Dans un travail essen- 
tiellement médical et fait à un point de vue tout autre que celui des 
Ligules, M. Magnin parle d’un exemple de polymorphisme « encore peu 
connu » dit-il, qui vient à l’appui de la théorie suivant laquelle on con- 
sidère les terrains humides comme des terrains constituant un milieu. 
très-favorable au développement des larves. n 

Avant d'aborder les études anatomiques, j'indiquerai l’ordre que j'ai 
cru devoir suivre pour étudier complétement mon sujet. 4 


(1) A. Magnin, Recherches géologiques, botaniques et statistiques sur l'impalu- 
disme dans la Dombes et le miasme paludéen. Paris, 1876. 4/1 


DE LA LIGULE. 397 


Cet ordre m'est dicté par la manière de vivre du parasite que je prends 
à l’état d’œuf et que je suis dans les différentes phases de son existence 
jusqu’au moment où il reproduit l'œuf, c’est-à-dire l'élément par lequel 
il a lui-même débuté. 

C’est ainsi que je traiterai successivement de l'œuf et de son développe- 
ment, de l'introduction du scolex et de la Ligule à l'état strobilaire dans 
le poisson, de l’état de proglottis dans les oiseaux ct de la formation des 
œufs. 

Ce seront tout autant de chapitres qui se relieront les uns aux autres, 
et qui permettront de suivre ce que l'on appelle le cycle complet de 
ces parasites, cycle entrevu à l’état incomplet et mal défini jusqu’à 
présent. 


DEUXIÈME PARTIE 


ÉTUDES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES. 


L'ordre que j'adopte dans cette deuxième partie ne me paraît 
pas devoir être expliqué longuement. Il est le plus naturel, car il 
consiste à prendre la Ligule dès sa première formation, c’est-à- 
dire au moment où elle se constitue dans l'œuf d’où elle doit 
sortir, et à la suivre dans les diverses phases de son existence 
jusqu’au moment où fermant le cycle, elle donnera naissance à 
l’œuf qui aura été le point de départ. C’est à ce litre que j'étudie 
en première ligne l'œuf pris au moment où il vient d’être expulsé 
des matrices et rejeté dans l’eau. 


F="DE L'ŒUr, 


Forme et constitution. — Il est un fait qui frappe tout d’abord 
lorsqu'on examine les œufs de Ligule : c’est la différence qui 
existe entre ces éléments de propagation. Les uns apparaissent 
transparents et incoiores; dans leur intérieur on aperçoit claire- 
ment des granulations caractéristiques ; tandis que d’autres se 
montrent opaques, colorés en brun et presque vides des granula- 
lions qui remplissent les précédents. L'observation du dévelop- 
pement permel de constater que les premiers seuls se développent 
tandis que les seconds ne donnent naissance à aucun embryon. 

La proportion de ces derniers est assez considérable, et il 


308 DONNADIEU. -— CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


semble qu’il y ait dans ce fait même une entrave à la trop active 


multiplication des Ligules. Lorsque Je traiterai de la formation 
des œufs, j'indiquerai les causes de la Meraté que je ne fais que 
constater à présent. 

Cette différence dans les aspects a donné lieu à diverses inter- 
prétations. Quelques auteurs ont dit que les œufs de Ligule sont 
incolores et transparents, tandis que d’autres ont affirmé que les 
mêmes œufs sont colorés en brun. Les deux existent simultané- 
ment, et le seul reproche que l’on puisse adresser äux observa- 
teurs, c’est d’avoir généralisé l’un des deux faits particuliers 
sans tenir compte de l’autre. 

Quoi qu'il en soit, la forme et les dimensions restent à peu près 
les mêmes. Les œufs ont la forme ovale comme tous leurs ana- 
logues de la famille des Dibothridés. Cette forme a été constatée 
depuis très-longtemps et n'a pas peu contribué au rapproche- 
ment établi entre les genres de cette famille. L'ovale est bien 
arrondi aux deux bouts et mesure de 5 à 6 centièmes de milli- 
mètre dans son grand axe et de 4 à 5 centièmes de millimètre 
dans le plus petit axe, c’est-à-dire dans l'axe transversal. 

L’enveloppe est lisse, elle est de nature chitineuse et en même 
temps imprégnée de substance calcaire. Traitée par un acide 
elle se ramollit et l’œuf peut être écrasé assez facilement ; soumise 
à l'action de la potasse elle se détruit complétement et il n'en 
reste plus qu’une masse informe et sans consistance. Les acides 
concentrés mettent en évidence une ligne annulaire três-rappro- 
chée de l’une des extrémités. C’est le sillon suivant lequel se 
détachera plus tard la partie de l’enveloppe qui constituera: un 
opercule. Quelques auteurs avaient déjà indiqué cette action dé 
l'acide sulfurique sur les œufs du Bothriocéphale. 

La coquille chitineuse de l’œuf brunit lorsqu'elle devient plus 
épaisse ou bien lorsqu'elle appartient à un œuf qui, ne devant 
pas se développer, peut être considéré, qu’on me permette cette 
expression, comme déjà mort dans la matrice. Ce n’est d’ailleurs 


que dans ce dernier cas qu'elle devient plus épaisse et sous ce 
rapport on doit encore établir une différence entre les œufs 


stériles et ceux qui se développeront, 


4 
1 


DE LA LIGULE. 399 


L'œuf ainsi délimité renferme dans son intérieur une masse 
divisée en parties de dimensions variables et le remplissant 
presque complétement. Vers le milieu de l'œuf on aperçoit une 
vésicule claire qui contraste nettement avec les précédentes. 
Faut-il y voir une véritable vésicule germinative? C’est ce que 
je ne saurais affirmer, attendu que sa présence n’est pas con- 
stante et que ce n’est pas sur tous les œufs que je l’ai ren- 
contrée. (Ilreste sous-entendu que désormais je ferai abstraction 
de tous les œufs stériles.) L'aspect singulier de l’œuf à cette 
_ phase de son existence avait été déjà remarqué par beaucoup 
d’observateurs et tous ont constaté comme moi qu'il est rempli 
de grosses masses irrégulières quant aux dimensions et assez 
peu serrées pour conserver leur forme également irrégulière. 

Conditions de développement. — L’œuf reste peu de temps 
dans cet état et s’il n’est pas placé dans des conditions favorables 
à son développement, 1l ne tarde pas à périr. C'est ce qui m'a 
été démontré par l’expérience suivante : 


Expérience 1. — J'ai mis des œufs sur de la vase humide et sur une 
lame de verre. J'ai laissé le tout se dessécher lentement. La dessiccation 
a totalement altéré les œufs qui sont devenus incapables de se dévelop- 
per. C’est donc bien à tort que l’on a quelquefois prétendu que les 
étangs desséchés pouvaient conserver les œufs du parasite, car l’expé- 
rience est ici d'accord avec l'observation que j'ai citée dans l’introduc- 
tion. Les œufs se détruisent dans les étangs qui se dessèchent, et l'œuf, 
altéré par la dessication, ne conserve plus la faculté de germer. Je pour- 
rais même ajouter ceci : avec des œufs isolés j'ai placé dans les con- 
ditions précédentes des fragments de Ligules pleines d'œufs. Ces derniers 
ont presque tous éclaté et ont été écrasés par la pression de la substance 
du corps qui, en se desséchant, devenait compacte et se contractait beau- 
coup. 


Mais avant d'aborder l’histoire elle-même du développement, 
il me paraît indispensable d'indiquer dans quelles conditions ce 
développement s'effectue et je dois, pour cela, décrire les expé- 
riences qui m'ont donné les résultats les plus concluants. 

L'idée de placer les œufs de Ligule dans l’eau pour les faire 
développer n’est pas une idée nouvelle; en se reportant aux cha- 
pitres de l'historique, il est facile de constater que cetteidée avait 


360 = DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


été déjà mise à exécution. J'ai donc suivi la méthode ordinaire 
et j'ai placé les œufs dans un vase où l’eau était tenue à Pétat 
d’eau courante par un très-faible écoulement; mais j'ai varié l’état 
de cette eau par les conditions suivantes : 


Expérience 2. — Je place les œufs dans un courant d’eau (courant 
obtenu goutte à goutte par le flacon de Mariotte, d’une part, et le siphon 
effilé pour qu'il soit constamment amorcé, d’autre part) maintenu à la 
température de 12 et 16 degrés centigrades. Le développement s'effectue 
dans l’espace de cinq semaines environ, car au bout de la quatrième se- 
maine j'avais déjà des éclosions et elles étaient terminées vers le milieu 
de la sixième semaine. 

Expérience 3. — J'installe un appareil semblable dans les bassins de 
la Victoria (serres du parc de la Tête-d’Or) et je le dispose de telle façon 
que le vase dans lequel sont les œufs est enfoncé aux trois quarts dans 
le bassin, tandis que le flgcon générateur est alimenté par l’eau du bas- 
siu. J'ai ainsi dans le vase d’éclosion une température qui pendant toute 
la durée de l'expérience oscille entre 30 et 32 degrés centigrades. Dans 
ces conditions le développement marche très-rapidement, et au bout de 
la première semaine tous les œufs étaient éclos. 

Expérience 4. — Le vase d’éclosion est placé dans un récipient qui 
contient de l’eau dans laquelle sont constamment tenus des morceaux 
de glace. Dans le flacon de Mariotte je maintiens également des mor- 
ceaux de glace, et j'ai ainsi dans le vase à éclosions une température 
qui, pendant la longue durée de l'expérience, se maintient entre deux 
et quatre degrés. Le développement est extrêmement lent, c’est à peine 
si à la sixième semaine on remarque dans l’œuf les changements qui, 
dans les conditions normales, peuvent être appréciés dès la deuxième 
semaine. À la fin du troisième mois j'arrête l'expérience, et à ce mo- . 


ment, quoique notablement avancés, les œufs ne sont pas encore 
éclos. 


Ces preuves sont plus que suffisantes pour donner la raison 
des faits que j'ai avancés dans l'Introduction, et l'on cemprend 
maintenant pourquoi, dans les étangs réputés chauds, le parasite 
se développe plus vite et plus abondamment que dans les étangs 
froids. Il faut ajouter à cela que les chances de destruction sont 
augmentées d’aulant plus que le temps du développement est 
plus long et que le nombre d'œufs entraînés par un courant est. 
d'autant plus considérable que ceux-ci mettent plus de temps 
éclore. 


Les conditions du développement changent fort peu, suivant 


DE LA LIGULE. 361 


que l’on expérimente sur des œufs rendus libres ou sur des œufs 
laissés dans le corps des Ligules qui les ont produits. Mais dans 
ce dernier cas il ne faut pas négliger une précaulion sans laquelle 
les résullats pourraient devenir négatifs. [l faut établir un courant 
assez fort pour qu'il puisse entraîner les parcelles du corps de la 
Ligule au fur et à mesure que celui-ci se désorganise ; sans cela il 
se forme autour des œufs un amas de moisissures qui ne tarde pas 
à envelopper l'œuf et à le faire périr. C’esl à cette circonstance 
_ qu'il faut certainement attribuer les insuccès de ceux qui :e sont 
contentés de placer les œufs dans une pelite quantité d’eau qu’ils 
n'ont même pas songé à renouveler. 

Développement. — Formation du scolex.— Lorsque l’œuf est 
placé dans des conditions favorables à son développement, on voit 
en premier lieu se former dans son intérieur, et à peu près au 
centre, un petit espace clair qui devient bien vite-une vésicule 
sphérique autour de laquelle viennent se grouper des vésicules 
semblables (fig. 60). Mais au fur et à mesure qu'elles augmentent 
en nombre, elles augmentent aussi en volume et elles paraissent 
l'origine de ces grosses sphères constatées par Siebold et quelques 
autres observateurs, sphères qui doivent se rapporter à ce que 
Coste a appelé les sphères organiques (fig. 7). Dans cet état 
l'œuf rappelle beaucoup l’aspeet primitif (fig. 1), et la différence 
la plus importante à noter c’est que les masses divisées sont, 
celte fois, des sphères plus petites et aussi plus nombreuses. 

Il y a donc au début un vitellus non homogène dont la sub- 
stance se modifie pour faire place à des éléments vésiculaires 
dont le rôle doit se rapporter aux portions segmentées d'un 
vitellus conacensé en une seule masse. Les sphères organiques 
doivent donc signifier ici un vitellus arrivé au terme de sa 
segmentation ; car on voit après leur formation se produire les 
phénomènes qui suivent le plus ordinairement cette phase de la 
vie de l'œuf. 

: À la surface apparaissent bientôt des cellules polyédriques 
dont on distingue nettement le noyau central et il se forme un 
revêtement analogue à celui que j'ai relrouvé chez certains Aca- 
riens, alors que M. Balbiani l'avait déjà indiqué chez les Ara- 


362 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


néides. C’est la phase la plus rapide et cette formation est à peine 
terminée (fig. 8) que déjà on distingue dans le centre de l'œuf 
resté clair une grosse vésicule sphérique (fig. 9). Cette dernière 
est le point de départ de l'embryon qui, désormais, ira toujours 
en grandissant pendant que se constitueront les corpuscules cal- 
caires qui remplissent l’espace clair dont elle est entourée. 

Ces corspuscules se forment dans un milieu liquide qui en- 
toure complétement l'embryon. Celui-ci conserve sa forme sphé- 
rique; il grandit, refoulant toujours vers les parois la masse 
liquide renfermant les corpusceules qui resteront constamment 
circa-embryonnaires. Ces éléments serviront à constituer cette 
enveloppe que Bertolus a nommé Embryophore et que Siebold, 
Leuckart et tant d’autres avaient constaté bien avant la publica- 
tion des travaux de Bertolus. | 

L’embryon est rempli intérieurement de corpuscules calcaires; 
mais ces corpuscules beaucoup plus petits se distinguent bien 
facilement des précédents et font aisément reconnaître l’em- 
bryon, car la membrane qui l’enveloppe est très-mince et très- 
transparente. Peu à peu cette membrane s’accuse nettement, 
l'embryon prend une consistance bien définie et l’on voit 
apparaître de petits tubercules qui, ainsi que l’a indiqué Leu- 
ckart, deviendront des crochets. 

Ils se montrent au nombre de 6 disposés par 3 paires et occu- 
pent la position que tous les helminthologistes ont décrite dans 
les larves hexacanthes des Cestoides. Ils sont rassemblés vers 
l'extrémité antérieure de l'embryon et ils forment autour de la 
portion céphalique une couronne à 3 branches. Vus de face, ils se 
montrent comme placés à l'extrémité de 3 rayons qui diviser aient 
la circonférence en 3 parties égales (fig. 15); vus de profil, ils 
ont la disposition que M. Duchamp a si singulièrement exprimée 
par les aiguilles d’une montre placée sur midi, 2 heures et 
10 heures. Une observation superficielle peut seule faire indi- » 
quer une semblable position, qui n’est que relative; car, en faisant , 
varier la distance du microscope à l'objet il est facile de s’assurer 
que les crochets du milieu ne sont pas sur le même plan que | 
ceux qui paraissent latéraux et la position exacte est celle que 


DE LA LIGULE. 363 


j'ai indiquée comme montrant lés crochets disposés en cou- 
ronne autour du centre céphalique. 

Les crochets ont encore donné lieu de la part de l'observateur 
précédent à une erreur d'interprétation qui n’est due qu’à un 
grave défaut d'observation. Bertolus indique les crochets en bas, 
tandis qu’ils sont en haut, dit M. Duchamp. Tous les deux ont 
raison : car les crochets peuvent être aperçus dans toutes les posi- 
tions (fig. 14, 12,13, 15) attendu que l'embryon est mobile dans 
l'œuf. Il tourne sur lui-même et son mouvement est assez lent 
pour n’êtré pas aperçu au premier abord. 

Voici comment j'ai pu m'assurer de ce fait important, que 
Wagener semble avoir entrevu en partie ; car il a déjà dit : « On 
voit quelquefois l’animal faire des mouvements de ses crochets 
dans l'œuf; » et il ajoute même: « Cela laisse supposer qu’il se sert 
de ses crochets pour ouvrir l'œuf. » J'ai placé sur une lame de 
verre les œufs parvenus à la période du développement que 
J'examine. Je les ai recouverts d'un verre mince soutenu par 2 fils 
assez gros pour empêcher le verre de presser sur l'œuf. J'ai dis- 
posé le tout sur la platine du microscope et j'ai établi entre le 
couvre-ohjet et la lame de verre, c’est-à-dire dans l’espace ren- 
fermant les œufs, un courant d’eau entretenu par des fils plon- 
geant dans des vases arrangés de telle façon que ces fils puissent 
remplir l'office de siphons. Dans ces conditions il m’a été possi- 
ble de suivre l’évolution pendant des journées entières et j'ai pu, 
par des observations fréquentes, me convaincre de la rotation 
lente que l'embryon effectue sur lui-même, rotation qui amène 
les crochets dans toutes les positions. 

Pendant toute la durée de l’observation, l'œuf que j'avais 
orienté en plaçant son grand axe dans l'axe longitudinal de la 
platine n’a pas varié dans sa position, ce qui démontre bien que 
l'embryon seul se meut sans entraîner l’œuf tout entier dans son 
mouvement. 

Éclosion. — Au fur et à mesure que l'embryon avance dans 
son développement on voit se dessiner vers l’une des extrémités 
de l’œuf la petite ligne annulaire dont j'ai parlé tout à l'heure 
en disant qu’elle était rendue visible par les acides concentrés. 


364 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


C'est la ligne suivant laquelle la partie supérieure de l'œuf se 
détachera comme un couvercle ou opereule. Il y a bien long- 
temps que ce singulier mode d’éclosion a été mis en lumière et 
Siebold, Leuckart, Wagener, Willemæs-Suhm, etc., ont bien 
décrit les œufs operculés des Bothriocéphales et des Ligules. 
Aussi n’apprendrai-je rien de nouveau en disant que le petit 
opercule se soulève au moment de l’éclosion pour livrer passage 
à l'embryon. Celui-ci se meut très-vivement dans l'œuf, il 
s’allonge et, s’arc-boutant sur les parois de l'œuf, il presse sur la 
région de l’opercule qui se détache et s'ouvre. + 

Le point par lequel il se présente est três-variable ; mais en 
général les crochets sont vers l’opercule ou à l'opposé ce qui fait 
que l'embryon éclot tantôt droit et tantôt renversé. 

Le plus souvent l’'embryophore se rompt au moment de l’éclo- 
sion, mais quelquefois il accompagne l'embryon pendant quelque 
temps encore. Dans le premier cas, les corpuscules calcaires qui 
remplissent l’embryophore sont rejetés en partie par les mouve- 
ments de l’éclosion tandis qu’une autre partie reste dans l'œuf; 
aussi, n'est-il pas rare de rencontrer parmi les œufs éclos beau- 
coup d'œufs renfermant encore un assez grand nombre d’élé- 
ments embryophoriques. Dans le second cas, l'embryon reste 
enfermé dans l'embryophore et il n’en sort qu’au bout de plu- 
sieurs jours. | 

Willemæs-Suhm a bien observé le premier mode d’éclosion 
que je donne comme étant le plus normal et le plus fréquent 
(fig. 14); Siebold, et avec lui beaucoup d'auteurs, ont bien observé 
le second. Siebold même compare très-justement les mouvements 
de l'embryon pourvu de son embryophore à ceux du vo/voz. 
Knoch, qui avait aussi constaté ce mode d’éclosion, ne le trouvait 
pas normal ; Leuckart a affirmé le contraire. Les figures de Leu- 
ckart, reproduites par Cobbold, montrent « embryon hexacanthe 
des Bothriocéphales s ia de sa couverture ciliée. » | 

Enfin, d’après Cobbold, SchubartetSiebold auraient été les pre- 
miers à montrer le caractèré cilié des embryons. C’est qu’en effel 
les mouvements sont tels qu’ils ne doivent laisser aucun doute sur 
l'existence d’un revêtement ciliaire. Mais ce revêtement est bien 


DE LA LIGULE. 365 


loin d’être ce que quelques auteurs l'ont figuré. Leuckart ayant 
représenté de très-longs cils vibratiles autour de l’embryophore, 
ceux qui sont venus après lui en ont fait autant et ainsi s’est con- 
servée la tradition qui attribue à lembryophore des cils vibra- 
tiles d’une longueur plus que douteuse. Je n’ai jamais pu les voir 
dans cet état et c’est tout au plus s’il m'a été permis de constater 
à la surface des cils très-courts, et encore, en ce qui concerne 
l'embryon lui-même, je dois déclarer ces organes douteux (fig. 15 
et 16). Il est bon cependant de faire remarquer que les mouve- 
ments de l'embryon sont exactement ceux des infusoires ciliés. 

Quoi qu’il en soit, lorsque l’embryophore s’est rompu et que 
l'embryon est devenu complétement libre il se comporte comme 
un véritable infusoire. Il se met à nager en tournant sur lui- 
même avec une extrême rapidité. Je ne saurais mieux comparer 
ce mouvement qu à celui d’une toupie qui lournerait sur sa base 
la pointe restant en l'air. 

La forme de l'embryon est ovoïde, l'extrémité céphalique est 
la plus étroite ; elle présente les 6 crochets qui ne se distinguent 
ici, comme d’ailleurs dans toutes les phases embryonnaires, 
qu'assez difficilement et ne peuvent être aperçus qu'à l’aide de 
forts grossissements. On ne voit aucune ouverture buccale, le 
contenu de l'embryon est granuleux et, à cet état, la Ligule est 
très-transparente. 

Placés dans de l’eau à 5 degrés, les embryons meurent au 
bout de un ou deux jours; placés dans de l'eau à 30 degrés, ils 
meurent au bout de quatre jours environ; enfin, dans l’eau à la 
lempérature ordinaire, c'est-à-dire de 12 à 18 degrés, on peut 
conserver les embryons vivants pendant assez longtemps. Jai pu 
en conserver ainsi pendant dix jours et je les trouvais toujours 
à la surface de la vase dans les petits aquariums où je les tenais. 
C’est là un point assez important à noter, car il montre que les 
embryons ont les habitudes de la plupart des infusoires. 

Ce stade de l’évolution des Ligules correspond exactement à ce 
que l’on a nommé scolex, et c’est le nom que j'adopterai désor- 
mais pour désigner l'embryon sorti de l’œuf et devenu libre. 


. (La suite au prochain numéro.) 


366 DONNADIEI. :— CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


EXPLICATION DES PLANCHES 


OBs. — Toutes les figures dont le grossissement est indiqué ont été 
dessinées à la chambre claire. Chaque fois qu'une figure est accom- 
pagnée de cette mention : Préparation n° .…, cela signifie qu'elle est 
dessinée d’après la préparation conservée dans mes collections sous le 
numéro indicateur. La mention : Tube n° ... signifie que les Ligules 
auxquelles ont été empruntés les matériaux de la préparation dessinée 
sont conservées en collection dans les tubes portant le numéro inscrit. 


PLANCHE XIV. 


Fié. 1. —Les Ligules dans la cavité abdominale de la tanche. (Gross. nat.) 
a. Les reins. 

. La vessie natatoire. 

. Les ovaires. 

. Une partie du foie dont la surface est aitérée. 
La masse intestinale offrant les altérations caractéristiques. 

. La région anale gonflée et pleine de liquide sanguinolent. 

. L’extrémité d’une Ligule prête à perforer la peau vésiculeuse de 
cette région. 
Les Ligules dans leur position normale. 

. — La Ligule de Ia tanche à l’état normal. (Gross. nat.) 

. Extrémité antéricure. 

. Extrémité postérieure. 

FiG. 3. — La même Ligule dans l’eau à 30 EN (Gross. nat.) 

FiG. 4. — La même Ligule après quelque temps de séjour dans l’eau 

froide. 


O2 NS Q © 


Fic. 


© & D 


PLANCHE XV. 


FiG. 9, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13. — Les œufs aux diverses périodes de 
leur développement. (Gross. 1200 diam.; préparations n° 60, 83.) 

Fi. 14. — Éclosion de l'embryon. L’embryophore se rompt 

F6. 15. — L'embryon ayant conservé son embryophore à l’éclosion. 

F16. 16. — L'embryon isolé à l’état de Scolex muni de ses six crochets. 

FiG. 17. — Un crochet vu de face. 

FiG. 18. — Un crochet vu de profil. 


PLANCHE XVI. 


Fic. 19: — Ligule des tanches (très-jeune) 19a. (Gross. nat.; | prépara= À 
tion n° 65.) 


DE LA LIGULE. 307 


Fi6. 20. — Ligule plus jeune que la précédente 204. (Gross. nat.; pré- 
paration n° 19.) | 
Fic. 21. — Ligule jeune contractée 214. (Gross. nat.; préparation n° 18.) 


Fic. 22, 23, 24, 25. — Diverses formes que prend l'extrémité antérieure 
pendant les contractions de la Ligule. 

Fi. 26. — L’extrémité antérieure pendant la contraction du ver. 

a. Bothridies. 
bet c. Les canaux qui y aboutissent. 

Fic, 27. — L’extrémité antérieure pendant l'allongement du ver. (Pré- 
paration n° 32; gross. 40 diam.) 

Les lettres ont la même signification que dans la figure 12. 

Fic. 28. — L’extrémité postérieure montrant le système vasculaire se 
terminant par des tubes en cæcums. 

Fic. 29, — Les stries transversales montrant l’union des lamelles épi- 
dermiques au niveau des anneaux du corps. 

Fic. 30. — L’extrémité antérieure en sections horizontales faites au 
niveau de la bothridie et allant de La surface «a au milieu du corps d. 
(Préparation n° 12.) 

FiG. 31. — Les globules de la sérosité produite sur les parois des organes 
du poisson par l’action de la Ligule. 

Fi. 32. — Section longitudinale faite au niveau du milieu du corps de 
la Ligule. (Gross. 50 diam. ; préparation n° 54; tube n° 31.) 

a. Les matrices. 

b, b’. Les tubes séminaux coupés. 
c. Les tubes ovariens. 

t. Les testicules. 


PLANCHE XVII. 


F16. 33. — Section longitudinale allant du bord au milieu du corps. 
(Gross. 110 diam. ; préparation n° 49.) 
a. L'épiderme lamelleux. 
b. Le derme. 
c. La zone calcigère, 
d. Les fibres musculaires longitudinales. 
e. Les fibres musculaires transverses. 
f. Le parenchyme. 
Fic. 34. — Section transversale allant de la surface au milieu du corps. 
(Gross. 110 diam.; préparation n° 48.) 
… Les lettres ont la même signification que dans la figure 19. 
FiG. 35. —- Le système vasculaire. (Gross. 60 diam.; préparation n° 39.) 
a. Les grands canaux latéraux. | 
b. Les petits canaux. 
c. Le réseau vasculaire transverse, 


368 : DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'’HISTOIRE 


Fic. 36, — Le système vasculaire pour montrer l’intérieur des canaux. 
(Gross. 200 diam.; préparation n° 39.) 
Mêmes lettres que pour la figure 21. 
Fic. 37. — Les fibres musculaires longitudinales groupées en faisceaux 
enchevêtrés. (Grass. 200 diam.: préparation n° 53; tube 31.) 
F'6. 38. — Le parenchyme. (Gross. 200 diam.) 


PLANCHE XVIII. 


Fic. 39. — La Ligule dans la tanche. Section transversale. (Gross. 
40 diam.; préparation n° 5; tube n° 3.) 
a. Système cutané. | 
b. Système musculaire. 
c.sParenchyme. 
. Canaux latéraux. 
FiG. 40. — La Ligule dans la tanche. Section transversale. {Gross 
40 diam.; préparation n° 3; tube n° 14.) 
a, b,c, d. Comme ci-dessus! 
t. Testicules. 


FiG, 41. — La Ligule dans la tanche. Section transversale. (Gross. 

40 diam.; préparation n° 48.) j 
a, b,c, d,t. Comme ci-dessus. 
r. Les organes reproducteurs. 

F16. 42. — La Ligule dans le canard. Section transversale. (Gross. 

40 diam.; préparation n° 56; tube n° 31.) 
a, b, c, d,t. Comme ci-dessus. 
f. Organes femelles. 
m. Organes mâles. 

Fic. 43. — La Ligule dans le canard. Section transversale. (Gross, 

40 diam.; préparation n° 67: tube n° 33.) 
a,b,c,d,t. Comme ci-dessus. 
0. Matrice. 
f. Tubes ovariens. 
m. Tube séminal. 

F16. 4%. — La Ligule dans le canard. Section transversale. (Gross. 

40 diam.; préparation n° 79; tube n° 32.) 
Mêmes lettres que ci-dessus. 

Fig. 45. — La Ligule après avoir traversé le canard ou complétement. 
développée dans ce dernier. (Gross. 40 diam.; préparation n° 25; 
tube n° 18.) 

Mêmes lettres que ci-dessus. La matrice 0 est pleine d'œufs. 


DE LA LIGULE. 369 


PLANCHE XIX. 


Fig. 46. — Section horizontale faite au niveau des matrices pour mon- 
trer la symétrie des tubes reproducteurs qui les entourent. (Gross. 
60 diam. ; préparation n° 75 ; tube n° 32.) 

a. Les matrices. 
b. Les tubes. 
c. Les parenchymes. 

Fig. 47. — Un testicule. 

a. Sa membrane d’enveloppe. 
b. Les cellules qu’il renferme. 

_Fic. 48. — Les cellules du testicule. 

Fi. 49, — L'appareil reproducteur au moment de la formation des 
œufs. (Gross. 125 diam.; préparation n° 82; tube n° 32.) 

a. La matrice. 

b. Les œufs constitués. 

c. Les tubes ovariens. 

d. Leur renflement rempli de vésicules vitellines. 
e. Les tubes séminaux. 

FiG. 90. — Les vésicules vitellines d et les œufs 6. Do 380 diam. ; 
préparation n° 82.) 

Fic. 51. — Symétrie de l’appareil reproducteur suivant une section 
transversale. (Gross. 110 diam.; préparation n° 67; tube n° 33.) 

a. La matrice. 
b. Le tube séminal. 
c. Les tubes ovariens. 

Fig. 52. — Figure schématique des appareils de la reproduction (les 

testicules exceptés). | 
Mêmes lettres que ci-dessus. 

Fic. 03, — Les organes reproducteurs dans la tanche. (Gross. 110 diam. ; 
préparation n° 48.) 

Mêmes lettres que ci-dessus. 

Fi, 54. — Les matrices pleines d'œufs, leur disposition normale et 
caractéristique. (Gross, 110 diam.; préparation n° 22; tube n° 18.) 


PLANCHE XX. 


Fi. 99. — Aspect des matrices suivant une section horizontale faite au 
niveau 1-1 de la figure 59. (Gross, 40 diam. ; préparation n° 26 ; tube 
n° 18.) 

a. La peau. 
b. La couche musculaire. 
o. Les matrices. 
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PUYSIOL, — T. XIII (1877). 24 


370 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE DE LA LIGULE. 


Fic. 56. — Les mêmes au niveau 2-2. (Gross. 40 diam.; préparation 


n° 22; tube n° 18.) 
a. La peau. 
b. Couche musculaire. 
c. Les canaux latéraux. 1 
o. Les matrices. 
Fr6. 571. — Les mêmes au niveau 3-3. (Gross. 40 diam.; préparation 
n° 75; tube n° 32.) | 
a. La peau. 
b. La couche des testicules. 
c'. Le parenchyme. 
o. Les matrices. 
FiG. 98. — Les matrices suivant une section longitudinale. (Gross. 
60 diam. ; préparation n° 25; tube n° 18.) 
Fi. 59. — Aspect de la matrice pleine d'œufs suivant une section trans- 
versale. (Gross. 60 diam.; préparation n° 24; tube n° 18.) F 
m, m'. Ligne indiquant le milieu du corps. 
1-1,2-2,3-3. Lignes indiquant les niveaux des sections, figures 55, 
96, 01. 
a. Système cutané. 
b. Système musculaire. 
c. Parenchyine. 
t. Testicules. 
Fi. 60. — Les matrices rudimentaires de la Ligule dans la tanche. 
(Gross. 160 diam. ; préparation n° 11). 


CONTRIBUTION À LA TÉRATOLOGIE 
MONSTRE UNITAIRE — HÉMIMÉLIE 


Par M. le D" Er. MARTIN 


Lauréat de l’Académie de médecine (Prix Portal) 


Et M. Maurice LETULLE 
Interne des hôpitaux de Paris. 


PLANCHE XXI 


Malgré la fréquence relative des monstres hémiméliens, la 
science ne contient guère de descriplion dépassant les limites de 
la morphologie extérieure. Ayant eu à notre disposition un cas 
remarquable de cette variété lératologique, nous nous sommes 
livré à l'étude minutieuse de tous les points du corps concourant 
au vice de conformation, en même temps qu'à l’examen de la 
moelle épinière qui est le complément indispensable d’une étude 
de celte nature. 

J. Larroudé, né le 14 septembre 1874, est apporté le 8 février 
1875 dans le service de M. le professeur Parrot, et y meurt le 
7 mars suivant de variole. 

Les quatre membres sont le siége d’un vice de conformation ; 
le reste du corps ne présente rien d’anormal. 


Membre supérieur droit. 


Du côté du membre supérieur droit, la malformation ne re- 
monte pas plus haut que le poignet : le pouce et la région thénar 
sont libres et les plis cutanés normaux. Le vice de conformation 
affecte le reste de la main qui ressemble à une sorte de palette. 
On y remarque la ligne de flexion métacarpo-phalangienne ; à 
un centimètre au-dessous, une autre ligne transversale corres- 
pondant à la flexion digitale ; dans l'intervalle de ces deux lignes, 
la surface est unie. 

Au-dessous du sillon de flexion digitale commence la région 
digitale : ses éléments sont fusionnés et ne présentent qu’un sil- 


372 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE. 


lon transversal situé à un centimètre du sillon précédent. Quant 
à la région hypothénar, elle ne se distingue presque pas de celte 
espèce de moignon palmaire que nous venons de décrire. 

En palpant profondément, on discerne aisément le premier 
métacarpien et les deux phalanges du pouce ; puis, sur le bord 
externe, le deuxième métacarpien; enfin, au bord cubital, on a 
la sensation d’un dernier métacarpien. Dans l’espace intercepté 
entre ces deux derniers os, on cesse de sentir d'autre os, et l’on 
est certain que les métacarpiens de l’annulaire et du médius 
font défaut. En revenant au bord externe, on sent la mobilité 
d’une première phalange sur la tête métacarpienne ; il en est de. 
même au bord cubital. Ces deux premières phalanges se termi- 
nent par des portions osseuses libres, articulées, et qui sont bien - 
des phalangines el des phalangettes : la phalangette de l'index se 
déjette en dedans et vient se fondre avec la partie osseuse voisine. 

Face dorsale. — Le pouce paraît appendu à la masse géné- . 
rale: on ne voit que quelques sillons peu profonds limitant Ja 
région métacarpienne ; 1l est terminé par un ongle, L’extrémité 
de la palette se termine aussi par deux ongles: l’interne, assez 
réoulier, occupe la place de la phalangette de l’auriculaire ; 
est séparé de l’autre par un sillon où il pénètre en se déprimant, 
L’ongle radial est large, étalé, il correspond non-seulement à la 
troisième phalange représentant celle de l'index, mais à toute 
la masse osseuse intermédiaire ; sa face convexe est divisée par. 
un sillon vertical, vestige probable de la soudure de plusieurs | 
ongles. La dépression où il pénètre ainsi que l'ongle voisin est 
le seul indice de segmentation de la masse digitale. 

Pendant la vie, le pouce exécute des mouvements volontaires, 
et l’enfant étend et fléchit très-bien toute sa palette digitale. 


11 


Membre supérieur gauche. 

6 

Ainsi que pour le membre précédent, celui-ci n’a que la main 
qui soit altemmle par la malformation. Cette main comprend une 
région carpienne et deux appendices qui rappellent assez bien 
une pince d’écrevisse. Son volume est moindre que celui de la 


MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE, 543 


main droite. Nous nous bornerons à décrire les divers sillons 
qu’elle offre, en réservant pour l’étude du squelette les attribu- 
lions de noms qu'il convient de donner aux divers os qu’on 
retrouve. Au niveau du carpe, antérieurement, sont deux sillons 
de flexion, normaux; à un centimètre plus bas est un autre 
sillon transversal allant d’un bord à l’autre et s’infléchissant un 
peu au milieu, d’où part une ligne verticale séparant en deux 
parties inégales la région digitale : celle-ci est constituée par deux 
branches ainsi que nous lPavons dit plus haut (pl. [). 

L'appendice externe de cette pince offre une surface convexe 
qui représente l’éminence thénar : deux plis légers s’y dessinent. 
En bas, sa limite est un pli de flexion représentant le sillon mé- 
tacarpo-phalangien du pouce ; encore plus bas, es le pli de 
flexion phalangienne. 

La deuxième branche de la pince est constituée à peu près 
de la même sorte, seulement sa composition est telle que, tout 
en faisant suite à la région métacarpienne, elle ne renferme 
cependant que deux phalanges, fléchies l’une sur l’autre ; ces 
phalanges sont dans l’adduction forcée et simulent une espèce 
de crochet ouvert du côté du bord cubital. 

Ges deux branches, écartées l’une de l’autre, interceptent un 
angle à peu prés droit, à ouverture inférieure, et que toute ten- 
talive de rapprochement n'arrive pas à fermer. 

Face dorsale. — De cet angle que nous venons de décrire part 
un sillon oblique se dirigeant vers le bord radial qu’il rejoint à 
“la région carpienne. 

À l'extrémité inférieure des deux appendices, on voit un on- 
“gle bien conformé et recouvrant la dernière phalange. Les mou- 
vements volontaires, prononcés à la main droite, sont moindres 
pour celle ci. À la descriplion des muscles, nous verrons les 
différences qui existent pour chaque mouvement provoqué. 


Membres inférieurs, 


L* 


Membre droit. — La cuisse est normalement conformée. 
À la région du genou se dessinent des saillies dues, en avant, 


374 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE. 


à la rotule, et, latéralement, aux condyles du fémur. Mais la 
rotule, qu'on limite par le palper, est déjetée plus ‘en dehors 
qu’à l’état normal. 

La jambe n’est représentée que par un segment peu étendu 
(3 centimètres et demi), informe, auquel succède une masse 
charnue, également informe, qui représente l'ensemble d’un 
pied. 

Cette dernière masse est divisée elle-même en deux régions 
par un sillon demi-cireulaire. Elle a une direction particulière® 
elle forme avec la jambe un angle droit comme un pied normal, 
mais cet angle est ouvert en dedans et en avant, et rappelle un 
peu le pied-bot varus. Sa longueur totale est de 2 centimètres et 
demi environ. 

Face postérieure du même membre. — La région fessière pa- 
raît être conformée normalement. La cuisse ne présente rien 
de spécial ; elle se termine par un pli occupant la place du creux 
poplité. La région jambière postérieure est aplatie, et finit en 
un bourrelet arrondi qui représente la face postérieure etcomme 
calcanéenne de la masse terminale déjà décrite. 

Membre inférieur gauche. — La disposition générale de ce 
membre est à peu près la même que celle de son congénère. 
Cependant il est d’une longucur totale moindre d'un centimèétre 
ct demi environ. 

La cuisse a les mêmes dimensions que celle de droite, mais 
elle offre moins de plis. La rotule, trés-appréciable, paraît affecter. 
une situation normale. La jambe, constituée par une masse coni- 
que plus grêle qu’à droite, se termine par un moignon assez 
saillant, arrondi, auquel fait alors suite une masse charnue. 
représentant le pied, et dans une position non similaire de celle 
de droite, car elle forme un angle aigu, à sinus ouvert en rasta 
en dedans et en arrière. h 

Ce pseudo-pied est moins volumineux que le droit; il n’est 
pas divisé par un sillon profond comme à droite, mais, à la partie 
terminale, se dessine une sortie de bourgeon assez distinct de L 
inasse générale. 

Les mouvements volontaires de # cuisse sur le bassin s ’exé- 


MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE. 379 


cutent : ils sont limités dans les deux jambes; ils sont nuls dans 
les deux moignons pédieux. 


EXAMEN MYOLOGIQUE. 


Membre supérieur droit. — Bras. — Rien à signaler. 

Avant-bras (fig. I). — Tous les muscles épitrochléens, sauf 
le petit palmaire, existent, avec un aspect normal, supérieure- 
ment; mais, inférieurement, 1l y a des détails à signaler : le 
grand palmaire va à l'extrémité supérieure de los que nous 
avons considéré comme le deuxième métacarpien ; le cubital 
s’insère sur un os pisiforme. 

Région profonde de l’avant-bras. — On trouve : 1° un Jléchis- 
seur commun superficiel, lequel est représenté par deux fais- 
ceaux charnus qui seraient destinés à l'index et à l’auriculaire. 
Ils sont assez isolés : l’externe est plus volumineux, et ses fibres 
sont condensées jusqu’à la partie inférieure du radius; là, elles 
se perdent sur un tendon arrondi qui passe dans une gaîne propre, 
descend avec l’aponévrose palmaire, et vient se fixer à la partie 
interne de l'extrémité inférieure du deuxième métlacarpien et à 
la partie voisine de la première phalange de l'index ; il n’affecte 
aucun rapport direct avec le tendon du fléchisseur profond. Le 
faisceau interne du même muscle, quatre ou cinq fois moins 
volumineux, en diffère aussi par le trajet de son tendon qui, 
s accolant à la face antérieure du fléchisseur profond, passe avec 
lui dans la gouttière carpienne, où il se fusionne avec lui, pour 
aller se terminer ainsi que nous le verrons plus loin (fig. I, 
3, à). 

2° Fléchisseur commun profond.— Il est divisé également 
en deux masses volumineuses, écartées (fig. [, 4 et 5). Le 
faisceau interne s'insère supérieurement à la partie inférieure 
de l’apophyse coronoïde du cubitus (4bid., 4), au bord interne ile 
la face antérieure du cubitus, à ses deux tiers supérieurs, enfin, à 
la face profonde de l’aponévrose antibrachiale. La masse muscu- 
laire se termine vers le tiers inférieur de l’avant-bras par deux 
tendons distincts: l’externe, en passant dans la gouttière car- 


376 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE. 


pienne, envole une expansion aponévrotique qui se perd danse 
tissu cellulo-graisseux et périostique de la face antérieure du 
carpe. À la paume de la main, ce tendon glisse dans une coulisse 
propre, au-dessous du muscle thénar; iltraverse bientôt un ten- 
don perforé que nous retrouverons plus loin, et se fixe enfin 
à la dernière phalange de l’index. Quant au tendon interne du 
même muscle (fig. I, 4°), il longe le bord externe de l’émi- 
nence hypothénar, reçoit le grêle tendon du fléchisseur super- 
ficiel et s’insère à deux points distincts. Au niveau de l'extrémité 
inférieure du dernier métacarpien, 1l se bifurque en effet, et 
donne deux languettes tendineuses qui se perdent sur la troi- 
sième phalange de l’auriculaire, et sur un doigt intermédiaire, 
rudimentaire, et que nous appellerons plus loin le médius (voir 
le squelette). 

Quant au faisceau externe (fig. I, 5), il s’insère par unc languette 
antérieure, distincte de la masse générale, à la partie interné 
de l’apophyse coronoïde ; le reste du faisceau s’attache à la face 
antérieure du radius ét au ligament interosseux, dans les deux - 
tiers supérieurs. En dehors, on suit ses insertions sur le bord 
externe du radius jusqu'à l'extrémité inférieure de cet os. Le 
nerf médian passe entre la languette et la masse totale. Toutes 
les fibres convergent en un tendon qui commence au-dessus du 
carpe, et qui, suivant le bord externe des autres tendons fléchis- 
seurs, vient se perdre dans l'épaisseur du ligament antérieur du 
carpe, auquel il s’accole par la face profonde. On peut considérer 
cetle masse musculaire sans destination physiologique comme 
représentant les fibres qui seraient allées s’insérer aux doigts, au 
cas où ceux-ci eussent été présents. \F 

3° Le fléchisseur du pouce est normal. 

° Carré pronateur :1l est aussi normal. 

Région externe de l'avant-bras. — Le long supinateur, nor- 
mal dans ses insertions, est à peine développé. Les radiaux ex=, 
ternes sont normaux dans leurs insertions supérieures. Mais, au 
niveau de l'extrémité inférieure du radius, le tendon du deu- 
xième radial se met au-devant du premier et va se fixer comme. 
lui à l'extrémité supérieure du dBiribihé métacarpien; en outre, 


MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE. 377 


de son bord interne part une expansion tendineuse qui, passant 
au-dessous des tendons extenseurs, vient s'attacher au cinquième 
métacarpien et aux couches aponévrotiques situées dans l'angle 
que forment les deux mélacarpiens. 

Le court supinateur est normal. 

Région postérieure. — 1° Extenseur commun des dorgts ; 
insertion supérieure normale. Le tendon naît au niveau du tiers 
inférieur de l’avant-bras ; il se divise, au-dessous du higament 
annulaire postérieur du carpe, en trois languettes : l’une, externe, 
va en dehors dans une gouttière propre, croise les tendons des 
court et long extenseurs du pouce, et se perd sur le tendon de ce 
dernier, à la partie moyenne du premier métacarpien. Les deux 
autres languettes tendineuses traversent la région carpienne 
dans une gouttière commune: la plus interne va se fixer sur les 
deuxième et troisième phalange du petit doigt, en envoyant tou- 
tefois une expansion au médius intermédiaire incomplet. La lan- 
guelte moyenne s'attache aux phalanges de l’index. 

2 Extenseur propre du petit doigt : normal. 

8° Cubital postérieur : normal. 

° Anconé : normal. 

Région postérieure profonde. — Tous les muscles sont nor- 
maux, bien conformés. Le pouce possède donc ses long abduc- 
teur, court et long extenseurs. L’extenssur propre de lindex 
existe aussi. 

Main. — Face palmaire. — Les muscles thénars sont assez 
normalement conformés. Il n’y a que l’adducteur du pouce qui, 
au lieu de s'attacher au bord antérieur du troisième métacarpien, 
se fixe aux plans fibreux qui recouvrent les os du carpe, ainsi 
qu'à une lame aponévrotique verticale séparant l’espace inter- 
osseux limité par le deuxième et le cinquième métacurpiens. 

* Éminence hypothénar. — Il n’y a pas de palmaire cutané. 
L'adducteur et l’opposant se confondent. 

Région palmaire proprement dite. — Au bord externe, nous 
trouvons un muscle qui s’insére en haut, à la partie inférieure 
du ligament annulaire, croise à angle droit l’adducteur du pouce 
(fig. [, 11), et recouvre le tendon du fléchisseur profond qui se rend 


378 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE. 


à l'index. Au niveau de l'articulation métacarpo-phalangienne 
de l’index, il fournit un tendon que perfore le fléchisseur pro- 
fond, et se fixe ensuite sur le bord de la deuxième phalange, 
jouant ainsi le rôle de fléchisseur commun superficiel, dont il 
peut être regardé comme un accessoire. 

Les lombricaux font donc défaut; mais il y a des interosseux 
palmaires (fig. I, 12 et 13) qui sont au nombre de deux, logés 
dans l'espace interosseux. Ces muscles s’insèrent aux métacar- 
piens correspondants et au carpe, et 1ls sont séparés par une 
lamelle aponévrotique qui semble se confondre avec les gaines 
des fléchisseurs. Le premier de ces interosseux à une insertion 
normale à la partie supérieure et interne de l'index et, de plus, 
il se fixe, par une lame rubanée, au tendon extenseur de l’index. 
Le deuxième interosseux vient se Lerminer par un tendon pas- 
sant à la partie la plus externe de la prenuère phalange du 
doigt incomplet que nous avons regardé comme un médius. Il 
se termine sur celte phalange et sur le faisceau extenseur envoyé 
à ce doigt par l’extenseur commun. 

Il n’y a qu’un interosseux dorsal, et c’est le preinier (fig. E, 
14). Il a des insertions normales, sauf qu’il n’envoie pas à l’ex- 
tenseur de l’index sa lamelle ordinaire. 

Membre supérieur gauche. — Les muscles du êras sont nor- 
maux. L’avant-bras est normal dans son plan antérieur et super- 
ficiel, à part l’absence du petit palmaire qui, du reste, n’est pas 
constant à l’état normal. L’anomalie commence à la région 
profonde et antérieure de l’avant-bras qui offre cinq masses 
distinctes, mais dont les éléments, au point de vue des insertions 
et des rapports, sont considérablement altérés. C’est ainsi qu’au 
lieu de trouver les insertions supérieures limitées des fléchis- 
seurs, nous voyons, de dehors en dedans : 

1° Un muscle anormal, qui nous représente le fléchisseur 
commun superficiel, lequel, au lieu d’être épitrochléen, s’insère 
aux trois quarts supérieurs de la face antérieure du radius etau 
bord externe de cet os. Au niveau du poignet (fig. ll, 2), 1l donne 
naissance à un. large tendon aplati qui, traversant la gouttière 
carpienne dans une gaîne propre, se perd un peu plus bas dans 


MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE. 379 


le ligament annulaire et dans l’aponévrose palmaire qu'il con- 
tribue à constituer. 

2° Plus en dedans et sur le même plan, il y a une autre masse 
musculaire qui représenterait pour nous le faisceau coronoïdien 
du fléchisseur. Gelte masse musculaire, plus grêle, se fixe à la 
partie inférieure de l’apophyse coronoïde. À peine né, ce fais- 
ceau se bifurque et donne deux chefs descendant parallèlement 
au grand palmaire, vers la partie inférieure de lavant-bras : 
l’externe se jette sur le tendon du muscle précédent; l'interne 
donne bientôt naissance à un tendon très-effilé qui se perd dans 
le ligament annulaire du carpe, ou plutôt sur les tractus fibreux 
qui comblent l'espace des deux doigts de la pince. 

è° Le troisième faisceau est constitué (fig. Il, n° A) par la 
masse la plus interne. Il s'attache, en haut, aux trois quarts 
des faces antérieure et interne du cubitus, plus en bas et en 
dedans, à l’aponévrose antibrachiale. Nous pouvons donc le 
considérer comme un #léchisseur profond. se termine infé- 
rieurement par un fort tendon qui naît à un centimêtre environ 
au-dessus du poignet, et passe dans la gouttière du carpe, où il 
disparaît. Il contracte alors une adhérence intime avec le liga- 
ment annulaire ; néanmoins, on le suit encore jusqu’à l’articula- 
tion carpo-métacarpienne de la branche interne de la pince. 
À ce niveau, tout distinct qu’il soit encore, il adhère par sa face 
postérieure à la gaîne qui lui est destinée. Il se termine bientôt 
par un épanouissement assez large de fibres tendineuses qui se 
fixent à la face profonde de la peau recouvrant l'espace interdi- 
gital. Mais les fibres internes de ce tendon se continuent plus 
bas, dessinant un tendon mince qui s'attache à la première pha- 
lange du petit doigt. Encore plus bas, partent de petites lamelles 
aponévrotiques formant un tendon distinct, arrondi, sans conti- 
nuilé directe avec le précédent. Ge petit tendon phalangien va 
de la première phalange à la partie supérieure de la dernière. 
De cette disoosition, il résulte donc une sorte de corde raide qui 
immobilise le doigt dans une attitude vicieuse, comme l'indique 
notre dessin. 


he La quatrième masse est formée par un muscle bien confor- 


380 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE. 


mé, qui est le long fléchisseur propre du pouce. N n'offre de. 
spécial qu’un faisceau de renforcement qui lui vient du muscle 
fléchisseur commun profond. 

5° La dernière masse est le carré pronateur (fig. I], n° 8). 

De l'étude de ces Insertions des muscles, il résulte que les inser- 
tions inféricures des fléchisseurs ne pouvant se faire sur des 
doigts absents se font sur des couches aponévrotiques intermé- 
diaires aux deux branches de la pince. 

Région externe. — Rien d'anormal si ce n’est la gracilité de 
la masse musculaire du long supinateur. 

Les deux radiaux externes ont leurs insertions supérieures 
normales ; mais, à l’extrémité inférieure du radius, le premier 
radial glisse sous le second et se termine sur une large lame 
aponévrotique qui recouvre le poignet en arrière. Par cette lame, 
ce radial s'attache au premier et au dernier métacarpien. Le 
deuxième radial se bifurque manifestement par deux expansions 
allant s'attacher chacune à son métacarpien; elles interceptent 
entre elles un angle droit. 

Région postérieure. — On y remarque l'extenseur commun 
des doigts. I est normal en haut; puis il se sépare bientôt et 
donne naissance à deux tendons, lesquels se divisent eux-mêmes 
au tiers inférieur de l’avant-bras. L° tendon le plus externe 
fournit deux faisceaux, dont l’un va à la face dorsale du pouce 
jusqu’à la première phalange, ce qui est normal, tandis que 
l’autre va se perdre dans la couche profonde de la peau interdi- 
gitale. Comme le tendon interne n’est pas destiné à un auricu- 
laire, il se termine en une large lame aponévrotique triangulaire 
qui n’a pour effet que de renforcer l’espace intermétacarpien. 
De plus, cette lame contracte des adhérences avec la peau. 

L'extenseur propre du petit doigt, normal en haut, mais trés- 
grêle, finit en bas par un tendon aplati, qui se perd dans les 
couches fibreuses recouvrant le cinquième métacarpien. 

L’anconé, le cubital postérieur sont normaux. 

La région postérieure profonde laisse voir les muscles du 
pouce normaux ; mais l’extenseur propre de l'index manque. 

Main. — Les muscles thénar sont peu développés (fig. I, 


MONSTRE UNITAIRE. —- HÉMIMÉLIE. 381 


n° 9); l’adducteur du pouce semble ne pas exister. Les muscles 
de la région hypothénar sont représentés par une pelite masse 
musculaire peu développée, où l’on croit constater l’adducteur 
et le court fléchisseur du petit doigt. Le palmaire cutané existe 
(fig. I, 6). 

Membre inférieur droit. — Tous les muscles de la cuisse exis- 
tent avec leurs insertions supérieures régulières. Le triceps 
fémoral va s'attacher inféricurement sur une rotule cartilagi- 
neuse du sommet de laquelle part un ligament rotulien trés- 
solide qui se fixe à la partie antérieure de l'os unique qui con- 
slitue la jambe. 

Le couturier, le droit interne et le demi- tendineux imbriquent 
à la face interne du genou leurs trois tendons et forment une 
palle d'oie normale. 

Le biceps fémoral n'offre que sa longue portion. Il donne nais- 
sance, au niveau de l'extrémité inférieure du fémur, à un ten- 
don effilé qui ne tarde pas à se Jeter sur une aponévrose épaisse 
représentant l'aponévrose jambiére, et va ainsi se fixer au niveau 
de la partie moyenne de la face externe du long cartilage qui 
représente le tibia. 

Le tendon du demi-membraneux, au niveau de la face interne 
du genou, envoie une mince lamelle aponévrotique qui renforce, 
en dedans, la capsule articulaire ; puis il descend à la face posté- 
rieure du genou, et vient s’altacher, en s’éloignant un Pa à la 
partie postérieure du tibia. 

Jambe. :— Pas de muscles à la région antérieure de la jambe, 
où la peau n’est séparée du tibia que par une mince aponé- 
vrose. 

En arrière, on trouve un triceps sural incomplet ou du moins 
mal formé. Il est représenté en effet par trois masses muscu- 
laires : la plus externe, qui constitue le jumeau externe, s’insère 
au condyle externe et vient, à quelques millimètres au-dessous 
du plateau du tibia, se réunir au jumeau interne. 

Ce dernier, cinq ou six fois plus développé que l’externe, pré- 
sente les Insertions supérieures normales, et se termine bientôt 
en un tendon aplati. Plus profondément, on aperçoit un mince 


382 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE. 


faisceau musculaire, le soléaire atrophié, qui s'attache à la partie 
supérieure et externe de la face postérieure du tibia, et se jette 
bientôt dans le jumeau interne, à la face antérieure duquel il 
s'accole. 

Le tendon terminal commun à ces trois muscles passe en 
arrière de l'extrémité inférieure du tibia cartilagineux, et vient 
s'attacher à la partie la plus élevée d’un petit cartilage mobile 
sur l'extrémité inférieure du tibia, et qui représente à lui seul, 
comme nous verrons plus loin, le squelette du pied. Pas trace 
de muscles au-dessous de ce cartilage. 

Toutefois, dans l'épaisseur de ce bourrelet cutané appendu à 
la jambe, on aperçoit, partant des couches aponévrotiques qui 
recouvrent l'extrémité inférieure du tibia, un petit faisceau mus- 
culaire, qui est peut-être le muscle pédieux. 

Ce petit muscle se porte obliquement, sous la peau, de la partie 
externe du tibia jusqu’à l'extrémité antérieure et interne du 
bourgeon cutané, et se perd à la face profonde de la peau de 
celle région. 

Membre inférieur gauche. — Rien à noter au niveau de la 
cuisse, si ce n’est à la région postérieure. Le biceps fémoral n’a 
pas de courte portion; il se perd, par son tendon, sur l'aponé- 
vrose fascia lata, très-apparente, el se fixe avec elle à la partie 
externe de l’extrémité supérieure du tibia. 

Les muscles de la patte d’oie présentent la même disposition 
qu'à droite; de même pour le dermi-membraneux. | 

Jambe. — Pas de muscles à la région antérieure, où les parties 
molles sont simplement représentées par une lame aponévrotique 
épaisse. 

En arrière, les deux jumeaux existent, comme à droite, mais 
l'interne est ici le moins développé, et il reçoit du demi-mem- 
braneux un faisceau. musculaire effilé qui part de la partie 
moyenne de la cuisse. Le jumeau externe, trois fois plus déve- 
loppé que l’interne, se terniine sur le tendon d'Achille. Plus 
profondément, on voit partir des fibres musculaires qui repré- 
sentent le soléaire et le poplité réunis. Elles se fixent, en effet, 
à la partie postérieure du condyle et au tibia, et se perdent à la 


MONSTRE UNITAIRE, — HÉMIMÉLIE. 383 


face profonde des jumeaux. Le tendon d'Achille; qui fait suite à 
ces muscles, s'attache inférieurement, comme à droite, sur un 
petit cartilage calcanéen que nous étudierons bientôt. Disons 
seulement que ce petit cartilage paraît soulevé, en arrière et en 
haut, par le tendon d'Achille, plus court qu’à droite, disposition 
qui explique la direction de ce pied mal conformé. 

Le petit pédieux n'existe pas pour ce pied. 


VAISSEAUX. 


Artères. — Nous ne les envisageons qu'à partir du point de 
chaque membre où l’anomalie commence pour elle. Or, au mem- 
bre droit, c’est au poignet que nous les prendrons, tandis que 
pour le membre qauche anomalie existe au niveau de la ra- 
diale. Celle-ci, en effet, très-ténue, contourne le long supinateur 
au tiers inférieur de l’avant-bras, et se perd dans la peau du 
poignet après un court trajet. La cubitale, à partir de ce point, 
constitue l’artère unique. Aussi, elle se bifurque au poignet et 
donne deux branches: l’une interne, sous-aponévrotique, qui 
passe sous le ligament annulaire carpien, glisse au devant des 
muscles hypothénar, et forme les deux collatérales de la branche 
interne de la pince. Le rameau externe se place le long du nerf 
médian, s’en fait le satellite, et, se glissant au-dessous de l’émi- 
nence thénar, reparait au niveau de la première phalange du 
pouce, où 1l forme aussitôt les deux collatérales de la branche 
| externe. 

De la collatérale interne partent des artérioles qui vont nour- 
rir la peau de la commissure digitale. 

Pour le membre supérieur droit, voici ce que nous trouvons : 
les artères de l’avant-bras arrivent jusqu’au poignet, avec les 
tendons et nerfs satellites ordinaires. La radiale arrive au premier 
espace interosseux après avoir contourné le radius; elle disparaît 
dans cet espace sans fournir de nouvelles ramifications. La cubi- 
| tale, parvenue à la région hypothénar, se distribue à ses mus- 
cles, envoie une collatérale au bord interne de la palette digitale 
et quelques ramuscules aux tissus profonds de la paume. Nous 


384 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION À LA TÉRATOLOGIE. 


distinguons un rameau palmaire médian, occupant l’espace inter- 
osseux limité par les deuxième et cinquième métacarpiens, Ce 
rameau, arrivé à la base des deux premiers doigts soudés, se 
bifurque en deux collatérales, une externe pour le médius, une 
interne pour l'index. L'artère cubitale, après une ébauche d’ar- 
cade palmaire superficielle, se termine en fournissant des ramus- 
cules aux muscles thénar et deux collatérales, l’externe de l'index 
‘et l'interne du pouce. 

Les veines ne fournissent aucune disposition spéciale digne 
d’être notée ; elles répondent au trajet des artères. 

Membres éré — Arrivée au creux poplité, la fémorale, 
des deux côtés, passe entre les Jumeaux, longe la face posté- 
rieure du tibia et se bifurque au niveau du tiers inférieur de cet . 
os en deux branches : l’une externe, grêle, se perd dans les 
téguments des moignons pédieux; l’autre, interne, croise le 
tendon d’Achille et vient s’épuiser dans la région interne et infé- 
ricure de ces moignons. | 

Les veines fémorales répondent aux artères. Il n’y a pas de 
Saphène interne et, d’une façon générale, les veines superficielles 
sont presque imperceptibles. 


SYSTÈME NERVEUX. 


L'encéphale a pour poids total 120 grammes. Il y a abondance 
de séro$ité sous-arachnoïdienne. | 

Aucune lésion à noter. 

La moelle à l’état frais est ferine et n'offre aucune appardies 
d'altération. (1 

Examen histologique de la moelle épinière. — Nous avions 
présumé que l'examen histologique de la moelle épimière, par- 
faitement conservée, nous décélerait des altérations qui nous au 
raient autorisés à établir des rapports de cause à effet entre 
elles et les anomalies de notre sujet. 2) 

Cet examen, pratiqué avec le plus grand soin par M. | Balrén 
a été absolument négatif : nous sommes donc en droit d’en infé- 
rer que l'appareil cérébro-spinal ne doit pas être, pour notre 


MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE. 289 


sujet, considéré comme le facteur tératogénique, et nous nous 
abstiendrons de toute spéculation théorique sur une question 
sur laquelle la science n’a encore fourni rien de précis. Cepen- 
dant 1l n’est pas douteux que les résultats de tératogénie expéri- 
mentale que M. Dareste livrera prochainement à la publicité 
jettent de vives lumières sur l’étiologie des monstres simples, 
restée Jusru ici enveloppée de tant d’obscurité. 

Nerfs. — Nous signalerons les anomalies là’ où elles se mon- 
trent : c’est ainsi que nous avons procédé pour les artères. 


Membre supéricur droit. 


Le médian, au pli du coude, passe entre les deux fléchisseurs 
communs ; 1} descend sur la face antéricure de Favant-bras sans 
fournir au fléchisseur profond, ce qui est une anomalie ; dans 
son trajet, 1l innerve le fléchisseur superficiel, le fléchisseur 
propre du pouce, le rond pronateur, le grand palmaire et le 
carré. Au poignet, il envoie un rameau palmaire cutané. Arrivé à 
la paume de la main, il donne un rameau musculaire à l’éminence 
thénar et quatre autres, lesquels sont : 1° les collatéraux externe 
el interne du pouce ; ce dernier, fournissant au muscle acces- 
soire fléchisseur superficiel décrit (fig. E, n° 11); puis, se bifur- 
quant, envoie, ?° un collatéral interne à l’index soudé. Enfin, 
3° le quatrième rameau du médian forme les collatéraux interne 
et l'externe du médius soudé. 

Cubital. — Au niveau de Pavant-bras, il fournit seul au flé- 
chisseur profond. Au tiers inférieur, il donne unc branche anté- 
ricure, satellite de l'artère cubitale, qui arrive à l’éminence 
thénar à laquelle il donne des rameaux musculaires, et se ter- 
mine en deux rameaux qui sont destinés à former : 
1° L’interne, un collatéral interne du petit doigt, ct un colla- 
(éral externe, lequel se bifurque lui même pour former deux 
branches collatérales inoccupées, et vraisemblablement destinées 
à l’annulaire absent. 
2° L’externe se réfléchit dans la paume de la main, et envoie 


aux interosseux existants et à l’adducteur du pouce. 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, —- T. XIII (1877). 29 


380 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE. 


Quant à la branche postéricure du cubital, arrivée à la face 
dorsale du poignet, elle se divise en deux rameaux : 4° le colla: 
téral dorsal interne du petit doigt, et 2° un ramuscule qui four- 
nit le collatéral dorsal externe du petit doigt, et les deux colla- 
téraux dorsaux du médius soudés. Ces deux derniers nerfs sont 
plus ténus que les précédents. 

Radial. — Tous les muscles qui sont sous la dépendance ner- 
male de cc nerf reçoivent ses branches. Il n’y a que sa branche -M 
antérieure qui offre cette particularité que, à la face dorsale de 
la main, ce nerf fournit trois rameaux : le collatéral dorsal ex- 
terne du pouce, le collatéral dorsal interne de lindex et enfin 
une branche intermédiaire divisée, et fourmissant le collatéral 
dorsal interne du pouce et l’externe de l'index. 


Membre supérieur gauche. 


Le médian se remarque par sa ténuité. Il fournit des rameaux 
à la série des muscles normaux qu’il innerve habituellement, 
et en outre aux deux faisceaux anormaux décrits plus haut 
sous les noms de fléchisseur superficiel et fléchisseur coronoï- 
dien (fig. 2, n° 2 et 10). 

Dans la paume de la main, il innerve. les muscles thénar, et 
se bifurque aussitôt en donnant le collatéral externe du pouce 
et son collatéral interne, duquel se détache un mince filet qui se 
perd dans l’espace interdigital. 

Le nerf cubital fournit au fléchisseur profond de l’avant-bras 
(fig. Il, 4). Il se termine en deux rameaux : l’un, .antérieur, « 
suit le cubital, se distribue aux muscles hypothénar, pour 
s’épuiser enfin en collatéraux palimnaires externe et interne du M4 
petit doigt. Le postérieur gagne la face dorsale du poignet, et set 
divise en rameau cutané de la région interdigitale, et en rameau 
interne, qui donne les deux collatéraux dorsaux du petit doigt | 
de la pince. 

Radial. — La branche terminale antérieure va à la face dor-. | 
sale du poignet fournir les deux collatéraux dorsaux du pouce. 
La branche postéricure est destinée aux muscles extenseurs de 
la main et des doigts, | 


NI 


MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE. 58 


Membres inférieurs. 


Pour chacun des deux membres, le sciatique, arrivé au creux 
poplité, se divise en poplité externe et en poplité interne. 

Le premier contourne la face externe du tibia, devient aussi- 
tôt sous-cutané et s’épuise dans la peau, mais après s'être 
d’abord anastomosé avec le saphène externe, branche du poplité 
interne ; on ne peut du moins le suivre au delà du cartilage tar- 
sien que nous verrons bientôt. Mais 1l est à supposer que ces 
rameaux anaslomotiques se rendaient à ce petit muscle pédieux 
que nous avons décrit au membre inférieur droit. 

Poplité interne. — Il fournit au genou, aux Jumeaux et au 
soléaire atrophié. La branche décrite plus haut sous le nom de 
saphène externe se détache de lui au creux poplité. 

Le poplité interne longe la face postérieure du cartilage repré- 
sentant le tibia, suit le tendon d’Achille et vient se perdre dans 
la peau du moignon terminal du membre. 

Les nerfs se comportent donc symétriquement à droite et à 
gauche ; 1l n’y à à signaler que l'absence du s spphée externe au 
membre gauche. 


OSTÉOLOGIE ET ARTHROLOGIE. 


| Les os du carpe, où l’anomalie commence pour le membre 
supérieur droit (fig. ID), n’ont ni la forme, ni le nombre habi- 
tuel. 


Membre supérieur droit. 


Carpe. — Sur la première rangée le scaphoide et le semi- 
lunaire offrent quelques particularités : ainsi le scaphoïde n’a 
pas de facette correspondant au grand os, lequel est confondu 
avec plusieurs des os contigus. Le semi-lunaire est plat à sa face 
inférieure et présente une facette destinée, par anomalie, au 
Scaphoiïde, et une autre facette large répondant à l’os anormal 
décrit plus loin (fig. INT, 3). 

Le pyramidal se perd dans ce grand os anormal répondant à 
la deuxième rangée. 


388 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE. 

Enfin, le pesiforme est régulier. 

Les os de la deuxième rangée sont: le rapèze, qui est normal ; 
le trapézoïde qui, en bas, ne s'articule, par anomalie, qu'avec la 
partie externe du deuxième métacarpien. 

Enfin, le grand os anormal, qui nous paraît résulter de l’union 
des trois os, pyramidal, grand os et os crochu (fig. WT, n° 3). 

Il représente, en effet, les trois os soudés en raison des rap- 
ports qu'il a avec les os voisins : car, comme le pyramidal, il 
s’unit, en haut, au semi-lunaire et au pisiforme (fig: IIE, n° 2 
et A). Entre ces deux os, il s'articule avec le ligament trian- 
gulaire de l'articulation radio-cubitale inférieure. Ainsi que le 
grand os et l'os crochu, il s’unit à sa partie externe au semi- 
lunaire ; par sa partie inférieure, 1l répond, comme le ferait le 
grand os, au deuxième métacarpien (fig. IE, n° 7 et 8). 

M étacarpe. — Trois métacarpiens seulement : le premier est 
normal ; le deuxième répond par son extrémité supérieure au 
trapèze, au trapézoïde et au grand os anormal (fig. IF, n° 7). 
D'autre part, il s'articule quelque peu avec le cinquième méla- 
carpien. Celui-ci, plus petit et plus large, répond au grand os. 
L'extrémité inféricure de ces deux métacarpiens se comporte 
de la façon suivante : celle de l’index s’unit à la première pha- 
lange, landis que celle du cinquième offre deux faceltes articu- « 
laires continues, regardant, l’une en dehors, avec laquelle 
s'articule la première phalange du duigt intermédiaire que nous 
avons appelé le médius, et l'autre en dedans, pour la phalange 
de l'auriculaire. Quant à l'extrémité de la palette, nous ne pou- 
vons, en raison de sa configuralion très-irrégulière, que ren- 
voyer à notre planche, figure I. Nous faisons remarquer » 
pourtant que, pour les deux doigts extrêmes, la première pha- 
lange paraît à peu près normale, tandis que les deux dernières 
convergent vers l’axe de la main ; elles sont petites et atrophiées 
et la phalangette de l'index est soudée à celle du doigt qui serait 
le médius (fig. IF, n° 45). 


Membre supérieur gauche. 


Les deux rangées du carpe semblent comme soudées entre. 


MONSTRE UNITAIRE. —— HÉMIMÉLIE. 389 


elles (fig. IV). Elles se réduisent à trois os qui seraient, de 
dehors en dedans, le scaphoïde, le semi-lunaire et un grand os : 
tous les trois sont anormaux. 

Le ecaphoïde (fig. IV, n° 1) répond en haut au radius; inférieu- 
réement, il joue le rôle du trapèze, puisqu'il s'articule avec le 
premier os de la pince. Enfin, 1l offre une face interne verticale, 
convexe, qui répond au semi-lunaire. | 

Ce semi-lunaire s’unit en haut au radius, en bas, par une 
petite facelte, au premier os de la branche externe de la pince, 
en dedans au troisième os anormal. Sa face antérieure est divisée 
en deux parties égales par un sillon qui ne comprend que les 
deux tiers de l’épaisseur de l'os. C’est donc là un arrêt de divi- 
sion de los, et c’est la seule trace de la composition qu’affecte 
normalement le carpe. 

Le troisième os du carpe (fig. IV, n° 3) est le plus gros des 
trois ; 1l est prismatique et triangulaire; 1l répond, en haut, au 
ligament triangulaire; en bas, au premier os de la branche in- 
terne. La face dorsale de ce carpe est recouverte par des tractus 
fibreux résistants qui maintiennent les trois os entre eux. 

Métacarpe. -— Deux os seulement, le premier et le cinquième 
mélacarpiens, terminés chacun par deux phalanges. Le premier 
mélacarpien s’unil aux deux premiers os du carpe (fig. [V, n°4); 
le cinquième s'unit seulement au grand os anormal. Les deux 
dernières phalanges sont pour chacun d’eux des phalangettes, 
puisqu'elles supportent un ongle bien conformé. Entre les deux 
métacarpiens, à leur partie inférieure, soni des tractus fibreux 
qui limitent leur écartement. On n’y découvre aucune trace de 
travail osseux ni même cartilagineux. 


Membreé inférieurs. 


Les anomalies commencent au niveau de l’épiphyse inférieure 
des deux fémurs. Les condvyles externes, de chaque côté, sont 


moins volumineux que les internes ; cette disproportion est plus 


accentuée à droite. Or, les deux péronés étant absents, nous de- 
vons voir dans cette alrophie relative une corrélation qui trouve 
sa cause dans la genèse de l’anomalie de notre sujet. Les con- 


390 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLCGIE. 


dyles s'unissent chacun à un tibia, petit, atrophié, cartilagineux. 

Les platcaux'supérieurs des tibias existent, et on voit s’y des- 
siner deux surfaces articulaires condyliennes ; cependant, les 
deux cartilages semi-lunaires externes font défaut, tandis que les 
internes sont à peu près formés. Il n'y a pas de surface articulaire 
à la partie inférieure de ces tibias. 

Les rotules sont cartilagineuses et ne présentent qu’une sur- 
face articulaire trochléenne. Les péronés font défaut, ct les liga- 
ments latéraux externes des genoux se fixent à la partie posté- 
rieure des plateaux des tibias. 

Au-dessous de l'extrémité inférieure des Libias, on trouve un 
cartilage gros comme un pois qui est le seul représentant du 
squelette des pieds. Ge cartilage est comme perdu dans la masse. 
des moignons pédieux. 


État d’ossification du squelette, 


Os des carpes. — Ils sont tous cartilagineux. | 

Métacarpiens. — Ils présentent tous un point d’ossification 
qui occupe presque toute leur étendue. 

Premières phalanges. — Tl en est de même pour elles, c’est- 
à-dire qu’elles ont un point d’ossification. 

Les deuxièmes phalanges, lesquelles n’existent qu’à la main 
droite, offrent un état cartilagineux pour l’index et l’auriculaire, 
tandis que le médius anormal offre un point d’ossification central. 
Les dernières phalanges sont toutes ossifiées, et les phalangettes 
soudées de l'index et du médius constituent une lamelle osseuse 
plate, bifide supérieurement et ne formant qu’un os unique. 


MÉMOIRE 


SUR 


LES SARCOPTIDES PLUMICOLES 


Par MM. Ch. ROBIN et MÉGNIN 


PLANCHES XXII, XXIII, XXIV ET XXV. 


DEUXIÈME PARTIE 


DESCRIPTION PARTICULIÈRE DES GENRES ET DES ESPÈCES DE 
SARCOPTIDES PLUMICOLES. 


Le tableau synoptique de la page suivante résume Îles carac- 
tères du groupe de Sarcoptides que nous décrivons dans ce tra- 
h vail (2). Il résume également les caractères des genres et de 
| leurs subdivisions en sections ou sous-genres. Il nous suffira par 
+ conséquent dans le réste de ce mémoire de donner la description 
des caractères génériques et spécifiques de ces acariens, en 
|" rappelant le titre des subdivisions de ce tableau (3). 

(1) Voy le numéro de mai-juin 1877 de ce recueil. 
(2) A l'explication des planches XII et XIII, et à la légende de la planche XII, 


. lisez falciger au lieu de falcigerus. | 
13) Pour récolter ces acariens, il faut procéder comme l’un de nous l’a déjà in- 


| diqué plus haut, et le dit encore plus loin : il faut les chercher dans leur habitat, 


sur l’oiseau qui vient d’être tué et qui est encore chaud; on les trouve alors bien 
vivants et très-agiles. Lorsque l’oiseau est mort depuis vingt-quatre ou quarante-huit 
heures, les acariens plumicoles abandonnent les plumes des ailes pour se répandre 
sur le corps, et c’est alors et surtout sur le cou qu'ils s’accumulent et d’où on les 
fait tomber facilement en grattant à rebrousse-plume cette région avec le dos d’un 


|  scalpel ou un couteau à papier. Après quarante-huit à soixante-douze heures les 


Sarcoptides plumicoles abandonnent complétement l’oiseau sur lequel ils vivaient en 
. parasites et on n’en trouve plus; pour empêcher leur fuite, on enveloppe herméti- 
quement l’oiseau dans un sac de papier, et lorsqu'on l’ouvre au bout de deux ou 
trois jours on trouve tous les acariens morts, ou quelques-uns encore vivants sur 
les parois ou dans les encoignures du sac. 1l est des saisons, par exemple la fin de 
l’hiver et le commencement du printemps, où l’on ne trouve pas ou très-peu de Sar- 
coptides plumicoles sur les oiseaux ; nous en avons trouvé la raison pour une espèce, 
le Pterolichus falciger, comme nous le verrons plns loin, mais nous sommes encore 


| . à la chercher pour les autres. 


992 


| 


Caractères généri- 


Tribu des Sarcoptides piumicoles. 


ques et sub-géné- 
riques portant sur 
les modifications 
de la 3° paire de 
pattes et de l'ex- 
trémité de l’abdo- 
men chez le mâle. 

La femelle adulte 
ayant toujours l'ab- 
domen entier sans 
appendices autres 
que des soies. La 
3° paire de pattes 
semblables aux 
autres. 


_ Troisième paire de pat- 


Caractères généri- 
ques et sub-géné- 
riques présentés 
à la fois par le 
mâle et par la 
femelle adulte, 


celle-ci ayant l’ab- 
domen bilobé et 


portant des ap- 
pendices gladii- 
formes ou simple 
ment sétiformes. 


| Pattes à peu près égales |3° Abdomen du mâle ter- 


les autres, 5 sous-JAbdomen naux entiers à oscinum. C. R. (Verdier). 
| genres. du mâle Ÿ bordexterne plus), | i 
profon- | ou moins pro- socialis C. R. (Caille, pic-vert). 
dément / fondément  si- sinuosus M, (Moyen duc, cfraic). 
divisé en | nueux. 
deux  f4° Lobes abdomi-{}, y ; 

Ge gen es par) D . velatus M. (Canard, pingouin). 
une membrane)D. centropodus M. (Vanneau). 
mince, 

5 Tarses anté- \ , 
rieurs terminés 
| par de petits D. ii M. (Poule, bengali, se- 
: \ crochets et des | 
‘ ventouses. 
P. glandarinus G R. (Geai, gros-bec). 
4° Prolongements foliacés P. profusus C.R. (Moineau et autres 
Genre ! del'abdomen du mâle, très-)  PaSsereaux). 
PROCTOPHYLLODES C.R.| larges. P. truncatus C.R. (Moineau et autril 
Abdomen du mâle tron- passereaux). 
qué et portant une P. hemiphyllus C. R. (Proyer). 


CH, ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


P. obtusus C. R. (Poule ordin., fai- 
1° Extrénuté abdominale d sans, perdrix}e 
! mâle, entière, portant de}P. claudicans C. R. (Perdrix, caille 
| simples soies, avec ou sans) surtout). $ 
MpUUAE P. bisubulatus C. R. (Perdrix rouge 
et grise), 


20 Onglet inférieur des man-{ 


dibules du mâle allongé en)P. falciger M. (Pigeons, gouras). 
faucille à 


Genre 
PTEROLICHUS C. R. 


| 
chez les deux sexes,’ miné par des Mot ui securiger CG. R. (Martinet). 
portant des ventouses | symétriques, sempeas | à cultrifer C. R. (Martinet) 
de moyenne grandeur. { ou cultriformes j dE ne ; 
> sous-genres. 4 Abdomen du mâle ter- ( 

miné en demi-lune trans- 

versale. 


P. lunula C. R. (PEU perru- 
ches). 


P. rallorum C. R. (Râle de genêt). 


| 
5° Abdomen du mäle pro- 
P. delibatus C. R. (Üorneille). 


| fondément échancré, for- 
. mant deux lobes prismati- 


| ques triangulaires. P. uncinatus M. (Veuve à collier d’or, 


faisans). 
Genre PTERONYSSUS C. R. 


Troisième paire de pattes un peu plus grandes que 
les autres. Énormes ambulacres. 


P. picinus C. R. (Pic-vert). 
P. striatus CG. R. (Pinson). 


1° Abdomen du mâle entier. 
3° paire de pattes énor La" 


. passerinus Koch ex Linné (Serin, 
terminée par un ongle ro- 


mcineau, pinson). 


buste. D. corvinus M. (Corneille). 


Genre 
DERMALICHUS K. | 


2 Lobes abdo- 
minaux divisés 
transversalemnt 
par une articu- 
lation simple. 


3° Lobes re 


D. ginglymurus M. (Faisans, corneilie). 
D. cubitalis M. (Poule ordinaire). 


D. asternalis M. (Colombe, colin, pi= 
geon, paon, perdrix rouge, perru= 
ches, serin). 


tes énormes ou seule- 
ment plus grosses et 
bien plus longues que 


paire d’appendices fo- 
liacés. Femelle adulte 
à abdomen bilobé por- 
tant une paire d’ap- 
pendices  gladiifor- 
mes. 2 sous-genres. | 


P. microphgllus C. R. (Pinson). 


de l'abdomen du mâle ré-\P: rutilus C. R. (Hirondelle de fe- 
duits à l'état : T4 rene nêtre). 


ou de simples soies (sous-)P, cylindricus C. R. ( 


20 Prolongements Er 
, genre Pterodectes C. R.) 1 


Pie). 
P. bilobatus C. R. (Alouettes diver- 


\ ” Ses). 
Genre PTEROPHAGUS M. 


Abdomen du mâle légèrement bilobé, sans prolon- 
gement foliacé. Femelle adulte à lobes renflés, 


Û strictus M. (Pigeons). 
simplement sétifères. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 393 


Genre PTEROLICHUS (1) Ch. Robin. 


Sarcoptides d'un gris roussâtre dont la longueur ne dépasse 
euère un demi-millimètre (2),de furme générale ovoïde ou losan- 
gique, dos plus ou moins bombé, avec une dépression latérale 
peu profonde entre la deuxième et la troisième palle ; au-devant 
de cette patte un long poil latéral avec un autre où un piquant 
plus court. Une vésicule ovoïde dans labdomen en arrière de 
chacune des dernières patles et à contenu brillant. 

Rostre court, ovoïde, à base élargie, un peu incliné en avant 
et en bas; à mandibules conoïdes, courtes, renflées à la base, 
aiguës en avant, un peu recouvertes par un court prolongement 
‘incolore du camérostome dépassant un épistome granuleux qui 
porte une paire de poils sur le plus grand nombre des espèces. 

Males en général un peu plus petits que les femelles, de forme 
générale losangique ou ovoide et alors avec un abdomen plus 
ou moins profondément bilobé en arrière où il porte de quatre à 
cinq paires de poils, les uns longs, les autres courts; une plaque 
dorsale granuleuse sur l’épistome et une thoraco-abdominale ; 
organe génital conoïle, petit, à peine plus long que large. 

Femelles fécondees ovoïdes, massives; extrémité de l'abdomen 
arrondie, mousse, portant deux paires de longs poils ; vulve entre 
les épimères de la troisième paire, avec un sternite semi-lunaire 
transversal à extrémités libres. Une plaque dorsale sur l’épistome 
el unc plaque thoraco-abdominale. Femelles accouplées plus 
petites que les précédentes sans organes sexuels, ni saillie à 
l'arrière du corps. 

Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées, mais 
plus petites, de grandeur variable, à abdomen plus court. 

Larves lexapodes à abäomen plus étroit que le céphalothorax 
et court, avec deux poils seulement au bout du corps. | 

REMARQUES. — Les Sarcoptides de ce genre se distinguent de 


(1) Étymologie : rrezèv, aile; Aetyw, lingo, je lèche. 
(2) !1y a cependant une exception, le Pteroliclus falciger, qui approche un mil- 
limètre et même le dépasse à l’état de nymphe hypopiale. 


39/1 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


ceux des autres genres par leur forme ovoide ou losangique, 
aplatie en dessous, par l’absence de piquant sur le côté interne 
du tibial des premières pattes. | ; 

Les mâles se distinguent facilement par leur forme presque : 
losangique, par la disposition bilobée du bout de leur abdomen 
avec quatre ou cinq poils sur chaque lobe, sans pointe au tibial 
de la troisième paire de pattes qui est la plus petite et par la 
brièveté du pénis. 

Les femelles se distinguent aisément par leur forme ovoide 
aplatie en dessous, sans prolongement proprement dit du bout 
de l'abdomen, ni soudure aux lèvres de la vulve des extrémités 
du sternite en fer à cheval qui surmonte cet organe. 


4° Pterolichus dont le mâle a l’extrémité abdominale entière portant 
de simples soies avec ou sans aïguillon (1) 


1. Preroucnus osrusus, Ch. Robin (pl. XXII, fig. 3, 4 et 5) (2). 


Sarcoptides semblables au P. bisubulatus d’une manière générale, ayant 
un rostre un peu-plus petit et tous les épimères libres, avec ou sans 
articulation du quatrième sur le troisième. 

Tégument transparent, mince, peu rigide, à plis réguliers, très-on- 
dulés sous le ventre, un peu moins fins et moins rapprochés que sur 
le suivant, portant sur le dos deux paires de poils au niveau de la 
deuxième paire de pattes, :omme sur l'espèce en question, et une plaque 
finement grenue étendue de l'épistome jusqu'au-dessous de ces poils, et 
s’étalant au-dessous d'eux en une mince bande transversale. Au-dessous 
de cette bande est une étroite zone transversale de plis, puis au-dessous 
de celle-ci est une nouvelle plaque finement grenue, quadrilatère, élargie 
en avant, à angles nets, étendue’ sur une portion de l’abdomen. Une 
grosse vésicule ovoide réfractant fortement la lumière de chaque côté 
dans l'abdomen qui disparait à certaines epoques. 

Anus comme sur le P. bisubulatus. 

Mûle (fig. 3) long de 3 dixièmes de millimètre ou un peu au delà et 
d'un tiers moins large environ; pattes des quatre paires sensiblement 
égales, où les dernières un peu plus grosses. 

Organe génital large, conoïde, tronqué, jaunâtre, placé au niveau de 
l'intervalle qui sépare le troisième du quatrième épimère; une paire de 
poils fins un peu au-dessous de sa base et une au-dessus. 


(1) Sur les espèces de cette division on trouve sur les flancs, en avant des pattes 
de la troisième paire, deux poils fins, dont un plus court un peu en avant et plus 
près de la face ventrale que l’autre, Il en est de même sur les Pf. falciger et lunula. 

(2) Obtusus, dont le corps est obtus, tronqué. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 395 


Abdomen court, aplati, à côtés déprimés, à extrémité presque demi- 
circulaire, avec une dépression sur la ligne médiane qui rend son extré- 
mité bilobée, à lobes arrondis; chaque lobe porte quatre poils, les deux 
externes sont fins et courts, et les deux autres sont un peu plus longs 
que le corps n’est large. Ces caractères et la présence d'une plaque tho- 
raco-abdominale le font distinguer aisément du mâle du P. bisubulatus. 

Une ventouse anale, circulaire, large, pâle de chaque côté de l'anus, 
presque au centre de chaque lobe, avec un court spicule au devant. 

Femelle fécondée (fig.4) longue de 4 à 5 dixièmes de millimètre et d’une 
largeur presque moitié moindre. Pattes presque semblables, celles de la 
deuxième et de la troisième paire pourtant un peu plus petites, les 
dernières dépassant un peu le bout de l'abdomen. 

Vulve (fig. 5) dans l'intervalle qui sépare la deuxième de la troisième 
paire d’épimères, en forme de fente longitudinale, à lèvres assez épaisses, 
jaunätres en arriere, où elles s’écartent beaucoup, et entre lesquelles 
s'avance le tégument finement plissé, avec une dépression circulaire 
médiane à contour plissé et froncé; commissure antérieure difficile à 
voir, surmontée transversalement d’un épimérite jaune très-foncé, en 
fer à cheval, à concavité postérieure, dont les branches descendent 
jusqu'en bas de la vulve, où elles embrassent deux poils courts et fins. 

Abdomen de forme semi-ovoïde, avec une légère dépression au niveau 
des dernières pattes, un peu tronqué ou même déprimé à son extrémité ; 
de chaque £ôté de la ligne médiane sont quatre poils, dont les deux 
médians ont une longueur qui dépasse la largeur du corps, et les autres 
très-petits; une paire de poils fins et courts, plus en dehors sur le noto- 
gastre ; sans prolongement cylindrique médian; un seul œuf plus ou 
moins développé ou nul; plaques grenues dorsales très-marquées, 
jaunâtres, semblables à celles des Dermalichus. 

La femelle fécondée de cette espèce ne se distingue de celle du P. bi- 
subulatus que par le volume plus considérable et la forme ovoide de ses 
vésicules abdominales, par la longueur moindre de sa plaque granu- 
leuse postérieure thoracu-abdominale, qui ne descend qu'un peu au- 
dessous des dernières épimères jusqu’au niveau des vésicules seulement 
el non jusqu’à une certaine distance au-dessous de ces vésicules, comme 
dans l'espèce précédente. Elle s’en distingue enfin par l’état un peu 
moins anguleux de ses pattes et la moindre longueur du plus petit 
des poils latéraux situés au devant de la troisième patte. 

Femelles accouplées. Longues de 0,35 à 0"",40 ou un peu au delà et 
d'une largeur presque moitié moindre. Abdomen plus étroit que dans 
les femelles pleines, plus déprimé au niveau des troisième et quatrième 
pattes avec un resserrement assez brusque près de son extrémité, qui est 
aussi plus nettement tronquée ou déprimée sur la ligne médiane. Plaque 
granuleuse de l’épistome onguiforme ne descendant pas au-dessous des 
poils situés au niveau des pattes de la deuxième paire. Dos couvert de 
plis onduleux fins, sans plaque granuleuse thoraco-abdominale, 


396 CH. ROBIN ET P, MÉGNIN. — MÉMOIRE 


Le reste comme sur les femelles pleines, moins la vulve et ses épi- 
mérites. 

On trouve accouplées quelques femelles semblables aux précédentes, 
sur lesquelles la vulve et la pièce cornée en fer à cheval qui la surmonte 
sont déjà développées; mais elles ne contiennent pas d'œuf ou en ont un 
qui n’a encore que de 3 à o centièmes de millimètre de long. On n’ob- 
serve ce fait que sur cette espèce et très-rarement sur le P. bisubulatus. 

Nymphes d'un volume variant entre celui des plus grosses larves el 
celui des plus petites femelles accouplées octopodes, semblables aux 
femelles accouplées, mais à corps gris et non roussâtre ; abdomen court 
et étroit; plaques dorsales grenues réduites à une seule, onguiforme, 
placée sur l'épistome. 

Larves hexapodes, longues de 0"",25 à 0"",30, larges de 1 dixième de 
millimètre ou un peu plus, de couleur grise, de forme générale quadri- 
latère allongée; flancs resserrés, presque droits; dépressions au niveau 
des dernières pattes et à l'arrière de l’abdomen très-prononcées. Abdo- 
men court et étroit, à extrémité tronquée ou déprimée, avec une seule 
paire de poils plus longs que le corps n’est large de chaque côté de cette 
troncature, et une autre paire plus courte au niveau de la dépression de 
l'arrière de l'abdomen. Une seule plaque dorsale onguiforme grenue 
formant l'épistome, très-petite. | 

Œuf long de 0,22 à 0m",95, large de 5 à 7 centièmes de millimètre, 
cylindroïde allongé, aplati d’un côté dans le sens de sa longueur, un peu 
plus atténué à un bout qu’à l’autre, à paroi épaisse, surtout au gros 
bout. 

Habite les rémiges et les tectrices avec les individus de l’espèce pré- 
cédente, mais en plus petit nombre, sur les perdrix rouges (Perdix 
rubra, Brisson) et grises (Perdix ou Starna cinerea, Bonap. eæ Charleton 
et sur la variété à pieds jaunes, St. damascena, Brisson). 

VaRiËTÉ., — Sur les poules, surtout celles des volières, sur le faisan 
commun, le faisan doré et presque toutes les espèces de faisans des 
volières, on retrouve l’acarien précédent, mais il y présente quelques 
légères différences qui sont constantes. 

Ce sont : une longueur un peu plus grande, une forme plus effilée, 
moins trapue, le corps un peu moins élargi vers le milieu. Les mâles 
sont un peu plus allongés, moins élargis en avant, avec le pénis un peu 
plus aigu, les ventouses moins foncées et les pattes de la quatrième paire 
plus grêles et un peu plus longues que sur les variétés précédentes. Les 
femelles ne diffèrent des premières que par une largeur moindre et une 
longueur d'un quart environ plus grande. Enfin les larves et les nymphes 
de première mue de cette variété ont sur les flancs un long poil et un 
autre court el rigide comme un piquant, au lieu d’un seul poil sur les 
larves et d’un poil semblable avec un autre à côté plus court et flexible 
que présentent les larves et les nymphes de la variété première. 

Sur les gallinacés encore chauds, ces acariens sont très-agiles, surtout 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 397 


les nymphes et les mâles. Les larves et les femelles fécondées sont plus 
lentes, Ils sont nombreux dans les pennes moyennes, un peu moins dans 
les tectrices. Ils se tiennent plutôt entre Les barbes qu'à leur aisselle. 
Quand l'oiseau se refroidit, ils se réunissent en bas du sillon de la tige 
des pennes et des tectrices ou sur les côtés du bas de la tige. On en 
trouve parfois dans les subalaires. 


” 


2. Prerozicuus cLaupicans, Ch. Robin (pl. XXIL fig. 6) (1). 


Sarcoptides d'un gris roussâtre, à corps ovoide, atteignant et dépassant 
un peu une longueur d'un demi-millimètre, à dos bombé, à ventre plat. 

Rostre d’une teinte jaune rougeûtre, ocracée, assez fortement pro- 
noncée vers sa base, long de 50 à 60 millièmes de millimètre, large 
de 30 à 40 millièmes, saillant en avant. 

Pattes rendues anguleuses par des tubercules chitineux foncés rou- 
geâtres des pièces solides de chaque article. 

Épiméres et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur ocreuse 
très-prononcée, surtout au niveau de leurs tubercules et de leurs apo- 
physes qui forment des taches rougeâtres foncées, surtout chez les 
adultes. 

Tous les épimères libres dans les deux sexes et à tous les âges; le qua- 
trième articulé avec le troisième, sur le mâle seulement. 

Tégument mince, transparent, peu rigide, à plis réguliers, fins, rap- 
prochés, onduleux, surtout à la face ventrale du corps, portant une 
plaque dorsale onguiforme, finement grenue, étendue de l’épistome 
jusqu’au niveau de la deuxième paire de pattes, et là, de chaque 
côté de son extrémité, sont deux poils semblables à ceux de l’espèce 
précédente. Au-dessous de ces poils est une bande transversale fine- 
ment grenue, qui n'est pas continue avec la première, comme dans 
l'espèce précédente. Au-dessous de cette bande est-une zone de plis 
transversalement dirigés, puis une plaque finement grenue, à granules 
fins disposés en série, d’une forme quadrilatère, mais moins nettement 
limitée que dans l'espèce précédente, et manquant parfois sur le mâle. 

Deux poils latéraux de longueur presque égale immédiatement au 
devant de la troisième paire de pattes, et une paire de poils très-fins et 
courts un peu au-dessous de la deuxième paire de pattes. Cette paire 
manque dans les deux précédentes espèces. 

Anus comme dans l'espèce suivante. 

Mâle long de 4 à 5 dixièmes de millimètre et à peu près moitié moins 
large. Les trois premières paires de pattes à peu près égales ; la quatrième 
conoïde, plus épaisse que les autres, est plus courte, atteint à peine 
l'extrémité de l'abdomen et a un tarse très-court, dépourvu de ventouse, 
terminé par un fort crochet ou tubercule conoïde, corné, foncé (fig. 6). 


(1) Claudicans, qui a es jambes inégales, boiteuses. 


398 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN, — MÉMOIRE 


Organe génitul jaunâtre, pàle, conoïde, très-court, à sommet arrondi, 
avec une paire de poils fins un peu au devant de son sommet. 

Ces caractères le font distinguer facilement du mäle de l'espèce sui- 
vante, qui lui ressemble beaucoup d’autre part. 

Abdomen aplati, à côtés déprimés, lésgèrement concave, avec une 
dépression très-prononcée sur la ligne médiane, qui rend son extrémité 
postérieure bilobée, à lobes arrondis. 

Le reste, pour les poils, etc., comme dans l’espèce suivante. 

