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Full text of "Journal de l'anatomie et de la physiologie normales et pathologiques de l'homme et des animaux"

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Library of the Museum 


OF 


COMPARATIVE ZOOLOGY, 


AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, ASS. 


Hounded bp private subscription, fn 1861. 


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Deposited by ALEX. AGASSIZ. 


No. PRE. . 


JOURNAL 


L'ANATOMIE 
La PATHOUDOTE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES 


DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 


SAINT-LENIS = IMPRIMERIE CH. LAMBERT, 47, RUE DE PARIS. 


JOURNAL 


L'ANATOMIE 


ET DE 


LA PHYSIOLOGIE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES 


DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 
CHARLES RoBin 


DIRIGÉ PAR 


GEonRnGEes POUCHET 


Professeur au Muséum d'histoire naturelle 


VINGT-DEUXIÈME ANNÉE 


1886 


PARIS 


ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cr 
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR 


108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 


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1886 


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CHARLES ROBIN 


(1821 — 1885) 
SA VIE ET SON ŒUVRE 


« Qu'importe que vous soyiez vitaliste, hip- 
« pocratiste de Cos ou de Montpellier, iatro- 
« mécanicien, organicien, animiste, etc…., 
« pourvu que vous sachiez ce qui est, que 
« vous connaissiez la constitution de la subs- 
« tance organisée, la nature des actes réels 
« dont elle est le siège et comment ils varient 
« selon que la substance organisée se trouve 
« placée dans telles ou telles conditions. » 

(Anat. et Phys. cell., p.155.) 


I. — JASSERON. — LES DÉBUTS. — LEBERT. — L'INFLUENCE D’AUGUSTE 
COMTE. — LE TRAITÉ DU MiIcROSCOPE. — L’ÉTAT D'ORGANISATION. — 
LE MILIEU. 


Non loin de Thoirette, patrie de Bichat, est un autre village du 
département de l’Ain, nommé Jasseron, à la limite de la plaine de 
la Saône, sur les premières pentes de collines montant vers le Jura. 
C’est là que Charles-Philippe Robin est venu au monde le 4 juin 
1821. La maison où il naquit et où la mort devait le surprendre 
est une grande habitation du milieu du siècle dernier. Sur la ruelle 
principale conduisant à l’église du village, une immense porte char- 
retière en cintre perce les murs blanchis d’un vaste bâtiment sans 
fenêtres au dehors. Après avoir franchi une grande voûte on est 
dans la cour, pleine de lumière, bordée, sur les trois autres côtés, 
de constructions basses. Au milieu un bouquet d'arbres avec quel- 
ques bancs; ici un puits; devant la maison en rez-de-chaussée 
qui occupe le fond, une corbeille de fleurs taillée dans le gazon. À 
droite, à gauche et dans le grand bâtiment de l’entrée, sont les cel- 
liers, les remises, les écuries, les pressoirs, le chenil. Sur les murs, 
des vignes vierges et des plantes grimpantes jettent une tache de 
verdure joyeuse. De l’autre côté de la maison, un grand verger est 
en partie planté en jardin pour avoir des fruits, des fleurs. Et 
comme paysage, les premiers coteaux du Jura où s'appuie Jasseron : 
sur la colline la plus voisine, les ruines du château d’où est sortie 
la forte race des Coligny. 

CHARLES ROBIN. (42 


IT CHARLES ROBIN 


L'intérieur est celui de bourgeois riches du siècle dernier. Rien 
n’a été changé, ni les vieux meubles, ni la boiïserie, ni la peinture 
à la chaux des couloirs. Le grand-père de Robin avait été en rela- 
tion, dit-on, avec Voltaire à Ferney. Son père avait autrefois tenu 
un pensionnat à la Croix-Rousse. Aussi la maison était-elle pleine 
de livres débordant jusque sur les réduits de l'escalier à rampe 
de fer qui monte au grenier. 

La maison appartenait à Robin qui en laissait la jouissance à ses 
frères. Dans ses rares visites, il habitait la plus petite chambre, 
tout au bout du couloir, mais la mieux éclairée. Un lit de fer avec 
des rideaux d'indienne bleue, une table avec un microscope sous 
une cage de verre recollée à grands renforts de papier, un fauteuil, 
une chaise, et c'était à peu près tout le mobilier. Sur des tablettes 
un alignement bizarre de bouteilles avec des substances chimiques 
et tous les réactifs nécessaires aux recherches anatomiques. Sur 
d’autres tablettes, des livres; ici un volume de Renan, plus loin 
le grand traité de chimie de Berzélius et, enfin, sur la cheminée, 
comme à la place d'honneur dans cette cellule de bénédictin, une 
balance, l'instrument des sciences exactes par excellence. 

Le jeune Robin passa les premières années de son adolescence 
au pensionnat de Menestruel, près Poncin. C’est là que, pendant 
une récréation il reçut au visage, en jouant avec ses camarades, un 
morceau de bois qui lui creva un œil. Il acheva ses études clas- 
siques au collège de Lyon, il fut quelques mois élève pharmacien 
chez M. Tiersot père, à Bourg, et suivait en même temps les cours 
de l'hôpital. Puis il vint à Paris où il fut externe dans le service de 
Trousseau avec M. Brown-Séquard, tous deux se préparant à l'in- 
ternat. Comme ils étaient voisins dans les ruelles aux alentours 
de l'École de médecine, ils se rencontraient le matin en route pour 
l'hôpital. [ls avaient la même ardeur et furent bientôt grands amis. 
Il fut convenu que chacun, tour à tour, devait faire à l'autre, en 
marchant, la conférence préparée de la veille. Robin travaillait 
davantage, c’est M. Brown-Séquard qui le dit, mais s’exprimait dif- 
ficilement, il arriva en moins bon rang (1). 

Ceux qui l’ont vu à cette époque travailler de seize à dix-huit 
heures par jour, sont restés frappés de l'énergie de volonté et d'in- 

telligence qu’il mit à combler les lacunes de son instruction pre- 
mière (2). Interne des hôpitaux à vingt-deux ans (concours de 
1843-1844), Robin fait à la Société anatomique sa première commu- 
nication sur un cas de rupture du cœur. L'année suivante il est 


(1) Brown-Séquard, Soc. de Biologie. 10 oct. 1885, 
(2) Journal La Nature. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. II 


lauréat de l'École pratique. Et presque aussitôt des circonstances 
particulières le portent vers la zoologie et l'anatomie comparée. 

Orfila venait de s’adresser à tous les savants de l'Europe pour 
l’aider à créer le musée anatomique qui porte son nom à la Faculté 
de médecine. Il avait en même temps envoyé Robin avec le Dr Le- 
bert sur les côtes de Normandie et aux îles Jersev afin d’y recueil- 
lir des objets d’histoire naturelle et d'anatomie comparée pour 
une collection qui ne devait pas être, dans la pensée de son fon- 
dateur, exclusivement consacrée à l’anatomie de l'Homme. Cette 
mission explique à la fois la direction des premiers travaux de 
Robin, qui portent principalement sur les Poissons et les Mol- 
lusques, et aussi sa collaboration pour plusieurs mémoires avec 
Lebert. Partageant au début les doctrines pathologiques de ce der- 
nier, 1l les abandonnera bientôt et se fera une place à part. 

C’est à la Société philomatique qu'il fait connaître les résultats 
nombreux et variés de cette première campagne scientifique au 
bord de la mer. Il en rapportait une découverte capitale, celle des 
organes électriques de la Raïe, qui devait plus tard, complétée par la 
physiologie, contribuer largement à lui ouvrir les portes de l’Aca- 
cadémie des sciences. Dès cette époque il affirme, en quelque sorte, 
par la variété même des sujets qui l’occupent, les tendances di- 
verses qui en feront le biologiste le plus encyclopédique de notre 
temps, à la fois anatomiste, physiologiste, pathologiste, zoologiste, 
botaniste. Robin est tout cela et dès le début. En 1845, il publie 
différents mémoires sur les Iymphatiques et la circulation veineuse 
des Poissons et sur le mécanisme de la fécondation du Calmar, 
sur les organes de la génération d'un autre mollusque, la Patelle, 
sur la vascularité du cancer, sur une espèce particulière de glande 
de la peau de l'Homme, etc. 

L'année suivante, au milieu de travaux qui font suite aux pré- 
cédents, c'est un premier mémoire purement histologique sur les 
éléments caractéristiques du tissu fibro-plastique, et un autre pu- 
rement zoologique sur les Cysticerques de l'Homme et de l’Ours. En 
1847, sa thèse d'agrégation sur les Fermentations, et d'autre part 
sa thèse pour le doctorat ès-sciences, Des végétaux qui croissent sur 
l'Homme et sur les animaux vivants, nous le révèlent comme bota- 
niste. 

Robin avait été reçu docteur en médecine le 31 août 1846 avec 
une thèse d'anatomie topographique. La chaire d'histoire naturelle 
médicale était alors occupée par Richard. Robin devenu agrégé est 
appelé, en 1849, à remplacer le professeur malade. Il professe pen- 
dant un semestre la botanique et la zoologie, comme l’exigeaient 


IV CHARLES ROBIN 


les règlements. En même temps il institue une série de cours 
particuliers dans son laboratoire. On peut dire qu'il avait déjà un 
nom. Richard le fait collaborer à la dernière édition de ses Élé- 
ments d'histoire naturelle médicale (1), Berard (2), Cruveilhier (3) 
demandent à la science du jeune agrégé des éclaircissements utiles. 
Cependant comme il avait peu ou point de clientèle — Robin était 
l’homme le moins fait pour réussir dans la carrière médicale — la 
vie était difficile, mais cela ne rebuta pas sa tenacité paysanne, il 
resta tout au travail, à son violent désir de connaître, d'acquérir, 
d'observer, d’expérimenter, de faire des collections. Il ne voyait 
rien en dehors de son laboratoire et de ses études où, marchant 
en avant de son temps, il n'avait guère d’émules. Plus d’une fois 
l'agrégé fit cuire lui-même son déjeuner. Il donnait bien quelques 
consultations, mais si rares! Par contre on lui apportait tous les 
jours et plus qu'il n’en pouvait examiner, des tumeurs, des pièces 
pathologiques, des embryons : et en vérité c'était bien là ce qu'il 
préférait. Il avait aussi de temps à autre quelques expertises mé- 
dico-légales, bien peu payées et pourtant toujours les bien venues. 
Rayer, auquel M. Brown-Séquard l'avait fait connaître et qui l'ap- 
précia de suite, lui procurait le plus qu'il pouvait de ces petites oc- 
casions. Plus tard, quand Robin était déjà professeur à l'École de 
médecine, il le fit charger de l’autopsie du duc de Morny. 


Donc, à trente ans, Robin était une autorité, il avait publié une 
multitude de mémoires sur les objets les plus différents relatifs à la 
biologie : anatomie normale et pathologique de l'Homme, anatomie 
comparée, anatomie générale, mème des animaux inférieurs, z00- 
logie proprement dite, botanique, chimie, On lira dans la biblio- 


graphie dont nous faisons suivre cette notice, la liste touffue de : 


ces Communications incessantes aux sociétés savantes, qui se suc- 
cèdent de 1844 à 1849. C’est à cette dernière date qu'il fait paraître 
la première œuvre d'ensemble où son génie propre et toute sa con- 
ception biologique se révèlent en traits d’une fermeté singulière. 
On peut dire de Robin qu'il resta jusqu’à la fin l'homme du premier 
jour, il le fut même parfois et pour certaines doctrines au point 
de persévérer dans des erreurs qui étonnent. Mais ce fut là certai - 
nement, en même temps, un des secrets de sa puissance. Robin 
jette en 1849 les bases d'une étude complète et systématique de 
l’anatomie, et c'est en quelque sorte le programme de sa vie qu'il 


(1) Édit. de 1849, t. 1, p. VII et t. II, p. 17. 
(2) Voy. Cours de physiologie. Paris 1848, t. I, p. 172, 320, ete. 
(3) Traité d'anatomie pathologique générale. Paris 1852, 1. 11, p. 24, 84 et suiv. 


ed 


SA VIE ET SON ŒUVRE. V 


vient de tracer. Nulle carrière scientifique, peut-être, n’a été plus 
logique, plus uniforme au milieu d'une variété prodigieuse de tra- 
vaux. Les principes qu’il pose en 1849, sont rigoureusement ceux 
qui le guideront dans son enseignement quand il sera devenu pro- 
fesseur, ceux qui inspireront son œuyre maîtresse, son traité d'Ana- 
tomie et de physiologie cellulaires, paru en 1873. [Il intitule ce premier 
ouvrage dogmatique: Du microscope et des injections dans leurs 
applications à l'anatomie et à la pathologie, suivi d'une classification 
des sciences fondamentales, de celle de la biologie el de l'anatomie en 
particulier (1849). 

Comme l'indique cetitre long et compliqué, nous avons là en réa- 
lité deux ouvrages d’un caractère absolument différent, opposé, le 
second tout philosophique, le premier simplement de technique. Ce 
point est à noter. Trop souvent on a fait passer le grand anatomiste 
_ pourdédaigneux des multiples procédés de recherches enseignés par 
l'expérience. On se trompe gravement, il n'y excella point à la vé- 
riré, mais ne les dédaigna jamais. Il les tenait simplement pour ce 
qu'ils doivent être, des procédés de prosectorat macroscopique ou 
microscopique peu importe, des moyens dont ne saurait se passer 
la science, mais qui ne sont nullement la science même. Nous re- 
viendrons sur ce sujet. Aussi bien ce qui nous intéresse dans le 
traité Du Microscope est la seconde partie. C'est véritablement un ou- 
vrage à part, il a même sa pagination spéciale. Le libellé du titre, 
cette «classification dessciences fondamentales de la biologie » sont 
à eux seulsuneindication, font deviner l'influence d’Auguste Comte. 
En effet Robin a été réellement, après Littré, le représentant et le 
propagateur le plus autorisé de la philosophie positive. Ceci appelle 
quelques éclaircissements que nous devons à l'obligeancede M. Wi- 
rouboff. Rayer qui se prit de suite d'amitié pour Robin, était 
un ancien camaradede Littré. Ils avaient fait ensemble leurs études 
à l'École de médecine et avaient conservé des relations intimes. 
C'est par Rayer que Robin connut Littré et qu’il fut introduit près 
d'Auguste Comte. Madame Comte dont Littré nous a tracé un si in- 
” téressant portrait (1), aurait mème eu sur la carrière de Robin une 
influence décisive. Elle se résolut d’aider cet obstiné, ce patient 
chercheur coulé tout d’une pièce dans le bronze, et si peu fait pour 
les habiletés professionnelles. Peut-être est-ce surtout par cette 
femme supérieure que Rayer fut incité à réclamer la création d'une 
chaired'histologie pour Robin. Etc’estelle encore qui pressera plus 
tard Robin de poser sa candidature à l’Académie des sciences, à 


(1) La Philosophie positive, mars avril 1877. 


VI CHARLES ROBIN 


laquelle il ne songe pas. Quand les idées de Comte se furent modi- 
fiées, Robin cessa de le voir et dans le démembrement de l'École 
positiviste, se rallia au parti où devait l’attacher son esprit essen- 
tiellement scientifique. Sa liaison avec Littré se resserra encore 
quand celui-ci l’eût pris pour l'aider à refondre le célèbre Diction- 
naire de Nysten. 

En s'inspirant de Comte(1), Robin devançait sontemps. Nous te- 
nons de lui-même cette anecdote qui montre bien tout à la fois les 
progrès rapides que la philosophie positive allait faire les années 
suivantes et l'isolement lamentable où se trouvait en 1849 un de 
ses partisans les plus décidés : dans cette seconde partie du traité 
Du Microscope où Robin essayait de préciser la place, le rôle et 
les divisions de la biologie, il avait reproduit quelques pages em- 
pruntées au Cours de Philosophie positive. L'éditeur exigea la sup- 
pression de ce long passage comme émanant d’un auteur absolu- 
ment déconsidéré, et fit de ce retranchement une condition. Robin 
n'avait pas le choix, il consentit. Quelques années plus tard cet 
éditeur était le mème qui entreprenait à gros frais la publication de 
la 2° édition du Cours de Philosophie positive. 

Dans cette seconde partie du traité Du Microscope dont nous 
rappelons encore le titre: De la classification des sciences fon- 
damentales en général, de la biologie et de l'anatomie en particulier, 
Robin déjà érudit s’inspire de Vicq-d’Azyr, de De Blainville, de Du- 
mas, de William Edwards, mais surtout d'Auguste Comte qui res- 
tera pour lui le guide toujours suivi. [l commence par assigner à la 
biologie son rang naturel dans l’ordre des connaissances humaines. 
Il montre par quels liens la science des êtres vivants se rattache 
forcément aux sciences connexes et «comment les faits accumulés 
« en quelque nombre que ce fût, resteraient stériles, si au lieu de 
« baser l'étude de l'Homme — par exemple — sur la connaissance 
« préalable des lois chimiques, physiques, ete., on continuait à 
« maintenir à son égard la manière primitive de raisonner, qui 
« consistait à regarder cette étude comme directeet isolée de celle de 
« la nature inerte. » (Du Micr., Il° partie, p. 72.) Sans doute ces 
choses ont moins besoin d’être dites aujourd’hui, mais il faut se 
reporter à l’époque où paraissait le traité Du Microscope, où une sorte 
de réaction s'était faite contre les idées philosophiques de la fin du 


(1) On nous assure qu'un cahier de notes recueillies par Robin aux leçons d'Aug. 
Comte devait se trouver dans ses papiers, probablement un de ceux auxquels il fait 
allusion dans son traité d'Education (voy. plus loin). Il eût été intéressant à plus d’un 
titre de retrouver ce cahier ou ces cahiers. Sa famille nous avait promis de faire des 
recherches qui n'ont sans doute point abouti, car nous n’en avons plus entendu parler. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. VII 


siècle dernier. Car Robin en définitive ne pense pas autrement sur 
tout cela que Buffon disant comme conclusion de sa comparaison 
des animaux et des plantes avec les minéraux que « l’étude des 
êtres vivants esttoute physique ». C’est donc le devoir dela science 
moderne de reprendre la connaissance anatomique de l'Homme 
par la base, par le point de contact de la matière organisée dont il 
est construit, et des éléments cosmiques. L’argument tiré de l’im- 
possibilité où nous sommes jusqu'à ce jour de réaliser directement 
la synthèse d'une matière vivante, n'est pas suffisant à placer par 
quelque attribut que ce soit, les êtres qui en sont composés, en 
dehors du monde physique, puisque chaque jour en réalité nous 
voyons s’abaisser cette barrière. 

Auguste Comte avait déjà défini l'organisme : « Un système de 
« parties élémentaires indivisibles plus ou moins hétérogènes les 
« unes aux autres, artificiellement séparables et décomposables, 
« formant un tout unique temporairement indissoluble et concou- 
« rant à un but commun. » Robin étendant sa définition à toute 
individualité vivante, qu'il s'agisse d’un individu animal ou d’un 
élément anatomique (cellulaire) entrant dans sa composition, carac- 
térise ainsi les corps organisés : « Corps de volume et de forme dé- 
« terminés, quoique très divers, limités par des surfaces courbes ; 
« présentant un ensemble de caractères physiques qui résultent de 
« la disposition des éléments anatomiques dont ils sont formés, et 
« qui, bien que variables de l’un à l’autre, n’appartiennent pour- 
« tant qu'à eux; composés de principes immédiats gazeux, liquides 
« et solides, dus à des combinaisons complexes et peu stables d’un 
« petit nombre de substances simples. » 

Et il ajoute : 

« Placés dans des conditions convenables les corps organisés ont 
« la propriété d’y vivre, c'est-à-dire d’être soumis incessamment 
« à l’action des corps extérieurs et réciproquement de réagir sur 
«eux, enfin de croître, de décroitre et de se reproduire par forma- 
«tion d’un germe dont l’évolution donne naissance à un être sem- 
« blable à celui qui l'a produit. » (Du Micr., 1° partie, p. 117.) 

Cette relation perpétuelle avec le monde extérieur se traduit par 
un apport et un rejet de matière connus de tout temps, puisqu’Aris- 
tote déjà le signale et l’observe. L'être vivant, la matière organisée 
est donc sans cesse nourrie par les éléments cosmiques (plus ou 
moins transformés) du dehors. La vie est un déplacement per- 
pétuel de matière et Thomas d'Aquin la définit déjà très bien en 
disant qu’elle est un mouvement mais d’un genre particulier et 
qu'on ne retrouve point ailleurs. C’est donc par un abus toujours 


VIII CHARLES ROBIN 


ficheux de langage qu'on a quelquefois appliqué ce mot vie à des 
phénomènes évolutifs constatés dans certains COrps minéraux, Sur 
certains astres, chez des peuples et dans les langues. S'il est ad- 
missible de dire qu’un peuple ou une langue sont des organismes, 
cela n’entraîne pas plus la ressemblance avec un organisme vivant, 
qu’il n’en existe entre celui-ci et une machine ou le rouage d'une 
horloge, qui sont aussi des organismes. Le mot VIE dans son accep- 
tion propre et vraiment scientifique, désigne exclusivement un 
mode spécial d'activité de la matière et ne peut, ne doit s’appli- 
quer qu’à lui: c’est-à-dire au phénomène de double mouvement 
moléculaire, à la fois général et continu, de composition et de 
décomposition que présentent les corps organisés placés dans 
un milieu convenable. C'est la définition même de De Blainville 
(Principes d'anatomie comparée, 1822) et d'Auguste Comte (t. II, 
p. 295). 

« Les êtres organisés, dit encore Robin, sont des appareils d’un 
«effet lent, agissant sur des matières toujours à l’état naissant et 
« produisant avec un très petit nombre d'éléments, des combinai- 
« sons organiques les plus diverses qui varient et se multiplient dès 
« que la composition ou l’arrangement des parties vient à être mo- 
« difié par une cause quelconque. » (Du Micr., I part., p. 95.) 
Et plus loin (p. 144) : « C’est à la chimie que la biologie se su- 
« bordonne de la manière la plus directe et la plus complète. Les 
« actes fondamentaux dont la succession perpétuelle caractérise la 
« vie sont nécessairement chimiques, puisqu'il consistent en une 
« suite continue de compositions et de décompositions.. C'est sur 
« les lois chimiques que doivent reposer toutes les explications 
« théoriques de nutrition proprement dites, de sécrétion, etc. » 

Il y a donc, en réalité, dans l'organisme deux ordres de carac- 
tères, et c'est ce que Robin entrevoit de très bonne heure : 1° les 
qualités morphologiques extérieures et de structure intérieure; 
90 les qualités chimiques de composition, de décomposition et de 
constitution, qui sont le lien direct entre l'être organisé et le 
monde extérieur, dominent par conséquent les premières. 

Robin, comme cela ressort nettement des passages que nous ve- 
nons de citer, fait déjà cette distinction, mais il ne la formule pas 
encore aussi nettement qu’il le fera bientôt dans ses Tableaux d'ana- 
tomie. Dès lors il voit très bien que la structure n’est pas tout, et 
qu'au-dessus d'elle, avant elle, il importe de pénétrer la composi- 
tion chimique de ces éléments anatomiques et de ces humeurs dis- 
posés suivant un agencement déterminé qu'ils gardent encore 
un certain temps après que la vie a cessé en eux, qui n’est point 


SA VIE ET SON OUVRE. IX 


en conséquence la vie. « Dans ce qu'on entend par organisation, 
« dira-t-il plus tard (1), il y a autre chose qu'un arrangement mé- 
« canique de parties élémentaires figurées. Il y a quelque chose au 
« delà, dont il faut tenir compte et qui gît dans chacune de celles- 
« ci : c’est un état moléculaire spécial de principes immédiats 
« divers, dont la substance dite douée d’organisntion, est com- 
posée... Il y a plus d’une lacune encore à combler touchant 
« les lois d'après lesquelles s’accomplit cette association de prin- 
« cipes immédiats (2). » 

Pour Robin, et c’est là un pointque nous ne devrons pas perdre 
de vue dans l’histoire de ses discussions avec M. Virchow, la vie 
ne se rattache pas essentiellement à telle ou telle forme géomé- 
trique. Elle réside en dernier ressort dans cet état moléculaire 
particulier : l’état d'organisation. Partant de cette conception bio- 
chimique absolument juste en soi et tant qu'on délaisse la notion 
de succession des êtres, Robin, à la suite de Comte d’ailleurs, sera 
conduit à accorder dans l’économie presque une égale importance 
aux éléments organiques figurés ou non, à mettre presque au même 
rang les cellules et les plasmas, les membranes anhistes, les 
substances fondamentales. Il attribue il est vrai aux plasmas le 
minimum d'état d'organisation et insiste même sur la nécessité de 
ne pas confondre les plasmas avec le protoplasma des cellules, 
mais en somme il regarde toutes les substances liquides, solides ou 
demi- solides de l’économie comme étant au même degré les élé- 
ments organiques du corps, comme ayant un rôle physiologique à 
peu près équivalent, au point que nous le verrons faire tour à tour 
dériver les premières substances eccellulaires (3) apparues, des 
cellules du vitellus segmenté; et plus tard les cellules de l'adulte, 
des matières amorphes au sein desquelles il croit qu’elles appa- 
raissent par genèse. 

L'être prend ainsi dans son ensemble une unité nouvelle. Tandis 
que d'autres anatomistes en feront, trop peut-être, une somme d’ac- 
tivités cellulaires individuelles, et n’y verront que cela, Robin y 
voit avant tout un produit réciproque d'activités bio-chimiques 


(1) Art. Biologie du Dict. Encycl., 1868. 

(2) Robin ajoute (1868) : « Mais ces lacunes dans nos connaissances ne sont pas en- 
( tièrement du fait des biologistes. Elles tiennent à ce que la chimie nous laisse encore 
(ignorer ce que sont les substances coagulables en tant que composés chimiques, quelle 
«est leur constitution moléculaire réelle. Il y a tout lieu de croire, en outre, que ces 
(C principes immédiats, non cristallisables, sont des mélanges en proportions indéfinies 
« de composés chimiques définis, mais la nature de ceux-ci reste encore à déterminer. » 
Voir sur ce sujet les derniers travaux de M. Schutzemberger. 

(3) Voyez Nouveau Dictionnaire abrégé de médecine, 1886. 


X CHARLES ROBIN 


résidant dans toutes les substances figurées, cellulaires ou non, 
partout assujetties à ce qu’il appelle les conditions organiques de 
forme, d'influence nerveuse, etc. Mais ces conditions particulières 
n’ont aucun pouvoir de modifier en quoi que ce soit l'acte vital 
fondamental qui est la nutrition. Elles peuvent seulement en rendre 
l'analyse plus difficile pour nous, en raison d'interventions dont 
la nature nous échappe absolument : quand nous voyons, par 
exemple, un certain degré d’innervation modifier l’activité et 
même la nature de l’activité d’une glande ou d'un muscle (1). 

Robin, dès le début de la recherche histologique se sent donc 
en quelque sorte arrêté par le défaut de nos connaissances par la 
difficulté de se figurer imaginativement ce mouvement moléculaire 
intime caractéristique de la vie. Tout manque en effet pour en donner 
la formule entière, et d’abord, la notion de la véritable constitution 
des substances comme la fibrine, la cellulose, etc, entrant dans 
la composition des corps vivants, et formées d’un mélange plus ou 
moins complexe de corps définis peu stables, avides d'oxygène et 
pour ainsi dire constamment voisins de l’état naissant. Ce qui nous 
manque tout autant, c’est la connaissance de la série des transfor- 
mations par lesquelles passent ces principes essentiellement consti- 
tuants, pour être transformés à leur tour en produits tels que l'acide 
oxalique, l'acide cyanhydrique, l’urée, l'acide formique, etc., les 
seuls dont on avait pu, à l’époque (1849) où Robin écrivait son 
traité Du Microscope, réaliser la synthèse. Ces produits rendus plus 
fixes que ceux dont ils dérivent, par la tendance générale de notre 
organisme à l’oxidation, lui deviennent étrangers, sont par consé- 
quent destinés à être rejetés. 

De même il est évident que ce mouvement moléculaire intestin 
sera le début, le point de départ précis et fondamental de la phy- 
siologie, de l'étude dynamique des corps organisés. Par suite, l’ana- 
tomie ne saurait se distinguer de la physiologie. L'une ou l’autre 
des deux sciences envisagée sans sa corrélative est une sorte de 
non sens. 

C'est en poursuivant cet ordre d’idées que Robin arrive très vite 
à formuler avec précision sa conception de l’ÉTAT D'ORGANISATION, 
qui devint par la suite la base de toute sa doctrine biologique. 

« [l y a plusieurs degrés de l’état d'organisation (2), mais pour 
« avoir une exacte notion du plus simple d’entre eux, et par suite, 
« de tous les autres que le premier domine, il faut se reporter au 


(1) Voy. Du Microscope, p. 144. 
(2) Voy. plus loin. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XI 


« delà d’une simple notion d’arrangement réciproque ou d’enche- 
« vêtrement de parties douées d’une certaine configuration. Der- 
« rière cette notion de dispositions mécaniques ou géométriques, il 
« faut pénétrer jusqu’à la notion de composition immédiate et d'ar- 
« rangement moléculaire des principes immédiats associés entre 
« eux, considérés ensemble et individuellement. C'est donc dans 
« une notion d'association moléculaire, de modification de la ma- 
« tière, comme le dit Bonnet, que git la notion d'organisation ou 
« ce qu’elle a de caractéristique. On est toujours obligé de remonter 
« à cette notion lorsqu'il s’agit de décéler les modes de son activité 
«_ et ceux de ses altérations. » 

« Confirmant les prévisions de Descartes, l’analyse anatomique 
« et physiologique rigoureusement poursuivie, montre que la vie 
« est un mode d'activité de la matière, non pas en général, mais de 
« certaine sorte de matière seulement. La vieest le mouvementd’un 
« certain système en équilibre moléculaire instable, représenté par 
« ce qu'on appelle état d'organisation. (Art. Organe du Dictionnaire 
« encyclopédique.) » 


Robin, dans le traité Du. Microscope (LE° part. p. 129), définit la 
biologie : « La science qui étudie les êtres organisés dans le but 
« d'arriver, par la connaissance des organes ou des modifications 
« organiques, à connaître les fonctions ou actes, et réciproque- 
« ment (1).» Plus tard il en a encore donné la définition sui- 
vante (2) : « C’est la science qui a pour objet de ses études les 
« corps organisés et pour but la connaissance des lois de leur or- 
« ganisation et de leur activité. » 

Ceci revient à dire que la biologie positive doit être envisagée 
comme ayant pour destination générale de rattacher constamment 
l’un à l’autre, dans chaque cas déterminé, le point de vue anato- 
mique et le point de vue physiologique, ou en d’autres termes, 
l’état statique et l’état dynamique. Cette relation perpétuelle cons- 
titue son vrai caractère philosophique (A. Comte), et c’est à De Blain- 
ville que revient le mérite d'en avoir le premier distingué les deux 
termes fondamentaux sous ces deux appellations de statique et 


(1) Le mot biologie avait été introduit dans la science à peu près simultanément 
par Lamark (Hydrogéologie, an X) et par Treviranus (Biologie oder Philosophie der 
lebenden Natur, Gætt., 1802). Il est à peine utile de relever la fausse application don- 
née à ce terme « biologie » par quelques zoologistes qui l’emploient pour désigner les 
recherches ou les connaissances ontologiques s'appliquant à une espèce animale dé- 
terminée. 


(?) Voy. Phil. posit., juillet-décembre 1867, p. 81. 


XII CHARLES ROBIN 


de dynamique des corps organisés (De l'Organisation des animaux. 
Paris, 1829). 

Comme toute science, la biologie comporte nécessairement un 
système de prévisions. « Savoir, c’est prévoir. » Ainsi, prévoir com- 
ment dans telle circonstance donnée agira tel élément, tel organe, 
tel individu, ou inversement savoir quel est l'élément, l'organe, 
l'individu qui a pu produire un acte déterminé, voilà le double but 
que doit toujours se proposer le biologiste. Mais il faut reconnaître, 
toutefois, que plus l'agent organique, d’une part, l'acte accompli 
de l’autre, deviennent complexes, plus le rattachement intégral de 
l’un à l’autre devient difficile, au point d'être bientôt insurmon- 
table quand on dépasse les organismes et les actes les plus simples, 
Il faut même convenir que notre impuissance à prévoir est la règle 
commune, à cause de cette extrême complication de la biologie 
qui la maintient forcément dans un état d’imperfection plus grand 
que les autres sciences, sauf la sociologie, bien entendu. 


Définir la vie, l’état d'organisation, par ce mouvement inces- 
sant d'accès et de sortie des éléments cosmiques, est une indi- 
cation suffisante qu’on ne saurait envisager l'être vivant indépen- 
damment de son mirreu. C’est une notion devenue populaire de- 
puis les travaux de Darwin, mais que les biologistes avaient avant 
lui plus ou moins complètement méconnue et négligée. Bichat se 
trompait du tout au tout en regardant le milieu comme l’antago- 
niste de l'être vivant, l'appelant à la mort. C'est au contraire le mi- 
lieu qui nous entoure, pouvant varier dans des limites assez éten- 
dues, qui permet la vie; et s’il devient destructeur, c’est qu'il a 
subi de trop grandes perturbations accidentelles, perturbations 
qui sont en définitive moins fréquemment cause de mort, que la 
vieillesse, c'est-à-dire queles modifications nécessaires, lentes, spon- 
tanées de l'organisme. Lamark n'avait envisagé l'influence des mi- 
lieux que dans ses résultats lointains sur l'organisme; mais per- 
sonne n’en avait conçu une idée juste, à la fois générale et complète 
dans tous ses détails, avant De Blainville (Cours de Physiologie com- 
parée, t. Let IIT, p. 367, 1830). Et cependant, fait remarquer Robin, 
le traité de W. Edwards (De l'influence des agents physiques sur la vie) 
et l’imperfection de l’art de l'hygiène (n'oublions pas que nous 
sommes en 1849) fondé en entier sur cette science, auraient dû faire 
sentir le besoin de son étude systématique. Auguste Comte avait 
été sur ce point comme sur tant d’autres le véritable législateur de 
la biologie. « L'idée de vie, dit-il, suppose constamment la corréla- 
« tion nécessaire de deux éléments indispensables, un organisme 


SA VIE ET SON OUVRE. XII 


« etun milieu ou ensemble total des circonstances extérieures d’un 
« genre quelconque compatibles avec l'existence de ce dernier. 
« C’est de l’action réciproque de ces deux éléments que résultent 
« inévitablement tousles divers phénomènes vitaux non seulement 
« animaux mais aussi organiques ou végétatifs. » (Phil. posit., Pa- 
ris, 1838, t. III, p. 301, 532 à 535 et 5° édit, 1869, 40° et 41° leçons.) 
Et cette corrélation est telle, qu’on ne saurait concevoir une mo- 
dification de l’un sans que survienne une modification de l’autre 
par une réaction inévitable. On peut dire en définitive que l’idée de 
vie est aussi inséparable de celle d'organisation, que de celle de 
milieu en relation déterminée avec l'organisme (Voy. A. Comte, 
t. LD). | 

Robin à son tour définit le milieu : l’ensemble total des circon- 
stances ou agents extérieurs, physiques ou chimiques propres à 
fournir à l'être organisé les principes immédiats ou matériaux né- 
cessaires à la nutrition et à la manifestation des autres propriétés 
de ses éléments anatomiques. (Wicrosc., Ile partie, p. 120.) On re- 
marquera que cette définition ne s'applique point à ce que l’on a 
parfois appelé « le milieu intérieur. » Cette expression est un non 
sens. Le milieu intérieur c’est l’être même, et on ne saurait da- 
vantage appeler, en anatomie, intérieures, autrement que dans 
un sens tout descriptif, les substances contenues dans les cavi- 
tés ouvertes au dehors, estomac, vessie, etc. Ces substances sont 
évidemment en dehors de l'organisme, aussi bien que l’air qui sort 
à chaque expiration des vésicules pulmonaires, ou qui traverse le 
canal digestif d’un Cobütis fossilis. 

Seulement, il est bien évident d'autre part, que l’idée de milieu 
peut être transportée de l'être entier à l’élément anatomique. A ce 
point de vue le milieu de celui-ci est constitué par les éléments 
et les humeurs qui l’environnent, le nombre étant en général re- 
lativement petit des éléments qui sont directement en contact 
avec le milieu ambiant, à la surface du corps, dans les voies 
respiratoires, digestives, génitales, auxquelles on pourrait même 
ajouter les voies urinaires. Pour la plupart des éléments anato- 
miques — abstraction faite évidemment des éléments sensoriels — 
le milieu cosmique n'intervient plus que d’une façon tout à fait 
indirecte : ils sont au contraire directement influencés par leur 
propre milieu, ici organique, résultant de la composition chi- 
mique ou même des modes de repos ou d'activité spéciaux des 
éléments limitrophes de celui considéré. Aussi voyons-nous les 
éléments anatomiques et en particulier les éléments cellulaires, 
c'est-à-dire les véritables détenteurs de l’activité des corps organi- 


XIV CHARLES ROBIN 


sés, exiger pour la plupart comme condition essentielle de cette ac- 
tivité la présence continuelle d’humeurs les enveloppant de plus 
ou moins près, leur apportant dissous les principes qui doivent 
s'intégrer en eux, emportant les principes éliminés par le fait de 
leur désintégration simultanée. On peut dire des éléments et des 
humeurs qu’ils sont réciproquement indispensables les uns aux 
autres. Solide ou liquide, nul n’a la prééminence : l'un agit, l'autre 
maintient en état d'agir. Il nous est impossible de concevoir un 
corps organisé vivant quelconque sans un milieu dans lequel il 
puise et rejette, l’un étant l'agent, l’autre fournissant les condi- 
tions d'activité : c'est par les humeurs que s'établit cette liaison 
entre les éléments anatomiques et le milieu universel (1). Ceci 
toutefois est beaucoup plus généralement vrai des animaux que 
pour les plantes, dont beaucoup telles que les mycelium, etc..., 
ne présentent aucune lacune intercellulaire renfermant un gaz ou 
une humeur en dehors des éléments anatomiques. On en peut 
dire autant des animaux au début de la période embryonnaire, 
quand l'individu ne contient aucune humeur et est uniquement 
formé de parties plus ou moins solides cellulaires, réagissant les 
unes sur les autres en même temps qu’elles réagissent individuelle- 
ment et simultanément sur le milieu cosmique. 

Dans l'étude de ces réactions multiples, plus ou moins com- 
plexes et plus ou moins directes du milieu, Robin indique toute 
une science : « branche essentielle de la biologie, dit-il, peu connue 
« et encore tellement imparfaite, si peu caractérisée, que la plupart 
« des physiologistes n’en soupçonnent pas l’existence distincte et 
« nécessaire. » C’est la même science qui traitera également des 
milieux comme modificateurs généraux des caractères extérieurs 
des êtres vivants. Pour tout dire d’un mot, c’est la science de l’or- 
ganisme en fonction du milieu. Et pour cette branche spéciale de 
la biologie, Robin toujours épris de précision, propose le nom de 
Mésologie. 


Dans le tableau complet qu'il essaye de tracer des branches di- 
verses de la biologie et des rapports qu’elles ont entre elles, Robin 
n'oublie pas la Pathologie, et en termes excellents il en marque la 
place aussi bien que la portée. Arrivant enfin aux connaissances pra- 
tiques basées sur la biologie, il en reconnaît seulement deux ordres : 
1° l'Éducation des êtres vivants, végétaux et animaux, c’est-à-dire 
les modifications qu'on leur fait subir par une direction systéma- 


(1) Voy. Robin, Chim. anat:, 1853, p. 13-14. 


SA VIE ET SON OUVRE. XV 


tique imprimée dans un but déterminé durant l'ensemble de leur 
développement ; 2° leur Médication c’est-à-dire l'action rationnelle 
exercée par l’homme pour ramener à l’état normal les êtres dont 
les organes sont altérés. — Robin ne s’est jamais sérieusement oc- 
cupé de thérapeutique, excepté quand elle est nettement indiquée 
par la nature même des maladies parasitaires, quand elle devient 
précisément, pour les êtres qu'il s’agit de détruire, une question de 
milieu cosmique. — Au contraire tout ce qui touche à l'éducation 
lui était beaucoup moins indifférent, et nous le verrons vers la fin 
de sa carrière publier une intéressante étude sur les rapports de 


l'éducation et de l'instruction. 


Dans cet appendice si singulièrement étendu qu'il met à la suite 
de son traité Du Microscope, Robin après avoir exposé les rapports 
de la biologie et la place qu'elle occupe dans l'ordre des connais- 
sances conformément à la doctrine de Comte, passe à l’Anatomie 
et refait pour elle le même travail, en marque les divisions, Nous 
y reviendrons à propos de ses Tableaux. Enfin les derniers cha- 
pitres sont consacrés à une question qui a toujours beaucoup pré- 
occupé Robin, celle d’une distinction nette entre les végétaux et 
les animaux, Nous y reviendrons également. 


Et malgré tant de sujets traités, l’auteur dans l’Introduction 
nous dit ceux qu’il regrette de n'avoir point abordés (1). Il aurait 
voulu prévenir les biologistes contre l’inanité de toute recherche 
sur la nature intime de l'essence des choses et des phénomènes, 
questions à jamais insolubles. Les physiologistes en particulier de- 
vront se garder de l'hypothèse d’un « fluide nerveux » reconnu 
invisible, intangible, impondérable, c'est-à-dire auquel on attribue 
précisément toutes les qualités nécessaires pour qu'on ne puisse 
jamais s'assurer de sa réalité. Il n’est que trop certain qu’aujour- 
d'hui encore les physiologistes du meilleur esprit auraient parfois 
besoin d’être prévenus avec la même vigueur contre l’assimilation 
qu'on est étonné de les voir faire des actions nerveuses et des 
actions électriques. Or elles n’ont bien évidemment de commun 
que l’apparence extérieure de certains effets produits, lesquels 
nous permettent de raisonner de la conductibilité nerveuse en 
nous servant des faits connus de conductibilité électrique, comme 
nous raisonnons des vibrations de l’éther en nous servant des faits 
connus des vibrations des corps pondérables, et sans que pour 
cela l'identité des deux phénomènes soit démontrée, 


(1) Du Microscope, p. LY. 


XVI CHARLES ROBIN 


Un autre point capital que touche encore Robin, est la nécessité 
de distinguer dans chaque question ce qui est, de ce qui a été dit 
par tel ou tel, en d’autres termes de ne pas confondre la science 
avec l’histoire de la science. Assurément on ne saurait méconnaitre 
l'importance, comme complément de toute étude, de savoir par 
quels moyens, intellectuels surtout, les hommes sont arrivés gra- 
duellement à telle notion positive, anatomique ou autre; et par 
quelles phases à passé, relativement à chaque sujet, l'esprit hu- 
main. Nous ajouterons, pour l'avoir éprouvé au cours de recher- 
ches sur l’histoire de la biologie, qu'on ne peut bien étudier la 
science ancienne, qu'’autant qu'on prend pour point de départ l’état 
actuel. Autrement il est très diflicile d'apprécier le mode selon 
lequel se sont transformées les idées. C’est par les interprétations 
dernières qu'on juge exactement les conditions antérieures du sa- 
voir. C'est la marche sûre : l'inverse ne donne que des résultats 
incertains. Avec Descartes on comprend Galien ; avec Galien, Aris- 
tote. Procéder autrement est faire de l’érudition et non plus de 
l'histoire. Robin sans avoir jamais écrit sur le passé de la biologie 
qu'il connaissait cependant très bien, arrive par des raisons qui 
au fond sont les mêmes, à cette conclusion que l'historique d’un 
sujet doit suivre et non précéder l’exposé nouveau. M. Sappey, 
qui fut toujours l'ami et le condisciple dévoué de Robin, procède 
ainsi dans son Mémoires sur les cavités aériennes et les organes res- 
piraloires des oiseaux (1847), paru deux ans avant le traité Du Mi- 
croscope. 


IT. — Les TABLEAUX D’ANATOMIE. — L'ÉTAT DE L'HISTOLOGIE. — PREMIERS 
TRAVAUX : LES MÉDULLOCELLES, LES MYÉLOPLAXES, LE PÉRINÈVRE. 


La longue dissertation que Robin avait mise en suite du traité 
Du Microscope fut peut-être composée dans le principe pour servir 
d'introduction à un vaste Traité d'anatomie générale normale et pa- 
thologique chez l'homme et les principaux mammifères, annoncé à 
cette époque comme « sous presse » et « devant paraître incessam- 
ment » (J.-B. Baillière, 1849). Il était naturel que l’auteur fut 
frappé tout d’abord de la nécessité de fixer les limites précises de 
la biologie par rapport aux autres sciences, et ses subdivisions. 
Ce travail préliminaire accompli et publié, il reprend à part l’ana- 
tomie. Et toujours dans le même esprit de méthode, il essaye d’en 
déterminer les limites, il se demande si toutes les notions d'orga- 
nisation relatives aux êtres vivants sont de même ordre, avec des 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XVII 


degrés plus ou moins grands de complication, comme ceux par les- 
quels on remonte de l'élément au tissu, de l'organe à l'appareil, de 
l'appareil à l'individu concret. Ou, si ces notions d'organisation ne 
sont pas plutôt irréductibles, d'ordres divers, et en ce cas quelles 
elles sont? 

Pour éclaircir ce point, il procède par analyse ; il envisage d’abord 
un organisme quelconque comme formant un tout dont on se pro- 
posera d’étudier successivement les caractères depuis ceux de la 
forme et du volume jusqu’à ceux de structure intime. Et aussitôt on 
reconnaît que l'organisme n’est pas simple, mais se divise en par- 
ties de divers ordres : d’abord les appareils, lesquels sont formés 
d'organes (1), lesquels se distribuent en systèmes, lesquels sont 
constitués par des tissus et des humeurs, lesquels sont formés à 
leur tour d'éléments anatomiques et de principes immédiats. 

Cet ordre d’études dérive de la nature des choses, où l’Individu 
nous apparaît dans la complexité nécessaire qu’atteste le mot même 
que nous employons pour le désigner, individu. Cet ordre, une fois 
établi dans la matière même dela recherche, peut évidemment être 
repris en sens inverse; l’essentiel est seulement, malgré que toutes 
ses parties fonctionnent et agissent simultanément, de les étudier 
au contraire successivement ou tout au moins séparément. Sinon, 
l'on tombe dans une confusion inextricable qui exclut toute notion 
générale, tout enchaînement des faits, et, par suite, toute applica- 
tion. 

C’est ainsi que Robin suivant ici de Blainville établit dès l'abord 
que la connaissance des éléments microscopiques a sa place déter- 
minée dans l’ensemble de la recherche anatomique et qu'elle en 
est une division spéciale à côté de l'étude des tissus faite par Bi- 
chat, sans porter toutefois aucune atteinte à celle-ci, ni en diminuer 
l'importance. De plus, à côté des éléments anatomiques et comme 
leur condition même d'existence, il voit les humeurs, les plasmas, 
les liquides glandulaires et autres dont l’Anatomie jusque-là n'avait 
tenu aucun compte. Mais bien que l'étude des humeurs y rentre 
évidemment au même titre que celle des parties solides, elles 
ne seront pas étudiées par les mêmes procédés. C’est donc une 
branche à part, que Robin désigne sous le nom d’Hygrologie. 


(1) Il est important de relever la distinction que fait Robin entre les organes pre- 
miers dont l'ensemble constitue un système anatomique, et les organes seconds formés 
chacun par la réunion d'organes premiers appartenant à des systèmes différents et 
qui s'associent pour constituer les appareils. Ainsi le foie, organe second faisant partie 
de l’appareil digestif, comprend des organes premiers relevant des systèmes ÉUDENRE 
conjonctif, artériel, veineux, capillaire, lymphatique, nerveux, etc. 


CHARLES ROBIN. b 


XVIII J CHARLES ROBIN 


Ces humeurs à leur tour résultent du mélange plus ou moins 
intime d’un certain nombre de principes immédiats qui forment 
le lien même entre le monde cosmique et le monde biologique. Or 
la connaissance de ces principes immédiats relève plus de la chi- 
mie que de l’anatomie, bien que se rattachant à celles-ci puisqu'il 
s'agit de parties constituantes du corps. Par suite les procédés 
vont différer avec l’objet à étudier. Robin propose pour cette science, 
dont on ne saurait méconnaître l'importance, un nom nouveau: 
la Stæchiologie. 

Devant ces complications croissantes du domaine si considérable- 
ment accru de l’Anatomie générale, Robin se sentant peut-être en- 
traîné, voulant peut-être se contraindre à ne point s'égarer dans 
un champ si vaste, finit par donner à sa conception de l’Anato- 
mie générale la forme de tableaux explicatifs dans chacun desquels 
sont simplement énumérées les parties du corps à étudier dans 
tous les êtres, selon l’ordre que nous venons d'indiquer. Ces dix 
feuilles imprimées sont assurément une des œuvres les plus origi- 
nales de Robin. Elles ne portent pas même le titre sous lequel 
l’auteur les cite et les mentionne dans la liste de ses ouvrages : « Ta- 
bleaux d'anatomie contenant l'exposé de toutes les parties à étudier 
dans l'organisme de l’homme et dans celui des animaux (1850). » On 
lit simplement en tête de chaque feuille : Laboratoire de Biologie, 
8, rue Garancière. PLAN D'ÉTUDES (1). 

Les sous-titres sont les suivants : Tableaux 1 et 2 : Anatomie du 
corps entier el de ses parties. — 3 et 4 : les Appareils. — 5 : les Or- 
ganes.— 6 : les Sysièmes. —"T et 8 : les Tissus et les Humeurs. — 9 : les 
Éléments. — 10 : les Principes immédiats. 

Ces tableaux ne sont, avons-nous dit, que des énumérations ; 
toutefois on y trouve çà et là, en petit texte, des digressions, par 
exemple : 1° sur le phénomène de la mort considérée soit comme 
phénomène unique, soit dans les divers tissus; 2° sur les veines 
portes et leur usage; 3° sur l'appareil de l’urination, où Robin nous 
montre une fonction exactement au même titre que la digestion. 
Mais le but des Tableaux est essentiellement de servir comme une 
sorte de guide universel pour l'étude des parties du corps d'un être 
quelconque. Celle-ci y est conduite depuis la notion morphologique 
extérieure de cet être, jusqu’à la connaissance de ses éléments ana- 
tomiques et des principes immédiats dont le mélange intime cons- 
titue ses humeurs. Bien que l’attention de Robin semble avoir été 
uniquement sollicitée au début par les principes immédiats entrant 
dans les humeurs, il est évident qu'ils n'ont pas moins d'impor- 


(1) Imprimé chez Martinet. 


+ 


SA VIE ET SON ŒUVRE. xx 


tance envisagés dans les substances demi-solides ou solides compo- 
sant les parties plus résistantes de l’économie. 

Robin, comme beaucoup d’esprits supérieurs, avait le goût de 
ces façons d'exposer sommairement une science dans ses branches 
diverses. La même tendance le conduisit plus tard à rédiger son 
Programme du cours d'Histologie. Le moindre inconvénient de cette 
forme condensée est de tout mettre au même plan et de fausser la 
relation des choses, toujours plus complexes dans la Nature, se 
touchant, se mêlant par divers côtés, ayant en un mot des con- 
nexités beaucoup trop multiples pour qu’on les puisse justement 
exprimer par de simples artifices graphiques à deux entrées. 

Les Tableaux d'anatomie ont les mêmes défauts que tous les essais 
de ce genre. [ls n’en présentent pas moins un intérêt très grand 
comme la première tentative d’un exposé didactique complet de 
l’Anatomie. Il faut les prendre avant tout comme un memento. 
Ils devraient être, conformément à la destination que leur assi- 
gnait l’auteur, affichés dans tous les laboratoires de biologie, pré- 
sents à l'esprit de tous ceux qui s'occupent d’une branche quel- 
conque de l’anatomie. Ils sont l'expression frappante d’une bonne 
méthode pour étudier les corps vivants quels qu'ils soient, l'Homme 
ou le dernier des Métazoaires. 

C'est pour avoir négligé cette méthode que tant de recherches 
patientes sur les êtres inférieurs et qui font par d’autres côtés tant 
d'honneur à leurs auteurs, sont restées cependant sans profit pour 
l'avancement de nos connaissances générales et la solution des 
questions fondamentales en biologie. C’est pour n’avoir pas su dis- 
tinguer nettement ce qui est étude des tissus, étude des éléments, 
ce qu'est même un élément ou un tissu, et avoir très généralement 
omis les humeurs, que de si grandes confusions se sont introduites 
d'une part dans la description d’une foule d'organismes inférieurs; 
et que, d'autre part, des recueils périodiques s’emplissent de figures 
portant sur les altérations pathologiques les plus diverses, et qui 
toutes cependant se ressemblent, au point qu’on les prendrait 
pour la reproduction les unes des autres. C’est pour ne pas savoir 
ce qui distingue la connaissance d’un tissu ou d’un élément de celle 
d’un organe qu’on voit l'Histologie proprement dite des animaux 
supérieurs presque délaissée et celle des animaux inférieurs ou 
des embryons à peine ébauchée par suite de la confusion des mé- 
thodes propres à divers ordres déterminés de recherches. 


Les Tableaux nous montrent Robin embrassant dès le début de 
sa carrière dans une grande vue d'ensemble toutes les parties de 


XX CHARLES ROBIN 


l’Anatomie. Laissantl’Anatomiedescriptiveetl’ Anatomie comparée, 
il s'attache à l'Anatomie générale, qui n'était encore que confusion. 
Il y jette la lumière en donnant le programme complet des études 
qu'elle doit réaliser. 

Pour mieux marquer le rôle et la part de Robin dans l'avance- 
ment et les derniers progrès de l’Anatomie générale, il n’est pas 
sans utilité de se reporter à ce qu'était la science où il entre 
ainsi en législateur. Avec lui nous pouvons considérer l’Anatomie 
comme comprenant: 1° l'étude des appareils; 2° celle des or- 
ganes ; 3° des systèmes; 4° des tissus ; 5° des éléments anatomiques. 
L’anatomie descriptive des appareils et des organes est la pre- 
mière qui ait été faite. L'étude des systèmes et celle des tissus, inau- 
gurée d’une façon remarquablement précise par Aristote (1) devient 
seulement avec Bichat une branche importante et distincte de 
l'anatomie. C'est Bichat qui crée le terme « élément organique ou 
anatomique » pour désigner les dernières parties des corps organisés 
accessibles à nos sens et dont il ne se soucie point d'approfondir la 
connaissance par les instruments d'optique. D'ailleurs comment, 
dans sa fiévreuse et courte existence, le jeune et célèbre médecin 
de l'Hospice d'Humanité eut-il trouvé le temps de ces recherches 
plus délicates et plus patientes? Il crée l’Anatomie générale; cela 
suffit. Et dans la voie où il entrait, « il sut toujours, comme dit Ro- 
« bin (2), se tenir au point de vue philosophique avec une énergique 
« supériorité d'intelligence, en employant successivement l'observa- 
tion, l’expérimentation et la comparaison pour arriver à son but. » 
Tel sera également le fond de la méthode de celui qui, après De 
Blainville, va marcher sur les traces du grand anatomiste fran- 
çais. Robin est revenu à plusieurs reprises sur l'importance qu'il 
convient d'attacher à ce qu’il appelle «les trois modes fondamentaux 
de la biologie (3). » À vrai dire, il est facile de voir qu'ils n'en font 
en réalité qu'un seul. Peut-être se rappelle-t-on la discussion qui 
s'est élevée, il y a quelques années, entre Coste et Claude Ber- 
nard à l'Académie des sciences, l'un et l’autre essayant de tracer 
les domaines précis de l'expérience et de l'observation. La distinc- 
tion est bien subtile : l'expérience n’est qu’une observation dans 
des circonstances voulues ; une observation n’est qu’une expérience 
dont les conditions, quelquefois tout à fait anormales, ont leur ori- 
gine dans la marche naturelle des choses. Tout accident observé 
est en réalité une expérience. Ces nuances délicates doivent être 


(1) Voy., sur ce point, Pouchet : La Biologie aristotélique, 1 vol. Paris, F. Alcan, 1885. 
(2) Du Microscope, 1849. 
(3) Voy. De la Biologie, 1867. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CI 


écartées. Il n’y a enfin de compte qu’un procédé scientifique uni- 
versel : la comparaison. La méthode comparative sera doncle grand 
moyen d'investigation dans les sciences biologiques aussi bien que 
dans les autres. Le but que se propose toute recherche est de saisir 
dans les phénomènes leurs relations constantes, soit de similitude, 
soit de succession. Îl s’agit en somme de concevoir ce qu'offrent 
d’analogue ou de dissemblable tous les cas possibles. 

Dans l’application et relativement à l’Anatomie, qui nous occupe 
ici, Robin toujours attaché aux formules précises, établit que le 
mode comparatif devra être employé successivement sous cinq 
chefs qu'on peut énumérer ainsi : 1° comparaison des différentes 
parties d'un même individu entre elles ; 2° comparaison suivant le 
sexe; 3° comparaison des différentes variétés ou des races d’une 
même espèce entre elles, 4 comparaison de chaque partie succes- 
sivement aux différentes périodes de leur développement; 5° com- 
paraison de chaque partie avec les mêmes choses dans la série des 
êtres organisés. — Bichat avait forcément négligé ce dernier point 
de vue; non complètement toutefois, quand par exemple il com- 
pare certains tissus des animaux de boucherie à leurs similaires 
chez l'Homme; mais, par contre, il a spécialement insisté sur la 
comparaison au point de vue pathologique, « qui après l’état nor- 
« mal, réplique Robin, doit être reprise ensuite successivement sous 
« les cinq chefs précédents toutes les fois que la nature des choses 


« le permet. » 


Bichat n'était point allé jusqu’à la connaissance des éléments, 
microscopiques pour la plupart, qui composent les tissus et dont 
l'étude est aujourd’hui la partie fondamentale de l'Histologie. Ce- 
pendant ces éléments, fibres, cellules, globules, vaguement indi- 
qués dans les végétaux par Malpighi, chez les animaux par 
Leeuwenhœck, Muys et Fontana (+ 1803), servaient cependant 
déjà, surtout de la part des botanistes, à l’élaboration d’une histo- 
logie rudimentaire. C’est en 1802 qu’une femme découvre la cellule 
en tant qu'individu ou élément anatomique distinct (1). En 1816, 
Treviranus insiste sur l'existence dans le corps des animaux, de 
matières homogènes et amorphes, à côté des fibres, des glo- 
bules, etc. Gerber étudie, le premier, systématiquement les élé- 
ments anatomiques et les tissus, mais sans établir de distinction 
nette entre les uns et les autres. Enfin Henle, à proprement parler, 
ne traite dans son Analomie générale que des éléments anatomi- 


(1) Voy. Pouchet et Tourneux, Précis d'histologie et d'histogénie, p. G. 


XXII CHARLES ROBIN 


ques, en s'étendant, toutefois, à propos de chacun d'eux, sur , 
l'histoire du tissu qu’ils composent principalement. 

