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L'AN ATOMIE
LA PHYSIOLOGIE
NORMALES ET PATHOLOGIQUES
DE L'HOMME ET DES ANIMAUX
FARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, © |
JOURNAL
DE
L'ANATOMIE
ET DE
LA PHYSIOLOGIE
NORMALES ET PATHOLOGIQUES
DE L'HOMME ET DES ANIMAUX
PUBLIÉ PAR MM.
CnarLes ROBIN
MEMBRE DE L'INSTITUT,
Professeur d'histologie à la! Faculté 'de ‘mnéglecime de Paris,
Membre de l'Académie de médeciné.
ET
G. POUCHET
Maitre de conférences à l'Ecole normale supérieure
1877
PARIS
LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Ci
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108.
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L’'ANATOMIE
LA PHYSIOLOGIE
NORMALES ET PATHOLOGIQUES
DE L'HOMME ET DES ANIMAUX
RECHERCHES
SUR LE
SINUS RHOMBOIDAL DES OISEAUX
SUR SON DÉVELOPPEMENT ET SUR LA NÉVROGLIE PÉRIÉPENDYMAIRE
Par M. Mathias DUVAL
PLANCHES I, I, HIT, IV
[. -— INTRODUCTION. REVUE DES OPINIONS CLASSIQUES SUR LA
NATURE DU SINUS RHOMBOIÏDAL.
L'étude des noyaux des nerfs bulbaires et celle du mode d’entre-
croisement des faisceaux médullaires au niveau du bulbe (1) de-
vait naturellement nous amener à porter notre attention sur la
région du sinus rhomboidal, c’est-à-dire du renflement sacré des
oiseaux. Il est, en effet, admis dans tous les traités classiques
que le sinus rhomboïdal des oiseaux est une formation tout à fait
comparable au quatrième ventricule. Le canal central s’ouvri-
rait à ce niveau et s’étalerait en un plancher de substance grise
analogue à celui qui, dans le bulbe, forme le plancher du qua-
trième ventricule, c’est-à-dire la masse grise bulbaire : le sinus
(4) Voy. Math. Duval, Recherches sur l’origine réelle des nerfs crâniens (Journal
de l'anatomie, n° de septembre, p. 496). — Sappey et Math. Duval, Trajet des cor-
dons nerveux qui relient le cerveau à la moelle (Comptes rendus Acad. des Sc.,
17 janvier 4876). — Sappey, Traité d'anatomie, 3° édition, t. HIT.
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XII (1877). 1
2 MATHIAS DUVAL. —— RECHERCHES
rhomboïdal représenterait un véritable ventricule médullaire,
vide et perméable comme les ventricules encéphaliques, ou du
moins rempli, disent les auteurs classiques, par un liquide
coagulable. Il nous paraissait donc très-important, pour arriver
à une parfaite compréhension du bulbe et de la substance grise
du quatrième ventricule, d'étudier le sinus rhomboïdal des
oiseaux, dans l'espoir d’y trouver les dispositions du ventricule
cérébelleux simplifiées et comme schématisées, puisqu’à ce
niveau nous n’aurions dû avoir affaire qu’à la moelle proprement
dite, sans aucune des complications qui résultent plus haut des
formes de transition qui relient la moelle au bulbe et à la protu-
bérance. (Décussation des cordons, formations olivaires, pédon-
cules cérébelleux, etc.)
Comme, dès nos premières recherches, nous nous sommes
trouvé en présence de faits absolument en contradiction avec ce
qui est généralement décrit, nous croyons devoir tout d’abord
établir, par quelques citations textuelles, la manière de voir à
peu près exclusivement admise aujourd’hui, réservant pour un
historique, qui sera développé plus loin, la revue critique d’opi-
nions plus ou moins anciennes, généralement passées inaperçues
et qui, sous quelques rapports, pourraient être considérées
comme se rapprochant de ce que nous aurons à décrire d’après
les résultats de nos propres recherches.
Nous ne saurions cependant reproduire 1c1 les quelques lignes
qu'ont pu consacrer au sinus rhomboïdal des oiseaux les nom-
breux auteurs qui ont eu à parler de la structure de la moelle
épinière et de la configuration de son canal central : forcé de
limiter nos citations, nous choisirons, d’une part, les anatomistes
les plus autorisés de ces dernières années, et, d’autre part, ceux
qui ont le plus récemment formulé une opinion sur ce sujet
(Longet, Milne-Edwards, Gegenbauer, Huxley, etc.); tous ces
auteurs considèrent le renflement sacré de la moelle des oiseaux
comme présentant une cavité placée entre les cordons posté-
rieurs, et expliquent l'existence de cette cavité par ce fait que,
dans cette région, la gouttière méduliaire de l'embryon ne se
serait pas fermée en canal cylindrique, ainsi qu’elle le fait dans
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. à
les autres régions de l’axe médullaire. Quelques-uns se bornent à
parler de la cavité rhomboïdale comme d’une disposition accu-
sant très-fortement la présence d’un sillon médian postérieur
(creusé jusqu’au centre de la moelle).
Telle est la manière de voir de A. Serres, au delà duquel nous
ne ferons pas remonter, pour le moment, cette revue des opinions
que nous pouvons appeler contemporaines : « Chez les oiseaux,
dit Serres, le sillon antérieur est constamment plus prononcé que
le postérieur, qui même ne devient sensible que par l'effet de la
macération, excepté toutefois à la région sacrée, sur laquelle
l’écartement des lames postérieures produit un hiatus plus ou
moins ouvert, selon la prédominance ou la faiblesse des extrémi-
tés postérieures, hiatus constant chez les oiseaux, et qui est le
caractère classique de leur moelle épinière (1). »
Longet (2) fait provenir cet hiatus d'un évasement du canal
central. « Chez les oiseaux, dit-il, la moelle offre un canal qui la
parcourt dans toute son étendue, non-seulement chez l'embryon,
mais encore chez l'adulte (3). Ce canal, à la hauteur du lieu où
prennent naissance les nerfs qui se distribuent aux membres
pelviens, se dilate au point d’écarter les cordons médullaires
postérieurs, précisément comme à la région du quatrième ven-
tricule : il en résulte une excavation remarquable décrite sous le
nom de sinus rhomboïidal par Sténon, Perrault, Jacobœus, etc.,
el au fond de laquelle on aperçoit la liqueur du canal médullaire,
contenue par la pie-mèêre. La substance grise en occupe l’intérieur
et elle n’est appliquée nulle part en plus grande abondance
qu'aux parois de ce sinus. »
Les auteurs qui suivent Longet sont de plus en plus explicites
sur la nature de ces rapports entre le sinus rhomboïdal et le
canal central, sur l’homologie du ventricule bulbaire et du ven-
tricule lombaire. En effet :
« Chez les oiseaux, dit Milne-Edwards, le sillon tergal s’évase
(1) A. Serres, Anatomie comparée du cerveau dans les quatre classes de vertébrés.
Paris, 1826, t. II, p. 157.
(2) Longet, Anat. et physiol. du syst. nerveux. Paris, 1842, t. 1, p. 262.
(3) À cette époque on mettait encore en doute l'existence normale d’un canal cen-
tral de la moelle (voy. Longet, vol. cité, p. 249).
li MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
dans Ja région lombaire et forme une fosse particulière qui est
désignée communément sous le nom de sinus rhomboidal, mais
que je préfère appeler ventricule lombare. I occupe le milieu
du renflement pelvien de la moelle épinière et loge une masse
blanchâtre, d'aspect gélatineux, qui dépend de la pie-mère. IL
constitue un des caractères anatomiques de la classe des
oiseaux (1). » |
«Le sillon médullaire (de l'embryon) restant ouvert, il se forme,
dit Carl Gegenbauer, sur le renflement lombaire, une cavité en
forme de losange (sinus rhomboïdal), qui persiste chez les
oiseaux, mais se ferme graduellement chez les reptiles et les
mammifères (2). »
« Chez les oiseaux, dit Huxley, au niveau du renflement lom-
baire, les cordons postérieurs divergent et donnent naissance au
sinus rhomboidalis, qui est une sorte de répétition du quatrième
ventricule, la dilatation centrale du canal étant simplement
recouverte par une minçe membrane, qui consiste principalement
en l’épendyme et l’arachnoïde (3). »
Il nous paraît inutile de multiplier davantage les citations pro-
pres à montrer quelle est-l’opinion aujourd’hui classique sur la
nature de la formation dite sinus rhomboïdal. Nous emprunte-
rons cependant encore les lignes suivantes à l’article, d’ailleurs
si excellent, que Farabeuf a consacré, dans le Dictionnaire ency-
clopédique des sciences médicales, à l'anatomie de la moelle, pour
confirmer l’existence de l’epinion erronée (ainsi que nous le
démontrerons dans un autre travail) d’après laquelle le canal mé-
dullaire de l’homme lui-même s’ouvrirait en arrière, au niveau de
la région lombaire : « Le canal central, dit Farabeuf, est cordi-
forme dans la région lombaire, où il s’ouvre daus le sillon posté-
rieur, comme l’a montré Stillinge en 1857, et comme cela a
lieu d’une manière incomparablement plus manifeste chez les
oiseaux » (p. 288). Et plus loin (p.294): «Stilling a montré que
(1) Milne-Edwards, Leçons sur l'anat. et la physiol. comparées, t. XI, Paris, 1875,
p. 262.
(2) Carl Gegenbauer, Manuel d'anatomie comparée (trad. française, p. 696).
(3) Th. Huxley, Éléments d'anatomie comparée des animaux vertébrés(trad, franc.
Paris, 1875, p. 311). |
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SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX.
le ventricule de la moelle était ouvert sur une faible étendue dans
le sillon postérieur, au niveau du renflement lombaire de
l’homme. »
Aïnsi, sillon postérieur et canal central communiqueraient chez
l’homme, et surtout chez les oiseaux. Quant à la substance qu’on
trouve dans cet hiatus, très-vaste chez les oiseaux, elle serait
composée en partie du liquide coagulable du canal central (voy.
ci-dessus la citation de Longet), et en partie du tissu conjonctif
de la pie-mère. Tel est, en effet, pour terminer par une indica-
tion sur la nature histologique du contenu cette revue des opi-
nions actuelles relativement au sinus rhomboïdal, tel est, en
dernier lieu, le sens des résultats communiqués récemment à la
Société de biologie par MM. Brown-Séquard et Pierret (1).
II. — DE L'ASPECT DU SINUS RHOMBOÏDAL PAR LA DISSECTION
SIMPLE.
Quang on ouvre, par la partie postérieure, la région sacrée du :
canal rachidien d’un oiseau (pigeon, poule, moineau), en enle-
vant avec un fort scalpel les parties osseuses par couches
minces et en faisant délicatement sauter la lame interne de l'os,
on arrive immédiatement sur la face postérieure du renflement
lombo-sacré de la moelle, car en ce point les enveloppes ménin-
giennes sont très-minces, presque transparentes, et sont entraî-
nées en partie avec les fragments osseux, de sorte qu’il est facile
d'étudier, sans autre préparation, la conformation extérieure de
la face postérieure (ou mieux supérieure) (2) du renflement
médullaire.
(1) Société de biologie, 4 décembre 1875 (voy. Gaz. des hôpit., 1875, p. 4141,
et Progrès mélical, 1875, p. 739). — « M. Brown-Séquard montre des oiseaux
chez lesquels il produit des phénomènes ataxiques manifestes par l'irritation d’une
sorte de substance grise qui se trouve (chez les oiseaux) dans la moelle, au niveau du
renflement où les nerfs sciatiques prennent naissance. — Or il résulte des recherches
de M. Pierret que cette substance ne renferme pas d'éléments nerveux, mais est
constituée par une masse huileuse avec fort peu d’éléments figurés el quelques
granulations, — M. Pierret dit qu’en effet cette substance grisätre ne renferme pas
d'éléments nerveux ; c’est du tissu conjonctif très-délicat avec beaucoup de graisse.
Comme il y a des nerfs dans la dure-mère, les effets de l’irritation, etc., etc. »
- (2) Nous emploierons dans ce travail les mots supérieur, inférieur, antérieur ,
6 MATHIAS DUVAI. — RECHERCHES
Ce renflement est losangique : ses parties latérales sont for-
mées par la substance blanche de la moelle; mais sa partie cen-
trale présente un aspect particulier. Si l'examen est fait sur un
oiseau fraîchement sacrifié, il semble qu’au centre de la face
postérieure du renflement se trouve enchâssée, comme une
grosse perle dans le chaton d’une bague, une masse transpa-
rente et brillante, comme une grosse goutte de gelée translu-
cide. Get aspect est surtout très-net chez le moineau. Cette gelée
tremblotante est comme maintenue sous une fine lamelle; dès
qu’on déchire celle-ci, la masse s’affaisse; il s'écoule un liquide
plus ou moins épais, transparent, comme l'humeur vitrée de
l'œil. On voit alors que la place-occupée par le liquide gélatineux
auquel on a donné issue se présente comme une cavité losangi-
que, à pelit diamètre transversal. Cette cavité, qui pénètre très-
profondément dans la moelle, est le sinus rhomboïdal des
auteurs. \
Une semblable préparation ne saurait donner aucun rensei-
onement sur la nature de cette cavité et de son contenu. L'exa-
men microscopique de la gelée à laquelle on a donné issue montre
un grand nombre de noyaux, assez analogues comme aspect aux
globules blancs du sang, mais de moindres dimensions. Ces
noyaux sont mêlés à des tractus qui par places ont l'aspect fibril-
laire, et par places se montrent comme résultant du plissement
de fines plaques membraneuses. Nous dirons dès maintenant que
ces plaques membraneuses ne sont autre chose que les parois de
grandes cellules vésiculeuses qui forment la substance gélati-
neuse ou vitrée du sinus rhomboïdal, cellules qui contiennent
chacune un noyau. Par l’écoulement et la dissociation de la sub-
stance vitrée, ces cellules sont affaissées, écrasées et déchirées.
Un examen intéressant et bien simple consiste à découvrir le
renflement sacré sur un animal soumis à la cuisson, sur la car-
casse d’un poulet rôti, par exemple. On ne voit plus alors, dans
le centre de la face postérieure du renflement, une masse gélati-
postérieur, dans le même sens que pour l’axe nerveux de l’homme, c’est-à-dire en
supposant la moelle placée verticalement, quelle que soit sa direction normale chez
l'animal vivant.
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. ÿà
neuse brillante comme une goutte de rosée, mais une masse
blanche opaque, d’un aspect analogue à celui du cristallin sou-
ïnis à la cuisson. Cette masse peut être arrachée en bloc de la
cavité qui la loge, et laisse alors parfaitement apercevoir le sinus
rhomboïdal des auteurs : en l’extirpant, on constate qu’elle est
molle, comme du blanc d'œuf légèrement coagulé, et qu’elle
adhère aux parois du sinus, paraissant faire corps avec la sub-
stance même de la moelle. La substance coagulée ainsi obtenue,
dissociée et examinée au microscope, donne de fort bonnes pré-
parations, qui montrent une masse formée uniquement de grosses
cellules vésiculeuses, contenant un noyau et de l’albumine coa-
gulée en fines granulations.
On peut encore, sur le renflement sacré d’un oiseau fraiche-
ment sacrifié, solidifier la substance vitrée en y déposant quel-
ques gouttes d’une solution concentrée d’acide osmique, d’après
le procédé de G. Pouchet, et faire ensuite la dissociation du tissu.
Dans ce cas encore, on se trouve en présence de grosses cellules
vésiculeuses contenant un noyau et une substance liquide,
laquelle n’est pas de la graisse et ne renferme même aucun corps
gras, car elle n’est nullement colorée en noir par l'acide osmique,
comme l’est, par exemple, sur cette même préparation, la myé-
line des tubes nerveux de la substance blanche voisine (cordons
postérieurs).
Ces diverses préparations, sur lesquelles nous n’insisterons
pas, sont insignifiantes, car elles ne nous permettent pas d’étu-
dier cette substance vitreuse en place et de constater ses disposi-
tions générales, ses rapports avec les membranes d’enveloppe,
ses connexions possibles avec les cordons blancs ou gris de la
moelle. Pour arriver à ces résultats, nous avons pratiqué de
nombreuses coupes sur des renflements sacrés dureis par l’action
successive et longtemps prolongée (1) du bi-chromate de potasse
et de l’acide chromique. A cet effet, nous plongions dans ces
liquides toute la portion lombo-sacrée du corps d’un oiseau
(moelle et colonne vertébrale), en laissant cette dernière intacte.
(1) Voy. ci-dessus, Journal de l'anat. et de la physiol., année 1876, p. 497.
S MATHIAS De VAL. — RECHERCHES
Lorsqu’en effet on veut mettre préalablement la moelle à nu
par sa face postérieure, il est difficile de ne point léser la sub-
stance vitrée en question, et même lorsque celle-ci est restée bien
intacte, ilarrive presque toujcurs que pendant la macération elle
se gonfle, se fragmente et se détache, de telle sorte qu’il n’en
reste presque plus trace, lorsque le tissu nerveux a acquis la
fermeté nécessaire à la pratique de bonnes coupes.
Nous allons passer à l'étude des coupes faites sur des pièces
durcies dans les conditions que nous recommandons : ce sera la
partie principale de ce travail.
III. — DISPOSITION DES CORDONS DE LA MOELLE AU NIVEAU
DU SINUS RHOMBOÏLAL,.
À. Disposition des cordons blancs et gris. — Si l’on pratique,
au niveau de la partie moyenne du renflement lombaire, une
coupe perpendiculaire à l’axe de la moelle, on constate que les .
parties constituantes du cylindre spinal sont disposées de la
manière sulvanle :
En avant, aussi bien chez le poulet que chez le pigeon (pl. I,
fig. 1) etle moineau (pl. I, fig. 2 et pl. Il, fig. 1), la moelle est
limitée par une ligne transversale, à direction rectiligne ou légé-
rement courbe, avec convexité postérieure (pl. E fig. 2; pl. HF,
lig. 1). Cette partie est formée par les cordons antérieurs, très-
nettement séparés sur la ligne médiane par un s{lon antérieur,
et séparés des cordons latéraux par le trajet et l'émergence des
racines antérieures. Il est inutile d’insister sur ces dispositions
qui reproduisent à peu près exactement ce qui.est classiquement
connu de la moelle des mammifères. Nous ferons cependant
remarquer le volume et le trajet curviligne des racines anté-
rieures, lesquelles proviennent manifestement des groupes de
grosses cellules nerveuses des cornes antérieures de la substance
grise (voy. pl. I et IL).
Au fond du sillon médian antérieur (pl, fig. Let 2, en a),
on trouve la commissure blanche antérieure ; cetle commissure
se présente ici avec les caractères qu’elle offre chez tous les ani-
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 9
maux vertébrés, mais sous une forme beaucoup plus nette ; c’est-
à-dire qu’elle n’est nullement constituée par des fibres transver-
sales unissant la moitié latérale gauche de substance grise à la
moitié latérale droite, mais qu’elle est formée par de gros cor-
dons blancs qui s’entre-croisent obliquement et réunissent le
cordon blanc antérieur gauche à la corne grise antérieure droite
et vice versä: cetle commissure est, en un mot, une décussation
de fibres allant des cordons antérieurs à la substance grise du
côté opposé. (Voy. pl. IL, fig. 1.)
En arrière de cette commissure blanche, si la préparation a
été faite sur une moelle mal durcie, on aperçoit un vaste espace
vide, qui n’est autre chose que la prétendue cavité classique du
sinus rhomboïdal ; mais si la préparation est complète dans toute
son étendue, c’est-à-dire si la moelle a été durcie et sectionnée
dans les conditions délicates nécessaires à conserver sa parfaite
intégrité, on aperçoit, en arrière de la commissure blanche anté-
rieure, un lissu transparent qui se prolonge très-loin en arrière,
et au milieu duquel apparaît toujours une perforation centrale.
Comme nous le verrons bientôt avec plus de détails, cet orifice
n’est autre chose que la lumière du canal central de la moelle
épinière, canal creusé ici dans un tissu tout particulier et non
largement dilaté et étalé comme dans la région du bulbe rachi-
dien.
En examinant les coupes en allant de la région latérale externe
vers les parties centrales, on rencontre successivement les cordons
latéraux (pl. I, fig. 4 et 2, en a), puis la substance grise. Nous
n'avons pas à nous arrêter à la description de ces parties, et nous
ferons seulement remarquer l'aspect réticulé que présentent ces
cordons au voisinage de la substance grise, entre les cornes an-
térieure et postérieure. Il yalà une disposition qui rappelle la
formation réticulée décrite dans les régions correspondantes de
la partie toute supérieure de la moelle cervicale des mammifères.
Dans la substance grise, en allant toujours de dehors en dedans,
on voit l'épanouissement des faisceaux décussés de la commis-
sure blanche, et enfin on arrive de nouveau sur le tissu transpa-
rent au milieu duquel est situé le canal central.
10 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
Si l’on suit les racines postérieures (pl. [, fig. 4 et 2, et pl. IF,
fig. 1, en e), on les voit aborder l'extrémité postérieure des cor-
nes postérieures de la substance grise, pénétrer en partie dans
ces cornes (pl. I, fig. 1) et aller se mêler en partie aux cordons
postérieurs (en /, pl. let Il); en dedans de ces cordons posté-
rieurs, on tombe de nouveau sur la substance ou tissu transpa-
rent déjà signalé.
Enfin, en portant l'examen directement sur les limites posté-
rieures d’une coupe du renflement lombo-sacré, on trouve d’a-
bord une mince membrane, la pie-mère (pl. I, fig. 1, en 9), puis
on arrive aussitôt, en allant d’arrière en avant, sur le tissu trans-
parent sus-indiqué.
Ainsi, dans la région en question, dans les points où le renfle-
ment lombaire présente ses plus grandes dimensions, cette partie
de la moelle est caractérisée par l’existence d’un tissu particulier
qui remplit un vaste espace, limité : en avant, par la commissure
antérieure ; sur les côtés, par la substance grise et les cordons
postérieurs ; en arrière, directement par la plus interne des en-
veloppes de l'axe nerveux, par la pie-mère. Dans ce tissu, en
arrière de la commissure antérieure, est creusé le canal central
de la moelle. Ce tissu offre parfois, chez le moineau, par
exemple (pl. I, fig. 2), un développement considérable, au point
de présenter une surface de section égale et même supérieure à
celle de tout l’ensemble de la moelle.
Avec de faibles grossissements (gr. de 18 à 30), ce tissu pré-
sente un aspect réticulé très-fin, tel que nous avons essayé de
le rendre dans les figures 1 et 2 de la planche I. Sur des coupes
de renflément lombaire de poulet, avec un grossissement de 50
diamètres, on voit déjà que ce tissu d’aspect réticulé est abon-
damment et régulièrement semé de noyaux (pl. Il, fig. 2 et 3).
Mais ce n’est que par l'emploi de grossissements plus puissants
qu'il est possible de se rendre compte de la nature de ce tissu,
de saisir ses connexions avec les tissus voisins, et d'expliquer
l’aspect réticulé qu’il présente : cet aspect, on le devine aisément
d’après les résultats que nous a donnés précédemment la disso-
ciation, est dû à la présence de grosses cellules vésiculeuses tas-
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. A1
sées les unes contre les autres, sans interposition d’autres
‘éléments, si ce n’est de quelques rares capillaires et tubes ner-
veux, sur la présence dequels nous aurons à revenir longue-
ment.
Avant d'entrer dans cette étude, nous devons encore insister
sur les dispositions morphologiques du sinus rhomboïdal, dispo-
silions importantes à préciser au point de vue des expériences
de vivisection dont cette région a été et sera l’objet; nous devons
enfin indiquer comment quelques anatomistes, qui ont aperçu
la substance placée dans le sinus rhomboïdal, en ont expliqué et
l'origine et la nature. |
B. Considérations physiologiques. — Les physiologistes ont
considéré le sinus rhomboïdal des oiseaux comme un lieu expé-
rimental tout particulièrement favorable à l'étude des propriétés
et notamment de l’excitabilité de la substance grise. C’est qu’on
croyait trouver dans êe sinus rhomboïdal un plancher de sub-
stance grise, où les cornes antérieures et postérieures de la
moelle se trouveraient étalées en une lame continue, facilement
abordable par toute cause d’excitation portée d’arrière en avant
(de haut en bas en ayant égard à la station de l'oiseau). Cepen-
dant, si l’on considère la coupe représentée planche I, figure 1,
il est facile de voir qu'en abordant le renflement lombo-sacré
dans la direction sus-indiquée, en pénétrant dans le prétendu
sinus rhomboïdal, en allant attaquer ses parois, la substance
grise est, de toutes les parties de la moelle, celle qui se dérohe
le plus à l’action expérimentale : vers la partie centrale on attein-
dra les fibres blanches qui forment la commissure ou décussation
antérieure ; sur les côtés, on atteindra les cordons postérieurs,
mais il faudra un hasard bien particulier pour aller effleurer la
partie de substance grise intermédiaire aux cornes antérieures
et postérieures, l: seule qui fasse partie des parois de la préten-
due cavité rhom' ïidale.
L'étude anatomique du sinus rhomboïdal des oiseaux est donc
d’une grande importance au point de vue des recherches physio-
logiques, et les notions nouvelles sur sa constitution obligent à
revoir les interprétations des expériences dont il a été l'objet.
19 MATHIAS DUVAL. — RECHIERCHES
Ces expériences sont dues à Brown-Séquard (1). Voici le résumé
qu’en donne Vulpian (2) : « Sur certains animaux, l'expérience
(excitation directe de la substance grise médullaire) peut être
faite sans lésion préalable de la moelle, et, par conséquent, sans
qu’on puisse objecter que l’excision de la partie postéro-latérale
des faisceaux blancs médullaires a pu faire disparaître l’excita-
bilité de la substance grise sous-jacente : ces animaux, ce sont
les oiseaux, dont la moelle épinière, dans la région lombaire,
s’ouyre au niveau du sillon supérieur (postérieur chez l’homme)
en produisant, par l’écartement de ces faisceaux supérieurs
(postérieurs), un ventricule rhomboïdal dont le plancher est
revêlu par la substance grise étalée. M. Brown-Séquard a montré
que les excitations directes expérimentales de la substance grise
en ce point ne déterminent aucune réaction motrice, sensitive,
ou excito-motrice. L'expérience a été répétée par divers physio-
logistes et elle a toujours donné le résultat négatif indiqué. Tou-
tefois, le contact de l’air paraît produire, sur cette substance
grise du sinus médullaire des oiseaux, une excitation spéciale
déterminant une sorte d’ataxie des mouvements plus ou moins
analogue à celle que produit l’ablation du cervelet. »
M. Brown-Séquard a insisté récemment sur les phénomènes
ataxiques produits par l’excitation du sinus rhomboïdal des oi-
seaux (3). Il est évident que si les excitations ont été portées dans
la profondeur du sinus rhomboïdal et sur la ligne médiane, elles
ont dû atteindre la commissure ou décussation blanche anté-
rieure; les phénomènes d’ataxie des mouvements volontaires
seraient donc dus à l'excitation de ces faisceaux blancs ; c’est ce
que nous espérons montrer bientôt en publiant une série de
recherches que nous avons entreprises à ce sujet; nous verrons
en effet que, chez les oiseaux, la décussat on lombo-sacrée doit
être considérée comme une décussation ana ‘gue à celle des pyra-
(1) Brown-Séquard, Sur un trouble singulier des mouvements volontaires qui
semble produit par l'action de l'air sur la substance grise du ventricule de la moelle
épinière sur les oiseaux (Medical Examiner, 1853, p. 143).
(2) Vulpian, Dict. encycl. des sciences méd. (Art. MOELLE ÉPINIÈRE, p. 344).
(3) Voy. ci-dessus (p. 5, note 1),
SUR LE SINUS RHOMBOIÏDAL DES OISEAUX. 13
mides bulbaires, ou, pour mieux dire, comme une décussation
identique, mais tardive, c'est-à-dire plus inférieure (postérieure).
L’étude de la disposition de la substance blanche au niveau du
sinus rhomboïdal montre également combien cette région est
favorablement disposée pour porter l’expérimentation sur les
cordons postérieurs, que l’on trouve nettement isolés de leurs
congénères du côté opposé (pl. [, fig. 1 et 2). Dans un prochain
travail, nous présenterons le résultat des recherches que nous
avons instituées à ce sujet.
C. Opinions diverses émises sur la nature du contenu du sinus
rhomboïdal.— Nous avons précédemment donné quelques indi-
cations bibliographiques destinées seulement à montrer quelle
était l’opinion des auteurs contemporains sur le sinus rhomboi-
dal, et à faire sentir, par les résultats mêmes de nos recherches,
combien cette opinion doit être modifiée. Avant d'étudier his-
tologiquement le contenu du renflement sacré, nous devons pré-
senter, dès maintenant, une revue complète des travaux où ce suJel
a été traité. Ces recherches bibliographiques nous ont été, nous
devons le dire dès le début, rendues trés-faciles par les nombreu-
ses indications qu’a données à ce sujet Ludwig Stieda, dans une
monographie que nous analyserons plus loin, en suivant l’ordre
chronologique (1).
D’après tous les traités de névrologie, et notamment d’après
Tiedemann (Anatomie und Naturgesichte der Vogel, 1. Bd, Hei-
delberg, 1810, p. 728), Nicolas Steno (2), en 1667, aurait le
premier signalé le sinus rhomboïdal in Myologiæ specimen
s. muscul. descriptio geometrica, Florent., p. 108, car en par-
lant de cane Carcharia il fait allusion à une cavité rhomboïdale
développée dans la moelle des oiseaux.
Perrault en parle plus explicitement comme d'une ouverture,
d’une fente médullaire pleine d’une humeur lymphatique épaisse
(Mém. de l' Acad. des sciences de Paris, 1666-1699, t. IE, partie 2,
p. 800. — Description anatomique de trois aigles).
(1) Ludwig Stieda, Studien über des centrale nervensyslem der Vügel und Saü-
gethiere (Zeilschrifft f. Wissemchf. z0ol., 4869, p. 1).
(2) Voy. ci-dessus, p. 3, la citation empruntée à Longet.
A! MATHIAS DUVAL. —— RECHERCHES
Le sinus rhomboïdal a été représenté et assez pauvrement dé-
crit par Valentin (Amphaitheatrum zootomicum tabulis œneis
quam plurimis exhibens historiam animalium anatomicam.
Gissæ, 1720, t. Il, p. 7, tab. xLvi), et par Ol. Jacobæus (Act.
Hafn., vol. Il, Anatome psitaccr, p. 317). |
Cuvier, dans ses leçons d'Anatomie comparée, ne parle pas
du sinus rhomboïdal, mais, d’après L. Stieda, Meckel, dans
sa traduction (Cuvier’s Vorlesung über vergleichende Anato-
mie, ubersetz von Meckel. Leipzig, 1809, 2° partie, p. 193),
parle du renflement sacré de la moelle des oiseaux, et d'un
grand vide qu’il présente : ce vide serait produit, d’après Meckel,
par un brusque changement de direction (écartement violent)
des cordons postérieurs ; 1l est, dit-il, possible de produire ar-
tificiellement un écartement semblable dans le renflement bra-
chial. — Keuffel, en 1810 (De medulla spinali dissertatio.
Halæ, 1810.— Voy. Reil’s und Autenrieth’s Arch. f. Physiolog.,
Bd. 10: Ueber das Ruckènmark), reproduit à peu près textuel-
lement la description et l'interprétation de Meckel. — Par contre,
Gall et Spurzheim, dans leur ouvrage paru la même année que la
traduction de Cuvier par Meckel (Anatomie et physiologie du
système nerveux en général et du cerveau en particulier, vol. I.
Paris, 1809), ne parlent pas du sinus rhomboïdal, et donnent
même le dessin de l'axe cérébro-spinal d’un poulet, sans aucune
indication de ce sinus.
Jusqu'à présent, nous voyons les auteurs cités ne parler du
sinus rhomboïdal que comme d’une excavation résultant de l’exa-
gération du sillon médian postérieur au niveau du renflement
sacré. Avec Emmert, en 1811, une nouvelle interprétation est
mise au jour, grâce à la connaissance de l’existence normale et
constante d’un canal central dans l’axe cérébro-spinal, et nous
voyons dès lors les anatomistes se rattacher tantôt à l'opinion de
Meckel, tantôt à celle d'Emmert, tantôt enfin combiner les deux
manières de voir. Emmert, disons-nous, en 1841 (Beobachtungen
über einige anatomische Eingentumlichkeiten der Vôgel, — in
Reils und Autenrieths Arch. f. Physiologie. Bd X. Halle, 1811,
p.577), décrit le renflement sacré et le sinus rhomboïdal du
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 45
pigeon : il considère le sinus rhomboïdal comme éapissé de
substance grise et plein d’une substance gélatineuse : « Le sinus
rhomboïdal, dit-il, paraît être une dilatation du canal qui parcourt
toute la longueur de la moelle. » (Citation très-remarquable.
C’est le point de départ de l'opinion classique.)
Nicolaï (Ress Arch. f. Physiologie, Bd. XI, 1812. Ueber das
Ruckenmark der Vügel.und die Bildung desselben in bebrüten
E1) dit que : « Dans la région sacrée se détachent de très-grosses
racines, et la conformation du sinus rhomboïdal paraît en rap-
port avec la violence avec laquelle les nerfs quittent les cordons
médullaires; là où le sinus est le plus large, de là partent les
plus gros nerfs. » Nicolaï n'a pas vu le canal central de la moelle,
et par suite n’en parle pas pour la formation du sinus rhomboi-
dal. Il ne parait pas avoir eu connaissance du travail d'Emmert.
Tiedemann (Anatomie und Naturgeschichte der Vügel, 1,
Bd. 1813, p. 644) insiste sur l'existence du canal central de la
moelle et considère le sinus rhomboïdal comme son élargis-
sement.
Carus (Versuch einer Darstellung des Nervensystems und
Gelairns. Leipzig, 1814) dit : « Le sinus rhomboïdal ne provient
pas purement de l'élargissement du sillon postérieur de la moelle,
comme semblent le penser plusieurs auteurs récents, mais bien,
comme l'ouverture de la moelle allongée en quatrième ventri-
cule, de ce que le canal central s’élargit et s’ouvre. » (Voyez
encore du même auteur : in Zootomie ; 2 Auflage, K° partie.
Leipzig, 1834, page 70.)
Burdach (Vom Bau und Leben des Gehirns. 1 Bd. Leipzig,
1319, p. 116) se rattache à l'opinion de Garus et d'Emmert.
Remak (Observationes anatomicæ et microscopicæ de syste-
matis nervosi structurd. Berlin, 1838, p. 18) a le premier exa-
miné au microscope le contenu du sinus rhomboïdal. I dit :
« In substantiâ, quæ in ventriculo rhomboïdali avium invenitur,
substantiæ vitreæ extus simili, intus non fibras reperi, sed tan-
tum globulos, globulis adiposis similes (sed æthere non solvun-
tur), corpuscula nucleata et vasa capillaria: » Ces résultats de
Remak sont d’une remarquable précision; ils concordent exac-
16 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
tement avec ce que nous à donné la simple dissociation du con-
tenu du sinus (ci-dessus, p. 5 et 6). Malheureusement, nombre
d’anatomistes se succèdent ensuite, ne faisant que reproduire les
faits énoncés par Remak, sans pousser plus loin les investiga-
tions à l’aide du microscope, ou même revenant à des opinions
plus anciennes. C’est ainsi que :
Wagner (Lehrbuch der vergleichenden Anatomie. Leipzig,
1835, p. 404) se ratiache à l’opinion de Carus et regarde le
sinus rhomboïdal comme une cavité dépendant du canal central,
Swan (J{lustrations of the comparative Anatomy of the ner -
vous system. London, 1835) figure (planche XXIT, fig. 10) le
sinus rhomboïdal, sans s'expliquer à son sujel.
Owen (Art. Aves, in the Cyclopedia of Anatomy and Physio-
logy, vol. I. London, 1855) se rattache à l'opinion de Carus.
Hay (De sinu rhomboïidali in medullà spinali avium. Diss.
inaug. Hales, 1844) se rattache à l'opinion de Carus.
Natalis Guillot (Exposition anatomique de l’organisation du
centre nerveux dans les quatre classes d'animaux vertébrés. Pa-
ris, 1844) s'exprime très-vaguement à ce sujet.
Metzler (De medullæ spinalis avium texturd. Diss. inaug.
Dorpati, 1855) regarde le sinus rhomboïdal comme l’élargisse-
ment de la fissure postérieure, car il a pu, dit-il, suivre le canai
central parfaitement fermé dans toute la longueur de la moelle.
La substance gélatineuse, placée entre les cordons postérieurs, est
regardée par lui comme du tissu conjonctif : « Tela conjoncliva
in primo evolutionis gradu. »
Bidder et Kupfer’s (Untersuchungen über die Textur des Ruc-
kenmarkes. Leipzig, 1857) ne font, sur la moelle des oiseaux,
que reproduire ce qu'avait dit Metzler.
Il faut arriver jusqu’à Leydig pour trouver de nouvelles
recherches microscopiques sur le sinus rhomboïdal. Ces travaux
ont été publiés dans les Archives de Muller (1854. — Kleinere
Mittheilungen zu thierische Geweblehre). D'après Stieda, auquel,
nous le répétons, nous devons d’avoir pu retrouver la plus grande
partie de ces indications bibliographiques sur les auteurs alle-
mands, Leydig aurait également traité ce sujet dans son Manuel
SUR LE SINUS RHOMBOIÏDAL DES OISEANX. 17
d'histologie comparée (Lehrbuch der Histol, d. Mensch. und d.
Thiere. Francfort, 1857); mais nous n’avons pu en trouver aucune
trace dans la traduction française de cet ouvrage (Paris, 1866,
par Lahillonne). Quoi qu’il en soit, voici à peu près textuelle-
ment l’opinion de Leydig sur le tissu du sinus rhomboïdat : « Ge
tissu, dit-il, est formé de cellules d’un aspect particulier, trans-
parent, qui s’envoient des prolongements anastomotiques, d’où
un tissu réticulé, dans les mailles duquel est placée une substance
homogène. » Ainsi Leydig, dès 1854, aurait le premier affirmé,
à la suite d’un examen microscopique, la prétendue nature
conjonctive du tissu qui remplit le sinus rhomboïdal (voyez
Metzler, ci-dessus).
Stilling (Neue Untersuchungen uber den Bau des Rucken
markes. Cassel, 1859) adopte une opinion déjà ancienne et con-
sidére le sinus rhomboïdal comme un élargissement de la fissure
postérieure, Il décrit le tissu qui le remplit comme formé de cel-
lules rondes et polyédriques, qu'il considère comme de nature
nerveuse, Car il dit textuellement (op. ct., p. 1114) : « La masse
qui remplit le sinus rhomboïdal des oiseaux me paraît être le
résultat d’une substance gélatineuse centrale ayant subi un grand
développement, mais identique aux autres parties gélatineuses
de la moelle, c’est-à-dire que ses cellules sont des cellules ner-
veuses. »
Lockhart-Clarke décrit et figure le renflement sacré de la
moelle des oiseaux (Further researches on the gray substance of
the spinal cord., in Philosoph. transactions. 1859, b. 437).
« La pie-mère, dit-il (Op. cit., p. 465), descend et pénètre dans
le sillon médian postérieur et va prendre la place occupée par la
commissure postérieure. » Il est facile, en examinant ses figures
(Op. cit., pl. XXII, fig. 35 et 36), de se convaincre que l’auteur
n'a eu à sa disposition que des préparations défectueuses du pré-
tendu sinus rhomboïdal. Ce fait que L. Clarke considère le tissu
du sinus rhomboïdal comme une dépendance de la pie-mère est
important à noter ; car cet auteur est le seul, à notre connais-
sance, qui ait étudié le développement de la moelle du poulct à
ce niveau, el nous verrons que son opinion sur la constitution du
JOURN, DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — Te XIII (18771 2
18 | MATHIAS DUVAL. —— RECHERCHES
renflement sacré de l'oiseau adulte n’a pas été sans influence
sur la manière dont il a interprété les faits embryologiques.
De Siebold et Stannius reproduisent en partie les opinions
anciennes, et en partie les résultats histologiques de Leydig,
résultats qui, disent-ils, auraient été confirmés par Valentin.
« Le renflement postérieur de la moelle des oiseaux présente
une particularité remarquable : les colonnes postérieures de la
moelle s’écartent ici l’une de l’autre, puis se réunissent de nou-
veau après un court trajet : il en résulte une fissure assez large
qui porte le nom de sinus rhomboïdal. Valentin a trouvé de
grandes cellules à parois très-minces et pourvues d’un novau
dans le liquide coagulable du sinus rhomboïdal (1). »
En 1869, Ludwig Stieda (Zertschrift f. Wiss. Zooloq.) a publié
un travail remarquable sur le système nerveux central des
oiseaux, et a été ainsi amené à rechercher la nature du sinus
rhomboïdal et de son contenu. Il considère ce sinus comme
formé par une forte dilatation du sillon médian postérieur (sus
longitudinalis superior. — Op. cit.,p.3 etA); la substance qui
remplit cette dilatation serait, d’après lui, un tissu gélatineux
(Gallersubstanz) formé d’un prolongement de la pie-mére, d’une
cloison comme celle qui pénètre dans le sillon médian antérieur.
Mais ce prolongement du tissu de la pie-mère ne pénétrerait pas
jusqu’au centre de la moelle, jusqu’au canal central : celui-ct,
parfaitement clos dans toute la longueur du canal médullaire,
serait, au niveau du renflement sacré, creusé dans un tissu par-
ticulier (swbstantia reticularis), formé d’un réseau délicat de
fibres anastomosées (1) ; des noyaux seraient placés au niveau
des nœuds du réseau. |
Les résullats que nous allons exposer nous conduiront à des
conclusions bien différentes de celles émises par Stieda, car ils
nous montreront la substance du sinus rhomboïdal comme for-
mé partout par le même tissu, aussi bien dans les parties pro-
(1) De Sichold et Stannius, Anat. comparée (trad. fr., par A. ge et Th, La-
cordaire), p. 306.
(1) Stilling indique vaguement une distinction analogue (voy. Neue Untersu-
chungén über den Bau der Ruckenmarks, 5° fascicule, Cassel, 1859, p. 1114).
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 19
fondes que dans les parties superficielles (supéro-postérieures).
Ce n’est pas le seul point sur lequel nous nous trouverions en
désaccord avec le professeur de Dorpat, si nous avions à nous
étendre longuement sur les diverses parties de la moelle des
olseaux, cest ainsi, par exemple, que l’anatomisie que nous
venons de citer, loin d’être frappé de la disposition oblique des
fibres qui se décussent dans la commissure antérieure, continue
à décrire ces faisceaux comme constituant essentiellement une
commissure transverse entre les deux moitiés latérales de sub-
stance grise (Op. cit., p. 10, 14, 12).
IV. — Du TISSU CONTENU DANS LE SINUS RIHOMBOÏDAL.
En examinant avec un grossissement supérieur à 500 diamètres
un point quelconque du tissu du prétendu sinus rhomboïdal, sur
une coupe semblable à celle figurée pl. F, fig. 2 et 2, on trouve
que ce tissu, à part quelques légères modifications locales que
nous étudierons plus loin, est partout semblable à lui-même.
Il est formé de grosses cellules, polyédriques, dont les côtés
offrent une coupe presque rectiligne : leur cavité est transpa-
rente; elles renferment toujours un noyau autour duquel on
trouve un peu de substance granuleuse (pl. EF, fig. 4). Le dia-
mètre de ces cellules est de 30 à 60 millièmes de millimètre ;
l'épaisseur de la paroi est en moyenne inférieure à 1 millième
de millimètre; leur noyau a A millièmes de millimètre. Ce noyau
n’est pas situé au centre de la cellule; il est toujours proche de
l’un des points de la paroi, mais toujours distinct de celle-ci, car
il n’est pas en contact immédiat avec elle.
Ainsi, l'aspect réticulé du tissu à un faible grossissement n’est
qu’une apparence; il est dù à l’intersection des parois de cel-
lules superposées dans une coupe qui comprend plusieurs rangs
de cellules (pl. L, fig. 3 et 6); les noyaux sont situés dans ces
cellules, et nullement dans des nœuds ou points d’intersection
des fibres d’un tissu réticulé.
Ce premier point établi, il nous faut déterminer la nature du
contenu de ces cellules, leurs rapports de connexion avec les:
ue
20 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
autres parties de la moelle, st enfin examiner ultérieurement
leur origine embrvyologique.
Nous avons appliqué à l’élude de ces éléments anatomiques la
plupart des procédés de dissociation aujourd’hui classiques en
histologie. En opérant soit sur des pièces fraiches, soit sur des
pièces conservées dans la liqueur de Muller, soit enfin en examinant
de fines coupes de moelles durcies par l'acide chromique, il est
facile de se convaincre que la nature de ces cellules n’a aucun
rapport avec celle des vésicuies adipeuses; elles ne contiennent
qu’un liquide légèrement albumineux, ainsi que le montre l’action
de la chaleur ; en dissociant ce tissu plongé quelques instants dans
de l’eau en ébullition, on conslate dans la cavité des cellules de
fines granulations d’albumine coagulée; sur de fines coupes de
üssu durci dans l'acide chromique, ces cellules paraissent vides
ou pleines d’un liquide transparent ; elles n’offrent alors à signa-
ler que la présence du noyau et de la petite masse granuleuse qui
le rattache à la paroi de la cellule (pl. [, fig. 4, 6, c). La coupe
de ce tissu ressemble alors tout à fait à une coupe de la corde
dorsale, ou bien encore, à part les dimensions, à une coupe de
moelle de sureau.
Ces cellules sont polyédriques par pression réciproque ; elles
reprennent en effet la forme de vésicules sphériques par l'effet
de la dissociation; elles préseutent, du reste, normalement et 2x
situ, cet aspect sphérique dans certaines régions que nous étu-
dierons bientôt. |
L'usage de l'acide osmique ne donne aucune réaction particu-
hére ou ulile à noter pour l’étude de ces éléments (voy. ci-dessus
page 7). |
Quels sont les rapports de connexion de ces éléments avee les
parties voisines, c’est-à-dire d’une part avec les substances grise
et blanche de la moelle, d'autre part avec la pie-mère, et enfin
avec l’épithélium du canal central ?
Les connexions avec la substance blanche sont faciles à consta-
ter au niveau de la commissure blanche antérieure (fibres dé-
cussées) ; le tissu vésiculeux en question existe au niveau de la
commissure blanche : il forme là comme une gangue, dans la-
_—
SUR LE SINUS RHOMBOIDAL DES OISEAUX. SA
quelle se glissent les fibres nerveuses (pl. I, fig. 3); mais comme
ici ce tissu n’est plas isolé et réduit à lui-même, il est plus diffi-
cile à bien distinguer, et il serait facilement pris pour un tissu
réticulé, avec nœuds, ou intersections de fibres et noyaux au
niveau de ces nœuds, si l'examen des extrêmes limites posté-
rieures de la eommissure (pl. [, fig. 3) ne permettait de consta-
ter l’identité de ce tissu à aspect réticulé avec le tissu de grosses
cellules vésiculeuses qui occupent une si vaste étendue dans tout
l'espace dit cavité du sinus rhomboïdal.
Il en est de même vers les points de contact entre ce tissu et
la substance grise centrale (en arrière de épanouissement de la
commissure blanche). Du reste, l'étude du développement de
ces parties nous fournira sur ce sujet les plus amples rensei-
gnements. |
Au niveau du canal central et des éléments anatomiques qui le
circonscrivent, ce n’est pas une connexion, mais une véritable
continuité, une transformation graduelle de tissu que l’on cun-
state. En examinant, en effet (pl. [, fig. 3, en a), les cellules qui
forment l’épithélium du canal, on voit qu’en dehors de ces
cellules cylindriques se trouvent quelques cellules polyé-
driques ou sphériques remplies d’un protoplasma granuleux
avec un noyau trés-dishinct. Le diamètre de ces cellules est envi-
ron de 10 millièmes de millimètre. Plus en dehors encore, on
trouve des cellules dont le diamètre monte successivement de 10
à 20 et 30 millièmes de millimètre, en même temps que leur
contenu devient transparent et ne présente plus, comme masses
granuleuses, que les petits tractus rattachant le noyau à la paroi
cellulaire. En un mot, on peut suivre toutes les transitions des
cellules épithéliales et sous-épithéliales, aux cellules grosses et
vésiculeuses qui forment toute la masse remplissant le prétendu
sinus rhomboïdal.
Du côté de la pie-mère, c’est-à-dire vers les limites posté-
rieures de la préparation (en g, pl. I, fig. 1), on voit qu’il n’y a,
entre la pie-mère et le tissu vésiculaire, que de simples rapports
de contiguité : la pie-mère forme une enveloppe d’ordinarre con-
tinue, à la face interne de laquelle viennent s'appliquer des cel-
22 MATHIAS DUVAL. —— RECHERCHES
lules vésiculeuses ; à ce niveau, ces cellules sont souvent tassées
et aplaties d'avant en arrière, de telle sorte qu’elles forment un
tissu plus compacte et en apparence de nature différente; c’est ce
qui a fait croire à Stieda (voy. ci-dessus, p. 18) que dans le
sinus rhomboïdal se trouvaient deux substances différentes, dont
l’une, située en arrière de la commissure blanche, serait une
dépendance de la névroglie périépendymaire, et l’autre, située
en arrière de la précédente, serait une dépendance de la pie-
mère, Cette manière de voir ne saurait se soutenir si l’on exa-
mine de bonnes préparations.
Nous avons dit que la pie-mère, au niveau du sinus rhomboï-
dal, en arrière du tissu à cellules vésiculeuses, formait d'ordi-
naire une membrane continue. Mais elle est souvent interrompue
et comme largement perforée (pl. I, fig. 2). Nous ne croyons pas
que cette disposition, que nous avons constatée sur des coupes
de renflement lombo-sacré de moineau (fig. 2), ou de poule,
ou de pigeon, puisse être attribuée à une rupture qui se serait
produite pendant que la pièce macérait dans les réactifs durcis-
sants ; nous pensons, au contraire, que cest une disposition qui
existe parfois sur l’animal vivant : en effet, si, le plus souvent,
lorsque l’on met à nu, sur un oiseau fraichement tué, le sinus
rhomboïdal, en l'abordant par sa partie postérieure (supérieure),
le contenu de ce sinus se présente comme une goutte de liquide
clair ou de gelée tremblotante emprisonnée sous une fine mem-
brane, 1l arrive aussi très-souvent que ce tissu s’étale et se dé-
verse sur les côtés de la pièce, dès qu’on a enlevé, avec les plus
minulieuses précautions, la partie postérieure (supérieure) de
l'enveloppe osseuse de la moelle, c’est-à-dire que, sur le vivant,
le tissu vésiculeux peut se trouver extravasé hors de la pie-mèêre,
ainsi que le montre en coupe la figure 2, planche I. Nous décri-
rons donc comme normales, ou pour mieux dire comme nor-
malement préexistantes, les modifications importantes que pré-
sente alors le tissu vésiculeux, et dans ses dispositions générales
et dans la forme de ses éléments. 1
= Dans les cas où la pie-mère est largement perforée (pl. I,
fiy. 2), le tissu vésiculeux déborde entre elle et les autres enve-
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 23
loppes, tapissant le canal du rachis; mais la disposition la plus
remarquable, dans ce cas, est celle que l’on observe sur les par-
ties latérales (en o, pl. 1, fig. 2), où le tissu vésiculeux se répand
comme une sorte d’écume. Gette expression rend assez bien l’as-
pect que peut présenter, à un faible grossissement, la disposition
de ce tissu, débordant alors en dehors de la pie-mère jusqu’à
aller au contact des racines postérieures (tapissées de leur gaîne
de pie-mère). |
Si l’on examine avec un grossissement plus considérable les
cellules qui composent ces parties du tissu vésiculeux (en 6,
fig. 2, pl. L; voy. pl. [, fig. 5. Gross. de 220 à 250), on voit que
ces cellules, libres ici de toute compression, ont repris la forme
sphérique, abandonnant la forme polyédrique, qui, nous l'avons
dit, dans les autres régions, n’est due qu'à un état de pression
réciproque (d’où l'aspect réticulé du tissu). Ces cellules sont
alors vésiculeuses au dernier point, c’est-à-dire qu’elles sont
pour la plupart réduites à une simple enveloppe, plus ou moins
plissée (pl. L, fig. 5), et que le noyau même a disparu dans plu-
sieurs d’entre elles (en b).
Les lambeaux de la pie-mère déhiscente se trouvent placés,
comme le montre la figure 2, planche I, au milieu du tissu vési-
culeux : c’est cette disposition, observée sans doute par Stieda,
qui aura été une des raisons pour lesquelles cet observateur a
divisé le tissu du sinus rhomboïdal en deux parties distinctes,
comme nature et comme provenance, ainsi que nous l'avons dit
précédemment. Mais une disposition de ce genre, sur des ani-
maux à tissu réticulé perforant et débordant la pie-mére, se pré-
sente avec des caractères remarquables, surtout lorsqu'on
examine des coupes portant sur les limites du sinus rhomboïdal,
c’est-à-dire sur les points où le renflement lombo-sacré se conti-
nue avec la moelle dorsale, ou sur ceux où il se continue avec Île
filum terminal. Le tissu réticulé ayant débordé la pie-mêre aussi
bien selon l’axe longitudinal de la moelle que selon la direction
transversale, on trouve ici (pl. IL, fig. 1) le tissu réticulé comme
séparé en deux couches (a! et 0’) par la pie-mère (g); mais des
coupes longitudinalés permettent facilement de constater que le
2 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
tissu figuré en Ÿ' se continue avec le tissu figuré en & (dont il n’est
qu’une exubérance), absolument comme Île tissu (pl. I, fig. 2)
figuré en o se continue avec celui indiqué en 0. Nous devions
cependant insister sur ces dispositions, car elles sont très-propres
à expliquer l’opinion émise par Stüeda, ainsi qu'il est facile de
s'en convaincre en comparant avec ses figures nos figures 1 de
la planche IT et 2 de la planche I.
Avant d'aborder l'étude du développement du renflement
lombo-sacré et de £a substance vésiculeuse chez les oiseaux,
nous devons encore indiquer comment se comporte cette sub-
stance dans les points de jonction entre le renflement lombaire et
les parties sus et soùs-jacentes de l'axe médullaire (moelle dorse-
lombaire et moelle sacrée, filum terminale). Nous serons brefs
dans cette étude, qui recevra son complément nécessaire et sa
signification par celle même du processus de développement.
La figure 2 (pl. Il) réprésente une coupe de la partie supé-
rieure du prétendu sinus‘rhomboïdal : les cordons postérieurs
se rapprochent et tendent à venir au contact l’un de l’autre;
entre eux se trouve encore une certaine quantité de tissu vési-
culeux (en a), qui n'’occupe que la moitié antérieure de cet
espace ; la pie-mèêre passe des cordons postérieurs (/f) sur ce pro-
longement de tissu vésiculeux; plus en avant (en b), ce tissu vésicu-
leux remplit encore un assez vaste espace, entre les deux moitiés
de substance grise médullaire d’une part et la commissure anté-
rieure d'autre part (c); le canal central est presque en contact
direct avec celle commissure.
La figure 8 (pl. Il) représente une coupe pratiquée à un ni-
veau encore plus supérieur (plus antérieur) : les cordons posté-
rieurs (/, /) sont arrivés au contact l’un de l’autre, et la pie-
mère seule les sépare; en avant d’eux, on trouve encore la sub-
stance vésiculeuse dont la coupe est réduite cette fois à une faible
surface, limitée, en avant comme sur les côtés, par la substance
grise de la moelle. La coupe du canal central (+) se trouve placée
dans une mince couche de substance grise, immédiatement en
arrière de la commissure blanche ou antérieure (c).
En examinant avec un fort grossissement des coupes du genre
SUR LE SINUS RHOMPOÏDAL DES OISEAUX. 25
de celles que nous venons de décrire (fig. 2 et 3, pl. Il), on ob-
serve, au point de vue des rapports de contiguité ou plutôt de
continuité, entre la substance grise médullaire et la substance
vésiculeuse, les mêmes dispositions que nous avons décrites plus
haut relativement aux cellules vésiculeuses et au cellules épithé-
liales du canal central (voy. explic. de la fig. 3, pl. D). C’est-à-
dire que les cellules vésiculeuses (en à, fig. 2 et 5, pl. Il) sont
une transformation des cellules plus petites et à protoplasma plus
abondant qui composent les parties voisines de la substance
grise (en d, d, fig. 2 et 3, pl. Il). Si l'on suppose, par exemple,
les cellules de la couche grise placée, dans la figure 3, immédia-
tement en arrière de la commissure, et renfermant le canal cen-
tral, si, disons-nous, on suppose ces cellules subissant la trans-
formation vésiculeuse, on aura alors l'aspect présenté par la
figure 2, où le canal central est entouré de tous côtés par du
tissu vésiculeux (4, b).
L’aspect représenté figure 2 et surtout figure 3 (pl, ID) subsiste,
mais sous des formes très-restreintes, dans toute la longueur de
la moelle de l'oiseau : la substance (4, b) se trouve toujours au-
tour du canal central en plus ou moins grande abondance, formée
de cellules vésiculeuses, et plus ou moins mélangée à des cellu-
les n'ayant pas subi la transformation vésiculeuse. Dans cette
formation complexe, les cellules vésiculeuses, avec leurs con-
tours polyédriques et leurs noyaux, affectent on ne peut plus
nettement l'aspect d’un tissu réticulé ; mais l’étude de ce tissu,
au niveau de la partie la plus large du renflement lombo-sacré,
où il est réduit à sa forme la plus simple, nous autorise à ne
voir en lui qu’un agrégat de cellules vésiculeuses à noyaux ; c’est
dans ce sens que nous avons, en communiquant à la Société de
biologie les premiers résultats de nos recherches à ce sujet,
formulé notre opinion sur le tissu réticulé dit névroglie péri-
épendymaire ; mais nous ne voulions parler et nous ne par-
lons encore que de la névroglie péri-épendymaire des oiseaux :
« Le sinus rhomboïdal, disions-nous dès lors (1), est une ca-
(1) Société de biologie, 29 juillet 1876 (Compte rendu, p. 286).
26 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
vité factice, créée, lors de l'isolement de la moelle, par l’arra-
chement d’une substance qui remplit complétement l’espace
situé entre les cordons postérieurs de la moelle. Le canal central
ne s’ouvre pas à ce niveau ; il continue son trajet sous forme de
canal fermé, etil est creusé dans la substance gélatineuse qui
remplit le prétendu sinus rhomboïdal. Gette substance gélati-
neuse, entourant le canal central, se présente alors comme une
masse particulière, provenant en ce point (sinus rhomboïdal)
d'un développement considérable de la névroglie péri-épendy-
maire, qui, partout ailleurs, ne forme qu’une couche relative-
ment très-mince autour du canal central. Aussi peut-on, au
niveau du sinus rhomboïdal des oiseaux, étudier très-facilemént
la nature de la névroglie péri-épendymaire et se convaincre que,
si elle a Paspect d'un #ssu réticulé, telle n’est point sa vraie
nalure : la névroglie péri-épendymaire est ici formée de grosses
cellules vésiculeuses pressées les unes contre les autres, consti-
tuant un tissu qui ressemble à celui de la corde dorsale. » L’é-
tude du développement du renflement sacré confirmera ces
premières conclusions.
V. — DÉVELOPPEMENT DU SINUS RHOMBOÏDAL ET DE SA
SUBSTANCE VÉSICULEUSE.
L'idée dominante, dans les ouvrages classiques au sujet du
développement de la région bulbaire chez tous les vertébrés, et
du renflement lombo-sacré chez les oiseaux, est que la disposition
de ces parties serait due à ce qu’à leur niveau la gouttière nerveuse
primitive ne se fermerait pas en canal, mais subsisterait sous la
forme de demi-cylindre largement ouvert. Nous nous proposons
de montrer que cette conception est erronée aussi bien pour le
quatrième ventricule que pour le prétendu sinus rhomboïdal,
et que, de plus, s’il y a occlusion de la gouttière primitive, dans
l’une comme dans l’autre région, cette ocelusion se fait, dans la
région lombo-sacrée des oiseaux, par un processus et par des
modifications histologiques d’un caractère tout particulier.
Nous commencerons, comme point de comparaison, par l'étude
SUR LE SINUS RHOMBOIÏDAL DES OISEAUX. 927
du développement de la région bulbaire, c’est-à-dire du quatrié-
me ventricule ou ventricule bulbaire (cérébelleux).
Dans les deux premiers jours de l’incubation, les futures ré-
gions bulbaire et sacrée dé la moelle de l'embryon de poulet ne
présentent pas des différences qui puissent faire prévoir combien
elles seront dissemblables ultérieurement. Sur des coupes em-
pruntées à un embryon à la fin du deuxième jour, on voit que
la gouttière nerveuse n’est pas encore fermée au niveau de sa
partie postérieure ou future région lombo-sacrée (pl. IL, fig. 4),
tandis qu’à la partie antérieure l’occlusion est déjà complète
(à peu près comme dans la fig. 5, pl. Il) (1); mais bientôt, c’est-
à-dire dès lé troisième jour de l'incubation, la gouttière est
complétement transformée en canal dans toute son étendue et
se présente, notamment dans la région lombaire, sous l’aspect
représenté en coupe, planche IL, figure 5 ; la cavité présente une
coupe allongée de la région dorsale vers la partie ventrale (vers
la corde dorsale ; e, fig. 5). Nous verrons bientôt que cette forme
de fente s’accusera de plus en plus dans cette région avec les
progrès du développement.
_ À. Développement du ventricule bulbaire. — 1 en est tout
autrement au niveau de la région bulbaire : après occlusion de
la gouttière, le canal ainsi formé prend aussitôt une forme
cylindrique, ainsi que le représente la figure 4, planche III. Les
parois du canal médullaire sont formées par de nombreuses cou-
ches de cellules, et ce tissu est encore en connexion (en d)
avec le feuillet externe ou corné (c), dont il provient. A mesure
que s'effectue la séparation entre le tube médullaire et le feuillet
corné, c’est-à-dire à mesure que le feuillet moyen (#, m, fig. 1
et 2) s'insinue entre ces parties désormais distinctes, on voit que
la cavité du canal médullaire présente, sur les coupes, des formes
qui s’éloignent de plus en plus de la forme représentée figure 1,
(1) C’est cet aspect qui a fait croire que la fermeture était très-lardive chez les
mammifères et ne se faisait jamais chez les oiseaux. «Chez les embryons humains,
dit Milne-Edwards (loco cil.), l’écartement des bords de cette gouttière persiste plus
dans la région lombaire que dans la région dorsale, et il en résulte une fosse tem-
poraire analogue au sinus rhomboïdal des oiseaux.» — Voy. aussi Forster et Balfour,
The elements of the embryologie, London, 1874, p. 61 et fig. 15.
28 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
pour prendre celle indiquée dans la figure 2; c’est-à-dire que
la cavité circulaire centrale, se rétrécissant graduellement dans
ses parties les plus rapprochées de la région de la corde dorsale
(ch), et s’étalant au contraire dans la partie qui confine au dos
de l'embryon, arrive à présenter sur une coupe la forme très-
nette de la lettre T («, a, fig. 2, pl. IT). En même temps, les
éléments cellulaires qui forment les parois du tube présentent
un développement bien différent dans les parties qui correspon-
dent, soit à la branche transversale, soit à la branche verticale
de ce T ; la partie supérieure de la branche horizontale du T (en
b', fig. 2) n'est plus formée que d’une ou, au plus, deux couches
de cellules, tandis que les parties qui limitent de chaque côté la
branche verticale sont constituées par des couches de plus en
plus nombreuses d'éléments cellulaires (gros noyaux, avec une
mince couche de protoplasma : en b, b, fig. 2, pl. IN). En même
temps, au dehors de ces couches de cellules, qui donneront nais-
sance à la substance grise du bulbe, on voit déjà apparaître les
premiers rudiments de la substance blanche (en /), c’est-à-dire
des cordons latéraux (1).
\ /
La manière dont cette partie de l'axe nerveux, présentant chez
l'embryon de poulet âgé de plus de six jours une coupe en forme
de T, se transforme au point de réaliser l’aspect bien connu
d'une coupe du quatrième ventricule, est on ne peut plus sim-
ple : les parties de substance grise qui limitent ce que nous
avons appelé Ja branche verticale du T se rapprochent l’une de
l’autre et finissent par se souder; il ne reste plus comme lumière
(comme coupe du canal central) que la branche horizontale du T,
laquelle se dilate et présente la forme d’une cavité triangulaire,
limitée en bas et en avant par d’épaisses couches de substance
grise, recouverte en haut et en arrière par une simple lamelle
d'éléments cellulaires, aux dépens des parties antérieures de
laquelle commence dès lors à se développer le cervelet. Ge pro-
cessus, que l'on suit très-bien sur le poulet, se montre de même
(1) Cet état du ventricule bulbaire en voie de développement a été bien figuré
pas Bættcher (Entioickelung und Bau des Gehürlabyrinths), et par Forster et
Balfour (op. cilal., fig. 17, 26 et 34).
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 29
chez les embryons de poissons ou de batraciens ; afin de donner
une figure dont les dimensions fussent en rapport avec celles
des précédentes, et pour éviter de reproduire les schéma donnés
par Bœttcher et par Forster-Balfour d’après le développement du
poulet, nous avons préféré représenter ce stade du développe-
ment d’après une coupe faite sur un trés-Jeune embryon de gre-
nouille: en comparant celte figure (fig. 3, pl. ID à la figure 2,
on saisit, mieux que ne saurait le préciser aucune description,
la manière dont se fait la transformation que nous avons essayé
d’esquisser rapidement dans les lignes précédentes.
Ainsi, le quatrième ventricule, ventricule cérébelleux ou bul-
baire, ne résulte nullement de la persistance de la gouttière mé-
dullaire : à ce niveau, la gouttière médullaire s’est parfaitement
occluse en canal d’abord cylindrique, puis à coupe étoilée, puis
enfin à coupe triangulaire, par l’oblitération de l’une des bran-
ches de celte étoile: ainsi s'explique la présence de la grande
masse de substance grise (pl. IL, fig. 3, en 4, b) placée en avant
et au-dessous de cette cavilé triangulaire, substance grise qui
forme chez l'adulte le plancher du quatrième ventricule, c’est-à-
dire les noyaux d’origine des nerfs bulbaires et protubérantiels.
Mais, en somme, et c’est là le fait important, la cavité du qua-
trième ventricule est une véritable cavité, dont la présence n’a
rien d’arlificiel, et qui représente le canal central du tube médul-
laire. — Nous allons voir qu'il en est tout autrement pour le
prétendu sinus rhomboïdal du renflement lombo-sacré.
B. Développement du sinus rhomboïdal. — Si de la figure 5
(pl. ID), qui représente le canal médullaire dans la région posté-
rieure du corps d’un embryon de poulet âgé de trois jours, nous
passons à l'étude de la figure 4 (pl. I) (embryon du 4° au
5° jour de l'incubalion), nous voyons que la lumière du canal
central a pris, sur la coupe perpendiculaire à l'axe du corps,
une forme de plus en plus allongée (a, a); en même temps, les
éléments cellulaires qui constituent les parois de ce canal forment
des couches plus nombreuses, surtout sur les parties latérales
(en b, b), aux extrémités desquelles on voit déjà se différencier
(en A et P) des masses plus sombres, plus colorables par le car-
30 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
min, et qui ne sont autre chose que les régions où vont se déve-
lopper les cornes antérieures (A) et les cornes postérieures (P).
À une époque plus avancée du développement (pl. HIT, fig. 5,
coupe de la région lombo-sacrée d’un embryon de plus de 5 jours),
le canal central a pris une forme de croix latine à branche trans-
versale très-courte ; cette configuration est due sans doute au
développement des régions qui donneront naissance aux cornes
antérieures et postérieures. On remarque en effet que les masses
cellulaires qui limitent le canal central, et en dehors desquelles
la substance blanche est déjà très-nettement apparue, se diffé-
rencient dès lors en régions distinctes : 1° en avant, la masse
qui formera les amas de grosses cellules motrices (correspondant
à l’origine des racines antérieures : comparez, pl. I, fig. 1 et 2)
est distincte des couches cellulaires (A”), aux dépens desquelles
se développera la substance grisé contiguë au canal central ;
2° en arrière, une différenciation semblable tend à se produire
(en B), mais elle n’est encore que faiblement indiquée.
Mais si l’on examine une coupe semblable empruntée à la ré-
gion lombo-sacrée d’un embryon plus âgé de quelques jours
(fig. 1, pl. IV, embryon de poulet vers le 10° jour de l’incu-
bation), on voit s'établir avec la plus grande netteté ces zones
distinctes. Les régions postérieures des masses cellulaires ont
dés lors dépassé en développement les parties antérieures ; aussi
le canal central (4, a) offre-t-il une coupe en forme de raquette :
les cornes antérieures (A) sont très-développées et bien distinc-
tes de la substance grise (A') voisine du canal central. En arrière,
la même distinction est encore plus accentuée : les cornes posté-
rieures (B), avec la substance blanche des racines (R) et
des cordons postérieurs, se sont portées en dehors, en diver-
geant et laissant entre elles une masse cellulaire, analogue à
celle qui entoure en avant le canal central, mais composée de
cellules présentant déjà un aspect général particulier et un mode
spécial d'évolution. |
Il est facile de le comprendre en considérant la figure 1, plan-
che IV, ce sont ces masses cellulaires placées entre les cornes
postérieures et le prolongement en raquette du canal central,
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 31
qui vont former les éléments du tissu vésiculeux du sinus rhom-
boïdal, et constituer par leur ensemble la masse qui remplit le
prétendu ventricule lombaire des oiseaux.
La figure 2, planche IV, nous montre les dernières transforma-
tions nécessaires pour nous ramener, des dispositions embryon-
naires figurées précédemment, jusqu'aux dispositions que pré-
sente l'oiseau adulte, telles que nous les avons étudiées d’après
les figures 4 et 2 de la planche [. Les masses cellulaires situées
entre les deux cornes postérieures augmentent de volume moins
par la prolifération que par la transformation vésiculeuse de
leurs éléments: elles arrivent ainsi au contact l'une de l’autre
et finissent par se souder. La ligne de soudure est bien visible sur
les embryons de dix-huit à vingt jours, c’est-à-dire à la veille de
l’éclosion : dès lors la lumière du canal central est réduite à la
partie antérieure de ce qu’elle représentait dans la figure 1
(pl. IV); pour continuer la comparaison employée précédem-
ment, nous pouvons dire que le manche de la raquette disparaît
par coalescence des parties qui le limitaient. Le canal central
est dès lors tel que chez l'animal adulte, mais cependant un peu
plus large (1).
Les cellules qui confinent immédiatement à la ligne de sou-
dure (fig. 2, pl. IV) sont en général d’un volume moindre que
celles situées plus en dehors (en B° B’, fig. 2); leur contenu pro-
toplasmique est encore très-apparent, et il se colore par le car-
min, comme pour les cellules qui, plus en avant, confinent im-
médiatement au canal central. Les éléments cellulaires remplis-
sant tout l’espace qui s'étend transversalement depuis la ligne
(1) C’est à peu près à cet état de développement, mais sans avoir suivi, dans cette
région, toutes les phases antérieures, que Lockart-Clarke a examiné le renflement
sacré des oiseaux : « Une section de la moelle d’un embryon de poulet au niveau
du renflement sacré montre, dit-il, que la partie interne des cordons postérieurs
se trouve remplacée par une masse de tissu connectif ayant la forme d’une
cloche. Ce tissu connectif est constitué par un réseau lâche de fibres reliées avec les
noyaux, et se continuant directement avec le tissu connectif de la partie interne du
cordon blanc postérieur et avéc le réseau de la tête de la corne, » (J. Lockbart :
Clarke, Researches on the developpement of the spinal cord.— Philosoph. Transacl.,
1852, p. 726, et Journ. de l'anat. et de la physiol. de Ch. Robin, 1864,
p. 4+98%)%
32 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
de soudure jusqu'à la substance grise des cornes postérieures,
ces éléments sont déjà vésiculeux, à contenu transparent, avec
noyau, et leur masse présente déjà l’aspect trompeur d’un tissu
réliculé, à peu près comme chez l'adulte.
Si ces transformations ne vont pas plus loin, si la moelle reste,
comme forme générale et développement des éléments voisins du
canal, dans un élat analogue à celui représenté fig. 2, pl. IV, elle
arrive, par l’achèvement de ses parlies grises et blanches, à don-
ner précisément les régions qui correspondent aux extrémités du
sinus rhomboïdal, telles que nous les avons étudiées précédem-
ment, d’après les figures 2 et 3 de la planche IT. Mais si la trans-
formation vésiculeuse se produit même dans les éléments cellu-
laires qui entourent le canal central définitif, jusque dans ceux
qui sont au contact de la commissure blanche antérieure (c,
Hg, 2, pl. IV), il en résulte les dispositions si caractéristiques de
la partie moyenne, la plus large, du renflement lombo-sacré.
Cette étude du développement montre donc, conformément aux
conclusions déjà énoncées, que :
1° La goultière nerveuse primitive se ferme dans toute son
étendue dès les premières époques de la vie embryonnaire ;
2° Le quatrième ventricule aussi bien que le prétendu sinus
rhomboïdal proviennent de transformations particulières du
canal central;
3° Tandis que le quatrième ventricule provient d’une dilata-
tion partielle et d’une occlusion (soudure) partielle du canal cen-
tral, le prétendu sinus rhomboïdal se forme par une oblitération
complète, ne laissant subsister dans le renflement lombo-sacré
qu'un mince canal identique à celui qui règne dans les parties
dorsale el cervicale de la moelle (1);
(1) 11 n’est pas vrai de dire que le canal central dont la coupe présente à un certain
moment (pl. I, fig. 4) la forme d’une fente antéro-postérieure, se ferme par la
coalescence seulement des parties moyennes des bords de cette fente, de telle sorte
que l’espace resté libre en avant de ce point de coalescence forme le canal central,
tandis que l’espace resté libre en arrière formerait le sillon médian postérieur.
Cette opinion, que nous combattrons avec plus de développements dans la suite de
nos études sur les centres nerveux et leur formation, a été soutenue, aprés Lockhart-
Clarke, par Forster et Balfour (op. cit., p. 187).
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 33
4° I n'y a donc plus à parler de sinus rhomboïdal, de ventri-
cule lombaire chez les oiseaux. Il v a à étudier chez ces animaux,
dans la partie postérieure (supérieure) du renflement lombo-
sacré, une vaste masse de tissu, en apparence réticulé, mais
formé en réalité de cellules vésiculeuses. Ce tissu occupe l’espace
qui sépare les cornes postérieures et les cordons et racines pos-
térieures. Dans la partie la plus large du renflement lombo-
sacré, le canal central est creusé au milieu même de ce tissu ;
5° Le tissu à cellules vésiculeuses interposé aux cordons et
cornes postérieures du renflement lombo-sacré arrive en arrière
au contact de la pie-mère; mais, malgré les apparences trom-
peuses qui peuvent résulter de la déchirure et de la perforation
de cette membrane, le tissu vésiculeux n’a aucun rapport de
composition ni d’origine avec cette membrane (1);
6 Ce tissu provient de la transformation des éléments cellu-
laires qui forment chez l'embryon les parois du tube médullaire :
tandis que ces éléments se transforment en certains points en
cellules nerveuses, en d’autres points en cellules épithéliales du
canal central, ils se transforment ici en un tissu particulier,
caractérisé, outre la forme vésiculeuse de ses éléments, par sa
transparence générale et par sa grande délicatesse ; il est facile-
ment déchiré et enlevé en entier, de manière à laisser un vaste
espace libre considéré comme un ventricule lombaire ;
7° Dans ce tissu, on rencontre quelques vaisseaux et quelques
fibres nerveuses (fig. 4, pl. 1).
Les résultats auxquels nous sommes arrivés, quoique partant
de cette idée préconçue que Le sinus rhomboïdal devait être ana-
logue au ventricule bulbaire, suffisent pour nous démontrer qu’il
n’y a aucune espèce de relation à établir entre ces deux ordres
(1) Il est impossible, avec de bonnes préparations, de confondre le tissu du sinus
rhomboïdal des oiseaux, avec la substance réticulée qui remplit parfois le canal
central de la moelle des poissons, et que Reissner a décrite comme une substance
fibrillaire (voy. Stieda, op, cit., p. 8). Le canal central de la moelle des poissons ren-
ferme un liquide coagulable qui, sur les pièces durcies, peut simuler, mais d’une
manière très-grossière, l'aspect d’un tissu. Nous possédons des coupes du bulbe
(ventricule cérébelleux) de la raie où il est très-facile de se rendre compte de la
nature exacte des prétendues Reissner’sche Centralfaien, comme disent quelques
auteurs allemands.
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (1877). 3
34 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
de formations. Reprenant, à un point de vue plus spécial, l'étude
du renflement lombo-sacré des oiseaux, dans un prochain travail
nous étudierons la disposition exacte des vaisseaux et des fibres
nerveuses que nous avons indiquées, ainsi que le développement
de ces derniers éléments. Nous analyserons également d’une ma-
nière plus intime le processus de transformation vésiculeuse des
cellules de ce tissu, en comparant l’évolution de ces éléments à
celle des cellules, primitivement semblables, qui se transforment
soiten cellules épithéliales, soit en cellulesnerveuses, etnousserons
ainsi amenés à nous rendre compte de la nature de la névroghe
périépendymaire chez les oiseaux, d’unè part, et, d’autre part,
chez les autres classes de vertébrés (1); nous présenterons éga-
lement les résultats fournis par quelques expériences d’inflam-
mation artificielle de ce issu, et les données physiologiques
résultant de sections nerveuses portant sur les cordons et sur la
substance grise, si nettement séparées en masses latérales dis-
tinctes au niveau du renflement lombo-sacré des oiseaux. Nous
aurons enfin à rechercher si le tissu vésiculeux se trouve déve-
loppé en masses plus ou moins considérables, selon qu’il est
étudié sur un oiseau dont la locomotion est due plus spéciale-
ment aux membres antérieurs ou aux membres postérieurs.
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE 1,
Fié 1. — Coupe pratiquée dans la partie la plus large du renflement
sacré d'un pigeon (Gross. 18).
a. Sillon médian antérieur,
b. Racines antérieures.
e. Racines postérieures.
d, Cordons latéraux.
(1) Nous aurons, en effet, à nous expliquer sur la signification réelle de la disposition
dela moelle des reptiles, disposition signalée brièvement par À. Serres : «Chez les
» reptiles, la profondeur des deux sillons (antérieur et postérieur) est égale en avant et
» en arrière : les lames postérieures de la moelle épinière sont écartées en haut de l4
» région cervicale, comme elles le sont en bas chez les oiseaux. (A. Serres, Anat.
comp. du cerveau des quaire classes de vertébrés. Paris, 1826, t. I, p. 458.)
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 39
f. Cordons postérieurs.
il. Canal central de la moelle au milieu de la substance vésiculeuse
de la prétendue cavité rhomboïdale.
g. Pie-mère formant une enveloppe partout continue.
Fic. 2. — Coupe pratiquée dans la partie la plus large du renflement
sacré d’un moineau (Gross. 20).
a. Sillon médian antérieur.
b. Racines antérieures.
e. Racines postérieures.
d. Cordons latéraux.
f. Cordons postérieurs.
0,0. Substance vésiculeuse (d'aspect réticulé) débordant latérale-
ment la pie-mère perforée.
o!'. Même substance en dedans de la pie-mère.
Fic. 3. — Le canal central et Le tissu qui remplit le sinus rhomboïdal,
dans la partie la plus large du renflement sacré d’un pigeon
(Gross. 230).
a. Canal central.
b. Cellules vésiculeuses dont deux couches sont visibles avec leurs
noyaux et leur aspect de tissu réticulé.
c. Décussation des fibres blanches qui forment la commissure
antérieure.
Fic. 4, — Cellules du tissu du sinus rhomboïdal, Moineau (Gross. 500).
a. Cavité d’une grosse cellule vésiculeuse à contours polyédriques.
b. Noyau d’une cellule semblable.
c. Léger tractus de substance granuleuse (protoplasma) rattachant
ce noyau à la paroi cellulaire.
Fic, 5. — Cellules du tissu du sinus rhomboïdal du moineau, prises au
point o de la figure 2 (Gross. 220).
a. Cellule avec noyau.
b. Cellule ne présentant plus de noyau.
PLANCHE Il,
Fie. I, — Coupe de la moelle d’un moineau au niveau de la limite supc-
rieure du renflement lombaire (Gross, 20). |
a: Sillon médian antérieur,
b. Racines antérieures.
6. Racines postérieures,
f. Cordons postérieurs.
a. Substance vésiculeuse dans le sillon médian postérieur.
g. Pie-mère à la région postérieure de la moelle.
_b. Substance vésiculeuse qui a débordé et s’est répandue en dehors
de la pie-mère (par une ouverture située à un niveau inférieur).
36 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
Fic. 2. — Pigeon : coupe au niveau de la partie supérieure du renflement
lombo-sacré. |
a. Substance vésiculeuse entre les cordons postérieurs (f).
b. Substance vésiculeuse centrale.
i. Canal central.
e. Commissure antérieure.
d. Substance grise limitant latéralement la substance vésiculeuse
(Gross. 50).
Fic. 3.— Poulet. Coupe située à un niveau supérieur (plus antérieur que
la précédente). (Gross. 50.)
c. Commissure antérieure.
b. Substance vésiculeuse centrale.
d. Substance grise qui confine aux parties latérales de la substance
vésiculeuse.
f,f. Cordons postérieurs.
it. Canal central,
Fic. 4.— Coupe d’un embryon de poulet vers la fin du 2° jour (région
moyenne du corps) (Gross. 45 à 50).
a. Gouttière nerveuse.
1. Feuillet externe ou\cutané (et nerveux).
2,2. Feuillet moyen.
3. Feuillet interne (ou muqueux).
5. Grosses granulations du jaune de l’œuf.
c. Corde dorsale.
v. Membrane vitelline.
Fic. 5, — Coupe d’un embryon de poulet âgé de trois jours, tiers pos-
térieur du corps (future région sacrée) (Gross. 80).
a. Canal médullaire (gouttière nerveuse fermée).
b. Protovertèbre.
1. Feuillet externe.
2,2. Feuillet moyen (séparé en deux couches, entre lesquelles est
la cavité pleuro-péritonéale, x).
3. Feuillet interne.
k. Vitellus blanc.
5. Vitellus jaune avec grosses granulations.
e. Corde dorsale,
PLANCHE III,
Fic. 1.— Coupe d'un poulet au commencement du troisième jour :
région antérieure du corps (Gross. 458).
a. Gouttière médullaire fermée en canal cylindrique,
b. Couche de cellules formant les parois de ce canal, et se conti-
nuant en d, avec la couche cornée (e, e) en feuillet externe.
m. Protovertèbre.
SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX. 37
ch. Corde dorsale.
ï. Cavité de l'intestin antérieur avec son épithélium (0/0!}), prove-
nant du feuillet interne; lautre partie du feuillet interne
(vésicule ombilicale) est en 0, 0
m',m,m'. Replis de la lame fibro-intestinale du feuillet moyen.
k,k. Le cœur.
Fic. 2, — Coupe d’un poulet vers Le 6° jour (Gross. 158).
Même région que fig. 1.
Le canal médullaire a, a a pris, sur la coupe, une forme en T.
b, b. Substance grise.
1,1. Substance blanche.
b',. Substance grise réduite à une mince lamelle au-dessus de la
cavité du futur 4° ventricule,
c,c. Feuillet corné.
m. Feuillet moyen.
ch. Corde dorsale.
Fig, 3. — Région du bulbe sur une larve de grenouille.
a, Partie restée libre et ouverte du tube médullaire primitivement
en forme de T.
a’ Branche verticale du T, réduite à une mince fente dont les bords
vont se souder.
b, b. Substance grise (du plancher du 4° ventricule).
1, 1. Substance blanche située uniquement en avant et sur les côtés.
ch. Corde dorsale.
. Fic. h. Coupe de la région lombo-sacrée d’un poulet au 5° jour de
l'incubation (Gross. 150).
a, a. Cavité du canal médullaire, à coupe allongée de la région
dorsale vers la région ventrale.
b,b. Substance cellulaire formant les parois épaissies de ce tube et
se différenciant déjà en cornes antérieures (A) et cornes posté-
rieures (P.).
ch. Corde dorsale,
Fi. 5. — Même région chez un poulet au 6° jour de l'incubation
(Gross. 145).
a, «. Canal central en forme de croix.
A. Cornes antérieures distinctes de la masse cellulaire (A”) immé-
diatement contiguë au canal.
B. Région des cornes postérieures où une différenciation semblable
commence à être indiquée.
PLANCHE IV.
Fic. 1.— Même région que dans les figures 4 et 5 de la planche Ill, chez
un poulet au 9° jour de l’incubation (Gross. 105).
a, a. Canal central dont la coupe offre la forme d’une raquette,
38
RECHERCHES SUR LE SINUS RHOMBOÏDAL DES OISEAUX.
A, Cornes antérieures.
A’. Couches de cellules distinctes de cette corne confinant immé-
diatement au canal central.
B. Cornes postérieures.
B’, Couches de cellules distinctes de cette corne et confinant au
canal central.
R. Racines postérieures.
ch. Corde dorsale.
FiG. 2. — Même région sur un poulet au 15° jour de l’incubation
(Gross. 70). |
sŸ “
a. Canal central réduit à un orifice à peu près circulaire. En
arrière de la coupe de cet orifice, on voit la ligne de soudure
correspondant à la partie postérieure de la lumière du canal de
la figure précédente.
A. Région des cornes antérieures.
A, A. Racines antérieures.
1,1, Cordons blancs antérieurs et latéraux.
B. Cornes postérieures.
B' Masse cellulaire de plus en plus distincte de ces cornes posté-
rieures et formant, par soudure des deux parties latérales pri-
mitivement distinctes, la substance vésiculeuse (dite réticulée)
qui remplit chez l’oiseau adulte la prétendue cavité du sinus
rhomboïdal.
ÉTUDE
SUR
LES MUSCLES DU PÉRINÉE
EN PARTICULIER
SUR LES MUSCLES DITS DE WILSON ET DE GUTHRIE (1)
Par M. CADIAT
PLANCHES V, VI, VII, VIII
Ce travail a pour objet l’étude des différents muscles qui en-
veloppent l’urêthre, depuis la vessie jusqu’à la portion pénienne.
Les descriptions qui ont été données de ces muscles, sphincter
de la vessie (interne et externe), muscle de Wilson, de Guthrie,
nous ont toujours paru pleines de confusion: c’est là certainement
l'impression générale qu’elles produisent.
ILest difficile qu’il en soit autrement, car les auteurs classiques
décrivent ces parties chacun à leur manière. Dans des régions
aussi confuses , pour des muscles aussi petits, on a bien de
la peine avec les moyens qu'offre la simple dissection à dis-
tinguer ce qui est muscle lisse de ce qui est muscle strié ou fai-
sceau fibreux. | |
C’est pourquoi nous avons cherché à trancher la question par
des procédés qui ne puissent être entachés d'erreur, — qui nous
permettent de voir en même temps les rapports des parties et les
éléments anatomiques. — Ce sont ces procédés que nous avons
employés déjà avec M. le professeur Robin, pour étudier cer-
taines muqueuses.
Ils consistaient ici à prendre sur des cadavres d'enfants nou-
veau-nés tout le périnée du pubis à l’anus, et à faire des coupes
microscopiques comprenant toutes ces parties. Sur les enfants,
(1) Ce travail a été présenté à la Société de biologie en juillet et en novembre
1876.
10 CADIAT, — ÉTUDE
les différents organes sont mieux délimités étant plus écartés les
uns des autres, vu le peu de développement des organes génitaux.
Nous avons pu obtenir de cette façon des coupes longitudi-
nales de l’urèthre, comprenant tout le canal depuis la vessie jus-
qu’à la portion pénienne, s'étendant en travers jusqu’à l’anus,
et d’autres perpendiculaires à l’axe de l’urèthre portant sur les
mêmes points.
Les coupes transversales ont été faites de telle façon qu'il n’y
ait aucune interruption depuis la première jusqu’à la dernière.
En les numérotant toutes exactement nous pouvons suivre avec
le microscope tous les éléments qui entourent l’urêthre depuis la
vessie jusqu’au bulbe et au delà. |
Les résultats les plus importants obtenus par cette méthode,
nous pouvons les énoncer tout d’abord, pour les discuter plus loin.
1° Nous n'avons rien rencontré qu'on puisse décrire sous
le nom de muscle de Wilson, rien non plus qui mérite d'être
appelé muscle de Guthrie; 2° Tous ces muscles, que nous
pourrions appeler constricteurs de l’urêthre, sont disposés d’une
façon très-simple suivant un plan d’ensemble facile à com-
prendre, bien loin d’être éparpillés pour ainsi dire comme
autant d'organes séparés, ainsi que sembleraient le faire croire
les descriptions classiques.
Nous allons commencer par décrire la disposition générale de
ces muscles, telle que nous la comprenons. Nous reviendrons
ensuite sur des détails de structure en discutant les opinions des
auteurs qui ont écrit sur ce sujet.
L'appareil sphinctérien de l’'urèthre est représenté par une
sorte d’entonnoir musculaire qui se continue directement avec
les fibres circulaires de la vessie. Cet entonnoir formé de fibres
perpendiculaires à l’axe du canal l’embrasse donc dans toute son
étendue depuis le col de la vessie jusqu’au delà du bulbe. Mais
en certains points il se modifie tantôt par l'interposition de cer-
tains organes, comme la prostate ou le bulbe, tantôt parce que
les fibres musculaires passent de l’état de fibres lisses à l’état
de fibres striées. Mais lorsque ces éléments musculaires se sub-
SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 1
stituent les uns aux autres, ils le font progressivement, exacte-
ment comme dans la tunique musculaire du tube digestif, dans
l’œsophage par exemple. |
Ainsi le plan général est une gaine musculaire enveloppant
entièrement l’urèthre à partir de la vessie jusqu'au bulbe inclusi-
vement, continuant la couche des fibres circulaires de la vessie,
En dehors de cette couche il n’y a point de muscles extrin-
sèques, de muscles allant s’insérer sur les parties périphériques,
sur les os du bassin ou les ligaments qui les accompagnent.
On voit par conséquent d’après cela que nous nous refusons à
admettre l’existence du muscle de Wilson et de Guthrie. Ce qu'on
a décrit sous ce nom représente simplement certains aspects
qu’offrent les diverses parties de l'anneau musculaire.
Le plan général de l'appareil sphinctérien étant conçu de la
sorte, voyons quels en sont les détails principaux.
Les fibres circulaires qui continuent celles de la vessie, sont
des fibres lisses, comme celles du réservoir urinaire jusqu’au
niveau de la région membraneuse. — Au col de la vessie 1l n’y
a donc que des fibres musculaires de la vie organique.
Plus loin, à la portion membraneuse, nous trouvons des modi-
fications importantes. Une grande partie de ces éléments muscu-
laires sont remplacés peu à peu par des faisceaux striés. Mais la
gaîne musculaire ne change pas pour cela de forme et d’épais-
seur., — L'ensemble de ces faisceaux forme donc au niveau de la
région membraneuse un large anneau musculaire strié. Ge sont
les différentes parties de cet anneau qui ont été décrites sous les
noms de muscle-de Wilson et sphincter externe de la vessie.
Jusqu'ici la description que nous venons de donner pourrait
s'appliquer exactement à l’urèthre de la femme. Chez elle on n'a
jamais décrit cet appareil musculaire si compliqué qu’on se plait
à décrire chez l’homme. Et pourtant on pourrait croire que des
parties deslinées à des usages identiques devraient être con-
struites sur le même type.
En cherchant par les procédés que nous avons indiquées, sur
des cadavres de petites filles, la disposition de ces muscles, nous
n’avons trouvé que cette sorte d’entonnoir musculaire allant de la
A2 CADIAT. — ÉTUDE
vessie jusqu’au voisinage de la vulve et dont une partie est
formée de fibres striées.
La disposition qu'’affectent ces muscles sur la femme repré-
sente donc le plan d’ensemble suivant lequel est établi l’appa-
reil musculaire de l’homme. Mais chez ce dernier se trouvent
annexées deux parties importantes : la prostate et le bulbe. —
Comment ces parties peuvent-elles modifier le plan général ?
Prostate. — La prostate représente une glande simplement
intercalée dans l'appareil musculaire sphinctérien ; étant donné
la disposition qui existe chez la femme et supposant qu’on la
modifie en interposant la prostate au milieu des fibres muscu-
laires du col de la vessie, on aura l’urêthre tel qu’il se présente
chez l’homme. En un mot la couche musculaire circulaire qui
passe au niveau de la région prostatique est écartée par l’inter-
position de la glande. Dans celle-ci, en effet, les fibres muscu-
laires ont une direction subordonnée à celle des culs-de-sac
glandulaires et non à celle du conduit urèthral. Ce fait, bien évi-
dent chez l’homme, se voit encore plus facilement chez les animaux
comme le singe, qui présentent un développement considérable
de l'appareil glandulaire prostatique. Les fibres musculaires de
la prostate appartiennent à la glande. Elles représentent très-
exagéré ce qu’on voit sur les autres glandes en grappe.
Bulbe. — Du côté du bulbe nous trouvons une disposition ana-
logue, mais plus compliquée.
L’anneau musculaire s'ouvre encore de ce côté pour recevoir
le bulbe. Tout à fait au commencement on voit (pl. I, fig. 3 et 4)
l'anneau musculaire complet; seulement la partie infé-
rieure commence à se dissocier par l'interposition de gros
vaisseaux artériels provenant du bulbe, car les veines passent
sur les parties latérales, fait importaut pour la théorie de
l'érection ; plus loin c’est le tissu érectile lui-même qui vient
se placer entre les fibres musculaires.
Enfin, en suivant la paroi inférieure du canal, en allant vers
la région pénienne, il vient un moment où l’on ne rencontre
plus de fibres musculaires doublant cette paroi. On n’en trouve
plus qu'au-dessus de la paroi supérieure, et en dessous au delà du
SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 13
canal, en dehors du bulbe. C’est-à-dire que là où existe en réa-
lité le renflement bulbaire, l'anneau musculaire de l’urêthre qui
devrait se continuer à la partie inférieure, est rejeté au delà
du tissu érectile pour former une partie des fibres du muscle
bulbo-caverneux.
Quant à cet anneau strié, il faut encore noter ce fait que, con-
sidéré seul indépendamment du bulbo-caverneux, qu’on ne peut
lui rattacher qu’indirectement, 1l se présente sur les coupes lon-
gitudinales sous l’aspect de deux bandes (voir pl. I, de d’ à c fig. 1,
et fig. 2 et 3 de e en 6), entre lesquelles passe le canal, la supé-
rieure étant de beaucoup plus longue que l’inférieure. — C’est-à-
dire que sur la prostate l'anneau est incomplet; 1l est ouvert à
la partie inférieure et n’embrasse que la face supérieure de la
glande. On ne voit sur cette glande qu’un demi-anneau de
fibres striées. — Il en est de même du côté du bulbe. Cette dis-
position ne peut-être attribuée à la présence de la prostate et du
bulbe, car elle s’observe aussi bien chez la femme.
Un fait important sur lequel nous voudrions insister, c’est que
nulle part nous n'avons rencontré une disposition des muscles
capable d'entraver la circulation veineuse.
L’anneau musculaire strié est toujours très-nettement séparé
des veines profondes de la verge, qui n’ont avec lui aucun
rappoft, — ainsi sur aucune de nos coupes transversales, au
nombre de quatre-vingts, faites sur une seule pièce qui renfer-
me tout le tissu compris de la prostate au bulbe, nous n’avons
trouvé nulle part un muscle triangulaire (muscle de Wilson) tra-
versé par des veines, ou un muscle de Guthrie transversal et
affectant les mêmes rapports. |
La couche musculaire est toujours séparée du tissu fibreux de
l’aponévrose moyenne par une fine bande claire (voir pl. IT /,
pl. I, fig. 5, 6 e), représentant une couche de tissu cellulaire.
C'est dans cette couche que sont les vaisseaux. Ainsi, ce qu’on
décrit comme muscle de Wilson est bien nettement séparé de
l’aponévrose moyenne elle-même, et ne peut donc aller s’insérer
sur les os du bassin.
On peut très-bien juger de ces dispositions sur les coupes mi-
Ah CADIAT. — ÉTUDE
croscopiques et sur les pièces obtenues par dissection qui con-
cordent exactement. La présence de ces vaisseaux et de la cou-
che celluleuse qui les entoure, entre l’aponévrose moyenne et
l’anneau musculaire, est un fait très-important pour démontrer
l'indépendance de chacune de ces parties.
Il faut donc chercher une autre explication que celle tirée
de ces rapports anatomiques, pour expliquer le phénomène de
l'érection. |
On peut voir sur les dessins la disposition des veines. Elles sont,
comme on peut en juger, très en dehors de la couche musculaire.
Voyons à présent comment les préparations que nous avons
reproduites sur les planches ci-jointes peuvent démontrer les
propositions que nous avons avancées et aussi quelles sont les
dispositions qui en ont imposé aux anatomistes et ont fait croire
à l’existence de muscles particuliers.
Pour cela nous allons montrer comment sont disposées les
fibres musculaires dans chaque partie du canal.
Lorsqu'on examine une coupe faite en arrière de l’aponévrose
moyenne, entre elle et la prostate on voit l’urêthre enveloppé
entièrement par un anneau musculaire striè qui en fait tout
le tour. Cet anneau musculaire est superposé lui-même à la
couche musculaire dépendant de la muqueuse (voy. pl. IL, fig 3).
C’est là le sphincter externe proprement dit.
En dehors de ce sphincter on trouve une couche de tissu cel-
lulaire renfermant des veines volumineuses. cette couche se
poursuit jusque dans l’épaisseur de l’aponévrose moyenne. —
Sur une coupe portant au niveau de l’aponévrose moyenne,
comme celle que nous avons dessinée (fig. 2) on voit encore le
sphincter externe parfaitement circulaire et nettement limité à
la partie supérieure (pl. 11); mais à la partie inférieure ses
fibres commencent à se dissocier pour ainsi dire pour recevoir
un peu de tissu spongieux bulbaire (pl. IE, fig. 4).
Il est facile de constater d’après ces dessins que les fibres
striées n’ont aucune direction déterminée, forcées qu’elles sont
de suivre les parois des cavités qu’elles entourent. Ici ce sont des
éléments du bulbe qui commencent déjà à s’interposer au milieu
SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. A5
de la couche musculaire du canal, mais en même temps appa-
raissent plus loin, recouvrant le bulbe, les premiers faisceaux du
bulbo-caverneux, faisceaux de renforcement de l'anneau mus-
culaire dissocié.
Si l’on regarde maintenant la coupe longitudinale de l’urèthre
— on voit qu’en effet en ce point le tube musculaire uréthral
se continue sans interruption; seulement ses fibres changent de
sens, pour s’accommoder à la forme du bulbe (voir fig. 1, pl. I c).
La coupe figurée (pl. I) est faite au niveau de l’origine du
bulbe. Il est facile de voir que rien, à la partie supérieure du
canal, ne représente le muscle de Wilson, que l’on décrit en
arrière de l’aponévrose moyenne. On ne le trouve pas davantage
sur celles qui sont faites plus près de la prostate. On ne voit là
qu'un muscle orbiculaire.
Au-dessous du pubis dont les branches descendantes sont
représentées figure 9, planche IV, on trouve une large couche de
tissu fibreux formée de fibres transversales. C’est là le ligament
sous-pubien et l’aponévrose moyenne. Il est bien important de
remarquer que le canal de l’urèthre avec son sphincter est très-
nettement séparé de ces fibres transverses par une bande de
üssu cellulaire, continuation de celui que nous avons vu précé-
demment. Dans ce tissu cellulaire, en dehors du sphancter, se
trouvent les artères et les veines de la verge.
Ce fait nous prouve que jusqu'ici, jusque dans l'épaisseur
même de l’aponévrose moyenne, le canal de l’urêthre avec ses
muscles, ses vaisseaux, forme un système indépendant, et éloigne
même tout à fait de l’idée que les muscles iraient prendre un
point d'insertion sur la lame fibreuse. C’est en vain qu’on cher-
cherait ici les muscles pouvant comprimer les veines dans
leur passage au travers de l’aponévrose moyenne. Les muscles
et les vaisseaux sont donc chacun dans leur milieu et séparés
les uns des autres.
Si nous examinons maintenant une coupe faite un peu plus en
avant, nous trouvons ce qui est figuré (pl. HE, fig. V).
En haut, l’'aponévrose moyenne, en dessous l’urêthre et une
partie du bulbe.
A6 CADIAT. —— ÉTUDE
Ici nous avons quitté la portion membraneuse, nous sommes
à l'extrême limite de l'aponévrose moyenne. Alors seulement
on aperçoit quelque chose ressemblant à un muscle de Wilson.
C’est cet amas triangulaire de fibres striées figuré en d, figure 5,
planche II au-dessus de l’urèthre. La disposition de ces fibres est
très-remarquable. Les plus inférieures sont circulaires comme
celles d'un sphincter, les autres n'ont aucun sens déterminé.
Sur des coupes plus profondes, les premières vont en augmen-
tant de nombre et de longueur ; peu à peu on arrive jusqu’au
point où elles forment au canal un anneau complet. Inversement,
elles diminuent sur les coupes qui se rapprochent de la surface.
Ce sont ces fibres qu'on rencontre en disséquant le périnée,
quand on a détaché l’urêthre des corps caverneux.
Voyons comment les auteurs ont compris ces dispositions.
D’après M. Sappey, « le muscle de Wilson est situé au-dessous
» de la symphyse pubienne, sur le prolongement du grand axe de
» cette symphyse au-dessus et en arrière de la portion bulbeuse
» de l’urèthre, qu'il faut renverser en avant pour le mettre
» en évidence. C’est une lamelle rougeâtre triangulaire ou plutôt
» rayonnée et assez mince. Sa base dirigée en avant s'attache
au ligament sous-pubien, par une expansion fibreuse que
» traversent, sur la ligne médiane, la veine dorsale profonde de
» la verge et, latéralement, les artères dorsales et les nerfs cor-
» respondants. |
» Le sommet du muscle, tourné en bas et en arrière, se perd
sur lextrémité antérieure de la portion membraneuse de
» l’urêthre.
» La face antérieure du muscle de Wilson, inclinée en bas,
» semble prolonger celle du muscle de Guthrie, mais occupe en
» réalité cependant un plan peu profond. Elle est recouverte
» par une lame fibreuse dépendante de l’aponévrose périnéale
» moyenne et par le bulbe de l’urêthre. -
» Ge petit muscle est formé de fibres striées. Ses usages n’ont
» pas été encore bien clairement déterminés. La direction de
» ces fibres qui {outes convergent de la symphyse vers l'urèthre,
» semble indiquer qu’il a pour attribution de soutenir ce canal
4
—
La
SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. L7
» et même de le rapprocher un peu de la symphyse. On com-
» prendra facilement son utilité à cet égard si l’on considère que
» l’urêthre est sous-jacent à un plexus veineux qui, se remplis-
» sant et se dilatant en toute liberté, pourrait modifier assez
» notablement sa courbure s’il n’était soutenu par le muscle de
» Wilson et la lame fibreuse antérieure à ce muscle. »
La description de M. Sappey approche de la réalité. Elle cor-
respond bien à la figure, faite d’après une pièce disséquée.
M. Sappey a bien vu en effet, en arrière du bulbe, juste au-
dessus, une petite lame triangulaire de fibres striées. Mais où
commence l'erreur, c’est dans la forme, la disposition de cette
lame, la direction des fibres qui la composent, ses points d’atta-
che et surtout son rôle physiologique.
D’autres anatomistes décrivent le muscle de Wilson comme
formé en partie de fibres en anses embrassant l’urèthre et
d’autres fibres ascendantes insérées sur la partie supérieure
du canal (V. Baunis et Bouchard).
Les premières appartiennent manifestement aux faisceaux
transverses que nous verrons plus loin à propos du muscle de
Guthrie ; seulement cette forme en anse est très-exagérée. Les
secondes n’ont jamais existé.
Nous ne pouvons quitter ce sujet sans rapporter la description
même de Wilson, telle qu’elle se trouve dans le travail de
Jarjavay. |
« J'ai démontré, dit-il, depuis dix années, l'existence de deux
» corps charnus, très-distincts, appartenant à des muscles de
» forme triangulaire qui réunis inférieurement par un tendon
» commun, tandis que chacun d'eux possède une attache tendi-
» neuse distincte à la face interne de la symphyse pubienne,
» sont placés de telle sorte qu'ils entourent la portion membra-
» neuse de l’urèthre. Le tendon qui appartient exclusivement à
» chaque muscleest d’abord arrondi, mais il s’aplatit àmesure qu'il
» descend, il se fixe à la partie postérieure de la symphyse du
» pubis chez l’adulte, à un huitième de pouce environ au-dessus
» du bord inférieur de l’arcade cartilagineuse du pubis et à une
» distance à peu près égale au-dessous de l'insertion du tendon
h8 CADIAT. — ÉTUDE
» de la vessie, auquel il est uni ainsi qu’au tendon du muscle du
» côté opposé par du tissu cellulaire très-lâche.
» Cetendon descend d’abord parallèlement à son congénère,
» au contact duquel il se trouve, puis il s’élargit bientôt et donne
» alors naissance à des fibres charnues qui augmentent aussi de
» largeur et arrivées au voisinage de la partie supérieure de la
» portion membraneuse de lurèêthre se séparent de celles du
» côté opposé, s’isolent sur les parties latérales de cette portion
» membraneuse dans toute son élendue, s’incurvent sous celle-ci
» et rencontrant enfin les fibres homologues du côté opposé,
» forment avec elles une ligne tendineuse médiane. »
Cette description de Wilson est complétement imaginaire.
Aucun anatomiste n’a rencontré de semblables dispositions.
Et cependant que d’efforts n’a-t-on pas faits pour trouver ce
muscle si complaisamment décrit et qui n’a jamais existé. Chaque
aspect particulier de la couche musculaire de l’urêthre qui s’offre
aux anatomistes fait imaginer un nouveau muscle de Wilson.
Le premier est complétement oublié, et cependant l'erreur
persiste avec le nom qui l'a consacré.
Le sphincter externe est, comme nous l'avons dit plus haut,
coupé en bec de flûte aux dépens de la moitié inférieure, et c’est
l'extrémité effilée venant affleurer sur le plan de l’aponévrose
moyenne qui forme cet amas de fibres, les unes entre-croisées
en tous sens, les autres circulaires, qu'on aperçoit sur nos cou-
pes et qu'on appelle muscle de Wilson. Il est facile de le vérifier
sur les coupes longitudinales de l’urèthre, sur les coupes trans-
versales et par simple dissection. En effet, lorsqu’on a obtenu la
préparation que nous avons représentée figure 6, planche IH, si
l’on fend l'aponévrose moyenne, on voit que la lame musculaire
appelée muscle de Wilson se continue avec l'anneau musculaire
qui embrasse toule la portion membraneuse et une partie de la
prostate.
Nousavons dessiné (Hg. 5 d'elfig. 6 /, pl. ID) cette petite lame mus-
culaire triangulaire située au-dessus de l’urêthre. Mais elle ne re-
présente que la terminaison de l'anneau musculaire quenous avons
rencontré plus profondément, l'extrémité antérieure du sphincter
DONNE Ÿ
SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. A9
externe. Seulement ici, où commence le bulbe, il semble que
le tube musculaire se fende en deux, suivant un plan horizontal.
Le segment inférieur séparé enveloppe le bulbe sous la
forme de fibres appartenant au bulbo-caverneux. Le supérieur,
allant en diminuant de plus en plus, se réduit à celle petite
lamelle.
* Ce qui le prouve d’une façon bien évidente, c’est que : 1° la
majorité des fibres qui forment le triangle musculaire sus-uré-
thral ont conservé la direction circulaire autour de l’urèthre, que
les autres n’ont aucun sens déterminé, bien loin de converger
toutes de la symphyse vers l'urêthre ; ® cette lamelle musculaire
comme le sphincter strié que nous avons vu précédemment est
séparée du tissu fibreux sous-pubien par cette même couche de
tissu cellulaire que nous avons rencontrée tout à l'heure et qui
l’isole dans tout son parcours ; 3° 1l n’y a aucune fibre traversant
la couche cellulaire pour aller s’insérer sur le pubis. Aucune
fibre ne s’insère perpendiculairement sur l’urêthre. Elles sont
toutes circulaires au voisinage de la muqueuse.
En un mot cette lamelle triangulaire siluée en avant de l’apo-
. névrose moyenne est la fin du sphincter externe de l’uréthre.
Notons encore que, d’après ses connexions, il est absolument
impossible d'admettre qu'elle ait la moindre action sur la circu-
lation sanguine,
Il n’est donc pas utile de donner un nom particulier à cette
partie de la couche musculaire uréthrale. Une désignation spé-
ciale implique en effet l’idée d’usages différents. Or, ces fais-
ceaux décrits sous le nom de muscle de Wilson n’en ont point
d’autres, vu leur situation, leur direction, leurs rapports, que
tout le reste du tube musculaire avec lequel ils sont en conti-
nuité directe.
En résumé, voici comment nous décrirons les muscles qui
servent à fermer l’orifice vésical.
L'urèthre, depuis le col de la vessie jusqu'au bulbe, est em-
brassé par un cylindre de fibres musculaires dont les unes sont
striées, les autres lisses ; en beaucoup de points ces éléments sont
mélangés.
JOURN, D£ L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL, — T, XIII (1877). h
50 | CADIAT. —— ÉTUDE
Les fibres lisses occupent la partie supérieure et le col vésical ;
au milieu d'elles se trouve intercalée la prostate. Chez la femme,
vu l'absence de cette glande, le cylindre musculaire est continu.
Les fibres striées forment par leur ensemble une sorte d'étui
taillé en bec de flüte par ses deux extrémités. Les deux extré-
mités effilées sont à la partie supérieure de l'urèthre, de façon
qu'au-dessous du plancher uréthral les faisceaux striés sont en
petit nombre. Cet étui musculaire embrasse par son extrémité
vésicale une partie de la face supérieure de la prostate, par son
extrémité bulbaire, 1 vient proéminer légèrement sur le plan
de l’aponévrose moyenne.
Les vaisseaux, artères et veines sont situés en dehors de cette
couche musculaire, et, par conséquent, la circulation ne peut en
aucune façon être influencée par elle.
\
Nous avons vu que le muscle de Wilson n’était pas un muscle
particulier, mais l'extrémité antérieure de l’orbiculaire de l’uré-
thre. Nous allons démontrer de même que le muscle de Guthrie
ne mérite pas une description à part.
En effet, sur aucune de nos coupes nous n'avons rencontré de
fibres transversales allant s’insérer sur l’urèthre. Les seules fibres
ayant cette direction et situées au voisinage de ce conduit sont
situées à la partie inférieure en dehors de Panneau du sphincter,
ce sont celles que nous avons figurées en #, figure 9, planche IV,
sur une coupe faite en arrière de l'aponévrose moyenne.
On peut voir déjà sur cette figure qu'’au-dessous de ces fibres
transverses on en aperçoit d’autres qui leur sont parallèles ;
à quelle couche musculaire apparliennent tous ces faisceaux
transverses? Il résulte de nos recherches qu'ils appartiennent à un
vaste plan musculaire commençant au bulbe dont ils embrassent
la partie inférieure, et se terminant sur la région membra-
.neuse.
La portion la plus antérieure formerait une partie du bulbo-
caverneux.
SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 51
Celle qui la suit, l'ensemble des faisceaux décrits sous le nom
de transverse.
Enfin la plus profonde, ces fibres que nous venons de voir au-
dessous du sphincter externe.
Sur la ligne médiane se trouve une sorte de raphé fibreux
commençant sur l’urêthre, passant en dessous du bulbe et se con-
tinuant entre la portion membraneuse de l’urèthre et le rectum.
Ce raphé fibreux a été bien décrit par Jarjavay dans son mé-
moire sur la structure de l’urêthre (Paris, 1856); seulement il
l’a fait se continuer avec le verumontanum; il résulte de re-
cherches que nous avons faites avec M. Robin, que la saillie
du verumontanum a une autre origine. | Voir Mémoire sur l'utri-
cule prostatique et les canaux déférents. (Journal d’Ana-
tomie, 1874.)
Sur ce raphé viennent s’insérer toutes les fibres tranverses
formant le plan musculaire que nous venons de décrire. On ne
saurait mieux comparer ce raphé avec les faisceaux qui en par-
tent qu'à une plume couchée sur l’urèthre et dont les barbes
isolées transversalement représenteraient les fibres musculaires
tranversales.
Le bulbo-caverneux appartient bien à ce système de fibres, car
à la partie inférieure, au voisinage du bulbe, il envoic des
faisceaux transversaux qui vont s’étaler jusque sur les corps
caverneux, sans leur adhérer. Leurs insertions externes se font
sur des brides nf A RE qui se e perdent dans l’aponévrose
superficielle.
Le transverse reproduit cette danesite mais bien plus
accusée.
[ne s'insère pas conne on le prétend sur les branches du
pubis, mais sur des brides fibreuses de l'aponévrose superficielle.
Nous avons essayé sur un dessin de représenter ces insertions
des muscles transverses (pl. IV, fig. 8,c ce).
Immédiatement au-dessous du bulbe, les fibres transversales
sont interrompues. On ne suit plus bien la continuité entre les
faisceaux du bulbo-caverneux et ceux du transverse proprement
dit, Cela tient à la présence de fibres longitudinales que nous
52 _CADIAT. — ÉTUDE
avons figurées en /, figure 8, planche IV, et qui n’ont pas été dé-
crites. Elles appartiennent au plan musculaire longitudinad du rec-
tum, ainsi qu’on peut s’en assurer sur la coupe (pl. [, fig. 4 9,4).
On voit en effet ici que les fibres longitudinales du rectum
arrivées un peu au-dessus du sphincter anal se divisent comme
les deux branches de l’Y. La branche inférieure va traverser le
sphincter externe pour aller se perdre à la peau, l’autre va
rejoindre le bulbo-caverneux. |
Profondément enfin, au niveau de la région membraneuse,
nous trouvons ce qui est figuré planche IV, figure 9, £, €, c’est-à-
dire un plan de fibres transversales, situé en dehors du sphincter
externe, véritables faisceaux de renforcement.
Ces fibres s’insèrent d’une part sur le raphé, de l’autre sur le
üssu cellulaire plus ou moins serré, qui plus haut forme l’apo-
névrose latérale de la prostate. Leur mode d'insertion médian
et latéral est bien le même, comme on le voit, que celui des
faisceaux précédents : d’une part le raphé,de l'autre des brides
fibreuses de direction indéterminée.
Les rapports de ces muscles avec les veines méritent d’être
étudiés.
La théorie de l'érection, qui suppose un arrêt du sang par
compression des veines, trouvait dans ces muscles du périnée
(M. de Wilson, Guthrie,transverse) une explication toute natu-
relle. Mais cette théorie de l'érection n'est plus acceptable auJour-
d'hui, les recherches de Legros, toutes celles qui ont suivi sur les
actions des vaso moteurs, l’ont complétement renversée. (V. Vul-
pian, vaso-moteurs.)
Mais les descriptions de ces muscles du périnée, les rapports
qu’ils affectent avec les vaisseaux ont été inspirés néanmoins de
ces idées erronées de physiologie. On voulait savoir comment les
veines pouvaient être comprimées, et on trouvait des muscles
capables de les comprimer!
Si l'on s’en tient à la simple observation, aux résultats que
donne la dissection seule ou les coupes comme nous les avons
faites, on voit qu'il en est tout autrement. Que bien loin d’être
comprimées par les muscles, tout, au contraire, est disposé de
SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 5à
* façon à laisser au sang un écoulement facile dans les veines, à ce
que rien ne puisse entraver son cours.
Ainsi la veine dorsale est située tout au sommet du triangle
formé par l’aponévrose moyenne dans une boutonnière du tissu
fibreux.
Les veines latérales sont entre le sphincter externe le trans-
verse et les os du bassin. Elles sont situées dans une sorte de
région bien délimitée qui semble leur appartenir exclusivement.
En aucun point on ne voit de faisceaux musculaires passer dans
les intervalles qui les séparent les unes des autres.
Les veines du bulbe vont se jeter dans ces plexus latéraux, au
lieu de traverser cette région dessinée planche IV, figure 9,
qui est immédiatement en arrière de lui, Avcune ne serait
mieux disposée pour arrêter le cours du sang veineux. On y voit,
en effet, des faisceaux musculaires entre-croisés dans toutes les
directions. Malheureusement pour la théorie 1l n’y passe que
des artères ; les veines s’en vont sur les parties latérales.
Du reste tous ces muscles sont striés, sont soumis à la volonté,
el ce sont eux qui, comprimant les veines, produiraient l'érection!
Or, tout le monde sait bien que s’il est des organes disposés à
faire le contraire de ce qu’on leur demande, c’est certainement
ceux-là.
En résumé, les muscles transverses du périnée, connus sous
le nom de muscle de Guthrie, transverse superficiel, etc., appar-
tiennent à une double bande musculaire insérée sur le raphé et
dont les fibres se portant transversalement à partir de cette ligne
vont s’altacher en dehors; les plus profondes, dans le tissu cel-
lulaire du bassin, et les autres, dans le fascia superficialis du
périnée (1).
Cette sorte de sangle musculaire sert peut-être à isoler l'effet
des contractions des deux sphincters (sphincter uréthral,
_sphincter anal) entre lesquels elle est située.
Elle peut aussi servir au bulbo-caverneux en lui donnant un
(4) M. Farabeuf, dans ses cours à l’école pratique, enseignait déjà que tous ces
muscles transverses formaient un seul plan musculaire.
54 CADIAT. — ÉTUDE
point d'appui postérieur. En tout cas, on peut dire que ses usages
sont très-limités.
Le muscle de Guthrie avait été décrit par cet anatomiste comme
un muscle transverse profond. C’est aussi de cette façon qu’il est
considéré par Cruveilhier.
D'après Jarjavay, le transverse urétbral est situé au-dessus du
ligament de Carcassonne, au-dessous de l’aponévrose latérale de .
la prostate ou si l’on veut entre les deux feuillets de l’aponévrose
moyenne du périnée. Il s’insère sur les branches ischio-pubiennes
d’une part, de l’autre au-dessous de l’urêthre, sur ce que
Jarjavay considère comme le point d’entre-croisement du muscle
orbiculaire, D’après lui, ses fibres se continueraient avec cekes
de l’orbiculaire, de telle sorte que le transverse uréthral et l’orbi-
culaire ne feraient qu’un seul et même muscle fixé par ses deux
extrémités sur les branches ischio-pubiennes et formant une
véritable boucle embrassant l’urêthre.
D'après M. Cruveilhier et Sce, voici comment il faudrait com-
prendre la disposition du transverse :
« En arrière de l’urêthre, au-dessus du bulbe, les fibres
» transversales du côté droit et celles du côté gauche s’insèrent
» sur la ligne médiane à la lame fibreuse médiane qui reçoit
» également des fibres du bulbo-caverneux du releveur de l'anus,
» et du transverse superficiel. Autour de la portion membraneuse
» de l’urêthre elles se continuent d’un côté à l’autre en se recour-
» bant en arc de cercle autour de la moitié postérieure de la
» circonférence du canal. Il n’est pas rare de rencontrer au
» voisinage immédiat de ce dernier de véritables faisceaux
» annulaires. Aux fibres qui passent au-dessus de l’urèthre se
» rattachent les faisceaux transverses de la prostate. |
» La couche de fibres obliques, dont la direction principale
» est celle du bord externe du muscle, présente des faisceaux
» externes qui s’insèrent de distance en distance à la paroi osseuse .
» du bassin circonscrivant ainsi des espèces de boutonnières
» musculo-osseuses dans lesquelles passent les veines profondes
» ou caverneuses du pénis qui gagnent la veine honteuse
» interne. En avant, une portion plus où moins notable de ces
SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 55
fibres obliques s’insèrent à l’aponévrose moyenne du périnée.
» La couche antéro postérieure se compose généralement
de faisceaux isolés placés au-dessus du bulbe sur les côtés
de l’urèthre qu'ils entourent. Tous ces faisceaux commencent
en arrière à la lame fibreuse médiane. En avant, les plus
internes s’insérent à la face supérieure du bulbe, celles qui se
trouvent plus en dehors atteignent le tissu fibreux qui occupe
l'angle de réunion des racines du corps caverneux. En arrière,
toutes ces fibres s’insérent à l’aponévrose moyenne ou directe-
ment. à la lame fibreuse médiane du périnée.
» Le plus souvent ces trois couches sont très-difficiles à recon-
naître. Le muscle paraît composé de lames multiples entre
lesquelles se trouvent les glandes dé Cowper et les veines
profondes du pénis, mais dans chaque lame on voit des fais-
ceaux affectant différentes directions, les uns parallèles, les
autres perpendiculaires aux vaisseaux, de sorte que l’en-
semble offre l'aspect d’un tissu caverneux à trabécules muscu-
laires striées.
» En avant, le muscle transverse profond se termine quelque-
fois par un bord transverse constitué par des fibres qui vont
d’une branche descendante du pubis à l’autre.
» Ou bien une portion de ses fibres obliques s’insérent sur
l'aponévrose moyenne du périnée ou bien ces fibres obliques
des deux côtés s'unissent à angle, passent sous le bord anté-
rieur de l’aponévrose moyenne, gagnent le dos de la verge et.
se confondent avec l'enveloppe fibreuse du corps caverneux.
C'est cette portion antérieure du muscle transverse profond qui
a été décrite sous le nom de muscle de Wilson ou pubio-pro-
statique, muscle constricteur de l’urèthre.
» En arrière, les muscles des deux côtés se confondent lue
avec l’autre sur la ligne médiane par une sorte de raphé.
» 4° Action : comprimant le bulbe et la portion membraneuse
de l’urêthre, ils concourent à l'expulsion de l'urine et du
sperme.
» 2° Agent principal de l'érection en comprimant les veines
profondes qui ramènent le sang du corps caverneux. »
56 CADIAT. — ÉTUDE
Enfin, d’après M. Sappey, le muscle transverse profond s’attache
de chaque côté à toute la longueur des branches ischio-pubiennes,
etau milieu sur la partiemédiane d’une lame fibreuse quirecouvre
le muscle et qui constitue l’aponévrose périnéale moyenne.
D’après M. Sappey, ces fibres ne se fixent nt sur le bulbe ni
sur la partie membraneuse de l’urèthre.
Ce muscle aurait pour action de fermer le périnée en avant
comme les ischio-coccygiens et les releveurs le ferment en
arrière et ne pourraient en aucune façon euh la partie
membraneuse de l’urèthre.
On voit que l’opinion de M. Sappey est à peu de chose près
celle que nous soutenons relativement aux dispositions et aux
usages du muscle transverse profond, puisque nous l'avons
considéré comme faisant partie d’une sorte de sangle musculaire
à laquelle appartiendraient aussi le transverse superticiel et, si
l’on veut aussi, le bulbo-caverneux. .
Seulement, nous différons un peu d’avis avec cet éminent ana-
tomiste, relativement aux insertions externes du muscle
transverse que nous n’avons jamais vu attaché directement sur
les os du bassin. De sorte que son point fixe serait plutôt sur la
ligne médiane que sur les côtés ; et aussi parce que nous pensons
que ce muscle ne mérite pas une description à part, pas plus que
le transverse superficiel ; que l’un et l’autre contribuent à former
une seule et même couche musculaire interposée entre les
deux muscles orbiculaires de l’urêthre et du rectum.
En résumé, il existe au périnée, entre les deux sphincters,
celui de l’urèthre et celui de l'anus, une sorte de bande muscu-
aire à fibres transversales. Ces fibres s’insèrent d’une part sur
le raphé, de l'autre sur des faisceaux celluleux appartenant au
hssu cellulaire du bassin ou des couches sous-cutanées suivant
le niveau où elles se trouvent. Une partie de ces fibres, forment
ce qu'on à appelé le transverse profond ; l'autre les transverses
superficiels ; enfin les plus inférieures appartiennent au bulbo-
caverneux. Cette couche musculaire ne peut avoir aucune action
sur la circulation veineuse.
SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 57
EXPLICATION DES PLANCHES V, VI, VIT er VIII.
PLANCHE V.
Sur cette planche on voit la coupe longitudinale de l’urèthre d’un
enfant grossie dix fois. Elle montre le système des fibres circulaires de
la vessie au bulbe, le rectum avec ses fibres longitudinales et le com-
mencement du sphincter externe.
La figure 2 représente le schéma de l'appareil sphinctérin chez la femme
(la figure 3, le même appareil chez l’homme).
a. Vessie.
b. Urèthre.
c. Bulbe.
De d à e. Coupe de la couche des fibres cireulaires, commençant à
la vessie et se terminant au bulbe.
De d en d'. Fibres lisses.
De d'äe. Fibres striées, mélangées en quelques points à des fibres
lisses.
f,g. Couche longitudinale du rectum.
g, h. Fibres de la couche longitudinale du rectum allant rejoindre
le bulbo-caverneux. 4
p. Prostate.
Sur la figure 9 de la planche VIII, représentant une préparation par
dissection d’un périnée d’adulte, on voit ces fibres en
g. Canal éjaculateur.
g, t. Fibres de la même couche allant à la peau de l'anus, après
avoir traversé le sphincter externe (4).
Fi, 2. Dessin schématique de l’urèthre de la femme.
De a en b. Coupe de l’orbiculaire uréthral.
a en c. Fibres lisses.
c, b. Fibres striées.
Fic. 3. Dessin schématique de l’urèthre de l’homme. Ce sont les dispo-
sitions de l’urèthre de la femme modifiées par l’interposition de la
prostate (d).
a, b, c, p. Même PEN 1 RS
PLANCHE VI.
Coupe transversale faite à la partie profonde de l’aponévrose moyenne.
On voit sur cette coupe l’urèthre au centre, avec son muscle orbi-
culaire nettement séparé du tissu fibreux de l’aponévrose moyenne.
a, Urèthre.
b, Muqueuse uréthrale,
CADIAT. — ÉTUDE
ce. Couche musculaire de la muqueuse.
d, d. Orbiculaire de l’urèthre, se terminant en bas par des fibres
irrégulières qui se perdent sur l’origine du bulbe.
f. Tissu cellulaire séparant l'urèthre de l’aponévrose moyenne et
renfermant les veines g, g, g. Sur toutes les coupes les veines
affectent cette disposition par rapport aux muscles uréthraux.
Les fibres circulaires vont se perdre en bas sur le raphé. Elles
représentent ici la disposition qu’on retrouve plus accusée sur
les coupes plus profondes, comme celle de la figure 3 de la
planche IV.
h. Aponévrose moyenne.
PLANCHE VII.
Fi, 4. Coupe transversale faite à la partie superficielle de l’aponévrose
moyenne.
Cette figure représente en coupe ce que l’on peut voir sur la figure
suivante, faite d'après une pièce disséquée.
Entre cette coupe et celle de la planche précédente, il existe une série
d’intermédiaires dans lesquelles le petit triangle de fibres musculaires
situées au-dessus de l’urèthre (4) s’allonge de plus en plus sur les côtés
pour arriver à envelopper l’urèthre comme on le voit (pl. V).
Ce triangle représente le muscle de Wilson. On voit qu'il est dans le
tissu cellulaire péri-uréthral et en dehors des vaisseaux.
a. Canal de l'urèthre.
b. Muqueuse.
c. Couche musculaire de la muqueuse.
d. Triangle musculaire formé de fibres allant dans toutes les direc-
tions, mais tendant à prendre la direction orbiculaire sur les par-
ties latérales : c'est là ce qu’on a appelé le muscle de Wilson. Ce
serait la coupe de l’orbiculaire uréthral faite au point d de la
figure 1, planche IV.
e. Tissu cellulaire péri-uréthral, séparant l’urèthre du tissu fibreux
de l’aponéyrose moyenne.
f, f. Bulbe à son origine,
g. Veines situées en dehors de la couche musculaire.
h. Aponévrose moyenne.
Fic. 2. Dessin fait d'après une pièce obtenue par dissection. L’urèthre
a été séparé du corps caverneux et abaissé. On voit très-bien sur cette
figure la lamelle musculaire qu’on a appelée muscle de Wilson. Nous
avons représenté à dessein, dans la figure précédente, la coupe mi-
croscopique qui donne la disposition exacte de ces fibres musculaires,
Sur ces deux préparations on peut voir que ces deux triangles mus-
culaires se correspondent, et que les vaisseaux sont toujours dans une
couche celluleuse particulière qui n’est pas l’aponévrose moyenne.
SUR LES MUSCLES DU PÉRINÉE. 59
a. Musceles ischio-caverneux.
b, c. Bulbeet urèthre.
d. Veine dorsale de la verge.
e. Aponévrose moyenne.
{. Lamelle musculaire correspondant à à de la figure précédente,
séparée, comme dans cette figure, des vaisseaux et de l’aponé-
vrose moyenne : c’est là le prétendu muscle de Wilson.
g. Veines traversant le tissu cellulaire péri-uréthral, correspondant
à g de la figure précédente.
h. Tissu cellulaire péri-uréthral renfermant les veines.
PLANCHE VIII.
_ Sur cette planche on voit, figure 7, la coupe de l’urèthre en avant de la
prostate, avec le sphincter externe en 4, le releveur de l’anus en b b,
l’anus en c. |
Sur la figure 8, les dispositions du transverse superficiel du bulbo-caver-
neux, et les fibres longitudinales du rectum qui viennent rejoindre le
bulbo-caverneux.
a. Ischio-caverneux.
b. Sphincter de l'anus.
c. Bulbo-caverneux.
d. Transverse superficiel. |
e. Insertions du transverse superficiel qui se font par de petits ten-
dons dans le tissu cellulaire.
{. Fibres longitudinales du rectum allant se perdre dans le bulbo
caverneux.
Sur la figure 9, le transverse profond avec le sphincter externe. L’orbi-
culaire uréthral est renforcé à sa partie inférieure par des fibres trans-
versales nombreuses, qui forment en partie ce qu’on a appelé le
transverse profond.
a. Canal de l’urèthre.
. Muqueuse de l’urèthre.
. Fibres musculaires de la muqueuse.
. Sphincter externe ou orbiculaire.
. Raphé sous-uréthral sur lequel s’insèrent les fibres transverses.
. Fibres transverses partant du raphé pour aller se perdre dans le
tissu cellulaire.
g. Veines (plexus de Saulowni). Ces veines sont dans une atmo-
sphère celluleuse et bien séparées des muscles. Cette atmosphère
celluleuse est la continuation de celle qu’on voit en c, figure V.
k. Artères allant au bulbe,
SAS
RECHERCHES
SUR
LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU COEUR
Par M. MAREY
Professeur au Collége de France,
a
SOMMAIRE.
Comparaison du cœur avec les autres muscles. — Action des courants induits isolés ;
effets sur le cœur qui a cessé de se mouvoir ; systoles de l'oreillette et du ven-
tricule; durée de chacune d'elles ; durée du temps perdu qui les précède. — Ac-
tion des courants induits sur le cœur en place et qui a ses mouvements propres :
expérience de Bowditch. — Influence de la phase d’une révolution cardiaque où
l'excitation a été produite. — Influence de la température sur l’excitabilité du
cœur. — Effets des courants induits successifs ; influence de la fréquence des cou-
rants ; influence de leur force. — Tétanisation incomplète du cœur ; théorie de
ce phénoinène. — Effets des courants de pile de courte durée ; leur analogie avec
ceux des courants induits. — Tétanisation incomplète du cœur par les courants
continus ; théorie de ces effets.
Lorsqu'on soumet le cœur d’un animal à des excitations arti-
ficielles capables de produire dans un muscle strié des secousses
ou des télanos, on constate que le cœur présente des réaclions
singulières qui différent suivant les conditions où il se trouve, et
suivant la nature ou l'intensité de l’excitant qu’on a employé. Il
est lrès-important de comparer plus attentivement l’excitabilité
du cœur à celle des autres muscles, d'autant plus que les excep-
tions aux lois physiologiques sont, en général, plutôt apparentes
que réelles. Peut-être une étude plus approfondie rapprochera-
t-elle les propriétés du muscle cardiaque de celles des autres
muscles dont un examen superficiel tendrait à le distinguer.
Dans cette recherche, il faudrait passer en revue, tour à tour,
l’action des excitants de différentes natures, et l'influence que
chacun d’eux exerce sur le cœur, suivant les conditions où cet
organe se {trouve placé.
(1) Extrait des travaux du laboratoire, G, Masson. 4876,
Re. dt RS e
RECHERCHES SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 61
Je crois avoir déjà rapproché le cœur des autres muscles de
l'organisme, en montrant que le caractère intermittent et rhythmé
des syStoles de cet organe n’a rien qui lui soit propre, et qu’on
peut légitimement assimiler la série des systoles que le cœur
exécute sans cesse à la série de secousses que produit un muscle
contracté ; toute la différence consiste dans la durée des secousses
du cœur qui dépasse de beaucoup celle des muscles soumis à la
volonté (sauf chez la tortue et chez les animaux en état d’hiber-
nation) et dans l'intervalle considérable qui sépare deux secousses
conséculives du cœur. C’est cet intervalle qui empêche les systoles
‘ cardiaques de se fusionner en un tétanos ou une contraction per-
_manente.
Mais on peut voir une tendance mamifeste vers cette fusion et
vers la production d’un véritable tétanos du cœur, toutes les fois
que, par une influence quelconque, on accélère le rhythme des
systoles. Ainsi, par le chauffage, on accéière le rhythme du
cœur, et on finit par mettre cet organe en lélanos presque com-
plet. Cet état ne diffère en rien de celui d'un muscle qu'on sou-
mettrait à une série d'excitations électriques de plus en plus fré-
quentes.
D'autre part, si l’on considère isolément une secousse du
muscle cardiaque, on observe une notable différence dans la
durée de ce mouvement, suivant qu’on explore l'oreillette ou le
ventricule. Ces deux parties du cœur sont formées par des fibres
musculaires douées de fonctions différentes.
L’oreillette donne un mouvement brusque et de courte durée ;
le ventricule réagit d’une façon plus tardive et plus lente. Pour
bien observer ces mouvements, il faut prendre un cœur isolé et
dont les mouvements propres aient disparu. On est alors bien
certain que tout mouvement qui se produit est dû à l'excitation
arlficielle qu’on a fait agir sur l'organe, et on peut mesurer avec
exactitude le temps qui sépare l'excitation de la réaction du
muscle, ainsi que la durée et les phases du mouvement provoqué.
Ces expériences fournissent un résultat favorable à l’assimila-
tion du cœur aux autres muscles ; elles montrent, en effet, que,
suivant la loi générale, le ventricule, dont le mouvement est plus
62 MAREY. — RECHERCHES
lent que celui de l’oreillette, présente un temps perdu (retard du
mouvement sur l'excitation) plus grand que celui de l'oreillette.
Or dans tous les muscles on observe que la durée du temps
perdu est proportionnelle à la durée de l'acte musculaire lui-
même.
Un cœur d'animal isolé et dépourvu de mouvements propres
semble conserver son excitabilité pour les chocs, les piqüres ou
autres influences traumatiques, lors même qu’il cesse de réagir
à des courants induits assez intenses. Enfin, on observe nette-
ment la propagation de l'onde musculaire sur les fibres du ven-
tricule, quand celui-ci est affaibli et n’a plus que des systoles
lentes. C’est le même phénomène qui a été décrit depuis long-
temps sous le nom de péristalticité des mouvements du cœur;
mais il semble préférable de désigner sous le nom de transport
de l'onde musculaire, cette propagation du mouvement systo-
lique, attendu que cette désignation rappelle l'identité de l’acte
ondulatoire dans le muscle cardiaque et dans les muscles volon-
taires.
Pour voir nettement ce phénomène, il faut attendre qu’il n’y
ait plus de mouvements spontanés du ventricule. On pique alors
cet organe, au voisinage de son bord droit, par exemple, et l'on
peut suivre la transmission de la systole ainsi provoquée jusqu’au
bord gauche des ventricules. Il faut, pour cette transmission, de
une demi-seconde à une seconde.
Engelmann pense que la propagation du mouvement se fait,
dans le muscle cardiaque, d’une cellule à l’autre, sans qu'il soit
besoin d’admeltre aucune influence nerveuse pour comman-
der ces mouvements.
Il y a là une analogie nouvelle entre le cœur et les autres mus-
cles de l'économie. On sait, en eflet, que l'onde chemine dans la
fibre musculaire de proche en proche, abstraction faite de toute
influence nerveuse, car ce transport s'effectue sur un muscle dont
les nerfs ont été tués par le curare.
Enfin, pour continuer la comperaison entre la fonction du :
cœur et celle des autres muscles, il semble que, de part et d’au-
tre, le mouvement ait des caractères différents suivant qu’il suc:
SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 63
cède à une excitation du nerf moteur ou à une excitation exclusi-
vement appliquée au muscle. Aeby a montré que si on exaite le
nerf moteur d’un muscle, le mouvement éclate en quelque sorte
partout à la fois, au lieu de se transmettre de proche en proche
en donnant lieu au phénomène de l’onde, comme cela se voit si
on excite, par l’une de ses extrémités, le muscle d’un animal cu-
rarisé. Or si l’on compare les mouvements spontanés du cœur
à ceux que l’on provoque par des excilations locales quand les
mouvements propres ont cessé, 1l semble que les mouvements
spontanés, soumis à l'influence des nerfs intrinsèques du cœur,
éclatent en divers points à la fois au lieu de se transmettre de
proche en proche, à la façon de ceux que provoque une excita-
tion traumalique localisée.
Dans ces dernières années, d'importants travaux ont été entre-
pris relativement à la fonction du muscle cardiaque. C’est en
Allemagne surtout, et dans le laboratoire de ‘Ludwig, que ces
études ont été faites, grâce à l'emploi de cette belle méthode des
circulations artificielles qui permettent d'entretenir la fonction
d’un organe isolé. Le cœur d’une grenouille, muni d’un petit
manomètre inscripteur, fonctionne pendant plusieurs heures,
nourri par du sérum qu'on peut additionner de diverses sub-
stances dont les effets sur les mouvements cardiaques s’accusent
très-nettement. Mais il n'est besoin de parler ici que des
recherches faites à l’aide de cette méthode sur l’excitabilité du
cœur.
Un travail de Bowditch (1) signale des faits importants relatifs
à l’excitabilité du cœur par les courants induits. L'auteur y dé-
montre que les systoles provoquées par des courants induits
croissent d’abord avec l'intensité de l’excitant; puis, que cette
croissance devient de plus en plus lente, jusqu’à un degré où la
force des systoles reste invariable, bien que les excitations aug-
mentent encore d'intensité. En cela, le muscle cardiaque se com-
porte comme les autres muscles dont les secousses atteignent un
maximum qu’elles ne dépassent point, malgré l’accroissement
(1) Arbeiten aus der phusiologischen Anstalt. Leipzig, 4872.
64 MAREY. — RECHERCHES
d'énergie des excitations. Ce fait a été signalé par Fick, par
Chauveau, et après eux par tous les physiologistes.
Bowditch constate ensuite que le cœur ne répond pas toujours
aux excitalions qu'il reçoit, à moins que celles-ci n'aient une
grande énergie. Il distingue, à ce sujet, deux sortes d’excita-
uons : les unes, qu'il nomme suffisantes et qui, dans certains
cas, provoquent manifestement des systoles; les autres qui sont
assez énergiques pour produire à coup sûr une systole du cœur ;
il les nomme excitations enfaillibles.
Voulant ensuite déterminer quelles sont les circonstances dans
lesquelles les excitations suffisantes restent inefficaces, l’auteur
arrive à démontrer que, sur cent excitations données au Cœur,
la proportion des systoles obtenues croît, non-seulement avec
l'intensité des courants employés, mais aussi avec l'intervalle qui
sépare les excitations.
Enfin, il signale qu'après un repos, le cœur, peu excitable dans
les premiers instants, le devient graduellement davantage sous
l'influence des excitations qu’on lui applique.
Dans ces expériences, Bowditch a côtoyé de très-près les con-
ditions vérilables qui président aux changements de l’excitabilité
du cœur, et s’il ne les a pas complétement saisies, cela tient,
comme on le verra plus loin, à la méthode d'inscription dont il
s’est servi. C’est par la méthode de Fick que les tracés ont été
inscrits. Or, dans cette méthode, on ne fait mouvoir le cylindre
que dans les intervalles des mouvements que l'on veut écrire, et
c'est pendant l’immobilité du cylindre que le tracé s'inscrit. Il
résulte de cette méthode qu’on obtient une série de lignes
verticales pour une série d’oscillations du manomètre
cardiaque, et que celte série de lignes, très-apte à faire
juger des différentes amplitudes que présentent les excur-
sions de la colonne de mercure, ne donne aucune idée des
phases du mouvement qui s’est produit. La figure 4 montre trés-
bien les variations de l'énergie ventriculaire, du commencement
à la fin de l'expérience, mais elle n'indique ni le retard du mou-
vement cardiaque sur l'excitation qui l'a provoqué, ni les phases
de ce mouvement cardiaque. |
SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 65
Ainsi, par la méthode de Fick, on se prive d’un grand nombre
de renseignements utiles sur les caractères du mouvement que
l'on inscrit. On va voir que c’est l'emploi de cette méthode que
Bowditch doit accuser s’il n'a pas vu les conditions dans les-
quelles les excitations suffisantes provoquent ou ne provoquent
pas de mouvements dans le cœur qui les reçoit.
16. À, — Auginentation d'énergie des systoles du cœur sous l'influence d’excita-
tions électriques croissantes. (Cette figure se lit de droite à gauche.)
Un autre travail, relatif à l'excitabilité cardiaque, est dù à
Rossbach ; il a pour objet l'étude des excitations traumatiques
portées sur les ventricules ou sur les oreillettes (4).
Cet auteur a signalé un phénomène fort curieux : c’est la pro-
duclion d'une atonie locale et temporaire dans la pointe du
ventricule quand elle à reçu une forte excitation traumatique.
Après celte excitation, on voit, pendant une série de systoles, la
région contuse rester relàchée pendant que le reste du ventricule
devient pâle et dur. Celle partie contraste avec le reste de l’or-
gane en ce qu'elle forme une petite hernie, une sorte de sac
rouge dans lequel se réfugie le sang du ventricule en systole.
Ces observations semblent avoir été faites exclusivement de
visu; ainsi, quand il s’agit d'apprécier l'influence de la phase
d’une révolution cardiaque dans laquelle s'obtient tel ou tel effet
des excilations traumatiques, l’auteur nous semble parfois s'être
trompé. Nous reviendrons, du reste, ultérieurement sur ces
expériences.
(1) Rossbach, Beëtrage sur Physiol. der Hersens, Verhandl. der Phys. nied.
Gessellschaft. Wurtzbourg, vol. V, p. 183.
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PUYSIOL. — T, XII (1877). 9
66 MAREY. — RECHERCHES
Excitations électriques appliquées au cœur pendant que celui-ci
exécute ses mouvements spontanés.
A. Influence des courants induits sur les mouvements du cœur.
Pour obtenir des résultats bien comparables entre eux, Je me
suis servi exclusivement de courants induits de rupture. Or ces
excitations, bien que toujours égales entre elles, donnent nais-
sance à des effets très-différents. Tantôt le cœur semble n ‘avoir
pas reçu d’excitation, tantôt il réagit. Dans ces derniers cas, le
mouvement apparaît tantôt avec une grande soudaineté (1/10 de
seconde), et tantôt après un retard considérable (1/2 seconde et
même plus). Enfin, la systole provoquée peut être, dans certains
cas, aussi forte que celles qui se produisent spontanément, tan-
dis que, d’autres fois, elle est pour ainsi dire avortée.
En faisant un grand nombre d’expériences, j'ai pu m'’assurer
que si la réaction du cœur n’est pas toujours la même, cela tient
à ce que l'excitation n’arrive pas toujours au même instant de la
révolution du cœur, et que si on excite le cœur toujours à la
même phase de sa systole ou de sa diastole, il donne toujours la
même réaction.
Voici les conditions dans lesquelles les expériences ont été
faites. ;
La figure 2 montre une grenouille étalée sur une planchette
de liége et dont le cœur est mis à nu. Get organe est saisi, au ni-
veau de la région ventriculaire, entre les mors d’une sorte de
pince myographique formée de deux cuillerons portés chacun par
un bras coudé. L'un de ces bras est fixe, et l’autre, mobile, porte
un levier horizontal qui lui est perpendiculairement implanté et
qui, par son extrémilé munie d’une plume, trace sur un cylindre
enfumé. Le cuilleron mobile est rappelé par un petit fil de
caoutchouc fixé à une épingle e et agissant comme ressort, de
telle sorte que chaque systole du ventricule écarte les mors de la
pince en tendant le fil élastique, tandis qu’à chaque diastole le
cœur redevenant mou laisse revenir le mors de la pince sous la
traction du ressort.
SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 67
La traction du fil de caoutchouc, suivant qu’elle est plus ou
moins énergique, modifie les caractères du tracé cardiaque. Si la
traction est très-forte, elle comprime énergiquement le ventri-
cule et empêche le sang de le remplir pendant la diastole : dès
FiG. 2. — Myographe du cœur.
lors, on n'obtient plus que les courbes myographiques du ventri-
cule qui fonctionne comme dans le cas où le cœur serait isolé.
Mais si la traction est faible, le ventricule effectue sa réplétion
diastolique et le tracé renferme tous les détails normaux de la
pulsation cardiaque.
Le tracé, figure 3, montre les transformations successives que
présente le cœur d’une grenouille sous l’influence d’une traction
de plus en plus énergique du fil tenseur du myographe.
FIG. 3, — Tracés cardiaques de la grenouille sous l’influence d’une pression
croissante du myographe.
Sur les tracés représentés plus loin, le lecteur reconnaitra
donc aisément, d’après la forme de la courbe, le degré de pres-
sion auquel était soumis le ventricule.
68 MAREY. — RECHERCHES
Dans le myographe qui vient d’être décrit, les cuillerons sont
électriquement isolés par des pièces d'ivoire placées sur le trajet
des bras qui les supportent. Chaque cuilleron est mis en rapport
avec un fil métallique destiné à transmettre au cœur des exci-
tations électriques de différentes natures. Les courants de pile
ou les courants induits traverseront donc le ventricule, dans le
sens transversal, en passant d’un des cuillerons à l'autre.
Enfin, pour signaler l'instant précis où se produit l'excitation
électrique dont on veut connaître les eflets, on dispose, au-
dessous de la pointe du levier qui trace les mouvements car-
diaques, la pointe d’un signal de Deprés (fig. 4), qui inscrit,
FiG. 4. — Signal de Deprés marquant l'instant des excitations électriques.
avec une précision parfaite, le moment où lexcitation a
eu lieu. €
Supposons qu’on veuille appliquer au cœur une excitation
par un courant induit de rupture: on fait passer à travers le
signal de Deprés le courant qui traverse la bobine inductrice.
Dès lors, au moment précis de la rupture du courant inducteur,
le signal tracera sur le papier l'instant de cette rupture qui
coïncide absolument avec la production du courant tiQuit eXCI -
tateur. | :
L'expérience étant ainsi disposée, on donne au cœur une exci-
tation électrique au début d’une systole, puis, après avoir observé
les effets qui se sont produits, on excite de nouveau le cœur à
un moment plus avancé de sa phase systolique, puis, à un autre
moment plus tardif encore; enfin, par des excitations successives,
on explore de la même façon l’excitabilité du cœur aux diffé-
rents instants de sa diastole (1).
(1) J'avais d’abord essayé de provoquer, par les mouvements du cœur lui-
même, les excitalions qu'il reçoit; mais le dispositif compliqué nécessaire pour
obtenir cet effet n’est pas indispensable ; on s’habitue bien vite à produire l’excita-
tion au moment voulu en se guidant sur le tracé qui s’inscrit,
TT Se
SUR LES EXUITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 69
La figure 5 montre ce qui se produit dans certaines conditions
FIG. 5. — Excitation d’un cœur de grenouille à différents instants de sa révolution.
La ligne O 0’ représente l'origine commune des révolutions cardiaques pendant
lesquelles l’excitation s’est produite.
qui seront indiquées tout à l’heure. De la ligne inférieure 1 à
la ligne 3, le cœur est réfractaire aux excitations ; cette période
réfractaire correspond au début de la phase systolique. — De la
70 MAREY. — RECHERCHES
ligne À à la ligne 8, le cœur réagit aux excitations, mais avec
des rapidités bien différentes. Ge retard correspond à ce que
Helmholtz appelle £emps perdu pour les muscles volontaires. Or
ce retard va toujours en diminuant à mesure que le cœur est
excité dans une phase plus avancée de sa drastole; 1rès-long
pour la ligne A où il atteint environ 1/2 seconde, il est presque
nul pour la ligne 8. (Afin de rendre plus saisissable la durée de
ce temps perdu, on a teinté par des hachures la: partie du tracé
qui s’étend depuis le moment de l’excitation jusqu’à l'apparition
de la systole provoquée.)
En comparant entre elles les systoles provoquées à différents
instants, on constate que la systole provoquée est d'autant plus
forte, qu’elle arrive plus longtemps après la systole spontanée
qui la précède. 1 semble que le cœur qui vient d’agir ait besoin
d’un repos pour réparer ses forces, nerveuses ou musculaires,
et que le mouvement qui se produit est d'autant plus intense
que ce repos a été plus complet.
Si l’on suit de bas en haut la série des tracés de la figure 5,
on voit que l'amplitude des systoles provoquées est d’abord
petite (ligne A), puis grande (ligne 5), puis qu’elle diminue
encore (ligne 6), pour grandir de nouveau (dans les lignes 7
et S).
Ce fait ne contredit pas ce qui vient d’être dit précédemment ;
car si dans la ligne 6, par exemple, on voit une systole provo-
quée plus faible que die la ligne qui la précède et dans celles
qui la suivent, c’est que la id de la ligne 6 est arrivée
plus tôt. ;
Dans l'expérience ci-dessus, une double influence règle le
moment d'apparition de la systole provoquée. D'une part, l’arri-
vée de plus en plus tardive de l'excitation électrique tend à retar-
der de plus en plus l'apparition de ce mouvement; mais, d’autre
part, la diminution graduelle du temps perdu tend à hâter cette
apparition. Suivant la prédominance de ces influences contraires,
les systoles provoquées se montreront plus ou moins tôt et leur
amplitude en sera modifiée comme on le voit dans la figure 5.
Après chaque systole provoquée, il se produit un repos com-
SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 71
pensateur qui rétablit le rhythme du cœur un instant altéré ; de
sorte que le même nombre de systoles a lieu, soit qu’on excite
le cœur, soit qu’on le laisse à son rhythme spontané. L'existence
de ce repos est très-importante ; elle vient confirmer une loi que
j'ai cherché à établir, à savoir que /e travail du cœur tend à res-
ter constant. Les expériences auxquelles je fais allusion mon-
traient que le cœur règle le nombre de ces mouvements sur les
résistances qu'il doit vaincre à chacune de ses systoles: que si on
élève la pression du sang dans les artères, le cœur, devant à
chaque systole soulever une charge plus forte, ralentit ses batte-
ments; car chacun d’eux constituant une plus grande dépense de
travail, devra être suivi d’un plus long repos. Si, au contraire,
une hémorrhagie diminue la résistance que chaque systole doit
vaincre, chacun de ces mouvements représentera une moindre
dépense de travail et sera suivi d’un moindre repos ; le cœur
accélérera donc ses mouvements.
Les expériences dans lesquelles on provoque des systoles du
cœur au moyen d’excitations artificielles constituent un corol-
laire de la loc d’uniformité du travail du cœur.
Dans la figure 5, les mouvements cardiaques pendant lesquels
“une excitation électrique a été produite sont superposés (ligne
0 0’), les systoles spontanées qui réapparaissent après celles que
l'excitation électrique a provoquées sont superposées également,
de sorte que le cœur n’a été troublé dans son rhythme que pen-
dant un temps très-court. Il n’en est pas toujours ainsi, et j’ai
observé quelquefois qu’une excitation électrique du cœur en
trouble les mouvements pendant un temps assez long. On observe
alors une série de mouvements irréguliers qui se reproduisent
périodiquement, dans un ordre toujours le même,-jusqu’à ce
que réapparaisse le rhythme normal. Il m’a semblé que pour
obtenir ces rhythmes irréguliers et périodiques, il fallait que
l'excitation arrivât au ventricule à un instant déterminé de sa
révolution, et cet instant correspondrait à celui qui sépare la sy-
stole de la diastole du ventricule. Ces faits ont besoin d’être étu-
diés avec plus de soin ; je ne puis que les signaler à l’attention
des expérimentateurs.
72 MAREY. — RECHERCHES
Influence de l'intensité des courants induits sur l’excitabilité
du cœur. — La phase réfractaire qui à été signalée dans l’expé-
rience précédente n'existe que pour des excilations électriques
peu intenses. Elle disparait quand on augmente l'intensité du
courant induit, et reparaît de nouveau si l'intensité est diminuée.
On ne peut, à cet égard, donner la valeur absolue des intensités
électriques convenables pour faire paraître et disparaître la phase
réfractaire, mais le tâtonnement conduit bien vite à la détermi-
nation de ces intensités (1).
Du reste, chaque cœur sur lequel on opère présente un degré
particulier d’excitabilité et exige des courants induits d’intensités
différentes pour présenter la phase réfractaire. On va voir que
l'influence la mieux constatée pour faire varier lexcitabilité du
cœur, c’est la température à laquelle cet organe est soumis.
Influence de la température sur l'exatabihité du cœur. — En
répétant un grand nombre de fois l'expérience dont les résultats
ont élé représentés figure 5, je m'aperçus qu'à certains jours
les cœurs de grenouille ne présentaient pas la période réfrac-
taire, et constatai bientôt que ce phénomène tenait à une éléva-
tion de la témpérature. La figure 6 montre un type de ce genre.
On y voit que, sauf l'absence de période réfractaire, le cœur
se comporte comme dans le cas précédent. Ainsi, on observe
l’inégale durée du temps perdu suivant la phase de la révolution
cardiaque où l'excitation est arrivée, le temps perdu étant tou-
jours maximum quand l'excitation arrive au début d’une sy-
stole.
Dans le cas de la figure 6, si l’on eût diminué l'intensité des
courants induits, on eût vu apparaître la phase réfractaire, ainsi
que Je m’en suis assuré dans des cas analogues.
Les deux phénomènes, perte de l’excitabilité et augmentation
de la durée du temps perdu, sont de même ordre, c’est-à dire
(1) Si l’on se sert d’une bobine d’induction à glissière et qu’on engage assez peu
la bobine inductrice dans l’induite pour que le cœur, même en diastole, ne réagisse
pas aux excitations, il suffit d'engager graduellement cette bobine, pour qu’à un mo-
ment donné le cœur eu diastole se montre sensible aux excitations. Qu’on appli-
que alors ces courants induits au cœur en systole, on les trouvera sans effets sur Le
rhythme du cœur,
EN PNR PR CES
SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 73
que tous deux se produisent sous les mêmes influences. Quand
on éludie à l’aide du myographe un musçle quelconque, on voit
FiG. 6.—- Excitations électriques d’un cœur réchauffé ; l'excitation arriveà différents
instants de la révolution cardiaque.
que la fatique diminue l'amplitude des secousses, accroît leur
durée et augmente également celle du temps perdu. La même
chose arrive par le refroidissement du muscle ; elle s’observe
aussi quand on diminue l'intensité de l’excitant. Ainsi, les phé-
noménes qui viennent d’être observés à propos du cœur le rap-
prochent des autres muscles, et montrent que les mêmes in-
Îluences augmentent ou diminuent l’excitabilité cardiaque.
D'une part, en excitant le cœur toujours au même moment de
sa révolution, sijl’on emploie des courants induits d'intensité
décroissante, on voit s’allonger le temps perdu qui précède la
7h MAREY. — RECHERCHES
4
systole provoquée, jusqu’à ce que le cœur soit réfractaire à
l'excitation.
D'autre part, si l’on conserve la même intensité aux excitations
électriques, il suffit de refroidir le cœur pour que son temps
perdu augmente graduellement et que lorgane devienne enfin
réfractaire aux excitations. Ces variations de l’excitabilité cardia-
que s’obtiennent à volonté en plongeant les pattes de la gre-
nouille dans un bain froid ou chaud. Sur un cœur isolé de tor-
tue, on obtient les mêmes effets en faisant circuler dans cet organe
du sang échauffé ou refroidi. |
En présence de ces faits, on est conduit à se demander si les
variations de l’excitabilité du cœur aux différents instants de sa
révolution ne dépendraient pas de changements rhythmés de sa
température, de sorte que le cœur, au moment où il présente la
moindre excitabilité, soit plus froid que dans les autres instants
de sa révolution. D’après certaines expériences faites sur la tem-
pérature du cœur au moyen d’aiguilles thermo-électriques, il m'a
semblé que ces variations rhythmées de la température du cœur
existent réellement, et que l’ordre dans lequel elles se produisent
est précisément celui que l'hypothèse ci-dessus faisait prévoir,
Influence de courants induits successifs sur le rhythme du
cœur.— Au lieu de courants induits isolés dont chacun provoque
dans le cœur une systole, de même qu’il provoque une secousse
dans un muscle volontaire, prenons, comme excitants, des cou-
rants induits fréquemment répétés : nous constaterons, dans la
manière dont le cœur réagit, une particularité remarquable.
Tandis que les muscles ordinaires se tétanisent sous l'influence
de cette sorte d’excitant, ou du moins réagissent par une secousse
à chaque courant induit qui les traverse, le cœur ne fait qu’ac-
célérer le nombre de ses battements.
Supposons que le cœur donne, par son rhythme propre, un
battement par seconde, et qu’on lui applique des courants induits
successifs au nombre de 10 par seconde; le cœur ne fera que
doubler ou tripler la fréquence de ses mouvements. De sorte que,
dans les conditions où un muscle ordinaire eût réagi dix fois, le
cœur ne réagit que deux ou trois fois.
SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR., 79
Afin de rendre bien saisissable la manière dont les choses se
passent, on a inscrit, dans la figure 7, le nombre des excitations
que le cœur recevait, en même temps que le nombre des sy-
stoles qu'il effectuait. Un signal électrique traversé par le courant
inducteur sert à compter le nombre des courants induits qui sont
envoyés au cœur de la grenouille : chaque inflexion de la ligne
inférieure crénelée correspond à la production d'un courant
induit (1).
La figure 7 montre une série d’expériences faites avec des
courants induits d'intensité constante, mais de fréquences iné-
FiG. 7. — Excitation du cœur par des courants induits de rupture; le nombre de
ces courants est indiqué par celui des vibrations du signal au-dessous de chacun
des tracés.
gales : pour la ligne 4, les courants se répétaient seize fois par
seconde ; pour la ligne 2, quatorze fois; pour la ligne 3, huit
fois.
Or, malgré cette différence considérable dans la fréquence
des excitations, celle des systoles provoquées reste presque con-
sStante.
(4) En effet, à chaque fois que la ligne s'élève, c'est que le courant inducteur
est rompu et que la désaimantation du fer doux abandonne le style traceur à la
traction d’un ressort. Chaque fois que la ligne s’abaisse, c’est que le courant est
refermé et que l’aimantation du fer doux rappelle le style malgré la tension du
ressort.
76 MAREY. —-— RECHERCHES
Ainsi, une même longueur prise sur chacune des trois lignes
pendant la période d’excitations répétées contient sensiblement
le même nombre de battements du cœur dans ces différents tra-
cés, bien que la fréquence des excitations ait varié de 4 à 2.
Si la fréquence des excitations modifie peu celle des batte-
ments du cœur, il n’en est pas de même de la force de l’excitant.
En augmentant l'intensité des courants excitateurs sans en faire
varier le nombre, on change le nombre et le caractère des sy-
stoles provoquées.
Plus les courants induits seront intenses, plus seront nom-
breuses les systoles du ventricule ; ‘celles-ci arriveront même à
une sorte de fusion tétanique, lorsque l'intensité des courants
sera suffisante. La figure 8 donne deux types bien tranchés de
celte modification des mouvements du cœur. Pour la ligne 4,
la bobine peu engagée donnait des courant très-faibles ; pour la
ligne 2, la bobine était engagée au maximum. Or, dans les deux
cas, la fréquence des excitations était la même.
/
\/
VU
VU uv u VUUUVUUUVUUUU
FiG. 8. — Excitation du cœur par des courants induits de même fréquence, mais
de force inégale. Ligne 1, courants faibles ; ligne 2, courants forts.
Dans ces deux types, on retrouve l’analogue de ce qui se pro-
duit dans un muscle ordinaire auquel on donne des secousses
plus ou moins rapprochées. Tant que les secousses sont peu
nombreases, elles restent distinctes, mais dès qu’elle se rappro-
chent suffisamment, elles se fusionnent et le muscle semble être
dans un état de raccourcissement permanent. Si la fusion téta-
nique des systoles est plus complète dans la ligne 2, c’est que le
nombre de ces systoles est plus grand que dans la ligne 1.
SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 77
Pour rendre le phénomène plus
sensible, on a représenté dans là
figure 9 les mouvements d'un cœur
qui reçoit des courants induits de
fréquence croissante, mais d'intensité
variable à chaque instant. A cet eflet,
pendant que linterrupteur électrique
vibrait avec une fréquence constante,
on enfonçait la bobine inductrice dans
linduite d’une manière graduelle ,
afin d'accroître graduellement l'inten-
sité des excitations, puis on retirait
craduellement la bobine afin de dimi-
nuer la force des courants induits. On
voit que de a en à (période d’accrois-
sement de l'intensité des courants), le
nombre des systoles s’est accru, tandis
qu'il a diminué dans la phase suivante,
de à en c (période de diminution des
excitations).
Dans toutes ces expériences, on
constate qu'après les périodes d’exci-
tation, en c, le cœur présente un
repos assez prolongé, ordinairement
plus long que celui qui succède à
une excitation simple.
Notons enfin que le nombre des
systoles provoquées, bien que crois-
sant avec l'intensité des courants
induits successifs, n’atteint pas le
nombre de ces courants. Sur ce point,
le muscle cardiaque semble donc se
distinguer des autres muscles.
Toutes les particularités qui vien-
nent d'être signalées tiennent à une
cause unique : Le cœur présente à
— Excitatien du cœur, de fréquence constante, mais d’intensité croissante d’abord, puis décroissante, comme l’exprime la courbe a, b, c.
uuunnnnnnin ent
ÿ TUEUR UV LAVE UT LAND UV TUTELLE
F6. 9.
78 MAREY.— RECHERCHES
chacune de ses révolutions une phase pendant laquelle il est
réfractaire, et cette phase correspond à la systole ventriculaire.
On a vu précédemment que cette hypothèse explique l’incon-
stance que Bowditch avait signalée relativement à la manière
dont le cœur réagit à des excitations qui suffisent parfois à provo-
quer sa systole; elle explique également la raison pour laquelle
le cœur, dans son tétanos incomplet, ne donne pas un nombre
de secousses égal à celui des courants induits qui le traversent.
En effet, supposons que, dix fois par seconde, les courants se
reproduisent et que cette série d’excitations commence au moment
où le cœur étant relâché est redevenu excitable pour les courants
que l’on emploie : Le premier courant qui arrivera au cœur pro-
duira une systole et aussitôt, le ventricule devenant réfractaire,
tous les courants qui lui arriveront seront non avenus pour lui,
jusqu'au moment où, la systole commencée étant finie, le cœur
redeviendra excitable.
Alors le premier courant que le cœur recevra le mettra dans
un nouvel état systolique et le rendra de nouveau réfractaire,
jusqu’à la fin de cette nouvelle systole pendant laquelle une série
d’excitations seront encore inefficaces, et ainsi de suite : de cette
façon, sur cinq excitations appliquées au cœur, qualre par
exemple seront sans effet.
Imaginons que le nombre des excitations soit porté à vingt
par seconde. La première qui trouvera le cœur excitable le
mettra en systole et le rendra réfractaire à une série de neuf ex-
citations par exemple. La dixième trouvera le cœur redevenu
excitable, mais le rendra aussitôt réfractaire pour une autre série
de neuf excitalions, et ainsi de suite.
On voit que dans cette théorie la fréquence des excitations a
peu d'importance sur le nombre des systoles, le cœur ne pou-
vant réagir qu'à celles qu'il reçoit au moment où il est exci-
table.
Mais si l'intensité des courants s’accroit, le tétanos est plus
complet, c'est-à-dire que le nombre des secousses du cœur se
rapproche davantage de celui des excitations. Ce fait, déjà signalé
implicitement dans les expériences de Bowditch, tient à ce que,
SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 79
pour les excitations énergiques, la phase réfractaire du cœur di-
minue de durée. Au lieu de correspondre à toute la systole, elle
n’en occupera que la première partie, puis le début seulement,
si les courants augmentent encore d’énergie ; avec une intensité
suffisante de courant, la phase réfractaire disparaîtra même tout
à fait.
On comprend ainsi que le nombre d’excitations non avenues
diminuant sans cesse, le cœur réagisse plus souvent et s'approche
du télanos parfait, qu'il atteindra enfin si les excitations ont une
intensité suffisante.
Pour la même raison, on comprendra qu’un cœur chauffé soit
plus complétement tétanisable qu’un cœur refroidi, attendu qu'en
chauffant le cœur on diminue la durée de sa phase réfractaire.
B. Influence des courants de pile sur les mouvements du cœur.
Les courants de pile peuvent être appliqués de deux manières
différentes : soit à titre d’excitations brèves, analogues à celles
que fournissent les courants induits, soit à titre d’excitations de
longue durée (courants continus).
Pour appliquer au cœur d’ure grenouille des courants de pile,
dont le commencement et la fin soient inscrits comme dans les
expériences faites sur les courants induits, on recourt à la dispo
sition suivante :
Le circuit de la pile se fait à travers l’appareil-signal déjà dé-
crit et se referme au moyen d’une clef de du Bois-Raymond. De
cette clef part un circuit dérivé qui se rend au cœur de la gre-
nouille et qui, au moment où l’on ouvre la clef, fait partie du
circuit principal.
Dans ces conditions, si la clef est fermée, rien ne passe par le
cœur, car la résistance de son tissu est infinie pat rapport à celle
de la clef métallique; alors le signal est traversé par le courant
et le style est attiré dans la position inférieure. Dès qu’on ouvre
la clef, le courant passe par le cœur de la grenouille, mais la ré-
sistance que cet organe lui présente affaiblit tellement le courant,
que le signal se désaimante comme si le circuit était rompu:
80 MAREY. — RECHERCHES
Alors le style passe à la position supérieure, où il reste jusqu’à ce
que la clef soit fermée de nouveau et que le courant cesse de tra-
verser le cœur pour repasser par le signal.
Quand on a soin de n’ouvrir la clef que pendant un temps très-
court, 1/5 de seconde, le cœur réagit à peu près commeaux cou-
rants induits.
VAN A AAA A 2
EE
F16: 10. — Cœur de grenouille excité par des courants de pile très-brefs et appliqués
à des instants différents d’une révolution du cœur.
La figure 10 montre une série d’excitations obtenues par de
SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 81
courts passages du courant d’un élément Daniell de grande di-
mension.
Les excitations sont appliquées à différents instants de la révo-
lution du cœur, comme cela a été fait dans les expériences sur les
courants induits.
Mais, dans ce cas d'applications brèves d’un courant de pile, on
constate que la période réfractaire est absente et que le temps
perdu est sensiblement le même dans tous les cas.
Il ne faudrait pas croire cependant à une action particulière du
courant de pile sur le cœur. L'absence de la période réfractaire
et la brièveté du temps perdu tiennent à ce que le courant em-
ployé était trop fort. Il suffit de mettre des résistances sur le
circuit de ce courant pour en réduire l'intensité.
On voit alors apparaître les phénomènes auxquels donnent
naissance les courants induits, c’est-à-dire la phase réfractaire et
la varialion du temps perdu. Du reste, ces phénomènes varient
suivant qu’on affaiblit ou qu'on augmente le courant de la pile,
absolument comme ils varient pour les courants induits de forces
différentes.
Si le courant de pile est continu, il se comporte comme des ex-
citations multiples et produit une tétanisation complète ou incom-
plète suivant son énergie.
Or, la théorie qui s'applique à l'influence des excitations in-
duites fréquemment répétées explique également les influences
du courant continu: Quand le cœur, à la suite de la clôture du
courant qui le traverse, est entré en systole, il devient réfractaire,
et pendant un certain temps les choses se passent comme si le
courant ne le traversait pas. Puis le cœur redevient excitable et
rentre dans une nouvelle systole qui lui enlève encore son exci-
tabilité.
En somme, les effets des courants de diverses natures se rap-
prochent les uns des autres d’une manière très-apparente.
_ Le cœur, de son côté, présente avec les autres muscles des
analogies marquées, sauf en ce point : qu’à un moment de sa se-
cousse qui correspond à sa période de raccourcissement, 1l est
moins sensible aux excitations électriques.
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL, — T. XI (1877). 6
82 MAREY. — RECHERCHES
Est-il bien sûr qu’on ne trouverait pas dans tous les muscles
de l'organisme une phase de moindre excitabilité ? On n’en sau-
rait répondre à priori, mais 1l sera intéressant de faire sur ce
sujet des recherches spéciales, en plaçant les muscles explorés
dans les conditions favorables à la production de la phase réfrac-
taire.
CONCLUSIONS.
L’excitabilité du cœur n’est pas la même aux différents instants
d’une révolution cardiaque.
Une excitation unique, si elle est très-intense, provoque, il est
vrai, toujours une systole du cœur, ainsi que l’a vu Bowditch ;
mais si elle est faible elle ne trouve le cœur excitable qu'à cer-
tains instants.
Le cœur présente à chaque révolution une phase réfractaire.
Celle-ci correspond au commencement de la systole des ventri-
cules. Du reste, cette phase varie en durée suivant l’intensité de
l’excitant et suivant les conditions où se trouve le cœur.
Relativement à l'intensité de lexcitant on constate que si l’ex-
citation est faible la période réfractaire dure au moins pendant
toute la phase systolique ; quand l’excitation augmente de force,
la phase réfractaire se réduit aux premiers instants de la systole
ventriculaire et finit par disparaître tout à fait si l'excitation de-
vient assez forte.
Relativement aux conditions où se trouve le cœur, on voit que
la chaleur abrége et peut même supprimer la phase réfractaire,
tandis que le froid en augmente la durée.
La position de cette phase, au début de la systole, tient peut-
être à un abaïissement de la température du cœur qui se produit
périodiquement à la fin de chaque diastole; cette supposition
semble confirmée par certaines mesures thermo-électriques de
la témpérature cardiaque.
Les systoles provoquées artificiellement ne troublent pas sen-
siblement le rhythme du cœur, car celui-ci compense par un
repos plus grand qu’à l’ordinaire le travail excessif qu’on lui a
fait faire. |
SUR LES EXCITATIONS ÉLECTRIQUES DU CŒUR. 83
Il y a là une nouvelle preuve de la tendance du cœur à tra-
vailler uniformément.
Toute systole provoquée a d'autant plus d'amplitude qu’elle
arrive plus tard après la systole spontanée qui la précède.
Toute systole provoquée a un temps perdu d’autant plus court
que l’excitation qui lui a donné naissance est arrivée plus tard
après la systole spontanée qui la précède.
Quand une série d’excitations électriques faibles agit sur le
cœur, la plupart de celles-ci trouvent le cœur réfractaire, aussi
le nombre des systoles est-il beaucoup plus petit que celui des
excitations.
On peut faire varier la fréquence des excitations faibles sans
changer sensiblement celle des systoles : le cœur, dès qu'il a reçu
une excitation efficace, se trouvant ramené à la phase réfrac-
taire.
Mais si l’on fait varier l'intensité des excitations sans en changer
la fréquence, comme la période réfractaire devient moins longue,
le nombre des systoles s'approche de celui des excitations et peut
l’atteindre, ce qui met le cœur dans un état de tétanos quand les
excitations sont assez fréquentes.
Les courants de pile de courte durée se comportent sensible-
ment comme les courants d’induction.
Le courant continu d’une pile, lorsqu'il est faible, agit comme
une série d’excitations discontinues et ne fait qu’accélérer le
rhythme du cœur. Cela tient à ce que le courant n’agit que dans
le moment où le cœur n’est pas réfractaire. |
Mais un courant de pile suffisamment intense acélère davan-
tage le rhythme cardiaque, car la période réfractaire est plus
courte pour les courants forts.
À un certain degré d'intensité, le courant de pile met le cœur
dans un tétanos complet.
ANALYSES ET EXTRAITS
DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS
DU VOLUME DES ORGANES
DANS SES RAPPORTS AVEC LA CIRCULATION DU SANG (1)
Par M. FRANÇOIS-FRANCK
Préparateur au Collége de France.
Les changements de calibre des vaisseaux s’accompagnent de chan-
gements de volume du tissu tout entier, et il est possible de constater
ces variations en enfermant un organe vasculaire, la main par exemple,
dans-un appareil en forme de manchon, rempli d'eau, hermétiquement
fermé et ne communiquant avec l’extérieur que par un tube vertical.
Chaque augmentation du volume de la main provoque un déplacement
d’eau correspondant à la quantité de sang qui s'est ajoutée au contenu
des vaisseaux; cette eau déplacée monte dans le tube vertical, et le
niveau s'élève d'autant plus haut que l’augmentation du volume de l’or-
gane immergé a été plus considérable. Inversement, quand jes vaisseaux
se resserrent et que la main vient à contenir moins de sang, l’eau est
rappelée vers l'appareil et son niveau s’abaisse proportionnellement à la
quantité de sang qui vient d'abandonner le tissu vasculaire.
C'est au D' Piégu que semble devoir être attribuée la première re-
cherche de ce genre (Comptes rendus de l’Acad. des sc., 1846) ; plusieurs
auteurs s'en sont depuis occupés, mais leurs expériences sont restées
à peu près ignorées : Chelius et Fick en Allemagne, Ch. Buisson en
‘ France, sont les seuls qui, d’après François-Franck et Mosso, aient fait
quelques recherches sur ce sujet.
A. Mosso (Turin) et François-Franck ont étudié chacun de leur côté, à
des points de vue et avec des appareils différents, les changements de
volume du membre supérieur dans ses rapports avec la circulation san-:
guine. L'appareil dont s’est servi François-Franck est représenté dans la
figure suivante.
C'est avec cet appareil, analogue à celui que signala Buisson en 1862
(Thèse inaug., Paris), qu'ont été étudiés les changements produits dans le
volume de la main sous des influences variées. Les mouvements du
(4) Extrait d'un mémoire publié dans les travaux du laboratoire du professeur
Marey. G. Masson, 1876. — Voyez aussi Comptes rendus de l’Acad. des sciences,
avril 4876.
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 85
liquide dans l’ampoule du tube vertical sont communiqués, par l’inter-
médiaire de tubes à air, à un tambour à levier inscripteur de Marey et
enregistrés sur un cylindre tournant. Les principaux résultats des expé-
Fi. 4. — Appareil explorateur des changements du volume de la main. — La mem-
brane au travers de laquelle passe l’avant-bras est immobilisée par une Flaque
métallique ; dans le tube vertical muni d’une ampoule, s’opèrent les changements
de nivzau qui s'inscrivent à distance à l’aide de la transmission par l'air.
riences exécutées du mois de mars 1875 au mois de février 1876 sont
résumés par l’auteur dans les conclusions suivantes :
1° Les doubles mouvements dela main {augmentation et diminution),
affectant avec la fonction cardiaque les mêmes rapports que le pouls
d'une seule artère, doivent être considérés comme l’expression des pul-
sations totalisées des vaisseaux de la main.
2° Quand on examine la ligne d'ensemble du graphique fourni par les
pulsations de la main, on y remarque de grandes ondulations dans les-
quelles il est facile de reconnaitre l'influence des mouvements respira-
toires ; en enregistrant comparativement les courbes de la respiration et
celles des variations du volume de la main, on peut s'assurer que,
dans les conditions normales, la main augmente de volume pendant
l'expiration et diminue pendant l'inspiration. Les variations de volume
sont du reste, ici comme en toute autre circonstance, en rapport avec
les variations de la pression artérielle.
3° L'expansion d’origine cardiaque du tissu vasculaire retarde sur le
86 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
début de la systole du même temps que le pouls radial. Ce retard aug-
mente ou diminue de part et d'autre suivant que l'évacuation du cœur
gauche est lente ou rapide.
L° Chaque tracé des variations du volume de la main présente un di-
crotisme simple ou double, identique à celui du pouls artériel et recon-
naissant la même cause (onde liquide de retour).
FiG. 2. — Tracés des pulsations du cœur (ligne C) et des changements du volume
de la main (ligne V) recueillis simultanément. Repères indiquant les rapports des
pulsations de la main et des pulsations du cœur. (Courbes reproduites par l’hé-
liogravure.)
5° Le volume des organes explorés diminue sous l'influence de causes
mécaniques variées, compression de l'artère principale, aspiration du
sang vers d’autres organes, à l’aide de la ventouse Junod, par exemple.
6° Ce volume augmente, au contraire, quand on provoque mécani-
quement l'accumulation du sang dans l'organe : la compression veineuse
réalise cette condition au maximum, il arrive même un moment où le
sang artériel ne peut plus pénétrer dans la main quand on supprime les
voies de retour : la pression dans les veines fait alors équilibre à la pres-
sion dans les artères. D’autres causes mécaniques déterminent aussi
l'augmentation du volume de la main, par exemple la compression d’ar-
tères importantes (les fémorales), la compression d’un membre inférieur
avec la bande d’Ezmarch, l'élévation du bras opposé au bras ex-
ploré, etc.
17° Des influences nerveuses directes ou réflexes modifient le volume
des organes en modifiant le calibre de leurs vaisseaux.
Le refroidissement de l’eau dans laquelle la main est immergée déter-
mine un resserrement vasculaire et une diminution de volume.
L'application passagére du froid sur la peau du bras détermine une
diminution de volume dans la main correspondante, par le resserrement
des petits vaisseaux, dû à un acte réflexe des nerfs sensibles sur les nerfs
vasculaires. :
La réalité de ce réflexe se démontre par l'exploration du volume d’une
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 87
main quand on impressionne la main opposée par le simple contact d’un
corps froid; l'expérience prouve en effet qu'il ne s’agit point, dans ce
phénomène, d’un refroidissement du sang, ni d’une modification ap-
portée au jeu du cœur. (Expérience faite par MM. Brown-Séquard et
Tholozan avec l'exploration thermométrique. )
Le temps qui s'écoule entre l'instant de l'impression et l’apparition
du resserrement des muscles vasculaires (temps perdu des muscles
lisses) augmente avec la fatigue de ces muscles.
8° Dans les respirations ordinaires, larges et faciles, le volume de la
main augmente pendant l'expiration, diminue pendant l'inspiration.
Mais les rapports des courbes de variations du volume avec les courbes
respiratoires peuvent varier suivant le type de la respiration (thora-
cique, abdominale).
9° L’effort, par la compression intra-thoracique et intra-abdominale
qu’il détermine, chasse du sang artériel vers la périphérie et favorise
l'évacuation du cœur.
L’exploration des variations du volume de la main peut être appliquée
en médecine à l'étude des médicaments qui agissent sur l’appareil vas-
culaire ; il est possible de suivre avec l'appareil à déplacement le progrès
du rétablissement de la circulation collatérale après la ligature d’une
artère ou après une oblitération spontanée, etc.
Ueber Zellbildung und Zellthelung von D' Edward STRASBURGER.
Jéna, 1876, 1'° éd. (Sur la formation et la division des cel-
lules), traduit de l’allemand avec le concours de l’auteur, par
Jean-Jacques Kicks, professeur à l’université de Gand.
M. Strasburger, donnant au terme «cellule » l’acception la plus large,
envisage sous ce titre non-seulement les éléments composés de proto-
plasma limité par une membrane et renfermant un noyau, mais encore
toutes les formations qui, pouvant manquer de l’une de ces parties, ont
cependant une égale valeur histologique. Le mode de formation de la
cellule est, dans l’histoire de cet élément, un point particulièrement
obscur et discuté ; aussi ces recherches puisent-elles un grand intérêt
dans la nature même du sujet dont elles traitent, et cet intérêt s’accroît
encore par l'étendue du champ des observations. M. Strasburger s’est,
en effet, occupé de la formation des cellules à la fois chez les végétaux
et chez les animaux, et les résultats de ce parallèle sont des plus féconds.
Avec l’auteur, nous commencerons par les cellules végétales. Ici, trois
modes de formation des cellules sont généralement admis, à savoir :
4° la formation libre, 2° la division, 3° le rajeunissement. Mais ces
divers procédés sont mal connus; le rôle du noyau est obscur, et la
55 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET. ÉTRANGERS.
production de la paroi des nouvelles cellules donne lieu aux explications
les plus diverses. Y a-t-il un rapport quelconque entre la division du
noyau et celle du protoplasma de la cellule-mère, entre la division du
noyau et la formation des cellules-filles? Ce sont là autant de questions
controversées ou à peine entrevues que M. Strasburger aborde franche-
ment el étudie en détail.
Examinons d’abord comment se comporte le noyau, et prenons le cas
le plus compliqué du mode de formation des cellules, c'est-à-dire celui
qui procède par division. Soit par exemple le Spirogyra orthospira,
algue particulièrement propre à ces observations, parce qu'on peut sui-
vre sur l'individu vivant tout le phénomène de division des cellules qui
dure, suivant les circonstances, de trois à six heures. Tout ce que l’on
savait sur le noyau du Spirogyra pendant la division, c’est qu’à la place
du noyau primitif de la cellule, se forment deux nouveaux noyaux.
D'après M. Strasburger, voici comment les choses se passent : le noyau,
d’abord fusiforme, à grand diamètre perpendiculaire au grand axe de
la cellule, commence par se gonfler et sa masse atteint, en une demi-
heure environ, un volume quadruple de ce qu'elle était primitivement,
A ce moment, le noyau a, sur une coupe, une forme rectangulaire; il
est transparent ; le nucléole qu’il renfermait est entièrement disparu.
On voit alors, subitement, sa masse affecter une disposition en filaments
dont la différenciation avance des deux surfaces latérales vers le plan du
milieu, où elle se condense en une lame qui réfracte plus fortement la
lumière. « Sur des préparations qui ont séjourné dans l'alcool, on voit
» très-bien les filaments ou stries et la plaque qui leur est perpendicu-
» laire. Dans cesstries, on reconnaît facilement un plasma d’une texture
» filamentaire. La plaque du milieu présente également des stries dans
» la même direction, mais elles sont beaucoup plus épaisses. Ce sont de
» courts bâtonnets séparés les uns des autres par des intervalles de mê-
» me largeur, » et la lame ou plaque qu'ils constituent par leur ensem-
ble présente, quand on l’examine de face, la forme d’un disque qui
atteint par ses bords la périphérie du noyau. M. Strasburger appelle
plaque nucléolaire cette lame naissant à l’équateur du noyau.
Bientôt, le noyau s’allonge de telle sorte qu'il prend la forme d’un
tonneau dont le grand diamètre est parallèle au grand axe de la cellule.
La plaque nucléolaire s’élargit un peu par suite d’un léger étranglement
du milieu des bâtonnets; en un mot, cette plaque commence à se divi-
ser en deux segments. Par la suite, le noyau s’allonge encore, les deux
segments de la plaque s’écartent davantage l’un de l’autre, et l’on peut
remarquer qu'ils restent reliés par des fils qui représentent la partie
médiane étirée des bâtonnets, et qui deviennent de plus en plus minces
à mesure que les deux seoments s’écartent davantage. Quant aux stries
qui au début s’étendaient de la plaque nucléolaire aux deux extrémités
du noyau, elles existent toujours et se perdent maintenant aux deux
extrémités du noyau. |
ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 89
Aussitôt que la longueur du noyau est devenue plus d’une fois et
demie ce qu’elle était au moment de la division de la plaque nucléo-
laire, on voit la paroi latérale de l'espèce de « tonneau » qui représente
le noyau se partager en fils longitudinaux, et ce phénomène coïncide
avec l’époque où lés segments de la plaque nucléolaire cessent de se mou-
voir visiblement. C’est alors que les fils très-Lénus qui reliaient ces deux
segments venant à se briser, le noyau primitif apparaît comme un ton-
neau vide offrant à chaque extrémité un disque homogène, provenant
de la bipartition de la plaque nucléolaire. Ces disques se gonflent,
deviennent ventrus, et ainsi sont formés les deux nouveaux noyaux.
Tel est le mode de bipartition du noyau dans la division des cellules
du Spirogyra.
Se présente-t-il ainsi ailleurs ? Pour ce qui est, par exemple, de la
formation des nouveaux noyaux dans la division de la cellule-mère des
cellules de bordure des stomates, M. Nœgeli pense que le noyau de la
cellule-mère se résorbe, qu'un autre noyau secondaire se forme proba-
blement alors et se divise en deux. M. Mohl croyait, au contraire, à la
division immédiate du noyau de la cellule-mère.
Voici comment M. Strasburger résume ses recherches sur les stomates
de l’Iris pumila : « La cellule-mère des cellules de bordure renferme
» d’abord un grand noyau avec un grand nucléole ou plusieurs nucléoles
» plus petits. Ce noyau grossit en devenant homogène, puis on voit
» apparaitre dans son intérieur les stries convergeant vers ses deux pôles,
» et, à l'équateur, la plaque nucléolaire qui le divise en deux moitiés.
_» Cette plaque se dédouble, et ses deux segments commencent à s’écar-
» ter l’un de l’autre. Suit la formation définitive des nouveaux noyaux,
» correspondant chacun à l’une des deux moitiés écartées du noyau pri-
» maire. »
Le procédé est donc semblable à celui que nous avons détaille pour
le cas du spirogyra. M. Strasburger a observé la même façon d'agir du
noyau dans la division des cellules de l’endosperme du phaseolus multi-
florus, dans T’embryon du gingko biloba, dans celui du triticum vulgare,
dans le cambium du ypinus sylvestris, dans les poils du tradescantia Vir-
ginica, etc.; on peut donc admettre, pour le cas de formation des
cellules par division, que le procédé de bipartition du noyau est général.
Appelons-le, pour éviter toute périphrase, procédé typique.
Il nous reste encore à examiner comment se comporte le noyau dans
le cas, non plus d’une division binaire, mais d’une division tétraédrique.
le divise-t-il en deux fois, ou bien des plaques disposées tétraédrique-
ment apparaissent-elles dans ce noyau qui se séparerait ainsi aussitôt en
quatre parties ? Les observations de M. Strasburger sur les pollens de tro-
pæolum, de cucumis et de diverses autres dicotylées, permettent de con-
clure qu’il n’existe pas de division tétraédrique d’emblée du noyau de
la cellule-mère, mais qu’il y a partout une division en deux temps, c'est-
à-dire, en premier lieu, division binaire du noyau de la cellule-mère,
A
90 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
d’après le procédé typique, et, en second lieu, division binaire des deux
nouveaux noyaux, également par le procédé typique. Il en est de même
du noyau de la cellule-mère des spores du psilotum triquetrum et de
l’equisetum.
En un mot, chaque fois que le noyau de la cellule-mère prend une
part directe à la formation de nouveaux noyaux, il se divise par un pro-
cédé unique.
Cette conclusion, vérifiée par ces nombreux exemples pour le cas
de la formation des cellules par division, est-elle applicable aux cas
de formation libre des cellules? Les recherches de M. Strasburger
à ce sujet ont porté sur des conifères (œuf de l’ephedra altissima, du
gingko biloba, pinus et picea vulgaris), sur des champignons (spores d’anap-
tychia ciliaris, de caliciées, de sphærophorées). En résumé, voici ce
qu'il a observé : Le noyau primitif de la cellule-mère se dissout complé-
tement, et c'est d’après cette disparition que l’on voit se produire par
une sorte de genèse de nouveaux noyaux en nombre variable suivant les
cas considérés. Prenons pour exemple l’œuf (cellule centrale de l’arché-
gone) du picea vulgaris. Il renferme un gros noyau qui bientôt com-
mence à s’effacer, sa substance se répandant dans le reste de l'œuf.
Quand il est complétement réparti dans le protoplasma de l'œuf, on voit
apparaître simultanément dans le sommet organique de cet œuf (partie
inférieure de la cellule centrale de l’archégone) quatre nouveaux noyaux
qui atteignent aussitôt leurs dimensions définitives.
De la même manière peuvent se former de trois à huit noyaux dans
l'œuf de l’ephedra altissima, et plus de trente dans l’œuf fécondé du
gingko biloba.
Ce procédé de formation semble complétement différer du procédé
typique, mais, par de patientes recherches, M. Strasburger a été amené
à saisir le rapprochement qui existe entre ces deux modes. En effet,
dans l’œuf du picea, la formation des nouveaux noyaux ne s’arrête pas à
quatre ; il doit en naître quatre nouveaux ; or M. Strasburger a observé
que tantôt ces quatre derniers noyaux apparaissaient spontanément,
c’est-à-dire par le même procédé que les quatre premiers, et que tantôt,
au contraire, ils prenaient naissance par le procédé typique. Le plus sou-
vent en effet, « dans l’œuf du picea, où existent déjà quatre noyaux, on
» voit ces quatre noyaux s’arrondir légèrement et leur contour s’effacer
» un peu. Puis on voit d’autres noyaux environ du même âge montrant
» à l'équateur la plaque nucléolaire et les stries que nous connaissons. »
On peut suivre sur des préparations la division d’après le mode typique,
et finalement les huit noyaux sont formés. De ces faits, M. Strasburger
pense pouvoir conclure que la différence entre les deux modes de forma-
tion des nouveaux noyaux n’a pas autant de valeur qu'on pourrait le
croire. L'apparition spontanée des quatre noyaux est due à une abrévia-
tion du développement dans lequel des degrés intermédiaires ont été omis.
Mais ces degrés peuvent réapparaitre ; aussi la division du noyau dans
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 94
la formation libre des cellules peut-elle être ramenée à la division du
noyau dans la formation des cellules par division.
Comparons maintenant ces phénomènes à ceux qui se passent dans
le noyau des cellules animales. M. Strasburger rapporte un certain nom-
bre d’observations antérieures aux siennes, et parmi lesquelles nous
relevons particulièrement celles de M. Bütschli sur les œufs du cucul-
lanus elegans. Ici, pendant la division du vitellus, on constate la dispa-
rition de toute délimitation nette entre le noyau primitif et ce vitellus,
puis, « à l'emplacement du noyau, apparait un corps fusiforme. Ce
» corps est manifestement formé de fibres longitudinales, et, en même
» temps qu'il devient visible, on aperçoit dans chacune de ses fibres,
» à l'équateur du corps, un grain sombre et brillant ; de sorte que ces
» grains, considérés dans la direction des extrémités du corps fusiforme,
» constituent par leur réunion un cercle complet. Ce cercle équatorial
. » unique en développe bientôt deux qui s’éloignent l’un de l’autre dans le
» sens de la longueur du corps fusiforme, vers les extrémités de celui-ci,
» jusqu’à ce qu'ils arrivent environ au milieu des segments à former. »
Le procédé ainsi décrit rappelle d'une manière frappante le procédé
typique de division du noyau des cellules végétales. Les recherches de
M. Strasburger ont été faites sur les cellules des cartilages de l'oreille du
veau et sur des œufs de phallusia mamillata et d'unio pictorum. Pour les
noyaux des cellules de cartilages, M. Strasburger n’a pas pu suivre toute
la série des phénomènes, mais il a rencontré assez d'états différents
dans la division pour pouvoir décider avec certitude que les noyaux des
cellules du tissu cartilagineux ne se divisent pas par étranglement com-
me on le supposait, mais par un procédé semblable au procédé typique
chez les végétaux. Les œufs de phallusia mamillata et d'unio pictorum,
beaucoup plus favorables aux observations, ont permis à M. Strasburger
de retrouver dans toutes ses phases la division du noyau telle qu’il l’a
décrite dans les cellules végétales, et de conclure ainsi à la généralisa-
tion du procédé chez les plantes et chez les animaux.
Quant aux phénomènes qui se passent dans le noyau pour arriver à
sa division, voici comment M. Strasburger les interprète : Sans vouloir
formuler une hypothèse sur la nature des forces en présence, il est cer-
tain qu'un antagonisme se développe entre deux endroits opposés de la
surface du noyau, qui s’allonge sous cette influence. Les molécules qui
le composent prennent alors une disposition radiale par rapport à ses
deux pôles. Puis une substance repoussée de ces pôles s’amasse dans
la région équatoriale et forme la plaque nucléolaire. Cette explication
repose sur l'observation directe, dans la cellule du spirogyra, où l’on
peut suivre le mouvement de cette substance des pôles vers l’équateur ;
son déplacement est accompagné de la différenciation de la masse nu-
cléaire én stries. C’est alors que la plaque nucléolaire, sollicitée par
l'influence respective qu’exercent l’un sur l’autre les deux pôles du
noyau, se clive en deux segments égaux qui s’éloignent l’un de l’autre.
92 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
Sans insister davantage sur le procédé de division du noyau cellulaire,
examinons maintenant comment se forment les nouvelles cellules et
quel rôle joue le noyau dans cet important phénomène.
Prenons, comme premier exemple, un cas de formation libre d’une
cellule végétale, tel qu'il s'en présente dans l’endosperme du phaseolus
multiflorus. Comme nous l'avons dit plus haut, le noyau de la cellule-
mère disparait d’abord ; puis apparaissent les nouveaux noyaux ; mais
ceux-ci ne précèdent pas, comme on le croyait, dans leur apparition le
reste de la cellule : « Dans son évolution, en effet, le noyau apparait
» comme un simple point; autour de celui-ci, pris comme centre, se
» dessine en même temps une zone transparente qui, malgré ses con-
» tours délicats, affecte la forme d’une sphère. » A mesure que le
noyau ponctilorme s’accroit, la zone sphérique d'attraction qui l'entoure
augmente en proportion, et prend une disposition manifestement rayon-
nante. Pendant que l'accroissement de la cellule continue, le protoplasma
se retire peu à peu du noyau vers la couche extérieure, où il se trans-
forme en une couche granuleuse. Ce n’est que lorsque deux cellules
viennent à se toucher que l’on peut constater entre leurs deux parois
l'apparition d’une lamelle de cellulose.
La formation libre des cellules dans l’œuf de l’ephedra et dans celui
du gingko biloba est identique, et les mêmes phénomènes se présentent
avec plus de netteté encore chez les animaux. M. Strasburger les a pu
suivre en entier sur les œufs vivants du phallusia. « Dans ces œufs, on
» constate un arrangement radial du protoplasma, par rapport aux deux
» pôles du noyau cellulaire entrant en partage. Cette disposition s’ac-
» centue davantage quand les deux segments de la plaque nucléolaire se
» sont écartés l’un de l’autre. On obtient ainsi deux « soleils » dont les
» rayons grandissent » jusqu'à, d’une part, atteindre la périphérie de
l'œuf, et, de l’autre, se toucher sous un angle plus ou moins grand
dans sa région équatoriale. Alors apparaît dans cette région un léger
étranglement annulaire, qui commence uniformément sur tout le pour-
tour de l'œuf et s’avance si rapidement vers l’intérieur, qu’en peu d’ins-
tants la séparation des deux moitiés de l’œuf peut être achevée.