Femelle fécondée longue d'un demi-millimètre ou un peu plus et large. 
d’un quart à un tiers de millimètre. Pattes et vulve comme dans l'espèce 
suivante. Pièce cornée transversale surmontant la vulve à branches 
courtes, formant à peine un quart de cercle. 

Abdomen régulièrement ovoide, plat en dessous, sans dépressions 
sur les flancs, à extrémité mousse, arrondie, un peu déprimée sur la 
ligne médiane, avec un court prolongement conoide au centre de cette 
dépression, et de chaque côté deux poils presque aussi longs que le corps 
est large ; de plus deux autres poils plus courts et plus fins encore que 
dans l’espèce suivante et difficiles à voir; plus en dehors sont un poil 
dorsal et un poil ventral très-fins et courts. Un seul œuf plus ou moins 
développé ou nul. 

Femelles accouplées. Longues de 0,45 à 0,50 ou un peu au delà et 
d'une largeur presque moitié moindre, 

Abdomen plus étroit que dans les femelles pleines, avec dépressions 
très-prononcées au niveau de la troisième paire de pattes et au-dessous 
de la quatrième, avec un resserrement assez brusque près de son «extré- 
mité; à ce niveau font saillie deux poils fins et courts, l’un ventral, 
l'autre dorsal; extrémité de l'abdomen tronquée, avec une dépression 
médiane, une petite saillie et deux longs poils comme sur la femelle 
fécondée, 

Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées, mais un peu 
plus petites, à abdomen plus court, à dépressions latérales et postérieures 
encore plus prononcées; sans organes sexuels, ni court prolongement 
médian ; plaques dorsales grenues réduites à une seule onguiforme, con- 
situant l'épistome ; couleur générale d’un gris blanchâtre et non rous- 
satre ; épimères et pièces solides des pattes bien moins colorés que sur 
les adultes, 

Larves longues de 2 et demi à 3 dixièmes de millimètre, semblables 
du reste à celles de l'espèce précédente. 

OŒuf long de 0"",22 à 0"",27, large de 0"",06 à 0"",08, cylindroïde, 
allongé, aplati et même un peu courbé dans le sens de sa longucur, un 
peu plus afténué à un bout qu'à l’autre, à parois épaisses, hyalines, sur- 
tout vers le plus gros bout. 

Habitat. Cette espèce habite sur la caille surtout, mais se trouve 
parfois aussi en petite quantité sur la perdrix grise (Séarna cinerea, Bonap. 
ex Charleton, et sur la Sf, damascena, Brisson). 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 399 


Remarques. 11 n'y à presque aucune différence entre les larves et les 
nymphes de cette espèce, de la suivante et de la précédente. Cette espèce 
ressemble beaucoup à la suivante, malgré un volume un peu plus grand 
et des formes un peu plus trapues. : 

Mais le mâle s'en distingue facilement par la brièveté de la quatrième 
paire de pattes, l'absence de caroncule ou ventouse à cette patte, et par 
la pointe cornée qui termine le tarse de cette patte. 

La femelle se distingue facilement de celle de l'espèce suivante par 
la division en deux pièces rapprochées offerte par la plaque granuleuse 
de l’épistome, et par les bords mal limités de la plaque postéricure, 
puis par le plus de brièveté des branches de la pièce en fer à cheval 
supra-vulvaire. Elle s’en distingue enfin par la présence d’un court pro- 
longement conoïde au fond de la dépression du bout de l’abdomen, avec 
deux paires de poils seulement de chaque côté. Cette dernière disposi- 
tion de ces poils permet aussi de distinguer les nymphes de cette espèce 
de celles de la suivante. 

bans cette espèce Le corps est un peu moins large entre la deuxième 
et la troisième paires de pattes que sur la suivante, et l’abdomen est un 
peu plus allongé. 

J'ai vu une femelle longue de 5 dixièmes de millimètre en voie de 
quitter un tégument sans vulve et sans autre plaque grenue que celle 
de l’épistome ; elle sortirait avec une vulve surmontée de son épimérite 
en fer à cheval, avec les plaques dorsales grenues. En sortant leurs épi- 
mères et leurs pièces solides des pattes sont encore peu colorés. 

En dehors des caractères distinctifs signalés dans les descriptions 
précédentes et la suivante, ces trois espèces restent voisines l’une de 
l’autre et ont, au premier coup d’œil, une grande ressemblance. 

Les enveloppes abandonnées par ces trois espèces lors de la mue sont 
disposées en trainées entre les barbes des plumes, et forment parfois par 
leur ensemble des plaques grisàtres sur celles-ci. Elles sont composées 
d’enveloppes de larves et de nymphes. On n’y trouve pas des coques 
d'œufs, ni des enveloppes de mâles et de femelles fécondées, 

Les larves vivantes se trouvent surtout à l'angle même d'insertion de 
la barbe sur la tige de plume. | 

On voit parmi les individus de ces trois espèces de grosses larves im- 
mobiles ou marchant très-lentement. Sous leur tégument à six pattes 
celles qui sont immobiles montrent huit pattes repliées; elles sont prêtes 
à sortir sous forme de nymphes. | 


3. PrerocicHus sisuBuLaTus, Ch. Robin (pl. XXII, fig. 7) (1). 


Sarcoptides d’un gris roussâtre, d’une longueur ne dépassant pas un 
demi-millimètre, à dos bombé, plat sous le ventre, avec un pli ou sillon 


(4) Bisubulalus, à deux pointes en alène. 


A00 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


dorsal et une dépression latérale rudimentaire entre les deuxième et 
troisième paires de pattes. Un très-court poil latéral derrière cette 
dépression. | 

Rostre faiblement jaunâtre, conoïde, long de 90 à 55 millièmes de 
millimètre, large de 30 millièmes environ, peu incliné, saillant en avant. 

Mandibules dépassant à peine le bord libre de la lèvre, coniques, peu 
renflées à la base, sur laquelle empiétent un prolongement incolore du 
camérostome, et l’épistome portant une paire de poils fins de la lon- 
gueur du rostre, didactyles, à onglets pourvus de dentelures mousses, | 

Pattes un peu anguleuses à cinq articles courts, sans tubercules 
ocracés, disposées en deux groupes de deux paires chacune, placés l’un 
près du rostre, l'autre près de l’abdomen, avec un certain intervalle 
entre eux; celles de la première et de la quatrième paires un peu plus 
grosses que les autres, d’une longueur égale à peu près au diamètre 
transverse du corps. Tarses terminés par des ventouses cupuliformes de 
largeur moyenne. Long poil des tarses tronqué. 

Épiméres et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur 
ocreuse très-peu prononcée. Extrémité inféricure des épimères libre 
dans les deux sexes, le quatrième excepté, s'articulant avec le troisième, 
qui est le plus fort et courbé en quart de cercle à concavité interne. 

Tégument transparent, mince, peu rigide, à plis réguliers, fins, rap- 
prochés, portant une plaque dorsale onguiforme, finement grenue, 
étendue de l'épistome jusqu'au niveau de la deuxième paire de pattes, 
et là, de chaque côté, se trouvent deux poils, dont le plus interne est 
très-court et l’autre a une longueur égale à la largeur du corps. Deux 
poils latéraux immédiatement au devant de la troisième paire de pattes, 
l'un en dessus, aussi long que le corps est large, l’autre en dessous, plus 
court et plus fin; une étroite vésicule ovoïde de chaque côté dans l’abdo- 
men, derrière les dernières pattes. 

Anus sous forme d’une fente longitudinale à la face inférieure de 
l'abdomen, atteignant presque son extrémité, avec une paire de courts 
poils sur ses côtés, 

Mûle très-différent des autres états, long de 3 à 4 dixièmes de milli- 
mètre et d’un tiers moins large, de forme générale losangique. Pattes 
de la quatrième paire plus grosses que toutes les autres, courtes, dépas- 
sant à peine le bout de l’abdomen, avec un fort tubercule conique corné 
en dedans de l'extrémité du tarse; pattes de la troisième paire un peu 
plus grosses que celles des deux premières. Plaque granuleuse de lépi- 
some onguiforme, ne descendant pas plus bas que l'insertion des pattes 
de la deuxième paire. Dos couvert de plis fins transversaux sans plaque 
thoraco-abdominale. 

Organe génital conoïde, jaunâtre, foncé, à base peu élargie, à sommet 
mousse, placé au niveau des épimères de la quatrième paire. Une paire 
de poils courts sur Les côtés de sa base. Pas de ventouses génitales dans 
les deux sexes. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. A0O1 


Abdomen aplati, s’atténuant directement en pointe dès le niveau de la 
troisième paire de pattes, à extrémité divisée elle-même en deux lobes 
triangulaires grèles par une profonde incisure sur la ligne médiane, 
incisure qui est bordée d’une bande cornée jaunâtre, laquelle remonte 
aussi sur les côtés de l’abdomen jusqu'au quatrième épimère, auquel 
elle est soudée sur quelques individus. Chaque lobe est prolongé par un 
fort stylet corné, jaunâtre, aigu, inséré sur son extrémité, et porte 
en outre en dehors de sa base deux grands poils grêles de longueur iné- 
gale, puis un autre court piquant, en tout quatre appendices. Une ven- 
touse anale circulaire, large, jaunâtre, est placée de chaque côté de 
l'anus vers la base de chaque lobe, avec un court piquant au devant 
d'elle. 

Femelles fécondées longues de 4 à 5 dixièmes de millimètre et près de 
moitié moins larges; pattes un peu anguleuses, presque semblables ; 
celles de la deuxième et de la troisième paires, un peu plus petites pour- 
tant que les autres; les dernières dépassant le bout de l’abdomen de 
la moitié de la longueur du tarse. 

Abdomen un peu plus étroit que le céphalo-thorax; flancs légèrement 
bombés, onduleux quand ils ne sont pas gonflés; à extrémité mousse, 
déprimée ou non sur la ligne médiane, et de chaque côté de celle-ci 
quatre poils, dont les deux médians ont une longueur qui dépasse les 
dimensions de la largeur du corps, les autres sont très-petits; plus en 
dehors une paire de poils fins et courts sur le notogastre; pas de prolon- 
gement cylindrique médian. 

Plaque granuleuse de l’épistome descendant entre les poils situés au 
niveau des patles de la deuxième paire et s’étalant en une mince bande 
transversale de même nature, après s’être interrompue ou non. Au-des- 
sous de cette bande une zone de plis transversaux, puis une plaque 
granuleuse céphalo-thoracique, quadrilatère, à angles et à côtés nets, 
rétrécie en arrière, où elle se termine près du bout de l’abdomen sans 
atteindre. 

Vulve comme dans le Pé. obtusus. 

Femelles accouplées longues de 0,36 à 0"®,40, larges de 0"",99 à 
0,24; abdomen plus atténué que sur les femelles pleines, à flancs non 
bouchés, presque droits ou un peu onduleux. Si l'animal n’est pas gonflé, 
étroit et tronqué à son extrémité, sans dépression bien marquée au 
niveau des dernières pattes ni en arrière. Plaque de l’épistome ongui- 
forme ne descendant pas au-dessous de la deuxième paire de pattes. Tout 
le dos couvert de plis réguliers fins, sans plaque granuleuse thoraco- 
abdominale. Le reste comme sur les femelles pleines, moins la vulve et 
ses épimérites. 

On trouve quelquefois dans cette espèce, mais fort rarement, des 
femelles sexuées qui sont accouplées. 

Nymphes octopodes, semblables aux femelles accouplées, mais plus 
petites, de dimensions variant entre celle des plus petites de celles-ci et 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (1877). 26 


h02 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


des plus grosses larves. Abdomen plus court, un peu déprimé sur les 
flancs au niveau des dernières pattes et près de son extrémité. Corps 
gris blanchâtre et non roussâtre. 

Larves hexapodes semblables à celles de l'espèce suivante, d’un gris 
blanchâtre. 

OŒuf semblable à celui du P. obtusus. 

Hubite sur les perdrix rouges et grises avec le P. obtusus, mais en 
plus grande quantité. On en trouve surtout entre les barbes des rémiges, 
souvent en très-grand nombre et aussi entre les barbes des téctrices. 
Leur démarche n’est pas aussi rapide que celle de plusieurs autres espèces. 

Les mâles de cette espèce s'aident de leurs pattes de la quatrième 
paire pour retenir les femelles pendant l'accouplement. 


û 
2° Pterolichus à onglet inférieur des mandibules allongé 
en faucille. 


4. PTEROLICHUS FALCIGER, Mégnin (pl. XI et XIII) (1). 


Sarcoptides à corps allongé, rhomboïdal, marqué dans son milieu par 
un profond sillon analogue à celui des tyroglyphes, portant un large 
plastron céphalo-thoracique accompagné en arrière de deux autres plus 
petits chez le mâle et de trois chez la femelle, plus un plastron noto- 
gastrique trapézoïdal allongé d'avant en arrière; quatre grandes soies : 
presque égales en arrière du plastron céphalo-thoracique, deux paires 
latérales et trois paires à l’extrémité abdominale, accompagnées de deux 
paires de petits poils. 

Mâle (pl. XI, fig. 1 à 5) long de 0"",80 PAIE les pattes), large de 0"",30, 
tégument et squelette, surtout le plastron céphalo-thoracique et les 
pattes antérieures, colorés en roux vineux; tégument de la face infé- 
rieure du céphalo-thorax, sur lequel sont dessinés les épimères des 
pattes antérieures, {transformé en plastron grenu; extrémité postérieure 
tronquée, portant outre les soies et les poils propres aux deux sexes une 
paire de stylets lancéolés. Organe mâle à la hauteur de la quatrième 
paire de pattes; ventouses copulatrices grandes en avant de l'anus. 

Femelle ovigére (pl. XUI, fig. { et 2) longue de 0"",65, large de 0"",30 
(sans les pattes) ; vulve de ponte au milieu de la face inférieure du corps, 
en arrière du sillon, constituée par une ouverture circulaire à bords for- 
tement plissés, à plis rayonnants, munie d'une paire d’épimérites dessi- 
nant une lyre renversée, 

Femelle nubile ou accouplée longue de 0"",60, large de 0"",25, sem- 
blable à la femelle ovigère, sauf la vulve de ponte qui n'existe pas; anus 
grand et allongé; tubercules copulateurs sur la face supérieure de l’ex- 
trémité postérieure, peu proéminente; absence de plastrons notogas- 
triques et des petits plastrons céphalo-thoraciques. | 


(4) Falciger, qui porte une faulx. k 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 103 


Nymphe normale (pl. XII, fig. 7) longue de 0"",58, large de 0"",23, 
semblable à la femelle nubile, dont elle ne diffère que par l'absence de 
tubercules copulateurs et par un anus plus petit. 

Larve (pl. XHE, fig. 6) longuc de 0"",30, large de 0"",12, hexapode, 
n'ayant qu'une paire de pattes postérieures, qu'un plastron céphalo- 
thoracique unique et qu’une paire &e petites soies à l'extrémité posté- 
rieure. 

Œuf (pl. XI, fig. 5) long de 0"",30, large de 0"",12, ovale allongé, 
lisse, couleur gris perle brillant. 

Nymphe à hypope (pl. XIE, fig. 8), longue de 0"",95 à { millimetre, 
large de 0"",30, semblable à la nymphe normale pour les détails ana- 
tomiques, mais ayant près du double de grandeur et une forme cylin- 
drique, présentant ordinairement dans son intérieur une forme hypo- 
piale en voie de développement. 

Nymphe adventive où hypopiale ({"* forme) (pl. XXIL, fig. 1) longue 
de Omn,80 à 1mm 10, large de 0®®,40. Corps de forme vermiculaire un 
peu piriforme, portant six paires de poils, à extrémités arrondies, sans 
ouverture anale ni buccale, bien que présentant des rudiments de 
palpes; huit pattes en deux groupes très-éloignés, s’articulant à des épi- 
mères dont les extrémités sont reliées à un sternite commun; pattes à 
cinq articles, les quatre premiers très-courts, le cinquième plus long, 
grêle, terminé par un crochet dans les trois premières paires et par deux 
soies dans la dernière, et présentant sur sa longueur six soies assez 
longues formant pinceau, enfin semblables aux pattes des hypopes des 
tyroglyphes. Le sternite unissant les épimères des pattes postérieures 
dessine un rudiment d'organe mâle rappelant celui des tyroglyphes. 
Nulle trace de ventouse d’adhérence en groupe sous-abdominal, comme 
chez les hypopes de ces derniers. 

Nymphe adventive où hypopiale (2° forme) (pl. XXI, fig. 2) longue 
de Oma,40, large de Owm,20. Corps de forme cylindrique à extrémités 
arrondies portant quatre paires de poils; pattes semblables à celles de la 
précédente, mais à épimères de la première paire seulement conjuguées; 
rudiment d’un organe femelle entre les épimères des pattes postérieures. 

Habitat. Les formes adultes, les nymphes normales, les larves et les 
œufs se rencontrent dans les plumes et sur la peau des diverses espèces 
de colombidées sauvages ou domestiques; les nymphes adventives ou 
bypopiales se rencontrent dans le tissu cellulaire sous-cutané ou péri- 
trachéen des mêmes espèces, et seulement pendant l’époque de la mue 
ou dans le temps qui précède ou qui suit cette période. 

C’est la plus grande espèce du genre et même de la tribu, et elle con- 
situe à elle seule un sous-genre, à cause des différences caractéristiques 
que présente surtout le mâle avec les caractères des autres groupes du 
genre : ainsi il est plus grand que la femelle adulte ; il a l'extrémité 
postérieure légèrement bifide, recouverte par une armature coriace 
estampée; ses deux paires de pattes antérieures sont plus grandes et plus 


A0 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


colorées que les postérieures, ce qui est l'inverse chez la femelle; enfin 
l'onglet inférieur de ses mandibules est très-allongé, arqué en forme de 
faucille, et dépasse non-seulement l'onglet supérieur, mais même tout 
le rostre, d'où semblent ainsi sortir deux stylets mousses (pl, XII, fig. 3). 

REMARQUES SUR LES MÉTAMORPHOSES DU PTEROLICHUS FALCIGER. — Comme 
chez tous les autres acariens, la succession des différents âges et l’appa- 
rition des sexes a lieu chez celui-ci à la suite de mues ou plutôt de véri- 
tables métamorphoses que l’un de nous a décrites en détail ailleurs (1) 
et que nous allons résumer ici. 

Lorsqu'une larve veut prendre les caractères du second âge, comme 
aussi lorsque l’une quelconque des mues va s'opérer, le petit animal 
devient inerte comme un cadavre, et l’on voit dans son intérieur se 
passer un curieux phénomène qui rappelle tout à fait celui qui se passe 
dans l’œuf : tous les organes internes, toujours très-peu distincts, aussi 
bien que ceux qui sont contenus dans les pattes, se résolvent en une 
matière demi-fluide comme sarcodique qui se concentre dans le tronc, 
s’enveloppe d'une sorte de membrane blastodermique, qui se comporte 
absolument comme le blastoderme de l’œuf et se mamelonne comme 
lui ; les mamelons groupés à l'extrémité céphalique donnent lieu à un 
nouveau rostre; les mamelons latéraux donnent naissance à de nou- 
velles pattes, qui ne se forment pas du tout dans l’intérieur des anciennes 
comme dans un étui, ainsi que l’ont dit Eichtædt, Gerlach, Bourguignon, 
Furstenberg, etc. Ces membres de nouvelle formation sont disposés 
comme ceux de la larve dans l’œuf, c'est-à-dire qu'ils sont repliés sous 
l'abdomen et convergent vers le centre. Les nouveaux poils apparaissent 
de la même façon que les membres. Lorsque le nouvel animal veut 
sortir de son enveloppe, celle-ci se fend sur la ligne dorsale comme celle 
de l'œuf, ou bien l’extrémité abdominale se détache comme un cou- 
vercle de tabatière, et l’acarien en sort agrandi, mais de la même 
manière que la larve sort de ses premières langes. L’enveloppe aban- 
donnée montre tous les organes anciens, mais vides et décolorés; c'est 
ce qui avait fait croire jusqu'ici que c'était l’ancien tégument seulement 
qui se détachait, même des parties dures conservées, et que la mue 
n’était qu'un simple changement d’épiderme.” Tous les organes non 
tégumentaires, comme les crochets, les mandibules, les ventouses, les 
arlicles des pattes, les épimères, se renouvellent en entier aussi bien 
que les poils, et ceux-ci non plus ne sortent pas des anciens comme 
d'un étui, comme on l’a aussi dit, Ces faits se montrent non-seulement 
sur les sarcoptides plumicoles, mais aussi évidemment sur tous les autres 
acariens (2), et nous ne connaissons que les Ptéroptes, de la famille des 


(1) Mégnin, Note sur les métamorphoses des acariens, in Comptes rendus de 
l’Acad. des sc. du 8 juin 1874, et Journ. de l’anat., 1873. 

(2) Claparède, dans sa belle étude sur l’embryogénie des Atax, avait déjà montré 
qu’à chacune des trois périodes ou âges à ta suite desquelles cet acarien aquatique 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. h05 


gamasidés, dont les membres, comme on sait, sont énormes, qui 
montrent ceux-ci comme servant d’étui aux nouveaux; mais ils n’en 
montrent que plus clairement les crochets et les appendices du nouveau 
tarse se formant dans l’intérieur du tarse ancien d’une manière tout à 
fait indépendante des anciens crochets et autres appendices (le nouvel 
œuf est ici lobulé, et chaque lobule est contenu dans une ancienne 
patte). 

Ainsi donc, chez les acariens, la mue n’est pas seulement un change- 
ment de peau, c’est une sorte de nouvelle ovulation, si l’on peut dire, 
et une nouvelle naissance, qui s’opère aussi rapidement que la première, 
car vingt-quatre heures suffisent pour la création du nouveau corps. 

Tel est le phénomène qui se passe lorsque la larve devient nymphe 
normale, puis celle-ci acarien adulte mâle ou femelle. Nous disons 
nymphe normale, parce que tant que les conditions d'habitat et d’exis- 
tence ne changent pas, restent normales, la succession des âges ou des 
phases de la vie du Ptferolichus falciger parcourt invariablement le même 
cycle : œuf, nymphe normale, mâle, femelle nubile et femelle ovigère 
pour recommencer à l'œuf et ainsi de suite. Mais si les conditions de 
milieu viennent à changer, si la mue de l’oiseau et la sécheresse de la 
peau qui en est la conséquence viennent à priver le parasite de ses 
moyens d'existence, la régularité du cycle subit un temps d'arrêt néces- 
saire pour sauver la colonie de la destruction : la nymphe normale, au 
lieu de donner naissance à un mâle ou à une jeune femelle nubile, 
devient nymphe à hypope, se dilate et laisse sortir de ses enveloppes 
une forme acarienne tout à fait différente de la forme normale, et dont 
la conformation est appropriée à un nouveau genre de vie; cette forme 
acarienne, qui est vermiculaire et qui n’est autre que ce que nous avons 
décrit et figuré sous le nom de nymphe adventive ou hypopiale (1), s'in- 
troduit par les follicules plumeux béants, et peut-être même par les 


acquiert une forme plus parfaite, il retourne littéralement à l'état d'œuf : ainsi, 
de même que la larve est sortie d’un œuf, la nymphe octopode sort aussi d’un œuf 
qui succède à la larve, et l’animal adulte sort d’un œuf qui succède à la nymphe oclo- 
pode. Ce qui se passe chez les Sarcoptides plumicoles ou autres est identiquement le 
même phénomène, seulement ici les œufs de nouvelle formation restent enfermés 
dans l’ancienne enveloppe qui, chez les Atax, disparaît probablement en se dissolvant 
dans l’eau dans laquelle vit l’animal. (Voyez Claparède, Studien zur Acariden dans 
Zeischrift fur viss. Zool. Leipzig, 1868.) 

(1) Certains acariens parasites rencontrés sur les insectes et les quadrupèdes, que 
l'on avait nommés {ypopus, Homopus, Trichodactylus, et que certains naturalistes 
regardaient comme espèces parfaites, tandis que d’autres les prenaient pour des 
larves, ont été reconnus par l’un de nous pour être des nymphes adventives de tyro- 
glyphes et d’autres genres voisins ; les noms d’hypope, d’homope, etc., devaient donc 
disparaître de la nomenclature acariologique ; nous les avons conservés, mais comme 
adjectifs, pour qualifier cette forme curieuse ct extraordinaire de nymphe adveu- 
tive. (Voyez Mégnin, Mémoire sur les Hypopes in Journal de l'anatomie, mai et juin 
1874.) 


h06 CH. ROPIN ET F. MÉGNIN: — MÉMOH:: 


organes respiratoires, dans le tissu cellulaire sous-cutané ou péri-tra- 
chéen, qui, comme on sait, ést très-lâche chez les oiseaux én général et 
chez les pigeons en particulier, et y vit pendant un certain temps, — 
par absorption cutanée sans doute, puisqu'elle n’a aucune espèce d’ou- 
verture et que cependant elle augmente de volume ; — puis cette nymphe 
adventive revient à l'extérieur par les mêmes voies, pour reprendre sa 
forme première lorsque les conditions d'existence normales du parasite 
sont rétablies. La premiére forme de nymphe adventive donne probablement 
des mâles et la deuxième forme des femelles, et si nous disons probable- 
ment, c'est que, si nous avons la preuve de la transformation directe des 
nymphes normales en nymphes hypopiales, nous sommes encore à la 
poursuite d'un beau cas de transformation en retour, comme ceux que 
nous avons saisis chez les hypopes des tyroglyphes, et que nous espérons 
bien rencontrer d’un instant à l’autre. 

C’est la première, c'est-à-dire la plus grande forme de notre nymphe 
hypopiale du Pterolichus falciger, qui, rencontrée dans le tissu cellulaire 
péri-trachéen de certains pigeons par M. le professeur Robertson, de 
l’Université d'Oxford, a été décrite et figurée par lui comme un acarien 
nouveau et extraordinaire; mais il n’a pu en découvrir Porigine, 
bien qu’il ait vu qu’il était imparfait et qu'il fallait attendre sa trans- 
formation à l’état adulte pour le bien connaitre (1). 

La métamorphose hypopiale se fait suivant la même loi et par le 
même procédé que la métamorphose normale qui sépare chaque âge. 
C'est même l'observation de cette métamorphose hypopiale chez laquelle 
les phénomènes intimes sont beaucoup plus manifestes et mieux tran- 
chés que dans la première, qui nous a mis sur la voie de la constatation 
du véritable mécanisme par lequel s’opère ce que l’on a appelé jusqu’à 
présent et très-improprement la mue chez les acariens. 


3° Pterolichus dont l'abdomen du mâle est terminé par des appendices 
symétriques sécuriformes, etc. 


. PreroLIcHUS sEcuRIGER, Ch. Robin (pl. XXII, fig. 9) (2). 


Sarcoptides roussâtres, plus petits qué tous les précédents, atteignant 
au plus une longueur d’un tiers de millimètre, de forme générale quadri- 
latère allongée, mousse en arrière, atténuée en avant; flancs presque 
droits, un peu élargis en arrière du sillon transversal placé derrière la 
deuxième paire de pattes, et une dépression latérale à chacune des ex- 
trémités de ce sillon. 

Rostre roussâtre foncé, conoïde, étroit, long au plus de 0,05, 
saillant entre les pattes antérieures; palpes maxillaires. débordant les 
mandibules de chaque côté ; en avant et sur la base de celle-ci empiète 


(1) Zulletin de la Société de microscopie d'Oxford, 15 février 1866. 
(2) Securiger, qui porte une hache, 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. A7 


un peu le prolongement incolore du ramérostome; bord de l’épistome 
portant deux poils moins longs que le rostre. 

Pattes presque semblables entre elles et d’un sexe à l’autre, non angu- 
leuses, d'une longueur égale à peu près à la largeur du corps. Les anté- 
rieures dépassant un peu le rostre, et les postérieures aussi un peu 
l'arrière du corps. Long poil des tarses tronqué; ventouses petites. 

Epiméres grêles jaunâtres peu foncés; extrémité interne des deux 
premiers unie en V sur la ligne médiane, celle des seconds libre, et celle 
du quatrième unie à angle aigu à celle du troisième. 

Tégument peu transparent, assez épais, à plis fins, n'existant qu'à la 
face ventrale du corps sur les adultes; plaque granuleuse de l’épistome 
jaunâtre, foncée, peu grenue, couvrant toute la partie du corps qui est 
au devant du sillon transversal; plaque thoraco-abdominale jaunâtre, 
peu transparente, peu grenue, quadrilatère, couvrant tout le noto- 
gastre à partir du sillon transversal. 3 

Deux poils dorsaux de chaque côté au niveau de la deuxième paire de 
paltes, dont l’un rigide est moins long que le corps n’est large, et l’autre 
en dedans est presque imperceptible. Sur la pièce antéro-latérale du 
troisième épimère deux poils, dont l’un rigide est moins long que le 
corps n’est large, et l’autre très-fin placé au-dessous et en avant est 
moitié plus court. Un très-court poil latéral derrière la dépression termi- 
nant de chaque côté le sillon dorsal transverse. 

Pas de vésicule abdominale derrière les dernières pattes. 

Anus en forme de fente longitudinale à la face inférieure du corps, 
atteignant à peine son bord postérieur avec un petit poil de chaque côté. 

Mâle long de 0vm,26 à Omm,98 et moitié moins large ; extrémité posté- 
rieure du corps arrondie, avec deux lobes arrondis s’unissant à angle 
rentrant sur la ligne médiane, et prolongés chacun par un mince appen- 
dice incolore à peu près long comme le rostre, sécuriforme et très-carac- 
téristique ; trois poils sur chaque lobe, l’un à la base de l’appendice du 
tiers moins long que le corps, l’autre plus en dehors aussi long que le 
corps, et Le plus extérieur courbe, rigide, un peu plus long que l’appen- 
dice. 

Organe génital plus près de l’anus que de l'insertion des pattes de la 
quatrième paire, large, très-court, à sommet arrondi, avec des plis 
tégumentaires en arc transversal devant lui; deux poils fort courts de 
chaque côté; une paire de ventouses copulatrices de chaque côté de 
l'anus, grosses, foncées, circulaires. 

Femelles fécondées plus grosses que le mâle, longues de Omn,33 et 
moitié moins larges; extrémité postérieure du corps arrondie, mousse, 
avec deux poils très-courts presque imperceptibles, et entre eux deux 
autres portés chacun par un gros tubercule basilaire saillant, le plus 
interne aussi long que le corps et le dernier un peu plus court. 

Vulve très-en avant, ayant sa conmissüre antérieure au niveau des 
pattes de la deuxième paire, en forme de fente longitudinale longue, à 


h08 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


lèvres jaunâtres foncées, s’écartant à angle aigu près de la commissure 
antérieure, qui est surmontée transversalement d’un sternite court, 
jaune, peu foncé, courbé en demi-cercle, à concavité postérieure. 

Femelles accouplées de la taille du mâle ou un peu plus grandes; plaque 
de l’épistome ne s'étendant pas jusqu’au sillon dorsal transverse; pas de 
plaque thoraco-abdominale; dos sillonné de plis transversaux et obliques 
en arrière réguliers; tubercules basilaires des deux longs poils posté- 
rieurs très-saillants ; semblables du reste aux femelles, sauf une atté- 
nuation sensible de l'arrière de l'abdomen. 

Nymphes octopodes d’un volume qui varie entre celui des femelles 
accouplées et celui des plus grosses larves; corps grisâtre, plus effilé que 
dans les âges suivants, semblable du reste aux femelles accouplées, 
sauf plus d'atténuation et de brièveté de l'abdomen. 

Larves hexapodes longues de Onm,13 à Omm,18, au moins moitié moins 
larges, grises, effilées ; abdomen un peu plus étroit que le céphalo- 
thorax, court, un peu dépassé par les dernières pattes; une seule paire 
de longs poils à l'arrière du corps; les épimères de la première paire à 
extrémités libres. del 

OŒuf long de Om®,11 à Omm,12, plus de moitié moins large, un peu 
aplati d’un côté; membrane vitelline mince, homogène, non granu- 
leuse. ; loi 

Habite sur le martinet (Cypselus apus, Iliger ex L.) avec le Pterolichus 
cultrifer, mais en moindre quantité que lui, dans les rémiges et les 
tectrices; sa démarche est rapide. On trouve des femelles portant deux 
ou trois œufs incomplétement développés. 

Remarques. — La presque similitude des pattes entre elles et avec 
celles de la femelle, la situation du pénis près de l’anus, et surtout 
l’appendice en forme de hache de chacun des lobes de l’arrière du corps 
des mâles constituent autant de caractères qui font distinguer aisément 
le mâle de cette espèce de celui de toutes les autres. 

Les gros tubercules portant les deux longs poils fins de l'arrière du 
corps et la situation de la vulve très en avant font aisément distinguer 
la femelle de cette espèce des autres, sans parler de son petit volume 
et des caractres spécifiques communs à elle et au mâle. 


6. Prerozicaus cucrrirer, Ch. Robin (pl. XXIL, fig. 8) (1). 


Sarcoptides raussâtres d’une longueur qui n’atteint pas un demi-mil- 
limètre, de forme générale losangique ou ovoïde, avec un sillon trans- 
versal derrière la deuxième paire de pattes, et une dépression latérale à 
chacune de ses extrémités à tous les âges. 

Rostre d’un brun rougeûtre foncé, conoïde, long de 5 à 6 centièmes 
de millimètre, large de 4 centièmes environ, peu incliné, saillant entre 
les pattes antérieures. 


(1) Cultrifer, qui porte un coutcau. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 09 


Palpes maxillaires volumineux adhérant à la lèvre par le premier 
article seulement, et dépassant son bord libre de toute la longueur du 
troisième article, qui est un peu infléchi en dedans. 

Mandibules foncées, fortes, dépassant le bord libre de la lèvre, mais 
non le bout des palpes maxillaires, renflées à leur base, sur laquelle 
émpiète un prolongement incolore du camérostome. Bord libre de l'épi- 
stome sans poils. 

Pattes non anguleuses, celles de la première et de la quatrième paire 
un peu plus grosses que les autres, d’une longueur égale à peu près au 
diamètre transverse du corps. Tarses terminés par de larges ventouses 
cupuliformes avec une plaque de renforcement de disposition com- 
pliquée. Long poil des tarses tronqué. 

Épimères et pièces solides du rostre et des pattes d’un brun rougeâtre 
foncé. Épimères de dispositions variées d’un état à l’autre. 

Tégument d’une teinte générale roussâtre, peu transparent, assez 
rigide, à plis réguliers, fins, rugueux, comme formés de rangées de fins 
granules vers l'arrière du corps; une grande plaque granuleuse jaunâtre 
foncée sur l’épistome, avec deux poils de chaque côté au niveau des 
pattes de la deuxième paire, dont l’un très-fin et très-court, et l'autre 
placé en dehors est un peu moins long que le corps n'est large; une. 
autre grande plaque thoraco-abdominale sur les individus sexués, qua- 
drilatère, rétrécie en arrière. A tous les âges un poil et un piquant sur 
la branche antéro-latérale ou des flancs du troisième épimère, le pre- 
mier en dessus aussi long que le corps est large, et le court piquant en 
dessous et un peu en avant. Une petite vésicule ovoïde de chaque côté 
dans l’abdomen, derrière les dernières pattes. 

Anus en forme de fente longitudinale à la face inférieure de l’abdo- 
men atteignant son extrémité, sans poils par ses côtés. 

Mäle long de 0"",42 à 0"",46, large de 0"",20 à 0"",22, d'une 
couleur roussâtre, foncée, de forme générale losangique, ayant sa plus 
grande largeur en arrière du sillon dorsal transverse et atténué presque 
en ligne droite en avant et en arrière. 

Extrémité interne des épimères de la première paire soudée en Y sur 
la ligne médiane. Ceux de la troisième et de la quatrième paire ayant 
chacun deux branches ; la branche supérieure du quatrième se soudant 
à la branche inférieure du troisième. Pattes de la quatrième paire un 
peu plus grosses et plus longues que les autres dépassant l’extrémité de 
l'abdomen. Corps à peine bombé sur le dos, s’atténuant directement en 
pointe, sans démarcation entre l'abdomen et le céphalothorax à partir 
du sillon dorsal transverse, à extrémité terminale, mousse et divisée 
elle-même en deux lobes en forme de coutelas, tranchants, longs de 
0""%,05, bordés d’une bande chitineuse rougeâtre qui contourne leur 
base pour se prolonger sous l’abdomer en deux branches, dont l’une va 
s’unir à la division inférieure du quatrième épimère correspondant, et 
l’autre se joint à sa congénère au-dessus de l’organe génital. Près du 


h10 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. —— MEMO.R& 


bord externe de chaque lobe sont insérés deux longs poils dont l'un a 
une longueur presque égale à celle du corps et de plus un court et fort 
piquant tranchant et un poil court; en tout quitre appendices. . 

Organe génital placé au niveau des épimères de la quatrième paire, 
petit, jaunâtre, foncé, conoïde à sommet mousse, à base bifurquée. Une 
paire de poils courts au-dessous et en dehors de sa base; une autre au- 
dessus de son sommet en dehors de l'union des épimérites, venant de 
la base des lobes abdominaux. 

Une paire de ventouses copulatrices ovalaires de chaque côté de l’anus. 

Plaque granuleuse de l’épistome, rougeâtre, coupée carrément au ni- 
veau de la deuxième paire de pattes, suivie d’une zone de plis trans- 
verses au niveau du sillon dorsal et au-dessous une plaque thoraco-ab- 
dominale, rougeâtre foncée, à bords peu nets, large en avant, rétrécie 
en arrière où elle n'atteint pas le bout de l'abdomen. 

La disposition des lobes terminaux de l'abdomen et de ses poils et pi- 
quants ; la couleur et la disposition des plaques dorsales granuleuses 
font distinguer facilement le mâle de cette espèce de toutes les autres, 

Fémelles fécondées, longues de 0"",42 à 0"",46, larges de 0"",22 à 
0"2,24, de forme générale assez régulièrement ovoïde à grosse extré- 
_xnité surmontée par le rostre, d’un roux foncé. Extrémités inférieures 
des premiers épimères soudées en V sur la ligne médiane, celle des se- 
conds libres; branche supérieure du quatrième épimère joignant la di- 
vision inférieure du troisième. Pattes postérieures un peu plus grosses 
que les autres, dépassant le bout de l'abdomen de la moitié environ de 
la longueur du tarse. Corps s’atténuant régulièrement à partir du sillon 
dorsal transverse ; abdomen un peu plus étroit que le céphalothorax, à 
flanes presque droits ou légèrement concaves, à extrémité mousse, légè- 
rement incisée sur la ligne médiane de chaque côté de laquelle elle 
forme deux courts mamelons jaunâtres portant chacun deux longs poils 
et un autre en dehors très-petit, à peine perceptible. 

Plaques granuleuses de l’épistome et céphalothoracique comme sur le 
male. | 

Vulve dans l'intervalle qui sépare la troisième de la deuxième paire 
d'épimères, et plus près de celle-ci que de l’autre; en forme de fente 
longitudinale, à lèvres assez épaisses, jaunâtres en arrière où elles s'é- 
cartent beaucoup et entre lesquelles s’avance le tégument finement 
plissé, sans dépression médiane à contour plissé ; commissure antérieure 
nette, surmontée transversalement d’un épimérite, jaune, très-foncé, 
couchée en quart de cercle, à branches courtes, à concavité postérieure. 

La couleur de l’animal, la disposition des plaques dorsales granu- 
leuses, la présence de trois paires de poils seulement au bout de l’ab- 
domen et la petitesse de l'épimérite surmontant la vulve font distinguer 
facilement la femelle de cette espèce de toutes les autres. 

Femelles accouplées longues de 0"",40 à 0"",42, larges de 0"",20 à 
0°",22; d’un roux grisätre ; forme générale, épimères et pattes comme 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. h11 


sur les femelles fécondées; pattes postérieures dépassant le bout de lab= 
domen de presque toute la longueur du larse; abdomen plus court, 
moins atténué sur les flanes, à extrémité plus mousse que sur les fe- 
melles fécondées, maïs semblables pour le reste. 

Plaque granuleuse de l’épistome onguiforme, petite, ne descendant 
pas jusqu'au niveau des pattes de la deuxième paire. Pas de plaque tho- 
rico-abdominäle ; dos couvert de plis larges dont les saillies sont gre- 
nues, très-rugueuses, surtout en arrière ; pas d'organes sexuels. 

Les poils de l'arrière de l'abdomen et les rugosités des plis dorsaux 
font distinguer facilement ces femelles et les nymphes de celles des au- 
tres espèces. 

Nymyphes octopodes d'un volume qui varie entre celui des plus grosses 
larves et des plus petites femelles accouplées ; corps gris sur les petits 
individus, gris roussâtre sur les plus gros, plus resserré sur les flancs, 
moins renflé en ovoide vers le niveau du sillon dorsal transverse, abdo- 
men plus étroit et plus court, à extrémité arrondie; plaque de l’épis- 
tome très-étroité, peu granuleuse. Le reste comme sur les femelles ac- 
couplées. 

Larves hexapodes longues de 0"",18 à 0"",24, larges de 0"",07 à 
0"",10, grisâtres, de forme générale des nymiphes; abdomen sensible- 
ment plus étroit que le céphalothorax, court, un peu dépassé par les 
dernières pattes, à extrémité arrondie, non incisée sur la ligne médiane, 
portant deux poils un peu plus longs que le corps n’est large ; plaque 
de l’épistonie très-petite à peine granuleuse; plis du dos un peu ruguüeux. 

Œuf long de 0"",16 à 0"",18, large de 0"",05, ovoïde allongé, un 
peu aplati d’un côté dans Le sens de sa longueur, à peine plus atténué à 
un bout qu’à l’autre; à paroi mince, régulièrement grenue (pl. XXII, 
fig. 10). 

Habite les rémiges et tectricés du Martinet (Cypselus apus. Illiger 
eæ L.) avec le Pterolichus securiger, qui abonde moins que lui. Les Ptero- 
lichus cultrifer sont surtout abondants entré les barbes de la courte ran- 
gée des premières rémiges, de la deuxième et de la troisième particu- 
lièrement. On les y retrouve vivants trois et quatre jours après la mort 
de l'oiseau. Leur démarche est assez rapide et ils rentrent vivement entre 
les barbes lorsqu'on les pousse à leur surface. 


4° wterolichus dont l'abdomen sur le mâle est terminé en demi-lune 
transversalement. 


7. PTEROLICHUS LUNULA Ch. Robin (1). 


Sarcoptides d’un gris roussâtre, atteignant une longueur de 7 dixièmes 
de millimètre, de forme générale ovalaire, à flanes presque droits et 
tronquée en arrière, avec un sillon transversal derrière la deuxième 


(1) Lunula, petite lune. 


h12 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


paire de pattes et une dépression latérale à chacune des extrémités sur 
les adultes. 

Rostre d’un gris jaunâtre, conoïde, long de 0"",07 environ, large de 
0"",6, saillant et incliné entre les pattes antérieures. Mandibules co- 
noïdes sur la base desquelles le prolongement incolore du camérostome 
empiète à peine, débordées de chaque côté par les palpes maxillaires 
minces en avant, épais à la base. Bord de l’épistome portant deux poils 
rapprochés, ne dépassant pas le bout du rostre. 

Pattes très-peu anguleuses, d’une longueur à peine égale à la largeur 
du corps. Long poil des tarses tronqué. Ventouses larges, avec cinq pe- 
tites plaques de renforcement grenues, polygonales, dont quatre entou- 
rent la plus grande. 

Epiméres volumineux d’un jaune rougeâtre foncé. Extrémité de la 
tige du quatrième soudée à celle du troisième ; les antérieurs différem- 
ment disposés d’un âge et d’un sexe à l’autre. 

Tégument transparent, mince, à plis réguliers fins. Plaque granuleuse 
de l’épistome courte et étroite ; celle du notogastre sur les adultes seu- 
lement, mince, à peine colorée, peu grenue, à bords nets sur les flancs, 
quadrilatère, plus étroite en arrière qu'en avant chez le mâle. Deux 
poils dorsaux de chaque côté au niveau de la deuxième paire de pattes, 
dont l’un au moins aussi long que le corps est large et l’autre inséré en 
dedans est trèes-court. Sur la pièce antéro-latérale du troisième épimère 
deux poils fins dont l’un est aussi long que le corps est large, et l’autre 
au-dessous est trois fois plus court. Pas de vésicule abdominale derrière 
les dernières pattes. 

Anus en forme de fente longitudinale à la face inférieure de l’abdo- 
men, empiétant par l'extrémité postérieure de celui-ci avec une paire 
de poils fins en dehors de chacune de ses commissures. 

Mâle (pl. XXHI, fig. À et 2) long de 0"",60 ou environ, large de 0"",23, 
ayant sa plus grande largeur au niveau du sillon transversal du dos ; 
corps de forme générale ovalaire ; dos à peine bombé vers le thorax, plat 
sur l'abdomen, qui va en se rétrécissant et en s’amincissant en arrière ; 
flancs rectilignes; extrémité postérieure tronquée et encavée en demi- 
lune, élargie par deux minces prolongements foliiformes de chaque côté; 
quatre organes appendiculaires sur chacun de ceux-ci, savoir un court 
poil en debors, un poil aussi long que le corps et un autre plus court 
en dessus et en dedans, une écaille caduque en forme de feuille trans- 
lucide insérée à la manière d’un poil. Une expansion membraneuse 
incolore, bilobée sur la bordure chitineuse de l’excavation semilunaire. 

Pattes de la première paire courtes, massives, dépassées par celles de 
la deuxième paire, terminées par un fort crochet chitineux rougeâtre à 
la base du pédicule de la ventouse qui est petite et ovalaire ; pattes de 
la troisième paire courtes; celles de la quatrième paire grosses, altci- 
gnant le niveau de l'extrémité semiluraire du corps. 

Épimères de la première paire soudés sur la ligne médiane en Y dont 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. A13 


l'extrémité postérieure est continue à celle des épimères de la deuxième 
paire. Extrémités des épimères de la troisième et de la quatrième paire 
soudées ensemble. Organe génital au niveau de l'insertion des pattes de 
la quatrième paire, conoïde, aigu, jaunâtre avec une paire de très-petits 
poils au devant de lui et une autre en arrière; il est circonscrit sur les 
côtés et en avant par deux tiges chitineuses Jaunâtres, venant des expan- 
sions latérales de l'extrémité postérieure, s’unissant au devant de lui 
pour s'étendre sur la ligne médiane et se bifurquer en s’approchant des 
prolongements des épimères de la troisième paire sur les flancs. De 
chaque côté de la commissure anale postérieure une paire de ventouses 
copulatrices circulaires foncées avec un court piquant au devant. 

Femelles fécondées (pl. XXI, fig. 3) longues de 0",40 à 0"",50, larges 
de 0"",20 à 0"",22, de forme générale ovoïde massive, resserrées sur les 
flancs à extrémité postérieure obtuse, arrondie avec deux courtes saillies 
mamelonnées près de la ligne médiane, portant chacune un poil un peu 
moins long que le corps, un autre plus en dedans, à peu près de moitié 
plus court et deux autres extrêmement courts et fins, l’un en dedans, 
l’autre en dehors. Pattes peu volumineuses, presque semblables, les 
postérieures dépassant à peine l’extrémité postérieure du corps. 

Vulve au niveau de la branche antéro-latérale des épimères de la 
troisième paire, en forme de fente longitudinale longue, à lèvres peu 
épaisses, peu colorées, peu écartées en arrière, finement striées en tra- 
vers. Commissure antérieure surmontée transversalement d’un sternite 
court, jaune, peu foncé, courbé en quart de cercle, à concavité posté- 
rieure. 

Épimères de la première paire à extrémité soudée en arc sur la ligne 
médiane ; ceux de la deuxième paire à extrémités libres, 

Femelles accouplées de la grandeur des femelles fécondées ou un peu 
plus petites, en tout semblables quant au reste, sauf l’absence de vulve 
et de plaque thoraco-abdominale ou du notogastre ; abdomen un peu 
plus court, ce qui fait que son extrémité est un peu dépassée par les 
pattes postérieures sur la plupart des individus, mais non sur tous. 

Nymphes octopodes d’un volume qui varie entre celui des femelles 
accouplées et des plus grosses larves; corps grisâtre, plus trapu que 
dans les autres âges ; abdomen un peu plus court et plus étroit ; épi- 
mères des deux premières paires ayant tous leurs extrémités libres, 
semblables, quant au reste, aux femelles accouplées. 

Larves hexapodes, longues de 0"",20 à 0,30, larges de 0"",10 à 
0"",15, ayant la forme générale des nymphes; flancs presque droits, 
abdomen court, mousse, un peu plus étroit que le céphalothorax, non 
dépassé par les dernières pattes; une petite plaque grenue sur l’épis- 
tome, une seule paire de poils longs à l'arrière du corps et une seule 
sur la branche antéro-latérale du troisième épimère. 

OEuf long de 0"",20, large de 0"",07, aplali d’un côté, avec une ex- 
trémité aiguë ou céphalique et l’autre mousse; membrane vitelline ho- 
mogène, hyaline, mince. 


h1A CH. HOBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


Habite sur le Psittacus ondulatus (Shaw, ou perruche ondulée). Les 
adultes et les nymphes se trouvent surtout dans les pennes alaires; les 
petites nymphes, les larves, les œufs et les téguments provenant de leurs 
mues sont nombreux dans la plume du pouce, dansles premières tectrices 
et vers la base de quelques pennes. On trouve des femelles fécondées avee 
deux ou trois œufs finement grenus, régulièrement ovoides avec une 
vésicule germinative près de l’une de leurs extrémités; d’autres ont un 
ou deux œufs de cette sorte, avec un autre semblable aux œufs pondus. 
Ceux ei éclosent par division incomplète de leur enveloppe en deux val- 
ves. 

Remarques. —- Le crochet chitineux jaunâtre du tarse des pattes de la 
première paire, la concàvité semi-lunaire de l’extrémité du corps, son 
expansion membraneuse, la forme des (lobes qui la limitent sur les 
côtés, celle de ses appendices et la disposition des tiges ou épimérites 
prismatiques qui partent de ces lobes pour circonscrire l'organe génital 
et remonter en s’écartant de nouveau jusqu’au delà du milieu du corps), 
constituent autant de caractères qui font distinguer aisément le mâle de 
cette espèce de celui de toutes les autres. 

Les caractères spécifiques tirés de la largeur des ventouses, des petites 
pièces en marqueterie qui les renforcent, de la pelitesse de la plaque 
grenue de l’épistome, sont les seuls qui puissent bien faire distinguer la 
femelle de cette espèce des autres. Il faut cependant signaler la petitesse 
des pattes, la forme quadrilatère, la pâleur et le peu de granulations de 
la plaque du notogastre, ainsi que la disposition des épimères de la 
première paire. Les autres caractères distinctifs ne s’établissent que par 
comparaison, tels sont ceux tirés de leur teinte d’un gris jaunâtre, de la 
brièveté du sternite sus-vulvaire, de l’absence d’une vésicule intra- 
abdominale derrière la quatrième paire de pattes, etc. 
5° Pterolichus dont l'abdomen sur le mâle est profondément échancré 

en formant deux lobes prismatiques triangulaires (4). 


8. PTEROLICHUS RALLORUM, Ch. Robin. 


Sarcoptides d'un gris blanc roussâtre, atteignant et dépassant un peu 
une longueur d'un demi-millimètre, de forme générale régulièrement 
ovalaire, sauf chez le mâle, avec un sillon transversal derrière les pattes 
de la deuxième paire et une dépression latérale à chacune de ses extré- 
mités à tous les âges. 


(1) Cette section comprend les espèces dans lesquelles on trouve sur les flancs, en 
avant de la troisième paire de pattes, au lieu du poil court que portent les espèces 
précédentes, un court piquant rigide plus ou moins gros. On trouve cette disposition 
dans les leronyssus et dans les Proctophyllodes ; mais l’état foliacé de l'abdomen 
du mâle, la forme de son corps ainsi que celle du corps de la femelle, dont l’abdo- 
men porte un prolongement tubuleux, constituent des caractères qui les séparent net- 
tement des Pterolichus des autres sections, 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. h15 


Rostre jaunâtre peu foncé, conoïde, long de pe 06 à Onn,07, large 
de Ovm,05, saillant entre is pattes antérieures. Palpes hérifraltes 
volumineux dépassant les côtés des mandibules, qui sont pointues, peu: 
foncées, peu renflées à leur base ; sur celle-ci empiète un peu le prolon- 
gement incolore du camérostome. Bord de l’épistome sans poils. 

Pattes non anguleuses, presque semblables, un peu moins longues que 
le corps n'est large, les postérieures atteignant à peine le niveau de 
l'extrémité anale du corps. Ventouses des tarses petites, avec plaques de 
renforcement très-pâles. Long poil des tarses tronqués. Épimères jau- 
nâtres peu foncés, ayant leur extrémité interne unie en V sur la ligne 
médiane à tous les âges (sauf le premier), pour ceux de la première 
paire ; ceux de la deuxième sont libres et unis ensemble de chaque côté 
pour les deux derniers. 

Tégument non coloré, à plis réguliers, non rugueux; plaque grenue, 
un peu jaunâtre de l’épistome descendant près du sillon transversal sur 
les individus sexués, avec deux poils au niveau des pattes de la deuxième 
paire, dont l’un à peine perceptible, et l’autre presque aussi long que le 
corps est large. Une autre grande plaque thoraco-abdominale sur les 
individus sexués, quadrilatère, un peu rétrécie en arrière, peu grenuc, 
peu foncée. 

A tous les âges un poil et un piquant sur la branche antéro-latérale 
ou des flancs du troisième épimère, le poil en dessus aussi long que le 
corps est large, le piquant assez gros, en dessous et un peu en avant. 
Une assez grande vésicule ovoide de chaque côté dans l'abdomen, der- 
rière les dernières pattes. 

Anus en forme de fente longitudinale atteignant l'extrémité de l’abdo- 
men à sa face inférieure, sans poils sur ses côtés. 

Müle long de Omm,45 à Omm,50, comme renflé entre la deuxième et la 
troisième paires de pattes; flancs rectilignes; corps atténué en arrière ; 
extrémité postérieure bilobée, à lobes triangulaires réunis à angle aigu 
rentrant sur la ligne médiane, avec une bordure chitineuse jaunâtre en 
dehors, portant quatre poils, savoir : l’un très-petit à leur sommet, deux 
autres presque aussi longs que le corps un peu plus haut, et un dernier 
un peu plus long que les lobes. 

Pattes de la dernière paire anguleuses, un peu plus grosses que les 
autres. | | 

Organe génital placé loin de l’anus, presque au niveau des épimères 
de la troisième paire, jaune rougeâtre, à sommet arrondi, avec deux 
poils presque imperceptibles de chaque côté de son sommet. 

Une paire de ventouses copulatrices assez larges, à contour strié de 
chaque côté de l’anus, avec un très-petit piquant au-devant de chacune 
d'elles. 

La forme et la structure des lobes terminaux de l’abdomen, la dispo- 
sition des quatre poils qu’il porte, et la situation de l'organe génital loin 
de l’anus, font distinguer aisément le mâle de cette espèce de celui des 


A16 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


autres Pterolichus. Le Pterodectes bilobatus mâle, qui ressemble un peu à 
celui-ci, s’en distingue de suite par son pénis ensiforme. 

Femelles fécondées longues de Omm:55 à Omm 60, larges de Omm,24 à 
Oum 27, de forme régulièrement ovoide, prolongée en avant par le 
rostre, un peu bilobée à son extrémité postérieure, avec deux poils de 
moitié moins longs que le corps placés entre deux autres extrêmement 
courts et fins. 

Vulve placée au niveau des épimères de la troisième paire, en forme 
de fente assez longue, à lèvres minces, écartées en arrière, à commissure 
antérieure surmontée d'un sternite transversal, courbé en demi-cercle. 

La brièveté des poils de l'arrière du corps, la forme ovoïde de celui-ci 
et la présence d'un piquant et d’un poil au-devant du troisième épimère 
sur les flancs permettent de distinguer la femelle de cette espèce des 
autres, 

Femelles accouplées longues de Onu,50 à 0v®,55, larges de 0,22 à 
Oum,24, grises, régulièrement ovoïdes; toutes les pattes grèles, courtes, 
non anguleuses, les postérieures n'atteignant pas le bout de l'abdomen. 
Plaque granuleuse de l'épistome ne descendant pas jusqu'au niveau des 
pattes de la deuxième paire. Pas de plaque thoraco-abdominale ; dos 
couvert comme le ventre de plis fins, réguliers. Pas d'organes sexuels. 
Le reste comme sur les femelles fécondées, sauf plus de brièveté de 
l'abdomen. 

Nymphes octopodes d’un volume qui varie entre celui des femelles 
accouplées et des plus grosses larves, semblables du reste aux femelles 
accouplées, sauf plus de brièveté et d’étroitesse de l'abdomen. 

Larves hexapodes longues de 0mn,26 à Owm,24, larges de Omm,11 à 
Owm 14, de forme ovoïde allongée; abdomen à peine plus étroit que le 
céphalothorax, non dépassé par les dernières pattes, à extrémité arron- 
die, portant seulement deux poils plus longs que le corps n’est large. 
Tous les épimères à extrémité interne libre. Plaque grenue de l'épistome 
très-petite, à peine visible. 

Œuf long de Omm,22 à Omm 24, large de Ou®,08, un peu aplati d'un 
côté, à peine plus atténué à un bout qu’à l’aulre, à paroi homogène. 

Habitat. Trouvé une fois sur dix Rallus crexæ, L. examinés. Il reste dans 
les barbes courtes des plumes du pouce et des premières tectrices seule- 
ment. Sa démarche est assez lente, celle des mâles exceptée. 


9. PreroLicuus pELIBATUS, Ch. Robin (1). 


Sarcoptides d'un gris roussâtre, d’une longueur qui atteint ct dépasse 
même un peu un demi-millimètre, de forme générale ovoide, à côtés 
presque droits, avec un sillon transversal derrière la deuxième paire de 
pattes et une dépression latérale à chacune de ses extrémités, au moins 


(1) Delibalus, entamé, fendu. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. Al7 


sur les adultes (1). Un piquant dorsal ou poil court rigide assez gros de 
chaque côté derrière cette dépression. 

Rostre d'un brun rougeâtre, conoïde, long de 7 à 8 centièmes de 
millimètre, large de 5 à 6 centièmes, peu incliné, saillant entre les 
jambes de devant. Palpes maxillaires volumineux, débordant sensible- 
ment de chaque côté les mandibules. Le reste comme sur le Pferolichus 
cultrifer. Une paire de poils assez gros, rigides, plus courts que le rostre, 
insérés sur le. bord de l’épistome. 

Pattes non anguleuses, presque semblables, sauf le volume un peu 
plus considérable de celles de la première et de la quatrième paires, 
d'une longueur égalant à peu près le diamètre transverse du corps. 
Tarses terminés par des ventouses de largeur moyenne, avec une pièce 
de renforcement vers le centre. Long poil des tarses tronqué. 

Epiméres et pièces solides du rostre d’un jaune rougeâtre assez foncé. 
Épimères relativement grèles; l'extrémité interne de ceux de la première 
paire rapprochée sur la ligne médiane jusqu’à se toucher sur les indivi- 
dus sexués, mais sans se souder ensemble et sans même se toucher aux 
autres âges; branche supérieure du quatrième épimère rejoignant la 
branche inférieure du troisième. 

T'égument assez transparent et assez rigide, à plis réguliers fins, rugueux, 
comme formés de rangées de petites granulations, surtout vers l'arrière 
du corps. Une plaque granuleuse jaunâtre sur l’épistome et une autre 
thoraco-abdominale de dispositions variées d’un état à l’autre. Deux poils 
dorsaux de chaque côté au niveau de la deuxième paire de pattes, dont 
l'un à peu près aussi long que le corps est large, et l’autre inséré en 
dedans est rigide et plus court. Deux poils latéraux immédiatement au 
devant de la troisième paire de pattes, à tous les âges, dont l’un en des- 
sus, un peu moins long que le corps n’est large, et l’autre en dessous, 
court et rigide, formant piquant sur les adultes et inséré sur la branche 
supérieure du troisième épimère. 

Unc assez grosse vésicule ovoide pleine d’un liquide jaune, de chaque 
côlé dans l'abdomen, derrière les dernières pattes à tous les âges. 

Anus en forme de fente longitudinale à la face inférieure de l’abdo- 
men, atteignant presque son extrémité, avec une paire de poils très-fins 
en dehors de chacune de ses commissures. 

Mâle roussâtre long de Omm,42 à Omn,44, large de 0m®,20 à Onm, 29 (2), 
ayant la plus grande largeur derrière le sillon dorsal transverse: de 
forme générale quadrilatère; corps à peine bombé sur le dos, atténué 
en avant, se rétrécissant un peu à partir du sillon dorsal transverse, sans 
démarcation entre le céphalothorax et l'abdomen, qui se prolonge en 


(1) On aperçoit ce sillon par transparence des téguments sur les mâles et les fe- 
melles sexués au travers du tégument des nymphes qui ne le présentent pas. 
(2) Dès le moment de la sortie de son enveloppe de nymphe. le mâle a les dimen- 
sions qu’il gardera toujours, à 2 ou 3 centièmes de millimètre près. 
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XI (1877). 27 


A18 CH. ROBIN ET P, MÉGNIN. — MÉMOIRE 


arrière par deux grands lobes triangulaires pointus séparés par un large 
espace en angle rentrant; flancs presque droits, bordés, ainsi que les 
lobes triangulaires, d’une bande chitineuse jaune ou rougeâtre, épaisse 
surtout sur le bord externe de ceux-ci et s'étendant transversalement à 
leur base sous Le ventre de chaque côté pour gagner la partie postérieure 
de l'organe génital. Un poil fin au moins aussi long que le corps est large 
inséré à la pointe de chaque lobe; un autre aussi long et plus gros un peu 
plus haut; puis à peu près au niveau de son insertion deux spicules 
rigides, l’un au bord interne, l’autre au bord externe de chaque lube, 
et enfin près de leur base un gros poil mousse et court sur ce bord ; en 
tout cinq appendices. 

Pattes postérieures atteignant seulement le milieu environ de la lon- 
gueur des lobes triangulaires. 

Organe génital placé un peu au-dessous des épimères de la quatrième 
paire, petit, jaunâtre, cordiforme, à extrémité antérieure mousse, à base 
échancrée; un très-petit poil de chaque côté. Anus étendu de la base 
de l'organe génital au sommet de la large échancrure triangulaire que 
limite la base des lobes, et à commissure postérieure faisant une saillie 
mousse dans j’angle de cette échancrure. Une paire de ventouses copu- 
latrices foncées, circulaires, à bord denté, avec des plis très-fins rayonnés 
à l’entour, situées plus bas que l'anus dans chaque lobe de l'extrémité 
du corps, fait qui montre que ces lobes ne sont pas de simples appen- 
dices du corps, mais résultent d’une sorte d’entamure de sa substance. 
Plaque granuleuse de lépistome rougeâtre, coupée carrément au niveau 
de la deuxième paire de pattes, à bord postérieur un peu échancré sur 
le milieu, suivie d’une étroite zone de plis transverses au niveau du 
sillon dorsal, et au-dessous une plaque thoraco-abdominale rougeâtre 
foncée, à bords nets, plus large en avant qu’en arrière, où elle se 
bifurque pour s’étendre sur les lobes triangulaires. 

La forme de ces lobes, leurs appendices, la disposition tranchante de 
leur bord interne, l’espace triangulaire qu'ils limitent, la saillie de la 
commissure postérieure de l’anus au sommet de cet espace, le rappro- 
chement de l’anus par rapport à l’organe génital, la situation des ven- 
touses copulatrices plus bas que lui sous les lobes mêmes sont autant de 
caractères qui font aisément distinguer le mâle de cette espèce de celui 
de toutes les autres. 

Femelles fécondées longues de Onn,58 à Owm,60, larges de Omm,24 à 
Omm,26, de forme générale assez régulièrement ovoïde, allongée, à flancs 
presque droits ou un peu déprimés, à extrémité postérieure mousse, avec 
deux saillies ou mamelons de chaque côté de la ligne médiane (pendant 
peu de temps seulement après la dernière mue), portant chacun deux 
poils, dont l’externe est plus long que le corps n’est large; deux poils 
très-courts de chaque côté en remontant vers les flancs; extrémité des 
pattes postérieures atteignant à peine le bout de l’abdomen. 

Plaque granuleuse de l’épistome comme sur le mâle, mais un peu 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICULES, h19 


plus échancrée sur la ligne médiane; bande transversalement plissée 
qui la suit un peu plus large. Plaque granuleuse céphalo-thoracique rou- 
geâtre, foncée, quadrilatère, à bords nets, étendue jusqu'au bout de 
l’abdomen, où elle est rétrécie brusquement par deux larges échancrures 
de ses deux angles postérieurs. 

Vulve au niveau de la branche antéro-latérale des épimères de la 
troisième paire, en forme de fente longitudinale, courte, à lèvres épaisses, 
jaunâtres, surtout en arrière, où elles s’écartent brusquement, entre 
lesquelles s’avancent les plis du tégument, jusqu'à une dépression mc- 
diane à contour finement plissé. Commissure antérieure surmontée 
transversalement d’un sternite jaune rougeûtre, foncé, courbé en fer à 
cheval, à branches longues, à concavité postérieure. 

La couleur foncée de l’animal, la grandeur et la disposition de l’ar- 
rière de sa plaque thoraco-abdominale, la situation de sa vulve assez en 
arrière, la grandeur des branches de son épimérite en fer à cheval font 
distinguer assez facilement la femelle de cette espèce de toutes les 
autres. 

Femelles accouplées longues de 0mm,46 à Omm,48, larges de Omm,15, 
d'un gris à peine roussàtre; forme générale telle que sur la femelle 
fécondée, mais un peu moins allongée ; abdomen un peu moins atténué, 
moins droit sur les flancs, plus court, et dont l'extrémité des pattes’pos- 
térieures atteint à peu près le bout; pli dorsal transverse nul ou à peine 
marqué. Plaque granuleuse de l’épistome pâle, onguiforme, petite, ne 
descendant pas plus bas que le niveau des pattes de la première paire, 
Plaque thoraco-abdominale placée sur le notogastre, courte, rougeûtre, 
presque ovalaire, étendue du niveau des pattes de la troisième paire 
seulement jusqu’au bout de l'abdomen. Plis du reste du corps finement 
grenus. 

Semblables du reste aux femelles fécondées, moins les organes génitaux. 

La petitesse et la pâleur de la plaque de l’épistome et la présence 
d’une plaque sur le notogastre font distinguer facilement ces femelles et 
les nymphes de celles de toutes les autres espèces. 

Nymphes octopodes d’un volume qui varie entre celui des plus grosses 
larves et des femelles accouplées; corps gris sur les petits individus, d’un 
gris légèrement roussâtre sur les plus gros; forme plus trapue ; abdomen 
plus court que sur les femelles accouplées, arrondi, avec deux légères 
saillies mousses portant les poils de chaque côté de la ligne médiane. 
Le reste comme sur les femelles accouplées. Plaque granuleuse du noto- 
gastre réticulée sur quelques individus. 

Larves hexapodes longues de Omm,27 à Om®,30, larges de Omm,19 à 
Omm,14, d'un blanc grisâtre, ayant la forme générale des nymphes, mais 
à flancs plus droits; abdomen un peu plus étroit que le céphalothorax, 
court, sans que les dernières pattes en atteignent l'extrémité, qui est 
mousse, arrondie, non incisée sur la ligne médiane, portant seulement 
deux poils sensiblement plus longs que le corps n’est large. Plaque de 


h20 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


l'épistome nulle; une plaque rougeâtre, pâle, étroite sur l'arrière du 
notogastre. Plis du tégument finement grenus. 

Œuf long de 0®®,26, large de 0,06, étroit, allongé, déprimé et un 
peu courbé sur un de ses côtés dans le sens de sa longueur, à enveloppe 
mince, homogène sur une de ses moitiés, réticulée sur l’autre, et s'ou- 
vrant en deux valves longitudinales sur la ligne de jonction de ces deux 
moiliés. La segmentation du vitellus a lieu perpendiculairement au 
grand axe de celui-ci. On le trouve divisé en deux, en trois ou en quatre 
avant la ponte. 

Habite les tectrices de la corneille (Corvus corone, L.) en grande quan- 
tité. On le trouve, soit entre les barbes, soit à l’axe de l'insertion de 
celle-ci sur la tige, vers la base de la plume surtout. Les individus sexués 
sont assez agiles; les nymphes ct les larves le sont beaucoup moins; 
elles restent bien plus longtemps dans les plumes après la mort de 
l'animal que les adultes. Ceux-ci ont disparu en grande partie au bout 
de trois à cinq jours, Ce n’est que quatre à cinq jours après la mort de 
l'animal qu'ils meurent. 

Koch décrit et figure sous le nom de Dermalcichus corvinus un acarien 
qu'il a souvent trouvé sur la corneille (Deutschland Crustaceen, etc. 
Regensburg, 1838, in-12, Heft 33, tab. 18 et 19), qui est manifestement 
différent de celui qui est décrit ici et semble appartenir à l'un ou à 
l’autre des deux avant-derniers genres décrits dans ce travail. 


PreroLicHUS UNCINATUS, Mégnin (pl. XXII, fig. 4 el 5) (1). 


Cette espèce acarienne est la plus petite de la tribu; c’est une réduc- 
tion de la précédente, à laquelle elle ressemble surtout par la conforma- 
tion de l'extrémité postérieure du mâle. La particularité à laquelle elle 
doit de constituer une espèce distincte est la présence de crochets rétro- 
grades (pl. XXII, fig. 5), véritables petits harpons qui arment les tarses 
des quatre pattes postérieures de la femelle et des nymphes et seule- 
ment ceux de la troisième paire du mâle; les épimères antérieurs sont 
réunis par des épimérites transversaux et le rostre est large et court. 

Mile (pl. XXII, fig. 4) long de 0®,20, large de Omm,11. Organe mâle 
situé entre les épimères de la quatrième paire de pattes. Lobes abdomi- 
naux portant une seule paire de poils; couleur générale gris perle; 
plastrons céphalo-thoraciques et notogastriques très-peu colorés. 

Femelle ovigére longue de Owm,25, large de Owm,15. Vulve de ponte 
sous forme d’ouverture circulaire à bords fortement plissés, située au 
centre de la figure trapézoidale que dessinent les épimérites transver- 
saux qui relient l'extrémité des épimères antérieurs et qui lui servent 
d'armature ; notogastre recouvert d’un large plastron rectangulaire pâle ; 
extrémité abdominale portant une paire de soies accompagnée d’une 
paire de petits poils. 


(1) Uncinatus, crochu, pourvu d’un crochet. 


tte nie 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. A21 


Femelle nubile longue de O"*,28, large de Om,11, semblable à la 
femelle ovigère, moins la présence de la vulve de ponte et du plastron 
notogastrique; anus grand. 

Nymphe. Mêmes dimensions et même figure que la précédente, n’en 
diffère que par un anus très-petit. 

Larve longue de 0,15, large de Omm,08, semblable à la nymphe, 
moins la quatrième paire de pattes. 

Œuf long de Omm,14, large de 0®,075, ovale contourné, ayant une 
face plate et l’opposée incurvée ; très-grand, remplissant, Me il est 
complètement développé, les trois quarts du corps de la femelle ovigère. 

Habitat. Habite sur la veuve à collier d’or et sur les petits passereaux 
exotiques. 

VARIÉTÉ SANS CROCHETS. — Nous avons rencontré sur le faisan doré une 
variété de cette petite espèce de Sarcoptide plumicole, semblable en 
tout au type de l’espèce que nous venons de décrire : mêmes dimen- 
sions, même structure anatomique, mêmes particularités, mais en dif- 
férant par l'absence de crochet-harpon aux tarses postérieurs. 


Genre PTERONYSSUS (1) Ch. Robin. 


Sarcoptides d’un gris roussâtre, atteignant une longueur 
d'un millimètre environ, de forme générale aplalie, allongée, à 
côlés droits avec une dépression très-marquée entre Ja deuxième 
et la troisième paires de patte, sans sillon dorsal proprement dit. 
À tous les états une seule plaque granuleuse dorsale, formant 
l’épistome et un long poil latéral avec un fort piquant ensi- 
forme au-devant de la troisième patte. Long poil de l'extrémité 
externe du tibial tronqué, au moins aux pattes des deux pre- 
mières paires. 

Rostre conoïde, étroit, peu incliné, saillant entre les pattes 
antérieures, à mandibules un peu renflées à leur base, sur 
laquelle empiète l’épistome dépourvu de poils et de prolonge- 
ments du camérostome. 

Mäles plus petits que les femelles et très-différents d'elles; à 
abdomen court, mince, de près de moitié plus étroit que le cépha- 
lothorax, arrondi à son extrémité avec trois paires de poils et 
deux courtes pointes mousses incolores de chaque côté de la 
ligne médiane et une bande chilincuse rougeâtre longitudinale 


(1) mreèv, aile, et vw, je pique. 


22 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 
sur la face dorsale. Organe génital court, conoïde, ventouses 
anales assez grosses. | 

Femelles fécondées à corps allongé, surtout l'abdomen qui est 
tronqué à son extrémité avec un prolongement cylindrique sur 
la ligne médiane comme sur les Glyciphages. Vulve placée vers le 
niveau des épimères de la troisième paire avec un épimérite 
semi-lunaire transversal à extrémités libres ne rejoignant pas les 
lèvres de la vulve ni les épimères de la troisième paire. 

Femelles accouplées semblables aux précédentes, mais sans 
vulve, ni appendice cylindrique à l'arrière du corps. 

. Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées, mais 
plus petites et de grandeurs diverses. 

Larves hexapodes, à abdomen plus peut que sur les nymphes. 

Les Sarcoptides de ce genre se distinguent de ceux des 
autres genres, et en particulier du suivant, par leur forme aplatie 
allongée, par la présence à tous leurs états d’un poil et d’un 
fort piquant en avant du troisième épimère au lieu de deux poils 
latéraux fins et par la présence de la seule plaque granuleuse de 
l’épistome à tous les âges sauf sur le mâle du sérratus. 

Les mâles, bien qu'ayant les paites de la troisième paire énor- 
mes comme dans le genre suivant, se distinguent facilement 
par la forme arrondie du bout de leur abdomen, par les deux 
pointes mousses incolores que porte son extrémité de chaque 
côté de la ligne médiane avec trois paires de poils seulement au 
lieu de cinq et par la petitesse de leur organe génital conoïde. 

Les femelles se distinguent aisément par leur forme allongée, 
aplatie, presque quadrilatère, par le prolongement cylindroïde 
médian de leur extrémité postérieure et par l'absence de soudure 
aux lèvres de la vulve de leur sternite transversal. 

Malgré la ressemblance que le grand volume des pattes et la 
forme du céphalothorax donnent au mâle de ce genre avec 
celui des espèces du genre Dermalichus, les détails de l’organi- 
sation et surtout les différences de forme et de constitution des 
femelles, des nymphes et des larves ne permettent pas de faire 
rentrer ses espèces dans le précédent. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. L23 


1. Preronyssus piciNus, Ch. Robin ex Koch (1). Synonvmie, Dermaleichus 
picinus Koch (loc. cit., Regensburg. Heft 33, tab. 17-18) (pl. XXIV). 


Sarcoptides, d'un gris roussâtre, à corps allongé, presque quadrila- 
tère, un peu atténué en avant, mince, étroit, d’une longueur ne dépas- 
sant pas un millimètre, plat sur le dos et sous le ventre, avec une dé- 
pression latérale, en avant du troisième épimère dont la branche supé- 
rieure et latérale porte un poil et un fort piquant; sans sillon dorsal. 

Rostre jaunâtre, conoïde, petit, long de 7 à 9 centièmes de milli- 
mètre et environ moitié moins large, peu incliné, découvert, saillant en 
avant entre les pattes antérieures ; un peu renflé à sa base sur laquelle 
empiète l’épistome, dépourvu de poils et de tout prolongement du ca- 
mérostome. 

Pattes à cinq articles, courts, rendus anguleux par des tubercules 
ocracés, disposées en deux groupes de deux paires chacun, placés l’un 
près du rostre, l’autre près de l'abdomen avec un certain intervalle en- 
tre eux, presque égales entre elles, d'une longueur qui dépasse à peine 
la largeur du corps; tarses portant de larges ventouses membraneuses, 
cupuliformes. Long poil du tibia tronqué. 

Epiméres et pièces solides du rostre et des pattes, d’une couleur 
ocreuse prononcée. L’extrémité inférieure des épimères de la première 
paire réunis en V sur la ligne médiane ; extrémité supérieure des épi- 
mères de la deuxième paire envoyant en bas, sur les flancs, une pièce 
chitineuse ocracée, se recourbant brusquement en dedans au niveau de 
la dépression latérale du corps. Épirnères de la troisième et de la qua- 
trième paire à deux branches, courbées presque en demi-cercle. La 
quatrième à branche supérieure articulée avec l’inférieure du troisième 
qui est le plus gros et dont la branche supérieure qui est double, appli- 
quée sur les flancs, porte un piquant rigide et un poil latéral dont la 
longueur égale la largeur du corps. 

Tégument transparent, mince, assez rigide, à plis réguliers, assez 
large, portant une plaque dorsale finement grenue, jaunâtre, en forme 
de lyre, étendue depuis l’épistome jusqu’au niveau de la deuxième paire 
de pattes, et là est une autre paire de poils dorsaux dont la longueur ne 
dépasse guère la largeur du corps. Pas de plaque sur le notogastre. 


(4) Malgré l’imperfection des figures et le peu de précision anatomique des des- 
criptions de Koch, on peut reconnaître cette espèce comme étant celle qu’il a décrite, 
tant parce qu'il l’a trouvée sur les Pics que parce qu’il a assez bien représenté Ja 
forme générale de la femelle fécondée, la disposition tronquée du bout de son abdo- 
men et le prolongement médian incolore qu’elle porte. Il l’a seulement décrit et figuré 
deux fois plus large qu'il n’est. Il a bien décrit la coloration générale de tous ces 
animaux, ainsi que celle de leurs pattes et de leur rostre, dont il représente au con- 
traire très-imparfaitement la forme et les dimensions. Le nom = cette espèce est tiré 
de son habitat sur les Pics (Picus). 


h2h CI. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


Anus en forme de fente à la partie inférieure près du bout de l’abdo- 
men, accompagné d'une paire de poils fins de la longueur de la fente. 

Müle très-différent des autres états, long de 8 à 9 dixièmes de milli- 
mètres, large de 1 dixième et demi à 2 dixièmes de millimètre; de 
forme générale quadrilatère, les pattes de la deuxième et de la troisième 
paires continuant la direction de la ligne des flancs qui est droite et 
étant insérées chacune à l’une de ses extrémités. Pattes de la troisième 
paire énormes, dépassant l'extrémité de l'abdomen avec un fort tuber- 
cule chitineux, conique à l’extrénxité interne du tarse seulement ; 
branche inférieure et supérieure de la troisième paire remontant pres- 
que parallèlement pour se joindre vers le milieu du corps. Pattes de la 
quatrième paire courtes et grêles, insérées en dedans des précédentes 
qu’elles touchent, et dépassent un peu le bout de l'abdomen. 

Organe génital conoïde, étroit, à sommet mousse, jaunâtre au niveau 
de l'insertion des pattes de la quatrième paire, avec une paire de poils 
fins et courts de chaque côté et un pli transversal au-dessous de lui. 

Abd5men de moitié environ plus étroit que le céphalothorax, mince 
foliacé, à côtés un peu concaves, avec une bordure chitineuse ocracée, 
à extrémité arrondie, bordée d’une étroite membrane incolore, prolon- 
gée en pointe mousse de chaque côté de la ligne médiane et en dehors 
sont deux poils courts et un à peu près ausi long que le corps est large. 
Une paire de grosses ventouses anales à sa face inférieure avec un court 
piquant au-devant, et sur le milieu de sa face supérieure une pièce cor- 
née longitudinale, foncée, bifurquée en arrière. Pas de plaque dorsaic 
thoracoabdominale; presque aussi nombreux que les femelles (1). 

Femelles fécondées longues de 1 millimètre à 1m",20, larges de Onm, 22 
à Oum, 95; de forme générale quadrilatère, allongée, un peu atténuée en 
avant et en arrière. Pattes de la deuxième et de la troisième paires un 
peu plus petites que les autres, Les dernières n’atteignant pas le bout de 
l'abdomen. 

Vulve au niveau des épimères de la troisième paire longitudinale, 
à lèvres minces, très-écartées en arrière, avec un épimérite chitineux 
foncé, demi-circulaire, à concavité postérieure transversalement placée 
au-dessus de sa commissure antérieure. Abdomen un peu plus étroit que 


(1) Le mâle accouplé retient sa femelle en appliquant la face ventrale de la partie 
postérieure de son abdomen sur la portion dorsale correspondante de celle-là, qu'il 
retient avec ses ventouses d’une part et de l’autre avec le tubercule de la troisième 
paire de patles appliquée sur les flancs et sous le ventre de Ja femelle. L’organe 
génital mâle reste en dehors de l'extrémité postérieure du corps de la femelle. Les 
deux individus sont ainsi placés de telle sorte que leurs têtes sont en direction 
opposée; dans la marche, la femelle tire en général le mâle après ele. Les faces ven- 
trale de l’un et dorsale de l’autre sont tournées du même côté, les poils postérieurs 
repliés et repoussés sur son dos ou étendus sur celui de la femelle, ceux de la femelie 
du mâle disposés de la même manière sous la face ventrale. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. h25 


le céphalothorax, à bords parallèles se rélrécissant en arrière, puis à 
extrémité postérieure nettement tronquée ou un peu concave, avec trois 
paires de poils, dont deux très-longs à chaque angle de la troncature,, et 
sur la ligne médiane un prolongement tubulcux cylindrique incolore 
tronqué. Un seul œuf plus ou moins développé. Ventouscs génitales 
manquant dans les deux sexes. Deux vésicules jaunes transversalement 
placées au niveau du rétrécissement postérieur, existant sur ces femelles 
seulement. Pas de plaque granuleuse thoraco-abdominale. 

Femelles accouplées longues de 1 millimètre environ, larges de Omm,20, 
Abdomen à peine plus étroit que le céphalothorax, s’atténuant réguliè- 
rement en s’arrondissant dès le niveau de la quatrième paire de pattes, 
puis nettement tronqué en arrière. Le reste comme sur les femelles 
fécondées, moins la vulve et le prolongement abdominal tubuleux mé- 
dian. Plaque grenue de l’épistome petite. 

Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées, mais à 
abdomen plus court, de dimensions variables entre celles de ces der- 
nières et des plus grosses larves. | 
* Larves hexapodes longues de 3 à 4 dixièmes de millimètre, semblables 
du reste aux nymphes, mais étroites, à flancs rectilignes; abdomen 
rétréci par rapport au céphalothorax et à peine plus long que large. 

OŒuf long de On®,24, large de On®m,06 à Omm,07, cylindroïde, allongé, 
plus atténué à un bout qu'à l’autre, un peu aplati d’un côté dans le sens 
de la longueur. 

Habitat. Celte espèce vit en assez UD abondance sur le pic vert 
(Picus viridis, L.), avec des Dermalichus socialis, Ch. Robin, en petit 
nombre, soit dans les tectrices, soit surtout dans les rémiges. 


2. Preronyssus srriaTus, Ch. Robin (1) (pl. XXV). 


Sarcoptides d'un gris DEC ICE ; Corps à surface un peu brillante, trapu, 
ovoide, large, à dos bombé, à surface inférieure aplatie, d’une tr 
qui ne dépasse pas 6 de de millimètre, avec une dépression laté- 
rale en avant du troisième épimère, dont la branche supérieure et laté- 
rale porte deux longs poils forts, dont l’un placé au-dessus de l’autre est 
aussi long que le corps est large. 

Rostre massif, jaunâtre, ovoide, long de Om 10, large de Omm,06 à 
Omm,07, à base large. un peu incliné en bas et un peu saillant en avant 
entre les pattes antérieures, à palpes maxillaires assez gros. 

Lèvre membrancuse, épaisse, à bord libre étroit, mousse. | 

Mandibules conoïdes courtes ne dépassant pas le bord de la lèvre, 
renflées à la base. 

‘Pattes presque égales entre elles, moins longues que le corps n’est 
large, régulières, non anguleuses, ni tuberculeuses; tarses portant 


(1) Striatus, strié. 


h26 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


d'assez larges ventouses membraneuses, cupuliformes, sur une tige grêle 
et avec un très-petit crochet jaunâtre au centre. Pièces solides de tous 
les articles finement granuleuses. 

Epimères et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur ocreuse. 
Les épimères de la première paire envoyant un prolongement à-la base 
du palpe maxillaire par leur extrémité supérieure et libres par l’autre 
extrémité. Ceux de la deuxième paire libres par leur extrémité interne 
et inférieure, et envoyant par l’autre bout un prolongement supérieur 
allant à la base de la première patte, et un prolongement inférieur 
latéral élargi en plaque granuleuse qui descend jusqu’à la dépression 
latérale au contact du prolongement supérieur du troisième épimère. 
Épimère de la troisième paire à deux branches courbées presqu’en 
demi-cercle, à branche supérieure longeart les flancs et se recourbant 
en dedans au niveau de la dépression latérale, où elle touche le deuxième 
épimère, et portant les deux longs poils latéraux ; à branche inférieure 
recevant la branche supérieure du quatrième épimère. 

Tégument mince transparent, assez rigide, à plis réguliers, larges, pro- 
fonds, avec une large plaque dorsale granuleuse, triangulaire, tronquée 
en avant, où elle forme l’épistome, portant une paire de très-longs poils 
au niveau des pattes de la deuxième paire, et une autre de très-courts et 
très-fins en dedans de celle-ci. Sur le mâle, au-dessous de cette plaque 
granuleuse, en est une deuxième quadrilatère étendue jusqu’au bout de 
l'abdomen et séparée de la première par une large bande de plis tégu- 
mentaires. Son analogue manque sur les femelles. 

Anus en forme de fente longitudinale sur la ligne médiane, au bout 
de l'abdomen qu'il atteint ; il est à lèvres minces, jaunâtres, accompagné 
d’une paire de poils fins de la longueur de la fente. 

Une grosse vésicule ovoïde pleine d’un liquide incolore réfractant 
fortement la lumière de chaque côté de l'abdomen, derrière l'insertion 
des pattes de la quatrième paire. 

Müûle long de 4 à 5 dixièmes de millimètre, large de Omn,25 à Oum,30; 
corps massif presque circulaire prolongé en avant par le rostre, en 
arrière par l’abdomen, qui est aplati, presque quadrilatère, un peu plus 
long que large, d’un tiers au moins plus étroit que le céphalothorax, à 
côtés un peu concaves, avec un ressaut brusque portant un petit poil 
près de l’extrémité, qui est bilobée, à lobes arrondis, bordés en bas et 
en dehors d’une bande chitineuse ocracée, portant chacun cinq poils 
flexibles, dont celui qui est au milieu est presque aussi long que le corps. 
Une plaque quadrilatère granuleuse thoraco-abdominale. Deux grosses 
ventouses circulaires jaunâtres de chaque côté de l’anus, avec un court 
poil au devant de chacune d'elles. 

Pattes de la deuxième paire un peu plus grosses que celles de la pre- 
mière ; pattes de la troisième paire énormes, dépassant le bout de l’ab- 
domen de toute la longueur de la jambe et du tarse. Pattes de la qua- 
trième paire insérées en dedans des précédentes, au même niveau 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 27 


qu’elles, sur un petit épimère adhérent à la branche inférieure du troi- 
sième, grèles, atteignant sans le dépasser le bout des lobes de l'abdomen, 

Organe génital placé loin des ventouses anales, au-dessus de l'insertion 
des deux dernières pattes, entre les branches inférieures des épimères 
de la troisième paire, dont les extrémités sont unies l'une à l’autre par 
une grande branche chitineuse jaunâtre transversalement placée au- 
dessus de lui et envoyant en bas deux branches demi-circulaires qui 
l'entourent jusqu’au niveau de sa base. Une paire de poils courts et fins 
est insérée en dehors de l’extrémité de ces deux branches, une autre est 
en dedans à la base de l'organe et une autre au niveau de son sommet ; 
une dernière paire de poils plus longs sur l'extrémité de la branche infé- 
rieure du troisième épimère. L'organe génital est très-petit, conoïde, à 
sommet pointu, à base élargie, de couleur ocreuse foncée. 

Femelle fécondée longue de 5 à 6 dixièmes de millimètre sur une lar- 
geur moitié moindre, de forme massive assez régulièrement ovoide, 
aplatie en dessous; pattes moins longues que le corps n’est large, 
presque semblables, les premières et les dernières un peu plus grosses 
pourtant que Les autres, les postérieures atteignant à peine le bout de 
l'abdomen. Celui-ci à peine plus étroit que le céphalothorax, à côtés 
épais, presque rectiligne, à extrémité arrondie, mousse, un peu déprimée 
sur la ligne médiane, où la commissure anale postérieure vient faire 
une très-courte saillie: en dehors de celle-ci sont deux poils très-fins et 
très-courts, puis deux gros poils au moins aussi longs que le corps est 
large, à tubercule basilaire volumineux; deux autres poils fins se trou- 
vent, l’un au-dessus, l’autre au-dessous des plus extérieurs de ceux-ci. 
Pas de plaque thoraco-abdominale. 

Vulve placée entre les épimères de la troisième paire, à lèvres minces, 
formées par des épimérites sous forme de plaques jaunâtres, s’écartant 
l'une de l’autre presque dès le niveau de sa commissure antérieure, 
avec prolongement du tégument finement plissé dans l'angle rentrant 
qu'elles forment ainsi ; une paire de poils fins au niveau de la commis- 
sure antérieure de la vulve ; une autre en dehors et une troisième en 
dedans de l'extrémité postérieure des épimérites de ses lèvres. Com- 
missure antérieure surmontée d’une épimérite chitonéale, ocreuse, 
foncée, placée transversalement, courbée en arc, à branches écartées, 
à concavité postérieure et à extrémités libres. 

Un œuf unique plus ou moins développé ou nul. 

Femelles accouplées longues de 4 à 5 dixièmes de millimètre, sur une 
largeur moitié moindre; abdomen un peu plus étroit et un peu plus 
court que sur les femelles fécondées; plaque granuleuse de l’épistome 
un peu moins longue, moins grenue et moins colorée; pdttes posté- 
rieures un peu plus grêles; commissure postérieure de l'anus non sail- 
lante à l'arrière du corps. Pas d'organes sexuels. 

. Le reste comme sur la femelle fécondée, 
Nymphes octopodes d’un volume qui varie entre celui des plus grosses 


128 CH. ROBIN ET PF. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


larves et des plus petites femelles accouplées; semblables à celle-ci pour 
le reste, mais grises et non roussâtres, à abdomen court, étroit, arrondi, 
mousse en arrière, à peine déprimé sur la ligne médiane; pattes posté- 
rieures plus grêles, celles de la quatrième paire surtout, qui atteignent 
à peine le bout de l'abdomen. Plaque granuleuse de l’épistome plus 
petite, ne descendant pas au delà des poils dorsaux situés au niveau des 
pattes de la deuxième paire. . 

Larves hexapodes d’un gris blanchâtre, à corps trapu, longues de 
Onn,25 à Oum 30, sur Om 15 à Onm,18 de large; abdomen court, nota- 
blement plus étroit que le céphalothorax, à côtés épais, droits, à extré- 
mité mousse, brusquement arrondie, à peine déprimée sur la ligne 
médiane, portant une seule paire de poils presque aussi longs que le 
corps et une autre de poils fins et courts au point où l'abdomen com- 
mence à s’arrondir. | 

Pattes postérieures atteignant à peine le bout de l'abdomen. Plaque 
granuleuse de l’épistome petite, cordiforme, atteignant à peine les poils 
situés au niveau des pattes de la deuxième paire, qui sont réduits à une 
seule paire. 

Œuf long de Omm,23 à Onm,95, large de Omm,07 à Omm,09; presque 
régulièrement ovoiïde, à paroi mince. 

Habite surlout la base des rangées des barbes des tectrices du pinson 
(Fringilla cælebs, L.) avec le Proctophyllodes microphyllus. Sa démarche 
est assez rapide. Les mâles accouplés ou non, les nymphes et les larves 
sont souvent entassés les uns sur les autres, tandis que les femelles et 
quelques mâles se trouvent plutôt entre les barbes plus éloignées du bas 
de la plume ou entre celles des rémiges. 


(La suite au prochain numéro.) 


EXPLICATION DES PLANCHES 


PLANCHE XXII. 


Fic. 1. — Nymphe hypopiale cellularicole (du mâle?) du Pterolichus 
falciger, au grossissement de 100 diamètres. 
Fi. 2. — Nymphe hypopiale cellularicole (de femelle?) du même, au 


même grossissement. 
Fic. 3. —»Pterolichus obtusus ', face inférieure. (Gross. 150 diam.) 
Fic. 4. — Pterolichus obtusus © ovigère, face dorsale. (Même gross.) 
F16. 5. — Vulve sous-thoracique de ponte de la précédente. (Même gross.) 
Fi. 6. -— Pterolichus claudicans 4, extrémité abdominale. (Même gross.) 
Fic. T. — Pterolichus bisubulatus <', extrémité abdominale. (Même gross.) 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 429 


Fi6. 8. — Pterolichus cultrifer ', extrémité abdominale. (Même gross.) 
Fi. 9. — Péerolichus securiger J', extrémité abdominale. (Même gross.) 
Fic. 10. — OŒuf à enveloppe granuleuse du précédent. (Même gross.) 


PLANCHE XXIII. 


Fic. 1. -— Pterolichus lunula Ç', face inférieure. (Gross. 150 diam.) 
Fi, 2. — Le même, face dorsale. (Même gross.) 

 Fic. 3. — Pterolichus lunula S, face inférieure. (Mème gross.) 

Fig. 4. — Pterolichus uncinatus Ÿ', face inférieure. (Même gross.) 


Fi. 5. — Extrémité des pattes postérieures de la femelle ou de la 
troisième paire du mâle. (Gross. 150 diam.) 


PLANCHE XXIV. 


Fi. 1. — Pteronyssus picinus <', face inférieure. (Gross. 150 diam.) 
Fic. 2. — Le même, face dorsale. (Mème gross.) 
Fig. 3. — Pteronyssus picinus © ovigère, face inférieure. (Même gross.) 


PLANCHE XXV, 


Fac. 1. — Pteronyssus striatus ', face inférieure. (Gross, 150 diam.) 
FiG. 2. — Le même, face supérieure, (Même gross.) 

Fic. 3. — Pteronyssus striatus © ovigère, face inférieure, (Même gross.) 
Fi. 4. — Le même, face dorsale. (Même gross.) 


ANALYSES ET EXTRAITS 


DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS 


Manuel du microscope dans ses applications au diagnostic et à 
la clinique, par MarTaias DuvaL et L. LEREBOULLET. 2° édition. 
Paris, 1877. 


Si les recherches d'histologie proprement dite constituent un art dif- 
ficile, dont les principes ni les résultats ne sauraient être facilement 
firmulés dans un petit volume, il n’en est pas de mème lorsqu'il n’est 
question que des applications du microscope à une série de constatations 
déterminées, comme dans les recherches cliniques pratiquées plus ou 
moins immédiatement au lit du'malade. Le plus souvent alors il suffit 
de dissocier les éléments anatomiques soumis à l'examen, de les com- 
primer légèrement et de les éclairer par quelques réactifs, pour arriver 
au but qu'on se propose. Tout médecin ne peut consacrer le temps né- 
cessaire à des recherches délicates, sur la structure normale et patholo- 
gique des tissus; mais dans l’état actuel de la science, tout praticien doit 
se mettre à même de discerner, avec le microscope, la nature d’un pro- 
duit de sécrétion, d’une végétation, d'un parasite, d'une tumeur dont 
lablation a été opérée, ou dont quelques parcelles ont été rétirées par 
une ponction exploratrice, etc. 

Le manuel de MM. Mathias Duvalet L. Lereboullet, arrivé aujourd’hui 
à sa seconde édition, a pour but de servir de guide à ces recherches 
cliniques. 

Chaque chapitre est précédé d’un résumé anatomique et physiologique 
des données les plus indispensables à posséder pour commencer avec 
fruit l'étude des produits morbides d’une partie quelconque de l’orga- 
nisme. C'est ainsi qu'est faite successivement l'étude du sang, du pus, 
de la peau, des muqueuses: le chapitre qui traite de l'étude du sang 
renferme la description des procédés de numération des globules et des 
résultats déjà obtenus à l’aide de ce nouveau moyen de recherche; la 
spectroscopie du sang, et surtout la microspectroscopie ont reçu également 
des développements particuliers ; de mème pour l'urine. 