Pendant ce temps, en France, les principes si magistralement 
posés par Bichat, étaient dédaignés. Cuvier, son contemporain et 
qui lui survécut de si longues années, n'a jamais prononcé son 
nom (1). On peut dire que Cuvier, malgré le nombre considérable 
de ses travaux et le mérite incontesté de ses élèves a eu, sauf en 
ce qui concerne la Paléontologie, une influence plutôt néfaste sur 
l'avancement de la biologie. Il suffit de la comparer à celle de Jo- 
hannes Muller, en Allemagne. Sans parler de l’écrasement de La- 
marck et de Geoffroy Saint-Hilaire, ces précurseurs de Darwin, on 
peut reprocher à Cuvier et à ses diciples de ne voir d'autre objet 
d'étude chez les animaux, que les organes et les appareils, et ceci 
même parfois assez confusément. « Quant aux systèmes et aux tis- 
« sus, leur étude est complètement négligée. Du moins si çà et 
« là on trouve quelques considérations sur eux (2), on reconnait 
« par le peu d'importance et le peu d’étendue qui leur sont don- 
« nées, que les auteurs n’ont pas senti que c'était là autant de 
« parties d’un tout qui, à l’exemple de ce que faisait Bichat, au- 
« raient dû recevoir des développements proportionnés à leur im- 
« portance. C'était méconnaitre la valeur philosophique du véri- 
« table créateur de l’Anatomie comme science. » Ces paroles de 
Robin, en 1849, sont restées vraies après plus d’un quart de siècle, 

Béclard, lui-même, bien qu'auteur d’un Traité d'Anatomie géné- 
rale (1821-1893), n'avait tenu aucun compte des principes si nette- 
ment posés par Bichat. Ses publications marquent réellement un 
temps d'arrêt, pour ne rien dire de plus, dans l'essor de la science 
nouvelle dont le Traité des membranes avait été le point de départ. 
C'est au Muséum que la grande tradition de l’Anatomie générale 
est réellement reprise par un homme d’une valeur supérieure et 
dont les élèves se sont appelés Robin, Coste, F.-A. Pouchet, Gervais, 
Giraldès, Hollard. Cet homme était De Blainville. Un étroit com- 
merce intellectuel l’unissait à Auguste Comte, et tous deux en pro- 
fitèrent largement, l’un se perfectionnant en biologie, l’autre s’ins- 
pirant des véritables méthodes scientifiques. De Blainville, avant 
Gerber et Henle, attribue le premier une place à l'étude systéma- 
tique des éléments en anatomie (Cours de physiologie générale et 
comparée, 1829). D'ailleurs, pas plus que Bichat, il ne les observe. 


(1) Voyez Pouchet. La chaire d'Analomie comparée. Revue Scientifique du 
17 avril 1860. 


(2) Et nous pouvons ajouter : parfois excellentes, comme l'étule du sarcode des 
Noctiluques par M. De Quatrefages. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XXITI 


Il se défie du microscope, il les connaît donc fort mal. Mais il in- 
troduit en Anatomie générale une importante distinction, celle des 
constituants et des produits. Il y fait également rentrer l’étude du 
sang, de la lymphe, des gaz, des liquides sécrétés, etc., au même 
titre que celle des parties solides ou tissus. 

C’est ici qu'apparaît Robin, avec cet esprit profondément systé- 
matique qui en avait fait du premier coup un adepte de la philoso- 
phie positive. [ fait un pas de plus. Il distingue, au grand profit de 
l'étude, ce qui avait été confondu : l'histoire des tissus et celle des 
parties qui les composent. Il montre que les éléments anatomi- 
ques du corps vivant, cellules ou autres, ne sont pas seulement à 
noter et à observer comme constituant les tissus, mais qu'ils ont 
leur ontologie propre; que leur qualité d'individus les faits sus- 
ceptibles d’être groupés en espèces et en genres comme les in- 
dividus, généralement plus compliqués, que classent le Zoo- 
logiste et le Botaniste. Il établit que l'élément anatomique en lui- 
même et indépendamment du tissu dont il fait partie, est un objet 
légitime de spéculation, absolument comme les cristaux d’Or- 
those dans un granit. C’est là un point de vue tout à fait propre 
à Robin et qu'il formule pour la première fois dans ses Tableaux 
d'Anatomie. Et même il donne à cette science un nom, il veut 
qu'on l'appelle Elémentologie, pour la distinguer de l’Histologie ou 
science des tissus. 

Les Tableaux allant de l'étude totale et générale de l’être vivant 
à celle de ses dernières parties constituantes, suivent l’odre analy- 
tique. Mais l’ordre inverse avons nous dit, se prête tout aussi bien 
à la recherche, en remontant du simple au composé. Reprenant 
en ce sens l’Anatomie générale par la base — abstraction faite de 
l'étude des principes immédiats, qui relèvent plus directement de 
la chimie — Robin nous la montre, comprenant : 

1° L'étude des éléments anatomiques auxquels va se rattacher phy- 
siologiquement l'idée de propriété élémentaire de la matière orga- 
nisée ; 

20 L'étude des tissus auxquels se lie l’idée de texture ou arran- 
gement réciproque des éléments, laquelle entraîne avec elle l’idée 
plus complexe de la réunion ou combinaison des propriétés des 
éléments divers qui composent ces tissus ; 

3° L’étude des systèmes qui entraînent l'idée de distribution géné- 
rale des tissus dans l'économie, distribution variable pour chaque 
tissu et, de plus, dans chaque espèce, suivant la complication des 
fonctions de l'être envisagé; 

4° L'étude des organes entrainant l’idée de la disposition spé- 


XXIV CHARLES ROBIN 


ciale d'un ou plusieurs tissus sous telle ou telle forme, concourant 
à une action limitée et déterminée; 

5o Enfin, celle des appareils auxquels on doit rattacher l’idée d'ar- 
rangement d'organes divers et des produits qui les accompagnent, 
les uns par rapport aux autres, dans le but de l accomplissement 
d’une fonction déterminée. 

« Tel est, ajoute Robin, dont nous ne saurions trop recomman- 
« der les paroles à la méditation des biologistes, tel est l'ordre des 
« conceptions anatomiques qu’il faut toujours avoir présent à l'es- 
« prit, pour se faire une idée nette et exacte de l’organisation et 
« des fonctions de chaque être. Tels sont les cinq points de vue 
« sous lesquels doivent être de toute nécessité envisagés successi - 
« vement tous les végétaux et animaux ; d’abord individuellement 
« ou collectivement, suivant toutes les phases du développement, 
« depuis leur naissance jusqu'à la mort, ce qui constitue la série 
« embryogénique; et ensuite collectivement, depuis les êtres les 
« plus simples jusqu'aux plus compliqués de la grande hiérarchie 
« organique. Ce dernier et immense parallèle rationnel institué 
« entre tous les termes de la série organique, offrant une longue 
« suite de cas variés et pourtant analogues, donne à la méthode 
« comparative son plus admirable développement. L'un et l’autre 
« de ces modes de comparaison envisagés sagement, en dehors 
« d’une précision à la fois trop minutieuse et puérile, se prêtent 
« un mutuel appui, se complètent l’un et l’autre; ils ne peuvent 
« être suppléés par rien, et ne peuvent être négligés sans que toute 
« conception physiologique s’en ressente profondément. » 

Voilà donc Robin dès cette époque — il a trente ans — chef 
d'école. Il établit nettement les principes, il délimite la science, il 
en montre les faces diverses, que le devoir du véritable anatomiste 
sera d'aborder successivement. Et il en fait le projet. Il compte sans 
doute que sa vie suffira à cet immense labeur. Immense, car ici 
tout est à créer, jusqu’aux méthodes pour certaines des recherches 
qu’il entrevoit : Stœchiologie, Élémentologie, Hygrologie, Anatomie 
pathologique, comparative, autant de branches dont aucune ne le 
laissera indifférent. Déjà il est à l'œuvre, déjà il a beaucoup pu- 
blié et même fait d'importantes découvertes en histologie. L'année 
même où paraissait le traité Du Microscope il avait découvert dans 
la mœlle des os deux éléments anatomiques nouveaux, qu’il désigne 
sous les noms de médullocelles et de myéloplaxes : il les décrit nette- 
ment le premier comme espèces d'éléments anatomiques distincts 
de toutes les autres par leurs caractères à la fois morphologiques 
et physico-chimiques. Et c'est ainsi qu'il est conduit à leur im- 


SA VIE ET SON OŒUVRE. XXV 


poser un nom spécifique. C’est en vain qu'on a tenté d'amoindrir 
cette découverte en supposant aux médullocelles une identité (1) 
qu’elles n'ont d'aucune façon avec les leucocytes du sang, ne fut-ce 
qu’en raison de leur couleur rouge, et en désignant les myélo- 
plaxes sous le nom vague et déjà appliqué à d'autres éléments fort 
différents, de « cellules mères » (bien qu'elles ne se segmentent 
jamais), de « cellules géantes ou gigantesques » (2), nom qui n’en- 
trainait d’ailleurs aucune idée de spécificité pour les auteurs l'ayant 
employé. 

Nous n'avons pas à défendre la mémoire de Robin. Il a pro- 
duit assez et jeté dans la science assez de faits nouveaux et d’une 
portée générale, pour que son nom reste inscrit dans l'histoire de 
la biologie, malgré ceux qui de son vivant ont le plus contesté son 
mérite. Un antagonisme dont ne voulons pas ici rechercher la 
source, a empêché des anatomistes français, d’une valeur incon- 
testable, d'adopter ces désignations si profondément légitimes, par 
lesquelles Robin cherchait à affirmer le caractère positif des re- 
cherches histologiques ; par lesquelles il essayait d'établir la fixité 
de l’espèce anatomique, à l’encontre de la bizarre conception de la 
cellule indifférente, prête à devenir cellule osseuse, épithéliale, leu- 
cocyte, absolument comme un ovule qui deviendrait indifférem- 
ment oiseau, poisson ou mammifère, suivant certaines conditions. 
Robin voulait, avec raison, que chaque espèce histologique fut 
désignée par un nom propre à elle. 

Cette opposition aux efforts du savant français, essayant de lutter 
contre certaines écoles étrangères, n’en était pas moins fâcheuse 
pour se produire avant les événements qui ont si tristement brisé 
les liens entre deux nations appelées, semblait-il, à marcher d’un 
pas égal dans la voie des sciences et de la vérité. Cet antagonisme, 
chose curieuse, alla même jusqu'à repousser des noms d'éléments 
proposés par des savants allemands et que Robin s'était empressé 
d'adopter après en avoir reconnu la juste valeur comme dési- 
gnation spécifique. C’est ainsi que le nom de leucocyte proposé 
par Gruithuisen, n'a pas été admis plus que celui de médulocelle 
ou de myéloplaxe, par les anatomistes français dont nous parlons, 
qui ont toujours préféré à cette désignation le nom de « globules 
blancs, » ou encore le nom de cellules embryonnaires, appliqué ici 
à des éléments que tous leurs caractères de forme, de structure, le 
nombre et la disposition de leurs noyaux, leurs réactions chimi- 


(1) Ranvier. Traité technique d'Histologie, p.321. 
(2) Voy. Ranvier. Traité technique d'Histologie, p. 323. 


ea f1 CHARLES ROBIN 


ques, etc., séparent absolument des véritables cellules embryon- 
naires dérivées de la segmentation des sphères vitellines. 

A l’époque de la vie de Robin qui nous occupe, ces mesquines 
oppositions ne s'étaient point encore fait jour; il leur eut apposé 
sans doute, comme plus tard, un suprême dédain. Il travaillait, et 
il pouvait presque répéter ce mot de Geoffroy Saint-Hilaire dissé- 
quant les mollusques avec Cuvier, que « chaque matinée apportait 
une découverte nouvelle ». Il démontre le premier que les cellules 
ganglionnaires ne sont pas de petits centres nerveux spéciaux, 
placés sur le trajet des tubes nerveux, sans connexions avec la 
mϾlle et entre eux, comme on le pensait; mais qu'elles sont en 
continuité de substance avec les conducteurs nerveux, et modifient 
les actes qui s’opèrent dans les nerfs périphériques. Cette décou- 
verte a fixé les anatomistes sur la structure des ganglions; elle 
est devenue le point de départ de nombreuses recherches physio- 
logiques, qui ont montré que les nerfs ont au-dessus et au-dessous 
des ganglions, des propriétés différentes en rapport avec fonction 
propre de ceux-ci (Waller, Schiff, Vulpian, etc.). 

Nous ne signalons ici que les découvertes demeurées acquises 
dans la forme où Robin les annonçait. D’autres ont été des progrès 
mais non définitifs, et la science moderne a modifié, à leur égard, les 
opinions du jeune savant de 1849. C’est ainsi que l'étude des sper- 
matozoïides si avancée, ou plutôt si modifiée qu'elle ait été par 
Robin, ne doit plus rien ou presque rien à ses travaux. C'était le 
commencement d'une grande recherche entreprise dans le but de 
constater si la différence entre les animaux et les végétaux qu'il 
croyait avoir nettement établie d'autre part d’après certains carac- 
tères tirés de leur constitution même (nous reviendrons sur cette 
opinion de Robin), n'allait pas trouver une nouvelle confirmation 
dans l'histoire de leur développement. Et comme première ques- 
tion à résoudre, Robin se pose celle de savoir si les éléments ana- 
tomiques désignés sous le nom de spermatozoïdes sont où ne sont 
pas des animaux, et si ces corps fécondateurs ont quelque analogie 
dans les plantes et le règne animal. Il compare, à ce point de vue, 
les produits génitaux des Méduses (Rhizosioma Cuvieri) et des Algues 
(Ulva lactuca). I signale au cours de ses recherches un phénomène 
des plus importants : la segmentation incomplète, mais spontanée, 
de l’ovule femelle sans fécondation, comme signe de sa maturité. 
Le fait a été reconnu depuis par De Quatrefages chez les Hermelles 
et les Unio. Robin l'avait décrit chez Nephelis octoculata, en indi- 
quant les différences de la segmentation selon que l’ovule est ou 
non fécondé. 


SA VIE ET SON OUVRE. XX VIT 


III. — COLLABORATION AYEC VERDEIL. — LE TRAITÉ DE CHIMIE 
ANATOMIQUE ET PHYSIOLOGIQUE. 


Robin, tout en poursuivant ses recherches d’histologie pure n’en 
restait pas moins fidèlement attaché aux principes qu'il avait pro- 
clamés : la forme est indépendante de la qualité vitale; au delà des 
éléments anatomiques figurés, il y a cette chimie moléculaire qui est 
la raison même de toute propriété physique, physiologique et par 
suite morphologique de la substance organisée; il y a, en un mot, 
l'état d'organisation résultant de la mise en contact et des réac- 
tions réciproques des principes immédiats d'apport, de constitution 
et de rejet dont sont composées les parties liquides et solides de 
l'être. 

« Vainement, dit avec raison Robin, physiologistes et médecins, 
« nous chercherions à nous passer de connaître ce qui constitue la 
matière dont sont formés les organes que nous étudions à l’état 
« sain et à l’état morbide, à nous passer de connaître comment et 
« en quelle proportion ces matériaux sont unis, et surtout quels 
« sont ceux qui entrent et ceux qui sortent... Que l’on réfléchisse 
« un instant au caractère des altérations que nous observons dans 
« les muqueuses et autres tissus; que l’on songe, d’autre part, à la 
« nature moléculaire des phénomènes de nutrition, et l’on recon- 
« naîtra bientôt qu'il n’est pas une parcelle de la substance orga- 
« nisée, fut-ce même un granule microscopique, dont nous ne de- 
« vions connaître la composition, au moins approximativement. 
« Or l’étude seule des principes immédiats peut conduire à ce but. 
« (Chimie anatomique, 1852.) » 

Robin proclame donc comme point de départ de toute étude bio- 
logique sérieuse, l’histoire des principes immédiats entrant dans la 
composition des tissus et des humeurs. Il semble toutefois au 
début, bien qu’il place l’étude des principes immédiats au seuil ou 
au terme de la biologie, selon la direction suivie, n'avoir point re- 
gardé celle-là comme rentrant dans les divisions de l’anatomie. 
Lui-même le laisse entendre : c’est au cours des recherches histo- 
logiques dont nous avons parlé, et dont il s’occupait déjà avec tant 
d'éclat, qu’il aurait senti l'impossibilité d'achever l'étude des élé- 
ments « d’une manière utile à la physiologie normale et patholo- 
gique » avec les seules constatations morphologiques, et sans pé- 
nétrer la qualité chimique des parties envisagées (1). 

Or, c'est à peine si on avait tenu compte, jusque-là, de ces prin- 


FR 


(1) « Le plan de l'ouvrage n’a été conçu que dans le cours de toutes ces éludes 


XX VIII CHARLES ROBIN 


cipes dont le conflit est la vie même. Robin, au début, n'a d'abord 
en vue que ceux qui composent les humeurs. Mais les humeurs non 
plus n’avaient guère fixé l’attention des anatomistes à cette époque 
(1849-1853). A la vérité les plus récents traités d'anatomie géné- 
rale renfermaieut l’histoire de la lymphe, du sang et celle du pus. 
Mais la salive, la bile, le suc pancréatique, le lait, le mucus et 
beaucoup d’autres liquides normaux ou pathologiques n'étaient dé- 
crits que dans certains dictionnaires ou dans les traités de physio- 
logie, à propos des organes qui les secrètent. Robin fait cette re- 
marque topique, que si l’on voulait essayer de construire un être 
vivant avec tout ce qu’on trouvait de son temps décrit dans les trai- 
tés d'anatomie, on aurait un corps formé d’un amas de différents 
organes, muscles, nerfs, épiderme, etc., mais qui ne contiendrait 
ni l’eau, ni les sels, ni l’albumine des humeurs, etc., ni même la 
plupart des liquides, tels que ceux qui remplissent habituellement 
les conduits glandulaires, ceux qui remplissent les vésicules closes 
des glandes sans conduits excréteurs, et d’autres encore. 

Si l’on s’accordait à proclamer l'importance de l'étude des élé- 
ments anatomiques, tels que fibres, tubes, cellules, on ne se pré- 
occupait aucunement de leur composition immédiate non plus que 
de celle des humeurs. À peine trouvait-on dans les livres quel- 
ques indications sur cette partie de l'anatomie. [l semblait qu'on 
en fit l'étude à regret, et le plus brièvement possible, comme un 
sujet étranger et sans lien avec l’objet même de l'ouvrage. Sur- 
tout on omettait de montrer les transformations de ces principes 
immédiats depuis la forme sous laquelle ils sont introduits dans 
l’économie, jusqu à la forme sous laquelle ils en sortent, après 
avoir passé dans le sang, dans les chairs, après avoir été eux- 
mêmes un certain temps le corps vivant lui-même. Rien de plus 
contraire aux idées de Robin qui voit maintenant dans ces études 
le point de départ de toute notion anatomique sérieuse. Ne vont- 
elles pas en effet nous conduire à la connaissance aussi appro- 
chée que possible de l’état d'organisation ? Cette constitution chi- 
mique des éléments et des humeurs ne va-t-elle pas éclairer mieux 
que toute chose leur histoire physiologique? sans cependant es- 
pérer qu'elle l'explique tout entière et que la connaissant, nous 
u’ayons plus rien à apprendre. C’est pour n’avoir point reconnu 
cette relation nécessaire, aussi bien qu’en raison des procédés de 


« (d'Anatomie générale). C'est en les poursuivant qu’a été reconnue, par expérience, 
« l'impossibilité de les achever d’une manière utile à la physiologie normale et patho- 
« logique; impossibilité qui a amené un retour en arrière et l'exécution du présent 
( traité. » (Chimie anatomique, Préface.) 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XXIX 


recherche plus spéciaux à employer, que les anatomistes ont laissé 
les chimistes fonder cette partie de leur science. Et ceux-ci sans se 
douter même qu'ils étaient sur le domaine de la biologie, ont 
donné à cette branche de nos connaissances des noms en harmonie 
avec leurs propres recherches : Statique chimique des êtres orga- 
nisés, Zoochimie, Chimie physiologique, Microchimie, Chimie mi- 
croscopique, Chimie pathologique, toutes dénominations ne carac- 
térisant que des parties de l’anatomie ou de la physiologie, qu'il 
était bien inutile, dit Robin, d’affubler de ces noms, dont la plu- 
part n'avaient et n’ont encore — car on n’a pas cessé de les employer 
— d’autre raison d'être qu’une ignorance de méthode. 

L’anatomie, en effet, va se placer dans l'étude des principes im- 
médiats à un tout autre point de vue que la chimie. Sans avoir à 
se préoccuper de la composition moléculaire et de l'analyse des 
principes immédiats, elle doit seulement mettre à profit les en- 
seignements des chimistes pour arriver à une connaissance plus 
approfondie des éléments et des humeurs dans la composition des- 
quels entrent ces corps. Ainsi comprise, cette étude a le mérite tout 
particulier d'établir la transition entre la chimie et la biologie dans 
l'ordre hiérarchique nécessaire des sciences, car elle relie l’orga- 
nisme vivant au milieu cosmique. Dernier chapitre de la connais- 
sance des corps bruts, c’est en quelque sorte le premier de la con- 
naissance des corps animés : étude préliminaire si l’on veut, mais 
indispensable pour le biologiste. 

Il n’est pas douteux que Robin ait alors conçu cette ambition 
grandiose de parcourir le cycle entier de l’Anatomie générale tel 
qu’il en avait tracé le plan dans ses Tableaux, en prenant la matière 
organisée à l'état naissant en quelque sorte, surgissant du monde 
inorganique. Dans sa pensée première le X° tableau, énumérant 
les principes immédiats, était un peu en dehors de l'anatomie, et 
voilà que maintenant il se trouve amené lui-même à le développer 
tout d'abord. Il se met donc à l'œuvre. Le développement des ta- 
bleaux suivants (IX*, VIII, VIT) déjà commencé, est interrompu; 
il sera repris plus tard. 

Pour mener à bien le grand travail qu'il avait entrepris et qui 
nécessitait des connaissances chimiques spéciales, Robin unit son 
savoir à celui de Verdeil. Celui-ci suisse d’origine était venu à 
Paris après avoir travaillé avec Liebig. Il avait avec Würtz créé 
rue Garancière, n° 8, un laboratoire qui dura fort peu de temps. 
Dans le même immeuble, Robin avait son laboratoire de biologie 
dont nous trouvons l'adresse en tête des Tableaux (1). De là sans 


(1) Vov. ci-dessus, p. XVHIL. 


XXX CHARLES ROBIN 


doute ses relations avec Verdeil (1). C’est en 1852 qu'ils font pa- 
raître leur traité de Chimie anaitomique et physiologique, en trois 
volumes, suivi d’un atlas. 

Il ne s'agissait de rien moins que de refaire, au point de vue ana- 
tomique, l’histoire de chacun des principes immédiats, tels qu'oxi- 
gène, hydrogène, acide carbonique, eau, sels, albumine, fibrine, 
caséine, créatine, pepsine, urée, etc., qui se trouvent dans l’éco- 
nomie ou en sortent, d'établir la nomenclature de ces principes, 
leur présence dans les divers tissus ou humeurs, leur abondance 
relative, leur histoire anatomique en un mot, comme on fait celle 
d'une fibre du tissu lamineux, ou d’une cellule de la mœælle os- 
seuse. 

Robin et Verdeil entreprirent donc de relever dans tous les 
travaux chimiques publiés jusqu'alors sur les tissus, les humeurs, 
ce qui avait été dit à propos de chaque gaz, de chaque sel, de 
chaque composé albuminoïde, etc. Mais malgré l'abondance des 
matériaux de ce genre, les points de vue variés ou faux auxquels on 
s'était placé avant eux, les forcent le plus souvent de reprendre 
par le commencement l'étude des corps qu'ils envisagent; origi- 
naux, même où ils ne s’y attendaient pas, ils sont obligés de 
mettre leur technique en rapport avec le point de vue tout nou- 
veau qu'ils ont choisis. Au lieu de l'emploi des moyens physiques 
aidés par les moyens chimiques comme accessoires, ce sont les 
procédés chimiques qui vont devenir ici la source fondamentale 
d'investigations et les procédés physiques, tel que le micros- 
cope, etc.., relégués au second plan, ne seront plus qu’un acces- 
soire, indispensable à la vérité pour la bonne étude des corps envi- 
sagés. Robin, en prenant soin d’exposer avec détail toute cette 
méthode, montre une fois de plus combien il sut toujours donner 
à la technique, quoi qu’on en ait dit, une attention scrupuleuse, 
mais en lui assignant toujours son véritable rôle et sa place. 

Robin et Verdeil ne perdent jamais de vue que leur tâche est 
essentiellement biologique, puisqu'elle doit les conduire par Ja 
connaissance des principes immédiats dont l'organisme est fonc- 
tion, à la connaissance du jeu des organes, de la structure in- 
time et des propriétés des tissus. Ils restent, tout en traitant de 
chimie, anatomistes et zoologistes, médecins même quand il s’agit 
de produits morbides. C’est ce qui fait de ce livre remarquable un 
ouvrage différent, inverse en quelque sorte de tous ceux qui avaient 


(1) Nous devons ces renseignements à l’obligeance de M. Friedel, Nous pouvons 
ajouter que Verdeil après avoir délaissé les sciences pour l’industrie, n’y réussit point 
et finit misérablement. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XXXI 


été publiés jusque-là sous des titres approchants. Aussi a-t-on pu 
dire des auteurs du traité de Chimie anatomique qu'avec des instru- 
ments employés de tous, opérant sur des matériaux plus d'une fois 
remaniés, ils avaient cependant accompli un travail nouveau. De 
fait l'histoire de l’organisation était poussée pour la première fois 
au delà de ce que donne le microscope. 

Le premier soin de Robin et Verdeil devait être naturellement 
de chercher à séparer les uns des autres les principes immédiats 
qui constituent la substance vivante sans les décomposer eux- 
mêmes. Mais ici ils tombent dans une grave erreur, que nous avons 
le devoir de relever. Elle était d'ailleurs la conséquence de l’es- 
pèce de parallélisme ou Robin tenait les éléments anatomiques 
composant les tissus par leur juxtaposition, et les principes im- 
médiats composant les humérus par leur juxtaposition également, 
c'est-à-dire ici leur dissolution réciproque. À ses yeux, l'élément 
anatomique et le principe immédiat représentent dans une sorte 
d'égalité le dernier terme, de part et d'autre, de l'analyse anato- 
mique. Il consacre une série de chapitres à cette question; il 
cherche à démontrer, à l’aide des arguments les plus divers, que 
le principe immédiat possède une individualité réelle au point de 
vue biologique. Et tout à cette idée, il ne tient pas compte de l’im- 
possibilité absolue qu’il y a d'étudier à l’état statique (anatomique) 
la substance vivante qui n'existe comme telle qu'à l’état dyna- 
mique. Du moment que s'arrête le mouvement moléculaire particu- 
lier dont elle est le siège, la matière organisée perd ce qu'il y a 
d’essentiel en elle et retombe dans le monde inorganique. Alors 
même qu’elle conserve encore pendant quelque temps ses attributs 
physiques, de forme, de structure, etc..., qui nous la font recon- 
naître comme ayant été vivante, elle n’en a pas moins subi une 
altération moléculaire irrémédiable. Les principes immédiats obte- 
nus par analyse anatomique, sans décomposition chimique, par coagu- 
lation et cristallisation successives, sont donc en réalité et contradic- 
toirement à cette définition, des produits de décomposition. Ils ne 
sont plus dans l’état où ils étaient actifs au sein de la substance 
organisée. Et nous n’avons même aucun moyen de contrôler ni 
d'apprécier le degré de changement subi par eux. Le problème est 
insoluble en raison même de sa nature. La vie est par essence, 
par définition, un phénomène différentiel; mais outre cette pre- 
mière difficulté, le mélange intime des principes immédiats, leur 
complication s’opposent à ce que nous puissions étudier les sub- 
stances envisagées, albumines, substance osseuse, substance du 
cartilage, etc., par l'apport et le rejet, qui seuls à la rigueur nous 


XXXII CHARLES ROBIN 


permettraient d'en établir l'équation moléculaire, comme font les 
chimistes pour certains phénomènes différentiels, à la condition 
qu’ils se présentent avec une simplicité suffisante. 

L'expression de « dissolution réciproque » dont se sert Robin 
pour caractériser l’état des principes immédiats en présence dans 
les plasmas, auxquels il reconnaît l'état d'organisation, et de même 
dans toute matière organisée, est défectueuse en ce sens qu'elle 
semble supposer un simple mélange là où règne sans aucun doute 
une union beaucoup plus intime, voisine des véritables combinai- 
sons chimiques, mais sans que nous puissions dire, en face d'un 
état moléculaire à la fois aussi spécial et aussi variable, l'expres- 
sion qui convient le mieux à chaque cas. 

C’est ainsi que la substance osseuse convenablement traitée nous 
donne des sels minéraux et une matière albuminoïde, l’osséine, 
dont la formule chimique exacte reste encore à déterminer. Quant 
à la manière dont elle s’unit aux sels terreux, tout ce que nous en 
savons, c’est que cette union est susceptible de se faire en pro- 
portion très variable, depuis la substance osseuse éburnée jusqu'à 
la substance ostéoïde des poissons, ou la substance préosseuse (Robin 
et Herrmann) des bois de cerf. Mais en somme, l’osséine est subs- 
tance morte aussi bien que les sels que nous en séparons, tandis 
que la substance osseuse est vivante, tout en pouvant perdre (os- 
téomalacie, rachitisme) sa propriété de fixer les sels calcaires en 
raison d'une altération chimique jusqu'ici absolument indéter- 
minée. 

La voie où Robin s’engageait en voulant faire des principes 
immédiats, de véritables éléments anatomiques, était sans issue. 
S'il est permis de penser que les progrès de la chimie ne tarderont 
pas à nous faire connaître la formule exacte des albuminoïdes, il 
est encore impossible de prévoir comment on pourra pénétrer un 
jour le mode d'union des principes immédiats dans la substance 
organisée. Robin se heurtait à une barrière demeurée infranchis- 
sable malgré ses efforts. En relisant sa longue argumentation en 
faveur de la signification anatomique des principes immédiats, on 
ne peut s'empêcher de songer à cette phrase du traité Du Micros- 
cope (L[° partie, p. 22): « Il y a autant de sagacité à savoir s'arrêter 
« dans un ordre d'investigations quelconques, poussées à un cer- 
« tain point, qu'à reconnaitre quelle est la partie d’une science qui 
« doit de préférence attirer notre attention et faire le but de nos 
« recherches ». 

Si la tentative anatomique de Robin et Verdeil était vaine, leur 
ouvrage n'en demeure pas moins comme marquant une date im- 


SA VIÉ ET SON ŒUVRE. XXXITII 


portante dans l’histoire de la biologie. S'il a été un peu oublié, nous 
ne doutons pas qu’un jour il soit mieux apprécié, lorsque des moyens 
nouveaux permettront de reprendre l'œuvre commencée avec tant 
de courage et de mérite. L'ouvrage sous la réserve des observa- 
tions que nous avons présentées, est plein de faits. Chaque prin- 
cipe immédiat (ou substance envisagée comme tel) est étudié au 
point de vue de son siège, de sa quantité, de son état liquide ou 
solide, de son mode d'union avec les autres espèces et de la part 
qu’il prend dans la constitution des éléments anatomiques ou des 
humeurs; puis les auteurs passent encore en revue Île lieu où on 
trouve chaque principe, le lieu et le mode de son introduction ou 
de sa formation, celui de son issue, et, selon les cas, de sa des- 
truction, de son passage d’un état spécifique à un autre dans l’éco- 
nomie vivante, etc. 

L'état pathologique n’est pas omis non plus, mais toujours envi- 
sagé après l’état normal, le dérangement après l’état d'arrangement, 
qui permet seul d'apprécier la véritable portée et la véritable signi- 
fication du désordre survenu. 

Robin et Verdeil arrivent ainsi à établir sur des démonstrations 
rigoureuses plusieurs faits généraux importants, entre autres celui- 
ci qui est fondamental, à savoir, que toute parcelle de substance 
organisée est composée par des principes immédiats nombreux de 
trois catégories : 

1° Des principes d’origine minérale, venant du dehors par const- 
quent, et qui sortent de l’organisme, le plus souvent, tels qu'ils 
étaient entrés (phosphates, chlorures, etc.) 

2° Des principes cristallisables qui se forment dans l’organisme 
même et qui en sortent généralement comme principes excrémen- 
titiels, tels qu'ils sont au moment de leur formation. 

3° Des principes coagulables (ou colloïdes) dont le propre est de 
ne pas cristalliser, dont les espèces se forment dans l'organisme 
à l’aide de matériaux pour lesquels ceux de la première classe 
servent de véhicules, et se décomposent dans le lieu même où ils 
se sont formés, étant eux-mêmes les matériaux de formation de la 
deuxième classe. 

Dans le premier volume, les auteurs traitent des principes im- 
médiats (ou des composés qu'ils regardent comme tels) en général, 
de leur entrée, formation, issue et destruction ; puis des procédés 
d'extraction et de ceux qui servent à distinguer les espèces ex- 
traites. Le deuxième et le troisième volumes contiennent l'étude 
spéciale de chaque espèce de principes immédiats, faite à l’aide de 
tous les moyens dont disposaient alors la physique et la chimie. 

CHARLES ROBIN. : € 


XXXIV CHARLES ROBIN 


L'atlas représente les formes que prennent les espèces cristalli- 
sables pendant leur extraction, lorsqu'on les sépare de celles qui 
leur étaient unies pour constituer la substance analysée, formes 
d'autant plus importantes à connaître, qu’il suffit dans nombre de 
cas de les avoir constatées, pour arriver à la détermination de l’es- 
pèce. 


IV. — LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. — TRAVAUX D’HISTOLOGIE ET D'EMBRYO- 
GÉNIE. — LA PHYSIOLOGIE DE BÉRAUD. — LE DICTIONNAIRE DE NYSTEN 
DEVANT LE SÉNAT IMPÉRIAL. 


Vers l’époque où Robin, dans une fièvre d'activité vraiment pro- 
digieuse, corrigeait les épreuves de son traité Du Microscope et de 
ses Tableaux, préparait avec Verdeil les trois volumes de la Chimie 
anatomique, réalisait d'importantes découvertes en anatomie et en 
histologie, un groupe de jeunes naturalistes et de jeunes médecins, 
obéissant à la puissante impulsion de Rayer, avaient fondé la So- 
ciété de biologie. Celle-ci, après quarante ans d’existence, fonc- 
tionne exactement dans les conditions mêmes où elle fut instituée. 
Le constater est faire le meilleur éloge de ceux qui surent ainsi 
l'organiser. Dans cette jeune pléiade Robin, considéré déjà comme 
un maître, fut chargé de rédiger une sorte de programme des re- 
cherches dont la nouvelle compagnie devait s'occuper. Dans le dis- 
cours par lequel il ouvre les travaux de la Société, le 7 juin 1848 (1), 
il expose que « ses membres ont eu pour but, en étudiant l'anato- 
« mie et la zoologie, d’élucider le mécanisme des fonctions, et en 
« étudiant la physiologie, d'arriver à déterminer comment les or- 
« ganes peuvent s’altérer, et dans quelles limites les actes peuvent 
« dévier de l’état normal. Mais, ajoute-t-il, pour atteindre ce but, 
« c'est d'abord la disposition naturelle des choses qu’il faut con- 
« naître, et si nous appelons à notre aide les cas anormaux, ce n’est 
« que parce qu'ils peuvent directement ou indirectement nous 
« éclairer sur l’état normal, en nous servant d’expériences toutes 
« faites ». 

La collection des Comptes rendus et Mémoires de la Société de 
biologie depuis son origine montrent qu’elle n’a point dévié de la 
voie qui lui était si nettement tracée. La vitalité puissante qu’elle 
a conservée tout en se bornant généralement aux spéculations de 
biologie pure, atteste l'excellence du programme que lui ont donné 
ses fondateurs. Elle tenait au début ses séances dans les combles 


(1) C'est par erreur que ce discours a été imprimé avec la date de 1849. 


SA VIE ET SON OEUVRE. XXXV 


de l'École pratique (1). C'est là que Robin apportait presque à 
chaque séance des recherches originales, des vues profondes sur 
les sujets qui l'avaient occupé avant et pendant sa collaboration 
avec Verdeil; c’est là qu'il enregistre dans les années suivantes de 
nouvelles découvertes anatomiques, car il va revenir avec plus 
d’ardeur que jamais aux études histologiques proprement dites. 

Vers 1854, il établit nettement la distinction entre la prétendue 
substance conjonctive ou névroglie des centres nerveux et le tissu 
conjonctif ordinaire dont elle diffère absolument par tous ses ca- 
ractères physico-chimiques (2), notamment par la manière dont 
elle se comporte avec les acides minéraux. Il détermine comme 
éléments spéciaux, qu’il appelle d'abord myéloblastes (3) et plus 
tard myélocytes, les éléments cellulaires qu'on y rencontre, re- 
gardés jusque-là comme similaires des éléments lamineux et dont 
Robin proclame nettement la nature nerveuse, les décrivant déjà 
comme l’état jeune des cellules nerveuses, et pouvant devenir chez 
l'adulte par leur multiplication l’origine de certaines tumeurs. 
Cependant c’est à peine si Robin, dans cette voie, fut suivi par un 
seul observateur (4) en France. Il faut arriver jusqu’à nos jours, 
après trente ans, pour voir le professeur Renaut, de Lyon, dé- 
crivant un gliome développé dans le centre ovale conclure (confor- 
mément d’ailleurs à une opinion exprimée par Deiters en 1865) 
que la névroglie est, comme le soutenait Robin, un tissu essen- 
tiellement nerveux, formé d'éléments nerveux (5). 


(1) Dans une circonstance récente, M. Berthelot traçait en ces termes l’histoire des 
origines et des premiers temps de la Société de biologie : « La Société de biologie, 
« fondée sous l'impulsion de l’esprit positif, est demeurée fidèle à l'esprit profond de 
« son règlement, rédigé autrefois par Ch. Robin. Elle a été, dès son origine, et elle 
« est restée un centre puissant d'initiative scientifique, plus vivant et plus libre que 
« les académies. Elle était peuplée alors de jeunes gens qui s’appelaient : Robin, 
« Broca, Charcot, Verneuil, Laboulbène, Vulpian, Sappey, Brown-Séquard, Rouget, 
« P. Lorain et bien d’autres amis que j'oublie, les uns vivants et présents ici, les 
« autres disparus. Sous la présidence amicale de Rayer, avec la vive sympathie et le 
« franc abandon de la jeunesse, nous y échangions nos idées , en nous communiquant 
« les uns aux autres l'élan et l'esprit d'initiative. ». (Discours de M. Berthelot à 
l'inauguration de la statue de Ciaude Bernard. Comptes rendus de l’Acad. des sc., 
8 févr. 1886.) 

(2) Pouchet et Tourneux. Précis d'Histologie, p.303. 

(3) « D’après les recherches de M. Robin, les tumeurs décrites sous le nom de can- 
- « cers de la rétine ne seraient point formées par le tissu cancéreux, mais par les élé- 
« ments anatomiques énumérés et décrits plus haut, parmi lesquels les myéloblastes, 
« devenus plus abondants qu'à l’état normal, joueraient le principal rôle. » Sichel, 
Leçons sur l'Encéphaloïde de la rétine. (Moniteur des hôpitaux, 1854, n° 124, p. 990.) 

(4) M. Lancereaux. Voy. Arch. de Physiologie, 1869, 

(5) Renaut va même encore plus loin, quand il dit : « que la névroglie prend la 


XXX VI CHARLES ROBIN 


La même année (1854) Robin décrit comme élément anatomique 
spécial le périnèvre. L'existence de ces gaînes solides, résistantes, 
enveloppant les faisceaux de tubes nerveux dans les nerfs périphé- 
riques avait depuis longtemps déjà frappé les observateurs. On 
peut les voir indiquées sur une figure de Leeuwenhœæck représen- 
tant une section de nerf de cheval. Un élève de Cruveilhier, Bogros, 
les avait injectées au mercure; cependant les histologistes négli- 
geaient de les signaler et de les décrire. Robin, le premier, 
montre que ces gaînes sont formées d’une substance distincte par 
ses réactions qui en font une espèce anatomique, et leur donne 
le nom sous lequel on doit continuer de les désigner (1). A la 
vérité, les moyens dont il disposait alors ne lui permettent pas de 
voir les cellules lamelleuses interposées aux lames concentriques 
qui enveloppent les faisceaux nerveux, mais il décrit complètement 
celles-ci et montre en plus que les corpuscules de Pacini ne sont 
qu’une dépendance de ces lamelles encore épaissies, multipliées 
au niveau de la terminaison de chaque tube nerveux. 

En 1855, Robin démontre que les lignes transversales signalées 
parfois sur les grosses fibres élastiques des Mammifères ne peuvent 
être comparées aux stries des faisceaux musculaires ; que ce sont 
simplement des fissures ou excavations transversales étroites. 

La comparaison des mêmes éléments anatomiques aux différents 
stades de la vie était pour Robin une des conditions nécessaires 
pour arriver à leur complète connaissance. Aussi ne doit-on pas 
être surpris de voir de bonne heure l'anatomie de l’utérus et de 
l'embryon fixer son attention. Le premier il fait connaître (1848) 
la structure intime de la muqueuse utérine, d’une manière com- 
parative pendant et hors l’état de grossesse. Comparant ensuite la 
texture de la muqueuse du col utérin, dont jusqu’alors on avait 
négligé l'étude, à celle du corps, dont la caducité normale après 
chaque grossesse venait d'être démontrée par Coste, il établit que 
ces deux régions muqueuses diffèrent malgré leur continuité, et 


« signification d’une formation réellement nerveuse, bien qu’elle joue un rôle ana- 
« logue à celui du tissu conjonctif; que l’une quelconque des cellules d’une masse de 
« névroglie, même prise au sein d’une formation pathologique, peut acquérir à la 
« fois la forme et les fonctions d’une cellule nerveuse ganglionnaire ; qu’elle possède 
« la névrilité à l’état latent, et dans certaines conditions redevient apte à la déve- 
« lopper par une simple modification évolutive. » Note sur le gliome neuroformatif et 
l’équivalence nerveuse de la névroglie (Gaz. méd. de Paris, 1884). 

(1) M. Ranvier a proposé récemment (voy. Exposé des titres et des travaux scien- 
tifiques de M. Ranvier, 1885) de remplacer ce nom de Périnèvre par celui de « gaine 
lamelleuse » sans qu'on voie bien pourquoi abandonner un nom déjà ancien et par- 
faitement déterminatif. 


de 


SA VIE ET SON OUVRE. XXX VII 


explique consécutivement comment il se fait que l’une d'elles est 
caduque, tandis que la seconde ne l’est pas. Dans un autre travail 
publié à quelques années de là (1857), il établit les analogies de la 
muqueuse non caduque de l'utérus des Mammifères avec les mu- 
queuses en général, tandis que cette analogie n'existe pas chez 
la femme. Il fait connaître les modifications remarquables de 
forme et de structure que subissent les cellules entrant dans la 
composition des muqueuses au niveau du placenta pendant l’évo- 
lution de l’œuf chez divers Mammifères. [l tire de la structure in- 
time de la couche interposée au placenta et aux sinus sanguins une 
démonstration nouvelle que les matériaux fournis par le sang 
maternel ne peuvent arriver que médiatement et par dissolution 
au sang fœtal. 

Antérieurement (1853), il avait décrit la constitution anatomique 
des cotylédons des Ruminants, inconnue à cette époque; montré 
les éléments qui en composent la partie utérine et leur arrange- 
ment réciproque comparativement pendant l’état de vacuité et pen- 
dant la durée de la gestation. Il étudie également (1855) les modi- 
fications que l’arrivée de l’ovule dans l'utérus imprime à l'épithé- 
lium prismatique de la muqueuse du corps, lequel fait place à une 
couche de cellules pavimenteuses tant chez les animaux domes- 
tiques que chez la femme. 

Il confirma plus tard (1858) ces données sur un grand nombre 
de mammifères, en y ajoutant plusieurs indications importantes 
relatives à l’état de l'utérus, de sa muqueuse au niveau du placenta, 
et à celui de l’épithélium dans les parties auxquelles cet organe 
n'est pas adhérent. 

Les dépendances de l'œuf ne sont pas de la part de Robin l’objet 
d’une moindre attention. L'étude qu'il fait et la description qu'il 
donne (1849) de la substance propre du chorion et de ses villosités, 
lui permettent de déterminer pour la première fois la nature des 
vésicules hydatiformes des moles, qu'on croyait jadis nées aux dé- 
pens des tissus maternels, et qui ne sont autres qu’une modifica- 
tion spéciale des branches des villosités de tout ou partie du cho- 
rion. 

Il fait également connaître le premier (1854) la manière dont 
s’oblitèrent celles des villosités choriales qui ne concourent pas à 
la formation du placenta, par l’atrophie de leurs capillaires et par 
l'extension de la couche de tissu lamineux existant entre le cho- 
rion et l'amnios; tandis que les villosités placées au niveau des pa- 
rois utérines, restant vasculaires et augmentant de volume, forment 
bientôt le gâteau placentaire. Cette oblitération normale sur une 


XXX VIII CHARLES ROBIN 


partie du chorion s’étend parfois accidentellement aux villosités du 
placenta, où elle détermine diverses lésions. 

Nous pouvons encore signaler dans cette énumération déjà si 
longue la première description donnée de la structure des parois 
de la vésicule ombilicale (1860); des recherches sur la corrélation 
existant entre le développement des fibres musculaires de l'utérus 
et les culs-de-sac glandulaires de la mamelle (1850); l'étude de 
l'épithélium de ces derniers; des recherches (1852) sur la structure 
du pancréas comparée à celle des glandes salivaires (1852); la des- 
cription d'une espèce particulière de glandes sudoripares chez 
l’homme, sécrétant le liquide alcalin odorant du creux de l’aisselle 
(1845 à 4851); enfin, toute une série de travaux sur la structure des 
artères et sur leur altération sénile, sur l’absence de vasa vasorum 
dans la tunique interne des veines et des artères, ainsi que dans la 
tunique musculo-élastique de ces dernières. Il montre comment 
l'existence de la tunique interne établit (malgré l’endothélium qui 
la tapisse) une différence capitale dans la structure des parois vas- 
culaires comparée à celle des membranes séreuses ; il insiste sur 
la richesse en fibres musculaire des artères ombilicales. 

Avant Robin, tous les anatomistes décrivaient les artères et la 
veine ombilicale comme devenant après la naissance autant de 
cordons fibreux convergents vers l’ombilic. Robin montre (1860) 
qu'après la naissance il se produit une rétraction apparente (dé- 
faut de développement proportionnel) des conduits qui abou- 
tissent à l’ombilic (artère, veines, ouraque), et telle que le bout des 
artères primitivement engagé dans l’ombilic et décrit comme y res- 
tant attaché, se voit plus tard sur les côtés de la vessie, vers son 
sommet, à une distance de l’ombilic qui varie suivant les âges de 
5 à 14 centimètres. Aux tuniques adventives des artères et de la 
veine convergeant vers l’ombilic, succèdent alors autant de groupes 
de ligaments filamenteux qui suivent d’une manière générale la 
même direction, mais qui sont bien plus riches en fibres élasti- 
ques que la tunique externe des artères et que celle des veines 
surtout. Ils prennent naissance à la surface des moignons arté- 
riels et veineux sous forme de filaments aplatis qui rampent sur 
ces moignons dans une longueur de 2 à 4 centimètres, puis les 
dépassent et vont à l'ombilic. Ceux qui correspondent aux artères 
manquent chez beaucoup de Mammifères, où les vaisseaux rétrac- 
tés conservent toutefois leurs rapports avec le sommet de la ves- 
sie, auquel ils adhèrent ainsi qu'au ligament fibreux qui succède 
à l'ouraque. 

Toutes ces importantes recherches d'anatomie normale n’occu- 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XXXIX 


pent pas seules Robin. Il étudie en même temps (1854) des pro- 
ductions pathologiques nouvelles qu'il fera bientôt connaître sous 
le nom de tumeurs hétéradéniques, et il trouve encore le loisir de 
participer à la rédaction du grand ouvrage de Lebert sur l'anatomie 
pathologique (1857). Nous aurons à reparler plus loin et longue- 
ment, des doctrines pathologiques de Robin. A cette époque, c’est- 
à-dire vers 1857, il songe toujours à un grand Traité d’histologie 
normale et pathologique, l'ouvrage déjà annoncé en 1849 (1) et qui 
n’a pas été publié; mais dont plusieurs parties achevées ont ulté- 
rieurement paru sous diverses formes. 


Ce n’est pas tout. Robin avait pris, vers cette époque égale- 
ment (1853), une part importante à la rédaction d’un traité de phy- 
siologie avec ce titre : Eléments de la physiologie de l'Homme et des 
principaux Mammifères, par Béraud, revus par Ch. Robin. Le pauvre 
Béraud, mort presque aussitôt, semble n'avoir fait de ce livre que 
la besogne manuelle. À chaque page on y reconnaît l'influence de 
Robin, ses idées, ses classifications, sa profonde érudition, qui im- 
priment à ces Eléments, conçus sur un plan tout nouveau, un véri- 
table cachet d'originalité. De lui sont certainement les lignes sui- 
vantes dans la préface de la seconde édition, publiée en 1856 : 
« Nous ne nous sommes servis de la physique et de la chimie 
« que comme de puissants instruments pour découvrir les actes 
« des corps organisés et en déterminer la nature; car les lois de 
« ces deux sciences ne peuvent expliquer les phénomènes qui 
« appartiennent en propre aux corps vivants. Aucun traité n’a 
« plus que le nôtre mis en relief que toute propriété spécialement 
« inhérente à la substance organisée, reconnait pour condition 
« d’existence une ou plusieurs propriétés que celle-ci partage 
« avec la matière brute; que, dans toute fonction, il y a d'abord 
« des phénomènes mécaniques, physiques et chimiques, mais 
« derrière lesquels se cache quelque chose de spécial à l’être 
« vivant, qu'il importe de connaître avec autant de certitude que 
« le reste. Nous ne parlerons pas, comme dans tous les traités 
« élémentaires les plus récents, de combustion de la fibrine, de 
« l’albumine, d'aliments respiratoires, combustibles, incombustibles ; 
« on ne nous verra pas confondre l'absorption avec l’endosmose qui 
« la permet. Ce sont là autant d'hypothèses qui florissaient na- 
« guère et qui se rangent maintenant dans la classe des données 
« appartenant à l’histoire de la science et non à celle de la réalité ; 
« ce sont même des erreurs pernicieuses, en face des expériences 


(1) Voy. p. xvt. 


XL CHARLES ROBIN 


A 


directes telles que les fait l’école de M. CI. Bernard, par 
« exemple : erreurs dont l’apparente précision n’est qu'un leurre, 
« une source de déceptions dans la pratique; dont la simplicité 
« n’est séduisante que parce qu'on prend une supposition, une 
« création de l'esprit pour un fait démontré, dès l'instant où l’on 
« ne voit pas que les choses puissent être autrement qu’on les 
« suppose devoir être. » — Combien est juste et profonde cette 
dernière pensée et combien applicable à maintes doctrines biolo- 
giques de notre temps aussi bien qu'à celles contre lesquelles 
essayait de réagir Robin! 


Enfin, Robin prend une part active, en même temps que Littré, 
à la refonte de la 11° édition du Dictionnaire de Nysten (1858). 
Tous les articles relatifs à l'anatomie générale nous donnent 
l'expression même de ses idées ou un résumé de ses recherches. 
Citons les mots : Anatomie, Appareil, Biotaxie, Cellule, Théorie 
cellulaire, Eléments anatomiques, Fibre, Fonction, Glande, Méta- 
morphose, Organisme, Systèmes organiques, Tissu, Transformation 
et un grand nombre d'autres. 

Cette publication, qui eut un immense succès dans le monde 
médical et même en dehors de lui, devait plus tard exciter contre 
Robin de violentes colères. Nous les dirons de suite afin de n'y 
plus revenir. Il faut se reporter à 1866 : Robin est depuis quatre 
ans déjà professeur titulaire à l'Ecole de médecine; il vient 
d'entrer à l’Académie des sciences. Le parti catholique, à qui 
l'Empire avait si bien laissé les coudées franches, se prétendant 
effrayé de la tournure libérale que prenaient les études dans les 
facultés de l’État et en particulier à l’École de médecine de Paris, 
entreprit une campagne furibonde. Un journal prêta à Robin 
nous ne savons plus quelles déclarations d’un matérialisme inepte 
(comme celle qu’on attribue souvent à Cabanis sans l'avoir lu), 
que le professeur d'histologie de la Faculté de médecine aurait 
faites dans sa dernière leçon d'ouverture. 

L'administration impériale, harcelée par les ultramontains, 
s'émut. Le ministre de l'instruction publique d'alors, M. Duruy, 
fit appeler Robin à son cabinet. Car les choses, en ce temps-là, 
étaient telles : le célèbre historien à l'esprit affranchi était bien 
forcé de se plier aux exigences de la politique qu’il consentait à 
servir. Mais les deux hommes de science n’eurent pas de peine à 
s'entendre. Il suffit à Robin de répéter ses paroles et d’en mon- 
trer le sens purement physiologique. 

Cependant les cléricaux continuaient leur campagne. On avait 
organisé un vaste pétitionnement au Sénat de l’Empire. Robin y 


SA VIE ET SON OUVRE. XLI 


était un des premiers dénoncés avec Broca, MM. Vulpian, Sée, etc. 
Le grand grief articulé contre lui était précisément cette partici- 
pation à la refonte du Dictionnaire de Nysten qui corrompait la jeu- 
nesse. On n'oubliait pas non plus la fameuse leçon d'ouverture, 
autour de laquelle tant de bruit avait été déjà fait. 

La pétition, presque aussitôt rapportée au Sénat, y trouva 
l'appui du célèbre cardinal De Bonnechose. Voici en quels termes 
celui-ci s’exprimait dans la séance du 20 mai 1868 : « Il y a, dans 
« l'École de médecine, un livre qui est considéré comme le ma- 
« nuel des élèves. Je lisais aujourd'hui même dans un journal que 
« les élèves, entre eux, l’appellent leur bréviaire. (Hilarité.) 
« C’est un dictionnaire abrégé de médecine, ouvrage très com- 
« mode, puisqu'on n’a qu’à l'ouvrir pour y trouver tout ce dont 
« On a besoin. Ce dictionnaire, qui existe depuis de longues an- 
« nées, s'est transformé. Il était primitivement parfaitement spi- 
« ritualiste et chrétien, car il avait eu pour auteur M. Capuron. 
« Après M. Capuron est venu M. Nysten, qui en a donné une autre 
« édition, à laquelle il conserva le caractère spiritualiste. Depuis 
« M. Nysten, MM. Robin et Littré s’en sont emparés et en ont 
« donné de nouvelles éditions, dans lesquelles ils ont empreint le 
« cachet de leur doctrine, tout entière matérialiste. M. Robin, vous 
« le savez probablement, est un élève de Comte, le triste auteur 
« du Positivisme; M. Littré partage la même doctrine (1). » 

Suivait une série de citations tirées des articles incriminés : 
Ame, Esprit, Pensée, Idée, Conscience, Métaphysique, Philosophie 
théologique, métaphysique et positive, Homme, etc. D'ailleurs, 
M. Robin ne professait-il pas publiquement à la Faculté de méde- 
cine un cours de matérialisme? La presse ne s’en était-elle pas 
émue? 

M. Duruy, ayant à présenter la défense du gouvernement, se 
renseigna près du doyen, l’éminent Würtz et se fit remettre par 
Robin le texte même de sa leçon d'ouverture (2). Le ministre n’eut 


(1) Voy. Moniteur officiel de l'Empire, 20 mai 1868, et séances suivantes. 

(2) Voici la lettre adressée à cette occasion, à M. Duruy, par Robin : 

30 mars 1868. 
« Au Ministre de l'Instruction publique. 

€ J'ai l'honneur de vous adresser une copie de la reproduction des paroles que j'ai 
prononcées dans ma leçon d'ouverture de novembre 1866, et à l’occasion desquelles 
J'ai été, à cette époque, appelé à votre cabinet. 

« Votre Excellence trouvera dans cette copie ce que je lui ai répété, c’est-à-dire ce 
que j'avais dit et rédigé peu de jours avant, au lieu de ce qui m'avait été faussement 
attribué alors et récemment. 

«Veuillez agréer, etc. « Cu. RoBiw, 

Prof. à la Faculté de méd., membre de l'Institut, 


X LIT CHARLES ROBIN 


point de peine à faire justice devant le Sénat de toutes les impu- 
tations ineptes dont était victime un des plus hauts représentants 
de la science française ; il n’eut qu’à donner lecture des passages 
visés, lesquels avaient été travestis — c'est tout ce qui résulta du 
débat — par un auditeur totalement dépourvu du minimum de 
connaissances nécessaire pour comprendre le professeur (1). 

Mais le parti clérical ne se tint pas pour battu, et on apprit un 
beau jour avec stupéfaction qu'une commission — comme elles 
étaient composées sous l’Empire — pour l'établissement du jury, 
avait rayé Robin de la liste des personnes susceptibles d'y être 
appelées. A la vérité il y fut rétabli d'office par le gouvernement. 

Toute cette aventure, si peu importante dans la vie de travail 
de Robin, n’en demeure pas moins comme un tableau curieux 
des mœurs scientifiques du second Empire, et c'est à ce titre que 
nous lui avons donné place ici. 


V. — CRÉATION DE LA CHAIRE D’HISTOLOGIE. — LE PROGRAMME DU COURS 
D'HISTOLOGIE. — LES LECONS SUR LES HUMEURS. — LA TECHNIQUE. — 
LE JOURNAL D’ANATOMIE. — (COLLABORATION AU DICTIONNAIRE ENCY- 
CLOPÉDIQUE. 


Robin était professeur agrégé à la Faculté de médecine depuis 
1847. Son temps d’agrégation fut prolongé. Il jouissait de la plus 
grande notoriété dans le monde médical et dans l’École, mais pré- 
cisément parce qu'il s’occupait d'anatomie dans une direction nou- 
velle, aucune chaire ne paraissait devoir s'ouvrir devant lui. Il 
avait abandonné le laboratoire de la rue Garancière, il faisait main- 
tenant des cours particuliers d’histologie dans une sorte de sous- 
sol à moitié éclairé, au fond d’une cour de l’ancienne rue Sainte- 
Hyacinthe Saint-Michel. Un fourneau de chimie, des planches avec 
des bocaux contenant des pièces pathologiques ou des monstres ; 
c'était tout l’'ameublement. Une table et quelques chaises rangées 
transformaient le laboratoire en amphithéâtre. Les cours qu’on 
faisait là ne préparaient point aux examens, cela va sans dire; 
aussi étaient-ils peu fréquentés des élèves inscrits à l’École en vue 
de leur diplôme. Les notions qu'on y pouvait puiser étaient une 
sorte de luxe, recherché surtout des étudiants de passage, des tra- 
vailleurs. On payait une rétribution fort modeste et l’auteur de ces 


(1) L'auteur de tout ce bruit était un certain Machelard, dont le nom est demeuré 
célèbre dans le monde des Ecoles. 


SA VIE ET SON OUVRE. X LIII 


lignes se rappelle qu'il était là seul français avec un autre, parmi 
une vingtaine d'étrangers. À 

C'est en 1862 que les portes de l'École de médecine s'ouvrent 
devant Robin, avec la création de la chaire d’histologie. Depuis 
deux ans on en parlait. Rayer, nous avons dit sous quelles in- 
fluences, demandait cette création. En 1860, M. Rouland alors mi- 
nistre de l’Instruction publique, s'était fait présenter par Robin qui 
était l’homme désigné, un mémoire sur la création d’une chaire 
d'Anatomie générale appliquée au diagnostic. Robin y montrel’Ana- 
tomie générale née en France et passant à l'étranger, d’où elle nous 
était revenue sous une foule de noms. Il n’oublie pas l’enseigne- 
ment technique nécessaire, l'emploi des réactifs autant que du mi- 
croscope. Il montre que ceux-là seuls s'opposent à la création pro- 
jetée, qui ne possèdent pas les éléments de cette technique spéciale. 
Finalement il insiste sur l'importance des services que peuvent 
rendre ces études nouvelles à la médecine proprement dite, en 
éclairant le diagnostic. 