Dans les points essentiels, ce procédé est le mème que celui qui est
employé dans la formation libre des cellules végétales. M. Strasburger
le considère comme le procédé typique, et nous allons voir qu’il se laisse
également comparer au mode de formation des cellules par division,
Prenons comme exemple le mode de formation par division des quatre
dernières cellules dans l’œuf du picea. Nous avons dit plus haut com-
ment la plaque nucléolaire, née par action répulsive à l'équateur du
noyau de la cellule-mère, se dédouble pour donner naissance aux deux
nouveaux noyaux. Les deux segments ainsi formés restent reliés l’un à
l’autre par des filaments granuleux. C’est à ce point que nous avons
cessé de poursuivre l'examen du noyau primitif, puisque cet état coïnci-
dait avec la formation des deux jeunes noyaux. Voyons donc ce qui va
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 93
se passer : Les filaments interposés entre les deux plaques nucléolaires
commencent bientôt à se gonfler vers le milieu de leur longueur, et
toutes ces parties gonflées, placées en un même plan, produisent une
nouvelle plaque équatoriale qui devient de plus en plus distincte à me-
sure que la différenciation définitive des jeunes noyaux avance. Vu son
rôle, M. Strasburger appelle cette nouvelle plaque plaque cellulaire. Elle
se divise bientôt par son milieu, et les deux moitiés qui en résultent
deviennent les couches membraneuses des nouvelles cellules. Ce clivage
d’une seule couche membraneuse en deux se fait d'une manière analo-
gue au clivage des bâtonnets dans la plaque nucléolaire ; mais, tandis
qu'entre les deux segments de cette dernière des fils granuleux persis-
taient, ici, ces granulations se retirent dans les deux segments de la pla-
que cellulaire, laissant entre ces segments un vide dans lequel la cellu-
lose est sécrétée, et forme bientôt une membrane continue. Quant à la
plaque cellulaire, elle résulte d’une action répulsive de la part des deux
noyaux en voie de formation, et, dès lors, est comparable à la couche
granuleuse que nous avons vue se produire par répulsion à la périphérie
du protoplasma radié des jeunes cellules en voie de formation libre. Le
rapprochement paraitra encore plus évident quand nous aurons dit que
dans le picea, le noyau ne remplissant pas totalement la cellule, la pla-
que cellulaire ne s'étend pas sur toute la coupe transversale suivant la-
quelle s'opère la séparation, et que « les parties qui manquent vers les
» bords sont fournies par le protoplasma voisin qui se montre plus ou
» moins strié et complète la lame à travers ces stries, » La substance de
la couche membraneuse répartie dans le protoplasma s’est donc accu-
mulée directement en ces endroits, sous l'influence des deux jeunes
noyaux qui exercent sur cette masse une action répulsive. Bien que
M. Strasburger n'ait jamais observé une plaque cellulaire continue dans
les cellules animales qu'il a étudiées, il croit cependant pouvoir admel-
tre son existence, car il a souvent remarqué un faible épaississement
des fils nucléaires à l'équateur, et c’est dans le plan de ces épaississe-
ments que se fait la division.
L’exposé de ces faits permet d'établir le parallèle entre la division et
la formation libre des cellules : « Dans ces deux modes de genèse, le
» noyau joue le même rôle et préside de la méme manière à la formation
» cellulaire. La seule différence consiste dans la genèse même des
>» noyaux, qui sont entièrement nouveaux dans la formation libre
» (abréviation dans le développement), tandis que dans la division ils
» résultent du partage d’un noyau déjà existant. »
Ce n’est pas tout. Le procédé typique de division que nous venons de
reconnaitre se rapporte à des cellules dont l’intérieur est rempli de
protoplasma granuleux, et à noyau fixé dans ce protoplasma. Mais sou-
vent il n’en est pas ainsi. Examinons rapidement ces cas distincts, et
montrons comment M. Strasburger ramène les modifications ainsi en-
trainées au procédé typique que nous venons d'exposer.
94 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
La modification la moins profonde est celle où, dans la cellule-mère,
le noyau est éloigné de la couche membraneuse et de la couche granu-
leuse protoplasmique par'un liquide cellulaire dans lequel il est soutenu
par de minces filaments qui le rattachent à cette dernière. La division
dans l’endosperme du phaseolus peut être prise pour exemple. Dans ce
cas, la plaque cellulaire se produit à l'équateur du noyau et est accom-
pagnée d’un aplatissement du noyau vers ses pôles, de telle sorte que
la distance de l’équateur et, par suite, de la plaque cellulaire à la paroi
de la cellule-mère est diminuée sensiblement. La partie de la nouvelle
cloison qui manque sur les bords de la plaque cellulaire est complétée
à travers le liquide cellulaire par le protoplasma pariétal. Mais Le pro-
cédé par lequel se produit ce complément de la paroi est différent de
celui qui donne lieu à la plaque cellulaire. Tandis, en effet, que cette
dernière se forme simultanément dans toute son étendue, le complément
de la paroi se forme successivement par épaississements annulaires de la
couche membraneuse, épaississements qui se produisent à la face interne
les uns des autres, jusqu’à ce que l’anneau ainsi développé ait atteint la
plaque cellulaire du noyau. Les anneaux successifs ainsi produits se fen-
dent également successivement et suivant leur ordre d'apparition, et
dans la fente ainsi produite est sécrétée la cellulose. D’après M. Stras-
burger, on doit considérer la production de ces anneaux « comme une
» adaptation nouvelle aux conditions de la cavité cellulaire, adaptation
» que l’on ne saurait plus envisager comme une action mécanique
» immédiate des noyaux, mais bien plutôt comme résultat d’un état
» antérieur formé sous l’action des noyaux, puis devenu héréditaire et
» modifié ensuite par la force des nouvelles influences. »
C’est de la même façon que l’on pourrait envisager le cas que fournit
encore l’endosperme du phaseolus où certaines cellules se montrent avec
un noyau pariétal. Ici, c’est à travers toute la cavité de la cellule que la
plaque cellulaire devra se compléter. On le voit, le rôle du noyau tend
à diminuer sensiblement ; il devient presque nul dans la division des
cellules du spirogyra orthospira, où l’on ne voit se former qu'un rudi-
ment de plaque cellulaire qui n’arrive plus à être employé et finit par
disparaitre. La formation successive s’opérant de la périphérie vers le
centre se charge dès lors de tout le travail de division, et ce qui montre
bien que cette formation est indépendante du noyau, c’est qu’elle appa-
raît déjà, quand la plaque nucléaire est à peine ébauchée. On avait cru,
dans cette division des cellules-mères du spirogyra, à une plissure de la
couche membraneuse ou de la membrane de cellulose. On voit qu’il
n’en est rien.
Ces exemples conduisent à d’autres cas dans lesquels le noyau, devenu
inutile, disparaîtra complétement. C’est ainsi que M. Strasburger inter=
prète le cas du cladophora qui, par la division du protoplasma et le mode
de production de la couche cellulosique, présente la plus grande analo-
gie avec le spirogyra, mais sans montrer de noyau cellulaire. M. Stras-
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 95
burger envisage encore de nombreux cas qui lui paraissent plus ou
moins dérivés du procédé typique; notons en particulier la formation
multicellulaire, ou production simultanée de beaucoup de cellules aux
dépens de tout le contenu de la cellule-mère. Ici, les cellules-filles déri-
vent, sans doute par abréviation, d’une série de divisions binaires qui
se sont passées originairement les unes à la suite des autres. On en au-
rait la preuve dans de nombreux états intermédiaires.
Si l’on cherche maintenant comment le procédé de formation cellu-
laire par rajeunissement se lie aux précédents, on verra que « pour ce
» qui est du contenu de la cellule-mère, le rajeunissement appartient
» en partie à la formation simultanée multicellulaire, » dans le cas où
la cellule-fille unique naît de tout le contenu de la cellule-mère, en par-
tie à la formation libre, lorsque tout ce contenu n’est pas employé à
former la cellule-fille.
Des différents phénomènes que nous venons de voir déterminer la
‘ formation de nouvelles cellules, il résulte :
1° Que dans les cellules la couche membraneuse ne peut pas étre
considérée comme Substance fondamentale du protoplasma, puisque sous cer-
taines influences elle s’en sépare, ainsi que nous l'avons vu lorsqu'elle
était repoussée à la périphérie sous l’action des forces centrales, ce qui
démontre aussi qu’elle se comporte tout autrement que le protoplasma
par rapport au noyau ;
2° « Que la séparation du protoplasma en plasme granuleux, couche
» membraneuse et noyau, signifie une division du travail, de manière
» qu'une partie, le noyau, régit surtout les phénomènes moléculaires
dans la genèse des cellules, tandis que la couche membraneuse est
» chargée de la délimitation de l’ensemble à l'extérieur, et la couche
» granuleuse de la nutrition. »
Quoi qu’il en soit, de l’ensemble de ces recherches on peut conclure
que la division cellulaire, quant aux points essentiels, se passe de la
même façon chez les plantes et chez les animaux, et que ces points
essentiels ont une valeur générale pour toutes les cellules organiques.
« Peut-on en déduire une origine commune pour les animaux et les
» plantes? Maintes observations semblent parler en faveur d’une telle
» opinion, mais il faut y opposer notre ignorance complète des phéno-
»y mènes moléculaires qui se passent à l’intérieur des cellules. »
M. Strasburger étudie à la fin de son ouvrage, dans un chapitre spé-
cial, les phénomènes de la fécondation et leur rapport avec la for-
nation et la division des cellules. Prenant comme point de départ les
récents travaux de M. Bütschli qui tendent à démontrer qu'une partie
du noyau ovulaire, sinon ce noyau tout entier, est expulsé de l'œuf pour
former le corpuscüle de direction, l’auteur expose le résultat d’investi-
gations analogues sur le règne végétal, et croit pouvoir établir un accord
dans les phénomènes de fécondation pour tout le règne organique.
Ÿ
Henri BEAUREGARD.
96 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS.
Et Tilfälte af utérus fœtalis hos en 57-ürig Kwinde. Utérus fæ-
tal chez une femme âgée de 57 ans, par F. Levison. (Nordiskt
medicinskt Arkiv, redigerardt af AxeL Key, 1876, III.)
Par l'exploration digitale d'une femme, qui n'avait jamais eu ses
règles, on trouva l’orifice vulvaire du vagin étroit ; le vagin était assez
large, avait 7 centimètres et demi de longueur ; au fond du vagin on
toucha la petite portion vaginale ayant 4 centimètre de longueur et
l'épaisseur d’un petit doigt ; l'exploration bimanuelle pratiquée pendant
la narcose par plusieurs médecins ne fit reconnaître ni la présence du
corps de l'utérus, ni celle des ovaires.
Après une année la malade mourut et l’autopsie démontra une con-
formation anormale des organes génitaux. Les grandes lèvres, le clitoris
et son prépuce étaient naturels, les petites lèvres atrophiées. Le vagin
ne montrait pas de colonnes, mais seulement quelques rides transver-
sales dans son tiers inférieur, tandis que plus haut la muqueuse était
parfaitement lisse. L'utérus avait 3 centimètres et demi de longueur,
dont 2 et demi appartenaient au col, À seulement au corps ; le col était
de forme et de consistance ordinaires, le corps ne consistait qu’en une
cavité étroite et rubanée, entourée par des parois minces ayant deux
millimètres d’épaisseur. La muqueuse du col montrait l'arbre de vie
bien développé, tandis que la muqueuse du corps était lisse, mais par-
semée de petits kystes. L'ovaire droit avait 1,5 centimètres de longueur,
6 à 7 millimètres de largeur et 5 à 6 millimètres d’épaisseur ; l’ovaire
gauche avait 2,5 centimètres de longueur, 12 à 143 millimètres de
largeur et 7 à 8 millimètres d’épaisseur ; il n’y avait aucune trace de
follicules de Graaf dans aucun des ovaires.
Le propriétaire-gérant,
GERMER BAILLIÈRE,
PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2.
:
MÉMOIRE
LE DEMODEX FOLLICULORUM, Owen
Par M. P. MÉGNIN
Lauréat de l'Institut (Académie des sciences)
PLANCHE IX
te
HISTORIQUE.
C'est en cherchant à se rendre compte de la nature de la ma-
ladie de la peau de l’homme, connue sous le nom d’acne sebacea
et en examinant le contenu des pustules qui la constituent, que
Simon, de Berlin, en 1842 (1), fit la découverte du parasite dont
nous allons reprendre l’histoire. Après avoir reconnu que les
pustules d’acné étaient le résultat de l’inflammation d’un ou de
plusieurs bulbes pileux renfermés dans le même follicule et que
la matière grasse qui les remplit et qui forme des boudins de ma-
lière « swifeuse » noircis par la saleté à leur extrémité externe
(tannes, comedons, acne punctata), provient de glandes sébacées
qui s'ouvrent toujours dans les follicules des poils follets, il fit
celte remarque importante : « Outre les substances que je viens
» d'indiquer, j'en rencontrai une autre dont je ne pus d’abord
» me rendre compte. Jeremarquai plusieurs fois un corps mince
» d'environ un dixième de ligne de long, arrondi à l’une de ses
» extrémités un peu plus étroit à l’autre, celle-ci paraissant
» bordée de petites dentelures. Je crus d’abord que les glandes des
» follicules pileux du nez étaient peut-être d’une structure dif-
» férente de celles des autres parties du corps, et qu’en expri-
» mant la tanne j'avais pu arracher en même temps le canal
(1) Archiv für Anal. und Physiol. und Wiss. Medicin, herausgegeben von Muller,
1842, Heft 2, n° 3, S. 218.
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). 7
98 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
» excréteur d’une de ces glandes avec un fragment du tissu
» glanduleux qui y serait resté adhérent. Mais ceci était con-
» tredit par celle circonstance que l'extrémité mince de ce
» corps et celle qui est arrondie paraissaient parfaitement closes,
» et que celle qui était dentelée était toujours conformée de la
» nière, ce qui n'aurait pu arriver s’il se fût agi d’un
» fragment arraché d’une glande. Je continuai donc mon examen
> et tâchai, lorsque je rencontrai ce corps dans la matière des
» lannes, de l'isoler convenablement par des mouvements de va-
» et-vient de la plaque de verre supérieure et j'en vins enfin
» à supposer que ce devait être un animal et q''avec un plus
» fort grossissement je pourrais distinguer nettement la tête, les
» membres, le thorax et l’abdomen. Cette supnosition fut
» changée en certitude lorsque, dans un cas où J'avais com-
» primé doucement entre les deux plaques de verre la matière
» à examiner, je pus y reconnaître des mouvements évidents.
» Depuis lors, j'ai fait si souvent la même observation, que je
» suis parfailement convaincu de son exactitude. J'ai montré
» ce corps à beaucoup de naturalistes et de médecins à Berlin,
» qui tous ont reconnu que c’était bien là un animai.
Ces parasites existaient exclusivement dans la matière des
lannes, car après avoir raclé avec un scalpel la surface de la
peau de personnes affectées d’acné, et examiné au microscope
la substance ainsi obtenue, Simon ne put jamais y rencontrer
d'animaux, tandis qu’on les apercevait dès qu’on exprimait les
tannes et qu’on en examinait le contenu.
Au total Simon trouva des animalcules dans la matière des
tannes du nez sur trois sujets vivants : un homme de quarante
ans, un de trente et un de vingt-deux, tous trois en bonne santé
et fort propres ; chez septautres personnes, la matière des tannes
ne lui fournit aucun animalcule. Sur huit cadavres d'hommes,
dont six étaient affectés de tannes développées pathologiquement
il trouva des animalcules ; les cadavres re nouveau-nés ne
lui en fournirent pas.
Lesanimalcules des follicules pileux trouvés par Simon n'avaient
pas tous le même aspect, mais présentaient des différences dépen-
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 99
dant de la forme plus ou moins allongée ou obtuse del’abdomen,
différences qu’ilregarde comme dépendant de l’âge. La forme qu'il
rencontra le plus souvent avait 0"",985 à 0"",125 de lignes
(0"",19 à 0", 98) de long, sur environ 0"",002 de ligne (0"",043)
de large. Voici comment il décrit ces parasites en commençant
par le rostre qu'il appelle tête.
« La tête, qui se rétrécit en avant, est formée de ‘leux corps
placés latéralement (palpe<) et d’un suçoir situé entre ces deux
palpes. Les palpes sont composés de deux articles, un postérieur
plus long et un antérieur plus court. Ce dernier paraît avoir à
son extrémité de petites dentelures. Le suçoir, qui quelquefois
dépasse les palpes, et qui d’autres fois est moins long qu'eux,
ressemble à un tuyau allongé. Au-dessus du suçoir existe un
organe triangulaire dont la base, très-courte, appuie sur les par-
ties postérieures du suçoir, mais dont le sommet ne va pas jus-
qu’à l'extrémité de celui-ci. Au moyen d'un fort grossisse-
ment, on voit que ce corps triangulaire est formé de deux lames
pointues qui sont placées l’une à côté de l’autre.
» La tête se continue immédiatement avec le thorax, lequel
forme environ le quart de la longueur des corps et est un peu
plus large que la partie supérieure de l'abdomen. Des deux côtés
du thorax -existent quatre paires de pieds très-courts ayant la
forme d’un cône dont la base appuierait sur la partie latérale du
(horax. En général, on remarque sur chaque membre trois lignes
transversales obscures qui semblent indiquer l'existence de trois
articulations. À l'extrémité de chaque pied on ape:çoit avec un
fort grossissement trois crochets déliés, un long et deux plus
courts. Ces crochets se terminent généralement par une pointe
aiguë, quelquefois cependant ils m'ont paru arrondis. De la par-
tie antérieure de la base de chaque pied part une raie formée
d'une double ligne, laquelle s’avance jusqu'à la ligne médiane
du thorax; il en existe quatre en tout. Sur la ligne médiane
chacune de ces raies est unie à celle qui est placée immédiate-
ment en arrière d'elle au moyen d'une raie longitudinale, ordi-
nairement peu marquée. Les raics transversales font probablement
le tour du thorax, da moins je les ai trouvées aussi marquées,
100 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
soit que j'examinasse l'animal par le dos ou par le ventre. Quant
à la forme générale du thorax, il avait une largeur presqu'égale
partout, seulement à la partie moyenne, au niveau de la
‘deuxième paire de pattes il était plus large qu'ailleurs.
» Au thorax succède sans interruption l’abdomen qui à sa
partie antérieure est seulement un peu plus étroit que le thorax,
mais qui s’amincit insensiblement et se termine par une extré-
mité arrondie; sa longueur est environ trois fois celle du thorax.
Sur tout l'abdomen on remarque des lignes transversales très-
fines, très-rapprochées et très-régulières qui paraissent formées
par des enfoncements ou des saillies, car quand on examine les
parties latérales de l'abdomen avec un grossissement un peu fort,
le bord paraît taillé comme une lime. Le contenu granuleux ou
globuleux de l'abdomen empêche souvent de voir ces stries.
L’abdomen renferme une matière granuleuse semblable à du
pigment irrégulièrement distribué, mais souvent rassemblée en
une masse globuleuse brune à l'extrémité antérieure de labdo-
men. Outre cette matière granuleuse on remarque souvent,
dans l'abdomen, des globules clairs comme graisseux en
nombre et en dimensions variables ; quelquefois deux suffisent
pour remplir l'abdomen, d’autres fois elles forment deux rangées
régulières. (Fig. A.) |
» La deuxième forme sous laquelle j'ai observé ces aMininiéie
se rapproche beaucoup de la précédente dont elle ne diffère que
par la moindre longueur de l’abdomen ; il n’est qu’une fois ou
une fois et demie aussi long que le thorax. En général il n’existe
pas de ligne de démarcation bien tranchée entre cette forme et
la précédente; elles paraissent se confondre par une gradation
insensible. (Kig. B.) |
» Une frorsième forme est surtout caractérisée par un abdo-
men très-court et terminé en pointe ; le thorax paraît aussi
renflé de façon que tout le corps de l'animal a de la ressem-
blance avec un pelit navet. Dans cette forme les lignes transver-
sales de l'abdomen manquent complétement. (Fig. C.)
» Enfin une quatrième forme ressemble beaucoup à la pre-
mière par la longueur de son abdomen, mais elle en diffère en
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. AO1
ce qu'elle n'a que trois paires de pieds, qu’elle est plus grèle,
plus délicate et plus courte dans son ensemble. » (Fig. D).
« La premiére forme est la plus fréquente, puis vient, la se-
conde ; quant aux deux autres, elles sont à la première comme
102 P, MÉGNIN. — MÉMOIRE
10 est à 100 pour la troisième, et seulement comme 6 est à 100
pour la quatrième. » — Quant aux nombres de parasites contenus
dans chaque tanne, Simon en trouvait généralement de deux
à six, exceptionnellement de onze à treize, tous dirigés parailé-
lement au poil et la tête en bas.
Simon, s'appuyant sur l'opinion du docteur Erichson, natu-
raliste dont il avait réclamé les conseils, rangea son animalcule
dans la classe des arachnides et dans l’ordre des acares, à cause
du nombre des pieds et de la composition de la tête; le suçuir
qui se trouve à l’extrémité de la tête n’est autre chose que la
lèvre inférieure; les deux soies qui la recouvrent, les mandi-
bules, et les corps placés sur les côtés du suçoir des palpes maxil-
laires. «€ Très-probablement, ajoute-t-il, les différentes formes
décrites plus haut ne sont que différents degrés du développe-
ment du mème insecte, et ce qui est décrit comme la quatrième
forme est la première période, car beaucoup d’acares n’ont dans
les premiers temps que trois paires de pieds. La premiére forme
indiquée est la deuxième période, et les formes avec abdomen
peu allongé sont des périodes encore plus avancées. IL est pro-
bable que chez l'animal entièrement développé l'abdomen se
rétracte complétement, aussi y a-t-il lieu de croire que la
dernière période d’accroissement de l'animal est encore incon-
nue; par conséquent on ne peut dès à présent fixer à quelle
famille et à quel genre il appartient. »
Cette idée du docteur Erichsen de voir dans l’acare des foili-
cules un état incomplet d’un acare encore inconnu lui est
suggérée par les travaux de Hartig (1), qui a observé et décrit chez
une mite, dont la larve vit dans les gales du sapin, mite prise à
tort pour l'Oribata geniculata de Latreille et qui n’est autre
qu'un tétranique gallicole, une métamorphose qui a une certaine
analogie avec celle qu’il attribue à ces parasites cutanés. En
effet ces larves gallicoles de tétraniques sont vermiformes à
abdomen allongé et strié en travers, comme les acares des folli-
(4) Furstl. und forsinaturvissenschaft. Conve: sations-Lexicon von G. L. und
Th. Hartig. Berlin, 1834, S. 737.
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 103
cules, seulement elles n'ont que quatre pattes (deux paires) el le
rosire diffère entiérement de celui de ces derniers.
C’est sans doute cette idée de développement incomplet qui a
empêché Simon de rechercher s’il y avait des différences de
sexes dans les nombreux parasites qu’il a examinés et de voir
des œufs en voie de développement dans les cellules apparais-
sant dans l'abdomen de sa première forme ; c’est ce qui l'a aussi
empêché de comprendre la signification de l’observalion qu’il a
encore fait et qu’il raconte en ces termes:
« Environ six fois, tant dans les tannes des sujets vivants que
dans les follicules des cadavres, j'ui observé un pelit corps cor-
diforme garni à son extrémité obtuse d’un court appendice. La
longueur en était à peu près égale à la largeur du corps d’un
acare ; il était ordinairement coloré en brun et paraissait rempli
d'une matière granuleuse. Dans les follicules pileux ce corps
était toujours placé tout près d'un animal, mais sans connexion
avec lui. Cette circonstance, aussi bien que le défaut de ressem-
blance de ces corps avec aucune partie du corps humain, m'a fait
penser qu’ils avaient peut-être quelques rapports avecles acares.
Ce pourrait être, par exemple, la coque d’un œuf d’où un animal
se serait échappé. »
Ici se termine notre analyse du travail de Simon, ct si nous
l'avons faite si complète, c’est pour prouver que tous les auteurs
qui l'ont suivi, ou bien se sont contentés de le copier, ou bien lui
ont élé trés-inférieurs tant dans les descriptions anatomo-zoolo-
giques que dans les vues physiologiques. Certainement, comme
nous le montrerons plusloin, Simon a commis des erreurs graves
et nombreuses et bien des détails importants lui ont échappé, soit
à cause de l'imperfection des microscopes de son temps, soit par
suite de son manque d'habitude et d’expérience dans l'étude des
parasites microscopiques de l’ordre des acariens ; mais les er-
reurs des observateurs qui, après lui, ont voulu étudier le
Demodez, et nous n’exceptons pas les plus modernes, sont au-
trement sérieuses.
Simon venait de communiquer la découverte de son Acarus
folliculorum à la Société des naturalistes de Berlin, lorsque le
104 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
professeur [enle, de Zurich, lui apprit, par une lettre datée du
3 mars 1842;que dans le courant de l'automne précédent, il
avait observé un petit animal semblable au sien dans les follicules
pileux du conduit auditif externe, et qu’il avait annoncé ce fait
provisoirement dans l’Observatèur de Zurich du mois de
décembre.
Aussitôt après la découverte de Simon, une foule d’ jar
teurs se mirent à étudier le nouveau parasite.
Owen, le premier, comprenant là nécessité de le séparer nette-
ment des autres acariens parasites dont il diffère tant, proposa de
le nommer Demodex follhiculorum (1), nom que MM. Littré et
Robin, dans leur Nouveau Dictionnaire de médecine, font dériver
de duas, corps, CLAE, lever du bois, el qui pourrait tout aussi bien
venir de duos, peuple, no mordre, piquer. Un autre auteur, Mies-
cher, appelle ce parasite Macrogaster platypus. Erasmus Wilson
le nomme Æntozoon folliculorum, en refusant de le regarder
comme un acarien (2), et M. Paul Gervais Séroner follcu-
lorum (3).
C’est le nom d’Owen qui a prévalu, suivant la loi de propriété
observée en histoire naturelle,
Outre les auteurs précédents, nous citerons encore comme
s'étant livrés à l'étude du Demodex folliculorum de l'homme
Erdt (4) et Wadl Carl (5): |
L'année qui suivit la découverte du Demodex folliculorum,
Topping signala la présence d’un parasite analogue chez le chien
et Tulk le décrivit (6). Gruby (7) s’attacha à démontrer liden-
(1) Owen, Ann. and magaz. of naturalé hist., London, 1843.
(2) Erasmus Wilson, Researches iuto structure and development of a new cula-
neous parasile, the enlozoon folliculorum, in Philosophical transactions of the Royale
Sociely of London. for the year MpccexLiL, part. 1, p. 303-320. London, 1844.
(3) Walkenaer et P. Gervais, Histoire nalurelle des aptères, 4° volume, supplé-
ment, in Suile à Buffon, chez Roret, Paris, 1847.
(4) Erdt, Ueber Acarus folliculorum, in Bull. acad. München, 1843.
(5) Wadl Carl, Ueber die Haarsackmilbe (acarus RE in Jaidinger
Berichte Bd 2, p. 272-267, Jahr 1847.
(6) Tulk, Demodex fulliculorum caninus, in Ann. of nat. hist, vol. 43, 1844.
(7) Gruby, Sur les animalcules parasites des follicules sébacés (Comptes rendus
Acad, sc., Paris, t, XX, 1815.)
PE
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 105
lité des deux expèces dans des expériences plus ou moins con-
cluantes qu’il: soumit au jugement de l’Académie des sciences,
ce qui ne fut pas contredit par MM. Neiss et Haubner, Lafosse
et Baillet (1), Cornevin (2), G. Pennetier (3), Zürn (4) et Saïnt-
Cyr (>) qui plus tard reprirent l'étude du Demodex du chen.
Enfin Simon de Berlin lui-même rencontra encore un De-
modex : dans les glandes de Meibomius du mouton, et ce fait est
unique jusqu’à présent dans les annales de la science.
Nous avons dit que la plupart de:ces auteurs n'avaient fait que
paraphraser le‘ travail de: Simon de Berlin ou même lui étaient
restés inférieurs. Nous devons faire cependant une exception en
. faveur de celui d'Erasmus Wilson qui a fait une excellente étude
du parasite des follicules, qu’il nomme Entozoon, surtout dans ses
élats imparfaits en voie de développement ; où il commet une grave
erreur, c’est dans lamanière dont il explique la croissance, car il
n’a aucune idée des vérilables métamorphoses qui s’accomplis-
sent; il ne distingue non plus ni les mâles mi les femelles et fait
une description des organes de /a tête qui comporte une paire
d’yeux (!), trois paires de palpes labiaux (1), etc., etc., description
par trop fantaisiste et qui semble avoir: pour but de faciliter le
classement de l’entozoon dans le voisinage des crustacés et des
annélides. La fonction et les organes de la ponte sont aussi pour
lui un mystère aussi bien que ceux de la digestion, car il place
l'anus sous forme d’un petit pertuis penctiforme à l’extrémité
caudale de l'abdomen, ce qui n’est pas. Il n’est pas non:plus fixé
sur l'organisation des pattes, puisque dans ses figures on
compte lantôt deux, tantôt trois, tantôt quatre ongles à leur ex-
trémité, Il admet aussi plusieurs variétés dans l'espèce parasite
de l’homme, tout en constatant que les contractions de labdo-
(1) Lafosse, Pathologie vélérinaire, 2° vol. Toulouse, 1861.
(2) Cornevin, Du demodex caninus et de la maladie qu'il occasionne: Lyon,
1868 (Thèses vétérinaires).
(3) Georges Pennetier, Note sur. le demodex caninus et la gale folliculaire, in
Bulletin de la Société des amis des sciences naturelles de Rouen, 1872,
1° semestre,
(4) Zürn, Die Schmarotzer, Weimar, 1872.
(5) Saint-Cyr, La gale folliculaire, in Journal de médecine vélérinaire el de
3volechnie de l’école de Lyon, juillet 1876.
106 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
men peuvent modifier beaucoup la longueur qui est la base uni-
que sur laquelle Simon s’est fondé pour créer ses variétés. En
somme, el malgré nos criliques, nous reconnaissons que le tra-
vail d’Erasmus Wilson sur le parasite des follicules est un pro-
grès sur celui de Simon.
Nous n’en dirons pas autant sur ceux des auteurs qui ont suivi,
pas mème sur celui de notre jeune confrère, M. Cornevin, pour-
tant un des plus considérables et des plus récents, mais qui est
aussi faible dans la partie où il traite de l'anatomie entomologi-
que du Demodez du chien qu'il est remarquable dans la nosogra-
phie de l'affection qu'il cause. En jetant les yeux sur notre
planche, 1l y reconnaîtra facilement, nous en sommes sûrs, dans
notre figure 7, lettre C, qui représente une nymphe en voie de
se mélamorphoser en adulte, la prétendue vartété qui l'intrigue si
fort, et dans laquelle il est tenté de voir un mâle. C’est l'objet de
sa figure 2. Nous bornons là nos critiques, persuadé que les im-
perfections du travail de M. Cornevin tiennent exclusivement à son
inexpérience en acariologie, défaut qu’il est en bonne position
pour combattre et pour corriger.
La note de M. G. Pennetier n’est qu'un résumé de la thèse
de M. Cornevin à laquelle il emprunte même ses défectueuses
figures.
Nous bornons là la partie historique de notre travail. Nous
aurons du reste à revenir souvent sur les opinions des auteurs
que nous avons cilés, soit dans la description entomologique
que nous allons donner du Demodex folliculorum,: soit dans
l'histoire de ses mœurs et de son acclimatation sur l’homme.
Nous allons passer à la discussion de sa position zoologique,
puis à celle de sa description.
PosiTion ZOOLOGIQUE pu Demodex folliculorum (Owen).
Nous avons vu que Simon de Berlin, après avoir pris conseil
d’un naturaliste, le docteur Erichson, rangea le parasite qu'il
avait découvert dans la classe des Arachnides de l’ordre des
acares, à raison du nombre de ses pattes et de la composition de
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 107
son rostre dans lequel 1l retrouvait une lèvre, des mandibules
et des palpes maxillaires. Erasmus Wilson, se basant sur la sé-
paration nette de la tête d'avec le thorax, tête caractérisée par
la présence d’une paire d'yeux (!) — qu'il a été jusqu’à présent le
seul à voir sur la face supérieure de cette prétendue tête (1), —
sur la siparation, bien qu’incomplète, du thorax de l'abdomen,
sur la structure annelée de ce dernier qui présente, de plus, des
mouvements indépendants et des phénomènes de contraction,
enfin sur sa forme allongée, refuse de le considérer comme fai-
sant partie de l’ordre des Acariens et de la classe des Arachnides,
et voit en lui une Annélide. M. Gray, du British Museum, à qui
Erasmus Wilson soumit le parasite en question, le rangea dans
les Entomostracés-crustacés, genre d'animaux compris entre les
vers et les insectes. Enfin, à l’appui de son opinion, Wilson rap-
pelle ces paroles de de Blainville extraites du Dictionnaire d'hus-
toire naturelle, article LERNÉES : « Genre d'animaux tellement
bizarres au premier aspect que les zoologistes sont encore lort
peu d’accord sur la place qu’ils doivent assigner à ce groupe
dans la série animale. »
Malgré cette tentative de Wilson de ranger le parasite des
‘follicules parmi les vers, les auteurs qui l’on décrit aprés lui ne
l’ont pas suivi et ont continué à regarder ce parasite comme un
Acarien ; en cela ils ont eu raison. En effet, voyons la caracté-
ristique dé cet ordre d’après M. Ch. Robin ; il la donne comme
suit dans le Dictionnaire déjà cité : « Arachnides à corps plus
ou moins aplati en dessous, convexe en dessus ; appareil buccal
ou rostre disposé en organe propre à diviser ou à sucer, enve-
loppé par une lèvre inférieure ou sternale en cuiller ou en étui
(thécastome de Walknaer) rapproché en forme de tête saillante
“ou cachée sous l’épistome (nuque labre ou bandeau) inséré dans
une dépression spéciale du céphalothorax ; thorax le plus souvent
non segmenté, largement uni à un abdomen non annelé dont
rien ne le sépare ({horaco-gaster, Dugès). Demi-métamorphose
(1) Ce que cet auteur a pris pour des yeux, ce sont prebabl ment deux petits
tubercules ponctiformes qui se voient à la face supérieure du premier article des
palpes.
108 :P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
‘
ou mélamorpliose partielle caractérisée par la naissance à l’état
dit de larve portant six paltes seulement; puis après une ou
deux mues passant à l’état de nymphe aetopoñe, mails non
sexuée, pour subir encore une mue qui les amène à l'état SexUÉ
mâle ou femelle.’ »
En modifiant légèrement celte caractéristique dans la partie
concernant le nombre des pattes des larves, qui n’est quelquefois
que de quatre, on même qui sont absentes, et la configuration
de l'abdomen qui, ainsi qu’on le voit dans les larves tétrapodes
des tétraniques, est quelquefois vermiculaire et finement strié
plutôt qu'annelé, elle s'applique alors parfaitement au Demodex
folliculorum. Donc ce parasite est un Acarien.
L'ordre des Acariens comprend une dizaine de familles ; dans
laquelle doit-il prendre place? M. Robin, dans le Dictionnaire
déjà cité, la mis dans la famille des Sarcoptidés, en compagnie
des autres sarcoptides psoriques qui: composent les genres Sar-
coptes, Psoroptes et Chorioptes. Mais un des caractères constants
des Acariens de celte famille est d’avoir les pattes à cinq articles,
el les pattes des Demodex n’en présentent que trois ; il n’appar-
lient donc pas à la famille des Sarcoptidés.
Nicolet, dans les généralités de sa monographie de la: famille
des Oribatides (1) avait déjà compris que le Demodez diffère assez
de tous les Acariens déjà connus pour former une famille à part
et il avait créé la famille des Demodides pour lui et pour les
Tardigrades, autres petits Acariens aquatiques quiressemblent au
Demodezx pour la forme du thorax et la disposition des pates,
mais quin'ont pas l'abdomen prolongé en forme de queue du
Demodexz, ni le rostre à organes distincts comme eux. Aussi
M. le professeur Gervais (1)'a-t-1l été bien inspiré en laissant les
Demodex constituer seuls une famille qu’il nomme les Demonici-
pés, et les Tardigrades celles des Arcrisconipés, ces deux famill2s
formant le dernier échelon de la série acarienne.
Ainsi donc les Demodez forment un genre unique dans la
famille des Demodicidés.
(1) Archives du Muséum, t. VII.
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 109
Mais y a-t-1l plusieurs espèces de Demodex, ou tout au moins
plusieurs variétés ? Nous n'admettons pas, bien entendu, les di-
verses variétés signalées chez l’homme par Simon et Wilson, parce
qu'elles n’ont pour base que des différences de longueur dues aux
contractions cadavériques de l'abdomen ou à des différences d'âge ;
mais il est évident pour nous que le Demodezx du chien diffère
de celui de l’homme, l’action nocive du premier, si différente de
celle du second qui est presqueinoffensive, jointe à la forme si dis-
semblable de leurs larves apodes, en est une preuve, bien qu’à
l'état adulte les deux Acariens aient la plus grande analogie
d'aspect et de forme, tout au moins du céphalo-thorax, car
l’abdomen de celui de l'homme est beaucoup plus long que chez
celui du chien. Ces différences constituent tout au moins deux
variétés que nous nommerons Demodex folliculorum, variété
caninus et Demodex folliculorum, variété hominis ; il y a proba-
blement d’autres variétés, celle par exemple que Simon a rencon-
trée dans les glandes de Meibomius du mouton et qu'aucun
observateur n’a revue depuis. — Nous-même nous en avons ren-
contré une autre petite variété dans l'oreille du chat, qui paraît
aussi inoffensive que celle de l’homme.
Nous allons donner la diagnose de la famille, du genre et
des espèces ou variétés, en prenant pour type celle du chien, la
plus importante à connaître comme la plus dangereuse,
Famille des DEMODICIDÉS, P. Gervais.
Âcariens à rostre proéminent saillant à l’extrémité antérieure
du céphalo-thorax (Fig. 3 et A) composé : 1° d’une paire de mä-
choires ou maxilles (m x) soudées à leur base et dans une par-
tie de leur longueur, à extrémités aiguës et divergentes adhé-
rant par leur bord externe au premier article des palpes ; 2° d’une
languette veposant sur la face supérieure des mâchoires (2) trian-
gulaire, mobile et rétractile ; 3° d'une paire de palpes marillaires
(p m) à quatre articles dont le premier, le plus grand, de forme
cylindroïde, à base conique, arrondie et recourbée en dedans, est
immobile et adhérent aux mâchoires ; le deuxième et le troisième
410 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
cylindriques et semblables, le quatrième sphérique portant deux
papilles aiguës de chaque côté et un fort crochet terminal re-
courbé en bas ; — ces trois articles terminaux des palpes sont
mobiles et se fléchissent en tous sens d'une manière indépendante
dans chaque palpe; — 4° d’une paire de mandibules (m d) tex-
minées en stylets à pointes un peu divergentes, tronquées et
comme refoulées, à base large et triangulaire soudée avec celle
de sa congénère (B); ces mandibules sont fixes, sans mouvements
indépendants de ceux du rostre tout entier, et remplissent le
rôle d’une bêche. |
Pattes à trois articles (fig. 5) une hanche (a), une jambe (7) et
un tarse (4). Les pattes s’articulent par la hanche à un squelette
composé d'épièmères en nombre égal à celui des pattes, tous reliés
par un séernite médian occupant toute la longueur de la face
inférieure du céphalo-thorax.
Génération vivipare : les femelles donnant naissance à des
larves apodes, contractiles, sans organes buccaux apparents qui,
quelque temps après leur naissance, acquièrent, en guise de
paites, trois paires de tubercules coniques, papilliformes, servant
à la reptation. À cette première larve succède, à la suite d'une
mue, une nymphe semblable à la larve, mais plus longue, à
quatre paires de membres papilliformes et à rostre encore impar-
fait (fig. 7, A BC). À cette nymphe succède, à la suite d’une
deuxième mue, un Demodex parfait en apparence, mais non en-
core sexué. Les organes sexuels apparaissent sur les individus à
forme définitive sans qu’on puisse dire que ce soit à la suite d’une
dernière métamorphose car on n’en trouve pas les débris.
La famille des Demodicidés ne comprend qu’un genre.
Genre DEMODEX, Owen.
Acariens vermiformes, à thorax distinct de l'abdomen, sans
poils ni spinules d'aucune sorte; thorax cylindroïde, rigide, à
face supérieure demi-cylindrique, cuirassée, aplatie antérieure-
ment ; abdomen mou, conoïde, allongé, finement strié transver-
salement à extrémité arrondie, fortement contractile aprés la
mort; — chez les larves et les nymphes l'abdomen est conique,
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 411
à extrémité aiguë, non strié transversalement et non séparé dis-
tinctement du thorax qui est mou et ne présente aucune trace de
squelette. — Rostre recouvert supérieurement par un prolonge-
ment membraneux de l’épistome (e p), analogue aux joues de
quelques sarcoptides. Mäles (fig.1) à organe sexuel placé immé-
diatement en avant de l’anus qui se présente sous forme d’une
courte fente, peu visible hors du moment de la défécation, situé
à l'extrémité antérieure et inférieure de l'abdomen. Femelle
(fig. 2) à vulve se confondant avec l'anus, sous forme d’une fente
longitudinale (a c) s’ouvrant au même point que l’anus du mâle.
Le genre Demodex comprend quatre espèces ou variétés dont
nous ne connaissons, comme nous l'avons dit, que les trois pre-
mières, celle qui vit sur le chien, celle de l’homme et celle du
chat,
1. Demodex folliculorum, Owen, var. caninus.
Femelle ovigère : longueur totale 0"",25 à 0m" 30,
longueur du rostre 0,03, largeur à la base 07,03.
longueur du thorax 0"",10, largeur 0"",045.
Md'e : longueur totale 0mm,29 à Omm 95,
dimensions du rostre comme chez la femelle.
longueur du thorax 0"",095, largeur 0"",045.
Première larve (apode) long. totale 0", 06 à 0mm,09, larg. 0,015 à 0m",025
Deuxième larve (hexapode), longueur totale 0"",11, largeur 0mm,032.
Nymphe (vctopode), longueur totale 0,19, largeur 0"® 04.
Nora. — Dans les individus adultes le rostre et le thorax ont
seuls des dimensions constantes à fixer, les dimensions et même
la forme de l’abdomen, qui changent très-peu pendant la vie,
sont très-variables lorsqu'ils sont morts, car l'abdomen se rétracte
souvent, de manière à n’avoir pas la moitié de la longueur qu'il
présentait pendant la vie, et même beaucoup moins, out en de-
venant plus anguleux; c’est sur ces différentes formes que pré-
sente l'abdomen après la mort que sont basées les prétendues
variétés admises par Simon et plusieurs autres auteurs.
Quant à sa quatrième forme qui ressemblerait à la première
mais qui n'aurait que six pattes, c’est évidemment par erreur
qu'il n’a pas vu la quatrième paire qui, chez les nymphes, est
plus près de la ligne médiane, ne dépasse pas le bord du corps,
112 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
et est, par suile de cette disposition, souvent presque invisible.
Sur la face supérieure du rostre se voit une paire de tuber-
cules ponctiformes qui appartiennent à chaque article basilaire
des palpes; ce sont sans doute les prétendus yeux d'E. Wilson
(fig. 4). Sur le plastron dorsal se voient des tubercules sembla-
bles, au nombre de trois paires symétriques.
2, Demodex folliculorum, Owen, var. hominis.
Femelle ovigère ou nymphe : longueur totale 0,26 à 0"",40.
longueur du rostre 0"",02, largeur base 0"",03.
longueur du thorax 0"",09, largeur 0"",040,
Mâle : longueur totale 0"",30.
dimensions du rostre comme chez la femelle.
longueur du thorax 0"",085 largeur 0"",040.
Première larve (apode), ovale-cordiforme, longueur 0"",06, largeur 0"",04. ,
Deuxième larve (apode), franchement cordiforme long. 0"",08, larg. 0"",06.
Larve hexapode oblongue, longueur 0"",12, largeur 0"",05.
La figure À, sur bois, que nous avons donnée plus haut (page 101)
d’après Simon, représente exactement la forme générale d’un
adulte de cette variété, aussi bien que les proportions relatives
des différentes régions du corps, au grossissement de 250 diamé-
tres, bien que les détails des pattes et du rostre soient faux ou
incomplets.
Cornme on voit, en comparant les dimensions de cette variété
avec celles de la précédente, dimensions prises. sur les individus
vivants, que le rostre est plus petit, le céphalo-thorax plus
court, mais l'abdomen bien plus long, car il a plus de trois
fois la longueur du céphalo-thorax. — Les tubercules puncti-
formes de la face supérieure du rostre et du plastron dorsal sont
ici plus apparents. Le céphalo-thorax est aussi plus ovale, les
épimères de la première et quatrième paire de pattes plus obli-
ques vers le centre de la région et les pattes aussi plus courtes.
3. Demodex folliculorum, Owen, var. eati.
C’est un diminutif de la variété caninus.dont on aura exacte-
ment la figure en diminuant toutes ses dimensions d’un quart.
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. ‘ 113
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE.
Les fonctions de la vie et leurs organes que nous allons étudier
chez les Demodex seront considérés, dans les premiers paragra-
phes qui vont suivre, exclusivement chez les adultes; nous ver-
rons les differences qu'ils présentent chez les larves des divers
âges au paragraphe consacré aux métamorphoses.
$ 1. — ©rganes et fonctions de translation.
Les organes de translation à considérer ici sont les membres
et le squelette.
Le squelette, chez les Demodezx comme chez tous les autres aca-
riens, et, en général, chez les articulés, est constitué par le té-
gument durci en certaines de ses parties de manière à former
des épimères, des plastrons, des épidèmes et les articles des mem-
bres. Les parties dures, chez les acariens qui nous occupent, ne
se rencontrent qu'au céphalo-thorax et dans le rostre ; elles sont
blanches et aussi diaphanes que les parties molles, et elles ne
sont bien distinctes que grâce aux lignes très-nettes qui les déli-
mitent. — L'abdomen, comme nous l'avons déjà vu, est allongé
en forme de queue cylindrique, un peu comprimée latéralement
dans sa partie terminale, et recouvert d’un tégument mou et
transparent finement strié en travers.
Après la mort, cette queue abdominale se raccourcit considé-
rablement, se déforme, et c’est là le fait qui a servi de base à
Simon pour l'établissement de ses diverses variétés.
Le céphalo-thorax a la forme d’un tronc de cône à base posté-
rieure, à sections obliques, l’antérieure étant la plus étroite et,
de plus, aplatie de dessus en dessous (fig. 1, B). Les téguments
de cette région sont entièrement rigides et constituent supérieu-
rement un plastron dorsal lisse, rectiligne d’avant en arriére,
mais incurvé en voûte plus haute postérieurement ; comme nous
l'avons dit plus haut, il porte trois paires de tubercules poncli-
formes symétriques.
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (4877). 8
114 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
La face inférieure du céphalo-thorax est plane, parcourue
dans toute sa longueur par un épidème sternal, envoyant de
chaque côté quatre paires d’épemères opposés, à l'extrémité des-
quels s’articulent les pattes.
Les pattes (fig. 5, À B) sont à trois articles seulement (1) et
très-courtes. Ces articles sont : 1° la Aanche (a), qui est le plus
volumineux, est assez semblable à la hanche des Sarcoptides, re-
présentant un segment de cylindre qui se meut de droite à gauche
et vice versa ; 2° la jambe (}), tronc de cône renversé, à sections
obliques, articulé à la hanche par son extrémité la plus étroite,
se mouvant de haut en bas; 3° le arse (£), pièce aplatie, ar-
rondie, à mouvement de charnière très-borné, portant deux
ongles mousses (fig. 6) dont l’interne ou l’antérieur est le plus
grand et qui sont comme enchatonnés à la face inférieure du
tarse, qu'ils dépassent de leur pointe seulement, peu mobiles,
mais pouvant néanmoins écarter leurs extrémités. C’est certai-
nement par suite d’une erreur d'optique ou par une analogie
forcée, que beaucoup d'auteurs décrivent tros ongles aux tarses
des Demoder et que d’autres, comme M. G. Pennetier, y ont uw
un onglet, plus deux espèces de ventouses.
Les muscles intérieurs de la jambe, chargés de faire jouer les
articles les uns sur les autres et ceux-ci sur le céphalo-thorax, et
dont les plus grands s’attachent à la face interne des épimères
el de l’épidème médian, sont si diaphanes qu’ils sont à peu près
invisibles ; cependant, lorsqu'on examine l'animal vivant et
marchant, leurs contractions les mettent quelque peu en évi-
dence.
Comme organes de translation, il faut encore, chez les
Demoder, compter les palpes maxillaires (fig. 3 et 4, p m) ; en
effet, ces organes, presque inertes chez les Sarcoptides, sont ici
très-actifs et aident puissamment à la reptation par leur jeu alter-
natif de haut en bas et d'avant en arrière et par les crochets dont
(4) C'est par suite d'insuffisance de connaissances en anatomie comparée des
Acariens que MM. Cornevin et Pennetier comptent quatre articles aux pattes des
Demodicidés : ils compteut à tort comme un premier article l'espace compris entre
deux épimères qui se suivent. É
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 145
leur extrémité est armée, ce qui les rapproche des Trombidiés et
des Hydrachnidés.
Les mouvements des pattes sont alternatifs, comme ceux des
palpes, non-seulement dans la même paire, mais encore dans
ies deux paires qui se suivent, en sorte que la troisième et la
quatrième paire de pattes répêtent exactement les mouvements
de la première et de la deuxième.
$ 2. — @rganes et fonctions de nutrition.
Parmi les organes principaux ou accessoires des fonctions di-
_gestives, on ne peut guère analyser que le rostre parce que seul
il est composé de parties dures ; on ne voit ni œsophage, ni es-
tomac distinctement; dans l'abdomen on constate souvent la
présence de granulations colorées, formant des groupes plus ou
moins nets, dont les plus gros sont toujours dans le voisinage du
cloaque et qui sont certainement des résidus de digestion, mais
elles paraissent être contenues dans une matière sarcodique très-
transparente chez laquelle aucune trace d'organisation n'est per-
ceptible. |
Le rostre (fig. 3 et A) forme un ensemble conique tronqué,
aplati de dessus en dessous, nettement distinct et séparé du cé-
phalo-thorax avec lequel il s’articule par sa base. Il est constitué :
1° par une paire de mazxilles ou mâchoires étroites (2 x), soudées
sur la ligne médiane dans leur moitié postérieure, à extrémités
antérieures pointues et divergentes entre lesquelles est logée la
languette (1) ; 2° à toute l'étendue du bord externe de chaque
mâchoire adhère, par son premier article, un gros palpe maxil
laire (p m) quadri-articulé, à article basilaire énorme, trois fois
plus gros et plus grand que les trois derniers ensemble; ceux-ci
sont courts et cylindriques, le dernier arrondi à son extrémité
libre porte trois crochets recourbés dont le terminal est le
plus grand ; les trois articles terminaux sont seuls mobiles, mais
ils le sont largement, agissant surtout de haut en bas, en arrière
et en dehors et à jeu alternatif; ils aident puissamment, comme
nous l'avons déjà dit, à la progression; 3° au-dessus des mâ-
116 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
choires et de leurs palpes et fermant par en haut le tuberostral,
se voit une paire de mandibules à base large, épaisse, triangn-
laire-arrondie, à extrémité antérieure allongée, cylindrique,
brusquement tronquée, sans division en pince terminale (m d) ;
les deux mandibules, soudées par leur bord interne sur la ligne
médiane et unies par leur base au bord antérieur du céphalo-
thorax, sont fixes et immobiles, mais leurs deux pointes anté-
rieures, placées côte à côte et divergeant légèrement à leur ex-
trémité, constituent un boutoir ou organe de fouille très-puissant ;
h° enfin un épistome membraneux (e p) recouvre supérieurement
et dépasse latéralement les palpes maxillaires et les mandibules,
tout en laissant l’extrémité de ces dernières à découvert.
L’ANUS ou CLOAQUE est une fente longitudinale de 10 à 15 mil-
lièmes de millimètre de long, située sur la ligne médiane, à la
partie antérieure et inférieure de l'abdomen, et qui n'est visible
qu'au moment de la défécation ; c’est sans doute à cette circon-
stance qu'est due l'ignorance dans laquelle se sont trouvés tous
les auteurs qui ont écrit jusqu’à présent sur le Demodex, relati-
vement à la situation de cette ouverture, que les uns placent au
milieu de l'abdomen et les autres à l'extrémité postérieure.
Aucun organe de circulation, de respiration ou d’innervation
ne s’est manifesté à nous pendant nos nombreuses recherches
sur le Demodex; mais nous avons pu voir, au moment même de
leurs fonctions, les organes de reproduction qui, avant nous,
étaient complétement inconnus.
$S 3. — Organes et fonctions de reproduction.
Les Demodex sont monoïques, comme tous les acariens. La
différence des sexes est très-peu marquée et très-difficile à ap-
précier, les individus sexués étant relativement rares et perdus
dans la foule des individus asexués, véritables nymphes qui sont
de même taille et en apparence aussi parfaits que les précédents,
et qui fournissent la grande majorité, quelquefois la totalité, de
la population qui remplit les follicules pileux dilatés chez les
chiens atteints de gale folliculaire, ou chez l’homme atteint
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 147
d’acne sebacea ; on ne trouve même d’individus sexués accom-
pagnés des larves que les femelles viennent de mettre au monde,
que dans certains boutons acnéiques particuliers, et c’est la
présence des jeunes larves apodes qui doit servir d'indice
pour rechercher dans leur voisinage les individus réellement
adultes.
Les mâles (fig. 4, À, B) sont un peu plus petits que les femelles,
ou plutôt c’est leur abdomen qui est plus court, plus étroit, et
qui a à peu près la même longueur que le thorax; le pénis se
montre en avant de l’anus et en arrière de la dernière paire
d'épimères ; il a la forme d’un tubercule conique, à arêtes, et
tronqué, qui se montre en quelque sorte seulement au moment
d'entrer en fonction.
La femelle (fig. 2) a le thorax un peu plus fort que le mâle ;
son abdomen, plus arrondi, dépasse le céphalo-thorax d’un
quart en longueur ; la fente anale sert en même temps de vulve
d'accouchement, et probablement aussi de vulve de copulation,
— ce qui serait une exception chez les acariens, — mais, si
nous n'avons pas vu de Demodex accouplés, par contre nous
avons assisté à la sortie, par cette ouverture, de ce que l’on a
appelé jusqu’à présent un œuf et qui n’est autre qu’une véritable
larve apode. En effet, cette larve, qui ressemble à.une petite
sole à queue pointue, s’est montrée à nous de différentes tailles,
ce qui prouve qu'elle grandit, et s’est manifestement contractée
sous nos yeux, ce qui prouve qu’elle est douée de mouvement,
qualités qui n’appartiennent nullement aux œufs.
$ 4. — métamorphoses et mues.
Nous venons de voir que les Demodex sont vivipares et qu'ils
donnent naissance directement à de petites larves plates, rhom-
boïdales, à extrémité antérieure arrondie et sans trace de bou-
che ni d'ouverture en tenant lieu, à extrémité postérieure allon-
gée et pointue, ressemblant en un mot à de petites soles aveugles
et astomes (fig. 2, B). Les larves de la variété kominis sont cordi-
formes (fig. 9). Ces larves, qui en naissant n’ont guère que
118 P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
0"*,060 de long sur 0"",015 de large, acquièrent vite 0"",090
sur 0"",025, et c’est à cette dernière dimension qu’on les distin-
gue le plus facilement, la première ayant quelque analogie avec
une grosse cellule embryoplastique fusiforme sans noyau. Ces
larves vivent certainement par imbibition ou absorption cutanée
puisque, nous le répétons, elles sont astomes (fig. 7, À).
La larve apode, continuant à croître, arrive bientôt à avoir
0"" 150 de long avec une largeur proportionnée; à cette taille,
elle acquiert, sous la partie qu'on peut appeler céphalo-thora-
cique, trois paires de pelits tubercules papilliformes qui tiennent
lieu de pattes, mais dans lesquelles on ne distingue ni articula-
tion ni crochets terminaux (fig. 7, B).
Après ce deuxième âge, la larve continue à croître et acquiert
encore une paire de tubercules papiliformes qui se montre en
arrière des premières. Bientôt après elle se prépare à muer, car
sous les téguments de ce troisième âge commencent à appa-
raitre les linéaments d’une forme à pattes articulées et à rostre
distinct (fig. 7, C). C'est celte larve au troisième âge, prête à
muer et montrant la forme de nymphe à rostre et à pattes encore
indécises dans son intérieur, que MM. Cornevin et G. Pennetier
ont prise pour une variété de Demodex, peut-être un mâle. Des
notions plus étendues sur l’organisation et les métamorphoses
des acariens leur auraient permis d’éviter cette erreur d’inter-
prétalion.
Lorsque la nymphe est sortie de son enveloppe constituée par
les téguments de la larve au troisième âge, les parties dures des
pattes, du céphalo-thorax et du rostre se solidifient ; les articles
des pattes et des palpes, le plastron dorsal et les épimères, les
mandibules et les maxilles, se montrent nettement; l'abdomen
s'allonge, et les stries de son tégument se dessinent ; enfin, cette
nymphe apparaît avec toutes les formes et la taille de l’âge
adulte, dont elle ne se distingue que par l'absence d’organes
sexuels.
Y a-t-il eu d’autres mues, d’autres métamorphoses que celle
qui marque la transformation de la larve au troisième âge en
nymphe? Chaque âge de la larve par exemple ne donne-t-il pas
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 119
lieu à une mue ? Nous ne le croyons pas, car nous n’avonñs jamais
pu voir de larve à tégument double, c’est-à-dire se préparant à
muer, comme cela se voit si facilement chez d’autres acariens,
les sarcoptidés par exemple. Ce fait de croissance sans change-
ment de peau, que présentent les larves de Demodex, est excep-
tionnel dans l'ordre des acariens et les rapproche des larves
d'insectes, des diplères par exemple.
$ 5. — mœurs et habitudes.
Les Demodex vivent et pullulent dans les follicules pileux ou
cébacés du chien, du chat, du mouton et de l’homme, seulement
- la variété caninus habite indifféremment les follicules pileux de
toute la surface du corps; la variété cati, particulièrement les
olandes sébacées de l'oreille; la variété ovis, seulement les
glandes de Meibomius ou du bord palpébral des paupières ; et la
variété Aominis, exclusivement les follicules pileux des poils
follets du visage et les glandes sébacées de la même région, parli-
culièrement du nez et du front.
Quelle que soit la variété que l’on observe, on voit toujours les
Demodex disposés dans les follicules, le rostre dirigé vers le fond
et en plus ou moins grand nombre ; quand ils ne sont pas plus
de deux ou trois, rien au dehors ne trahit leur présence ; mais
quand ils sont au nombre d’une douzaine environ, le follicule
dilaté donne lieu à une élevure conique de la peau, à une saillie
qui a un poil follet à son sommet, à un comédon en un mot;
enfin, lorsque les parasites sont au nombre de deux ou trois
douzaines (fig. 8), les parois du follicule, dilatées et irritées par la
présence de ces nombreux hôtes, s’injectent aussi bien que le
bulbe sécréteur du poil, celui-ci se détache, et une véritable pus-
tule d’acné se développe (1). C’est dans les pustules d’acné, dont
le centre contient quelquefois de quarante à cinquante Demo-
(1) M. Gruby prétend, dans un mémoire cité, qu'après avoir examiné soixante
personnes il a trouvé des demodex sur quarante ; nous, dans un régiment d’artil-
lerie composé de soldats de diverses régions de la France, nous n’avons trouvé de
demodex que sur un dixième environ de ces hommes.
120 F. MÉGNIN. — MÉMOIRE.
dex (1), que l’on rencontre particulièrement les individus adultes
et leurs larves, et c’est la population de ces pustules qui, en
essaimant littéralement, va peupler les follicules voisins du trop-
plein de leur contenu. C’est pourquoi l'extension de la gale folli-
culaire chez le chien se fait ordinairement en rayonnant et pro-
duit souvent de véritables cercles simulant parfaitement des
plaques d’herpès cireiné ; nous disons « ordinairement », car il
ya un autre moyen de propagation, le grattage, par lequel le
chien porte sur les différentes parties de son corps où il peut
atteindre les animalcules qu’il a arrachés avec ses ongles en
déchirant des pustules d’acné.
La rapidité de propagation des Demodex est bien moins grande
que celle de certains autres acariens psoriques ; les différentes
variétés du Sarcoptes scabiei par exemple, dont quelques-unes
peuvent, en quinze jours, couvrir le corps d’un cheval de leurs
colonies. La pullulation des Demodex de la variété caninus est
comparable à celle des psoroptes, car nous avons vu la gale folli-
culaire chez le chien, débutant par le tour des yeux et l’extré-
mité des patles, mettre environ deux mois à envahir le reste du
corps. Elle s'accompagne aussi de démangeaisons d'autant plus
vives qu’elle est plus générale.
La variété Aominis est bien plus lente encore que la précédente
dans sa multiplication; elle reste même souvent stationnaire
après qu'elle a produit quelques comédons ou quelques pustules
d'acné; on trouve même chez certains hommes des Demodex
vivants, en petit nombre il est vrai, dans les follicules du visage,
sans déterminer aucune lésion apparente; celte variété ne cause
non plus aucune démangeaison, ce qui la distingue encore d’une
manière capitale de la première.
La variété cali, que nous avons rencontrée dans les oreilles
de deux chats, paraît aussi très-peu prolifère et bien peu dange-
(1) Le même M. Gruby parle de follicule chez le chien affecté de gale folliculaire,
contenant jusqu’à 200 parasites, ce qui porterait la population de la peau de cet
animal à 80 000 habitants par centimètre carré. Nous croyons ces chiffres très-
exagérés, car, bien que nous ayons examiné beaucoup de chiens atteints de la même
affection, nous n’avons jamais pu compter plus de cinquante parasites environ par
follicule.
SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM. 191
reuse: rien ne décelait la présence des quelques rares représen-
tants de cette variété que nous avons trouvés mélangés à du
cérumen où nous récoltions en abondance des Chorioptes ecau-
datus, qui ne sont non plus nullement psoriques.
Quant à celle qui habite les glandes de Meibomius du mouton,
personne ne l’a revue depuis Simon de Berlin; nous ne pou-
vons par suite rien en dire.
M. Gruby, imbu de lidée que le Demodex du chien et celui de
l'homme sont identiques, recommandait de grandes précautions
pour éviter la contagion de la gale folliculaire du chien à l’hom-
me. Cette crainte est illusoire : nous avons manipulé bien des
_ chiens atteints de gale folliculaire et nous n’avons jamais rien
contracté, non plus que nombre de nos collègues et d'élèves
vétérinaires qui se sont trouvès aussi exposés que nous. Nous
avons cependant vu dernièrement le propriétaire d’un chien
affecté de cette gale bien constatée, être atteint, sur la face dor-
sale de chaque main, d’un prurigo regardé par son médecin
comme dû au contact de son chien, prurigo qui a cédé facilement
à l’aide de quelques soins appropriés. Si l’acclimatement des Demo-
dex avait été complet sur la peau de cet homme, -ce n’est pas
quelques jours de soins seulement qui auraient été nécessaires
pour les détruire, mais des mois, car il n’y a pas d’affection
psorique plus grave et plus tenace que la gale folliculaire du
chien. Nous savons cependant, par notre expérience personnelle
et par celle de notre distingué confrère M. C. Leblanc, que par
des bains de Baréges administrés avec persistance, soigneuse -
ment et quotidiennement, pendant un mois au moins, puis de
huit jours en huit jours pendant deux ou trois autres mois, on
vient sûrement à bout de cette affection. Nous nous expliquons
action de ce traitement de cette façon : les Demodex mi-
graieurs trouvant constamment la mort hors du follicule, les
nouvelles colonies deviennent impossibles à constituer ;. les an-
ciennes disparaissant forcément par la mort naturelle de leurs
fondateurs, la population parasitaire disparaît ainsi, car nous
ne croyons pas qu'un médicament inoffensif pour la peau et
en même temps parasilicide puisse pénétrer dans la profondeur
4922 p. MÉGNIN. — MÉMOIRE SUR LE DEMODEX FOLLICULORUM.
des follicules pileux ou sébacés ; nous avons par devers
nous des expériences qui nous le prouvent et qui nous donnent
la raison des insuccès des nombreuses préparations proposées
contre la gale folliculaire du chien et des dangers de la plupart
d’entre elles.
EXPLICATION DE LA PLANCRE IX.
Fic. 4.— Demodex folliculorum (Owen), variété caninus J', À vu de face,
B vu de profil, p penis, a anus (grossiss. 300 diam.).
F1G. 2. — Demodex folliculorum (Owen), variété caninus, A? vu de face,
ac ouverture vulvo-anale, B sa larve apode au moment de sa naissance
(grossiss. 300 diam.).
Fic. 3. — Rostre de Demodex vu de face (grossiss. 900 diam.).
m,æ. Maxilles ou mâchoires soudées.
L. Languette. |
p,m. Palpe maxiMaire à quatre articles.
m,d. Mandibules.
e,p. Épistome; j, son prolongement en forme de joues.
Fi. 4. — Rostre du Demodex vu de profil (grossiss. 900 diam.). (Mêmes
lettres que dans les figures précédentes.)
B. — Mandibules vues par la face supérieure (même grossiss. ).
Fi. 5.— Une patte d’adulte, À dans l'extension, B dans la flexion
(grossiss. 900 diam.).
a. Hanche.
. Jambe ou tibia.
Tarse.
FiG.
Fic.
j
L,
6. — Les deux crochets du tarse, le plus grand est l’interne.
7. — Phases de développement de la larve de Demodex. .
A. Deuxième âge de la larve (grossiss. 300 diam.).
B. Troisième âge, ou hexapapillaire.
C. Quatrième âge ou octopapillaire, se métamorphosant en
nymphe.
Fi. 8. — Un follicule pileux de chien affecté de gale folliculaire et
dilaté par une accumulation de Demodex et de leurs larves (grossiss.
200 diam.).
Fic. 9. — Une larve cordiforme du Demodex folliculorum (Owen), variété
hominis (grossiss. 300 diam.).
PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, y À
CONTRIBUTION
À L’HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE
Par M. POINCARÉ
Professeur adjoint à la Faculté de médecine de Nancy.
Il y a trente-deux ans que Henle déclarait que la glande thy-
roïde, le thymus, la rate, les capsules surrénales ont cela de com-
mun que leur structure intime et leurs fonctions sont totalement
. ignorées (1). Ce jugement pourrait encore être porté aujourd’hui
avec presque autant de raison. Car on en est encore à se deman-
der si le corps thyroïde est formé par des vésicules closes, con-
glomérées et indépendantes les unes des autres, comme le veut
l'opinion classique, ou si, comme l’affirme Boechatt (2), les pré-
tendus follicules clos forment entre eux un système de canali-
cules avec ramifications étendues. Pour vérifier celte dernière
asserlion, j'ai pratiqué un certain nombre d’injections, à l’aide
de l'appareil de Gréhant transformé. Tantôt je n’ai obtenu
qu'une imbibition purement mécanique des parties voisines du
point d'introduction de la canule, tantôt les résultats semblaient
justifier jusqu'à un certain point l’idée de Boechatt; mais ils
étaient si variés dans leur forme et dans leur aspect qu’on était
en droit de les considérer comme des produits artificiels. Dans
ces conditions il m’a semblé qu’il ne fallait attacher qu’une mé-
diocre importance aux recherches faites à l’aide des procédés
indirects d'investigation, et qu’au lieu de scruter avec des réac-
tifs variés quelques thyroïdes, il serait peut-être plus profitable
de passer en revue le plus grand nombre possible de glandes, en
les puisant à tous les échelons de la série des vertébrés, et en fai-
sant porter l'observation sur un grand nombre d'individus de
(1) Henle, Traité d'anatomie générale, traduction de Jourdan, 4843, t. II, p. 578.
(2) Recherche sur la structure normale du corps thyroïde. Paris, 1873. Voyez
aussi dans ce recueil, t. VII, années 1870-1871, p. 244, J.-J, da Silva Amado : Sur
un point obscur de l’histologie de la thyroïde (avec figures).
12h POINCARÉ. — CONTRIBUTION
chaque espèce. J'ai pensé qu’en agrandissant ainsi le champ de
l'observation et en passant en revue toutes les variantes réalisées
par la nature, il serait probablement plus facile de dégager le
type commun et fondamental. C’est dans ce but que j'ai examiné
un nombre considérable de glandes thyroïdes empruntées aux
animaux qui servent habituellement à l’alimentation, que pen-
dant deux ans je me suis fait adresser celles de la plupart des ani-
maux morts au Muséum et dans quelques ménageries privées ;
qu’enfin je me suis fait remettre pendant plusieurs années celles
de tous les malades morts à l'hôpital Saint-Charles de Nancy.
Comme mon but était avant tout de me former une opinion sur
la structure de cet organe, J'ai eu le tort, pendant longtemps, de
ne rien inscrire et de ne pas tenir un compte régulier des pièces
examinées. Mais m'étant aperçu que la plupart des faits que j’ob-
servais méritaient d’avoir leur fréquence relative fixée par la sta-
tistique, j'ai depuis pris des dessins, et j'ai dressé des tableaux
où se trouvent indiqués la provenance, l’âge, le sexe, la nature
des maladies et des circonstances qui ont occasionné la mort, les
particularités relatives au stroma, aux éléments glandulaires, aux
kystes, aux sympexions, aux cristaux et aux diverses dégénéres-
cences. Je regrette de ne l'avoir pas fait plus tôt, car les asser-
tions que je vais émettre seraient appuyées par des chiffres bien
plus considérables. Toutefois, je puis assurer que mes impres-
sions antérieures ont toutes abondé dans le sens des conclusions
que je vais tirer de l'inspection de ces tableaux.
Ces derniers comprennent 106 glandes de l'espèce humaine,
fournies par 55 femmes et 51 hommes. La mort a été déterminée,
28 fois par la tuberculisation pulmonaire; 8 fois par l’emphy-
sème pulmonaire; 2 fois par la congestion pulmonaire; 4 fois
par la pneumonie ; 41 fois par une maladie organique du cœur ;
7 fois par la fièvre typhoïde ; 4 fois par la variole; 2 fois par
l’entérite; 1 fois par le tétanos; A fois par l’éclampsie ; 4 fois
par l’épilepsie ; 8 fois par la méningite ; 1 fois par la congestion
cérébrale; 1 fois par le ramollissement cérébral ; 4 fois par l’a-
poplexie cérébrale ; 8 fois par l’albuminurie ; 1 fois par la périto-
nite puerpérale ; 1 fois par une hépatite suppurée; 5 fois par
A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 195
la cyrrhose du foie ; 10 fois par une affection cancéreuse; 2 fois
par la maladie de Pott et coxalgie ; 1 fois par une grossesse extra-
utérine ; À fois par la gangrène du poumon ; 1 fois par l’opéra-
tion de la hernie étranglée ; 1 fois par asphyxie par submersion ;
À fois la maladie est restée inconnue ; 3 fœtus et un nouveau-né
mort au bout de deux heures. *
C’est surtout pour les animaux que J'ai négligé de prendre
des notes sur les glandes examinées, de sorte que le chiffre de
celles inscrites sur les tableaux est de beaucoup inférieur à celui
des thyroïdes qui ont été réellement passées en revue. Je ne suis
autorisé à faire entrer dans le roulement de ma statistique
_ que 91 glandes empruntées à des animaux. Ces 91 glandes se ré-
parlissent dans l'échelle ainsi qu'il suit : 22 moutons ; 17 veaux ;
9 bœufs ; 7 pores; 3 chevaux ; 3 chevreuils ; 3 lèvres ; 2 chiens;
2 singes ; 1 lion; À Cervus axis; 1 antilope; 1 Proteus anqui-
nus ; 6 poules et poulets; 2 milans; 1 cardinal ; À pic-vert ;
4 padda; 1 épervier ; 1 grimpeur ; 1 moyen-duc; 1 gros-bec;
À tortue; 1 grenouille et 2 raies.
Un premier fait général qui est ressorti pour moi de cet
ensemble d'observations, c’est que chez la plupart des animaux
l'existence de vésicules closes se montre incontestable. Il est loin
d’en être toujours ainsi dans l'espèce humaine, où l’organisation
de laglande paraît être plus complexe et plus confuse. Ilest probable
que chez l’homme le vague tient à ce que le stroma est beaucoup
plus abondant et plus dense que chez les animaux, de sorte que
les contours des vésicules et leurs connexions relatives se dessi-
nent moins bien. Mais on ne saurait douter un seul instant de la
vérité de l'interprétation classique, lorsqu'on s'adresse aux
glandes des poissons, des batraciens, des oiseaux. Il en est de
même lorsqu'on se rapproche beaucoup plus de nous, notam-
ment chez le chevreuil, le lièvre, le veau et le mouton. Chez ces
derniers, les trabécules lobulaires sont nettement réduits à leur
plus simple expression, la transparence générale est tellement
complète, les vésicules sont tellement bien dégagées et circons-
crites, qu’il serait impossible de songer à leur appliquer l'idée
de Boechatt. Ilest bien probable que quels que soient les perfec-
126 POINCARÉ. — CONTRIBUTION
tionnements et les richesses de détail que peuvent présenter chez
l’homme le stroma et les éléments généraux auxquels celui-ci
sert d’atmosphère, l'agent fondamental de la glande doit aussi
y consister en des follicules parfaitement clos et sans aucune
communication entre eux. Car il n’est pas dans les allures de la
nature de-ne pas suivre le même plan pour toute l'échelle. Elle
se montre prodigue de broderies, mais elle respecte toujours les
grandes lignes qu’elle a cru devoir adopter. Je reste donc con-
vaincu que le lobule thyroïdien est toujours constitué par des
vésicules conglomérées, mais parfaitement indépendantes.
L’organe dont la thyroïde se rapproche le plus, comme structure,
est certainement l'ovaire.
Une seconde remarque générale est que chéz l’homme la thy-
roïde est rarement normale dans toute la rigueur du mot. Il n’est
pas nécessaire que la glande atteigne des proportions capables
d'attirer l'attention et de la faire classer parmi les goîtres, même
les plus humbles, pour qu’elle renferme un ou plusieurs petits
kystes, soit des amas de cristaux, soit des magmas calcaires, soit
des signes de dégénérescence graisseuse, soit de petits points
caséeux. Le corps thyroïde entre beaucoup plussouvent qu’on ne
croit snr la scène pathologique ; ce qui, indirectement, donne à
supposer que son rôle physiologique n’est pas aussi effacé qu'on
a coutume de l’admettre. Les influences hygiéniques spéciales
auxquelles l'homme est soumis, les habitudes morbides qui sont
devenues son apanage à travers les générations subissant ces
influences, retentissent sur la thyroïde aussi bien que sur les
autres organes. Car elle se montre altérée chez lui infiniment
plus souvent que chez les animaux. C’est ce qui résultera de l’exa-
men que nous allons faire des diverses particularités que cet
organe peut présenter comme coloration, poids, stroma, vési-
cules, kystes, cristaux, sympexions, dégénérescence grais-
seuse, elc.
Coloration. On accorde généralement à la thyroïde humaine
une coloration rougeâtre, analogue à celle du tissu musculaire.
Je ne l'ai trouvée que 17 fois remplissant cette condition. Elle
- s’est montrée 25 fois d’un rose pâle ; 9 fois d’un rouge livide et
A L’HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 127
violacé ; 2 fois d’un gris ardoisé ; 4 fois d’un brun assez foncé.
Le plus souvent elle a offert une teinte jaune: 48 fois (34 fois
un jaune pâle, et 14 fois un jaune chrôme). La coloration jaune,
quoiqu’étant la plus fréquente, est cependant un produit pa-
thologique, car le microscope montre qu’elle est due à la dégé-
nérescence graisseuse. |
La teinte jaune se rencontre un peu plus souvent dans le sexe
masculin que dans le sexe féminin, ce qui tient peut-être à ce
que les hommes abusent ordinairement plus de l'alcool : car
quelle que soit la maladie finale, l'alcoolisme la détermine con-
stamment. (Jaune chez 25 hommes sur 51 et 23 femmes sur 55;
_rose chez 17 femmes et 8 hommes, rouge musculaire chez
11 femmes et 6 hommes; rouge livide chez 6 hommes et
3 femmes; grise chez 2 hommes; brune chez 3 hommes et
4 femme.)
La teinte jaune n’est pas l’œuvre de l’âge, car on peut la ren-
contrer à toutes les époques de la vie. Mais c’est à l’âge adulte
qu'elle est le plus fréquente, probablement parce que c’est à cette
époque que se montrent le plus souvent les maladies capables de
la déterminer. Elle a été observée 8 fois de 4 à 20 ans ; 20 fois
de 20 à 40 ans ; 12 fois de A0 à 60 ans; 9 fois de 60 à 80 ; 2 fois
au delà. La coloration a été rose 9 fois et 1 fois rouge muscu-
laire de 4 à 20 ans; 5 fois rose et 9 fois rouge musculaire de
20 à A0 ans; 7 fois rose et 7 fois rouge musculaire de 40 à 60 ans ;
k fois rose et 1 fois rouge de 60 à 80 ans. La vivacité de la teinte
rouge n’est donc pas, comme on l’a dit, en raison inverse de
l’âge. L'état fœtal semble communiquer à la glande une teinte
brune qui persiste même pendant les premières heures après la
naissance. Les quatre glandes brunes appartenaient à 3 fœtus et
à un nouveau-né. La vieillesse ne produit pas plus la teinte grise,
c'est-à-dire la pigmentation, que la teinte graisseuse; car des
deux glandes grises, l’une appartenait à un individu âgé de
52 ans et l’autre à un individu âgé de 32 ans.
Dans la tuberculisation pulmonaire, la thyroïde offre une ten-
dance des plus marquées à prendre une teinte jaune (19 fois sur
28 tuberculeux et sur 4S glandes jaunes). La nuance jaune
128 POINCARÉ. — CONTRIBUTION
chrome est presque spéciale à cette affection. Sur 14 glandes
ayant offert cette nuance, 11 appartenaient à des phthisiques.
Quand dans cette maladie la glande conserve une teinte rouge
(9 fois), celle-ci est ordinairement très-pâle ; 3 fois seulement elle
avait atteint ou conservé la nuance du muscle.
En raison de l’excessive gêne que l’emphysème apporte dans
la respiration et la circulation, gêne qui se traduit si souvent par
la turgescence des veines du cou et de la tête, je m'attendais à
trouver la thyroïde des emphysémateux gorgée d’un sang foncé.
Sur 8 glandes de cette provenance je n’en ai rencontré qu'une
offrant une teinte rouge foncé; et encore non-seulement cette
coloration était limitée à la partie la plus centrale de l’organe,
mais en outre 1l y avait là des lésions de kystes qui avaient bien
pu développer autour d’eux celte atmosphère de congestion.
Parmi les 7 autres une seule avait la teinte rouge musculaire ;
2 étaient d’un rouge pâle ; 3 d’un jaune pâle et À d'un jaune
chrôme. Pour cette dernière on pouvait invoquer un haut degré
d’antécédents alcooliques. Ces résultats ne parlent certainement
pas en faveur de l'hypothèse de Maignien qui présente le corps
thyroïde comme un diverticulum destiné à donner asile au sang,
pendant le phénomène effort. Ce défaut de congestion dans l’em-
physème, lequel se retrouvera encore dans d’autres maladies ca-
pables d’entraver la circulation, me porte à penser que dans les
faits qui ont été donnés à l’appui de cette théorie, on a attribué
au tissu thyroïdien lui-même un gonflement qui avait pour siége
le lacis veineux qui existe à la périphérie de la glande, et qui se
gorgeait de sang au même titre que les autres veines du cou.
D'ailleurs un pareil office ne saurait être rempli efficacement par
un tissu formé de vésicules. Celles-ci n'auraient nullement leur
raison d’être.
La congestion pulmonaire n’entraîne pas celle de la glande
thyroïde qui s’est montrée d’une teinte jaune dans les deux cas
observés. L’un des malades était fortement alcoolisé.
Il en est de même de la pneumonie ; quoique dans deux des
cas 11 y eut à la fin des phénomènes d’asphyxie, la glande s’est
montrée 1 fois rose et 3 fois jaune. *
A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 129
La théorie Maignien ne rencontre pas des arguments beaucoup
plus favorables dans les maladies organiques du cœur ; 5 offri-
rent la teinte musculaire ; à la teinte rose ; 2 la teinte jaune et
À la teinte grise.
J'ai été surpris dela teinte rouge bleuâtre que la fièvre typhoïde
a tendance à communiquer à la glande thyroïde; sur 7 cas je
n’ai rencontré que deux exceptions à cette régle; dans l'une la
coloration était rouge musculaire, dans l’autre elle était simple-
ment rose. Les cinq autres thyroïdes rappellaient par leur cou-
leur et par leur consistance l'aspect des glandes mésentériques
dans la même maladie. Loin de moi la penséelle vouloir faire ici
_entre le corps thyroïde et les glandes lymphatiques une assimila-
Lion que condamnent l’histologie et Surtout l'embryogénie.Mais ce
fait semble indiquer que le premier organe doit aussi interve
nir d’une manière quelconque dans l’hématopoièse. La variole
ne paraît pas exercer une influence analogue sur la thyroïde.
Dans l'unique cas observé, elle était rose. Dans la cyrrhose elle
s’est montrée à fois d’un rouge musculkure et 2 fois d'un rouge
bleuâtre. Dans le cas d'hépalite suppurée elle était d’un jaune :
chrorne. La diathèse cancéreuse semble, comme la diathése tu-
berculeuse, engendrer très-souvent la teinte graisseuse ; mais
elle produit beaucoup plus rarement la nuance chrome. Sur
10 cas il veut 7 fois la coloration jaune, dont 1 fois la nuance
chrome. Dans les 3 autres cas la glande était d’un rose pâle. Chez
les trois albuminuriques elle fut 2 fais Jaune et 1 fois d’un rouge
musculaire. Chez les quatre apoplectiques elle fut 3 fois rose et
À fois jaune. Elle offrit cette dernière teinte dans l'unique cas de
ramollissement cérébral, et la première chez le malade mort de
congestion cérébrale. Rose dans les deux cas de méningile aiguë,
elle fut grise dans celui de méningite chronique, jaune dans les
deux cas de maladic de Pott, dans celui de gangrène du pou-
mon, dans celui de grossesse extra-utérine, dans celui d’épilep-
sie et dans l’un des deux cas d’entérite : elle fut au contraire rouge
livide dans le fait de hernie étrangiée, ei rouge musculaire dans
le second fait d’entérite, ainsi que dans celui de péritonite. Elle
n’offrit que cette dernière teinte dans les cas d’asphyxie par
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. XII (1877), 9
450 POINCARÉ. — CONTRIBUTION
submersion, d’éclampsie et de tétanos. C’est là une circonstance
quiest encore à mettre au passif de lathéorie Maignien. Notons
encore, en terminant ce sujet, que chez la plupart des malades
non tuberculeux, l'alcool a Joué un rôle plus où moins important
dans la production de la teinte jaune.
Si on débarrasse la thyroïde des animaux des amas adipeux qui
se trouvent dans les principales cloisons du stroma, et qui sont
surtout très-abondants chez les poissons, les oiseaux et Les porcs,
on constate que le tissu glandulaire est par lui-même rarement
jaune, et que par conséquent il éprouve la dégénérescence grais-
seuse beaucoup moins souvent que la thyroïde humaine. Sur
91 animaux, ce tissu n'offrit cette teinte que 7 fois (2 bœufs,
4 veau, 1 chevreuil, 1 chien, 4 pic-vert, 1 milan). Elle ne fut
grise qu’une fois (4 mouton) ; 5 fois très-brune par suite de pig-
mentation (3 chevaux, 2 lièvres) ; 4 fois d’un rouge livide (2 mou-
tons, 2 porcs). Chez les 74 autres animaux la glande a été d’un
rouge oscillant autour de la teinte musculaire; ce qui prouve
que ce doit être là la coloration normale.
Poids et volume. La moyenne de poids de la glande thyroïde
chez l'adulte a été estimée par Meckel à 33 grammes, par
Legendre à 50 grammes, par Sappey à 24 grammes. Pour ma
série d'observations, la moyenne générale a été de 35,55. Si on
élimine quatre glandes qui, par leur volume exceptionnel, méri-
taient déjà d’être classées dans la catégorie des goîtres, elle des-
cend à 28,21. Pendant la période fœtale, la moyenne a été de
11/2; pendant l’adolescence, de 22,29; pendant l’âge adulte, de
26,89 ; pendant la vieillesse de 41,27. La glande semble donc
augmenter en poids et en volume avec l’âge. Les moyennes par-
ticulières ont été, pour le sexe féminin, de 26,88; pour le sexe
masculin, de 30,04.
La tuberculisation pulmonaire tend à atrophier la glande thy-
roïde par la résorption des éléments morts de dégénérescence
graisseuse. Sur 18 cas, cet organe s’est montré 23 fois au-dessous
de la moyenne et est même descendu jusqu’à 13 grammes. Dans
l'emphysème, le poids atteint a été 2 fois au-dessus, 3 fois au-
dessous et 2 fois au niveau de la moyenne; dans la congestion
A L’HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 131
pulmonaire, 4 fois au-dessus et 4 fois au-dessous ; dans la pneu-
monic la glande s’est peu écartée de la moyenne. Dans les maladies
de cœur, 6 fois elle a été un peu au-dessus et 6 fois un peu au-
dessous; dans la fièvre typhoïde, 5 fois au-dessus et ? fois au-des-
sous ; dans la variole, elle s’est montrée au-dessous; de même
dans l’entérite. Elle l’a réalisée dans l’éclampsie, à peine dépas-
sée dans le tétanos, ct est restée au-dessous dans lépilepsie ;
elle la dépassée dans le fait de méningite chronique, dans
les cas d’apoplexie. Elle est restée au contraire en dessous dans
les deux méningites aiguës, la congestion et le ramollissement du
cerveau, dans l’albuminurie : 2 fois au-dessous et 1 fois au-des-
sus ;inférieur dans la péritonite puerpérale, l'hépatite suppurée et
dans trois cas de cyrrhose, le poids de la glande a un peu débordé
la moyenne dans les 2 autres cas de cyrrhose. À part 8 cas, elle
s’est montrée un peu amoindrie dans tous les faits de cancer. Il
en a été de même dans Îles cas de coxalgie et de grossesse extra-
utérine. Elle a offert le poids normal dans les faits de hernie
étranglée et d’asphyxie par submersion. D'une manière générale
on peut dire que toutes les maladies qui tendent à décolorer la
lande tendent aussi à l’amoindrir.
Pour Les animaux, il faudrait pouvoir donner, non pas une
moyenne qui n'aurait aucune signification, mais un tableau des
poids des glandes des diverses espèces animales examinées. Mal-
heureusement! mes notes sont complétement muettes à cet égard,
ou ne portent que des mentions trop vagues établies sur des com-
paraisons faites à l'œil avec différents objets. Aucune pesée ne
paraît avoir été faite. Quelques mesures seulement ont été prises.
Je les reproduis telles qu'elles sont consignées: chez le singe,
chaque lobe avait 15 millimètres de diamètre ; chez le chien ro-
quet, 20 millimètres ; chez ie Pada, 2 millimètres ; chezun milan,
12 millimètres ; chez l’épervier, 2 millimètres ; chez le grimpeur,
1 millimètre ; chezle moyen-duc,7 milimètres; chez le grus-bec,
2 millimètres ; chez le poulet, 10 millimètres.
Stroma. [existe une différence énorme entre le stroma thy-
roïdien de l'homme et celui des anmaux. Tandis que chez le pre-
mier il constitue une bonne partie de la masse totale el se
132 POINCARÉ. — CONTRIBUTION
proche du tissu fibreux par sa composition, sa consistance et son
opacité relative, chez les animaux, au contraire, iln’existe presque
qu’à la périphérie et dans les grandes intersections lobulaires.
De plus il est excessivement lâche, riche en cellules plasma-
tiques, mais très-pauvre en fibres conjonctives. Même chez les
mammifères supérieurs, quand on prend des lambeaux de la
glande en deçà des couches périphériques, on n’aperçoit pour
ainsi dire que des vésicules qui, malgré leur imbricalion sur
plusieurs plans, n’en restent pas moins avec des contours parfai-
tement distinets. On ne voit qu'une multitude de petits sacs qu’on
fait facilement glisser les uns sur les autres, tant est molle et ré-
duite à sa plus simple expression la substance conjonctive qui les
unit, Dans les grandes cloisons il y a toujours une forte quantité
de cellules adipeuses, tandis que celles-ci sont relativement rares
dans l'espèce humaine. Chez le cheval, le singe, le lièvre et le
chevreuil, le stroma est presque partout parsemé de traînées pig-
mentaires.
Si, chez l'homme, le stroma offre peu de cellules adipeuses, 1l
se montre souvent, à titre morbide, parsemé de granulalions
graisseuses : 27 fois sur 106 cas. C’est incontestablement dans la
tuberculisation pulmonaire que cette dégénérescence graisseuse
du stroma se produitle plus souvent (17 fois). Elle est pour beau-
coup dans la teinte jaune qu’affecte Fa plupart du temps la thy-
roïde dans cette affection, car elle faisait défaut surtout dans les
glandes de tuberculeux qui avaient exceplionnellement conservé
une teinte rouge ou rosée. Les autres affections où ces granula-
tions se montrèrent dans le stroma furent : l’albuminerie, 2 fois;
la cyrrhose, 2 fois; la maladie de Pott, 2 fois ; la maladie de cœur.
À fois ; le tétanos, 1 fois; l’épilepsie, 4 fois; l’apoplexie, À fois.
Dans tous ces cas variés, l'alcoolisme semble avoir joué le princi-
pal rôle.
Les maladies de cœur qui sont incapables de congestionner la
glande thyroïde d'une manière appréciable peuvent parfois œdé-
matier son stroma ; du moins il en a été ainsi dans deux cas. Le
cancer prédi: pose le stroma à prendre un caractère fibreux. Il
en a été ainsi dans 6 cas sur 40, Le même fait a été observé chez
A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 4133
2 tuberculeux, dans le cas de méningite chronique et dans celui
de ramollissement cérébral. La pigmentation du stroma est assez
rare chez l’homme. Elle n’a été rencontrée que ? fois, dans un
cas de maladie de cœur et dans celui de congestion cérébrale.
Chez un des tuberculeux, il était criblé de granulations calcaires
‘amorphes.
Vésicules. On s'accorde assez généralement à considérer les vé-
sicules comme étant tapissées d’une simple couche épithéliale et
comme contenant un liquide qui ne possède aucun élément
figuré. Il en est en effet sonvent ainsi; mais ce n’est pas là une
règle générale. Fréqjuemment, surtout chez les animaux qui ont
-élé sacrifiés dans un parfait état de santé, elles renferment une
plus ou moins grande quantité de noyaux libres et de cellules
sphériques. Les noyaux sont parfois tellement serrés les uns
contre les autres, que le Hiquide est presque nul et n'apparaît plus
que comme la substance fondamentale d’un tissu nucléaire. On
peut se convaincre que cette disposition est réelle et que ce n’est
pas Pépithélium qui en impose pour une masse nucléaire : 1° en
rompant une ou plusieurs vésicules ; on voit alors s'échapper une
telle quantité de noyaux, qu’elle dépasse de beaucoup celle que
pourrait fournir une couche épithéliale; 2° en faisant en un point
des coupes dans toutes les directions, après avoir solidifié le con-
tenu à l’aide de l'alcool; 3° en écrasant ce contenu solidifié. Les
noyaux s'y montrent pris sur place par la solidification. Sans
doute sur presque toutes les glandes on trouve un grand nombre
de vésicules à liquide à peu près amorphe. Souvent même on
tombe sur cet état de choses dans une grande quantité de coupes
successives, de sorte que l’on conçoit qu’on en ait fait la règle
générale. Mais le fait d’un contenu nucléaire n'en existe pas
moins assez souvent pour qu’on soil conduit à penser que ces
deux dispositions constituent deux phases distinctes de l'évolu-
tion des vésicules. Comme l'aspect amorphe appartient surtout
aux vésicules volumineuses, il est possible qu’il représente la
phase la plus avancée, d'autant plus qu'il se généralise avec l’âge
et que chez le fœtus toutes les cavités thyroïdiennes sont complé-
tement remplies de noyaux. Toutefois, comme il se montre sur-
13! POINCARÉ. — CONTRIBUTION
tout dans l'espèce humaine et chez des individus dont la nutri-
tion est altérée par la maladie, on peut aussi se demander s’il ne
représente pas un état déjà moins physiologique.
Quoi qu’il en soit de ces interprétations, voici quels ont été les
résultats bruts de mes observations. Sur les 61 glandes d’ani-
maux, 10 seulement ont montré sur toutes les coupes des vési-
cules à contenu amorphe ; 15 ont offert au contraire sur tous les
points des vésicules gorgées de noyauxlibres, comme s’il s'était
fait là un véritable travail de prolifération. Dans les 66 autres, la
plupart des vésicules renfermaient un plus ou moins grand
nombre de noyaux épais.
Dans l’espèce humaine, 47 glandes se signalèrent par des vé-
sicules qui, presque toutes, étaient même dépouillées d’épithé-
lium (4 tuberculeux, ? congestions pulmonaires, 2 pneumonies,
À épilepsie, 1 ramollissement cérébral, 1 apoplexie, 3 albuminu-
ries, 3 cancers, À hernie élranglée) ; 30 par des vésicules munies
d'épithélium, mais contenant un liquide à peu près amorphe
(14 tuberculisations pulmonaires, 2 ‘emphysèmes pulmonaires,
3 maladies organiques du cœur, À variole, 4 entérite, 1 éclamp-
sie, À congestion cérébrale, 4 cancers, ? maladies de Pott, 1 gan-
orène pulmonaire) ; 40 par des vésicules contenant, en outre de
l’épithélium, des noyaux épais plus ou moins nombreux (7 tuber-
culisations pulmonaires, 3 emphysèmes pulmonaires, 2 pneu-
monies, 8 maladies de cœur, 2 fièvres typhoïdes, 4 entérite,
1 tétanos, 2 méningites, 1 hépatite, 1 péritonite, 5 cyrrhoses,
3 cancers, ! grossesse extra-utérine, À asphyxie par submersion);
enfin 16 par des vésicules gorgées de noyaux (3 tuberculisations
pulmonaires, 3 emphysèmes pulmonaires, 5 fièvres typhoïdes,
4 méningite et A fœtus). Cette condition était très-accentuée
dans les 5 cas de fièvre typhoïde, fait qui mérite d’être rappro-
ché de la congestion que nous avons signalée antérieurement
comme établissant une certaine solidarité pathologique entre la
glande thyroïde et les ganglions mésentériques.
Il est un travail d'évolution dont on peut suivre les phases
chez beaucoup d'animaux, mais qui est surtout trés-apparent
chez le veau, le bœuf et le porc. Parmi les cellules de l’épithélium
A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 1435
de chaque vésicule, on en voit 2, 3, A, qui sont devenues plus
volumineuses, turgescentes , sphériques et brillantes, et qui,
tout en faisant encore partie de la couche épithéliale, la débor-
dent. Si la préparation est favorable, on peui rencontrer sur les
mêmes vésicules une ou deux cellules plus grosses encore, déta-
chées et libres ; d’autres qui, plus engagées encore vers le centre,
sont en train de se détruire en donnant la liberté aux noyaux
qu’elles -renfermaient. Ge sont sans doute ces faits que Cornil et
Ranvier ont regardés comme exprimant la dégénérescence col-
loïde des cellules épithéliales (1). Mais quand on a soin de n’em-
ployer aucun réactif capable de solidifier le contenu vésiculaire,
- on peut constater les mêmes faits sur des vésicules qui, rompues
par pression, donnent issue à un liquide très-fluide, n'ayant rien
des caractères de la substance colloïde. Pour moi, j'ai cru voir là
les manifestations d’une sécrétion par épithélium; et ce que j'ai
observé m’a rappelé ce qui se passe dans les tubes séminifères,
où l’on voit les cellules se gonfler, élaborer leur contenu, se dé-
tacher et donner la liberté aux spermatozoïdes qu’elles ont créés.
S1 l'interprétation est vraie pour la sécrétion spermatique, elle
doit l’être aussi pour la sécrétion thyroïdienne, car elle repose
sur les mêmes faits dans les deux cas. Et alors on peut se deman-
der si le travail qui aboutit à une prolifération des noyaux n’est
pas comparable à celui qui remplit les acini du sein de cellules
au lieu de lait, de sorte que, contrairement à ce que nous avons
supposé antérieurement, l’état liquide représenterait plutôt l’é-
tat de fonctionnement réellement physiologique.
Cristaux. On sait depuis longtemps que la thyroïde offre la
particularité de renfermer très-souvent un plus ou moius grand
nombre de cristaux. Mais le cas n’est pas constant, et on n’a pas
cherché jusqu'ici à déterminer la fréquence du fait par la statis-
tique. Moi-même, en me basant sur l'impression vague que m'a-
vait laissée la longue série de glandes que j'avais examinées sans
prendre des notes, j'étais resté convaincu que cette fréquence
(1) Manuel d’hisiologie pathologique, troisième partie, p. 996, par Cornil et Ran-
vier,
49
136 POINCARÉ. — CONTRIBUTION
était beaucoup plus grande qu’elle ne l'est en réalité. Ainsi, sur
91 glandes d'animaux, 68 en étaient complétement privées ; sur
106 thyroïdes humaines, 51 seulement en présentaient.
L'espèce animale ne paraît pas exercer ici une influence très-
accentuée. Toutefois les chiffres précédents prouvent que l'espèce
humaine est, sous ce rapport, un peu plus favorisée que l’anima-
lité considérée en général. Pour celle-ci, les thyroïdes à cristaux
se sont trouvées réparties ainsi : moutons, à fois sur 22 ; bœufs,
2 fois sur 9 ; veaux, 2 sur 17; porcs, 1 sur 7 ; lièvres, ? sur 3 ;
chevreuils, 1 sur 8 ; chiens, 4 sur 2; lion, 1 sur 1 ; singe, À sur
2; antilope, 4 sur 1. Sur 15 oiseaux, A seulement présentèrent
des cristaux (pic-vert, grimpeur, moyen-duc, gros-bec). L’unique
tortue en possédait. Il est impossible du reste d'établir entre les
animaux des comparaisons exactes à cause de la trop grande iné-
galité de nombre es représentants de chaque espèce. Si je me
reporte à ce que j'ai vu en dehors des thyroïdes inscrites, je
crois pouvoir assurer que l'homme n’occupe même pas le pre-
mier rang, et que celui-ci appartient à la raie, car j’ai rencontré
des cristaux d’une manière constante chez tous les animaux de
celte espèce et presque dans toutes les vésicules.
Dans l'espèce humaine, 1] semble que le sexe masculin y soit
plus exposé que le féminin (sur 55 femmes, 17 fois; sur
1 hommes, 24 fois). La nature de la maladie à laquelle le sujet
a succombé n’exerce pas une influence très-démontrée. Toutefois
1} semble que la formation des cristaux soit favorisée par l’emphy-
sème et les maladies de cœur. En effet, j'en aitrouvé chez 6 em-
physémateux sur 8, et 7 fois sur 11 cas de maladie du cœur ;
5 fois sur 28 phthisiques ; 4 fois sur 2 cas de congestion pul-
mopaire ; À fois sur 4 cas de pneumonie ; 3 fois sur 7 fièvres ty-
phoïdes ; 2 fois sur % méningites ; 1 fois chez un apoplectique ;
chez 2 albuminuriques sur 3 ; dans le cas de péritonite puerpé-
rale ; 2 fois sur 6 affections du foie; 4 fois sur 10 affections
cancéreuses; À fois dans un cas de grossesse extra-utérine ; enfin
dans le cas de hernie étranglée. Leur présence n’est pas non
plus l'œuvre de l’âge, car j’en aï trouvé dans la thyroïde d’un
fœtus de 5 mois. Il y en eut 18 fois chez des vieillards ; 47 fois
A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 137
chez des adultes; 2 fois chez des enfants. L’âge est resté inconnu
pour 3 des thyroïdes en renfermant.
Le plus souvent ils affectent la forme de prismes quadrangu-
laires ; d’autres fois, ce sont des octaëdres qui donnent à l’œil
la sensation de croix de Malte. Chez les animaux, ils se montrè-
rent 15 fois, tous exclusivement prismatiques; 3 fois exclusive-
ment en croix de Malte ; 2 fois les deux formes étaient abondam-
ment représentées dans la même glande. La croix de Malte n’a
été rencontrée que chez le mouton, la tortue et la raie, Chez ces
deux derniers animaux, il y en avait un nombre prodigieux.
Dans l'espèce humaine, ils ont été 29 fois exclusivement prisma-
-tiques ; 5 fois exclusivement en croix de Malte; 5 fois mélangés.
Dans 3 cas, les prismes ont consisté en aiguilles très-fines dispo-
sées en étoiles. On peut aussi rencontrer des plaques de cholesté-
rine. Mais chez l’homme elles nese montrent guère que dans les
kystes thyroïdiens. Il en a été ainsi dans les 3 cas où j'ai eu à les
signaler. Toutefois j’en ai rencontré dans une vésicule saine sur
uneraie.
Les cristaux, quelles que soient leurs formes, ne sont pas tou-
Jours contenus dans les vésicules. On en trouve souvent dans le
b
stroma lui-même. Il est vrai que, dans bien des cas, on est en droit
de se demander s'ils ne se trouvent pas là arüficiellement par
suite d’une rupture. Le doute n’est plus permis pour les masses
calcaires que l’on trouve fréquemment dans le stroma qui entourè
les kystes. Ces masses sont parfois tellement considérables, qu'au
toucher et à l’œil nu on croirait à une dégénérescence osseuse.
Il est même probable que bien des ossifications signalées par les
auteurs auralent montré à l'examen microscopique une simple
imprégnation de cristaux. Ceux-ci donnent souvent aux poches
kysteuses la transparence de l’aragonite. Ils sont alors incontes-
tablement formés par du carbonate de chaux, car on produit de
l'effervescence sous l’objectif en sms de l’eau acidulée par
de l'acide sulfurique.
Je n'ai pas les éléments nécessaires pour indiquer la composi-
tion des cristaux thyroïdiens. Tout ce qu'on peut dire, c'est que
ceux en croix de Malte doivent être constitués, ou par du chlo-
138 POINCARÉ. — CONTRIBUTION
rure de sodium, ou par de l'oxalate de chaux, car cette forme
n'appartient guëre qu’à ces deux sels. Si d’une part leur fré-
quence chez les raies qui vivent dans un milieu chargé de chlo-
rure de sodium fait penser qu'ils sont formés par ce dernier sel,
d'autre part, la façon dont ils résistent à une longue macération
de la glande dans l’eau plaide en faveur de loxalate de chaux.
On peut provoquer artificiellement la formation de cristaux pris-
matiques. J’en ai fait naître en grand nombre dans une glande
en la plongeant dans un bain de soude, et ils ont paru naître
exclusivement dans les vésicules, ce qui prouve que le liquide
thyroïdien a dû prendre part à la réaction. Dans. une autre
glande, j'ai produit des cristaux de cholestérine par l’action pro-
longée d’une chaleur douce.
Les cristaux sont-ils l’expression d’un état morbide de la
glande ? Je ne le crois pas, puisque je suis loin d’en avoir trouvé
dans toutes les glandes altérées, et puisqu'il en existe dans les
glandes les plus saines, surtout chez les animaux. Mais ils ne
sont pas cependant des produits tout à fait physiologiques, puis-
qu'ils constituent l'exception.
Sympexions. On doit accorder la même signification à ce qu’on
appelle des sympexions. Quand on comprime certaines glandes
thyroïdes, on fait jaillir de petits corps plus ou moins ovoides,
complétement amorphes, excessivement transparents. [ls s’échap-
pent comme des amandes qu’on énucléerait par pression. On di-
rait des morceaux de gomme qui fuient sous le doigt qui les
presse. Ils sont enfermés dans l’intérieur des vésicules où ils res-
tent toujours libres. Toutefois ce sont ces corps qui, appelés par
M. Robin corps albuminoïdes, sont plus généralement connus
sous le nom de sympexions. Chezles animaux, ces pelits corps se
rencontrent plus souvent que les cristaux : 22 fois sur 91 sujets
(2 bœufs, 7 moutons, 5 veaux, 3 poules, 2 chevaux, 1 cardinal,
1 milan, 1 antilope).
Dans l'espèce humaine, au contraire, la fréquence des cristaux
l'emporte sur celle des sympexions. Je n’ai trouvé ces corps albu-
minoïdes que 28 fois sur 106 thyroïdes, 15 fois chez des femmes
el 11 fois chez des hommes, sur 55 femmes et 51 hommes. Ils se
A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 139
sont répartis dans le cadre nosologique de la manière suivante :
6 fois sur 28 tuberculeux ; 1 fois sur 8 emphysémateux ; À fois
sur À pneumonies ; 7 fois sur 11 maladies du cœur ; 2 fois sur
7 fièvres typhoides; 2 fois sur à albuminuriques ; 5 fois sur
6 maladies du foie ; 3 fois sur 10 affections cancéreuses et dans
4 cas de suppuration prolongée. Le premier rang appartient
donc aux affections du foie et à l'albaminurie ; le second aux ma-
ladies de cœur. C’est aussi dans ces dernières qu’il y avait le plus
souvent des cristaux. 11 est à remarquer que la présence des
sympexions marche souvent de front avec celle des eristaux. Il
est possible que les mêmes modifications chimiques solent sus-
. ceptibles de favoriser cette double formation.
Corps amyloïdes. | est une particularité qui ne s’est rencon-
trée que chez les animaux, très-rarement du reste : c’est la pré-
sence de corps amyloïdes dans le stroma. Il en fut ainsi chez une
raie, le cervus axis et un poulet.
Dégénérescence graisseuse. La thyroïde offre une certaine ten-
dance à éprouver, dans quelques points ou dans sa totalité, une
dégénérescence graisseuse qui se traduit par la présence de gra-
nulations et de globules graisseux, soit dans les vésicules, soit
dans les espaces plastiques du plasma, soit dans ces deux siéges
à la fois. Dans le premier cas, qui est le plus fréquent, non-seule-
ment les cellules de la couche épithéliale se remplissent de gra-
nulations brillantes, mais on voit nager dansle liquide vésiculaire
de grosses gouttes de matière grasse. D’autres fois la cavité vési-
culaire est réduite à un amas ovoïde de granulations graisscuses
sans épithéllum, et sur lequel l'enveloppe extérieure apparaît
plus ou moins ridée. Parfois la graisse est colorée par du pig-
ment. Sur les LG thyroïdes humaines, 28 fois le stroma était
atteint de dégénérescence graisseuse, et les vésicules 48 fois.
Le sexe ne crée pas une prédisposition bien démontrée. Cepen-
dant pour le stroma je trouve 13 hommes et 15 femmes, et pour
les vésicules 22 hommes et 27 femmes, ce qui donne unc cer-
taine priorité à la femme.
Je n’ai pas observé la dégénérescence graisseuse avant la naïs-
sance ; mais peudant la vie extra-utérine, on peut la rencontrer
440 POINCARÉ. — CONTRIBUTION
à tout âge : 7 fois de 1 à 20 ans sur 17, c’est-à-dire dans un peu
plus du tiers des cas ; 18 fois de 20 à 40 ans sur 38, c’est-à-dire
un peu moins de moitié ; 17 fois de 40 à 60 ans sur 29, c'est-à-
dire dans plus de la moitié des cas; 6 fois de 60 à 90 ans, c’est-
à-dire un peu moins de moitié, de sorte que celle dégénéres-
cence ne suit pas une proportion constante avec l’âge, et qu’elle
tient plutôt aux conditions pathologiques genérales qu'aux pro-
orès de l’âge. Relativement à l'influence des maladies, il semble
que la tuberculisation pulmonaire soit particuliérement apte à
engendrer la dégénérescence graisseuse de la thyroïde. Sur 28 tu-
berculeux, elle envahit 17 fois le stroma et 19 fois les vésicules.
Il en est de même de l’albuminurie qui, 2 fois sur 3, donna lieu
à un très-haut degré de dégénérescence. Les affections cancé-
reuses l’engendrèrent 6 fois sur 10, et toujours exclusivement
dans les vésicules. L’emphysème donna 3 fois sur 6, exclusive-
ment-dans les vésicules aussi. La congestion pulmonaire, 2 fois
sur > dans les vésicules seulement; la pneumonie, 2 fois sur 4
dans les vésicules; les maladies du cœur, 2 fois dans le stroma et
2 fois dans les vésicules, sur 11 cas. Elle ne se montra jamais
dans les faits de fièvre typhoïde. Dans les maladies du foie, elle
eut lieu 2 fois dans le stroma et 2 fois dans les vésicules, sur
6 cas. Elle envahit à la fois le stroma et les vésicules chez les
deux malades atteints de coxalgie. Elle fut constatée dans les vési-
cules chez 3 malades atteints, l’un de gangrène du poumon,
l’autre de hernie étranglée, le troisième d’abcès par suite de gros-
sesse extra-utérine. L'état de goître ne semble pas l’entraincr
d'une manière spéciale dans les parties restées relativement
saines, puisque cela n’eut lieu qu’une fois sur A goîtres. IL est
une circonstance qui, dans toutes les maladies, paraît donner une
bien plus grande intensité à la dégénérescence graisseuse : c'est
l’alcoolisme.
Cette dégénérescence s’observe, mais à un beaucoup moindre
degré, dans l’animalité. Le fait s’est présenté 6 fois sur 91 ani-
maux (1 singe, 1 antilope, 1 proteus, 1 poule et 2 chevaux). Chez
ces deruicrs les granulations étaient en outre fortement pigmen-
tées.
A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 141
Kystes. C’est surtout sous le rapport des kystes qu’on est sur-
pris en examinant des glandes qui, à l'œil, semblent offrir des
conditions tout à fait normales. Comme dans les autopsies on
n’a la pensée de sectionner la thyroïde que lorsqu'elle attire lat-
tention par son volume et sa déformation, il en résulte que pour
tout le monde l’idée de kyste reste attachée à celle de goître, et
que lon croit à une rareté qui est loin d'exister. Les glandes les
plus petites peuvent en renfermer, et souvent d'un très-grand
diamètre.
Sur les 106 glandes humaines, 43 portaient des kystes, 25 fois
chez des femmes et 18 fois chez des hommes. Je n’en ai rencon-
tré chez aucun fœtus; mais à partir de la naissance 1l peut s’en
présenter à lous les âges : 5 fois de 1 à 20 ans sur 17, c’esl-à-
dire un peu au-dessous du tiers ; 14 fois de 20 à A0 ans sur 38,
c'est-à-dire un peu plus du tiers ; 14 fois de AO à 60 ans sur 29,
c'est-à-dire presque la moitié; 7 fois de 60 à 90 ans sur 14, c’est-
à-dire la moitié; de sorte que la fréquence semble augmenter
dans de faibles proportions avec l’âge.
C'est dans les maladies de cœur que les kystes se sont montrés
le plus souvent : 8 fois sur 11. J'en ai trouvé 3 fois sur 6 emphy-
sémateux; 8 fois sur 28 tuberculeux ; 1 fois sur quatre pneumo-
nies ; 2 fois sur 7 fièvres typhoïdes ; 3 fois sur 6 affections du
foie ; 7 fois sur 10 affections cancéreuses ; 1 fois sur 4 variole;
1 fois sur À éclamptique ; À fois sur 4 épileptique ; 4 fois sur
3 cas de méningite ; À fois sur À ramollissement cérébral; À fois
sur À apoplectie ; À fois sur 3 albuminuries ; 1 fois sur 2 mala-
dies de Pott ; 3 fois sur 4 glandes méritant d’être rangées parmi
les goitres.
Non-seulement un grand nombre de glandes peuvent, sous une
apparence normale, cacher la présence d’une production kys-
tique, mais souvent chacune d'elles en renferme plusieurs. J'en
ai trouvé une qui en contenait jusqu à 12 ; une autre en renfer-
malt 10 ; une, 7 ; une, 6 ; trois, 5; cinq, 4; quatre, 3; cinq, 2 ;
quatre, 1. Ensemble, les glandes kysteuses donnèrent 95 kystes.
Ces kystes à présence masquée varient en général du volume
d’un pois à celui d’un œuf de poule. J’en ai même trouvé un
1h92 | POINCARÉ. — CONTRIBUTION
beaucoup plus considérable, qui avait réduit la glande à une
simple coque, sans altérer son aspect extérieur.
Le contenu était teinté en rouge chocolat par une ancienne
hémorrhagie dans 24 kystes. Les 70 autres présentaient une cou-
leur citrine ; un seul renfermait du pus.
La consistance du contenu a varié de celle du sérum à celle
d’une gelée résistante,
En général on trouvait dans ce contenu, au microscope, un
mélange en proportions variables de noyaux identiques à ceux qui
se trouvent dans les vésicules saines, de granulations graisseuses,
de corpuscules de Gluge, soit incolores, soit tentés en brun. A
ces éléments se joignaient parfois des sympexions ct des cristaux.
Dans 32 de ces kystes, les corpuscules de Gluge dominaient d’une
manière notable. Dans 42, des granulations graisseuses étaient
excessivement abondantes. L’un d'eux consistait même en une
gelée amorphe dans laquelle étaient enchâssées des aggloméra-
tions ovoides de granulations graisseuses, comme si un groupe
de vésicules était mort par dégénérescence graisseuse, pen-
dant que le stroma ambiant s'était transformé en gelée;
16 étaient constitués avant tout par des amas considérables de
noyaux, séparés ou non par des îlots d’une gelée amorphe. Dans
2 de ces kystes à contenu nucléaire on trouvait, malgré la consis-
tance molle de l’ensemble, des trabécules de tissu conjonctif s’en-
tre-croisant dans tous les sens; de sorte que sion peut penser avec
une certaine raison que des kystes résultent parfois de l’hyper-
trophie sans cesse croissante d’une même vésicule, il est pro-
bable qu’il en est d’autres quisont dus à la fusion d’un départe-
ment de vésicules dans un même travail pathologique. Je n’ai
rencontré des cristaux de cholestérine que dans des kystes appar-
tenant à des glandes méritant d’être classées parmi les goîtres.
Les kystes sont certainement plus rares chez les animaux. Je
n’en ai trouvé que 10 fois sur 91 animaux (6 moutons, ? che-
vaux, À veau et 1 singe); chez eux la constitution des kystes a
offert certaines particularités. Ceux du singe contenaient une li-
queur citrine où nageaient exclusivement des corpuscules de
Gluge. Ceux des chevaux présentaient un mélange desimpexions,
me ni D
-
PP SO
A L'HISTOIRE DU CORPS THYROÏDE. 413
de granulations graisseuses, et des grains de pigment. Parmi les
7 autres, un seul appartenant à un mouton offrit des corpuscules
de Gluge ; tous les autres (5 moutons et À veau) présentaient une
constitution que je n’ai jamais rencontrée dans l’espèce humaine,
et qui offrait de l’analogie avec les tumeurs perlées; à savoir, une
sphère formée par des lamelles concentriques de larges cellules
épithéliales. Au centre se trouvait presque toujours un gros cris-
tal en croix de Malte.
RECHERCHES
L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE
Par le D' PAULET
Professeur d'anatomie à l'École du Val-de-Grâce.
Malgré les.travaux si nombreux des anatomistes, lant anciens
que modernes, concernant l'étude du périnée, on peut dire que
celle importante région n’est pas encore connue avec le degré
de précision qu'ont acquis les ouvrages d'anatomie humaine dans
presque toutes leurs parties. Les différences si notables que l’on
constate dans les descriptions des anthropotomistes tiennent
d’abord à ce que la dissection du périnée de l’homme n’est pas
chose facile, de sorte que le résultat obtenu diffère nécessaire-
ment suivant le plus ou moins d’habileté manuelle des investi-
gateurs. D'un autre côté, les cadavres humains présentent d'as-
sez fréquentes variétés individuelles, variétés insignifiantes pour
la plupart, mais dont on exagère l'importance comme à plhusir,
faute de pouvoir les rapporter à un type bien défini. Ce type, Je
crois qu’on arriveralt plus aisément à l’établir si, au lieu de s’en
tenir, comme on de fait, à l'étude exclusive du périnée de l’hom-
me, on Joignait à cette étude des recherches analogues faites sur
des cadavres d'animaux. Or, si l'on excepte un petit nombre
d'ouvrages à l’usage des écoles vétérinaires et quelques rares
monographies, telles que celle de Straus Durckheim, on peut
affirmer que l’anatomie comparée du périnée est tout entière à
faire, car le peu que nous en savons se réduit en somme à la
descripuon abrégée de ce que l’on rencontre chez quelques ani-
maux domestiques. Les trailés d'anatomie comparée, même les
plus étendus, indiquent brièvement la disposition de l'urèthre et
de ses glandes annexes, celle du rectum et de l'anus, chez une
(4) Mémoire lu à l’Académie de médecine le 26 décembre 1876.
RECHERCHES SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 1/49
foule d'animaux de différents ordres ; mais, quant aux connexions
des organes génito-urinaires avec l'organe défécateur, quant aux
muscles, aux aponévroses de la région périnéale , quant aux
homologies de ces différentes parties chez les animaux et dans
l'espèce humaine, il n’en est pas question ou il en est à peine
question.
J'ai cherché à combler cette lacune et j’ai entrepris, dans ce
but, dès le mois de décembre 1875, une série de recherches
que je devrai nécessairement poursuivre pendant plusieurs
années pour obtenir un ensemble de faits suffisant, mais qui,
malgré leur nombre relativement restreint, m’ont cependant
. donné des résultats encourageants. Ces recherches ont été faites
à l’École d’Alfort et surtout au laboratoire d'anatomie comparée
du Muséum, dont les ressources ont été très-obligeamment
mises à ma disposition.
Jusqu'ici mes dissections ont porté sur onze espèces d’ani-
maux réparties de la façon suivante :
Ruminants, trois espèces ;
Solipèdes, une espèce ;
Carnassiers, quatre espèces ;
Quadrumanes, trois espèces.
J'y ai joint un nombre considérable de préparations faites sur
l’homme.
J’exposerai la description du périnée de ces différentes espèces
en suivant l’ordre ci-dessus indiqué, c’est-à-dire en procédant
du simple au composé, pour en arriver à celte conclusion, justi-
fiée par les faits anatomiques, que chacune des parties consti-
tuant la région périnéale de l’homme a son homoloque dans la
région périnéale des animaux mammifères.
RUMINANTS.
Les trois espèces de ruminants que j'ai eu l’occasion d’exa-
miner appartiennent au genre cervus. Ge sont le cerf d’Aristote,
le cerf Muntjac et le cerf frontal ou cerf Sungnaiï. Voici quelle est
la disposition de leur périnée.
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). 10
116 PAULET, — RECHERCHES
Fascia superficialis. — En procédant des parties superficielles
aux parties profondes, on trouve d’abord, au-dessous de la peau,
une aponévrose résistante et franchement fibreuse qui recouvre
entièrement le périnée, sauf dans les points où le sphincter ex-
terne de l’anus vient s’insérer à la face profonde du derme; à
ce niveau, l'aponévrose devient plus mince, se dissocie et se
fusionne avec la gaine cellulo-fibreuse des faisceaux musculaires
du sphincter. Sur la périphérie de la région, cette aponévrose n’a
pas, à proprement parler, de limites, car elle se prolonge, en
bas (1), vers la face interne des cuisses, et, en avant, vers l’ab-
domen où elle se confond avec le dartos. Bien qu’elle soit tout à
fait indépendante du tégument, et que l’on ait décrit sous le
nom d’aponévrose superficielle le feuillet analogue que l’on ren-
contre chez le bœuf, je crois néanmoins que cette dénomination
doit être changée, car Je ne puis voir dans cette lame fibreuse
autre chose que ce que l’on désigne, chez l'homme, sous le nom
de fascia super ficialis. Je lui conserverai donc ce dernier nom.
Muscles rétracteurs de la verge. — Ils sont formés de fibres
musculaires lisses et cheminent entre le fascia superficialis et
une aponévrose plus profonde que je décrirai dans un 1ins-
tant. Leur extrémité antérieure s’insère tout à fait en avant de
la gaine fibreuse des corps caverneux, sur la face inférieure du
pénis. Leurs corps, cylindroïdes et semblables à deux gros lom-
brics, marchent accolés en suivant la ligne médiane d’avant en
arrière ; arrivés à quelques centimètres en avant de l’anus, ils
divergent et se terminent différemment suivant l’espèce que l’on
étudie. Chez le cerf Muntjack et chez le cerf frontal, ils vont ma-
nifestement se perdre dans le sphincter externe de l’anus, et l’on
peut constater la continuité entre leurs fibres musculaires lisses
et les fibres striées du sphincter, ainsi qu’on en rencontre des
exemples sur d’autres points du corps des mammifères.
Chez le cerf d’Aristote, la disposition est différente el ressem-
ble absolument à celle que l’on a décrite chez le bœuf. Après s’être
écarté de son congénère, chaque rétracteur se bifurque. La
(1) Il est bien entendu que les expressions : en haut, en bas, en avant, en arrière,
elc., se rapportent à la station quadrupède.
L
SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 117
branche interne de cette bifurcation, la moins volumineuse, se
jette dans les fibres profondes du sphincter anal. La branche
externe, de béaucoup la plus considérable, contourne l'extrémité
postérieure du rectum, comprise entre l’ischio-anal et le sphinc-
ter, et va, en définitive, se fixer sur les côtés du sacrum par une
extrémité aplatie et rubanée.
Aponévrose périnéale. — Généralement moins épaisse que le
fascia superficialis, cette lame fibreuse a été décrite chez le cheval
sous le nom d’aponévrose périnéale profonde. Je l'appellerai
simplement aponévrose périnéale, par la raison que c’est la
seule Loile aponévrotique que l’on rencontre dans le périnée des
ruminants après avoir franchi le fascia sous-cutané. Sa disposition
est extrêmement importante à bien connaître. Sur les animaux
que J'ai disséqués, 11 m'a été facile de constater que l’aponévrose
périnéale forme, dans l’intérieur du bassin, une cloison trans-
versale dont une face regarde en bas et l’autre en haut. Cette
cloison n’est, du reste, pas absolument plane : sa face supérieure
est convexe et sa face inférieure concave, de telle façon que celle-
ci forme une sorte de goutlière antéro-postérieure parallèle à
la symphyse ischio-pubienne, et située au-dessus de cette sym-
physe.
Si nous voulons entrer dans plus de détails et chercher à nous
rendre compte des connexions de cette aponévrose, nous ver-
rons que sa face inférieure est en rapport avec l'appareil génito-
urinaire (vessie, urêthre, corps caverneux, muscles et glandes
annexes); sa face supérieure regarde le rectum qu’elle sépare
ainsi des organes précédents ; elle est aussi en rapport, de
chaque côté, avec le muscle ischio-anal. Ses deux bords latéraux
vont se fixer sur la branche ischiale, immédiatement en dedans
du trou ischio-pubien et jusqu’à la tubérosité ischiatique. Son
bord antérieur ou vésical se prolonge jusque sur la face supé-
‘rieure de la vessie où il se perd. Enfin, son extrémité postérieure
devient verticale et descendante, puis postéro-antérieure, de
façon à contourner l’arcade ischiale pour aller se continuer avec
la gaine fibreuse du pénis.
Il résulte de cette disposition que l’aponévrose périnéale divise
118 PAULET. — RECH&ERCHES
la cavité pelvienne et tout le périnée en deux loges distinctes et
complétement indépendantes. La loge inférieure, comprise entre
l’aponévrose périnéale el la symphyse ischio-pubienne, contient
l'appareil génito-urinaire ; on peut même dire qu’elle s’étend
depuis la vessie jusqu’à l'extrémité libre de la verge, car l’apo-
névrose périnéale va former la gaîne fibreuse du pénis. La loge
supérieure, comprise entre l’aponévrose périnéale et la colonne
sacro-coccygienne, est beaucoup plus vaste que l’autre; elle
renferme l'extrémité postérieure du rectum, le muscle ischio-
coccygien inférieur, l’ischio-anal et le sphincter de l'anus, c’est-
à-dire l'appareil défécateur. | |
Enfin, il est à remarquer que la loge inférieure ou génito-
urinaire est elle-même subdivisée en loges secondaires par des
cloisons émanées de la face profonde de l’aponévrose périnéale ;
— une de ces cloisons s’insinue entre les muscles ischio-caver-
neux et bulbo-caverneux, — absolument comme chez l’homme,
avec cette différence que ces cloisons vont s’insérer, d’autre part,
sur lischion, car l’aponévrose périnéale moyenne de l’homme
n'est pas représentée chez ces ruminants.
Il convient maintenant de dire quelques mots des organes ren-
fermés dans chacune des deux loges périnéales.
Loge supérieure ou anale.
Elle contient l’extrémité postérieure du rectum, que je ne
décrirai pas, et les muscles sphincter externe,. ischio-anal et
ischio-coccygien.
Splancter de l'anus. — Formé de fibres circulaires. Régulié-
rement arrondi chez le cerf d’Aristote et chez le cerf frontal, il
fournissait de chaque côté, chez le cerf Muntjack, un petit fais-
ceau transversal aboutissant à la partie la plus reculée de la
tubérosité de l’ischion.
Ischo-anal ou rétracteur de l'anus. — Ce muscle est l’homo-
logue du releveur de l’anus de l’homme, mais il en diffère par la
forme et ressemble à celui du bœuf ou du cheval. Comme celui-
ci, il est pair et constilué, de chaque côté, par une large bande-
SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 119
lette qui part de l’intérieur du bassin, où elle se fixe à la crête
sus-cotyloïdienne et au ligament ischiatique, pour aller se con-
fondre, par son extrémité postérieure, avec les fibres du sphinc-
ter de l'anus. En réalité, l'ischio-anal représente le releveur de
l'anus de l’homme, moins la portion qui, chez ce dernier, s’insère
à l’aponévrose de l’obturateur interne et au pubis : différence
qui se conçoit sans peine lorsque l'on compare la longue sym-
physe ischiale des ruminants avec la cavité pelvienne de l’hom-
me, si large relativement à sa hauteur. Considérés collectivement,
les deux ischio-anaux forment, avec le rectum, une gouttière
embrassant la face supérieure de l’aponévrose périnéale.
Ischio-coccygien inférieur. — Étendu du ligament sacro-scia-
tique aux premières vertèbres coccygiennes. Il est indépendant
de l’appareil défécateur et se rattache à l’appareil caudal.
Loge inférieure ou génito-urinaire.
Les organes qu’elle renferme sont, je le répète, complétement
isolés par l’aponévrose périnéale et n’ont aucune connexion
directe avec les parties constituant l'appareil défécateur.
Canal de l'urèthre. — X ne mérite pas une étude spéciale, en
raison de sa similitude avec celui du bœuf, décrit dans la plupart
des ouvrages d'anatomie comparée. Comme ce dernier, il se
compose de deux portions distinctes : 1° la portion membra-
neuse, ou mieux #nusculeuse, étendue depuis le col de la vessie
jusqu’au bulbe ; 2° la portion spongieuse, allant du bulbe à l’ex-
irémité du pénis. La première est solidement appliquée contre
la symphyse ischio-pubienne par l’aponévrose qui l’isole en haut.
La seconde est fixe à son origine, c’est-à-dire un peu au-dessus
du contour ischial; mais elle devient bientôt mobile dès qu'elle
a franchi ce contour et qu’elle s’est unie aux racines du corps
caverneux pour constituer la verge. A chacune de ces deux
portions sont annexés des muscles spéciaux, savoir : le sphincter
uréthral pour la portion musculeuse, le bulbo-caverneux pour
la portion spongieuse, muscles auxquels il convient d’ajouter
l’ischio-caverneux et quelquefois le transverse.
150 PAULET, — RECHERCHES
Sphincter uréthral. — appelle ainsi le muscle auquel les
traités d'anatomie comparée ont donné le nom de muscle de
Wilson, dénomination contre laquelle on ne saurait trop s’éle-
ver, car elle n’est justifiée par aucune analogie. Ainsi que je le
démontrerai plus bas en parlant du périnée de l’homme, rien ne
ressemble moins aux faisceaux musculaires décrits par Wilson
que le sphincter de l’urêthre tel qu'il existe chez les mammifères,
et il faut vraiment connaître bien imparfaitement le travail du
chirurgien anglais pour donner son nom à des fibres musculaires
dont il n’a pas même soupçonné l'existence (1). D'ailleurs, si
Wilson ne paraît pas avoir fait des recherches très-approfondies
sur l’urêthre de l’homme, il est à peu près certain qu'il n’en a
fait aucune sur les animaux, du moins ne les a-t-1l pas mention-
nées dans son mémoire.
Quoi qu’il en soit, le sphincter uréthral forme, chez le cerf, un
muscle très-fort, très-apparent, entièrement composé de fibres
striées, et étendu à toute la portion membraneuse de l’urêthre,
depuis le col de la vessie où il recouvre une partie de la prostate,
jusqu’au bulbe. Ses fibres, circulaires, représentent une suite
d’anneaux parallèles entre eux, de sphincters si l’on veut, consti-
tuant, sur l’une et l’autre face de l’urêthre, une couche épaisse
de plusieurs millimètres. Toutefois, ces anneaux musculaires ne
sont pas tout à fait complets, en ce sens qu'il existe, sur la face
supérieure de l’urèthre, un raphé fibreux médian, longitudinal,
de chaque côté duquel viennent s’insérer les deux extrémités de
chaque fibre circulaire, au moyen d’un petit tendon bien visible.
Cette insertion au raphé médian supérieur est la seule que
présente le sphincter uréthral et, en aucun point, ses fibres ne
viennent se fixer ni sur l’aponévrose périnéale ni sur les os du
bassin.
(1) On cite ordinairement le travail de Wilson avec cette indication : Wilson-
Descriplion of the muscles surrounding part of the uréthra. (Med. chir. transactions,
t. 1, p. 175. — 1815.) Cette date est bien effectivement celle que porte le premier
volume des Med. chir. trans. dans l’exemplaire que possède la Faculté de médecine
de Paris. Mais je ferai remarquer que cet exemplaire appartient à la 3° édition, ce
qui implique une date antérieure pour la publication du mémoire; et, de fait, le
travail de Wilson a été lu à la Société médico-chirurgicale de Londres le 13 décem-
bre 1808,
SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 451
Bulbo-caverneux. — Comparé à celui de l’homme, le muscle
bulbo-caverneux est au moins trois ou quatre fois plus développé ;
mais, malgré ce volume considérable, son corps charnu ne se
prolonge pas très-loin sur la portion spongieuse du canal, et il
ne tarde pas à s'attacher au corps caverneux sans présenter
aucune particularité notable.
Ischio-caverneux. — Aussi développé, relativement, que le
bulbo-caverneux, son insertion postérieure se fait comme à
l'ordinaire sur la face inférieure de lischion. Son extrémité anté-
rieure s’élargit, s’élale et se fixe non-seulement sur l'enveloppe
fibreuse du corps caverneux correspondant, mais encore sur la
branche ischio-pubienne : d’où il résulte que la portion externe
du muscle forme un arc fixé aux os du bassin par ses deux extré-
mités et embrassant, par sa concavité, la racine du corps caver-
neux. Il est facile de concevoir que la contraction musculaire,
tendant à redresser cette courbure, comprime énergiquement
la racine du corps caverneux contre l’ischion, et contribue ainsi
puissamment à produire l'érection.
Transverse. — On Va décrit comme constant chez le bœuf,
mais 1l n'existait chez aucune des trois espèces de cerfs que j'a:
disséquées, ce qui, — soit dit en passant, — prouve qu'il est
bien loin d’avoir l'importance qu’ont voulu lui attribuer quelques
anatomistes.
Conduits éjaculateurs. — Chacun d'eux présente près de sa
terminaison un renflement considérable, identique à celui qui a
été noté chez d’autres mammifères. Comme chez ceux-ci, le r'n-
flement en question est occasionné surtout par l’augmentat'on
d'épaisseur de la paroï et non par une dilatation du calibre infé-
rieur.
Les vésicules séminales n’existent pas.
Prostate. — Elle est composée de quatre lobes: deux lobes
latéraux et deux lobes médians. Les deux premiers sont très-
volumineux, et font une forte saillie sur les côtés du col vésical
et de la partie antérieure du sphincter uréthral. Les deux lobes
médians, beaucoup plus petits, occupent la face supérieure du
col de la vessie et recouvrent l'extrémité terminale des conduits
152 PAULET. — RECHERCHES
éjaculateurs ; ils s’insinuent sous la couche supérieure des fibres
du sphincter uréthral qui les cache en grande partie. La face
supérieure de la prostate n’est séparée du rectum que par l’apo-
névrose périnéale.
Glandes de Cowper. — Tous les traités d'anatomie comparée
s'accordent à dire que le bœuf et le cerf n'ont pas de glandes de
Cowper. Gela est vrai pour le bœuf; mais, quant au cerf, l’ab-
sence de ces glandes n’est pas aussi générale qu'on l’a cru jus-
qu'ici, et il y a là une petite erreur que je dois rectifier. Si les
glandes de Cowper n'existent pas dans plusieurs espèces de cerfs,
et notamment chez le cerf d’Aristote et le cerf frontal, on en ren-
contre au contraire une paire chez le cerf Muntjack, et j'ajoute
que ces glandes sont relativement volumineuses, puisque chez
un individu adulte, de taille ordinaire, chacune d'elles représen-
tait un ovoïde dont le grand axe était long de deux centimètres.
Elles sont situées à la jonction de la portion musculeuse avec la
portion spongieuse de l’urêthre ; leur grosse extrémité est tour-
née en dehors; leur petite extrémité forme comme une espèce
de col regardant l’urèthre qu’elle touche presque, car leur con-
duit excréteur est fort court.
SOLIPÉDES.
La seule espèce que j'aie disséquée est le cheval, dont l’ana-
tomie a été faite avec soin et dont le périnée a été plusieurs fois
décrit. Je n’aurai donc pas à répéter ici ce que l’on trouve dans
tous les livres classiques, mais je veux appeler l'attention sur
quelques points qui me paraissent avoir été incomplétement étu-
diés ou inexactement interprétés. |
Ma première rectification est relative aux aponévroses, dont
la description laisse incontestablement à désirer. Je ne parle pas
ici de la plus superficielle de ces aponévroses, du fascia superli-
cialis, mais bien de l’aponévrose périnéale, celle que les auteurs
désignent sous le nom d'aponévrose profonde.
D'après M. Chauveau, cette aponévrose, « formée par du tissu
fibreux blanc, extensible, adhère à la précédente par sa face
SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 153
externe, et aux muscles bulbo-caverneux et ischio-caverneux par
sa face interne. » Jusque-là rien de plus exact, mais l’auteur
ajoute : « Getle membrane se perd insensiblement, en haut,
autour de la terminaison du rectum ; en bas, elle s’épuise dans
l’entre-deux des cuisses. ». Or, en disséquant avec un peu de
soin cette lame fibreuse, il est possible, facile même, d'obtenir
une préparation reproduisant le type que nous avons rencontré
chez les ruminants, c'est-à-dire qu'on voit l’aponévrose péri-
néale prendre naissance sur la face supérieure de la vessie, se
prolonger d'avant en arrière sous la face inférieure du rectum,
contourner l’arcade ischiale et aller se continuer avec l’enve-
loppe fibreuse du pénis, tandis que ses bords latéraux se fixent
aux branches ischio-pubiennes. En un mot, chez les solipèdes
comme chez les ruminants, l'aponévrose périnéale partage le
périnée en deux loges indépendantes: 1°loge inférieure, génilo-
urinaire; 2° loge supérieure, défécatrice. Le type est donc le
même.
La seconde question dont je m’occuperai a trait à la disposi-
tion du sphincter uréthral. Et d’abord, j'insiste tout spécialement
pour que les vétérinaires ne désignent plus ce muscle sous le
nom de muscle de Wilson qui ne lui convient à aucun égard. En
outre, et après vérification faite, je crois pouvoir affirmer que
les parlies latérales du sphincter uréthral ne prennent aucune
insertion aux os du bassin ainsi qu’on l'avance, de sorte que,
sous ce rapport encore, il y a similitude complète entre le péri-
née des solipèdes et celui des ruminants.
On décrit généralement (1) le muscle transverse du périnée
comme constant chez le cheval. Je reconnais qu’en effet ce petit
muscle se rencontre dans la majorité des cas; mais je lai vu
manquer des deux côtés sur un cheval que j'ai disséqué lan
dernier à Alfort, et peut-être constaterait-on son absence sur un
certain nombre de sujets, si l’on préparait plus fréquemment la
région périnéale.
Outre la présence, chez les solipèdes, de deux énormes vési-
(1) Chauveau, Anatomie comparée. — Gurti, die Analomie des Pferdes, etc.
154 PAULET. — RECHERCIIES :
cules séminales et d’un utricule prostatique très-développé, la
différence la plus considérable que l’on puisse signaler entre le
périnée des ruminants et celui du cheval est constituée par l’exis-
tence, chez ce dernier, de deux glandes de Cowper et de mus-
cles spéciaux destinés à former, autour de ces glandes, une
enveloppe contractile. Les glandes de Cowper sont assez volumi-
neuses. L’extrème briéveté de leur canal excréteur, unique pour
chacune d'elles, les fait paraître presque sessiles. Les fibres mus-
culaires qui les entourent forment deux couches, l’une supérieure,
l'autre inférieure, et, comme ces deux couches se rejoignent
par leurs bords latéraux, il en résulte qu’elles environnent la
glande de toute part. Chacune de ces couches représente une
bandelette peu épaisse, constituée par des fibres musculaires
striées, parallèles, se raltachant manifestement par leur extré-
milé antérieure au sphincter uréthral, tant sur la face supérieure
que sur la face inférieure de la glande. En arrière, elles vont se
fixer à l’arcade ischiale et aux racines des corps caverneux.
Les auteurs d'anatomie vétérinaire regardent les fibres supé-
rieures comme une dépendance de leur prétendu muscle de
Wilson, c’est-à-dire du sphincter uréthral; tandis qu'ils font de
la bandelette inférieure un muscle à part, auquel ils donnent le
nom d’eschio-uréthral. |
Cette complication me paraît inutile et irrationnelle ; les deux
couches musculaires dont il s’agit présentent une telle commu-
nauté d’origine et de destination, elles se fusionnent si intime-
ment sur les parties latérales de la glande, qu’on doit les décrire
comme un seul et même muscle auquel conviendrait parfaite-
ment le nom de muscle compresseur de la glande de Cowper.
En résumé, analogie du plan général d'organisation de la
région périnéale chez les ruminants et les solipèdes, identité
typique dans les deux ordres : telle est la conclusion à laquelle
nous sommes conduits par l’étude qui précède.
CARNASSIERS.
Il m'a été facile de me procurer des chiens de grande taille,
sur lesquels J'ai pu faire à loisir des préparations variées. De
SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 455
plus, j'ai eu à ma disposition des loups appartenant aux espèces
de. France et de Russie, et un magnifique tigre royal provenant
du Muséum. Je n'ai,pas cru devoir refaire l'anatomie du chat,
connaissant de longue date l'important ouvrage de Straus-Durc-
keïm ; cependant, après avoir relu dans ces derniers temps la
partie de cet ouvrage relative à la disposition du périnée, il n’a
semblé que la question élait à reprendre, non pas au point de
vue de l'exactitude des descriptions que je ne mets pas en doute,
_ mais pour chercher à déterminer les homologies dont l’auteur
ne s’est nullement préoccupé, pour mieux préciser certains
points un peu vagues du travail de Straus, et probablement pour
modifier quelques dénominalions dont la justesse m'a paru con-
testable. Malheureusement, le temps m'a fait défaut jusqu’à pré- -
sent pour mettre ce projel à exécution, et, en attendant que je
puisse le réaliser, je dois me borner à mentionner ici le résultat
de mes recherches sur les espèces que je viens d'indiquer et
parmi lesquelles se trouve compris le tigre royal dont l’organi-
sation est analogue à celle du chat.
Fascia superficialis. — 11 forme, chez les carnassiers, un
feuillet aponévrotique bien distinct qui se prolonge en avant vers
l’abdomen, en bas sur la face interne des cuisses, et qui se com-
porte, relativement au sphincter externe de l’anus, comme celui
de tous les autres mammifères et de l’homme. Inutile d’insister
sur ce point. |
Muscles rétracteurs de la verge. — Is sont tellement accolés,
sur la ligne médiane, qu’il y a entre eux une véritable fusion, et
qu'on peut les considérer comme uu seul muscle cylindroïde,
légèrement aplati de haut en bas, et constitué, comme à l’ordi-
naire, par des fibres lisses.
Ce rétracteur unique est compris dans un dédoublement du
fascia superficialis. Son extrémité antérieure s'étale et se confond
avec l'enveloppe fibreuse du corps caverneux, au niveau de la
partie la plus renflée de l'os pénien, chez le chien et chez le
loup ; tandis que, chez le tigre, on peut la suivre jusqu’à la par-
tie antérieure des corps caverneux, imniédiatement derrière le
gland de la verge. Son extrémité postérieure présente, chez le
156 PAULET. — RECHERCHES :
tigre royal, la même disposition que chez le bœuf et le cheval,
c’est-à-dire qu’elle se bifurque; de sorte que chaque muscle
rétracteur reprend ainsi son indépendance, se porte en dehors,
s'enfonce entre le bulbo-caverneux et l’ischio-anal, abandonne
quelques-unes de ses fibres au sphincter externe de l’anus, péné-
tre dans le bassin et s'insère sur les côtés du sacrum. Chez le
chien et chez le loup, le muscle rétracteur du pénis reste unique
jusqu'au bout, et son extrémité postérieure vient toui entière
se perdre dans le sphincter externe de l’anus, mode de terminai-
son que nous avons déjà rencontré dans une espèce de rumi-
nants.
Aponévrose périnéale. — Celle aponévrose, trés-forte, pré-
- sente encore, chez les carnassiers, la disposition que nous lui
avons reconnue chez les ruminants et les solipèdes. Née en avant
et en bas de l'enveloppe fibreuse de la verge, avec laquelle elle
esten continuité directe, elle se porte d’abord d’avant en arrière,
puis de bas en haut, puis d’arrière en avant, décrivant ainsi,
autour de l’arcade ischio-pubienne, un arc dont la concavité,
tournée en avant, embrasse celle arcade. La portion intra-pel-
vienne de l’aponévrose périnéale suit la face inférieure du rec-
tum et se Lermine sur la face supérieure de la vessie ou un peu
en deçà, car elle se perd ordinairement dans le tissu conjonctif
sous-péritonéal ; or, chez certains animaux, chez le tigre royal,
par exemple, le cul-de-sac recto-vésical du péritoine se prolonge
très-loin en arrière et va même jusqu’au milieu de la portion
musculeuse de l’urèthre. Latéralement, laponévrose périnéale se
fixe aux branches ischiales et ferme ainsi complétement la loge
génilo-urinaire du périnée, comme dans les types que j'ai décrits
plus haut. |
Toutefois je dois faire observer que, si l’on veut du premier
coup réaliser une semblable préparation, le scalpel en main, il
est indispensable de prendre quelques précautions. Chez les ru-
miñants, la face recto-anale de l'aponévrose périnéale est séparée
de l'extrémité terminale de lintestin par un tissu conjonctif
lâche, très-facile à disséquer, de sorte que rien n’est plus aisé
que de découvrir et d'isoler cette face dans toute son étendue.
SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 457
Chez les carnassiers, on peut isoler sans trop de peine la partie
de l’aponévrose qui regarde le rectum ; mais, lorsqu'on arrive à
quelques centimètres au-dessus de l'anus, on constate que les
fibres du sphincter vont s’insérer sur l’aponévrose périnéale à peu
près à la hauteur du bulbe de l’urèthre, de telle façon que, si l’on
n'y prend garde, on peut enlever le feuillet aponévrotique sans
l'apercevoir et croire à une continuité entre les fibres du sphinc-
ter externe et celles du bulbo-caverneux. Cette continuité n'existe
pas. En détachant avec précaution les fibres du sphincter de leur
insertion antérieure, on voit que l’aponévrose périnéale forme
bien un plan continu qui sépare l’appareil défécateur de l’appa-
-reil génito-urinaire.
C’est faute d’avoir connu ce détail que beaucoup d’anatomistes
ont commis l'erreur que je viens de signaler, non point à pro-
pos du périnée des carnassiers, car je ne sache pas que personne
ait jamais entrepris de disséquer les aponévroses périnéales chez
ces animaux, mais à propos du périnée de l’homme, où l'on ren-
contre une disposition identique.
Le périnée des carnassiers étant ainsi divisé en deux loges,
J'aurai successivement à passer en revue les organes contenus
dans chacune de ces deux loges, suivant l’ordre que j'ai adopté
dés le début de ce travail.
Loge supérieure ou anale.
Sphincter de l'anus. — Chez le chien et chez le loup, sa dis-
position est des plus simples et ressemble beaucoup à celle qu'il
affecte chez l’homme. En arrière, quelques-unes de ses fibres
s’insérent aux premières vertèbres coccygiennes. En avant, ses
fibres les plus superficielles se prolongent sous la face inférieure
du bulbo-caverneux et se continuent avec le muscle rétracteur de
la verge; ses autres fibres viennent s'insérer, suivant la ligne
médiane, sur la face postéro-inférieure de l’aponévrose périnéale
qui les sépare du bulbo-caverneux. Par sa face profonde, le
sphincter est en contact avec les poches anales dont il est le
muscle compresseur.
158 PAULET. — RECHERCHES
Chez le tigre royal, le sphincter anal présente une structure
beaucoup plus compliquée et se trouve constitué par plusieurs
plans de fibres (1) dont chacun mérite une description dé-
taillée :
1° Le plan superficiel est formé de deux faisceaux qui partent
du tissu sous-dermique, de chaque côté de la racine de la queue,
croisent obliquement la face inférieure du muscle ischio-coccy-
gien latéral, et descendent sur les parties latérales de l'orifice
anal qu'ils circonscrivent. Au-dessous de cet orifice, ces deux
faisceaux se rejoignent et n’en forment plus qu’un seul : de telle
sorte que l’ensemble de ce plan représente une espèce d’Y dont
la branche inférieure occupe la ligne médiane du périnée, et
dont les deux branches supérieures circonscrivent l’ouverture
anale et se rendent aux parties latérales de la base de la queue.
Le faisceau médian continue sa marche d’arrière en avant et se
termine dans le scrotum où il contracte des adhérences intimes
avec le derme cutané et avec la cloison du dartos. Ce plan super-
ficiel peut être considéré comme un #uscle rétracteur du scro-
lum.
2° Le second plan forme le sphincter anal proprement dit. Il
est constitué par des fibres annulaires ou plutôt ellipsoïdes dont
les plus superficielles adhèrent aux précédentes et se confondent
avec leur face profonde. Ces fibres circonscrivent l'extrémité infé-
rieure du rectum et recouvrent les poches anales, très-saillantes
et très-développées chez cet animal. En avant du rectum, les
moins profondes de ces fibres se prolongent en forme de lan-
guette médiane, et vont s’insérer sur l’aponévrose périnéale, en
arrière et au-dessous du bulbo-caverneux. Les parties latérales
de cette languette sont en rapport avec les racines du muscle
rétracteur de la verge.
3° Les fibres qui recouvrent la face postérieure des poches
anales donnent naissance, de chaque côté, à un faisceau aplati,
rubané, large d'environ un centimètre chez un animal adulte ct
de grande taille. Ce faisceau, qui fait directement suite aux fibres
(1) Straus-Durckheim a décrit, chez le chat, une disposition analogue.
SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 159
du sphincter dont il n’est, en définitive, qu'une portion, se dirige
en bas, puis en avant, et suit la face inférieure des poches anales ;
puis il croise obliquement la face inférieure du muscle ischio-
caverneux, contourne la face externe du corps caverneux corres-
pondant, et va s’insérer sur la partie la plus reculée de la sym-
physe ischio-pubienne. Il est évident que cette insertion osseuse
antérieure fournit un point d'appui solide aux fibres musculaires
et rend leur contraction plus énergique. On peut désigner ce
faisceau sous le nom de muscle constricteur des poches anales.
Ischio-anal. — Il ressemble beaucoup à celui des ruminants
et des solipèdes. Comme celui-c1, il part de l'intérieur de la cavité
pelvienne, et forme une large bandelette dont les fibres vont se
continuer avec les fibres propres du sphincter externe de l'anus;
une partie de ces fibres se prolonge jusque sur les poches anales.
De même que chez les ruminants et les solipèdes, les deux ischio-
anaux, réunis au rectum, représentent une sorle de gouttière
antéro-postérieure, longeant la face supérieure de l’aponévrose
périnéale.
Loge inférieure ou génito-urinairce.
La loge génito-urinaire est subdivisée en loges secondaires
par des cloisons assez fortes qui se détachent de l’aponévrose
périnéale, et vont s’insérer sur une lame aponévrotique plus
profonde dont j'indiquerai plus loin l’origine et les connexions.
Les organes contenus dans celte loge sont, comme précédem-
ment : le canal de l’urèthre, ses muscles et ses glandes annexes.
Uréthre. — Sa situation et ses rapports sont les mêmes que
chez les ruminants et chez les solipèdes. Sa portion musculeuse
est bien distincte de sa portion spongieuse; seulement, chez les
carnassiers, le bulbe de l’urèthre est ordinairement moins pro-
noncé que chez les ruminants.
Sphincter uréthral, — 1 entoure l’urêthre depuis la prostate
jusqu’au bulbe, et se prolonge même, ainsi que nous le verrons
plus bas, jusque sur les glandes de Cowper, quand ces glandes
existent. Sur tous les animaux que j'ai examinés, ce muscle était
constitué par des fibres striées. Chez le loup, la couche superfi-
160 PAULET. — RECHERCHES
cielle de ces fibres est longitudinale et fait suile aux fibres de la
vessie ; la couche profonde est uniquement composée de fibres
circulaires ; l'épaisseur totale de cette tunique dépasse deux mil-
limètres. Chez le tigre royal, les fibres longitudinales ne forment
qu’un faisceau médian qui se détache en saillie sur la face supé-
rieure du canal. Ce faisceau provient des fibres longitudinales
de la face dorsale de la vessie ; 1l se prolonge sur toute la lon-
gueur de la portion musculeuse et se fixe, en arrière, sur l’apo-
névrose supérieure du transverse. Toutes les autres fibres du
sphincter uréthral sont circulaires ; leur épaisseur est extrême-
ment considérable. En aucun point, le sphincter uréthral des
carnassiers ne contracte d'insertions aux os du bassin.
Ischio-caverneux. — Chez le chien et chez le loup, ce muscle
ressemble à celui de l’homme. Chez le tigre, les deux ischio-
caverneux viennent se joindre sur la ligne médiane, en confon-
dant leur tendon avec les fibres du ligament suspenseur de la
verge (1).
Bulbo-caverneux. — Chez le chien et chez le loup, sa gaîne
aponévrotique est très-résistante ; mais, en lui-même, ilne pré-
sente rien de particulier à noter.
Chez le tigre, ce muscle est relativement peu développé; aussi
l’aponévrose qui le limite sur les côtés est-elle plus mince que
chez les animaux précédents.
Transverse. — S'il faut entendre par muscle transverse un
muscle identique à celui que l'on décrit chez l’homme sous le
nom de éransverse superficiel où transverso-anal, c'est-à-dire
un muscle dirigé de la tubérosité sciatique à la ligne médiane,
où il aboutit immédiatement en avant de l'anus, on peut affirmer
que ce muscle n’existe pas chez les carnassiers, du moins n’en
ai-Je pas trouvé trace chez ceux que j'ai eu l’occasion d’exa-
miner.
(1) Chez cet animal, le ligament suspenseur de la verge est extraordinairement
fort et vigoureux. Il se compose, en réalité, de trois ligaments superposés : le plus
superficiel el le moins résistant se fixe à la face inférieure de la symphyse ischio-
pubienne ; le moyen s’insère à l'arcade ischiale; le profond, qui représente un
faisceau extrêmement puissant, part de la face supérieure de la symphyse,
SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 161
Mais on rencontre, chez ces animaux, un muscle transverse
tout spécial, qui n’a point d’analogue, ni chez les ruminants ni
chez: les solipèdes, et dont l'étude est certainement très-impor-
tante au point de vuc des homologies à établir entre le périnée
de l’homme et celui des mammifères monodelphes. J'ai trouvé
ce muscle chez le chien, chez le loup et chez le tigre royal.
Straus-Durckheim l’avait mentionné chez le chat, et Guvier l’in-
dique comme existant chez l’ours, le raton et le chien, mais il
n’en dit qu'un mot en passant. D’ailleurs, les descriptions qui en
ont été faites jusqu’à présent, outre qu’elles sont fort écourtées,
me paraissent inexactes.
D'après Cuvier, ç les fibres charnues partent des branches du
corps caverneux et se réunissent à un tendon moyen qui se fixe
à la verge, au-dessous du pubis » (1). Ces quelques lignes du
grand naturaliste ont été presque littéralement transcrites par
ceux qui ont suivi. Pour M. Chauveau, dont le traité d’anatomic
comparée est un des plus récents, « ce sont deux faisceaux qui
procèdent des racines péniennes, se portent en avant et se réunis-
sent par un tendon commun implanté sur le bord dorsal de la
verge ».
Quant à moi, voici ce que j'ai rencontré dans mes dissections :
Chez le chien, l'insertion externe du muscle transverse se fait
à la face supérieure de la tubérosité de l’ischion et à la lèvre
supérieure de la branche ischio-pubienne. Il est facile de con-
stater qu’en plaçant cette insertion sur la gaîne fibreuse des raci-
nes du corps caverneux les naturalistes ont commis une erreur ;
car, non-seulement les fibres charnues du transverse ne touchent
pas cette gaine, mais elles en sont séparées par une forte apo-
névrose qui cache la face postéro-inférieure du muscle, et qui va
s’insérer sur l’interstice saillant de la branche ischio-pubienne.
En résumé, l'insertion externe du muscle transverse est intra-
pelvienne, le bassin se trouvant précisément fermé, à cet endroit,
par l’aponévrose postéro-inférieure du muscle transverse. Nées
de ces insertions, les fibres charnues se dirigent en dedans et for-
(4) Anat. comp. t. VI, p. 231.
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, Xi (1877), 11
162 PAULET. — RECHERCHES :
ment, par leur convergence, un muscle triangulaire dont le
sommet, tourné vers la ligne médiane, aboutit à un fort tendon
aplati qui se réunit, derrière la symphyse, à un tendon semblable
fourni par le transverse du côté opposé. Ce tendon commun
croise perpendiculairement la face inférieure de l’urèthre et
adhère intimement, par sa face profonde, à la portion muscu-
leuse du canal, tout près de sa jonction avec la portion spon
gieuse. |
Les deux muscles transverses réunis constituent ainsi une sorte.
de sangle transversale représentant un véritable muscle digas-
trique tendu entre les deux ischions. Leur face inférieure est en
rapport avec une aponévrose épaisse qui la cache, et qui reçoit
les cloisons fournies par la face profonde de l’aponévrose péri-
néale. Le tendon intermédiaire aux deux transverses touche, en
haut, la portion de l’urèthre sur laquelle il s’insère et, en bas,
les veines dorsales de la verge qui le séparent de la symphyse
ischio-pubienne et qui viennent passer entre les deux transver-
ses pour gagner le plexus de Santorini. La face supérieure de
ces deux muscles est également recouverte par une aponévrose
de force variable, mais toujours franchement fibreuse et facile à
démontrer par la dissection ; comme l’aponévrose inférieure,
celle-ci s'étend d’une branche ischio-pubienne à l’autre.
Quel peut être l’usage de semblables muscles ? Faut-il les con-
sidérer, avec M. Chauveau, comme deux muscles « qui paraissent
destinés à relever le pénis et à le diriger convenablement pour
son introduction dans les parties génitales de la femelle, en rai-
son de ce que son érection préalable est toujours faible »?
Tel n’est pas mon avis. Sans doute, les deux muscles transverses,
considérés dans leur ensemble, forment un arc dont la ligne bi-
ischiatique représenterait la corde. Leur contraction tendant à
transformer la ligne courbe en ligne droite, tend par cela même
à rapprocher l’urèthre de l’arcade ischio-pubienne ; mais cette
contraction ne saurait, en aucun cas, avoir pour objet de rele-
ver le pénis comme on l’a prétendu. Pour en être convaincu, 1l
suffit de se rappeler que les muscles transverses s’insèrent non
pas sur la portion libre de l’urêthre, sur la portion pénienne,
SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 163
mais dans l'intérieur du bassin, ou plutôt à la limite de la cavité
pelvienne, sur l'extrémité bulbaire de la portion musculeuse et,
par conséquent, sur une partie du canal fort pea mobile. Quant
à la raison tirée de la faiblesse préalable de l'érection chez le
chien, elle ne me paraît pas non plus concluante, car les carnassiers
autres que le chien possédent aussi ce muscle transverse, bien
que, chez eux, l'érection détermine de prime-abord une turges-
cence de la verge largement suffisante pour les nécessités du coît.
L'action du muscle transverse s'explique tout naturellement
par la situation de ce muscle entre l’urêthre et.les veines dorsa-
les du pénis. Sa contraction rapproche l’urêthre de l’arcade pu-
“bienne; mais, en même temps, elle comprime les veines dorsales
contre la symphyse et joue un rôle incontestable dans l'érection.
D'autre part, quand les muscles transverses sont ainsi contractés
et tendus, ils forment un plan résistant et offrent un point d'appui
solide aux muscles du plan superficiel, — bulbo-caverneux,
ischio-caverneux, — qui, eux aussi, peuvent alors comprimer
efficacement les tissus spongieux sur lesquels ils s’insèrent et
en favoriser la turgescence. Comme on le voit, cette opinion est
un peu en désaccord avec celle des physiologistes modernes, pour
qui l'érection serait un phénomène absolument indépendant de
la contraction des muscles du périnée ; pourtant, je la crois basée
sur une connaissance exacte des faits anatomiques. Et d’ailleurs,
je suis loin de vouloir faire jouer à ces muscles le principal rôle
dans le phénomène en question ; ce rôle est secondaire, mais il
est indéniable.
En résumé, chez le chien, le muscle transverse est un muscle
essentiellement érecteur ; 1l clôt le bassin, et se trouve compris
entre deux aponévroses dont l’une, la plus superficielle, se ratta-
che à l’aponévrose périnéale par des cloisons aponévrotiques.
En raison de sa direction et de ses Insertions, il peut être juste-
ment nommé éransverso-uréthral,
Chez le loup, les choses sont semblablement disposées. Seule-
ment, en disséquant à quelque temps d'intervalle un loup de
France et un loup de Russie, j'ai été surpris de rencontrer, chez
le premier de ces animaux, un muscle transverse très-peu déve-
164 PAULET. —-- RECHERCHES
loppé, tandis que ce muscle était beaucoup plus volumineux chez
le loup de Russie. Ai-je eu affaire à une simple variété indivi-
duelle, ou bien s’agit-il d’une disposition différente chez des
animaux pourtant si voisins? C’est ce que je ne saurais décider
pour le moment, faute d’une expérience suffisante.
Chez le tigre royal, non-seulement le muscle transverse existe,
mais encore il double de chaque côté, et chacun de ces deux
muscles est lui-même compris entre les deux lames d’une gaîne
aponévrotique très-puissante. Ils sont à peu près semblables pour
la forme, avec cette différence que le plus profond des deux est
énorme, tandis que le plus superficiel est certainement moins
développé que chez le chien, toute proportion gardée. Par leur
extrémité externe, ces deux muscles s’insèrent à la branche
ischio-pubienne. Leurs deux tendons médians sont situés l’un
au-dessus de l’autre. Le plus superficiel s’insère au: point de
jonction des deux corps caverneux et sur la face profonde du
faisceau le plus volumineux du ligament suspenseur ; il est en-
core séparé de la symphyse pubienne par les veine dorsales du
pénis. Le plus profond s'insère au-dessus du précédent, sur la
face inférieure de la portion musculeuse de l’urêthre, dans la par-
tie la plus rapprochée du bulbe, absolument comme le musele
transverse du chien et du loup.
Je n’ai pas besoin d'insister pour faire comprendre que l'ac-
tion de ces deux transverses est identique à celle du transverse
unique que j'ai décrit chez les autres carnassiers.
Conduits éjaculateurs. — Aucun des animaux que J'ai étudiés
ne possède de vésicules séminales. Les conduits éjaculateurs ne
présentent non plus aucune dilatation apparente ; ils s’accolent à
quelques centimètres avant d’arriver à la prostate, mais ils ne se
fusionnent pas et viennent s'ouvrir, par deux orifices bien dis-
üncts, sur les côtés d’un verumontanum trés-saillant.
Prostate. — Elle entoure le col de la vessie. Chez le chien et
chez le loup, elle a la forme et le volume d’une olive.
Chez le tigre, elle est relativement plus grosse ; sa face infé-
rieure est manifestement subdivisée en deux lobes par un sillon
médian que l’on retrouve à peine sur la face supérieure.
SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 165
Glandes de Cowper. — Elles manquent chez le chien et chez
leloup. Chez le tigre royal, elles sont très-volumineuses, ovoïdes,
et sont entourées d’une gaine musculaire qui, au premier abord,
m'avait paru faire suite aux fibres postérieures du bulbo-caver-
neux; mais j'ai constaté qu’en bas ce muscle compresseur de la
glande de Cowper est séparé du bulbo-caverneux par un feuillet
aponévrotique. En haut et en avant, au contraire, ses fibres se
prolongent jusqu'au sphincter uréthral dont elles m'ont paru
être une dépendance, ainsi que cela a lieu chez les solipèdes.
REMARQUES GÉNÉRALES.
Avant de passer à l'étude comparative du périnée chez les
quadrumanes et chez l’homme, que le lecteur veuille bien jeter
un coup d’œil récapitulatif en arrière, et il arrivera sans peine
à cette conclusion que : les modifications successives présentées
par l’ensemble périnéal, à mesure que l’on passe des ruminants
aux solipèdes et de ceux-ci aux carnassiers, ne changent rien au
plan fondamental de l’organisation qui reste le même. Chez les
uns comme chez les autres, l’appareil génito-urinaire est complé-
tement isolé de l’appareil défécateur, par une aponévrose que
j'ai désignée sous le nom d’aponévrose périnéale. Getle aponé-
vrose reste unique chez les ruminants et les solipèdes; mais
il s’y Joint, chez les carnassiers, de nouvelles lames fibreuses qui
ferment le bassin en bas, et dont l'existence est intimement liée
à celle d’un nouveau muscle érecteur, le transverso-uréthral,
dont elles constituent la gaine propre.
Type fondamental immuable, modifications secondaires en
rapport avec le perfectionnement des organes, telle est la con-
clusion à laquelle nous a conduit cette partie de notre étude.
QUADRUMANES.
Je n’ai pas préparé les aponévroses périnéales superficielles
sur les animaux de cet ordre que j'ai eus à ma disposition, et
j'ai peu à le regretter ; car, si ce n’est un papion adulte et d'assez
166 PAULET. — RECHERCHES
belle taille, les deux autres singes que j'ai disséqués, un sajou
et un magot, étaient fort jeunes, fort petits, et ne m’auraient
probablement pas donné des préparations bien nettes. Le périnée
du singe étant, en somme, peu différent de celui de l’homme, il
est à penser que je n'aurais eu, sous ce rapport, qu'à constater
des identités ou des analogies rapprochées ; toutelois, je ne me
crois pas capable de traiter cette question dès à présent, faute de
documents, et j'attends que de nouvelles recherches me permet-
tent de la résoudre. Chez les singes à callosités, après avoir en-
levé le tégument glabre et épais qui revêt la partie postérieure de
la région périnéale, on découvre deux tubérosités ischiales apla-
ties et sensiblement plus larges que celles des autres mammi-
fères. Ces deux tubérosités sont réunies l’une à l’aure par un
ligament transversal extrêmement épais, sorte de voûte renversée
dont la face superficielle est convexe et dont la face profonde,
concave, donne insertion à des fibres musculaires appartenant
au sphincter externe de l’anus.
L'ischio-anal a beaucoup plus d’analogie avec celui des autres
mammifères qu'avec le releveur de l’anus de l’homme. Il forme,
de chaque côté, une simple bandelette dont le bord inférieur ne
dépasse guëre les parties latérales du rectum, de sorte que les
deux ischio-anaux laissent entre eux un large espace dans lequel
est contenue la partie génito-urinaire du périnée.
Le bulbo-caverneux est peu développé, mais, en revanche,
l’ischio-caverneux atteint un volume énorme. Je n’ai pas trouvé
le éransverse superficiel du périnée (transverso-anal) chez le
papion.
Quant aux autres organes, tels que le sphincter uréthral, la
prostate, les glandes de Cowper, l’aponévrose périnéale moyen-
ne, etc., ils m'ont paru différer très-peu de ceux de l’homme;
aussi m’abstiendrai-je d'en donner une description détaillée, car
c'est surtout à propos de ce dernier que je compte m’étendre sur
la détermination des homologies.
SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 4167
DU PÉRINÉE DE L'HOMME, COMPARÉ A CELUI DES ANIMAUX
MAMMIFÈRES.
Mon but n’est pas de refaire ici toute l’anatomie de la région
périnéale chez l’homme, mais seulement d'examiner en quoi
chacun des organes composant celte région se rapproche ou
s'éloigne des types que les dissections faites sur les animaux nous
- ont permis d'établir.
Fascia superficialis. — Je ne m’y arrêterai pas. On a pu voir que
cette membrane est identique chez tous les mammifères et qu’elle
ne varie, d’une espèce à l’autre, que par son épaisseur, ordinai-
rement en rapport avec la taille de l’animal.
Les muscles rétracteurs de la verge n’existent pas chez l’homme,
et ne sont représentés par rien d’analogue. Ils n’existent pas
davantage, du reste, chez les quadrumanes qui ont le pénis libre
comme l’homme.
Aponévrose périnéale. — Est-il possible de retrouver dans cette
aponévrose, chez l’homme, la disposition si nettement accusée
chez certains mammifères, principalement chez les ruminants,
disposition que nous avons vue exister également chez les soli-
pédes et les carnassiers ?
Pour répondre à cette question, il suffira de réaliser la prépa-
ration suivante : Que l’on commence d’abord par mettre à nu la
gaine fibreuse du pénis, et qu'on la suive d’avant en arrière,
c’est-à-dire du gland vers le pubis (1). On verra qu'après avoir
reçu l'extrémité inférieure du ligament suspenseur, la partie
dorsale de cette gaîne se fixe au bas de la symphyse du pubis,
tandis que ses parties latérales s’insérent à la lèvre externe de la
branche 1ischio-pubienne. Sa partie inférieure, au contraire, se
prolonge bien au delà de l’arcade pubienne ; après avoir tapissé
la face inférieure du bulbo-caverneux, elle passe sous la portion
membraneuse de l’urèthre, puis entre la prostate et le rectum,
(1) Lorsqu'il s’agit de l’homme, les expressions : en avant, en arrière, en haut,
en bas, elc., se rapportent à l'attitude bipède,
168 PAULET. -— RECHERCHES
et peut être suivie jusqu’au bas-fond de la vessie, où elle se perd
ordinairement au niveau du cul-de-sac vésico-rectal du péritoine.
Si cette disposition n’a pas élé mise en évidence par tous les ana-
tomistes, cela tient à ce que, chez l’homme comme chez les car-
nassiers, les fibres profondes du sphincter externe de l’anus
viennent s’insérer sur la face postéro-inférieure de l’aponévrose
périnéale ; mais, avec un peu d'attention, 1l est possible d'isoler
l’aponévrose, d’en séparer les fibres du sphincter, et de constater
que ces fibres n'ont aucune continuité avec celles du bulbo-
caverneux ni du transverse superficiel, ainsi qu’on la tant de
fois avancé. à |
On voit donc que chez l’homme comme chez les animaux,
l'appareil génito-urinaire est complétement indépendant de l’'ap-
pareil défécateur, et que la cloison fibreuse qui l’en sépare s’étend
sans interruption depuis l'extrémité antérieure des corps caver-
neux jusqu’au cul-de-sac recto-vésical du péritoine. Toutefois,
il existe entre l’homme et les animaux une légère différence qui
porte seulement sur la portion intra-pelvienne de l’urêthre. Chez
les animaux, la distance comprise entre le col de la vessie et le
bulbe est en rapport avec l’allongement antéro-postérieur du
bassin. La portion membraneuse, beaucoup plus longue que
chez l’homme, repose, dans la station quadrupède, sur la sym-
physe ischio-pubienne contre laquelle elle est maintenue appli-
quée par l’aponévrose périnéale, ainsi que je l’ai indiqué dés le
début de ce travail.
Chez l'homme, en raison de l'attitude bipède, le col de la ves-
sie et la prostate s’éloignent de la symphyse pubienne, de sorte
que la cloison génito-urinaire, au lieu de se borner à tapisser la
face inférieure du canal, passe sur ses faces latérales, puis sur sa
face supérieure et forme ainsi un véritable cylindre qui entoure
l'appareil génilo-urinaire intra-pelvien, de même que la gaîne
fibreuse du pénis entoure l'appareil génito-urinaire extra-
pelvien. |
Résumant en une vue d’ensemble la description dont je viens
d'exposer les détails, je dirai que, chez l’homme, l'appareil
génilo-urinaire est enveloppé d’une gaine aponévrotique, sorte
SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE: 169
de manchon fibreux qui l'entoure de toules parts et l’isole de l’ap-
pareil défécateur. Ce manchon se moule sur les organes qu'il
recouvre. Son extrémité vésicale s'insère à la partie inférieure
de la vessie, mais à des hauteurs différentes suivant le point que
Von examine. En avant, celte insertion se fait presque immédia-
tement au-dessus de la base de la prostate. En arrière, la gaine
fibreuse se prolonge sous le bas-fond de la vessie et remonte jus-
qu’au cul-de-sac recto-vésical du péritoine. Entre ces deux points
extrêmes, la ligne d'insertion occupe toutes les positions inter-
médiaires. Son extrémité pénienne se fixe au pourtour de la base
du gland et à l'extrémité antérieure des corps caverneux de la
verge.
Sa face antérieure s'étend depuis la vessie jusqu’au gland,
mais elle est interrompue au moment où le canal de lurèthre
passe sous l’arcade pubienne, c’est-à-dire qu'en ce point le tissu
fibreux du manchon génito-urinaire est remplacé par le bord 1n-
férieur de la symphyse pubienne. Cette paroi antérieure est donc
subdivisée, par l’arcade du pubis, en deux portions : une portion
rétro-pubienne, étendue du col de la vessie au pubis, et décrite
sous le nom de /gaments pubio-vésicaux (4). La portion pré-
pubienne n’est autre chose que l’enveloppe fibreuse du pénis.
Ses faces latérales, de même que sa face antérieure, sont con-
stituées par du tissu osseux dans le point qui correspond à la
branche ischio-pubienne. Depuis cette branche jusqu’à la vessie,
on les a nommées aponévroses latérales de la prostate. Hors du
bassin, et jusqu’à leur extrémité antérieure, elles forment les
parties latérales de la gaine fibreuse du pénis.
Sa face postérieure, entièrement fibreuse depuis le cul-de-sac
vésico-reclal jusqu’au gland, est formée, dans toute son étendue,
par une seule aponévrose à laquelle on a, très-improprement,
donné des noms différents, suivant les points où on la considère.
(1) Que l’on considère les ligaments pubio-vésicaux comme une dépendance du
fascia pelvia ou qu’on les regarde, avec M. Sappey, comme les tendons des fibres
longitudinales antérieures de la vessie, il n’en est pas moins vrai qu’il existe là une
lame fibreuse qui se confond, sur les côtés, avec les aponévroses latérales de la pre-
state,
170 PAULET, — RECHERCHES
On retrouve en effet, comme faisant partie intégrante de cette
face : l’aponévrose prostato-péritonéale, le bord postérieur de
l’aponévrose périnéale moyenne, l'aponévrose périnéale superfi-
cielle et la gaîne fibreuse de la verge.
Loge postérieure ou anale.
Sphincter externe de l’anus. — Sa disposition est bien connue,
et si je la rappelle, c’est pour faire observer que, sur un assez
grand nombre de sujets, l’extrémité antérieure du sphincter va
manifestement se continuer avec le dartos et peut quelquefois
être suivie jusque sur les bourses; disposition qui représente bien
évidemment le muscle rétracteur du scrotum que nous avons
rencontré si développé chez le tigre et que Straus a mentionné
chez le chat. Cette continuité n’existe que pour les fibres les plus
superficielles ; quant aux fibres profondes, elles se fixent en assez
grand nombre sur la face postéro-inférieure de l’aponévrose
périnéale, toujours assez mince en ce point et un peu difficile à
ménager dans les dissections.
Releveur de l'anus. — Homologue de l’ischio-anal, mais sen-
siblement modifié dans sa forme, en raison de la plus grande
largeur du bassin chez l’homme. Les insertions de ce muscle ont
été décrites par tous les anatomistes ; mais Jj'insiste tout parti-
culièrement sur la disposition de son extrémité antérieure qui,
comme on le sait, s’avance bien plus que l'ischio-anal vers la
ligne médiane du corps. Ainsi que le dit très-exactement M. Sap-
pey, le releveur de l'anus forme là « un anneau ovalaire qui est
complété en avant par la symphyse pubienne et qui entoure la
prostate sans contracter avec celle-ci aucune adhérence et sans
prendre sur celle-ci aucune insertion ».
Loge antérieure ou génito-urinaire.
Sphuncter uréthral. — On s'étonne de ce qu’il a fallu si long-
temps aux anthropotomistes pour découvrir l'existence du sphinc-
ter uréthral chez l’homme, alors que ce muscle est si développé
et si facilement visible chez les animaux. Il est vrai que les zooto-
SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 41741
mistes ont contribué pour une bonne part à entretenir cette
ignorance en employant, pour désigner le constricteur de l’urè-
thre, l’expression impropre de #uscle de Wilson, expression
que les anthropotomistes appliquent à tout autre chose. Pourtant
il faut ajouter que, depuis les travaux des histologistes modernes,
surtout de Henle et de Luschka, le sphincter uréthral a été étu-
dié et généralement bien décrit. Qu'il me suffise de mentionner
ici que ce sphincter ressemble complétement à celui des animaux
mammifères. Il est constitué par des fibres musculaires striées,
dont les plus superficielles sont longitudinales, tandis que les
fibres profondes, circulaires, forment une couche épaisse et ex-
-trêmement apparente sur des coupes perpendieulaires à l’axe du
canal. Au niveau de la prostate, les fibres musculaires sont mê-
lées aux glandules prostatiques, comme cela a lieu chez les ani-
maux dont la prostate entoure le col de la vessie, notamment chez
les carnassiers. Il est à remarquer que la face pubienne de l'urè-
thre est toujours séparée de la symphyse par une couche de
glandules beaucoup moins épaisse que celle de la face rectale ;
et même, sur quelques individus, les fibres du sphincter forment
seules la paroi antérieure du canal, ainsi que cela existe chez
les animaux dont la prostate n'occupe que la face rectale de
l’'urèthre.
Bulbo-caverneux, ischio-caverneux. — Leur analogie avec
ceux des mammifêres ne peut être l’objet d'aucun doute et ne
mérite pas de nous arrêter.
Transverse superficiel. — L'homme est un des rares animaux
chez lesquels on rencontre le muscle tranverso-anal et encore ce
muscle manque-t-il fréquemment chez lui. Je l’ai vu manquer
d’un seul côté, ce qui, Je crois, est trés-exceptionnel. On se trouve
fort embarrassé quand il s’agit de déterminer l’analogie et le
rôle de ces fibres musculaires. En principe, le transverse super-
ficiel ne me paraît pas faire partie du plan général de l’organisa-
tion du périnée. Son existence est, pour ainsi dire, tout à fait
fortuite, et je dirais volontiers qu’on le rencontre à titre d’ano-
malie, si l'on examine non une espèce ou un genre, mais l’en-
semble des mammifères monodelphes. Quant à la nature de ses
172 PAULET. - RECHERCIHES :
fonctions, elle n’est pas plus évidente que sa raison d’être, et
l’on en a fait tour à tour un tenseur du raphé périméal, un eom-
presseur et même un dilateur du bulbe, ce qui revient à dire que
son mode d'action n’a aucune espèce d'importance. Cela est
d'autant plus vrai que l’absence du transverse superficiel chez la
plupart des mammifères ne paraît exercer aucune influence sur
les fonctions génitales.
J'en dirai autant de ces faisceaux musculaires insignifiants,
qu'on a décrit avec le plus grand soin, bien que leur disposition
n’ait rien de fixe, et auxquels on donne le nom de #nuscle ischio-
bulbaire.
Transverse profond. — ei se présente une des questions les
plus controversées de l’anatomie humaine; car, à l'heure actuelle,
les auteurs sont bien loin d’être d'accord quand 1l s’agit de dé-
crire le plan musculaire profond de la région périnéale. Que faut-
il entendre par muscle transverse profond ? par muscle de Gu-
thrie ? par muscle de Wilson? Voilà tout autant de sujets à pro-
pos desquels on diffère d'opinion et sur lesquels rêgne une
confusion vraiment regrettable.
Moi-même, suivant la tradition, je dirai presque la routine,
J'ai fait autrefois des préparalions avec l’idée de retrouver une
disposition préconçue plutôt que de rechercher une disposition
réelle, et J'avoue avoir décrit, dans mes précédentes publications,
des choses dont je n'avais peut-être pas une idée suffisamment
nelte. Aujourd'hui, grâce aux lumières que m'a fournies l’ana-
tomie comparée, j'ai pu faire, sur l'homme, un nombre considé-
rable de dissections très-démonstratives. J'ai oblenu des résultats
qui ne laissent aucun doute dans mon esprit et qui, je l'espère,
n’en laisseront pas davantage dans celui de mes lecteurs. |
La première condition pour bien distinguer les fibres muscu-
laires profondes des plans aponévrotiques qui les entourent, c’est
de vider au préalable les veines dorsales et celles des plexus péri-
prostatiques. Faute de cette précaution, le sang, qui sort à la
moindre piqüre, rougit également toute la surface de la prépa-
ration et donne au tissu fibreux les apparences du tissu muscu-
laire. :
SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 173
Sur un sujet dont le périnée a été ainsi rendu exsangue, si
l’on renverse de haut en bas les racines des corps caverneux, et
si l’on enlève le feuillet inférieur de l’aponévrose moyenne, on
aperçoit un plan musculaire composé de fibres striées dont la
disposition est des plus simples. Ces fibres s’insèrent, en dehors,
sur: la lèvre interne de la branche ischio-pubienne, immédiate-
ment au-dessus du feuillet inférieur de l'aponévrose moyenne.
De là, elles se dirigent vers la ligne médiane du corps, en conver-
_geant de manière à constituer, de chaque côté, un muscle trian-
gulaire dont la base adhère à la branche ischio-pubienne, et dont
le sommet s’unit à la face latérale et à la face antérieure de la
portion membraneuse de l’urèthre, tout près du bulbe. Quelques-
unes de ces fibres alteignent la face postérieure de l’urêthre,
mais c’est l’exception; car le plus grand nombre se portent en
avant du canal, où elles passent d’un côté à l’autre de la ligne
médiane; de telle sorte que les deux muscles transversés sem-
blent en réalité n’en constituer qu'un seul composé de deux moi-
üées symétriques. Les insertions externes de ce transverse uni-
que remontent plus ou mois haut sur la branche ischio-pubienne,
mais elles n’atteignent 7amais la symphyse; de sorte que les
deux moitiés du muscle sont toujours séparées, en haut, par un
espace dans lequel s'engagent les veines dorsales de Ja verge
pour gagner le plexus de Santorini. Notons enfin, en terminant,
que le transverse profond est compris entre les deux feuillets de
l’'aponévrose moyenne.
Telle est la description exacte de ce que l’on rencontre sur le
sujet. Telle est aussi, ou à peu de chose près, celle qu'a donnée
Guthrie (1), l’'anatomiste qui, à mon avis, s’est le plus approché
de la vérité.
Si l’on a compris la disposition du muscle transverse profond,
si, d'autre part, on veut bien se reporter aux recherches d’ana-
tomie comparée qui forment le fond de ce mémoire, on n’éprou-
vera pas la moindre difficulté à déterminer la signification zoolo-
gique de ce muscle, et l’on conclura immédiatement qu’il a pour
(1) Anatomy and diseases of the urinary organs, 3° édit., London 1843, p. 36.
474 PAULET. — RECHERCHES
homologue le muscle transverso-uréthral des carnassiers : même
insertion externe aux branches ischio-pubiennes, en arrière de
la racine du corps caverneux ; même continuilé médiane des
deux muscles sur la face pubienne de l’urêthre, mêmes Insertions
à cette face ; même situation entre deux feuillets aponévrotiques
résistants; même rapport avec les veines dorsales de la verge et
incontestablement même action compressive exercée sur ces
veines. On le voit, l'identité ne saurait être plus complète. Ajou-
tons cependant que le tendon moyen, si apparent chez les car-
nassiers, ne se retrouve ni chez l’homme ni chez les quadrumanes,
ce qui, on l’avouera, ne constitue pas une différence dont il faille
tenir grand compte.
L'identité que je viens de signaler n’avait pas échappé à Cuvier
qui, après avoir indiqué plutôt que décrit le transverse des car-
nassiers, ajoute : « Dans la guenon Callitriche, où nous l'avons
également trouvé, il n’avait pas ce tendon moyen et devait servir
à comprimer la veine dorsale » (1).
Tout en reconnaissant que Guthrie, le premier, a bien décrit
le muscle transverse profond, je voudrais pourtant voir dispa-
raître l’expression de muscle de Guthrie, encore employée par
quelques anatomistes pour le désigner. Cette expression semble
n'avoir en vue que l'étude de l’homme, et je lui préférerais
celle beaucoup plus générale de transverse profond qui s’ap-
plique indistinctement à tous les mammifères.
On a encore mentionné, comme constituant le transverse pro-
fond, des faisceaux obliques plus ou moins antéro-postérieurs,
des fibres en anses, etc.; mais je n’ai jamais trouvé rien de sem-
blable et je considère la présence, de ces fibres comme de pures
anomalies, à moins qu’elles ne soient le résultat d’une erreur
d'observation. En fait d'anomalies, j'ai vu un sujet n’avoir qu’une
moitié du transverse profond et une seule glande de Cowper;
de ce côté du périnée, l’aponévrose moyenne existait seule.
Pour être définitivement fixé quant à l'existence et à la con-
stitution anatomique du #uscle de Wilson, j'ai repris la question
(4) Anat. comp.,t. VII, p. 234,
SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 4175
ab ovo et, tout en faisant de nombreuses préparations, cette fois
sans parti pris, J'ai consulté les auteurs en commençant par
Wilson. Le chirurgien anglais indique (1) d’une façon suffisam-
ment étendue la direction et les inserlions des fibres musculaires
qu'il croit avoir découvertes, mais après l’avoir lu attentivement,
on se demande si sa description s’applique au muscle transverse
profond ou aux fibres antérieures du releveur de l'anus, et l’on
s'arrête à celte dernière interprétation, d'autant plus que la
_ figure annexée au mémoire représente exactement l'extrémité
antérieure du releveur. Wilson reconnaît lui-même que la con-
fusion est possible, que les deux muscles sont contigus et que
leurs fibres semblent se mêler : « Sometimes, indeed, below the
passage of these veins, I have found a little b/ending of the fibres
of the two muscles, but never more than is often found between
muscles contiguous to each other. » Il y a loin de là à cette sépa-
ration si nette que l’on a mentionnée depuis, et qui serait for-
mée par l’aponévrose latérale de la prostate.
Guthrie, qui donne une bonne description du transverse pro-
fond, a toujours considéré ses fibres comme se rattachant à
celles décrites par Wilson et constituant avec elles un seul et mé-
me musele ; erreur incontestable, mais qui prouve bien qu’à ses
yeux 1l n’y avait, entre le bulbe et la prostate, qu’un seul plan
musculaire.
M. Richet (2), après avoir étudié le muscle de Guthrie, pénètre
au-dessus de l’aponévrose moyenne et décrit, dans l’étage supé-
rieur du périnée, un muscle de Wilson ou pubio-uréthral, formé
de « fibres musculaires qui, nées de la face postérieure de la
symphyse et du corps du pubis, convergent vers la portion mus-
culeuse de l’urêthre ». Jusque-là, on pourrait croire que cette
description s'applique à quelque chose ressemblant au muscle de
Guthrie, mais l’auteur ajoute : « En résumé, le muscle dit de
Wilson ou mieux pubio-uréthral se compose principalement de
fibres ayant des attaches fixes au squelette et des attaches mob
(1) Mémoire cité.
(2) Anat. méd. chir., 4° édit., p. 478.
176 PAULET. — RECHERCHES
les à l’urèthre, quelquefois à la prostate et même au rectum. »
Or, on se demande comment ce muscle, situé en avant de l’apo-
névrose prostato-péritonéale, pourrait aller s’insérer au rectum,
et l’on a quelque raison de supposer que ces fibres à insertions
rectales appartiennent au releveur de l’anus.
Pour M. Sappey (1), le muscle de Wilson « est situé au devant
du plexus de Santorini, au-dessous de la symphyse pubienne,
sur le prolongement du grand axe de cette symphyse, au-dessus
et en arrière de la portion bulbeuse de l’urèthre, qu’il faut ren-
verser en avant pour le mettre en évidence. C'est une lamelle
rougeâtre, triangulaire ou plutôt rayonnée, assez mince. Sa base,
dirigée en avant, s'attache au ligament sous-pubien par une ex-
pansion fibreuse que traverse sur la ligne médiane la veine dor-
sale profonde de la verge et latéralement les artères dorsales et
les nerfs correspondants. Le sommet du inuscle, tourné en bas
eten arrière, se perd sur l'extrémité antérieure de la portion
membraneuse de l’urêthre. — La face antérieure du muscle de
Wilson, inclinée en bas, semble prolonger celle du muscle de
Guthrie, mais occupe en réalité cependant un plan plus profond.
Elle est recouverte par une lame fibreuse dépendante de l’apo-
névrose périnéale moyenne, et par le bulbe de lurèthre. — Sa
face postérieure, inclinée en haut, répond au plexus de Santo-
rini. » Ici, la confusion avec le releveur de l'anus n’est plus pos-
sible. Pourtant, je crois que, malgré son incontestable habileté,
M. Sappey s’est laissé tromper par les apparences, et qu’il a pris
pour un muscle le tissu conjonctif un peu serré qui entoure les
vaisseaux dorsaux à leur passage sous l’arcade pubienne, lequel
est toujours rendu rougeâtre par le sang qui s'écoule infaillible-
ment des veines dorsales, si l’on n’a pas eu le soin de les vider
avant la préparation.
En parcourant les pages précédentes, on a sans doute prévu à
quelle conclusion j'en allais arriver. Gelte conclusion, c'est que
le muscle de Wilson n'existe pas. Au-dessus du muscle transverse
profond et de l’aponévrose moyenne, 1l n’y a plus rien que la
(4) Anal, 3° édit., t. IV, p. 655.
SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 177
prostate entourée de sa gaîne aponévrotique et circonscrite par
les fibres antérieures du releveur de l’anus qui en longent les
parties latérales, mais qui ne s’y insérent pas. J’ai partagé autre-
{ois l'illusion générale et je préparais un muscle de Wilson tout
artificiel dont les formes variaient suivant que J'étais plus ou
moins bien disposé. Aujourd'hui que J'ai disséqué un nombre
considérable de périnées, je me suis mis à l’abri de cette cause
d'erreur, et je ne puis plus trouver, autour de la portion mem-
_braneuse, que le sphincter uréthral et le transverse profond. Il
ne sera peut-être pas hors de propos de rappeler que, bien avant
les anatomistes de la génération actuelle, Cruveilhier n’a jamais
rencontré àce niveau qu'un seul plan de fibres qu’il désigne sous
le nom de muscle transverse profond ou transverso-uréthral,
mais auxquelles il assigne une disposition un peu plus compli-
quée qu’on ne le voit d'ordinaire.
Aponévrose moyenne. — Les deux feuillets qui la composent
sont ceux-là mêmes qui constituent la gaine du muscle transverse
des carnassiers. Chez l’homme, ce double plan fibreux se pro-
longe, en arrière, jusqu’à la rencontre de l’aponévrose qui passe
au-dessous de la prostate et du bulbe ; d’où il résulte que la loge
aponévrotique gémito-urinaire est subdivisée en deux portions
par un diaphragme musculo-aponévrotique formé par le muscle
transverse et sa gaine : l°une portion intra-pelvienne contenant
la prostate et le sphincter uréthral ; 2° une portion extra-pelvienne,
renfermant la partie spongieuse de l’urèthre, les corps caver-
neux et leurs muscles annexes, c’est-à-dire l'organe copulateur.
Vésicules séminales. — La seule particularité qui mérite d’être
signalée à propos des vésicules séminales, c’est que leur face
inférieure est en contact avec un véritable plan musculaire à
fibres lisses, qui double l’aponévrose prostaio-péritonéale et qui
représente évidemment l’enveloppe musculeuse si développée
chez certains animaux, entre autres chez l'éléphant.
Glandes de Cowper. — Elles sont situées dans le même plan
que le muscle transverse profond et sont entourées par les fibres
postéro-inférieures de ce muscle, qui leur constitue une gaine
contractile analogue au muscle compresseur des solipèdes et des
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PIIYSIOLe "== Te XIII (18773. 12
178 PAULET. — RECHERCHES
carnassiers. D'ailleurs, 1l est probable que l’usage de ces glandes
n’a pas une très-grande importance, car, outre que chez les
mammifères on les voit tantôt manquer absolument, tantôt être
très-développées dans «les espèces voisines, j'ai constaté plusieurs
fois leur absence complète chez l’homme.
CONCLUSIONS.
Sans outrepasser le cadre que les circonstances m'ont tracé, et
sans aller au delà des espèces sur lesquelles ont, jusqu’à présent,
porté mes recherches, je crois pouvoir tirer de ce travail les
conclusions suivantes : |
[. — Les modifications successives présentées par l’ensemble
périnéal, à mesure que l’on passe des ruminants aux solipèdes,
de ceux-ci aux carnassiers, aux quadrumanes et à l’homme, ne
changent rien au plan fondamental de l’organisation, au type
qui reste le même.
IL. — Chacune des partes constituant la région périnéale de
l’homme a son homologue dans la région périnéale des animaux
mammifères.
II. — Le fascia superficialis est identique chez tous les mam-
mifères et chez l’homme ; il ne varie, d’une espèce à l’autre, que
par son épaisseur, ordinairement en rapport avec la taille de
l’animal. Fra
IV. — Chez tous les mammifères et chez l'homme, l'appareil
génito-urinaire est nettement séparé de l'appareil défécateur
par une cloison aponévrotique étendue depuis la face postéro-
supérieure de la vessie jusqu’à l'extrémité libre du pénis. Chez
l’homme, cette cloison forme une véritable gaine génito-urinaire
cylindroïde, dont les diverses portions ont été très-Improprement
désignées sous des noms différents par les anthropotomistes.
V. — Les muscles rétracteurs de la verge paraissent n’exister
que chez les animaux dont le pénis est fixé à l'abdomen par un
fourreau. Îls ne sont pas représentés chez l’homme. Ils n’existent
pas non plus chez les singes qui ont le pénis libre.
VI. — Le muscle rétracteur du scrotum de certains carnassiers
SUR L'ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE. 179
est représenté, chez l’homme, par la continuité fréquente des fibres
superficielles du sphincter anal avec la portion scrotale du dartos.
VII. — Le muscle releveur de l’anus de l’homme est l’homo-
logue de lischio-anal des mammifères. Son élargissement et
l'étendue de ses insertions dans l’espèce humaine sont en raison
directe des dimensions transversales du bassin relativement à sa
hauteur.
VIIL. — Chez l’homme et chez les mammiféres, le sphncter
uréthral s'étend de la vessie au bulbe. Il est toujours constitué
par des fibres circulaires, striées, auxquelles s'ajoutent, chez
certaines espèces, des fibres longitudinales diversement dispo-
sées et faisant suite aux fibres longitudinales de la vessie.
IX. — Les muscles bulbo-caverneux et ischio-caverneux ne
présentent, dans la série, que des différences peu considérables ;
leur disposition anatomique est fondamentalement la même chez
tous les mammifères et ils paraissent appelés à remplir les
mêmes fonctions que chez l’homme.
X. — Le muscle #ransverse superficiel n'appartient pas à pro-
prement parler au plan général de la région. Son existence n’est
soumise à aucune règle fixe. Il manque normalement dans un
grand nombre d'espèces, et l’on constate souvent son absence, à
titre d’anomalie, chez les animaux mêmes où il existe le plus
constamment. Ses fonctions, si elles ne sont pas nulles, sont au
moins trés-peu importantes. |
Les mêmes remarques sont applicables aux faisceaux décrits
sous le nom de muscle 2sch10-bulbaire.
XI. — Le muscle éransverse profond ou muscle de Guthrie
est identique au éransverso-uréthral des carnassiers, dont il re-
produit exactement les insertions, les rapports et la disposition
anatomique. Ce muscle est compresseur des veines dorsales du
pénis.
XIE — L'expression muscle de Walson doit disparaitre. Em-
ployée en anthropotomie, cette expression consacre une erreur
d'observation, en ce sens qu’elle Lend à faire considérer comme
un muscle distinct des fibres appartenant au transverse profond
ou au releveur de l'anus. Elle est tout aussi incorrecte dans le
180 RECHERCHES SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DU PÉRINÉE.
langage des zootomistes, car alors, elle s'applique au sphineter
uréthral, muscle dont Wilson ne parait pas avoir soupçonné
l'existence.
XI. — L’aponévrose dite périnéale moyenne n’est autre
chose que la gaine du muscle transverso-uréthral ; elle n’existe
pas chez tous les animaux normalement dépourvus de ce muscle.
Chez l’homme, les deux feuillets de cette aponévrose et le
muscle transverse profond qu’ils comprennent ferment le bassin
et subdivisent Ja loge génito-urinaire du périnée en deux por-
tions : 1° portion intra-pelvienne, comprenant le sphincter uré-
thral ; 2° portion extra-pelvienne, affectée à l'organe copulateur.
XIV. — Chez les animaux pourvus de vésicules séminales, ces
réservoirs sont recouverts d’un plan musculaire destiné à les
comprimer. Chez l'homme, ce plan est constitué par les fibres
hsses de l’aponévrose prostato-péritonéale.
XV. — Typiquement, la prostate occupe Ja face rectale du col
vésical. Lorsqu'elle entoure Purèthre, la portion de la glande
qui couvre la face pubienne du canal est toujours moins épaisse
que l’autre.