Si l'on pouvait analyser, au point de vue microscopique, les vomisse - 
ments, les fèces, les crachats, etc., comme on a étudié le sang et l'urine, 
on arriverait certainement à des résultats très-importants au point de 
vue du diagnostic. Mais les données actuelles sur ces derniers liquides 
manquent souvent de précision ; aussi les auteurs ont-ils évité d'établir 
un lien trop étroit entre les altérations signalées et les maladies dans 
lesquelles elles ont été rencontrées. 

Dans ces modestes proportions, ce manuel est de nature à remplir 
parfaitement le but que se sont proposé les auteurs, à savoir de recom- 


ANALYSES DE TRAVAUX FuANÇAIS ET ÉTRANGERS. ha! 


mander et de faciliter au médecin toute une série de moyens d'investi- 
gation trop souvent négligés. Ces procédés de recherche, s'ils ne peuvent 
toujours suffire à établir un diagnostic, serviront toujours à le préciser ; 

c’est ainsi que le médecin praticien doit aujourd'hui profiter de toutes 
les ressources que lui offrent les récentes découvertes de la science. 


Ueber unmittelbare Einmündung kleinster Arterien in Gefässe 
venüsen Characters (Sur l'abouchement immédiat des plus 
petites artères dans des vaisseaux ayant le caractère veineux) 
von H. HOyeR, prof. in Warschau. (Arch. f. mikr. Anat. Bd 
XIII, 3 Heft.) 


L'hypothèse d'une communication directe des artères avec les veines 
sans interposition de capillaires a soulevé un grand nombre de contro- 
verses il y à une quinzaine d'années, grâce surtout au mémoire de 
Sucquet (D'une circulation dérivative dans les membres et dans la tête 
chez l’homme. Paris, 1862). Hoyer a cherché à résoudre la question à 
l'aide d’une méthode histologique précise. Renvoyant au texte mème 
pour les considérations historiques et critiques que renferme son travail, 
nous nous hornerons à exposer sommairement les procédés mis en 
usage et les résultats obtenus par lui. j 

Avaut remarqué que certaines injections peu pénétrantes, qui s’arrê- 
tent habituellement aux origines du réseau capillaire revenaient néan- 
moins par les veines dans quelques régions du corps, sans que les capil- 
laires fussent injectés, Hoyer fut amené à rechercher des anastomoses 
directes entre les systèmes artériel et veineux. Il employa dans ce but 
un moyen consistant à colorer d’abord les vaisseaux et à pousser ensuite 
une injection peu pénétrante. Pour cela on commence par faire une pre- 
mière injection avec une solution simple de carmin, qui colore la paroi 
des vaisseaux, et l’on fait suivre une injection gélatineuse au bleu de 
Prusse. Les parties sont ensuite durcies dans un mélange d'alcool et 
d'acide acétique (4:1), puis débitées en coupes que l’on monte dans le 
baume de Damar. 

L'auteur à pu ainsi voir dans plusieurs régions de l’économie des 
artérioles s'aboucher directement avec des rameaux veineux. Chez le 
lapin, il a constaté ce fait sur l'oreille, à l’extrémité du museau, 
sur les doigts, à l'extrémité de la queue et dans les corps érectiles 
des parties sexuelles. Chez l’homme, il n’a pu le mettre en évidence 
qu'aux mains, aux pieds et dans les corps caverneux. 

Cette méthode permet de distinguer très-nettement les tuniques des 
vaisseaux. Les anastomoses entre les artères et les veines sont accusées 
par le développement différent de la couche musculaire. Il n’y a aucune 
transition : les doux vaisseaux s’abouchent directement, en conser- 


h32 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


vant chacun sa structure caractéristique jusqu'au point de contact. A 
partir de celui-ci la cavité vasculaire augmente légèrement de diamètre. 

L'auteur à ensuite cherché à confirmer ces premières données par 
une autre méthode qui consiste à délimiter l’épithélinum des vaisseaux 
par les sels d'argent. 

A cet effet, il injecte directement dans le système artériel une solution 
de nitrate double d'argent et d'ammoniaque (0,50 à 0,75 pour 100)qu’il 
fait suivre habituellement d’une solution concentrée de gélatine. Ce pro- 
cédé, beaucoup plus démonstratif que le précédent, montre très-nette- 
ment les anastomoses directes entre les veines et les artères sur le lapin, 
à l'extrémité de la queue du chat, enfin sur les mains et Les pieds d’en- 
fants. | 

Ces résultats ont été en outre contrôlés par des injections faites au 
moyen d'une solution alcoolique de gomme laque sur le chien, le chat, 
le cochon d’Inde, le porc et enfin sur des cadavres humains. 

Nous ne pouvons reproduire ici les détails relatifs aux différentes 
régions qui présentent ces communications artérioso-veineuses. La 
disposition fondamentale est partout la même et les figures annexées 
au mémoire en font ressortir à première vue toutes les particularités. 

Dans l'aperçu physiologique qui suit l'exposé de ses recherche:, l’au- 
teur accorde à ces anastomoses la valeur d’une circulation dérivative, 
destinée à éviter les grandes perturbations dans le cours du sang. Maisil 
ne leur attribue pas, comme Sucquet, une importance générale et croit 
que leur influence ne peut se faire sentir que dans des régions très-limi- 
tées, et qu’elle ne saurait jamais retentir sur l’ensemble du système cir- 
culatoire. Leur présence servirait surtout à répartir également la pression 
sanguine et la calorification dans les parties correspondantes. Hoyer re- 
commande vivement, pour ces sortes de recherches, l’emploi du micro- 
scope binoculaire qui permet, grâce à la sensation de relief, de s'orienter 
facilement dans les réseaux vasculaires un peu compliqués. Enfin, il à 
réuni dans un chapitre spécial, sous la rubrique : « Beiträge zur anuto- 
mischén und histologischen Technik », quelques indicalions pratiques sur 
la méthode qu'il a suivie pour ses injections. G. H. 


Le propriétaire-gérant, 


GERMER BAILLIÈRE, 


PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2. 


MÉMOIRE 


SUR 


LES AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX 
CHEZ LES OISEAUX (1) 


Par le D' O0. LARCHER 


Les centres nerveux des Oiseaux, interrogés souvent avec une 
certaine préférence par un grand nombre d’expérimentateurs, 
fournissent aussi matière à diverses remarques pour ceux qui 
recherchent, dans un même but, les cas d’altérations non expé- 
rimentales. | 

Dans le présent Mémoire, qui fait suite à ceux que je publie 
depuis plusieurs années sur la tératologie et la pathologie des 
Oiseaux (2), je donne l'exposé synthétique des observations faites 
par mes devanciers ou par moi-même sur les affections diverses 
du système nerveux. 


ANOMALIES DES CENTRES NERVEUX ET DE LEURS ENVELOPPES. 


[. Au nombre des anomalies dont les centres nerveux et leurs 
enveloppes sont parfois le siége, nous signalerons d’abord la 
scoliose vertébrale, qui porte quelquefois sur plusieurs ré- 
gions (3), et dont quelques exemples ont élé observés depuis 
longtemps, soit sur la Poule, soit sur l'Oie et sur le Canard. Elle 


(1) Lu devant la Société centrale de médecine vétérinaire, le 11 janviér 1877. 

(2) Ces divers Mémoires, qui ont paru dans différents recueils périodiques, et, no- 
tamiment, dans ce Journa!, se tro uvent réunis dans les cinq premiers fascicules 
de nos MÉLANGES DE l'ATHOLOGIE COMPARÉE ET DE TÉRATOLOGIE;, Paris, 1873- 
1877. 

(3) Cf. V. Racle, Difformilés mulliples chez un Poulet (Comptes rendus des 
séances de la Sociélé de Biologie, 1'° série, t. IT, p. 41 ; Paris, 1851). 

JOURN, DE P'ANAT. ET DE LA PHYSIOLe «— Te XII (1877) 28 


h34  O. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX 


s’accuse de très-bonne heure chez l'embryon (1), en coïncidence 
avec des déformations comparables des os du bassin, mais sur- 
tout en coïncidence fréquente avec une autre anomalie, connue 
sous le nom d’éventration ou de célosomie. Elle s’observe aussi, 
de temps à autre, chez des Oiseaux dont la vie s'effectue d’ailleurs 
régulièrement ; el, dans quelques cas, elle donne lieu à un rac- 
courcissement considérable du tronc (2). La scoliose vertébrale 
paraît se lier, du reste, à un arrêt de développement de l’amnios, 
dont la cavité, s'étant trouvée moins étendue en longueur que 
l'embryon lui-même, a dû nécessairement imprimer à la colonne 
vertébrale des courbures inusitées (3). | 

Dans les cas où elle coïncide avec le raccourcissement des mus- 
cles qui correspondent aux parties incurvées, et où il existe en 
même temps une altération profonde de l’encéphale, l’atrophie 
de tout un hémisphère du cerveau, par exemple (4), on peut 
admettre, en oulre, que l’action des muscles a déterminé les in- 
curvations constatées : il est à noter, en effet, qu’en pareil cas les 
incurvations se produisent toutes dans le sens des museles et non 
pas dans celui où les faisceaux musculaires font défaut. La coiïu- 
cidence d’une lésion de l'encéphale aulorise également à peuser 
que, sous son influence, des contractions musculaires intempes- 
tives (sortes de convulsions) ont agi prématurément sur la sub- 
stance encore cartilagineuse du squelelle; de telle sorte qu'il 
s'agirait, en réalité, d’une scoliose vertébrale par rétraction 
musculaire (5). 

Quoi qu’il en soit, la scoliose vertébrale peut donner lieu à des 

(1) Voyez, à Londres, au Musée du Collége Royal des Chirurgiens (Teratological 
series, n° 259), un embryon d’Oie, surpris vers le quatrième jour de l’incubation, 
et recueilli par J. Hunter, dans sa collection. 

(2) Chez un Canard hybride, élevé dans le parc de Saint-James, et dont le sque- 
letie est déposé, à Londres, au Musée du Collége Royal des Chirurgiens (Teralolo- 
gical series, n° 260), il existe une incurvation autéro-postérieure très-remarquable 


de la région sacrée et, comme conséquence, un raccourcissement considérable du 
trone. 


(3) Voy. C. Dareste, Mémoire sur la production de certaines formes de mons- 
trucsilés simples (Comptes rendus des séances de la Socicté de Biologie, 3° série, 
t. V, p..212-213 ; Paris, 1864). 

(4) Cf. V, Racle, loc. cit. 

(5) Cf. V. Racle, loc. cit, 


CHEZ LES OISEAUX. h39 


particularités qu'il est intéressant de noter : ainsi, par exemple, 
dans un cas de scoliose cervicale, où la courbure com- 
prend les deux tiers inférieurs du col et a sa concavité dirigée 
en arrière, 1l peut arriver que le mouvement de flexion du 
col en avant soit lout à fait impossible, et que la lête ne puisse 
être portée vers le sol que par la flexion des deux ou trois pre- 
mières vertèbres cervicales, les unes sur les autres, et par la 
rotation du bassin sur les fémurs. Le mouvement de redresse- 
ment ou de flexion en arrière peut être au contraire tellement 
étendu, que le col puisse se ployer en deux, jusqu’à la rencontre 
de la face postérieure de sa moitié inférieure, la tête venant alors 
se placer dans la concavité de la courbure cervico-dorsale (1). 

Dans la région dorsale, si la courbure est latérale et beaucoup 
plus prononcée du côté des corps vertébraux que du côté des 
apophyses épineuses, par exemple, les articulations costo-verté- 
brales, du côté de la concavité, étant situées sur un plan anté- 
rieur à celui des mêmes articulations de l’autre côté, les côtes 
appartenant au côté concave ne présenteront, dans leur trajet 
pour venir se joindre au sternum, qu’une courbure légère, tandis 
que les côtes appartenant au côté convexe seront fortement 
ployées au niveau de leur angle. Enfin, par suite du déplacement 
latéral de plusieurs corps de vertébres, qui, du côté de la conca- 
vité, ont diminué de hauteur et sont comme écrasés, les côtes de 
ce côté sont rapprochées les unes des autres jusqu’au contact, 
tandis que celles de l’autre côté sont au contraire fortement éloi- 
gnées (2). 

Il. Le spina-hrfida s’observe aussi quelquefois à des hauteurs 
variées du canal vertébral, et déjà 1l peut se voir sur de très- 
jeunes embryons (3), d’ailleurs normalement développés sous les 

(A) Cf. V. Racle, loc. cit. 

(2) Cf. V. Racle, loc. cit. , 

(3) P. L. Panum, dans ses Unlersuchunghen über die Enlstehung der Missbil- 
dungen zunâchst in den Eïiern der Vœgel (S. 106, Taf. VI, Fig. 7 ; Berlin, 14860), 
rapporte avoir rencontré un exemple de cette anomalie, à son premier degré, sié- 
geant tout près de l'extrémité caudale du canal vertébral, sur un embryon de Poulet, 
d’ailleurs normalement développé, long de 0%,0057, et issu d’un œuf (à deux 


jaunes) qui avait été soumis seulement depuis quarante-deux heures à l’incubation. 
Dans deux cas, observés l’un sur un Poulet et l’autre sur un jeune Canard, qui 


h36 O0. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX 


autres rapports, ou, au contraire, alleints, en même temps, 
d’autres difformités (1). 

IL. L'asymétrie du cräne, qui, chez quelques Oiseaux, a été 
parfois considérée comme une disposition normale (2), est, dans 
quelques cas, tellement prononcée qu’il paraît impossible de ne 
pas la considérer comme une véritable anomalie. 

IV. Mais, de toutes les irrégularités de constitution, les plus 
communes sont celles qui portent sur la voûte crânienne, soit 
que cette dernière fasse complétement défaut, soit qu’elle pré- 
sente une solution de continuité plus ou moins étendue. 

a. La première de ces deux dispositions, qui a été observée 
plusieurs fois sur des Palmipèdes et sur des Gallinacés domes- 
tiques, et qui n’est d’ailleurs pas incompalible avec l'achèvement 
complet du développement de lembryon (3), coïncide parfois 
avec diverses autres anomalies (4), au nombre desquelles il en 


faisaient tous deux partie de la collection de l'Université de Landshut et que Fr. 
Tiedemann (Anatomie und Naturgeschichte der Væœgel, Bd. 1, S. 279; Heidelberg, 
4814) a sommairement décrits, le cou (qui, quoique simple, supportait deux têtes 
soudées par l’occiput) était atteint d’un véritable spina-bifida, dans la totalité de 
son étendue d'avant en arrière, jusqu’au niveau de la limite supérieure de la portion 
thoracique de la colonne vertébrale. 

(4) Voy., notamment, l'embryon décrit par Panum (loc. cil., p. 109) et figuré 
dans son Atlas, pl. VI, fig. 9 et pl. VIL, fig. 15 et 16. (Au lieu d’être désignée par 
le n° 16, la figure, placée sur la pl. VIT, au-dessous de la fig. 7, entre les fig. 10 
et 45, a été, selon la remarque de l’auteur, inscrite, par erreur, sous le n° 14.) 

(2) Voy. R. Collett, On the asymetry of the skull in Strix lengmalini (Proceedings 
of the zoologicat Society of London, vol. XLT, p. 739-743, with a plate; London, 
1871). — Voyez aussi, sur l’asymétrie normale du crâne chez le Bec-croisé (Loæia 
curvirostra, Linn.), notre Mémoire sur les difformilés du bec chez les Oiseaux 
(loc. cit., p. 32). 

(3) Voy., dans Ad. W. Otto (Monsnlorum sexcerlorum descriplio anatomica, 
n° LXHI; Vratislaviæ, 1841), la description sommaire d’un Canard domestique 
atteint de cette monstruosité, et, d’autre part, dans Ant. Alessandrini (Caïalogo 
degli oggetli e preparati più interessanti del Gabinetlo d'Analomia comparata della 
pontifica Universilà di Bologna, Sezione X, n° 1425 ; Bologna, 1854), l'indication 
d’une pièce du même genre, provenant d’un Pigeon (Columba domestica). 

(4) Nous citerons notamment l’absence de l'un des deux yeux et le développement 
exagéré de l’autre, l’arrêt de développement de la mandibule supérieure et l’élon- 
gation de la mandibule inférieure. — D'autre part, nous rappellerons qu’on doit à 
Ad. W. Otto la description de deux monstres doubles polyméliens, qui étaient en 
même temps atteints de l’anomalie qui nous occupe. 


CHEZ LES OISEAUX. h37 


est une (1) qui s’observe le plus souvent, sinon toujours, à 
savoir, une atrophie considérable (avec altérations diverses) des 
centres nerveux encéphalo-médullaires. En pareil cas, en effet, 
on ne trouve parfois aucune trace ou seulement que de faibles 
vestiges d’un encéphale, recouverts d’une enveloppe très-ténue 
et transparente, qui se trouve formée par la dure-mère (2) et 
par une portion très-fine de la couche tégumentaire générale, ou 
seulement par cette dernière, dépourvue de plumes et plus ou 
moins déchirée çà et là (3). Lorsque l’altération est moins pro- 
noncée, on trouve, en outre, reposant sur la base du crâne, au- 
dessous de l’enveloppe tégumentaire sus-indiquée, un petit cer- 
veau, tout au moins rataliné et en quelque sorte ridé, n'ayant 
plus sa coloration normale (4), et se présentant avec des dispo- 
sitions anatomiques intérieures, qui indiquent évidemment que 
l’encéphale s’est trouvé alléré à une époque encore peu avancée 
de la vie embryonnaire (5). 

Enfin il arrive aussi quelquefois que la moelle épinière est 
atteinte d’altérations comparables à celles qu'offre l’encéphale, 
et que, concurremment, de même que la voûte crânienne fait 
défaut, la portion cervicale de la colonne vertébrale est aussi 
exceptionnellement plus courte qu’à l'état normal (6). 

La coïncidence des diverses particularités dont la réunion 
caractérise cette monstruosité (dont les degrés différents sont 
connus en lératologie générale sous les noms de nosencephalie et 
d'anencéphalie), s'explique du reste facilement, depuis que des 
recherches précises, qui ont permis de constater qu’elle se pro- 


(1) Hémicéphalie, de Gurlt et d’Ad. W. Otto; Nosencéphalie, d’Is. Geoffroy Saint 
Hilaire. 

(2) Ad. W. Otto (Seltene Beobachtungen zur Anatomie, Physiologie und Patho- 
logie gehœrig., S. 40 ; Breslau, 1816) rapporte avoir constaté cette disposition sur 
la tête d’un Canard, 

(3) Voy. Ad. W. Otto, doc. cit.. n° CCCCXXIT (Gallinacé);, Vratislaviæ, 1841. 

(4) Voy. la description que donne A. W. Otto de la tête d’un Canard, déjà cité 
(op. cit., n° LXXIT ; Vratislaviæ, 1841). 

(5) Voy. Ad. W. Otto, loc. cit., n° CCCCXL (Canard polymélien). 

(6) On voit,. au Musée de Bologne (Sezione X, n° 4429), un Coq, chez lequel 
. manquent à la fois la voûte du crâne et la portion annulaire de la première vertèbre 
cervicale. 


h3S  O. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX 


duit avant la fin de la première semaine de l’incubation, ont fait 
voir, en même temps, quelle peut être due à une hydropisie des 
vésicules initiales des centres nerveux (1), hydropisie qui a pour 
effet de prévenir ou d'arrêter dans son cours le développement 
de la substance encéphalo-médullaire, et qui, en raison de la 
formation d’une poche séreuse intra-crânienne ou crânio-rachi- 
dienne, a, en outre, pour conséquence l'inocclusion des cavités 
osseuses correspondantes. 

b. L’anomalie caractérisée, non plus par l’absence de la voûte 
crânienne avec atrophie concomitante de l’encéphale, mais bien 
par l’existence d’une solution de continuité de la voûte, à travers 
laquelle une portion de l’encéphale fait hernie au-dessous des 
téguments (podencéphalhe), s’observe aussi quelquefois, soit sur 
des Oiseaux encore contenus dans l’œuf (2), soit même sur des 
Oiseaux qui ont déjà vécu plusieurs mois, sans que l’altéra- 
tion dont ils sont atteints les ait empêchés de se bien porter. Le 
cerveau, qui, surtout dans les cas où la solution de continuité 
mesure une étendue équivalente à l’absence presque complète 
de la voûte (4yperencéphalie), n'est protégé que par la couche 
tégumentaire externe, est ainsi considérablement exposé à l'action 
des agents extérieurs (3); et, par suite, un léger coup (qui, porté 

(1) C. Dareste, dans une Note sur le mode de formation des monstres anencé- 
phales (Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences de 
Paris, t. LXII, p. 448 ; Paris, 1866), attribue celte hydropisie, « que l’on retrouve 
également dans l’amnios et quelquefois même dans toute l'épaisseur des tissus », 
à un « état particulier du sang, qui est complétement incolore et ne contient que 
très-peu de globules ». « Quant au manque de globules dans le sang », il aurait lui- 
même, € son point de départ dans un arrêt du développement de l’aire vasculaire, 
qui ne s’est que très-imparfaitement canalisée, et qui présente les globules san- 
guins emprisonnés dans les iles de Wolf. » Voy. aussi du même auteur : Note sur une 
serie de recherches expérimentales, relatives à la tératologie (Annales des Sciences 
naturelles, Zoologie, 5° série, t. X, p. 129 ; Paris 4868), et, d’autre part, les Comptes 
rendus des séances de la Société de biol., 4° série, t. IE, p. 109-112 ; Paris, 1867) 

(2) C. Dareste, dans une Note sur le mode de production de certaines race 
d'animaux domestiques (Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie 
des Sciences de Paris, t. LXIV, p. 423 ; Paris, 1867), rapporte avoir observé cette 
anomalie sur deux Poulets trouvés dans cette condition. 

(3) On sait que la disposition anatomique, à peu près identique, que présentent 
normalement les Poules huppées (Pollish Fowis, Tegetmeier), si la huppe n’existait 


pas, ferait courir de semblables risques à ces Oiseaux, dont la conformation crâ- 
nienne a déjà été l’objet de tant de remarques et de recherches attentives. 


CHEZ LES OISEAUX. 139 


sur la tête, serait sans effet dans les conditions ordinaires) pourra 
faire facilement périr l'animal, après lui avoir fait éprouver des 
désordres variés du système nerveux. Les portions de l’encéphale 
qui s’échappent au dehors sont, en effet, logées dans une sorte 
de coque, simplement membraneuse, qui, si l'animal survit plu- 
sieurs mois, subit, dans quelques cas, un travail d’ossification 
partielle. C’est ainsi, par exemple, que du bourrelet plus ou moins 
élevé, et comme taillé à pic, qui entoure la base de l'encéphalo- 
cèle, s'élève parfois une sorte de travée osseuse, arciforme, à 
peine large de quelques millimètres, et dirigée d’avant en arrière, 
à la face inférieure de laquelle s’insère un repli falciforme, qui 
sépare l’un de l’autre les deux hémisphères cérébraux herniés, 
et sur les côtés de laquelle les autres portions de l'enveloppe, 
plus ou moins vascularisées, demeurent membraneuses (1). Enfin, 
le reste de la cavité crânienne est relativement très-peu développé, 
et renferme les autres parties de l’encéphale, qui sont en général 
elles-mêmes aussi peu développées. 

Quant à l’origine de pareilles anomalies, bien qu’elles ne pa- 
raissent pas être attribuables dans tous les cas au même ordre de 
causes, il semble pourtant que, dans quelques-uns, on puisse la 
rattacher aux effets de la compression exercée par l'amnios sur 
les vésicules encéphaliques. On conçoit, en effet, que, sous celte 
influence, ces vésicules changent de forme, et que, par exemple, 
au lieu de rester sphériques, elles s’aplatissent de haut en bas et 
s’élargissent sur les côtés, de manière à former un rebord sail- 
lant qui, débordant les parois de la tête, est séparé du reste 
de cette dernière par un sillon plus ou moins profond. Dans ces 
conditions inusitées, rien n’empêchant toutefois la formation de 
la substance nerveuse à l’intérieur des vésicules, l’encéphale 
continue de se développer ; mais, quant à la formation des parties 
carlilagineuses et osseuses du crâne, elle ne se fait que d’une 
manière incomplète et s'arrête au fond du sillon, qui sépare du 


(1) On doit à Siedamgrotzky la relation détaillée d’un cas de ce genre, qu’il a 
publiée dans le Bericht über das Veterinærwesen im Kæœnigreiche Sachsen für das 
Jahr 1873, S: 64 ; Dresden, 1874. 


hhO  O. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX 


reste de la tête les vésicules encéphaliques ainsi déformées (1). 

V. L’hydrencéphale, qui jusqu’à présent paraît n'avoir été 
rencontrée que sur de très-jeunes embryons (2) ou sur de très- 
jeunes Oiseaux, tout récemment éclos (8), appartenant à l’ordre 
des Gallinacés ou à celui des Palmipèdes, coïncide parfois avec 
l’exencéphalie. En pareil cas, au-dessous de l’enveloppe mem- 
braneuse, transparente et ténue, qui recouvre l’encéphalocèle, 
et que l’on trouve quelquefois adhérente aux membranes de 
l'œuf (4), on constate la présence d’une portion plus ou moins 
volumineuse de l’encéphale, distendue par un liquide générale- 
ment limpide (5). 


ALTÉRATIONS DES ENVELOPPES OSSEUSES DES CENTRES NERVEUX. . 


Les enveloppes osseuses des centres nerveux peuvent être le 
siége d’altérations diverses. 

I. Quelquelois, par exemple, les os de la voûte crânienne, de 
concert avec la généralité du squelette, ont subi un amincisse- 
ment plus ou moins notable. | 

I. Dans d’autres cas, on les trouve perforés, dans une plus 
ou moins grande étendue, par quelque tumeur provenant de la 
dure-mèêre (6) ou simplement déprimés et amincis par quelque 


(1) Voy. C. Dareste, Mémoire sur la production de certaines formes de monstruo- 
silés simples (loc. cit., p. 214), et Recherches sur les conditions de la vie et de la 
mort chez les monstres exencéphaliens produits artificiellement dans l’espèce de la 
Poule. (Annales des Sciences naturelles, Zoologie, L° série, t. XX, p.59 ; Paris, 
1863). 

(2) Une pièce anatomique, malheureusement très-incomplète, dont Ad. W. Otto 
a donné la description (loc. cit., n° 87), porterait peut-être à penser qu’on peut pour- 
tant en rencontrer aussi des exemples chez des Oiseaux qui sont malgré cela devenus 
adultes. 

(3) Voy. Panum, op. cit., p. 117 et 108. 

(4) Voy. C. Daréste, Note sur un Poulet hyperencéphale (Gazette médicale de 
Paris, 3° série, t. XV, p. 533 ; Paris, 1860). 

(5) Voy. Ad. W Otto, op. cit., n° 77. 

(6) C. Stœlker (Beitrag zur Pathologie der Væœgel, S. 12-13 —- in Journal für 
Ornithologie, 3° Folge, Bd. IL; Leipzig, 1872) rapporte avoir eu en sa possession 
une Troupiale (Dolichonygx oryzivora, Swainson), chez qui l’autopsie permit de 
constater l'existence d’une tumeur, grosse comme un grain de millet, qui paraissait 
avoir ainsi son point de départ dans les méninges et avait perforé le crâne. Malheu- 
reusement on ne fit pas de recherches relativement à la nature de cette tumeur. 


CHEZ LES OISEAUX. Uh1 


production pathologique dépendant de la couche tégumentaire 
externe (1). 

IL. Aïlleurs, on constate, dans leur épaisseur, de petits foyers 
sanguins, dont la présence coïncide le plus souvent avec l’exis- 
tence de quelque altération hémorrhagique de l’encéphale ou de 
ses méninges. 

IV. Parfois aussi, notamment à la suite de coups violents, qui 
ont porté sur la tête, le diploë subit, dans une plus ou moins 
grande étendue, un travail-de destruction, dont la marche peut 
être assez rapidement fatale, et dont le retentissement sur l’en- 
céphale s'accuse, durant la vie, par des phénomènes très-remar- 
quables dans quelques cas, sans que pourtant la face interne du 
crâne présente la moindre saillie, et sans que les diverses portions 
de l’encéphale et de ses méninges, examinées avec le plus grand 
soin, laissent apercevoir aucun indice d’altération ; mais non pas 
sans que quelque partie importante, telle que appareil auditif, 
par exemple (2), se trouve plus ou moins compromise. 

Lorsque la lésion intéresse spécialement l’une des deux moitiés 
du crâne, on peut, même avant d’avoir enlevé la peau, constater 
que la surface sous-jacente, inégale et rugueuse sous le doigt, 
est manifestement plus développée que celle du côté opposé. Sur 
une coupe transversale, en pareil cas, la paroi osseuse se montre, 
en effet, aussi plus épaisse à ce niveau ; et, si l’on enlève, par 
exemple, une mince lame de la table externe, on trouve au- 
dessous d’elle la surface, lisse et légèrement rosée, d’un tissu 
assez homogène, grisâtre et mou dans sa plus grande partie. Ce 
tissu n'est autre que celui d’une membrane fibroïde, plus ou 
moins épaisse, quirecouvreune partie du diploë, d’ailleursramolli 
et friable, et qui lui est assez peu adhérente pour qu’on puisse 


(4) Nous nous occuperons prochainement de ces productions dans un Mémoire sur 
les Affections de l’appareil téqumentaire externe. 

(2) J. Signol et A. Vulpian ont fait connaître un cas de ce genre, observé chez 
un Coq (Comptes rendus des séances de la Société de Biologie, 3° série, t. LIT, 
p. 135 ; Paris, 1862), et, de mon côté. j’en ai rencontré deux autres, l’un sur un 
Coq commun, l’autre sur un Faisan argenté (Phasianus nyctemerus, Lin.) dans des 
conditions d'identité tellement exactes, que mes notes paraissent calquées sur la 
relation publiée par mes deux devanciers. 


h42 O0. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX 


la faire glisser, de côté et d'autre, sur la portion osseuse qu’elle 
revêt. Celle-ci, qui est, en pareil cas, plus ou moins détachée du 
reste de l'os, se distingue d’ailleurs de Jui par une teinte gris-jau- 
nâtre ; elle se laisse plus ou moins facilement ébranler ; et, quand 
on examine directement, on trouve sa surface inégale, surmon- 
tée de petits mamelons, et creusée de légères dépressions, qui 
correspondent elles-mêmes à de petites élevures de la face in- 
terne de la membrane enveloppante. 

V. Les contusions et même les fractures de la voûte du crâne 
se rencontrent assez souvent chez les Oiseaux en captivité, notan- 
ment chez ceux, tels que les Gallinacés, qui s'élèvent brusquement 
en l’air, sous l'influence de la moindre impression de la vue ou 
de l’ouie, et qui viennent ainsi se heurter la tête, avec une cer- 
taine violence, contre la partie supérieure de la chambre dans 
laquelle ils sont enfermés, ou bien encore chez ceux qui, à chaque 
instant, viennent buter contre les barreaux de leur cage. 

Bien souvent aussi, notamment dans les luttes qu’ils se livrent 
entre eux, ou bien encore quand ils sont atteints par quelque 
persécuteur aux instincts carnassiers, leur voûte crânienne subit 
des fractures multiples, avec déplacement des fragments, et, en 
pareil cas, surtout si la dure-mère s’est trouvée déchirée, la solu- 
tion de continuité de la boîte osseuse se complique aisément d’un 
autre accident, qui, satisfaisant la voracité du vainqueur, devient 
promptement fatal à la victime. Cet accident, c'est la hernie de 
l’'encéphale, dont la substance se trouve comme étranglée par les 
bords de l’ouverture, généralement étroite, qui lui a donné issue. 

VI. Les parties constituantes de la colonne vertébrale n’échap- 
pent sans doute pas, non plus, à un certain nombre d’altérations 
pathologiques ou accidentelles, dont il est facile d’entrevoir la 
possibilité. 

Pour ne citer toutefois que celles qui ont été déjà positivement 
constatées, 1l convient de mentionner les altérations diverses de 
courbure, qui se rattachent au rachitisme (1), et, d'autre part, 


(1) Voy. notre Mémoire sur les affections des appareils de locomotion chez les 
Oiseaux (Mélanges de Pathologie comparée et de Tératologie, p. 139 ; Paris, 1873- 
1877). 


\ 


CHEZ LES OISEAUX. hh5 


le déplacement partiel de deux vertèbres cervicales l’une sur l'au- 
tre (1), ou bien encore l'écrasement d’une plus ou moins grande 
étendue de la colonne cervicale, avec altération de la moelle épi- 
nière (2). 


ALTÉRATIONS PATHOLOGIQUES DES CENTRES NERVEUX 
ET DE LEURS MÉNINGES. 


Souvent, chez les Oiseaux, notamment à l’époque des amours, 
la suractivité vitale, qui, chez les mâles, se traduit surtout, ana- 
tomiquement, par une augmentation considérable du volume des 
testicules (3), est tellement grande qu’il se produit vers les cen- 
tres nerveux une congestion fort intense, et, lorsque les ani- 
maux succombert dans ces conditions, en l'absence de toute 
autre altération appréciable à l’autopsie, la mort est vraisembla- 
blement attribuable à l’hyperhémie, dont les traces évidentes sont 
parfois très-faciles à constater, non-seulement sur la masse ner- 
veuse encéphalo-médullaire, mais aussi sur les méninges céphalo- 
rachidiennes (4). 


(1) F. Defays, dans son Compte rendu de la Clinique de l'École de Médecine 
Vétérinaire de l'État pendant l'année scolaire 1869-1870 (Annales de Médecine 
Vélérinaire, t.X, p. 539 ; Bruxelles, 1871), a publié la relation d’un cas dans lequel 
il avait diagnostiqué l’existence d’une luxation incomplète des vertèbres cervicales, 
en se fondant sur ce que l’animal avait le cou contourné de gauche à droite et la 
tête basse, portée dans cette direction, en même temps que, du côté gauche, vers 
le tiers supérieur de la région cervicale, on constatait une saillie qui disparaissait 
lorsqu'on ramenait la tête et le cou dans la direction normale, et quise reproduisait 
aussitôt qu'on abandonnaïit ces parties à elles-mêmes, — Le traitement consista à 
maintenir le cou dans une position à peu près normale, en le soutenant à l’aide d’un 
cylindre en cuir, dans lequel on avait pu l’engager ; et la partie intéressée, se raffer- 
missant peu à peu, finit par conserver sa position naturelle. 

(2) Témoin le cas d’une Poule, dont nous avons rapporté l’histoire dans une Note 
pour servir à l’histoire des lésions traumaliques accidentelles de la région cervicale 
chez les Oiseaux (Mélanges de Pathologie comparée et de Tératologie, p. 183 ; Paris, 
1873-77). 

(3) Cf. : Ch. Fr. Heusinger, Recherches de Pathologie comparée, vol. I, p. CXVI ; 
Cassel, 1847. — Rufz de Lavison, Bulletin mensuel du Jardin d’acclimatation du 
Bois de Boulogne (Bulletin de La Société zoologique d’acclimatation, 1'° série, t. VIII, 
p. 64, 128, 479 ; Paris, 1861, et t. IX, p. 236 ; Paris, 1862). — Mich. Gay, Apo- 
plessia cerebro-spinale fulminante in un vecchio Gallo inglese Dorking (IL medico 
Veterinario, serie 4%, vol. V, p. 241-246 ; Torino, 14876). 

(4) Cf. Ch. Fr. Heusinger, loc. cit. 


UV O0. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX 


Quelquefois même l’afflux du sang se fait si violemment que 
les vaisseaux se rompent sur-quelque point, et qu'un épanche- 
ment de sang se produit (1). | 

Mais, le plus souvent, la véritable hémorrhagie cérébrale n’est 
pas seulement la conséquence d’une simple congestion, poussée 
ainsi à sa limite extrême. Que l’épanchement sanguin se soit 
d’ailleurs produit sur un seul point ou sur des points différents 
de l'étendue des centres nerveux, le plus habituellement la pro- 
duction de l'hémorrhagie a été alors puissamment préparée par 
l'existence d'une altération préalable du système vasculaire des 
tissus intéressés (2). Dans le groupe nombreux des Oiseaux do- 
mestiques et de ceux qui vivent en captivité, quelques-uns, tels 
que les Oies (3), les Canards et les Poules, paraissent être plus 
spécialement exposés à celte sorte d’accident (4), que semble 
favoriser le trop fréquent accomplissement de l’acte nécessaire à 
la reproduction, chez des Oiseaux d’ailleurs trop peu libres d'aller 
et de venir (5), et, pour la plupart, déjà trop âgés. Si nous nous 
en rapportons aux données fournies par l’analyse de nos propres 
observations, les cas de ce genre appartenant, pour plus des 4/5 
(117 cas sur 127), à des Oiseaux du sexe mâle, on peut dire que 
l'hémorrhagie cérébrale est, en somme, une altération relative- 
ment assez peu commune chez les femelles ; et encore, dans les 
dix cas auxquels nous faisons allusion, reste-t-il une part assez 
large à faire à l'influence du traumatisme, puisque, dans sept 


(1) Cf. C. Dareste, Note sur quelques altéralions pathologiques observées sur des 
Oiseaux du Jardin zoologique d’acclimalation du Bois de Boulogne. (Comptes 
rendus des séances de la Société de Biologie, 3° série, t. [l, p. 183 ; Paris, 14861.) 

(2) Cf. : Max. Schmidt, Einiges über Krankheiten auslændischer Thiere (OEster - 
reichische Vierteljahresschrift für wissenschaftliche Veterinærkunde, Bd. XX, S.59; 
Wien, 1863). — C. Stœlker, loc. cit., p. 12-13. Selon ce dernier observateur, les 
attaques d’apoplexie (Sclaganfælle), avec épanchement de sang dans le cerveau, ne 
sont pas rares chez les Oiseaux granivores, notamment chez les Becs-croisés, les 
Bouvreuils et les Linots, à la suite de l’usage trop abondant du chènevis, qui produit 
l’engraissement et rend les vaisseaux friables. 

(3) Ch. Adm. Adr. Buhle, Naturgeschichte der domesticirten Thiere, Heft IL, S. 26 ; 
Halle, 1842. 

(4) I est connu, en anglais, sous le nom de Megrim. 

(5) Cf. S. M. Bradley, Note on the diseases of animals in a slale of confinement 
(The Lancet, vol. I for 1869, p. 708 ; London, 1869). 


CHEZ LES OISEAUX. hh5 
d’entre eux l’hémorrhagie s'était manifestement produite à la 
suite de coups violents reçus sur la tête. Quant aux trois autres, 
en l’absence de toute autre donnée, peut-être y a-t-1l lieu d'in- 
criminer la haute température exceptionnelle du local où se trou- 
vaient ensemble les trois Poules dont il est ici question. En re- 
vanche, sur les 117 cas recueillis chez des Oiseaux appartenant 
au sexe mâle, 1! en est 12 seulement dans lesquels laltération 
anatomique est attribuable à un traumatisme, et, parmi les 405 
autres, 8 ont été observés sur des Oiseaux qui, depuis plusieurs 
années, vivaient caplifs, dans un complet isolement. Quant aux 
77 autres, ils ont tous été recueillis sur des Oiseaux (Coqs, Din- 
dons, Faisans, Paon, Pigeons, Canards), chez lesquels l'exercice 
trés-aclif de la fonction de reproduction paraît avoir joué mani- 
lestement le rôle de cause déterminante (1). 

Si l'on en excepte les cas dans lesquels l'hémorrbagie, OCCU- 
pant l’un des points de la partie supérieure de l’encéphale, est, en 
outre, le résultat évident d’un choc porté directement sur le des- 
sus de la tête (2), les épanchements sanguins, dans les divers cas, 
occupent un siége assez variable (3), mais non pas pourtant sans 
se montrer, avec une fréquence relativement grande, à la base 
de la masse encéphalique (4). 

Dans les différents cas, on trouve, du reste, outre un ou plu- 
sieurs foyers hémorrhagiques, les traces d'une congestion plus 


(1) Cf, Boitard et Corbié, Histoire nalurelle des Pigeons domesliques, p. 98 ; 
Paris, 1824, — Heckmeyer (cité par G. B. Ercolani dans /? Medico Veterinario, serie 
seconda, vol. I, p. 473; Torino, 1860) met, en outre, en cause, pour les Poules, 
la chaleur des poulaillers. Nous indiquerons également, comme cause déterminante, 
la surcharge du jabot et de l’estomac et, d'autre part, l'usage des fruits doués de 
propriétés narcotiques. 

(2) P. Rayer et A. Gillet de Grandmont (Comples rendus des séances de la Société 
de Biologie, 3° série, L. IV, p. 118 ; Paris, 1863) ont fait connaître à la Société de 
Biologie un cas d’hémorrhagie sous-méningée, survenue chez une Foulque qui, 
transportée dans une caisse, s'était frappé la tête contre le plan résistant situé en 
dessus, sans toutefois se fracturer le crâne. — Cf. Mich. Gay, loc. cu. 

(3) Siedamgrotzky, dans sa Klinik für Kleinere Hausthiere (Berichl über das Vete- 
rinærwesen im Kænigreiche Sachen für das Jahr 1872, S. 84; Dresden, 1873), 
rapporte avoir trouvé, comme cause de mort, chez un Perroquet et chez un Serin, 
une hémorrhagie récente, ayant son siége sur l'hémisphère droit du cerveau. 

(4) Cf. Max. Schmidt, lor, cit. 


hh6 Oo. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX 


ou moins intense, et même de pelites nappes sanguines, dans 
l'épaisseur des méninges (1). 

La marche et la terminaison des hémorrhagies encéphalo- 
méningées sont extrêmement différentes, selon les cas. Lorsque 
la déchirure accidentelle de lun des sinus a été le point de dé- 
part de l'hémorrhagie intra-crânienne (qu'il s'agisse d'ailleurs 
du longitudinal supérieur ou du longitudinal postérieur), l’'épan- 
chement du sang est toujours peu abondant et, par suite, ne 
détermine guëêre les effets attribuables à la compression de l’en- 
céphale (2). 

Les diverses artères, qui rampent à la face supérieure du cer- 
veau (et notamment celle qui chemine à la face antéro-supérieure 
de chacun des lobes cérébraux, près du bord supérieur et interne 
de l'orbite correspondante), lorsque leurs parois sont atteintes 
de quelque solution de continuité, laissent échapper le sang avec 
abondance: et, comme il arrive souvent, en pareil cas, que le 
liquide recouvre toute la surface de l’encéphale, au-dessous de 
la dure-mère, qu'il distend plus ou moins fortement (3), on voit 
quelquefois se produire des phénomènes, dont l'apparition suc- 
cessive indique exactement la nature des parties, plus ou moins 
éloignées, que le sang épanché est venu comprimer successive- 
ment. 

Ces phénomènes ne persistent, du reste, et ne sont fatalement 
et rapidement suivis de la mort de l’animal, qu’autant que le sang 
épanché n’a trouvé aucune issue au dehors, comme cela arrive 


(1) Cf. Zahn, Bericht über das Wiener Thierar znei-Institut (pathologisch-anato- 
musche Lehransialt) für das Studienjahr 1874-1875 (Œsterreichische Vierteljahres- 
schrift [ur wissenschaftliche Veterinærkunde, Bd. XLVI,S. 4 ; Wien, 1876). ll s’agit 
de trois jeunes Faisans. 

(2) P. Flourens (Pecherches expérimentales sur les propriétés et Les fonctions du 
système nerveux dans les animaux vertébrés, p. 284-289 ; Paris, 1842), dans ses 
expériences sur les Pigeons, malgré tout le scin qu'il y apportait, n’est jamais par- 
venu que très-difficilement à produire, même par l'ouverture artificielle des sinus, 
des épanchements assez abondants pour déterminer des effets de ce genre ; et il fait 
remarquer que l'écoulement du sang s'arrête sans cesse, alors même qu’on s’efforce 
de le provoquer. 

(3) 11 est même probable que l’épanchement du sang se fait avec assez de rapidité, 


si l’on en juge par ce qui se produit dans les reclierches expérimentales (Cf. P. Flou- 
rens, loc. cil., p. 291:292), 


CHEZ LES OISEAUX. 7 


dans les cas où l’afflux du sang vers les centres nerveux à élé le 
résultat d’une violente congestion. Quand, au contraire, il s’agit 
d’une hémorrhagie traumatique, — si l’encéphale n’est pas lui- 
même autrement intéressé, et surtout si le sang peut se frayer 
une route à l'extérieur par quelque solution de continuité, — 
les désordres cessent avec une rapidité qui varie selon le temps 
pendant lequel ils ont déjà duré ; et, en raison du petit volume 
des vaisseaux atteints, lhémorrhagie s'arrête bientôt et sponta- 
nément. 

Les hémorrhagies, sous forme de piqueté (état sablé), qui se 
font au sein de l’encéphale lui-même, et qui coincident avec une 
altération plus ou moins marquée de sa substance, ont bien ra- 
rement une aussi heureuse issue : on peut dire qu’elles consti- 
tuent une affection toujours très-grave et, le plus souvent, mor- 
telle en peu d'heures. Cependant il arrive quelquefois que lPani- 
mal survit à l’ictus hémorrhagique, mais presque toujours (1} 
dans un état semi-paralytique, et pendant un temps qui peut 
être plus ou moins long (2). Dans les cas où 1l en est ainsi, on 
retrouve du reste, anatomiquement, les traces plus ou moins 
effacées d'anciennes hémorrhagies (3). 

Le siége de l’hémorrhagie dans le cerveau ou dans le cervelet, 
et d’ailleurs dans les parties profondes ou seulement dans les 
couches superficielles de chacun de ces organes, ne paraît pas, 
sous le rapport de la marche et de la terminaison, exercer une 
influence appréciable, et c’est plutôt de l'étendue de l’épanche- 
ment (et, partant, de la multiplicité des désordres consécutifs) 
que dépend la gravité du mal. Pour le cervelet, en particulier, 
on peut, par exemple, voir la vie persister chez un Oiseau qui 
porte, au centre de l'organe, les traces d’une lésion vraisembla- 
blement ancienne (4); tandis que chez d’autres qui ont succombé 
rapidement, les caractères évidents d’une hémorrhagie récente 


(1) C. H. Hertwig, Beirœge zu den Krankheiten der Vœgel (Magazin für die 
gesammtie Thierheilkunde, Bd. XV, S. 85 ; Berlin, 1849). 

(2) C. H. Hertwig, loc. cit. 

(3) Cf. P. Flourens, loc. cit., p. 338-339. 

(4) Cf, P, Flourens, loc, cil., p. 338. 


hAS  O. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX 


des couches superficielles coincident avec l'intégrité des parlies 
centrales. 

En revanche, les phénomènes qui traduisent au dehors les 
effets exercés sur les centres nerveux par le sang épanché, 
offrent, selon les cas, quelques particularités à relever. 

La plupart du temps, l'Oiseau, ou bien meurt subitement (1), 
ou bien est trouvé en proie à un abasourdissement extrême ou à 
des convulsions, dont l'apparition s’est faite brusquement, sans 
qu'on ait pu saisir par l'observation aucun phénomène précur- 
seur appréciable. Dans le premier cas, l'animal tombe subite- 
ment, comme étourdi ; 11 fait, pour s’envoler ou pour marcher, 
quelques mouvements irréguliers, se relève, chancelle, retombe 
d'un côté sur l’autre, et demeure abasourdi. La pupille de l’un 
des veux ou des deux à la fois est dilatée ; le choc du cœur contre 
les parois de la poitrine est presque normal, et la respiration 
silencieuse (2). Dans d’autres cas, l'Oiseau est subitement pris 
de convulsions épilepliformes, qui ne durent parfois qu’un in- 
slant (3) et souvent sont bientôt suivies de la mort (4). 

Cependant, tous les cas sont loin d'aboutir fatalement el aussi 
vite à une pareille issue. Dans quelques-uns, où l'altération porte 
exclusivement sur le cervelet, et où l’animal survit à l'attaque un 
temps plus ou moins long, on observe dans la moulité des désor- 
dres variés, qui, lorsque les couches superficielles de l'organe 
sont seules intéressées, se caractérisent par une simple instabi- 
lité ; tandis que, lorsque l’aliérauon porte en même temps sur les 
parues profondes, les mouvements sont complétement désor- 
donrés. Dans le premier cas, en effet, s'il s’agit d’un Gallinacé 


(1) Cf. Ch. Fr. Heusinger, Zoo!omische Analekten (J. F. Meckel's Deutsches 
Archiv für die Physiologie, Bd. VI, S. 551 ; Halle, 14820). 

(2) C£. C. H. Hertwig, Îec. cit. 

(2) Cf. Ch. Fr. Heusinger, loc. cit. 

(4) Harimann (Ephem. nat. Curios., dec. IL, a. 7, p. 77) rapporte avoir eu un 
Gesi qui mourut après une attaque d’épilepsie : Secta nthil prœter naturam oslen- 
dut ; in cerebri medulla aliquot stigmala sarguinea erant conspicua. 11 est probable 
que c'esi à un cas de ce genre qu'a eu affaire Mich. Gay (loc. cit.) : l'oiseau, aussitôt 
tombé à terre, se mit à baître des ailes et à agiter celui des deux membres abdo- 
minaux sur lequel il ne gisait pas, el cela en poussant un cri, qui se répéta plu- 
sieurs fois durant les derniers instants de son existence. 


CHEZ LES OISEAUX. h A9 


(une Poule, par exemple), les mouvements sont calmes et lents ; 
ils se font avec peine, comme avec paresse; mais le trouble de 
l’équilibration n’en est pas moins évident. Si l’Oiseau se tient 
debout, ses jambes fléchissent à tout moment sous lui; s’il mar- 
che, on s’aperçoit d’une sorte d’hésitation dans les mouvements 
qu’il exécute, il chancelle à chaque instant, et quelquefois, sur- 
tout si l’on cherche à Le faire marcher vite, 1l perd l’équilibre et 
tombe. Enfin, sa tête et son cou sont dans un état d’instabilité 
remarquable ou d’oscillation presque continuelle, que l’on voit 
s’accentuer surtout s'il Les éloigne dutronc, etque l’on fait cesser, 
le plus souvent, en offrant un point d'appui au bec ou à la tota- 
lité de la tête (4). 

Lorsque l’altération porte sur les parties profondes, en même 
temps que sur les parties superficielles, l'animal présente, à pre- 
miére vue, les allures de l'état d'ivresse. Il chancelle presque à 
chaque instant sur ses jambes, soit qu’il se tienne simplement 
debout, soit qu'il veuille marcher ou courir. Tournant à droite, 
quandil veutaller gauche, el à gauche, quand il veut aller à droite, 
il recule aussi quand il veut avancer. Très-souvent, il tombe sur 
ses jambes, qui fléchissent et plient tout à coup sous lui ; mais 
c'est surtout quand il s’élance pour fuir ou pour grimper sur un 
point élevé que, ne pouvant plus maitriser ni régulariser des 
mouvements devenus trop rapides, il tombe et roule à terre, sans 
pouvoir quelquefois réussir de longtemps, à se relever et à re- 
prendre l'équilibre (2). 

Les divers désordres que l’on voit se produire, dans les cas 
d'hémorrhagie à l’intérieur de la cavité crânienne, sont loin de 
se montrer toujours avec autant de nelleté que dans ceux que 
nous venons de rappeler; et cela s'explique suffisamment par la 
complexité même des altérations anatomiques. Quelquefois, lors- 
que l’animal a survécu plusieurs jours ou même plusieurs se- 
maines à l’attaque apoplectique, on trouve l’encéphale enveloppé 
d’une couche de sérosité qui distend la dure-mère. Mais, il est 


(1) Cf. P. Flourens, loc. cit., p. 335 et 336 et Observations sur quelques maladies 
des Oiseaux (Annales des Sciences naturelles, 1" série, t. XVII; Paris, 1829). 
(2) Cf. P. Flourens, loc. cit. 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). 29 


50 0. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX, ETC. 


des altérations, qui coïncident beaucoup plus souvent, et dés le 
début, avec l'hémorrhagie sous-méningée, diffuse ou intersti- 
tielle : ce sont, outre la turgescence plus ou moins grande des 
vaisseaux méningés, les hémorrhagies dans l'épaisseur du diploë 
des os du crâne, qui, lorsqu'on les a dénudés, se montrent par- 
semés de points noirâtres correspondant précisément, sous le 
rapport du siége, aux régions altérées de l’encéphale (1). 


4) Cf. P. Flourens, toc. cil.y p. 334 et 338. 
) ; 


CONTRIBUTION 


A L'HISTOIRE 


DE LA LIGULE 


Par M. A. L. DONNADIEU 


Docteur es sciences, professeur au Lycée de Lyon 
(Suite) (1) 


Il. —— PASSAGE DU SCOLEX DANS LES POISSONS. 


Dans des recherches expérimentales, les résultats négatifs sont 
quelquefois aussi utiles que les résultats positifs, car ils contri- 
buent beaucoup à mettre sur la véritable voie l'observateur qui 
tâtonne pour arriver à un but certain. C’est à ce titre que je 
citerai les expériences suivantes : 


Expérience 5. — Il était important de s'assurer avant tout que les Li- 
gules ne se transmettent pas de poisson’ à poisson. L'observation dé- 
montrait bien que les étangs empoissonnés avec des poissons indemnes 
étaient eux-mêmes dépourvus du parasite ; mais pour la confirmer j'ai 
donné des Ligules à trois tanches saines, et je les ai examinées succes- 
sivement à des intervalles qui augmentaient chaque fois de huit jours. 
J'ai constaté que le ver ne s'était pas communiqué. Cette expérience 
nr'a permis de remarquer un fait que j'ai toujours vérifié par la suite, 
c’est que les Cyprinoïdes sont très-friands des Ligules, ils les avalent avec 
avidité. 

La Ligule ne se transmettant pas elle-même, j'avais encore à 
déterminer si l'œuf n’était pas pour le parasite un moyen d’en- 
vahir le poisson. 

Expérience 6.— Pour arriver à le connaitre, je donne à trois Tanches 
saines des Ligules que j'avais recueillies pleines d'œufs dans les déjections 
des Canards ou dans leurs intestins. J’ouvre la première Tanche au bout 
de huitjours, la seconde au bout d’un mois, la troisième au bout de deux 


mois. Dans aucune d'elles je n’ai trouvé de Ligules, et leur intestin ne 
m'a jamais montré aucune trace du passage des œufs. 


(4) Voyez le numéro de juillet-août 4877 de ce recueil, 


A52 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


Expérience T.— Les œufs étaient-ils digérés par les Tanches ou traver- 
saient-ils tout simplement leur tube digestif? Pour le savoir je donne à 
quatre Tanches des fragments de Ligules dont les matrices sont pleines 
d'œufs ; l’une de ces tanches est ouverte au bout de deux heures, la 
deuxième au bout de quatre heures, la troisième après huit heures, et 
enfin la quatrième n’est ouverte que le lendemain. Cette dernière ne 
contenait déjà plus rien, tandis que les trois précédentes m'ont montré 
les œufs à divers états de digestion. Dans la troisième tanche presque 
tous les œufs étaient en pleine décomposition, Dans ce fait je vois encore 
un obstacle qui s'ajoute à tant d’autres pour s'opposer à une trop grande 
multiplication des Ligules dont les œufs sont produits en quantité con- 
sidérable. 


Il ne me restait plus qu'à expérimenter sur l'embryon lui-même 
qui devenait le seui moyen de transmission. C’est ce que Je fis, 
instituant les expériences dont Je vais rendre compte. 


Expérience 8. — Dans un aquarium contenant trois cents litres d’eau, 
je plongeai deux assiettes pleines des déjections de canards nourris avec 
des Ligules. J’ajoutai des fragments de Ligules remplis d'œufs. Tous les 
huit jours je renouvelai à peu près les deux tiers de l’eau en ayant soin 
de ne pas agiter le contenu des assiettes. Au bout de quatre semañies 
j'introduisis trois tanches dans l'aquarium, et après la sixième semaine 
j'établis l’eau courante ; j’examinai successivement chacune des trois 
tanches à un mois d'intervalle. Elles me présentèrent des Ligules éta- 
blies dans la cavité péritonéale et à des degrés divers de développement. 
Mais cette expérience ne m affirmait pas encore que c'était par le tube 
digestif que le scolex passait pour se rendre dans la cavité péritonéale. 

Expérience 9. — Au moyen d’une pipette j'introduisis dans l'estomac 
de trois tanches les embryons obtenus dans les vases à éclosion dont j’ai 
déjà eu occasion de parler. J’examinai les tanches dans les mêmes con- 
ditions que précédemment, et les résultats furent les mêmes. 

J'avais encore une objection à me poser. Les tanches sur lesquelles 
j'opérais étaient-elles bien indemnes? J'avais prévu le cas dès le com- 
mencement de ces expériences, et pour résoudre la question je m'étais 
procuré douze tanches provenant toutes d'un même étang que je savais 
être exempt de Ligules ; je les avais choisies d’égale grosseur. Je gardai 
dans les aquariums voisins les six sur lesquelles je n’avais pas expéri- 
menté, et lorsque je les ouvris à la fin de l'expérience, je constatai 
qu'aucune n'avait des Ligules, 


Je dois donc en déduire que le scolex est le moyen par lequel 
la Ligule envabit le poisson. 

En face d'un pareil résultat, on doit certainement se demander 
si, avant que d’être pris par la tanche, le scolex ne passe pas par 


DE LA LIGULE. h53 


un état intermédiaire et s’il ne s’enkyste pas pour être plus 
facilement transporté dans le tube digestif des poissons. Je n’hé- 
site pas à répondre négativement et je base ma réponse sur les 
observations que J'ai faites à ce sujet. 

1° Le scolex, ainsi que je viens de le dire, a, dès sa naissance, 
les habitudes des infusoires, dont il partage les dimensions. Son 
mouvement et son mode d'existence sont ceux de ces animaux ; 
ses crochets ne peuvent être aperçus pendant les mouvements, 
et ce n’est que sur l’animal immobile que l’on peut les définir 
par un examen attentif et de forts grossissements. Ce sont les 
seuls organes qui permettent de reconnaitre cette forme des 
Ligules, forme que sans cela on prendrait certainement pour un 
infusoire, et la meilleure preuve que Je puisse en donner, c’est 
que quelques auteurs s’y sont déjà trompés. Müller, entre autres, 
a décrit sous le nom de 7r2choda globularis (1) une forme d’in- 
fusoire qui n’est certainement autre chose qu’un embryon de 
Ligule ainsi que l'ont déjà fait remarquer quelques auteurs. 

2° La plupart des Gyprinoïdes se nourrissent de larves et d’ani- 
maux presque microscopiques qu'ils vont chercher à la surface 
de la vase ou en fouillant les dépôts limoneux. Les pêcheurs ont, 
pour désigner ce mode particulier, une expression qui, quoique 
singulière, n’en montre pas moins une observation très-exacte : 
« {ls piquent du nez, disent-ils, et parmi les poissons d’'étang 
c’est la tanche qui pique le plus. » Dans toutes les tanches que 
j'ai examinées, je n’ai jamais trouvé que des débris de Gypris, de 
Monocle, de nombreuses frustules de Diatomacées. Les plus gros 
débris se rapporteraient à de très-petits Gammarus. Quelques 
tanches d'Italie ne m'ont même montré absolument que des 
Monocles. Tous les auteurs s'accordent, du reste, à constater que 
la nourriture des Cyprinoïdes consiste en petites parcelles ani- 
males ou végétales et en animaux microscopiques. 

Qu’y a-t-il alors d'étonnant à ce que ces poissons trouvent un 
scolex infusoriforme parmi leur nourriture ordinaire ? 

Et n'est-ce pas, d’ailleurs, presque exclusivement chez les 
Cyprinoïdes que se trouve la Ligule ? 

(4) 0. F. Müller, Animalcula infusoria. 4876, t, XXII, fig. 13, 14, 15, p. 164, 


154 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


Quelques auteurs ont bien prétendu l'avoir rencontrée chez des 
espèces étrangères à cette famille. Mais ce sont là des exceptions 
qui n’ont rien d’assez certain pour être prises en considération, 
au point de vue de la règle générale qui montre la Ligule absente 
chez toutes les espèces franchement carnassières et développée 
chez toutes celles qui vivent dans les conditions que j'indique. 

Tout m'autorise donc à conclure que le scolex vit pendant 
quelques jours comme un infusoire et que c’est dans cet état 
qu'il est directement avalé par le poisson et introduit dans le 
tube digestif. Nul doute qu'à ce moment il ne perfore les 
parois intestinales et qu'il n’abandonne ses crochets dans l'épais- 
seur de ces parois, après qu'ils lui ont ouvert la route. 

J'ai bien cherché à scruter avec soin les parois du tube digestif 
des tanches soumises aux expériences précédentes, mais je n'ai 
pu retrouver les crochets ou leurs traces, et on comprendra faci- 
lement que de semblables recherches n’élaient pas sans difficulté. 
Leur résultat négatif ne doit pas surprendre et il ne me paraît 
pas devoir modifier en rien l'opinion que je viens d'exprimer. 


IIT. — DU STROBILE 


Aussitôt que le scolex est parvenu dans la cavité péritonéale, 
il tend à prendre une forme nouvelle et il devient ce que je dési- 
gnerai maintenant par l’expression consacrée de sérobule. 

Formation du strobile. — Lorsqu'il est parvenu dans la cavité 
abdominale, le scolex s’allonge et devient fusiforme. L’extrémité 
antérieure commence à se caractériser et la fente qui marquera 
plus tard la bothridie peut déjà être aperçue. Vers l'extrémité 
postérieure, les anneaux du corps sont peu marqués et c’est sur- 
tout par la partie antérieure qu’ils débutent. C’est l'inverse des 
organes reproducteurs qui, plus tard, seront mieux organisés 
vers l’extrémité postérieure que vers l'extrémité antérieure. 

Lorsqu'elle débute dans la forme de strobile, la Ligule est 
annelée et les articulations du corps, parfaitement bien distinctes 


(fig. 19, 20, 21), rappellent très-exactement celles des Cestoïdes 
ordinaires. 


DE LA LIGULE. h55 

Le fait que j'indique ici était trop important pour que je n’aie 
pas cherché à le déterminer avec précision. Pour cela, j'ai pris 
des Ligules três-jeunes que j'ai placées dans de l’eau tiède afin 
de les exciter à s’allonger et à s’étirer autant que possible. Au 
momentoù elles sont arrivées à leur plus grande longueur, je les 
ai saisies et les ai plongées très-brusquement dans l’eau bouil- 
lante. Elles sont mortes en conservant la forme qu’elles avaient 
prise et j'ai pu alors les préparer et les étudier à mon aise. Elles 
se sont montrées telles que je les représente par les figures que 
je viens d'indiquer, c'est-à-dire bien articulées vers les parties 
antérieures, confusément divisées vers les parties postérieures 
qui s'étaient le plus étirées. Dans les études zoologiques, je 
reviendrai sur les notions qui découlent de cette observation et 
je me borne pour le moment à constater ce fait que les Ligules, 
dès leur jeune âge, se montrent annelées à la facon des Cestoïdes 
ordinaires. 

Le corps s’augmente en conservant toujours l’aspect annelé, 
mais au fur et à mesure qu’il avance dans sa formation, on voit 
les anneaux se former d’autant plus petits qu’ils deviennent plus 
nombreux et lorsque la Ligule a atteint une certaine dimension, 
ses anneaux sont si peu distincts et si étroits que le corps prend 
l'aspect strié décrit et observé par tous les auteurs sans excep- 
tion. 

Aussi Wagener a-t-il pu dire de ce stade secondaire, qu’il 
appelle du nom de poche de Cestode ou vésicule de Cestode : « De 
petites modifications de la tête (Carophyllæus) ou aussi aucune 
modification (Zigula proglottis) ne peuvent être considérées 
comme formation de la tête ainsi que chez les Echinosoccus 
tetrarhkynchus et dibothrium. La vésicule de Cestode n’engendre 
donc ici rien de nouveau ; ce qu’elle forme, ce ne sont que des 
organes sexuels ou des masses pour l’augmentation deson corps, 
il faut donc la regarder comme une larve. » 

C’est qu’en effet, à partir du moment où la Ligule se sera 2insi 
organisée, elle ne modifiera plus rien de son organisation géné- 
rale, et la seule différence que l'on pourra noter consistera dans 
l'achèvement et surtout dans le fonctionnement des organes 


h56- DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'’HISTOIRE 


reproducteurs qui se montrent déjà ébauchés dans l’état que 
j'examine maintenant. 

Comme le dit l’auteur que je viens de citer, il ne se produit 
désormais que des masses pour l’augmentation du corps que je 
vais étudier dans son entier développement larvaire. 

Habitat du strobile, ses moyens d'existence. — Normalement, 
c’est toujours dans la cavité abdominale des poissons que l’on 
trouve la Ligule provenant directement du scolex. Le point qu’elle 
occupe dans la cavité n’est pas indifférent; il est fixe et il peut 
être circonscrit par la position qu’occupent le foie et la masse 
intestinale. Ces organes, comme on le sait, sont reliés par des 
replis périlonéaux, et chez beaucoup d'espèces le foie envoie 
dans les anses intestinales de véritables ramifications. Les Ligules 
sont enchevêtrées entre ces anses et, glissant entre les masses 
dont je viens de parler et le péritoine, elles forment quelquefois 
un paquet volumineux qui repose sur la face inférieure de la 
cavité abdominale, Si ce n’est dans de rares cas exceptionnels, je 
n'ai jamais vu les Ligules en rapport avec les organes reproduc- 
teurs et jamais je ne les ai trouvées du côté de la vessie natatoire 
ou des reins. 

Les observations que j'avais faites au point de vue de cette 
siluation spéciale m'ont été d’un grand secours dans les recher- 
ches expérimentales. En effet, si l’on ouvre la cavité abdominale 
par le bas, c’est-à-dire en incisant sur la ligne médiane allant de 
l’anus au milieu de l'intervalle qui sépare les deux nageoires 
pectorales, on est presque assuré de couper des Ligules en tron- 
çons que l’on peut ensuite prendre pour des Ligules entières. On 
s'expose ainsi à être induit en erreur quant à la forme ou aux 
extrémités. On évite cet inconvénient en ouvrant, comme je le 
faisais, par une incision au ciseau et sans autre précaulion que 
celle de suivre sur l’an des côtés du corps la ligne qui marque 
la partie supérieure de la cavité viscérale. 

La fig. 1 indique d’ailleurs cette position mieux que je ne la 
décris ici. Le nombre des Ligules qui peuvent se rencontrer dans 
la même tanche est três-variable. Il m’est arrivé souvent de n’en 
rencontrer qu'une ou deux, tandis que j'en ai trouvé jusqu’à 


DE LA LIGULE. A57 


vingt-huit. Le nombre le plus fréquent variait entre six et dix. 

Les parties habitées par les Ligules sont, en général, couvertes 

d’une substance particulière qui se développe d'autant plus que le 
| poisson renferme depuis plus de temps un certain nombre de 
Ligules. Elle est d'aspect blanc jaunâtre et elle est agglomérée 
en petites masses isolées les unes des autres. Leur apparence 
extérieure les ferait facilement prendre pour de petits amas de 
matières purulentes. Le microscope permet de constater que c'est 
un liquide dans lequel nagent des globules très-petits de forme 
et de dimensions irrégulières. La forme de globule sphérique y est 
la plus fréquente (fig. 31). Enfin cette production, de nature pro- 
bablement séreuse, s'étend aussi parfois sur les parois de la cavité 
abdominale, das les régions habitées par le parasite où elle se 
présente dans les mêmes conditions. Les tissus propres des vis- 
cères ou des organes paraissent altérés à la surface, aussi Je n’hé- 
site pas à la considérer comme une sérosilé qui se développe 
sous l'influence et par Le fait même de la Ligule. 

Il se passe ici quelque chose d’analogue à ce que l’on voit chez 
les Insectes qui, piquant les végétaux, ont la propriété de faire 
naîlre dans leurs tissus des éléments nouveaux destinés à servir 
d'éléments nutritifs à la larve pour laquelle ces produits ont été 
provoqués. Dans le cas des Ligules, c’est la larve elle-même qui 
est chargée de se procurer ses moyens d'existence et elle le fait 
en déterminant la formation de cette sérosité qui lui sert de 
nourrilure. En rendant compte du travail de Rongeard, j'ai dit 
comment cet auteur avait émis la supposition à laquelle on n’a 
prêlé aucune attention. Et cependant si les moyens de nutrition 
n'étaient pas ce que je les indique, on devrait se demander ce 
qu'ils sont, car on n’en voit pas d’autres que ceux-là. 

Mais dans toute aflirmation, le raisonnement ne doit être 
accepté qu'à défaut d’autres preuves, et ce n'est pas le manque 
de preuves qui doit nous faire repousser ce raisonnement, car 
Je peux fournir l'observation suivante : J’ai placé des Ligules sur 
de grandes lames de verre et je les ai disposées de manière que 
l'extrémité antérieure püt être facilement examinée avec le 
microscope. J’ai fait tomber sur cette extrémité quelques gouttes 


A5 DONNADIEU, — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


d’eau additionnée d'acide acétique ; les Ligules se sont contrac- 
tées et ont rejeté ce qui remplissait le commencement de leur 
système vasculaire. Dans ce qui a-été rejeté, j'ai retrouvé les 
mêmes éléments que dans la sérosité déjà décrite et avec un peu 
d'attention j'ai pu les retrouver dans le commencement des gros 
canaux latéraux. 

Je suis donc assuré ainsi de deux choses : la première, c’est 
que la Ligule se nourrit de cette substance dont elle doit, par une 
irritation spéciale, provoquer la production; la deuxième, c’est 
que je peux déterminer exactement le rôle des canaux dont je 
m’occuperai plus tard. 

État du poisson. — L'état particulier que prend le poisson, 
lorsqu'il est infesté par les Ligules, a été remarqué par tous les ob- 
servateurs, si bien que Respinger avait cru devoir placer à côté 
des figures représentant les poissons malades celles qui représen- 
taient les mêmes espèces à l’état sain. Mais j'avoue qu’il n’était 
venu à personne l’idée de constater l'absence d’hépañite et en 
revanche une péritonite chronique. Il est possible qu’à un point 
de vue médical il n’y ait pas lieu de contester aucune de ces affec- 
tions attribuées aux tanches par M. Duchamp, maisje me bornerai 
à faire remarquer ceci : le ventre du poisson grossit etse ballonne, 
les mouvements deviennent plus lents et moins énergiques, l’hu- 
meur visqueuse qui lubrifie le corps à l'extérieur est plus abon- 
dante et parfois plus épaisse. Le corps prend, vers la région du 
ventre, une teinte jaunâtre qui l’envahit bientôt presque tout 
entier et qui pâlit au fur et à mesure que le poisson avance vers le 
moment où la Ligule s’apprêtera à le quitter. À ce moment, le 
corps, à l'exception de la tête et du dos, est d’un jaune pâle et 
le ventre est presque blanc. 

À tous ces signes, il est bien facile de distinguer le poisson 
habité par la Ligule. J’ajouterai toutefois qu'ils ne sont bien 
manifestes que lorsque le parasite est établi depuis quelque temps 
dans le corps de son hôte. 


© 


_ DE LA LIGULE. h5 


IV. —— ORGANISATION DE LA LIGULE À L'ÉTAT STROBILAIRE, 


Forme et dimensions. — C’est Andry qui a donné la meilleure 
idée de la forme exacte des Ligules. Pour la déterminer, il suffit 
d’étaler le Gestoïde sur une lame de verre mouillée et de le lais- 
ser en repos prendre sa forme caractéristique. On le voit alors 
exécuter des mouvements qu’il ne cesse que lorsqu'il s’est pour 
ainsi dire arrangé commodément. À ce moment, il se présente 
comme un long ruban dont les deux surfaces sont légérement con- 
vexes de manière à présenter les bords presque tranchants et le 
milieu plus ou moins épaissi (fig. 2). La largeur va en diminuant 
de l'extrémité antérieure à l’extrémité postérieure, aussi la pre- 
miére est-elle la plus large et en même temps la plus obtuse. Il 
arrive souvent qu’elle présente dans le milieu une échancrure 
due aux contractions de Panimal, et dans ce cas la profondeur de 
cette fente dépend du degré de contraction. L’extrémité posté- 
rieure est presque toujours aiguë; dans ces conditions, la lon- 
gueur moyenne d’une Ligule bien développée varie de 15 à 20 
centimètres et sa largeur dans le milieu du corps peut aller de 6 
à 10 millimètres. 

Si on met la Ligule dans l’eau chaude (30 ou 35 degrés), elle 
s’élale en un long et large ruban aplati. Le corps se festonne sur 
les bords, il ondule comme le ferait un ruban qui flotterait dans 
un courant d’eau, et souvent même on voit les bords se relever 
comme si le corps se pliait suivant la ligne médiane. Pendant ces 
mouvements, la Ligule peut atteindre 20, 25 et même 30 centi- 
mètres en longueur et 12 à 15 millimètres en largeur (fig. 3). 

La Ligule placée dans l’eau froide (8 à 10 degrés) y subit, après 
quelque témps de complète immersion, des contractions qui lui 
donnent une forme toute nouvelle (fig. 4). Sa longueur devient 
excessive ; elle s’amincit beaucoup et son corps, maintenant très- 
étroit, est arrondi au point d'être à peu près cylindrique. Dans cet 
état, j'ai pu mesurer jusqu’à 70 ou 80 centimètres. La plus 
grande Ligule que j'aie pu observer ainsi mesurait 85 centimètres ; 
je n’en ai pas trouvé de plus longue. Cependant je dois faire 


160 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


remarquer que quelques auteurs, rapportant à un état anormal 
des dimensions qui sont loin d'être normales, parlent d’un mètre 
pour la longueur des Ligules. Dans ce cas, la largeur du corps 
ne dépasse guère 2 millimètres. 

Je dois enfin ajouter que la mort détermine chez les Ligules un 
allongement qui ies rapproche beaucoup de cette dernière forme. 
C’est ce fait que les anciens observateurs avaient exprimé en 
disant : « Ces vers s’allongent en mourant. » 

Extrémités. — Quoiqu'elles aient été bien souvent confondues 
el parfois mal décrites, les deux extrémités n’en sont pas moins 
faciles à distinguer l’une de l'autre, lorsqu'on a affaire à un indi- 
vidu bien entier et dans sa forme normale. L’extrémité antérieure 
est large et obtuse ; elle porte des bothridies. L’exlrémité posté- 
rieure est étroite et un peu aiguë. On n’y distingue rien qui 
puisse rappeler un organe spécial, et c’est bien à tort que M. Du- 
champ lui a attribué une vésicule pulsaule qui n’existe pas chez 
la Ligule. 

Les contractions du ver peuvent changer notablement ces dif- 
férents aspects, aussi voit-on les auteurs qui ont représenté les 
Ligules donner à chaque figure une forme différente. Mais l’une 
quelconque de ces formes est prise par eux pour une forme nor- 
male, et si j'ai tenu à représenter comme Je l'ai fait quelques-uns 
de ces aspects principaux, c’est pour Jjusufier les observations 
taxées de fausses ou d’erronées par des critiques mal avisés (fig. 
22, 23, 2h, 25). 

Les bothridies de la partie antérieure sont au nombre de deux, 
chaque face en portant une. Mais, en général, celle de la face 
inférieure est plus développée que celle de la face supérieure; 
chacune d’elles consiste en une dépression qui augmente en pro- 
fondeur au fur et à mesure qu’elle s'éloigne de l'extrémité du 
corps. À leur niveau, la peau cesse d’être chitineuse et épaisse 
pour devenir si mince et si transparente qu’il n’est guère pos- 
sible de la suivre sur toute l’étendue de la bothridie; aussi je 
n'affirmerai pas s'il y a une vraie fente ou une simple dépres- 
sion (fig. 30). La forme des bothridies varie suivant que l'extré- 
mité est contractée ou étirée. Dans le premier cas, elle se pré- 


DE LA LIGULE. A6] 


sente comme un espace clair et transparent rappelant un rec- 
tangle à-côtés courbes et aux angles duquel viennent aboutir les 
gros troncs du système vasculaire. C’est probablement ce que les 
auteurs qui se sont trompés d'extrémité ont considéré comme 
une vésicule pulsatile. Dans le second cas, la bothridie s’allonge, 
elle prend la forme d’un œuf’très-allongé, aux deux extrémités 
duquel s’abouchent les canaux dont je viens de parler. 

Peau, sillons, stries. — La peau est formée extérieurement 
par un épiderme essentieilement chilineux, opaque et compléte- 
ment amorphe. Il est épais el formé de couches ou lames peu 
nombreuses, mais dont l'épaisseur augmente en allant de la plus 
superficielle à la plus profonde (fig, 38, 34 a). Les lamelles épi- 
dermiques se séparent facilement par la macération dans les 
liquides ; aussi la lamelle la plus superficielle a-t-elle pu être 
prise pour une Cuticule. Mas elle ne me parait pas l’analogue 
de la cuticule décrite chez d’autres helminthes ct retrouvée en 
particulier chez les Gordius, par M. Villot. 

Au-dessous de cet épiderme, la peau se présente sous la forme 
d’un derme transparent et riche en corpuscules calcaires. Dans 
les parties profondes, ces corpuscules sont agglomérés en une 
couche que j’appellerai la zone corpusculaire où zone génératrice 
des corpuscules calcaires (fig. 33, 34 b, c). Normalement les 
corpuscules ne se rencontrent que dans. la région du derme, mais 
quelquefois on les trouve dans Loules les autres parties du corps, 
soit que la compression, soit aussi que le liquide dans lequel on 
observe leur ait permis de se répandre jusque dans le paren- 
chyme. Ces corpuscules se répandent quelquefois entre les fais- 
ceaux des premières couches musculaires. 

La surface de la peau est marquée de sillons transverses qui 
indiquent les anneaux du corps. Mais ces anneaux ne sont pas 
toujours nettement limités, car 1l arrive souvent que deux sillons 
se confondent en un seul ou que, réciproquement, un sillon se 
divise (fig. 29); de plus, ce dédoublement ou cette fusion ne s’é- 
tendent pas sur toute la longueur du sillon. Il résulte de cette 
disposition que les sillons transverses présentent des plis qui 
figurent alors des sillons longitudinaux. Les divisions transverses 


AG? DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


sont si rapprochées, que le corps paraît strié et que l’on a décrit 
comme simples stries des éléments qui ne sont certainement 
autre chose que des traces d’anneaux. 

Quant aux plis que l’on désigne le plus ordinairement par le 
nom de sillons longitudinaux, ce sont des traces très-variables 
qui sont loin d’être aussi fixes que les précédentes. En effet, 
tantôt le corps peut offrir un seul sillon longitudinal sur une de 
ses faces, tantôt un sur chaque face, tantôt deux ou même trois 
sur une face, tantôt enfin jusqu’à trois sillons sur chacune de 
ses faces. 

Pour s'assurer de cetle variabilité dans ces aspects, il suffit de 
conserver pendant quelques jours des Ligules dans l'alcool et de 
les faire sécher ensuite. Le corps devient d'un beau blanc mat 
sur lequel se dessinent três-nettement les plis longitudinaux. Je 
dirai enfin que, suivant les mouvements du ver, ces creux devien- 
nent des parties en relief et le sillon se transforme en une ligne 
saillante. 

Cependant il est bon de faire remarquer que le plus constant 
de tous les sillons longitudinaux est le sillon médian de la face 
inférieure, celui auquel les auteurs ont successivement donné 
des significations différentes, telles que celle de canal alimen- 
taire, de trace des organes génitaux, etc. (fig. 29). 

Muscles. — Au-dessous de la peau on aperçoit bien distincte- 
ment deux couches de fibres musculaires. Elles sont formées par 
des faisceaux très-lâchement entre-croisés (fig. 37, fig. 33 d, c, 
fig. 84 d, c). Les fibres sont courtes et disposées par petits 
paquets ou faisceaux. Ce sont ces faisceaux qui, enchevêtrés les 
uns dans les autres, donnent aux couches musculaires leur aspect 
si caractéristique. l/épaisseur de ces deux couches diffère peu; 
on remarque seulement que les faisceaux sont plus lâchement 
espacés dans la couche superficielle et que, dans leur intervalle, 
se glissent de nombreux corpuscules calcaires provenant de la 
zone génératrice. Coupé en travers, le tissu formé par les fibres 
superficielles se présente sous un aspect moins dense et moins 
compacle que celui qui est formé par les fibres de la couche 
profonde. 


DE LA LIGULE. A63 


Dans la couche superficielle, les fibres sont dirigées dans le 
sens de la longueur du corps et méritent par cette disposition 
d’être appelées fibres longitudinales, tandis que dans la couche 
profondé, les fibres étant dirigées suivant la largeur deviennent 
des fibres transverses. Sette structure explique suffisamment les 
mouvements du corps qui sont dus aux contractions alternatives 
ou simultanées des fibres longitudinales et des fibres transverses 
formant chacune une couche bien déterminée. 

Les deux couches musculaires sont épaisses dans le milieu du 
corps et vont en s’atténuant vers les bords, où elles s’amincissent 
beaucoup et se rejoignent pour former ainsi des arcs complets 
(fig. 39 à 45). Sur les bords, la couche des fibres longitudinales 
est plus épaisse que la couche des fibres transverses. 

Parenchyme. — Tout le milieu du corps est occupé par un 
parenchyme formé d'éléments connectifs enlacés de maniére à 
laisser entre eux de grands espaces ou lacunes (fig. 33, 54 f, fig. 
38). Aussi on peut dire que le parenchyme est très-lacuneux. 
Les vacuoles très-irrégulières communiquent toutes entre elles et 
donnent au {issu un aspecl mou et spongieux; par suite de cette 
disposition il peut s’établir dans ce tissu de larges ct faciles 
communications. 

Système vasculaire. — Le système vasculaire, dont M. Brullé 
a donné la description la plus approchée, se compose de deux 
grands canaux situés l’un et l’autre de chaque côté du corps et 
placés de telle sorte qu’ils occupent la place qu'occuperait une 
ligne qui diviserait chaque moitié du corps à peu près en deux 
parties égales. Ces deux canaux aboutissent à la partie antérieure 
de la bothridie. La membrane qui les constitue est épaisse ; leur 
lumière étroite est pleine d’un liquide épaissi et composé d’élé- 
ments granuleux très-fins (fig. 36 4) ; ils sont ovales, ainsi que le 
montrent toutes les sections transversales. [ls sont, en outre, 
sinueux suivant leur longueur, mais leur direction est très-droite 
et parallèle aux bords latéraux du corps. 

Parallèlement à ces deux grands canaux, on en voit deux autres 
assez rapprochés des premiers, mais beaucoup plus petits. Ils 
communiquent avec les précédents à des intervalles assez éloi- 


A6! DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L'HISTOIRE 


gnés. Leurs parois sont minces et leur contenu est plus liquide 
- que celui des grands canaux; dans les sections horizontales, ils 
montrent, comme ces derniers, un calibre ovale. Ce sont ces 
canaux qui viennent aboutir à l’extrémité postérieure de la bothri- 
die. Entre ces deux canaux s'étend, dans le plan médian du 
parenchyme, un réseau vasculaire très-fin, très-délié et bien 
apparent ; les mailles en sont d’autant plus petites que les ramifi- 
cations se rapprochent davantage du milleu du corps. Les anas- 
tomoses deviennent alors plus nombreuses et le réseau prend 
ainsi la disposition d’un système vasculaire bien déterminé. 

À l'extrémité postérieure du corps, on voit tous les tubes se 
terminer en cæcum et se diriger à ce moment tous ensemble vers 
l'extrémité elle-même. Aussi viennent-ils former un paquet de 
tubes fermés qui ne communiquent entre eux que par les anasto- 
moses ordinaires et qui ne présentent à leur terminaison aucun 
organe qui puisse rappeler une vésicule pulsatile. Cette vésicule 
fait ici totalement défaut. Une semblable organisation ne contri- 
bue pas peu à la distinction des deux extrémités et à la caracté- 
ristique de l’extrémité postérieure qui ne montre rien de parti- 
culier, les canaux ne pouvant être aperçus que sur des sections 
horizontales. 

Le système que je viens de décrire constitue à lui tout seul 
l'appareil nutriuf. C'est dans ces canaux que l'on trouve la sub- 
stance nulrilive puisée par la Ligule dans les conditions que j'ai 
indiquées plus haut ; la nutrition se fait par l'intermédiaire des 
anastomoses très-déliées et très-nombreuses qui réunissent les 
grands canaux latéraux. Ces derniers servent à transmettre aux 
précédents, sur toute la longueur du corps, les matériaux absor- 
bés par les bothridies, en même temps qu’à commencer l'élabo- 
ralion des substances nutrilives. 

L'appareil digestif est donc chez les Ligules, comme chez 
beaucoup d’helminthes, un appareil essentiellement vasculaire. 

Avec tous les organes que je viens de décrire on ne trouve 
plus, chez la Ligule à l’état strobilaire, que les organes repro- 
ducteurs rudimentaires et à peine ébauchés. On ne saurait, en 
effet, y découvrir un systéme nerveux et à plus forte raison des 


ed à + : COTE 


DE LA LIGULE. 165 


organes affectés à des sensations spéciales. Et cependant une sen- 
sibilité particulière donne au ver la notion du contact, car 
lorsqu’on le pique ou lorsqu'on irrite la peau par le toucher, 
le corps se meut dans un espace très-restreint ; ce qui prouve 
que la sensalion perçue n’a été ni centralisée, ni généralisée, 
mais qu'elle est restée limitée à la région qui en a été le 
siége. Dujardin a déjà dit, en parlant du système nerveux : «Mais 
il n'existe certainement pas chez tous ceux auxquels on l’a attri- 
-bué. » C’est le cas des Ligules, dont les auteurs ont dü, sans aucun 
doute, prendre pour ce système une partie du système vascu- 
laire. | 

Organes reproducteurs. — Comme l’a très-bien fait remar- 
quer M. Van Beneden, ce sont les organes mâles qui apparaissent 
les premiers. Ils se montrent en premier lieu chez la Ligule sous 
la forme de testicules ovoïdes qui ne commencent à apparaître 
qu’à une certaine distance de l'extrémité antérieure, mais qui se 
continuent jusqu'aux derniers anneaux. Ils sont situés dans le 
parenchyme, où ils forment une couche d’une seule rangée, 
ainsi que le montrent les sections transversales (fig. 40 à 45 #). 
Cette couche est double, c’est-à-dire qu’elle se répète à droite et 
à gauche de la ligne médiane, en commençant à peu prés au 
tiers de la largeur du corps et en finissant vers les bords dans 
l'angle où se réunissent les fibres musculaires transverses. Les 
testicules sont situés à la surface des fibres transverses supérieures 
el paraissent comme appuyés sur cette couche musculaire: 

Vuë en surface, la couche testiculaire est uniforme dans toute 
son étendue et les testicules n’y sont point disposés par segments 
pouvant rappeler les anneaux du corps (fig. 57 6); leur volume 
augmente très-peu tant que la Ligule reste à l'état de strobile. 

Les autres parties de l'appareil reproducteur sont à peine 
ébauchées (fig. 5?) ; on les trouve sur la Hgne médiane du corps 
et vers la face ventrale. Elles consistent en un gros tube entouré 
de deux plus petits. Tous les trois ont la même direction; aprés 
s’être dirigés vers les parties profondes du parenchyme, 1ls se 
recourbent brusquement et, suivant le bord des fibres transverses 


inférieures, ils se dirigent vers les côtés du corps. Les uns et les 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (1877). 30 


166 DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L’HISTOIRE 


autres sont relalivement très-courts el paraissent comme repliés 
sur eux-mêmes à leur extrémité. Ils s’abouchent ensemble vers 
une dépression de l’épiderme, dépression au niveau de laquelle 
les lamelles épidermiques se séparent pour former un vide qui 
sert d'ouverture à une poche plus ou moins renflée. Cette poche 
deviendra plus tard la matrice. | 

Les organes reproducteurs sont irrégulièrement symétriques 
par rapport à la ligne médiane et affectent une disposition sur 
laquelle je reviendrai en les décrivant dans leur entier développe- 
ment. Ils sont très-rapprochés les uns des autres et correspondent 
aux anneaux du corps. Ces derniers étant très-étroits, l'intervalle 
qui sépare ces organes est trèspelit, et pour en donner une 
idée exacte je dirai que tandis que les organes eux-mêmes peu- 
vent présenter une largeur de à à 4 centièmes de millimètre, 
l'intervalle qui les sépare est de 10 à 12 centièmes de millimètre. 

On voit donc que des anneaux si étroits, séparés par un si petit 
intervalle, ne peuvent se traduire à l'extérieur que par cette appa- 
rence que l’on a caractérisée de stries, mais qu'en réalité le corps 
est bien annelé. Les organes internes sont là pour montrer l’exac- 
titude de ce que j'ai avancé à l'égard des sillons et pour prouver 
qu'au lieu de n’être que de simples stries ces sillons sont bien la 
trace des anneaux très-étroits qui, réunis sur toule leur largeur, 
donnent au corps un aspect presque uniforme. 

Déjà la répétition des organes reproducteurs avait été mdiquée 
par les auteurs qui ont vu dans ce fait les traces d’une division 
que, d’après eux, l'extérieur du corps ne trahissait pas. Aluis en 
examinant un peu attentivement et avec des moyens d'observation 
suffisants, il est facile de reconnaître : 1° que les organes repro- 
ducteurs sont (à part les testicules) répélés comme le sont ceux 
des Cestoides bien annelés; 2° que ces organes sont très-rappro- 
chés les uns des autres; 3° enfin, qu'ils correspondent aux pré- 
tendues stlries, c’est-à-dire à la trace des anneaux. 

Le: organes rudimentaires que je viens de signaler me condui- 
sent maintenant au dernier état de la Ligule, à celui que je 
désigne par le nom d'état proglottique, etm’ainènent à parler du 
passage à cet élat, c’est-à-dire du passage de la Ligule des pois- 


DE LA LIGULE. A6G7 


sons dans les oiseaux. C'est ce que l’on a quelquefois appelé les 
migrations des Ligules, quoique ce ne soit qu’une phase de leurs 
migrations et, par conséquent, un moment seulement de leur 
cycle évolutif. Ainsi que je l’ai fait à l'égard du scolex devenu 
strobile, je déterminerai d’abord les conditions dans lesquelles 
l’état proglottique se constitue, et J'étudierai ensuite dans l’or- 
ganisation de la Ligule proglottis ce qui seul se modifie, l'appa- 
reil reproducteur. 


V. — PASSAGE DU STROBILE DANS LES OISEAUX. 

Le temps pendant lequel la Ligule séjourne dans la cavité 
abdominale des poissons est variable, mais il est, en général, 
limité à deux ans. Ce n’est le plus souvent que vers la fin de la 
deuxième année que la Ligule atteint son développement maxi- 
mum. À ce moment elle fait tous ses efforts pour sortir du corps 
de son hôte. Si elle y parvient, ce dernier ne tarde pas à repren- 
dre ses allures habituelles. Dans le cas contraire, il meurt, suc- 
combant sous les effets d’une altération qui se produit rapide- 
ment. La cavité abdominale se remplit très-vite d’un liquide 
séreux sanguinolent, dans lequel baignent tous les organes, eton 
trouve souvent la substance du foie en partie détruite. 

Au point par où la Ligule sortira de la cavité qui la renferme, 
on voit la peau se soulever et l’épiderme se déchirer. Il se forme 
une ampoule qui grossit jusqu’à ce que, l’élasticité des tissus ne 
permettant plus le gonflement, l’ampoule s'ouvre et laisse échap- 
per une petite quantité du liquide que Je viens de signaler. On 
voit alors apparaître par l'ouverture, d’abord étroite, l'une des 
extrémités de la Ligule qui s’est fortement étirée et amincie. 
C'est tantôt l'extrémité antérieure et tantôt l'extrémité posté- 
rieure. Puis l’ouverture augmente un peu et livre passage au ver 
qui glisse entre les bords de la fente. Son mouvement est uni- 
forme et accéléré, aussi la sortie est-elle rapide à partir du 
moment où la Ligule a commencé à se montrer au dehors. 
Cependant 1! n’en est pas toujours ainsi, car dans quelques cas 
une partie seulement du ver parvient au dehors, tandis que l’au- 


GS DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L HISTOIRE 


tre partie reste encore enfermée dans la cavité abdominale. Dans 
ce dernier cas, la mort du poisson est certaine, tandis qu’elle est 
souvent évitée dans le premier. 

C’est presque toujours en avant de l’anus et très-près de lui 
que se forme ce que les pêcheurs ont appelé le bouton, c’est- 
à-dire l’ampoule de sortie. Ge point n’est pas fixe ; il peut varier 
et l’ampoule peut se faire sur les flancs ou vers les nageoires 
pectorales ; mais alors il est rare que la Ligule puisse sortir com- 
plétement et il est rare surtout que le poisson ne meure pas. 

Lorsque le poisson meurt sans avoir pu se débarrasser de son 
parasite, 11 se putréfie. Si la putréfaction est rapide, la Ligule 
peut se conserver vivante et être ainsi rendue à la liberté, mais 
si la putréfaction est lente la Ligule se désorganise à son tour et 
tout disparait. Enfin, lorsque j'ai mis des poissons morts dans 
l’eau stagnante, la putréfaction a entraîné celle des Ligules qui 
les habitaient ; lorsque j'en ai mis dans l’eau courante, la putré- 
faction n’a pas empêché la Ligule de conserver sa vitalité. 

Les Ligules devenues hbres vivent assez longtemps dans l'eau, 
car J'ai pu en conserver pendant huit et dix jours dans l’eau à la 
température ordinaire. Mais elles sont très-vite détruites par des 
causes accidentelles, car dans les étangs on n’en a jamais ren- 
contré de libres et de vivantes.: 

Parmi ces causes, on doit certainement citer en première 
ligne les poissons eux-mêmes, qui sont les premiers destructeurs 
de leurs terribles ennemis. J’ai constaté bien des fois l’acharne- 
ment avec lequél les poissons poursuivent les Ligules. Ils les : 
dévorent avec avidité et cette ardeur à les rechercher m’a obligé 
quelquefcis à recommencer certaines de mes expériences. C’est 
ainsi qu'ayant placé des Ligules dans une cloche que j'avais 
enfoncée dans le bassin du parce, en la faisant affleurer avec le 
niveau de l’eau, je retrouvai le lendemain la cloche pleine de 
peuts cyprins. Ils avaient sauté par-dessus le bord pour aller 
dévorer les Ligales, et par rapport aux expériences que je pour- 
suivals, ils ne s'étaient que trop bien acquittés de cette besogne. 
Une autre fois, J'avais couvert avec des gazes solidement nouées 
les terrines dans lesquelles j'avais mis des Ligules en expérience ; 


DE LA LIGULE. A69 


le résultat fut le même et, pour l’atteindre, les poissons avaient 
déchiré la gaze en plusieurs endroits. Je rappellerai encore à ce 
sujet l’avidité que j'ai constatée chez les Tanches à qui je donnais 
des Ligules dans les expériences 5 et 6. 

ILest également probable que, si des Ligules deviennent libres 
au moment où les oiseaux aquatiques fréquentent les étangs, elles 
sont très-vite prises par eux, car j'ai constalé à l'égard des 
Canards ce que j'ai observé chez les poissons. 


Expérience 10. — Dans une terrine à moitié pleine d’eau j’ai mélangé 
du pain, des pommes de terre, du mais, des viscères de tanche et des 
Ligules libres et vivantes. J'ai présenté la terrine à des canards; ils se 
sont jetés sur les Ligules, qu'ils ont dévorées avant tous les autres ali- 
ments, allant même les chercher sous les morceaux de pain qui les 
cachaïient. 


Mais la coïncidence des Ligules rendues à la liberté avec la 
présence des oiseaux aquatiques sur les étangs ne saurait être un 
fait assez fréquent pour en faire l’état normal de la migration du 
parasite chez les oiseaux ; aussi faut-il en rechercher la cause dans 
d’autres conditions. 

Je dois, en outre, déclarer dès maintenant que les Canards 
sont de tous les oiseaux aquatiques ceux qui possèdent le ‘moins 
de Ligules. Ce n’est pas en eux qu’il faut voir les colporteurs 
habituels du parasite. M. Duchamp les indique bien comme tels, 
mais à cet égard comme à beaucoup d’autres l’opinion de cet 
auteur ne saurait êlre prise en considération, car 1l ne paraît pas 
dans ce cas s'être donné la peine de pousser ses invesligalions 
au delà d’une observation par trop superficielle. Jai disséqué 
un nombre considérable de Canards sauvages appartenant à des 
espèces différentes, je n’ai pas trouvé une seule Ligule, tandis 
que j'ai pu en recueillir dans les intestins de quelques Harles, 
de plusieurs Hérons et d’un petit nombre de plongeons. 