L'affaire traînait toujours, quand des circonstances particulières 
vinrent en imposer la solution. Au milieu des difficultés adminis- 
tratives où se débattait alors l’École de médecine, le gouvernement 
impérial songea à investir du décanat M. Rayer, dont la haute situa- 
tion scientifique et la grande influence comme médecin de l’empe- 
reur faisaient beaucoup espérer. Rayer mit à son acceptation une 
condition, une condition sine qua non : c'était la création de la 
chaire d'Histologie et la nomination de Robin. Les deux décrets 
parurent en même temps et furent également mal accueillis des 
étudiants. Robin avait été à diverses reprises l'invité d’une 
haute personnalité touchant de près au trône impérial et dont les 
salons étaient alors connus pour s'ouvrir à tous les talents et à 
toutes les indépendances. Quoique Robin s’y fût montré rarement, 
on crut, ou plutôt on laissa croire dans le monde intransigeant 
des étudiants, à une faveur des Tuileries où le nom du savant 
agrégé de l’École de médecine était à coup sûr ignoré. Une cabale 
fut montée et les premières leçons du nouveau professeur devinrent 
l’occasion des manifestations les plus violentes et les plus pénibles 
pour le savant, pour l’homme privé. Fort de son droit, fort surtout 
du sentiment des avantages de l’enseignement qu'il inaugurait, 
il ne faillit point. L’orage passa vite d’ailleurs, et quatre ans après, 
quand vinrent les persécutions cléricales que nous avons racontées, 
ce furent des bravos frénétiques et des ovations sans fin. 

Le cours de Robin, professé avec bien peu d’art oratoire, était 
malgré cela d’une grande clarté. Il fut en tout temps très suivi. Au 


XLIV CHARLES ROBIN 


début, le nouveau titulaire eut pour auditeurs plus d’un de ses col- 
lègues de la Société de Biologie, professeurs eux-mêmes à l’École 
pratique. Pendant une année nous nous trouvions là chaque jour 
sur le même banc à côté de M. Charcot. 

Robin fut toujours difficile aux examens. Il estimait que l’indul- 
gence est un mauvais service rendu à l'étudiant lui-même, à la 
dignité professionnelle qui en souffre. Il la croyait essentiellement 
préjudiciable au pays, parce qu’elle a pour conséquence nécessaire 
l’abaissement du niveau des études et par suite, car tout se tient, 
du niveau scientifique de la Nation. ° 

Robin ne fut jamais partisan du système d’entraînement qui 
semble prévaloir en France actuellement. Il était pour la plus 
grande liberté laissée à l'étudiant sous la seule garantie de l’exa- 
men. Îl blâma toujours le système des appels, des listes de pré- 
sence. [l pensait qu'on doit donner à l’élève, dans l’enseignement 
supérieur, toute latitude de suivre ses aspirations ou plutôt ses 
inclinations vers tel ou tel genre d’études. On peut se demander 
si les salles d'exercices pratiques où l’on fait passer pédagogi- 
quement quelques heures par semestre — bien insuffisantes — 
à chaque élève sur des préparations anatomiques ou microsco- 
piques, sont une innovation vraiment féconde; et si les frais, les 
soins d'enseignement dispersés sur ces foules ne seraient pas mieux 
employés à seconder les seuls élèves de bonne volonté qui se pré- 
senteraient bien décidés à profiter des avantages qui leur sont 
offerts. On aurait évidemment une instruction beaucoup plus iné- 
gale, mais on verrait peut-être surgir plus d’esprits originaux dans 
divers ordres d’études, on verrait plus d’élèves se distinguer de 
bonne heure dans quelque spécialité, au lieu de ce troupeau d'une 
médiocrité uniforme et qui semble le but même qu’on ait voulu 
atteindre par l’organisation actuelle. Certes le professeur de fa- 
culté — et Robin ne s’en faisait pas faute — a toujours le droit 
d'interroger un candidat sur le sujet même de son cours tel qu’il 
le professe et peut exiger des réponses satisfaisantes; mais il ne 
doit point exiger que l'étudiant y ait assisté de sa personne, parce 
que l'étudiant avait peut-être un meilleur emploi de ces heures, 
eu égard aux qualités propres de son esprit, pour se donner une 
instruction particulière et des connaissances vers lesquelles il se 
sent attiré, où il marquera peut-être un jour (1). 

Robin publia en 1864 le Programme de son cours et en 1867 ses 

(1) Nous avons été heureux d'entendre M. Van Beneden dans une allocution pro- 


noncée par lui lors des fêtes de son jubilé cinquantenaire, à Louvain, exprimer des 
vues qui se rapprochent singulièrement de celles de Robin que nous exposons ici. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. 4 PME 


Lecons sur les humeurs normales et morbides du corps de l'homme. Le 
Programme du cours d’histologie n’est qu'une reprise et une exten- 
sion des Tableaux d'anatomie, relatifs à l'étude des humeurs des 
éléments anatomiques et des tissus. Le procédé didactique est le 
même : quelques rares développements condensés et, pour le reste, 
des énumérations. C’est exactement un programme. Et là, Robin 
applique, comme toujours, avec une rigueur presque violente, les 
catégorisationsauxquelles son esprit profondément épris de logique 
cherchait à subordonner toutes choses, sans peut-être se rendre un 
compte suffisant que les réalités objectives ne cadrent pas si bien 
que cela avec les simplifications qu’imagine notre esprit dans les 
rapprochements où il les groupe. 

L’admiration que nous éprouvons pour le génie scientifique de 
Robin, l'étendue de ses conceptions, l'importance de ses travaux 
comparés à ceux des anatomistes qui l'ont attaqué avec le plus 
d’âpreté, alors qu’eux-mêmes ne comptent à leur actif aucune idée 
générale, mais seulement des découvertes de détail; cette admira- 
tion, disons-nous, ne doit pas nous fermer les yeux sur la faiblesse 
de quelques-unes des idées auxquelles Robin se montra le plus 
attaché. S'il en est qui se justifient par l'état de la science au mo- 
ment de ses plus fortes études, d’autres s'expliquent moins aisé- 
ment et, comme on le verra, supportent à peine l'examen. On doit 
s'étonner qu'il ne les ait pas plus vite, plus nettement abandonnées. 

Robin, dans sa conception et sa définition de la vie, partait es- 
sentiellement du point de vue chimique. Tandis que Schwann et 
ceux qui Le suivent, attribuent une importance trop exclusive à la 
forme cellulaire, Robin en tient trop peu de compte. Pour, lui la 
constitution et lerenouvellement moléculaires sont tout, et comme 
il Les voit aussi bien dans certaines substances amorphes (substance 
osseuse, cartilage, etc.) que dans les cellules, il place les unes et les 
autres sur le même plan et leur reconnaît dans la constitution du 
corps une importance égale. 

Engagé dans cette voie, on conçoit que des difficultés se dressent 
à chaque pas sur sa route. Aussi le verrons-nous varier jusqu'à la 
fin sur la définition des éléments anatomiques. Dans le traité Du 
Microscope (IL° partie, p. 100), il donne la suivante : « Des corps 
« très petits, ayant tous une composition chimique peu stable et 
« très complexe, résultant du mélange ou de la combinaison de 
« plusieurs substances définies, appelées principes immédiats, et 
« présentant un ensemble de caractères physiques qui, quoique 
« très variables de l’un à l’autre, n’appartiennent cependant qu'à 
« eux, leur sont tout à fait propres. » ; 

Robin, dès cette époque, insiste sur ce point, qui n’est pas sans 


XLVI CHARLES ROBIN 


intérêt, que le petit volume des éléments anatomiques se trouve en 
rapport avec la nécessité des échanges et la pénétration rapide des 
matériaux d'apport dans la substance organisée. C'est là certes une 
vue ingénieuse et qui semble tout à fait conforme aux lois connues 
de la diffusion. Il est certain, malgré le volume variable des élé- 
ments anatomiques, que jamais ce volume n’est tel qu'un point 
actif de la substance de l'élément, soit notablement éloigné de ce 
qui est milieu par rapport à cetélément. Quand celui-ci est appelé, 
comme l'ovule des Sauropsides, à prendre un volume considérable 
et tout à fait extraordinaire (1), on remarque que la vie dans cet 
élément anatomique gigantesque est cantonnée en un point de la 
surface, les parties profondes n'étant en réalité que matière inerte. 
Par contre, Robin ne signale nulle part les différences qu'offrent 
certaines classes d'animaux, même voisines, dans le volume de 
leurs éléments anatomiques. De dimension relativement grande 
chez les Sélaciens et les Amphibiens, ils sont au contraire généra- 
lement très petits chez les Téléostéens. C’est là une de ces condi- 
tions anatomiques profondes, comme celle qui règle la figure des 
hématies, dont toutes les théories évolutionnistes et les solutions 
élégantes données de la variation des formes animales, ne nous 
apportent point la clé. 

Robin, en considérant comme élément anatomique les dernières 
parties homogènes individuellement isolables dans le corps des 
animaux, était conduit aux plus inextricables confusions. Une 
granulation de pigment enclavée dans le cytoplasme d’une cellule 
sera un élément anatomique, aussi bien que la substance continue 
d'un cartilage ou d'un os, abstraction faite des cellules qu’elle ren- 
ferme. On ne voit pas non plus, une fois engagé dans cette voie, 
pourquoi le noyau plongé dans le corps cellulaire ne sera pas con- 
sidéré comme élément anatomique, et de même un grain d’amidon, 
surtout un nématocyste, ce dernier en particulier tellement com- 
plexe, que nos habitudes d'esprit lui appliquent aussi naturelle- 
ment que faussement, la dénomination d’organe (2). 

Finalement, après plusieurs écarts, Robin semble s'être arrêté à 
à une division des éléments anatomiques en trois groupes, dont 
les deux premiers tout au moins ne répondent plus à la définition 
que donnait le traité Du Microscope. Ce sont : 

1° Les granulations éparses ; 

2° Les matières amorphes plus ou moins liquides, telles que 


(1) Vitellus de l'Autruche, de l’Epiornis, etc. 

(2) Voy. Pouchet, Sur l'œil des Péridiniens (Soc. de Biol. 8 mai 1886) et Les « pro- 
duils® en Anatomie générale, dans Hommage à M. Chevreul à l'occasion de son cen- 
tenaire, p. 68. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XL VII 


les plasmas et aussi les blasièmes dont nous aurons à parler plus 
tard ; 

90 Enfin, les éléments anatomiques figurés, comprenant à la 
fois : a) Des éléments ayant la forme de cellules et de noyaux libres; 
b) Des éléments ayant la forme de fibres; c) Des éléments tubu- 
leux; d) Des éléments formés de substance amorphe creusée de 
cavités contenant un liquide, des noyaux ou des cellules. 

Des anatomistes à l'étranger — car en France aucun histologiste, 
en dehors des disciples de Robin, n’a jamais abordé ces questions 
d’Anatomie générale — n’ont pas manqué de relever le rapproche- 
ment inattendu fait entre une cellule épithéliale, par exemple, qui 
est un individu jouissant d’une sorte de vie propre, très semblable 
à certains êtres unicellulaires, possédant comme eux de la faculté 
de se multiplier, et un os ou un cartilage articulaire, abstraction 
faite des cellules enfermées dans sa masse. En réalité, les parties 
organiques que Robin désigne sous le nom d'éléments, et spécia- 
lement d'éléments figurés, forment deux catégories absolument 
distinctes. Seuls ceux qui méritent le nom de cellules ont une im- 
portance primordiale. Tout ce qui n’est point cellule plus ou moins 
modifiée, ou expansion de cellule, comme le cylindre-axe, ou ré- 
sultat de l’union de plusieurs cellules, comme la gaine de 
Schwann, etc., est secondaire, n’a aucune existence propre, dé- 
pend des éléments cellulaires coexistants dans l'organisme. Sans 
doute on pourra continuer d'employer cette expression « élément 
anatomique » pour désigner toute partie intégrante de l'organisme 
susceptible d'être isolée par dissection ou dissociation : l'enveloppe 
de la notocorde, la capsule du cristallin, les tubes glandulaires, ou 
encore une lamelle osseuse nouvellement apparue dans le maxil- 
laire inférieur de l'oiseau, avant qu’elle ait enveloppé aucun ostéo- 
blaste, une jeune écaille de poisson dans les mêmes conditions, etc. ; 
mais cette partie élémentaire, c’est-à-dire ici simplement sépa- 
rable, n’a rien de commun avec une cellule : ce n’est pas un être 
jouissant d’une vie véritablement individuelle dans le milieu orga- 
nique. Cette lame osseuse, cette écaille nous paraissent, il est vrai, 
posséder un attribut très général des corps vivants, sa forme spéci- 
fique et définie; toutefois ici l’histogénèse nous montre que cette 
forme est essentiellement contingente, dépendant des cellules au 
contact desquelles la lame, l’écaille se sont développées. Il faut 
toujours se figurer une cellule comme un corps fini ayant un cer- 
tain nombre de propriétés immanentes, mais jouissant en plus 
d’une sorte d'activité rayonnante. Les tissus cartilagineux, osseux, 
sont à ce point de vue d'excellents exemples. Envisageons une cel- 


XLVIII CHARLES ROBIN 


lule cartilagineuse. Ce serait s’en faire une idée très fausse que de 
la supposer prisonnière dans sa gangue solide. C’est le contraire 
qui est vrai. En réalité, la cellule cartilagineuse gouverne la sub- 
stance qui l'enveloppe, celle-ci livrant à la vérité passage aux ma- 
tériaux d'entretien qui alimentent celle-là, mais en somme direc- 
tement subordonnée aux conditions etaux modifications d'existence 
de la cellule. La substance amorphe du cartilage, dont Robin fait 
une partie constituante primaire de l'organisme par abstraction des 
cellules qu’elle renferme, dépend directement de ces cellules qu’elle 
tient en apparence prisonnières. Ce sont elles qui régissent la sub- 
stance amorphe, et celle-ci se pliera aux phénomènes vitaux de 
celles-là, se modifiant à leur contact (coque cartilagineuse), leur 
faisant place quand elles se développent ou se divisent en familles 
de cellules isolées, soit par le simple effet de l’âge, soit au voisi- 
nage plus immédiat d’un vaisseau capillaire (dans l'ossification 
dite enchondrale), etc... (1). 

On en peut dire autant de la substance interposée aux cellules 
osseuses, qui constitue la masse solide et continue de l'os. Cette 
manière de concevoir la nature du cartilage ou d’un os et le rap- 
port de leurs éléments cellulaires avec la substance amorphe 
n’est, d’ailleurs, nullement incompatible avec la forme définie de 
l'organe. Par une tendance toute naturelle, c'est dans la substance 
solide ou demi-solide que nous plaçons la caractéristique morpho- 
logique de celui-ci. En réalité elle n’est pas là, mais, comme pour 
tout autre organe dans l’agencement des éléments cellulaires qui 
en composent essentiellement le tissu, aussi bien que dans le con- 
tact et l'influence des parties environnantes (déformation des os 
rachitiques par action musculaire, etc.). La forme d’un os est plus 
stable en raison de la solidité de la substance interposée aux élé- 
ments cellulaires, mais ne résulte pas en définitive d’autres con- 


(1) C’est dans ce sens seulement qu'il convient de parler de « territoires cellulaires », 
expression employée pour la première fois par Goodsir (1842-1845) et qui donna depuis 
lieu à une polémique assez vive, M. Virchow ayant été accusé, bien à tort, d’avoir 
voulu s'approprier la conclusion du savant anglais (1858. — Voy. sur ce point : Robin, 
Anat. cell., p. 584 et suiv.) Goodsir entend par territoire cellulaire le territoire qu'il 
suppose occupé dans l’économie par les cellules descendues d’une cellule-mère originelle 
etformant autour d’elle comme une famille. A l'état normal, on n’observe rien de tel. Il 
existe, à la vérité, des familles cellulaires nettement reconnaissables dans le cartilage en 
particulier, mais elles ont, tout au contraire de ce qu'admettait Goodsir, pour caractère 
constant, l'égalité des membres qui en font partie. Les cellules familiales se sont pro- 
duites les unes les autres par segmentation, et, entre deux de ces cellules nées d’une 
cellule primitive, il est toujours imopssible de distinguer laquelle représente la géné- 
ration antécédente. C'est en réalité un fait de multiplication, non de reproduction, 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XLIX 


ditions générales que la forme prise par le tissu mou du cordon 
ombilical ou du corps vitré, ou de la pulpe dentaire. 

Robin devait plus tard modifier sensiblement ses idées sur les 
éléments anatomiques, et il paraît, dans les dernières années, s’être 
rapproché un peu des vues que nous venons d'exposer (Nouveau 
Dictionnaire abrégé de médecine). Il définit les éléments organiques 
ou anatomiques : « les plus petites parties d'un organisme remplis- 
« sant individuellement un rôle d'ordre organique ou vital, sépa- 
« rables les unes des autres sans destruction physique ni chimique. » 
Il distingue les éléments figurés, ayant une configuration propre et 
spécifique, de ceux qui n'ont d’autre configuration que celle des in- 
terstices que les premiers laissent et qu’ils comblent; ces éléments 
prennent la qualification d’amorphes. De plus, ilajoute: «Lesunsdes 
« éléments figurés sont dits cellulaires, et sont les plus importants à 
« tous les points de vue. Les autres doivent être appelés non-cellu- 
« laire, exvcellulaire ou eccellulaire, parce qu’ils naissent postérieu- 
« rement aux précédents à l’aide et aux dépens des principes qu'ils 
« fournissent. » Mais il retombe dans de nouvelles confusions 
quand il range parmi ces substances amorphes, intercellulaires, in- 
terstitielles ce qu’il appelle les « substances squelettiques d’origine 
« ectodermiques non cellulaires, telles que l’ivoire, les prismes de 
« l'émail, les organes chitineux, les coquilles, etc. » L’ivoire n’est 
qu’une variété de substance osseuse (1); l'émail constitue une ca- 
tégorie à part, et mérite peut-être seul chez les Vertébrés le nom 
de formation cuticulaire; enfin, la coquille des Mollusques est 
aussi bien que le tube des Annélides une simple sécrétion (2). 

Si Robin commet ces graves erreurs, d’autre part il retrouve 
toute sa supériorité dans ce qu’on pourrait appeler l’étude ontolo- 
gique des éléments, que personne n’a mieux comprise et poussée 
plus loin que lui. De même il a le premier et fort bien établi en 
vertu de quelles lois purement physiologiques s'établit la cohésion 
entre les éléments anatomiques. Il a toujours nié très catégorique- 
ment l’existence des matières cimentaires imaginées pour expli- 
quer cette cohésion, sans qu'on ait remarqué que la difficulté était 
ainsi seulement reculée et non pas résolue. 

Robin croyait à l'existence indépendante de noyaux libres en 
différents points de l'économie. C’est là sans doute une erreur, bien 


(1) Les cellules de la dentine sont en réalité des ostéoplastes, on pourrait dire des 
ostéoplastes polarisés par le fait ou en raison de la situation limite de la substance 0s- 
seuse qui naît d'eux. 

(2) Voy. sur ce sujet : Pouchet, Des &« produits » en Anatomie générale, dans ljom- 
mage à M. Chevreul, 4° Alcan, 1886. 


CHARLES ROBIN. d 


L :. CHARLES ROBIN 


qu'on ne puisse invoquer à l’encontre de cette opinion aucune 
raison décisive, aucun exemple vraiment démonstratif. Il est 
probable que corps cellulaire et noyau sont deux termes essen- 
tiellement corrélatifs. On peut à la rigueur trouver des cellules 
(en dehors des cas d’atrophie normale du noyau) où on ne voit 
pas trace de celui-ci (1), mais ce sont là sans doute de simples 
accidents. De même on ne comprend pas très bien l'existence 
ni le devenir d'un noyau qui ne serait pas plongé au milieu 
d’un corps cellulaire, lequel peut être à la vérité plus ou moins 
étendu et nettement circonscrit, ainsi qu’on l’observe dans cer- 
taines tumeurs. Quant à de prétendus noyaux libres flottant dans 
les plasmas, tout porte à croire qu’en réalité ces noyaux sont en- 
veloppés d’un corps cellulaire mais considérablement réduit et peu 
appréciable par les moyens techniques. 

Robin, dans ses classifications histologiques, conserva la distinc- 
tion en constituants et en produits appliquée soit aux éléments, soit 
aux tissus. C'était, comme nous l’avons dit, une idée de De Blain- 
ville (2) que Comte avait reprise, idée juste au fond, car en somme 
elle correspond assez bien à la division embryogénique des trois 
feuillets du blastoderme. Tel n’est pas toutefois le point de départ 
de De Blainville. Envisageant l'ensemble du règne animal, il voit 
que les tissus dont est formé le corps des animaux peuvent se par- 
tager en deux groupes distincts. Les uns semblent essentiels, ne 
manquent jamais et de plus paraissent servir de matrice aux se- 
conds. Chez les animaux supérieurs, ces tissus sont activement 
parcourus par le sang, ils sont profonds, placés en dehors du 
contact du milieu ambiant; ainsi le squelette, les muscles, le tissu 
lamineux, les divers tissus nerveux ou vasculaires sont des cons- 
lituanis, et la qualification doit s'étendre aux éléments anato- 
miques qui les composent. Au contraire, à la surface des tissus 
constituants, on trouve des parties dont le rôle semble moins 
essentiel à la vie et qui paraissent en même temps sous la do- 
mination des premiers, comme s'ils naissaient et se dévelop- 
paient par eux, à leurs dépens. Ces tissus se rapprochent des 
véritables secrétions, ne présentent ni nerfs, ni vaisseaux: ce 
sont les produits. Nécessairement De Blainville, en raison de 
l'état des connaissances (1833) et aussi de sa profonde défiance du 
microscope, commet ici plus d’une erreur, mais sa division n’en 


(1) Voy. Pouchet et Tourneux, Précis d'Histologie, p. 8. 
(2) Cf. Cours de Physiologie générale, 1829, t. 1, p. 119, et t. II, p. 1 et suiv. 
Ang. Comte, Biologie, dans Cours de Phil. posit., t. II, p. 500. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. LI 


demeure pas moins intéressante. D'une manière générale, les tis- 
sus qu'il appelle constituants, dérivent du feuillet moyen; ses pro- 
duits correspondent à tous les tissus dérivés des feuillets interne 
et externe et à leurs secrétions. Robin, plus éclairé sur la structure 
intime de l’organisme, crut cependant devoir reprendre la division 
établie par De Blainville. [ distingue à son tour lestissus en produits 
et en constituants ou produisanis, parce qu'ils portent en eux la 
condition de la génération des premiers. Il est bien certain en 
effet que les tissus profonds nourrissent l’épiderme superficiel, et 
fournissent la matière des secrétions, mais il n’est pas moins cer- 
tain d'autre part que les tissus épithéliaux de l’un ou l’autre feuillet 
superficiels, seuls en contact avec le monde extérieur, peuvent être 
envisagés avec tout autant et plus de raison comme nourrissant 
les tissus dérivés du feuillet moyen. 

Robin était ainsi tout naturellement conduit à étendre la dis- 
tinction de constituants et de produits aux éléments anatomi- 
ques, et en voulant pousser jusqu'à l'extrême rigueur selon son 
habitude, une division qui n’est plus en rapport avec les notions 
précises que nous avons sur l’origine et l’évolution de certains élé- 
ments anatomiques, il tombe dans des erreurs qu’il aurait dû, 
semble-t-il, éviter: c’est ainsi qu'il classe la dentine au nombre des 
éléments épithéliaux. La vérité est que cette distinction des tissus 
et des éléments en constituants et en produits n’a plus aujour- 
d'hui qu'une valeur historique. Si l’on tenait à conserver ces 
termes en Anatomie générale, le premier devrait s'appliquer exclu- 
sivement aux cellules et le second à toutes les substances non 
cellulaires entrant dans la composition de l'organisme ou rejetées 
par lui (1). 

Dans son Programme du cours d'histologie, Robin débute par 
l'étude des éléments, il aborde ensuite l’étude des humeurs et ter- 
mine par celle des tissus. C’est la seconde partie, l’histoire des hu- 
meurs, qu'il va maintenant développer dans un ouvrage magistral, 
ses Leçons sur les humeurs. C'est une suite digne de la Chimie ana- 
tomique. Après l'étude analytique des principes immédiats que 
nous donnait ce dernier ouvrage, l'Hygrologie va nous les montrer 
sous une forme synthétique dans les humeurs qu'ils composent 
par leur mélange. C'était dans l'esprit de Robin l'ordre logique, 
comme d'étudier d'abord les éléments anatomiques avant les tissus 
qu'ils forment par leur juxtaposition ou leur enchevêtrement. Il 
est d’ailleurs bien évident qu'au point de vue dynamique ou phy- 


(L) Voy. Pouchet, Des «produits » en Anatomie générale, dans Hommage à M. Che- 
vreul. Librairie F. Alcan, 1886. 


LII CHARLES ROBIN 


siologique, la prise en considération du rôle rempli par les humeurs 
n’est pas moins importante que celle des propriétés des solides, 
comme facteur essentiel de la rénovation moléculaire à l'intérieur 
de l'organisme. 

L'étude des humeurs fait donc partie de l'anatomie au même 
titre que celle des tissus : Robin, pour la première fois, l’evisage 
sous ce jour tout nouveau, et on peut ajouter avec une ampleur 
remarquable. Il ne compte pas moins de cinquante-quatre es- 
pèces d’humeurs dans le corps humain, qu’il décrit minutieuse- 
ment, les unes pour la première fois, et quant aux autres essayant de 
remplacer par des analyses précises les indications vagues données 
avant lui, où les termes graisse, extractifs, tenaient une si grande 
place. C’est ainsi que l’histoire du sang, celle de l'urine sont trai- 
tées avec des développements et une méthode inconnus jusque-là. 

Robin insiste sur les caractères physico-chimiquesdes diverses hu- 
meurs, leur rôle physiologique et leur mode de production, différant 
de la manière la plus frappante, selon qu’elles se trouvent consti- 
tuées en proportion à peu près égale par des principes immédiats 
de chacune des trois classes, comme les plasmas du sang et de la 
Iymphe qu'il appelle humeurs constituantes ; ou au contraire selon 
que les principes de la première et de la seconde classe l’empor- 
tent, comme dans les secrétions proprement dites, le lait faisant à peu 
près seul exception (1). C’est, comme on voit, un nouveau retour 
à la division en constituants et en produits que Robin déclare 
même plus tranchée ici que pour les éléments solides du corps. 

Robin, suivant encore Auguste Comte (2), distingue dans les 
humeurs du corps les plasmas, les secrélions et les excrétions. Et 
de même qu'il ne savait pas relier l’existence des matières solides 
telles que le cartilage ou la substance osseuse aux cellules qu’elles 
enclavent, de même et pour des raisons identiques, il envisage les 
plasmas, ceux du sang, de la lymphe, etc., comme indépendants 
des cellules qu'ils baignent, conception évidemment fausse comme 
le montre d'ailleurs l’embryogénie. Les plasmas sont les seules hu- 
meurs offrant des principes immédiats dans les proportions et dans 
les conditions d'association moléculaire qui caractérisent l’état 
d'organisation, bien que celui-ci y reste des plus rudimentaires : les 
plasmas sont donc vivants. Au contraire les humeurs secrétées ne 
sont pas vivantes, ne sont pas organisées, ce qui d'ailleurs n’est 
nullement exclusif de la présence d'éléments anatomiques vivants 


(1) On peut y joindre comme secrétion albuminoïde chez les animaux, l’albumen de 
l'œuf, 


(2) Cours de philos. positive, t. LIT. 2e édit. 1864, p. 354 et suiv. 


SA VIE ET SON OUVRE. LIT 


dans ces humeurs. Les excrétions se distinguent des secrétions en 
ce qu’elles nesont point formées par les organes qui les fournissent, 
mais prennent naissance dans le sang même; les organes excré- 
teurs ne jouent donc par rapport à elles que le rôle de filtres. 


On a pu reprocher avec quelque raison à Robin de n'avoir pas 
suivi au jour le jour tous les progrès de la science histologique. 
On a parlé même d’une sorte d’histologie plus moderne en oppo- 
sition avec celle qu’il professait, et voulu faire à ce sujet d’un 
éminent professeur du Collège de France le chef d'une école 
rivale. Il faut ici bien distinguer d’une part la connaissance que 
nous cherchons à avoir d'un objet, de l’autre les méthodes que nous 
employons pour arriver à cette connaissance. [l est des hommes qui 
excellent dans les deux choses. Leuwenhoeck taillait les lentilles 
de son microscope comme font encore aujourd'hui MM. Henry 
frères pour leurs instruments d'astronomie. On ne contestera pas 
que le perfectionnement de l'instrument est une partie importante 
de la technique, et nous avons choisi à dessein ces exemples topi- 
ques. Mais ce qu’il faut toujours avoir présent à l’esprit, c'est que 
si la technique aide la science et lui est indispensable, elle n’est 
pas la science. Robin a maintes fois insisté sur cette distinction 
capitale et qu’on a obscurcie comme à plaisir. 

Il est certain que la technique histologique a fait d'immenses 
progrès en dehors de Robin. S'il avait eu au début de ses études les 
procédés mis en usage depuis, 1l aurait fait dans le domaine ana- 
tomique bien d’autres découvertes que celles déjà si nombreuses 
dont il faut bien faire honneur à sa mémoire. Certainement s’il 
avait connu la pratique des coupes microscopiques méthodiques 
quand il a publié avec M. Magitot son travail sur l’évolution des 
dents, un point essentiel de l'histoire de celles-ci, la genèse de 
l'organe adamantin aux dépens de l’épithélium buccal ne lui eut 
pas échappé. Il est positif que les derniers perfectionnements 
techniques lui firent souvent défaut et on ne peut que louer ceux 
qui savent les employer tous, aussitôt que découverts. Mais c'est 
à la condition de ne pas tomber dans l’erreur souvent commise, 
de prendre la technique pour la science même, et un microsco- 
piste pour un anatomiste ou un géologue, selon qu'il perfectionne 
les procédés d'observation applicables aux plus fines parties des 
corps organisés ou des roches. De même il ne viendra jamais à 
la pensée qu’un traité d'analyse chimique soit un traité de chimie 
et en tienne la place, malgré les mérites qu'il peut avoir. | 

La facilité, l'élégance de certains procédés ont eu la plus fâcheuse 


LIV CHARLES ROBIN 


influence en histologie malgré leur utilité et nous pouvons dire 
malgré l’absolue nécessité d'y recourir dans certains cas. On a fait 
de merveilleux appareils pour débiter d’une extrémité à l’attre des 
animaux, des embryons en coupes auxquelles le grand art est de 
donner la moindre épaisseur possible, au point que souvent ces 
coupes n’ont pas le diamètre des cellules qu’elles entaillent et qui 
parsuitese présentent assez mal à l’observation. On peutse demander 
si cet art consommé a donné des résultats proportionnés aux moyens 
compliqués et coûteux qu'il met en œuvre, si toutes ces machines 
qu'on croit aujourd'hui nécessaires dans un laboratoire d'histo- 
logie, rendent plus de services que l’ancien microtome tout simple, 
habilement manié, et si elles ne tomberont pas après un engoue- 
ment passager dans le même oubli que le micro-spectroscope par 
exemple, dont, par défaut de méthode scientifique, on avait un 
moment si fort exagéré les services. 

Les coupes microscopiques ont été évidemment un progrès con- 
sidérable. Mais on a trop souvent perdu de vue les inconvénients 
qu’elles ont, comme toute méthode d’ailleurs dès qu’elle devient 
exclusive. Elles ne permettent d'apprécier le plus souvent que des 
rapports morphologiques; elles sont peu instructives dans beaucoup 
de cas pour l'étude des éléments en eux-mêmes. Elles ne prennent 
leur véritable intérêt et ne sont interprétées tout à fait utilement 
qu’à la condition pour l'observateur d’avoir au préalable la connais- 
sance individuelle des parties sectionnées, cellules, fibres, matières 
amorphes interposées, etc. C'est ici qu'’éclate la supériorité de la 
méthode de Robin. Il appréciait autant que qui que ce soit ces 
coupes si profitables pour l'Anatomie générale, Mais il subordonnait 
l'intérêt très réel qu’elles offrent, aux avantages vraiment fondamen- 
taux d’une détermination exacte, complète, rigoureuse, des pro- 
priétés individuelles de chacun des organes ou éléments intéressés 
par la section. Les coupes en montrent les rapports, mais nous 
éclairent fort peu sur les caractères propres de chacune de ces 
parties constituantes. Le maniement facile du microtome, où on 
voit des garçons de laboratoire exceller, comme d’autres en chi- 
mie excellent à conduire une analyse organique, a rejeté au second 
plan l'art plus délicat, des dissections fines en anatomie comparée, 
des dissociations en histologie. Et pourtant nul ne le contestera : 
un élément anatomique ne nous est bien connu que quand nous 
pouvons l'envisager seul, isolé, se déplaçant sous le microscope 
et se montrant par ses différents aspects qui permettent d'en dé- 
finir nettement la forme, d'en apprécier sans erreur tous les dé- 
tails de structure. Procéder autrement c’est renverser l’ordre mé- 


SA VIE ET SON OUVRE. LV 


thodique de la recherche, et Robin blâmait énergiquement cette 
tendance des études anatomiques en France, qui porte les étudiants 
à couper les tissus, couper les tumeurs, avant d’avoir appris à en re- 
connaître individuellement les éléments constitutifs. 

On doit sans doute attribuer à cette erreur de méthode, à l’im- 
portance donnée à la technique aux dépens de la recherche anato- 
mique proprement dite, le peu de progrès réalisés en histologie 
comparée. On a coupé un nombre infini d'animaux inférieurs, et 
on a ainsi appris à connaître une multitude de faits intéressant 
leur morphologie; on a déterminé avec le microscope, sur ces 
coupes, les relations réciproques des organes les plus délicats. Mais 
on en a par contre beaucoup trop négligé l’étude histologique pro- 
prement dite. À la vérité, elle offre chez les animaux inférieurs des 
difficultés spéciales qui n’ont été qu’en partie surmontées ; et l’in- 
térêt qui s’est attaché à la description des éléments dits musculo- 
nerveux de l'Hydre d’eau douce, suffirait au besoin à montrer quel 
champ de découvertes reste encore à explorer de ce côté. Combien 
de questions demeurées pendantes en Anatomie générale trouve- 
ront sans doute leur solution le jour où nous aurons appris à con- 
naître dans leur forme propre comme dans leur évolution les élé- 
ments constitutifs des tissus des Invertébrés. 

Ceci n’a point échappé à Robin, qui insiste sur la comparaison 
à faire des éléments anatomiques dans toutes les classes d'animaux. 
Lui-même a peu exploré ce domaine, mais c’est de sa doctrine, 
de sa méthode, de ses vues qu'il faudra s'inspirer pour l’aborder 
utilement. La technique applicable aux Invertébrés de tous les types 
s’écarte notablement de celle qui réussit généralement pour l’homme 
et les Vertébrés. À mesure que l'étude histologique s’élargit, il est 
donc plus difficile de posséder une technique appropriée, parce 
qu’elle doit se modifier avec chaque sujet envisagé. Sous ce rap- 
port les spécialistes de quelque étude que ce soit, limitée comme 
celle des bactéries, des tumeurs, auront toujours l'avantage sur les 
véritables anatomistes dont la recherche embrassant un champ in- 
finiment plus vaste, doit recourir selon les cas à une multitude de 
procédés divers. La variété même des études de Robin devenait 
une cause de cette infériorité dans l'emploi des procédés techniques 
qu’on lui a si souvent reprochée et avec tant d’âpreté. 

Mais il lui reste l'incontestable mérite d’avoir insisté plus qu’au- 
cun anatomiste sur l'importance de la description des tissus et des 
éléments à l’état normal, qui est si généralement négligée ; au 
point que des erreurs se sont glissées dans les ouvrages les plus 
recommandables, précisément par emploi abusif en quelque sorte 


LVI CHARLES ROBIN 


des procédés de conservation, de durcissement, etc... lesquels 
ont presque fait perdre de vue les caractères essentiels de l’état 
cadavérique et plus essentiels encore de l'état vivant. Robin a pré- 
conisé plus que personne l'importance des agents chimiques pour 
distinguer les éléments anatomiques; il recommande même l'em- 
ploi de réactifs empruntés directement à l'économie: le suc gas- 
trique comme dissolvant, la bile comme colorant de certains élé- 
ments: il aurait pu ajouter l'urine comme véhicule normal, par 
exemple pour les hématies. Il a, non moins que les autres mi- 
crographes anatomistes, marqué avec le plus grand soin «le rôle 
« des colorants, dissolvants, coagulants, durcissants, antiputrides, 
« etc, employés tantôt en vue d'un résultat immédiat, tantôt seu- 
« lement destinés à rendre possible l'examen microscopique et 
« même les dissections proprement dites (1) ». 

Chaque tissu, dit encore Robin dans son Programme, présente 
une constitution moléculaire spéciale ; l'expérience a conduit à dé- 
couvrir un ou plusieurs agents en rapport avec celle-ci, qui colorent 
ou dissolvent l'élément, ou le laissent intact, ou le fixent et per- 
mettent de rendre évidents les caractères essentiels ou les altéra - 
tions de quelques-uns, d’en isoler d'autres au milieu de ceux qui 
les entourent. N'est-ce pas là au fond toute la technique ? C’est même 
plus, car nombre de fautes grossières ont été commises par de préten- 
dus histologistes pour n'avoir par su invoquer certaines réactions 
fondamentales des éléments à l’état frais. N'a-t-on pas vu confondre 
les cellules embryonnaires avec les leucocytes dont la réaction par 
l'eau est absolument caractéristique ; n’a t-on pas pris pour des or- 
ganes lamineux les anneaux musculaires des lymphatiques de la 
Raie, dont la nature est attestée par leur résistance à l'acide azo- 
tique ? Et pour les humeurs, n’a-t-on pas identifié à la lympbhe, des 
liquides comme le liquide céphalo-rachidien ou l'humeur aqueuse, 
qui en diffèrent presque autant (nous exagérons à dessein) qu'une 
solution saline diffère d'une solution albumineuse ? 

Si donc Robin n’a point connu toutes les ressources de la tech- 
nique moderne en histologie, on ne peut lui reprocher de les avoir 
dédaignées. Par la nature même des choses, la technique change 
sans cesse et au jour le jour. On peut dire que le meilleur traité de 
technique en quelque science que ce soit par ce temps de rapides 
progrès, n’est plus au courant au moment même où il paraît. Mais 
il est pour chaque science une méthode de recherches dont on ne 
devra se départir jamais, et Robin l’a formulée peut-être mieux 


(1) La Biologie, 1867. 


SA VIE ET SON OUVRE. LVIT 


que personne pour l'histologie, surtout en ne cessant d'appeler uti- 
lement l’attention sur les réactions chimiques des humeurs et des 
éléments à l’état frais. 


Robin apportait dans la représentation des faits histologiques 
par le dessin ou la gravure, les mêmes tendances de précision ri- 
goureuse. Îl se servait admirablement du crayon, il excellait à 
rendre l'aspect offert par les éléments anatomiques dans le champ 
du microscope, et les figures qu’il en a données, demeurent des mo- 
dèles d’exactitude. Son esprit essentiellement épris de vérité con- 
damnait ces apparences conventionnelles et ces coloris brillants 
autant qu'inutiles dont on fait aujourd'hui un si étrange abus. S'agit- 
il de figurer un tissu formé de petites cellules, on se borne à une 
sorte de dessin géométral qui dispense de représenter dans leur 
vérité des éléments anatomiques qu'on n’a pas pris soin d’ob- 
server et d'étudier individuellement: c’est encore là une con- 
séquence de la pratique habituelle des coupes sans dissociation 
._ préalable. De même ces figures richement enluminées qui nous re- 
présentent des tissus toujours presque incolores, sont une consé- 
quence des procédés techniques de coloration, employés au détri- 
ment de l'étude directe des éléments à l'état vivant ou même cada- 
vérique.Saufdans les casoù l'on voudra rendre l'aspect des pigments, 
la couleurappliquée à lareprésentation histologique estun non sens. 
L'histologiste met en usage les colorants non pour avoir, comme 
certains semblent le penser, de jolies préparations séduisantes aux 
yeux, mais pour distinguer des détails qu’il ne verrait point autre- 
ment, comme une pièce d'étoffe sur laquelle sont des dessins 
à peu près invisibles exécutés à l’aide d’un mordant, et qu’on 
trempe dans un bain de teinture pour faire ressortir ces dessins. 
Telle est la seule indication de l’emploi des colorants en histologie. 
Étant donné ce fait que la plupart des éléments soumis aux fixatifs, 
alcool, bichromates, etc..., possèdent des propriétés optiques très 
sensiblement uniformes, et par conséquent se laissent mal distin- 
guer dans le champ du microscope, l’anatomiste met en jeu l’affinité 
élective de certains de ces éléments ou de certaines parties de ces 
éléments pour tel colorant déterminé, afin de les mieux discerner; 
mais il n’acquiert cette vue plus distincte qu’en s’éloignant davan- 
tage de l'état naturel; tandis que dans les représentations graphi- 
ques, son devoir est, au contraire, de serrer la réalité d’aussi près 
que possible. Pour colorer la substance chromatique d’un noyau 
nous employons le vert de méthyle, ou certains bleus pour colorer 
et rendre visibles les bactéries au milieu des tissus, mais le véri- 


LVill CHARLES ROBIN 


table état des choses une fois reconnu par ces artifices, il n’est plus 
besoin en aucune façon ni de vert ni de rouge pour représenter des 
corps absolument sans couleur et un trait plus fort, un simple pro- 
cédé de dessin doivent être préférés à des enluminures parfaitement 
inutiles, qui n’ajoutent rien à la clarté des représentations et sem- 
blent uniquement destinées à fixer l'attention des ignorants. 


Presque au lendemain de la nomination de Robin à l'École de 
médecine, paraissait le Journal de l'anatomie et de la physiologie 
normales et pathologiques de l’homme et des animaux publié par 
MM. Brown-Séquard et Charles Robin (1864). Le Journal de la 
physiologie de l'homme et des animaux, fondé par M. Brown-Séquard 
en 1858 venait de cesser sa publication. Robin y avait inséré plu- 
sieurs mémoires importants. La nouvelle direction résolut d'élargir 
le cadre du nouveau recueil en donnant une place aussi étendue aux 
recherches d'anatomie comparée proprement dite et d'anatomie 
générale qu'à celles de physiologie. Dès le début les matériaux 
abondent et le Journal de l’analomie publie dans ses premiers fas- 
cicules des mémoires de MM. Claude Bernard, Chevreul, Don- 
ders, etc... Cependant, avant la fin de la première année, M. Brown- 
Séquard se retirait, ne voulant pas céder à certaines exigences de 
l'éditeur, et à partir du V° numéro le nom de Robin figura seul 
sur la couverture. Plus tard, quand il fut nommé sénateur (1876), 
il nous associa à la direction du recueil dont il avait assuré la durée 
et que nous nous efforçons de continuer dans le même esprit. 


Robin n'a point fait paraître les grands ouvrages généraux sur 
les Éléments et les Tissus qu’on semblait en droit d'attendre de 
lui. À partir de l’époque où nous sommes arrivés, il se consacre 
presque exclusivement, en dehors des recherches spéciales qu'il 
ne cessa Jamais de poursuivre, à la composition d'articles de dic- 
tionnaires. Or, tous ces morceaux, quoique inspirés de la même 
pensée ne forment point corps. Cette dispersion de son talent 
fut certainement un malheur; nous avons été privés ainsi des 
grands traités didactiques qu'on était en droit d'attendre sur les 
autres parties del’Anatomie générale, de l'auteur dutraité de Chimie 
anatomique et des Leçons sur les Humeurs. Ce vaste projet qu'avait 
certainement caressé Robin au début de sa carrière, d’édifier à lui 
seul une véritable encyclopédie d’Anatomie générale, il l’aban- 
donne pour jeter son œuvre aux quatre vents de l'alphabet et sans 
qu’on voie bien les raisons maîtresses qui ont dicté à ce puissant 
esprit cette abdication. Dès 1868 et 1869, il fait paraitre trois 


SA VIE ET SON ŒUVRE. LIX 


grands articles, Tissus, Epitheliums, Sécrélions, dans la deuxième 
édition du Dictionnaire universel d'histoire naturelle de d'Orbigny. 
Mais il a surtout travaillé et travaillé jusqu’à sa mort pour le Dic- 
tionnaire encyclopédique de Dechambre auquel il donna près de 
cinquante articles dont quelques-uns sont à eux seuls des volumes 
comprenant plus de 150 pages grand in-8° (articles Génération, 
Musculaire; Organe, etc.). On y trouve parfois des planches hors 
texte (articles Musculaire, Leucocyte), où sont les meilleures figures 
peut-être qu’on ait jamais faites de certains éléments anatomiques. 
Parmi ces articles, on doit citer comme un des plus remarquables 
le mot Organe. Mais il est trop certain que souvent ils sont d’une 
lecture pénible. C’est un entassement de faits et d'exposés de prin- 
cipes dans un ordre trop insuffisant pour que l'esprit s’y recon- 
naisse et suive l’auteur sans efforts. Robin semble d’ailleurs ne 
rien laisser échapper de ce qui a été produit avant lui sur les sujets 
dont il s'occupe. On peut dire que nul ne fut plus au courant du 
passé et du présent de la science, comme l’attestent ces bibliogra- 
phies par lesquelles il termine ses articles (1), après s'être borné 
le plus souvent, au cours de ceux-ci, à faire connaître l’état de la 
science positive sur chaque objet au moment où il écrit, et parfois 
à tirer des faits incontestés qu'il produit ou des rigueurs de la 
méthode scientifique qu’il applique, quelque argument topique 
à l'adresse de ses adversaires, sans d’ailleurs jamais les nommer. 


VI. — LE TRAITÉ D'ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE CELLULAIRES. — LES CINQ 
PROPRIÉTÉS FONDAMENTALES DE LA MATIÈRE ORGANISÉE. — [L’[IRRITABI- 
LITÉ, DISCUSSION AVEC M. VIRCHOw. 


Cependant tout en donnant au Dictionnaire encyclopédique cette 
série d'articles où Robin dépense la matière de plusieurs grands 
traités didactiques, il éprouve, semble-t-il, la nécessité de conden- 
ser dans un livre spécial le fonds même de sa doctrine, ce qui lui 
appartient en propre dans la manière de comprendre les rapports 
de l’anatomie générale et de la biologie. Telle fut sans doute l’ori- 
gine du traité d’Anatomie et physiologie cellulaires, paru en 18735. 
Le titre exact est le suivant: Anatomie et physiologie cellulaires, ou 
des cellules animales et végétales, du protoplasma, et des éléments 
normaux et pathologiques qui en dérivent. M. Virchow avait publié 
depuis quinze ans déjà sa Pathologie cellulaire. Il était conforme 


(1) D'autres de ces bibliographies sont signées de M. L. Hahn qui fut toujours pour 
Robin un collaborateur précieux. 


LX CHARLES ROBIN 


aux vues et à la méthode constante de Robin de suboydonner la 
pathologie qui est un état anormal à la connaissance de l’état nor- 
mal. En mettant l’Anatomie et la Physiologie au premier plan, 
il rétablit l’ordre rationnel des choses, mais en même temps la part 
dominante qu'il fait ici aux cellules sur les autres éléments anato- 
miques, est une concession aux idées de celui qui se ds dès 
ceite époque comme son adversaire déterminé. 

L'Anatomie cellulaire est en réalité un livre de pri c’est 
l’œuvre maîtresse de Robin, celle qui résume sa vie scientifique, 
celle où il expose avec le plus d’ampleur ses doctrines person- 
nelles, son admirable conception de la vie; celle aussi où on re- 
trouve avec le plus de développement, les erreurs capitales aux- 
quelles il s’est laissé entraîner légitimement au début de sa carrière, 
mais auxquelles il n’a pas su renoncer assez vite dans la suite, 
quand il n'était plus possible de les justifier d'aucune façon... 

Et à ce propos ceux qui ont connu Robin, qui l’ont fréquenté et 
aimé, savent pertinemment que, fidèle aux principes de l’école posi- 
tiviste, nul ne renoncait plus vite à une erreur, du moment qu'on lui 
démontrait le mal fondé de ses observations ou de son opinion. Ona 
dit,etcela est vrai, au moins en un certain sens, que trop confiné dans 
Son cabinetde travail pendant les dernières années de sa vie, il n'avait 
pas été assez l’homme du laboratoire. C’est dans le laboratoire, en 
effet, c’est dans la fréquentation des travailleurs, même les plus 
modestes, des élèves même peu avancés, qu'on a journellement 
l’occasion, par ce qu'ils font, de contrôler, de vérifier certaines idées, 
d'apprécier des détails qui avaient pu échapper, de reconnaître quel- 
quefois, grâce au hasard, des erreurs d'interprétation qu’on avait 
commises. Nous pourrions citer, à l’époque même où Robin pré- 
parait son livre, un échange de correspondance à propos de la paroi 
qu'il avait longtemps attribuée à toute cellule animale. Nous avions 
eu l’occasion de suivre et d'étudier longuement les mouvements 
d'expansion et de retrait des chromoblastes, en particulier chez les 
Crustacés, et nous avions vu les prolongements de ces cellules se 
rapprocher, se souder par contact absolument comme les pseudo- 
podes des Rhizopodes. Ce fait frappa vivement Robin, il nous de- 
manda de longs éclaircissements, voulut s'assurer que les choses 
étaient bien ainsi. Il fut convaincu et renonça, en face de la dé- 
monstration qui lui était fournie, à une opinion qu'il avait partagée 
aussi longtemps qu'il l'avait crue fondée. De même dans un de ses 
derniers travaux, sur les bois des Cervidés, publié en collabora-. 
tion avec M. Herrmann, un de ses élèves les plus méritants, on 
voit son opinion se modifier sensiblement dans l’importante ques- 
tion de la genèse des éléments anatomiques. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. LXI 


Il n’est pas exagéré de dire que la connaissance anatomique des 
éléments du corps, dont traite l'ouvrage qui nous occupe, est en 
réalité une introduction nécessaire à toutes les sciences de la vie. 
En effet, toute l'anthropologie, toute la zoologie, toute la méde- 
cine, toute la sociologie même ne se relient-elles pas à ces parties 
élémentaires dont Robin va nous faire connaître la structure et la 
vie? « Le médecin, dit-il dès la première page, n’est pas libre 
« de repousser les inévitables inductions qui le conduisent au sein 
« des questions sociales par l'hygiène aussi bien qu'au milieu des 
« problèmes psychologiques les plus élevés par l'étude du délire 
« durant les fièvres, et des si nombreuses perturbations intellec- 
« tuelles et morales qui sont une manifestation des lésions in- 
« times du cerveau et de sa circulation (4nat. cell., p. T).» 

L'Homme et de même tout animal parmi les Métazoaires a été au 
début une cellule ovulaire, l’ovule; c’est elle que Robin étudie 
tout d’abord. L'ovule, sous sa forme géométrique si simple, celle 
d'une sphère (il n’y a que peu d'exceptions), est déjà un indi- 
vidu avec toutes les propriétés, toutes les activités qui consti- 
tuent essentiellement la vie. Sa substance est soumise dès ce mo- 
ment à cette rénovation continue et spéciale qui est le propre de 
la matière animée et la caractérise indépendamment de toute qua- 
lité morphologique. L’ovule peut demeurer plus ou moins long- 
temps dans cet état. Toutefois on le voit bientôt manifester en plus 
de l’acte vital essentiel qui est de se nourrir, des activités sura- 
joutées et d'un ordre nouveau : il va présenter des déformations 
actives, et il va se partager (segmentation), même, dans certains 
cas en dehors de tout contact de l'élément mâle. Si celui-ci est 
intervenu et a mélangé sa substance à celle du vitellus, le partage 
va continuer. L'être représenté au début par la seule cellule ovu- 
laire va se constituer par un nombre de plus en plus grand de cel- 
lules dérivées de la masse primitive du vitellus et par les ma- 
tières amorphes émanées plus ou moins directement de ces cel- 
lules. La forme des organes, l'agencement des appareils, la con- 
figuration de l'être entier ne seront que la résultante de la dispo- 
sition de tous ces éléments. Nous aurons à dire plus tard comment 
Robin comprenait les lois en vertu desquelles se fait cette dispo- 
sition. De même les fonctions de l'Étre, depuis les plus simples 
jusqu'aux plus complexes, seront la résultante de l’activité propre 
à chacun des éléments cellulaires ou autres (sans oublier les hu- 
meurs) dont il est composé. 

Cette physiologie élémentaire — nous employons ce terme à des- 
sein plutôt que cellulaire — Robin la traite avec une incomparable 


LXTT CHARLES ROBIN 


supériorité de vues, supériorité qu'il doit à cette notion toujours 
présente que l'important, le fondamental dans l’orgañisme est la 
fonction moléculaire, bien plus que la structure ou l'agencement 
morphologiques. « Il faut compter au nombre des plus grands ser- 
« vices rendus par la philosophie positive, dit Robin, d’avoir déter- 
« miné mieux qu’on ne l'avait fait avant elle, que tout acte d'ordre 
« élevé par sa complication et sa délicatesse reconnait comme con- 
« dition d'existence l'association de phénomènes d’ordre inférieur, 
« c’est-à-dire que non seulementil n'ya pas d'animation sans matière 
« — ce que Cuvier admettait déjà — mais encore que toute pro- 
« priété d'ordre vital, tant végétative qu'animale, a pour condition 
« d'existence une ou plusieurs des propriétés d'ordre mécanique, 
« physique ou chimique que la substance organisée manifeste 
« comme la matière brute (La phil. posit., 1869). » 

Les éléments anatomiques partageront donc avec les corps bruts 
toutes les propriétés classées comme physico-chimiques (élasticité, 
ténacité, coefficient de solubilité pour les gaz et les liquides, etc.); 
le rôle particulier d'une espèce d’élément dans le corps pourra 
même être dû à la simple exagération ou prédominance d’une de 
ces propriétés physiques (élasticité des fibres jaunes, ténacité des 
fibres tendineuses, etc.). Mais à côté de ces qualités communes 
aux corps bruts, l'élément anatomique (cellulaire) sera toujours le 
siège d’un certain nombre de manifestations qui ne peuvent être 
ramenées par l’analyse à aucune des précédentes. Il jouit des pro- 
priétés de se nourrir, de se développer, de se reproduire avec des 
degrés variables d'énergie et de rapidité, tant à l’état normal qu’à 
l'état pathologique. Enfin à ces propriétés dites végétatives, vien- 
nent dans certains éléments anatomiques s’en ajouter d’autres, 
dites communément animales. 

Robin compte ainsi cinq propriétés d'ordre organique, biolo- 
gique ou vital, et les désigne par les noms de: 1° NuTRILITÉ ; — 
20 ÉvoLUTILITÉ ; — 3° NATALITÉ ; — 4° CONTRACTILITÉ ; — 5° NévriLiTÉ. 
Ces noms correspondent à peu près aux termes actifs : 1° nutrition, 
2° développement, 3° naissance, 4° contraction et 5° innervation, 
désignant les phénomènes qui représentent les manifestations de 
ces propriétés. 

L'ordre adopté par Robin s'impose. «On demeure frappé, dit-il, 
« de la nécessité de se pénétrer successivement de la nature des 
« actes de la vie végétative pour saisir celle des propriétés de la 
« vie animale, dont les manifestations multiples sont subordon- 
« nées à l’accomplissement des premières. On est bientôt encore 
« plus convaincu de la nécessité d’être devenu familier avec les 


SA VIE ET. SON ŒUVRE. LXIII 


« phénomènes de contractilité pour arriver à comprendre quoi que 
« ce soit aux divers modes de l’innervation; de bien connaître les 
« actes de sensibilité et de motricité pour se rendre compte de la 
« nature des actions nerveuses cérébrales, envisagées dans les in- 
« dividus, comme dans leur évolution au sein des groupes sociaux 
« aux diverses époques de leur évolution historique. Là est le 
« seul moyen d'éviter les dangereuses illusions qui agitent ceux 
« qui n'ayant jamais vu ni expérimenté, ne jugent la réalité et les 
« savants qui en déterminent les lois, qu’en prenant pour point 
« d'appui ces trompeuses illusions elles-mêmes (Leçons sur les 
« humeurs, p. XLV). » 

Disons de suite et pour n’y point revenir que la distinction entre 
certaines propriétés dites animales et les propriétés plus générales 
dites végétatives est toute artificielle. Évidemment la névrilité dans 
le sens que nous attachons aux fonctions du système nerveux, à 
la conductibilité du cylindre-axe en particulier, ne saurait exister 
où il n’y a ni nerfs, ni cellules nerveuses; cependant la sensibilité, 
les mouvements réflexes de certaines impressions, existent avec 
toute évidence chez les plantes dépourvues de système nerveux. 
Elles ont des mouvements, elles possèdent donc la contractilité, et 
elles ont jusqu’à un certain degré la névrilité par la sensibilité {1). 

La mise en jeu des propriétés vitales, ou, en d’autres termes, l’ap- 
parition des actes qui en résultent, ne se fait qu’autant que l’é- 
lément se trouve dans certaines conditions voulues de milieu 
et d'état antérieur corrélatifs aux actes à produire. Dès que ces 
conditions se trouvent remplies la manifestation des propriétés 
de la substance organisée a lieu. C’est dans ce sens, mais dans 
celui-là seulement, qu’on peut dire que toute cellule est sponta- 
nément active. Et Robin montre comment cette spontanéité d’ac- 
tion devient dans les éléments anatomiques spécialement doués 
de contractilité et de névrilité la source du sentiment de liberté 
individuelle. 

Les propriétés vitales bien plus complexes que celles de la ma- 
tière brute auxquelles elles se superposent, sont par suite et par 
cela même bien plus délicates et modifiables. Elles supposent un 


(1) C’est surtout en étudiant les êtres unicellulaires les plus simples tels que les Fla- 
gellates qu’on est conduit à reconnaître combien la prétendue division fonctionnelle 
des éléments anatomiques est peu fondée. On voit bien vite que c’est par une inclina- 
tion naturelle de notre esprit que nous attribuons à chaque élément nerveux, muscu- 
laire, etc., une fonction propre et que celle-ci n’est en réalité qu’une fonction domi- 
nante pouvant exister et existant dans beaucoup de cas à un état plus ou moins latent 
dans un grand nombre d’autres éléments. Voy. Sur l'œil des Péridiniens, Soc. de 
biologie, 8 mai 1886. 


LXIV CHARLES ROBIN 


état moléculaire spécial, elles apparaissent avec lui, n'existent 
pas sans lui, disparaissent avec lui. Elles sont imnfanentes au 
même titre qu’une propriété quelconque de la matière. Enfin, 
chacune de ces propriétés peut devenir à son tour la cause déter- 
minante d'une manifestation nouvelle. C'est ainsi que la névrilité 
devient le point de départ de la contraction du muscle qui n’est elle- 
même que la manifestation d'une propriété toute différente, inhé- 
rente aux fibres musculaires et à un certain nombre d’autres élé- 
ments anatomiques {1). 

Des cinq propriétés que reconnaît Robin aux corps vivants, une 
d'elles est fondamentale, universelle, est la condition nécessaire 
des autres et l’expression même de la vie : la nutrilité. La nutri- 
tion est la fonction moléculaire même qui résulte de l’état d’or- 
ganisation, elle se confond avec lui. [l n’y a pas vie sans nutrition, 
ni par conséquent aucun des actes plus complexes que comporte 
celle-là, depuis la simple croissance de l'élément anatomique jus- 
qu'aux fonctions sociales de l'espèce. Dès que les combinaisons et 
décompositions nutritives viennent à cesser dans la matière orga- 
nisée et que le mouvement moléculaire modifié tend à un autre 
mode d’oxygénation (putréfaction, etc.), c’est la mort. La nutrilité 
reste donc en définitive la caractéristique essentielle de la vie; 
toute substance qui se nourrit est vivante, toute substance vivante 
se nourrit Sans suspension possible, mais avec des accélérations, 
des ralentissements, des modalités diverses. La nutrilité ne sup- 
pose rien en deçà, que la constitution moléculaire voulue pour que 
celte propriété fondamentale se manifeste. C'est en vain qu'au- 
dessus des cinq propriétés vitales énumérées plus haut on voudrait 
faire intervenir une propriété plus générale des corps vivants et 
dont les autres découleraient. 