XVI. — L'existence des glandes de Cowper ne paraît assujettie
à aucune loi; ces glandes se rencontrant normalement dans une
espèce, peuvent manquer, normalement aussi, dans l'espèce la
plus voisine.
XVIT. — Les fibres musculaires destinées à comprimer les
glandes de Cowper constituent, dans certains cas, un muscle
constricteur indépendant. Dans d’autres cas, la compression est.
exercée par des fibres appartenant au muscle le plus voisin. Chez
l’homme, le muscle constricteur de la glande de Cowper est re-
présenté par les fibres postéro-externes du transverse profond.
XVIIT. — Le muscle ischio-uréthral du cheval n’est qu’une por-
lion du constricteur de la glande de Cowper, l’autre portion
étant formée par la bandelette émanée du sphincter uréthral.
C'est donc à tort que l’on décrit ces deux moitiés d’un même
muscle comme deux muscles indépendants.
RECHERCHES
SUR
L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS
Par M. le D' Mathias DUVAL
(Suite) (1)
PLANCHES X ET XI.
DU NERF FACIAL CHEZ L'HOMME.
. Après avoir étudié les origines du facial sur un animal, tel
que Je chat, chez lequel la région bulbo-protubérantielle est peu
compliquée de fibres transversales, 1l devient très-facile d'aborder
la même étude sur des coupes des centres nerveux de l'homme.
Le facial de l’homme présente, exactement comme celui des
animaux, un trajet coudé, depuis le point où se fait son émer-
gence jusqu'à celui où il aborde son noyau inférieur. Mais, chez
l’homme, ce coude, ce genou du facial, pour employer l’expres-
sion de Deiters (voy. l'historique ci-après), se complique de deux
fortes inflexions que subit la partie supérieure du facial, depuis
| l'extrémité supérieure du fasciculus teres jusqu’au lieu d’émer-
gence. En effet, tandis que le facial, chez la plupart des animaux,
se porie directement d’arrière en avant et de dedans en dehors,
depuis le noyau commun du facial et de l’oculo-moteur externe
jusqu’à la surface antéro-externe de la région bulbo-protubéran-
uelle, chez l’homme cette partie du trajet n’est nullement directe :
1° En partant du noyau commun du facial et de l’oculo-mo-
teur externe, le tronc facial efférent chemine d’abord horizonta-
lement et directement de dedans en dehors, sous le plancher du
quatrième ventricule (pl. IL (2), fig. 4, en 7); arrivé à l’angle ex-
terne de ce plancher, il se dirige alors en avant et en dehors (en
7’, fig. 4, pl. IN). Il forme donc un coude dans le plan horizon-
(4) Voy. Journ. de l’Anat. et de la Physiol., septembre 1876, p. 496.
(2) Nous avons numéroté les deux planches de notre travail jointes à cette livrai-
son, II et IV, pour faire suite aux précédentes numérotées I et IT.
182 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
tal représenté figure 1, planche IT. Ce coude avait été déjà par-
faitement décrit par Vulpian, qui le premier a suivi le facial chez
l'homme, dans sa portion horizontale et transversale sous le
plancher du quatrième ventricule (voy. l'historique ci-après).
2° Lorsque le facial,se dirigeant vers son émergence, comme le
montre la figure 1 de la planche IT (en 7), arrive vers les couches
profondes des fibres transversales de la protubérance, il ne les
traverse pas, mais les contourne en s’inclinant en bas, de sorte
qu'il vient émerger sous le bord inférieur du pédoncule céré-
belleux moyen: ilest donc impossible, chez l’homme, d'obtenir,
comme chez le chat, dans une seule coupe perpendiculaire à
l'axe nerveux, à la fois l'émergence du facial et sa jonction avec
l'extrémité supérieure du asciculus teres : ainsi, cette émer-
gence ne se voit pas dans la figure 1 de la planche IIT ; elle se
voit seulement dans la figure 3 de la planche IV (en 7), c’est-à-
dire sur une coupe qui passe précisément par l'extrémité infé-
rieure du fasciculus teres (en 1, fig. 5) et qui comprend la partie
moyenne du noyau inférieur ou noyau propre du facial.
On comprend dès lors toutes les difficultés de l'étude des ori-
gines au facial, quand on aborde directement cette étude chez
l’homme : on comprend toutes les hésitations des auteurs, tels
que Sülling, Schrœder van der Kolk, Clark, Dean, etc., qui con-
sidérent le facial comme le nerf le plus difficile à suivre de son
origine apparente à son origine réelle, c’est-à-dire à ses noyaux.
Même en étudiant ces parties sur les animaux, ces auteurs ne
sont point arrivés à reconnaître entièrement les connexions du
facial avec son véritable noyau inférieur; c'est qu’ils n’avaient
pas assez multiplié les coupes dans une étendue très-restreinte,
et qu'ainsi, faute de pièces où toutes les transitions se fissent
d’une manière insensible, ils ont dû fatalement s’égarer en in-
duisant de prétendues connexions d’après des idées préconçues.
Après l'étude que nous avons faite du facial chez le chat, la
description du facial chez l’homme pourra se réduire à une explica-
tion détaillée des deux planches annexées au présent mémoire.
Quoique nous ayons multiplié les coupes au point de conserver
toute la série des préparations dans lesquelles se trouve quelque
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 183
détail des parties appartenant au facial, il nous était impossible
de donner le dessin de toutes ces tranches de la région bulbo-
protubérantielle. Nous avons seulement représenté celles qui
donnent les régions où se font les transitions les plus impor-
tantes, el nous pensons qu'elles suffiront pour permettre la dé-
monstration des origines du facial, en ayant égard aux nombreux
points identiques que présente la disposition de ce nerf chez
l’homme et chez le chat. |
Nous suivrons ici le facial depuis ses parties les plus infé-
rieures jusqu’à son émergence, c’est-à-dire vers les parties supé-
rieures.
La figure 4 (pl. IV) représente une coupe pratiquée au niveau
de l’extrémité toute supérieure des olives bulbaires : la lame
grise olivaire forme ici un dessin polygonal irrégulier (OT); on
voit en avant les cordons pyramidaux (P,P'); en arrière et en
dehors (en 3, fig. A), on voit un amas de substance grise, formé
de trois ou quatre îlots intimement accolés. Cette masse grise,
située immédiatement en dedans de la racine ascendante (V) ou
bulbaire du trijumeau, n’est autre chose que le noyau inférieur
du facial, ainsi que le fait prévoir ses analogies de situation et de
configuration avec le noyau homologue du bulbe du chat, ainsi
que va le démontrer l'examen de coupes successives faites à des
niveaux plus élevés. Déjà, dans la coupe en question (fig. A), on
voit que ce noyau (3) est bien limité en dedans, en avant et en
dehors, mais qu’en arrière 1l donne naissance à une série de
tractus (cylindres-axes) qui se dirigent obliquement (4) en ar-
rière et en dedans vers l’extrémité postérieure du raphé. Mais ils
n’arrivent pas jusqu’à cette extrémité postérieure, parce qu’ils
ont une direction oblique légérement ascendante, et qu’ils sont
sectionnés successivement, après un trajet plus ou moins consi-
dérable.
Mais sur une coupe pratiquée (fig. 3, pl. [V) à un niveau supé-
rieur, on voit ces fibres (fibres radiculaires inférieures du facial)
arriver jusqu'à l'extrémité postérieure du raphé, et s’y condenser
en un faisceau situé immédiatement au-dessous du plancher du
ventricule (en 4, fig. 3). Le noyau gris (3); d’où elles partent,
184 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
se présente avec les mêmes caractères que dans la figure précé-
dente. Le faisceau qu’elles forment (en 1) n’est autre chose que
le fasciculus teres coupé perpendiculairement à la direction de
ses fibres.
Sur une coupe succédant à la précédente dans une série
ascendante, le fasciculus teres (1, fig. 2, pl. HI) s’est considéra-
blement grossi par l’apport de nouvelles fibres venant du noyau
fascial inférieur (3), toujours bien visible sur cette coupe, comme
sur toutes les coupes intermédiaires. De plus, le fasciculus teres
a pris une forme un peu rubanée, de telle sorte que sa coupe est
ovale plutôt que circulaire. En même temps, on voit apparaître
sur le côté antéro-externe de ce fasciculus une nouvelle masse
grise (2, fig. 2, pl. I) qui n’est autre chose que le noyau du
nerf moteur oculaire externe, dont on voit les fibres radiculaires
se diriger directement en avant, comme chez le chat, en décri-
vant seulement deux très-légères courbes dans le plan hori-
zontal.
Les détails intéressants à étudier à ce niveau sont les rapports
de ce noyau oculo-moteur externe avec les fibres qui vont du
noyau facial inférieur au fasciculus teres. Ces fibres (4, fig. 2)
ne vont plus directement de leur lieu d’origine vers l'extrémité
postérieure du raphé: le noyau oculo-moteur externe se trouve
interposé sur ce trajet; les fibres inférieures du facial contour-
nent donc ce noyau, en décrivant une courbure à convexité pos-
téro-externe ; mais, tout en décrivant cette anse, quelques-unes
des fibres traversent la partie la plus postérieure du noyau oculo-
moteur externe et reçoivent de lui des fibres additionnelles. Il
en résulte que le fasciculus teres, si volumineux en ce point, est
formé non-seulement de fibres venues du noyau facial inférieur,
mais encore de fibres venues du noyau oculo-moteur externe,
c’est-à-dire, en d’autres termes, que ce dernier noyau est com-
mun à la fois au nerf moteur oculaire externe et au nerf
facial.
L'examen de coupes faites à des niveaux successivement plus
élevés nous amène bientôt à des préparations semblables à celle
représentée par la figure 1 (pl. II). Ici on voit l'extrémité supé-
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 485
rieure du fasciculus teres et sa continuité avec le facial efférent :
on voit que le tronc du facial, à peu près définitivement consti-
tué, abandonne le trajet perpendiculaire au plan de la coupe
(fasciculus teres, 1, fig. 1, pl. I) pour prendre une direction
d’abord transversale (7), puis une direction oblique en avant et
en dehors (7), restant tout le temps compris dans le plan même
de la coupe jusqu’à ce qu'il atteigne les faisceaux les plus posté-
rieurs des fibres transversales de la protubérance (en 7, fig. 1,
pl HI). |
À ce niveau, le noyau inférieur du facial se présente encore:
il est sectionné au niveau de son extrémité toute supérieure et se
montre sous l’aspect de deux amas gris (3, 3) placés le long du
bord interne de la portion oblique (7) du facial et envovant
quelques fibres vers la portion transversale (7) de ce nerf.
En somme, ce qu’il importe de préciser le plus nettement ici,
c’est la position et les rapports de ce noyau inférieur du facial à
ses divers étages : or, il est facile de voir, d’aprèsles descriptions
précédentes, que l'extrémité tout inférieure du noyau facial
inférieur (fig. 4, pl. IV) est placée au milieu des fibres longitu-
dinales du bulbe, tout près de la surface antéro-externe de cette
portion de l’axe cérébro-spinal, c’est-à-dire presque en contact
avec le fond du sillon latéral du bulbe. A ce niveau, le seul fais-
ceau distinct avec lequel ce noyau soit en rapport, c'est la racine
ascendante ou bulbaire de la cinquième paire.
Il en est de même pour les étages moyens de ce noyau (fig. 3,
pl. IV).
Vers les étages supérieurs de ce noyau, les dispositions devien-
nent plus complexes par suite de l'apparition de formations nou-
velles. En effet, le noyau facial inférieur est ici (fig. 2, pl. ID)
toujours en rapport avec la racine bulbaire du trijumeau, mais
à son côté interne se montre une masse grise formée d’une dou-
ble lamelle contournée, dont la disposition rappelle un peu celle
de l’olive bulbaire. Cette formation, bien plus nette dans la ré-
gion bulbo-protubérantielle des animaux, tels que le chat, le
chien, le mouton, porte, depuis les travaux de L. Clarke, de Dean,
de Schræder van der Kolk, le nom d'olive supérieure ; nous lui
186 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
avons conservé ce nom dans l’étude précédemment faite du facial
chez le chat; nous le lui conserverons donc également chez
l’homme. Nous dirons donc que les parties supérieures du noyau
facial inférieur de l’homme sont situées entre l’olive supérieure
et la racine ascendante du trijumeau.
Mais, plus haut encore, au niveau de l’extrémité toute supé-
rieure du noyau facial inférieur, l'olive supérieure et la racine
ascendante du trijumeau (fig. 4, pl. IT) se rapprochent et chas-
sent pour ainsi dire en arrière le noyau facial (3 et 4), ne lais-
sant entre eux qu’un intervalle suffisant pour le passage du tronc
efférent du facial (VIE, fig. 1).
Comme nous le verrons dans l'historique ci-après, le noyau
facial inférieur et l'olive supérieure ont été souvent, par divers
auteurs, confondus en une seule et même masse. Cependant il
est facile de se convaincre, d’une part, que ces parties sont tou-
jours bien isolées l’une de l’autre, et, d'autre part, qu’elles ren-
ferment des cellules nerveuses de nature tout à fait différente.
La figure 6 (pl. IV) représente les grosses cellules étoilées qu’on
rencontre dans toute la hauteur du noyau facial inférieur, des-
sinées à un grossissement de 280 diamètres ; elles sont multipo-
aires, avec un protoplasma granuleux à amas pigmentés, avec
un noyau clair sphérique et un nucléole foncé : elles sont en tout
semblables, sauf leur dimension un peu plus considérable, aux
cellules du noyau moteur oculaire externe ou facial supérieur
(fig. 7, pl. IV). Au contraire, les cellules qui forment l’olive supé-
rieure se présentent telles qu’elles sont dessinées figure 8 (pl. IV),
toujours à un grossissement de 280 diamètres, sous forme de
petites cellules en fuseau, n'ayant de prolongements qu’à leurs
deux extrémités, munies d’un noyau clair et d’un nucléole extré-
mement petit; on n’aperçoit dans leur protoplasma aucune par-
tie pigmentée.
Pour résumer d’une manière synthétique le trajet du faisceau
radiculaire du facial, nous l’avons représenté dans le schéma de la
figure 5 (pl. IV) ; le bulbe est vu par sa face postérieure (plancher
du quatrième ventricule): du côté droit, le quart supérieur de
la région bulbo-protubérantielle a été enlevé par deux sections:
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 187
l’une suivant le plan médian antéro-postérieur, l’autre suivant
un plan horizontal (ou pour mieux dire perpendiculaire à l’axe
du bulbe) passant par le point d’émergence du facial et de l’acou-
stique. En suivant le facial (7) de la superficie vers la profon-
deur, c’est-à-dire de son émergence vers ses noyaux, on le voit
changer cinq fois de direction et présenter cinq parties dis-
tinctes : 4° il se dirige obliquement (7) d'avant en arrière et de
dehors en dedans ; 2° (7) directement de dehors en dedans; 3 il
parcourt un très-court trajet (1’) parallèlement à l'axe du bulbe
(fasciculus teres) ; 4° il va directement de dedans en dehors (4);
5° il se dirige enfin obliquement en avant et en dehors pour at-
. teindre son noyau inférieur (en 3).
Quelle est exactement la longueur du fasciculus teres, ou, en
d’autres termes, quelle distance sépare le plan dans lequel
émerge le facial du plan passant par la partie inférieure de son
noyau inférieur? Cette question est facile à résoudre sur des
coupes parallèles à l’axe du bulbe, coupes sur lesquelles on peut
directement mesurer les longueurs et les distances en question.
Comme ces coupes nous seront également utiles pour l'étude du
nerf trijumeau, nous nous réservons d’en donner alors seule-
ment une série de dessins, et d'étudier alors avec détail les
questions que nous venons de poser. Pour le moment, nous
dirons seulement, sans en donner la démonstration, que le
fasciculus teres n’a guère plus de 4 millimètre à 2 millimètres
de longueur.
HISTORIQUE.
Pendant longtemps on s’est occupé de rechercher non pas les
noyaux d'origine des nerfs, mais de préciser la nature des fais-
ceaux blancs au niveau desquels 1ls émergent et dont on les
regardait comme une émanation directe. C’est ainsi que Longet
a décrit le faisceau latéral de la moelle comme se prolongeant
en partie dans le bulbe et la protubérance; le fait de cette pro-
longation d’un faisceau qu’il considère comme moteur lui suffit
pour se rendre compte de l’origine des nerfs moteurs de la pro-
tubérance et de la partie supérieure du bulbe. « Nous avons
188 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
prouvé, dit-il (1), que ce faisceau est destiné au mouvement et
qu'il donne insertion à quatre nerfs moteurs : le spinal, le facial,
le masticateur et le pathétique. C’est au moment même de s’en-
gager dans l'épaisseur de la protubérance que le faisceau latéral
laisse surgir le nerf facial, qu’il m’a toujours été impossible de
poursuivre profondément et au delà de son point d’émergence.
Les anatomistes qui, avec Malacarne, disent avoir poursuivi le
nerf facial jusqu’au plancher du quatrième ventricule, ou bien
dans le corps restiforme, me paraissent avoir émis une asser-
tion que ne sauraient légitimer les recherches les plus minu-
tieuses. »
C’est ainsi que déjà Ch. Bell (2), voyant le nerf facial émerger
d’une colonne blanche, sur le trajet de laquelle émerge égale-
ment le nerf vague, le spinal, considérait tous ces nerfs comme
faisant partie d’un même système (système des nerfs de la respi-
ration). « Je prouvai, dit-il, par une expérience, que le nerf qui
se distribue aux muscles de la face est le muscle respiratoire de
la face, et, de là, je conclus qu’il a l’origine que nous voyons et
qu'il suit la même marche que les nerfs respiratoires, parce qu’il
est nécessaire pour associer les joues, les narines et les lèvres
aux autres muscles employés dans la respiration, la parole, etc.»
C'est ainsi également que A. Serres (3), s’attachant à conduire
les racines du facial vers les cordons antérieurs du bulbe, prend
pour racines de ce nerf soit des fibres arciformes sus-olivaires,
soit les faisceaux les plus inférieurs du trapèze. « L'insertion du
facial, dit-il, se fait sur la même partie de la moelle allongée que
celle de l’auditif ; mais, tandis que les racines de l’auditif se por-
tent en arrière, celles du facial se dirigent vers la partie anté-
rieure de la moelle allongée, au-dessus de la partie supérieure
de l’olive du même côté. » |
C’est ainsi, enfin, que Lieutaud et Sœmmering faisaient naître
le moteur oculaire externe des pyramides, tandis que Santorini
(1) Anal. et physiol. du syst. nerv., t. II, 1842, p. 408.
(2) Exposition du système naturel des nerfs du corps humain, trad. par J. Ge-.
nest. Paris, 1825, p. 33.
(3) E.-A. Serres, Anatomie comparée du cerveau. Paris, 1824, t. I, p. 436.
si né sé bé on 4-2
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 189
et Zinn en cherchaient l’origine à la fois dans les fibres super-
ficielles des pyramides et de la protubérance. (Vosr, pour ces opi-
nions auciennes, Vulpian : Essai sur l'origine de plusieurs paires
crâniennes, 1853, p. 30.)
Natalis Guillot (4) n’a pas non plus poursuivi le nerf facial dans
la profondeur ; il a pratiqué des coupes du bulbe et de la protu-
bérance, mais il a attribué au facial des masses grises aperçues
dans les couches les plus superficielles de ces centres nerveux;
il est difficile, même à l'inspection de ses nombreuses figures, de
dire quelles sont les véritables masses grises qui ont fixé son
examen; nous pensons cependant, notamment d'après la fi-
-gure 156de sa planche X[, qu'il a pris comme noyau du facialce qui
est en réalité la substance gélatineuse placée dans la concavité de
la racine bulbaire ou ascendante du trijumeau : «A linsertion
du nerf facial, dit-il, se présente un amas de matière grise qui
supporte immédiatement la racine nerveuse... Cette portion de
substance grise est placée en avant et en dedans du corps resti-
forme. » (Op. ct., p. 248 et 249.)
Bien autrement précise est la description que, dès 1853, Vul-
pian donne du trajet des fibres radiculaires du facial. S'il n'a
pas conduit ces racines jusque dans le noyau dit 2n/érieur, dont
la connaissance est de date toute récente, il a du moins suivi très-
exactement les deux premières parties du facial chez l’homme,
et indiqué la première courbure qu'il décrit en s’inclinant sous
le plancher du quatrième ventricule. « Les radicules du nert
facial, dit Vulpian (2), plongent directement d'avant en arrière
dans le bulbe... Elles traversent toute l'étendue du bulbe en
suivant la même direction... Cette racine atteint le plancher du
(1) Exposilion anat. de l’organisat. du centre nerveux chez les vertébrés. Paris,
Tout, p. 246.
(2) A. Vulpian, Essai sur l'origine de plusieurs paires de nerfs crâniens (Thèse.
de Paris, 1853, n° 170). :
— Sur l’origine profonde des nerfs de la sixième et de la septième paire (Société
de Biologie, juillet 14853, p. 99).
— Note sur quelques points de l’anatomie du bulbe rachidien el de la prolube-
rance annulaire chez l’homme (Soc. de Biologie, décembre 1858, t. V, p. 170).
Vulpiau et Philippeaux, Note sur quelques expériences faites dans le but de déter-
miner l’origine des nerfs pro‘onds de l’œil (Société de Biologie, avril 1854, p. 43).
190 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
quatrième ventricule au niveau de son bord externe; elle devient
alors superficielle et change de direction. Elle marche alors de
dehors en dedans et un peu d’arriére en avant. À mesure qu’elle
s'approche du sillon médian, elle devient de plus en plus super-
ficielle. A ce niveau, elle n’est, pour ainsi dire, recouverte que
par la membrane qui tapisse le plancher du quatrième ventri-
cule, et elle s’élargit en éventail, » De plus, suivant Philippeaux
el Vulpian, ces racines du nerf facial d’un côté s’entre-croisent
eu partie dans le plan médian du bulbe avec celles du côté
opposé. — P. Gratiolet (4) reproduit la description de Vulpian et
l’adopte. Les remarques dont il la fait suivre marquent bien les
tendances nouvelles d'après lesquelles on ne cherche plus l’ori-
oine des nerfs crâniens dans des colonnes blanches, mais dans
des noyaux gris faisant suite à la substance médullaire centrale :
€ En résumé, dit-1l, c’est dans le plancher du quatrième ventri-
cule que plongent les racines du facial, c’est-à-dire dans cette
lame grise si riche en cellules multipolaires, qui prolonge dans
le bulbe l’axe gris de la moelle. J’insiste sur ce mode d’origine,
qui a été jusqu’à présent celui de tous les nerfs moteurs. »
(Op. cut., p. 207.)
Ainsi, Vulpian est le premier qui ait suivi le facial dans la pro-
fondeur et, l’ayant conduit jusque sur les parties latérales du
plancher du quatrième ventricule, ait décrit le coude qu’il forme
à ce niveau (chez l’homme) pour se diriger vers la ligne médiane.
Ce résultat déjà três-net est encore plus remarquable quand on
songe aux procédés de recherches employés par Vulpian, qui
disséquait et poursuivait les racines nerveuses sur des cerveaux
macérés pendant huit à quinze jours dans de l'alcool. On com-
prend combien un pareil mode d’examen pouvait aisément met-
tre l’analomisie sur de fausses pistes, et le porter à confondre
avec des racines les fibres blanches immédiatement conliguës.
C’est sans doute ce qui est arrivé pour le nerf moteur oculaire
externe, dont Vulpian décrit l’origine dans les termes sui-
vants (2) :
(4) Anal. comp. du syst. nerv.,t. 11, 4857, p. 206.
(2) Essai sur l’origine de plusieurs paires de nerfs cräniens, p. 29.
= s'lsté ml bes… must ot
mi
éd mé s: sin.
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS.' 191
« Lorsqu'on a enlevé les membranes qui tapissent la fosse
sus-olivaire, il n’est point rare d’apercevoir un ou deux filets ori-
ginels de la sixième paire qui traversent superficiellement cette
fosse dans toute sa largeur, de façon qu’on peut les suivre sans
préparation depuis le collet de la pyramide jusqu’au niveau de
l’origine apparente du nerf facial ; là, ils disparaissent. Or, tous
les filets originels du nerf moteur oculaire externe suivent cette
direction, mais ils sont un peu plus profondément placés. Tous,
ils marchent au-dessous de la fosse sus-olivaire, depuis le collet
de la pyramide antérieure jusqu’au niveau du corps restiforme,
en dedans duquel ils changent de direction, etc., etc.; ils attei-
gnent, dit-il, la paroi du quatrième ventricule à un centimètre
environ du sillon médian. »
À l’époque où Vulpian publiait ses recherches sur l’origine «de
quelques nerfs crâniens, Stilling venait de faire paraître en Alle-
magne son magnifique in-folio sur la structure des centres ner-
veux (1). Cet auteur procédait à ces recherches en pratiquant des
coupés plus ou moins fines, lesquelles étaient fidèlement dessi-
nées. Ces magnifiques planches resteront à jamais célèbres :
toutes les parties que nous avons décrites à propos du facial y
sont parfaitement représentées. Mais combien l’interprélation de
ces planches est inférieure à leur exécution ! Il semble que Sul-
ling n’a pas voulu voir les connexions qu'aujourd'hui nous nous
chargerions de démontrer en n'ayant recours qu’à ses propres
figures. Il représente parfaitement l’amas gris que nous dési-
gnons comme noyau inférieur du facial ; mais, le voyant placé
(Sulling, op. cit., pl. Let pl. IT enr, el texte p. 163) tout con-
tre la racine ascendante ou bulbaire du trijumeau, il n'hésite
pas à en faire le noyau moteur de la cinquième paire. Il repré-
sente non moins exactement le Jasciculus teres, mais il en fait
une racine du trijumeau (radicem constantem postericrem
N. trigemini, texte p. 164). — Il confond l’olive supérieure
(op. cit., pl. IT en SS) avec le noyau facial inférieur (pour lui noyau
masticateur). — Il n’y a que le noyau commun au facial et au
(1) B. Stilling, Untersuchungen über den Bau des Gehirns. lena, 1846.
192 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
moteur oculaire externe qui soit exactement interprété par lui.
—SursaplancheIV, rien n’est plus évident que la continuité du fas-
ciculus teres avec le facial émergent (portion transversale) ; mais
Sülling n’y voit qu’une disposition bizarre dans laquelle sa racine
de la cinquième paire (radix constans trigemini) serait entourée
comme d’une fourche par les racines du facial, etc.
Schrœder van der Kolk a mieux vu que Stulling toutes les par-
ties qui lorment et les noyaux et les fibres radiculaires du
facial (4), mais il en a interprété les connexions d’une manière
malheureuse et souvent fort obscure.
Ce que nous appelons jasciculus teres, Schræder ne le consi-
dère pas, ainsi que Sülling, comme un faisceau radiculaire du
trijumeau, mais 1l en fait une racine de l’acoustique (une barbe
du calamus, p. 110, op. ctt.).
Le noyau commun du facial et du moteur oculaire externe,
SchrϾder en fait uniquement un unique noyau du facial (op. cit.,
p. 121). Quelle origine assigne-t-il alors au moteur oculaire
externe? Ici, Schrœder fait évidemment ce qu’on a appelé de
l'anatomie de commande, lorsque, pour satisfaire à certaines
idées physiologiques préconçues, il fait remonter les fibres radi-
culaires de ce nerf de chaque côté du raphé, jusqu'au noyau du
nerf moteur oculaire commun (op. cit., p. 121 et surtout p.123).
Enfin, Schrœder a bien vu l’olive supérieure : il l’a d’abord
découverte chez les ruminants (op. cit., p. 160), mais il confond
en une même masse celte formation olivaire à petites cellules et
la masse grise adjacente à grosses cellules multipolaires (noyau
inférieur du facial). De cet ensemble de substance grise, il a bien
vu parür des fibres se dirigeant en arrière vers le noyau du
facial, mais il ne voit dans ces fibres qu’une connexion entre le
facial et un appareil olivaire accessoire (op. cit., p.167). Il faut
se rappeler, en effet, que Schræder regardait les olives bulbaires
comme des appareils accessoires annexés aux nerfs hypoglosses,
et qu'il en faisait un centre coordinateur de l'expression par Ja
(1) G. Schræder van der Kolk. Baw und Functionen der Medulla spinalis and
oblongata, eic. (Aus dem holland. Ubertragen von T. Teile. — Braunschweig,
1859).
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 193
parole. « Or, dit-il (p. 167), si les olives supérieures sont si
développées chez les carnivores, c’est que chèz ces animaux les
passions, notamment la colère, sont exprimées surtout par le
mouvement des lèvres ». |
John Dean (1) n’a décrit comme noyau du facial que le noyau
qui lui est commun avec le moteur oculaire externe ; il donne à
ce noyau, qui fait saillie sur le plancher du quatrième ventri-
cule, le nom de fasciculus teres, sans appliquer plus spéciale-
ment, comme nous le faisons aujourd’hui, cette dénomination
au cordon de fibres nerveuses qui côtoie le plancher du ven-
tricule, entre le noyau sus-indiqué et l'extrémité postérieure du
raphé. Il n’est pas fixé, du reste, sur la signification précise de
ce faisceau : « Lam inclined, dit-il, to consider these columns
as, at least, partial channels by means of witch the upper por-
tion of the facial roots are conveyed downwards, either to the
underlying nucleus, or to decussate below in the raphé. » (P.59.)
Mais ailleurs il dit : .« With the exception that they are inter-
minged with descending facial roots, these columns seem to be
simply bundles belonging to the general system of the longitu-
dinal postéro-latéral columns, from which they are separated
to some extend by the facial roots, etc. » (Op. cit., p. 48.) —-
Il réfute (p. 68) l'opinion de Schrœder van der Kolk relativement
aux connexions entre l’olive supérieure et le nerf facial, mais il
continue à confondre en une masse commune l'olive supérieure
et le véritable noyau inférieur du facial.
En somme, J. Dean ne s'explique pas nettement sur la nature
du faisceau que nous nommons /asciculus teres et sur la sub-
stance grise qui l'entoure. Dans le passage où il énonce le plus
clairement ses idées à ce sujet, 1l dit seulement : « The fasciculus
teres wich becomes the nucleus of the sixth and facial nerves,
ist first seen as a somewhat dark mass on the floor of the fourth
ventricle, in that part of the auditory nucleus wich represents
the upward extension of the hypoglossal. » (Op. cit., p. 45
et 46.)
(1) J. Dean, The gray substance of the medulla oblongata and trapezium.
(Smithsonian contribution to knowledge.) Washington, 1864.
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (1877). 13
194 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
Ces connexions, timidement indiquées par Dean, sont nette-
ment affirmées par Lockhart-Clarke (1), qui décrit la continuité
entre le facial et le fasciculus teres ; mais en cherchant où va se
terminer en bas ce fasciculus teres, il s'égare, c’est-à-dire qu'il
n’observe pas la brusque réflexion en avant et en dehors qu’é-
prouve, après un très-court trajet, ce faisceau nerveux, et qu’il
prétend le poursuivre relativement très-loin le long du plancher
du quatrième ventricule, jusque dans la partie supérieure du
noyau de l’hypoglosse : tantôt (op. ct., p. 279) il voit, dans les
petits amas de cellules petites et sphériques dont est parsemée
la colonne grise de l’hypoglosse, les noyaux d’origine de son
fasciculus teres, c’est-à-dire les noyaux inférieurs du facial ;
tantôt il insiste sur ce fait que le fasciculus teres se recourberait
en boucle, en ganse autour du noyau commun du facial et du
moteur oculaire externe (op. cit., p. 56 et 57). Enfin, sa descrip-
lion est quelquefois obscure, car 1l emploie le mot de fasciculus
teres lantôt pour désigner uniquement la-région du noyau du
moleur oculaire externe, tantôt pour désigner toutes les fibres
descendantes qu’il cherche à poursuivre jusque vers la colonne
grise de l’hypoglosse, tandis que parfois il donne à ces fibres le
nom de longitudinal column.
À l'époque où Lockhart-Clarke publia ces recherches, 1! en fut
donne eg France, dans les Archives générales de médecine (2),une
analyse très-complête dans laquelle on crüt devoir traduire l’ex-
pression de fasciculus teres par celle de faisceau grêle : or, cette
dernière dénomination est consacrée pour désigner une colonne
(s/ender column de Clarke) qui côtoie la colonne grise des nerfs
mixtes. Cetté double confusion était peu propre à jeter de la
clarté dans la description de Clarke. En ayant égard aux correc-
tions nécessilées par cette dénomination malheureuse, nous
reproduirons ici quelques passages de cette analyse française du
mémoire de Clarke : ils donneront une idée fort exacte de la
manière dont ont élé comprises chez nous les idées de l’anato-
misle anglais relativement aux origines du facial.
(1) Lockhart-Clarke, Researches on the intimale structure of the Brain. 2e séries
(Philosoph. transact., 1868.)
(2) Arch, gén. de méd., 1869, p. 97.
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 195
« Le noyau hypoglosse présente encore une relation d’un
grand intérêt. Lorsqu'on fait une coupe qui l’intéresse, on voit
que parmi les fibres qui en émanent quelques-unes se dirigent
en arrière jusqu'à un petit groupe de cellules et de fibres longi-
tudinales situées au voisinage du canal central. Ce petit groupe
forme la portion inférieure d’une colonne fibro-celluleuse qui
remonte, sous le nom de fasciculus tores (sc), jusqu’au niveau
du nerf facial. Ainsi, voilà une communication anatomique entre
les origines du facial et celles de l’hypoglosse. » (Arch. génér. de
méd., 1869, p. 103.)
» Ce faisceau (fasciculus teres) prend naissance à peu près à
Ja hauteur des noyaux spinal et hypoglosse. Il se rapproche en-
suite du canal central, suit le quatrième ventricule de chaque
côté du sillon médian et, dans ce trajet, longe le noyau du pneu-
mogastrique. Arrivé au niveau des noyaux auditifs, il se termine
dans le noyau interne. » (P. 104.)
» Ce faisceau (fasciculus teres), de même que le reste de la
surface du quatrième ventricule, est recouvert par un épithé-
lium cylindrique. Au-dessous de cette couche se trouve une lame
de substance grise, composée de fibres et de cellules reliées entre
elles et aussi avec les parties sous-jacentes. Or, cette lame
recouvre une expansion du faisceau grêle qui se renfle en un
volumineux noyau : c’est le noyau facial, dont la constitution
anatomique est très-analogue à celle des noyaux auditif interne
et hypoglosse, c’est-à-dire qu'il se rattache au type des cornes
antérieures. — Les fibres nerveuses qui émanent du noyau facial
peuvent toutes se partager en trois groupes : 1° les unes, curvi-
lignes et dirigées en dehors, vont former les racines du nerf
facial : ce sont les plus nombreuses ; 2° d’autres se dirigent en
avant et vont gagner le noyau moteur du trijumeau ; 3° quelques-
unes, émanées du bord interne du noyau, suivent le même sens
et s’accolent aux fibres du nerf abducteur de l'œil. »
«……. D’après Lockhart-Clarke, le nerf facial, immédiatement
au sortir de son noyau d’origine, éprouverait trois changements
de direction successifs. Il se dirige d’abord transversalement vers
le sillon médian pendant un très-petit parcours ; là, il s’infléchit
196 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
brusquement sur lui-même et prend une direction presque per-
pendiculaire à la précédente, de sorte qu’à ce niveau 1l forme
un faisceau longitudinal parallèle à la ligne médiane. Bientôt, il
se recourbe une seconde fois et redevient horizontal pour mar-
cher de dedans en dehors (vers son émergence). »
Deiters (1) est le premier auteur qui ait nettement déérit le
noyau inférieur du facial et précisé ses connexions avec la partie
longitudinale (/asciculus teres) du facial (Deiters, op. cit., p. 203,
205 et 229). Il a bien spécifié la double courbure que décrit le
facial pour aller depuis son point d’émergence jusqu'à son noyau
définitif; il donne à ce trajet courbe, en fer à cheval, le nom
de genou du facial (Knie). « Les fibres du facial, dit-il textuel-
lement (p. 281), ne s'arrêtent pas, comme on l’a dit jusqu'à
présent, uniquement dans le noyau commun au facial et au mo-
teur oculaire externe, mais elles forment au-dessous de ce noyau
même un tronc qui se recourbe complétement en genou à con-
vexilé postérieure. » Ailleurs, 1l décrit les connexions de ces
fibrs avec le vrai noyau inférieur du facial.
La description de ces connexions, faite, 1l est vrai, d’une ma-
nière un peu morcelée dans les notes laissées par Deiters et
publiées après sa mort, celte description nous amène bien plus
loin que tout ce qu’avaient indiqué Clarke et Dean. Deiters est
incontestablement le premier anatomiste qui ait bien saisi toutes
les origines du facial. Il nous semble donc que Külliker est sin-
guliérement injuste à son égard, ou qu’il a bien peu compris la
portée des descriptions de Deiters, lorsqu'il s'exprime en ces ter-
mes à ce sujet (2) : « Quant au facial, Deiters décrit comme une
nouveauté une réflexion en forme de genou que subit la racine
de ce nerf sur le plancher du quatrième ventricule ; mais cette
réflexion a déjà assez netlement été reconnue par Dean, qui a
montré aussi que la racine longitudinale du facial n’est autre
chose que la racine postérieure constante du trijumeau de
Sulling, et que Schræder a considéré cette racine comme faisant
partie de lauditif, »
(1) Otto Deiters, Untersuchungen uber Gehirn und Ruckenmark, herausgegeben
v. M. Schulize. Braunschweig, 1865.
(2) A. Külliker, Éléments d’histologie humaine. Trad. franç. Paris, 1869, p. 383.
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 197
Depuis Deiters, tous les anatomistes allemands qui se sont
occupés de recherches microscopiques sur le système nerveux
ont reproduit la description du genou du facial et de ses deux
noyaux, en précisant les divers détails que présentent ces dispo-
sitions complexes des fibres radiculaires du facial. Telle est la
description de Meynert et de Huguenin; nous n’insisterons pas
sur l'étude des indications données par ces deux auteurs dont les
ouvrages sont aujourd’hui dans toutes les mains.
Luys, dans son bel atlas (/Zconographie photographique des
centres nerveux, Paris, 1873) désigne bien le noyau du moteur
oculaire externe (pl. LV, en 7); mais les origines du facial sont
vaguement indiquées, et ses fibres radiculaires inférieures con-
fondues avec les fibres émergentes (supérieures) (voy. sa pl. LVT,
en 7’). Nous sommes donc obligé, pour constater son opinion à ce
sujet, d’avoir recours à l'ouvrage publié par lui bien antérieure-
ment. Dans la partie anatomique de son traité paru en 1865, il est
également difficile de bien comprendre ce qu’il a décrit comme
noyau du facial: « Les noyaux d'implantation des fibres du nerf
facial, dit-11 (1), se présentent sous l’aspect de deux petits amas de
substance grise, situés de chaque côté du raphé médian, parais-
sant continuer la ligne d'implantation centrale des hypoglosses. »
Or, si l’on examine la figure à laquelle renvoie l’auteur (2), on
se trouve en présence d’une coupe du bulbe au niveau de la partie
la plus large des olives bulbaires: le noyau figuré de chaque
côlé de la partie postérieure du raphé ne peut être autre chose
que la partie supérieure de la colonne grise des hypoglosses ;
quant aux fibres figurées comme fibres radiculaires du facial,
comprises dans le plan de la coupe, depuis le susdit noyau jus-
qu'à leur émergence entre la saillie de l’olive et celle du corps
restiforme, et désignées, dans le texte explicatif, sous le titre
de « Fibres des nerfs faciaux dans leur continuité, depuis leur
point d’immergence dans la fossette sous-olivaire jusqu’à leur
point d'implantation dans les amas de substance grise qui leur
(1) J. Luys, Recherches sur le système nerveux cérébro-spinal. Paris, 1865.
(Vol. de texte, p. 88.)
(2) J, Luys, op. cit. Atlas, pl. VIIL, fig. 4, et texte explicatif, p. 18.
198 MATHIAS DUVAL. — RECTERCHES
appartiennent », quant à ces fibres, elles ne peuvent représenter
que la de des fibres radiculaires les plus supérieures des
nerfs glosso-pharyngiens.
Dans une de ses figures (1), Luys représente, il est vrai, le
noyau inférieur du facial et l’olive supérieure : mais ces deux
parties sont confondues en une même masse et désignées par lui
comme « des noyaux de substance gélatineuse propres au triju-
meau ).
Le même auteur, dans cette même figure, a très-nettement
représenté la coupe des deux fasciculus teres, de chaque côté
de l'extrémité postérieure du raphé (2); mais il est peu fixé
sur la nature de ce faisceau : 1l le désigne, d’une part, dans
l'explication des planches, comme la section transversale des
fibres verticales ascendantes sous-jacentes à la substance gélati-
neuse de l’acoustique, et, d'autre part, dans le cours de sa des-
cription des noyaux du moteur oculaire externe, dont il indique
du reste fort nettement la disposition en dehors et en avant de
ce que nous appelons fasciculus teres, il considère ce fasciculus,
comme formé par les fibres efférentes du moteur oculaire ex-
terne, fibres qui « se relèvent brusquement pour passer au
raphé » (3).
EXELICATION DES PLANCHES X #7 XI.
PLANCHE X. :
FiG. À. Coupe faite au niveau de la partie supérieure du fasciculus teres.
R. Raphé.
P, P. Les cordons pyramidaux.
VI. Fibres du moteur oculaire externe.
1. Fasciculus teres.
2. Noyau commun au moteur oculaire externe et au facial.
3, 3. Parties supérieures du noyau propre du facial,
h. Fibres réunissant les groupes de ce noyau et allant à la partie
transverse (7) des fibres émergentes du facial.
(1) J. Luys, Rec. sur le syst. nerv. céréb.-spin. Atlas, 1% VIII, fig. 3 en 10 et 10”.
(2) J. Luys, op. cit., pl. VIII, fig. 3, en 9.
(3) 3. Luys, op. cit., 1865, p. 88.
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 199
OS. Olive supérieure.
VIT. Le facial, près de son émergence, plongeant sous les fibres
transversales inférieures de la protubérance.
V,. Racine bulbaire du trijumeau.
5. Substance gélatineuse placée en dedans de cette racine.
CR. Coupe du corps restiforme.
Fi. 2. Coupe faite un peu plus bas que la précédente, au niveau du
bord inférieur de la protubérance.
Les chiffres et lettres comme dans la figure précédente.
PLANCHE XI.
Fic. 3. Coupe au niveau du sillon qui sépare le bulbe de la protubé-
rance (gross. 4/1).
Lettres comme dans la figure précédente,
VIII. Nerf acoustique.
8. Sa racine interne.
__ 8". Sa racine externe.
Fic. 4. Coupe de la partie toute supérieure du bulbe, au niveau de
l'extrémité supérieure de l’olive bulbaire (gross. 5/1).
OI. Extrémité supérieure de l’olive bulbaire.
c, €, ©. Substance grise du cervelet.
Fire. 5. Figure demi-schématique montrant le trajet du facial avec ses
cinq inflexions : ce trajet est marqué VII, 7, 1', 4, 3, de l'émergence
vers le noyau propre (3).
4. Saillie correspondant au fasciculus teres.
P. Cordons pyramidaux.
V. Racine bulbaire du trijumeau. .
VIII. Nerf acoustique avec ses racines interne et externe (8).
H. Colonne correspondant au noyau de l’hypoglosse.
M. Colonne correspondant au noyau des nerfs mixtes.
A. Colonne correspondant au noyau de l’acoustique.
PR. Pyramide postérieure,
c. Coupe du corps rectiforme.
a. Coupe du pédoncule cérébelleux moyen.
b. Coupe du pédoncule cérébelleux supérieur.
6. Cellules du noyau inférieur du facial (gross. 280).
Fi. 7. Cellules du noyau moteur oculaire externe (gross. 280).
Fi. 8. Cellules de l’olive supérieure de l’homme (gross. 280).
Fr.
ANALYSES ET EXTRAITS
DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS
Persistance du canal de Müller chez l’homme adulte. — Per-
sistentie der Müllersche gangen bij een volwassen man, par
J. A. BooGaarD. (Verslagen en mededeelingen der kon. Aka-
demie van Wetensch.— A fdeel.natuur Kunde,?° reeks.9°decl.)
L'auteur de cette note publie, à la date de février 1875, l’observa-
tion suivante, avec une figure des parties anatomiques décrites :
Chez un homme de 66 ans, mort à l’hôpital académique de Leyde, à
la suite d’une maladie de Bright, on a trouvé, lors de l’autopsie, outre
les lésions en rapport avec la maladie, les anomalies suivantes, certai-
nement congénitales :
Les reins sont de grosseur inégale; le droit a 10,5 cent. de long, 6 de
large et À d'épaisseur; le gauche mesure 9 cent. de long, 6 de large
et 3,5 d'épaisseur. Les uretères sont en même temps très-différents de
diamètre. Le droit mesure, vers le milieu de son parcours, 1 cent. de
circonférence ; le gauche, 2 à 2,5 ; à gauche également le bassinet et les
calices sont plus développés qu’à l’état normal. En dedans des uretè-
res existe de chaque côté un canal qui dépasse en volume l’uretère près
duquel il est placé. Ces canaux semblent, à première vue, se rendre du
rein à la vessie. Le canal de droite a environ la grosseur du doigt
(3,5 cent. de circonférence); celui de gauche a au moins le double
(7 à 8 cent.) ; de ce côté également le canal est plus contourné.
Un examen quelque peu attentif démontre immédiatement que ces
canaux, tant en ce qui concerne leur origine qu’en ce qui concerne leur
point d’aboutissement, sont tout à fait distincts des uretères. En effet, à
leur extrémité supérieure ils ne se trouvent en rapport ni avec le bassinet
ni avec les calices ; ils contournent le rein de sa région interne à son
extrémité supérieure où ils se terminent, le droit en pointe, le gauche
en formant au-dessus de l’extrémité supérieure du rein une sorte de
cavité ou de vessie arrondie mesurant 7,5 à 8,5 centimètres de dia-
mètre.
Dans toute l'étendue de leur parcours, les conduits en question restent …
situés en dedans des uretères, dont ils sont distincts. A quelques centi-
mètres de leur extrémité inférieure, ils se placent derrière eux et
s'unissent à eux, mais sans toutefois que les cavités des deux ordres de
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 201
conduits se confondent. En effet ils débouchent non comme les uretères
dans la vessie, mais plus bas dans la région prostatique du canal de l’urè-
thre sur sa paroi postérieure, près de la ligne médiane, au-dessus du col
séminal. L’orifice des conduits, aussi bien à gauche qu'à droite, ne
laisse passer qu'une sonde étroite et ressemble, par ses dimensions, à
l'ouverture par laquelle les conduits éjaculateurs communiquent avec
l'urèthre; ils ne présentent, non plus que les vésicules séminales,
aucune anomalie. Ils débouchent à la façon ordinaire des deux côtés
de la crête uréthrale. Sur l’éminence elle-même on ne trouve aucun
orifice conduisant à une utricule prostatique, mais une petite ouver-
ture, située à 4 ou 5 millim. au-dessous des conduits éjaculateurs, sert
de terminaison à un conduit remontant sur la ligne médiane jusqu'au
canal gauche qui se trouve être ainsi en communication avec l’urèthre
par deux orifices différents, tous les deux très-petits. — Dans les deux
canaux se trouvait une matière liquide qui malheureusement a été
perdue par la négligence de ceux qui ont fait l'autopsie.
Cette observation offre, comme il est facile de le voir, un intérêt con-
sidérable. Chez l’homme on sait que les conduits de Müller forment, par
leur extrémité inférieure, l’utricule prostatique (utérus mâle), et on
indique généralement comme trace de la persistance de leur extrémité
supérieure une petite vessie pédiculée qu’on trouve entre le testicule et
l’épididyme.
En étudiant l'observation publiée par M. J.-A. Boogaard, il est difficile
de donner à ces deux conduits, placés de chaque côté de la colonne ver-
tébrale et allant de l'extrémité supérieure des reins à la région prosta-
tique de l’urèthre, une autre signification que celle de conduits de Mül-
ler ayant persisté chez l'adulte. En faveur de cette hypothèse on peut
invoquer non-seulement leur situation et leur complète indépendance,
à la fois du rein et du testicule, mais surtout leur abouchement dans la
partie prostatique de l’urèthre. Ces deux faits, le dernier surtout, pa-
raissent devoir éloigner l’idée que ces conduits soient des uretères sur-
numéraires.
M. Boogaard signale lui-même, comme une objection que l’on pour-
rait faire, la particularité que ces canaux sont restés en rapport avec le
rein et n'ont pas suivi les testicules dans leur migration. Mais ce fait
nous paraît surtout propre à attirer l'attention sur la destinée de la région
supérieure des conduits de Müller chez l'homme ; il n’est pas impossible
qu'on ait cru à tort retrouver les restes de cette extrémité entre le testi-
cule et l’épididyme.
Aucune objection ne saurait être tirée de la non-fusion des deux con-
duits à leur partie inférieure. Cette indépendance peut fort bien avoir
été un phénomène directement corrélatif de la persistance anormale
des deux conduits.
Un fait curieux également, sur lequel l’auteur de l'observation n’in-
siste pas, est la différence de diamètre entre ces deux conduits de
9202 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
Müller du côté droit et gauche, qui rappelle l’atrophie unilatérale de
ces organes chez la femelle des oiseaux.
G. P.
Lecons de pathologie générale; les grands processus morbides,
par M. J. Picor, professeur suppléant à l’École de médecine
de Tours, avec une introduction de M. le professeur Rosin.
(G. Masson, 1876.)
ANALYSE PAR M. V. FELTZ,
Il est difficile de faire un compte rendu méthodique du livre de
M. Picot, parce qu'il est rempli de faits qui s’enchainent si bien dans
toute démonstration que l’on ne pourrait en avoir une notion précise
par quelques extraits ou des analyses plus ou moins écourtées.
Pour donner une idée exacte de l’ouvrage, il vaut mieux indiquer les
principes qui ont guidé l’auteur dans ses énormes recherches biblio-
graphiques et dans la saine application des connaissances théoriques et
expérimentales actuellement acquises à l’étude de son sujet.
Ce qui indique d'emblée le mérite de son travail, c'est la remarquable
préface de M. Robin dans laquelle l’éminent professeur de Paris montre
le trait d'union anatomique et physiologique qui relie l’état sain à l’état
dit de maladie.
M. Picot en écrivant son livre s’est placé sur le terrain des faits de
biologie absolument admis ou expérimentalement démontrés. Il fait
rentrer la pathologie dans le cadre dessciences physiologiques desquelles
relèvent tout aussi bien les lois qui régissent la naissance, la vie ou
la mort de chaque élément anatomique, la formation, la composition de
chaque humeur, que celles qui ordonnent les modifications organiques
ou fonctionnelles de ces mêmes unités solides ou liquides desquelles
dépendent les états particuliers de l’organisme que l’on appelle les
maladies.
En analysant chaque processus morbide, M. Picot montre comment il
entend appliquer aux études de pathologie les connaissances physiques,
chimiques et expérimentales que nous avons aujourd’hui à notre dis-
position.
Les chapitres sur l’anémie, la congestion, l’embolie, l’inflammation et
la fièvre peuvent servir de modèles d'étude de physiologie analytique et
synthétique du sang.
Dans les leçons si intéressantes que nous venons de citer, l’auteur
procède du simple au composé. Après avoir mis le lecteur au courant
des faits saillants concernant la composition, la circulation du sang et
des sucs nutritifs, il développe ses idées sur ce que j'appellerais volon-
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 203
tiers les maladies physiques, chimiques et organiques du liquide nour-
ricier ; il y rattache immédiatement l’étude des hypertrophies, des hyper-
plasies et des dégénérescences, et envisage ces processus comme plus ou
moins liés à la quantité et à la qualité des sucs nutritifs.
Après avoir éudié l’anémie dans toutes ses formes, l'hyperhémie dans
toutes ses modalités, l’auteur nous place dans l’article inflammation en
présence des déductions anatomiques et physiologiques que l'examen
approfondi des lésions du sang impriment à l’évolution organique qui
fait la base du processus inflammatoire. M. Picot nous conduit ainsi à
admettre avec lui une inflammation destructive et une inflammation
_formative, à saisir les nuances qui séparent du processus inflammatoire
proprement dit, tout travail hypertrophique ou de dégénérescence.
Disons ici que, pour bien comprendre M. Picot, il faut se rappeler que
pour lui les mots d’hyperhémie et d’anémie comportent dans les tissus
non vasculaires l'excès ou le manque relatif des sucs nutritifs ultimes,
et que dans les tissus vasculaires il y a entre ces sucs et le sang une
espèce de parallélisme constant quant à la composition fondamentale.
Après avoir discuté les différentes théories émises sur la fièvre que
M. Picot considère à bon droit comme un processus morbide très-impor-
tant, nous le voyons dans sa définition s’arrêter d’une part à considérer
la persistance de la chaleur anormale comme la fièvre elle-même, et à
assurer d'autre part que l'augmentation de température tient à des phé-
nomènes de combustion intra-organique exagérés et à une certaine ré-
tention de calorique dépendant d’une influence du grand sympathique.
Sur tous ces points je me permets d’opposer quelque résistance que tout
letalent de M. Picot n’a pu vaincre, car de nombreuses expériences surla
digitale, les bains froids et autres médications grâce auxquelles on peut
maintenir un animal normal ou fiévreux pendant très-longtemps à deux,
trois et quatre degrés au-dessous de la température régulière, me font
supposer que l’élément chaleur n’est, somme toute, qu’un facteur de la
fièvre, tout comme l'excitation du pouls, la précipitation des mouve-
ments respiratoires, l’anorexie, la soif ou tout autre manifestation du
cortége fébrile.
Quant à l’idée théorique de Dumas et de Liebig que l’urée serait un
produit d’oxydation des matières albuminoïdes et que toute élimination
d'urée dépassant la normale indiquerait une combustion exagérée et
partant déterminerait une surélévation de la température, je ne puis la
partager d’une manière absolue. Cette théorie vraie, peut-être dans une
certaine limite, est loin d’être vérifiée par tous les faits, Il y a bien des
fièvres dans lesquelles l'augmentation de température coïncide avec
une diminution d’urée, et pour une même fièvre, il y a souvent des
variations d’urée qui ne sont nullement en rapport avec celles de la
chaleur. Ces faits s’expliquent, jusqu’à un certain point, en tenant
compte des travaux intéressants de M. Schutzenberger qui nous font
prévoir que l’urée formée dans l’économie n’est pas exclusivement un
204 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
produit d’oxydation, mais peut être envisagée comme formée à la suite de
dédoublements dans lesquels l'oxydation ne joue pas de rôle. Quoi qu'il
en soit de la théorie, des expériences nombreuses commencées à Stras-
bourg et continuées à Nancy établissent le fait clinique jusqu’à l’évi-
dence, et rendent compte des erreurs qui ont été commises par beaucoup
d'analystes.
Les quelques critiques que je me suis permises n’enlèvent rien au
mérite réel du livre de M. Picot qui, j'en suis sûr, établira d’une ma-
nière solide la notoriété scientifique d’un ami, que des circonstances
fortuites seules, ont empêché de devenir mon collègue à Strasbourg.
Recherches sur les propriétés physiologiques et le mode d'élimi-
nation de l’éther bromhydrique, par M. RaBurTEau. (Comptes
rendus de l’Académie des sciences, 1876, t. LXXXIIE, p.1294.)
L’éther bromhydrique ou bromure d’éthyle, CHÿBr, est un liquide
incolore, d’une odeur agréable, bouillant vers 40 degrés, ayant une den-
sité de 1,43 et brülant difficilement.
J'ai fait sur cet éther, dont le point d’ébullition et la densité sont in-
termédiaires à celles du chloroforme et de l’éther sulfurique, diverses
recherches dont je citerai les conclusions.
1° Le bromure d’éthyle, absorbé par les voies respiratoires, produit
l'anesthésie absolue aussi rapidement et même plus rapidement que le
chloroforme, Ces résultats ont été constatés sur les grenouilles, les co-
bayes, les lapins et les chiens. Au bout de cinq minutes, et même parfois
de deux minutes d’inhalation pratiquée à l’aide d’une éponge imbibée
de bromure d’éthyle, les chiens sont comiplétement anesthésiés.
2° Les animaux reviennent à eux-mêmes plus rapidement que lors-
que l’anesthésie a été produite par le chloroforme.
3° Ayant injecté sous la peau, chez les chiens, avant de les anesthé-
sier, des solutions de chlorhydrate de narcéine ou de chlorhydrate de
morphine, j'ai observé une action analogue, mais peut-être inférieure,
à l’action simultanée de la narcéine, ou de la morphine et du chloro-
forme.
L° L'éther bromhydrique n’est pas caustique, ni même irritant, com-
parativement au chloroforme, On peut l’ingérer sans difficulté, l’appli-
quer sans danger, non-seulement sur la peau, mais dans le conduit au-
ditif externe et sur les muqueuses. Il est préférable, sous ce rapport, au
chloroforme, qui est très-caustique, et à l’éther sulfurique dont l’inges-
tion en nature est presque impossible.
5° Le bromure d’éthyle, ingéré dans l'estomac aux doses de 1à92
grammes, ne produit pas l’anesthésie comme lorsqu'il est absorbé en
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 205
quantité suffisante par les voies respiratoires. I1 calme la douleur s’il en
existe, Il ne trouble en aucune façon l'appétit.
6° Cet anesthésique est presque insoluble dans l’eau. Néanmoins,
l’eau qu’on a agitée avec ce liquide possède une odeur et une saveur
agréables. Les grenouilles introduites dans l’eau saiurée de bromure d’é-
thyle sont anesthésiées au bout de dix à quinze minutes.
7° Le bromure d’éthyle s’élimine presque en totalité, sinon compléte-
ment, par les voies respiratoires, quel qu’en ait été le mode d'absorption.
On n’en retrouve pas, ou bien on n’en retrouve que des traces dans l’u-
rine, lorsqu'il a été ingéré dans l’estomac ; on peut déceler la présence
_de minimes quantités dans ce liquide, lorsqu'il a été absorbé par inhala-
tion. Le bromure d’éthyle ne se décompose pas dans l’organisme en
donnant naissance à un bromure alcalin, tel que le bromure de sodium,
sel facilement éliminable par les voies rénales.
J'effectue les recherches du bromure d’éthyle dans les urines à l’aide
d’un appareil qui se compose : 1° d’une fiole contenant les urines,
chauffée au bain-marie, et dont le bouchon est traversé par deux tubes
de verre, dont l’un communique avec l’air extérieur, l’autre avec une
éprouvette verticale remplie de chlorure de calcium desséché; 2° d’un
tube de porcelaine contenant de la chaux pure et chauffée au rouge ;
3° d’une trompe à eau communiquant avec celui-ci. En faisant fonction-
ner la trompe, il s’établit dans l’appareil un courant d’air qui entraine
le bromure d’éthyle qui pourrait se trouver dans les urines, et qui serait
ensuite décomposé par la chaux, en donnant du bromure de calcium.
D'autre part, en chauffant 50 à 100 grammes des mêmes urines dans
une capsule de porcelaine, achevant l’évaporation avec un peu de po-
tasse pure, calcinant le résidu au rouge et traitant ce résidu par l’eau
distillée, il est impossible de déceler dans la liqueur claire ainsi obtenue,
des traces de brome, en l’agitant dans un tube de verre avec du sulfure
de carbone et de l'acide nitrique chargé de vapeurs nitreuses. Le bro-
mure d’éthyle ne donne point, par conséquent, naissance à un bromure
alcalin dans l'organisme. |
En somme, cet agent anesthésique possède des propriétés intermé-
diaires à celles du chloroforme, du bromoforme et de l’éther. Il ne reste
plus guère qu’à répéter, avec ce même agent, les expériences faites par
M. CI. Bernard, avec d’autres anesthésiques sur la végétation, et à l’em-
ployer pour obtenir l’anesthésie chirurgicale.
Des changements des procès ciliaires pendant l'accommodation.
Cas d’iridérémie traumatique totale, par M. J. Hyorr.
Le sujet, qui a fourni à l’auteur l’occasion d'étudier les rapports des
procès ciliaires pendant l’acte de l’accommodation, était un ouvrier qui,
206 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
par une explosion de dynamite, avait reçu des fractures multiples et
graves des os de la face, et présentait en outre une absence complète de
l'iris de l’œil droit, Il n’y avait d’autre blessure extérieure du bulbe
qu’une plaie verticale de la cornée, de l’étendue de 3 millimètres. Il est
certain que l’iridérémie n’était pas congénitale ; d’un autre côté on ne
trouvait nulle part, dans l’intérieur de l’œil, de traces de l'iris, de sorte
qu'il faut admettre que celui-ci avait été chassé de l’œil à travers la
fente étroite dans la cornée. Le cristallin restait à sa place entièrement
normal, la zonule de Zinn était également intacte, le corps vitré trans-
parent ; l’acuité de la vision ne laissait, après quelque temps, rien à dé-
sirer. On voyait les procès ciliaires très-distinctement, soit à l'éclairage
oblique, soit avec l’ophthalmoscope, mais encore mieux avec l'éclairage
oblique et la loupe de Brücke à la fois, et on pouvait à son aise étudier
les rapports des procès ciliaires pendant laccommodation, et mieux en-
core leurs changements après l’instillation de l'extrait de calabar. Les
résultats de ces observations sont que, par le fait de l’accommodation ou
de la contraction provoquée par le calabar :
4° Le bord obscur du cristallin devient plus large ; 2° les procès ciliaires
s’approchent de l’axe de l’œil et se gonflent ; 3° la distance entre le bord
du cristallin et les bouts des procès ciliaires (l’espace zonulaire selon
l'auteur) ne parait subir aucun changement ; 4° les changements ob-
servés ne s’opèrent pas d'une manière instantanée, mais demandent un
temps très-appréciable, quoique pas trop long. Le relâchement de l'ac-
commodation se fait aussi d’une manière graduelle.
La distance entre le bord du eristallin et la sclérotique se trouve
agrandie pendant l’accommodation, et juste assez pour correspondre à
l'avancement des procès ciliaires.
Par l’action de l'atropine, les procès ciliaires reculaient peut-être un
peu, mais on ne pouvait constater aucun changement de l'espace zonu-
laire.
L'auteur a aussi pu examiner quelques albinos, et il a trouvé que
chez eux les choses se passent exactement de la même manière, seule-
ment l'observation est ici un peu plus difficile à faire.
Par ces recherches de l’auteur, la théorie de l’accommodation, telle
qu'elle a été formulée par Helmholtz, de Graefe et la plupart des phy-
siologistes modernes, se trouve pleinement confirmée. Becker, qui a
examiné les yeux de plusieurs albinos, diffère en ce qu'il a trouvé que
les procès ciliaires sont tirés en arrière pendant l’accommodation, opi-
nion qui à beaucoup préoceupé M. Hjort, « d'autant plus qu'il lui est
arrivé de voir le même phénomène, » mais il en a trouvé l’explication,
d'abord en ce que le calabar employé n’était pas assez puissant pour
produire un effet suffisant, ensuite et principalement en ce que le mou-
vement rétrograde des procès ciliaires n’est qu'illusoire, causé par ce
fait que les procès ciliaires se cachent plus derrière le bord. scléral,
quand l'œil fait un petit mouvement en dehors, pendant l'examen, —
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 207
ce qui probablement est arrivé à Becker, comme une fois à l’auteur.
Cette explication est du reste confirmée par l'observation que la distance
entre le bord du cristallin et celui de la sclérotique se trouvait en même
temps diminuée.
IL a aussi essayé la muscarine. L'effet en est le même que celui du
calabar, mais beaucoup plus faible.
Beobachtungen über de Beschaffenheit des Zellkerns, von
prof. Walther FLemminc, in Kiel. (Arch. f. mikr. Anat.,
Bd XIE, 3 Heft.)
Dans ce travail, qui n’est que la suite d'observations antérieures, l’au-
teur s’est surtout proposé de déterminer si les réticulums décrits dansles
noyaux de différentes cellules existent pendant la vie, ou s'ils ne sont pas
dus à l’action des réactifs, ou bien encore à une altération cadavérique.
Il a étudié pour cela la paroi transparente de la vessie urinaire chez
la salamandre, dont les éléments volumineux sont très-favorables pour
l'examen. Les résultats ont été identiques en opérant sur des animaux
intacts ou curarisés portés vivants sur la platine du microscope, la vessie
étant placée entre une lame et une lamelle sans ajouter aucun liquide.
Il à vu ainsi (syst. Hartnack VIIL, et IX à immersion), de la manière
la plus nette, une charpente de fibrilles déliées dans tous les noyaux
des différents éléments qui forment la paroi vésicale : cellules épithé-
liales du péritoine, fibres musculaires lisses, cellules du tissu conjonc-
tif, etc., de même que dans les noyaux des vaisseaux, des globules san-
guins et des corpuscules migrateurs. Quant aux noyaux des cellules
épithéliales de la vessie, le réticulum ne s’y montre pas d’une façon
bien distincte. Il n’est apparent que dans un petit nombre d’entre eux,
et ce n’est qu'exceptionnellement que l’on peut constater sa continuité
avec la paroi nucléaire (Kernwand). Ce réticulum est semblable à ceux
qu’on a décrits dans les ovules : au premier abord on ne voit qu'une
image confuse, et l’on appliquerait volontiers aux noyaux l’épithète
usuelle de granuleux. Mais un examen plus approfondi montre que ces
granulations ne sont que la coupe optique de filaments très-grèles anas-
tomosés ; c'est dans Les noyaux musculaires qu’on les voit le plus nette-
ment. Les bords des trabécules n’apparaissent jamais d’une façon bien
tranchée ; dans les mailles du réseau se trouvent des granulations libres,
à coloration foncée et à contour très-net; les nucléoles sont enclavés
dans les fibrilles. |
| Bien qu’on ne puisse mettre ainsi en évidence la structure fibrillaire
| des noyaux que sur un petit nombre d'éléments, l’action des réactifs
| doit nous faire admettre leur existence comme un fait général qui se
| retrouve partout, sans exception, du moins sur toutes les pièces sou:
| mises à l'examen dans ce but.
208 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
Si l’on vient, en effet, à traiter la membrane par l’acide acétique
(1 0/0), où voit apparaître instantanément dans tous les noyaux un
réticulum très-net, continu avec la paroi nucléaire. Les nucléoles sont
moins distincts, mais il suffit d’amoindrir la réfringence des fibrilles en
faisant arriver un peu de glycérine pour les rendre très-apparents. ‘
Le meilleur procédé consiste à colorer par l’hématoxyline des prépa-
rations fixées par le bichromate de potasse (1/4 0/0). On obtient ainsi
une coloration bleu foncé du réseau et de la paroi nucléaire et l’on peut
en saisir les moindres détails. La substance interfibrillaire offre une
teinte plus claire, mais toujours beaucoup plus intense que celle du pro-
toplasma de la cellule. Le réticulum n’est pas également serré dans ses
différentes parties, et souvent on y remarque de petites lacunes tout à
fait incolores. Les nucléoles principaux et accessoires (Kernkôrper und
Nebenkernkôürper) sont moins nets que lorsqu'on a traité la préparation
par l’acide chromique, qui agit à peu près également sur les travées et.
les nucléoles, tandis que le bichromate communique au réseau une
réfringence plus considérable, qui fait disparaître les nucléoles. Le car-
min et l’alcool donnent des résultats analogues, mais le réticulum est
un peu effacé, et les nucléoles plus visibles, Pour ces derniers, l’acide
chromique est le réactif le plus favorable. L’acide osmique (1/2 0/0) est
inférieur à toutes les substances précitées pour le sujet qui nous occupe.
Quel que soit le mode de préparation employé, il y a des différences
considérables d’un noyau à l’autre, mais, à ce point de vue, on n’observe
aucun caractère constant que l’on puisse attribuer à telle ou telle caté-
gorie de cellules ou à une action inégale des réactifs. Ces différences
répondent plutôt à des variations physiologiques. Le rouge d’aniline agit
d'une façon toute spéciale sur les noyaux. I} colore les nucléoles et dé-
termine en outre la production d’un certain nombre de taches rouges,
qui ne sont autre chose que des portions du réticulum plus fortement
teintées : cela prouve que l’aniline différencie plus qu'aucun autre réactif
le contenu des noyaux. Un autre fait qui tend à lui attribuer cette pro-
priété, c’est la striation qu’elle fait apparaître sur les noyaux rétiniens
de la couçhe externe.
Les observations faites sur le cartilage, les épithéliums buccal et olfac-
tif, etc., chez la salamandre, la grenouille et les mammifères, config
ment en tous points les données précédentes,
Pour terminer, l’auteur s’attache à réfuter les opinions de divers obser-
vateurs, qui ne sont pas en accord avec les résultats de ses recherches,
et conclut en disant que les réticulums nucléaires sont des formations
anatomiques normales et se retrouvant dans la très-grande majorité des
éléments anatomiques, au moins à un certain stade de leur évolution.
ER: 1
Le propriétaire-gérant,
GERMER BAILLIÈRE,
PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2,
MÉMOIRE
LES SARCOPTIDES PLUMICOLES
Par MM. Ch, ROBIN et MÉGNIN
PLANCHES XII ET XIII.
Ce mémoire se composede deux parties. Dans la première nous
examinons les caractères généraux des Sarcoptidés. Nous y étu-
dions aussi les caractères anatomiques qui servent le plus à la
classification des genres et des espèces ; c’est assez dire que cette
partie traite surtout des pièces squelettiques et des téguments
ainsi que de leurs dépendances piliformes et autres.
Plus tard probablement nous étudierous les organes muscu-
laires et viscéraux de ces animaux, dans un travail spécial, com-
paralivement à ce que l’on sait déjà sur ce sujet.
La deuxième partiede ce mémoire contient la description par-
üculière des genres et des espèces que nous avons pu trouver
sur les plumes des divers oiseaux soumis à nos observations.
Il'est des acariens qui vivent dans les sacs aériens et qui péné-
trent même dans le Lissu cellulaire des oiseaux. Ils appartiennent
à des genres autres que ceux que forment les espèces plumi-
coles, aussi seront-ils décrits par l’un de nous dans un autre
travail.
PREMIÈRE PARTIE
SUR LA CONSTITUTION ANATOMIQUE EXTÉRIEURE DES SARCOPTIDÉS
EN GÉNÉRAL, DES SARCOPTIDES PLUMICOLES EN PARTICULIER.
L'expérience en anatomie et en zoologie a montré depuis
longtemps qu’il élait nécessaire de se soumeltre à certaines
règles lorsqu'il s’agit de décrire les organes ou les animaux eux-
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (1877). 42:
210 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
mêmes. L’oubli de ces règles conduit soit à des omissions, sait à
donner beaucoup plus d'importance qu'il ne faut à certains
caractères ou vice versa, importance que la comparaison des
animaux les uns aux autres fait seule reconnaître. Du reste on ne
trouve aucune supériorité, au point de vue de l’exactitude, dans
les descriptions qu'ont données les auteurs qui se sont affranchis
de ces règles, sur celles qui sont dues aux observateurs qui ont
jugé nécessaire de s’y soumettre ; il en est de même pour la
valeur des résultats auxquels ils sont arrivés. Il est vrai que le
travail de l’auteur qui les prend en considération est d’abord
plus difficile et que l'esprit du lecteur qui n’est pas habitué à
leur emploi méthodique en est fatigué dans le principe: mais
on reconnaît bientôt que les suivre simplifie les descriptions et
fait éviter de donner des noms nouveaux ou arbitraires à des
organes dont les analogues ont déjà été nommés; on reconnaît
surtout que leur usage conduit à rechercher des organes qui
quelquefois ne sont que rudimentaires sur les êtres qu'on étudie
et qui seraient négligés, sans les investigations que suscite toute
méthode vraiment scientifique. | A2
© $ 1. — Caractères taxinomiques de l’ordre des Acariens Dugès (4).
Corps plus ou moins aplati en dessou:, convexe en dessus; ap-
pareil. buccal ou rostre disposé en organes propres à diviser ou
à sucer, enveloppés ou supportés par une lèvre inférieure ou
sternale en cuiller, ou en étui ({hécastome Walckenaer), rap-
prochés en forme de têle saillante ou cachée sous l’épistome
(nuque, labre ou bandeau), insérés dans une dépression du cépha-
lothorax, le plus souvent non segmenté, largement uni à un
abdomen non annelé dont parfois rien ne le sépare ({horaco-
gastre, Dugès). Métamorphose normale, caractérisée par la
naissance à l’état de larve (ou demi-nymphe), portant six pattes
seulement et passant ensuite par l’état de nymphes octopodes
(1) Acaridies, Acaridiens, Acarides, Acarins, Acarés de. divers auteurs, consi-
dérés tantôt comme ordres, tantôt comme familles ; : sous-classe des Arachnides ho
logastres ou Acarulisles de Dugès. |
22 BR:
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 211
non sexuées ; et métamorphose hypopiale ou adventive chez quel:
ques espèces, caractérisée par la transformation des nymphes en
hypopes, ou nymphes exceptionnelles qui n’ont plus aucun des
caractères spécifiques, génériques ou même de famille de leurs
parents (1). L
Remarques. 1; étude des animaux de l’ordre des Acariens exige,
plus que celle d’aucun autre, une connaissance approfondie de
l’organisation des autres groupes de la classe des Arachnides,
_ Dans beaucoup de descriptions des Acariens, les organes buc-
caux sont étudiés sous le nom de tête. En effet, « on croit voir
chez quelques-uns une sorte de tête; mais ce n'est que le résultat
du rapprochement des palpes gonflées et des mandibules (2) »
Cette confusion entre les organes doit être évitée ef le nom
de rostre, employé par Dugès pour désigner l'ensemble des
parties de la bouche ainsirapprochées, doit être adopté ici comme
chez les hémiptères. La situation du ganglion nerveux céphalique
dans ce qu’on nomme le premier anneau du céphalothorax des
Arachnides, et la manière dont les organes buccaux s’attachent à
son orifice ou cavité antérieure appelé C'amérostome, sontautant
de preuves qui démontrent que cet anneau est bien la tête des
Arachnides, que par conséquent l'expression de céphalothorax
est exacte. La première paire de pattes qu’elle porte est, comme
on sait, très-probablement l’analogue du palpe labial des in-
sectes (3).
Malgré l'exemple donné par Dugès (1834), par Walckenaer (4),
(4) Voyez, Mémoire sur les hypopes in Journal de l'anatomie, 1874.
(2) Dujardin, Premier Mémoire sur les Acariens (Comptes rendus des séances dé
l’Académie des sciences. Paris, 4844. In-4°, t. XIX, p. 1118 et Ann. des sc, nat.
Paris, 1841. In-8°, t. LIT, p. 8).
(3) Dugès, Recl:erches sur l’ordre des Acariens (Ann. des sc. na, Paris, 1834,
t I, p. 7et 9).
Ce fait, qui n'était que très-probable pour Dujardin, est maintenant certain.
Voyez le mémoire de l’un de nous sur l'organisation des Gamasidés dans ce même
journal, n° de mai 1876.
(4) Walckenaer, Histoire naturelle des insectes aptères. Paris, 1837. In-8°, t. I,
p: 40. Hering a cependant appelé le rostre du nom de bouche, mais il donne le
nom de langue aux palpes, celui de valves à ces derniers et ce sont leurs poils
saillants chez les Sarcoptes et autres Acariens qu’il nomme palpes (Hering, Die Krülz-
212 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
par Dujardin (1844), beaucoup d'auteurs continuent à donner le
nom de tête à l’ensemble des organes buccaux que porte l’an-
neau céphalique,-erreur qu’il importe d'éviter.
Chez les Acarides qui ont un ganglion céphalique bien évident
(Trombidion, etc.), cet organe se trouve placé aussi dans la
partie dorsale antérieure ou céphalique du céphalothorax, au
niveau de l'intervalle qui sépare la première de la deuxième
paire de paltes. Cette partie dorsale, différemment nommée dans
les auteurs, est appelée la nuque (Dujardin) ou le vertez (Nicolet);
son bord antérieur qui porte deux poils dans beaucoup d’espèces
est nommé /abre ou bandeau [Walckenaer); il a aussi été appelé
capuchon (Dujardin) lorsque, comme chez quelques Argas, il
se prolonge au-dessus des organes buccaux, et les recouvre. Mais
en réalité cette partie dorsale antérieure du premier anneau ou
anneau céphalique du céphalothorax correspond à l’épistome des
insectes et le labre de ceux-ci manque aux Arachnides en général,
mais se retrouve chez certains Acariens, les Gamases. |
Ainsi les Acariens ont un céphalothorax comme les autres
Arachnides, celui-ci présente aussi en avant un épistome sous
forme de bord ou de pli saillant qui sépare en dessous le cépha -
lothorax des organes buccaux lorsqu'il ne les dépasse pas; la
première paire de pattes comme les organes buccaux sont atta-
chés à la partie ventrale et en avant de cette première portion
du céphalothorax. Les Acariens n’ont jamais le ventre segmenté
comme les phalangiens et les scorpionides, ni pédiculé comme …
celui des aranéides ; il est toujours entier, sinon uni, fréquem-
ment sans sillon entre lui et le segment qui porte les dernières
pattes, et souvent même tous les segments, y compris la tête,
sont coalescents en une seule masse (1).
milben der Thiere und einige veriwvandte Arten. Nova acla physico-medica natur
Curiosorum. Vratislaviæ et Bonnæ, 1838. In-4°, t. XVIII, pars secunda, p. 173).
Latreille donnait le nom d’antennules aux palpes des Acariens.
(1) Dugès, Recherches sur l’ordre des Acariens (Ann. des sc. nat. Paris, 1834, |
t. 1, p. 11). |
M
a eu ge cb, VA : _.
+ Te Po
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 213
$ 2. Caractères taxinomiques de la famille des Sarcoptidés.
La famille des Sarcoptidés de M. Gervais (1), Sarcoptides de
Sundewal (2), Koch (3), etc., se caractérise ainsi :
Animaux grisâtres ou roussâtres très-petits (variant de volume
entre À dixième de millimètre et 1 millimètre environ), à corps
mou non cuirassé, sans yeux n1 stigmates respiratoires ; à rostre
pourvu de mâchoires inermes très-petiles portant des palpes
_maxillaires latéraux souvent volumineux, à trois articles, munis
de un à trois poils, soudés dans une partie de l'étendue de leur
bord interne à une lèvre membraneuse, dépassée par les mandi-
bules, portant deux poils à sa face inférieure et une languette
lancéolée à sa face supérieure ; pattes à cinq articles disposées
en deux groupes de deux paires chacun, placés, l'un près de la
tête, l’autre près de l’abdomen avec un intervalle parfois consi-
dérable entre eux ; tarses terminés par une caroncule cupuli-
forme onguiculée ou par une ventouse, avec ou sans crochet, aux
pates antérieures au moins, et pédiculée ou non, mais manquant
sur les femelles adultes de quelques espèces.
Remarques. L'ordre des Acariens tel qu'il est adopté aujour-
d'hui embrasse tous les animaux compris dans le genre Acarus
de Linné. Beaucoup d’écrits les plus modernes parlent encore
souvent des espèces du genre Acarus. Or il est très-important de
rappeler que le genre n’existe plus en fait depuis assez longtemps
et que nulle espèce de l’ordre des Acariens n’y rentre, car les
Acarus de la gale déterminant des affections cutanées chez
l’homme et les animaux rentrent dans les genres Sarcople (La-
treille), Psoropte (Gervais), Choriopte (Gervais), etc. ; les Acarus
du fromage, de la poussière, des collections, etc., rentrent dans
les genres Zyroglyphus (Latreille), Glyciphagus (Hering), et
ainsi des autres. Tous les genres cités ici appartiennent à la
famille des Sarcoptidés.
(1) Gervais et Van Beneden, Zoologie médicale, Paris, 1859.
(2) Sundewal, Conspeclus arachnidum. 1833.
(3) Koch, Uebersicht des Arachnidensystems. Drittes Heft. Nürnberg, 1842.
In-8°, p. 118.
21% CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
$ 3, Remarques sur les poils des Sarcoptides.
Sur toutes les espèces qui rentrent dans la famille des Sarcop-
tidés, on trouve des poils sur les côtés de l'extrémité de l’abdo-
men, sur les flancs et sur les faces dorsale et ventrale tant du
céphalothorax que de l’abdomen. Ces poils sont très-longs ou
très-courts, d’une espèce, d’un âge ou d’un sexe à l’autre; ils
sont toujours disposés symétriquement par rapport à la ligne
médiane, soit par paire, soit pour chacun d’eux, soit par groupes
de deux à quatre paires dans des points où d’autres espèces n’en
ont qu’une paire. Ces dispositions ont certainement été trop
négligées des naturalistes, qui se bornent à indiquer que le corps
est glabre, épineux ou pourvu de poils.
Les divers articles des pattes offrent aussi des poils se repro-
duisant régulièrement d’une espèce à l’autre d’après un type
constant.
Ce que ces poils offrent de plus constant, c’est leur situation
dans des parties du corps qui se correspondent d’une espèce et
d’un genre à l’autre. Ge sont, en un mot, leurs connexions ou
rapporls ; c’est ce que l’on constate aisément en comparant
entre eux les articles des pattes ou les parties du corps qui se
correspondent. Sur les articles on trouve habituellement des.
poils qui se correspondent aussi, non-seulement par le lieu de
leur insertion, mais encore par leur longueur, leur raideur ou
leur flexibilité (voy. pl. XIT et XIIT).
Mais ce qu'il importe de savoir, c’est que telle paire de poils
qui est longue dans une espèce est très-courte dans une autre,
et au lieu de l’état qui lui mérite le nom de sote ou de por, on
lui trouve la disposition qui doit lui faire prendre celui de spi-
nule ou d’aiguillon ; ou bien enfin elle peut manquer tout à fait,
tandis que les paires de poils avoisinantes existent, ou vice versa.
C’est ainsi que les deux poils qu’on trouve sur le bord de
l’épistome des Tyroglyphes se trouvent encore à l’état de poil
chez les Sarcoptes notoedres (Bourg. et Del.), sont représentés par
deux courts aiguillons ou spinules à base large chez les Sarcoptes
SUR LES SARCOPTIDES lPEUMICOLES. 215
scabiei (Latreille), et manquent tout à fait sur le Sarcoptes
mutans (Lanquetin et Robin). D'autre part les paires de poils
qui sont longues et flexibles sur le dos au niveau de la deuxième
paire de pattes et sur les côtés du corps chez les Sarcoptes
scabier: sont représentés aux places correspondantes par un
aiguillon ou spinule court, de même volume dans toute sa lon-
oueur et presque mousse sur le Sarcoptes notoedres. Ce même
Sarcopte porte deux paires d’aiguillons assez écartés, semblables
aux précédents, sur les deux segments céphalothoraciques moyens,
tandis que le Sarcoptes scabieï en. porte trois paires” plus rap-
prochées et en triangle, dans lesquelles ces organes sont courts,
coniques, gros, un peu renflés au milieu, terminés en pointe.
Chez les Psoroptes, les Glyciphages, les Tyroglyphes, etc., ce
sont deux ou trois paires de poils longs ou courts suivant les
espèces, qui occupent les places correspondantes, et plus ou
moins éloignés suivant que le céphalothorax est allongé ou
élargi. |
Ces faits montrent déjà qu'il est important de noter le
nombre et la situalion relative des appendices cutanés de ces
animaux. |
L’anus est généralement situé à l'extrémité postérieure de la
face ventrale de l’abdomen ; mais sur le Sarcoptes notoedres,
il est à peu près vers le milieu de la face dorsalé ou supérieure
de la portion abdominale du corps, entre deux rangées de spi-
nules ou aiguillons roides à extrémité mousse. Or, sur les Sur-
coptes scabrer et Tyroglyphus entomophaqus Laboulbène et Ro-
bin, etc., l’anus est tout à fait au bord postérieur du notogastre
ou face dorsale de l’abdomen. Chez le premier de ces animaux
ces aiguillons, appelés aussi appendices cornés, piquants, spi-
nules, elc., selon les auteurs, sont situés sur cette même région
du‘corps, et l’anus se trouve entre les derniers d’entre eux. Ces
aiguillons abdominaux ne sont, pas plus que ceux du céphalo-
thorax, d’une nature différente des poils; on trouve en effet jusqu'à
six paires de poils courts, raides, aigus, disposés sur les côtés de
l'anus chez quelques Tyroglyphes; ils sont plus longs et plus
flexibles dans les Psoroptes et surtout chez les Glyciphages.
216 CII. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
Seulement sur ces animaux l’anus étant placé sous le ventre,
ces poils occupent également celte situalion (1). |
Des particularités semblables s’observent lorsqu'on vient à
comparer les poils des divers articles des pattes entre eux, d’un
genre à un autre. C’est ainsi que les appendices qui, à la jambe
et aux tarses des Sarcoptes, des Psoroptes, elc., existent sous
forme de spinules rigides, droites ou courbes, à sommet mousse,
sont représentés chez les Tyroglyphes, les Carpoglyphes,?ete.,
par des poils longs ou courts, mais flexibles et aigus ; ou même
lambulacre porté par le tarse peut être remplacé par une longue
sole.
Envisagés dans leur ensemble chez les Sarcoptides, ces appen-
dices pileux se retrouvent partout d’une espèce à l’autre, dis-
posés par paires, uniques ou multiples, de la manière suivante :
A. Poils du rostre : 1° poils des palpes ; 2° poils de la lèvre.
B. Poils des pattes : 1° de la hanche; 2° de lexinguinal ou
trechanter ; 3° du fémoral ou cuisse; 4° de la jambe; 5° du
tarse. |
C. Poils du corps.
a. Poils ou soies circonférenciels : 4° latéraux (2) ; 2° posté-
rIeurs.
b. Poils dorsaux : 4° paire de l’épistome (3), 2° une ou plu:
sieurs paires sur le 2° anneau, à peu près au niveau de la 2° paire
. (1) La présence d’une cavité dans les aiguillons gros et courts des Sarcoptes et
leur absence dans ces poils n’établit pas non plus une différence ‘essentielle de na-
ture ; car les mêmes poils, tels que ceux des pattes postérieures des Sarcoptes,
offrent ou non une cavité selon que d’après l’âge de l'animal ils sont gros ou
grêles.
(2) Tous les sarcoptides plumicoles décrits dans ce mémoire portent de chaque
côté, en avant de la troisième paire de pattes jet souvent sur une branche même du
troisième épimère), soit deux poils fins (comme en portent un ou deux les Sarcoptes,
les Psoroptes, les Chorioptes et d’autres sarcoptides), soit plus ordinairement un
piquant rigide subulé et un poil plus ou moins long d’une espèce à l’autre. Ces poils
n’offrent pas les mêmes dispositions sur les Listrophorus, ni sur divers sarcoptides
autres que les Sarcoptes proprement dits, vivant sur les rats, les lapins et d’autres
petits mammifères.
(3) Sur l’animal libre ces poils sont dirigés en avant au-dessus du rostre, mais
sur les individus logés dans le tégument qu’une mue prochaine va leur faire aban-
donner, ils sont dirigés en arrière ; ces dispositions sont précisément inverses dans
ces deux ordres de conditions pour la paire ou les paires de poils qui suivent.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 917
de pattes; 3° sur le 3° anneau une ou plusieurs paires; 4° au
niveau des pattes postérieures ; 5° sur le notogastre.
. Poils ventraux : 1° entre les épimères de la 1" et de la 2
paire; 2° en dehors des épimères de la 3° paire; 3° entre les
épimères de la 3° et de la 4° paire; A° entre les épimères de la
}° paire ; 5° autour de la vulve et de l'organe mâle.
D. Poils anauzx ; ils sont dorsaux ou ventraux, selon la situa-
tion de l’anus, sur ou sous le notogastre, dont ils suivent les
changements de situation d’un genre ou même d’une espèce à
l’autre.
C’est par conséquent dans ces diverses régions et dans les par-
lies du corps occupés par ces organes que devront être recher-
chés ces annepaloss. sur chacune des espèces de Sarcoptides que
l’on aura à étudier (1) (voyez pl. X et XI).
$ 4. Remarques sur la peau et sur les sillons cutanés des Sarcoptides.
La peau et les différentes parties du squelette se font récipro-
quement continuité et constituent le tégument externe ; ce tégu-
mert etses dépendances se renouvellent à chaque mue aussi bien
que les différentes pièces du rostre ainsi que l’a démontré l’un
de nous (2). Lors de ces mues, qui sont de véritables métamor-
phoses, les différentes pièces du squelette se reproduisent inté-
gralement ; elles augmentent même parfois en nombre et quel-
ques-unes se montrent doubles, de simples qu'elles étaient. Les
ambulacres au contraire et les derniers poils peuvent disparaître
complétement à la mue qui caractérise le passage de l’état de
nymphe à l’état d’adulte de certaines espèces, ainsi qu’on le voil
sur le Sarcoptes mutans (Lanquetin et Robin). Et dans le cas de
métamorphose hypopiale ou adventive (3), le rostre lui-même
disparaît complétement, et les pates, aussi bien que les tégu-
(4) Il est plusieurs paires de poils dont il ne sera pas fait mention dans les dia-
gnoses spécifiques suivantes, soit parce que leur petit volume en rend la présence
très-difficile à constater, soit parce qu’elles sont facilement caduques, ou même
manquent parfois d’un individu à l’autre d’une seule espèce et de mêmesexe. Ce n’est
que dans l'étude anatomique comparative de ces animaux qu’il en doit être question.
(2) Comptes rendus, Acad. sc., 8 juin 1874.
(3) Voyez Mégnin. Mémoire sur les Hypopes in Journal de l'Analomie, 1874.
218 CI, ROBIN ET P. MIGNIN. — MÉMOIRE
ments, se modifient au point que le nouvel animal n’a plus aucun
des caractères spécifiques et génériques de ses parents, carac-
tères qu’il reprendra par une nouvelle métamorphose.
À chaque articulation des pattes on voit un espace clair, étroit,
circulaire, bordé en haut et en bas par une ligne foncée, qui lors-
qu'il offre une certaine largeur peut faire croire à l'existence
d'un article distinct, mais ce n’est autre chose que l'intervalle
existant entre le bord supérieur et le bord inférieur de la pièce
squelettique de chaque article, espace que l'absence de colo-
ration propre de la peau fait paraitre clair, tandis que la teinte
jaune rougeâlre des articles donne moins de transparence au
reste du membre.
En suivant les phases de la formation du tégument qui doit
remplacer celui qui tombe à chaque mue, on peut constater net-
tement que cette production n’est pas de formation cellulaire. Il
en est par conséquent de même pour les poils, pour le tubercule
qui les porte et pour toutes les pièces squelettiques proprement
dites. Ce fait se retrouve sur tous les articulés sans exception,
pour toutes les pièces chitineuses de leur squelette externe ou
exosquelelte, pendant et après la durée des mues qui marquent
chacune de leurs phases évolulives.
Quelles que soient les complications des dispositions morpho-
logiques, grenues, striées, plissées, réticulées, avec ou sans
pointes, etc., que présentent les pièces tégumentaires et sque-
lettiques de ces animaux, partout elles se produisent molécule à
molécule comme par une exsudation chitineuse, molle et mince
d'abord, s’épaississant et se solidifiant ensuite peu à peu. Une
mince eltunique rangée de cellulesépithélialesrecouvre une couche
de Lissu cellulaire dermique mou, très-mince aussi, et c’est au tra-
vers de ces cellules qu’exsudent les principes fournis par le
derme ; c’est par l'intermédiaire de cette rangée épithéhiale que
se produit molécule à molécule le tégument chilineux qui reste
séparé du derme par celle-ci; mais nulle des parties tégumen-
taires et squeleltiques caduques n’a été cellulaire, et ne présenté
les caractères de noyau ni de cellule, histologiquement parlant.
La peau, dans ses parlies non coriaces, est mince, transpa-
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 219
rente, sans couleur propre, cassante, à brisure nette, non fila-
menteuse. Elle s'étend sur toutes les parties du tronc-et des
membres, sans discontinuité ailleurs qu’au niveau des orifices
digestifs et génitaux.
La peau du corps de tous les Sarcoptides décrits dans ce tra-
vail offre des plis plus ou moins fins et plus ou moins profonds
d’une région du corps à l’autre chez le même animal, et d’une
espèce à l’autre pour les régions correspondantes. Chaque pli
offre à observer une saillie tégumentaire, mince, à bord tran-
chant, inclinée ou non en dedans ou en arrière, et un sillonétroit
semblable à une taille de burin qui sépare cette saillie de la
suivante (1).
Sur le dos, presque immédiatement derrière les pattes de la
deuxième paire, se voit une bandeïtransversale de plis parallèles,
souvent un peu courbés en avant et en arrière de chaque côté.
En avant et en arrière de celte bande transversale se voient sur
les adultes les plaques jaunâtres finement granuleuses, et alors
la bande est très-élroite, tandis qu’elle est large, et plus ou moins
d’une espèce à l’autre, sur les nymphes et les larves. Dans toute
l’étendue de chacune de ces plaques dites de l’épistome et dorso-
abdominale, la peau est grenue et dépourvue de plis. De chaque
côlé du corps, ces plis de transverses deviennent obliques en
arrière d’une part, en avant de l’autre ; sur les côtés du dos ils
s'infléchissent élégamment pour joindre des bandes obliques ou
longitudinales de plis parallèles, diversement ondulés ou presque
droits, qui vont gagner la face ventrale du corps en contournant
ses bords ; mais qui n'existent que lorsque manque la plaque
grenue dorso-abdominale. Une autre bande de plis transversaux
se voit sur quelques espèces à l’arrière de la portion dorsale de
Pabdomen (notogastre) dont ils contournent les bords pour ga-
gner la face inférieure.
En passant du dos sous le ventre, ces plis s’infléchissent pour
se diviser en bandelettes qui contournent la fente anale, les épi-
(1) Les plis de la peau des Sarcoptides semblent avoir été signalés pour la pre-
mière fois par Dujardin, sur les psoroptes (Düjardin, Observateur au microscope.
Paris, 1843. In-32, p. 149 et pl, 16 et 17).
220 CH. ROBIN ET PF. MÉGNIN. -— MÉMOIRE
mères et les côtés de deux groupes ou bandes de plis propres à la
face ventrale du corps. L'une de ces bandes est formée de plis
transverses placés derrière les épimères de la deuxième paire,
elle est plus ou moins large d’un sexe, d’un âge et d’une espèce
à l’autre. La seconde de ces bandes est composée de plis longitu-
dinaux ; elle s'étend entre les quatre paires d’épimères sur la
ligne médiane chez les larves, les nymphes et les mâles jusqu’au
niveau de la quatrième paire de pattes. Sur les femelles elle
s'étend de la commissure postérieure de la vulve jusqu’auprès
de l'anus. Derrière elle est la bandelette qui contourne la com-
missure antérieure et les côtés de l'anus pour gagner la partie
dorsale de l'extrémité postérieure du corps. Sur certaines espèces,
au lieu de se continuer en s’infléchissant en certains points, ces
plis cessent neltement, suivant des lignes régulières et de dis-
positions constantes, dans les régions où ils viennent à se ren-
contrer sous des incidences telles qu’en se continuant ils au-
raient limité des angles nets ou mousses. Ils manquent entre
les épimères de la première paire et souvent entre ceux de la
deuxième de quelques espèces ainsi qu'entre les pièces des or-
ganes mâles. Ici la peau est alors lisse ou un peu grenue.
Les plaques téqumentaires dont il a été question plus haut sont
finement granuleuses et dépourvues de plis. Le tégument est
moins flexible, plus rigide et plus dur là qu'ailleurs. Les larves …
n'ont, une seule espèce exceptée, qu'une de ces plaques, celle qui
forme l’épistome. Sur elles elle est petite, en forme dongle, ar-
rondie ou ovalaire en arrière, et elle descend à peine jusqu’au
niveau dela deuxième paire de pattes. Elle est même plus petite,
à contour peu prononcé et à peine grenue sur quelques espèces,
Les nymphes etles femelles accouplées, sans organes sexuels,
n'ont également que la seule plaque granuleuse de l’épistome.
Elle est absolument et proportionnellement un peu plus grande
que sur les larves, à contour plus net et plus granuleuse. Sur
les unes et les autres elle est incolore, ou à peine teintée dé
jaune (pl. AU, fig. 6).
}.2 10008
existe une Banane étendue du milieu du céphalo-
SUR LES SARCOPTILES PLUMICOLES. 291
thorax jusqu’au bout ou à peu près au bout de l'abdomen; elles
sont toutes deux d’un jaune rougeâtre ou de rouille plus ou moins
foncé d’une espèce à l’autre, et beaucoup moins prononcé au
moment où l’animal vient de sortir du tégument qu'il portait à
l’état de nymphe qu'il ne l'est plus tard. Elles sont plus granu-
leuses que sur les larves et les nymphes ; elles ont également des
bords plus nets, indiquant une plus grande épaisseur. Celle de
l’épistome est plus grande que sur les individus impubères, à
bords plus nets, et descend jusqu’au niveau ou au-dessous des
poils dorsaux placés vers le niveau des pattes de la deuxième
paire (pl. XIL, fig. ?, et pl. XIIL, fig. 2).
Ces plaques existent également sur les mâles des Psoroptes et
des Chorioptes, mais avec une forme et des dimensions autres
que chez les Sarcoptides décrits dans ce mémoire. Les femelles,
les nymphes et les larves des espèces de ces genres n’ont que la
plaque de l’épistome. Les auteurs qui se sont occupés de ces ani-
maux à l’exception de l’un de nous (1), ne les ont pas décrites mal-
gré l'importance des caractères qu’elles permettent de constater.
Sur le Sarcoptes mutans (Lanquetin et Ch. Robin), chaque
épimère de la première paire envoie un prolongement à la base
du palpe maxillaire, et ce prolongement se continue jusqu'au
bord de l’épistome. Là il se recourbe en arrière et tous deux
descendent parallèlement l’un à l’autre de chaque côté de la ligne
médiane en adhérant aux téguments du dos. Ils sont plus épais,
plus larges et plus foncés dans toute cette partie de leur étendue
qu'ailleurs.
Chacun de ces prolongements dorsauxdes épimères se termine
à peu prés au niveau de la deuxième paire de pattes par une
bifurcation en deux divisions courbes dirigées transversalement ;
les divisions internes sont continues l’une avec l’autre sur la
ligne médiane ; elles relient ainsi en arrière la portion dorsale
des deux épimères en un seul appareil; les divisions externes
se terminent en pointe amincie après un court trajet. Une lame
finement granuleuse, de même nature et de même teinte que
(4) Mégnin, Monographie de la tribu des Sarcoptides psoriques in Revue et Ma-
gasin de zoologie. Paris, 1877.
229 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
les épimères, mais très-mince, est lendue sur la ligne médiane
entre eux deux, depuis le milieu de leur longueur où elle est
concave en haut, jusqu’à leur union en bas. Une petite mem-
brane analogue est tendue avec continuité de substance comme
les. prérédentes en dehors de chaque épimère entre lui et sa
division externe (1). Il en est de même chez plusieurs Sarcoptides
plumicoles.
$ 5. Remarques sur les annerux du céphalothorax et sur le rostre,
lcs pattes et l'abdomen des Sarcoptidés,
Le céphalothorax de quelques Sarcoptidés est manifestement
annelé sans disjonction des quatre segments qui le forment (2).
Ce fait s'observe bien sur les Sarcoptes scabiei (Latreille) et No-
toedres (B. et D.), lorsque ces animaux sont observés vivants ou
morts, légèrement contractés mais préservés de toute compres-
sion des lames de verre.
Ainsi les Sarcoptidés rentrent dans le type des Arachnides non-
seulement par le nombre de leurs pattes, mais encore par celui
des pièces de leur céphalothorax, qui restent distincles entre
elles, et de l’abdomen chez quelques espèces, bien qu'elles
soient entièrement confondues chez la plupart. Comme sur les
autres Arachnides aussi, ce sont les segments thoraciques, con-
fondus ou distincts, qui portent les organes génitaux externes et
non l'abdomen, qui ne porte que l'anus. La vulve en effet se
trouve tantôt à la face ventrale du troisième anneau du cépha-
lothorax, comme chez les Carpoglyphes, les Sarcoptes et les
Psoroptes, tantôt sous le quatrième anneau entre les deux der-
nières paires de pattes, comme dans les Tyroglyphes, les Glyci-
phages, etc. C’est toujours au quatrième anneau entre les der-
nières pattes aussi que sont fixés les organes génitaux mâles
extérieurs, et nullement à l'abdomen, seulement ils se prolongent
(4) Voyez Ch. Robin, loc, cit, Moscou, 1860. In-8°, p. 65,
(2) Ces divisions sont figurées, mais inexactement quant au nombre et à la gran-
deur, par Rennucci (1821), Raspail (1833), Dugès, sur le Sarcopte de la gale hu-
maine (Ann. des sc. nat. 1835, t. II, p. 847, pl. 11), B. Hering (1838), Gervais
(1841), Gerlach (1857), etc.
DL he
re Vite taie. fre sé dde)
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES,. 223
plus ou moins loin sous celui-ci dans quelques Sarcoptidés. Les
deux dernières paires de pattes s’attachent aussi à ce quatrième
anneau d'une manière si constante que cette insertion peut ser-
vir à déterminer les limites de l'abdomen et du céphalothorax,
soit dans les espèces où elle est peu distincte, et la place où
seront les organes génitaux, tant sur les larves et sur les nymphes
ou individus qui, bien que octopodes, n’ont pas encore subi la
mue après laquelle seulement se montre la distinction des sexes,
par la présence des organes sexuels internes el externes (1).
Le rostre des Sarcoptides plumicoles est jaunâtre, conoïde,
généralement saillant entre les pattes antérieures; les palpes
maxtllaires sont étroits, leur premier article seul est soudé à la
lèvre el les deux autres sont libres; le troisième est infléchi en
dedans. La lèvre est membraneuse, épaisse, Jaunâtre, à bord
libre, en pointe mousse ou aiguë, munie de deux poils à sa face
inférieure et d’une languette triangulaire à sa face supérieure.
Les mandibules sont courtes et dépassent à peinele bord libre
de la lèvre; leurs onglets sont pourvus de courtes dentelures
mousses, et sont plus allongés que sur les Sarcoptes et les Cho-
rioptes, mais non disposés en stylets comme sur les Psoroptes.
Elles sont renflées à leur base sur laquelle empiête l’épistome
qui est tantôt dépourvu de poils et de tout prolongement du
camérostome, tantôt présentant ces deux sortes d'organes.
Constitué ainsi par les mêmes organes que sur tous les autres
Sarcoptides, le rostre des espèces décrites ici ne diffère de celui
des. Glyciphages en particulier que par quelques dispositions
d'importance secondaire. Telles sont celles qui se rapportent à
sa longueur par rapport à sou épaisseur, à la forme de la lan-
guelte et surtout à ce fait que les deux dermiers articles des palpes
maxillaires sont entrèrement libres de toute soudure aux bords
de la lèvre (2) (pl. XIT et XIE, fig, 3).
* (4) Voyez Ch. Robin, Mémoire zoologique et analomique sur quelques Acariens
de la famiile des Sarcoplides (Bulletins de la Soc. impér. des naturalistes de Moscou,
1860. In-8°, p. 22).
(2) Les mandibules (aussi appelés forcipules, chelicères, anténnes, pinces et serres;
chez les arachnides en général) sont au nombre de deux, une de chaque côté de la
ligne médiane dans les Sarcoptides ; elles y sont terminéés en pince didactyle;
29] CI. ROBIN ET P. MÉGNIN. —- MÉMOIRE
Les épimères offrent également le même type que ceux des
autres sarcoptidés (1) avec de légères différences d’un genre à
l’autre. Ils sont remarquables par leur couleur d’un jaune d’ocre
rougeâtre, qui se retrouve sur toutes les autres pièces du sque-
lette et sur les plaques tégumentaires avec une teinte plus ou
moins foncée selon le degré d’épaisseur de ces pièces.
Dans tous les genres décrits ici les pattes composées des mêmes
articles que celles des autres genres de cette famille sont remar-
quables en général par leur brièveté et leur similitude compara-
tivement aux Glyciphages, à certains Tyroglyphes, etc., leur lon-
oueur ne dépassant pas généralementles dimensions de la largeur
du corps; par l’uniformité des proportions de leurs articles sans
excés de la longueur du tarse par rapport aux autres, comme sur
les Glyciphages, etc. ; par le peu de différence existant entre les
dimensions des pattes, celles de la deuxième et de la troisième
paires étant presque égales à celles de la première et de la qua-
trième paires au lieu d'être sensiblement plus petites. Les mâles
seuls de quelques espèces font exception à cet égard, et ont les
uns des paites de la quatrième paire très-grosses et les autres
celles de la troisième paire énormes.
Ce grand volume des pattes des mâles ne constitue un carac-
tère générique que lorsqu'il porte sur celles de la troisième paire,
car nous verrons dans plusieurs genres les pattes de la quatrième
paire être Lantôt petites, tantôt très-volumineuses.
L'abdomen ne porte que l'anus sous forme de fente longitu-
dinale, soit à sa face ventrale comme dans les Tyroglyphes, les
Glyciphages, les Carpoglyphes; soit sur sa face dorsale ou noto-
gastre (vros, dos el yasrhp, Ventre) comme chez les sarcoptes ;
alors il est tantôt sur le milieu du notogasitre comme dans le
Sarcoptes notoedres (B. et G.), tantôt plus reculé de manière à ce
que son extrémité postérieure atteigne le bord postérieur du
comme sur les autres Acariens, les Phalangides, etc, Chez ces derniers en particu-
lier la pièce extérieure qu’on appelle doigt est plus forte, plus arquée, plus dente-
lée parfois, que l’autre pièce qui est continue avec la tige de la mandibule.
(4) Voyez A. Fumouze et Ch. Robin, Journal de l’anal. et de la physiol. Paris,
1867. In-8°, p. 5914, et Recherches zoologiques et anatomiques sur les glyciphages
à poils palmés ou plumeux (ibid., 1868. In-8°, p. 66 et 294), et Mégnin, loc. ci.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 225
ventre, comme dans le Sarcoptes scabiet (Latreille) et la femelle
da S. sautans(l). Tantôt enfin, comme pour le mâle et les larves
_de cette espèce, il est placé sur ce bord même et s’avance autant
sur la face dorsale que sur la face inférieure de l'abdomen.
$ 6. — Organes génitaux.
C’est aux dépens des pièces solides d’un segment sternal que
les appareils génitaux externes se développent sur les arachnides.
Ces pièces, comme les épimères qui portent les quatre dernières
pattes, se prolongent plus ou moins loin sous l’abdomen.
1. Organe mâle. — Les pièces solides de l'appareil mâle sont
colorées en jaune rougeâtre comme les autres parties solides,
elles sont au nombre de deux principales.
La prémiére est une pièce médiane impaire, appelée sternite
par l’un de nous (2) ; elleest placée immédiatement sous le tégu-
ment dans toute son étendue. L’extrémité inférieure du sternite
est selon les espèces simple ou bifurquée ; alors chacune des bran-
ches légèrement courbée à concavité inférieure se porte un peu
en dehors et se termine par une extrémilé mousse. Celle-ci est
libre ou dans d’autres espèces articulée avec une des branches
du quatrième épimère qui est soudé lui-même au troisième (3).
(4) Gerlach place à tort l’anus sous forme de fente ou d’incisure sur le bord
postéricur même de l’abdomen chez tous les Sarcoptes ; il commet une véritable
erreur en décrivant les organes femelles extérnes des Sarcoptes comme doubles,
sous forme de deux courts prolongements cylindriques de chaque côté de l'abdomen
(Gerlach, Krülze und Rüude. Berlin, 1857. In-8°, p. 48 à 50, fig. 11).
(2) Le nom de Sternite a déjà été donné par M. Lacaze-Duthiers à une pièce de
armure génitale femelle des insectes, qui a sans doute son homologue dans les in-
sectes mâles et probablement aussi chezles arachnides. C’est pourquoi nous employons
ici ce terme, sans être complétement sûrs de cette analogie, mais pour ne pas faire
un mot nouveau. Sur les insectes femelles, le Sternite est une pièce médiane impaire,
antérieure, dépendant d’un anneau abdominal, dans lequel elle représente le Ster-
num des anneaux thoraciques. Elle est saillante en dehors et était appelée autre-
fois le gorgeret. Les épisterniles (analogues aux épisternums du thorax) sont des
espèces doubles bilatérales comme les épisternums, et autrefois appelées écuelles
latérales, etc. (Lacaze-Duthiers, Recherches sur l’armure génitale des insectes. Paris,
. 1855. In-4°, p. 67). |
= (3) Sur beaucoup d'espèces les deux branches sont courtes et n’atteignent pas les
épimères réunis. Cette disposition s’observe sur presque tous les mâles de quelques
espèces à une cerlaine période de leur développement lorsque celui-ci n’est pas
IOURN, DE L'ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. XI (1877). 15
226 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
La partie inférieure de ces branches du sternite envoie, mais
sur quelques espèces seulement, une lame ou épidème coloré
qui descend jusqu'auprès des ventouses anales ou copulatrices
en prenant des formes différentes d'une espèce à l’autre.
La partie supérieure du sternite porte le pénis sous forme de
plaque cordiforme ou cpnoïde, à sommet tourné en avant. Dans
d’autres espèces sur ce sommet se trouve arliculé un pénis en
forme de stylet, souvent très-long, à sommet tourné en arrière.
Cette pièce génitale est aussi chitineuse et rougeâtre ou de
teinte ocracée.
Sur tous les sarcoptides mâles décrits dans ce travail existent
deux ventouses copulatrices circulaires d’un jaune rougeâtre
foncé, placées de chaque côté de l’anus et constituées par les
mêmes pièces élémentaires que celles des Tyroglyphes (pl. XIE,
fig. 1) (1).
2. Organe femelle. — La vulve est une fente longitudinale, !
placée au niveau des épimères de la troisième paire ou dans l’in-
tervalle qui les sépare de ceux de la deuxième paire.
Ses lèvres, non renflées, ni plissées, sont bordées de deux
plaques ou lamelles allongées, chitineuses, ocracées, pouvant
être comparées aux éptsternites de la vulve des insectes. Elles
sont contiguës l’une à l’autre dans une partie de leur longueur,
puis elles s’écartent en général beaucoup l’une de l’autre à partir
du milieu de leur longueur ou environ; le tégument finement
plissé dans le sens longitudinal s’avance entre elles.
Au-dessus de leur commissure antérieure est couché trans-
encore complet. Tous les mâles du Sarcoptes scabiei que Gerlach a figurés, eroyant
qu'ils appartenaient à des espèces diverses, parce qu'ils vivaient sur des mammi-
fères différents, sont représentés à cet état de développement (Gerlach, 1857, fig. 3,
143 et 16). C’est l’état d'arrêt de développement que M. Bourguignon a décrit et figuré
comme type du Sarcopte de la gale de l’homme (Traité de la gale de l’homme.
Paris, 1852. In-4°, p, 194 et 206, pl. 10, fig. 58) et qu’il a adopté encore avec
Delafond comme caractérisant le mâle de cette espèce. C’est de l’état de complet
développement des deux branches avec continuité immédiate aux épimères réunis
des troisième el quatrième pattes qu’ils ont fait une espèce distincte sous le nom de
Sarcoptes suis, parce qu’iis l’ont observé sur le porc (Delafond et Bourguignon, Arch:
gén. de médecine. Paris, 1858, In-8°, t. XI, p. 30); mais on rencontre cet état aussi
bien que le précédent chez le S. scabiei Latreille, pris sur l’homme comme chez
ceux qui vivent sur le porc, le mouton, le lama, le chien, etc.
(1) Voyez leur description dans Fumouze et Ch. Robin, Loc. cit., 1868,
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 22F
versalement un séernite, ou pièce solide chitineuse, ocracée ou
jaunâtre, courbé en portion de cercle plus ou moins étendu, à
concavité postérieure. Les extrémités de cette pièce sont, d’un
genre à l’autre, soil libres, soit soudées à un des épimères ou
à l’un des épisternites des lèvres vulvaires. Quelquefois cette
pièce elle-même manque.
Les deux paires de ventouses génitales incolores, cylindroïdes
qui existent de chaque côté des organes sexuels femelles des
Tyroglyphes, des Carpoglyphes et d'autres sarcoptides encore,
manquent sur tous les sarcoptides plumicoles, comme sur les
Glyciphages (1). 1
Sur les Tyroglyphes et les Glyciphages la vulve est formée de
deux lèvres un peu renflées, limitant une fente longitudinale.
Ces lèvres portent chacune une écaille latérale ou épimérite,
jaunâtre, aplatie, coupée obliquement en pointe antérieurement
recourbée en dehors à son extrémité postérieure, qui se termine
aussi en pointe. Ces épimérites se touchent par leur bord interne
dans la plus grande partie de leur étendue. En dehors, ces lèvres
sont marquées de plis transversaux très-fins et très-rapprochés
qui manquent sur les sarcoptides plumicoles. A l'époque de la
ponte, chez les Tyroglyphes et les Glyciphages, les épimérites
s’écartent l’une de l’autre, et la portion terminale de l’oviducte
vient faire une saillie relativement énorme sous le cépnalotho-
rax. Ces faits suffisent pour montrer qu’on ne saurait considérer
l'orifice génital femelle comme faisant suite à l’anus, ainsi que
l’admet Pagenstecker qui décrit et figure une partie de la lon-
gueur de ce dernier sous le nom de fente génitale sur le Tyro-
glyphus siro femelle.
On retrouve sur presque toutes les espèces de sarcoptides
plumicoles la vésicule pleine de liquide incolore jaunâtre ou brun
réfractant assez fortement la lumière qu’on voit par transpa-
(1) Les diverses parties des organes sexuels dont il vient d’être question n'ont
jamais été décrites avant nous chez les Sarcoptides autres que les Sarcoptes, les
Psoroptes et les Chorioptes, ni pris en considération dans les diagnoses spécifiques.
Aussi verrons-nous que Koch, qui distingue les sexes dans quelques-unes de ses des-
criptions, parce qu’il a observé les individus accouplés, décrit les femelles comme
étant les mâles et vice versd.
228 CII. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
rence en arrière des dernières paites dans la cavité ventrale des”
Tyroglyphus, de plusieurs Glyciphages et d’autres genres voisins.
$ 7. — Bbes divers états par lesquels passe chacun des individus
mâles et femelles pendant la durée de son existence (1).
On sait que chez les Acariens tous les individus présentent,
pendant la durée de leur existence hors de l’œuf, trois états qui
se montrent brusquement après une mue et chacun d’une durée
différente, bien que variable selon les conditions de tempéra-
türe, "etc: (27. |
Le premier état est celui de larve (de Geer), toujours hexa-
pode, que présente l'animal en sortant de l'œuf, IL est caractérisé
par le volume de l'arachnide, qui est toujours moindre que dans
les phases ultérieures de l’évolution, bien que la forme soit dans
le plus grand nombre dés espèces analogue à ce qu’elle sera
pendant le reste de la vie. Indépendamment de l'existence de |
trois paires de pattes seulement, il est caractérisé aussi par celle
d’un nombre de poils moindre que par la suite ou de dimensions
différentes ; quelquefois enfin par la présence d’appendices qu’on
ne retrouve plus dans les états qui suivent.
Le deuxième état est celui de rymphe (Dugès).
Il comprend les Acariens octopodes qui sont dépourvus d’or-
ganes sexuels. |
Dugès se sert du mot nymphe pour désigner les Acariens qui
ont déjà subi une ou plusieurs mues après leur sortie de l'œuf (3)
et sont devenus ainsi octopodes, mais ne sont pas encore sexués.
« Les métamorphoses de ces Acariens, dit-il, (les Rkyncholophes) *
sont multiples; du moins, il s’en fait encore une après que leur
2
(4) Voyez sur ce point Mémoire sur les Sarcoplides avicoles et sur les mélamor-
phoses des Acariens, par Ch. Robin (Comples rendus des séances de l'Académie
des sciences. Paris, 1868, t. LXVI, p. 776).
(2) C’est ainsi qu’on appelle nymphes mobiles ou demi-nymphes les insectes de
quelques ordres ({lémiplères, elc.....) qui après avoir dépassé l’état de larve ont
encore une mue à traverser, une enveloppe à rejeter avant d’être sexués, bien
qu’ils aient déjà la forme et la bouche de l’adulte et se nourrissent d’une manière
semblable ou analogue.
(3) Dugès, Recherches sur l'ordre des Acariens (Annales des sciences naturelles.
Paris, 1834. In-8°, t. I, p. 33 et 169),
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 299
huit pattes sont déjà développées... Geux (les Rhyncholophes)
qui n’ont pas encore subi cette métamorphose (celle quiles amène
à l’état sexué) et qu’on peut croire 2»pubères, sont plus arron-
dis, plus renflés et d’une couleur rougeâtre plus uniforme; on
les trouve aux mêmes endroits et avec des dimensions qui va-
rient (1) ».
Cette forme sur laquelle Dugès ne s'étend pas plus longuement
est d'autant plus importante qu’elle était, dans plusieurs genres
d’Acariens, la seule qui fût connue. Les Chevyiètes, beaucoup de
Gamases, elc., étaient dans ce cas avant les travaux de l’un de
nous (M. Mégnin).
Indépendamment de l'absence des organes génitaux et des dif-
férences de volume que signale Dugès entre les individus à l’état
de nymphe et ceux qui sont sexués, il peut en exisler d’autres.
Cest ainsi, par exemple, que les nymphes des Glyciphages man-
quent du prolongement tubuleux qui existe à l’extrémité posté-
rieure du corps des adultes. Les larves des Cheylètes manquent
d’une saillie portant des poils qu’on trouve sur les #ymphes de
ces mêmes Acariens (2). Nous en trouverons de plus prononcées
encore sur les sarcoptides décrits dans ce travail.
Le troisième état des Acariens est celui de l’état adulte ou
pubèére, qui comprend les endividus octopodes sexués. Or non-
seulement cette forme embrasse dans chaque espèce les ëndividus
mâles et les endividus femelles souvent fort différents les uns des
autres, comme chez les Sarcoptides, mais encore les femelles des
Sarcoplides avicoles passent par deux formes distinctes qu’on
trouve toujours réunies et vivant ensemble.
(1) Voyez A. Fumouze et Ch. Robin, Journal de l’analomie et de la physiologie.
Paris, 1867. In-4°, p. 50.
(2) Dans l’étude des Arachnides le mot larve n’est pas pris dans son sens étymo-
logique de forme masquée, celle de ces articulés étant déjà dans ce qu'elle a de fon-
damental ce qu’elle sera toujours à peu de chose près ; il est employé dans le sens
plus général d'animal envisagé tel qu’il est au sortir de l’œuf (demi-larves de quel-
ques auteurs ou larves à mélamcrphoses partielles comme chez les Hémiptères et
les Orthoptères dont la larve diffère peu de l’insecte parfait), M. Nicolet appelle
embryon les acariens hexapodes appelés larves par De Geer, Dugès et leurs suc-
cesseurs, [1 nomme larves les individus octopodes impubères appelés nymphes par
Dugès et les zoologistes qui l’ont suivi (Nicolet, Archives du Muséum d’hist. nat.
Paris, 1855. In-4°, p. 396).
230 CII. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
Ce sont : 1° les femelles accouplées ressemblant beaucoup aux
nymphes et n'ayant pas encore des organes générateurs externes
(vulve), ni de sternite en fer à cheval ou semi-lunaire, mais pos-
sédant des organes d’accouplement chez certaines espèces ; 2° les
femelles fécondées, d'une conformation et de dimensions très-
différentes de celles des précédentes, d’une part, de celles des
mâles d'autre part; elles sont pourvues des organes précédents
(vulve), avec les pièces solides qui l’accompagnent, et ont un œuf
dans l’oviducte sur le plus grand nombre des individus.
Enfin, il est un état qui n'est pas constant et qui ne se montre
que sous l'influence de certaines circonstances, de certains change-
ments de milieux : c’est l'état hypopial dans lequel se dissimulent
les nymphes d’une colonie d’Acariens menacée par la disette ou
par l’imminence de la disparition de son habitat. A la suite d’une
mue, qui est une métamorphose complète, on voit sortir des
téguments rupturés des Tyroglyphes, comme de certaines espèces
de Sarcoptides plumicoles sort une forme acarienne sans rostre ni
aucune autre ouverture digestive ou sexuelle. Cette forme spé-
ciale a huit pattes ongulées; elle est quelquefois munie d'un
groupe de ventouses sous-abdominales, au moyen desquelles elle
s'attache et adhère à des insectes ou à d’autres animaux qu’elle
saisit au passage el se fait porter par eux en des lieux plus fortunés
où elle reprend sa forme normale antécédente, de la même ma-
nière qu’elle l'avait quittée. Ce sont ces nymphes adventives ou
hypopiales, que les auteurs avaient décrites comme des espèces
acariennes déterminées sous Les noms d’Æypopus, Homopus, Tri-
chodactylus. Claparède (Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist.
nat. de Genève, Genève 1867, in-A°,t. XIX, 1" part. p.263, séance
du 28 mars 1876) avait pris les nvmphes hypopiales des Tyro-
glyphes pour une seconde forme des mâles de certaines espèces
de ce genre d’Acariens; mais la découverte de l’un de nous a
mis cetle inteprétation à néant et déterminé la place zoologique et
le rôle physiologique de ces singulières formes acariennes (1).
En résumé, tous ces Acariens passent par des états distincls
(4) Voyez Mégnin, Mémoire sur les Hypopes dans ce journal, 1874,
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 931
qui se manifestent chacun à la suite d'une mue. Ces états sont nor-
malement au nombre de quatre pour les mâles, de cinq pour les
femelles des Sarcoptides plumicoles et d'autres Sarcoptides égale-
ment parasites des animaux. Ce sont :
1° L'état d'œuf au sortir duquel l'animal a la forme de :
2° Larve hexapode, suivie de l’état de :
3° Nymphes octopodes sans organes sexuels ;
h° De certaines de ces nymphes sortent : a, des mäles sexués,
lors d’unè mue qui pour ceux-ci est définitive; 6, des autres sor-
tent des femelles impubères ou sans organes génitaux externes,
ressemblant par suite beaucoup aux nymphes dont elles viennent
d'abandonner le tégument, mais plus grosses pourtant et ayant
déjà des organes d’accouplement spéciaux dans quelques espèces.
Voir ci-après les caractères de ces quatre PARSES évolutives.
Lors d’une dernière mue consécutive à l’accouplement, ces
femelles laissent sortir :
5° Les femelles sexuées et fécondées, qui ne s’accouplent plus,
et dans l'ovaire desquelles se montre un œuf. Ces dernières sont
très-différentes des mâles d’une part et de l’autre des femelles
sans organes génitaux externes; elles en différent tant par leur
plus grande taille que par leur conformation.
Une fois accomplie la mue qui laisse sortir les mâles ou les
femelles pourvus d'organes sexuels, on ne voit plus s’en produire
d'autre. Les caractères génériques de ces deux formes finales se-
ront donnés dans la deuxième partie de ce mémoire.
Le nombre des rues que subit pe 4 individu dans le cours
de son existence ne correspond pas à celui des états successifs
offerts par chaque arachnide. On voit, en effet, une mue ou deux
avoir lieu, après chacune desquelles l'animal conserve encore
soit l’état de larve hexapode, soit l’état de nymphe impubère,
hypopiale ou non, c’est-à-dire avant que l’animal passe de ce
premier état au deuxième, et de ce dernier à l’état d’individu
adulte ou pubère.
Chaque mue est annoncée par l’immobilité dans able reste
l'animal. La première commence vers le quatrième jour après
l'issue hors de l'œuf de l'individu hexapode, et l'animal reste
environ trois jours dans l’immobilité avant d'abandonner son pre.
232 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
mier tégument chitineux. Cette immobilité est de trois à cinq
jours pour les autres mues, avec des périodes d’activité entre
chaque mue, qui sont de six à huit jours au moins sur les Tyro-
glyphes et les Glyciphages (1).
re phase. — De l'etat ovulaire et embryonnaire.
Les œufs de ces Acariens diffèrent un peu de forme et de struc-
ture (en ce qui touche leur membrane vitelline ou coque) d’un
genre à l’autre. Pourtant il faut noter que tous sont cylindroïdes,
à extrémités mousses, et ont une longueur deux fois plus consi-
dérable que leur épaisseur, avec une extrémité un peu plus atté-
nuée que l’autre. Cette dernière est celle à laquelle correspond
le rostre.
Ils sont plus ou moins aplatis d’un côté dans le sens de leur
longueur, et une fois le développement assez avancé, on voit que
c'est à cette face que correspond le ventre de l'animal. L’éclo-
sion a lieu par division en deux de l'extrémité céphalique de l’œuf,
dont la coque se sépare sur une partie de sa longueur en deux
valves, puis se roule sur elle-même une fois que la larve en est
sortic. D'une espèce à l’autre elle est tout à fait homogène, ce
(1) Dugès a entrevu sur les Hydrachnes qu’une fois arrivé à l’état sexué l’animal
ne subit plus d’autre métamorphose, pourtant il ne formule pas nettement le fait. Il
admet trois éclosions : 1° celle qui a lieu pour la sortie hors de l'œuf des individus
hexapodes ; 2° celle qui a lieu pour l’issue des individus octopodes impubères hors
de la peau de ceux qui sont hexapodes ; 3° celle qui a lieu pour la sortie des indi-
vidus sexués hors de la peau des précédents. « Leurs griffes (celles des Hydrachnes),
leurs cils et leurs poils, tout se forme avant cette troisième‘ éclosion, qui s’opère à
travers une fente de la peau du dos et qui donne enfin le jour à un animal parfait »
(Dugès, Loc, cit. ; Ann. des sc. nat. Paris, 14834. In-8°, t. TJ, p. 170). Dugès ap-
pelle aussi les Hydrachnes octopodes impubères : « Hydrachnes du deuxième âge,
c'est-à-dire ayant encore à subir la dernière transformation » (ibid., p. 171).
Maigré ces indications, ni lui, ni ses successeurs n’ont tenu compte de ces faits
dans les descriptions spécifiques des Acariens, comme on le fait au contraire en
décrivant les Hyménoptères, etc, Les mâles mêmes n’ont pas été distingués des
femelles malgré leurs différences, et dans bien des descriptions ce sont les nymphes
qui malgré leurs analogies d’une espèce à l’autre ont fourni les caractères donnés
comme spécifiques. M. Nicolet, quia vu et figuré les larves hexapodes et les individus
octopades ayant encore à subir uue mue de plusieurs cspèces d’Oribates, donne le nom
de larve à ces deux élats et en donne aussi une description commune. Il admet que
c'est la deuxième paire de pattes qui manque aux individus hexapodes (loc. cit.,
p. 393), et ia vu les Arachnides Hoplophores sortir de l'œuf avec huit pattes.
SUR LES SARCOPTIDES FLUMICOLES. 338
qui est le cas le plus habituel, ou plus ou moins granuleuse. Tous
les Sarcoptides plumicoles sont ovipares et placent leurs œufs,
lors de la ponte, dans l’angle rentrant que forment les barbes des
plumes avec la tige sur laquelle elles sont insérées. La plupart
des espèces les pondent sur les rémiges, mais d’autres les dépo-
sent sur les tectrices, où il faut les chercher lorsqu'on ne les
trouve pas sur les premières. La segmentation du vitellus n'est pas
encore commencée sur le plus grand nombre, lorsqu'a lieu la
ponte ; cependant il est quelques espèces chez lesquelles le vitel-
lus est déjà divisé en quatre globes vitellins, alors que l'œuf est
encore contenu dans l’oviducte. La division a lieu par plans per-
pendiculaires au grand axe du vitellus.
2° phase.-— De l'état de larve.
Dans toutes les espèces, les larves sont hexapodes, et la dispo-
sition des épimères permet de reconnaitre que c'est la troi-
sième et non la quatrième paire qu’elles ont en sortant de
œuf (1). Rien ne fait distinguer les larves qui deviendront des
individus mâles de celles qui seront des femelles. L'examen des
larves et des nymphes des espèces dont les mâles adultes ont les
pates de la troisième paire volumineuses d’une manière dispro-
portionnéc à côté des autres, montre que ces patles restent petites
(1) Les épimères de la troisième paire des Cheylètes et des Glyciphages offrent
deux prolongements dirigés vers la ligne médiane qu’ils n’atteignent pas, et se re-
courbent en bas pour se terminer librement en pointe. L'un de ces prolongements
est en avant, l’autre en arrière de la pièce annulaire de l’épimère. La présence de
cet épimère sur les larves hexapodes montre que c’est bien la quatrième paire de
pattes qui leur manque. En effet, les épimères de la quatrième paire des nymphes
cet des adultes de ces espèces n'ont qu’un prolongement de ce genre qui se détache
de la partie postérieure de leur portion annulaire, puis se dirige en dedans et en
haut en se recourbant un peu ; or c’est l’épimère ainsi organisé et la patte qu’il
supporte qui manquent aux larves (Voyez A. Fumouze et Ch. Robin, Journal de
l’analomie et de la physiologie. Paris, 1867. In-8°, p.524). La disposition précédente
se retrouve sur les larves et les nymphes des sarcoptides avicoles, bien que plus ou
moins facilement d’une espèce à l’autre. Il en est de même pour les Psoroptes et les
Chorioptes ; de plus on constate sur ces derniers que lors de la mue qui amène à la
forme octopode l’animal hexapode, les pattes qui apparaissent sont celles de la qua-
trième paire, et on les reconnaît à ce qu’elles sont d’abord fort petites, puis de plus
en plus grosses après chacune des mues qui ont lieu pendant la durée de l’état
octopode impubère,
254 CH. ROBIN ET P,. MÉGNIN, — MÉMOIRE
pendant la durée de cet état, et qu’elles ne prennent leur grand
voluine que sous la peau des nymphes avant leur dernière mue.
Les larves sont presque identiques d’une espèce à l’autre et se
ressemblent même souvent beaucoup d’un genre à l’autre.
Toutes n'ont à l'arrière de l'abdomen qu'une paire de poils
aussi longs ou un peu plus longs que le corps n’est large. Toutes
ont un abdomen plus court et les flancs plus resserrés que
durant les périodes ultérieures de leur développement.
Dès le moment de l’éclosion, le rostre est constitué des mêmes
parties que sur les individus adultes et de même configuration ;
le volume seul de ses parties change à chaque mue, mais non
leur constitution.
Les larves de chaque espèce sont de dimensions diverses. En
suivant leur évolution et par l’étude attentive des enveloppes hexa-
podes abandonnées par des individus qui ont mué (enveloppes
qui sont également de plusieurs grandeurs), on constate que ces
Acariens subissent de deux à trois mues avant de passer à l’état
de nymphes ou individus octopodes impubères, et qu'après chaque
mue l'animal est un peu plus grand qu’il n’était auparavant.
Les larves se tiennent particulièrement entre les barbes, ordi-
nairement près de leur insertion sur la tige ; on les y retrouve
souvent seules ou avec des nymphes, alors que les adultes se sont
enfuis. Leur démarche, ainsi que celle des nymphes, est ordi-
nairement plus lente que celle de ces derniers. Les larves de cer-
taines espèces se rencontrent plus particulièrement dans les tec-
trices, alors que les adultes se logent dans les rémiges; celles
d’autres espèces sont mélangées à ces derniers entre les barbes
de ces grandes pennes alaires.
Dugès le premier (/oc. cit., 1834, p. 11), a montré que des
Acariens, considérés comme espèces de tel ou tel genre, n’é-
taient que des larves d’espèces appartenant à un ou plusieurs
genres déjà connus. M. Nicolet a donné (/oc. cit., 1855, p. 389
et 418), l'énumération de quatorze espèces, et d’un genre
d'Oribatides décrits par Koch, devant disparaître nominale-
ment, en montrant de quelles espèces de ces Acariens les for-
mes précédentes étaient des individus octopodes impubères
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 239
(nymphes de Dugès, appelées larves par M. Nicolet). Il a décrit
et figuré plusieurs de ces nymphes des Oribatides, telles que celles
des Oribata, des Nothrus, des Damaeus, des Hoplophora, eic.
Il signale que ces jeunes se ressemblent dans chaque genre,
mais différent entre elles d’un genre à l’autre; que dans cer-
taines divisions les nymphes différent complétement des adultes
et que dans d’autres elles n’en différent que par un tarse mono-
dactyle au lieu d’être didactyle. Enfin l’un de nous a fait la même
révision pour les différentes espèces de Gamasidés et pour cer-
tains Thrombidions. |
3° phase. — De l’état de nymphe.
Les individus octopodes impubères ou #ymphes, dépourvus
d'organes sexuels, ne présentent aucun caractère qui permette
de distinguer ceux qui deviendront les mâles de l’espèce de ceux
qui seront les femelles. L'étude des nymphes des espèces dont
les mâles adultes ont les pattes de la quatrième paire d’un volume
disproportionné à côlé des autres montre que ces pattes restent
petites pendant toute la durée de cet état; elles ne prennent leur
grand volume que sous la peau du corps avant la dernière mue ;
en même temps que se produisent dans les mêmes conditions les
organes sexuels.
On sait toutefois que les Tyroglyphes et les Glyciphages por-
tant des organes sexuels soit mâles, soit femelles, déjà recon-
naissables, mais imparfaitement développés, subissent encore
une dernière mue. Au sortir de celle-ci, ils montrent leur appa-
reil d'accouplement entièrement formé et abandonnent un tégu-
ment sur lequel on voit la trace bien dessinée des rudiments de
ces organes.
C’est aussi sous la peau des nymphes arrivées à la dernière
période de cet état que se développent les prolongements posté-
rieurs de l'abdomen tant des mâles que des femelles qui ont l’ab-
domen bilobé. Pour les uns et les autres, on voit ces prolonge-
ments recourbés sous le tégument de l'extrémité postérieure
arrondie du corps des nymphes. Ils portent déjà les poils et les
936 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
piquants qui sont insérés sur eux. Leur forme, ainsi que les
pièces des organes sexuels, les ventouses copulatrices des
mâles, etc., qu'on aperçoit par transparence, permettent de dis-
tinguer les mâles des femelles avant leur issue du tégument des
nymphes, ayant la même forme et des dimensions semblables.
Cependant, lorsqu'on à sous les yeux deux nymphes simulta-
nément, contenant l’une un mâle, l’autre une femelle prêts à sor-
tir, on peut constater que celle qui renferme la femeile est sen-
siblement plus grande que celle qui va donner issue au mâle,
Dés leur issue, c'est-à-dire ? ou 3 minutes après, une fois étendus,
les mâles, comme les femelles, ont les dimensions qu’ils conser-
vent toujours, à 2 ou 3 centièmes de millimètre près. Seulement
les pièces chitineuses sont encore incolores ou à peine-jaunâ-
tres, et tout le corps est rempli de fines granulations graisseuses.
(Voy. p. 230 ce qui concerne la forme Lypopiale de cette phase.)
Les différences entre les nymphes d’espèces diverses sont un
peu plus prononcées que celles qui existent entre les larves. Ge-
pendant elles se ressemblent encore beaucoup dans chaque genre
et même offrent d’un genre à l’autre un type commun de con-
formation qu’on ne retrouve plus sur les individus sexués. Mais
indépendamment de la quatrième paire de pattes qu’elles pos-
sèdent déjà, elles se distinguent des larves par leur plus grand
volume, par l'existence de deux paires de poils au bout de l’abdo-
men; celui-ci est plus grand que sur ces dernières et à côtés or-
dinairement plus arrondis. |
Les larves, comme les nymphes, n’ont dans toutes les espèces,
une seule exceptée, que l’unique plaque téqumentaire granu-
leuse de l'épistome; elle est plus grande seulement sur ces der-
nières que sur celles-là. Les unes et les autres manquent de la
plaque thoraco-abdominale qui n'existe que sur les individus
sexués. Ce fait, joint à ce que la conformation et les proportions
de leurs paltes et de leur abdomen sont analogues d’une espèce
à l’autre et même d’un genre à l’autre, montre encore une fois
que les espèces fondées sur l’examen des nymphes seules ne sau-
raient être maintenues, les différences spécifiques essentielles
ayant nécessairement alors été omises. Or on sait que, malgré les
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 287
différences de volume, de forme et de constitution qui séparent
les mâles et les femelles de beaucoup d’arachnides, il est fort peu
de descriptions spécifiques qui en tiennent compte, même dans
des écrits des plus récents.
Les nymphes n'ayant de commun avec les mâles et les femelles
de la même espèce que la constitution du rostre et la présence de
huit pattes (le plus souvent différentes de ce qu'elles seront après
la mue suivante), 1l n’y a de valables scientifiquement que les es-
pèces décrites et nommées d’après l’examen des mâles et des
femelles comparés entre eux et aux individus encore impubèéres.
Les nymphes sont d’une taille qui de l’une à l’autre varie entre
celle des plus grosses larves et une grandeur un peu moindre que
celle des individus adultes. Les enveloppes octopodes abandon-
nées par les nymphes sont de plusieurs grandeurs, et d’après les
variétés de leurs dimensions on voit que ces animaux subissent
au moins deux ou trois mues en restant à l’état de nymphe,
avant d'arriver à l’état sexué, et qu’à chaque mue l’Acarien sort
plus grand qu'il n’était auparavant.
Pour elles, comme pour les larves, la fente du tégument aban-
donné à chaque mue et qui lui permet de sortir se produit sur le
milieu du dos dans le sens longitudinal, en arrière de la plaque
de l’épistome, ou parfois en même temps sur ses côtés. IL n’est
pas rare de voir des nymphes pourvues de leurs huit paltes avec
leurs deux paires de poils postérieurs repliés sous le tégument
des plus grosses larves hexapodes, comme aussi on aperçoit des
individus hexapodes prêts à sortir de dessous le tégument d’autres
larves hexapodes. On rencontre également assez souvent des
nymphes parmi les plus volumineuses, sur lesquelles on aper-
çoit, au travers du tégument, un individu mâle ayant déjà tous
ses organes sexuels bien développés et prêt à rompre l’enveloppe
qu’il avait durant la phase octopode impubère ; on observe enfin,
sous le tégument de certaines nymphes, des femelles sans organes
génitaux externes, mais reconnaissables comme femelles quand
il s’agit d'espèces possèdant des organes d’accouplement parti-
culiers. Ces femelles-là montrent à leur tour sous leur tégument,
peu après l’accouplement ou même pendant qu’il dure encore
238 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
(mais peu avant qu’il finisse), la femelle pourvue d’organes
sexuels externes, prête à sorlir de cette enveloppe par une der-
nière mue. | |
Les nymphes se rencontrent aux mêmes endroits que les larves;
elles ont une démarche analogue, plus lente que celle des adultes.
Comme les larves, elles sont d’un blanc grisâtre à surface bril-
lante, au lieu d’avoir la teinte rousse des individus sexués. Leur
démarche est surtout lente lorsque, sous le tégument, se déve-
loppe une forme d’un âge plus avancé, dont par transparence on
aperçoit les organes: alors l'animal reste presque immobile à
Vaisselle d’une barbe de la plume insérée sur sa tige.
La nymphe hypopiale de la seule espèce de Sarcoptide plumi-
cole qui nous en ait montré habite le tissu cellulaire sous-cu-
tané des oiseaux (Pigeons), dans les plumes desquels les adultes
vivent.
4° phase. —- Femelles accouplees.
Bien que les femelles accouplées soient toujours sensiblement
plus grosses que les nymphes, elles ne s’en distinguent aisément,
lorsqu'elles ne sont pas en voie d’accouplement, que dans les
espèces où elles portent à l’arrière du corps deux appendices
incolores, cylindriques, qui manquent aux nymphes de ces mêmes
espèces. Mais la présence de ces organes sur quelques espèces
suffit pour prouver physiologiquement que, même dans celles où
ces derniers manquent, ce n’est pas à des nymphes quelconques
que s’accouplent les mâles.
C’est une règle générale qui ne souffre pas d’exception, que les
mâles des Acariens s’accouplent toujours avec des jeunes femelles
qui n’ont pas encore la vulve de ponte ou qui n'ont cette vulve
qu’à l’état rudimentaire (1).
L’accouplement des mâles avec les femelles sans organes
(1) Déjà MM, Bourguignon et Delafond ont noté chez les Psoroptes femelles un état
propre à l’accouplement (consécutif à la mue qui fait passer l'individu hexapode
à la forme octupode), suivi de deux mues qui amènent l’animal à l’état propre à la
ponte ou définitif (1856). L’un de nous a constaté le même fait chez tous les autres
Acariens psoriques, chez les Tyroglyphes, Glyciphages, Carpoglyphes (Ch. Robin),
etc., chez tous les Gamasidés et les Trombidiés (Mégnin).
SUR LES SARCOPTILES PLUMICOLES. 239
sexuels externes a lieu de la manière suivante. Les deux indivi-
dus accouplés se tiennent l'un à l’autre par l'extrémité postérieure
de leurs corps de manière à ce que la tête de l’un soit dirigée en
sens inverse de celle de l’autre. Sur la face dorsale de l'arrière
du notogastre de la femelle, le mâle applique la face antérieure
de son abdomen jusqu'au delà de l'anus; les deux ventouses co-
pulatrices placées près de cet orifice sont saillantes et appliquées
au tégument de la femelle de manière à lui adhérer assez inti-
mement.
Dans les espèces dont le mâle est pourvu de pattes postérieures
volumineuses et plus longues que les autres, celui-ci tient en
outre les tarses appuyés fortement contre les flancs de la femelle
et se fixe de la sorte à elle.
Les deux sexes ont ainsi le dos tourné du même côté, et l’un
des deux individus traîne l’autre derrière lui. C’est le mâle, en
général, qui emporte la femelle, et 1ls restent ainsi plusieurs
jours dans cette position.
L'un de nous a observé que, aussi bien chez les Sarcoptides
plumicoles que chez les Tyroglyphes, les Psoroptes, les Choriop-
tes, les Sarcoptes, les Gamases, les Thrombidions, enfin chez tous
les Acariens qu’il a observés, ce qui prouve que c’est une règle
générale, la fécondation a lieu par suite de l'introduction du
pénis du mâle dans l'anus de la jeune femelle, qu’elle ait ou
non des rudinents de vulve sous-thoracique, ce qui prouve que
la vulve sous-thoracique est exclusivement un organe de ponte, et
que l’anus, chez les jeunes femelles pubères, est un véritable
cloaque, comparable à celui des oiseaux (1).
Les mâles des Sarcoptides plumicoles sont à peu prés aussi
nombreux que les femelles, contrairement à ce que l’on voit pour
plusieurs espèces de T\roglyphes et de Glyciphages, dans les-
. quelles les mâles sont irès-rares, Dans presque toutes les espèces,
les femelles accouplées sont, comme les nymphes et les larves,
(1) Voyez Mégnin, Mémoire sur un nouveau Symbicle in Journal de l’anatomie.
— Mémoire sur un nouveau Tyroglyphe, id. 1872-1873, — Mémoire sur les Hy-
popes, id. 1874. =- Monographie des Sarcoplides psoriques in Revue de 300/ogie,
1877, in-8.
210 CI. ROBIN ET P. MÉGNIN. —-- MÉMOIRE
d’une coloration d’un blanc grisâtre, tandis que les individus
sexués sont moins transparents, roussâtres ou brunâtres.
Ces derniers diffèrent toujours considérablement (les mâles
au moins et quelquefois les femelles) des individus qui en sont
encore aux états antérieurs de leur évolution. Les mâles diffé- .
rent même beaucoup des femelles par leur volume, leur forme,
les lobes ou les appendices de l’arrière de leur abdomen, et sou-
vent par les dimensions et la disposition d’une de leurs paires de
paltes, en sorte qu'il est impossible de bien établir les caractères
d’une espèce tant qu’on n’a fait que l’examen d'individus de l’un
seulement des deux sexes, même comparativement aux nymphes
et aux larves. D’autre part, en raison des différences existant
entre les individus sexués et les nymphes ou les femelles accou-
plées, les doutes qui s'élèvent parfois sur leur identité spécifique
ne sont nettement levés que lorsqu’on a pu observer l'issue des
adultes hors de leur enveloppe de nymphe proprement dite ou
de femelle accouplée.
Les œufs se développent dans l'ovaire des femelles pendant
qu'elles ont encore la forme des nymphes, avant la mue qui
laisse en évidence les organes génitaux externes de la ponte bien
développés. Souvent ces femelles, ayant des œufs dans l’abdomen
et n'ayant pas encore l'appareil externe de la ponte ni la con-
formation caractéristique de l’âge adulte, ont été décrites comme
des femelles pleinement développées dans des espèces où celles-ci
n'étaient en fait pas encore connues. Il en est ainsi pour les Sar-
coples scabiei, notoëèdres, etc.
REMARQUES GÉNÉRALES SUR LES MUES DES SARCOPTIDES.
Au début du changement de peau, les Acariens deviennent
immobiles, insensibles à tout contact et peu différents à cet égard
des individus morts. Pendant la mue, la tête est infléchie en bas,
les deux premières paires de pattes sont ramenées sous le céphalo-
thorax parallèlement l’une à l’autre, les ventouses étalées. Celles
de la troisième et de la quatrième paire, sur les nymphes, sont
ramenées et recourbées en sens contraire, de manière que
Se. ds À à tu né
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 2,1
leurs poils et leurs ventouses se croisent sur la ligne médiane ou
deviennent voisins les uns des autres.
L'accomplissement de la mue commence par un décollement
de la couche chitineuse extérieure mince et qui doit être aban-
donnée, de celle qui recouvre l’animal qui va devenir libre.
Cette séparation a lieu aussi pour les appendices du tarse, c’est-
à-dire son crochet, sa caroncule et le pédicule de celle-ci (1).
Dans la première période de la mue, disent la plupart des au-
leurs, ces parties se distinguent difficilement et, au moment où
elles sont nettement visibles, elles ont déjà atteint leur grandeur
naturelle. Sur les téguments abandonnés, Furstenberg n’a jamais
pu, sur les poils ni sur le pédicule des ventouses, trouver un
tronçon de ceux-ci autorisant à admettre que les poils se déta-
chent de leur point d'insertion à la peau. Aussitôt que le tégu-
ment ancien s’est séparé de celui qui lui est sous-jacent, ce qui
a lieu plus ou moins tôt après que l'animal est devenu immobile
(Furstenberg), les pattes se retirent de l’enveloppe qui leur cor-
respond, et qu'on voit alors vide de tout contenu musculaire, etc.
Les pattes se replient sous le ventre entre l’ancienne et la nou-
velle peau, avec les ventouses et leur tige ou support tantôt re-
courbés, tantôt dans la direction des pattes (2). Après que les
jambes se sont relirées et se sont repliées sous le corps, le rostre
se rétracte fortement vers le céphalo-thorax, c’est-à-dire qu'il
abandonne son ancien tégument, qu'il laisse sous forme de cavité
vide, sur une étendue égale au quart ou même à la moitié de
sa longueur.
D’après les observations de l’un de nous (3), les phénomènes
de la mue, chez les Sarcoptides, ne se passent pas comme les
auteurs sus-indiqués l’ont dit; ils se passent au contraire chez
(1) Furstenberg n’a pu voir si les poils nouveaux se retirent comme le doigt d’un
gant des poils anciens qui auraient formé un recouvrement à ceux qui leur succèdent.
(2) Furstenberg a toujours vu les poils des palpes dirigés en arrière, ce qui le porte
à croire que les poils se rompent à leur point d'attache et que de nouveaux poils
poussent en ce point aussitôt après que les pattes ont pris la position qui vient d’être
indiquée.
(3) Mégnin, Note sur les métamorphoses des Acariens de la famille des Sarcop-
lides el de celle des Gamasidés in Comptes rendus de l’Acad. des sc., 8 juin 4874.
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). 16
2% CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
ces Acariens exactement de la même manière que sur les Atax,
dans lesquels ils ont été si patiemment et si exactement suivis
par Claparède. Lorsqu'un jeune Sarcoptide va muer, quel que
soit son âge, pendant son immobilité son corps se remplit d’une
substance sarcodique granuleuse résultant surtout de la liqué-
faction des muscles dés pattes et du rostre qui se sont vidés ;
une membrane analogue à la membrane blastodermique se
forme à la surface de cette substance ; des bourgeons apparais-
saient au nombre de trois paires vers l'extrémité céphalique
et de quatre paires réparties symétriquement sur les côtés vis-
à-vis de l’origine des membres ; ces bourgeons s’allongent sus
les anciens téguments sous forme de cylindres qui deviennent
des pattes complètes avec leurs poils et leurs crochets ou ven-
touses ou les organes constitutifs du rostre, suivant qu'on con-
sidére ceux des côtés ou de l'extrémité céphalique, et cela sans
que les anciens organes aient concouru en rien à la formation
des premiers et surtout sans qu’ils leur aient servi de gaîne. C’est
en quelque sorte un œuf nouveau qui se forme dans le corps de
l’animal qui mue, et dont le contenu bourgeonne et présente les
mêmes phases que l’œuf primitif. Cela est si vrai que Claparède a
vu cet état oviforme s’interposer entre chaque âge par suite de
la dissolution rapide de la vieille enveloppe de larve on de nym-
phe d’Atax dans l’eau dans laquelle il vit, dissolution qui n’a pas
lieu chez les Sarcoptides qui vivent dans l'air.
Tout le pourtour du corps s'éloigne également un peu de celui
que représente l'enveloppe qui va être abandonnée, ce qui est
aù à ce que le dos et le ventre se bombent plus ou moins; après
quoi a lieu la rupture de l'enveloppe chitineuse ancienne dont
sort l’Acarien, par suite des efforts qu’il fait. Sur les Tyroglyphes
la fente dont il détermine la formation a lieu, en général, vers
la partie postérieure de l’un des eûlés (1), et s’étend plus ou
moins loin sur l’un des flancs ou sur le dos et, parfois, sous le
ventre. On voit alors apparaître l'extrémité postérieure de l'ani-
mal jusqu’à l’insertion des dernières pattes ; 1l fait ensuite sailhr
(4) A. Fumouwze, De la cantharide officinale, Paris, 1867, In-8°, p. 45.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 243
son dos, puis sortir son rosire, et dégage en dernier lieu ses
pattes par une série d'efforts successifs.
D’après Furstenberg, les Sarcoptes, les Psoroptes, les Cho-
rioptes femelles muent au moins quatre fois (1). La première
mue des larves hexapodes commence du troisième au quatrième
jour aprés leur issue de l’œuf et dure pendant trois jours.
C’est pendant ce temps-là que pousse la quatrième paire de
pattes et, chez quelques espèces, d’autres organes, tels qu’une
deuxième paire de poils à l'arrière du corps, la multiplication
des saillies dorsales du tégument chez les Sarcoptes, etc. Mas 1l
est des Acariens, comme les Sarcoptides plumicoles par exemple,
qui changent deux fois et peut-être même trois fois de peau en
restant hexapodes. Sur ceux-là ce n’est qu’à la deuxième mue ou
à la troisième, que l’animal sort à l’état octopode impubère ou
de #zymphe. Cette mue dure quatre à cinq jours. L'animal con-
serve à peu près la forme qu'il avait pendant qu'il était hexapode ;
seulement, 1l a huit pattes et dès qu’il sort 1l devient notablement
plus gros qu’il n’était sous le tégument abandonné.
Chez les Sarcoptides plumicoles, les Tyroglyphes et les Glyci-
phages, ce phénomène se répète deux ou trois fois avant l’appa-
rition des organes sexuels et, à chaque fois, l’animal sort nota-
blement plus gros qu’il n’était.
Cest à compter de la période pendant laquelle se forme la
quatrième paire de paltes qu'on voit se développer graduelle-
ment les organes génitaux internes et en particulier les ovules,
qui acquièrent un développement plus ou moins considérable,
selon les genres et les espèces, avant la mue qui amène l’appa-
rition des organes sexuels extérieurs.
Furstenberg signale que l’accouplement des femelles a lieu
avant la dernière mue, qui est la troisième chez les Sarcoptes,
les Chorioptes etles Psoroptes, et qu’on suit très-bien les phases de
ce changement de peau pendant la durée de cet acte (Eichstedt,
Gudden, Gerlach, Bourguignon). Cette dernière mue dure de
deux jours et demi à trois jours.
(1) Furstenberg, Die Krätzmilben, Leipzig. 1864. In-4°, p. 200,
2,1 CII. ROBIN ET F. MÉGNIN. — MÉMOIRE
Les larves, les nymphes ou les individus sexués, séjournant
sous le tégument qui appartient à leur état antériéur et qu'ils
vont abandonner, montrent leurs pattes repliées sous l’abdomen.
Dans les larves sous le tégument desquelles se développe une
nymphe, on voit derrière la troisième paire de pattes apparaître
la quatrième paire, par un bourgeon semblable à celui des
autres membres. Elle est repliée d’arrière en avant sous le tégu-
ment. Il en est, du reste, nécessairement de même des poils que
les nymphes portent en plus grand nombre que les larves, et
qui n'ont pas leurs analogues chez celles-ci.
Les pattes qui bientôt vont devenir libres sont repliées sous
l'abdomen, de telle sorte que les antérieures ont leurs trois der-
niers articles et les poils qu’ils portent dirigés en arrière, et les”
postérieures les articles correspondants dirigés au contraire du
côté du rostre. Celles de la première paire sont parallèles entre
elles, presque contiguës l’une à l’autre sur la ligne médiane, et
celles de la quatrième paire offrent une disposition semblable,
mais sont dirigées au sens inverse. Les pattes de la deuxième
paire sont couchées en dehors de celles de la première, et celles
de la troisième paire en dehors des dernières. Les poils de l’épi-
stome et ceux du céphalo-thorax sont couchés, les premiers
d'avant en arrière, les autres en sens inverse sous le tégument
qui va être quitté. Les poils de la partie postérieure du corps et
ses lobes, ainsi que leurs appendices (quand il y en a) sont re- .
pliés et couchés sous le ventre contre les dernières pattes. Ces
lobes et leurs appendices en se redressant dès leur sortie du tégu-
ment chitineux abandonné font que les individus sexués se trou- «
vent plus grands qu’ils n'étaient immédiatement avant sous forme «
de nymphe (1).
-
(1) Les phases du phénomène de décollement dès que lé mince tégument chiti=
neux de remplacement s’est produit comme il a été indiqué p. 242, sont faciles à
observer sur les Crustacés, pour le rostre, les membres, les branchies, etc. Ce n’est
qu'après la rupture dorsale du tégument au niveau de l’articulation thoraco-abdo-
minale que ces divers organes se retirent de l’ancien comme le doigt se retire d’un
gant. C’est sans doute par analogie avec ce qui se passe chez les Crustacés que les
auteurs dont nous avons parlé avaient admis une formation de membres dans la cavité.
des anciens et un décollement consécutif, mais, nous le répétons, les choses ne se
passent pas ainsi chez les Acariens.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 2h45
SUR L'HABITAT DES SARCOPTIDES PLUMICOLES EN GÉNÉRAL.
Les femelles accouplées se trouvent:avec les mâles et aussi avec
les femelles sexuées, soit mêlées aux nymphes et aux larves en
séries, soit isolées, entre les barbes des rémiges seules ou des
, rémiges et des tectrices (comme on le voit sur les cailles et les
perdrix), soit plus particulièrement sur les rémiges. Les tectrices,
au contraire, logent surtout des nympnes et des larves; le plus
souvent, elles sont entre les grandes barbes. Sur quelques oiseaux,
comme sur le martinet (Cypselus), il y en a aussi entre les bar-
bes de la courte rémige. Parfois les mâles et les femelles fécon-
dés, mais surtout ces dernières, se liennent appliqués plusieurs
à la suite l’un de l’autre, ou en amas avec des nymphes, contre
les faces latérales de la tige des plumes, à la base des barbes, ou
entre les premières barbes duvetées qui sont près de l’âme de la
plume, soit des rémiges, soit des tectrices. D’autres fois, les
adultes sont dans le sillon de la face inférieure de la tige jus-
qu'’auprés de l’âme, en même temps qu’il y en a sur les côtés de
la tige.
Dans tous les cas, on ne trouve ces Acariens que sur les ailes
quand les oiseaux sont récemment tués, et ils rentrent rapide-
ment entre les barbes quand on cherche à les enlever. Lorsque
l'animal se refroidit, ils se répandent ordinairement sur la peau
du corps, les adultes surtout, et on les trouve encore vivants
trois à cinq jours après la mort de l’oiseau. Les nymphes et les
larves restent plus longtemps à l’aisselle des barbes, et souvent
même jusqu à ce qu’elles y meurent.
Lorsque ces Acariens sont très-nombreux, comme on le voit
souvent sur les perdrix et les cailles, les coques des œufs, et sur-
tout les enveloppes de larves et de nymphes, sont abandonnées
les unes à la suite des autres entre un certain nombre de barbes
voisines sur une même plume. Elles forment ainsi des plaques
grisâtres vers le milieu de la plume, pouvant atteindre une lar-
geur de À centimètre carré ou environ. |
Dans ces enveloppes, non plus que parmi celles qui sont épar-
2h16 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN, — MÉMOIRE
ses, on n’en trouve jamais qui aient appartenu aux femelles ni
aux mâles sexués, qui en un mot reproduisent leur forme, leur
plaque granuleuse céphalothoracique et la disposition des organes
génitaux externes ; toujours on ne rencontre que des téguments
reproduisant la conformation des larves et des nymphes avec.
leur unique plaque grenue de l’épistome. Ces particularités mon-
trent que les individus sexués ne subissent aucune mue; que la
dernière mue de chaque espèce est celle qui s'annonce par l’appa-
rition des organes sexuels complets sous le tégument des nym-
phes proprement dites, quand il s’agit des mâles, et pour les
femelles, sous celui des individus ayant la forme des nymphes,
mais ayant été accouplées avec les mâles alors qu’elles étaient
encore sars organes sexuels externes ou avec les lèvres de la
vulve à l’état rudimentaire seulement.
C'est surtout dans les premières plumes de l’aile qu’on les
trouve et parfois, comme sur l’engoulevent (Caprimulqus\, dans
la partie blanche des plumes à l'exclusion presque complète des
portions autrement colorées.
Sur les cailles et les perdrix, ils sont assez souvent accompa-
onés de quelques Liothés. Ces derniers se tiennent plus particulié-
rement entre les petites plumes de la tête, dans le voisinage de
là base du bec, et quittent cette place très-peu de temps après la
mort de l’animal.
SUR LES AFFINITÉS ZOOLOGIQUES DES SARCOPTIDES PLUMICOLES,
Les Sarcoptides plumicoles ont des affinités avec les Chorioptes,
les Sarcoptes et les Psoroptes, par les analogies que présentent
des uns aux autres les sillons de leurs téguments et par l’existence
chez les uns et les autres de plaques granuleuses dorsales. Mais
ils en diffèrent beaucoup par la forme de leur corps, par la dis-
position de leur lèvre, de leurs palpes maxillaires, de leurs man-
dibules, de leurs organes génitaux et surtout de leurs pattes.
A ces derniers égards, ils se rapprochent davantage des Tyro-
glyphes ct surtout des Glyciphages, mais ils se distinguent aisé-
ment de ces derniers, qui ont le tégument lisse ou grenu)ÿ sans
SUR LES SARGOUPI1IDES PLUMILOLES. 247
sillons ni plaques granuleuses de l’épistome et thoraco-abdomi-
nale et qui de plus ont le corps de forme plus massive.
Enfin les larves et les nymphes différent plus des individus
sexués, et les mâles différent quelquefois plus des femelles dans
les espèces décrites dans ce mémoire que chez les Sarcoptes, les
Chorioptes, les Psoroptes, les Tyroglyphes et les Glyciphages.
Bien que par la constitution de leurs pattes, de l’arrière de
l'abdomen du mâle, et par la disposition des organes génitaux, ils
se rapprochent un peu des Listrophorus (1),ils s’en distinguent
aisément par la structure, tant de leur rostre que de leur épis-
tome, et par la forme générale de leur corps, de leur dos surtout.
Ils se distinguent facilement aussi des autres Sarcoptides
vivants, sur divers petits mammifères et rangés par Kock dans
son genre Dermaleichus. |
C’est le genre Pterolichus qui se rapproche le plus des Tyro-
glyphes, surtout ses premières divisions, et le genre Dermalichus
est le plus voisin des Psoroptes et des Chorioptes; le genre
Pteronyssus établit le passage du premier de ces genres au se-
cond. Quant au genre Proctophyllodes, si ses pattes et son rostre
le rapprochent du Pterolichus et par suite des Tyroglyphes,
lobes abdominaux des femelles adultes les éloignent à la fois
et de ceux-ci et des Psoroptes et des Chorioptes. En somme,
les Sarcoptides plumicoles forment une tribu bien distincte qui
doit être placée entre les Sarcoptides détrilicoles et les Sarcop-
tides psoriques, et à côté des Sarcoptides gliricoles ou parasites
des rongeurs.
L’Acarien décrit par M. Gervais sous le nom de Tyroglyphus
bicaudatus comme suballongé de couleur rosée pâle, avec épines
basilaires, des pattes fauves, abdomen des adultes prolongé en
deux tubercules séligères portant chacune un stigmate inférieu-
rement près de son extrémité, ce qui lui donne quelque analogie
avec les Psoroptes (2), est certainement un Acarien du groupe
des Sarcoptides plumicoles et non un 7Tyroglyphe; mais les
(4) Pagenstecher, Listrophorus Leuckarti, Ein neues milbengeschlecht (Zeitschrift
fuer wissens. Zoolog. Leipzig, 1861. In-8°, p. 109 et 156).
(2) Gervaiset Walckenaer, Insectes aptères, Paris, 1844, In-8°, t. III, p. 262,
2hS CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — SARCOPTIDES PLUMICOLES.
caractères précédents ne permettent pas de dire auquel des gen-
res suivants il appartient.
La deuxième partie de ce travail contiendra la descriplion des
genres et des espèces dont les noms seuls, pour la plupart,
avaient été signalés par l’un de nous (1) à la suite d’un résumé
des pages qui précèdent.
(La suite au prochain numéro.)
EXPLICATION DES PLANCHES XII er XIII.
PLANCHE XII.
Fic. À. — Pterolichus falcigerus mâle, face ventrale (grossiss. 100 diam.).
Fi. 2, — Le même, face dorsale (même grossiss.).
Fic. 3. — Son rostre, face inférieure (grossiss. 250 diam.).
f,f. Mâchoires.
g,h,i. Palpe maxillaire.
ll, Lèvre.
m,m. Mandibules.
FiG, 4. — Une de ses mandibules (même grossiss.).
PLANCHE, XIII.
FiG. 1. — Pterolichus fulcigerus femelle, face ventrale (grossiss. 100 diam.).
Fig. 2, — La même face dorsale (même grossiss.).
Fi. 3. —- Son rostre, face inférieure (grossiss. 309 diam. ).
f,f. Mächoires soudées.
g,h,i. Palpe maxillaire à trois articles.
1,1. Lèvre résultant de la soudure de la partie membraneuse des
mâchoires, et portant une paire de poils.
m,m. Mandibules.
Fi6. 4. — Une mandibule isolée (grossiss. 300 diam.).
Fi. 5. — Un œuf (grossiss. 100 diam.).
F16. 6. — Une larve hexopode (même grossiss.)
FiG. 7. — Une nymphe octopode (même grossiss.).
Fi. 8. — Une nymphe en voie de subir la métamorphose hypopiale
(même grossiss.).
(1) Ch. Robin, luc. cit. (Comptes rendus de l’Académie des sciences. 1868,
t. LXVI).
MÉMOIRE
SUR
LA DUALITÉ PRIMITIVE DU COEUR
DANS L’ÉVOLUTION DU POULET (1)
Par M. Camille DARESTE
On a signalé, à diverses reprises, l'existence de deux cœurs
chez des oiseaux adultes et d’ailleurs bien conformés. Ces faits
ont été généralement révoqués en doute (2). Mais ce doute n’est-il.
pas exagéré, et doit-on considérer tous ces faits comme absolu-
ment dépourvus d'authenticité ? Celle question, il y a vingt ans,
aurait pu paraître étrange. Les observalions que j'ai faites sur
le mode de formation du cœur m'autorisent du moins à la poser.
Assurément, il n’est pas possible d'admettre, avec Théophraste,
que les perdrix de Paphlagonié possédaient deux cœurs d’une
manière normale (3). De pareils faits n’auraicnt pu évidemment
se présenter que comme des faits exceptionnels. Mais je puis
citer une observation beaucoup plus récente et dont l’authenti-
cité me parait difficile à nier. Jela cite textuellement, telle qu’elle
est rapportée dans l’Arstoire de l’Académie des sciences.
€ M. Plantade (4), de la Société royale de Montpellier, étant
à Paris, a trouvé à ses repas, deux fois de suite en assez peu de
temps, deux poulets qui avaient chacun deux cœurs. Il donna
(1) Ce mémoire forme un chapitre détaché d'un ouvrage actuellement sous presse
et qui a pour titre : Recherches sur la production artificielle des monstruosités ou .
essais de tératogénie expérimentale.
(2) Voyez au sujet de ces faits de dualité du cœur, Is. Geoffroy Saint-Hilaire,
Traité de tératologie, t. 1, p. 725.
(3) A. Gellius. Noctes atiicæ, liv. XVI, cap. xv.
(4) Plantade était un astronome éminent qui fut le fondateur de la Société royale
de Montpellier. 11 mourut subitement à soixante-treize ans, sur le pie du Midi, pen-
dant qu’il faisait des observations astronomiques.
250 C. DARESTE. — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR
ceux du dernier à M. Cassini le fils, qui les apporta à l'Académie.
M. Littre les examina; il commença par les ramollir dans de
l’eau tiède pour les mettre en élat d’être disséqués. Ils étaient
égaux entre eux, et seulement tant soit peu plus petits chacun
que le cœur d’un poulet du même âge. Ils étaient situés à côté
l’un de l’autre, avaient chacun leurs ventricules, leurs oreillettes
et tous leurs vaisseaux sanguins comme les cœurs ordinaires, et
n'avaient rien de singulier sinon qu'ils étaient attachés tous deux
par leur veine cave inférieure à un des lobes du foie. M. Littre
conjectura que le sang du ventricule droit du cœur droit allait
dans le poumon droit, et le sang du ventricule droit du cœur
gauche dans le poumon gauche. Quant à l’autre circulation, ou
les aortes des deux cœurs pouvaient s’unir etn’en former qu’une,
ou l'aorte du cœur droit fournissait du sang aux parties du côté
droit, et celle du cœur gauche au côté gauche ; ou toutes deux se
distribuaient également par tout le corps, de sorte qu’il y avait
toujours double artère. Du reste, comme chacun des deux cœurs
avait presque autant de force qu’un cœur unique, ce poulet avait
deux fois plus de vie qu’un autre, et si un cœur lui manquait, il
en avait encore un de relais. Cette conformation, qui, selon ce
qu’on a vu, n’est pas apparemment fort rare dans cette espèce,
ne doit pas être impossible dans l’homme; et peut-être a-t-elle
déjà produit des phénomènes qui ont confondu les physi-
ciens. (1) » ,
Cette observation, si incomplète qu’elle soit, ne peut, ce me
semble, laisser aucun doute, même aux esprits les plus sceptiques ;
car il ne faut pas oublier que Littre était incontestablement l’un
des premiers anatomistes de son temps.
Il y a également des observations analogues de Sæœmmering et
de Meckel sur l'oie. Meckel les rapporte sans aucun détail; il dit
seulement qu'il a observé la dualité du cœur sur une oïe pendant
un repas (2). Sans doute, cetteobservation de Meckel n’est qu'une
(1) Fontenelle, Hist. de l’Acad. des sciences, 1709, p. 16.
(2) Meckel, De duplicitate monstrosa commentarius, 1815, p. 54: « Sæmmering
itidem cor anserinum observavit duplex, nosque ipsi tale coram habemus in ansere
simplici; sed, proh dolor! inter cœnam tantum jam elixum quod fuit repertum. »
DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 251
simple allégation. Peut-on cependant contester l’allégation d’un
anatomiste comme Meckel, lorsqu'il dit avoir rencontré deux
cœurs ?
Ces faits ont été observés chez des oiseaux. Je n’en connais
qu’un seul dans l'espèce humaine ; mais, si incomplète que soit
sa description, elle présente toutes les garanties d'authenticité.
Elle appartient à un chirurgien de Lyon, nommé Collomb, dont
le nom est aujourd’hui complétement oublié, mais qui était un
praticien instruit et qui même professa la chirurgie à Lyon.
Cette observation fut faite sur un monstre opocéphale qui avait
vécu deux heures, et qui fut disséqué par Collomb. Je cite tex-
tuellement ses paroles : « J’ouvris la poitrine et nous y trouvä-
mes deux cœurs enveloppés chacun d’un péricarde ; leurs pointes
étaient tournées, l’une du côté droit, l’autre du côté gauche ; les
vaisseaux qui en partalent et qui s’y rendaient étaient nécessai-
rement doubles ; mais ils se réunissaient à neuf lignes environ
de distance du cœur pour ne former ensuite que les troncs
ordinaires. (1) »
En 1860, la question entra dans une phase nouvelle. M. Panum
signala l'existence de deux cœurs sur des embryons monstrueux
de poulets (2). Les observations de M. Panum, fort développées,
ne pouvaient laisser aucun doute. Toutefois ce physiologiste, tout
en les faisant connaître, n’en comprit point la signification. Il
expliqua les deux cœurs par la division d’un organe primitivement
unique. C'est précisément, je vais le montrer, le contraire de ce
qui se passe dans la réalité.
J'eus moi-même, en 1863, l’occasion d'observer un fait de ce
genre (3). En 1864, ces faits se reproduisirent assez fréquem-
(1) Collomb, OEuvres médico-chirurgicales, p. 462. Ce livre a été publié en 1798,
l’année même de la mort de Collomb. Mais l'observation est beaucoup plus ancienne,
car elle est citée en 1743 dans un des mémoires lus par Winslow à l’Académie des
sciences. — Voy. sur Collomb, Dumas, Hist. de l'Acad. royale des sciences, beiles-
lettres et arts de Lyon, t. I, p. 275.
(2) Panum, dans Virchow’s Archiv, t. XVI, p. 39. — Voyez aussi son livre sur
la production des monstruosités, Untersuchungen, etc., p. 86 et 94, pl. IV, fig. 1,
2; pl. V, fig. 4 et 2.
(3) Dareste, Nouvelles recherches sur la production artificielle des monstruosilés,
dans les Comptes rendus, t, LVII, p. 445, 1863.
252 C. DARESTE, — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR
ment dans une série d’expériences faites pour déterminer l’in-
fluence que les températures relativement basses exercent sur. le
développement de l'embryon du poulet (1). Ils me paraïssaient
étranges. Toutefois, je ne pouvais douter de leur réalité; car le
cœur est le premier organe de l'embryon qui manifeste son rôle
physiologique par un phénomène spécial, la contractilité, à une
époque où la vie des autres organes ne consiste encore que dans
la multiplication des cellules. Je voyais battre les deux cœurs,
pendant un temps plus ou moins long, sur le blastoderme séparé
du jaune et étalé sur le porte-objet du microscope : je pouvais
même, en meltant en Jeu une particularité physiologique déjà
signalée par Harvey, faire reparaître, à plusieurs reprises, les
contractions du cœur par l’empioi de l’eau chaude, lorsqu'elles
avaient cessé depuis un certain temps (2). J'avais donc bien réel-
lement sous Les yeux deux cœurs distincts.
Comment expliquer ces faits ? L'hypothèse qui me ‘parat la plus
vraisemblable, c’est que le cœur serait primitivement double et
que l'existence des deux cœurs, dans certains états tératologiques,
serail la permanence d’un état primiuif résultant d’un arrêt de
développement. Je consullai donc tous les ouvrages d’embryo-
génie qui étaient à ma disposition, ouvrages fort peu nombreux
du reste ; car j'étais alors en province et je n’avais à ma portée
qu’un nombre très-restreint de livres de science. Tous ces ouvra-
(1) Dareste, Recherches concernant l'influence des basses tempérrlures sur le
développement de l’embryon de la poule, dans les Mém. de la Soc. des sciences, de
l’agriculture et des arts de Lille, 3° série, t. Il, p. 294, 1865.
(2) Je voyais récemment, dans un traité d’embryogénie publié en Allemagne,
l'indication de cette propriété comme une découverte nouvelle. Voici les propres
paroles de Harvey :
«Ovo insuper aeri frigidiori diutius exposilo punctum saliens rarius pulsat et
languidius agitatur : admoto autem digito calente, aut alio blando fotu, vires statim
vigoremque recuperat. Quinetiam, postquam punctum hoc sensim us et san-
guine plenum, a motu omni cessans nullumque vitæ specimen exhibens, morti peni-
tus succubuisse visum est, imposito digito meo repente, spatio viginti arteriæ meæ
pulsuum, ecce corculum denuo reviviscit, erigitur, et tanquam postliminio ab Orco
redux pristinam choream redintegravit. Idque alio quolibet leni calore, ignis nempe
aut aquæ tepidæ, iterum iterumque a me atque aliis factitatum est; ut, pro libito,
misellam animam ve! morti tradere, vel in lucem revocare, in nostra potestate fuerit. »
Exercitaliones de generalione animalium, ex. 16.
DANS L'ÉVOLUTION DU POULET, 253
ges décrivaient le cœur comme un orgare complétement simple
à son début. Toutefois je lus dans un mémoire de Serres (1) que
la dualité primitive du cœur aurait été figurée par Pander dans
son célèbre mémoire sur le développement du poulet, mémoire
que je ne pouvais alors consulter. J’acceptai done complétement
l’opinion de Serres, et je partis du fait de la dualité primitive du
cœur, que je croyais établi par Pander, pour expliquer non-seu-
lement la dualité tératologique de cet organe, mais encore un
certain nombre d’autres anomalies. Ce fut le sujet d’une note que
j'adressai à l'Académie des sciences le 5 juin 1865 (2).
Voici un extrait de cette note :
Après avoir signalé la position de l’anse cardiaque, tantôt à la
droite, et Lantôt à la gauche de l'embryon, j'ajoute :
L’explication de ce fait m'a été donnée par l'étude des monstres à
double cœur que j'ai rencontrés en assez grand nombre (une vingtaine
environ) dans mes expériences. |
Je n'ai pas encore été assez heureux pour observer directement le
mode de formation de ces doubles cœurs; mais les connaissances que
nous avons sur la formation normale du cœur me permettent de l’ex-
pliquer d’une manière très-simple.
Le premier indice que l'on ait de la formation normale du cœur con-
siste dans l’apparition de deux replis latéraux que l’on observe au-dessous
de la tête et au-dessus du pli transversal que forme le capuchon cépha-
lique à l'endroit où il se sépare de la tête. Ces replis, qui ont été figurés
pour la première fois par Pander, forment deux blastèmes situés symé-
triquement des deux côtés de la ligne médiane.
Lorsque ces deux blastèmes se développent inégalement et d’une ma-
nière indépendante, ils donnent naissance aux deux anses cardiaques.
Le plus ordinairement ces blastèmes se développent d’une manière
inégale et l’un des deux est beaucoup plus apparent que l’autre. Celui
de ces blastèmes qui prend le plus grand développement détermine la
formation d’une anse cardiaque unique, qui occupe le côté de la ligne
médiane primitivement occupé par le blastème le plus développé.
Il reste maintenant à déterminer, pour compléter l’histoire de la for-
mation du cœur, le rôle du blastème dont le développement est moin-
dre. Disparait-il peu à peu en s’atrophiant? ou bien doit-il se souder
(4) Serres, Recherches d'anatomie transcendante, dans les Annales des sc, nat.,
1'° série, t. XVI, p. 249, 1829,
(2) Dareste, Mode de production de l’inversion des viscères ou de l’hétérolaxie,
dans les Comptes rendus, t. LX, p. 746. 1865.
254 C. DARESTE. — DÜALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR
avec l’autre blastème et contribuerait-il à former les cavités du cœur
pulmonaire ?
Dans le premier cas, il y aurait primitivement deux cœurs qui, en se
développant isolément, donneraient le cœur de l’état normal et le cœur
de l’état inverse. Dans le second cas, Le cœur définitif serait formé par
la soudure des deux blastèmes, dont le plus développé donnerait le cœur
aortique, et le moins développé le cœur pulmonaire.
Cette dernière opinion me parait être la plus conforme aux faits. Tou-
tefois je n’ai pu encore m'en assurer d’une manière certaine.
On le voit, je croyais alors, sur la foi de Serres, que Pander
avait établi la dualité primitive du cœur et je’ ne pensais pas
qu'il fût nécessaire de la démontrer après lui.
Quelque temps après, pendant un séjour à Paris, J’eus occasion
de lire le célèbre travail de Pander. Je vis, à mon grand étonne-
ment, que Pander n’a ni décrit ni figuré la dualité primitive du
cœur. Ge grand embryogéniste a cherché à expliquer la forma-
tion du cœur, comme Wolff avait expliqué celle de l'intestin, par
le repli d’une lame qui, formant d’abord une gouttière, se trans-
formerait en un tube ; et, par conséquent, 1l considérait cet or-
gane comme unique dès son origine. Ce qui a causé l'erreur
de Serres, c’est qu'il a considéré comme deux parties distinctes
les deux plis qui, dans la suite, forment le cœur (die beiden
Falten des innern Seite der Kopfscheide, welche in der Folge
das. Herz bilden) (1). Il est possible d’ailleurs que les plis figurés
par Pander aient été les bords extérieurs des deux blastèmes
cardiaques primitifs; mais, si Pander avait vu le fait, il n’en avait
pas compris la signification. |
Personne n'avait donc constaté la dualité primitive du cœur.
Il n’y avait qu'un moyen de vérifier mon hypothèse : c’était
l'observation directe. Je me posai ce problème : le cœur appa-
rait-il, dans son premier état, sous la forme d’un tube cylindri-
que, situé, dans la fosse cardiaque, au-dessous de l’œsophage,
(1) Pander, Beitrüge zur Entwickelungsgeschichte des Hühnchens im Eï. 1817,
p. 37. Voy. aussi pl. VII, fig. 3. — L’explication que Pander donne de la formation
du cœur a été assez exactement reproduite en 1868 par His : Untersuchungen über
die erste Anlage des Wirbelthierleibes. — Die erste Entwickelung des Hühnchers
im Ei, p. 84.
DANS L'ÉVULUTION DU POULET. 200
comme le décrivent tous les embryogénistes ? ou bien, ne pre-
senterait-il pas des phases antérieures, et ne serait-il pas double
à un certain moment de son existence ? Je me mis à l’œuvre en
1866; et j'arrivai, par une longue série d'observations, à con-
stater que l’état de tube cylindrique, considéré pendant longtemps
comme l’état primitif du cœur, a été précédé par une succession
d’autres états pendant lesquels le cœur est manifestement dou-
ble. C’était donc une découverte entièrement nouvelle à laquelle
J'étais conduit par mes études tératogéniques. Mais je fis, en
même temps, une autre découverte, tout à fait inattendue, c'est
que la formation du cœur se lie à la formation même du segment
antérieur du feuillet vasculaire. Il y avait donc là deux faits en-
tièrement nouveaux que personne n'avait vus avant mol.
Pour établir sur un texte précis mes droits à la découverte de
la dualité primitive du cœur et du mode de formation du seg-
ment antérieur du feuillet vasculaire, je citerai textuellement une
note que J'adressai à l'Académie des sciences dans la séance
du 8 octobre 1866, telle qu’elle a été publiée dans les Comptes
rendus.
Recherches sur la dualité primitive du cœur et sur la formation de l'aire
vasculaire dans l'embryon de la poule (1).
Tous les embryogénistes qui ont étudié avant moi la formation du
cœur décrivent cet organe comme constituant, dès son origine, une
masse unique.
Mes études tératologiques m'avaient conduit depuis longtemps à soup-
tonner, ainsi que Serres l'avait fait avant moi, que le cœur devait être
double à son origine ; c’est-à-dire qu'il y aurait au début deux cœurs
qui, primitivement séparés, se réuniraient de bonne heure sur la ligne
médiane, J'avais constaté, en effet, dans un certain nombre d’embryons
monstrueux, l’existence de deux cœurs complétement séparés et dont je
ne pouvais me rendre compte que par la permanence d’un état primitif,
En poursuivant des recherches dans cette direction j'ai constaté, confor-
mément aux prévisions de Serres et aux miennes, que la dualité du
cœur est un état normal, mais pendant une période tellement courte
qu'elle a échappé à tous les observateurs.
J'ai déjà l’année dernière annoncé ce fait à l’Académie, en le faisant
servir à l'explication d’un certain nombre d'anomalies. Je me propose
(4) Comples rendus, t. LXIIT, p. 608. 1866.
256 | G. DARESTE. — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR
aujourd’hui de montrer comment la dualité primitive du cœur se lie à
certaines particularités non encore décrites du développement de l’aire
vasculaire. |
L’aire vasculaire, complétement et normalement développée, a un
contour entièrement circulaire. Ce contour circulaire est décrit, par
tous les embryogénistes, comme l’état primitif de l'aire vasculaire. Je
me suis assuré qu'à son début l'aire vasculaire n'est pas entièrement
limitée par une circonférence de cercle, et que son contour circulaire
ne se complète que tardivement dans la région antérieure, celle qui se
développe au-dessous de la tête de l'embryon. Il y a un état primitif
dans lequel la forme de l’aire vasculaire est celle d’un cercle incomplet,
dont on aurait retranché un segment antérieur, égal à peu près au quart
de son aire. L’aire vasculaire est alors terminée en avant par un bord
rectiligne qui ne dépasse pas le bord antérieur de la fosse cardiaque,
celui qui est formé par le repli du feuillet séreux en arrière de la tête.
La formation du segment antérieur de l’aire vasculaire, qui complète
en avant son contour circulaire, résulte de la formation de deux lames
qui sont elles-mêmes le résultat de la manière inégale dont se dévelop-
pent les diverses parties du bord rectiligne antérieur. Très-actif aux
deux extrémités de ce bord, le développement est à peu près nul à
son-centre. Aussi cette ligne droite se transforme-t-elle en deux autres
lignes droites, formant un angle rentrant dont l’ouverture est en avant,
et qui marchant incessamment à la rencontre l’une de l’autre, dimi-
nuent peu à peu l'ouverture de l’angle rentrant et finissent par se con-
joindre sur la ligne médiane. On peut représenter très-exactement ce
mouvement des deux lignes droites qui forment le bord antérieur de l’aire
vasculaire en les comparant aux deux branches d’un compas. Sile compas
est ouvert de manière que ses deux branches soient juxtaposées en for-
mant une seule ligne droite, on a la représentation de l’état primitif du
bord antérieur de l’aire vasculaire. Les divers états consécutifs sont re-
présentés par les différents degrés d'ouverture du compas, lorsqu’on
rapproche peu à peu les deux branches, jusqu'au moment où elles sont
placées parallèlement l’une à l’autre et où le compas est entièrement
fermé.
La soudure des deux lames antérieures de l'aire vasculaire présente
d’ailleurs un fait curieux, c’est qu’elle ne se produit pas simultanément
dans toute leur longueur. Elle commence à leurs deux extrémités : d’utie
part, dans la fosse cardiaque, et d’autre part, en avant de la tête, tandis
que, dans leur région moyenne, c’est-à-dire au-dessous de la tête, les
deux lames restent plus ou moins longtemps séparées. Ce fait explique
certaines anomalies dans lesquelles la tête, pénétrant entre les deux
lames et refoulant devant elle les feuillets séreux et muqueux, fait |
hernie dans l’intérieur du vitellus. La tête est alors très -déformée, pré-
sente de nombreux arrêts de développement et réalise assez exactement
les conditions qu'elle présente chez les monstres hémiacéphales.
DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 257
J'ai constaté de nombreuses anomalies dans le développement de ces
lames antérieures de l'aire vasculaire. Tantôt ces deux lames, également
développées, ne se soudent point l’une à l’autre ; tantôt elles se dévelop-
pent d'une manière {rès-inégale, l’une d’elles atteignant ses dimensions
ordinaires, tandis que l’autre s’est arrêtée de très-bonne heure. De ces
anomalies de l'aire vasculaire dérivent d’autres anomalies dans la dispo-
sition des veines qui ramènent au cœur le sang provenant de la partie
antérieure de l'aire vasculaire.
La dualité primitive du cœur est la conséquence immédiate de cette
dualité primitive des lames antérieures de l'aire vasculaire. En effet,
les blastèmes qui formeront plus tard le cœur se présentent d’abord sous
l’aspect de deux petites masses oblongucs que l’on observe à la partie
inférieure et interne de chacune de ces lames, très-près du point où
elles se réunissent pour former le sommet de l'angle rentrant que
j'ai décrit plus haut. Ces deux blastèmes sont complétement séparés,
comme les lames au sein desquelles ils ont pris naissance. Plus tard,
lorsque les deux lames s'unissent sur la ligne médiane, les deux blas-
tèmes cardiaques, dont le développement a suivi celui des lames elles-
mêmes, vont, ainsi que les lames, à la rencontre l’un de l’autre, se
Joiguent comme elles sur la ligne médiane et ne tardent pas à se fondre
en une masse unique qui forme ce que les embryogénistes ont considéré
jusqu’à présent comme l’état primitif du cœur. Toutefois on retrouve
encore, pendant un certain temps, un indice de la dualité primitive;
c'est une échancrure qui existe à la partie antérieure de l'organe et qui
provient de ce que la soudure des deux blastèmes cardiaques procède
d’arrière en avant, comme celle des lames de l'aire vasculaire qui leur
servent de support. | j
Tous ces faits sont très-difficiles à voir, lorsque l’on étudie l'embryon
dans son état ordinaire, par suite de la grande transparence des tissus.
Mais on arrive assez facilement à les constater lorsqu'on colore les
tissus avec une dissolution alcoolique d’iode peu concentrée, Comme les
blastèmes cardiaques forment deux masses dans lesquelles la matière
blastématique est plus dense que dans le reste de la lame antérieure de
l'aire vasculaire, ils absorbent la solution d’iode en plus grande abon-
dance que les tissus voisins et prennent alors une coloration jaune plus
intense. Mais il arrive un moment où toute la coloration des tissus prend
une intensité égale partout. On peut alors faire reparaître les blastèmes
cardiaques en lavant l’embryon avec de l'alcool pur, qui enlève peu à
peu l’iode aux tissus qui l’ont absorbé et fait ainsi reparaître momenta-
uément les deux blastèmes.
Cette dualité primitive des blastèmes cardiaques n’a, dans l’état nor-
mal, qu'une courte durée; mais il n’en est pas de même lorsque, par
suite d’un développement anormal, la soudure dés lames antérieures de
l'aire vasculaire ne s’est point produite, Dans ce cas, l'isolement des
lames maintient l'isolement des blastèmes cardiaques. Ceux-ci se trans-
JOURN, DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOLe — Te XIII (1877). 17
25S C. DARESTE. — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR
forment alors en deux cœurs entièrement distincts, qui, suivant le degré
d’écartement des lames, sont tantôt situés au devant de la région anté-
rieure de l'embryon et tantôt rejetés latéralement et occupant les deux
côtés de cette région antérieure.
Une autre particularité, également fort sMiboffinte, que présentent les
blastèmes cardiaques, c’est leur volume inégal. Dans l’état normal, le
blastème droit, celui qui correspond au membre antérieur droit, est le
plus développé. Dans l’inversion des viscères, c’est le blastème gauche.
On peut présumer que ces deux blastèmes sont Ie point de départ du
cœur aortique et du cœur pulmonaire. Toutefois mes observations ne
m'ant encore rien appris sur ce sujet.
Cette note, un peu trop brève, comme toutes les communica-
tions publiées dans les Comptes rendus de l’Académie des scien-
ces, qui ne doivent pas dépasser une certaine longueur, contient
l'indication très-nette de la dualité du cœur et de ses relations
avec la formation du segment antérieur du feuillet vasculaire.
Je dois la compléter en indiquant les différentes phases que tra- ‘
versent les blastèmes cardiaques pour atteindre l’état qui a été
pendant longtemps considéré comme primitif, et dans lequel le
cœur se présente sous l'aspect d’un tube rectiligne et contractile
situé sur la ligne médiane, en avant de la partie du tube digestif
qui deviendra l’œsophage. |
Les deux blastèmes apparaissent d’abord sous la forme de deux
petites masses oblongues , complétement distinctes l’une de
l’autre. On les aperçoit dans cet espace que M. Wolff désignait
sous le nom de fosse cardiaque (fovea cardiaca), et qui est limité
en avant par le repli quise continue avec le capuchon céphalique
de l’amnios, en arrière avec le repli qui se continue avec le revê-
tement du vitellus. Cet espace est occupé par les parties anté-
rieures du disque embryonnaire, ou, si l'on veut employer une
expression nouvelle, assez généralement admise aujourd’hui, le
mésoderme où mésoblaste. C’est dans la partie centrale de ce bord
antérieur que se produisent les deux blastèmes cardiaques.
Ces deux blastèmes sont généralement inégaux. Le blastème
que l’on voit à gauche, quand on observe l'embryon par sa face |
ventrale, est, le plus souvent, plus volumineux que celui que l’on
voit à droite. Je suppose que c’est le plus grand volume de ce .
DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 259
blastème qui détermine le sens de l’incurvation de l’anse car-
diaque, lorsqu'elle fait saillie en dehors de l'embryon. Dans
l'évolution normale, l’anse cardiaque apparait à la gauche de
l'embryon quand on l’observe par la face inférieure ; à sa droite,
quand on l’observe par la face supérieure. Dans l’inversion des
viscères, l’anse cardiaque fait saillie de l’autre côté de l'embryon.
Ces deux blastèmes m'ont paru, dans leur origine, être com-
plétement pleins et consister en une accumulation de cellules.
Cela me semble résulter de la coloration intense qu’ils prennent
_lorsqu’on les soumet à l'action de la teinture d’iode, coloration
qui les distingue nettement des tissus environnants. Mais ils ne
tardent pas à présenter une cavité dans leur intérieur.
Un peu plus tard, les deux blastèmes se transforment en deux
tubes complétement fermés à leurs extrémités. Ces deux tubes
sont courbés en arc et se font face l’un à l’autre par leur con-
vexité. Les extrémités de chacun de ces tubes sont d’abord très-
rapprochées l’une de l'autre ; mais, peu à peu, les deux tubes se
redressent et leurs extrémités s’écartent l’une de l’autre. Cela
résulte de l'allongement de l’œsophage, de cette partie du tube
digestif qui forme en quelque sorte, pendant cette période, le
plafond de la fosse cardiaque.
On voit en même temps les deux tubes se partager en trois
chambres : l'oreillette, le ventricule et le bulbe.
Pendant tout ce temps, on voit persister l'inégalité qui existait
au début. Les deux tubes ont rarement le même volume et la
même longueur.
Les deux tubes contiennent dans leur intérieur un espace vide,
une véritable lacune. Elle est remplie par un liquide compléte-
ment transparent et incolore ; fait d’autant plus remarquable
qu'à la même époque les globules du sang se produisent dans les
lacunes ou cellules de l'aire transparente, ou ce que l’on appelle
les {les de Wolff.
Lorsque les deux tubes cardiaques se sont adossés sur la ligne
médiane, ils ne tardent pas à s’accoler et à s'unir entre eux pour
former un organe unique. Mais on retrouve encore pendant un
certain temps dés traces non équivoques de la dualité primitive.
260 C. DARESTE., — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR
L'union ne se produit pas simultanément dans toute la longueur
des tubes cardiaques : elle commence par la région inférieure, et
se propage jusqu’à la région supérieure. Le cœur paraît alors
bifide. Quand l’union s’est produite d’une manière complète, on
en voit encore la trace dans l'existence d'un sillon médian qui
indique le lieu d'union. Enfin, la paroi médiane résultant de
l’accolement des deux tubes peut subsister pendant un certain
temps, avant de disparaître et de transformer l'organe en un tube
unique.
L’extrémité antérieure du cœur unique ainsi formé, ou le
bulbe, se continue avec les deux aortes. Nous ignorons encore
par quel procédé les aortes se produisent dans l’intérieur des
tissus embryonnaires. Est-ce une prolongation des tubes car-
diaques dans l’intérieur des tissus ? ou bien ya-t-il une formation
de lacunes comparable à celle de l’aire vasculaire? Plus tard,
l'extrémité postérieure, qui correspond à la région auriculaire,
s’ouvre des deux côtés de la ligne médiane et la met en commu-
nication avec les lacunes de l'aire vasculaire, lacunes dans
lesquelles se sont produits les globules du sang. Mais cette commu-
nicalion ne se produit que lorsque le tube cardiaque, primitive-
ment recliligne, s’est transformé en une anse qui vient faire
saillie au côté droit de l'embryon, lorsqu'on l’observe par sa face
supérieure.
Un fait très-remarquable de l’histoire physiologique du cœur,
c’est qu’il acquiert la faculté contractile, faculté qu’il manifeste
par ses battements, avant que sa cavité se soit mise en commu-
nication avec les cavités de Paire vasculaire, en d'autres termes,
avant que le sang soil complété par l'adjonction des globules.
Ce fait a été indiqué par Haller en 1758. Il est d'autant plus
curieux que Harvey avait déduit de ses observations une consé-
quence toute contraire. Il s'était posé la question suivante : les
battements du cœur sont-ils antérieurs à la formation du sang ? .
ou bien la formation du sang précède-t-elle les battements du
cœur ? Il y répondait en admettant que la formation du sang
précède les battements du cœur. Haller combattit l'opinion de
Harvey; il avait vu deux fois le cœur battre à son début sur un
DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 261
liquide complétement incolore. Toutefois, 1! ne reconnut pas la
généralité du fait qui ne fut constaté que par J. Hunter en 1794.
On sait que l'on a considéré le sang comme l’excitant principal
des battements du cœur. Les faits que je viens de signaler
démontrent qu'au moins au début des formations embryonnaires
le sang n’est pas la cause principale qui détermine les mouve-
- ments du cœur, à moins que l’on n’admette que celte propriété
appartienarait à la partie liquide du sang et non aux globules (1).
N'est-il pas plus naturel de penser que les battements du cœur
dans l'embryon sont déterminés par la température de A0 degrés
* à laquelle il est soumis dans l’incubation naturelle ? On sait que
cette température réveille les battements, lorsqu'ils ont cessé
depuis un certain temps, et qu’elle peut opérer ce réveil à
plusieurs reprises. Pourquoi n'admettrait-on pas que c’est là la
véritable cause des battements du cœur? et que, pendant toute la
durée de l’incubation, ces battements se produiraient d’une
_ manière continue, sous l'influence également continue de la
chaleur, agissant directement sur les éléments contractiles du
cœur. Sans doute, il arrive une époque où la contractilité du
cœur peut être sous l'influence du sang et du système nerveux.
Mais cela ne se produit pas au début (2).
II
Tous ces états successifs du cœur sont très-difficiles à voir dans
l'évolulion normale, par suite de la brièveté excessive de leur
(1) Harvey. « Magni certe momenti est hæc disquisitio : utrum scilicet sanguis
insit ante pulsum ? |
» Quantum mihi observare licuit, videtur sanguis esse ante pulsum... In ordine
generationis, punctum, et sanguinem primum existere arbitror ; pulsationem vero
non nisi postea accedere. » Exercitationes de gener. animalium, p. 51.