Ces faits observés n'ont rien qui puisse surprendre, car les 
Canards ne peuvent manger que les poissons de très- petite taille ; 
c’est tout au plus s’ils peuvent parvenir à se saisir des petits gou- 
jons. J'ai, en effet, présenté à plusieurs Canards des poissons de 
la dimension des goujons ordinaires, ils n’ont jamais pu parvenir 


h70 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


à les avaler, bien qu'ils ne se soient pas lassés de les saisir et de 
chercher à les déglutir. Ils ne peuvent prendre que les petits 
poissons et chez ceux-ci, comme Je le démontrerai plus tard, les 
Ligules ne sont pas toujours aptes à se reproduire. Le contraire 
arrive à l’égard des autres oiseaux aquatiques qui ne se nourris- 
sent que de poissons et qui ne craignent pas de poursuivre les 
gros cyprins. J’ai rencontré dans l'estomac d’un Harle une Tan- 
che déglutie depuis très-peu de temps; elle était encore entière 
et pesait 325 grammes. Je rappellerai, à ce propos, que Westrumb 
a signalé les Ligules dans des espèces nombreuses d’Ardea, 
Colymbus, Larus, Pelecanus et Merqus, tandis qu'il ne les eite 
que dans une seule espèce de Canard, l’Anas boschas. 

Je résume ainsi toutes les observations de nature à confirmer 
les moyens de propagation : 

1° Peu de Ligules parviennent à quitter le poisson; le plus 
souvent ce dernier meurt conservant encore son parasite ; 

2° Les Canards ne mangent que des poissons de petite taille, 
qui ne renferment eux-mêmes que très-peu de Ligules en état de 
se développer ; 

3° Les Canards trouvent peu de Ligules à l’état de liberté; 

h° Les Harles, Hérons, Plongeons et autres oiseaux aquatiques 
du même groupe mangent les poissons de grosse taille. Ils les 
prennent vivants et habités par les Ligules dans les meilleures 
conditions de développement. 

Et je conclus que les Canards ne propagent les Ligules qu’ac- 
cidentellement ; ils ne peuvent être comptés que comme acces- 
soire parmi les moyens de propagation, tandis que les Harles, 
Hérons et les oiseaux aquatiques analogues sont les véritables 
propagateurs des Ligules. 

Mais les Canardssé prêtent admirablement à l’expérimentation. 
On se les procure facilement; on peut les placer aisément dans 
toutes les conditions expérimentales, et ils offrent pour de sem- 
blables recherches les ressources que les autres oiseaux sont 
incapables de présenter. Aussi le Canard est-il capable d’aider à 
trouver les lois du parasitisme des Ligules. Mais de ce qu’il est 
l’auxiliaire le plus commode de l’expérimentateur, il ne faut pas 


DE LA LIGULE. 71 


conclure qu’à l’état de hberté il est le seul propagateur des 
Ligules, car on irait, ainsi que je viens de le démontrer, à l'op- 

posé de la vérité. Ces restrictions établies, on comprendra pour- 
quoi, suivant la tradition, j'ai pris le Canard comme principal 
instrument de recherches. 


VI. — DÉVELOPPEMENT DE LA LIGULE CHEZ LES OISEAUX. 
ÉTAT PROGLOTTIQUE. 


Conditions du développement. — Les conditions dans les- 
quelles les organes reproducteurs de la Ligule se développent 
restent les mêmes, quelles que soient celles dans lesquelles la 
Ligule est prise par l'oiseau. Ces conditions sont mises en lumière 
par les expériences:que je vais rapporter. 

Ainsi que je l'ai fait à l’égard du poisson, j'ai d’abord cherché 
à savoir si la Ligule à l’état de liberté ne pourrait pas montrer le 
phénomëne de développement qu’elle présente lorsqu'elle est 
parvenue dans les oiseaux. 


Expérience 11. — Pour cela, j'ai d’abord placé les Ligules dans de 
l’eau dont j'ai élevé successivement la température jusqu’à 20, 30, 35, 
40, 50 et 60 degrés. A 20 degrés, j'ai conservé les Ligules vivantes 
pendant deux jours et demi; à 30 degrés, elles ont vécu pendant un 
jour; à do degrés, elles n’ont plus vécu que vingt heures environ: 
à 40 degrés, elles ont vécu de huit à dix heures; à 50 degrés, elles sont 
mortes au bout d’une et de deux heures; enfin, à 60 degrés, elles mou- 
raient au bout de quelques minutes. 


Une température ordinaire laisse donc vivre les Tigules assez 
de temps pour qu’elles puissent éprouver quelque modification, 
si la température est la seule cause de ces modifications. 


Expérience 12. — Sur une planchette, je dispose trois tubes longs de 
30 centimètres et d’un diamètre égal à 3 centimètres. Chaque tube est 
fermé à ses deux bouts par un bouchon traversé par un tube étroit. Ce 
dernier est recourbé, pour l’un des gros tubes, vers le haut à l’un des 
bouts, et vers le bas à l’autre extrémité. Un autre tube porte à chacun 
de ses bouts un tube fin recourbé en haut; il est assez long pour arriver 
au-dessus du niveau de l’eau et s'ouvrir ainsi dans l’air. Enfin le troi- 
sième est muni à l’un de ses bouts d’un tube fin qui est recourbé de 


7 2 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


manière à venir s'ouvrir dans l'air, tandis que l’autre extrémité est 
complétement fermée. Le premier tube est plein d’eau, le deuxième 
est plein d’air, le troisième est à moitié plein d’eau, l’autre moitié est 
occupée par l'air. Chacun d’eux renferme cinq Ligules. Sur les côtés de 
la planchette est fixé un thermomètre. Je plonge le tout dans le bassin 
d'eau chaude {serres du parc de la Tête-d’Or), la température oscille 
de 28 à 930 degrés. Le lendemain du jour où j'ai installé l’expérience 
tout était en pleine décomposition. 

Expérience 13. — Je prends alors deux très-grandes cuvettes plates, 
l’une est ronde et mesure 60 centimètres de diamètre sur 10 centimètres 
de profondeur, l’autre est longue et mesure 60 centimètres de longueur, 
15 de largeur et 19 de profondeur. Je prends encore une cloche tubulée 
en verre que je renverse de manière à mettre la tubulure en bas; à 
cette tubulure j'adapte un tube étroit qui arrive jusqu'au quart supé- 
rieur de la cloche. Dans les deux terrines, je dispose une couche de 
vase et je remplis la cloche d’eau. J'immerge le tout dans Le bassin 
d'eau chaude en recouvrant les récipients avec des toiles métalliques 
(j'ai dit plus haut pourquoi j'étais obligé de prendre ces précautions) ; 
chacun de ces récipients reçoit vingt Ligules de toutes dimensions. La 
température du bassin se maintient de 30 à 32 degrés, et comme précé- 
demment, le lendemain du jour ou j'avais installé l'expérience tout 
était en putréfaction. 

Expérience 14. — J'établis des expériences identiques dans l’eau, dont 
la température varie de 10 à 15 degrés, et les résultats sont les mêmes. 


Je suis donc assuré que le développement de la Ligule n’est 
pas une simple question de température, mais qu’il doit être 
certainement une question de milieu. Et je suis encore assuré 
que la Ligule ne se développe pas en dehors des conditions que 
lui offre le tube intestinal des oiseaux. 

Je recherche donc si je pourrai reproduire ces conditions et 
arriver à faire développer le parasite en dehors de l'intestin. 


Expérience 15. — Pour cela, dans un tube semblable à ceux que je 
viens de décrire, je mets du mucus intestinal provenant de l'intestin 
grêle d’un canard tué au moment de l’expérience, et dans un second 
tube je mets de ce mucus mélangé avec de l’eau, Chaque tube reçoit 
trois Ligules, et il est plongé avec la planchette dans le bassin des 
serres. Je renouvelle ce mucus .deux fois dans la journée, et le lende- 
main je constate : 1° que les Ligules placées dans l’eau et le mucus sont 
décomposées ; 2° que les Ligules placées dans le tube plein de mucus ne 
sont faiblement décomposées que par les extrémités; le milieu du corps 
est mort, mais il n’est pas encore altéré, Dans ces conditions, les Ligules 


DE LA LIGULE, 73 


ont dû vivre plus longtemps que les autres, et ce sont, parmi celles de 
toutes ces expériences, celles qui ont vécu le plus longtemps. Je n’hésite 
même pas à croire que s’il était possible d'établir dans le tube un 
renouvellement incessant du mucus on arriverait à un résultat con- 
cluant. 


Tel qu'il est, et opposé aux autres, il me permet cependant 
d'affirmer que la Ligule se développe chez les oiseaux aquatiques, 
parce qu’elle y trouve le milieu qui convient à son développe- 
ment, et non pas seulement parce qu’elle y trouve une tempéra- 
ture qu'elle n'avait pas encore rencontrée. 

Phases diverses du développement proglottique. — Toutes les 
Ligules ne sont pas aptes à se développer dans l'intestin des 
oiseaux. 


Expérience 16.— Parmi les Ligules extraites de trois tanches, je choisis 
les quinze plus petites; elles ont de 5 à 6 centimètres de long. Je les 
donne à un canard, que je tue après vingt-quatre heures. Je ne retrouve 
plus rien. Je renouvelle l’expérience en donnant cette fois les Ligules 
toujours choisies parmi les plus petites. J'examine le canard vingt heures 
après et le résultat est le même, il n’y a plus aucune trace de Ligules. 

Expérience 17. — Je choisis dix Ligules de grandeur moyenne. Elles 
ont une longueur de 8 à 10 centimètres. Je les donne à un canard que 
j'ouvre après trente heures. Je trouve une Ligule ayant des œufs, et je 
ne trouve pas trace d'œufs dans les déjections. Je renouvelle cette expé- 
rience en donnant huit Ligules moyennes; après vingt-quatre heures je 
trouve deux Ligules ayant des œufs. 

Expérience 18. — Je donne à un canard vingt Ligules, dont dix 
moyennes et dix petites. Je l'ouvre après vingt heures, et je trouve des 
fragments de Ligules moyennes, plus trois Ligules moyennes vivantes. 
Je renouvelle l'expérience avec huit Ligules petites et douze moyennes; 
après trente heures, je trouve quatre Ligules moyennes ayant des œufs. 
Dans ces expériences, les déjections ne contiennent que quelques œufs. 

Expérience 19. — Je donne à deux canards des amandes (1) habitées 
par des Ligules, ce dont je m'’assure en faisant sur les flancs une bou- 
tonnière qui me permet de constater la présence des parasites. A la lar- 
geur que me présente le corps du ver, je les juge tout au plus de moyenne 
grosseur. Les canards mangent ensemble ; j'ouvre l’un au bout de vingt 
heures, l’autre après trente heures. Je ne retrouve plus aucune trace ni 
des Ligules ni des poissons. 

Expérience 20. — Je choisis huit Ligules grosses et bien adultes ; elles 


(1) Tanche de petite dimension. 


A74 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


sont longues de 12 à 20 et 25 centimètres. Je les donne à un canard 
que je tue après vingt heures; je trouve sept Ligules à diverses hauteurs 
de l'intestin grêle, deux présentant déjà des œufs, les cinq autres ont 
les organes reproducteurs bien développés. 


Ces divers résultats démontrent nettement que pour que la 
Ligule se développe dans l'intestin de l'oiseau, il faut qu’elle soit 
parvenue à un développement strobilaire suffisant, et comme je 
le disais tout à l'heure, qu'elle soit arrivée dans la cavité abdo- 
minale du poisson au moment où elle est apte à se reproduire. A° 
l'appui des expériences précédentes, je peux encore ajouter que 
dans d’autres cas j'ai ramassé dans les déjections des Canards des 
Ligules qui avaient traversé l'intestin sans périr et sans se repro- 
duire, mais j'ai toujours constaté que c’étaient les Ligules que 
j'appelle petites. 

Par rapport aux Ligules moyennes, on voit que la proportion 
de celles qui se développent est si faible, que les faits particuliers 
ne sauraient devenir une règle générale. D'ailleurs, parmi ces 
moyennes, il en est qui ont dû certainement être bien voisines 
de leur maximum de développement, car toutes les Ligules n’ar- 
rivent pas à 20 et 25 centimètres. Ceci explique suffisamment 
pourquoi les expérimentateurs qui ont donné un certain nombre 
de Ligules à des Canards n’ont jamais retrouvé qu’un nombre 
bien inférieur de Liguies déveioppées. On pouvait se demander 
à quoi tenait ce fait important qu’il n’était pas difficile de véri- 
fier. 

De simples fragments de Ligules peuvent former des œufs aussi 
bien que si la Ligule était restée entière, mais dans ce cas cette 
évolution est soumise aux conditions que je vais indiquer. 


Expérience 21. — J'ai supposé que lorsque les oiseaux prennent direc- 
tement la Ligule ils ne cherchent pas à la garantir des blessures que 
leur bec peut lui occasionner, et pour me placer dans des conditions 
aussi naturelles que possible, j'ai laissé les canards prendre les’ Ligules 
par les moyens ordinaires dont ils disposent. J'ai même été au-devant 
de la difficulté, et j'ai donné à un canard cinq Ligules grosses que j'ai 
coupées chacune en trois fragments à peu près égaux. Trente heures 
après je trouve cinq fragments, dont deux seulement ont des œufs. Ces 
derniers sont des extrémités antérieures ayant des bothridies, 


DE LA LIGULE. h75 


Expérience 22. — Je renouvelle l'expérience avec trois Ligules cou- 
pées en deux fragments. Trente heures après, je retrouve un fragment 
avec des œufs; dans les déjections, j'avais recueilli deux fragments sans 
. œufs et des œufs isolés. 

Expérience 23. — Je renouvelle encore cette expérience en donnant 
à un canard les moitiés antérieures de cinq Ligules, et à un autre les 
moitiés postérieures. Le premier me donne des œufs en grande quantité, 
jen constate beaucoup moins dans le second. 


La Ligule qui n’arrive pas entière dans l'intestin n’est donc 
pas arrêtée pour cela dans son développement. Les parties qui 
sont pourvues des bothridies, et qui, par conséquent, peuvent se 
nourrir facilement, ne sont peut-être pas exclusivement les 
seules qui puissent se développer, mais elles se développent 
toutes sans exception, tandis que pour les autres le développe- 
ment me paraît accidentel. Il y à là un fait physiologique qui 
intervient puissamment en faveur de la condition de milieu, 
puisque le développement est certain pour les parties qui peuvent 
se nourrir, tandis qu'il est douteux pour les autres. 

Pourquoi les fragments privés de bothridie ne se nourrissent- 
ils pas? J’explique ce fait par ce que j'ai déjà dit du système 
vasculaire. La bothridie prend les matériaux nutritifs qu’elle fait 
passer dans les grands canaux latéraux, où ils doivent probable- 
ment être élaborés avant de passer dans le système des anasto- 
moses transversales, Or, l'absorption du chyle nourricier par 
tout le parenchyme mis à nu au niveau de la section remplit le 
corps d’un suc non élaboré, qui gêne plus qu'il ne sert, qui en- 
gorge le parenchyme et qui me paraît devoir constituer un ob- 
stacle à la nutrition et au développement des organes. On peutaussi 
se demander si les agents digestifs de l’oiseau n’ont pas un effet 
nuisible sur des organes avec lesquels ils peuvent être facilement 
mis en contact. Et l’on peut dire enfin que, dans le fragment anté- 
rieur, l’absorption par les bothridies diminue beaucoup l’absorp- 
tion par la section inférieure, si même elle n’est pas un obstacle 
complet à cette dernière qu'elle contrebalance certainement. 

Durée de l'évolution proglottique ; sa terminaison. — Après 
avoir ainsi déterminé toutes les conditions dans lesquelles se fait 
l’évolution sexuelle de la Ligule, il ne me restait plus qu’à fixer 


h76 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


la durée de cette évolution et ce que j'appelle sa terminaison, 
c’est-à-dire la manière dont l’œuf qui en est le produit peut être 
expulsé. | 

Dans les expériences qui vont suivre, je donne les . Ligules 
avec la masse intestinale dans laquelle elles sont entortillées. 
Pour cela, j'ouvre largement la cavité abdominale de la Tanche, 
ainsi que je l’ai indiqué au commencement du chapitre IL. Je 
coupe au ciseau les deux extrémités du tube digestif et j'enlève 
ainsi tous les viscères ne formant qu’une masse renfermant les 
Ligules qui ne sont pas dérangées. Je peux par ce moyen faire 
avaler par les Canards le contenu de Tanches de très-grosses 
dimensions, elles Ligules arrivent dans l'appareil digestif des 
oiseaux dans le même état que si elles y étaient transportées avec 
le poisson lui-même. Aussi je dois prévenir que l’expression de 
« trois Tanches données à un Canard » signifie « le paquet viscé- 
ral de trois Tanches habitées par des Ligules ». Ilest vrai que de 
cette façon je ne connais ni le nombre n1 la grosseur des Ligules 
sur lesquelles j'expérimente, mais ces notions sont inutiles dans 
les cas que j'ai maintenant à examiner. 


Expérience 24. — Je donne trois tanches à un canard. Je l’ouvre au 
bout de vingt heures. Je trouve quatre Ligules dans un état de dévelop- 
pement sexuel bien avancé, mais pas encore des œufs. 

Expérience 25. — Je donne trois tanches à un canard. Trente heures 
après, en surveillant les déjections, je trouve parmi les fèces cinq 
Ligules petites, deux entières et trois en fragments; elles n’ont pas 
d'œufs. J'ouvre le canard et je trouve trois Ligules, dont une a des œufs 
et deux sont bien avancées vers leur production. Les fèces renferment 
des œufs en petite quantité. 

Expérience 26.— Je donne quatre tanches à un canard. Le matin du 
second jour, c’est-à-dire quarante heures après, je surveille les déjec- 
tions et je ramasse dans l’espace de quatre heures cinq Ligules entières 
et pleines d'œufs. Elles se contractent lorsque je les saisis avec la pince. 
Je les mets alors dans l’eau à 35 degrés, et je les vois s’agiter aussi vive- 
ment que lorsqu'on les place dans de semblables conditions après les 
avoir extraites de la cavité abdominale du poisson. Elles sont donc 
vivantes. Les fèces renferment encore beaucoup d'œufs. 

Expérience 27. — Je donne cinq tanches à un canard dont je sur- 
veille les déjections à partir du moment de l'expérience. Au bout de 
douze heures, je trouve dans les fèces un petit fragment de Ligule. Je 


DE LA LIGULE. 77 


constate qu’il est mort. Au bout de vingt heures, je trouve deux petites 
Ligules mortes et sans œufs. Après vingt-quatre heures, je recueille 
dans les déjections trois Ligules vivantes et sans œufs, elles sont petites. 
Trente heures après le commencement de l’expérience, je trouve des 
œufs dans les fèces, ils sont rares. Après trente-six heures, je ramasse 
une grande Ligule vivante et pleine d'œufs; il y a beaucoup d'œufs dans 
les déjections. Après quarante heures, je trouve un fragment de Ligule; 
il est plein d'œufs et il se contracte faiblement. Après quarante-huit 
heures, je ne trouve plus rien que des œufs très-nombreux. Je tue le 
canard, je trouve dans ses intestins deux Ligules entières et une détruite 
en grande partie, il n’en reste que le tiers antérieur. 


J'ai renouvelé souvent celte expérience dans le but de me pr'o- 
curer des œufs et les résultats ont toujours été les mêmes. 


Expérience 28. — Je donne douze Ligules à un canard. Je l’ouvre six 
heures après, et je trouve dans l'intestin grêle deux volumineux paquets 
formés, l’un de huit Ligules, l’autre de trois Ligules enroulées les unes 
dans les autres. 

Expérience 29, — Je donne douze Ligules à un canard. Je l’ouvre 
douze heures après, je ne trouve que cinq Ligules dans l'intestin grêle. 
Elles sont toutes de grosse dimension. 


Ainsi que le constatent toutes ces expériences, parmi les 
Ligules parvenues dans l’appareil digestif des oiseaux, il en est 
qui sont digérées avant leur complet développement; d'autres 
traversent cet appareil sans éprouver de modifications; d’autres 
encore sont digérées après avoir rempli leur but, c’est-à-dire 
après avoir produit les œufs ; d’autres enfin traversent. le tube 
intestinal et en sortent vivantes et pleines d'œufs. 

Quant au mode d'expulsion des œufs. il peut varier et se pré- 
senter sous diverses formes : | 

1° La Ligule pleine d'œufs se détruit dans le tube digestif où 
elle est digérée, et les œufs devenus libres sont expulsés avec 
les fèces. Ce cas n’a rien qui puisse étonner, car c’est un fait bien 
connu que celui qui consiste à trouver les œufs des helminthes 
dans les déjections des animaux qui abritent les parasites dans 
leur tube intestinal. La Ligule ne sort donc pas de la règle ordi- 
naire et bon nombre de Cestoïdes se désagrégent et meurent 
dans l'intestin des animaux qu’ils habitent, laissant ainsi aux fêces 
le soin de transporter leurs œufs. 


178 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


2% La Ligule expulsée vivante et pleine d'œufs tombe dans 
l'eau, où elle périt et où sa destruction rend la liberté à ses œufs. 
C’est alors qu’elle peut être prise par le poisson lui-même, ainsi 
que je l’ai déjà montré. 

3° La Ligule peut elle-même expulser ses œufs, soit dans le 
tube intestinal, soit lorsqu'elle est parvenue dans l’eau. Ce mode 
d’expulsion, bien observé par Siebold dans le Bothriocéphale, se 
répète chez la Ligule, dont les matrices sont vidées quelquefois 
dans l'intestin de l'oiseau et souvent dans l’eau où elles sont 
expulsées. L'observation démontre le premier cas, l'expérience 
prouve le second. | 


Expérience 30.— J'ai tenu pendant dix heures des Ligules pleines 
d'œufs et vivantes dans de l’eau à 20 degrés. Je les avais placées dans 
des tubes longs et étroits. Après dix heures de séjour dans ces tubes, je 
les ai retirées encore bien vivantes. J'ai constaté que bon nombre de 
leurs matrices étaient vides, et dans le tube j'ai recueilli une grande 
quantité d'œufs qui s'étaient accumulés vers le fond. 


Comme l’a fait observer Siebold, ce sont les joints qui s’écar- 
tent pour laisser passer les œufs. Tout ce qui précède démontre 
encore qu’au bout de vingt-quatre heures quelques Ligules peu- 
vent déjà parvenir à donner des œufs. Après trente heures, terme 
moyen, les œufs sont en pleine production, et après quarante- 
huit heures, la production des œufs est presque complétement 
terminée. On peut dire alors que la formation des œufs commence 
après un Jour ou un jour et demi de séjour dans l’inteslin, et 
qu’elle est terminée après deux jours ou deux jours et demi. Si 
ce terme est dépassé, ce n’est qu'accidentellement et les accidents 
sont loin, je ne cesserai de le répéter, d’être la règle générale. 

État respectif de la Liqule et du Canard. — Les Ligules 
prises par les oiseaux aquatiques traversent rapidement l'estomac 
et arrivent bien vite dans l'intestin ; elles gagnent le quart posté- 
rieur de l'intestin grêle et s’acculent volontiers à la fin de cet 
intestin, au point où les deux cæcums marquent le commence- 
ment du gros intestin. 


Expérience 31.— Je donne à un canard quatre Ligules; quatre heures 


DE LA LIGULE. 479 


après je lui en donne quatre ; à un autre intervalle de quatre heures 
j'en donne encore quatre; à deux heures de là j'en donne trois; enfin, 
après deux heures, j'en donne encore trois. Total, dix-huit Ligules don- 
nées en douze heures. Une heure après que j'ai donné les dernières 
 Ligules, c’est-à-dire treize heures après le commencement de l’expé- 
rience, j'ouvre le canard et je trouve trois paquets de Ligules enlacées: 
l’un est au fond de l'intestin grêle, il contient onze Ligules; l’autre est 
à quelques centimètres au-dessus, il contient quatre Ligules; le troi- 
sième esi au niveau de la moitié de l'intestin grêle, une seule Ligule le 
compose. 


La Ligule prend dans l'intestin grêle une disposition héli- 
coïdale. Elle s’enroule en hélice en s'appuyant sur les parois de 
l'intestin et occupe ainsi un espace moindre que celui qu’elle 
occuperait si elle restait étendue. Son extrémité antérieure est 
dirigée vers le commencement de l'intestin. Plusieurs Ligules 
enroulées ensemble conservent toujours cette disposition : aussi 
n'est-il pas difficile de désigner par l'aspect extérieur le point de 
l'intestin habité par les parasites. A ce niveau l'intestin est dis- 
tendu légèrement, et sur ses parois se dessine le large ruban 
hélicoïdal formé par la Ligule, que sa couleur blanche décèle 
encore presque autant que sa forme. En ce point aussi l'intestin 
est ferme et résistant au toucher. 

Peu de temps après avoir avalé les Ligules, le Canard s’accrou- 
pit sur lui-mêmeet paraît désagréablement incommodé. Il refuse 
toute nourriture, mais en revanche il ne cesse de boire. Ce n’est 
qu'après douze ou quinze heures et quelquelois même après 
vingt qu'il recommence à manger, mais en petite quantité. Il 
boit un peu moins et vingt-quatre heures après il est revenu à 
son état normal. Je ferai observer que l’état particulier dans 
lequel le Canard est placé se présente d'autant plus modifié que 
la quantité de Ligules avalées a été plus considérable. Dans le 
cours de mes expériences, il est arrivé souvent que les Canards 
refusaient si bien toute nourriture, que j'étais obligé de leur 
tenir le bec ouvert et de faire glisser les Ligules dans l’œsophage 
en m’aidant pour cela d’une petite quantité d’eau. 

Jusqu'ici je ne me suis occupé que des conditions du dévelop- 
pement proglottique; il me reste à faire connaître sur quels 


80 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


organes porte ce développement et ce que devient la Ligule 
lorsqu'elle est placée dans les circonstances que je viens d’énu- 
mérer. 

Pour étudier convenablement les modifications organiques, 
j'ai pris des Canards auxquels j'ai donné des Ligules à des inter- 
valles espacés de six, huit ou dix heures, suivant les cas. J'ai pu 
ainsi me procurer des séries qui m'ont montré le développement 
complet des organes reproducteurs, seuls organes modifiés dans 
la dernière phase de l'existence des Ligules. 


VII. — ORGANISATION DE LA LIGULE A L'ÉTAT PROGLOTTIQUE. 


Constitution générale. — La constitution générale de la 
Ligule n’est pas modifiée dans les conditions nouvelles où elle 
est placée, et c’est à tort que l’on a cherché à établir quelques 
différences entre l'aspect du ver dans les deux habitats relatifs 
au poisson et à l'oxseau. Tout au plus peut-on indiquer un léger 
changement dans la couleur qui, du blanc légèrement jaunâtre 
passe à un blanc mat, et dans la forme qui montre la Ligule un 
peu plus longue et un peu moins large dans son dernier état. 
Mais ni la forme, ni la couleur ne sont des caractères fixes et 
dans beaucoup de cas ils sont à peine appréciables. 

Rien n’est changé dans les extrémités, si ce n’est dans l’extré- 
mité antérieure qui, s’allongeant un peu comme tout le reste du 
corps, peut quelquefois montrer une bothridie plus distincte. Il 
ne faut rien retenir de l’opinion qui attribue une bothridie exclu- 
sivement à la Ligule des oiseaux, car celte opinion est basée sur 
des observations trop superficielles. Rien n’est également changé 
dans les systèmes cutané, musculaire, vasculaire, etc., et les 
modifications organiques ne portent absolument que sur l’appa- 
reil reproducteur. Celui-ci est composé de deux catégories d'or- 
ganes bien distincts : les organes mâles et les organes femelles. 

Organes mâles. — J'ai déjà signalé dans la Ligule à l’état 
strobilaire la présence de testicules fort nombreux et formant 
une couche d’une seule rangée qui occupe les deux côtés du 
corps et la partie supérieure du parenchyme, de manière à s’ap- 


DE LA LIGULE. A81 


pliquer sur les fibres musculaires transverses. Pendant le déve- 
loppement sexuel, les testicules les plus rapprochés de la ligne 
médiane du corps grossissent beaucoup et leur volume devient 
presque le double de ce qu’il était dans le strobile. Ceux des bords 
latéraux n’augmentent pas et leur volume reste presque constam- 
ment le même. Les premiers seuls accusent la structure caractéris- 
tique; les seconds avortent et leur concours devient inutile pen- 
dant l’acte fécondateur. Mais entre les deux la limite n’est pas 
tranchée, et c’est insensiblement que l’on passe des testicules de- 
venus volumineux à ceux qui sont restés rudimentaires (fig. A2. 
A3, A4 9). On rencontre rmème trés-souvent des testicules bien 
développés disséminés au milieu de ceux qui n'ont subi aucun 
changement appréciable, 

GUhaque testicule (Hg. A7) se présente comme un corps ovale 
souvent irrégulier lorsqu'il n’est pas développé ou lorsqu'il a ter- 
rainé son rôle. La surface paraît alors plissée, ce qui donne à 
l’ovale cet aspect irrégulier. [l est limité par une membrane 
transparente et assez épaisse. Cette enveloppe, qui re paraît être 
formée que d’une seule couche, est extensible et se déchire très- 
facilement. On ne la distingue bien nettement que lorsque le 
testicule est en pleine activité. 

Au début, le sac constitué par la membrane limitante est 
rempli d’une substance plasmatique qui se colore en brun par 
l'acide chromique et qui, sous l’influence de cet acide, se rétracte 
et paraît comme granuleuse. Plus tard, au moment où le testi- 
cule fonctionne, on voit dans le sac testiculaire plusieurs groupes 
de cellules sphériques ; elles s’agglomérent entre elles pour for- 
mer un pelit nombre de paquets inégaux qui remplissent le tes- 
ticule. Chacun des groupes renferme un nombre variable de 
cellules et celles-ce1 se présentent comme de trés-petits corps 
sphériques dans lesquels la lumière oblique fait apercevoir des 
éléments filiformes qui donnent à la cellule Paspect d’une cellule 
‘couverte de stries fines et courtes (fig. 48). Le testicule qui s’est 
vidé ne présente plus rien de ces éléments, sa membrane s’af- 
laisse, se plisse, et ne présente plus qu'un corps amorphe à bord 
irréguliers. | 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XI (1877). 31 


182 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


Le gros tube médian que j'ai signalé dans les organes rudi- 
mentaires du strobile (fig. 53 b) a pris un très-grand développe- 
ment dès les premières périodes de l’état progloitique, il s'est 
allongé considérablement; son diamètre est devenu très-grand 
par rapport à ce qu'il était, et c’est, au commencement de cette 
phase, la partie la plus volumineuse de lappareil reproducteur. 

Lorsqu'il est dans son entier développement (fig. 51 et 52 D), 
ce tube commence dans le parenchyme par plusieurs branches 
ouvertes librement dans ce tissu. Ces branches sont courtes et 
peu nombreuses; elles marchent à l'encontre l’une de Pautre, 
s’anastomosent très-vite et finissent par former un tube qui va 
toujours s’élargissant jusque vers sa partie terminale. En même 
temps qu'il grossit, il se replie dans le sens de sa longueur de 
manière à figurer une série d'S ajoutés bout à bout et de plus en 
plus grands. 

Mais les sinuosités qui le caractérisent sont loin d’être dans le 
même plan; aussi une section mince du corps de la Ligule ne 
permet-elle le plus souvent de n’en apercevoir que des fragments. 
Il faut alors avoir recours, soit à des coupes épaisses, soil à ce 
que j'appelle des coupes étagées, c’est-à-dire des coupes qui se 
suivent toutes et qui sont alignées dans la préparation suivant l’or- 
dre dans lequel elles ont été faites. C’est ainsi que sont presque 
toutes mes préparations d’études qui renferment chacune une 
série de coupes représentant un fragment du corps. 

Vers sa partie terminale, ce tube, auquel je donne le nom de 
tube séminal, se rétrécit; son diamètre devient à peu près uni- 
forme ; 1l se dirige vers la ligne médiane et vers la face inférieure, 
pour venir s'ouvrir au sommet de la matrice, dans l’écartement 
formé par les lamelles épidermiques qui se séparent du derme. 

Le nom de tube séminal peut fort bien être pris ici comme rap- 
pelant les vésicules séminales des vertébrés, car on sait que le 
rôle de réservoir du sperme n’est pas entièrement dévolu à ces 
organes, dont le produit muqueux s'ajoute aux produits prosta- 
tiques et à ceux des glandes de Cooper pour donner plus de flui- 
dité au sperme. Dans la partie de l'appareil mâle que je décris en 
ce moment, on peut affirmer que les éléments spermatiques s’ac- 


DE LA LIGULE. 183 


cumulent comme dans un réversoir ; mais on peut dire aussi 
qu'ils s’y complètent par les sécrétions que fournissent les parois 
même du tube. Ces sécrétions consistent en une matière mu- 
queuse, au milieu de laquelle les éléments spermatiques sont 
englobés au point de ne pouvoir être reconnus ou distingués 
nettement, surtout vers l'extrémité où cette mucosité devient 
très-abondante. 

Dans la partie la plus renflée et la plus sinueuse du tube sémi- 

nal, le calibre intérieur est grand et on trouve dans le tube les 
cellules sphériques que J'ai signalées dans le testicule. An moment 
de la reproduction, en effet, la membrane du testicule s’est 
déchirée et les éléments qu'elle renfermait se sont répandus dans 
le parenchyme. Ge dernier est, comme je l'ai déjà dit, très-lacu- 
neux et, dans les mailles de son réseau, les cellules du testicule 
peuvent cheminer aisément. Elles s'engagent par les branches 
ouvertes du tube et cheminent jusque dans la partie la plus dila- 
tée où on peut encore les retrouver. Mais on cesse de les voir dans 
la portion terminale. Là, le calibre du tube séminal est devenu 
très-étroit, il se remplit de la mucosité que je viens de constater 
et des spermatozoïdes filiformes que les cellules précédentes ont 
aidé à transporter ; ceux-ci remplissent si bien le tube qu’il est, 
vers sa terminaison, impossible de les distinguer. Aussi l’inté- 
rieur du tube apparaît-il à ce moment comme occupé par un 
organe semblable à un axe plein et grêle enfermé dans un tube 
creux et membraneux, la mucosité étant très-abondante et tous 
les spermatozoïdes étant agglomérés en une masse d'aspect uni- 
forme dans laquelle les éléments sont tellement confondus, qu'ils 
ne peuvent plus être distingués. 

Lorsque la principale période d'évolution est franchie, le tube 
séminal se résorbe. C’est en commençant par la partie initiale 
que cette résorptou se produit et bientôt le tube a presque com- 
plétement disparu. C’est à peine si, à la fin, on trouve quelques 
traces de la portion terminale, derniers restes de ce qui fut le 
tube séminal. Ce mouvement de résorplion est assez rapide et il 
précède la disparition des tubes femelles dont je vais m'occuper 
maintenant: On peut affirmer que la vie du tube séminal est de 


Uteh DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 

courte durée ; j'estime qu’elle doit commencer après dix à quinze 
heures de séjour dans l’intestin de loiseau, et qu’elle est termi- 
née après vingt à vinot-cinq heures ; car, avant ce moment, Je ne 
rencontrais pasencore le tube bien développé, et, après cette der- 
nière période, je le trouvais en pleine disparition. Je n’ai pu le 
saisir bien entier que dans l'intervalle que J'indique. 

Mais pour cela, comme d’ailleurs pour tout le reste, et ainsi 
que j'ai déjà eu occasion de le dire, voici comment J'ai procédé : 
à des intervalles qui variaient suivant les expériences et que 
je faisais révuliers dans un même cas, je donnais un nombre fixé 
de Lisules à un Canard: par exemple, à lun deux Ligules toutes 
les quatre heures, à ur autre trois Ligules toutes les huit heu- 
res, ele, J'ai constitué ainsi des séries qui m'ont pernus de suivre 
toutes les transformations et c’est d’après les résultats obtenus 
que j'ai pu établir l’évolution complète. 

Organes femelles. — L'appareil femelle se compose de deux 
éléments : 1° des tubes dans lesquels se constituent les vésicules 
vitellines ; 2° une matrice dans laquelle se forment les œufs. 

Les tubes femelles sont au nombre de deux; comme le tube 
séminal, ils sont rudimentaires dans le strobile, où leur position 
est nettement Imdiquée (fig. 53 c). Développés pendant l’état pro- 
olottique, ils affectent la forme de longs tubes flexueux qui $’en- 
chevètrent par leurs extrémités initiales. [Is commencent très- 
près du point où le tube séminal voit ses branches s’anastomoser 
pour former un tube unique. Ils sont pelotonnés en ce point et 
forment une masse confuse d’où semblent sortir les branches 
multiples du tube mâle (fig. 54 et 52 c). Les deux tubes se sépa- 
rent bientôt et se placent sur les côtés du tube séminal de manière 
à être situés, l’un vers l’extrémité antérieure, l’autre vers l’extré- 
mité postérieure du corps et à accompagner ainsi ce tube jusqu’à 
la matrice. Les sinuosités qu’ils forment sont irrégulières; elles 
s’enchevêtrent parfois avec celles du tube mâle qui reste toujours 
entre les deux éléments essentiels de Pappareil femelle, et pas- 
sent souvent entre les anses du précédent pour s’enchevêtrer 
cutre elles. Aussi répéterai-je ici ce que j'ai dit du tube séminal, 
c’est que les sections trop minces ne montrent que des fragments 


DE LA: LIGULE. h85 


isolées que l’examen des coupes étagées peut seul faire rappro- 
cher suivant leur situation normale. 

Lorsque Le tube mâle commence àse rétrécir, les tubes femelles 
s’élargissent et. vers leur'extrémité, 1ls se renflent en uné véri- 
table ampoule qui vient s'ouvrir dans la matrice sur les côtés du 
tube séminal. 

Sur une section longitudinale on peut très-bien voir la dispo- 
sition relative de ces différentes parties (fig. 32 4, 4, c). Le tube 
mâle coupé se confond avec la matrice et ses branches terminales 
apparaissent en b' dans le parenchyme, presque au niveau de la 
couche testiculaire {; les tubes femelles « sont situés, l’un ‘en 
avant, l’autre en arrière de l'appareil reproducteur qu'ils sem- 
blent enfermer entre eux. 

Dans la partie initiale des tubes femelles, on ne distingue pas 
d'éléments appréciables, mais un peu plus baut on voit très-bien 
se former les vésicules vitellines, que l’on trouve bien con:tituées 
dans la partie terminale (fig. 49). Le rôle de ces tubes est de for- 
mer ces vésicules, que l’on trouve, à l’extrémité, pourvues d’une 
tache germinative bien apparente. Je ne saurais y distinguer, 
commel’a fait M. Duchamp, un cæcum germigène, un autre vitel- 
logène, car rien de tout cela ne se peut apercevoir, et l'organisa- 
tion des organes reproducteurs telle que la donne M. Duchamp 
est certainement entachée de beaucoup de fantaisie. Ce corps sin- 
gulier, qu’il trouve souvent dans la matrice et dont il ne connaît 
pas le rôle, me paraît être tout simplement une anse ou un frag- 
ment de l’un des tubes que je viens de décrire. Il n’y a pas plus de 
pénis qu'il n’y a de cupules mâles et femelles el ce n’est dans 
aucun des éléments que je viens de décrire que se constituent 
définitivement les œufs. Ma préparation, que J'ai dessinée fig. 49, 
est là pour en répondre. 

Je donnerai aux tubes femelles le nom de tubes ovariens, en 
me basant pour cela sur leur produit, qui rappelle le produit 
ordinaire de ce qui constitue l’ovaire chez le plus grand nombre 
des animaux inférieurs. | 

Les tubes ovariens se résorbent comme le tube séminal, mais 
leur disparition commence un peu plus tard, pour se terminer plus 


186 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


tard également ; aussi voit-on, dans beaucoup de cas, les tubes 

femelles continuer à verser dans la matrice les éléments de l'œuf, 
_alors que les éléments mâles n’y parviennent plus. C’est dans ce 
fait qu’il faut voir la cause de la présence, parmi les œufs capa- 
bles de se développer, des œufs qu’au commencement de ces 
études j'ai appelés stériles ; ceux-là se forment sans fécondation et 
cette différence entre les moments de production des divers élé- 
ments amène la stérilité de tous les œufs qui, quoique formés 
après la disparition du tube mâle, n’en sont pas moins constitués, 
les autres moyens de formation n’étant pas encore disparus. 

Formation des œufs. — Les vésicules vitellines fournies par 
les tubes ovariens arrivent dans la matrice, où elles trouvent les 
spermatozoïdes qui y sont déversés par le tube séminal : la fécon- 
dation se produit et l'œuf arrive rapidement à se compléter ; 
l'enveloppe se forme et ces phénomènes sont les plus rapides 
parmi les phénomènes déjà si rapides qui caractérisent toutes les 
phases du développement sexuel. | | 

Je me suis souvent demandé par quoi sont fournis les matériaux 
qui s'ajoutent aux vésicules vitellines pour constituer l'œuf. Je 
suppose que c’est par la matrice elle-même, car celle-ci renferme, 
dès l’état strobilaire, une matière que les acides coagulent et colo- 
rent; elle n’est jamais un sac complétement vide et, à tous Îles 
moments de la reproduction, c’est un organe plein dont je vais 
indiquer la structure et la disposition. 

Matrices. — Les matrices se montrent dès le début avec leur 
forme et leur disposition caractéristiques. Leurs dimensions 
seules varient; rudimentaires pendant l’état strobilaire, elles 
grandissent FES le développement proglottique sans rien 
changer à leur aspect général. 

La matrice est un sac noyé à la fois dans les couches ruscu- 
laires et dans le parenchyme; il est limité par une membrane 
urès-mince et très-lransparente, qui se moule exactement sur le 
contenu et qui n'est appréciable que lorsqu? on fait agir de l’am- 
moniaque sur une préparation primitivement traitée par l'acide 
acétique. Le sac ainsi constitué renferme dans son intérieur une 
substance opaque, grumeleuse, coagulable, comme toute celle 


DE LA LIGULE. h87 


qui remplit les autres parties de l'appareil reproducteur. Elle 
donne à la matrice l'aspect d’un organe presque massif ; elle dis- 
paraît à mesure que les œufs se constituent et, lorsque la matrice 
est pleine d'œufs, on ne trouve plus aucune trace de cette sub- 
stance. La potasse l’éclaireit et la liquéfie beaucoup ; l'acide acé- 
tiqué lui fait prendre un aspect grumeleux, aussi ne doit-on pas 
hésiter à la considérer comme riche en principes chitineux. 

La matrice a la forme d’un petit ballon à goulot très-court et 
très-élargi. Dans le milieu de sa hauteur, elle est affaissée sur 
elle-même et parait alors comme étranglée. Aussi, vue de face, 
se présente-t-elle comme un 8 allongé, dont les deux branches rap- 
pellent très-exactement les branches disposées en rosette chez 
les Bothriocéphales ; et l’on peut dire qu’au lieu de former une 
rosette à branches multiples, comme celle qui a été signalée chez 
ces derniers, la matrice forme chez les Ligules une rosette à deux 
branches communiquant largement ensemble sur toute leur hau- 
teur (fig. 60). 

Elle ne $’ouvre pas à l’extérieur, mais dans la dépression cuta- 
née que j'ai déjà indiquée àu niveau de la ligne médiane du corps 
et au bord supérieur de chaque anneau; les lamelles épider- 
miqués de la face inférieure ont entre elles une adhérence très- 
faible ; elles se séparent facilement et laissent, soit entre elles- 
mêmes, soit entre elles et le derme, un espace creux où viennent 
aboutir les différentes parties de l'appareil reproducteur. Souvent 
même ces espaces communiquent entre eux, suivant la longueur 
du corps et, par la compression, il est facile de faire passer les 
œufs d’une matrice dans une autre. On les voit cheminer à tra- 
vers ces espaces et j'ai pu, en dirigeant la pression tanlôt en 
avant, tantôt en arrière, vider et remplir à mon gré les diffé- 
rentes matrices d’un même fragment de Ligule. 

La compression déchire encore très-facilement la membrane 
limitante de la matrice et permet aux œufs de se répandre dans 
le parénchyme. Enfin elle a un résultat qu’il est essentiel de sa- 
voir apprécier, c’est qu’elle peut donner aux matrices, en les 
écrasant el en étalant leur contenu, une disposition qui est loin 
d’être celle qu’elles ont normalement. C’est probablement sur 


tete DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


des Ligules vues entre les lames du compresseur que quelques 
auteurs ont donné aux matrices comme disposition caractéris- 
tique une configuration qu'elles sont loin de présenter. 

La compression est un mauvais moyen d'investigation, il 
dérange les rapports et modifie les formes; aussi est-ce avec 
beaucoup de raison que Dujardin a pu dire de lui : € Mais pour 
quelques-uns il faut avoir recours à la compression afin d’aug- 
menter leur transparence; mais 1l faut user avec une extrême 
circonspection du compresseur qui, plaçant tous les organes dans 
un même plan, ne donnera que des idées fausses, si l’on n’est 
pas guidé par l'observation faite concurremment sans compres- 
sion et par la dissection. GϾze avait anciennement commis beau- 
coup d'erreurs en se servant du compresseur. » 

Je me sers avec un très-grand succès de la section horizontale 
étagée qui, sans rien déranger, me permet d'avoir des coupes 
minces transparentes et donnant une idée très-exacte de la struc- 
ture du corps suivant son épaisseur. 

Lorsque la matrice est pleine d'œufs, son volume a beaucoup 
augmenté. La forme de 8 est beaucoup moins régulière et le sac, 
maintenant presque ovoïde, peut s'étendre à travers le paren- 
chyme jusqu'aux fibres musculaires supérieures. La matrice 
consiamment située vers la face inférieure du corps (fig. 59). 
Sa configuration générale change un peu, suivant la hauteur à 
laquelle on l’examine (fig. 55, 56, 57), mais c’est dans les 
anneaux du milieu que cette configuration se montre la plus 
normale et la plus régulière (fig. 56). 

Quoique les matrices restent toujours isolées, tous les sacs ne 
sont pas gonflés également et 1l peut encore arriver que le nom- 
bre d'œufs est devenu si considérable, que la plus légère pression 
les fait s'étendre suivant la longueur du corps; les matrices sem- 
blent communiquer entre elles ainsi que je viens de le dire et 
les œufs forment une longue chaîne non interrompue, ainsi que 
Krabbe l’a très-bien indiqué dans quelques dibothridiens. 

C'est surtout la matrice pleine qui montre bien son ouverture 
en face de l'intervalle des anneaux (fig. 58), situation sur laquelle 
j'ai déjà appelé l’attention. 


DE LA LIGULE. 189 


Enfin, par cela même que le volume des matrices a augmenté, 
l'intervalle qui les sépare a beaucoup diminué et, à leur maxi- 
mum de développement, les matrices ont de 6 à 8 centièmes de 
millimètre de largeur, tandis que l'intervalle qui les sépare n’est 
plus que de 3 ou 4 centimes de millimètre. 

Disposition générale de l'appareil reproducteur ; symétrie. — 
Je ne dirai plus qu'un mot de l’ensemble de l'appareil que je 
viens d'étudier dans ses parties. 

L'appareil reproducteur existe dans chacun des anneaux du 
corps et sa répétition est une preuve plus que suffisante en faveur 
de la division du corps. C'est le développement de cet appareil 
qui marque l’état progloltique et chacun des anneaux qui en est 
pourvu est une véritable proglottis. Le seul caractère, c’est que 
chez la Ligule les cucurbitains, largement unis et soudés, ne se dé- 
tachent pas à leur maturité. 

La matrice est toujours unique et occupe le milieu de l’anneau ; 
les testicules sont toujours symétriques, mais il n’en est pas de 
même des autres parles. Uu tube séminal est toujours accom- 
pagné de deux tubes ovariens ; mais ces organes ne se répètent 
pas toujours dans le même ordre et on ne peut établir, en ce qui 
concerne leur symétrie, de règle exclusive. C’est ainsi qu’on les 
trouve tantôt développés des deux côtés (fig. 51), tantôt dévelop- 
pés indifféremment sur l’un des deux côtés seulement de la ligne 
médiane. La figure 46 fait comprendre celte disposition que les 
sections horizontales et les sections transversales étagées met- 
tent parfaitement en lumière. Les tubes contournés qui se mon- 
trent en sections horizontales se voient tantôt à droite de la 
matrice, tantôt à gauche, tantôt des deux côtés et cela, irrégu- 
lièrement sans qu'on puisse apercevoir un ordre fixe ou même 
peu variable. Si on ne constatait cette disposition que par la 
coupe transversale du corps, on pourrait croire, les anneaux 
étant si rapprochés, que la coupe a porté obliquement sur deux 
anneaux voisins; mais la section horizontale rétablit les faits 
dans toute leur exactitude en montrant la disposition que j’in- 
dique et que représente très-exactement, d’après mes prépara- 
tions, la figure 46, | 


h90 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE 


Expulsion des œufs. — Dujardin à dit : « Les helminthes 
naissent et meurent dans le corps de leurs hôtes. » Et avec lui 
tous les helminthologistes ont répété que les vers intestinaux peu- 
vent mourir dans le tube digestif des animaux qu'ils habitent. 
Dans ces conditions ils se désagrégent et leurs œufs, devenus 
libres, sont expulsés par F intermédiaire des fèces. La Ligüle ne 
pouvait rester étrangère à celte loi si générale et, à l'exemple de 
tous Îles vers intestinaux, elle devait laisser aux fèces le soin de 
charrier ses œufs. Mais ce mode d'expulsion n’est pas lé seul 
qu'on lui connaisse et voici ceux que, d’après toutes les obser- 
valions précédentes, je peux affirmer maintenant : 

1° La Ligule encore vivante dans l'intestin des oiseaux peut sé 
débarrasser de ses œufs; c’est là que sa matrice trop pleine force 
sur les joints qui s’écartent pour laisser sortir les œufs. Les 
expériences que j'ai rapportées plus haut et mes observations ne 
laissent aucun doute (fig. 58). C’est, qu'on me permette cette 
expression, le trop plein de la matrice qui est ainsi expulsé, et 
parfois, le passage étant largement établi, la matrice se vide com- 
plétement. 

2% La Ligule meurt dans l'intestin de l'oiseau, elle s’y désa- 
grége, elle y est digérée, et les œufs, devenus libres et organisés 
pour résister à l’action digestive, sont mêlés aux fèces avec les- 
quels ils sont expulsés. L'observation et l'expérience démontrent 
encoré ces faits que l’on sait être généraux. 

3° La Ligule est expulsée vivante, et dans ce cas elle se con- 
tracte de façon à vider les matrices dans l’eau, ou bien elle périt 
dans cet élément, se désorganise, et ses œufs, rendus à la liberté, 
relombent, comme dans les deux cas précédents, dans lés condi- 
lions où je les ai pris au début et où je les laisse en terminant. 


TROISIÈME PARTIE 
ÉTUDES ZOOLOGIQUES. 
Considérations générales. — Je traiterai spécialement, dans 


celte courte et derhièré partie, de la place des Ligules dans la série 
helminthologique. 


DÉ LA LIGULE. h91 


Just à présent on à considéré les Ligules comme formant un 
genre spécial et appartenant à la famille des Dibothridés. Je ne 
saurais accepter celte manière dé voir, qui résulte Surtout de 
l’étade incomplète que l’on a faite de ces parasites. Tous les nätu: 
ralistes sont aujourd'hui d'accord pour convenir que, dans beau- 
coup de branches des sciéncés naturelles, lés genres et les éspèces 
ont élé par trop multipliés. L’exagération dans la comparaison 
des détails, jointe à des vues et à des intérêts présqué toujours 
personnels, ont conduit les observateurs à trouver, dans toutés 
les formes essentiellement génériques, des caractères tellement 
fugaces que la plupart d’entre eux ne se répètent souvent pas 
plus de deux ou trois fois; et c’est sur des différences si légères, 
et surtout si mal établies, que beaucoup de classificateurs se sont 
hâtés de s'appuyer poür créer, non-seulement des espèces nou- 
vélles, mais encore des genres nouveaux. Presque toujours il 
arrive que le créateur seul peut sé reconnaître au milieu de ce 
dédale et nul ne saurait dire, à moins d’un travail hérculéen de 
compilation, le nombre de genres nouveaux établis parmi les 
anciens genres typiques, en malacologie, en inséctologie et dans 
quelques parties de la botanique. 

De là, des difficultés sans nombre qui entravent singülièrement 
les débuts de ceux qui veulent se livrer à l’étiide dés sciences 
naturelles. De là aussi la nécessité, même pour ceux qui débutent, 
de se spécinliser dans un tout petit coin de la science, au détri- 
ment de toutes les autres parties que l’on ne connaît pas du 
tout. 

Mais, comme toutes choses, cet ordre d'idées a son bon et son 
mauvais côté; car, d’aütre part, on peut dire que ce n est que 
par des monographies aussi muültipliées que possible que l'on 
arrivéra à connaître à fond l’histoire de la nature. Get ensemble 
si vaslé ne Séra jamais mieux connu que lorsque les détails en 
auront été suffisament étudiés. Aussi n'est-ce pas à l'étude des 
groupes où à ce que l’on est convenu d appeler la monographie 
que j'adresse la précédente critique; mais bien à l’exagération 
que développent dans ces étüdes les ätiteurs tfüt, däfis üñe varia- 
tion de couleur, dans la direction d’une ligne, dans la place d’un 


49? DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


point, dans la longueur ou ja largeur d’une feuille, voient des 
caraclères suffisants pour justifier un nom nouveau arrivant 
comme nom de genre plus souvent même que comme nom d’es- 
pèce. Tout est dans la limite établie et tout consiste à savoir 
distinguer la valeur des caractères. 

Certainement il est des caractères auxquels on ne saurait refuser 
la valeur d’un caractère générique; mais, pour un de ceux-là, de 
combien d'autres ne s’empare-i-on point pour en faire la justifi- 
cation de l’appellauon nouvelle, qui n’a souvent d'autre mérite 
que de répondre à l’une des causes dont J'ai parlé plus haut. 

Je serais entrainé beaucoup trop loin de mon sujet si je déve- 
loppais, comme elle mériterait de l'être, l'idée que je. viens 
d’énoncer et ce n’est pas d’ailleurs ici que je peux me livrer à 
pareille discussion. Déjà dans des recherches précédentes (1) j'ai 
parlé dans le même sens et j'ai cherché à faire ressortir les incon- 
vénients d’une multiplication exagérée des genres et des espèces. 
Je les ai, dans ce travail, restreints autant que possible et ne les 
appuyant que sur des caractères véritablement importants, et les 
Ligules viennent fournir un sérieux argument à la théorie que 
j'ai déjà soutenue et que Je ne suis, d’ailleurs, n1 le premier ni 
lé seul à soutenir (2). 

Cet argument, je le trouve dans l’organisation même des Hel- 
minthes qui m'occupe, dans cette organisation qui ne saurait être 
distinguée de celle des Bothriocéphales autrement que par des 
caractères simplement spécifiques. Entre le Bothriocéphale et la 
Ligule il y a nécessairement des différences ; mais elles ne me pa- 
raissent pas, ainsi que je vais le montrer, de nature à être prises 
pour des différences génériques et on ne saurait considérer la 
Ligule que comme une espèce particulière du genre Débothriuns. 

Genre Dibothrium. — Comme les Bothriocéphales ordinaires 
la Ligule possède sur chaque face de l'extrémité antérieure une 
fossette, ventouse incomplète qui a reçu le nom de bothridie. 
Son corps rubané et aplati est composé d’une série d’anneaux. 


(14) A.-L. Donnadieu, Recherches sur les télranyques. 
(2) Voyez entre autres : Ch. Martins, La théorie de l’évolution, in Revue des Deux- 
Mondes, t. XIII, 1876. 


DEF LÉ BIGULE: 193 


Ces anneaux, extrêmement peu développés en hauteur, sont large- 
ment unis entre eux, et leur aspect n’a pas peu contribué à faire 
croire à un corps non annelé. Les organes reproducteurs sont en 
forme de tubes plus ou moins contournés. Les matrices rappellent 
leurs analogues des Bothriocéphales et ne s’en différencient que 
par le nombre des branches de la rosette. Tous ces organes oc- 
cupent dans la Ligule exactement la même position que dans le 
Bothriocéphale. La structure générale du corps, peau, muscles, 
parenchyme, système vasculaire, est presque exactement la même 
dans les deux cas. L’œuf et son développement sont si bien les 
mêmes dans le Bothriocéphale et dans fa Ligule, que si leur 
provenance était inconnue il serait bien difficne de les désigner. 
L'embryon est identique aussi bien dans un cas que dans l'autre, 
et, dans les deux cas, on le voit éclore dans l’eau. Ces embryons 
vont d’abord habiter les poissons pour passer ensuite chez les 
animaux à sang chaud. 

On voit donc que tout, dans l’organisation et dans la vie de la 
Ligule, ressemble beaucoup à ce qui a été observé et décrit chez 
le Bothriocéphale. Et cette ressemblance esttelle, qu’il me paraît 
impossible dé ne pas considérer la Ligule comme appartenant au 
genre Dibothrium. Soutenir le contraire ce serait vouloir, quand 
même, donner à des caractères une valeur qu’ils n’ont pas dans 
le seul but de créer un genre nouveau. 

Je n'hésite pas à me servir du mot créer, qui pourra peut-être 
étonner, puisque le genre Ligule est établi depuis bien longtemps. 
Mais lorsque Bloch fit de la Ligule un genre spécial, il était lom 
de connaître les affinités de cet Helminthe avec le Bothrivcéphale. 
Aujourd'hui que ces rapports sont bien nettement constatés, 
conserver le genre Ligule ce serait le créer; car on ne pourrait 
comprendre l'établissement de ces deux genres voisins que comme 
un dédoublement da genre Dibothrium. Le supprimer est donc 
la seule chose qui puisse consacrer le résultat des études com- 
paratives. | 

Espèce Ligula. — Lorsque les Ligules ont été considérées 
comme formant un genre spécial, on les a distinguées en espèces 
aussi peu reconnaissables que nombreuses. On a d’abord fait des 


h94 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


espèces aux dépens de celles que l’on a trouvées dans les poissons 
puis on en a créé qui se rapportaient à celles que l’on rencon- 
trait dans les oiseaux. | 

Les caractères organiques ont été souvent mis de côté et l’ha- 
bitat a dominé pour faire donner aux Ligules les noms des ani- 
maux aux dépens desquels elles vivaient. Il est inutile d’insister 
sur upe pareille méthode. Justice est faite maintenant de toutes 
les espèces indiquées chez les poissons et de celles que l’on ne 
trouve que chez les oiseaux. Il faudrait alors ne considérer que 
ces dernières et, parmi celles-là, il n’en est pas qu'il soit possible 
d'établir sûrement. | | 


Si on voulait invoquer l'aspect extérieur, la longueur, la lar- 


geur du corps, on pourrait arriver facilement à décrire autant 
d'espèces que d'individus; et je vais même plus Join, car je dirai 
qu’on pourrait faire plusieurs espèces avec la même Ligule prise 
à différents moments ou placée dans différentes conditions. De 
Blainville a déjà dit que les vingt ou trente individus qu'il a 
trouvés dans la Spatule ne se ressemblaient pas deux à deux et 
aucun Zoologiste ne pourrait déterminer les Ligules qu’il pourrait 
rencontrer au moyen des caractères assignés aux espèces déjà 
connues. Il trouverait toujours quelques différences qui lui per- 
mettraient d'établir une espèce nouvelle. 

J'ajouterai enfin que rien n’est plus variable individuellement 
que les Ligules au point de vuede l'aspect extérieur et des formes, 
et que, trouvés isolément, il n’est pas de cestoides plus difficiles 
à déterminer spécifiquement. | 

Les caractères organiques sont donc les seuls auxquels on puisse 
s'adresser. Or, ces caractères ne varient jamais. Ils se sont mOon- 
trés absolument identiques dans toutes les nombreuses Ligules 
que J'ai étudiées. Toujours les atincaux, les organes reproduc- 
teurs, les extrémités, les systèmes vasculaires etmusculaires, elc., 
se sont montrés les mêmes. Je n'ai pas encore constaté de difé- 
rences parmi eux. Si plus tard il s’en rencontre, elles pourront 
fournir des bases à l'établissement d'espèces nouvelles ; mais; 
comme jusqu'à aujourd’hui je n’ai pu en constater, je me crois 
autorisé à n’admettre à l'égard des Ligules qu’une seule espèce, 


DE LA LIGULE. h95 


à laquelle je conserve le nom que portail le genre, parce que 
c’est celui qui rappellera le mieux l’être dont il est ici question. 
Il ne préjuge rien quant aux espèces anciennes et il aura l’avan- 
tage de les condenser toutes en lu: seul. 

Telles sont les considérations qui m'ont conduit à faire de 
toutes les Ligules jusqu'ici décrites l'espèce que je désigne sous 
le nom de DigorsRriuM LiGuLaA. 

C'est encore en m’appuyant sur les caractères organiques que 
je rapporterai à Ja Ligule le genre Schistocéphale de Créplin. Ce 
genre a été créé aux dépens des Ligules de la même manière 
qu'ont été créées les trop nombreuses espêces de ces animaux. Si 
on suivait la voie de Créplin, on établirait autant de genres que 
ce que l’on trouverait de Ligules. 

Et Créplin voyait bien lui-même qu'il n’était pas sûr de ce 
genre, puisqu'il débute en le proposant ainsi : € .S2 helminthologrs 
placet. » Et lorsque des auteurs comme Willemoes-Suhm ont cru 
avoir affure à des Schistocéphales, on peut affirmer que c'était 
tout simplement sur des Ligules qu'ils observaient. 


DIBOTHRIUM LIGULA, Donn. 


Synonymie : Toules les espèces décrites par les auleurs sous le 
nom de Ligules (ex. : Zigula uniserialis; L. alternans; L. 1n- 
terrupta; L. sparsa; L. nodosa; L. contortriz; L. cingulum ; 
L. constringens; L. acuminata; L. soricis moschali; L. mergo- 
rum; L. colymbi cristati; L. colymbr immeris; L. cobitidis ; 
L. salvelini, L. salmonis Wartmann; L. carmonis; L. tincæ ; 
L. Gobionis; L. Alburni; L. leucisci; L. simplicissima; L. cris- 
pa; L. monogramma; L. digramma; L. abdoniinals ; L. edulis; 
L. piscium, etc.). Fasciola intestinalis, Linné; Fasezola colymbr 
unmerrs, Nib.; Bothriocephalus sema-liqula, Nitzch; Schistoce- 
phalus, Crépl. | | 

Caractères zoologiques : Corps rubané; aminci aux deux 
extrémités, l’antérieure plus obtuse que la postérieure ; allant, 
en diminuant de largeur, de l'extrémité antérieure à l’extrémilé 
postérieure ; blanchâtre ; long de 15 à 25 centumètres; large de 6 


196 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE 


à 10 millimètres dans le milieu; divisé en anneaux extrêmement 
nombreux et très-étroits, simulant à l'extérieur des stries trans- 
versales ; chaque anneau n'ayant pas plus de 12 à 15 centièmes 
de millimètre de hauteur; les anneaux unis l’un à l’autre par 
toule leur largeur et faisant ainsi paraître le corps comme den- 
telé sur les bords; traversé dans toute sa longueur et sur les 
deux faces par des dépressions ou sillons longitudinaux, le plus 
constant de ces sillons est celui que l’on remarque au milieu et à 
la face ventrale ou inférieure; l'extrémité antérieure portant sur 
chacune de ses faces une fossette allongée en forme de bothridie. 

Wrorations. — Se développe dans l'eau: læuf donnant nats- 
sance à ui embryon imfusoriforme: passe dans les poissons (sur- 
lout les evprinoïdes) e! s'établit dans leur cavité péritonéale: 
accomplit son cycle évolutif dans l'intestin des oiseaux aquatiques 
où les œufs se forment rapidement. | 

Habitat. — Se trouve à peu près partout en Europe et peut 
être transporté d’une localité dans une autre par les oiseaux 
voyageurs. 


CONCLUSIONS. 


Sous ce titre Je me contenterai d’énumérer les faits les plus 
saillants qui ressortent des études précédentes et je me bornerai 
aux SUIVaNls : 

Toutes les Ligules décrites jusqu’à aujourd’hui ne doivent être 
considérées que comme une seule espèce, appartenant par ses 
caractères généraux au genre DIBOTHRIUM et par ses caractères 
particuliers à l'espèce LIGULE. | 

L'œuf ovale et operculé se développe dans l’eau et donne nais- 
sance à un embryon pourvu de six crochets. Le développement 
est très-rapide dans l’eau chaude, il est extrêmement lent dans 
l’eau froide. L’eau courante augmente les chances de destruc- 
tion. 

L'embryon, exactement semblable à celui du Bothriocéphale, 
vit dans l’eau comme un infusoire et se mêle aux animaux dont 
les cyprinoïdes font leur nourriture habituelle. D EE 

L’embryon ou scolex infusoriforme passe dans ie tube digestif 


DE LA LIGULE. 197 


des poissons, le perfore et va s’établir dans la cavité péritonéale. 
Il s’y développe et devient le strobile. 

Le strobile ne constitue que des masses uniformes augmentant 
son corps; les organes reproducteurs y restent rudimentaires. 
IL vit, dans la cavité abdominale des poissons, d'une sérosité dont 
il détermine la production. Il peut vivre ainsi jusqu’à deux ans; 
à ce moment il traverse les parois abdominales et quitte le poisson. 
Il devient une cause de mort pour son hôte lorsqu'il ne peut l’a- 
bandonner. 

Soit, mais très-rarement, à l’état de liberté, soit presque tou- 
jours avec le poisson qui le renferme, le strobile passe dans l’in- 
testin des oiseaux aquatiques où 1l devient proglottis. 

_ Dans ce nouvel habitat les organes reproducteursse développent 
et l’œuf se constitue très-rapidement ; au bout de trente ou qua- 
rante heures on en trouve déjà de formés ; après deux jours pres- 
que tous sont conslitués. 

Toutes les Ligules ne sont pas aptes à un pareil développement; 
il faut que le strobile soit déjà bien développé et qu'il ait acquis 
une certaine dimension. 

Les cucurbitains ne se détachent pas à maturité. Le corps ne 
perd pas son homogénéité apparente, mais : 2° 1l peut être digéré 
en tout ou en partie et les œufs, ainsi devenus libres, sont mêlés 
aux fêces avec lesquelles 1ls sont expulsés; 2°les matrices se vident 
dans l'intestin même; 3° le proglottis est expulsé vivant et plein 
d'œufs avec les fêces. Il tombe dans l’eau où les matrices se 
vident. 

Dans tous les cas l'œuf est rejeté dans l’eau où 1l se développe 
ainsi qu’il vient d’être dit. | 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, —- T, XI1 (4877), 32 


MEMOIRE 


SUR 


LES SARCOPTIDES PLUMICOLES ‘ 


Par MM. Ch. ROBIN et MÉGNIN 


PLANCHES XXVI, XXVII, XXVIII ET XXIX. 


Genre ANALGES, Nitsch. (2). 


Acariens sarcoptides d’un gris roussâtre, atteignant une lon- 
gueur d'un demi-millimètre environ, de forme générale, très- 
différente d’un sexe à l’autre, long poil du tarse des pattes rigide ; 
une petite dépression sur les flancs entre la deuxième et la troi- 
sième patte et en avant de cette patte un long poil latéral avec un 
autre bien plus petit. Rostre court conoïde ou cordiforme, ré- 
tréci à la base; mandibules conoïdes un peu recouvertes à leur 
base par un étroit prolongement incolore du camérostome, qui 
dépasse un épistome granuleux dépourvu de poils. 

Mâles d’une forme très-différente de celle des autres états et 
de celle des femelles; les pattes de la deuxième et de la troisième 


(1) Suite. Voyez les numéros de mai-juin et de juillet-août 4877 de ce recueil. 

(2) &vzkyns, qui ne cause aucune douleur (Nitsch, dans Ersch et Gruber, Ency- 
clopaedie, 1818). Synonymie : Dermaleichus (Koch, Deutschlands Crustaceen, Myria- 
poden und Arachniden. Regensburg, 1840, in-18, Hefi 33) qui, d’après l’étymologie 
dépuz, peau et Xciyw, lingo, je lèche, doit s’écrire Dermalichus ou plus grammatica- 
lement Dermolichus. Sous cette désignation générique, Koch a décrit des espèces 
très-diverses génériquement, qu’il a, il est vrai, séparées en plusieurs sections. Il 
place son genre Dermaleichus à la suite du genre Sarcopte, qui sépare celui-là du 
genre Acarus contenant les Tyroglyphes et les Glyciphages actuels. Voyez du reste 
sur ce point, p. 246 et 392 ci-dessus, où l’on écrira Analges au lieu de Derma- 
lichus ou Dermolichus. Claparède (Studien an Acariden. Dans Zeitschr. für wiss. 
Zool. Leipzig, février 1869, p. 531) a fait remarquer, en effet, que le nom géné- 
rique d’Analges à la priorité sur celui de Dermaleichus. Giegel (1871) a suivi cette 
indication, et avec d’autant plus de raison que le nom d’Analges a été donné par 
Nitsch spécialement à des Sarcoptides parasites des oiseaux, alors que dans ses 
Dermaleichus Koch fait entrer des Acariens parasites des mammifères et qui sont 
génériquement très-différents des autres, Le nom de Dermolichus se trouve ainsi 
éliminé ou du moins reste sans désigner aucune espèce. 


MÉMOIRE SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 199 


paire continuant la direction de la ligne des flancs et insérées 
chacune à l’une de ses extrémités; abdomen bien plus étroit que 
le céphalothorax, entier ou divisé plus ou moins profondément 
en arrière en deux lubes, portant chacun cinq poils; pattes de 
la troisième paire énormes, à crochet ou à ventouse ou caron- 
cule portée par un assez long pédicule, avec ou sans un piquant 
plus ou moins long au bord libre du tarse. Organe génital petit, 
conoïde, à peine plus long que large, circonserit ou non en avant 
par un épimérite en forme de fer à cheval. 

Femelles fécondées elliptiques, à extrémité de l'abdomen ar- 
rondie portant deux paires de longs poils. Vulve au niveau des 
épimères des deux dernières paires, circonserite par un épimé- 
rite en forme de fer à cheval. 

Femelles accouplées plus petites que les précédentes, sans or- 
oanes sexuels. Pas de plaque dorsale granuleuse thoraco-abdo- 
minale. 

Nymples oclopodes, semblables aux femelles accouplées, mais 
de grandeur variable et à ventre plus court. 

Larves hexapodes à abdomen notablement plus étroit que le. 
céphalothorax et court avec deux poils seulement à son extré- 
milé (1). 


1° Analges dont le mâle a l'abdomen entier, à troisième paire de 
pattes énormes terminées par un ongle robuste (2). 


Î. ANaLGes passerINus, Ch. Robin et Mégnin, ex Linné et Koch 
(pl. XXVI, fig. 1 à 4). 


Analges d'un gris roussâtre, foncé chez le mâle, plus pâle chez la 
femelle, coloration tenant à l'étendue et au nombre des plastrons plus 
grands chez le premier qui en est presque recouvert. Plastron céphalo- 


(1) Les espèces de ce genre sont essentiellement caractérisées par le volume 
considérable des pattes de la troisième paire du mâle, par la présence de deux poils 
fins en avant des paltes de cette paire à tous les âges au lieu d’avoir un court et 
fort piquant et un poil, puis par la forme elliptique massive du corps à extrémité 
postérieure arrondie, mousse sur les femelles, les nymphes et les larves, Mais on 
reconnaît facilement que les espèces qu’il renferme se divisent en plusieurs groupes. 

(2) Les espèces de cette section sont à dos bombé et à flancs arrondis, sans pointe 
au tibial ni au tarse; à mandibules épaisses, assez renflées à la base ; mâle ayant 


500 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


thoracique commun aux deux sexes, triangulaire et fournissant l’épi- 
stome qui en constitue le sommet arrondi, renforcé au milieu par deux 
nervures symétriques s’élargissant et divergeant postérieurement où elles 
portent chacune une forte soie accompagnée en dedans d’un poil plus 
long chez le mâle. Pattes antérieures semblables dans les deux sexes, à 
deuxième article portant une protubérance basilaire inférieure, allongée 
en arrière en forine d’olécrâne à extrémité arrondie ; quatrième article 
à bord antérieur prolongé inférieurement en aiguillon à large base ; 
tarse à extrémité dilatée inférieurement en goulot pouvant loger l’am- 
bulacre ; tous les articles des pattes antérieures portent des poils tenta 
culaires disposés comme chez tous les sarcoptidés plumicoles, plus longs 
chez le mâle que chez la femelle. 
Müle (fig. 1 et2), long de 0"",45 (sans les pattes), large de 0"",29 ; de. 
forme générale trapézoidale à grande largeur postérieure. Pattes de la 
troisième paire énormes, fusiformes, grandes et larges, à leur milieu 
comme une moitié latérale du corps, à troisième article terminé par un 
ongle robuste implanté sur une base tuberculeuse portant en outre deux 
poils; deuxième, troisième et quatrième articles portant chacun deux 
longues soies sur leur bord externe. Épimères de la troisième paire de 
pattes au nombre de deux : l’externe longeant le côté du corps sur les 
deux tiers de sa longueur, à extrémité élargie sur laquelle s'implante 
une longue soie et relié au deuxième épimère, qui converge vers le mi- 
lieu du corps et qui porte aussi une soie, par une ligne en S qui se pro- 
- longe jusque sur l'extrémité de l’épimère unique de la quatrième paire 
de pattes; ces épimères et la ligne qui unit leurs extrémités circonscri- 
vent un espace où les téguments sont rigides et constituent un véritable 
plastron inférieur et latéral symétrique à celui du côté opposé; en son 
milieu et près de la hanche est aussi implantée une soie. Épimères de 
la première paire de pattes soudés en une pièce sternale unique comme 
chez les sarcoptes et les tyroglyphes. Organe mâle situé entre les épi- 
mères de la quatrième paire de pattes, constitué par un pénis court, 
conique et mousse, protégé en avant par un sternite en demi-lune à 
concavité postérieure. Ventouses copulatrices rapprochées de la commis- 
sure antérieure de l'anus dont la commissure postérieure est marginale 
et accompagnée de chaque côté par deux paires de longues soies, l’in- 
terne plus courte, et d’une paire de poils en dehors de ces soies. Plastron 
notogastrique, recouvrant presque totalement la moitié postérieure du 
corps, en forme de Jarge fer de lance fortement échancré à sa base qui 
est antérieure, à pointe légèrement bifurquée en queue d’hirondelle dé- 
passant légèrement l'extrémité postérieure du corps; chaque angle an- 


le corps de forme générale arrondie, plus large vers le milieu qu’en avant et en ar- 
rière, à flancs convexes ; membres avec ou sans pointe au bord inférieur du tibial; 
femelle dépourvue de plaque thoraco-abdominale et dont l’épimérite vulvaire a ses 
extrémités libres. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 501 


térieur et basilaire de ce plastron porte une paire de longues et fortes 
soies dont les papilles basilaires sont contiguës; plus en avant et près des 
hanches de la deuxième paire de pattes émerge encore une paire de 
fortes soies, ce qui, avec celles qui appartiennent au plastron céphalo- 
thoracique, porte à quatre paires le nombre de ces appendices de la face 
supérieure du tronc. 

Femelle fécondée ou ovigére (fig. 3 et 4), longue de 0"®,45 (sans les pat- 
tes), large de 0,20, à corps cylindrique, aplati de dessus en dessous à 
extrémité postérieure, entière et arrondie, portant deux paires de soies 
disposées de chaque côté de la commissüre postérieure de l'anus qui est 
marginale. Pattes postérieures plus grêles que les antérieures, la qua- 
trième paire légèrement plus longue que la troisième. Épimères des 
quatre pattes antérieures écartés et libres ainsi que ceux des pattes pos- 
térieures qui sont très-courts. Vulve en forme d’ouverture angulaire à 
sommet antérieur s’ouvrant à la hauteur des épimères de la troisième 
paire de pattes; elle est protégée en avant par un sternite en demi-lune, 
à concavité postérieure, portant un poil à chaque extrémité. Plastron 
céphalo-thoracique semblable à celui du mâle portant aussi une paire 
de soies, mais plus courtes. Le reste de la face dorsale du corps est 
protégé par un tégument transparent, souple, strié en travers et por- 
tant le long des côtés du corps, et également espacées, trois paires de 
soies. 

Jeune femelle nubile ou accouplée. Longue de 0"",35, large de 0"",18, 
semblable à la femelle ovigère dont elle nese distingue que par l'absence 
de vulve de ponte sous-thoracique ; l'anus, qui est en même temps l’or- 
gane copulateur, est plus grand que chez la précédente. 

Nymphe. Longue de 0"",30, large de 0"",15, semblable à la précé- 
dente; n’en diffère que par l'anus qui est plus petit. 

Larve. Longue de 0"*,25 à 0"%,30, large de 0"",10 à 0"",15, diffère 
de la nymphe en ce qu’elle n’a qu'une paire de pattes postérieures et 
qu’une paire de poils à l'extrémité de l’abdomen. 

OŒuf. Long de 0", 29, large de 0®",10, de forme ovale nes 
déprimé sur une face qui est l’inférieure, à enveloppe lisse et trans- 
parente. 

Habitat. Le Analges passerinus se rencontre sur le moineau, le pin- 
son, le serin et sur d’autres petits oiseaux; il vit dans leurs plumes et 
particulièrement dans les plumes du cou et les tectrices des ailes. 

REMARQUES SUR LES DESCRIPTIONS DE L'Ana. passerinus. — La miîte des moi- 
neaux de De Geer, à laquelle il donne pour synonyme Acarus avium 
(Acta acad. scienc. suec., 1740, p. 351, tab. I, fig. 2 et De Geer, Mém. 
pour l’hist. des insectes, 1778, t. VII, p. 109, pl. VE fig. 12) est bien le 
mâle de l’une des espèces du genre Analges et certainement de celui-ci. 

Dans sa synonymie, Koch (1) attribue avec Linné le nom d’Acarus passe- 


(1) M. Nicolet a déjà fait remarquer, à propos des Oribates, que l’imperfection 


502 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


rinus à De Geer, et ni l’un ni l’autre ne parlent du nom d'Acarus avium 
que De Geer (Mém., t. VII, p. 109) lui-même donne comme synonyme de 
sa mite des moineaux en renvoyant aux Acta acad. suec., 1740, p. 351, 
tab. I, fig. 2. Or, c’est aussi à cette même page des Acta acud. suec. que 
renvoient Linné et Koch. Nous n'avons pas pu consulter ce dernier ou- 
vrage et voir s’il y a eu erreur de la part de ces auteurs ou de la part des 
éditeurs de De Geer. 

Koch donne aussi comme synonyme de son Dermaleichus passerinus, 
décrit ici, l’Acarus avicularum de De Geer et le considère comme repré- 
sentant une femelle de celui-ci. 

Mais les acariens décrits et figurés par De Geer (Mém. pour servir à 
l'hist des insectes. Stockholm, 1778, in-4°,t. VII, p. 106; pl. VI, fig. 9 
et 10) sous les noms de mite des petits oiseaux (Acarus avicularum De Geer) 
sont une femelle ou une nymphe et une larve de quelque espèce des 
genres Pterodectes ou Proctophyllodes et non de l'Acarus avium de De 
Geer (1). 

Le pou de coq de Bruyére de Lyonnet (Mémoires du Museum, Paris, 
1818, in-4°,t. XVIII, p. 281, pl. XIV, fig. 16), que M. Gervais rapproche 
avec raison de l’Acarus avicularum de De Geer, est aussi une nymphe ou 
une femelle d’un Sarcoptide plumicole, mais sans qu'il soit possible de 
dire d’après la figure et la description à quelle espèce et même à quel 
genre cet individu appartient. 

C’est donc le mâle de notre Analges passerinus qui a donné lieu à la créa- 
tion de l’Acarus passerinus de De Geer (Act. ac. suec., 1740, p. 851, t.1, 
fig. 2) et à l'Acarus chelopus d'Hermann (Mém. apterol. Strasbourg, in- 
fol., an XII, p. 82, pl. IV, fig. 7); les pattes énormes de la troisième 
paire avaient frappé ces auteurs et Hermann, qui les avait prises pour 
des pinces, croyait aussi que la quatrième paire n'existait pas; la descrip- 
tion et la figure très-reconnaissable qu'il en donne ont été prises sur 
deux sujets recueillis par son père sur un gorge-bleue (Motacilla suecica, 
L.); i’usage de ces membres, que l’acarien microscopique trainait 
inertes derrière lui, était complétement inconnu à cet observateur ainsi 
qu’à beaucoup d’auteurs qui l’ont vu après lui; en effet, ils ne servent 
que pendant la copulation, soit pour retenir la femelle quand les ven- 
touses copulatrices n’agissent pas encore, soit pour soulever son train 
postérieur quand il est uni à la jeune femelle. 


des figures données par Koch et la briéveté de ses descriptions, ne portant que sur 
un aspect général tiès-restreint, ne permettent pas toujours de reconnaître quelle est 
réellement l'espèce qu’il a vue, lorsqu'on les compare à l’animal qu’on a sous les yeux. 

(1) De Geer fait remarquer avec raison que ces animaux naissent avec six pattes 
comme la mule domestique (Tyrogluphus siro) et que ces jeunes portent deux poils 
seulement à l'arrière du corps, au lieu de quatre comme les adultes. Il a décrit les 
venlouses du tarse de tous ces acariens, sous le nom de vessie des pattes et comme 
servant à la locomotion. L’acarien qu’il nomme mite des poules (Acarus gallinæ De 
Geer, Pulex gallinæ Redi) est un Dermanysse. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 503 


2. ANALGES CORVINUS, Mégnin. 


Cette espèce est très-voisine de la précédente ; aussi, pour la distinguer, 
n’aurons-nous qu’à en donner les caractères différentiels, Les membres 
antérieurs et la troisième paire de pattes chez le mâle présentent les 
différences Les plus sensibles : chez les premiers le deuxième article est 
privé du prolongement olécrânien si remarquable chez la première es- 
pèce, cet article est simplement arrondi au même endroit; leurs épi- 
mères ont aussi l'extrémité légèrement bifurquée. 

Mâle. Long de 0"",40, large de 0"",22 ; par conséquent, il est plus petit 
et surtout plus étroit que celui de l'espèce précédente, sa pièce sternale 
est plus courte et bifurquée. Les épimères des pattes postérieures s’ap- 
prochent moins de la ligne médiane et par suite les plastrons latéraux 
qu'ils circonscrivent sont plus petits et un peu différents de forme. Les 
pattes de la troisième paire, toujours extraordinairement volumineuses, 
sont cependant d’un bon tiers moins épaisses que chez le précédent ; le 
tarse ongulé manque aussi de tubercule interne terminal et est simple- 
ment cylindrique. Extrémité abdominale moins triangulaire ; par suite 
le plastron noto-gastrique qui la recouvre a l'extrémité arrondie, de plus 
elle est privée du petit prolongement en queue d’hirondelle que pré- 
sente le mâle de l'espèce précédente; l'extrémité abdominale ne présente 
qu’une paire de longues soies accompagnée en dedans et en dehors de 
deux paires de poils. 

Femelle ovigére ou fécondée. De mêmes dimensions etde mêmesformes 
que celle de l'espèce précédente; le seul caractère qui permette de la 
distinguer de celle-ci est fourni par le deuxième article des pattes anté- 
rieures : comme chez le mâle, cet article ne présente pas de prolonge- 
ment olécrânien. L'ouverture vulvaire est aussi plus large transversale- 
ment ainsi que son sternite. 

Jeune femelle pubére ou accouplée. Même analogie que chez la précé- 
dente; la seule différence est présentée par le deuxième article des pattes 
antérieures qui n’a pasde prolongement olécränien et qui est simplement 
arrondi. 

Nymphe octopode et larve hexapode. Même observation que pour la 
précédente. 

OEuf de même forme etde même dimension, paraît cependant un peu 
plus large. 

Habitat. L’un de nous a rencontré cette espèce dans les plumes d’une 
corneille (1) en compagnie de nombreux individus des deux sexes et de 
tous les âges de l’Analges ginglymurus (Mégnin) que nous décrivons plus 
loin. 


(1) D'où le nom de corvinus. 


504 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


20 Analges dont le mâle a l’extrémité abdominale profondément divisée 
en deux lobes qui présentent transversalement une articulation 
à charnière. 


Ce deuxième groupe comprend des Analges qui se distinguent essen- 
tiellement de ceux du premier groupe, non-seulement par la présence 
des lobes abdominaux chez les mâles, particularité qui se rencontre 
aussi dans les deux groupes qui suivent, mais surtout par la longueur 
excessive des pattes de la troisième paire, longueur qui frappe encore 
plus que sa grosseur qui est toujours supérieure à celle des trois autres 
paires; les pattes de cette troisième paire ne sont plus fusiformes, mais 
coniques, et ne sont plus terminées par un ongle robuste, mais par un 
ambulacre à ventouse comme les pattes des trois autres paires. 


3. DERMALICHUS CuBiTaLIs, Mégnin (pl. XXVII). 


Analges de couleur gris-roussâtre plus foncée chez les mâles que 
chez les femelles. Les caractères communs aux deux sexes sont, comme 
chez les précédents, fournis par le rostre qui est petit et conique, par 
les pattes antérieures et par le plastron céphalo-thoracique. Pattes anté- 
rieures fortes ; deuxième article à base renflée en dessous de manière à 
former un coude saillant et arrondi plusanguleux à la première paire (1) ; 
quatrième article présentant en bas et en avant un aiguillon arqué et 
mobile ; tarse irrégulièrement conique et légèrement incurvé enS, ne 
présentant pas inférieurement la dilatation en goulot qui est un des ca- 
ractères du premier sous-genre. Plastron céphalo-thoracique couvrant le 
céphalothorax renforcé au milieu par deux larges nervures unies en 
avant pour former l’épistome qui est sans poils, divergeant légèrement 
en arrière et donnant implantation à leur extrémité postérieure à deux 
longues et fortes soies. 

Müle (fig. À et 2) long de 0"",45 [sans les pattes), large de 0,99 (à 
l'insertion des hanches de la troisième paire). Pattes de la troisième paire 
aussi longues que le corps, plus larges à la base, c'est-à-dire àla hanche, 
régulièrement coniques, à articles diminuant progressivement d’épais- 
seur en même temps qu’ils augmententde longueur, à tarse légèrement 
coudé en S, en bas, et terminé par un ambulacre à ventouse ; chaque 
article porte une soie et même deux comme le quatrième, et le tarse 
présente en bas, près de son extrémité, trois aiguillons couchés le long 
de la tige. Épimères de la troisième paire de pattes au nombre de deux, 
un extérieur renforçant les côtés du corps et un interne, inférieur et di- 
rigé obliquement vers la ligne médiane, tous deux donnant à leur ex- 
trémité insertion à une longue soie et le premier envoyant en dedans et 
en arrière une ligne chitineuse qui s’interrompt avant d’avoir rejoint le 


(1) D’où le nom de cubitalis, qui se rapporte au coude. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 505 


sommet de l’épimère opposé. Épimère de la quatrième paire de pattes 
se conjuguant avec le deuxième de la troisième paire. Épimères de la 
première paire s’unissant sur la ligne médiane de manière à former une 
pièce sternale unique. Pénis conique, tronqué, situé entre les épimères 

de la quatrième paire de pattes sans sternite en demi-lune. Extrémité 
abdominale divisée en deux lobes triangulaires par un profond sillon au 
fond duquel se trouve l’anus et de chaque côté les ventouses copula- 
trices ; extrémité de chaque lobe portant deux soies ; la latérale la plus 
longue et trois poils. Plastron noto-gastrique recouvrant la partie posté- 
rieure du corps, arrondi en avant, bifurqué en arrière où il recouvre les 
lobes articulés à charnière transversale aux deux tiers postérieurs de 
ceux-ci; sur ses côtés sont insérées deux paires de soies très-écartées, 
l’une en avant, l’autre au milieu du plastron. 

Femelle ovigére ou fécondée (fig. 3 et 4), longue de 0"",40 (sans les pattes), 
large de 0%",20, à corps ovale dont l'extrémité antérieure est semblable 
à celle du mâle ainsi que les pattes qu’elle porte et dont l'extrémité pos- 
térieure est entière et arrondie portant deux paires de soies dont l’interne 
est la plus courte. Pattes postérieures d’un tiers plus minces que les an- 
térieures et de même longueur à peu près. Épimères des pattes anté- 
rieures tous libres et indépendants ainsi que ceux des pattes postérieures 
qui sont très-courts. Vulve de ponte située entre l'extrémité des épimères 
de la deuxième paire de pattes, en forme de fente angulaire, protégée 
en avant par un petit sternite en demi-cercle. Absence de plastron noto- 
gastrique qui est remplacé par un tégument transparent, régulièrement 
strié en travers portant trois paires de poils dont la première est voisine 
de la hanche de la deuxième paire de pattes et la deuxième à la hauteur 
de la hanche de la quatrième paire. 

Jeune femelle pubère ou accouplée, longue de 0,30, large de 0"",18, 
semblable en tout à la précédente dont elle ne diffère que par l'absence 
de vulve sous-thoracique et par une fente anale plus grande. 

Nymphe octopode, longue de 0"",25, large de 0"",15, semblable à la 
jeune femelle pubère, n’en diffère que par sa taille plus petite et par 
une fente anale bien moins grande. 

Larve hexapode, longue de 0"",18 à 0"",25, large de 0"",10 à 0" 15, 
ne diffère de la nymphe qu’en ce qu’elle n’a qu’une paire de pattes pos- 
térieures et qu'une paire de soies anales. 

OŒuf. Ovale allongé, aplati sur une face, 0"",18 de long sur 0"",10 
de large, à enveloppe lisse transparente. 

Habitat. Se rencontre dans les plumes des régions antérieures du corps 
de toutes les variétés ou races de la poule domestique européenne. 


4. ANALGES GINGLYMURUS, Mégnin (1). 
Cette quatrième espèce d’Analges n’est peut-être qu’une variété de la 


(1) Ginglymurus qui a la queue, ou mieux les lobes postérieurs articulés en char- 
nière avec le reste du corps. 


596 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


précédente. Taille un peu plus massive chez les mâles et plus faible 
chez les femelles, avec un peu plus de rondeur dans le coude du 
deuxième article des pattes antérieures. De plus, le mâle est long de 
0,45, large de 0"",24 (sans les pattes). Épimères de la première 
paire de pattes, au lieu de se souder sur la ligne médiane en une pièce 
sternale unique, comme chez le précédent, restant libres, simplement 
adossés ou plus ou moins éloignés. Soies du corps et des membres plus 
grandes et plus fortes que chez le précédent, et celles des lobes abdomi- 
naux égales, Organe mâle comme dans l'espèce précédente. 

Femelle ovigére ou fécondée longue de 0"",35, large de 0"",18, ne se 
distingue de la pareille de l’espèce précédente que par une saillie moins 
anguleuse du coude du deuxième article des pattes antérieures, par de 
plus longues soies, par des épimérites très-visibles qui bordent les bords 
angulaires de la vulve sous-thoracique et qui sont accompagnés en ar- 
rière d'une paire de poils. 

Jeune femelle pubére ou accouplée longue de 0"",30, large de 0"",15, 
semblable à la précédente moins la vulve sous-thoracique. 

Nymphe longue de 0"",25, large de 0"",12. Mèmes observations que 
pour l'âge correspondant dans l'espèce précédente ainsi que pour la 
Larve hexapode et pour l’œuf qui, cependant, est plus grand, car il 
mesure 0"*,22 de long sur 0"",10 de large. 

Habitat. Vit dans les plumes de la corneille (1), des différentes espèces 
de faisans et de leurs variétés, du paon, de la perdrix rouge, du colin de 
Californie et autres gallinacés exotiques, et aussi chez les palmipèdes 
domestiques. 


D. ANALGES ASTERNALIS, Mégnin. 


Cette espèce est encore très-voisine de l'Analges cubitalis qui con- 
stitue le type de notre deuxième section, mais elle s’en éloigne un peu 
plus que la précédente et est plus facile à distinguer; elle est plus petite, 
et un caractère différentiel commun à tous les individus, c'est d’avoir 
l’aiguillon inférieur du quatrième article des pattes antérieures très-co- 
nique, droit et fixe, et le coude du deuxième article plus arrondi. Les 
caractères différentiels les plus saillants sont présentés par le mâle 
(pl. XXVIE, fig. 1 et 2). 

Mäle. Long de 0"",32 {toujours sans les pattes), large de 0”",18, Les 
membres et les soies qu’ils portent, aussi bien que celles du corps, sont 
plus grêles que dans les deux précédentes espèces. Épimères de la pre- 
mière paire de pattes largement écartés (2). Lobes abdominaux non 


(1) L’imperfection anatomique des figures de Buckholz reproduites par Murray 
(voy. p. 511) nous empêche de reconnaître si cette espèce est celle que le premier 
nomme Derm, bifitus et qu’il a observée sur le freux (Corvus frugilegus, L.). 

(2) D’où le nom d’aslernalis, sans sternum. Nous avons déjà vu, en effet, que sur 
beaucoup d’Acariens, Sarcoptides et autres, dans l’âge adulte au moins, la portion non 
annulaire ou tige des épimères de la première paire est souvent soudée à sa congé- 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 507 


articulés et bordés intérieurement d’une membrane échancrée; leurs 
deux soies sont égales. Organe mâle comme dans l'espèce précédente. 

Femelle ovigére ou fécondée, longue de 0"",32 et large de 0"",18; ne 
se distingue des femelles du même âge des deux espèces précédentes que 
par l’aiguillon inférieur du quatrième article, droit et robuste, et l’épi- 
mère inférieur de la troisième paire de pattes qui se prolonge et se 
coude en convergeant-vers la ligne médiane de manière à former une 
paire d’épimérites garnissant les deux côtés de la lévre postérieure de la 
vulve de ponte; ils sont accompagnés en arrière de quatre poils rangés 
sur une seule ligne transversale. (Au même endroit, les femelles des 
espèces précédentes ne présentent qu'une paire de poils.) 

Jeune femelle pubére ou accouplée, longue de 0"",98, large de 0"",18 ; 

ne diffère de la précédente que par l'absence de vulve sous-thoracique 
et la présence d’une seule paire de poils près de la place que cette vulve 
occupera. 
. Nymphes octopodes et larves hexapodes. Ne se distinguant en rien des 
mêmes âges des espèces précédentes, sinon qu'elles sont un peu plus 
petites et que l’aiguillon du deuxième article des pattes antérieures est 
plus droit et plus large. 

OŒuf. Long de 0"",18, large de 0"",08, ovale allongé, aplati sur un 
côté, à enveloppe lisse et transparente. 

Habitat. Se trouve dans les plumes des diverses espèces ou variétés de 
pigeons sauvages ou domestiques et de quelques petits passereaux comme 
le serin des Canaries. 


3° Analges à lobes abdominaux des mâles entiers, dont les bords 
externes sont plus ou moins profondément sinueux. 


6. ANaLGEs osciNuM, Ch. Robin et Mégnin, ex Koch (1). 


Sarcoptides d’un gris roussâtre, de forme générale très-différente d’un 
état à l’autre, d'une longueur ne dépassant guère 4 dixièmes de milli- 


nère, sur la ligne médiane, en une pièce unique, ayant soit l’aspect d’un sternum, soit 
la forme d’un plastron, plus ou moius lougs et plus ou moins larges (voy. Ch. Robin, 
loc. cil., Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Moscou. 1860, in-8, p. 60-61, et dans ce 
recueil, année 1867, p. 593-594). Autrement les tiges des épimères aroit et gauche 
sont libres et plus ou moins écartées comme pour les épimères de la deuxième paire 
(voy. pl. XXII et suiv.). Sur les Carpoglyphus l'extrémité interne des tiges de ces 
deuxièmes épimères est soudée à l'extrémité inférieure de la pièce sterniforme ci- 
dessus (voyez Ch. Robin, dans ce recueil, année 4869, p. 197, pl. VII et VID). 