Ceci vise directement M. Virchow et sa théorie de l'irritabilité 
qui fut entre les deux anatomistes l’objet d’une polémique des plus 
vives, tout au moins de la part de M. Virchow, car Robin déclara 
toujours qu'il regardait comme inutile d'aborder de tels sujets sous 
forme de discussions personnelles « d'autant plus, ajoute-il (Anal. 
« cell, p. 614), que quoiqu'on fasse, celles-ci laissent toujours au 
« second plan le côté vraiment scientifique des choses. » Nous re- 
viendrons plus loin sur l'origine de ce grave conflit ; rappelons seule- 
ment ici que Robin tout pénétré de l'importance de l’état d'organisa- 
tion dont jouissent à un certain degré même les plasmas, considère 

(1) Ainsi les chromoblastes, dont le système nerveux règle l'expansion ou le retrait; 


ainsi les cellules vibratiles des tentacules des Sab:lles, soumises également aux influences 
nerveuses. 


SA VIE ET SON OUVRE. LXV 


l'être vivant comme un tout indissoluble en ses parties. Pour lui l’in- 
dividualité de l’ensemble absorbe complètement les individualités 
isolées des éléments anatomiques figurés ou amorphes, cellulaires 
ou non cellulaires, composant nos tissus. Tous ces éléments lui 
apparaissent comme une sorte de substratum presque passifsoumis 
sans réserve à la domination de l'appareil circulatoire et de l’appa- 
reilnerveux. Pour M. Virchow, au contraire, les matières amorphes 
ne sont que des dérivés des cellules et dépendent de ces der- 
nières aussi bien pour leur formation que pour leur nutrition. 
Les cellules représentent seules l'élément actif et irrilable par 
excellence. De même la plupart des phénomènes pathologiques re- 
connaissent pour cause une irritation qui vient modifier les cellules 
dans leur nutrition ou leur fonctionnement, ou encore les inciter à 
la reproduction (irritation nutritive, fonctionnelle, formative). 

On peut dire que Robin n’apprécie pas à sa valeur lindivi- 
dualité physiologique de la cellule, qu’il exalte l'unité de l’orga- 
nisme au détriment des éléments anatomiques qui le composent. 
M. Virchow, au contraire, lancé dans une voie nouvelle, était peut- 
être porté à donner à la cellule une part d'autonomie trop grande 
et la considérerait peut-être comme trop indépendante de l’en- 
semble de l’économie. Sans doute il y a exagération des deux 
côtés, et lorsqu'on cherche à serrer la question de près on s’aper- 
çoit qu’il est bien difficile de comprendre à cet égard, dans une 
formule commune, tous les cas observés. 

Ce sont les mots irrilable, irrilabilité, irritation, qui servirent de 
plateforme aux deux champions. Et il faut bien convenir que comme 
il arrive souvent, le désaccord a été bien plus dans le langage que 
dans le fond des choses. Robin n'accepte aucune extension de ces 
termes en dehors des phénomènes qu'ils servent communément à 
désigner et qui supposent la mise en jeu d’un système nerveux muni 
d'un centre tout à la fois perceptif et réagissant : un animal peut 
être irritable, on n’irrite point des parties vivantes douées exclusi- 
vement de propriétés végétatives, ou du moins le mot ne peut être 
employé ici qu’au sens figuré, c’est-à-dire sans portée scientifique 
véritable. Ainsi pensait Robin. 

Quelle était exactement la doctrine de M. Virchow sur l'irrita- 
bilité? Lui-même paraît avoir quelque peu varié à cet égard sous 
la pression des arguments que lui opposait son adversaire dont 
malheureusement les talents d'exposition par la parole ou par la 
plume étaient loin d’égaler ceux du lutteur allemand. D’une ma- 
nière générale, M. Virchow semble admettre qu'au-dessus des pro- 
priétés qu'a la matière organisée de se nourrir, de se modeler, de 

CHARLES ROBIN. é 


LXVI CHARLES ROBIN 


s'altérer même, existe une propriété plus générale, l'irfilabilité qui 
serait comme la condition de la mise en jeu des autres. Nous citons 
textuellement : « ce n’est pas, dit M. Virchow, la nutrition qui est 
« permanente, c'est la possibilité de la nutrition, autant que per- 
« siste la vie. Par l’action des irritants, la vie de possible devient 
« réelle ; en d’autres termes, les irritants provoquent la manifesta- 
« tion de la propriété... J’ai désigné par le mot usuel «irritabilité » 
« la propriété des corps vivants qui les rend susceptibles de passer 
à l’état d’activité sous l'influence des agents extérieurs (1). » 
Robin fait remarquer qu’en se tenant à cette définition on va 
pouvoir, comme cela d’ailleurs a été fait, confondre sous le nom 
commun d'irritants ou d’excitants: 

1° Les milieux tant extérieurs qu'intérieurs; 

2° Les principes immédiats normaux ou accidentels qui sont en 
jeu dans la nutrition et par suite le développement; 

3° Les conditions physiques et chimiques qui amènent des ma- 
nifestations de la névrilité sensitive et de la contractilité; 

4° La névrilité motrice transmise par les nerfs (2). 

D'après M. Virchow, tant que l'irritant qui doit provoquer et peut 
seul provoquer l’activité de la substance organisée, n’est point in- 
tervenu, celle-ci est dans une espèce de repos ou d'inertie que 
l’'éminent anatomiste cherche à nous faire comprendre par l'exemple 
des animaux ressuscitants. Au sec, la vie sommeille en eux. L'eau 
sera ici l’irritant qui va remettre la nutrition en jeu dans les tissus 
et redonner par suite leur cours à tous les autres phénomènes 
vitaux. Mais tout au moins faudrait-il démontrer que la vie est 
véritablement suspendue et non simplement ralentie pendant les 
périodes de mort apparente, et que l'être au sec devient une sorte 
de corps inerte d'une durée indéfinie. Or, tout semble indiquer 
que cela n'est pas (3), que le mouvement moléculaire pour être 
considérablement atténué n’en persiste pas moins et que l’animal, 
dans les conditions de dessiccation relative où il est placé, n’en 
marche pas moins à sa terminaison fatale, à la mort. Et s’il en 
est ainsi, que deviennent l’irritabilité, les irritants nécessaires 
pour remettre en jeu une activité qui n’a jamais été complètement 
abolie mais qui est simplement variable — comme toute fonction 
organique — entre des limites un peu plus étendues peut-être ici 
qu'ailleurs ? 


A 


(L) Virchow, Sur l'irritation, Gaz. hebd., 1868, 1. V, p. 536. — Voy. Robin, Anat. 
cell., p. 615. 

(2) Anat. cellulaire, p. 617. 

(3) Voy. Pennetier. Comptes rendus, 26 juillet 1886. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. LXVIL 


Robin crut voir dans cette subordination des activités de la 
substance vivante à une propriété universelle qui les dominerait, 
un simple retour aux anciennes idées de Broussais, de Brown, de 
Sthal, déguisées sous une terminologie nouvelle. Au nom des prin- 
cipes philosophiques qu’il professe, il combat avec la dernière 
énergie ce qui lui apparaît dès lors comme une superfétation 
métaphysique dont la science positive n'a que faire. M. Vir- 
chow de son côté se défendit vivement d’avoir admis sous ce 
nom d'irrüabilité une propriété générale de la matière vivante (1). 
« Je me suis attaché, dit-il, à montrer que par ces deux termes, 
« irritation et irritabililé, on doit entendre certaines activités des 
« corps vivants; que le premier désigne les processus actifs pro- 
« voqués par les irritants, le second les propriétés actives dont 
« les irritants sollicitent les manifestations; j'ai établi enfin que 
« ces activités sont de trois espèces bien distinctes, suivant que 
« l’acte qui en résulte est un acte de nutrition, un acte de forma- 
« tion ou un acte purement fonctionnel. Je me suis donc bien 
« gardé de présenter l'irritabilité comme une et simple, d'assigner 
« une même cause à tous les phénomènes d’irritabilité. Au con- 
« traire, j’ai cherché à prouver que dans les corps vivants isolés 
« ou les éléments (cellules), non seulement il y a diverses espèces 
« d'irritabilité, mais que dans un même élément ce sont vraisem- 
« blablement des parties différentes qui en sont le substratum. » 

Robin relevant ce passage, fait remarquer à son tour que le 
seul fait de reconnaître « trois espèces » d’irritabilités, implique 
nécessairement la notion de genre. Admettre une irritabilité nu- 
tritive, une irritabilité évolutive et une irritabilité fonctionnelle 
pour chaque élément, n'est-ce pas admettre, dit Robin, que l'irri- 
tabilité est commune à tous les êtres vivants depuis le végétal jus- 
qu'à l’homme et à toutes leurs parties constituantes? Dire que la 
matière organique est irritable ou en d’autres termes, que l'in- 
fluence de certains agents désignés comme excitants, irrilants ou 
stimulants, est nécessaire pour la faire entrer en action et mani- 
fester ses propriétés spéciales, se peut dire également de tous les 
corps de la Nature. Et quand des acides, l'électricité agissant 
sur les éléments anatomiques, provoquent la mise en jeu de telle 
ou telle de leurs propriétés, ces agents ne méritent pas le nom 
d’excilants à plus juste titre que ne le mérite l’eau déterminant la 
manifestation de l’oxidabilité du fer où la lumière déterminant la 
combinaison d'un mélange d'hydrogène et de chlore. Dira-t-on que 


(1) Voy. Archiv. fur pathol. Anat., 1858, vol. XIV, 


LXVITI CHARLES ROBIN 


Ja lumière est ici l’irritant nécessaire à l’entrée en jeu des proprié- 
tés d’affinité des deux gaz en présence? Il est bien évident que tous 
les corps bruts sans exception ne manifestent leurs propriétés 
particulières qu'autant qu’ils sont mis en relation médiate ou 
immédiate avec quelque autre corps; ou que tel autre corps avec 
lequel ïls sont en relation, va prendre des qualités dynamiques qu’il 
n'avait pas jusque-là. Sous ce rapport la substance organisée ne fait 
point exception et M. Virchow sembla le reconnaître lui-même, en 
rappelant avoir dit, dès 1858, que « les activités de la cellule ne 
« dépendent que de la matière qui la constitue et des influences agis- 
« santes qui lui viennent du dehors. » Mais ici encore Robin fait re- 
marquer combien il est illogique de donner le nom d’irritants aux 
conditions normales d'existence et d'activité d’un organisme ou de 
ses parties constituantes, sans compter que l'irritabilité réduite à 
ces termes ne doit plus rien à M. Virchow, car il n’aurait fait alors 
que reprendre sous un nom détourné de sa signification com- 
mune, et tout à fait impropre, des données depuis longtemps fami- 
lières aux savants français tels que De Blainville et William Ed- 
wards, puisque la question posée en ces termes nous ramène sim- 
plement aux considérations de milieu et d'état antérieur. Pour l’élé- 
ment anatomique comme pour tous les corps sans exception, la 
manifestation des divers modes d'activité qui les escortent en tout 
ct partout, est nécessairement une question de relations réci- 
proques. Le maintien de l’état d'organisation résultant du maintien 
de l'élément lui-même dans le milieu convenable, suffira donc d’a- 
près Robin à la manifestation de la nutrilité tout d’abord et par 
suite, de l’évolutilité, de la contractilité et de la névrilité. Pour 
M. Virchow la proposition doit être formulée à l'inverse. Ce n’est 
plus la nutrition qui est la condition de la vie, « il faut qu’il y ait 
vie pour qu'il y ait nutrition » et le reste. Ces termes ne seraient à 
la rigueur acceptables qu’en supposant, dans le langage dont se 
sert l’illustre anatomiste allemand, une sorte de confusion, enten- 
dant par « vie » ce que Robin appelle « organisation », comme on 
dit, d'une manière tout aussi impropre, « corps vivants » pour 
« Corps organisés » (1). 


(1) Nous n'’insistons pas sur une opinion professée alors par M. Virchow et tout à 
fait inacceptable, quand il admettait la possibilité d’une « restitution fonctionnelle » in- 
dépendante d’une réparation nutritive (Sur l'irritation. Gaz. hebd, Paris, 1868, p. 535). 
Nous n'avons pas besoin de dire que pour Robin rien de tel ne pouvait exister du 
moment que la nutrition est par excellence la condition essentielle et primordiale de 
toutes les autres manifestations de la vie. M. Virchow s’appuyait sur la réapparition 
de la conductibilité nerveuse au bout d’un certain temps dans un tronçon de nerf 


SA VIE ET SON OUVRE. LXRIX 


En résumé pour Robin les cinq propriétés élémentaires qu'il 
distingue, y compris leurs modes et leurs variations, sont les seules 
qui caractérisent dynamiquement la substance organisée. Tous les 
efforts demeurent vains pour y découvrir aucune propriété plus 
vénérale que la nutrition. Au delà le terrain se dérobe à la re- 
cherche physiologique. En dehors de ces cinq propriétés élémen- 
taires, il n’y a rien, absolument rien. Si la discussion avec M. Vir- 
chow, malgré son âpreté, ne fut peut-être qu’une question de mots, 
on devra toujours redouter de voir des conceptions comme celle 
de l’irritabilité reprises par des esprits moins philosophiques. Car 
rien n’est plus dangereux en somme, fait remarquer Robin, que 
de vouloir illusoirement faire régir les actes vitaux par une sorte 
de principe métaphysique qui ne ferait en définitive que remplacer 
le principe vital des vitalistes purs ou l’âme immatérielle de Stahl 
et des animistes. Il est vrai qu’en substituant cette entité commode 
à la notion des conditions d'existence et d'activité de la matière 
organisée, on évite l'obligation d’une analyse catégorique des parti- 
cularités de texture, d'échange moléculaire, etc... C’est ainsi que 
certaines personnes en sont arrivées dans cette voie facile à l'irri- 
tation suppurative, hyperplastique, inflammatoire, etc., autant de 
non-sens basés sur une hypothèse absolument inutile dans l’état 
présent des connaissances. On pourrait appliquer à l'irritabilité, 
relativement aux propriétés végétatives et animales constatées par 
la science positive et seuls objets légitimes de ses spéculations, 
exactement le même raisonnement que faisait autrefois Broussais 
au sujet de la sensibilité de la fibre musculaire : « Lorsque la fibre, 
« pour avoir été touchée par un agent quelconque, se met en état 
« de contraction, on juge qu'elle a senti la présence de cet agent; 
« de là l'expression de sensibilité. On a donc attribué à la fibre vi- 
« vante la sensibilité et la contractilité. Mais si le véritable sens de 
« ces deux mots se réduit à ce qui suit : La fibre s’est contractée 
« parce qu'une cause l’y a déterminée, il est clair que la première 
« de ces deux propriétés rentre nécessairement dans la dernière. 
« En effet si la sensibilité de la fibre n’est démontrée que par sa 
« contraction, dire qu'elle est sensible, c’est dire qu’elle s’est con- 
« tractée. Je ne vois aucune réponse à cet argument. Il y a long- 
« temps que cette vérité a été sentie. » (Broussais. Trailé de phy- 
siologie appliquée à la pathologie. Paris, 1834. 2° édit., t. [, p. 18.) 


isolé. Il faut évidemment admettre dans ce cas que le cylindre axe qui recouvre ses pro- 
priétés conductrices, a trouvé dans les tissus environnants les matériaux d'une répa- 
ration nutritive qui le met en état de manifester de nouveau celles-là. 


LA 


LXX CHARLES ROBIN 


[] 
VIII. — LES CINQ PROPRIÉTÉS FONDAMENTALES DE LA MATIÈRE ORGANISÉE 
(SUITE). — THÉORIE DE LA GENÈSE. 


Reprenant dans leur ordre les cinq propriétés fondamentales 
de la matière organisée que reconnaît Robin, il nous reste peu 
à dire de la nutrilité, après les développements qui précèdent. 
Notons toutefois que le mouvement moléculaire par lequel se 
traduit cette propriété, étant le substratum de tous les états or- 
ganiques comme de tous les actes physiologiques, il ne devra ja- 
mais être perdu de vue dans l'étude des uns et des autres. On pour- 
rait vraiment dire que c’est là le nœud de toute la doctrine de 
Robin. C’est en cela, croyons-nous, que son influence ne cessera 
de grandir à mesure que les biologistes se seront mieux pénétrés 
de l’idée maîtresse qui l’a inspiré dans ses travaux les plus divers. 
En pathologie comme en anatomie normale, son grand mérite sera 
d’avoir proclamé qu’en somme la morphologie est une condition 
secondaire et dépendante de ces phénomènes intimes dont la con- 
naissance reste encore cachée, inabordable à nos moyens actuels 
d'investigation, mais demeure comme le but vers lequel doivent 
tendre tous nos efforts, parce que de là seulement on peut at- 
tendre quelque lumière sur la nature des autres phénomènes vi- 
taux dont le mouvement nutritif est l’origine et le principe. Il est 
bien clair, par exemple, que le rôle des substances toxiques ou mé- 
dicamenteuses présentera déjà moins d’obscurités le jour où nous 
serons à même d’en déterminer la présence et les réactions directes 
dans les divers éléments anatomiques. 

La nutrition, comme tous les actes qui se passent dans la sub- 
stance organisée, offre ce qu’on peut appeler une constante et des va- 
riables. De celles-ci résultent les perturbations tantôt perceptibles 
à nos sens (changements dans les propriétés physiques), tantôt d’une 
nature beaucoup plus intime et que nous ne pouvons pas constater 
sans une étude délicate et des moyens détournés (1). On n’oubliera 
pas qu’en anatomie plus encore qu’en chimie, au delà des états de 
la matière apercevables à l'œil nu ou au microscope, peuvent se pro- 
duire des états moléculaires particuliers, échappant à nos procédés 
de recherche et cependant très différents de l’état normal. C’est le 
cas d’un grand nombre de lésions pathologiques sans trouble ma- 
tériel appréciable, mais où une chimie biologique suffisamment 
avancée révélerait à n’en pas douter un état moléculaire anormal. 


(1) Anat. cell., p. 508. 


SA VIE ET SON OUVRE. LXXI 


Après la nutrition, les propriétés les plus générales à étudier dans 
la substance organisée sont — en nous reportant à l’'énumération 
de Robin, — l'évolutilité et la natalité, c'est-à-dire la propriété de 
naître et celle de se développer, si intimement unies l’une et l’autre 
à la nutrition, qu'on ne saurait les étudier indépendamment de 
celle-ci, et que si nous connaissions complètement celle-ci, elle 
nous donnerait évidemment la notion entière et juste de celles-là. 
Dans la double étude que fait Robin de l'évolutilité et de la natalité, 
la grave erreur anatomique où 1l était tombé en ne faisant point la 
distinction fondamentale entre les éléments cellulaires et les élé- 
ments non-cellulaires apporte une certaine confusion. On sait au- 
jourd’hui queles « éléments non cellulaires » tout d’abord n'existent 
point dans l'être. C’est seulement plus tard que certaines catégories 
de cellules s’écartant les unes des autres, laissent se déposer dans 
les espaces ainsi devenus libres, des matières amorphes plus ou 
moins denses, soumises comme nous l'avons dit, à la vitalité des cel- 
lules qu’elles limitent partiellement ou qu'elles enveloppent. Ces ma- 
tières amorphes sont dans une mesure encore fort mal déterminée, 
le siège d’un mouvement moléculaire nutritif. Elles jouissent en 
réalité de toutes les propriétés végétatives. Non seulement elles 
sont apparues à un moment donné (natalité), et se sont accrues à 
mesure qu'a grandi l'organe (évolutilité), mais elles peuvent encore 
avec l’âge présenter des phénomènes de vieillesse corrélatifs de 
modalités nouvelles (appréciables ou non par le microscope) dans 
les cellules dont dépendent ces substances amorphes. Elles présen- 
tent en somme une évolution morphologique et une évolution 
moléculaire comparables de tous points à celles des éléments cel- 
lulaires et seulement plus simples. 

L'origine seule diffère, mais la différence est capitale; le mode 
d'apparition, d'individualisation en vertu duquel une cellule qui 
n'existait pas l'instant d'avant, va se montrer à un moment donné, 
peut varier, mais n’a en tout cas rien de commun avec l'apparition 
des substances extracellulaires quelles qu’elles soient; on peut au 
contraire toujours rapprocher le mode d'apparition d'une cellule, 

de celui d’un animal ou d'un végétal. Cette différence, Robin ne 

l’admet pas, et c’est ici qu'il tombe dans la plus grave erreur de sa 
vie scientifique, avec sa théorie de la Genèse. I] l’adopte dans ses pre- 
miers travaux, l’empruntant, sans en avoir peut-être conscience, à 
l'Allemagne ; il la reproduit à peine modifiée dans son Anatomie 
cellulaire, et jusqu'au dernier jour il ne l’a jamais explicitement 
répudiée. 

Avant de passer à l'examen des faits qui ont pu contribuer à l'in- 


LXXII CHARLES ROBIN 


duire en erreur, il n'est pas sans intérêt de résumer l’état actuel 
des connaissances sur ce sujet. On admet aujourd’hui læ continuité 
substantielle de tous les êtres vivants avant peuplé le globe, aussi 
bien que de tous les éléments cellulaires qui composent le corps 
d’un métazoaire. On doit, par la pensée, se représenter l’univer- 
salité des êtres vivants, plantes et animaux, dans le présent et dans 
le passé en remontant jusqu’à un premier être unicellulaire hypo- 
thétique, comme formant une masse continue de matière vivante, 
dont les parties successivement se détachent pour former les indi- 
vidus. C’est ce fait de se détacher de la souche qui constitue l'indr- 
vidualisation. De même nous devons nous figurer, mais non plus 
imaginativement, tous les éléments cellulaires du corps remon- 
tant par continuité de substance à la sphère vitelline avant sa 
segmentation. Cette conception appartient à Reichert. Il montra, 
en 1850, que toutes les cellules formant les premiers linéaments de 
l'embryon (cellules embryonnaires) proviennent directement des 
sphères de segmentation du vitellus, et que ces cellules à leur tour 
donnent naissance, par segmentation continue, à toutes celles qu'on 
trouvechezl'adulte avec ou sans interposition de matières amorphes, 
avec ou sans adjonction de matière les transformant en fibres, etc. 
Ces vues furent aussitôt adoptées par MM. Kaælliker, Remack, 
Virchow. En ce qui concerne spécialement l'homme, nous croyons 
avoir, pour la première fois, dans notre Précis d'histologie et d'his- 
togénie (1), donné le tableau complet et à peu près définitif de cette 
descendance des éléments cellulaires du corps humain, aboutissant 
par multiplication et différenciation progressives à toutes les espèces 
d'éléments cellulaires de l'adulte. 

Le bourgeonnement diffère il est vrai, au moins en apparence, 
du procédé de multiplication par scissiparité, le plus répandu de 
beaucoup chez les animaux supérieurs. Toutefois l'écart est moins 
profond qu'il semble au premier abord, et peut-être est-il à regretter 
que l’attention des anatomistes ne se soit pas portée davantage sur 
ce point depuis qu’on possède les moyens techniques permettant 
d'étudier les phénomènes dynamiques intimes des cellules en seg- 
mentation normale. Le bourgeonnement d’une cellule n’est d'abord 
qu'une sorte d’accroissement local du cytoplasme — comparable à 
l'accroissement général qui ordinairement précède la segmenta- 
tion — jusqu'à l'instant où un rudiment du noyau a pénétré (ou s’est 
formé?) dans le bourgeon : on sait que les choses se passent ainsi 
dans la production du globule polaire. Nous sommes dès lors ra - 


(1) En collaboration avec M. Tourneux. 


SA VIE ET SON OUVRE. LXXIIT 


menés au cas d’une segmentation simplement inégale. De même la 
multiplication des cellules végétales par cloisonnement n’est qu’un 
autre cas particulier de la segmentation; il suffit de considérer la 
cloison cellulosique, produit du cytoplasme, comme déposée dans 
le sillon qui étrangle celui-ci, absolument comme dans le cartilage 
les cellules après s’être segmentées s’écartent en produisant entre 
elles une cloison de matière amorphe. 

Telle est la doctrine actuelle sur la multiplication animale ou 
cellulaire. L’être nouveau qui va surgir, a d’abord fait partie d'un 
être de même ordre préexistant et aux dépens duquel il se déve- 
loppe, jusqu'au moment critique où il jouit totalement d'une vie 
propre dans des limites qui lui sont particulières. Il est dès lors 
individualisé. Le moment précis du phénomène individualisation 
est rigoureusement celui où cesse la continuité de substance de la 
cellule avec son antécédente dans le cas de bourgeonnement, ou 
avec sa congénère dans le cas de segmentation (1). 

Les termes individualisation, naissance, ont donc en anatomie gé- 
nérale une signification très différente de celle que leur donne la 
physiologie des animaux supérieurs (2), très distincte aussi de celle 
qu’il convient d'attribuer au mot genèse, celui-ci désignant une ap- 
parition primitive et spontanée. Pour Robin, dans la conception 
qu’il se fait de l’origine des éléments anatomiques, l’individualisa- 
tion vase confondre avec la genèse : l'élément ne s’individualise plus 
en se séparant d'un autre, mais par le fait même de son apparition 
dans une substance amorphe au milieu de laquelle il se limite et 
dont il se distingue par des propriétés nouvelles que ne présen- 
tait point cette matière amorphe. C’est dire déjà que Robin rejette 
l’universalité de la formule fameuse omnis cellula a cellula, dont 
M. Virchow se fera contre lui le défenseur triomphant. 

Ce serait méconnaître le génie même de Robin que de supposer 
qu'il fut conduit à sa conception de la genèse des éléments anato- 


(1) I peut arriver que les deux individus cellulaires d’abord confondus deviennent 
en se séparant complètement indépendants dans l’espace, comme nous l’avons montré 
pour Gymnodinium pulvisculus (Voy. Nouv. contribution à l'hist. des Péridiniens 
marins, dans Journ. de l’Anatomie, janv.-fév. 1885); ou que ces parties restent en- 
fermées et flottantes dans les humeurs du corps, comme les leucocytes; ou enfin que 
les cellules restent attenantes les unes aux autres pour former le corps des Métazoaires. 
— Voy. aussi sur la notion d’individu en anatomie comparée, l’Espèce et l'individu. 
Rev. scient., 10 fév. 1883. 

(2) L'ovule est individualisé dès son isolement au milieu des éléments primitivement 
semblables à lui où il se montre dans l'ovaire, dès avant par conséquent de présenter 
les caractères morphologiques qui vont permettre de le distinguer des cellules am- 
biantes de même origine et primitivement de même nature. Voy. Pouchet et Tourneux. 
Préc. d'histologie, p. 758. 


LXXIV CHARLES ROBIN 


miques autrement que par des faits d'observation à la vérité mal 
interprétés. Voyons quelles raisons il a cru pouvoir valablement in- 
voquer. Et pour cela reportons-nous à l’état des connaissances posi- 
lives, au temps de ses premiers travaux, c'est-à-dire vers 1848 et 
1849. T1 faut toujours procéder ainsi pour apprécier la réelle valeur 
d'une doctrine. Or, il est bien certain qu’on n’a eu que tout derniè- 
rement la preuve directe, tangible en quelque sorte, de la segmen- 
tation des cellules composant les tissus des animaux supérieurs, 
l'épithélium des Batraciens, l'axe cérébro-spinal des Mammifères 
(Vignal), etc. Jusque-là, on ne connaissait guère de segmentation 
positive et vérifiable que dans l'œuf de divers animaux, où le vo- 
lume, l'isolement, la transparence des premiers éléments en cours 
de multiplication permettent de voir nettement cette segmenta- 
tion dans ses phases successives. On n’en connaissait aucun 
exemple décisif chez l'adulte. A la vérité, on avait décrit la mul- 
tiplication par scissiparité des globules rouges du sang (voyez 
Kôlliker), mais c'était précisément une erreur et le tort eût été de 
l’'admettre. Il y avait.encore les cellules cartilagineuses dont on 
décrivait aussi la multiplication par le même procédé. Mais c'était 
d'intuition. On constatait dans un milieu solide, résistant, l’exis- 
tence de deux cellules enfermées sous la même capsule cartilagi- 
neuse et on savait pertinemment que quelque temps auparavant les 
cellules étaient à la fois moins nombreuses et au nombre d’une seule 
dans chaque cavité. Mais on ne les voyait pas se diviser. On n’y 
surprenait pas davantage le travail intime du noyau qui nous per- 
met aujourd’hui d'affirmer que les phénomènes se passent là en 
réalité comme on le disait, et comme ils se passent dans les œufs 
où on les avait observés. 

Il y a en effet la plupart du temps une impossibilité matérielle à 
suivre le travail de segmentation dans les êtres vivants d’un cer- 
tain volume, tels que les Vertébrés, dont nous ne pouvons guère 
mettre certaines parties transparentes sous le microscope sans les 
détacher de l’économie ou sans en altérer les rapports, de sorte 
qu'on n’a plus le droit de les considérer comme étant demeurées 
dans leurs conditions naturelles. — C'était donc seulement par 
induction qu'on prétendait que les rares hématies à deux noyaux 
qu'on peut reccontrer, que les fibres-cellules à deux noyaux qu’on 
trouve aussi parfois (sans aucune trace d’étranglement), que les 
deux cellules incluses dans une même cavité cartilagineuse étaient 
autant de preuves que les éléments anatomiques continuent de se 
multiplier au cours de la vie par scissiparité. Robin, sans tenir 
compte — et avec raison — de la présence souvent constatée de 


SA VIE ET SON OŒUVRE. LAXV 


deux noyaux dans le même élément, admet pour les cellules car- 
tilagineuses, qui étaient le seul argument sérieux à invoquer, que 
la seconde cellule est née dans la cavité par genèse, à côté de la 
cellule préexistante, aux dépens d’un blastème fourni, excrété par 
celle-ci. Son hypothèse n’était pas d’ailleurs plus vérifiable que 
l'hypothèse opposée. 

La genèse, ou génération spontanée d’une cellule ne se présente 
pas du tout à notre esprit avec les mêmes difficultés que la genèse 
d'un être relativement supérieur, comme l’est un Infusoire. Dans 
la question des générations spontanées, il est une objection, la meil- 
leure peut-être, qu’on n’a jamais faite à F.-A. Pouchet, c'est que 
les êtres dont il croyait voir s’organiser spontanément le germe, 
avaient, à leur complet développement, une figure, des détails d’or- 
ganisation, des caractères morphologiques en un mot tant internes 
qu'extérieurs parfaitement définis et ne souffrant que de faibles 
écarts. Or, le seul fait d’une constitution intime à la fois aussi com- 
pliquée dans l'individu et aussi uniforme dans l'espèce, ne saurait 
représenter que le résultat d’une fixation héréditaire. Du moins, 
l'esprit scientifique moderne se refuse à concevoir autrement 
l'identité dans la complication offerte par ces animaux: c’est l’in- 
finie probabilité. La même objection, comme Robin l’a très bien 
indiqué (art. Génération du Dict. encycl.), ne se présente plus avec 
autant de force quand il s’agit de corps organisés offrant la figure 
géométrique régulière qui est primitivement celle des cellules, ni 
dans une certaine mesure quand il s’agit de végétaux filamenteux 
très régulièrement cylindriques, sans organes reproducteurs spé- 
ciaux. Dans une cellule librement développée, la forme, par cela 
même qu'elle est purement géométrique, peut être considérée 
comme indépendante de l’hérédité : c’est ordinairement celle d'une 
sphère ou d'un ovoïde, ou d’un fuseau plus ou moins allongé. 
Le noyau au sein du cytoplasme est presque toujours ovoïde; le 
nucléole au sein de la substance nucléaire, ordinairement sphérique. 
Ce sont là en quelque sorte des formes primitives essentiellement 
simples qu'ont redonnées les composés albumino-terreux de 
M. Hering, comparables également à celles que nous avons obte- 
nues avec le sérum du sang de Cheval additionné de sels terreux (1). 
Il est certain que les spicules des Spongiaires ou des Holothuries 
par exemple offrent des caractères morphologiques beaucoup plus 
compliqués que ceux d’une cellule ou d’un noyau. Toutefois, on ne 
manquera pas de faire remarquer que la présence même du noyau 


(1) Voy. Pouchet. Sur quelques particularités offertes par le plasma du sang de 
Cheval. (Journ. de l'Anat., mai-juin 1882.) 


LXX VI CHARLES ROBIN 


au sein du cytoplasme est une condition structurale qui indique 
déjà un degré plus élevé d’organisation ; surtout, on objectera que 
l'élément cellulaire a ce caractère spécial de porter en lui, au moins 
au début, un potentiel se traduisant par la faculté de donner nais- 
sance à une ou plusieurs cellules semblables ou sensiblement sem- 
blables. C'est là, en effet, une distinction capitale, mais Robin ne 
la faisait pas. Il niait précisément ce potentiel ou du moins ne 
l’'admettait que dans des cas très particuliers, ainsi pour le vitellus 
et pour les premières sphères de segmentation. Encore ce qui se 
passe alors, n'est-il pas entièrement assimilable à la multiplication 
que préséntent plus tard les éléments cellulaires différenciés. En 
effet, la segmentation vitelline fournit des éléments décroissant 
progressivement de volume, au lieu de nous donner des éléments 
sensiblement égaux à celui dont ils dérivent, comme cela se verra 
ensuite. 

Les conditions du savoir, depuis l’époque où Robin conçut son 
idée de la genèse, se sont bien modifiées! Le partage du noyau 
dans la segmentation du vitellus et des premières sphères s’accom- 
pagne des phénomènes aujourd'hui connus de la karyokinèse. 
Nous voyons directement la substance du noyau se dédoubler en 
substances ne jouissant pas des mêmes propriétés physico-chi- 
miques et qui affectent dans leur rapports réciproques une dispo- 
sition déterminée. Les différences chimiques qu'elles offrent, nous 
permettent d'immobiliser par des réactions fixatives et colorantes, 
toutes les phases de cette évolution essentiellement passagère et qui 
n'avaient été vues d'abord que dans l’ovule de certaines espèces 
animales, grâce à des conditions spécialement favorables de volume 
et de transparence. C'est là une conquête importante. Nous allons 
donc pouvoir fixer les tissus des animaux supérieurs et rechercher 
maintenant si dans la multitude de leurs cellules nous ne trou- 
verons pas ces figures, indices certains d’un noyau en scissipa- 
rité? Or, l'événement prouve qu’on y surprend presque toujours 
quelque cellule sur le point de se segmenter, et ceci suffit à démon- 
trer la généralité du phénomène. En sorte que les probabilités que 
les faits d'observation mettaient autrefois du côté des idées défen- 
dues par Robin, se retournent aujourd’hui contre lui. 

Il n’ignorait point, d’ailleurs, les conquêtes nouvelles. Lui-mème 
expose d’après les travaux de MM. E. Van Beneden, H. Fol, etc., les 
phénomènes de la division du noyau dans les sphères vitellines. 
[l n’a point eu vraisemblablement l’occasion de les vérifier sur les 
éléments de l’épithélium des Batraciens et de la moelle des Mam- 
mifères, où on les a signalés. Mais il faut bien reconnaître que cer- 


SA VIE ET SON ŒUVRE. LXX VII 


tains points demeurent fort obscurs : ainsi, l'existence, au milieu 
des épithéliums, de ces cellules rameuses, contractiles et souvent 
pigmentées (cellules de Langerhans chez l’homme, chromoblastes 
des Batraciens, etc.}), qu'il nous faut maintenant regarder comme 
homotypiques des cellules très différentes à tous les points de vue 
qui les entourent (1). 

L'origine de ces éléments soulève certainement un des problèmes 
les plus délicats de la théorie cellulaire. A la vérité, on a voulu y 
voir des cellules migratrices échappées des tissus profonds, à tra- 
vers la couche superficielle du derme (très résistante chez les Batra- 
ciens). Mais cette migration n’a jamais été démontrée. Il faut donc 
admettre que les cellules de la couche profonde de l’épithélium en 
état de multiplication continue, fournissent par scissiparité deux 
espèces d'éléments anatomiques, l’un en nombre considérable, 
l'autre très rare et totalement distinct par tous ses caractères. Ou 
bien encore faut-il admettre qu’en quelque lieu (à déterminer) s’est 
faite une pénétration normale des éléments du mésoderme dans 
l’ectoderme, qui ont ensuite proliféré en prenant au milieu des cel- 
lules de celui-ci la place et les rapports fixés par les conditions 
d’hérédité ? 

Dans les idées de Robin, l'apparition de ces éléments serait sim- 
plement un fait de genèse. Elle aurait lieu aux dépens d’un blastème 
ensudé par les cellules épithéliales environnantes. Cette hypothèse 
en valait, en somme, une autre. Et elle ne nous choque qu’en rai- 
son de cette idée, sans doute exacte, infiniment probable, que 
jamais une cellule ne peut naître par genèse, c’est-à-dire par gé- 
nération spontanée au sein des substances liquides ou demi-solides 
à demi-vivantes de l’économie. Il ne faut point oublier que rejeter 
d'une façon absolue la théorie de la genèse de Robin, revient à 
admettre a priori comme démontré l’axiome omnis cellula a cellula, 
qui n’est, en somme, dans son universalité qu'une autre hypothèse. 

Cette théorie de la genèse, Robin l’expose déjà sans lui donner 
d’ailleurs, de nom dès 1848 dans un Mémoire sur le développement 
des spermatozoïdes. Il y revient en 1849 dans le traité Du Microscope : 
« Chaque fois qu’on a pu voir se former l'ovule mâle ou femelle, 
« dit-il, on l’a vu se former de toutes pièces, spontanément, au 
« milieu d’un liquide tenant ou non des cellules en suspension, de 
« la même manière qu’on constate la formation spontanée de toutes 


(1) On peut encore signaler l'apparition des premières cellules vibratiles sur Îles 
épithéliums pavimenteux des voies respiratoires de l'embryon (Voy. Pouchet et Tour- 
neux, Précis d'Histologie, et Laguesse, Recherches sur le développement embryon- 
naire de l'épithélium dans les voies aériennes, thèse, 1885). 


LXXVII CHARLES ROBIN 


« pièces de cellules épithéliales à la surface du derme dénudé. » 
« (Microscope, 2° partie, p. 116). Il ne se sert pas à cette époque du 
terme blasième qui avait déjà cours depuis près de dix ans en 
Allemagne, ou Burdach {1) et surtout Geber (2) s’en étaient servi 
dans le sens que lui-même lui donnera, 

On a vu que Robin avait été de très bonne heure préoccupé d’une 
distinction fondamentale à établir entre les deux règnes animal et 
végétal. Il croit avoir trouvé dans le mode d'apparition des élé- 
ments qui composent les tissus des animaux et des végétaux, un 
argument décisif. D'après lui, seuls les végétaux nous présentent 
conformément aux vues de Schwann la transformation directe des 
cellules en divers autres éléments anatomiques (trachées, vaisseaux 
ponctués, fibres ligneuses, clostres, etc.). Chez les animaux il en 
estautrement : les cellules du feuillet moyen, tout au moins au bout 
d’un certain temps, vont se liquéfier et c’est dans le « blastème » 
résultant de cette liquéfaction que les éléments définitifs, fibres 
musculaires, tubes nerveux, etc., apparaîtront par genèse. Robin 
ne fait d'exception (1848) que pour les produits (épiderme, ongles, 
plumes, dents, cristallin, etc.), qui se développeraient par mé- 
tamorphose directe des cellules embryonnaires. Quant aux tis- 
sus constituants ou essentiels (nerveux, musculaire, cartilagineux, 
etc.), il croit que leurs éléments se substituent à des cellules qui les 
ont précédé et leur ont préparé un blastème convenable. 

Les blastèmes, d’après la nature que leur suppose Robin et le 
rôle qu’il leur fait jouer, seraient des éléments organiques (fluides 
ou demi-fluides) du corps, temporaires et, de plus, d’une infinie 
variété. Ils proviennent soit des plasmas (sang, lymphe), laissant 
suinter certains de leurs principes à travers les parois des capil- 
laires, soit des éléments anatomiques figurés déjà nés et versant 
autour d'eux des principes immédiats propres à la constitution de 
l'élément à venir. Les blastèmes, très distincts les uns des autres 
au point de vue de leur origine, ne le sont pas moins au point de 
vue de leur fin et de leur composition nécessairement en rapportavec 
les éléments anatomiques qui vont naître d’eux. Cependant, ils ne 
diffèrent, en apparence, que par un peu plus ou un peu moins de 
consistance. Sous le microscope, ils se présentent comme des sub- 
stances liquides ou demi-liquides, amorphes, interposées le plus 
souvent en petite quantité aux éléments préexistants et déjà presque 
toujours mélangées d'éléments de génération nouvelle. Enfin, ce 


(1) Physiologie, Paris, 1838, trad. franc., t. IE, p. 371. 
(2) Handbuch der allgemeinen Anatomie, Bern, in 80, 1840, p. 16. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. LYXIX 


sont essentiellement des espèces anatomiques transitoires, en ce 
sens qu'à peine produites elles servent à la génération d’autres 
espèces, d’une organisation plus élevée. On constate à la fois, d'une 
part leur apparition incessante et, de l’autre, leur disparition conti- 
nuelle par suite de la naissance à leurs dépens d'éléments anato- 
miques divers. « Partout où existent des éléments ‘anatomiques 
« végétaux ou animaux en voie de rénovation moléculaire active, 
« nous pouvons, dit Robin, voir sur le fait l'apparition ou géné- 
« ration d’autres éléments anatomiques. Il y a donc genèse ou gé- 
« nération spontanée d'éléments anatomiques dans le corps et 
« pendant la plus grande partie de l'existence. » Robin prend, 
d’ailleurs, bien soin de distinguer cette genèse de l’hétérogénie, qui 
suppose l’apparition de la substance organisée et configurée au sein 
et aux dépens des milieux cosmiques non organisés, non vivants. 
Aussi, tandis qu’il rejette les doctrines de F.-A. Pouchet sur la 
génération spontanée des Infusoires, le voit-on plus tard invoquer 
à l'appui de ses idées, le fait signalé par M. Trécul, de la formation 
spontanée, c’est-à-dire de la genèse d’amylobacters dans le liquide 
intracellulaire de certaines cellules végétales (Trécul, Comptes ren- 
dus, 1861, t. LXI, p. 4392). 

En résumé, Robin reconnaît deux modes d'apparition différents 
des éléments anatomiques : un premier mode dans l’ovule fécondé ; 
un autre dans le corps de l’être déjà formé, à partir des premières 
périodes de l’état fœtal jusqu'à l’état adulte. 

Dans l’ovule fécondé Robin qui ne pouvait suivre, comme nous 
le faisons aujourd’hui, la destinée de la vésicule germinative, admet 
son évanescence complète; et dès lors il est forcément conduit à 
admettre la formation spontanée ou genèse du noyau vitellin, 
suivant à quelques heures d'intervalle la fonte de la vésicule ger- 
minative dans la masse du vitellus. Quant à la segmentation de 
celui-ci, elle ne fournirait rien au delà des cellules embryonnaires. 
À partir du moment où est terminée cette segmentation, par le 
seul fait de l'existence d'éléments anatomiques en voie de rénova- 
tion moléculaire continue, des éléments d'espèce semblable ou dif- 
férente vont apparaître de toutes pièces à l’aide et aux dépens des 
principes immédiats fournis par les premiers. Ces principes s’as- 
socient moléculairement en masses de figure spécifique nouvelle, 
et pour d’autres seulement sous la forme que leur permettent de 
prendre les interstices qu’ils occupent. 

Ce qui se passe là — Robin a bien soin de le faire remarquer — 
n'a rien de commun avec une coagulation. C’est une genèse, la ge- 
nèse dans un être vivant et par la combinaison de principes immé- 


LXXx CHARLES ROBIN 


diats variés, d’un nouvel élément, noyau, cellule, qui dès son appa- 
rition offre une structure et un volume déterminés, différents selon . 
les individus, ayant de prime abord certaines dimensions et pou- 
vant ensuite se développer ou rester tel plus ou moins longtemps, 
à moins qu'il ne s’atrophie et ne soit résorbé. Dès l'instant de son 
apparition la substance de cet élément anatomique est vivante elle- 
même, et participe aux actes de rénovation moléculaire de l'être 
dans lequel elle est née. 

Cette apparition a cela de particulier d’avoir lieu sans lien généa- 
logique substantiel direct entre l'individu élémentaire nouveau et 
ceux préexistants, soit de même espèce, soit d'espèce différente. 
L'élément nouveau n’a besoin de ceux qui le précèdent ou l’en- 
tourent au moment de sa genèse, que comme condition d'existence 
et de production ou d'apport des principes qui s'associent entre 
eux pour le former. Et à son tour il devient, par le fait même de 
son apparition, de son développement et de sa nutrition, la raison 
de la genèse d'éléments anatomiques d'espèce semblable ou diffé- 
rente, et par suite, d'un tissu, d’un organe, etc. 

Il est clair que dans ces conditions la genèse d’une cellule ou de 
tout autre élément est un fait dérivant directement de l’état d'or- 
ganisation et dérivant de lui seul. Pour Robin, l'apparition libre d'un 
élément dans un blastème est le dernier terme de l'analyse histolo- 
gique au delà de laquelle il n’y a plus rien que les actions molécu- 
laires résultant du conflit des principes immédiats constituant la 
substance vivante. Robin crut toucher ainsi la limite des faits mor- 
phologiques, tandis que cette limite, en réalité, se dérobe à nous du 
moment que nous considérons toutes les cellules existant, ayant 
existé et devant exister, comme reliées ontogénétiquement et phy- 
logénétiquement les unes aux autres. 

Toute cette doctrine de la genèse, telle que la concevait Robin, 
ne saurait plus être défendue aujourd'hui, au moins en ce qui 
touche la multiplication cellulaire. Elle demeure cependant l’ex- 
pression fort juste du développement organique, dans le sens le 
plus général de cette dépendance génétique où se trouvent les diffé- 
rentes parties élémentaires du corps, apparaissant toutes en fonc- 
tion de l'existence préalable d’autres parties élementaires. Vers 
la fin Robin avait beaucoup modifié sa théorie sans parvenir cepen- 
dant à la rendre plus acceptable. Telle qu'il l’expose dans l'ar- 
ticle Génération du Dictionnaire encyclopédique (1881) elle diffère 
considérablement des débuts et s'accorde tout au moins en partie 
avec les données nouvelles de la science (1). 


(1) Voy. p.408. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. LXAXI 


Le noyau vitellin dont il reconnaît toujours la première appa- 
rition comme spontanée, le noyau vitellin « né par genèse », pour 
employer ses expressions, donne par scission continue le noyau des 
cellules résultant de la segmentation du vitellus. Le nombre et la 
masse des noyaux, ou en d’autres termes, des parties constituantes 
élémentaires de provenance nucléaire primitive, augmentent done 
considérablement, tandis que le corps cellulaire, partie consti- 
tuante d'origine vitelline directe, disparaît. Ces noyaux passent 
ainsi à l’état de noyaux libres beaucoup plus nombreux que Îles 
cellules dans lesquelles ils s'étaient multipliés, et presqu'aussitôt 
chacun devient le centre de la génération d’un corps cellulaire 
nouveau (abstraction faite des cas où les noyaux libres s’hypertro- 
phiant se segmentent bientôt eux-mêmes). « C'est de la sorte que 
« dans le mésoderme les unités anatomiques figurées, définitives 
« et permanentes (éléments des tissus lamineux, musculaire, élas- 
« tique, etc…..), sans caducité ni mues normales (comme à lépi- 
« derme) succèdent aux cellules transitoires du feuillet moyen. 
« Elles les remplacent non pas nombre pour nombre mais dans 
« des proportions immédiatement bien supérieures, qui sous leurs 
« amas nucléaires (blastèmes des premiers embryologistes) font aus- 
« sitôt disparaître l’état de feuillet primordial uniforme, et appa- 
« raître relativement épais les rudiments des organes définitifs ». 
Suivant ce nouvel exposé, les noyaux se multiplieraient donc par 
scissiparité : les corps cellulaires seuls apparaitraient par genèse 
avec leurs prolongements fibrillaires nerveux, etc... Il semble de 
même que maintenant Robin restreigne les faits de genèse au seul 
feuillet moyen. Nous avons déjà fait observer que l'existence de 
noyaux nus, et par suite la formation d'un corps cellulaire sur un 
noyau nu devaient être considérées dans l’état actuel des connais- 
sances comme une erreur d'observation. Quant aux dépendances 
du corps cellulaire, en choisissant de meilleurs exemples que les 
expansions des cellules nerveuses ou lamineuses, on est bien con- 
traint d'en attribuer l’apparition à un véritable phénomène de ge- 
nèse tel que l’entendait Robin. 

Il nous reste à dire comment se combinaient dans la pensée de 
Robin les phénomènes de genèse avec l'existence d’une sorte de 
segmentation, pour subvenir au renouvellement incessant de l’épi- 
derme et de certaines secrétions glandulaires. D’après lui, l’indivi- 
dualisation des cellules épidermiques résulterait de deux phéno- 
mènes antécédents, de deux conditions antérieures qui la rendent 
possible : d’une part la genèse des noyaux, et d'autre part la genèse 
de la substance destinée à former autour d’eux les corps cellu- 

CHARLES ROBIN. [ 


LXXXI CHARLES ROBIN 


laires. Les noyaux nés par genèse et d’abord très petits gran- 
dissent peu à peu; en même temps se produit entre eux üne cer- 
taine quantité de substance homogène peu ou point granuleuse qui 
écarte ces noyaux. Puis, quand ils se trouvent à une distance les 
uns des autres égale à peu près à leur propre diamètre, la sub- 
stanceinterposée se segmente entre eux. C’est seulement alors qu'il 
peut être question de véritables cellules. Ce serait là, comme on 
voit, un mode tout particulier d’individualisation des éléments cel- 
lulaires, très distinct d’une reproduction. On aurait ici une ma- 
tière organisée née par genèse mais manquant de configuration 
spéciale ou du moins spécifique, qui se segmenterait en autant 
d'éléments anatomiques (dès lors individualisés) doués d’une con- 
figuration, d’une structure et d’une vie propres, qu'il s’est produit 
de segments. 

Évidemment Robin tombe ici dans une grave erreur en ce qui 
touche les noyaux, que nous savons se multiplier par scissiparité ; 
mais il semble avoir très exactement interprété le phénomène de 
segmentation de la matière amorphe. Il avait très bien vu du reste 
qu'une division, qu’une scission du noyau peut avoir lieu à l’état 
normal aussi bien qu à l'état pathologique dans certains éléments 
anatomiques, sans être suivie d’une division de ceux-ci, par 
exemple dans les fibres-cellules. Nous avons indiqué de notre côté 
le même phénomène, se présentant d’ailleurs avec la même rareté 
relative, dans les hématies nuclées; il faudrait y joindre peut-être 
le fait de la présence de deux noyaux dans un grand nombre de 
cellules hépatiques dont le diamètre n'est point augmenté, et qui 
ne paraissent pas conséquemment en cours de segmentation. 

Robin se figurait donc la couche profonde de l'épiderme comme 
formée d'une masse cssentiellement continue, sorte de blastème, 
où les noyaux seraient apparus par genèse, et destinée à se segmen- 
ter autour d'eux. Il se basait pour admettre ceci, sur l’observa- 
tion de certaines productions pathologiques et spécialement des 
Cpithéliomas, dans la profondeur desquels il isolait de vastes 
masses nettement limitées à la façon des cellules, et renfermant 
un nombre plus ou moins grand de noyaux à peu près équidistants. 
Ces éléments géants résultaient pour lui d’'unesegmentation incom- 
plète de la matière amorphe autour des noyaux. Il avait cru obser- 
ver ce mode d'individualisation cellulaire dans l’épithélium des 
culs-de-sac de certaines glandes, en particulier du pancréas, et il 
l'étendait par analogie à la couche de Malpighi (1). Il ne nie pas 


(1) Anat. cell., p. 211. Rappelons qu'il existe de nombreux exemples de masses qu’on 
pourrait considérer comme une sorte de cytoplasme indéfini : ainsi la substance cel- 


SA VIE ET SON ŒUVRE. LXXXIII 


absolument que des cellules y puissent naïître par segmentation, 
puisqu'il ne s’agit pas ici d’un tissu constituant, mais il n’admet 
pas que ce seul processus suffise à la rénovation continue des sur- 
faces cutanées, muqueuses et sécrétantes. Rien de plus évident 
à ses yeux que cette rénovation par genèse des noyaux d'abord, 
et de la matière amorphe en même temps. Le lien génétique qui 
relie tous les noyaux les uns aux autres lui échappe, mais le 
fait de l’individualisation de cellules autour d'eux par une sorte de 
clivage de la matière amorphe, avec ses accidents divers, ne 
saurait être contesté (1). 

Robin au milieu de toutes ces variations sur sa théorie de la 
genèse ne méconnaissait nullement chez les animaux, les autres 
modes de multiplication cellulaire. La production des globules po- 
laires lui offrait le type de la gemmation. Il l'avait spécialement étu- 
diée chez les Nephelis et chez les Tipulaires caliciformes où il admet 
que tout le blastoderme naît ainsi par gemmation de cellules dé- 
pourvues de noyaux à la surface du vitellus. Mais il met la gemma- 
tion et la scissiparité au même rang, n'y voyant que des processus 
en quelque sorte exceptionnels chez les animaux, et limités à peu 
près exclusivement au vitellus et à la matière amorphe des couches 
profondes des tissus dérivés du feuillet externe. Cela le conduit 
à penser que les cellules nées de la sorte n’ont jamais qu’une exis- 
tence temporaire et transitoire par rapport à l'être qu’elles con- 
courent à former. Pour lui, l'état amorphe est en quelque sorte 
le substratum nécessaire au phénomène de segmentation, lequel 
ne se montrerait plus qu’exceptionnellement sur les cellules ; et s’il 
s’y produit, c'est que leur cytoplasme a conservé, de la matière 
amorphe dont il est né, la propriété de se segmenter. Mais ceci 
n'arrive que lorsque la cellule, par certaines circonstances, a dé- 
passé son volume habituel. 

On voit comment Robin suit sa pensée jusqu’en ses conséquences 
extrêmes. L'augmentation de volume de l'élément n’est plus pour 
lui un acheminement vers la segmentation : c’est le résultat de 


lulaire continue de la cornée des poissons (voy. Pouchet et Tourneux, Précis d’Histo- 
logie, p.611) parsemée de noyaux qui ne sont pas même toujours équidistants. 

(1) Nous avons observé et décrit ce mode d’individualisation sur les dernières hé- 
maties en formation dans l'aire vasculaire des Rongeurs (Voy. Soc. de Biologie, 
6 avril et 20 juillet 1878.) Les masses polynucléaires dont il est ici question pourraient 
être comparées à un vitellus méroblastique dans lequel la puissance de segmentation 
n’est pas assez grande pour amener la segmentation totale. Quant à parier de 
sphère d'activité des noyaux, c’est résoudre la question par la question : le fait est 
que nous ne savons encore rien sur la relation, en réalité fort complexe, qui relie Ja 
multiplication nucléaire à l’individualisation cellulaire. 


LXXXIV CHARLES ROBIN 


circonstances fortuites — dans le sens où ce mot peut être pris en 
biologie — et la segmentation n’est à son tour qu’une conséquence 
possible de cet accroissement de volume. 

Nous avons cru devoir insister longuement sur cette erreur 
presque inexplicable d’un anatomiste aussi sagace. Il est difficile 
de comprendre comment, après avoir été victime au début de sa 
carrière d'erreurs d'observation presque fatales à cette époque, 
Robin n’a pas plus tard, comme sur tant d’autres points, réformé 
ses premiers jugements en présence de la multitude des faits nou- 
veaux constatés de toutes parts. 

Robin, donnant une importance presque égale à tous les élé- 
ments figurés, avait été conduit à rejeter la théorie cellulaire dans 
ce qu’elle avait d’universel. Les partisans de celle-ci étaient allés 
à une exagération contraire, ne voyant rien dans l'économie en 
dehors des cellules. Robin se rapproche évidemment de la vérité 
quand il nous montre une foule de parties essentielles, négligées 
jusque-là des anatomistes, comme apparaissant par une sorte de 
genèse. Et s’il se trompe en y comprenant les cellules, n’est-ce pas 
véritablement du nom de genèse que nous devons appeler l'appa- 
rition dans le cytoplasme amorphe, de parties intimes essentielle- 
ment distinctes et vivantes, telles que les fibrilles musculaires? 
Observons les derniers chevrons de la queue des larves de Batra- 
ciens. La cellule embryonnaire contenant encore des granules 
vitellins s’est allongée, ses noyaux se sont multipliés. La plus 
grande portion de son cytoplasme en apparence ne s’est pas encore 
modifiée, et cependant ce cytoplasme est progressivement remplacé 
dans une partie de l'élément par la substance contractile muscu- 
laire, dont les propriétés physico-chimiques et organiques sont 
absolument différentes. N’y a-t-il pas là véritablement genèse de 
cette substance nouvelle, née aux dépens du cytoplasme comme 
d’un blastème et aussi nettement délimitée par rapport à lui que 
l'est le noyau par rapport au corps cellulaire? On pourrait encore 
citer l'apparition des nématocyste dans le cytoplasme d’une cellule 
urticante. Ce sont là évidemment des phénomènes de genèse tels 
que les entendait Robin. Et c’est alors que nous voyons combien 
est peu satisfaisante en définitive la théorie cellulaire, et comment 
nous sommes toujours ramenés en decà des faits de structure, à la 
considération des phénomènes moléculaires qui se passent au sein 
de chaque élément anatomique susceptibles d'imprimer à sa sub- 
stance les caractères fonctionnels et morphologiques les plus nets 
et les plus compliqués. C'est peut-être de ce côté que sont à faire 
les plus importantes études pour un avenir vraiment fécond de la 
biologie. 


SA VIE ET SON OUVRE. LAXXV 


VIII. LES CINQ PROPRIÉTÉS FONDAMENTALES DE LA SUBSTANCE ORGANISÉE 
(SUITE). — LA COURBE VITALE. — LA DIVISION DU TRAVAIL. 


Robin, dans son énumération des cinq propriétés fondamentales 
de Ja substance vivante, place l’évolutilité avant la natalité, consi- 
dérant l'individualisation de la substance organisée en nouveaux 
êtres, comme une conséquence même de son évolution. Nous venons 
d'exposer ses idées sur la natalité. Il désigne sous le nom d’évolu- 
tililé la propriété qu'a toute substance organisée amorphe ou figurée ” 
en voie de rénovation moléculaire, une fois apparue, de se modifier 
sous les divers rapports de son volume, de sa forme, de sa struc- 
ture et de ses autres attributs d'ordre vital, jusqu’à détermination 
de changements tels dans sa constitution que tous ces actes cessent, 
ce qui caractérise la mort. La multiplication et spécialement la 
segmentation cellulaires se rattachent à l'évolutilité, en tant que 
marquant le terme du développement au point de vue de la masse 
et de certains changements de constitution. Ceux-ci, à leur tour, 
provoquent l'activité nouvelle que nous voyons se manifester dans 
le noyau des éléments qui entrent en scissiparité. 