Haller. Q In aliquot meis experimentis subsultum vidi nascentis embryonis, cum
sanguis, totusque fœtus decolor esset, ut omnino hic ab Harveio differam, qui cau-
sam motus cordis in sanguine posuit, priusque rubescere humorem vitalem sibi per-
suasit quam cor moveri inciperet. » Opera minora, t. LU, p. 386. |
(2) de dois poser ici une question : comment se comportent ies battements du cœur
chez les embryons des animaux à sang froid? Ne peut-on pas supposer qu'ils sont
également sous l’influence de la température extérieure, et qu’ils se ralentissent et
même s'arrêtent complétement lorsque cette température descend à certains degrés ?
262 C. DARESTE., — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR
durée. J'y suis arrivé cependant, en soumettant à l’observation
un nombre d'œufs extrêmement considérable. Mais j'ai trouvé,
dans mes recherches tératogéniques, une confirmation bien
remarquable de mes observations sur l’état normal.
En effet, les deux cœurs, comme tous les autres organes de-
l'embryon, peuvent s'arrêter dans une phase quelconque de leur
développement ; ils ne se soudent pas entre eux, lorsque les deux …
lames antérieures du feuillet vasculaire, à la base desquelles ils se
sont produits , restent écartées et isolées l’une de l’autre. Alors
les tubes cardiaques, qui ne peuvent s’unir, se constituent isolé-
ment en deux cœurs qui restent séparés. Chacun de ces cœurs se.
divise transversalement en oreillette, ventricule et bulbe. Chacun
acquiert isolément la propriété de se contracter. L'indépendance
complète de ces deux cœurs s’est manifestée à moi d’une manière
bien remarquable, dans un cas tératologique, par le défaut d’iso-
chronisme des battements: l’un des cœurs battait deux fois dans
le même temps où l’autre cœur n'exécutait qu’un seul battement,
Il arrive le plus ordinairement que les cavités de ces deux
cœurs ne s’unissent point avec les cavités des vaisseaux capil-
laires de l'aire vasculaire. Parfois cependant cette communica-
tion s'établit. On voit alors les deux cœurs battre sur du sang
rouge.
La dualité des cœurs se lie presque toujours à d’autres ano-
malies. On la rencontre fréquemment dans la triocéphalie, dans
la cyclopie, et dans une monstruosité, non encore décrite, que
je ferai connaître sous le nom d’omphalocéphalie. Elie joue un
grand rôle dans la formation de certains types de la monstruosité
double, ceux que l’on désigne sous les noms de 7aniceps, iniopes,
synotes et déradelphes. 4
J'ai constaté ces faits, comme d’ailleurs tous ceux qui font le
sujet de ce livre, sur des embryons que j’observais dans les
premiers jours de l’incubation. Je n’ai pas pu encore prolonger
ces expériences jusqu’à une époque plus avancée; et j'ignore par
conséquent ce que deviendraient ces doubles cœurs. Mais les.
faits anatomiques signalés par Littre et par Meckel donnent lieu
de croire que l'existence de deux cœurs, lorsque leurs cavités se
DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 263
remplissent de sang rouge, n’est pas incompatible avec la pro-
iongation de la vie au delà de l’incubation. Je ne puis que signaler
ici les questions que ce fait soulève, et qui se présentent d’elles-
mêmes à l'esprit des physiologistes. J’ai lieu de croire que mes
expériences me donneront un jour le moyen d’y répondre.
III
La note que j'ai publiée en 1866 sur la dualité primitive du
cœur à passé presque inaperçue. Je ne connais que deux
embryogénistes qui l’aient citée, M. His (4) et M. Schenck (2) ;
tous deux ont nié les faits que j'y faisais connaître.
Dans le cours de l’année dernière, trois embryogénistes alle-
mands, M. Hensen, M. Külliker, M. Gasser ont parlé de la
dualité primitive du cœur sans me citer.
En 1867, un an par conséquent après la publication de ma
note dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences,
M. Hensen présenta au Congrès des naturalistes à Francfort la
préparation d’un embryon de lapin sur lequel il croyait recon-
naître l’existence de deux cœurs séparés. M. His, qui avait pu
étudier cette préparation , nia l’interprétation donnée par
M. Hensen, relativement aux deux parties que celui-ci considérait
comme des cœurs. L’année dernière, M. Hensen est revenu sur
cette question, et il a publié un certain nombre de figures, dans
lesquelles il représente ce qu’il considère comme deux cœurs
primitifs dans l’embryon du lapin (3). Il en est une qui repro-
(1) His. Untersuchungen über die erste Anlage der Wirbelthierleibes, p. 84.
(2) Schenck. Lehrbuch der vergleichender Embryologie der Wirbelthiere, p.68,
1874.
(3) Hensen. Beobachtungen über die Befruchlung und Entwickelung des Ka-
ninchens und Meerschweinchens, dans la Zeïlschrift für Analomie und Entwickei-
ungsgeschichte, de His et Braune, t. I, p. 467. On voit très-bien les deux cœurs,
pl. IX, fig. 33. Mais je n’admets pas, et ici je suis d’accord avec M. Külliker (Ent-
wickelungsgeschichte des Menschen und der hüheren Thiere, 2° édit., p. 252), que
le repli en fer à cheval qui entoure la tête de l'embryon, dans les fig. 28, 29, 30,
31, soit le cœur. Dans la pensée de M. Hensen, le cœur serait donc primitivement
simple, puis il deviendrait double, comme dans l’embryon représenté fig. 33 ; puis
. enfin il redeviendrait simple. Ce repli en fer à cheval doit donc avoir une tout autre
signification.
264 C. DARESTE. — DUALITVÉ PRIMITIVE DU CŒUR
duit très-exactement cette phase particulière des deux cœurs
primitifs du poulet, dans laquelle les deux cœurs se présentent
sous la forme de deux tubes semi-circulaires, opposés l’un à
l’autre par leur convexité. La signification de celle figure ne
peut être révoquée en doute. Quant aux autres figures dans -
lesquelles M. Hensen à voulu représenter les états antérieurs du
cœur, elles sont tout à fait différentes de ce que j'ai vu moi-
même. Ilest donc évident que M. Hensen a constaté la dualité
du cœur chez embryon du lapin, mais qu’il n’en a vu qu’une
seule phase.
M. Kôlhker (1), publiant l’année dernière la première partie
de la seconde édition de son Zraité d'embryogénie, a confirmé
l'exactitude des observations de M. Hensen, tout en faisant les
mêmes réserves que moi sur les opinions de cette embryogé-
niste. Il figure deux embryons de lapin présentant les deux
cœurs, et tout à fait comparables à celui que M. Hensen avait
représenté. Il a figuré de plus un autre embryon de lapin, dans
lequel les deux cœurs, bien que formant déjà un organe unique,
présentent encore une cloison médiane, vestige de leur dualité
primitive. |
M. Kôlliker indique également la dualité du cœur dans
l'embryon du poulet. Mais ie la dualité serait beaucoup moins
prononcée que chez les mammifères. Le cœur serait dès l’origine
simple à l’extérieur ; mais il présenterait au début, dans son
intérieur, une cloison longitudinale séparant complétement deux
grandes lacunes. Un peu plus tard, cette cloison disparaitrait,
et les deux lacunes se confondraient pour n’en former qu’une,
qui deviendrait la cavité du cœur. La division du cœur en trois
chambres, l’oreillette, le ventricule et le bulbe, ne se produirait
qu'après la disparition de la dualité du cœur, tandis que chez le
lapin elle aurait lieu dans chacun des cœurs avant leur réunion.
M. Kôülliker insiste sur cette différence qu’il croit avoir observée
entre la formation du cœur chez le lapin et la formation du cœur |
chez le poulet. Mais ces différences ne sont qu'apparentes. Il est
(1) Külliker. Entwickelungsgeschichle des Menschen und der hüheren Thiere, |
2e édit., p. 215 à 250, fig. 166, 167, 168, 169, 170, 171, 172.
2
DANS L'ÉVOLUTION DU POULET. 265
bien clair, d’après mes observations, que M. Külliker n’a observé
dans le cœur de l'embryon du poulet que cette phase particu-
lière qui termine la période de dualité, et qu'il n’a pas vu toutes
les phases qui la précèdent (1). |
Il parait que, tout récemment, un embryogéniste allemand,
M. Gasser, aurait observé chez l'embryon du poulet des phases
de la formation du cœur antérieures à celle qui est indiquée par
M. Külliker. Je mai pu consulter ce travail, que je ne connais
encore que par une très-courte analyse (2).
Ainsi M. Hensen et M. Külliker ont constaté, le premier chez
embryon du lapin, le second chez l'embryon du lapin et du
poulet, certaines phases de la formation du cœur antérieures à
celle où 11 est parfaitement simple. Ils confirment donc mes
observations, mais sans y rien ajouter. Je dois dire d’ailleurs
qu'ils ne parlent, ni l’un ni l'autre, du mode de formation du
segment antérieur du feuillet vasculaire, qui se lie par des
rapports si intimes à la formation même du cœur, puisque c’est
l'union des deux lames antérieures de ce feuillet qui détermine
l'union des deux cœurs.
Je ne puis m'expliquer comment le fait de la formation du
segment antérieur du feuillet vasculaire, par la réunion sur la
ligne médiane de deux lames provenant du bord rectiligne
antérieur de ce feuillet, ait été complétement méconnu par les
embryogénistes. Je me l'explique d’autant moins que je vois ces
deux lames antérieures très-neltement figurées dans un certain
nombre d'ouvrages d’embryogénie. Ces faits sont déjà parfaite-
ment visibles dans l’évolution normale. Mais, là, comme le fait
de la dualité du cœur, ils n’ont qu’une existence temporaire.
On s’en rend beaucoup mieux compte à l’aide de la tératogénie.
Dans un grand nombre de cas de déformations elliptiques de
l'aire vasculaire, les deux lames antérieures sont très-inégales,
et ne s'unissent pas toujours entre elles. Mais c’est surtout la
(4) Kôlliker. Loc. cit., p. 148, fig. 82.
(2) Gasser. Ueber Entstehung des Herzcns beim Hühn. Je ne connais ce travail
que par une simple indication dans la Centralblalt für die medicinischen Wissens-
chaften. 1876, p. 793. |
266 C. DARESTE. — DUALITÉ PRIMITIVE DU CŒUR, ETC.
curieuse monstruosilé que je ferai bientôt connaître sous le nom
d'omphalocéphalie, qui met en pleine évidence l'existence de
ces deux lames: car elles jouent le principal rôle dans sa produc-
tion. | |
Je n’ai étudié jusqu’à présent la dualité primitive du cœur et
du segment antérieur du feuillet vasculaire que dans l’embryon
du poulet. MM. Külliker et Hensen ont observé la dualité du
cœur dans l’embryon du lapin. Je ne doute cependant pas que
le fait ne soit général, et qu'il ne s'applique à tous les vertébrés
allontoïdiens, peut-être même à tous les vertébrés. C’est une
question que je propose à toutes les personnes qui s’occupent
d’embryogénie comparée.
RECHERCHES CRITIQUES ET EXPÉRIMENTALES
SUR LES
MOUVEMENTS ALTERNATIES D'RAPANSION BT DK RESSERREMENT DU CERVEAU
DANS LEURS RAPPORTS
AVEC LA CIRCULATION ET LA RESPIRATION
Par le D'° FRANCÇOIS-FRANCK
Directeur-adjoint de laboratoire au Collége de France.
Le cerveau est animé de battements isochrones à ceux du pouls
artériel et subordonnés, comme ces derniers, aux systoles du
cœur.
Il présente en outre des mouvements plus lents et plus amples
qui interfèrent avec les premiers, et qui sont en rapport avec les
grandes oscillations que les actes mécaniques de la respiration
déterminent dans le cours du sang artériel et veineux.
Ces doubles mouvements sont la conséquence directe des
variations de calibre que subissent les vaisseaux sous la double
influence cardiaque et respiratoire. |
Dans le cerveau, comme partout ailleurs, ces mouvements
résultent donc des changements rhythmiques de volume du
tissu vasculaire.
Il y a aujourd'hui un certain intérêt à présenter une étude
d'ensemble de ces phénomènes en les examinant comparative-
ment dans le cerveau et dans une autre partie du corps facile à
explorer, comme la main : nous possédons, en effet, des maté-
TIaux nouveaux sur cette intéressante question, et c’est aux
recherches toutes récentes de MM. Salathé (1), Mosso et Giacco-
mini (2) que nous devons la plus grande partie des documents qui
seront utilisés dans cette note. Nous avons nous-même pu vérifier
(1) Salathé, Comptes rendus Acad. Sc., 19 juin 4876.— Travaux du laboratoire
du professeur Marey. G. Masson, 1876. — Thèse de Paris, mars 1877.
(2) Mosso et Giaccomini, Archivio per le sciense mediche, vol, 1, fasc. 2. Turin,
1876. — Comptes rendus Acad. Sc., 3 janvier 4877,
268 FRANCÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
avec M. Brissaud, interne des hôpitaux, la plupart des faits
indiqués par les auteurs que nous venons de citer, en examinant,
à l’aide de la méthode graphique, les mouvements du cerveau - -
chez une malade de hôpital Saint-Louis : le docteur Fournier,
nous a très-gracieusement aulorisé à étudier celte malade, qui -
présente actuellement une vaste perte de substance des os du
crâne à la suite de l'élimination d’un séquestre (nécrose syphi-
litique): on trouvera plus loin son observation détaillée, recueillie
par M. Brissaud, interne du service.
Ce qui nous a engagé à résumer dans ce travail les faits relatifs
aux mouvements du cerveau comparés à ceux des autres organes,
c’est que les recherches exécutées sur ce sujet dans ces dernières
années, empruntent une grande rigueur à la méthode graphique :
l'inscription des mouvements du cerveau à côté des pulsations
artérielles et des battements du cœur, fournit la preuve que le
pouls artériel et le battement cérébral sont deux phénomènes
ayant une source commune, l’ondée envoyée par le ventricule
gauche : de cette ondée résulte la variation de pression qui dans
l'artère se manifeste par la pulsation, et, dans Le tissu vasculaire,
par l’augmientation de volume. La même inscription permet
encore de déterminer comparativement le temps qui s'écoule
entre la systole du cœur d’une part et la pulsation artérielle ou
le mouvement cérébral d'autre part.
Si on recueille en même temps les courbes des mouvements
respiratoires et des mouvements du cerveau, on peut s'assurer
que le cerveau devient turgescent pendant l'expiration et s’affaisse
pendant l’inspiration ; ces alternatives d’élévation et d’abaisse-
ment de la courbe cérébrale se retrouvent dans la courbe obtenue
en metlant une artère d'animal en rapport avec un manomèlre
enregistreur; on les obtient aussi sur le tracé du pouls chez
l’homme, à la condition qu’on exagère un peu les influences
mécaniques de la respiration sur la circulation artérielle, en
apportant un certain obstacle à l'entrée de l’air dans la poi-
trine.
Les renseignements fournis par l'application de la méthode
graphique à l’étude des mouvements du cerveau, peuvent être
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 269
plus complets encore quand on compare sur deux tracés recueillis
simultanément les changements de volume du cerveau et ceux
d’un organe périphérique. La main se prête facilement à cette
exploration : il suffit de l’enfermer dans un bocal qu’on remplit
d’eau et qu’on ferme hermétiquement par en haut : un tube de
large diamètre surmontant l’appareil, on voit se produire dans ce
tube des oscillations de deux ordres, les unes petites et fré-
quentes : ce sont les systoles du cœur qui les déterminent; les
autres, plus rares et plus étendues, sont en rapport avec les mou-
vements respiratoires. Nous avons étudié les changements du
volume de la main dans un mémoire récent (1) et les principaux
résultats de ce travail sont résumés dans une note de la précé-
dente livraison de ce journal. En explorant simultanément les
changements du volume du cerveau et ceux de la main, comme
l'a fait Mosso sur la malade qu’il a examinée, on obtient des
courbes dans lesquelles se retrouvent les mêmes éléments et
qu’il est d'un grand intérêt de comparer l’une à l’autre. D’après
les indications ainsi recueillies par Mosso, il semblerait que les
modifications circulatoires dans le cerveau et dans un organe
périphérique ne sont pas toujours concordantes : pendant que le
cerveau augmente de volume sous certaines influences qui seront
discutées plus loin, le sang affluerait dans la main avec moins
d'abondance...? Est-ce là un effet du balancement physiologique
en vertu duquel un organe se congestionne aux dépens d’un autre
organe, ou devons-nous faire intervenir, pour interpréter ces
phénomènes, la notion de l'indépendance relative des circula-
tions locales ? Quoique ce fait soit encore entouré d’une obscu-
rité que nous ne devons pas dissimuler, son importance ne peut
échapper à l’attention du lecteur. Mais, à part ces cas particuliers
dans lesquels peut varier en sens inverse la circulation dans
deux organes soumis en apparence aux mêmes conditions circu-
latoires, l’étude parallèle des changements de volume du cer-
veau et d’une autre région du corps est féconde en enseignements.
(1) François-Franck, Note à l'association française. Congrès de Nantes, août
1875. — Travaux du laboratoire du professeur Marey. G. Masson, 1876. —
Comples rendus de l’Académie des sciences, avril 1876.
270 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D EXPANSION
Tout ce que cette exploration par les méthodes nouvelles
permet de constater d’important, a été déjà indiqué dans un
remarquable article de ce journal, par le docteur Piégu, en 1872 :
nous l’avons dit ailleurs, c’est au docteur Piégu que revient
incontestablement l'honneur d’avoir démontré les doubles mou-
vements d'expansion et de resserrement des tissus vasculaires
sous l'influence cardiaque et respiratoire. Dès 1$46, bien avant
l'allemand Chelius auquel on ferait volontiers remontrer la pre-
mière indication de ces phénomènes, M. Piégu communiqua à
l’Académie des sciences une note très-explicite, qui ne permet
pas de douter qu'il ait vu se produire dans des appareils appro-
priés les doubles mouvements dont il est question. Les mouve-
ments qu'il avait constatés pour la main et pour le pied enfermés
dans des appareils à déplacement, il les a logiquement considérés
comme devant se produire dans le cerveau ; la disposition naturelle
des centres nerveux, organes éminemment vasculaires, baïgnant
dans un liquide susceptible de déplacement, était la fidèle image
de la disposition artificiellement créée pour la main ou pour le
pied qu’on plongeait dans l’eau d’un bocal fermé autour de
l’avant-bras ou de la jambe, et dans lequel le déplacement du
liquide pouvait s’opérer, grâce à un tube ouvert à l'extérieur.
Dans l’article publié en 1872, M. Piégu a longuement insisté
sur la nécessité de cette assimilation, et, en passant sous silence
les réflexions philosophiques qui suivent la partie vraiment
physiologique de son travail, nous devons reconnaître que rien
de mieux n’a été dit ni fait sur les points fondamentaux de la
question. Et pourtant, M. Piégu n'avait à sa disposition que des
appareils bien élémentaires ; il ne pouvait étudier ces mouve-
ments complexes qu'avec la vue toute seule, n'ayant pas eu
recours aux appareils enregistreurs que chacun de nous a depuis
appris à manier, c’est-à-dire que le présent article n’aurait pas
sa raison d’être, si M. Piégu avait appliqué la méthode gra-
phique aux mouvements dont il avait si nettement déterminé les
conditions tant dans le cerveau que dans les organes périphéri-
ques. Les auteurs dont nous avons spécialementen vue les récents
travaux, MM. Mosso et Salathé, savaient très-bien quelle grande
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 271
part revenait à M. Piégu dans la question ; ils n’ont pas manqué
de lui rendre hommage, maïs, de notre côté, nous avons cru
devoir ajouter ici quelques détails à ceux qui avaient été donnés
par nos deux amis, désireux surtout de présenter cetle histoire
des mouvements du cerveau sous son véritable jour, en mon-
trant qu’il ne s’agit pas là de phénomènes particuliers au cer-
veau, mais de variations circulatoires communes à tous les
organes vasculaires (Voy. dans ce recueil, 1872, p. 160).
Ici se présente tout naturellement à l'esprit du lecteur l’objec-
tion tant de fois mise en avant que les mouvements du cerveau,
incontestables quand le crâne offre une perte de substance ou
quelques parties dépressibles n’existent pas dans la cavité crà-
nienne intacte, incompressible par conséquent. L'expérience de
Bourgougnon est restée classique et c’est sur elle que repose
depuis trente ans la négation des mouvements du cerveau chez
l'adulte. Insistons donc un instant sur les conditions de ces
expériences pour bien établir la réalité des mouvements d’ex-
pansion et de retrait du cerveau chez l'adulte, malgré la fixité
des parois osseuses.
Le professeur Richet à consacré un long et intéressant cha-
pitre de son anatomie chirurgicale à la démonstration des dépla-
cements du liquide céphalo-rachidien, qui peut trouver à se loger
en partie dans le canal vertébral, grâce à la dépression facile
des plexus veineux et à l'élasticité des parois rachidiennes au
niveau des trous de conjugaison. C'est sur cette proposition bien
établie par l’anatomie et les expériences que doit s’appuyer la
rélutation des idées émises par Bourgougnon et acceptées par
un grand nombre de physiologistes.
Bourgougnon vissait dans le crâne d’un chien trépané une
virole métallique surmontée d’un tube de verre. Dans l’intérieur
du tube et reposant sur le cerveau, une petite plaque transmettait
à un levier coudé les mouvements du cerveau : on les voyait très-
nettement concorder avec les battements du cœur quand le tube
contenant le levier coudé était ouvert. Mais si, après avoir rempli
d’eau les deux tiers de ce tube jusqu'au-dessus d’un robinet qui
pouvait intercepter complétement la communication avec l’at-
272 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
mosphère, on fermait le robinet, aussitôt on voyait disparaître
les mouvements du levier : d'où cette conclusion que les mouve-
ments du cerveau n'existent que dans le cas de communication
artificielle avec l'atmosphère. Deux expériences bien simples
vont nous permettre de ramener la question à ses véritables
termes, sans insister sur la discussion théorique.
Enfermons notre main dans un bocal muni de deux tubulures :
l’une de ces tubulures est fermée par une membrane très-élas-
tique; l’autre supporte un tube muni d'un robinet et rempli
d’eau jusqu’au-dessus de ce robinet. Il est facile de voir, quand
la communication existe avec l'air extérieur, que les oscillations
de l’eau en rapport avec les variations du volume de la main, sont
considérables dans le tube à robinet ouvert, et nulles ou presque
nulles dans la tubulure fermée par une membrane élastique,
Pourquoi? Évidemment parce que les changements de niveau se
produisent dans le point de la moindre résistance, et rien ne
s'oppose à leur manifestation dans le tube ouvert à l'air libre;
tandis que, quelque faible qu’on la suppose, l’élasticité de la
membrane de caoutchouc placée sur l’autre tubulure, oppose un
obstacle sérieux aux mouvements de la colonne d’eau : tout est
reporté vers le tube libre. Ceci correspond à la première partie
de l'expérience de Bourgougnon, celle dans laquelle les mouve-
ments du cerveau sont évidents.
Fermons maintenant le robinet du tube dans lequel se produi-
saientsi manifestement les oscillations : tout mouvement disparaît,
et il n’en peut être autrement, puisque la colonne d’eau est
incompressible : mais notre main a-t-elle pour cela cessé de
changer de volume, de devenir turgescente à chaque afflux san-
guin ? On n’a qu’à examiner la membrane élastique tout à l’heure
immobile, maintenant soulevée et affaissée tour à tour, pour se
convaincre que les oscillations existent toujours, qu'elles se
manifestent, celte fois encore, du côté de la résistance la plus
faible. Il en est de même dans la seconde partie de l’expérience
de Bourgougnon : si le levier qui repose sur le cerveau cesse |
d’accuser des mouvements quand on a fermé le robinet, c’est que
tous les mouvements se reportent vers les parties dépressibles
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 9273
du canal rachidien; cette expérience, qui nous semble très-
démonstrative, est due à M. Mosso.
La seconde expérience, qui va nous montrer le phénomène
avec une netteté plus grande encore, a été faite par M. Salathé.
M. Salathé avait construit, sur le conseil du professeur Marey,
un petit appareil schématique destiné à montrer les mouvements
_encéphaliques et à vérifier si, dans certaines conditions, ces
phénomènes peuvent se modifier ou disparaître, comme dans
l'organisme vivant. Voici la description que l’auteur donne lui-
même de son schéma : « Il se compose d’un ballon de verre à
». deux tubulures, rempli d’eau et figurant la boîte crânienne.
» Au milieudel’eausetrouveune ampoule de caoutchouc remplie
» de liquide et correspondant à l’encéphale. L’ampoule aboutit à
» un tube de verre quitraverse le bouchon de caoutchouc fermant :
» la tubulure inférieure du ballon. Ce tube se continue à l’exté-
» rieur par un tube de caoutchouc qui représente une artère et
» qui part lui-même d'une poire de caoutchouc, organe d’im-
» pulsion jouant le rôle du cœur. »
Le bouchon qui clôt inférieurement le ballon et au travers
duquel passe le tube précédent, est traversé par un deuxième
petit tube de verre qui s'ouvre d’un côté dans le ballon de verre
et communique extérieurement avec un tuyau élastique repré-
sentant ce que le professeur Richet a si justement appelé le
« tuyau d'échappement rachidien », lequel se termine par une
poche qu’on pourra assimiler à l'espèce d’ampoule qui entoure
la queue de cheval ou à un hydrorhachis.
La tubulure supérieure correspond à une trépanation. Elle est
fermée par un bouchon de caoutchouc que traverse un gros
tube muni d’un robinet.
En imprimant au cœur artificiel représenté par la poire de
caoutchouc une série de contractions rhythmées, on voit le
liquide du ballon de verre monter et descendre dans la tubulure
supérieure sous l'influence des augmentations et diminutions de
volume successives de l’ampoule élastique qui représente le
cerveau. Si l’on vient à fermer le robinet du tube dans lequel
s’opérent les changements de ‘niveau de la colonne oscillante,
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T, XII (1877). 18
274 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
tout mouvement du cette colonne disparaît quoique l’on continue
les systoles artificielles. Mais que voit-on alors? D’une part,
ampoule continue à se dilater et à se resserrer; d’autre part, le
tuyau d'échappement rachidien présente des ampliations et des
retraits alternatifs qu’il ne présentait pas quand Je tube supérieur |
élait ouvert à l'air libre. Dans cette expérience, comme dans celle
de Mosso, la disparition des oscillations dans le tube explorateur
aprés que le robinet est fermé rappelle exactement l’expérience
de Bourgougnon; mais ces oscillations qui disparaissent dans
un point se transportent dans un autre, toujours du côté de
la moindre résistance : chez l’animal trépané, cette moindre
résistance se rencontre dans le canal rachidien, comme l’ont bien
établi les recherches du professeur Richet et celles de Ecker.
- Dans une expérience sur le chien, M. Salathé a vu s’exagérer
les mouvements du liquide dans an tube fixé à la colonne cervi-
cale quand il fermait le tube fixé au cräne.
Nous devions commencer par établir la réalité des mouve-
ments du cerveau chez l'adulte dont le crâne est complétement
ossifié, pour légitimer l'étude de ces mouvements sur l’homme
présentant une perte de substance du crâne, sur l'enfant encore
pourvu de fontanelles et sur les animanx trépanés : l'exploration
des mouvements cérébraux n’aurait évidemment qu’un intérêt
médiocre si ces mouvements n ‘existaient que dans les conditions
artificielles créées par la maladie, le traumatisme ou l’expéri-
mentation. Il n’en est pas ainsi, et nous sommes en droit de
considérer les résultats fournis par l’étude des mouvements du
cerveau dans les cas de perte de substance des os du crâne,
comme directement applicables aux conditions physiologiques
dans lesquelles la boîte crânienne est complétement fermée.
RÉSUMÉ HISTORIQUE:
Avant d'exposer les résultats expérimentaux obtenus dans les recher-
ches les plus récentes à l’aide de la inéthode graphique, jetons un coup
d'œil en arrière et résumons les phases qu'a subies cette importante
question. Nous n’en donnerons point un historique détaillé, renvoyant
pour tous renseignements aux mémoires de MM. Mosso et Salathé;
nous pensons que dans un article de critique générale il n’y a pas lieu
LÉBS CUS LR CSS NS Sd tot
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Ne EE qu élan ie
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 275
de dresser la liste complète des auteurs qui se sont occupés d’une ques-
tion, de discuter les opinions de chacun d'eux : il nous semble qu'il est
beaucoup plus utile de signaler les progrès accomplis dans une re-
cherche et d'en marquer les périodes, que d’accumuler les noms et les
dates sans profit aucun pour le lecteur.
Laissant donc de côté les théories contradictoires qui eurent cours
dans la science, de l’époque de Galien au milieu du xvr° siècle, sur les
causes des mouvements du cerveau, sur la participation'active de la dure-
mère à ces mouvements, etc., nous reproduirons tout de suite Les pro-
pres paroles de Lorry (1) qui a, dès 1760, très-nettement saisi les causes
des mouvements du cerveau.
Mo Dans le temps de la contraction du cœur, la force dilatante des
artères tend à faire gonfler et à dilater, pour ainsi dire, fous les organes
dans lesquels le sang est porté, et plus encore ceux qui, par leur mollesse et
leur flexibilité, sont moins en état de résister à la force impulsive du sang. »
Lorry complétait ainsi les notions, fort justes du reste, fournies quel-
ques années auparavant par Lamure (2) et par Haller (3), qui faisaient
surtout intervenir les variations apportées au cours du sang veineux par
les mouvements respiratoires, pour expliquer les mouvements du cer-
veau; Lorry réfutait en outre l’idée de Schlichting (4) qui, ayant bien
décrit les mouvements cérébraux, ayant parlé d'expansion et de retrait
(id est intumescere ac detumescere), n'avait point du tout saisi le
rapport de ces variations avec les variations circulatoires, et les attribuait
à des mouvements propres du cerveau lui-même, comme ses devanciers
Paglioni, Baglivi, Santorini, etc., etc., les avaient attribuées aux contrac-
tions de la dure-mère (cor cerebri, Baglivi).
Lorry partage donc avec Haller et Lamure l’honneur d’avoir placé la
question sur son véritable terrain, et c’est dans une courte période de
dix ans (1750 à 1760) que se sont succédé ces travaux remarquables,
détruisant d’une part les erreurs du passé, affirmant d’autre part Les
faits positifs que la science moderne a depuis sanctionnés.
Pendant les cinquante années qui suivirent, les saines notions dues
aux savants que nous venons de citer régnèrent sans conteste, et tout
semblait dit sur la question après que Ravina (de Turin) (5) eût rendu
visibles, par des procédés aussi variés qu’ingénieux, les mouvements
étudiés par Lamure, Haller et Lorry. Ravina, fixant au crâne d’un grand
(4) Lorry, Sur les mouvements du cerveau et de la dure-mère. (Mém. de math.
et de physig. Paris, 1760, t: IL, p. 305.)
(2) Lamure, Mémoire sur la cause des mouvements du cerveau qui paraissent
dans l’homme et dans les animaux trépanés. (Hist. de l'Ac. royale des sciences,
1753.)
(3) Haller, Mémoire sur la nature sensible et irrilable des parties du corps animal .
Lausanne, 1755.
(4) Schlichting, De motu cerebri (Mém. Ac. se, sav. étr. Paris, 4750, t. 1,p. 113).
(5) Ravina, Specimen de motu cerebri. (Mém. de l’Ac. des sc. de Turin, 1811).
276 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
nombre d’animaux un tube de cuivre, versait de l’eau dans ce tube et
amplifiait ainsi les mouvements cérébraux ; c’est à lui que revient l’idée
des fenêtres crâniennes dont nous verrons le professeur Donders faire
usage ; il plaça aussi, sur le cerveau mis à nu, un levier coudé dont la
grande branche se déplaçait au-devant d’une règle graduée, amplifiant
dans un rapport connu les variations de niveau de la substance céré-
brale ; enfin il démontra, en faisant varier l'attitude des animaux en
expérience, l'influence de la pesanteur sur le volume du cerveau. Quand
la tête était déclive, le cerveau, restant gorgé de sang, ne présentait plus
que des mouvements imperceptibles ; l'amplitude de ces mouvements
devenait au contraire considérable quand on facilitait, par l'attitude in-
verse, le dégorgement du cerveau.
Les expériences de Ravina n’ont sans doute pas été appréciées chez
nous à leur juste valeur ; on en a peu parlé et, quand on les a citées,
on les a vivement combattues. Longet, qui nous a laissé le meilleur his-
torique de la question, écrivait avec la conviction que les mouvements
du cerveau n’existaient pas chez l'adulte ; il adoptait pleinement les con-
clusions, déjà discutées dans ce travail, de l'expérience de Bourgougnon,
et ne pouvait dès Lors accorder aux recherches de Ravina toute l’impor-
tance qui leur est réellement due. Mosso a beaucoup insisté sur les tra-
vaux de son compatriote, et c’est justice. Ravina mérite d’être cité à côté
de Lorry, dont il a établi expérimentalement, quelquefois rectifié les
idées ; il a, de plus, démontré des faits nouveaux que nous retrouverons
à leur tour vérifiés grâce aux méthodes actuelles.
À partir de l’époque où les déplacements du liquide céphalo-rachidien
qu'avait découvert Cotugno furent étudiés par Magendie, la question des
mouvements du cerveau se confondit avec celle des mouvements du
liquide sous-arachnoïdien; on vit même l'importance des mouvements
de ce liquide exagérée à tel point, que Ecker crut devoir subordonner
les changements de volume du cerveau aux flux et reflux du liquide
sous-arachnoïdien, chassé du rachis vers le crâne par la turgescence des
sinus vertébraux, rappelé dans le rachis par l’affaiblissement de ces
sinus. Mosso dit avec raison que Ecker renversa les termes de la question,
en considérant comme cause des mouvements cérébraux ces migrations
du liquide céphalo-rachidien qui n’en sont que la conséquence. Mais la
connaissance bien établie par Magendie de la distribution de ce liquide
dans le crâne et dans le rachis devait faire naïître des théories nouvelles
sur les condilions des mouvements cérébraux. IL semble qu'il n'était
plus possible d'hésiter et d’invoquer l’incompressibilité des parois crâ-
niennes pour mettre en doute les changements de volume du cerveau,
puisqu'on savait que le liquide céphalo-rachidien passait du crâne dans
la cavité rachidienne et réciproquement. Lorry avait pu encore émettre
un doute sur la réalité de ces mouvements, dans les conditions ordinaires
de la circulation, chez l’adulte dont la boite crânienne est ossifiée ; il
croyait cependant que ces mouvements étaient possibles dans les cas où
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 74
l'effort du sang vers la tête est considérablement augmenté ; mais on
comprend qu’il ait été fort embarrassé pour se prononcer autrement en
faveur des mouvements du cerveau, l'existence du liquide sous-arach-
noïdien ne lui étant pas connue. Maintenant que la science était fixée
sur ce point, on pouvait comprendre le mécanisme de ces mouvements,
jusque-là difficiles à expliquer.
Magendie, Burdach, Flourens, Burrow, se prononcèrent pour l’exis-
tence de ces mouvements; beaucoup de physiologistes et de médecins
se rangèrent à l'opinion inverse ; ils firent revivre la proposition qu'on
pouvait croire oubliée et qui avait été’admise dans l’école d’Édimbourg
sous le nom de théorème de Monro-Kellie : « Le contenu de la cavité
crânienne est invariable ; tout changement de volume des centres ner-
veux est donc impossible. » Le travail de Bourgougnon, qui parut alors,
eut nécessairement un grand retentissement : l'expérience semblait
rigoureuse. Un tube vissé sur le crâne d'un animal étant ouvert à l’ex-
térieur, les mouvements du cerveau se produisaient ; on fermait ce tube,
tout mouvement cessait.. Donc, dans les conditions normales, l’inexten-
sibilité des parois crâniennes ne permettait pas au cerveau de changer
de volume. La conclusion parut logique ; Longet la couvrit de son auto-
rité, et, malgré les travaux importants du professeur Richet, qui devaient
modifier l'opinion régnante, Longet maintint son dire dans la dernière
édition de son Traité de Physiologie. Nous avons résumé au début de ce
travail les principaux arguments sur lesquels est fondée la doctrine des
mouvements du cerveau. L'existence des sinus vertébraux et l’extensi-
bilité des parois du canal rachidien, que M. Richet appelle justement
«un tuyau de dégagement », permettent de comprendre la possibilité
de variations dans la quantité des liquides contenus dans le crâne;
l'expérience démontre que ces variations sont rendues plus évidentes
par une trépanation qui crée une diminution de résistance prédominante
en un point de la cavité crânienne, et que, par conséquent, l'étude
détaillée des mouvements observés dans les conditions spéciales où l’âge,
la maladie, le traumatisme accidentel, chirurgical ou expérimental,
placent les individus, mérite toute l'attention des physiologistes. On
peut émettre des théories différentes sur le mécanisme grâce auquel le
liquide céphalo-rachidien permet ces changements de volume du cer-
veau; mais le fait fondamental qui nous semble aujourd’hui acquis à
la sience, c'est que les mouvements du cerveau chez l'adulte, c’est-à-
dire les variations de volume de cet organe, se produisent au sein du
liquide céphalo-rachidien susceptible de déplacements, tout comme les
changements de volume de la main ou d’une autre partie du corps
plongée dans un appareil analogue à ceux qui ont été employés par
Piégu, Chelius, Fick, Mosso et nous-même.
Un grand progrès fut accompli dans l’étude des mouvements du cer-
veau quand la méthode graphique leur fut appliquée. Substituer à nos
sens qui peuvent nous tromper, des appareils qui nous retracent fidèle-
278 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
ment les phénomènes les plus fugitifs, qui nous en laissent la trace
écrite et nous fournissent des documents incontestables que chacun peut
consulter et interpréter, c’est ce que permettent aujourd'hui les appa-
reils enregistreurs. L'emploi de ce précieux moyen d'étude dans les
recherches sur les mouvements du cerveau ne pouvait donc manquer de
fournir les plus heureux résultats.
Les battements du cerveau chez l’enfant encore pourvu de fontanelles
ont été enregistrés, il y a plus de quinze ans, par le professeur Marey.
Leyden, en 1866, a fait quelques essais d'inscription des battements du
cerveau chez les animaux dont il soumettait l’encéphale à des compres-
sions graduelles, mais il ne décrit pas ses appareils, considérant les
résultats comme trop imparfaits. Langlet a étudié, en 1872, les batte-
ments des fontanelles avec le sphygmographe pendant le sommeil; la
brièveté des tracés ainsi obtenus ne lui permit pas de suivre les diffé-
rentes phases du phénomène ; néanmoins il recueillit des courbes inté-
ressantes qui démontrent qu’à l’état de calme les mouvements respira-
toires ont peu d'influence sur la ligne d'ensemble du tracé. A notre
connaissance, les premiers graphiques importants des mouvements du
cerveau ont été obtenus par Mosso et par Salathé ; il ne saurait s'élever
entre eux la moindre question de priorité sur ce sujet, car leurs travaux
ont été faits parallèlement, l’un des auteurs faisant ses recherches à
Paris, l’autre à Turin ; Mosso n’ajoute évidemment aucune importance
à ce passage dans lequel il dit que les tracés des mouvements cérébraux
qu'il a donnés sont les premiers qui aient été publiés ; ceux que Salathé
avait recueillis avec nous sur un malade du service du professeur Broca …
ont été publiés à une époque un peu antérieure, et, du reste, il n’y a.
point à s'arrêter sur un aussi mince détail. g
MÉTHODE D'ÉTUDE ET EXPÉRIENCES
Ce qu’il importe d’indiquer pour ceux qui nous lisenc et qui.
désireraient reprendre ces expériences, c’est la méthode em=
ployée. Sur l’homme, une perte de substance des os du crâne a
mis à découvert une surface plus ou moins étendue du cerveau,
On peut appliquer sur cette surface mobile la membrane d’un de
ces tambours à air dont l’emploi a été vulgarisé par M. Marey, et
mettre en communication, par un tube de caoutchouc, la cavité
de ce tambour explorateur avec un second tambour muni d’un
levier inscripteur ; c'est ce que chacun de nous à fait dans les .
cas qu’il a pu observer. Nous ferons ici une légère critique à
Mosso au sujet du mode d'exploration qu’il a employé. Au lieu
d'appliquer sur un point circonscrit de la surface à explorer le
CSS
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 279
bouton étroit d’un tambour à air, il aurait eu grand avantage à
collecter à l’aide d’une plaque aussi large que possible les mou-
vements du cerveau. Nous nous sommes bien aperçus de la supé-
riorité des indications ainsi obtenues, en étudiant, avec M. Bris-
saud, la malade du docteur Fournier.
On transmet à distance les mouvements du cerveau, qui vont
- s'enregistrer sur le papier enfumé d’un cylindre muni d’un régu-
lateur, ou sur la bande sans fin du kymographion. Il est facile de
recueillir, en même temps que ces courbes, les mouvements res-
piratoires, soit avec le pneumographe de Marey, soit avec tout
autre appareil, les battements du cœur et de telle ou telle artère,
la radiale ou la carotide particulièrement.
De cette façon, les rapports des mouvements du cerveau avec
les battements du cœur et les mouvements respiratoires sont fa-
ciles à déterminer.
L'inscription simultanée des mouvements du cœur et des pul-
sations cérébrales chez notre malade nous a fourni le tracé sui-
vant, dans lequel les distances 7 r° expriment le retard de la pul-
FIG. 1.— Retard de la pulsation cérébrale (ligne Ce) sur la systole cardiaque (ligne C),
représenté par la distance r r/ — 2 sec. (Hôp. Saint-Louis.) Le repère r' a ête
un peu trop reporté sur la droite.
sation cérébrale sur le début de la systole du cœur. Compté au
diapason chronographe, ce retard est de 1/35 de seconde, le
retard du pouls radial étant de 4/25.
On peut aussi, comme l’a très-judicieusement fait Mosso,
280 FRANCOIS-FRANCK. —- MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
inscrire en même temps les changements du volume de la main
plongée dans un appareil à déplacement de telle ou telle forme.
Chez les animaux, l'inscription des mouvements du cerveau
n’est point aussi facile, et cette difficulté relative tient à des con-
ditions que de nombreuses expériences ont permis à M. Salathé -
de bien déterminer. On fait à un chien ou à un lapin l’ablation
d’une rondelle osseuse sur le pariétal à l’aide d’une couronne de
trépan ; à la place de cette rondelle, on visse un tube métallique
comme celui que Lorry et Ravina employèrent autrefois; dans le
tube, dont le calibre doit être assez considérable (au moins de
7 à 8 millimètres de diamètre intérieur), on verse de l’eau jus-
qu’à une certaine hauteur. Si la dure-mère a été laissée intacte,
les changements du niveau de l’eau contenue dans le tube sont,
en général, assez peu marqués et ne permettent guère de distin-
guer nettement, surtout sur le lapin, les petits battements en
rapport avec l’action cardiaque ; si la dure-mère a été enlevée
dans le fond de la trépanation, les mouvements sont assez com-
plets pour fournir un bon tracé, grâce à la transmission par Pair;
mais bien souvent ce succès dure peu : le cerveau fait volontiers
hernie à travers l’orifice de la trépanation, et les mouvements
transmis, n’appartenant plus qu’à la petite masse de tissu étran-
glé, deviennent imperceptibles. On réduit alors la portion sail-
lante, et, en mettant l’animal la tête en haut, on peut espérer
obtenir encore pendant assez longtemps des courbes tout à fait
satisfaisantes. Sur le lapin, il arrive fréquemment qu’on distingue
seulement les grandes ondulations respiratoires des changements
de volume du cerveau. Flourens avait été induit en erreur par
l'absence de pulsations cardiaques visibles, et, dans son premier
travail qu’on continue toujours à citer, il n’admet que ces grands
mouvements du cerveau. Il est important de bien établir que,
dans le mémoire peu étendu qu'il publia quatre ans après ses
premières recherches, Flourens, ayant substitué le chien au
lapin, vit très-nettement les pulsations cérébrales d’origine car-
diaque et revint sur sa première opinion.
En outre de l’exploration des mouvements qui se produisent
dans la cavité crânienne, il est important de faire en même
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|
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 281
temps l'étude des mouvements du liquide dans la cavité rachi-
dienne et d'inscrire simultanément les tracés ainsi obtenus. On
peut juger alors des rapports qui existent entre ces deux ordres
de mouvements et trancher facilement la question du synchro-
nisme ou de la succession, de la marche parallèle ou inverse
des oscillations liquides dans les deux cavités. L'expérience dé-
montre que ces oscillations sont synchrones ; elle établit aussi qu’il
y alibre passage au niveau du trou occipital pour le liquide sous-
arachnoïdien, lequel est refoulé vers la cavité rachidienne, pen-
dant que le cerveau augmente de volume, et vice versa. C'est-à-dire
que l'inscription de ces phénomènes ajoute une preuve nouvelle
aux faits énoncés par le professeur Richet dans son Anatomie chi-
rurgicale. I est regrettable que l’occasion ne se soit pas offerte
à M. Mosso et à M. Salathé d'étudier, sur les enfants atteints de
spina-bifida, les mouvements d’expansion et de resserrement de
la tumeur rachidienne en même temps que les battements des
fontanelles. Le parallèle entre les expériences sur les animaux et
l'observation sur l’homme eût été ainsi plus complet. C’est là
une lacune à combler, et ce point est assez important pour
mériter l'attention des expérimentateurs.
* Les recherches de M. Mosso ont porté exclusivement sur les
mouvements du cerveau d’une femme atteinte de perte de sub-
siance des os du crâne : celles de M. Salathé ont eu les animaux
et l’homme pour ohjet. Les résultats qu'il a obtenus en explorant
les fontanelles de jeunes enfants étant identiques à ceux qu’a
fournis l'exploration sur l’homme, nous pouvons réunir tous ces
documents en les rapprochant les uns des autres, et exposer
tout d’abord les conclusions de nos deux auteurs, avec les remar-
ques que nous croirons devoir y ajouter.
Ces remarques nous ont été inspirées par les expériences que
nous avons faites avec M. Brissaud, autant pour contrôler les ré-
sultats des recherches déjà publiées, que pour chercher à déter--
miner quelques points encore négligés.
Il est admis que les mouvements du cerveau sont de deux
ordres : les uns en rapport avec les battements du cœur, les
282 FRANCOIS FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
autres avec les mouvements respiratoires. Ces deux influences
produisent des changements de volume dans le cerveau, comme
dans les autres organes, et on ne peut plus admettre aujourd'hui
que les mouvements cérébraux soient dus au soulèvement total de
la masse encéphalique par les artères de la base, comme l’ensei-
gnait Richerand; les variations de calibre des artères du poly-
gone de Willis sont évidemment bien peu importantes à consi-
dérer dans la production des mouvements cérébraux, eu égard à
l'influence prédominante des alternatives de turgescence et de
retrait de l'organe.
Si la respiration est calme et facile, elle modifie à peine le
tracé des variations d’origine cardiaque; au contraire, quand
elle s’exagère, l’influence respiratoire peut arriver à supprimer
en apparence la pulsation d’origine cardiaque, mais cette dispo-
sition tient au mode d’exploration lui-même. Le liquide contenu
dans le tube vissé sur le crâne est entraîné alternativement très-
bas et très-haut, et les petites pulsations qui se produisent pen-
dant les deux grands déplacements sont pour ainsi dire absorbées
par eux. C’est aussi ce qui s’observe quand on inscrit les varia-
tions de la pression artérielle avec le manomèëtre, ou quand on
suit de l'œil la colonne de mercure, la respiralion étant rapide et
profonde. On s’exposerait à nier les pulsations cérébrales tout
aussi bien que les pulsations d’une artère, si l’on ne tenait
compte de celte absorption des petits mouvements par les
grands.
En considérant les rapports qui existent entre les variations du
volume du cerveau et les mouvements respiraloires, on vo't que
ces rapports obéissent aux lois qui commandent les variations du
volume d'un autre organe comme la main et les variations
de la pression artérielle. Dans tous ces cas, ce sont les change-
ments de l'aspiration thoracique qui exercent leur influence sur
le cours du sang artériel et veineux. Dans les conditions de res-
piration normale, le volume du cerveau, comme celui de la
main, comme la pression artérielle, diminue pendant l’inspira-
tion qui s'accompagne d'augmentation de l'aspiration thoracique,
et augmente pendant l’expiration pour la raison inverse. Si les
*
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 283
animaux sont soumis à la respiration artificielle par le procédé
de l’insufflation trachéale, on voit ce rapport se renverser, préci-
sément parce qu’on renverse les conditions de la pression tho-
racique, cette pression étant accrue pendant l’insufflation, di-
minuée pendant l'expiration.
Indépendamment de ces deux ordres de mouvements bien
- connus, les uns cardiaques, les autres respiratoires, les seuls
dont il ait été question jusqu'ici, le cerveau semble présenter
d’autres variations plus lentes encore, très-peu sensibles, même
sur le tracé recueilli dans une grande longueur, et qu’on ne voit
bien qu’en traçant au-dessous du graphique des courbes céré-
brales une abscisse très-rapprochée. Si l’on examine l’ensemble
de la courbe en la regardant selon sa longueur, on voit, comme
l’a indiqué Mosso, qu’elle offre de longues ondulations rhythmi-
ques. Mosso a observé les mêmes ondulations sur les graphiques
des changements du volume de la main avec son Pléthysmogra-
phe, et tousles physiologistes savent que les tracés de la pression
artérielle en offrent de semblables (wellexformige Schwan-
kungen de Traube), particulièrement quand on inscrit les va-
riations de la pression carotidienne d’un petit animal à pulsations
rapides, comme le lapin. Ces ondulations sont bien visibles si l’on
a soin de recueillir le tracé sur un cylindre animé d’une faible
vitesse. Il semble logique de rapporter ces lentes variations de
la circulation périphérique à une même cause, et c’est à des
changements rhythmiques dans la tonicité des petits vaisseaux, à
des contractions spontanées et périodiques suivies de relâche-
ment gradue]l, qu’on peut les attribuer. Ces ondulations rappel-
lent celles des vaisseaux de l'oreille du lapin et doivent, sans
doute, être rapprochées des changements de calibre observés
directement sur les vaisseaux de la pie-mère par Donders. Nous
savons que Donders fixa, comme l'avait fait Ravina, une fenêtre
au crâne des animaux en expérience, mais il prit soin d’éliminer
complétement l’air de la chambre close ainsi formée, précaution
indispensable qu'on peut reprocher à Ravina d’avoir négligée.
Dans ses expériences, le savant physiologiste hollandais suivit
minutieusement les changements du calibre des petits vaisseaux
28h FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
de la pie-mère; il les vit se distendreetse resserrer ; il constala les
alternatives de rougeur et de päleur de la substance cérébrale, et
par suite dut admettre ses changements de volume. Mais, d’après
Mosso, se rattachant à l'hypothèse de Berlin, il admit qu’il se
produisait des variations extrêmement rapides dans la quantité du
liquide sous-arachnoïdien, et, prévoyant une grave objection, il
ajoute que la grande surface des circonvolutions cérébrales et la
quantité énorme des petits vaisseaux de la pie-mère permettaient
de comprendre la rapidité avec laquelle s’opéraient ces phéno-
mènes. Nous pensons qu'il n’est plus utile de recourir à cette in-
terprétation, étant démontré que les vaisseaux en se dilatant re-
foulent le liquide sous-arachnoïdien; mais nous retenons le fait
bien nettement observé par le professeur Donders des changements
spontanés du calibre des vaisseaux. Les mêmes phénomènes
vasculaires furent observés par Kussmaul et Tenner dans leurs
recherches bien connues sur la circulation encéphalique. En
ajoutant à ces faits d'observation les résultats des expériences qui
ont montré à un grand nombre de physiologistes (CI. Bernard,
Brachet, Schiff, Callenfels, ete.) l'influence du système nerveux
vaso-moteur sur les vaisseaux de la pie-mère, nous pouvons
entrevoir le mécanisme de ces grandes ondulations rhythmées et
les considérer commele fait de celte indépendance relative des cir-
culations locales, sur l'importance de laquelle M. CI. Bernard a
insisté. Cette question, dont nous ne pouvons ici qu’indiquer les
points essentiels, a été traitée en partie par Mosso; mais 1ly a là
encore matière à de sérieuses recherches.
Quelle que soit l’interprétation des phénomènes, c’est là un
troisième ordre de mouvements du cerveau qu’il convient de
distinguer dans le langage. Les dénominations adoptées par Mosso
sont tout aussi justes que telles autres qui pourraient être pro-
posées; aussi appellerons-nous avec lui pulsations les mouve-
ments de cause cardiaque correspondant aux battements arté-
riels; oscillations, les mouvements plus étendus que produisent
une inspiralion et une expiration successives; le mot d’ondula-
tions s’appliquerait à ces grandes variations lentes qu’on suppose
subordonnées aux contractions rhythmiques des vaisseaux.
+
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 285
Telles sont les principales modifications que présente le volume
du cerveau conslatées dans les conditions d'observation simple,
le sujet en expérience n’élant soumis à aucune cause de pertur-
bation provoquée dans un but expérimental.
L'influence du sommeil sur les mouvements du cerveau, déjà
étudiée à l’aide du sphygmographe par Langlet, a été reprise par
_Mosso sur la femme qui fait Le sujet de ses observations, et par
Salathé sur de jeunes enfants. Ce dernier a noté la disparition
des oscillations respiratoires dans le tracé cérébral, ce qui tient
évidemment à la lenteur et au calme de la respiration; Mosso
remarque une amplitude beaucoup plus considérable des pulsa-
ions artérielles, et nous retrouvons cette amplitude exagérée
dans les tracés obtenus par Salathé. Pouvons-nous tirer de cette
remarque quelques conclusions relatives à l’état d’anémie ou de
congestion du cerveau pendant le sommeil? Mosso se réserve
d'utiliser ses observations pour des travaux spéciaux sur la
question du sommeil. Nous nous bornerons par conséquent à
noter que cette plus grande amplitude des pulsations cérébrales
peut tenir à la moindre tension de la masse encéphalique pendant
le sommeil, tout comme l’augmentation d'amplitude du pouls
tent à l’extensibilité plus grande des artères dans les cas de fai-
ble tension. Ce serait donc admettre l’anémie relative du cerveau
pendant le sommeil, anémie qu’on ne saurait mettre sur le
compte du resserrement actif des vaisseaux de l’encéphale, car
dans ces conditions on n’observerait point l'amplitude exagérée
des pulsations. On pourrait interpréter celte anémie relative par
la dérivation sanguine qui semble s’opérer pendant le sommeil
vers les parties périphériques. Chacun sait que le cou gonfle et
que la constriclion, supportée à l’état de veille, devient gênante
pendant le sommeil; il se produit du gonflement du corps thy-
roïde, qui a été considéré un peu théoriquement comme produi-
sant une compression physiologique des carotides, fait en désac-
cord avec l'amplitude plus grande des pulsations cérébrales;
enfin Mosso lui-même a signalé dans un précédent travail (4) la
(1) A. Musso, Movimenti :lei vai sanguigni 1c.uomo. Turin, 1875,
286 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
grande augmentation du volume de la main pendant le sommeil.
Le cerveau subirait ainsi l'effet d’une abondante dérivation san-
guine périphérique. Mais les hypothèsesne doivent pasnous arrêter
longtemps : des faits assez nombreux méritent notre attention.
On peut agir sur la circulation cérébrale comme sur celle d’un
autre organe, en modifiant l’afflux sanguin par la compression
des artères principales, par la compression des veines, en faisant
intervenir la pesanteur comme cause adjuvante de la circulation
ou comme influence retardatrice; on peut agir plus indirecte-
ment sur cette circulation en apportant un grand nombre de
modifications au rhythme respiratoire; enfin on peut essayer de
provoquer dans le cerveau des modifications circulatoires en
rapport avec des modifications fonctionnelles. Les faits observés
par CI. Bernard, par Ludwig et d’autres, sur la suractivité circu-
latoire des organes en fonction, doivent, en effet, engager à
rechercher des phénomènes analogues dans le cerveau. Ces
diverses expériences ont élé exécutées sur les animaux et sur
l’homme, par MM. Mosso et Salathé ; nous allons en exposer les
résultats, et les recherches que nous avons faites avec M. Bris-
saud nous permettront de discuter quelques points de leurs con-
clusions, en présentant les tracés que nous avons recueillis.
Compression des carotides.
Il est souvent difficile de comprimer la carotide primitive chez
l'homme sans comprimer en même temps le nerf pneumogas-
trique et la jugulaire interne : les rapports intimes des différents
éléments du paquet vasculo-nerveux, leur réunion dans une gaîne
commune rendent loujours un peu incertaine la compression
que l’on voudrait faire porter exclusivement sur la carotide.
Ainsi chez la malade du docteur Fournier, nous n’avons pu
réussir à effacer le calibre de la carotide sans comprimer en
même temps la jugulaire correspondante : aussi avons-nous
observé du côté du cerveau des phénomènes complexes que nous
sommes forcés de passer sous silence. Mosso a été plus heureux,
et les modifications des mouvements cérébraux observées pen:
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 287
dant la compression de l’une ou des deux carotides sont tout à
fait concordantes avec celles qui se produisent dans les change-
ments du volume de la main quand on comprime l’humérale.
L’organe recevant moins de sang, présente une diminution ab-
solue de volume, et l’amplitude des variations de ce volume est
beaucoup moindre à cause de l'effacement d’un grand nombre de
branches artérielles. Quand cesse la compression, les pulsations
cérébrales présentent, pendant un certain temps, une amplitude
exagérée, comme si les vaisseaux, déshabitués de la pression in-
térieure à laquelle les a soustraits la compression, se laissaient
ensuite passivement distendre : leur tonicité normale ne repa-
raîtrait que peu à peu, et sa restitution raménerait l'amplitude
des pulsations à sa valeur initiale. Les mêmes phénomènes s’ob-
servent dans la main à la suite de la compression de l'artère
humérale : nous les avons notés dans nos expériences sur les
changements du volume de la main, sans présenter de théorie
pour les expliquer. Mosso rejette, avec raison, l’hypothèse d’une
augmentation passagère de l’énergie de l’impulsion cardiaque
aprés la décompression, et pense qu’il s’agit là d’une moditi-
cation toute locale, d’un trouble dans la résistance des parois
vasculaires. Il admettrait volontiers une modification dans la
nutrition de ces parois pendant que dure la compression, mais
il juge prudent de s’abstenir de toute affirmation.
Nous disions tout à l'heure que la compression exactement
localisée à la carotide n’est pas toujours facile sur l’homme :
nous allons voir qu’elle ne l’est pas davantage sur le chien, quand
on ne prend pas la précaution d'isoler soigneusement l’artère et
de la saisir dans l’anse d’un compresseur qui en efface la lumière
sans produire de tiraillements, comme le ferait un fil qu’on sou-
lèverait, ou des compressions des nerfs voisins, comme il arrive
quand on repousse l’artère sur la colonne vertébrale. Nous avons
étudié cette année les effets des variations de la pression intra-
crâmenne sur le rhythme des mouvements du cœur, et nous
avons toujours vu que la compression régulièrement faite de la
carotide du chien produit une grande accélération des batte-
ments du cœur et une trés-notable élévation de la pression ex-
288 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D’'EXPANSION
plorée dans n’importe quelle artère. Ces faits seront développés
dans un prochain travail : nous les rappelons ici uniquement
pour mettre en garde contre les conclusions qu’on pourrait tirer
d'expériences faites sur le chien en comprimant médiatement
une ou deux carotides : il nous semble évident, par exemple, que
dans la courbe des mouvements cérébraux pendant la compres-
sion" de la carotide présentée par Salathé, le défaut d’accéléra-
tion des pulsations d’origine cardiaque tient à ce que la com-
pression carotidienne a porté aussi sur le nerf pneumogastrique.
L'auteur reconnaît, du reste, l'effet de la ligature indépendante
de toute compression d'organes voisins.
Nous nous réservons d’insister plus tard sur ces questions des
rapports des changements de la pression artérielle et du volume
des organes avec la fréquence des battements du cœur ; aussi
n’entrerons-nous pas Ici dans des détails qui nous entraineraient
beaucoup trop loin de notre sujet principal.
Compression des jugulaires,
C'est chez l’homme que la compression des jugulaires peut
provoquer des modifications notables dans la circulation céré-
brale ; chez les animaux, en effet, comme le chien et le lapin, les
jugulaires internes sont presque rudimentaires; ce sont les
jugulaires externes et surtout les veines vertébrales sortant du
canal des apophyses transverses cervicales qui ramènent au
cœur droit le sang de l’encéphale.
Or, chez l’homme, la compression des jugulaires à la base du
cou a donné à Mosso des résultats malheureusement inexacts;
il a reconnu, depuis la publication de son travail, qu'il avait été
induit en erreur par un petit accident survenu dans ses appareils
et qui pouvait en effet passer inaperçu.
Quant on se sert des appareils à transmission par l'air pour
explorer et inscrire des variations un peu étendues et prolongées,
une condition dont il est indispensable de se bien assurer, c’est
la clôture hermétique des membranes de caoutchouc et des tubes
de transmission : une fuite d’air, sans importance, quand on
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 289
étudie des mouvements qui varient avec une certaine rapidité,
peut, dans les autres cas, fausser complétement les indications :
c'est ce que nous avons cherché à éviter en reprenant l'expé-
rience de la compression des jugulaires chez notre malade :
nous nous sommes au préalable assuré que nos appareils sup-
portaient la pression d’air et gardaient le vide. Le tracé suivant,
-obtenu dans ces conditions, montre que le cerveau augmente
graduellement de volume pendant qu’on met obstacle au retour
du sang veineux.
F16. 2. — Augmentation graduelle du volume du cerveau (CE) pendant la compres-
sion des jugulaires de E en E. — Ligne R. Courbes respiratoires.
Si l’on compare cette augmentation de volume du cerveau, pen-
dant la compression, des jugulaires à l’augmentation du volume
de la main pendant la compression circulaire du bras par le ban-
dange de la saignée (1), on est frappé de la différence des phé-
nomènes. Cette différence porte sur deux points principaux :
41° l'augmentation du volume du cerveau est infiniment moindre
que celle de la main; 2° les pulsations du cerveau pendant la
compression conservent leur forme à peu près normale, tandis
que celles de la main perdent peu à peu la ligne d'inclinaison
qui correspond à l’écoulement du sang des artères dans les
veines.
Pour expliquer la première différence, 1l faut se rappeler que
(1) Voyez Travaux du laboratoire du professeur Marey. G. Masson, 4876. Fran:
çois-Franck, Changements du volume des organes.
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. XII (1877), 19
20 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D EXPANSION
pendant qu'on met obstacle au dégorgement sanguin du cer-
veau, le liquide céphalo-rachidien cède la place au liquide san-
guin qui s’accumule, de telle sorte que le cerveau augmen-
tant de volume par la stase du sang, diminue de volume par
le départ du liquide sous-arachnoïdien el intra-veniriculaire : :
ces deux effets inverses, ne se compensent cependant pas com-
plétement, car on note une certaine turgescence du cerveau,
Pour la main, les conditions ne sont plus les mêmes : quand
le sang s’accumule sous l'influence de la compression veineuse,
il n’y a d’autre liquide déplacé que celui dans lequel la main est
plongée, « et tous les déplacements du liquide s’accusent à l'appa-
reil enregistreur : aussi a-t-on une courbe beaucoup plus é él
que celle fournie par le cerveau quand on comprime lesjug ulaires :
l'augmentation totale du volume de la main est signalée; une
| artie seulement du volume du cerveau est indiquée sur le tracé.
F La différence de forme des pulsations de la Imain et du cer-
veau quand on comprime les veines de l'un et de l'autre
organes, s explique \ de la même façon : la main est de plus en
lus distendue et devient de moins en moins exLensible : ; aussi
la bgne de descente de chaque pulsation tend-elle davantage
à se redresser et à se rapprocher de l'horizontale : c'est un véri-
table escalier que l’on observe, et les degrés de cet escalier dimi-
nuent de hauteur à mesure que la distension de la main aug-
mente. Au contraire les pulsations cérébrales conservent à peu
près leur forme initiale : ce qui peut tenir à la moindre disten-
sion des vaisseaux cérébraux.
Il faut ajouter que la compression des jugulaires ne suffit pas
pour mettre un obstacle complet au retour du sang, et cette con-
sidération doit aussi entrer en ligne ce compte dans l’interpré-
tation de la forme des pulsations cérébrales et de la faible éléva-
tion de la ligne générale pendant la compression veineuse.
Modifications respiratoires.
Nous avons vu que les influences respiratoires sont peu
accusées sur les courbes des pulsations cérébrales quand la res-
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 291
piration est calme, lente et facile : on sait, en effet, que
les changements de la pression intra-thoracique n’influent
d’une façon notable sur la circulation périphérique que quand
ils sont un peu exagérés. On voit alors les organes augmenter
de volume pendant l'expiration, diminuer pendant l'inspiration,
suivant en cela les règles qui président aux variations respira-
toires de la pression artérielle. Ce rapport est complétement
” renversé quand on intervertit les conditions de la pression intra-
thoracique par la respiration artificielle : le fait est bien acquis
aujourd’hui, grâce à de nombreuses recherches parmi lesquelles
nous citerons celles de Quincke et Pfeiffer, Héger,. Gréhant,
Rosapelly, Gauthier. Ce dernier à fait l’année dernière dans le
laboratoire du professeur Marey, quelques expériences qui éta-
blissent que la respiration artificielle par le procédé usuel, c’est-
à-dire par insufilation trachéale, fait varier en sens inverse du
sens normal aussi bien le volume des organes que la pression
dans les artères. Il en devait être du cerveau comme de tout
autre tissu vasculaire, et M. Salathé a pu le constater par l’expé-
rience directe. (
En portant à leur maximum les influences normales de la res-
piration sur les changements de volume du cerveau, c’est-à-dire
en exagérant l'inspiration et en produisant l'effort, on provoque
d'importantes modifications dans la circulation cérébrale comme
dans celle de tous les organes périphériques. Ces modifications
sont identiques dans le cerveau et dans la main quand on pro-
duit un effort d'expiration, la glotte étant fermée ; mais la même
similitude, qu’on devait s'attendre à rencontrer de part et d’au-
tre sous l'influence d’une inspiration profonde et prolongée,
ne s’est rencontrée ni dans nos expériences, ni dans celles de
Mosso. |
Pendant qu’on dilate largement la poitrine en y augmentant
considérablement le vide thoracique, on voit le volume de la
main diminuer comme l'indique la figure 3.
Les changements qui s’observent parallèlement du côté du
cerveau (fig. 4) ne sont plus du tout les mêmes : le seul point
commun dans l’un et l’autre cas, c’est le ralentissement des bat-
292 FRANÇOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
tements du cœur. Nous ne voyons diminuer le volume du cer-
veau que quand l'inspiration a cessé, phénomène inverse de celui
qui s’observe à la main. Faut-il admettre que le sujet en expé-
rience exécute mal l’acte qu’on lui commande, et que, péndant
Fi16. 3. — Diminutivn du volume de la main avec raleutissemient des. pubations.
pendant une inspiration profonde de I en |’.
qu’il augmente l'aspiration vers sa poitrine, il comprime les
viscères abdominaux en contractant les muscles droits et obli-
ques. Dès lors l'effet de la dimiuution de pression intra-thora-
cique serait annulé par l'effet de l'augmentation de pression
intra-abdominale. |
Nous aurions pu admettre cette explication, si l’examen
comparatif des mouvements thoraciques et abdominaux, n€
nous en eût pas, dans une autre expérience, démontré le dé-
faut de fondement. Du reste, le ralentissement des battements
du cerveau suffirait à montrer que l'inspiration profonde de-
mandée à la malade était accomplie dans les conditions voulues. Il
faut nécessairement chercher dans un autre ordre d'idées l’inter-
prétation du phénomène dont la figure 4 nous donne un exemple;
probablement le fait a sa raison d’être dans une accumulation
compensatrice du liquide céphalo-rachidien pendant que le sang
est soustrait en partie au cerveau sous l’influence d’une aspira- |
tion énergique vers la poitrine : nous ne sommes pas en MESUrTE
de fournir la démonstration de cette hypothèse; nous aurons
néanmoins à y revenir tout à l'heure à propos des effets de l'as
piration du sang par l’application de la ventouse Junod. ;
L’effort d'expiration, la glotte étant fermée, donne lieu à des
modifications du volume du cerveau beaucoup plus concordantes
avec celles qu’on observe en même temps du côté des organes
périphériques. Mosso compare cet effet de l'effort à celui qu'il
avait obtenu en comprimant les jugulaires, mais n’en donne point
les courbes. Il à dû observer encore dans ce cas les consé-
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 293
quences de la fuite d’air qui l’a-
vait induit en erreur sur les résul-
tats de la compression des veines
du cou.
Le malade examiné par Salathé
à l’hôpital des Cliniques a pré-
senté très-nettement la turges-
cence du cerveau liée à l'effort ;
mais la perte de substance du
frontal étant comblée par une ci-
catrice ancienne, l'indication gra-
phique des phases de cette tur-
gescence cérébrale manque de
netteté. À mesure, en effet, que
la cicatrice était tendue davantage,
elle devenait plus résistante, et les
détails de la circulation cérébrale
devaient nécessairement être mas-
qués par sa rigidité.
Chez la malade du docteur Four-
nier au contraire, l'absence de ci .
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l
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À
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catrice nous a permis d'obtenir
des courbes très-détaillées dans
lesquelles on retrouvera tous les
éléments observés jar le profes-
seur Marey dans ses explorations
du pouls et indiqués par nous dans
l'étude des changements du vo-
lume de la main.
;
:
:
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|
16. 4. — Mouvements du cerveau (Ce) avant, pendant et après une inspiration profonde I l'.
Les conditions mécaniques de
l'effort sont trop connues (1) pour
que nous y insistions de nouveau;
nous en rappellerons seulement
les points principaux. Sous l’in-
fluence de l’augmentation de la
Ar
Lait
. (1) Voyez Marey, Physiologie médicale de La circulation du sang, 1863.
29/ FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
pression intra-thoracique et intra-abdominale, le sang” artériel
est refoulé et le sang veineux gêné dans son retour; de là l’aug-
mentation de la tension dans les artères et du volume des.
organes. À mesure que se prolonge l'effort, on voit diminuer la
Fi. 5. — Augmentation du volume du cerveau peñdant l'effort de Een E, . |
Pulsations de plus en plus fréquentes et dicrotes,
pression et le volume, quoique cet effort soit maintenu au même
degré manométrique. La raison en est dans l’affaissement pro=
oressif de l'aorte et dans la diminution des ondées envoyées par
le cœur. Pour maintenir au même niveau la pression artérielle et
le volume des organes pendant l'effort, 1l faut redoubler d'éner-
gie et pousser d autant plus qu’on prolonge l'effort. plus long-
temps. On voit le résuliat de ce renforcement dans le tracé des
mouvements cérébraux ci-joint. La ligne, s’abaissait, quand û
malade fut invitée à augmenter son effort. À partir de,ce moment
la ligne est redevenue ascendante jusqu’à ce que l'effort ait brus-.
quement cessé. En même temps que se produisent ces phé 10-
mènes périphériques, le cœur accélère ses battements.Il est, en.
effet, dans le milieu comprimé et son évacuation dans l'aorte est
facilitée par la pression qui s'ajoute à l’extensibilité plus gra | de
du réservoir aortique. | 100
Quant aux phénomènes consécutifs, 1ls sont exactement invers
ses. La pression artérielle tombe brusquement très-bas; les orga-
nes se dégorgent du sang qu’ils avaient reçu en excès, et le. cæ
se ralentit. Marey a donné les raisons de ces différents phén
mènes dans le livre que nous avons cité.
A côté de ces modifications très-exagérées, nous devons rap-
ET DE RESSEMREMENT DU CERVEAU. 295
peler par un exemple les variations plus graduelles qui se pro-
duisent dans les conditions presque normales. Dans le double
tracé de la figure 6, nous voyons une longue expiration simple,
sans effort, s'accompagner d’un certain degré de turgescence du
F16. 6. — CR, Courbes respiratoire et cardiaque. C, volume du cerveau
augmentant pendant l'expiration Exp.
cerveau. La ligne qui donne la courbe respiratoire présente aussi
des pulsations cardiaques trop imparfaitement indiquées pour
que nous en tenions compte ici.
Les développements dans lesquels nous sommes entrés sur les
causes des variations du volume du cerveau pendant la compres-
sion artérielle et veineuse, pendant les actes respiratoires nous
forcent à abréger l'exposition des points qui nous restent à exa-
miner : l’énfluence de la pesanteur, de la dérivation sanquine
abondante, et de l’activité cérébrale sur les mouvements du cer-
veau.
L'influence de la pesanteur, qui semble très-simple au pre-
mier abord, est, en réalité, tout entière à étudier. Comme
MM. Mosso et Salathé, nous avons, avec M. Brissaud, examiné les
mouvements cérébraux dans différentes attitudes; nos résultats
concordent avec les leurs; mais aucun de nous n’a cherché à
déterminer expérimentalement l'influence des déplacements du
liquide céphalo-rachidien sur la circulation cérébrale. M. Marey
nous faisait remarquer l’année dernière, aiñsi qu’à M. Salathé,
296 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
que la colonne rachidienne devait représenter, dans la station
verticale, la longue branche d’un siphon dont la cavité crânienne
et les artères afférentes de l’encéphale constitueraient la courte
branche; si le liquide sous-arachnoïdien est ainsi rappelé vers
le rachis, quel effet cette aspiration peut-elle exercer sur la cir-
culation propre de l'encéphale? Nous considérons toujours la
subordination des mouvements du liquide céphalo-rachidien
aux variations circulatoires, mais, dans certains cas cependant,
ces mouvements du liquide, obéissant à une influence éner-
gique, peuvent entraîner à leur tour des modifications importantes
dans la circulation sanguine de l’encéphale.
Ce n’est point à dire que nous revenions sur la critique adres-
sée, au début de ce travail, à Ecker, qui subordonnait tous les
mouvements cérébraux aux flux et reflux du liquide sous arach-
noïdien; nous disons qu’on doit en tenir compte dans certains
cas où l’influence de la pesanteur entre en jeu d’une façon pré-
dominante du coté du liquide céphalo- -rachidien. La question
est lout entière à étudier, et nous souhaitons qu’elle tente quel-
ques-uns de nos Les
Nous nous contenterons de donner ici un tracé montrant l’effet
de cette aspiration sur le contenu de la cavité crânienne pendant
la station verticale.
ARNINAIN AIS Ah \ \ F
FIG, 7. — Affaissement du cerveau pendant la station verticale.
La malade s’est levée au début du tracé.
Chez le malade examiné par M. Salathé, M. Marey avait constaté
il ya trois ans, la dépression de la cicatrice frontale, qui devenait
concave dans la station verticale, comme attirée par une aspira-
tion énergique. Cette remarque vient bien à l’appui de l'hypothèse.
présentée plus haut, et montre de plus que l’affaissement du cer-
veau, dont nous donnons un exemple, n’est pas dû seulement à
l’action de la pesanteur sur le cours du sang.
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU.
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Nous avons obtenu des effets très-nets de cette dernière in-
298 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
fluence enlsoulévant les bras de la malade de l'hôpital. Saint-
Louis. Péndant l'élévation des membres supcrieurs, le volume
du cerveau'augmente ; 1l reprend son niveau primitif quand les
bras sont ramenés le Li du corps, comme l'indique la” figure
ci-jointe (fig. 8). 1,18
Nous rapprocherons les effets de l’élévation des membres sur
le volume du cerveau de ceux qui se produisent dans là mâain
d’un côté quand' on élève le membre supérieur du côté opposé.
Un coup d'œil sur les deux figures (8 et 9) ) permettra de Saisir
l'identité x 5 phénomiènes.
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Mouvements du cerveau pendant l'aspiration exercée sur: <%
un membre inférieur avec la ventouse Junod, “#
. \ L, : à NE
VAE
Quand on enferme la main dans l'appareil explorateur des
changements de volume, et qu'on exerce une aspiration rapidè à
la surface d’un membre inférieur à l’aide de la ventouse Junod, on
observe sur la main les effets rapides et considérables de la déri-
vation sanguine : la main diminue de volume, l’eau est rappelée
dans l’appareil et le levier inscripteur trace les pulsations de la
main à un niveau de moins en moins élevé. La! figure suivante
(fig. 10), empruntée à notre premier mémoire, donne une bonne
idée des phénomènes.
Nous avons fait plusieurs fois cette expérience sur nous-même
en faisant raréfier rapidement l’air de la ventouse pendant que
les tracés de notre main s’inscrivaient ; cette expérience a été
répétée sur d’autres personnes, et dans tous les cas un peu de
vertige s’est produit à un certain degré d’aspiration. TE
Nous avions conclu de l'apparition de ces vertiges que le cer
veau devait nécessairement présenter les mêmes phénomènes ci
été surpris, au premier instant, de ne pas const sur té à
des changements de volume du cerveau un abaissement de la
courbe analogue à celui que nous avions obtenu sur la main.
DE RESSERREMENT DU CERVEAU.
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300 FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
ment fait dans la ventouse, le cerveau ne s’affaisse que très-
légèrement, et cela quand laspiration de la ventouse a été
poussée très-loin. |
La malade accusait à ce moment un grand malaise qui nous à
fait immédiatement rétablir la communication avec l’air exté-
rieur : la ligne d'ensemble des pulsations s’est légèrement re-
levée alors, sans remonter au-dessus du niveau initial.
Il est impossible de ne point admettre que, sous l’influence de
l’abondante dérivation sanguine provoquée par l'application de
la ventouse Junod le cerveau n'ait été soumis à une anémie très-
notable : si le tracé n’accuse pas cette anémie par un abaisse-
ment rnarqué de la courbe, les troubles présentés par la malade
suffiraient pour l’affirmer. Il faut donc qu’une modification
étrangère à la circulation sanguine soit intervenue pour main-
tenir la dure-mère explorée à son niveau presque normal : nous
croyons que c'est à un afflux compensateur du liquide sous
arachnoïdien qu'est due cette permanence du niveau du tracé.
L'équilibre dans la proportion relative des deux liquides san-
guin et sous-arachnoïdien s’est manifesté dans cette expérience
comme dans celle de la compression des jugulaires dont il à été
question plus haut : dans les deux cas, la modification expéri-
mentalement provoquée a porté sur la quantité du contenu sän-
guin : celte quantité a augmenté par la compression des veines
du cou ; elle a diminué sous l'influence de la dérivation vers le
membre inférieur ; mais à mesure que se produisaient ces chan-
gements graduels de la quantité du sang contenu dans le cerveau,
le liquide sous-arachnoïdien maintenait à une valeur à peu près
constante le volume du contenu crânien ; fuyant devant le sang
qui s’accumulait pendant la compression veineuse, appelé au
contraire par l'aspiration résultant de la réplétion sanguine dimi-
nuée pendant la dérivation, le liquide sous-arachnoïdien mam-
tenait, à peu près l'équilibre. |
Il faudrait vérifier sur les animaux cette hypothèse de la sub-
stitution du liquide céphalo-rachidien au sang dans la cavité crà-
nienne, quand les variations de la quantité du sang s’opèrent
avec une assez grande lenteur pour permettre à l'équilibre de
ER mme ns man Me mm
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. aU1
s'établir : les doubles trépanations crâniennes et rachidiennes
seraient le seul moyen de contrôler l'interprétation qui précède.
M. Salathé qui a déjà fait ce genre d'expériences, voudra peut-
être compléter la série en les reprenant à ce point de vue : la
question des migrations du liquide céphalo-rachidien qui domine
toute l’histoire des mouvements du cerveau, appelle, en effet, de
nouvelles recherches, et c’est à ceux qui les ont si bien commen-
cées qu’il appartient de les pousser plus loin.
Nous terminerons cette revue historique et critique en disant
quelques mots d’un point particulier de la circulation cérébrale
sur lequel Mosso a attiré l'attention et que nous n'avons fait
qu’effleurer dans nos expériences sur la malade du docteur
Fournier : nous voulons parler des modifications circulatoires
qu'on voit se produire quans le malade se livre à un travail de
tête.
On comprend combien :1l serait prématuré de hasarder la
moindre hypothèse sur le rapport de ces modifications circula-
toires et du phénomène fravarl intellectuel : on doit se borner à
sionaler quelques faits qui peuvent prendre plus tard un certain
intérêt.
Mosso a constaté que quand 1l fixait l’attention de sa malade en
lui faisant faire de tête un petit calcul, le cerveau devenait turges-
cent, ou, pour ne rien préjuger, que le tracé présentait une élé-
vation notable. Il nous a semblé que la raison de cette modifica-
tion dans la circulation intra-crânienne pouvait bien n’être pas
aussi simple que l’a indiqué l’auteur.
En reprenant sur la malade que nous avons examinée l’ex-
périence faite par Mosso, c'est-à-dire en lui plaçant à un moment
donné devant les yeux un papier portant des chiffres à multiplier
ou à additionner, nous avons bien constaté une notable élévation
de la courbe des mouvements du cerveau, comme l'indique la
figure 12. Mais, pendant que se produisait ce phénomène, la
malade avait complétement modifié son type respiratoire : elle
présentait la respiration superficielle et incomplète d’une per-
sonne dont l’attention est fixée.
Il faut dès lors compter avec cette cause connue de change-
VEMENTS ALTERNATIFS D'EXPANSION
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302 FRANCOIS-FRANCK.
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cränienhe
ments dans la circulation intra-
ET DE RESSERREMENT. DU CERVEAU. 303
à émettre de sérieuses réserves sur l'interprétation du phénomène
observé.
OBSERVATION DE LA MALADE QUI A FOURNI LES TRACÉS PRÉCÉDENTS, recueillie
par M. Brissaun, Interne des hôpitaux.
Syphilis tertiaire. — Lupus syphilitique de la fuce.— Nécrose d'une large
portion de l'os pariétal droit. — Élimination du séquestre. — Dénudution
de la dure-mére recouverte par des bourgeons charnus.(Hôpital Saint-Louis.
Service de M, le D' Fournier.)
AÏL..…, Victoire, est âgée aujourd’hui de 34 ans. Dans son enfance elle
a eu des maux d'yeux persistants, qui ont déterminé une opacité par-
tielle de la cornée droite. Elle a été réglée à 18 ans et s'est mariée au
mois d’août 1863. Elle donne, relativement à l'époque de son mariage,
un renseignement d’une certaine importance : le mariage aurait été
reculé d’un mois, parce que le fiancé était atteint d’un mal de gorge.
En 1864, cette femme eut un enfant qui mourut au bout de six semai-
nes, après des convulsions qui avaient duré vingt jours. L'enfant n'avait
pas eu de taches sur le corps et semblait avoir été sain.
Le mari resta sujet à des angines périodiques ; sa femme le vit, à
plusieurs reprises, prendre des médicaments. Elle affirme que c’est de
lui qu’elle tient la syphilis.
Jusqu'au mois de décembre 1870, elle n’avait présenté aucune espèce
d'accidents spécifiques. Mais à partir de ce moment elle fut prise de
maux de gorge ; sa voix était enrouée, souvent même tout à fait éteinte.
Elle alla consulter un médecin .qui lui cautérisa immédiatement les
amygdales et qui lui prescrivit de la liqueur de Van Swiéten et de l’io-
dure de potassium. La malade ne suivit ce traitement que d’une façon
irrégulière, sous prétexte que « cela la dégoûtait ». A cette époque,
elle ne se rappelle pas avoir eu de démangeaisons à la vulve ; mais elle
eut une fièvre dévorante qui dura pendant trois mois. De plus, elle fut
en proie à de violentes céphalalgies qui lui faisaient porter instinctive-
ment la main sur le dessus de la tête; elle sentait alors dans cette
région deux petites glandes assez douloureuses, qui s’accrurent progressi-
vement et dont nous ferons mention plus loin, à une période ultérieure
de leur évolution.
Le traitement assez défectueux qu'avait suivi la malade ne put enrayer
les accidents qui avaient éclaté du côté de la gorge. La sécrétion de la
membrane pituitaire était très-abondante. Les narines elles-mêmes
devinrent le siége d’un suintement jaune et épais. D'ailleurs, ces phé-
nomènes ne produisaient aucune douleur, ce qui explique l’étonnement
et l'efroi qu’éprouva un jour la malade en s’apercevant que la cloison
carlilagineuse du nez avait complétement disparu,
30h FRANCOIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D EXPANSION
Au mois d'avril 1871, elle se rendit à Roubaix. A cette date, elle vit
apparaître sur sa jambe droite une éruption qu’elle décrit de la manière
suivante : c'était une série de clous, non douloureux, s’ouvrant au
bout de deux ou trois jours, et donnant naissance à une plaie assez
creuse. La formation de la plaie était rapide. Une de ces plaies a duré
huit mois. D'ailleurs, elles ont toutes guéri, mais en laissant des cica-
trices. On en constate l'existence dans plusieurs régions : l’une est
située sur la crète du tibia, du côté droit ; une autre occupe la hanche
droite ; une autre s'étend sur une bonne partie de la région poplitée;
une autre encore sur la face dorsale du pied droit; il y en a trois sur
le bras droit et une sous le sein gauche. Enfin la plus grande de toutes,
Jarge comme le creux de la main, forme à la face externe de la cuisse
droite, une tache blanche, superficielle, gaufrée, irrégulière comme les
cicatrices des syphilides serpigineuses, et pigmentée sur tout son pour-
tour, La malade consulta un médecin de Roubaix, qui lui prescrivit des
pilules mercurielles et un sirop dont elle a oublié le nom. Elle prit en-
viron quatre-vingts pilules, mais le mal durait encore lorsqu'elle aban-
donna ce traitement.
Au mois de mai, elle était revenue à Paris. Un certain nombre de ses
ulcérations étaient en voie de guérison; toutefois, celle de la cuisse ne
présentait nullement d'amélioration. C’est à cette époque qu’un nouvel
accident se manifesta, beaucoup plus grave que les précédents. Une
ulcération spontanée apparut à l’extrémité du lobule du nez. Cette ulcé-
ration se couvrit de croûtes; puis, prenant de l'extension, envahit la
face tout entière, qui devint le siége d’une éruption confluente, consis-
tant en un grand nombre d’ilots d’une matière noire, croûteuse, sur-
montant des ulcérations arrondies et festonnées. La malade entra dans
le service de M, Lallier Le 30 août 1871, salle Saint-Thomas. A partir de
cette époque, le mal ne cessa d’empirer, et une observation recueillie
alors dans le service de M. Lallier, nous renseigne aujourd’hui d’une
manière assez complète sur l’état de ces lésions : « Elles occupent les
joues, le front et surtout le nez. Entre les îlots pustulo-crustacés, très-
semblables à ceux de l’émpetigo rodens, la peau présente une tendance
très-marquée à l’acne punctata ; l'élément acnéique pénètre même dans
les groupes d’ulcérations. Le nez a été détruit en partie ; la sous-cloison
n'existe plus, et les fosses nasales sont le siége d’une vaste ulcération.
L’orifice des narines a la forme d’un V renversé, et le dos du nez est
couvert de croûtes molles qui masquent des ulcérations saignantes et
entourées d’une zone congestive très-vive.
» Il n’existe au cou que très-peu d’adénite. Quelques pustules occupent
le cuir chevelu ; les ganglions occipitaux sont faiblement développés.
» Sur le reste du corps, l’éruption n'offre rien de particulier ; on y voit
des îlots pustuleux et des cicatrices le plus souvent circinées. Le facies
est anémique (léger roulement du second temps, résultant d’un dédou-
blement du second bruit ; retentissement faible dans les carotides). Dou-
Je
SR a nue
“ SE L
ET DE RESSERREMENT DU CERVEAU. 205
leurs ostéocopes nocturnes. Gonflement du périoste de la face interne
du tibia. OŒEdème de la jambe droite. Traitement : une pilule de proto-
iodure d'hydrargyre. »
(La malade prit chaque jour une de ces pilules, mais seulement pen-
dant trois semaines, Depuis ce temps, elle n’a plus repris de mer-
cure.) | ,:
Le 18 octobre 1871, la malade devint infirmière dans l'hôpital ; les
ulcérations de la face étaient guéries, et avaient laissé à leur place des
cicatrices gaufrées et déprimées,
Pendant une année entière aucun accident nouveau ne se produisit.
A partir du mois de janvier 4872, la malade, devenue infirmière dans
le service de M. Vidal, eut encore des démangeaisons à la face. Des
glandes apparurent en même temps sous le menton, s’ouvrirent spon-
tanément et furent le siége d’une suppuration qui dura un an. A la
même époque, M. Vidal incisa deux tumeurs fluctuantes occupant le
sommet de la tête, rapprochées l’une de l’autre, et présentant le volume
de deux grosses noisettes. Cette incision donna issue à un liquide blanc
assez épais. La malade se souvient d'avoir entendu dire au chef de service
que ces tumeurs étaient des gommes. Interrogée sur leur début, elle
raconta que ces deux tumeurs étaient celles dont elle avait constaté
pour la première fois l’existence au mois de décembre 1870. Elles au-
raient donc mis deux ans à évoluer.
Quatre mois après, c'est-à-dire vers la fin d'avril de 4872, un nouvel
accident se manifesta. Lorsque la malade était dans le service de
M. Lallier, elle resséntait fréquemment une douleur assez vive dans
toute l'étendue du bras droit; la nuit surtout, le bras était « affreuse-
ment lourd » ; il était gonflé en masse et, chaque jour, on le badigeon-
nait sur toute sa surface avec de la teinture d’iode. Un matin, en se
lavant les épaules, la malade sentit une grosseur molle située en arrière
de l’épaule droite et tout à fait indolente. Trois ou quatre jours après,
cette tumeur fluctuante s’ulcéra, et une faible quantité de pus s'en
écoula. La plaie suppura pendant une année environ et, au bout de ce
temps, elle livra passage à une esquille épaisse, irrégulière, et de la
grandeur d'une pièce de cinquante centimes. En moins de quelques
semaines l’ulcération était cicatrisée, et les douleurs du bras dont il
vient d’être question disparurent pour ne plus se reproduire. Cet ac-
cident a laissé une cicatrice qui est encore aujourd’hui fort remar-
quable : c’est une dépression de la peau, creusée à la manière d’un
puits circulaire, très-régulier, d’un centimètre de profondeur, et s’arré-
tant brusquement à une surface osseuse recouverte par une mince
couche de peau cicatricielle. Cette partie osseuse correspond exactement
à la réunion de l’épine de l’omoplate avec le col de l’acromion.
Pendant un an, la malade prit de l’iodure de potassium (4 à 6 grammes
par Jour). Au bout de ce temps, toutes les manifestations syphilitiques
dont elle avait été affligée semblaient avoir disparu d'une manière défi-
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA FHYSIOL. — 7. XIII (1877). 20
306 FRANÇGUIS-FRANCK. — MOUVEMENTS ALTERNATIFS D EXPANSION
nitive. Toutefois, la plaie du tégument crânien qui avait donné issue
aux bourbillons des deux gommes restait encore béante, et tous les topi-
ques dont on faisait usage demeuraient sans effet. Enfin, loin de se
fermer, cette plaie prit, un beau jour, une extension rapide, etilenrésulta
une large perte de substance, qui laissa complétement à nu la surface
osseuse de l’os pariétal.
Au mois d'avril 1873, la malade allait relativement bien. Sa plaie
s'était limitée à une dimension qu'elle n'a pas dépassée depuis cette
époque (10 centimètres de long sur 8 de large). Mais la syphilis n'avait
pas dit son dernier mot. La face devenait tout à coup le siége d’un
prurit horriblement douloureux; puis elle se couvrit de boutons croû-
teux, confluents, à la suite desquels se formèrent de larges ulcérations
occupant spécialement les deux joues, le nez et le pourtour de l’œil
droit. Ces ulcérations suppurèrent pendant toute une année,
Au mois d'avril 1874, la cicatrisation était à peu près complète, mais
le nez avait été terriblement éprouvé. Depuis cette époque, la malade
n'a pas eu de poussées nouvelles. La peau de la face est remplacée par
un feutrage de cicatrices, rouges par places, nacrées sur d’autres points ;
les narines ont totalement disparu, et il ne reste du nez que l’orifice des
fosses nasales, dont les bords, tapissés par une peau luisante, ont une
tendance continuelle à s'ulcérer.
Vendredi, 16 mars 1877. Voilà trois ans que la nommée All... Victoire
est infirmière dans la salle Saint-Thomas. Elle n'est plus sujette qu'à
de rares accidents, qui consistent pour la plupart en des ulcérations
cicatricielles de la face.
Ce matin, en éternuant, «elle a senti craquer et se décrocher quel-
que chose dans sa tête. » Elle consulte M. Fournier, qui remarque de
légères oscillations du séquestre crânien. Le petit cordon de pus qui
entoure le fragment osseux change de niveau à tout instant, et ces
déplacements sont à peu près isochrones-avec les battements du cœur.
La malade se plaint que le séquestre, sans être douloureux, est devenu
fort gênant. Au moindre mouvement elle sent se produire un craque-
ment nouveau, soit lorsqu'elle mange, soit lorsqu’elle tousse, soit même
simplement lorsqu'elle parle. |
Le 17 mars, nous inscrivons, avec M. François-Franck, le tracé des
oscillations de l'os, au moyen des appareils enregistreurs du prof. Marey.
I n’y a pas de réaction fébrile ; l'opération n’est nullement douloureuse.
La malade n’a pas eu le plus petit mal de tête ; à plus forte raison, au-
cune espèce d'accidents nerveux.
Le 18 mars, le séquestre est un peu plus mobile ; on aperçoit, au
niveau de son bord antérieur, un chapelet de bourgeons charnus qui,
provenant d’un niveau inférieur à celui du fragment osseux, font hernie
à travers la fissure de séparation des parties saines et des parties
mortes.
Le 19 mars, en lavant la plaie, le liquide, exprimé avec une éponge,
ET DE RESSERREMET DU CERVEAU. 307
décolle tout à fait le séquestre, qui se détache en glissant doucement
sur une surface bourgeonnante, de bel aspect, et ondulant sous l'in-
fluence des pulsations cérébrales.
La plaie est détergée avec de l’eau légèrement alcoolisée, et Le repos
le plus absolu est prescrit à la malade.
20 mars. Nuit excellente. Pas la moindre fièvre; pas de douleurs,
aucun accident nerveux. Appétit excellent. à
17 avr. La plaie se comble peu à peu. Déprimée au début, à tel
point que son niveau était situé à un centimètre et demi au-dessous du
niveau des téguments crâniens, elle remplit aujourd’hui la presque
totalité de la perte de substance. Les bords sont devenus fibreux et sem-
blent devoir être Le point de départ d’une cicatrisation en fontanelle qui
s’accuse chaque jour par un progrès rapide.
Les tracés des mouvements du cerveau ont été recueillis avant la chute
du séquestre, quelques jours après, et une dernière fois le 17 avril.
EXPOSÉ SUCCINCT
D'UNE MÉTHODE ÉLECTROLYTIQUE
LA RECHERCHB QUALITATIVE DES MÉTAUX DANS LES HUMEURS ET DANS
LES TISSUS DE L'HOMME ET DES ANIMAUX
Par M. MAYENÇON
Professeur de chimie au Lycée de Saint-Étienne
Et M. le D' BERGERET (de Saint-Léger)
Médecin de l'Hôtel-Dieu.
$ H. — Moyen clinique de différencier immédiatement l’arsenic
d'avec lantimoine et le phosphore.
Dansle courant de l'année 1874, une réaction nouvelle (4) nous
a permis de révéler et de séparer nettement l’un de l’autre lar-
senic et l’antimoine, ce que ne fait pas immédiatement l'appareil
de Marsh. Voici comment on procède : Dans la liqueur qui con-
lient l’un de ces deux métalloïdes dissous, on ajoute du zinc et
de l’acide chlorhydrique pur de manière à déterminer un dèga-
sement d'hydrogène. Si la liqueur renferme de l’arsenic, on
obuent de l'hydrogène arsénié qui Jaunit linmédiatement un
papier imbibé d’une solution de bichlorure de mercure; si l’hy-
drogène est stibié, le papier est brun.
L’hydrogène phosphoré jaunit aussi le papier imbibé de chlo-
rure mercurique ; mais la lache phosphorique est fixe, tandis que
l’arsenicale est volatile. |
À l'hôpital, au lycée, à l’école des mineurs, dans les établisse-
ments métallurgiques, ce procédé est journellement employé.
SI. — Recherches cliniques des métaux dans les tissus et les humeurs.
La recherche des métaux par la méthode ordinaire exige, en.
général, des manipulations nombreuses, souvent longues el.
(1) Comptes rendus d's £éances de l’Atalémie des sciences, L. 79, 1874, p. 148.
EXPOSÉ SUCCINCT D'UNE MÉTHODE ÉLECTROLYTIQUE. 309
délicates et qui, pour être bien exécutées, demandent une habileté
qui ne s’acquiert que par une longue pratique. Il est des cas
très-nombreux où cette méthode ordinaire ne peut pas même
être immédiatement appliquée. C’est ce qui se présente lorsqu'un
composé métallique est en quantité extrêmement faible dans une
humeur ou dans un tissu organisé, parce que les caractères
distinctifs des dissolutions métalliques se trouvent masqués par
la présence de matières organiques. C’est pour ces cas spéciaux,
relatifs à la fozicologe, à la physiologie et à la médecine clini-
que, elc., que nous avons créé notre méthode électrolytique.
Voici en quoi elle consiste essentiellement. La substance à
éprouver est lraitée à froid ou à chaud par un acide pur,
azotique, sulfurique, chlorhydrique, ou par l'eau régale. Cette
opération a pour but de:dissoudre le composé. métallique qui
peut se trouver dans la malière organique. La liqueur obtenue,
après filtration, sil y a lieu, est, le plus souvent, directement
soumise à l’électrolyse. — Cependant, il peut être très-avantageux
dans certains cas, de la rendre préalablement alcaline, au moyen
d’un alcali en dissolution; ce traitement alcalin ne peut évi-
demment convenir qu'aux métaux, dont les oxydes sont solubles
dans les bases alcalines.
Dans le produit ainsi obtenu, nous plongeons un couple
voltaïque, composé d’un fil de platine, uni ordinairement par
soudure à une pointe de fer ou à une lame de zinc, d’alumi-
nium, elc. — Les couples aluminium et platine, ou zinc ct pla-
line, conviennent surtout aux liqueurs alcalines.
L'action chimique qui se produit fait naître un courant qui
va, dans la liqueur, du métal attaqué au fil de platine et qui
dépose sur ce dernier le métal qui était en dissolution.
Le temps nécessaire pour obtenir ce résultat dépend de la
richesse du liquide ; il varie, en général, de quelques minutes à
une heure.
Le couple est ensuite retiré du bain, lavé à l’eau pure et le fil
de platine exposé une minute ouù deux aux vapeurs de chlore.
Le métal déposé par électrolyse sur la platine est ainsi converti
en chlorure.
310 MAYENCON ET BERGERET. — EXPOSÉ SUCCINCT
C’est à l'aide de ce chlorure et de réactifs convenablement
choisis que nous obtenons, sur un morceau de papier blanc,
des réactions caractéristiques pour les métaux dont nous nous
sommes occupés.
EN RÉSUMÉ, l'application de notre méthode comprend les quatre
opérations suivantes :
1° Dissolution du composé métallique contenu dans les tissus
ou dans les humeurs ; |
2° Fixation électrolytique du métal dissous sur le fil de platine
d'un couple voltaïque ;
3° Transformation du métal fixé en chlorure par l’action du
chlore gazeux ;
h° Coloration caractéristique d’un papier ou même du fil de
platine par un réactif convenable. |
Remarque. Pour obtenir bien nettement cette coloration, il est
fréquemment nécessaire que le fil de platine soit bien débarrassé
du chlore en excès et de l'acide chlorhydrique; car certains
réactifs sont attaqués par ces corps. On y arrive en agitant le fil
dans l'air ou en le chauffant légèrement au-dessus de la flamme
d’une lampe à alcool. |
Sensibilité de la méthode. Elle dépend du réactif employé. Elle
est toujours excessive, comme on peut le voir dans chacun de nos
mémoires. — Les matières organiques ne paraissent pas l’en-
traver. — Pour n’en citer, ici, qu'un exemple, nous dirons
qu’elle permet de déceler promptement et aisément —— d'or;
il n’est même pas douteux que, par un fonctionnement prolongé
du couple voltaïque, on püût reculer encore beaucoup plus lom
la limite de cette sensibilité. | |
Par cette méthode, on suit commodément les composés métal-
liques dans toutes les parties de l'organisme. On peut ainsi étudier
l'absorption, la diffusion minérale mstologique nutritive, médi-
cinale ou toxique et l'élimination des sels métalliques.
Nous avons déjà fait des recherches cliniques et de laboratoire
sur les sels de mercure, d’or, de plomb, de bismuth, d'argent et
de palladium (1). |
(4) Nous avons publié un mémoire spécial sur chacun de ces métaux, dans le Jour-
D'UNE MÉTHODE ÉLECTROLYTIQUE. 311
Dans ce moment, nous poursuivons des recherches cliniques
sur les sels de cuivre, de fer, de manganèse, de cobalt et de
nickel. Nous les publierons au fur et à mesure de leur achè-
vement.
Les autres métaux que notre méthodenous permettra de révéler
seront successivement mis à l'étude.
Voici la liste de ceux que nous savons actuellement reconnaître
et les réactifs que nous employons pour les caractériser.
1° Mercure. — Liqueur acidulée. — Le fil de platine étant
recouvert de chlorure de mercure est essuyé sur un papier sans
colle, légèrement imbibé d’une solution étendue d'iodure de
potassium. — Il apparaît un trait rouge brique de biiodure de
mercure, soluble dans un excès d’iodure alcalin.
2° Or. — Liqueur acidulée par acide azotique ou par eau
régale. Le fil de platine, recouvert de chlorure d'or, est essuyé
sur du papier blanc ordinaire, qu’on expose ensuite aux vapeurs
d'acide sulfureux ou d'oxyde de carbone. Il apparaît un trait
violet-brun.
3° Argent. — Liqueur acidulée par acide azotique ou sulfu-
rique. — Le fil recouvert de chlorure d’argent est essuyé sur un
morceau de papier blanc ordinaire que l’on expose :
À. aux vapeurs émises par une solution de phosphore dans du
sulfure de carbone ; ou
B. à l'hydrogène impur que dégage le zinc en présence de
FH chlorhydrique ; ou
1. à l'hydrogène phosphoré ; ou
: au gaz de l'éclairage; ou
E. à l'action d’une dissolution étendue d'acide pyrogallique ;
Dans tous ces cas, il se produit un trait ou une tache à reflet
métallique d’un Jaune-brun caractéristique.
h° Palladium. — On le découvre de la même manière que
l'argent et par l'emploi des mêmes réactifs. — Cependant, le
chlorure de palladium déposé sur le papier n’est que. très-len-
nal de l'anatomie ci de la physiologie (1873, p. 81, 233, 243, 226, 397, etc.).
Ces mémores, soumis au jugement de l’Académie des sciences, ont été couronnés
par elle (1876).
312 MAYENCON ET BERGERET, — EXPOSÉ SUCCINCT
tement réduit par la dissolution d’acide pyrogallique; tandis que
le chlorure d’argent, dissous dans l'ammoniaque, l’est très-
promptement.
5° Cuivre. — La liqueur est acide ou rendue alcaline par
l'ammoniaque ; on y plonge un couple approprié. Après chloru-
ration, on essuie le fil de platine sur un papier imprégné d’une
dissolution de ferro-cyanure de potassium. On obtient un trait
rouge-brun caractéristique.
6° Uranium. — Alcaliser la liqueur avec soude ou potasse
caustique; électrolyser, chlorurer et passer le fil de platine sur
papier imprégné de ferrocyanure de potassium. Tache brune.
Mémoire non encore publié.
7° Plomb.— Liqueur alcaline,— couple aluminium et platine.
— Après chloruration, le fil est passé sur un papier sans colle,
imbibé légèrement d’iodure de potassium. KW apparaît un trait
jaune citron caractéristique.
8 Étain. — Liqueur alcaline ou acide, — couple approprié.
— Après chloruration, le fil de platine, recouvert de bichlorure,
est essuyé sur un papier imprégné d’une dissolution de proto-
chlorure d’étain ; puis, sur le trait, on passe une baguette de
verre trempée dans du chlorure d’or. — Belle tache pourpre
(pourpre de Cassius) ;
9% Bismuth. — Liqueur acide. — Après chloruration, le fil est …
passé sur un papier, imprégné d’une dissolution de su/fo-cyanure
de potassium. -- Belle tache jaune, que l’eau peut faire dispa-
raître.
10° Fer. — Le fil de platine, bien débarrassé de chlore et
d'acide chlorhydrique, est passé sur un papier imprégné d’une
dissolution de su/fo-cyanure de potassium.— Trait rouge foncé.
Ou bien sur un papier imprégné d’une dissolution de ferro-
cyanure de potassium. — Trait bleu.
11° Antimoine.— Liqueur acide ou alcaline, — couple appro-
prié. — Après chloruration, déposer le chlorure sur du papier
et révéler par Aydrogène sulfuré où par sulfhydrate d'ammo-
niaque., — Trait jaune rougeâtre. |
12% Cadmium. — Liqueur acide ou alcaline,— couple appro-
DUNE MÉTIODE ÉLECTROLYTIQUE. 313
prié. — Dépôt du chlorure sur papier et révéler par hydrogène
sulfuré ou par sulfhydrate d'ammoniaque. — Trait d'un beau
jaune qu’on ne saurait confondre avec la réaction d’antimoine.
13° Manganèse. — Ajouter à la liqueur du chlorhydrate d’am-
moniaque et un peu de cyanure de potassium, électrolyser. Le
fil de platine devient verdâtre. Ce seul aspect peut caractériser
le manganèse. On chauffe le fil à la flamme de la lampe à alcool;
il devient brun par formation d’un oxyde salin de manganèse ;
on trempe alors le fil de platine bruni, dans du nitrate de potasse
pulvérisé et on porte de nouveau le fil dans la flamme de la lampe;
on obtient une couleur verte, de manganate de potasse, came-
léon. La recherche du manganèse devient ainsi des plus faciles.
14° Cobalt. — Ajouter à la liqueur du chlorhydrate d’ammo-
niaque et un alcali, électrolyser, chlorurer ; essuyer le fil de pla-
tine sur du papier blanc, approcher le papier d’une flamme ou
l’appuyer sur un corps chaud. Tache bleue. Tache qui disparait
dans l'air humide et qui réapparaît par la chaleur. (Mémoire,
in Journal de l'anatomie, t. X, p. 353.)
15° Nickel, — On opère comme pour le cobalt, ou bien on
passe le fil chloruré sur le papier imprégné d'une solution de
sulfocyanure de potassium. La tache est Jaune.
Si le nickel est mêlé au cobalt, la tache cest jaune-verdätre.
(Mémoire, in Journal de l'anatomie, t. X, p. 357.)
16° Zinc. — Le zinc est amené, par le courant, sur lélectrode
négalif. Le fil de platine recouvert de zinc est bien lavé à l’eau
pure, puis plongé, pendant quelques secondes dans une solution
étendue de nitrate de cobalt. Le dépôt, de gris-bleuâtre, devient
brun sur le fil de platine. On l’expose quelques instants à la
flamme d’une lampe à alcool ; les azotates se détruisent et les
oxydes, en se combinant, donnent sur le fil, un composé vert
caractéristique. I ne faut chauffer qu’au rouge cerise, car une
‘ température trop élevée modifie ou fait disparaître celte cou-
leur.
Tels sont les métaux que nous savons actuellement reconna ‘re,
314 EXPOSÉ SUCCINCT D'UNE MÉTHODE ÉLEGTROLYTIQUE.
lorsqu'ils sont à dose extrêmement faible dans une humeur ou
dans un tissu organisé. Nous espérons pouvoir caractériser de la
même manière la plupart de ceux des cinq dernières sections.
Il pourra arriver, à la suite des recherches que nous poursui-
vons, que certains réactifs soient substitués à quelques-uns de
ceux que nous employons maintenant, et que, plus tard, nous
puissions tracer une marche régulière à suivre, pour l'application
de notre méthode à des dissolutions renfermant plusieurs métaux
à la fois. Mais, dussions-nous être arrêtés par des difficultés
inattendues, les résultats que nous possédons actuellement sont,
à notre avis, importants pour la foxicologie, la RASE et la
clinique medicale. |
ANALYSES ET EXTRAITS
DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS
COLORATION POURPRÉE DE LA RÉTINE.
BOLL, Ber. d. k. Akad. zu Berlin, 12 novembre 1876; zur Ana-
tomie und Physiologie der Activa (extrait des is re rendus
. mensuels de l’Acad. de Berlin) 1876 et Centralbl. 31 mars,
1877. — KuuNE, Ber. d. naturhist. med. Vereins zu Heidel-
berg, 5 janvier 1877; Vorläufige Mittheilung über optogra-
phische Versuche (in Centrbl., 20 janvier 1877); Zweite Mit-
theilung über Optographie (ibid., 27 janvier 1877); Sehpur-
pur Qbid., 17 mars); Ueber das Vorkommen des Se hpurpurs
(ibid., 14 avril 1877).
La coloration pourprée de la rétine a été récemment l’objet de recher-
ches que nous résumons ici et qui ont confirmé un fait signalé sans
doute à la suite d'observations exactes, mais qu'on n'avait point su re-
| produire et que, finalement, on avait laissé de côté ; nous voulons parler
| de la production d'images visibles sur la rétine peu après la mort, La co-
loration pourprée de la rétine, dont le siége est dans le segment externe des
bâtonnets, était connue depuis longtemps. Leydig l’indique chez la gre-
nouille et le pélobate en 1857, Schultze en 1866 chez le rat et la
chouette. Elle a sans doute été vue également par E. Rose en 1860, au
| cours de ses recherches sur la santonine. Nous pouvons ajouter à ces
témoignages, rapportés par M. Kühne, celui encore plus ancien de
H. Muller : « Die Substanz der Staebchen (des Frosches) sieht man, wie
| ich in meiner ersten Notiz bereits bemerkt habe, ôfters rôthlich, wenn
| sie eine gewisse Dicke hat » (Zeitschr. f. w. Zool., 1856, p. 1). Mais un
fait assurément remarquable est l’extension de cette couleur rosée dans
les éléments (analogues aux bâtonnets?) de l’œil des céphalopodes et des
articulés (Astacus).
M. Kühne cite parmiles animaux où il n’a pas retrouvé cette coloration,
la chauve-souris (Rhinolophus hipposideros, Becshst), la poule et le pigeon.
Elle est très-peu accentuée dans les éléments coniques du Triton cristatus
qui semblent faire le passage aux cônes. Le segment externe de ceux-ci
est toujours pâle, même chez la Coluber natrix. La coloration rose se re-
trouve chez la lamproie, le Cobitis fossilis et surtout l’anguille. Elle a
été directement constatée chez l’homme par Zuckerkandl (Atltg. Wiener
316 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS.
med Ztg, 1817, n° 11) et par Hans Adler (C#bl., 7 avril 1877). Chez les
embryons de bœuf, dès que la rétine présente les segments externes des
bätonnets, ces segments sont colorés en rose. Cette couleur disparait
dans tous les cas par l’exposition à la lumière en passant comme le
carmin très-affaibli, par une nuance chamois (1).
Le pigment qui colore le segment externe de la rétine est extractif.
Le seul dissolvant cannu jusqu'à présent, est la bile ou un cholate, où
l'organe a été immédiatement plongé frais. La solution filtrée est d’un
beau rouge, puis elle prend une teinte chamois et finalement disparait.
La solution absorbe tout le spectre depuis le jaune verdâtre jusqu’au
violet. Elle parait laisser passer un peu de violet et laisse à coup sûr
passer tout le jaune, l’orangé et le rouge. En conséquence, la rétine
regardée à la lumière incidente du spectre depuis le jaune verdâtre
jusqu’au violet, paraît grise, puis noire. |
Exposée au spectre d’un prisme de flint, la rétine pâlit entièrement
en quinze minutes dans le jaune verdâtre et jusqu'au commencement du
vert pur. Elle pâlit beaucoup plus lentementdans le vert bleuûtre, le bleu
et le violet. Elle se comporte de même (chose remarquable) dans le jaune
et l’orangé. Elle ne pâlit pas dans le rouge et l’ultra-violet. Après une
heure d'exposition, la décoloration est complète dans le vert et le vert
bleuâtre, presque complète dans le bleu, avancée dans l’indigo et le
violet, évidente dans le fin du violel et le commencement de l’ultra-
violet, à peine apparente dans la jaune et l’orangé, nulle dans le rouge.
Le rouge spectral cependant paraît altérer aussi, à la longue, la pourpre
rétinienne. La lumière monochromatique du sodium pâlit complétement
une rétine de grenouille en deux heures.
La pourprerétinienne se conserve dans une solution d’alun à 5 pour 100;
elle se conserve également dans la solution de chlorure de sodium à
1/2 pour 100. La lumière détruisant d’autre part cette coloration de la.
rétine dès que cesse l'apport du sang à l'organe, et dès que cessent
les conditions de sa nutrition, M. Kühne a pu obtenir et fixer des.
images dites optogrammes. À 19 ou 27 centimètres de la tête d’un lapin,
séparée du tronc ou de l'œil préalablement extirpé, on expose unes
figure présentant une forte opposition de localités claires et foncées, en
maintenant les choses immobiles, Après quelques minutes, on enlève.
rapidement les rétines, qui sont plongées dans la solution d’alun et on
observe la reproduction des figures exposées, les parties blanches de la
rétine répondant aux localités noires du dessin, Sur des yeux de bœuf,
une heure après que l'animal a été tué, on peut encore obtenir d’excel-
lents optogrammes. sl
(4) Nous avions eu l’occasion, il y a deux ans, de rapprocher la couleur de la
rétine de la grenouille, de la nuance que l’on obtient en plongeant un fragment
de carmin fin au fond d’un tube contenant de l’eau distillée. L'eau au voisinage du,
carmin finit par prendre une teinte rosée uui se dégrade de bas en haut en pass
par la même nuance chamois. de
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, 317
Enfin, M. Kühne, en faisant sécher les rétines dans l'obscurité sur des
lames de porcelaine, a pu conserver des rétines impressionnées où
l’optogramme restait visible.
On ne saurait se dissimuler l'intérêt des faits que viennent d' ta
MM. Boll et Kühne, mêmeen les dépouillant des exagérations auxquelles
tout d’abord ils ont donné lieu. La grande généralité de la coloration
rose des éléments de l'œil chez des animaux appartenant aux divers em -
branchements semble indiquer qu’elle joue un rôle important dans la
perception des impressions lumineuses. Cette nuance pourra être rap-
prochée de celle — plus intense à la vérité — des points oculiformes des
larves de Cirrhipèdes, des copépodes et d’un grand nombre d'animaux
inférieurs.
On admet que la pourpre rélinienne est incessamment détruite par
la lumière et régénérée au contact de la choroïde. M. Kühne constata
que si l’on expose un œil de grenouille à la grande lumière du jour de
manière à ce que la pourpre rétinienne ait à peu près disparu et que
l'œil de l'animal ait été extirpé et conservé à l'obscurité, la pourpre réti-
nienne reparail en moins d'une heure. Sur les places où la rétine est
séparée de la choroïde la régénération ne se ferait point.
Il n’est pas cerlain que le pigment rélinien soit le seul que l’action
de la lumière ait ainsi la propriété de détruire comme elle détruit la
plupart des couleurs des corps inertes, Sans parler du coloris plus bril-
lant et quelquefois différent que présentent les poissons habitant une
mer profonde, comparés aux individus de même espèce vivant près de
la côte, nous pouvons indiquer le fait suivant, qui n’a pas été à la vérité
directement vérifié par nous, mais que nous avons toute raison de croire
exact : que si on fait vivre des cyprins dorés en pleine lumière du soleil
et d'autres dans des conditions telles que, toutes choses égales d’ail-
leurs, ils puissent trouver de l'ombre, les premiers, au bout de quelque
temps, sont d’un coloris beaucoup moins vif que les seconds. En d’autres
termes, la lumière qui semble apte à provoquer la production de
pigment mélanique dans la peau de l'homme, aurait la propriété,
d'autre part, de détruire dans une certaine mesure les pigments
colorés sur certains animaux vivants.
Notons encore que la facilité de produire des optogrammes plus ou
moins nets sur la rétine des animaux, semble devoir permettre de
| résoudre à l'avenir un grand nombre de problèmes touchant la vue
| distincte et à l’accommodation de l'œil chez les espèces autres que
l'homme.
Gr, D:
315 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
Traité du microscope et des injections, de leur emploi, de leurs
applications à l'anatomie humaine et comparée, à la patho-
logie médico-chirurgicale, à l’histoire naturelle animale et vé-
gétale, et à l’économie agricole, par M. le professeur Ch. RoBin,
deuxième édition revue et augmentée, avec 336 figures inter-
calées dans le texte et 3 planches gravées. Paris.
Les progrès de l’art du constructeur de microscopes et les applications
nouvelles de ces précieux instruments aux recherches scientifiques, à
l’histologie particulièrement, se sont remarquablement accrus depuis un
quart de siècle; aussi l'essai que M. Robin a fait paraître en 1849 devait-
il subir de nombreuses modifications, et il comportait des développements
considérables donnés à l’édition publiée en 1871.
Bien que peu d'années se soient écoulées depuis la publication de cette
édition, d'importantes additions ont dû être faites dans toutes les parties
de ce traité. Les énumérer ici serait trop long. Les principales portent
sur les divers procédés dits de technique micrographique mis en
œuvre pour arriver à voir les dispositions organiques intimes du corps de
l’homme, des animaux et des plantes. Un meilleur ordre a été donné
aux HUE et aux subdivisions de ce livre, ce qui rendra cette édition
bien plus facile à consulter que la précédente. à
Ce volume se divise en trois parties. Dans la premiére partie sont décrits
successivement : 4° les microscopes simples et composés construits en
France, en Angleterre, en Allemagne, en Hollande, en Italie et en Amé-
rique ; 2° les instruments et appareils accessoires dont les études micros-
copiques demandent l'emploi (tables de travail, plaques ou lames de
verre, cellules à préparation, porte-objets et chambres ou cellules à air,
compresseurs, microtomes, tables à trancher, tranchoirs et autres objets
servant à l'exécution des coupes des tissus durcis ou naturellement durs
tant animaux que végétaux, etc.; 3° les agents physiques et chimiques
employés en micrographie ; en distinguant bien les actions qui font voir
plus aisément les noyaux, les cellules, etc., de celles qui mettent en
évidence les caractères différentiels de chaque espèce d’élément ; 4° la u
préparation et la conservation des objets microscopiques. Une section
spéciale est consacrée à ce qui concerne lechoix du microscope, les soins
qu’il faut lui donner, l'éclairage et l’examen des objets observés à son
aide, aux données générales relatives à l'appareil de la vision, à la re-
présentation et à la description des parties qu’il nous décèle, à l’indication
des corpuscules que l’on peut rencontrer dans une préparation et qui
sont étrangers à ce qu’elle doit montrer, aux test-objets, etc.
La deuxième partie est l'exposé des applicationsdu microscope et de ses
auxiliaires à l’anatomie, à la physiologie, à la médecine, à l’histoire na …
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 319
turelle animale et végétale, à la chimie et à l’économie agricole. Cette
deuxième partie, qui forme à elle seule la moitié de ce volume, n'existait
pas dans l’essai publié en 1849. Chacun des groupes de corps invisibles
à l'œil nu y est étudié, grâce à l'emploi de l'instrument qui grandit leur
image, dans ses caractères distinctifs et dans certains de ses actes phy-
siologiques. Ces corps sont en premier lieu les éléments anatomiques
des animaux et un certain nombre de leurs organes, examinés tant à
l’état normal qu’à l’état pathologique, en second lieu les liquides et les
parties solides de l’économie. L'étude au point de vue clinique du sang,
de la lymphe, du chyle, des sérosités, du lait, du mucus, de la salive, de
la bile, des matières sébacées, de l'urine et des dépôts urinaires, du
contenu intestinal et des fèces, etc., occupent une place proportionnée
à leur importance. Il en est naturellement encore ainsi des tissus et des
produits morbides qui en dérivent.
L'emploi du microscope dans Les études physiologiques, telles que celles
qui concernent la contraction musculaire, les mouvements des cils
vibratiles, le cours du sang et divers autres phénomènes physiologiques
est également l’objet d’une description particulière.
Une section spéciale est consacrée à l’étude des animaux qui, dans le
premier âge, ou pendant toute leur vie, restent microscopiques. L’inves-
tigation des éléments anatomiques, des tissus et des organes des plantes
forme le sujet d’une autre section. |
Parmi les faits dont le microscope décèle la connaissance, on peut
encore signaler les altérations naturelles ou frauduleuses des aliments
de l’homme, des tissus qu’il fabrique, et, parmi les êtres dont il révèle
l'existence, les parasites invertébrés et végétaux qui attaquent les animaux
sauvages ou domestiques, les plantes cultivées ou non.
Il existe enfin un, grand nombre de composés dont Les cristaux ou les
groupements cristallins sont microscopiques, mélangés ou non les uns
aux autres; ils peuvent nous montrer nettement leurs caractères distinc-
tifs d'ordre cristallographique et optique, insaisissables sans les instru-
ments grossissants. Une dernière section est consacrée à cette étude.
Le microscope, on ne saurait trop insister sur ce point, n’est pas, pour
le biologiste et le médecin, un instrument, dont, suivant sa volonté, il
peut indifféremment ou se servir ou se passer. C’est un instrument
dont l'emploi est parfaitement déterminé. Il est destiné à nous faire
connaître un ensemble considérable de parties dont l’étude ne peut être
faite ni à l'œil nu, ni à l’aide d’un autre instrument.
Il est indispensable au zoologiste pour l'observation des animaux et de
leurs organes de petit volume ; à l’anatomiste pour l’étude des éléments
anatomiques, des tissus et la texture de ceux-ci; pour observer les
organes si petits, que leur anatomie descriptive ne peut être faite à
l’œil nu, etc.
En physiologie, beaucoup de phénomènes, se passant dansdes organes
d'un très-petit volume, ou chez des êtres transparents ou invisibles à
220 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS.
l'œil nu, exigent l'emploi du microscope. Tels sont les phénomènes du
cours du sang dansles capillaires, les mouvements des cils vibratiles, etc.
Dans celle série si étendue d’objets à observer, il y en a un graud
nombre de remarquables par leur forme, leurs couleurs, etc. Mais pour
nous ce ne sont pas là des objets de simple curiosité, nous avons en vue
leur rôle dans tel ou tel appareil, dans tel ou tel ordre de fonctions, C'est
pourquoi nous devons les étudier avec ordre.
En pathologie, l'emploi du microscope est indispensable pour l'exa-
men des altérations de toutes les parties envisagées précédemment à
l'état normal. Mais il n’a d'utilité réelle et durable qu'autant que la dis-
position des organes à l’état normal est déjà bien connue, autrement il
conduit inévitablement à des déductions erronées ou illusoires.
Une fois des connaissances positives acquises à l’aide de cet instrument,
les applications relatives à la pratique de l’art médical se présentent en
grand nombre. Mais il est difficile parfois de dire d'avance d'une manière
précise aux praticiens de quelle nature peuvent être ces applications,
car elles varient à l'infini, suivant la sagacité de chacun.
Dans la troisième et derniére partie de ce livre sont exposés l’emplei
d'instruments, le maniement de matières liquides ou de solides liqué-
fiables, puis la mise en œuvre des procédés qui permettent d'étudier
celles des parties constituantes des tissus qui offrent la disposition de
conduits sanguins, lymphatiques et glandulaires; en d’autres termes,
l'art des injections en est le sujet.
S
Le propriélarre-gérant,
GERMER BAILLIÈRE,
TARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2. É
CONTRIBUTION
A L'HISTOIRE
DE LA LIGULE
Par M. A. L. DONNADIEU
Docteur ès sciences, professeur au Lycée de Lyon
PLANCHES XIV A XX
INTRODUCTION.
Un parasite dont on à pu, depuis les temps les plus reculés,
apprécier les funestes effets, a rencontré dans les étangs de la
Bresse des circonstances qui lui ont permis de se développer à
un tel point que l'industrie des étangs en a éprouvé des dom-
mages considérables. Confondu autrefois sous différents noms
spécifiques, on lui donna en dernier lieu le nom de ZLigule, et
c’est par ce nom qu’on le désigne encore aujourd’hui.
Il a été observé dans toutes les régions tempérées ou chaudes
de l’Europe. On l’a trouvé en Belgique, en France, en Italie, en
Grèce, etc. Peu commun en Belgique, d’où il a presque complé-
tement disparu aujourd'hui, ilest au contraire très-répandu
dans les autres pays. IL s’est même si multiplié en Italie qu'il y
est vendu aux gens du peuple qui, sous le nom de macaront
piatti, ne dédaignent pas de le faire servir à leur alimentation,
et Rongeard a écrit encore à ce propos que beaucoup de gens le
| mangent le prenant pour de la laitance. À Lyon même, plusieurs
personnes en font usage à la manière des Italiens. On le connait
vulgairement sous la dénomination de ver blanc.
Partout où il se montre, il se développe assez Lou et
surtout en grand nombre. Ce fait a été déjà constaté au siècle
dernier par les auteurs qui ont ditque ce ver étail si commun que
presque toutes les tanches le possédaient. Aussi a-t-il donné lieu
à des écrits tellement spéciaux, que quelques-uns portent le Litre
de Communications sur le Ver des tanches. Mais il n'est pas tou-
JOURN DE L’ANAT,. ET DE LA PHYSIOL, — T. xIl (1877). 21
72 DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L'HISTOIRE
jours fixe et on le voit apparaître et disparaître tour à tour, con-
stituant, à l’égard des étangs où il s’abat, une épidémie plus ou
moins désastreuse.
C'est ainsi qu'à un moment, maintenant assez éloigné, il s’est
montré abondamment en Prusse, en Belgique, en Normandie et
en Suisse. Plus tard il a frappé le canal de Bourgogne, attaquant
de préférence les ablettes. Puis est venu le tour de quelques
étangs du Dauphiné où on nele retrouve presque plus, et, depuis
quelques années 1l semble s’être concentré sur les étangs de la
Bresse. Il y a débuté en attaquant les goujons ; mais il les a bien-
tôt délaissés pour les tanches, qu'il abandonne à leur tour, car
tous les propriétaires des étangs s'accordent à reconnaître que la
maladie diminue.
Les étangs de la Bresse ont été des plus favorables à son déve-
loppement qui, aidé par les circonstances, a acquis pendant un
moment une très grande intensité. La plupart de ces étangs sont
de tres-grandes cuvettes à fond argileux, sans aucune issue, où
rien ne se perd et où tout peut se développer à l’aise. À des in-
tervalles variés, le fond de ces étangs est rendu à la culture,
pour servir plus tard de nouveau récipient, et ainsi de suite. La
sécheresse influe beaucoup sur ces masses d’eau et, pendant l'été …
de 1870, le plus grand nombre des étangs fut réduit à la tranchée
ou fossé de pêche que les propriétaires font creuser dans le mi-
lieu. Quelques-uns même furent complétement desséchés. Les
oiseaux aquatiques ne trouvèrent, en traversant le pays, que quel-
ques mares dans lesquelles ils disséminèrent des œufs à profu-
sion et, dans ces eaux chaudes qu'aucun courant ne traversait,
le parasite pullula, infestant le poisson qui, répandu plus tard
pour repeupler les nouveaux étangs, devint une nouvelle cause de
dissémination. |
C’est alors qu’il attira vérilablement l'attention, car, aupara-
vant, on ne s’en occupait que très-peu, el les pêcheurs furent.
amenés à faire les observations que Je vais résumer en quelques.
mots : l'A
Le poisson attaqué par le parasite peut aller jusqu’à deux ans:
il est rare qu’il dépasse cet âge.
DE LA LIGULE. 323
- C’est en été qu'il périt le plus de poissons ; mais c’est en hiver
que le ver sort plus facilement du corps de son hôte.
Les feuilles et. les amandes (1) ont le ver aussi bien que le
poisson adulte. |
Le ver se montre de préférence dans les étangs chauds; il est
moins fréquent dans les étangs froids ; 1! l’est encore moins dans
ceux qui sont traversés par un courant et dans ceux que l'on
appelle étangs de rivière. Quoique les oiseaux aquatiques soient
fort nombreux sur ces derniers, le ver n’v est pas répandu, tan-
dis que le petit nombre d’oiscaux qui fréquentent les premiers
n'empêche pas le ver d’y pulluler. L'intensité du fléau a été telle,
qu’en 1875, sur 100 quintaux de tanches provenant des étangs
de M. Chanot, maire de Bouligneux, pas une n’était indemne.
Le ver ne porte aucun préjudice à l’alimentation par le poisson.
Les pertes qu’il fait subir sont dues à ce qu’il devient, lors-
qu'il ne peut abandonner le poisson, une cause de mort pour ce
dernier; aussi, lorsqu'on parvient à débarrasser le poisson du
parasite qui l'infecte, 1l peut être sauvé. |
Lorsque le poisson d’un étang chaud est placé dans une eau
froide et courante, il n’est pas rare de le voir se débarrasser de
son parasite. Ge fait a été très bien observé dans la Saône par
M. Rey, dans le Rhône par M. Côte, et J'ai pu moi-même le
vérifier. LE
Lorsqu'un étang a été desséché, le poisson qu’on y met ne
prend pas le parasite et, si on empoissonne avec des individus
déjà atteints, ils ne communiquent pas le ver aux autres. Les
étangs de M. Chevrier à Meximieux en sont un exemple.
Les espèces carnassières, telles que le brochet et la perche,
n’ont pas le ver.
J’ai conservé à toutes les observations qui précèdent la forme
qui leur a été donnée par ceux qui ont bien voulu me les com-
muniquer et, à ce titre, je dois des remerciments à M. Rey et à
M. Côte; je dois surtout savoir trés-bon gré à M. Rey d’avoir
(1) On appelle feuilles et amandes la carpe et la tanche de petites ‘dimensions, et
environ jusqu’à six mois.
|
32/ DONNADIEU., — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
bien voulu seconder mes travaux en me fournissant les maté-
rjaux d'étude. Je ne pouvais écrire ce chapitre sans lui en témoi-
gner ma reconnaissance.
Interrogés sur leur opinion quant aux moyens de faire dispa-
raître la maladie, les propriétaires et les pêcheurs m'ont répon-
du : « Elle passera dans la Bresse comme elle a passé dans les
autres pays, et la preuve c’est qu’elle diminue. »
Il faut reconnaitre que les naturalistes ne sont pas restés dans
une contemplation aussi placide et que, s'ils n’ont pu arriver à
détruire l’effet, ils ont au moins cherché à connaître la cause.
Car, à toutes les époques, on a vu les savants s'inquiéter de ce
singulier parasite. Intrigués par les mœurs étranges des Ligules,
les zoologistes en ont souvent entrepris l’histoire, el le nombre
des observateurs dont l'attention a été attirée par ce ver est déjà
considérable. Il a donné lieu à de nombreuses et intéressantes
discussions et, pendant longtemps, il est resté une véritable
énigme ; mais aujourd’hui on peut croire son histoire à peu prés
complète. C’est à la mettre en lumière que je vais consacrer ce
travail. |
Avant d'aller plus loin, je dois encore remercier M. Gau-
lain de lexcellent concours qu’il m’a prêté, en mettant à ma
disposition les aqüariums des serres du pare de la Tête-d’Or
el surtout le vaste bassin de la Victoria Regia, bassin qui, par sa
température maintenue à 80 degrés environ, m'a été d’un puis-
sant secours dans les expériences les plus concluantes.
Enfin, pour bien préciser ce qui va faire l’objet de ces études,
j'ajouterai que le ver, que je n’ai jusqu'ici désigné que sous le
simple nom de Ziqule, est un Helminthe du groupe des Cestoides,
c’est-à-dire un Helminthe rubané, dont les affinités zoologiques
les plus directes sont le Bothriocéphale et tous les vers qui com-
posent la famille des Dibothridés.
Ce nom de Ziqule n’a pas été réservé exclusivement au ver
parasilaire dont il va être question; car les naturalistes connais-
sent aussi sous la même dénomination un mollusque acéphale,
voisin des Tellines, Anatines et Donaces. Lamarck a appelé
Amphidesme ce mollusque, que Montagu avait nommé Ligule.
:
À
[
L
*
L.
Le
‘
DE LA LIGULE. 325
Et en botanique on donne encore le nom de Liqule à cette
languette qui, dans beaucoup de graminées, s'implante sur la
feuille à l'union du limbe ct de la gaîne,
PREMIÈRE PARTIE
ÉTUDES HISTORIQUES
Ainsi que le titre l'indique, je traiterai dans ce chapitre de tout ce qui
_a été écrit sur les Ligules et je ferai l’histoire de la question qui n'oc-
cupe, Je n'aurai pour cela qu'à passer en revue tous les travaux qui ont
eu ces parasites pour objet et je Le ferai en suivant l’ordre chronologique
de la publication de chacun de ces travaux. C’est l’ordre qui me parait le
plus naturel et le plus convenable; c'est celui qui permettra de suivre
avec le plus de profit les différentes phases de la question, si souvent et
parfois si vivement débattue.… |
Je n'ai pas la prétention de tracer une histoire exactement complète ;
car, parmi les nombreux recueils que j'ai consultés, peut-être se trou-
vera-t-il quelque petite note qui aura échappé à mes investigations.
D'autre part, il ne m'a pas toujours été possible de me procurer tous les
Mémoires dont j'ai pu obtenir les indications. Mais si je ne connais pas
les premiers, je puis affirmer que les seconds ne sont pas nombreux et
qu'ils se réduisent à trois ou quatre observations, que j aurai cependant
le soin de signaler.
Ce que je peux toutefois affirmer, c'est que ce chapitre se rapportera
à tous lestravaux fondamentaux et que, parmi ceux-là, aucun n'aura été
ignoré.
Les premières indications que, comme tous les auteurs, je peux four-
nir se rapportent à Aristote ({). Onlit en effet dans l'Histoire des animaux,
à la page 509 du tome I et au chapitre xx du livre VIE : « Le Ballére et
le Tillon sont sujets à un ver qui se forme dans leur corps pendant la
canicule : il Les affaiblit et les oblige de s'élever sur l’eau, ce qui les fait
périr brûlés par la chaleur. » C’est à propos des poissons de rivière, dont
il parle, dit-il, après ceux de la mer, qu'Aristote a été conduit à faire
cette observation dont l'exactitude, comme celle de tant d’autres, ne
laisse rien à désirer.
On peut sans hésiter franchir un grand espace de temps et arriver à
la fin du xvu* siècle, époque où Leuwenhoeck en publiant ses Arcana
naturæ signala la présence de ces vers parasitaires dans la truite et dans
li brème (2).
(1) Aristote, Histoire des animaux, traduit par Camus, t. I, liv. VIE, ch. 1x,
p. 909. Paris, 1783.
(2) Leuwenhoeck, Arcana naturæ, 1695, p. 399,
326 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
. Celui des savants français qui a le premier signalé les Ligules paraît
être Geoffroy i ie jeune qui, en 1710, fit à l’Académie royale des sciences
de Paris une communication sur un Ténia trouvé dans une tanche (1).
Elle était fort saine et fort grasse, dit-il, et, d'après lui, ce Ténia était
semblable à ceux qui se trouvent dans l'homme, à cela près qu’il n'était
pas découpé par anneaux. Geoffroy ajoute encore un détail d'observation
-qui prouve qu’il ne s'était pas uniquement préoccupé de la situation du
ver, mais qu'il l'avait encore étudié. « Il avait, dit cet auteur, seulement
» des raies ou plis perpendiculaires à sa SBEUEUr, selon laquelle une
» autre grande raie allait depuis la tête jusqu'à la queue en la divisant
» en deux moitiés égales. »
En 1718, dans son Theatrum animalium, Henry Ruysch publia quel-
ques observations, parmi lesquelles on peut lire ce qui suit (2) : « En ce
» qui concerne les poissons, le barbillon est stérile par cette raison qu’on
» trouve dans son abdomen des vers qui mangent la semence après
» qu'il à pondu trois fois. ..…. Ils naissent dans les espèces de poissons
» d’eau douce des environs de Bâle... Ils piquent en été... On les
» reconnait à leur ventre dur, gros et blanc... Il y en a aussi dans le
» ventre du goujon. » Toutes ces observations, que je détache au milieu
de la citation de Ruysch, prouvent que parmi des réflexions erronées il
s’en est trouvé de fort justes et qui n’ont été de nos jours que répétées
presque sous la même forme.
A la même époque, Andry publia un Atlas des Vers solitaires (3) et,
parmi ses nombreuses figures, on doit certainement remarquer la plan-
che 18. Elle représente, en grandeur naturelle, deux Ligules qui, au
point de vue üe la forme générale du corps et de l’aspect des extréniités,
sont très-exactement dessinées. On ne doit pas craindre de les considérer
comme d'excellentes figures et, pour leur explication, Andry renvoie à
son livre De la génération des vers, où elles sont reproduites en plus
petites dimensions, mais moins bien exécutées.
La note qui, dans le Traité de la génération des vers dans le corps de
homme, parle des Ligules est presque en entier celle que je vais résu-
mer en analysant l'observation de Rongeard.
En 1793, Rongeard, docteur-médecin à l’Aigle, écrivit à Andry une
lettre dont celui-ci rendit compte dans le Journal des Sçavants (4). Rudol-
phi a signalé cette indication bibliographique sous le nom de Rongeard
et tous les auteurs qui ont copié Rudolphi ont conservé cette indication.
(1) Geoffroy Junior, in Histoire de l’Académie royale des sciences de Paris, 1740.
(Hist., p. 39, obs. IV. Paris, 1732.) |
(2) Ruysch Henry, M. D.Amstelod., Theatrum universale omnium animalium. De
Insectis, hiber IT, articulus 11, p. 135, De vermibus qui in animalibus nascuntur.
(3) Andry, Vers solitaires, pl. 18. Paris, 1718.
(4) Rongeard, Observations sur les vers des tanches adressées à l’auteur du Trailé
se la génération des vers dans le corps de l'homme, in Journal des Sçavants, 1723,
p. 79;
L!
DE LA LIGULE. | 327
Dans son compte rendu, Andry commence par publier la lettre de
Rongeard, qu’il accompagne ensuite de quelques réflexions qui parais-
saient lui appartenir, Rongeard, ayant lu les observations d'Andry, a fait
ouvrir un grand nombre de tanches, ce qui lui a donné occasion de faire
des observations qui, dit-il, ne sont pas à mépriser pour l’histoire natu-
relle. Il indique où et comment il rencontre ces Ténias, et il se demande
comment et par où ce ver prend sa nourriture. « Je pense, dit-il, que
» ce ver se nourrit de l'humidité subtile dont la membrane qui tapisse
la surface des viscères qu'il touche est arrosée. » Ces vers sont com-
muns dans les tanches qui se trouvent à l’Aigle ; aussi les matériaux ne
lui manqueront pas et Rongeard promet-il de les étudier plus au long
s'il le peut. Sa lettre est datée du 2 janvier 1723.
On peut résumer ainsi les réflexions dont elle est suivie : [Il n’y a pas
de poissons qui se plaisent plus dans l’eau bourbeuse que la tanche, et
elle est même si visqueuse, qu’on la croit parfois engendrée par du limon.
Pierre Gontier, Scroder et d’autres persistent dans cette idée, Ce poisson
étant si visqueux, il ne faut pas s'étonner qu’il soit sujet à celui de tous
les vers dont la substance est aussi la plus visqueuse. Peu de gens con-
naissent ce ver ; presque tous ceux qui se font servir des tanches n PT
sitent pas à le manger, le prenant pour de la laitance.
Dans l'explication des figures, il est encore dit que « ces sortes de
» vers s'allongent toujours en mourant, »
De toutes ces observations, celle que l’on peut surtout retenir et sur
laquelle je reviendrai plus tard est celle qui se rapporte au genre de
nourriture que l’auteur précédent a parfaitement saisi.
Dans les Opera omnia, publiés par Ruysch en 1737, on peut voir une
figure inexacte de la Ligule accompagnant l'observation LXIV, Vermes
passim intra viscera delitescentes, et indiquée sous ce titre : Vermis e pisce (1).
Une observation de laquelle peut dater l’idée d’expérimenter pour
connaitre la véritable origine des Ligules est celle de Bonnet (2).
Dans le tome I des Mémoires de l’Académie de Paris, tome se rappor-
tant à l’année 1750, on trouve, à la page 478, une dissertation par
M. Bonnet, correspondant de l’Académie, Sur le Ver nommé en latin Tænia
et en français Solitaire. À la page 504 du volume se trouve la réponse de
Bonnet à celte question : Quelle est l’origine du Ténia ? et cette réponse
est on ne peut plus curieuse, car il en ressort clairement que Bonnet
considérait les Ténias qui vivent dans les tanches (nos Ligules d’aujour-
d’hui) comme capables de se reproduire et de fournir des œufs que ces
poissons « laissent échapper dans leurs déjections et qui peuvent ensuite
(4) Ruysch, Opera omnia anatomico-medico-chirurgica, p. 61, fig. C. Amster-
dam, 1737.
(2) Bonnet, Disseriation sur le Ver nommé en latin Tænia et en français Solitaire
in Mémoires présentés à l’Académie royale dis sciences de Paris par divers savants,
t. 1, 14750.
328 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
» être introduits dans notre corps par mille moyens, l’eau par exem-
» ple ».
Bonnet part de cette idée pour proposer l'expérience suivante : (Après
» avoir fait avaler à des chiens le nouveau spécifique (il a déjà parlé
» d’un nouveau remède pour expulser le Ténia et il le dit très-sûr) et
» s'être assuré ainsi qu'ils n'ont pas le Ténia, on leur fera boire à l’or-
» dinaire de l’eau où des tanches auront séjourné, ou, si l’on veut,
» dans laquelle on aura fait macérer durant quelque temps des en-
» trailles de tanches habitées par des Ténias..Si ces chiens, ainsi
» abreuvés pendant quelques années et ouverts ensuite montraient des
» Ténias, ce serait un fort préjugé en faveur de l’idée que je propose
» sur l'origine de ce ver. »
Mais Bonnet à bien soin d'ajouter qu'il insiste sur l'expression de pré-
jugé, parce qu'ilsera toujours difficile de pouvoir affirmer que les chiens
soumis à l'expérience étaient absolument exempts de Ténia et de leurs
œufs.
Quoiqu'une certaine exagération, du moins au point de vue de notre
époque, caractérise cette première tentative, il n’en est pas moins vrai
qu’elle se présente à nous comme étant un premier jalon qu’un historien
consciencieux ne saurait laisser de côté.
D'ailleurs, la même idée se retrouve dans les écrits publiés à peu près
à la mème époque dans les Amænitates academicæ de Linné.
Déjà, dans les premières éditions de son Systema naturæ, le grand
naturaliste avait caractérisé les Ligules sous le nom de Fasciola intesti-
nalis, et c'est sous ce nom qu'on les retrouve dans la Fauna suecica.
de 1761 (1). |
Mais, dans le Systema naturæ Linnœæi, Gmelin rend aux vers qui m'oc-
cupent le nom qu’ils ont conservé depuis (2) et il décrit d’après Bloch,
Goëze, Pallas, Bonnet, cetc., un certain nombre d'espèces de Ligules, dont
les principales sont : intestinalis, ubdominalis. La première habite, dit-il,
dans l'intestin du harle, plongeon, etc.; la deuxième, dans l’abdomen
des poissons dont, entre autres choses, il dit qu’elle perfore la peau.
Le travail auquel je faisais allusion tout à l'heure est la thèse sou-
tenue en 1748 par Godefroy Dubois. Elle est insérée dans le deuxième.
volume des Amœnitates, publié en 1752 (3). Aux pages 71 ct 72 du vo-
lume on peut lire ce qui se rapporte à la Fasciole, et il y est dit que
c'est un Ténia plat et entier (non segmenté), avec des sillons longitudi-
naux, caractères déjà indiqués et figurés par Spæring (4). Elle à été,
dit l’auteur, observée plus souvent chez les poissons et les chiens que
(4) Linoæus C., Fauna suecica, p. 505, n° 2076. Stock., 1761,
(2) Gmelin, Systema naturæ Linnœæi, t. I, pars VI, p. 3024-3042 et 3043.
(3) Dubois-Godofredus, thèse sur le Tœænia in Amænilales academicæ (Linné).
Vol. 11, p. 71. Amsterd.,1752.
(4) Spœring, Acta, p. 108, lab. 5, fig. 6. Stockholm, 1747.
DE LA LIGULE. | 329
chez les hommes. Car il résulte d'observations qu’elle a déjà été trouvée
chez les hommes, mais cependant très-rarement. Il est facile de voir que,
jusque-là, il y a en confusion complète entre les divers genres de Ces-
toïdes, et qu'on ne se fait pas encore une idée bien exacte des Ligules
des poissons. Mais la confusion est bien autre dans les lignes sui-
vantes, où Dubois va jusqu'à dire que cette Fasciole se trouve dans les
torrents, sous les pierres ; et, à la description qu’il en donne alors, on
reconnait aisément l’un de ces vers que nous nommons aujourd’hui
Planaires. Et, après cette digression, l’auteur revient à la caractéristique
de la véritable Ligule.
. Dans les Philosophical transactions de 1755, on trouve une lettre de
Nicholls adressée à Birch, dans laquelle l'auteur attribue la maladie des
poissons qui lui est signalée au ver dont il a constaté la] présence (1).
D’après lui, parmi les causes de maladies et même de mort des animaux,
il faut certainement compter la présence des vers dans leur corps. Aussi
s'occupe-t-il des moyens d’expulser les vers. Ce que l’on peut citer de
ses observations, c’est que le poisson atteint par le ver monte à la surface
de l’eau en juillet et périt. La figure dont il accompagne ses explications
est tout à fait incompréhensible.
Le 5 décembre 1799, Annone écrivait à son ami Respinger une lettre
qui a été insérée dans le tome IV des Acta helvetica 1760 (2). Respinger
a envoyé à Annonc les figures très-bien peintes des poissons ayant des
vers. Ces poissons ont été pêchés dans les ruisseaux et les mares des
alentours de la Birse par des étudiants en médecine qui en ont trouvé
une grande quantité. En envoyant les documents ci-dessus mentionnés,
Respinger demande des renseignements.
Annone commence par citer les auteurs qui ont vu ce qu'a trouvé
Respinger et, après celles d’Aristote, de Bonnet et de Linné, on peut
remarquer les citations suivantes : Lesserus CL. rapporte avoir trouvé de
ces vers dans les intestins des cyprins ; Derham écrit avoir trouvé dans
plusieurs poissons, surtout dans le ventre, des vers longs et grêles qui
ont traversé la peau ct les chairs et qui peuvent être extraits; Richter
les signale également ainsi que Frischius Cel. Annone entre ensuite dans
la description du ver lui-même. Par ses caractères de genre il doit,
dit-il, se rapporter aux Ténias. Son corps trés-simple le fait facilement
distinguer. Et après avoir assez longuement discuté les caractères, il
émet l'opinion que le ver peut perforer l'estomac ou l'intestin pour aller
se loger dans la cavité abdominale.
Il dit encore que les peuples qui se nourrissent abondamment de pois-
sons sont infestés de Ténias.
(4) Philosoph. transact., 1755, vol. XLIX, pars [, 246. London, 1756. Lettre de
Frank Nicholls : An account of worms in animal bodies.
(2) Jo. Jac. d’Annone, Lettre écrite à Respinger, in Acta helvetica, vol. IV,
p. 301-306, pl. XVII. Basileæ, 14760.
330 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L HISTOIRE
Respinger lui a demandé entre autres choses si ces vers avaient de.
l'analogie avec ceux de l’homme, Annone cite à ce propos des faits qui
se rapportent à des observations de Ténias chez l’homme, mais il ne
saurait affirmer qu'il pourrait en être de même à l'égard de ces poissons.
Enfin, s'adressant à son ami, il termine sa lettre en lui disant : Toutes
» ces choses ne sont pas indignes de figurer dans nos Acta helvetica. C’est
» toi qui les à vues et je n’en aurai pas peu de gloire. »
Comme il est facile de le voir par ce court résumé, on est bien loin,
en lisant cette lettre, de l'appréciation qu’en ont donné les auteurs qui
se sont contentés de copier dans Rudolphi le nom d’Annone en l’accom-
pagnant de cette singulière mention : «frappé surtout de la présence des
» Ligules dans la cavité abdominale des poissons. »
Dans les Gôttingische Commentaria de 1762 on trouve l'indication d’un
mémoire de Rœderer et le renvoi aux Anzeigen pour le texte de ce mé-
moire : Von einer gewissen bisher noch nicht beschriebenen Artwürmer im
menschlichen Kürper Trichuris. Les Güttingische Anseigen de 1762 donnent
en effet un travail de Rœderer dans lequel, s’occupant du genre Fusciola,
il parle de la Fasciola truttæ intestinalis. Mais la description est on ne
peut plus confuse et ne permet pas d'affirmer le genre de vers signalé
par Rœderer ; je doute que ce soit la véritable Ligule que cet auteur
décrit dans son Mémoire (1).
L'observation de Montin est rapportée par un grand nombre d’au-
teurs, mais il en est peu qui la considèrent comme exacte, et si je la
rappelle ici, c’est pour laisser le moins de lacunes dans l'historique de
cette question. Elle a été faite en 1763 et on la trouve dans le volume
des Abhandlungen der Wissenschaften der künigl. schwed. Akad., qui
porte la date de 1766 (2). Le mémoire semble avoir pour but principal
les moyens d’expulser les vers des intestins, et c’est en employant ces
moyens que Montin a constaté l'expulsion d’un fragment de Fasciole
parmi des Ténias rendus par une jeune fille. Mais Montin a bien obssrvé
les Ligules chez les poissons, tandis qu’il ne les a que très-peu étudiées
dans le cas qui s’est présenté; dans sa discussion, il entremêle sans cesse
les Ténias, les Lombrics ct les Fascioles; aussi est-il permis d’affirmer que
le fragment de Ligule dont il s’agit n’est qu’un fragment de Ténia incom-
plétement observé. |
C'est en 1871 qu'a paru l'ouvrage de Pallas sur les Vers intestinaux de
l'homme et des animaux (3); on y trouve très-peu de renseignements sur
(1) Rœderer in Gütltingische Anzeigen von gelehrien Sachen unter der Anssicht
der künigl. Gesellschaft der Vissenschaften-61 Stock., 1762.
(2) Anszug eines Falles von einer Fasciola intestinalis mit wchrerlen Würmern
bei einer Kranken, von Lorenz Montin, in Der kônigl. schwedischen Akad. der Wiss.
Abhandl. 1763. Leipsig, 1766, p. 122. |
(3) Pallas, Bemerkungen über die Bandwurmer in Menschen und Thieren in Neuen |
nordischen Beyträgen, p. 39 à 112, pl. IN et III. Saint-Pétersbourg et [eipsig,
1781.
DE LA LIGULE,. 331
les Ligules dont les espèces ont été mal comprises et rapportées à des
Ténias. La planche II du mémoire et la planche I du volume donnent
à la figure 28 la Ligule ordinaire décrite sous le nom de Tœænix fascicu-
luris. Le sillon est bien marqué, mais la tête est comme celle de beau-
coup de vers dessinés à ces époques, une tête toute de fantaisie. Enfin,
les figures 29, 30, 32 <e rapportent certainement à des Ligules que,
dans son texte, l’auteur décrit sous les noms de Tænia avium, Tænta nodu-
losa. |
Au cours de ce long Mémoire, Pallas fait cependant quelques observa-
tions sur les migrations des vers des poissons ct il déclare qu'ils ne
doivent pas alier chez l'homme.
Mais l’année suivante, Goëze publia un travail GARE plus étendu
et qui, ainsi qu’il le dit lui-même, lui fut inspiré par ses grands maitres
el prédécesseurs Pallas et Müller (1). La Société de Copenhague a pro-
posé comme prix, en 11780, la question de savoir si les vers tels que
Ténia, Ascaride, Lombric, Fasciole, sont innés chez les animaux ou bien
s'ils arrivent du dehors. Pour y répondre, Goëze écrit un volume gros
d'observations et de recherches dans lesquelles les Ligules tiennent une
large place. A
Il leur conserve le nom générique de fasciole et il en distingue plu-
sieurs espèces, parmi lesquelles : Fasciole abdominale, Fasciole intesti-
nale.
| … Sa dissertation sur ces deux espèces offre, pour ses conclusions, un
grand intérêt : « Si les Ténias des poissons, dit-il à la page 25, se lais-
» sent transférer dans d’autres corps, ce sont surtout les animaux vivant
» de poissons qui doivent les avoir. Pour m'en assurer, j'ai disséqué
» beaucoup de hérons, canards sauvages, cigognes, loutres. » Il trouve
ainsi les vers habituels à ces animaux, mais il les voit différents de ceux
des poissons; car, parlant des Fascioles qu’il a trouvées dans l’intestin du
harle que lui a envoyé le D’ Bloch, il dit : « Mais après un examen
» attentif cn peut voir que ces Fascioles, dans les entrailles du harle,
» étaient différentes quant au corps et à la tête de la Fasciole abdominale
» des poissons et je l’ai nommée Fasciole intestinale. Je vais encore plus
» loin, ajoute Goëze, et je dis que les vers des poissons ne vont pas aux
» mammifères pas plus que ceux des mammifères ne vont dans les
» oiseaux et les poissons. »
Cette opinion est d’ailleurs celle de Müller qui s’appuic sur l’organi-
sation et qui dit (2) : « Il serait plus vraisemblable de dire que les vers des
» poissons viennent chez les hommes, si la tête du rubané, chez l’homme,
» n'avait pas de tout autres organes que n’en a celle des rubanés des
» poissons. »
A
|
k
(4) Besuch einer Naturgeschichte der Eingeweidewürmer thierischer Kürper,
von J.-A.-E. Goëze. 1782.
(2) Müllers, Naturforschers, p. 181.
332 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
Mais sur ce sujet Goëze est on ne peut plus précis et affirmatif : « Qui
» donc à jamais trouvé de pareils vers de poissons dans des corps
» humaines, ou bien un ver rubané de l’homme dans un Ténia, dit-il,
» Comment se fait-il, s’il est facile à l’homme de recevoir des vers des
» poissons, qu'on n'ait jamais trouvé d'Echinorhynchus dans un corps
» humain ? Les Ténias des poissons, tant à cause de la différence de leur
» structure corporelle qu’à cause de celle des organes de leur tête, for-
» ment un genre à part. Par leur nature ils ne sont destinés qu'aux
» poissons et ne prospéreront certainement jamais dans les intestins des
» autres animaux. »
La réponse à la question proposée comme prix est tout entière dans
le développement de cette idée, que les vers intestinaux sont innés aux
animaux qu'ils habitent.
Mais, en ce qui concerne les Ligules, on trouve dans Goëze bien d'au- .
tres renseignements relatifs à la structure, aux mœurs et aux espèces.
Il constate que «le genre de vie de la Fasciola abdominalis est tel,
» qu’elle s’entortille comme une courroie dans le nid des intestins et,
» quand elle a fini sa course, elle sort par la partie postérieure du trone
» des poissons sans qu'ils en meurent. Le trou se referme et le poisson
» reste intact ». Les figures 7 et 9 de la planche XVI représentent très-
exactement ces états. Les autres figures, en particulier la figure 8, sont
assez exactes; mais celle-ci représente comme un état normal un état
qui n’est qu'accidentel, vu que l’extrémité n’est telle que pendant un
moment de contraction.
Quant aux sillons et aux stries, voici de quelle façon Goëze les envi-
sage : « La surface du corps est ridée comme a coutume de l'être celle
» d'une courroic. Dans le milieu, une raie court de l'extrémité de la
» tête mais ne va pas tout à fait jusqu’à l'extrémité de la queue, c’est 2
» canal des aliments.
Enfin de l'ouvrage de Goëze je ne retiendrai plus autre chose que la
citation de ce que Bloch lui écrivait le 6 février 1780 : « La Fasciola in-
» testinalis me semble aussi énigmatique dans sa structure intérieure que
» votre Echinorhynchus géant. » A quoi Goëze répond par cette réflexion:
«11 à raison; pourtant, j’ai trouvé dans ce dernier un peu plus d’organi:
» sation que dans la première. » Bloch lui dit encore, en lui parlant de la
Ligule : «Ce ver, je dois le reconnaitre, me rend indécis dans ma
» théorie, qui est que les vers des poissons ne peuvent prospérer dans le
» COrps d aucun autre animal, »
A la mème époque on trouve quelques notions sur les vers des pois.
sons dans le livre de Werner (1); mais ces renseignements ne sont que
la copie de ce qu'ont déjà dit les auteurs précédents ; aussi je me bor:
nerai à signaler simplement Werner comme ayant connu les vers dont
2
ES F
(1) P.-C.-F. Werner, Fermium intestinalium brevis exposilio. Leipsig, 1782.
— P.-C.-F, Werner et Fischer, Vermium inlestinalium continuatio. Leipsig, 1786.
DE LA LIGULE. 333
je m'occupe et en ayant parlé dans ses œuvres publiées successivement
en 1782 et en 1786 avec l’aide de Fischer.
En 1783, James Barbut fit paraître un atlas de figures coloriées, où
parmi les animaux intestins et mollusques de Linné, il représenta les
Ligules (1) sous le nom de Fasciole intestinale (fig. 2), mais cette figure,
très-imparfaite, ne présente aucun intérêt.
Au moment où Goëze publia le travail que je viens d'analyser, Bloch
fit paraître une œuvre qui fut exécutée dans des conditions identiques,
et le prix de l’Académie de Copenhague fut partagé entre ces deux au-
teurs. Mais la traduction française du livre de Bloch ayant été pubiiée
en 1788, c’est à cette époque que je rapporte l'examen de cet ouvrage (2).
On a voulu essayer de faire du 7raité de la génération des vers des in-
testins et des vermifuges une œuvre capitale, et cependant elle est bien
loin de valoir ce qu’on en a dit. Quelle créance accorder, en effet à des
observations et à des expériences qui débutent ainsi : Bloch dit «qu'il ne
» saurait compreudre parmi les vers des intestins l'OEstre, le Dragon-
» neau......, encore moins des animaux qui entrent dans notre corps
» par notre nourriture ou boisson, tels que des serpents, des grenouilles,
» des lézards, des crapauds, etc. »
Le seul mérite que l’on puisse reconnaître à Bloch, c’est d’avoir donné
aux vers qui nous occupent le nom de Ligule, nom que tous les auteurs
ont conservé depuis et qui sera maintenant le seul que j’emploierai. Et
cependant il s’est trouvé des auteurs qui ont fait des observations de
Bloch une sorte d’assise sur laquelle ils se sont appuyés pour rehausser
les recherches qui les ont conduits sans peine à des résultats con-
traires.
Il faut toutefois constater que si Bloch avait eu la hardiesse de dé-
clarer dans son ouvrage ce qu'il ne craignait pas de dire dans ses lettres
à Goëze, il aurait pu êlre cité comme ayant aidé à fonder le principe de
la migration des Ligules. Il convenait, en effet, que les Ligules des
oiseaux ne se rencontrent que dans les oiseaux qui se nourrissent exclu-
sivement de poissons et, pour expliquer la forme un peu différente
qu'elles lui paraissaient prendre dans ce nouvel habitat, il disait : « Comme
» ils ont dans les intestins une nourriture abondante, ou plutôt parce
» qu'ils ont plus chaud que dans la cavité abdominale des poissons... »
Après avoir divisé les vers en plats et ronds, il arrive à l’ordre [ et
au premier genre : la Bandelette, Ligula. Il en distingue deux espèces, la
Ligula piscium et la Ligula avium.
Dans la premivre il ne distingue presque rien au point de vue de l'or-
ganisation et il indique seulement les mœurs que les précédents obser-
(1) James Barbut, Les genres des vers exemplifiés par divers échantillons. Lon-
dres, 1783.
(2) Bloch, Trailé de la génération des vers des intestins et des vermifuges. Tra-
duit de l’allemand. Strasbourg, 1788.
334 DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L'HISTOIRE
valeurs avaient décrites; mais il ajoute une notion qui présente ecepen-
dant une certaine importance : six expériences successives lui ont permis
de constater que les vers ne peuvent rester en vie lorsqu'ils sont bouillis
avec le poisson.
Dans la seconde espèce il ne reconnaît pas d'organisation supérieure
à la précédente, et il se demande « s'ils ne se font un passage qu'après”
» la mort de ces oiseaux (les harles), parce qu'après leur refroidisse-
» ment ils se cherchent un asile plus chaud, ou bien s'ils les abandon-
» nent, à de certaines époques, comme les précédents (les poissons) ».
La thèse générale que Bloch soutient seule dans son traité est aussi
celle de Goëze, à savoir : que les vers et leurs germes sant innés aux
animaux et, pour le démontrer, Bloch s'appuie, non-seulement sur
l'observation, mais encore sur l'expérience. C’est dans ce sens qu'ila
expérimenté sur les Ligules et non pas pour en déterminer les espèces,
comme d’autres auteurs semblent le faire croire.
À la page 94 on trouve en effet sa onzième preuve qui consiste en …
ceci : «Si les vers des intestins n'étaient point destinés à vivre dans le
» corps d'autres animaux et si chaque espèce ne devait pas séjourner …
» dans tel corps plutôt que dans tel autre, mais ne s’y trouvait que par.
» accident, ils se laisseraïient aussi transplanter d’un animal dans un
» autre. Mais mes expériences et mes observations m'ont prouvé le con-
» traire, Car je fis souvent offrir la bandelette des poissons... , etc. »
Bloch donne, en effet, des Ligules et des Ténias de brochet, ainsi que ceux …
de l’oie à des canards, et il constate que ces vers ne continuent pas de
vivre dans ces nouvelles conditions. Et pour appuyer sur la conclusion
à laquelle ces expériences le conduisent, il ajoute : «On objectera peut-
» être ici que ces vers étant digérés avec le reste de la chair, ne pour-
» raient plus y vivre; mais leurs œufs, au moins, devraient se mêler
» avec la mucosité des intestins, et pourquoi ne s’y développeraient-ils
» pas aussi bien que ceux des vers qui sont particuliers à ces pois-
» Sons ? »
Enfin pour conelure dans le sens de l’idée qu’il développe, Bloch in=
voque encore, à la page 86, le témoignage des Ligules des poissons qui
se trouvent toujours dans la cavité du bas-ventre et jamais dans le canal
intestinal.
Le travail de Bloch est d’ailleurs bien inférieur à l'ouvrage de Goëtel
Dans l’Helminthologie de Bruguière (1) les Ligules sont mentionnées,
mais sans indications nouvelles, aussi ne ferai-je Ep signaler cette œuvre
au titre de simple renseignement. |
En 1800, Zeder publia un premier Senslét à l'ouvrage de
Goëze (2), FL lequel il s'occupe des Ligules, qu’il décrit sous différents
(1) Bruguière, Tableau encyclopédique #1 méthodique des tre ois règnes de la na-
ture ; l’helminthologie. Paris, 17914. sil
(2) Zedcr, Naturgeschichte. Premier supplément à l'ouvrage de Goëzel Leipsig,
1800. | RTL
DE LA LIGULE. 399
noms, entre autres Ligula tincæ, abdominalis, colymbi, etc. Une remarque
dont l’importance ne saurait échapper est celle du sillon longitudinal,
que Zeder considère comme marquant une série d'ovaires.
A la date de l’année suivante, on trouve les Ligules indiquées par La-
marck dans son Sysféme des animaux sans vertébres (1). Mais dans ce
court résumé qui a précédé l’œuvre capitale du grand naturaliste, La-
marck ne cite qu'une espèce, la Ligula avium. Dans la caractéristique du
genre, il dit qu'on ne voit ni la bouche, ni l'anus, et il ajoute encore :
on trouve aussi des Ligules dans divers poissons.
Bosc, dans son Histoire des vers publiée en 1802 (2), emprunte à Bloch
les notions relatives à la détermination du genre, mais il ajoute une ob-
_servation dont je n'ai pu vérifier l'exactitude. « Les anciens naturalistes
» ont connu les Ligules, même sous leur nom actuel. Linné l'avait fait
» oublier en les réunissant aux fascioles ; Bloch, Goëze, Pallas leur ont
» rendu leur véritable nom. » Je crois que Bosc est dans l'erreur, car
aucun des auteurs qui ont précédé Bloch n’emploie le mot Ligule,
ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, et Bloch me paraît bien être le
créateur du genre. :
Mais Bosc parle déjà de « deux phases dans la vie des Ligules », ct ces
phases correspondent aux deux espèces qu’il décrit : Ligula intestinalis,
qu'il dit très-blanche et très-aiguë, et Ligula abdominalis, qu'il dit être
cendrée et large.
Schrank, dans sa Fauna boica, indique trois espèces de Ligules : Ligula
Petromizontis, Ligula Truttæ et Ligula piscium (3).
Blumenbach, dans son Manuel d'histoire naturelle publié à Metz en
1803 (4), indique la Ligule en revenant au genre Fasciola et il l'appelle
la douve des poissons. « Comme un bout de ruban étroit, dit-il, inarti-
» culé dans le ventre de quelques poissons. » La note qu'il donne parait
n'être qu'une copie de Linné ; car, comme lui, il ajoute : « On en à
» trouvé de vivants encore dans les poissons cuits. »
J'arrive à 1808, à l’époque où fut publiée l'œuvre de Rudolphi (5).
Avec lui la question des Ligules entre dans une phase toute nouvelle,
les théories de Bloch et de Goëze sont combattues et l’idée des migra-
tions des vers intestinaux commence à se faire jour.
Rudolphi discute en premier lieu les noms donnés à la classe des vers
intestinaux, et il en arrive à indiquer celui d’entozoaires qu'il croit être
nouveau (Linck le lui affirme); puis il entre dans les détails relatifs à
l'histoire de ces entozoaires. Je ne relèverai que les plus importants
(4) Lamarck, Système des animaux sans vertèbres. p. 334, Paris, 1801.
(2) Bosc, Histoire naturelle des vers, t. 1, p. 275. Paris, an x.
(3) Schranck fr. de Paul, Fauna boïca, deuxième partie, p. 1487, 1803.
(4) Blumenbach J..Fr., Manuel d'histoire naturelle. Traduit par Soulange Artaud,
t. Il, p. 14. Metz, 1803, an x1.
(5) C.-A. Rudolphi, Entozoorum sive vermium inlestinalium historia naturalis.
Amsterdam, 1808-1809,
336 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
parmi ceux qui se rapportent aux Ligules, qu’il place parmi les Ces-
toides, |
C’est à ce titre que je signalerai la difficulté que Rudolphi éprouve à
caractériser la partie antérieure, les mouvements qu'il a très-bien rap-
portés à deux systèmes de fibres musculaires transverses et longitudi-
nales, et qu’il a vu bien apparents dans les Trématodes, moins dans les
Ligules, car il dit : «Il est permis d’apercevoir les fibres transverses,
» cependant peu marquées, qui semblent aller mourir dans le reste de
» la substance pulpeuse du ver ». Les entozoaires n’ont pas de système
nerveux ; le mode de nutrition des Ligules lui échappe ; mais le sillon
que Goëze a dit être un tube digestif, lui suggère l’idée d’une série
d'ovaires, idée qu’il partage d’ailleurs avec Zeder. « Cette ligne, dit-il,
» ést marquée de points qui ressemblent à ce que montrent les ovaires
» de ténias au point de ne pas laisser douter de la chose. » Puis il émet
l’opinion que la pulpe même peut contenir des vases fibreux très-fins
qui tirent leur origine de la bouche, et il conclut en disant que les en-
tozoaires doivent se nourrir par absorption cutanée,
En traitant la question des organes génitaux, Rudolphi revient sur la
ligne médiane qui lui paraît être «la trace d’ovaires simples et en forme
» de sac ». « Le mode de copulation du scolex et dus Ligules est ignoré,
» dit-il à la page 315 du tome I; mais par la raison qu'ily à une
» grande ressemblance dans les ovaires, il doit y avoir de l’analogie avec
» les genres suivants (Bothriocéphales, Ténias), du moins en ce qui con-
» cerne les Ligules. »
Parlant de l’âge des entozoaires, il indique les Ligules comme pou-
vant, avant leur mort, sortir du corps de leur hôte et, comme la raison
de ce fait lui échappe, il croit la trouver dans une phrase où l’observa-
tion et l'expérience cèdent leur autorité au sentiment : «Peut-être que
» la nature, prévoyante pour les animaux, a accordé ce suprème bénéfice
» à ceux qui sont affectés de ce ver ». « Car ces vers, ajoute-t-il, provo-
» quent de très-graves symptômes morbides. »
Son chapitre xvir est consacré à «l’action pour les entozoaires de se.
» communiquer », et après avoir successivement passé en revue les.
preuves et les opinions, Rudolphi arrive à ces conclusions : «Les vers
» qu'un animal contient peuvent être communiqués par la nourriture;
» les vers des animaux à sang froid ne périssent pas dans les animaux à
» sang chaud qui s’en nourrissent; accidentellement quelques oiseaux
» aquatiques sont infestés par les vers des poissons qu'ils dévorent (té-.
» moin les Échinorhynques des canards qui semblent être les mêmes
» que l'Échinorhynque noueux des poissons). Les oiseaux aquatiques,
» dont le goût et l’odeur rappellent les poissons et qui vivent à peu près
» comme eux, conserveront facilement leurs vers. »
Ainsi, pour le moment, Rudolphi ne croit, pour les Ligules, qu’à la pos-
sibilité de continuer à vivre dans l'intestin des oiseaux ; il ne songe pas
encore à les supposer capables de se développer dans ces derniers. Ce ne
DE LA LIGULE. 397
sera que dix ans plus tard qu'il reviendra sur ces faits, lorsque, éclairé
par les discussions de ses contemporains, il aura mieux observé le sujet
qu’il ne fait qu’effleurer dans les pages que je cite. C’est dans cet esprit,
d’ailleurs, qu’il décrit vingt et une espèces de Ligules auxquelles il ne
consacre pas moins de vingt pages, et encore discute-t-il une espèce
douteuse trouvée dans un squale.
Je ne rapporterai pas ici le nom de toutes ces espèces, qui sont en
grande partie ceux des animaux chez lesquels elles ont été trouvées;
j'indiquerai plus tard ce que de Blainville a dit à ce sujet.
Le second ouvrage de Lamarck me séparant seul du second traité de
Rudolphi, j'interromps un moment l’ordre chronologique que j'ai adopté
pour résumer les notions fournies par le Synopsis entozoorum de ce der-
nier (1); je les analyserai toutes en peu de mots. Il a observé que les
Ligules des poissons n’ont que des ovaires « latents », tandis que celles
des oiseaux ont des ovaires « distincts ». On ne voit pas les ovaires dans
les premières, on les distingue dans les secondes. Ces observations mul-
tipliées lui permettent d'établir l'hypothèse que les Ligules des poissons
se développent dans les oiseaux, et cette hypothèse admise, il est conduit à
restreindre le nombre de ses espèces qui n’est plus cette fois que de sept,
cinq se rapportant aux Ligules des oiseaux, une se rapportant à la Ligule
d'un phoque, et une autre enfin réunissant, sous le nom de Ligula sim-
plicissima, toutes les Ligules des poissons.
A partir de cette époque, la question de savoir si les Ligules des pois-
sons vont dans les oiseaux, pour se développer, sera sans cesse agilée et
trouvera ses partisans et ses adversaires.
Lamarck revient sur les Ligules dans son Histoire des animaux sans
vertébres (2), mais il déclare ne connaître que la première espèce et il
semble emprunter à Rudolphi les documents au moyen desquels il dé-
crit neuf espèces : cinq dans les poissons et quatre dans les oiseaux. La
désignation de ces espèces, toutes empruntées à Rudolphi, semble être
prise au hasard et une véritable confusion en est le résultat; car on se
demande pourquoi Lamarck n'accepte pas toutes les espèces de Rudolphi,
et on cherche vainement la raison du choix qu'il a fait.
Dans son mémoire intitulé Enthelminthica (3), Bojanus mentionne les
Ligules, mais d’une façon presque accessoire. Pour lui ce sont des ento-
zoaires douteux qui doivent sous beaucoup de rapports faire des excep-
tions dans le monde des enthelminthes. C’est surtout au point de vue
anatomique qu'il étudie les entozoaires, en prenant des exemples un peu
dans toutes les classes et en étudiant successivement des Cysticerques,
des Ampbhistomes, des Distomes, des Strongles et des Échinorhynques.
(4) C.-A, Rudolphi, Entozoorum synopsis. Berlin, 1819,
(2) Lamarck, Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, t. III, p. 170.
Paris, 1816.
(3) Bojanus, Enthelminthica, in Isis von Oken crster Bd, p. 462-190. 1821.
JOURN. BE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — T, XII (1877). 22
338 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
* À la même époque, c’est à-dire en 41821, parut le traité De helmin-
thibus acanthocephalis, par Westrumb. Les Ligules y sont signalées chez
les oiseaux et les poissons, et c’est toujours la Ligula simplicissima qui
est seule signalée (1). Westrumb a constaté la présence de cette Li-
gule, pour les oiseaux, dans À espèce de falco, 3 espèces d’ardea, 1 espèce
de scolopax, 2 espèces de sterna, 4 espèces de colymbus, 4 espèces de
larus, 2 espèces de pélicans, 3 espèces de mergus et 1 seule espèce
d’anas; pour les poissons, les cyprins sont représentés par 6 espèces,
tandis que toutes les autres espèces ne sont représentées que par 2 per-
ches, 1 silure et À saumon. On voit déjà que les canards sont en très-
faible proportion par rapport aux autres oiseaux aquatiques, tandis que
les cyprins l'emportent de beaucoup sur tous les autres poissons.
L'Encyclopédie méthodique de Diderot et d’'Alembert renferme, dans
l'Histoire des zoophytes publiée en 1824, un article assez intéressant sur
le mot Ligule (2). Le nom seul du signataire me faisait un devoir de
signaler ce résumé, car on sait combien Eudes Deslongchamps était
compétent sur l’histoire des entozoaires des poissons. Ceux qui l'ont
connu ont pu l'entendre répéter souvent : «C’est dans les poissons qu'il
» faut chercher, parce que c’est là que l’on trouvera la clef de bien des
» faits relatifs au parasitisme des vers. »
Eudes Deslongchamps groupe les caractères généraux des Ligules
sous deux chefs :
1° Avant le développement complet;
2° Après l’entier développement.
Puis il décrit les Ligules en empruntant son texte aux notions fournies
par Rudolphi et Bremser : comme Rudolphi, il dit que dans le royaume
de Naples on mange sous le nom de macaroni piatti les Ligules qui vien=
nent du lac Fuciano, et il adopte enfin les sept espèces de cet auteur,
en ayant bien soin d'indiquer que la Ligula siraplicdseime renferme toutes
les espèces des poissons.
Ainsi l’idée de Rudolphi était déjà adoptée, et on sait maintenant que
les Ligules des poissons sont «avant leur développement », tandis que
celles des oiseaux sont les premières « après l’entier développement. »
Mais, ainsi que j'ai déjà eu l’occasion de le dire, ces idées n’ont pas
été partagées par tout le monde, car en 1824 paraissait également le
traité de Bremser, qui n’accepte pas celte théorie (3). |
Bremser n’est pas cependant exclusif, car il dit : « Quoique j ’aie posé |
» en fait que la communication des vers ne pouvait pas avoir lieu par.
» l'intermédiaire des aliments et des boissons, je ne veux pas cependant
» nier la possibilité que les vers qui se sont introduits par ce moyen
(1) A.-L. Westrumb, De helminthibus acanthocephalis. Hanoveræ, 1821.
(2) Histoire nalurelle des 300phytes, par Lamouroux, Bory Saint-Vincent, Eudes
Deslongchamps, faisant suite aux Vers de Bruguière. Paris, 4824, t. II, p. 491.
(3) Bremser, Trailé zoologique et physiologique sur les vers intestinaux de
l'homme. Traduction de Gründler, revue par de Blainville. Paris, 1824.
DE LA LIGULE. 399
» dans le canal intestinal d’un animal ne puissent y vivre, dans quelques
» cas, pendant un certain temps.
Bremser a fait entre autres observations une remarque d’une très-
grande exactitude : il a constaté que l’on trouve des Ligules dans les
oiseaux aquatiques, et il dit que dans l’estomac on les voit tels qu'ils se
trouvent dans la cavité abdominale des poissons. « Mais ceux qui se sont
» glissés plus loin que l'estomac ont éprouvé une altération, et elle est
» d'autant plus visible qu’ils se trouvent plus éloignés de ce viscère..……
» Leur corps est allongé, aminci, ou au moins lésé ou comme macéré à
» l’une de ses extrémités, de manière que l’on aperçoit clairement qu'ils
» ont été en partie soumis aux lois de la digestion. »
Un peu plus loin, il cite une observation relative aux mouvements
des Ligules. « Quand on transporte de ces vers d’une assiette très-chaude
» sur une très-froide, il s'opère alors par le changement de température
» des contractions inégales des fibres que l’on peut aisément prendre
» pour des mouvements volontaires. »
Les planches XI et XIT de l'Atlas de Bremser renferment cinq figures
très-bien exécutées, comme. d’ailleurs toutes les autres; mais tandis
que les trois figures de la planche XII représentent très-exactement la
Ligule des poissons avec sa tête pourvue de bothridies; les deux figures
de la planche XI peuvent induire en erreur, car elles attribuent aux
organes reproducteurs de la Ligula uniserialis une disposition qu'ils sont
loin d’avoir. Bremser les gratifie d’un pénis considérable; mais il est
probable qu’il ne l’a fait qu’en se basant sur l’analogie de ces vers avec
les Ténias, car rien de semblable ne se peut apercevoir.
Dans ses Éléments, publiés en 1825, Duméril parle des Ligules dans
les termes suivants (1) : « Les douves ou fascioles appartiennent à la
» première section (vers aplatis), ainsi que les Ligules et les Linguatules.
» On les trouve dans le foie des poissons, dans les poumons des oiseaux
» et des mammifères. » Il n’est pas possible, on le voit, d'établir plus
de confusion.
Un auteur italien, Briganti, trouve dans un cyprin qu’il décrit comme
espèce nouvelle sous le nom de Cyprinus lacustris une Ligule qu’il trouve
un peu différente de celles qui sont déjà connues, et il l’appelle Ligula
edulis, par la raison « qu’on la mange en friture avec le poisson, la pre-
» nant pour de la graisse » (2).
Parmi les observations de Briganti, on peut noter ceci : « En l'irritant
» mécaniquement ou en la mettant dans l’eau, elle exécute des mouve-
» ments. »
Baër, en 1827, a encore étudié les Ligules dont il parle dans un tra-
(4) A.-M.-C. Duméril, Éléments des sciences naturelles, t. II, p. 40. Paris, 4825.
(2) Briganti, Atti della r. Accad. sc. di Napoli, t. I, p. 209. — Résumé de la
description des Ligules qui habitent dans l'abdomen d’une espèce de poisson in Bul-
letin de Férussac, t. XVIII, p. 467.
310 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
vail intitulé : Contributions à la connaissance des animaux inférieurs; mais
il en dit fort peu de choses que nous ne connaissions déjà. Il les consi-
dère comme vers parenchymateux et ne fournit aucune observation
nouvelle (1).
L'année suivante vit paraître l’article Vers, écrit par de Blainville
dans le Dictionnaire des sciences naturelles (2). De Blainville place les
Ligules dans les anorhynques, troisième famille des bothriocéphales,
qui eux-mêmes appartiennent au sous-type des parentomozoaires ou
subannélidaires. Il indique les caractères généraux des Ligules, aux-
quelles, sur la foi des précédents observateurs, il attribue un cirrhule,
Et cependant, en parlant de Ligules trouvées dans une spatule, il dit :
« On voyait aussi sur quelques individus des traces des ovaires, mais
» sans circonscription ni orifices, et encore moins de cirrhules pour
» chacun d'eux, comme l’a figuré M. Bremser pour la Ligule sparsa. »
L'opinion de Rudolphi est vivement attaquée par de Blainville, qui,
dans un style railleur et agressif, combat l’idée des migrations de ces
vers, appuyée seulement sur ce que, péritonéaux dans les poissons, ils
sont intestinaux dans les oiseaux. Comme conclusion, il se range du côté
de Bremser, qu’il défend contre Rudolphi. Il n’accepte pas plus les
espèces de Rudolphi que les opinions de cet helminthologiste. Il dit que
ces espèces sont plus faciles à nommer qu'à caractériser, et il laisse
supposer que Rudolphi seul pourrait les reconnaître ; dans la spatule
qu'il a examinée, il a trouvé ue ou trente individus qui ne se ressem-
blaient pas deux à deux.
Le premier ouvrage de Créplin ne fait aucune mention des Ligules
qu’on ne retrouve que dans les « nouvelles observations » et dans des
notes insérées dans divers recucils. A l’encontre de de Blainville, Créplin
adopte et défend l'opinion de Rudolphi (3). Je ne m'étendrai pas sur les
faits invoqués par Créplin; ils m’exposeraient à trop de répétitions, et je
n'insisterai que sur les genres et les espèces à l'égard desquels cet
auteur semble avoir pris pour but principal une multiplication souvent
injustifiable.
Parmi ceux-là, je ne considérerai que le genre Schistocephalus et:
l'espèce Ligula digramma.
Le genre Schistocephalus me parait complétement inadmissihle et doit
être totalement retranché. il est plus qu'évident que ce genre a été
créé aux dépens d’une véritable Ligule, et tous les auteurs qui, acceptant
(1) Baër, Beiträge zur Kenniniss der niedern Thiere in Nova acla Leop. Car.,
vol. XVII, p. 525. ;
(2) De Blainville, article Vers du Dictionnaire des sciences naturelles, t. LVII,
p. 611. 1828.
(3) 3.-C.-H. Créplin, Novæ observationes de Entozois. Berlin, 4829. — J.-C.-H,
Créplin, Ersch et Grub, Encyclopédie, XXXII. — J.-C.-H. Créplin et Trosche’'s
Archiv, 1, p. 79. |
-
DE LA LIGULE. 341
cette création, ont étudié les Schistocephalus, ont donné des descriptions
que l’on peut sans crainte rapporter à des Ligules. Aussi doit-on, sans
hésiter, considérer ce que l’on a attribué au schistocéphale comme appar-
tenant de droit et de fait aux Ligules proprement dites. Le Bothriocephalus
solidus et le B. nodosus, que Créplin veut réunir dans son schistocéphale,
ne sont d’ailleurs que des Ligules.
Quant à la Ligula digramma, établie plus tard par Créplin, elle n’est
certainement qu'une Ligule ordinaire (monogramma ou uniserialis) dont
les matrices ont été assez nettement limitées chez ces individus pour que
Créplin ne voyant que les deux extrémités renflées ait cru devoir les
considérer comme une série double d’ovaires.
Comme j'aurai occasion de le démontrer, ces matrices ont la forme
d’un 8 allongé. Lorsqu'elles sont pleines d'œufs, cette forme s’atténue
beaucoup, ct, le compresseur aidant, l’étranglement du milieu vu à
travers la masse même du corps a très-bien pu se montrer vide et faire
croire à l'existence de deux ovaires séparés. Il n’en fallait pas tant pour
que Créplin se hâtât d'établir une espèce nouvelle qui ne saurait pas
plus être admise que le genre précédent.
En 1831, Melhis (1) rendant compte de l'ouvrage de Créplin et le
faisant servir à ses propres études en adopte complétement le sens; il
reproduit ainsi le Schistocephalus dimorphus. La figure qui accompagne
son Mémoire représente un corps bien annelé de Ligule avec un pénis
très-saiilant et une vulve placée au-dessous. On ne pouvait rien imagi-
ner de plus contraire à la vérité.
En 1834, M. Milne Edwards publia ses remarquables Éléments de
zoologie (2), dans lesquels il cite les Ligules comme appartenant à la fa-
mille des Cestoïdes (les Ténias sont pour lui les Ténioïdes). Il dit qu’ils
» ne présentent ni suçoirs ni autres organes extérieurs et ressemblent
» à un long ruban finement strié en travers, dans la substance duquel
» on trouve seulement des œufs. On n’en connaît qu'un genre (les Li-
» gules) qui se rencontrent dans l'abdomen des oiseaux et des poissons. »
Un travail publié par Siebold en 1838, dans les Archives de Wiegmann,
contient une note qui me parait avoir une certaine importance (3) :
« Les jeunes et les embryons de Cestoïdes que j'ai observés jusqu'à pré-
» sent manquent d'organes apparents (il s’agit des organes internes). Je
» dis ceci parce que Créplin place dans les animaux infusoires les
embryons du Bothriocephalus ditremus, de la Ligulu interrupta et de la
» Ligula serialis, qu'il avoue lui-même ne pas bien connaître, et son
assertion n’est qu’une supposition. »
Il ressort clairement de ce passage que Siebold connaissait déjà les
CA
ÿY
(1) Melhis, in /ses von Oken, 1831, p. 166-199, pl. I, fig. 4 et 2.
(2) H. Milne Edwards, Éléments de zoologie, t. I, p. 1034. Paris, 1834.
(3) C.-Th. Siebold, Bericht über die Leistungen in Gcbiete der He'minthologie
während des Jahres 1837, in Archiv für Naturg, p.. 304, Wiegmann., 1838.
34? DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
embryons des Ligules, puisqu'il déclare que Créplin les méconnaissant
les a considérés comme infusoires. Il est de toute évidence que s’il a pu
relever cette erreur de Créplin c’est parce qu’il a eu lui-même connais-
sance de ces embryons.
En 1839, Lereboullet s'occupe des Ligules, dans lesquelles il décrit un
système nerveux, et son observation est citée plus tard par Siebold et |
Stannius (1).
En 1841, Siebold revient encore sur les Ligules pour se ranger à
l'opinion de Créplin, et il déclare alors que la Ligule à deux sillons du
Cyprinus carassius donne chez les oiseaux la Ligula digramma, de même
que la Ligula simplicissima devient dans les mêmes conditions la Ligula
monogramma (2). Siebold constate ces deux transformations, qu'il ne fera
que confirmer par la suite.
Les citations de Pouchet, dans sa Zoologie classique (3), ne sont que les
reproductions en résumé des notions établies par son illustre maitre et
ami de Blainville : aussi ne citerai-je cette indication qu’à simple titre
de renseignement bibliographique.
Pour Dujardin, toute l’histoire des Ligules est douteuse (4). C’est avec
un point de doute qu'il inscrit parmi les Cestoides vrais ou Ténioïdes,
le douzième genre, le genre Ligula, Bloch. « Les Ligules, dit-il, sont
» des vers en forme de bandelette blanche, sans articulations distinctes
» et souvent même sans tête et sans autres organes distincts : aussi est-il
» presque impossible de les caractériser comme espèces et même comme
» genre.» Après avoir indiqué ainsi son opinion, il décrit les Ligules
d’après les renseignements fournis par Rudolphi, Créplin, Bloch, etc.,
et il admet sept espèces, parmi lesquelles la Ligula digramma de
Créplin.
Correspondant à 1850, on trouve le petit Manuel d'anatomie comparée
de Siebold et Stannius (5). Parmi les différentes indications, on peut
remarquer les suivantes : « La scission des anneaux est imparfaite chez
» la Ligula et le Triænophorus, où elle se borne presque à un étrangle-
ment des bords latéraux. L’utérus des Ligula, Triænophorus et Bothrio-
» cephalus consiste absolument, comme chez les trématodes, en un tube
» très-contourné et rempli d'œufs ovales. Les œufs sont ovales et inco-
» lores chez les Ligules. »
Enfin il est question d’un pénis « qui fait saillie par un orifice spé
» immédiatement en avant de la vulve ». Après l'embryon, voici main-
tenant les organes reproducteurs qui commencent à être connus dans le
sens interprété par la plupart des auteurs, mais il faut dire que c’est dans
(1) Lereboullet, in Institut, p. 118, 1839.
(2) C.-Th. Sicbold, Berich über die Leistungen in der Naturgeschichte der Annu-
laten, 1840, in Archiv für Naturg. Wiegmann, 1841.
(3) F.-A. Pouchet, Zoologie classique, t. IE, p. 537. Rouen, 1841.
(4) F. Dujardin, Histoire naturelle des helminihes, p. 628. Paris, 1845.
(5) Siebold et Stamius, Nouveau manuel d'anatomie comparée. Paris, 1850.
DE LA LIGULE. 313
le sens qui n’est pas tout à fait celui de la vérité. Car la notion du pénis
ne peut se déduire que d'observations superficielles où sa comparaison
avec le Ténia entraine l'observateur un peu loin du but véritable. Siebold
d’ailleurs revient plus tard sur cette opinion, qu’il me semble avoir
empruntée pour le moment (à Melhis peut-être ou à Bremser); car, lors-
qu’il s'occupe exclusivement du bothriocéphale, il ne reconnait plus
un pénis véritable, mais « un organe intromittant qui se dégage des
» parois du conduit séminal et capable d’une extension considérable ;
» il est souvent invaginé ».
Les migrations des Ligules semblent désormais être considérées
comme chose certaine et incontestable, car le principe en est nettement
posé par Diesing dans son Systema helminthum, publié en 1851 (1). Pas
plus dans le corps de cet ouvrage que dans sa Revision der Cephaloco-
tyleen (2), Diesing n’ajoute à l’histoire des Ligules aucun fait nouveau ou
personnel. Il se borne à condenser les notions fournies par ses prédé-
cesseurs et ses contemporains, et, si le livre de Diesing est un aide pré-
cieux pour ceux qui veulent s’éviter la peine de faire des recherches
bibliographiques, en revanche il n’apprend rien de nouveau à celui
qui a lu tous Les auteurs résumés par Diesing. J'irai même plus loin, et
je dirai que si Diesing avait bien connu les Ligules il aurait fait justice
des notions qui se rapportent à l'habitat sous-cutané de ces Cestoïdes chez
les mammifères, les oiseaux et les batraciens. Je dirai encore que, tout
en posant le principe de la migration, Diesing a complétement brouillé
les espèces sur l'observation desquelles repose ce principe. C’est ainsi
qu'il établit d’abord deux états : 1° Sfatus inevolutus; 2° Status evolutus, et
à la suite de cette division il indique, sans aucun ordre et sans les sé-
parer, les espèces qui s’y rapportent. Aussi l'ouvrage de Diesing ne sau-
rait-il fournir autre chose qu'une longue série de noms synonymiques.
Lorsqu'il veut s'étendre aux notions anatomiques, ‘Diesing ne me
paraît pas plus heureux que lorsqu'il se borne à la description des
espèces ; je n’en donnerai pour preuve que la manière dont il résume
les observations faites par Wagener sur l'embryon. C’est sur ce résumé
que quelques auteurs se sont appuyés pour affirmer la découverte de
l'embryon; mais c’est une citation dont l'analyse suivante fera ample-
ment ressortir l’inexactitude.
Dans les Annales des sciences naturelles de 1853, on trouve au tome XIX
une note de Rudolph Wagner sur le développement des vers intesti-
naux. Dans le tome suivant, la rédaction a inséré une note rectificative
pour attribuer à Guido Wagner et non à Rudolph Wagner la lettre qui,
écrite de Berlin le 6 mars 1853, a fait l’objet de ja note précédente. Dans
le Catalogue of scientific papers, vol. VI, on retrouve ces deux indications
(4) Diesing, Systema helminthum, t. I, p. 579 et suivantes. Vindobonæ, 1851,
2 vol.
(2) Diesing, Revision der Cephalocotyleen.
344 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'’HISTOIRE
toujours attribuées à Wagner. Or, les Contributions au développement des |
entozoaires sont de Guido-kudolph Wagener.
Il ne parait pas douteux qu'une erreur de nom se soit glissée au
uilieu de tous ces noms propres, et que toutes ces observations doivent
être rapportées à l’auteur dont je viens d'écrire en dernier lieu le véri=
table nom (1). Le travail de Wagener, paru en 1857, forme un long
Mémoire accompagné de nombreuses. planches, et à l'égard des Ligules
on peut en extraire comme notion imporlante les considérations que je
transceris ici : « L'embryon a la forme d’une sphère contractile de nature
» sarcodaire présentant en haut trois paires de crochets. On n'a pas
» encore observé directement comment il quitte son enveloppe. On
» voit quelquefois l'animal faire des mouvements de ses crochets dans
» l’œuf, cela laisse supposer qu’il se sert de ses crochets pour ouvrir
» l'œuf. Les articles se détruisent pendant le développement de l’œuf,
» qu'ils protégent simplement. Cette destruction est nécessaire au déve-
loppement. Jusqu'à présent les embryons de tous les Cestoïdes se
ressemblent. Ils ne diffèrent que par la taille, etc... »
Parlant ensuite des transformations, Wagener arrive à l’état de scolex,
qu'il appelle « poche de cestode ou vésicule de cestode », et il dit : « Pen-
» dant que chez les Tetrabothrium l'embryon est encore loin du but de
» son développement, celui de la Ligule est déjà à la limite de sa jeu-
» nesse. Des petites modifications immédiates de l'extrémité de la tête
» (Caryophylleus) ou aussi aucune modification (Liqula proglottis) ne
» peuvent être considérées comme formation de la tête, ainsi que chez
» les Echinococcus.. La vésicule de cestode n’engendre donc ici rien de.
» nouveau, Ce qu’elle forme, ce ne sont que des organes sexuels et des
» masses pour l'augmentation de son corps. Il faut donc la regarder
» comme une larve. »
Plus loin Wagener ajoute : « Comme membre intermédiaire entre le
» type de développement simple d’une Ligule et le type plus composé
» d’un Tetrabothrium s'intercalent les formes jeunes de triænophores et
» de Tœnia inermis. La faculté d'invaginer la tête existe chez les Triæno-
» phores comme chez la Ligule, La formation des articles, qui est si
» peu marquée chez la Ligule, peut s'élever jusqu’à des incisions impar-
» faites chez le Triænophore. »
Dans ses conclusions, on peut encore remarquer : «Chez Tetrabo-
» thrium, Ligula, Tænia inermis, des organes naissent à l'extrémité de la
» tête de l’embryon'en forme de fosses, ventouses, incisions, crochets. »
Enfin la figure 15 de la planche Il indique l'embryon de la Ligule
très-exactement représenté.
On voit qu'il y a bien loin de toutes ces observations à la phrase
que quelques auteurs ont empruntée à Diesing : Embryo adhuc dubius,
ES €
(4) Wagener (Guido-Rudolph). Beiträge zur Entwickelungsgeschichte der Emn-
geweidewürmer, in Haarlem nat. verh. Maatsch. Wett. XII, 1857.
DE LA LIGULE. 345
Ligulæ speciei incertæ, ovalis, uncinulis seæ, subrectis versus unam extremi-
tatem.