(1) Dermaleichus oscinum Koch (loc. cit., Heft 33, pl. XIV et XV). Nous 
avons fait plus haut des remarques touchant le degré de certitude sur l'identité de 
l'espèce observée avec celle que décrit Koch, qu’on peut obtenir de la comparaison 
des individus vivants aux dessins et à la description de cet auteur; ces remarques 
sont applicables ici en tout point. Néanmoins nous donnons le nom créé par Koch à 
l'espèce décrite ci-dessous, en raison de quelque analogie existant entre les mâles 


508 CH. ROBIN ET PF. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


mètre, avec une très-petite dépression sur les flancs en afant du 
troisième épimère, dont la branche supérieure latérale porte un poil fin 
sensiblement moins long que le corps n’est large et un autre au-dessus 
bien plus court. 

Rostre jaunâtre, court, nettement cordiforme, un peu étranglé à sa 
base, mousse au sommet, presque aussi large que long (5 centièmes de 
millimètre de long sur 4 de large). Mandibules conoïdes peu épaisses, 
peu renflées à la base, à onglets grêles à peine doublés. 

Pattes à peu près aussi longues que le corps est large, les postérieures 
grèles, les articles de celles des paires antérieures rendues un peu an- 
guleuses par des tubercules chitineux ocracés, dont l’un se prolonge en 
une petite pointe cornée en dedans du bord externe du tibial et du tarse. 
Tarses portant des ventouses cupuliformes petites, incolores, à pédicule 
grêle, munies à leur centre d’une petite griffe cornée à deux pointes. 

Épiméres et pièces solides du rostre et des pattes de couleur ocreuse. 
Épimères de la première paire, envoyant par leur extrémité externe un 
prolongement à la base du palpe maxillaire. Épimères de la deuxième 
paire envoyant par leur extrémité externe, d’une part un prolongement 
à la base de la première patte, et de l’autre, sur les flancs, une plaque 
granuleuse jaunâtre, quadrilatère, empiétant surtout sur le dos et des- 
cendant jusqu’à la dépression latérale. 

Épimère de la quatrième paire articulé avec la branche inférieure du 
troisième, dont la branche supérieure latérale, recourbée en dedans, 
porte un poil fin moins long que le corps n’est large et un deuxième 
plus court. Les autres dispositions différentes d’un état à l’autre. 

Téqçument transparent, assez rigide, à plis fins, rapprochés, formant 
sur l’épistome une plaque granuleuse, avec un double pli en forme de V, 
et étendue presque jusqu’au niveau de la dépression latérale, où elle se 
termine carrément avec un long poil et un autre très-court de chaque 
côté au niveau des pattes de la deuxième paire; une bande de plis trans- 
verses étroite chez le mâle, large sur la femelle, vient ensuite, et au 
delà est une plaque quadrilatère, granuleuse jaunâtre, à bords nets, 
rétrécie en arrière chez le mâle et élargie sur la femelle. 

Anus en forme de fente longitudinale à la partie inférieure, près du 
bout de l'abdomen qu'il atteint presque, avec une paire de poils courts, 
assez gros, de chaque côté de la commissure antérieure, et une autre 
paire plus bas et plus en dehors. 


et la figure qu’en à publiée ce zoologiste, pour ce qui concerne le céphalothorax et la 
troisième paire de pattes. De plus il a trouvé aussi cette espèce sur le verdier ainsi 
que sur les alouettes et la Motacilla alba. Il dit que les femelles sont blanches pen- 
dant que le mâle est rougeâtre, fait qui est vrai surtout pour les femelles accou- 
plées, les nymphes et les larves, Il ne décrit du reste, sur aucune espèce, ni les 
organes sexuels, ni leurs divers états non plus que les œufs. Son nom vient de oscen, 
oscinis : oScène, tout oiseau dont le chant sert de présage; oscinum, des oiseaux 
dont le chant sert de présage. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 509 


Mâle très-différent des autres états de l'espèce, plus large en arrière 
qu’en avant, trapu, plat sur le dos et sur le ventre, long de Onn,38 à 
Onm,44, large de Onm,24 à Omm,28, de formes lourdes. 
= Pattes des deux premières paires presque égales entre elles, angu- 
leuses; pas de tubercule à la partie externe de la hanche. Pattes de la 
troisième paire énormes, faisant corps et en continuité avec la partie 
inférieure latérale du céphalothorax qu'elles semblent continuer, dé- 
passant le bout des lobes abdominaux de toute la longueur du tarse, 
portant en dehors du bord inférieur du tibial un prolongement chiti- 
neux, ocracé, ensiforme, trauchant, et une pointe au bord libre du tarse, 

Épiméres de la première paire réunis en V sur la ligne médiane par 
leur extrémité interne ; épimères de la deuxième paire, envoyant par 
leur extrémité inférieure un prolongement recourbé enS, dirigé en 
dehors, qui se continue avec la branche supérieure des épimères de la 
troisième paire, dont la branche inférieure s'articule avec ceux de la 
quatrième paire. Pattes de la quatrième paire insérées en dedans et au 
niveau des précédentes, tres-grêles, n’atteignant pas le bout de l’ab- 
domen, avec une forte pointe chitineuse, mousse en dedans du bord in- 
férieur du tarse. 

Abdomen étroit, mince, foliacé, à côtés presque droits, bordé d’une 
bande chitineuse à peine marquée; divisé en arrière en deux lobes al- 
longés, irrégulièrement quadrilatères, terminés en pointe transparente, 
portant sur cette pointe un poil fin presque aussi long que le corps; les 
bords de ces lobes (pl. XXVIHI, fig. 3) portent près de leur base, chacun, 
un poil court porté sur un tubercule ou prolongement court en dedans 
et long sur le bord externe; un prolongement de chaque bord du bout 
de l'abdomen porte un autre poil flexible, et dans la concavité séparant 
ce prolongement de la base des lobes, est inséré un poil aussi long que 
le corps (en tout cinq poils sur chaque lobe). 

Ventouses anales copulatrices jaunâtres, circulaires, placées de chaque 
côté de l'anus, avec un court spicule en avant et en arrière de chacune 
d’elles et un épimérite semi-lunaire de chaque côté les circonscrivant 
en partie. Organe génital placé au niveau de l'insertion des deux der- 
nières paires de pattes, jaunâtre, conoïde, à sommet mousse, à base con- 
cave, avec une paire de courts spicules à sa base, circonscrit par un épi- 
mérite jaunâtre, en forme de fer à cheval, à branches minces rappro- 
chées, à concavité tournée en arrière, avec une paire de poils fins en 
dehors de ces branches. 

Poils situés entre le premier et le deuxième épimères et, entre le 
deuxième et le troisième, longs et flexibles. Une paire de longs poils fins 
sur la face dorsale de l’abdomen, une autre au niveau des pattes de la 
troisième paire et une au-dessous de la plaque granuleuse latérale. 

Le mâle de cette espèce se distingue immédiatement de celui de l’es- 
pèce suivante par la longueur et la forme de l’appendice ensiforme que 
porte le tibial des pattes de la troisième paire. Il s’en distingue aussi par 


510 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


sa taille moindre, la plus grande longueur et la forme des appendices de 
l'abdomen et par le plus de largeur des plaques granuleuses latérales 
dépendant du deuxième épimère. 

Femelle fécondée. Longue de 0,36 à Omm,41, large de 0,29 à 
Où ,95, de forme générale régulièrement ovoide, à dos bombé, à ventre 
plat, mousse aux deux extrémités, l’antérieure surmontée par le rostre. 
Les pattes de la deuxième paire à peu près du volume des premières et 
sans tubercule à la base de la hanche de la première et une très-petite 
pointe incolore à la base de la deuxième; les pattes des deux dernières 
paires non tuberculeuses, plus grêles que les autres; les postérieures 
atteignant à peine le bout de l’abdomen. Épimères des deux premières 
paires à extrémités internes libres, non soudées entre elles. | 

Vulve placée entre les épimères de la troisième paire et s’avançant 
entre ceux de la deuxième, longitudinale, à lèvres formées de deux 
plaques chitineuses, jaunâtres, s’écartant l'une de l'autre presque dès 
le niveau de sa commissure antérieure, avec prolongement du tégument 
finement plissé dans l’angle rentrant qu’elles forment ainsi; deux très- 
petits poils de chaque côté de sa commissure antérieure, qui est sur- 
montée d'un épimérite jaunâtre, en fer à cheval, dont les deux bouts 
vont se souder chacun à l'extrémité postérieure de la lèvre correspon- 
dante de la vulve, en circonscrivant ainsi toute celle-ci; un poil court 
sur cette extrémité de chacune de ces lèvres et un autre semblable un 
peu au-dessous. 

Abdomen à peine plus étroit que le céphalothorax, à extrémité arron- 
die, légèrement tronquée au bout, sans tubercules latéraux ni prolon- 
gement médian, portant de chaque côté deux poils fins, plus longs que 
le corps n’est large. Pas de longs poils sur le ventre ni sur le dos en 
dehors de ceux qui sont au niveau des pattes de la deuxième paire sur 
la plaque granuleuse de l’épistome. 

Un seul œuf plus ou moins développé ou nul. 

La femelle de cette espèce se distingue facilement de la suivante par 
sa forme générale, par une longueur un peu moindre avec une plus 
grande largeur, par la forme ovoïde de l'abdomen, par la grandeur et la 
disposition de l'épimérite en forme de fer à cheval qui entoure la vulve, 
par l'absence de longs poils en dedans de ses lèvres, par l'absence de 
poils dorsaux allongés autres que ceux qui sont au niveau de la deuxième 
paire de pattes, sur la plaque dorsale de l’épistome, et enfin par la net- 
teté des bords et la forme quadrilatère élargie en arrière de la plaque 
granuleuse de la face dorsale de l’abdomen. 

Femelles accouplées de la grandeur des femelles fécondées ou un peu 
plus petites, larges seulement de 2 dixièmes de millimètre, semblables 
en tout à celles-ci moins la vulve et les poils qui l’accompagnent ; deux 
paires de poils fins et courts entre les épimères de la quatrième paire. 
Plaque granuleuse de l’épistome rétrécie et arrondie en arrière, termi- 
née entre les poils situés au niveau de la deuxième paire de pattes qui 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 511 


ne sont pas insérés sur elle; pas de plaque granuleuse sur la face 
dorsale du céphalothorax et de l’abdomen qui sont parcourus par des 
plis fins et onduleux; plaque granuleuse latérale très-petite; épimères 
de la première paire réunis en V sur la ligne médiane par leur extrémité 
interne comme chez le mâle. 

Nymyphes octopodes, de dimensions variant entre celle des plus grosses 
larves et celle des femelles accouplées ; de même forme générale que 
ces dernières mais beaucoup plus trapues, à abdomen plus court et plus 
étroit, à extrémité mousse un peu tronquée, dépassée par une partie ou 
par la totalité de la longueur du tarse des dernières pattes. Semblables 
pour le reste aux femelles accouplées. 

Larves hexapodes d’un blanc grisâtre, longues de 0"",20 à 0"",24, 
larges de 0"",10 à 0"",12, de formes grêles, étroites, allongées ; abdo- 
men notablement plus étroit que le céphalothorax, à bords droits, à ex- 
trémité arrondie, un peu tronquée, portant seulement deux poils fins un 
peu plus longs que le corps n’est large; toutesles pattes grêles incolores, les 
antérieures peu tuberculeuses, les dernières n’atteignant pas ou atteignant 
à peine et sans le dépasser le bout de l'abdomen. Épimères de la pre- 
mière paire et plaque de l’épistome comme sur les nymphes; pas de 
plaque granuleuse latérale ni dorsale. Elles n’ont pas les deux paires de 
poils fins et courts sous l’abdomen enire les derniers épimères que pré- 
sentent les nymphes. 

Œuf ovoïde, long de 0,16 à 0"*,18, large de 0"",07 à O"",08. 

Habite les tectrices du verdier (Ligurinus chloris Koch ex L. ou Frin- 
gilla chloris, Temminck). Démarche lente pendant laquelle les poils 
de la partie postérieure du corps traînent derrière l'animal (1). 


‘+ 


1. ANALGES sociaLis, Ch. Robin (2). 


Sarcoptides d'un gris roussâtre, de forme générale quadrilatère, 
allongée, très-différente d’un état à l’autre, d’une longueur d’un demi- 
millimètre environ, avec une petite dépression sur les flancs en avant du 
troisième épimère, qui porte un poil à peu près aussi long que le corps 
est large et un autre plus fin et plus court, Pas de sillon dorsal. 

Rostre jaunâtre, nettement cordiforme, un peu étranglé à la base, 
mousse au sommet, presque aussi long que large (6 centièmes de mil- 
limètre de long sur 5 de large). 


(1) Ilest nécessaire de signaler que dans les départements de l’est c’est l'oiseau 
précédent qui est vulgairement appelé bruant, tandis que celui-ci (Bruant jaune, 
Emberiza citrinella, L.) y reçoit au contraire le nom de verdier. 

(2) Sucialis, qui vit en société (Ch. Robin, Comptes rendus, 1868, t. LXVI, p. 764). 
C’est probablement le Derm. pici majoris de Bucholz (1870) dont nous n'avons pu 
consulter le travail original et que nous ne connaissons que par les citations de 
Andrew Murray (Aptera, London, sans date, 1877 probablement; in-12, p. 327). 


512 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


Mandibules allongées conoïdes, à base peu renflée, à onglets à peine 
dentelés. 

Pattes à peine aussi longues que le corps est large, relativement grêles, 
à cinq articles courts rendus très-anguleux par des tubercules chitineux 
de couleur jaune d’ocre foncée, dont l’un est prolongé en une forte 
pointe en dedans du bord externe du tibial des pattes des deux premières 
paires. 

Larves portant des ventouses incolores cupuliformes un peu allongées, 
de largeur moyenne, munies à leur centre d'une petite griffe ou crochet 
corné. 

Épiméres et pièces solides du rostre et des pattes, d’une couleur ocreuse 
très-prononcée. Le premier épimère envoyant une branche à la base du 
palpe maxillaire correspondant et le deuxième une branche à la base de 
la première patte d'une partet,de l’autre, sur les flancs, une petite plaque 
granuleuse jaunâtre ne descendant pas jusqu'à la dépression latérale, à 
bord inférieur concave et se terminant en pointe sur le dos chez la fe- 
melle et carrément sur le mâle, avec un long poil immédiatement au- 
dessous de son bord inférieur sur le mâle et sur la femelle. 

Épimère de la quatrième paire articulé avec la branche inférieure du 
troisième dont la branche supérieure latérale porte un poil fin à peine 
aussi long que le corps est large et un autre au-dessus qui est plus 
court. 

Les autres dispositions différentes d’un état à l’autre. 

Tégument transparent, assez rigide, à plis réguliers, fins, rapprochés ; 
formant sur l’épistome une plaque granuleuse étendue jusqu’au niveau 
des secondes pattes, où elle se termine carrément entre deux paires de 
poils de chaque, côté, dont une très-longue; une étroite bande de plis 
transversaux vientensuile et, au delà, une plaque granuleuse quadrilatère 
pâle étendue jusqu’au-dessus de l'abdomen. 

Anus en forme de fente longitudinale à la partie inférieure près du 
bout de l’abdomen, qu’il atteint presque, avec une paire de poils fins 
assez longs de chaque côté de la commissure antérieure (1). 

Mâle trapu, très-différent des autres états de l'espèce, plat sur le dos 
et sous le ventre, long de quatre à cinq dixièmes de millimètre, large 
de {rois à quatre dixièmes, de formes lourdes. Pattes des deux paires 
antérieures presque égales, avec un petit tubercule peu coloré à la partie 
inférieure et externe de la hanche. Pattes de la troisième paire énormes, 
faisant corps et en continuité avec la partie inférieure latérale iu cépha- 
lothorax qu’elles semblent continuer, dépassant le bout des lobes de 
l'abdomen de toute la longueur du tarse et même du tibial, avec une 
forte pointe chitineuse en dehors du bord inférieur de cet article. 


(1) Espèce voisine de l'espèce précédente en tout, mais d’un volume un peu plus 
considérable et de forme plus allongée. Toutes deux ont dans l’abdomen, en arrière 
de chacune des dernières pattes, la vésicule ovalaire pleine d’un liquide légèrement 
citrin, réfractant faiblement la lumière, que portent beaucoup d’acariens. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 513 


Épimères de la première paire réunis en V par la ligne médiane. 
Épimères de la deuxième paire envoyant par leur extrémité inférieure 
un prolongement recourbé en $, dirigé en dehors, qui se continue avec 
la branche supérieure des épimères de la troisième paire dont la bran- 
cheinférieure s'articule avec ceux de la quatrième paire. Pattes de la 
quatrième paire insérées en dedans et au niveau des précédentes, plus 
grêles, n’atteignant pas le bout de l'abdomen. 

Organe génital court, placé entre l'insertion des pattes des deux der- 
nières paires, jaunâtre, conoïde, à sommet mousse, avec une paire de 
courts spicules à sa base, circonscrit par un épimérite jaunâtre en forme 
de fer à cheval à branches rapprochées, à concavité tournée en arrière, 
avec une paire de poils fins en dehors de ses branches. Deux ventouses 
circulaires sur’les côtés de l’anus, avec un court spicule en avant et en 
arrière de chacune d'elles, circonscrites également par un épimérite 
jauuâtre disposé dans le même sens que le précédent, maïs plus grand 
et à branches plus écartées. 

Abdomen étroit, mince, foliacé, à côtés presque droits, bordé dans 
toute sa circonférence par une bande chitineuse, jaunâtre ; divisé en ar- 
rière en deux grands lobes triangulaires (pl. XXVIHII, fig. 4} terminés 
en pointe transparente, portant chacun deux poils dont le plus exté- 
rieur est gros et aussi long que le corps; bord externe de la base de 
chaque lobe prolongé en deux pointes chitineuses portant chacune un 
long poil flexible et un autre poil aussi long que le corps est inséré dans 
la concavité qui sépare ces lobes. Poils latéraux, dorsaux, ventraux et 
des pattes longs et flexibles. Poils ventraux situés entre le premier et le 
deuxième épimère et entre le deuxième et le troisième, longs et flexibles. 
Une paire de longs poils fins sur la face dorsale de l'abdomen, une autre 
au niveau des paltes de la troisième paire et une au-dessous du bord 
inférieur des petites plaques granuleuses latérales (1). 

Femelle fécondée, longue de quatre dixièmes de millimètre ou environ, 
large de 0"",15 à 0"",18; de forme générale quadrilatère, allongée, à 
dos bombé et ventre plat; les pattes de la deuxième paire un peu plus 
grosses que les premières, avec un fort tubercule incolore à la partie in- 
férieure et externe de la hanche; les pattes des deux dernières paires 
non tuberculeuses, plus grêles que les autres, les postérieures atteignant 
à peine le bout de l’abdomen. 

Épiméres des deux premières paires à extrémités internes libres, non 
soudées l’une à l’autre en pièce sterniforme. Plaque granuleuse thoraco- 
abdominale très-pâle, à bords souvent mal limités. 

Vulve placée entre les épimères de la troisième paire qu’elle dépasse 
en avant et en arrière ; longitudinale, à lèvres formées de deux plaques 
chitineuses jaunâtres, longues, très-écartées, avec prolongement du té- 


(1) L'existence de ces poils permet de distinguer facilement le mâle de cette 
espèce de celui de la précédente. 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XII (1877), 33 


514 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


gument, finement plissées dans l’angle rentrant qu’elles forment, etavec 
deux poils fins en dehors de leur extrémité postérieure et deux autres 
très-longs en dedans de ces extrémités; à commissure antérieure 
surmontée d’un épimérite forhant un quart de cercle transversalement 
placé, à concavité postérieure, à branches se prolongeant sous le tégu- 
ment jusqu’à l’extrémité postérieure des lèvres, avec deux très-petits 
poils au niveau de leurs extrémités. 

Abdomen un peu plus étroit que le céphalothorax, mince, à bords pa- 
rallèles, se retrécissant assez brusquement en arrière, à extrémité assez 
nettement tronquée, légèrement bituberculeuse, mais sans prolonge- 
ment tubuleux sur la ligne médiane, avec deux petits mamelons de 
chaque côté, portant chacun deux longs poils flexibles dont le plus ex- 
terne est plus long que le corps n’est large. 

Un seul œuf plus ou moins développé ou nul. 

Poils dorsaux longs et flexibles, une double paire au niveau des pattes 
de la deuxième paire, une au niveau de celles de la troisième, une sur 
la partie dorsale de l’abdomen et une sous le bord inférieur des pelites 
plaques granuleuses latérales (1). 

Femelles accouplées, de la forme et presque de la grandeur des femelles 
fécondées, mais à extrémité de l'abdomen plus arrondie, sans l’être au- 
tant que dans l’espèce précédente. Extrémité interne des épimères de 
la première paire soudée en V sur la ligne médiane comme chez le 
mâle; semblable du reste aux femelles fécondées, moins les organes 
sexuels et leurs poils ; deux paires de poils très-courts el très-fins, rap- 
prochés au niveau des épimères de la quatrième paire ; plaque granu- 
leuse de l’épistome unguiforme, descendant jusqu'aux poils placés au 
niveau de la deuxième paire de pattes, mais sans les porter; plaque 
granuleuse latérale de l’abdomen très-petite, sans poil allongé au-des- 
sous de son bord inférieur. Pas de plaque granuleuse sur la face dor- 
sale de l’abdomen. | 

Nymphes octopodes de dimensions variant entre celles des larves et 
celles des femelles ; de même forme générale que ces dernières, mais 
plus trapues, à abdomen plus arrondi, plus court, dépassé par les der- 
nières pattes, à côtés un peu convexes, à extrémité mousse un peu dé- 
déprimée sur la ligne médiane, avec deux paires de poils de chaque 
côté. 

Pattes de la deuxième paire un peu plus grosses que celles de la pre- 
mière, sans tubercules à la base des hanches; pattes des deux autres 
paires grêles presque semblables. | 

Épimères de la première paire soudés en V sur la ligne médiane, en- 
voyant un prolongement à la base du palpe maxillaire; épimères de la 
deuxième paire libre, envoyant un prolongement à la base de la pre- 


(1) L'existence de ces poils et les formes moins trapues, plus allongées, de ces 
femelles permettent de les distinguer facilement de celles de l’espèce précédente. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 915 


mière patte; épimères de la quatrième paire articulés avec ceux de la 
troisième. 

Pas de poils dorsaux au niveau de la troisième paire de pattes ni sur 
. l'abdomen. Pas d'organes génitaux. 

Plaques dorsales grenues, réduites à une seule unguiforme composant 
l’épistome ; plaque granuleuse latérale très-petite. 

Larves hexapodes semblables à celles de l'espèce précédente, mais un 
peu plus grandes. 

Habitat. On les trouve en petit nombre sur la caille, vivant en société 
avec une grande quantité de Pterolichus claudicans, Ch. R. et en petit 
nombre aussi’sur le Pic vert (Picus viridis L.) avec beaucoup de Pfero- 
nyssus picinus Ch. Robin eæ Koch, soit dans les tectrices, soit entre les 
barbes des rémiges (1). 

Remarques. Les deux espèces précédentes sont à dos plat, à flancs 
droits ; avec une pointe chitineuse sur le bord externe du tibial et du 
tarse des quatre pattes antérieures à tous les âges, à mandibules peu 
épaisses, peu renflées à la base. 

Müle ayant le corps de forme générale quadrilatère, mais plus large 
vers le niveau des pattes de la troisième paire qu’en avant et à flancs 
droits, à lobes du bout de l'abdomen minces, transparents, foliacés, à 
contour comme doublé, avec une forte pointe en dehors du bord infé- 
rieur du tibial et du tarse des pattes des trois premières paires ; organe 
génital circonscrit en avant par un épimérite en fer à cheval. 

Femelle pourvue d'une plaque dorsale thoraco-abdominale et à épimé- 
rite vulvaire soudé par ses extrémités aux lèvres de la vulve. 

Malgré les différences de forme existant entre le mâle de l'espèce du 
premier groupe et ceux des espèces du second, malgré l'absence du pi- 
quant au tibial des grosses pattes de celui-là, les analogies de configura- 
tion générale entre les femelles, les nymphes et les larves, sont trop 
grandes pour qu'il y ait lieu d'élever au rang de genre chacune de ces 
divisions. 

On est forcé de le faire au contraire pour l’espèce décrite comme gé- 
nériquement distincte à la suite des trois suivantes, bien que Koch l'ait 
réunie à elles dans la quatrième section de son genre Dermalichus, di- 
vision qu'il caractérise ainsi : 

€ D. Le corps large, la troisième paire de pattes du mâle dispropor- 
tionnellement épaisse et longue; la dernière paire mince et grêle : les 
pattes de la femelle d’une longueur assez égale, les quatre antérieures 
plus épaisses que les quatre postérieures » (p. 124) (2). 


(1) Packard, dans le Guide de l'étudiant d’Insectes (Salem, Massachusetts, 1870), 
figure sous le nom de Dermaleichus pici pubescentis un acarien parasite du Dryobates 
pubescens, L., Pic de l'Amérique du nord, qui paraît bien être notre D, socialis, 

(2) Outre ies deux espèces décrites plus haut, déjà vues par Koch, il décrit en- 
core et range dans cette division (Uebersicht, Nürnberg, 1837, p. 125) les Derma- 


516 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN, — MÉMOIRE 


8. AnaLGes sivuosus, Mégnin (pl. XXVIII). 


Cet Analges a la couleur, la taille, le port et le facies des grandes 
espèces de la deuxième section ; mais il s’en distingue par des détails 
anatomiques qui sont communs à tous les âges et aux deux sexes, et par 
d'autres qui sont particuliers à chaque sexe. Les premiers sont : des 
membres antérieurs très-forts et robustes dont le deuxième article est 
arrondi en dessous, le quatrième n’ayant plus en dessous qu’un tout petit 
aiguillon droit, mais inséré sur une énorme tubérosité ; les épimères de 
la première paire de pattes sont soudés dans leur moitié postérieure sur 
la ligne médiane en une pièce sternale impaire qui s’élargit en avanten 
manière de collier; rostre plus large et plus volumineux; plastron cé- 
phalothoracique spatuliforme, arrondi en arrière, ne présentant plus la 
double nervure médiane du renforcement. 

Mâle long de 0"",45, large de 0"",23 (sans les pattes), à lobes abdo- 
minaux divisés peu profondément; ces lobes sont fortement échancrés 
en dehors de manière à former des sinuosités profondes (fig. 5) (4), au 
sommet desquelles s’insèrent les poils et les soies; tarse de la troisième 
paire dominé à sa base d’un aiguillon long et arqué. Toutes les soies et 
poils, du corps et des pattes sont longs et grêles. 

Organe mâle entouré d’un cadre chitineux carré à angles arrondis. 

Femelle ovigére ou fécondée, longue de0"",40, large de 0"",22, à mem- 
bres antérieurs un peu moins robustes que ceux du mâle, les postérieurs 
toujours grêles comme chez toutes les femelles du genre; vulve sous- 
thoracique en forme d'ouverture angulaire à sommet antérieur, à lèvre 
postérieure bordée de chaque côté d’épimérites s’élargissant en arrière ; 
cette vulve est protégée en avant par un sternite transversal, arqué, à 
concavité postérieure, dont les longues branches viennent rejoindre en 
arrière les épimérites de la lèvre postérieure, en arrière de la vulve et 
très-éloignée, une paire de poils. 

Jeune femelle pubére ou accouplée, longue de 0"",35, large de 0"",20, 
semblable à la précédente, dont elle ne se distingue que par l'absence de 
vulve sous-thoracique, par un plus grand anus et par deux échancrures 
symétriques intéressant le bord postérieur de l’abdomen en dehors de 
l'insertion des soies anales, échancrures qui s’effacent progressivement 
chez l’ovigère, à mesure que les œufs se développent. 

Nymphe octopode, longue de 0"",30, large de 0"",18, semblable en 
tout à la précédente, moins la grandeur de la fente anale. 

Larve hexapode, longue de 0"",22 à 0"",30, large de 0"®,15 à 0""18, 


leichus parinus de la mésange et D. fringillarum du Fringilla montifringilla. 1 
nomme de plus, mais sans les décrire les D. tur dinus, laniorum, ioxiarum, colom- 
binus, lelriginus, strigum. bubonis, aluconis, striginus, ululinus et incertus. 

(1) D'où le nom de sinuosus, 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 517 


diffère de la précédente en ce qu’elle n’a qu’une paire de pattes posté- 
rieures et qu’une paire de soies anales. 
OŒuf long de 0"",22, large de 0"",10, ovale, allongé, aplati sur une 
face qui est l’inférieure, à enveloppe lisse et transparente. | 
Hubitat. Cet Analges vit dans les plumes des oiseaux de proie noc- 
turnes : Moyen-Duc, Effraie, etc.,et même de quelques diurnes, comme 
la Buse. 


1° Analges à lobes abdominaux réunis par une membrane mince 
lobée qui les dépasse en tous sens (pl. XXIX). 


Les Analges de cette subdivision présentent, outre le voile qui unit les 
lobes abdominaux, un deuxième caractère tout aussi important, c’est 
d’avoir aux pattes antérieures le deuxième et le troisième article soudés 
en un seul, ce qui donne à ces membres l’apparence de n'être composés 
‘que de quatre articles. 


9. ANALGES vELATUS, Mégnin. 


Sarcoptide gris roussâtre, pâle, ayant le port et le facies de ceux des 
deux groupes précédents. Pattes antérieures grosses à la base, grêles à 
l’extrémité, ayant l’article, résultant de la soudure des deuxième et 
troisième, arrondi inférieurement (fig. 4); quatrième article muni infé- 
rieurement et antérieurement d’un aiguillon fixe et droit un peu incliné 
en arrière. Épimères de la première paire de pattes réunis sur la ligne 
médiane. Plastron céphalothoracique simple, spatuliforme, non accom- 
pagné de soies en arrière. 

Mâle, long de 0"",38, large de 0"",23 (sans les pattes), troisième 
paire de pattes plus courte que le corps d’un quart et plus grêle que 
dans les genres précédents, à tarse arqué en dedans ainsi que celui 
de la quatrième paire. Lobes abdominaux entiers ayant leurs deux soies 
toutes deux terminales, recouverts par une membrane (1) qui les unit 
et dont ils sont les extenseurs, qui les dépasse en arrière et par côté el 
qui est festonnée en deux lobes symétriques. Plastrons latéraux trian- 
gulaires, complémentaires du plastron céphalothoracique, protégeant 
les côtés du corps en dessous des hanches de la deuxième paire de pattes. 
Une seule paire de soies dorsales insérée près des hanches de la deuxième 
paire de pattes; soies latérales infères et des membres comme dansles 
espèces précédentes. Organe mâle entre les épimères de la quatrième 
paire de pattes. 

Femelle ovigére ou fécondée, longue de 0"",35, large de 0"",13, corps 
cylindrique aplati de dessus en dessous, à extrémité postérieure arron- 
die. Membres antérieurs plus grêles que chez le mâle, membres posté- 


(1) D’où son nom de velatus, voilé. 


518 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


rieurs très-grêles, de même longueur que les antérieurs. Vulve en ou- 
verture angulaire entre les épimères de la troisième paire de pattes sans 
sternite antérieur, mais à lèvre postérieure garnie d'épimérites. 

Jeune femelle pubére ou accouplée, longue de 0"",27, large de 0"",13, 
ne diffère de la précédente que par son corps moins long, son extrémité 
postérieure presque carrée, aux angles de laquelle sont insérées les 
soies; par une fente anale très-grande et par l’absence de vulve sous- 
thoracique. Les pattes postérieures sont aussi beaucoup plus courtes. 

Nymphe longue de 0"",25, large de 0"",13, octopode, ressemble tout 
à fait à la précédente, n’en diffère que par sa fente anale moins longue 
et moins évidente. 

Larve longue de 0"",18 à 0"m,25, large de 0"",10, diffère de la nym- 
phe en ce qu’elle n’a qu’une paire de pattes postérieures et qu’une paire 
de soies anales. 

Œuf, long de 0,18, large de 0"",10, ovale allongé, aplati sur une 
face, à enveloppe lisse et transparente. 

Habitat. L’Analges velatus vit dans les plumes des palmipèdes domes- 
tiques en compagnie de l’Analges ginglymurus. 


10. Anazces cexrropopus, Mégnin (pl. XXIX). 


Analges très-voisin de l'espèce précédente, ne s’en distingue que par 
une taille un peu plus petite, une coloration plus pâle et par quel- 
ques caractères, communs aux deux sexes et à tous les âges, que présen- 
tent les membres antérieurs. Ces membres sont plus grêles; l’article ré- 
sultant de la soudure des deuxième et troisième présente inférieurement 
et en arrière une tubérosité conique en forme d’éperon, dirigée en ar- 
rière dans la deuxième paire (1) et terminée par un petit crochet re- 
courbé en avant dansla première paire ; quatrième article ne présentant 
pas en avant et en dessous d'’aiguillon, mais un petit mamelon conique 
qui le rappelle (fig. 1 et 2). 

Mâle, long de 0"",32, large de 0,16, plus rétréci dans les parties 
postérieures que le précédent, à la troisième paire de pattes plus grêle, 
ne dépassant guère le volume des pattes antérieures ou de la quatrième 
paire, quoique toujours du double plus grande. Deux paires de soies 
dorsales au lieu d'une seule. 

Femelle ovigére ou fécondée (fig. 3), longue de 0,25, large de UT, 
en tout semblable à sa correspondante de l'espèce précédente, sauf les 
différences spécifiques déjà signalées dans les paites antérieures. 

Jeune femelle pubére ou accouplée, longue de 0"",25, large de Owm,19, 
mêrnes observätions que ci-dessus. 

Il'en est de même de Ia nymphe octopode, de la larve hexäpode et de 
l'œuf, qui ést semblable à celui de l’éspèce précedente. 


(1) D'où son nom de centropodus, pied éperbnmé.swis 2 nn me ii, , 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 519 


Habitat. L’un de nous a rencontré cet Analges vivant en colonies nom- 
breuses dans les plumes d’un Vanneau (Vanellus cristatus L.). 

Nora. — Iei devrait prendre place la description du Dermalichus élon- 
gatus qui figure dans notre tableau de la page 392, comme la dernière 
“espèce connue du genre; mais nous devons dire que, lors de l’établisse- 
ment de ce tableau, cette espèce avait été créée sur des individus appar- 
tenant tous au sexe féminin et qui nous avaient semblé posséder les 
caractères du genre Analges ; depuis nous avons récolté de cette espèce, 
surtout des mâles. Leur étude nous a démontré que cette espèce n’ap- 
partient pas au genre Analges (Dermaleichus de Koch), mais constitue 
le type d’un nouveau genre que nous décrirons à la suite du genre 
Pterophagus et sous le nom de genre Dermoglyphus. 


(La fin au prochain numéro.) 


EXPLICATION DES PLANCHES 


PLANCHE XXVI. 


Fic. 1. — Analges passserinus mâle, face inférieure. (Gross, 150 diam.) 

FiG. 2. — Le même, face supérieure, (Même grossissement.) 

Fi. 3. — Analges passerinus femelle ovigère, face inférieure, (Gross. 
150 diam.) | 

Fi, 4. — Le même, face supérieure, (Même grossiss.) 


PLANCHE XXVII. 


Fic. 1. — Anaïges cubitalis (Mégnin) mâle, face inférieure. (Grossissem. 
150 diam.) | 


Fic. 2. — Le même, face inférieure, (Même grossiss.) 
Fic. 3. — Analges cubitalis femelle, ovigère, face inférieuge, (Même 
grossiss.) 


Fic. 4. — Le même, face inférieure, (Même grossiss.) 


PLANCHE XXVIII, 


Fic. 1. — Analges asternalis (Mégnin), lobes abdominaux du mâle. 
(Gross. 150 diam.) 

F1. 2. — Une patte antérieure du même. (Même grossiss.) 

FiG. 3, — Analges oscinum, lobes abdominaux et patte postérieure du 
mâle. (Même grossiss.) 

Fic. À. — Analges socialis (Ch. R.), lobes abdominaux du mâle. (Même 
gr'ossiss.) 


F16. D. — Analges sinuosus (Mégnin), lobes ads du mâle, (Même 
grossiss. ) 


520 MÉMOIRE SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 


PLANCHE XXIX. 


Fi, 1. — Analges centropodos (Mégnin), face inférieure. (Grossissement 
150 diamètres.) 

Fi. 2. — Le même, face supérieure. (Même grossiss.) 

Fic. 3. — Analges centropodos (Mégnin), femelle ovigère, face infé- 
rieure. (Grossiss. 150 diam.) 

Fic. 4. — Analges velatus (Mégnin), un membre antérieur. (Même 
grossiss.) 

RECTIFICATION 


Par M. MAREY 


Dans un travail que j'ai publié dans le numéro de janvier et 
février sous le titre suivant : Recherches sur les excitations élec- 
triques, j'ai cité les recherches de M. Bowditch qui m’ont semblé 
concorder par leurs résultats avec ceux que j'ai ébtenus, bien 
que nos procédés expérimentaux fussent assez différents. 

M. Bowditch m'a fait remarquer que j'avais mal interprété 
l’une de ses figures, attribuant au cœur des systoles de plus en 
plus énergiques à mesure qu’on augmente l’intensité des courants 
excitateurs. Il s’agissait au contraire d’un accroissement de l’ex- 
citabilité du cœur sous l'influence d’excitations successives, égales 
entre elles. 

À côté de cette juste réclamation, à laquelle je m'empresse de 
satisfaire, mon savant collègue de Boston ajoute les réfiexions 
suivantes que Je copie dans la lettre qu’il m’a adressée : 

« Vous expliquez, de plus, l’inconstance que Bowditch a si- 
» gnalée relativement à la manière dont le cœur réagit à des ex- 
» citations qui suffisent parfois à provoquer sa systole, par l’hy- 
» pothèse que les excitations trouvaient le cœur quelquefois 
» dans sa phase réfractaire. 


» J’ai travaillé pourtant toujours avec /a pointe du ventricule 


RECTIFICATION. | 591 


» qui n'offre pas de mouvements spontanés et qui ne peut donc 
» pas présenter de phase réfractaire. » 

J'ai cité textuellement cette phrase de M. Bowditch qui me 
semble aller au delà des faits démontrés, car en opérant sur des 
cœurs qui n'avaient plus de mouvements propres et sur des ven- 
tricules réduits à leur pointe (la moitié la plus éloignée des 
oreillettes), J'ai observé comme sur le cœur normal la période 
réfractaire. 

Ainsi, en provoquant une systole par une excitation artificielle . 
et en envoyant une deuxième excitation au moment où le cœur 
entrait en action, Je le trouvais réfractaire à cette excitation nou- 
velle absolument comme Je l'avais observé dans le début d’une 
systole spontanée. 

Il semble donc que la période réfractaire appartienne au muscle 
cardiaque lui-même, abstraction faite de toute innervation gan- 
glionnaire ou extra-cardiaque, et qu’il suffise que le muscle soit 
entré en raccourcissement pour qu'il cesse d’obéir aux courants 
qui, pendant le repos musculaire, constitueraient, suivant l’ex- 
pression de Bowditch, des excitations suffisantes. 


ANALYSES ET EXTRAITS 


DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS 


La rétine de l'homme et des vertébrés, par Adolphe HanNOVER (1). 


Le Mémoire (2) de M. A. Hannover sur la rétine del’homme et des vertébrés 
se divise en deux parties, l’une histologique, l’autre historico-critique et 
physiologique. Dans la première partie l’auteur étudie l’anatomie de l’or- 
gane et choisit pour types le brochet, la grenouille, la poule et l’homme, 
la connaissance de la rétine de ce dernier étant en définitive le but 
qu'il voulait atteindre par ses recherches sur la rétine des autres ver- 
tébrés. ILs’est servi surtout d'objets frais, quoique plus difficiles à observer, 
pour écarter les erreurs commises par un grand nombre d’observateurs, 
qui se sont servis d'yeux artificiellement préparés. Dans la deuxième 
partie de son Mémoire, il a donné un aperçu général des faits constatés 
par lui, qui serviront de base à l'analyse présente où il sera surtout 
question de l’homme. Relativement aux observations faites par d’autres 
auteurs, M. Hannover relève celles d’où les siennes ont pris leur point 
de départ, ou qui l’ont conduit à d’autres résultats que ses prédéces- 
seurs. Enfin il s’est assigné pour tâche principale de renverser la théorie 
de MM. Müller et Schultze sur les bâtonnets et les cônes, considérés 
comme des organes nerveux et comme constituant les extrémités pro- 
prement dites des nerfs optiques. 


LA 


1 


Parmi les onze couches de la rétine, qui en général ont le même 
caractère chez tous les vertébrés, seules Les six internes, d’après M. Han- 
nover, appartiennent à la partie nerveuse de la rétine, tandis que les 
quatre externes constituent un appareil accessoire. La membrane in- 
termédiaire forme la limite entre ces deux parties. Comme appareil 
vraiment nerveux, on doit considérer : 1° la couche des fibres céré- 
brales, 2° la couche des cellules cérébrales, 3° la couche granuleuse 
et 4° la couche à noyaux interne. 

4. La couche des fibres cérébrales. — Les fibres du nerf optique se dis- 


(4) Paris, 1876, grandin-4 avec 6 planches. 

(2) Nous nous bornons à donner ici le résumé succinet du contenu du remarquable 
travail de M. Hannover et des opinions de l’auteur, en réservant sur elles toute ap- 
préciation critique. (Les éditeurs). 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 523 


persent sur toute la rétine, mais elles monquent complétement dans la 
fovea et son entourage immédiat. Outre les fibres fines dont le nerf se 
compose, M. Hannover constate chez l’homme, dans le bourrelet formé 
par le nerf optique autour des vaisseaux centraux et dans l’espace entre 


l'entrée du nerf optique et la tache jaune, l'existence de grosses fibres . 


cérébrales à double contours ayant l’aspect ordinaire des tubes nerveux. 
On en trouve aussi chez le brochet. 

2. La couche des cellules cérébrales. — Ces cellules reposent sur la 
surface externe de l’épanouissement du nerf optique; toutefois, dans 
l’excavation formée par le nerf optique à son entrée dans l'œil, l’auteur 
signale un groupe de ces cellules sur sa surface interne. Il montre que 
les prolongements qui partent des cellules ne sont pas assez nombreux 
pour pouvoir se relier à toutes les fibres cérébrales du nerf optique, 
qu'ils en diffèrent par leur structure et leur marche, en un mot qu’ils 
ne se continuent pas directement en fibres du nerf optique. Donc la 
théorie de MM. Müller et Schultze, suivant laquelle l'impression Iumi- 
neuse serait iransmise des bâtonnets et des cônes jusqu'aux cellules céré- 
brales et, au delà, jusqu'aux fibres du nerf optique, comme par une 
chaine complète, tombe dès qu'un des chaïnons est brisé et, d’après 
M. Hannover, ce ne serait pas le seul. 

3. La couche granuleuse peut être considérée comme ayant pour les 
cellules cérébrales de l'œil la même valeur que la masse finement gra- 
nulée de la substance grise du cerveau pour les cellules cérébrales qui 
y sont logées. Les prolongements des cellules cérébrales s’y perdent. Cette 
couche, chez certains animaux (les poissons et la grenouille), acquiert 
une épaisseur considérable. On ne peut donc établir une transmission 
par continuité de l'impression lumineuse à travers cette couche. Elle 
manque dans la fovea. 

h. La couche à noyaux interne est formée de véritables cellules céré- 
_ brales, mais qui, en général, sont plus grosses que celles de l’encéphale 
(myélocytes). Elles sont quelquefois munies de prolongements, mais 
qui sont si rares, qu'une transmission continue de l'impression lumi- 
neuse par eux est ici seulement fondée sur une probabilité. Chez les 
poissons, ces cellules reposent dans une trame réticulaire, que l’auteur 
trouve chez le brochet divisée en trois couches. 

5. La membrane intermédiaire constitue une cloison indépendante entre 
les éléments nerveux et non nerveux de la rétine. Elle est solide et con- 
tinue, non formée d’un treillis, comme l’ont pensé quelques observa- 
teurs; elle est surtout épaisse chez les poissons. A sa face interne 
aboutissent les fibres radiaires, à sa face externe les filaments des bà- 
tonnets et des cônes ; sa structure ne laisse pas présumer qu’il y ait un 
passage de fibres à travers elle 2t encore moins de fibres nerveuses : 
toute transmission nerveuse est donc arrêtée par la membrane intermé- 
diaire. Elle manque en partie peut-être dans la fovea. Du reste, son 
‘aspect, surtout lorsqu'on la regarde de face, semble indiquer un caractère 


» 


524 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


épithélial, c’est pourquoi M. Hannover croit que cette membrane méri- 
terait le nom de pie-mére ou d’arachnoide de la rétine. 

6. Les fibres radiaires sont une continuation de la gaine de tissu cellu- 
laire qui entoure le nerf optique avant son entrée dans l’œil et qui 
persiste sur le nerf après son entrée. Les fibres radiaires doivent donc 
être considérées comme le névrilème des fibres cérébrales de la rétine, mais 
ce névrilème a un développement extraordinaire. Ses fibres enveloppent 
les faisceaux du nerf et pénètrent dans leur intérieur; mais on ne 
trouve de cloisons complètes que dans le voisinage de la papille. Au 
point d’épanouissement des fibres nerveuses, ce névrilème s’épanouit 
également, ses fibres s’enfoncent à travers la couche des cellules céré- 
brales, la couche granuleuse et la couche à noyaux interne, et aboutissent 
finalement à la surface interne de la membrane intermédiaire, de sorte 
que les éléments de ces couches n’ont pas de communication avec les 
filaments des bâtonnets et des cônes. Les arcades qu'on voit sur des 
coupes normales de la rétine sont dues aux fibres divergentes de deux 
faisceaux contigus de ce névrilème. Comme d’autres fibres du tissu cellu- 
laire elles sont munies de noyaux ovoides qui se montrent tantôt dans 
l’une, tantôt dans l’autre des couches nerveuses que parcourent les fibres. 

7. Membrane limitante interne. — D'après les recherches qu'a faites 
l’auteur dans les quatre classes de vertébrés, il n’y a qu’une seule 
membrane qui recouvre la surface interne de la rétine et la surface 
externe du corps vitré, mais qui est revêtue d'un épithélium sur sa face 
interne. Les franges qu’on peut trouver sur sa face externe sont des 
fibres radiaires arrachées, dont les extrémités, en forme d’ombelles ou 
d’arcades, sont adhérentes à la membrane et produisent un aspect aréolaire 
avec de petits compartiments, surtout lorsque les yeux ont été durcis. 

Ni les fibres radiaires, ni la membrane limitante interne ne sont de 
nature nerveuse, bien qu’elles soient mêlées aux couches nerveuses ou 
en étroite connexion avec leurs éléments. 


II. 


Les quatre couches externes qui ne forment qu’un appareil accessoire 
de la rétine, sont : 8° la couche à noyaux externe, 9° la membrane limi- 
tante externe, 10° la couche des bâtonnets et des cônes et 11° la couche 
du pigment. 

8. Couche à noyaux externe.— Cette dénomination collective, pour une 
couche qui contient plusieurs éléments différents, n’est pas heureuse, 
Elle renferme des corps ressemblant à des cellules, auxquels l’auteur 
donne le nom de calottes (celui de balustres nous semble mieux appro- 
prié), des noyaux et des fibres provenant des bâtonnets et des cônes. Les 
calottes reposent par une extrémité plane sur la face interne de la mem- 
brane limitante externe, chaque calotte correspondant à un cône; chez 
la grenouille chaque calotte correspond à un bâtonnet, Du côté convexe 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 925 


interne de chaque calotte part un filament. — Les noyaux, qui chez 
la grenouille font place à de véritables cellules, varient beaucoup sous 
le rapport de leur nombre; ils sont généralement situés sur les fila- 
ments qui partent des bâtonnets ; mais dans les régions où il n’y a que 
des cônes, par exemple dans la tache jaune, les noyaux sont libres 
ou fixés aux filaments des cônes et ne peuvent plus en conséquence 
conserver le nom de noyaux des bâtonnets. — Les filuments provien- 
nent seulement des bâtonnets et des cônes; les fibres radiaires ne se 
trouvent pas dans cette couche. L’épaisseur de la couche entière se dé- 
termine d’après la longueur variable des filaments chez les différents 
animaux ou dans le même œil; les filaments les plus longs se trouvent 
dans la tache jaune. Comme tous Les filaments vont se fixer à la surface 
externe de la membrane intermédiaire, ils ne sont pas en communication 
avec les éléments nerveux en dedans de celle-ci, bien qu'on ait admis 
ce rapport pour avoir une transmission continue de l’influence lumi- 
neuse des bâtonnets et des cônes jusqu’à l'épanouissement du nerf 
optique. 

9. Membrane limitante externe. — Bien que cette membrane soit indé- 
pendante, on n’a pas réussi à l’isoler; mais l’auteur à eu l’occasion 
d'observer sa face interne, qui est couverte de petits monticules disposés 
assez régulièrement en quinconce et répondant aux calottes des cônes. 
Cette membrane s’observe encore plus distinctement chez le singe. 

10. Couche des bätonnets et des cônes — a. Bâtonnets. — Leur forme pri- 
mitive est celle de colonnes prismatiques. Chaque bâtonnet se compose 
de deux parties. La partie extérieure plonge dans une cellule de pigment ; 
elle est à l’état frais homogène et transparente, mais en vérité composée 
de tranches empilées les unes sur les autres, et c'est seulement cette 
partie qui, après la mort ou sous l’action des réactifs, subit les divers 

enroulements, flexions, etc., que M. Hannover avait déjà décrits et repré- 
sentés dans ses Recherches microscopiques sur le système nerveux chez 
les vertébrés, 1844. — La partie intérieure ou segment interne touche la 
membrane limitante externe ; elle est formée d’une enveloppe extrème- 
ment mince et transparente renfermant un contenu à granulations très- 
fines. Lorsque l'élément s'altère, l'enveloppe s’étire en un filament délié. 
Chez.la grenouille cette partie esl pourvue d’un noyau, et le contenu 
peut prendre la forme d’une espèce de lentille. Chez les oiseaux l’au- 
teur a trouvé, au même niveau, un petit corps rectangulaire. La fibre de 
Ritter, qu’il considère comme un produit artificiel, et les stries longi- 
tudinales signalées également sur les bâtonnets proviennent en partie 
du reflet des angles de leurs pans et peut-être aussi de l’empreinte des 
cellules à pigment. 

b. Côünes. — Chaque cône se compose de trois parties : une pointe, un 
corps et son prolongement. La pointe est ordinairement simple, quel- 
quefois double, en général conique, mais cylindrique sur les cônes très- 
longs dès mammifères ; elle peut se courber ou devenir striée en travers. 


026 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


La forme fondamentale du corps est telle que la coupe en est ronde ou 
ovale ; quand il est double, les deux moitiés sont tantôt égales et étroi- 
tement unies (cônes jumeaux), tantôt inégales et plus ou moins sépa- 
rées. M, Hannover regarde le corps comme vésiculeux et pouvant, par 
suite, se gonfler. Le prolongement est surtout distinct chez les poissons, 
où se trouvent deux filaments déliés dans son intérieur. Par cette struc- 
ture etsous beaucoup d’autres rapports, les cônes diffèrent des bâtonnets, 
et il n’est pas exact de les mettre sur la même ligne. — Dans la partie 
externe, au-dessous de la pointe des cônes, on trouve chez quelques 
animaux un corps lenticulaire. 

Chez les poissons les cônes jumeaux constituent la règle, chez les rep- 
tiles et les oiseaux, il y a un plus grand nombre de cônes simples que 
de cônes doubles ; l’auteur a aussi trouvé des cônes doubles chez l’homme. 
À chaque cône correspond une calotte de la couche à noyaux externe. 
Lorsque les cônes sont doubles, le cône secondaire diffère du principal 
par sa forme et sa taille; chez les oiseaux, il en diffère par la couleur 
du globule huileux. Ces globules appartiennent au corps du cône et sont 
situés dans sa partie externe. La couleur et le nombre des globules ainsi 
que le nombre relatif des bâtonneis et des cônes varient beaucoup chez 
les différents animaux et même dans les différentes places du même 
œil. 

Pour réfuter la théorie de MM. Müller et Schultze l’auteur montre d’a- 
bord que le caractère général des bâtonnets et des cônes est une très- 
grande variabilité, tandis que les éléments du système nerveux central et 
périphérique présentent dans les quatre classes de vertébrés des carac- 
tères si constants, qu'il n’est pas possible en général de les distinguer 
d’une classe à l’autre. Déjà pour ce motif il est hasardeux de regarder 
les bâtonnets et les cônes comme des organes nerveux, ou d’en faire 
l'appareil principal d’une fonction identique dans tout le règne animal, 
surtout lorsqu'on trouve d'autre part, que, relativement aux cellules et 
aux fibres cérébrales de la rétine, il existe une identité complète dans 
les quatre classes de vertébrés, aussi bien qu'entre ces éléments et ceux 
du cerveau. M. Hannover soutient donc que ni les bâtonnets et les cônes 
ni les filaments qui en partent ne sont de nature nerveuse. Un autre ar- 
gument contre la nature nerveuse de la couche des bâtonnets et des 
cônes est encore fourni par les observations que l’on possède de rétines de 
monstres anencéphales et hémicéphales, et par divers cas pathologiques. 
M. Hannover conclut ainsi : 

«De même que j'espère avoir déjà prouvé que la chaîne nerveuse que 
» MM. Müller et Schultze ont essayé de construire avec les éléments de la 
» rétine situés en dedans de la membrane intermédiaire est brisée dans 
» chacun de ses anneaux, et que toute transmission continue doit 
» s'arrêter à la membrane intermediaire, de même je crois avoir aussi 
» démontré maintenant que les éléments situés en dehors de la membrane 
» intermédiaire, à savoir les bâtonnets et les cônes, avec leurs noyaux, 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 927 


» leurs calottes et leurs filaments, ne sont ni nerveux ni en liaison 
» continue avec les éléments situés en dedans de la membrane intermé- 
» diaire, Ainsi tombe toute la théorie de MM. Müller et Schultze de la trans- 
» mission et de la perception de la lumiére à l’aide des bätonnets et des 
» cônes considérés comme terminaisons du nerf optique. » 

L'auteur incline à regarder les bâtonnets et les cônes comme une 
formation épithéliale ; cette opinion n'exclut pas la possibilité qu'ils 
aient en même temps un rôle accessoire dans la vision comme appareil 
catoptrique ; il a déjà formulé cette doctrine en 1840. 

11. Couche pigmentaire.— La forme fondamentale de la cellule à pig- 
ment est le prisme à six pans, avec une hauteur très-variable chez les 
différents animaux. La partie externe de la cellule, plus claire que la 
partie interne, est sans doute toujours munie d’un noyau et solide; la 
partie interne est membraneuse, ordinairement plissée en franges et 
chargée de pigment. La longueur des franges, qui atteint le maximum 
chez les poissons, décroît chez la grenouille et la poule; chez l’homme, 
elles ne sont représentées que par des expansions fines et courtes. Ces 
franges forment les gaines découvertes par M. Hannover, où les bâton- 
nets et les cônes, plongent perpendiculairement et plus ou moins 
profondément suivant la longueur de ces franges. Cette connexion 
étroite entre les deux espèces d'éléments prouve que la couche pigmen- 
taire appartient à la rétine, et ne peut plus être considérée comme ap- 
partenant à la choroïde. 


III. 


Entrée du nerf optique. — Le tronc du nerf optique, chez tous les ver- 
tébrés, est divisé en faisceaux, qui sont entourés de tissu cellulaire ; 
lorsque le nerf s’épanouit sur la face interne de la rétine, ce tissu 
donne naissance aux fibres radiaires. La structure des différentes mem- 
branes qui entourent le tronc du nerf avant son entrée dans l’œil est 
décrite avec soin par M. Hannover, de même que les rapports du nerf 
depuis son entrée dans l'œil jusqu’à son épanouissement. Au fond de la 
papille, l’auteur a trouvé un groupe de véritables cellules cérébrales. 
Les grosses fibres cérébrales ont été déjà mentionnées (p. 523). 

Tache jauné et Fovea. — La couleur, la forme et la grandeur de la 
tache jaune varient. La fovea présente aussi une forme et une pro- 
fondeur variables; si, comme l’auteur l’a proposé, on en fixe la limite 
extérieure aux fibres cérébrales du nerf optique, le diamètre de sa sur- 
face entière est de 1*",5 environ; si cette limite est déterminée d’après 
l’absence de la couche à noyaux, la surface est réduite de beaucoup. 
Les variations que l’on observe dépendent probablement de l’époque du 
développement où la fente de l’œil s’est fermée. 

On ne saurait en effet guère douter que la tache jaune et la fovea, 
comme l’auteur a cherché à le prouver par leur relation avec le colo- 
bome, ne soient des restes de la fente oculaire fœtale : il est certain 


928 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


que la fovea est la localité la plus incomplète de toute la rétine, puisque 
le nerf optique, la couche à noyaux et, en partie peut-être, la membrane 
intermédiaire y manquent entièrement, sans compter que la couche des 
cellules cérébrales est beaucoup plus mince au milieu de la fovea que 
plus loin en dehors. Le grand accroissement que présente la partie 
filamenteuse de la couche à noyaux externe, que M. Hannover a retrou- 
vée plus considérable encore dans un œil colobomateux, montre aussi 
que non-seulement la fovea, mais en même temps son entourage dans 
une assez grande étendue, c’est-à-dire une partie notable de la tache 
jaune elle-même, ne sont qu'une formation due à un arrét de développe- 
ment. Par conséquent, comme non-seulement la tache jaune, mais aussi 
son entourage dans une assez grande étendue, sont incomplets et per- 
sistent à l’état fœtal, cette partie ne semble pas, d’après M. Hannover, 
apte à être le siége de la vision distincte. Cela semble encore résulter 
de l’asymétrie des parties. Il ÿ a tout d’abord manque de symétrie la- 
térale dans la tache jaune. Tandis que les couches à noyaux externe, gra- 
nuleuse et des cellules cérébrales ont à peu près la même épaisseur en 
dedans et en dehors de la fovea, la partie filamenteuse de la couche 
à noyaux externe est plus épaisse en dehors, et la couche du nerf op- 
tique a en dedans une épaisseur plus que double. La pente des bords 
de la fovea est plus raide en dedans. Il y a de plus manque de symétrie 
entre les moitiés supérieure et inférieure : il existe une différence dans 
la partie fibreuse de la couche à noyaux, dans la membrane intermédiaire, 
dans l'épanouissement du nerf optique, et, croit aussi l’auteur, dans 
l'épaisseur de la tache jaune prise dans son ensemble. Enfin, il y a 
asymétrie dans la marche des vaisseaux (M. Hannover aurait depuis 
la publication de son Mémoire trouvé cette asymétrie de la tachejaune 
encore plus grande dans l’œil de divers singes.) 

Les fibres cérébrales manquent complétement à 0"",65— 0,75 du centre 
de la tache jaune; elles sont plus nombreuses en dedans qu’en dehors, 
et, forment un arc dont la concavité regarde l'extrémité du diamètre 
horizontal de la tache ; leur éloignement n'est pas le même en haut 
eten bas. On peut d’ailleurs, par la rareté ou le manque complet des 
fibres, décider avec assez de certitude à quelle distance de la fovea 
a passé la coupe. 

La couche des cellules cérébrales atteint sa plus grande puissance vers le 
milieu des moitiés supérieure et inférieure de la tache à l'endroit où 
le nerf optique commence à se montrer; elle décroit en dehors à la 
périphérie de la tache et intérieurement vers la fovea, au fond de la- 
quelle on ne trouve que 2-3 cellules superposées. 

La couche granuleuse manque entièrement au niveau de la fovea. 
La couche à noyaux interne n’est pas nettement séparée de la couche 
de cellules cérébrales dans la fovea. Les fibres radiaires se montrent 
seulement à l’apparition du nerf optique, mais manquent dans la fovea ; 
plus est épaisse la couche d’épanouissement du nerf, plus sont fortes 
les fibres radiaires, formant des gaines autour des faisceaux nerveux. 


2 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, 929 


La membrane intermédiaire disparaît à peu près complétement au 
milieu de la fovea. Les calottes de la couche externe à noyaux sont si 
petites qu’on dirait une rangée de noyaux, mais elles augmentent de 
dimension en dehors de la tache jaune, à mesure que l'épaisseur des 
cônes s'accroît. Les noyaux de cette couche sont rares dans la fovea, 
mais augmentent en nombre sur ses bords, dans la tache. La partie 
filamenteuse se compose seulement de filaments de cônes, ceux des 
bâtonnets ne s’y trouvant qu'exceptionnellement. Ce sont principale- 
ment ces filaments qui, par leur grand développement, sont cause que 
la rétine est bien plus épaisse dans la tache jaune qu'ailleurs. La di- 
rection des filaments à l’état frais et normal est sans doute la même que 
dans le reste de la rétine, à savoir perpendiculaire entre la membrane 
limitante externe et la membrane intermédiaire ; mais en général ils 
se montrent sur les coupes plus ou moins obliques, dessinant une ligne 
légèrement sinueuse, en forme de c ou d’s. Lorsque l’œil a été durci, 
plusieurs filaments peuvent également se réunir en faisceaux ou se con- 
tourner de manière à former une sorte de charpente; mais ce sont 
seulement des produits artificiels. Cette couche filamenteuse n’est pas 
nerveuse, et si la tache et la fovea doivent être regardées comme des 
cicatrices, il ne sera plus étonnant que le tissu cellulaire y joue un rôle 
prédominant. IL est fort possible qu'’outre les filaments de cônes nor- 
maux, il y ait une formation de tissu cellulaire nouvelle. Dans un œil 
colobomateux cette couche avait acquis une puissance extraordinaire. 

La couche des cônes au niveau de la fovea contient les cônes les plus 
longs et les plus minces. Le manque de bâtonnets dans la tache n’est 
pas absolu, et, dans plusieurs cas, M. Hannover a vu distinctement, très- 
près de la fovea, des bâtonnets isolés attachés encore à la membrane 
limitante externe ; ils sont nombreux sur toute la périphérie de la tache 
jaune. L'auteur a également trouvé des cônes doubles très-près de la 
fovea. — La membrane limitante interne décrit une sinuosité profonde 
pour former la fovea; et au même niveau existe une sinuosité moins 
accentuée et en sens inverse de la membrane limitante externe. La dimi- 
nulion d'épaisseur au fond de la fovea provient d’un décroissement de 
toutes les couches, à l'exception de celle des cônes, dont la longueur est 
au contraire plus grande au centre de la fovea qu'à sa périphérie. Mais 
M. Hannover a trouvé que l'extrémité périphérique des cônes formait 
également à ce niveau une surface légèrement concave. L’élasticité 
de la membrane limitante interne, tendant à rapprocher les bords de 
la fovea qui est l'endroit le plus faible de toute la rétine, détermine 
sans doute la formation d’un ou de deux plis artificiels qu’on observe 
assez souvent à travers toute la tache. 

Ora serrata. — La dénomination de portion ciliaire de la rétine devrait 
disparaitre de la terminologie anatomique ; car, à l'exception de la meim- 
brane limitante interne qui n'appartient pas en réalité à la rétine, au- 
cun des éléments de celle-ci ne s'étend plus loin que l'ora serrata, 

JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (4877), 34 


530 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


qui est le bord nettement marqué, uni ou dentelé, par lequel elle se 
termine en avant; il n’y a pas de transitions entre les éléments de la 
rétine et ceux qui se trouvent sur le corps ciliaire. 

La rétine, dans son ensemble, s’amincit en avant de l’équateur de 
l'œil, mais cet amincissersent ne s'étend pas également à toutes ses 
couches. La diminution porte surtout sur la couche de cellules céré- 
brales, qui ne forment vers la périphérie de la rétine qu’un seul rang 
d'éléments épars; le nerf optique est à peine visible. La couche gra- 
nuleuse et la couche à noyaux externe conservent longtemps une épais- 
seursnotable, puis vient la couche à noyaux interne. La partie filamen- 
teuse de la couche à noyaux externe s’amoindrit souvent à ce point, que 
les couches à noyaux interne et externe sont en contact l’une avec 
l’autre, séparées toutefois par la membrane intermédiare, qui peut rester 
distincte. La hauteur des bâtonnets et des cônes décroit dans une forte 
proportion. Au bord même de l’ora se trouvent tous les éléments de la 
rétine; ils sv arrêtent brusquement, et s’y montrent sous une forme 
un peu différente de celle du reste de l'organe. M. Hannover a vu distinc- 
tement des bâtonnets et des cônes sur l’ora serrata en un point où 
l'épaisseur de la rétine atteignait à peine 0"",1. La membrane limitante 
interne ne fait qu'un avec l’ora serrata, et on ne peut l’en séparer 
qu’en l’arrachant; elle se divise sur l’ora même en deux lamelles, 
entre lesquelles se trouve le canal circulaire décrit pour la première 
fois par M. Hannover; il occupe sur la face antérieure du corps vitré à 
peu près toute la place que n’occupe pas la fosse lenticulaire, c’est- 
à-dire la partie ciliaire du corps vitré. 

Il n'y a qu’un élément qui prenne de l'accroissement vers l'ora, à 
savoir les fibres radiaires; elles dessinent, sur les coupes, des tunnels. 
Ces tunnels s'élèvent extérieurement jusqu’à la membrane intermédiaire, 
qui est bien distincte, et même jusqu'à la membrane limitante externe. 
Par contre, ils n’atteignent pas en dedans la Membrane limitante in- 
terne. Les fibres radiaires qui forment ces tunnels, sont fines, molles, 
droites ou légèrement arquées, mais non sinueuses; elles sont réunies 
par une petite quantité de substance intermédiaire et portent un nombre 
très-considérable de noyaux ronds ou ovales, qui peuvent former des files 
verticales entières. L'auteur ne décide pas jusqu’à quel point ces tunnels 
sont normaux ou non. 

Le bord libre de l’ora aboutit antérieurement vers l'iris à une couche 
de cellules, qui recouvre la surface interne (postérieure) de la portion 
non plissée du corps ciliaire. Ces cellules sont placées verticalement sur 
le corps ciliaire, allongées, très-transparentes; elles contiennent un 
grand noyau ovale qui repose presque directement sur le corps ci- 
liaire. Lorsqu'on veut détacher ces cellules, elles s’étirent ainsi que 
leur noyau, et la préparation peut leur donner une position oblique 
ou les comprimer. Cette couche de cellules est, sur sa face interne 
(postérieure), recouverte en entier par une masse claire, sans struc- 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 931 


ture, de consistance gélatineuse, s’arrêtant à la membrane limitante in- 
terne. Ces cellules ne sont pas réparties également sur toute la région 
non plissée du corps ciliaire, mais sont disposées en rangées; les ran- 
gées deviennent moins nombreuses, et les celiules elles-mêmes moins 
hautes en avant, de sorte qu’en somme elles ne couvrent le corps 
ciliaire que sur une étendue de 1"",5 à 2 millimètres en avant de 
l'or. Ces cellules constituent une formation nouvelle et indépendante, 
et ne proviennent pas, comme on le croyait, d’une modification d’un 
des éléments de la réline. Ce qui a donné lieu à cette erreur, c’est que 
le corps ciliaire, dans les yeux frais, apparait couvert d’une couche gri- 
sâtre, qui adhère très-fortement à la membrane lhimitante interne, et 
dont on ne voit clairement la structure que sous le microscope. Il s’en- 
suit qu'il n'existe pas de porcion ciliaire de la rétine. 


Sur l'unit: du type anatomique du placenta chez les mammifères 
et l'espèce humaine, et sur l'unité physiologique de la nutri- 
tion des fœtus chez tous les vertébrés, par le professeur Erco- 
LANI, de Bologne (1876, in-4, avec planches). 


ANALYSE PAR LE PROFESSEUR LOUIS VELLA. 


La structure du placenta a été, l’année dernière, particulièrement 
étudiée par M. Turner en Angleterre, par M. Külliker en Allemagne et 
par M. Ercolani en Italie. Les travaux de ce dernier auteur sur cette 
difficile et tres-grave question, commencés depuis 1867, reçoivent au- 
jourd’hui dans le mémoire que nous tâchons de résumer, un important 
développement, par lequel les nombreuses et délicates recherches d’a- 
nalyse anatomique semblent donner la synthèse de la structure et des 
fonctions d’un organe aussi important que le placenta. Ajoutons que les 
observations faites sur les formes les plus simples et Les plus primitives 
du placenta chez les poissons vivipares, ont conduit l’auteur non-seule- 
ment à affirmer l'unité du type anatomique du placenta à travers toutes 
les transitions des vertébrés ovipares aux mammiferes; mais en même 
temps, à démontrer l’unité physiologique de la nutrition du fœtus chez 
tous les vertébrés. 

L'auteur divise son remarquable mémoire (Bologne, 1877, gr. in-4), 
illustré de cinq planches, en deux parties. Dans la première il rassemble 
et décrit une série de faits nouvellement observés, pour démontrer que 
dans les points de l'utérus des femelles de certains rongeurs (Lepus, Mus, 
et Cavia cobaia) où S'arrêtent les œufs, commence aussitôt après la con- 
ceplion un procédé de destruction de la muqueuse utérine qui se 


532 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


propage à toute la couche conjonctive en comprenant les glandes utri-. 
culaires, les vaisseaux et les nerfs ;-et se continue jusqu'à mettre à nu la 
surface interne de la couche musculaire. Ce fait digne d'observation et 
qu'on rencontre avec tant d'évidence chez les rongeurs ci-dessus men- 
tionnés, a une grande valeur : il démontre 1° que c’est une erreur de 
croire que le placenta résulte de l’entrée des villosités fétales dans les 
glandes utriculaires de la matrice; 2° qu'il n’est point vrai non plus que 
le placenta ne soit autre chose qu’une tuméfaction ou transformation 
des éléments préexistants de la muqueuse utérine ; et 3° enfin, que les 
parties nouvelles, que l’on observe dans l'utérus en état de grossesse, la 
caduque et le placenta, ne peuvent nécessairement dériver que ue 
véritable néoformation. l 

L'auteur suit dans toutes leurs particularités les phases des deux pro- 
cessus de destruction et de néoformation, depuis les premiers moments 
de la descente de l’œuf dans la matrice jusqu’à la constitution du pla- 
centa plus spécialement chez les rats. 

Chez la Cavia cobaia il remarque aussi et il décrit ce fait non encore 
observé chez d’autres animaux, de la coexistence en un seul placenta 
discoïde, de deux formes de placenta regardées jusqu’à présent comme 
très-différentes entre elles, celle des ruminants et celle des animaux à 
placenta unique avec enlacement très-serré des vaisseaux fétaux et 
maternels. 

Une fois ce fait établi que le premier processus dans la muqueuse 
utérine après la conception est une destruction plus ou moins étendue 
et profonde, mais dans tous les cas indispensable pour la néoformation 
placentaire, l’auteur démontre qu'un processus destructif, identique par 
son résultat final, existe également chez la femme, où la couche épithé- 
liale de la cavité utérine disparaît et où la surface interne de la couche 
musculaire utérine reste complétement à découvert. 

Jusqu'à présent on ignorait l’origine réelle des cellules de la caduque 
et du placenta; or, l’auteur en étudiant les phases initiales du déve- 
loppement du placenta chez les lapins et la structure du placenta 
complétement développé chez la chienne, montre que ces cellules 
sont le produit d’une élaboration des parois externes des vaisseaux 
placentaires qui sont eux-mêmes des produits de nouvelle formation. 
En effet, en examinant leur structure on reconnait qu’extérieure- 
ment ils sont entourés d’une couche de cellules particulières, cellules 
déciduales, et qu'ils diffèrent des autres vaisseaux normaux de l’orga- 
nisme des mammifères en ce que, artériels ou veineux ct quel que soit 
leur volume, ils n’ont que la seule paroi endothéliale. C’est pour cela 
que M. Külliker pensait que chez la femme la paroi endothéliale des vais- 
seaux de la matrice se perdait dans les cellules de la caduque ; avec 
plus de raison M. de Sinety, en France, a tout récemment affirmé (Ar- 
chives de physiologie normale et pathologique, Paris, 1876, page 345) que 
les cellules de la caduque forment une gaine circulaire autour des vaisseaux. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 533 


Ce fait, d’un très-grand intérêt, observé chez la femme est parfaitement 
conforme à ce que M. Ercolani a démontré chez d’autres animaux . Il nous 
suffit de rappeler que les premières recherches de l’auteur aussi bien que 
les plus récentes ont été récemment confirmées et étendues à d’autres 
animaux par le professeur Turner dans son ouvrage, Lectures on the 
Comparative Anatomy of Placenta, Édimbourg 1876, où on lit, page 416 : 
« Ercolani of Bologna whose memoires on the structure of the placenta in 
various animals equal in importance and interest the classical essays of 
von Baer and Ensschricht has given a most precise aspect to this question. » 
L’’anatomiste anglais est arrivé lui-même à l’importante conclusion déjà 
annoncée par M. Ercolani dans son premier mémoire : que l’on ne peut 
pas se faire une idée exacte du placenta, si l’on oublie le rapport entre 
une surface sécrétoire et une surface absorbante. L’oubli de cette no- 
tion a dernièrement induit en erreur M. Külliker lui-même, qui jugea 
que plusieurs animaux manquaient de placenta, chez lesquels on con- 
state aisément le rapport entre une portion sécrétoire et une autre 
absorbante, c’est-à-dire l’existence d’un vrai placenta. 

L'opinion physiologiquement exacte de M. Turner, précédemment 
émise par M. Ercolani, correspond anatomiquement à la notion d’une 
simple villosité absorbante pour la portion fétale et sécrétante pour la 
portion maternelle. M. Ercolani ayant une fois admis cette forme comme 
typique et fondamentale chez les mammifères et l'espèce humaine, 
rappelle comment dans les cas les plus simples de placenta diffus, tel 
qu'on le trouve chez la truie, les villosités du chorion représentent la 
forme typique assignée à la portion fétale, et comment les grandes 
villosités utérines signalées par Bruck dans l'utérus de quelques poissons 
vivipares nous donnent la forme typique et exacte de la portion mater- 
nelle, En résumé l’auteur démontre que les villosités maternelles ou 
-sécrétoires de la surface externe de la matrice, en se multipliant et en 
s’assemblant de différentes manières, conservent toujours la forme typi- 
que élémentaire de la villosité maternelle, même quand de leur union 
résultent des cryptes ou follicules glandulaires simples ou bien des or- 
ganes glandulaires composés comme chez les ruminants. De même, dans 
la partie fétale, la forme typique de la villosité absorbante se maintient 
exactement, que ces villosités soient simples ou réunies en touffes arbo- 
rescentes. 

Dans toutes ces différentes formes de placenta le rapport entre les deux 
parties fondamentales se réduit à un simple contact et c’est pour cela 
que, dans tous les cas, la structure glandulaire de la portion mater- 
nelle reste toujours évidente : la villosité sécrétoire dans les états de 
perfections divers qu'elle atteint, retient le caractère commun à tous les 
organes sécrétoires de l’organisme. 

Dans le placenta unique, zonaire ou discoïde, le rapport entre les deux 
portions fondamentales ne change pas, seulement il s’établit d’une ma- 
nière beaucoup plus intime, puisque la villosité fétale s’unit étroitement 


53/ ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


avec la villosité maternelle. Dans ce cas l’anse vasculaire de la villosité 
fétale perd son épithélium en venant au contact immédiat de l’épithé- 
lium sécrétoire de la villosité maternelle : Ia disposition de cet épithélium 
facilite et abrége l'absorption. Ainsi, dans Le placenta unique les portions 
absorbante et sécrétoire ne manquent pas, mais leur rapport intime 
cache au premier abord la structure glandulaire qui reste larvée, tandis 
que dans d’autres formes plus simples elle est bien évidente du côté 
maternel. 

Quoique la répartition des vaisseaux du fœtus et de la mère dans l'in- 
térieur des placentas uniques soit très-différente selon les cas, cepen- 
dant l’union intime du vaisseau fétal dépourvu d’épithélium propre, avec 
l’épithélium sécrétoire de la villosité maternelle persiste, toujours con- 
stante et invariable. 

Aux faits déjà connus à ce propos, M. Ercolani ajoute des observations 
nouvelles sur le placenta de la chienne et sur la portion vasculaire des 
enveloppes du cochon d'Inde, où les choses sont de toute évidence. 

Chez quelques mammifères, les quadrumanes par exemple et la 
femme, on rencontre une particularité essentielle dans la forme de 
la villosité maternelle, qui consiste en une dilatation ou ectasie de son 
anse vasculaire. C’est au moyen de cette dilatation, véritablement énorme 
chez la femme, que les cellules de la villosité sécrétoire, c’est-à-dire 
les cellules qui recouvrent les vaisseaux placentaires dilatés, sont portées 
au contact des villosités fétales et les embrassent ; mais à part cette 
dilatation vasculaire qui, chez la femme, apparait sous forme de lacune, 
le rapport de la villosité fétale avec l’épithélium de la villosité maternelle 
est tout à fait identique à ce qu’il est chez les autres mammifères à pla- 
centa unique. 

L'auteur, en poursuivant l’étude de l’ectasie des vaisseaux de la sé- 
rotine chez la femme, en rapport avec la prolifération et l’accroissement 
des villosités fétales, déjà décrite avec beaucoup d’exactitude et de clarté 
par M. Ch. Robin depuis 1861, démontre comment les anatomistes, en 
négligeant la recherche des phases évolutives du phénomène, ont été 
conduits à imaginer une explication fausse du fait qui frappait seul leurs 
yeux, à savoir la formation des lacunes. Il est positif cependant qu'aucun 
anatomiste n’a indiqué d’une manière satisfaisante comment s'établis- 
sent ces lacunes, et comment les villosités arborescentes y pénètrent. 
Dernièrement M. Külliker a affirmé que, cela devait arriver par la des- 
truction de quelques éléments de la portion maternelle et par la pres- 
sion que les villosités exercent de leur côté en s’accroissant contre les 
parties. Mais ce mode d'interprétation est pleinement contredit par les 
observations faites dès 1861 par M. Robin, où celui-ci démontrait qu’il y 
avait ectasie dans les vaisseaux maternels, même quand les villosités 
fétales sont encore très-courtes. Tout le monde sait à présent que la 
formation des lacunes commence avant la prolifération des villosités, 
A l’appui de cette opinion, M. Ercolani rappelle ses observations sur la 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 539 


caduque utérine, dans les cas de grossesse extra-utérine ; il établit que 
cette caduque n’est autre que la portion maternelle du placenta de la 
femme qui, dans cette circonstance, se développe isolément dans l’u- 
térus, et présente un commencement de lacunes, bien que naturelle- 
ment toute trace de villosité fétale manque. Aïnsi donc la formation 
des lacunes se montre tout à fait indépendante de l'accroissement des 
villosités fétales. 

L'auteur recherche ce qui doit arriver selon les lois physiques les plus 
simples lorsque, dans un espace borné, comme l’amas cellulo-vaseulaire 
de la sérotine, vont s’introduire et s’accroitre les vaisseaux de la vil- 
losité choriale, Nous serions entrainé trop loin à le suivre dans ces dé- 
licates et difficiles recherches. Nous nous bornerons donc à reproduire 
sa conclusion que voici : 

Les villosités en croissant, pressent les parois des vaisseaux maternels 
qui se dilatent ; ils doivent nécessairement pousser devanteux ces parois 
et'la couche cellulaire qui les entoure. Si l’on examine le placenta de 
l'espèce humaine quand il est complétement développé sans tenir compte 
du processus ectasique des vaisseaux maternels qu’on sait aujourd hui 
se produire dès le commencement de la grossesse, on retombe dans les 
erreurs anciennes, à savoir : 1° que dans le placenta de la femme se 
forment de vraies lacunes; 2° que les villosités fétales baignent di- 
rectement dans le sang des lacunes; et 3° enfin, que les villosités 
fétales sont pourvues d’un épithélium propre. Les parois simplement 
endotéliales des vaisseaux placentaires ne se prêtant pas à un examen 
facile et leur ectasie étant vraiment énorme, on se crut autorisé à ad- 
mettre l'existence de lacunes sans rechercher le procédé de leur for- 
mation. De plus, les larges communications ou trous dans les cloisons 
des cotiledons, les observations de plusieurs anatomistes qui ont vu les 
artères s’aboucher avec les veines par de grands orifices dans l’intérieur 
du placenta, démontrent que même dans cet organe complétement 
développé, les vaisseaux capillaires primitifs de la sérotine ont gardé leur 
individualité. En un mot, ce n’est qu’une différence de degré avec les 
faits que M. Robin a parfaitement décrits comme marquant le com- 
mencement du développement du placenta. . 

Lorsqu'on ignorait que le placenta était un vrai néoplasme formé, pour 
la portion maternelle, par des vaisseaux munis d’une simple paroi endo- 
téliale entourée d'une enveloppe cellulaire; et avant que l’on sût que, 
dans tous les cas de placenta unique, les villosités fétales perdent l’épi- 
thélium qui leur est propre, au contact de l’épithélium de la villosité 
maternelle sécrétoire, c’est-à-dire des cellules de la caduque, les faits 
qui démontrent chez la femme l'intrusion des villosités dans la cavité des 
vaisseaux maternels dilatés, non-seulement ne pouvaient être clairement 
expliqués, mais le défaut de nos connaissances à ce sujet, joint à la 
croyance aux lacunes, faisait admettre que les villosités fétales baignent 
dans le sang maternel, On sait que depuis longtemps plusieurs anato- 


536 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


mistes pensaient que les villosités fétales chez la femme sont entourées : 


de deux couches épithéliales, une profonde avec cellules nettement 
distinctes, analogues à celles de la caduque, en contact direct avec la 
villosité fétale ; et une seconde couche externe que tout le monde 
appelle épithéliale, bien qu’elle n’ait aucune ressemblance avec les épi- 
théliums puisqu'elle est diaphane, transparente, et ne laisse que diffici- 
lement découvrir des noyaux. Or, selon M. Ercolani, cette couche exté- 
rieure de l’épithélium des villosités n’est autre que la paroi endothéliale 
modifiée du vaisseau maternel qui s’invagine par le procédé déjà indi- 
qué ; et la couche profonde de la villosité n’est que la paroie cellulaire 
primitivement extérieure du vaisseau maternel. En effet, en retournant 
cette double enveloppe de la villosité fœtale comme le doigt d'un gant, 
elle représenterait exactement la forme typique d'une villosité sécré- 
toire. 

Chez la femme la villosité fétale au contact de l’épithélium de la viilo- 
sité maternelle, ou en d’autres termes des cellules de la caduque, perd son 
propre épithélium, dont elle était revêtue dans les premiers temps de la 
grossesse, avant qu'il s’établisse un rapport stable entre les deux parties 
fondamentales du placenta. En un mot, on observe successivement le« 
mêmes faits qui se présentent isolément dans les différentes formes de 
placenta chez les mammifères. Chez la femme aussi bien que dans le pla- 
centa unique de tous les mammifères, les rapports entre Les deux por- 
tions fondamentales sont identiques. Les villosités fétales baignent dans 
le sang de la mère et en sont cependant séparées soit par la paroi du 
vaisseau soit par la couche de cellules qui l’environnent ; l’épithélium 
que l’on regarde comme lui étant propre, appartient à la mère. 

La seule différence entre le placenta unique d’un mammifère et celui 
de la femme, que l’auteur a démontré être identique à celui des qua- 
drumanes, consiste dans l’énorme ectasie des vaisseaux maternels, ec- 
tasie dont on a du reste des traces dans les placentas uniques de quelques 
autres mammileres. 

La doctrine physiologique généralement acceptée que la nutrition 
du fœtus des mammifères s’accomplit par un échange osmotique entre le 
sang de la mère et celui du fœtus repose sur cette erreur de fait que 
chez la femme les villosités baignent dans le sang des lacunes ; mais 
en admettant même que cela fût vrai, la doctrine physiologique ne 
serait vraie que de la femme et des quadrumanes, chez lesquels l’ectasie 
énorme des vaisseaux maternels fit croire à ce qui n'est qu’une appa- 
rence. Mais cette doctrine ne saurait être appliquée à tous les mammi- 
fères à placenta diffus et multiple dont les villosités fétales baignent 
dans un liquide spécial d’une composition chimique connue pour quel- 
ques espèces, et que les anciens appelaient lait de la matrice. 

Tout le monde sait que Cuüvier pensait que les marsupiaux pourraient 
faire une classe à part et parallèle à celle des mammifères et qu’ensuit : 
Owen s'appuyant sur une seule observation de la matrice en état de ges. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 937 


tation du kanguroo, établit la grande distinction entre Les mammifères à 
placenta et les mammifères sans placenta ; l'auteur insiste sur la difficulté 
d'admettre cette vue d’Owen que les marsupiaux manquent de placenta. 
Quoi qu'il en soit, on aurait chez les marsupiaux le contact direct d’un 
chorion dépourvu de villosités avec la surface interne de la matrice, dans 
laquelle on sait aujourd’hui que les glandes utriculaires augmentent de 
volume pendant la grossesse. Ainsi donc, même chez les marsupiaux, il y 
aurait le contact d’une surface absorbante avec une surface sécrétoire, et 
l’on aurait ainsi le fait caractéristique et fondamental qui distingue l'or- 
gane placentaire. De plus, il y a maintenant les observations de M. Ercolani 
sur les enveloppes du fœtus du mustelus lævis et celles de M. Bruck sur 
d’autres poissons vivipares qui démontrent que ces enveloppes représen- 
tent élémentairement et dansles formes les plus simples et rudimentaires 
les différences extérieures que l’on rencontre dans le placenta des mam- 
mifères. Les replis de la muqueuse utérine qui embrassent et renfer- 
ment l'œuf dans les sacs utérins du mustelus lœvis reproduisent le fait 
observé par Owen chezle macropus major ; etle placenta diffus des cétacés 
et des pachidermes n’est qu’un degré plus parfait de cette forme de pla- 
centa, de même que les grandes et nombreuses villosités qui se déve- 
loppent dans le sac utérin de la plutalia altanela représentent la forme 
initiale des placentas uniques d’une structure plus élevée et celle même 
de l'espèce humaine. 

Dans tous les cas, la substance nutritive est donnée par la mère et le 
fœtus pourvoit au moyen de se l’approprier : sous ce point de vue 
général la même loi physiologique régit la nutrition des vertébrés mam- 
miferes et ovipares, avec cette seule différence que chez les premiers la 
substance nutritive est fournie par la mère au fur et à mesure que les 
fœtus en ont besoin pour croître, tandis que chez les ovipares la sub- 
stance nécessaire au fœtus est donnée par la mère en masse et en une 
seule fois sous la forme du contenu de l’œuf, pour le développement 
complet du fœtus. Les formes extérieures changent donc, mais les lois 
générales et communes de la nature qui règlent la nutrition du fœtus 
chez tous les vertébrés ne changent pas. 


538 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Sur l'Eosine comme réactif de l'hémoglobine, et sur la genèse 
des capillaires et des hématies chez les mammifères et l'em- 
bryon du poulet (Ueber das Eosin als Reagens auf Haemo- 
globin und die Bildung von Blutgefässen und Blutkürper- 
chen bei Saeugethier-und Hühnerembryonen, par le D' N. 
Wissozky, Docent der kaiserl. Univ. zu Kasan (Russland ). 
(Archiv. für mikr. Anat. Octobre 1876.) 


D'après des recherches faites à l’Institut anatomique de Strasbourg, 
Wissozky tend à attribuer à un réactif récemment introduit en histo- 
logie, l'éosine, une réaction spéciale sur l’hémoglobine. 

En traitant par cette substance (éosine 1, alun 1, alcool, 200) le sang 
des mammifères, on voit que les hématies prennent une couleur rouge 
orangée caractéristique ; chez les batraciens, qui possèdent des globules 
sanguins nucléés, l’éosine se fixe exclusivement sur le corps cellulaire, 
en respectant le noyau qui reste incolore. De plus, lorsque les globules 
ont perdu leur hémoglobine par suite d’un séjour prolongé dans l’eau, 
l'éosine demeure sans aucune action sur eux, tandis que les granulations 
pigmentaires éparses dans le liquide prennent la teinte rose avec un 
léger reflet orangé. En employant la coloration double d’éosine et d'hé- 
matoxyline, le corps cellulaire prend la couleur caractéristique de l’éo- 
sine d'autant plus marquée que l'hémoglobine est mieux conservée, 
tandis que le noyau est coloré en violet intense. La réaction est encore 
plus nette sur des globules qu’on a laissés pendant une heure environ 
dans le liquide de Müller. 

Pour étudier comparativement la réaction de l’éosine sur les globules 
blancs, Wissozky provoque une inflammation dans le mésentère d’une 
grenouille, qu’il fixe par le liquide de Müller et qu’il soumet ensuite à la 
double coloration. On remarque ainsi que les globules blancs ne sont 
nullement modifiés par l’éosine, mais qu'ils prennent la coloration vio- 
lette très-foncée des noyaux des hématies, ce qui semble indiquer entre 
ces deux sortes d'éléments un certain degré de parenté. Les noyaux de 
l’endothélium des vaisseaux et les corpuscules migrateurs sont colorés 
de la même manière. 

L'auteur, observant qu'il est facile, dès à présent, de différencier chi- 
miquement les parties constituantes du globule rouge, passe en revue 
quelques applications histologiques dont sa méthode lui paraît suscep- 
tible. La combinaison de l’éosine avec l’hémoglobine fournit le moyen 
de déceler des quantités fort minimes de cette dernière et permet, en 
outre, de trancher un certain nombre de questions encore douteuses, 
telles que les modifications du sang dans les diverses formes de la leu- 
cémie et les maladies septiques, ainsi que le mode de formation des 
vaisseaux et des globules du sang. C’est à ce dernier phénomène, étudié 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 539 


sur des poulets et des embryons de lapin qu'a trait la seconde partie du 
mémoire que nous analvsons. 

Sur l'embryon de lapin l’auteur a choisi pour ses recherches la portion 
rétrécie des enveloppes de l'œuf qui se trouve entre le bord du placenta 
et le sinus terminal. Cet endroit est exceptionnellement favorable, car la 
membrane y est très-transparente et le réseau vasculaire sv développe 
assez tardivement, alors qu’on observe déjà une circulation complète 
dans l’allantoïde. 

Sur des embryons de 15 à 18 millimètres, cette membrane se compose 

de deux feuillets difficiles à séparer. Le réseau vasculaire se trouve à 
une phase plus avancée dans le feuillet superficiel, si bien qu’on peut 
observer dans les deux couches des stades d'évolution très-différents. Les 
éléments formateurs ou hématoblastes placés dans la membrane, ren- 
ferment un ou plusieurs noyaux colorés en violet foncé, tandis que le 
protoplasma finement granuleux du corps cellulaire présente une teinte 
rose-lilas claire et très-irrégulière. Tantôt les bords de l’élément appa- 
raissent si pâles qu’on a de la peine à les distinguer, tantôt c’est la masse 
de protoplasma elle-même qui offre de place en place des taches claires 
qui sont évidemment l'indice d’une répartition inégale de cette substance. 
Il n'y à jamais aucune (race de membrane limitante. 
_ La forme des hématoblastes varie à l'infini. Cependant on peut dis- 
tinguer deux types principaux : 1° de petits éléments (3 à 15 z de 
diamètre), arrondis, renfermant ordinairement un seul noyau; 2° des 
cellules volumineuses (0"",21 de long sur 0"",045 de large) présentant 
deux à six noyaux et émettant des prolongements lamelleux et ramifiés 
ou des filaments grêles renflés de distance en distance. Ces dernières 
correspondent aux cellules vaso-formatives de Ranvier, décrites aussi 
par Leboucq. Entre ces deux catégories d'hématoolastes on observe toutes 
les formes intermédiaires. 

Le développement débute par une prolifération des petites cellules 
rondes dont le noyau se segmente en même temps que le corps cellulaire 
gagne en étendue, s’étire dans tous les sens et finit par prendre la forme 
des grands hématoblastes ramifiés. Les prolongements s’anastomosent 
entre eux et bientôt, en place d'éléments distincts, on a un réseau irré- 
gulier et très-fin, offrant de place ên place des portions plus larges con - 
tenant des noyaux; c’est le réseau primitif des hématoblastes. Dans le 
stade suivant les filaments anastomosés ont augmenté d’épaisseur, les 
renflements sont moins accentués, et il s’est constitué ainsi un réseau de 
cylindres protoplasmiques parsemés de noyaux, ou réseau secondaire des 
hématoblastes. 

Pour se rendre compte de ces transformations successives, Wissozky 
admet que les hématoblastes sont doués de mouvements amiboïdes ; il 
insiste sur cette hypothèse qui lui paraît fournir l’explication la plus na- 
turelle des faits. 

Ce sont ces tractus hématoblastiques qui donnent naissance directe- 


510 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 


ment à des vaisseaux remplis de sang. Le phénomène se passe d’une ma- 
nière analogue dans les enveloppes de l'œuf du lapin et dans l’allantoïde 
du poulet. Dans leur épaisseur on voit un segment déterminé prendre la 
teinte rose-orangée de l'hémoglobine et se transformer en globule rouge 
du sang. Ceux-ci apparaissent d'abord comme des rondelles enlevées 
à l’emporte-pièce, placées dans une lacune circulaire du protoplasma 
dont les sépare une zone annulaire incolore. Ils sont généralement 
isolés ; leur diamètre varie de 6 à 15 #. Dans quelques-uns d’entre eux 
on distingue nettement un noyau étoilé avec un nucléole; sur d’autres 
le noyau est moins visible ou même indiqué simplement par un amas 
de granulations plus foncées que celles du corps cellulaire; on est donc 
en droit de supposer que c’est ce dernier qui apparait en premier lieu. 
Dans les parties non encore segmentées des lames hématoblastiques on 
voit des lignes courbes foncées qui indiquent les limites des futures hé- 
maties. 

Ce n’est qu’exceptionnellement qu'on voit ces dernières naître dans le 
réseau primitif des hématoblastes. 

Quand une portion du réseau secondaire a ainsi donné naissance à un 
certain nombre de globules, la substance qui sépare ces derniers se li- 
quéfie ; ilse forme de la sorte des excavations qui se mettent en commu- 
nication les unes avec les autres et constituent la lumière du vaisseau, en 
même temps que le tube protoplasmique qui les entoure prend la struc- 
ture des parois vasculaires. Les globules sanguins embryonnaires (em- 
bryonale Blutzeilen) se segmentent par la suite, de façon à produire de 
nouvelles générations d'hématies. C’est Remak qui a signalé ce fait en 
premier lieu. 

Les globules blancs apparais ssent par un mécanisme analogue dans 
les portions du réseau hématoblastique qui sont dépourvues d’hémoglo- 
bine. Les uns représentent de simples boules de protoplosma teintes en 
violet par l'hématoxyline; les autres, plus nombreux, présentent un 
noyau coloré d'une manière plus intense. Leur nombre diminue plus 
tard, à mesure qu'ils se transforment en globules rouges. Ce change- 
ment s'effectue exactement comme le dit Külliker (Zeitschr. für ration. 
Med. 1v Band. 1846). La coloration de l’éosine se montre d’abord en 
quelques points périphériques qui deviennent de plus en plus nombreux 
et elle s'accentue à mesure qu’elle gagne les couches centrales. Le noyau 
persiste avec son aspect primitif. L'auteur insiste, à la fin de son travail, 
sur les différences notables que présente ce mode d’origine des vaisseaux 
chez les animaux à sang chaud, lorsqu'on le compare aux faits observés 
chez les batraciens (N. Wissozky, Rudneff’s Journal für norm. und path. 
hist. und klin. Med. Petersburg, 1875). En effet, sur la queue des tê- 
tards le sang arrive des parties centrales et pénètre peu à peu dans les 
vaisseaux nouvellement formés. L'opinion d'Erb (D' W. Erb, zur 
Entiw.-gesch. der rothen Blutkürperchen. Virch. Arch. Bd 34), qui sou- 
tient que les globules sanguins primitifs proviennent tous des cellules 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 541 


embryonnaires et que les hématies se développent toujours aux dépens 
des leucocytes, est en contradiction formelle avec les observations expo- 
sées ci-dessus. G. H. 


. y\ . r 
Des images réelles obtenues au moyen du microscope composé, 
par M. G. HERRMANN (1). 


La discussion suscitée par les recherches récentes de M. Favel, de 
Caen, a remis en lumière certaines qualités des images microscopiques 
fournies par les instruments actuellement en usage. Jusqu'ici on semble 
s'être attaché surtout à fixer par la photographie l’image réelle produite 
par l’oculaire. Il suffit de se rappeler les principes élémentaires de l’op- 
tique pour se rendre un compte exact du mécanisme d’après lequel se 
forme l’image photographiée par M. Fayel ; on reconnait en même temps 
que le procédé de ce dernier n’est qu’un cas particulier d’une loi phy- 
sique plus générale en vertu de laquelle il est possible de produire des 
images réelles de plus en plus agrandies, au moyen de systèmes conver- 
gents surajoutés au microscope ordinaire. Théoriquement, le pouvoir 
grossissant des lentilles n’a point de limite. 