Quant à la mort, elle n’est en aucune façon une conséquence de 
la vie. Leur connexité, il est vrai, est tellement contingente par rap- 
port à nous, que nous unissons fatalement ces deux actes, mais 
Robin montre très bien que de la rénovation continue qui caracté- 
rise la vie, ne découle en réalité que la possibilité de croître et de 
décroître. C’est cette décroissance dans l’état d'organisation qui, 
venant à rompre l'équilibre entre l’être organisé et le milieu, rend 
celui-là inapte à subsister plus longtemps. Mais aucune contradic- 
tion n'empêche de concevoir l'existence d’un être comme une alter- 
native indéfinie d’assimilations et de désassimilations. Nous con- 
naissons des espèces chez lesquelles le plus grand âge n’apporte 
dans la constitution de leurs tissus aucun signe de caducité appré- 
ciable par le microscope ni par aucun des autres moyens dont nous 
disposons : ces êtres nous apparaissent dès lors comme pouvant 
vivre et croître indéfiniment (1). 

À la vérité, Robin n’admet pas que la vie puisse ainsi se perpé- 
tuer, et que la mort puisse n'être qu’un phénomène accidentel. 
Rien ne prouve cependant qu’il n’en soit pas ainsi dans certains 
cas et nous n'avons contre la conception d’un être vivant indéfini- 


(1) Il convient sans doute d'ajouter, au moins en ce qui concerne les animaux, que 
cette croissance est en raison inverse d’une fonction déterminée du temps. 


LXXXVI CHARLES ROBIN 


ment, que des objections d'ordre rationnel et métaphysique. On 
pourrait même ajouter que la reproduction n’est en définitive que 
l'expression naturelle de cette permanence possible de la substance 
organisée (1). 

En tout cas, il faut reconnaitre que la théorie générale de la mort 
est encore à formuler ou du moins très peu avancée, qu'il s'agisse 
de l’être total ou de chacun des éléments qui le composent. Robin 
insiste sur ce point que la mort des éléments anatomiques est 
graduelle, survenant par une succession de mouvements infiniment 
. petits. Ceci est vrai aussi bien pour les tissus et les éléments 
destinés à une élimination normale (cellules épidermiques, tissus 
maternels entraînés avec l'embryon) que pour ceux qui sont frap- 
pés de mort en raison d’une lésion pathologique. Tantôt l’altéra- 
tion survenue affecte à la fois toute l'étendue de l'élément et le 
conduit rapidement à la liquéfaction totale, tantôt elle se manifeste 
en quelque sorte de proche en proche et aboutit à une diminution 
d'étendue, à une atrophie, jusqu’à disparition complète de l’élé- 
ment laissant sa place à un autre ou à d’autres, comme nous le 
voyons pour les hématies sans cesse renouvelées dans le sang. 

Dans l’idée que nous nous faisons des substances amorphes de 
l’économie, comme dépendantes des éléments cellulaires, ilest clair 
que leurs phénomènes d’évolutilité seront, essentiellement contin- 
gents : dans les vues de Robin au contraire ces phénomènes sont 
primitifs. Aussi, à l’état normal, le seul phénomène évolutif que 
présentent les substances amorphes est-il selon lui une augmen- 
tation de quantité. 

Robin, qui n’admet aucune métamorphose d'éléments quel- 
conques, reconnaît toutefois (2) que certains d’entre eux peuvent 
être le siège de changements de forme, mais il insiste peu sur un 
point assurément délicat pour sa doctrine. Il établit, au contraire, 
avec une grande autorité, comment la cellule se remplira de sub- 
stances telles que des huiles, des essences insolubles dans le cyto- 
plasme. Il montre combien ces changements de forme ou d'état 
intérieur sont dignes au plus haut point, bien que trop souvent 
négligés, de fixer l'attention de l’anatomiste. N'est-ce pas là en efiet 
l'histoire même de l'élément? L'élément cellulaire en particulier 
n'est-il pas un véritable individu dont l’évolution, jusque dans ses 
écarts (3), reste comparable à celle de l'individu animal ou végétal? 


(1) Anat. cell., p. 468. 

(2) Anat. cell., p. 448. 

(3) C'est ainsi qu'on observe exceptionnellement des cellules géantes de diverses 
espèces ou naines, comme il y a des animaux géants ou nains. Il est bien entendu que 


SA VIE ET SON OUVRE, LXXXVII 


« On ne peut posséder une notion exacte de la constitution d’un 
« élément, ditavecraison Robin, que lorsqu’on l’a observé à toutes 
« les phases de son évolution, ou au moins aux phases principales; 
« ilest impossible, en un mot, de connaître une cellule si l’on n’a 
« suivi qu'une seule des périodes de son existence, füt-ce celle qui 
« dure le plus et dite de l'état adulte. » 


= 


= 


Cette existence cellulaire est, comme celle de tout indidu vivant, 
marquée par une série de phénomènes évolutifs qui se succèdent 
sans discontinuité. Elle peut être dès lors imaginativement figurée 
par une courbe ininterrompue, comme on représente un mouve- 
ment. La durée de l’état adulte ou parfait y sera indiquée par la 
portion culminante, au delà de laquelle la courbe, en redescendant, 
accusera la manifestation des phases séniles. La variété de ces 
courbes ne sera pas moindre pour les espèces d'éléments anato- 
miques, que pour des espèces animales ou végétales. 

On n'oubliera pas qu'il s’agit ici d'une conception toute subjec- 
tive, reposant sur la notion que nous avons des conditions mor- 
phologiques ou statiques successives constatées chez un individu 
vivant. Ces courbes seront donc l'expression tantôt exacte, tantôt 
approximative d'états que nous pouvons concevoir ou reconnaître 
directement aux différents moments de la durée. C’est, en somme, 
un procédé expressif de faits dont l'intimité nous échappe. Aussi 
l'embarras pourra-t-1l parfois devenir très grand de savoir ce qu’il 
convient d'appeler régression de l'élément, par exemple dans le cas 
des cellules adipeuses, sébacées, etc. Pour Robin, la cellule sébacée 
qui met en liberté un produit par rupture, tandis qu’elle-même est 
rejetée comme résidu, représente jusqu’à la fin une progression 
physiologique et ne saurait d’aucune façon être considérée à aucun 
moment comme entrée en régression (1). De même, le passage des 
cellules à l'état granuleux, bien étudié par Reinhardt (2), ne serait 
comme celui des cellules des glandes sébacées, qu’une progression 
évolutive, seulement ici sénile ou pathologique, et nullement une 
régression (3). 

Mais ce sont là des difficultés de détail qui n’ôtent rien à la valeur 


nous employons ici cette désignation de «géantes, » comme un simple qualificatif (voy. 
ci-dessus, p. xxv). D'autre part on devra se garder de l'appliquer à des cellules dont 
l'extrême croissance ne représente pas un éfat, mais seulement un processus devant 
aboutir à la segmentation. 

(1) Anat. cell., p. 271. 

(2) Ueber die Entstehung der Kürnchenzellen (Arch. für paih. Anat ). 

(3) Anat. cell., p. 594. 


LXXXWVTII CHARLES ROBIN 5 


de la conception elle-même et de ses avantages. Et tout d'abord 
ces courbes envisagées dans leur ensemble vont nous fixer sur un 
point d'Anatomie générale de la plus haute importance. On verra 
que la partie descendante n’est jamais exactement superposable à la 
portion ascendante, ou, en d'autres termes, que les phases séniles 
de l’évolution ne ramènent jamais un élément à ce qu'il a été aupa- 
ravant, à un état semblable à celui qu'il a offert durant son accrois- 
sement embryonnaire et fœtal. C'est là, d’ailleurs, une considéra- 
tion dont la fatalité s'impose. Et il suffit de réfléchir un instant aux 
conditions générales de la vie pour ne point tomber dans un tel non- 
sens. 

Pour l’élément anatomique comme pour l'animal lui-même, la 
courbe de vie, indépendamment de son allure générale, pourra pré- 
senter des points singuliers correspondant à des aberrations plus 
ou moins momentanées, à des périodes de déclin ou de relèvement 
passagers (par maladie, empoisonnement, etc.). Mais ici encore, 
la difficulté peut devenir très grande pour apprécier comment cer- 
taines modifications survenues doivent être interprétées. C’est 
qu’en effet cette courbe de vie a en quelque sorte une double 
expression, ou plutôt elle est la résultante de deux courbes diffé- 
rentes, selon que l'individu (animal ou cellule) sera envisagé au 
point de vue morphologique ou au point de vue de sa constitution 
moléculaire. Pour l'individu animal, le premier est le plus impor- 
tant, et en réalité, celui qui dessine la courbe à nos yeux. Pour 
l'élément, c’est le contraire : la morphologie a bien son importance 
et imprime à certaines espèces une caractéristique essentiellement 
propre : ainsi on peut signaler les cellules de l'épiderme depuis le 
moment de leur individualisation, jusqu’au moment où après avoir 
changé de forme, de dimension, de rapports dans leurs diamètres, 
elles sont éliminées à la surface de l’épiderme; il est même à noter 
que ces éléments, dans leur rapide évolution, ne présentent pour 
ainsi dire point de période d'état. Mais en général la courbe impor- 
tante pour les éléments anatomiques serait bien plutôt celle figu- 
rative des modifications de leur constitution moléculaire intime. 
Dans le cas des cellules épidermiques les deux courbes peuvent 
être regardées comme sensiblement superposables, les modifica- 
tions morphologiques allant sensiblement de pair avec les modi- 
fications moléculaires; toutefois il n’en est pas toujours ainsi, 
quand par exemple une substance toxique, d'action lente, modifie 
profondément l’état moléculaire et la fonction d'un élément, sans 
en altérer les caractères morphologiques. 

Il faudrait même dans certains cas, pour plus d’exactitude, con- 


SA VIE ET SON OUVRE. LXXXIX 


cevoir la courbe de vie de la cellule comme double, l'une pour le 
corps cellulaire et l'autre pour le noyau, chacune étant elle-même 
double dans le sens que nous venons d’indiquer. On pourrait 
citer les hématies des Vertébrés ovipares, où le noyau après avoir 
suivi sensiblement les mêmes phases d'accroissement que le corps 
cellulaire termine son rôle presque au moment où celui-ci entre 
dans sa période d’état, précédant sa régression finale. 

Robin n’admettait à aucun degré la phylogénie cellulaire; la 
courbe de chaque espèce d’élément aura donc pour lui un point 
de départ spécial. Pour nous au contraire deux espèces ou plus de 
cellules auront dans certains cas un point de départ commun, les 
courbes ne devenant distinctes que plus tard. C'est ainsi que Îles 
ostéoblastes deviennent médulocelles et myéloplaxes (1). Mais à 
partir du point de divergence, les courbes resteront toujours 
distinctes, on ne les verra jamais redevenir superposables. 
Jamais non plus — et ici Robin est essentiellement catégorique 
— on ne verra tératologiquement, pathologiquement et encore 
moins selon le besoin fonctionnel des parties, les cellules du tissu 
cellulaire se métamorphoser en cellules épithéliales, en leucocytes 
et vice versa, pas plus que des cellules des feuillets blastoder- 
miques externe et interne on ne fera sortir indifféremment soit 
des faisceaux musculaires, soit des fibres élastiques. Jamais, pas 
plus chez les éléments anatomiques que chez les animaux, une 
modification tératologique ou morbide ne rendra un individu 
donné semblable à quelqu’individu que ce soit d’une autre espèce. 
Les écarts peuvent aboutir à la stérilité fonctionnelle (la mort de 
l'individu) ou génésique (la mort de l’espèce), ils ne conduiront ja- 
mais, quelque énormes que soient parfois les changements surve- 
nus, à la transformation d’une espèce en une autre, pas plus dans 
les variétés d'animaux domestiques que dans certains éléments 
prodigieusement transformés que connaît la pathologie. 

Robin revient à maintes reprises sur ce sujet et toujours avec 
une égale énergie. D’après lui, il n’y a, il ne peut y avoir transmu- 
tation directe d’une espèce cellulaire en une autre (pas plus que 
d'un animal en une autre espèce, malgré les plus grands change- 
ments de milieu). Le caractère de l’individualité est précisément 
cette résistance morphologique que rien d'après ce que nous savons 
ne peut vaincre. Ceux qui ont soutenu la doctrine contraire ont trop 
oublié l’importance et le nombre des phénomènes dont ils avaient 


(1) Voir pour de nombreux exemples : Pouchet et Tourneux. Précis d'histologie et 
d’histogénie. | 


XC CHARLES ROBIN 


w 
à démontrer la réalité pour prouver que sous ce rapport l'individu 
cellule s’écarterait de l'individu animal ou végétal. 


Dans le même ordre d'idées Robin s'élève contre une erreur pro- 
pagée par certains anatomistes et contre laquelle on ne saurait 
trop se tenir en garde. Les éléments anatomiques des animaux in- 
férieurs ne reproduisent en aucune façon les caractères des élé- 
ments similaires chez l'embryon des animaux supérieurs. L'état 
d'une fibre musculaire chez les Mollusques ou les Annélides n’est 
point assimilable à l'état jeune d’une fibre musculaire de Ver- 
tébré. Les diverses variétés d'éléments cellulaires de la Lamproie, 
dernier terme actuellement connu de la série des Vertébrés (sans 
aller chercher celui-ci chez l'Amphioxus, les Tuniciers ou les Anné- 
lides), n'ont aucune similitude particulière avec ceux de l'embryon 
humain. Par suite, jamais l'étude d’un élément faite sur les ani- 
maux inférieurs ne peut complètement remplacer l’examen em- 
bryogénique de ce même élément chez l’homme ou tout autre 
Mammifère. 

C'est là un point qui n’a peut-être pas fixé suffisamment l’atten- 
tion des biologistes. Non seulement il nous est impossible d'étudier 
scientifiquement et positivement la descendance entre les espèces 
animales — descendance que nous admettons par une hypothèse 
toute philosophique; — mais il est à remarquer qu'on n'a jamais 
tenu aucun compte, dans les agencements philogéniques propo- 
sés, de tout un groupe de caractères morphologiques profonds, 
tels que les dimensions absolues des éléments anatomiques. Il ne 
suffit point de nous expliquer comment une Annélide pourra donner 
par certaines transformations un Arthropode. Encore serait-il bon 
de nous montrer comment, au cours de cette évolution, les cellules 
vibratiles vont disparaître, les fibres musculaires striées apparaître, 
sans parler des différences si profondes et tout à fait primordiales 
du développement embryonnaire. Il serait bon de nous dire en- 
core à quel ordre d’influences modificatrices peut correspondre par 
exemple le volume considérable des éléments anatomiques des 
Amphibiens et des Sélaciens, comparé à celui des Poissons té- 
léostéens, ou la forme ovoide des hématies chez les Mammi- 
fères originaires des hauts plateaux de l'Ancien et du Nouveau 
Continent. 

Ce sont là des faits anatomiques structuraux qui ont évidemment 
beaucoup plus d'importance — attestée par leur généralité même, 
— que les modifications de contour, l'allongement ou le raccour- 
cissement d'un membre, ou les écarts dans la disposition réciproque 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XCI 


des os du crâne. Et cependant les partisans les plus décidés des 
théories évolutionnistes les ont toujours laissés comme à dessein 
de côté. 


Les deux dernières propriétés fondamentales de la substance 
vivante, la contractililé et la névrilité, n'ont pas attiré d'une façon 
particulière l'attention de Robin. Nous ne nous y arrêterons donc 
pas. Rappelons seulement à ce propos qu’il s’est toujours montré 
assez défiant à l'égard de la conception de la division du travail 
physiologique (1) mise en avant par Milne Edwards. Ce dernier 
envisage seulement le cas où la même fonction accomplie ici par 
un organisme relativement simple, l’est ailleurs par un appareil 
plus compliqué répartissant entre divers organes le total d'activité 
que déployait l'organisme plus rudimentaire. Dans ce cas, il y a 
évidemment progrès : c’est la machine à vapeur actuelle avec ses 
organes considérablement variés et différenciés remplaçant l'an- 
cienne pompe à feu toute simple, pour faire le même travail. 
Mais on n’oubliera pas qu'il existe un autre mode de division du 
travail physiologique, tout différent, résultant de la multiplication 
d'organes similaires : ainsi, les pattes chez les [ules au nombre de 
deux paires par anneau, les yeux à facettes des Arthropodes, etc. 
La division du travail physiologique est donc, comme la doctrine 
évolutionniste, une conception exigeant la disposition sériale préa- 
lable des phénomènes que l’on envisage, dans un ordre en rapport 
avec les conséquences qu'on en veut tirer. Troublez cet ordre tout 
subjectif, et le système succombe : la division du travail « marche » 
est évidemment beaucoup plus grande chez la Scolopendre que 
chez l'Insecte hexapode: dira-t-on celui-ci moins bien partagé? Le 
Diptère, dont le vol est si ferme, est-il moins bien partagé au point 
de vue du travail « vol » que la plupart des insectes à quatre ailes 
où la division du même travail est plus grande ? 


IX. — TRAVAUX DE PATHOLOGIE. — M. VircHOW. — LE CANCER (2). 


Nul plus que Robin n’a insisté sur l’étroite relation qui unit la 
pathologie à l’état normal. Nul n’a proclamé plus haut que la lésion 
organique et par suite fonctionnelle, ne saurait être comprise tant 
que l’on reste en dehors de la considération des qualités de la 


(1) Voy. Anat. cell., p. 300. 

(2) Pour la rédaction de ce chapitre nous avons fait de larges emprunts à un travail 
que prépare M. le Dr Herrmann, professeur à la faculté de Lille, sur la place et l'in- 
fluence des idées de Robin en anatomie pathologique. 


XCII CHARLES ROBIN 


substance organisée et de ses modes d'activité à l'état normal. 
L'intérêt pratique de l'étude des tissus et des éléments vivants 
est même dans ce fait seul, que seule elle permettra de distinguer, 
dans les cas pathologiques, la production d'éléments nouveaux ou 
différents de ce qu'ils sont à l’état normal. Et combien de fois le 
professeur dans ses cours, dans son laboratoire est revenu avec 
une ironie presque cruelle, sur tous ces anatomo-pathologistes im- 
provisés qui ne savent pas le premier mot d'histologie normale. 
Quelle quantité d'articles et de mémoires, quelle somme énorme 
d’imprimés sans importance et sans valeur a été publiée ainsi, dans 
une tendance qui est le renversement manifeste des choses! Com- 
bien de débutants s’attachent à l’étude des tumeurs, qui ne sau- 
raient pas reconnaître l’état normal du tissu dont ils décrivent 
avec une assurance impertubable les altérations! 

Et même cette étude comparative dont on tient pourtant si peu 
compte, ne saurait être restreinte à l’état adulte; il faut connaître 
toute l’évolution de l'élément, les changements qu'il offre lors de 
son apparition ou dans le cours de son développement, pour bien 
juger des rapprochements à établir entre des états qui semblent 
anormaux et l’état normal. Ainsi, un tissu pathologique pourra 
résulter d'une production abondante d'éléments qui, au lieu de 
suivre les phases qu'on est habitué à les voir parcourir, persisteront 
un temps plus ou moins long dans l’état où ils se montrent au début 
dans tel ou tel organe. Ce sera donc bien le même élément, mais 
méconnaissable pour ceux qui n’auront pas présentes à l'esprit 
toutes les phases de son évolution normale. De même l'étude du 
développement de chaque espèce d’élément anatomique et de tissu, 
en montrant les limites entre lesquelles ils varient depuis le mo- 
ment de leur apparition jusqu’à celui où ils atteignent l’état sénile, 
permettra seule de déterminer rigoureusement où commence le 
phénomène anormal, l’état pathologique. | 

Le mieux, pour apprécier les services considérables rendus par 
Robin à la pathologie, est de jeter d’abord un coup d’œil sur l’état 
des sciences médicales à l'époque de ses premiers travaux. La 
médecine était alors en pleine transformation. Sous l'influence 
de Bichat l’anatomie pathologique cultivée avec ardeur avait sub- 
stitué aux anciennes entités morbides, la notion des altérations or- 
ganiques. On put penser un moment qu’on tenait à la pointe du 
scalpel cette cause cachée des phénomènes morbides qui avait 
donné lieu dans le passé à tant d’hypothèses contradictoires. 
Mais les médecins anatomistes ne tardèrent pas à être profondé- 
ment divisés lorsqu'il fallut mesurer la portée à attribuer aux 
données nouvelles. Deux courants d’opinion se firent jour et 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XCIIL 


aboutirent à la formation de deux écoles adverses. L'une person- 
nifiée par Laennec, voulant maintenir l'autonomie de la médecine, 
laborieuse et analytique jusqu’à l’empirisme, l’autre spéculative, 
à vues larges, mais entraînée bientôt à tous les excès d’un sys- 
tème outré, et dont le chef fut Broussais. Au fond chacun sentait, 
dans l'École de Paris convertie à l’anatomisme, que ce n’est pas tout 
de connaître les altérations matérielles des organes, et que ceux- 
ci ne montrent rien de plus, en somme, que les ravages matériels 
causés par le mal: on éprouva le besoin de remonter plus loin, de 
rechercher la cause de ces altérations, le mécanisme de leur pro- 
duction. C’est l’époque ou Lobstein demande une anatomie pa- 
thologique vérifiée par la pathogénie. 

Cependant, malgré les travaux de Bayle, Dupuytren, Bouillaud, 
Andral, Louis, Lobstein, Rayer, Cruveilher, la France s'était laissée 
devancer par les savants d’outre-Rhin. L'Allemagne avait été long- 
temps réfractaire aux idées nouvelles. Elle n’était sortie du vitalisme 
que pour tomber dans les vues spéculatives des philosophes de la 
Nature. A la vérité Schœnlein empruntant aux doctrines de Schel- 
ling seulement ce qu’elles avaient de véritablement scientifique, 
s'efforce dans ses cliniques d'imposer la méthode expérimentale 
et favorise le premier les applications de la microscopie et de la 
chimie organique à la pathologie. C'est aussi l’époque où Johannes 
Müller enseignait. [Il convient de rappeler ici que le premier, en 1838, 
J. Müller découvre que les cellules fibro-plastiques, les corps caudés 
comme il les appelle, se retrouvent dans un grand nombre de tu- 
meurs, et sont d'autre part absolument semblables aux mêmes élé- 
ments entrant dans la composition du derme de l’embryon. Il re- 
jette la division des tissus en homologues et héterologues, mais 
poussant à l'excès, il déclare que le cancer a la même constitution 
que les tumeurs les plus bénignes (1). 


(1) Voici ce passage important : « Suivant les observations de Schwann, la peau du 
« fœtus se compose régulièrement rien que de corpuscules caudés se terminant en 
« longues fibres. Ainsi se forment les fibres de la peau et Schwann a trouvé les mêmes 
« corpuscules dans les tissus cellulaires et dans bien d’autres endroits. De là il ressort 
« clairement pourquoi de pareils corpuscules se rencontrent aussi bien dans des tumeurs 
« bénignes que dans des tumeurs malignes. Ce sont des formations embryonnaires 
( comme les cellules germinatives, et les formations embryonnaires se répètent dansles 
« tumeurs de la façon la plus remarquable. Il suit de là qu’il n’est pas possible d’éta- 
( blir une division des tissus pathologiques en homologues et hétérologues. Cette clas- 
« sification est basée sur des suppositions aveuglément osées, sans aucune connaissance 
« de la structure des tumeurs. La structure des tumeurs les plus bénignes n’est abso- 
« lument pas distincte de celle du cancer sous le rapport des éléments les plus fins et de 
(C la genèse. » (J. Müller, Ueber den feineren Bau und die Formen der krankhaften 
Geschwülste, Berlin, 1838.) 


XCIV CHARLES ROBIN 


Pendant que l'Allemagne prenait ainsi la tête du mouvement 
scientifique, les médecins français qui avaient poussé si loin l’in- 
vestigation anatomo-pathologique, Laennec en tête (1), répudiaient 
l'usage du microscope. On comprend les doléances de Donné, qui 
seul avait tenté d'introduire chez nous le goût des recherches mi- 
croscopiques, et qui les voyait ainsi condamnées par les chefs de 
l'École. Nous avons dit plus haut que De Blainville n’était rien 
moins que micrographe. 

C’est en 1842 que l’histologie pathologique fut importée à Paris 
par H. Lebert, élève de Schænlein et de Johannes Müller. Lebert 
après avoir pris ses grades à Zurich était venu en France pour y 
compléter son instruction clinique. Nous l’avons vu accompagner 
Robin à Jersey pour y recueillir des matériaux et des pièces destinés 
au musée Orfila. Il ne tarda pas à se faire connaître à Paris par des 
travaux remarquables en anatomie pathologique (Physiologie patho- 
logique, 1845. Traité des maladies scrofuleuses et tuberculeuses, 1849 ; 
Traité des maladies cancéreuses, 1851; et surtout Traité d'anatomie 
pathologique générale et spéciale, 1855-1861). 

Cependant l'histologie pathologique semble au début se gref- 
fer sur l’anatomie pathologique macroscopique, dont elle adopte 
les errements. Les idées de Laennec étaient restées maitresses du 
terrain après l'effondrement des idées de Broussais. Les premiers 
observateurs qui s’adonnent à l'étude microscopique des tissus, 
négligent l’état normal, n’envisagent que des productions patho- 
logiques. Tous leurs efforts tendent à consacrer à l’aide du micros- 
cope la division des tissus morbides en homologues et hétérologues 
telle que l'avait établie Laennec. Ne semblait-il pas naturel que 
les tissus que celui-ci avait démontré n'avoir point d’analogues 
dans l’économie, fussent composés d'éléments nouveaux qu'on n’y 
trouve point à l'état normal? Lebert était d’ailleurs en partie 
rattaché à ces vues. Avec une patience et une ingéniosité re- 
marquables il développe dans ses écrits la doctrine des éléments 


(1) 1 suffit de citer ce passage : « Nous pourrions remarquer ici que la structure 
« intime de tous les organes est à peu près aussi insaisissable pour nos yeux et pour 
« nos instruments d'investigation que celle du poumon, et que par conséquent rien 
« n’est certain en anatomie pathologique, au delà des lésions tranchées qui tombent 
« d’abord sous les sens. Si l’on s’écarte de ces règles, si l’on cherche les causes de 
« maladies graves dans des altérations microscopiques des organes, il est impossible de 
« ne pas tomber dans des conséquences absurdes; et l'anatomie pathologique ainsi que 
« celle de l’homme sain cultivées de cette manière perdraient bientôt le rang qu’elles 
« vccupent parmi les sciences physiques, pour se changer en un vaste champ d’hypo- 
« thèses fondées sur des illusions d'optique et des spéculations sans aucune utilité réelle 
(Q pour la médecine (Laennec, Traité de l'auscultation médiate, 1837, t. 1, p. 331.» 


mn 2 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XCV 


spécifiques; et pourtant lui-même avait établi (1) la nature glan- 
dulaire hypertrophique de beaucoup de tumeurs mammaires et 
autres ; établi également la nature épithéliale des tuméurs dites 
« cancers cutanés et des muqueuses à épithélium pavimenteux » 
(cancroïdes). Mais il n'avait point vu que des productions tout 
à fait analogues peuvent dériver des épithéliums des glandes, 
du testicule, du rein, et sont par conséquent des tumeurs de même 
ordre que les autres, avec cette seule différence qu’elles pro- 
viennent des épithéliums profonds et non tégumentaires, circon- 
stance qui à son tour va provoquer ou tout au moins expliquer des 
différences notables dans la structure des cellules, des noyaux, dans 
la rapidité de la marche de la maladie, etc. Lebert méconnaît com- 
plètement la véritable nature de ces cellules, il croit avec Han- 
nover (1843) à la spécificité du noyau de la cellule dite cancéreuse; 
de même il regarde comme éléments nouveaux ceux du pus, du 
tubercule, etc. En un mot il adopte pour les éléments pathologiques 
la double désignation d'homæomorphes (hypertrophies musculaires, 
glandulaires, etc., production sépidermiques cornées, etc.) et d’hé- 
téromorphes. 

À la vérité cette doctrine, dérivée des idées de Laennec, avait 
déjà trouvé des contradicteurs. Bennet en Angleterre (2), Bruch 
en Allemagne (3) en démontrent la fausseté. Ils établissent que les 
cellules dites cancéreuses sont simplement des cellules de nature 
épithéliale plus ou moins modifiées, mais conservant cependant les 
caractères généraux du groupe auquel appartiennent ces éléments. 

Robin au début subit l'influence de Lebert dont les vues concor- 
daient si bien avec celles de Laennec et des anatomo-pathologistes 
français. C’est dans ce sens que sont conçues ses premières publi- 
cations. Mais bientôt il rejette une doctrine contraire aux faits 
qu’il observe, et ce n’est pas sans intérêt qu’on voit comment il s’en 
affranchit progressivement. Ses doutes se manifestent d’abord 
lorsqu'il parle de la composition chimique des productions hété- 
romorphes. « Il est très probable, dit-il, que l’hétéromorphie, c’est- 
« à-dire la production de parties constituantes élémentaires du 
« corps différentes de celles qu’on trouve à l’état normal (cancers, 
« tubercules), ne commence pas encore aux principes immédiats, 
« mais seulement aux éléments anatomiques. Il est très probable 
« que les substances organiques composantles produits hétéromor- 
« phes sont les mêmes que celles des productions morbides ho- 


(1) Physiologie pathologique. Paris, 1845. 
(2) On Cancerous and Cancroid Growths. Edinburg, 1849. 
(3) Die Diagnosis der bæsartigen Geschwülste. Mainz, 1817. 


XCVI CHARLES ROBIN 


« mœomorphes et des tissus normaux, mais autrementcombinées 
« quant aux proportions. Peut-être cependant par des procédés 
« plus délicats trouvera-t-on que ce sont des substances diffé- 
« rentes de la fibrine, albumine, etc...» (Chimie anat., t. I, p. 269; 
1851-1852.) 

Analysant ensuite, avec cette rigueur d'observation qui carac- 
térise toutes ses recherches personnelles, les tumeurs qui lui étaient 
soumises par les chirurgiens des hôpitaux, il arrive à séparer suc- 
cessivement du groupe hétérogène des cancers, une série de produc- 
tions dont il détermine exactement la nature histologique. Tels sont 
notamment certains épithéliomas glandulaires (hétéradénomes), 
les gliomes de la rétine (1) ou tumeurs à myélocytes, les tumeurs à 
myéloplaxes, fibro-plastiques, etc. Dans une note sur les altérations 
du placenta (Arch. gén. de médecine, 1854, p.705), il admet encore 
l'existence de certains produits morbides « formés principalement 
« ou entièrement d'éléments dont on ne rencontre aucune trace 
« dans l’organisme à l’état normal, tels que les corpuscules du tu- 
« bercule, les noyaux et cellules du cancer. » Mais déjà 1l constate 
que « les produits accidentels qui proviennent de l’hypergénèse de 
« certains éléments normaux, sont bien plus nombreux que les pro- 
« duits hétéromorphes », il proclame « la nécessité de connaître 
« les phases d'évolution des éléments anatomiques chez l'embryon 
« et à l’âge adulte, pour arriver à une saine interprétation des lésions 
« et des phénomènes morbides ». | 

À mesure que ses observations se multiplient la signification de 
tous ces faits isolés se dessine plus nettement à son esprit. En 1855 
(Acad. Sc., 22 août) il montre que les tumeurs de la mamelle dites 
cancéreuses, offrent une texture spéciale; que ce fait s’observe éga- 
lement dans les tumeurs des région parotidienne, sous-maxillaire, 
labiale et épididymaire, qui ont reçu le même nom; la texture des 
tumeurs diffère donc d’une région du corps à l’autre, etc. L'année 
suivante (Mémoire sur le tissu hetéradénique, Gazette hebd., 1856) il 
fonde la théorie épithéliale du cancer, qu'il indique aussi deux 
ans plus tard dans le Dictionnaire de Nysten, rejetant absolument 
l’existence d'éléments anatomiques hétéromorphes. | 

En même temps il fait ressortir dans un mémoire sur les tumeurs 
de l’épididyme, les analogies qui existent entre le développement 
des productions pathologiques et celui des tissus normaux chez 
l'embryon : « outre les tumeurs offrant le type d'aspect extérieur 
« et de texture de certains tissus de l'adulte, il en est dont l'aspect 


(1) Voy. ci-desus p. xXXv. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XCVII 


« extérieur et la structure sont, à s’y méprendre, les mêmes que 
« ceux des tissus de l'embryon. Ce fait n’a pu être reconnu qu'après 
« une étude suffisante et des tissus tels qu’ils sont chez l'adulte et 
« des tissus tels qu'ils sont chez l'embryon comparés entre eux et 
« aux produits morbides... C’est manifestement faute d’un examen 
« assez complet des tissus normaux adultes et embryonnaires, que 
« la nature de ces productions a d’abord été méconnue par d’autres 
« comme par moi-même, après l'examen à l'aide du microscope. 
« Cela seul suffit dès à présent pour faire comprendre qu’on ne peut 
« bien interpréter la composition anatomique et la texture des tu- 
« meurs si on ne connaît et ne peut leur comparer les caractères de 
« même ordre que présentent les tissus normaux adultes et em- 
« bryonnaires.» (Soc. biol., 1856.) 

On a vu plus haut (1) les mêmes idées formulées, mais avec beau- 
coup moins de netteté, par Johannes Müller dès 1838, à propos 
des corps caudés : il suffit de rapprocher les deux passages pour 
voir quels progrès notables à faits chez Robin cette assimilation 
des tissus normaux aux tissus embryonnaires, et avec quelle rigou- 
reuse logique il arrive peu à peu à appliquer en pathologie les ten- 
dances philosophiques qui déjà l’ont guidé dans ses études de chi- 
mie et d'histoire naturelle. Il répudie complètement la théorie de 
Lebert sur les éléments spécifiques et proclame le principe de la 
subordination de l'anatomie pathologique à l’anatomie et à l’em- 
bryogénie normales. 

« Les maladies, à dit Robin, ne sont que des fonctions trou- 
blées (2). » Mais ce trouble physiologique, nous savons aussi où 
en rechercher l'origine, où en poursuivre les causes : c’est dans 
l’état d'organisation des éléments affectés, car c'est lui qui est trou- 
blé originellement. Dès lors le mal pourra siéger dans cet au delà 
du visible, sur lequel le microscope pas plus que l’œil ne peuvent 
nous renseigner. Comme Laennec , Robin reconnaît qu'il peut y 
avoir une multitude d’altérations pathologiques ne se traduisant 
point à nos sens par des lésions matérielles; il affirme l'existence 
de modifications purement moléculaires tant des solides que des 
liquides de l’économie en état de maladie, modifications acces- 
sibles ou non à l’investigation chimique, mais ne s’accompagnant 
souvent d'aucun signe visible. De même que l'étude des principes 
immédiats est la véritable introduction à l’anatomie générale, de 
même la connaissance des altérations des principes immédiats 
deviendra le premier chapitre de l'anatomie pathologique, et c’est 


(1) Voy. p. xcrr. 
(2) Dict. de Nysten. Art. Hist. DE LA MÉDECINE. Ed. 1858. 


CHARLES ROBIN. 4 


XCVITI CHARLES ROBIN 


Es 

là qu'il conviendra spécialement de chercher la caractéristique 
des maladies générales. « Les maladies les plus générales ont na- 
« turellement pour cause un changement dans ce qu'il y a de 
« plus général dans l’économie. Ainsi déjà dans l'étude des prin- 
« cipes immédiats commence à se présenter à l’état d'ébauche l’a- 
« natomie pathologique. Tout changement (1) survenu dans les 
« principes immédiats, dans ceux des liquides surtout, entraîne 
« paturellement une altération des fonctions aussi générale que 
« possible, puisque c’est le mouvement nutritif, fait vital le plus 
« général, le plus fondamental, qui est altéré partout à la fois. Aussi 
« l’altération est-elle aussi dangereuse que possible, puisque les 
« propriétés des tissus se trouvent ainsi modifiées toutes simulta- 
« nément. » (Chimie anatomique, t. 1, p. 260.) 

Ces altérations des principes immédiats sont indéfinies; elle 
peuvent consister soit dans un changement de proportionnalité, 
soit, pour les principes non cristallisables dans un changement de 
leur constitution même. C’est ainsi, par exemple, que la fibrine 
devient plus ou moins coagulable. Nous verrons plus loin com- 
ment Robin relie à cette notion d'altération des principes immé- 
diats se produisant au contact d'une substance similaire déjà mo- 
difiée, la propagation des virus et les désordres qu’ils causent dans 
l'organisme. 

Enfin, le passage suivant qui traite du mode d'action des médi- 
caments en tant que principes immédiats accidentels, est un de ceux 
qui caractérisent le mieux les vues de Robin sur les rapports de 
physiologie générale avec la pathologie : « Il y a dans l'étude de 
« Ja thérapeutique pharmacologique deux choses en présence : 
« le médicament et la substance organisée qu’il modifie. On com- 
« prend que l’une ou l’autre doivent être connues à un égal de- 
gré si l’on veut arriver à se rendre compte de l’action d'un mé- 
dicament et en diriger sagement l'emploi. Malheureusement, 
nous sommes bien loin d’en être arrivés là. En général nous 
connaissons le médicament, c’est-à-dire sa composition, ses pro- 
« priétés physiques et chimiques. Nous connaissons plus ou moins 
« la disposition géométrique ou extérieure des parties que forme la 
« substance organisée, mais nous ignorons la nature de celle-ci ; car 
« ce que nous étudions le moins, c’est la composition immédiate 
« de cette substance, aux principes de laquelle le médicament va 
« se fixer d'une manière permanente ou temporaire pour en mo- 
« difier les actes moléculaires rénovateurs et autres. Or, c'est pour- 
« tant par ces modifications de la substance organisée que ses actes 


(1) Au delà d’une limite qu'on pourrait appeler tolérance, 


SA VIE ET SON ŒUVRE. XCIX 


sont ramenés à leur état normal par suite de la tendance de la 

substance de chaque élément anatomique à reprendre durant Ja 

rénovation le type déterminé de la constitution qui lui est propre, 

lorsqu'elle l’a perdu. C’est le retour à cette constitution qui est 
le but de la thérapeutique. On ne saurait trop insister sur ce fait 
que démontre l'étude de l’évolution des éléments anatomiques : 

c’est qu’une fois qu’ils sont modifiés par suite de circonstances 
accidentelles, tout ce qui vient activer la rénovation moléculaire 
nutritive tend à les ramener à l’état normal, parce que durant 
cette rénovation ils se développent dans le sens du type de la 
constitution qu'ils avaient acquise pendant leur développement 
fœtal. 

« D'où l'importance qu’il y a à connaître la composition immé- 
diate du sang et celle des éléments anatomiques pour arriver à 
faire un choix rationnel des moyens thérapeutiques à employer 
dans un cas pathologique quelconque. 

« Non seulement il faut savoir ce dont est composée la substance 
dont sont formées les parties qui sont le siège des actes, mais il 
faut connaître aussi comment s’accomplissent ces derniers. En 
effet, le médicament va s’unir à une substance en voie d’activité et 
en voie de rénovation moléculaire continue; souvent même c’est 
à une substance dont la rénovation ne s’accomplit pas d’une ma- 
nière semblable à ce qui se passe dans l’état normal; ce qui fait 
dire, non sans quelque raison, mais d’une manière ordinaire- 
ment indéterminée, que les remèdes agissent autrement pendant 
la maladie que pendant l’état de santé. 

« Si chaque maladie a son évolution propre, cela tient à des 

causes permanentes dont l’étude est précisément un des sujets 

de la pathologie générale. Ces causes sont, avons-nous dit : l’état 

de la substance organisée affectée, les conditions étiologiques de 

la lésion, la nature propre de celle-ci et la perturbation fonction- 

nelle qui en naît; et parce que la perturbation reste toujours la 

même sous une même cause, il faut bien que la substance, siège 

des actes, se modifie toujours de même sous cette cause. C’est 

l'étude de cette partie de la pathologie générale qui fait le mieux 

saisir le vrai rapport entre la pathologie et la physiologie, ce 

qu'est la maladie relativement à la santé, ce qu’il y a d’inévi- 

table, comparativement à ce qu'il y a de modifiable, dans le cours 

de l’une et de l’autre.» (Préface de Robin pour l’ouvrage de 


M. Picot, Les grands processus morbides.) 


Dans la voie où il s’engageait si résolument, Robin était suivi 


par de zélés collaborateurs, où se distinguaient Broca, M. Ver- 


CHARLES ROBIN . 


neuil, Ordoûez. Il aborde, tout en s’occupant d’autres travaux, 
une multitude de questions d'anatomie pathologique dans des 
notes, des mémoires que nous ne pouvons citer ici. On se fera 
une idée de sa prodigieuse activité dans cet ordre de recherches, 
en lui voyant mentionner, au cours d'une communication sur 
le tissu hétéradénique (Acad. des Sc., 25 juin 1855), 550 examens de 
tumeurs pratiqués en trois ans et demi, pendant qu’il travaillait 
avec Verdeil à l'achèvement de la Chimie anatomique et qu'il se 
faisait connaître par une foule de publications sur des points spé- 
ciaux d’histologie normale, d'anatomie comparée, etc. 

Dans le temps même où Lebert et Robin, malgré les divergences 
qui les séparaient, mettaient en honneur à Parisles recherches mi- 
croscopiques appliquées à la médecine, le mouvement provoqué 
en Allemagne par les enseignements de J. Müller et de Schœnlein 
s’accusaitavecune intensité extraordinaire. Lestravaux de Schwann 
et de Henle avaient ouvert la voie féconde dans laquelle s'engageait 
maintenant toute une phalange de chercheurs. Au premier rang se 
faisaient remarquer en pathologie, M. Virchow et son collabora- 
teur Reinhardt, qu’une mort prématurée devait enlever peu d’an- 
nées après. Par quel malheureux enchaînement de circonstances 
Robin et M. Virchow, deux hommes tendant vers le même but, 
animés d’un même esprit et d’un zèle égal pour la cause du progrès 
scientifique, en sont-ils arrivés à se combattre avec acharnement 
pendant plus de trente ans ? C’est le moment de revenir sur la lutte 
dont nous avons déjà parlé à propos de l’irrilabilité et de voir quel 
en a été en dernier ressort l'influence sur l’évolution des sciences 
médicales. 

Robin avait été en quelque sorte conduit à s'occuper d'anatomie 
et de physiologie par la chimie et l’histoire naturelle; il abordait le 
terrain de la pathologie en s'appuyant à la fois sur les principes de 
la philosophie positive et sur des sciences qui se trouvaient alors 
en pleine voie de progrès. C’est ainsi qu’il fut amené à ne voir 
dans la pathologie qu’un corollaire de l’anatomie et de la physiologie 
normales. Îl en est tout autrement de M. Virchow ; médecin avant 
tout, M. Virchow n'eut recours aux sciences anatomiques et physio- 
logiques que pour résoudre les problèmes qui se posaient alors en 
pathologie. Lui-même à pris soin de nous le dire dans un passage 
de sa polémique éontre Robin au sujet de l’irritabilité (1). 


(1) «1 (Robin) commence par la matière organisée dépourvue de toute structure, pou- 
« vant être vivante ou non, puis il passe de là aux éléments anatomiques figurés. C’est 
« l'étude d'abord chimique, puis histologique; et certainement je ne vois rien qui s’op- 
« pose en principe à ce que M. Robin suive cette voie dans ses cours sur les principes de 


€ 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CL 


Cette différence de point de départ explique, en effet, très bien 
les divergences que nous observons dans les tendances, et si l’on 
peut dire ainsi, dans le tempérament scientifique des deux émi- 
nents biologistes. 

: Robin, anatomiste et zoologiste, voit l'organisme comme un tout, 
et il l’étudie à un point de vue trop statique; les éléments anato- 
miques nés par une série de genèses successives dans les blas- 
tèmes, se produisant en des points et à des époques déterminées sont 
décrits par lui avec un soin minutieux, mais comme quelque chose 
de fixe, ainsi qu’on pourrait décrire, par exemple, les matériaux 
d’une construction. Tout au contraire M. Virchow, suivant les pré- 
ceptes de J. Müller, observe les lésions à l’état d'évolution inces- 
sante. Bichat avait dissocié les organes au point de vue anatomo- 
pathologique en distinguant les altérations des tissus; M. Virchow 
fait un pas de plus en localisant les processus morbides dans les 
cellules mêmes. 

Aussi rien de plus frappant que le contraste qui règne entre les 
deux doctrines lorsqu'on suit Robin et M. Virchow dans l'inter- 
prétation qu'ils arrivent à donner des principaux phénomènes pa- 
thologiques. A cet égard, on peut citer en première ligne la ques- 
tion relative à la nature de l’inflammation, question qui faisait alors 
l'objet de tant de discussions entre les diverses écoles médicales. 

En face des théories neuropathologiques et humorales de l’é- 
poque, qui voyaient dans l’appareil circulatoire le siège des phéno- 
mènes essentiels de l’inflammation, était venue se dresser la doc- 
trine adverse des partisans de l’irritation. Pour eux, le fait primor- 
dial était une modification irritative des tissus entraînant à sa suite 
des troubles vasculaires, qui se trouvaient ainsi complètement 
relégués au second plan. Les tissus sous l'influence de cette inci- 
tation morbide attiraient avec plus de force les principes nutritifs 
du sang, d’où le nom de théorie de l'attraction sous laquelle on réu- 
nitcommunément les idées émises par Haller, Dupuytren et surtout 
par Broussais. Cette manière de voir qui s’accordait si bien avec 
la conception de l'anatomie cellulaire, trouva en M. Virchow un 


« l’histologie. Mais tout le monde sait que cette voie n'est pas la mienne. Je suis parti de 
«la pathologie. C’est pour pouvoir comprendre les phénomènes pathologiques que j'ai 
«dù faire un retour sur la physiologie et sur l’histologie. Dans ces recherches la ques- 
«tion de la vie se trouvait réunie à celle des éléments anatomiques et j’arrivai aux élé- 
«ments vivants, c’est-à-dire aux cellules douées de vie. Ce que je cherchais, ce n'étaient 
(pas des principes de l’histologie, mais des principes de la physiologie et de la patho- 
«logie; s’il s'est trouvé en même temps des principes d’histologie, ce n’était là qu’un 
« produit accessoire de mon travail. » (Ueber die Reizbarkeit. Eine oratio pro domo. 
Archiv. XXIV, p. 157, 1868.) | | 


CIT CHARLES ROBIN 


partisan convaincu. Étudiant, à l'exemple de Küss, le processus 
inflammatoire dans les tissus non vasculaires, M. Virchow montra 
que leurs éléments se modifient tout comme ceux des tissus pourvus 
de vaisseaux. Magistralement formulée, appuyée sur des faits pré- 
cis, sa théorie de l’irritation inflammatoire s’imposa avec une au- 
torité irrésistible au monde scientifique. 

Tout au contraire Robin, qui, comme on l’a vu plus haut, com- 
battit à outrance la conception de l'irritabilité cellulaire, accorda 
une importance prédominante aux troubles vaso- moteurs et pro- 
fessa jusqu'à la fin de ses jours une théorie très voisine de celle 
émise autrefois par Henle. 

Le premier effet de la théorie de M. Virchow était naturellement 
d'étendre pour ainsi dire à l'infini le domaine de l'inflammation. 
Le processus irritatif consistait, en quelque sorte, en une simple 
exagération des phénomènes normaux, par lesquels se manifeste 
la vie des cellules; il se présentait comme quelque chose de fort 
analogue aux phénomènes du développement embryonnaire. Aussi 
Robin demandait -il ironiquement si ce dernier ne devait pas 
prendre le nom d’embryonite. Il fallait dès lors, ou bien faire ren- 
trer avec Broussais, dans le cadre des phlagmasies, la totalité des 
phénomènes morbides actifs, ou bien abandonner complètement 
une conception pathologique qui n’a plus aucune signification pré- 
cise. C’est ce qu’avaient déjà fait d’ailleurs Magendie, Andral et 
Vogel, en rayant l’inflammalion du répertoire nosologique. Mais il 
faut convenir que ces deux alternatives étaient également peu sa- 
tisfaisantes en présence du syndrome clinique si caractérisé de 
l'inflammation. 

On sait comment la découverte de Cohnheim est venue depuis dé- 
trôner l'attraction cellulaire et replacer dans les vaisseaux la cause 
première de l’inflammation. Robin qui admettait la genèse sur 
place des leucocytes néoformés, accueillitavec défiance les travaux 
concernant la diapédèse. Sans nier précisément l'issue des globules, 
il soutenait qu’elle ne pouvait avoir lieu que d’une façon passive, 
après rupture de la paroi des capillaires, et que les rouges sortaient 
alors en même temps que les blancs. Personne ne songe plus au- 
jourd’hui à dénier aux leucocytes la faculté de locomotion amæboïde 
à travers les tissus, mais pour la diapédèse inflammatoire on se 
trouve encore en présence de plusieurs opinions opposées. Le pas- 
sage actif et la filtration passive, à laquelle s’était rallié Cohnheim 
lui-même, comptent l'un et l’autre des partisans autorisés. L’incer- 
titude continue également de régner sur la part qu'il faut faire aux 
phénomènes intra et extra-vasculaires dans la production de l’ex- 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CIII 


sudat. L'hypothèse actuelle d'une altération primitive des parois 
vasculaires, de nature encore indéterminée, ne donne qu'une in- 
terprétation bien insuffisante des faits, et l'on peut dire avec M. von 
Recklinghausen, qu’en dépit des obscurités de la théorie pathogé- 
nique, la conception clinique de l'inflammation ne perdra pas de 
sitôt son ancien droit de cité en médecine. 

C’est principalement en s'appuyant sur ses observations relatives 
à l’inflammation parenchymateuse que M. Virchow montra les uni- 
iés anatomiques comme des organismes élémentaires ayant leur 
activité propre. L'étude dynamique venait ainsi compléter l'étude 
statique. À l’histologie quasi inerte de Schwann et de Henle, va suc- 
céder l’histo-physiologie avec la pathologie cellulaire, et celle-ci 
deviendra le point de départ du mouvement actuel en biologie. 
L'événement a prouvé combien M. Virchow était dans le vrai lors- 
qu’il disait que la physiologie représente la partie essentielle de la 
science, parce que seule elle nous met à même de suivre l’enchaîne- 
ment des faits recueillis par l’anatomie, la chimie, la clinique, etc. 

Sur ce terrain il faut bien reconnaître que Robin se trouvait en 
quelque sorte immobilisé par sa théorie de la formation libre des 
éléments anatomiques, dont l’évolution lui échappe par suite forcé- 
ment en grande partie. Dès lors, la localisation des lésions en pa- 
thologie perd à ses yeux beaucoup de son importance, subordon- 
née qu’elle était aux perturbations nutritives de l’économie dans 
son ensemble, aux altérations les plus élémentaires et conséquem- 
ment les plus générales. 

Mais cette erreur fondamentale de Robin sur l'évolution cellu- 
laire, ne doit pas, d'autre part, nous faire perdre de vue ce qu'ont 
de juste et de réellement profond, ses vues en physiologie générale. 
Ici ses tendances bio-chimiques lui fournissent une base solide et 
lui permettent de s’avancer fort loin sur un domaine demeuré à peu 
près inexploré depuis cette époque. M. Virchow ne paraît pas s’être 
rendu compte de la portée qu'avait cette conception maîtresse de 
son adversaire : l'état d'organisation (1). Mais faut-il dire qu'ici 
encore, comme dans l'affaire de l’irritabilité, on pourrait relever 
une foule de malentendus, de questions de mots venant du manque 
d'accord sur la signification exacte des termes employés, et aussi 
de l’excessive rigueur de Robin pour la nomenclature et les étymo- 
logies. En l'absence d’une langue scientifique universelle, il arrive 


(1) Bien qu'il ait dit lui-même quelque part dans une de ses plus anciennes publica- 
tions : « Ce qui fait l'essence de la vie, ce n’est pas la configuration extérieure de la 
« matière momentanément fixée sous forme de cellule, mais la puissance motrice inté- 
{& rieure. }) 


CIV CHARLES ROBIN 


# 

que les auteurs attribuent souvent la même dénomination à des 
objets différents. Cet inconvénient devient surtout visible en bio- 
logie, où tout se transforme incessamment, où les faits du jour 
viennent renverser ou modifier les notions de la veille. Enfin il faut 
bien reconnaître que la manière d'écrire diffuse et souvent obs- 
cure, de Robin ne prêtait que trop à retarder l'entente. De là des 
controverses sans fin et dont l’objet n’est pas toujours suffisamment 
légitimé. 

C’est, à proprement parler, sur le terrain de l’histogénie que les 
deux adversaires se rencontrèrent pour la première fois et de la 
façon la plus directe. A la suite de Reichert, avec MM. Kælliker et 
Remak, M. Virchow reconnaît la descendance continue de toutes les 
cellules de l'organisme. Rapprochant des données embryogéniques 
de ces auteurs les observations de Vogel, Buhl, Eberth, Rindfleisch, 
etc., et les siennes propres sur la prolifération des cellules dans 
les tissus pathologiques, il résume dans la formule célèbre omnis 
cellula a cellula, la théorie nouvelle sur la génération des éléments 
anatomiques. Reprenant en même temps une idée déjà émise par 
De Blainville (1), M. Virchow considère le tissu conjonctif comme 
un tissu générateur pouvant donner naissance à la plupart des 
autres. Il en fait provenir notamment la presque totalité des néo- 
plasmes pathologiques. Sousl'influence d’uneirritation formative(2) 
les cellules des tissus conjonctifs vont proliférer et donner naissance 
à de petits éléments arrondis, cellules indifférentes, embryonnaires, 
formatives capables d'évoluer dans une foule de directions variées 
et qui deviendront cellules osseuses, cartilagineuses, éléments du 
tubercule, du cancer, etc., suivant les cas. Le tissu des bourgeons 
charnus est le type de ce tissu indifférent ou embryonnaire, dont les 
cellules, comme celles de l’embryon, peuvent se transformer sous 
l'influence d’une irritation appropriée en n'importe quel élément 
anatomique adulte. De là les dénominations de cellules et de tissu 
de bourgeons charnus (Granulationszellen, Granulationsgewebe), 
fréquemment employées depuis cette époque. M. Virchow donne 
comme point d'appui à sa théorie les phénomènes de l’ostéogé- 
nie tant normale que pathologique. Pour lui, non seulement les 
cellules du cartilage, du périoste, de l’os et de la moelle dérivent 
phylogénétiquement les unes des autres, mais on observe même le 
passage direct d’une-cellule du cartilage ou du tissu conjonctif, à 
l’état de cellule osseuse, etc. C’est ainsi que, suivant l’expression 
même de l’auteur, « le tissu conjonctif et ses équivalents prenaient 


(1) Organisation des animaux, 1822. 
(2) Voy. ci-dessus, p. LXVIT. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CV 


« en histogénie pathologique, la place de la Iymphe plastique de 
« Hunter, des blastèmes de Schwann et des exsudats des auteurs 
« plus récents. » (Pathol. cell., éd. 1862, p. 374.) Exception n'est 
faite que pour les productions épithéliales et pour celles qui se rap- 
portent aux tissus d’une organisation plus élevée, tels que les tissus 
nerveux et musculaire. 

Il importe de faire remarquer ici que M. Virchow, dans l’exposé 
de sa doctrine, a pris soin de formuler lui-même quelques ré- 
serves (1). Mais les restrictions tout au moins prudentes qu’il fai- 
sait, ont été fort oubliées par la suite, et la théorie du tissu em- 
bryonnaire est demeurée régnante en anatomie pathologique jus- 
qu’à nos jours. Quand Cohnheim retrouva la diapédèse observée 
autrefois par Waller, cette théorie fut modifiée en ce sens qu’on 
transporta aux leucocytes émigrés des vaisseaux le rôle générateur 
attribué primitivement par Virchow aux éléments connectifs. La 
confusion en fut encore augmentée : globules blancs du sang et de 
la lymphe, éléments propres des ganglions lymphatiques, de la 
rate et des autres organes dits lymphoïdes, cellules du tissu con- 
jonctif, de la moelle des os, tous ces éléments furent confondus et 
identifiés par un grand nombre d'anatomistes, sous le nom d'é- 
léments ou cellules lymphoïdes. On groupa sous le nom de sarcomes 
toutes les tumeurs constituées par ces éléments; c’est ainsi que les 
néoplasmes développés aux dépens du tissu lamineux se trouvèrent 
réunis dans un même groupe, avec ceux issus des follicules clos, 
des amygdales, des ganglions lymphatiques, de la névroglie réti- 
nienne ou encéphalique, de la moelle des os et de bien d’autres 
parties. 

On comprend si Robin dût s'élever avec vivacité dans ses écrits 
et dans son enseignement contre une pareille confusion, lui qui at- 
tachait tant d'importance à une bonne nomenclature et qui avait 
consacré tant d'efforts à distinguer les différentes espèces d’élé- 
ments anatomiques d’après leur origine et leur évolution, autant 
que d’après leur forme et leurs caractères chimiques. Et on ne peut 
méconnaître la jutesse des arguments qu’il invoque contre cette 
conception des cellules indifférentes ou embryonnaires et contre 


(1) « Jusqu'à l’époque où se forment les cellules de granulation, et même pendant 
« la période caractérisée par leur présence, il est impossible de reconnaître ce qui en 
« adviendra. Un cancer à ce stade, ressemble à un tubercule. Je ne veux pas dire pour 
« cela que ces cellules soient tout à fait indifférentes, mais elles nous paraissent telles, 
« elles ne présentent aucun caractère qui nous fasse reconnaître leur particularité ; il 
( en est comme des cellules de l'embryon dont il nous faut bien admettre qu’elles ren- 
« ferment déjà, chacune en particulier, quelque chose qui motivera leur développement 
« ultérieur, bien que cependant nous ne puissions rien en distinguer. » 


CVI CHARLES ROBIN 
’ 


l'hypothèse de la métaplasie ou transformation des tissus les uns 
dans les autres. Il est bien évident que l'absence, dans un grand 
nombre de cas, de caractères spécifiques accessibles à nos moyens 
actuels d'investigation chez les cellules jeunes, ne nous autorise 
nullement à considérer celles-ci comme identiques, alors qu'elles 
différeront complètement les unes des autres par leur évolution ul- 
térieure et possèdent en conséquence un potentiel différent, abso- 
lument comme les ovules de deux espèces voisines, fort semblables 
et qui n’en sont pas moins spécifiquement distincts. Pour Robinil 
n'existe à aucun moment, chez l'embryon, de cellules indifférentes 
et lorsqu'un tissu prend la place d’un autre, c’est par voie de substi- 
tution, nôn en vertu d’une transformation directe. 