. En 1854, on trouve dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences
de Paris, un travail de M. Brullé (1) d’où ressortent les faits suivants :
« Les Ligules sont vivipares pendant ce qu'on regarde comme leur état
» de larve, ct ovipares lorsqu'elles sont parvenues à l’état parfait. » Mais
M. Brullé n’a pas été le premier à indiquer cette prétendue viviparité,
car M. Van Beneden la fait connaitre en 1858 dans les termes que je
transcris ici, par anticipation sur ce que j'aurai à dire de ce savant hel-
minthologiste : « Sparing écrivit, vers le milieu du siècle dernier, une”
» notice curieuse dans laquelle il est question des Ligules des poissons
| » qui mettent au monde des petits vivants. Ce passage, reproduit par
» Goëze, a souvent attiré l'attention, mais sans produire d'autre effet que
» de l’étonnement. »
Les prétendues poches génératrices signalées par M. Brullé ne sont
que les matrices rudimentaires dont il donne le signalement très-exact ;
il en méconnait seulement et l'ouverture et surtout le rôle. Le système
vasculaire est très-bien indiqué dans le travail de M. Brullé, et on est.
presque tenté de regretter qu'il n’ait pas servi de modèle aux auteurs qui
ont supposé une vascularisation probable en se basant sur le trajet suivi
par les bulles de gaz dégagées à la suite de l’action de l'acide acétique
sur les corpuscules calcaires. Eu égard à la nature lacuneuse du paren-
chyme, ce mode de recherches est singulièrement inféricur à celui de
l'injection, employé avec succès par M. Brullé, et à celui de l'observation
directe, par la section horizontale, que j’ai.pu moi-même pratiquer.
Relalivement aux migrations chez les oiseaux, M. Brullé ajoute qu'il a
| commencé des recherches sans résultats, mais il annonce qu'il se pro-
| pose de les continuer.
Du travail de Leuckart inséré en 1855 dans les Annales des sciences
naturelles (2), je ne retiendrai que ceci : c’est que les crochets des
embryons de Cestoide débutent par des tubercules et que le développe-
ment dure dé quatre à six semaines. Ces indications me permettent de
constater encore une fois que les Ligules rentrent dans la règle générale
applicable aux Cestoïdes.
C'est dans le volume des mêmes Annales se rapportant à l'année 1855
que l'on trouve la traduction du travail de Siebold (3), de ce travail qui,
. (1) Brullé, Observations sur les Ligules, in Compt. rend. Acad, des sciences de
Paris; t.. XXXIX, p. 773. 4854.
(2) Leuckart, Note sur le développement des vers inleslinaux, in Ann. sc. nat,
1855, p. 351.
(3) C.T. Siebold, Mémoires sur les vers rubanés el vésiculaires de l’homme et des
animaux. Traduit, Ann. sc. nat. zvol. 4° série, t. IV, 4855. — C.-T. Siebold, Ueber
die Band und Blasemwürmer, nebst einer Eïinleilung über die Entsteclung der Ein-
geweidewurmer. Leipzig, 4854, in-8.
3A6 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
publié à Leipzig, fut traduit en anglais par Huxley et en français pour
les Annales des sciences naturelles. Dans cette œuvre qui me paraît avoir
une très-grande importance, on trouve les phrases que je transcris ici :
«Il en est tout à fait de même du Ligula simplicissima, qui vit en pa-
» rasite dans la cavité abdominale de diverses espèces de carpes, et qui
» y conserve toujours les organes générateurs à l’état rudimentaire;
» tandis qu'après être parvenu avec le poisson qui lui sert d'hôte dans
» l'intestin des canards, des grèbes, des hérons et autres oiseaux aqua-
» tiques, il achève de se développer et ses organes sexuels arrivent à
» maturité. Dans les systèmes helminthologiques du siècle dernier on
» donnait à cette Ligule adulte, parvenue aux diverses périodes de son
» développement, d’autres noms, et on l’appelait tantôt L. sparsa, L.
» uniserialis (le texte des Annales porte par suite d’une faute d'impres-
» sion universalis), L. alternans, L. interrupta, etc... »
Ainsi, d’après Siebold, la Ligula simplicissima est la larve de la Ligula
monogramma où uniserialis, ce qui est exactement la même chose que les
conclusions des travaux actuels, et Siebold a déjà dit ailleurs que la
Ligula simplicissima devient la L. monogramma (1).
Mais Siebold émet encore une autre opinion à l’égard des Ligules :
« Dans le genre bothriocéphale, dit-il, les articles arrivent aussi à être
» bien délimités, mais n’ont que peu de tendance à s’isoler compléte-
» tement. Chez le Triænophorus, la division en articles est moins pro-
» noncée, et chez la Ligule elle est encore plus incomplète... Sous ce
» rapport, une Ligule considérée comme un animal composé peut se
» comparer à certains polypiaires dans lesquels les individus sont égale-
» ment moins indépendants et s’isolent par des troncs communs. »
Enfin Siebold se sert de l'expression de «nourrice » pour désigner la
Ligule à organes reproducteurs rudimentaires. |
Ici se placerait l'ouvrage de Wagener que je viens d'analyser, et à la
suite, c’est-à-dire en 1858, appartient le Mémoire sur les vers intestinaux
de M. Van Beneden (2). Je dois en premier lieu établir que, dans ce
savant et remarquable Mémoire, il n’est question des Ligules que d’une
manière très-accessoire. M. Van Beneden n’a pas eu toujours assez de
Ligules à sa disposition ; il le déclare lui-même, et, obligé de s'en rap=
porter souvent à ce qu'avaient dit ses devanciers, il n’a pu ajouter beau-
coup à la question qui m'occupe. Aussi, laissant de côté ce qui, dans le
mémoire se rapporte à l'historique, je ne prendrai parmi les autres
notions que celles qui présenteront un véritable intérêt.
Il dit que l'embryon granuleux n’a pas de crochets; mais il prend.
pour l’embrvon le simple contenu de l’œuf qui ne s’est pas encore déve-
loppé, et cette indication ne saurait dès lors surprendre. Le résultat
négatif des deux seules expériences qu’il a pu faire le laisse encore
(4) Voy. page 342. h
(2) P.-J. van Beneden, Mémoire sur les vers intestinaux. Paris, 1858.
DE LA LIGULE. | 347
hésitant; après ses observations M. Van Beneden n'aflirme rien, il se
contente de doutes qu'il exprime ainsi : « Ces vers atteignent déjà toutes
» leurs dimensions dans les cyprins et ne changent pas extérieurement
» dans les nouveaux hôtes à sang chaud. Leurs organes sexuels existent-
» ils seulement dans le dernier cas? Créplin l’affirme. Quant à nous,
» nous en doutons. Nous n'avons pas étudié des Ligules de poisson dans
» ce but et on les trouve trop rarement pour avoir pu décider cette
» question. Deviennent-elles seulement complètes et sexuelles dans
» les oiseaux? Nous n’oserions l’affirmer; au contraire, nous ne serions
» pas étonnés si on démontrait que les Ligules des harles, au lieu de se
» compléter dans les oiseaux aquatiques, y séjournent seulement et
» qu’elles sont évacuées ensuite, comme elles ont été introduites, avec le
» résidu des aliments. »
M. Van Beneden n'affirme donc pas plus le pour que le contre. Il
établit des réserves dont il faut tenir un compte d'autant plus sérieux que
M. Van Beneden ajoute quelques pages plus loin : «Les pseudophylles
» comprennent deux geures assez remarquables sous le rapport des
» transmigrations : les genres Ligule, Schistocéphale; ils vivent d’abord
» dans les poissons et passent, avec ceux aux dépens desquels ils vivent,
» dans l'intestin des oiseaux. Ce n’est que dans ces nouveaux hôtes à
» sang chaud que ces vers deviennent adultes et complets par l’appari-
» tion de leur appareil sexuel, » Les conclusions de M. Van Beneden ne
sauraient, dès lors, être opposées à celles auxquelles conduisent les re-
cherches actuelles et une opinion ainsi formulée ne peut être combattue
suivant une seule interprétation.
Au sujet de l'embryon M. Van Beneden s’empresse encore de rectifier
l’année suivante un fait mal observé : dans Le chapitre des vers, qu'il a
traité dans la Zoologie médicale faite en collaboration avec M. Paul Ger-
vais (1), il écrit que «les embryons ou protoscolex de plusieurs d’en-
» tre eux (les Ligules) ont montré les six crochets des jeunes des ténias
» ordinaires avant même leur sortie de l'œuf. » Dans ce même volume
il ajoute : « Le corps des Ligules arrivé à l’état de strobile ne présente
» pas de segments distincts, les proglottis ne s’en détachent pas comme
» dans les autres Cestoïdes, mais la multiplicité de l’appareil sexuel per-
» met de reconnaitre la limite de chacun des individus composants. »
Dans le Traité des entozoaires de Davaine, publié en 1860 (2), on ne
trouve, se rapportant à l’histoire des Ligules, que la citation du cas rap-
porté par Montin; mais Davaine parait avoir ignoré la synonymie de
Ligula simplicissima et de Fasciola intestinalis, car ce nom de Fasciola l’a
conduit à supposer que les auteurs avaient rapporté au Distome hépatique
les fragments qu'il croit appartenir à un Ténia ou à un Bothriocéphale.
Il appuie sur ce fait, en disant que dans les poissons se trouvent des vers
plus ou moins semblables « qui ne sont pas des Distomes ».
(1) P. Gervais et van Beneden, Zoologie médicale, t. II, p, 232. Paris, 1859.
(2) C. Davaine, Traité des entozoaires. Paris, 1860.
318 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
Le Dictionnaire de Dupiney de Vorepierre (1) contient sous le titre
ParencaymatTeux un article dans lequel il est dit que les Ligules des
oiseaux sont les mêmes que celles des poissons, mais qu’elles ne peuvent
prendre tout leur développement que lorsque de l'abdomen des derniers
elles ont passé dans l'intestin des premiers.
Dans le traité de Cobbold, paru en 1864 et intitulé : Entozoa (2), on
trouve de précieux renseignements sur l'anatomie des organes repro-
ducteurs du Bothriocéphale et sur le développement de l'œuf de cet
helminthe. Les figures qui accompagnent le texte montrent « l'embryon
» hexacanthe s’échappant de sa couverture ciliée » (embryophore). Une
figure tirée de Leuckart montre l'œuf segmenté sorti de sa coque oper-
culée. En ce qui concerne spécialement les Ligules, Cobbold reproduit
les passages principaux de Siebold que j'ai déjà cités, et il ajoute : «On
» ne peut guère douter que beaucoup d’autres prétendues espèces de
» Ténias infestant les poissons se trouveront quelque jour être les formes
» jeunes de Cestoïdes adultes également bien connus de la science. »
Pour Cobbold, les Ligules appartiennent à la famille des Dibothridés,
où le développement se montre uniforme dans tous les genres.
Krabbe, à qui l’on doit des travaux remarquables sur les Ténias, s’est
aussi occupé des Botriocéphales et des Ligules (3). Ce qu’il dit de ces
dernières est trop important pour ne pas être cité textuellement : « Pour
» Schistocephalus dimorphus et Ligula, la croissance se passe principale-
» ment dans le premier séjour (différentes espèces de poissons), de
» manière qu'ils ont déjà atteint un développement considérable lors-
» qu'ils entrent dans l'intestin des oiseaux aquatiques, dans lesquels ils
» trouvent, pour la première fois, les conditions pour le développement
» et l’activité de leurs organes sexuels. » Krabbe s'ajoute donc à la liste
nombreuse de ceux qui constatent que, pour Schestocephalus et Ligula,
les phénomènes sont exactement les mêmes, à ce point qu’on peut très-
bien Les confondre et prendre l’un pour l’autre.
L'année 1869 est relativement féconde en observations sur les Ligules;
aussi faut-il s'étonner que les publications de cette époque aient été
totalement négligées par les observateurs les plus récents. Le Zeis-
tschrift für Zoologie de cette époque contient une note sur le dévelop-
pement du Schistocéphale, par Rudolf Willemoes-Suhm (4). L'auteur
de la Notice helminthologique commence par dire qu'il a ‘supposé que …
les œufs de la Ligula monogramma devaient se développer dans l'eau.
Aussi les met-il dans un verre plein d'eau placé dans un bassin de sable
(1) Dupiney de Vorepierre, Dictionnaire français, p. 634, article PARENCHYMA-
TEUX.
(2) T. Spencer Cobbold, Entozoa. London, 1864.
(3) H. Krabbe, Holminthologiqte Undersogelser à Danmark ogpaa Island., in Vi-
densk. selsk. skr.-5 Rakke, nalurv. og. mathem. afd. 7 Bd. #4
(4) Rudolf Villemoes-Suhm., Notice helminthologique, in Zeilschrift für viss, Z00-
logie von Siebold u. Külliker, t. XIX, p. 469. Leipzig, 1869.
DE LA LIGULE, 319
bumide. La température de la chambre était de 16 degrés Réaumur.
Mais il est arrivé à Willemoes-Suhm ce qui est arrivé à tous les observa-
teurs qui se sont placés dans les mêmes conditions, c’est que les œufs
placés dans un peu d’eau non renouvelée se sont décomposés, et il est
arrivé au même résultat, toujours dans des conditions identiques, avec
les œufs d’Holostomum platycephalum et d'Echinorhynchus angüstatus.
Willemoes a été conduit à supposer que l’eau n’était pas assez fraiche,
et il a recommencé dans d’autres conditions ; mais cette fois il prend les
œufs d’un ver qu'il croit être le Schistocephalus dimorphus ; il assiste au
développement complet, qu'il décrit dans toutes ses phases et qui est
très-exactement celui de la Ligule. Or, il n'est pas difficile d'affirmer
que ce prétendu Schistocéphale n'était qu’une Ligule ordinaire ; car je
doute qu'aucun helminthologiste puisse distinguer nettement ces deux.
genres, et Willemoes-Suhm s'exprime lui-même trop clairement pour
qu'on ne soit pas obligé de reconnaître avec moi que c’est d’une véri-
table Ligule qu'il décrit très-exactement le développement. Il dit, en
effet : «Jai trouvé le ver dans l'intestin du Larus ridibundus tué sur le
» lac de l’Ammer-See, mais qui était de passage, vu que l’épinoche
» avec laquelle la mouette à dû avaler le parasite manque au système
» fluvial du Danube. » L’épinoche est, on le sait, le poisson habité par
les Ligules, et ce sont ses débris presque entiers que Willemoes-Suhm
trouve avec la Ligule, ainsi qu’il l'annonce au début.
Il importait avant tout d'établir la confusion dans laquelle était tombé
l'auteur dans la détermination du sujet qu'il a observé; car l’analyse du
développement lui-même ne nous apprendrait rien que ne puissent
nous montrer les études anatomiques qui vont suivre. J'ajouterai enfin
que M. Van Beneden est si bien de mon avis à cet égard que, parlant du
travail de Willemoes-Suhm, il accompagne le nom de Schistocephalus
dimorphus d'un ?.
C'est à Laboulbène que l’on doit l’article Lieuce, paru en 1869 dans
le Dictionnaire des sciences médicales de Dechambre (1). C’est un résumé
des notions déjà acquises, et l’on peut surtout y remarquer l'opinion
ainsi formulée : « Quand les Ligules sont arrivées à l'état strobilaire,
» leur corps ne présente pas de segments distincts; les proglottis restent
» unis sans se détacher, à la manière des cucurbitains des Ténias; toute-
» fois la multiplicité de l'appareil sexuel laisse voir la limite exacte des
» individus composant le ver cestoïde. »
Toujours à 1869 appartient l'ouvrage que je viens de citer, Les vers
et zoophyles de G. Cuvier (2). Quoiqu'il n’en porte pas le nom, il est dû
à M. Paul Gervais, et si je n’ai pas parlé en son moment du règne animal
de Cuvier, c’est que je réservais pour les publications de M. Gervais les
(1) A. Dechambre, Diclionnatre encyclopédique des sciences médicales, 2° série,
t. IF, art. LIGULE, p. 575, signé A. Laboulbène. Paris, 1869.
(2) Les vers et 3oophyles da Georges Cuvier. Paris, 1869, Baillière.
350 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
notions que j'avais à lui emprunter. Au texte de Cuvier M. Gervais
ajoute des figures, parmi lesquelles celles qui se rapportent aux Ligules
sont des reproductions des figures de Bremser. La Bothridie céphalique
y est bien indiquée. Quant au texte, il porte que la Ligula simplicissima
est parasite des cyprinoiïdes d'Europe ainsi que des oiseaux d’eau.
Je ne ferai que signaler le Manuel d'anatomie comparée de Gegenbaur, -
publié en 1874 (1). On y trouve quelques renseignements anatomiques
se rapportant à la segmentation, à la couche cuticulaire, aux fibres
musculaires et à l'appareil reproducteur des Ligules, dont l’auteur
constate la forme tubulaire. Je citerai encore de Gegenbaur l'opinion
que les canaux des vers plats forment un système de canaux excréteurs.
Au mois d'avril 1876, M. Lortet, professeur à la Faculté des sciences
de Lyon, fit à la réunion des Sociétés savantes, à la Sorbonne, une com-
munication sur les migrations des Ligules (2). IL indiqua les Ligules
comme étant tour à tour parasites des poissons d’eau douce, tels que les
tanches, et ensuite des oiseaux tels que les canards.
M. Lortet ne se borna pas à la simple narration de ces faits, qui étaient
déjà connus, mais il constata surtout que l'expérience les confirme et «
que le développement des organes reproducteurs s'effectue avec une
extrême rapidité. IL crut enfin devoir dire un mot de l'épidémie elle= …
même, et il a annoncé que les Ligules se sont si fort multipliées parmi
les poissons de la Bresse, que les propriétaires ont fait cette année des
pertes énormes. |
L'expérience, affirmative entre les mains de M. Lortet, venait à l’appui
de l'observation, et celui-ci pouvait affirmer ce qui avait été d’abord |
admis, puis rejeté, puis enfin admis comme hors de doute, ainsi que l'a
montré l'analyse de tous les travaux qui précèdent.
L'observation du savant organisateur du Muséum de Lyon semblait
indiquer un travail suivi: il n’en était rien cependant, et le sujet aban=
donné par lui fut repris par l’un de ses préparateurs, M. Duchamp, dans
les conditions que je vais indiquer tout à l'heure. 4
Mais auparavant j'emprunterai au travail qui va suivre une simple
phrase qui me parait avoir assez d'importance pour être signalée ici.
En analysant l’ouvrage de Bloch, M. Duchamp accuse M. Van Beneden
d'avoir dénaturé le texte de Bloch, et il ajoute : « Ainsi donc Bloch a
» ignoré la loi du parasitisme des Ligules, et bien qu’il eût été tout prés
» de résoudre la question, égaré par ses idées théoriques, et surtout par
» le besoin de les défendre, il ne fit pas de nouvelles tentatives où
» peut-être, le hasard aidant, la cause d’erreur aurait été écartée. »
Il semble découler de cette citation que M. Lortet n’a eu qu’à répéter
les expériences de Bloch en observant avec plus d'attention, et que, le
(4) Carl. Gegenbaur, Manuel d'anatomie comparée. Paris, 1874.
(2) Revue des Sociétés savantes des départements, 6° série, t. III, p. 362. 1876.
— Revue scientifique, 1876, Baillière, — Notes sur les communications de M. Lortet,
*
DE LA LIGULE. 351
hasard l'ayant beaucoup mieux servi qu'il n'avait servi ce dernier, il
avait pu voir l’évolution rapide dont il entretient la réunion. Il faut bien
reconnaître que ce n’est pas dans ce sens que s'exprime l’auteur de la
communication aux Sociétés savantes.
Mais, en physiologie expérimentale, faire la part du hasard un peu
trop grande me paraît une mauvaise méthode, et quand on veut avoir
la clé d’un phénomène, il ne faut pas instituer des expériences et les
diriger vers un but indéterminé en comptant trop sur le hasard, qui eût
pu, selon l'expression précitée, aider un peu plus Bloch et le mettre sur
la voie de la vérité, alors que, sans lui, il est resté dans l'erreur la plus
complète. Compter enfin sur le hasard, c’est s’enlever tout esprit d'ini-
| tiative et c’est faillir aux premiers devoirs imposés par les recherches
scientifiques sérieuses où il semble que l'esprit d’intuition ne puisse
laisser de place qu’à l’imprévu.
J'arrive enfin au dernier travail publié sur les Ligules. Il a pour
auteur M. G. Duchamp, que je viens de citer tout à l'heure, et il a été
publié en 1876 (1). J'ai cherché à faire:de la question qui m'occupe une
bibliographie aussi complète que possible, et si quelque lacune s’est
produite, je dois déclarer qu’elle aura été bien involontaire. C’est pour-
quoi je ne saurais passer sous silence une œuvre aussi récente que celle
du docteur Duchamp, quoique les quelques pages qui la composent
ne nous donnent que la simple confirmation expérimentale des faits
reconnus et bien nettement exprimés par les précédents observateurs.
Dès la première page, l’auteur semble avoir tranché une bien grande
difficulté : ila pu déterminer, en effet, un ver qui était bien connu
depuis fort longtemps, et, quoique ce ver ait de tout temps attiré l’atten-
tion des naturalistes, il déclare que lorsqu'il parut dans la Bresse per-
sonne ne songea à s'occuper de son histoire zoologique. De la Bresse au
canal de Bourgogne il n’y a pas bien loin, et dans ce qui précède j'ai
montré comment M. Brullé s'était occupé de cette histoire. Quant à
l'épidémie elle-même, j'en ai assez dit dans la préface de ce volume
pour n'avoir pas à y revenir ici.
Les débuts de M. Duchamp arrivent encore à propos pour confirmer
ce que j'ai déjà dit au sujet de la part que cet auteur attribue au hasard
dans ses expériences; car on peut lire au troisième alinéa la phrase dont
je reproduis ici une partie : « Dans le courant de l’année dernière, le
» hasard nous fit rencontrer, en disséquant des tanches, un certain
» nombre de ces parasites. » Six lignes plus haut, l’auteur avait cepen-
dant annoncé que les poissons attaqués par les Ligules périssent par
centaines de mille. Je ne vois pas que, dans ces conditions, le hasard ait pu
intervenir dans les constatations que M. Duchamp établissait après un
très-grand nombre d’observateurs.
Tous les auteurs précédents qui ont étudié l’histoire zoologique de ces
(4) G. Duchamp, Recherches anatom. et physiolog. sur les Ligules. Lyon, 1876.
302 DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L'HISTOIRE
parasites ontété, comme M. Duchamp, « vivement intrigués par leur sin-
» gulier habitat», et tous comme lui «ont cherché à les mieux connaître »,
Et si M. Duchamp n'a trouvé « dans les auteurs, quant à l’évolution et
» au développement, que des indications vagues », c’est qu'il a laissé de
côté, comme je vais le montrer, ceux qui ont donné les affirmations les
plus catégoriques. ete h
Puis l’auteur me semble peu autorisé à dire qu'il a essayé de déter-
miner le cycle des Ligules puisque ses études s'arrêtent juste au point où
tous Les observateurs ont laissé la question et que le retour du parasite
de l'oiseau au poisson n’a pas été abordé par lui. C'était, il me semble, |
le point le plus important à établir, vu l’état actuel de la question.
L'entrée en matière de M. Duchamp est terminée par une déclaration
que l’on ne saurait laisser passer inaperçue. L'auteur y proclame qu'il
ne s’est point contenté d'analyses plus ou moins fautives, mais qu’il est
remonté aux sources mêmes des citations auxquelles il a fait de larges
emprunts. Et, après semblable affirmation, on n’est pas peu surpris de
voir que, dès les débuts de son historique, M. Duchamp s’est contenté
d'emprunter à Rudolphi, sans remonter à leurs œuvres, les noms des
premiers observateurs. |
Ce chapitre est certainement le plus incomplet. Son titre même com-
porte la revue de tout ce qui a été écrit sur les Ligules. Cette revue …
devrait être à la fois complète et consciencicuse. Elle manque de ces
deux qualités essentielles, et, pour rester dans le cadre d'analyse que je
me suis tracé à l'égard de chaque auteur, je dirai que M. Duchamp n’a
pris dans les quelques auteurs qu'il a cités que ce qui pouvait donner à
son œuvre un caractère de nouveauté.
C'est ainsi, par exemple, que M. Duchamp s’est empressé de citer les
textes de M. Van Beneden où il est dit que les embryons des Ligules
n'ont pas de crochets; de cette citation et de la discussion qui suit ilré=
sulterait que M. Duchamp seul a montré les embryons hexacanthes des …
Ligule:. Mais c’est ce qui ne saurait être admis, attendu que dans l’ou-.
vrage de M. P. Gervais et Van Beneden on peut lire la phrase que j'ai
déjà citée : « Les embryons ou protoscolex de plusieurs d’entre eux ont
» montré les six crochets des jeunes des Ténias ordinaires avant même
» leur sortie de l'œuf; » et attendu surtout les faits sur lesquels je vais.
attirer l'attention. ra
A la page 40 du travail de M. Duchamp on peut lire : « Celui-ci (il
» est question de l'embryon des Ligules) était complétement inconnu.
» Deux auteurs seulement en font mention, et encore avec une diver:
» gence totale. Diesing, qui les cite dans sa révision Der Cephalocotyleen,
» donne, d’après Wagener, ces quelques mots : « Embryo adhuc
» dubius, Ligulæ speciei incertæ, ovalis uncinulis seæ, subrectis versus unam
» extremitatem » (p. 31). Puis il renvoie au mémoire de M. Van Bencden
lequel dit simplement que «le tissu qui constitue l'embryon est granu-
» leux, et on ne voit rien qui ressemble à des crochets », (Op. cit., p. 41.)
. DE LA. LIGULE. 5H)
» De ces deux propositions l’une est erronée, l’autre tellement hypo-
» thétique et incomplète qu'il est permis de la regarder comme fantaisiste.
» L'observation directe des faits est donc le seul guide auquel nous
» avons dû avoir recours pour la solution de ce second problème. »
On reconnaitra avec moi que c’est pousser le mépris des prédéces-
seurs à ses limites extrêmes que de taxer ainsi des œuvres que l’on a
dédaigné de lire. Et si, comme il le dit dans son introduction, M. Du-
champ, pour éviter des citations plus ou moins fautives, avait pris la
précaution qu'il annonce, si, en un mot, remontant aux sources, il avait
consulté l'ouvrage de Wagener, il ne se serait peut-être pas laissé cntrai-
ner à une semblable appréciation. Il aurait lu, en effet, dans le mémoire
de Wagener, imprimé en allemand et inséré en 1857 dans les Mémoires
de la Société des sciences de Haarlem, la dissertation bien motivée sur
l'embryon des Ligules, dissertation pour laquelle je renvoie à ce que j'ai
dit plus haut en parlant de Wagener.
Je ne lui reprocherai pas d’avoir laissé de côté les écrits de Linné, de
Cuvier, de Lamarck, de Duméril et d’autres, où il n'est question des
Ligules que d’une manière tout à fait accessoire; mais je ne saurais
admettre que quiconque s'occupe d’helminthes n’aille pas demander
des renseignements à Bremser, à Dujardin, à de Blainville, à Siebold et
à tant d’autres que M. Duchamp n’a même pas pris la peine de consulter.
S'il l’eût fait, il aurait connu exactement l’état de la question, et il ne se
serait pas exposé à donner à ses conclusions une forme presque iden-
tique à celle que l’éminent zoologiste allemand avait dounée aux
siennes.
De l’aveu de l’un des plus forts helminthologistes de notre époque,
les recherches bibliographiques en helminthologie sont fort difficiles, et,
pour me servir de l'expression de M. Van Beneden, elles sont fort péni-
bles. Les écrits sur ce sujet sont nombreux et répandus dans une quan-
tité de recueils que l’on ne peut pas toujours avoir sous la main. Mais si
l'on est excusable de ne pas connaître les notes éparses dans tous les
recueils étrangers, il n’en est pas de même des œuvres de Siebold, tra-
dyites en anglais par Huxley, et dont une traduction française a été
insérée dans les Annales des sciences naturelles.
Que deviendraieni donc les travaux de nos illustres maitres si les
commençants se permeltaient de les interpréter ainsi ou de les ignorer
complétement? Conçoit-on, par exemple, des recherches sur la circu-
lation des animaux inférieurs qui ne s’appuicraient pas sur les remar-
quables travaux de M. Milne Edwards? Se figure-t-on des Études sur
les fermentations laissant dans l'ombre les travaux de M. Pasteur? Et
dans tout travail, enfin, ne doit-on pas avant tout s’enquérir de ce qu'ont
fait nos prédécesseurs et nos maîtres?
Le travail de M. Duchamp n’est que la simple confirmation expéri-
mentale de ce qui a été, ainsi que je l'ai montré plus haut, énoncé par
Sicbold; dès lors, pourquoi ne pas faire figurer ce qui aurait dû être
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. x] (4877). 23
394 DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L'HISTOIRE
pris pour point de départ? Pourquoi aussi M. Duchamp n'a-t-il pas dit
un mot de l’ouvrage de Bremser. Les renseignements qu'il y aurait
trouvés lui auraient élé cependant très-utiles, et il en eût été de même
de ceux qu'auraient pu lui fournir de Blainville et tant d’autres.
Ce que l'historique écrit par M. Duchamp offre de plus surprenant,
c'est qu’il n’y est nullement question de la Note de M. Lortet, note que
je viens de rapporter plus haut. Dans son avant-propos, l’auteur adresse
bien à M. Lortet son témoignage de reconnaissance pour l'appui et les
copseils qu'il lui a prodigués; maïs il se borne à cela, etil ne dit pas un
mot de la communication de M. Lortet. Dans tout l'ouvrage de M. Du-
champ il n’est pas autrement question de l’éclaircissement que M. Lortet
avait apporté au sujet. Cette lacune est profondément regrettable, car
elle laisse supposer que M. Duchamp a constaté expérimentalement les
migrations des Ligules alors que par la communication de M. Lortet il
est bien établi que c’est à ce dernier qu’appartient la confirmation expé-
rimentale des faits antérieurement bien affirmés par l'observation. Et
j'ajouterai que cette simple confirmation ne demandait, ainsi que l'a
très-bien compris M. Lortet, qu'un compte rendu de dix lignes.
Mais ce que je reprocherai surtout à ce chapitre I”, c’est que les
citations ne s'étendent pas aux seuls points anatomiques sur lesquels
l’auteur ait donné une indication quelque peu exacte. C'est ainsi que les
fibres musculaires, le système vasculaire, etc., avaient été déjà assez
bien décrits pour que M. Duchamp ait dû, à côté de ses propres études,
placer celles de ses devanciers.
Ce nouveau point de vue m'amène aux chapitres qui se rapportent à
l'anatomie des Ligules. Je diviserai en deux parties les notions qu'ils
fournissent. La première, consacrée à l’anatomie générale, ne relate
presque aucun fait nouveau, et c'est celle qui approche le plus de la
vérité.
Quant à la seconde, on peut en dire que l'observation la plus atten-
tive et la plus minutieuse ne saurait démontrer ce que décrit M. Duchamp.
C’est bien vainement que l'on chercherait tout ce qui se rapporte au
pénis, aux cupules mâles et femelles, au germigène, au vitellogène, etc.
IL n’est pas jusqu’à la configuration des matrices qui ne soit aussi
éloignée que possible de la vérité. Ce n’est pas du reste ici que je peux
le démontrer. Il me faudrait anticiper sur la suite de mon travail, et je
vais avoir l’occasion de compléter ces simples observations par l’étude
que j'aurai à faire de l’organisation des Ligules.
Il me resterait enfin à parler du chapitre consacré à ce que M. Du-
champ appelle « Recherches expérimentales, Parasitisme ». Ici, comme
dans l'historique, l’auteur semble n'avoir rien négligé pour que son
œuvre soit aussi parfaite que possible, mais on doit regretter sincère-
ment les résultats contradictoires auxquels ont conduit la plupart des
expériences. Mais, de même que pour l’anatomie des organes, je devrai .
revenir sur ces expériences, et je me vois obligé, par l’ordre que je suis
DE LA LIGULE. 399
dans mon travail, d’en renvoyer l'analyse à ce que j’aurai à décrire à
propos des migrations des Ligules. Je me bornerai pour le moment à
cette simple citation : « Le 21 décembre 1879 un canard avale deux
» Ligules ; il est laissé ensuite en demi-liberté et nourri avec des pommes
» de terre et du pain. On prend soin de s'assurer que les Ligules ne sont
» pas expulsées avec les matières fécales. »
Or, non-seulement les Ligules sont expulsées avec les matières fécales,
mais encore elles sont expulsées vivantes. C’est dans cet état et pleines
d'œufs qu'on les retrouve au moins neuf fois sur dix dans les déjections.
Et cependant M. Duchamp, s'appuyant sur le soin qu’on a pris, affirme
le contraire.
Déterminer les conditions dans lesquelles se fait le développement de
la Ligule semblait devoir être le corollaire expérimental de la preuve
du développement fournie par l’expérience. On est porté à regretter
que M. Duchamp n'ait pas poussé jusqu’au bout ses investigations,
et ce n’est pas sans quelque surprise que l’on peut comparer ces deux
phrases mêmes de l’auteur, qui, placées aux premières et aux dernières
pages, semblent indiquer d’abord un travail complet, puis une bonne
volonté devenue stérile. Deuxième page de l’avant-propos : « C’est la
» raison qui nous à engagé à en entreprendre l'étude anatomique et phy-
» siologique, et à essayer d'en déterminer le cycle... -». Page 45 ou
avant-dernière du mémoire : « Que deviennent ces embryons ciliés après
» leur sortie de l’œuf? Aujourd’hui nous ne pouvons encore nous pro-
» noncer sur cette question, les expériences que nous avons instituées
» pour tâcher de suivre jusqu'à la fin les métamorphoses des Ligules
» ne nous ayant pas encore donné de résultat. »
Et plus bas : « Nous ajouterons même en faveur de cette dernière ma-
» nière de voir, que nous avons trouvé fréquemment sur des tanches
» provenant des étangs de la Bresse, dans des kystes microscopiques,
» situés au milieu des fibres de la tunique externe de l'intestin et très-
» près de la surface, des parasites rudimentaires qui pourraient bien.
» être des Ligules en voie de développement. La suite de nos observa-
» tions nous montrera s’il faut accepter ou rejeter cette opinion. »
Il n’est pas nécessaire de s’arrêter plus longtemps à ce dernier membre
de phrase, car les kystes dont parle M. Duchamp sont bien connus de
tous les helminthologistes, ils ont été suffisamment décrits, et les Néma-
toides qui les habitent offrent à l'observateur une organisation qu’il n’est
nullement difficile d'apercevoir.
La dernière page est consacrée aux conclusions. Ce n’est certes pas la
| plusinstructive, car elle reproduit avec peu de variantes des phrases
| que j'ai eu occasion de citer en analysant les travaux des auteurs pré-
cédents.
€ La Ligula simplicissima de la Tanche est la larve de la Ligula mo-
» nogramma », dit M. Duchamp. Mais nous avons vu plus haut que, par-
lant de la Ligula simplicissima, M. Brullé a dit : « Pendant ce qu’on
396 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
» regarde comme leur état de larve ; » j'ai également montré comment
Wagener, parlant de la Ligula proglottis dit : « Il faut donc la regarder
» comme une larve. »
Et Siebold est encore plus précis, lorsqu'il affirme les faits que M. Du-
champ résume ainsi : « Pour arriver à l’état parfait caractérisé surtout …
» par le développement des organes génitaux, Le cestoïde doit passer par
» l'intestin d’un oiseau aquatique. » Et si la phrase de Siebold pour la-
quelle je renvoie à quelques pages plus haut ne suffisait pas, je rappro-
cherais encore cette expression de M. Brullé : « l’autre ovipare lorsque
» ces vers sont parvenus à l'état parfait. »
Parler ici des deux dernières conclusions serait anticiper encore sur
les études qui vont suivre, et je répéterai ce que je viens de dire à pro-
pos de l’anatomie des organes et des expériences, c'est que je serais
forcé d’entrer dans des développements que ne comporte pas cette revue
historique. Je n'ai dans ce chapitre qu'à bien établir les faits acquis et
à préciser l’état de la question. Aussi les observations qui se rapportent
à l’anatomie et à la physiologie proprement dites trouveront-elles mieux
leur place dans les chapitres suivants.
Je n’ai d’ailleurs donné que trop d’importance à l'analyse de l'œuvre
de M. Duchamp, mais j'espère que ce développement sera justifié par
ce seul fait que cette œuvre semble afficher la prétention d’être, pour
les Ligules, l'expression indiscutable de la science actuelle. Je dirai enfin
que parmi les médiocres figures qui accompagnent le mémoire, celle
qui représente la Ligule est certainement la plus mauvaise qui ait été
publiée jusqu'aujourd'hui.
À la publication de M. Duchamp s'arrêtent toutes les notions biblio-
graphiques que je peux fournir sur les Ligules, car, n'ayant pu les lire,
je ne peux que signaler les observations, d'ailleurs peu importantes,
pour le sujet qui m'occupe, de Frisch, Frolich, Nitzch et Bellingham.
C'est au même titre que j'ai passé sous silence les deux ou trois au-
teurs qui ont parlé d’un systeme nerveux chez les Ligules. es recher-
ches anatomiques suffisent pour montrer qu'il y a eu confusion, proba-
blement avec le système vasculaire, car on ne rencontre pas de système
nerveux chez ces helminthes.
Et fe ne saurais enfin attribuer* à l’histoire des Ligules les quelques
mots que leur consacre le docteur Magnin (1). Dans un travail essen-
tiellement médical et fait à un point de vue tout autre que celui des
Ligules, M. Magnin parle d’un exemple de polymorphisme « encore peu
connu » dit-il, qui vient à l’appui de la théorie suivant laquelle on con-
sidère les terrains humides comme des terrains constituant un milieu.
très-favorable au développement des larves. n
Avant d'aborder les études anatomiques, j'indiquerai l’ordre que j'ai
cru devoir suivre pour étudier complétement mon sujet. 4
(1) A. Magnin, Recherches géologiques, botaniques et statistiques sur l'impalu-
disme dans la Dombes et le miasme paludéen. Paris, 1876. 4/1
DE LA LIGULE. 397
Cet ordre m'est dicté par la manière de vivre du parasite que je prends
à l’état d’œuf et que je suis dans les différentes phases de son existence
jusqu’au moment où il reproduit l'œuf, c’est-à-dire l'élément par lequel
il a lui-même débuté.
C’est ainsi que je traiterai successivement de l'œuf et de son développe-
ment, de l'introduction du scolex et de la Ligule à l'état strobilaire dans
le poisson, de l’état de proglottis dans les oiseaux ct de la formation des
œufs.
Ce seront tout autant de chapitres qui se relieront les uns aux autres,
et qui permettront de suivre ce que l'on appelle le cycle complet de
ces parasites, cycle entrevu à l’état incomplet et mal défini jusqu’à
présent.
DEUXIÈME PARTIE
ÉTUDES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES.
L'ordre que j'adopte dans cette deuxième partie ne me paraît
pas devoir être expliqué longuement. Il est le plus naturel, car il
consiste à prendre la Ligule dès sa première formation, c’est-à-
dire au moment où elle se constitue dans l'œuf d’où elle doit
sortir, et à la suivre dans les diverses phases de son existence
jusqu’au moment où fermant le cycle, elle donnera naissance à
l’œuf qui aura été le point de départ. C’est à ce litre que j'étudie
en première ligne l'œuf pris au moment où il vient d’être expulsé
des matrices et rejeté dans l’eau.
F="DE L'ŒUr,
Forme et constitution. — Il est un fait qui frappe tout d’abord
lorsqu'on examine les œufs de Ligule : c’est la différence qui
existe entre ces éléments de propagation. Les uns apparaissent
transparents et incoiores; dans leur intérieur on aperçoit claire-
ment des granulations caractéristiques ; tandis que d’autres se
montrent opaques, colorés en brun et presque vides des granula-
lions qui remplissent les précédents. L'observation du dévelop-
pement permel de constater que les premiers seuls se développent
tandis que les seconds ne donnent naissance à aucun embryon.
La proportion de ces derniers est assez considérable, et il
308 DONNADIEU. -— CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
semble qu’il y ait dans ce fait même une entrave à la trop active
multiplication des Ligules. Lorsque Je traiterai de la formation
des œufs, j'indiquerai les causes de la Meraté que je ne fais que
constater à présent.
Cette différence dans les aspects a donné lieu à diverses inter-
prétations. Quelques auteurs ont dit que les œufs de Ligule sont
incolores et transparents, tandis que d’autres ont affirmé que les
mêmes œufs sont colorés en brun. Les deux existent simultané-
ment, et le seul reproche que l’on puisse adresser äux observa-
teurs, c’est d’avoir généralisé l’un des deux faits particuliers
sans tenir compte de l’autre.
Quoi qu'il en soit, la forme et les dimensions restent à peu près
les mêmes. Les œufs ont la forme ovale comme tous leurs ana-
logues de la famille des Dibothridés. Cette forme a été constatée
depuis très-longtemps et n'a pas peu contribué au rapproche-
ment établi entre les genres de cette famille. L'ovale est bien
arrondi aux deux bouts et mesure de 5 à 6 centièmes de milli-
mètre dans son grand axe et de 4 à 5 centièmes de millimètre
dans le plus petit axe, c’est-à-dire dans l'axe transversal.
L’enveloppe est lisse, elle est de nature chitineuse et en même
temps imprégnée de substance calcaire. Traitée par un acide
elle se ramollit et l’œuf peut être écrasé assez facilement ; soumise
à l'action de la potasse elle se détruit complétement et il n'en
reste plus qu’une masse informe et sans consistance. Les acides
concentrés mettent en évidence une ligne annulaire três-rappro-
chée de l’une des extrémités. C’est le sillon suivant lequel se
détachera plus tard la partie de l’enveloppe qui constituera: un
opercule. Quelques auteurs avaient déjà indiqué cette action dé
l'acide sulfurique sur les œufs du Bothriocéphale.
La coquille chitineuse de l’œuf brunit lorsqu'elle devient plus
épaisse ou bien lorsqu'elle appartient à un œuf qui, ne devant
pas se développer, peut être considéré, qu’on me permette cette
expression, comme déjà mort dans la matrice. Ce n’est d’ailleurs
que dans ce dernier cas qu'elle devient plus épaisse et sous ce
rapport on doit encore établir une différence entre les œufs
stériles et ceux qui se développeront,
4
1
DE LA LIGULE. 399
L'œuf ainsi délimité renferme dans son intérieur une masse
divisée en parties de dimensions variables et le remplissant
presque complétement. Vers le milieu de l'œuf on aperçoit une
vésicule claire qui contraste nettement avec les précédentes.
Faut-il y voir une véritable vésicule germinative? C’est ce que
je ne saurais affirmer, attendu que sa présence n’est pas con-
stante et que ce n’est pas sur tous les œufs que je l’ai ren-
contrée. (Ilreste sous-entendu que désormais je ferai abstraction
de tous les œufs stériles.) L'aspect singulier de l’œuf à cette
_ phase de son existence avait été déjà remarqué par beaucoup
d’observateurs et tous ont constaté comme moi qu'il est rempli
de grosses masses irrégulières quant aux dimensions et assez
peu serrées pour conserver leur forme également irrégulière.
Conditions de développement. — L’œuf reste peu de temps
dans cet état et s’il n’est pas placé dans des conditions favorables
à son développement, 1l ne tarde pas à périr. C'est ce qui m'a
été démontré par l’expérience suivante :
Expérience 1. — J'ai mis des œufs sur de la vase humide et sur une
lame de verre. J'ai laissé le tout se dessécher lentement. La dessiccation
a totalement altéré les œufs qui sont devenus incapables de se dévelop-
per. C’est donc bien à tort que l’on a quelquefois prétendu que les
étangs desséchés pouvaient conserver les œufs du parasite, car l’expé-
rience est ici d'accord avec l'observation que j'ai citée dans l’introduc-
tion. Les œufs se détruisent dans les étangs qui se dessèchent, et l'œuf,
altéré par la dessication, ne conserve plus la faculté de germer. Je pour-
rais même ajouter ceci : avec des œufs isolés j'ai placé dans les con-
ditions précédentes des fragments de Ligules pleines d'œufs. Ces derniers
ont presque tous éclaté et ont été écrasés par la pression de la substance
du corps qui, en se desséchant, devenait compacte et se contractait beau-
coup.
Mais avant d'aborder l’histoire elle-même du développement,
il me paraît indispensable d'indiquer dans quelles conditions ce
développement s'effectue et je dois, pour cela, décrire les expé-
riences qui m'ont donné les résultats les plus concluants.
L'idée de placer les œufs de Ligule dans l’eau pour les faire
développer n’est pas une idée nouvelle; en se reportant aux cha-
pitres de l'historique, il est facile de constater que cetteidée avait
360 = DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
été déjà mise à exécution. J'ai donc suivi la méthode ordinaire
et j'ai placé les œufs dans un vase où l’eau était tenue à Pétat
d’eau courante par un très-faible écoulement; mais j'ai varié l’état
de cette eau par les conditions suivantes :
Expérience 2. — Je place les œufs dans un courant d’eau (courant
obtenu goutte à goutte par le flacon de Mariotte, d’une part, et le siphon
effilé pour qu'il soit constamment amorcé, d’autre part) maintenu à la
température de 12 et 16 degrés centigrades. Le développement s'effectue
dans l’espace de cinq semaines environ, car au bout de la quatrième se-
maine j'avais déjà des éclosions et elles étaient terminées vers le milieu
de la sixième semaine.
Expérience 3. — J'installe un appareil semblable dans les bassins de
la Victoria (serres du parc de la Tête-d’Or) et je le dispose de telle façon
que le vase dans lequel sont les œufs est enfoncé aux trois quarts dans
le bassin, tandis que le flgcon générateur est alimenté par l’eau du bas-
siu. J'ai ainsi dans le vase d’éclosion une température qui pendant toute
la durée de l'expérience oscille entre 30 et 32 degrés centigrades. Dans
ces conditions le développement marche très-rapidement, et au bout de
la première semaine tous les œufs étaient éclos.
Expérience 4. — Le vase d’éclosion est placé dans un récipient qui
contient de l’eau dans laquelle sont constamment tenus des morceaux
de glace. Dans le flacon de Mariotte je maintiens également des mor-
ceaux de glace, et j'ai ainsi dans le vase à éclosions une température
qui, pendant la longue durée de l'expérience, se maintient entre deux
et quatre degrés. Le développement est extrêmement lent, c’est à peine
si à la sixième semaine on remarque dans l’œuf les changements qui,
dans les conditions normales, peuvent être appréciés dès la deuxième
semaine. À la fin du troisième mois j'arrête l'expérience, et à ce mo- .
ment, quoique notablement avancés, les œufs ne sont pas encore
éclos.
Ces preuves sont plus que suffisantes pour donner la raison
des faits que j'ai avancés dans l'Introduction, et l'on cemprend
maintenant pourquoi, dans les étangs réputés chauds, le parasite
se développe plus vite et plus abondamment que dans les étangs
froids. Il faut ajouter à cela que les chances de destruction sont
augmentées d’aulant plus que le temps du développement est
plus long et que le nombre d'œufs entraînés par un courant est.
d'autant plus considérable que ceux-ci mettent plus de temps
éclore.
Les conditions du développement changent fort peu, suivant
DE LA LIGULE. 361
que l’on expérimente sur des œufs rendus libres ou sur des œufs
laissés dans le corps des Ligules qui les ont produits. Mais dans
ce dernier cas il ne faut pas négliger une précaulion sans laquelle
les résullats pourraient devenir négatifs. [l faut établir un courant
assez fort pour qu'il puisse entraîner les parcelles du corps de la
Ligule au fur et à mesure que celui-ci se désorganise ; sans cela il
se forme autour des œufs un amas de moisissures qui ne tarde pas
à envelopper l'œuf et à le faire périr. C’esl à cette circonstance
_ qu'il faut certainement attribuer les insuccès de ceux qui :e sont
contentés de placer les œufs dans une pelite quantité d’eau qu’ils
n'ont même pas songé à renouveler.
Développement. — Formation du scolex.— Lorsque l’œuf est
placé dans des conditions favorables à son développement, on voit
en premier lieu se former dans son intérieur, et à peu près au
centre, un petit espace clair qui devient bien vite-une vésicule
sphérique autour de laquelle viennent se grouper des vésicules
semblables (fig. 60). Mais au fur et à mesure qu'elles augmentent
en nombre, elles augmentent aussi en volume et elles paraissent
l'origine de ces grosses sphères constatées par Siebold et quelques
autres observateurs, sphères qui doivent se rapporter à ce que
Coste a appelé les sphères organiques (fig. 7). Dans cet état
l'œuf rappelle beaucoup l’aspeet primitif (fig. 1), et la différence
la plus importante à noter c’est que les masses divisées sont,
celte fois, des sphères plus petites et aussi plus nombreuses.
Il y a donc au début un vitellus non homogène dont la sub-
stance se modifie pour faire place à des éléments vésiculaires
dont le rôle doit se rapporter aux portions segmentées d'un
vitellus conacensé en une seule masse. Les sphères organiques
doivent donc signifier ici un vitellus arrivé au terme de sa
segmentation ; car on voit après leur formation se produire les
phénomènes qui suivent le plus ordinairement cette phase de la
vie de l'œuf.
: À la surface apparaissent bientôt des cellules polyédriques
dont on distingue nettement le noyau central et il se forme un
revêtement analogue à celui que j'ai relrouvé chez certains Aca-
riens, alors que M. Balbiani l'avait déjà indiqué chez les Ara-
362 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
néides. C’est la phase la plus rapide et cette formation est à peine
terminée (fig. 8) que déjà on distingue dans le centre de l'œuf
resté clair une grosse vésicule sphérique (fig. 9). Cette dernière
est le point de départ de l'embryon qui, désormais, ira toujours
en grandissant pendant que se constitueront les corpuscules cal-
caires qui remplissent l’espace clair dont elle est entourée.
Ces corspuscules se forment dans un milieu liquide qui en-
toure complétement l'embryon. Celui-ci conserve sa forme sphé-
rique; il grandit, refoulant toujours vers les parois la masse
liquide renfermant les corpusceules qui resteront constamment
circa-embryonnaires. Ces éléments serviront à constituer cette
enveloppe que Bertolus a nommé Embryophore et que Siebold,
Leuckart et tant d’autres avaient constaté bien avant la publica-
tion des travaux de Bertolus. |
L’embryon est rempli intérieurement de corpuscules calcaires;
mais ces corpuscules beaucoup plus petits se distinguent bien
facilement des précédents et font aisément reconnaître l’em-
bryon, car la membrane qui l’enveloppe est très-mince et très-
transparente. Peu à peu cette membrane s’accuse nettement,
l'embryon prend une consistance bien définie et l’on voit
apparaître de petits tubercules qui, ainsi que l’a indiqué Leu-
ckart, deviendront des crochets.
Ils se montrent au nombre de 6 disposés par 3 paires et occu-
pent la position que tous les helminthologistes ont décrite dans
les larves hexacanthes des Cestoides. Ils sont rassemblés vers
l'extrémité antérieure de l'embryon et ils forment autour de la
portion céphalique une couronne à 3 branches. Vus de face, ils se
montrent comme placés à l'extrémité de 3 rayons qui diviser aient
la circonférence en 3 parties égales (fig. 15); vus de profil, ils
ont la disposition que M. Duchamp a si singulièrement exprimée
par les aiguilles d’une montre placée sur midi, 2 heures et
10 heures. Une observation superficielle peut seule faire indi- »
quer une semblable position, qui n’est que relative; car, en faisant ,
varier la distance du microscope à l'objet il est facile de s’assurer
que les crochets du milieu ne sont pas sur le même plan que |
ceux qui paraissent latéraux et la position exacte est celle que
DE LA LIGULE. 363
j'ai indiquée comme montrant lés crochets disposés en cou-
ronne autour du centre céphalique.
Les crochets ont encore donné lieu de la part de l'observateur
précédent à une erreur d'interprétation qui n’est due qu’à un
grave défaut d'observation. Bertolus indique les crochets en bas,
tandis qu’ils sont en haut, dit M. Duchamp. Tous les deux ont
raison : car les crochets peuvent être aperçus dans toutes les posi-
tions (fig. 14, 12,13, 15) attendu que l'embryon est mobile dans
l'œuf. Il tourne sur lui-même et son mouvement est assez lent
pour n’êtré pas aperçu au premier abord.
Voici comment j'ai pu m'assurer de ce fait important, que
Wagener semble avoir entrevu en partie ; car il a déjà dit : « On
voit quelquefois l’animal faire des mouvements de ses crochets
dans l'œuf; » et il ajoute même: « Cela laisse supposer qu’il se sert
de ses crochets pour ouvrir l'œuf. » J'ai placé sur une lame de
verre les œufs parvenus à la période du développement que
J'examine. Je les ai recouverts d'un verre mince soutenu par 2 fils
assez gros pour empêcher le verre de presser sur l'œuf. J'ai dis-
posé le tout sur la platine du microscope et j'ai établi entre le
couvre-ohjet et la lame de verre, c’est-à-dire dans l’espace ren-
fermant les œufs, un courant d’eau entretenu par des fils plon-
geant dans des vases arrangés de telle façon que ces fils puissent
remplir l'office de siphons. Dans ces conditions il m’a été possi-
ble de suivre l’évolution pendant des journées entières et j'ai pu,
par des observations fréquentes, me convaincre de la rotation
lente que l'embryon effectue sur lui-même, rotation qui amène
les crochets dans toutes les positions.
Pendant toute la durée de l’observation, l'œuf que j'avais
orienté en plaçant son grand axe dans l'axe longitudinal de la
platine n’a pas varié dans sa position, ce qui démontre bien que
l'embryon seul se meut sans entraîner l’œuf tout entier dans son
mouvement.
Éclosion. — Au fur et à mesure que l'embryon avance dans
son développement on voit se dessiner vers l’une des extrémités
de l’œuf la petite ligne annulaire dont j'ai parlé tout à l'heure
en disant qu’elle était rendue visible par les acides concentrés.
364 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
C'est la ligne suivant laquelle la partie supérieure de l'œuf se
détachera comme un couvercle ou opereule. Il y a bien long-
temps que ce singulier mode d’éclosion a été mis en lumière et
Siebold, Leuckart, Wagener, Willemæs-Suhm, etc., ont bien
décrit les œufs operculés des Bothriocéphales et des Ligules.
Aussi n’apprendrai-je rien de nouveau en disant que le petit
opercule se soulève au moment de l’éclosion pour livrer passage
à l'embryon. Celui-ci se meut très-vivement dans l'œuf, il
s’allonge et, s’arc-boutant sur les parois de l'œuf, il presse sur la
région de l’opercule qui se détache et s'ouvre. +
Le point par lequel il se présente est três-variable ; mais en
général les crochets sont vers l’opercule ou à l'opposé ce qui fait
que l'embryon éclot tantôt droit et tantôt renversé.
Le plus souvent l’'embryophore se rompt au moment de l’éclo-
sion, mais quelquefois il accompagne l'embryon pendant quelque
temps encore. Dans le premier cas, les corpuscules calcaires qui
remplissent l’embryophore sont rejetés en partie par les mouve-
ments de l’éclosion tandis qu’une autre partie reste dans l'œuf;
aussi, n'est-il pas rare de rencontrer parmi les œufs éclos beau-
coup d'œufs renfermant encore un assez grand nombre d’élé-
ments embryophoriques. Dans le second cas, l'embryon reste
enfermé dans l'embryophore et il n’en sort qu’au bout de plu-
sieurs jours. |
Willemæs-Suhm a bien observé le premier mode d’éclosion
que je donne comme étant le plus normal et le plus fréquent
(fig. 14); Siebold, et avec lui beaucoup d'auteurs, ont bien observé
le second. Siebold même compare très-justement les mouvements
de l'embryon pourvu de son embryophore à ceux du vo/voz.
Knoch, qui avait aussi constaté ce mode d’éclosion, ne le trouvait
pas normal ; Leuckart a affirmé le contraire. Les figures de Leu-
ckart, reproduites par Cobbold, montrent « embryon hexacanthe
des Bothriocéphales s ia de sa couverture ciliée. » |
Enfin, d’après Cobbold, SchubartetSiebold auraient été les pre-
miers à montrer le caractèré cilié des embryons. C’est qu’en effel
les mouvements sont tels qu’ils ne doivent laisser aucun doute sur
l'existence d’un revêtement ciliaire. Mais ce revêtement est bien
DE LA LIGULE. 365
loin d’être ce que quelques auteurs l'ont figuré. Leuckart ayant
représenté de très-longs cils vibratiles autour de l’embryophore,
ceux qui sont venus après lui en ont fait autant et ainsi s’est con-
servée la tradition qui attribue à lembryophore des cils vibra-
tiles d’une longueur plus que douteuse. Je n’ai jamais pu les voir
dans cet état et c’est tout au plus s’il m'a été permis de constater
à la surface des cils très-courts, et encore, en ce qui concerne
l'embryon lui-même, je dois déclarer ces organes douteux (fig. 15
et 16). Il est bon cependant de faire remarquer que les mouve-
ments de l'embryon sont exactement ceux des infusoires ciliés.
Quoi qu’il en soit, lorsque l’embryophore s’est rompu et que
l'embryon est devenu complétement libre il se comporte comme
un véritable infusoire. Il se met à nager en tournant sur lui-
même avec une extrême rapidité. Je ne saurais mieux comparer
ce mouvement qu à celui d’une toupie qui lournerait sur sa base
la pointe restant en l'air.
La forme de l'embryon est ovoïde, l'extrémité céphalique est
la plus étroite ; elle présente les 6 crochets qui ne se distinguent
ici, comme d’ailleurs dans toutes les phases embryonnaires,
qu'assez difficilement et ne peuvent être aperçus qu'à l’aide de
forts grossissements. On ne voit aucune ouverture buccale, le
contenu de l'embryon est granuleux et, à cet état, la Ligule est
très-transparente.
Placés dans de l’eau à 5 degrés, les embryons meurent au
bout de un ou deux jours; placés dans de l'eau à 30 degrés, ils
meurent au bout de quatre jours environ; enfin, dans l’eau à la
lempérature ordinaire, c'est-à-dire de 12 à 18 degrés, on peut
conserver les embryons vivants pendant assez longtemps. Jai pu
en conserver ainsi pendant dix jours et je les trouvais toujours
à la surface de la vase dans les petits aquariums où je les tenais.
C’est là un point assez important à noter, car il montre que les
embryons ont les habitudes de la plupart des infusoires.
Ce stade de l’évolution des Ligules correspond exactement à ce
que l’on a nommé scolex, et c’est le nom que j'adopterai désor-
mais pour désigner l'embryon sorti de l’œuf et devenu libre.
. (La suite au prochain numéro.)
366 DONNADIEI. :— CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
EXPLICATION DES PLANCHES
OBs. — Toutes les figures dont le grossissement est indiqué ont été
dessinées à la chambre claire. Chaque fois qu'une figure est accom-
pagnée de cette mention : Préparation n° .…, cela signifie qu'elle est
dessinée d’après la préparation conservée dans mes collections sous le
numéro indicateur. La mention : Tube n° ... signifie que les Ligules
auxquelles ont été empruntés les matériaux de la préparation dessinée
sont conservées en collection dans les tubes portant le numéro inscrit.
PLANCHE XIV.
Fié. 1. —Les Ligules dans la cavité abdominale de la tanche. (Gross. nat.)
a. Les reins.
. La vessie natatoire.
. Les ovaires.
. Une partie du foie dont la surface est aitérée.
La masse intestinale offrant les altérations caractéristiques.
. La région anale gonflée et pleine de liquide sanguinolent.
. L’extrémité d’une Ligule prête à perforer la peau vésiculeuse de
cette région.
Les Ligules dans leur position normale.
. — La Ligule de Ia tanche à l’état normal. (Gross. nat.)
. Extrémité antéricure.
. Extrémité postérieure.
FiG. 3. — La même Ligule dans l’eau à 30 EN (Gross. nat.)
FiG. 4. — La même Ligule après quelque temps de séjour dans l’eau
froide.
O2 NS Q ©
Fic.
© & D
PLANCHE XV.
FiG. 9, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13. — Les œufs aux diverses périodes de
leur développement. (Gross. 1200 diam.; préparations n° 60, 83.)
Fi. 14. — Éclosion de l'embryon. L’embryophore se rompt
F6. 15. — L'embryon ayant conservé son embryophore à l’éclosion.
F16. 16. — L'embryon isolé à l’état de Scolex muni de ses six crochets.
FiG. 17. — Un crochet vu de face.
FiG. 18. — Un crochet vu de profil.
PLANCHE XVI.
Fic. 19: — Ligule des tanches (très-jeune) 19a. (Gross. nat.; | prépara= À
tion n° 65.)
DE LA LIGULE. 307
Fi6. 20. — Ligule plus jeune que la précédente 204. (Gross. nat.; pré-
paration n° 19.) |
Fic. 21. — Ligule jeune contractée 214. (Gross. nat.; préparation n° 18.)
Fic. 22, 23, 24, 25. — Diverses formes que prend l'extrémité antérieure
pendant les contractions de la Ligule.
Fi. 26. — L’extrémité antérieure pendant la contraction du ver.
a. Bothridies.
bet c. Les canaux qui y aboutissent.
Fic, 27. — L’extrémité antérieure pendant l'allongement du ver. (Pré-
paration n° 32; gross. 40 diam.)
Les lettres ont la même signification que dans la figure 12.
Fic. 28. — L’extrémité postérieure montrant le système vasculaire se
terminant par des tubes en cæcums.
Fic. 29, — Les stries transversales montrant l’union des lamelles épi-
dermiques au niveau des anneaux du corps.
Fic. 30. — L’extrémité antérieure en sections horizontales faites au
niveau de la bothridie et allant de La surface «a au milieu du corps d.
(Préparation n° 12.)
FiG. 31. — Les globules de la sérosité produite sur les parois des organes
du poisson par l’action de la Ligule.
Fi. 32. — Section longitudinale faite au niveau du milieu du corps de
la Ligule. (Gross. 50 diam. ; préparation n° 54; tube n° 31.)
a. Les matrices.
b, b’. Les tubes séminaux coupés.
c. Les tubes ovariens.
t. Les testicules.
PLANCHE XVII.
F16. 33. — Section longitudinale allant du bord au milieu du corps.
(Gross. 110 diam. ; préparation n° 49.)
a. L'épiderme lamelleux.
b. Le derme.
c. La zone calcigère,
d. Les fibres musculaires longitudinales.
e. Les fibres musculaires transverses.
f. Le parenchyme.
Fic. 34. — Section transversale allant de la surface au milieu du corps.
(Gross. 110 diam.; préparation n° 48.)
… Les lettres ont la même signification que dans la figure 19.
FiG. 35. —- Le système vasculaire. (Gross. 60 diam.; préparation n° 39.)
a. Les grands canaux latéraux. |
b. Les petits canaux.
c. Le réseau vasculaire transverse,
368 : DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'’HISTOIRE
Fic. 36, — Le système vasculaire pour montrer l’intérieur des canaux.
(Gross. 200 diam.; préparation n° 39.)
Mêmes lettres que pour la figure 21.
Fic. 37. — Les fibres musculaires longitudinales groupées en faisceaux
enchevêtrés. (Grass. 200 diam.: préparation n° 53; tube 31.)
F'6. 38. — Le parenchyme. (Gross. 200 diam.)
PLANCHE XVIII.
Fic. 39. — La Ligule dans la tanche. Section transversale. (Gross.
40 diam.; préparation n° 5; tube n° 3.)
a. Système cutané. |
b. Système musculaire.
c.sParenchyme.
. Canaux latéraux.
FiG. 40. — La Ligule dans la tanche. Section transversale. {Gross
40 diam.; préparation n° 3; tube n° 14.)
a, b,c, d. Comme ci-dessus!
t. Testicules.
FiG, 41. — La Ligule dans la tanche. Section transversale. (Gross.
40 diam.; préparation n° 48.) j
a, b,c, d,t. Comme ci-dessus.
r. Les organes reproducteurs.
F16. 42. — La Ligule dans le canard. Section transversale. (Gross.
40 diam.; préparation n° 56; tube n° 31.)
a, b, c, d,t. Comme ci-dessus.
f. Organes femelles.
m. Organes mâles.
Fic. 43. — La Ligule dans le canard. Section transversale. (Gross,
40 diam.; préparation n° 67: tube n° 33.)
a,b,c,d,t. Comme ci-dessus.
0. Matrice.
f. Tubes ovariens.
m. Tube séminal.
F16. 4%. — La Ligule dans le canard. Section transversale. (Gross.
40 diam.; préparation n° 79; tube n° 32.)
Mêmes lettres que ci-dessus.
Fig. 45. — La Ligule après avoir traversé le canard ou complétement.
développée dans ce dernier. (Gross. 40 diam.; préparation n° 25;
tube n° 18.)
Mêmes lettres que ci-dessus. La matrice 0 est pleine d'œufs.
DE LA LIGULE. 369
PLANCHE XIX.
Fig. 46. — Section horizontale faite au niveau des matrices pour mon-
trer la symétrie des tubes reproducteurs qui les entourent. (Gross.
60 diam. ; préparation n° 75 ; tube n° 32.)
a. Les matrices.
b. Les tubes.
c. Les parenchymes.
Fig. 47. — Un testicule.
a. Sa membrane d’enveloppe.
b. Les cellules qu’il renferme.
_Fic. 48. — Les cellules du testicule.
Fi. 49, — L'appareil reproducteur au moment de la formation des
œufs. (Gross. 125 diam.; préparation n° 82; tube n° 32.)
a. La matrice.
b. Les œufs constitués.
c. Les tubes ovariens.
d. Leur renflement rempli de vésicules vitellines.
e. Les tubes séminaux.
FiG. 90. — Les vésicules vitellines d et les œufs 6. Do 380 diam. ;
préparation n° 82.)
Fic. 51. — Symétrie de l’appareil reproducteur suivant une section
transversale. (Gross. 110 diam.; préparation n° 67; tube n° 33.)
a. La matrice.
b. Le tube séminal.
c. Les tubes ovariens.
Fig. 52. — Figure schématique des appareils de la reproduction (les
testicules exceptés). |
Mêmes lettres que ci-dessus.
Fic. 03, — Les organes reproducteurs dans la tanche. (Gross. 110 diam. ;
préparation n° 48.)
Mêmes lettres que ci-dessus.
Fi, 54. — Les matrices pleines d'œufs, leur disposition normale et
caractéristique. (Gross, 110 diam.; préparation n° 22; tube n° 18.)
PLANCHE XX.
Fi. 99. — Aspect des matrices suivant une section horizontale faite au
niveau 1-1 de la figure 59. (Gross, 40 diam. ; préparation n° 26 ; tube
n° 18.)
a. La peau.
b. La couche musculaire.
o. Les matrices.
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PUYSIOL, — T. XIII (1877). 24
370 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE DE LA LIGULE.
Fic. 56. — Les mêmes au niveau 2-2. (Gross. 40 diam.; préparation
n° 22; tube n° 18.)
a. La peau.
b. Couche musculaire.
c. Les canaux latéraux. 1
o. Les matrices.
Fr6. 571. — Les mêmes au niveau 3-3. (Gross. 40 diam.; préparation
n° 75; tube n° 32.) |
a. La peau.
b. La couche des testicules.
c'. Le parenchyme.
o. Les matrices.
FiG. 98. — Les matrices suivant une section longitudinale. (Gross.
60 diam. ; préparation n° 25; tube n° 18.)
Fi. 59. — Aspect de la matrice pleine d'œufs suivant une section trans-
versale. (Gross. 60 diam.; préparation n° 24; tube n° 18.) F
m, m'. Ligne indiquant le milieu du corps.
1-1,2-2,3-3. Lignes indiquant les niveaux des sections, figures 55,
96, 01.
a. Système cutané.
b. Système musculaire.
c. Parenchyine.
t. Testicules.
Fi. 60. — Les matrices rudimentaires de la Ligule dans la tanche.
(Gross. 160 diam. ; préparation n° 11).
CONTRIBUTION À LA TÉRATOLOGIE
MONSTRE UNITAIRE — HÉMIMÉLIE
Par M. le D" Er. MARTIN
Lauréat de l’Académie de médecine (Prix Portal)
Et M. Maurice LETULLE
Interne des hôpitaux de Paris.
PLANCHE XXI
Malgré la fréquence relative des monstres hémiméliens, la
science ne contient guère de descriplion dépassant les limites de
la morphologie extérieure. Ayant eu à notre disposition un cas
remarquable de cette variété lératologique, nous nous sommes
livré à l'étude minutieuse de tous les points du corps concourant
au vice de conformation, en même temps qu'à l’examen de la
moelle épinière qui est le complément indispensable d’une étude
de celte nature.
J. Larroudé, né le 14 septembre 1874, est apporté le 8 février
1875 dans le service de M. le professeur Parrot, et y meurt le
7 mars suivant de variole.
Les quatre membres sont le siége d’un vice de conformation ;
le reste du corps ne présente rien d’anormal.
Membre supérieur droit.
Du côté du membre supérieur droit, la malformation ne re-
monte pas plus haut que le poignet : le pouce et la région thénar
sont libres et les plis cutanés normaux. Le vice de conformation
affecte le reste de la main qui ressemble à une sorte de palette.
On y remarque la ligne de flexion métacarpo-phalangienne ; à
un centimètre au-dessous, une autre ligne transversale corres-
pondant à la flexion digitale ; dans l'intervalle de ces deux lignes,
la surface est unie.
Au-dessous du sillon de flexion digitale commence la région
digitale : ses éléments sont fusionnés et ne présentent qu’un sil-
372 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE.
lon transversal situé à un centimètre du sillon précédent. Quant
à la région hypothénar, elle ne se distingue presque pas de celte
espèce de moignon palmaire que nous venons de décrire.
En palpant profondément, on discerne aisément le premier
métacarpien et les deux phalanges du pouce ; puis, sur le bord
externe, le deuxième métacarpien; enfin, au bord cubital, on a
la sensation d’un dernier métacarpien. Dans l’espace intercepté
entre ces deux derniers os, on cesse de sentir d'autre os, et l’on
est certain que les métacarpiens de l’annulaire et du médius
font défaut. En revenant au bord externe, on sent la mobilité
d’une première phalange sur la tête métacarpienne ; il en est de.
même au bord cubital. Ces deux premières phalanges se termi-
nent par des portions osseuses libres, articulées, et qui sont bien -
des phalangines el des phalangettes : la phalangette de l'index se
déjette en dedans et vient se fondre avec la partie osseuse voisine.
Face dorsale. — Le pouce paraît appendu à la masse géné- .
rale: on ne voit que quelques sillons peu profonds limitant Ja
région métacarpienne ; 1l est terminé par un ongle, L’extrémité
de la palette se termine aussi par deux ongles: l’interne, assez
réoulier, occupe la place de la phalangette de l’auriculaire ;
est séparé de l’autre par un sillon où il pénètre en se déprimant,
L’ongle radial est large, étalé, il correspond non-seulement à la
troisième phalange représentant celle de l'index, mais à toute
la masse osseuse intermédiaire ; sa face convexe est divisée par.
un sillon vertical, vestige probable de la soudure de plusieurs |
ongles. La dépression où il pénètre ainsi que l'ongle voisin est
le seul indice de segmentation de la masse digitale.
Pendant la vie, le pouce exécute des mouvements volontaires,
et l’enfant étend et fléchit très-bien toute sa palette digitale.
11
Membre supérieur gauche.
6
Ainsi que pour le membre précédent, celui-ci n’a que la main
qui soit altemmle par la malformation. Cette main comprend une
région carpienne et deux appendices qui rappellent assez bien
une pince d’écrevisse. Son volume est moindre que celui de la
MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE, 543
main droite. Nous nous bornerons à décrire les divers sillons
qu’elle offre, en réservant pour l’étude du squelette les attribu-
lions de noms qu'il convient de donner aux divers os qu’on
retrouve. Au niveau du carpe, antérieurement, sont deux sillons
de flexion, normaux; à un centimètre plus bas est un autre
sillon transversal allant d’un bord à l’autre et s’infléchissant un
peu au milieu, d’où part une ligne verticale séparant en deux
parties inégales la région digitale : celle-ci est constituée par deux
branches ainsi que nous lPavons dit plus haut (pl. [).
L'appendice externe de cette pince offre une surface convexe
qui représente l’éminence thénar : deux plis légers s’y dessinent.
En bas, sa limite est un pli de flexion représentant le sillon mé-
tacarpo-phalangien du pouce ; encore plus bas, es le pli de
flexion phalangienne.
La deuxième branche de la pince est constituée à peu près
de la même sorte, seulement sa composition est telle que, tout
en faisant suite à la région métacarpienne, elle ne renferme
cependant que deux phalanges, fléchies l’une sur l’autre ; ces
phalanges sont dans l’adduction forcée et simulent une espèce
de crochet ouvert du côté du bord cubital.
Ges deux branches, écartées l’une de l’autre, interceptent un
angle à peu prés droit, à ouverture inférieure, et que toute ten-
talive de rapprochement n'arrive pas à fermer.
Face dorsale. — De cet angle que nous venons de décrire part
un sillon oblique se dirigeant vers le bord radial qu’il rejoint à
“la région carpienne.
À l'extrémité inférieure des deux appendices, on voit un on-
“gle bien conformé et recouvrant la dernière phalange. Les mou-
vements volontaires, prononcés à la main droite, sont moindres
pour celle ci. À la descriplion des muscles, nous verrons les
différences qui existent pour chaque mouvement provoqué.
Membres inférieurs,
L*
Membre droit. — La cuisse est normalement conformée.
À la région du genou se dessinent des saillies dues, en avant,
374 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE.
à la rotule, et, latéralement, aux condyles du fémur. Mais la
rotule, qu'on limite par le palper, est déjetée plus ‘en dehors
qu’à l’état normal.
La jambe n’est représentée que par un segment peu étendu
(3 centimètres et demi), informe, auquel succède une masse
charnue, également informe, qui représente l'ensemble d’un
pied.
Cette dernière masse est divisée elle-même en deux régions
par un sillon demi-cireulaire. Elle a une direction particulière®
elle forme avec la jambe un angle droit comme un pied normal,
mais cet angle est ouvert en dedans et en avant, et rappelle un
peu le pied-bot varus. Sa longueur totale est de 2 centimètres et
demi environ.
Face postérieure du même membre. — La région fessière pa-
raît être conformée normalement. La cuisse ne présente rien
de spécial ; elle se termine par un pli occupant la place du creux
poplité. La région jambière postérieure est aplatie, et finit en
un bourrelet arrondi qui représente la face postérieure etcomme
calcanéenne de la masse terminale déjà décrite.
Membre inférieur gauche. — La disposition générale de ce
membre est à peu près la même que celle de son congénère.
Cependant il est d’une longucur totale moindre d'un centimèétre
ct demi environ.
La cuisse a les mêmes dimensions que celle de droite, mais
elle offre moins de plis. La rotule, trés-appréciable, paraît affecter.
une situation normale. La jambe, constituée par une masse coni-
que plus grêle qu’à droite, se termine par un moignon assez
saillant, arrondi, auquel fait alors suite une masse charnue.
représentant le pied, et dans une position non similaire de celle
de droite, car elle forme un angle aigu, à sinus ouvert en rasta
en dedans et en arrière. h
Ce pseudo-pied est moins volumineux que le droit; il n’est
pas divisé par un sillon profond comme à droite, mais, à la partie
terminale, se dessine une sortie de bourgeon assez distinct de L
inasse générale.
Les mouvements volontaires de # cuisse sur le bassin s ’exé-
MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE. 379
cutent : ils sont limités dans les deux jambes; ils sont nuls dans
les deux moignons pédieux.
EXAMEN MYOLOGIQUE.
Membre supérieur droit. — Bras. — Rien à signaler.
Avant-bras (fig. I). — Tous les muscles épitrochléens, sauf
le petit palmaire, existent, avec un aspect normal, supérieure-
ment; mais, inférieurement, 1l y a des détails à signaler : le
grand palmaire va à l'extrémité supérieure de los que nous
avons considéré comme le deuxième métacarpien ; le cubital
s’insère sur un os pisiforme.
Région profonde de l’avant-bras. — On trouve : 1° un Jléchis-
seur commun superficiel, lequel est représenté par deux fais-
ceaux charnus qui seraient destinés à l'index et à l’auriculaire.
Ils sont assez isolés : l’externe est plus volumineux, et ses fibres
sont condensées jusqu’à la partie inférieure du radius; là, elles
se perdent sur un tendon arrondi qui passe dans une gaîne propre,
descend avec l’aponévrose palmaire, et vient se fixer à la partie
interne de l'extrémité inférieure du deuxième métlacarpien et à
la partie voisine de la première phalange de l'index ; il n’affecte
aucun rapport direct avec le tendon du fléchisseur profond. Le
faisceau interne du même muscle, quatre ou cinq fois moins
volumineux, en diffère aussi par le trajet de son tendon qui,
s accolant à la face antérieure du fléchisseur profond, passe avec
lui dans la gouttière carpienne, où il se fusionne avec lui, pour
aller se terminer ainsi que nous le verrons plus loin (fig. I,
3, à).
2° Fléchisseur commun profond.— Il est divisé également
en deux masses volumineuses, écartées (fig. [, 4 et 5). Le
faisceau interne s'insère supérieurement à la partie inférieure
de l’apophyse coronoïde du cubitus (4bid., 4), au bord interne ile
la face antérieure du cubitus, à ses deux tiers supérieurs, enfin, à
la face profonde de l’aponévrose antibrachiale. La masse muscu-
laire se termine vers le tiers inférieur de l’avant-bras par deux
tendons distincts: l’externe, en passant dans la gouttière car-
376 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE.
pienne, envole une expansion aponévrotique qui se perd danse
tissu cellulo-graisseux et périostique de la face antérieure du
carpe. À la paume de la main, ce tendon glisse dans une coulisse
propre, au-dessous du muscle thénar; iltraverse bientôt un ten-
don perforé que nous retrouverons plus loin, et se fixe enfin
à la dernière phalange de l’index. Quant au tendon interne du
même muscle (fig. I, 4°), il longe le bord externe de l’émi-
nence hypothénar, reçoit le grêle tendon du fléchisseur super-
ficiel et s’insère à deux points distincts. Au niveau de l'extrémité
inférieure du dernier métacarpien, 1l se bifurque en effet, et
donne deux languettes tendineuses qui se perdent sur la troi-
sième phalange de l’auriculaire, et sur un doigt intermédiaire,
rudimentaire, et que nous appellerons plus loin le médius (voir
le squelette).
Quant au faisceau externe (fig. I, 5), il s’insère par unc languette
antérieure, distincte de la masse générale, à la partie interné
de l’apophyse coronoïde ; le reste du faisceau s’attache à la face
antérieure du radius ét au ligament interosseux, dans les deux -
tiers supérieurs. En dehors, on suit ses insertions sur le bord
externe du radius jusqu'à l'extrémité inférieure de cet os. Le
nerf médian passe entre la languette et la masse totale. Toutes
les fibres convergent en un tendon qui commence au-dessus du
carpe, et qui, suivant le bord externe des autres tendons fléchis-
seurs, vient se perdre dans l'épaisseur du ligament antérieur du
carpe, auquel il s’accole par la face profonde. On peut considérer
cetle masse musculaire sans destination physiologique comme
représentant les fibres qui seraient allées s’insérer aux doigts, au
cas où ceux-ci eussent été présents. \F
3° Le fléchisseur du pouce est normal.
° Carré pronateur :1l est aussi normal.
Région externe de l'avant-bras. — Le long supinateur, nor-
mal dans ses insertions, est à peine développé. Les radiaux ex=,
ternes sont normaux dans leurs insertions supérieures. Mais, au
niveau de l'extrémité inférieure du radius, le tendon du deu-
xième radial se met au-devant du premier et va se fixer comme.
lui à l'extrémité supérieure du dBiribihé métacarpien; en outre,
MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE. 377
de son bord interne part une expansion tendineuse qui, passant
au-dessous des tendons extenseurs, vient s'attacher au cinquième
métacarpien et aux couches aponévrotiques situées dans l'angle
que forment les deux mélacarpiens.
Le court supinateur est normal.
Région postérieure. — 1° Extenseur commun des dorgts ;
insertion supérieure normale. Le tendon naît au niveau du tiers
inférieur de l’avant-bras ; il se divise, au-dessous du higament
annulaire postérieur du carpe, en trois languettes : l’une, externe,
va en dehors dans une gouttière propre, croise les tendons des
court et long extenseurs du pouce, et se perd sur le tendon de ce
dernier, à la partie moyenne du premier métacarpien. Les deux
autres languettes tendineuses traversent la région carpienne
dans une gouttière commune: la plus interne va se fixer sur les
deuxième et troisième phalange du petit doigt, en envoyant tou-
tefois une expansion au médius intermédiaire incomplet. La lan-
guelte moyenne s'attache aux phalanges de l’index.
2 Extenseur propre du petit doigt : normal.
8° Cubital postérieur : normal.
° Anconé : normal.
Région postérieure profonde. — Tous les muscles sont nor-
maux, bien conformés. Le pouce possède donc ses long abduc-
teur, court et long extenseurs. L’extenssur propre de lindex
existe aussi.
Main. — Face palmaire. — Les muscles thénars sont assez
normalement conformés. Il n’y a que l’adducteur du pouce qui,
au lieu de s'attacher au bord antérieur du troisième métacarpien,
se fixe aux plans fibreux qui recouvrent les os du carpe, ainsi
qu'à une lame aponévrotique verticale séparant l’espace inter-
osseux limité par le deuxième et le cinquième métacurpiens.
* Éminence hypothénar. — Il n’y a pas de palmaire cutané.
L'adducteur et l’opposant se confondent.
Région palmaire proprement dite. — Au bord externe, nous
trouvons un muscle qui s’insére en haut, à la partie inférieure
du ligament annulaire, croise à angle droit l’adducteur du pouce
(fig. [, 11), et recouvre le tendon du fléchisseur profond qui se rend
378 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE.
à l'index. Au niveau de l'articulation métacarpo-phalangienne
de l’index, il fournit un tendon que perfore le fléchisseur pro-
fond, et se fixe ensuite sur le bord de la deuxième phalange,
jouant ainsi le rôle de fléchisseur commun superficiel, dont il
peut être regardé comme un accessoire.
Les lombricaux font donc défaut; mais il y a des interosseux
palmaires (fig. I, 12 et 13) qui sont au nombre de deux, logés
dans l'espace interosseux. Ces muscles s’insèrent aux métacar-
piens correspondants et au carpe, et 1ls sont séparés par une
lamelle aponévrotique qui semble se confondre avec les gaines
des fléchisseurs. Le premier de ces interosseux à une insertion
normale à la partie supérieure et interne de l'index et, de plus,
il se fixe, par une lame rubanée, au tendon extenseur de l’index.
Le deuxième interosseux vient se Lerminer par un tendon pas-
sant à la partie la plus externe de la prenuère phalange du
doigt incomplet que nous avons regardé comme un médius. Il
se termine sur celte phalange et sur le faisceau extenseur envoyé
à ce doigt par l’extenseur commun.
Il n’y a qu’un interosseux dorsal, et c’est le preinier (fig. E,
14). Il a des insertions normales, sauf qu’il n’envoie pas à l’ex-
tenseur de l’index sa lamelle ordinaire.
Membre supérieur gauche. — Les muscles du êras sont nor-
maux. L’avant-bras est normal dans son plan antérieur et super-
ficiel, à part l’absence du petit palmaire qui, du reste, n’est pas
constant à l’état normal. L’anomalie commence à la région
profonde et antérieure de l’avant-bras qui offre cinq masses
distinctes, mais dont les éléments, au point de vue des insertions
et des rapports, sont considérablement altérés. C’est ainsi qu’au
lieu de trouver les insertions supérieures limitées des fléchis-
seurs, nous voyons, de dehors en dedans :
1° Un muscle anormal, qui nous représente le fléchisseur
commun superficiel, lequel, au lieu d’être épitrochléen, s’insère
aux trois quarts supérieurs de la face antérieure du radius etau
bord externe de cet os. Au niveau du poignet (fig. ll, 2), 1l donne
naissance à un. large tendon aplati qui, traversant la gouttière
carpienne dans une gaîne propre, se perd un peu plus bas dans
MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE. 379
le ligament annulaire et dans l’aponévrose palmaire qu'il con-
tribue à constituer.
2° Plus en dedans et sur le même plan, il y a une autre masse
musculaire qui représenterait pour nous le faisceau coronoïdien
du fléchisseur. Gelte masse musculaire, plus grêle, se fixe à la
partie inférieure de l’apophyse coronoïde. À peine né, ce fais-
ceau se bifurque et donne deux chefs descendant parallèlement
au grand palmaire, vers la partie inférieure de lavant-bras :
l’externe se jette sur le tendon du muscle précédent; l'interne
donne bientôt naissance à un tendon très-effilé qui se perd dans
le ligament annulaire du carpe, ou plutôt sur les tractus fibreux
qui comblent l'espace des deux doigts de la pince.
è° Le troisième faisceau est constitué (fig. Il, n° A) par la
masse la plus interne. Il s'attache, en haut, aux trois quarts
des faces antérieure et interne du cubitus, plus en bas et en
dedans, à l’aponévrose antibrachiale. Nous pouvons donc le
considérer comme un #léchisseur profond. se termine infé-
rieurement par un fort tendon qui naît à un centimêtre environ
au-dessus du poignet, et passe dans la gouttière du carpe, où il
disparaît. Il contracte alors une adhérence intime avec le liga-
ment annulaire ; néanmoins, on le suit encore jusqu’à l’articula-
tion carpo-métacarpienne de la branche interne de la pince.
À ce niveau, tout distinct qu’il soit encore, il adhère par sa face
postérieure à la gaîne qui lui est destinée. Il se termine bientôt
par un épanouissement assez large de fibres tendineuses qui se
fixent à la face profonde de la peau recouvrant l'espace interdi-
gital. Mais les fibres internes de ce tendon se continuent plus
bas, dessinant un tendon mince qui s'attache à la première pha-
lange du petit doigt. Encore plus bas, partent de petites lamelles
aponévrotiques formant un tendon distinct, arrondi, sans conti-
nuilé directe avec le précédent. Ge petit tendon phalangien va
de la première phalange à la partie supérieure de la dernière.
De cette disoosition, il résulte donc une sorte de corde raide qui
immobilise le doigt dans une attitude vicieuse, comme l'indique
notre dessin.
he La quatrième masse est formée par un muscle bien confor-
380 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE.
mé, qui est le long fléchisseur propre du pouce. N n'offre de.
spécial qu’un faisceau de renforcement qui lui vient du muscle
fléchisseur commun profond.
5° La dernière masse est le carré pronateur (fig. I], n° 8).
De l'étude de ces Insertions des muscles, il résulte que les inser-
tions inféricures des fléchisseurs ne pouvant se faire sur des
doigts absents se font sur des couches aponévrotiques intermé-
diaires aux deux branches de la pince.
Région externe. — Rien d'anormal si ce n’est la gracilité de
la masse musculaire du long supinateur.
Les deux radiaux externes ont leurs insertions supérieures
normales ; mais, à l’extrémité inférieure du radius, le premier
radial glisse sous le second et se termine sur une large lame
aponévrotique qui recouvre le poignet en arrière. Par cette lame,
ce radial s'attache au premier et au dernier métacarpien. Le
deuxième radial se bifurque manifestement par deux expansions
allant s'attacher chacune à son métacarpien; elles interceptent
entre elles un angle droit.
Région postérieure. — On y remarque l'extenseur commun
des doigts. I est normal en haut; puis il se sépare bientôt et
donne naissance à deux tendons, lesquels se divisent eux-mêmes
au tiers inférieur de l’avant-bras. L° tendon le plus externe
fournit deux faisceaux, dont l’un va à la face dorsale du pouce
jusqu’à la première phalange, ce qui est normal, tandis que
l’autre va se perdre dans la couche profonde de la peau interdi-
gitale. Comme le tendon interne n’est pas destiné à un auricu-
laire, il se termine en une large lame aponévrotique triangulaire
qui n’a pour effet que de renforcer l’espace intermétacarpien.
De plus, cette lame contracte des adhérences avec la peau.
L'extenseur propre du petit doigt, normal en haut, mais trés-
grêle, finit en bas par un tendon aplati, qui se perd dans les
couches fibreuses recouvrant le cinquième métacarpien.
L’anconé, le cubital postérieur sont normaux.
La région postérieure profonde laisse voir les muscles du
pouce normaux ; mais l’extenseur propre de l'index manque.
Main. — Les muscles thénar sont peu développés (fig. I,
MONSTRE UNITAIRE. —- HÉMIMÉLIE. 381
n° 9); l’adducteur du pouce semble ne pas exister. Les muscles
de la région hypothénar sont représentés par une pelite masse
musculaire peu développée, où l’on croit constater l’adducteur
et le court fléchisseur du petit doigt. Le palmaire cutané existe
(fig. I, 6).
Membre inférieur droit. — Tous les muscles de la cuisse exis-
tent avec leurs insertions supérieures régulières. Le triceps
fémoral va s'attacher inféricurement sur une rotule cartilagi-
neuse du sommet de laquelle part un ligament rotulien trés-
solide qui se fixe à la partie antérieure de l'os unique qui con-
slitue la jambe.
Le couturier, le droit interne et le demi- tendineux imbriquent
à la face interne du genou leurs trois tendons et forment une
palle d'oie normale.
Le biceps fémoral n'offre que sa longue portion. Il donne nais-
sance, au niveau de l'extrémité inférieure du fémur, à un ten-
don effilé qui ne tarde pas à se Jeter sur une aponévrose épaisse
représentant l'aponévrose jambiére, et va ainsi se fixer au niveau
de la partie moyenne de la face externe du long cartilage qui
représente le tibia.
Le tendon du demi-membraneux, au niveau de la face interne
du genou, envoie une mince lamelle aponévrotique qui renforce,
en dedans, la capsule articulaire ; puis il descend à la face posté-
rieure du genou, et vient s’altacher, en s’éloignant un Pa à la
partie postérieure du tibia.
Jambe. :— Pas de muscles à la région antérieure de la jambe,
où la peau n’est séparée du tibia que par une mince aponé-
vrose.
En arrière, on trouve un triceps sural incomplet ou du moins
mal formé. Il est représenté en effet par trois masses muscu-
laires : la plus externe, qui constitue le jumeau externe, s’insère
au condyle externe et vient, à quelques millimètres au-dessous
du plateau du tibia, se réunir au jumeau interne.
Ce dernier, cinq ou six fois plus développé que l’externe, pré-
sente les Insertions supérieures normales, et se termine bientôt
en un tendon aplati. Plus profondément, on aperçoit un mince
382 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE.
faisceau musculaire, le soléaire atrophié, qui s'attache à la partie
supérieure et externe de la face postérieure du tibia, et se jette
bientôt dans le jumeau interne, à la face antérieure duquel il
s'accole.
Le tendon terminal commun à ces trois muscles passe en
arrière de l'extrémité inférieure du tibia cartilagineux, et vient
s'attacher à la partie la plus élevée d’un petit cartilage mobile
sur l'extrémité inférieure du tibia, et qui représente à lui seul,
comme nous verrons plus loin, le squelette du pied. Pas trace
de muscles au-dessous de ce cartilage.
Toutefois, dans l'épaisseur de ce bourrelet cutané appendu à
la jambe, on aperçoit, partant des couches aponévrotiques qui
recouvrent l'extrémité inférieure du tibia, un petit faisceau mus-
culaire, qui est peut-être le muscle pédieux.
Ce petit muscle se porte obliquement, sous la peau, de la partie
externe du tibia jusqu’à l'extrémité antérieure et interne du
bourgeon cutané, et se perd à la face profonde de la peau de
celle région.
Membre inférieur gauche. — Rien à noter au niveau de la
cuisse, si ce n’est à la région postérieure. Le biceps fémoral n’a
pas de courte portion; il se perd, par son tendon, sur l'aponé-
vrose fascia lata, très-apparente, el se fixe avec elle à la partie
externe de l’extrémité supérieure du tibia.
Les muscles de la patte d’oie présentent la même disposition
qu'à droite; de même pour le dermi-membraneux. |
Jambe. — Pas de muscles à la région antérieure, où les parties
molles sont simplement représentées par une lame aponévrotique
épaisse.
En arrière, les deux jumeaux existent, comme à droite, mais
l'interne est ici le moins développé, et il reçoit du demi-mem-
braneux un faisceau. musculaire effilé qui part de la partie
moyenne de la cuisse. Le jumeau externe, trois fois plus déve-
loppé que l’interne, se terniine sur le tendon d'Achille. Plus
profondément, on voit partir des fibres musculaires qui repré-
sentent le soléaire et le poplité réunis. Elles se fixent, en effet,
à la partie postérieure du condyle et au tibia, et se perdent à la
MONSTRE UNITAIRE, — HÉMIMÉLIE. 383
face profonde des jumeaux. Le tendon d'Achille; qui fait suite à
ces muscles, s'attache inférieurement, comme à droite, sur un
petit cartilage calcanéen que nous étudierons bientôt. Disons
seulement que ce petit cartilage paraît soulevé, en arrière et en
haut, par le tendon d'Achille, plus court qu’à droite, disposition
qui explique la direction de ce pied mal conformé.
Le petit pédieux n'existe pas pour ce pied.
VAISSEAUX.
Artères. — Nous ne les envisageons qu'à partir du point de
chaque membre où l’anomalie commence pour elle. Or, au mem-
bre droit, c’est au poignet que nous les prendrons, tandis que
pour le membre qauche anomalie existe au niveau de la ra-
diale. Celle-ci, en effet, très-ténue, contourne le long supinateur
au tiers inférieur de l’avant-bras, et se perd dans la peau du
poignet après un court trajet. La cubitale, à partir de ce point,
constitue l’artère unique. Aussi, elle se bifurque au poignet et
donne deux branches: l’une interne, sous-aponévrotique, qui
passe sous le ligament annulaire carpien, glisse au devant des
muscles hypothénar, et forme les deux collatérales de la branche
interne de la pince. Le rameau externe se place le long du nerf
médian, s’en fait le satellite, et, se glissant au-dessous de l’émi-
nence thénar, reparait au niveau de la première phalange du
pouce, où 1l forme aussitôt les deux collatérales de la branche
| externe.
De la collatérale interne partent des artérioles qui vont nour-
rir la peau de la commissure digitale.
Pour le membre supérieur droit, voici ce que nous trouvons :
les artères de l’avant-bras arrivent jusqu’au poignet, avec les
tendons et nerfs satellites ordinaires. La radiale arrive au premier
espace interosseux après avoir contourné le radius; elle disparaît
dans cet espace sans fournir de nouvelles ramifications. La cubi-
| tale, parvenue à la région hypothénar, se distribue à ses mus-
cles, envoie une collatérale au bord interne de la palette digitale
et quelques ramuscules aux tissus profonds de la paume. Nous
384 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION À LA TÉRATOLOGIE.
distinguons un rameau palmaire médian, occupant l’espace inter-
osseux limité par les deuxième et cinquième métacarpiens, Ce
rameau, arrivé à la base des deux premiers doigts soudés, se
bifurque en deux collatérales, une externe pour le médius, une
interne pour l'index. L'artère cubitale, après une ébauche d’ar-
cade palmaire superficielle, se termine en fournissant des ramus-
cules aux muscles thénar et deux collatérales, l’externe de l'index
‘et l'interne du pouce.
Les veines ne fournissent aucune disposition spéciale digne
d’être notée ; elles répondent au trajet des artères.
Membres éré — Arrivée au creux poplité, la fémorale,
des deux côtés, passe entre les Jumeaux, longe la face posté-
rieure du tibia et se bifurque au niveau du tiers inférieur de cet .
os en deux branches : l’une externe, grêle, se perd dans les
téguments des moignons pédieux; l’autre, interne, croise le
tendon d’Achille et vient s’épuiser dans la région interne et infé-
ricure de ces moignons. |
Les veines fémorales répondent aux artères. Il n’y a pas de
Saphène interne et, d’une façon générale, les veines superficielles
sont presque imperceptibles.
SYSTÈME NERVEUX.
L'encéphale a pour poids total 120 grammes. Il y a abondance
de séro$ité sous-arachnoïdienne. |
Aucune lésion à noter.
La moelle à l’état frais est ferine et n'offre aucune appardies
d'altération. (1
Examen histologique de la moelle épinière. — Nous avions
présumé que l'examen histologique de la moelle épimière, par-
faitement conservée, nous décélerait des altérations qui nous au
raient autorisés à établir des rapports de cause à effet entre
elles et les anomalies de notre sujet. 2)
Cet examen, pratiqué avec le plus grand soin par M. | Balrén
a été absolument négatif : nous sommes donc en droit d’en infé-
rer que l'appareil cérébro-spinal ne doit pas être, pour notre
MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE. 289
sujet, considéré comme le facteur tératogénique, et nous nous
abstiendrons de toute spéculation théorique sur une question
sur laquelle la science n’a encore fourni rien de précis. Cepen-
dant 1l n’est pas douteux que les résultats de tératogénie expéri-
mentale que M. Dareste livrera prochainement à la publicité
jettent de vives lumières sur l’étiologie des monstres simples,
restée Jusru ici enveloppée de tant d’obscurité.
Nerfs. — Nous signalerons les anomalies là’ où elles se mon-
trent : c’est ainsi que nous avons procédé pour les artères.
Membre supéricur droit.
Le médian, au pli du coude, passe entre les deux fléchisseurs
communs ; 1} descend sur la face antéricure de Favant-bras sans
fournir au fléchisseur profond, ce qui est une anomalie ; dans
son trajet, 1l innerve le fléchisseur superficiel, le fléchisseur
propre du pouce, le rond pronateur, le grand palmaire et le
carré. Au poignet, il envoie un rameau palmaire cutané. Arrivé à
la paume de la main, il donne un rameau musculaire à l’éminence
thénar et quatre autres, lesquels sont : 1° les collatéraux externe
el interne du pouce ; ce dernier, fournissant au muscle acces-
soire fléchisseur superficiel décrit (fig. E, n° 11); puis, se bifur-
quant, envoie, ?° un collatéral interne à l’index soudé. Enfin,
3° le quatrième rameau du médian forme les collatéraux interne
et l'externe du médius soudé.
Cubital. — Au niveau de Pavant-bras, il fournit seul au flé-
chisseur profond. Au tiers inférieur, il donne unc branche anté-
ricure, satellite de l'artère cubitale, qui arrive à l’éminence
thénar à laquelle il donne des rameaux musculaires, et se ter-
mine en deux rameaux qui sont destinés à former :
1° L’interne, un collatéral interne du petit doigt, ct un colla-
(éral externe, lequel se bifurque lui même pour former deux
branches collatérales inoccupées, et vraisemblablement destinées
à l’annulaire absent.
2° L’externe se réfléchit dans la paume de la main, et envoie
aux interosseux existants et à l’adducteur du pouce.
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, —- T. XIII (1877). 29
380 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE.
Quant à la branche postéricure du cubital, arrivée à la face
dorsale du poignet, elle se divise en deux rameaux : 4° le colla:
téral dorsal interne du petit doigt, et 2° un ramuscule qui four-
nit le collatéral dorsal externe du petit doigt, et les deux colla-
téraux dorsaux du médius soudés. Ces deux derniers nerfs sont
plus ténus que les précédents.
Radial. — Tous les muscles qui sont sous la dépendance ner-
male de cc nerf reçoivent ses branches. Il n’y a que sa branche -M
antérieure qui offre cette particularité que, à la face dorsale de
la main, ce nerf fournit trois rameaux : le collatéral dorsal ex-
terne du pouce, le collatéral dorsal interne de lindex et enfin
une branche intermédiaire divisée, et fourmissant le collatéral
dorsal interne du pouce et l’externe de l'index.
Membre supérieur gauche.
Le médian se remarque par sa ténuité. Il fournit des rameaux
à la série des muscles normaux qu’il innerve habituellement,
et en outre aux deux faisceaux anormaux décrits plus haut
sous les noms de fléchisseur superficiel et fléchisseur coronoï-
dien (fig. 2, n° 2 et 10).
Dans la paume de la main, il innerve. les muscles thénar, et
se bifurque aussitôt en donnant le collatéral externe du pouce
et son collatéral interne, duquel se détache un mince filet qui se
perd dans l’espace interdigital.
Le nerf cubital fournit au fléchisseur profond de l’avant-bras
(fig. Il, 4). Il se termine en deux rameaux : l’un, .antérieur, «
suit le cubital, se distribue aux muscles hypothénar, pour
s’épuiser enfin en collatéraux palimnaires externe et interne du M4
petit doigt. Le postérieur gagne la face dorsale du poignet, et set
divise en rameau cutané de la région interdigitale, et en rameau
interne, qui donne les deux collatéraux dorsaux du petit doigt |
de la pince.
Radial. — La branche terminale antérieure va à la face dor-. |
sale du poignet fournir les deux collatéraux dorsaux du pouce.
La branche postéricure est destinée aux muscles extenseurs de
la main et des doigts, |
NI
MONSTRE UNITAIRE. — HÉMIMÉLIE. 58
Membres inférieurs.
Pour chacun des deux membres, le sciatique, arrivé au creux
poplité, se divise en poplité externe et en poplité interne.
Le premier contourne la face externe du tibia, devient aussi-
tôt sous-cutané et s’épuise dans la peau, mais après s'être
d’abord anastomosé avec le saphène externe, branche du poplité
interne ; on ne peut du moins le suivre au delà du cartilage tar-
sien que nous verrons bientôt. Mais 1l est à supposer que ces
rameaux anaslomotiques se rendaient à ce petit muscle pédieux
que nous avons décrit au membre inférieur droit.
Poplité interne. — Il fournit au genou, aux Jumeaux et au
soléaire atrophié. La branche décrite plus haut sous le nom de
saphène externe se détache de lui au creux poplité.
Le poplité interne longe la face postérieure du cartilage repré-
sentant le tibia, suit le tendon d’Achille et vient se perdre dans
la peau du moignon terminal du membre.
Les nerfs se comportent donc symétriquement à droite et à
gauche ; 1l n’y à à signaler que l'absence du s spphée externe au
membre gauche.
OSTÉOLOGIE ET ARTHROLOGIE.
| Les os du carpe, où l’anomalie commence pour le membre
supérieur droit (fig. ID), n’ont ni la forme, ni le nombre habi-
tuel.
Membre supérieur droit.
Carpe. — Sur la première rangée le scaphoide et le semi-
lunaire offrent quelques particularités : ainsi le scaphoïde n’a
pas de facette correspondant au grand os, lequel est confondu
avec plusieurs des os contigus. Le semi-lunaire est plat à sa face
inférieure et présente une facette destinée, par anomalie, au
Scaphoiïde, et une autre facette large répondant à l’os anormal
décrit plus loin (fig. INT, 3).
Le pyramidal se perd dans ce grand os anormal répondant à
la deuxième rangée.
388 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLOGIE.
Enfin, le pesiforme est régulier.
Les os de la deuxième rangée sont: le rapèze, qui est normal ;
le trapézoïde qui, en bas, ne s'articule, par anomalie, qu'avec la
partie externe du deuxième métacarpien.
Enfin, le grand os anormal, qui nous paraît résulter de l’union
des trois os, pyramidal, grand os et os crochu (fig. WT, n° 3).
Il représente, en effet, les trois os soudés en raison des rap-
ports qu'il a avec les os voisins : car, comme le pyramidal, il
s’unit, en haut, au semi-lunaire et au pisiforme (fig: IIE, n° 2
et A). Entre ces deux os, il s'articule avec le ligament trian-
gulaire de l'articulation radio-cubitale inférieure. Ainsi que le
grand os et l'os crochu, il s’unit à sa partie externe au semi-
lunaire ; par sa partie inférieure, 1l répond, comme le ferait le
grand os, au deuxième métacarpien (fig. IE, n° 7 et 8).
M étacarpe. — Trois métacarpiens seulement : le premier est
normal ; le deuxième répond par son extrémité supérieure au
trapèze, au trapézoïde et au grand os anormal (fig. IF, n° 7).
D'autre part, il s'articule quelque peu avec le cinquième méla-
carpien. Celui-ci, plus petit et plus large, répond au grand os.
L'extrémité inféricure de ces deux métacarpiens se comporte
de la façon suivante : celle de l’index s’unit à la première pha-
lange, landis que celle du cinquième offre deux faceltes articu- «
laires continues, regardant, l’une en dehors, avec laquelle
s'articule la première phalange du duigt intermédiaire que nous
avons appelé le médius, et l'autre en dedans, pour la phalange
de l'auriculaire. Quant à l'extrémité de la palette, nous ne pou-
vons, en raison de sa configuralion très-irrégulière, que ren-
voyer à notre planche, figure I. Nous faisons remarquer »
pourtant que, pour les deux doigts extrêmes, la première pha-
lange paraît à peu près normale, tandis que les deux dernières
convergent vers l’axe de la main ; elles sont petites et atrophiées
et la phalangette de l'index est soudée à celle du doigt qui serait
le médius (fig. IF, n° 45).
Membre supérieur gauche.
Les deux rangées du carpe semblent comme soudées entre.
MONSTRE UNITAIRE. —— HÉMIMÉLIE. 389
elles (fig. IV). Elles se réduisent à trois os qui seraient, de
dehors en dedans, le scaphoïde, le semi-lunaire et un grand os :
tous les trois sont anormaux.
Le ecaphoïde (fig. IV, n° 1) répond en haut au radius; inférieu-
réement, il joue le rôle du trapèze, puisqu'il s'articule avec le
premier os de la pince. Enfin, 1l offre une face interne verticale,
convexe, qui répond au semi-lunaire. |
Ce semi-lunaire s’unit en haut au radius, en bas, par une
petite facelte, au premier os de la branche externe de la pince,
en dedans au troisième os anormal. Sa face antérieure est divisée
en deux parties égales par un sillon qui ne comprend que les
deux tiers de l’épaisseur de l'os. C’est donc là un arrêt de divi-
sion de los, et c’est la seule trace de la composition qu’affecte
normalement le carpe.
Le troisième os du carpe (fig. IV, n° 3) est le plus gros des
trois ; 1l est prismatique et triangulaire; 1l répond, en haut, au
ligament triangulaire; en bas, au premier os de la branche in-
terne. La face dorsale de ce carpe est recouverte par des tractus
fibreux résistants qui maintiennent les trois os entre eux.
Métacarpe. -— Deux os seulement, le premier et le cinquième
mélacarpiens, terminés chacun par deux phalanges. Le premier
mélacarpien s’unil aux deux premiers os du carpe (fig. [V, n°4);
le cinquième s'unit seulement au grand os anormal. Les deux
dernières phalanges sont pour chacun d’eux des phalangettes,
puisqu'elles supportent un ongle bien conformé. Entre les deux
métacarpiens, à leur partie inférieure, soni des tractus fibreux
qui limitent leur écartement. On n’y découvre aucune trace de
travail osseux ni même cartilagineux.
Membreé inférieurs.
Les anomalies commencent au niveau de l’épiphyse inférieure
des deux fémurs. Les condvyles externes, de chaque côté, sont
moins volumineux que les internes ; cette disproportion est plus
accentuée à droite. Or, les deux péronés étant absents, nous de-
vons voir dans cette alrophie relative une corrélation qui trouve
sa cause dans la genèse de l’anomalie de notre sujet. Les con-
390 E. MARTIN ET LETULLE. — CONTRIBUTION A LA TÉRATOLCGIE.
dyles s'unissent chacun à un tibia, petit, atrophié, cartilagineux.
Les platcaux'supérieurs des tibias existent, et on voit s’y des-
siner deux surfaces articulaires condyliennes ; cependant, les
deux cartilages semi-lunaires externes font défaut, tandis que les
internes sont à peu près formés. Il n'y a pas de surface articulaire
à la partie inférieure de ces tibias.
Les rotules sont cartilagineuses et ne présentent qu’une sur-
face articulaire trochléenne. Les péronés font défaut, ct les liga-
ments latéraux externes des genoux se fixent à la partie posté-
rieure des plateaux des tibias.
Au-dessous de l'extrémité inférieure des Libias, on trouve un
cartilage gros comme un pois qui est le seul représentant du
squelette des pieds. Ge cartilage est comme perdu dans la masse.
des moignons pédieux.
État d’ossification du squelette,
Os des carpes. — Ils sont tous cartilagineux. |
Métacarpiens. — Ils présentent tous un point d’ossification
qui occupe presque toute leur étendue.
Premières phalanges. — Tl en est de même pour elles, c’est-
à-dire qu’elles ont un point d’ossification.
Les deuxièmes phalanges, lesquelles n’existent qu’à la main
droite, offrent un état cartilagineux pour l’index et l’auriculaire,
tandis que le médius anormal offre un point d’ossification central.
Les dernières phalanges sont toutes ossifiées, et les phalangettes
soudées de l'index et du médius constituent une lamelle osseuse
plate, bifide supérieurement et ne formant qu’un os unique.
MÉMOIRE
SUR
LES SARCOPTIDES PLUMICOLES
Par MM. Ch. ROBIN et MÉGNIN
PLANCHES XXII, XXIII, XXIV ET XXV.
DEUXIÈME PARTIE
DESCRIPTION PARTICULIÈRE DES GENRES ET DES ESPÈCES DE
SARCOPTIDES PLUMICOLES.
Le tableau synoptique de la page suivante résume Îles carac-
tères du groupe de Sarcoptides que nous décrivons dans ce tra-
h vail (2). Il résume également les caractères des genres et de
| leurs subdivisions en sections ou sous-genres. Il nous suffira par
+ conséquent dans le réste de ce mémoire de donner la description
des caractères génériques et spécifiques de ces acariens, en
|" rappelant le titre des subdivisions de ce tableau (3).
(1) Voy le numéro de mai-juin 1877 de ce recueil.
(2) A l'explication des planches XII et XIII, et à la légende de la planche XII,
. lisez falciger au lieu de falcigerus. |
13) Pour récolter ces acariens, il faut procéder comme l’un de nous l’a déjà in-
| diqué plus haut, et le dit encore plus loin : il faut les chercher dans leur habitat,
sur l’oiseau qui vient d’être tué et qui est encore chaud; on les trouve alors bien
vivants et très-agiles. Lorsque l’oiseau est mort depuis vingt-quatre ou quarante-huit
heures, les acariens plumicoles abandonnent les plumes des ailes pour se répandre
sur le corps, et c’est alors et surtout sur le cou qu'ils s’accumulent et d’où on les
fait tomber facilement en grattant à rebrousse-plume cette région avec le dos d’un
| scalpel ou un couteau à papier. Après quarante-huit à soixante-douze heures les
Sarcoptides plumicoles abandonnent complétement l’oiseau sur lequel ils vivaient en
. parasites et on n’en trouve plus; pour empêcher leur fuite, on enveloppe herméti-
quement l’oiseau dans un sac de papier, et lorsqu'on l’ouvre au bout de deux ou
trois jours on trouve tous les acariens morts, ou quelques-uns encore vivants sur
les parois ou dans les encoignures du sac. 1l est des saisons, par exemple la fin de
l’hiver et le commencement du printemps, où l’on ne trouve pas ou très-peu de Sar-
coptides plumicoles sur les oiseaux ; nous en avons trouvé la raison pour une espèce,
le Pterolichus falciger, comme nous le verrons plns loin, mais nous sommes encore
| . à la chercher pour les autres.
992
|
Caractères généri-
Tribu des Sarcoptides piumicoles.
ques et sub-géné-
riques portant sur
les modifications
de la 3° paire de
pattes et de l'ex-
trémité de l’abdo-
men chez le mâle.
La femelle adulte
ayant toujours l'ab-
domen entier sans
appendices autres
que des soies. La
3° paire de pattes
semblables aux
autres.
_ Troisième paire de pat-
Caractères généri-
ques et sub-géné-
riques présentés
à la fois par le
mâle et par la
femelle adulte,
celle-ci ayant l’ab-
domen bilobé et
portant des ap-
pendices gladii-
formes ou simple
ment sétiformes.
| Pattes à peu près égales |3° Abdomen du mâle ter-
les autres, 5 sous-JAbdomen naux entiers à oscinum. C. R. (Verdier).
| genres. du mâle Ÿ bordexterne plus), | i
profon- | ou moins pro- socialis C. R. (Caille, pic-vert).
dément / fondément si- sinuosus M, (Moyen duc, cfraic).
divisé en | nueux.
deux f4° Lobes abdomi-{}, y ;
Ge gen es par) D . velatus M. (Canard, pingouin).
une membrane)D. centropodus M. (Vanneau).
mince,
5 Tarses anté- \ ,
rieurs terminés
| par de petits D. ii M. (Poule, bengali, se-
: \ crochets et des |
‘ ventouses.
P. glandarinus G R. (Geai, gros-bec).
4° Prolongements foliacés P. profusus C.R. (Moineau et autres
Genre ! del'abdomen du mâle, très-) PaSsereaux).
PROCTOPHYLLODES C.R.| larges. P. truncatus C.R. (Moineau et autril
Abdomen du mâle tron- passereaux).
qué et portant une P. hemiphyllus C. R. (Proyer).
CH, ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
P. obtusus C. R. (Poule ordin., fai-
1° Extrénuté abdominale d sans, perdrix}e
! mâle, entière, portant de}P. claudicans C. R. (Perdrix, caille
| simples soies, avec ou sans) surtout). $
MpUUAE P. bisubulatus C. R. (Perdrix rouge
et grise),
20 Onglet inférieur des man-{
dibules du mâle allongé en)P. falciger M. (Pigeons, gouras).
faucille à
Genre
PTEROLICHUS C. R.
|
chez les deux sexes,’ miné par des Mot ui securiger CG. R. (Martinet).
portant des ventouses | symétriques, sempeas | à cultrifer C. R. (Martinet)
de moyenne grandeur. { ou cultriformes j dE ne ;
> sous-genres. 4 Abdomen du mâle ter- (
miné en demi-lune trans-
versale.
P. lunula C. R. (PEU perru-
ches).
P. rallorum C. R. (Râle de genêt).
|
5° Abdomen du mäle pro-
P. delibatus C. R. (Üorneille).
| fondément échancré, for-
. mant deux lobes prismati-
| ques triangulaires. P. uncinatus M. (Veuve à collier d’or,
faisans).
Genre PTERONYSSUS C. R.
Troisième paire de pattes un peu plus grandes que
les autres. Énormes ambulacres.
P. picinus C. R. (Pic-vert).
P. striatus CG. R. (Pinson).
1° Abdomen du mâle entier.
3° paire de pattes énor La"
. passerinus Koch ex Linné (Serin,
terminée par un ongle ro-
mcineau, pinson).
buste. D. corvinus M. (Corneille).
Genre
DERMALICHUS K. |
2 Lobes abdo-
minaux divisés
transversalemnt
par une articu-
lation simple.
3° Lobes re
D. ginglymurus M. (Faisans, corneilie).
D. cubitalis M. (Poule ordinaire).
D. asternalis M. (Colombe, colin, pi=
geon, paon, perdrix rouge, perru=
ches, serin).
tes énormes ou seule-
ment plus grosses et
bien plus longues que
paire d’appendices fo-
liacés. Femelle adulte
à abdomen bilobé por-
tant une paire d’ap-
pendices gladiifor-
mes. 2 sous-genres. |
P. microphgllus C. R. (Pinson).
de l'abdomen du mâle ré-\P: rutilus C. R. (Hirondelle de fe-
duits à l'état : T4 rene nêtre).
ou de simples soies (sous-)P, cylindricus C. R. (
20 Prolongements Er
, genre Pterodectes C. R.) 1
Pie).
P. bilobatus C. R. (Alouettes diver-
\ ” Ses).
Genre PTEROPHAGUS M.
Abdomen du mâle légèrement bilobé, sans prolon-
gement foliacé. Femelle adulte à lobes renflés,
Û strictus M. (Pigeons).
simplement sétifères.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 393
Genre PTEROLICHUS (1) Ch. Robin.
Sarcoptides d'un gris roussâtre dont la longueur ne dépasse
euère un demi-millimètre (2),de furme générale ovoïde ou losan-
gique, dos plus ou moins bombé, avec une dépression latérale
peu profonde entre la deuxième et la troisième palle ; au-devant
de cette patte un long poil latéral avec un autre où un piquant
plus court. Une vésicule ovoïde dans labdomen en arrière de
chacune des dernières patles et à contenu brillant.
Rostre court, ovoïde, à base élargie, un peu incliné en avant
et en bas; à mandibules conoïdes, courtes, renflées à la base,
aiguës en avant, un peu recouvertes par un court prolongement
‘incolore du camérostome dépassant un épistome granuleux qui
porte une paire de poils sur le plus grand nombre des espèces.
Males en général un peu plus petits que les femelles, de forme
générale losangique ou ovoide et alors avec un abdomen plus
ou moins profondément bilobé en arrière où il porte de quatre à
cinq paires de poils, les uns longs, les autres courts; une plaque
dorsale granuleuse sur l’épistome et une thoraco-abdominale ;
organe génital conoïle, petit, à peine plus long que large.
Femelles fécondees ovoïdes, massives; extrémité de l'abdomen
arrondie, mousse, portant deux paires de longs poils ; vulve entre
les épimères de la troisième paire, avec un sternite semi-lunaire
transversal à extrémités libres. Une plaque dorsale sur l’épistome
el unc plaque thoraco-abdominale. Femelles accouplées plus
petites que les précédentes sans organes sexuels, ni saillie à
l'arrière du corps.
Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées, mais
plus petites, de grandeur variable, à abdomen plus court.
Larves lexapodes à abäomen plus étroit que le céphalothorax
et court, avec deux poils seulement au bout du corps. |
REMARQUES. — Les Sarcoptides de ce genre se distinguent de
(1) Étymologie : rrezèv, aile; Aetyw, lingo, je lèche.
(2) !1y a cependant une exception, le Pteroliclus falciger, qui approche un mil-
limètre et même le dépasse à l’état de nymphe hypopiale.
39/1 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
ceux des autres genres par leur forme ovoide ou losangique,
aplatie en dessous, par l’absence de piquant sur le côté interne
du tibial des premières pattes. | ;
Les mâles se distinguent facilement par leur forme presque :
losangique, par la disposition bilobée du bout de leur abdomen
avec quatre ou cinq poils sur chaque lobe, sans pointe au tibial
de la troisième paire de pattes qui est la plus petite et par la
brièveté du pénis.
Les femelles se distinguent aisément par leur forme ovoide
aplatie en dessous, sans prolongement proprement dit du bout
de l'abdomen, ni soudure aux lèvres de la vulve des extrémités
du sternite en fer à cheval qui surmonte cet organe.
4° Pterolichus dont le mâle a l’extrémité abdominale entière portant
de simples soies avec ou sans aïguillon (1)
1. Preroucnus osrusus, Ch. Robin (pl. XXII, fig. 3, 4 et 5) (2).
Sarcoptides semblables au P. bisubulatus d’une manière générale, ayant
un rostre un peu-plus petit et tous les épimères libres, avec ou sans
articulation du quatrième sur le troisième.
Tégument transparent, mince, peu rigide, à plis réguliers, très-on-
dulés sous le ventre, un peu moins fins et moins rapprochés que sur
le suivant, portant sur le dos deux paires de poils au niveau de la
deuxième paire de pattes, :omme sur l'espèce en question, et une plaque
finement grenue étendue de l'épistome jusqu'au-dessous de ces poils, et
s’étalant au-dessous d'eux en une mince bande transversale. Au-dessous
de cette bande est une étroite zone transversale de plis, puis au-dessous
de celle-ci est une nouvelle plaque finement grenue, quadrilatère, élargie
en avant, à angles nets, étendue’ sur une portion de l’abdomen. Une
grosse vésicule ovoide réfractant fortement la lumière de chaque côté
dans l'abdomen qui disparait à certaines epoques.
Anus comme sur le P. bisubulatus.
Mûle (fig. 3) long de 3 dixièmes de millimètre ou un peu au delà et
d'un tiers moins large environ; pattes des quatre paires sensiblement
égales, où les dernières un peu plus grosses.
Organe génital large, conoïde, tronqué, jaunâtre, placé au niveau de
l'intervalle qui sépare le troisième du quatrième épimère; une paire de
poils fins un peu au-dessous de sa base et une au-dessus.
(1) Sur les espèces de cette division on trouve sur les flancs, en avant des pattes
de la troisième paire, deux poils fins, dont un plus court un peu en avant et plus
près de la face ventrale que l’autre, Il en est de même sur les Pf. falciger et lunula.
(2) Obtusus, dont le corps est obtus, tronqué.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 395
Abdomen court, aplati, à côtés déprimés, à extrémité presque demi-
circulaire, avec une dépression sur la ligne médiane qui rend son extré-
mité bilobée, à lobes arrondis; chaque lobe porte quatre poils, les deux
externes sont fins et courts, et les deux autres sont un peu plus longs
que le corps n’est large. Ces caractères et la présence d'une plaque tho-
raco-abdominale le font distinguer aisément du mâle du P. bisubulatus.
Une ventouse anale, circulaire, large, pâle de chaque côté de l'anus,
presque au centre de chaque lobe, avec un court spicule au devant.
Femelle fécondée (fig.4) longue de 4 à 5 dixièmes de millimètre et d’une
largeur presque moitié moindre. Pattes presque semblables, celles de la
deuxième et de la troisième paire pourtant un peu plus petites, les
dernières dépassant un peu le bout de l'abdomen.
Vulve (fig. 5) dans l'intervalle qui sépare la deuxième de la troisième
paire d’épimères, en forme de fente longitudinale, à lèvres assez épaisses,
jaunätres en arriere, où elles s’écartent beaucoup, et entre lesquelles
s'avance le tégument finement plissé, avec une dépression circulaire
médiane à contour plissé et froncé; commissure antérieure difficile à
voir, surmontée transversalement d’un épimérite jaune très-foncé, en
fer à cheval, à concavité postérieure, dont les branches descendent
jusqu'en bas de la vulve, où elles embrassent deux poils courts et fins.
Abdomen de forme semi-ovoïde, avec une légère dépression au niveau
des dernières pattes, un peu tronqué ou même déprimé à son extrémité ;
de chaque £ôté de la ligne médiane sont quatre poils, dont les deux
médians ont une longueur qui dépasse la largeur du corps, et les autres
très-petits; une paire de poils fins et courts, plus en dehors sur le noto-
gastre ; sans prolongement cylindrique médian; un seul œuf plus ou
moins développé ou nul; plaques grenues dorsales très-marquées,
jaunâtres, semblables à celles des Dermalichus.
La femelle fécondée de cette espèce ne se distingue de celle du P. bi-
subulatus que par le volume plus considérable et la forme ovoide de ses
vésicules abdominales, par la longueur moindre de sa plaque granu-
leuse postérieure thoracu-abdominale, qui ne descend qu'un peu au-
dessous des dernières épimères jusqu’au niveau des vésicules seulement
el non jusqu’à une certaine distance au-dessous de ces vésicules, comme
dans l'espèce précédente. Elle s’en distingue enfin par l’état un peu
moins anguleux de ses pattes et la moindre longueur du plus petit
des poils latéraux situés au devant de la troisième patte.
Femelles accouplées. Longues de 0,35 à 0"",40 ou un peu au delà et
d'une largeur presque moitié moindre. Abdomen plus étroit que dans
les femelles pleines, plus déprimé au niveau des troisième et quatrième
pattes avec un resserrement assez brusque près de son extrémité, qui est
aussi plus nettement tronquée ou déprimée sur la ligne médiane. Plaque
granuleuse de l’épistome onguiforme ne descendant pas au-dessous des
poils situés au niveau des pattes de la deuxième paire. Dos couvert de
plis onduleux fins, sans plaque granuleuse thoraco-abdominale,
396 CH. ROBIN ET P, MÉGNIN. — MÉMOIRE
Le reste comme sur les femelles pleines, moins la vulve et ses épi-
mérites.
On trouve accouplées quelques femelles semblables aux précédentes,
sur lesquelles la vulve et la pièce cornée en fer à cheval qui la surmonte
sont déjà développées; mais elles ne contiennent pas d'œuf ou en ont un
qui n’a encore que de 3 à o centièmes de millimètre de long. On n’ob-
serve ce fait que sur cette espèce et très-rarement sur le P. bisubulatus.
Nymphes d'un volume variant entre celui des plus grosses larves el
celui des plus petites femelles accouplées octopodes, semblables aux
femelles accouplées, mais à corps gris et non roussâtre ; abdomen court
et étroit; plaques dorsales grenues réduites à une seule, onguiforme,
placée sur l'épistome.
Larves hexapodes, longues de 0"",25 à 0"",30, larges de 1 dixième de
millimètre ou un peu plus, de couleur grise, de forme générale quadri-
latère allongée; flancs resserrés, presque droits; dépressions au niveau
des dernières pattes et à l'arrière de l’abdomen très-prononcées. Abdo-
men court et étroit, à extrémité tronquée ou déprimée, avec une seule
paire de poils plus longs que le corps n’est large de chaque côté de cette
troncature, et une autre paire plus courte au niveau de la dépression de
l'arrière de l'abdomen. Une seule plaque dorsale onguiforme grenue
formant l'épistome, très-petite. |
Œuf long de 0,22 à 0m",95, large de 5 à 7 centièmes de millimètre,
cylindroïde allongé, aplati d’un côté dans le sens de sa longueur, un peu
plus atténué à un bout qu’à l’autre, à paroi épaisse, surtout au gros
bout.
Habite les rémiges et les tectrices avec les individus de l’espèce pré-
cédente, mais en plus petit nombre, sur les perdrix rouges (Perdix
rubra, Brisson) et grises (Perdix ou Starna cinerea, Bonap. eæ Charleton
et sur la variété à pieds jaunes, St. damascena, Brisson).
VaRiËTÉ., — Sur les poules, surtout celles des volières, sur le faisan
commun, le faisan doré et presque toutes les espèces de faisans des
volières, on retrouve l’acarien précédent, mais il y présente quelques
légères différences qui sont constantes.
Ce sont : une longueur un peu plus grande, une forme plus effilée,
moins trapue, le corps un peu moins élargi vers le milieu. Les mâles
sont un peu plus allongés, moins élargis en avant, avec le pénis un peu
plus aigu, les ventouses moins foncées et les pattes de la quatrième paire
plus grêles et un peu plus longues que sur les variétés précédentes. Les
femelles ne diffèrent des premières que par une largeur moindre et une
longueur d'un quart environ plus grande. Enfin les larves et les nymphes
de première mue de cette variété ont sur les flancs un long poil et un
autre court el rigide comme un piquant, au lieu d’un seul poil sur les
larves et d’un poil semblable avec un autre à côté plus court et flexible
que présentent les larves et les nymphes de la variété première.
Sur les gallinacés encore chauds, ces acariens sont très-agiles, surtout
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 397
les nymphes et les mâles. Les larves et les femelles fécondées sont plus
lentes, Ils sont nombreux dans les pennes moyennes, un peu moins dans
les tectrices. Ils se tiennent plutôt entre Les barbes qu'à leur aisselle.
Quand l'oiseau se refroidit, ils se réunissent en bas du sillon de la tige
des pennes et des tectrices ou sur les côtés du bas de la tige. On en
trouve parfois dans les subalaires.
”
2. Prerozicuus cLaupicans, Ch. Robin (pl. XXIL fig. 6) (1).
Sarcoptides d'un gris roussâtre, à corps ovoide, atteignant et dépassant
un peu une longueur d'un demi-millimètre, à dos bombé, à ventre plat.
Rostre d’une teinte jaune rougeûtre, ocracée, assez fortement pro-
noncée vers sa base, long de 50 à 60 millièmes de millimètre, large
de 30 à 40 millièmes, saillant en avant.
Pattes rendues anguleuses par des tubercules chitineux foncés rou-
geâtres des pièces solides de chaque article.
Épiméres et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur ocreuse
très-prononcée, surtout au niveau de leurs tubercules et de leurs apo-
physes qui forment des taches rougeâtres foncées, surtout chez les
adultes.
Tous les épimères libres dans les deux sexes et à tous les âges; le qua-
trième articulé avec le troisième, sur le mâle seulement.
Tégument mince, transparent, peu rigide, à plis réguliers, fins, rap-
prochés, onduleux, surtout à la face ventrale du corps, portant une
plaque dorsale onguiforme, finement grenue, étendue de l’épistome
jusqu’au niveau de la deuxième paire de pattes, et là, de chaque
côté de son extrémité, sont deux poils semblables à ceux de l’espèce
précédente. Au-dessous de ces poils est une bande transversale fine-
ment grenue, qui n'est pas continue avec la première, comme dans
l'espèce précédente. Au-dessous de cette bande est-une zone de plis
transversalement dirigés, puis une plaque finement grenue, à granules
fins disposés en série, d’une forme quadrilatère, mais moins nettement
limitée que dans l'espèce précédente, et manquant parfois sur le mâle.
Deux poils latéraux de longueur presque égale immédiatement au
devant de la troisième paire de pattes, et une paire de poils très-fins et
courts un peu au-dessous de la deuxième paire de pattes. Cette paire
manque dans les deux précédentes espèces.
Anus comme dans l'espèce suivante.
Mâle long de 4 à 5 dixièmes de millimètre et à peu près moitié moins
large. Les trois premières paires de pattes à peu près égales ; la quatrième
conoïde, plus épaisse que les autres, est plus courte, atteint à peine
l'extrémité de l'abdomen et a un tarse très-court, dépourvu de ventouse,
terminé par un fort crochet ou tubercule conoïde, corné, foncé (fig. 6).
(1) Claudicans, qui a es jambes inégales, boiteuses.
398 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN, — MÉMOIRE
Organe génitul jaunâtre, pàle, conoïde, très-court, à sommet arrondi,
avec une paire de poils fins un peu au devant de son sommet.
Ces caractères le font distinguer facilement du mäle de l'espèce sui-
vante, qui lui ressemble beaucoup d’autre part.
Abdomen aplati, à côtés déprimés, lésgèrement concave, avec une
dépression très-prononcée sur la ligne médiane, qui rend son extrémité
postérieure bilobée, à lobes arrondis.
Le reste, pour les poils, etc., comme dans l’espèce suivante.
Femelle fécondée longue d'un demi-millimètre ou un peu plus et large.
d’un quart à un tiers de millimètre. Pattes et vulve comme dans l'espèce
suivante. Pièce cornée transversale surmontant la vulve à branches
courtes, formant à peine un quart de cercle.
Abdomen régulièrement ovoide, plat en dessous, sans dépressions
sur les flancs, à extrémité mousse, arrondie, un peu déprimée sur la
ligne médiane, avec un court prolongement conoide au centre de cette
dépression, et de chaque côté deux poils presque aussi longs que le corps
est large ; de plus deux autres poils plus courts et plus fins encore que
dans l’espèce suivante et difficiles à voir; plus en dehors sont un poil
dorsal et un poil ventral très-fins et courts. Un seul œuf plus ou moins
développé ou nul.
Femelles accouplées. Longues de 0,45 à 0,50 ou un peu au delà et
d'une largeur presque moitié moindre,
Abdomen plus étroit que dans les femelles pleines, avec dépressions
très-prononcées au niveau de la troisième paire de pattes et au-dessous
de la quatrième, avec un resserrement assez brusque près de son «extré-
mité; à ce niveau font saillie deux poils fins et courts, l’un ventral,
l'autre dorsal; extrémité de l'abdomen tronquée, avec une dépression
médiane, une petite saillie et deux longs poils comme sur la femelle
fécondée,
Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées, mais un peu
plus petites, à abdomen plus court, à dépressions latérales et postérieures
encore plus prononcées; sans organes sexuels, ni court prolongement
médian ; plaques dorsales grenues réduites à une seule onguiforme, con-
situant l'épistome ; couleur générale d’un gris blanchâtre et non rous-
satre ; épimères et pièces solides des pattes bien moins colorés que sur
les adultes,
Larves longues de 2 et demi à 3 dixièmes de millimètre, semblables
du reste à celles de l'espèce précédente.
OŒuf long de 0"",22 à 0"",27, large de 0"",06 à 0"",08, cylindroïde,
allongé, aplati et même un peu courbé dans le sens de sa longucur, un
peu plus afténué à un bout qu'à l’autre, à parois épaisses, hyalines, sur-
tout vers le plus gros bout.
Habitat. Cette espèce habite sur la caille surtout, mais se trouve
parfois aussi en petite quantité sur la perdrix grise (Séarna cinerea, Bonap.
ex Charleton, et sur la Sf, damascena, Brisson).
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 399
Remarques. 11 n'y à presque aucune différence entre les larves et les
nymphes de cette espèce, de la suivante et de la précédente. Cette espèce
ressemble beaucoup à la suivante, malgré un volume un peu plus grand
et des formes un peu plus trapues. :
Mais le mâle s'en distingue facilement par la brièveté de la quatrième
paire de pattes, l'absence de caroncule ou ventouse à cette patte, et par
la pointe cornée qui termine le tarse de cette patte.
La femelle se distingue facilement de celle de l'espèce suivante par
la division en deux pièces rapprochées offerte par la plaque granuleuse
de l’épistome, et par les bords mal limités de la plaque postéricure,
puis par le plus de brièveté des branches de la pièce en fer à cheval
supra-vulvaire. Elle s’en distingue enfin par la présence d’un court pro-
longement conoïde au fond de la dépression du bout de l’abdomen, avec
deux paires de poils seulement de chaque côté. Cette dernière disposi-
tion de ces poils permet aussi de distinguer les nymphes de cette espèce
de celles de la suivante.
bans cette espèce Le corps est un peu moins large entre la deuxième
et la troisième paires de pattes que sur la suivante, et l’abdomen est un
peu plus allongé.
J'ai vu une femelle longue de 5 dixièmes de millimètre en voie de
quitter un tégument sans vulve et sans autre plaque grenue que celle
de l’épistome ; elle sortirait avec une vulve surmontée de son épimérite
en fer à cheval, avec les plaques dorsales grenues. En sortant leurs épi-
mères et leurs pièces solides des pattes sont encore peu colorés.
En dehors des caractères distinctifs signalés dans les descriptions
précédentes et la suivante, ces trois espèces restent voisines l’une de
l’autre et ont, au premier coup d’œil, une grande ressemblance.
Les enveloppes abandonnées par ces trois espèces lors de la mue sont
disposées en trainées entre les barbes des plumes, et forment parfois par
leur ensemble des plaques grisàtres sur celles-ci. Elles sont composées
d’enveloppes de larves et de nymphes. On n’y trouve pas des coques
d'œufs, ni des enveloppes de mâles et de femelles fécondées,
Les larves vivantes se trouvent surtout à l'angle même d'insertion de
la barbe sur la tige de plume. |
On voit parmi les individus de ces trois espèces de grosses larves im-
mobiles ou marchant très-lentement. Sous leur tégument à six pattes
celles qui sont immobiles montrent huit pattes repliées; elles sont prêtes
à sortir sous forme de nymphes. |
3. PrerocicHus sisuBuLaTus, Ch. Robin (pl. XXII, fig. 7) (1).
Sarcoptides d’un gris roussâtre, d’une longueur ne dépassant pas un
demi-millimètre, à dos bombé, plat sous le ventre, avec un pli ou sillon
(4) Bisubulalus, à deux pointes en alène.
A00 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
dorsal et une dépression latérale rudimentaire entre les deuxième et
troisième paires de pattes. Un très-court poil latéral derrière cette
dépression. |
Rostre faiblement jaunâtre, conoïde, long de 90 à 55 millièmes de
millimètre, large de 30 millièmes environ, peu incliné, saillant en avant.
Mandibules dépassant à peine le bord libre de la lèvre, coniques, peu
renflées à la base, sur laquelle empiétent un prolongement incolore du
camérostome, et l’épistome portant une paire de poils fins de la lon-
gueur du rostre, didactyles, à onglets pourvus de dentelures mousses, |
Pattes un peu anguleuses à cinq articles courts, sans tubercules
ocracés, disposées en deux groupes de deux paires chacune, placés l’un
près du rostre, l'autre près de l’abdomen, avec un certain intervalle
entre eux; celles de la première et de la quatrième paires un peu plus
grosses que les autres, d’une longueur égale à peu près au diamètre
transverse du corps. Tarses terminés par des ventouses cupuliformes de
largeur moyenne. Long poil des tarses tronqué.
Épiméres et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur
ocreuse très-peu prononcée. Extrémité inféricure des épimères libre
dans les deux sexes, le quatrième excepté, s'articulant avec le troisième,
qui est le plus fort et courbé en quart de cercle à concavité interne.
Tégument transparent, mince, peu rigide, à plis réguliers, fins, rap-
prochés, portant une plaque dorsale onguiforme, finement grenue,
étendue de l'épistome jusqu'au niveau de la deuxième paire de pattes,
et là, de chaque côté, se trouvent deux poils, dont le plus interne est
très-court et l’autre a une longueur égale à la largeur du corps. Deux
poils latéraux immédiatement au devant de la troisième paire de pattes,
l'un en dessus, aussi long que le corps est large, l’autre en dessous, plus
court et plus fin; une étroite vésicule ovoïde de chaque côté dans l’abdo-
men, derrière les dernières pattes.
Anus sous forme d’une fente longitudinale à la face inférieure de
l'abdomen, atteignant presque son extrémité, avec une paire de courts
poils sur ses côtés,
Mûle très-différent des autres états, long de 3 à 4 dixièmes de milli-
mètre et d’un tiers moins large, de forme générale losangique. Pattes
de la quatrième paire plus grosses que toutes les autres, courtes, dépas-
sant à peine le bout de l’abdomen, avec un fort tubercule conique corné
en dedans de l'extrémité du tarse; pattes de la troisième paire un peu
plus grosses que celles des deux premières. Plaque granuleuse de lépi-
some onguiforme, ne descendant pas plus bas que l'insertion des pattes
de la deuxième paire. Dos couvert de plis fins transversaux sans plaque
thoraco-abdominale.
Organe génital conoïde, jaunâtre, foncé, à base peu élargie, à sommet
mousse, placé au niveau des épimères de la quatrième paire. Une paire
de poils courts sur Les côtés de sa base. Pas de ventouses génitales dans
les deux sexes.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. A0O1
Abdomen aplati, s’atténuant directement en pointe dès le niveau de la
troisième paire de pattes, à extrémité divisée elle-même en deux lobes
triangulaires grèles par une profonde incisure sur la ligne médiane,
incisure qui est bordée d’une bande cornée jaunâtre, laquelle remonte
aussi sur les côtés de l’abdomen jusqu'au quatrième épimère, auquel
elle est soudée sur quelques individus. Chaque lobe est prolongé par un
fort stylet corné, jaunâtre, aigu, inséré sur son extrémité, et porte
en outre en dehors de sa base deux grands poils grêles de longueur iné-
gale, puis un autre court piquant, en tout quatre appendices. Une ven-
touse anale circulaire, large, jaunâtre, est placée de chaque côté de
l'anus vers la base de chaque lobe, avec un court piquant au devant
d'elle.
Femelles fécondées longues de 4 à 5 dixièmes de millimètre et près de
moitié moins larges; pattes un peu anguleuses, presque semblables ;
celles de la deuxième et de la troisième paires, un peu plus petites pour-
tant que les autres; les dernières dépassant le bout de l’abdomen de
la moitié de la longueur du tarse.
Abdomen un peu plus étroit que le céphalo-thorax; flancs légèrement
bombés, onduleux quand ils ne sont pas gonflés; à extrémité mousse,
déprimée ou non sur la ligne médiane, et de chaque côté de celle-ci
quatre poils, dont les deux médians ont une longueur qui dépasse les
dimensions de la largeur du corps, les autres sont très-petits; plus en
dehors une paire de poils fins et courts sur le notogastre; pas de prolon-
gement cylindrique médian.
Plaque granuleuse de l’épistome descendant entre les poils situés au
niveau des patles de la deuxième paire et s’étalant en une mince bande
transversale de même nature, après s’être interrompue ou non. Au-des-
sous de cette bande une zone de plis transversaux, puis une plaque
granuleuse céphalo-thoracique, quadrilatère, à angles et à côtés nets,
rétrécie en arrière, où elle se termine près du bout de l’abdomen sans
atteindre.
Vulve comme dans le Pé. obtusus.
Femelles accouplées longues de 0,36 à 0"®,40, larges de 0"",99 à
0,24; abdomen plus atténué que sur les femelles pleines, à flancs non
bouchés, presque droits ou un peu onduleux. Si l'animal n’est pas gonflé,
étroit et tronqué à son extrémité, sans dépression bien marquée au
niveau des dernières pattes ni en arrière. Plaque de l’épistome ongui-
forme ne descendant pas au-dessous de la deuxième paire de pattes. Tout
le dos couvert de plis réguliers fins, sans plaque granuleuse thoraco-
abdominale. Le reste comme sur les femelles pleines, moins la vulve et
ses épimérites.
On trouve quelquefois dans cette espèce, mais fort rarement, des
femelles sexuées qui sont accouplées.
Nymphes octopodes, semblables aux femelles accouplées, mais plus
petites, de dimensions variant entre celle des plus petites de celles-ci et
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (1877). 26
h02 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
des plus grosses larves. Abdomen plus court, un peu déprimé sur les
flancs au niveau des dernières pattes et près de son extrémité. Corps
gris blanchâtre et non roussâtre.
Larves hexapodes semblables à celles de l'espèce suivante, d’un gris
blanchâtre.
OŒuf semblable à celui du P. obtusus.
Hubite sur les perdrix rouges et grises avec le P. obtusus, mais en
plus grande quantité. On en trouve surtout entre les barbes des rémiges,
souvent en très-grand nombre et aussi entre les barbes des téctrices.
Leur démarche n’est pas aussi rapide que celle de plusieurs autres espèces.
Les mâles de cette espèce s'aident de leurs pattes de la quatrième
paire pour retenir les femelles pendant l'accouplement.
û
2° Pterolichus à onglet inférieur des mandibules allongé
en faucille.
4. PTEROLICHUS FALCIGER, Mégnin (pl. XI et XIII) (1).
Sarcoptides à corps allongé, rhomboïdal, marqué dans son milieu par
un profond sillon analogue à celui des tyroglyphes, portant un large
plastron céphalo-thoracique accompagné en arrière de deux autres plus
petits chez le mâle et de trois chez la femelle, plus un plastron noto-
gastrique trapézoïdal allongé d'avant en arrière; quatre grandes soies :
presque égales en arrière du plastron céphalo-thoracique, deux paires
latérales et trois paires à l’extrémité abdominale, accompagnées de deux
paires de petits poils.
Mâle (pl. XI, fig. 1 à 5) long de 0"",80 PAIE les pattes), large de 0"",30,
tégument et squelette, surtout le plastron céphalo-thoracique et les
pattes antérieures, colorés en roux vineux; tégument de la face infé-
rieure du céphalo-thorax, sur lequel sont dessinés les épimères des
pattes antérieures, {transformé en plastron grenu; extrémité postérieure
tronquée, portant outre les soies et les poils propres aux deux sexes une
paire de stylets lancéolés. Organe mâle à la hauteur de la quatrième
paire de pattes; ventouses copulatrices grandes en avant de l'anus.
Femelle ovigére (pl. XUI, fig. { et 2) longue de 0"",65, large de 0"",30
(sans les pattes) ; vulve de ponte au milieu de la face inférieure du corps,
en arrière du sillon, constituée par une ouverture circulaire à bords for-
tement plissés, à plis rayonnants, munie d'une paire d’épimérites dessi-
nant une lyre renversée,
Femelle nubile ou accouplée longue de 0"",60, large de 0"",25, sem-
blable à la femelle ovigère, sauf la vulve de ponte qui n'existe pas; anus
grand et allongé; tubercules copulateurs sur la face supérieure de l’ex-
trémité postérieure, peu proéminente; absence de plastrons notogas-
triques et des petits plastrons céphalo-thoraciques. |
(4) Falciger, qui porte une faulx. k
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 103
Nymphe normale (pl. XII, fig. 7) longue de 0"",58, large de 0"",23,
semblable à la femelle nubile, dont elle ne diffère que par l'absence de
tubercules copulateurs et par un anus plus petit.
Larve (pl. XHE, fig. 6) longuc de 0"",30, large de 0"",12, hexapode,
n'ayant qu'une paire de pattes postérieures, qu'un plastron céphalo-
thoracique unique et qu’une paire &e petites soies à l'extrémité posté-
rieure.
Œuf (pl. XI, fig. 5) long de 0"",30, large de 0"",12, ovale allongé,
lisse, couleur gris perle brillant.
Nymphe à hypope (pl. XIE, fig. 8), longue de 0"",95 à { millimetre,
large de 0"",30, semblable à la nymphe normale pour les détails ana-
tomiques, mais ayant près du double de grandeur et une forme cylin-
drique, présentant ordinairement dans son intérieur une forme hypo-
piale en voie de développement.
Nymphe adventive où hypopiale ({"* forme) (pl. XXIL, fig. 1) longue
de Omn,80 à 1mm 10, large de 0®®,40. Corps de forme vermiculaire un
peu piriforme, portant six paires de poils, à extrémités arrondies, sans
ouverture anale ni buccale, bien que présentant des rudiments de
palpes; huit pattes en deux groupes très-éloignés, s’articulant à des épi-
mères dont les extrémités sont reliées à un sternite commun; pattes à
cinq articles, les quatre premiers très-courts, le cinquième plus long,
grêle, terminé par un crochet dans les trois premières paires et par deux
soies dans la dernière, et présentant sur sa longueur six soies assez
longues formant pinceau, enfin semblables aux pattes des hypopes des
tyroglyphes. Le sternite unissant les épimères des pattes postérieures
dessine un rudiment d'organe mâle rappelant celui des tyroglyphes.
Nulle trace de ventouse d’adhérence en groupe sous-abdominal, comme
chez les hypopes de ces derniers.
Nymphe adventive où hypopiale (2° forme) (pl. XXI, fig. 2) longue
de Oma,40, large de Owm,20. Corps de forme cylindrique à extrémités
arrondies portant quatre paires de poils; pattes semblables à celles de la
précédente, mais à épimères de la première paire seulement conjuguées;
rudiment d’un organe femelle entre les épimères des pattes postérieures.
Habitat. Les formes adultes, les nymphes normales, les larves et les
œufs se rencontrent dans les plumes et sur la peau des diverses espèces
de colombidées sauvages ou domestiques; les nymphes adventives ou
bypopiales se rencontrent dans le tissu cellulaire sous-cutané ou péri-
trachéen des mêmes espèces, et seulement pendant l’époque de la mue
ou dans le temps qui précède ou qui suit cette période.
C’est la plus grande espèce du genre et même de la tribu, et elle con-
situe à elle seule un sous-genre, à cause des différences caractéristiques
que présente surtout le mâle avec les caractères des autres groupes du
genre : ainsi il est plus grand que la femelle adulte ; il a l'extrémité
postérieure légèrement bifide, recouverte par une armature coriace
estampée; ses deux paires de pattes antérieures sont plus grandes et plus
A0 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
colorées que les postérieures, ce qui est l'inverse chez la femelle; enfin
l'onglet inférieur de ses mandibules est très-allongé, arqué en forme de
faucille, et dépasse non-seulement l'onglet supérieur, mais même tout
le rostre, d'où semblent ainsi sortir deux stylets mousses (pl, XII, fig. 3).
REMARQUES SUR LES MÉTAMORPHOSES DU PTEROLICHUS FALCIGER. — Comme
chez tous les autres acariens, la succession des différents âges et l’appa-
rition des sexes a lieu chez celui-ci à la suite de mues ou plutôt de véri-
tables métamorphoses que l’un de nous a décrites en détail ailleurs (1)
et que nous allons résumer ici.
Lorsqu'une larve veut prendre les caractères du second âge, comme
aussi lorsque l’une quelconque des mues va s'opérer, le petit animal
devient inerte comme un cadavre, et l’on voit dans son intérieur se
passer un curieux phénomène qui rappelle tout à fait celui qui se passe
dans l’œuf : tous les organes internes, toujours très-peu distincts, aussi
bien que ceux qui sont contenus dans les pattes, se résolvent en une
matière demi-fluide comme sarcodique qui se concentre dans le tronc,
s’enveloppe d'une sorte de membrane blastodermique, qui se comporte
absolument comme le blastoderme de l’œuf et se mamelonne comme
lui ; les mamelons groupés à l'extrémité céphalique donnent lieu à un
nouveau rostre; les mamelons latéraux donnent naissance à de nou-
velles pattes, qui ne se forment pas du tout dans l’intérieur des anciennes
comme dans un étui, ainsi que l’ont dit Eichtædt, Gerlach, Bourguignon,
Furstenberg, etc. Ces membres de nouvelle formation sont disposés
comme ceux de la larve dans l’œuf, c'est-à-dire qu'ils sont repliés sous
l'abdomen et convergent vers le centre. Les nouveaux poils apparaissent
de la même façon que les membres. Lorsque le nouvel animal veut
sortir de son enveloppe, celle-ci se fend sur la ligne dorsale comme celle
de l'œuf, ou bien l’extrémité abdominale se détache comme un cou-
vercle de tabatière, et l’acarien en sort agrandi, mais de la même
manière que la larve sort de ses premières langes. L’enveloppe aban-
donnée montre tous les organes anciens, mais vides et décolorés; c'est
ce qui avait fait croire jusqu'ici que c'était l’ancien tégument seulement
qui se détachait, même des parties dures conservées, et que la mue
n’était qu'un simple changement d’épiderme.” Tous les organes non
tégumentaires, comme les crochets, les mandibules, les ventouses, les
arlicles des pattes, les épimères, se renouvellent en entier aussi bien
que les poils, et ceux-ci non plus ne sortent pas des anciens comme
d'un étui, comme on l’a aussi dit, Ces faits se montrent non-seulement
sur les sarcoptides plumicoles, mais aussi évidemment sur tous les autres
acariens (2), et nous ne connaissons que les Ptéroptes, de la famille des
(1) Mégnin, Note sur les métamorphoses des acariens, in Comptes rendus de
l’Acad. des sc. du 8 juin 1874, et Journ. de l’anat., 1873.
(2) Claparède, dans sa belle étude sur l’embryogénie des Atax, avait déjà montré
qu’à chacune des trois périodes ou âges à ta suite desquelles cet acarien aquatique
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. h05
gamasidés, dont les membres, comme on sait, sont énormes, qui
montrent ceux-ci comme servant d’étui aux nouveaux; mais ils n’en
montrent que plus clairement les crochets et les appendices du nouveau
tarse se formant dans l’intérieur du tarse ancien d’une manière tout à
fait indépendante des anciens crochets et autres appendices (le nouvel
œuf est ici lobulé, et chaque lobule est contenu dans une ancienne
patte).
Ainsi donc, chez les acariens, la mue n’est pas seulement un change-
ment de peau, c’est une sorte de nouvelle ovulation, si l’on peut dire,
et une nouvelle naissance, qui s’opère aussi rapidement que la première,
car vingt-quatre heures suffisent pour la création du nouveau corps.
Tel est le phénomène qui se passe lorsque la larve devient nymphe
normale, puis celle-ci acarien adulte mâle ou femelle. Nous disons
nymphe normale, parce que tant que les conditions d'habitat et d’exis-
tence ne changent pas, restent normales, la succession des âges ou des
phases de la vie du Ptferolichus falciger parcourt invariablement le même
cycle : œuf, nymphe normale, mâle, femelle nubile et femelle ovigère
pour recommencer à l'œuf et ainsi de suite. Mais si les conditions de
milieu viennent à changer, si la mue de l’oiseau et la sécheresse de la
peau qui en est la conséquence viennent à priver le parasite de ses
moyens d'existence, la régularité du cycle subit un temps d'arrêt néces-
saire pour sauver la colonie de la destruction : la nymphe normale, au
lieu de donner naissance à un mâle ou à une jeune femelle nubile,
devient nymphe à hypope, se dilate et laisse sortir de ses enveloppes
une forme acarienne tout à fait différente de la forme normale, et dont
la conformation est appropriée à un nouveau genre de vie; cette forme
acarienne, qui est vermiculaire et qui n’est autre que ce que nous avons
décrit et figuré sous le nom de nymphe adventive ou hypopiale (1), s'in-
troduit par les follicules plumeux béants, et peut-être même par les
acquiert une forme plus parfaite, il retourne littéralement à l'état d'œuf : ainsi,
de même que la larve est sortie d’un œuf, la nymphe octopode sort aussi d’un œuf
qui succède à la larve, et l’animal adulte sort d’un œuf qui succède à la nymphe oclo-
pode. Ce qui se passe chez les Sarcoptides plumicoles ou autres est identiquement le
même phénomène, seulement ici les œufs de nouvelle formation restent enfermés
dans l’ancienne enveloppe qui, chez les Atax, disparaît probablement en se dissolvant
dans l’eau dans laquelle vit l’animal. (Voyez Claparède, Studien zur Acariden dans
Zeischrift fur viss. Zool. Leipzig, 1868.)
(1) Certains acariens parasites rencontrés sur les insectes et les quadrupèdes, que
l'on avait nommés {ypopus, Homopus, Trichodactylus, et que certains naturalistes
regardaient comme espèces parfaites, tandis que d’autres les prenaient pour des
larves, ont été reconnus par l’un de nous pour être des nymphes adventives de tyro-
glyphes et d’autres genres voisins ; les noms d’hypope, d’homope, etc., devaient donc
disparaître de la nomenclature acariologique ; nous les avons conservés, mais comme
adjectifs, pour qualifier cette forme curieuse ct extraordinaire de nymphe adveu-
tive. (Voyez Mégnin, Mémoire sur les Hypopes in Journal de l'anatomie, mai et juin
1874.)
h06 CH. ROPIN ET F. MÉGNIN: — MÉMOH::
organes respiratoires, dans le tissu cellulaire sous-cutané ou péri-tra-
chéen, qui, comme on sait, ést très-lâche chez les oiseaux én général et
chez les pigeons en particulier, et y vit pendant un certain temps, —
par absorption cutanée sans doute, puisqu'elle n’a aucune espèce d’ou-
verture et que cependant elle augmente de volume ; — puis cette nymphe
adventive revient à l'extérieur par les mêmes voies, pour reprendre sa
forme première lorsque les conditions d'existence normales du parasite
sont rétablies. La premiére forme de nymphe adventive donne probablement
des mâles et la deuxième forme des femelles, et si nous disons probable-
ment, c'est que, si nous avons la preuve de la transformation directe des
nymphes normales en nymphes hypopiales, nous sommes encore à la
poursuite d'un beau cas de transformation en retour, comme ceux que
nous avons saisis chez les hypopes des tyroglyphes, et que nous espérons
bien rencontrer d’un instant à l’autre.
C’est la première, c'est-à-dire la plus grande forme de notre nymphe
hypopiale du Pterolichus falciger, qui, rencontrée dans le tissu cellulaire
péri-trachéen de certains pigeons par M. le professeur Robertson, de
l’Université d'Oxford, a été décrite et figurée par lui comme un acarien
nouveau et extraordinaire; mais il n’a pu en découvrir Porigine,
bien qu’il ait vu qu’il était imparfait et qu'il fallait attendre sa trans-
formation à l’état adulte pour le bien connaitre (1).
La métamorphose hypopiale se fait suivant la même loi et par le
même procédé que la métamorphose normale qui sépare chaque âge.
C'est même l'observation de cette métamorphose hypopiale chez laquelle
les phénomènes intimes sont beaucoup plus manifestes et mieux tran-
chés que dans la première, qui nous a mis sur la voie de la constatation
du véritable mécanisme par lequel s’opère ce que l’on a appelé jusqu’à
présent et très-improprement la mue chez les acariens.
3° Pterolichus dont l'abdomen du mâle est terminé par des appendices
symétriques sécuriformes, etc.
. PreroLIcHUS sEcuRIGER, Ch. Robin (pl. XXII, fig. 9) (2).
Sarcoptides roussâtres, plus petits qué tous les précédents, atteignant
au plus une longueur d’un tiers de millimètre, de forme générale quadri-
latère allongée, mousse en arrière, atténuée en avant; flancs presque
droits, un peu élargis en arrière du sillon transversal placé derrière la
deuxième paire de pattes, et une dépression latérale à chacune des ex-
trémités de ce sillon.
Rostre roussâtre foncé, conoïde, étroit, long au plus de 0,05,
saillant entre les pattes antérieures; palpes maxillaires. débordant les
mandibules de chaque côté ; en avant et sur la base de celle-ci empiète
(1) Zulletin de la Société de microscopie d'Oxford, 15 février 1866.
(2) Securiger, qui porte une hache,
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. A7
un peu le prolongement incolore du ramérostome; bord de l’épistome
portant deux poils moins longs que le rostre.
Pattes presque semblables entre elles et d’un sexe à l’autre, non angu-
leuses, d'une longueur égale à peu près à la largeur du corps. Les anté-
rieures dépassant un peu le rostre, et les postérieures aussi un peu
l'arrière du corps. Long poil des tarses tronqué; ventouses petites.
Epiméres grêles jaunâtres peu foncés; extrémité interne des deux
premiers unie en V sur la ligne médiane, celle des seconds libre, et celle
du quatrième unie à angle aigu à celle du troisième.
Tégument peu transparent, assez épais, à plis fins, n'existant qu'à la
face ventrale du corps sur les adultes; plaque granuleuse de l’épistome
jaunâtre, foncée, peu grenue, couvrant toute la partie du corps qui est
au devant du sillon transversal; plaque thoraco-abdominale jaunâtre,
peu transparente, peu grenue, quadrilatère, couvrant tout le noto-
gastre à partir du sillon transversal. 3
Deux poils dorsaux de chaque côté au niveau de la deuxième paire de
paltes, dont l’un rigide est moins long que le corps n’est large, et l’autre
en dedans est presque imperceptible. Sur la pièce antéro-latérale du
troisième épimère deux poils, dont l’un rigide est moins long que le
corps n’est large, et l’autre très-fin placé au-dessous et en avant est
moitié plus court. Un très-court poil latéral derrière la dépression termi-
nant de chaque côté le sillon dorsal transverse.
Pas de vésicule abdominale derrière les dernières pattes.
Anus en forme de fente longitudinale à la face inférieure du corps,
atteignant à peine son bord postérieur avec un petit poil de chaque côté.
Mâle long de 0vm,26 à Omm,98 et moitié moins large ; extrémité posté-
rieure du corps arrondie, avec deux lobes arrondis s’unissant à angle
rentrant sur la ligne médiane, et prolongés chacun par un mince appen-
dice incolore à peu près long comme le rostre, sécuriforme et très-carac-
téristique ; trois poils sur chaque lobe, l’un à la base de l’appendice du
tiers moins long que le corps, l’autre plus en dehors aussi long que le
corps, et Le plus extérieur courbe, rigide, un peu plus long que l’appen-
dice.
Organe génital plus près de l’anus que de l'insertion des pattes de la
quatrième paire, large, très-court, à sommet arrondi, avec des plis
tégumentaires en arc transversal devant lui; deux poils fort courts de
chaque côté; une paire de ventouses copulatrices de chaque côté de
l'anus, grosses, foncées, circulaires.
Femelles fécondées plus grosses que le mâle, longues de Omn,33 et
moitié moins larges; extrémité postérieure du corps arrondie, mousse,
avec deux poils très-courts presque imperceptibles, et entre eux deux
autres portés chacun par un gros tubercule basilaire saillant, le plus
interne aussi long que le corps et le dernier un peu plus court.
Vulve très-en avant, ayant sa conmissüre antérieure au niveau des
pattes de la deuxième paire, en forme de fente longitudinale longue, à
h08 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
lèvres jaunâtres foncées, s’écartant à angle aigu près de la commissure
antérieure, qui est surmontée transversalement d’un sternite court,
jaune, peu foncé, courbé en demi-cercle, à concavité postérieure.
Femelles accouplées de la taille du mâle ou un peu plus grandes; plaque
de l’épistome ne s'étendant pas jusqu’au sillon dorsal transverse; pas de
plaque thoraco-abdominale; dos sillonné de plis transversaux et obliques
en arrière réguliers; tubercules basilaires des deux longs poils posté-
rieurs très-saillants ; semblables du reste aux femelles, sauf une atté-
nuation sensible de l'arrière de l'abdomen.
Nymphes octopodes d’un volume qui varie entre celui des femelles
accouplées et celui des plus grosses larves; corps grisâtre, plus effilé que
dans les âges suivants, semblable du reste aux femelles accouplées,
sauf plus d'atténuation et de brièveté de l'abdomen.
Larves hexapodes longues de Onm,13 à Omm,18, au moins moitié moins
larges, grises, effilées ; abdomen un peu plus étroit que le céphalo-
thorax, court, un peu dépassé par les dernières pattes; une seule paire
de longs poils à l'arrière du corps; les épimères de la première paire à
extrémités libres. del
OŒuf long de Om®,11 à Omm,12, plus de moitié moins large, un peu
aplati d’un côté; membrane vitelline mince, homogène, non granu-
leuse. ; loi
Habite sur le martinet (Cypselus apus, Iliger ex L.) avec le Pterolichus
cultrifer, mais en moindre quantité que lui, dans les rémiges et les
tectrices; sa démarche est rapide. On trouve des femelles portant deux
ou trois œufs incomplétement développés.
Remarques. — La presque similitude des pattes entre elles et avec
celles de la femelle, la situation du pénis près de l’anus, et surtout
l’appendice en forme de hache de chacun des lobes de l’arrière du corps
des mâles constituent autant de caractères qui font distinguer aisément
le mâle de cette espèce de celui de toutes les autres.
Les gros tubercules portant les deux longs poils fins de l'arrière du
corps et la situation de la vulve très en avant font aisément distinguer
la femelle de cette espèce des autres, sans parler de son petit volume
et des caractres spécifiques communs à elle et au mâle.
6. Prerozicaus cucrrirer, Ch. Robin (pl. XXIL, fig. 8) (1).
Sarcoptides raussâtres d’une longueur qui n’atteint pas un demi-mil-
limètre, de forme générale losangique ou ovoïde, avec un sillon trans-
versal derrière la deuxième paire de pattes, et une dépression latérale à
chacune de ses extrémités à tous les âges.
Rostre d’un brun rougeûtre foncé, conoïde, long de 5 à 6 centièmes
de millimètre, large de 4 centièmes environ, peu incliné, saillant entre
les pattes antérieures.
(1) Cultrifer, qui porte un coutcau.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 09
Palpes maxillaires volumineux adhérant à la lèvre par le premier
article seulement, et dépassant son bord libre de toute la longueur du
troisième article, qui est un peu infléchi en dedans.
Mandibules foncées, fortes, dépassant le bord libre de la lèvre, mais
non le bout des palpes maxillaires, renflées à leur base, sur laquelle
émpiète un prolongement incolore du camérostome. Bord libre de l'épi-
stome sans poils.
Pattes non anguleuses, celles de la première et de la quatrième paire
un peu plus grosses que les autres, d’une longueur égale à peu près au
diamètre transverse du corps. Tarses terminés par de larges ventouses
cupuliformes avec une plaque de renforcement de disposition com-
pliquée. Long poil des tarses tronqué.
Épimères et pièces solides du rostre et des pattes d’un brun rougeâtre
foncé. Épimères de dispositions variées d’un état à l’autre.
Tégument d’une teinte générale roussâtre, peu transparent, assez
rigide, à plis réguliers, fins, rugueux, comme formés de rangées de fins
granules vers l'arrière du corps; une grande plaque granuleuse jaunâtre
foncée sur l’épistome, avec deux poils de chaque côté au niveau des
pattes de la deuxième paire, dont l’un très-fin et très-court, et l'autre
placé en dehors est un peu moins long que le corps n'est large; une.
autre grande plaque thoraco-abdominale sur les individus sexués, qua-
drilatère, rétrécie en arrière. A tous les âges un poil et un piquant sur
la branche antéro-latérale ou des flancs du troisième épimère, le pre-
mier en dessus aussi long que le corps est large, et le court piquant en
dessous et un peu en avant. Une petite vésicule ovoïde de chaque côté
dans l’abdomen, derrière les dernières pattes.
Anus en forme de fente longitudinale à la face inférieure de l’abdo-
men atteignant son extrémité, sans poils par ses côtés.
Mäle long de 0"",42 à 0"",46, large de 0"",20 à 0"",22, d'une
couleur roussâtre, foncée, de forme générale losangique, ayant sa plus
grande largeur en arrière du sillon dorsal transverse et atténué presque
en ligne droite en avant et en arrière.
Extrémité interne des épimères de la première paire soudée en Y sur
la ligne médiane. Ceux de la troisième et de la quatrième paire ayant
chacun deux branches ; la branche supérieure du quatrième se soudant
à la branche inférieure du troisième. Pattes de la quatrième paire un
peu plus grosses et plus longues que les autres dépassant l’extrémité de
l'abdomen. Corps à peine bombé sur le dos, s’atténuant directement en
pointe, sans démarcation entre l'abdomen et le céphalothorax à partir
du sillon dorsal transverse, à extrémité terminale, mousse et divisée
elle-même en deux lobes en forme de coutelas, tranchants, longs de
0""%,05, bordés d’une bande chitineuse rougeâtre qui contourne leur
base pour se prolonger sous l’abdomer en deux branches, dont l’une va
s’unir à la division inférieure du quatrième épimère correspondant, et
l’autre se joint à sa congénère au-dessus de l’organe génital. Près du
h10 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. —— MEMO.R&
bord externe de chaque lobe sont insérés deux longs poils dont l'un a
une longueur presque égale à celle du corps et de plus un court et fort
piquant tranchant et un poil court; en tout quitre appendices. .
Organe génital placé au niveau des épimères de la quatrième paire,
petit, jaunâtre, foncé, conoïde à sommet mousse, à base bifurquée. Une
paire de poils courts au-dessous et en dehors de sa base; une autre au-
dessus de son sommet en dehors de l'union des épimérites, venant de
la base des lobes abdominaux.
Une paire de ventouses copulatrices ovalaires de chaque côté de l’anus.
Plaque granuleuse de l’épistome, rougeâtre, coupée carrément au ni-
veau de la deuxième paire de pattes, suivie d’une zone de plis trans-
verses au niveau du sillon dorsal et au-dessous une plaque thoraco-ab-
dominale, rougeâtre foncée, à bords peu nets, large en avant, rétrécie
en arrière où elle n'atteint pas le bout de l'abdomen.
La disposition des lobes terminaux de l'abdomen et de ses poils et pi-
quants ; la couleur et la disposition des plaques dorsales granuleuses
font distinguer facilement le mâle de cette espèce de toutes les autres,
Fémelles fécondées, longues de 0"",42 à 0"",46, larges de 0"",22 à
0"2,24, de forme générale assez régulièrement ovoïde à grosse extré-
_xnité surmontée par le rostre, d’un roux foncé. Extrémités inférieures
des premiers épimères soudées en V sur la ligne médiane, celle des se-
conds libres; branche supérieure du quatrième épimère joignant la di-
vision inférieure du troisième. Pattes postérieures un peu plus grosses
que les autres, dépassant le bout de l'abdomen de la moitié environ de
la longueur du tarse. Corps s’atténuant régulièrement à partir du sillon
dorsal transverse ; abdomen un peu plus étroit que le céphalothorax, à
flanes presque droits ou légèrement concaves, à extrémité mousse, légè-
rement incisée sur la ligne médiane de chaque côté de laquelle elle
forme deux courts mamelons jaunâtres portant chacun deux longs poils
et un autre en dehors très-petit, à peine perceptible.
Plaques granuleuses de l’épistome et céphalothoracique comme sur le
male. |
Vulve dans l'intervalle qui sépare la troisième de la deuxième paire
d'épimères, et plus près de celle-ci que de l’autre; en forme de fente
longitudinale, à lèvres assez épaisses, jaunâtres en arrière où elles s'é-
cartent beaucoup et entre lesquelles s’avance le tégument finement
plissé, sans dépression médiane à contour plissé ; commissure antérieure
nette, surmontée transversalement d’un épimérite, jaune, très-foncé,
couchée en quart de cercle, à branches courtes, à concavité postérieure.
La couleur de l’animal, la disposition des plaques dorsales granu-
leuses, la présence de trois paires de poils seulement au bout de l’ab-
domen et la petitesse de l'épimérite surmontant la vulve font distinguer
facilement la femelle de cette espèce de toutes les autres.
Femelles accouplées longues de 0"",40 à 0"",42, larges de 0"",20 à
0°",22; d’un roux grisätre ; forme générale, épimères et pattes comme
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. h11
sur les femelles fécondées; pattes postérieures dépassant le bout de lab=
domen de presque toute la longueur du larse; abdomen plus court,
moins atténué sur les flanes, à extrémité plus mousse que sur les fe-
melles fécondées, maïs semblables pour le reste.
Plaque granuleuse de l’épistome onguiforme, petite, ne descendant
pas jusqu'au niveau des pattes de la deuxième paire. Pas de plaque tho-
rico-abdominäle ; dos couvert de plis larges dont les saillies sont gre-
nues, très-rugueuses, surtout en arrière ; pas d'organes sexuels.
Les poils de l'arrière de l'abdomen et les rugosités des plis dorsaux
font distinguer facilement ces femelles et les nymphes de celles des au-
tres espèces.
Nymyphes octopodes d'un volume qui varie entre celui des plus grosses
larves et des plus petites femelles accouplées ; corps gris sur les petits
individus, gris roussâtre sur les plus gros, plus resserré sur les flancs,
moins renflé en ovoide vers le niveau du sillon dorsal transverse, abdo-
men plus étroit et plus court, à extrémité arrondie; plaque de l’épis-
tome très-étroité, peu granuleuse. Le reste comme sur les femelles ac-
couplées.
Larves hexapodes longues de 0"",18 à 0"",24, larges de 0"",07 à
0"",10, grisâtres, de forme générale des nymiphes; abdomen sensible-
ment plus étroit que le céphalothorax, court, un peu dépassé par les
dernières pattes, à extrémité arrondie, non incisée sur la ligne médiane,
portant deux poils un peu plus longs que le corps n’est large ; plaque
de l’épistonie très-petite à peine granuleuse; plis du dos un peu ruguüeux.
Œuf long de 0"",16 à 0"",18, large de 0"",05, ovoïde allongé, un
peu aplati d’un côté dans Le sens de sa longueur, à peine plus atténué à
un bout qu’à l’autre; à paroi mince, régulièrement grenue (pl. XXII,
fig. 10).
Habite les rémiges et tectricés du Martinet (Cypselus apus. Illiger
eæ L.) avec le Pterolichus securiger, qui abonde moins que lui. Les Ptero-
lichus cultrifer sont surtout abondants entré les barbes de la courte ran-
gée des premières rémiges, de la deuxième et de la troisième particu-
lièrement. On les y retrouve vivants trois et quatre jours après la mort
de l'oiseau. Leur démarche est assez rapide et ils rentrent vivement entre
les barbes lorsqu'on les pousse à leur surface.
4° wterolichus dont l'abdomen sur le mâle est terminé en demi-lune
transversalement.
7. PTEROLICHUS LUNULA Ch. Robin (1).
Sarcoptides d’un gris roussâtre, atteignant une longueur de 7 dixièmes
de millimètre, de forme générale ovalaire, à flanes presque droits et
tronquée en arrière, avec un sillon transversal derrière la deuxième
(1) Lunula, petite lune.
h12 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
paire de pattes et une dépression latérale à chacune des extrémités sur
les adultes.
Rostre d’un gris jaunâtre, conoïde, long de 0"",07 environ, large de
0"",6, saillant et incliné entre les pattes antérieures. Mandibules co-
noïdes sur la base desquelles le prolongement incolore du camérostome
empiète à peine, débordées de chaque côté par les palpes maxillaires
minces en avant, épais à la base. Bord de l’épistome portant deux poils
rapprochés, ne dépassant pas le bout du rostre.
Pattes très-peu anguleuses, d’une longueur à peine égale à la largeur
du corps. Long poil des tarses tronqué. Ventouses larges, avec cinq pe-
tites plaques de renforcement grenues, polygonales, dont quatre entou-
rent la plus grande.
Epiméres volumineux d’un jaune rougeâtre foncé. Extrémité de la
tige du quatrième soudée à celle du troisième ; les antérieurs différem-
ment disposés d’un âge et d’un sexe à l’autre.
Tégument transparent, mince, à plis réguliers fins. Plaque granuleuse
de l’épistome courte et étroite ; celle du notogastre sur les adultes seu-
lement, mince, à peine colorée, peu grenue, à bords nets sur les flancs,
quadrilatère, plus étroite en arrière qu'en avant chez le mâle. Deux
poils dorsaux de chaque côté au niveau de la deuxième paire de pattes,
dont l’un au moins aussi long que le corps est large et l’autre inséré en
dedans est trèes-court. Sur la pièce antéro-latérale du troisième épimère
deux poils fins dont l’un est aussi long que le corps est large, et l’autre
au-dessous est trois fois plus court. Pas de vésicule abdominale derrière
les dernières pattes.
Anus en forme de fente longitudinale à la face inférieure de l’abdo-
men, empiétant par l'extrémité postérieure de celui-ci avec une paire
de poils fins en dehors de chacune de ses commissures.
Mâle (pl. XXHI, fig. À et 2) long de 0"",60 ou environ, large de 0"",23,
ayant sa plus grande largeur au niveau du sillon transversal du dos ;
corps de forme générale ovalaire ; dos à peine bombé vers le thorax, plat
sur l'abdomen, qui va en se rétrécissant et en s’amincissant en arrière ;
flancs rectilignes; extrémité postérieure tronquée et encavée en demi-
lune, élargie par deux minces prolongements foliiformes de chaque côté;
quatre organes appendiculaires sur chacun de ceux-ci, savoir un court
poil en debors, un poil aussi long que le corps et un autre plus court
en dessus et en dedans, une écaille caduque en forme de feuille trans-
lucide insérée à la manière d’un poil. Une expansion membraneuse
incolore, bilobée sur la bordure chitineuse de l’excavation semilunaire.
Pattes de la première paire courtes, massives, dépassées par celles de
la deuxième paire, terminées par un fort crochet chitineux rougeâtre à
la base du pédicule de la ventouse qui est petite et ovalaire ; pattes de
la troisième paire courtes; celles de la quatrième paire grosses, altci-
gnant le niveau de l'extrémité semiluraire du corps.
Épimères de la première paire soudés sur la ligne médiane en Y dont
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. A13
l'extrémité postérieure est continue à celle des épimères de la deuxième
paire. Extrémités des épimères de la troisième et de la quatrième paire
soudées ensemble. Organe génital au niveau de l'insertion des pattes de
la quatrième paire, conoïde, aigu, jaunâtre avec une paire de très-petits
poils au devant de lui et une autre en arrière; il est circonscrit sur les
côtés et en avant par deux tiges chitineuses Jaunâtres, venant des expan-
sions latérales de l'extrémité postérieure, s’unissant au devant de lui
pour s'étendre sur la ligne médiane et se bifurquer en s’approchant des
prolongements des épimères de la troisième paire sur les flancs. De
chaque côté de la commissure anale postérieure une paire de ventouses
copulatrices circulaires foncées avec un court piquant au devant.
Femelles fécondées (pl. XXI, fig. 3) longues de 0",40 à 0"",50, larges
de 0"",20 à 0"",22, de forme générale ovoïde massive, resserrées sur les
flancs à extrémité postérieure obtuse, arrondie avec deux courtes saillies
mamelonnées près de la ligne médiane, portant chacune un poil un peu
moins long que le corps, un autre plus en dedans, à peu près de moitié
plus court et deux autres extrêmement courts et fins, l’un en dedans,
l’autre en dehors. Pattes peu volumineuses, presque semblables, les
postérieures dépassant à peine l’extrémité postérieure du corps.
Vulve au niveau de la branche antéro-latérale des épimères de la
troisième paire, en forme de fente longitudinale longue, à lèvres peu
épaisses, peu colorées, peu écartées en arrière, finement striées en tra-
vers. Commissure antérieure surmontée transversalement d’un sternite
court, jaune, peu foncé, courbé en quart de cercle, à concavité posté-
rieure.
Épimères de la première paire à extrémité soudée en arc sur la ligne
médiane ; ceux de la deuxième paire à extrémités libres,
Femelles accouplées de la grandeur des femelles fécondées ou un peu
plus petites, en tout semblables quant au reste, sauf l’absence de vulve
et de plaque thoraco-abdominale ou du notogastre ; abdomen un peu
plus court, ce qui fait que son extrémité est un peu dépassée par les
pattes postérieures sur la plupart des individus, mais non sur tous.
Nymphes octopodes d’un volume qui varie entre celui des femelles
accouplées et des plus grosses larves; corps grisâtre, plus trapu que
dans les autres âges ; abdomen un peu plus court et plus étroit ; épi-
mères des deux premières paires ayant tous leurs extrémités libres,
semblables, quant au reste, aux femelles accouplées.
Larves hexapodes, longues de 0"",20 à 0,30, larges de 0"",10 à
0"",15, ayant la forme générale des nymphes; flancs presque droits,
abdomen court, mousse, un peu plus étroit que le céphalothorax, non
dépassé par les dernières pattes; une petite plaque grenue sur l’épis-
tome, une seule paire de poils longs à l'arrière du corps et une seule
sur la branche antéro-latérale du troisième épimère.
OEuf long de 0"",20, large de 0"",07, aplali d’un côté, avec une ex-
trémité aiguë ou céphalique et l’autre mousse; membrane vitelline ho-
mogène, hyaline, mince.
h1A CH. HOBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
Habite sur le Psittacus ondulatus (Shaw, ou perruche ondulée). Les
adultes et les nymphes se trouvent surtout dans les pennes alaires; les
petites nymphes, les larves, les œufs et les téguments provenant de leurs
mues sont nombreux dans la plume du pouce, dansles premières tectrices
et vers la base de quelques pennes. On trouve des femelles fécondées avee
deux ou trois œufs finement grenus, régulièrement ovoides avec une
vésicule germinative près de l’une de leurs extrémités; d’autres ont un
ou deux œufs de cette sorte, avec un autre semblable aux œufs pondus.
Ceux ei éclosent par division incomplète de leur enveloppe en deux val-
ves.
Remarques. —- Le crochet chitineux jaunâtre du tarse des pattes de la
première paire, la concàvité semi-lunaire de l’extrémité du corps, son
expansion membraneuse, la forme des (lobes qui la limitent sur les
côtés, celle de ses appendices et la disposition des tiges ou épimérites
prismatiques qui partent de ces lobes pour circonscrire l'organe génital
et remonter en s’écartant de nouveau jusqu’au delà du milieu du corps),
constituent autant de caractères qui font distinguer aisément le mâle de
cette espèce de celui de toutes les autres.
Les caractères spécifiques tirés de la largeur des ventouses, des petites
pièces en marqueterie qui les renforcent, de la pelitesse de la plaque
grenue de l’épistome, sont les seuls qui puissent bien faire distinguer la
femelle de cette espèce des autres. Il faut cependant signaler la petitesse
des pattes, la forme quadrilatère, la pâleur et le peu de granulations de
la plaque du notogastre, ainsi que la disposition des épimères de la
première paire. Les autres caractères distinctifs ne s’établissent que par
comparaison, tels sont ceux tirés de leur teinte d’un gris jaunâtre, de la
brièveté du sternite sus-vulvaire, de l’absence d’une vésicule intra-
abdominale derrière la quatrième paire de pattes, etc.
5° Pterolichus dont l'abdomen sur le mâle est profondément échancré
en formant deux lobes prismatiques triangulaires (4).
8. PTEROLICHUS RALLORUM, Ch. Robin.
Sarcoptides d'un gris blanc roussâtre, atteignant et dépassant un peu
une longueur d'un demi-millimètre, de forme générale régulièrement
ovalaire, sauf chez le mâle, avec un sillon transversal derrière les pattes
de la deuxième paire et une dépression latérale à chacune de ses extré-
mités à tous les âges.
(1) Cette section comprend les espèces dans lesquelles on trouve sur les flancs, en
avant de la troisième paire de pattes, au lieu du poil court que portent les espèces
précédentes, un court piquant rigide plus ou moins gros. On trouve cette disposition
dans les leronyssus et dans les Proctophyllodes ; mais l’état foliacé de l'abdomen
du mâle, la forme de son corps ainsi que celle du corps de la femelle, dont l’abdo-
men porte un prolongement tubuleux, constituent des caractères qui les séparent net-
tement des Pterolichus des autres sections,
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. h15
Rostre jaunâtre peu foncé, conoïde, long de pe 06 à Onn,07, large
de Ovm,05, saillant entre is pattes antérieures. Palpes hérifraltes
volumineux dépassant les côtés des mandibules, qui sont pointues, peu:
foncées, peu renflées à leur base ; sur celle-ci empiète un peu le prolon-
gement incolore du camérostome. Bord de l’épistome sans poils.
Pattes non anguleuses, presque semblables, un peu moins longues que
le corps n'est large, les postérieures atteignant à peine le niveau de
l'extrémité anale du corps. Ventouses des tarses petites, avec plaques de
renforcement très-pâles. Long poil des tarses tronqués. Épimères jau-
nâtres peu foncés, ayant leur extrémité interne unie en V sur la ligne
médiane à tous les âges (sauf le premier), pour ceux de la première
paire ; ceux de la deuxième sont libres et unis ensemble de chaque côté
pour les deux derniers.
Tégument non coloré, à plis réguliers, non rugueux; plaque grenue,
un peu jaunâtre de l’épistome descendant près du sillon transversal sur
les individus sexués, avec deux poils au niveau des pattes de la deuxième
paire, dont l’un à peine perceptible, et l’autre presque aussi long que le
corps est large. Une autre grande plaque thoraco-abdominale sur les
individus sexués, quadrilatère, un peu rétrécie en arrière, peu grenuc,
peu foncée.
A tous les âges un poil et un piquant sur la branche antéro-latérale
ou des flancs du troisième épimère, le poil en dessus aussi long que le
corps est large, le piquant assez gros, en dessous et un peu en avant.
Une assez grande vésicule ovoide de chaque côté dans l'abdomen, der-
rière les dernières pattes.
Anus en forme de fente longitudinale atteignant l'extrémité de l’abdo-
men à sa face inférieure, sans poils sur ses côtés.
Müle long de Omm,45 à Omm,50, comme renflé entre la deuxième et la
troisième paires de pattes; flancs rectilignes; corps atténué en arrière ;
extrémité postérieure bilobée, à lobes triangulaires réunis à angle aigu
rentrant sur la ligne médiane, avec une bordure chitineuse jaunâtre en
dehors, portant quatre poils, savoir : l’un très-petit à leur sommet, deux
autres presque aussi longs que le corps un peu plus haut, et un dernier
un peu plus long que les lobes.
Pattes de la dernière paire anguleuses, un peu plus grosses que les
autres. | |
Organe génital placé loin de l’anus, presque au niveau des épimères
de la troisième paire, jaune rougeâtre, à sommet arrondi, avec deux
poils presque imperceptibles de chaque côté de son sommet.
Une paire de ventouses copulatrices assez larges, à contour strié de
chaque côté de l’anus, avec un très-petit piquant au-devant de chacune
d'elles.
La forme et la structure des lobes terminaux de l’abdomen, la dispo-
sition des quatre poils qu’il porte, et la situation de l'organe génital loin
de l’anus, font distinguer aisément le mâle de cette espèce de celui des
A16 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
autres Pterolichus. Le Pterodectes bilobatus mâle, qui ressemble un peu à
celui-ci, s’en distingue de suite par son pénis ensiforme.
Femelles fécondées longues de Omm:55 à Omm 60, larges de Omm,24 à
Oum 27, de forme régulièrement ovoide, prolongée en avant par le
rostre, un peu bilobée à son extrémité postérieure, avec deux poils de
moitié moins longs que le corps placés entre deux autres extrêmement
courts et fins.
Vulve placée au niveau des épimères de la troisième paire, en forme
de fente assez longue, à lèvres minces, écartées en arrière, à commissure
antérieure surmontée d'un sternite transversal, courbé en demi-cercle.
La brièveté des poils de l'arrière du corps, la forme ovoïde de celui-ci
et la présence d'un piquant et d’un poil au-devant du troisième épimère
sur les flancs permettent de distinguer la femelle de cette espèce des
autres,
Femelles accouplées longues de Onu,50 à 0v®,55, larges de 0,22 à
Oum,24, grises, régulièrement ovoïdes; toutes les pattes grèles, courtes,
non anguleuses, les postérieures n'atteignant pas le bout de l'abdomen.
Plaque granuleuse de l'épistome ne descendant pas jusqu'au niveau des
pattes de la deuxième paire. Pas de plaque thoraco-abdominale ; dos
couvert comme le ventre de plis fins, réguliers. Pas d'organes sexuels.
Le reste comme sur les femelles fécondées, sauf plus de brièveté de
l'abdomen.
Nymphes octopodes d’un volume qui varie entre celui des femelles
accouplées et des plus grosses larves, semblables du reste aux femelles
accouplées, sauf plus de brièveté et d’étroitesse de l'abdomen.
Larves hexapodes longues de 0mn,26 à Owm,24, larges de Omm,11 à
Owm 14, de forme ovoïde allongée; abdomen à peine plus étroit que le
céphalothorax, non dépassé par les dernières pattes, à extrémité arron-
die, portant seulement deux poils plus longs que le corps n’est large.
Tous les épimères à extrémité interne libre. Plaque grenue de l'épistome
très-petite, à peine visible.
Œuf long de Omm,22 à Omm 24, large de Ou®,08, un peu aplati d'un
côté, à peine plus atténué à un bout qu’à l’aulre, à paroi homogène.
Habitat. Trouvé une fois sur dix Rallus crexæ, L. examinés. Il reste dans
les barbes courtes des plumes du pouce et des premières tectrices seule-
ment. Sa démarche est assez lente, celle des mâles exceptée.
9. PreroLicuus pELIBATUS, Ch. Robin (1).
Sarcoptides d'un gris roussâtre, d’une longueur qui atteint ct dépasse
même un peu un demi-millimètre, de forme générale ovoide, à côtés
presque droits, avec un sillon transversal derrière la deuxième paire de
pattes et une dépression latérale à chacune de ses extrémités, au moins
(1) Delibalus, entamé, fendu.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. Al7
sur les adultes (1). Un piquant dorsal ou poil court rigide assez gros de
chaque côté derrière cette dépression.
Rostre d'un brun rougeâtre, conoïde, long de 7 à 8 centièmes de
millimètre, large de 5 à 6 centièmes, peu incliné, saillant entre les
jambes de devant. Palpes maxillaires volumineux, débordant sensible-
ment de chaque côté les mandibules. Le reste comme sur le Pferolichus
cultrifer. Une paire de poils assez gros, rigides, plus courts que le rostre,
insérés sur le. bord de l’épistome.
Pattes non anguleuses, presque semblables, sauf le volume un peu
plus considérable de celles de la première et de la quatrième paires,
d'une longueur égalant à peu près le diamètre transverse du corps.
Tarses terminés par des ventouses de largeur moyenne, avec une pièce
de renforcement vers le centre. Long poil des tarses tronqué.
Epiméres et pièces solides du rostre d’un jaune rougeâtre assez foncé.
Épimères relativement grèles; l'extrémité interne de ceux de la première
paire rapprochée sur la ligne médiane jusqu’à se toucher sur les indivi-
dus sexués, mais sans se souder ensemble et sans même se toucher aux
autres âges; branche supérieure du quatrième épimère rejoignant la
branche inférieure du troisième.
T'égument assez transparent et assez rigide, à plis réguliers fins, rugueux,
comme formés de rangées de petites granulations, surtout vers l'arrière
du corps. Une plaque granuleuse jaunâtre sur l’épistome et une autre
thoraco-abdominale de dispositions variées d’un état à l’autre. Deux poils
dorsaux de chaque côté au niveau de la deuxième paire de pattes, dont
l'un à peu près aussi long que le corps est large, et l’autre inséré en
dedans est rigide et plus court. Deux poils latéraux immédiatement au
devant de la troisième paire de pattes, à tous les âges, dont l’un en des-
sus, un peu moins long que le corps n’est large, et l’autre en dessous,
court et rigide, formant piquant sur les adultes et inséré sur la branche
supérieure du troisième épimère.
Unc assez grosse vésicule ovoide pleine d’un liquide jaune, de chaque
côlé dans l'abdomen, derrière les dernières pattes à tous les âges.
Anus en forme de fente longitudinale à la face inférieure de l’abdo-
men, atteignant presque son extrémité, avec une paire de poils très-fins
en dehors de chacune de ses commissures.
Mâle roussâtre long de Omm,42 à Omn,44, large de 0m®,20 à Onm, 29 (2),
ayant la plus grande largeur derrière le sillon dorsal transverse: de
forme générale quadrilatère; corps à peine bombé sur le dos, atténué
en avant, se rétrécissant un peu à partir du sillon dorsal transverse, sans
démarcation entre le céphalothorax et l'abdomen, qui se prolonge en
(1) On aperçoit ce sillon par transparence des téguments sur les mâles et les fe-
melles sexués au travers du tégument des nymphes qui ne le présentent pas.
(2) Dès le moment de la sortie de son enveloppe de nymphe. le mâle a les dimen-
sions qu’il gardera toujours, à 2 ou 3 centièmes de millimètre près.
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XI (1877). 27
A18 CH. ROBIN ET P, MÉGNIN. — MÉMOIRE
arrière par deux grands lobes triangulaires pointus séparés par un large
espace en angle rentrant; flancs presque droits, bordés, ainsi que les
lobes triangulaires, d’une bande chitineuse jaune ou rougeâtre, épaisse
surtout sur le bord externe de ceux-ci et s'étendant transversalement à
leur base sous Le ventre de chaque côté pour gagner la partie postérieure
de l'organe génital. Un poil fin au moins aussi long que le corps est large
inséré à la pointe de chaque lobe; un autre aussi long et plus gros un peu
plus haut; puis à peu près au niveau de son insertion deux spicules
rigides, l’un au bord interne, l’autre au bord externe de chaque lube,
et enfin près de leur base un gros poil mousse et court sur ce bord ; en
tout cinq appendices.
Pattes postérieures atteignant seulement le milieu environ de la lon-
gueur des lobes triangulaires.
Organe génital placé un peu au-dessous des épimères de la quatrième
paire, petit, jaunâtre, cordiforme, à extrémité antérieure mousse, à base
échancrée; un très-petit poil de chaque côté. Anus étendu de la base
de l'organe génital au sommet de la large échancrure triangulaire que
limite la base des lobes, et à commissure postérieure faisant une saillie
mousse dans j’angle de cette échancrure. Une paire de ventouses copu-
latrices foncées, circulaires, à bord denté, avec des plis très-fins rayonnés
à l’entour, situées plus bas que l'anus dans chaque lobe de l'extrémité
du corps, fait qui montre que ces lobes ne sont pas de simples appen-
dices du corps, mais résultent d’une sorte d’entamure de sa substance.
Plaque granuleuse de lépistome rougeâtre, coupée carrément au niveau
de la deuxième paire de pattes, à bord postérieur un peu échancré sur
le milieu, suivie d’une étroite zone de plis transverses au niveau du
sillon dorsal, et au-dessous une plaque thoraco-abdominale rougeâtre
foncée, à bords nets, plus large en avant qu’en arrière, où elle se
bifurque pour s’étendre sur les lobes triangulaires.
La forme de ces lobes, leurs appendices, la disposition tranchante de
leur bord interne, l’espace triangulaire qu'ils limitent, la saillie de la
commissure postérieure de l’anus au sommet de cet espace, le rappro-
chement de l’anus par rapport à l’organe génital, la situation des ven-
touses copulatrices plus bas que lui sous les lobes mêmes sont autant de
caractères qui font aisément distinguer le mâle de cette espèce de celui
de toutes les autres.
Femelles fécondées longues de Onn,58 à Owm,60, larges de Omm,24 à
Omm,26, de forme générale assez régulièrement ovoïde, allongée, à flancs
presque droits ou un peu déprimés, à extrémité postérieure mousse, avec
deux saillies ou mamelons de chaque côté de la ligne médiane (pendant
peu de temps seulement après la dernière mue), portant chacun deux
poils, dont l’externe est plus long que le corps n’est large; deux poils
très-courts de chaque côté en remontant vers les flancs; extrémité des
pattes postérieures atteignant à peine le bout de l’abdomen.
Plaque granuleuse de l’épistome comme sur le mâle, mais un peu
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICULES, h19
plus échancrée sur la ligne médiane; bande transversalement plissée
qui la suit un peu plus large. Plaque granuleuse céphalo-thoracique rou-
geâtre, foncée, quadrilatère, à bords nets, étendue jusqu'au bout de
l’abdomen, où elle est rétrécie brusquement par deux larges échancrures
de ses deux angles postérieurs.
Vulve au niveau de la branche antéro-latérale des épimères de la
troisième paire, en forme de fente longitudinale, courte, à lèvres épaisses,
jaunâtres, surtout en arrière, où elles s’écartent brusquement, entre
lesquelles s’avancent les plis du tégument, jusqu'à une dépression mc-
diane à contour finement plissé. Commissure antérieure surmontée
transversalement d’un sternite jaune rougeûtre, foncé, courbé en fer à
cheval, à branches longues, à concavité postérieure.
La couleur foncée de l’animal, la grandeur et la disposition de l’ar-
rière de sa plaque thoraco-abdominale, la situation de sa vulve assez en
arrière, la grandeur des branches de son épimérite en fer à cheval font
distinguer assez facilement la femelle de cette espèce de toutes les
autres.
Femelles accouplées longues de 0mm,46 à Omm,48, larges de Omm,15,
d'un gris à peine roussàtre; forme générale telle que sur la femelle
fécondée, mais un peu moins allongée ; abdomen un peu moins atténué,
moins droit sur les flancs, plus court, et dont l'extrémité des pattes’pos-
térieures atteint à peu près le bout; pli dorsal transverse nul ou à peine
marqué. Plaque granuleuse de l’épistome pâle, onguiforme, petite, ne
descendant pas plus bas que le niveau des pattes de la première paire,
Plaque thoraco-abdominale placée sur le notogastre, courte, rougeûtre,
presque ovalaire, étendue du niveau des pattes de la troisième paire
seulement jusqu’au bout de l'abdomen. Plis du reste du corps finement
grenus.
Semblables du reste aux femelles fécondées, moins les organes génitaux.
La petitesse et la pâleur de la plaque de l’épistome et la présence
d’une plaque sur le notogastre font distinguer facilement ces femelles et
les nymphes de celles de toutes les autres espèces.
Nymphes octopodes d’un volume qui varie entre celui des plus grosses
larves et des femelles accouplées; corps gris sur les petits individus, d’un
gris légèrement roussâtre sur les plus gros; forme plus trapue ; abdomen
plus court que sur les femelles accouplées, arrondi, avec deux légères
saillies mousses portant les poils de chaque côté de la ligne médiane.
Le reste comme sur les femelles accouplées. Plaque granuleuse du noto-
gastre réticulée sur quelques individus.
Larves hexapodes longues de Omm,27 à Om®,30, larges de Omm,19 à
Omm,14, d'un blanc grisâtre, ayant la forme générale des nymphes, mais
à flancs plus droits; abdomen un peu plus étroit que le céphalothorax,
court, sans que les dernières pattes en atteignent l'extrémité, qui est
mousse, arrondie, non incisée sur la ligne médiane, portant seulement
deux poils sensiblement plus longs que le corps n’est large. Plaque de
h20 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
l'épistome nulle; une plaque rougeâtre, pâle, étroite sur l'arrière du
notogastre. Plis du tégument finement grenus.