Soit, en effet, un objet A placé très-près et un peu au delà du foyer prin- 
cipal d’une lentille biconvexe L! faisant fonction d'objectif, et A’ l’image 
amplifiée, réelle et renversée fournie par cette lentille. Si l’on vient 
à placer un deuxième objectif L°? dans l’axe du premier (2), de telle 
façon que l’image A’ vienne se former très-peu au delà du foyer princi- 
pal de L*, par rapport à cette lentille, celle-ci donnera une nouvelle 
image réelle A'’, plus grande que A’, renversée par rapport à cette der- 
nière, et, par contre, droite par rapport à l'objet A. On pourra continuer 
ainsi à superposer indéfiniment des lentilles biconvexes convenable- 
ment espacées L3, Li, L5, etc... Si l’on affecte, comme ci-devant, le nu- 
méro À à celle qui est la plus rapprochée de l’objet A, il est évident que 
tous les verres portant des numéros impairs fourniront des images ren- 
versées par rapport à l’objet; à l'inverse, tous les verres portant des 
numéros pairs donneront des images renversées par rapport aux précé- 
dentes et, par contre, droites par rapport à l'objet. Toutes les images 
seront réelles et d'autant plus amplifiées que la lentille qui les aura 
fournies portera un numéro plus élevé dans la série. 

On voit au premier abord l'avantage considérable qu'il y aurait à pou- 
voir appliquer ce principe dans la pratique des études microscopiques. 

D'autre part, si l’on vient à abaisser la lentille L? de façon à ce que 


(1) Cons. Fayel, Année médicale de Caen, mars 1876 et janvier 1877. 
. (2) Pour la commodité de la démonstration, l'axe commun des diverses lentilles 
est supposé vertical. 


912 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


l’image A/ vienne se former entre elle et le foyer principal, cette len- 
tille ne pourra plus fournir d'image réelle, et l'œil placé au-dessus 
d'elle percevra une image virtuelle et amplifiée a’ de A", droite par rap- 
port à A’ et renversée par rapport à l’objet A. Dans cette position la 
lentille L? joue le rôle d’ocuhiire, et l’image a’ est l’image microsco- 
pique ordinaire, telle que nous l’observons habituellement. 

Chacune des lentilles supérieures à L?, prise séparément, pourra de 
même être amenée dans une position telle qu’elle joue le rôle d’oculaire; 
contrairement à ce qui a lieu pour les images réelles, ce seront les len- 
tilles de rang pair qui fourniront les images virtuelles renversées, et les 
lentilles impaires les images virtuelles droites par rapport à l’objet A.. 

M. Fayel ne procède pas autrement lorsque après avoir mis son micro- 
scope au point de l’image distincte perçue par l’œil (image virtuelle et 
renversée), il est obligé de recourir à une nouvelle mise au point pour 
voir une image (réelle et redressée) se peindre sur l'écran de la chambre 
noire placée au-dessus du microscope, Le changement est forcément mi- 
nime, car il suffit que l’image réelle fournie par l’objectif et située 
habituellement très-près et en deçà du foyer principal de l’oculaire, par 
rapport à ce deruier, soit transpoitée à une distance infiniment petite 
au delà de ce même point focal (1). 

Si maintenant on essaye de déduire de ces données théoriques des pro- 
cédés applicables dans la pratique, on voit qu’il y a de grands obstacles 
à l'emploi d'un certain nombre de systèmes convergents superposés. Le 
microscope pancratique de Fischer de Waldheim représente la dernière 
tentative qui ait été faite dans cette voie. Cet instrument, composé de 
deux objectifs superposés et d'un oculaire, avait l'avantage de donner des 
images droites, mais ces dernières laissaient fort à désirer sous le rap- 
port de la netteté et surtout de la lunuère ; en outre le champ microsco- 
pique se trouvait extraordinairement rétréci. Faut-il considérer ces 
difticullés comme insurmontables, ainsi qu'on parait l'avoir fait jus- 
qu'ici? L'interposition, entre les deux objectifs, d’un verre de champ à 
courbure convenable peut pallier d’une maniere sensible le rapetisse- 
ment du champ. Nous avons remarqué en outre qu'on amplifiait beau- 
coup l'étendue du champ et même le grossissement des objets en ren- 
versant l'objectif placé au-dessus du verre de champ. Dans cette position 
les deux objectifs se regardent par leur grosse extrémité, et le champ est 
d’autant plus vaste que l'objectif supérieur est plus fort. Nous avons ob- 
tenu ainsi, avec des objectifs de force moyenne, des images énormément 
ampliliées, montrant, malgré le manque de netteté, des détails de 
structure que n'avait pu révéler une lentille à immersion. Quant à l’é- 
clairage, rien n’empêcherait de remplacer les petits miroirs sphériques 


(1) Il nous semble qu’il suffit de bien préciser ce point relatif au changement de 
position de l’image réelle par rapport au loyer principal de l’oculaire, pour lever tous 
les doutes auxquels a donné lieu la méthode photographique exposée par M. Faÿel. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 043 


annexés à nos microscopes par des réflecteurs paraboliques plus puis- 
sants, capables de fournir une plus grande quantité delumière transmise. 
Au besoin, on pourrait recourir à des lumières artificielles très-intenses. 
Mais, même dans ces conditions, il nous parait douteux que l’on puisse 
obtenir des images suffisantes comme neiteté, quoique assurément nos 
objectifs actuels soient capables de fournir un résultat bien plus satis- 
faisant que les lentilles fort imparfaites et à petit angle d'ouverture dont 
firent usage les constructeurs du microscope pancratique. 

Si l’on parvient à résoudre le problème, ce ne sera qu'en mettant au 
service de l'expérimentation les ressources d’une technique perfectionnée 
tant pour la dispo-ition des différents systèmes que pour la qualité même 
des verres. En effet, la confusion croissante des images reconnait pour 
causes principales l'absorption des rayons lumineux par les milieux 
dioptriques, et la déperdition résultant des irrégularités de la transmis- 
sion (dispersion, aberrations de réfrangibilité et de sphéricité, réflexion 
partielle, etc. …) 

C'est pourquoi l’oculaire dit Holoster, par exemple, ne peut être em- 
playé que dans des conditions d’éclairage très-favorables. En résumé, le 
pouvoir grossissant des instruments sera toujours en raison directe de la 
qualité des lentilles. 


Des accidents immédiats déterminés par les injections de fuch- 
sine pure dans le sang, par MM. V. Fezz et E. Rirrer (Comptes 
rendus de l'Acadénue des sciences. — Paris, 1877, in-4, 
t. LXXXIV, p. 263). 


Dans le cours de nos expériences sur l’action de la fuchsine non arse- 
uicale introduite dans le sang, nous avons remarqué que les animaux 
présentaient des accidents nerveux passagers, assez semblables à ceux de 
l'ivresse alcoolique, même dans le cas d'injection des doses minima. 
L'impossibilité de se tenir debout pour cause de paralysie ou d’agitation 
convulsive des membres, la titubation ensuite, durent de cinq à dix mi- 
nutes, L'intelligence ne parait pas troublée, car les animaux, dès que 
l'on ouvre la porte du laboratoire, font d’inutiles efforts pour fuir. Nous 
n'attachions que peu d'importance à ces phénomènes, que nous pen- 
sions liés à des modifications de tension circulatoire, ou à la production 
d’embolies capillaires. 

Les faits suivants nous ont fait changer d’opinion. 

1° Des injections d’eau distillée ou d’urine fraiche, filtrée à la tempé: 
rature de 37 à 38 degrés dans le système veineux des chiens, en quan- 
tités variables, mais ne dépassant pas le dixième du poids de l’animal, 


ol ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


font hausser la colonne mercurielle de l’hémo-dynamomètre de 4 à 
2 centimètres au-dessus du degré normal, sans que les animaux pré- 
sentent le moindre phénomène nerveux comparable à celui que l’on 
observe à la suite d’injections de quelques centimètres cubes d’une solu- 
tion aqueuse de fuchsine pure. 

2° De nombreux essais d’injection de poussières organiques et inorga- 
niques, tant dans le système veineux que dans le système artériel, nous 
ont démontré que les accidents relevant d'embolies capillaires sont des 
plus variables. La constance des phénomènes nerveux, consécutifs à l’in- 
troduction de la fuchsine, démontre péremptoirement qu'il ne peut être 
question de lésions emboliques pour les expliquer. 

De par ces faits, nous nous croyons autorisés à donner comme cause 
des phénomènes nerveux sus-indiqués l’impression directe du système 
nerveux par la fuchsine même. Dans l'hypothèse de la possibilité de rat- 
tacher ces accidents à de la fuchsine impure par suite de mélanges avec 
des sels arsenicaux, nous avons fait quelques essais avec des solutions 
d'acide arsénieux, d’arséniate de soude et d’arsénite de potasse injectées 
aux doxes toxiques minima établies par notre préparateur, M. Rouyer, 
sans Jamais Obtenir les symptômes nerveux que nous venons d'attribuer 
à la fuchsine. 


Le proprictaire-gérant, 


GERMER PBAILLIÈRE, 


PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2, 


| 
| 


ÉTUDE 


DE 


QUELQUES ARRÉTS RESPIRATOIRES 


APNÉE — PHÉNOMÈNE DE CHEYNE-STOKES 
 ARRÊTS RÉFLEXES DE CAUSE CARDIAQUE 


Par le D' FRANÇOIS-FRANCK 


[ 


APNÉE ET PHÉNOMÈNE RESPIRATOIRE DE CHEYNE-STORKES. 


L'observation de deux malades atteints l’un d’urémie, l'autre 
d’embolie cérébrale (1), et présentant le phénomène respiratoire 
de Cheyne-Stokes, nous a conduit à étudier cette année un cer- 
tain nombre de troubles respiratoires analogues chez les ani- 
maux (2). 

Dans les expériences que nous avons tentées sur cette ques- 
tion, nous avons reproduit des modifications du rhythme respi- 
_ratoire qui peuvent dans tous les cas se ramener aux termes 
suivants : 

1° Phase de respirations plus ou moins amples et rapides; 

2° Phase d'atténuation, souvent de suspension complète des 
mouvements respiratoires ; 

3° Phase de reprise suivie à son tour d’une période d'arrêt 
plus ou moins complet de la respiration. : 


(1) L'examen de ces deux malades a été fait à l'hôpital de la Charité, dans le 
service du professeur Hardy, avec notre ami, le docteur J. Renaut, alors chef de 
clinique de la Faculté. Nous avons recueilli ensemble les graphiques des mouve- 
menis respiratoires et des battements du cœur de ces malades. 

(2) Ces expériences ont été faites en collaboration avec M. Cuffer, interne des 
hôpitaux, qui a traité le sujet des accidents respiratoires de l’urémie dans un mé- 
moire inédit présenté au concours pour Ja médaille d’or (Assist. publ., 1877). — 
Dans le fasc. 3 des Arch. p. le :c. mediche (Turin, 1877), le prof. Luciani annonce 
la publication prochaine d’expériences sur le phénomène de Cheyne-Stokes. 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — T, XIII (1877). 39 


96 FRANCOIS-FRANCK. — ÉTUDE 


$ 1. — Apnée consécutive à la trachéotomie. 


Un exemple fera saisir l’'enchaînement de ces rhythmes respi- 
ratoires et nous permettra de poser tout de suite la question du 
mode de production de ces accidents. Il s’agit de l’apnée consé- 
culive à la trachéotomie. 

Le chien, fixé sur la gouttière, respirait régulièrement avant 
la trachéotomie. On ouvre largement la trachée.et on y introdui, 
une canule métallique &e fort calibre qui reste en place sans 
ligature (1). L'animal fait quelques efforts, accélère sa respira- 
tion et donne de vigoureux coups de diaphragme qui s'accusent 
sur le tracé par les saccades des lignes d’ascension. Après quel- 
ques instants de respiration rapide, très-ample, on voit s’allénuer 
peu à peu les mouvements respiratoires, et cetle atténuation 
aboutit à la suspension complète de la respiration qui s'éteint, 
pour ainsi dire, et s'arrête après une expiration (2). La pause 
respiratoire dure, dans l’exemple que nous donnons ici, seize 
secondes ; puis les mouvements respiratoires reparaissent, super- 


(1) L'absence de ligature autour de la trachée simplifie l'expérience en permet- 
tant d'éliminer le traumatisme des filets du nerf récurrent dont on comprend souvent 
des branches dans l’anse de fil glissée entre la trachée et l'œsophage. C’est dans 
ce but que J'ai fait fabriquer une canule ayant la forme d’un T renversé quand 
elle est en place. Elle est introduite par une boutonnière, et s’arc-boute sur l’angle 
supérieur de l’ouverture de la trachée. Je me sers aussi, pour éviter l’excitation de 
la muqueuse produite par le contact d’un corps étranger dans la trachée, d’une plaque 
double à glissière qui reste fixée aux bords de la boutonnière trachéale (voy. Comptes 
rendus du laboratoire de M. le professeur Marey. G. Masson, 1877). (Sous presse.) 

(2) J'ai observé chez un enfant que j'opérais pour une laryngite œdémateuse, 
une pause respiratoire prolongée à la suite de l'introduction de la canule. L’enfant, 
très-remuant, fit quelques mouvements respiratoires rapides, et cessa tout d’un 
coup de respirer. J’en étais fort inquiet, mais je remarquai que son visage, cyanosé 
avant la trachéotomie, était redevenu normal et restait tel pendant la pause respira- 
toire. Néanmoins on miten usage les moyens employés en pareil cas, et la respiration 
reparut. Ce fait m'est revenu en mémoire à propos des expériences dont il est question, 
et j'ai cru devoir le citer ici pour appeler l’attention sur ce phénomène de pause respi- 
ratoire après la trachéotomic. Je n’ai point noté d’autres faits du même genre, et n’en ai 
pas trouvé mention dans les auteurs ; mais il me semble probable qu’en observant les 
enfants opérés aussitôt après la trachéotomie, on pourra constater le même phénomène, 
si toutefois les enfants exécutent, après l'introduction de la canule, quelques grands 
mouvements respiratoires, 


DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES, 917 


ficiels d’abord, plus profonds en- 
suite ; 1ls atteignent une certaine 
amplitude et vont en décroissant 
pour aboutir à une nouvelle 
pause. Les mêmes phénomènes 
se reproduisent en s’enchainant 
de la même facon pendant toute 
la durée de lexpérience, à la 
condition que lanimal reste 
agité el exécute, au moment des 
reprises, de grands mouvements 


piratoires) 


d'une période de reprise. Pendant cette reprise, 


à un certain niveau, diminuer ensuite p 


ar degrés. La suspension de la 


respiration se reproduit après l’extinction graduelle de ces mouvements. (Courbes fournies par le pneumographe de Marey.) 


resprratorres. Si, au contraire, il 
se caline et arrive à respirer 
avec une cerlaine lenteur, les 
suspensions respiratoires ne se 
produisent plus. 

Dans toutes les expériences 
que nous avons faites avec Cuffer, 
nous pouvions prévoir presque à 
coup sûr que nous obliendrions, 
par le seul fait de la trachéoto- 
mie, les désordres respiratoires 
qui viennent d’être indiqués, 
quand nous prenions un animal, 
jeune, vigoureux, irritable ; si 
le chien était âgé, d'un naturel 
tranquille et indifférent, comme 
beaucoup de chiens moutons ou 
de chiens de berger, la trachéo- 
tomie modifiait la respiration en 
en diminuant la fréquence, mais 
nous n'obtenions pas les pauses 
que nous voulions étudier. 

Cherchons à nous rendre 
compte de la raison pour laquelle 
l'agitation de l’animal et l’exagération initiale de ses mouvements 


fait suite à une phase de respirations graduellement décroissantes, et est suivie elle-même 


on voit l'amplitude des mouvements thoraciques augmenter jusqu’ 


Fic. 4. — Respiration thoracique d’un chien qui vient d'être trachéotomisé.£La période A (suspension complète des mouvements res 


048 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE 


respiratoires se sont montrées nécessaires à la production de ces 
troubles respiratoires à retour périodique. 

La première explication qui se présente à l'esprit c’est que 
l'animal ayant introduit dans sa poitrine une grande quantité 
d'air pendant la phase de mouvements respiratoires amples et 
rapides, cesse d’éprouver le besoin de respirer, arrête sa respi- 
ration pendant un temps correspondant à la durée de la consom- 
mation de l’oxygène introduit dans la période respiratoire précé- 
dente, et ne recommence à respirer que quand le besoin d’une 
nouvelle hématose se fait sentir. 

On voit que cette interprétation n’est autre que celle de Ro- 
senthal pour PAPNÉE : la pause respiratoire que nous voyons 
intercalée entre deux périodes de respiration serait une véritable 
pause apnéique, c'est-à-dire une suspension de la respiration 
due à l'introduction préalable dans le sang d’une quantité d'oxy- 
gène surabondante (1). Ù 

Cette hypothèse devait être soumise au contrôle de l’expé- 
rience : | 

1° Si on fait respirer à l'animal (2) un mélange d’azote et 
d'oxygène dans lequel la proportion d'oxygène soit moitié 
moindre que dans le même volume d’air normal, la respiration 
reste accélérée, très-ample; on ne voit pas se produire de sus- 
pension respiratoire. 

Au contraire, quand on augmente la proportion d'oxygène pur 
sans addition de gaz irritant, la pause respiratoire survient plus 
tt et dure plus longtemps. 

Il résulte de cette première expérience : 1° que la présence de 
l'oxygène en quantité normale dans l’air inspiré est nécessaire 
pour que la suspension de la respiration survienne aprés les 

(1) Sur le mécanisme de l’Apnée. (Comptes rendus Soc. biologie, 1871, p. 134 
à 1438.) Malgré les objections récentes de Pflüger (Arch. f. d, Gesam. Phys., XIV), 
nous croyons toujours réel « l’emmagasinement d'oxygène » admis par Voit et Pet- 
tenkofer. 

(2) Le procédé qui nous a paru le plus simple pour réaliser cette expérience est le 
suivarit : le pavillon de la canule trachéale est coiffé d’un embout métallique portant 
deux soupapes qui s'ouvrent en sens inverse et qui sont en rapport par de larges 


tubes avec deux récipients d’une grande capacité. Ces soupapes, d’une extrême sen- 
sibilité, ont été construites par M. V. Tatin pour ces expériences, 


DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES, 5h9 


grands mouvements initiaux, 2° que cette pause est hâtée dans 
son apparition et dure davantage si la proportion d’oxygène est 
augmentée. 

2° Quand on rétrécit la prise d’air de la canule trachéale de 
façon que l'animal, malgré l’amplitude et la fréquence des 
mouvements respiratoires du début, ne puisse introduire dans 
sa poitrine qu’une quantité d’air relativement restreinte, la 
pause respiratoire ne se produit pas; ou bien, si à la longue une 
modification du même sens survient, ce n’est qu'une atténuation 
des mouvements de la respiration, qu’on pourrait considérer 
comme une conséquence de la fatigue. 

Sur le même animal, au contraire, vient-on à découvrir com- 
plétement le large orifice de la canule, la suspension respiratoire 
ne tarde pas à se produire après une période de grands mouve- 
ments. Dans cette nouvelle épreuve, on voit donc, comme dans 
l'expérience n° 1, que la pause respiratoire est subordonnée à la 
quantité d’air introduite dans le poumon, Si celte quantité d'air, 
d'oxygène par conséquent, est très-considérable en peu de 
temps, comme dans le cas de mouvements respiratoires profonds 
et rapides chez un animal vigoureux et agité, il est à croire que 
le sang se sature d'oxygène et que le besoin de respirer disparaît 
jusqu’à ce que la provision soit épuisée ; de là la pause apnéique 
suivie de réprise, | | 

3° Ce qui précède nous amène à la comparaison des volumes 
d'air inspirés pendant deux temps égaux, dont l’un correspond 
à une période de respirations normales avant la trachéotomie, et 
l’autre à une période de respirations rapides suivies d’apnée. De 
cetle comparaison il résulte que pendant qu’il respire très-rapi- 
dement et avec une grande amplitude, l’animal introduit dans sa 
poitrine une somme de volumes d’air sensiblement égale à celle 
qu’il inspire pendant un temps au moins double quand sa respi- 
ration est normale, relativement lente, avant la trachéotomie. 
On peut donc admettre qu’il s’agit dans cette question d’une 
simple différence de répartition, et que la pause respiratoire ne 
survient que comme conséquence d’une hématose antérieure 
plus complète. 


550 FRANCOIS-FRANCK. — ÉTUDE 


h° Pendant la pause respiratoire qui s’observe à la suite de la 
trachéotomie, quand on comprime les deux carotides par pince- 
ment direct, sans tiraillement, on produit la cessation de l’apnée. 
L'animal exécute des mouvements respiratoires énergiques peu 
d’instants après la compression. On peut admettre que c’est à la 
suppression de l’afflux du sang oxygéné dans l’encéphale qu'est 
due cette reprise respiratoire. Du reste, dans les conditions ordi- 
naires, l'animal respirant doucement, si on vient à comprimer 
les deux carotides, on voit très-souvent la respiration s'accé- 
lérer et prendre une grande amplitude. | 

Nous nous trouvons autorisés, à la suite de ces épreuves suc- 
cessives, à considérer comme répondant à la définition queRo- 
senthal a donnée de l’apnée, la suspension de la respiration 
revenant périodiquement chez un animal trachéotomisé, qui 
respire avec une amplitude et une fréquence exagérées (1). 


$S 2. —_ apnée à la suite de la respiration artificielle. 


Quand on soumet un animal à la respiration artificielle sans 
lui avoir fait subir d’autre opération que l'introduction d’une 
canule dans la trachée, on le voit souvent, après quelques in- 
stants de lutte, se soumettre au rhythme respiratoire qui lui est 
imposé par le moteur. Vient-on à suspendre l’insufflation, l’ani- 
mal reste sans respirer spontanément pendant un temps variable, 
ordinairement de vingt à trente secondes (fig. 2). Cette pause 
respiratoire est-elle du même ordre que celle dont nous avons 
étudié les conditions ? 

Sans doute, on doit a priori admeltre que dans ces exemples, 
comme dans le cas de la trachéotomie, la pause respiratoire 
résulte de l'accumulation dans le sang d’une quantité d'oxygène 
surabondante. C’est ainsi du reste qu’on explique ordinairement 
ce phénomène, et les auteurs allemands mentionnent la respira- 
tion artificielle au nombre des moyens qu’on emploie pour pro- 
duire l’apnée. 


(1) Les mêmes effets se produisent quand on a soin de faire respirer à l'animal de 
l'air chaud et humide : il ne s’agit donc pas d’une impression anormale produite à 
lasurface intérieure du poumon et déterminant des arrêts respiratoires réflexes. 


EE —— 


DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 551 


Nous verrons tout à l'heure pourquoi cette interprétation 
parait devoir être acceptée, mais je tiens à présenter auparavant 
quelques réserves. 

La condition qui me semble essentielle pour que l’animal ne 


FIG, 2. — Respiration thoracique (RT) et variations de la pression artérielle (lignt 
supérieure) chez un chien auquel on pratique la respiration artificielle. Quand on 
cesse l’insufflation (début du tracé), on voit se produire une suspension (A) de 
la respiration spontanée qui ne reprend qu’à la fin du tracé. Les battements du 
cœur sont transmis par l'appareil appliqué sur le thorax pendant la suspension de 
la respiration. — La pression artérielle s’abaisse pendant la période A. 


fasse pas de mouvements respiratoires spontanés quand on sus- 
pend linsufflation trachéale, c’est qu’il se montre tout à fait 
indifférent à ce qui se passe autour de lui, et se soit compléte- 
ment abandonné au rhythme respiratoire imposé par le mouve- 
ment du moteur. Cette absence de participation volontaire aux 
actes mécaniques de la respiration est presque constante chez le 
lapin ; elle est plus rare chez le chien qui réagit d'habitude au 
moins pendant longtemps. Or c’est surtout chez le premier de 
ces animaux qu’on observe ce défaut de reprise spontanée de la 
respiration quand on cesse l’insufflation. On dirait qu’il est dés- 
habitué de faire les mouvements nécessaires à l’acte respira- 
toire, et qu’il ne recommence à les exécuter que quand le besoin 
urgent s’en fait sentir. Cette condition d’indifférence chez l’ani- 
mal me paraît se retrouver aussi chez l’homme dans certains cas 
d’affaissement général, comme dans l’urémie, la méningite, la 
fièvre typhoïde. 


552 FRANCOIS-FRANCK. — ÉTUDE 


J'aurai à revenir sur ce point à propos des suspensions respi- 
ratoires étudiées avec Renaut sur les deux malades de la Charité. 

Si done l’animal est en quelque sorte passif pendant l’expé- 
rience, et qu’on arrête la respiration arüficielle, on voit le plus 
souvent un temps assez long s’écouler avant qu'il n’exécute sponta- 
nément un mouvement respiratoire. Tout en faisant la part de 
la condition indiquée plus haut, il faut évidemment admettre 
que la cause directe de ce défaut de respiration spontanée réside 
dans l’oxygénation exagérée du sang. 

I. En effet, si au lieu du mélange respirable on insuffle dans 
le poumon un gaz comme de l'hydrogène ou de l'azote, jamais 
on ne voit survenir la pause respiratoire quand on suspend la 
respiration artificielle. Au contraire, l’animal exécute aussitôt 
de grandes inspirations, et si l’on voit se produire consécutive- 
ment un arrêt spontané de la respiration, il faut se garder d’at- 
tribuer cet arrêt à l’insufflation précédente. L'animal a, en effet, 
respiré avec énergie dans les instants qui ont suivi l’insufflation 
d'hydrogène ou d'azote, et rentre par conséquent ensuite dans les 
conditions de l'animal trachéotomisé dont nous avons parlé dans 
le paragraphe 1; s’il présente une pause apnéique, c’est pour 
les mêmes raisons. 

La contre-épreuve de l'interprétation de la suspension respi- 
ratoire après la respiration artificielle, est fournie par l’expé- 
rience dans laquelle, au lieu d'air normal, on insuffle de l'air 
surchargé d'oxygène. La respiration artificielle a besoin d’être 
beaucoup moins prolongée pour que l’apnée spontanée se pro- 
duise quand on vient à la suspendre. 

Mais, je le rappelle, il est indispensable, quelle que soit l'oxy- 
génation du sang, que l’animal soit tranquille pendant l’insuffla- 
tion, sans quoi il continue à respirer, tout oxygéné qu’il puisse 
être quand on suspend la respiration artificielle. C’est du moins 
ce que nous avons toujours observé avec Cuffer, et j'ai sous les 
yeux le relevé d’une expérience plus récente, dans laquelle j'ai fait 
respirer à un chien vigoureux et remuant de fortes doses d'oxy- 
gène sans obtenir un instant d’apnée; l'animal a même présenté 


les accidents connus qui suivent la respiration prolongée de l’oxy- 
gène à haute tension. | 


DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 553 


En résumé, la pause respiratoire qui s’observe quand on sus- 
pend la respiration artificielle chez un animal, rentre bien dans 
les conditions de l’Apnée. Mais, quand on ne l'observe pas sur un 
animal intelligent et qui réagit, comme le chien, il faut attri- 
buer l'absence de la pause apnéique à la résistance même de 
l'animal qui continue à exécuter des mouvements respiratoires 
malgré l’oxygénaätion. 


S 3. — Apnée consécutive à l'excitation du hout cardiaque 


du pneumogastrique. 


L’excitation du bout périphérique du pneumogastrique pro- 
duit, quand elle est assez intense, l'arrêt complet du cœur, l’ani- 
mal continuant à respirer (1). 


(1) Il y aurait lieu d’étudier avec grand soin les modifications respiratoires qui se 
produisent pendant l'excitation du bout périphérique, même parfaitement isolé, du 
pneumogastrique. Ce n’est point ici le lieu d’y insister, mais nous pouvons en dire 
quelques mots en passant. 

Cette excitation ne produit évidemment pas que des effets cardiaques ; bien sou- 
vent elle s’accompagne de troubles du rhythme respiratoire et de mouvements géné- 
raux analogues à ceux qu’on observe pendant l’excitalion faible du bout central du 
pneumogastrique. En rapprochant cette observation du fait antérieurement constaté 
par Arloing et Tripier, de l’existence de tubes nerveux récurrents, associant les deux 
pneumogastriques à la périphérie, on peut comprendre le mode de production des 
troubles qui surviennent pendant l’excitation du bout périphérique d’un pneumogas- 
 trique, l’autre nerf élant intact. Cette excitation porterait non-seulement sur des 
tubes nerveux cardiaques, c’est-à-dire centrifuges, mais aussi sur des tubes nerveux 
centripètes, constitués par des filets récurrents en continuité avec les tubes nerveux 
ascendants du pneumogastrique. opposé. Il se produirait dans ce cas un phénomène 
identique à celui qu’Arloing et Tripier ont les premiers démontré par l’analyse expéri- 
mentale dans les nerfs des extrémités : la persistance de la sensation douloureuse 
quand on excite le bout périphérique d’un nerf collatéral des doigts, les autres nerfs 
collatéraux, ou un seul nerf collatéral, étant intacts. L'union périphérique des nerfs 
sensibles rend compte de cette sensibilité récurrente à laquelle un nom nouveau, 
d’une utilité tout au moins contestable, a été donné par M. Letiévant : celui de sen- 
sibililé suppléée. | 

Les troubles respiratoires réflexes dont nous parlons (et qui sont, au reste, 
assez peu accusés pour passer souvent inaperçus) ne sont pas les seuls qu’on observe 
pendant l'excitation du bout périphérique d’un pneumogastrique. Quand cette excita- 
tion se prolonge et quand l’arrêt du cœur dure depuis quelques instants, l’anémie 
des centres nerveux qui en résulte semble déterminer d’abord une amplitude exa- 
gérée de mouvements respiratoires, ensuite des mouvements généraux avec désordres 
considérables du rhythme de la respiration. Mais ce n’est là qu’une conséquence secon- 
daire de l’excitation du bout périphérique du pneumogastrique : c’est le résultat de 
l'arrêt prolongé du cœur subordonné lui-même à cette excitation. 


554 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE 


Pendant tout le temps que dure l’arrêt du cœur, la circulation 
cardio-pulmonaire est nécessairement suspendue, et le sang qui 
séjourne dans les vaisseaux pulmonaires se sature d'oxygène, la 


respiration continuant. 

Or, quand l'excitation du bout périphérique du pneumogas- 
trique a cessé, le cœur reprend ses battements et lance dans les 
artères du système aortique un sang dont la richesse en oxygène 
paraît être la cause de la suspension respiratoire consécutive à la 
reprise des battements du cœur (1). 

Voici un premier exemple du phénomène. 


Fic. 3. — R. C., courbes des mouvements respiratoires et des battements du cœu” 
chez le lapin. On a produit l’arrêt du cœur par l’excitation du bout périphérique 
du pneumogastrique ; quand l’excitation a cessé, le cœur a repris ses battements, 
l’animal a exécuté deux ou trois mouvements respiratoires, puis à présenté une 
phase d’apnée absolue (A) pendant vingt-cinq secondes. 


FI6. 4. — R. T. Respiration trachéale d’un chien dont le pneumogastrique droit 
(bout périphérique) vient d’être excité pendant dix secondes ; l'excitation cesse 
au début du tracé. On voit qu'après deux grands mouvements respiratoires une 
atténuation très-notable de la respiration se produit pendant la période A. 


Dans l'exemple de la figure 3, la pause respiratoire a été par- 


(4) Expérience de S. Mayer (Sitzb. der Wiener Akad, 1874, Lxx). 


| 


DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 555 


faite. Quelquefois, surtout chez le chien, elle est moins complète, 
comme on le voit dans la figure 4. 

Mais, pour être moins accusé que dans l'expérience qui a 
fourni le tracé n° 3, le phénomène est de même sens dans ce der- 
nier tracé. 

D'après son mode de production, cette pause respiratoire 
rentre encore dans les conditions de l’apnée : c’est ainsi du reste 
qu’elle est interprétée par les auteurs allemands qui se sont sur- 
tout occupés de cette question. 


$4.— Apnée à la suite de la reprise respiratoire qui suit l'arrêt produit 
par l’excitation du tronc et du bout central du pneumogastrique, 


L'excitation du tronc du pneumogastrique produit deux effets 


simultanés : l'arrêt du cœur par excitation centrifuge des filets 


cardiaques, et l’arrêt de la respiration par excitation centripète 
des filets sensibles contenus dans le tronc du nerf pneumogas- 
trique; cette excitation centripète se réfléchit sur l'appareil 
moteur de la respiration et en produit l'arrêt, tantôt en inspi- 
ration, tantôt en expiration. Cette différence dans la forme de 
l'arrêt respiratoire avait été attribuée par Rosenthal à la diffé- 
rence des points du nerf qu’on excitait par rapport aux laryngés ; 


_ mais P. Bert a vu qu’en excitant le même point du nerf pneumo- 


gastrique on pouvait produire l’une ou l’autre forme de l'arrêt 
respiratoire suivant l'intensité de l’excitation. C’est ce que nous 
avons également constaté dans ces recherches. 

Quand, au lieu d’exciter le tronc même du pneumogastrique, 
on en excite le bout central, l'arrêt respiratoire se produit seul 
et le cœur continue à fonctionner. Les modifications qu’il subit 
du fait même de l’arrêt respiratoire et peut-être aussi en raison 
de l'excitation douloureuse des filets sensibles contenus dans le 
pneumogastrique ne doivent pas nous arrêter ici. 

Les seuls points qu’il nous importe de noter sont : 4° l’arrêt 
respiratoire produit par l'excitation du tronc ou du bout central 
du pneumogastrique; 2° les phénomènes consécutifs à cet arrêt. 

1° L'arrêt respiratoire initial ne présente aucun point de 
contact avec l’arrêt apnéique : il s’agit d’une suspension par voie 


556 FRANCÇOIS-FRANCK, — ÉTUDE 


réflexe, à la suite de l'excitation de nerfs sensibles, des actes mus- 
culaires de la respiration : l'influence de la composition gazeuse 
du sang n'entre point ici en ligne de compte. 

2° Mais cet arrêt réflexe des mouvements respiratoires ayant 
été prolongé un certain temps, quand on cesse l'excitation du 
tronc ou du bout central du pneumogastrique, la respiration 
reprend ample et rapide. Cette reprise dure un temps variable, 
et est suivie d’une pause souvent absolument complète de la res- 
piration. C'est ce qui s’observe dans l'exemple suivant (fig. 5). 


Fig. 5. — R, T. Respiration thoracique d’un chien dont le bout central du pneu- 
mogastrique droit a été excité pendant vingt secondes. La respiration était restée 
suspendue pendant l’excitation ; elle a repris avec une grande amplitude, et une 
grande fréquence après l'excitation, et cette reprise a élé suivie de la pause com- 
plète A. 


En examinant les circonstances dans lesquelles se produit la 
suspension respiratoire dont nous venons de parler, nous voyons 
qu'elle succède à une période de respirations amples et rapides; 
nous pouvons faire abstraction des phénomènes qui ont précédé 
et ne considérer cet arrêt de la respiration que comme la con- 
séquence de la série de mouvements respiratoires pendant les- 
quels l’animal à introduit dans son poumon une grande quantité 
d'air oxygéné en peu de temps. Nous nous trouvons ainsi exac- 
tement reportés aux conditions productrices de l’apnée après la 
trachéotomie. Chez un animal agité, et sans autre démonstra- 
tion, il serait très-légitime de considérer ces deux arrêts respi- 
ratoires, celui qui se présente après les grandes respirations qui 
constituent la reprise respiratoire quand l’excitation du bout 
central du pneumogastrique est suspendue, et celui qui survient 


DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 957 


après les grandes respirations des animaux trachéotomisés, 
comme des apnées véritables, identiques dans leur cause, Jar 
suroxygénation préalable du sang artériel. | 

Nous avons tenu cependant à vérifier par l'expérience l'identité 
de ces deux arrêts respiratoires, et, sur le même animal qui se 
prêtait, vu son état d’agitation, à la production de l’apnée consé- 
culive à la trachéotomie, nous avons fait la comparaison suivante : 

Les quantités d'oxygène inspirées et d’acide carbonique expi- 
rées ont été dosées, soit pendant la période de grandes respi- 
rations qui a suivi la suspension de l'excitation du bout central du 
pneumogastrique, soit pendant la période de grandes respira- 
tions conséculive à la trachéotomie. Ce dosage a été fait par le 
calcul des volumes d'oxygène contenus dans l'air inspiré et par 
la pesée de l'acide carbonique extrait de l’air expiré : la muselière 
à double soupape, analogue à celle dont s'était servi M. Sanson, 
a été employée dans cette expérience. Nous avons constaté que, 
pour une durée égale de grandes respirations dans l’un et l’autre 
cas, les quantités d'oxygène inspirées et les quantités d’acide 
carbonique éliminées étaient sensiblement égales. Or, comme 
l'expérience directe avait démontré (voy. $ 1) qu'il s'agissait 
bien d’une véritable apnée à la suite de la trachéotomie, nous 
croyons être autorisé à considérer comme pause apnéique la 
Suspension respiratoire survenue chez le chien après les grands 
mouvements qui suivent la suspension de l’excitation du pneu- 
mogastrique [bout central (1)|. 

Dans ces dosages de l’acide carbonique éliminé pendant les 
périodes de mouvements respiratoires amples et rapides qui 
sont suivies d’apnée, nous avons élé frappés de la quantité 
considérable de ce gaz qui est expirée, et nous nous sommes 
demandé si ces apnées ne seraient pas plutôt dues à l'élimination 
exagérée de l'acide carbonique qu’à la suroxygénation du sang, 
comme l'indique la théorie allemande. 

C'est avec cette idée que nous avons fait sur nous-même quel- 

(1) Des analyses comparatives des quantités d’oxygène contenues dans le sang ca- 
rotidien avant et pendant les pauses apnéiques ont été faites à l’aide de l’oxyde de 


carbone (procédé de C1. Bernard). Elles sont continuées à l’aide de la pompe à mer- 
cure modifiée par Noël. 


558 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE 


ques expériences faciles à répéter, mais que le temps ne nous a 
point permis de pousser assez loin pour donner aujourd’hui des 
résultats précis. 


$ 5. — Apnée produite chez l’homme par une série de respirations 
amples et rapides. 


Si on exécute un certain nombre de mouvements respira- 
toires profonds et fréquents, on demeure ensuite souvent plus 
d’une demi-minute sans respirer et sans en éprouver le moindre 
besoin. Cette grande pause respiratoire est tout à fait analogue, 
vu son mode de production, à celles que nous avons étudiées 
dans les paragraphes précédents, et qui, toutes, sont survenues 


après une série de respirations profondes et fréquentes. Or, la 


quantité d'acide carbonique éliminé pendant qu’on fait ces mou- 
vements respiratoires amples et rapides est beaucoup plus con- 
sidéiable que celle qu'on élimine normalement dans un temps 
égal à la durée des respirations fréquentes ajoutée à la durée de 
la pause respiratoire qui leur fait suite. N'ayant pas d’évalua- 
tions assez nombreuses et précises à présenter ici, JC me con- 
tenterai d'indiquer le fait et la conséquence qui pourrait en être 
tirée, s’il se vérifie au point de vue de la théorie de l’apnée 


vraie : celle apnée est-elle due à l'augmentation de l'oxygène 


dans le sang ou à une élimination plus considérable d’acide 
carbonique (1)? 


$ 6. — Phénomène respiratoire de Cheyne-Stokes observé chez deux 
malades (urémie, embolie cérébrale). 


On désigne souvent sous le nom d’Apnée le phénomène 
observé chez certains malades, particulièrement chez ceux qui 
sont atteints de lésions cérébrales, et qui consiste en une pause 
respiratoire prolongée intercalée entre deux séries de respira- 
tions (phénomène de Cheyne-Stokes). 

Cette pause respiratoire mérite-t-elle en réalité le nom 

(4) Suivant Ewald la quantité d'oxygène dans le sang serait plus grande et la 


quantité d'acide carbonique moindre pendant l’apnée. (E. Cyon — Pfluger’s Archiv. 
t. X, 4874.) 


DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 559 


d'Apnée? Ses conditions se rapprochent-elles de celles que nous 
avons vues présider à la production de l’Apnée vraie? 

Le premier malade que j'ai examiné avec Renaut (Charité, 
salle Saint-Charles, 2) au mois de décembre 1876, était atteint 
d'urémie. Il présentait de temps en temps une suspension com- 
plète de la respiration durant en moyenne 10 à 15 secondes, et 
pendant laquelle les battements du cœur conservaient leur régu- 
_larité et le pouls ses caractères. La figure suivante contient les 
tracés simultanés des pulsations cardiaques et du pouls caroti- 
dien pendant cette pause respiratoire. 


FiG. 6. — P,C. Pulsations cardiaques, et P. Car., pouls carotidien chez un urémique 
pendant une grande pause respiratoire spontanée (Charité, Saint-Charles, 2. Tracé 
recueilli avec M. Renaut). 


La reprise de la respiration s’effectuait avec douceur et s'exé- 
cutait lentement pendant 20 à 25 secondes pour faire place 
ensuite à une nouvelle suspension de la respiration. Ces carac- 
tères de la respiration au moment de la reprise sont indiqués 
par le tracé suivant (fig. 7): 

Ce type de reprise respiratoire diffère complétement, comme 
on voit, de ceux que nous avons montrés dans les paragraphes 
précédents : nous n'avons point ici ces reprises de la respiration 
avec mouvements énergiques, rapides, graduellement croissants 
et décroissants. [Il semble qu'il s’agisse d’un tout autre ordre 


960 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE 


de phénomènes, et la première idée qui se présente, c'est que ce 
malade, plongé dans un état d’indifférence complète, apathique 
comme un typhoïde, oubliait de respirer comme le typhoïde ou 
le méningitique oublie de retirer sa langue quand on la lui a 
fait rer hors de la bouche. Mais cette interprétation du phéno- 


Fic. 7, — P.C. Pulsations cardiaques et pulsations carotidiennes (P. Car.) chez le 
même malade pendant la reprise de la respiration R. (On voit ici les influences 
respiratoires sur la pression carolidienne. ) 


mène de Cheyne-Stokes observé chez le malade de la Charité ne 
devait point empêcher de chercher à se rendre plus rigoureuse- 
ment compte des troubles respiratoires affectant ce type, et on 
devait se demander si l’urémie par elle-même, indépendamment 
des phénomènes d’adynamie dont elle s'accompagne, n’est pas 
susceplible de déterminer des accidents de même nature. 
C'est dans celte voie que M. Cuffer a exécuté quelques re- 
cherches, tant au laboratoire du professeur P. Bert avec M. Jo- 
lyet, que dans le laboratoire du professeur Marey, avec moi. Je 
ne puis entrer dans le détail de ses expériences : je dirar seule- 
ment qu'il a cherché à reproduire le phénomène de Chevne- 
Stokes sur des animaux en les soumeltant, par exemple, à l’action 
du carbonate d’ammoniaque en injections intra-veineuses, 
d'après cette opinion de quelques auteurs, que l’urée non éli- 
minée par les urines se transforme dans le sang en carbonate 
d'ammoniaque chez les urémiques. Je donne ici l’un des tracés 


DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 961 


que nous avons recueillis dans une expérience de ce genre et 
qui montre, en eflet, des périodes de suspension respiratoire 
entre deux périodes de mouvements thoraciques. Dans la 
figure 8, on voit les respirations thoraciques du chien avant 
l'injection, et dans la figure 9, les troubles produits par l’in- 
Jection de 0,25 centigrammes de carbonate d’ammoniaque. 


FiG: 8. — R.T. Respiration thoracique du chien. avant l'injection de carbonate 
d’ammoniaque. 


Fic. 9. — Respiration thoracique et phases de suspension complète de la respira- 
tion (A,A) chez le même animal cinq minutes après l’injection de 25 centigrammes 
de carbonate d’ammoniaque dans la veine fémorale. Pendant les périodes AÀ,A, 
les battements du cœur se transmettent à l’appareil explorateur de la respiration. 


Ces périodes de suspension respiraloire (fig. 9) ont bien tous 
les caractères des périodes d’Apnée vraie : elles succèdent à de 
orands mouvements spontanés et nous rappellent tout à fait 
celles qui s’observent aprés latrachéotomie (voir $ 4); mais elles 
sont différentes, précisément à ce point de vue, de celles qu’a 
présentées le malade atteint d’urémie, et je crois que, jusqu'à 
plus ample démonstration, il serait juste de ne point désigner 


sous le nom d’Apnée les suspensions respiratoires du genre de 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. —- T, XIII (1877). 36 


562 = FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE 


celles que nous avons observées, si l’on veut conserver au terme 
Apnée la signification bien déterminée que lui à donnée Ro- 
senthal. C’est dans le même sens que plaidait Filehne (1) en 
distinguant parmi les arrêts respiratoires ceux qu’on doit dési- 
gner sous le nom d’Apnée vraie et ceux qui relèvent d'autres 
causes que de la modification gazeuse du sang (suroxygénation). 
Gette réserve peut ne pas paraître légitime au point de vue 
rigoureux de l’étymologie, mais on a pris aujourd’hui l'habitude 
de désigner par le terme d’Apnée un arrêt respiratoire en rap- 
port avec un certain état du sang, et on dit souvent « sang 
apnêique » pour «€ sang oxygéné »; la lecture d’un grand 
nombre de travaux deviendrait fort difficile si nous ne nous con- 
formions pas à l'usage établi, et, puisque le mot correspond à 
une idée déterminée, il semble juste de ne l'appliquer que dans 
le sens indiqué. 

Nous avons encore observé avec Renaut. ces pauses respira- 
toires, dont le mode de production reste à déterminer et qui 
caractérisent le phénomène de Cheyne-Stokes, sur un second mà- 
lade de la Charité atteint de lésion mitrale avec embolie dans la 
sylvienne gauche (Charité, salle Saint-Charles, n° 20). Les deux 
figures 40 et 11 correspondent l’une à une période d'arrêt res- 
piratoire complet se continuant insensiblement avec la reprise 
de la respiration (fig. 10); l’autre à une période respiratoire 
bien établie après une reprise graduelle (fig. 44). | 

On ne retrouve pas plus chez ee second malade que chez le pre- 
nier le type des Apnées véritables dont j'ai donné des exemples ; 
les pauses respiratoires survenaient graduellement, par atténua- 
tion progressive des mouvements respiratoires; la respiration 
renaissait ensuite doucement, sans fréquence ni amplitude exa- 
gérée. Les raisons que je donnais tout à Pheure pour ne point 
désigner les pauses respiratoires du malade atteint d’urémie 
sous le nom d’Apnée me semblent également valables dans ce 
second cas. L'état adynamique était tout aussi marqué chez le 
dernier malade que chez le premier, et c'est peut-être simple- 


(4) Filehne, Reichert und du Bois Reymond’s Archiv, 1873, p. 361 à 381 (anal, 
in Revue des Sc. méd. Hayem, 1874). 


063 


ES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 


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A 


à l'absence de participation volontaire aux actes qu'i. 


564 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE 


accomplissait qu’il faudrait attribuer ces suspensions de la res- 
piration. Du reste, on peut noter ce caractère de l'indifférence et 
de l'abattement du malade dans plusieurs observations de phé- 
nomène respiratoire de Cheyne-Stokes, et, si l'attention était 
dirigée de ce côté, 1l est probable qu’on retrouverait ce phéno- 
mène dans plusieurs maladies présentant le même caractère 
d’adynamie, la fièvre typhoïde, la méningite, etc. Ce qui est cer- 
tain. c’est que nous ignorons complétement le mode de produc- 
tion de ces troubles si curieux de la respiration et que la cause 
des arrêts respiratoires de ce genre semble tout à fait différente 
de celle qui est acceptée pour l’Apnée proprement dite. 


IT 


ARRÊTS RESPIRATOIRES RÉFLEXES D’ORIGINE CARDIAQUE. 


L'arrêt brusque de la respiration se produit chez l’homme et 
chez les animaux dans un grand nombre de circonstances, et 
particulièrement sous l’influence de l'excitation vive et soudaine 
des nerfs sensibles. 

Le mécanisme de ces suspensions de l’acte respiratoire sur- 
venant en réponse à des excitations périphériques consiste tou- 
jours en un acte réflexe dont la voie de transmission centripète 
est le nerf sensitif impressionné, dont le centre de réflexion est 
dans les centres respiratoires bulbaires et dont les voies de ré- 
flexion centrifuges sont les nerfs qui commandent aux muscles 
respiratoires, particulièrement les nerfs phréniques. 

On peut dire qu’au pointde vue de ces relations avec l'appareil 
musculaire de la respiration, les nerfs sensibles fortement excités 
sont tous des nerfs suspensifs des mouvements respiratoires, 
agissant sur les muscles par voie réflexe, tout comme les nerfs 
dépresseurs agissent sur l'appareil musculaire des vaisseaux. 

Dans le grand groupe des nerfs de sensibilité générale dont 
l'excitation est suivie de l'arrêt respiratoire, il en est un certain 
nombre qui empruntent une importance loute spéciale à leurs 
rapports avec l’appareil de la respiration : ce sont les filets sen- 
sitifs de l'arbre respiratoire lui-même, appartenant tous aux 


DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. | 565 


nerfs pneumogastriques, jouissant au maximum de cette pro- 
priété réflexe, dans le larynx et dans les petites bronches, c’est- 
à-dire aux deux extrémités de l'appareil respiratoire. L’attention 
a été suffisamment atlirée sur ces filets pour que je n’aie point à 
y insister ici. (Voyez les recherches de MM. Bert, Rosenthal, 
Jolyet, etc.) | 

Mais je désire présenter les expériences qui m'ont fait ad- 
mettre des filets sensitifs du même ordre, dans les parois car- 
diaques elles-mêmes, filets reliant la surface interne du cœur à 
l'appareil musculaire de la respiration et déterminant par voie 
réflexe, comme les autres nerfs sensibles, l'arrêt respiratoire en 
inspiration quand leurs extrémités intracardiaques sont sou- 
mises à une vive excitalion. | 

L’un des moyens les plus sûrs de provoquer la mise en jeu de 
ces filets sensibles de l’endocarde est d’injecter, par une jugu- 
laire, une petite quantité d’une solution concentrée de chloral : 
les doses qui d'habitude produisent l'effet indiqué sont : pour le 
lapin, 0,35 centigramimes d’hydrate de chloral dans 1 centi- 
mètre cube d’eau, et pour le chien 0,60 centigrammes dans 
0",025 cubes d’eau distillée. 

En même temps que l'arrêt respiratoire, se produit l’arrêt 
plus ou moins prolongé du cœur : ces arrêts reconnaissent tous 
les deux pour condition de production un acte réflexe d’un mé- 
canisme spécial (1) ; je n’insisterai dans cette note que sur le 
mécanisme de l’acte réflexe qui provoque l'arrêt respiratoire. 


Expériences sur lesquelles est fondée l'existence de nerfs cardiaques centri- 
pêtes provoquant par voie réflexe l’arrét de la respiration. 


I. Lapin adulte. Manomètre en rapport avec la carotide ; appareil ex- 
plorateur de la respiration et des battements du cœur placé autour de 
la poitrine; canule dans la jugulaire. 

a. Injection brusque de 20 centigr. d'hydrate de chloral dans { centi- 
mètre 4/2 cube d’eau distillée. —’Arrêt brusque de la respiration et du 
cœur, — Reprise au bout d’une demi-minute. 


(4) Voy. Troquart, sur l’action cardiaque du chloral. Th. Paris; et mémoire sur 
le même sujet dans les Comptes rendus du laboratoire du prof. Marey. G. Masson. 
1877. (Sous presse.) 


566 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE 


b. Pour être bien eertain qu’il s’agit en effet d’une impression causée, 
sur l’endocarde par le contact de la solution de chloral, et que ce n’est pas 
par suite du transport de l'agent irritant dans le système artériel pulmo- 
naire et encéphalo-médullaire que l'arrêt respiratoire se produit, on 
introduit une petite sonde fixée à la canule de la seringue jusque dans 
l'oreillette droite. Au méme instant où quelques gouttes du liquide pé- 
nètrent dans le cœur, arrêt de la respiration et du cœur : le caoNe n'a 
donc pas eu le temps de sortir du cœur droit. 

e, Comme épreuve décisive, on soumet l'animal à la respiration arti- 
ficielle, on ouvre la poitrine avec le thermo-cautère , et au moment où 
l'injection est poussée dans l'oreillette droite, on pince l'artère pulmo- 
naire ; l'arrêt du cœur et l’abaissement brusque du ME 4 : se pro- 
duisent encore. 


Expériences répétées sur le chien: avril, mai, juin, juillet 1877. 


Conclusions. — L'irritation produite par l'injection Intra-car- 
diaque de chloral retentit sur les actes mécaniques de la respi- 
ration; le point de départ de cette action suspensive de la respi- 
ration est dans le cœur lui-même, 


II. Chien. Expérience préparée comme la précédente. L'appareil ex- 
plorateur des mouvements respiratoires et des battements du cœur (ex- 
plorateur à tambour de M. Marey) ne permettant pas de saisir dans tous 
ses détails l’arrêt respiratoire, l’animal est trachéotomisé, et un petit 
tube latéral est fixé à la canule; ce tube étant mis en rapport avec l’ap- 
pareil enregistreur, on recueille les courbes des mouvements de l'air 
dans la trachée (pressions trachéales) en même temps que celles des mou- 
vements des parois thoraciques. 


On répète les expériences précédentes a on note les sie sui- 
vants : | 


A la première injection la respiration s'arrête en méme temps que les 
battements du cœur; c’est donc une même influence qui provoque ce 
double effet ; de plus on ne peut pas placer l’un sous la dépendance de 
l'autre. | js, 

À la deuxième injection, la respiration s’arrête un peu avant le cœur, 

Aux injections suivantes, on voit peu à peu s’atténuer les troubles 
cardiaques ; les arrêts respiratoires persistent. 

Enfin, quand les réflexes cardiaques sont tout à fait abolis, les arr rrêts 
respiratoires se produisent encore, quoique plus tardivement qu’au début. 


Il résulte de cette série d'expériences sur le même animal que 
les arrêts du cœur et de la respiration produits par l'injection 


DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 567 


intra-cardiaque de chloral sont deux phénomènes indépendants 
l'un de l’autre; que le mécanisme en vertu duquel ces deux 
phénomènes se produisent consiste en un acte réflexe dont le 
point de départ est dans les filets nerveux endocardiaques ; mais 
que cet acte réflexe s'exécute à l’aide de deux appareils nerveux 
différents : le réflexe cardiaque s’atténue, en effet, et finit par 
disparaître sous l'influence des injections successives d’hydrate 
de chloral, tandis que le réflexe respiratoire se maintient bien 
après que le réflexe cardiaque a cessé. 


Expériences démontrant directement la dissociation des deuæ actes réfleæes 
en vertu desquels..se produisent les arrèts des mouvements respiratoires et 
des mouvements du cœur, à la suite des injections intra-cardiaques de 
Chloral. 


HIT. Lapin vigoureux. Manomètre en rapport avec la carotide; explo- 
rateur des mouvements du cœur et de la respiration fixé autour de la 
poitrine ; canule trachéale bifurquée transmettant à l’enregistreur les 
variations de la pression de l’air dans la trachée. 

‘On commence par constater la production des deux arrêts respiratoire 
et cardiaque sous l'influence de l'injection intra-veineuse de chloral. 

On injecte ensuite dans une veine fémorale 3 milligr. de sulfate d’a- 
tropine. 

Au bout de quelques instants, le cœur ne s’arrête plus quand on re- 
nouvelle l’injection intra-veineuse de chloral (canule dans la jugulaire) ; 
la respiration s’arrête comme dans les expériences précédentes. 


On sait que l’atropine a pour effet de supprimer l’activité de 
l'appareil nerveux cardiaque (terminaisons cardiaques des pneu- 
mogastriques) : dans cette expérience le cœur était donc sous- 
trait à l’influence suspensive que produit normalement le contact 
du chloral sur l'endocarde; mais l’arrêt respiratoire s’étant en- 
core montré à la suite de l'injection intra-cardiaque du chloral, 
cet arrêt se produit par une toute autre voie. 

Recherche des voies de transmission centripéte dans l’acte réflexe qui déter- 


mine l'arrêt de la respiration à la suite des injections intra-cardiaques de 
chloral, 


IV. Lapin adulte. Mêmes dispositions que dans les autres expériences. 

Le lapin a été choisi pour cette recherche à cause de la division ana- 
tomique des nerfs cervicaux sympathique, dépresseur de la circulation, 
pneumogastrique, etc, 


568 (FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE 


L'arrêt réflexe de la respiration a continué à se produire après la section 
des deux cordons sympathiques ; après celle des deux nerfs dépresseurs, 
et des autres filets cardiaques qui se détachent du pneumogastrique 
au cou et à la partie supérieure du thorax; cet arrêt ne s'est plus montré 
quand les deux troncs pneumogastriques eurent été sectionnés. 


Ce premier résultat montre bien que les filets impressionnés 
qui transmettent aux centres nerveux l’excitation produite sur 
l’endocarde sont contenus dans les troncs nerveux coupés, mais 
ne permet pas de démontrer leur irajet. 

C’est plus haut qu’il faut opérer, au niveau des anastomoses 
des pneumogastriques avec les nerfs cervicaux et crâniens, pour 
mieux préciser le trajet suivi par les filets centripètes. 

Les anastomoses du ganglion plexiforme du pneumogastrique 
droit ont été successivement coupées ou détruites par le thermo- 
cautère (1), le tronc du pneumogastrique gauche ayant été préa- 
lablement sectionné. Tant que les filets propres du pneumo- 
gastrique sont restés intacts (les rapports avec les premières 
branches cervicales, le glosso-pharyngien, le ganglion cervical 
supérieur, l’hypoglosse, le spinal ayant été détruits), l'arrêt 
respiratoire réflexe a continué à se produire. Aussitôt qu’on a 
arraché la portion supérieure du pneumogastrique, tout arrêt 
respiratoire réflexe à disparu. 

Je me propose de chercher à déterminer dans de nouvelles 
expériences dans quel faisceau de racines du pneumogastrique 
sont contenus ces filets centripètes. 

Ces expériences d’éliminations successives établissent que les 
filets cardiaques centripètes, dont l'excitation périphérique pro- 
duit l'arrêt réflexe de la respiration, sont contenus dans le tronc 
des pneumogastriques, et n’abandonnent pas ces nerfs à la partie 
supérieure de la région cervicale pour se porter dans les nerfs 
anastomosés avec eux. 

V. Le siége précis des centres de réflexion de l’arrêt respira- 
toire réflexe nous reste inconnu pour le cas d’injection intra- 

(1) Cette destruction des filets nerveux, sans dissection minutieuse, est facile à 
opérer en amenant la pointe d’une tige fine du thermo-cautère au voisinage du filet 


préalablement découvert, et en ayant soin d’engager le thermo-cautère dans un tube 
de verre qui protége les parties voisines du contact ou du rayonnement. 5 


DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 569 


cardiaque de chloral, lequel n’est évidemment qu’un fait parti- 
culier des arrêts respiratoires réflexes, quelle qu’en soit la 
provenance. On doit admettre que ce centre de réflexion se con- 
fond avec celui des mouvements d'inspiration. 

VI. Recherche des voies centrifuges de l'arrêt respiratoire r'é- 
flexe quand il se produit en inspiration, comme cela s’observe 
d'ordinaire. — La forme même de cet arrêt respiratoire im- 
plique la connaissance des voies centrifuges de l'acte réflexe qui 
le détermine. La respiration s’arrête brusquement en inspira- 
tion : le diaphragme en s’abaissant, les côtes en s’écartant pro- 
duisent un rappel d’air énergique dans le. poumon, comme le 
démontre le tracé fourni par l’exploration intra-trachéale. Après 
ce brusque abaissement du diaphragme, le muscle se relâche 
peu à peu, la poitrine se dégonfle, et le plus souvent il. se pro- 
duit des soubresauts, des secousses convulsives du diaphragme, 
s’accusant par de brusques variations de la pression trachéale. 

Les mêmes effets sont produits quand on soumet l’un des nerfs 
phréniques à des excitations électriques successives (induites). 
Au moment de l'application des courants, brusque abaissement 
du diaphragme fortement contracté; pendant le passage des 
courants la décontraction se produit peu à peu comme celle de 
tout muscle dont le nerf est longtemps excité ; plus tard le dia- 
phragme donne des secousses irrégulières, espacées. 

L'excitation directe des phréniques détermine donc des phéno- 
mènes identiques à ceux que produit leur excitation réflexe dans 
le cas qui nous occupe, et cette remarque nous autorisera suf- 
fisamment à admettre que l'arrêt respiratoire dont il s’agit a 
pour voie centrifuge les nerfs diaphragmatiques; ce qui n’exclut 
pas, du reste, les nerfs des autres muscles inspirateurs. 


Remarques sur les expériences qui précèdent. 


Je n'ai cru devoir admettre l’existencé de filets nerveux spé- 
ciaux, à marche centripète, reliant le cœur à l'appareil respira- 
toire qu'après avoir bien établi, à l’aide des expériences des 
séries 1, Il, III, qu’on ne peut interpréter autrement l'arrêt 
brusque de la respiration survenant aussitôt qu’une injection con- 


570 ÉTUDE DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 


centrée d'hydrate de chloral arrive au contact de l’endocarde. 

Je me hâte d’ajouter que ces filets cardiaques ont leurs ana- 
logues dans le poumon lui-même, comme il résulte d'expériences 
bien simples consistant à provoquer le spasme réflexe des petites 
bronches et l'arrêt respiratoire par l'introduction de vapeurs 
irritantes dans le poumon ; ces nerfs suspensifs de la respiration 
se retrouvent, comme on sait, dans le larynx, l'excitation de la 
muqueuse laryngée produisant, par réflexe, exactement les 
mêmes eflels. | 

Les uns et les autres filets appartiennent au pneumogastrique, 
et ne constituent pas un système spécial. Tous les nerfs sen- 
sibles semblent jouer exactement le‘même rôle de nerfs sus- 
pensifs de la respiration quand ils sont soumis à une excitation 
brusque. L'arrêt brusque de la respiration que nous voyons tous 
les jours se produire quand une impression vive et soudaine 
vient à être portée sur un nerf de sensibilité générale constitue 
un acte de défense de l'organisme surpris. J'ai insisté l’année 
dernière, dans un mémoire publié dans les comptes rendus du 
laboratoire du professeur Marey (1), sur ces arrêts réflexes de la 
respiration, et donné de nombreuses figures dans lesquelles ces 
phénomènes sont bien visibles. En étudiant à part aujourd’hui 
des filets nerveux sensitifs partant de l’endocarde et se confon- 
dant dans le tronc du pneumogastrique avec des filets sensitifs 
identiques qui proviennent de l'arbre respiratoire (larynx, tra- 
chée, bronches, bronchioles surtout), je ne fais qu’ajouter un 
point de détail à l’ensemble. Il me semble qu'il y aurait une cer- 
taine exagération à réclamer pour ces filets cardiaques centri- 
pètes une dénomination spéciale, et cela pour la raison que je 
viens d'indiquer; ils font partie d’un système, et s’ils n’ont. pas 
été mentionnés à part, à ma connaissance du moins, c’est que 
l'analyse des effets immédiats produits par l'introduction de sub- 
stances irritantes dans le cœur a été presque exclusivement faite 
au point de vue des effets cardiaques et vasculaires. 


(1) Mém. vi. Effets des excitations périphériques (Comptes rendus du laboratoire 
du prof. Marey. G. Masson, 1876). 


RECHERCHES 
SUR 


L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS 


Par M. le D' Mathias DUVAL 


(Suite) (4) 


PLANCHES XXX er XXXI (V et VI du mémoire de l'auteur) 


DU NERF TRIJUMEAU ET SPÉCIALEMENT DE SA RACINE MOTRICE 


# 


-Dans nos précédents mémoires sur l’origine des nerfs crà- 
niens, nous n'avons encore étudié que des nerfs moteurs (grand 
hypoglosse, facial, moteur oculaire externe). C’est encore un 
nerf moteur, la petite racine du trijumeau (dite aussi nerf mas- 
ñcateur) qui fera l’objet spécial de l'étude suivante ; mais pour 
que ce nerf et son noyau soient bien distingués des autres par- 
ties afférentes à l’ensemble du trijumeau, nous devons d’abord 
examiner les différentes racines sensitives de ce nerf et en dé- 
crire les dispositions fondamentales; leur étude sera ultérieure- 
ment achevée avec celle des autres nerfs crâniens, car ces ra- 
cines montent d’une part jusque vers les couches optiques, de 
sorte que nous les retrouverons en décrivant et le nerf pathé- 
tique et le moteur oculaire commun, et descendent d'autre part 
jusque vers la parlie inférieure du bulbe, de sorte qu’elles se 
présenteront sur les coupes consacrées plus spécialement à la 
recherche des origines du glosso-pharyngien et du pneumo- 
gastrique. Nous bornant donc ici à une première vue sur les 
origines des faisceaux sensitifs de la cinquième paire, nous avons 
choisi, pour les représenter tout d’abord, une série de coupes 
empruntées à des animaux chez lesquels ces parties sont três- 


‘° (1) Voyez FHNAQ de l’anat. el de la d'a is FA seplembre 4 1876, p. 496 ; et mars 
“pus p, 184. y 


872 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


développées en même temps qu’elles présentent des rapports 
relativement simples ; nous verrons ensuite que les mêmes dis- 
positions fondamentales se retrouvent chez l’homme. Il nous 
suffira, pour donner cette description, d'entrer dans une expli- 
cation détaillée des figures qui représentent ces parties. 

I. Racine bulbaire ou inférieure du trijumeau. — Si l'on 
examine une coupe du bulbe du rat (pl. V, fig. 1) pratiquée au 
niveau du collet du bulbe, là où commence à se produire l’en- 
tre-croisement des cordons latéraux qui doit donner naissance 
aux pyramides, on voit que la substance grise présente encore 
les dispositions bien connues qu’elle offre, avec quelques variétés 
de forme, dans toute la longueur de la moelle ; les cornes anté- 
rieures, avec leurs grosses cellules étoilées, donnent naissance à 
la racine antérieure de la première paire cervicale (I, fig. 4); 
vers la partie interne de la corne postérieure se voient les fibres 
radiculaires de la racine postérieure correspondante ; les deux 
principales dispositions qui différencient cette coupe de toute 
autre coupe de la moelle épinière sont les suivantes : 1° la partie 
postérieure des cordons latéraux est traversée par une racine 
nerveuse (S) qui vient s'implanter dans la substance grise inter- 
médiaire aux cornes antérieure et postérieure ; c’est le nerf 
spinal (portion cervicale) ; 2° la tête de la corne postérieure est 
non-seulement très-étendue, mais elle est de plus très-superfi- 
cielle, c’est-à-dire qu’il n’y a qu’une très-mince couche de sub- 
stance blanche séparant son contour postéro-externe de la super- 
ficie de la moelle ; aussi cette tête de la corne postérieure est-elle 
plus ou moins visible, par transparence, lorsqu'on examine un 
bulbe à l’état frais ; elle donne ainsi lieu à l’aspect connu sous 
le nom de Fr. 07 cendré de Rolando. Dans cette région du 
tubercule cendré de Rolando se trouve la limite qui sépare les 
racines spinales postérieures les plus supérieures d’avec les ra- 
cines bulbaires les plus inférieures du trijumeau ; c’est ce que 
démontre l’étude de la figure 2 (pl. V). 

En effet, sur une coupe portant un peu plus haut, au niveau 
où commence l’entre-croisement des cordons postérieurs (CP, 
fig. 2, pl. V), on voit que la tête de la corne postérieure (tuber- 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 578 


cule cendré de Rolando, V) émet une série de pinceaux de fibres 
nerveuses qui en émergent en dehors et en arrière et viennent 
lui constituer une écorce blanche. Depuis ce niveau jusqu’à la 
région de l'émergence du trijumeau, sur les côtés de la protu- 
bérance, nous allons toujours trouver cette même disposition, 
c’est-à-dire une substance grise d’aspect gélatineux faisant suite 
à la tête de la corne postérieure, et émettant des fibres -qui se 
groupent en arrière, puis en dehors et enfin en avant d'elle, 
selon les régions : le faisceau de fibres blanches ainsi constitué 
n’est autre chose que la racine bulbaire du trijumeau. 

La figure 3 (pl. V) représente une coupe du bulbe au niveau 
des racines moyennes du grand hypoglosse : on y voit que la 
corne antérieure de la moelle a été décapitée par l’entre-croise- 
ment des cordons latéraux, de telle sorte que sa base (en 1) 
forme le noyau proprement dit de l’hypoglosse, tandis que ce 
qui reste de sa tête forme ce que nous avons appelé précédem- 
ment (1) le noyau accessoire de l’hypoglosse (H A). De même la 
corne postérieure a été décapitée par l’entre-croisement des cor- 
dons postérieurs, et sa base forme le noyau sensilif des nerfs 
mixtes (en 3), tandis que sa tête forme (en V) la substance géla- 
tineuse de Rolando : de cette substance partent les fibrilles qui 
vont prendre part à la constitution de la racine bulbaire [5] du 
trijumeau. | 

Dès ce moment, cette racine bulbaire a, sur les coupes per- 
pendiculaires à l’axe du bulbe, la forme d’un fer à cheval, dont 
la convexité est tournée en dehors, vers la périphérie du bulbe, 
tandis que sa concavité est tournée en dedans et embrasse la 
substance gélatineuse de Rolando. Ces dispositions vont se pré- 
senter avec les mêmes caractères dans toutes les coupes prati- 
quées à des niveaux plus élevés, mais la partie convexe du fer à 
cheval cessera bientôt d’être absolument superficielle, c’est-à-dire 
de prendre part à la formation du contour périphérique de la 
coupe, elle sera recouverte par diverses formations nouvelles 
(corps restiformes et racines du nerf acoustique), de telle sorte 


(1) Voyez Journ. de l'anat. et de la physiol. septembre, 1876, p. 514. 


57h MATHIAS DUVAL. = RECHERCHES 


que la racine bulbaire du trijumeau paraîtra s’enfoncer dans 
la profondeur du bulbe. | 

Dans la figure 4, il est facile, au premier coup d'œil, de recori- 
naître en V la substance gélatineuse, dont l'étendue diminue, et 
en 5 la racine bulbaire du trijumeau, laquelle au contrairé aug- 
mente sensiblement de volume ; on voit de plus que sa partie la 
plus antérieure seule arrive jusqu'à la superficie du bulbe ; «es 
trois quarts postérieurs sont recouverts par le corps restiforme 
(R F) et par la racine inféro-externe du nerf acoustique (A). 

Dans la figure 5, représentant une coupe pratiquée, toujours 
sur le bulbe du rat, au niveau où le fasciculus teres du facial (T) 
se recourbe en avant pour aller vers le noyau inférieur ou noyau 
propre du facial (7), nous retrouvons encore la substance géla- 
tineuse (V) et la racine bulbaire en question (5). Ces parties, 
dans leur trajet ascendant, ont subi un mouvement de rotation 
en avant, de telle sorte qu’elles sont maintenant placées tout à 
fait sur les parties latérales, et non plus en arrière et en dehors : 
ici la racine bulbaire du trijumeau ne touche en aucun point à 
la périphérie de la coupe ; ses parties antérieures en sont sépa- 
rées par une couche de fibres blanches transversales (fibres infé- 
rieures de la protubérance, trapezium des auteurs), et ses par- 
ties postérieures sont recouvertes par la racine supéro-Interne (A) 
de l’acoustique et par la masse ganglionnaire (N A) annexée à 
l'émergence de ce nerf. : | | 

Il en est de même dans la figure 6. Mais ici se présente une 
particularité qu'il importe de signaler : c’est que la partie posté- 
rieure da fer à cheval représentant la coupe de la racine bul- 
baire du trijumeau n’est plus nettement délimitée; comme par 
exemple dans les figures 3, 4 et 5. Cette extrémité recoit en eflet 
une série de fibres nerveuses (en 1) qui viennent de la substancc 
grise (2) du plancher du quatrième ventricule : cette substance 
grise, faisant suite à la base de la corne postérieure de la moelle, 
a successivement été le lieu d’origine des fibres des nerfs mixtes 
(en 3, fig. 3), puis de l'acoustique (en NA, {iz.4, et 2, fig: 5), 
et enfin elle devient lieu d’origine des fibres du trijumeau (1 et 2, 
fig. 6)..Ces nouvelles racines du trijumeau nous paraissent ren- 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 575 


trer dans la catégorie de celles que nous décrirons bientôt sous 
le nom de racines moyenne et externe, aussi n’insisterons-nous 
pas davantage ici sur leur étude. 

Poursuivant la racine bulbaire dans son trajet ascendant, sans 
nous arrêter pour le moment aux fibres radiculaires qui viennent 
encore s'y annexer, nous retrouvons la coupe de cette racine [5] 
et celle de la substance gélatineuse (V) dans la figure 7 (pl. VD; 
ici le mouvement de rotation en avant s’est continué, de sorte 
que ces parties sont passées dans la région antéro-latérale de la 
coupe : la substance gélatineuse se présente de plus en plus ré- 
duite : la racine bulbaire n’est plus séparée de la surface de la 
protubérance que par les fibres transversales superficielles du 
pédoncule cérébelleux moyen. 

Pour émerger à l'extérieur, sur les parties latérales de la pro- 
tubérance; la racine bulbaire en question n’a donc qu’à traverser 
ces fibres. 

C'est ce qui arrive au niveau de la coupe représentée par la 
figure 8 (pl. VD) : ici le tronc du trijumeau sensitif (formé par la 
racine bulbaire et les parties annexes que nous verrons bientôt) 
ési sectionné au niveau même de son émergence {5}; il est en 
avant et sur les côtés de la protubérance, c’est-à-dire en contact 
avec les fibres les plus superficielles des pédoncules cérébelleux 
moyens (PM). 

Nous pouvons donc ainsi, sur ces huit coupes de la région 
bulbo-protubérantielle du rat (fig. 4 à 8, pl. V et VI), suivre dans 
tout son trajet la racine bulbaire du trijumeau. Nous avons, pour 
cette démonstration, choisi le rat, parce que les petites dimen- 
sions de son centre nerveux nous permetlaient de représenter 
une série relativement nombreuse de coupes sans multiplier le 
nombre des planches annexées à ce mémoire. Mais il nous sera 
maintenant facile de retrouver chez d’autres animaux ces mêmes 
dispositions, sinon en série complète, du moins dans leurs phases 
les plus essentielles, en examinant les planches précédemment 
consacrées à l’étude du nerf grand hypoglosse, du facial et du 
moteur oculaire externe. — Ainsi, chez le chat, nous retrouvons 
la coupe de cette racine bulbaire, désignée par le chiffre 6, dans 


576 | MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


les figures 2, 3, 4 de la planche IT (1). Chez l’homme, nous la 
retrouvons également, désignée par le chiffre V, dans les figures 
1, 2, 3, À des planches III et IV (2). Ces figures nous permettent 
de suivre celte racine dans son trajet au niveau de la partie supé- 
rieure du bulbe et dans la protubérance, chez l'homme. Enfin, 
dans la planche VI, annexée au présent mémoire, nous voyons 
l'émergence du trijumeau, dont la racine bulbaïre forme la par- 
tie la plus considérable. La figure 9 (pl. VD) représente une coupe 
de la protubérance du chat : l’axe nerveux a été coupé à gauche 
à un niveau un peu moins élevé qu’à droite, de telle sorte qu'à 
gauche on voit la racine bulbaire [5], à laquelle viennent s’an- 
nexer des faisceaux radiculaires que nous décrirons plus loin, 
encore incluse au milieu des fibres transversales du pédoncule 
cérébelleux moyen (P M), tandis qu'à droite le tronc du triju- 
meau a émergé à peu prés complétement du milieu de ces 
fibres [5, 5]. La figure 10 représente une coupe analogue faite 
sur la protubérance de l’homme ; ici, c’est la moitié droite de la 
figure qui représente un niveau un peu inférieur à celui de la 
moitié gauche, et, en effet, oh voit à droite la racine bulbaire [5] 
recouverte par toute l’épaisseur des fibres transversales de la 
protubérance (P M), tandis qu'à gauche le trijumeau se dirige 
vers son émergence obliquement, en s'infiltrant pour ainsi dire 
à travers ces fibres transversales (5, 5, fig. 10, pl. VI). 

Cette racine bulbaire est donc des plus évidentes ; s’il est pos- 
sible de discuter encore sur la question de préciser le niveau le 
plus inférieur auquel elle descend et d'établir les connexions 
qu'elle présente dans son trajet, il n’est plus possible de mécon- 
naître son existence. Elle a été vue par les premiers observateurs 
qui se sont occupés de la structure des centres nerveux, et plu- 
sieurs ont pu la suivre à l’aide de simples dissections, alors que 
les anatomistes n’avaient pas encore recours à la pratique de 
coupes fines. Nous avons donc été grandement étonné de voir 
quelques auteurs modernes ou bien nier catégoriquement l’exis- 
tence de celte racine bulbaire du trijumeau, ou bien n’y faire 


(1) Voyez Journ. de l’anat. et de la physiol., septembre 1876. 
(2): Ibid., mars 1877. 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 977 


aucune allusion, la passer complétement sous silence dans leurs 
descriptions. 

Rappelons d’abord rapidement les auteurs qui ont le plus spé- 
cialement insisté sur son existence et ses dispositions. « Dans 
l’homme, disent Gall et G. Spurzheim (1), ce nerf est couvert de 
la partie postérieure de la protubérance annulaire ; mais en en- 
levant les filaments transversaux de cette protubérance, 1l est 
très-aisé de le poursuivre dans tout son trajet Jusque entre le 
corps olivaire et les jambes inférieures du cervelet. Santorini a 
mieux connu ce nerf que tous les anatomistes. » — On trouvera, 
en effet, dans le traité classique de Longet (Anat. et physiol. du 
syst. nerv., L. Il, p. 97. Paris, 1842) les principales indications 
sur l'historique ancien de cette question. Longet décrit la racine 
bulbaire du trijumeau et montre que Santorini, dès 1724, l’avait 
conduite jusqu’à travers l’épaisseur de la moelle allongée, « us- 
que in interiorem medullæ oblongatæ caudicem ». — En 1846, 
Sulling, dans ses belles planches sur la structure du pont de 
Varole, décrit et figure la racine bulbaire, dont les coupes 
affectent, comme nous l'avons vu, la forme d’un fer à cheval 
à concavité interne. — Vulpian, en 1853, dans sa thèse inaugu- 
rale, parle longuement de « la troisième racine du trijumeau, 
racine descendante, bulbaire, qui tire son origine de la sub- 
stance grise du bulbe rachidien ; racine de Rolando » (2). — 
Enfin, en 1857, Gratiolet s’exprime dans les termes suivants : 
« La racine principale traverse d’avant en arrière les deux plans 
des fibres transversales du pont et descend au-dessous de la 
couche des fibres arciformes jusqu’au tubercule cendré de Ro- 
lando ; or, le tubercule cendré de Rolando est l'extrémité supé- 
rieure de la strie gélatineuse qui occupe, dans toute l'étendue 
de la moelle, le fond du sillon latéral postérieur. Ainsi, cette 
racine du trijumeau appartient à la série des racines postérieures 
des paires spinales (3). » 


(4) Recherches sur le système nerveux, p. 101, Paris, 4809. 

(2) A. Vulpian, Essai sur l’origine de plusieurs paires de nerfs crâniens. (Thèse 
iuaugurale.. Paris, 1853, n° 170.) 

(3) Gratiolet, Anatomie comparée du système nerveux, t. 11, p. 207, 1857, 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XII (1877). 37 


578 MATHIAS DUVAL. —— RECHERCHES 


Il serait superflu de pousser plus loin celte revue historique. 
Si elle suffit pour montrer qu’on peut presque donner le titre de 
classiques aux notions déjà acquises sur l'existence de la grosse 
racine bulbaire du trijumeau, il n’était pas cependant inutile 
pour nous de reprendre cette étude, comme nous l'avons fait 
plus haut, avec pièces et dessins à l'appui, puisque la racine en 
question a élé niée par quelques-uns, omise par d’autres. Il nous 
suffira, pour le démontrer, de reproduire le passage suivant 
emprunté textuellement à Natalis Guillot : « Deux opinions 
‘ principales ont été émises sur cette origine : l’une, qui appar- 
tient à Gall, fait naître ce nerf du côté externe du corps olivaire ; 
depuis ce point, 1l serait caché dans l’épaisseur de la protubé- 
rance annulaire. C’est en raclant les parties et par conséquent 
en les détruisant d’abord, que cet anatomiste a prétendu faire la 
démonstralion de cette origine, pour le moins très-hypothétique. 
La seconde opinion est celle de Rolando ; cet observaleur place 
l’origine du nerf qui nous occupe près du niveau de l’angle infé- 
rieur du quatrième ventricule. Je ne regarde pas cette opinion 
comme plus vraisemblable que la première. Je pense, malgré 
l'autorité de plusieurs savants qui partagent l’une ou l'autre de 
ces manières de voir, qu'aussitôt que les nerfs de la cinquième 
paire sont parvenus à la superficie du pont de Varole, ils s’im- 
plantent par leur petite et leur grosse racine sur les portions de 
matière grise qui continuent supérieurement la colonne de ma- 
tière grise de la moelle épimiére (1). » 

Quoique Luys insiste avec détail, comme nous le verrons plus 
loin, sur les racines supérieures du trijumeau, il nous a été im- 
possible de trouver dans son ouvrage une mention de la racine 
bulbaire de ce nerf : à la page 58 de son traité (2), il donne du 
trijumeau une description analogue à celle de Natalis Guillot. 

Il. Racines supérieures et moyennes du trijumeau. — Nous 
avons vu que la racine bulbaire, quand elle arrive dans la pro- 
tubérance au niveau de son émergence, reçoit divers faisceaux 


(1) Natalis Guillot, Exposition anatomique de l’organisation des centres nerveux, 
p. 250, Paris, 1844. : 
(2) 3. Luys, Recherches sur le système nerveux cérébro-spinal. 1865. 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 979 


de nouvelles fibres radiculaires : de ces fibres, les unes paraissent 
provenir de la substance grise de cette région du plancher du 
quatrième ventricule, ce sont les racines moyennes ; les autres peu- 
_vent être suivies dans un trajet ascendant qui dépasse le 4° ven- 
tricule, arrive sur les côtés de l’aqueduc de Sylvius, et s’étend 
même jusque vers la région des tubercules quadrijumeaux anté- 
rieurs et les couches optiques ; ce sont les racines supérieures. 
Ces racines moyennes et supérieures, au moment où elles vont 
se confondre avec la racine bulbaire, pour former la totalité du 
tronc sensitif du trijumeau, sont dans un rapport intime avec le 
noyau moleur et la racine motrice de ce nerf; cette disposition 
nous oblige donc à nous arrêter sur la description des racines 
moyennes et du trajet correspondant des racines supérieures, 
dont l’origine ne sera étudiée avec détail qu’ultérieurement, 
lorsque nous examinerons la région où prennent naissance le 
pathétique et le moteur oculaire commun. 

Racines moyennes. Ces racines sont surtout bien développées 
chez l'homme. Cependant, en examinant la figure 6 de la 
planche V, on voit que, chez le rat, au niveau de la région de 
l'émergence du facial (région qui, chez cet animal, confine immé- 
diatement à celle où se fait l'émergence du trijumeau lui-même), 
la substance grise [2] du plancher du quatrième ventricule 
donne naissance à des fibres [1] qui vont se joindre à la racine 
bulbaire de la cinquième paire. De même chez le chat (fig. 9, 
pl. VI, en 1, 1). Mais chez l’homme ces fibres radiculaires et 
surtout la substance grise correspondante présentent des carac- 
tères qui les rendent particulièrement évidentes : cette substance 
grise est parsemée, dans une étendue assez considérable, de 
grosses cellules à contours arrondis et infiltrées d’une substance 
pigmentaire noire ou brune (d'où le nom de substantia ferru- 
ginea) (pl. VI, fig. 10 en 1, 1). Lorsqu'on examine, sur une 
pièce fraîche, le plancher du quatrième ventricule, on constate 
que dans sa partie moyenne, la plus large, ce plancher présente 
une couleur bleuâtre, visible surtout dans les fosseites latérales 
qui correspondent aux angles externes du losange figuré par ce 
ventricule. Cet aspect, qui a fait donner dès longtemps à cette 


. 


580 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


région le nom de /ocus cæruleus, est dù à la présence de ces 
cellules pigmentées de noir et placées au-dessus d’une mince 
couche de tissu blanc (1). Dans notre figure 40 (pl. VI), il est 
facile de voir que de toute l’étendue de la coupe de ce locus 
cœruleus partent des fibres qui se dirigent en dehors (X), puis se 
recourbent un peu en avant pour aller se mêler à la racine bul- 
baire [5]. — Dans ce dernier trajet (de X en 5, fig. 10, pl. VP), 
la racine moyenne du trijumeau est placée entre la racine supé- 
rieure (4, fig. 10), qui est à son côte externe, et le noyau moteur 
masticateur (T M), qui est à son côté interne. Telles sont les dis- 
posilions présentées par la moitié droite de la fig. 10. Dans la 
moitié gauche, où la coupe passe à un niveau un peu plus élevé, 
on voit encore en X des fibres appartenant à la racine moyenne, 
mais on ne voit plus leur continuité avec le tronc du trijumeau ; 
c'est que ces fibres proviennent d’une partie plus élevée de la 
substance noire du locus cæruleus, de sorte qu’elles sont ici sec- 
tionnées pour la plupart dans leur trajet descendant, et, en effet, 
dans un prochain mémoire, en achevant l’étude du trijumeau à 
l’aide de coupes longitudinales, nous verrons que ces racines 
moyennes remontent un peu sous le plancher du quatrième ven- 
tricule, au-dessus du niveau où se fait l'émergence de ce nerf. 
Nous aurons du reste à revenir longuement sur toutes ces ori- 
gines sensitives du trijumeau, et notamment à discuter, relative- 
ment à ces racines moyennes, provenant de la substantia ferru- 
ginea, Vopinion de Meynert, qui leur assigne un trajel croisé, 
une véritable décussation, celles qui proviennent de la moitié 
gauche du plancher se rendant, d’après lui, dans le trijumeau 
au côté droit et inversement (2). Nous pouvons dire dès mainte- 
nant que l'examen le plus attentif ne nous a rien révélé de sem- 


blable ; du reste Huguenin avait déjà trouvé fort douteuse lopi- 
nion de Meynert (3). 


(1) Chez les animaux ces cellules manquent ; nous avons du moins constaté que 
chez le chien, le chat, si cette région du plancher du quatrième ventricule présente 
parfois quelques rares cellules relativement volumineuses, ces cellules ne sont jamais 
pigmentées comme chez l’homme adulte (chez l'enfant cette pigmentation fait défaut). 

(2) Th. Meynert, in Stricker, t, IL, p. 776. 

(3) G. Huguenin, op. cit., p. 166. 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 581 


Racines supérieures du trijumeau. — Ces fibres radiculaires 
sont placées en dehors des racines moyennes : chez le rat, nous 
les voyons, dans la figure 7 (pl. VI), naître d’un amas de cellules 
placé à l'extrémité de l'angle externe du quatrième ventricule ; 
mais en examinant une série de coupes faites à des niveaux plus 
élevés, il est facile de constater que cet amas de cellules et ces 
fibres remontent beaucoup plus haut sous forme d’une longue 
traînée grise et blanche très-distincte qui traverse le pédoncule 
cérébelleux supérieur (en 3, fig. 8, pl. VI). Chez le chat, nous 
voyons cette racine en 4 (pl. VI, fig. 9, côté droit). — Chez 
l’homme, nous la voyons dans les deux moitiés de la figure 10 
(pl. VI). Dans la moitié droite, qui représente un niveau infé- 
rieur à celui de la moitié gauche, cette racine est visible dans 
son trajet depuis l’angle externe du quatrième ventricule jusqu’à 
sa fusion avec le tronc du trijumeau ; au contraire, dans la moi- 
tié gauche, ces connexions n'existent plus, et la racine supé- 
rieure se présente comme un faisceau isolé [4], coupé plus ou 
moins obliquement et placé à l’angle externe du quatrième ven- 
tricule en avant et en dedans du pédoncule cérébelleux supé- 
rieur (PS, fig. 10, pl. VD). Nous ne suivrons pas pour le moment 
cette racine plus loin ; disons seulement qu’elle s'élève vers les 
côtés de l’aqueduc de Sylvius, traversant le pédoncule cérébel- 
leux ou effleurant son bord interne. Gette racine du triju- 
meau a été peu étudiée; ceux qui l’ont décrite, et notamment 
Stilling et Deiters lui-même, l’ont prise pour une racine du pa- 
thétique, avec lequel elle affecte, en effet, à un certain moment 
de son trajet, des rapports de contiguité, mais nullement de 
continuité : cette erreur a été bien signalée par Meynert. C’est 
done à propos de l’étude du nerf pathétique que nous devrons 
achever celle de la racine ascendante du trijumeau. 

IL. Noyau moteur et racine motrice du trijumeau. — Les 
descriptions précédentes nous permettent de fixer maintenant 
avec précision la position et le trajet des éléments moteurs du 
trijumeau. | 

Le noyau moteur du trijumeau est placé, dans la protubé- 
rance, à peu près au niveau de l'émergence de la cinquième 


582 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


paire, en dedans de la portion horizontale de la racine sensitive 
moyenne. Nous disons à peu près au niveau de l’émergence, 
parce que, selon que la protubérance est plus ou moins riche 
en fibres transversales (pédoncule cérébelleux moyen), le tronc 
de la cinquième paire émerge d’une manière plus ou moins 
oblique en haut et en dehors, et que si ce trajet oblique est con- 
sidérable, comme chez l’homme, le noyau moteur se trouve alors 
placé relativement plus bas. Mais nous emploierons une expres- 
sion plus générale, et qui alors ne souffre pas de restriction, si 
nous disons que le niveau où est placée la partie moyenne du 
noyau moteur en question est précisément celui où les racines 
bulbaires moyennes et supérieures du trijumeau viennent con- 
verger et se confondre pour constituer la totalité de la racine 
sensitive. 

Ce noyau forme une masse arrondie, ou légèrement ovoïde, 
à grand diamètre vertical ; aussi se présente-t-1l sur toutes les 
coupes faites un peu au-dessus ou au-dessous de la région sus- 
indiquée. Chez le rat, nous voyons sa moitié inférieure dans la 
figure 7 (pl. Vlen T M) : il est là en arrière et en dedans de l’extré- 
mité supérieure de la colonne gélatineuse de Rolando. Cette co- 
lonne gélatineuse représente la fin de la corne postérieure de la 
moelle ; mais cette corne, en passant de la moelle dans le bulbe, 
puis du bulbe dans la protubérance, s’est successivement trans- 
portée en dehors, puis en avant, par une sorte de mouvement 
de rotation en spirale, ainsi que nous l’avons décrit en étudiant 
le trajet de la racine bulbaire du trijumeau. Si donc ce qui re- 
présente la corne postérieure de la moelle est venu ici se placer 
en avant, il est facile de reconnaître que ce qui est en arrière et 
en dedans de cette substance gélatineuse, c’est-à-dire le noyau 
moteur en question, n’est autre chose que la continuation de la 
corne antérieure ; et, en eflet, le noyau moteur du trijumeau 
est caractérisé par la présence des grosses cellules multipolaires, 
dites cellules motrices, qui sont également l'élément essentiel 
des cornes antérieures de la moelle. — Plus haut, toujours chez 
le rat (fig. 8, pl. VI), il ne reste plus aucune trace de la substance 
gélatineuse de la corne postérieure, le trijumeau sensitif s’est à 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 583 


peu près entièrement dégagé [5] du milieu des fibres de a pro- 
 tubérance ; aussi la partie supérieure du noyau moteur apparaît- 
elle ici comme isolée (TM) au milieu de la substance réticulée 
de la protubérance. 

Chez le chat, nous voyons ce noyau (TM) dans la moitié 
sauche de la figure 9 (pl. V. 

Il en est de même chez l’homme dans la moitié droite de la 
figure 10 (pl. VI). Ce noyau (TM), placé dans la couche pro- 
fonde de la protubérance, est en contact, comme dans les coupes 
précédentes, avec le côté interne de la racine moyenne du triju- 
meau. 

Nous avons dit que ce noyau avait la forme d'une masse sphé- 
rique, ou tout au plus ovoide, à grand diamètre vertical; en 
réalité, du moins chez l’homme, 1l est tout à fait sphérique, 
c’est-à-dire que ses divers diamètres sont à peu près égaux. 
Cetté indication, ainsi précisée, paraîtra en désaccord avèc les 
descriptions des auteurs qui se sont les premiers occupés de 
fixer la place et la figure du noyau masticateur ; d’après ces 
anatomistes, et notamment d’après Sulling et L. Clarke, ce noyau 
serait assez étendu dans le sens longitudinal (de haut en bas) et 
se composerait de plusieurs étages, de plusieurs groupes de sub- 
stance grise. C’est que les auteurs en question ont rattaché au 
nerf masticateur non-seulement son noyau propre, mais encore 
le noyau inférieur du facial, ainsi que nous l’indiquerons bientôt 
dans un rapide historique. Si, en effet, le lecteur veut bien rap- 
procher la figure 40 (de la planche VI) de la figure 1 de la plan- 
che [IT (1) et superposer par la pensée ces deux figures, 1l verra 
que le noyau masticateur occupe dans le champ de la protubé- 
rance à peu près exactement la même place occupée, à un niveau 
inférieur, par les parties les plus supérieures du noyau du facial 
(3, fig. 1 pl. IID. Le noyau masticateur fait suite au noyau propre 
du facial ; ils font tous deux partie d’une traînée de substance 
grise représentant la continuation de la corne antérieure de la 
moelle dans le bulbe et la protubérance. Mais si ces deux noyaux, 


(4) Voyez Journ. de l’anat. et de la physiol., mars 1877, 


58/4 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


celui du facial et celui du masticateur, appartiennent à une même 
formation, ils n’en sont pas moins parfaitement indépendants ; 
sur les coupes intermédiaires à celle représentée figure 4, pl. HE, 
et celle représentée figure 10, pl. VI, on ne trouve aucune for- 
mation grise, à grosses cellules multipolaires, établissant une 
continuité entre ces deux noyaux : il y a ici interruption de la 
colonne grise motrice, entre le noyau masticateur et le noyau 
facial, comme ailleurs il y a interruption entre le noyau oculo- 
moteur externe et le noyau hypoglosse. Ge sont là des faits de la 
plus haute importance : nous les énonçons seulement ici : ils 
recevront une démonstration complète par l’étude ultérieure 
d'une série de coupes longitudinales de cette partie de l’axe 
nerveux. 

Ces faits étant indiqués, il nous sera facile de comprendre, par 
le court exposé historique qui va suivre, que la connaissance du 
véritable noyau moteur du trijumeau est de date relativément 
récente, et que parmi ceux qui en ont anciennement donné une 
description, les uns ont cru suivre le nerf masticateur vers la 
substance grise du quatrième ventricule, les autres ont con- 
fondu le noyau du facial avec le noyau moteur du trijumeau. 