Une autre question d'anatomie pathologique qui mitnettement en 
relief la divergence de méthodeet de doctrine existant entre les deux 
écoles est celle relative à la nature histologique des tumeurs dites 
cancéreuses. Lebert et Hannover reconnaissaient déjà, il est vrai, 
une origine épithéliale aux cancroïdes de la peau et des muqueuses. 
Robin suivant ici Bruch (1847) et Bennett (1849), étend cette origine 
aux cancers des glandes et des parenchymes. Il établit d'emblée la 
distinction entre les hypertrophies glandulaires et les tumeurs à 
marche envahissante, qu’on désignait sous le nom de cancers. 
« L’épithélium hypertrophié a déterminé l’atrophie de la paroi 
« propre des glandes, et alors la formation de cellules épithéliales 
« a lieu en dehors de la glande, dans le tissu ambiant, entre ses 
« éléments. C’est ce qu'on appelle infiltration des tissus par l’épi- 
« thélium. Une fois la formation de l’épithélium commencée en 
« dehors des glandes, elle gagne rapidement tous les tissus voi- 
« sins. Ces productions détruisent peu à peu la glande après l'avoir 
« distendue, pour ensuite envahir les tissus voisins et former une 
« des affections les plus graves à cause de cet envahissement. 
« (Note sur quelques hypertrophies glandulaires, 1852). » 

Robin montre que le terme cancer pris comme synonvme de tu- 
meur maligne, ne se rapporte pas à des objets de même nature: «Le 
« mot cancer ne désigne donc ni une espèce unique, ni même un 
« genre ou une classe naturelle de tissus morbides, au point de vue 
« de l’anatomie et de la symptomatologie.. De l’une à l’autre des 
« espèces de tumeurs appelées cancer, il y a en effet des différences 
« anatomiques notables, selon le tissu qui en a été le point de dé- 
« part, différences égales à celles que présentent entre eux les tis- 
« sus normaux, et ne pouvant être saisies avec toute leur valeur, 
« qu'autant que déjà on connaît les diverses phases d'évolution de 
« ceux-ci. Les mots Cancer etson synonyme grec Carcinome, doivent 


SA VIE ET SON OUVRE. CVII 


« donc disparaître de la science, en tant que désignant une espèce 
« où même un genre de produits morbides... (Anat. cell., p. 601.) » 

De même après avoir déterminé la texture des tumeurs épithé- 
liales envahissantes dans diverses régions du corps, Robin ajoute que 
« toutes ces tumeurs, loin d’avoir des caractères uniformes et com- 
« muns comme ceux, par exemple, que présente le tissu adipeux de 
« toutes les régions à l’état normal, ou le tubercule dans l’ordre 
« pathologique, offrent quelque chose de spécial pour chacune de 
« ces régions. De plus, partout cette texture du produit morbide 
« conserve des analogies avec la texture de l'organe normal, de 
« manière à pouvoir faire déterminer, d’après l'examen du tissu, 
« le siège qu’il occupait; car jamais on ne trouve dans la région 
« parotidienne, par exemple, une tumeur offrant la texture de celles 
« de la mamelle et vice versa. (Acad. des Scien., 1855. Arch. gén. 
« de medecine, 1856.) » 

Les descriptions que donna Robin à l'appui de ces vues nou- 
velles, sont d’une exactitude scrupuleuse ; les moindres faits ana- 
tomiques sont relevés avec soin, et il n’en est aucun qu'on ne puisse 
vérifier aujourd'hui après trente ans, malgré l’évolution de nos 
connaissances pendant ce temps sur la pathologie des tumeurs. 
. C'est ainsi que les épithéliomas les moins atypiques de, certaines 
glandes montrent les formations en « doigts de gant » si longue- 
ment décrites par Robin dans ses premiers mémoires sur les hété- 
radénomes. Ces formations peuvent se retrouver à distance, comme 
il l'indique, dans les ganglions axillaires par exemple, pourvues 
. d’une cavité centrale et présentant une ressemblance frappante avec 
des acini glandulaires. De même la transformation hyaline de la 
charpente lamineuse, dans les tumeurs dites cylindromes, peut con- 
duire dans quelques cas à la production de gaînes translucides en- 
tourant les cylindres épithéliaux hétérotopiques, et qui simulent 
ainsi une paroi propre adventice, telle qu’elle se trouve signalée par 
Robin dans certains hétéradénomes (1). Enfin les nombreux travaux 
publiés au cours des dernières années sur ce groupe de néoplasmes, 
n'ont ajouté que peu de chose à sa description des corps oviformes 
répondant à des végétations du tissu conjonctif qui subissent la 
dégénérescence dite hyaline. 

Pendant que Robin faisait faire à la pathologie ces progrès dé- 
cisifs l’école de M. Virchow partant des théories que nous avons 


(1) Voy. sur ce point : Malassez, Sur le Cylindromé, Arch. de Physiol., 1883. — 
Herrmann et Tourneux, Hétérotopie consécutive à un épithélioma du sein. Journ. de 
l'Anat., 1876. — Paquet et Herrmann, Épithélioma de la glande de Cowper, Ibid., 
1884. — Herrmann et Lesur, Épithéliomas de la mamelle, lbid , 1885. 


CVIII CHARLES ROBIN 


# 

exposées, en arrivait à donner du cancer une définition anatomique 
unitaire : Les tumeurs cancéreuses sont celles qui sont nées au sein 
du tissu conjonctif par prolifération des cellules fixes de celui-ci; 
ces cellules prennent peu à peu les caractères de la cellule cancéreuse 
spécifique de Lebert; ainsi se trouve constitué le carcinome alvéolaire 
(fibrome alvéolaire, Cornil et Ranvier) formé d’un stroma de tissu 
conjonctif creusé d’excavations que remplissent des cellules poly- 
morphes avec un liquide plus ou moins abondant. C'est là, comme 
on voit, un véritable tissu spécifique sans analogue dans l’écono- 
mie normale, qui vient succéder à la cellule spécifique. Il faut ajou- 
ter que cette solution simple et commode fut accueillie avec faveur 
dans le public médical. On se contenta dès lors, de constater la struc- 
ture alvéolaire caractéristique du carcinome. Les travaux de Robin 
tombèrent dans l’oubli. Les recherches isolées de Cornil (1), Bill- 
roth (2), Rindfleisch (3), Steudener(4), etc., demeurèrent sans écho 
et ce n’est qu'après la publication de deux mémoires de M. Wal- 
deyer(5)quelathéorie épithéliale du cancer fut discutée de nouveau. 
C'est de cette époque que date le revirement qui s’est produit depuis 
quelques années en faveur des opinions de Robin. Aujourd'hui la 
plupart des auteurs d'anatomie pathologique admettent l’origine 
épithéliale des soi-disant carcinomes, tout en formulant quelques 
réserves sur la possibilité de l’accroissement consécutif des épithé - 
liomas par apposition de cellules embryonnaires (leucocytes, etc.) 
transformées. D’autres, poussant plus loin l’éclectisme, admettent 
conjointement l’existence d’épithéliomas à marche envahissante 
et du carcinome de nature conjonctive. Ces hésitations ne prendront 
fin que lorsqu'on connaîtra d’une manière satisfaisante les modifi- 
cations pathologiques du tissu cellulaire et des vaisseaux dans les 
néoplasmes pathologiques. Nous citerons, pour finir, un passage 
de Klebs qui résume exactement les idées courantes sur cette ques- 
tion, passage où il est dit que « l’évolution spéciale du carcinome 
« n'est pas due simplement à des altérations du tissu interstitiel, 
« mais qu'elle dépend tout particulièrement d’une modification des 
« propriétés biologiques des épithéliums, modification à laquelle 
« ces derniers doivent leurs propriétés infectieuses et la faculté de 
« se répandre au loin dans l’organisme. » 

C’est bien là la pensée de Robin, mais qu’il formule avec une 


(1) Journ. de l’Anat., 1864-1865. 

2) Voy. Pitha u. Billroth, Handb. der Chirurgie, 1865. 
(3) Histol. pathol. 

(4) Virch.’s Arch., 1868. 

(3) Virch.’s Arch. 1867 et 1872. 


SA VIE ET SON OŒUVRE. GX 


précision bien plus grande, lorsque décrivant l'envahissement d'un 
os par un épithélioma, il nous montre les éléments de la tumeur 
occupant dans l’os « de petites cavités dont ils ont déterminé la 
« formation en comprimant la substance osseuse, parce que leurs 
« propriétés de nutrition, de développement et de naissance sont 
« plus énergiques que les mêmes propriétés dans le tissu osseux. » 
(Naissance des éléments anatomiques, Journ. de l'Anat., 1865.) 

Malheureusement sur ce point, comme sur tant d’autres, l’obsti- 
nation de Robin dans sa doctrine de la genèse l'empêche de re- 
connaître la provenance exacte des éléments envahisseurs. C'est 
ainsi qu’il admet que les hétéradénomes naissent à côté des glandes 
normales, mais indépendamment d'elles; que les tumeurs secon- 
daires dont la pathogénie s'explique naturellement par le méca- 
nisme de l’embolie, se forment soit aux dépens de blastèmes sem- 
blables à celui qui a produit la lésion primitive, soit (pour les gan- 
glions lymphatiques) par la transformation des épithéliums nu- 
cléaires en cellules semblables à celles du cancer. 

La même cause d'erreur qui faisait méconnaître aux disciples de 
M. Virchow la part prépondérante revenant aux épithéliums dans 
la production des carcinomes, les égare aussi dans la description 
qu'ils donnent des tumeurs adénoïdes. Ici encore ils reportent toute 
l'origine de la néoplasie au tissu conjonctif, n'attachant qu’une 
importance secondaire aux modifications présentées par les élé- 
ments sécréteurs. Sous l'empire de cette idée la notion d’hyper- 
trophie glanduluire disparait complètement : les adénomes de la 
mamelle décrits par Lebert, Robin et Broca, font place dans la clas- 
sification de M. Virchow aux fibromes, sarcomes, myxomes du 
sein. On ne voit plus que le tissu sans se préoccuper de la consti- 
tution de l'organe malade, et c’est ainsi qu’on en arrive également 
à confondre dans un même groupe certaines tumeurs glandulaires 
et les môles hydatiformes du placenta. 

Signalons encore les tumeurs à myélocytes, dont Robin a sou- 
tenu dès le premier jour la nature nerveuse (1). Au nom de tous 
les caractères physico-chimiques de la névroglie, il ne cesse de pro- 
tester contre l'assimilation faite par M. Virchow de ce tissu et du 
tissu conjonctif. | 

Nous pourrions encore citer ici, sans espérer d’épuiser la liste 
des travaux de Robin en pathologie, ses recherches sur les tumeurs 
dérivées de la moelle des os, sur les tumeurs fibro-plastiques, 
sur celles qui se forment aux dépens des follicules dentaires, etc. 
Qu'il nous suffise d’avoir caractérisé la tendance de Robin en ana- 


(1) Voyez ci-dessus, p. xxxvI. 


CX CHARLES ROBIN 


tomie pathologique. On peut dire de lui que développant le prin- 
cipe posé par J. Müller, d'étudier les altérations des tissus et des 
organes comparativement aux parties normales correspondantes 
envisagées à leurs différentes stades d'évolution, Robin ajoute à 
l’excellence de cette méthode, tous les avantages que lui donne sa 
conception si nette des divers degrés de l’état d'organisation, de la 
spécificité des éléments anatomiques, du rôle des altérations des 
principes immédiats, de tout ce qui constitue, en un mot, sa doc- 
trine biologique. Il arrive ainsi à formuler sur bien des questions 
de pathologie des vues dont la justesse n’a été reconnue que long- 
temps après, et le sera probablement de plus en plus. 


X. — TRAVAUX DE PATHOLOGIE (SUITE). — L'ÉCOLE ÉTIOLOGIQUE. — L’ÉTAT 
VIRULENT. — LES DOCTRINES BACTÉRIENNES. — OBJECTIONS. 


Il nous reste à parler de l'attitude de Robin en face des doctrines 
médicales actuellement régnantes et dont les travaux de M. Pasteur 
ont été le point de départ. 

Laennec avait dit excellemment (1) : « Tout ce qu'il est donné à 
« l’homme de voir et de connaître dans une maladie se réduit à cinq 
« sortes de choses : 1° ses causes; 2° les altérations des organes ou 
« des liquides qui peuvent l’accompagner; 3° Le trouble qui existe 
« dans les fonctions ; 4° la marche que suit la maladie et que l’on 
« peut quelquefois prévoir ; 5° le traitement qui est indiqué. » 

De ces cinq branches de la médecine, la seconde et la troisième 
sont précisément dans une dépendance absolue de l’anatomie et de 
la physiologie normales. Il ne saurait plus être question pour per- 
sonne d'envisager les altérations matérielles des organes et les 
troubles fonctionnels indépendamment de l’état normal correspon - 
dant. Mais déjà, à l’époque du plus grand triomphe de l’École ana- 
tomique représentée tout à la fois en France et en Allemagne, mal- 
gré de profondes divergences, par MM. Virchow et Robin, déjà la 
connaissance de la marche générale des processus morbides ap- 
puyée sur la symptomatologie clinique et jointe aux résultats de 
l'expérimentation thérapeutique montrait clairement que le do- 
maine médical s'étend au delà de la recherche des lésions tant or- 
ganiques que fonctionnelles. Mais ce n’était qu’un pressentiment. 
Et pour tous les esprits la clarté des faits anatomo - pathologiques 
l’'emportait d'emblée sur les données plus vagues et moins facile- 


(1) Hatrod. au Traité inédit d'Anat. pathol., publiée par V. Cornil, 13$4. 


SA VIE ET SON OŒUVRE. CX1 


ment contrôlables de la seméiotique. S'il s’est fait depuis lors un 
revirement de plus en plus prononcé à cet égard, on peut en faire 
remonter la cause au développement rapide de la pathologie expé- 
rimentale qui a mis en évidence un facteur jusqu'ici relégué à l’ar- 
rière-plan, le facteur étiologique. Laennec, à la vérité, faisait peu de 
cas de l’étiologie; mais il n’en fut pas de même de Lebert (1), et 
on put voir, en 1863, Ch. Schützenberger (2) proclamer à Stras- 
bourg la prédominance du principe étiologique dans la spécifica- 
tion des maladies. 

On peut aujourd’hui regarder comme définitivement établi dans 
la science le principe de l'autonomie réelle de la pathologie; on a 
reconnu la possibilité de distinguer les espèces morbides en se fon- 
dant sur l’étiologie. Après le nosologisme ancien et l’anatomisme 
s’est ouverte une ère nouvelle pour la pathologie générale. Mais 
Robin, en raison même du champ d'observation qu'il s'était tracé, 
demeure forcément étranger à ce mouvement. Il faut bien dire 
d’ailleurs que cette réaction contre la domination exclusive de l’ana- 
tomisme n’a pas tardé à dépasser le but, et il n’est pas sans intérêt 
de constater qu’ici Robin et M. Virchow, séparés sur tant de points, 
vont formuler à peu près les mêmes réserves en présence des exa- 
gérations de la doctrine bactérienne, et revendiqueront par des ar- 
guments de même ordre les droits méconnus de l’anatomie et de 


la physiologie. 
Robin à sa place assez curieusement marquée dans l’histoire des 


(1) « L’anatomie pathologique doit donc servir la pathogénie et non la dominer. 
« Bien d’autres branches de nos études, parmi lesquelles nous plaçons au premier rang 
« celles qui ont trait à l’étiologie, pourvu qu’elles soient faites avec toute la rigueur 
« du naturaliste, doivent concourir à fonder la philosophie expérimentale et la science 
« des ressources thérapeutiques du médecin. » Lebert, Introd. au Traité d'anatomie 
pathologique, 1854. 

(2) « La légitimité de la pathologie spéciale admise, quels sont les principes à l’aide 
« desquels on peut constituer l'espèce morbide? En première ligne et nécessairement 
« nous rencontrons le principe étiologique. En face d’un type immuable d’organisa- 
( tion, la diversité et la spécialité des causes apparaissent comme condition première 
« de la spécialité et de la diversité des maladies. Le principe étiologique, s’il pouvait 
« être rigoureusement suivi, serait à la fois le plus scientifique et le plus pratique. Le 
« plus scientifique, parce qu’il fonderait l’espèce morbide sur la nature même des 
« choses, sur le rapport nécessaire entre la cause et son effet, entre les conditions 
( pathologiques et les manifestations phénoménales de la maladie. Le plus pratique, 
« parce qu'il permettrait de reconnaître la cause par ses effets et de déduire en 
« même temps toute l’évolution morbide de la cause connue; enfin, parce que ce prin- 
€ cipe fournirait à l’expérimentation clinique une base solide, des espèces bien déter- 
« minées, et à l’indication (thérapeutique) la notion de l’élément causal, d’une impor- 
« tance prépondérante....» Schützenberger, Fragments de philosophie médicale, 
p. 281. 


CXII CHARLES ROBIN 


a 

doctrines qui ont révolutionné la médecine depuis quelques an- 
nées. Le premier, il a montré que les êtres si improprement ap- 
pelés « microbes » par Sédillot, sont véritablement des crypto- 
games, des plantes, se rattachant, du moins par leurs caractères 
essentiels, à ce qu'on est convenu d'appeler le Règne végétal, que 
Robin crut d’abord à tort distinct du Règne animal (1). [l avait, au 
début de sa carrière, résumé dans une thèse ce qu’on savait alors de 
la fermentation ; et avec cette netteté de conception presque tran- 
chante qu'il apportait en tout, nous le voyons définir comme par 
avance ces mots : fermentation, virus, virulent, qui vont jouer un si 
grand rôle dans les préoccupations contemporaines de la biologie. 
Plus tard, en 1882, s'appuyant surtout sur les vues de M. Pas- 
teur, il rejette l'hypothèse de Mitscherlich et de Liebig consistant à 
voir dans les fermentations ce qu’on appelait une « action de con- 
tact », et le premier il ramène catégoriquement les fermentations 
à des cas particuliers de la nutrition des végétaux : « Les cellules 
« cryptogamiques libres, des levüres ou ferments, dit-il, par suite 
« des actes assimilateurs, puis désassimilateurs, donnent lieu na- 
« turellement à la formation de celluloses, de sucres non cristalli- 
« sables, puis à celle de sucres cristallisables, et finalement à de 
« l’acide carbonique et de l'alcool. Elles le font de la même ma- 
« nière que naturellement aussi le font les cellules cohérentes des 
« pommes en voie de maturation ou les cellules du foie pour le 
« glycogène, puis le glycose successivement. Pour les unes comme 
« pour les autres, c’est en elles, dans leur intimité substantielle ou 
« moléculaire, et non hors d’elles, à leur contact, en leur présence, 
« autour d'elles, que le sucre se décompose, que se forment l'alcool 
« et l’acide carbonique qu’elles éliminent à mesure qu’elles en sont 
« saturées. Elles se nourrissent et se développent en un motcomme 
« tous les cryptogames quelconques en général. 

« Lorsqu'on fournit abondamment à ces cellules du sucre tout 
« formé d'avance hors d'elles, avec des composés ammoniacaux ou 
« azotés (au lieu de les laisser dans des conditions ordinaires de 
« nutrition hors d’un liquide sucré, former successivement dans 
« leur épaisseur du sucre à l’aide de leur cellulose, puis de l’al- 
« cool et de l'acide carbonique rejetés comme produits excrémen- 
« titiels), elles assimilent alors le sucre directement sans être ame- 
« nées à le former graduellement, puis le dédoublent en quantité 
« qui croît avec leur nombre et leur poids. L'énergie et la rapidité 
« du dédoublement en acide carbonique et alcool, qui caractérisent 
« la fermentation, phénomènes homologues de la formation de 


(L) Voy. p. xxvI. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CXHII 


« l’urée des animaux, etc., sont proportionnelles à celles de l’assi- 
« milation du sucre tout formé ; mais cela s’accomplit sans qu’il y 
« ait changement de nature dans les phénomènes nutritifs fonda- 
« mentaux ; sans que les choses aient lieu autrement que lorsque 
« le sucre n’étant pas fourni tout formé aux cellules, celles-ci le 
« produisent d’abord, à la manière de ce qui se passe lors de la 
« croissance, puis de la maturation des pommes. » (Art. Organisa- 
tion du Dictionnaire encyclopédique.) 

Nous avons tenu à reproduire en entier ce long passage pour 
bien établir ce qu’il faut entendre par fermentation, laquelle n’est 
qu’un cas particulier de la nutrition des plantes, et dans celle-ci de 
la désassimilation spécialement. [Il y a deux choses en présence : 
l'espèce végétale (torule de la levûre, amylobacter, bactérie, peu 
importe) et le composé chimique de plus ou moins faible stabilité 
qui lui sert d'aliment. Nous pouvons dire que le cryptogame modifie 
son milieu ambiant, mais c’est une façon détournée d'exprimer le 
résultat de l’activité nutritive du végétal. Le milieu ambiant n’est 
modifié en réalité que par les substances que le corps vivant en 
enlève pour se nourrir et par celles qu'il y rejette comme résultat 
de sa nutrition. | 

Mais il peut arriver — notons de suite cette particularité — que 
des substances d’origine organique, bien que n'ayant aucune struc- 
ture cellulaire, vont se montrer ici avec une action complètement 
identique à celle de certains ferments figurés. Cette manière d’in- 
terpréter le rôle des ferments figurés d'une part, et de l’autre ce 
rapprochement entre leur action et celle des substances amorphes 
dont nous parlons, ne sont plus discutés aujourd'hui; ils sont ac- 
ceptés tout entiers par M. Daclaux, un des disciples les plus dis- 
tingués de M. Pasteur et qui a été comme son porte-parole dans 
notre haut enseignement. D'après cet auteur (1), la présure com- 
merciale desséchée, pulvérulente, transportée au loin par le vent, 
a une action essentiellement identique à celle du cryptogame (fer- 
ment lactique) qui aigrit le lait en formant de l'acide lactique aux 
dépens du sucre de lait (2). De même une autre diastase, la caséase, 
va liquéfier la caséine exactement comme font les cryptogames qui 
en provoquent la dissolution (3). 

Robin a donc raison de remarquer que partout où il y a fer- 
ment, il y a fermentation, mais que l'inverse n’est pas vrai : il peut 


(1) Le microbe et la maladie, 1886. 
(2) Duclaux, Le Microbe et la maladie, p. 105, 
(3) Duclaux, 1bid., p.107. 


CHARLES ROBIN. h 


CXIV . CHARLES ROBIN 


y avoir fermentation sans ferments. Tel est le cas de la fermenta- 
tion alcoolique de la glycose dans le tissu des pommes en voie 
de maturation (1), dans celui des champignons hyménomycètes (2). 
On sait que cette question des fermentations sans ferments occupait 
Claude Bernard quand la mort l’a enlevé. Ces faits de divers ordres 
démontrent tout au moins que la substance organisée peut puiser 
parfois en soi la raison d’être d'actions chimiques — de certaines 
actions chimiques, si l’on veut — que nous plaçons communément 
en dehors d’elle, parce que nous les voyons provoquées le plus sou- 
vent par des êtres ou des causes extérieures. 

Cette tendance à extériorer ainsi, relativement à l'organisme, 
la première origine des altérations survenues en lui, a conduit à de 
singulières confusions. Ainsi on a interprété d’une façon absolu- 
ment antiscientifique, l’action réciproque de la bactérie dont on fait 
la cause d’une maladie déterminée, et de l'organisme où elle évolue. 
Et on nous parle, comme fait M. Virchow, du combat de la bac- 
térie avec la cellule, dans le corps menacé de ses ravages ; ou c’est 
M. E. Metschnikoff nous dépeignant les leucocytes et d’autres cel- 
lules comme des êtres voraces qui se jettent sur tout ce qu’ils ren- 
contrent, pour le dévorer. De là même est venue la dénomination 
nouvelle de phagocytes, qu'il leur donne, et celle de phagocytose 
appliquée à l'accumulation ou prolifération de ces cellules autour 
des corps étrangers introduits dans l'organisme, même alors qu'ils 
sont parfaitement inertes. Cela seul ne suffit-il pas à montrer le peu 
de fondement d’un tel rapprochement avec des animaux attirés par 
une proie ? à moins de supposer dans élément anatomique la faculté 
de raisonnement et par suite d'erreur (3). 

Rien n’est plus antiscientifique, disons-nous, qu’une telle con- 
ception et plus propre à égarer l'esprit sur la portée des activités en 
présence. Cette prétendue lutte où tantôt le cryptogame, tantôt la 
cellule triomphe, où le bacille est le Barbare tombant au milieu du 
Monde civilisé représenté par les cellules constituant le corps de 
l'animal; tout cela n’est que rhétorique, comme on dit aussi que 
l'organisme lutte contre la maladie, contre la mort; autant de con- 
ceptions imaginatives où la littérature peut trouver son compte, 
mais dont le moindre inconvénient est de décéler la connaissance 
insuffisante des conditions d'existence de la matière organisée sur 
lesquelles Robin avait tant de raison d’insister, et l'incertitude des 


(1) Le Chartier et Bellamy, Comptes rendus, 1872, t. LXXXV, p. 1204. 

(2) Muntz, Ibid., 1875. T. LXXX, p. 150. 

(3) Voy. Metschnikoff. Fortschritte der Medicin, 1885, n° 17. Trad. Rer. scientif., 
27 mai 1886, 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CXV 


actions qu’on essaie ainsi de traduire dans un langage aussi coloré 
que peu exact. 

Nous parler d’une lutte du cryptogame schizomycète et du plasma 
sanguin (car c’est le plasma bien plus que les éléments des tissus 
qui est immédiatement en contact avec lui), c’est nous raconter la 
Lutte de la graine et du terrain où elle tombe. Nous parler de bacille 
tué dans le cytoplasme du leucocyte qui l’a rencontré et enve- 
loppé comme il fait de tout corps dans les mêmes circonstances, 
c’est nous redire la mort d’une graine à mince pellicule au contact 
du suc gastrique. Dans tout cela, sauf l’enveloppement du bacille 
par le leucocyte, les forces physico-chimiques sont seules en jeu. 
Pour le cryptogame, bactérie ou autre, porté dans l'organisme, 
celui-ci est un terrain favorable ou non, voilà tout. S'il n’y trouve 
que peu ou n’y trouve point les conditions indispensables à son 
développement et à sa multiplication, il végète, il meurt. Il pullule 
si le milieu où il est tombé, est particulièrement propre à son exis- 
tence individuelle et à sa multiplication. 

L'argument qu'on voudrait quelquefois tirer d’une nature spé- 
ciale des bacilles, bactéries, vibrions, comportant pour ces êtres 
des lois particulières d'existence et de développement, n’est pas 
seulement en contradiction avec les faits d'observation, qui nous 
conduisent graduellement des végétaux plus compliqués et plus 
volumineux à ces végétaux plus simples et plus petits, par une foule 
d’intermédiaires; il ne tendrait à rien moins qu’à rejeter de tels 
êtres en dehors du monde organique pour en faire une sorte de 
règne à part dans la Nature. Evidemment tout se réduit dans l’action 
réciproque des bactéries et de l'organisme à des phénomènes végé- 
tatifs, à rapprocher — en tenant compte des différences propres à 
chaque espèce, à son stade évolutif, à son activité —des phénomènes 
qui se passent toutes les fois qu'un être vivant se développe sur un 
autre. Il n’y a d'action réciproque que celle des emprunts que fait 
le végétal à son hôte et celle des produits de sécrétion qu'il verse en 
lui, sans combinaison possible du mouvement nutritif des deux 
êtres, qui gardent chacun leur individualité, et qui ne peuvent en 
définitive échanger de la sorte que des principes immédiats de la 
première et de la seconde classe. 

Robin, pour toutes les raisons que nous venons d'exposer, devait 
être fort peu partisan de la spécifité pathogène des bactéries. IL 
avait, au contraire, bien avant l'éclat des doctrines pastoriennes, 
nettement défini l’état virulent comme une manière d’être de la 
substance organisée. « De même, dit-il, qu’il n’y a pas de chaleur 
« séparable des corps, mais des variations de température, des états 


CXYI CHARLES ROBIN 


« relativement chauds et froids dela matière, de mème, il n’y a pas 
« de virus en tant qu’espèces de corps ou principes pondérables et 
« isolables. Les virus existent en tantque mouvement, état d'activité 
« anormal, pathologique de la substance organisée, non en tant que 
« matière isolable, séparable ettangible. A ce point de vue, il y a viru- 
« lence, état virulent de la matière organisée, presque toujours 
« accompagnée, comme partout où il y a altération, du développe- 
« ment et de la reproduction de schizomycètes. » (Nouveau diclion- 
naire, 1885.) [1 n’est pas sans intérêt de rapprocher de cette opinion 
de Robin proclamant l’immanence de l’état virulent comme attri- 
but de la matière organisée, cette déclaration toute récente de 
M. Duclaux (1886) : « qu’on ne connait pas les diastases à l'état pur 
« et qu'aucun procédé ne les fournit débarrassées de la matière or- 
« ganique inerte dont elles s’accompagnent dans le liquide de sé- 
« crétion » (1). 

L'état virulent transmis de proche en proche d’une parcelle in- 
finitésimale à un poids considérable de matière vivante, est un phé- 
nomène dontil est bon, en passant, denoter l'analogieavec certaines 
réactions purement chimiques, telles que la combinaison de proche 
en proche de l’eau et de l'acide sulfureux, sous l'influence d’une 
seule molécule (au moins théoriquement) d’acide azotique. On pour- 
rait citer d’autres exemples; il suffira de remarquer la parfaite 
similitude qu'a l'expression quantitative des phénomènes de cet 
ordre, avec celle de la multiplication indéfinie, par scissiparité, des 
cryptogames schizomycètes. 

Robin, jusqu’au dernier jour, est resté fermement attaché à la 
théorie de la virulence telle qu’il l'avait formulée dès le début. Il 
a même, vers la fin de sa vie, indiqué sommairement quelques : 
objections que l’on peut présenter à la façon actuelle de com- 
prendre la pathologie, conforme aux « doctrines microbiennes » (2). 
Eu essayant de présenter à notre tour ces objections, avons-nous 
besoin de protester de notre admiration pour les travaux de 
l'homme considérable dont le nom résume aujourd'hui la mé- 
decine nouvelle et rayonne d'un éclat si grand sur toute l’Europe? 
« L’atténuation des virus » (quel que soit le phénomène intime ainsi 
désigné) réalisée expérimentalement est une des plus grandes dé- 
couvertes dont doive s'honorer et se réjouir l'humanité. Elle en 
place l’auteur à côté de Jenner. Ce que l’un avait découvert par 
des observations d'une sagacité profonde, M. Pasteur le réalise par 


(1) Le microbe et la maladie, p. 105. 
(2) Expression de M. Pasteur. Voy. Lettre à M. Verneui, 26 fév., dans Gaz. heb- 
domadaire. 


S\ VIE ET SON ŒUVRE. CX VII 


des séries d’expériences entreprises avec une magistrale ingénio- 
sité. Le grand homme de science français reste donc en dehors du 
débat et son nom le domine. Il ne s’agit point de contester les faits 
d'expérience indiscutables sur lesquels il appuie sa doctrine. Nul 
n’y a jamais songé et Robin moins que personne. Le seul but que 
nous puissions nous proposer ici, est d'essayer de ramener les phé- 
nomènes visés par la pathologie bactérienne, à leur véritable va- 
leur ; de montrer les points précis qui sont hors de discussionet ceux 
qui sont peut-être susceptibles, dans l'état actuel des sciences, d'une 
interprétation un peu différente de celle qu’on en donne. 

Une première objection aux doctrines microbiennes est la res- 
semblance, pour ne pas dire l'identité morphologique absolue des 
cryptogames pathogènes auxquelles on attribue cependant les ma- 
ladies les plus différentes (charbon, fièvre typhoïde, dyssenterie, 
choléra, phtisie, etc.). Et d'autre part, distinguer dans ces cryp- 
togames si complètement identiques, autant d’espèces d’après les 
effets produits sur le milieu, c'est ruiner toute méthode botanique. 
Robin insistant sur ce point (1), dit très justement: «qu'une déter- 
mination spécifique faite en dehors de la connaissance de l’évo- 
lution complète des individus, résumée ou non dans une phrase 
linnéenne, reste sans valeur » (1). Il s’en faut en outre et de beau- 
coup que ces cryptogames, si singulièrement semblables malgré 
qu’ils causent une foule d’affections différentes, aient même été 
positivement rencontrés dans toutes les maladies qui offrent une 
marche symptomatique analogue à celles où on les signale. Voici 
donc un premier point: La spécificité des cryptogames pathogènes est 
loin d’être démontrée et les faits parlent contre celte hypothèse fonda- 
mentale des théories actuellement régnantes. 

Un second fait d'expérience est le suivant : L'organisme à l'élat 
normal abrite toujours dans ses cavités, dans ses humeurs, dans ses 
tissus, un grand nombre de cryplogames appartenant précisément au 
groupe des schizomycèles que l'on trouve en abondance dans certaines 
affections pathologiques. 

Nous ne parlons pas ici des microzymas. La théorie soutenue 
avec une opiniâtreté si respectable par M. Béchamp et sur laquelle 
l'attention se fixait encore récemment à l’Académie de Médecine, 
parait peu défendable. M. Béchamp admet que les « granuiations 
azotées » décrites dans un grand nombre d'éléments anatomiques, 


(1) Voy. Remarques sur les fermentations bactériennes. Journ. de l’Anat., 1879. 


(2) Voy. sur celte question encore pendante, E. Hupye. Die Formen der Baclerien. 
Wiesbaden, 1886. 


CX VIII CHARLES ROBIN . 


sont des êtres aulobies susceptibles, sous des influences détermi- 
nées, de se transformer en bactéries (celles de la putréfaction, de 
diverses maladies, etc.). Cette théorie ne pourrait être vraie tout au 
plus qu’en partie. La substance contractile et par conséquent essen- 
tiellement vivante des fibres musculaires, des leucocytes, des pseu- 
dopodes des Radiolaires, etc., est hyaline, transparente comme 
le cristal le plus pur; ce n’est qu'après la mort que le microscope 
y voit apparaître des granulations, comparables à celles que la coc- 
tion ou l’action de certains réactifs font naître dans l’albumine. 
Les microzymas n’ont donc pas l’universalité que leur suppose 
M. Béchamp; ilsmanquent absolument dans des substances où l’état 
d'organisation se révèle par ses manifestations les plus élevées. 

M. Béchamp admet qu'après la mort et pendant la vie dans cer- 
taines circonstances, les microzymas deviennent bactéries, se dé- 

veloppent en bactéries comme font les granulations d’une zooglée 
telle que celle de Lepiothrix buccalis autrefois décrite par nous (1). 
Ces granulations présentent en effet parfois un aspect très voisin de 
celui que la coagulation fait apparaître dans un grand nombre de 
substances organisées, homogènes et hyalines pendant la vie. Il 
est possible que M. Béchamp ait été induit en erreur par la pré- 
sence — plus commune qu'on ne le croit généralement — de bac- 
téries dans les tissus et les humeurs des êtres vivants supérieurs. 
Leur petitesse est une excellente condition de pénétration. Nous 
avons signalé, il y a longtemps déjà, l'existence de vibrioniens 
actifs dans le sang des Crustacés, dans la rate des Poissons pla- 
giostomes. M. Ch. Richet a d’ailleurs démontré depuis lors la pré- 
sence très fréquente de bactéries dans le sang des poissons (2). Et 
tout récemment M. Bizzozero a noté l'existence constante de ces 
mêmes bactéries dans les follicules lymphatiques de l'intestin du 
lapin (3). On s’explique très bien dès lors qu’elles puissent être 
versées dans le torrent circulatoire, C’est là sans doute la cause du 
succès des expériences dans lesquelles M. Béchamp et ses disciples 
ont obtenu des bactéries aux dépens de fragments de foie enlevés et 
isolés avec toutes les précautions voulues pour qu'aucun germe 
atmosphérique y püt tomber (4). On doit en somme regarder 

(1) Sur une variété morphologique du Leptothrix buccalis. Soc. de Biol., 1864. 

(2) Microbes chez les poissons. Soc. de Biol., 4 nov. 1882. 

(3) Sulla presenza costante di Batteri nei follicoli linfatici dell’intestino di Co- 
niglio (Archivio per le scienze medice., vol. IX, n° 18.) Acad. de méd. de Turin, 
6 mars 1885. 

(4) Rappelons que Robin avait déjà signalé ce fait, qu’on trouve des bactéries dans 


le sang acide des veines sushépatiques sur le cadavre après certaines maladies (voy. 
Anut. et Phys. cell., p. 539). 


SA VIE ET SON OEUVRE. CXIX 


comme probable que chez tout Mammifère, dans le sang en circu- 
lation, au milieu des tissus, existent des bactéries (indépendam- 
ment de celles des cavités, digestive, etc.) en nombre plus ou moins 
grand, soit à l'état de filaments, soit à l’état de micrococcus. On 
conçoit d'autre part que les observations que nous pouvons faire 
sur un animal vivant, ne soient jamais assez complètes pour affir- 
mer qu’un de ces eryptogames ne s’y trouve pas. Végétant pauvre- 
ment dans les conditions normales de la santé de son hôte, qui ne 
sont pas pour lui les conditions favorables, il va se multiplier dès 
que se produira chez l'hôte quelque altération que ce soit, rappro- 
chant les tissus ou les humeurs de celui-ci, de l’état cadavérique, 
c'est-à-dire de l’état favorable par excellence au développement du 
cryptogame. 

Nous sommes ainsiconduits à la question depuis longtemps posée 
et qui n'a pas encore reçu, quoiqu'on puisse dire, sa solution dé- 
finitive : Les cryptogames, dans les maladies relativement rares où on 
les observe d'une manière constante et en abondance assez grande 
pour qu’on leur puisse attribuer raisonnablement une influence no- 
cive, sont-ils cause ou eff? Est-ce la bactérie charbonneuse qui, 
tombant dans le plasma sanguin, produit le charbon? est-ce le mal 
charbonneux, venu d’une autre source à rechercher, qui fourni tout 
à coup à ces bactéries sporadiques existant dans le corps des ani- 
maux, et probablement des animaux domestiques plus que les 
autres, les conditions favorables à une prolifération excessive ? Sans 
compter que des bactéries auront pu être introduites en même 
temps que l’agent morbifique. 

Nous ne voulons pas nous arrêter à une objection qui n’est 
pourtant pas non plus sans valeur, à savoir : que l'intensité du mal 
n’estpasleplus souvent proportionnelle au nombre des cryptogames 
développés dans l’organisme. 

Nous arrivons à l'argument fondamental et qui est comme la 
pierre angulaire de toute la doctrine : au fait des cultures artifi- 
cielles. C’est là, sans contredit, un des plus beaux résultats atteints 
par M. Pasteur. Mais ne s’est-on pas trop hâté d'admettre qu’en 
multipliant dans des milieux artificiels les bactéries recueillies 
avec du sang charbonneux (pour prendre l’exemplele plus typique), 
on éliminait rapidement toute influence nocive pouvant remonter 
aux humeurs où étaient plongées les premières bactéries mises 
en culture? Évidemment, s’il était démontré que les choses sont 
bien ainsi, la propagation de la maladie par le fait exclusif des 
bactéries, serait incompatible avec la conception de l’état virulent 
tel que le concevait Robin. Et peut-être eüût-il le tort de chercher 


CXX CHARLES ROBIN P 


à accorder les deux choses. Il paraît admettre, lui aussi, dans les 
derniers temps, que la bactérie porte exclusivement en elle-même 
le principe pathogène. Dès lors il ne voit plus plus qu’une expli- 
cation possible: c'est que le cytoplasme de la bactérie, au contact 
de la matière virulente de l’animal-terrain, est devenu lui-même 
virulent, s’est transmis virulent aux bactéries nées par multiplica- 
tion de la première, et finalement que cette virulence se trouve de 
nouveau transportée du cytoplasme cellulaire du cryptogame à la 
substance organisée normale sur laquelle on le met vivre à nou- 
veau. Et il conclut: « Le mal qu'on peut ainsi cultiver, conserver, 
« multiplier, serait de la sorte au moins temporairement une pro- 
« priété physiologique immanente à l'organisme cryptogami- 
« que (1).» Notons ce point, Robin dit « temporairement ». Les 
bactériologistes admettent à la fois que le cryptogame est cause 
de la maladie et porte en lui la faculté d'atténuation, ils recon- 
naissent d'ailleurs que cette atténuation peut aller jusqu'à sa der- 
nière limite, c'est-à-dire jusqu'à disparaitre. Mais alors la virulence 
n’est donc dans le cryptogame qu'une proprieté transitoire (2) ? 
N'est-ce pas là le plus fort argument contre la spécificité pathogène 
des schizomycètes, c'est-à-dire contre le fondement même de la 
doctrine bactérienne ? | 

Mais cette explication de Robin n'arrive pas encore à lever toutes 
les difficultés. En eflet, si l’on admet avec lui que l'état virulent est 
un mouvement moléculaire d'un ordre spécial, il aura nécessaire- 
ment pour condition essentielle la continuité de substance. Et 
comme d'autre part il semble essentiellement propre aux matières 
albuminoïdes vivantes ou non, on ne comprend plus bien comment 
cet état pourra se transmettre du terrain où vit la bactérie, au 
cytoplasme de celle-ci isolé par l'enveloppe cellulosique, et inverse- 
ment être transmis de nouveau du cytoplasme de la bactérie à la 
substance vivante cellulaire ou amorphe d'un nouvel animal, à 
travers cette même enveloppe. Aussi Robin est-il conduit en dé- 
finitive à se demander « si à côté de champignons dont la présence 
« serait peut-être seulement un épiphénomène, il n'y a pas des ma- 
« tières virulentes inoculables, contagieuses qui ont été conservées 
« et transmises avec lui-même (3) » ? 


(1) Nouveau dictionnaire abrégé. 

(2) Ce serait le cas eñ-particulier du micrococeus du choléra des poules (voy. M. Du- 
claux. Ouv. cité, p. 161). M. de Ranse dans une discussion récente à l'Académie de 
Médecine a très fortement et très justement insisté sur ce point (voy. Le Temps du 
4 mars 1886). 

(3) Nouveau dictionnaire abrégé. 


s-4 


sindit. ts Été nb né Pr EE 


DR 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CXXI 


Peut-être nous sera-t-il permis de présenter ici quelques consi- 
dérations qui nous sont personnelles, dont nous nous sommes par- 
fois entretenu avec notre maître. Elles ne s'appuient, hâtons-nous 
de le dire, sur aucun fait d'expérience, mais peut-être conviendra- 
t-on qu'elles en appellent de nouvelles, précisément en ce qui 
concerne l’étude analytique des phénomènes intimes qui se passent 
dans les liquides de culture. On part de ce principe, avons-nous 
dit, qu’en multipliant convenablement les cultures, on isole com- 
plètement la bactérie du charbon, que nous avons prise pour 
exemple, de toute parcelle matérielle, aussi bien que de toute in- 
fluence provenant de l'animal malade où le cryptogame a été re- 
cueilli. On admet que si l’état virulent s’est conservé dans des 
cultures successives, il y a été successivement porté par les crypto- 
games seuls. En est-il bien ainsi? Ne pourrait-on supposer que 
l'état virulent, ce mouvement moléculaire spécial qui paraît n'être 
en somme qu’un mode spécial d’oxigénation des albuminoïdes, est 
susceptible de se transmettre à certains milieux non vivants; en 
sorte qu’en propageant la bactérie, on aurait propagé du même 
coup la virulence du milieu et par conséquent les conditions favo- 
rables à son développement. Nous savons fort bien que les expé- 
riences instituées pour démontrer le rôle pathogène des bactéries, 
ont été considérées comme établissant également que le milieu 
de culture artificiel ne prenait aucune qualité nocive. Mais peut- 
être serait-il bon de le démontrer plus explicitement. Le con- 
traire n'aurait d’ailleurs en soi rien de particulièrement extraordi- 
naire, la virulence n’impliquant pas la vie,. mais seulement la pré- 
sence de substances albuminoïdes. Il s’agit en somme de savoir 
si, portant du sang charbonneux desséché à l’air dans un bouillon 
de culture approprié et placé dans les conditions voulues, un état 
moléculaire spécial, inhérent à ce sang mort et déjà profondément 
altéré, n'est pas susceptible de se communiquer à ce milieu nou- 
veau à demi favorable, et susceptible d’être de là itérativement 
transmis au plasma sanguin d’un autre animal. 

Un argument produit en faveur de la nocivité exclusive des bacté- 
ries est que les liquides virulents qui les contiennent, perdent 
quand on les filtre, la propriété de communiquer la maladie, tan- 
dis que les bactéries demeurées au-dessus du filtre l’ont conservée. 
Mais cet argument n'a, lui aussi, qu’une valeur relative et mé- 
riterait peut être de nouvelles vérifications. Nous savons que les 
liquides filtrés peuvent subir les modifications les plus inattendues, 
sur lesquelles nous sommes parfois fort mal renseignés (1). I ne 


(1; Voy. sur ce sujet les curieux résultats communiqués au congrès de Nancy, 1885, 
par M. Certes, sur les solutions colorées filtrées à travers la porcelaine dégourdie, 


CXXIL CHARLES ROBIN ‘ 


serait nullement impossible que des modifications de cet ordre, 
méconnues, aient donné lieu à la croyance à l’innocuité des liquides 
ayant traversé le filtre. Il est bon de remarquer que quand ont été 
faites les expériences dans cette direction, tout au début des 
recherches de M. Pasteur et sans qu'il ait paru nécessaire de les 
renouveler depuis, on a cru le liquide filtré parfaitement inoffensif, 
alors que d’après ce qu’on sait aujourd’hui, il devait contenir en 
abondance des alcaloïdes, ptomaïnes ou leucomaïnes qui ont cepen- 
dant échappé aux observateurs d’alors. 

Aujourd’hui nous ignorons si les liquides buccaux d'un animal 
enragé, convenablement filtrés jusqu’à élimination de tout trouble 
granuleux, seraient encore nocifs. S'ils l’étaient, les idées toujours 
défendues par Robin, et que nous essayons de résumer ici, rece- 
vraient une consécration éclatante. 

Il est curieux de voir combien la force des choses ramène fata- 
lement les partisans les plus autorisés des doctrines microbiennes 
à se rapprocher des idées que nous exprimons, plus encore quenous 
ne les défendons. Il est curieux de voir les pathologistes, M. Pasteur 
toutle premier, consacrer l'expression de «virus rabique » (1), tandis 
qu'ils disent la « bactérie charbonneuse, le miccrocus du choléra 
des poules et du rouget ». En sorte que le plus grand triomphe 
expérimental qu'ait remporté le fondateur de la pathologie bacté- 
rienne, nous offre ce point noir de ne pas laisser discerner la bac- 
térie ou le micrococcus qui est le nœud, la cause même de l’affec- 
tion, qui serait susceptible de vivre à la fois dans la substance ner- 
veuse des centres et dans la salive, et qui, malgré ce double habitat 
si différent, n’a trouvé jusqu'ici dans aucun milieu artificiel connu, 
un milieu de culture approprié. 

Nous arrivons à la question des immunités. Celles-ci — et c’est 
ce que nous voudrions montrer en terminant — constituent cer- 
tainement l’objection la plus grave aux doctrines pastoriennes. 
C'est un fait hors de doute, et que les bactériologistes ne songent 
pas d’ailleurs à contester, que les immunités, dans le système no- 
sologique nouveau, sont à peu près inexplicables. Une épidémie 
charbonneuse ou cholérique, si on admet que le choléra est en- 
gendré par un bacille, règne : les cryptogames, cause de la ma- 
ladie, se répandent partout, absolument comme les grains d’ami- 
don, les fils textiles, les poils végétaux que F.-A. Pouchet re- 
trouvait dans toutes les poussières atmosphériques. Tous les 
êtres vivants de la région reçoivent des germes, le fait n’est pas 
douteux : pourquoi tous ne sont-ils pas atteints? Supposons une 


(1) Comptes rendus, t. XCV, 1882, p. 1187; t. XCVILI, 1884, p. 457, p.1229, etc. 


SA VIE ET SON OŒUVRE. CXXIII 


vaste étendue de pays uniformément divisée en mètres carrés. 
Le vent y porte les graines en abondance d’une plante quelconque. 
Chaque mètre carré sera ensemencé, est-ce que la plante ne va 
pas lever partout? Assurément, elle peut ne pas germer si elle 
tombe, par exemple, sur un chemin solidement empierré; il est 
bien certain qu’elle ne trouvera pas là les conditions de vie qui 
lui sont nécessaires. Mais la différence profonde, radicale, entre la 
qualité de ce sol et les terres environnantes explique qu’il en soit 
ainsi. Partout ailleurs elle poussera dans les terrains bons, mau- 
vais ou médiocres, elle poussera dans des sols de constitutions les 
plus variées; elle poussera plus ou moins bien, mais elle don- 
nera en définitive sa plante, elle accomplira son évolution indivi- 
duelle aux dépens des matériaux plus ou moins favorables four- 
pis par le terrain. — Pour les végétaux inférieurs, tels que les 
cryptogames schizomycètes, les conditions d'existence sont telle- 
ment larges et faciles à réaliser qu’il a fallu, pour garantir certains 
liquides de leur invasion, cette rigueur dans les procédés expéri- 
mentaux dont M. Pasteur a le premier démontré la nécessité. Or, 
en temps d’épidémie causée — ainsi le veulent les doctrines ré- 
gnantes — par la diffusion d’un de ces cryptogames, que voyons- 
nous ? Le plus grand nombre desindividus vivant dans l'atmosphère 
chargée des germes de la maladie échappent à leur influence. Et 
cependant si les germes en question sont réellement des végétaux 
doués d’une vie propre, ils devront vivre et se multiplier sur la 
totalité ou la très grande majorité des individus. Car, au regard 
des conditions de développement d’un cryptogame que nous sa- 
vons apte à prospérer dans les milieux de culture les plus variés, 
nous ne pouvons pas comprendre que tous les individus d'une 
espèce animale donnée ne soient pas pour ce cryptogame un terrain 
identiquement favorable, 

On n’a pas tenu compte comme il convenait de cette personna- 
lité propre à la graine, à la spore, et qui en fait quelque chose à part, 
l'isole dans une certaine mesure du monde ambiant. Si l’évolu- 
tion du germe dépend du milieu, c’est avec une certaine latitude; 
de même que des graines pousseront toutes malgré les grandes 
différences des terrains où elles tomberont. Il n’est absolument 
pas admissible que d’un individu à un autre de la même espèce 
les différences soient assez grandes pour ne pas permettre chez 
tous l’évolution et la multiplication du cryptogame implanté. Ou 
bien il faut admettre que les cryptogames pathogènes ont une phy- 
siologie absolument particulière, ou bien il faut renoncer à leur 
faire jouer le rôle qu’on leur donne, Comment, nous le demandons, 


CXXIV CHARLES ROBIN 


concilier l’origine purement bactérienne du charbon, avec ce fait 
que la bactérie charbonnneuse si apte à se développer dans les 
conditions artificielles les plus variées, ne trouve plus chez le mou- 
ton d'Algérie le terrain favorable que lui offre le mouton européen? 

En va-t-il de même si nous admettons que le véhicule matériel 
de la contagion, au lieu d’être un végétal comme le ferment lac- 
tique, est quelque chose comme cette parcelle de présure qui est 
simplement un agent moléculaire. Alors nous pouvons beaucoup 
mieux comprendre que son action soit restreinte, qu'elle se fasse 
sentir chez certains individus, soit nulle chez d’autres. Car nous 
pouvons dès lors nous figurer qu’elle agit seulement en vertu de 
réactions chimiques expressément définies et ne se produisant qu'à 
la faveur d’un état moléculaire déterminé, en rapport avec le mou- 
vement nutritif actuel chez l'individu contaminé. Il n'y a plus rien 
de choquant à admettre qu’une réaction chimique aussi délicate que 
toutes celles dont la matière vivante est le siège, n'a plus pour se 
produire la latitude qu’une graine ou une spore pour germer: elle 
exige pour débuter unensemble précis de conjonctures molécu- 
laires qui peut être extrèmement restreint, sauf à s'étendre ensuite 
de proche en proche comme ces réactions minérales que nous avons 
signalées plus haut. 

Ajoutons pour dernière remarque que le fait de l’immunité 
conférée par une première attaque de l'affection virulente, s’expli- 
querait aussi beaucoup mieux de la sorte. Au point de vue spécial 
des doctrines bactériennes, il est impossible de se figurer comment 
les éléments nutritifs puisés dans l’économie et qui ont servi une 
première fois au développement du cryptogame, ne vont plus s'y re- 
trouver au bout d’un temps très court et n’auront pas replacé l’or- 
ganisme dans les conditions largement variables permettant aux 
nouveaux germes tombés sur ce terrain renouvelé de s’y développer 
comme les premiers. Tandis que dans l'hypothèse de la virulence 
et d’une modification moléculaire communiquée à l'organisme en- 
tier, il est toujours possible d'admettre que le changement même 
survenu dans le mouvement nutritif lui imprime une modalité 
nouvelle comparable à celle qu'imprime le spermatozoïde dans les 
cas d’hérédité morbide, modalité que l'organisme conservera, in- 
compatible avec un retour de l'altération autrefois subie. 

Telles sont quelques-unes des objections que l’on peut, semble- 
t-il, dans l’état actuel des connaissances faire valoir contre une 
extension tout au moins abusive des doctrines ayant cours au- 
jourd’hui en pathologie. Il reste beaucoup à démontrer pour ceux 
qui les acceptent entières. Et de notre côté nous ne nous dissi- 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CXXV 
mulons nullement la grande part que nous faisons à l'hypothèse. Ce 
ne sera pas en tous cas aux partisans des doctrines microbiennes de 
nous le reprocher. M. Duclaux, en abordant le même sujet, déclare 
« qu'il va lui falloir faire une large place au raisonnement et à la 
« spéculation, et qu’il ne reculera pas devant un peu de hardiesse 
« dans les inductions » (1). 

En fait le débat est loin d’être vidé. Il semblerait même que 
dans ces derniers temps la théorie bactérienne a subi quelques 
légers échecs. On peut se demander si la grande faveur dont elle 
jouit, n'a pas trop fait perdre de vue « l’état virulent » si nettement 
défini par Robin. Il n’est pas impossible qu’un avenir peu éloigné 
nous y ramène, ou du moins reporte l'attention sur l'organisme 
altéré et la nature intime de ses altérations, trop uégligés dans la 
préoccupation exclusive où l’on est, de constater la présence du 
cryptogame regardé (un peu hypothétiquement) comme la cause du 
mal. 


XI. — TRAVAUX DE BOTANIQUE, DE ZOOLOGIE ET D'EMBRYOGÉNIE. — 
L’ACCOMMODATION DES PARTIES ORGANIQUES. 


Un caractère très particulier de Robin est d’avoir touché avec 
une égale supériorité à diverses branches de la biologie. Nous ve- 
nons de le voir anatomiste et anatomo-pathologiste. En botanique, 
il laisse un grand ouvrage classique; en zoologie, il est l’auteur 
d'importantes recherches sur les Poissons et découvre l'organe élec- 
trique des Raies. Enfin, il est aussi embryologiste ; il étudie les 
premiers stades du développement chez les Annélides et les In- 
sectes. 

Robin demeura toute sa vie préoccupé d'une question dont 
il croyait avoir trouvé la solution. Il l’expose déjà dans son traité 
Du Microscope, et il y revient par la suite à différentes reprises. 
Nous savons aujourd'hui que la conception des deux règnes 
animal et végétal est vaine et qu’il n'existe en réalité aucune 
distinction fondamentale entre les êtres vivants autrefois placés 
dans l’un et dans l’autre. Robin croyait encore à une distinction 
absolue entre les Animaux et les Plantes, et il la voyait dans 
la présence ou l’absence d’une paroi cellulosique. Réduite à 
ces termes la proposition peut se soutenir et Robin eut rai- 
son de montrer l'erreur où tombait M. Pasteur en considérant 
comme animaux les cryptogames parasites qui causent certaines 


(1) Le microbe et la maladie, p. 113. 


CKxVI CHARLES ROBIN 


maladies des vers à soie. Mais la question est de savoir si le cyto- 
plasme d'une cellule donnée ne peut pas, ne fût-ce que pour un 
certain temps, se montrer dépourvu de son enveloppe cellulo- 
sique, et alors ressembler detous points à un animal. Robin n’admet 
pas qu'il en soit ainsi et croit trouver dans la réaction très nette 
de la cellulose un caractère à la fois universel et distinctif des vé- 
gétaux : « Le cytoplasme d'une cellule animale sedissout tout entier 
« dans l’ammoniaque (sauf les produits chitineux) et se résout en 
« sarcode. Dans les végétaux les plus simples, les spores ciliées 
« des algues, etc., il y a toujours distinction nette, possible entre la 
« paroi de cellule et son contenu. L’iode montre que la paroi est 
« formée d’une variété de cellulose non attaquée par l'ammo- 
« niaque. » 

« Les Végétaux, d'après Robin, sont formés de véritables cellules; 
ils ont la cellulose, substance très oxigénée, pour principe immédiat 
fondamental de leurs éléments anatomiques définitifs, lesquels se 
forment par simple métamorphose des cellules embryonnaires du 
germe (1). Les Animaux sont des corps organisés ayant la propriété 
de se contracter volontairement, formés soit de substances homo- 
gènes et granuleuses seulement, soit en même temps de fibres 
pleines, de tubes non cloisonnés ou de cellules, ayant l'albumine 
et ses congénères, substances très azotées, pour principes immé- 
diats de leurs éléments anatomiques définitifs, lesquels se forment 
par substitution de toutes pièces aux cellules embryonnaires du 
germe. » Cette double définition ne supporte plus l'examen, et nous 
la donnons seulement comme une tentative intéressante pour 
l'époque où elle était formulée. Il existe des Protozoaires très 
semblables les uns aux autres par toutes les particularités de leur 
organisation, dont les uns présentent une cuticule cellulosique qui 
manque aux autres. Une division de ce chef entre les êtres vivants 
est toute artificielle : elle dépend uniquement de l’importance attri- 
buée hypothétiquement au caractère envisagé. C'est là d’ailleurs 
un vice inhérent à toute classification biologique. L'histoire de la 
zoologie nous montre ainsi le système nerveux, le placenta pour 
les Mammifères, l’évolution embryogénique, etc., tour à tour in- 
voqués comme donnant les meilleurs caractères propres à déli- 
miter les grands groupes, sans que nous soyons en aucune façon 
fixés. À ce point de vue, la distinction de Linné entre les Animaux 
et les Végétaux valait presque celle qu’on a cherché à établir depuis 
d'après le mode de respiration (Dumas) ou la présence de la cellu- 
lose (Robin). Eu réalité il n’y a ni règne végétal ni règne animal, 


(1) Voy. ci-dessus, p. LXXVIIT, 


SA VIE ET SON ŒUVRE. OXEVII 


mais seulement un Règne organique comprenant sous le nom de Vé- 
gétaux et d'Animaux tous les êtres vivant ou ayant vécu à la sur- 
face de la Terre. Nous ne voyons guère qu'on puisse modifier cette 
formule qui suppose simplement admise la notion de vie. 


Robin s’est moins occupé de botanique que de zoologie; toute- 
fois, on peut signaler de 1853 à 1856 divers mémoires de lui sur les 
anomalies de composition de la fleur, etc. En 1847 il avait présenté, 
pour le doctorat ès-sciences, une thèse Sur les vegélaux parasites 
des animaux vivants. Ses recherches de ce côté, considérablement 
étendues, lui ont fourni, en 1853, la matière d’un volume in-8° ac- 
compagné d'un bel atlas. 

Dès les prolégomènes on sent que le sujet est traité avec une éléva- 
tion de vues que l’auteur puise dans ses connaissances anatomiques 
et la notion toujours présente de l’état d'organisation. La première 
question à se poser, résolue déjà dans une note parue en 1859, était 
de bien établir le mode de propagation des végétaux observés 
sur les animaux vivants. Robin montre comment la matière de 
ceux-ci disparaît molécule à molécule devant le corps solide pa- 
rasite, pendant qu’en arrière de lui la matière organisée se re- 
forme molécule à molécule et reprend la place auparavant occu- 
pée par le corps étranger. Il n'y a pas d'autre mécanisme pour 
la pénétration des spores des divers végétaux cryptogames dans les 
tissus, dans les cavités fermées, enfin dans les systèmes sanguin 
et lymphatique qui se chargent ensuite du transport de ces germes. 
Robin montre ainsi nettement la distinction qu’il faut faire entre la 
pénétration d'un corps au milieu des tissus où il change de place 
et non d'état, et l'absorption, où le corps absorbé — toujours liquide 
— traverse molécule à molécule la substance organisée en se com- 
binant plus ou moins à elle. Ces notions, devenues aujourd’hui 
courantes, étaient nouvelles à l’époque où Robin en entretenait la 
Société de Biologie (1852). 