Œuf long de 0®®,26, large de 0,06, étroit, allongé, déprimé et un
peu courbé sur un de ses côtés dans le sens de sa longueur, à enveloppe
mince, homogène sur une de ses moitiés, réticulée sur l’autre, et s'ou-
vrant en deux valves longitudinales sur la ligne de jonction de ces deux
moiliés. La segmentation du vitellus a lieu perpendiculairement au
grand axe de celui-ci. On le trouve divisé en deux, en trois ou en quatre
avant la ponte.
Habite les tectrices de la corneille (Corvus corone, L.) en grande quan-
tité. On le trouve, soit entre les barbes, soit à l’axe de l'insertion de
celle-ci sur la tige, vers la base de la plume surtout. Les individus sexués
sont assez agiles; les nymphes ct les larves le sont beaucoup moins;
elles restent bien plus longtemps dans les plumes après la mort de
l'animal que les adultes. Ceux-ci ont disparu en grande partie au bout
de trois à cinq jours, Ce n’est que quatre à cinq jours après la mort de
l'animal qu'ils meurent.
Koch décrit et figure sous le nom de Dermalcichus corvinus un acarien
qu'il a souvent trouvé sur la corneille (Deutschland Crustaceen, etc.
Regensburg, 1838, in-12, Heft 33, tab. 18 et 19), qui est manifestement
différent de celui qui est décrit ici et semble appartenir à l'un ou à
l’autre des deux avant-derniers genres décrits dans ce travail.
PreroLicHUS UNCINATUS, Mégnin (pl. XXII, fig. 4 el 5) (1).
Cette espèce acarienne est la plus petite de la tribu; c’est une réduc-
tion de la précédente, à laquelle elle ressemble surtout par la conforma-
tion de l'extrémité postérieure du mâle. La particularité à laquelle elle
doit de constituer une espèce distincte est la présence de crochets rétro-
grades (pl. XXII, fig. 5), véritables petits harpons qui arment les tarses
des quatre pattes postérieures de la femelle et des nymphes et seule-
ment ceux de la troisième paire du mâle; les épimères antérieurs sont
réunis par des épimérites transversaux et le rostre est large et court.
Mile (pl. XXII, fig. 4) long de 0®,20, large de Omm,11. Organe mâle
situé entre les épimères de la quatrième paire de pattes. Lobes abdomi-
naux portant une seule paire de poils; couleur générale gris perle;
plastrons céphalo-thoraciques et notogastriques très-peu colorés.
Femelle ovigére longue de Owm,25, large de Owm,15. Vulve de ponte
sous forme d’ouverture circulaire à bords fortement plissés, située au
centre de la figure trapézoidale que dessinent les épimérites transver-
saux qui relient l'extrémité des épimères antérieurs et qui lui servent
d'armature ; notogastre recouvert d’un large plastron rectangulaire pâle ;
extrémité abdominale portant une paire de soies accompagnée d’une
paire de petits poils.
(1) Uncinatus, crochu, pourvu d’un crochet.
tte nie
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. A21
Femelle nubile longue de O"*,28, large de Om,11, semblable à la
femelle ovigère, moins la présence de la vulve de ponte et du plastron
notogastrique; anus grand.
Nymphe. Mêmes dimensions et même figure que la précédente, n’en
diffère que par un anus très-petit.
Larve longue de 0,15, large de Omm,08, semblable à la nymphe,
moins la quatrième paire de pattes.
Œuf long de Omm,14, large de 0®,075, ovale contourné, ayant une
face plate et l’opposée incurvée ; très-grand, remplissant, Me il est
complètement développé, les trois quarts du corps de la femelle ovigère.
Habitat. Habite sur la veuve à collier d’or et sur les petits passereaux
exotiques.
VARIÉTÉ SANS CROCHETS. — Nous avons rencontré sur le faisan doré une
variété de cette petite espèce de Sarcoptide plumicole, semblable en
tout au type de l’espèce que nous venons de décrire : mêmes dimen-
sions, même structure anatomique, mêmes particularités, mais en dif-
férant par l'absence de crochet-harpon aux tarses postérieurs.
Genre PTERONYSSUS (1) Ch. Robin.
Sarcoptides d’un gris roussâtre, atteignant une longueur
d'un millimètre environ, de forme générale aplalie, allongée, à
côlés droits avec une dépression très-marquée entre Ja deuxième
et la troisième paires de patte, sans sillon dorsal proprement dit.
À tous les états une seule plaque granuleuse dorsale, formant
l’épistome et un long poil latéral avec un fort piquant ensi-
forme au-devant de la troisième patte. Long poil de l'extrémité
externe du tibial tronqué, au moins aux pattes des deux pre-
mières paires.
Rostre conoïde, étroit, peu incliné, saillant entre les pattes
antérieures, à mandibules un peu renflées à leur base, sur
laquelle empiète l’épistome dépourvu de poils et de prolonge-
ments du camérostome.
Mäles plus petits que les femelles et très-différents d'elles; à
abdomen court, mince, de près de moitié plus étroit que le cépha-
lothorax, arrondi à son extrémité avec trois paires de poils et
deux courtes pointes mousses incolores de chaque côté de la
ligne médiane et une bande chilincuse rougeâtre longitudinale
(1) mreèv, aile, et vw, je pique.
22 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
sur la face dorsale. Organe génital court, conoïde, ventouses
anales assez grosses. |
Femelles fécondées à corps allongé, surtout l'abdomen qui est
tronqué à son extrémité avec un prolongement cylindrique sur
la ligne médiane comme sur les Glyciphages. Vulve placée vers le
niveau des épimères de la troisième paire avec un épimérite
semi-lunaire transversal à extrémités libres ne rejoignant pas les
lèvres de la vulve ni les épimères de la troisième paire.
Femelles accouplées semblables aux précédentes, mais sans
vulve, ni appendice cylindrique à l'arrière du corps.
. Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées, mais
plus petites et de grandeurs diverses.
Larves hexapodes, à abdomen plus peut que sur les nymphes.
Les Sarcoptides de ce genre se distinguent de ceux des
autres genres, et en particulier du suivant, par leur forme aplatie
allongée, par la présence à tous leurs états d’un poil et d’un
fort piquant en avant du troisième épimère au lieu de deux poils
latéraux fins et par la présence de la seule plaque granuleuse de
l’épistome à tous les âges sauf sur le mâle du sérratus.
Les mâles, bien qu'ayant les paites de la troisième paire énor-
mes comme dans le genre suivant, se distinguent facilement
par la forme arrondie du bout de leur abdomen, par les deux
pointes mousses incolores que porte son extrémité de chaque
côté de la ligne médiane avec trois paires de poils seulement au
lieu de cinq et par la petitesse de leur organe génital conoïde.
Les femelles se distinguent aisément par leur forme allongée,
aplatie, presque quadrilatère, par le prolongement cylindroïde
médian de leur extrémité postérieure et par l'absence de soudure
aux lèvres de la vulve de leur sternite transversal.
Malgré la ressemblance que le grand volume des pattes et la
forme du céphalothorax donnent au mâle de ce genre avec
celui des espèces du genre Dermalichus, les détails de l’organi-
sation et surtout les différences de forme et de constitution des
femelles, des nymphes et des larves ne permettent pas de faire
rentrer ses espèces dans le précédent.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. L23
1. Preronyssus piciNus, Ch. Robin ex Koch (1). Synonvmie, Dermaleichus
picinus Koch (loc. cit., Regensburg. Heft 33, tab. 17-18) (pl. XXIV).
Sarcoptides, d'un gris roussâtre, à corps allongé, presque quadrila-
tère, un peu atténué en avant, mince, étroit, d’une longueur ne dépas-
sant pas un millimètre, plat sur le dos et sous le ventre, avec une dé-
pression latérale, en avant du troisième épimère dont la branche supé-
rieure et latérale porte un poil et un fort piquant; sans sillon dorsal.
Rostre jaunâtre, conoïde, petit, long de 7 à 9 centièmes de milli-
mètre et environ moitié moins large, peu incliné, découvert, saillant en
avant entre les pattes antérieures ; un peu renflé à sa base sur laquelle
empiète l’épistome, dépourvu de poils et de tout prolongement du ca-
mérostome.
Pattes à cinq articles, courts, rendus anguleux par des tubercules
ocracés, disposées en deux groupes de deux paires chacun, placés l’un
près du rostre, l’autre près de l'abdomen avec un certain intervalle en-
tre eux, presque égales entre elles, d'une longueur qui dépasse à peine
la largeur du corps; tarses portant de larges ventouses membraneuses,
cupuliformes. Long poil du tibia tronqué.
Epiméres et pièces solides du rostre et des pattes, d’une couleur
ocreuse prononcée. L’extrémité inférieure des épimères de la première
paire réunis en V sur la ligne médiane ; extrémité supérieure des épi-
mères de la deuxième paire envoyant en bas, sur les flancs, une pièce
chitineuse ocracée, se recourbant brusquement en dedans au niveau de
la dépression latérale du corps. Épirnères de la troisième et de la qua-
trième paire à deux branches, courbées presque en demi-cercle. La
quatrième à branche supérieure articulée avec l’inférieure du troisième
qui est le plus gros et dont la branche supérieure qui est double, appli-
quée sur les flancs, porte un piquant rigide et un poil latéral dont la
longueur égale la largeur du corps.
Tégument transparent, mince, assez rigide, à plis réguliers, assez
large, portant une plaque dorsale finement grenue, jaunâtre, en forme
de lyre, étendue depuis l’épistome jusqu’au niveau de la deuxième paire
de pattes, et là est une autre paire de poils dorsaux dont la longueur ne
dépasse guère la largeur du corps. Pas de plaque sur le notogastre.
(4) Malgré l’imperfection des figures et le peu de précision anatomique des des-
criptions de Koch, on peut reconnaître cette espèce comme étant celle qu’il a décrite,
tant parce qu'il l’a trouvée sur les Pics que parce qu’il a assez bien représenté Ja
forme générale de la femelle fécondée, la disposition tronquée du bout de son abdo-
men et le prolongement médian incolore qu’elle porte. Il l’a seulement décrit et figuré
deux fois plus large qu'il n’est. Il a bien décrit la coloration générale de tous ces
animaux, ainsi que celle de leurs pattes et de leur rostre, dont il représente au con-
traire très-imparfaitement la forme et les dimensions. Le nom = cette espèce est tiré
de son habitat sur les Pics (Picus).
h2h CI. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
Anus en forme de fente à la partie inférieure près du bout de l’abdo-
men, accompagné d'une paire de poils fins de la longueur de la fente.
Müle très-différent des autres états, long de 8 à 9 dixièmes de milli-
mètres, large de 1 dixième et demi à 2 dixièmes de millimètre; de
forme générale quadrilatère, les pattes de la deuxième et de la troisième
paires continuant la direction de la ligne des flancs qui est droite et
étant insérées chacune à l’une de ses extrémités. Pattes de la troisième
paire énormes, dépassant l'extrémité de l'abdomen avec un fort tuber-
cule chitineux, conique à l’extrénxité interne du tarse seulement ;
branche inférieure et supérieure de la troisième paire remontant pres-
que parallèlement pour se joindre vers le milieu du corps. Pattes de la
quatrième paire courtes et grêles, insérées en dedans des précédentes
qu’elles touchent, et dépassent un peu le bout de l'abdomen.
Organe génital conoïde, étroit, à sommet mousse, jaunâtre au niveau
de l'insertion des pattes de la quatrième paire, avec une paire de poils
fins et courts de chaque côté et un pli transversal au-dessous de lui.
Abd5men de moitié environ plus étroit que le céphalothorax, mince
foliacé, à côtés un peu concaves, avec une bordure chitineuse ocracée,
à extrémité arrondie, bordée d’une étroite membrane incolore, prolon-
gée en pointe mousse de chaque côté de la ligne médiane et en dehors
sont deux poils courts et un à peu près ausi long que le corps est large.
Une paire de grosses ventouses anales à sa face inférieure avec un court
piquant au-devant, et sur le milieu de sa face supérieure une pièce cor-
née longitudinale, foncée, bifurquée en arrière. Pas de plaque dorsaic
thoracoabdominale; presque aussi nombreux que les femelles (1).
Femelles fécondées longues de 1 millimètre à 1m",20, larges de Onm, 22
à Oum, 95; de forme générale quadrilatère, allongée, un peu atténuée en
avant et en arrière. Pattes de la deuxième et de la troisième paires un
peu plus petites que les autres, Les dernières n’atteignant pas le bout de
l'abdomen.
Vulve au niveau des épimères de la troisième paire longitudinale,
à lèvres minces, très-écartées en arrière, avec un épimérite chitineux
foncé, demi-circulaire, à concavité postérieure transversalement placée
au-dessus de sa commissure antérieure. Abdomen un peu plus étroit que
(1) Le mâle accouplé retient sa femelle en appliquant la face ventrale de la partie
postérieure de son abdomen sur la portion dorsale correspondante de celle-là, qu'il
retient avec ses ventouses d’une part et de l’autre avec le tubercule de la troisième
paire de patles appliquée sur les flancs et sous le ventre de Ja femelle. L’organe
génital mâle reste en dehors de l'extrémité postérieure du corps de la femelle. Les
deux individus sont ainsi placés de telle sorte que leurs têtes sont en direction
opposée; dans la marche, la femelle tire en général le mâle après ele. Les faces ven-
trale de l’un et dorsale de l’autre sont tournées du même côté, les poils postérieurs
repliés et repoussés sur son dos ou étendus sur celui de la femelle, ceux de la femelie
du mâle disposés de la même manière sous la face ventrale.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. h25
le céphalothorax, à bords parallèles se rélrécissant en arrière, puis à
extrémité postérieure nettement tronquée ou un peu concave, avec trois
paires de poils, dont deux très-longs à chaque angle de la troncature,, et
sur la ligne médiane un prolongement tubulcux cylindrique incolore
tronqué. Un seul œuf plus ou moins développé. Ventouscs génitales
manquant dans les deux sexes. Deux vésicules jaunes transversalement
placées au niveau du rétrécissement postérieur, existant sur ces femelles
seulement. Pas de plaque granuleuse thoraco-abdominale.
Femelles accouplées longues de 1 millimètre environ, larges de Omm,20,
Abdomen à peine plus étroit que le céphalothorax, s’atténuant réguliè-
rement en s’arrondissant dès le niveau de la quatrième paire de pattes,
puis nettement tronqué en arrière. Le reste comme sur les femelles
fécondées, moins la vulve et le prolongement abdominal tubuleux mé-
dian. Plaque grenue de l’épistome petite.
Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées, mais à
abdomen plus court, de dimensions variables entre celles de ces der-
nières et des plus grosses larves. |
* Larves hexapodes longues de 3 à 4 dixièmes de millimètre, semblables
du reste aux nymphes, mais étroites, à flancs rectilignes; abdomen
rétréci par rapport au céphalothorax et à peine plus long que large.
OŒuf long de On®,24, large de On®m,06 à Omm,07, cylindroïde, allongé,
plus atténué à un bout qu'à l’autre, un peu aplati d’un côté dans le sens
de la longueur.
Habitat. Celte espèce vit en assez UD abondance sur le pic vert
(Picus viridis, L.), avec des Dermalichus socialis, Ch. Robin, en petit
nombre, soit dans les tectrices, soit surtout dans les rémiges.
2. Preronyssus srriaTus, Ch. Robin (1) (pl. XXV).
Sarcoptides d'un gris DEC ICE ; Corps à surface un peu brillante, trapu,
ovoide, large, à dos bombé, à surface inférieure aplatie, d’une tr
qui ne dépasse pas 6 de de millimètre, avec une dépression laté-
rale en avant du troisième épimère, dont la branche supérieure et laté-
rale porte deux longs poils forts, dont l’un placé au-dessus de l’autre est
aussi long que le corps est large.
Rostre massif, jaunâtre, ovoide, long de Om 10, large de Omm,06 à
Omm,07, à base large. un peu incliné en bas et un peu saillant en avant
entre les pattes antérieures, à palpes maxillaires assez gros.
Lèvre membrancuse, épaisse, à bord libre étroit, mousse. |
Mandibules conoïdes courtes ne dépassant pas le bord de la lèvre,
renflées à la base.
‘Pattes presque égales entre elles, moins longues que le corps n’est
large, régulières, non anguleuses, ni tuberculeuses; tarses portant
(1) Striatus, strié.
h26 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
d'assez larges ventouses membraneuses, cupuliformes, sur une tige grêle
et avec un très-petit crochet jaunâtre au centre. Pièces solides de tous
les articles finement granuleuses.
Epimères et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur ocreuse.
Les épimères de la première paire envoyant un prolongement à-la base
du palpe maxillaire par leur extrémité supérieure et libres par l’autre
extrémité. Ceux de la deuxième paire libres par leur extrémité interne
et inférieure, et envoyant par l’autre bout un prolongement supérieur
allant à la base de la première patte, et un prolongement inférieur
latéral élargi en plaque granuleuse qui descend jusqu’à la dépression
latérale au contact du prolongement supérieur du troisième épimère.
Épimère de la troisième paire à deux branches courbées presqu’en
demi-cercle, à branche supérieure longeart les flancs et se recourbant
en dedans au niveau de la dépression latérale, où elle touche le deuxième
épimère, et portant les deux longs poils latéraux ; à branche inférieure
recevant la branche supérieure du quatrième épimère.
Tégument mince transparent, assez rigide, à plis réguliers, larges, pro-
fonds, avec une large plaque dorsale granuleuse, triangulaire, tronquée
en avant, où elle forme l’épistome, portant une paire de très-longs poils
au niveau des pattes de la deuxième paire, et une autre de très-courts et
très-fins en dedans de celle-ci. Sur le mâle, au-dessous de cette plaque
granuleuse, en est une deuxième quadrilatère étendue jusqu’au bout de
l'abdomen et séparée de la première par une large bande de plis tégu-
mentaires. Son analogue manque sur les femelles.
Anus en forme de fente longitudinale sur la ligne médiane, au bout
de l'abdomen qu'il atteint ; il est à lèvres minces, jaunâtres, accompagné
d’une paire de poils fins de la longueur de la fente.
Une grosse vésicule ovoïde pleine d’un liquide incolore réfractant
fortement la lumière de chaque côté de l'abdomen, derrière l'insertion
des pattes de la quatrième paire.
Müûle long de 4 à 5 dixièmes de millimètre, large de Omn,25 à Oum,30;
corps massif presque circulaire prolongé en avant par le rostre, en
arrière par l’abdomen, qui est aplati, presque quadrilatère, un peu plus
long que large, d’un tiers au moins plus étroit que le céphalothorax, à
côtés un peu concaves, avec un ressaut brusque portant un petit poil
près de l’extrémité, qui est bilobée, à lobes arrondis, bordés en bas et
en dehors d’une bande chitineuse ocracée, portant chacun cinq poils
flexibles, dont celui qui est au milieu est presque aussi long que le corps.
Une plaque quadrilatère granuleuse thoraco-abdominale. Deux grosses
ventouses circulaires jaunâtres de chaque côté de l’anus, avec un court
poil au devant de chacune d'elles.
Pattes de la deuxième paire un peu plus grosses que celles de la pre-
mière ; pattes de la troisième paire énormes, dépassant le bout de l’ab-
domen de toute la longueur de la jambe et du tarse. Pattes de la qua-
trième paire insérées en dedans des précédentes, au même niveau
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 27
qu’elles, sur un petit épimère adhérent à la branche inférieure du troi-
sième, grèles, atteignant sans le dépasser le bout des lobes de l'abdomen,
Organe génital placé loin des ventouses anales, au-dessus de l'insertion
des deux dernières pattes, entre les branches inférieures des épimères
de la troisième paire, dont les extrémités sont unies l'une à l’autre par
une grande branche chitineuse jaunâtre transversalement placée au-
dessus de lui et envoyant en bas deux branches demi-circulaires qui
l'entourent jusqu’au niveau de sa base. Une paire de poils courts et fins
est insérée en dehors de l’extrémité de ces deux branches, une autre est
en dedans à la base de l'organe et une autre au niveau de son sommet ;
une dernière paire de poils plus longs sur l'extrémité de la branche infé-
rieure du troisième épimère. L'organe génital est très-petit, conoïde, à
sommet pointu, à base élargie, de couleur ocreuse foncée.
Femelle fécondée longue de 5 à 6 dixièmes de millimètre sur une lar-
geur moitié moindre, de forme massive assez régulièrement ovoide,
aplatie en dessous; pattes moins longues que le corps n’est large,
presque semblables, les premières et les dernières un peu plus grosses
pourtant que Les autres, les postérieures atteignant à peine le bout de
l'abdomen. Celui-ci à peine plus étroit que le céphalothorax, à côtés
épais, presque rectiligne, à extrémité arrondie, mousse, un peu déprimée
sur la ligne médiane, où la commissure anale postérieure vient faire
une très-courte saillie: en dehors de celle-ci sont deux poils très-fins et
très-courts, puis deux gros poils au moins aussi longs que le corps est
large, à tubercule basilaire volumineux; deux autres poils fins se trou-
vent, l’un au-dessus, l’autre au-dessous des plus extérieurs de ceux-ci.
Pas de plaque thoraco-abdominale.
Vulve placée entre les épimères de la troisième paire, à lèvres minces,
formées par des épimérites sous forme de plaques jaunâtres, s’écartant
l'une de l’autre presque dès le niveau de sa commissure antérieure,
avec prolongement du tégument finement plissé dans l'angle rentrant
qu'elles forment ainsi ; une paire de poils fins au niveau de la commis-
sure antérieure de la vulve ; une autre en dehors et une troisième en
dedans de l'extrémité postérieure des épimérites de ses lèvres. Com-
missure antérieure surmontée d’une épimérite chitonéale, ocreuse,
foncée, placée transversalement, courbée en arc, à branches écartées,
à concavité postérieure et à extrémités libres.
Un œuf unique plus ou moins développé ou nul.
Femelles accouplées longues de 4 à 5 dixièmes de millimètre, sur une
largeur moitié moindre; abdomen un peu plus étroit et un peu plus
court que sur les femelles fécondées; plaque granuleuse de l’épistome
un peu moins longue, moins grenue et moins colorée; pdttes posté-
rieures un peu plus grêles; commissure postérieure de l'anus non sail-
lante à l'arrière du corps. Pas d'organes sexuels.
. Le reste comme sur la femelle fécondée,
Nymphes octopodes d’un volume qui varie entre celui des plus grosses
128 CH. ROBIN ET PF. MÉGNIN. — MÉMOIRE
larves et des plus petites femelles accouplées; semblables à celle-ci pour
le reste, mais grises et non roussâtres, à abdomen court, étroit, arrondi,
mousse en arrière, à peine déprimé sur la ligne médiane; pattes posté-
rieures plus grêles, celles de la quatrième paire surtout, qui atteignent
à peine le bout de l'abdomen. Plaque granuleuse de l’épistome plus
petite, ne descendant pas au delà des poils dorsaux situés au niveau des
pattes de la deuxième paire. .
Larves hexapodes d’un gris blanchâtre, à corps trapu, longues de
Onn,25 à Oum 30, sur Om 15 à Onm,18 de large; abdomen court, nota-
blement plus étroit que le céphalothorax, à côtés épais, droits, à extré-
mité mousse, brusquement arrondie, à peine déprimée sur la ligne
médiane, portant une seule paire de poils presque aussi longs que le
corps et une autre de poils fins et courts au point où l'abdomen com-
mence à s’arrondir. |
Pattes postérieures atteignant à peine le bout de l'abdomen. Plaque
granuleuse de l’épistome petite, cordiforme, atteignant à peine les poils
situés au niveau des pattes de la deuxième paire, qui sont réduits à une
seule paire.
Œuf long de Omm,23 à Onm,95, large de Omm,07 à Omm,09; presque
régulièrement ovoiïde, à paroi mince.
Habite surlout la base des rangées des barbes des tectrices du pinson
(Fringilla cælebs, L.) avec le Proctophyllodes microphyllus. Sa démarche
est assez rapide. Les mâles accouplés ou non, les nymphes et les larves
sont souvent entassés les uns sur les autres, tandis que les femelles et
quelques mâles se trouvent plutôt entre les barbes plus éloignées du bas
de la plume ou entre celles des rémiges.
(La suite au prochain numéro.)
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE XXII.
Fic. 1. — Nymphe hypopiale cellularicole (du mâle?) du Pterolichus
falciger, au grossissement de 100 diamètres.
Fi. 2. — Nymphe hypopiale cellularicole (de femelle?) du même, au
même grossissement.
Fic. 3. —»Pterolichus obtusus ', face inférieure. (Gross. 150 diam.)
Fic. 4. — Pterolichus obtusus © ovigère, face dorsale. (Même gross.)
F16. 5. — Vulve sous-thoracique de ponte de la précédente. (Même gross.)
Fi. 6. -— Pterolichus claudicans 4, extrémité abdominale. (Même gross.)
Fic. T. — Pterolichus bisubulatus <', extrémité abdominale. (Même gross.)
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 429
Fi6. 8. — Pterolichus cultrifer ', extrémité abdominale. (Même gross.)
Fi. 9. — Péerolichus securiger J', extrémité abdominale. (Même gross.)
Fic. 10. — OŒuf à enveloppe granuleuse du précédent. (Même gross.)
PLANCHE XXIII.
Fic. 1. -— Pterolichus lunula Ç', face inférieure. (Gross. 150 diam.)
Fi, 2. — Le même, face dorsale. (Même gross.)
Fic. 3. — Pterolichus lunula S, face inférieure. (Mème gross.)
Fig. 4. — Pterolichus uncinatus Ÿ', face inférieure. (Même gross.)
Fi. 5. — Extrémité des pattes postérieures de la femelle ou de la
troisième paire du mâle. (Gross. 150 diam.)
PLANCHE XXIV.
Fi. 1. — Pteronyssus picinus <', face inférieure. (Gross. 150 diam.)
Fic. 2. — Le même, face dorsale. (Mème gross.)
Fig. 3. — Pteronyssus picinus © ovigère, face inférieure. (Même gross.)
PLANCHE XXV,
Fac. 1. — Pteronyssus striatus ', face inférieure. (Gross, 150 diam.)
FiG. 2. — Le même, face supérieure, (Même gross.)
Fic. 3. — Pteronyssus striatus © ovigère, face inférieure, (Même gross.)
Fi. 4. — Le même, face dorsale. (Même gross.)
ANALYSES ET EXTRAITS
DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS
Manuel du microscope dans ses applications au diagnostic et à
la clinique, par MarTaias DuvaL et L. LEREBOULLET. 2° édition.
Paris, 1877.
Si les recherches d'histologie proprement dite constituent un art dif-
ficile, dont les principes ni les résultats ne sauraient être facilement
firmulés dans un petit volume, il n’en est pas de mème lorsqu'il n’est
question que des applications du microscope à une série de constatations
déterminées, comme dans les recherches cliniques pratiquées plus ou
moins immédiatement au lit du'malade. Le plus souvent alors il suffit
de dissocier les éléments anatomiques soumis à l'examen, de les com-
primer légèrement et de les éclairer par quelques réactifs, pour arriver
au but qu'on se propose. Tout médecin ne peut consacrer le temps né-
cessaire à des recherches délicates, sur la structure normale et patholo-
gique des tissus; mais dans l’état actuel de la science, tout praticien doit
se mettre à même de discerner, avec le microscope, la nature d’un pro-
duit de sécrétion, d’une végétation, d'un parasite, d'une tumeur dont
lablation a été opérée, ou dont quelques parcelles ont été rétirées par
une ponction exploratrice, etc.
Le manuel de MM. Mathias Duvalet L. Lereboullet, arrivé aujourd’hui
à sa seconde édition, a pour but de servir de guide à ces recherches
cliniques.
Chaque chapitre est précédé d’un résumé anatomique et physiologique
des données les plus indispensables à posséder pour commencer avec
fruit l'étude des produits morbides d’une partie quelconque de l’orga-
nisme. C'est ainsi qu'est faite successivement l'étude du sang, du pus,
de la peau, des muqueuses: le chapitre qui traite de l'étude du sang
renferme la description des procédés de numération des globules et des
résultats déjà obtenus à l’aide de ce nouveau moyen de recherche; la
spectroscopie du sang, et surtout la microspectroscopie ont reçu également
des développements particuliers ; de mème pour l'urine.
Si l'on pouvait analyser, au point de vue microscopique, les vomisse -
ments, les fèces, les crachats, etc., comme on a étudié le sang et l'urine,
on arriverait certainement à des résultats très-importants au point de
vue du diagnostic. Mais les données actuelles sur ces derniers liquides
manquent souvent de précision ; aussi les auteurs ont-ils évité d'établir
un lien trop étroit entre les altérations signalées et les maladies dans
lesquelles elles ont été rencontrées.
Dans ces modestes proportions, ce manuel est de nature à remplir
parfaitement le but que se sont proposé les auteurs, à savoir de recom-
ANALYSES DE TRAVAUX FuANÇAIS ET ÉTRANGERS. ha!
mander et de faciliter au médecin toute une série de moyens d'investi-
gation trop souvent négligés. Ces procédés de recherche, s'ils ne peuvent
toujours suffire à établir un diagnostic, serviront toujours à le préciser ;
c’est ainsi que le médecin praticien doit aujourd'hui profiter de toutes
les ressources que lui offrent les récentes découvertes de la science.
Ueber unmittelbare Einmündung kleinster Arterien in Gefässe
venüsen Characters (Sur l'abouchement immédiat des plus
petites artères dans des vaisseaux ayant le caractère veineux)
von H. HOyeR, prof. in Warschau. (Arch. f. mikr. Anat. Bd
XIII, 3 Heft.)
L'hypothèse d'une communication directe des artères avec les veines
sans interposition de capillaires a soulevé un grand nombre de contro-
verses il y à une quinzaine d'années, grâce surtout au mémoire de
Sucquet (D'une circulation dérivative dans les membres et dans la tête
chez l’homme. Paris, 1862). Hoyer a cherché à résoudre la question à
l'aide d’une méthode histologique précise. Renvoyant au texte mème
pour les considérations historiques et critiques que renferme son travail,
nous nous hornerons à exposer sommairement les procédés mis en
usage et les résultats obtenus par lui. j
Avaut remarqué que certaines injections peu pénétrantes, qui s’arrê-
tent habituellement aux origines du réseau capillaire revenaient néan-
moins par les veines dans quelques régions du corps, sans que les capil-
laires fussent injectés, Hoyer fut amené à rechercher des anastomoses
directes entre les systèmes artériel et veineux. Il employa dans ce but
un moyen consistant à colorer d’abord les vaisseaux et à pousser ensuite
une injection peu pénétrante. Pour cela on commence par faire une pre-
mière injection avec une solution simple de carmin, qui colore la paroi
des vaisseaux, et l’on fait suivre une injection gélatineuse au bleu de
Prusse. Les parties sont ensuite durcies dans un mélange d'alcool et
d'acide acétique (4:1), puis débitées en coupes que l’on monte dans le
baume de Damar.
L'auteur à pu ainsi voir dans plusieurs régions de l’économie des
artérioles s'aboucher directement avec des rameaux veineux. Chez le
lapin, il a constaté ce fait sur l'oreille, à l’extrémité du museau,
sur les doigts, à l'extrémité de la queue et dans les corps érectiles
des parties sexuelles. Chez l’homme, il n’a pu le mettre en évidence
qu'aux mains, aux pieds et dans les corps caverneux.
Cette méthode permet de distinguer très-nettement les tuniques des
vaisseaux. Les anastomoses entre les artères et les veines sont accusées
par le développement différent de la couche musculaire. Il n’y a aucune
transition : les doux vaisseaux s’abouchent directement, en conser-
h32 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
vant chacun sa structure caractéristique jusqu'au point de contact. A
partir de celui-ci la cavité vasculaire augmente légèrement de diamètre.
L'auteur à ensuite cherché à confirmer ces premières données par
une autre méthode qui consiste à délimiter l’épithélinum des vaisseaux
par les sels d'argent.
A cet effet, il injecte directement dans le système artériel une solution
de nitrate double d'argent et d'ammoniaque (0,50 à 0,75 pour 100)qu’il
fait suivre habituellement d’une solution concentrée de gélatine. Ce pro-
cédé, beaucoup plus démonstratif que le précédent, montre très-nette-
ment les anastomoses directes entre les veines et les artères sur le lapin,
à l'extrémité de la queue du chat, enfin sur les mains et Les pieds d’en-
fants. |
Ces résultats ont été en outre contrôlés par des injections faites au
moyen d'une solution alcoolique de gomme laque sur le chien, le chat,
le cochon d’Inde, le porc et enfin sur des cadavres humains.
Nous ne pouvons reproduire ici les détails relatifs aux différentes
régions qui présentent ces communications artérioso-veineuses. La
disposition fondamentale est partout la même et les figures annexées
au mémoire en font ressortir à première vue toutes les particularités.
Dans l'aperçu physiologique qui suit l'exposé de ses recherche:, l’au-
teur accorde à ces anastomoses la valeur d’une circulation dérivative,
destinée à éviter les grandes perturbations dans le cours du sang. Maisil
ne leur attribue pas, comme Sucquet, une importance générale et croit
que leur influence ne peut se faire sentir que dans des régions très-limi-
tées, et qu’elle ne saurait jamais retentir sur l’ensemble du système cir-
culatoire. Leur présence servirait surtout à répartir également la pression
sanguine et la calorification dans les parties correspondantes. Hoyer re-
commande vivement, pour ces sortes de recherches, l’emploi du micro-
scope binoculaire qui permet, grâce à la sensation de relief, de s'orienter
facilement dans les réseaux vasculaires un peu compliqués. Enfin, il à
réuni dans un chapitre spécial, sous la rubrique : « Beiträge zur anuto-
mischén und histologischen Technik », quelques indicalions pratiques sur
la méthode qu'il a suivie pour ses injections. G. H.
Le propriétaire-gérant,
GERMER BAILLIÈRE,
PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2.
MÉMOIRE
SUR
LES AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX
CHEZ LES OISEAUX (1)
Par le D' O0. LARCHER
Les centres nerveux des Oiseaux, interrogés souvent avec une
certaine préférence par un grand nombre d’expérimentateurs,
fournissent aussi matière à diverses remarques pour ceux qui
recherchent, dans un même but, les cas d’altérations non expé-
rimentales. |
Dans le présent Mémoire, qui fait suite à ceux que je publie
depuis plusieurs années sur la tératologie et la pathologie des
Oiseaux (2), je donne l'exposé synthétique des observations faites
par mes devanciers ou par moi-même sur les affections diverses
du système nerveux.
ANOMALIES DES CENTRES NERVEUX ET DE LEURS ENVELOPPES.
[. Au nombre des anomalies dont les centres nerveux et leurs
enveloppes sont parfois le siége, nous signalerons d’abord la
scoliose vertébrale, qui porte quelquefois sur plusieurs ré-
gions (3), et dont quelques exemples ont élé observés depuis
longtemps, soit sur la Poule, soit sur l'Oie et sur le Canard. Elle
(1) Lu devant la Société centrale de médecine vétérinaire, le 11 janviér 1877.
(2) Ces divers Mémoires, qui ont paru dans différents recueils périodiques, et, no-
tamiment, dans ce Journa!, se tro uvent réunis dans les cinq premiers fascicules
de nos MÉLANGES DE l'ATHOLOGIE COMPARÉE ET DE TÉRATOLOGIE;, Paris, 1873-
1877.
(3) Cf. V. Racle, Difformilés mulliples chez un Poulet (Comptes rendus des
séances de la Sociélé de Biologie, 1'° série, t. IT, p. 41 ; Paris, 1851).
JOURN, DE P'ANAT. ET DE LA PHYSIOLe «— Te XII (1877) 28
h34 O. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX
s’accuse de très-bonne heure chez l'embryon (1), en coïncidence
avec des déformations comparables des os du bassin, mais sur-
tout en coïncidence fréquente avec une autre anomalie, connue
sous le nom d’éventration ou de célosomie. Elle s’observe aussi,
de temps à autre, chez des Oiseaux dont la vie s'effectue d’ailleurs
régulièrement ; el, dans quelques cas, elle donne lieu à un rac-
courcissement considérable du tronc (2). La scoliose vertébrale
paraît se lier, du reste, à un arrêt de développement de l’amnios,
dont la cavité, s'étant trouvée moins étendue en longueur que
l'embryon lui-même, a dû nécessairement imprimer à la colonne
vertébrale des courbures inusitées (3). |
Dans les cas où elle coïncide avec le raccourcissement des mus-
cles qui correspondent aux parties incurvées, et où il existe en
même temps une altération profonde de l’encéphale, l’atrophie
de tout un hémisphère du cerveau, par exemple (4), on peut
admettre, en oulre, que l’action des muscles a déterminé les in-
curvations constatées : il est à noter, en effet, qu’en pareil cas les
incurvations se produisent toutes dans le sens des museles et non
pas dans celui où les faisceaux musculaires font défaut. La coiïu-
cidence d’une lésion de l'encéphale aulorise également à peuser
que, sous son influence, des contractions musculaires intempes-
tives (sortes de convulsions) ont agi prématurément sur la sub-
stance encore cartilagineuse du squelelle; de telle sorte qu'il
s'agirait, en réalité, d’une scoliose vertébrale par rétraction
musculaire (5).
Quoi qu’il en soit, la scoliose vertébrale peut donner lieu à des
(1) Voyez, à Londres, au Musée du Collége Royal des Chirurgiens (Teratological
series, n° 259), un embryon d’Oie, surpris vers le quatrième jour de l’incubation,
et recueilli par J. Hunter, dans sa collection.
(2) Chez un Canard hybride, élevé dans le parc de Saint-James, et dont le sque-
letie est déposé, à Londres, au Musée du Collége Royal des Chirurgiens (Teralolo-
gical series, n° 260), il existe une incurvation autéro-postérieure très-remarquable
de la région sacrée et, comme conséquence, un raccourcissement considérable du
trone.
(3) Voy. C. Dareste, Mémoire sur la production de certaines formes de mons-
trucsilés simples (Comptes rendus des séances de la Socicté de Biologie, 3° série,
t. V, p..212-213 ; Paris, 1864).
(4) Cf. V, Racle, loc. cit.
(5) Cf. V. Racle, loc. cit,
CHEZ LES OISEAUX. h39
particularités qu'il est intéressant de noter : ainsi, par exemple,
dans un cas de scoliose cervicale, où la courbure com-
prend les deux tiers inférieurs du col et a sa concavité dirigée
en arrière, 1l peut arriver que le mouvement de flexion du
col en avant soit lout à fait impossible, et que la lête ne puisse
être portée vers le sol que par la flexion des deux ou trois pre-
mières vertèbres cervicales, les unes sur les autres, et par la
rotation du bassin sur les fémurs. Le mouvement de redresse-
ment ou de flexion en arrière peut être au contraire tellement
étendu, que le col puisse se ployer en deux, jusqu’à la rencontre
de la face postérieure de sa moitié inférieure, la tête venant alors
se placer dans la concavité de la courbure cervico-dorsale (1).
Dans la région dorsale, si la courbure est latérale et beaucoup
plus prononcée du côté des corps vertébraux que du côté des
apophyses épineuses, par exemple, les articulations costo-verté-
brales, du côté de la concavité, étant situées sur un plan anté-
rieur à celui des mêmes articulations de l’autre côté, les côtes
appartenant au côté concave ne présenteront, dans leur trajet
pour venir se joindre au sternum, qu’une courbure légère, tandis
que les côtes appartenant au côté convexe seront fortement
ployées au niveau de leur angle. Enfin, par suite du déplacement
latéral de plusieurs corps de vertébres, qui, du côté de la conca-
vité, ont diminué de hauteur et sont comme écrasés, les côtes de
ce côté sont rapprochées les unes des autres jusqu’au contact,
tandis que celles de l’autre côté sont au contraire fortement éloi-
gnées (2).
Il. Le spina-hrfida s’observe aussi quelquefois à des hauteurs
variées du canal vertébral, et déjà 1l peut se voir sur de très-
jeunes embryons (3), d’ailleurs normalement développés sous les
(A) Cf. V. Racle, loc. cit.
(2) Cf. V. Racle, loc. cit. ,
(3) P. L. Panum, dans ses Unlersuchunghen über die Enlstehung der Missbil-
dungen zunâchst in den Eïiern der Vœgel (S. 106, Taf. VI, Fig. 7 ; Berlin, 14860),
rapporte avoir rencontré un exemple de cette anomalie, à son premier degré, sié-
geant tout près de l'extrémité caudale du canal vertébral, sur un embryon de Poulet,
d’ailleurs normalement développé, long de 0%,0057, et issu d’un œuf (à deux
jaunes) qui avait été soumis seulement depuis quarante-deux heures à l’incubation.
Dans deux cas, observés l’un sur un Poulet et l’autre sur un jeune Canard, qui
h36 O0. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX
autres rapports, ou, au contraire, alleints, en même temps,
d’autres difformités (1).
IL. L'asymétrie du cräne, qui, chez quelques Oiseaux, a été
parfois considérée comme une disposition normale (2), est, dans
quelques cas, tellement prononcée qu’il paraît impossible de ne
pas la considérer comme une véritable anomalie.
IV. Mais, de toutes les irrégularités de constitution, les plus
communes sont celles qui portent sur la voûte crânienne, soit
que cette dernière fasse complétement défaut, soit qu’elle pré-
sente une solution de continuité plus ou moins étendue.
a. La première de ces deux dispositions, qui a été observée
plusieurs fois sur des Palmipèdes et sur des Gallinacés domes-
tiques, et qui n’est d’ailleurs pas incompalible avec l'achèvement
complet du développement de lembryon (3), coïncide parfois
avec diverses autres anomalies (4), au nombre desquelles il en
faisaient tous deux partie de la collection de l'Université de Landshut et que Fr.
Tiedemann (Anatomie und Naturgeschichte der Væœgel, Bd. 1, S. 279; Heidelberg,
4814) a sommairement décrits, le cou (qui, quoique simple, supportait deux têtes
soudées par l’occiput) était atteint d’un véritable spina-bifida, dans la totalité de
son étendue d'avant en arrière, jusqu’au niveau de la limite supérieure de la portion
thoracique de la colonne vertébrale.
(4) Voy., notamment, l'embryon décrit par Panum (loc. cil., p. 109) et figuré
dans son Atlas, pl. VI, fig. 9 et pl. VIL, fig. 15 et 16. (Au lieu d’être désignée par
le n° 16, la figure, placée sur la pl. VIT, au-dessous de la fig. 7, entre les fig. 10
et 45, a été, selon la remarque de l’auteur, inscrite, par erreur, sous le n° 14.)
(2) Voy. R. Collett, On the asymetry of the skull in Strix lengmalini (Proceedings
of the zoologicat Society of London, vol. XLT, p. 739-743, with a plate; London,
1871). — Voyez aussi, sur l’asymétrie normale du crâne chez le Bec-croisé (Loæia
curvirostra, Linn.), notre Mémoire sur les difformilés du bec chez les Oiseaux
(loc. cit., p. 32).
(3) Voy., dans Ad. W. Otto (Monsnlorum sexcerlorum descriplio anatomica,
n° LXHI; Vratislaviæ, 1841), la description sommaire d’un Canard domestique
atteint de cette monstruosité, et, d’autre part, dans Ant. Alessandrini (Caïalogo
degli oggetli e preparati più interessanti del Gabinetlo d'Analomia comparata della
pontifica Universilà di Bologna, Sezione X, n° 1425 ; Bologna, 1854), l'indication
d’une pièce du même genre, provenant d’un Pigeon (Columba domestica).
(4) Nous citerons notamment l’absence de l'un des deux yeux et le développement
exagéré de l’autre, l’arrêt de développement de la mandibule supérieure et l’élon-
gation de la mandibule inférieure. — D'autre part, nous rappellerons qu’on doit à
Ad. W. Otto la description de deux monstres doubles polyméliens, qui étaient en
même temps atteints de l’anomalie qui nous occupe.
CHEZ LES OISEAUX. h37
est une (1) qui s’observe le plus souvent, sinon toujours, à
savoir, une atrophie considérable (avec altérations diverses) des
centres nerveux encéphalo-médullaires. En pareil cas, en effet,
on ne trouve parfois aucune trace ou seulement que de faibles
vestiges d’un encéphale, recouverts d’une enveloppe très-ténue
et transparente, qui se trouve formée par la dure-mère (2) et
par une portion très-fine de la couche tégumentaire générale, ou
seulement par cette dernière, dépourvue de plumes et plus ou
moins déchirée çà et là (3). Lorsque l’altération est moins pro-
noncée, on trouve, en outre, reposant sur la base du crâne, au-
dessous de l’enveloppe tégumentaire sus-indiquée, un petit cer-
veau, tout au moins rataliné et en quelque sorte ridé, n'ayant
plus sa coloration normale (4), et se présentant avec des dispo-
sitions anatomiques intérieures, qui indiquent évidemment que
l’encéphale s’est trouvé alléré à une époque encore peu avancée
de la vie embryonnaire (5).
Enfin il arrive aussi quelquefois que la moelle épinière est
atteinte d’altérations comparables à celles qu'offre l’encéphale,
et que, concurremment, de même que la voûte crânienne fait
défaut, la portion cervicale de la colonne vertébrale est aussi
exceptionnellement plus courte qu’à l'état normal (6).
La coïncidence des diverses particularités dont la réunion
caractérise cette monstruosité (dont les degrés différents sont
connus en lératologie générale sous les noms de nosencephalie et
d'anencéphalie), s'explique du reste facilement, depuis que des
recherches précises, qui ont permis de constater qu’elle se pro-
(1) Hémicéphalie, de Gurlt et d’Ad. W. Otto; Nosencéphalie, d’Is. Geoffroy Saint
Hilaire.
(2) Ad. W. Otto (Seltene Beobachtungen zur Anatomie, Physiologie und Patho-
logie gehœrig., S. 40 ; Breslau, 1816) rapporte avoir constaté cette disposition sur
la tête d’un Canard,
(3) Voy. Ad. W. Otto, doc. cit.. n° CCCCXXIT (Gallinacé);, Vratislaviæ, 1841.
(4) Voy. la description que donne A. W. Otto de la tête d’un Canard, déjà cité
(op. cit., n° LXXIT ; Vratislaviæ, 1841).
(5) Voy. Ad. W. Otto, loc. cit., n° CCCCXL (Canard polymélien).
(6) On voit,. au Musée de Bologne (Sezione X, n° 4429), un Coq, chez lequel
. manquent à la fois la voûte du crâne et la portion annulaire de la première vertèbre
cervicale.
h3S O. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX
duit avant la fin de la première semaine de l’incubation, ont fait
voir, en même temps, quelle peut être due à une hydropisie des
vésicules initiales des centres nerveux (1), hydropisie qui a pour
effet de prévenir ou d'arrêter dans son cours le développement
de la substance encéphalo-médullaire, et qui, en raison de la
formation d’une poche séreuse intra-crânienne ou crânio-rachi-
dienne, a, en outre, pour conséquence l'inocclusion des cavités
osseuses correspondantes.
b. L’anomalie caractérisée, non plus par l’absence de la voûte
crânienne avec atrophie concomitante de l’encéphale, mais bien
par l’existence d’une solution de continuité de la voûte, à travers
laquelle une portion de l’encéphale fait hernie au-dessous des
téguments (podencéphalhe), s’observe aussi quelquefois, soit sur
des Oiseaux encore contenus dans l’œuf (2), soit même sur des
Oiseaux qui ont déjà vécu plusieurs mois, sans que l’altéra-
tion dont ils sont atteints les ait empêchés de se bien porter. Le
cerveau, qui, surtout dans les cas où la solution de continuité
mesure une étendue équivalente à l’absence presque complète
de la voûte (4yperencéphalie), n'est protégé que par la couche
tégumentaire externe, est ainsi considérablement exposé à l'action
des agents extérieurs (3); et, par suite, un léger coup (qui, porté
(1) C. Dareste, dans une Note sur le mode de formation des monstres anencé-
phales (Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences de
Paris, t. LXII, p. 448 ; Paris, 1866), attribue celte hydropisie, « que l’on retrouve
également dans l’amnios et quelquefois même dans toute l'épaisseur des tissus »,
à un « état particulier du sang, qui est complétement incolore et ne contient que
très-peu de globules ». « Quant au manque de globules dans le sang », il aurait lui-
même, € son point de départ dans un arrêt du développement de l’aire vasculaire,
qui ne s’est que très-imparfaitement canalisée, et qui présente les globules san-
guins emprisonnés dans les iles de Wolf. » Voy. aussi du même auteur : Note sur une
serie de recherches expérimentales, relatives à la tératologie (Annales des Sciences
naturelles, Zoologie, 5° série, t. X, p. 129 ; Paris 4868), et, d’autre part, les Comptes
rendus des séances de la Société de biol., 4° série, t. IE, p. 109-112 ; Paris, 1867)
(2) C. Dareste, dans une Note sur le mode de production de certaines race
d'animaux domestiques (Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie
des Sciences de Paris, t. LXIV, p. 423 ; Paris, 1867), rapporte avoir observé cette
anomalie sur deux Poulets trouvés dans cette condition.
(3) On sait que la disposition anatomique, à peu près identique, que présentent
normalement les Poules huppées (Pollish Fowis, Tegetmeier), si la huppe n’existait
pas, ferait courir de semblables risques à ces Oiseaux, dont la conformation crâ-
nienne a déjà été l’objet de tant de remarques et de recherches attentives.
CHEZ LES OISEAUX. 139
sur la tête, serait sans effet dans les conditions ordinaires) pourra
faire facilement périr l'animal, après lui avoir fait éprouver des
désordres variés du système nerveux. Les portions de l’encéphale
qui s’échappent au dehors sont, en effet, logées dans une sorte
de coque, simplement membraneuse, qui, si l'animal survit plu-
sieurs mois, subit, dans quelques cas, un travail d’ossification
partielle. C’est ainsi, par exemple, que du bourrelet plus ou moins
élevé, et comme taillé à pic, qui entoure la base de l'encéphalo-
cèle, s'élève parfois une sorte de travée osseuse, arciforme, à
peine large de quelques millimètres, et dirigée d’avant en arrière,
à la face inférieure de laquelle s’insère un repli falciforme, qui
sépare l’un de l’autre les deux hémisphères cérébraux herniés,
et sur les côtés de laquelle les autres portions de l'enveloppe,
plus ou moins vascularisées, demeurent membraneuses (1). Enfin,
le reste de la cavité crânienne est relativement très-peu développé,
et renferme les autres parties de l’encéphale, qui sont en général
elles-mêmes aussi peu développées.
Quant à l’origine de pareilles anomalies, bien qu’elles ne pa-
raissent pas être attribuables dans tous les cas au même ordre de
causes, il semble pourtant que, dans quelques-uns, on puisse la
rattacher aux effets de la compression exercée par l'amnios sur
les vésicules encéphaliques. On conçoit, en effet, que, sous celte
influence, ces vésicules changent de forme, et que, par exemple,
au lieu de rester sphériques, elles s’aplatissent de haut en bas et
s’élargissent sur les côtés, de manière à former un rebord sail-
lant qui, débordant les parois de la tête, est séparé du reste
de cette dernière par un sillon plus ou moins profond. Dans ces
conditions inusitées, rien n’empêchant toutefois la formation de
la substance nerveuse à l’intérieur des vésicules, l’encéphale
continue de se développer ; mais, quant à la formation des parties
carlilagineuses et osseuses du crâne, elle ne se fait que d’une
manière incomplète et s'arrête au fond du sillon, qui sépare du
(1) On doit à Siedamgrotzky la relation détaillée d’un cas de ce genre, qu’il a
publiée dans le Bericht über das Veterinærwesen im Kæœnigreiche Sachsen für das
Jahr 1873, S: 64 ; Dresden, 1874.
hhO O. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX
reste de la tête les vésicules encéphaliques ainsi déformées (1).
V. L’hydrencéphale, qui jusqu’à présent paraît n'avoir été
rencontrée que sur de très-jeunes embryons (2) ou sur de très-
jeunes Oiseaux, tout récemment éclos (8), appartenant à l’ordre
des Gallinacés ou à celui des Palmipèdes, coïncide parfois avec
l’exencéphalie. En pareil cas, au-dessous de l’enveloppe mem-
braneuse, transparente et ténue, qui recouvre l’encéphalocèle,
et que l’on trouve quelquefois adhérente aux membranes de
l'œuf (4), on constate la présence d’une portion plus ou moins
volumineuse de l’encéphale, distendue par un liquide générale-
ment limpide (5).
ALTÉRATIONS DES ENVELOPPES OSSEUSES DES CENTRES NERVEUX. .
Les enveloppes osseuses des centres nerveux peuvent être le
siége d’altérations diverses.
I. Quelquelois, par exemple, les os de la voûte crânienne, de
concert avec la généralité du squelette, ont subi un amincisse-
ment plus ou moins notable. |
I. Dans d’autres cas, on les trouve perforés, dans une plus
ou moins grande étendue, par quelque tumeur provenant de la
dure-mèêre (6) ou simplement déprimés et amincis par quelque
(1) Voy. C. Dareste, Mémoire sur la production de certaines formes de monstruo-
silés simples (loc. cit., p. 214), et Recherches sur les conditions de la vie et de la
mort chez les monstres exencéphaliens produits artificiellement dans l’espèce de la
Poule. (Annales des Sciences naturelles, Zoologie, L° série, t. XX, p.59 ; Paris,
1863).
(2) Une pièce anatomique, malheureusement très-incomplète, dont Ad. W. Otto
a donné la description (loc. cit., n° 87), porterait peut-être à penser qu’on peut pour-
tant en rencontrer aussi des exemples chez des Oiseaux qui sont malgré cela devenus
adultes.
(3) Voy. Panum, op. cit., p. 117 et 108.
(4) Voy. C. Daréste, Note sur un Poulet hyperencéphale (Gazette médicale de
Paris, 3° série, t. XV, p. 533 ; Paris, 1860).
(5) Voy. Ad. W Otto, op. cit., n° 77.
(6) C. Stœlker (Beitrag zur Pathologie der Væœgel, S. 12-13 —- in Journal für
Ornithologie, 3° Folge, Bd. IL; Leipzig, 1872) rapporte avoir eu en sa possession
une Troupiale (Dolichonygx oryzivora, Swainson), chez qui l’autopsie permit de
constater l'existence d’une tumeur, grosse comme un grain de millet, qui paraissait
avoir ainsi son point de départ dans les méninges et avait perforé le crâne. Malheu-
reusement on ne fit pas de recherches relativement à la nature de cette tumeur.
CHEZ LES OISEAUX. Uh1
production pathologique dépendant de la couche tégumentaire
externe (1).
IL. Aïlleurs, on constate, dans leur épaisseur, de petits foyers
sanguins, dont la présence coïncide le plus souvent avec l’exis-
tence de quelque altération hémorrhagique de l’encéphale ou de
ses méninges.
IV. Parfois aussi, notamment à la suite de coups violents, qui
ont porté sur la tête, le diploë subit, dans une plus ou moins
grande étendue, un travail-de destruction, dont la marche peut
être assez rapidement fatale, et dont le retentissement sur l’en-
céphale s'accuse, durant la vie, par des phénomènes très-remar-
quables dans quelques cas, sans que pourtant la face interne du
crâne présente la moindre saillie, et sans que les diverses portions
de l’encéphale et de ses méninges, examinées avec le plus grand
soin, laissent apercevoir aucun indice d’altération ; mais non pas
sans que quelque partie importante, telle que appareil auditif,
par exemple (2), se trouve plus ou moins compromise.
Lorsque la lésion intéresse spécialement l’une des deux moitiés
du crâne, on peut, même avant d’avoir enlevé la peau, constater
que la surface sous-jacente, inégale et rugueuse sous le doigt,
est manifestement plus développée que celle du côté opposé. Sur
une coupe transversale, en pareil cas, la paroi osseuse se montre,
en effet, aussi plus épaisse à ce niveau ; et, si l’on enlève, par
exemple, une mince lame de la table externe, on trouve au-
dessous d’elle la surface, lisse et légèrement rosée, d’un tissu
assez homogène, grisâtre et mou dans sa plus grande partie. Ce
tissu n'est autre que celui d’une membrane fibroïde, plus ou
moins épaisse, quirecouvreune partie du diploë, d’ailleursramolli
et friable, et qui lui est assez peu adhérente pour qu’on puisse
(4) Nous nous occuperons prochainement de ces productions dans un Mémoire sur
les Affections de l’appareil téqumentaire externe.
(2) J. Signol et A. Vulpian ont fait connaître un cas de ce genre, observé chez
un Coq (Comptes rendus des séances de la Société de Biologie, 3° série, t. LIT,
p. 135 ; Paris, 1862), et, de mon côté. j’en ai rencontré deux autres, l’un sur un
Coq commun, l’autre sur un Faisan argenté (Phasianus nyctemerus, Lin.) dans des
conditions d'identité tellement exactes, que mes notes paraissent calquées sur la
relation publiée par mes deux devanciers.
h42 O0. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX
la faire glisser, de côté et d'autre, sur la portion osseuse qu’elle
revêt. Celle-ci, qui est, en pareil cas, plus ou moins détachée du
reste de l'os, se distingue d’ailleurs de Jui par une teinte gris-jau-
nâtre ; elle se laisse plus ou moins facilement ébranler ; et, quand
on examine directement, on trouve sa surface inégale, surmon-
tée de petits mamelons, et creusée de légères dépressions, qui
correspondent elles-mêmes à de petites élevures de la face in-
terne de la membrane enveloppante.
V. Les contusions et même les fractures de la voûte du crâne
se rencontrent assez souvent chez les Oiseaux en captivité, notan-
ment chez ceux, tels que les Gallinacés, qui s'élèvent brusquement
en l’air, sous l'influence de la moindre impression de la vue ou
de l’ouie, et qui viennent ainsi se heurter la tête, avec une cer-
taine violence, contre la partie supérieure de la chambre dans
laquelle ils sont enfermés, ou bien encore chez ceux qui, à chaque
instant, viennent buter contre les barreaux de leur cage.
Bien souvent aussi, notamment dans les luttes qu’ils se livrent
entre eux, ou bien encore quand ils sont atteints par quelque
persécuteur aux instincts carnassiers, leur voûte crânienne subit
des fractures multiples, avec déplacement des fragments, et, en
pareil cas, surtout si la dure-mère s’est trouvée déchirée, la solu-
tion de continuité de la boîte osseuse se complique aisément d’un
autre accident, qui, satisfaisant la voracité du vainqueur, devient
promptement fatal à la victime. Cet accident, c'est la hernie de
l’'encéphale, dont la substance se trouve comme étranglée par les
bords de l’ouverture, généralement étroite, qui lui a donné issue.
VI. Les parties constituantes de la colonne vertébrale n’échap-
pent sans doute pas, non plus, à un certain nombre d’altérations
pathologiques ou accidentelles, dont il est facile d’entrevoir la
possibilité.
Pour ne citer toutefois que celles qui ont été déjà positivement
constatées, 1l convient de mentionner les altérations diverses de
courbure, qui se rattachent au rachitisme (1), et, d'autre part,
(1) Voy. notre Mémoire sur les affections des appareils de locomotion chez les
Oiseaux (Mélanges de Pathologie comparée et de Tératologie, p. 139 ; Paris, 1873-
1877).
\
CHEZ LES OISEAUX. hh5
le déplacement partiel de deux vertèbres cervicales l’une sur l'au-
tre (1), ou bien encore l'écrasement d’une plus ou moins grande
étendue de la colonne cervicale, avec altération de la moelle épi-
nière (2).
ALTÉRATIONS PATHOLOGIQUES DES CENTRES NERVEUX
ET DE LEURS MÉNINGES.
Souvent, chez les Oiseaux, notamment à l’époque des amours,
la suractivité vitale, qui, chez les mâles, se traduit surtout, ana-
tomiquement, par une augmentation considérable du volume des
testicules (3), est tellement grande qu’il se produit vers les cen-
tres nerveux une congestion fort intense, et, lorsque les ani-
maux succombert dans ces conditions, en l'absence de toute
autre altération appréciable à l’autopsie, la mort est vraisembla-
blement attribuable à l’hyperhémie, dont les traces évidentes sont
parfois très-faciles à constater, non-seulement sur la masse ner-
veuse encéphalo-médullaire, mais aussi sur les méninges céphalo-
rachidiennes (4).
(1) F. Defays, dans son Compte rendu de la Clinique de l'École de Médecine
Vétérinaire de l'État pendant l'année scolaire 1869-1870 (Annales de Médecine
Vélérinaire, t.X, p. 539 ; Bruxelles, 1871), a publié la relation d’un cas dans lequel
il avait diagnostiqué l’existence d’une luxation incomplète des vertèbres cervicales,
en se fondant sur ce que l’animal avait le cou contourné de gauche à droite et la
tête basse, portée dans cette direction, en même temps que, du côté gauche, vers
le tiers supérieur de la région cervicale, on constatait une saillie qui disparaissait
lorsqu'on ramenait la tête et le cou dans la direction normale, et quise reproduisait
aussitôt qu'on abandonnaïit ces parties à elles-mêmes, — Le traitement consista à
maintenir le cou dans une position à peu près normale, en le soutenant à l’aide d’un
cylindre en cuir, dans lequel on avait pu l’engager ; et la partie intéressée, se raffer-
missant peu à peu, finit par conserver sa position naturelle.
(2) Témoin le cas d’une Poule, dont nous avons rapporté l’histoire dans une Note
pour servir à l’histoire des lésions traumaliques accidentelles de la région cervicale
chez les Oiseaux (Mélanges de Pathologie comparée et de Tératologie, p. 183 ; Paris,
1873-77).
(3) Cf. : Ch. Fr. Heusinger, Recherches de Pathologie comparée, vol. I, p. CXVI ;
Cassel, 1847. — Rufz de Lavison, Bulletin mensuel du Jardin d’acclimatation du
Bois de Boulogne (Bulletin de La Société zoologique d’acclimatation, 1'° série, t. VIII,
p. 64, 128, 479 ; Paris, 1861, et t. IX, p. 236 ; Paris, 1862). — Mich. Gay, Apo-
plessia cerebro-spinale fulminante in un vecchio Gallo inglese Dorking (IL medico
Veterinario, serie 4%, vol. V, p. 241-246 ; Torino, 14876).
(4) Cf. Ch. Fr. Heusinger, loc. cit.
UV O0. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX
Quelquefois même l’afflux du sang se fait si violemment que
les vaisseaux se rompent sur-quelque point, et qu'un épanche-
ment de sang se produit (1). |
Mais, le plus souvent, la véritable hémorrhagie cérébrale n’est
pas seulement la conséquence d’une simple congestion, poussée
ainsi à sa limite extrême. Que l’épanchement sanguin se soit
d’ailleurs produit sur un seul point ou sur des points différents
de l'étendue des centres nerveux, le plus habituellement la pro-
duction de l'hémorrhagie a été alors puissamment préparée par
l'existence d'une altération préalable du système vasculaire des
tissus intéressés (2). Dans le groupe nombreux des Oiseaux do-
mestiques et de ceux qui vivent en captivité, quelques-uns, tels
que les Oies (3), les Canards et les Poules, paraissent être plus
spécialement exposés à celte sorte d’accident (4), que semble
favoriser le trop fréquent accomplissement de l’acte nécessaire à
la reproduction, chez des Oiseaux d’ailleurs trop peu libres d'aller
et de venir (5), et, pour la plupart, déjà trop âgés. Si nous nous
en rapportons aux données fournies par l’analyse de nos propres
observations, les cas de ce genre appartenant, pour plus des 4/5
(117 cas sur 127), à des Oiseaux du sexe mâle, on peut dire que
l'hémorrhagie cérébrale est, en somme, une altération relative-
ment assez peu commune chez les femelles ; et encore, dans les
dix cas auxquels nous faisons allusion, reste-t-il une part assez
large à faire à l'influence du traumatisme, puisque, dans sept
(1) Cf. C. Dareste, Note sur quelques altéralions pathologiques observées sur des
Oiseaux du Jardin zoologique d’acclimalation du Bois de Boulogne. (Comptes
rendus des séances de la Société de Biologie, 3° série, t. [l, p. 183 ; Paris, 14861.)
(2) Cf. : Max. Schmidt, Einiges über Krankheiten auslændischer Thiere (OEster -
reichische Vierteljahresschrift für wissenschaftliche Veterinærkunde, Bd. XX, S.59;
Wien, 1863). — C. Stœlker, loc. cit., p. 12-13. Selon ce dernier observateur, les
attaques d’apoplexie (Sclaganfælle), avec épanchement de sang dans le cerveau, ne
sont pas rares chez les Oiseaux granivores, notamment chez les Becs-croisés, les
Bouvreuils et les Linots, à la suite de l’usage trop abondant du chènevis, qui produit
l’engraissement et rend les vaisseaux friables.
(3) Ch. Adm. Adr. Buhle, Naturgeschichte der domesticirten Thiere, Heft IL, S. 26 ;
Halle, 1842.
(4) I est connu, en anglais, sous le nom de Megrim.
(5) Cf. S. M. Bradley, Note on the diseases of animals in a slale of confinement
(The Lancet, vol. I for 1869, p. 708 ; London, 1869).
CHEZ LES OISEAUX. hh5
d’entre eux l’hémorrhagie s'était manifestement produite à la
suite de coups violents reçus sur la tête. Quant aux trois autres,
en l’absence de toute autre donnée, peut-être y a-t-1l lieu d'in-
criminer la haute température exceptionnelle du local où se trou-
vaient ensemble les trois Poules dont il est ici question. En re-
vanche, sur les 117 cas recueillis chez des Oiseaux appartenant
au sexe mâle, 1! en est 12 seulement dans lesquels laltération
anatomique est attribuable à un traumatisme, et, parmi les 405
autres, 8 ont été observés sur des Oiseaux qui, depuis plusieurs
années, vivaient caplifs, dans un complet isolement. Quant aux
77 autres, ils ont tous été recueillis sur des Oiseaux (Coqs, Din-
dons, Faisans, Paon, Pigeons, Canards), chez lesquels l'exercice
trés-aclif de la fonction de reproduction paraît avoir joué mani-
lestement le rôle de cause déterminante (1).
Si l'on en excepte les cas dans lesquels l'hémorrbagie, OCCU-
pant l’un des points de la partie supérieure de l’encéphale, est, en
outre, le résultat évident d’un choc porté directement sur le des-
sus de la tête (2), les épanchements sanguins, dans les divers cas,
occupent un siége assez variable (3), mais non pas pourtant sans
se montrer, avec une fréquence relativement grande, à la base
de la masse encéphalique (4).
Dans les différents cas, on trouve, du reste, outre un ou plu-
sieurs foyers hémorrhagiques, les traces d'une congestion plus
(1) Cf, Boitard et Corbié, Histoire nalurelle des Pigeons domesliques, p. 98 ;
Paris, 1824, — Heckmeyer (cité par G. B. Ercolani dans /? Medico Veterinario, serie
seconda, vol. I, p. 473; Torino, 1860) met, en outre, en cause, pour les Poules,
la chaleur des poulaillers. Nous indiquerons également, comme cause déterminante,
la surcharge du jabot et de l’estomac et, d'autre part, l'usage des fruits doués de
propriétés narcotiques.
(2) P. Rayer et A. Gillet de Grandmont (Comples rendus des séances de la Société
de Biologie, 3° série, L. IV, p. 118 ; Paris, 1863) ont fait connaître à la Société de
Biologie un cas d’hémorrhagie sous-méningée, survenue chez une Foulque qui,
transportée dans une caisse, s'était frappé la tête contre le plan résistant situé en
dessus, sans toutefois se fracturer le crâne. — Cf. Mich. Gay, loc. cu.
(3) Siedamgrotzky, dans sa Klinik für Kleinere Hausthiere (Berichl über das Vete-
rinærwesen im Kænigreiche Sachen für das Jahr 1872, S. 84; Dresden, 1873),
rapporte avoir trouvé, comme cause de mort, chez un Perroquet et chez un Serin,
une hémorrhagie récente, ayant son siége sur l'hémisphère droit du cerveau.
(4) Cf. Max. Schmidt, lor, cit.
hh6 Oo. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX
ou moins intense, et même de pelites nappes sanguines, dans
l'épaisseur des méninges (1).
La marche et la terminaison des hémorrhagies encéphalo-
méningées sont extrêmement différentes, selon les cas. Lorsque
la déchirure accidentelle de lun des sinus a été le point de dé-
part de l'hémorrhagie intra-crânienne (qu'il s'agisse d'ailleurs
du longitudinal supérieur ou du longitudinal postérieur), l’'épan-
chement du sang est toujours peu abondant et, par suite, ne
détermine guëêre les effets attribuables à la compression de l’en-
céphale (2).
Les diverses artères, qui rampent à la face supérieure du cer-
veau (et notamment celle qui chemine à la face antéro-supérieure
de chacun des lobes cérébraux, près du bord supérieur et interne
de l'orbite correspondante), lorsque leurs parois sont atteintes
de quelque solution de continuité, laissent échapper le sang avec
abondance: et, comme il arrive souvent, en pareil cas, que le
liquide recouvre toute la surface de l’encéphale, au-dessous de
la dure-mère, qu'il distend plus ou moins fortement (3), on voit
quelquefois se produire des phénomènes, dont l'apparition suc-
cessive indique exactement la nature des parties, plus ou moins
éloignées, que le sang épanché est venu comprimer successive-
ment.
Ces phénomènes ne persistent, du reste, et ne sont fatalement
et rapidement suivis de la mort de l’animal, qu’autant que le sang
épanché n’a trouvé aucune issue au dehors, comme cela arrive
(1) Cf. Zahn, Bericht über das Wiener Thierar znei-Institut (pathologisch-anato-
musche Lehransialt) für das Studienjahr 1874-1875 (Œsterreichische Vierteljahres-
schrift [ur wissenschaftliche Veterinærkunde, Bd. XLVI,S. 4 ; Wien, 1876). ll s’agit
de trois jeunes Faisans.
(2) P. Flourens (Pecherches expérimentales sur les propriétés et Les fonctions du
système nerveux dans les animaux vertébrés, p. 284-289 ; Paris, 1842), dans ses
expériences sur les Pigeons, malgré tout le scin qu'il y apportait, n’est jamais par-
venu que très-difficilement à produire, même par l'ouverture artificielle des sinus,
des épanchements assez abondants pour déterminer des effets de ce genre ; et il fait
remarquer que l'écoulement du sang s'arrête sans cesse, alors même qu’on s’efforce
de le provoquer.
(3) 11 est même probable que l’épanchement du sang se fait avec assez de rapidité,
si l’on en juge par ce qui se produit dans les reclierches expérimentales (Cf. P. Flou-
rens, loc. cil., p. 291:292),
CHEZ LES OISEAUX. 7
dans les cas où l’afflux du sang vers les centres nerveux à élé le
résultat d’une violente congestion. Quand, au contraire, il s’agit
d’une hémorrhagie traumatique, — si l’encéphale n’est pas lui-
même autrement intéressé, et surtout si le sang peut se frayer
une route à l'extérieur par quelque solution de continuité, —
les désordres cessent avec une rapidité qui varie selon le temps
pendant lequel ils ont déjà duré ; et, en raison du petit volume
des vaisseaux atteints, lhémorrhagie s'arrête bientôt et sponta-
nément.
Les hémorrhagies, sous forme de piqueté (état sablé), qui se
font au sein de l’encéphale lui-même, et qui coincident avec une
altération plus ou moins marquée de sa substance, ont bien ra-
rement une aussi heureuse issue : on peut dire qu’elles consti-
tuent une affection toujours très-grave et, le plus souvent, mor-
telle en peu d'heures. Cependant il arrive quelquefois que lPani-
mal survit à l’ictus hémorrhagique, mais presque toujours (1}
dans un état semi-paralytique, et pendant un temps qui peut
être plus ou moins long (2). Dans les cas où 1l en est ainsi, on
retrouve du reste, anatomiquement, les traces plus ou moins
effacées d'anciennes hémorrhagies (3).
Le siége de l’hémorrhagie dans le cerveau ou dans le cervelet,
et d’ailleurs dans les parties profondes ou seulement dans les
couches superficielles de chacun de ces organes, ne paraît pas,
sous le rapport de la marche et de la terminaison, exercer une
influence appréciable, et c’est plutôt de l'étendue de l’épanche-
ment (et, partant, de la multiplicité des désordres consécutifs)
que dépend la gravité du mal. Pour le cervelet, en particulier,
on peut, par exemple, voir la vie persister chez un Oiseau qui
porte, au centre de l'organe, les traces d’une lésion vraisembla-
blement ancienne (4); tandis que chez d’autres qui ont succombé
rapidement, les caractères évidents d’une hémorrhagie récente
(1) C. H. Hertwig, Beirœge zu den Krankheiten der Vœgel (Magazin für die
gesammtie Thierheilkunde, Bd. XV, S. 85 ; Berlin, 1849).
(2) C. H. Hertwig, loc. cit.
(3) Cf. P. Flourens, loc. cit., p. 338-339.
(4) Cf, P, Flourens, loc, cil., p. 338.
hAS O. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX
des couches superficielles coincident avec l'intégrité des parlies
centrales.
En revanche, les phénomènes qui traduisent au dehors les
effets exercés sur les centres nerveux par le sang épanché,
offrent, selon les cas, quelques particularités à relever.
La plupart du temps, l'Oiseau, ou bien meurt subitement (1),
ou bien est trouvé en proie à un abasourdissement extrême ou à
des convulsions, dont l'apparition s’est faite brusquement, sans
qu'on ait pu saisir par l'observation aucun phénomène précur-
seur appréciable. Dans le premier cas, l'animal tombe subite-
ment, comme étourdi ; 11 fait, pour s’envoler ou pour marcher,
quelques mouvements irréguliers, se relève, chancelle, retombe
d'un côté sur l’autre, et demeure abasourdi. La pupille de l’un
des veux ou des deux à la fois est dilatée ; le choc du cœur contre
les parois de la poitrine est presque normal, et la respiration
silencieuse (2). Dans d’autres cas, l'Oiseau est subitement pris
de convulsions épilepliformes, qui ne durent parfois qu’un in-
slant (3) et souvent sont bientôt suivies de la mort (4).
Cependant, tous les cas sont loin d'aboutir fatalement el aussi
vite à une pareille issue. Dans quelques-uns, où l'altération porte
exclusivement sur le cervelet, et où l’animal survit à l'attaque un
temps plus ou moins long, on observe dans la moulité des désor-
dres variés, qui, lorsque les couches superficielles de l'organe
sont seules intéressées, se caractérisent par une simple instabi-
lité ; tandis que, lorsque l’aliérauon porte en même temps sur les
parues profondes, les mouvements sont complétement désor-
donrés. Dans le premier cas, en effet, s'il s’agit d’un Gallinacé
(1) Cf. Ch. Fr. Heusinger, Zoo!omische Analekten (J. F. Meckel's Deutsches
Archiv für die Physiologie, Bd. VI, S. 551 ; Halle, 14820).
(2) C£. C. H. Hertwig, Îec. cit.
(2) Cf. Ch. Fr. Heusinger, loc. cit.
(4) Harimann (Ephem. nat. Curios., dec. IL, a. 7, p. 77) rapporte avoir eu un
Gesi qui mourut après une attaque d’épilepsie : Secta nthil prœter naturam oslen-
dut ; in cerebri medulla aliquot stigmala sarguinea erant conspicua. 11 est probable
que c'esi à un cas de ce genre qu'a eu affaire Mich. Gay (loc. cit.) : l'oiseau, aussitôt
tombé à terre, se mit à baître des ailes et à agiter celui des deux membres abdo-
minaux sur lequel il ne gisait pas, el cela en poussant un cri, qui se répéta plu-
sieurs fois durant les derniers instants de son existence.
CHEZ LES OISEAUX. h A9
(une Poule, par exemple), les mouvements sont calmes et lents ;
ils se font avec peine, comme avec paresse; mais le trouble de
l’équilibration n’en est pas moins évident. Si l’Oiseau se tient
debout, ses jambes fléchissent à tout moment sous lui; s’il mar-
che, on s’aperçoit d’une sorte d’hésitation dans les mouvements
qu’il exécute, il chancelle à chaque instant, et quelquefois, sur-
tout si l’on cherche à Le faire marcher vite, 1l perd l’équilibre et
tombe. Enfin, sa tête et son cou sont dans un état d’instabilité
remarquable ou d’oscillation presque continuelle, que l’on voit
s’accentuer surtout s'il Les éloigne dutronc, etque l’on fait cesser,
le plus souvent, en offrant un point d'appui au bec ou à la tota-
lité de la tête (4).
Lorsque l’altération porte sur les parties profondes, en même
temps que sur les parties superficielles, l'animal présente, à pre-
miére vue, les allures de l'état d'ivresse. Il chancelle presque à
chaque instant sur ses jambes, soit qu’il se tienne simplement
debout, soit qu'il veuille marcher ou courir. Tournant à droite,
quandil veutaller gauche, el à gauche, quand il veut aller à droite,
il recule aussi quand il veut avancer. Très-souvent, il tombe sur
ses jambes, qui fléchissent et plient tout à coup sous lui ; mais
c'est surtout quand il s’élance pour fuir ou pour grimper sur un
point élevé que, ne pouvant plus maitriser ni régulariser des
mouvements devenus trop rapides, il tombe et roule à terre, sans
pouvoir quelquefois réussir de longtemps, à se relever et à re-
prendre l'équilibre (2).
Les divers désordres que l’on voit se produire, dans les cas
d'hémorrhagie à l’intérieur de la cavité crânienne, sont loin de
se montrer toujours avec autant de nelleté que dans ceux que
nous venons de rappeler; et cela s'explique suffisamment par la
complexité même des altérations anatomiques. Quelquefois, lors-
que l’animal a survécu plusieurs jours ou même plusieurs se-
maines à l’attaque apoplectique, on trouve l’encéphale enveloppé
d’une couche de sérosité qui distend la dure-mère. Mais, il est
(1) Cf. P. Flourens, loc. cit., p. 335 et 336 et Observations sur quelques maladies
des Oiseaux (Annales des Sciences naturelles, 1" série, t. XVII; Paris, 1829).
(2) Cf. P. Flourens, loc. cit.
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). 29
50 0. LARCHER. — AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX, ETC.
des altérations, qui coïncident beaucoup plus souvent, et dés le
début, avec l'hémorrhagie sous-méningée, diffuse ou intersti-
tielle : ce sont, outre la turgescence plus ou moins grande des
vaisseaux méningés, les hémorrhagies dans l'épaisseur du diploë
des os du crâne, qui, lorsqu'on les a dénudés, se montrent par-
semés de points noirâtres correspondant précisément, sous le
rapport du siége, aux régions altérées de l’encéphale (1).
4) Cf. P. Flourens, toc. cil.y p. 334 et 338.
) ;
CONTRIBUTION
A L'HISTOIRE
DE LA LIGULE
Par M. A. L. DONNADIEU
Docteur es sciences, professeur au Lycée de Lyon
(Suite) (1)
Il. —— PASSAGE DU SCOLEX DANS LES POISSONS.
Dans des recherches expérimentales, les résultats négatifs sont
quelquefois aussi utiles que les résultats positifs, car ils contri-
buent beaucoup à mettre sur la véritable voie l'observateur qui
tâtonne pour arriver à un but certain. C’est à ce titre que je
citerai les expériences suivantes :
Expérience 5. — Il était important de s'assurer avant tout que les Li-
gules ne se transmettent pas de poisson’ à poisson. L'observation dé-
montrait bien que les étangs empoissonnés avec des poissons indemnes
étaient eux-mêmes dépourvus du parasite ; mais pour la confirmer j'ai
donné des Ligules à trois tanches saines, et je les ai examinées succes-
sivement à des intervalles qui augmentaient chaque fois de huit jours.
J'ai constaté que le ver ne s'était pas communiqué. Cette expérience
nr'a permis de remarquer un fait que j'ai toujours vérifié par la suite,
c’est que les Cyprinoïdes sont très-friands des Ligules, ils les avalent avec
avidité.
La Ligule ne se transmettant pas elle-même, j'avais encore à
déterminer si l'œuf n’était pas pour le parasite un moyen d’en-
vahir le poisson.
Expérience 6.— Pour arriver à le connaitre, je donne à trois Tanches
saines des Ligules que j'avais recueillies pleines d'œufs dans les déjections
des Canards ou dans leurs intestins. J’ouvre la première Tanche au bout
de huitjours, la seconde au bout d’un mois, la troisième au bout de deux
mois. Dans aucune d'elles je n’ai trouvé de Ligules, et leur intestin ne
m'a jamais montré aucune trace du passage des œufs.
(4) Voyez le numéro de juillet-août 4877 de ce recueil,
A52 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
Expérience T.— Les œufs étaient-ils digérés par les Tanches ou traver-
saient-ils tout simplement leur tube digestif? Pour le savoir je donne à
quatre Tanches des fragments de Ligules dont les matrices sont pleines
d'œufs ; l’une de ces tanches est ouverte au bout de deux heures, la
deuxième au bout de quatre heures, la troisième après huit heures, et
enfin la quatrième n’est ouverte que le lendemain. Cette dernière ne
contenait déjà plus rien, tandis que les trois précédentes m'ont montré
les œufs à divers états de digestion. Dans la troisième tanche presque
tous les œufs étaient en pleine décomposition, Dans ce fait je vois encore
un obstacle qui s'ajoute à tant d’autres pour s'opposer à une trop grande
multiplication des Ligules dont les œufs sont produits en quantité con-
sidérable.
Il ne me restait plus qu'à expérimenter sur l'embryon lui-même
qui devenait le seui moyen de transmission. C’est ce que Je fis,
instituant les expériences dont Je vais rendre compte.
Expérience 8. — Dans un aquarium contenant trois cents litres d’eau,
je plongeai deux assiettes pleines des déjections de canards nourris avec
des Ligules. J’ajoutai des fragments de Ligules remplis d'œufs. Tous les
huit jours je renouvelai à peu près les deux tiers de l’eau en ayant soin
de ne pas agiter le contenu des assiettes. Au bout de quatre semañies
j'introduisis trois tanches dans l'aquarium, et après la sixième semaine
j'établis l’eau courante ; j’examinai successivement chacune des trois
tanches à un mois d'intervalle. Elles me présentèrent des Ligules éta-
blies dans la cavité péritonéale et à des degrés divers de développement.
Mais cette expérience ne m affirmait pas encore que c'était par le tube
digestif que le scolex passait pour se rendre dans la cavité péritonéale.
Expérience 9. — Au moyen d’une pipette j'introduisis dans l'estomac
de trois tanches les embryons obtenus dans les vases à éclosion dont j’ai
déjà eu occasion de parler. J’examinai les tanches dans les mêmes con-
ditions que précédemment, et les résultats furent les mêmes.
J'avais encore une objection à me poser. Les tanches sur lesquelles
j'opérais étaient-elles bien indemnes? J'avais prévu le cas dès le com-
mencement de ces expériences, et pour résoudre la question je m'étais
procuré douze tanches provenant toutes d'un même étang que je savais
être exempt de Ligules ; je les avais choisies d’égale grosseur. Je gardai
dans les aquariums voisins les six sur lesquelles je n’avais pas expéri-
menté, et lorsque je les ouvris à la fin de l'expérience, je constatai
qu'aucune n'avait des Ligules,
Je dois donc en déduire que le scolex est le moyen par lequel
la Ligule envabit le poisson.
En face d'un pareil résultat, on doit certainement se demander
si, avant que d’être pris par la tanche, le scolex ne passe pas par
DE LA LIGULE. h53
un état intermédiaire et s’il ne s’enkyste pas pour être plus
facilement transporté dans le tube digestif des poissons. Je n’hé-
site pas à répondre négativement et je base ma réponse sur les
observations que J'ai faites à ce sujet.
1° Le scolex, ainsi que je viens de le dire, a, dès sa naissance,
les habitudes des infusoires, dont il partage les dimensions. Son
mouvement et son mode d'existence sont ceux de ces animaux ;
ses crochets ne peuvent être aperçus pendant les mouvements,
et ce n’est que sur l’animal immobile que l’on peut les définir
par un examen attentif et de forts grossissements. Ce sont les
seuls organes qui permettent de reconnaitre cette forme des
Ligules, forme que sans cela on prendrait certainement pour un
infusoire, et la meilleure preuve que Je puisse en donner, c’est
que quelques auteurs s’y sont déjà trompés. Müller, entre autres,
a décrit sous le nom de 7r2choda globularis (1) une forme d’in-
fusoire qui n’est certainement autre chose qu’un embryon de
Ligule ainsi que l'ont déjà fait remarquer quelques auteurs.
2° La plupart des Gyprinoïdes se nourrissent de larves et d’ani-
maux presque microscopiques qu'ils vont chercher à la surface
de la vase ou en fouillant les dépôts limoneux. Les pêcheurs ont,
pour désigner ce mode particulier, une expression qui, quoique
singulière, n’en montre pas moins une observation très-exacte :
« {ls piquent du nez, disent-ils, et parmi les poissons d’'étang
c’est la tanche qui pique le plus. » Dans toutes les tanches que
j'ai examinées, je n’ai jamais trouvé que des débris de Gypris, de
Monocle, de nombreuses frustules de Diatomacées. Les plus gros
débris se rapporteraient à de très-petits Gammarus. Quelques
tanches d'Italie ne m'ont même montré absolument que des
Monocles. Tous les auteurs s'accordent, du reste, à constater que
la nourriture des Cyprinoïdes consiste en petites parcelles ani-
males ou végétales et en animaux microscopiques.
Qu’y a-t-il alors d'étonnant à ce que ces poissons trouvent un
scolex infusoriforme parmi leur nourriture ordinaire ?
Et n'est-ce pas, d’ailleurs, presque exclusivement chez les
Cyprinoïdes que se trouve la Ligule ?
(4) 0. F. Müller, Animalcula infusoria. 4876, t, XXII, fig. 13, 14, 15, p. 164,
154 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
Quelques auteurs ont bien prétendu l'avoir rencontrée chez des
espèces étrangères à cette famille. Mais ce sont là des exceptions
qui n’ont rien d’assez certain pour être prises en considération,
au point de vue de la règle générale qui montre la Ligule absente
chez toutes les espèces franchement carnassières et développée
chez toutes celles qui vivent dans les conditions que j'indique.
Tout m'autorise donc à conclure que le scolex vit pendant
quelques jours comme un infusoire et que c’est dans cet état
qu'il est directement avalé par le poisson et introduit dans le
tube digestif. Nul doute qu'à ce moment il ne perfore les
parois intestinales et qu'il n’abandonne ses crochets dans l'épais-
seur de ces parois, après qu'ils lui ont ouvert la route.
J'ai bien cherché à scruter avec soin les parois du tube digestif
des tanches soumises aux expériences précédentes, mais je n'ai
pu retrouver les crochets ou leurs traces, et on comprendra faci-
lement que de semblables recherches n’élaient pas sans difficulté.
Leur résultat négatif ne doit pas surprendre et il ne me paraît
pas devoir modifier en rien l'opinion que je viens d'exprimer.
IIT. — DU STROBILE
Aussitôt que le scolex est parvenu dans la cavité péritonéale,
il tend à prendre une forme nouvelle et il devient ce que je dési-
gnerai maintenant par l’expression consacrée de sérobule.
Formation du strobile. — Lorsqu'il est parvenu dans la cavité
abdominale, le scolex s’allonge et devient fusiforme. L’extrémité
antérieure commence à se caractériser et la fente qui marquera
plus tard la bothridie peut déjà être aperçue. Vers l'extrémité
postérieure, les anneaux du corps sont peu marqués et c’est sur-
tout par la partie antérieure qu’ils débutent. C’est l'inverse des
organes reproducteurs qui, plus tard, seront mieux organisés
vers l’extrémité postérieure que vers l'extrémité antérieure.
Lorsqu'elle débute dans la forme de strobile, la Ligule est
annelée et les articulations du corps, parfaitement bien distinctes
(fig. 19, 20, 21), rappellent très-exactement celles des Cestoïdes
ordinaires.
DE LA LIGULE. h55
Le fait que j'indique ici était trop important pour que je n’aie
pas cherché à le déterminer avec précision. Pour cela, j'ai pris
des Ligules três-jeunes que j'ai placées dans de l’eau tiède afin
de les exciter à s’allonger et à s’étirer autant que possible. Au
momentoù elles sont arrivées à leur plus grande longueur, je les
ai saisies et les ai plongées très-brusquement dans l’eau bouil-
lante. Elles sont mortes en conservant la forme qu’elles avaient
prise et j'ai pu alors les préparer et les étudier à mon aise. Elles
se sont montrées telles que je les représente par les figures que
je viens d'indiquer, c'est-à-dire bien articulées vers les parties
antérieures, confusément divisées vers les parties postérieures
qui s'étaient le plus étirées. Dans les études zoologiques, je
reviendrai sur les notions qui découlent de cette observation et
je me borne pour le moment à constater ce fait que les Ligules,
dès leur jeune âge, se montrent annelées à la facon des Cestoïdes
ordinaires.
Le corps s’augmente en conservant toujours l’aspect annelé,
mais au fur et à mesure qu’il avance dans sa formation, on voit
les anneaux se former d’autant plus petits qu’ils deviennent plus
nombreux et lorsque la Ligule a atteint une certaine dimension,
ses anneaux sont si peu distincts et si étroits que le corps prend
l'aspect strié décrit et observé par tous les auteurs sans excep-
tion.
Aussi Wagener a-t-il pu dire de ce stade secondaire, qu’il
appelle du nom de poche de Cestode ou vésicule de Cestode : « De
petites modifications de la tête (Carophyllæus) ou aussi aucune
modification (Zigula proglottis) ne peuvent être considérées
comme formation de la tête ainsi que chez les Echinosoccus
tetrarhkynchus et dibothrium. La vésicule de Cestode n’engendre
donc ici rien de nouveau ; ce qu’elle forme, ce ne sont que des
organes sexuels ou des masses pour l’augmentation deson corps,
il faut donc la regarder comme une larve. »
C’est qu’en effet, à partir du moment où la Ligule se sera 2insi
organisée, elle ne modifiera plus rien de son organisation géné-
rale, et la seule différence que l'on pourra noter consistera dans
l'achèvement et surtout dans le fonctionnement des organes
h56- DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'’HISTOIRE
reproducteurs qui se montrent déjà ébauchés dans l’état que
j'examine maintenant.
Comme le dit l’auteur que je viens de citer, il ne se produit
désormais que des masses pour l’augmentation du corps que je
vais étudier dans son entier développement larvaire.
Habitat du strobile, ses moyens d'existence. — Normalement,
c’est toujours dans la cavité abdominale des poissons que l’on
trouve la Ligule provenant directement du scolex. Le point qu’elle
occupe dans la cavité n’est pas indifférent; il est fixe et il peut
être circonscrit par la position qu’occupent le foie et la masse
intestinale. Ces organes, comme on le sait, sont reliés par des
replis périlonéaux, et chez beaucoup d'espèces le foie envoie
dans les anses intestinales de véritables ramifications. Les Ligules
sont enchevêtrées entre ces anses et, glissant entre les masses
dont je viens de parler et le péritoine, elles forment quelquefois
un paquet volumineux qui repose sur la face inférieure de la
cavité abdominale, Si ce n’est dans de rares cas exceptionnels, je
n'ai jamais vu les Ligules en rapport avec les organes reproduc-
teurs et jamais je ne les ai trouvées du côté de la vessie natatoire
ou des reins.
Les observations que j'avais faites au point de vue de cette
siluation spéciale m'ont été d’un grand secours dans les recher-
ches expérimentales. En effet, si l’on ouvre la cavité abdominale
par le bas, c’est-à-dire en incisant sur la ligne médiane allant de
l’anus au milieu de l'intervalle qui sépare les deux nageoires
pectorales, on est presque assuré de couper des Ligules en tron-
çons que l’on peut ensuite prendre pour des Ligules entières. On
s'expose ainsi à être induit en erreur quant à la forme ou aux
extrémités. On évite cet inconvénient en ouvrant, comme je le
faisais, par une incision au ciseau et sans autre précaulion que
celle de suivre sur l’an des côtés du corps la ligne qui marque
la partie supérieure de la cavité viscérale.
La fig. 1 indique d’ailleurs cette position mieux que je ne la
décris ici. Le nombre des Ligules qui peuvent se rencontrer dans
la même tanche est três-variable. Il m’est arrivé souvent de n’en
rencontrer qu'une ou deux, tandis que j'en ai trouvé jusqu’à
DE LA LIGULE. A57
vingt-huit. Le nombre le plus fréquent variait entre six et dix.
Les parties habitées par les Ligules sont, en général, couvertes
d’une substance particulière qui se développe d'autant plus que le
| poisson renferme depuis plus de temps un certain nombre de
Ligules. Elle est d'aspect blanc jaunâtre et elle est agglomérée
en petites masses isolées les unes des autres. Leur apparence
extérieure les ferait facilement prendre pour de petits amas de
matières purulentes. Le microscope permet de constater que c'est
un liquide dans lequel nagent des globules très-petits de forme
et de dimensions irrégulières. La forme de globule sphérique y est
la plus fréquente (fig. 31). Enfin cette production, de nature pro-
bablement séreuse, s'étend aussi parfois sur les parois de la cavité
abdominale, das les régions habitées par le parasite où elle se
présente dans les mêmes conditions. Les tissus propres des vis-
cères ou des organes paraissent altérés à la surface, aussi Je n’hé-
site pas à la considérer comme une sérosilé qui se développe
sous l'influence et par Le fait même de la Ligule.
Il se passe ici quelque chose d’analogue à ce que l’on voit chez
les Insectes qui, piquant les végétaux, ont la propriété de faire
naîlre dans leurs tissus des éléments nouveaux destinés à servir
d'éléments nutritifs à la larve pour laquelle ces produits ont été
provoqués. Dans le cas des Ligules, c’est la larve elle-même qui
est chargée de se procurer ses moyens d'existence et elle le fait
en déterminant la formation de cette sérosité qui lui sert de
nourrilure. En rendant compte du travail de Rongeard, j'ai dit
comment cet auteur avait émis la supposition à laquelle on n’a
prêlé aucune attention. Et cependant si les moyens de nutrition
n'étaient pas ce que je les indique, on devrait se demander ce
qu'ils sont, car on n’en voit pas d’autres que ceux-là.
Mais dans toute aflirmation, le raisonnement ne doit être
accepté qu'à défaut d’autres preuves, et ce n'est pas le manque
de preuves qui doit nous faire repousser ce raisonnement, car
Je peux fournir l'observation suivante : J’ai placé des Ligules sur
de grandes lames de verre et je les ai disposées de manière que
l'extrémité antérieure püt être facilement examinée avec le
microscope. J’ai fait tomber sur cette extrémité quelques gouttes
A5 DONNADIEU, — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
d’eau additionnée d'acide acétique ; les Ligules se sont contrac-
tées et ont rejeté ce qui remplissait le commencement de leur
système vasculaire. Dans ce qui a-été rejeté, j'ai retrouvé les
mêmes éléments que dans la sérosité déjà décrite et avec un peu
d'attention j'ai pu les retrouver dans le commencement des gros
canaux latéraux.
Je suis donc assuré ainsi de deux choses : la première, c’est
que la Ligule se nourrit de cette substance dont elle doit, par une
irritation spéciale, provoquer la production; la deuxième, c’est
que je peux déterminer exactement le rôle des canaux dont je
m’occuperai plus tard.
État du poisson. — L'état particulier que prend le poisson,
lorsqu'il est infesté par les Ligules, a été remarqué par tous les ob-
servateurs, si bien que Respinger avait cru devoir placer à côté
des figures représentant les poissons malades celles qui représen-
taient les mêmes espèces à l’état sain. Mais j'avoue qu’il n’était
venu à personne l’idée de constater l'absence d’hépañite et en
revanche une péritonite chronique. Il est possible qu’à un point
de vue médical il n’y ait pas lieu de contester aucune de ces affec-
tions attribuées aux tanches par M. Duchamp, maisje me bornerai
à faire remarquer ceci : le ventre du poisson grossit etse ballonne,
les mouvements deviennent plus lents et moins énergiques, l’hu-
meur visqueuse qui lubrifie le corps à l'extérieur est plus abon-
dante et parfois plus épaisse. Le corps prend, vers la région du
ventre, une teinte jaunâtre qui l’envahit bientôt presque tout
entier et qui pâlit au fur et à mesure que le poisson avance vers le
moment où la Ligule s’apprêtera à le quitter. À ce moment, le
corps, à l'exception de la tête et du dos, est d’un jaune pâle et
le ventre est presque blanc.
À tous ces signes, il est bien facile de distinguer le poisson
habité par la Ligule. J’ajouterai toutefois qu'ils ne sont bien
manifestes que lorsque le parasite est établi depuis quelque temps
dans le corps de son hôte.
©
_ DE LA LIGULE. h5
IV. —— ORGANISATION DE LA LIGULE À L'ÉTAT STROBILAIRE,
Forme et dimensions. — C’est Andry qui a donné la meilleure
idée de la forme exacte des Ligules. Pour la déterminer, il suffit
d’étaler le Gestoïde sur une lame de verre mouillée et de le lais-
ser en repos prendre sa forme caractéristique. On le voit alors
exécuter des mouvements qu’il ne cesse que lorsqu'il s’est pour
ainsi dire arrangé commodément. À ce moment, il se présente
comme un long ruban dont les deux surfaces sont légérement con-
vexes de manière à présenter les bords presque tranchants et le
milieu plus ou moins épaissi (fig. 2). La largeur va en diminuant
de l'extrémité antérieure à l’extrémité postérieure, aussi la pre-
miére est-elle la plus large et en même temps la plus obtuse. Il
arrive souvent qu’elle présente dans le milieu une échancrure
due aux contractions de Panimal, et dans ce cas la profondeur de
cette fente dépend du degré de contraction. L’extrémité posté-
rieure est presque toujours aiguë; dans ces conditions, la lon-
gueur moyenne d’une Ligule bien développée varie de 15 à 20
centimètres et sa largeur dans le milieu du corps peut aller de 6
à 10 millimètres.
Si on met la Ligule dans l’eau chaude (30 ou 35 degrés), elle
s’élale en un long et large ruban aplati. Le corps se festonne sur
les bords, il ondule comme le ferait un ruban qui flotterait dans
un courant d’eau, et souvent même on voit les bords se relever
comme si le corps se pliait suivant la ligne médiane. Pendant ces
mouvements, la Ligule peut atteindre 20, 25 et même 30 centi-
mètres en longueur et 12 à 15 millimètres en largeur (fig. 3).
La Ligule placée dans l’eau froide (8 à 10 degrés) y subit, après
quelque témps de complète immersion, des contractions qui lui
donnent une forme toute nouvelle (fig. 4). Sa longueur devient
excessive ; elle s’amincit beaucoup et son corps, maintenant très-
étroit, est arrondi au point d'être à peu près cylindrique. Dans cet
état, j'ai pu mesurer jusqu’à 70 ou 80 centimètres. La plus
grande Ligule que j'aie pu observer ainsi mesurait 85 centimètres ;
je n’en ai pas trouvé de plus longue. Cependant je dois faire
160 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
remarquer que quelques auteurs, rapportant à un état anormal
des dimensions qui sont loin d'être normales, parlent d’un mètre
pour la longueur des Ligules. Dans ce cas, la largeur du corps
ne dépasse guère 2 millimètres.
Je dois enfin ajouter que la mort détermine chez les Ligules un
allongement qui ies rapproche beaucoup de cette dernière forme.
C’est ce fait que les anciens observateurs avaient exprimé en
disant : « Ces vers s’allongent en mourant. »
Extrémités. — Quoiqu'elles aient été bien souvent confondues
el parfois mal décrites, les deux extrémités n’en sont pas moins
faciles à distinguer l’une de l'autre, lorsqu'on a affaire à un indi-
vidu bien entier et dans sa forme normale. L’extrémité antérieure
est large et obtuse ; elle porte des bothridies. L’exlrémité posté-
rieure est étroite et un peu aiguë. On n’y distingue rien qui
puisse rappeler un organe spécial, et c’est bien à tort que M. Du-
champ lui a attribué une vésicule pulsaule qui n’existe pas chez
la Ligule.
Les contractions du ver peuvent changer notablement ces dif-
férents aspects, aussi voit-on les auteurs qui ont représenté les
Ligules donner à chaque figure une forme différente. Mais l’une
quelconque de ces formes est prise par eux pour une forme nor-
male, et si j'ai tenu à représenter comme Je l'ai fait quelques-uns
de ces aspects principaux, c’est pour Jjusufier les observations
taxées de fausses ou d’erronées par des critiques mal avisés (fig.
22, 23, 2h, 25).
Les bothridies de la partie antérieure sont au nombre de deux,
chaque face en portant une. Mais, en général, celle de la face
inférieure est plus développée que celle de la face supérieure;
chacune d’elles consiste en une dépression qui augmente en pro-
fondeur au fur et à mesure qu’elle s'éloigne de l'extrémité du
corps. À leur niveau, la peau cesse d’être chitineuse et épaisse
pour devenir si mince et si transparente qu’il n’est guère pos-
sible de la suivre sur toute l’étendue de la bothridie; aussi je
n'affirmerai pas s'il y a une vraie fente ou une simple dépres-
sion (fig. 30). La forme des bothridies varie suivant que l'extré-
mité est contractée ou étirée. Dans le premier cas, elle se pré-
DE LA LIGULE. A6]
sente comme un espace clair et transparent rappelant un rec-
tangle à-côtés courbes et aux angles duquel viennent aboutir les
gros troncs du système vasculaire. C’est probablement ce que les
auteurs qui se sont trompés d'extrémité ont considéré comme
une vésicule pulsatile. Dans le second cas, la bothridie s’allonge,
elle prend la forme d’un œuf’très-allongé, aux deux extrémités
duquel s’abouchent les canaux dont je viens de parler.
Peau, sillons, stries. — La peau est formée extérieurement
par un épiderme essentieilement chilineux, opaque et compléte-
ment amorphe. Il est épais el formé de couches ou lames peu
nombreuses, mais dont l'épaisseur augmente en allant de la plus
superficielle à la plus profonde (fig, 38, 34 a). Les lamelles épi-
dermiques se séparent facilement par la macération dans les
liquides ; aussi la lamelle la plus superficielle a-t-elle pu être
prise pour une Cuticule. Mas elle ne me parait pas l’analogue
de la cuticule décrite chez d’autres helminthes ct retrouvée en
particulier chez les Gordius, par M. Villot.
Au-dessous de cet épiderme, la peau se présente sous la forme
d’un derme transparent et riche en corpuscules calcaires. Dans
les parties profondes, ces corpuscules sont agglomérés en une
couche que j’appellerai la zone corpusculaire où zone génératrice
des corpuscules calcaires (fig. 33, 34 b, c). Normalement les
corpuscules ne se rencontrent que dans. la région du derme, mais
quelquefois on les trouve dans Loules les autres parties du corps,
soit que la compression, soit aussi que le liquide dans lequel on
observe leur ait permis de se répandre jusque dans le paren-
chyme. Ces corpuscules se répandent quelquefois entre les fais-
ceaux des premières couches musculaires.
La surface de la peau est marquée de sillons transverses qui
indiquent les anneaux du corps. Mais ces anneaux ne sont pas
toujours nettement limités, car 1l arrive souvent que deux sillons
se confondent en un seul ou que, réciproquement, un sillon se
divise (fig. 29); de plus, ce dédoublement ou cette fusion ne s’é-
tendent pas sur toute la longueur du sillon. Il résulte de cette
disposition que les sillons transverses présentent des plis qui
figurent alors des sillons longitudinaux. Les divisions transverses
AG? DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
sont si rapprochées, que le corps paraît strié et que l’on a décrit
comme simples stries des éléments qui ne sont certainement
autre chose que des traces d’anneaux.
Quant aux plis que l’on désigne le plus ordinairement par le
nom de sillons longitudinaux, ce sont des traces très-variables
qui sont loin d’être aussi fixes que les précédentes. En effet,
tantôt le corps peut offrir un seul sillon longitudinal sur une de
ses faces, tantôt un sur chaque face, tantôt deux ou même trois
sur une face, tantôt enfin jusqu’à trois sillons sur chacune de
ses faces.
Pour s'assurer de cetle variabilité dans ces aspects, il suffit de
conserver pendant quelques jours des Ligules dans l'alcool et de
les faire sécher ensuite. Le corps devient d'un beau blanc mat
sur lequel se dessinent três-nettement les plis longitudinaux. Je
dirai enfin que, suivant les mouvements du ver, ces creux devien-
nent des parties en relief et le sillon se transforme en une ligne
saillante.
Cependant il est bon de faire remarquer que le plus constant
de tous les sillons longitudinaux est le sillon médian de la face
inférieure, celui auquel les auteurs ont successivement donné
des significations différentes, telles que celle de canal alimen-
taire, de trace des organes génitaux, etc. (fig. 29).
Muscles. — Au-dessous de la peau on aperçoit bien distincte-
ment deux couches de fibres musculaires. Elles sont formées par
des faisceaux très-lâchement entre-croisés (fig. 37, fig. 33 d, c,
fig. 84 d, c). Les fibres sont courtes et disposées par petits
paquets ou faisceaux. Ce sont ces faisceaux qui, enchevêtrés les
uns dans les autres, donnent aux couches musculaires leur aspect
si caractéristique. l/épaisseur de ces deux couches diffère peu;
on remarque seulement que les faisceaux sont plus lâchement
espacés dans la couche superficielle et que, dans leur intervalle,
se glissent de nombreux corpuscules calcaires provenant de la
zone génératrice. Coupé en travers, le tissu formé par les fibres
superficielles se présente sous un aspect moins dense et moins
compacle que celui qui est formé par les fibres de la couche
profonde.
DE LA LIGULE. A63
Dans la couche superficielle, les fibres sont dirigées dans le
sens de la longueur du corps et méritent par cette disposition
d’être appelées fibres longitudinales, tandis que dans la couche
profondé, les fibres étant dirigées suivant la largeur deviennent
des fibres transverses. Sette structure explique suffisamment les
mouvements du corps qui sont dus aux contractions alternatives
ou simultanées des fibres longitudinales et des fibres transverses
formant chacune une couche bien déterminée.
Les deux couches musculaires sont épaisses dans le milieu du
corps et vont en s’atténuant vers les bords, où elles s’amincissent
beaucoup et se rejoignent pour former ainsi des arcs complets
(fig. 39 à 45). Sur les bords, la couche des fibres longitudinales
est plus épaisse que la couche des fibres transverses.
Parenchyme. — Tout le milieu du corps est occupé par un
parenchyme formé d'éléments connectifs enlacés de maniére à
laisser entre eux de grands espaces ou lacunes (fig. 33, 54 f, fig.
38). Aussi on peut dire que le parenchyme est très-lacuneux.
Les vacuoles très-irrégulières communiquent toutes entre elles et
donnent au {issu un aspecl mou et spongieux; par suite de cette
disposition il peut s’établir dans ce tissu de larges ct faciles
communications.
Système vasculaire. — Le système vasculaire, dont M. Brullé
a donné la description la plus approchée, se compose de deux
grands canaux situés l’un et l’autre de chaque côté du corps et
placés de telle sorte qu’ils occupent la place qu'occuperait une
ligne qui diviserait chaque moitié du corps à peu près en deux
parties égales. Ces deux canaux aboutissent à la partie antérieure
de la bothridie. La membrane qui les constitue est épaisse ; leur
lumière étroite est pleine d’un liquide épaissi et composé d’élé-
ments granuleux très-fins (fig. 36 4) ; ils sont ovales, ainsi que le
montrent toutes les sections transversales. [ls sont, en outre,
sinueux suivant leur longueur, mais leur direction est très-droite
et parallèle aux bords latéraux du corps.
Parallèlement à ces deux grands canaux, on en voit deux autres
assez rapprochés des premiers, mais beaucoup plus petits. Ils
communiquent avec les précédents à des intervalles assez éloi-
A6! DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L'HISTOIRE
gnés. Leurs parois sont minces et leur contenu est plus liquide
- que celui des grands canaux; dans les sections horizontales, ils
montrent, comme ces derniers, un calibre ovale. Ce sont ces
canaux qui viennent aboutir à l’extrémité postérieure de la bothri-
die. Entre ces deux canaux s'étend, dans le plan médian du
parenchyme, un réseau vasculaire très-fin, très-délié et bien
apparent ; les mailles en sont d’autant plus petites que les ramifi-
cations se rapprochent davantage du milleu du corps. Les anas-
tomoses deviennent alors plus nombreuses et le réseau prend
ainsi la disposition d’un système vasculaire bien déterminé.
À l'extrémité postérieure du corps, on voit tous les tubes se
terminer en cæcum et se diriger à ce moment tous ensemble vers
l'extrémité elle-même. Aussi viennent-ils former un paquet de
tubes fermés qui ne communiquent entre eux que par les anasto-
moses ordinaires et qui ne présentent à leur terminaison aucun
organe qui puisse rappeler une vésicule pulsatile. Cette vésicule
fait ici totalement défaut. Une semblable organisation ne contri-
bue pas peu à la distinction des deux extrémités et à la caracté-
ristique de l’extrémité postérieure qui ne montre rien de parti-
culier, les canaux ne pouvant être aperçus que sur des sections
horizontales.
Le système que je viens de décrire constitue à lui tout seul
l'appareil nutriuf. C'est dans ces canaux que l'on trouve la sub-
stance nulrilive puisée par la Ligule dans les conditions que j'ai
indiquées plus haut ; la nutrition se fait par l'intermédiaire des
anastomoses très-déliées et très-nombreuses qui réunissent les
grands canaux latéraux. Ces derniers servent à transmettre aux
précédents, sur toute la longueur du corps, les matériaux absor-
bés par les bothridies, en même temps qu’à commencer l'élabo-
ralion des substances nutrilives.
L'appareil digestif est donc chez les Ligules, comme chez
beaucoup d’helminthes, un appareil essentiellement vasculaire.
Avec tous les organes que je viens de décrire on ne trouve
plus, chez la Ligule à l’état strobilaire, que les organes repro-
ducteurs rudimentaires et à peine ébauchés. On ne saurait, en
effet, y découvrir un systéme nerveux et à plus forte raison des
ed à + : COTE
DE LA LIGULE. 165
organes affectés à des sensations spéciales. Et cependant une sen-
sibilité particulière donne au ver la notion du contact, car
lorsqu’on le pique ou lorsqu'on irrite la peau par le toucher,
le corps se meut dans un espace très-restreint ; ce qui prouve
que la sensalion perçue n’a été ni centralisée, ni généralisée,
mais qu'elle est restée limitée à la région qui en a été le
siége. Dujardin a déjà dit, en parlant du système nerveux : «Mais
il n'existe certainement pas chez tous ceux auxquels on l’a attri-
-bué. » C’est le cas des Ligules, dont les auteurs ont dü, sans aucun
doute, prendre pour ce système une partie du système vascu-
laire. |
Organes reproducteurs. — Comme l’a très-bien fait remar-
quer M. Van Beneden, ce sont les organes mâles qui apparaissent
les premiers. Ils se montrent en premier lieu chez la Ligule sous
la forme de testicules ovoïdes qui ne commencent à apparaître
qu’à une certaine distance de l'extrémité antérieure, mais qui se
continuent jusqu'aux derniers anneaux. Ils sont situés dans le
parenchyme, où ils forment une couche d’une seule rangée,
ainsi que le montrent les sections transversales (fig. 40 à 45 #).
Cette couche est double, c’est-à-dire qu’elle se répète à droite et
à gauche de la ligne médiane, en commençant à peu prés au
tiers de la largeur du corps et en finissant vers les bords dans
l'angle où se réunissent les fibres musculaires transverses. Les
testicules sont situés à la surface des fibres transverses supérieures
el paraissent comme appuyés sur cette couche musculaire:
Vuë en surface, la couche testiculaire est uniforme dans toute
son étendue et les testicules n’y sont point disposés par segments
pouvant rappeler les anneaux du corps (fig. 57 6); leur volume
augmente très-peu tant que la Ligule reste à l'état de strobile.
Les autres parties de l'appareil reproducteur sont à peine
ébauchées (fig. 5?) ; on les trouve sur la Hgne médiane du corps
et vers la face ventrale. Elles consistent en un gros tube entouré
de deux plus petits. Tous les trois ont la même direction; aprés
s’être dirigés vers les parties profondes du parenchyme, 1ls se
recourbent brusquement et, suivant le bord des fibres transverses
inférieures, ils se dirigent vers les côtés du corps. Les uns et les
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XIII (1877). 30
166 DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L’HISTOIRE
autres sont relalivement très-courts el paraissent comme repliés
sur eux-mêmes à leur extrémité. Ils s’abouchent ensemble vers
une dépression de l’épiderme, dépression au niveau de laquelle
les lamelles épidermiques se séparent pour former un vide qui
sert d'ouverture à une poche plus ou moins renflée. Cette poche
deviendra plus tard la matrice. |
Les organes reproducteurs sont irrégulièrement symétriques
par rapport à la ligne médiane et affectent une disposition sur
laquelle je reviendrai en les décrivant dans leur entier développe-
ment. Ils sont très-rapprochés les uns des autres et correspondent
aux anneaux du corps. Ces derniers étant très-étroits, l'intervalle
qui sépare ces organes est trèspelit, et pour en donner une
idée exacte je dirai que tandis que les organes eux-mêmes peu-
vent présenter une largeur de à à 4 centièmes de millimètre,
l'intervalle qui les sépare est de 10 à 12 centièmes de millimètre.
On voit donc que des anneaux si étroits, séparés par un si petit
intervalle, ne peuvent se traduire à l'extérieur que par cette appa-
rence que l’on a caractérisée de stries, mais qu'en réalité le corps
est bien annelé. Les organes internes sont là pour montrer l’exac-
titude de ce que j'ai avancé à l'égard des sillons et pour prouver
qu'au lieu de n’être que de simples stries ces sillons sont bien la
trace des anneaux très-étroits qui, réunis sur toule leur largeur,
donnent au corps un aspect presque uniforme.
Déjà la répétition des organes reproducteurs avait été mdiquée
par les auteurs qui ont vu dans ce fait les traces d’une division
que, d’après eux, l'extérieur du corps ne trahissait pas. Aluis en
examinant un peu attentivement et avec des moyens d'observation
suffisants, il est facile de reconnaître : 1° que les organes repro-
ducteurs sont (à part les testicules) répélés comme le sont ceux
des Cestoides bien annelés; 2° que ces organes sont très-rappro-
chés les uns des autres; 3° enfin, qu'ils correspondent aux pré-
tendues stlries, c’est-à-dire à la trace des anneaux.
Le: organes rudimentaires que je viens de signaler me condui-
sent maintenant au dernier état de la Ligule, à celui que je
désigne par le nom d'état proglottique, etm’ainènent à parler du
passage à cet élat, c’est-à-dire du passage de la Ligule des pois-
DE LA LIGULE. A6G7
sons dans les oiseaux. C'est ce que l’on a quelquefois appelé les
migrations des Ligules, quoique ce ne soit qu’une phase de leurs
migrations et, par conséquent, un moment seulement de leur
cycle évolutif. Ainsi que je l’ai fait à l'égard du scolex devenu
strobile, je déterminerai d’abord les conditions dans lesquelles
l’état proglottique se constitue, et J'étudierai ensuite dans l’or-
ganisation de la Ligule proglottis ce qui seul se modifie, l'appa-
reil reproducteur.
V. — PASSAGE DU STROBILE DANS LES OISEAUX.
Le temps pendant lequel la Ligule séjourne dans la cavité
abdominale des poissons est variable, mais il est, en général,
limité à deux ans. Ce n’est le plus souvent que vers la fin de la
deuxième année que la Ligule atteint son développement maxi-
mum. À ce moment elle fait tous ses efforts pour sortir du corps
de son hôte. Si elle y parvient, ce dernier ne tarde pas à repren-
dre ses allures habituelles. Dans le cas contraire, il meurt, suc-
combant sous les effets d’une altération qui se produit rapide-
ment. La cavité abdominale se remplit très-vite d’un liquide
séreux sanguinolent, dans lequel baignent tous les organes, eton
trouve souvent la substance du foie en partie détruite.
Au point par où la Ligule sortira de la cavité qui la renferme,
on voit la peau se soulever et l’épiderme se déchirer. Il se forme
une ampoule qui grossit jusqu’à ce que, l’élasticité des tissus ne
permettant plus le gonflement, l’ampoule s'ouvre et laisse échap-
per une petite quantité du liquide que Je viens de signaler. On
voit alors apparaître par l'ouverture, d’abord étroite, l'une des
extrémités de la Ligule qui s’est fortement étirée et amincie.
C'est tantôt l'extrémité antérieure et tantôt l'extrémité posté-
rieure. Puis l’ouverture augmente un peu et livre passage au ver
qui glisse entre les bords de la fente. Son mouvement est uni-
forme et accéléré, aussi la sortie est-elle rapide à partir du
moment où la Ligule a commencé à se montrer au dehors.
Cependant 1! n’en est pas toujours ainsi, car dans quelques cas
une partie seulement du ver parvient au dehors, tandis que l’au-
GS DONNADIEU. — CONTRIBUTION À L HISTOIRE
tre partie reste encore enfermée dans la cavité abdominale. Dans
ce dernier cas, la mort du poisson est certaine, tandis qu’elle est
souvent évitée dans le premier.
C’est presque toujours en avant de l’anus et très-près de lui
que se forme ce que les pêcheurs ont appelé le bouton, c’est-
à-dire l’ampoule de sortie. Ge point n’est pas fixe ; il peut varier
et l’ampoule peut se faire sur les flancs ou vers les nageoires
pectorales ; mais alors il est rare que la Ligule puisse sortir com-
plétement et il est rare surtout que le poisson ne meure pas.
Lorsque le poisson meurt sans avoir pu se débarrasser de son
parasite, 11 se putréfie. Si la putréfaction est rapide, la Ligule
peut se conserver vivante et être ainsi rendue à la liberté, mais
si la putréfaction est lente la Ligule se désorganise à son tour et
tout disparait. Enfin, lorsque j'ai mis des poissons morts dans
l’eau stagnante, la putréfaction a entraîné celle des Ligules qui
les habitaient ; lorsque j'en ai mis dans l’eau courante, la putré-
faction n’a pas empêché la Ligule de conserver sa vitalité.
Les Ligules devenues hbres vivent assez longtemps dans l'eau,
car J'ai pu en conserver pendant huit et dix jours dans l’eau à la
température ordinaire. Mais elles sont très-vite détruites par des
causes accidentelles, car dans les étangs on n’en a jamais ren-
contré de libres et de vivantes.:
Parmi ces causes, on doit certainement citer en première
ligne les poissons eux-mêmes, qui sont les premiers destructeurs
de leurs terribles ennemis. J’ai constaté bien des fois l’acharne-
ment avec lequél les poissons poursuivent les Ligules. Ils les :
dévorent avec avidité et cette ardeur à les rechercher m’a obligé
quelquefcis à recommencer certaines de mes expériences. C’est
ainsi qu'ayant placé des Ligules dans une cloche que j'avais
enfoncée dans le bassin du parce, en la faisant affleurer avec le
niveau de l’eau, je retrouvai le lendemain la cloche pleine de
peuts cyprins. Ils avaient sauté par-dessus le bord pour aller
dévorer les Ligales, et par rapport aux expériences que je pour-
suivals, ils ne s'étaient que trop bien acquittés de cette besogne.
Une autre fois, J'avais couvert avec des gazes solidement nouées
les terrines dans lesquelles j'avais mis des Ligules en expérience ;
DE LA LIGULE. A69
le résultat fut le même et, pour l’atteindre, les poissons avaient
déchiré la gaze en plusieurs endroits. Je rappellerai encore à ce
sujet l’avidité que j'ai constatée chez les Tanches à qui je donnais
des Ligules dans les expériences 5 et 6.
ILest également probable que, si des Ligules deviennent libres
au moment où les oiseaux aquatiques fréquentent les étangs, elles
sont très-vite prises par eux, car j'ai constalé à l'égard des
Canards ce que j'ai observé chez les poissons.
Expérience 10. — Dans une terrine à moitié pleine d’eau j’ai mélangé
du pain, des pommes de terre, du mais, des viscères de tanche et des
Ligules libres et vivantes. J'ai présenté la terrine à des canards; ils se
sont jetés sur les Ligules, qu'ils ont dévorées avant tous les autres ali-
ments, allant même les chercher sous les morceaux de pain qui les
cachaïient.
Mais la coïncidence des Ligules rendues à la liberté avec la
présence des oiseaux aquatiques sur les étangs ne saurait être un
fait assez fréquent pour en faire l’état normal de la migration du
parasite chez les oiseaux ; aussi faut-il en rechercher la cause dans
d’autres conditions.
Je dois, en outre, déclarer dès maintenant que les Canards
sont de tous les oiseaux aquatiques ceux qui possèdent le ‘moins
de Ligules. Ce n’est pas en eux qu’il faut voir les colporteurs
habituels du parasite. M. Duchamp les indique bien comme tels,
mais à cet égard comme à beaucoup d’autres l’opinion de cet
auteur ne saurait êlre prise en considération, car 1l ne paraît pas
dans ce cas s'être donné la peine de pousser ses invesligalions
au delà d’une observation par trop superficielle. Jai disséqué
un nombre considérable de Canards sauvages appartenant à des
espèces différentes, je n’ai pas trouvé une seule Ligule, tandis
que j'ai pu en recueillir dans les intestins de quelques Harles,
de plusieurs Hérons et d’un petit nombre de plongeons.
Ces faits observés n'ont rien qui puisse surprendre, car les
Canards ne peuvent manger que les poissons de très- petite taille ;
c’est tout au plus s’ils peuvent parvenir à se saisir des petits gou-
jons. J'ai, en effet, présenté à plusieurs Canards des poissons de
la dimension des goujons ordinaires, ils n’ont jamais pu parvenir
h70 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
à les avaler, bien qu'ils ne se soient pas lassés de les saisir et de
chercher à les déglutir. Ils ne peuvent prendre que les petits
poissons et chez ceux-ci, comme Je le démontrerai plus tard, les
Ligules ne sont pas toujours aptes à se reproduire. Le contraire
arrive à l’égard des autres oiseaux aquatiques qui ne se nourris-
sent que de poissons et qui ne craignent pas de poursuivre les
gros cyprins. J’ai rencontré dans l'estomac d’un Harle une Tan-
che déglutie depuis très-peu de temps; elle était encore entière
et pesait 325 grammes. Je rappellerai, à ce propos, que Westrumb
a signalé les Ligules dans des espèces nombreuses d’Ardea,
Colymbus, Larus, Pelecanus et Merqus, tandis qu'il ne les eite
que dans une seule espèce de Canard, l’Anas boschas.
Je résume ainsi toutes les observations de nature à confirmer
les moyens de propagation :
1° Peu de Ligules parviennent à quitter le poisson; le plus
souvent ce dernier meurt conservant encore son parasite ;
2° Les Canards ne mangent que des poissons de petite taille,
qui ne renferment eux-mêmes que très-peu de Ligules en état de
se développer ;
3° Les Canards trouvent peu de Ligules à l’état de liberté;
h° Les Harles, Hérons, Plongeons et autres oiseaux aquatiques
du même groupe mangent les poissons de grosse taille. Ils les
prennent vivants et habités par les Ligules dans les meilleures
conditions de développement.
Et je conclus que les Canards ne propagent les Ligules qu’ac-
cidentellement ; ils ne peuvent être comptés que comme acces-
soire parmi les moyens de propagation, tandis que les Harles,
Hérons et les oiseaux aquatiques analogues sont les véritables
propagateurs des Ligules.
Mais les Canardssé prêtent admirablement à l’expérimentation.
On se les procure facilement; on peut les placer aisément dans
toutes les conditions expérimentales, et ils offrent pour de sem-
blables recherches les ressources que les autres oiseaux sont
incapables de présenter. Aussi le Canard est-il capable d’aider à
trouver les lois du parasitisme des Ligules. Mais de ce qu’il est
l’auxiliaire le plus commode de l’expérimentateur, il ne faut pas
DE LA LIGULE. 71
conclure qu’à l’état de hberté il est le seul propagateur des
Ligules, car on irait, ainsi que je viens de le démontrer, à l'op-
posé de la vérité. Ces restrictions établies, on comprendra pour-
quoi, suivant la tradition, j'ai pris le Canard comme principal
instrument de recherches.
VI. — DÉVELOPPEMENT DE LA LIGULE CHEZ LES OISEAUX.
ÉTAT PROGLOTTIQUE.
Conditions du développement. — Les conditions dans les-
quelles les organes reproducteurs de la Ligule se développent
restent les mêmes, quelles que soient celles dans lesquelles la
Ligule est prise par l'oiseau. Ces conditions sont mises en lumière
par les expériences:que je vais rapporter.
Ainsi que je l'ai fait à l’égard du poisson, j'ai d’abord cherché
à savoir si la Ligule à l’état de liberté ne pourrait pas montrer le
phénomëne de développement qu’elle présente lorsqu'elle est
parvenue dans les oiseaux.
Expérience 11. — Pour cela, j'ai d’abord placé les Ligules dans de
l’eau dont j'ai élevé successivement la température jusqu’à 20, 30, 35,
40, 50 et 60 degrés. A 20 degrés, j'ai conservé les Ligules vivantes
pendant deux jours et demi; à 30 degrés, elles ont vécu pendant un
jour; à do degrés, elles n’ont plus vécu que vingt heures environ:
à 40 degrés, elles ont vécu de huit à dix heures; à 50 degrés, elles sont
mortes au bout d’une et de deux heures; enfin, à 60 degrés, elles mou-
raient au bout de quelques minutes.
Une température ordinaire laisse donc vivre les Tigules assez
de temps pour qu’elles puissent éprouver quelque modification,
si la température est la seule cause de ces modifications.
Expérience 12. — Sur une planchette, je dispose trois tubes longs de
30 centimètres et d’un diamètre égal à 3 centimètres. Chaque tube est
fermé à ses deux bouts par un bouchon traversé par un tube étroit. Ce
dernier est recourbé, pour l’un des gros tubes, vers le haut à l’un des
bouts, et vers le bas à l’autre extrémité. Un autre tube porte à chacun
de ses bouts un tube fin recourbé en haut; il est assez long pour arriver
au-dessus du niveau de l’eau et s'ouvrir ainsi dans l’air. Enfin le troi-
sième est muni à l’un de ses bouts d’un tube fin qui est recourbé de
7 2 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
manière à venir s'ouvrir dans l'air, tandis que l’autre extrémité est
complétement fermée. Le premier tube est plein d’eau, le deuxième
est plein d’air, le troisième est à moitié plein d’eau, l’autre moitié est
occupée par l'air. Chacun d’eux renferme cinq Ligules. Sur les côtés de
la planchette est fixé un thermomètre. Je plonge le tout dans le bassin
d'eau chaude {serres du parc de la Tête-d’Or), la température oscille
de 28 à 930 degrés. Le lendemain du jour où j'ai installé l’expérience
tout était en pleine décomposition.
Expérience 13. — Je prends alors deux très-grandes cuvettes plates,
l’une est ronde et mesure 60 centimètres de diamètre sur 10 centimètres
de profondeur, l’autre est longue et mesure 60 centimètres de longueur,
15 de largeur et 19 de profondeur. Je prends encore une cloche tubulée
en verre que je renverse de manière à mettre la tubulure en bas; à
cette tubulure j'adapte un tube étroit qui arrive jusqu'au quart supé-
rieur de la cloche. Dans les deux terrines, je dispose une couche de
vase et je remplis la cloche d’eau. J'immerge le tout dans Le bassin
d'eau chaude en recouvrant les récipients avec des toiles métalliques
(j'ai dit plus haut pourquoi j'étais obligé de prendre ces précautions) ;
chacun de ces récipients reçoit vingt Ligules de toutes dimensions. La
température du bassin se maintient de 30 à 32 degrés, et comme précé-
demment, le lendemain du jour ou j'avais installé l'expérience tout
était en putréfaction.
Expérience 14. — J'établis des expériences identiques dans l’eau, dont
la température varie de 10 à 15 degrés, et les résultats sont les mêmes.
Je suis donc assuré que le développement de la Ligule n’est
pas une simple question de température, mais qu’il doit être
certainement une question de milieu. Et je suis encore assuré
que la Ligule ne se développe pas en dehors des conditions que
lui offre le tube intestinal des oiseaux.
Je recherche donc si je pourrai reproduire ces conditions et
arriver à faire développer le parasite en dehors de l'intestin.
Expérience 15. — Pour cela, dans un tube semblable à ceux que je
viens de décrire, je mets du mucus intestinal provenant de l'intestin
grêle d’un canard tué au moment de l’expérience, et dans un second
tube je mets de ce mucus mélangé avec de l’eau, Chaque tube reçoit
trois Ligules, et il est plongé avec la planchette dans le bassin des
serres. Je renouvelle ce mucus .deux fois dans la journée, et le lende-
main je constate : 1° que les Ligules placées dans l’eau et le mucus sont
décomposées ; 2° que les Ligules placées dans le tube plein de mucus ne
sont faiblement décomposées que par les extrémités; le milieu du corps
est mort, mais il n’est pas encore altéré, Dans ces conditions, les Ligules
DE LA LIGULE, 73
ont dû vivre plus longtemps que les autres, et ce sont, parmi celles de
toutes ces expériences, celles qui ont vécu le plus longtemps. Je n’hésite
même pas à croire que s’il était possible d'établir dans le tube un
renouvellement incessant du mucus on arriverait à un résultat con-
cluant.
Tel qu'il est, et opposé aux autres, il me permet cependant
d'affirmer que la Ligule se développe chez les oiseaux aquatiques,
parce qu’elle y trouve le milieu qui convient à son développe-
ment, et non pas seulement parce qu’elle y trouve une tempéra-
ture qu'elle n'avait pas encore rencontrée.
Phases diverses du développement proglottique. — Toutes les
Ligules ne sont pas aptes à se développer dans l'intestin des
oiseaux.
Expérience 16.— Parmi les Ligules extraites de trois tanches, je choisis
les quinze plus petites; elles ont de 5 à 6 centimètres de long. Je les
donne à un canard, que je tue après vingt-quatre heures. Je ne retrouve
plus rien. Je renouvelle l’expérience en donnant cette fois les Ligules
toujours choisies parmi les plus petites. J'examine le canard vingt heures
après et le résultat est le même, il n’y a plus aucune trace de Ligules.
Expérience 17. — Je choisis dix Ligules de grandeur moyenne. Elles
ont une longueur de 8 à 10 centimètres. Je les donne à un canard que
j'ouvre après trente heures. Je trouve une Ligule ayant des œufs, et je
ne trouve pas trace d'œufs dans les déjections. Je renouvelle cette expé-
rience en donnant huit Ligules moyennes; après vingt-quatre heures je
trouve deux Ligules ayant des œufs.
Expérience 18. — Je donne à un canard vingt Ligules, dont dix
moyennes et dix petites. Je l'ouvre après vingt heures, et je trouve des
fragments de Ligules moyennes, plus trois Ligules moyennes vivantes.
Je renouvelle l'expérience avec huit Ligules petites et douze moyennes;
après trente heures, je trouve quatre Ligules moyennes ayant des œufs.
Dans ces expériences, les déjections ne contiennent que quelques œufs.
Expérience 19. — Je donne à deux canards des amandes (1) habitées
par des Ligules, ce dont je m'’assure en faisant sur les flancs une bou-
tonnière qui me permet de constater la présence des parasites. A la lar-
geur que me présente le corps du ver, je les juge tout au plus de moyenne
grosseur. Les canards mangent ensemble ; j'ouvre l’un au bout de vingt
heures, l’autre après trente heures. Je ne retrouve plus aucune trace ni
des Ligules ni des poissons.
Expérience 20. — Je choisis huit Ligules grosses et bien adultes ; elles
(1) Tanche de petite dimension.
A74 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
sont longues de 12 à 20 et 25 centimètres. Je les donne à un canard
que je tue après vingt heures; je trouve sept Ligules à diverses hauteurs
de l'intestin grêle, deux présentant déjà des œufs, les cinq autres ont
les organes reproducteurs bien développés.
Ces divers résultats démontrent nettement que pour que la
Ligule se développe dans l'intestin de l'oiseau, il faut qu’elle soit
parvenue à un développement strobilaire suffisant, et comme je
le disais tout à l'heure, qu'elle soit arrivée dans la cavité abdo-
minale du poisson au moment où elle est apte à se reproduire. A°
l'appui des expériences précédentes, je peux encore ajouter que
dans d’autres cas j'ai ramassé dans les déjections des Canards des
Ligules qui avaient traversé l'intestin sans périr et sans se repro-
duire, mais j'ai toujours constaté que c’étaient les Ligules que
j'appelle petites.
Par rapport aux Ligules moyennes, on voit que la proportion
de celles qui se développent est si faible, que les faits particuliers
ne sauraient devenir une règle générale. D'ailleurs, parmi ces
moyennes, il en est qui ont dû certainement être bien voisines
de leur maximum de développement, car toutes les Ligules n’ar-
rivent pas à 20 et 25 centimètres. Ceci explique suffisamment
pourquoi les expérimentateurs qui ont donné un certain nombre
de Ligules à des Canards n’ont jamais retrouvé qu’un nombre
bien inférieur de Liguies déveioppées. On pouvait se demander
à quoi tenait ce fait important qu’il n’était pas difficile de véri-
fier.
De simples fragments de Ligules peuvent former des œufs aussi
bien que si la Ligule était restée entière, mais dans ce cas cette
évolution est soumise aux conditions que je vais indiquer.
Expérience 21. — J'ai supposé que lorsque les oiseaux prennent direc-
tement la Ligule ils ne cherchent pas à la garantir des blessures que
leur bec peut lui occasionner, et pour me placer dans des conditions
aussi naturelles que possible, j'ai laissé les canards prendre les’ Ligules
par les moyens ordinaires dont ils disposent. J'ai même été au-devant
de la difficulté, et j'ai donné à un canard cinq Ligules grosses que j'ai
coupées chacune en trois fragments à peu près égaux. Trente heures
après je trouve cinq fragments, dont deux seulement ont des œufs. Ces
derniers sont des extrémités antérieures ayant des bothridies,
DE LA LIGULE. h75
Expérience 22. — Je renouvelle l'expérience avec trois Ligules cou-
pées en deux fragments. Trente heures après, je retrouve un fragment
avec des œufs; dans les déjections, j'avais recueilli deux fragments sans
. œufs et des œufs isolés.
Expérience 23. — Je renouvelle encore cette expérience en donnant
à un canard les moitiés antérieures de cinq Ligules, et à un autre les
moitiés postérieures. Le premier me donne des œufs en grande quantité,
jen constate beaucoup moins dans le second.
La Ligule qui n’arrive pas entière dans l'intestin n’est donc
pas arrêtée pour cela dans son développement. Les parties qui
sont pourvues des bothridies, et qui, par conséquent, peuvent se
nourrir facilement, ne sont peut-être pas exclusivement les
seules qui puissent se développer, mais elles se développent
toutes sans exception, tandis que pour les autres le développe-
ment me paraît accidentel. Il y à là un fait physiologique qui
intervient puissamment en faveur de la condition de milieu,
puisque le développement est certain pour les parties qui peuvent
se nourrir, tandis qu'il est douteux pour les autres.
Pourquoi les fragments privés de bothridie ne se nourrissent-
ils pas? J’explique ce fait par ce que j'ai déjà dit du système
vasculaire. La bothridie prend les matériaux nutritifs qu’elle fait
passer dans les grands canaux latéraux, où ils doivent probable-
ment être élaborés avant de passer dans le système des anasto-
moses transversales, Or, l'absorption du chyle nourricier par
tout le parenchyme mis à nu au niveau de la section remplit le
corps d’un suc non élaboré, qui gêne plus qu'il ne sert, qui en-
gorge le parenchyme et qui me paraît devoir constituer un ob-
stacle à la nutrition et au développement des organes. On peutaussi
se demander si les agents digestifs de l’oiseau n’ont pas un effet
nuisible sur des organes avec lesquels ils peuvent être facilement
mis en contact. Et l’on peut dire enfin que, dans le fragment anté-
rieur, l’absorption par les bothridies diminue beaucoup l’absorp-
tion par la section inférieure, si même elle n’est pas un obstacle
complet à cette dernière qu'elle contrebalance certainement.
Durée de l'évolution proglottique ; sa terminaison. — Après
avoir ainsi déterminé toutes les conditions dans lesquelles se fait
l’évolution sexuelle de la Ligule, il ne me restait plus qu’à fixer
h76 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
la durée de cette évolution et ce que j'appelle sa terminaison,
c’est-à-dire la manière dont l’œuf qui en est le produit peut être
expulsé. |
Dans les expériences qui vont suivre, je donne les . Ligules
avec la masse intestinale dans laquelle elles sont entortillées.
Pour cela, j'ouvre largement la cavité abdominale de la Tanche,
ainsi que je l’ai indiqué au commencement du chapitre IL. Je
coupe au ciseau les deux extrémités du tube digestif et j'enlève
ainsi tous les viscères ne formant qu’une masse renfermant les
Ligules qui ne sont pas dérangées. Je peux par ce moyen faire
avaler par les Canards le contenu de Tanches de très-grosses
dimensions, elles Ligules arrivent dans l'appareil digestif des
oiseaux dans le même état que si elles y étaient transportées avec
le poisson lui-même. Aussi je dois prévenir que l’expression de
« trois Tanches données à un Canard » signifie « le paquet viscé-
ral de trois Tanches habitées par des Ligules ». Ilest vrai que de
cette façon je ne connais ni le nombre n1 la grosseur des Ligules
sur lesquelles j'expérimente, mais ces notions sont inutiles dans
les cas que j'ai maintenant à examiner.
Expérience 24. — Je donne trois tanches à un canard. Je l’ouvre au
bout de vingt heures. Je trouve quatre Ligules dans un état de dévelop-
pement sexuel bien avancé, mais pas encore des œufs.
Expérience 25. — Je donne trois tanches à un canard. Trente heures
après, en surveillant les déjections, je trouve parmi les fèces cinq
Ligules petites, deux entières et trois en fragments; elles n’ont pas
d'œufs. J'ouvre le canard et je trouve trois Ligules, dont une a des œufs
et deux sont bien avancées vers leur production. Les fèces renferment
des œufs en petite quantité.
Expérience 26.— Je donne quatre tanches à un canard. Le matin du
second jour, c’est-à-dire quarante heures après, je surveille les déjec-
tions et je ramasse dans l’espace de quatre heures cinq Ligules entières
et pleines d'œufs. Elles se contractent lorsque je les saisis avec la pince.
Je les mets alors dans l’eau à 35 degrés, et je les vois s’agiter aussi vive-
ment que lorsqu'on les place dans de semblables conditions après les
avoir extraites de la cavité abdominale du poisson. Elles sont donc
vivantes. Les fèces renferment encore beaucoup d'œufs.
Expérience 27. — Je donne cinq tanches à un canard dont je sur-
veille les déjections à partir du moment de l'expérience. Au bout de
douze heures, je trouve dans les fèces un petit fragment de Ligule. Je
DE LA LIGULE. 77
constate qu’il est mort. Au bout de vingt heures, je trouve deux petites
Ligules mortes et sans œufs. Après vingt-quatre heures, je recueille
dans les déjections trois Ligules vivantes et sans œufs, elles sont petites.
Trente heures après le commencement de l’expérience, je trouve des
œufs dans les fèces, ils sont rares. Après trente-six heures, je ramasse
une grande Ligule vivante et pleine d'œufs; il y a beaucoup d'œufs dans
les déjections. Après quarante heures, je trouve un fragment de Ligule;
il est plein d'œufs et il se contracte faiblement. Après quarante-huit
heures, je ne trouve plus rien que des œufs très-nombreux. Je tue le
canard, je trouve dans ses intestins deux Ligules entières et une détruite
en grande partie, il n’en reste que le tiers antérieur.
J'ai renouvelé souvent celte expérience dans le but de me pr'o-
curer des œufs et les résultats ont toujours été les mêmes.
Expérience 28. — Je donne douze Ligules à un canard. Je l’ouvre six
heures après, et je trouve dans l'intestin grêle deux volumineux paquets
formés, l’un de huit Ligules, l’autre de trois Ligules enroulées les unes
dans les autres.
Expérience 29, — Je donne douze Ligules à un canard. Je l’ouvre
douze heures après, je ne trouve que cinq Ligules dans l'intestin grêle.
Elles sont toutes de grosse dimension.
Ainsi que le constatent toutes ces expériences, parmi les
Ligules parvenues dans l’appareil digestif des oiseaux, il en est
qui sont digérées avant leur complet développement; d'autres
traversent cet appareil sans éprouver de modifications; d’autres
encore sont digérées après avoir rempli leur but, c’est-à-dire
après avoir produit les œufs ; d’autres enfin traversent. le tube
intestinal et en sortent vivantes et pleines d'œufs.
Quant au mode d'expulsion des œufs. il peut varier et se pré-
senter sous diverses formes : |
1° La Ligule pleine d'œufs se détruit dans le tube digestif où
elle est digérée, et les œufs devenus libres sont expulsés avec
les fèces. Ce cas n’a rien qui puisse étonner, car c’est un fait bien
connu que celui qui consiste à trouver les œufs des helminthes
dans les déjections des animaux qui abritent les parasites dans
leur tube intestinal. La Ligule ne sort donc pas de la règle ordi-
naire et bon nombre de Cestoïdes se désagrégent et meurent
dans l'intestin des animaux qu’ils habitent, laissant ainsi aux fêces
le soin de transporter leurs œufs.
178 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
2% La Ligule expulsée vivante et pleine d'œufs tombe dans
l'eau, où elle périt et où sa destruction rend la liberté à ses œufs.
C’est alors qu’elle peut être prise par le poisson lui-même, ainsi
que je l’ai déjà montré.
3° La Ligule peut elle-même expulser ses œufs, soit dans le
tube intestinal, soit lorsqu'elle est parvenue dans l’eau. Ce mode
d’expulsion, bien observé par Siebold dans le Bothriocéphale, se
répète chez la Ligule, dont les matrices sont vidées quelquefois
dans l'intestin de l'oiseau et souvent dans l’eau où elles sont
expulsées. L'observation démontre le premier cas, l'expérience
prouve le second. |
Expérience 30.— J'ai tenu pendant dix heures des Ligules pleines
d'œufs et vivantes dans de l’eau à 20 degrés. Je les avais placées dans
des tubes longs et étroits. Après dix heures de séjour dans ces tubes, je
les ai retirées encore bien vivantes. J'ai constaté que bon nombre de
leurs matrices étaient vides, et dans le tube j'ai recueilli une grande
quantité d'œufs qui s'étaient accumulés vers le fond.
Comme l’a fait observer Siebold, ce sont les joints qui s’écar-
tent pour laisser passer les œufs. Tout ce qui précède démontre
encore qu’au bout de vingt-quatre heures quelques Ligules peu-
vent déjà parvenir à donner des œufs. Après trente heures, terme
moyen, les œufs sont en pleine production, et après quarante-
huit heures, la production des œufs est presque complétement
terminée. On peut dire alors que la formation des œufs commence
après un Jour ou un jour et demi de séjour dans l’inteslin, et
qu’elle est terminée après deux jours ou deux jours et demi. Si
ce terme est dépassé, ce n’est qu'accidentellement et les accidents
sont loin, je ne cesserai de le répéter, d’être la règle générale.
État respectif de la Liqule et du Canard. — Les Ligules
prises par les oiseaux aquatiques traversent rapidement l'estomac
et arrivent bien vite dans l'intestin ; elles gagnent le quart posté-
rieur de l'intestin grêle et s’acculent volontiers à la fin de cet
intestin, au point où les deux cæcums marquent le commence-
ment du gros intestin.
Expérience 31.— Je donne à un canard quatre Ligules; quatre heures
DE LA LIGULE. 479
après je lui en donne quatre ; à un autre intervalle de quatre heures
j'en donne encore quatre; à deux heures de là j'en donne trois; enfin,
après deux heures, j'en donne encore trois. Total, dix-huit Ligules don-
nées en douze heures. Une heure après que j'ai donné les dernières
Ligules, c’est-à-dire treize heures après le commencement de l’expé-
rience, j'ouvre le canard et je trouve trois paquets de Ligules enlacées:
l’un est au fond de l'intestin grêle, il contient onze Ligules; l’autre est
à quelques centimètres au-dessus, il contient quatre Ligules; le troi-
sième esi au niveau de la moitié de l'intestin grêle, une seule Ligule le
compose.
La Ligule prend dans l'intestin grêle une disposition héli-
coïdale. Elle s’enroule en hélice en s'appuyant sur les parois de
l'intestin et occupe ainsi un espace moindre que celui qu’elle
occuperait si elle restait étendue. Son extrémité antérieure est
dirigée vers le commencement de l'intestin. Plusieurs Ligules
enroulées ensemble conservent toujours cette disposition : aussi
n'est-il pas difficile de désigner par l'aspect extérieur le point de
l'intestin habité par les parasites. A ce niveau l'intestin est dis-
tendu légèrement, et sur ses parois se dessine le large ruban
hélicoïdal formé par la Ligule, que sa couleur blanche décèle
encore presque autant que sa forme. En ce point aussi l'intestin
est ferme et résistant au toucher.
Peu de temps après avoir avalé les Ligules, le Canard s’accrou-
pit sur lui-mêmeet paraît désagréablement incommodé. Il refuse
toute nourriture, mais en revanche il ne cesse de boire. Ce n’est
qu'après douze ou quinze heures et quelquelois même après
vingt qu'il recommence à manger, mais en petite quantité. Il
boit un peu moins et vingt-quatre heures après il est revenu à
son état normal. Je ferai observer que l’état particulier dans
lequel le Canard est placé se présente d'autant plus modifié que
la quantité de Ligules avalées a été plus considérable. Dans le
cours de mes expériences, il est arrivé souvent que les Canards
refusaient si bien toute nourriture, que j'étais obligé de leur
tenir le bec ouvert et de faire glisser les Ligules dans l’œsophage
en m’aidant pour cela d’une petite quantité d’eau.
Jusqu'ici je ne me suis occupé que des conditions du dévelop-
pement proglottique; il me reste à faire connaître sur quels
80 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
organes porte ce développement et ce que devient la Ligule
lorsqu'elle est placée dans les circonstances que je viens d’énu-
mérer.
Pour étudier convenablement les modifications organiques,
j'ai pris des Canards auxquels j'ai donné des Ligules à des inter-
valles espacés de six, huit ou dix heures, suivant les cas. J'ai pu
ainsi me procurer des séries qui m'ont montré le développement
complet des organes reproducteurs, seuls organes modifiés dans
la dernière phase de l'existence des Ligules.
VII. — ORGANISATION DE LA LIGULE A L'ÉTAT PROGLOTTIQUE.
Constitution générale. — La constitution générale de la
Ligule n’est pas modifiée dans les conditions nouvelles où elle
est placée, et c’est à tort que l’on a cherché à établir quelques
différences entre l'aspect du ver dans les deux habitats relatifs
au poisson et à l'oxseau. Tout au plus peut-on indiquer un léger
changement dans la couleur qui, du blanc légèrement jaunâtre
passe à un blanc mat, et dans la forme qui montre la Ligule un
peu plus longue et un peu moins large dans son dernier état.
Mais ni la forme, ni la couleur ne sont des caractères fixes et
dans beaucoup de cas ils sont à peine appréciables.
Rien n’est changé dans les extrémités, si ce n’est dans l’extré-
mité antérieure qui, s’allongeant un peu comme tout le reste du
corps, peut quelquefois montrer une bothridie plus distincte. Il
ne faut rien retenir de l’opinion qui attribue une bothridie exclu-
sivement à la Ligule des oiseaux, car celte opinion est basée sur
des observations trop superficielles. Rien n’est également changé
dans les systèmes cutané, musculaire, vasculaire, etc., et les
modifications organiques ne portent absolument que sur l’appa-
reil reproducteur. Celui-ci est composé de deux catégories d'or-
ganes bien distincts : les organes mâles et les organes femelles.
Organes mâles. — J'ai déjà signalé dans la Ligule à l’état
strobilaire la présence de testicules fort nombreux et formant
une couche d’une seule rangée qui occupe les deux côtés du
corps et la partie supérieure du parenchyme, de manière à s’ap-
DE LA LIGULE. A81
pliquer sur les fibres musculaires transverses. Pendant le déve-
loppement sexuel, les testicules les plus rapprochés de la ligne
médiane du corps grossissent beaucoup et leur volume devient
presque le double de ce qu’il était dans le strobile. Ceux des bords
latéraux n’augmentent pas et leur volume reste presque constam-
ment le même. Les premiers seuls accusent la structure caractéris-
tique; les seconds avortent et leur concours devient inutile pen-
dant l’acte fécondateur. Mais entre les deux la limite n’est pas
tranchée, et c’est insensiblement que l’on passe des testicules de-
venus volumineux à ceux qui sont restés rudimentaires (fig. A2.
A3, A4 9). On rencontre rmème trés-souvent des testicules bien
développés disséminés au milieu de ceux qui n'ont subi aucun
changement appréciable,
GUhaque testicule (Hg. A7) se présente comme un corps ovale
souvent irrégulier lorsqu'il n’est pas développé ou lorsqu'il a ter-
rainé son rôle. La surface paraît alors plissée, ce qui donne à
l’ovale cet aspect irrégulier. [l est limité par une membrane
transparente et assez épaisse. Cette enveloppe, qui re paraît être
formée que d’une seule couche, est extensible et se déchire très-
facilement. On ne la distingue bien nettement que lorsque le
testicule est en pleine activité.
Au début, le sac constitué par la membrane limitante est
rempli d’une substance plasmatique qui se colore en brun par
l'acide chromique et qui, sous l’influence de cet acide, se rétracte
et paraît comme granuleuse. Plus tard, au moment où le testi-
cule fonctionne, on voit dans le sac testiculaire plusieurs groupes
de cellules sphériques ; elles s’agglomérent entre elles pour for-
mer un pelit nombre de paquets inégaux qui remplissent le tes-
ticule. Chacun des groupes renferme un nombre variable de
cellules et celles-ce1 se présentent comme de trés-petits corps
sphériques dans lesquels la lumière oblique fait apercevoir des
éléments filiformes qui donnent à la cellule Paspect d’une cellule
‘couverte de stries fines et courtes (fig. 48). Le testicule qui s’est
vidé ne présente plus rien de ces éléments, sa membrane s’af-
laisse, se plisse, et ne présente plus qu'un corps amorphe à bord
irréguliers. |
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XI (1877). 31
182 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
Le gros tube médian que j'ai signalé dans les organes rudi-
mentaires du strobile (fig. 53 b) a pris un très-grand développe-
ment dès les premières périodes de l’état progloitique, il s'est
allongé considérablement; son diamètre est devenu très-grand
par rapport à ce qu'il était, et c’est, au commencement de cette
phase, la partie la plus volumineuse de lappareil reproducteur.
Lorsqu'il est dans son entier développement (fig. 51 et 52 D),
ce tube commence dans le parenchyme par plusieurs branches
ouvertes librement dans ce tissu. Ces branches sont courtes et
peu nombreuses; elles marchent à l'encontre l’une de Pautre,
s’anastomosent très-vite et finissent par former un tube qui va
toujours s’élargissant jusque vers sa partie terminale. En même
temps qu'il grossit, il se replie dans le sens de sa longueur de
manière à figurer une série d'S ajoutés bout à bout et de plus en
plus grands.
Mais les sinuosités qui le caractérisent sont loin d’être dans le
même plan; aussi une section mince du corps de la Ligule ne
permet-elle le plus souvent de n’en apercevoir que des fragments.
Il faut alors avoir recours, soit à des coupes épaisses, soil à ce
que j'appelle des coupes étagées, c’est-à-dire des coupes qui se
suivent toutes et qui sont alignées dans la préparation suivant l’or-
dre dans lequel elles ont été faites. C’est ainsi que sont presque
toutes mes préparations d’études qui renferment chacune une
série de coupes représentant un fragment du corps.
Vers sa partie terminale, ce tube, auquel je donne le nom de
tube séminal, se rétrécit; son diamètre devient à peu près uni-
forme ; 1l se dirige vers la ligne médiane et vers la face inférieure,
pour venir s'ouvrir au sommet de la matrice, dans l’écartement
formé par les lamelles épidermiques qui se séparent du derme.
Le nom de tube séminal peut fort bien être pris ici comme rap-
pelant les vésicules séminales des vertébrés, car on sait que le
rôle de réservoir du sperme n’est pas entièrement dévolu à ces
organes, dont le produit muqueux s'ajoute aux produits prosta-
tiques et à ceux des glandes de Cooper pour donner plus de flui-
dité au sperme. Dans la partie de l'appareil mâle que je décris en
ce moment, on peut affirmer que les éléments spermatiques s’ac-
DE LA LIGULE. 183
cumulent comme dans un réversoir ; mais on peut dire aussi
qu'ils s’y complètent par les sécrétions que fournissent les parois
même du tube. Ces sécrétions consistent en une matière mu-
queuse, au milieu de laquelle les éléments spermatiques sont
englobés au point de ne pouvoir être reconnus ou distingués
nettement, surtout vers l'extrémité où cette mucosité devient
très-abondante.
Dans la partie la plus renflée et la plus sinueuse du tube sémi-
nal, le calibre intérieur est grand et on trouve dans le tube les
cellules sphériques que J'ai signalées dans le testicule. An moment
de la reproduction, en effet, la membrane du testicule s’est
déchirée et les éléments qu'elle renfermait se sont répandus dans
le parenchyme. Ge dernier est, comme je l'ai déjà dit, très-lacu-
neux et, dans les mailles de son réseau, les cellules du testicule
peuvent cheminer aisément. Elles s'engagent par les branches
ouvertes du tube et cheminent jusque dans la partie la plus dila-
tée où on peut encore les retrouver. Mais on cesse de les voir dans
la portion terminale. Là, le calibre du tube séminal est devenu
très-étroit, il se remplit de la mucosité que je viens de constater
et des spermatozoïdes filiformes que les cellules précédentes ont
aidé à transporter ; ceux-ci remplissent si bien le tube qu’il est,
vers sa terminaison, impossible de les distinguer. Aussi l’inté-
rieur du tube apparaît-il à ce moment comme occupé par un
organe semblable à un axe plein et grêle enfermé dans un tube
creux et membraneux, la mucosité étant très-abondante et tous
les spermatozoïdes étant agglomérés en une masse d'aspect uni-
forme dans laquelle les éléments sont tellement confondus, qu'ils
ne peuvent plus être distingués.
Lorsque la principale période d'évolution est franchie, le tube
séminal se résorbe. C’est en commençant par la partie initiale
que cette résorptou se produit et bientôt le tube a presque com-
plétement disparu. C’est à peine si, à la fin, on trouve quelques
traces de la portion terminale, derniers restes de ce qui fut le
tube séminal. Ce mouvement de résorplion est assez rapide et il
précède la disparition des tubes femelles dont je vais m'occuper
maintenant: On peut affirmer que la vie du tube séminal est de
Uteh DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
courte durée ; j'estime qu’elle doit commencer après dix à quinze
heures de séjour dans l’intestin de loiseau, et qu’elle est termi-
née après vingt à vinot-cinq heures ; car, avant ce moment, Je ne
rencontrais pasencore le tube bien développé, et, après cette der-
nière période, je le trouvais en pleine disparition. Je n’ai pu le
saisir bien entier que dans l'intervalle que J'indique.
Mais pour cela, comme d’ailleurs pour tout le reste, et ainsi
que j'ai déjà eu occasion de le dire, voici comment J'ai procédé :
à des intervalles qui variaient suivant les expériences et que
je faisais révuliers dans un même cas, je donnais un nombre fixé
de Lisules à un Canard: par exemple, à lun deux Ligules toutes
les quatre heures, à ur autre trois Ligules toutes les huit heu-
res, ele, J'ai constitué ainsi des séries qui m'ont pernus de suivre
toutes les transformations et c’est d’après les résultats obtenus
que j'ai pu établir l’évolution complète.
Organes femelles. — L'appareil femelle se compose de deux
éléments : 1° des tubes dans lesquels se constituent les vésicules
vitellines ; 2° une matrice dans laquelle se forment les œufs.
Les tubes femelles sont au nombre de deux; comme le tube
séminal, ils sont rudimentaires dans le strobile, où leur position
est nettement Imdiquée (fig. 53 c). Développés pendant l’état pro-
olottique, ils affectent la forme de longs tubes flexueux qui $’en-
chevètrent par leurs extrémités initiales. [Is commencent très-
près du point où le tube séminal voit ses branches s’anastomoser
pour former un tube unique. Ils sont pelotonnés en ce point et
forment une masse confuse d’où semblent sortir les branches
multiples du tube mâle (fig. 54 et 52 c). Les deux tubes se sépa-
rent bientôt et se placent sur les côtés du tube séminal de manière
à être situés, l’un vers l’extrémité antérieure, l’autre vers l’extré-
mité postérieure du corps et à accompagner ainsi ce tube jusqu’à
la matrice. Les sinuosités qu’ils forment sont irrégulières; elles
s’enchevêtrent parfois avec celles du tube mâle qui reste toujours
entre les deux éléments essentiels de Pappareil femelle, et pas-
sent souvent entre les anses du précédent pour s’enchevêtrer
cutre elles. Aussi répéterai-je ici ce que j'ai dit du tube séminal,
c’est que les sections trop minces ne montrent que des fragments
DE LA: LIGULE. h85
isolées que l’examen des coupes étagées peut seul faire rappro-
cher suivant leur situation normale.
Lorsque Le tube mâle commence àse rétrécir, les tubes femelles
s’élargissent et. vers leur'extrémité, 1ls se renflent en uné véri-
table ampoule qui vient s'ouvrir dans la matrice sur les côtés du
tube séminal.
Sur une section longitudinale on peut très-bien voir la dispo-
sition relative de ces différentes parties (fig. 32 4, 4, c). Le tube
mâle coupé se confond avec la matrice et ses branches terminales
apparaissent en b' dans le parenchyme, presque au niveau de la
couche testiculaire {; les tubes femelles « sont situés, l’un ‘en
avant, l’autre en arrière de l'appareil reproducteur qu'ils sem-
blent enfermer entre eux.
Dans la partie initiale des tubes femelles, on ne distingue pas
d'éléments appréciables, mais un peu plus baut on voit très-bien
se former les vésicules vitellines, que l’on trouve bien con:tituées
dans la partie terminale (fig. 49). Le rôle de ces tubes est de for-
mer ces vésicules, que l’on trouve, à l’extrémité, pourvues d’une
tache germinative bien apparente. Je ne saurais y distinguer,
commel’a fait M. Duchamp, un cæcum germigène, un autre vitel-
logène, car rien de tout cela ne se peut apercevoir, et l'organisa-
tion des organes reproducteurs telle que la donne M. Duchamp
est certainement entachée de beaucoup de fantaisie. Ce corps sin-
gulier, qu’il trouve souvent dans la matrice et dont il ne connaît
pas le rôle, me paraît être tout simplement une anse ou un frag-
ment de l’un des tubes que je viens de décrire. Il n’y a pas plus de
pénis qu'il n’y a de cupules mâles et femelles el ce n’est dans
aucun des éléments que je viens de décrire que se constituent
définitivement les œufs. Ma préparation, que J'ai dessinée fig. 49,
est là pour en répondre.
Je donnerai aux tubes femelles le nom de tubes ovariens, en
me basant pour cela sur leur produit, qui rappelle le produit
ordinaire de ce qui constitue l’ovaire chez le plus grand nombre
des animaux inférieurs. |
Les tubes ovariens se résorbent comme le tube séminal, mais
leur disparition commence un peu plus tard, pour se terminer plus
186 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
tard également ; aussi voit-on, dans beaucoup de cas, les tubes
femelles continuer à verser dans la matrice les éléments de l'œuf,
_alors que les éléments mâles n’y parviennent plus. C’est dans ce
fait qu’il faut voir la cause de la présence, parmi les œufs capa-
bles de se développer, des œufs qu’au commencement de ces
études j'ai appelés stériles ; ceux-là se forment sans fécondation et
cette différence entre les moments de production des divers élé-
ments amène la stérilité de tous les œufs qui, quoique formés
après la disparition du tube mâle, n’en sont pas moins constitués,
les autres moyens de formation n’étant pas encore disparus.
Formation des œufs. — Les vésicules vitellines fournies par
les tubes ovariens arrivent dans la matrice, où elles trouvent les
spermatozoïdes qui y sont déversés par le tube séminal : la fécon-
dation se produit et l'œuf arrive rapidement à se compléter ;
l'enveloppe se forme et ces phénomènes sont les plus rapides
parmi les phénomènes déjà si rapides qui caractérisent toutes les
phases du développement sexuel. | |
Je me suis souvent demandé par quoi sont fournis les matériaux
qui s'ajoutent aux vésicules vitellines pour constituer l'œuf. Je
suppose que c’est par la matrice elle-même, car celle-ci renferme,
dès l’état strobilaire, une matière que les acides coagulent et colo-
rent; elle n’est jamais un sac complétement vide et, à tous Îles
moments de la reproduction, c’est un organe plein dont je vais
indiquer la structure et la disposition.
Matrices. — Les matrices se montrent dès le début avec leur
forme et leur disposition caractéristiques. Leurs dimensions
seules varient; rudimentaires pendant l’état strobilaire, elles
grandissent FES le développement proglottique sans rien
changer à leur aspect général.
La matrice est un sac noyé à la fois dans les couches ruscu-
laires et dans le parenchyme; il est limité par une membrane
urès-mince et très-lransparente, qui se moule exactement sur le
contenu et qui n'est appréciable que lorsqu? on fait agir de l’am-
moniaque sur une préparation primitivement traitée par l'acide
acétique. Le sac ainsi constitué renferme dans son intérieur une
substance opaque, grumeleuse, coagulable, comme toute celle
DE LA LIGULE. h87
qui remplit les autres parties de l'appareil reproducteur. Elle
donne à la matrice l'aspect d’un organe presque massif ; elle dis-
paraît à mesure que les œufs se constituent et, lorsque la matrice
est pleine d'œufs, on ne trouve plus aucune trace de cette sub-
stance. La potasse l’éclaireit et la liquéfie beaucoup ; l'acide acé-
tiqué lui fait prendre un aspect grumeleux, aussi ne doit-on pas
hésiter à la considérer comme riche en principes chitineux.
La matrice a la forme d’un petit ballon à goulot très-court et
très-élargi. Dans le milieu de sa hauteur, elle est affaissée sur
elle-même et parait alors comme étranglée. Aussi, vue de face,
se présente-t-elle comme un 8 allongé, dont les deux branches rap-
pellent très-exactement les branches disposées en rosette chez
les Bothriocéphales ; et l’on peut dire qu’au lieu de former une
rosette à branches multiples, comme celle qui a été signalée chez
ces derniers, la matrice forme chez les Ligules une rosette à deux
branches communiquant largement ensemble sur toute leur hau-
teur (fig. 60).
Elle ne $’ouvre pas à l’extérieur, mais dans la dépression cuta-
née que j'ai déjà indiquée àu niveau de la ligne médiane du corps
et au bord supérieur de chaque anneau; les lamelles épider-
miqués de la face inférieure ont entre elles une adhérence très-
faible ; elles se séparent facilement et laissent, soit entre elles-
mêmes, soit entre elles et le derme, un espace creux où viennent
aboutir les différentes parties de l'appareil reproducteur. Souvent
même ces espaces communiquent entre eux, suivant la longueur
du corps et, par la compression, il est facile de faire passer les
œufs d’une matrice dans une autre. On les voit cheminer à tra-
vers ces espaces et j'ai pu, en dirigeant la pression tanlôt en
avant, tantôt en arrière, vider et remplir à mon gré les diffé-
rentes matrices d’un même fragment de Ligule.
La compression déchire encore très-facilement la membrane
limitante de la matrice et permet aux œufs de se répandre dans
le parénchyme. Enfin elle a un résultat qu’il est essentiel de sa-
voir apprécier, c’est qu’elle peut donner aux matrices, en les
écrasant el en étalant leur contenu, une disposition qui est loin
d’être celle qu’elles ont normalement. C’est probablement sur
tete DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
des Ligules vues entre les lames du compresseur que quelques
auteurs ont donné aux matrices comme disposition caractéris-
tique une configuration qu'elles sont loin de présenter.
La compression est un mauvais moyen d'investigation, il
dérange les rapports et modifie les formes; aussi est-ce avec
beaucoup de raison que Dujardin a pu dire de lui : € Mais pour
quelques-uns il faut avoir recours à la compression afin d’aug-
menter leur transparence; mais 1l faut user avec une extrême
circonspection du compresseur qui, plaçant tous les organes dans
un même plan, ne donnera que des idées fausses, si l’on n’est
pas guidé par l'observation faite concurremment sans compres-
sion et par la dissection. GϾze avait anciennement commis beau-
coup d'erreurs en se servant du compresseur. »
Je me sers avec un très-grand succès de la section horizontale
étagée qui, sans rien déranger, me permet d'avoir des coupes
minces transparentes et donnant une idée très-exacte de la struc-
ture du corps suivant son épaisseur.
Lorsque la matrice est pleine d'œufs, son volume a beaucoup
augmenté. La forme de 8 est beaucoup moins régulière et le sac,
maintenant presque ovoïde, peut s'étendre à travers le paren-
chyme jusqu'aux fibres musculaires supérieures. La matrice
consiamment située vers la face inférieure du corps (fig. 59).
Sa configuration générale change un peu, suivant la hauteur à
laquelle on l’examine (fig. 55, 56, 57), mais c’est dans les
anneaux du milieu que cette configuration se montre la plus
normale et la plus régulière (fig. 56).
Quoique les matrices restent toujours isolées, tous les sacs ne
sont pas gonflés également et 1l peut encore arriver que le nom-
bre d'œufs est devenu si considérable, que la plus légère pression
les fait s'étendre suivant la longueur du corps; les matrices sem-
blent communiquer entre elles ainsi que je viens de le dire et
les œufs forment une longue chaîne non interrompue, ainsi que
Krabbe l’a très-bien indiqué dans quelques dibothridiens.
C'est surtout la matrice pleine qui montre bien son ouverture
en face de l'intervalle des anneaux (fig. 58), situation sur laquelle
j'ai déjà appelé l’attention.
DE LA LIGULE. 189
Enfin, par cela même que le volume des matrices a augmenté,
l'intervalle qui les sépare a beaucoup diminué et, à leur maxi-
mum de développement, les matrices ont de 6 à 8 centièmes de
millimètre de largeur, tandis que l'intervalle qui les sépare n’est
plus que de 3 ou 4 centimes de millimètre.
Disposition générale de l'appareil reproducteur ; symétrie. —
Je ne dirai plus qu'un mot de l’ensemble de l'appareil que je
viens d'étudier dans ses parties.
L'appareil reproducteur existe dans chacun des anneaux du
corps et sa répétition est une preuve plus que suffisante en faveur
de la division du corps. C'est le développement de cet appareil
qui marque l’état progloltique et chacun des anneaux qui en est
pourvu est une véritable proglottis. Le seul caractère, c’est que
chez la Ligule les cucurbitains, largement unis et soudés, ne se dé-
tachent pas à leur maturité.
La matrice est toujours unique et occupe le milieu de l’anneau ;
les testicules sont toujours symétriques, mais il n’en est pas de
même des autres parles. Uu tube séminal est toujours accom-
pagné de deux tubes ovariens ; mais ces organes ne se répètent
pas toujours dans le même ordre et on ne peut établir, en ce qui
concerne leur symétrie, de règle exclusive. C’est ainsi qu’on les
trouve tantôt développés des deux côtés (fig. 51), tantôt dévelop-
pés indifféremment sur l’un des deux côtés seulement de la ligne
médiane. La figure 46 fait comprendre celte disposition que les
sections horizontales et les sections transversales étagées met-
tent parfaitement en lumière. Les tubes contournés qui se mon-
trent en sections horizontales se voient tantôt à droite de la
matrice, tantôt à gauche, tantôt des deux côtés et cela, irrégu-
lièrement sans qu'on puisse apercevoir un ordre fixe ou même
peu variable. Si on ne constatait cette disposition que par la
coupe transversale du corps, on pourrait croire, les anneaux
étant si rapprochés, que la coupe a porté obliquement sur deux
anneaux voisins; mais la section horizontale rétablit les faits
dans toute leur exactitude en montrant la disposition que j’in-
dique et que représente très-exactement, d’après mes prépara-
tions, la figure 46, |
h90 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L’HISTOIRE
Expulsion des œufs. — Dujardin à dit : « Les helminthes
naissent et meurent dans le corps de leurs hôtes. » Et avec lui
tous les helminthologistes ont répété que les vers intestinaux peu-
vent mourir dans le tube digestif des animaux qu'ils habitent.
Dans ces conditions ils se désagrégent et leurs œufs, devenus
libres, sont expulsés par F intermédiaire des fèces. La Ligüle ne
pouvait rester étrangère à celte loi si générale et, à l'exemple de
tous Îles vers intestinaux, elle devait laisser aux fèces le soin de
charrier ses œufs. Mais ce mode d'expulsion n’est pas lé seul
qu'on lui connaisse et voici ceux que, d’après toutes les obser-
valions précédentes, je peux affirmer maintenant :
1° La Ligule encore vivante dans l'intestin des oiseaux peut sé
débarrasser de ses œufs; c’est là que sa matrice trop pleine force
sur les joints qui s’écartent pour laisser sortir les œufs. Les
expériences que j'ai rapportées plus haut et mes observations ne
laissent aucun doute (fig. 58). C’est, qu'on me permette cette
expression, le trop plein de la matrice qui est ainsi expulsé, et
parfois, le passage étant largement établi, la matrice se vide com-
plétement.
2% La Ligule meurt dans l'intestin de l'oiseau, elle s’y désa-
grége, elle y est digérée, et les œufs, devenus libres et organisés
pour résister à l’action digestive, sont mêlés aux fèces avec les-
quels ils sont expulsés. L'observation et l'expérience démontrent
encoré ces faits que l’on sait être généraux.
3° La Ligule est expulsée vivante, et dans ce cas elle se con-
tracte de façon à vider les matrices dans l’eau, ou bien elle périt
dans cet élément, se désorganise, et ses œufs, rendus à la liberté,
relombent, comme dans les deux cas précédents, dans lés condi-
lions où je les ai pris au début et où je les laisse en terminant.
TROISIÈME PARTIE
ÉTUDES ZOOLOGIQUES.
Considérations générales. — Je traiterai spécialement, dans
celte courte et derhièré partie, de la place des Ligules dans la série
helminthologique.
DÉ LA LIGULE. h91
Just à présent on à considéré les Ligules comme formant un
genre spécial et appartenant à la famille des Dibothridés. Je ne
saurais accepter celte manière dé voir, qui résulte Surtout de
l’étade incomplète que l’on a faite de ces parasites. Tous les nätu:
ralistes sont aujourd'hui d'accord pour convenir que, dans beau-
coup de branches des sciéncés naturelles, lés genres et les éspèces
ont élé par trop multipliés. L’exagération dans la comparaison
des détails, jointe à des vues et à des intérêts présqué toujours
personnels, ont conduit les observateurs à trouver, dans toutés
les formes essentiellement génériques, des caractères tellement
fugaces que la plupart d’entre eux ne se répètent souvent pas
plus de deux ou trois fois; et c’est sur des différences si légères,
et surtout si mal établies, que beaucoup de classificateurs se sont
hâtés de s'appuyer poür créer, non-seulement des espèces nou-
vélles, mais encore des genres nouveaux. Presque toujours il
arrive que le créateur seul peut sé reconnaître au milieu de ce
dédale et nul ne saurait dire, à moins d’un travail hérculéen de
compilation, le nombre de genres nouveaux établis parmi les
anciens genres typiques, en malacologie, en inséctologie et dans
quelques parties de la botanique.
De là, des difficultés sans nombre qui entravent singülièrement
les débuts de ceux qui veulent se livrer à l’étiide dés sciences
naturelles. De là aussi la nécessité, même pour ceux qui débutent,
de se spécinliser dans un tout petit coin de la science, au détri-
ment de toutes les autres parties que l’on ne connaît pas du
tout.
Mais, comme toutes choses, cet ordre d'idées a son bon et son
mauvais côté; car, d’aütre part, on peut dire que ce n est que
par des monographies aussi muültipliées que possible que l'on
arrivéra à connaître à fond l’histoire de la nature. Get ensemble
si vaslé ne Séra jamais mieux connu que lorsque les détails en
auront été suffisament étudiés. Aussi n'est-ce pas à l'étude des
groupes où à ce que l’on est convenu d appeler la monographie
que j'adresse la précédente critique; mais bien à l’exagération
que développent dans ces étüdes les ätiteurs tfüt, däfis üñe varia-
tion de couleur, dans la direction d’une ligne, dans la place d’un
49? DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
point, dans la longueur ou ja largeur d’une feuille, voient des
caraclères suffisants pour justifier un nom nouveau arrivant
comme nom de genre plus souvent même que comme nom d’es-
pèce. Tout est dans la limite établie et tout consiste à savoir
distinguer la valeur des caractères.
Certainement il est des caractères auxquels on ne saurait refuser
la valeur d’un caractère générique; mais, pour un de ceux-là, de
combien d'autres ne s’empare-i-on point pour en faire la justifi-
cation de l’appellauon nouvelle, qui n’a souvent d'autre mérite
que de répondre à l’une des causes dont J'ai parlé plus haut.
Je serais entrainé beaucoup trop loin de mon sujet si je déve-
loppais, comme elle mériterait de l'être, l'idée que je. viens
d’énoncer et ce n’est pas d’ailleurs ici que je peux me livrer à
pareille discussion. Déjà dans des recherches précédentes (1) j'ai
parlé dans le même sens et j'ai cherché à faire ressortir les incon-
vénients d’une multiplication exagérée des genres et des espèces.
Je les ai, dans ce travail, restreints autant que possible et ne les
appuyant que sur des caractères véritablement importants, et les
Ligules viennent fournir un sérieux argument à la théorie que
j'ai déjà soutenue et que Je ne suis, d’ailleurs, n1 le premier ni
lé seul à soutenir (2).
Cet argument, je le trouve dans l’organisation même des Hel-
minthes qui m'occupe, dans cette organisation qui ne saurait être
distinguée de celle des Bothriocéphales autrement que par des
caractères simplement spécifiques. Entre le Bothriocéphale et la
Ligule il y a nécessairement des différences ; mais elles ne me pa-
raissent pas, ainsi que je vais le montrer, de nature à être prises
pour des différences génériques et on ne saurait considérer la
Ligule que comme une espèce particulière du genre Débothriuns.
Genre Dibothrium. — Comme les Bothriocéphales ordinaires
la Ligule possède sur chaque face de l'extrémité antérieure une
fossette, ventouse incomplète qui a reçu le nom de bothridie.
Son corps rubané et aplati est composé d’une série d’anneaux.
(14) A.-L. Donnadieu, Recherches sur les télranyques.
(2) Voyez entre autres : Ch. Martins, La théorie de l’évolution, in Revue des Deux-
Mondes, t. XIII, 1876.
DEF LÉ BIGULE: 193
Ces anneaux, extrêmement peu développés en hauteur, sont large-
ment unis entre eux, et leur aspect n’a pas peu contribué à faire
croire à un corps non annelé. Les organes reproducteurs sont en
forme de tubes plus ou moins contournés. Les matrices rappellent
leurs analogues des Bothriocéphales et ne s’en différencient que
par le nombre des branches de la rosette. Tous ces organes oc-
cupent dans la Ligule exactement la même position que dans le
Bothriocéphale. La structure générale du corps, peau, muscles,
parenchyme, système vasculaire, est presque exactement la même
dans les deux cas. L’œuf et son développement sont si bien les
mêmes dans le Bothriocéphale et dans fa Ligule, que si leur
provenance était inconnue il serait bien difficne de les désigner.
L'embryon est identique aussi bien dans un cas que dans l'autre,
et, dans les deux cas, on le voit éclore dans l’eau. Ces embryons
vont d’abord habiter les poissons pour passer ensuite chez les
animaux à sang chaud.
On voit donc que tout, dans l’organisation et dans la vie de la
Ligule, ressemble beaucoup à ce qui a été observé et décrit chez
le Bothriocéphale. Et cette ressemblance esttelle, qu’il me paraît
impossible dé ne pas considérer la Ligule comme appartenant au
genre Dibothrium. Soutenir le contraire ce serait vouloir, quand
même, donner à des caractères une valeur qu’ils n’ont pas dans
le seul but de créer un genre nouveau.
Je n'hésite pas à me servir du mot créer, qui pourra peut-être
étonner, puisque le genre Ligule est établi depuis bien longtemps.
Mais lorsque Bloch fit de la Ligule un genre spécial, il était lom
de connaître les affinités de cet Helminthe avec le Bothrivcéphale.
Aujourd'hui que ces rapports sont bien nettement constatés,
conserver le genre Ligule ce serait le créer; car on ne pourrait
comprendre l'établissement de ces deux genres voisins que comme
un dédoublement da genre Dibothrium. Le supprimer est donc
la seule chose qui puisse consacrer le résultat des études com-
paratives. |
Espèce Ligula. — Lorsque les Ligules ont été considérées
comme formant un genre spécial, on les a distinguées en espèces
aussi peu reconnaissables que nombreuses. On a d’abord fait des
h94 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
espèces aux dépens de celles que l’on a trouvées dans les poissons
puis on en a créé qui se rapportaient à celles que l’on rencon-
trait dans les oiseaux. |
Les caractères organiques ont été souvent mis de côté et l’ha-
bitat a dominé pour faire donner aux Ligules les noms des ani-
maux aux dépens desquels elles vivaient. Il est inutile d’insister
sur upe pareille méthode. Justice est faite maintenant de toutes
les espèces indiquées chez les poissons et de celles que l’on ne
trouve que chez les oiseaux. Il faudrait alors ne considérer que
ces dernières et, parmi celles-là, il n’en est pas qu'il soit possible
d'établir sûrement. | |
Si on voulait invoquer l'aspect extérieur, la longueur, la lar-
geur du corps, on pourrait arriver facilement à décrire autant
d'espèces que d'individus; et je vais même plus Join, car je dirai
qu’on pourrait faire plusieurs espèces avec la même Ligule prise
à différents moments ou placée dans différentes conditions. De
Blainville a déjà dit que les vingt ou trente individus qu'il a
trouvés dans la Spatule ne se ressemblaient pas deux à deux et
aucun Zoologiste ne pourrait déterminer les Ligules qu’il pourrait
rencontrer au moyen des caractères assignés aux espèces déjà
connues. Il trouverait toujours quelques différences qui lui per-
mettraient d'établir une espèce nouvelle.
J'ajouterai enfin que rien n’est plus variable individuellement
que les Ligules au point de vuede l'aspect extérieur et des formes,
et que, trouvés isolément, il n’est pas de cestoides plus difficiles
à déterminer spécifiquement. |
Les caractères organiques sont donc les seuls auxquels on puisse
s'adresser. Or, ces caractères ne varient jamais. Ils se sont mOon-
trés absolument identiques dans toutes les nombreuses Ligules
que J'ai étudiées. Toujours les atincaux, les organes reproduc-
teurs, les extrémités, les systèmes vasculaires etmusculaires, elc.,
se sont montrés les mêmes. Je n'ai pas encore constaté de difé-
rences parmi eux. Si plus tard il s’en rencontre, elles pourront
fournir des bases à l'établissement d'espèces nouvelles ; mais;
comme jusqu'à aujourd’hui je n’ai pu en constater, je me crois
autorisé à n’admettre à l'égard des Ligules qu’une seule espèce,
DE LA LIGULE. h95
à laquelle je conserve le nom que portail le genre, parce que
c’est celui qui rappellera le mieux l’être dont il est ici question.
Il ne préjuge rien quant aux espèces anciennes et il aura l’avan-
tage de les condenser toutes en lu: seul.
Telles sont les considérations qui m'ont conduit à faire de
toutes les Ligules jusqu'ici décrites l'espèce que je désigne sous
le nom de DigorsRriuM LiGuLaA.
C'est encore en m’appuyant sur les caractères organiques que
je rapporterai à Ja Ligule le genre Schistocéphale de Créplin. Ce
genre a été créé aux dépens des Ligules de la même manière
qu'ont été créées les trop nombreuses espêces de ces animaux. Si
on suivait la voie de Créplin, on établirait autant de genres que
ce que l’on trouverait de Ligules.
Et Créplin voyait bien lui-même qu'il n’était pas sûr de ce
genre, puisqu'il débute en le proposant ainsi : € .S2 helminthologrs
placet. » Et lorsque des auteurs comme Willemoes-Suhm ont cru
avoir affure à des Schistocéphales, on peut affirmer que c'était
tout simplement sur des Ligules qu'ils observaient.
DIBOTHRIUM LIGULA, Donn.
Synonymie : Toules les espèces décrites par les auleurs sous le
nom de Ligules (ex. : Zigula uniserialis; L. alternans; L. 1n-
terrupta; L. sparsa; L. nodosa; L. contortriz; L. cingulum ;
L. constringens; L. acuminata; L. soricis moschali; L. mergo-
rum; L. colymbi cristati; L. colymbr immeris; L. cobitidis ;
L. salvelini, L. salmonis Wartmann; L. carmonis; L. tincæ ;
L. Gobionis; L. Alburni; L. leucisci; L. simplicissima; L. cris-
pa; L. monogramma; L. digramma; L. abdoniinals ; L. edulis;
L. piscium, etc.). Fasciola intestinalis, Linné; Fasezola colymbr
unmerrs, Nib.; Bothriocephalus sema-liqula, Nitzch; Schistoce-
phalus, Crépl. | |
Caractères zoologiques : Corps rubané; aminci aux deux
extrémités, l’antérieure plus obtuse que la postérieure ; allant,
en diminuant de largeur, de l'extrémité antérieure à l’extrémilé
postérieure ; blanchâtre ; long de 15 à 25 centumètres; large de 6
196 DONNADIEU. — CONTRIBUTION A L'HISTOIRE
à 10 millimètres dans le milieu; divisé en anneaux extrêmement
nombreux et très-étroits, simulant à l'extérieur des stries trans-
versales ; chaque anneau n'ayant pas plus de 12 à 15 centièmes
de millimètre de hauteur; les anneaux unis l’un à l’autre par
toule leur largeur et faisant ainsi paraître le corps comme den-
telé sur les bords; traversé dans toute sa longueur et sur les
deux faces par des dépressions ou sillons longitudinaux, le plus
constant de ces sillons est celui que l’on remarque au milieu et à
la face ventrale ou inférieure; l'extrémité antérieure portant sur
chacune de ses faces une fossette allongée en forme de bothridie.
Wrorations. — Se développe dans l'eau: læuf donnant nats-
sance à ui embryon imfusoriforme: passe dans les poissons (sur-
lout les evprinoïdes) e! s'établit dans leur cavité péritonéale:
accomplit son cycle évolutif dans l'intestin des oiseaux aquatiques
où les œufs se forment rapidement. |
Habitat. — Se trouve à peu près partout en Europe et peut
être transporté d’une localité dans une autre par les oiseaux
voyageurs.
CONCLUSIONS.
Sous ce titre Je me contenterai d’énumérer les faits les plus
saillants qui ressortent des études précédentes et je me bornerai
aux SUIVaNls :
Toutes les Ligules décrites jusqu’à aujourd’hui ne doivent être
considérées que comme une seule espèce, appartenant par ses
caractères généraux au genre DIBOTHRIUM et par ses caractères
particuliers à l'espèce LIGULE. |
L'œuf ovale et operculé se développe dans l’eau et donne nais-
sance à un embryon pourvu de six crochets. Le développement
est très-rapide dans l’eau chaude, il est extrêmement lent dans
l’eau froide. L’eau courante augmente les chances de destruc-
tion.
L'embryon, exactement semblable à celui du Bothriocéphale,
vit dans l’eau comme un infusoire et se mêle aux animaux dont
les cyprinoïdes font leur nourriture habituelle. D EE
L’embryon ou scolex infusoriforme passe dans ie tube digestif
DE LA LIGULE. 197
des poissons, le perfore et va s’établir dans la cavité péritonéale.
Il s’y développe et devient le strobile.
Le strobile ne constitue que des masses uniformes augmentant
son corps; les organes reproducteurs y restent rudimentaires.
IL vit, dans la cavité abdominale des poissons, d'une sérosité dont
il détermine la production. Il peut vivre ainsi jusqu’à deux ans;
à ce moment il traverse les parois abdominales et quitte le poisson.
Il devient une cause de mort pour son hôte lorsqu'il ne peut l’a-
bandonner.
Soit, mais très-rarement, à l’état de liberté, soit presque tou-
jours avec le poisson qui le renferme, le strobile passe dans l’in-
testin des oiseaux aquatiques où 1l devient proglottis.
_ Dans ce nouvel habitat les organes reproducteursse développent
et l’œuf se constitue très-rapidement ; au bout de trente ou qua-
rante heures on en trouve déjà de formés ; après deux jours pres-
que tous sont conslitués.
Toutes les Ligules ne sont pas aptes à un pareil développement;
il faut que le strobile soit déjà bien développé et qu'il ait acquis
une certaine dimension.
Les cucurbitains ne se détachent pas à maturité. Le corps ne
perd pas son homogénéité apparente, mais : 2° 1l peut être digéré
en tout ou en partie et les œufs, ainsi devenus libres, sont mêlés
aux fêces avec lesquelles 1ls sont expulsés; 2°les matrices se vident
dans l'intestin même; 3° le proglottis est expulsé vivant et plein
d'œufs avec les fêces. Il tombe dans l’eau où les matrices se
vident.
Dans tous les cas l'œuf est rejeté dans l’eau où 1l se développe
ainsi qu’il vient d’être dit. |
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, —- T, XI1 (4877), 32
MEMOIRE
SUR
LES SARCOPTIDES PLUMICOLES ‘
Par MM. Ch. ROBIN et MÉGNIN
PLANCHES XXVI, XXVII, XXVIII ET XXIX.
Genre ANALGES, Nitsch. (2).
Acariens sarcoptides d’un gris roussâtre, atteignant une lon-
gueur d'un demi-millimètre environ, de forme générale, très-
différente d’un sexe à l’autre, long poil du tarse des pattes rigide ;
une petite dépression sur les flancs entre la deuxième et la troi-
sième patte et en avant de cette patte un long poil latéral avec un
autre bien plus petit. Rostre court conoïde ou cordiforme, ré-
tréci à la base; mandibules conoïdes un peu recouvertes à leur
base par un étroit prolongement incolore du camérostome, qui
dépasse un épistome granuleux dépourvu de poils.
Mâles d’une forme très-différente de celle des autres états et
de celle des femelles; les pattes de la deuxième et de la troisième
(1) Suite. Voyez les numéros de mai-juin et de juillet-août 4877 de ce recueil.
(2) &vzkyns, qui ne cause aucune douleur (Nitsch, dans Ersch et Gruber, Ency-
clopaedie, 1818). Synonymie : Dermaleichus (Koch, Deutschlands Crustaceen, Myria-
poden und Arachniden. Regensburg, 1840, in-18, Hefi 33) qui, d’après l’étymologie
dépuz, peau et Xciyw, lingo, je lèche, doit s’écrire Dermalichus ou plus grammatica-
lement Dermolichus. Sous cette désignation générique, Koch a décrit des espèces
très-diverses génériquement, qu’il a, il est vrai, séparées en plusieurs sections. Il
place son genre Dermaleichus à la suite du genre Sarcopte, qui sépare celui-là du
genre Acarus contenant les Tyroglyphes et les Glyciphages actuels. Voyez du reste
sur ce point, p. 246 et 392 ci-dessus, où l’on écrira Analges au lieu de Derma-
lichus ou Dermolichus. Claparède (Studien an Acariden. Dans Zeitschr. für wiss.
Zool. Leipzig, février 1869, p. 531) a fait remarquer, en effet, que le nom géné-
rique d’Analges à la priorité sur celui de Dermaleichus. Giegel (1871) a suivi cette
indication, et avec d’autant plus de raison que le nom d’Analges a été donné par
Nitsch spécialement à des Sarcoptides parasites des oiseaux, alors que dans ses
Dermaleichus Koch fait entrer des Acariens parasites des mammifères et qui sont
génériquement très-différents des autres, Le nom de Dermolichus se trouve ainsi
éliminé ou du moins reste sans désigner aucune espèce.
MÉMOIRE SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 199
paire continuant la direction de la ligne des flancs et insérées
chacune à l’une de ses extrémités; abdomen bien plus étroit que
le céphalothorax, entier ou divisé plus ou moins profondément
en arrière en deux lubes, portant chacun cinq poils; pattes de
la troisième paire énormes, à crochet ou à ventouse ou caron-
cule portée par un assez long pédicule, avec ou sans un piquant
plus ou moins long au bord libre du tarse. Organe génital petit,
conoïde, à peine plus long que large, circonserit ou non en avant
par un épimérite en forme de fer à cheval.
Femelles fécondées elliptiques, à extrémité de l'abdomen ar-
rondie portant deux paires de longs poils. Vulve au niveau des
épimères des deux dernières paires, circonserite par un épimé-
rite en forme de fer à cheval.
Femelles accouplées plus petites que les précédentes, sans or-
oanes sexuels. Pas de plaque dorsale granuleuse thoraco-abdo-
minale.
Nymples oclopodes, semblables aux femelles accouplées, mais
de grandeur variable et à ventre plus court.
Larves hexapodes à abdomen notablement plus étroit que le.
céphalothorax et court avec deux poils seulement à son extré-
milé (1).
1° Analges dont le mâle a l'abdomen entier, à troisième paire de
pattes énormes terminées par un ongle robuste (2).
Î. ANaLGes passerINus, Ch. Robin et Mégnin, ex Linné et Koch
(pl. XXVI, fig. 1 à 4).
Analges d'un gris roussâtre, foncé chez le mâle, plus pâle chez la
femelle, coloration tenant à l'étendue et au nombre des plastrons plus
grands chez le premier qui en est presque recouvert. Plastron céphalo-
(1) Les espèces de ce genre sont essentiellement caractérisées par le volume
considérable des pattes de la troisième paire du mâle, par la présence de deux poils
fins en avant des paltes de cette paire à tous les âges au lieu d’avoir un court et
fort piquant et un poil, puis par la forme elliptique massive du corps à extrémité
postérieure arrondie, mousse sur les femelles, les nymphes et les larves, Mais on
reconnaît facilement que les espèces qu’il renferme se divisent en plusieurs groupes.
(2) Les espèces de cette section sont à dos bombé et à flancs arrondis, sans pointe
au tibial ni au tarse; à mandibules épaisses, assez renflées à la base ; mâle ayant
500 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
thoracique commun aux deux sexes, triangulaire et fournissant l’épi-
stome qui en constitue le sommet arrondi, renforcé au milieu par deux
nervures symétriques s’élargissant et divergeant postérieurement où elles
portent chacune une forte soie accompagnée en dedans d’un poil plus
long chez le mâle. Pattes antérieures semblables dans les deux sexes, à
deuxième article portant une protubérance basilaire inférieure, allongée
en arrière en forine d’olécrâne à extrémité arrondie ; quatrième article
à bord antérieur prolongé inférieurement en aiguillon à large base ;
tarse à extrémité dilatée inférieurement en goulot pouvant loger l’am-
bulacre ; tous les articles des pattes antérieures portent des poils tenta
culaires disposés comme chez tous les sarcoptidés plumicoles, plus longs
chez le mâle que chez la femelle.
Müle (fig. 1 et2), long de 0"",45 (sans les pattes), large de 0"",29 ; de.
forme générale trapézoidale à grande largeur postérieure. Pattes de la
troisième paire énormes, fusiformes, grandes et larges, à leur milieu
comme une moitié latérale du corps, à troisième article terminé par un
ongle robuste implanté sur une base tuberculeuse portant en outre deux
poils; deuxième, troisième et quatrième articles portant chacun deux
longues soies sur leur bord externe. Épimères de la troisième paire de
pattes au nombre de deux : l’externe longeant le côté du corps sur les
deux tiers de sa longueur, à extrémité élargie sur laquelle s'implante
une longue soie et relié au deuxième épimère, qui converge vers le mi-
lieu du corps et qui porte aussi une soie, par une ligne en S qui se pro-
- longe jusque sur l'extrémité de l’épimère unique de la quatrième paire
de pattes; ces épimères et la ligne qui unit leurs extrémités circonscri-
vent un espace où les téguments sont rigides et constituent un véritable
plastron inférieur et latéral symétrique à celui du côté opposé; en son
milieu et près de la hanche est aussi implantée une soie. Épimères de
la première paire de pattes soudés en une pièce sternale unique comme
chez les sarcoptes et les tyroglyphes. Organe mâle situé entre les épi-
mères de la quatrième paire de pattes, constitué par un pénis court,
conique et mousse, protégé en avant par un sternite en demi-lune à
concavité postérieure. Ventouses copulatrices rapprochées de la commis-
sure antérieure de l'anus dont la commissure postérieure est marginale
et accompagnée de chaque côté par deux paires de longues soies, l’in-
terne plus courte, et d’une paire de poils en dehors de ces soies. Plastron
notogastrique, recouvrant presque totalement la moitié postérieure du
corps, en forme de Jarge fer de lance fortement échancré à sa base qui
est antérieure, à pointe légèrement bifurquée en queue d’hirondelle dé-
passant légèrement l'extrémité postérieure du corps; chaque angle an-
le corps de forme générale arrondie, plus large vers le milieu qu’en avant et en ar-
rière, à flancs convexes ; membres avec ou sans pointe au bord inférieur du tibial;
femelle dépourvue de plaque thoraco-abdominale et dont l’épimérite vulvaire a ses
extrémités libres.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 501
térieur et basilaire de ce plastron porte une paire de longues et fortes
soies dont les papilles basilaires sont contiguës; plus en avant et près des
hanches de la deuxième paire de pattes émerge encore une paire de
fortes soies, ce qui, avec celles qui appartiennent au plastron céphalo-
thoracique, porte à quatre paires le nombre de ces appendices de la face
supérieure du tronc.
Femelle fécondée ou ovigére (fig. 3 et 4), longue de 0"®,45 (sans les pat-
tes), large de 0,20, à corps cylindrique, aplati de dessus en dessous à
extrémité postérieure, entière et arrondie, portant deux paires de soies
disposées de chaque côté de la commissüre postérieure de l'anus qui est
marginale. Pattes postérieures plus grêles que les antérieures, la qua-
trième paire légèrement plus longue que la troisième. Épimères des
quatre pattes antérieures écartés et libres ainsi que ceux des pattes pos-
térieures qui sont très-courts. Vulve en forme d’ouverture angulaire à
sommet antérieur s’ouvrant à la hauteur des épimères de la troisième
paire de pattes; elle est protégée en avant par un sternite en demi-lune,
à concavité postérieure, portant un poil à chaque extrémité. Plastron
céphalo-thoracique semblable à celui du mâle portant aussi une paire
de soies, mais plus courtes. Le reste de la face dorsale du corps est
protégé par un tégument transparent, souple, strié en travers et por-
tant le long des côtés du corps, et également espacées, trois paires de
soies.
Jeune femelle nubile ou accouplée. Longue de 0"",35, large de 0"",18,
semblable à la femelle ovigère dont elle nese distingue que par l'absence
de vulve de ponte sous-thoracique ; l'anus, qui est en même temps l’or-
gane copulateur, est plus grand que chez la précédente.
Nymphe. Longue de 0"",30, large de 0"",15, semblable à la précé-
dente; n’en diffère que par l'anus qui est plus petit.