« Cette petite racine, dit Longet, ne saurait être suivie au delà 
de son point d'émergence. Néanmoins, je suis porté à croire 
qu'elle se continue avec cette portion du cordon antéro-latéral 
de la moelle, qui, ayant déjà donné origine au spinal et au 
facial, pénètre dans la protubérance annulaire, puis s’en dégage 
pour se recourber au-dessous des tubercules quadrijumeaux et 
donner naissance, derrière eux, au nerf pathétique. Il en résul- 
terait que, comme les trois nerfs moteurs indiqués, la racine 
motrice du trijumeau serait en rapport avec le prolongement 
d’un faisceau médullaire dont la destination, comme nous l’avons 
prouvé, est de présider au mouvement (1). » 

Vulpian (2), après avoir rappelé que Cruveilhier et Longet 
affirment qu’il est impossible de suivre la racine motrice du tri- 
jumeau, que Foville la ‘fait naître du pédoneule cérébelleux 


(14) Op. cit., p. 96, 1842. 
(2) Op. cut, p. 21 et 22,.4853, 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 585 


moyen, résume en ces termes ses propres recherches : « Les 
filaments dont la réunion forme les radicules de ce nerf (masti- 
cateur) peuvent être suivis jusque dans la partie des faisceaux 
intermédiaires située tout à fait au-dessous de la paroi antérieure 
du quatrième ventricule, sous la lamelle grise qui tapisse cette 
paroi. De ces filaments, le plus grand nombre s’entre-croisent sur 
la ligne médiane; plusieurs proviennent du même côté que le 
nerf vers lequel ils convergent. » 

Stilling, dans ses belles planches sur la structure du pont de 
Varole, représente très-bien le noyau masticateur proprement 
dit (voy. sa planche VD) : il le désigne sous le nom de nucleus 
superior nervt trigemini; c'est qu’en effet, dans sa planche II, 
où il représente (voy. en r) le noyau du facial, 1l rattache ce 
noyau à la cinquième paire et le désigne sous le nom de nucleus 
enferior nervi trigemini. 11 faut remarquer du reste que si les 
planches de Stilling sont d’une beauté et d’une clarté remar- 
quables, cet auteur, dans son texte et ses explications, a été on ne 
peut plus malheureux, quand il s’est agi de déterminer les con- 
nexions des parties représentées. Nous avons vu, dans un mé- 
moire précédent, qu'il avait pris le fasciculus teres (du facial) 
pour une racme du trijumeau; c’est donc avec raison que 
L. Stieda disait récemment que Stiling donne du trijumeau une 
description on ne peut plus confuse, et de laquelle il est difficile 
de tirer une bonne étude critique (1). — Nous croyons devoir 
cependant, à ce point de vue critique, présenter quelques obser- 
vations sur un point du travail de cet auteur. Nous avons insisté 
précédemment sur ce fait que le trijumeau, une fois constitué 
par la réunion de ses diverses racines sensitives, traverse, pour 
émerger, les couches transversales de la protubérance de l’homme 
dans une direction oblique en haut et en avant : on voit par 
exemple sur la moitié gauche de la figure 40 (pl. VI) en 5, 5, 
cette grosse racine émergente coupée dans son trajet oblique, 
et en 5’, la petite racine (motrice) présentant également une 
coupe oblique. On ne peut donc, sur une coupe bien perpendi- 


(4) L. Stieda, Studien weber das centrale Nervensyslem (Zeitschrift f. wiss. 
Zoologie, Ba XX, p.128, Leipzig 1870). 


L 


586 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


culaire à l’axe du segment bulbo-protubérantiel, obtenir une vue 
complète de tout le trajet de l'ensemble du trijumeau à travers 
les fibres transversales de la protubérance ; pour contenir tout 
ce trajet, la coupe devrait être oblique d’arrière en avant, en un 
mot affecter la même obliquité que les filets nerveux dont elle 
serait destinée à contenir la continuité. Mais une pareille coupe 
oblique va, dans sa partie postérieure, passer au-dessous du 
noyau masticateur, elle entamera le plus souvent le noyau propre 
du facial; plus en arrière encore elle pourra, si son obliquité 
est plus considérable, arriver à entamer le fasciculus teres. Dans 
ce cas, toutes ces parties, si distinctes en réalité, trijumeau 
émergent, noyau propre du facial, fasciculus teres, se trouveront 
réunies dans un même plan, et pourront, si cette étude n’est 
pas contrôlée par une série de coupes parallèles à l’axe, être 
interprétées comme des parties appartenant au trijumeau. Or, 
en examinant la planche XV de l’atlas de Stilling, 1l est facile de 
voir que cet auteur s’est trouvé en présence d’une cause d’erreur 
de ce genre. Dans cette planche tout le trajet oblique du triju- 
meau efférent se trouve représenté : donc la coupe est oblique ; 
aussi le véritable noyau moteur du trijumeau n’y est-il pas re- 
présenté, car la coupe doit nécessairement passer au-dessous de 
lui; aussi Stuillhng a-t-1l décrit le fasciculus teres sous le nom de 
radir constans posterior nervi trigemini, etc. 

Ce que nous avons dit du noyau propre du facial, considéré 
par Sulling comme partie inférieure du noyau masticateur, 
pourrait être répété à propos de la description donnée par 
Lockhart Clarke. En lisant attentivement ce que dit cet auteur à la 
page 283 de son mémoire (1) et en considérant la figure 10 de 
sa planche VII, il sera facile de se convaincre que ce qu’il dé- 
signe par la lettre U, et considère comme le noyau moteur du 
trijumeau, est en réalité une partie trés-inférieure de la colonne 
motrice du bulbe, soit une partie du noyau propre du facial, 
soit même une partie plus inférieure encore, c'est-à-dire les 


(4) L. Clarke, Researches on the intimate struclure of the Brain (Philosoph. 
transact., sec. series, part 1, 1868), 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 587 


noyaux moteurs des nerfs mixtes et le noyau accessoire de lhy- 
poglosse (1). 

Nous avons parlé jusqu’à présent du noyau moteur du triju- 
meau sans nous occuper spécialement de la petite racine à la- 
quelle il donne naissance. C’est que le trajet et les rapports de 
cette racine deviennent trés-simples à comprendre dès que l’on 
connaît bien son origine. Elle se dirige en avant et en dehors, 
et plus ou moins obliquement en haut, en se plaçant au côté 
interne de la grosse racine, sur laquelle elle reste toujours un 
peu en retard, c’est-à-dire qu’elle émerge définitivement à un 
niveau un peu plus élevé que celui de la portion sensitive. 

Ainsi chez le rat, dans la figure 8 (pl. VI) nous voyons le noyau 
moteur (T M) émettre une série de fibrilles qui se réunissent en 
un tronc radiculaire [5’|, lequel, sur cette coupe, est encore 
_inclus au milieu des fibres transversales de la protubérance (PM), 
alors que le tronc sensitif [5] est déjà entièrement libre à la su- 
perficie de la protubérance. — Cette disposition est un peu 
moins marquée chez le chat (TM et 5° du côté gauche de la 
figure 9). — Chez l’homme, nous voyons, dans la moitié droite 
de la figure 10 (pl. VD), le noyau moteur du trijumeau donner 
naissance à la petite racine, dont le tronc est représenté sec- 
tionné, en dedans et un peu en arrière de la coupe de la grosse 
racine [5]: du côté gauche, grosse et petite racine parcourent 
ensemble leur trajet oblique vers la superficie, et la racine sensi- 
tive [5, 5] est en avant et en dehors, tandis que la coupe de la 
petite racine [5'| est placée plus en dedans et surtout plus en 
arrière. Les coupes longitudinales que nous étudierons dans un 
prochain mémoire viendront confirmer tous ces faits, en les pré- 
sentant sous un nouvel aspect. 


(1) Voyez Journ. de l’anat. et de la physiol., septembre 1876. 


b88 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES 


EXPLICATION DES PLANCHES 


PLANCHE XXX ([NERFS CRANIENS, PI. V) 


Figures À à 6, coupes de la région bulbo-protubérantielle du rat; 
coupes perpendiculaires à l'axe de ce segment des centres nerveux, — 
Lettres communes à ces figures : 

P. Pyramides. 

V. Substance gélatineuse de Rolando, placée en dedans de la racine 

bulbaire du trijumeau. 

o. Racine bulbaire du trijumeau. 

R. Raphé. 

RF. Coupe du corps restiforme, 

C. Cervelet. 


Fic. 1. — Coupe au niveau du collet du bulbe. (Gross. 10.) 

CP. Cordons postérieurs de la moelle, 

L. Cordons latéraux, 

A. Cordons antérieurs. 

1. Racine antérieure. 

2. Racine postérieure du premier nerf cervical, 

S. Racine cervicale du spinal, 
Fi. 2, — Coupe au niveau des racines les plus inférieures (H) du grand 
* hypoglosse. (Gross. 18.) 

A,L,CP. Cordons antérieurs, latéraux, postérieurs, 

C. Cordons grêles. 

V, Substance gélatineuse de Rolando d’où émergent les pinceaux 

de fibres allant constituer la racine bulbaire du trijumeau, 

Fic, 3. — Coupe au niveau des racines AFSRAE des hypoglosses (H). 
(Gross. 18.) 

0. Olive bulbaire. 

H A. Noyau antéro-latéral ou colonne slsirité des nerfs mixtes. 
1. Noyau classique de l’hypoglosse, 

2, Noyau accessoire de l’hypoglosse (1). 

3. Noyau sensitif des nerfs mixtes. 

Fic. 4. — Coupe au niveau des fibres les plus supérieures du glosso- 
pharyngien. (Ces fibres, qui n'ont pas été désignées sur la planche 
par une lettre spéciale, se voient sous la forme d’un double tractus 
blanc qui vient atteindre, et, plus haut, traverser la racine bulbaire 
du trijumeau vers son extrémité toute postérieure. (Gross. 15.) 

NA. Noyau de l’acoustique. 
A. Racine externe et inférieure de l’acoustique. 
RF. Corps restiforme. 


(1) Voyez Journ, de l'anat, et de la physiol., septembre 1876. 


SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 589 


Fic. 5. — Coupe au niveau du noyau inférieur du facial. (Gross. 15.) 


7, Noyau inférieur du facial (on voit que ce noyau fait suite aux 
noyaux HA, des figures 3 et 4, c'est-à-dire à la colonne mo- 
trice des nerfs mixtes). 

T. Fasciculus teres. 

1. Racine externe et supérieure de l’acoustiqué (A). 

N A. Ganglion annexé à l’acoustique à son émergence. 


Fic. 6. — Coupe au niveau de la partie supérieure bi du fa- 
cial (F). (Gross. 15.) 
3. Olive supérieure. 
T. Fasciculus teres. 
let 2. Substance grise du quatrième ventricule : la partie À ap- 
partient certainement au trijumeau; mais la partie 2 fait peut- 
être encore partie du territoire de l’acoustique. 


PLANCHE XXXI (NÉRFS CRANIENS, PL. Vi), 


Fic. T et 8. — Suite des coupes de la figure précédente (protubérance 
du rat). (Gross. 10.) 
P. Pyramides, qui ne sont pas recouvertes par les pédoncules céré- 
belleux moyens. 
9. Olive supérieure. 
9. Racine bulbaire du trijumeau à laquelle sont jointes les racines 
moyennes (X) et les racines supérieures [3]. 
V. Substance gélatineuse de Rolando. 
9'. Petite racine (motrice du trijumeau). 
TM. Noyau moteur correspondant. 
PM. Pédoncules cérébelleux moyens. 
PS. Pédoncules cérébelleux supérieurs. 
C. Cervelet (lamelle grise de la valvule de Vieussens). 
6. Nerf pathétique. 


Fic, 9. — Coupe de la protubérance du chat: cette coupe est oblique 
transversalement, de telle sorte que sa moitié gauche représente un 
niveau moins élevé que sa moitié droite. (Gross. 5.) 

P. Pyramides. 

3. Olive supérieure (visible seulement à gauche, car elle disparaît 
à un niveau un peu plus élevé, tel que celui représenté à 
droite). 

PM. Pédoncule cérébelleux moyen. 

PS. Pédoncule cérébelleux supérieur. 

9. Grosse portion (sensitive) du trijumeau. 

X. Racines supérieures coupées obliquement (côté gauche) et con- 
fondues avec les racines moyennes qui viennent de la substance 
grise du quatrième ventricule (en 1, à droite et à gauche). 


590  MATHIAS DUVAL. — ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 


4. Ces mêmes racines supérieures (côté droit), coupées en faisceau 
bien distinct dans leur trajet ascendant sur le côté interne du 
pédoncule cérébelleux supérieur. 

Fi. 10. — Coupe de la protubérance de l’homme; Le côté droit est à un 
niveau inférieur au côté gauche. (Gross. 3 1/2.) 

PM. Pédoncule cérébelleux moyen. 

PS. Pédoncules cérébelleux supérieurs. 

P. Pyramides. 

5,9. Grosse portion (sensitive) du trijumeau (faisant suite principa- 
lement à la racine bulbaire, dont la coupe est figurée en V 
dans les figures 1, 2, 3, 4 de nos planches III et IV ({). 

9’. Racine motrice (petite racine). 

X,X. Racines moyennes, provenant de la substance grise du qua- 
trième ventricule (1, 1, substantia ferruginea, locus cœruleus). 

4,4. Racines supérieures, dont on voit à droite les connexions avec 
la grosse portion du irijumeau, tandis qu'à gauche ces racines 
sont coupées dans leur trajet ascendant sur le bord interne du 
pédoncule cérébelleux. 

TM. Noyau moteur du trijumeau (masticateur). 


(1) Voyez Journ. de l’anat. el de la physiol., mars 1877. 


DES RAPPORTS 


ENTRE 


LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON 
ET SA STRUCTURE 


Par M. CADIAT 


Agrégé de la Faculté de médecine de Paris 
PLANCHES XXXII, XXXII, XXXIV ET XXXV 


INTRODUCTION 


La structure du poumon, tant à cause de l'importance de cel 
organe que des difficultés qu'exige son étude, a été l'objet de 
bien des recherches. Depuis Malpighi, qui donna les premières 
“notions exactes, Willis, Helvetius, Sœrnmering e Reissessen, 
que d’anatomistes, au siècle dernier et à notre époque, ont 
cherché à résoudre tous les problèmes qu’on doit se poser 
lorsqu'on aborde cette partie difficile de l'anatomie! 

La perfection des procédés employés depuis quelques années, 
les notions d'anatomie comparée ont fait faire un progrès consi- 
dérable à cette question. Mais de là à une détermination précise, 
ne laissant aucune part à la critique, de tous les caractères anato- 
miques il y a encore loin. Il semble, en lisant chacune des des- 
criplions données par les auteurs les plus justement accrédités, 
qu’elles sont rigoureusement exactes; mais quelle déception ne 
doit-on pas éprouver si l’on compare ces descriptions entre elles : 
car à chaque instant elles se contredisent les unes les autres. Et 
si l’on cherche à vérifier sur la nature ce qu’enseignent les traités 
classiques, l'examen le plus superficiel fait pressentir combien ils 
doivent s'éloigner de la réalité. La plupart des dessins représen- 


592 CADIAT. — DES RAPPORTS 


tant le poumon sont des schémas. Nous n’en connaissons guère 
qui donnent les choses telles qu'elles sont. On se laisse en eflet fa- 
cilement entraîner, quand on ne peut saisir le rapport exact des 
parties, à représenter schématiquement ce qu’on croit être la vé- 
rité. Si, souvent on peut tomber juste en procédant de la sorte, 
il est bien plus commun qu’on soit dans l’erreur. Les descriptions 
faites ainsi, comme l’est celle de Rossignol, ou par comparaison, 
comme celle de Külliker, qui donne pour le lobule d’un mam- 
mifère le lobule d’un batracien, laissent toujours de l'obscurité 
à supposer même qu'elles soient vraies. Il n’y a d’exactes, de 
précises, que celles qui se rapportent à des dessins faits sur les 
objets eux-mêmes. 

Jusqu’aux dernières recherches des auteurs allemands, le 
seul dessin fait réellement sur nature, celui qui représente les 
rapports des bronches avec les cavités dans lesquelles ces bron- 
ches vont s'ouvrir, a été donné par M. Robin. Mais il s’en faut 
encore de beaucoup que cette description soit exacte. Le lobule 
présente un nombre bien plus considérable de cavités que celles 
qui ont été figurées par cet auteur. En outre, la branche intra- 
lobulaire n’a pas la structure qu’il lui a donnée. Malgré cela, la 
description de M. Robin est bien certainement la meilleure. S'il 
avait poussé ses canalicules un peu plus loin, s’il avait montré le 
point précis où cesse la bronche, 1l n’y aurait rien à ajouter à ses 
recherches. Ce qu’il a surtout bien mis en lumière, en outre de 
la distinction qu'il a établie entre les deux appareils qui entrent 
dans la composition du parenchyme pulmonaire, sur laquelle nous 
reviendrons plus loin, c’est ce fait que nous avons vérifié et dont 
aucun auteur n’a tenu compte : que les conduits allaient toujours 
en s'élargissant depuis le canalicule jusqu’à la bronche. S'il n’en 
était pas ainsi, la circulation de l’air dans les cavités du poumon 
ne se ferait pas librement. À chaque mouvement d’expiration, 
une cerlaine quantité de gaz y resterait emprisonnée. 

ILest bien évident, en effet, que si l’on suppose une cavité fer- 
mée par un goulot plus étroit que le fond, lorsqu'un pareil ré- 
servoir revient sur lui-même en vertu de sa seule élasticité l’ori- 
fice doit être fermé avant les autres parties. 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 593 

M. Sappey, bien qu’il ait accepté les dispositions décrites par 
Rossignol, que nous sommes obligé de contredire, a néanmoins 
enrichi cette partie de l’anatomie de détails importants. Les 
mensurations qu’il a faites des cavités lobulaires aux différents 
âges sont très-exactes et fournissent des données utiles pour 
étudier les altérations pathologiques. 

Dans ces dernières années, plusieurs auteurs allemands se 
sont occupés de la même question (Küttner, Archives de Vir- 
chow, 1876) et K. Schultze (voy. Stricker). Le premier a bien 
décrit l’épithélium cubique des bronches terminales — que je 
pensais avoir trouvé le premier ; — le second a donné dans le 
Manvel de Stricker une description exacte du mode de subdivi- 
sion des cavités lobulaires. Mais ses dessins sont encore schéma- 
tiques, et sans la description que nous donnons des extrémités 
bronchiques, il est encore difficile de se figurer les dispositions du 
lobule. Notre travail aura donc en plus que le seul mérite d’un 
travail de vérification. En nous plaçant à ce point de vue, on 
pourra être d'autant plus assuré de l'exactitude de ces descriptions 
que nous avions décrit le lobule comme les auteurs allemands, 
sans connaitre leurs recherches et en employant des procédés 
différents. — Nous devons dire aussi qu'en même temps que 
nous, MM. Charcot (cours du semestre d’élé 1877) et Gombaud 
(Progrès médical, 1" août 1877) avaient vérifié les faits de 
Küttner et F. Schultze. — Reste donc la terminaison des bronches 
que nous donnons ici d’une façon qui lèvera tous les doutes sur 
une question qui, malgré son importance, cst toujours restée 
fort obscure. 

Nous avons étudié aussi le mode d’action des fibres muscu- 
laires des bronches. On verra comment nous comprenons le jeu 
de ces éléments contractiles dans l'acte de la respiration. 

Mais ce qui n’a pas encore été fait par aucun des anatomistes 
que nous avons cités, c’est l'étude complète du développement du 
poumon, de façon à expliquer la structure de cet organe en sui- 
vaut la formation de chaque partie. Et cependant quelle impor- 
tance l’histoire embryogénique d'un organe n’a-t-elle pas lors- 
qu'il s’agit d’en déterminer tous les caractères en anatomie 


JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL, «— T XII (1877: 38 


59/4 CADIAT. — DES RAPPORTS 


oénérale et surtout de déterminer les éléments qui le compo- 


© 


sent. L'histogenèse est devenue le complément sinon la base de 
tout travail de ce genre. 

Pour classer les tissus, l’embryogénie nous donne des indi- 
cations de la plus haute valeur. Il est certain, en effet, que‘l’exa- 
men comparatif du développement des glandes et des ovaires 
nous montre la différence de nature de ces organes. Mais en 
utre de l'importance de ces recherches au point de vue de 
l'anatomie seule, lorsqu'il faut à un certain moment interpréter 
les phénomènes pathologiques qui se produisent dans un organe, 
et en particulier le développement des tumeurs, l’histogenèse 
acquiert alors une importance capitale. Ainsi, certaines altéra- 
tions du foie ne deviennent compréhensibles que grâce à l’em- 
bryologie et à l’histologie comparée. 

Nous avons donc pensé qu’il fallait reprendre à un nouveau 
point de vue toute l’histoire du poumon : voir comment se for- 
mait son tissu, comment se développaient les bronches, le 
lobule pulmonaire et les éléments qui composent ces parties. 

En suivant de cette façon l’origine de chaque élément, nous 
arriverons à en déterminer clairement la nature. C’est ainsi, 
par exemple, que la forme et la texture des utricules respi- 
rateurs dits a/véoles seront expliquées par l’embryogénie. Grâce 
à cette étude de l’évolution du poumon, nous verrons com- 
ment 1l arrive à cet état qui précède la naissance et auquel il 
ne faut plus qu'une inspiration écartant les éléments les uns 
des autres pour lui donner cette forme qu’il gardera toute la 
vie. 

Dans l’exposé qui va suivre, nous aurions voulu prendre cha- 
cune des parles qui composent le parenchyme pulmonaire, 
bronches, cavités lobulaires et suivre leur développement depuis 
les premières périodes embryonnaires jusqu’à l’âge aduite, et 
ainsi nous aurions donné successivement les canaux bronchiques 
depuis leur origine jusqu'à leur achèvement complet. 

Nous aurions fait de même pour les catilés lobulaires. Mais 
nous serions forcément entré dans des répétitions, car, comme 
on le verra plus loin, la distinction entre la bronche et le lobule 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 999 


ne se montre que tardivement, le lobule naissant de l’épithélium 
bronchique primitif. | 

En outre, les descriptions du lobule sont généralement si 
obscures que nous sommes obligé de la reprendre au point de 
vue de l'anatomie descriptive. | 

Nous exposerons donc le développement du tissu pulmonaire 
dans un premier chapitre. Dans le deuxième, on trouvera la des- 
cription complète des bronches. Enfin, le dernier traitera du 
lobule. 


CHAPITRE PREMIER 


DÉVELOPPEMENT DU POUMON 


Nous allons nous occuper du développement du poumon à 
partir du moment où le canal, qui sera plus tard la trachée, est 
déjà formé, laissant de côté par conséquent la question d’origin 
et nous suivrons toutes les modifications consécutives jusqu’à 
la naissance. Nous reprendrons prochainement cette question 
d'origine. 

La plupart des auteurs considèrent le poumon comme formé par 
le feuillet interne. Telle n’est pas l'opinion du professeur Robin. 
Le poumon a comme analogue les branchies, et les branchies pro- 
viennent du feuillet externe. Quoi qu'il en soit, 1l se développe 
aux dépens d’un bourgeon épithélial qui sort de la cavité pha- 
ryngienne. Sur une coupe longitudinale d’un embryon de mou- 
ton long de 15 millimètres, on voit du milieu de la fente mince 
qui représente la cavité pharyngienne partir un peu au-dessous 
du 2° arc branchial, une fente étroite aussi, dont la direction est 
perpendiculaire à la première. Les parois de cette cavité sont 
tapissées par une couche de cellules épithéliales polyédriques et 
régulières. Ce conduit s’avance en se recourbant un peu plus 
loin dans la direction de l’axe de l'embryon et arrive prés du 
cœur. Là il s'arrête en cul-de-sac. Ge conduit représente la 
trachée. En haut se formeront les pièces du larynx, et de la 
partie terminale parüront les bourgeons latéraux des bronches. 


996 CADIAT. — DES RAPPORTS 

Quant à l'œsophage, il est à celte époque parfaitement séparé 
de l'étroit conduit que nous venons de décrire. A partir du point 
où le bourgeon pulmonaire prend naissance, il continue son 
chemin en avant de la corde dorsale pour aller rejoindre l’in- 
tesiin. 

Sur des fœtus longs de 18 millimètres, le poumon se présente 
sous la forme d’une petite masse pyramidale suspendue. au pédi- 
cule bronchique. Sur les coupes perpendiculaires à laxe de 
l'embryon, la section de cette pyramide a la forme d’un petit 
triangle dont le sommet est occupé par la bronche. | | 

Dans l’aire de ce triangle, on distingue très-neltement deux 
ou trois larges conduits tapissés d’épithéliums. Ce sont les pre- 
mières divisions bronchiques (voy. pl. XXXI[). 

En dehors de ces conduits se trouve du tissu cellulaire avec 
les caractères qu’il présente chez l'embryon, c’est-à-dire formé 
de beaucoup de matière amorphe et de corps fusiformes et 
étoilés. Enfin, enveloppant toute la masse, là où sera plus tard le 
feuillet pleural, on voit une couche de cellules épithéliales ré- 
gulières. (est l’épithélium pleuro-péritonéal, 

A cette période de la vie embryonnaire, le poumon se pré- 
sente donc sous une forme très-simple, et déjà 1l y a sujet à dis- 
cussion sur le mode de développement de ces conduits ramifiés 
qui représentent les bronches. Il est important d’être fixé sur les 
phénomènes qui se passent dès le début; autrement, il nous 
serait impossible de comprendre ceux qui se produisent plus tard 
et qui sont bien plus complexes lorsqu’apparaît la partie respira- 
toire du poumon, autrement dit les canaux alvéolaires du lobule. 

Le premier point à résoudre est de savoir comment se forment 
ces cavités dont est creusée déjà la masse pulmonaire. Les 
extrémités terminales des canaux qui, ainsi que nôus le verrons, 
sont creuses et arrondies, représentent-elles des bourgeons en 
voie d'accroissement (voy. pl. XXXIL, fig. 1) de telle sorte que les 
lames épithéliales qui les tapissent travailleraient à l’extension 
en avant de la cavité par une sorte de refoulement ? Ou bien le 
développement se ferait-il là comme pour la plupart des cavités 
olandulaires? Au moyen d’une multiplication de cellules épithé- 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 597 


liales en un point, formant une saillie, un bourgeon plein, dont 
la partie centrale se résorberait consécutivement. 

La question en soi n’est pas indifférente à connaître, car forcés 
que nous sommes d'admettre un même mode de développement 
à toules les époques, nous arriverons ayec la première théorie à 
admettre que le poumon, au moment de la naissance, possède 
toutes ses cavités ouvertes et remplies par un liquide qui se ré- 
sorberait aussitôt comme le veut notre collègue et ami Pouchet. 
Si au contraire nous admettons que le poumon se développe par 
des bourgeons pleins, se creusant ensuite au moment de la nais- 
sance, les canaux primitivement. formés représentés par les bron- 
ches seraient complétement béants, mais les cavités du lobule 
seraient fermés et ne s’ouvriraient qu'à la première inspiration. 

Remak et Kütiner admettent que les bronches se développent 
par des bourgeons creux. G. Pouchet partage aussi celte opi- 
nion, que nous allons discuter en exposant toutes les raisons qui 
peuvent la faire admettre ou repousser. Mais il faut être bien 
pénétré de cette idée que l’examen d’une seule pièce ne peut 
suffire à trancher la question, et aussi qu’une théorie n’est juste 
que si elle peut être vérifiée dans tous les cas. Or, ici, on doit 
pouvoir comprendre, avec celle qui sera adoptée, toutes les 
dispositions que le poumon affectera jusqu’à la naissance et au 
delà. 

Lorsqu'on examine un poumon d’embryon de mouton de 4, 
5 jusqu’à 12 centimètres après l'avoir plongé quelque temps 
dans de l’eau légèrement acide, en prenant les parties minces 
du bord antérieur, on voit, avec un grossissement de 40 dia- 
mètres, que les conduits ramifiés qui apparaissent près de la 
surface pleurale se terminent tous par de véritables ampoules 
tapissées par plusieurs couches de cellules épithéliales. Sur les 
coupes pratiquées après durcissement sur des embryons du même 
âge, on aperçoit aussi au voisinage de la plèvre des cavités ar- 
rondies nettement délimitées, quelquefois même avec une paroi 
propre en dehors de la couche épithéliale. C’est la coupe de 
ces mêmes ampoules terminales. Le conduit qui leur fait suite 
est généralement plus étroit, la plupart du temps fermé sur des 


598 CADIAT. — DES RAPPORTS 


embryons de 4 à 5 centimètres, les parois opposées du conduit 
étant appliquées l’une sur l’autre. 

Ce sont ces ampoules terminales qui certainement ont été 
considérées comme les bourgeons de développement. Il semblait 
naturel de les considérer ainsi, puisqu'elles se trouvent à l’extré- 
mité périphérique du conduit. 

Mais les bronches ne suivent pas dans le poumon adulte une 
direction rectiligne ; elles vont en se subdivisant sans cesse. C’est 
donc sur les côtés du canal bronchique embryonnaire qu’il faut 
chercher les bourgeons qui vont former de nouvelles voies. Et, 
en effet, si l’on arrive à isoler sur une pièce fraîche préparée 
par l’acide acétique et avec toutes les précautions possibles pour 
conserver les rapports des parties, un petit fragment d'un lobe 


du bord antérieur, on voit des canaux disposés comme nous l'a- 


vons figuré (fig. 1, pl. XXXII). 

Sur les parois du conduit qui va se terminer en ampoule émer- 
gent de distance en distance des ampoules plus petites ou des bour- 
veons épithéliaux pleins ou creusés à peine d’une étroite fissure. 

Sur la figure 4, planche XXXII, on peut voir qu’au-dessous de 
l’ampoule terminale le canal se resserre, les parois opposées s’ac- 
colent et la cavité n’est plus représentée que par une fente étroite. 

Les coupes d’embryons durcies dans le liquide de Müller 
donnent des résultats qui concordent avec ceux que nous venons 
d'exposer. En effet, en outre de ces extrémités renflées des ca- 
naux bronchiques, on trouve sur les parois des bourgeons pleins 
formés d’épithélium correspondant à ceux que nous venons de 
décrire. Mais comme on pouvait nous objecter que là nous 
avions affaire à une coupe qui m'avait pas intéressé la lumière 
mème du conduit, nous avons dû faire ces préparations d’en- 
semble au moyen de l'acide acétique. | 

Étant donné ce que nous venons d’exposer, nous ne pouvons 
admettre que les ampoules terminales représentent des bour- 
geons bronchiques en voie d’accroissement, puisque plus pro- 
fondément dans le lobule se trouvent d’autres petits bourgeons 
à toutes les périodes, depuis l’état de masse épithéliale pleine 
jusqu’à celui d’ampoule, comme celles de l’extrémité, Ainsi ces 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 999 


cavités creuses qui terminent le conduit représentent une extré- 
mité bronchique qui a presque fini son évolution. Et ce qui le 
prouve bien, c’est que sur des embryons un peu plus âgés, de 
10 à 12 centimètres, le lobule ne se présente plus comme précé- 
demment sous la forme d’une masse pleine creusée d’un conduit 
avec deux ou trois ampoules terminales. Le conduit principal n’a 
presque pas changé de volume et d'aspect. Mais tout autour de lui 
se sont formés de nouveaux bourgeons et de nouvelles ampoules 

On n’aperçoit jamais de conduit naissant d’une de ces extré- 
inités ampullaires. Ce seul fait suffirait à prouver que les con- 
duits secondaires naissent non à l'extrémité, mais le long du 
conduit primitif. 

Il est facile de comprendre maintenant comment se produi- 
sent les ramifications bronchiques. Un premier bourgeon se forme 
“plein et se développe en longueur, l’ampoule se produit à l’extré- 
mité. Alors son évolution est arrêtée ; sur les parois naissent des 
bourgeons secondaires qui se terminent de même, et ainsi les 
canaux bronchiques vont sans cesse en se multipliant, mais tou- 
jours dans des directions différentes. 

Sur des embryons de 12 centimètres, les seuls canaux qui 
existent dans le lobule représentent des bronches. ‘Les parois 
sont seulement constituées par une couche épithéliale et une 
mince membrane propre. Mais les bronches extra-lobulaires ont 
déja une muqueuse plissée couverte d’épithélium prismatique 
et une enveloppe musculaire, ainsi qu’on peut en juger d’après 
la figure 2. | 

Sur des embryons de 15 à 20 centimètres, on commence à 
voir le lobule parcouru par de nombreux conduits, les uns vides, 
les autres pleins, ainsi que cela est figuré planche XXXIV. 

Ces conduits sont manifestement en continuité les uns avec les 
autres. Les premiers représentent encore les bronches, les autres 
appartiennent déjà à la masse épithéliale du lobule, mais il est 
difficile d'établir entre eux une différenciation exacte. Pour cela 
il faut attendre que le lobule soit plus avancé dans son dévelop- 
pement. Néanmoins, il est permis de penser qué ces cavités sont 
déjà trop nombreuses pour n'être que des bronches, 


600 CADIAT. — DES RAPPORTS 


Sur des embryons de mouton de 25 à 30 centimètres, il se 
présente sous l’aspect d'une masse triangulaire formée de cel- 
lules et creusée de canaux bronchiques, les uns complétement 
formés avec une véritable muqueuse déjà apparente, les autres 
sous la forme que nous avons décrite précédemment. En dehors 
du lobule, on aperçoit les cloisons de tissu cellulaire qui tran- 
chent très-nettement sur la masse lobulaire elle-même. 

Quels sont les éléments qui à cette époque composent le lobule 
indépendamment des parois bronchiques? Ils représentent pour 
le plus grand nombre des cellules épithéhales. C'est-à-dire que 
le lobule serait presque entièrement formé par une masse épithé- 
liale traversée par des vaisseaux et quelques éléments du tissu 
cellulaire. En effet, en dehors des canaux dont la paroi n’est 
pas nettement formée, il est bien difficile de distinguer les élé- 
ments du tissu lobulaire de l’épithélium bronchique lui-même. Un 
orand nombre sont disposés en amas représentant ou bien des 
fonds de cul-de-sac coupés en travers ou des sections de bour- 
geons pleins. Les autres sont disposés plus ou moins régulière- 
ment autour de ces amas principaux sans aucune ligne de dé- 
marcation précise. Ce qui prouve bien leur nature épithéliale 
c’est qu'ainsi qu'on peut le voir, planche XXXIL, fig. 3, sur des 
coupes, 1ls tombent et laissent à leur place des vides rectangu- 
laires ‘exactement comme les cellules des épithéliums. 

Ces cellules, pressées les unes contre les autres ou isolées 
dans la préparation, sont cubiques, à peu près, larges de 0,015 
avec un noyau fortement coloré par l’hématoxyline. Lorsqu'on 
les compare aux éléments du tissu cellulaire embryonnaire qui 
compose à cette époque les cloisons interlobulaires aux éléments 
qui, sur des embryons de 18 millimètres, formeront la plus 
grande partie du lobule, on trouve une différence considérable. 

Les différences qu’elles présentent avec les éléments du tissu 
cellulaire sont bien plus accusées sur des pièces traitées par 
l'acide acétique. 

Ces cellules sont donc pour nous de nature épithéliale ; elles 
forment presque tout le lobule. Quelque temps avant la nais- 
sance, elles vont s’écarter les unes des autres pour former les 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 601 


premières cavités lobulaires (fig. 4, pl. XXXIT, &,a) qui succéde- 
ront aux bronches. Seules les cavités ultimes, qu’on a appelées 
improprement les alvéoles, resteront fermées par accolement de 
leurs parois. | 

En comparant des préparations faites sur des embryons de 
30 centimètres, sur des fœtus à terme et sur des nouveau-nés 
ayant respiré ou sur des poumons insufflés d'enfants à terme, on 
arrive à se convaincre que ces éléments entassés les uns sur les 
autres qui forment au début des masses pleines autour des ca- 
vités bronchiques, représentent les mêmes cellules épithéliales 
des utricules respirateurs. Ce qui va nous éclairer dans cette 
étude, c'est l'examen comparé d’un poumon de fœtus à terme 
n'ayant pas respiré, et celui du même animal, après insufilation 
ou après injection de gélatine colorée dans les bronches. 

Dans le premier cas, on voit sur la coupe du lobule des cavités 
anfractueuses, irrégulières, mal délimitées, faisant suite aux 
bronches. Alors que les bronches ont une paroi bien nette et 
régulière, si mince qu’elle soit sur les derniers rameaux, ces 
cavités, au contraire, sont simplement limitées par des cellules 
épithéliales faiblement unies les unes aux autres. Mais ce qui 
frappe tout d’abord, c’est que le lobule, après insufflation ou 
après la respiration, n’est en somme qu'une masse vésiculeuse, 
comme nous l'avons figuré en partie (pl. XXXIV, fig. 10 et 12, 6,0), 
et les cavités qui le composent sont si nombreuses, qu’on ne peut 
les suivre. Au contraire, sur le poumon, avant l’insufflation, on 
ne voit que quelques conduits traversant le lobule, le reste est 
plein et les parties pleines sont représentées par des amas cellu- 
laires. On est bien forcé de reconnaître ici que ces amas cellulaires 
composant les travées sont des cellules épithéliales, et les mêmes 
que celles qui constituent les parois des utricules. Car l’insuffla- 
tion n’a pu que.les écarter mais n’a pu les faire disparaître. 

Ces faits nous conduisent à admettre, quand même nous n’au- 
rions pas d’autres preuves, que chez des embryons plus jeunes, 
sur ceux de mouton qui nous ont servi de terme de comparaison 
et qui avaient 35 à 40 centimètres de long, le lobule est déjà re- 
présenté par une masse épithéliale’ pleine, développée en de- 


60% CADIAT. — DES RAPPORTS 


hors des bronches qui sont complétement libres à cette époque. 

Maintenant si l’on étudie en détail le lobule sur le poumon d’un 
fœtus à terme avant la naissance, on voit encore quelques dis- 
positions intéressantes. 

Ces cavités anfractueuses, dont nous avons parlé ei- dessus, se 
prolongent par d’étroites fissures dans la masse épithéliale péri- 
phérique. Leur partie large s’avance jusqu’à la surface de la 
plèvre à une distance variable de 4 à 5 centièmes de milimètre. 

Il y a lieu de se demander ce qu’elles représenteront plus 
tard. Or, d’après leurs rapports avec les bronches, leur situa- 
tion, leur diamètre, 1l est certain que ce sont là les premiers 
canaux lobulaires qui feront suite aux bronches, autrement dit, 
ce seront ces cavités qu’on a appelées canaux alvéolaires ; et les 
fissures qui les prolongent dans les amas de cellules épithéliales 
seront les premières divisions de ces canaux. 

Les cellules épithéliales qui limitent ces cavités ne sont pas 
indépendantes les unes des autres Le long des canaux ou 
des fissures qui séparent leurs faces, elles sont accolées par 
leurs bords en lames continues. De distance en distance, on 
aperçoit sur les coupes faites à cette période des lames hyalines, 
parsemées de noyaux. Ces lames débordent dans l’intérieur des 
cavités lobulaires dont nous avons parlé plus haut. Elles repré- 
sentent des cellules dont le corps cellulaire a déjà commencé à 
s'unir à celui de la cellule voisine, et la ligne de démarcation 
qui, comme nous l'avons vu, disparaît complétement chez 
l’adulte, commence à s’effacer dès à à présent. 

Ces cellules représentent donc celles qui formeront les parois 
alvéolaires. Ce sont les mêmes noyaux qu’on retrouve sur ces 
parois, et comme on ne peut admettre leur disparition par le 
seul fait de l’insufflation du poumon, il faut bien admettre que 
ces modifications d'aspect tiennent seulement à un changement 
de rapport entre les éléments. | 

Certaines altérations du poumon que l’on trouve à la nais- 
sance S’expliquent d’une façon toute simple en suivant le déve- 
loppement tel que nous l’avons exposé. Tel est l’épithélioma du 
lœtus décrit par MM. Robin et Lorrain dans un mémoire à la 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 603 


Société de biologie. Nous allons rapporter textuellement le pas- 
sage relatif aux faits qui nous concernent (Mém. de la Société 
de biologie, 1854, p. 159): 

« La lésion du poumon des enfants nouveau-nés ou abortifs 
qui fait le sujet de ce travail a déjà été décrite quant à ses carac- 
tères extérieurs ; mais nous n'avons pas Vu que sa nature ait été 
déterminée exactement. Elle consiste essentiellement en une ré- 
plétion des canalicules pulmonaires ou respirateurs par l’épithé- 
lium pavimenteux de ces conduits qui les rend imperméables à 
l'air, soit par inspiration au moment de la naissance, soit même 
par insufflation après la mort. Au lieu de former seulement une 
couche unique de cellules pavimenteuses minces, les cellules 
épithéliales sont accumulées avec régularité pourtant, mais de 
_ manière à former un cylindre plein oblitérant les canalicules pul- 
monaires jusqu'au niveau des petites bronches pourvues d’épi- 
thélium cylindrique. Si elles laissent à leur centre un canal, il 
est très-étroit et ne se voit nettement que sur les cylindres d’épi- 
thélium un peu comprimés par les lames sous le microscope. 
L’adhérence des cellules entre elles est assez prononcée pour 
qu’on puisse par dilacération isoler des cylindres d’épithélium 
ramifiés et reproduisant en un moule solide la forme et les ra- 
mifications des canalicules respirateurs. » 


Résumé du développement: — Le parenchyme pulmonaire se 
forme en résumé de la façon suivante : 

Les premiers canaux qui apparaissent jusqu'à une époque 
que nous n'avons pas exactement déterminée, mais qui s'étend 
en tous cas un peu au delà du moment où l’embryon de mouton 
a atteint 12 à 15 centimètres représentent des bronches; le lo- 
bule n'existe pas encore. 

Ces bronches se forment au moyen de bourgeons latéraux 
naissant sur la paroi du conduit principal. Pleins d’abord, ces 
bourgeons se creusent rapidemént d'une simple fissure qui va 
s’élargissant peu à peu, mais surtout dans la partie terminale, 
de facon à former une ampoule à l’extrémité du conduit bron- 
chique. Lorsque l’ampoule est formée, le bourgeon a achévé 


604 CADIAT. — DES RAPPORTS 


son évolution; il ne fera plus que s'accroitre dans toutes les 
dimensions. Il faut voir dans ce fait la cause des nombreuses 
subdivisions bronchiques sur le poumon complétement formé. 

Le lobule naît de l’épithélium des parois bronchiques et sui- 
vant le même processus. IL apparaît donc comme une masse 
pleine émanant de tous les rameaux bronchiques qui occupent 
le centre du lobule. A peine formé, 1l se fissure de la même façon 
que le conduit bronchique. Ces fentes délimitent des rangées de 
cellules épithéliales qui s’accolent par leurs bords en lames con- 
tinues. Les fentes intra-lobulaires s’élargissant toujours, 1l arrive 
un moment, celui où le poumon est apte à l’hématose, ou le lo- 
bule est alors représenté : 

4° Par les bronches intra-lobulaires ; 

2° Par les canaux alvéolaires largement ouverts ; 

3° Par des amas de cellules épithéliales séparées par leurs 
faces, réunies par leurs bords, entassées les unes sur les autres et 
qui devront s'écarter lors de la première inspiration pour former 
les parais des utricules. 


CHAPITRE II 
BRONCHES 


A, — De la séparation des deux systèmes qui composent le poumon. 


Nous avons vu dans le développement que les bronches étaient 
complétement formées avant la naissance. Seules les parties res- 
piratoires du lobule devaient encore subir des transformations 
importantes qui se continueront même quelque temps après 
cette époque. Mais en cela ne consiste pas la seule différence 
entre ces parties. 

Or un fait capital en pathologie et en anatomie générale dont 
les histologistes n’ont pas tenu suffisamment compte, c’est la 
séparation si nette entre les deux appareils qui composent le pou- 
mon ; d'une part l'appareil bronehique, de l’autre celui de l’hé- 
matose. 

Lorsqu'on jette un coup d’œil sur les dispositions de l’organe 
de la respiration chez les différents animaux, on voit que ce qui 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 605 


représente essentiellement cet organe, c'est une membrane pou- 
vant servir de paroi endosmométrique, séparant le sang de l’ani- 
mal du milieu dans lequel 1l vit. Cest là le schéma, si je puis 
dire ainsi, de l'organe de l’hématose. Les dispositions que cette 
membrane peut affecter varient seulement de la branchie au 
poumon. Dans le premier cas, le sang, renfermé dans des sories 
de bourgeons vasculaires, plonge dans le milieu extérieur. Dans 
le second, c’est l’inverse, les cavités aériennes sont entourées de 
tous côtés par le sang. 

Or, pour mettre le sang et l'air en contact l’un et l’autre avec 
la paroi endosmométrique, les moyens employés par la nature 
varient de bien des façons. 

Tantôt la branchie suspendue simplement au dehors de l’ani- 
mal flotte librement dans l’eau comme chez l’axolotl. Alors l’ap- 
” pareil qui sert à mettre le fluide en contact avec le sang n'existe 
pas. Chez les poissons, les mollusques aquatiques, comme les 
céphalopodes, certains gastéropodes, 1l existe une véritable 
chambre branchiale et un appareil plus ou moins compliqué 
pour faire entrer et sortir l’eau de cette chambre. 

L'appareil conducteur de lair ou appareil bronchique com- 
mence donc déjà à se développer. Chez les vertébrés supérieurs, 
chez ceux qui ont une respiralion aérienne, 1l atteint son maxi- 
mum de développement. Alors il est représenté non plus par une 
simple poche contractile, ou par un diverticulum de la cavité 
pharyngienne s’ouvrant sous les opercules, mais par des con- 
duits de structure compliquée se ramifiant jusque dans la pro- 
fondeur du poumon. Le thorax, réduit chez le poisson à de 
minces arcs osseux parlant de la colonne vertébrale et aux 
rayons bronchiostéges qui représentent les côtes sternales? de- 
vient chez les vertébrés allantoïdiens une cage osseuse résistante 
susceptible d’ampliation et de retrait sous l’action de muscles 
énergiques et presque exclusivement disposée en vue de l'acte 
important qui se passe dans l'organe qu’elle est destinée à con- 
tenir. 

L'appareil hvoïdien, confondu chez le poisson avec l'appareil 
sternal, $’en sépare complétement chez les vertébrés à respira- 


606 CADIAT. — DES RAPPORTS 


tion aérienne. En même temps, entre les deux, s'interpose le 
larynx qui représente le plus haut degré de perfectionnement 
de l'appareil bronchique. Mais ce qui montre bien l'unité de 
plan général, les transitions d’un type à l’autre, c'est que toutes 
les pièces du larynx ont leurs analogues dans les os qui, chez les 
poissons, sont unies à l'hyoïde pour soutenir les arceaux des 
branchies (1). 

Ainsi cette charpente compliquée qui, chez ces animaux, sert 
à porter l'organe de l’hématose, à faire circuler l’eau à sa surface, 
se modifie peu à peu pour arriver à former non-seulement les 
canaux bronchiques, mais encore cet admirable organe qui peut 
produire toutes les variétés de son de la voix humaine. 

Chez les oiseaux, enfin, l'appareil bronchique se complique 
encore de tous ces réservoirs d'air, thoraciques, cervicaux, abdo- 
minaux et des conduits aériens qui se poursuivent jusqu’au 
centre des os longs. 

On n’est pas encore bien fixé sur les usages de ces réservoirs 
d'air. Ils ne servent pas à alléger l'animal qui navigue dans l'air. 
Ce serait admettre qu'un bateau peut s’alléger en se remplis- 
sant d'eau. Mais il est biencertain qu’ils dépendent du mode de 
respiration imposé à l'oiseau par le poids énorme du sternum 
et les efforts considérables qu’exercent sur lui les muscles de 
l’aile. Il est probable que les sacs aériens se remplissent par un 
mouvement rapide et violent, et lorsque les efforts du vol im- 
mobilisent le thorax, de petits mouvements des côtes font passer 
l'air des sacs aériens dans le poumon. 

Mais laissons pour le moment cette question qui ne se Faitreur 
qu'indirectement au sujet qui nous 2RFHRE: 

Cg que nous voulons montrer, c’est qu'avec un appareil de 
l'hématose uniforme, inveriable chez toutes les espèces, l'appareil 
qui sert à mettre l'air en contact avec lui, se modifie, se perfec- 
lionne en affectant des dispositions variées en rapport avec cha- 
cune d’elles. 


L'anatomie comparée nous montre donc qu'ils forment deux 
systèmes différents. 


(1) A. Geoffroy Saint-Hilaire, Philosophie anatomique. 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 607 


M. le professeur Robin, dans un travail lu à la Société de bio- 
logie le 21 août 1858 (Note sur les causes de l'indépendance de 
la bronchite par rapport à la pneumonie) avait déjà fixé l’atten- 
tion sur ce point important. Jusqu'alors les cavités lobulaires 
étaient désignées sous le nom de éerminaisons bronchiques. 

M. Robin montra dans son travail qu’au point de vue dela 
forme, de la structure, il y avait une différence fondamentale 
entre les bronches et les culs-de-sac dans lesquels ces bronches 
venaient s'ouvrir. Que les premières recevaient le sang de la 
grande circulation, les secondes le sang de la petite, et qu’à 
cause de cela même les troubles inflammatoires pouvaient rester 
limités dans une partie ou dans l’autre. Depuis l’époque où ce 
travail a paru, bien des anatomistes ont traité le même sujet 
sans tenir compte de ces données fondamentales. 

Que d'auteurs allemands ou autres ne cite-t-on pas à propos 
de l’anatomie normale ou des altérations pathologiques du pou- 
mon. Seul le nom de l’éminent professeur de la Faculté de Paris 
est laissé de côté, et cependant son modeste mémoire à la Société 
de biologie renferme les idées les plus élevées sur la structure 
du poumon au point de vue de l’anatomie générale, et cette dis- 
unction si nette entre les deux appareils qui le composent est la 
clef, on peut le dire, de toutes les altérations inflammatoires 
dont il est le siége. 


B. — Rapports des bronches avec le lobule, Terminaison dés bronches. 


L'étude du poumon présente de grandes difficultés, surtout 
chez l'adulte et particulièrement chez l’homme. Certains détails 
se volent facilement sur le bœuf, d’autres sur le chien, d’autres 
sur l'enfant avant ou après la naissance. Il a fallu combiner tous 
ces moyens pour arriver aux résultats que nous allons exposer. 

Le mode de terminaison des bronches ne se voit bien que sur 
l'enfant qui n’a pas respiré. Au moyen de certains procédés que 
nous donnerons plus loin, il est facile d’isoler ces conduits et de 
voir Juste le paint où ils s'arrêtent. Une préparation de ce genre 
serait impossible à faire sur l'adulte. Par contre, chez le bœuf, 


608 CADIAT. — DES RAPPORTS 


il est très-facile de disséquer les canaux bronchiques jusqu’au 
voisinage des utricules respirateurs et de comparer les résultats 
obtenus par l’un et l’autre moyen. 

Pour la structure de ces utricules, il faut par contre des pou- 
mons adultes, parce que ces parties se modifient considérable- 
ment au moment de la naissance. 

C’est en procédant de la sorte que nous sommes arrivé à voir 
la structure du lobule. Si elle n’est pas malheureusement faite 
entièrement sur l’homme adulte telle que nous voudrions la pré- 
senter, nous ne pensons pas néanmoins qu’on puisse nous en 
faire un reproche et dire que nous n’avons pas le droit de tirer 
ces conclusions de l'enfant ou du bœuf à l’homme. Nous avons 
eu trop le soin de contrôler chacun des résultats PA pour 
que ce reproche soit fondé. 

Nous commencerons par exposer la disposition générale du 
lobule afin de pouvoir préciser les différents niveaux où la 
bronche subit des modifications de structure. 

1° Du lobule pulmonarre. — La première chose qui frappe 
lorsqu’on examine le poumon de l’homme, mais surtout celui du 
bœuf, c’est qu'il est décomposable en parties plus petites, aux- 
quelles correspondent un rameau bronchique et une branche de 
l'artère pulmonaire. Sur les poumons des bœufs qui sortent des 
abattoirs où on les a soumis à l’insufflation sous-cutanée, on 
voit des bulles d'air disposées en lignes suivant des polygones 
assez réguliers. Ces polygones représentent la base des lobules 
superficiels. 

Nous voyons déjà que chez ces animaux les lobules sont sé- 
parés les uns des autres par des couches de tissu cellulaire 
lâche, ce qui permet de les écarter facilement. En disséquant 
ainsi un lobule, on isole une masse spongieuse de forme pyra- 
midale, haute de ? centimètres à peu près, large à la base de 
1 centimètre et demi et suspendue par son sommet à un rameau 
bronchique. 

D’après les descriptions de certains auteurs, il semblerait que, 
le lobule ainsi délimité représentant dans toute sa masse un élé- 
ment de l’appareil de l’hématose, le conduit aérien cesserait au 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 609 


sommet ; il n’en est rien cependant. La séparation des deux 
appareils qui forment le poumon, l’appareil éonducteur de Pair 
et celui qui sert aux échanges gazeux, n’existe que plus profon- 
dément dans l’intérieur du lobule. Pour s’en rendre compte, il 
suffit de répéter les préparations que nous avons faites. Ces pré- 
parations n’offrent d’ailleurs aucune difficulté. 

Nous avons isolé un lobule sur le poumon de bœuf. Après 
l’avoir fixé sur une plaque de liége, nous avons disséqué les 
bronches en les suivant depuis le sommet du lobule jusqu’à la 
base. Ces conduits ainsi isolés, nous en avons enlevé des frag- 
ments avec des ciseaux, et en examinant ces fragments au mi- 
croscope, nous avons vu que leurs parois étaient formées dans 
la plus grande partie de leur longueur d’une couche de fibres 
musculaires et d’une muqueuse avec un épithélium cylindrique. 

2° Nous avons pris un lobule ainsi disséqué, nous l’avons 
plongé plusieurs jours dans des liquides durcissants (liqueur de 
Müller, gomme et alcool). Puis une série de coupes ayant été 
faites de la base au sommet de ce lobule, il nous a été facile de 
voir exactement la structure du conduit bronchique aux diffé- 
rents niveaux. Nous avons reconnu ainsi que la bronche péné- 
trait dans l’intérieur du lobule sans aucune modification. La mu- 
queuse ne changeait pas, ni la couche musculaire. Chez le bœuf 
même, on trouvait encore des noyaux cartilagineux sur une cer- 
taine étendue. Nous verrons plus loin, à propos des bronches, 
comment ces canaux se modifient au voisinage de leur termi- 
naison. 

La partie élémentaire du poumon n’est donc pas le lobule, 
mais la portion de lobule qui correspond à une subdivision de 
la bronche intra-lobulaire. Seulement, tout le parenchyme pul- 
monaire qui correspond à un lobule forme une masse intimement 
unie. Les cloisons de tissu cellulaire ne la pénètrent pas. Elles 
restent au dehors en ne lui envoyant que de minces prolonge- 
ments. | 

Les grosses bronches, en arrivant au poumon, se subdivisent 
rapidement en conduits de plus en plus étroits; à mesure que 


se fait cette subdivision, la structure des conduits se modifie 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). 39 


610 CADIAT. — DES RAPPORTS 


insensiblement. Entre les bronches de bifurcation de la trachée 
et les grosses bronches intra-pulmonaires, nous voyons déjà des 
différences portant sur la disposition des tuniques externes, les 
cerceaux cartilagineux forment des anneaux complets, les fibres 
musculaires de même enveloppent tout le conduit. Plus loin, les 
cartilages diminuent, se réduisent à des noyaux cartilagineux. 
Enfin, à la limite du point où cesse la muqueuse, la couche 
musculaire qui, sur les bronches volumineuses, était en dehors 
des glandes, vient ici s’accoler à la muqueuse et laisse les glandes 
au-dessous d’elle. | 

Nous avons déjà signalé cette disposition avec M. Robin d'après 
des préparations faites par M. Barrié ; elle se trouve décrite dans 
l’article SYSTÈME MUQUEUx du Dictionnaire encyclopédique des 
sciences médicales. 

Ces modifications progressives que subissent les bronches 
nous font pressentir qu'entre ces canaux et la partie respiratoire 
du poumon la transition doit se faire d’une façon moins brusque 
qu’on ne le décrit généralement, et qu'il existe entre les deux 
des canaux intermédiaires. 

C’est, en effet, ce que nous avons constaté. Mais avant de voir 
la structure de ces conduits, étudions la forme des bronches au 
voisinage de leur terminaison. 

Terminaison des bronches. — Pour comprendre la disposition 
d’un lobale, il est indispensable de connaître exactement le 
mode de terminaison des bronches, le point exact où cessent 
ces conduits. Nous nous sommes appliqué tout spécialement à 
résoudre cette question. En regardant les dessins que nous 
avons faits d'après les préparations de bronches, on peut voir 
tout d'abord que notre description s’éloignera beaucoup de 
celles qui ont été données jusqu'ici. 

Avant d'aller plus loin, afin qu’on puisse vérifier les résultats 
que nous avons obtenus, nous indiquerons le procédé qui nous 
a servi à isoler les bronches telles que nous les avons figurées. 

Si l’on prend le poumon d’un enfant ou d’un jeune animal 
qui n'a pas encore respiré et qu’on injecte les bronches avec de 
la gélatine, le poumon se transforme après refroidissement en 


SC ———— 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 611 


une masse résistante. En coupant cette masse et en raclant sous 
l’eau la surface de section avec un scalpel, on voit bientôt de 
petites arborescences flotter dans le liquide. On détache avec des 
ciseaux fins ces arborescences à leur base, on les examine à la 
loupe ou au microscope et on s’aperçoit alors qu’on a isolé ainsi 
les ramifications bronchiques, l’action du scalpel en a séparé 
plus ou moins les autres parties du lobule, les utricules respi- 
rateurs. Rien n’est plus facile que de séparer les bronches par 
ce procédé. 

On peut obtenir les ramifications bronchiques, täntôt seules, 
tantôt avec une partie des utricules ou des lobules entiers. 
Les difficultés qu'offrait l'étude du poumon étaient surtout cau- 
sées par ces masses utriculaires qui enveloppent les bronches à 
leur terminaison. Les coupes, quelque bien dirigées qu'elles 
fussent, ne donnaient que des résultats très-imparfaits. Grâce à 
l'artifice de préparation que nous avons employé, on peut voir 
exactement les rapports des parties et la façon dont les cavités 
pulmonaires se continuent les unes avec les autres. 

Si pour les utricules on peut dire que leur structure change 
avec l’âge, on ne peut nous objecter la même ‘chose pour les 
bronches. Les bronches, au moment de la naïssance, sont com- 
plétement formées, ce qu’il est facile de vérifier en faisant des 
coupes sur des lobules de poumons appartenant à des jeunes 
sujets ou à des adultes. 

Extrémités bronchiques. — Les bronches se ramifient dans le 
lobule de la même façon qu’avant d’y pénétrer. Sur la paroi d’un 
_ conduit naissent de part et d’autres des conduits plus petits, sans 
_ qu'aucune règle précise préside à leur distribution. 

Mais arrivé aux derniers rameaux qui offrent chez le mouton 
à la naissance un diamètre de 0,1 à 0,2, chez le bœuf adulte 0,4, 
on voit la bronche percée d’une multitude d’orifices, sur lesquels 
viennent s implanter les utricules. 

Pour se rendre compte de la façon dont ces orifices sont dis- 
posés, supposons qu’un canal terminé en cul-de-sac soit rempli 
sur une certaine longueur à partir du fond par des bulles d’air; 
que ces bulles, faisant éclater la paroï du conduit, la traversent 


612 CADIAT. — DES RATPORTS 


dans tous les sens et restent suspendues au dehors, on aura la 
bronche avec les utricules qu’elle porte. 

Si l’on se reporte aux figures 40, 11, 12, planche XXIV, il est 
facile de comprendre la disposition de ces orifices bronchiques. 

La paroi du canal, crevée pour ainsi dire d’une infinité d’ori- 
fices, est comme dissociée en tous sens et se prolonge au milieu 
de la masse utriculaire sous la forme de prolongements irréguliers 
(voy. e,e, fig. 10) plus ou moins longs, dans lesquels on retrouve 
encore quelques-uns des caractères de la paroi bronchique. 

Telle est en réalité la façon dont se terminent les bronche 
Les dessins que nous donnons de ces extrémités bronchiques sont 
aussi fidèles que possible. Quant aux préparations qui ont servi 
à les faire, tout le monde peut les répéter. Nous en avons fait 
un grand nombre. Tous les élèves du laboratoire d’histologie les 
ont faites et toutes ont donné exactement le même résultat. 

La façon dont ces pièces ont été préparées montre une fois de 
plus la différence fondamentale qui existe entre la bronche et la 
partie vraiment respiratoire du poumon, puisque par un artifice 
aussi simple que celui que nous avons employé on peut séparer 
complétement ces deux parties l’une de l’autre. 


C. — Structure des petites bronches. Usages des fibres lisses des bronches. 


De la structure des dermiers canaux bronchiques. — Les 
bronches d’une façon générale sont formées de trois couches : 
une muqueuse plissée longitudinalement (voy. fig. 16), sans 
papilles, formée d’un chorion résistant d’une richesse extrême 
en fibres élastiques. | | 

A la surface se trouve une couche de cellules épithéliales à 
cils vibratiles, haute de 0,02 à 0,03, suivant les points. 

De distance en distance, cette muqueuse est traversée par les 
conduits excréteurs des glandes, situées dans le tissu cellulaire 
sous-jacent. Au-dessous de la muqueuse se trouve cette couche 
celluleuse très-riche aussi en fibres élastiques. 

Enfin la troisième enveloppe est formée par des faisceaux de 
fibres musculaires lisses, disposés circulairement. Les cartilages 
sont compris dans celte tunique. 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 613 


Par-dessus le tout se trouve encore un peu de tissu cellulaire 
avec des fibres élastiques longitudinales. 

Telle est la description générale sommaire de la structure 
d’une bronche que nous pourrions prendre pour terme de com- 
paraison. 

Lorsque les noyaux cartilagineux disparaissent, la tunique 
celluleuse intermédiaire à la musculeuse et à la muqueuse dis- 
paraît aussi, et, comme nous l'avons dit précédemment, les 
fibres lisses viennent s’accoler à la face profonde de la mu- 
queuse. 

On trouve donc dans l’intérieur du lobule des canaux ayant 
tous les caractères de bronches, puisqu'ils possèdent une mu- 
queuse parfaitement nette avec son réseau élastique et sa couche 
de longues cellules prismatiques à cils vibratiles. Sur les pou- 
_mons de mouton, on trouve une muqueuse très-évidente, 
quoique fort réduite en épaisseur, sur des bronches de 0,15 de 
diamètre. 

Du mode de terminaison des différentes tuniques de la bron- 
che. — 1° Muqueuse. — La muqueuse bronchique diminue peu 
à peu et finit par être remplacée au voisinage des orifices mul- 
tiples que présente le conduit par une membrane particulière, 
hyaline, élastique et résistante. La muqueuse des bronches étant 
très-riche en fibres élastiques, il est probable qu'ici nous voyons 
se produire cette modification qu’on rencontre si souvent dans 
les parois des vaisseaux : d’un réseau élastique en une couche 
élastique continue. La substance élastique se dispose tantôt en 
fibres très-fines, tantôt en lames. Il est naturel de penser qu’au 
point où va cesser la muqueuse, tous les éléments élastiques, si 
nombreux, qui composent presque toute sa trame, se réunissent 
pour former une couche homogène. 

Quoi qu'il en soit, à une distance variable du point de termi- 
naison, la muqueuse est remplacée par une membrane hyaline 
épaisse de 0,005 à 0,006, sans noyaux dans son épaisseur. 

À la surface de cette tunique se trouve une couche régulière 
de cellules petites et cubiques, hautes de 0,012 à 0,015. Ces 
cellules continuent la couche épithéliale prismatique des bron- 


61% CADIAT. —— DES RAPPORTS 


ches, mais elles n’en ont nullement les caractères. Elles repré- 
sentent un véritable épithélium de transition. Sur des coupes 
partant sur la longueur d’une bronche, on peut voir tous les 
degrés intermédiaires entre l’épithélium à cils vibratiles et celui 
que nous venons de décrire. 

Ces éléments ont été décrits par Küttner dans les Archives de 
Virchow, 1876. Souvent on les a pris pour les épithéliums des 
alvéoles ou des canalicules dont nous aurons à parler tout à 
l'heure. 

L'auteur que nous venons de citer n’a en vue que l'épithélium 
des conduits. Voici sa description : « L’épithélium des conduits 
alvéolaires pendant le développement est cylindrique et cubique 
à son extrémité. La muqueuse possède un épithélium à cils vi- 
bratiles là où elle est entourée de cartilages. Il se transforme dans 
les petites bronches en épithélium cubique. Les cellules cubiques 
ont 0,009 d’épaisseur. Dans la cirrhose, on trouve la paroi des al- 
véoles aplaties tapissée d’un épithélium cubique ou cylindrique. » 

Kütiner fait cesser les cellules à cils vibratiles en même temps 
que les cartilages. Ces cellules descendent plus loin ; elles per- 
sistent autant que la muqueuse et les fibres musculaires. Aussitôt 
que la muqueuse à disparu, ainsi que ces éléments contractiles 
péribronchiques, on voit apparaître l’épithélium cubique. 

Sur la figure 13, nous avons représenté la coupe d’un de ces 
conduits intermédiaires. Les parois sont formées de deux cou- 
ches, comme il est facile d’en juger : la couche hyaline et la 
couche d'épithélium polyédrique. En dehors se trouvent des 
vaisseaux, des fibres élastiques, et les parois des utricules juxta- 
posées à ce conduit. 

Il arrive assez souvent qu’une coupe porte sur toute la longueur 
d’une bronche, ce qui permet de suivre les modifications de struc- 
ture de ces conduits dans une assez grande longueur. Sur la plan- 
che XXXV, fig. 15, nous avons représenté une de ces coupes. On 
peut voir là toutes les transitions entre les différentes variétés 
de cellules épithéliales; on les voit peu à peu diminuer de hau- 
teur et s’aplalir jusqu’à prendre la forme de petits cubes. Lors- 
qu'elles ont cette forme, il est impossible d’y découvrir aucune 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 615 


trace de cils vibratiles ou même aucun des caractères des cellules 
qui sont munies de cils. 

Fibres musculaires. — La couche des fibres musculaires va 
peu à peu en diminuant d'épaisseur, et elle cesse presque com- 
plétement au point où cesse aussi l’épithélium prismatique. Du 
reste, 1l n’y a pas de règle bien fixe à ce sujet. Le niveau où elles 
disparaissent varie un peu avec chaque conduit. Dans tous les 
cas, nous n'avons rencontré nulle part d’'anneaux musculaires 
pouvant être assimilés à des sphincters. La couche des fibres 
lisses est toujours parfaitement régulière. Et bien loin de s’épais- 
sir au voisinage des lobules, elle y disparaît complétement. 

Du rôle physiologique joué par les fibres lisses dans l'acte de 
la respiration. — Les expériences de Williams, qui ont été ré- 
pétées dernièrement par P. Bert, montrent bien que le poumon 

_est contractile, et d’après ce dernier auteur la contractilité du 
‘poumon serait sous la dépendance du pneumogastrique. Mais à 
quoi peut servir cette contractilité qui réside dans les bronches ? 
Telle est la question que se sont posée bien des physiologistes et 
qui n’a pas reçu jusqu'ici de solution bien satisfaisante. 

Il nous semble néanmoins qu’il est possible de la résoudre, et 
nous allons présenter une théorie qui, bien qu’elle ne soit peut- 
être pas appuyée sur des expériences démonstratives, semble 
réunir bien des probabilités en sa faveur. 

Lorsqu'on injecte un liquide dans la trachée d’un enfant qui 
n'a pas encore respiré ou qu’on insuffle de l'air, il est facile de 
voir que la répartition de l'air ou liquide dans le poumon se fait 
d'une façon trés-inégale. Certains lobules sont complétement 
distendus alors que d’autres se soulèvent à peine. 

Dans l'acte de l'inspiration, bien que la force qui fait pénétrer 
l'air dans le poumon n’agisse pas de la même façon, ne peut-il 
pas en être de même ? Les lobules superficiels ne doivent-ils pas 
tendre à se dilater plus rapidement que ceux qui sont situés au 
centre de l'organe ? , 

Pour éviter cette distribution inégale, les fibres musculaires 
des bronches auraient justement pour effet de répartir unifor- 
mément par leurs contractions l’air qui pénètre dans la trachée, 


616 CADIAT. — DES RAPPORTS 


se laissant distendre pour un lobule encore fermé et revenant 
sur elles-mêmes à l’entrée d’un lobule déjà trop dilaté. 

À supposer que ces fibres n’existent pas,comment comprendre 
que des cavités aussi irrégulièrement disposées, aussi compli- 
quées que le sont les cavités du parenchyme pulmonaire puissent 
se remplir toutes à la fois et de la même quantité d’air ? 

Si l’on voulait remplir également un poumon avec de la ma- 
tière à injection, que ferait-on? On pincerait une bronche pour 
empêcher le liquide d’y entrer lorsque le lobule auquel cette 
bronche correspond serait rempli, et ainsi on forcerait le liquide 
à entrer dans les autres lobules. La tunique musculaire des 
bronches n’agit pas autrement. 

Or, c’est là un fait qui n’a pas suffisamment attiré l'attention 
des physiologistes ; c’est que le poumon, quelle que soit la façon 
dont l'inspiration s'opère, se remplit avec beaucoup d'égalité. 
Dans le type de respiration costale supérieure, le sommet de- 
vrait se remplir à l’exclusion de la base, et dans le type abdomi- 
nal l'inverse se produire. Or, il n’en est rien, car l’auscultation 
nous montre qu’à l’état normal l'air pénètre également dans 
toutes les cavités du poumon. L'absence de bruit respiratoire en 
un point de la poitrine n’est-il pas un signe certain d’une alté- 
ration de l’organe? 

Comment donc cette répartition égale de l’air qui pénètre par 
les bronches pourrait-elle se produire dans toutes les conditions 
diverses où la poitrine est placée, chez des individus qui ont un 
mode respiratoire essentiellement différent si le poumon se dila- 
tait passivement ; si les bronches n’agissaient pas par leurs con- 
tractions afin de régler la distribution de l'air qui est destiné aux 
lobules. | 

Que voyons-nous lorsqu'une partie du poumon ne peut se 
dilater pour remplir le vide de la plèvre? une autre portion se 
distend à sa place et on a de l’emphysème. Ainsi, autour des 
noyaux de broncho-pneumonie des enfants, autour des produc- 
tions tuberculeuses, etc., on trouve de l’emphysème. C’est là le 


phénomène qui se produit chaque fois que l’air est inégalement 
réparti dans le poumon. 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. (617 


Or, cet emphyséme se trouve après les sections du pneumo- 
gastrique chez les animaux (Bernard, Physiologie du système 
nerveux). Que prouve-t-il, sinon que certaines parties du pou- 
mon se sont distendues pendant l'inspiration d’une façon exces- 
sive. Il est bien facile d'en comprendre la raison. Le pneumo- 
gastrique anime les fibres musculaires des bronches. Après sa 
section, ces fibres sont paralysées. Le poumon de l’animal vi- 
vant se trouve donc par conséquent dans la même situation que 
celui d’un animal mort, dans les bronches duquel nous pous- 
sons une injection. Aucune force ne vient régler la distribution 
du fluide dans les cavités où s'ouvrent les bronches. Les unes 
vont se dilater à l’excès, les autres resteront affaissées. 

La section du pneumogastrique supprime le régulateur qui 
- présidait à l'entrée de l’air. Mais que ce régulateur, au lieu 
d’être détruit, soit plus ou moins altéré, on aura tous les acci- 
dents des asthmatiques. 

Cest ainsi que les bronchites spasmodiques, que les accès 
d'asthme déterminent à la longue de l'emphysème, comme la 
section du pneumogastrique chez les animaux. 

Nous venons de voir que les fibres musculaires des bronches 
devaient avoir pour action de régler l’entrée de l’air dans le 
poumon et que la section du nerf qui les animait produisait en 
peu de temps des désordres graves et en particulier lemphysème. 
Mais ces fibres peuvent être paralysées autrement que par la 
section du pneumogastrique. Une inflammation peut abolir leur 
contractilité comme elle le fait pour les fibres de l'intestin, lors 
de péritonite par exemple. Et si dans le cas de bronchite la res- 
piration ne s'entend plus dans certaines parties du poumon, cela 
ne pourrait-il pas tenir à ce que la distribution de l'air n'étant 
plus réglée, ce fluide ne pénétrerait plus dans ces parties; mais 
que l’inflammation se prolonge un temps suffisant ou qu’elle se 
répète souvent, l’emphysème se produira comme dans les expé- 
riences des physiologistes. C’est ainsi que très-probablement les 
bronchites simples produisent l’'emphysème. 

Avant de quitter l'étude des bronches, nous signalerons encore 
une expérience que nous avons faite sur ces conduits. 


618 CADIAT. — DES RAPPORTS 


Si l'on cherche à faire le vide dans l’intérieur du poumon par 
la trachée, on arrive bien à retirer l’air des grosses bronches 
et des petites jusqu’à celles qui ont des noyaux cartilagmeux. 
Mais au delà, le vide est impossible, les canaux s’aplatissent 
sous l’action de la différence de pression, et l'air ne sort pas des 
canalicules. Nous avons fait cette expérience avec un vide de 
0" ,60 de mercure, sans aplatir le poumon en aucune façon. Lors- 
qu’on connaît la structure des bronches, on comprend très-bien 
la raison de ce fait. Là où cessent les noyaux cartilagineux, rien 
n'empêche ces canaux de s’aplatir sous l'effet de la pression 
atmosphérique. Mais si nous tenons à le signaler, c’est que sur 
cette idée fausse Bichat fonde une de ses expériences à propos 
de la circulation pulmonaire, et Kôlliker ne craint pas de recom- 
mander le procédé du vide pour enlever l’air qui gêne tant dans 
les préparations de poumon. 

L'expérience de Bichat reposait sur une erreur anatomique. Il 
croyait faire le vide dans le poumon et il enlevait seulement l'air 
des grosses bronches. Gréhant et un des élèves, M. Ducroz, ont 
démontré contrairement à Bichat que l’état de distension ou de 
retrait des lobules avait une influence considérable sur la cireula- 
tion. Nous avons reproduit ces expériences, et en arrêtant seu- 
lement le soufflet qui sert à la respiration artificielle dans les la- 
boratoires, après deux tours, nous avons vu la pression veineuse 
dans la jugulaire monter de 2 centimètres de mercure. Gréhant 
avait vu qu'avec une pression mercurielle de 6 centimètres dans 
les bronches on arrêtait complétement la circulation. La tension 
veineuse devenait égale à la tension artérielle. 


CHAPITRE III 


DE LA PARTIE RESPIRATOIRE DU POUMON 


Nous avons laissé le développement le poumon au moment de 
la naissance. Nous avons vu comment la masse épithéliale pleine 
représentant le lobule commençait à se creuser de larges cavités 
avant celte époque, et qu'après seulement les plus petites s’ou- 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 619 


vraient par le seul fait de la pénétration de lair. En suivant 
l’évolution des éléments, on arrive à comprendre comment les 
cellules épithéliales de la masse lobulaire se soudent entre elles 
pour former de petits feuillets accolés qui en s’écartant limiteront 
des culs-de-sac ; mais là ne se bornent pas toutes les modifica- 
tions qu’elles subissent, ainsi que nous le verrons à propos de la 
structure du lobule. 

Dispositions des conduits lobulaires. — Pour comprendre 
la disposition de ces conduits, la façon dont ils se ramifient, sup- 
posons que dans la masse lobulaire préparée pour la respiration 
comme nous l'avons figuré planche XXXIL, figure 3, on insuffle 
de l'air par les bronches, cet air dilatera d’abord les cavités 
béantes a,a que nous avons vues dans le lobule, puis 1l s’insi- 
nuera entre les fissures c,c qui en partent, les ouvrira à leur tour 
et finira par déterminer la formation de petits utricules ré- 
sultant de la réunion de deux ou trois cellules épithéliales. 

Cette manière de comprendre les lobules n’est pas, comme on 
peut en juger, d'accord avec la théorie de Rossignol qui les décrit 
comme des cavités cloisonnées par des plans de séparation per- 
pendiculaires aux parois. L'interprétation donnée par cet anato- 
miste est contredite par ce que nous connaissons du développe- 
ment. 

Voyons par contre quelle est la structure du poumon à la 
naissance. Celle que nous allons décrire s'accorde parfaitement 
avec les faits énoncés plus haut. 

La plupart des auteurs qui décrivent le poumon sont fort 
embarrassés pour représenter le mode d'implantation des cavités 
utriculaires sur la bronche et la forme de ces cavités. En effet, 
sans l’artifice de préparation que nous avons indiqué, il est im- 
possible de se rendre compte des dispositions de ces parties. 
Nous avons vu précédemment que les orifices terminaux de ces 
conduits étaient très-nombreux. Tandis que d’après Rossignol 
et même d’après les auteurs les plus récents par exemple, il n’y 
en aurait que trois ou quatre. 

Cette première erreur étant commise, il devient impossible de 
comprendre la disposition du reste du lobule.Aussine chercherons- 


620 CADIAT. — DES RAPPORTS 


nous pas à discuter les différentes opinions émises sur ce sujet. 

Sur plusieurs de nos dessins on peut voir qu’à l'extrémité de 
la bronche se trouve appendue une masse vésiculeuse qui la 
masque en parlie. Elle représente un reste de la portion du 
lobule qui a été arrachée par la préparation. À chaque extrémité 
bronchique correspond, si l’on veut, un lobule primitif quatre 
ou cinq fois plus volumineux que la partie dessinée en d, fig. 10, 

Lorsqu'on examine cette masse vésiculeuse, au premier abord 
elle diffère essentiellement de la bronche, et au niveau des ori- 
fices multiples dont celle-ci est percée existe une ligne de dé- 
marcation parfaitement nette. 

Il est facile de suivre les ramifications lobulaires sur des pou- 
mons de fœtus à terme, injectés avec de la gélatine au nitrate 
d'argent. Les cavités du lobule primitif représentent une série 
de conduits ramifiés comme les bronches. 

Ils reproduisent dans leurs rapports réciproques et leurs formes 
les bronches terminales. C'est-à-dire que le premier conduit 
qui vient prendre naissance sur une ouverture bronchique pré- 
sente comme la bronche une foule d’orifices latéraux sur lesquels 
viennent s'implanter d’autres conduits plus étroits et plus courts. 

Les orifices sont si multipliés sur ce premier canal, qu’il 
n'existe pour ainsi dire que virtuellement. On en suit la direc- 
tion, mais il est difficile d’en marquer les parois. Après deux ou 
trois ramifications, suivant les points considérés, on arrive aux 
ütricules terminaux. Ces utricules, qui correspondent aux al- 
véoles de Rossignol et dont M. Sappey a très-exactement donné 
les dimensions, sont de petits culs-de-sac à peu près aussi pro- 
fonds que larges et tous égaux entre eux ; ils sont étroitement 
accolés les uns aux autres, ce qui fait qu’on les a décrits comme 
des parties d’une vaste cavité commune (infundibulum de Rossi- 
gnol) cloisonnée par des plans normaux à la surface. 

Sur la figure 12, pl. XXXIV, sont représentés ces utricules et 
les canaux dans lesquels ils viennent s’ouvrir. 

F. Schultze a bien décrit le mode de ramification de ces con- 
duits qu’on a appelés depuis canaux alvéolaires. Mais cet auteur 
n'a pas bien figuré les utricules terminaux. 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 621 


On comprend bien, en effet, la formation de petits culs-de-sac 
terminaux étant donnée, le développement par bourgeons des ra- 
mifications bronchiques. Mais il est impossible de se rendre 
compte de la formation de cloisons interalvéolaires de Rossignol. 
C'est en cela justement que l'étude des différentes phases que 
traverse le poumon dans la vie embryonnaire présente de lin- 
térêt. On ne peut admettre non plus l’opinion de Külliker qui 
voit dans le lobule primitif un petit poumon de batracien. Chez 
ce dernier, le poumon se présente sous la forme d’une grande 
cavité bosselée à sa surface; sa structure est essentiellement 
différente de celle que nous allons décrire, car elle renferme 
une quantité trés-considérable d'éléments musculaires. 

Structure des utricules respirateurs. — La paroi des utricules 
- respirateurs est généralement considérée comme formée de trois 
couches : 

1° Une première externe renfermant beaucoup de fibres élas- 
tiques et dans laquelle sont les vaisseaux formant un réseau ca- 
pillaire très-riche qui coiffe pour ainsi dire chaque cul-de-sac ; 

2° Une paroi homogène hyaline de nature élastique ; 

3° Une couche épithéliale formée de cellules aplaties. 

Nous ne nous occuperons que de ces deux dernières parties. 

Külliker admet l'existence de la paroi propre et de la couche 
épithéliale. Seulement il figure des cellules épithéliales qui res- 
semblent exactement à celles des derniers canaux bronchiques. 
À aucune époque de la vie on ne voit de cellules semblables dans 
ce qu’il appelle les alvéoles. 

Il résulterait de nos recherches que ces parois utriculaires ne 
seraient formées que de deux couches. On se rend bien compte 
de ce fait en suivant les modifications que subit le poumon dans 
les premiers âges et à la fin de la vie fœtale. Nous croyons aussi 
que beaucoup d’histologistes ont été induits en crreur par ces 
canaux intermédiaires qui terminent les bronches, canaux qui, 
nous l'avons vu, sont formés seulement d’une paroi homogène 
et d’une couche de cellules épithéliales cubiques. 

Lorsqu'on examine le poumon d’un jeune animal, on voit très- 
facilement, sur les parois des utricules, des cellules épithéliales. 


622 CADIAT. — DES RAPPORTS 


Ces cellules ne se distinguent plus sur l'adulte sans nitratation, 
quelque soin qu’on y mette. Comparons par exemple les figu- 
res 5 et 8. On voit la différence entre ces deux états. Dans l’un, 
ce sont des cellules séparées qui forment les parois ; dans l’au- 
tre, une couche continue. 

Quelle transformation s’est-1l donc produite ? 

Les parois utriculaires sont constituées chez l'enfant par la 
couche vasculaire dont l'existence. est indiscutable, puis par des 
cellules épithéliales très-larges, aplaties, irrégulières, avec de 
gros noyaux ovoides et granuleux (voy. &,a, fig. 5, pl. XXXIIT). 
Ces cellules adhèrent peu les unes aux autres. Les injections qu’on 
pousse par les bronches les séparent facilement; 1l en est de 
même des dilacérations. Ainsi, sur les préparations, on en voit : 
toujours un certain nombre qui sont isolées, et on peut alors 
déterminer exactement leurs formes et leurs dimensions. 

Ce sont ces cellules dont on peut délimiter les contours avec 
le nitrate d'argent. 

Sur les coupes de poumon d’adulte, on trouve, au lieu de cette 
couche de cellules épithéliales, une membrane hyaline plus 
ou moins épaisse, parfaitement transparente (voy. fig. 8 et 9, 
pl. XXXIID). Dans certains points de la préparation, on voit la tran- 
che de cette membrane et on peut en mesurer l'épaisseur. Chez le 
bœuf, elle est très-épaisse relativement. À sa face externe et lui 
adhérant sont appliqués les vaisseaux capillaires et quelques élé- 
ments du tissu cellulaire avec des fibres élastiques. Mais à sa face 
interne, il est impossible de distinguer aucune cellule épithéliale. 
Nou savons pris des poumons sur des animaux qu’on venait d’a- 
battre, nous les avons plongés dans le liquide de Müller ; puis, 
après durcissement, nous avons pratiqué des coupes, et ces 
coupes, quelque nombreuses qu’elles aient été, ne nous ont jamais 
montré de cellules épithéliales doublant la paroi alvéolaire. | 

Nous avons pensé alors que cette paroi homogène était elle- 
même un produit de transformation de ces cellules épithéliales 
qui existent chez le fœtus. En effet, si l’on traite ces préparations 
de poumon de bœuf adulte par l’hématoxyline, on ne tarde pas 
à voir apparaitre, dans l'épaisseur de ceite couche hyaline, des 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 623 


noyaux colorés en violet. Ces noyaux ont la forme et la dimen- 
sion de ceux qui existent au centre des cellules épithéliales de 
la paroi alvéolaire de l’enfant. 

Sur l'adulte, quel que soit le procédé qu'on emploie pour 
mettre les cellules épithéliales en évidence, on ne voit jamais 
deux couches distinctes superposées : une couche épithéhiale et 
une membrane amorphe. Or, même dans les parties où les cel- 
lules épithéliales ont leur minimum d’épaisseur, comme à la face 
interne des parois vasculaires, à la surface des séreuses, 1l est 
bien facile de les distinguer en plus ou moins grand nombre 
avec les simples procédés de préparation que nous avons em- 
ployés, pourvu seulement qu’on opère sur des pièces fraiches. 
Dans le cas actuel, à la face interne des utricules respiraleurs 
chez l'adulte, on ne voit jamais, soit une cellule, soit même un 
noyau cellulaire dépassant les surfaces absolument lisses qu’of- 
frent les parois de ces cavités. Il faut donc admettre que ces 
parois sont formées principalement par l’accolement et la fusion 
de cellules épithéliales qui, loin de constituer, au point de vue 
dynamique, un élément accessoire qui pourrait disparaître mo- 
mentanément sans inconvénient, représentent au contraire la 
partie fondamentale et nécessaire. 

En résumé, nous admettons que cette membrane homogène, 
qui forme la paroi des utricules respiratoires du poumon chez 
l'adulte, est formée par la fusion de ces cellules qui existent sé- 
parées chez l'enfant. 

L'union incomplète des cellules explique la fragilité du tissu 
des lobules, fragilité qui permet l'isolement des bronches tel 
que nous l'avons fait chez l’enfant et qu’on ne pourrait pas 
obtenir à un âge plus avancé. 

Ces modifications de texture se font bien peu de temps après 
la naissance, car 1l faut prendre des enfants de quelques jours 
pour séparer ainsi les cellules épithéliales les unes des autres. 
Sur tous les poumons adultes que nous avons examinés et qui 
correspondaient à des âges différents, nous avons toujours trouvé 
une lame hyaline continue. 

Lorsqu'on injecte les cavités du poumon avec une solution de 


62/4 CADIAT. — DES RAPPORTS 


nitrate d'argent, on arrive à montrer à la surface des utricules 
des lignes noires dessinant des polygones plus ou moins irrégu- 
liers. Ces préparations ne réussissent pas toujours, ce qui se 
conçoit facilement d’après ce que nous venons de dire. Cela dé- 
pend sans doute de ce que les cellules sont plus ou moins con- 
fondues en lame continue. Nous avons reproduit ces prépara- 
tions, et les figures que nous avons obtenues ressemblent, sauf 
quelques différences de détail, à celles qui sont données dans 
l’Histologie de Kôlliker. 


En résumé, nous pouvons conclure de ce que nous venons 
d'exposer relativement à la structure des parois utriculaires, 
qu’elles sont formées par une lame homogène épaisse de 0,001 
à 0,002 et 0,003 jusqu’à 0,008, suivant les animaux. Paroi ré- 
sistante, souple, élastique, parsemée de noyaux ovoïdes longs 
de 0,01. Cette paroi est d’origine épithélale, et les noyaux 
qu’elle renferme sont les restes des cellules qui l’ont formée. 

À la face externe de cette membrane et intimement uni à 
elle se trouve le réseau capillaire. Ce réseau est extrêmement 
riche, comme on le sait. Nous n'avons pas à le décrire ici, car il 
se trouve figuré assez exactement dans la plupart des traités 
d'histologie. Dans la même couche se trouvent des fibres élasti- 
ques fines, nombreuses et des éléments du tissu cellulaire avec 
des dispositions qui ne sont pas encore exactement déterminées. 

Quand on voit la position de ce réseau capillaire entre les 
parois accolées de deux cavités utriculaires contiguës, on com- 
prend facilement que la circulation du sang puisse être arrêtée 
lorsque la pression de l'air dans ces cavités vient à augmenter. 
Nous avons rappelé précédemment les expériences de Gréhant à 
ce sujet, et puisque nous laissons de côté les vaisseaux du pou- 
mon, nous n'entrerons pas dans toutes les considérations patho- 
logiques qu’on pourrait déduire de ces expériences. 

Il n'existe donc en réalité que deux couches dans les parois 
utriculaires : la couche épithéliale et la couche vasculaire. Peut- 
être, par certains procédés de préparation, arrivera-t-on à isoler 
entre elles une couche intermédiaire analogue à celles qui existent 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 625 


presque partout entre les cellules épithéliales et les membranes 
qu'elles tapissent (1); mais en admettant même qu’elle existât, 
son importance serait considérablement diminuée. d’après ce 
que nous avons exposé plus haut. 

Les dispositions que nous venons de décrire sont celles du 
poumon complétement développé. On voit par conséquent qu’il 
n'arrive à sa forme définitive que quelques mois après la nais- 
sance. Les dernières modifications sont la suite du travail d’évo- 
lution dont nous avons suivi les phases depuis les dr 
périodes de la vie embryonnaire. 

On voit donc en résumé qu’il est BA bo de suivre pas à pas 
toutes les transformations que subit le poumon depuis son ori- 
gine jusqu’à l’âge adulte, et que les dispositions observées à une 
époque s'expliquent et se contrôlent aisément au moyen de 
celles qui précèdent ou de celles qui suivent. Ainsi se trouvent 
déterminées exactement au point de vue de l’anatomie générale 
toules les parties qui composent le parenchyme pulmonaire. 


EXPLICATION DES PLANCHES XXXIT, XXXIII, XXXIV Er XXXV. 


Ces dessins représentent les états successifs du poumon depuis son 
origine jusqu’à l’âge adulte. Les deux premières planches sont relatives 
au développement, les autres à la structure du poumon complétement 
formé. 

En suivant l’ordre indiqué par les chiffres on peut voir tous les états 
par lesquels passe le parenchyme pulmonaire dans son évolution. 

La planche XXXII donne les états du lobule jusqu à la naissance, avant 
la première inspiration. 

La planche XXXIII commence à la naissance et finit à l’âge adulte. 

Les deux autres planches donnent la terminaison des bronches, les 
rapports des bronches avec les cavités lobulaires et la structure des der- 
nières ramifications bronchiques. 

Dans la planche XXXII on voit d’abord un conduit tapissé de cellules 
épithéliales avec des renflements ampullaires terminaux. Ce conduit re- 


(1) Voy. sur cette couche : Ch. Robin, Programme du cours d’histologie. Paris, 
1870, in-8, 2° édition, p. 373 ; et Littré et Robin, Dict. de médecine, art. Poumon. 


JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XII (1877). 40 


626 CADIAT. — DES RAPPORTS 


présente une grosse bronche avec ses bourgeons latéraux sur un em- 
bryon très-jeune. 

A côté on voit un lobule ; le cylindre épithélial s’est ouvert, il a rem- 
pli tout le lobule de ses rameaux. Le tissu cellulaire n'y est plus repré- 
senté que par des cloisons qui vont en diminuant toujours d'épaisseur. 

La figure 3 représente une partie de lobule à une époque encore plus 
avancée, alors que le bourgeonnement épithélial a pris un tel accroisse- 
ment que presque toute la masse lobulaire est transformée en cellules 
épithéliales. Ces cellules forment non-seulement les parois des conduits, 
mais encore presque tout le tissu environnant. 

Enfin, sur la figure 4 toutes les parties du lobule sont formées, il est 
presque entièrement épithélial, les premières cavités lobulaires sont 
ouvertes, des fissures qui font suite à ces cavités pénètrent la masse épi- 
théliale périphérique. Quand ces éléments périphériques se séront sépa- 
rés après la naissance on aura le lobule sous sa forme vésiculaire tel 
qu’on en voit des fragments sur la planche XXXIV. 

La planche XXXIII nous montre maintenant des alvéoles ou plus exac- 
tement des utricules respirateurs d'enfant, de veau nouveau-né, de bœuf 
adulte. Sur les premiers, les cellules épithéliales de la paroi étaient sé- 
parées ou plutôt séparables; sur les derniers, elles se sont soudées en 
lames continues. 

Les planches XXXIV et XXXV sont relatives aux bronches. 

La première montre les orifices multiples de la branche terminale, 
cette sorte de dissociation qu’elle subit à son extrémité. 

Enfin, sur la figure 4 on voit la structure des canaux bronchiques au 
voisinage de leur terminaison et la structure d’une bronche chez un em- 
bryon. 


PLANCHE XXXII, 


Fic. 1. — Conduits ramifiés du poumon sur un embryon de mouton de 
4 centimètres, dessin fait d’après une préparation fraiche traitée seu- 
lement par l’acide acétique. 

a. Conduit, 
b. Renflement vésiculaire terminal. 
c. Bourgeon latéral commençant à paraitre. 
d. Bourgeon plus développé. 
e. Bourgeon peu développé avec une fissure centrale. 
Fi6. 2. — Coupe d’un lobule d’embryon de mouton de 12 centimètres. 
1. Bronche avec sa muqueuse plissée. 
b,b,b. Conduits épithéliaux faisant suite aux bronches, les uns sont 
pleins, d’autres commencent à se creuser d’une cavité. 


FiG. 3. — Coupe d’une portion de lobule (grossiss. 500 diam.) d’un em- 
bryon de mouton de 35 centimètres. 


Les conduits coupés en travers représentent ou les bronches termi- 


2 


ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE, 627 


nales ou les premières cavités lobulaires. On ne peut pas encore le savoir 
à cette époque. 

b,b. Cellules épithéliales formant la paroi se continuant sans ligne 
de démarcation précise avec d’autres cellules c,c,c irrégulière- 
ment disséminées dans le lobule. 

d,d,d. Cavités laissées par la chute d’un certain nombre de cellules 
épithéliales montrant bien la nature épithéliale de ces éléments. 

Fic. 4. — Poumon avant la naissance. 

a,a,a. Conduits alvéolaires faisant suite aux bronches tels qu'ils 
sont avant la respiration. 

b,b,b. Cellules épithéliales de la masse lobulaire écartées les unes 
des autres par des fissures c,c qui commencent à se produire. 
Lorsque ces fissures s’ouvriront, elles formeront les utricules et 
les cellules épithéliales. 

d,d,d. Les parois de ces utricules. 


PLANCHE XXXIIL, 


Fic. 5. — Épithélium d’un utricule respirateur d’un enfant nouveau-né. 
a,a,. Cellules séparables, les unes accolées à la paroi utriculaire. 
les autres tombées dans la cavité. 
b,b. Cloisons inter-utriculaires. 

Fic. 6. — Même préparation sur un veau de deux ou trois mois. 

Fig. 7. — Épithélium pulmonaire du bœuf adulte mis en évidence par 
le nitrate d’argent. 

Fic. 8. — Couche épithéliale soudée en lame continue chez un bœuf 
adulte ; les noyaux des cellules sont mis en évidence au moyen de 
l’hématoxyline. 

a. Noyau des cellules épithéliales soudées en lames continues. 
b. Parois inter-utriculaires. 

Fic. 9. — Coupe d’un lobule de poumon de bœuf adulte traité par le 

liquide de Müller. 
On voit que la coupe des parois utriculaires est parfaitement lisse et 
ne montre aucune cellule épithéliale à la surface. 
a Paroi utriculaire. 
b. Vaisseaux sanguins pleins de globules rouges sous la paroi utri- 
culaire. 


PLANCHE XXXIV. 


Fic. 10. — Bronche séparée de la masse vésiculaire du lobule par le 
procédé indiqué dans ce mémoire. 
Cette figure donne une vue d'ensemble. 
a,a,a. Orifices multiples des bronches. 


628 RAPPORTS ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON, ETC. 


b. Couche épithéliale de la bronche. 

«. Couche musculaire. 

d. Portion de lobule restée adhérente à la bronche. 

e. Prolongements de la bronche dissociée s’avançant dans la pro- 
fondeur du lobule. 

Fi, 11. — Détail d’une petite extrémité bronchique pour montrer la 
disposition des orifices. Cette figure représente agrandi le rameau A 
de la figure précédente. 

Fic. 12. — Bronche terminale. Cette figure montre la façon dont elle se 
dissocie à son extrémité avec sa couche épithéliale a4,a,a qui se conti- 
nue au loin. 

b,b. Une portion de la masse vésiculaire du lobule. 

c,c. On voit les noyaux des cellules épithéliales de la paroi. Ce sont 
les mêmes que celle que l’on voit dans les figures 3 et 4, , Plan; 
che XXXII, en c,c, mais disposées autrement. 

d,d. Cellules elle appartenant aux prolongements de la pa- 
roi bronchique dans le lobule, 


PLANCHE XXXV. 


Fic. 13. — Coupe d’une bronche terminale. 

a. Paroi propre de la bronche hyaline élastique. 
b. Couche épithéliale cubique. 
c. Coupe des utricules respirateurs périphériques. 

Fic. 14. — Muqueuse bronchique d’une bronche terminale un peu au- 
dessus de la précédente. 

La couche musculaire est adhérente à la muqueuse. 
a. Couche musculaire. 
b. Muqueuse, 
c. Épithélium cylindrique à cils vibratiles. 

Fi. 15. — Coupe en long d’une bronche terminale montrant la transi- 
tion depuis le point où son épithélium est prismatique et sa muqueuse 
est doublée d’une couche musculaire jusqu’au point où il n’y a plus 
de fibres musculaires et où l’épithélium est devenu cubique. 

a. Fibres musculaires. 

b. Épithélium prismatique. 

c. Épithélium cubique au voisinage de la ds de la bron- 
che. 

FiG. 16. — Coupe d’une bronche à la base d’un lobule d'un embryon de 
mouton de 12 centimètres. 

On voit la couche musculaire, la muqueuse, l’épithélium prismatique. 