Dans les prolégomènes, il établit que toute question d'histoire 
naturelle, quelle qu’en soit l'importance apparente exige, pour être 
complètement traitée, la connaissance des phénomènes élémen- 
taires de nutrition, de développement et de reproduction. Elle 
n'exige pas moins la solution des questions relatives à l'influence 
des milieux. Robin reprend ici avec détail ces deux points déjà 
indiqués dans le traité Du Microscope. Il s'étend également sur tout 
ce qui concerne la naissance et le développement des cellules végé- 
tales tant chez les Phanérogames que chez les Cryptogames, soit 
d’après des recherches originales, soit d’après des observations 


CXXVili CHARLES ROBIN 


ayant pour but de contrôler les faits de ce genre antérieurement 
décrits. Enfin il expose, comme prélude à la description des végé- 
taux simplement cellulaires, la structure des cellules végétales en 
général et des filaments qui accompagnent la formation des mycé- 
liums. Il confirme sur tous les points fondamentaux les travaux alors 
récents de Hugo Mohl, mais qui n'avaient pas trouvé jusque-là d'écho 
en France, et il fait une étude complète de l'utricule primordiale de 
cet auteur, ou utricule azoté, qui tapisse les cellules végétales, appli- 
qué contre la face interne de leur paroi. 

Après avoir examiné les conditions qui favorisent le développe- 
ment des végétaux parasites, l’auteur arrive à la description des 
espèces, qui est l’objet même de l'ouvrage. L'histoire de chaque 
espèce, complètement traitée, comprend sa diagnose, son anatomie, 
l'étude du milieu dans lequel elle vit, des conditions extérieures qui 
en permettent l'accroissement, l'étude des phénomènes de nutri- 
tion, de développement et de reproduction qu’eile présente, c’est- 
à-dire sa physiologie, enfin l'examen de l’action quele parasite, par 
suite des nécessités mêmes de son existence, exerce sur l’animal 
dont les tissus sont pour lui le milieu ambiant. La connaissance des 
altérations morbides et des symptômes dont le parasite est ainsi la 
cause, conduisent à l’exposé des moyens à employer pour faire dis- 
paraitre cette cause, pour détruire ou enlever le végétal et empêcher 
qu'il ne se développe de nouveau, moyens basés sur la connaissance 
anatomique de la plante, de son siège, des phénomènes de déve- 
loppement qui lui sont propres, et même de l’action qu'elle exerce 
sur son hôte. Telle est la marche rationnelle partout suivie dans le 
traité Des végétaux parasites, et applicable en réalité à l’hitoire na- 
turelle de quelqu'être que ce soit. Elle a l'avantage de ne rien 
omettre de ce qu’il convient d'examiner pour que l'étude en soit 
profitable. 

La supériorité constante de Robin au cours de ses travaux bota- 
niques ou zoologiques, est de reprendre à propos des sujets spé- 
ciaux qu'il traite, et de résoudre plusieurs problèmes qui s’y rat- 
tachent, demeurés jusque-là obscurs, dont quelques-uns même 
avaient été abandonnés après avoir été posés. Il nous donne 
à chaque pas, par une foule d'exemples la preuve de la liaison 
étroite qui existe entre l'anatomie générale et l’ontologie. Au mo- 
ment où il appliquait d'une manière si supérieure cette méthode 

à l'étude des végétaux parasites, elle était encore peu en honneur; 
mais il ne se méprit pas un instant sur la fécondité de ses appli- 
cations, et l’œuvre de Robin tout entière est restée, par ce AIS 
un véritable modèle. 


SA VIE ET SON OEUVRE. CXXIX 


Robin avait été porté vers l'étude des animaux dès le début de 
sa carrière, nous avons dit par quelles circonstances : il leur dût 
certainement la largeur de vues qui à fait de lui un anatomiste 
hors ligne. Ne se bornant pas à la considération des organes ou 
des éléments anatomiques d'une seule espèce, il puise dans la va- 
variété même des êtres soumis à son investigation, la notion pré- 
cise du particulier et du général. Jusqu'à la fin de sa vie, il reste 
zoologiste dans le sens le plus élevé du mot. Nous avons encore le 
souvenir d’une conversation où il s’étendait avec complaisance 
sur le rôle important des compagnies telles que la Société entomo- 
logique de France (1), qui par la force même des choses se trouvent 
amenées à réunir et à grouper d'immenses matériaux d’études et 
un nombre considérable de renseignements ou d’observations. 
Quand la Société entomologique, par la voix de son président, 
M. Laboulbène (2), qui fut à diverses reprises le collaborateur de 
Robin rendit hommage à sa mémoire, elle pouvait saluer en lui un 
membre qui avait peut-être moins que d'autres suivi ses travaux, 
mais qui était plus que personne convaincu de leur importance. 

Robin a publié soit seul, soit en collaboration avec M. Mégnin 
puis M. Fumouze, plusieurs mémoires sur les Acariens. Le premier 
parut dans les Mémoires de la Société impériale de Moscou (1860), les 
derniers ont été publiés dans le Journal d'Anatomue, jusqu’en 1877. 
D'ailleurs, presque toutes les « classes » d'animaux ont fourni à 
Robin l’occasion de recherches originales. Dès 1846, il avait fait 
paraître dans les Archiv für Anatomie und Physiologie de 3. Müller, 
des observations poursuivies en commun avec Lebert sur le sang, 
les muscles, les spermatozoïdes etc., de divers Invertébrés; sur la 
structure des nerfs, des ganglions chez divers Mollusques et Crus- 
tacés; sur celle du cartilage céphalique des Céphalopodes; sur la 
striation des muscles du Pecten, que bien des auteurs, depuis, ont 
cru découvrir à leur tour. Ces observations comptent au nombre 
des premières de cet ordre qui aient été faites, elles inaugurent la 
voie où Leydig devait s'engager beaucoup plus tard en publiant son 
traité classique d'Histologie animale. 

Nous devons signaler à part l'important Mémoire sur le déve- 
loppement embryogénique des Hirudinées, publié dans le tome XI 
des Mémoires de l'Académie des Sciences (1875). C’est une œuvre 


(1) À cette époque, la Société zoologique n'existait pas encore. 
.. (2) M. Laboulbène a relevé avec un soin serupuleux et publié la liste complète des 
travaux de Robin touchant à l'Entomologie. Nous avons mis à profit ce relevé dans la 
bibliographie qui termine cette étude. 


CHARLES ROBIN, À 


CXXX CHARLES ROBIN 


considérable avec un grand nombre de planches dessinées comme 
toujours par l’auteur, et qui sont, comme toujours aussi, des mo- 
dèles d’exactitude et de précision. Dansla première partie il résume 
quelques faits relatifs au mode d'apparition et de développementde 
l’ovule de Néphélis avant la fécondation, c’est-à-dire de l’ovule étu- 
dié en tant qu'élément anatomique. Le reste de cette première 
partie traite de l’évolution de l'embryon des Hirudinées, à compter 
de l'instant de la fécondation. Dans la seconde il expose le mode 
d'apparition et de développement de chacun des principaux sys- 
tèmes organiques, en particulier chez les Néphélis etles Clepsines. 
Robin à cette occasion revient longuement sur la production et 
l’évolution du globule polaire auquel il avait déjà consacré plu- 
sieurs mémoires. 

Ce sont surtout les poissons et parmi eux les Plagiostomes qui 
attirent son attention. Il découvre chez eux le thymus divisé en 
deux glandes adhérentes à chaque jugulaire postérieure. Mais, de 
toutes ses recherches, les plus importantes sont sans contredit 
celles sur l'anatomie et la physiologie des organes électriques de 
la Raie. Il avait fait connaître ces organes dès 1846. Le premier, il 
les décrit dans tous leurs détails de structure et de rapports avec 
les autres systèmes anatomiques. Il en démontre l’analogie avec 
l'organe électrique des Torpilles malgré leur place différente. 
Le premier il expose la structure intime du tissu des appareils 
électriques, distinct de tout autre, et propose de le désigner sous 
le nom de « tissu électrique. » Il signale le mode particulier de 
distribution et de terminaison des capillaires et des nerfs dans les 
disques. Enfin, il détermine les nerfs de l'appareil électrique des 
Raies et des Torpilles comme venant de la même source que les 
nerfs moteurs et comme étant par conséquent volontaires. 

Cette découverte est assurément une de celles qui font le plus 
d'honneur à Robin, en même temps qu’elle montre bien l'impor- 
tance de l’anatomie générale : d’une ressemblance de structure il 
n'hésite pas à déduire l'identité fonctionnelle. A la vérité, il n’a- 
vait pas démontré celle-ci, et la qualité électrique des organes de 
la Raie restait obscure. M. Du Bois-Reymond proposa même 
pour eux le nom de « pseudo-électriques ». Mais en 1865 Robin 
démontre enfin ce qu'il avait prévu. Il obtient des manifestations 
électriques que-Matteuci confirme à son tour (Comptes rendus, 
16 oct. 1865). Dès lors on se demande pourquoi certains anato- 
mistes persistent encore à désigner ces organes sous le nom de 
pseudo-électriques. C’est méconnaitre absolument les principes les 
plus élémentaires de l'anatomie générale et retomber dans ce culte 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CXXXI 


de la technique qui est la négation même de la science. L'organe 
est identique par sa constitution à celui du Gymnote; la moelle 
épinière contient les mêmes cellules volumineuses dites électriques. 
A la vérité on n'obtient pas des secousses aussi nettes qu'avec les 
autres poissons électriques; mais cela n’est dû évidemment qu'à 
l’ignorance où nous sommes des conditions qui déterminent chez 
la Raie la volonté d’une décharge. fl se pourrait même faire que 
chez la Raie cette décharge ne füt point volontaire et ne s’accom- 
plit que comme un réflexe médullaire concomitant de quelque acte 
physiologique spécial, génital ou autre. Nier l'identité de l'organe 
des Raies avec celui des autres poissons électriques parce que nous 
ne savons pas en obtenir artificiellement le fonctionnement, reve- 
nait à nier qu'il y eût des puissances musculaires éjaculatrices 
parce que nous ne savions pas les mettre en jeu (1). 

Dans les derniers temps de sa vie, Robin s'était occupé des 
Anguilles. Il confirma au moyen de données anatomiques cer- 
taines différences sexuelles déjà signalées, mais d’une manière un 
peu confuse, par divers auteurs (Valenciennes, Syrski, Dareste). 
« Comparaisons, dit-il, qui eussent dû être faites avant toute re- 
« cherche tendant à prouver l'existence d'un hermaphrodisme 
« exceptionnel, ou encore avant de supposer sans étude préalable 
« de l’évolution de l’ovaire, que l'organe décrit comme le testicule 
« n'est qu'un ovaire qui ne serait pas arrivé à son complet déve- 
« loppement. » C'est ainsi que toujours Robin combine et sait 
faire concourir à un résultat utile et pratique les notions positives 
de l’anatomie et de la zoologie. Quoique cette dernière branche 
de la Biologie l’occupe moins, il y excelle et y marque sa place. 
Le « cœur caudal » de l’Anguille, les corps rouges du Congre 
attirent également son attention. C’est au laboratoire maritime 
de Concarneau qu'il poursuivait ces études, alternativement avec 
d'autres sur les organes élastiques de l’aile des Oiseaux (en colla- 
boration avec M. Chabry, 1883), sur les [nfusoires tentaculés, su- 
ceurs et flagellés (1879), sur les Noctiluques (1878), parcourant 
ainsi toute l'échelle des êtres marins. 


Pour tous les hommes de science ayant vécu à notre époque, il 
sera intéressant de rechercher quelles ont été leurs idées sur les 
deux grands problèmes biologiques actuellement soulevés, l’un par 
M. Pasteur, l’autre par Darwin. En face du premier nous avons dit 
quelle avait été l'attitude de Robin. De même, en face du trans- 
formisme il reste dans une extrème réserve. On pouvait le prévoir, 


(1) Travaux de Loeb et de Rémy. Voy. Journ. de l'Anat., 1886, p. 205. 


CXXXII __ CHARLES ROBIN 

puisqu'il le rejette en histologie et croit à une sorte de fixité dé 
l'espèce cellulaire. Ne reconnaissant pas la différenciation par 
descendance des éléments anatomiques, il était assez peu porté, 
on le comprend, à l’admettre en ce qui touche les formes ani- 
males ou végétales. Ce n’était point là toutefois un argument et il 
n’a jamais songé à le faire valoir. S’il s'est montré défiant à l'égard 
des doctrines évolutionnistes, ce n’est pas qu’elles eussent par elles- 
mêmes quoique ce soit de contraire a priori aux principes qu'il 
professait en biologie. Mais l'engouement inconsidéré de tant d’in- 
compétents qui les embrassaient et les défendaient, fut pour lui 
une raison nouvelle de s'attacher avec plus de rigueur à la mé- 
thode scientifique. Il examine la question en véritable disciple de 
l’école positiviste, il se garde bien de prendre pour raisons valables 
toutes les inductions imaginatives, si satisfaisantes qu'elles soient 
en apparence, il se défie des probabilités seules, quand elles ne 
sont pas appuyées sur des observations suffisamment nombreuses 
pour élever considérablement leur valeur. Il ne perd jamais de vue 
que les bases du transformisme sont essentiellement spéculatives 
puisqu’aucune observation directe n’a jamais pu être faite. On se 
rappelle peut-être que Darwin trouva d’abord une certaine oppo- 
sition à l’Académie des Sciences et ne fut nommé que relativement 
tard correspondant de cette compagnie. Il semblerait que Robin 
ait cherché à justifier ce peu d’empressement de l'Institut à accueil- 
lir l’illustre zoologiste, quand il écrivait cette page de l’Anatomie 
cellulaire, que Littré a cru devoir, au reste, reproduire dans un 
article critique consacré à l'ouvrage de son ami (1) : 

 « Tous ceux qui sont familiers avec les écrits d’Auguste Comte, 

« savent depuis longtemps que les sciences n'ont de portée que par 
« la valeur des conceptions générales qui éclairent les faits deleur 
« domaine, en les reliant les uns aux autres. Ils connaissent aussi 
« le rôle principal des hypothèses dans les sciences, et savent que 
« toute invention n’est qu'une hypothèse vérifiée ; mais ils savent 
« par suite qu'une hypothèse n’est bonne que si elle est vérifiable, 
« et qu'elle ne représente pas une découverte si elle n’est qu’une vue 
« subjective sans démonstration, quelquesimpleetbrillante quesoit 
« l'explication qu’elle semble donner de tels ou tels faits. La ques- 
« tion est simplement de savoir si la science est du côté de ceux qui 
« sont satisfaits dès qu’ils expliquent, ou du côté de ceux qui dé- 
« montrent. Aussi, hormis le cas d’antiscientifique mélange des 
« subjectivités théologiques aux problèmes biologiques, ce n’est au- 


(1) Voyez La Philosophie positive, janvier-février 1874. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CXXXIII 


« cunement le manque de culture philosophique des savants con- 
« temporains qui diminue en France le nombre des adhésions aux 
« doctrines de Lamarck et de sescontinuateurs, quelque vifquesoit 
« l'intérêt présenté par les documents qu'ils rassemblent; c’est au 
« contraire le développement de cette pensée philosophique que la 
« portée d’une vue spéculative se juge par la possibilité d’un con- 
« trôle positif, c’est enfin le manque d’un contrôle réel à cet égard, 
« puisque jusqu’à présent ce contrôle n’a pas encore été donné pour 
« une seule espèce d'êtres, pas plus que pour une seule espèce de 
« cellules. Nul homme de science ne méconnaît ce qu'a de sédui- 
« sant cette manière de substituer l’idée du métamorphisme indéfini 
« à celle des variations individuelles, de représenter toutes les col- 
« lections d'individus analogues, comme des descendants du plus 
« simple des organismes observés, c’est-à-dire de les considérer 
« comme unies d’un lien généalogique direct, infléchi, mais con- 
« tinu partout, remontant jusqu’à cette monade. Seulement nul 
« ne peut nier que, sans méconnaître l'intensité ou l’ingéniosité 
« des efforts tentés, on est en droit de demander pour ces hypo- 
« thèses une vérification, ne fût-ce que pour une seule de toutes 
« les espèces vivantes, de manière à pouvoir déterminer à l'aide 
« de documents paléontologiques, de quels êtres elle descend; car 
« il est certain qu'il n’y a, jusqu’à présent, de donné comme 
« preuve que des possibilités sur lesquelles peu de naturalistes 
« s'accordent, et non des réalités. Mais en science, des probabili- 
tés ne suffisent pas pour valider une hypothèse, ni pour consti- 
tuer le point de départ de nouvelles démonstrations.» (Anat. cel- 
lulaire, p. xxx1v.) 

Robin cite ici Lamarck, mais il vise Darwin dont les grands et 
beaux travaux zoologiques ne sont pas d’ailleurs en cause. Robin 
reprenant en effet par le détail la théorie de Lamarck, déjà com- 
mentée dans un passage d'Auguste Comte trop oublié (1), n’a pas 
de peine à montrer que c’est au savant français qu’il convient de 
faire remonter la doctrine de l’évolution, et, qu’au fond, on cher- 
cherait vainement en quoi ses idées diffèrent de celles de Darwin et 
de M. Hæckel. Evidemment, l’extension qu'ils ont donnée à cette 
théorie est en rapport avec la plus grande multiplicité des êtres dé- 
couverts depuis trois quarts de siècle, et la plus grande netteté de 
nos connaissances sur leur évolution. Leurs arguments sont incon- 
testablement plus nombreux et exprimés avec plus de précision, 
mais ils sont exactement de même ordre. 


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(1) Phil. posit., 1838, t. III, 2e leçon, Considérations philosophiques sur la Bio- 
tavie ; et 2° édit., 1864, p. 385 à 398, 


CXXXIV CHARLES ROBIN 


La combinaison caractéristique de la substance carbonée avec 
l'eau, qui d'après M. Hæckel formerait une substance mixte, molle, 
intermédiaire entre la matière brute et les êtres vivants, pouvant 
paitre par génération spontanée; la matière albumineuse compo- 
sant le corps homogène, sans parties ni fonctions distinctes, des 
monères tant neutres que végétales ou animales du même auteur; le 
passage des monères à l’état de cellules par formation d'un noyau 
(apparaissant par genèse conformément à la théorie de Robin); la 
disposition des êtres en séries ramifiées d'après la façon dont 
M. Hæckel suppose que les familles animales ou végétales dérivent 
les unes des autres : tout cela n’est, en somme, qu’un remaniement 
sous des termes plus techniques, des vues de Lamarck avec ses 
générations directes ou spontanées, ses masses primitives gélai- 
neuses ou mucilagineuses, et son état cellulaire arrivant à créer 
des organes particuliers, à les isoler ainsi que leurs fonctions, à 
diviser et à multiplier les divers centres d'activité (1). Et, ajoute- 
t-il, « comme la reproduction conserve constamment tout ce qui 
« a été acquis, de cette source féconde sont sortis avec le temps les 
« différents corps vivants que nous observons. » N'est-ce pas le 
transformisme tout entier ? 

En réalité Darwin n’ajoute au fond de la théorie de Lamarck, 
reposant sur l'influence des milieux, qu'une série nouvelle d’ar- 
guments et même beaucoup moins décisifs, tirés de l’action lente 
de la concurrence vitale et de la sélection, tant proprement dite 
que sexuelle. Or, si l'hypothèse de l'influence des milieux sur l'éta- 
blissement des formes animales, paraît en rapport dans une cer- 
taine mesure avec ce que nous savons de l'histoire de la vie à la 
surface de la planète, les causes modificatrices auxquelles Darwin 
semble attribuer le plus d'action, sont loin d’être aussi pa- 
tentes (2). 

Dès lors, tout en reconnaissant l'intensité et l’ingéniosité des 
efforts tentés, on reste en droit de demander à l’appui de toutes 
ces hypothèses, une vérification, ne fût-ce que pour une seule des 
espèces actuellement vivantes; car il est bien certain, que même 
pour celles dont on a cru pouvoir déterminer l'origine à l’aide des 
documents paléontologiques, on n'a donné jusqu'à présent que 
des possibilités sur lesquelles tout le monde même ne s'accorde 
pas, et non des réalités (3). Malheureusement en science les proba- 


(1) Lamarck, Phil. x0o1., ?e édit., 1830, p. 294. 

(2) Robin remarque que la sélection sexuelle n’est guère applicable: aux Proto- 
zoaires, en tout cas elle ne l’est pas aux Invertébrés portant les deux sexes, etc. 

(3) Voy. encore tout récemment la discussion sur la philogénie du genre Equus, par 
MM. Vogt et Trouessardt, dans la Rev. scientifique, 


SA VIE ET SON OUVRE. CXXXV 


bilités ne suffisent pas pour valider définitivement une hypothèse et 
à plus forte raison pour constituer le point de départ de nouvelles 
démonstrations. Si, en effet, l'hypothèse est au début de tous nos 
essais scientifiques, ce sont les efforts de ceux qui ont conçu et 
exécuté les démonstrations, qui restent, qui établissent le savoir 
conduisant à la prévoyance et à l'opportunité dans l’action. Il ne 
. suffit pas qu'une hypothèse soit simple pour être acceptée. IT faut 
avant tout qu’elle soit vérifiable, autrement elle ne tarde pas à de- 
venir nuisible; car ceux qui pour aimer la science ont besoin des 
suppositions dans lesquelles on donne comme démontrée la chose 
même qu'il s'agit de rendreévidente, sont plus près de méconnaître 
la grandeur de la connaissance, que de la servir. Or, il n’est au- 
cune espèce pour laquelle on ait pu prouver autrement qu’à l’aide 
de paralogismes, qu'elle provient de telle ou telle espèce plussimple, 
comme on prouve, par exemple, que le papillon est l'adulte de la 
chenille ou tel acarien octopode, l’adulte de tel autre individu he- 
xapode. Nul n'a encore indiqué non plus comment dans les orga- 
nismes simples répondant à la qualification de Monères et dépour- 
vus de tout élément anatomique, naïîtra le premier élément qui 
va se montrer, dans quelles conditions et comment naissent les 
cellules sur un individu provenant d'antécédents qui en man- 
quaient, car ce fait arrive ou est arrivé nécessairement, si tous les 
êtres actuellement vivants descendent d’une forme monérienne pri- 
mitive. [l n'existe pas davantage une seule expérience concluante 
pour démontrer le passage d'une forme nettement spécifique à une 
autre. Et à ce propos on nous permettra de rappeler que plus d’une 
fois nous avons entendu répéter à notre maître que les expériences 
iustituées par nous sur les changements de coloration des ani- 
maux, étaient en somme les seules qui eussent jamais été faites dans 
la direction des idées actuellement partagées par le plus grand 
nombre des zoologistes. 

[l'est certain que d'une manière générale le disciple d’Auguste 
Comte était fort peu enclin, pour ne rien dire de plus, à toutes ccs 
spéculations morphologiques, qu’il s'agisse des espèces animales 
avec Darwin, de l'archétype des Vertébrés avec M. Owen, ou plus ré- 
cemment encore du membre type, de l’archypterygium avec M. Ge- 
genbaur. Et en effet toutes ces conceptions sont de même ordre; 
elles n’ont qu’une valeur absolument subjective, par défaut absolu 
de preuves. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Ce serait une grave erreur 
de penser que Robin, tout en contestant la portée positive des spécu- 
lations darwiniennes, penchât aucunement vers la doctrine opposée 
de la fixité. Dans son Nouveau dictionnaire abrégé, les mots Fixilé 


CXXX VI CHARLES ROBIN 


et Espéce ne sont pas mème traités ; quant à l’article Transformisme, 
un des plus longs, il se compose surtout d'extraits de l'introduction 
écrite par M. de Lanessan pour les Œuvres de Buffon. 


Robin pouvait se regarder comme d’autant plus autorisé à avoir 
une opinion raisonnée sur les théories transformistes, qu'il s'était 
beaucoup occupé d’embryogénie. Il revient souvent sur cette dé- 
claration : que nous ne saurions avoir la notion exacte d’un élément 
anatomique si nous ne connaissons toutes les phases par lesquelles 
il a passé, depuis le moment où il s'individualise, jusqu’au moment 
où entré en régression il touche à sa fin en tant qu'être vivant. 
La recherche embryogénique va donc prendre place au premier 
rang de ses préoccupations. À une époque où les histologistes se 
bornaient encore à l’étude des tissus de l’adulte, il étudie tous les 
tissus et toutes les humeurs aux diverses phases de leur développe- 
ment. Malheureusement ses recherches, en raison de la technique 
rudimentaire d'alors comparée à la nôtre, ne lui ont pas permis 
dans beaucoup de cas de se faire des idées justes sur les rapports 
des parties. C’est ainsi que n’ayant pas pratiqué de coupes sur la 
mâchoire embryonnaire, la relation de l’épithélium gingival et de 
l'organe adamantin lui échappe. 

On peut s'étonner, en parcourant le traité d’embryogénie clas- 
sique de Balfour, de n’y point voir le nom de Robin dans la liste 
bibliographique des auteurs cités à propos de la maturation de 
l’œuf et de la formation des « globules polaires ». C’est cependant 
à Robin que remonte cette dénomination (1862); il l'emploie pour 
la première fois dans un Wémoire sur les globules polaires de l'ovule. 
Jusque-là ces corps avaient été désignés sous les différents noms 
de globules huileux, muqueux, transparents par divers auteurs qui 
se trompaient d’ailleurs sur leur véritable nature. Robin les observe 
chez Nephelis et en donne la première histoire à peu près complète. 
Il voit en eux les produits d’une segmentation qu'on pourrait appe- 
ler «inégale », sorte de gemmation du vitellus donnant un être 
aussitôt individualisé, dont le développement demeure infiniment 
restreint. Et il montre que par le point même de la surface du 
vitellus où est apparu le globule polaire, va se dessiner le premier 
sillon méridien (1) qui, se creusant de plus en plus, divisera la 
sphère vitelline en deux parties à peu près égales, 


- 

(1) Nous lui donnons iei une dénomination en rapport avec celle du globule polaire. 
On remarquera que ce sillon correspond à ce qu'on appelle communément le premier 
plan de ségmentation, mais qu'il est en réalité le second, si on regarde la production 
du globule polaire comme une segmentation. On remarquera également que les deux 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CXXX VII 


Tous les phénomènes, dont l'œuf est le siège depuis son indivi- 
dualisation comme cellule dans le tissu ovarien, jusqu’au moment 
où débute la segmentation, occupent Robin. Si on excepte la pé- 
nétration des spermatozoïdes dans l'œuf, on avait généralement 
négligé d'étudier les rapports qui relient ces premières phases évo- 
lutives, dont l'importance est attestée par leur généralité même et 
_ leur.succession invariable. Il montre que tel de ces actes qui pou- 
vait sembler secondaire, est pourtant condition essentielle de l’ac- 
complissement de quelque autre qui lui succède dans le même 
œuf, ou bien représente chez certains êtres l'ébauche d’un phéno- 
mène dont la nature n'avait pu être saisie sans la connaissance 
exacte de celui-là. Nous n'avons pas à entrer dans le détail de ces 
importants travaux commencés sur les Néphélis et que Robin éten- 
dit ensuite aux Diptères. Toutefois un fait capital lui échappe. Il 
admet l'évanescence totale de la vésicule germinative, dont la tech- 
nique moderne est au contraire parvenue, non sans peine, à suivre 
les débris partagés entre le globule polaire et le vitellus. Seule- 
ment il voit et il dit en termes exprès que la formation du glo- 
bule est indépendante de la fécondation et par conséquent uni- 
quement le résultat d’un état antérieur dans lequel la vésicule ger- 
minative joue un rôle important. Croyant à la disparition totale de 
celle-ci, il admet par suite la genèse essentiellement spontanée du 
noyau vitellin qui se montre au centre de la masse vitelline après 
la fécondation et qui va devenir par scissiparité (on a vu que Robin 
en reconnaissait ici l'existence) l’origine des noyaux des sphères 
vitellines et des cellules embryonnaires. Cette apparition du noyau 
vitellin que Robin, avec les moyens dont il dispose, croyait spon- 
tanée, devint un des principaux arguments à l’appui de sa théorie 
de la genèse, erreur d’autant plus excusable que la relation de con- 
tinuité entre la vésicule ou partie de la vésicule germinative et ce 
noyau vitellin, est encore un des points les moins faciles à suivre 
des débuts du développement. — « En naissant de toutes pièces, 
« dit Robin, molécule à molécule, longtemps après la disparition 
« complète de la vésicule germinative, le noyau vitellin ne repré- 
« sente plus, quand il existe, le noyau de l’ovule, mais bien celui 
du vitellus qui vient d'acquérir les ‘qualités d’un nouvel être, 
l'embryon; qui vient d'acquérir une indépendance qui lui est 
« propre, une indépendance par rapport à la membrane vitelline 
en particulier dont auparavant il était solidaire ». On remar- 


= 


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plans de segmentation dont nous parlons, sont perpendieulaires l’un à l’autre, ce qui 
les fait rentrer dans la règle commune au second et au troisième relativement à celui 
qu'on désigne ordinairement comme premier. 


CXXX VIII CHARLES ROBIN 


quera cette dernière observation pleine de justesse et de sagacité. 

Un autre travail non moins important de Robin sur la pro- 
duction du blastoderme dans l’œuf centrolécithe des Arthropodes, 
semble avoir aussi peu que les précédents fixé l'attention de l’au- 
teur anglais du traité d’Embryogénie et d'organogénie comparée, 
quoique ce mémoire ait précédé d'un an le travail de Weissmann 
sur le développement des Diptères (1863). Ce sont également ces 
insectes que Robin avait étudiés. Jusqu'alors les observations 
existant dans la science donnaient à penser que les premières 
cellules de l'embryon apparaissent chez tous les animaux d'après 
un mode identique, que la segmentation (totale ou partielle) du 
vitellus était un phénomène absolument général, qu'elle seule 
conduisait à la production des cellules embryonnaires et que c'était 
là un processus universel. Robin reconnut qu'il existe des ani- 
maux, en particulier les Tipulaires, chez lesquels le vitellus ne se 
segmente pas, et cependant s’enveloppe d'un blastoderme des plus 
nettement caractérisés : c'était donc un processus évolutif tout 
nouveau, un blastoderme se formant sans existence antérieure 
d'un noyau vitellin. Robin le rapprocha en conséquence de celui 
qu'il admettait précisément pour le globule polaire. Nous sommes 
bien forcés de convenir que malgré les travaux récents de Mets- 
chnikoff (1) et de Bobretzky (2) on n'est pas beaucoup plus avancé 
aujourd'hui sur l’histoire de la formation de ce blastoderme des 
Arthropodes. On peut dire qu'aucun fait démontrant l'inexactitude 
de la description de Robin n’a encore été produit, elle reste seule- 
ment incomplète par l'ignorance où il était de la persistance plus 
ou moins partielle de la vésicule germinative, et de son rôle dans 
l'émission du premier globule polaire. 

Les études embryologiques de Robin ne se sont pas arrêtées à 
ces stades du début, sans contredit les plus importants pour l'his- 
toire générale de la vie parce qu’ils traduisent à nos yeux des acti- 
vités de la substance vivante dépendant uniquement du premier 
degré d'organisation. Le développement des systèmes et des or- 
ganes l'occupe également, surtout celui de la colonne vertébrale, 
et en général du squelette. [Il décrit pour la première fois l'évolu- 
tion de la notocorde et les transformations que subissent ses restes, 
sans cesser d’être des organes distincts, au milieu des disques 
intervertébraux (1867). Il montre l'indépendance embryogénique 
de l’apophyse odontoïde, la considérant comme le véritable corps 


(1) Embry. Stud. Insecten (Z. f. w. Z. XVI 1869). 
2) Ueber die Bildung des Blastoderms der Keimblætter bei den Insecten (Z 
f. w Z. XXXI 1878). 


SA VIE ET SON OUVRE. CXXXIX 


de l’atlas, isolé en quelque sorte de ses lames et uni au corps de la 
vertèbre suivante. Il détermine le lieu précis où débute l'ossifica- 
tion de chaque os long, sans saisir toutefois la relation de ces 
points de première apparition de la substance osseuse avec la dis- 
tribution vasculaire du cartilage préexistant. Beaucoup plus tard 
il décrit en collaboration avec M. Herrmann le développement des 
bois caducs des Ruminants (1882). Il avait de même étudié autre- 
fois avec M. Magitot l’évolution du cartilage de Meckel, de la mà- 
choire inférieure et des dents, travail que reprit dans la suite un 
de ses élèves les plus distingués Legros. Robin et Magitot montrent 
qu'en fait c’est dans le canal dentaire inférieur d’une part et dans 
le canal sous-orbitaire d'autre part, mais alors l’un et l’autre à 
l’état de gouttières, que naissent les follicules des dents. Ils notent 
que l’apparition des follicules supérieurs est toujours un peu en 
retard sur la naissance des inférieurs, contrairement à l'opinion 
généralement admise. Ils établissent que les follicules des petites 
molaires apparaissent plusieurs mois après la naissance et ceux 
des deux dernières molaires à une époque encore plus re- 
culée. 

Une grande incertitude régnait alors sur les phénomènes de 
genèse et d'évolution des dents, parce qu’on avait constamment 
négligé cette méthode comparative dont Robin ne cesse de procla- 
mer la nécessité, l'étendant aux âges, même aux déviations patho- 
logiques : nul ne songeait à réunir et à observer des séries de pré- 
parations correspondant aux phases successives du même phéno- 
mène, ni à tenir compte des variations régulières qu'il offre chez 
des espèces animales différentes. Dans une nouvelle série de pu- 
blications (1859-1860) Robin et Magitot décrivent pour la première 
fois le tissu au sein duquel naît le follicule dentaire dans la gout- 
tière des maxillaires. Ils font connaître l’origine et l’évolution du 
follicule ainsi que des tissus qui entrent dans la constitution de la 
dent. Étendant leurs recherches de l’homme aux animaux domes- 
tiques et jusqu'aux Reptiles, ils insistent sur la remarquable uni- 
formité que présentent à la fois les dents et leur mode de dévelop- 
pement. Le follicule avec toutes ses parties presque transparentes, 
juxtaposées, dérivées directement les unes des autres, s’offre 
dans des conditions tout particulièrement favorables à l'étude. 
« Ces conditions, dit Robin, deviennent du plus haut intérêt pour 
« l'anatomie générale, en ce qu’elles permettent de voir de la ma- 
« nière la plus nette et de comparer des faits que pour les autres 
« tissus, on est obligé d'étudier séparément dans des régions de 
« l'économie très éloignées les unes des autres », Aussi en profite- 


CXL CHARLES ROBIN 


t-il pour suivre pas à pas l’enchaînement dans lequel apparaissent 
ces tissus tous si différents de nature et d’origine. C'est ici qu'on 
se rend bien compte du peu qu'il eût laissé à faire après lui sur 
les sujets qui l'ont occupé, s’il avait possédé toutes les ressources 
de la technique actuelle. | 


Il était conforme au génie de Robin en étudiant ces questions de 
développement, d’en tirer la philosophie. Elle consiste pour lui à 
montrer comment tout peut se passer dans l’économie de la façon 
que nous voyons, par le seul jeu des forces naturelles, en vertu 
des propriétés immanentes de la substance organisée, sans avoir 
besoin de rien chercher au delà, qui rappelle les conceptions reli- 
gieuses ou métaphysiques dont la Biologie a eu si longtemps à 
souffrir. Cette question du «devenir déterminé » des êtres est une de 
celles qu'on pourra toujours reprendre en raison du savoir crois- 
sant, et Robin n’a pas de peine à se justifier d'y revenir : Il est in- 
contestable, dit-il, que « la solution de la question de l’appropria- 
tion des organes aux usages qu'ils remplissent, implique la con- 
naissance d'un grand nombre de données dont la plupart sont 
d'acquisition moderne : la notion d'état d'organisation, d’élé- 
ment anatomique et de tissu, d’organe et d'appareil, etc...; puis 
dogmatiquement, la connaissance de ce qui sépare les phéno- 
mènes résultats — on va voir ce que Robin entend par là — des 
fonctions de chaque appareil, des usages de chaque organe et 
des propriétés immanentes aux éléments anatomiques; elle exige 
connus les faits relatifs à la fécondation, la génération, etc... » 
Robin a traité cette question de l'appropriation des parties or- 
ganiques sous une forme assez peu différente, à la fois dans La Phi- 
Losophie positive et dans le Journal de l'anatomie (1869-1871). Robin 
admet en biologie ce qu’il appelle, après A. Comte et De Blainville 
des phénomènes résultais que l'existence des autres phénomènes 
vitaux ne pouvait faire prévoir et qui ne se rattachent en tant qu'at- 
tributs dynamiques ni aux propriétés des éléments anatomiques, ni 
à celles des tissus, ni à celles des organes ou appareils, mais seu- 
lement à l'organisme agissant comme un tout plus ou moins com- 
plexe de parties solidaires. L’hérédité est ux de ces résultats géné- 
raux de la vie, et Robin y joint un autre phénomène qui au fond 
ne s’en distingue point : le phénomène général de l’ordination des 
parties et de leur appropriation à l’accomplissement d’actes déter- 
minés en rapport non seulement avec la vie de l'individu, mais 
encore — il ne faut pas l'oublier — d’une manière générale, avec 
la permanence de la forme spécifique. 


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SA VIE ET SON OŒUVRE. OXLI 


Robin n'a pas traité ce dernier point, peu enclin qu'il était vers 
les questions de fixité ou de transformisme. C'est l'individu qui 
l’occupe toujours, non l'espèce. Pour nous faire comprendre l'hé- 
rédité, il invoque un phénomène très particulier : on a vu que 
pour lui la virulence était un mouvement moléculaire spécial et 
intime se communiquant de proche en proche successivement aux 
diverses parties constituant l'organisme. « Si l’on admet, dit-il, 
« cette propriété qu'ont les substances organiques de transmettre 
« d’une manière lente, mais continue, leur état moléculaire aux 
« substances avec lesquelles elles sont en contact, il est évident 
« que toutes les parties qui naîtront directement ou indirecte- 
« ment à l’aide et aux dépens des premières cellules dérivant du 
« vitellus, seront modifiées en bien ou en mal selon l'état que 
« celui-ci offrait lui-même. » Robin revient encore sur ce sujet 
dans le Nouveau dictionnaire abrégé, mais sans donner plus de dé- 
tails, se bornant à rappeler « qu’un des caractères de la substance 
« organisée est d'amener tout ce qui vient prendre part à sa propre 
« constitution, en raison de sa rénovation moléculaire continue, 
« à posséder un état analogue à celui où cette substance orga- 
« nisée se trouve dans le moment de cette intervention, d’où il 
« résulte que la substance des spermatozoïdes et du vitellus com- 
« binés présentera un état moléculaire de même ordre que ses 
« deux composants. » 

: Ce mouvement moléculaire ainsi transmis au vitellus à la fois 
par la mère directement et par le père médiatement, va entraîner 
dans l'être à venir les conditions morphologiques mêmes qui ont 
contribué à l'établir. Il pourra être masqué plus ou moins dans ses 
effets, mais continuera d'exister, comme le montrent les ressem- 
blances fort naturelles et simplement inattendues qui, suivant l’ex- 
pression courante, sautent une génération ou seretrouvent chez des 
collatéraux. Robin n'aborde point d’ailleurs ce difficile problème 
ni aucun de ceux que soulève l’hérédité envisagée comme consti- 
tuant et maintenant l'espèce; il nous donne par contre une très 
bonne définition de l’hérédité sociale, « celle, dit-il, qui fait que ce 
« qui se gagne par les œuvres de nature plus élevée (innéité), finit 
« par se consolider dans les autres à l’aide de l’hérédité directe. 
« Et grâce à ce fait les peuples civilisés prennent des aptitudes, des 
« goûts, des penchants qui d’une part les préservent des retours 
« vers des périodes d'ordre moins élevé de la civilisation, et, 

« d’autre part, offrent une base solide à un nouveau développe- 
« ment d'aptitudes plus puissantes et de penchants mieux réglés. » 
(Nouveau diclionnaire abrégé.) 


CXLII CHARLES ROBIN 


On remarquera que Robin fait ici intervenir l’innéité ({). On 
peut établir en effet que tout le perfectionnement organique et 
social que l'évidence démontre s'être accompli à la longue sur notre 
planète, trouve sa raison suffisante dans ces deux résultats de l'état 
d'organisation (résultats, puisqu'ils n’ont pu le précéder) : 1° l’in- 
néilé où spontanéité; 2° la transmissibilité ou hérédité active. Avec 
ces deux facteurs on arrive à refaire le monde organique tout en: 
tier, dans sa pérennité {les conditions de milieu restant favorables) 
et dans sa variabilité. Ajoutons qu'ils nous apparaissent dans une 
sorte d'antagonisme constant. L’innéité, c'est l'aptitude à se gouver- 
ner dans le milieu, aptitude résultant pour chaque être de l’agen- 
cement et de la qualité, c'est à dire de la constitution moléculaire 
des organes où nous localisons — plus qu’il convient peut-être — 
les actes de névrilité. Ceux-ci auront par suite une influence plus 
ou moins heureuse : cette influence jointe au hasard des autres va- 
riations moléculaires qui ont pu survenir dans tous les organes, va- 
riations susceptibles, comme les premières, de se transmettre, 
pourra évidemment donner naissance, à la longue, à l’infinité des 
formes qui peuplent la planète. 

Mais revenons à l'individu, à l'appropriation de ses parties aux 
diverses fonctions, et à la manière dont Robin comprend l’établis- 
sement de cette appropriation et le modelage successif de l’or- 
ganisme qui l’exprime. Est-il besoin de dire qu’il rejette de la fa- 
çon la plus absolue l’idée d’un principe directeur quelconque qui 
dominerait et modifierait selon telle ou telle direction la matière 
organique ? C’est en elle-même, dans ses propriétés fondamentales, 
dans sa constitution et son origine qu’elle va puiser cette puissance 
d'appropriation fonctionnelle et morphologique qui distingue 
chaque espèce. Ce principe avait été proclamé pour la première fois 
par M. Chevreul en 1824 (2), M. Armand Gautier vient d'en donner 
récemment une première démonstration (3). C’est ce même principe 
que développe Robin; toujours fidèle à sa doctrine, il montre com- 
ment chez l'individu l’état d'organisation devient la raison d’être de 
l'appropriation des tissus et des organes; la naissance et le déve- 
loppement des premiers, l'augmentation ou l’atrophie des seconds 
seront fatalement reliés à l’évolution même des éléments qui les 


(1) Contrairement ä ce qu’on pouvait attendre, on ne trouve point ce mot dans le 
Nour, dict. abrégé. 

(2) Considérations générales sur l'analyse organique et ses applications, Paris, 
1824 ; et Comptes rendus, t. V, 1837, p. 175. 

(3) Du mécanisme de la variation des êtres vivants. Dans /Jommage à M. Che- 
vreul à l’occasion de son cen‘:naîre. Paris, Alcan, 1886. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CXLUHI 


forment; le devenir des tissus et des organes sera en définitive 
une conséquence directe du mode de fonctionnement des éléments 
anatomiques. Etil ne suffit plus d’admettre avec Lamarck que l'exer- 
cice prolongé ou plus fréquent va modifier l'organe ; il faut mainte- 
nant, en raison des progrès accomplis par la biologie, montrer 
comment la nécessité d'exercer un organe, ou simplement la vo- 
_Jonté de l'exercer (innéité), l'exercice de cet organe en un mot, 
vont créer des conditions moléculaires intimes devant aboutir à 
une modification de forme, de nombre ou d'activité des éléments 
anatomiques le composant. 

Dès le seuil de la vie embryonnaire nous pouvons constater 
cette importance dominante de l’état moléculaire. Pour que les 
premiers changements se fassent dans le vitellus, il faut évidem- 
ment que la constitution moléculaire de la masse amorphe dont 
il est composé, soit congruente, ou en d’autres termes dans un état 
moléculaire donné. Il faut, si le vitellus n’est pas de ceux qui se 
segmentent pathénogénétiquement, que la substance du sperma- 
tozoïde ait, en se combinant ou se mêlant à la substance de l’ovule, 
produit des combinaisons moléculaires spéciales et d’ailleurs très 
limitées, puisqu'elles ne peuvent prendre naissance qu'au con- 
tact du spermatozoïde spécifique, et seulement dans des cas très 
rares au contact d'un spermatozoïde d'espèce différente; et même 
alors on a la preuve que la combinaison moléculaire initiale a été 
différente, puisque les modifications que subira ce vitellus, vont 
s'en trouver influencées jusqu'aux dernières. 

De même quand le vitellus se sera segmenté et transformé tota- 
lement ou partiellement en blastoderme, la naissance de chaque 
espèce nouvelle d'éléments sera nécessairement fonction d’un état 
chimique spécial. La doctrine de Robin sur la genèse n’est point ici 
en cause. Mais il est évident que l'apparition — par différenciation 
ou autrement, peu importe — d'éléments nouveaux, est d’une part 
dépendante de l’état antécédent, et d’autre part entraîne dans un 
ordre inévitable l’accomplissement d’actes, nuls jusque-là, subor- 
donnés à la constitution spécifique de ces éléments, et à leur arrivée 
graduelle à une structure intime donnée. Cette ordination qui con- 
duit pas à pas l’économie dérivée du vitellus à présenter les dispo- 
sitions entrainant l’aptitude à chaque fonction, n’est en définitive 
que le résultat des modes d’individualisation et d'évolution des élé- 
ments anatomiques, ce que Robin, De Blainville (1) et Comte ap- 
pellent un résuliat de la vitalité. 

C'est en partant de ces vues que Robin crut devoir combattre une 


(1) Voy. Plan d’un cours de physiologie. Paris, 1832. 


CXLIV CHARLES ROBIN 

conception introduite dans la science par Cuvier et nettement for- 
mulée plus tard par J. Müller, d’après laquelle l’ovule est consi- 
déré comme contenant l'être à venir en germe(1) ou en puissance (2). 
Mais ici encore il faut faire la part des mots. Robin a évidem- 
ment raison, sans se séparer autant qu’il paraît le croire lui-même, 
de ceux dont il combat l'opinion. Au fond, il ne comprend pas 
autrement qu'eux l'évolution embryonnaire, il en donne seu- 
lement, par suite de l’acquis croissant des sciences, une formule 
plus rigoureusement exacte. Dire d’un être à venir qu'il est « en 
puissance » dans le germe, est évidemment une expression assez 
peu philosophique, pour commode qu'elle soit. Autant dire que 
des cristaux sont « en puissance » dans la solution saline qui les 
laissera déposer quand de nouvelles conditions de température, 
de densité ou autres interviendront. Et même à ce point de vue, 
on ne doit pas comprendre le germe comme contenant en puis- 
sance un être donné. Prenons des œufs de Saumon : l'expérience 
a appris combien de monstres pour mille individus sortiront de 
ces œufs dans les conditions normales; peut-on dire que cha- 
cun d'eux contient, abstraction faite de ces monstruosités pré- 
vues, un saumon en germe Ou en puissance, un être reproduisant 
les traits caractéristiques de l’espèce? En aucune façon, car il 
suffira de changer les conditions, de soumettre ces œufs à des tré- 
pidations, des compressions, pour qu’ils donnent une proportion 
beaucoup plus considérable de monstres doubles ou autres. Ces 
monstres étaient donc aussi en germe dans le vitellus normal? En 
réalité c'est une quantité d'êtres pouvant différer considérablement, 
mais d'une certaine facon, que contient en puissance chaque vi- 


(1) « La vie suppose l’être vivant comme l’attribut suppose le sujet. Quelque faibles 
« que soient les parties d’un fœtus ou d’une graine dans les premiers instants où il 
« nous est possible de les apercevoir, quelque différente que soit leur première forme 
« de ce qu'elle doit devenir un jour, ils exercent cependant dès lors une véritable vie 
« etils ont déjà en eux Le germe de tous les phénomènes que cette vie doit développer 
« par la suite. Mais ce qui n’est pas moins généralement constant, c’est qu’il n’est aucun 
« de ces corps qui n’ait fait autrefois partie d’un corps semblable à lui, dont il s’est dé- 
« taché..… Le mouvement propre aux corps vivants n’a donc réellement son origine que 
« dans celui de leurs parents; c’est d'eux qu'ils ont reçu l'impulsion vitale ; leur nais- 
« sance n’est qu’une individualisation; en un mot, dans l’état actuel des choses, la vie 
« ne naît que de la vie, et il n’en existe d'autre que celle qui a été transmise de corps 
« vivants en corps vi#ants par une succession non interrompue ». (G. Cuvier, Anat. 
comp., 1835, t. I, p. 6-7.) Nous avons cru devoir reproduire en entier cet important 
passage. 

(2) « Le germe est le tout en puissance; quand il se développe, les parties inté- 
« grantes du tout apparaïssent en acte. En observant l’œuf, nous voyons s'effectuer 
(« sous nos yeux cette centralisation, émanant d’un tout potentiel ». (J. Müller.) : 


SA VIE ET SON OUVRE. CXLV 


tellus. Le langage commun peut ici nous fournir l'expression juste. 
Ce n’est pas tel ou tel saumon, monstrueux ou non, que le vitellus 
donnera, c'est du saumon. Car quelque imparfait que soit le monstre 
auquel ce vitellus aboutira par son évolution, füt-ce une môle in- 
forme, il aura toujours en lui sa qualité spécifique, représentée 
ici non plus par les caractères de configuration extérieure, mais 
seulement par sa constitution moléculaire, qui nous apparaît une 
fois de plus comme la véritable dominante de l'organisme. 

Pour Robin, le vitellus fécondé n’a pas d’autre puissance que 
celle de manifester les phénomènes qui vont, en ce moment même 
le modifier; à son tour l'organisme nouveau résultant de cette mo- 
dification, va produire l'organisme qui sera au moment suivant ; et 
comme le temps marche sans trève, comme le mouvement nutritif 
est incessant, c’est par une vue de l'esprit purement convention- 
nelle que nous parlons de « stades. » L'état intime du vitellus 
à l'instant où il vient de se partager en deux demi-sphères, a pour 
conséquence directe, immédiate, fatale, le partage nouveau de ces 
deux demi-sphères; et il en est de même pendant toute la durée de 
la vie, depuis les actes génésiques relativement simples du début, 
jusqu’à ceux particulièrement rapides et compliqués que mar- 
quera bientôt l'apparition presque simultanée d’un grand nombre 
d'organes. Les éléments anatomiques vont se multiplier en espèces, 
pour chaque espèce en nombre et en dispositions spéciales. Cette 
multiplication suppose à la fois l'influence de l’état antérieur des élé- 
ments dont les nouveaux dérivent, et l’état congruent du milieu où 
ils vont naître et d'où ils tireront les principes de leur existence. 

On conçoit d’ailleurs que cette production d'éléments, toujours et 
fatalement subordonnée aux conditions de milieu et d’état anté- 
rieur, aboutisse inévitablement à une coordination des parties, les 
rendant propres aux diverses fonctions dans ce milieu avec lequel 
leurs propriétés sont en rapport nécessaire. De même on peut con- 
cevoir que tel élément ou tissu arrive plus ou moins tôt, suivant 
sa composition immédiate (condition de son activité moléculaire) 
à une certaine puissance d'accroissement ; et que celle-ci selon sa 
rapidité dans tel ou tel organe, provoque l’accélération ou le ralen- 
tissement de l’évolution detel autre, en puisse déterminer l’atrophie 
partielle ou totale, et de toutes ces façons concourir d’une part à l'é- 
tablissement définitif et régulier des diverses fonctions, de l’autre au 
maintien de la forme spécifique entre certaines limites. Robin ré- 
sume ainsi toute sa doctrine sur ce point : « L'économie est le siège 
« d'un ensemble d'actes dont l’accomplissement simultané repré- 
« sente, tant qu'il dure, des conditions nouvelles à la fois statiques et 


CHARLES ROBIN. Î 


CXLVI CHARLES ROBIN 


« dynamiques ou d'équilibre et de mouvement qui amènent la 
manifestation d’un ou de plusieurs phénomènes plus complexes 
que les premiers, qui sont comme la résultante commune de 
« plusieurs mouvements relativement simples, si bien que celui de 
« ces résultats qu’on envisage, sans être identifiable ou réductible 
« à l’un quelconque des actes élémentaires composants, reconnaît 
« leur simultanéité comme cause à la fois immédiate et détermi- 
« nante ou génératrice. De telle sorte que l’un de ces derniers ne 
« saurait varier sans que le résultat général, plus manifeste que 
l’un quelconque des composants, ne soit modifié d'une manière 
corrélative. » 

La tératologie trouve ici même sa formule. Un accident fort 
simple entraînera la production des monstres les plus complexes, 
pourvu qu'il se produise au début de l’évolution. Une cellule pla- 
cée dans la direction où s’allonge le sillon médullaire, garde, en 
vertu de son état moléculaire propre ou de celui des cellules voi- 
sines, sa place médiane : par cela seul le sillon se partage en deux 
branches dont chacune continue d'évoluer comme eut fait le sillon 
normal ; à droite et à gauche de chaque branche se manifestent tous 
les phénomènes qui devaient seulement se manifester à gauche et à 
droite du sillon unique; on aura un monstre double. 

En résumé nous savons où, quand et comment naissent chacune 
des parties simples de l'organisme; nous savons, sinon de quelle 
manière, du moins avec certitude, comment chacune de celles qui 
apparaissent apporte, par le fait même de son existence, la raison 
d’être des suivantes. Nous savons l’ordre de naissance des parties et 
les conditions d'existence de cet ordre. Nous savons, sinon de quelle 
manière, au moins avec certitude, comment le moindre écart dans 
cet ordre trouble consécutivement et corrélativement tout ce qui 
se fait ensuite. Nous sommes renseignés sur ces questions capitales 
autant que sur la plupart des autres phénomènes simples et com- 
plexes de l'économie. Nous en savons le comment, mais nullement le 
pourquoi. Ce pourquoi est en dehors de la science positive. Les hypo- 
thèses qu’on pourrait faire ici, n'étant pas vérifiables n’ont point de 
place dans les préoccupations de la biologie et n’en sauraient avoir 
ailleurs. « Rien de plus saisissant, conclut Robin, et de plus éversif 
« pour les hypothèses métaphysiques que la rigoureuse régularité 
« et la délicatesse avec laquelle chacun des phénomènes observés 
« en suscite un autre, rien n’est plus frappant que de voir comment 
« nul de ces derniers n’a lieu sans un antécédent qui suspendu, trou- 
« blé ou supprimé, suspend, altère ou supprime le suivant et con- 
« sécutivement tous ceux qui lui succèdent. » 


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À 


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SA VIE ET SON OUVRE. CXLVII 


XII. — LE SÉNATEUR. — LE TRAITÉ DES RAPPORTS DE L’INSTRUCTION ET 
DE L'ÉDUCATION. — L'HOMME PRIVÉ. — LE NOUVEAU DICTIONNAIRE ABRÉGÉ 
— LEs ÉLÈVES. — LES LABORATOIRES. — LA MORT. — UN MONUMENT. 


On peut dire que l’anatomie, les sciences de l’organisation ont 
absorbé toute entière la vie de Robin. En dehors d'elles, il ne joue 
presque aucun rôle. Et pourtant, en fidèle disciple d’Auguste 
Comte, il ne se désintéressa d'aucune question sociale. Nul ne fut 
plus sensible aux malheurs de la patrie en 1870. IL était à Jasseron 
quand la guerre éclata. Dès que l’arrivée de Gambetta en province 
eut donné le signal de la résistance, Robin lui écrivit pour se 
mettre à la disposition du gouvernement. Gambetta le connaissait 
et le nomma aussitôt directeur du service de santé. Dans ces fonc- 
tions, auxquelles il n’était nullement préparé, Robin se montra 
bon administrateur. Au milieu de difficultés et de sollicitations de 
toutes sortes, il sut garder une complète indépendance et n'eut 
d’autre règle que l’accomplissement de la tâche qui lui incombait, 
par les meilleures méthodes. 

L'année suivante, de concert avec Littré, il fonde la Société de 
sociologie — qui n'eut, croyons-nous, qu’une existence éphémère 
— pour l'application de la méthode positive et scientifique à 
l'étude des doctrines sociales. En 1875, après la constitution défi- 
nitive du régime républicain, les électeurs sénatoriaux du départe- 
ment de l’Ain où Robin allait chaque année, où il avait conservé 
de nombreuses relations, où sa réputation avait grandi, l’envoyè- 
rent siéger dans la haute Assemblée par 341 voix sur 540 élec- 
teurs. Il n'avait point recherché le mandat sénatorial. Il n’avaiten 
réalité aucune ambition et se montra même quelque peu dédaigneux 
des distinctions. On savait qu’il était depuis longtemps chevalier de 
la Légion d'honneur, quoiqu'il n’en portât pas les insignes. Unjour, 
le ministère Ferry voulut le nommer officier, et comme on ne trou- 
vait pas la date de sa première promotion, on s’adressa à lui pour 
| la connaître. Il demanda très simplement qu’on ne lui fit point cet 

_ honneur que le gouvernement pouvait avoir peut-être intérêt à re- 
porter sur un autre. ; 

Robin avait accepté son siège sénatorial par devoir. Lui-même, 
vers cette époque (1876), a indiqué nettement l'obligation pour 
chaque citoyen de ne point se dérober aux mandats dont il peut 
être investi. « Nul n’a le droit, écrivait-il, et dans le présent 
« moins que jamais, de se départir de toute préoccupation des 


CXLVIII CHARLES ROBIN 


« affaires publiques. Nul, par conséquent, n’est autorisé à négliger 
« d'acquérir et de répandre les notions voulues pour faire saisir 
« ce que sont les conditions d'existence des sociétés; comment 
« elles se lient à ce qui constitue la véritable nature de l’activité 
« humaine. Se vanter de ne rien connaître de ces questions, trou- 
« ver ennuyeux ou ridicule de remplir les devoirs politiques, 
« regarder comme de pure ambition et comme un abaissement 
« peu digne de considération l'acceptation des fonctions sociales 
« dues à l'élection, récriminer contre ceux qui s’en chargent: telle 
est pourtant la succession de contradictions, dont nous donnent 
« l'exemple ceux en si grand nombre encore qui se plaignent 
« incessamment de ce que la vie publique, par ses nécessités iné- 
« vitables, dérange leur quiétude que favorise tant cette ignorance 
de toutes choses et qu'aiment à entretenir le césarisme autant 
que les monarchies » (1). 

Au Sénat, Robin prit place sur les bancs de la gauche et il a 
oujours voté avec elle, même quand ses opinions personnelles 
n'étaient pas en harmonie avec celles de la majorité républicaine. 
Il sut toujours faire plier sa pensée, si fermement assise cependant 
en toutes choses, aux nécessités de la discipline du parti. Cepen- 
dant, son rôle au Sénat demeura fort effacé, jusque dans des situa- 
tions où il avait toute autorité et où il eût pu rendre d'éminents 
services, par exemple comme président de la Commission des 
pêches. 

Un fervent disciple de Comte, M. Pichard, dans une allocution 
qu'il a prononcée sur la tombe de Robin au nom des adeptes de la 
Philosophie positive, a très bien expliqué à la fois les opinions 
politiques de l’éminent biologiste et par quelles causes allait se 
trouver reléguée au second plan, dans une assemblée politique, 
cette grande intelligence qui n'avait aucun des moyens de persua- 
sion — ni la parole, ni la plume — par lesquels on conduit les 
hommes, les foules, le public: « Familiarisé, par ses études, avec 
« la notion de marche lente et graduelle dans le développement 
« de l’être vivant, Robin ne l'était pas moins, à la lumière de la 
Philosophie positive, avec celle d'évolution naturelle des sociétés. 
Sa croyance dans la direction des mouvements sociaux par des 
lois naturelles agissant, malgré les apparences, même à l'en- 
contre de volontés plus ou moins fermes ou habiles, était absolue. 
« Dans un esprit aussi solide, les convictions politiques ne pou- 
vaient être que la conséquence des opinions philosophiques. 


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(1) Des rapports de l'instruction et de l'éducation, p. 37. 