Larve. Longue de 0"*,25 à 0"%,30, large de 0"",10 à 0"",15, diffère
de la nymphe en ce qu’elle n’a qu'une paire de pattes postérieures et
qu’une paire de poils à l'extrémité de l’abdomen.
OŒuf. Long de 0", 29, large de 0®",10, de forme ovale nes
déprimé sur une face qui est l’inférieure, à enveloppe lisse et trans-
parente.
Habitat. Le Analges passerinus se rencontre sur le moineau, le pin-
son, le serin et sur d’autres petits oiseaux; il vit dans leurs plumes et
particulièrement dans les plumes du cou et les tectrices des ailes.
REMARQUES SUR LES DESCRIPTIONS DE L'Ana. passerinus. — La miîte des moi-
neaux de De Geer, à laquelle il donne pour synonyme Acarus avium
(Acta acad. scienc. suec., 1740, p. 351, tab. I, fig. 2 et De Geer, Mém.
pour l’hist. des insectes, 1778, t. VII, p. 109, pl. VE fig. 12) est bien le
mâle de l’une des espèces du genre Analges et certainement de celui-ci.
Dans sa synonymie, Koch (1) attribue avec Linné le nom d’Acarus passe-
(1) M. Nicolet a déjà fait remarquer, à propos des Oribates, que l’imperfection
502 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
rinus à De Geer, et ni l’un ni l’autre ne parlent du nom d'Acarus avium
que De Geer (Mém., t. VII, p. 109) lui-même donne comme synonyme de
sa mite des moineaux en renvoyant aux Acta acad. suec., 1740, p. 351,
tab. I, fig. 2. Or, c’est aussi à cette même page des Acta acud. suec. que
renvoient Linné et Koch. Nous n'avons pas pu consulter ce dernier ou-
vrage et voir s’il y a eu erreur de la part de ces auteurs ou de la part des
éditeurs de De Geer.
Koch donne aussi comme synonyme de son Dermaleichus passerinus,
décrit ici, l’Acarus avicularum de De Geer et le considère comme repré-
sentant une femelle de celui-ci.
Mais les acariens décrits et figurés par De Geer (Mém. pour servir à
l'hist des insectes. Stockholm, 1778, in-4°,t. VII, p. 106; pl. VI, fig. 9
et 10) sous les noms de mite des petits oiseaux (Acarus avicularum De Geer)
sont une femelle ou une nymphe et une larve de quelque espèce des
genres Pterodectes ou Proctophyllodes et non de l'Acarus avium de De
Geer (1).
Le pou de coq de Bruyére de Lyonnet (Mémoires du Museum, Paris,
1818, in-4°,t. XVIII, p. 281, pl. XIV, fig. 16), que M. Gervais rapproche
avec raison de l’Acarus avicularum de De Geer, est aussi une nymphe ou
une femelle d’un Sarcoptide plumicole, mais sans qu'il soit possible de
dire d’après la figure et la description à quelle espèce et même à quel
genre cet individu appartient.
C’est donc le mâle de notre Analges passerinus qui a donné lieu à la créa-
tion de l’Acarus passerinus de De Geer (Act. ac. suec., 1740, p. 851, t.1,
fig. 2) et à l'Acarus chelopus d'Hermann (Mém. apterol. Strasbourg, in-
fol., an XII, p. 82, pl. IV, fig. 7); les pattes énormes de la troisième
paire avaient frappé ces auteurs et Hermann, qui les avait prises pour
des pinces, croyait aussi que la quatrième paire n'existait pas; la descrip-
tion et la figure très-reconnaissable qu'il en donne ont été prises sur
deux sujets recueillis par son père sur un gorge-bleue (Motacilla suecica,
L.); i’usage de ces membres, que l’acarien microscopique trainait
inertes derrière lui, était complétement inconnu à cet observateur ainsi
qu’à beaucoup d’auteurs qui l’ont vu après lui; en effet, ils ne servent
que pendant la copulation, soit pour retenir la femelle quand les ven-
touses copulatrices n’agissent pas encore, soit pour soulever son train
postérieur quand il est uni à la jeune femelle.
des figures données par Koch et la briéveté de ses descriptions, ne portant que sur
un aspect général tiès-restreint, ne permettent pas toujours de reconnaître quelle est
réellement l'espèce qu’il a vue, lorsqu'on les compare à l’animal qu’on a sous les yeux.
(1) De Geer fait remarquer avec raison que ces animaux naissent avec six pattes
comme la mule domestique (Tyrogluphus siro) et que ces jeunes portent deux poils
seulement à l'arrière du corps, au lieu de quatre comme les adultes. Il a décrit les
venlouses du tarse de tous ces acariens, sous le nom de vessie des pattes et comme
servant à la locomotion. L’acarien qu’il nomme mite des poules (Acarus gallinæ De
Geer, Pulex gallinæ Redi) est un Dermanysse.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 503
2. ANALGES CORVINUS, Mégnin.
Cette espèce est très-voisine de la précédente ; aussi, pour la distinguer,
n’aurons-nous qu’à en donner les caractères différentiels, Les membres
antérieurs et la troisième paire de pattes chez le mâle présentent les
différences Les plus sensibles : chez les premiers le deuxième article est
privé du prolongement olécrânien si remarquable chez la première es-
pèce, cet article est simplement arrondi au même endroit; leurs épi-
mères ont aussi l'extrémité légèrement bifurquée.
Mâle. Long de 0"",40, large de 0"",22 ; par conséquent, il est plus petit
et surtout plus étroit que celui de l'espèce précédente, sa pièce sternale
est plus courte et bifurquée. Les épimères des pattes postérieures s’ap-
prochent moins de la ligne médiane et par suite les plastrons latéraux
qu'ils circonscrivent sont plus petits et un peu différents de forme. Les
pattes de la troisième paire, toujours extraordinairement volumineuses,
sont cependant d’un bon tiers moins épaisses que chez le précédent ; le
tarse ongulé manque aussi de tubercule interne terminal et est simple-
ment cylindrique. Extrémité abdominale moins triangulaire ; par suite
le plastron noto-gastrique qui la recouvre a l'extrémité arrondie, de plus
elle est privée du petit prolongement en queue d’hirondelle que pré-
sente le mâle de l'espèce précédente; l'extrémité abdominale ne présente
qu’une paire de longues soies accompagnée en dedans et en dehors de
deux paires de poils.
Femelle ovigére ou fécondée. De mêmes dimensions etde mêmesformes
que celle de l'espèce précédente; le seul caractère qui permette de la
distinguer de celle-ci est fourni par le deuxième article des pattes anté-
rieures : comme chez le mâle, cet article ne présente pas de prolonge-
ment olécrânien. L'ouverture vulvaire est aussi plus large transversale-
ment ainsi que son sternite.
Jeune femelle pubére ou accouplée. Même analogie que chez la précé-
dente; la seule différence est présentée par le deuxième article des pattes
antérieures qui n’a pasde prolongement olécränien et qui est simplement
arrondi.
Nymphe octopode et larve hexapode. Même observation que pour la
précédente.
OEuf de même forme etde même dimension, paraît cependant un peu
plus large.
Habitat. L’un de nous a rencontré cette espèce dans les plumes d’une
corneille (1) en compagnie de nombreux individus des deux sexes et de
tous les âges de l’Analges ginglymurus (Mégnin) que nous décrivons plus
loin.
(1) D'où le nom de corvinus.
504 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
20 Analges dont le mâle a l’extrémité abdominale profondément divisée
en deux lobes qui présentent transversalement une articulation
à charnière.
Ce deuxième groupe comprend des Analges qui se distinguent essen-
tiellement de ceux du premier groupe, non-seulement par la présence
des lobes abdominaux chez les mâles, particularité qui se rencontre
aussi dans les deux groupes qui suivent, mais surtout par la longueur
excessive des pattes de la troisième paire, longueur qui frappe encore
plus que sa grosseur qui est toujours supérieure à celle des trois autres
paires; les pattes de cette troisième paire ne sont plus fusiformes, mais
coniques, et ne sont plus terminées par un ongle robuste, mais par un
ambulacre à ventouse comme les pattes des trois autres paires.
3. DERMALICHUS CuBiTaLIs, Mégnin (pl. XXVII).
Analges de couleur gris-roussâtre plus foncée chez les mâles que
chez les femelles. Les caractères communs aux deux sexes sont, comme
chez les précédents, fournis par le rostre qui est petit et conique, par
les pattes antérieures et par le plastron céphalo-thoracique. Pattes anté-
rieures fortes ; deuxième article à base renflée en dessous de manière à
former un coude saillant et arrondi plusanguleux à la première paire (1) ;
quatrième article présentant en bas et en avant un aiguillon arqué et
mobile ; tarse irrégulièrement conique et légèrement incurvé enS, ne
présentant pas inférieurement la dilatation en goulot qui est un des ca-
ractères du premier sous-genre. Plastron céphalo-thoracique couvrant le
céphalothorax renforcé au milieu par deux larges nervures unies en
avant pour former l’épistome qui est sans poils, divergeant légèrement
en arrière et donnant implantation à leur extrémité postérieure à deux
longues et fortes soies.
Müle (fig. À et 2) long de 0"",45 [sans les pattes), large de 0,99 (à
l'insertion des hanches de la troisième paire). Pattes de la troisième paire
aussi longues que le corps, plus larges à la base, c'est-à-dire àla hanche,
régulièrement coniques, à articles diminuant progressivement d’épais-
seur en même temps qu’ils augmententde longueur, à tarse légèrement
coudé en S, en bas, et terminé par un ambulacre à ventouse ; chaque
article porte une soie et même deux comme le quatrième, et le tarse
présente en bas, près de son extrémité, trois aiguillons couchés le long
de la tige. Épimères de la troisième paire de pattes au nombre de deux,
un extérieur renforçant les côtés du corps et un interne, inférieur et di-
rigé obliquement vers la ligne médiane, tous deux donnant à leur ex-
trémité insertion à une longue soie et le premier envoyant en dedans et
en arrière une ligne chitineuse qui s’interrompt avant d’avoir rejoint le
(1) D’où le nom de cubitalis, qui se rapporte au coude.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 505
sommet de l’épimère opposé. Épimère de la quatrième paire de pattes
se conjuguant avec le deuxième de la troisième paire. Épimères de la
première paire s’unissant sur la ligne médiane de manière à former une
pièce sternale unique. Pénis conique, tronqué, situé entre les épimères
de la quatrième paire de pattes sans sternite en demi-lune. Extrémité
abdominale divisée en deux lobes triangulaires par un profond sillon au
fond duquel se trouve l’anus et de chaque côté les ventouses copula-
trices ; extrémité de chaque lobe portant deux soies ; la latérale la plus
longue et trois poils. Plastron noto-gastrique recouvrant la partie posté-
rieure du corps, arrondi en avant, bifurqué en arrière où il recouvre les
lobes articulés à charnière transversale aux deux tiers postérieurs de
ceux-ci; sur ses côtés sont insérées deux paires de soies très-écartées,
l’une en avant, l’autre au milieu du plastron.
Femelle ovigére ou fécondée (fig. 3 et 4), longue de 0"",40 (sans les pattes),
large de 0%",20, à corps ovale dont l'extrémité antérieure est semblable
à celle du mâle ainsi que les pattes qu’elle porte et dont l'extrémité pos-
térieure est entière et arrondie portant deux paires de soies dont l’interne
est la plus courte. Pattes postérieures d’un tiers plus minces que les an-
térieures et de même longueur à peu près. Épimères des pattes anté-
rieures tous libres et indépendants ainsi que ceux des pattes postérieures
qui sont très-courts. Vulve de ponte située entre l'extrémité des épimères
de la deuxième paire de pattes, en forme de fente angulaire, protégée
en avant par un petit sternite en demi-cercle. Absence de plastron noto-
gastrique qui est remplacé par un tégument transparent, régulièrement
strié en travers portant trois paires de poils dont la première est voisine
de la hanche de la deuxième paire de pattes et la deuxième à la hauteur
de la hanche de la quatrième paire.
Jeune femelle pubère ou accouplée, longue de 0,30, large de 0"",18,
semblable en tout à la précédente dont elle ne diffère que par l'absence
de vulve sous-thoracique et par une fente anale plus grande.
Nymphe octopode, longue de 0"",25, large de 0"",15, semblable à la
jeune femelle pubère, n’en diffère que par sa taille plus petite et par
une fente anale bien moins grande.
Larve hexapode, longue de 0"",18 à 0"",25, large de 0"",10 à 0" 15,
ne diffère de la nymphe qu’en ce qu’elle n’a qu’une paire de pattes pos-
térieures et qu'une paire de soies anales.
OŒuf. Ovale allongé, aplati sur une face, 0"",18 de long sur 0"",10
de large, à enveloppe lisse transparente.
Habitat. Se rencontre dans les plumes des régions antérieures du corps
de toutes les variétés ou races de la poule domestique européenne.
4. ANALGES GINGLYMURUS, Mégnin (1).
Cette quatrième espèce d’Analges n’est peut-être qu’une variété de la
(1) Ginglymurus qui a la queue, ou mieux les lobes postérieurs articulés en char-
nière avec le reste du corps.
596 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
précédente. Taille un peu plus massive chez les mâles et plus faible
chez les femelles, avec un peu plus de rondeur dans le coude du
deuxième article des pattes antérieures. De plus, le mâle est long de
0,45, large de 0"",24 (sans les pattes). Épimères de la première
paire de pattes, au lieu de se souder sur la ligne médiane en une pièce
sternale unique, comme chez le précédent, restant libres, simplement
adossés ou plus ou moins éloignés. Soies du corps et des membres plus
grandes et plus fortes que chez le précédent, et celles des lobes abdomi-
naux égales, Organe mâle comme dans l'espèce précédente.
Femelle ovigére ou fécondée longue de 0"",35, large de 0"",18, ne se
distingue de la pareille de l’espèce précédente que par une saillie moins
anguleuse du coude du deuxième article des pattes antérieures, par de
plus longues soies, par des épimérites très-visibles qui bordent les bords
angulaires de la vulve sous-thoracique et qui sont accompagnés en ar-
rière d'une paire de poils.
Jeune femelle pubére ou accouplée longue de 0"",30, large de 0"",15,
semblable à la précédente moins la vulve sous-thoracique.
Nymphe longue de 0"",25, large de 0"",12. Mèmes observations que
pour l'âge correspondant dans l'espèce précédente ainsi que pour la
Larve hexapode et pour l’œuf qui, cependant, est plus grand, car il
mesure 0"*,22 de long sur 0"",10 de large.
Habitat. Vit dans les plumes de la corneille (1), des différentes espèces
de faisans et de leurs variétés, du paon, de la perdrix rouge, du colin de
Californie et autres gallinacés exotiques, et aussi chez les palmipèdes
domestiques.
D. ANALGES ASTERNALIS, Mégnin.
Cette espèce est encore très-voisine de l'Analges cubitalis qui con-
stitue le type de notre deuxième section, mais elle s’en éloigne un peu
plus que la précédente et est plus facile à distinguer; elle est plus petite,
et un caractère différentiel commun à tous les individus, c'est d’avoir
l’aiguillon inférieur du quatrième article des pattes antérieures très-co-
nique, droit et fixe, et le coude du deuxième article plus arrondi. Les
caractères différentiels les plus saillants sont présentés par le mâle
(pl. XXVIE, fig. 1 et 2).
Mäle. Long de 0"",32 {toujours sans les pattes), large de 0”",18, Les
membres et les soies qu’ils portent, aussi bien que celles du corps, sont
plus grêles que dans les deux précédentes espèces. Épimères de la pre-
mière paire de pattes largement écartés (2). Lobes abdominaux non
(1) L’imperfection anatomique des figures de Buckholz reproduites par Murray
(voy. p. 511) nous empêche de reconnaître si cette espèce est celle que le premier
nomme Derm, bifitus et qu’il a observée sur le freux (Corvus frugilegus, L.).
(2) D’où le nom d’aslernalis, sans sternum. Nous avons déjà vu, en effet, que sur
beaucoup d’Acariens, Sarcoptides et autres, dans l’âge adulte au moins, la portion non
annulaire ou tige des épimères de la première paire est souvent soudée à sa congé-
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 507
articulés et bordés intérieurement d’une membrane échancrée; leurs
deux soies sont égales. Organe mâle comme dans l'espèce précédente.
Femelle ovigére ou fécondée, longue de 0"",32 et large de 0"",18; ne
se distingue des femelles du même âge des deux espèces précédentes que
par l’aiguillon inférieur du quatrième article, droit et robuste, et l’épi-
mère inférieur de la troisième paire de pattes qui se prolonge et se
coude en convergeant-vers la ligne médiane de manière à former une
paire d’épimérites garnissant les deux côtés de la lévre postérieure de la
vulve de ponte; ils sont accompagnés en arrière de quatre poils rangés
sur une seule ligne transversale. (Au même endroit, les femelles des
espèces précédentes ne présentent qu'une paire de poils.)
Jeune femelle pubére ou accouplée, longue de 0"",98, large de 0"",18 ;
ne diffère de la précédente que par l'absence de vulve sous-thoracique
et la présence d’une seule paire de poils près de la place que cette vulve
occupera.
. Nymphes octopodes et larves hexapodes. Ne se distinguant en rien des
mêmes âges des espèces précédentes, sinon qu'elles sont un peu plus
petites et que l’aiguillon du deuxième article des pattes antérieures est
plus droit et plus large.
OŒuf. Long de 0"",18, large de 0"",08, ovale allongé, aplati sur un
côté, à enveloppe lisse et transparente.
Habitat. Se trouve dans les plumes des diverses espèces ou variétés de
pigeons sauvages ou domestiques et de quelques petits passereaux comme
le serin des Canaries.
3° Analges à lobes abdominaux des mâles entiers, dont les bords
externes sont plus ou moins profondément sinueux.
6. ANaLGEs osciNuM, Ch. Robin et Mégnin, ex Koch (1).
Sarcoptides d’un gris roussâtre, de forme générale très-différente d’un
état à l’autre, d'une longueur ne dépassant guère 4 dixièmes de milli-
nère, sur la ligne médiane, en une pièce unique, ayant soit l’aspect d’un sternum, soit
la forme d’un plastron, plus ou moius lougs et plus ou moins larges (voy. Ch. Robin,
loc. cil., Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Moscou. 1860, in-8, p. 60-61, et dans ce
recueil, année 1867, p. 593-594). Autrement les tiges des épimères aroit et gauche
sont libres et plus ou moins écartées comme pour les épimères de la deuxième paire
(voy. pl. XXII et suiv.). Sur les Carpoglyphus l'extrémité interne des tiges de ces
deuxièmes épimères est soudée à l'extrémité inférieure de la pièce sterniforme ci-
dessus (voyez Ch. Robin, dans ce recueil, année 4869, p. 197, pl. VII et VID).
(1) Dermaleichus oscinum Koch (loc. cit., Heft 33, pl. XIV et XV). Nous
avons fait plus haut des remarques touchant le degré de certitude sur l'identité de
l'espèce observée avec celle que décrit Koch, qu’on peut obtenir de la comparaison
des individus vivants aux dessins et à la description de cet auteur; ces remarques
sont applicables ici en tout point. Néanmoins nous donnons le nom créé par Koch à
l'espèce décrite ci-dessous, en raison de quelque analogie existant entre les mâles
508 CH. ROBIN ET PF. MÉGNIN. — MÉMOIRE
mètre, avec une très-petite dépression sur les flancs en afant du
troisième épimère, dont la branche supérieure latérale porte un poil fin
sensiblement moins long que le corps n’est large et un autre au-dessus
bien plus court.
Rostre jaunâtre, court, nettement cordiforme, un peu étranglé à sa
base, mousse au sommet, presque aussi large que long (5 centièmes de
millimètre de long sur 4 de large). Mandibules conoïdes peu épaisses,
peu renflées à la base, à onglets grêles à peine doublés.
Pattes à peu près aussi longues que le corps est large, les postérieures
grèles, les articles de celles des paires antérieures rendues un peu an-
guleuses par des tubercules chitineux ocracés, dont l’un se prolonge en
une petite pointe cornée en dedans du bord externe du tibial et du tarse.
Tarses portant des ventouses cupuliformes petites, incolores, à pédicule
grêle, munies à leur centre d’une petite griffe cornée à deux pointes.
Épiméres et pièces solides du rostre et des pattes de couleur ocreuse.
Épimères de la première paire, envoyant par leur extrémité externe un
prolongement à la base du palpe maxillaire. Épimères de la deuxième
paire envoyant par leur extrémité externe, d’une part un prolongement
à la base de la première patte, et de l’autre, sur les flancs, une plaque
granuleuse jaunâtre, quadrilatère, empiétant surtout sur le dos et des-
cendant jusqu’à la dépression latérale.
Épimère de la quatrième paire articulé avec la branche inférieure du
troisième, dont la branche supérieure latérale, recourbée en dedans,
porte un poil fin moins long que le corps n’est large et un deuxième
plus court. Les autres dispositions différentes d’un état à l’autre.
Téqçument transparent, assez rigide, à plis fins, rapprochés, formant
sur l’épistome une plaque granuleuse, avec un double pli en forme de V,
et étendue presque jusqu’au niveau de la dépression latérale, où elle se
termine carrément avec un long poil et un autre très-court de chaque
côté au niveau des pattes de la deuxième paire; une bande de plis trans-
verses étroite chez le mâle, large sur la femelle, vient ensuite, et au
delà est une plaque quadrilatère, granuleuse jaunâtre, à bords nets,
rétrécie en arrière chez le mâle et élargie sur la femelle.
Anus en forme de fente longitudinale à la partie inférieure, près du
bout de l'abdomen qu'il atteint presque, avec une paire de poils courts,
assez gros, de chaque côté de la commissure antérieure, et une autre
paire plus bas et plus en dehors.
et la figure qu’en à publiée ce zoologiste, pour ce qui concerne le céphalothorax et la
troisième paire de pattes. De plus il a trouvé aussi cette espèce sur le verdier ainsi
que sur les alouettes et la Motacilla alba. Il dit que les femelles sont blanches pen-
dant que le mâle est rougeâtre, fait qui est vrai surtout pour les femelles accou-
plées, les nymphes et les larves, Il ne décrit du reste, sur aucune espèce, ni les
organes sexuels, ni leurs divers états non plus que les œufs. Son nom vient de oscen,
oscinis : oScène, tout oiseau dont le chant sert de présage; oscinum, des oiseaux
dont le chant sert de présage.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 509
Mâle très-différent des autres états de l'espèce, plus large en arrière
qu’en avant, trapu, plat sur le dos et sur le ventre, long de Onn,38 à
Onm,44, large de Onm,24 à Omm,28, de formes lourdes.
= Pattes des deux premières paires presque égales entre elles, angu-
leuses; pas de tubercule à la partie externe de la hanche. Pattes de la
troisième paire énormes, faisant corps et en continuité avec la partie
inférieure latérale du céphalothorax qu'elles semblent continuer, dé-
passant le bout des lobes abdominaux de toute la longueur du tarse,
portant en dehors du bord inférieur du tibial un prolongement chiti-
neux, ocracé, ensiforme, trauchant, et une pointe au bord libre du tarse,
Épiméres de la première paire réunis en V sur la ligne médiane par
leur extrémité interne ; épimères de la deuxième paire, envoyant par
leur extrémité inférieure un prolongement recourbé enS, dirigé en
dehors, qui se continue avec la branche supérieure des épimères de la
troisième paire, dont la branche inférieure s'articule avec ceux de la
quatrième paire. Pattes de la quatrième paire insérées en dedans et au
niveau des précédentes, tres-grêles, n’atteignant pas le bout de l’ab-
domen, avec une forte pointe chitineuse, mousse en dedans du bord in-
férieur du tarse.
Abdomen étroit, mince, foliacé, à côtés presque droits, bordé d’une
bande chitineuse à peine marquée; divisé en arrière en deux lobes al-
longés, irrégulièrement quadrilatères, terminés en pointe transparente,
portant sur cette pointe un poil fin presque aussi long que le corps; les
bords de ces lobes (pl. XXVIHI, fig. 3) portent près de leur base, chacun,
un poil court porté sur un tubercule ou prolongement court en dedans
et long sur le bord externe; un prolongement de chaque bord du bout
de l'abdomen porte un autre poil flexible, et dans la concavité séparant
ce prolongement de la base des lobes, est inséré un poil aussi long que
le corps (en tout cinq poils sur chaque lobe).
Ventouses anales copulatrices jaunâtres, circulaires, placées de chaque
côté de l'anus, avec un court spicule en avant et en arrière de chacune
d’elles et un épimérite semi-lunaire de chaque côté les circonscrivant
en partie. Organe génital placé au niveau de l'insertion des deux der-
nières paires de pattes, jaunâtre, conoïde, à sommet mousse, à base con-
cave, avec une paire de courts spicules à sa base, circonscrit par un épi-
mérite jaunâtre, en forme de fer à cheval, à branches minces rappro-
chées, à concavité tournée en arrière, avec une paire de poils fins en
dehors de ces branches.
Poils situés entre le premier et le deuxième épimères et, entre le
deuxième et le troisième, longs et flexibles. Une paire de longs poils fins
sur la face dorsale de l’abdomen, une autre au niveau des pattes de la
troisième paire et une au-dessous de la plaque granuleuse latérale.
Le mâle de cette espèce se distingue immédiatement de celui de l’es-
pèce suivante par la longueur et la forme de l’appendice ensiforme que
porte le tibial des pattes de la troisième paire. Il s’en distingue aussi par
510 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
sa taille moindre, la plus grande longueur et la forme des appendices de
l'abdomen et par le plus de largeur des plaques granuleuses latérales
dépendant du deuxième épimère.
Femelle fécondée. Longue de 0,36 à Omm,41, large de 0,29 à
Où ,95, de forme générale régulièrement ovoide, à dos bombé, à ventre
plat, mousse aux deux extrémités, l’antérieure surmontée par le rostre.
Les pattes de la deuxième paire à peu près du volume des premières et
sans tubercule à la base de la hanche de la première et une très-petite
pointe incolore à la base de la deuxième; les pattes des deux dernières
paires non tuberculeuses, plus grêles que les autres; les postérieures
atteignant à peine le bout de l’abdomen. Épimères des deux premières
paires à extrémités internes libres, non soudées entre elles. |
Vulve placée entre les épimères de la troisième paire et s’avançant
entre ceux de la deuxième, longitudinale, à lèvres formées de deux
plaques chitineuses, jaunâtres, s’écartant l'une de l'autre presque dès
le niveau de sa commissure antérieure, avec prolongement du tégument
finement plissé dans l’angle rentrant qu’elles forment ainsi; deux très-
petits poils de chaque côté de sa commissure antérieure, qui est sur-
montée d'un épimérite jaunâtre, en fer à cheval, dont les deux bouts
vont se souder chacun à l'extrémité postérieure de la lèvre correspon-
dante de la vulve, en circonscrivant ainsi toute celle-ci; un poil court
sur cette extrémité de chacune de ces lèvres et un autre semblable un
peu au-dessous.
Abdomen à peine plus étroit que le céphalothorax, à extrémité arron-
die, légèrement tronquée au bout, sans tubercules latéraux ni prolon-
gement médian, portant de chaque côté deux poils fins, plus longs que
le corps n’est large. Pas de longs poils sur le ventre ni sur le dos en
dehors de ceux qui sont au niveau des pattes de la deuxième paire sur
la plaque granuleuse de l’épistome.
Un seul œuf plus ou moins développé ou nul.
La femelle de cette espèce se distingue facilement de la suivante par
sa forme générale, par une longueur un peu moindre avec une plus
grande largeur, par la forme ovoïde de l'abdomen, par la grandeur et la
disposition de l'épimérite en forme de fer à cheval qui entoure la vulve,
par l'absence de longs poils en dedans de ses lèvres, par l'absence de
poils dorsaux allongés autres que ceux qui sont au niveau de la deuxième
paire de pattes, sur la plaque dorsale de l’épistome, et enfin par la net-
teté des bords et la forme quadrilatère élargie en arrière de la plaque
granuleuse de la face dorsale de l’abdomen.
Femelles accouplées de la grandeur des femelles fécondées ou un peu
plus petites, larges seulement de 2 dixièmes de millimètre, semblables
en tout à celles-ci moins la vulve et les poils qui l’accompagnent ; deux
paires de poils fins et courts entre les épimères de la quatrième paire.
Plaque granuleuse de l’épistome rétrécie et arrondie en arrière, termi-
née entre les poils situés au niveau de la deuxième paire de pattes qui
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 511
ne sont pas insérés sur elle; pas de plaque granuleuse sur la face
dorsale du céphalothorax et de l’abdomen qui sont parcourus par des
plis fins et onduleux; plaque granuleuse latérale très-petite; épimères
de la première paire réunis en V sur la ligne médiane par leur extrémité
interne comme chez le mâle.
Nymyphes octopodes, de dimensions variant entre celle des plus grosses
larves et celle des femelles accouplées ; de même forme générale que
ces dernières mais beaucoup plus trapues, à abdomen plus court et plus
étroit, à extrémité mousse un peu tronquée, dépassée par une partie ou
par la totalité de la longueur du tarse des dernières pattes. Semblables
pour le reste aux femelles accouplées.
Larves hexapodes d’un blanc grisâtre, longues de 0"",20 à 0"",24,
larges de 0"",10 à 0"",12, de formes grêles, étroites, allongées ; abdo-
men notablement plus étroit que le céphalothorax, à bords droits, à ex-
trémité arrondie, un peu tronquée, portant seulement deux poils fins un
peu plus longs que le corps n’est large; toutesles pattes grêles incolores, les
antérieures peu tuberculeuses, les dernières n’atteignant pas ou atteignant
à peine et sans le dépasser le bout de l'abdomen. Épimères de la pre-
mière paire et plaque de l’épistome comme sur les nymphes; pas de
plaque granuleuse latérale ni dorsale. Elles n’ont pas les deux paires de
poils fins et courts sous l’abdomen enire les derniers épimères que pré-
sentent les nymphes.
Œuf ovoïde, long de 0,16 à 0"*,18, large de 0"",07 à O"",08.
Habite les tectrices du verdier (Ligurinus chloris Koch ex L. ou Frin-
gilla chloris, Temminck). Démarche lente pendant laquelle les poils
de la partie postérieure du corps traînent derrière l'animal (1).
‘+
1. ANALGES sociaLis, Ch. Robin (2).
Sarcoptides d'un gris roussâtre, de forme générale quadrilatère,
allongée, très-différente d’un état à l’autre, d’une longueur d’un demi-
millimètre environ, avec une petite dépression sur les flancs en avant du
troisième épimère, qui porte un poil à peu près aussi long que le corps
est large et un autre plus fin et plus court, Pas de sillon dorsal.
Rostre jaunâtre, nettement cordiforme, un peu étranglé à la base,
mousse au sommet, presque aussi long que large (6 centièmes de mil-
limètre de long sur 5 de large).
(1) Ilest nécessaire de signaler que dans les départements de l’est c’est l'oiseau
précédent qui est vulgairement appelé bruant, tandis que celui-ci (Bruant jaune,
Emberiza citrinella, L.) y reçoit au contraire le nom de verdier.
(2) Sucialis, qui vit en société (Ch. Robin, Comptes rendus, 1868, t. LXVI, p. 764).
C’est probablement le Derm. pici majoris de Bucholz (1870) dont nous n'avons pu
consulter le travail original et que nous ne connaissons que par les citations de
Andrew Murray (Aptera, London, sans date, 1877 probablement; in-12, p. 327).
512 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
Mandibules allongées conoïdes, à base peu renflée, à onglets à peine
dentelés.
Pattes à peine aussi longues que le corps est large, relativement grêles,
à cinq articles courts rendus très-anguleux par des tubercules chitineux
de couleur jaune d’ocre foncée, dont l’un est prolongé en une forte
pointe en dedans du bord externe du tibial des pattes des deux premières
paires.
Larves portant des ventouses incolores cupuliformes un peu allongées,
de largeur moyenne, munies à leur centre d'une petite griffe ou crochet
corné.
Épiméres et pièces solides du rostre et des pattes, d’une couleur ocreuse
très-prononcée. Le premier épimère envoyant une branche à la base du
palpe maxillaire correspondant et le deuxième une branche à la base de
la première patte d'une partet,de l’autre, sur les flancs, une petite plaque
granuleuse jaunâtre ne descendant pas jusqu'à la dépression latérale, à
bord inférieur concave et se terminant en pointe sur le dos chez la fe-
melle et carrément sur le mâle, avec un long poil immédiatement au-
dessous de son bord inférieur sur le mâle et sur la femelle.
Épimère de la quatrième paire articulé avec la branche inférieure du
troisième dont la branche supérieure latérale porte un poil fin à peine
aussi long que le corps est large et un autre au-dessus qui est plus
court.
Les autres dispositions différentes d’un état à l’autre.
Tégument transparent, assez rigide, à plis réguliers, fins, rapprochés ;
formant sur l’épistome une plaque granuleuse étendue jusqu’au niveau
des secondes pattes, où elle se termine carrément entre deux paires de
poils de chaque, côté, dont une très-longue; une étroite bande de plis
transversaux vientensuile et, au delà, une plaque granuleuse quadrilatère
pâle étendue jusqu’au-dessus de l'abdomen.
Anus en forme de fente longitudinale à la partie inférieure près du
bout de l’abdomen, qu’il atteint presque, avec une paire de poils fins
assez longs de chaque côté de la commissure antérieure (1).
Mâle trapu, très-différent des autres états de l'espèce, plat sur le dos
et sous le ventre, long de quatre à cinq dixièmes de millimètre, large
de {rois à quatre dixièmes, de formes lourdes. Pattes des deux paires
antérieures presque égales, avec un petit tubercule peu coloré à la partie
inférieure et externe de la hanche. Pattes de la troisième paire énormes,
faisant corps et en continuité avec la partie inférieure latérale iu cépha-
lothorax qu’elles semblent continuer, dépassant le bout des lobes de
l'abdomen de toute la longueur du tarse et même du tibial, avec une
forte pointe chitineuse en dehors du bord inférieur de cet article.
(1) Espèce voisine de l'espèce précédente en tout, mais d’un volume un peu plus
considérable et de forme plus allongée. Toutes deux ont dans l’abdomen, en arrière
de chacune des dernières pattes, la vésicule ovalaire pleine d’un liquide légèrement
citrin, réfractant faiblement la lumière, que portent beaucoup d’acariens.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 513
Épimères de la première paire réunis en V par la ligne médiane.
Épimères de la deuxième paire envoyant par leur extrémité inférieure
un prolongement recourbé en $, dirigé en dehors, qui se continue avec
la branche supérieure des épimères de la troisième paire dont la bran-
cheinférieure s'articule avec ceux de la quatrième paire. Pattes de la
quatrième paire insérées en dedans et au niveau des précédentes, plus
grêles, n’atteignant pas le bout de l'abdomen.
Organe génital court, placé entre l'insertion des pattes des deux der-
nières paires, jaunâtre, conoïde, à sommet mousse, avec une paire de
courts spicules à sa base, circonscrit par un épimérite jaunâtre en forme
de fer à cheval à branches rapprochées, à concavité tournée en arrière,
avec une paire de poils fins en dehors de ses branches. Deux ventouses
circulaires sur’les côtés de l’anus, avec un court spicule en avant et en
arrière de chacune d'elles, circonscrites également par un épimérite
jauuâtre disposé dans le même sens que le précédent, maïs plus grand
et à branches plus écartées.
Abdomen étroit, mince, foliacé, à côtés presque droits, bordé dans
toute sa circonférence par une bande chitineuse, jaunâtre ; divisé en ar-
rière en deux grands lobes triangulaires (pl. XXVIHII, fig. 4} terminés
en pointe transparente, portant chacun deux poils dont le plus exté-
rieur est gros et aussi long que le corps; bord externe de la base de
chaque lobe prolongé en deux pointes chitineuses portant chacune un
long poil flexible et un autre poil aussi long que le corps est inséré dans
la concavité qui sépare ces lobes. Poils latéraux, dorsaux, ventraux et
des pattes longs et flexibles. Poils ventraux situés entre le premier et le
deuxième épimère et entre le deuxième et le troisième, longs et flexibles.
Une paire de longs poils fins sur la face dorsale de l'abdomen, une autre
au niveau des paltes de la troisième paire et une au-dessous du bord
inférieur des petites plaques granuleuses latérales (1).
Femelle fécondée, longue de quatre dixièmes de millimètre ou environ,
large de 0"",15 à 0"",18; de forme générale quadrilatère, allongée, à
dos bombé et ventre plat; les pattes de la deuxième paire un peu plus
grosses que les premières, avec un fort tubercule incolore à la partie in-
férieure et externe de la hanche; les pattes des deux dernières paires
non tuberculeuses, plus grêles que les autres, les postérieures atteignant
à peine le bout de l’abdomen.
Épiméres des deux premières paires à extrémités internes libres, non
soudées l’une à l’autre en pièce sterniforme. Plaque granuleuse thoraco-
abdominale très-pâle, à bords souvent mal limités.
Vulve placée entre les épimères de la troisième paire qu’elle dépasse
en avant et en arrière ; longitudinale, à lèvres formées de deux plaques
chitineuses jaunâtres, longues, très-écartées, avec prolongement du té-
(1) L'existence de ces poils permet de distinguer facilement le mâle de cette
espèce de celui de la précédente.
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XII (1877), 33
514 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
gument, finement plissées dans l’angle rentrant qu’elles forment, etavec
deux poils fins en dehors de leur extrémité postérieure et deux autres
très-longs en dedans de ces extrémités; à commissure antérieure
surmontée d’un épimérite forhant un quart de cercle transversalement
placé, à concavité postérieure, à branches se prolongeant sous le tégu-
ment jusqu’à l’extrémité postérieure des lèvres, avec deux très-petits
poils au niveau de leurs extrémités.
Abdomen un peu plus étroit que le céphalothorax, mince, à bords pa-
rallèles, se retrécissant assez brusquement en arrière, à extrémité assez
nettement tronquée, légèrement bituberculeuse, mais sans prolonge-
ment tubuleux sur la ligne médiane, avec deux petits mamelons de
chaque côté, portant chacun deux longs poils flexibles dont le plus ex-
terne est plus long que le corps n’est large.
Un seul œuf plus ou moins développé ou nul.
Poils dorsaux longs et flexibles, une double paire au niveau des pattes
de la deuxième paire, une au niveau de celles de la troisième, une sur
la partie dorsale de l’abdomen et une sous le bord inférieur des pelites
plaques granuleuses latérales (1).
Femelles accouplées, de la forme et presque de la grandeur des femelles
fécondées, mais à extrémité de l'abdomen plus arrondie, sans l’être au-
tant que dans l’espèce précédente. Extrémité interne des épimères de
la première paire soudée en V sur la ligne médiane comme chez le
mâle; semblable du reste aux femelles fécondées, moins les organes
sexuels et leurs poils ; deux paires de poils très-courts el très-fins, rap-
prochés au niveau des épimères de la quatrième paire ; plaque granu-
leuse de l’épistome unguiforme, descendant jusqu'aux poils placés au
niveau de la deuxième paire de pattes, mais sans les porter; plaque
granuleuse latérale de l’abdomen très-petite, sans poil allongé au-des-
sous de son bord inférieur. Pas de plaque granuleuse sur la face dor-
sale de l’abdomen. |
Nymphes octopodes de dimensions variant entre celles des larves et
celles des femelles ; de même forme générale que ces dernières, mais
plus trapues, à abdomen plus arrondi, plus court, dépassé par les der-
nières pattes, à côtés un peu convexes, à extrémité mousse un peu dé-
déprimée sur la ligne médiane, avec deux paires de poils de chaque
côté.
Pattes de la deuxième paire un peu plus grosses que celles de la pre-
mière, sans tubercules à la base des hanches; pattes des deux autres
paires grêles presque semblables. |
Épimères de la première paire soudés en V sur la ligne médiane, en-
voyant un prolongement à la base du palpe maxillaire; épimères de la
deuxième paire libre, envoyant un prolongement à la base de la pre-
(1) L'existence de ces poils et les formes moins trapues, plus allongées, de ces
femelles permettent de les distinguer facilement de celles de l’espèce précédente.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 915
mière patte; épimères de la quatrième paire articulés avec ceux de la
troisième.
Pas de poils dorsaux au niveau de la troisième paire de pattes ni sur
. l'abdomen. Pas d'organes génitaux.
Plaques dorsales grenues, réduites à une seule unguiforme composant
l’épistome ; plaque granuleuse latérale très-petite.
Larves hexapodes semblables à celles de l'espèce précédente, mais un
peu plus grandes.
Habitat. On les trouve en petit nombre sur la caille, vivant en société
avec une grande quantité de Pterolichus claudicans, Ch. R. et en petit
nombre aussi’sur le Pic vert (Picus viridis L.) avec beaucoup de Pfero-
nyssus picinus Ch. Robin eæ Koch, soit dans les tectrices, soit entre les
barbes des rémiges (1).
Remarques. Les deux espèces précédentes sont à dos plat, à flancs
droits ; avec une pointe chitineuse sur le bord externe du tibial et du
tarse des quatre pattes antérieures à tous les âges, à mandibules peu
épaisses, peu renflées à la base.
Müle ayant le corps de forme générale quadrilatère, mais plus large
vers le niveau des pattes de la troisième paire qu’en avant et à flancs
droits, à lobes du bout de l'abdomen minces, transparents, foliacés, à
contour comme doublé, avec une forte pointe en dehors du bord infé-
rieur du tibial et du tarse des pattes des trois premières paires ; organe
génital circonscrit en avant par un épimérite en fer à cheval.
Femelle pourvue d'une plaque dorsale thoraco-abdominale et à épimé-
rite vulvaire soudé par ses extrémités aux lèvres de la vulve.
Malgré les différences de forme existant entre le mâle de l'espèce du
premier groupe et ceux des espèces du second, malgré l'absence du pi-
quant au tibial des grosses pattes de celui-là, les analogies de configura-
tion générale entre les femelles, les nymphes et les larves, sont trop
grandes pour qu'il y ait lieu d'élever au rang de genre chacune de ces
divisions.
On est forcé de le faire au contraire pour l’espèce décrite comme gé-
nériquement distincte à la suite des trois suivantes, bien que Koch l'ait
réunie à elles dans la quatrième section de son genre Dermalichus, di-
vision qu'il caractérise ainsi :
€ D. Le corps large, la troisième paire de pattes du mâle dispropor-
tionnellement épaisse et longue; la dernière paire mince et grêle : les
pattes de la femelle d’une longueur assez égale, les quatre antérieures
plus épaisses que les quatre postérieures » (p. 124) (2).
(1) Packard, dans le Guide de l'étudiant d’Insectes (Salem, Massachusetts, 1870),
figure sous le nom de Dermaleichus pici pubescentis un acarien parasite du Dryobates
pubescens, L., Pic de l'Amérique du nord, qui paraît bien être notre D, socialis,
(2) Outre ies deux espèces décrites plus haut, déjà vues par Koch, il décrit en-
core et range dans cette division (Uebersicht, Nürnberg, 1837, p. 125) les Derma-
516 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN, — MÉMOIRE
8. AnaLGes sivuosus, Mégnin (pl. XXVIII).
Cet Analges a la couleur, la taille, le port et le facies des grandes
espèces de la deuxième section ; mais il s’en distingue par des détails
anatomiques qui sont communs à tous les âges et aux deux sexes, et par
d'autres qui sont particuliers à chaque sexe. Les premiers sont : des
membres antérieurs très-forts et robustes dont le deuxième article est
arrondi en dessous, le quatrième n’ayant plus en dessous qu’un tout petit
aiguillon droit, mais inséré sur une énorme tubérosité ; les épimères de
la première paire de pattes sont soudés dans leur moitié postérieure sur
la ligne médiane en une pièce sternale impaire qui s’élargit en avanten
manière de collier; rostre plus large et plus volumineux; plastron cé-
phalothoracique spatuliforme, arrondi en arrière, ne présentant plus la
double nervure médiane du renforcement.
Mâle long de 0"",45, large de 0"",23 (sans les pattes), à lobes abdo-
minaux divisés peu profondément; ces lobes sont fortement échancrés
en dehors de manière à former des sinuosités profondes (fig. 5) (4), au
sommet desquelles s’insèrent les poils et les soies; tarse de la troisième
paire dominé à sa base d’un aiguillon long et arqué. Toutes les soies et
poils, du corps et des pattes sont longs et grêles.
Organe mâle entouré d’un cadre chitineux carré à angles arrondis.
Femelle ovigére ou fécondée, longue de0"",40, large de 0"",22, à mem-
bres antérieurs un peu moins robustes que ceux du mâle, les postérieurs
toujours grêles comme chez toutes les femelles du genre; vulve sous-
thoracique en forme d'ouverture angulaire à sommet antérieur, à lèvre
postérieure bordée de chaque côté d’épimérites s’élargissant en arrière ;
cette vulve est protégée en avant par un sternite transversal, arqué, à
concavité postérieure, dont les longues branches viennent rejoindre en
arrière les épimérites de la lèvre postérieure, en arrière de la vulve et
très-éloignée, une paire de poils.
Jeune femelle pubére ou accouplée, longue de 0"",35, large de 0"",20,
semblable à la précédente, dont elle ne se distingue que par l'absence de
vulve sous-thoracique, par un plus grand anus et par deux échancrures
symétriques intéressant le bord postérieur de l’abdomen en dehors de
l'insertion des soies anales, échancrures qui s’effacent progressivement
chez l’ovigère, à mesure que les œufs se développent.
Nymphe octopode, longue de 0"",30, large de 0"",18, semblable en
tout à la précédente, moins la grandeur de la fente anale.
Larve hexapode, longue de 0"",22 à 0"",30, large de 0"®,15 à 0""18,
leichus parinus de la mésange et D. fringillarum du Fringilla montifringilla. 1
nomme de plus, mais sans les décrire les D. tur dinus, laniorum, ioxiarum, colom-
binus, lelriginus, strigum. bubonis, aluconis, striginus, ululinus et incertus.
(1) D'où le nom de sinuosus,
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 517
diffère de la précédente en ce qu’elle n’a qu’une paire de pattes posté-
rieures et qu’une paire de soies anales.
OŒuf long de 0"",22, large de 0"",10, ovale, allongé, aplati sur une
face qui est l’inférieure, à enveloppe lisse et transparente. |
Hubitat. Cet Analges vit dans les plumes des oiseaux de proie noc-
turnes : Moyen-Duc, Effraie, etc.,et même de quelques diurnes, comme
la Buse.
1° Analges à lobes abdominaux réunis par une membrane mince
lobée qui les dépasse en tous sens (pl. XXIX).
Les Analges de cette subdivision présentent, outre le voile qui unit les
lobes abdominaux, un deuxième caractère tout aussi important, c’est
d’avoir aux pattes antérieures le deuxième et le troisième article soudés
en un seul, ce qui donne à ces membres l’apparence de n'être composés
‘que de quatre articles.
9. ANALGES vELATUS, Mégnin.
Sarcoptide gris roussâtre, pâle, ayant le port et le facies de ceux des
deux groupes précédents. Pattes antérieures grosses à la base, grêles à
l’extrémité, ayant l’article, résultant de la soudure des deuxième et
troisième, arrondi inférieurement (fig. 4); quatrième article muni infé-
rieurement et antérieurement d’un aiguillon fixe et droit un peu incliné
en arrière. Épimères de la première paire de pattes réunis sur la ligne
médiane. Plastron céphalothoracique simple, spatuliforme, non accom-
pagné de soies en arrière.
Mâle, long de 0"",38, large de 0"",23 (sans les pattes), troisième
paire de pattes plus courte que le corps d’un quart et plus grêle que
dans les genres précédents, à tarse arqué en dedans ainsi que celui
de la quatrième paire. Lobes abdominaux entiers ayant leurs deux soies
toutes deux terminales, recouverts par une membrane (1) qui les unit
et dont ils sont les extenseurs, qui les dépasse en arrière et par côté el
qui est festonnée en deux lobes symétriques. Plastrons latéraux trian-
gulaires, complémentaires du plastron céphalothoracique, protégeant
les côtés du corps en dessous des hanches de la deuxième paire de pattes.
Une seule paire de soies dorsales insérée près des hanches de la deuxième
paire de pattes; soies latérales infères et des membres comme dansles
espèces précédentes. Organe mâle entre les épimères de la quatrième
paire de pattes.
Femelle ovigére ou fécondée, longue de 0"",35, large de 0"",13, corps
cylindrique aplati de dessus en dessous, à extrémité postérieure arron-
die. Membres antérieurs plus grêles que chez le mâle, membres posté-
(1) D’où son nom de velatus, voilé.
518 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
rieurs très-grêles, de même longueur que les antérieurs. Vulve en ou-
verture angulaire entre les épimères de la troisième paire de pattes sans
sternite antérieur, mais à lèvre postérieure garnie d'épimérites.
Jeune femelle pubére ou accouplée, longue de 0"",27, large de 0"",13,
ne diffère de la précédente que par son corps moins long, son extrémité
postérieure presque carrée, aux angles de laquelle sont insérées les
soies; par une fente anale très-grande et par l’absence de vulve sous-
thoracique. Les pattes postérieures sont aussi beaucoup plus courtes.
Nymphe longue de 0"",25, large de 0"",13, octopode, ressemble tout
à fait à la précédente, n’en diffère que par sa fente anale moins longue
et moins évidente.
Larve longue de 0"",18 à 0"m,25, large de 0"",10, diffère de la nym-
phe en ce qu’elle n’a qu’une paire de pattes postérieures et qu’une paire
de soies anales.
Œuf, long de 0,18, large de 0"",10, ovale allongé, aplati sur une
face, à enveloppe lisse et transparente.
Habitat. L’Analges velatus vit dans les plumes des palmipèdes domes-
tiques en compagnie de l’Analges ginglymurus.
10. Anazces cexrropopus, Mégnin (pl. XXIX).
Analges très-voisin de l'espèce précédente, ne s’en distingue que par
une taille un peu plus petite, une coloration plus pâle et par quel-
ques caractères, communs aux deux sexes et à tous les âges, que présen-
tent les membres antérieurs. Ces membres sont plus grêles; l’article ré-
sultant de la soudure des deuxième et troisième présente inférieurement
et en arrière une tubérosité conique en forme d’éperon, dirigée en ar-
rière dans la deuxième paire (1) et terminée par un petit crochet re-
courbé en avant dansla première paire ; quatrième article ne présentant
pas en avant et en dessous d'’aiguillon, mais un petit mamelon conique
qui le rappelle (fig. 1 et 2).
Mâle, long de 0"",32, large de 0,16, plus rétréci dans les parties
postérieures que le précédent, à la troisième paire de pattes plus grêle,
ne dépassant guère le volume des pattes antérieures ou de la quatrième
paire, quoique toujours du double plus grande. Deux paires de soies
dorsales au lieu d'une seule.
Femelle ovigére ou fécondée (fig. 3), longue de 0,25, large de UT,
en tout semblable à sa correspondante de l'espèce précédente, sauf les
différences spécifiques déjà signalées dans les paites antérieures.
Jeune femelle pubére ou accouplée, longue de 0"",25, large de Owm,19,
mêrnes observätions que ci-dessus.
Il'en est de même de Ia nymphe octopode, de la larve hexäpode et de
l'œuf, qui ést semblable à celui de l’éspèce précedente.
(1) D'où son nom de centropodus, pied éperbnmé.swis 2 nn me ii, ,
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 519
Habitat. L’un de nous a rencontré cet Analges vivant en colonies nom-
breuses dans les plumes d’un Vanneau (Vanellus cristatus L.).
Nora. — Iei devrait prendre place la description du Dermalichus élon-
gatus qui figure dans notre tableau de la page 392, comme la dernière
“espèce connue du genre; mais nous devons dire que, lors de l’établisse-
ment de ce tableau, cette espèce avait été créée sur des individus appar-
tenant tous au sexe féminin et qui nous avaient semblé posséder les
caractères du genre Analges ; depuis nous avons récolté de cette espèce,
surtout des mâles. Leur étude nous a démontré que cette espèce n’ap-
partient pas au genre Analges (Dermaleichus de Koch), mais constitue
le type d’un nouveau genre que nous décrirons à la suite du genre
Pterophagus et sous le nom de genre Dermoglyphus.
(La fin au prochain numéro.)
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE XXVI.
Fic. 1. — Analges passserinus mâle, face inférieure. (Gross, 150 diam.)
FiG. 2. — Le même, face supérieure, (Même grossissement.)
Fi. 3. — Analges passerinus femelle ovigère, face inférieure, (Gross.
150 diam.) |
Fi, 4. — Le même, face supérieure, (Même grossiss.)
PLANCHE XXVII.
Fic. 1. — Anaïges cubitalis (Mégnin) mâle, face inférieure. (Grossissem.
150 diam.) |
Fic. 2. — Le même, face inférieure, (Même grossiss.)
Fic. 3. — Analges cubitalis femelle, ovigère, face inférieuge, (Même
grossiss.)
Fic. 4. — Le même, face inférieure, (Même grossiss.)
PLANCHE XXVIII,
Fic. 1. — Analges asternalis (Mégnin), lobes abdominaux du mâle.
(Gross. 150 diam.)
F1. 2. — Une patte antérieure du même. (Même grossiss.)
FiG. 3, — Analges oscinum, lobes abdominaux et patte postérieure du
mâle. (Même grossiss.)
Fic. À. — Analges socialis (Ch. R.), lobes abdominaux du mâle. (Même
gr'ossiss.)
F16. D. — Analges sinuosus (Mégnin), lobes ads du mâle, (Même
grossiss. )
520 MÉMOIRE SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES.
PLANCHE XXIX.
Fi, 1. — Analges centropodos (Mégnin), face inférieure. (Grossissement
150 diamètres.)
Fi. 2. — Le même, face supérieure. (Même grossiss.)
Fic. 3. — Analges centropodos (Mégnin), femelle ovigère, face infé-
rieure. (Grossiss. 150 diam.)
Fic. 4. — Analges velatus (Mégnin), un membre antérieur. (Même
grossiss.)
RECTIFICATION
Par M. MAREY
Dans un travail que j'ai publié dans le numéro de janvier et
février sous le titre suivant : Recherches sur les excitations élec-
triques, j'ai cité les recherches de M. Bowditch qui m’ont semblé
concorder par leurs résultats avec ceux que j'ai ébtenus, bien
que nos procédés expérimentaux fussent assez différents.
M. Bowditch m'a fait remarquer que j'avais mal interprété
l’une de ses figures, attribuant au cœur des systoles de plus en
plus énergiques à mesure qu’on augmente l’intensité des courants
excitateurs. Il s’agissait au contraire d’un accroissement de l’ex-
citabilité du cœur sous l'influence d’excitations successives, égales
entre elles.
À côté de cette juste réclamation, à laquelle je m'empresse de
satisfaire, mon savant collègue de Boston ajoute les réfiexions
suivantes que Je copie dans la lettre qu’il m’a adressée :
« Vous expliquez, de plus, l’inconstance que Bowditch a si-
» gnalée relativement à la manière dont le cœur réagit à des ex-
» citations qui suffisent parfois à provoquer sa systole, par l’hy-
» pothèse que les excitations trouvaient le cœur quelquefois
» dans sa phase réfractaire.
» J’ai travaillé pourtant toujours avec /a pointe du ventricule
RECTIFICATION. | 591
» qui n'offre pas de mouvements spontanés et qui ne peut donc
» pas présenter de phase réfractaire. »
J'ai cité textuellement cette phrase de M. Bowditch qui me
semble aller au delà des faits démontrés, car en opérant sur des
cœurs qui n'avaient plus de mouvements propres et sur des ven-
tricules réduits à leur pointe (la moitié la plus éloignée des
oreillettes), J'ai observé comme sur le cœur normal la période
réfractaire.
Ainsi, en provoquant une systole par une excitation artificielle .
et en envoyant une deuxième excitation au moment où le cœur
entrait en action, Je le trouvais réfractaire à cette excitation nou-
velle absolument comme Je l'avais observé dans le début d’une
systole spontanée.
Il semble donc que la période réfractaire appartienne au muscle
cardiaque lui-même, abstraction faite de toute innervation gan-
glionnaire ou extra-cardiaque, et qu’il suffise que le muscle soit
entré en raccourcissement pour qu'il cesse d’obéir aux courants
qui, pendant le repos musculaire, constitueraient, suivant l’ex-
pression de Bowditch, des excitations suffisantes.
ANALYSES ET EXTRAITS
DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS
La rétine de l'homme et des vertébrés, par Adolphe HanNOVER (1).
Le Mémoire (2) de M. A. Hannover sur la rétine del’homme et des vertébrés
se divise en deux parties, l’une histologique, l’autre historico-critique et
physiologique. Dans la première partie l’auteur étudie l’anatomie de l’or-
gane et choisit pour types le brochet, la grenouille, la poule et l’homme,
la connaissance de la rétine de ce dernier étant en définitive le but
qu'il voulait atteindre par ses recherches sur la rétine des autres ver-
tébrés. ILs’est servi surtout d'objets frais, quoique plus difficiles à observer,
pour écarter les erreurs commises par un grand nombre d’observateurs,
qui se sont servis d'yeux artificiellement préparés. Dans la deuxième
partie de son Mémoire, il a donné un aperçu général des faits constatés
par lui, qui serviront de base à l'analyse présente où il sera surtout
question de l’homme. Relativement aux observations faites par d’autres
auteurs, M. Hannover relève celles d’où les siennes ont pris leur point
de départ, ou qui l’ont conduit à d’autres résultats que ses prédéces-
seurs. Enfin il s’est assigné pour tâche principale de renverser la théorie
de MM. Müller et Schultze sur les bâtonnets et les cônes, considérés
comme des organes nerveux et comme constituant les extrémités pro-
prement dites des nerfs optiques.
LA
1
Parmi les onze couches de la rétine, qui en général ont le même
caractère chez tous les vertébrés, seules Les six internes, d’après M. Han-
nover, appartiennent à la partie nerveuse de la rétine, tandis que les
quatre externes constituent un appareil accessoire. La membrane in-
termédiaire forme la limite entre ces deux parties. Comme appareil
vraiment nerveux, on doit considérer : 1° la couche des fibres céré-
brales, 2° la couche des cellules cérébrales, 3° la couche granuleuse
et 4° la couche à noyaux interne.
4. La couche des fibres cérébrales. — Les fibres du nerf optique se dis-
(4) Paris, 1876, grandin-4 avec 6 planches.
(2) Nous nous bornons à donner ici le résumé succinet du contenu du remarquable
travail de M. Hannover et des opinions de l’auteur, en réservant sur elles toute ap-
préciation critique. (Les éditeurs).
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 523
persent sur toute la rétine, mais elles monquent complétement dans la
fovea et son entourage immédiat. Outre les fibres fines dont le nerf se
compose, M. Hannover constate chez l’homme, dans le bourrelet formé
par le nerf optique autour des vaisseaux centraux et dans l’espace entre
l'entrée du nerf optique et la tache jaune, l'existence de grosses fibres .
cérébrales à double contours ayant l’aspect ordinaire des tubes nerveux.
On en trouve aussi chez le brochet.
2. La couche des cellules cérébrales. — Ces cellules reposent sur la
surface externe de l’épanouissement du nerf optique; toutefois, dans
l’excavation formée par le nerf optique à son entrée dans l'œil, l’auteur
signale un groupe de ces cellules sur sa surface interne. Il montre que
les prolongements qui partent des cellules ne sont pas assez nombreux
pour pouvoir se relier à toutes les fibres cérébrales du nerf optique,
qu'ils en diffèrent par leur structure et leur marche, en un mot qu’ils
ne se continuent pas directement en fibres du nerf optique. Donc la
théorie de MM. Müller et Schultze, suivant laquelle l'impression Iumi-
neuse serait iransmise des bâtonnets et des cônes jusqu'aux cellules céré-
brales et, au delà, jusqu'aux fibres du nerf optique, comme par une
chaine complète, tombe dès qu'un des chaïnons est brisé et, d’après
M. Hannover, ce ne serait pas le seul.
3. La couche granuleuse peut être considérée comme ayant pour les
cellules cérébrales de l'œil la même valeur que la masse finement gra-
nulée de la substance grise du cerveau pour les cellules cérébrales qui
y sont logées. Les prolongements des cellules cérébrales s’y perdent. Cette
couche, chez certains animaux (les poissons et la grenouille), acquiert
une épaisseur considérable. On ne peut donc établir une transmission
par continuité de l'impression lumineuse à travers cette couche. Elle
manque dans la fovea.
h. La couche à noyaux interne est formée de véritables cellules céré-
_ brales, mais qui, en général, sont plus grosses que celles de l’encéphale
(myélocytes). Elles sont quelquefois munies de prolongements, mais
qui sont si rares, qu'une transmission continue de l'impression lumi-
neuse par eux est ici seulement fondée sur une probabilité. Chez les
poissons, ces cellules reposent dans une trame réticulaire, que l’auteur
trouve chez le brochet divisée en trois couches.
5. La membrane intermédiaire constitue une cloison indépendante entre
les éléments nerveux et non nerveux de la rétine. Elle est solide et con-
tinue, non formée d’un treillis, comme l’ont pensé quelques observa-
teurs; elle est surtout épaisse chez les poissons. A sa face interne
aboutissent les fibres radiaires, à sa face externe les filaments des bà-
tonnets et des cônes ; sa structure ne laisse pas présumer qu’il y ait un
passage de fibres à travers elle 2t encore moins de fibres nerveuses :
toute transmission nerveuse est donc arrêtée par la membrane intermé-
diaire. Elle manque en partie peut-être dans la fovea. Du reste, son
‘aspect, surtout lorsqu'on la regarde de face, semble indiquer un caractère
»
524 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
épithélial, c’est pourquoi M. Hannover croit que cette membrane méri-
terait le nom de pie-mére ou d’arachnoide de la rétine.
6. Les fibres radiaires sont une continuation de la gaine de tissu cellu-
laire qui entoure le nerf optique avant son entrée dans l’œil et qui
persiste sur le nerf après son entrée. Les fibres radiaires doivent donc
être considérées comme le névrilème des fibres cérébrales de la rétine, mais
ce névrilème a un développement extraordinaire. Ses fibres enveloppent
les faisceaux du nerf et pénètrent dans leur intérieur; mais on ne
trouve de cloisons complètes que dans le voisinage de la papille. Au
point d’épanouissement des fibres nerveuses, ce névrilème s’épanouit
également, ses fibres s’enfoncent à travers la couche des cellules céré-
brales, la couche granuleuse et la couche à noyaux interne, et aboutissent
finalement à la surface interne de la membrane intermédiaire, de sorte
que les éléments de ces couches n’ont pas de communication avec les
filaments des bâtonnets et des cônes. Les arcades qu'on voit sur des
coupes normales de la rétine sont dues aux fibres divergentes de deux
faisceaux contigus de ce névrilème. Comme d’autres fibres du tissu cellu-
laire elles sont munies de noyaux ovoides qui se montrent tantôt dans
l’une, tantôt dans l’autre des couches nerveuses que parcourent les fibres.
7. Membrane limitante interne. — D'après les recherches qu'a faites
l’auteur dans les quatre classes de vertébrés, il n’y a qu’une seule
membrane qui recouvre la surface interne de la rétine et la surface
externe du corps vitré, mais qui est revêtue d'un épithélium sur sa face
interne. Les franges qu’on peut trouver sur sa face externe sont des
fibres radiaires arrachées, dont les extrémités, en forme d’ombelles ou
d’arcades, sont adhérentes à la membrane et produisent un aspect aréolaire
avec de petits compartiments, surtout lorsque les yeux ont été durcis.
Ni les fibres radiaires, ni la membrane limitante interne ne sont de
nature nerveuse, bien qu’elles soient mêlées aux couches nerveuses ou
en étroite connexion avec leurs éléments.
II.
Les quatre couches externes qui ne forment qu’un appareil accessoire
de la rétine, sont : 8° la couche à noyaux externe, 9° la membrane limi-
tante externe, 10° la couche des bâtonnets et des cônes et 11° la couche
du pigment.
8. Couche à noyaux externe.— Cette dénomination collective, pour une
couche qui contient plusieurs éléments différents, n’est pas heureuse,
Elle renferme des corps ressemblant à des cellules, auxquels l’auteur
donne le nom de calottes (celui de balustres nous semble mieux appro-
prié), des noyaux et des fibres provenant des bâtonnets et des cônes. Les
calottes reposent par une extrémité plane sur la face interne de la mem-
brane limitante externe, chaque calotte correspondant à un cône; chez
la grenouille chaque calotte correspond à un bâtonnet, Du côté convexe
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 925
interne de chaque calotte part un filament. — Les noyaux, qui chez
la grenouille font place à de véritables cellules, varient beaucoup sous
le rapport de leur nombre; ils sont généralement situés sur les fila-
ments qui partent des bâtonnets ; mais dans les régions où il n’y a que
des cônes, par exemple dans la tache jaune, les noyaux sont libres
ou fixés aux filaments des cônes et ne peuvent plus en conséquence
conserver le nom de noyaux des bâtonnets. — Les filuments provien-
nent seulement des bâtonnets et des cônes; les fibres radiaires ne se
trouvent pas dans cette couche. L’épaisseur de la couche entière se dé-
termine d’après la longueur variable des filaments chez les différents
animaux ou dans le même œil; les filaments les plus longs se trouvent
dans la tache jaune. Comme tous Les filaments vont se fixer à la surface
externe de la membrane intermédiaire, ils ne sont pas en communication
avec les éléments nerveux en dedans de celle-ci, bien qu'on ait admis
ce rapport pour avoir une transmission continue de l’influence lumi-
neuse des bâtonnets et des cônes jusqu’à l'épanouissement du nerf
optique.
9. Membrane limitante externe. — Bien que cette membrane soit indé-
pendante, on n’a pas réussi à l’isoler; mais l’auteur à eu l’occasion
d'observer sa face interne, qui est couverte de petits monticules disposés
assez régulièrement en quinconce et répondant aux calottes des cônes.
Cette membrane s’observe encore plus distinctement chez le singe.
10. Couche des bätonnets et des cônes — a. Bâtonnets. — Leur forme pri-
mitive est celle de colonnes prismatiques. Chaque bâtonnet se compose
de deux parties. La partie extérieure plonge dans une cellule de pigment ;
elle est à l’état frais homogène et transparente, mais en vérité composée
de tranches empilées les unes sur les autres, et c'est seulement cette
partie qui, après la mort ou sous l’action des réactifs, subit les divers
enroulements, flexions, etc., que M. Hannover avait déjà décrits et repré-
sentés dans ses Recherches microscopiques sur le système nerveux chez
les vertébrés, 1844. — La partie intérieure ou segment interne touche la
membrane limitante externe ; elle est formée d’une enveloppe extrème-
ment mince et transparente renfermant un contenu à granulations très-
fines. Lorsque l'élément s'altère, l'enveloppe s’étire en un filament délié.
Chez.la grenouille cette partie esl pourvue d’un noyau, et le contenu
peut prendre la forme d’une espèce de lentille. Chez les oiseaux l’au-
teur a trouvé, au même niveau, un petit corps rectangulaire. La fibre de
Ritter, qu’il considère comme un produit artificiel, et les stries longi-
tudinales signalées également sur les bâtonnets proviennent en partie
du reflet des angles de leurs pans et peut-être aussi de l’empreinte des
cellules à pigment.
b. Côünes. — Chaque cône se compose de trois parties : une pointe, un
corps et son prolongement. La pointe est ordinairement simple, quel-
quefois double, en général conique, mais cylindrique sur les cônes très-
longs dès mammifères ; elle peut se courber ou devenir striée en travers.
026 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
La forme fondamentale du corps est telle que la coupe en est ronde ou
ovale ; quand il est double, les deux moitiés sont tantôt égales et étroi-
tement unies (cônes jumeaux), tantôt inégales et plus ou moins sépa-
rées. M, Hannover regarde le corps comme vésiculeux et pouvant, par
suite, se gonfler. Le prolongement est surtout distinct chez les poissons,
où se trouvent deux filaments déliés dans son intérieur. Par cette struc-
ture etsous beaucoup d’autres rapports, les cônes diffèrent des bâtonnets,
et il n’est pas exact de les mettre sur la même ligne. — Dans la partie
externe, au-dessous de la pointe des cônes, on trouve chez quelques
animaux un corps lenticulaire.
Chez les poissons les cônes jumeaux constituent la règle, chez les rep-
tiles et les oiseaux, il y a un plus grand nombre de cônes simples que
de cônes doubles ; l’auteur a aussi trouvé des cônes doubles chez l’homme.
À chaque cône correspond une calotte de la couche à noyaux externe.
Lorsque les cônes sont doubles, le cône secondaire diffère du principal
par sa forme et sa taille; chez les oiseaux, il en diffère par la couleur
du globule huileux. Ces globules appartiennent au corps du cône et sont
situés dans sa partie externe. La couleur et le nombre des globules ainsi
que le nombre relatif des bâtonneis et des cônes varient beaucoup chez
les différents animaux et même dans les différentes places du même
œil.
Pour réfuter la théorie de MM. Müller et Schultze l’auteur montre d’a-
bord que le caractère général des bâtonnets et des cônes est une très-
grande variabilité, tandis que les éléments du système nerveux central et
périphérique présentent dans les quatre classes de vertébrés des carac-
tères si constants, qu'il n’est pas possible en général de les distinguer
d’une classe à l’autre. Déjà pour ce motif il est hasardeux de regarder
les bâtonnets et les cônes comme des organes nerveux, ou d’en faire
l'appareil principal d’une fonction identique dans tout le règne animal,
surtout lorsqu'on trouve d'autre part, que, relativement aux cellules et
aux fibres cérébrales de la rétine, il existe une identité complète dans
les quatre classes de vertébrés, aussi bien qu'entre ces éléments et ceux
du cerveau. M. Hannover soutient donc que ni les bâtonnets et les cônes
ni les filaments qui en partent ne sont de nature nerveuse. Un autre ar-
gument contre la nature nerveuse de la couche des bâtonnets et des
cônes est encore fourni par les observations que l’on possède de rétines de
monstres anencéphales et hémicéphales, et par divers cas pathologiques.
M. Hannover conclut ainsi :
«De même que j'espère avoir déjà prouvé que la chaîne nerveuse que
» MM. Müller et Schultze ont essayé de construire avec les éléments de la
» rétine situés en dedans de la membrane intermédiaire est brisée dans
» chacun de ses anneaux, et que toute transmission continue doit
» s'arrêter à la membrane intermediaire, de même je crois avoir aussi
» démontré maintenant que les éléments situés en dehors de la membrane
» intermédiaire, à savoir les bâtonnets et les cônes, avec leurs noyaux,
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 927
» leurs calottes et leurs filaments, ne sont ni nerveux ni en liaison
» continue avec les éléments situés en dedans de la membrane intermé-
» diaire, Ainsi tombe toute la théorie de MM. Müller et Schultze de la trans-
» mission et de la perception de la lumiére à l’aide des bätonnets et des
» cônes considérés comme terminaisons du nerf optique. »
L'auteur incline à regarder les bâtonnets et les cônes comme une
formation épithéliale ; cette opinion n'exclut pas la possibilité qu'ils
aient en même temps un rôle accessoire dans la vision comme appareil
catoptrique ; il a déjà formulé cette doctrine en 1840.
11. Couche pigmentaire.— La forme fondamentale de la cellule à pig-
ment est le prisme à six pans, avec une hauteur très-variable chez les
différents animaux. La partie externe de la cellule, plus claire que la
partie interne, est sans doute toujours munie d’un noyau et solide; la
partie interne est membraneuse, ordinairement plissée en franges et
chargée de pigment. La longueur des franges, qui atteint le maximum
chez les poissons, décroît chez la grenouille et la poule; chez l’homme,
elles ne sont représentées que par des expansions fines et courtes. Ces
franges forment les gaines découvertes par M. Hannover, où les bâton-
nets et les cônes, plongent perpendiculairement et plus ou moins
profondément suivant la longueur de ces franges. Cette connexion
étroite entre les deux espèces d'éléments prouve que la couche pigmen-
taire appartient à la rétine, et ne peut plus être considérée comme ap-
partenant à la choroïde.
III.
Entrée du nerf optique. — Le tronc du nerf optique, chez tous les ver-
tébrés, est divisé en faisceaux, qui sont entourés de tissu cellulaire ;
lorsque le nerf s’épanouit sur la face interne de la rétine, ce tissu
donne naissance aux fibres radiaires. La structure des différentes mem-
branes qui entourent le tronc du nerf avant son entrée dans l’œil est
décrite avec soin par M. Hannover, de même que les rapports du nerf
depuis son entrée dans l'œil jusqu’à son épanouissement. Au fond de la
papille, l’auteur a trouvé un groupe de véritables cellules cérébrales.
Les grosses fibres cérébrales ont été déjà mentionnées (p. 523).
Tache jauné et Fovea. — La couleur, la forme et la grandeur de la
tache jaune varient. La fovea présente aussi une forme et une pro-
fondeur variables; si, comme l’auteur l’a proposé, on en fixe la limite
extérieure aux fibres cérébrales du nerf optique, le diamètre de sa sur-
face entière est de 1*",5 environ; si cette limite est déterminée d’après
l’absence de la couche à noyaux, la surface est réduite de beaucoup.
Les variations que l’on observe dépendent probablement de l’époque du
développement où la fente de l’œil s’est fermée.
On ne saurait en effet guère douter que la tache jaune et la fovea,
comme l’auteur a cherché à le prouver par leur relation avec le colo-
bome, ne soient des restes de la fente oculaire fœtale : il est certain
928 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
que la fovea est la localité la plus incomplète de toute la rétine, puisque
le nerf optique, la couche à noyaux et, en partie peut-être, la membrane
intermédiaire y manquent entièrement, sans compter que la couche des
cellules cérébrales est beaucoup plus mince au milieu de la fovea que
plus loin en dehors. Le grand accroissement que présente la partie
filamenteuse de la couche à noyaux externe, que M. Hannover a retrou-
vée plus considérable encore dans un œil colobomateux, montre aussi
que non-seulement la fovea, mais en même temps son entourage dans
une assez grande étendue, c’est-à-dire une partie notable de la tache
jaune elle-même, ne sont qu'une formation due à un arrét de développe-
ment. Par conséquent, comme non-seulement la tache jaune, mais aussi
son entourage dans une assez grande étendue, sont incomplets et per-
sistent à l’état fœtal, cette partie ne semble pas, d’après M. Hannover,
apte à être le siége de la vision distincte. Cela semble encore résulter
de l’asymétrie des parties. Il ÿ a tout d’abord manque de symétrie la-
térale dans la tache jaune. Tandis que les couches à noyaux externe, gra-
nuleuse et des cellules cérébrales ont à peu près la même épaisseur en
dedans et en dehors de la fovea, la partie filamenteuse de la couche
à noyaux externe est plus épaisse en dehors, et la couche du nerf op-
tique a en dedans une épaisseur plus que double. La pente des bords
de la fovea est plus raide en dedans. Il y a de plus manque de symétrie
entre les moitiés supérieure et inférieure : il existe une différence dans
la partie fibreuse de la couche à noyaux, dans la membrane intermédiaire,
dans l'épanouissement du nerf optique, et, croit aussi l’auteur, dans
l'épaisseur de la tache jaune prise dans son ensemble. Enfin, il y a
asymétrie dans la marche des vaisseaux (M. Hannover aurait depuis
la publication de son Mémoire trouvé cette asymétrie de la tachejaune
encore plus grande dans l’œil de divers singes.)
Les fibres cérébrales manquent complétement à 0"",65— 0,75 du centre
de la tache jaune; elles sont plus nombreuses en dedans qu’en dehors,
et, forment un arc dont la concavité regarde l'extrémité du diamètre
horizontal de la tache ; leur éloignement n'est pas le même en haut
eten bas. On peut d’ailleurs, par la rareté ou le manque complet des
fibres, décider avec assez de certitude à quelle distance de la fovea
a passé la coupe.
La couche des cellules cérébrales atteint sa plus grande puissance vers le
milieu des moitiés supérieure et inférieure de la tache à l'endroit où
le nerf optique commence à se montrer; elle décroit en dehors à la
périphérie de la tache et intérieurement vers la fovea, au fond de la-
quelle on ne trouve que 2-3 cellules superposées.
La couche granuleuse manque entièrement au niveau de la fovea.
La couche à noyaux interne n’est pas nettement séparée de la couche
de cellules cérébrales dans la fovea. Les fibres radiaires se montrent
seulement à l’apparition du nerf optique, mais manquent dans la fovea ;
plus est épaisse la couche d’épanouissement du nerf, plus sont fortes
les fibres radiaires, formant des gaines autour des faisceaux nerveux.
2
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, 929
La membrane intermédiaire disparaît à peu près complétement au
milieu de la fovea. Les calottes de la couche externe à noyaux sont si
petites qu’on dirait une rangée de noyaux, mais elles augmentent de
dimension en dehors de la tache jaune, à mesure que l'épaisseur des
cônes s'accroît. Les noyaux de cette couche sont rares dans la fovea,
mais augmentent en nombre sur ses bords, dans la tache. La partie
filamenteuse se compose seulement de filaments de cônes, ceux des
bâtonnets ne s’y trouvant qu'exceptionnellement. Ce sont principale-
ment ces filaments qui, par leur grand développement, sont cause que
la rétine est bien plus épaisse dans la tache jaune qu'ailleurs. La di-
rection des filaments à l’état frais et normal est sans doute la même que
dans le reste de la rétine, à savoir perpendiculaire entre la membrane
limitante externe et la membrane intermédiaire ; mais en général ils
se montrent sur les coupes plus ou moins obliques, dessinant une ligne
légèrement sinueuse, en forme de c ou d’s. Lorsque l’œil a été durci,
plusieurs filaments peuvent également se réunir en faisceaux ou se con-
tourner de manière à former une sorte de charpente; mais ce sont
seulement des produits artificiels. Cette couche filamenteuse n’est pas
nerveuse, et si la tache et la fovea doivent être regardées comme des
cicatrices, il ne sera plus étonnant que le tissu cellulaire y joue un rôle
prédominant. IL est fort possible qu'’outre les filaments de cônes nor-
maux, il y ait une formation de tissu cellulaire nouvelle. Dans un œil
colobomateux cette couche avait acquis une puissance extraordinaire.
La couche des cônes au niveau de la fovea contient les cônes les plus
longs et les plus minces. Le manque de bâtonnets dans la tache n’est
pas absolu, et, dans plusieurs cas, M. Hannover a vu distinctement, très-
près de la fovea, des bâtonnets isolés attachés encore à la membrane
limitante externe ; ils sont nombreux sur toute la périphérie de la tache
jaune. L'auteur a également trouvé des cônes doubles très-près de la
fovea. — La membrane limitante interne décrit une sinuosité profonde
pour former la fovea; et au même niveau existe une sinuosité moins
accentuée et en sens inverse de la membrane limitante externe. La dimi-
nulion d'épaisseur au fond de la fovea provient d’un décroissement de
toutes les couches, à l'exception de celle des cônes, dont la longueur est
au contraire plus grande au centre de la fovea qu'à sa périphérie. Mais
M. Hannover a trouvé que l'extrémité périphérique des cônes formait
également à ce niveau une surface légèrement concave. L’élasticité
de la membrane limitante interne, tendant à rapprocher les bords de
la fovea qui est l'endroit le plus faible de toute la rétine, détermine
sans doute la formation d’un ou de deux plis artificiels qu’on observe
assez souvent à travers toute la tache.
Ora serrata. — La dénomination de portion ciliaire de la rétine devrait
disparaitre de la terminologie anatomique ; car, à l'exception de la meim-
brane limitante interne qui n'appartient pas en réalité à la rétine, au-
cun des éléments de celle-ci ne s'étend plus loin que l'ora serrata,
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (4877), 34
530 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
qui est le bord nettement marqué, uni ou dentelé, par lequel elle se
termine en avant; il n’y a pas de transitions entre les éléments de la
rétine et ceux qui se trouvent sur le corps ciliaire.
La rétine, dans son ensemble, s’amincit en avant de l’équateur de
l'œil, mais cet amincissersent ne s'étend pas également à toutes ses
couches. La diminution porte surtout sur la couche de cellules céré-
brales, qui ne forment vers la périphérie de la rétine qu’un seul rang
d'éléments épars; le nerf optique est à peine visible. La couche gra-
nuleuse et la couche à noyaux externe conservent longtemps une épais-
seursnotable, puis vient la couche à noyaux interne. La partie filamen-
teuse de la couche à noyaux externe s’amoindrit souvent à ce point, que
les couches à noyaux interne et externe sont en contact l’une avec
l’autre, séparées toutefois par la membrane intermédiare, qui peut rester
distincte. La hauteur des bâtonnets et des cônes décroit dans une forte
proportion. Au bord même de l’ora se trouvent tous les éléments de la
rétine; ils sv arrêtent brusquement, et s’y montrent sous une forme
un peu différente de celle du reste de l'organe. M. Hannover a vu distinc-
tement des bâtonnets et des cônes sur l’ora serrata en un point où
l'épaisseur de la rétine atteignait à peine 0"",1. La membrane limitante
interne ne fait qu'un avec l’ora serrata, et on ne peut l’en séparer
qu’en l’arrachant; elle se divise sur l’ora même en deux lamelles,
entre lesquelles se trouve le canal circulaire décrit pour la première
fois par M. Hannover; il occupe sur la face antérieure du corps vitré à
peu près toute la place que n’occupe pas la fosse lenticulaire, c’est-
à-dire la partie ciliaire du corps vitré.
Il n'y a qu’un élément qui prenne de l'accroissement vers l'ora, à
savoir les fibres radiaires; elles dessinent, sur les coupes, des tunnels.
Ces tunnels s'élèvent extérieurement jusqu’à la membrane intermédiaire,
qui est bien distincte, et même jusqu'à la membrane limitante externe.
Par contre, ils n’atteignent pas en dedans la Membrane limitante in-
terne. Les fibres radiaires qui forment ces tunnels, sont fines, molles,
droites ou légèrement arquées, mais non sinueuses; elles sont réunies
par une petite quantité de substance intermédiaire et portent un nombre
très-considérable de noyaux ronds ou ovales, qui peuvent former des files
verticales entières. L'auteur ne décide pas jusqu’à quel point ces tunnels
sont normaux ou non.
Le bord libre de l’ora aboutit antérieurement vers l'iris à une couche
de cellules, qui recouvre la surface interne (postérieure) de la portion
non plissée du corps ciliaire. Ces cellules sont placées verticalement sur
le corps ciliaire, allongées, très-transparentes; elles contiennent un
grand noyau ovale qui repose presque directement sur le corps ci-
liaire. Lorsqu'on veut détacher ces cellules, elles s’étirent ainsi que
leur noyau, et la préparation peut leur donner une position oblique
ou les comprimer. Cette couche de cellules est, sur sa face interne
(postérieure), recouverte en entier par une masse claire, sans struc-
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 931
ture, de consistance gélatineuse, s’arrêtant à la membrane limitante in-
terne. Ces cellules ne sont pas réparties également sur toute la région
non plissée du corps ciliaire, mais sont disposées en rangées; les ran-
gées deviennent moins nombreuses, et les celiules elles-mêmes moins
hautes en avant, de sorte qu’en somme elles ne couvrent le corps
ciliaire que sur une étendue de 1"",5 à 2 millimètres en avant de
l'or. Ces cellules constituent une formation nouvelle et indépendante,
et ne proviennent pas, comme on le croyait, d’une modification d’un
des éléments de la réline. Ce qui a donné lieu à cette erreur, c’est que
le corps ciliaire, dans les yeux frais, apparait couvert d’une couche gri-
sâtre, qui adhère très-fortement à la membrane lhimitante interne, et
dont on ne voit clairement la structure que sous le microscope. Il s’en-
suit qu'il n'existe pas de porcion ciliaire de la rétine.
Sur l'unit: du type anatomique du placenta chez les mammifères
et l'espèce humaine, et sur l'unité physiologique de la nutri-
tion des fœtus chez tous les vertébrés, par le professeur Erco-
LANI, de Bologne (1876, in-4, avec planches).
ANALYSE PAR LE PROFESSEUR LOUIS VELLA.
La structure du placenta a été, l’année dernière, particulièrement
étudiée par M. Turner en Angleterre, par M. Külliker en Allemagne et
par M. Ercolani en Italie. Les travaux de ce dernier auteur sur cette
difficile et tres-grave question, commencés depuis 1867, reçoivent au-
jourd’hui dans le mémoire que nous tâchons de résumer, un important
développement, par lequel les nombreuses et délicates recherches d’a-
nalyse anatomique semblent donner la synthèse de la structure et des
fonctions d’un organe aussi important que le placenta. Ajoutons que les
observations faites sur les formes les plus simples et Les plus primitives
du placenta chez les poissons vivipares, ont conduit l’auteur non-seule-
ment à affirmer l'unité du type anatomique du placenta à travers toutes
les transitions des vertébrés ovipares aux mammiferes; mais en même
temps, à démontrer l’unité physiologique de la nutrition du fœtus chez
tous les vertébrés.
L'auteur divise son remarquable mémoire (Bologne, 1877, gr. in-4),
illustré de cinq planches, en deux parties. Dans la première il rassemble
et décrit une série de faits nouvellement observés, pour démontrer que
dans les points de l'utérus des femelles de certains rongeurs (Lepus, Mus,
et Cavia cobaia) où S'arrêtent les œufs, commence aussitôt après la con-
ceplion un procédé de destruction de la muqueuse utérine qui se
532 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
propage à toute la couche conjonctive en comprenant les glandes utri-.
culaires, les vaisseaux et les nerfs ;-et se continue jusqu'à mettre à nu la
surface interne de la couche musculaire. Ce fait digne d'observation et
qu'on rencontre avec tant d'évidence chez les rongeurs ci-dessus men-
tionnés, a une grande valeur : il démontre 1° que c’est une erreur de
croire que le placenta résulte de l’entrée des villosités fétales dans les
glandes utriculaires de la matrice; 2° qu'il n’est point vrai non plus que
le placenta ne soit autre chose qu’une tuméfaction ou transformation
des éléments préexistants de la muqueuse utérine ; et 3° enfin, que les
parties nouvelles, que l’on observe dans l'utérus en état de grossesse, la
caduque et le placenta, ne peuvent nécessairement dériver que ue
véritable néoformation. l
L'auteur suit dans toutes leurs particularités les phases des deux pro-
cessus de destruction et de néoformation, depuis les premiers moments
de la descente de l’œuf dans la matrice jusqu’à la constitution du pla-
centa plus spécialement chez les rats.
Chez la Cavia cobaia il remarque aussi et il décrit ce fait non encore
observé chez d’autres animaux, de la coexistence en un seul placenta
discoïde, de deux formes de placenta regardées jusqu’à présent comme
très-différentes entre elles, celle des ruminants et celle des animaux à
placenta unique avec enlacement très-serré des vaisseaux fétaux et
maternels.
Une fois ce fait établi que le premier processus dans la muqueuse
utérine après la conception est une destruction plus ou moins étendue
et profonde, mais dans tous les cas indispensable pour la néoformation
placentaire, l’auteur démontre qu'un processus destructif, identique par
son résultat final, existe également chez la femme, où la couche épithé-
liale de la cavité utérine disparaît et où la surface interne de la couche
musculaire utérine reste complétement à découvert.
Jusqu'à présent on ignorait l’origine réelle des cellules de la caduque
et du placenta; or, l’auteur en étudiant les phases initiales du déve-
loppement du placenta chez les lapins et la structure du placenta
complétement développé chez la chienne, montre que ces cellules
sont le produit d’une élaboration des parois externes des vaisseaux
placentaires qui sont eux-mêmes des produits de nouvelle formation.
En effet, en examinant leur structure on reconnait qu’extérieure-
ment ils sont entourés d’une couche de cellules particulières, cellules
déciduales, et qu'ils diffèrent des autres vaisseaux normaux de l’orga-
nisme des mammifères en ce que, artériels ou veineux ct quel que soit
leur volume, ils n’ont que la seule paroi endothéliale. C’est pour cela
que M. Külliker pensait que chez la femme la paroi endothéliale des vais-
seaux de la matrice se perdait dans les cellules de la caduque ; avec
plus de raison M. de Sinety, en France, a tout récemment affirmé (Ar-
chives de physiologie normale et pathologique, Paris, 1876, page 345) que
les cellules de la caduque forment une gaine circulaire autour des vaisseaux.
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 533
Ce fait, d’un très-grand intérêt, observé chez la femme est parfaitement
conforme à ce que M. Ercolani a démontré chez d’autres animaux . Il nous
suffit de rappeler que les premières recherches de l’auteur aussi bien que
les plus récentes ont été récemment confirmées et étendues à d’autres
animaux par le professeur Turner dans son ouvrage, Lectures on the
Comparative Anatomy of Placenta, Édimbourg 1876, où on lit, page 416 :
« Ercolani of Bologna whose memoires on the structure of the placenta in
various animals equal in importance and interest the classical essays of
von Baer and Ensschricht has given a most precise aspect to this question. »
L’’anatomiste anglais est arrivé lui-même à l’importante conclusion déjà
annoncée par M. Ercolani dans son premier mémoire : que l’on ne peut
pas se faire une idée exacte du placenta, si l’on oublie le rapport entre
une surface sécrétoire et une surface absorbante. L’oubli de cette no-
tion a dernièrement induit en erreur M. Külliker lui-même, qui jugea
que plusieurs animaux manquaient de placenta, chez lesquels on con-
state aisément le rapport entre une portion sécrétoire et une autre
absorbante, c’est-à-dire l’existence d’un vrai placenta.
L'opinion physiologiquement exacte de M. Turner, précédemment
émise par M. Ercolani, correspond anatomiquement à la notion d’une
simple villosité absorbante pour la portion fétale et sécrétante pour la
portion maternelle. M. Ercolani ayant une fois admis cette forme comme
typique et fondamentale chez les mammifères et l'espèce humaine,
rappelle comment dans les cas les plus simples de placenta diffus, tel
qu'on le trouve chez la truie, les villosités du chorion représentent la
forme typique assignée à la portion fétale, et comment les grandes
villosités utérines signalées par Bruck dans l'utérus de quelques poissons
vivipares nous donnent la forme typique et exacte de la portion mater-
nelle, En résumé l’auteur démontre que les villosités maternelles ou
-sécrétoires de la surface externe de la matrice, en se multipliant et en
s’assemblant de différentes manières, conservent toujours la forme typi-
que élémentaire de la villosité maternelle, même quand de leur union
résultent des cryptes ou follicules glandulaires simples ou bien des or-
ganes glandulaires composés comme chez les ruminants. De même, dans
la partie fétale, la forme typique de la villosité absorbante se maintient
exactement, que ces villosités soient simples ou réunies en touffes arbo-
rescentes.
Dans toutes ces différentes formes de placenta le rapport entre les deux
parties fondamentales se réduit à un simple contact et c’est pour cela
que, dans tous les cas, la structure glandulaire de la portion mater-
nelle reste toujours évidente : la villosité sécrétoire dans les états de
perfections divers qu'elle atteint, retient le caractère commun à tous les
organes sécrétoires de l’organisme.
Dans le placenta unique, zonaire ou discoïde, le rapport entre les deux
portions fondamentales ne change pas, seulement il s’établit d’une ma-
nière beaucoup plus intime, puisque la villosité fétale s’unit étroitement
53/ ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
avec la villosité maternelle. Dans ce cas l’anse vasculaire de la villosité
fétale perd son épithélium en venant au contact immédiat de l’épithé-
lium sécrétoire de la villosité maternelle : Ia disposition de cet épithélium
facilite et abrége l'absorption. Ainsi, dans Le placenta unique les portions
absorbante et sécrétoire ne manquent pas, mais leur rapport intime
cache au premier abord la structure glandulaire qui reste larvée, tandis
que dans d’autres formes plus simples elle est bien évidente du côté
maternel.
Quoique la répartition des vaisseaux du fœtus et de la mère dans l'in-
térieur des placentas uniques soit très-différente selon les cas, cepen-
dant l’union intime du vaisseau fétal dépourvu d’épithélium propre, avec
l’épithélium sécrétoire de la villosité maternelle persiste, toujours con-
stante et invariable.
Aux faits déjà connus à ce propos, M. Ercolani ajoute des observations
nouvelles sur le placenta de la chienne et sur la portion vasculaire des
enveloppes du cochon d'Inde, où les choses sont de toute évidence.
Chez quelques mammifères, les quadrumanes par exemple et la
femme, on rencontre une particularité essentielle dans la forme de
la villosité maternelle, qui consiste en une dilatation ou ectasie de son
anse vasculaire. C’est au moyen de cette dilatation, véritablement énorme
chez la femme, que les cellules de la villosité sécrétoire, c’est-à-dire
les cellules qui recouvrent les vaisseaux placentaires dilatés, sont portées
au contact des villosités fétales et les embrassent ; mais à part cette
dilatation vasculaire qui, chez la femme, apparait sous forme de lacune,
le rapport de la villosité fétale avec l’épithélium de la villosité maternelle
est tout à fait identique à ce qu’il est chez les autres mammifères à pla-
centa unique.
L'auteur, en poursuivant l’étude de l’ectasie des vaisseaux de la sé-
rotine chez la femme, en rapport avec la prolifération et l’accroissement
des villosités fétales, déjà décrite avec beaucoup d’exactitude et de clarté
par M. Ch. Robin depuis 1861, démontre comment les anatomistes, en
négligeant la recherche des phases évolutives du phénomène, ont été
conduits à imaginer une explication fausse du fait qui frappait seul leurs
yeux, à savoir la formation des lacunes. Il est positif cependant qu'aucun
anatomiste n’a indiqué d’une manière satisfaisante comment s'établis-
sent ces lacunes, et comment les villosités arborescentes y pénètrent.
Dernièrement M. Külliker a affirmé que, cela devait arriver par la des-
truction de quelques éléments de la portion maternelle et par la pres-
sion que les villosités exercent de leur côté en s’accroissant contre les
parties. Mais ce mode d'interprétation est pleinement contredit par les
observations faites dès 1861 par M. Robin, où celui-ci démontrait qu’il y
avait ectasie dans les vaisseaux maternels, même quand les villosités
fétales sont encore très-courtes. Tout le monde sait à présent que la
formation des lacunes commence avant la prolifération des villosités,
A l’appui de cette opinion, M. Ercolani rappelle ses observations sur la
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 539
caduque utérine, dans les cas de grossesse extra-utérine ; il établit que
cette caduque n’est autre que la portion maternelle du placenta de la
femme qui, dans cette circonstance, se développe isolément dans l’u-
térus, et présente un commencement de lacunes, bien que naturelle-
ment toute trace de villosité fétale manque. Aïnsi donc la formation
des lacunes se montre tout à fait indépendante de l'accroissement des
villosités fétales.
L'auteur recherche ce qui doit arriver selon les lois physiques les plus
simples lorsque, dans un espace borné, comme l’amas cellulo-vaseulaire
de la sérotine, vont s’introduire et s’accroitre les vaisseaux de la vil-
losité choriale, Nous serions entrainé trop loin à le suivre dans ces dé-
licates et difficiles recherches. Nous nous bornerons donc à reproduire
sa conclusion que voici :
Les villosités en croissant, pressent les parois des vaisseaux maternels
qui se dilatent ; ils doivent nécessairement pousser devanteux ces parois
et'la couche cellulaire qui les entoure. Si l’on examine le placenta de
l'espèce humaine quand il est complétement développé sans tenir compte
du processus ectasique des vaisseaux maternels qu’on sait aujourd hui
se produire dès le commencement de la grossesse, on retombe dans les
erreurs anciennes, à savoir : 1° que dans le placenta de la femme se
forment de vraies lacunes; 2° que les villosités fétales baignent di-
rectement dans le sang des lacunes; et 3° enfin, que les villosités
fétales sont pourvues d’un épithélium propre. Les parois simplement
endotéliales des vaisseaux placentaires ne se prêtant pas à un examen
facile et leur ectasie étant vraiment énorme, on se crut autorisé à ad-
mettre l'existence de lacunes sans rechercher le procédé de leur for-
mation. De plus, les larges communications ou trous dans les cloisons
des cotiledons, les observations de plusieurs anatomistes qui ont vu les
artères s’aboucher avec les veines par de grands orifices dans l’intérieur
du placenta, démontrent que même dans cet organe complétement
développé, les vaisseaux capillaires primitifs de la sérotine ont gardé leur
individualité. En un mot, ce n’est qu’une différence de degré avec les
faits que M. Robin a parfaitement décrits comme marquant le com-
mencement du développement du placenta. .
Lorsqu'on ignorait que le placenta était un vrai néoplasme formé, pour
la portion maternelle, par des vaisseaux munis d’une simple paroi endo-
téliale entourée d'une enveloppe cellulaire; et avant que l’on sût que,
dans tous les cas de placenta unique, les villosités fétales perdent l’épi-
thélium qui leur est propre, au contact de l’épithélium de la villosité
maternelle sécrétoire, c’est-à-dire des cellules de la caduque, les faits
qui démontrent chez la femme l'intrusion des villosités dans la cavité des
vaisseaux maternels dilatés, non-seulement ne pouvaient être clairement
expliqués, mais le défaut de nos connaissances à ce sujet, joint à la
croyance aux lacunes, faisait admettre que les villosités fétales baignent
dans le sang maternel, On sait que depuis longtemps plusieurs anato-
536 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
mistes pensaient que les villosités fétales chez la femme sont entourées :
de deux couches épithéliales, une profonde avec cellules nettement
distinctes, analogues à celles de la caduque, en contact direct avec la
villosité fétale ; et une seconde couche externe que tout le monde
appelle épithéliale, bien qu’elle n’ait aucune ressemblance avec les épi-
théliums puisqu'elle est diaphane, transparente, et ne laisse que diffici-
lement découvrir des noyaux. Or, selon M. Ercolani, cette couche exté-
rieure de l’épithélium des villosités n’est autre que la paroi endothéliale
modifiée du vaisseau maternel qui s’invagine par le procédé déjà indi-
qué ; et la couche profonde de la villosité n’est que la paroie cellulaire
primitivement extérieure du vaisseau maternel. En effet, en retournant
cette double enveloppe de la villosité fœtale comme le doigt d'un gant,
elle représenterait exactement la forme typique d'une villosité sécré-
toire.
Chez la femme la villosité fétale au contact de l’épithélium de la viilo-
sité maternelle, ou en d’autres termes des cellules de la caduque, perd son
propre épithélium, dont elle était revêtue dans les premiers temps de la
grossesse, avant qu'il s’établisse un rapport stable entre les deux parties
fondamentales du placenta. En un mot, on observe successivement le«
mêmes faits qui se présentent isolément dans les différentes formes de
placenta chez les mammifères. Chez la femme aussi bien que dans le pla-
centa unique de tous les mammifères, les rapports entre Les deux por-
tions fondamentales sont identiques. Les villosités fétales baignent dans
le sang de la mère et en sont cependant séparées soit par la paroi du
vaisseau soit par la couche de cellules qui l’environnent ; l’épithélium
que l’on regarde comme lui étant propre, appartient à la mère.
La seule différence entre le placenta unique d’un mammifère et celui
de la femme, que l’auteur a démontré être identique à celui des qua-
drumanes, consiste dans l’énorme ectasie des vaisseaux maternels, ec-
tasie dont on a du reste des traces dans les placentas uniques de quelques
autres mammileres.
La doctrine physiologique généralement acceptée que la nutrition
du fœtus des mammifères s’accomplit par un échange osmotique entre le
sang de la mère et celui du fœtus repose sur cette erreur de fait que
chez la femme les villosités baignent dans le sang des lacunes ; mais
en admettant même que cela fût vrai, la doctrine physiologique ne
serait vraie que de la femme et des quadrumanes, chez lesquels l’ectasie
énorme des vaisseaux maternels fit croire à ce qui n'est qu’une appa-
rence. Mais cette doctrine ne saurait être appliquée à tous les mammi-
fères à placenta diffus et multiple dont les villosités fétales baignent
dans un liquide spécial d’une composition chimique connue pour quel-
ques espèces, et que les anciens appelaient lait de la matrice.
Tout le monde sait que Cuüvier pensait que les marsupiaux pourraient
faire une classe à part et parallèle à celle des mammifères et qu’ensuit :
Owen s'appuyant sur une seule observation de la matrice en état de ges.
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 937
tation du kanguroo, établit la grande distinction entre Les mammifères à
placenta et les mammifères sans placenta ; l'auteur insiste sur la difficulté
d'admettre cette vue d’Owen que les marsupiaux manquent de placenta.
Quoi qu'il en soit, on aurait chez les marsupiaux le contact direct d’un
chorion dépourvu de villosités avec la surface interne de la matrice, dans
laquelle on sait aujourd’hui que les glandes utriculaires augmentent de
volume pendant la grossesse. Ainsi donc, même chez les marsupiaux, il y
aurait le contact d’une surface absorbante avec une surface sécrétoire, et
l’on aurait ainsi le fait caractéristique et fondamental qui distingue l'or-
gane placentaire. De plus, il y a maintenant les observations de M. Ercolani
sur les enveloppes du fœtus du mustelus lævis et celles de M. Bruck sur
d’autres poissons vivipares qui démontrent que ces enveloppes représen-
tent élémentairement et dansles formes les plus simples et rudimentaires
les différences extérieures que l’on rencontre dans le placenta des mam-
mifères. Les replis de la muqueuse utérine qui embrassent et renfer-
ment l'œuf dans les sacs utérins du mustelus lœvis reproduisent le fait
observé par Owen chezle macropus major ; etle placenta diffus des cétacés
et des pachidermes n’est qu’un degré plus parfait de cette forme de pla-
centa, de même que les grandes et nombreuses villosités qui se déve-
loppent dans le sac utérin de la plutalia altanela représentent la forme
initiale des placentas uniques d’une structure plus élevée et celle même
de l'espèce humaine.
Dans tous les cas, la substance nutritive est donnée par la mère et le
fœtus pourvoit au moyen de se l’approprier : sous ce point de vue
général la même loi physiologique régit la nutrition des vertébrés mam-
miferes et ovipares, avec cette seule différence que chez les premiers la
substance nutritive est fournie par la mère au fur et à mesure que les
fœtus en ont besoin pour croître, tandis que chez les ovipares la sub-
stance nécessaire au fœtus est donnée par la mère en masse et en une
seule fois sous la forme du contenu de l’œuf, pour le développement
complet du fœtus. Les formes extérieures changent donc, mais les lois
générales et communes de la nature qui règlent la nutrition du fœtus
chez tous les vertébrés ne changent pas.
538 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
Sur l'Eosine comme réactif de l'hémoglobine, et sur la genèse
des capillaires et des hématies chez les mammifères et l'em-
bryon du poulet (Ueber das Eosin als Reagens auf Haemo-
globin und die Bildung von Blutgefässen und Blutkürper-
chen bei Saeugethier-und Hühnerembryonen, par le D' N.
Wissozky, Docent der kaiserl. Univ. zu Kasan (Russland ).
(Archiv. für mikr. Anat. Octobre 1876.)
D'après des recherches faites à l’Institut anatomique de Strasbourg,
Wissozky tend à attribuer à un réactif récemment introduit en histo-
logie, l'éosine, une réaction spéciale sur l’hémoglobine.
En traitant par cette substance (éosine 1, alun 1, alcool, 200) le sang
des mammifères, on voit que les hématies prennent une couleur rouge
orangée caractéristique ; chez les batraciens, qui possèdent des globules
sanguins nucléés, l’éosine se fixe exclusivement sur le corps cellulaire,
en respectant le noyau qui reste incolore. De plus, lorsque les globules
ont perdu leur hémoglobine par suite d’un séjour prolongé dans l’eau,
l'éosine demeure sans aucune action sur eux, tandis que les granulations
pigmentaires éparses dans le liquide prennent la teinte rose avec un
léger reflet orangé. En employant la coloration double d’éosine et d'hé-
matoxyline, le corps cellulaire prend la couleur caractéristique de l’éo-
sine d'autant plus marquée que l'hémoglobine est mieux conservée,
tandis que le noyau est coloré en violet intense. La réaction est encore
plus nette sur des globules qu’on a laissés pendant une heure environ
dans le liquide de Müller.
Pour étudier comparativement la réaction de l’éosine sur les globules
blancs, Wissozky provoque une inflammation dans le mésentère d’une
grenouille, qu’il fixe par le liquide de Müller et qu’il soumet ensuite à la
double coloration. On remarque ainsi que les globules blancs ne sont
nullement modifiés par l’éosine, mais qu'ils prennent la coloration vio-
lette très-foncée des noyaux des hématies, ce qui semble indiquer entre
ces deux sortes d'éléments un certain degré de parenté. Les noyaux de
l’endothélium des vaisseaux et les corpuscules migrateurs sont colorés
de la même manière.
L'auteur, observant qu'il est facile, dès à présent, de différencier chi-
miquement les parties constituantes du globule rouge, passe en revue
quelques applications histologiques dont sa méthode lui paraît suscep-
tible. La combinaison de l’éosine avec l’hémoglobine fournit le moyen
de déceler des quantités fort minimes de cette dernière et permet, en
outre, de trancher un certain nombre de questions encore douteuses,
telles que les modifications du sang dans les diverses formes de la leu-
cémie et les maladies septiques, ainsi que le mode de formation des
vaisseaux et des globules du sang. C’est à ce dernier phénomène, étudié
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 539
sur des poulets et des embryons de lapin qu'a trait la seconde partie du
mémoire que nous analvsons.
Sur l'embryon de lapin l’auteur a choisi pour ses recherches la portion
rétrécie des enveloppes de l'œuf qui se trouve entre le bord du placenta
et le sinus terminal. Cet endroit est exceptionnellement favorable, car la
membrane y est très-transparente et le réseau vasculaire sv développe
assez tardivement, alors qu’on observe déjà une circulation complète
dans l’allantoïde.
Sur des embryons de 15 à 18 millimètres, cette membrane se compose
de deux feuillets difficiles à séparer. Le réseau vasculaire se trouve à
une phase plus avancée dans le feuillet superficiel, si bien qu’on peut
observer dans les deux couches des stades d'évolution très-différents. Les
éléments formateurs ou hématoblastes placés dans la membrane, ren-
ferment un ou plusieurs noyaux colorés en violet foncé, tandis que le
protoplasma finement granuleux du corps cellulaire présente une teinte
rose-lilas claire et très-irrégulière. Tantôt les bords de l’élément appa-
raissent si pâles qu’on a de la peine à les distinguer, tantôt c’est la masse
de protoplasma elle-même qui offre de place en place des taches claires
qui sont évidemment l'indice d’une répartition inégale de cette substance.
Il n'y à jamais aucune (race de membrane limitante.
_ La forme des hématoblastes varie à l'infini. Cependant on peut dis-
tinguer deux types principaux : 1° de petits éléments (3 à 15 z de
diamètre), arrondis, renfermant ordinairement un seul noyau; 2° des
cellules volumineuses (0"",21 de long sur 0"",045 de large) présentant
deux à six noyaux et émettant des prolongements lamelleux et ramifiés
ou des filaments grêles renflés de distance en distance. Ces dernières
correspondent aux cellules vaso-formatives de Ranvier, décrites aussi
par Leboucq. Entre ces deux catégories d'hématoolastes on observe toutes
les formes intermédiaires.
Le développement débute par une prolifération des petites cellules
rondes dont le noyau se segmente en même temps que le corps cellulaire
gagne en étendue, s’étire dans tous les sens et finit par prendre la forme
des grands hématoblastes ramifiés. Les prolongements s’anastomosent
entre eux et bientôt, en place d'éléments distincts, on a un réseau irré-
gulier et très-fin, offrant de place ên place des portions plus larges con -
tenant des noyaux; c’est le réseau primitif des hématoblastes. Dans le
stade suivant les filaments anastomosés ont augmenté d’épaisseur, les
renflements sont moins accentués, et il s’est constitué ainsi un réseau de
cylindres protoplasmiques parsemés de noyaux, ou réseau secondaire des
hématoblastes.
Pour se rendre compte de ces transformations successives, Wissozky
admet que les hématoblastes sont doués de mouvements amiboïdes ; il
insiste sur cette hypothèse qui lui paraît fournir l’explication la plus na-
turelle des faits.
Ce sont ces tractus hématoblastiques qui donnent naissance directe-
510 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS.
ment à des vaisseaux remplis de sang. Le phénomène se passe d’une ma-
nière analogue dans les enveloppes de l'œuf du lapin et dans l’allantoïde
du poulet. Dans leur épaisseur on voit un segment déterminé prendre la
teinte rose-orangée de l'hémoglobine et se transformer en globule rouge
du sang. Ceux-ci apparaissent d'abord comme des rondelles enlevées
à l’emporte-pièce, placées dans une lacune circulaire du protoplasma
dont les sépare une zone annulaire incolore. Ils sont généralement
isolés ; leur diamètre varie de 6 à 15 #. Dans quelques-uns d’entre eux
on distingue nettement un noyau étoilé avec un nucléole; sur d’autres
le noyau est moins visible ou même indiqué simplement par un amas
de granulations plus foncées que celles du corps cellulaire; on est donc
en droit de supposer que c’est ce dernier qui apparait en premier lieu.
Dans les parties non encore segmentées des lames hématoblastiques on
voit des lignes courbes foncées qui indiquent les limites des futures hé-
maties.
Ce n’est qu’exceptionnellement qu'on voit ces dernières naître dans le
réseau primitif des hématoblastes.
Quand une portion du réseau secondaire a ainsi donné naissance à un
certain nombre de globules, la substance qui sépare ces derniers se li-
quéfie ; ilse forme de la sorte des excavations qui se mettent en commu-
nication les unes avec les autres et constituent la lumière du vaisseau, en
même temps que le tube protoplasmique qui les entoure prend la struc-
ture des parois vasculaires. Les globules sanguins embryonnaires (em-
bryonale Blutzeilen) se segmentent par la suite, de façon à produire de
nouvelles générations d'hématies. C’est Remak qui a signalé ce fait en
premier lieu.
Les globules blancs apparais ssent par un mécanisme analogue dans
les portions du réseau hématoblastique qui sont dépourvues d’hémoglo-
bine. Les uns représentent de simples boules de protoplosma teintes en
violet par l'hématoxyline; les autres, plus nombreux, présentent un
noyau coloré d'une manière plus intense. Leur nombre diminue plus
tard, à mesure qu'ils se transforment en globules rouges. Ce change-
ment s'effectue exactement comme le dit Külliker (Zeitschr. für ration.
Med. 1v Band. 1846). La coloration de l’éosine se montre d’abord en
quelques points périphériques qui deviennent de plus en plus nombreux
et elle s'accentue à mesure qu’elle gagne les couches centrales. Le noyau
persiste avec son aspect primitif. L'auteur insiste, à la fin de son travail,
sur les différences notables que présente ce mode d’origine des vaisseaux
chez les animaux à sang chaud, lorsqu'on le compare aux faits observés
chez les batraciens (N. Wissozky, Rudneff’s Journal für norm. und path.
hist. und klin. Med. Petersburg, 1875). En effet, sur la queue des tê-
tards le sang arrive des parties centrales et pénètre peu à peu dans les
vaisseaux nouvellement formés. L'opinion d'Erb (D' W. Erb, zur
Entiw.-gesch. der rothen Blutkürperchen. Virch. Arch. Bd 34), qui sou-
tient que les globules sanguins primitifs proviennent tous des cellules
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 541
embryonnaires et que les hématies se développent toujours aux dépens
des leucocytes, est en contradiction formelle avec les observations expo-
sées ci-dessus. G. H.
. y\ . r
Des images réelles obtenues au moyen du microscope composé,
par M. G. HERRMANN (1).
La discussion suscitée par les recherches récentes de M. Favel, de
Caen, a remis en lumière certaines qualités des images microscopiques
fournies par les instruments actuellement en usage. Jusqu'ici on semble
s'être attaché surtout à fixer par la photographie l’image réelle produite
par l’oculaire. Il suffit de se rappeler les principes élémentaires de l’op-
tique pour se rendre un compte exact du mécanisme d’après lequel se
forme l’image photographiée par M. Fayel ; on reconnait en même temps
que le procédé de ce dernier n’est qu’un cas particulier d’une loi phy-
sique plus générale en vertu de laquelle il est possible de produire des
images réelles de plus en plus agrandies, au moyen de systèmes conver-
gents surajoutés au microscope ordinaire. Théoriquement, le pouvoir
grossissant des lentilles n’a point de limite.
Soit, en effet, un objet A placé très-près et un peu au delà du foyer prin-
cipal d’une lentille biconvexe L! faisant fonction d'objectif, et A’ l’image
amplifiée, réelle et renversée fournie par cette lentille. Si l’on vient
à placer un deuxième objectif L°? dans l’axe du premier (2), de telle
façon que l’image A’ vienne se former très-peu au delà du foyer princi-
pal de L*, par rapport à cette lentille, celle-ci donnera une nouvelle
image réelle A'’, plus grande que A’, renversée par rapport à cette der-
nière, et, par contre, droite par rapport à l'objet A. On pourra continuer
ainsi à superposer indéfiniment des lentilles biconvexes convenable-
ment espacées L3, Li, L5, etc... Si l’on affecte, comme ci-devant, le nu-
méro À à celle qui est la plus rapprochée de l’objet A, il est évident que
tous les verres portant des numéros impairs fourniront des images ren-
versées par rapport à l’objet; à l'inverse, tous les verres portant des
numéros pairs donneront des images renversées par rapport aux précé-
dentes et, par contre, droites par rapport à l'objet. Toutes les images
seront réelles et d'autant plus amplifiées que la lentille qui les aura
fournies portera un numéro plus élevé dans la série.
On voit au premier abord l'avantage considérable qu'il y aurait à pou-
voir appliquer ce principe dans la pratique des études microscopiques.
D'autre part, si l’on vient à abaisser la lentille L? de façon à ce que
(1) Cons. Fayel, Année médicale de Caen, mars 1876 et janvier 1877.
. (2) Pour la commodité de la démonstration, l'axe commun des diverses lentilles
est supposé vertical.
912 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
l’image A/ vienne se former entre elle et le foyer principal, cette len-
tille ne pourra plus fournir d'image réelle, et l'œil placé au-dessus
d'elle percevra une image virtuelle et amplifiée a’ de A", droite par rap-
port à A’ et renversée par rapport à l’objet A. Dans cette position la
lentille L? joue le rôle d’ocuhiire, et l’image a’ est l’image microsco-
pique ordinaire, telle que nous l’observons habituellement.
Chacune des lentilles supérieures à L?, prise séparément, pourra de
même être amenée dans une position telle qu’elle joue le rôle d’oculaire;
contrairement à ce qui a lieu pour les images réelles, ce seront les len-
tilles de rang pair qui fourniront les images virtuelles renversées, et les
lentilles impaires les images virtuelles droites par rapport à l’objet A..
M. Fayel ne procède pas autrement lorsque après avoir mis son micro-
scope au point de l’image distincte perçue par l’œil (image virtuelle et
renversée), il est obligé de recourir à une nouvelle mise au point pour
voir une image (réelle et redressée) se peindre sur l'écran de la chambre
noire placée au-dessus du microscope, Le changement est forcément mi-
nime, car il suffit que l’image réelle fournie par l’objectif et située
habituellement très-près et en deçà du foyer principal de l’oculaire, par
rapport à ce deruier, soit transpoitée à une distance infiniment petite
au delà de ce même point focal (1).
Si maintenant on essaye de déduire de ces données théoriques des pro-
cédés applicables dans la pratique, on voit qu’il y a de grands obstacles
à l'emploi d'un certain nombre de systèmes convergents superposés. Le
microscope pancratique de Fischer de Waldheim représente la dernière
tentative qui ait été faite dans cette voie. Cet instrument, composé de
deux objectifs superposés et d'un oculaire, avait l'avantage de donner des
images droites, mais ces dernières laissaient fort à désirer sous le rap-
port de la netteté et surtout de la lunuère ; en outre le champ microsco-
pique se trouvait extraordinairement rétréci. Faut-il considérer ces
difticullés comme insurmontables, ainsi qu'on parait l'avoir fait jus-
qu'ici? L'interposition, entre les deux objectifs, d’un verre de champ à
courbure convenable peut pallier d’une maniere sensible le rapetisse-
ment du champ. Nous avons remarqué en outre qu'on amplifiait beau-
coup l'étendue du champ et même le grossissement des objets en ren-
versant l'objectif placé au-dessus du verre de champ. Dans cette position
les deux objectifs se regardent par leur grosse extrémité, et le champ est
d’autant plus vaste que l'objectif supérieur est plus fort. Nous avons ob-
tenu ainsi, avec des objectifs de force moyenne, des images énormément
ampliliées, montrant, malgré le manque de netteté, des détails de
structure que n'avait pu révéler une lentille à immersion. Quant à l’é-
clairage, rien n’empêcherait de remplacer les petits miroirs sphériques
(1) Il nous semble qu’il suffit de bien préciser ce point relatif au changement de
position de l’image réelle par rapport au loyer principal de l’oculaire, pour lever tous
les doutes auxquels a donné lieu la méthode photographique exposée par M. Faÿel.
ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 043
annexés à nos microscopes par des réflecteurs paraboliques plus puis-
sants, capables de fournir une plus grande quantité delumière transmise.
Au besoin, on pourrait recourir à des lumières artificielles très-intenses.
Mais, même dans ces conditions, il nous parait douteux que l’on puisse
obtenir des images suffisantes comme neiteté, quoique assurément nos
objectifs actuels soient capables de fournir un résultat bien plus satis-
faisant que les lentilles fort imparfaites et à petit angle d'ouverture dont
firent usage les constructeurs du microscope pancratique.
Si l’on parvient à résoudre le problème, ce ne sera qu'en mettant au
service de l'expérimentation les ressources d’une technique perfectionnée
tant pour la dispo-ition des différents systèmes que pour la qualité même
des verres. En effet, la confusion croissante des images reconnait pour
causes principales l'absorption des rayons lumineux par les milieux
dioptriques, et la déperdition résultant des irrégularités de la transmis-
sion (dispersion, aberrations de réfrangibilité et de sphéricité, réflexion
partielle, etc. …)
C'est pourquoi l’oculaire dit Holoster, par exemple, ne peut être em-
playé que dans des conditions d’éclairage très-favorables. En résumé, le
pouvoir grossissant des instruments sera toujours en raison directe de la
qualité des lentilles.
Des accidents immédiats déterminés par les injections de fuch-
sine pure dans le sang, par MM. V. Fezz et E. Rirrer (Comptes
rendus de l'Acadénue des sciences. — Paris, 1877, in-4,
t. LXXXIV, p. 263).
Dans le cours de nos expériences sur l’action de la fuchsine non arse-
uicale introduite dans le sang, nous avons remarqué que les animaux
présentaient des accidents nerveux passagers, assez semblables à ceux de
l'ivresse alcoolique, même dans le cas d'injection des doses minima.
L'impossibilité de se tenir debout pour cause de paralysie ou d’agitation
convulsive des membres, la titubation ensuite, durent de cinq à dix mi-
nutes, L'intelligence ne parait pas troublée, car les animaux, dès que
l'on ouvre la porte du laboratoire, font d’inutiles efforts pour fuir. Nous
n'attachions que peu d'importance à ces phénomènes, que nous pen-
sions liés à des modifications de tension circulatoire, ou à la production
d’embolies capillaires.
Les faits suivants nous ont fait changer d’opinion.
1° Des injections d’eau distillée ou d’urine fraiche, filtrée à la tempé:
rature de 37 à 38 degrés dans le système veineux des chiens, en quan-
tités variables, mais ne dépassant pas le dixième du poids de l’animal,
ol ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.
font hausser la colonne mercurielle de l’hémo-dynamomètre de 4 à
2 centimètres au-dessus du degré normal, sans que les animaux pré-
sentent le moindre phénomène nerveux comparable à celui que l’on
observe à la suite d’injections de quelques centimètres cubes d’une solu-
tion aqueuse de fuchsine pure.
2° De nombreux essais d’injection de poussières organiques et inorga-
niques, tant dans le système veineux que dans le système artériel, nous
ont démontré que les accidents relevant d'embolies capillaires sont des
plus variables. La constance des phénomènes nerveux, consécutifs à l’in-
troduction de la fuchsine, démontre péremptoirement qu'il ne peut être
question de lésions emboliques pour les expliquer.
De par ces faits, nous nous croyons autorisés à donner comme cause
des phénomènes nerveux sus-indiqués l’impression directe du système
nerveux par la fuchsine même. Dans l'hypothèse de la possibilité de rat-
tacher ces accidents à de la fuchsine impure par suite de mélanges avec
des sels arsenicaux, nous avons fait quelques essais avec des solutions
d'acide arsénieux, d’arséniate de soude et d’arsénite de potasse injectées
aux doxes toxiques minima établies par notre préparateur, M. Rouyer,
sans Jamais Obtenir les symptômes nerveux que nous venons d'attribuer
à la fuchsine.
Le proprictaire-gérant,
GERMER PBAILLIÈRE,
PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2,
|
|
ÉTUDE
DE
QUELQUES ARRÉTS RESPIRATOIRES
APNÉE — PHÉNOMÈNE DE CHEYNE-STOKES
ARRÊTS RÉFLEXES DE CAUSE CARDIAQUE
Par le D' FRANÇOIS-FRANCK
[
APNÉE ET PHÉNOMÈNE RESPIRATOIRE DE CHEYNE-STORKES.
L'observation de deux malades atteints l’un d’urémie, l'autre
d’embolie cérébrale (1), et présentant le phénomène respiratoire
de Cheyne-Stokes, nous a conduit à étudier cette année un cer-
tain nombre de troubles respiratoires analogues chez les ani-
maux (2).
Dans les expériences que nous avons tentées sur cette ques-
tion, nous avons reproduit des modifications du rhythme respi-
_ratoire qui peuvent dans tous les cas se ramener aux termes
suivants :
1° Phase de respirations plus ou moins amples et rapides;
2° Phase d'atténuation, souvent de suspension complète des
mouvements respiratoires ;
3° Phase de reprise suivie à son tour d’une période d'arrêt
plus ou moins complet de la respiration. :
(1) L'examen de ces deux malades a été fait à l'hôpital de la Charité, dans le
service du professeur Hardy, avec notre ami, le docteur J. Renaut, alors chef de
clinique de la Faculté. Nous avons recueilli ensemble les graphiques des mouve-
menis respiratoires et des battements du cœur de ces malades.
(2) Ces expériences ont été faites en collaboration avec M. Cuffer, interne des
hôpitaux, qui a traité le sujet des accidents respiratoires de l’urémie dans un mé-
moire inédit présenté au concours pour Ja médaille d’or (Assist. publ., 1877). —
Dans le fasc. 3 des Arch. p. le :c. mediche (Turin, 1877), le prof. Luciani annonce
la publication prochaine d’expériences sur le phénomène de Cheyne-Stokes.
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — T, XIII (1877). 39
96 FRANCOIS-FRANCK. — ÉTUDE
$ 1. — Apnée consécutive à la trachéotomie.
Un exemple fera saisir l’'enchaînement de ces rhythmes respi-
ratoires et nous permettra de poser tout de suite la question du
mode de production de ces accidents. Il s’agit de l’apnée consé-
culive à la trachéotomie.
Le chien, fixé sur la gouttière, respirait régulièrement avant
la trachéotomie. On ouvre largement la trachée.et on y introdui,
une canule métallique &e fort calibre qui reste en place sans
ligature (1). L'animal fait quelques efforts, accélère sa respira-
tion et donne de vigoureux coups de diaphragme qui s'accusent
sur le tracé par les saccades des lignes d’ascension. Après quel-
ques instants de respiration rapide, très-ample, on voit s’allénuer
peu à peu les mouvements respiratoires, et cetle atténuation
aboutit à la suspension complète de la respiration qui s'éteint,
pour ainsi dire, et s'arrête après une expiration (2). La pause
respiratoire dure, dans l’exemple que nous donnons ici, seize
secondes ; puis les mouvements respiratoires reparaissent, super-
(1) L'absence de ligature autour de la trachée simplifie l'expérience en permet-
tant d'éliminer le traumatisme des filets du nerf récurrent dont on comprend souvent
des branches dans l’anse de fil glissée entre la trachée et l'œsophage. C’est dans
ce but que J'ai fait fabriquer une canule ayant la forme d’un T renversé quand
elle est en place. Elle est introduite par une boutonnière, et s’arc-boute sur l’angle
supérieur de l’ouverture de la trachée. Je me sers aussi, pour éviter l’excitation de
la muqueuse produite par le contact d’un corps étranger dans la trachée, d’une plaque
double à glissière qui reste fixée aux bords de la boutonnière trachéale (voy. Comptes
rendus du laboratoire de M. le professeur Marey. G. Masson, 1877). (Sous presse.)
(2) J'ai observé chez un enfant que j'opérais pour une laryngite œdémateuse,
une pause respiratoire prolongée à la suite de l'introduction de la canule. L’enfant,
très-remuant, fit quelques mouvements respiratoires rapides, et cessa tout d’un
coup de respirer. J’en étais fort inquiet, mais je remarquai que son visage, cyanosé
avant la trachéotomie, était redevenu normal et restait tel pendant la pause respira-
toire. Néanmoins on miten usage les moyens employés en pareil cas, et la respiration
reparut. Ce fait m'est revenu en mémoire à propos des expériences dont il est question,
et j'ai cru devoir le citer ici pour appeler l’attention sur ce phénomène de pause respi-
ratoire après la trachéotomic. Je n’ai point noté d’autres faits du même genre, et n’en ai
pas trouvé mention dans les auteurs ; mais il me semble probable qu’en observant les
enfants opérés aussitôt après la trachéotomie, on pourra constater le même phénomène,
si toutefois les enfants exécutent, après l'introduction de la canule, quelques grands
mouvements respiratoires,
DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES, 917
ficiels d’abord, plus profonds en-
suite ; 1ls atteignent une certaine
amplitude et vont en décroissant
pour aboutir à une nouvelle
pause. Les mêmes phénomènes
se reproduisent en s’enchainant
de la même facon pendant toute
la durée de lexpérience, à la
condition que lanimal reste
agité el exécute, au moment des
reprises, de grands mouvements
piratoires)
d'une période de reprise. Pendant cette reprise,
à un certain niveau, diminuer ensuite p
ar degrés. La suspension de la
respiration se reproduit après l’extinction graduelle de ces mouvements. (Courbes fournies par le pneumographe de Marey.)
resprratorres. Si, au contraire, il
se caline et arrive à respirer
avec une cerlaine lenteur, les
suspensions respiratoires ne se
produisent plus.
Dans toutes les expériences
que nous avons faites avec Cuffer,
nous pouvions prévoir presque à
coup sûr que nous obliendrions,
par le seul fait de la trachéoto-
mie, les désordres respiratoires
qui viennent d’être indiqués,
quand nous prenions un animal,
jeune, vigoureux, irritable ; si
le chien était âgé, d'un naturel
tranquille et indifférent, comme
beaucoup de chiens moutons ou
de chiens de berger, la trachéo-
tomie modifiait la respiration en
en diminuant la fréquence, mais
nous n'obtenions pas les pauses
que nous voulions étudier.
Cherchons à nous rendre
compte de la raison pour laquelle
l'agitation de l’animal et l’exagération initiale de ses mouvements
fait suite à une phase de respirations graduellement décroissantes, et est suivie elle-même
on voit l'amplitude des mouvements thoraciques augmenter jusqu’
Fic. 4. — Respiration thoracique d’un chien qui vient d'être trachéotomisé.£La période A (suspension complète des mouvements res
048 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE
respiratoires se sont montrées nécessaires à la production de ces
troubles respiratoires à retour périodique.
La première explication qui se présente à l'esprit c’est que
l'animal ayant introduit dans sa poitrine une grande quantité
d'air pendant la phase de mouvements respiratoires amples et
rapides, cesse d’éprouver le besoin de respirer, arrête sa respi-
ration pendant un temps correspondant à la durée de la consom-
mation de l’oxygène introduit dans la période respiratoire précé-
dente, et ne recommence à respirer que quand le besoin d’une
nouvelle hématose se fait sentir.
On voit que cette interprétation n’est autre que celle de Ro-
senthal pour PAPNÉE : la pause respiratoire que nous voyons
intercalée entre deux périodes de respiration serait une véritable
pause apnéique, c'est-à-dire une suspension de la respiration
due à l'introduction préalable dans le sang d’une quantité d'oxy-
gène surabondante (1). Ù
Cette hypothèse devait être soumise au contrôle de l’expé-
rience : |
1° Si on fait respirer à l'animal (2) un mélange d’azote et
d'oxygène dans lequel la proportion d'oxygène soit moitié
moindre que dans le même volume d’air normal, la respiration
reste accélérée, très-ample; on ne voit pas se produire de sus-
pension respiratoire.
Au contraire, quand on augmente la proportion d'oxygène pur
sans addition de gaz irritant, la pause respiratoire survient plus
tt et dure plus longtemps.
Il résulte de cette première expérience : 1° que la présence de
l'oxygène en quantité normale dans l’air inspiré est nécessaire
pour que la suspension de la respiration survienne aprés les
(1) Sur le mécanisme de l’Apnée. (Comptes rendus Soc. biologie, 1871, p. 134
à 1438.) Malgré les objections récentes de Pflüger (Arch. f. d, Gesam. Phys., XIV),
nous croyons toujours réel « l’emmagasinement d'oxygène » admis par Voit et Pet-
tenkofer.
(2) Le procédé qui nous a paru le plus simple pour réaliser cette expérience est le
suivarit : le pavillon de la canule trachéale est coiffé d’un embout métallique portant
deux soupapes qui s'ouvrent en sens inverse et qui sont en rapport par de larges
tubes avec deux récipients d’une grande capacité. Ces soupapes, d’une extrême sen-
sibilité, ont été construites par M. V. Tatin pour ces expériences,
DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES, 5h9
grands mouvements initiaux, 2° que cette pause est hâtée dans
son apparition et dure davantage si la proportion d’oxygène est
augmentée.
2° Quand on rétrécit la prise d’air de la canule trachéale de
façon que l'animal, malgré l’amplitude et la fréquence des
mouvements respiratoires du début, ne puisse introduire dans
sa poitrine qu’une quantité d’air relativement restreinte, la
pause respiratoire ne se produit pas; ou bien, si à la longue une
modification du même sens survient, ce n’est qu'une atténuation
des mouvements de la respiration, qu’on pourrait considérer
comme une conséquence de la fatigue.
Sur le même animal, au contraire, vient-on à découvrir com-
plétement le large orifice de la canule, la suspension respiratoire
ne tarde pas à se produire après une période de grands mouve-
ments. Dans cette nouvelle épreuve, on voit donc, comme dans
l'expérience n° 1, que la pause respiratoire est subordonnée à la
quantité d’air introduite dans le poumon, Si celte quantité d'air,
d'oxygène par conséquent, est très-considérable en peu de
temps, comme dans le cas de mouvements respiratoires profonds
et rapides chez un animal vigoureux et agité, il est à croire que
le sang se sature d'oxygène et que le besoin de respirer disparaît
jusqu’à ce que la provision soit épuisée ; de là la pause apnéique
suivie de réprise, | |
3° Ce qui précède nous amène à la comparaison des volumes
d'air inspirés pendant deux temps égaux, dont l’un correspond
à une période de respirations normales avant la trachéotomie, et
l’autre à une période de respirations rapides suivies d’apnée. De
cetle comparaison il résulte que pendant qu’il respire très-rapi-
dement et avec une grande amplitude, l’animal introduit dans sa
poitrine une somme de volumes d’air sensiblement égale à celle
qu’il inspire pendant un temps au moins double quand sa respi-
ration est normale, relativement lente, avant la trachéotomie.
On peut donc admettre qu’il s’agit dans cette question d’une
simple différence de répartition, et que la pause respiratoire ne
survient que comme conséquence d’une hématose antérieure
plus complète.
550 FRANCOIS-FRANCK. — ÉTUDE
h° Pendant la pause respiratoire qui s’observe à la suite de la
trachéotomie, quand on comprime les deux carotides par pince-
ment direct, sans tiraillement, on produit la cessation de l’apnée.
L'animal exécute des mouvements respiratoires énergiques peu
d’instants après la compression. On peut admettre que c’est à la
suppression de l’afflux du sang oxygéné dans l’encéphale qu'est
due cette reprise respiratoire. Du reste, dans les conditions ordi-
naires, l'animal respirant doucement, si on vient à comprimer
les deux carotides, on voit très-souvent la respiration s'accé-
lérer et prendre une grande amplitude. |
Nous nous trouvons autorisés, à la suite de ces épreuves suc-
cessives, à considérer comme répondant à la définition queRo-
senthal a donnée de l’apnée, la suspension de la respiration
revenant périodiquement chez un animal trachéotomisé, qui
respire avec une amplitude et une fréquence exagérées (1).
$S 2. —_ apnée à la suite de la respiration artificielle.
Quand on soumet un animal à la respiration artificielle sans
lui avoir fait subir d’autre opération que l'introduction d’une
canule dans la trachée, on le voit souvent, après quelques in-
stants de lutte, se soumettre au rhythme respiratoire qui lui est
imposé par le moteur. Vient-on à suspendre l’insufflation, l’ani-
mal reste sans respirer spontanément pendant un temps variable,
ordinairement de vingt à trente secondes (fig. 2). Cette pause
respiratoire est-elle du même ordre que celle dont nous avons
étudié les conditions ?
Sans doute, on doit a priori admeltre que dans ces exemples,
comme dans le cas de la trachéotomie, la pause respiratoire
résulte de l'accumulation dans le sang d’une quantité d'oxygène
surabondante. C’est ainsi du reste qu’on explique ordinairement
ce phénomène, et les auteurs allemands mentionnent la respira-
tion artificielle au nombre des moyens qu’on emploie pour pro-
duire l’apnée.
(1) Les mêmes effets se produisent quand on a soin de faire respirer à l'animal de
l'air chaud et humide : il ne s’agit donc pas d’une impression anormale produite à
lasurface intérieure du poumon et déterminant des arrêts respiratoires réflexes.
EE ——
DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 551
Nous verrons tout à l'heure pourquoi cette interprétation
parait devoir être acceptée, mais je tiens à présenter auparavant
quelques réserves.
La condition qui me semble essentielle pour que l’animal ne
FIG, 2. — Respiration thoracique (RT) et variations de la pression artérielle (lignt
supérieure) chez un chien auquel on pratique la respiration artificielle. Quand on
cesse l’insufflation (début du tracé), on voit se produire une suspension (A) de
la respiration spontanée qui ne reprend qu’à la fin du tracé. Les battements du
cœur sont transmis par l'appareil appliqué sur le thorax pendant la suspension de
la respiration. — La pression artérielle s’abaisse pendant la période A.
fasse pas de mouvements respiratoires spontanés quand on sus-
pend linsufflation trachéale, c’est qu’il se montre tout à fait
indifférent à ce qui se passe autour de lui, et se soit compléte-
ment abandonné au rhythme respiratoire imposé par le mouve-
ment du moteur. Cette absence de participation volontaire aux
actes mécaniques de la respiration est presque constante chez le
lapin ; elle est plus rare chez le chien qui réagit d'habitude au
moins pendant longtemps. Or c’est surtout chez le premier de
ces animaux qu’on observe ce défaut de reprise spontanée de la
respiration quand on cesse l’insufflation. On dirait qu’il est dés-
habitué de faire les mouvements nécessaires à l’acte respira-
toire, et qu’il ne recommence à les exécuter que quand le besoin
urgent s’en fait sentir. Cette condition d’indifférence chez l’ani-
mal me paraît se retrouver aussi chez l’homme dans certains cas
d’affaissement général, comme dans l’urémie, la méningite, la
fièvre typhoïde.
552 FRANCOIS-FRANCK. — ÉTUDE
J'aurai à revenir sur ce point à propos des suspensions respi-
ratoires étudiées avec Renaut sur les deux malades de la Charité.
Si done l’animal est en quelque sorte passif pendant l’expé-
rience, et qu’on arrête la respiration arüficielle, on voit le plus
souvent un temps assez long s’écouler avant qu'il n’exécute sponta-
nément un mouvement respiratoire. Tout en faisant la part de
la condition indiquée plus haut, il faut évidemment admettre
que la cause directe de ce défaut de respiration spontanée réside
dans l’oxygénation exagérée du sang.
I. En effet, si au lieu du mélange respirable on insuffle dans
le poumon un gaz comme de l'hydrogène ou de l'azote, jamais
on ne voit survenir la pause respiratoire quand on suspend la
respiration artificielle. Au contraire, l’animal exécute aussitôt
de grandes inspirations, et si l’on voit se produire consécutive-
ment un arrêt spontané de la respiration, il faut se garder d’at-
tribuer cet arrêt à l’insufflation précédente. L'animal a, en effet,
respiré avec énergie dans les instants qui ont suivi l’insufflation
d'hydrogène ou d'azote, et rentre par conséquent ensuite dans les
conditions de l'animal trachéotomisé dont nous avons parlé dans
le paragraphe 1; s’il présente une pause apnéique, c’est pour
les mêmes raisons.
La contre-épreuve de l'interprétation de la suspension respi-
ratoire après la respiration artificielle, est fournie par l’expé-
rience dans laquelle, au lieu d'air normal, on insuffle de l'air
surchargé d'oxygène. La respiration artificielle a besoin d’être
beaucoup moins prolongée pour que l’apnée spontanée se pro-
duise quand on vient à la suspendre.
Mais, je le rappelle, il est indispensable, quelle que soit l'oxy-
génation du sang, que l’animal soit tranquille pendant l’insuffla-
tion, sans quoi il continue à respirer, tout oxygéné qu’il puisse
être quand on suspend la respiration artificielle. C’est du moins
ce que nous avons toujours observé avec Cuffer, et j'ai sous les
yeux le relevé d’une expérience plus récente, dans laquelle j'ai fait
respirer à un chien vigoureux et remuant de fortes doses d'oxy-
gène sans obtenir un instant d’apnée; l'animal a même présenté
les accidents connus qui suivent la respiration prolongée de l’oxy-
gène à haute tension. |
DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 553
En résumé, la pause respiratoire qui s’observe quand on sus-
pend la respiration artificielle chez un animal, rentre bien dans
les conditions de l’Apnée. Mais, quand on ne l'observe pas sur un
animal intelligent et qui réagit, comme le chien, il faut attri-
buer l'absence de la pause apnéique à la résistance même de
l'animal qui continue à exécuter des mouvements respiratoires
malgré l’oxygénaätion.
S 3. — Apnée consécutive à l'excitation du hout cardiaque
du pneumogastrique.
L’excitation du bout périphérique du pneumogastrique pro-
duit, quand elle est assez intense, l'arrêt complet du cœur, l’ani-
mal continuant à respirer (1).
(1) Il y aurait lieu d’étudier avec grand soin les modifications respiratoires qui se
produisent pendant l'excitation du bout périphérique, même parfaitement isolé, du
pneumogastrique. Ce n’est point ici le lieu d’y insister, mais nous pouvons en dire
quelques mots en passant.
Cette excitation ne produit évidemment pas que des effets cardiaques ; bien sou-
vent elle s’accompagne de troubles du rhythme respiratoire et de mouvements géné-
raux analogues à ceux qu’on observe pendant l’excitalion faible du bout central du
pneumogastrique. En rapprochant cette observation du fait antérieurement constaté
par Arloing et Tripier, de l’existence de tubes nerveux récurrents, associant les deux
pneumogastriques à la périphérie, on peut comprendre le mode de production des
troubles qui surviennent pendant l’excitation du bout périphérique d’un pneumogas-
trique, l’autre nerf élant intact. Cette excitation porterait non-seulement sur des
tubes nerveux cardiaques, c’est-à-dire centrifuges, mais aussi sur des tubes nerveux
centripètes, constitués par des filets récurrents en continuité avec les tubes nerveux
ascendants du pneumogastrique. opposé. Il se produirait dans ce cas un phénomène
identique à celui qu’Arloing et Tripier ont les premiers démontré par l’analyse expéri-
mentale dans les nerfs des extrémités : la persistance de la sensation douloureuse
quand on excite le bout périphérique d’un nerf collatéral des doigts, les autres nerfs
collatéraux, ou un seul nerf collatéral, étant intacts. L'union périphérique des nerfs
sensibles rend compte de cette sensibilité récurrente à laquelle un nom nouveau,
d’une utilité tout au moins contestable, a été donné par M. Letiévant : celui de sen-
sibililé suppléée. |
Les troubles respiratoires réflexes dont nous parlons (et qui sont, au reste,
assez peu accusés pour passer souvent inaperçus) ne sont pas les seuls qu’on observe
pendant l'excitation du bout périphérique d’un pneumogastrique. Quand cette excita-
tion se prolonge et quand l’arrêt du cœur dure depuis quelques instants, l’anémie
des centres nerveux qui en résulte semble déterminer d’abord une amplitude exa-
gérée de mouvements respiratoires, ensuite des mouvements généraux avec désordres
considérables du rhythme de la respiration. Mais ce n’est là qu’une conséquence secon-
daire de l’excitation du bout périphérique du pneumogastrique : c’est le résultat de
l'arrêt prolongé du cœur subordonné lui-même à cette excitation.
554 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE
Pendant tout le temps que dure l’arrêt du cœur, la circulation
cardio-pulmonaire est nécessairement suspendue, et le sang qui
séjourne dans les vaisseaux pulmonaires se sature d'oxygène, la
respiration continuant.
Or, quand l'excitation du bout périphérique du pneumogas-
trique a cessé, le cœur reprend ses battements et lance dans les
artères du système aortique un sang dont la richesse en oxygène
paraît être la cause de la suspension respiratoire consécutive à la
reprise des battements du cœur (1).
Voici un premier exemple du phénomène.
Fic. 3. — R. C., courbes des mouvements respiratoires et des battements du cœu”
chez le lapin. On a produit l’arrêt du cœur par l’excitation du bout périphérique
du pneumogastrique ; quand l’excitation a cessé, le cœur a repris ses battements,
l’animal a exécuté deux ou trois mouvements respiratoires, puis à présenté une
phase d’apnée absolue (A) pendant vingt-cinq secondes.
FI6. 4. — R. T. Respiration trachéale d’un chien dont le pneumogastrique droit
(bout périphérique) vient d’être excité pendant dix secondes ; l'excitation cesse
au début du tracé. On voit qu'après deux grands mouvements respiratoires une
atténuation très-notable de la respiration se produit pendant la période A.
Dans l'exemple de la figure 3, la pause respiratoire a été par-
(4) Expérience de S. Mayer (Sitzb. der Wiener Akad, 1874, Lxx).
|
DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 555
faite. Quelquefois, surtout chez le chien, elle est moins complète,
comme on le voit dans la figure 4.
Mais, pour être moins accusé que dans l'expérience qui a
fourni le tracé n° 3, le phénomène est de même sens dans ce der-
nier tracé.
D'après son mode de production, cette pause respiratoire
rentre encore dans les conditions de l’apnée : c’est ainsi du reste
qu’elle est interprétée par les auteurs allemands qui se sont sur-
tout occupés de cette question.
$4.— Apnée à la suite de la reprise respiratoire qui suit l'arrêt produit
par l’excitation du tronc et du bout central du pneumogastrique,
L'excitation du tronc du pneumogastrique produit deux effets
simultanés : l'arrêt du cœur par excitation centrifuge des filets
cardiaques, et l’arrêt de la respiration par excitation centripète
des filets sensibles contenus dans le tronc du nerf pneumogas-
trique; cette excitation centripète se réfléchit sur l'appareil
moteur de la respiration et en produit l'arrêt, tantôt en inspi-
ration, tantôt en expiration. Cette différence dans la forme de
l'arrêt respiratoire avait été attribuée par Rosenthal à la diffé-
rence des points du nerf qu’on excitait par rapport aux laryngés ;
_ mais P. Bert a vu qu’en excitant le même point du nerf pneumo-
gastrique on pouvait produire l’une ou l’autre forme de l'arrêt
respiratoire suivant l'intensité de l’excitation. C’est ce que nous
avons également constaté dans ces recherches.
Quand, au lieu d’exciter le tronc même du pneumogastrique,
on en excite le bout central, l'arrêt respiratoire se produit seul
et le cœur continue à fonctionner. Les modifications qu’il subit
du fait même de l’arrêt respiratoire et peut-être aussi en raison
de l'excitation douloureuse des filets sensibles contenus dans le
pneumogastrique ne doivent pas nous arrêter ici.
Les seuls points qu’il nous importe de noter sont : 4° l’arrêt
respiratoire produit par l'excitation du tronc ou du bout central
du pneumogastrique; 2° les phénomènes consécutifs à cet arrêt.
1° L'arrêt respiratoire initial ne présente aucun point de
contact avec l’arrêt apnéique : il s’agit d’une suspension par voie
556 FRANCÇOIS-FRANCK, — ÉTUDE
réflexe, à la suite de l'excitation de nerfs sensibles, des actes mus-
culaires de la respiration : l'influence de la composition gazeuse
du sang n'entre point ici en ligne de compte.
2° Mais cet arrêt réflexe des mouvements respiratoires ayant
été prolongé un certain temps, quand on cesse l'excitation du
tronc ou du bout central du pneumogastrique, la respiration
reprend ample et rapide. Cette reprise dure un temps variable,
et est suivie d’une pause souvent absolument complète de la res-
piration. C'est ce qui s’observe dans l'exemple suivant (fig. 5).
Fig. 5. — R, T. Respiration thoracique d’un chien dont le bout central du pneu-
mogastrique droit a été excité pendant vingt secondes. La respiration était restée
suspendue pendant l’excitation ; elle a repris avec une grande amplitude, et une
grande fréquence après l'excitation, et cette reprise a élé suivie de la pause com-
plète A.
En examinant les circonstances dans lesquelles se produit la
suspension respiratoire dont nous venons de parler, nous voyons
qu'elle succède à une période de respirations amples et rapides;
nous pouvons faire abstraction des phénomènes qui ont précédé
et ne considérer cet arrêt de la respiration que comme la con-
séquence de la série de mouvements respiratoires pendant les-
quels l’animal à introduit dans son poumon une grande quantité
d'air oxygéné en peu de temps. Nous nous trouvons ainsi exac-
tement reportés aux conditions productrices de l’apnée après la
trachéotomie. Chez un animal agité, et sans autre démonstra-
tion, il serait très-légitime de considérer ces deux arrêts respi-
ratoires, celui qui se présente après les grandes respirations qui
constituent la reprise respiratoire quand l’excitation du bout
central du pneumogastrique est suspendue, et celui qui survient
DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 957
après les grandes respirations des animaux trachéotomisés,
comme des apnées véritables, identiques dans leur cause, Jar
suroxygénation préalable du sang artériel. |
Nous avons tenu cependant à vérifier par l'expérience l'identité
de ces deux arrêts respiratoires, et, sur le même animal qui se
prêtait, vu son état d’agitation, à la production de l’apnée consé-
culive à la trachéotomie, nous avons fait la comparaison suivante :
Les quantités d'oxygène inspirées et d’acide carbonique expi-
rées ont été dosées, soit pendant la période de grandes respi-
rations qui a suivi la suspension de l'excitation du bout central du
pneumogastrique, soit pendant la période de grandes respira-
tions conséculive à la trachéotomie. Ce dosage a été fait par le
calcul des volumes d'oxygène contenus dans l'air inspiré et par
la pesée de l'acide carbonique extrait de l’air expiré : la muselière
à double soupape, analogue à celle dont s'était servi M. Sanson,
a été employée dans cette expérience. Nous avons constaté que,
pour une durée égale de grandes respirations dans l’un et l’autre
cas, les quantités d'oxygène inspirées et les quantités d’acide
carbonique éliminées étaient sensiblement égales. Or, comme
l'expérience directe avait démontré (voy. $ 1) qu'il s'agissait
bien d’une véritable apnée à la suite de la trachéotomie, nous
croyons être autorisé à considérer comme pause apnéique la
Suspension respiratoire survenue chez le chien après les grands
mouvements qui suivent la suspension de l’excitation du pneu-
mogastrique [bout central (1)|.
Dans ces dosages de l’acide carbonique éliminé pendant les
périodes de mouvements respiratoires amples et rapides qui
sont suivies d’apnée, nous avons élé frappés de la quantité
considérable de ce gaz qui est expirée, et nous nous sommes
demandé si ces apnées ne seraient pas plutôt dues à l'élimination
exagérée de l'acide carbonique qu’à la suroxygénation du sang,
comme l'indique la théorie allemande.
C'est avec cette idée que nous avons fait sur nous-même quel-
(1) Des analyses comparatives des quantités d’oxygène contenues dans le sang ca-
rotidien avant et pendant les pauses apnéiques ont été faites à l’aide de l’oxyde de
carbone (procédé de C1. Bernard). Elles sont continuées à l’aide de la pompe à mer-
cure modifiée par Noël.
558 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE
ques expériences faciles à répéter, mais que le temps ne nous a
point permis de pousser assez loin pour donner aujourd’hui des
résultats précis.
$ 5. — Apnée produite chez l’homme par une série de respirations
amples et rapides.
Si on exécute un certain nombre de mouvements respira-
toires profonds et fréquents, on demeure ensuite souvent plus
d’une demi-minute sans respirer et sans en éprouver le moindre
besoin. Cette grande pause respiratoire est tout à fait analogue,
vu son mode de production, à celles que nous avons étudiées
dans les paragraphes précédents, et qui, toutes, sont survenues
après une série de respirations profondes et fréquentes. Or, la
quantité d'acide carbonique éliminé pendant qu’on fait ces mou-
vements respiratoires amples et rapides est beaucoup plus con-
sidéiable que celle qu'on élimine normalement dans un temps
égal à la durée des respirations fréquentes ajoutée à la durée de
la pause respiratoire qui leur fait suite. N'ayant pas d’évalua-
tions assez nombreuses et précises à présenter ici, JC me con-
tenterai d'indiquer le fait et la conséquence qui pourrait en être
tirée, s’il se vérifie au point de vue de la théorie de l’apnée
vraie : celle apnée est-elle due à l'augmentation de l'oxygène
dans le sang ou à une élimination plus considérable d’acide
carbonique (1)?
$ 6. — Phénomène respiratoire de Cheyne-Stokes observé chez deux
malades (urémie, embolie cérébrale).
On désigne souvent sous le nom d’Apnée le phénomène
observé chez certains malades, particulièrement chez ceux qui
sont atteints de lésions cérébrales, et qui consiste en une pause
respiratoire prolongée intercalée entre deux séries de respira-
tions (phénomène de Cheyne-Stokes).
Cette pause respiratoire mérite-t-elle en réalité le nom
(4) Suivant Ewald la quantité d'oxygène dans le sang serait plus grande et la
quantité d'acide carbonique moindre pendant l’apnée. (E. Cyon — Pfluger’s Archiv.
t. X, 4874.)
DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 559
d'Apnée? Ses conditions se rapprochent-elles de celles que nous
avons vues présider à la production de l’Apnée vraie?
Le premier malade que j'ai examiné avec Renaut (Charité,
salle Saint-Charles, 2) au mois de décembre 1876, était atteint
d'urémie. Il présentait de temps en temps une suspension com-
plète de la respiration durant en moyenne 10 à 15 secondes, et
pendant laquelle les battements du cœur conservaient leur régu-
_larité et le pouls ses caractères. La figure suivante contient les
tracés simultanés des pulsations cardiaques et du pouls caroti-
dien pendant cette pause respiratoire.
FiG. 6. — P,C. Pulsations cardiaques, et P. Car., pouls carotidien chez un urémique
pendant une grande pause respiratoire spontanée (Charité, Saint-Charles, 2. Tracé
recueilli avec M. Renaut).
La reprise de la respiration s’effectuait avec douceur et s'exé-
cutait lentement pendant 20 à 25 secondes pour faire place
ensuite à une nouvelle suspension de la respiration. Ces carac-
tères de la respiration au moment de la reprise sont indiqués
par le tracé suivant (fig. 7):
Ce type de reprise respiratoire diffère complétement, comme
on voit, de ceux que nous avons montrés dans les paragraphes
précédents : nous n'avons point ici ces reprises de la respiration
avec mouvements énergiques, rapides, graduellement croissants
et décroissants. [Il semble qu'il s’agisse d’un tout autre ordre
960 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE
de phénomènes, et la première idée qui se présente, c'est que ce
malade, plongé dans un état d’indifférence complète, apathique
comme un typhoïde, oubliait de respirer comme le typhoïde ou
le méningitique oublie de retirer sa langue quand on la lui a
fait rer hors de la bouche. Mais cette interprétation du phéno-
Fic. 7, — P.C. Pulsations cardiaques et pulsations carotidiennes (P. Car.) chez le
même malade pendant la reprise de la respiration R. (On voit ici les influences
respiratoires sur la pression carolidienne. )
mène de Cheyne-Stokes observé chez le malade de la Charité ne
devait point empêcher de chercher à se rendre plus rigoureuse-
ment compte des troubles respiratoires affectant ce type, et on
devait se demander si l’urémie par elle-même, indépendamment
des phénomènes d’adynamie dont elle s'accompagne, n’est pas
susceplible de déterminer des accidents de même nature.
C'est dans celte voie que M. Cuffer a exécuté quelques re-
cherches, tant au laboratoire du professeur P. Bert avec M. Jo-
lyet, que dans le laboratoire du professeur Marey, avec moi. Je
ne puis entrer dans le détail de ses expériences : je dirar seule-
ment qu'il a cherché à reproduire le phénomène de Chevne-
Stokes sur des animaux en les soumeltant, par exemple, à l’action
du carbonate d’ammoniaque en injections intra-veineuses,
d'après cette opinion de quelques auteurs, que l’urée non éli-
minée par les urines se transforme dans le sang en carbonate
d'ammoniaque chez les urémiques. Je donne ici l’un des tracés
DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 961
que nous avons recueillis dans une expérience de ce genre et
qui montre, en eflet, des périodes de suspension respiratoire
entre deux périodes de mouvements thoraciques. Dans la
figure 8, on voit les respirations thoraciques du chien avant
l'injection, et dans la figure 9, les troubles produits par l’in-
Jection de 0,25 centigrammes de carbonate d’ammoniaque.
FiG: 8. — R.T. Respiration thoracique du chien. avant l'injection de carbonate
d’ammoniaque.
Fic. 9. — Respiration thoracique et phases de suspension complète de la respira-
tion (A,A) chez le même animal cinq minutes après l’injection de 25 centigrammes
de carbonate d’ammoniaque dans la veine fémorale. Pendant les périodes AÀ,A,
les battements du cœur se transmettent à l’appareil explorateur de la respiration.
Ces périodes de suspension respiraloire (fig. 9) ont bien tous
les caractères des périodes d’Apnée vraie : elles succèdent à de
orands mouvements spontanés et nous rappellent tout à fait
celles qui s’observent aprés latrachéotomie (voir $ 4); mais elles
sont différentes, précisément à ce point de vue, de celles qu’a
présentées le malade atteint d’urémie, et je crois que, jusqu'à
plus ample démonstration, il serait juste de ne point désigner
sous le nom d’Apnée les suspensions respiratoires du genre de
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. —- T, XIII (1877). 36
562 = FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE
celles que nous avons observées, si l’on veut conserver au terme
Apnée la signification bien déterminée que lui à donnée Ro-
senthal. C’est dans le même sens que plaidait Filehne (1) en
distinguant parmi les arrêts respiratoires ceux qu’on doit dési-
gner sous le nom d’Apnée vraie et ceux qui relèvent d'autres
causes que de la modification gazeuse du sang (suroxygénation).
Gette réserve peut ne pas paraître légitime au point de vue
rigoureux de l’étymologie, mais on a pris aujourd’hui l'habitude
de désigner par le terme d’Apnée un arrêt respiratoire en rap-
port avec un certain état du sang, et on dit souvent « sang
apnêique » pour «€ sang oxygéné »; la lecture d’un grand
nombre de travaux deviendrait fort difficile si nous ne nous con-
formions pas à l'usage établi, et, puisque le mot correspond à
une idée déterminée, il semble juste de ne l'appliquer que dans
le sens indiqué.
Nous avons encore observé avec Renaut. ces pauses respira-
toires, dont le mode de production reste à déterminer et qui
caractérisent le phénomène de Cheyne-Stokes, sur un second mà-
lade de la Charité atteint de lésion mitrale avec embolie dans la
sylvienne gauche (Charité, salle Saint-Charles, n° 20). Les deux
figures 40 et 11 correspondent l’une à une période d'arrêt res-
piratoire complet se continuant insensiblement avec la reprise
de la respiration (fig. 10); l’autre à une période respiratoire
bien établie après une reprise graduelle (fig. 44). |
On ne retrouve pas plus chez ee second malade que chez le pre-
nier le type des Apnées véritables dont j'ai donné des exemples ;
les pauses respiratoires survenaient graduellement, par atténua-
tion progressive des mouvements respiratoires; la respiration
renaissait ensuite doucement, sans fréquence ni amplitude exa-
gérée. Les raisons que je donnais tout à Pheure pour ne point
désigner les pauses respiratoires du malade atteint d’urémie
sous le nom d’Apnée me semblent également valables dans ce
second cas. L'état adynamique était tout aussi marqué chez le
dernier malade que chez le premier, et c'est peut-être simple-
(4) Filehne, Reichert und du Bois Reymond’s Archiv, 1873, p. 361 à 381 (anal,
in Revue des Sc. méd. Hayem, 1874).
063
ES ARRÊTS RESPIRATOIRES.
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A
à l'absence de participation volontaire aux actes qu'i.
564 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE
accomplissait qu’il faudrait attribuer ces suspensions de la res-
piration. Du reste, on peut noter ce caractère de l'indifférence et
de l'abattement du malade dans plusieurs observations de phé-
nomène respiratoire de Cheyne-Stokes, et, si l'attention était
dirigée de ce côté, 1l est probable qu’on retrouverait ce phéno-
mène dans plusieurs maladies présentant le même caractère
d’adynamie, la fièvre typhoïde, la méningite, etc. Ce qui est cer-
tain. c’est que nous ignorons complétement le mode de produc-
tion de ces troubles si curieux de la respiration et que la cause
des arrêts respiratoires de ce genre semble tout à fait différente
de celle qui est acceptée pour l’Apnée proprement dite.
IT
ARRÊTS RESPIRATOIRES RÉFLEXES D’ORIGINE CARDIAQUE.
L'arrêt brusque de la respiration se produit chez l’homme et
chez les animaux dans un grand nombre de circonstances, et
particulièrement sous l’influence de l'excitation vive et soudaine
des nerfs sensibles.
Le mécanisme de ces suspensions de l’acte respiratoire sur-
venant en réponse à des excitations périphériques consiste tou-
jours en un acte réflexe dont la voie de transmission centripète
est le nerf sensitif impressionné, dont le centre de réflexion est
dans les centres respiratoires bulbaires et dont les voies de ré-
flexion centrifuges sont les nerfs qui commandent aux muscles
respiratoires, particulièrement les nerfs phréniques.
On peut dire qu’au pointde vue de ces relations avec l'appareil
musculaire de la respiration, les nerfs sensibles fortement excités
sont tous des nerfs suspensifs des mouvements respiratoires,
agissant sur les muscles par voie réflexe, tout comme les nerfs
dépresseurs agissent sur l'appareil musculaire des vaisseaux.
Dans le grand groupe des nerfs de sensibilité générale dont
l'excitation est suivie de l'arrêt respiratoire, il en est un certain
nombre qui empruntent une importance loute spéciale à leurs
rapports avec l’appareil de la respiration : ce sont les filets sen-
sitifs de l'arbre respiratoire lui-même, appartenant tous aux
DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. | 565
nerfs pneumogastriques, jouissant au maximum de cette pro-
priété réflexe, dans le larynx et dans les petites bronches, c’est-
à-dire aux deux extrémités de l'appareil respiratoire. L’attention
a été suffisamment atlirée sur ces filets pour que je n’aie point à
y insister ici. (Voyez les recherches de MM. Bert, Rosenthal,
Jolyet, etc.) |
Mais je désire présenter les expériences qui m'ont fait ad-
mettre des filets sensitifs du même ordre, dans les parois car-
diaques elles-mêmes, filets reliant la surface interne du cœur à
l'appareil musculaire de la respiration et déterminant par voie
réflexe, comme les autres nerfs sensibles, l'arrêt respiratoire en
inspiration quand leurs extrémités intracardiaques sont sou-
mises à une vive excitalion. |
L’un des moyens les plus sûrs de provoquer la mise en jeu de
ces filets sensibles de l’endocarde est d’injecter, par une jugu-
laire, une petite quantité d’une solution concentrée de chloral :
les doses qui d'habitude produisent l'effet indiqué sont : pour le
lapin, 0,35 centigramimes d’hydrate de chloral dans 1 centi-
mètre cube d’eau, et pour le chien 0,60 centigrammes dans
0",025 cubes d’eau distillée.
En même temps que l'arrêt respiratoire, se produit l’arrêt
plus ou moins prolongé du cœur : ces arrêts reconnaissent tous
les deux pour condition de production un acte réflexe d’un mé-
canisme spécial (1) ; je n’insisterai dans cette note que sur le
mécanisme de l’acte réflexe qui provoque l'arrêt respiratoire.
Expériences sur lesquelles est fondée l'existence de nerfs cardiaques centri-
pêtes provoquant par voie réflexe l’arrét de la respiration.
I. Lapin adulte. Manomètre en rapport avec la carotide ; appareil ex-
plorateur de la respiration et des battements du cœur placé autour de
la poitrine; canule dans la jugulaire.
a. Injection brusque de 20 centigr. d'hydrate de chloral dans { centi-
mètre 4/2 cube d’eau distillée. —’Arrêt brusque de la respiration et du
cœur, — Reprise au bout d’une demi-minute.
(4) Voy. Troquart, sur l’action cardiaque du chloral. Th. Paris; et mémoire sur
le même sujet dans les Comptes rendus du laboratoire du prof. Marey. G. Masson.
1877. (Sous presse.)
566 FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE
b. Pour être bien eertain qu’il s’agit en effet d’une impression causée,
sur l’endocarde par le contact de la solution de chloral, et que ce n’est pas
par suite du transport de l'agent irritant dans le système artériel pulmo-
naire et encéphalo-médullaire que l'arrêt respiratoire se produit, on
introduit une petite sonde fixée à la canule de la seringue jusque dans
l'oreillette droite. Au méme instant où quelques gouttes du liquide pé-
nètrent dans le cœur, arrêt de la respiration et du cœur : le caoNe n'a
donc pas eu le temps de sortir du cœur droit.
e, Comme épreuve décisive, on soumet l'animal à la respiration arti-
ficielle, on ouvre la poitrine avec le thermo-cautère , et au moment où
l'injection est poussée dans l'oreillette droite, on pince l'artère pulmo-
naire ; l'arrêt du cœur et l’abaissement brusque du ME 4 : se pro-
duisent encore.
Expériences répétées sur le chien: avril, mai, juin, juillet 1877.
Conclusions. — L'irritation produite par l'injection Intra-car-
diaque de chloral retentit sur les actes mécaniques de la respi-
ration; le point de départ de cette action suspensive de la respi-
ration est dans le cœur lui-même,
II. Chien. Expérience préparée comme la précédente. L'appareil ex-
plorateur des mouvements respiratoires et des battements du cœur (ex-
plorateur à tambour de M. Marey) ne permettant pas de saisir dans tous
ses détails l’arrêt respiratoire, l’animal est trachéotomisé, et un petit
tube latéral est fixé à la canule; ce tube étant mis en rapport avec l’ap-
pareil enregistreur, on recueille les courbes des mouvements de l'air
dans la trachée (pressions trachéales) en même temps que celles des mou-
vements des parois thoraciques.
On répète les expériences précédentes a on note les sie sui-
vants : |
A la première injection la respiration s'arrête en méme temps que les
battements du cœur; c’est donc une même influence qui provoque ce
double effet ; de plus on ne peut pas placer l’un sous la dépendance de
l'autre. | js,
À la deuxième injection, la respiration s’arrête un peu avant le cœur,
Aux injections suivantes, on voit peu à peu s’atténuer les troubles
cardiaques ; les arrêts respiratoires persistent.
Enfin, quand les réflexes cardiaques sont tout à fait abolis, les arr rrêts
respiratoires se produisent encore, quoique plus tardivement qu’au début.
Il résulte de cette série d'expériences sur le même animal que
les arrêts du cœur et de la respiration produits par l'injection
DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 567
intra-cardiaque de chloral sont deux phénomènes indépendants
l'un de l’autre; que le mécanisme en vertu duquel ces deux
phénomènes se produisent consiste en un acte réflexe dont le
point de départ est dans les filets nerveux endocardiaques ; mais
que cet acte réflexe s'exécute à l’aide de deux appareils nerveux
différents : le réflexe cardiaque s’atténue, en effet, et finit par
disparaître sous l'influence des injections successives d’hydrate
de chloral, tandis que le réflexe respiratoire se maintient bien
après que le réflexe cardiaque a cessé.
Expériences démontrant directement la dissociation des deuæ actes réfleæes
en vertu desquels..se produisent les arrèts des mouvements respiratoires et
des mouvements du cœur, à la suite des injections intra-cardiaques de
Chloral.
HIT. Lapin vigoureux. Manomètre en rapport avec la carotide; explo-
rateur des mouvements du cœur et de la respiration fixé autour de la
poitrine ; canule trachéale bifurquée transmettant à l’enregistreur les
variations de la pression de l’air dans la trachée.
‘On commence par constater la production des deux arrêts respiratoire
et cardiaque sous l'influence de l'injection intra-veineuse de chloral.
On injecte ensuite dans une veine fémorale 3 milligr. de sulfate d’a-
tropine.
Au bout de quelques instants, le cœur ne s’arrête plus quand on re-
nouvelle l’injection intra-veineuse de chloral (canule dans la jugulaire) ;
la respiration s’arrête comme dans les expériences précédentes.
On sait que l’atropine a pour effet de supprimer l’activité de
l'appareil nerveux cardiaque (terminaisons cardiaques des pneu-
mogastriques) : dans cette expérience le cœur était donc sous-
trait à l’influence suspensive que produit normalement le contact
du chloral sur l'endocarde; mais l’arrêt respiratoire s’étant en-
core montré à la suite de l'injection intra-cardiaque du chloral,
cet arrêt se produit par une toute autre voie.
Recherche des voies de transmission centripéte dans l’acte réflexe qui déter-
mine l'arrêt de la respiration à la suite des injections intra-cardiaques de
chloral,
IV. Lapin adulte. Mêmes dispositions que dans les autres expériences.
Le lapin a été choisi pour cette recherche à cause de la division ana-
tomique des nerfs cervicaux sympathique, dépresseur de la circulation,
pneumogastrique, etc,
568 (FRANÇOIS-FRANCK. — ÉTUDE
L'arrêt réflexe de la respiration a continué à se produire après la section
des deux cordons sympathiques ; après celle des deux nerfs dépresseurs,
et des autres filets cardiaques qui se détachent du pneumogastrique
au cou et à la partie supérieure du thorax; cet arrêt ne s'est plus montré
quand les deux troncs pneumogastriques eurent été sectionnés.
Ce premier résultat montre bien que les filets impressionnés
qui transmettent aux centres nerveux l’excitation produite sur
l’endocarde sont contenus dans les troncs nerveux coupés, mais
ne permet pas de démontrer leur irajet.
C’est plus haut qu’il faut opérer, au niveau des anastomoses
des pneumogastriques avec les nerfs cervicaux et crâniens, pour
mieux préciser le trajet suivi par les filets centripètes.
Les anastomoses du ganglion plexiforme du pneumogastrique
droit ont été successivement coupées ou détruites par le thermo-
cautère (1), le tronc du pneumogastrique gauche ayant été préa-
lablement sectionné. Tant que les filets propres du pneumo-
gastrique sont restés intacts (les rapports avec les premières
branches cervicales, le glosso-pharyngien, le ganglion cervical
supérieur, l’hypoglosse, le spinal ayant été détruits), l'arrêt
respiratoire réflexe a continué à se produire. Aussitôt qu’on a
arraché la portion supérieure du pneumogastrique, tout arrêt
respiratoire réflexe à disparu.
Je me propose de chercher à déterminer dans de nouvelles
expériences dans quel faisceau de racines du pneumogastrique
sont contenus ces filets centripètes.
Ces expériences d’éliminations successives établissent que les
filets cardiaques centripètes, dont l'excitation périphérique pro-
duit l'arrêt réflexe de la respiration, sont contenus dans le tronc
des pneumogastriques, et n’abandonnent pas ces nerfs à la partie
supérieure de la région cervicale pour se porter dans les nerfs
anastomosés avec eux.
V. Le siége précis des centres de réflexion de l’arrêt respira-
toire réflexe nous reste inconnu pour le cas d’injection intra-
(1) Cette destruction des filets nerveux, sans dissection minutieuse, est facile à
opérer en amenant la pointe d’une tige fine du thermo-cautère au voisinage du filet
préalablement découvert, et en ayant soin d’engager le thermo-cautère dans un tube
de verre qui protége les parties voisines du contact ou du rayonnement. 5
DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES. 569
cardiaque de chloral, lequel n’est évidemment qu’un fait parti-
culier des arrêts respiratoires réflexes, quelle qu’en soit la
provenance. On doit admettre que ce centre de réflexion se con-
fond avec celui des mouvements d'inspiration.
VI. Recherche des voies centrifuges de l'arrêt respiratoire r'é-
flexe quand il se produit en inspiration, comme cela s’observe
d'ordinaire. — La forme même de cet arrêt respiratoire im-
plique la connaissance des voies centrifuges de l'acte réflexe qui
le détermine. La respiration s’arrête brusquement en inspira-
tion : le diaphragme en s’abaissant, les côtes en s’écartant pro-
duisent un rappel d’air énergique dans le. poumon, comme le
démontre le tracé fourni par l’exploration intra-trachéale. Après
ce brusque abaissement du diaphragme, le muscle se relâche
peu à peu, la poitrine se dégonfle, et le plus souvent il. se pro-
duit des soubresauts, des secousses convulsives du diaphragme,
s’accusant par de brusques variations de la pression trachéale.
Les mêmes effets sont produits quand on soumet l’un des nerfs
phréniques à des excitations électriques successives (induites).
Au moment de l'application des courants, brusque abaissement
du diaphragme fortement contracté; pendant le passage des
courants la décontraction se produit peu à peu comme celle de
tout muscle dont le nerf est longtemps excité ; plus tard le dia-
phragme donne des secousses irrégulières, espacées.
L'excitation directe des phréniques détermine donc des phéno-
mènes identiques à ceux que produit leur excitation réflexe dans
le cas qui nous occupe, et cette remarque nous autorisera suf-
fisamment à admettre que l'arrêt respiratoire dont il s’agit a
pour voie centrifuge les nerfs diaphragmatiques; ce qui n’exclut
pas, du reste, les nerfs des autres muscles inspirateurs.
Remarques sur les expériences qui précèdent.
Je n'ai cru devoir admettre l’existencé de filets nerveux spé-
ciaux, à marche centripète, reliant le cœur à l'appareil respira-
toire qu'après avoir bien établi, à l’aide des expériences des
séries 1, Il, III, qu’on ne peut interpréter autrement l'arrêt
brusque de la respiration survenant aussitôt qu’une injection con-
570 ÉTUDE DE QUELQUES ARRÊTS RESPIRATOIRES.
centrée d'hydrate de chloral arrive au contact de l’endocarde.
Je me hâte d’ajouter que ces filets cardiaques ont leurs ana-
logues dans le poumon lui-même, comme il résulte d'expériences
bien simples consistant à provoquer le spasme réflexe des petites
bronches et l'arrêt respiratoire par l'introduction de vapeurs
irritantes dans le poumon ; ces nerfs suspensifs de la respiration
se retrouvent, comme on sait, dans le larynx, l'excitation de la
muqueuse laryngée produisant, par réflexe, exactement les
mêmes eflels. |
Les uns et les autres filets appartiennent au pneumogastrique,
et ne constituent pas un système spécial. Tous les nerfs sen-
sibles semblent jouer exactement le‘même rôle de nerfs sus-
pensifs de la respiration quand ils sont soumis à une excitation
brusque. L'arrêt brusque de la respiration que nous voyons tous
les jours se produire quand une impression vive et soudaine
vient à être portée sur un nerf de sensibilité générale constitue
un acte de défense de l'organisme surpris. J'ai insisté l’année
dernière, dans un mémoire publié dans les comptes rendus du
laboratoire du professeur Marey (1), sur ces arrêts réflexes de la
respiration, et donné de nombreuses figures dans lesquelles ces
phénomènes sont bien visibles. En étudiant à part aujourd’hui
des filets nerveux sensitifs partant de l’endocarde et se confon-
dant dans le tronc du pneumogastrique avec des filets sensitifs
identiques qui proviennent de l'arbre respiratoire (larynx, tra-
chée, bronches, bronchioles surtout), je ne fais qu’ajouter un
point de détail à l’ensemble. Il me semble qu'il y aurait une cer-
taine exagération à réclamer pour ces filets cardiaques centri-
pètes une dénomination spéciale, et cela pour la raison que je
viens d'indiquer; ils font partie d’un système, et s’ils n’ont. pas
été mentionnés à part, à ma connaissance du moins, c’est que
l'analyse des effets immédiats produits par l'introduction de sub-
stances irritantes dans le cœur a été presque exclusivement faite
au point de vue des effets cardiaques et vasculaires.
(1) Mém. vi. Effets des excitations périphériques (Comptes rendus du laboratoire
du prof. Marey. G. Masson, 1876).
RECHERCHES
SUR
L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS
Par M. le D' Mathias DUVAL
(Suite) (4)
PLANCHES XXX er XXXI (V et VI du mémoire de l'auteur)
DU NERF TRIJUMEAU ET SPÉCIALEMENT DE SA RACINE MOTRICE
#
-Dans nos précédents mémoires sur l’origine des nerfs crà-
niens, nous n'avons encore étudié que des nerfs moteurs (grand
hypoglosse, facial, moteur oculaire externe). C’est encore un
nerf moteur, la petite racine du trijumeau (dite aussi nerf mas-
ñcateur) qui fera l’objet spécial de l'étude suivante ; mais pour
que ce nerf et son noyau soient bien distingués des autres par-
ties afférentes à l’ensemble du trijumeau, nous devons d’abord
examiner les différentes racines sensitives de ce nerf et en dé-
crire les dispositions fondamentales; leur étude sera ultérieure-
ment achevée avec celle des autres nerfs crâniens, car ces ra-
cines montent d’une part jusque vers les couches optiques, de
sorte que nous les retrouverons en décrivant et le nerf pathé-
tique et le moteur oculaire commun, et descendent d'autre part
jusque vers la parlie inférieure du bulbe, de sorte qu’elles se
présenteront sur les coupes consacrées plus spécialement à la
recherche des origines du glosso-pharyngien et du pneumo-
gastrique. Nous bornant donc ici à une première vue sur les
origines des faisceaux sensitifs de la cinquième paire, nous avons
choisi, pour les représenter tout d’abord, une série de coupes
empruntées à des animaux chez lesquels ces parties sont três-
‘° (1) Voyez FHNAQ de l’anat. el de la d'a is FA seplembre 4 1876, p. 496 ; et mars
“pus p, 184. y
872 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
développées en même temps qu’elles présentent des rapports
relativement simples ; nous verrons ensuite que les mêmes dis-
positions fondamentales se retrouvent chez l’homme. Il nous
suffira, pour donner cette description, d'entrer dans une expli-
cation détaillée des figures qui représentent ces parties.
I. Racine bulbaire ou inférieure du trijumeau. — Si l'on
examine une coupe du bulbe du rat (pl. V, fig. 1) pratiquée au
niveau du collet du bulbe, là où commence à se produire l’en-
tre-croisement des cordons latéraux qui doit donner naissance
aux pyramides, on voit que la substance grise présente encore
les dispositions bien connues qu’elle offre, avec quelques variétés
de forme, dans toute la longueur de la moelle ; les cornes anté-
rieures, avec leurs grosses cellules étoilées, donnent naissance à
la racine antérieure de la première paire cervicale (I, fig. 4);
vers la partie interne de la corne postérieure se voient les fibres
radiculaires de la racine postérieure correspondante ; les deux
principales dispositions qui différencient cette coupe de toute
autre coupe de la moelle épinière sont les suivantes : 1° la partie
postérieure des cordons latéraux est traversée par une racine
nerveuse (S) qui vient s'implanter dans la substance grise inter-
médiaire aux cornes antérieure et postérieure ; c’est le nerf
spinal (portion cervicale) ; 2° la tête de la corne postérieure est
non-seulement très-étendue, mais elle est de plus très-superfi-
cielle, c’est-à-dire qu’il n’y a qu’une très-mince couche de sub-
stance blanche séparant son contour postéro-externe de la super-
ficie de la moelle ; aussi cette tête de la corne postérieure est-elle
plus ou moins visible, par transparence, lorsqu'on examine un
bulbe à l’état frais ; elle donne ainsi lieu à l’aspect connu sous
le nom de Fr. 07 cendré de Rolando. Dans cette région du
tubercule cendré de Rolando se trouve la limite qui sépare les
racines spinales postérieures les plus supérieures d’avec les ra-
cines bulbaires les plus inférieures du trijumeau ; c’est ce que
démontre l’étude de la figure 2 (pl. V).
En effet, sur une coupe portant un peu plus haut, au niveau
où commence l’entre-croisement des cordons postérieurs (CP,
fig. 2, pl. V), on voit que la tête de la corne postérieure (tuber-
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 578
cule cendré de Rolando, V) émet une série de pinceaux de fibres
nerveuses qui en émergent en dehors et en arrière et viennent
lui constituer une écorce blanche. Depuis ce niveau jusqu’à la
région de l'émergence du trijumeau, sur les côtés de la protu-
bérance, nous allons toujours trouver cette même disposition,
c’est-à-dire une substance grise d’aspect gélatineux faisant suite
à la tête de la corne postérieure, et émettant des fibres -qui se
groupent en arrière, puis en dehors et enfin en avant d'elle,
selon les régions : le faisceau de fibres blanches ainsi constitué
n’est autre chose que la racine bulbaire du trijumeau.
La figure 3 (pl. V) représente une coupe du bulbe au niveau
des racines moyennes du grand hypoglosse : on y voit que la
corne antérieure de la moelle a été décapitée par l’entre-croise-
ment des cordons latéraux, de telle sorte que sa base (en 1)
forme le noyau proprement dit de l’hypoglosse, tandis que ce
qui reste de sa tête forme ce que nous avons appelé précédem-
ment (1) le noyau accessoire de l’hypoglosse (H A). De même la
corne postérieure a été décapitée par l’entre-croisement des cor-
dons postérieurs, et sa base forme le noyau sensilif des nerfs
mixtes (en 3), tandis que sa tête forme (en V) la substance géla-
tineuse de Rolando : de cette substance partent les fibrilles qui
vont prendre part à la constitution de la racine bulbaire [5] du
trijumeau. |
Dès ce moment, cette racine bulbaire a, sur les coupes per-
pendiculaires à l’axe du bulbe, la forme d’un fer à cheval, dont
la convexité est tournée en dehors, vers la périphérie du bulbe,
tandis que sa concavité est tournée en dedans et embrasse la
substance gélatineuse de Rolando. Ces dispositions vont se pré-
senter avec les mêmes caractères dans toutes les coupes prati-
quées à des niveaux plus élevés, mais la partie convexe du fer à
cheval cessera bientôt d’être absolument superficielle, c’est-à-dire
de prendre part à la formation du contour périphérique de la
coupe, elle sera recouverte par diverses formations nouvelles
(corps restiformes et racines du nerf acoustique), de telle sorte
(1) Voyez Journ. de l'anat. et de la physiol. septembre, 1876, p. 514.
57h MATHIAS DUVAL. = RECHERCHES
que la racine bulbaire du trijumeau paraîtra s’enfoncer dans
la profondeur du bulbe. |
Dans la figure 4, il est facile, au premier coup d'œil, de recori-
naître en V la substance gélatineuse, dont l'étendue diminue, et
en 5 la racine bulbaire du trijumeau, laquelle au contrairé aug-
mente sensiblement de volume ; on voit de plus que sa partie la
plus antérieure seule arrive jusqu'à la superficie du bulbe ; «es
trois quarts postérieurs sont recouverts par le corps restiforme
(R F) et par la racine inféro-externe du nerf acoustique (A).
Dans la figure 5, représentant une coupe pratiquée, toujours
sur le bulbe du rat, au niveau où le fasciculus teres du facial (T)
se recourbe en avant pour aller vers le noyau inférieur ou noyau
propre du facial (7), nous retrouvons encore la substance géla-
tineuse (V) et la racine bulbaire en question (5). Ces parties,
dans leur trajet ascendant, ont subi un mouvement de rotation
en avant, de telle sorte qu’elles sont maintenant placées tout à
fait sur les parties latérales, et non plus en arrière et en dehors :
ici la racine bulbaire du trijumeau ne touche en aucun point à
la périphérie de la coupe ; ses parties antérieures en sont sépa-
rées par une couche de fibres blanches transversales (fibres infé-
rieures de la protubérance, trapezium des auteurs), et ses par-
ties postérieures sont recouvertes par la racine supéro-Interne (A)
de l’acoustique et par la masse ganglionnaire (N A) annexée à
l'émergence de ce nerf. : | |
Il en est de même dans la figure 6. Mais ici se présente une
particularité qu'il importe de signaler : c’est que la partie posté-
rieure da fer à cheval représentant la coupe de la racine bul-
baire du trijumeau n’est plus nettement délimitée; comme par
exemple dans les figures 3, 4 et 5. Cette extrémité recoit en eflet
une série de fibres nerveuses (en 1) qui viennent de la substancc
grise (2) du plancher du quatrième ventricule : cette substance
grise, faisant suite à la base de la corne postérieure de la moelle,
a successivement été le lieu d’origine des fibres des nerfs mixtes
(en 3, fig. 3), puis de l'acoustique (en NA, {iz.4, et 2, fig: 5),
et enfin elle devient lieu d’origine des fibres du trijumeau (1 et 2,
fig. 6)..Ces nouvelles racines du trijumeau nous paraissent ren-
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 575
trer dans la catégorie de celles que nous décrirons bientôt sous
le nom de racines moyenne et externe, aussi n’insisterons-nous
pas davantage ici sur leur étude.
Poursuivant la racine bulbaire dans son trajet ascendant, sans
nous arrêter pour le moment aux fibres radiculaires qui viennent
encore s'y annexer, nous retrouvons la coupe de cette racine [5]
et celle de la substance gélatineuse (V) dans la figure 7 (pl. VD;
ici le mouvement de rotation en avant s’est continué, de sorte
que ces parties sont passées dans la région antéro-latérale de la
coupe : la substance gélatineuse se présente de plus en plus ré-
duite : la racine bulbaire n’est plus séparée de la surface de la
protubérance que par les fibres transversales superficielles du
pédoncule cérébelleux moyen.
Pour émerger à l'extérieur, sur les parties latérales de la pro-
tubérance; la racine bulbaire en question n’a donc qu’à traverser
ces fibres.
C'est ce qui arrive au niveau de la coupe représentée par la
figure 8 (pl. VD) : ici le tronc du trijumeau sensitif (formé par la
racine bulbaire et les parties annexes que nous verrons bientôt)
ési sectionné au niveau même de son émergence {5}; il est en
avant et sur les côtés de la protubérance, c’est-à-dire en contact
avec les fibres les plus superficielles des pédoncules cérébelleux
moyens (PM).
Nous pouvons donc ainsi, sur ces huit coupes de la région
bulbo-protubérantielle du rat (fig. 4 à 8, pl. V et VI), suivre dans
tout son trajet la racine bulbaire du trijumeau. Nous avons, pour
cette démonstration, choisi le rat, parce que les petites dimen-
sions de son centre nerveux nous permetlaient de représenter
une série relativement nombreuse de coupes sans multiplier le
nombre des planches annexées à ce mémoire. Mais il nous sera
maintenant facile de retrouver chez d’autres animaux ces mêmes
dispositions, sinon en série complète, du moins dans leurs phases
les plus essentielles, en examinant les planches précédemment
consacrées à l’étude du nerf grand hypoglosse, du facial et du
moteur oculaire externe. — Ainsi, chez le chat, nous retrouvons
la coupe de cette racine bulbaire, désignée par le chiffre 6, dans
576 | MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
les figures 2, 3, 4 de la planche IT (1). Chez l’homme, nous la
retrouvons également, désignée par le chiffre V, dans les figures
1, 2, 3, À des planches III et IV (2). Ces figures nous permettent
de suivre celte racine dans son trajet au niveau de la partie supé-
rieure du bulbe et dans la protubérance, chez l'homme. Enfin,
dans la planche VI, annexée au présent mémoire, nous voyons
l'émergence du trijumeau, dont la racine bulbaïre forme la par-
tie la plus considérable. La figure 9 (pl. VD) représente une coupe
de la protubérance du chat : l’axe nerveux a été coupé à gauche
à un niveau un peu moins élevé qu’à droite, de telle sorte qu'à
gauche on voit la racine bulbaire [5], à laquelle viennent s’an-
nexer des faisceaux radiculaires que nous décrirons plus loin,
encore incluse au milieu des fibres transversales du pédoncule
cérébelleux moyen (P M), tandis qu'à droite le tronc du triju-
meau a émergé à peu prés complétement du milieu de ces
fibres [5, 5]. La figure 10 représente une coupe analogue faite
sur la protubérance de l’homme ; ici, c’est la moitié droite de la
figure qui représente un niveau un peu inférieur à celui de la
moitié gauche, et, en effet, oh voit à droite la racine bulbaire [5]
recouverte par toute l’épaisseur des fibres transversales de la
protubérance (P M), tandis qu'à gauche le trijumeau se dirige
vers son émergence obliquement, en s'infiltrant pour ainsi dire
à travers ces fibres transversales (5, 5, fig. 10, pl. VI).
Cette racine bulbaire est donc des plus évidentes ; s’il est pos-
sible de discuter encore sur la question de préciser le niveau le
plus inférieur auquel elle descend et d'établir les connexions
qu'elle présente dans son trajet, il n’est plus possible de mécon-
naître son existence. Elle a été vue par les premiers observateurs
qui se sont occupés de la structure des centres nerveux, et plu-
sieurs ont pu la suivre à l’aide de simples dissections, alors que
les anatomistes n’avaient pas encore recours à la pratique de
coupes fines. Nous avons donc été grandement étonné de voir
quelques auteurs modernes ou bien nier catégoriquement l’exis-
tence de celte racine bulbaire du trijumeau, ou bien n’y faire
(1) Voyez Journ. de l’anat. et de la physiol., septembre 1876.
(2): Ibid., mars 1877.
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 977
aucune allusion, la passer complétement sous silence dans leurs
descriptions.
Rappelons d’abord rapidement les auteurs qui ont le plus spé-
cialement insisté sur son existence et ses dispositions. « Dans
l’homme, disent Gall et G. Spurzheim (1), ce nerf est couvert de
la partie postérieure de la protubérance annulaire ; mais en en-
levant les filaments transversaux de cette protubérance, 1l est
très-aisé de le poursuivre dans tout son trajet Jusque entre le
corps olivaire et les jambes inférieures du cervelet. Santorini a
mieux connu ce nerf que tous les anatomistes. » — On trouvera,
en effet, dans le traité classique de Longet (Anat. et physiol. du
syst. nerv., L. Il, p. 97. Paris, 1842) les principales indications
sur l'historique ancien de cette question. Longet décrit la racine
bulbaire du trijumeau et montre que Santorini, dès 1724, l’avait
conduite jusqu’à travers l’épaisseur de la moelle allongée, « us-
que in interiorem medullæ oblongatæ caudicem ». — En 1846,
Sulling, dans ses belles planches sur la structure du pont de
Varole, décrit et figure la racine bulbaire, dont les coupes
affectent, comme nous l'avons vu, la forme d’un fer à cheval
à concavité interne. — Vulpian, en 1853, dans sa thèse inaugu-
rale, parle longuement de « la troisième racine du trijumeau,
racine descendante, bulbaire, qui tire son origine de la sub-
stance grise du bulbe rachidien ; racine de Rolando » (2). —
Enfin, en 1857, Gratiolet s’exprime dans les termes suivants :
« La racine principale traverse d’avant en arrière les deux plans
des fibres transversales du pont et descend au-dessous de la
couche des fibres arciformes jusqu’au tubercule cendré de Ro-
lando ; or, le tubercule cendré de Rolando est l'extrémité supé-
rieure de la strie gélatineuse qui occupe, dans toute l'étendue
de la moelle, le fond du sillon latéral postérieur. Ainsi, cette
racine du trijumeau appartient à la série des racines postérieures
des paires spinales (3). »
(4) Recherches sur le système nerveux, p. 101, Paris, 4809.
(2) A. Vulpian, Essai sur l’origine de plusieurs paires de nerfs crâniens. (Thèse
iuaugurale.. Paris, 1853, n° 170.)
(3) Gratiolet, Anatomie comparée du système nerveux, t. 11, p. 207, 1857,
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XII (1877). 37
578 MATHIAS DUVAL. —— RECHERCHES
Il serait superflu de pousser plus loin celte revue historique.
Si elle suffit pour montrer qu’on peut presque donner le titre de
classiques aux notions déjà acquises sur l'existence de la grosse
racine bulbaire du trijumeau, il n’était pas cependant inutile
pour nous de reprendre cette étude, comme nous l'avons fait
plus haut, avec pièces et dessins à l'appui, puisque la racine en
question a élé niée par quelques-uns, omise par d’autres. Il nous
suffira, pour le démontrer, de reproduire le passage suivant
emprunté textuellement à Natalis Guillot : « Deux opinions
‘ principales ont été émises sur cette origine : l’une, qui appar-
tient à Gall, fait naître ce nerf du côté externe du corps olivaire ;
depuis ce point, 1l serait caché dans l’épaisseur de la protubé-
rance annulaire. C’est en raclant les parties et par conséquent
en les détruisant d’abord, que cet anatomiste a prétendu faire la
démonstralion de cette origine, pour le moins très-hypothétique.
La seconde opinion est celle de Rolando ; cet observaleur place
l’origine du nerf qui nous occupe près du niveau de l’angle infé-
rieur du quatrième ventricule. Je ne regarde pas cette opinion
comme plus vraisemblable que la première. Je pense, malgré
l'autorité de plusieurs savants qui partagent l’une ou l'autre de
ces manières de voir, qu'aussitôt que les nerfs de la cinquième
paire sont parvenus à la superficie du pont de Varole, ils s’im-
plantent par leur petite et leur grosse racine sur les portions de
matière grise qui continuent supérieurement la colonne de ma-
tière grise de la moelle épimiére (1). »
Quoique Luys insiste avec détail, comme nous le verrons plus
loin, sur les racines supérieures du trijumeau, il nous a été im-
possible de trouver dans son ouvrage une mention de la racine
bulbaire de ce nerf : à la page 58 de son traité (2), il donne du
trijumeau une description analogue à celle de Natalis Guillot.
Il. Racines supérieures et moyennes du trijumeau. — Nous
avons vu que la racine bulbaire, quand elle arrive dans la pro-
tubérance au niveau de son émergence, reçoit divers faisceaux
(1) Natalis Guillot, Exposition anatomique de l’organisation des centres nerveux,
p. 250, Paris, 1844. :
(2) 3. Luys, Recherches sur le système nerveux cérébro-spinal. 1865.
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 979
de nouvelles fibres radiculaires : de ces fibres, les unes paraissent
provenir de la substance grise de cette région du plancher du
quatrième ventricule, ce sont les racines moyennes ; les autres peu-
_vent être suivies dans un trajet ascendant qui dépasse le 4° ven-
tricule, arrive sur les côtés de l’aqueduc de Sylvius, et s’étend
même jusque vers la région des tubercules quadrijumeaux anté-
rieurs et les couches optiques ; ce sont les racines supérieures.
Ces racines moyennes et supérieures, au moment où elles vont
se confondre avec la racine bulbaire, pour former la totalité du
tronc sensitif du trijumeau, sont dans un rapport intime avec le
noyau moleur et la racine motrice de ce nerf; cette disposition
nous oblige donc à nous arrêter sur la description des racines
moyennes et du trajet correspondant des racines supérieures,
dont l’origine ne sera étudiée avec détail qu’ultérieurement,
lorsque nous examinerons la région où prennent naissance le
pathétique et le moteur oculaire commun.
Racines moyennes. Ces racines sont surtout bien développées
chez l'homme. Cependant, en examinant la figure 6 de la
planche V, on voit que, chez le rat, au niveau de la région de
l'émergence du facial (région qui, chez cet animal, confine immé-
diatement à celle où se fait l'émergence du trijumeau lui-même),
la substance grise [2] du plancher du quatrième ventricule
donne naissance à des fibres [1] qui vont se joindre à la racine
bulbaire de la cinquième paire. De même chez le chat (fig. 9,
pl. VI, en 1, 1). Mais chez l’homme ces fibres radiculaires et
surtout la substance grise correspondante présentent des carac-
tères qui les rendent particulièrement évidentes : cette substance
grise est parsemée, dans une étendue assez considérable, de
grosses cellules à contours arrondis et infiltrées d’une substance
pigmentaire noire ou brune (d'où le nom de substantia ferru-
ginea) (pl. VI, fig. 10 en 1, 1). Lorsqu'on examine, sur une
pièce fraîche, le plancher du quatrième ventricule, on constate
que dans sa partie moyenne, la plus large, ce plancher présente
une couleur bleuâtre, visible surtout dans les fosseites latérales
qui correspondent aux angles externes du losange figuré par ce
ventricule. Cet aspect, qui a fait donner dès longtemps à cette
.
580 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
région le nom de /ocus cæruleus, est dù à la présence de ces
cellules pigmentées de noir et placées au-dessus d’une mince
couche de tissu blanc (1). Dans notre figure 40 (pl. VI), il est
facile de voir que de toute l’étendue de la coupe de ce locus
cœruleus partent des fibres qui se dirigent en dehors (X), puis se
recourbent un peu en avant pour aller se mêler à la racine bul-
baire [5]. — Dans ce dernier trajet (de X en 5, fig. 10, pl. VP),
la racine moyenne du trijumeau est placée entre la racine supé-
rieure (4, fig. 10), qui est à son côte externe, et le noyau moteur
masticateur (T M), qui est à son côté interne. Telles sont les dis-
posilions présentées par la moitié droite de la fig. 10. Dans la
moitié gauche, où la coupe passe à un niveau un peu plus élevé,
on voit encore en X des fibres appartenant à la racine moyenne,
mais on ne voit plus leur continuité avec le tronc du trijumeau ;
c'est que ces fibres proviennent d’une partie plus élevée de la
substance noire du locus cæruleus, de sorte qu’elles sont ici sec-
tionnées pour la plupart dans leur trajet descendant, et, en effet,
dans un prochain mémoire, en achevant l’étude du trijumeau à
l’aide de coupes longitudinales, nous verrons que ces racines
moyennes remontent un peu sous le plancher du quatrième ven-
tricule, au-dessus du niveau où se fait l'émergence de ce nerf.
Nous aurons du reste à revenir longuement sur toutes ces ori-
gines sensitives du trijumeau, et notamment à discuter, relative-
ment à ces racines moyennes, provenant de la substantia ferru-
ginea, Vopinion de Meynert, qui leur assigne un trajel croisé,
une véritable décussation, celles qui proviennent de la moitié
gauche du plancher se rendant, d’après lui, dans le trijumeau
au côté droit et inversement (2). Nous pouvons dire dès mainte-
nant que l'examen le plus attentif ne nous a rien révélé de sem-
blable ; du reste Huguenin avait déjà trouvé fort douteuse lopi-
nion de Meynert (3).