MÉMOIRE 


SUR 


LES SARCOPTIDES PLUMICOLES 


Par MM. Ch. ROBIN et MÉGNIN 


(Suite et fin (1). 


Genre PROCTOPHYLLODES (2) Ch. Robin. 


Acariens sarcoptides d’un gris roussâtre, d’une longueur dé- 
passant peu un demi-millimètre, plats sur le dos et sous le ventre, 
de forme allongée, presque quadrilatère, à flancs presque droits, 
avec une légère dépression entre le deuxième et le troisième 
épimére au-devant duquel se trouve un court piquant et un long 
poil. Long poil de l’extrémité externe du tibial de toutes les pattes, 
rigide et à extrémité mousse. 

Rostre conoïde, étroit, allongé, peu incliné, saillant entre les 
pattes antérieures, à mandibules longues peu renflées à la base, 
sur laquelle empiète l’épistome dépourvu de poils et de prolon- 
gements du camérostome. Une plaque granuleuse sur l’épistome 
et une autre thoraco-abdominale sur les adultes, assez profondé- 
ment incisée sur la ligne médiane chez les mâles, cette dernière 
manquant aux autres âges. 

Müles très-différents des autres états, notablement plus courts, 
mais plus larges que les femelles; abdomen étroit, mince, bordé 
d’une bande chitineuse, à côtés presque droits, à extrémité bi- 
lobée ou non, portant de chaque côté une expansion ovalaire, 
plus ou moins grande, foliacée, incolore, mince, renforcée de 
fines nervures, et de plus trois poils d’inégale longueur. Organe 
génital étroit, allongé, pourvu d’un pénis ensiforme, articulé, 
habituellement renversé en arrière, assez long sur quelques 
espèces pour dépasser l'extrémité de l'abdomen. 

Femelles fécondées de forme quadrilatère allongée, dont l’ex- 

(1) Voyez les numéros de mai-juin, juillet-août et septembre-octobre 1877 de ce 


recueil. A la page 520, au lieu de centropodos, lisez centropodus. 
(2) rpwxroç, le derrière ; guAA6dnç, semblable à une feuille. 


630 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


trémité postérieure coupée carrément porte de chaque côté un 
prolongement prismatique, chitineux, jaunâtre, rarement tron- 
qué, surmonté sur la plupart des espèces d’un piquant ensiforme 
et pourvus chacun de trois poils de longueur inégale. Épimérite 
vulvaire en fer à cheval, à extrémités libres. 

Femelles accouplées très-différentes des femelles fécondées, de 
forme générale quadrilatère ou ovoïde à dos bombé, à extrémité 
postérieure mousse portant deux paires de poils fins, sans pro- 
longements prismatiques, avec ou sans courts mamelons. Pas d’or- 
ganes sexuels, mais sur quelques espèces une paire de prolonge- 
ments cylindriques incolores près de la ligne médiane au bout de 
l'abdomen. 

Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées mais 
plus petites, à abdomen plus court et plus étroit, manquant d’ap- 
pendices cylindriques en arrière sur toutes les espèces. 

Larves hexapodes étroites, allongées ; abdomen court, étroit, 
avec ou sans mamelons à son extrémité qui ne porte qu’une paire 
de poils. 

Les sarcoptides de ce genre se distinguent de ceux des autres 
genres par leur forme générale quadrilatère, par la présence à 
tous leurs états d’un poil et d’un fort piquant en avant du troi- 
sième épimère au lieu de deux poils fins ; par la présence d’une 
plaque grenue sur l’épistome et d’une plaque dorsale thoraco- 
abdominale, cette dernière manquant toutefois avant l’état adulte. 

Les mâles se distinguent aisément par la disposition bilobée ou 
non de l'extrémité de leur abdomen, avec trois poils sur chaque 
lobe et de plus une expanssion foliacée incolore, mince, ovalaire, 
plus ou moins grande, qui manque dans tous les autres genres, 
puis par un organe génital étroit allongé, pourvu d’un pénis en- 
siforme, articulé, très-long sur quelques espèces. 

Les femelles se distinguent aisément aussi par leur forme 
allongée, presque quadrilatère, et par les deux prolongements 
prismatiques chitineux, jaunâtres, siégeant au bout de leur ab- 
domen, avec ou sans piquant ensiforme, et par l’état libre des 
extrémités de l’épimérite vulvaire en fer à cheval. 

Sur quelques espèces les femelles accouplées se distinguent 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 631 


aisément de celles des autres espèces et de leurs nymphes par 
es deux appendices cylindriques incolores de la partie dorsale du 
bout de leur abdomen. 

Les Proctophyllodes proprement dits et ceux du sous-genre 
Pterodectes ont aussi sur les flancs un long poil et un court 
piquant à côté et un au-dessous de ce poil. Mais 1ci, c’est le 
long poil qui est au-devant du piquant, au lieu d’être un peu en 
arrière comme sur les Pterolichus. 

Remarques. Koch (voy. la note 2 de la page 498) caractérise 
ainsi la troisième division de son genre Dermaleichus : 

« Le corps long, une fourche à l’arrière du corps du mâle, les 
quatre pattes antérieures aussi longues que les quatre dernières, 
celles-ci plus minces que les antérieures » (p. 124). | 

Ne s'étant pas préoccupé de constater l’existence des organes 
sexuels qu’il ne décrit sur aucune espèce, il appelle mdles les in- 
dividus portant une fourche en arrière, tandis que ce sont les 
femelles fécondées qui en ont une, et ce sont les femelles accou- 
plées ou les nymphes qu’il figure sous le nom de mâles. Cette 
fourche existe sur les femelles fécondées des Proctophyllodes dé- 
crits ici et de ceux du sous-genre Pfercdectes qui seront décrits 
ensuite. On verra alors que, d’après l'habitat des espèces obser- 
vées par Koch, ce sont quelques-unes de celles que nous ran- 
geons sous le nom générique de Proctophyllodes qu'ila eues sous 
les yeux. Il les décrit d’après cet habitat, sous les noms de Der- 
malichus corvinus, picæ, glandarinus, rubeculinus, acredu- 
hnus et furcatus. Il a observé ce dernier sur les souris. Il 
nomme en outre, sans les décrire, les D. scolopacinus, accento- 
rinus et letraonum. 

Koch dit des Dermaleichus (Uebersicht, drittes Heft, 1842, 
in-8°, p. 123) : « Qu’on les trouve fréquemment en état d’accou- 
plement, pendant lequel l’adhérence a lieu avecla partie terminale 
de l'arrière du corps et pendant cet état, qui dure longtemps, le 
mâle plus gros que la femelle, traîne celle-ci avec elle. Après une 
violente séparation, la fourche existant à l'arrière du corps de 
beaucoup de mâles paraît changée, et où elle manque est une 
vésicule enfoncée, brisée » (p. 123). 


632 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


Un pareil changement ne s’observe jamais, et d’après ce passage 
il semble qu'ici Koch a vu réellement les mâles, ce qu'il appelle 
vésicule brisée pouvant être l'aspect offert par les appendices fo- 
liacés incolores du mâle des Proctophyllodes. Du reste, il ne parle 
pas autrement de ces appendices n1 en réalité des mâles; aussi, 
dans ses descriptions spécifiques comme dans ses figures, c’est 
toujours la femelle fécondée qui est regardée comme étant le 
mâle et les femelles accouplées ou peut-être les nymphes, assez 
bien représentées quant à la forme générale, sont considérées 
comme étant les femelles. Pour son D. acredulinus il décrit et 
figure une nymphe à extrémité de l'abdomen pourvue de deux 
mamelons, comme étant un mâle et une femelle accouplée ou 
peut-être une petite nymphe comme étant une femelle. 


4° Proctophyllodes à prolongement de l'abdomen du mâle très-larges 
(Proctophyllodes proprement dits). 


L 


1. PROCTOPHYLLODES GLANDARINUS Ch. Robin ex Koch (1) [pl XXXVI|. 


Sarcoptides d'un gris roussätre, à corps mince, allongé, brillant à la 
surface, presque quadrilatère, à peine atténué en avant, long de quatre 
à cinq dixièmes de millimètre, plat sur le dos et sur le ventre, à flancs 
minces avec une dépression peu prononcée en avant du troisième épimère 
qui porte un court et fort piquant et un poil aussi long que le corps est 
large. | 

Rostre jaunâtre, conoïde, allongé, long de six à huit centièmes de 
millimètre et d’un tiers moins large, peu incliné, découvert, saillant en 
avant entre les pattes antérieures. 

Mandibules assez longues, dépassant un peu le bord libre et étroit de 
la lèvre, peu rentlées à la base que recouvre en partie l’épistome dé- 
pourvu de poils et de prolongement du camérostome (2). 

Pattes presque égales entre elles, les premières et les dernières un peu 
plus grosses pourtant que les autres, d’une longueur qui égale à peine 


(1) Synonymie : Dermaleichus glandarinus Koch, Deutschland Crustaceen, etc. 
Regensburg, heft 33, tab. XX : la femelle fécondée, décrite et figurée comme étant le 
mâle, ett. XXI : une nymphe ou une femelle accouplée décrite comme étant la femelle. 
Koch donne le nom précédent à cette espèce parce qu’il l’a trouvée sur le Geai 
(Corvus glandafinus L.), et nous le lui conservons pour ne pas multiplier les déno- 
minations synonymiques, bien qu'on rencontre ces sarcoptides sur le Gros-bec 
(Coccothrauster vulgaris, Vieillot) plus abondamment encore que sur le Geai. 


(2) Cette espèce et ses analogues manquent des vésicules abdominales jaunâtres 
dans tous les âges. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES, 633 


la largeur du corps; rendues un peu anguleuses par de petits tubercules 
chitineux ocracés. 

Larves portant des ventouses de largeur moyenne. Un assez long poil 
rigide, tronqué, dépassant l'extrémité du tarse à l'extrémité externe du 
tibia de toutes les pattes. 

Épimeres et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur ocreuse 
prononcée ; pièces solides des pattes très-légèrement grenues. — Épi- 
mères de la première paire réunis en V sur la ligne médiane par leur 
extrémité inférieure.et envoyant par l’autre un prolongement à la base 
du palpe maxillaire. — Épimère de la deuxième paire à extrémité in- 
férieure libre, envoyant par l’autre un prolongement à la base de la 
première patte d’un côté et en bas, sur les flancs, une pièce cornée s'é- 
talant en une plaque ou cuirasse granuleuse jaunâtre, et seterminant en 
se recourbant en dedans presque au contact de la branche supérieure dn 
troisième épimère ; épimères de la quatrième paire articulés avec ceux de 
la troisième dont la branche supérieure porte un fort piquant et un long 
poil et s’étalant sur les flancs en plaque ou cuirasse grenue, jaunûtre. 

Tégument transparent, mince, assez rigide, à plis réguliers assez larges, 
onduleux sous le ventré ; épistome formé par une plaque grenue, de 
teinte ocreuse prononcée, à côtés sinueux, se terminant carrément au- 
dessous de la deuxième paire de pattes et percée d’un petit trou rond 
aux points où sont insérés deux longs poils placés au niveau de ces pattes. 
Une deuxième plaque grenue, de même couleur, qauadrilatère, à bords 
nets, séparée de la précédente par une étroite zone de plis et étendue 
usqu’au bout de l'abdomen. 

Anus en forme de fente longitudinale atteignant presque le bout de 
l'abdomen, avec un poil très-fin et très-court de chaque côté de la partie 
antérieure. 

Mâle (fig. 3) très-différent des autres états, long de 0"",35 à 0"",40, 
large de deux dixièmes de millimètre, trapu, roussâtre, les pattes de la 
troisième paire un peu plus petites que les autres; celles de la quatrième 
paire dépassant le bout de l'abdomen de toute la longueur du tarse. 

Abdomen court, bien plus étroit que le céphalothorax, quadrilatère, 
aplati, mince, foliacé, à côtés à peu près égaux, d’une teinte générale 
jaunâtre, bordé sur tout le pourtour d’une bande cornée jaunâtre, à ex- 
trémité postérieure, coupée carrément, avec une petite échancrure sur 
la ligne médiane de chaque côté de laquelle est insérée une expansion 
foliacée, large, ovalaire, transparente, munie d’une nervure médiane 
barbelée de nervures transversales très-fines ; à chaque angle de l’ex- 
trémité de l'abdomen trois poils à extrémité grêle et flexible. Un poil mé- 
dian porté par un gros tubercule cylindrique est plus long que le corps 
n’est large. Deux ventouses circulaires de chaque côté .de l’anus pou- 
vant saillir sous forme de cylindre, avec un spicule immédiatement en 
avant de chacune d'elles et une autre paire de spicules plus haut, plus 
près de la ligne médiane au-dessous de la base de l’organe génital. 


63/4 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


Organe génital entre les épimères de la quatrième paire de couleur 
ocreuse avec une paire de poils fins et courts de chaque côté en forme 
de massue à grosse extrémité postérieure envoyant de chaque côté un 
épidème jusqu’au-dessous des ventouses anales ; à extrémité antérieure 
portant articulé sur elle un long pénis incolore, ensiforme, flexible, mo- 
bile en tout sens, tenu habituellement replié en arrière sur la ligne 
médiane entre les deux ventouses anales et au devant de l'anus, à pointe 
aiguë dépassant l'abdomen et atteignant l'extrémité des expansions fo- 
liacées. : 

Femelles fécondées (fig. 4 et 5), longues de cinq à six dixièmes de mil- 
limètre, larges de 0"",20 à 0"",25; corps roussâtre, de forme quadrila- 
tère allongée, coupé carrément aux deux extrémités comme sur le mâle 
et, comme sur lui, entaillé de chaque côté du bord antérieur pour l'in- 
sertion des pattes de la deuxième paire; elles sont semblables aux pre- 
mières et un peu plus grosses que celles des deux dernières paires. — 
Abdomen quadrilatère allongé, bien plus long que large, notablement 
plus étroit que le céphalothorax, mince, à côtés rectilignes ou un peu 
concaves et brusquement entaillés près de l'extrémité de l'abdomen, 
dont chacun des angles se prolonge en un lobe jaunâtre ocracé, prisma- 
tique, aplati, de la longueur du rostre, avec un bord rectiligne entre 
chacun d’eux; lobes et côtés de l'abdomen bordés d’une épaisse bande 
cornée jaunâtre, contiguë à la plaque dorsale granuleuse. Chaque lobe 
porte à son extrémité un piquant rigide, ensiforme, à bords tranchants, 
près de deux fois aussi long que le lobe et un poil fin de la longueur de 
celui-ci; chacun porte en outre un très-petit poil vers le milieu de son 
bord interne et, au côté externe de sa base, un autre volumineux est aussi 
long que le corps est large. —- Pattes postérieures atteignant à peine la 
base des lobes abdominaux. — Vulve placée un peu en avant du troisième 
épimère, semblable à celle du Pr. profusus à lèvres un peu jaunûtres, 
à commissure antérieure surmontée transversalement d’un épimérite 
corné, jaunâtre, formant un demi-cercle à concavité postérieure, dont les 
extrémités sont libres, sans continuité avec la branche supérieure du 
quatrième épimère. Une paire de poils fins et courts en dehors de ces 
extrémités. Épimères, épimérites et pièces solides des pattes d’une teinte 
ocreuse très-prononcée. — Pas de ventouses génitales dans les deux 
sexes, ni de prolongement abdominal médian. Un seul œuf plus ou 
moins développé ou nul. — Presque aussi nombreuses que les femelles 
accouplées ; il en est ainsi dans toutes ces espèces. 

Femelles accouplées (fig. 1 et 2) très-différentes des femelles fécondées, 
d'un gris blanchâtre, longues de 4 à 5 dixièmes de millimètre, large 
de Omn,20à Omm 24, de forme générale quadrilatère à angles arrondis, à 
extrémités du corps mousses. Dos bombé, côtés du céphalothorax con- 
vexes ; abdomen notablement plus étroit que ce dernier, à côtés un peu- 
concaves ou rectilignes, à extrémité mousse comme sur la ligne médiane, 
Sans prolongement ni mamelons à chaque angle, oùse trouvent deux poils 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 639 


fins dont le plus externe a une longueur égale à peu près à la largeur du 
corps. Sur la face dorsale du bout de l’abdomen deux filaments peu ri- 
gides, incolores, grèles, cylindriques, à pointe mousse, rapprochés l’un 
de l’autre sur la ligne médiane, recourbés en hameçon du côté de l’anus 
et embrassant les ventouses du mâle pendant l’accouplement. — Pattes 
- grêles, incolores, non tuberculeuses, les postérieures atteignant le bout 
de l’abdomen sans le dépasser. Plaques grenues réduites à celle de l’é- 
pistome, qui est très-petite, on guiforme. Le reste du tégument à plis 
onduleux, réguliers, très-fins, d’une grande élégance sur le dos et sur le 
ventre. — Pas d'organes sexuels.— Poils anaux excessivement petits. 

Nymphes octopodes d’un blanc grisâtre, de dimensions variant entre 
celle des plus grosses larves et celle des femelles accouplées; semblables 
à ces dernières mais à abdomen plus étroit, plus court, s’atténuant en 
s’arrondissant à son extrémité qui est un peu échancrée et manque des 
deux filaments incolores, courbés en hamecçon, des femelles accouplées. 
— Pattes postérieures plus petites que sur les femelles, les dernières at- 
teignant le bout de l’abdomen sans le dépasser. Point d'organes sexuels. 
Plaque de l’épistome peu granuleuse, très-petite. Poils de l’anus exces- 
sivement petits ou nuls. 

Larves hexapodes d’un blanc grisâtre, longues de 0,24 à Omm,29, 
larges de Omn,10 à 0"",12 ; côtés du céphalothorax presque droits ; abdo- 
men à côtés rectilignes, étroit, relativement long, atténué à son extré- 
mité qui est un peu échancrée et porte de chaque côté un seul poil fin 
plus long que le corps n’est large. Pattes postérieures petites n’atteignant 
pas le bout de l’abdomen. Plaque de l’épistome très-petite, à peine gra- 
nuleuse, 

Œufs longs de 0"",22 à 0"",24, larges de 0"",05 à 0"",06, à coque 
mince, cylindroïdes, allongés, aplatis et un peu concaves sur l’une de 
leurs faces dans le sens de leur longueur, avec une extrémité un peu 
plus atténuée que l’autre et un peu infléchie du côté de la face plane. 
A cette dernière correspond la face ventrale de l’animal et à l’extrémite 
infléchie la tête de l'embryon, 

Habite entre les barbes des rémiges et aussi des tectrices du geai et du 
gros bec. Sur le premier on en trouve aussi dans le sillon de la face an- 
térieure des plumes. 


2. ProcroPHYLLODES pRorusus, Ch. Robin (1). 


\ 
_ Acariens très-voisins de ceux de l'espèce précédente, semblables sous 


(1) Profusus, répandu, abondant. Sous le nom de Dermaleichus picæ, Koch dé- 
crit (loc. cit., heft 38, tab. XXIV) un sarcoptide qu’il dit voisin du D. glandarinus, 
et qui, par suite, ‘est certainement l'espèce décrite ici qui se trouve en effet sur la 
Pie (Corvus pica, L.). Mais sur la Pie on rencontre plus souvent encore et plus 
abondamment une autre espèce qui appartient au sous-genre suivant (Pterodectes), et 
comme, en outre, ce D. picæ de Koch habite sur un grand nombre d’espèces de 
Passereaux, je crois devoir ne pas lui conserver le nom sous lequel il a primitive- 


636 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


presque tous les rapports, mais un peu plus petits, longs de 3 à 4 dixièmes 
de millimètre seulement. 

Pattes de la première et de la quatrième paire un peu plus grosses par 
rapport aux autres que dans l'espèce précédente. 

Épiméres semblables à ceux de l’espèce précédente, mais la branche 
inférieure du deuxième et la branche supérieure du troisième ne for- 
mant qu’un rudiment de plaques granuleuses latérales. Épimères et au- 
tres pièces colorées du tégument et des pattes d’une teinte ocreuse ou 
vineuse sensiblement moins foncée que dans l'espèce précédente. 

Tégument semblable, avec un peu plus de largeur de la bande de plis 
transverses qui sépare la plaque granuleuse de l’épistome de la plaque 
thoraco-abdominale. Plaques d’une teinte jaune d’ocre ou vineuse moins 
foncée que dans l'espèce précédente. 

Anus semblable à celui de l'espèce précédente avec deux poils extré- 
mement petits. 

Müäle semblable à celui de l'espèce précédente, mais moins trapu, un 
peu moins gros, long de 0v»,30 à Omm,35, large de Omm,15 à Omm 18; 
pattes de la quatrième paire un peu moins longues et relativement un 
peu plus grosses, — Abdomen et ventouses anales copulatrices et appen- 
dices foliacés semblables à celui de l’espèce précédente. — Organe gé- 
nital très-différent, situé plus bas, plus près de l’anus, au niveau de la 
partie inférieure des épimères de la quatrième paire, de couleur ocreuse 
pâle, de forme conoïde, à sommet mousse antérieur, sur lequel s'articule 
un pénis rigide, de couleur ocreuse, ensiforme, court, renversé en ar- 
rière, à pointe n'atteignant pas le niveau des ventouses anales copula- 
trices. Base de l'organe génital élargie, voisine des ventouses copulatrices 
et envoyant au-dessous d'elles jusque sur les côtés de l’anus deux épi- 
dèmes jaunâtres qui les contournent en arc ogival. Une paire de courts 
piquants au niveau de la partie antérieure de l’organe génital, deux 
autres à sa base sur les apodèmes disposés en arc ogival; plus bas et en 
dehors se voient les piquants placés au-devant des ventouses copula- 
trices. — La situation, la forme de l’organe génital etsurtout la brièveté 
du pénis font distinguer au premier coup d’œil le mâle de cette espèce 
de celui de la précédente. 

Femelle fécondée tout à fait semblable à celle de l’espèce précédente, 
mais un peu plus petite, longue de 4 à 5 dixièmes de millimètre sur 
2 dixièmes de. large. Elle ne s’en distingue que par un volume un peu 
moindre des piquants latéraux; un peu plus de largeur de la zone des 
plis transversaux qui séparent la plaque granuleuse de l’épistome de la 
plaque dorsale quadrilatère et surtout par la présence, près des angles 


ment été décrit. Koch décrit et figure la femelle fécondée sous le nom de mâle, une 
nymphe sous le nom de femelle, et très-probablement un mâle véritable sous le nom 
de mâle au moment de la copulation avec un feuillet incolore aussi large que l’ar- 
rière du corps. Mais sur sa figure on ne peut que deviner plutôt que reconnaître 
l’appendice, (Voy. la note 2 de la page 498.) 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES, 637 


postérieurs lobés de celle-ci, de deux amincissements ou orifices ova- 
laires de celte plaque, qui manquent ou ne sont que rudimentaires dans 
l'espèce précédente. 

Femelles accouplées, semblables à celles de l'espèce précédente, mais 
un peu moins grandes, longues de 0,30 à Omm,35, larges de Own, 15 
à Om, 18. Elles s’en distinguent pourtant aisément par les différences 
qui existent entre les filaments incolores de la partie dorsale du bout de 
leur abdomen. Ils sont dans cette espèce plus gros, plus courts, rec- 
tilignes, cylindriques, à extrémité mousse, dépassant peu le bord de 
l'abdomen et ne se recourbant pas en hameçon du côté de l'anus (1). 

Nymphes octopodes, d’un volume qui varie entre celui des plus grosses 
larves et des plus petites femelles accouplées ; semblables aux femelles, 
mais dépourvues des appendices postérieurs cylindriques. Semblables à 
celles de l'espèce précédente sauf un volume un peu moindre. 

Larves hexapodes, longues de 0"",20 à 0"",25, larges de 0"",09 à 
0"" 12, en tout semblables à celles de l’espèce précédente sauf un vo- 
lume un peu moindre. 

OŒuf semblable, à celui de l'espèce précédente, long de 0"",18 à 
0,20, large de, 0"",04 à 0,05 (2). 

Habitat. Sur le Bruant (Emberiza citrinella, Temminck); sur la Linotte 
vulgaire (Cannabina linota, R. Gray; Fringilla cannabina, L.); sur le 
Chardonneret (Carduelis elegans, Stephens) ; sur la Pie grièche (Lanius 
minor, Gmelin); sur le Bec-fin des arbres (Anthus arboreus, L.); sur le 
Bec-fin des prés (Anthus pratensis, L.); sur la Pie (Corvus pica, L.); sur 
les moineaux ; soit seuls, soit le plus souvent avec un plus grand nom- 
bre de Proctophyllodes troncatus et plus ou moins souvent sur presque 
toutes les autres espèces de fringilliens et d’embériziens dans l’est de 
la France. à 

Je n'ai jamais rencontré le Proctophyllodes glandarinus, Ch. R. ex 
Koch, avec l'espèce que je viens de décrire ni avec quelque autre que 
ce soit du même genre (Ch. Robin). 


3. PROCTOPHYLLODES TRoxcatus Ch. Robin (3). 


Sarcoptides semblables à ceux de l'espèce précédente, sauf un volume 
un peu moindre, | 


(4) J'ai trouvé une femelle de cette espèce en voie d'accouplement, de la taille 
des plus grandes, pourvue des deux appendices précédents, qui par anomalie ne 
présentait que six pattes comme les larves. (Ch. Robin) 

(2) Les œufs sont pondus avant la segmentation du vitelius ; ils éclosent en s’ou- 
vrant en deux valves qui restent adhérentes ensemble sur une partie de leur lon- 
gueur. On les rencontre seulement à l’angle formé par l’insertion des barbes sur les 
tiges de la plume. Avec eux on trouve, entre les barbes, des larves et des nymphes, 
mais dans les tectrices seulement et jamais dans les rémiges. Dans les rémiges on 
ne trouve que quelques nymphes avec les mâles et les femelles accouplés et les 
femelles fécondées. Dans les tectrices on voil aussi quelques mâles et femelles ac- 
couplés. 

(3) Troncalus en raison de l’état court de l’abdomen et de l’état tronqué des ap= 
pendices de celui-ci sur la femelle. 


638 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


Müle long de 0w,26 à Omn,30, large de On,14 à O®m,15; semblable 
du reste à celui du P. profusus, sauf un peu plus de gracilité de toutes 
ses parties. 

Femelle fécondée, longue de 0,36 à 0"",40, large de 0"",16 à 0"",19, 
plus petite par conséquent que celle de l'espèce précédente, dont elle se 
distingue, en outre, par ses épimères plus grêles et plus pâles, par une 
moindre épaisseur et une teinte moins foncée de ses plaques dorsales, 
par sa plaque thoraco-abdominale qui est arrondie ou coupée carrément, 
mais à peine élargie et non épaissie en arrière et qui manque d’amin- 
cissement ou d’orifices latéraux. Elle se distingue surtout de toutes les 
autres espèces de ce genre par la brièveté et la forme elliptique et non 
carrée de l’abdomen dont l’extrémité est un peu dépassée par les pattes 
postérieures ; elle s’en distingue encore par la présence sur cette extré 
mité de deux courts mamelons bituberculeux au lieu de deux grands 
lobes conoïdes; par la présence d’un poil aussi long que le corps est 
large, au lieu d’un piquant rigide ensiforme au sommet de chaque ma- 
melon ; par l’existence d’un seul poil plus long que le précédent sur le 
bord externe de ces derniers, et d’un poil très-petit sur Leur bord interne ; 
par l'existence, sur la ligne médiane, entre ces deux mamelons, d’une 
petite saillie arrondie. — Vulve comme dans les espèces précédentes. 

Femelles accouplées, longues de Onm,32 à Omm,35, larges de Omm,{5, 
notablement plus petites que celles des autres espèces, de forme géné- 
rale ovoïde, à abdomen elliptique notablement plus étroit que le cépha- 
lothorax, s’atténuant dès le niveau de la troisième paire de pattes et se 
terminant en pointe mousse, formée par deux mamelons rapprochés de 
la ligne médiane portant chacun deux poils dont le plus court et le plus 
interne est à peu près aussi long que le corps est large. — Pas de fila- 
ment incolore cylindrique sur la face dorsale du bout de l'abdomen. 
— Semblable pour le reste aux femelles accouplées des autres espèces du 
genre. 

Nymphes octopodes d’un blanc grisâtre, de dimensions variant entre 
celles des plus grosses larves et des femelles accouplées, semblables à 
celles-ci; mais à abdomen un peu plus étroit, plus court, s’atténuant 
plus rapidement. 

Pattes postérieures un peu plus grèles que celles des femelles accou- 
plées et dépassant un peu le bout de l’abdomen, 

Larves hexapodes longues de 0"",17 à 0%",29, larges de 0"",07 à 
0"*,09, semblables du reste à celles des autres espèces, mais à extré- 
mité de l’abdomen mousse, coupée carrément, non incisée sur la ligne 
médiane, 

Œufs longs de 0,15 à 0,16, larges de 0,04 à 0,05, semblables 
du reste à ceux des autres espèces. 

Habite seul ou mêlé à un petitnombre de Proct. profusus dans les ailes 
des moineaux francs (Passer domesticus, Brisson) et moineaux friquets ou 
des bois (Passer montanus, Brisson). 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 639 


4. PROCTOPHYLLODES HEMIPHYLLUS (1) Ch. Robin. 


Sarcoptides analogues au P. glandarinus pour la forme et la constitu- 
tion du rostre. 

Pattes presque égales entre elles si ce n’est sur le mâle. 

Épiméres, pièces solides du rostre, des pattes, plaques latérales et dor- 
sales tégumentaires, d’un jaune rougeâtre ocracé ou vineux notablement 
plus prononcé que dans les précédentes espèces, plus épaisses, à bords 
plus nets et plus granuleuses. Pièces solides des pattes finement 
grenues. 

Le reste comme sur le Prect. glandarinus. 

Tégument comme sur le P. glandarinus. 

Plaques de l’épistome et plaque dorsale de teinte jaune rougeûtre 
ocracé ou vineux plus prononcé que dans les espèces précédentes, plus 
granuleuses, plus épaisses, à bords plus tranchés. 

Plaque de l’épistome plus large et plus longue, formant un épistome 
prolongé en gaine demi-cylindrique au-dessus des mandibules dont il 
embrasse la base; sinuosités des côtés de cette plaque embrassant l’in- 
sertion des pattes des deux premières paires. 

Anus à lèvres larges dont Le bord interne est comnre jaunâtre ; poils qui 
l’accompagnent assez gros. 

Müûle très-différent des autres états; long de 0"",30 à 0"",42, large de 
0,20 à 0"",22; de forme générale quadrilatère, un peu plus large 
vers les dernières pattes qu’en avant, à extrémité postérieure atténuée, 
anguleuse. — Pattes des deux paires antérieures presque égales, celles 
de 1a troisième paire plus grêles, atteignant sans le dépasser le bout de 
l'abdomen. — Derniers épimères et pattes correspondantes énormes, 
celles-ci courbées en faucille, à concavité interne à partir du trochanter, 
dépassant le bout de l’abdomen de toute la longueur du tibia et du tarse 
qui est bordé d’une étroite expansion membraneuse sur toute sa longueur. 
— Abdomen plus étroit que le céphalothorax, mince, aplati, foliacé, de 
forme générale triangulaire, émoussé et s’élargissant en arrière, à côtés 
presque droits ou un peu concaves en bas, bordés ainsi que les lobes de 
son extrémité par une bande chitineuse jaune rougeûtre, que rejoint 
la plaque granuleuse dorsale sur Les flancs et qui se prolonge sur la ligne 
médiane du notogastre jusqu’au niveau de la quatrième patte en une 
double bande à branches parallèles foncées, non contiguës l’une à l’autre. 
— Extrémité postérieure de l'abdomen allongée, s’élargissant et se pro- 
longeant en deux lobes minces, quadrilatères, longs de 0"",06, un peu 
plus longs que larges, à côté interne concave ; bord postérieur de chaque 
lobe portant sur son angle interne une expansion foliacée, incolore, 


(1) Hemiphyllus, dont l’appendice abdominal ressemble à la moitié d’une 
feuille. 


649 CH. ROBIN ET P,. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


étroite, ovalaire, ressemblant à une moitié de chacune de celles qu’ont 
les mâles des espèces précédentes, avec quelques nervures, une fois et 
demie aussi longue que les lobes ; un poil de même longueur en dehors 
de son insertion, puis vers le milieu sur une grosse saillie basilaire un 
poil presque aussi long que le corps et enfin sur son angle externe un 
troisième poil plus petit. — Deux ventouses copulatrices circulaires lar- 
ges, d'un jaune ocrcux foncé de chaque côté de l'anus, loin de la base 
des lobes, contournées depuis la base de l'organe génital par un épimé- 
rite foncé formant les trois quarts d’un cercle, entourant presque com- 
plétement les ventouses jusque sur les côtés de l'anus et portant un 
court piquant foncé de chaque côté des ventouses et un autre en avant. 
— Organe génital très-analogue à celui du P. glandarinus, placé entre les 
épimères de la quatrième paire dont il n’atteint pas l'extrémité anté- 
rieure, de couleur ocreuse foncée, avec une paire de courts poils finsen 
avant et une semblable sur les côtés, en forme de massue à grosse extré- 
mité postérieure envoyant en bas jusqu’au-dessous des ventouses un 
épidème sous forme de plaque membraneuse jaunâtre, à extrémité an- 
térieure portant un long pénis incolore, articulé, mobile en tout sens, 
ensiforme, habituellement repliée en arrière sur la ligne médiane entre 
les deux ventouses anales et au devant de l’anus pour se terminer en 
pointe aiguë dans l'intervalle des deux lobes abdominaux. — Le grand 
volume des pattes de la quatrième paire, les lobes de l'abdomen, l'étroi- 
tesse de l’expansion foliacée incolore et le mode d'insertion des poils 
qu'ils portent font distinguer facilement le mâle de cette espèce de toutes 
les autres du même genre. 

Femelles fécondées, longues de 0"",42 à 0"",46, sur 0,18 à 0,20 
en largeur, absolument semblables à celles du P. glandarinus; s’en dis- 
tinguent seulement par des formes un peu plus robustes, par une teinte 
jaune rougeâtre ocreuse ou vineuse un peu plus foncée des plaques tégu- 
mentaires et des pièces solides des pattes, par ce fait que les lèvres chi- 
tineuses jaunâtres de la vulve s’écartent presque dès le niveau de sa 
commissure antérieure, avec prolongement du tégument plissé dans 
l'angle rentrant qu’elles forment ainsi; par un volume un peu plus con- 
sidérable et un état anguleux assez prononcé des pattes de la quatrième 
paire, par un orifice bien marqué vers les anglespostérieurs de la plaque 
thoraco-abdominale, et enfin par plus de gracilité et moins de longueur 
des lobes postérieurs de l’abdomen et de leurs appendices. 

Femelles accouplées, longues de 0"",35, larges de 0"",16 à 0"",18, 
semblables du reste à celles du P. glandarinus mais sans les prolonge- 
ments cylindriques à l'arrière de l'abdomen. 

Nymphes semblables à celles du P. glandarinus, mais ayant les pattes 
postérieures un peu plus longues, dépassant un peu le bout de l’abdomen 
qui est pourvu de deux mamelons portant chacun deux poils. 

Larves hexapodes longues de Omm,20 à Omm,26, larges de 0m»,09 à 
Omm 11, semblables du reste à celles du 2, glandarinus. 


ts. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 6.1 


OŒufs longs de Omn,18 à Onm,20, larges de Onw,08 à 0®,06, sembla- 
bles du reste à ceux du P. glandarinus. 
Habitat, Abondant sur le Proyer (Miliaria europæa. Swainson). 


5. ProcrornyLLopes micropayLLus, Ch. Robin (1). 


Sarcoptides analogues au Pr, glandarinus. Rostre semblable à celui de 
ce dernier, un peu plus long et plus effilé en avant, sans être notable- 
ment plus large. 

Mandibules semblables, plus recouvertes et engainées à leur base par 

‘l’épistome. 

Pattes presque égales entre elles, si ce n’est sur le mâle. 

Epiméres, pièces solides du rostre, des pattes et plaques latérales et 
dorsales tégumentaires d’un jaune rougeâtre ocracé ou vineux, notable- 
ment plus prononcé que dans les trois premières espèces, plus épaisses, 
à bords plus nets et plus granuleuses. Pièces solides des pattes finement 
grenues. 

Le reste comme sur le Pr. glandarinus. 

Tégument, plaques de l’épistome thoraco-abdominale et anus comme 
sur le Pr. profusus. 

Müle très-différent des autres états ; long de 0,35 environ sur 
0,18 de large, de forme générale ovalaire, à grosse extrémité sur- 
montée.par le rostre, à petite extrémité postérieure atténuée et angu- 
leuse. — Les pattes des deux paires antérieures presque égales, celles 
de la troisième paire plus grêles, atteignant pour le dépasser le bout de 
l'abdomen. Dernières pattes énormes, courbées en faucille à partir du 
trochanter, à concavité interne, dépassant le bout de l'abdomen de toute 
la longueur du tibia et du tarse qui est bordé d’une mince expansion 
membraneuse, comme sur le Pr. hemiphyllus. — Abdomen semblable à 
celui du mâle de cette dernière espèce ; branches de la double bande 
bordant les lobes abdominaux prolongées sur le notogastre, contiguës 
l'une à l’autre. — Extrémité postérieure de l'abdomen courte, élargie en 
deux lobes irrégulièrement quadrilatères, courts, plus larges que longs, 
écartés l’un de l’autre en limitant une dépression triangulaire sur la 
ligne médiane avec une expansion membraneuse rudimentaire incolore, 
ovalaire, non striée, prolongeant leur bord interne, à peine aussi longue 
qu'eux; bord postérieur de chaque lobe foncé, montrant trois tubercules 
cylindroides dont celui du milieu porte un poil plus long que le corps 
n'est large et les deux autres chacun un piquant ou gros poil rigide, 
aigu, assez long (2). — Ventouses copulatrices anales et épimérites les 


(1) Microphyllus, dont l’appendice foliacé du mâle ressemble à une très-petite 
feuille. 

(2) Cette disposition des lobes le distingue aisément du mâle du Pterolichus Li- 
subulatus, sur qui le fond de l’incisure médiane se prolonge aussi par une bande 
chitineuse rougeâtre sur le notogastre, mais simple et non double. 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). hA 


642 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


entourant semblables à ceux de l'espèce précédente, mais plus voisines 
de la base des lobes abdominaux. — Organe génital semblable à celui de 
l'espèce précédente, à pénis un peu plus fort et plus long dépassant le 
bout des lobes abdominaux. 

Le mâle de cette espèce se distingue des autres espèces du genre par 
les caractères qui lui sont communs avec le précédent ; il se distingue 
de ce dernier par une longueur moindre de son abdomen et surtout par 
la forme et la brièveté de ses lobes terminaux, ainsi que par l'extrême 
petitesse de l'expansion foliacée de chacun d’eux. 

Femelle fécondée semblable à celle de l’espèce précédente avec un 
volume moindre de quelques centièmes de millimètre, les dernières 
pattes un peu moins grosses et un peu moins anguleuses, par une colo- 
ration et un état grenu bien plus foncé des pièces squelettiques et des 
plaques tégumentaires, par l’absence d'orifice bien saisissable vers les 

angles postérieurs de la plaque thoraco-abdominale, par un volume 
sensiblement plus grand des lobes postérieurs de l'abdomen et de leurs 
appendices. 

Femelles accouplées très-différentes des femelles fécondées, analogues 
à celles du Pr. glandarinus, de même grandeur, ayant une forme géné- 
rale ovoide ; dos bombé, côtés du céphalothorax convexe, abdomen un 
peu plus étroit que ce dernier, à côtés un peu convexes ou rectilignes, 
s’atténuant graduellement d'avant en arrière, à extrémité postérieure 
arrondie, mousse, avec deux assez gros mamelons conoïdes, jaunâtres 
près de la ligne médiane, portant chacun deux longs poils dont le plus 
externe est au moins aussi long que le corps est large. — Puites robustes 
non tuberculeuses, mais jaunâtres, à pièces solides finement grenues, 
les postérieures dépassant un peu le bout de l'abdomen. — Plaques gra- 
nuleuses tégumentaires réduites à celles de l’épistome, qui est étroite, la 
géniforme, très-grenue, à bord très-foncé. Deux très-petites plaques 
jaunes isolées au point de l'insertion des deux poils dorsaux situés au 
niveau des pattes de la deuxième paire. Le reste du tégument incolore 
à plis réguliers très-élégants, assez larges et assez profonds, surtout sur 
le dos. — Pois anaux très-petits; pas d'organes sexuels ni de filaments 
incolores cylindriques à l'arrière de l'abdomen, ce qui les fait distinguer 
immédiatement des femelles accouplées du Pr. glandarinus. 

Nymphes octopodes d'un gris blanchâtre, d’une grandeur qui varie 
entre celle des plus grosses larves et des plus petites femelles ; en tout 
semblables aux femelles accauplées, mais à abdomen plus étroit, plus 
court, à mamelons incolores. Pattes incolores, les postérieures petites, 
atteignant le bout de l'abdomen sans le dépasser, Plaque de l’épistome 
peu colorée, peu grenue, quoiqu’à bords nets. 

Larves hexapodes d’un blanc grisâtre, longues de 0"",20 à O"",95, 
larges de 0"",08 à 0"",10, étroites, côtés du céphalothorax presque 
droits ; abdomen à côtés rectilignes, étroit, à mamelons terminaux 
petits, incolores, portant chacun un seul poil aussi long que le corps est 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 643 


large. Paites postérieures n’atteignant pas le bout de l'abdomen. Plaque 
de l’épistome petite, à bords nets, à peine granuleuse. 

Œufs semblables à ceux de l'espèce précédente. 

Habitat. Nit sur le pinson avec l’Analges passerinus et presque aussi 
abondant que lui. 


2° Proctophylilodes à prolongements foliacés de l'abdomen du mâlc 
réduits à l'état d'aiguillon ou de simples soies. Sous-genre PTERO- 
DECTES, Ch. Robin (1). 


Ce sont des Acariens sarcoptides d’un gris roussâtre, d’une longueur 
dépassant à peine un demi-millimètre, ayant d'une manière générale 
la forme cylindrique ou ovoide allongée, atténuée en avant, mousse en 
arrière, aplati sous le ventre ; les flancs un peu convexes avec une lé- 
gère dépression entre la deuxième et la troisième paire de pattes et un 
sillon dorsal transverse à ce niveau sur les adultes manquant aux autres 
âges. Une plaque grenue sur l’épistome et une autre céphalo-thoracique. 
Un piquant et un poil sur la branche supérieure du troisième épimère ou 
un peu en dehors de cette branche. Rostre conoïde, étroit, peu incliné, 
saillant entre les pattes antérieures, à mandibules légèrement renflées 
à leur base, sur laquelle empiète l’épistome dépourvu de poils et de 
prolongements du camérostome. Une étroite vésicule ovoïde allongée 
dans l’abdomen derrière la quatrième paire de poils. 

Pattes d’une longueur égalant à peine la largeur du corps. Long poil 
des tarses rigide et tronqué. 

Müles notablement plus petits que les femelles à abdomen étroit, 
aplati, bilobé, avec trois poils sur chaque lobe, sans pointe ni prolonge- 
ment foliacé, ni bande chitineuse sur la face dorsale ; avec un organe 
génital étroit, allongé, pourvu d’un pénis ensiforme, articulé, habituel- 
lement renversé en arrière, 

Femelles fécondées à corps cylindroïde allongé, dont l'extrémité posté- 
rieure porte de chaque côté un prolongement conoïde, surmonté d’un 
piquant ensiforme avec deux paires de poils ou de piquants sur son côté 
externe. Épimérite en fer à cheval de la vulve à extrémités allant s’unir 
à la branche inférieure des épimères de la troisième paire. 

Femelles accouplées, cylindroïdes sans dépression latérale ni sillon dor- 
sal, ni vulve ; extrémité postérieure du corps mousse avec deux courts 
mamelons seulement à l'arrière du corps près de la ligne médiane, qui 
portent chacun deux poils. Pas de vulve. 

Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées, mais plus 


(4) nrepov, aile ; d'nxrns, qui mord. Nous n’avons trouvé dansles écrits de Koch, 
non plus que dans ceux des autres naturalistes que nous avons pu consulter, aucune 
description ni figure se rapportant à quelque sarcoptide de ce genre (voyez Ch. Robin, 
Mémoire sur les Sarcoptides avicoles, Comples rendus des séances de |’ Acad. des sc, 
Paris, 1868, in-4, t. LXVI, p. 786-787). 


6h CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


petites, à abdomen sensiblement plus court, plus étroit que le céphalo- 
thorax et conoïde à son extrémité. 

Larves hexapodes, étroites, allongées, avec un abdomen court, dont 
l'extrémité porte un seul mamelon ou deux mamelons rudimentaires et 
une seule paire de poils. 

Les sarcoptides de ce sous-genre se distinguent de ceux des autres 
genres par leur forme cylindroïde étroite, allongées par la présence à tous 
leurs états d’un poil et d’un fort piquant en avant du troisième épimère 
au lieu de deux poils fins; par la présence d’une plaque grenue sur 
l’épistome et d'une plaque thoraco-abdominale avec un sillon dorsal 
entre elles deux sur les adultes, sillon et plaque thoraco-abdominale 
manquant sur les individus non adultes. 

Les mâles se distinguent facilement par la disposition aplatie, bilobée 
de l'extrémité de leur abdomen avec trois poils sur chaque lobe, sans 
appendices foliacés et par un organe génital étroit, allongé, pourvu d'un 
pénis ensiforme articulé. 

Les femelles se distinguent plus aisément encore par les deux pro- 
longements conoides du bout de leur abdomen, par la grandeur et par 
la soudure des extrémités de l’épimérile vulvaire avec la branche infé- 
rieure des épimères de la troisième paire. 


6. ProcropnyLLopes RUTILUS Ch. Robin ({). 


Acariens sarcoptides d'une couleur roussâtre prononcée, ayant La forme 
générale d'un ovoide allongé atténué en avant, mousse en arrière, 
d’une longueur atteignant six dixièmes de millimètre, à dos à peine 
bombé, aplati sous le ventre, un poil un peu moins long que le corps 
n’est large el un court piquant mousse en dehors de la branche supé- 
rieure du troisième épimère. — Rostre conoïde, allongé, pointu, long 
de 0,07 à 0"",09, large de 0"",04 à 0"®,05, peu incliné, saillant 
entre les pattes antérieures. — Pattes à ventouses cupuliformes très- 
larges, avec une petite griffe au centre, les deux paires antérieures plus 
éloignées des deux paires postérieures et plus écartées les unes des 
autres dans chaque groupe, dans celles de derrière surtout. — Épiméres 
et pièces solides du rostre des pattes d’une couleur ocreuse, rougeûtre, 
plus prononcée que sur les autres espèces de sarcoptides. — Épimères 
de la première paire réunis sur la ligne médiane en forme d’Y par leur 
extrémité inférieure.— Tégument peu transparent, jaunâtre et peu plissé 
sur les adultes, assez rigide, avec une grande plaque dorsale grenue, 
jaune, foncée, avec bords nets formant l’épistome, terminée carrément 
en arrière au-dessous des pattes de la quatrième paire et portant au 
niveau de ces dernières une paire de poils à peu près aussi longs que 
le corps est large et en dedans de ceux-ci une autre de poils à peine 


(1) Pterodectes rutilus, Ch. Robin (loc. cit., 4868), Rutilus, roux. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES,. 645 


perceptibles. En arrière de celle-ci, un sillon dorsal net, peu profond, 
déterminant la présence de deux petites dépressions de chaque côté 
du corps, sur le mâle et les femelles fécondées seulement ; au-dessous 
de ce sillon, une grande plaque quadrilatère, étroite en arrière, éten- 
due jusqu’au bout de l’abdomen, jaunâtre, foncée, à bords nets. — 
Anus en forme de fente longitudinale, à la partie inférieure et près 
du bout de l'abdomen qu'il n’atteint pas tout à fait, à lèvres jaunâtres, 
sans poils sur ses côtés. 

Müle long de 0"",46 à 0®",50, large de 0"",17 à 0"®,20, de forme 
générale ovalaire, abdomen aplati, à côtés droits ou un peu convexes, 
continus avec ceux du céphalothorax, à extrémité tronquée, bilobée, 
à lobes arrondis, courts, assez épais, longs à peine de 2 à 3 centièmes 
de millimètre, avec une mince bordure chitineuse, ocracée et portant 
trois gros poils dont le plus grand placé au milieu à une longueur égale 
environ à la largeur du corps; les deux autres courts et rigides. Pattes 
postérieures dépassant le bout des lobes abdominaux de toute la lon- 
gueur du tarse. Une paire de ventouses circulaires rougeûtres, larges, 
rapprochées de chaque côté de la commissure postérieure de l’anus 
avec un poil court en dehors de chacune d’elles.— Organe génital inséré 
au niveau du bout inférieur des épimères de la quatrième paire, formé 
d'un épimérite rougeâtre en forme d’arceau ou cordiforme à sommet 
tourné en haut, sur lequel s'articule un pénis chitineux ensiforme , habi- 
tuellement renversé en arrière et dont la pointe n'atteint pas l’inter- 
valle des deux ventouses. Une paire de très-petits poils courts en avant 
de l’épimérite et une autre au-dessous de chaque côté du pénis. 

Femelles fécondées longues de 0"",55 à 0"",62, larges de 0"",20 à 
0,22, de forme ovalaire allongée, céphalothorax s’atténuant en arrière 
pour se continuer sans démarcation sensible avec l'abdomen, dont l’ex- 
trémité présente un rétrécissement brusque, puis se prolonge en deux 
lobes conoïdes longs de 5 à 6 centièmes de millimètre, jaune rougeûtre 
comme l'abdomen, portant chacun à leur sommet un piquant rigide, 
ensiforme, tranchant deux fois plus long que le lobe et sur son côté 
externe un poil assez gros, mais bien plus court que le corps n’est large. 
Pattes postérieures atteignant seulement la base des lobes abdominaux. 
— Vulve placée en avant des épimères de la troisième paire, longitudi- 
nale, à lèvres formées de deux plaques chitineuses jaunâtres, très-écar- 
tées en arrière avec prolongement du tégument plissé entre elles ; 
à commissure antérieure limitée par une petite pièce chitineuse carrée. 
Celle-ci est surmontée transversalement d’un épimérite chitineux rou- 
geâtre, formant les trois quarts d’un cercle et dont chaque branche reçoit 
l'extrémité postérieure des lèvres de la vulve, puis va finir à la branche 
inférieure du troisième épimère, un peu au-dessus de la soudure de 
celle-ci avec la branche supérieure du quatrième épimère. 

Femelles accouplées d'un gris roussâtre, longues de 0"",45 à 0"",50, 
larges de 0®",15 à 0"",18, de forme générale régulièrement ovoïde, 


66 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


aplatie en dessous, sans dépression latérale, céphalothorax s’atténuant en 
arrière pour se continuer sans démarcation nette avec l'abdomen dont 
les côtés sont convexes, et l'extrémité conoïde mousse pourvue de deux 
mamelons rapprochés de la ligne médiane, portant chacun deux poils 
plus courts que le corps n’est large. Pattes postérieures atteignant sans 
e dépasser le bout de l’abdomen. — Plaques dorsales et latérales ré- 
duites à celle de l’épistome qui descend jusqu'au niveau de la deuxième 
paire de pattes au niveau de laquelle elle est coupée carrément. Le 
reste du tégument à plis réguliers, écartés les uns des autres, assez pro- 
fonds, avec une étroite plaque granuleuse incolore, cordiforme, à pointe 
tournée en avant sur l’extrémité de la face dorsale de l'abdomen, — 
Pas d'organes sexuels ni d'œufs. | 

Nymphes octopodes de dimensions variant entre celle des plus grosses 
larves et celle des femelles accouplées ; semblables du reste à ces der- 
nières, mais à abdomen bien plus étroit que le céphalothorax, arrondi, 
dépassé par les pattes de la quatrième paire, à mamelons et poils termi- 
naux semblables à ceux des femelles accouplées. Plaques dorsales gre- 
nues de l’épistome et de l'arrière de l'abdomen plus petites que sur les 
femelles accouplées. 

Larves hexapodes, longues de 0"",925 à 0,34, larges de 0"",08 à 
0,10, de forme étroite et allongée; flancs droits, abdomen rétréci 
par rapport au céphalothorax, à peine plus long que large, à mameluns 
terminaux rudimentaires portant près de la ligne médiane une seule 
paire de poils au moins aussi longs que le corps est large ; piquant laté- 
ral gros et court. Pattes postérieures dépassant le bout de l'abdomen, 
plaque grenue de l’épistome petite, existant seule. Le reste du tégu- 
ment finement strié. 

Œuf long de 0"",95 à 0"",27, large de 0"",07 à 0"",08, cylindroïde, 
allongé, aplati sur une de ses faces dans le sens de sa longueur et un 
peu courbé de ce côté ; enveloppe mince pourvue d’un épaississement 
granuleux et strié, annulaire, élastique, embrassant la face dorsale ou 
bombée de l'œuf. 

Habitat. Vit en grande quantité entre les barbes des rémiges de l’hi- 
rondelle (Hirundo urbica L.). 

Remarques. — Cette espèce se distingue PATATE des autres de ce 
genre par sa couleur générale roussâtre, bien plus prononcée par la plus 
grande largeur des ventouses des plis par la moindre longueur de 
ses poils et de son piquant latéral, par le prolongement en forme d’Y et 
non de V de l'extrémité inférieure soudée des premiers épimères sur 
la ligne médiane, par la grandeur, la couleur foncée et la netteté des 
plaques dorsales et par la présence du sillon transversal qui les sépare, 
par le plus grand écartement des pattes les unes des autres. 

Indépendamment de ces différences générales, le mâle de cette espèce 
se distingue de celui des autres espèces par la forme de son abdomen, 
la brièveté et la forme arrondie des lobes de ce dernier que dépassent 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 647 


les pattes postérieures. — La femelle se distingue par la forme plus 
allongée de son abdomen, le plus de brièveté des lobes de celui-ci et 
du poil porté en dehors par chacun d'eux, le plus de force et de lar- 
geur du piquant ensiforme placé sur leur sommet. 


7. PRoCTOPHYLLODES cyLiNpricuS Ch. Robin (1). 


Sarcoptides d'un gris roussâtre, d’une forme cylindroïde allongée, à 
flancs presque rectilignes, parallèles, peu atténuée en avant, tronquée 
en arrière, d’une longueur atteignant 6 dixièmes de millimètre, à ventre 
plat et dos un peu bombé ; un long poil et un court et large piquant 
mousse sur la branche externe supérieure du troisième épimère, 

Rostre conoïde étroit, pointu, long de 0"",06 à 0"",07, large de 
0"®,04 ; peu incliné, saillant entre les pattes antérieures. 

Pattes du groupe antérieur très-éloignées des deux paires posté- 
rieures et à ventouses cupuliformes assez larges, avec une petite griffe 
jaunâtre au centre et une mince plaque de renforcement trifoliée qui 
existe dans toutes les espèces du genre. 

Épimères et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur ocreuse 
prononcés. Épimères épais; ceux de la première paire réunis en forme 
de V sur la ligne médiane par leur extrémité inférieure, qui se prolonge 
ensuite un peu en dehors. Ceux de la deuxième paire libres par leur 
extrémité inférieure, envoyant par l’autre un prolongement à la base 
de la première patte d’une part et en bas sur les flancs une bande chi- 
tineuse foncée, non étalée ou à peine étalée en plaque granuleuse, 
qui se termine en se recourbant sous le céphalothorax au niveau de la 
dépression latérale. Épimères de la troisième et de la quatrième paire 
à deux branches ; la branche supérieure de ce dernier allant se souder 
à la branche inférieure du troisième qui est le plus fort et dont la 
branche supérieure bifurquée porte sur son prolongement externe un 
irès-gros piquant et un poil à peu près aussi long que le corps est large. 

Tégument transparent, assez rigide, à plis peu profonds et peu nom- 
breux sur les adultes ; assez rigide. 

Plaque granuleuse de l’épistome et poils situés au niveau de la 
deuxième paire de pattes comme dans l’espèce précédente. En arrière 
de cette plaque un sillon dorsal, net, étroit, assez profond, déterminant 
la présence de deux petites dépressions de chaque côté du corps sur les 
mâles et sur les femelles fécondées seulement. Au-dessous de ce sillon 
une grande plaque granuleuse, foncée, étendue jusqu'au bout de l’abdo- 
men; quadrilatère à angles arrondis, à côtés un peu concaves, peu rétrécie 
en arrière; poils des pattes et anus comme dans l’espèce précédente (2). 


(1) Pterodectes cylindricus, Ch. Robin (loc. cit., 4868), Cylindricus, d'aspect gé- 
néral cylindrique. | 

(2) Dans toutes les espèces on trouve une étroite vésicule intérieure ovoïde allon- 
gée sur les côtés de l’abdomen, en arrière de la quatrième paire de pattes. 


648 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


Müle long de 0"",42 à 0"",46, large de 0"",16 à 0°",18, de orme 
générale quadrilatère, un peu atténué aux deux bouts, abdomen aplati, 
un peu plus étroit que le céphalothorax, à côtés droits ou un peu con- 
caves, à extrémité arrondie, bilobée, à lobes arrondis, très-courts, bor- 
dés ainsi que les côtés de l'abdomen par une large bande chitineuse 
ocracée, rougeâtre, qui va joindre le quatrième épimère, et portant 
chacun trois gros poils dont le plus grand, placé au milieu, a une lon- 
gueur qui dépasse notablement la largeur du corps; extrémité supé- 
rieure des épimères de la première paire se prolongeant en dehors au- 
dessous de leur soudure en V jusqu’à rejoindre ceux de la deuxième paire 
sur quelques individus. — Pattes postérieures un peu tuberculeuses, 
notablement plus épaisses que les autres, mais courtes, n’atteignant pas 
le bout des lobes abdominaux, avec un petit tubercule conique en de- 
dans du bord inférieur du tarse. — Une paire de ventouses circulaires 
rougeâtres, foncées, peu larges, de chaque côté de l'anus, avec un 
court piquant en dehors d'elles et circonscrites chacune en avant par 
un pli cutané ou un épimérite demi-circulaire. — Organe génital inséré 
au niveau du bout inférieur des épimères de la quatrième paire, formé 
d’un épimérite en forme d’arc ogival à sommet tourné en haut, sur le- 
quel s'articule un pénis chitineux, rougeûtre, ensiforme, habituelle- 
ment renversé en arrière et dont la pointe n’atteint pas les deux ven- 
touses copulatrices anales. Une paire de très-petits poils en avant de 
l’épimérite et une autre au-dessous de chaque côté du pénis. 

Femelles fécondées, longues de 0"",60 à 0"",64, larges de 0,18 à 
O"",21, cylindroïdes, allongées, abdomen un peu plus étroit que le cé- 
phalothorax, peu atténué en arrière à extrémité arrondie, que prolon- 
gent deux lobes conoïdes jaunes rougeâtres, foncés, longs de 5 à 6 cen- 
tièmes de millimètre, portant chacun à leur sommet un piquant rigide, 
ensiforme, tranchant au moins deux fois plus long que le lobe, et sur 
son côté externe près de sa base, au lieu de poil, un piquant rigide, 
aigu, à peu près de la longueur du lobe, avec un très-petit poil fin au- 
devant de ce piquant. — Pattes postérieures atteignant à peine la base 
des lobes abdominaux. — Le reste comme dans l’espèce précédente (1). 

Femelles accouplées, d’un blanc grisâtre, longues de 0,50 à 07,55, 
larges de 0"%,16 à 0"",18, de forme générale cylindroïde, aplatie en 
dessous, un peu atténuée en avant, arrondie mousse en arrière, à côtés 
parallèles, sans dépression latérale ni sillon dorsal, abdomen à peine 
plus étroit que le céphalothorax, assez long, à extrémité mousse, arron- 
die, avec deux mamelons rapprochés de la ligne médiane, portant cha- 
cun deux poils notablement plus longs que le corps n'est large, le plus 
interne surtout ; extrémité des pattes postérieures n'’atteignant pas le 
bout de l'abdomen. — Plaques granuleuses de l’épistome incolore, pe- 
tite, coupée carrément un peu au-dessus des poils placés au niveau des 


(4) Dans toutes ces espèces les femelles fécondées sont incolores, avec des épimères 
à peine teintés de jaune quand elles sortent de l’enveloppe des femelles accouplées. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 649 


pattes de la deuxième paire. Le reste du tégument à plis réguliers. Pro- 
longement latéral inférieur du deuxième épimère grêle, court, non 
recourbé en dedans. Plaque ‘dorsale du céphalothorax et de l'abdomen 
réduite à une petite plaque granuleuse, incolore, cordiforme, à pointe 
en avant, siégeant sur l'extrémité même de l’abdomen (1). 

Nymphes octopodes, de dimensions variant entre celle des plus grosses 
larves et celle des femelles accouplées ; semblables du reste à ces der- 
nières, mais à abdomen sensiblement plus étroit que le céphalothorax, 
atténué à son extrémité, que rendent conoïdes ses deux mamelons ter- 
minaux qui sont accolés l’un à l’autre et dont le volume est notablement 
plus grand que sur les femelles accouplées. Plaques dorsales de l’épis- 
tome et de l'arrière de l'abdomen peu granuleuses. 

Larves hexapodes, longues de Omm 27 à Omm 35, larges de Omm,07 à 
On, 10, de forme très-étroite, allongée, à flancs parallèles, abdomen un 
peu plus étroit que le céphalothorax, à extrémité conoïde surmontée 
d’un seul mamelon, court, élargi, portant une seule paire de poils bien 
plus longs que le corps n’est large. Plaque de l’épistome très-petite, peu 
granuleuse, plaque dorsale de l’arrière de l'abdomen nulle ou rudi- 
mentaire sur les plus grosses larves. Bout des pattes postérieures nota- 
blement dépassé par l'extrémité de l’abdomen. 

Œuf long de Onm,95 à Omm,26, large de 0,06, semblable du reste 
à celui de l'espèce précédente, mais moins courbé du côté de sa face 
aplatie et à épaississement annulaire élastique plus mince. 

Habitat. Nit seule en assez grande quantité ou avec un petit nombre 
de Proctophyllodes profusus sur la Pie (Corvus pica L.). 

Remarques. Cette espèce se distingue de la précédente et de la sui- 
vante par sa forme cylindroïde, par l’étroitesse de son corps, par rapport 
à sa longueur et le parallélisme de ses flancs, par l’écartement de l’ex- 
trémité inférieure des premiers épimères au-dessous de leur souduresur 
le mâle et sur la femelle fécondée, par une dépression latérale plus pro- 
noncée au-dessous des pattes de la deuxième paire; par la forme de tige 
étroite et non de plaque granuleuse formée du prolongement inférieur 
latéral du deuxième épimère ; par la bifurcation de la branche supé- 
rieure du troisième épimère et par le volume du piquant porté par sa 
division externe. 

Le mâle se distingue en outre de celui des autres espèces par l’étroi- 
tesse de son abdomen, la brièveté et la forme arrondie des lobes qui le 
terminent, par la largeur de leur bordure chitineuse rougeûtre et surtout 
par la grosseur et la brièveté des dernières pattes, ainsi que par le tu- 
bercule de l'extrémité inférieure et interne de leur tarse. 

La femelle fécondée se distingue de celle des autres espèces par l’é- 


(1) Des femelles semblables aux femelles accouplées ou un peu plus grandes, 
mais libres et en voie de muer, montrent au travers de leur tégument des femelles à 
organes génitaux et à prolongements conoïdes déjà développés, mais n’ayant encore 
aucun œuf, 


650 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE. 


troitesse de son abdomen et surtout par la présence d'un fort piquant au 
lieu d’un poil proprement dit sur le côté externe des lobes abdominaux. 

La femelle accouplée se distingue des autres par le parallélisme de ses 
flancs, sa longueur par rapport à son peu de largeur, la grandeur de l’es- 
pace qui sépare les pattes de la deuxième paire de celles de la troisième 
et par la brièveté des pattes postérieures. 


8. PROCTOPHYLLODES BILOBATUS Ch. Robin (1). + 


Sarcoptides d’un gris roussâtre à corps ayant la forme générale d’un 
ovoïde allongé, atténué en avant, mousse en arrière d’une longueur dé- 
passant peu un demi-millimètre, aplati sur le dos et davantage sous le 
ventre; un long poil et un piquant non aplati, assez long, aigu en dehors 
de la branche supérieure du troisième épimère.— Rostre jaunâtre, long 
de 6 à 7 centièmes de millimètre et large environ de 4 à 5 centièmes 
de millimètre, peu incliné, saillant entre les pattes antérieures. — 
Mandibules peu renflées à la base, à onglets grêles, à dentelures petites, 
mousses, à peine visibles. 

Pattes non tuberculeuses, grêles, à ventouses cupuliformes très-petites; 
celles de la deuxième et de la troisième paire un peu plus petites que les 
autres. 

Épiméres et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur ocreuse 
assez prononcée.— Épimères de la première paire réunis par leur extré- 
mité inférieure sur la ligne médiane sous forme de V et envoyant par 
leur autre bout un prolongement à la base du palpe maxillaire. Ceux 
de la deuxième paire libres par leur extrémité inférieure envoyant par 
l'autre, d’une part, un prolongement à la base de la première patte et 
en bas sur les flancs une plaque granuleuse, jaunâtre, étroite, quadri-. 
latérale à angles mousses. Ceux de la troisième et de la quatrième paire 
à deux branches; la branche supérieure de ce dernier allant se souder à 
la branche inférieure du troisième qui est le plus fort et dont la brarene 
supérieure est simple. 

T'égument transparent assez rigide, à plis réguliers, peu profonds, assez 
larges; plaque grenue de l’épistome terminée carrément au niveau de 
la deuxième paire de pattes ; au-dessous d’elle deux paires de poils, les 
uns aussi longs que le corps est large, les autres très-courts et très-fins ; 
au-dessous de ces poils est une autre plaqüe grenue en forme de bande 
transversale étroite qui manque sur quelques mâles ; au-dessous de celle-ci 
le tégument est de nouveau strié, puis porte une plaque thoraco-abdomi- 
nale ou notogastrique quadrilatère. 

Anus comme dans les autres espèces, à lèvres jaunâtres n’atteignant 
pas le bout de l’abdomen, sans poils sur les côtés. 


(1) Pterodectes bilobatus, Ch. Robin (loc. cit., 4868), Bilobatus, dont le corps 
est bilobé. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 651 


Mûle long de quatre dixièmes de millimètre environ, d’une largeur 
n’atteignant pas tout à fait deux dixièmes de millimètre. — Céphalo- 
thorax presque ovalaire, abdomen étroit, mince, foliacé, à bords un peu 
concaves, à extrémité profondément fendue et bilobée, à lobes minces, 
carrés, longs de quatre à six centièmes de millimètre, coupés oblique- 
merñt, bordés ainsi que les côtés de l'abdomen par un épaississement 
chitineux jaunâtre. — Pattes postérieures atteignant à peine le bout des 
lobes de l'abdomen , une paire de petites ventouses circulaires rougeâtres, 
foncées sur les côtés de l’anus au-déssus de la base des lobes. Plaque 
thoraco-abdominale peu développée. Trois gros poils sur le bord posté- 
rieur de chaque lobe; poil le plus grand placé au milieu ; se prolonge 
en un filament délié de manière à avoir une longueur qui dépasse la 
largeur du corps et les autres plus courts, rigides. — Organe génital in- 
séré entre les épimères de la quatrième paire, formé d’une petite plaque 
rougeâtre arrondie sur laquelle s'articule un pénis chitineux ensiforme, 
habituellement renversé en arrière, dont la pointe s’étend jusqu’à l’in- 
tervalle séparant les deux ventouses où elle est reçue dans le sillon d’une 
petite pièce cornée longitudinale. 

Femelles fécondées longues de cinq à six dixièmes de millimètre, larges 
de deux dixièmes ou un peu plus, roussâtres, de forme ovalaire allon- 
gée ; abdomen un peu plus étroit que le céphalothorax, à extrémité de 
l'abdomen se rétrécissant brusquement, puis se prolongeant en deux lobes 
conoïdes, longs de six à huit centièmes de millimètre; chacun porte à 
son sommet un piquant rigide, ensiforme, tranchant, un peu plus long 
que le lobe et, sur son côté externe, près de la base, un poil d’abord épais 
puis très-délié, d’une longueur dépassant la largeur du corps. — Pattes 
postérieures atteignant à peine le sommet des lobes abdominaux. — 
Vulve placée un peu en avant du troisième épimère semblable à celle 
du Pterodectes rufus, à commissure antérieure, limitée par une petite 
pièce carrée, mais avec les pièces solides de cet appareil un peu moins 
épaisses. — Epiméres et pièces solides des pattes d’une teinte ocreuse 
prononcée. Plaque thoraco-abdominale à bords nets.— Un seul œuf plus 
ou moins développé ou nul. 

Femelles accouplées d'un gris blanchâtre, longues de quatre à cinq 
dixièmes de millimètre, larges de 0,20 à Omm 29 ; de forme générale 
ovalaire allongée. Abdomen plus étroit que le céphalothorax, à côtés 
un peu concaves, arrondi, mousse à son extrémité qui porte deux ma- 
melons près de la ligne médiane plus ou moinssaillants, pourvus chacun 
de deux poils dont Le plus externe a une longueur égale au moins à la 
largeur du corps. — Pattes postérieures atteignant sans le dépasser le 
bout de l'abdomen. — Plaque grenue de l’épistome unguiforme, petite, 
existant seule; le reste du tégument dorsal à plis réguliers fins. — Pas 
d'organes sexuels. 

Nymphes octopodes, de dimensions variables entre celle des plus 
grosses larves et celle des femelles accouplées ; semblables à ces der- 


652 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


nières, mais à abdomen bien plus étroit que le céphalothorax, à peine 
plus long que large, arrondi, dépassé par les pattes de la quatrième paire, 
à mamelons et poils semblables à ceux des femelles accouplées. Une 
seule plaque dorsale grenue, petite, formant l’épistome. 

Larves hexapodes longues de 0,25 à Omm,30, larges de Onn,10 à 
Omm 12, à flancs non bombés, à abdomen rétréci par rapport au cépha- 


A 


lothorax, arrondi, à peine plus long que large, à mamelons terminaux 
rudimentaires, portant près de la ligne médiane une seule paire de poils 
au moins aussi longs que le corps est large. 

Pattes postérieures dépassant le bout de l’abdomen. Plaque grenue 
de l’épistome petite, existant seule ; Le reste du tégument finement strié. 

Œuf long de 0nm,99 à Onm,94, large de 0w®,06 à Om®,07, cylindroïde, 
allongé, aplati sur une de ses faces dans le sens de sa longueur, avec 
une extrémité un peu plus atténuée que l’autre. 

Habitat. Vit dans les barbes des rémiges des alouettes (Alauda arvensis 
L. et A. arbore, L.). 


Genre PTEROPHAGUS (1) Mégnin (pl. XXXVI). 


Dans ce genre comme dans le précédent, la femelle subit de 
grandes modifications dans sa conformation pendant sa dernière 
mue, ce qui sépare nettement ces deux derniers genres des trois 
premiers où la femelle ovigère ne diffère de la jeune femelle pu- 
bère que par une plus grande taille et par la présence de la vulve 
de ponte sous-thoracique. [ci l’extrémité abdominale de la fe- 
melle ovigère ou fécondée s’élargit et est échancrée de manière à 
représenter deux gros lohes sur chacun desquels est comme sur- 
ajouté un plus petit qui porte les soies anales. Cette extrémité 
postérieure est couverte, dans les deux sexes, d’un plastron noto- 
gastrique qui se modèle exactement sur cette partie, 

Les caractères du genre sont donc les suivants : 

Sarcoptides à corps allongé, creusé d'un sillon transversal au 
milieu de l’espace qui sépare les deux groupes de pattes. Pattes 
cylindriques à articles simples sans appendices autres que des 
poils Lentaculaires disposés comme chez tous les sarcoptides plu- 
micoles ; pattes semblables dans les quatre paires et chez les deux 
sexes, les antérieures un peu plus longues que les postérieures, 
terminées par un ambulacre à ventouses assez grandes. Mâle plus 


(1) De rrepév, plume; péyu, je mange. 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 653 


petlt que la femelle ovigère de plus d’un tiers, à extrémité abdo- 
minale légêrement échancrée de manière à dessiner deux lobes 
arrondis; femelle ovigère à extrémité abdominale très-élargie, 
profondément échancrée, divisée en deux grands lobes, sur 
chacun desquels est comme surajouté un plus petit lobe angu- 
leux portant les soies anales qui sont simples. 

Nous ne connaissons à ce genre, jusqu'à présent, que l’espèce 
suivante : 


PreropHAGus srricrus Mégnin (pl. XXXVIL). 


Pterophagus de couleur gris roussàtre, à corps allongé se rétrécissant 
à la hauteur de la troisième et surtout de la quatrième paire de pattes 
pour se renfler ensuite à l'extrémité. Épimères des pattes antérieures 
libres et indépendantes ; épimères des pattes postérieures du même côté 
conjuguées. Quatre plastrons céphalo-thoraciques couvrant la moitié an- 
térieure et supérieure du corps : deux médians plus grands, dont l’anté- 
rieur constitue l’épistome, et deux latéraux symétriques ; entre les deux 
médians et sur la peau souple et striée qui les sépare s’insère une paire 
de soies, — c’est la seule qui existe à la face supérieure du corps ; deux 
paires de soies latérales existent en avant des hanches à la même hau- 
teur une infère et une supère. 

Mâle (fig. 3) long de Omm,27, large de Omm,13, corps en forme de 
losange dont tous les angles, excepté l’antérieur, auraient été tronqués; 
extrémité abdominale élargie, divisée en deux lobes arrondis portant 
chacun deux soies et, en dehors de celle-ci, deux poils. Ventouses copu- 
latrices de chaque côté de l'anus, près du bord libre de l'abdomen ; 
organe mâle en avant de l'anus et en arrière des hanches de la quatrième 
paire de pattes. 

Femelle ovigére ou fécondée (fig. 1 et 2), longue de Omm,40, large de 
Onm,14; corps allongé en parallélograme, fortement rétréci en arrière 
de la quatrième paire de pattes, à extrémité postérieure élargie et lobée, 
chaque lobe portant un lobe secondaire articulé avec le principal et 
portant une paire de soies divergentes et une paire de poils entre celles- 
ci. Vulve de ponte au milieu de la face inférieure du corps à la hauteur 
du sillon transversal circulaire qu’elle interrompt, à ouverture en forme 
de fer à cheval, à branches postérieures et à lèvres fortement plis- 
sées. 

Jeune femelle pubére ou accouplée (fig. 4 et 5), longue de Omm,27, large de 
Omm 11, très-différente de la femelle ovigère, ressemble plutôt au mâle 
dont elle a la longueur, mais le céphalothorax plus étroit et l'extrémité 
abdominale plus large; absence de vulve sous-thoracique; fente anale 
plus grande ; deux tubercules copulateurs près de l'extrémité abdominale 
et sur la face dorsale ; extrémité abdominale large presque lobée, por- 


654 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE 


tant deux paires de soies anales insérées sur deux larges tubercules sy- 
métriques. 

Nymphe octopode, longue de 0,95, large de 0,08, semblable à la 
jeune femelle pubère, mais ne présente pas de tubercules copulateurs 
ni de fente anale aussi grande. 

Larve hexapode, longue de Omm,20 à Omm,925, large de Omm, 06 à 
Omm,08, ne diffère de la précédente qu’en ce qu’elle n’a qu’une paire 
de pattes postérieures et une paire de soies anales. 

Œuf long de Omm,20, large de Omm,05, ovale, régulier très-allongé et 
irès-étroit, enveloppe lisse et transparente. 

Habitat. Cet acarien vit dans les plumes des diverses espèces d'oiseaux 
de la famille des colombidés, 


Genre DERMOGLYPHUS (1) Mégnin (pl. XXXVII). 


Sarcoptides à rostre robuste et conique dont les palpes volu- 
mineux sont prolongés par une palette membraneuse, transpa- 
rente. Mâle exactement semblable à la femelle et de même taille, 
ne s'en distinguant que par la différence des organes génitaux 
qui ne sont pas accompagnés, chez lui, de ventouses copulatrices 
et par un léger détail anatomique dans le tarse de ses membres 
postérieurs. Corps de forme cylindrique, vermiforme, à extré- 
mités arrondies ; membres courts, coniques, semblables et à peu 
près de même dimension dans les quatre paires, atteignant à 
peine le quart de la longueur du corps, à tarse terminé par un 
ambulacre à ventouse large à pédoncule court et gros s’insé- 
rant à la base d’un ongle court et robuste qui n’existe pas aux 
pattes postérieures de la femelle; pattes antérieures marginales 
et postérieures sous-abdominales, ces dernières situées à la partie 
moyenne du corps ; épimères des pattes antérieures conjugués de 
chaque côté; ceux des pattes postérieures libres, convergeant 
vers un sternite longitudinal et médian qui précède les organes 


- 

(1) De dép, peau et Yavyebs, sculpteur. Il importe de spécifier que ces Sarcop- 
tides, non plus que tous les autres décrits dans ce mémoire, ne mangent ni ne per- 
forent les plumes ni la peau des oiseaux. Ils ne font que manger les corps gras qui 
les humectent et qui viennent des glandes sébacées des follicules plumeux. Nous 
avons créé ce genre pour un Sarcoptide d’assez grande taille d’après les motifs in- 
diqués, p. 519. Non-seulement il diffère de tous ceux des espèces appartenant au 
genre Analges (voy. la note 2 de la page 498) et faux genres précédents, mais il 
possède des caractères qui devraient même le faire classer dans une section à part ; 
on pourra en juger par les caractères que nous donnons ici, 


SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES, 655 


génitaux. Céphalo-thorax couvertentiérement d’un large plastron 

renforcé au milieu par une partie rectangulaire plus épaisse 

constituant l’épistome antérieurement et bordé de deux arêtes 

longitudinales près de l'extrémité postérieure desquelles s’insère 

une paire de longues ane Absence de plastron noto-gastrique. 
Nous ne connaissons à ce genre que l’espèce suivante : 


DERMOGLYPHUS ELONGATUS Mégnin (pl. XXXVIII). 


Dermoglyphus de couleur gris roussâtre, à corps allongé vermiforme (1) 
anguleux en avant, arrondi en arrière où il porte trois paires de soies el 
deux paires de poils, ces derniers près de chaque commissure anale; une 
seule paire de soies latérales en avant et en dehors des hanches de la 
troisième paire de pattes et deux paires de poils en dessus et près des côtés 
du corps, très-éloignés; deux autres paires de poils inférieurement, l’une 
entre les épimères antérieures, l’autre entre les épimères postérieures. 

Mâle (fig. 3), long de 0"",65, large de 0"",20. Organe mâle sous 
forme de corps ovoide logé dans une fossette située entre les épimères de 
la quatrième paire de pattes. Tarse des pattes postérieures qui sont aussi 
robustes que les antérieures, terminées par un ongle fort et court et d’un 
ambulacre à ventouse comme ces dernières. 

Femelle ovigére ou fécondée (fig. 1 et 2), longue de OMm,65, large de 
Omm,20, vulve de ponte en forme de fente allongée, précédée d’un court 
sternite médian qui en semble la continuation, entre les épimères des 
pattes postérieures, à lèvres fortement plissées, non garnies d’épimé- 
rites, à commissure antérieure munie d’une paire de petits poils. Pattes 
postérieures un peu plus grêles que les antérieures à tarse sans ongle 
terminé par le pédoncule en S de ambulacre. 

Jeune femelle pubére ou accouplée, longue de Omm,50, large de Omm,18, 
semblable à la femelle ovigère dont elle ne se distingue que par l’absence 
de vulve de ponte et par des membres moins robustes et plus courts, 
surtout les postérieurs. 

Nymphe octopode, longue de Omm,40, large de Omm,15, semblable en 
tout à la précédente. 

Larve hexapode, longue de Omm,30 à Omm 40, large de Omm,12 à 
Omm,15, ne diffère de la précédente qu’en ce qu’elle n’a qu'une seule 
paire de pattes postérieures et une seule paire de soies anales. 

OŒuf long de Onm,30, large de Omm 12, ovale allongé, régulier, à en- 
veloppe lisse et transparente. 

Habitat. Nous avons rencontré cet acarien parasite dans les plumes 
des régions antérieures du corps de la poule domestique, du serin des 
Canaries et de petits passereaux exotiques comme le Bengali. 


(1) D’où le nom d'ejongatus, allongé. 


656 MÉMOIRE SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 


EXPLICATION DES PLANCHES. 
PLANCHE XXXVI. 


Proctophyllodes glandarinus, Ch. Robin. (Grossiss. 150 diamètres.) 
Fc. 1. — Femelle ovigère, face inférieure. 
F6. 2. — La même, face inférieure. 
Fic. 3. — Le mâle, face inférieure. 
Fic. 4. — Jeune femelle accouplée; extrémité postérieure, face infé- 
rieure. 
a. Pénis du mâle. 
Fic. 5. — Jeune femelle accouplée; extrémité postérieure, face supé- 
ieure. 
PLANCHE XXXVII. 


Pterophagus strictus, Mégnin. (Grossiss. 190 diamètres.) 
Fic. 1. —- Femelle ovigère, face inférieure. 
Fic. 2, — La même, face supérieure. 
Fic, 3, — Le mâle, face inférieure. 
F6, 4, — Jeune femelle accouplée, face inférieure. 
Fi, D. — [La même, face supérieure. 


PLANCHE XXXVIII, 


Dermoglyphus elongatus, Mégnin. (Grossiss. 150 diamètres.) 
Fc. 1. — Femelle ovigère, face inférieure, 
Fic. 2, — La même, face supérieure. 
FiG. 3, — Organes sexuels du mâle. 


RECTIFICATION 


Par M. LORTET 


Doyen de la Faculté de médecine de Lyon 


À la page 350 de ce recueil, M. Donnadieu, d’après le compte rendu des : 
réunious des Sociétés savantes à la Sorbonne, attribue à M. Lortet la dé- 
monstration expérimentale des migrations des Ligules des poissons aux 
oiseaux. Or, la communication en question a été faite au nom de M. Duchamp, 
ainsi qu’en témoignent la correspondance échangée à ce sujet entre nous et 
une note adressée en même temps à M. Milne-Edwards et publiée par lui 
dans les Annales des sciences naturelles, Zoologie, G° série, t. IV. Les ré- 
dacteurs des procès-verbaux ont commis une erreur de nom, regardée comme 
insignifiante par les personnes intéressées, à cause des publications qui sui- 
virent à peu de semaines d'intervalle. M. Donnadieu en ayant été person- 
nellement averti, le savait donc pertinemment lorsqu'il écrivait le contraire. 
Ce simple fait permettra de juger de la courtoisie qui a présidé à la confec- 


tion du mémoire de l’ancien professeur du Lycée de Lyon, passé aujourd’hui 
dans les rangs des Universités catholiques. 


TABLE DES MATIÈRES 


DU TOME TREÉIZIÈME 


e 


ANATOMIE NORMALE 


Recherches sur le sinus rhomboïdal des oiseaux, sur son développement et sur 


la névroglie périépendymaire, par M. Mathias Duval.................. 1 
Étude sur les muscles du périnée, en particulier sur les muscles dits de Wilson. 

chienne Don M Vaio, 2 eue nes 39 
Contribution à l’histoire du corps thyroïde, par M. Poincarré ............. 123 
kecherches sur l'anatomie comparée du périnée, par M. Paulet........... 444 


Recherches sur l’origine réelle des nerfs cräniens, par M. Mathias Duval. 181, 571 
Beobachtungen über die Beschaffenheit des Zellkerns, par le professeur Walter 
PR RE ed OS ARS ue ee an D 4 eme d'age ee à 207 
Mémoire sur les sarcoptides plumicoles, par MM. Ch. Robin et Mégnin......... 
M Éd at MADDEN: - MS cceré ao moderne pannes cut 24.» 209, 391, 498 et 629 
Exposé succinct d’une méthode électrolytique pour la recherche qualitative des 
métaux dans les humeurs et dans les tissus de l’homme et des animaux, par 


MMA vEgeon CHERE A en AS dus à 20 crveéladnnre syo de bel oi dis: à 308 
Sur l’abouchement immédiat des plus petites artères dans des vaisseaux ayant 

RS TE NO A amas eue oo 0 env ae nn à 431 
La rétine de l’homme et des vertébrés, par M. Ad. Hannover............. 022 


Sur l’unité du type anatomique du placenta chez les mammifères et l'espèce 
humaine, et sur l'unité physiologique de la nutrition des fœtus chez tous 
les vertébrés panilemprafessour Ercolani.:. ue 2. (38 0 4 à de de AS 031 
Des rapports entre le développement du poumon et sa structure, par M. Cadiat. 590 


ANATOMIE PATHOLOGIQUE 


Utérus fœtal chez une femme de cinquante-sept ans, par M. F. Lévison..... 96 
Mémoire sur le Demodex folliculorum, par M. P. Mégnin......... her 97 
Persistance du canal de Müller chez l’homme adulte, par M. J.-A. Boogaard. 200 
Des changements des procès ciliaires pendant laccommodation. Cas d’iridéré- 


Mie Haumanque 101416, DAP Mid, MIO ne eue eue meta Dee don à 205 
Contribution à la tératologie. Monstre unitaire — hémimélie, par MM. Er. Mar- 

MORIN MEUUIIS . : à ue de ie à ete a ut ee no ae 371 
Manuel du microscope dans ses applications au diagnostic et à la clinique, 

DORE MMS D'UN al CC'LOCPÉDOMME Re 6e see ss oo nee 430 


PHYSIOLOGIE NORMALE 


Recherches sur les excitations électriques du cœur, par M. Marey...,,.... 60 
Rectification sur le même sujet, par M. Marey..................,..... 520 
Du volume des organes dans ses rapports avec la circulation du sang....... 8 
Sur la formation et la division des cellules, par le D' Edwards Strasburger.. 87 
Recherches sur les propriétés physiologiques et le mode d’élimination de l’éther 
Promhydrique;: par MRäabuteaur0 ar 20000 mime int oudor 69. HAS 204 
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA I HYSiOL. — T. x11] (1877), 42 


658 TABLE DES MATIÈRES: 


Recherches critiques et expérimentales sur les mouvements allernatifs d’expan- 
sion et de resserrement du cerveau dans leurs rapports avec la circulation 


et la respiration, 2,455, 2201 20 No DE OR 267 
Coloration pourprée de la rétine d’après MM. Boli et Kuhne.............. 313 
Contribution à l’histoire de la ligule, par M. A:-L. Donnadieu........ 321, 451 
Mémoire sur le système nerveux des oiseaux, par M. O0. Larcher.......... 43 


Sur j’éosine comme réactif de l’hémoglobine, et sur la genèse des capillaires 
et des hématies chez les mammifères et l'embryon du poulet, par le doc- 


teur ANVisse2KL... os MER RES EE Se ess phil : MARNE NE 238 
Des images réelles obtenues au moyen du microscope composé, par M. G. Herr- 

MMA dus 280 tee ne Ge à Mere EUR ILES EE FRE TREe oh1 
Rectification. . .... LR En 2 ave ma le Sie» due nt et ee US PEER 696 


PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE 


Lecons de pathologie générale, les grands processus morbides, par M. J, Picot. 202 
Mémoire sur la dualité primitive du cœur dans l’évolution du poulet, par 


M. Camille Daresie.s .nuurons. Aer DE TEEn à se à su ent PR ATTe 248 
Des accidents immédiats déterminés par les injections de fuchsine pure dans 

le sang, par MM. V. Felz eL RE. FÉES eee RC RTE 043 
Étude de quelques arrêts respiratoires, apnée, phénomène de cheyne-stokes, 

arrêts réflexes de cause cardiaque, par le D' François-Franck .......... 946 


TABLE DES AUTEURS 


BERGERET et MAYENÇON. Exposé succinct d'une méthode électrolytique pour 
la recherche qualitative des métaux dans les humeurs et dans les tissus de 


l'homme et des añimtaux : 25. TO EC ORNE 308 
J.-A. BOOGAARD. Persistance du canal de Müller chez l’homme adulte. .... 200 
CADIAT. Étude sur les muscles du périnée, en particulier sur les muscles dits 

de Wilson et, de: Gutbrie., 2. 22 39 


CADIAT. Des rapports entre le développement du poumon et sa structure... 590 
C. DARESTE. Mémoire sur la dualité primitive du cœur dans l’évolution du 


POUR ee DU ntm tn É a à ce a ER ES 249 
DONNADIEU'(A.-L.). Contribution à l’histoire de la ligule............ 321, 451 


ERCOLANI. Sur l'unité du type anatomique du placenta chez les mammifères 
et l'espèce humaine, et sur l’unité physiologique de la nutrition des fœtus 


chez tous les vertébrés (analyse). .........,...,...... SA ea LR RE 531 
FELTZ et RITTER. Des accidents immédiats déterminés par les injections de 
mMENSINe Pare-Uatis "ts Sas 2 Te + ru £E RER . 543 


FLEMMING WALTHER, Boobachtungen über die Beschaffenheit des Zellkerns. 207 
FRANÇOIS-FRANCK. Du volume des organes dans ses rapports avec la cir- 
CURMOR Bu ANR Et. MSN Se US PEN ES 84 


ports avec la circulation et la respiration....,......... eu... .. 267 
FRANCOIS-FRANCK. Étude de quelques arrêts respiratoires, apnée, phéno- 

mène de cheyne-stokes, arrêts réflexes de cause cardiaquesi« 04 «us ae 946 
HANNOVER, La rétine de l’homme et des vertébrés (analySe)e eu. ounbuste 922 


TABLE DES AUTEURS. 659 


HERMANN. Images réelles obtenues au moyen du microscope composé. .... 541 
HJORT. Des changements des procès ciliaires pendant l’accommodation ; cas 


d’iridérémie traumatiqua tolalet. .LCf. . 2:144..04.616 9). 2......... . 205 
HOYER. Sur l’abouchement immédiat des plus petites artères dans des vais- 
 seaux ayant le caractère veineux (analyse).......................... L31 
LARCHER (0.). Mémoire sur les affections du système nerveux chez les oi- 
ROULE ee de dus à « «ide area MT ee date . 433 
LEREBOULLET et DUVAL (Mathias). Manuel du microscope dans ses applica- 
tions au diagnostic et à la clinique (AMIS. « « Pen den des de 430 
LETULLE et MARTIN. Contribution à la tératologie. Monstre unitaire — hé- 
mimelie” ..:…. RL cu M an ne sa us à so de a na 0 dil #1 371 
LEVISON. Ulerus fœtalis chez une femme âgée de cinquante-sept ans..... 96 
ERTET. Rec RE ue. Jade notament na TE ap 40... 000 
MAREY. Recherches sur les excitations électriques du cœur.............. 60 
MAREY. Rectihcalion-surlemeéme SU]... 4.2. u. .. ... heu e eme 920 
MARTIN et LETULLE. Contribution à la tératologie. Monstre unitaire — hé- 
Ole... LORS sd. ads us CONINOSRRRN PPAMMOsTE, : ;:, 10 AR 371 
MATHIAS DUVAL et LEREBOULLET Manuel du microscope dans ses appli- 
cations au diagnostic et à la clinique (analyse)..,.................... 430 
MATHIAS DUVAL. Recherches sur le sinus rhomboïdal des oiseaux, sur son 
développement et sur la névroglie périépendymaire..............,.... 4 
MATHIAS DUVAL. Recherches sur l’origine des nerfs cräniens....... 181, 971 


M AYENCON et BERGERET. Exposé succinct d’une méthode électrolytique pour 
la recherche qualitative des métaux dans les humeurs et dans les tissus de 


Flamme olides animaux... ... 5.0.0 scene Ad ai 308 
MÉGNIN (P.). Mémoire sur le Demodex folliculorum, Owen.............. 97 
MÉGNIN (P.) et ROBIN. Mémoire sur les sarcoptides plumicoles. ....... 

Re ve ne A à dm tes» 209, 992, 198 et 629 
PAULET, Recherches sur l’anatomie comparée du périnée...,..,.. sus ssl LED 
PICOT (J.). Leçons de pathologie générale, les grands processus morbides 

A ee RS OR LR 2 AE! 202 
POINCARRÉ, Contribution à l’histoire du corps thyroïde.,.............. 123 
RABUTEAU. Recherches sur les propriétés physiologiques et le moie d’élimi- 

DO CRE RECONNU A 0... ........é... 204 
RITTER et FELTZ. Des accidents immédiats déterminés par les injections de 

PURE DUR RE en à de e oo à notes dom ee oo 543 
ROBIN (Ch.) et MÉGNIN. Mémoire sur les sarcoptides plumicoles.......... 

d'éalane a a eee de vaut e pas RL) AUEAA1O2254 495 209, 391, 498 et 629 


ROBIN (Ch.). Traité du microscope et des in; sections, de leur emploi, de leurs 
applications à l’anatomie humaine et comparée, à la pathologie médico-chi- 
rurgicale, à l’histoire naturelle animale et végétale et à l’économie agricole 
Re CS a et tte Et ne 2e sue de MN 348 

STRASBURGER. Ueber Zellbildung und Zellthelung (analyse)............. 87 

WISSOZKY. Sur l’éosine comme réactif de l’hémoglobine, et sur la genèse des 
capillaires et des hématies chez les mammifères et l'embryon du poulet.. 558 

x. Ciration-pourprée de la rétine. .-gf mm... 04. midi 345 


Le propriétaire-gérant, 


GERMER BAILLIÈRE, 


TABLE DES PLANCHES 


“'PÉANCRE IE 2 Sinus rhomboïdal des oiseaux (Mathias Duval). 
“PLANCHE AL. ts Id. 
“PLANCHE IT... Id. 
PDANCHE : IF. 88,8 Id. 
PLANGHE V4 Coupe longitudinale de l’urêthre (Cadiat). 
“PLANCHE VI... Orbiculaire de l’urèthre (Cadiat). 
“PLANCHE VIL....: Muscle de Wilson (Cadiat). 
PLANCHE VIIT .... Transverse profond (Cadiat). 
- PLANCHE IX..4..: Demodex folliculorum, Owen (Mégnin). 
r'PLANCREUX: Fiat Nerfs cräniens (Mathias Duval). 
"PLANCHE TXT SR" Id. 
"PLANCUE /XIL .. . Pterolichus falciger (Mégnin). 
PLANCHE XII .... Pterolichus falciger, œufs, larve et nymphes (Mégnin). 
/ PLANCHE XIV..... Études sur les ligules (Donnadieu). 
PLANCHE XV..... I. 
PLANCHE XVI: : : : Id. 
"PLANCHE 'XVIT.... Id. 7 
“PLANCHE XVIII... “Hd: ; 
“PLANCHE XIX..... Id, 
PLANCHE XX ..... Id, | 
PLANCHE XX[..... Monstre unitaire ; hémimélie (Martin et Letulle). 
PLANCHE XXII.... Genre Pterolichus (Mégnin), 
PLANCHE XXII ... Id. 
/ PLANCHE XXIV.... Pteronyssus picinus (Mégnin). 
: PLANCHE XXV .... Pleronyssus striatus (Mégnin). 
PLANCHE XXVI ... Analges passerinus (Méguin). 
“PLANCHE XXVII... Analges cubitalis (Mégnin). 
PLANCHE XXVIIT.. Analges astemalis, oscinum, socialis, sinuosus (Mégnin). 
PLANCHE XXIX.... Analges centropodus, velatus (Mégnin). 
PLANCHE XXX .... Nerfs crâniens (Mathias Duval). 
PLANCHE XXXI.... Id. 
Pr ANCHE XXXII... Développement et structure du poumon (Cadiat). 
"PLANCHE XXXII .. Id. 
PLANCHE XXXIV... Id. 
PLANCHE XXXV... 4,110 


- PLANCHE XXXVI... Proctophyllodes glandarinus (Ch. Robin). 
PLANCHE XXXVIT.. Pterophagus strictus (Mégniu). 
* PLANCHE XXXVIIT. Dermoglyphus elongatus (Mégnin). 


FIN DE LA TABLE DES PLANCHES DU TOME TREIZIÈME, 


PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2 


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Structure et développement des poumons ( Cadiat.) 


Germer Baillière Libraire à Paris. 


JOURN.D'ANATær 2e PHYSIOL. (1877) PL. XXXIIL. 


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Dermer Bailhere, Libraire a Paris. 


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Mégnire ad nat. del. cé lit. Lrmp. Becquet, Paris. 


Pterophagus strictus ( Mégnin.) 


Germer Baïlhere Libraire à Paris. 


PL.XXXVII. 


IRN DANATæTDE PHYSIOL. (1877) 


1mp. A ecquel, Paré. 


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