(1) Chez les animaux ces cellules manquent ; nous avons du moins constaté que
chez le chien, le chat, si cette région du plancher du quatrième ventricule présente
parfois quelques rares cellules relativement volumineuses, ces cellules ne sont jamais
pigmentées comme chez l’homme adulte (chez l'enfant cette pigmentation fait défaut).
(2) Th. Meynert, in Stricker, t, IL, p. 776.
(3) G. Huguenin, op. cit., p. 166.
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 581
Racines supérieures du trijumeau. — Ces fibres radiculaires
sont placées en dehors des racines moyennes : chez le rat, nous
les voyons, dans la figure 7 (pl. VI), naître d’un amas de cellules
placé à l'extrémité de l'angle externe du quatrième ventricule ;
mais en examinant une série de coupes faites à des niveaux plus
élevés, il est facile de constater que cet amas de cellules et ces
fibres remontent beaucoup plus haut sous forme d’une longue
traînée grise et blanche très-distincte qui traverse le pédoncule
cérébelleux supérieur (en 3, fig. 8, pl. VI). Chez le chat, nous
voyons cette racine en 4 (pl. VI, fig. 9, côté droit). — Chez
l’homme, nous la voyons dans les deux moitiés de la figure 10
(pl. VI). Dans la moitié droite, qui représente un niveau infé-
rieur à celui de la moitié gauche, cette racine est visible dans
son trajet depuis l’angle externe du quatrième ventricule jusqu’à
sa fusion avec le tronc du trijumeau ; au contraire, dans la moi-
tié gauche, ces connexions n'existent plus, et la racine supé-
rieure se présente comme un faisceau isolé [4], coupé plus ou
moins obliquement et placé à l’angle externe du quatrième ven-
tricule en avant et en dedans du pédoncule cérébelleux supé-
rieur (PS, fig. 10, pl. VD). Nous ne suivrons pas pour le moment
cette racine plus loin ; disons seulement qu’elle s'élève vers les
côtés de l’aqueduc de Sylvius, traversant le pédoncule cérébel-
leux ou effleurant son bord interne. Gette racine du triju-
meau a été peu étudiée; ceux qui l’ont décrite, et notamment
Stilling et Deiters lui-même, l’ont prise pour une racine du pa-
thétique, avec lequel elle affecte, en effet, à un certain moment
de son trajet, des rapports de contiguité, mais nullement de
continuité : cette erreur a été bien signalée par Meynert. C’est
done à propos de l’étude du nerf pathétique que nous devrons
achever celle de la racine ascendante du trijumeau.
IL. Noyau moteur et racine motrice du trijumeau. — Les
descriptions précédentes nous permettent de fixer maintenant
avec précision la position et le trajet des éléments moteurs du
trijumeau. |
Le noyau moteur du trijumeau est placé, dans la protubé-
rance, à peu près au niveau de l'émergence de la cinquième
582 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
paire, en dedans de la portion horizontale de la racine sensitive
moyenne. Nous disons à peu près au niveau de l’émergence,
parce que, selon que la protubérance est plus ou moins riche
en fibres transversales (pédoncule cérébelleux moyen), le tronc
de la cinquième paire émerge d’une manière plus ou moins
oblique en haut et en dehors, et que si ce trajet oblique est con-
sidérable, comme chez l’homme, le noyau moteur se trouve alors
placé relativement plus bas. Mais nous emploierons une expres-
sion plus générale, et qui alors ne souffre pas de restriction, si
nous disons que le niveau où est placée la partie moyenne du
noyau moteur en question est précisément celui où les racines
bulbaires moyennes et supérieures du trijumeau viennent con-
verger et se confondre pour constituer la totalité de la racine
sensitive.
Ce noyau forme une masse arrondie, ou légèrement ovoïde,
à grand diamètre vertical ; aussi se présente-t-1l sur toutes les
coupes faites un peu au-dessus ou au-dessous de la région sus-
indiquée. Chez le rat, nous voyons sa moitié inférieure dans la
figure 7 (pl. Vlen T M) : il est là en arrière et en dedans de l’extré-
mité supérieure de la colonne gélatineuse de Rolando. Cette co-
lonne gélatineuse représente la fin de la corne postérieure de la
moelle ; mais cette corne, en passant de la moelle dans le bulbe,
puis du bulbe dans la protubérance, s’est successivement trans-
portée en dehors, puis en avant, par une sorte de mouvement
de rotation en spirale, ainsi que nous l’avons décrit en étudiant
le trajet de la racine bulbaire du trijumeau. Si donc ce qui re-
présente la corne postérieure de la moelle est venu ici se placer
en avant, il est facile de reconnaître que ce qui est en arrière et
en dedans de cette substance gélatineuse, c’est-à-dire le noyau
moteur en question, n’est autre chose que la continuation de la
corne antérieure ; et, en eflet, le noyau moteur du trijumeau
est caractérisé par la présence des grosses cellules multipolaires,
dites cellules motrices, qui sont également l'élément essentiel
des cornes antérieures de la moelle. — Plus haut, toujours chez
le rat (fig. 8, pl. VI), il ne reste plus aucune trace de la substance
gélatineuse de la corne postérieure, le trijumeau sensitif s’est à
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 583
peu près entièrement dégagé [5] du milieu des fibres de a pro-
tubérance ; aussi la partie supérieure du noyau moteur apparaît-
elle ici comme isolée (TM) au milieu de la substance réticulée
de la protubérance.
Chez le chat, nous voyons ce noyau (TM) dans la moitié
sauche de la figure 9 (pl. V.
Il en est de même chez l’homme dans la moitié droite de la
figure 10 (pl. VI). Ce noyau (TM), placé dans la couche pro-
fonde de la protubérance, est en contact, comme dans les coupes
précédentes, avec le côté interne de la racine moyenne du triju-
meau.
Nous avons dit que ce noyau avait la forme d'une masse sphé-
rique, ou tout au plus ovoide, à grand diamètre vertical; en
réalité, du moins chez l’homme, 1l est tout à fait sphérique,
c’est-à-dire que ses divers diamètres sont à peu près égaux.
Cetté indication, ainsi précisée, paraîtra en désaccord avèc les
descriptions des auteurs qui se sont les premiers occupés de
fixer la place et la figure du noyau masticateur ; d’après ces
anatomistes, et notamment d’après Sulling et L. Clarke, ce noyau
serait assez étendu dans le sens longitudinal (de haut en bas) et
se composerait de plusieurs étages, de plusieurs groupes de sub-
stance grise. C’est que les auteurs en question ont rattaché au
nerf masticateur non-seulement son noyau propre, mais encore
le noyau inférieur du facial, ainsi que nous l’indiquerons bientôt
dans un rapide historique. Si, en effet, le lecteur veut bien rap-
procher la figure 40 (de la planche VI) de la figure 1 de la plan-
che [IT (1) et superposer par la pensée ces deux figures, 1l verra
que le noyau masticateur occupe dans le champ de la protubé-
rance à peu près exactement la même place occupée, à un niveau
inférieur, par les parties les plus supérieures du noyau du facial
(3, fig. 1 pl. IID. Le noyau masticateur fait suite au noyau propre
du facial ; ils font tous deux partie d’une traînée de substance
grise représentant la continuation de la corne antérieure de la
moelle dans le bulbe et la protubérance. Mais si ces deux noyaux,
(4) Voyez Journ. de l’anat. et de la physiol., mars 1877,
58/4 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
celui du facial et celui du masticateur, appartiennent à une même
formation, ils n’en sont pas moins parfaitement indépendants ;
sur les coupes intermédiaires à celle représentée figure 4, pl. HE,
et celle représentée figure 10, pl. VI, on ne trouve aucune for-
mation grise, à grosses cellules multipolaires, établissant une
continuité entre ces deux noyaux : il y a ici interruption de la
colonne grise motrice, entre le noyau masticateur et le noyau
facial, comme ailleurs il y a interruption entre le noyau oculo-
moteur externe et le noyau hypoglosse. Ge sont là des faits de la
plus haute importance : nous les énonçons seulement ici : ils
recevront une démonstration complète par l’étude ultérieure
d'une série de coupes longitudinales de cette partie de l’axe
nerveux.
Ces faits étant indiqués, il nous sera facile de comprendre, par
le court exposé historique qui va suivre, que la connaissance du
véritable noyau moteur du trijumeau est de date relativément
récente, et que parmi ceux qui en ont anciennement donné une
description, les uns ont cru suivre le nerf masticateur vers la
substance grise du quatrième ventricule, les autres ont con-
fondu le noyau du facial avec le noyau moteur du trijumeau.
« Cette petite racine, dit Longet, ne saurait être suivie au delà
de son point d'émergence. Néanmoins, je suis porté à croire
qu'elle se continue avec cette portion du cordon antéro-latéral
de la moelle, qui, ayant déjà donné origine au spinal et au
facial, pénètre dans la protubérance annulaire, puis s’en dégage
pour se recourber au-dessous des tubercules quadrijumeaux et
donner naissance, derrière eux, au nerf pathétique. Il en résul-
terait que, comme les trois nerfs moteurs indiqués, la racine
motrice du trijumeau serait en rapport avec le prolongement
d’un faisceau médullaire dont la destination, comme nous l’avons
prouvé, est de présider au mouvement (1). »
Vulpian (2), après avoir rappelé que Cruveilhier et Longet
affirment qu’il est impossible de suivre la racine motrice du tri-
jumeau, que Foville la ‘fait naître du pédoneule cérébelleux
(14) Op. cit., p. 96, 1842.
(2) Op. cut, p. 21 et 22,.4853,
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 585
moyen, résume en ces termes ses propres recherches : « Les
filaments dont la réunion forme les radicules de ce nerf (masti-
cateur) peuvent être suivis jusque dans la partie des faisceaux
intermédiaires située tout à fait au-dessous de la paroi antérieure
du quatrième ventricule, sous la lamelle grise qui tapisse cette
paroi. De ces filaments, le plus grand nombre s’entre-croisent sur
la ligne médiane; plusieurs proviennent du même côté que le
nerf vers lequel ils convergent. »
Stilling, dans ses belles planches sur la structure du pont de
Varole, représente très-bien le noyau masticateur proprement
dit (voy. sa planche VD) : il le désigne sous le nom de nucleus
superior nervt trigemini; c'est qu’en effet, dans sa planche II,
où il représente (voy. en r) le noyau du facial, 1l rattache ce
noyau à la cinquième paire et le désigne sous le nom de nucleus
enferior nervi trigemini. 11 faut remarquer du reste que si les
planches de Stilling sont d’une beauté et d’une clarté remar-
quables, cet auteur, dans son texte et ses explications, a été on ne
peut plus malheureux, quand il s’est agi de déterminer les con-
nexions des parties représentées. Nous avons vu, dans un mé-
moire précédent, qu'il avait pris le fasciculus teres (du facial)
pour une racme du trijumeau; c’est donc avec raison que
L. Stieda disait récemment que Stiling donne du trijumeau une
description on ne peut plus confuse, et de laquelle il est difficile
de tirer une bonne étude critique (1). — Nous croyons devoir
cependant, à ce point de vue critique, présenter quelques obser-
vations sur un point du travail de cet auteur. Nous avons insisté
précédemment sur ce fait que le trijumeau, une fois constitué
par la réunion de ses diverses racines sensitives, traverse, pour
émerger, les couches transversales de la protubérance de l’homme
dans une direction oblique en haut et en avant : on voit par
exemple sur la moitié gauche de la figure 40 (pl. VI) en 5, 5,
cette grosse racine émergente coupée dans son trajet oblique,
et en 5’, la petite racine (motrice) présentant également une
coupe oblique. On ne peut donc, sur une coupe bien perpendi-
(4) L. Stieda, Studien weber das centrale Nervensyslem (Zeitschrift f. wiss.
Zoologie, Ba XX, p.128, Leipzig 1870).
L
586 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
culaire à l’axe du segment bulbo-protubérantiel, obtenir une vue
complète de tout le trajet de l'ensemble du trijumeau à travers
les fibres transversales de la protubérance ; pour contenir tout
ce trajet, la coupe devrait être oblique d’arrière en avant, en un
mot affecter la même obliquité que les filets nerveux dont elle
serait destinée à contenir la continuité. Mais une pareille coupe
oblique va, dans sa partie postérieure, passer au-dessous du
noyau masticateur, elle entamera le plus souvent le noyau propre
du facial; plus en arrière encore elle pourra, si son obliquité
est plus considérable, arriver à entamer le fasciculus teres. Dans
ce cas, toutes ces parties, si distinctes en réalité, trijumeau
émergent, noyau propre du facial, fasciculus teres, se trouveront
réunies dans un même plan, et pourront, si cette étude n’est
pas contrôlée par une série de coupes parallèles à l’axe, être
interprétées comme des parties appartenant au trijumeau. Or,
en examinant la planche XV de l’atlas de Stilling, 1l est facile de
voir que cet auteur s’est trouvé en présence d’une cause d’erreur
de ce genre. Dans cette planche tout le trajet oblique du triju-
meau efférent se trouve représenté : donc la coupe est oblique ;
aussi le véritable noyau moteur du trijumeau n’y est-il pas re-
présenté, car la coupe doit nécessairement passer au-dessous de
lui; aussi Stuillhng a-t-1l décrit le fasciculus teres sous le nom de
radir constans posterior nervi trigemini, etc.
Ce que nous avons dit du noyau propre du facial, considéré
par Sulling comme partie inférieure du noyau masticateur,
pourrait être répété à propos de la description donnée par
Lockhart Clarke. En lisant attentivement ce que dit cet auteur à la
page 283 de son mémoire (1) et en considérant la figure 10 de
sa planche VII, il sera facile de se convaincre que ce qu’il dé-
signe par la lettre U, et considère comme le noyau moteur du
trijumeau, est en réalité une partie trés-inférieure de la colonne
motrice du bulbe, soit une partie du noyau propre du facial,
soit même une partie plus inférieure encore, c'est-à-dire les
(4) L. Clarke, Researches on the intimate struclure of the Brain (Philosoph.
transact., sec. series, part 1, 1868),
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 587
noyaux moteurs des nerfs mixtes et le noyau accessoire de lhy-
poglosse (1).
Nous avons parlé jusqu’à présent du noyau moteur du triju-
meau sans nous occuper spécialement de la petite racine à la-
quelle il donne naissance. C’est que le trajet et les rapports de
cette racine deviennent trés-simples à comprendre dès que l’on
connaît bien son origine. Elle se dirige en avant et en dehors,
et plus ou moins obliquement en haut, en se plaçant au côté
interne de la grosse racine, sur laquelle elle reste toujours un
peu en retard, c’est-à-dire qu’elle émerge définitivement à un
niveau un peu plus élevé que celui de la portion sensitive.
Ainsi chez le rat, dans la figure 8 (pl. VI) nous voyons le noyau
moteur (T M) émettre une série de fibrilles qui se réunissent en
un tronc radiculaire [5’|, lequel, sur cette coupe, est encore
_inclus au milieu des fibres transversales de la protubérance (PM),
alors que le tronc sensitif [5] est déjà entièrement libre à la su-
perficie de la protubérance. — Cette disposition est un peu
moins marquée chez le chat (TM et 5° du côté gauche de la
figure 9). — Chez l’homme, nous voyons, dans la moitié droite
de la figure 10 (pl. VD), le noyau moteur du trijumeau donner
naissance à la petite racine, dont le tronc est représenté sec-
tionné, en dedans et un peu en arrière de la coupe de la grosse
racine [5]: du côté gauche, grosse et petite racine parcourent
ensemble leur trajet oblique vers la superficie, et la racine sensi-
tive [5, 5] est en avant et en dehors, tandis que la coupe de la
petite racine [5'| est placée plus en dedans et surtout plus en
arrière. Les coupes longitudinales que nous étudierons dans un
prochain mémoire viendront confirmer tous ces faits, en les pré-
sentant sous un nouvel aspect.
(1) Voyez Journ. de l’anat. et de la physiol., septembre 1876.
b88 MATHIAS DUVAL. — RECHERCHES
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE XXX ([NERFS CRANIENS, PI. V)
Figures À à 6, coupes de la région bulbo-protubérantielle du rat;
coupes perpendiculaires à l'axe de ce segment des centres nerveux, —
Lettres communes à ces figures :
P. Pyramides.
V. Substance gélatineuse de Rolando, placée en dedans de la racine
bulbaire du trijumeau.
o. Racine bulbaire du trijumeau.
R. Raphé.
RF. Coupe du corps restiforme,
C. Cervelet.
Fic. 1. — Coupe au niveau du collet du bulbe. (Gross. 10.)
CP. Cordons postérieurs de la moelle,
L. Cordons latéraux,
A. Cordons antérieurs.
1. Racine antérieure.
2. Racine postérieure du premier nerf cervical,
S. Racine cervicale du spinal,
Fi. 2, — Coupe au niveau des racines les plus inférieures (H) du grand
* hypoglosse. (Gross. 18.)
A,L,CP. Cordons antérieurs, latéraux, postérieurs,
C. Cordons grêles.
V, Substance gélatineuse de Rolando d’où émergent les pinceaux
de fibres allant constituer la racine bulbaire du trijumeau,
Fic, 3. — Coupe au niveau des racines AFSRAE des hypoglosses (H).
(Gross. 18.)
0. Olive bulbaire.
H A. Noyau antéro-latéral ou colonne slsirité des nerfs mixtes.
1. Noyau classique de l’hypoglosse,
2, Noyau accessoire de l’hypoglosse (1).
3. Noyau sensitif des nerfs mixtes.
Fic. 4. — Coupe au niveau des fibres les plus supérieures du glosso-
pharyngien. (Ces fibres, qui n'ont pas été désignées sur la planche
par une lettre spéciale, se voient sous la forme d’un double tractus
blanc qui vient atteindre, et, plus haut, traverser la racine bulbaire
du trijumeau vers son extrémité toute postérieure. (Gross. 15.)
NA. Noyau de l’acoustique.
A. Racine externe et inférieure de l’acoustique.
RF. Corps restiforme.
(1) Voyez Journ, de l'anat, et de la physiol., septembre 1876.
SUR L'ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS. 589
Fic. 5. — Coupe au niveau du noyau inférieur du facial. (Gross. 15.)
7, Noyau inférieur du facial (on voit que ce noyau fait suite aux
noyaux HA, des figures 3 et 4, c'est-à-dire à la colonne mo-
trice des nerfs mixtes).
T. Fasciculus teres.
1. Racine externe et supérieure de l’acoustiqué (A).
N A. Ganglion annexé à l’acoustique à son émergence.
Fic. 6. — Coupe au niveau de la partie supérieure bi du fa-
cial (F). (Gross. 15.)
3. Olive supérieure.
T. Fasciculus teres.
let 2. Substance grise du quatrième ventricule : la partie À ap-
partient certainement au trijumeau; mais la partie 2 fait peut-
être encore partie du territoire de l’acoustique.
PLANCHE XXXI (NÉRFS CRANIENS, PL. Vi),
Fic. T et 8. — Suite des coupes de la figure précédente (protubérance
du rat). (Gross. 10.)
P. Pyramides, qui ne sont pas recouvertes par les pédoncules céré-
belleux moyens.
9. Olive supérieure.
9. Racine bulbaire du trijumeau à laquelle sont jointes les racines
moyennes (X) et les racines supérieures [3].
V. Substance gélatineuse de Rolando.
9'. Petite racine (motrice du trijumeau).
TM. Noyau moteur correspondant.
PM. Pédoncules cérébelleux moyens.
PS. Pédoncules cérébelleux supérieurs.
C. Cervelet (lamelle grise de la valvule de Vieussens).
6. Nerf pathétique.
Fic, 9. — Coupe de la protubérance du chat: cette coupe est oblique
transversalement, de telle sorte que sa moitié gauche représente un
niveau moins élevé que sa moitié droite. (Gross. 5.)
P. Pyramides.
3. Olive supérieure (visible seulement à gauche, car elle disparaît
à un niveau un peu plus élevé, tel que celui représenté à
droite).
PM. Pédoncule cérébelleux moyen.
PS. Pédoncule cérébelleux supérieur.
9. Grosse portion (sensitive) du trijumeau.
X. Racines supérieures coupées obliquement (côté gauche) et con-
fondues avec les racines moyennes qui viennent de la substance
grise du quatrième ventricule (en 1, à droite et à gauche).
590 MATHIAS DUVAL. — ORIGINE RÉELLE DES NERFS CRANIENS.
4. Ces mêmes racines supérieures (côté droit), coupées en faisceau
bien distinct dans leur trajet ascendant sur le côté interne du
pédoncule cérébelleux supérieur.
Fi. 10. — Coupe de la protubérance de l’homme; Le côté droit est à un
niveau inférieur au côté gauche. (Gross. 3 1/2.)
PM. Pédoncule cérébelleux moyen.
PS. Pédoncules cérébelleux supérieurs.
P. Pyramides.
5,9. Grosse portion (sensitive) du trijumeau (faisant suite principa-
lement à la racine bulbaire, dont la coupe est figurée en V
dans les figures 1, 2, 3, 4 de nos planches III et IV ({).
9’. Racine motrice (petite racine).
X,X. Racines moyennes, provenant de la substance grise du qua-
trième ventricule (1, 1, substantia ferruginea, locus cœruleus).
4,4. Racines supérieures, dont on voit à droite les connexions avec
la grosse portion du irijumeau, tandis qu'à gauche ces racines
sont coupées dans leur trajet ascendant sur le bord interne du
pédoncule cérébelleux.
TM. Noyau moteur du trijumeau (masticateur).
(1) Voyez Journ. de l’anat. el de la physiol., mars 1877.
DES RAPPORTS
ENTRE
LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON
ET SA STRUCTURE
Par M. CADIAT
Agrégé de la Faculté de médecine de Paris
PLANCHES XXXII, XXXII, XXXIV ET XXXV
INTRODUCTION
La structure du poumon, tant à cause de l'importance de cel
organe que des difficultés qu'exige son étude, a été l'objet de
bien des recherches. Depuis Malpighi, qui donna les premières
“notions exactes, Willis, Helvetius, Sœrnmering e Reissessen,
que d’anatomistes, au siècle dernier et à notre époque, ont
cherché à résoudre tous les problèmes qu’on doit se poser
lorsqu'on aborde cette partie difficile de l'anatomie!
La perfection des procédés employés depuis quelques années,
les notions d'anatomie comparée ont fait faire un progrès consi-
dérable à cette question. Mais de là à une détermination précise,
ne laissant aucune part à la critique, de tous les caractères anato-
miques il y a encore loin. Il semble, en lisant chacune des des-
criplions données par les auteurs les plus justement accrédités,
qu’elles sont rigoureusement exactes; mais quelle déception ne
doit-on pas éprouver si l’on compare ces descriptions entre elles :
car à chaque instant elles se contredisent les unes les autres. Et
si l’on cherche à vérifier sur la nature ce qu’enseignent les traités
classiques, l'examen le plus superficiel fait pressentir combien ils
doivent s'éloigner de la réalité. La plupart des dessins représen-
592 CADIAT. — DES RAPPORTS
tant le poumon sont des schémas. Nous n’en connaissons guère
qui donnent les choses telles qu'elles sont. On se laisse en eflet fa-
cilement entraîner, quand on ne peut saisir le rapport exact des
parties, à représenter schématiquement ce qu’on croit être la vé-
rité. Si, souvent on peut tomber juste en procédant de la sorte,
il est bien plus commun qu’on soit dans l’erreur. Les descriptions
faites ainsi, comme l’est celle de Rossignol, ou par comparaison,
comme celle de Külliker, qui donne pour le lobule d’un mam-
mifère le lobule d’un batracien, laissent toujours de l'obscurité
à supposer même qu'elles soient vraies. Il n’y a d’exactes, de
précises, que celles qui se rapportent à des dessins faits sur les
objets eux-mêmes.
Jusqu’aux dernières recherches des auteurs allemands, le
seul dessin fait réellement sur nature, celui qui représente les
rapports des bronches avec les cavités dans lesquelles ces bron-
ches vont s'ouvrir, a été donné par M. Robin. Mais il s’en faut
encore de beaucoup que cette description soit exacte. Le lobule
présente un nombre bien plus considérable de cavités que celles
qui ont été figurées par cet auteur. En outre, la branche intra-
lobulaire n’a pas la structure qu’il lui a donnée. Malgré cela, la
description de M. Robin est bien certainement la meilleure. S'il
avait poussé ses canalicules un peu plus loin, s’il avait montré le
point précis où cesse la bronche, 1l n’y aurait rien à ajouter à ses
recherches. Ce qu’il a surtout bien mis en lumière, en outre de
la distinction qu'il a établie entre les deux appareils qui entrent
dans la composition du parenchyme pulmonaire, sur laquelle nous
reviendrons plus loin, c’est ce fait que nous avons vérifié et dont
aucun auteur n’a tenu compte : que les conduits allaient toujours
en s'élargissant depuis le canalicule jusqu’à la bronche. S'il n’en
était pas ainsi, la circulation de l’air dans les cavités du poumon
ne se ferait pas librement. À chaque mouvement d’expiration,
une cerlaine quantité de gaz y resterait emprisonnée.
ILest bien évident, en effet, que si l’on suppose une cavité fer-
mée par un goulot plus étroit que le fond, lorsqu'un pareil ré-
servoir revient sur lui-même en vertu de sa seule élasticité l’ori-
fice doit être fermé avant les autres parties.
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 593
M. Sappey, bien qu’il ait accepté les dispositions décrites par
Rossignol, que nous sommes obligé de contredire, a néanmoins
enrichi cette partie de l’anatomie de détails importants. Les
mensurations qu’il a faites des cavités lobulaires aux différents
âges sont très-exactes et fournissent des données utiles pour
étudier les altérations pathologiques.
Dans ces dernières années, plusieurs auteurs allemands se
sont occupés de la même question (Küttner, Archives de Vir-
chow, 1876) et K. Schultze (voy. Stricker). Le premier a bien
décrit l’épithélium cubique des bronches terminales — que je
pensais avoir trouvé le premier ; — le second a donné dans le
Manvel de Stricker une description exacte du mode de subdivi-
sion des cavités lobulaires. Mais ses dessins sont encore schéma-
tiques, et sans la description que nous donnons des extrémités
bronchiques, il est encore difficile de se figurer les dispositions du
lobule. Notre travail aura donc en plus que le seul mérite d’un
travail de vérification. En nous plaçant à ce point de vue, on
pourra être d'autant plus assuré de l'exactitude de ces descriptions
que nous avions décrit le lobule comme les auteurs allemands,
sans connaitre leurs recherches et en employant des procédés
différents. — Nous devons dire aussi qu'en même temps que
nous, MM. Charcot (cours du semestre d’élé 1877) et Gombaud
(Progrès médical, 1" août 1877) avaient vérifié les faits de
Küttner et F. Schultze. — Reste donc la terminaison des bronches
que nous donnons ici d’une façon qui lèvera tous les doutes sur
une question qui, malgré son importance, cst toujours restée
fort obscure.
Nous avons étudié aussi le mode d’action des fibres muscu-
laires des bronches. On verra comment nous comprenons le jeu
de ces éléments contractiles dans l'acte de la respiration.
Mais ce qui n’a pas encore été fait par aucun des anatomistes
que nous avons cités, c’est l'étude complète du développement du
poumon, de façon à expliquer la structure de cet organe en sui-
vaut la formation de chaque partie. Et cependant quelle impor-
tance l’histoire embryogénique d'un organe n’a-t-elle pas lors-
qu'il s’agit d’en déterminer tous les caractères en anatomie
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL, «— T XII (1877: 38
59/4 CADIAT. — DES RAPPORTS
oénérale et surtout de déterminer les éléments qui le compo-
©
sent. L'histogenèse est devenue le complément sinon la base de
tout travail de ce genre.
Pour classer les tissus, l’embryogénie nous donne des indi-
cations de la plus haute valeur. Il est certain, en effet, que‘l’exa-
men comparatif du développement des glandes et des ovaires
nous montre la différence de nature de ces organes. Mais en
utre de l'importance de ces recherches au point de vue de
l'anatomie seule, lorsqu'il faut à un certain moment interpréter
les phénomènes pathologiques qui se produisent dans un organe,
et en particulier le développement des tumeurs, l’histogenèse
acquiert alors une importance capitale. Ainsi, certaines altéra-
tions du foie ne deviennent compréhensibles que grâce à l’em-
bryologie et à l’histologie comparée.
Nous avons donc pensé qu’il fallait reprendre à un nouveau
point de vue toute l’histoire du poumon : voir comment se for-
mait son tissu, comment se développaient les bronches, le
lobule pulmonaire et les éléments qui composent ces parties.
En suivant de cette façon l’origine de chaque élément, nous
arriverons à en déterminer clairement la nature. C’est ainsi,
par exemple, que la forme et la texture des utricules respi-
rateurs dits a/véoles seront expliquées par l’embryogénie. Grâce
à cette étude de l’évolution du poumon, nous verrons com-
ment 1l arrive à cet état qui précède la naissance et auquel il
ne faut plus qu'une inspiration écartant les éléments les uns
des autres pour lui donner cette forme qu’il gardera toute la
vie.
Dans l’exposé qui va suivre, nous aurions voulu prendre cha-
cune des parles qui composent le parenchyme pulmonaire,
bronches, cavités lobulaires et suivre leur développement depuis
les premières périodes embryonnaires jusqu’à l’âge aduite, et
ainsi nous aurions donné successivement les canaux bronchiques
depuis leur origine jusqu'à leur achèvement complet.
Nous aurions fait de même pour les catilés lobulaires. Mais
nous serions forcément entré dans des répétitions, car, comme
on le verra plus loin, la distinction entre la bronche et le lobule
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 999
ne se montre que tardivement, le lobule naissant de l’épithélium
bronchique primitif. |
En outre, les descriptions du lobule sont généralement si
obscures que nous sommes obligé de la reprendre au point de
vue de l'anatomie descriptive. |
Nous exposerons donc le développement du tissu pulmonaire
dans un premier chapitre. Dans le deuxième, on trouvera la des-
cription complète des bronches. Enfin, le dernier traitera du
lobule.
CHAPITRE PREMIER
DÉVELOPPEMENT DU POUMON
Nous allons nous occuper du développement du poumon à
partir du moment où le canal, qui sera plus tard la trachée, est
déjà formé, laissant de côté par conséquent la question d’origin
et nous suivrons toutes les modifications consécutives jusqu’à
la naissance. Nous reprendrons prochainement cette question
d'origine.
La plupart des auteurs considèrent le poumon comme formé par
le feuillet interne. Telle n’est pas l'opinion du professeur Robin.
Le poumon a comme analogue les branchies, et les branchies pro-
viennent du feuillet externe. Quoi qu'il en soit, 1l se développe
aux dépens d’un bourgeon épithélial qui sort de la cavité pha-
ryngienne. Sur une coupe longitudinale d’un embryon de mou-
ton long de 15 millimètres, on voit du milieu de la fente mince
qui représente la cavité pharyngienne partir un peu au-dessous
du 2° arc branchial, une fente étroite aussi, dont la direction est
perpendiculaire à la première. Les parois de cette cavité sont
tapissées par une couche de cellules épithéliales polyédriques et
régulières. Ce conduit s’avance en se recourbant un peu plus
loin dans la direction de l’axe de l'embryon et arrive prés du
cœur. Là il s'arrête en cul-de-sac. Ge conduit représente la
trachée. En haut se formeront les pièces du larynx, et de la
partie terminale parüront les bourgeons latéraux des bronches.
996 CADIAT. — DES RAPPORTS
Quant à l'œsophage, il est à celte époque parfaitement séparé
de l'étroit conduit que nous venons de décrire. A partir du point
où le bourgeon pulmonaire prend naissance, il continue son
chemin en avant de la corde dorsale pour aller rejoindre l’in-
tesiin.
Sur des fœtus longs de 18 millimètres, le poumon se présente
sous la forme d’une petite masse pyramidale suspendue. au pédi-
cule bronchique. Sur les coupes perpendiculaires à laxe de
l'embryon, la section de cette pyramide a la forme d’un petit
triangle dont le sommet est occupé par la bronche. | |
Dans l’aire de ce triangle, on distingue très-neltement deux
ou trois larges conduits tapissés d’épithéliums. Ce sont les pre-
mières divisions bronchiques (voy. pl. XXXI[).
En dehors de ces conduits se trouve du tissu cellulaire avec
les caractères qu’il présente chez l'embryon, c’est-à-dire formé
de beaucoup de matière amorphe et de corps fusiformes et
étoilés. Enfin, enveloppant toute la masse, là où sera plus tard le
feuillet pleural, on voit une couche de cellules épithéliales ré-
gulières. (est l’épithélium pleuro-péritonéal,
A cette période de la vie embryonnaire, le poumon se pré-
sente donc sous une forme très-simple, et déjà 1l y a sujet à dis-
cussion sur le mode de développement de ces conduits ramifiés
qui représentent les bronches. Il est important d’être fixé sur les
phénomènes qui se passent dès le début; autrement, il nous
serait impossible de comprendre ceux qui se produisent plus tard
et qui sont bien plus complexes lorsqu’apparaît la partie respira-
toire du poumon, autrement dit les canaux alvéolaires du lobule.
Le premier point à résoudre est de savoir comment se forment
ces cavités dont est creusée déjà la masse pulmonaire. Les
extrémités terminales des canaux qui, ainsi que nôus le verrons,
sont creuses et arrondies, représentent-elles des bourgeons en
voie d'accroissement (voy. pl. XXXIL, fig. 1) de telle sorte que les
lames épithéliales qui les tapissent travailleraient à l’extension
en avant de la cavité par une sorte de refoulement ? Ou bien le
développement se ferait-il là comme pour la plupart des cavités
olandulaires? Au moyen d’une multiplication de cellules épithé-
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 597
liales en un point, formant une saillie, un bourgeon plein, dont
la partie centrale se résorberait consécutivement.
La question en soi n’est pas indifférente à connaître, car forcés
que nous sommes d'admettre un même mode de développement
à toules les époques, nous arriverons ayec la première théorie à
admettre que le poumon, au moment de la naissance, possède
toutes ses cavités ouvertes et remplies par un liquide qui se ré-
sorberait aussitôt comme le veut notre collègue et ami Pouchet.
Si au contraire nous admettons que le poumon se développe par
des bourgeons pleins, se creusant ensuite au moment de la nais-
sance, les canaux primitivement. formés représentés par les bron-
ches seraient complétement béants, mais les cavités du lobule
seraient fermés et ne s’ouvriraient qu'à la première inspiration.
Remak et Kütiner admettent que les bronches se développent
par des bourgeons creux. G. Pouchet partage aussi celte opi-
nion, que nous allons discuter en exposant toutes les raisons qui
peuvent la faire admettre ou repousser. Mais il faut être bien
pénétré de cette idée que l’examen d’une seule pièce ne peut
suffire à trancher la question, et aussi qu’une théorie n’est juste
que si elle peut être vérifiée dans tous les cas. Or, ici, on doit
pouvoir comprendre, avec celle qui sera adoptée, toutes les
dispositions que le poumon affectera jusqu’à la naissance et au
delà.
Lorsqu'on examine un poumon d’embryon de mouton de 4,
5 jusqu’à 12 centimètres après l'avoir plongé quelque temps
dans de l’eau légèrement acide, en prenant les parties minces
du bord antérieur, on voit, avec un grossissement de 40 dia-
mètres, que les conduits ramifiés qui apparaissent près de la
surface pleurale se terminent tous par de véritables ampoules
tapissées par plusieurs couches de cellules épithéliales. Sur les
coupes pratiquées après durcissement sur des embryons du même
âge, on aperçoit aussi au voisinage de la plèvre des cavités ar-
rondies nettement délimitées, quelquefois même avec une paroi
propre en dehors de la couche épithéliale. C’est la coupe de
ces mêmes ampoules terminales. Le conduit qui leur fait suite
est généralement plus étroit, la plupart du temps fermé sur des
598 CADIAT. — DES RAPPORTS
embryons de 4 à 5 centimètres, les parois opposées du conduit
étant appliquées l’une sur l’autre.
Ce sont ces ampoules terminales qui certainement ont été
considérées comme les bourgeons de développement. Il semblait
naturel de les considérer ainsi, puisqu'elles se trouvent à l’extré-
mité périphérique du conduit.
Mais les bronches ne suivent pas dans le poumon adulte une
direction rectiligne ; elles vont en se subdivisant sans cesse. C’est
donc sur les côtés du canal bronchique embryonnaire qu’il faut
chercher les bourgeons qui vont former de nouvelles voies. Et,
en effet, si l’on arrive à isoler sur une pièce fraîche préparée
par l’acide acétique et avec toutes les précautions possibles pour
conserver les rapports des parties, un petit fragment d'un lobe
du bord antérieur, on voit des canaux disposés comme nous l'a-
vons figuré (fig. 1, pl. XXXII).
Sur les parois du conduit qui va se terminer en ampoule émer-
gent de distance en distance des ampoules plus petites ou des bour-
veons épithéliaux pleins ou creusés à peine d’une étroite fissure.
Sur la figure 4, planche XXXII, on peut voir qu’au-dessous de
l’ampoule terminale le canal se resserre, les parois opposées s’ac-
colent et la cavité n’est plus représentée que par une fente étroite.
Les coupes d’embryons durcies dans le liquide de Müller
donnent des résultats qui concordent avec ceux que nous venons
d'exposer. En effet, en outre de ces extrémités renflées des ca-
naux bronchiques, on trouve sur les parois des bourgeons pleins
formés d’épithélium correspondant à ceux que nous venons de
décrire. Mais comme on pouvait nous objecter que là nous
avions affaire à une coupe qui m'avait pas intéressé la lumière
mème du conduit, nous avons dû faire ces préparations d’en-
semble au moyen de l'acide acétique. |
Étant donné ce que nous venons d’exposer, nous ne pouvons
admettre que les ampoules terminales représentent des bour-
geons bronchiques en voie d’accroissement, puisque plus pro-
fondément dans le lobule se trouvent d’autres petits bourgeons
à toutes les périodes, depuis l’état de masse épithéliale pleine
jusqu’à celui d’ampoule, comme celles de l’extrémité, Ainsi ces
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 999
cavités creuses qui terminent le conduit représentent une extré-
mité bronchique qui a presque fini son évolution. Et ce qui le
prouve bien, c’est que sur des embryons un peu plus âgés, de
10 à 12 centimètres, le lobule ne se présente plus comme précé-
demment sous la forme d’une masse pleine creusée d’un conduit
avec deux ou trois ampoules terminales. Le conduit principal n’a
presque pas changé de volume et d'aspect. Mais tout autour de lui
se sont formés de nouveaux bourgeons et de nouvelles ampoules
On n’aperçoit jamais de conduit naissant d’une de ces extré-
inités ampullaires. Ce seul fait suffirait à prouver que les con-
duits secondaires naissent non à l'extrémité, mais le long du
conduit primitif.
Il est facile de comprendre maintenant comment se produi-
sent les ramifications bronchiques. Un premier bourgeon se forme
“plein et se développe en longueur, l’ampoule se produit à l’extré-
mité. Alors son évolution est arrêtée ; sur les parois naissent des
bourgeons secondaires qui se terminent de même, et ainsi les
canaux bronchiques vont sans cesse en se multipliant, mais tou-
jours dans des directions différentes.
Sur des embryons de 12 centimètres, les seuls canaux qui
existent dans le lobule représentent des bronches. ‘Les parois
sont seulement constituées par une couche épithéliale et une
mince membrane propre. Mais les bronches extra-lobulaires ont
déja une muqueuse plissée couverte d’épithélium prismatique
et une enveloppe musculaire, ainsi qu’on peut en juger d’après
la figure 2. |
Sur des embryons de 15 à 20 centimètres, on commence à
voir le lobule parcouru par de nombreux conduits, les uns vides,
les autres pleins, ainsi que cela est figuré planche XXXIV.
Ces conduits sont manifestement en continuité les uns avec les
autres. Les premiers représentent encore les bronches, les autres
appartiennent déjà à la masse épithéliale du lobule, mais il est
difficile d'établir entre eux une différenciation exacte. Pour cela
il faut attendre que le lobule soit plus avancé dans son dévelop-
pement. Néanmoins, il est permis de penser qué ces cavités sont
déjà trop nombreuses pour n'être que des bronches,
600 CADIAT. — DES RAPPORTS
Sur des embryons de mouton de 25 à 30 centimètres, il se
présente sous l’aspect d'une masse triangulaire formée de cel-
lules et creusée de canaux bronchiques, les uns complétement
formés avec une véritable muqueuse déjà apparente, les autres
sous la forme que nous avons décrite précédemment. En dehors
du lobule, on aperçoit les cloisons de tissu cellulaire qui tran-
chent très-nettement sur la masse lobulaire elle-même.
Quels sont les éléments qui à cette époque composent le lobule
indépendamment des parois bronchiques? Ils représentent pour
le plus grand nombre des cellules épithéhales. C'est-à-dire que
le lobule serait presque entièrement formé par une masse épithé-
liale traversée par des vaisseaux et quelques éléments du tissu
cellulaire. En effet, en dehors des canaux dont la paroi n’est
pas nettement formée, il est bien difficile de distinguer les élé-
ments du tissu lobulaire de l’épithélium bronchique lui-même. Un
orand nombre sont disposés en amas représentant ou bien des
fonds de cul-de-sac coupés en travers ou des sections de bour-
geons pleins. Les autres sont disposés plus ou moins régulière-
ment autour de ces amas principaux sans aucune ligne de dé-
marcation précise. Ce qui prouve bien leur nature épithéliale
c’est qu'ainsi qu'on peut le voir, planche XXXIL, fig. 3, sur des
coupes, 1ls tombent et laissent à leur place des vides rectangu-
laires ‘exactement comme les cellules des épithéliums.
Ces cellules, pressées les unes contre les autres ou isolées
dans la préparation, sont cubiques, à peu près, larges de 0,015
avec un noyau fortement coloré par l’hématoxyline. Lorsqu'on
les compare aux éléments du tissu cellulaire embryonnaire qui
compose à cette époque les cloisons interlobulaires aux éléments
qui, sur des embryons de 18 millimètres, formeront la plus
grande partie du lobule, on trouve une différence considérable.
Les différences qu’elles présentent avec les éléments du tissu
cellulaire sont bien plus accusées sur des pièces traitées par
l'acide acétique.
Ces cellules sont donc pour nous de nature épithéliale ; elles
forment presque tout le lobule. Quelque temps avant la nais-
sance, elles vont s’écarter les unes des autres pour former les
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 601
premières cavités lobulaires (fig. 4, pl. XXXIT, &,a) qui succéde-
ront aux bronches. Seules les cavités ultimes, qu’on a appelées
improprement les alvéoles, resteront fermées par accolement de
leurs parois. |
En comparant des préparations faites sur des embryons de
30 centimètres, sur des fœtus à terme et sur des nouveau-nés
ayant respiré ou sur des poumons insufflés d'enfants à terme, on
arrive à se convaincre que ces éléments entassés les uns sur les
autres qui forment au début des masses pleines autour des ca-
vités bronchiques, représentent les mêmes cellules épithéliales
des utricules respirateurs. Ce qui va nous éclairer dans cette
étude, c'est l'examen comparé d’un poumon de fœtus à terme
n'ayant pas respiré, et celui du même animal, après insufilation
ou après injection de gélatine colorée dans les bronches.
Dans le premier cas, on voit sur la coupe du lobule des cavités
anfractueuses, irrégulières, mal délimitées, faisant suite aux
bronches. Alors que les bronches ont une paroi bien nette et
régulière, si mince qu’elle soit sur les derniers rameaux, ces
cavités, au contraire, sont simplement limitées par des cellules
épithéliales faiblement unies les unes aux autres. Mais ce qui
frappe tout d’abord, c’est que le lobule, après insufflation ou
après la respiration, n’est en somme qu'une masse vésiculeuse,
comme nous l'avons figuré en partie (pl. XXXIV, fig. 10 et 12, 6,0),
et les cavités qui le composent sont si nombreuses, qu’on ne peut
les suivre. Au contraire, sur le poumon, avant l’insufflation, on
ne voit que quelques conduits traversant le lobule, le reste est
plein et les parties pleines sont représentées par des amas cellu-
laires. On est bien forcé de reconnaître ici que ces amas cellulaires
composant les travées sont des cellules épithéliales, et les mêmes
que celles qui constituent les parois des utricules. Car l’insuffla-
tion n’a pu que.les écarter mais n’a pu les faire disparaître.
Ces faits nous conduisent à admettre, quand même nous n’au-
rions pas d’autres preuves, que chez des embryons plus jeunes,
sur ceux de mouton qui nous ont servi de terme de comparaison
et qui avaient 35 à 40 centimètres de long, le lobule est déjà re-
présenté par une masse épithéliale’ pleine, développée en de-
60% CADIAT. — DES RAPPORTS
hors des bronches qui sont complétement libres à cette époque.
Maintenant si l’on étudie en détail le lobule sur le poumon d’un
fœtus à terme avant la naissance, on voit encore quelques dis-
positions intéressantes.
Ces cavités anfractueuses, dont nous avons parlé ei- dessus, se
prolongent par d’étroites fissures dans la masse épithéliale péri-
phérique. Leur partie large s’avance jusqu’à la surface de la
plèvre à une distance variable de 4 à 5 centièmes de milimètre.
Il y a lieu de se demander ce qu’elles représenteront plus
tard. Or, d’après leurs rapports avec les bronches, leur situa-
tion, leur diamètre, 1l est certain que ce sont là les premiers
canaux lobulaires qui feront suite aux bronches, autrement dit,
ce seront ces cavités qu’on a appelées canaux alvéolaires ; et les
fissures qui les prolongent dans les amas de cellules épithéliales
seront les premières divisions de ces canaux.
Les cellules épithéliales qui limitent ces cavités ne sont pas
indépendantes les unes des autres Le long des canaux ou
des fissures qui séparent leurs faces, elles sont accolées par
leurs bords en lames continues. De distance en distance, on
aperçoit sur les coupes faites à cette période des lames hyalines,
parsemées de noyaux. Ces lames débordent dans l’intérieur des
cavités lobulaires dont nous avons parlé plus haut. Elles repré-
sentent des cellules dont le corps cellulaire a déjà commencé à
s'unir à celui de la cellule voisine, et la ligne de démarcation
qui, comme nous l'avons vu, disparaît complétement chez
l’adulte, commence à s’effacer dès à à présent.
Ces cellules représentent donc celles qui formeront les parois
alvéolaires. Ce sont les mêmes noyaux qu’on retrouve sur ces
parois, et comme on ne peut admettre leur disparition par le
seul fait de l’insufflation du poumon, il faut bien admettre que
ces modifications d'aspect tiennent seulement à un changement
de rapport entre les éléments. |
Certaines altérations du poumon que l’on trouve à la nais-
sance S’expliquent d’une façon toute simple en suivant le déve-
loppement tel que nous l’avons exposé. Tel est l’épithélioma du
lœtus décrit par MM. Robin et Lorrain dans un mémoire à la
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 603
Société de biologie. Nous allons rapporter textuellement le pas-
sage relatif aux faits qui nous concernent (Mém. de la Société
de biologie, 1854, p. 159):
« La lésion du poumon des enfants nouveau-nés ou abortifs
qui fait le sujet de ce travail a déjà été décrite quant à ses carac-
tères extérieurs ; mais nous n'avons pas Vu que sa nature ait été
déterminée exactement. Elle consiste essentiellement en une ré-
plétion des canalicules pulmonaires ou respirateurs par l’épithé-
lium pavimenteux de ces conduits qui les rend imperméables à
l'air, soit par inspiration au moment de la naissance, soit même
par insufflation après la mort. Au lieu de former seulement une
couche unique de cellules pavimenteuses minces, les cellules
épithéliales sont accumulées avec régularité pourtant, mais de
_ manière à former un cylindre plein oblitérant les canalicules pul-
monaires jusqu'au niveau des petites bronches pourvues d’épi-
thélium cylindrique. Si elles laissent à leur centre un canal, il
est très-étroit et ne se voit nettement que sur les cylindres d’épi-
thélium un peu comprimés par les lames sous le microscope.
L’adhérence des cellules entre elles est assez prononcée pour
qu’on puisse par dilacération isoler des cylindres d’épithélium
ramifiés et reproduisant en un moule solide la forme et les ra-
mifications des canalicules respirateurs. »
Résumé du développement: — Le parenchyme pulmonaire se
forme en résumé de la façon suivante :
Les premiers canaux qui apparaissent jusqu'à une époque
que nous n'avons pas exactement déterminée, mais qui s'étend
en tous cas un peu au delà du moment où l’embryon de mouton
a atteint 12 à 15 centimètres représentent des bronches; le lo-
bule n'existe pas encore.
Ces bronches se forment au moyen de bourgeons latéraux
naissant sur la paroi du conduit principal. Pleins d’abord, ces
bourgeons se creusent rapidemént d'une simple fissure qui va
s’élargissant peu à peu, mais surtout dans la partie terminale,
de facon à former une ampoule à l’extrémité du conduit bron-
chique. Lorsque l’ampoule est formée, le bourgeon a achévé
604 CADIAT. — DES RAPPORTS
son évolution; il ne fera plus que s'accroitre dans toutes les
dimensions. Il faut voir dans ce fait la cause des nombreuses
subdivisions bronchiques sur le poumon complétement formé.
Le lobule naît de l’épithélium des parois bronchiques et sui-
vant le même processus. IL apparaît donc comme une masse
pleine émanant de tous les rameaux bronchiques qui occupent
le centre du lobule. A peine formé, 1l se fissure de la même façon
que le conduit bronchique. Ces fentes délimitent des rangées de
cellules épithéliales qui s’accolent par leurs bords en lames con-
tinues. Les fentes intra-lobulaires s’élargissant toujours, 1l arrive
un moment, celui où le poumon est apte à l’hématose, ou le lo-
bule est alors représenté :
4° Par les bronches intra-lobulaires ;
2° Par les canaux alvéolaires largement ouverts ;
3° Par des amas de cellules épithéliales séparées par leurs
faces, réunies par leurs bords, entassées les unes sur les autres et
qui devront s'écarter lors de la première inspiration pour former
les parais des utricules.
CHAPITRE II
BRONCHES
A, — De la séparation des deux systèmes qui composent le poumon.
Nous avons vu dans le développement que les bronches étaient
complétement formées avant la naissance. Seules les parties res-
piratoires du lobule devaient encore subir des transformations
importantes qui se continueront même quelque temps après
cette époque. Mais en cela ne consiste pas la seule différence
entre ces parties.
Or un fait capital en pathologie et en anatomie générale dont
les histologistes n’ont pas tenu suffisamment compte, c’est la
séparation si nette entre les deux appareils qui composent le pou-
mon ; d'une part l'appareil bronehique, de l’autre celui de l’hé-
matose.
Lorsqu'on jette un coup d’œil sur les dispositions de l’organe
de la respiration chez les différents animaux, on voit que ce qui
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 605
représente essentiellement cet organe, c'est une membrane pou-
vant servir de paroi endosmométrique, séparant le sang de l’ani-
mal du milieu dans lequel 1l vit. Cest là le schéma, si je puis
dire ainsi, de l'organe de l’hématose. Les dispositions que cette
membrane peut affecter varient seulement de la branchie au
poumon. Dans le premier cas, le sang, renfermé dans des sories
de bourgeons vasculaires, plonge dans le milieu extérieur. Dans
le second, c’est l’inverse, les cavités aériennes sont entourées de
tous côtés par le sang.
Or, pour mettre le sang et l'air en contact l’un et l’autre avec
la paroi endosmométrique, les moyens employés par la nature
varient de bien des façons.
Tantôt la branchie suspendue simplement au dehors de l’ani-
mal flotte librement dans l’eau comme chez l’axolotl. Alors l’ap-
” pareil qui sert à mettre le fluide en contact avec le sang n'existe
pas. Chez les poissons, les mollusques aquatiques, comme les
céphalopodes, certains gastéropodes, 1l existe une véritable
chambre branchiale et un appareil plus ou moins compliqué
pour faire entrer et sortir l’eau de cette chambre.
L'appareil conducteur de lair ou appareil bronchique com-
mence donc déjà à se développer. Chez les vertébrés supérieurs,
chez ceux qui ont une respiralion aérienne, 1l atteint son maxi-
mum de développement. Alors il est représenté non plus par une
simple poche contractile, ou par un diverticulum de la cavité
pharyngienne s’ouvrant sous les opercules, mais par des con-
duits de structure compliquée se ramifiant jusque dans la pro-
fondeur du poumon. Le thorax, réduit chez le poisson à de
minces arcs osseux parlant de la colonne vertébrale et aux
rayons bronchiostéges qui représentent les côtes sternales? de-
vient chez les vertébrés allantoïdiens une cage osseuse résistante
susceptible d’ampliation et de retrait sous l’action de muscles
énergiques et presque exclusivement disposée en vue de l'acte
important qui se passe dans l'organe qu’elle est destinée à con-
tenir.
L'appareil hvoïdien, confondu chez le poisson avec l'appareil
sternal, $’en sépare complétement chez les vertébrés à respira-
606 CADIAT. — DES RAPPORTS
tion aérienne. En même temps, entre les deux, s'interpose le
larynx qui représente le plus haut degré de perfectionnement
de l'appareil bronchique. Mais ce qui montre bien l'unité de
plan général, les transitions d’un type à l’autre, c'est que toutes
les pièces du larynx ont leurs analogues dans les os qui, chez les
poissons, sont unies à l'hyoïde pour soutenir les arceaux des
branchies (1).
Ainsi cette charpente compliquée qui, chez ces animaux, sert
à porter l'organe de l’hématose, à faire circuler l’eau à sa surface,
se modifie peu à peu pour arriver à former non-seulement les
canaux bronchiques, mais encore cet admirable organe qui peut
produire toutes les variétés de son de la voix humaine.
Chez les oiseaux, enfin, l'appareil bronchique se complique
encore de tous ces réservoirs d'air, thoraciques, cervicaux, abdo-
minaux et des conduits aériens qui se poursuivent jusqu’au
centre des os longs.
On n’est pas encore bien fixé sur les usages de ces réservoirs
d'air. Ils ne servent pas à alléger l'animal qui navigue dans l'air.
Ce serait admettre qu'un bateau peut s’alléger en se remplis-
sant d'eau. Mais il est biencertain qu’ils dépendent du mode de
respiration imposé à l'oiseau par le poids énorme du sternum
et les efforts considérables qu’exercent sur lui les muscles de
l’aile. Il est probable que les sacs aériens se remplissent par un
mouvement rapide et violent, et lorsque les efforts du vol im-
mobilisent le thorax, de petits mouvements des côtes font passer
l'air des sacs aériens dans le poumon.
Mais laissons pour le moment cette question qui ne se Faitreur
qu'indirectement au sujet qui nous 2RFHRE:
Cg que nous voulons montrer, c’est qu'avec un appareil de
l'hématose uniforme, inveriable chez toutes les espèces, l'appareil
qui sert à mettre l'air en contact avec lui, se modifie, se perfec-
lionne en affectant des dispositions variées en rapport avec cha-
cune d’elles.
L'anatomie comparée nous montre donc qu'ils forment deux
systèmes différents.
(1) A. Geoffroy Saint-Hilaire, Philosophie anatomique.
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 607
M. le professeur Robin, dans un travail lu à la Société de bio-
logie le 21 août 1858 (Note sur les causes de l'indépendance de
la bronchite par rapport à la pneumonie) avait déjà fixé l’atten-
tion sur ce point important. Jusqu'alors les cavités lobulaires
étaient désignées sous le nom de éerminaisons bronchiques.
M. Robin montra dans son travail qu’au point de vue dela
forme, de la structure, il y avait une différence fondamentale
entre les bronches et les culs-de-sac dans lesquels ces bronches
venaient s'ouvrir. Que les premières recevaient le sang de la
grande circulation, les secondes le sang de la petite, et qu’à
cause de cela même les troubles inflammatoires pouvaient rester
limités dans une partie ou dans l’autre. Depuis l’époque où ce
travail a paru, bien des anatomistes ont traité le même sujet
sans tenir compte de ces données fondamentales.
Que d'auteurs allemands ou autres ne cite-t-on pas à propos
de l’anatomie normale ou des altérations pathologiques du pou-
mon. Seul le nom de l’éminent professeur de la Faculté de Paris
est laissé de côté, et cependant son modeste mémoire à la Société
de biologie renferme les idées les plus élevées sur la structure
du poumon au point de vue de l’anatomie générale, et cette dis-
unction si nette entre les deux appareils qui le composent est la
clef, on peut le dire, de toutes les altérations inflammatoires
dont il est le siége.
B. — Rapports des bronches avec le lobule, Terminaison dés bronches.
L'étude du poumon présente de grandes difficultés, surtout
chez l'adulte et particulièrement chez l’homme. Certains détails
se volent facilement sur le bœuf, d’autres sur le chien, d’autres
sur l'enfant avant ou après la naissance. Il a fallu combiner tous
ces moyens pour arriver aux résultats que nous allons exposer.
Le mode de terminaison des bronches ne se voit bien que sur
l'enfant qui n’a pas respiré. Au moyen de certains procédés que
nous donnerons plus loin, il est facile d’isoler ces conduits et de
voir Juste le paint où ils s'arrêtent. Une préparation de ce genre
serait impossible à faire sur l'adulte. Par contre, chez le bœuf,
608 CADIAT. — DES RAPPORTS
il est très-facile de disséquer les canaux bronchiques jusqu’au
voisinage des utricules respirateurs et de comparer les résultats
obtenus par l’un et l’autre moyen.
Pour la structure de ces utricules, il faut par contre des pou-
mons adultes, parce que ces parties se modifient considérable-
ment au moment de la naissance.
C’est en procédant de la sorte que nous sommes arrivé à voir
la structure du lobule. Si elle n’est pas malheureusement faite
entièrement sur l’homme adulte telle que nous voudrions la pré-
senter, nous ne pensons pas néanmoins qu’on puisse nous en
faire un reproche et dire que nous n’avons pas le droit de tirer
ces conclusions de l'enfant ou du bœuf à l’homme. Nous avons
eu trop le soin de contrôler chacun des résultats PA pour
que ce reproche soit fondé.
Nous commencerons par exposer la disposition générale du
lobule afin de pouvoir préciser les différents niveaux où la
bronche subit des modifications de structure.
1° Du lobule pulmonarre. — La première chose qui frappe
lorsqu’on examine le poumon de l’homme, mais surtout celui du
bœuf, c’est qu'il est décomposable en parties plus petites, aux-
quelles correspondent un rameau bronchique et une branche de
l'artère pulmonaire. Sur les poumons des bœufs qui sortent des
abattoirs où on les a soumis à l’insufflation sous-cutanée, on
voit des bulles d'air disposées en lignes suivant des polygones
assez réguliers. Ces polygones représentent la base des lobules
superficiels.
Nous voyons déjà que chez ces animaux les lobules sont sé-
parés les uns des autres par des couches de tissu cellulaire
lâche, ce qui permet de les écarter facilement. En disséquant
ainsi un lobule, on isole une masse spongieuse de forme pyra-
midale, haute de ? centimètres à peu près, large à la base de
1 centimètre et demi et suspendue par son sommet à un rameau
bronchique.
D’après les descriptions de certains auteurs, il semblerait que,
le lobule ainsi délimité représentant dans toute sa masse un élé-
ment de l’appareil de l’hématose, le conduit aérien cesserait au
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 609
sommet ; il n’en est rien cependant. La séparation des deux
appareils qui forment le poumon, l’appareil éonducteur de Pair
et celui qui sert aux échanges gazeux, n’existe que plus profon-
dément dans l’intérieur du lobule. Pour s’en rendre compte, il
suffit de répéter les préparations que nous avons faites. Ces pré-
parations n’offrent d’ailleurs aucune difficulté.
Nous avons isolé un lobule sur le poumon de bœuf. Après
l’avoir fixé sur une plaque de liége, nous avons disséqué les
bronches en les suivant depuis le sommet du lobule jusqu’à la
base. Ces conduits ainsi isolés, nous en avons enlevé des frag-
ments avec des ciseaux, et en examinant ces fragments au mi-
croscope, nous avons vu que leurs parois étaient formées dans
la plus grande partie de leur longueur d’une couche de fibres
musculaires et d’une muqueuse avec un épithélium cylindrique.
2° Nous avons pris un lobule ainsi disséqué, nous l’avons
plongé plusieurs jours dans des liquides durcissants (liqueur de
Müller, gomme et alcool). Puis une série de coupes ayant été
faites de la base au sommet de ce lobule, il nous a été facile de
voir exactement la structure du conduit bronchique aux diffé-
rents niveaux. Nous avons reconnu ainsi que la bronche péné-
trait dans l’intérieur du lobule sans aucune modification. La mu-
queuse ne changeait pas, ni la couche musculaire. Chez le bœuf
même, on trouvait encore des noyaux cartilagineux sur une cer-
taine étendue. Nous verrons plus loin, à propos des bronches,
comment ces canaux se modifient au voisinage de leur termi-
naison.
La partie élémentaire du poumon n’est donc pas le lobule,
mais la portion de lobule qui correspond à une subdivision de
la bronche intra-lobulaire. Seulement, tout le parenchyme pul-
monaire qui correspond à un lobule forme une masse intimement
unie. Les cloisons de tissu cellulaire ne la pénètrent pas. Elles
restent au dehors en ne lui envoyant que de minces prolonge-
ments. |
Les grosses bronches, en arrivant au poumon, se subdivisent
rapidement en conduits de plus en plus étroits; à mesure que
se fait cette subdivision, la structure des conduits se modifie
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). 39
610 CADIAT. — DES RAPPORTS
insensiblement. Entre les bronches de bifurcation de la trachée
et les grosses bronches intra-pulmonaires, nous voyons déjà des
différences portant sur la disposition des tuniques externes, les
cerceaux cartilagineux forment des anneaux complets, les fibres
musculaires de même enveloppent tout le conduit. Plus loin, les
cartilages diminuent, se réduisent à des noyaux cartilagineux.
Enfin, à la limite du point où cesse la muqueuse, la couche
musculaire qui, sur les bronches volumineuses, était en dehors
des glandes, vient ici s’accoler à la muqueuse et laisse les glandes
au-dessous d’elle. |
Nous avons déjà signalé cette disposition avec M. Robin d'après
des préparations faites par M. Barrié ; elle se trouve décrite dans
l’article SYSTÈME MUQUEUx du Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales.
Ces modifications progressives que subissent les bronches
nous font pressentir qu'entre ces canaux et la partie respiratoire
du poumon la transition doit se faire d’une façon moins brusque
qu’on ne le décrit généralement, et qu'il existe entre les deux
des canaux intermédiaires.
C’est, en effet, ce que nous avons constaté. Mais avant de voir
la structure de ces conduits, étudions la forme des bronches au
voisinage de leur terminaison.
Terminaison des bronches. — Pour comprendre la disposition
d’un lobale, il est indispensable de connaître exactement le
mode de terminaison des bronches, le point exact où cessent
ces conduits. Nous nous sommes appliqué tout spécialement à
résoudre cette question. En regardant les dessins que nous
avons faits d'après les préparations de bronches, on peut voir
tout d'abord que notre description s’éloignera beaucoup de
celles qui ont été données jusqu'ici.
Avant d'aller plus loin, afin qu’on puisse vérifier les résultats
que nous avons obtenus, nous indiquerons le procédé qui nous
a servi à isoler les bronches telles que nous les avons figurées.
Si l’on prend le poumon d’un enfant ou d’un jeune animal
qui n'a pas encore respiré et qu’on injecte les bronches avec de
la gélatine, le poumon se transforme après refroidissement en
SC ————
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 611
une masse résistante. En coupant cette masse et en raclant sous
l’eau la surface de section avec un scalpel, on voit bientôt de
petites arborescences flotter dans le liquide. On détache avec des
ciseaux fins ces arborescences à leur base, on les examine à la
loupe ou au microscope et on s’aperçoit alors qu’on a isolé ainsi
les ramifications bronchiques, l’action du scalpel en a séparé
plus ou moins les autres parties du lobule, les utricules respi-
rateurs. Rien n’est plus facile que de séparer les bronches par
ce procédé.
On peut obtenir les ramifications bronchiques, täntôt seules,
tantôt avec une partie des utricules ou des lobules entiers.
Les difficultés qu'offrait l'étude du poumon étaient surtout cau-
sées par ces masses utriculaires qui enveloppent les bronches à
leur terminaison. Les coupes, quelque bien dirigées qu'elles
fussent, ne donnaient que des résultats très-imparfaits. Grâce à
l'artifice de préparation que nous avons employé, on peut voir
exactement les rapports des parties et la façon dont les cavités
pulmonaires se continuent les unes avec les autres.
Si pour les utricules on peut dire que leur structure change
avec l’âge, on ne peut nous objecter la même ‘chose pour les
bronches. Les bronches, au moment de la naïssance, sont com-
plétement formées, ce qu’il est facile de vérifier en faisant des
coupes sur des lobules de poumons appartenant à des jeunes
sujets ou à des adultes.
Extrémités bronchiques. — Les bronches se ramifient dans le
lobule de la même façon qu’avant d’y pénétrer. Sur la paroi d’un
_ conduit naissent de part et d’autres des conduits plus petits, sans
_ qu'aucune règle précise préside à leur distribution.
Mais arrivé aux derniers rameaux qui offrent chez le mouton
à la naissance un diamètre de 0,1 à 0,2, chez le bœuf adulte 0,4,
on voit la bronche percée d’une multitude d’orifices, sur lesquels
viennent s implanter les utricules.
Pour se rendre compte de la façon dont ces orifices sont dis-
posés, supposons qu’un canal terminé en cul-de-sac soit rempli
sur une certaine longueur à partir du fond par des bulles d’air;
que ces bulles, faisant éclater la paroï du conduit, la traversent
612 CADIAT. — DES RATPORTS
dans tous les sens et restent suspendues au dehors, on aura la
bronche avec les utricules qu’elle porte.
Si l’on se reporte aux figures 40, 11, 12, planche XXIV, il est
facile de comprendre la disposition de ces orifices bronchiques.
La paroi du canal, crevée pour ainsi dire d’une infinité d’ori-
fices, est comme dissociée en tous sens et se prolonge au milieu
de la masse utriculaire sous la forme de prolongements irréguliers
(voy. e,e, fig. 10) plus ou moins longs, dans lesquels on retrouve
encore quelques-uns des caractères de la paroi bronchique.
Telle est en réalité la façon dont se terminent les bronche
Les dessins que nous donnons de ces extrémités bronchiques sont
aussi fidèles que possible. Quant aux préparations qui ont servi
à les faire, tout le monde peut les répéter. Nous en avons fait
un grand nombre. Tous les élèves du laboratoire d’histologie les
ont faites et toutes ont donné exactement le même résultat.
La façon dont ces pièces ont été préparées montre une fois de
plus la différence fondamentale qui existe entre la bronche et la
partie vraiment respiratoire du poumon, puisque par un artifice
aussi simple que celui que nous avons employé on peut séparer
complétement ces deux parties l’une de l’autre.
C. — Structure des petites bronches. Usages des fibres lisses des bronches.
De la structure des dermiers canaux bronchiques. — Les
bronches d’une façon générale sont formées de trois couches :
une muqueuse plissée longitudinalement (voy. fig. 16), sans
papilles, formée d’un chorion résistant d’une richesse extrême
en fibres élastiques. | |
A la surface se trouve une couche de cellules épithéliales à
cils vibratiles, haute de 0,02 à 0,03, suivant les points.
De distance en distance, cette muqueuse est traversée par les
conduits excréteurs des glandes, situées dans le tissu cellulaire
sous-jacent. Au-dessous de la muqueuse se trouve cette couche
celluleuse très-riche aussi en fibres élastiques.
Enfin la troisième enveloppe est formée par des faisceaux de
fibres musculaires lisses, disposés circulairement. Les cartilages
sont compris dans celte tunique.
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 613
Par-dessus le tout se trouve encore un peu de tissu cellulaire
avec des fibres élastiques longitudinales.
Telle est la description générale sommaire de la structure
d’une bronche que nous pourrions prendre pour terme de com-
paraison.
Lorsque les noyaux cartilagineux disparaissent, la tunique
celluleuse intermédiaire à la musculeuse et à la muqueuse dis-
paraît aussi, et, comme nous l'avons dit précédemment, les
fibres lisses viennent s’accoler à la face profonde de la mu-
queuse.
On trouve donc dans l’intérieur du lobule des canaux ayant
tous les caractères de bronches, puisqu'ils possèdent une mu-
queuse parfaitement nette avec son réseau élastique et sa couche
de longues cellules prismatiques à cils vibratiles. Sur les pou-
_mons de mouton, on trouve une muqueuse très-évidente,
quoique fort réduite en épaisseur, sur des bronches de 0,15 de
diamètre.
Du mode de terminaison des différentes tuniques de la bron-
che. — 1° Muqueuse. — La muqueuse bronchique diminue peu
à peu et finit par être remplacée au voisinage des orifices mul-
tiples que présente le conduit par une membrane particulière,
hyaline, élastique et résistante. La muqueuse des bronches étant
très-riche en fibres élastiques, il est probable qu'ici nous voyons
se produire cette modification qu’on rencontre si souvent dans
les parois des vaisseaux : d’un réseau élastique en une couche
élastique continue. La substance élastique se dispose tantôt en
fibres très-fines, tantôt en lames. Il est naturel de penser qu’au
point où va cesser la muqueuse, tous les éléments élastiques, si
nombreux, qui composent presque toute sa trame, se réunissent
pour former une couche homogène.
Quoi qu'il en soit, à une distance variable du point de termi-
naison, la muqueuse est remplacée par une membrane hyaline
épaisse de 0,005 à 0,006, sans noyaux dans son épaisseur.
À la surface de cette tunique se trouve une couche régulière
de cellules petites et cubiques, hautes de 0,012 à 0,015. Ces
cellules continuent la couche épithéliale prismatique des bron-
61% CADIAT. —— DES RAPPORTS
ches, mais elles n’en ont nullement les caractères. Elles repré-
sentent un véritable épithélium de transition. Sur des coupes
partant sur la longueur d’une bronche, on peut voir tous les
degrés intermédiaires entre l’épithélium à cils vibratiles et celui
que nous venons de décrire.
Ces éléments ont été décrits par Küttner dans les Archives de
Virchow, 1876. Souvent on les a pris pour les épithéliums des
alvéoles ou des canalicules dont nous aurons à parler tout à
l'heure.
L'auteur que nous venons de citer n’a en vue que l'épithélium
des conduits. Voici sa description : « L’épithélium des conduits
alvéolaires pendant le développement est cylindrique et cubique
à son extrémité. La muqueuse possède un épithélium à cils vi-
bratiles là où elle est entourée de cartilages. Il se transforme dans
les petites bronches en épithélium cubique. Les cellules cubiques
ont 0,009 d’épaisseur. Dans la cirrhose, on trouve la paroi des al-
véoles aplaties tapissée d’un épithélium cubique ou cylindrique. »
Kütiner fait cesser les cellules à cils vibratiles en même temps
que les cartilages. Ces cellules descendent plus loin ; elles per-
sistent autant que la muqueuse et les fibres musculaires. Aussitôt
que la muqueuse à disparu, ainsi que ces éléments contractiles
péribronchiques, on voit apparaître l’épithélium cubique.
Sur la figure 13, nous avons représenté la coupe d’un de ces
conduits intermédiaires. Les parois sont formées de deux cou-
ches, comme il est facile d’en juger : la couche hyaline et la
couche d'épithélium polyédrique. En dehors se trouvent des
vaisseaux, des fibres élastiques, et les parois des utricules juxta-
posées à ce conduit.
Il arrive assez souvent qu’une coupe porte sur toute la longueur
d’une bronche, ce qui permet de suivre les modifications de struc-
ture de ces conduits dans une assez grande longueur. Sur la plan-
che XXXV, fig. 15, nous avons représenté une de ces coupes. On
peut voir là toutes les transitions entre les différentes variétés
de cellules épithéliales; on les voit peu à peu diminuer de hau-
teur et s’aplalir jusqu’à prendre la forme de petits cubes. Lors-
qu'elles ont cette forme, il est impossible d’y découvrir aucune
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 615
trace de cils vibratiles ou même aucun des caractères des cellules
qui sont munies de cils.
Fibres musculaires. — La couche des fibres musculaires va
peu à peu en diminuant d'épaisseur, et elle cesse presque com-
plétement au point où cesse aussi l’épithélium prismatique. Du
reste, 1l n’y a pas de règle bien fixe à ce sujet. Le niveau où elles
disparaissent varie un peu avec chaque conduit. Dans tous les
cas, nous n'avons rencontré nulle part d’'anneaux musculaires
pouvant être assimilés à des sphincters. La couche des fibres
lisses est toujours parfaitement régulière. Et bien loin de s’épais-
sir au voisinage des lobules, elle y disparaît complétement.
Du rôle physiologique joué par les fibres lisses dans l'acte de
la respiration. — Les expériences de Williams, qui ont été ré-
pétées dernièrement par P. Bert, montrent bien que le poumon
_est contractile, et d’après ce dernier auteur la contractilité du
‘poumon serait sous la dépendance du pneumogastrique. Mais à
quoi peut servir cette contractilité qui réside dans les bronches ?
Telle est la question que se sont posée bien des physiologistes et
qui n’a pas reçu jusqu'ici de solution bien satisfaisante.
Il nous semble néanmoins qu’il est possible de la résoudre, et
nous allons présenter une théorie qui, bien qu’elle ne soit peut-
être pas appuyée sur des expériences démonstratives, semble
réunir bien des probabilités en sa faveur.
Lorsqu'on injecte un liquide dans la trachée d’un enfant qui
n'a pas encore respiré ou qu’on insuffle de l'air, il est facile de
voir que la répartition de l'air ou liquide dans le poumon se fait
d'une façon trés-inégale. Certains lobules sont complétement
distendus alors que d’autres se soulèvent à peine.
Dans l'acte de l'inspiration, bien que la force qui fait pénétrer
l'air dans le poumon n’agisse pas de la même façon, ne peut-il
pas en être de même ? Les lobules superficiels ne doivent-ils pas
tendre à se dilater plus rapidement que ceux qui sont situés au
centre de l'organe ? ,
Pour éviter cette distribution inégale, les fibres musculaires
des bronches auraient justement pour effet de répartir unifor-
mément par leurs contractions l’air qui pénètre dans la trachée,
616 CADIAT. — DES RAPPORTS
se laissant distendre pour un lobule encore fermé et revenant
sur elles-mêmes à l’entrée d’un lobule déjà trop dilaté.
À supposer que ces fibres n’existent pas,comment comprendre
que des cavités aussi irrégulièrement disposées, aussi compli-
quées que le sont les cavités du parenchyme pulmonaire puissent
se remplir toutes à la fois et de la même quantité d’air ?
Si l’on voulait remplir également un poumon avec de la ma-
tière à injection, que ferait-on? On pincerait une bronche pour
empêcher le liquide d’y entrer lorsque le lobule auquel cette
bronche correspond serait rempli, et ainsi on forcerait le liquide
à entrer dans les autres lobules. La tunique musculaire des
bronches n’agit pas autrement.
Or, c’est là un fait qui n’a pas suffisamment attiré l'attention
des physiologistes ; c’est que le poumon, quelle que soit la façon
dont l'inspiration s'opère, se remplit avec beaucoup d'égalité.
Dans le type de respiration costale supérieure, le sommet de-
vrait se remplir à l’exclusion de la base, et dans le type abdomi-
nal l'inverse se produire. Or, il n’en est rien, car l’auscultation
nous montre qu’à l’état normal l'air pénètre également dans
toutes les cavités du poumon. L'absence de bruit respiratoire en
un point de la poitrine n’est-il pas un signe certain d’une alté-
ration de l’organe?
Comment donc cette répartition égale de l’air qui pénètre par
les bronches pourrait-elle se produire dans toutes les conditions
diverses où la poitrine est placée, chez des individus qui ont un
mode respiratoire essentiellement différent si le poumon se dila-
tait passivement ; si les bronches n’agissaient pas par leurs con-
tractions afin de régler la distribution de l'air qui est destiné aux
lobules. |
Que voyons-nous lorsqu'une partie du poumon ne peut se
dilater pour remplir le vide de la plèvre? une autre portion se
distend à sa place et on a de l’emphysème. Ainsi, autour des
noyaux de broncho-pneumonie des enfants, autour des produc-
tions tuberculeuses, etc., on trouve de l’emphysème. C’est là le
phénomène qui se produit chaque fois que l’air est inégalement
réparti dans le poumon.
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. (617
Or, cet emphyséme se trouve après les sections du pneumo-
gastrique chez les animaux (Bernard, Physiologie du système
nerveux). Que prouve-t-il, sinon que certaines parties du pou-
mon se sont distendues pendant l'inspiration d’une façon exces-
sive. Il est bien facile d'en comprendre la raison. Le pneumo-
gastrique anime les fibres musculaires des bronches. Après sa
section, ces fibres sont paralysées. Le poumon de l’animal vi-
vant se trouve donc par conséquent dans la même situation que
celui d’un animal mort, dans les bronches duquel nous pous-
sons une injection. Aucune force ne vient régler la distribution
du fluide dans les cavités où s'ouvrent les bronches. Les unes
vont se dilater à l’excès, les autres resteront affaissées.
La section du pneumogastrique supprime le régulateur qui
- présidait à l'entrée de l’air. Mais que ce régulateur, au lieu
d’être détruit, soit plus ou moins altéré, on aura tous les acci-
dents des asthmatiques.
Cest ainsi que les bronchites spasmodiques, que les accès
d'asthme déterminent à la longue de l'emphysème, comme la
section du pneumogastrique chez les animaux.
Nous venons de voir que les fibres musculaires des bronches
devaient avoir pour action de régler l’entrée de l’air dans le
poumon et que la section du nerf qui les animait produisait en
peu de temps des désordres graves et en particulier lemphysème.
Mais ces fibres peuvent être paralysées autrement que par la
section du pneumogastrique. Une inflammation peut abolir leur
contractilité comme elle le fait pour les fibres de l'intestin, lors
de péritonite par exemple. Et si dans le cas de bronchite la res-
piration ne s'entend plus dans certaines parties du poumon, cela
ne pourrait-il pas tenir à ce que la distribution de l'air n'étant
plus réglée, ce fluide ne pénétrerait plus dans ces parties; mais
que l’inflammation se prolonge un temps suffisant ou qu’elle se
répète souvent, l’emphysème se produira comme dans les expé-
riences des physiologistes. C’est ainsi que très-probablement les
bronchites simples produisent l’'emphysème.
Avant de quitter l'étude des bronches, nous signalerons encore
une expérience que nous avons faite sur ces conduits.
618 CADIAT. — DES RAPPORTS
Si l'on cherche à faire le vide dans l’intérieur du poumon par
la trachée, on arrive bien à retirer l’air des grosses bronches
et des petites jusqu’à celles qui ont des noyaux cartilagmeux.
Mais au delà, le vide est impossible, les canaux s’aplatissent
sous l’action de la différence de pression, et l'air ne sort pas des
canalicules. Nous avons fait cette expérience avec un vide de
0" ,60 de mercure, sans aplatir le poumon en aucune façon. Lors-
qu’on connaît la structure des bronches, on comprend très-bien
la raison de ce fait. Là où cessent les noyaux cartilagineux, rien
n'empêche ces canaux de s’aplatir sous l'effet de la pression
atmosphérique. Mais si nous tenons à le signaler, c’est que sur
cette idée fausse Bichat fonde une de ses expériences à propos
de la circulation pulmonaire, et Kôlliker ne craint pas de recom-
mander le procédé du vide pour enlever l’air qui gêne tant dans
les préparations de poumon.
L'expérience de Bichat reposait sur une erreur anatomique. Il
croyait faire le vide dans le poumon et il enlevait seulement l'air
des grosses bronches. Gréhant et un des élèves, M. Ducroz, ont
démontré contrairement à Bichat que l’état de distension ou de
retrait des lobules avait une influence considérable sur la cireula-
tion. Nous avons reproduit ces expériences, et en arrêtant seu-
lement le soufflet qui sert à la respiration artificielle dans les la-
boratoires, après deux tours, nous avons vu la pression veineuse
dans la jugulaire monter de 2 centimètres de mercure. Gréhant
avait vu qu'avec une pression mercurielle de 6 centimètres dans
les bronches on arrêtait complétement la circulation. La tension
veineuse devenait égale à la tension artérielle.
CHAPITRE III
DE LA PARTIE RESPIRATOIRE DU POUMON
Nous avons laissé le développement le poumon au moment de
la naissance. Nous avons vu comment la masse épithéliale pleine
représentant le lobule commençait à se creuser de larges cavités
avant celte époque, et qu'après seulement les plus petites s’ou-
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 619
vraient par le seul fait de la pénétration de lair. En suivant
l’évolution des éléments, on arrive à comprendre comment les
cellules épithéliales de la masse lobulaire se soudent entre elles
pour former de petits feuillets accolés qui en s’écartant limiteront
des culs-de-sac ; mais là ne se bornent pas toutes les modifica-
tions qu’elles subissent, ainsi que nous le verrons à propos de la
structure du lobule.
Dispositions des conduits lobulaires. — Pour comprendre
la disposition de ces conduits, la façon dont ils se ramifient, sup-
posons que dans la masse lobulaire préparée pour la respiration
comme nous l'avons figuré planche XXXIL, figure 3, on insuffle
de l'air par les bronches, cet air dilatera d’abord les cavités
béantes a,a que nous avons vues dans le lobule, puis 1l s’insi-
nuera entre les fissures c,c qui en partent, les ouvrira à leur tour
et finira par déterminer la formation de petits utricules ré-
sultant de la réunion de deux ou trois cellules épithéliales.
Cette manière de comprendre les lobules n’est pas, comme on
peut en juger, d'accord avec la théorie de Rossignol qui les décrit
comme des cavités cloisonnées par des plans de séparation per-
pendiculaires aux parois. L'interprétation donnée par cet anato-
miste est contredite par ce que nous connaissons du développe-
ment.
Voyons par contre quelle est la structure du poumon à la
naissance. Celle que nous allons décrire s'accorde parfaitement
avec les faits énoncés plus haut.
La plupart des auteurs qui décrivent le poumon sont fort
embarrassés pour représenter le mode d'implantation des cavités
utriculaires sur la bronche et la forme de ces cavités. En effet,
sans l’artifice de préparation que nous avons indiqué, il est im-
possible de se rendre compte des dispositions de ces parties.
Nous avons vu précédemment que les orifices terminaux de ces
conduits étaient très-nombreux. Tandis que d’après Rossignol
et même d’après les auteurs les plus récents par exemple, il n’y
en aurait que trois ou quatre.
Cette première erreur étant commise, il devient impossible de
comprendre la disposition du reste du lobule.Aussine chercherons-
620 CADIAT. — DES RAPPORTS
nous pas à discuter les différentes opinions émises sur ce sujet.
Sur plusieurs de nos dessins on peut voir qu’à l'extrémité de
la bronche se trouve appendue une masse vésiculeuse qui la
masque en parlie. Elle représente un reste de la portion du
lobule qui a été arrachée par la préparation. À chaque extrémité
bronchique correspond, si l’on veut, un lobule primitif quatre
ou cinq fois plus volumineux que la partie dessinée en d, fig. 10,
Lorsqu'on examine cette masse vésiculeuse, au premier abord
elle diffère essentiellement de la bronche, et au niveau des ori-
fices multiples dont celle-ci est percée existe une ligne de dé-
marcation parfaitement nette.
Il est facile de suivre les ramifications lobulaires sur des pou-
mons de fœtus à terme, injectés avec de la gélatine au nitrate
d'argent. Les cavités du lobule primitif représentent une série
de conduits ramifiés comme les bronches.
Ils reproduisent dans leurs rapports réciproques et leurs formes
les bronches terminales. C'est-à-dire que le premier conduit
qui vient prendre naissance sur une ouverture bronchique pré-
sente comme la bronche une foule d’orifices latéraux sur lesquels
viennent s'implanter d’autres conduits plus étroits et plus courts.
Les orifices sont si multipliés sur ce premier canal, qu’il
n'existe pour ainsi dire que virtuellement. On en suit la direc-
tion, mais il est difficile d’en marquer les parois. Après deux ou
trois ramifications, suivant les points considérés, on arrive aux
ütricules terminaux. Ces utricules, qui correspondent aux al-
véoles de Rossignol et dont M. Sappey a très-exactement donné
les dimensions, sont de petits culs-de-sac à peu près aussi pro-
fonds que larges et tous égaux entre eux ; ils sont étroitement
accolés les uns aux autres, ce qui fait qu’on les a décrits comme
des parties d’une vaste cavité commune (infundibulum de Rossi-
gnol) cloisonnée par des plans normaux à la surface.
Sur la figure 12, pl. XXXIV, sont représentés ces utricules et
les canaux dans lesquels ils viennent s’ouvrir.
F. Schultze a bien décrit le mode de ramification de ces con-
duits qu’on a appelés depuis canaux alvéolaires. Mais cet auteur
n'a pas bien figuré les utricules terminaux.
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 621
On comprend bien, en effet, la formation de petits culs-de-sac
terminaux étant donnée, le développement par bourgeons des ra-
mifications bronchiques. Mais il est impossible de se rendre
compte de la formation de cloisons interalvéolaires de Rossignol.
C'est en cela justement que l'étude des différentes phases que
traverse le poumon dans la vie embryonnaire présente de lin-
térêt. On ne peut admettre non plus l’opinion de Külliker qui
voit dans le lobule primitif un petit poumon de batracien. Chez
ce dernier, le poumon se présente sous la forme d’une grande
cavité bosselée à sa surface; sa structure est essentiellement
différente de celle que nous allons décrire, car elle renferme
une quantité trés-considérable d'éléments musculaires.
Structure des utricules respirateurs. — La paroi des utricules
- respirateurs est généralement considérée comme formée de trois
couches :
1° Une première externe renfermant beaucoup de fibres élas-
tiques et dans laquelle sont les vaisseaux formant un réseau ca-
pillaire très-riche qui coiffe pour ainsi dire chaque cul-de-sac ;
2° Une paroi homogène hyaline de nature élastique ;
3° Une couche épithéliale formée de cellules aplaties.
Nous ne nous occuperons que de ces deux dernières parties.
Külliker admet l'existence de la paroi propre et de la couche
épithéliale. Seulement il figure des cellules épithéliales qui res-
semblent exactement à celles des derniers canaux bronchiques.
À aucune époque de la vie on ne voit de cellules semblables dans
ce qu’il appelle les alvéoles.
Il résulterait de nos recherches que ces parois utriculaires ne
seraient formées que de deux couches. On se rend bien compte
de ce fait en suivant les modifications que subit le poumon dans
les premiers âges et à la fin de la vie fœtale. Nous croyons aussi
que beaucoup d’histologistes ont été induits en crreur par ces
canaux intermédiaires qui terminent les bronches, canaux qui,
nous l'avons vu, sont formés seulement d’une paroi homogène
et d’une couche de cellules épithéliales cubiques.
Lorsqu'on examine le poumon d’un jeune animal, on voit très-
facilement, sur les parois des utricules, des cellules épithéliales.
622 CADIAT. — DES RAPPORTS
Ces cellules ne se distinguent plus sur l'adulte sans nitratation,
quelque soin qu’on y mette. Comparons par exemple les figu-
res 5 et 8. On voit la différence entre ces deux états. Dans l’un,
ce sont des cellules séparées qui forment les parois ; dans l’au-
tre, une couche continue.
Quelle transformation s’est-1l donc produite ?
Les parois utriculaires sont constituées chez l'enfant par la
couche vasculaire dont l'existence. est indiscutable, puis par des
cellules épithéliales très-larges, aplaties, irrégulières, avec de
gros noyaux ovoides et granuleux (voy. &,a, fig. 5, pl. XXXIIT).
Ces cellules adhèrent peu les unes aux autres. Les injections qu’on
pousse par les bronches les séparent facilement; 1l en est de
même des dilacérations. Ainsi, sur les préparations, on en voit :
toujours un certain nombre qui sont isolées, et on peut alors
déterminer exactement leurs formes et leurs dimensions.
Ce sont ces cellules dont on peut délimiter les contours avec
le nitrate d'argent.
Sur les coupes de poumon d’adulte, on trouve, au lieu de cette
couche de cellules épithéliales, une membrane hyaline plus
ou moins épaisse, parfaitement transparente (voy. fig. 8 et 9,
pl. XXXIID). Dans certains points de la préparation, on voit la tran-
che de cette membrane et on peut en mesurer l'épaisseur. Chez le
bœuf, elle est très-épaisse relativement. À sa face externe et lui
adhérant sont appliqués les vaisseaux capillaires et quelques élé-
ments du tissu cellulaire avec des fibres élastiques. Mais à sa face
interne, il est impossible de distinguer aucune cellule épithéliale.
Nou savons pris des poumons sur des animaux qu’on venait d’a-
battre, nous les avons plongés dans le liquide de Müller ; puis,
après durcissement, nous avons pratiqué des coupes, et ces
coupes, quelque nombreuses qu’elles aient été, ne nous ont jamais
montré de cellules épithéliales doublant la paroi alvéolaire. |
Nous avons pensé alors que cette paroi homogène était elle-
même un produit de transformation de ces cellules épithéliales
qui existent chez le fœtus. En effet, si l’on traite ces préparations
de poumon de bœuf adulte par l’hématoxyline, on ne tarde pas
à voir apparaitre, dans l'épaisseur de ceite couche hyaline, des
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 623
noyaux colorés en violet. Ces noyaux ont la forme et la dimen-
sion de ceux qui existent au centre des cellules épithéliales de
la paroi alvéolaire de l’enfant.
Sur l'adulte, quel que soit le procédé qu'on emploie pour
mettre les cellules épithéliales en évidence, on ne voit jamais
deux couches distinctes superposées : une couche épithéhiale et
une membrane amorphe. Or, même dans les parties où les cel-
lules épithéliales ont leur minimum d’épaisseur, comme à la face
interne des parois vasculaires, à la surface des séreuses, 1l est
bien facile de les distinguer en plus ou moins grand nombre
avec les simples procédés de préparation que nous avons em-
ployés, pourvu seulement qu’on opère sur des pièces fraiches.
Dans le cas actuel, à la face interne des utricules respiraleurs
chez l'adulte, on ne voit jamais, soit une cellule, soit même un
noyau cellulaire dépassant les surfaces absolument lisses qu’of-
frent les parois de ces cavités. Il faut donc admettre que ces
parois sont formées principalement par l’accolement et la fusion
de cellules épithéliales qui, loin de constituer, au point de vue
dynamique, un élément accessoire qui pourrait disparaître mo-
mentanément sans inconvénient, représentent au contraire la
partie fondamentale et nécessaire.
En résumé, nous admettons que cette membrane homogène,
qui forme la paroi des utricules respiratoires du poumon chez
l'adulte, est formée par la fusion de ces cellules qui existent sé-
parées chez l'enfant.
L'union incomplète des cellules explique la fragilité du tissu
des lobules, fragilité qui permet l'isolement des bronches tel
que nous l'avons fait chez l’enfant et qu’on ne pourrait pas
obtenir à un âge plus avancé.
Ces modifications de texture se font bien peu de temps après
la naissance, car 1l faut prendre des enfants de quelques jours
pour séparer ainsi les cellules épithéliales les unes des autres.
Sur tous les poumons adultes que nous avons examinés et qui
correspondaient à des âges différents, nous avons toujours trouvé
une lame hyaline continue.
Lorsqu'on injecte les cavités du poumon avec une solution de
62/4 CADIAT. — DES RAPPORTS
nitrate d'argent, on arrive à montrer à la surface des utricules
des lignes noires dessinant des polygones plus ou moins irrégu-
liers. Ces préparations ne réussissent pas toujours, ce qui se
conçoit facilement d’après ce que nous venons de dire. Cela dé-
pend sans doute de ce que les cellules sont plus ou moins con-
fondues en lame continue. Nous avons reproduit ces prépara-
tions, et les figures que nous avons obtenues ressemblent, sauf
quelques différences de détail, à celles qui sont données dans
l’Histologie de Kôlliker.
En résumé, nous pouvons conclure de ce que nous venons
d'exposer relativement à la structure des parois utriculaires,
qu’elles sont formées par une lame homogène épaisse de 0,001
à 0,002 et 0,003 jusqu’à 0,008, suivant les animaux. Paroi ré-
sistante, souple, élastique, parsemée de noyaux ovoïdes longs
de 0,01. Cette paroi est d’origine épithélale, et les noyaux
qu’elle renferme sont les restes des cellules qui l’ont formée.
À la face externe de cette membrane et intimement uni à
elle se trouve le réseau capillaire. Ce réseau est extrêmement
riche, comme on le sait. Nous n'avons pas à le décrire ici, car il
se trouve figuré assez exactement dans la plupart des traités
d'histologie. Dans la même couche se trouvent des fibres élasti-
ques fines, nombreuses et des éléments du tissu cellulaire avec
des dispositions qui ne sont pas encore exactement déterminées.
Quand on voit la position de ce réseau capillaire entre les
parois accolées de deux cavités utriculaires contiguës, on com-
prend facilement que la circulation du sang puisse être arrêtée
lorsque la pression de l'air dans ces cavités vient à augmenter.
Nous avons rappelé précédemment les expériences de Gréhant à
ce sujet, et puisque nous laissons de côté les vaisseaux du pou-
mon, nous n'entrerons pas dans toutes les considérations patho-
logiques qu’on pourrait déduire de ces expériences.
Il n'existe donc en réalité que deux couches dans les parois
utriculaires : la couche épithéliale et la couche vasculaire. Peut-
être, par certains procédés de préparation, arrivera-t-on à isoler
entre elles une couche intermédiaire analogue à celles qui existent
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE. 625
presque partout entre les cellules épithéliales et les membranes
qu'elles tapissent (1); mais en admettant même qu’elle existât,
son importance serait considérablement diminuée. d’après ce
que nous avons exposé plus haut.
Les dispositions que nous venons de décrire sont celles du
poumon complétement développé. On voit par conséquent qu’il
n'arrive à sa forme définitive que quelques mois après la nais-
sance. Les dernières modifications sont la suite du travail d’évo-
lution dont nous avons suivi les phases depuis les dr
périodes de la vie embryonnaire.
On voit donc en résumé qu’il est BA bo de suivre pas à pas
toutes les transformations que subit le poumon depuis son ori-
gine jusqu’à l’âge adulte, et que les dispositions observées à une
époque s'expliquent et se contrôlent aisément au moyen de
celles qui précèdent ou de celles qui suivent. Ainsi se trouvent
déterminées exactement au point de vue de l’anatomie générale
toules les parties qui composent le parenchyme pulmonaire.
EXPLICATION DES PLANCHES XXXIT, XXXIII, XXXIV Er XXXV.
Ces dessins représentent les états successifs du poumon depuis son
origine jusqu’à l’âge adulte. Les deux premières planches sont relatives
au développement, les autres à la structure du poumon complétement
formé.
En suivant l’ordre indiqué par les chiffres on peut voir tous les états
par lesquels passe le parenchyme pulmonaire dans son évolution.
La planche XXXII donne les états du lobule jusqu à la naissance, avant
la première inspiration.
La planche XXXIII commence à la naissance et finit à l’âge adulte.
Les deux autres planches donnent la terminaison des bronches, les
rapports des bronches avec les cavités lobulaires et la structure des der-
nières ramifications bronchiques.
Dans la planche XXXII on voit d’abord un conduit tapissé de cellules
épithéliales avec des renflements ampullaires terminaux. Ce conduit re-
(1) Voy. sur cette couche : Ch. Robin, Programme du cours d’histologie. Paris,
1870, in-8, 2° édition, p. 373 ; et Littré et Robin, Dict. de médecine, art. Poumon.
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, XII (1877). 40
626 CADIAT. — DES RAPPORTS
présente une grosse bronche avec ses bourgeons latéraux sur un em-
bryon très-jeune.
A côté on voit un lobule ; le cylindre épithélial s’est ouvert, il a rem-
pli tout le lobule de ses rameaux. Le tissu cellulaire n'y est plus repré-
senté que par des cloisons qui vont en diminuant toujours d'épaisseur.
La figure 3 représente une partie de lobule à une époque encore plus
avancée, alors que le bourgeonnement épithélial a pris un tel accroisse-
ment que presque toute la masse lobulaire est transformée en cellules
épithéliales. Ces cellules forment non-seulement les parois des conduits,
mais encore presque tout le tissu environnant.
Enfin, sur la figure 4 toutes les parties du lobule sont formées, il est
presque entièrement épithélial, les premières cavités lobulaires sont
ouvertes, des fissures qui font suite à ces cavités pénètrent la masse épi-
théliale périphérique. Quand ces éléments périphériques se séront sépa-
rés après la naissance on aura le lobule sous sa forme vésiculaire tel
qu’on en voit des fragments sur la planche XXXIV.
La planche XXXIII nous montre maintenant des alvéoles ou plus exac-
tement des utricules respirateurs d'enfant, de veau nouveau-né, de bœuf
adulte. Sur les premiers, les cellules épithéliales de la paroi étaient sé-
parées ou plutôt séparables; sur les derniers, elles se sont soudées en
lames continues.
Les planches XXXIV et XXXV sont relatives aux bronches.
La première montre les orifices multiples de la branche terminale,
cette sorte de dissociation qu’elle subit à son extrémité.
Enfin, sur la figure 4 on voit la structure des canaux bronchiques au
voisinage de leur terminaison et la structure d’une bronche chez un em-
bryon.
PLANCHE XXXII,
Fic. 1. — Conduits ramifiés du poumon sur un embryon de mouton de
4 centimètres, dessin fait d’après une préparation fraiche traitée seu-
lement par l’acide acétique.
a. Conduit,
b. Renflement vésiculaire terminal.
c. Bourgeon latéral commençant à paraitre.
d. Bourgeon plus développé.
e. Bourgeon peu développé avec une fissure centrale.
Fi6. 2. — Coupe d’un lobule d’embryon de mouton de 12 centimètres.
1. Bronche avec sa muqueuse plissée.
b,b,b. Conduits épithéliaux faisant suite aux bronches, les uns sont
pleins, d’autres commencent à se creuser d’une cavité.
FiG. 3. — Coupe d’une portion de lobule (grossiss. 500 diam.) d’un em-
bryon de mouton de 35 centimètres.
Les conduits coupés en travers représentent ou les bronches termi-
2
ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON ET SA STRUCTURE, 627
nales ou les premières cavités lobulaires. On ne peut pas encore le savoir
à cette époque.
b,b. Cellules épithéliales formant la paroi se continuant sans ligne
de démarcation précise avec d’autres cellules c,c,c irrégulière-
ment disséminées dans le lobule.
d,d,d. Cavités laissées par la chute d’un certain nombre de cellules
épithéliales montrant bien la nature épithéliale de ces éléments.
Fic. 4. — Poumon avant la naissance.
a,a,a. Conduits alvéolaires faisant suite aux bronches tels qu'ils
sont avant la respiration.
b,b,b. Cellules épithéliales de la masse lobulaire écartées les unes
des autres par des fissures c,c qui commencent à se produire.
Lorsque ces fissures s’ouvriront, elles formeront les utricules et
les cellules épithéliales.
d,d,d. Les parois de ces utricules.
PLANCHE XXXIIL,
Fic. 5. — Épithélium d’un utricule respirateur d’un enfant nouveau-né.
a,a,. Cellules séparables, les unes accolées à la paroi utriculaire.
les autres tombées dans la cavité.
b,b. Cloisons inter-utriculaires.
Fic. 6. — Même préparation sur un veau de deux ou trois mois.
Fig. 7. — Épithélium pulmonaire du bœuf adulte mis en évidence par
le nitrate d’argent.
Fic. 8. — Couche épithéliale soudée en lame continue chez un bœuf
adulte ; les noyaux des cellules sont mis en évidence au moyen de
l’hématoxyline.
a. Noyau des cellules épithéliales soudées en lames continues.
b. Parois inter-utriculaires.
Fic. 9. — Coupe d’un lobule de poumon de bœuf adulte traité par le
liquide de Müller.
On voit que la coupe des parois utriculaires est parfaitement lisse et
ne montre aucune cellule épithéliale à la surface.
a Paroi utriculaire.
b. Vaisseaux sanguins pleins de globules rouges sous la paroi utri-
culaire.
PLANCHE XXXIV.
Fic. 10. — Bronche séparée de la masse vésiculaire du lobule par le
procédé indiqué dans ce mémoire.
Cette figure donne une vue d'ensemble.
a,a,a. Orifices multiples des bronches.
628 RAPPORTS ENTRE LE DÉVELOPPEMENT DU POUMON, ETC.
b. Couche épithéliale de la bronche.
«. Couche musculaire.
d. Portion de lobule restée adhérente à la bronche.
e. Prolongements de la bronche dissociée s’avançant dans la pro-
fondeur du lobule.
Fi, 11. — Détail d’une petite extrémité bronchique pour montrer la
disposition des orifices. Cette figure représente agrandi le rameau A
de la figure précédente.
Fic. 12. — Bronche terminale. Cette figure montre la façon dont elle se
dissocie à son extrémité avec sa couche épithéliale a4,a,a qui se conti-
nue au loin.
b,b. Une portion de la masse vésiculaire du lobule.
c,c. On voit les noyaux des cellules épithéliales de la paroi. Ce sont
les mêmes que celle que l’on voit dans les figures 3 et 4, , Plan;
che XXXII, en c,c, mais disposées autrement.
d,d. Cellules elle appartenant aux prolongements de la pa-
roi bronchique dans le lobule,
PLANCHE XXXV.
Fic. 13. — Coupe d’une bronche terminale.
a. Paroi propre de la bronche hyaline élastique.
b. Couche épithéliale cubique.
c. Coupe des utricules respirateurs périphériques.
Fic. 14. — Muqueuse bronchique d’une bronche terminale un peu au-
dessus de la précédente.
La couche musculaire est adhérente à la muqueuse.
a. Couche musculaire.
b. Muqueuse,
c. Épithélium cylindrique à cils vibratiles.
Fi. 15. — Coupe en long d’une bronche terminale montrant la transi-
tion depuis le point où son épithélium est prismatique et sa muqueuse
est doublée d’une couche musculaire jusqu’au point où il n’y a plus
de fibres musculaires et où l’épithélium est devenu cubique.
a. Fibres musculaires.
b. Épithélium prismatique.
c. Épithélium cubique au voisinage de la ds de la bron-
che.
FiG. 16. — Coupe d’une bronche à la base d’un lobule d'un embryon de
mouton de 12 centimètres.
On voit la couche musculaire, la muqueuse, l’épithélium prismatique.
MÉMOIRE
SUR
LES SARCOPTIDES PLUMICOLES
Par MM. Ch. ROBIN et MÉGNIN
(Suite et fin (1).
Genre PROCTOPHYLLODES (2) Ch. Robin.
Acariens sarcoptides d’un gris roussâtre, d’une longueur dé-
passant peu un demi-millimètre, plats sur le dos et sous le ventre,
de forme allongée, presque quadrilatère, à flancs presque droits,
avec une légère dépression entre le deuxième et le troisième
épimére au-devant duquel se trouve un court piquant et un long
poil. Long poil de l’extrémité externe du tibial de toutes les pattes,
rigide et à extrémité mousse.
Rostre conoïde, étroit, allongé, peu incliné, saillant entre les
pattes antérieures, à mandibules longues peu renflées à la base,
sur laquelle empiète l’épistome dépourvu de poils et de prolon-
gements du camérostome. Une plaque granuleuse sur l’épistome
et une autre thoraco-abdominale sur les adultes, assez profondé-
ment incisée sur la ligne médiane chez les mâles, cette dernière
manquant aux autres âges.
Müles très-différents des autres états, notablement plus courts,
mais plus larges que les femelles; abdomen étroit, mince, bordé
d’une bande chitineuse, à côtés presque droits, à extrémité bi-
lobée ou non, portant de chaque côté une expansion ovalaire,
plus ou moins grande, foliacée, incolore, mince, renforcée de
fines nervures, et de plus trois poils d’inégale longueur. Organe
génital étroit, allongé, pourvu d’un pénis ensiforme, articulé,
habituellement renversé en arrière, assez long sur quelques
espèces pour dépasser l'extrémité de l'abdomen.
Femelles fécondées de forme quadrilatère allongée, dont l’ex-
(1) Voyez les numéros de mai-juin, juillet-août et septembre-octobre 1877 de ce
recueil. A la page 520, au lieu de centropodos, lisez centropodus.
(2) rpwxroç, le derrière ; guAA6dnç, semblable à une feuille.
630 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
trémité postérieure coupée carrément porte de chaque côté un
prolongement prismatique, chitineux, jaunâtre, rarement tron-
qué, surmonté sur la plupart des espèces d’un piquant ensiforme
et pourvus chacun de trois poils de longueur inégale. Épimérite
vulvaire en fer à cheval, à extrémités libres.
Femelles accouplées très-différentes des femelles fécondées, de
forme générale quadrilatère ou ovoïde à dos bombé, à extrémité
postérieure mousse portant deux paires de poils fins, sans pro-
longements prismatiques, avec ou sans courts mamelons. Pas d’or-
ganes sexuels, mais sur quelques espèces une paire de prolonge-
ments cylindriques incolores près de la ligne médiane au bout de
l'abdomen.
Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées mais
plus petites, à abdomen plus court et plus étroit, manquant d’ap-
pendices cylindriques en arrière sur toutes les espèces.
Larves hexapodes étroites, allongées ; abdomen court, étroit,
avec ou sans mamelons à son extrémité qui ne porte qu’une paire
de poils.
Les sarcoptides de ce genre se distinguent de ceux des autres
genres par leur forme générale quadrilatère, par la présence à
tous leurs états d’un poil et d’un fort piquant en avant du troi-
sième épimère au lieu de deux poils fins ; par la présence d’une
plaque grenue sur l’épistome et d’une plaque dorsale thoraco-
abdominale, cette dernière manquant toutefois avant l’état adulte.
Les mâles se distinguent aisément par la disposition bilobée ou
non de l'extrémité de leur abdomen, avec trois poils sur chaque
lobe et de plus une expanssion foliacée incolore, mince, ovalaire,
plus ou moins grande, qui manque dans tous les autres genres,
puis par un organe génital étroit allongé, pourvu d’un pénis en-
siforme, articulé, très-long sur quelques espèces.
Les femelles se distinguent aisément aussi par leur forme
allongée, presque quadrilatère, et par les deux prolongements
prismatiques chitineux, jaunâtres, siégeant au bout de leur ab-
domen, avec ou sans piquant ensiforme, et par l’état libre des
extrémités de l’épimérite vulvaire en fer à cheval.
Sur quelques espèces les femelles accouplées se distinguent
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 631
aisément de celles des autres espèces et de leurs nymphes par
es deux appendices cylindriques incolores de la partie dorsale du
bout de leur abdomen.
Les Proctophyllodes proprement dits et ceux du sous-genre
Pterodectes ont aussi sur les flancs un long poil et un court
piquant à côté et un au-dessous de ce poil. Mais 1ci, c’est le
long poil qui est au-devant du piquant, au lieu d’être un peu en
arrière comme sur les Pterolichus.
Remarques. Koch (voy. la note 2 de la page 498) caractérise
ainsi la troisième division de son genre Dermaleichus :
« Le corps long, une fourche à l’arrière du corps du mâle, les
quatre pattes antérieures aussi longues que les quatre dernières,
celles-ci plus minces que les antérieures » (p. 124). |
Ne s'étant pas préoccupé de constater l’existence des organes
sexuels qu’il ne décrit sur aucune espèce, il appelle mdles les in-
dividus portant une fourche en arrière, tandis que ce sont les
femelles fécondées qui en ont une, et ce sont les femelles accou-
plées ou les nymphes qu’il figure sous le nom de mâles. Cette
fourche existe sur les femelles fécondées des Proctophyllodes dé-
crits ici et de ceux du sous-genre Pfercdectes qui seront décrits
ensuite. On verra alors que, d’après l'habitat des espèces obser-
vées par Koch, ce sont quelques-unes de celles que nous ran-
geons sous le nom générique de Proctophyllodes qu'ila eues sous
les yeux. Il les décrit d’après cet habitat, sous les noms de Der-
malichus corvinus, picæ, glandarinus, rubeculinus, acredu-
hnus et furcatus. Il a observé ce dernier sur les souris. Il
nomme en outre, sans les décrire, les D. scolopacinus, accento-
rinus et letraonum.
Koch dit des Dermaleichus (Uebersicht, drittes Heft, 1842,
in-8°, p. 123) : « Qu’on les trouve fréquemment en état d’accou-
plement, pendant lequel l’adhérence a lieu avecla partie terminale
de l'arrière du corps et pendant cet état, qui dure longtemps, le
mâle plus gros que la femelle, traîne celle-ci avec elle. Après une
violente séparation, la fourche existant à l'arrière du corps de
beaucoup de mâles paraît changée, et où elle manque est une
vésicule enfoncée, brisée » (p. 123).
632 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
Un pareil changement ne s’observe jamais, et d’après ce passage
il semble qu'ici Koch a vu réellement les mâles, ce qu'il appelle
vésicule brisée pouvant être l'aspect offert par les appendices fo-
liacés incolores du mâle des Proctophyllodes. Du reste, il ne parle
pas autrement de ces appendices n1 en réalité des mâles; aussi,
dans ses descriptions spécifiques comme dans ses figures, c’est
toujours la femelle fécondée qui est regardée comme étant le
mâle et les femelles accouplées ou peut-être les nymphes, assez
bien représentées quant à la forme générale, sont considérées
comme étant les femelles. Pour son D. acredulinus il décrit et
figure une nymphe à extrémité de l'abdomen pourvue de deux
mamelons, comme étant un mâle et une femelle accouplée ou
peut-être une petite nymphe comme étant une femelle.
4° Proctophyllodes à prolongement de l'abdomen du mâle très-larges
(Proctophyllodes proprement dits).
L
1. PROCTOPHYLLODES GLANDARINUS Ch. Robin ex Koch (1) [pl XXXVI|.
Sarcoptides d'un gris roussätre, à corps mince, allongé, brillant à la
surface, presque quadrilatère, à peine atténué en avant, long de quatre
à cinq dixièmes de millimètre, plat sur le dos et sur le ventre, à flancs
minces avec une dépression peu prononcée en avant du troisième épimère
qui porte un court et fort piquant et un poil aussi long que le corps est
large. |
Rostre jaunâtre, conoïde, allongé, long de six à huit centièmes de
millimètre et d’un tiers moins large, peu incliné, découvert, saillant en
avant entre les pattes antérieures.
Mandibules assez longues, dépassant un peu le bord libre et étroit de
la lèvre, peu rentlées à la base que recouvre en partie l’épistome dé-
pourvu de poils et de prolongement du camérostome (2).
Pattes presque égales entre elles, les premières et les dernières un peu
plus grosses pourtant que les autres, d’une longueur qui égale à peine
(1) Synonymie : Dermaleichus glandarinus Koch, Deutschland Crustaceen, etc.
Regensburg, heft 33, tab. XX : la femelle fécondée, décrite et figurée comme étant le
mâle, ett. XXI : une nymphe ou une femelle accouplée décrite comme étant la femelle.
Koch donne le nom précédent à cette espèce parce qu’il l’a trouvée sur le Geai
(Corvus glandafinus L.), et nous le lui conservons pour ne pas multiplier les déno-
minations synonymiques, bien qu'on rencontre ces sarcoptides sur le Gros-bec
(Coccothrauster vulgaris, Vieillot) plus abondamment encore que sur le Geai.
(2) Cette espèce et ses analogues manquent des vésicules abdominales jaunâtres
dans tous les âges.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES, 633
la largeur du corps; rendues un peu anguleuses par de petits tubercules
chitineux ocracés.
Larves portant des ventouses de largeur moyenne. Un assez long poil
rigide, tronqué, dépassant l'extrémité du tarse à l'extrémité externe du
tibia de toutes les pattes.
Épimeres et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur ocreuse
prononcée ; pièces solides des pattes très-légèrement grenues. — Épi-
mères de la première paire réunis en V sur la ligne médiane par leur
extrémité inférieure.et envoyant par l’autre un prolongement à la base
du palpe maxillaire. — Épimère de la deuxième paire à extrémité in-
férieure libre, envoyant par l’autre un prolongement à la base de la
première patte d’un côté et en bas, sur les flancs, une pièce cornée s'é-
talant en une plaque ou cuirasse granuleuse jaunâtre, et seterminant en
se recourbant en dedans presque au contact de la branche supérieure dn
troisième épimère ; épimères de la quatrième paire articulés avec ceux de
la troisième dont la branche supérieure porte un fort piquant et un long
poil et s’étalant sur les flancs en plaque ou cuirasse grenue, jaunûtre.
Tégument transparent, mince, assez rigide, à plis réguliers assez larges,
onduleux sous le ventré ; épistome formé par une plaque grenue, de
teinte ocreuse prononcée, à côtés sinueux, se terminant carrément au-
dessous de la deuxième paire de pattes et percée d’un petit trou rond
aux points où sont insérés deux longs poils placés au niveau de ces pattes.
Une deuxième plaque grenue, de même couleur, qauadrilatère, à bords
nets, séparée de la précédente par une étroite zone de plis et étendue
usqu’au bout de l'abdomen.
Anus en forme de fente longitudinale atteignant presque le bout de
l'abdomen, avec un poil très-fin et très-court de chaque côté de la partie
antérieure.
Mâle (fig. 3) très-différent des autres états, long de 0"",35 à 0"",40,
large de deux dixièmes de millimètre, trapu, roussâtre, les pattes de la
troisième paire un peu plus petites que les autres; celles de la quatrième
paire dépassant le bout de l'abdomen de toute la longueur du tarse.
Abdomen court, bien plus étroit que le céphalothorax, quadrilatère,
aplati, mince, foliacé, à côtés à peu près égaux, d’une teinte générale
jaunâtre, bordé sur tout le pourtour d’une bande cornée jaunâtre, à ex-
trémité postérieure, coupée carrément, avec une petite échancrure sur
la ligne médiane de chaque côté de laquelle est insérée une expansion
foliacée, large, ovalaire, transparente, munie d’une nervure médiane
barbelée de nervures transversales très-fines ; à chaque angle de l’ex-
trémité de l'abdomen trois poils à extrémité grêle et flexible. Un poil mé-
dian porté par un gros tubercule cylindrique est plus long que le corps
n’est large. Deux ventouses circulaires de chaque côté .de l’anus pou-
vant saillir sous forme de cylindre, avec un spicule immédiatement en
avant de chacune d'elles et une autre paire de spicules plus haut, plus
près de la ligne médiane au-dessous de la base de l’organe génital.
63/4 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
Organe génital entre les épimères de la quatrième paire de couleur
ocreuse avec une paire de poils fins et courts de chaque côté en forme
de massue à grosse extrémité postérieure envoyant de chaque côté un
épidème jusqu’au-dessous des ventouses anales ; à extrémité antérieure
portant articulé sur elle un long pénis incolore, ensiforme, flexible, mo-
bile en tout sens, tenu habituellement replié en arrière sur la ligne
médiane entre les deux ventouses anales et au devant de l'anus, à pointe
aiguë dépassant l'abdomen et atteignant l'extrémité des expansions fo-
liacées. :
Femelles fécondées (fig. 4 et 5), longues de cinq à six dixièmes de mil-
limètre, larges de 0"",20 à 0"",25; corps roussâtre, de forme quadrila-
tère allongée, coupé carrément aux deux extrémités comme sur le mâle
et, comme sur lui, entaillé de chaque côté du bord antérieur pour l'in-
sertion des pattes de la deuxième paire; elles sont semblables aux pre-
mières et un peu plus grosses que celles des deux dernières paires. —
Abdomen quadrilatère allongé, bien plus long que large, notablement
plus étroit que le céphalothorax, mince, à côtés rectilignes ou un peu
concaves et brusquement entaillés près de l'extrémité de l'abdomen,
dont chacun des angles se prolonge en un lobe jaunâtre ocracé, prisma-
tique, aplati, de la longueur du rostre, avec un bord rectiligne entre
chacun d’eux; lobes et côtés de l'abdomen bordés d’une épaisse bande
cornée jaunâtre, contiguë à la plaque dorsale granuleuse. Chaque lobe
porte à son extrémité un piquant rigide, ensiforme, à bords tranchants,
près de deux fois aussi long que le lobe et un poil fin de la longueur de
celui-ci; chacun porte en outre un très-petit poil vers le milieu de son
bord interne et, au côté externe de sa base, un autre volumineux est aussi
long que le corps est large. —- Pattes postérieures atteignant à peine la
base des lobes abdominaux. — Vulve placée un peu en avant du troisième
épimère, semblable à celle du Pr. profusus à lèvres un peu jaunûtres,
à commissure antérieure surmontée transversalement d’un épimérite
corné, jaunâtre, formant un demi-cercle à concavité postérieure, dont les
extrémités sont libres, sans continuité avec la branche supérieure du
quatrième épimère. Une paire de poils fins et courts en dehors de ces
extrémités. Épimères, épimérites et pièces solides des pattes d’une teinte
ocreuse très-prononcée. — Pas de ventouses génitales dans les deux
sexes, ni de prolongement abdominal médian. Un seul œuf plus ou
moins développé ou nul. — Presque aussi nombreuses que les femelles
accouplées ; il en est ainsi dans toutes ces espèces.
Femelles accouplées (fig. 1 et 2) très-différentes des femelles fécondées,
d'un gris blanchâtre, longues de 4 à 5 dixièmes de millimètre, large
de Omn,20à Omm 24, de forme générale quadrilatère à angles arrondis, à
extrémités du corps mousses. Dos bombé, côtés du céphalothorax con-
vexes ; abdomen notablement plus étroit que ce dernier, à côtés un peu-
concaves ou rectilignes, à extrémité mousse comme sur la ligne médiane,
Sans prolongement ni mamelons à chaque angle, oùse trouvent deux poils
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 639
fins dont le plus externe a une longueur égale à peu près à la largeur du
corps. Sur la face dorsale du bout de l’abdomen deux filaments peu ri-
gides, incolores, grèles, cylindriques, à pointe mousse, rapprochés l’un
de l’autre sur la ligne médiane, recourbés en hameçon du côté de l’anus
et embrassant les ventouses du mâle pendant l’accouplement. — Pattes
- grêles, incolores, non tuberculeuses, les postérieures atteignant le bout
de l’abdomen sans le dépasser. Plaques grenues réduites à celle de l’é-
pistome, qui est très-petite, on guiforme. Le reste du tégument à plis
onduleux, réguliers, très-fins, d’une grande élégance sur le dos et sur le
ventre. — Pas d'organes sexuels.— Poils anaux excessivement petits.
Nymphes octopodes d’un blanc grisâtre, de dimensions variant entre
celle des plus grosses larves et celle des femelles accouplées; semblables
à ces dernières mais à abdomen plus étroit, plus court, s’atténuant en
s’arrondissant à son extrémité qui est un peu échancrée et manque des
deux filaments incolores, courbés en hamecçon, des femelles accouplées.
— Pattes postérieures plus petites que sur les femelles, les dernières at-
teignant le bout de l’abdomen sans le dépasser. Point d'organes sexuels.
Plaque de l’épistome peu granuleuse, très-petite. Poils de l’anus exces-
sivement petits ou nuls.
Larves hexapodes d’un blanc grisâtre, longues de 0,24 à Omm,29,
larges de Omn,10 à 0"",12 ; côtés du céphalothorax presque droits ; abdo-
men à côtés rectilignes, étroit, relativement long, atténué à son extré-
mité qui est un peu échancrée et porte de chaque côté un seul poil fin
plus long que le corps n’est large. Pattes postérieures petites n’atteignant
pas le bout de l’abdomen. Plaque de l’épistome très-petite, à peine gra-
nuleuse,
Œufs longs de 0"",22 à 0"",24, larges de 0"",05 à 0"",06, à coque
mince, cylindroïdes, allongés, aplatis et un peu concaves sur l’une de
leurs faces dans le sens de leur longueur, avec une extrémité un peu
plus atténuée que l’autre et un peu infléchie du côté de la face plane.
A cette dernière correspond la face ventrale de l’animal et à l’extrémite
infléchie la tête de l'embryon,
Habite entre les barbes des rémiges et aussi des tectrices du geai et du
gros bec. Sur le premier on en trouve aussi dans le sillon de la face an-
térieure des plumes.
2. ProcroPHYLLODES pRorusus, Ch. Robin (1).
\
_ Acariens très-voisins de ceux de l'espèce précédente, semblables sous
(1) Profusus, répandu, abondant. Sous le nom de Dermaleichus picæ, Koch dé-
crit (loc. cit., heft 38, tab. XXIV) un sarcoptide qu’il dit voisin du D. glandarinus,
et qui, par suite, ‘est certainement l'espèce décrite ici qui se trouve en effet sur la
Pie (Corvus pica, L.). Mais sur la Pie on rencontre plus souvent encore et plus
abondamment une autre espèce qui appartient au sous-genre suivant (Pterodectes), et
comme, en outre, ce D. picæ de Koch habite sur un grand nombre d’espèces de
Passereaux, je crois devoir ne pas lui conserver le nom sous lequel il a primitive-
636 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
presque tous les rapports, mais un peu plus petits, longs de 3 à 4 dixièmes
de millimètre seulement.
Pattes de la première et de la quatrième paire un peu plus grosses par
rapport aux autres que dans l'espèce précédente.
Épiméres semblables à ceux de l’espèce précédente, mais la branche
inférieure du deuxième et la branche supérieure du troisième ne for-
mant qu’un rudiment de plaques granuleuses latérales. Épimères et au-
tres pièces colorées du tégument et des pattes d’une teinte ocreuse ou
vineuse sensiblement moins foncée que dans l'espèce précédente.
Tégument semblable, avec un peu plus de largeur de la bande de plis
transverses qui sépare la plaque granuleuse de l’épistome de la plaque
thoraco-abdominale. Plaques d’une teinte jaune d’ocre ou vineuse moins
foncée que dans l'espèce précédente.
Anus semblable à celui de l'espèce précédente avec deux poils extré-
mement petits.
Müäle semblable à celui de l'espèce précédente, mais moins trapu, un
peu moins gros, long de 0v»,30 à Omm,35, large de Omm,15 à Omm 18;
pattes de la quatrième paire un peu moins longues et relativement un
peu plus grosses, — Abdomen et ventouses anales copulatrices et appen-
dices foliacés semblables à celui de l’espèce précédente. — Organe gé-
nital très-différent, situé plus bas, plus près de l’anus, au niveau de la
partie inférieure des épimères de la quatrième paire, de couleur ocreuse
pâle, de forme conoïde, à sommet mousse antérieur, sur lequel s'articule
un pénis rigide, de couleur ocreuse, ensiforme, court, renversé en ar-
rière, à pointe n'atteignant pas le niveau des ventouses anales copula-
trices. Base de l'organe génital élargie, voisine des ventouses copulatrices
et envoyant au-dessous d'elles jusque sur les côtés de l’anus deux épi-
dèmes jaunâtres qui les contournent en arc ogival. Une paire de courts
piquants au niveau de la partie antérieure de l’organe génital, deux
autres à sa base sur les apodèmes disposés en arc ogival; plus bas et en
dehors se voient les piquants placés au-devant des ventouses copula-
trices. — La situation, la forme de l’organe génital etsurtout la brièveté
du pénis font distinguer au premier coup d’œil le mâle de cette espèce
de celui de la précédente.
Femelle fécondée tout à fait semblable à celle de l’espèce précédente,
mais un peu plus petite, longue de 4 à 5 dixièmes de millimètre sur
2 dixièmes de. large. Elle ne s’en distingue que par un volume un peu
moindre des piquants latéraux; un peu plus de largeur de la zone des
plis transversaux qui séparent la plaque granuleuse de l’épistome de la
plaque dorsale quadrilatère et surtout par la présence, près des angles
ment été décrit. Koch décrit et figure la femelle fécondée sous le nom de mâle, une
nymphe sous le nom de femelle, et très-probablement un mâle véritable sous le nom
de mâle au moment de la copulation avec un feuillet incolore aussi large que l’ar-
rière du corps. Mais sur sa figure on ne peut que deviner plutôt que reconnaître
l’appendice, (Voy. la note 2 de la page 498.)
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES, 637
postérieurs lobés de celle-ci, de deux amincissements ou orifices ova-
laires de celte plaque, qui manquent ou ne sont que rudimentaires dans
l'espèce précédente.
Femelles accouplées, semblables à celles de l'espèce précédente, mais
un peu moins grandes, longues de 0,30 à Omm,35, larges de Own, 15
à Om, 18. Elles s’en distinguent pourtant aisément par les différences
qui existent entre les filaments incolores de la partie dorsale du bout de
leur abdomen. Ils sont dans cette espèce plus gros, plus courts, rec-
tilignes, cylindriques, à extrémité mousse, dépassant peu le bord de
l'abdomen et ne se recourbant pas en hameçon du côté de l'anus (1).
Nymphes octopodes, d’un volume qui varie entre celui des plus grosses
larves et des plus petites femelles accouplées ; semblables aux femelles,
mais dépourvues des appendices postérieurs cylindriques. Semblables à
celles de l'espèce précédente sauf un volume un peu moindre.
Larves hexapodes, longues de 0"",20 à 0"",25, larges de 0"",09 à
0"" 12, en tout semblables à celles de l’espèce précédente sauf un vo-
lume un peu moindre.
OŒuf semblable, à celui de l'espèce précédente, long de 0"",18 à
0,20, large de, 0"",04 à 0,05 (2).
Habitat. Sur le Bruant (Emberiza citrinella, Temminck); sur la Linotte
vulgaire (Cannabina linota, R. Gray; Fringilla cannabina, L.); sur le
Chardonneret (Carduelis elegans, Stephens) ; sur la Pie grièche (Lanius
minor, Gmelin); sur le Bec-fin des arbres (Anthus arboreus, L.); sur le
Bec-fin des prés (Anthus pratensis, L.); sur la Pie (Corvus pica, L.); sur
les moineaux ; soit seuls, soit le plus souvent avec un plus grand nom-
bre de Proctophyllodes troncatus et plus ou moins souvent sur presque
toutes les autres espèces de fringilliens et d’embériziens dans l’est de
la France. à
Je n'ai jamais rencontré le Proctophyllodes glandarinus, Ch. R. ex
Koch, avec l'espèce que je viens de décrire ni avec quelque autre que
ce soit du même genre (Ch. Robin).
3. PROCTOPHYLLODES TRoxcatus Ch. Robin (3).
Sarcoptides semblables à ceux de l'espèce précédente, sauf un volume
un peu moindre, |
(4) J'ai trouvé une femelle de cette espèce en voie d'accouplement, de la taille
des plus grandes, pourvue des deux appendices précédents, qui par anomalie ne
présentait que six pattes comme les larves. (Ch. Robin)
(2) Les œufs sont pondus avant la segmentation du vitelius ; ils éclosent en s’ou-
vrant en deux valves qui restent adhérentes ensemble sur une partie de leur lon-
gueur. On les rencontre seulement à l’angle formé par l’insertion des barbes sur les
tiges de la plume. Avec eux on trouve, entre les barbes, des larves et des nymphes,
mais dans les tectrices seulement et jamais dans les rémiges. Dans les rémiges on
ne trouve que quelques nymphes avec les mâles et les femelles accouplés et les
femelles fécondées. Dans les tectrices on voil aussi quelques mâles et femelles ac-
couplés.
(3) Troncalus en raison de l’état court de l’abdomen et de l’état tronqué des ap=
pendices de celui-ci sur la femelle.
638 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
Müle long de 0w,26 à Omn,30, large de On,14 à O®m,15; semblable
du reste à celui du P. profusus, sauf un peu plus de gracilité de toutes
ses parties.
Femelle fécondée, longue de 0,36 à 0"",40, large de 0"",16 à 0"",19,
plus petite par conséquent que celle de l'espèce précédente, dont elle se
distingue, en outre, par ses épimères plus grêles et plus pâles, par une
moindre épaisseur et une teinte moins foncée de ses plaques dorsales,
par sa plaque thoraco-abdominale qui est arrondie ou coupée carrément,
mais à peine élargie et non épaissie en arrière et qui manque d’amin-
cissement ou d’orifices latéraux. Elle se distingue surtout de toutes les
autres espèces de ce genre par la brièveté et la forme elliptique et non
carrée de l’abdomen dont l’extrémité est un peu dépassée par les pattes
postérieures ; elle s’en distingue encore par la présence sur cette extré
mité de deux courts mamelons bituberculeux au lieu de deux grands
lobes conoïdes; par la présence d’un poil aussi long que le corps est
large, au lieu d’un piquant rigide ensiforme au sommet de chaque ma-
melon ; par l’existence d’un seul poil plus long que le précédent sur le
bord externe de ces derniers, et d’un poil très-petit sur Leur bord interne ;
par l'existence, sur la ligne médiane, entre ces deux mamelons, d’une
petite saillie arrondie. — Vulve comme dans les espèces précédentes.
Femelles accouplées, longues de Onm,32 à Omm,35, larges de Omm,{5,
notablement plus petites que celles des autres espèces, de forme géné-
rale ovoïde, à abdomen elliptique notablement plus étroit que le cépha-
lothorax, s’atténuant dès le niveau de la troisième paire de pattes et se
terminant en pointe mousse, formée par deux mamelons rapprochés de
la ligne médiane portant chacun deux poils dont le plus court et le plus
interne est à peu près aussi long que le corps est large. — Pas de fila-
ment incolore cylindrique sur la face dorsale du bout de l'abdomen.
— Semblable pour le reste aux femelles accouplées des autres espèces du
genre.
Nymphes octopodes d’un blanc grisâtre, de dimensions variant entre
celles des plus grosses larves et des femelles accouplées, semblables à
celles-ci; mais à abdomen un peu plus étroit, plus court, s’atténuant
plus rapidement.
Pattes postérieures un peu plus grèles que celles des femelles accou-
plées et dépassant un peu le bout de l’abdomen,
Larves hexapodes longues de 0"",17 à 0%",29, larges de 0"",07 à
0"*,09, semblables du reste à celles des autres espèces, mais à extré-
mité de l’abdomen mousse, coupée carrément, non incisée sur la ligne
médiane,
Œufs longs de 0,15 à 0,16, larges de 0,04 à 0,05, semblables
du reste à ceux des autres espèces.
Habite seul ou mêlé à un petitnombre de Proct. profusus dans les ailes
des moineaux francs (Passer domesticus, Brisson) et moineaux friquets ou
des bois (Passer montanus, Brisson).
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 639
4. PROCTOPHYLLODES HEMIPHYLLUS (1) Ch. Robin.
Sarcoptides analogues au P. glandarinus pour la forme et la constitu-
tion du rostre.
Pattes presque égales entre elles si ce n’est sur le mâle.
Épiméres, pièces solides du rostre, des pattes, plaques latérales et dor-
sales tégumentaires, d’un jaune rougeâtre ocracé ou vineux notablement
plus prononcé que dans les précédentes espèces, plus épaisses, à bords
plus nets et plus granuleuses. Pièces solides des pattes finement
grenues.
Le reste comme sur le Prect. glandarinus.
Tégument comme sur le P. glandarinus.
Plaques de l’épistome et plaque dorsale de teinte jaune rougeûtre
ocracé ou vineux plus prononcé que dans les espèces précédentes, plus
granuleuses, plus épaisses, à bords plus tranchés.
Plaque de l’épistome plus large et plus longue, formant un épistome
prolongé en gaine demi-cylindrique au-dessus des mandibules dont il
embrasse la base; sinuosités des côtés de cette plaque embrassant l’in-
sertion des pattes des deux premières paires.
Anus à lèvres larges dont Le bord interne est comnre jaunâtre ; poils qui
l’accompagnent assez gros.
Müûle très-différent des autres états; long de 0"",30 à 0"",42, large de
0,20 à 0"",22; de forme générale quadrilatère, un peu plus large
vers les dernières pattes qu’en avant, à extrémité postérieure atténuée,
anguleuse. — Pattes des deux paires antérieures presque égales, celles
de 1a troisième paire plus grêles, atteignant sans le dépasser le bout de
l'abdomen. — Derniers épimères et pattes correspondantes énormes,
celles-ci courbées en faucille, à concavité interne à partir du trochanter,
dépassant le bout de l’abdomen de toute la longueur du tibia et du tarse
qui est bordé d’une étroite expansion membraneuse sur toute sa longueur.
— Abdomen plus étroit que le céphalothorax, mince, aplati, foliacé, de
forme générale triangulaire, émoussé et s’élargissant en arrière, à côtés
presque droits ou un peu concaves en bas, bordés ainsi que les lobes de
son extrémité par une bande chitineuse jaune rougeûtre, que rejoint
la plaque granuleuse dorsale sur Les flancs et qui se prolonge sur la ligne
médiane du notogastre jusqu’au niveau de la quatrième patte en une
double bande à branches parallèles foncées, non contiguës l’une à l’autre.
— Extrémité postérieure de l'abdomen allongée, s’élargissant et se pro-
longeant en deux lobes minces, quadrilatères, longs de 0"",06, un peu
plus longs que larges, à côté interne concave ; bord postérieur de chaque
lobe portant sur son angle interne une expansion foliacée, incolore,
(1) Hemiphyllus, dont l’appendice abdominal ressemble à la moitié d’une
feuille.
649 CH. ROBIN ET P,. MÉGNIN. — MÉMOIRE
étroite, ovalaire, ressemblant à une moitié de chacune de celles qu’ont
les mâles des espèces précédentes, avec quelques nervures, une fois et
demie aussi longue que les lobes ; un poil de même longueur en dehors
de son insertion, puis vers le milieu sur une grosse saillie basilaire un
poil presque aussi long que le corps et enfin sur son angle externe un
troisième poil plus petit. — Deux ventouses copulatrices circulaires lar-
ges, d'un jaune ocrcux foncé de chaque côté de l'anus, loin de la base
des lobes, contournées depuis la base de l'organe génital par un épimé-
rite foncé formant les trois quarts d’un cercle, entourant presque com-
plétement les ventouses jusque sur les côtés de l'anus et portant un
court piquant foncé de chaque côté des ventouses et un autre en avant.
— Organe génital très-analogue à celui du P. glandarinus, placé entre les
épimères de la quatrième paire dont il n’atteint pas l'extrémité anté-
rieure, de couleur ocreuse foncée, avec une paire de courts poils finsen
avant et une semblable sur les côtés, en forme de massue à grosse extré-
mité postérieure envoyant en bas jusqu’au-dessous des ventouses un
épidème sous forme de plaque membraneuse jaunâtre, à extrémité an-
térieure portant un long pénis incolore, articulé, mobile en tout sens,
ensiforme, habituellement repliée en arrière sur la ligne médiane entre
les deux ventouses anales et au devant de l’anus pour se terminer en
pointe aiguë dans l'intervalle des deux lobes abdominaux. — Le grand
volume des pattes de la quatrième paire, les lobes de l'abdomen, l'étroi-
tesse de l’expansion foliacée incolore et le mode d'insertion des poils
qu'ils portent font distinguer facilement le mâle de cette espèce de toutes
les autres du même genre.
Femelles fécondées, longues de 0"",42 à 0"",46, sur 0,18 à 0,20
en largeur, absolument semblables à celles du P. glandarinus; s’en dis-
tinguent seulement par des formes un peu plus robustes, par une teinte
jaune rougeâtre ocreuse ou vineuse un peu plus foncée des plaques tégu-
mentaires et des pièces solides des pattes, par ce fait que les lèvres chi-
tineuses jaunâtres de la vulve s’écartent presque dès le niveau de sa
commissure antérieure, avec prolongement du tégument plissé dans
l'angle rentrant qu’elles forment ainsi; par un volume un peu plus con-
sidérable et un état anguleux assez prononcé des pattes de la quatrième
paire, par un orifice bien marqué vers les anglespostérieurs de la plaque
thoraco-abdominale, et enfin par plus de gracilité et moins de longueur
des lobes postérieurs de l’abdomen et de leurs appendices.
Femelles accouplées, longues de 0"",35, larges de 0"",16 à 0"",18,
semblables du reste à celles du P. glandarinus mais sans les prolonge-
ments cylindriques à l'arrière de l'abdomen.
Nymphes semblables à celles du P. glandarinus, mais ayant les pattes
postérieures un peu plus longues, dépassant un peu le bout de l’abdomen
qui est pourvu de deux mamelons portant chacun deux poils.
Larves hexapodes longues de Omm,20 à Omm,26, larges de 0m»,09 à
Omm 11, semblables du reste à celles du 2, glandarinus.
ts.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 6.1
OŒufs longs de Omn,18 à Onm,20, larges de Onw,08 à 0®,06, sembla-
bles du reste à ceux du P. glandarinus.
Habitat, Abondant sur le Proyer (Miliaria europæa. Swainson).
5. ProcrornyLLopes micropayLLus, Ch. Robin (1).
Sarcoptides analogues au Pr, glandarinus. Rostre semblable à celui de
ce dernier, un peu plus long et plus effilé en avant, sans être notable-
ment plus large.
Mandibules semblables, plus recouvertes et engainées à leur base par
‘l’épistome.
Pattes presque égales entre elles, si ce n’est sur le mâle.
Epiméres, pièces solides du rostre, des pattes et plaques latérales et
dorsales tégumentaires d’un jaune rougeâtre ocracé ou vineux, notable-
ment plus prononcé que dans les trois premières espèces, plus épaisses,
à bords plus nets et plus granuleuses. Pièces solides des pattes finement
grenues.
Le reste comme sur le Pr. glandarinus.
Tégument, plaques de l’épistome thoraco-abdominale et anus comme
sur le Pr. profusus.
Müle très-différent des autres états ; long de 0,35 environ sur
0,18 de large, de forme générale ovalaire, à grosse extrémité sur-
montée.par le rostre, à petite extrémité postérieure atténuée et angu-
leuse. — Les pattes des deux paires antérieures presque égales, celles
de la troisième paire plus grêles, atteignant pour le dépasser le bout de
l'abdomen. Dernières pattes énormes, courbées en faucille à partir du
trochanter, à concavité interne, dépassant le bout de l'abdomen de toute
la longueur du tibia et du tarse qui est bordé d’une mince expansion
membraneuse, comme sur le Pr. hemiphyllus. — Abdomen semblable à
celui du mâle de cette dernière espèce ; branches de la double bande
bordant les lobes abdominaux prolongées sur le notogastre, contiguës
l'une à l’autre. — Extrémité postérieure de l'abdomen courte, élargie en
deux lobes irrégulièrement quadrilatères, courts, plus larges que longs,
écartés l’un de l’autre en limitant une dépression triangulaire sur la
ligne médiane avec une expansion membraneuse rudimentaire incolore,
ovalaire, non striée, prolongeant leur bord interne, à peine aussi longue
qu'eux; bord postérieur de chaque lobe foncé, montrant trois tubercules
cylindroides dont celui du milieu porte un poil plus long que le corps
n'est large et les deux autres chacun un piquant ou gros poil rigide,
aigu, assez long (2). — Ventouses copulatrices anales et épimérites les
(1) Microphyllus, dont l’appendice foliacé du mâle ressemble à une très-petite
feuille.
(2) Cette disposition des lobes le distingue aisément du mâle du Pterolichus Li-
subulatus, sur qui le fond de l’incisure médiane se prolonge aussi par une bande
chitineuse rougeâtre sur le notogastre, mais simple et non double.
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XIII (1877). hA
642 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
entourant semblables à ceux de l'espèce précédente, mais plus voisines
de la base des lobes abdominaux. — Organe génital semblable à celui de
l'espèce précédente, à pénis un peu plus fort et plus long dépassant le
bout des lobes abdominaux.
Le mâle de cette espèce se distingue des autres espèces du genre par
les caractères qui lui sont communs avec le précédent ; il se distingue
de ce dernier par une longueur moindre de son abdomen et surtout par
la forme et la brièveté de ses lobes terminaux, ainsi que par l'extrême
petitesse de l'expansion foliacée de chacun d’eux.
Femelle fécondée semblable à celle de l’espèce précédente avec un
volume moindre de quelques centièmes de millimètre, les dernières
pattes un peu moins grosses et un peu moins anguleuses, par une colo-
ration et un état grenu bien plus foncé des pièces squelettiques et des
plaques tégumentaires, par l’absence d'orifice bien saisissable vers les
angles postérieurs de la plaque thoraco-abdominale, par un volume
sensiblement plus grand des lobes postérieurs de l'abdomen et de leurs
appendices.
Femelles accouplées très-différentes des femelles fécondées, analogues
à celles du Pr. glandarinus, de même grandeur, ayant une forme géné-
rale ovoide ; dos bombé, côtés du céphalothorax convexe, abdomen un
peu plus étroit que ce dernier, à côtés un peu convexes ou rectilignes,
s’atténuant graduellement d'avant en arrière, à extrémité postérieure
arrondie, mousse, avec deux assez gros mamelons conoïdes, jaunâtres
près de la ligne médiane, portant chacun deux longs poils dont le plus
externe est au moins aussi long que le corps est large. — Puites robustes
non tuberculeuses, mais jaunâtres, à pièces solides finement grenues,
les postérieures dépassant un peu le bout de l'abdomen. — Plaques gra-
nuleuses tégumentaires réduites à celles de l’épistome, qui est étroite, la
géniforme, très-grenue, à bord très-foncé. Deux très-petites plaques
jaunes isolées au point de l'insertion des deux poils dorsaux situés au
niveau des pattes de la deuxième paire. Le reste du tégument incolore
à plis réguliers très-élégants, assez larges et assez profonds, surtout sur
le dos. — Pois anaux très-petits; pas d'organes sexuels ni de filaments
incolores cylindriques à l'arrière de l'abdomen, ce qui les fait distinguer
immédiatement des femelles accouplées du Pr. glandarinus.
Nymphes octopodes d'un gris blanchâtre, d’une grandeur qui varie
entre celle des plus grosses larves et des plus petites femelles ; en tout
semblables aux femelles accauplées, mais à abdomen plus étroit, plus
court, à mamelons incolores. Pattes incolores, les postérieures petites,
atteignant le bout de l'abdomen sans le dépasser, Plaque de l’épistome
peu colorée, peu grenue, quoiqu’à bords nets.
Larves hexapodes d’un blanc grisâtre, longues de 0"",20 à O"",95,
larges de 0"",08 à 0"",10, étroites, côtés du céphalothorax presque
droits ; abdomen à côtés rectilignes, étroit, à mamelons terminaux
petits, incolores, portant chacun un seul poil aussi long que le corps est
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 643
large. Paites postérieures n’atteignant pas le bout de l'abdomen. Plaque
de l’épistome petite, à bords nets, à peine granuleuse.
Œufs semblables à ceux de l'espèce précédente.
Habitat. Nit sur le pinson avec l’Analges passerinus et presque aussi
abondant que lui.
2° Proctophylilodes à prolongements foliacés de l'abdomen du mâlc
réduits à l'état d'aiguillon ou de simples soies. Sous-genre PTERO-
DECTES, Ch. Robin (1).
Ce sont des Acariens sarcoptides d’un gris roussâtre, d’une longueur
dépassant à peine un demi-millimètre, ayant d'une manière générale
la forme cylindrique ou ovoide allongée, atténuée en avant, mousse en
arrière, aplati sous le ventre ; les flancs un peu convexes avec une lé-
gère dépression entre la deuxième et la troisième paire de pattes et un
sillon dorsal transverse à ce niveau sur les adultes manquant aux autres
âges. Une plaque grenue sur l’épistome et une autre céphalo-thoracique.
Un piquant et un poil sur la branche supérieure du troisième épimère ou
un peu en dehors de cette branche. Rostre conoïde, étroit, peu incliné,
saillant entre les pattes antérieures, à mandibules légèrement renflées
à leur base, sur laquelle empiète l’épistome dépourvu de poils et de
prolongements du camérostome. Une étroite vésicule ovoïde allongée
dans l’abdomen derrière la quatrième paire de poils.
Pattes d’une longueur égalant à peine la largeur du corps. Long poil
des tarses rigide et tronqué.
Müles notablement plus petits que les femelles à abdomen étroit,
aplati, bilobé, avec trois poils sur chaque lobe, sans pointe ni prolonge-
ment foliacé, ni bande chitineuse sur la face dorsale ; avec un organe
génital étroit, allongé, pourvu d’un pénis ensiforme, articulé, habituel-
lement renversé en arrière,
Femelles fécondées à corps cylindroïde allongé, dont l'extrémité posté-
rieure porte de chaque côté un prolongement conoïde, surmonté d’un
piquant ensiforme avec deux paires de poils ou de piquants sur son côté
externe. Épimérite en fer à cheval de la vulve à extrémités allant s’unir
à la branche inférieure des épimères de la troisième paire.
Femelles accouplées, cylindroïdes sans dépression latérale ni sillon dor-
sal, ni vulve ; extrémité postérieure du corps mousse avec deux courts
mamelons seulement à l'arrière du corps près de la ligne médiane, qui
portent chacun deux poils. Pas de vulve.
Nymphes octopodes semblables aux femelles accouplées, mais plus
(4) nrepov, aile ; d'nxrns, qui mord. Nous n’avons trouvé dansles écrits de Koch,
non plus que dans ceux des autres naturalistes que nous avons pu consulter, aucune
description ni figure se rapportant à quelque sarcoptide de ce genre (voyez Ch. Robin,
Mémoire sur les Sarcoptides avicoles, Comples rendus des séances de |’ Acad. des sc,
Paris, 1868, in-4, t. LXVI, p. 786-787).
6h CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
petites, à abdomen sensiblement plus court, plus étroit que le céphalo-
thorax et conoïde à son extrémité.
Larves hexapodes, étroites, allongées, avec un abdomen court, dont
l'extrémité porte un seul mamelon ou deux mamelons rudimentaires et
une seule paire de poils.
Les sarcoptides de ce sous-genre se distinguent de ceux des autres
genres par leur forme cylindroïde étroite, allongées par la présence à tous
leurs états d’un poil et d’un fort piquant en avant du troisième épimère
au lieu de deux poils fins; par la présence d’une plaque grenue sur
l’épistome et d'une plaque thoraco-abdominale avec un sillon dorsal
entre elles deux sur les adultes, sillon et plaque thoraco-abdominale
manquant sur les individus non adultes.
Les mâles se distinguent facilement par la disposition aplatie, bilobée
de l'extrémité de leur abdomen avec trois poils sur chaque lobe, sans
appendices foliacés et par un organe génital étroit, allongé, pourvu d'un
pénis ensiforme articulé.
Les femelles se distinguent plus aisément encore par les deux pro-
longements conoides du bout de leur abdomen, par la grandeur et par
la soudure des extrémités de l’épimérile vulvaire avec la branche infé-
rieure des épimères de la troisième paire.
6. ProcropnyLLopes RUTILUS Ch. Robin ({).
Acariens sarcoptides d'une couleur roussâtre prononcée, ayant La forme
générale d'un ovoide allongé atténué en avant, mousse en arrière,
d’une longueur atteignant six dixièmes de millimètre, à dos à peine
bombé, aplati sous le ventre, un poil un peu moins long que le corps
n’est large el un court piquant mousse en dehors de la branche supé-
rieure du troisième épimère. — Rostre conoïde, allongé, pointu, long
de 0,07 à 0"",09, large de 0"",04 à 0"®,05, peu incliné, saillant
entre les pattes antérieures. — Pattes à ventouses cupuliformes très-
larges, avec une petite griffe au centre, les deux paires antérieures plus
éloignées des deux paires postérieures et plus écartées les unes des
autres dans chaque groupe, dans celles de derrière surtout. — Épiméres
et pièces solides du rostre des pattes d’une couleur ocreuse, rougeûtre,
plus prononcée que sur les autres espèces de sarcoptides. — Épimères
de la première paire réunis sur la ligne médiane en forme d’Y par leur
extrémité inférieure.— Tégument peu transparent, jaunâtre et peu plissé
sur les adultes, assez rigide, avec une grande plaque dorsale grenue,
jaune, foncée, avec bords nets formant l’épistome, terminée carrément
en arrière au-dessous des pattes de la quatrième paire et portant au
niveau de ces dernières une paire de poils à peu près aussi longs que
le corps est large et en dedans de ceux-ci une autre de poils à peine
(1) Pterodectes rutilus, Ch. Robin (loc. cit., 4868), Rutilus, roux.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES,. 645
perceptibles. En arrière de celle-ci, un sillon dorsal net, peu profond,
déterminant la présence de deux petites dépressions de chaque côté
du corps, sur le mâle et les femelles fécondées seulement ; au-dessous
de ce sillon, une grande plaque quadrilatère, étroite en arrière, éten-
due jusqu’au bout de l’abdomen, jaunâtre, foncée, à bords nets. —
Anus en forme de fente longitudinale, à la partie inférieure et près
du bout de l'abdomen qu'il n’atteint pas tout à fait, à lèvres jaunâtres,
sans poils sur ses côtés.
Müle long de 0"",46 à 0®",50, large de 0"",17 à 0"®,20, de forme
générale ovalaire, abdomen aplati, à côtés droits ou un peu convexes,
continus avec ceux du céphalothorax, à extrémité tronquée, bilobée,
à lobes arrondis, courts, assez épais, longs à peine de 2 à 3 centièmes
de millimètre, avec une mince bordure chitineuse, ocracée et portant
trois gros poils dont le plus grand placé au milieu à une longueur égale
environ à la largeur du corps; les deux autres courts et rigides. Pattes
postérieures dépassant le bout des lobes abdominaux de toute la lon-
gueur du tarse. Une paire de ventouses circulaires rougeûtres, larges,
rapprochées de chaque côté de la commissure postérieure de l’anus
avec un poil court en dehors de chacune d’elles.— Organe génital inséré
au niveau du bout inférieur des épimères de la quatrième paire, formé
d'un épimérite rougeâtre en forme d’arceau ou cordiforme à sommet
tourné en haut, sur lequel s'articule un pénis chitineux ensiforme , habi-
tuellement renversé en arrière et dont la pointe n'atteint pas l’inter-
valle des deux ventouses. Une paire de très-petits poils courts en avant
de l’épimérite et une autre au-dessous de chaque côté du pénis.
Femelles fécondées longues de 0"",55 à 0"",62, larges de 0"",20 à
0,22, de forme ovalaire allongée, céphalothorax s’atténuant en arrière
pour se continuer sans démarcation sensible avec l'abdomen, dont l’ex-
trémité présente un rétrécissement brusque, puis se prolonge en deux
lobes conoïdes longs de 5 à 6 centièmes de millimètre, jaune rougeûtre
comme l'abdomen, portant chacun à leur sommet un piquant rigide,
ensiforme, tranchant deux fois plus long que le lobe et sur son côté
externe un poil assez gros, mais bien plus court que le corps n’est large.
Pattes postérieures atteignant seulement la base des lobes abdominaux.
— Vulve placée en avant des épimères de la troisième paire, longitudi-
nale, à lèvres formées de deux plaques chitineuses jaunâtres, très-écar-
tées en arrière avec prolongement du tégument plissé entre elles ;
à commissure antérieure limitée par une petite pièce chitineuse carrée.
Celle-ci est surmontée transversalement d’un épimérite chitineux rou-
geâtre, formant les trois quarts d’un cercle et dont chaque branche reçoit
l'extrémité postérieure des lèvres de la vulve, puis va finir à la branche
inférieure du troisième épimère, un peu au-dessus de la soudure de
celle-ci avec la branche supérieure du quatrième épimère.
Femelles accouplées d'un gris roussâtre, longues de 0"",45 à 0"",50,
larges de 0®",15 à 0"",18, de forme générale régulièrement ovoïde,
66 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
aplatie en dessous, sans dépression latérale, céphalothorax s’atténuant en
arrière pour se continuer sans démarcation nette avec l'abdomen dont
les côtés sont convexes, et l'extrémité conoïde mousse pourvue de deux
mamelons rapprochés de la ligne médiane, portant chacun deux poils
plus courts que le corps n’est large. Pattes postérieures atteignant sans
e dépasser le bout de l’abdomen. — Plaques dorsales et latérales ré-
duites à celle de l’épistome qui descend jusqu'au niveau de la deuxième
paire de pattes au niveau de laquelle elle est coupée carrément. Le
reste du tégument à plis réguliers, écartés les uns des autres, assez pro-
fonds, avec une étroite plaque granuleuse incolore, cordiforme, à pointe
tournée en avant sur l’extrémité de la face dorsale de l'abdomen, —
Pas d'organes sexuels ni d'œufs. |
Nymphes octopodes de dimensions variant entre celle des plus grosses
larves et celle des femelles accouplées ; semblables du reste à ces der-
nières, mais à abdomen bien plus étroit que le céphalothorax, arrondi,
dépassé par les pattes de la quatrième paire, à mamelons et poils termi-
naux semblables à ceux des femelles accouplées. Plaques dorsales gre-
nues de l’épistome et de l'arrière de l'abdomen plus petites que sur les
femelles accouplées.
Larves hexapodes, longues de 0"",925 à 0,34, larges de 0"",08 à
0,10, de forme étroite et allongée; flancs droits, abdomen rétréci
par rapport au céphalothorax, à peine plus long que large, à mameluns
terminaux rudimentaires portant près de la ligne médiane une seule
paire de poils au moins aussi longs que le corps est large ; piquant laté-
ral gros et court. Pattes postérieures dépassant le bout de l'abdomen,
plaque grenue de l’épistome petite, existant seule. Le reste du tégu-
ment finement strié.
Œuf long de 0"",95 à 0"",27, large de 0"",07 à 0"",08, cylindroïde,
allongé, aplati sur une de ses faces dans le sens de sa longueur et un
peu courbé de ce côté ; enveloppe mince pourvue d’un épaississement
granuleux et strié, annulaire, élastique, embrassant la face dorsale ou
bombée de l'œuf.
Habitat. Vit en grande quantité entre les barbes des rémiges de l’hi-
rondelle (Hirundo urbica L.).
Remarques. — Cette espèce se distingue PATATE des autres de ce
genre par sa couleur générale roussâtre, bien plus prononcée par la plus
grande largeur des ventouses des plis par la moindre longueur de
ses poils et de son piquant latéral, par le prolongement en forme d’Y et
non de V de l'extrémité inférieure soudée des premiers épimères sur
la ligne médiane, par la grandeur, la couleur foncée et la netteté des
plaques dorsales et par la présence du sillon transversal qui les sépare,
par le plus grand écartement des pattes les unes des autres.
Indépendamment de ces différences générales, le mâle de cette espèce
se distingue de celui des autres espèces par la forme de son abdomen,
la brièveté et la forme arrondie des lobes de ce dernier que dépassent
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 647
les pattes postérieures. — La femelle se distingue par la forme plus
allongée de son abdomen, le plus de brièveté des lobes de celui-ci et
du poil porté en dehors par chacun d'eux, le plus de force et de lar-
geur du piquant ensiforme placé sur leur sommet.
7. PRoCTOPHYLLODES cyLiNpricuS Ch. Robin (1).
Sarcoptides d'un gris roussâtre, d’une forme cylindroïde allongée, à
flancs presque rectilignes, parallèles, peu atténuée en avant, tronquée
en arrière, d’une longueur atteignant 6 dixièmes de millimètre, à ventre
plat et dos un peu bombé ; un long poil et un court et large piquant
mousse sur la branche externe supérieure du troisième épimère,
Rostre conoïde étroit, pointu, long de 0"",06 à 0"",07, large de
0"®,04 ; peu incliné, saillant entre les pattes antérieures.
Pattes du groupe antérieur très-éloignées des deux paires posté-
rieures et à ventouses cupuliformes assez larges, avec une petite griffe
jaunâtre au centre et une mince plaque de renforcement trifoliée qui
existe dans toutes les espèces du genre.
Épimères et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur ocreuse
prononcés. Épimères épais; ceux de la première paire réunis en forme
de V sur la ligne médiane par leur extrémité inférieure, qui se prolonge
ensuite un peu en dehors. Ceux de la deuxième paire libres par leur
extrémité inférieure, envoyant par l’autre un prolongement à la base
de la première patte d’une part et en bas sur les flancs une bande chi-
tineuse foncée, non étalée ou à peine étalée en plaque granuleuse,
qui se termine en se recourbant sous le céphalothorax au niveau de la
dépression latérale. Épimères de la troisième et de la quatrième paire
à deux branches ; la branche supérieure de ce dernier allant se souder
à la branche inférieure du troisième qui est le plus fort et dont la
branche supérieure bifurquée porte sur son prolongement externe un
irès-gros piquant et un poil à peu près aussi long que le corps est large.
Tégument transparent, assez rigide, à plis peu profonds et peu nom-
breux sur les adultes ; assez rigide.
Plaque granuleuse de l’épistome et poils situés au niveau de la
deuxième paire de pattes comme dans l’espèce précédente. En arrière
de cette plaque un sillon dorsal, net, étroit, assez profond, déterminant
la présence de deux petites dépressions de chaque côté du corps sur les
mâles et sur les femelles fécondées seulement. Au-dessous de ce sillon
une grande plaque granuleuse, foncée, étendue jusqu'au bout de l’abdo-
men; quadrilatère à angles arrondis, à côtés un peu concaves, peu rétrécie
en arrière; poils des pattes et anus comme dans l’espèce précédente (2).
(1) Pterodectes cylindricus, Ch. Robin (loc. cit., 4868), Cylindricus, d'aspect gé-
néral cylindrique. |
(2) Dans toutes les espèces on trouve une étroite vésicule intérieure ovoïde allon-
gée sur les côtés de l’abdomen, en arrière de la quatrième paire de pattes.
648 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
Müle long de 0"",42 à 0"",46, large de 0"",16 à 0°",18, de orme
générale quadrilatère, un peu atténué aux deux bouts, abdomen aplati,
un peu plus étroit que le céphalothorax, à côtés droits ou un peu con-
caves, à extrémité arrondie, bilobée, à lobes arrondis, très-courts, bor-
dés ainsi que les côtés de l'abdomen par une large bande chitineuse
ocracée, rougeâtre, qui va joindre le quatrième épimère, et portant
chacun trois gros poils dont le plus grand, placé au milieu, a une lon-
gueur qui dépasse notablement la largeur du corps; extrémité supé-
rieure des épimères de la première paire se prolongeant en dehors au-
dessous de leur soudure en V jusqu’à rejoindre ceux de la deuxième paire
sur quelques individus. — Pattes postérieures un peu tuberculeuses,
notablement plus épaisses que les autres, mais courtes, n’atteignant pas
le bout des lobes abdominaux, avec un petit tubercule conique en de-
dans du bord inférieur du tarse. — Une paire de ventouses circulaires
rougeâtres, foncées, peu larges, de chaque côté de l'anus, avec un
court piquant en dehors d'elles et circonscrites chacune en avant par
un pli cutané ou un épimérite demi-circulaire. — Organe génital inséré
au niveau du bout inférieur des épimères de la quatrième paire, formé
d’un épimérite en forme d’arc ogival à sommet tourné en haut, sur le-
quel s'articule un pénis chitineux, rougeûtre, ensiforme, habituelle-
ment renversé en arrière et dont la pointe n’atteint pas les deux ven-
touses copulatrices anales. Une paire de très-petits poils en avant de
l’épimérite et une autre au-dessous de chaque côté du pénis.
Femelles fécondées, longues de 0"",60 à 0"",64, larges de 0,18 à
O"",21, cylindroïdes, allongées, abdomen un peu plus étroit que le cé-
phalothorax, peu atténué en arrière à extrémité arrondie, que prolon-
gent deux lobes conoïdes jaunes rougeâtres, foncés, longs de 5 à 6 cen-
tièmes de millimètre, portant chacun à leur sommet un piquant rigide,
ensiforme, tranchant au moins deux fois plus long que le lobe, et sur
son côté externe près de sa base, au lieu de poil, un piquant rigide,
aigu, à peu près de la longueur du lobe, avec un très-petit poil fin au-
devant de ce piquant. — Pattes postérieures atteignant à peine la base
des lobes abdominaux. — Le reste comme dans l’espèce précédente (1).
Femelles accouplées, d’un blanc grisâtre, longues de 0,50 à 07,55,
larges de 0"%,16 à 0"",18, de forme générale cylindroïde, aplatie en
dessous, un peu atténuée en avant, arrondie mousse en arrière, à côtés
parallèles, sans dépression latérale ni sillon dorsal, abdomen à peine
plus étroit que le céphalothorax, assez long, à extrémité mousse, arron-
die, avec deux mamelons rapprochés de la ligne médiane, portant cha-
cun deux poils notablement plus longs que le corps n'est large, le plus
interne surtout ; extrémité des pattes postérieures n'’atteignant pas le
bout de l'abdomen. — Plaques granuleuses de l’épistome incolore, pe-
tite, coupée carrément un peu au-dessus des poils placés au niveau des
(4) Dans toutes ces espèces les femelles fécondées sont incolores, avec des épimères
à peine teintés de jaune quand elles sortent de l’enveloppe des femelles accouplées.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 649
pattes de la deuxième paire. Le reste du tégument à plis réguliers. Pro-
longement latéral inférieur du deuxième épimère grêle, court, non
recourbé en dedans. Plaque ‘dorsale du céphalothorax et de l'abdomen
réduite à une petite plaque granuleuse, incolore, cordiforme, à pointe
en avant, siégeant sur l'extrémité même de l’abdomen (1).
Nymphes octopodes, de dimensions variant entre celle des plus grosses
larves et celle des femelles accouplées ; semblables du reste à ces der-
nières, mais à abdomen sensiblement plus étroit que le céphalothorax,
atténué à son extrémité, que rendent conoïdes ses deux mamelons ter-
minaux qui sont accolés l’un à l’autre et dont le volume est notablement
plus grand que sur les femelles accouplées. Plaques dorsales de l’épis-
tome et de l'arrière de l'abdomen peu granuleuses.
Larves hexapodes, longues de Omm 27 à Omm 35, larges de Omm,07 à
On, 10, de forme très-étroite, allongée, à flancs parallèles, abdomen un
peu plus étroit que le céphalothorax, à extrémité conoïde surmontée
d’un seul mamelon, court, élargi, portant une seule paire de poils bien
plus longs que le corps n’est large. Plaque de l’épistome très-petite, peu
granuleuse, plaque dorsale de l’arrière de l'abdomen nulle ou rudi-
mentaire sur les plus grosses larves. Bout des pattes postérieures nota-
blement dépassé par l'extrémité de l’abdomen.
Œuf long de Onm,95 à Omm,26, large de 0,06, semblable du reste
à celui de l'espèce précédente, mais moins courbé du côté de sa face
aplatie et à épaississement annulaire élastique plus mince.
Habitat. Nit seule en assez grande quantité ou avec un petit nombre
de Proctophyllodes profusus sur la Pie (Corvus pica L.).
Remarques. Cette espèce se distingue de la précédente et de la sui-
vante par sa forme cylindroïde, par l’étroitesse de son corps, par rapport
à sa longueur et le parallélisme de ses flancs, par l’écartement de l’ex-
trémité inférieure des premiers épimères au-dessous de leur souduresur
le mâle et sur la femelle fécondée, par une dépression latérale plus pro-
noncée au-dessous des pattes de la deuxième paire; par la forme de tige
étroite et non de plaque granuleuse formée du prolongement inférieur
latéral du deuxième épimère ; par la bifurcation de la branche supé-
rieure du troisième épimère et par le volume du piquant porté par sa
division externe.
Le mâle se distingue en outre de celui des autres espèces par l’étroi-
tesse de son abdomen, la brièveté et la forme arrondie des lobes qui le
terminent, par la largeur de leur bordure chitineuse rougeûtre et surtout
par la grosseur et la brièveté des dernières pattes, ainsi que par le tu-
bercule de l'extrémité inférieure et interne de leur tarse.
La femelle fécondée se distingue de celle des autres espèces par l’é-
(1) Des femelles semblables aux femelles accouplées ou un peu plus grandes,
mais libres et en voie de muer, montrent au travers de leur tégument des femelles à
organes génitaux et à prolongements conoïdes déjà développés, mais n’ayant encore
aucun œuf,
650 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE.
troitesse de son abdomen et surtout par la présence d'un fort piquant au
lieu d’un poil proprement dit sur le côté externe des lobes abdominaux.
La femelle accouplée se distingue des autres par le parallélisme de ses
flancs, sa longueur par rapport à son peu de largeur, la grandeur de l’es-
pace qui sépare les pattes de la deuxième paire de celles de la troisième
et par la brièveté des pattes postérieures.
8. PROCTOPHYLLODES BILOBATUS Ch. Robin (1). +
Sarcoptides d’un gris roussâtre à corps ayant la forme générale d’un
ovoïde allongé, atténué en avant, mousse en arrière d’une longueur dé-
passant peu un demi-millimètre, aplati sur le dos et davantage sous le
ventre; un long poil et un piquant non aplati, assez long, aigu en dehors
de la branche supérieure du troisième épimère.— Rostre jaunâtre, long
de 6 à 7 centièmes de millimètre et large environ de 4 à 5 centièmes
de millimètre, peu incliné, saillant entre les pattes antérieures. —
Mandibules peu renflées à la base, à onglets grêles, à dentelures petites,
mousses, à peine visibles.
Pattes non tuberculeuses, grêles, à ventouses cupuliformes très-petites;
celles de la deuxième et de la troisième paire un peu plus petites que les
autres.
Épiméres et pièces solides du rostre et des pattes d’une couleur ocreuse
assez prononcée.— Épimères de la première paire réunis par leur extré-
mité inférieure sur la ligne médiane sous forme de V et envoyant par
leur autre bout un prolongement à la base du palpe maxillaire. Ceux
de la deuxième paire libres par leur extrémité inférieure envoyant par
l'autre, d’une part, un prolongement à la base de la première patte et
en bas sur les flancs une plaque granuleuse, jaunâtre, étroite, quadri-.
latérale à angles mousses. Ceux de la troisième et de la quatrième paire
à deux branches; la branche supérieure de ce dernier allant se souder à
la branche inférieure du troisième qui est le plus fort et dont la brarene
supérieure est simple.
T'égument transparent assez rigide, à plis réguliers, peu profonds, assez
larges; plaque grenue de l’épistome terminée carrément au niveau de
la deuxième paire de pattes ; au-dessous d’elle deux paires de poils, les
uns aussi longs que le corps est large, les autres très-courts et très-fins ;
au-dessous de ces poils est une autre plaqüe grenue en forme de bande
transversale étroite qui manque sur quelques mâles ; au-dessous de celle-ci
le tégument est de nouveau strié, puis porte une plaque thoraco-abdomi-
nale ou notogastrique quadrilatère.
Anus comme dans les autres espèces, à lèvres jaunâtres n’atteignant
pas le bout de l’abdomen, sans poils sur les côtés.
(1) Pterodectes bilobatus, Ch. Robin (loc. cit., 4868), Bilobatus, dont le corps
est bilobé.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 651
Mûle long de quatre dixièmes de millimètre environ, d’une largeur
n’atteignant pas tout à fait deux dixièmes de millimètre. — Céphalo-
thorax presque ovalaire, abdomen étroit, mince, foliacé, à bords un peu
concaves, à extrémité profondément fendue et bilobée, à lobes minces,
carrés, longs de quatre à six centièmes de millimètre, coupés oblique-
merñt, bordés ainsi que les côtés de l'abdomen par un épaississement
chitineux jaunâtre. — Pattes postérieures atteignant à peine le bout des
lobes de l'abdomen , une paire de petites ventouses circulaires rougeâtres,
foncées sur les côtés de l’anus au-déssus de la base des lobes. Plaque
thoraco-abdominale peu développée. Trois gros poils sur le bord posté-
rieur de chaque lobe; poil le plus grand placé au milieu ; se prolonge
en un filament délié de manière à avoir une longueur qui dépasse la
largeur du corps et les autres plus courts, rigides. — Organe génital in-
séré entre les épimères de la quatrième paire, formé d’une petite plaque
rougeâtre arrondie sur laquelle s'articule un pénis chitineux ensiforme,
habituellement renversé en arrière, dont la pointe s’étend jusqu’à l’in-
tervalle séparant les deux ventouses où elle est reçue dans le sillon d’une
petite pièce cornée longitudinale.
Femelles fécondées longues de cinq à six dixièmes de millimètre, larges
de deux dixièmes ou un peu plus, roussâtres, de forme ovalaire allon-
gée ; abdomen un peu plus étroit que le céphalothorax, à extrémité de
l'abdomen se rétrécissant brusquement, puis se prolongeant en deux lobes
conoïdes, longs de six à huit centièmes de millimètre; chacun porte à
son sommet un piquant rigide, ensiforme, tranchant, un peu plus long
que le lobe et, sur son côté externe, près de la base, un poil d’abord épais
puis très-délié, d’une longueur dépassant la largeur du corps. — Pattes
postérieures atteignant à peine le sommet des lobes abdominaux. —
Vulve placée un peu en avant du troisième épimère semblable à celle
du Pterodectes rufus, à commissure antérieure, limitée par une petite
pièce carrée, mais avec les pièces solides de cet appareil un peu moins
épaisses. — Epiméres et pièces solides des pattes d’une teinte ocreuse
prononcée. Plaque thoraco-abdominale à bords nets.— Un seul œuf plus
ou moins développé ou nul.
Femelles accouplées d'un gris blanchâtre, longues de quatre à cinq
dixièmes de millimètre, larges de 0,20 à Omm 29 ; de forme générale
ovalaire allongée. Abdomen plus étroit que le céphalothorax, à côtés
un peu concaves, arrondi, mousse à son extrémité qui porte deux ma-
melons près de la ligne médiane plus ou moinssaillants, pourvus chacun
de deux poils dont Le plus externe a une longueur égale au moins à la
largeur du corps. — Pattes postérieures atteignant sans le dépasser le
bout de l'abdomen. — Plaque grenue de l’épistome unguiforme, petite,
existant seule; le reste du tégument dorsal à plis réguliers fins. — Pas
d'organes sexuels.
Nymphes octopodes, de dimensions variables entre celle des plus
grosses larves et celle des femelles accouplées ; semblables à ces der-
652 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
nières, mais à abdomen bien plus étroit que le céphalothorax, à peine
plus long que large, arrondi, dépassé par les pattes de la quatrième paire,
à mamelons et poils semblables à ceux des femelles accouplées. Une
seule plaque dorsale grenue, petite, formant l’épistome.
Larves hexapodes longues de 0,25 à Omm,30, larges de Onn,10 à
Omm 12, à flancs non bombés, à abdomen rétréci par rapport au cépha-
A
lothorax, arrondi, à peine plus long que large, à mamelons terminaux
rudimentaires, portant près de la ligne médiane une seule paire de poils
au moins aussi longs que le corps est large.
Pattes postérieures dépassant le bout de l’abdomen. Plaque grenue
de l’épistome petite, existant seule ; Le reste du tégument finement strié.
Œuf long de 0nm,99 à Onm,94, large de 0w®,06 à Om®,07, cylindroïde,
allongé, aplati sur une de ses faces dans le sens de sa longueur, avec
une extrémité un peu plus atténuée que l’autre.
Habitat. Vit dans les barbes des rémiges des alouettes (Alauda arvensis
L. et A. arbore, L.).
Genre PTEROPHAGUS (1) Mégnin (pl. XXXVI).
Dans ce genre comme dans le précédent, la femelle subit de
grandes modifications dans sa conformation pendant sa dernière
mue, ce qui sépare nettement ces deux derniers genres des trois
premiers où la femelle ovigère ne diffère de la jeune femelle pu-
bère que par une plus grande taille et par la présence de la vulve
de ponte sous-thoracique. [ci l’extrémité abdominale de la fe-
melle ovigère ou fécondée s’élargit et est échancrée de manière à
représenter deux gros lohes sur chacun desquels est comme sur-
ajouté un plus petit qui porte les soies anales. Cette extrémité
postérieure est couverte, dans les deux sexes, d’un plastron noto-
gastrique qui se modèle exactement sur cette partie,
Les caractères du genre sont donc les suivants :
Sarcoptides à corps allongé, creusé d'un sillon transversal au
milieu de l’espace qui sépare les deux groupes de pattes. Pattes
cylindriques à articles simples sans appendices autres que des
poils Lentaculaires disposés comme chez tous les sarcoptides plu-
micoles ; pattes semblables dans les quatre paires et chez les deux
sexes, les antérieures un peu plus longues que les postérieures,
terminées par un ambulacre à ventouses assez grandes. Mâle plus
(1) De rrepév, plume; péyu, je mange.
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES. 653
petlt que la femelle ovigère de plus d’un tiers, à extrémité abdo-
minale légêrement échancrée de manière à dessiner deux lobes
arrondis; femelle ovigère à extrémité abdominale très-élargie,
profondément échancrée, divisée en deux grands lobes, sur
chacun desquels est comme surajouté un plus petit lobe angu-
leux portant les soies anales qui sont simples.
Nous ne connaissons à ce genre, jusqu'à présent, que l’espèce
suivante :
PreropHAGus srricrus Mégnin (pl. XXXVIL).
Pterophagus de couleur gris roussàtre, à corps allongé se rétrécissant
à la hauteur de la troisième et surtout de la quatrième paire de pattes
pour se renfler ensuite à l'extrémité. Épimères des pattes antérieures
libres et indépendantes ; épimères des pattes postérieures du même côté
conjuguées. Quatre plastrons céphalo-thoraciques couvrant la moitié an-
térieure et supérieure du corps : deux médians plus grands, dont l’anté-
rieur constitue l’épistome, et deux latéraux symétriques ; entre les deux
médians et sur la peau souple et striée qui les sépare s’insère une paire
de soies, — c’est la seule qui existe à la face supérieure du corps ; deux
paires de soies latérales existent en avant des hanches à la même hau-
teur une infère et une supère.
Mâle (fig. 3) long de Omm,27, large de Omm,13, corps en forme de
losange dont tous les angles, excepté l’antérieur, auraient été tronqués;
extrémité abdominale élargie, divisée en deux lobes arrondis portant
chacun deux soies et, en dehors de celle-ci, deux poils. Ventouses copu-
latrices de chaque côté de l'anus, près du bord libre de l'abdomen ;
organe mâle en avant de l'anus et en arrière des hanches de la quatrième
paire de pattes.
Femelle ovigére ou fécondée (fig. 1 et 2), longue de Omm,40, large de
Onm,14; corps allongé en parallélograme, fortement rétréci en arrière
de la quatrième paire de pattes, à extrémité postérieure élargie et lobée,
chaque lobe portant un lobe secondaire articulé avec le principal et
portant une paire de soies divergentes et une paire de poils entre celles-
ci. Vulve de ponte au milieu de la face inférieure du corps à la hauteur
du sillon transversal circulaire qu’elle interrompt, à ouverture en forme
de fer à cheval, à branches postérieures et à lèvres fortement plis-
sées.
Jeune femelle pubére ou accouplée (fig. 4 et 5), longue de Omm,27, large de
Omm 11, très-différente de la femelle ovigère, ressemble plutôt au mâle
dont elle a la longueur, mais le céphalothorax plus étroit et l'extrémité
abdominale plus large; absence de vulve sous-thoracique; fente anale
plus grande ; deux tubercules copulateurs près de l'extrémité abdominale
et sur la face dorsale ; extrémité abdominale large presque lobée, por-
654 CH. ROBIN ET P. MÉGNIN. — MÉMOIRE
tant deux paires de soies anales insérées sur deux larges tubercules sy-
métriques.
Nymphe octopode, longue de 0,95, large de 0,08, semblable à la
jeune femelle pubère, mais ne présente pas de tubercules copulateurs
ni de fente anale aussi grande.
Larve hexapode, longue de Omm,20 à Omm,925, large de Omm, 06 à
Omm,08, ne diffère de la précédente qu’en ce qu’elle n’a qu’une paire
de pattes postérieures et une paire de soies anales.
Œuf long de Omm,20, large de Omm,05, ovale, régulier très-allongé et
irès-étroit, enveloppe lisse et transparente.
Habitat. Cet acarien vit dans les plumes des diverses espèces d'oiseaux
de la famille des colombidés,
Genre DERMOGLYPHUS (1) Mégnin (pl. XXXVII).
Sarcoptides à rostre robuste et conique dont les palpes volu-
mineux sont prolongés par une palette membraneuse, transpa-
rente. Mâle exactement semblable à la femelle et de même taille,
ne s'en distinguant que par la différence des organes génitaux
qui ne sont pas accompagnés, chez lui, de ventouses copulatrices
et par un léger détail anatomique dans le tarse de ses membres
postérieurs. Corps de forme cylindrique, vermiforme, à extré-
mités arrondies ; membres courts, coniques, semblables et à peu
près de même dimension dans les quatre paires, atteignant à
peine le quart de la longueur du corps, à tarse terminé par un
ambulacre à ventouse large à pédoncule court et gros s’insé-
rant à la base d’un ongle court et robuste qui n’existe pas aux
pattes postérieures de la femelle; pattes antérieures marginales
et postérieures sous-abdominales, ces dernières situées à la partie
moyenne du corps ; épimères des pattes antérieures conjugués de
chaque côté; ceux des pattes postérieures libres, convergeant
vers un sternite longitudinal et médian qui précède les organes
-
(1) De dép, peau et Yavyebs, sculpteur. Il importe de spécifier que ces Sarcop-
tides, non plus que tous les autres décrits dans ce mémoire, ne mangent ni ne per-
forent les plumes ni la peau des oiseaux. Ils ne font que manger les corps gras qui
les humectent et qui viennent des glandes sébacées des follicules plumeux. Nous
avons créé ce genre pour un Sarcoptide d’assez grande taille d’après les motifs in-
diqués, p. 519. Non-seulement il diffère de tous ceux des espèces appartenant au
genre Analges (voy. la note 2 de la page 498) et faux genres précédents, mais il
possède des caractères qui devraient même le faire classer dans une section à part ;
on pourra en juger par les caractères que nous donnons ici,
SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES, 655
génitaux. Céphalo-thorax couvertentiérement d’un large plastron
renforcé au milieu par une partie rectangulaire plus épaisse
constituant l’épistome antérieurement et bordé de deux arêtes
longitudinales près de l'extrémité postérieure desquelles s’insère
une paire de longues ane Absence de plastron noto-gastrique.
Nous ne connaissons à ce genre que l’espèce suivante :
DERMOGLYPHUS ELONGATUS Mégnin (pl. XXXVIII).
Dermoglyphus de couleur gris roussâtre, à corps allongé vermiforme (1)
anguleux en avant, arrondi en arrière où il porte trois paires de soies el
deux paires de poils, ces derniers près de chaque commissure anale; une
seule paire de soies latérales en avant et en dehors des hanches de la
troisième paire de pattes et deux paires de poils en dessus et près des côtés
du corps, très-éloignés; deux autres paires de poils inférieurement, l’une
entre les épimères antérieures, l’autre entre les épimères postérieures.
Mâle (fig. 3), long de 0"",65, large de 0"",20. Organe mâle sous
forme de corps ovoide logé dans une fossette située entre les épimères de
la quatrième paire de pattes. Tarse des pattes postérieures qui sont aussi
robustes que les antérieures, terminées par un ongle fort et court et d’un
ambulacre à ventouse comme ces dernières.
Femelle ovigére ou fécondée (fig. 1 et 2), longue de OMm,65, large de
Omm,20, vulve de ponte en forme de fente allongée, précédée d’un court
sternite médian qui en semble la continuation, entre les épimères des
pattes postérieures, à lèvres fortement plissées, non garnies d’épimé-
rites, à commissure antérieure munie d’une paire de petits poils. Pattes
postérieures un peu plus grêles que les antérieures à tarse sans ongle
terminé par le pédoncule en S de ambulacre.
Jeune femelle pubére ou accouplée, longue de Omm,50, large de Omm,18,
semblable à la femelle ovigère dont elle ne se distingue que par l’absence
de vulve de ponte et par des membres moins robustes et plus courts,
surtout les postérieurs.
Nymphe octopode, longue de Omm,40, large de Omm,15, semblable en
tout à la précédente.
Larve hexapode, longue de Omm,30 à Omm 40, large de Omm,12 à
Omm,15, ne diffère de la précédente qu’en ce qu’elle n’a qu'une seule
paire de pattes postérieures et une seule paire de soies anales.
OŒuf long de Onm,30, large de Omm 12, ovale allongé, régulier, à en-
veloppe lisse et transparente.
Habitat. Nous avons rencontré cet acarien parasite dans les plumes
des régions antérieures du corps de la poule domestique, du serin des
Canaries et de petits passereaux exotiques comme le Bengali.
(1) D’où le nom d'ejongatus, allongé.
656 MÉMOIRE SUR LES SARCOPTIDES PLUMICOLES.
EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE XXXVI.
Proctophyllodes glandarinus, Ch. Robin. (Grossiss. 150 diamètres.)
Fc. 1. — Femelle ovigère, face inférieure.
F6. 2. — La même, face inférieure.
Fic. 3. — Le mâle, face inférieure.
Fic. 4. — Jeune femelle accouplée; extrémité postérieure, face infé-
rieure.
a. Pénis du mâle.
Fic. 5. — Jeune femelle accouplée; extrémité postérieure, face supé-
ieure.
PLANCHE XXXVII.
Pterophagus strictus, Mégnin. (Grossiss. 190 diamètres.)
Fic. 1. —- Femelle ovigère, face inférieure.
Fic. 2, — La même, face supérieure.
Fic, 3, — Le mâle, face inférieure.
F6, 4, — Jeune femelle accouplée, face inférieure.
Fi, D. — [La même, face supérieure.
PLANCHE XXXVIII,
Dermoglyphus elongatus, Mégnin. (Grossiss. 150 diamètres.)
Fc. 1. — Femelle ovigère, face inférieure,
Fic. 2, — La même, face supérieure.
FiG. 3, — Organes sexuels du mâle.
RECTIFICATION
Par M. LORTET
Doyen de la Faculté de médecine de Lyon
À la page 350 de ce recueil, M. Donnadieu, d’après le compte rendu des :
réunious des Sociétés savantes à la Sorbonne, attribue à M. Lortet la dé-
monstration expérimentale des migrations des Ligules des poissons aux
oiseaux. Or, la communication en question a été faite au nom de M. Duchamp,
ainsi qu’en témoignent la correspondance échangée à ce sujet entre nous et
une note adressée en même temps à M. Milne-Edwards et publiée par lui
dans les Annales des sciences naturelles, Zoologie, G° série, t. IV. Les ré-
dacteurs des procès-verbaux ont commis une erreur de nom, regardée comme
insignifiante par les personnes intéressées, à cause des publications qui sui-
virent à peu de semaines d'intervalle. M. Donnadieu en ayant été person-
nellement averti, le savait donc pertinemment lorsqu'il écrivait le contraire.
Ce simple fait permettra de juger de la courtoisie qui a présidé à la confec-
tion du mémoire de l’ancien professeur du Lycée de Lyon, passé aujourd’hui
dans les rangs des Universités catholiques.
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME TREÉIZIÈME
e
ANATOMIE NORMALE
Recherches sur le sinus rhomboïdal des oiseaux, sur son développement et sur
la névroglie périépendymaire, par M. Mathias Duval.................. 1
Étude sur les muscles du périnée, en particulier sur les muscles dits de Wilson.
chienne Don M Vaio, 2 eue nes 39
Contribution à l’histoire du corps thyroïde, par M. Poincarré ............. 123
kecherches sur l'anatomie comparée du périnée, par M. Paulet........... 444
Recherches sur l’origine réelle des nerfs cräniens, par M. Mathias Duval. 181, 571
Beobachtungen über die Beschaffenheit des Zellkerns, par le professeur Walter
PR RE ed OS ARS ue ee an D 4 eme d'age ee à 207
Mémoire sur les sarcoptides plumicoles, par MM. Ch. Robin et Mégnin.........
M Éd at MADDEN: - MS cceré ao moderne pannes cut 24.» 209, 391, 498 et 629
Exposé succinct d’une méthode électrolytique pour la recherche qualitative des
métaux dans les humeurs et dans les tissus de l’homme et des animaux, par
MMA vEgeon CHERE A en AS dus à 20 crveéladnnre syo de bel oi dis: à 308
Sur l’abouchement immédiat des plus petites artères dans des vaisseaux ayant
RS TE NO A amas eue oo 0 env ae nn à 431
La rétine de l’homme et des vertébrés, par M. Ad. Hannover............. 022
Sur l’unité du type anatomique du placenta chez les mammifères et l'espèce
humaine, et sur l'unité physiologique de la nutrition des fœtus chez tous
les vertébrés panilemprafessour Ercolani.:. ue 2. (38 0 4 à de de AS 031
Des rapports entre le développement du poumon et sa structure, par M. Cadiat. 590
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
Utérus fœtal chez une femme de cinquante-sept ans, par M. F. Lévison..... 96
Mémoire sur le Demodex folliculorum, par M. P. Mégnin......... her 97
Persistance du canal de Müller chez l’homme adulte, par M. J.-A. Boogaard. 200
Des changements des procès ciliaires pendant laccommodation. Cas d’iridéré-
Mie Haumanque 101416, DAP Mid, MIO ne eue eue meta Dee don à 205
Contribution à la tératologie. Monstre unitaire — hémimélie, par MM. Er. Mar-
MORIN MEUUIIS . : à ue de ie à ete a ut ee no ae 371
Manuel du microscope dans ses applications au diagnostic et à la clinique,
DORE MMS D'UN al CC'LOCPÉDOMME Re 6e see ss oo nee 430
PHYSIOLOGIE NORMALE
Recherches sur les excitations électriques du cœur, par M. Marey...,,.... 60
Rectification sur le même sujet, par M. Marey..................,..... 520
Du volume des organes dans ses rapports avec la circulation du sang....... 8
Sur la formation et la division des cellules, par le D' Edwards Strasburger.. 87
Recherches sur les propriétés physiologiques et le mode d’élimination de l’éther
Promhydrique;: par MRäabuteaur0 ar 20000 mime int oudor 69. HAS 204
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA I HYSiOL. — T. x11] (1877), 42
658 TABLE DES MATIÈRES:
Recherches critiques et expérimentales sur les mouvements allernatifs d’expan-
sion et de resserrement du cerveau dans leurs rapports avec la circulation
et la respiration, 2,455, 2201 20 No DE OR 267
Coloration pourprée de la rétine d’après MM. Boli et Kuhne.............. 313
Contribution à l’histoire de la ligule, par M. A:-L. Donnadieu........ 321, 451
Mémoire sur le système nerveux des oiseaux, par M. O0. Larcher.......... 43
Sur j’éosine comme réactif de l’hémoglobine, et sur la genèse des capillaires
et des hématies chez les mammifères et l'embryon du poulet, par le doc-
teur ANVisse2KL... os MER RES EE Se ess phil : MARNE NE 238
Des images réelles obtenues au moyen du microscope composé, par M. G. Herr-
MMA dus 280 tee ne Ge à Mere EUR ILES EE FRE TREe oh1
Rectification. . .... LR En 2 ave ma le Sie» due nt et ee US PEER 696
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
Lecons de pathologie générale, les grands processus morbides, par M. J, Picot. 202
Mémoire sur la dualité primitive du cœur dans l’évolution du poulet, par
M. Camille Daresie.s .nuurons. Aer DE TEEn à se à su ent PR ATTe 248
Des accidents immédiats déterminés par les injections de fuchsine pure dans
le sang, par MM. V. Felz eL RE. FÉES eee RC RTE 043
Étude de quelques arrêts respiratoires, apnée, phénomène de cheyne-stokes,
arrêts réflexes de cause cardiaque, par le D' François-Franck .......... 946
TABLE DES AUTEURS
BERGERET et MAYENÇON. Exposé succinct d'une méthode électrolytique pour
la recherche qualitative des métaux dans les humeurs et dans les tissus de
l'homme et des añimtaux : 25. TO EC ORNE 308
J.-A. BOOGAARD. Persistance du canal de Müller chez l’homme adulte. .... 200
CADIAT. Étude sur les muscles du périnée, en particulier sur les muscles dits
de Wilson et, de: Gutbrie., 2. 22 39
CADIAT. Des rapports entre le développement du poumon et sa structure... 590
C. DARESTE. Mémoire sur la dualité primitive du cœur dans l’évolution du
POUR ee DU ntm tn É a à ce a ER ES 249
DONNADIEU'(A.-L.). Contribution à l’histoire de la ligule............ 321, 451
ERCOLANI. Sur l'unité du type anatomique du placenta chez les mammifères
et l'espèce humaine, et sur l’unité physiologique de la nutrition des fœtus
chez tous les vertébrés (analyse). .........,...,...... SA ea LR RE 531
FELTZ et RITTER. Des accidents immédiats déterminés par les injections de
mMENSINe Pare-Uatis "ts Sas 2 Te + ru £E RER . 543
FLEMMING WALTHER, Boobachtungen über die Beschaffenheit des Zellkerns. 207
FRANÇOIS-FRANCK. Du volume des organes dans ses rapports avec la cir-
CURMOR Bu ANR Et. MSN Se US PEN ES 84
ports avec la circulation et la respiration....,......... eu... .. 267
FRANCOIS-FRANCK. Étude de quelques arrêts respiratoires, apnée, phéno-
mène de cheyne-stokes, arrêts réflexes de cause cardiaquesi« 04 «us ae 946
HANNOVER, La rétine de l’homme et des vertébrés (analySe)e eu. ounbuste 922
TABLE DES AUTEURS. 659
HERMANN. Images réelles obtenues au moyen du microscope composé. .... 541
HJORT. Des changements des procès ciliaires pendant l’accommodation ; cas
d’iridérémie traumatiqua tolalet. .LCf. . 2:144..04.616 9). 2......... . 205
HOYER. Sur l’abouchement immédiat des plus petites artères dans des vais-
seaux ayant le caractère veineux (analyse).......................... L31
LARCHER (0.). Mémoire sur les affections du système nerveux chez les oi-
ROULE ee de dus à « «ide area MT ee date . 433
LEREBOULLET et DUVAL (Mathias). Manuel du microscope dans ses applica-
tions au diagnostic et à la clinique (AMIS. « « Pen den des de 430
LETULLE et MARTIN. Contribution à la tératologie. Monstre unitaire — hé-
mimelie” ..:…. RL cu M an ne sa us à so de a na 0 dil #1 371
LEVISON. Ulerus fœtalis chez une femme âgée de cinquante-sept ans..... 96
ERTET. Rec RE ue. Jade notament na TE ap 40... 000
MAREY. Recherches sur les excitations électriques du cœur.............. 60
MAREY. Rectihcalion-surlemeéme SU]... 4.2. u. .. ... heu e eme 920
MARTIN et LETULLE. Contribution à la tératologie. Monstre unitaire — hé-
Ole... LORS sd. ads us CONINOSRRRN PPAMMOsTE, : ;:, 10 AR 371
MATHIAS DUVAL et LEREBOULLET Manuel du microscope dans ses appli-
cations au diagnostic et à la clinique (analyse)..,.................... 430
MATHIAS DUVAL. Recherches sur le sinus rhomboïdal des oiseaux, sur son
développement et sur la névroglie périépendymaire..............,.... 4
MATHIAS DUVAL. Recherches sur l’origine des nerfs cräniens....... 181, 971
M AYENCON et BERGERET. Exposé succinct d’une méthode électrolytique pour
la recherche qualitative des métaux dans les humeurs et dans les tissus de
Flamme olides animaux... ... 5.0.0 scene Ad ai 308
MÉGNIN (P.). Mémoire sur le Demodex folliculorum, Owen.............. 97
MÉGNIN (P.) et ROBIN. Mémoire sur les sarcoptides plumicoles. .......
Re ve ne A à dm tes» 209, 992, 198 et 629
PAULET, Recherches sur l’anatomie comparée du périnée...,..,.. sus ssl LED
PICOT (J.). Leçons de pathologie générale, les grands processus morbides
A ee RS OR LR 2 AE! 202
POINCARRÉ, Contribution à l’histoire du corps thyroïde.,.............. 123
RABUTEAU. Recherches sur les propriétés physiologiques et le moie d’élimi-
DO CRE RECONNU A 0... ........é... 204
RITTER et FELTZ. Des accidents immédiats déterminés par les injections de
PURE DUR RE en à de e oo à notes dom ee oo 543
ROBIN (Ch.) et MÉGNIN. Mémoire sur les sarcoptides plumicoles..........
d'éalane a a eee de vaut e pas RL) AUEAA1O2254 495 209, 391, 498 et 629
ROBIN (Ch.). Traité du microscope et des in; sections, de leur emploi, de leurs
applications à l’anatomie humaine et comparée, à la pathologie médico-chi-
rurgicale, à l’histoire naturelle animale et végétale et à l’économie agricole
Re CS a et tte Et ne 2e sue de MN 348
STRASBURGER. Ueber Zellbildung und Zellthelung (analyse)............. 87
WISSOZKY. Sur l’éosine comme réactif de l’hémoglobine, et sur la genèse des
capillaires et des hématies chez les mammifères et l'embryon du poulet.. 558
x. Ciration-pourprée de la rétine. .-gf mm... 04. midi 345
Le propriétaire-gérant,
GERMER BAILLIÈRE,
TABLE DES PLANCHES
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“PLANCHE VI... Orbiculaire de l’urèthre (Cadiat).
“PLANCHE VIL....: Muscle de Wilson (Cadiat).
PLANCHE VIIT .... Transverse profond (Cadiat).
- PLANCHE IX..4..: Demodex folliculorum, Owen (Mégnin).
r'PLANCREUX: Fiat Nerfs cräniens (Mathias Duval).
"PLANCHE TXT SR" Id.
"PLANCUE /XIL .. . Pterolichus falciger (Mégnin).
PLANCHE XII .... Pterolichus falciger, œufs, larve et nymphes (Mégnin).
/ PLANCHE XIV..... Études sur les ligules (Donnadieu).
PLANCHE XV..... I.
PLANCHE XVI: : : : Id.
"PLANCHE 'XVIT.... Id. 7
“PLANCHE XVIII... “Hd: ;
“PLANCHE XIX..... Id,
PLANCHE XX ..... Id, |
PLANCHE XX[..... Monstre unitaire ; hémimélie (Martin et Letulle).
PLANCHE XXII.... Genre Pterolichus (Mégnin),
PLANCHE XXII ... Id.
/ PLANCHE XXIV.... Pteronyssus picinus (Mégnin).
: PLANCHE XXV .... Pleronyssus striatus (Mégnin).
PLANCHE XXVI ... Analges passerinus (Méguin).
“PLANCHE XXVII... Analges cubitalis (Mégnin).
PLANCHE XXVIIT.. Analges astemalis, oscinum, socialis, sinuosus (Mégnin).
PLANCHE XXIX.... Analges centropodus, velatus (Mégnin).
PLANCHE XXX .... Nerfs crâniens (Mathias Duval).
PLANCHE XXXI.... Id.
Pr ANCHE XXXII... Développement et structure du poumon (Cadiat).
"PLANCHE XXXII .. Id.
PLANCHE XXXIV... Id.
PLANCHE XXXV... 4,110
- PLANCHE XXXVI... Proctophyllodes glandarinus (Ch. Robin).
PLANCHE XXXVIT.. Pterophagus strictus (Mégniu).
* PLANCHE XXXVIIT. Dermoglyphus elongatus (Mégnin).
FIN DE LA TABLE DES PLANCHES DU TOME TREIZIÈME,
PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2
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