SA VIE ET SON OUVRE. CXLIX 


« Charles Robin avait vu clairement que le seul fondement d’une 
« politique stable et féconde est la connaissance des lois naturelles 
« qui régissent les phénomènes sociaux, lois qui permettront, par 
« les côtés où elles donnent prise à l’action de l’homme, d'opérer 
« des modifications utiles et bienfaisantes dans l’état social. 

« Or, la recherche de ces lois, comme celle de toute loi natu- 
« relle, relève de la méthode expérimentale. 

« Ch. Robin s'était attaché à la République, non comme à une 
« forme de gouvernement d’une supériorité transcendante, au-des- 
« sus de toute discussion, mais comme à un moyen excellent, déjà 
« éprouvé ailleurs, en Suisse, aux États-Unis, le seul qui permette 
« chez nous de poursuivre librement et avec le concours de 
« tous, en dehors de toute préoccupation dynastique, ce vaste pro- 
« gramme d'expériences politiques que comporte la recherche des 
« conditions assurant la santé et le bien-être du corps social. 

« Mais l'efficacité de la méthode d'expérimentation politique 
« suppose la vue claire du principe qui en légitime l’emploi, chez 
« ceux qui seront autorisés à la pratiquer; et parmi ceux qui devront 
« en adopter les résultats, la notion de causalité naturelle dans les 
« choses sociales. Or, peu d’esprits encore sont familiarisés avec 
« cette notion. On croit toujours à la puissance de volontés diri- 
« geantes, à l'efficacité des coups de force ou d’habileté, malgré 
« l'inanité tant de fois reconnue de leurs effets. 

« Ch. Robin avait parfaitement conscience de cette situation 
« mentale. Aussi, peu zélé pour la politique d’action là ou le ter- 
« rain se dérobe, avait-il porté ses efforts vers l'étude des moyens 
« propres à hâter la préparation intellectuelle nécessaire à la sta- 
« bilité de nos institutions, ainsi qu’en témoignent tous ses écrits 
« philosophiques et notamment son traité des Rapports de l’instruc- 
« tion el de l'éducation. » 

L’essai dont parle ici M. Pichard, est celui-là même auquel nous 
avons emprunté plus haut l'opinion de Robin sur l'obligation d'ac- 
cepter les devoirs civiques. Il avait paru d’abord en articles dans 
La Philosophie positive, juillet-août 1876. 

Depuis longtemps, l'Église ne se bornait point à réclamer la li- 
berté de l’enseignement supérieur « pour opposer un enseigne- 
ment catholique » à l’enseignement des Facultés de médecine, 
comme on l'avouait naïvement (Revue médicale, déc. 1865.) Elle 
élevait la prétention de conférer des grades équivalents à ceux de 
l'État. Un article anonyme, publié par un journal en février 1872, 
frappa beaucoup Robin, en montrant l’espèce de dualisme créé 
dans la société française par l'opposition de l'esprit religieux sub- 


CL CHARLES ROBIN 


sistant et de l'esprit scientifique naissant. Robin résolut de mon- 
trer à son tour les inconvénients, les pertes vives qui résultent pour 
une société, d’un rattachement exclusif à des systèmes passés et 
dont l’invariabilité est le principe déclaré, quand cette société doit, 
au contraire, se faire une règle de regarder en avant et de puiser 
dans la notion d’une évolution nécessaire la confiance aux forces 
de l’esprit humain, la foi au progrès, la certitude de travailler 
utilement à l'amélioration matérielle et morale de soi-même et des 
siens. | 

Sans doute, tout cela avait été déjà dit par Comte, spécialement 
dans un Cours sur l'Histoire de l'Humanité, professé en 1849 [puis 
en 1850 et 1851) au Palais-Cardinal, et dont Robin nous apprend 
avoir les cahiers sous les yeux (1). Mais les développements qu'il 
en tire, les applications qu'il en fait aux questions alors pendantes 
et directement à la situation politique de la France en 1876, laissent 
à l’essai dont nous parlons, tout son caractère d'originalité. La 
partie la plus intéressante est certainement ce qui a trait à l'édu- 
cation de l'enfant. Les choses y sont peut-être trop systématisées, 
selon l'habitude du maître. Mais on n'oubliera pas qu'il s'agit ici 
d’une étude théorique qui ne peut jamais envisager que des 
moyennes. C’est affaire à ceux qui s'occupent directement de pé- 
dagogie, de mesurer aux cas particuliers la latitude nécessaire que 
comporte toute régle générale. 

Robin, d'accord en cela avec Gall, Broussais, Comte, Lallemand, 
établit d'abord ce principe général que l’éducateur doit avant tout 
connaître physiologiquement les facultés dont il se propose de 
diriger et de perfectionner l'exercice. On se saurait donc trop con- 
damner cette coutume, née de scrupules coupables dans la pensée 
même qui les évoque, qui consiste à séparer les sexes à un âge où 
il n’y a pas encore véritablement de sexes, et à confier les tout jeunes 
enfants à des instituteurs, quand la femme par destination physio- 
logique est appelée à diriger également les garçons et les filles dans 
le premier âge. 

Pour Robin, l'éducation familiale ou privée doit s'étendre jus- 
qu'à 14 ans, divisée en deux moitiés, dont l’âge de 7 ans marque la 
limite approximative. 

Dans la première période, l'attention des parents ou des édu- 
cateurs doit avoir pour but unique de diriger les sentiments 
qui font agir l'enfant, plutôt que ses actions mêmes. La mère est 
le centre naturel et primitif de ces sentiments qui s’étendront plus 


(1) Voy. ci-dessus p, vi, note. 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CLI 


tard de proche en proche par le simple effet du contact familial, 
puis social. Toute visée d'instruction proprement dite doit être 
soigneusement écartée. [Il v a barbarie à apprendre aux enfants à 
lire avant 6 ou 7 ans. N'est-il pas naturel, nécessaire qu'ils connais- 
sent l’existence, la morphologie des choses avant d'étudier la figure 
des termes et des signes qui fixent la notion de cette existence? 

Les jeux ne sont pas indifférents non plus, bien que Robin semble 
négliger un peu ce point spécial. Nous relevons toutefois cette in- 
dication très nette, bien marquée à l’empreinte de son puissant ca- 
ractère : « L’enfant doit apprendre à développer l'instinct construc- 
« teur, à construire jusqu'à mettre la dernière main à ce qu’il a 
« entrepris. C’est pour ne l'avoir pas fait que nous passons notre 
« vie à faire des projets irréalisés et que nous manquons de persé- 
« vérance. » 

Avec la seconde enfance commencent des devoirs nouveaux. 
L'enfant va puiser dans les exercices physiques l'habitude d’un 
travail régulier. Il va apprendre à lire, à écrire, à dessiner. Mais 
il faut qu'il apprenne tout cela directement et non d’après de pré- 
tendus principes généraux et absolus, pas plus qu’on ne lui a ap- 
pris à parler dans la deuxième et la troisième année, d’après tel ou 
tel principe. En même temps, cet âge est particulièrement celui 
des facultés affectives. L'enfant vit tout de sentiments, il est beau- 
coup moins accessible aux idées. Ses lectures devront être les 
fabulistes, les conteurs, les poètes. Les contes de fées qui ont tant 
de charme pour lui, ne devront en aucune façon être exelus pour 
cette raison qu'ils présentent à son esprit des phénomènes extra- 
naturels. On n’a point à craindre que son espriten garde l'empreinte, 
comme il fait des superstitions religieuses. Celles-ci ne demeurent 
que parce qu'elles sont sans cesse maintenues en éveil, dans le 
cerveau grandissant, par la répétition journalière de l'exemple, par 
le contact perpétuel des croyants, parles manifestations sociales du 
culte, etc., etc., tandis que pour les autres fables rien de tout cela 
n’est à craindre. À cet âge aussi, le rapport des signes aux choses, 
rapport dont l'écriture est la manifestation la plus éclatante, ini- 
tiera l'enfant à une sorte de logique rudimentaire et graduellement 
éveillera en lui les facultés d'analyse, de méditation nécessaires 
pour aborder l'étude des diverses sciences mathématiques, natu- 
relles (dans l’ancienne extension du terme) et sociologiques (his- 
toire, politique, littérature). 

Au coursde cette éducation primaire, Robin n’omet pas de signaler 
l'importance des «leçons de choses » sans toutefois employer ce nom 
quelque peu ridicule, dont on affuble un exercice trop mal compris. 


CLII CHARLES ROBIN 


Nous voulons parler de ces collections ineptes, dont on inonde les 
écoles, avec des assiettes et des bouteilles grosses comme le pouce 
pour montrer — chose à peine croyable — ce qu’est une bouteille 
ou une assiette ! N'est-ce pas se faire une étrange idée des conditions 
les plus favorables au développement intellectuel de l’enfant ? La 
véritable leçon de choses, la voici : « Il n’est pas de ville ou de 
« village, dit Robin, où ne se trouve à chaque instant, sous les pas 
« des enfants, à telle ou telle époque de l’année, un nombre suffi- 
« sant et souvent considérable d'espèces minérales et d'espèces 
organiques, dont une connaissance même sommaire est utile pour 
« tout le reste des études de la vie. Or, partout l’enseignement en 
« laisse négliger absolument l'étude. » Les promenades seront l’oc- 
casion d'apprendre la géographie et celle-ci conduira à l’histoire. 

Fidèle disciple de Comte, Robin veut nécessairement que l’en- 
seignement secondaire suive la marche même du développement 
et de la hiérarchie des sciences, d’après les principes connus de 
l'École positiviste. La morale sera enseignée la dernière comme 
couronnement de l'instruction secondaire, de même qu'elle est le 
couronnement de la sociologie. 

A l’enseignement supérieur revient la diffusion des clartés de la 
science acquise. Mais on ne perdra jamais de vue que cet enseigne- 
ment ne fait pas des savants. C’est là une remarque très juste. «On 
« peut apprendre à un autre ce que sont ces clartés et les procédés 
toujours perfectibles, à l’aide desquels on a constaté la réalité ; 
« mais ces conceptions et les voies à suivre pour en démontrer 
« l'exactitude, ne s’enseignent pas. De là vient que, presque tou- 
« jours, l'homme de science sort du milieu de ceux dont l’éduca- 
« tion a été imparfaite ou irrégulière au point de vue officiel, et 
« reste inévitablement un original devant le plus grand nombre. 
C’est qu’en effet ses conceptions et ses procédés de démonstra- 
tion lui sont propres et personnels quant à leur origine. » 
Robin, on le pense bien, n'oublie pas l'instruction civique qui 
doit apprendre à chacun à connaître les rouages gouvernementaux 
et administratifs de l’État, à la prospérité duquel tous les citoyens 
sont intéressés. Mais il semble attribuer plus d'importance encore 
à une instruction économique nécessaire : « Rien de facile, dit-il, 
« comme de faire savoir à l’enfant les relations entre l’agriculture 
« qui produit, l’industrie qui met en œuvre, le commerce qui dis- 
« tribue, et la banque qui facilite les échanges. Cependant ce sont 
« là des notions ignorées du plus grand nombre. Or, pour qui sait 
à quel point la connaissance entraîne le respect de la chose 
connue, l'importance sociale de ce genre d'instruction sera facile- 


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SA VIE ET SON OUVRE. CLIIL 


« ment saisie, c’est elle qui apprendra au paysan et à l’ouvrier à 
« préférer le banquier à l’usurier, et lui montrera dans le proprié- 
« taire, l'industriel, le financier, des fonctionnaires d’un certain 
« ordre dont l’existence est nécessaire à tous. » 

Dans un sujet aussi vaste que celui des Rapports de l'éducation et 
de l'instruction, Robin trouve naturellement maintes occasions d’af- 
firmer les principes de sa philosophie et de la défendre contre les 
erreurs ou la mauvaise foi de ses adversaires. Nous venons de le 
voir partisan, pour l'enfant, de la lecture d'œuvres aussi purement 
imaginatives que les contes de fées, parce qu’à cet âge les sentiments 
seuls attachent le petit lecteur. De même il montre quelle erreur 
cela est de dire que la science détruit tout sentiment poétique. Le 
Positivisme nierait les faits s’il niait l'imagination, il prétend seule- 
ment que celle-ci reste en rapport avec son temps et son milieu : 
« Alors même qu'il s'agit d'œuvres esthétiques, dit Robin, celui qui 
« voudrait se dégager de tout ce qui est de son temps et faire de l’art 
« pour l’art, aussi bien qu’en science et en politique, celui-ci est de 
« par ce fait frappé de stérilité. » Notons ailleurs cette remarque : 
« Plus s'étend notre savoir de la réalité, plus s’élargit le domaine 
« de l’imagination. » C’est encore la même pensée que Robin ex- 
prime d'une manière plus rigoureuse, quand il dit que « l’imagi- 
« nation est une des manifestations de la puissance productive de 
« l’encéphale, forcément proportionnée à sa réceptivité pour les 
« notions extérieures de toutes sortes. » 

Après avoir exposé ses vues d'ensemble sur l'éducation, Robin 
revient à son point de départ, au dualisme créé par l'esprit moderne 
ou scientifique, et l'esprit ancien ou religieux dans la société contem- 
poraine, à ce dualisme dénoncé par l’auteur anonyme dont l’article 
avait invité Robin à écrire cet essai sur l'éducation, plus étranger 
en apparence qu'en réalité à ses préoccupations courantes. 

Il pose d’abord en principe la nécessité même de l’instruction, 
par cet argument de fait que « dans toute question d'ordre indivi- 
« duel et social, le danger vient de ceux qui ne savent pas: le dan- 
« ger est d'autant plus grand que le nombre de ceux-ci est plus 
« considérable et pèse davantage sur la solution de toute question 
« dans laquelle interviennent les masses, depuis celles des villages 
« jusqu’à celles de tout un État. » Mais si l'instruction est néces- 
saire, elle n’est véritablement profitable qu’à la condition d’être 
appuyée exclusivement sur les données scientifiques, nous dirions 
aujourd’hui à la condition d’être laïque. Et l’on peut juger si le 
philosophe laisse ici cours à l'éternel ressentiment de la libre 
pensée, contre le servage où l’Église a si longtemps tenu l'esprit 


CLIV CHARLES ROBIN 


humain. Il montre non seulement la vanité de l'éducation reli- 
gieuse, mais le temps qu’elle prend d’abord au préjudice de no- 
tionsessentielles au fonctionnement social de l'individu, sans comp- 
ter celui qu’il faut perdre plus tard pour se débarrasser des fictions 
inutiles. 

ët Robin poursuit les conséquences de ce mal originel : « C’est 
« la déviation imposée par la métaphysique à l’enseignement, c’est 
« le défaut d'assises de celui-ci sur les notions de la science po- 
« sitive, c'est cette méconnaissance de tout ce qui caractérise et 
« constitue la véritable nature de l’activité humaine, qui devient 
« ainsi la cause des sourdes résistances que nous voyons si souvent 
« les administrations publiques opposer aux réformes. » Il est na- 
turel qu'on se préoccupe peu de progrès, quand on est instruit beau- 
coup plus en vue d’un passé soumis au despotisme de l’idée théolo- 
gique, que d'un avenir de plus en plus affranchi de ces superstitions 
néfastes. Un des buts de l'éducation véritablement scientifique et 
moderne doit être, au contraire, de bien faire éclater à l’esprit « que 
« le progrès est le développement de l’ordre, ou en d’autres termes, 
« que toutes les acquisitions des sciences qu'on ne saurait arrêter 
« aujourd'hui, entraînent des modifications inévitables dans tous 
« les arts, depuis l’agriculture jusqu'aux divers modes de l’adminis- 
« tration, » — Et Robin ajoute avec raison que « le reproche d'aller 
« trop avant en présentant comme actuellement exécutables des 
« applications des progrès intellectuels dans les divers ordres de 
« l’activité sociale, alors même qu’il reste à démontrer le fait par 
« l'essai lui-même, mérite un plus grand honneur que toute tenta- 
« tive de retour à des choses antécédentes que l’histoire a toujours 
« démontrées non renouvelables » (1). 

Comme on le voit, Robin par tempérament était ce que nous ap- 
pelons un radical, il était du parti qui veut le progrès rapide avec 
ses risques, non le lent progrès qui marche d’un pas assuré sur un 
terrain d'avance affermi. Peut-être les leçons de l'histoire lui avaient- 
elles enseigné ce qu'il y a de vain dans l'utopie libérale et combien 
elle est peu conforme aux lois de l’évolution qui ne nous montre 
jamais l’organisme marchant d’un pas égal dans son devenir, mais 
présentant des crises, des sortes de révolutions, comme sont les 
métamorphoses. Robin était sans doute de ceux qui entendant ré- 
péter que la masse de la population n’est pas prête pour certaines 
réformes, aurait répondu : « Certes, si l’on avait attendu les pro- 
vinciaux pour prefidre la Bastille, elle serait encore debout. » 


(1) Des rapports de l'instruction et de l'éducation, p. 69. 


SA VIE ET SON OŒUVRE. CLV 


La question sociale des rapports de l'instruction et de l’éduca- 
tion, n'avait pas seule occupé Robin vers la fin de sa vie, et nous 
avons retrouvé dans ses papiers un dossiers de notes, plutôt qu’un 
manuscrit, avec ce titre caractéristique : De l'origine physiologique 
de la religiosilé. 


Robin ne s’est point marié. Il n’a pas laissé d'enfants. Sa vie 
fut toujours des plus simples, quoiqu’il eût une certaine fortune. 
Quand le juge de paix entra dans son appartement du boulevard 
Saint-Germain, où l’on avait mis les scellés à la nouvelle de sa 
mort, le magistrat fut profondément étonné de l'apparence modeste 
du logement occupé par un sénateur etun professeur si connu : un 
petit salon d'attente et un cabinet plein de livres, de microscopes, 
de papiers, une salle à manger à peine meublée, une chambre où 
nul jamais n’entrait, tel était son intérieur tenu par une femme 
de ménage élevée à la dignité de bonne le jour où il était de- 
venu sénateur. [l ne faisait jamais qu’un seul déjeuner et le même 
tous les jours de l’année : une côtelette demi-crue avec quelque 
dessert et deux tasses de café fort. C'était le moment où il recevait 
ses intimes, ses élèves, où il parcourait la feuille officielle et les 
journaux de son département. Tous les soirs il dinait dans des mai- 
sons amies où il s'était fait des habitudes, et où il était toujours le 
bien venu, apportant grand appétit et'joyeuse humeur. Parmi ces 
maisons aimées, il n’en était aucune qu'il aimât autant que celle de 
son ancien élève, le D' Goujon, maire du x11° arrondissement et 
son collègue au Sénat. 

Ceux qui n’ont point connu Robin dans ces relations intimes de 
l'amitié, ne se figureront jamais en parcourant ses écrits âpres, sé- 
rieux jusqu’à la lourdeur, l'homme qu'il était une fois la journée 
de travail finie, plein de verve, d’entrain, de plaisanterie, de chan- 
sons, même quelquefois légèrement salées, bien venu de tous, 
adoré des enfants et même entretenant avec les bêtes de la maison, 
les chats, les chiens, grand commerce d’amitié. 

Il avait été très lié avec Doré, il fut un des convives habituels de 
ces agapes où la verve extravagante de l’amphytrion se donnait 
carrière dans la composition, chaque semaine nouvelle, de quelque 
plat extraordinaire. Martinet le graveur fut aussi de ses amis, c'est 
à lui que nous devons le beau portrait placé en tête de cette étude. 
Il fut de même longtemps très lié avec M. Alexandre Dumas fils. 
Michelet l’avait pris en haute estime et Robin fut souvent le 
commençal de ces repas recherchés comme un honneur où pré- 
sidait la verve puissante de l'historien et la grâce de sa com- 


CLVI CHARLES ROBIN 


pagne. Michelet s'était adressé à Robin quand il composa ses livres 
d'histoire naturelle; il se fit un jour expliquer par lui la structure 
du cerveau, où le grand poète avait vu dans les lobes de la face in- 
férieure une configuration de fleur, comme un camélia ou un lotus. 
Dans son testament Michelet prévoyait le cas où il mourrait à 
Paris et chargeait Robin de faire son autopsie. Robin fréquenta 
aussi Sainte-Beuve, il était avec Flaubert et le prince Napoléon, 
de ce dîner gras d’un certain vendredi saint, dont on parla beau- 
coup dans le temps. Il retrouvait Sainte-Beuve tous les quinze 
jours dans une réunion où se groupaient autour de l’éminent 
critique des esprits tels que MM. Renan, Berthelot, de Goncourt, 
Taine, et plus tard Gambetta, MM. Hébrard, Jules Roche, Spuller, 
Bréal, Boutmy, etc. On sait ses constantes relations et sa collabo- 
ration de tous les jours avec Littré. Après la mort de son ami, il 
dirigea à sa place La Philosophie positive pendant les deux ans qu’elle 
survécut à celui qui en avait été véritablement l'âme, lui donnant 
tant de pages remarquées sur les sujets les plus divers. 

Indirectement la mort de Littré eut une influence sur les travaux 
des dernières années de Robin. Les éditeurs du Dictionnaire de 
Nysten, quand la 13° édition fut épuisée, crurent le moment venu 
de modifier complètement l'esprit d’un livre, dont la philosophie 
positive avait cependant fait le succès (1). Robin ressentit un véri- 
table chagrin à la vue des altérations impudentes introduites dans 
le texte d’un ouvrage qui avait triomphé des luttes passées, qui 
avait son histoire, était presque un drapeau, d'un ouvrage depuis 
longtemps entre les mains de tous ceux qui s'occupaient de science, 
de littérature et de philosophie. Et puis, ces mutilations n’étaient- 
elles pas la plus grave injure à la mémoire de son illustre collabo- 
rateur (2)? Résolument Robin se remet à l'œuvre : il entreprend la 
publication du Nouveau dictionnaire abrégé de médecine (chez Doin), 
où se retrouvera l'esprit scientifique et purement philosophique de 
l’ancien Nysten. Cet énorme labeur qu'il accomplit seul — car ce 
fut encore un trait de Robin de ne se faire jamais aider — dura trois 
ans. Îl eut le temps de l’achever. À sa mort, les dernières feuilles 
étaient à l'impression et M. de Lanessan les a revues. C’est donc en 
quelque sorte le testament scientifique de Robin, et c’est là qu’on 
doit chercher la dernière expression de sa pensée. 


Autour de Robin s'était formé tout un groupe d’amis, d'anciens 


disciples, les uns obscurs, les autres ayant un nom dans les sciences 
PA 


(1) Voyez ci-dessus, p. xL. 
(2) Voy. Discours prononcé aux obsèques de Ch. Robin, par M. Goujon, 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CLVII 


ou la philosophie. Nous avons déjà cité MM. Brown-Séquard, Sap- 
pey et Laboulbène. Signalons encore, parmi ses amis dévoués, le 
D' Reliquet, M. Wirouboff. Le plus illustre de tous, M. Berthelot, 
lui fut toujours uni d’une affection profonde : « Robin a été un in- 
venteur », disait-il un jour très justement de celui qui avait le pre- 
mier édifié le système complet de l’Anatomie. 

Robin a été malheureux dans ses élèves, ilen vit disparaître trois, 
enlevés subitement, sur lesquels on pouvait fonder de grandes es- 
pérances ! Le premier fut Godard. Godard était riche, riche aussi 
des plus récentes conquêtes de l’anatomie et de la physiologie, qui 
le passionnaient; il décide d’aller étudier l'Orient à ce point de 
vue, il part pour l'Égypte. Les fièvres, la lèpre, le typhus déve- 
loppé dans les chantiers du canal de Suez, occupent son attention; 
il est atteint d’ulcérations, d’accidents nerveux et d'une hépatite 
qui finit par l'enlever à Jaffa; il meurt en stoïcien sans qu'un seul 
instant son calme se soit démenti. Dans la préface d'un volume 
de notes et de souvenirs laissés par son élève (1), Robin écrit : 
« Ce ne peut être un homme vulgaire, celui qui, par ses connais- 
« sances spéciales, bien mieux encore que par ses souffrances fixé 
« sur le sort fatal qui lui est réservé dans un avenir qui doit 
« échoir le lendemain, a pu à 36 ans, riche et bien aimé, écrire 
« Sans récriminer : Ce soir ou demain je serai mort, je vous nomme 
« mon exécuteur testamentaire ; vous voudrez bien accepter ? Philo- 
« sophe toute sa vie, Godard mourut sans cesser de l'être, libre de 
« fictions métaphysiques, paraissant plutôt abdiquer la vie que 
« mourir et tout au souvenir de ses proches et de ses amis, dont 
« son dévouement à la science l’avait éloigné. Il est un témoignage 
« à jamais mémorable que les qualités du cœur, comme celles de 
l'esprit sont originellement indépendantes des causes convention- 
« nelles qui leur sont spéculativement assignées ; que les senti- 
« ments affectifs ont leur source dans notre propre nature et qu'ils 
« y acquièrent par l'éducation toute leur pureté ou du moins toute 
« leur efficacité morale et sociale. » 

La mort de Legros fut une perte plus irréparable encore. Ce 
n’était pas non plus un homme ordinaire. Pendant le choléra de 
1864, à la suite d’une visite que fit l'Empereur à l’Hôtel-Dieu déserté 
de tous ses fonctionnaires et où il n’avait trouvé que Legros, il lui 
avait envoyé le lendemain matin, à l'heure du service, la croix de 
chevalier de la Légion d'honneur. Legros avait déjà publié d'im- 
portants travaux quand il succomba, probablement à une septicé- 


(1) Égypte et Palestine, par E. Godard; 1 vol. avec atlas, Paris, Masson, 1867, 


CLVIIT CHARLES ROBIN 


mie contractée dans le premier laboratoire qu'avait eu Robin à 
l'École pratique, comme professeur d’Histologie. C'était un étrange 
réduit que ce laboratoire : deux petites pièces superposées commu- 
niquantparunescalier, une véritable échelle ; en bas, des cadavres, 
des macérations, un fourneau pour la chimie biologique et les in- 
jections; en haut, la place juste suffisante pour quatre ou cinq 
élèves et pour leurs microscopes. C’est là qu'ont travaillé Legros, 
Rabuteau, MM. Magitot, Goujon, tous ceux qu'enflammait le zèle 
communicatif du maître, et aussi le pauvre Papillon enlevé trop tôt 
pour les sciences. Ses brillantes qualités d'analyse, son érudition 
philosophique rehaussées de son savoir en.biologie, avaient fait de 
Papillon, alors qu’il était presqu’encore sur les bancs de l’École de 
médecine, une espèce d’oracle écouté à l’Académie des sciences 
morales et politiques : le premier fauteuil vacant, disait-on, serait 
pour lui. 

Robin a peu voyagé. Toutefois, en 1875, il s'était fait charger 
d’une mission scientifique en Espagne et en Algérie ; il en profita 
pour contrôler, spécialement en ce qui concerne la Néphélis, les 
faits exposés dans son Mémoire sur le développement embryogénique 
des Hirudinées qui paraissait cette année même. Il avait également 
fait, en compagnie du D’ Lebel et avec M. Magitot, quelques voyages 
en Scandinavie, en Écosse, en Italie et jusqu’à Constantinople, mais 
c'étaient plutôt des courses de vacances, dont il parlait peu. Quand 
il fut devenu directeur du Laboratoire de Concarneau, il alla chaque 
année en Bretagne vers le temps de Pâques. Il partait là comme 
pour Jasseron avec sa valise d'étudiant et son microscope. Il pas- 
sait au laboratoire sa journée entière à moins qu'il fût à chercher 
des bêtes. Une blouse de prosecteur, un chapeau de paille, qui avait 
affronté maintes intempéries, et le voilà en route, un bocal à la main 
pour se procurer l'espèce qu’il étudiait particulièrement. Il aimait 
être seul pour observer les choses à son aise, relever les goëe- 
mons, retourner tranquillement les pierres. Un jour, ilrevenait dans 
ce costume bizarre, quand le préfet du département demanda à être 
présenté à l’'éminent sénateur, dont l'aspect inattendu parut à la 
fois beaucoup surprendre et un peu gêner le haut fonctionnaire. 

Robin avait en horreur les démarches près de l'autorité, les 
courses dans les ministères, où il ne savait pas même se servir de 
sa prérogative desénateur. Il regardait ces dérangements, dont per- 
sonne dans les hautes situations de l’enseignement ne saurait tout à 
fait s'affranchir, comme des pertes de temps, et c’est à peine si celui 
de ses élèves qu'il écoutait le plus volontiers, qu’il consultait pour 
toute affaire administrative, parvint quelquefois à le convaincre 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CLIX 


qu’une démarche de lui pouvait être indispensable et qu'il fallait 
la faire. Robin, a-t-on dit, n’était que d’un faible appui pour ceux 
dont il estimait les travaux. Ceci n’est pas tout à fait exact. Il était, 
on doit le reconnaître, homme d'initiative aussi peu que possible, 
mais seulement par horreur du dérangement. Que l’occasion vint 
à s'offrir d'elle-même de servir ses amis ou ses élèves, de dire sur 
eux la bonne opinion qu’il avait, de faire hautement valoir leurs 
travaux, les mérites qu’il leur connaissait, aussitôt sa décision d’es- 
prit éclatait, il était précis, catégorique et forçait le suffrage de ses 
interlocuteurs. 

Même décision dans sa correspondance avec l'administration de 
l'enseignement public, quand il s'agissait de revendiquer les droits 
imprescriptibles de la science. Il ne transigeait pas, il savait par- 
ler haut et ferme. À ce compte, l’organisation ou plutôt la création 
des deux laboratoires que nous dirigions ensemble à l'École des 
Hautes-Études et à Concarneau lui fait le plus grand honneur et 
mérite d’être rapportée. Pour ce double but, nous avions uni nos 
efforts. Et peut-être me sera-t-il permis de dire que j'ai été surtout 
le conseil. Robin, grâce à sa triple situation de professeur à l'École 
de médecine, d’académicien et de sénateur, fut la puissance qui dé- 
cida le succès. 

Quand M. Duruy rendit à l’enseignement le signalé service d’or- 
ganiser la section des sciences de l'École des Hautes-Études, Robin 
fut chargé d’un de ces laboratoires en l’air et qui n’existèrent d'abord 
que sur le papier, avec la dénomination de Laboratoire d'histologie 
zoologique. À défaut de siège officiel, les travaux avaient lieu le soir 
dans un local effectif que M. H. Milne Edwards s'était fait attribuer 
au Jardin des Plantes pour y organiser, de son côté, un laboboratoire 
rattaché aussi à l’École des Hautes-Études, mais dépendant en réalité 
de la Sorbonne, avec le titre de Laboratoire de zoologie anatomique. 
Les choses allèrent ainsi pendant un semestre. Robin se rendait aux 
heures indiquées, en compagnie de son assistant, le D' Goujon, au 
Jardin des Plantes pour diriger les élèves. C'est même à cette époque 
et grâce aux animaux fournis par la ménagerie du Muséum pour les 
exercices du laboratoire, que le D'Goujon fit ses recherches demeu- 
rées classiques sùr les corpuscules tactiles du bec des Perroquets. 
L'année suivante, quelques légères difficultés survinrent,; cela 
était à peu près inévitable. Je dirigeais à cette époque, rue du dar- 
dinet, un laboratoire particulier d’histologie, fondé quelques an- 
nées auparavant par MM. Nachet et Grandry; je proposai à mon 
maître d'y transporter l’enseignement pratique qu’il faisait au Mu- 
séum. Et quand l'École des Hautes-Études reçut plus tard un sem- 


CLX CHARLES ROBIN 


blant d'organisation définitive, le Laboratoire d'histologie zoologique, 
installé dans ce nouveau local, eut pour directeurs MM. Ch. Robin 
et G. Pouchet : il était, d’ailleurs, fort misérable, occupant deux 
étages d’une maison particulière, mais à deux pas de l'École de 
médecine. Les élèves y furent bientôt nombreux et le « laboratoire 
de la rue du Jardinet », comme on l'appelait, a presque gardé un 
nom. En 1879, je devenais professeur au Muséum. Avec l'agrément 
deM.J. Ferry, ministre, notre laboratoire y fut de nouveau transféré 
dans les locaux dépendant de la chaire d’Anatomie comparée, dont 
il complétait l’enseignement— l'histologie à côté de l'anatomie ma- 
croscopique — sans empiéter sur le domaine d'aucun de mes collè- 
gues. Il faut dire toutefois que si le principal directeur était venutrès 
rarement rue du Jardinet, il ne vint jamais au Muséum, peut-être 
par un sentiment de convenance à coup sûr exagéré. Ses fonctions 
de directeur — d’ailleurs nullement rétribuées — se réduisaient à 
donner des signatures. 

L'organisation du laboratoire de Concarneau fut autrement la- 
borieuse. Robin avait fait là, comme nous l’avons dit, ses constata- 
tions définitives sur l'appareil électrique des Raies. J'y avais pour- 
suivi de mon côté des recherches deux fois couronnées par l’Aca- 
démie des sciences sur le squelette des Poissons et sur la fonction 
chromatique. Le laboratoire de Concarneau, fondé par Coste 
en 1859, était le premier établissement qu'un état eût créé pour 
l'étude de la zoologie marine et de ses applications. Mais les pré- 
cautions nécessaires n'avaient pas été prises au début pour assurer 
dans l'avenir tous les droits du gouvernement. Des contrats mal 
rédigés par l’admininistration impériale faillirent, à la mort de 
Coste, mettre en question l'existence de l'établissement où de si 
importants travaux scientifiques avaient été accomplis, non seule- 
ment par Robin, mais par MM. Gerbe, Van Beneden, sans parler du 
célèbre professeur du Collège de France. Celui-ci avait été secondé 
au cours de ses recherches par un pêcheur habile, pilote de Con- 
carneau, mais sans aucune culture, et dont Coste finalement fit la 
fortune. Après la mort de son bienfaiteur, il se crut maître de la 
place, et sans façon s’appropria les bâtiments, les salles d'étude, 
les fourneaux de chimie, les viviers pour les faire servir à son 
commerce de turbots et de homards. Il avait réussi à éloigner par 
une série de mauvais procédés M. Ranvier. On avait sous mes veux 
commencé le déménagement du matériel scientifique. J'appelai sur 
ce qui se passait, l'attention des professeurs de Paris. Milne Edwards, 
à qui j'en parlai le premier, renonça à une campagne de revendi- 
cation dont il prévoyait les difficultés. M. de Lacaze-Duthiers, tout 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CEXI 


occupé de sa création de Roscoff, ne voulut pas la tenter davantage. 
Il y fallait une indomptable volonté et une longue patience. Robin, 
dans le seul intérêt des sciences, par respect aussi pour la mémoire 
de Coste, entreprit de faire triompher les droits de l'Etat et de con- 
server au gouvernement un établissement déjà célèbre. Je le secon- 
dai. Mais les difficultés renaissaient sans cesse. Le pilote était par- 
tout secrètement appuyé par l’ancienne administration à Quimper, 
à Brest, à Paris dans les bureaux. La lutte dura près de six ans, et 
c'est seulement en 1879 que le laboratoire reçut son organisation 
définitive. Toute la correspondance échangée dans cette affaire par 
Robin avec l'administration de la Marine ou celle de l'Instruction 
publique est un modèle de fermeté et de dignité scientifique. Les 
droits de la haute science et du haut enseignement y sont fortement 
revendiqués. De ce côté et dès qu’il ne s’agissait point de démarches 
personnelles à faire, Robin retrouvait toute l'énergie du paysan 
franc-comtois. 


Au fond, il ne fut jamais un homme d’action ni un homme d’en- 
seignement public. Ce fut un travailleur prodigieux, un chercheur 
infatigable, un érudit, un savant dans toute la force du terme, servi 
par une méthode admirable, infaillible quand elle est bien appliquée. 
Continuateur de Bichat, auquel il se relie par De Blainville, Au- 
guste Comte et M. Chevreul, Robin a consacré sa vie entière à l'ana- 
tomie générale. Le premier, il en a fondé à Paris l’enseignement 
régulier, sous le nom d’une de ses branches : l'Histologie. Mais on 
peut dire que jamais en lui le professeur, le maître n'ont donné 
la mesure de l'observateur et du savant. Ce qui frappe le plus chez 
Robin, c’est la largeur de vues avec laquelle il embrassait, dans 
l'étude de la substance organisée, tout ce que le scalpel, le micros- 
cope, la chimie peuvent fournir à l'histoire de l’être vivant, de sa 
formation, de sa composition anatomique, de ses déviations orga- 
niques, de ses fonctions et de ses lésions. 

Il laisse une œuvre considérable : on en jugera par l’exposé bi- 
bliographique qui suit et que nous avons cherché à rendre aussi 
complet que possible. Assurément tous ses écrits n’ont pas la même 
valeur. On peut regretter qu’il ait donné trop de temps vers la fin 
de sa vie à de trop nombreux articles du Dictionnaire encyclopé- 
dique, mais il en est parmi ceux-ci qui méritent d’être toujours 
consultés. Son traité de Chimie en collaboration avec Verdeil, 
son traité du Microscope (la seconde partie), celui des Humeurs, 
son Anatomie cellulaire sont des œuvres capitales, et qui reste- 
ront comme l’expression la plus haute des progrès accomplis en 


CHARLES ROBIN. k 


CLXII CHARLES ROBIN 


anatomie générale depuis Bichat. Un enseignement profond se dé- 
gage de ses écrits, malheureusement d’une lecture peu faite pour en 
favoriser la diffusion. On est en droit dès aujourd’hui de prévoir 
une époque où le champ des recherches morphologiques sur les 
êtres vivants aura été exploré tout entier, ou du moins ne laissera 
plus à décrire que l’infinie multitude des variétés secondaires. C'est 
alors qu’on se retournera du côté où M. Chevreul d’abord, puis 
Robin ont montré la voie; c'est alors qu’on abordera, malgré les 
immenses difficultés que laisse entrevoir l’état actuel des connais- 
sances chimiques, l'étude de ce qu’il y a de fondamental dans 
l'être vivant, l'étude de l’état d'organisation, des activités récipro- 
ques des éléments et des parties de ces éléments les uns sur les 
autres, en fonction de leur constitution moléculaire. 

C’est quand on comprendra bien l'importance d’une telle étude, 
quand on reprendra enfin par l’expérimentation ces notions de 
structure et de mouvements intimes, qui sont le fondement même 
de toute la biologie, c’est alors qu’on jugera de quelle supériorité 
fut Robin sur ses contemporains, en particulier sur ceux qui n’ont 
rien vu en Anatomie générale, au delà d’une technique plus ou 
moins savante, propre à mettre en lumière l’apparence morpholo- 
gique et l'agencement des divers éléments anatomiques, sans se pré- 
occuper des forces en jeu dans et entre chacun d'eux. Quant à lui, 
confiant dans la sûreté de sa philosophie, il savait que le temps tôt 
ou tard ferait justice des systèmes sans consistance de ses adver- 
saires. Jamais, vis-à-vis de ceux qui contestaient le plus ses travaux 
ou qui insistaient sur ses erreurs — comment n’en aurait-il pas 
commis de nombreuses dans une œuvre si considérable? — avec 
une ignorance injustifiée de tout ce qu'il avait fait, jamais il n’en- 
tama de polémique directe. Il se bornait, sans les nommer, à rele- 
ver çà et là dans ses publications nouvelles les fautes où ils étaient 
tombés par ignorance des principes. 

Robin a donc des titres incontestables, et sa mémoire mérite 
d'être honorée par tous ceux qui se disent anatomistes. Si, comme 
cela se voit souvent, après avoir été un grand promoteur, il n’a pas 
su accepter volontiers certaines idées qui étaient évidemment un 
progrès sur les siennes, il faut excuser chez lui cette résistance; 
mais surtout elle ne doit pas faire oublier les grands services 
rendus par lui à l'avancement du savoir humain et ce culte pro- 
fond , inaltérable qu’il professa toujours pour ce qu’il croyait être 
la vérité scientifique. 


# 


Les derniers mois de la vie de Robin furent attristés par quelques 


SA VIE ET SON ŒUVRE. CLXIIT 


ennuis. Arrivé au terme de son mandat sénatorial, il avait été réélu. 
Mais une loi passée au cours de la précédente législature laissaitin- 
décise la question de savoir s’il pouvait continuer à cumuler sa fonc- 
tion élective avec sa chaire à l’École de médecine. À quelques ob- 
servations publiées par le journal le Temps, Robin répondit qu’en 
cas d'incompatibilité reconnue, il opterait pour le mandat séna- 
torial (1). Sa lettre publiée par les journaux de Paris indisposa 
quelque peulemondedes Écoles qui prétendit, non sansraison à son 
point de vue, que le titre de professeur à la Faculté de médecine 
devait primer tous les autres. Cependant le choix auquel s’arrêtait 
Robin était assurément le meilleur. Il s’en expliqua : « On va re- 
« nouveler mon mandat pour neuf ans, nous disait-il, c'est à peu 
« près le nombre d’années que je compte vivre. Nous mourons 
« tous vers 70 ans dans ma famille. C’est juste le temps qu’il me faut 
« pour terminer ce que je veux encore publier. Comme sénateur 
« j'aurai beaucoup plus d'influence pourlebien dessciences, que je 
« n’en aurais comme simple professeur. Je ne dois pas hésiter. » 
Robin bénéficia de l'obscurité de la loi, il conserva sa chaire avec 
son siège au Luxembourg. Mais la question posée et longtemps 
agitée, la malencontreuse lettre soulevèrent dans son amphithéâtre 
de nouvelles tempêtes, comme celles qui avaient accueilli ses dé- 
buts. Il eut également quelques ennuis comme juge d’un concours 
d’agrégation dont il s'était subitement retiré. Il fut très profondé- 
ment affecté par les manifestations des étudiants, affecté à un point 
presque maladif, et il resta, nous a-t-on dit, plusieurs jours chez 
lui avant de reprendre le train ordinaire de sa vie. 

Il avait aussi beaucoup changé, s’était alourdi. Il était d’ailleurs 
atteint. Un jour il avait ressenti un fort étourdissement, suivi d’un 
saignement de nez, on craignit une congestion. C’est dans cet état 
qu'il avait pris, comme tous les ans aux vacances, le chemin de 
Jasseron, pour se reposer, chasser, ou plutôt — car l’observateur 
ne perdait jamais ses droits — « voir chasser son chien », comme 
il disait. Ii est mort le 6 octobre, chez lui. Le 3 il devait partir pour 
Paris, afin de prendre part aux élections du 4 octobre. Il fut frappé 
en se levant d’une attaque d’apoplexie. On le trouva au pied de son 
lit à moitié habillé. Il ne put prononcer que ces mots : « Curieux.…, 
apoplexie. » Il ne parla plus à partir de ce moment, du moins rien 
d’intelligible. Robin se savait le cœur malade. Sans donner trop 
d'importance aux paroles ainsi échappées de la bouche d'un mou- 


(1) Voy. Courrier de l'Ain, n° des 16, 18 et 30 décembre 1884, Ce dernier numéro 
contient la profession de foi de Robin. 


CLXIV CHARLES ROBIN 


rant, on peut se demander si ce cerveau quis’éteignait, n’a pas con- 
centré ce qui lui restait d'activité sur un phénomène inattendu et 
se produisant contre les prévisions du biologiste expérimenté. S'il 
en fut ainsi, on peut dire que la dernière pensée de Robin fut le 
digne couronnement de sa carrière. 

Sa famille était demeurée très religieuse. Le philosophe, quand 
il venait se reposer au milieu d'elle, évitait toute discussion et vivait 
en bonne harmonie avec tous (1). Il arriva même plus d'une fois 
qu'on l’appela pour donner des conseils médicaux aux religieuses 
d’un couvent voisin. Sur un seul point il ne céda jamais : jamais il 
ne consentit aux jeùnes et aux observances de régime. Nul, parmi 
les siens, n’ignorait ses opinions, ses volontés certaines. En vain 
le D' Reliquet, accouru à Jasseron avec nous tous, pour rendre les 
derniers devoirs à celui qui avait été son ami et son maître, produi- 
sit une lettre que Robin lui avait écrite à propos des obsèques de 
Littré et qui ne permettait aucun doute (2). Nous étions bien 
convaincus que Robin laissait des volontés formelles, seulement 
elles devaient être à Paris, où personne n'avait été prévenu de sa 
maladie, où les scellés avaient été mis aussitôt après sa mort. La fa- 
mille, s'appuyant sur ce qu’on n'avait trouvé (à Jasseron) aucune 
disposition écrite, lui fit des obsèques religieuses. Ses amis politi- 
ques et ses disciples décidèrent de suivre le corps, mais de ne pas 
pénétrer dans l’église, et de l’attendre à la porte. Ils restèrent là 
nombreux, beaucoup plus nombreux peut-être qu'on eût pu s'y 
attendre. 

Il a été inhumé au milieu du cimetière de Jasseron, au pied d’un 
grand pin, dont il fallut couper une maitresse racine pour creuser 
la fosse (3). 

Le Dr Goujon, le compatriote, l'élève, l’ami, le collègue de Ro- 
bin au Sénat, prononça au bord de la fosse un discours qui reflétait 


(1) M Pichard a dit très justement sur sa tombe : « Sachant les connexités qui re- 
« lient l’état moral de l'individu avec son développement intellectuel, le caractère 
« relatif de la moralité, il put pratiquer aisement cette tolérance large que vous lui 
« avez connue, tolérance qui lui faisait regarder les faiblesses humaines avec cette 
« espèce d’indulgence qu’on ressent vis-à-vis des extravagances et des caprices des 
« déments et des enfants. » 
:: (2) Voici cette lettre : « Paris, 3 juin 1881. — Pas de dispositions testamentaires 
« pour les obsèques; d’où escamotage du cadavre par la famille qui a tenu à l'écart les 
« amis scientifiques et philosophiques. Le testament demande qu’il n’y ait pas de dis- 
« cours. Littré n’a jamais rien dit, ni écrit, contredisant ce qu'il publiait il n'y a pas 
« longtemps, savoir : Que la philosophie positive avait sans violence reconduit Dieu 
« hors du domaine de la science, en le remerciant de services provisoires , désormais 
& devenus inutiles. =* Mille amitiés. ROBIN. » 

(3) Ce bel arbre, nous dit-on, est mort et aurait été abattu. 


SA VIE ET SON OŒUVRE. CLXV 


la pensée vraie des assistants. [l avait mieux connu que personne 
celui que nous regrettions tous et trouva dans son afiliction des 
accents vraiment émus (1). 

L'ouverture du testament eut lieu peu de jours après, à Paris. 
Nous espérions y trouver quelquedisposition concernant les manus- 
crits de Robin, ses notes, sa bibliothèque et même une intéressante 
collection d'insectes qu'il avait faite autrefois. Nous eûmes le regret 
de constater qu’il n'avait pas laissé un seul mot desouvenir aux éta - 
blissements, aux compagnies dont il avait été l'honneur, ou quelque 
fondation pour l'avancement de la science qui avait été sa passion et 
sa vie. Le testament fait depuis plusieurs années, ne traitait que des 
intérêts de famille, sauf ce paragraphe où se révèle à la foisle phi- 
losophe convaincu et l’anatomiste : 

« J'exige absolument de mes héritiers que mon enterrement soit 
« un enterrement civil quel que soit le lieu où je meurre; si je 
« meurs à Paris, mon autopsie devra être faite le plus tôt possible 
« après ma mort par un des prosecteurs ou aides de l’École dési- 
« gné par le doyen; mon cerveau et mes yeux seront emportés 
« pour être étudiés comparativement, le droit avec le gauche crevé 
« en 1835 par un bâton, pour que les origines et circonvolutions 
« Optiques soient convenablement étudiées comparativement. » 

Robin est là tout entier. 


On a parlé d'un monument à élever à sa mémoire. Nous ne dou- 
tons pas qu'il l'ait un jour. Si notre avis pouvait ici prévaloir, nous 
aimerions, au lieu des banalités du buste, un médaillon, quel- 
qu’emblème attestant le souvenir et la nature des travaux bien 
plus que les traits du visage. Nous voudrions ce témoignage sur les 
murs d’une des cours ou des salles de l'Ecole pratique. N'est-ce 
pas la véritable place pour honorer un professeur, un savant dont 
on peut dire qu'il fut la personnification même de l’Anatomie, 
dans ce qu'elle a de plus profond et d’universel ? 


(1) Ce discours a été publié en entier dans le journal Le Temps. 


Paris, 15 décembre 1886. 
G£orces POUCHET. 


APPENDICE 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE DES PUBLICATIONS DE CH. ROBIN. 


Ch. Robin a publié quatre fois l'exposé de ses travaux. 


1e Notice sur les travaux scientifiques de M. le Dr Ch. Robin, in-8°, Paris, 4 déc. 1848. 


% Notice sur les travaux d'histoire naturelle, d'anatomie et de pathologie de M. Ch. 
Robin, in-4°, Paris, nov. 1852. , 

3° Notice sur les travaux d'anatomie et de zoologie, de M. Ch. Robin, in-4°, Paris, 1860. 
— Cette notice, sauf trois pages d'introduction, est tout entière reproduite dans le 
Journal de la physiologie, 1861, p. 593. 


4° Notice sur les travaux d'anatomie et de zoologie de M. Ch. Robin, in-4°, Paris, 1865. 


Nous disposons les publications de Robin dans l’ordre chrono- 
logique. 


1844 


Rapport sur une observation de rupture du cœur, recueillie par M. Marquis.— Bulle- 
tin de la Soc. anat., août 1844, p. 175. 

Femme âgée de 76 ans, atteinte de pneumonie; chute sur la tête. Douleurs vives du 
cou. Mort causée par la pneumonie. Fracture double de l’axis. — Bull. Soc. anat. 
Sept. et oct. 1844; et dans Thèse pour le Doctorat en Méd., par Ch.-P. Robin, le 
31 août 1846. Paris, in-4°, 59 pages. 


1845 


Note sur un appareil particulier de vaisseaux lymphatiques chez les Poissons. — Jour- 
pal l’Institut, n° 590, 16 avril 1845, vol. XIII, p. 144. Revue Zoologique, n° 6, 
juin 1845, t. VIIT, p. 224. Proc.-verb. de la Société philomatique, 5 avril, 1845. 

Observations sur la génération et le développement de quelques animaux marins, par 
MM. Lebert et Robin. — Soc. Philomatique, 10 mai 1845. Analyse, Journal l’Ins- 
titut, 21 mai 1845. 

Note sur un fait relatif au mécanisme de la fécondation du Calmar commun (en com- 
mun avec M. Lebert). — Journal l'Institut, n° 595, 21 mai 1845, et n° 600 du 25 
juin 1845, vol. XII, p. 183 et 233. Proc.-verb. Soc. philom., 10 et 31 mai, 1845.Rev. 
Zool., 6 juin 1845, vol. VITE, p. 233. Archiv für Anat. und Physiol. von J. Müller, 
n° 2,p. 135, 1846 dans Kurze Notiz über allg. vergl. Anat. niederer Thiere (voy. 
ci-dessous, 1846). En entier dans Annales des Sc. nat., 3e série, Zoo!., t, IV, 1845, 
p. 95, avec pl. grav. 

Note sur la disposition anatomique des organes de la génération chez les mollusques 


APPENDICE. CLX VII 


du genre Patelle (en commun avec M. Lebert). — Comptes rendus des séances de 
l’Ac. des Sciences, déc. 1845, t. XXI, p. 2. En entier dans Annales des Sciences nat., 
mars 1846, 3e série, t. V, p. 191. 

Deuxième note sur l'appareil particulier des vaisseaux lymphatiques des poissons, connu 
sous le nom de «système du vaisseau latéral ». —Journal l’Institut, n° 600, 25 juin 
1845, vol. XIIT, p. 232. Revue Zool., ne 6, juin 1845, t. VIIL, p. 228. Proc.-verb. 
Soc. philom., 1845, p. 64. 

Note sur le système veineux des Poissons cartilagineux. — Comptes rendus des séances 
de l’Acad. des sciences, 8 déc. 1845, t. XXI, 2, p. 1282. 

Note sur une espèce particulière de glande de la peau de l’homme.— Comptes rendus 
des séances de l’Ac. des Sciences, 8 dée, 1845, t. XXI, 2, p. 1282. Imprimé en entier 
dans les Annales des Sciences naturelles, 3° série, zoologie, 1845, t. 1V, p. 380. 

Note sur la dilatation veineuse qui se trouve dans la cavité ventrale des Raies, — Jour- 
nal l’Institut, n° 623, 10 déc. 1845, t. XIE, p. 429. Proc.-verb. Soc. philom., 29 nov. 
1845, p. 113. 

Note relative aux systèmes sanguin et lymphatique des Raies et des Squales ayant pour 
objet de compléter une note sur le même sujet. — Journal l’Institut, n° 625, 24 
déc. 1845, vol. XIE, p. 452. Proc.-verb. Soc. philom., 6 déc. 1845, p. 116. 

Note sur les cœurs lymphatiques de la grenouille commune (Rana esculenta) (en com- 
mum avec M. J. Reynauld). — Journal l’Institut, n° 626, 31 déc. 1845, vol. XHE, 
p. 463. Proc.-verb. Soc. philom., 27 déc. 1845, p. 128. 


1846 


Note sur quelques particularités du système veineux des Raies (Raïa, Cuv.). — Rev. 
Zool., 1er janv. 1846, t. IX, p. 5. 

Anatomie d'un corps d'apparence glandulaire, découvert sur l'Ombre (Sciæna umbra, 
Cav.). — Procès-verbaux Soc. philom., 30 nov. 1846, p. 140. Journal l’Institut, 
n° 683 du 3 fév. 1847, vol. XV, p. 41.. 

Sur les lymphatiques abdominaux des Grenouilles. — Journal l’Institut, no 632, 
11 fév. 1846, vol. XIV, p. 54. Proc.-verb. Soc. philom., 31 janv. 1846, p. 8. 

Structure de la glande vulvo-vaginale, chez la femme et les animaux. (Dans Mémoire 
sur la glande vulvo-vaginale , les divers appareils sécréleurs des organes géni- 
taux externes de la femme, sur leurs fonctions et leurs maladies, par M. le 
Dr Huguier.) Bulletin de l'Académie de médecine, 31 mars 1846, t. XI, p. 564, et 
Annales des sciences nat., 1850, t. XII, p. 239, pl. 9. 

Note sur quelques particularités du système veineux de la Lamproie (Petromyzon ma- 
rinus, L.). — Journal l'Institut, n° 640, 8 avril 1846, vol. XIV, p. 121. Proc.-verb. 
Soc. philom., 28 mars 1846, p. 35-44. 

Observations sur les organes buccaux de quelques Gastéropodes (en commun avec M. Le- 
bert, pour ce qui est relatif aux Patelles, Buccins et Turbots), dans le mém. de cet 
auteur intitulé : Beobachtungen über die Mundorgane einiger Gasteropoden. — 
Archiv. für Anat. und Physiol., von. J. Müller, 1846. Heft. IV und V, s. 435, mit 
3 kupfertafeln. 

Recherches sur un appareil particulier qui se trouve sur les poissons du genre des Raies 
(Raia, Guv.). — Journal l'Institut, n° 645, 13 mai 1846, t. XIV, p. 164. Proc. verb. 
Soc. philom., 25 avril 1846, p. 65. Comptes rendus des séances de l’Acad. des 
Sciences, 18 mai 1846, t. XXII, p. 821. Annales des sciences nat., avr. et mai 18 17, 
3e série vol. VII, p. 199, avec 2 planches. 

Sur les lymphatiques des Reptiles. — Journal l’Institut, n° 649, 10 juin 1846, vol. XIV 
p. 200. Proc.-verb. Soc. philom., 30 mai 1846, p. 75. 

Note sur l'organisation des Poissons cartilagineux (système veineux), faisant suite à 


CLXVIIL CHARLES ROBIN, SA VIE ET SON ŒUVRE. 


celles dont il a déjà été question. — Journal l'Institut, n° 658, 12 août 1846, t, XIV, 
p. 272. Proc.-verb. Soc. philom., 1er août 1846, p. 113. 

Sur les tubes sensitifs des Sélaciens et sur leurs tubes sécréteurs de la mucosité, — Jour- 
nal l'Institut, n° 658, 12 août 1846, vol. XIV, p. 272. Proc.-verb. Soc. philom., 
1er août 1846, p. 115. 

Anatomie chirurgicale de la région de l'aine. Thèse pour le doctorat en médecine. 
Soutenue le 31 août 1846, G4 p. 

Anatomie pathologique et structure des glandes sébacées de la région vulvaire. — Dans 
Mémoire sur les maladies des follicules sébacés et pilifères de la vulve, par le 
D' Huguier. Bulletin Ac. de méd., sept. 1846, t. XI. 

Mémoire sur les éléments caractéristiques du tissu fibro-plastique et sur la présence 
de ce tissu dans une nouvelle espèce de tumeur (en commun avec M. Marchal (de 
Calvi). — Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, 2 nov. 1846, t. XXII, p. 857. 
À part, 2 pages. 

Mémoire zoologique et anatomique sur les Cysticerques de l’homme et de l'ours, — 
Lu à la Soc. philom. en séance du 28 nov. 1846. Publié par A. Richard, dans Éléments 
d'hist. nat. méd., 1849, 4e éd., t. I, Zool., p. 50 et suiv. 

Courte notice sur l'anatomie générale comparative des animaux inférieurs (Kurze Notiz 
über allgemeine vergleichende Anatomie niederer Thiere). — Archiv für Anat. 
und Physiol. von J. Müller, 1846, heft IT, s. 120. (Voy. ci-dessus 1845.) 


1847 


Mémoire sur une nouvelle espèce de glande vasculaire chez les Plagiostomes et sur la 
structure de leur glande thyréoïde. — Journal l’Institut, n° 684, 10 fév. 1847, vol. 
XV, p. 47. Proc.-verb. Soc. philom., 30 janv. 1847, p. 10. 

Cinq planches coloriées représentant la disposition extérieure et la structure intime de ces or- 
ganes n’ont pu être publiées et nous ne les avons pas retrouvées dans les papiers qui nous 
ont été remis après la mort de l’auteur. Quelques figures sont reproduites dans la thèse ve 
M. C. Le Gendre : De la Thyréoïde. Paris, 4852, pl. 2 et 3. 

Premier mémoire sur la structure des ganglions nerveux des Vertébrés. — Journal 
l'Institut, n° 687, 3 mars 1847, vol. XV, p. 74. Proc.-verb. Soc. philom., 13 fév. 
1847, p. 23. 

Analyse microscopique du contenu des kystes du col de l'utérus et du vagin. — Dans 
Mémoire sur les kystes de la matrice et sur les kystes folliculaires du vagin, par 
P.-C. Huguier. Éxtrait des Mémoires de la Société de chirurgie, 5 mai 1847. 

Mémoire pour faire suite au travail sur la structure des ganglions nerveux des Raies. 
— Journal l'Institut, n° 699, 26 mai 1847, vol. XV, p. 171. Proc.-verb. Soc. phi- 
lom., 22 mai 1847, p. 68. 

Recherches sur les deux ordres de tubes nerveux élémentaires et les deux ordres de 
globules ganglionnaires qui leur correspondent, — Comptes rendus des séances 
de l’Ac. des Sciences, 21 juin 1847, t. XXIV, p. 1079. 

RECHERCHES SUR UN APPAREIL QUI SE TROUVE SUR LES POISSONS DU GENRE DES RAIES 
(RAIA, CUV.) ET QUI PRÉSENTE LES CARACTÈRES ANATOMIQUES DES APPAREILS ÉLEC- 
TRIQUES. Thèse pour le doctorat ès-sciences, avec add. d’une table des matières et 
de 4 p. de propositions, soutenue le 19 juillet 1847. 

DES VÉGÉTAUX QUI CROISSENT SUR L'HOMME ET SUR LES ANIMAUX VIVANTS. Î vol. grand 
in-8, Paris, J.-B. Baïllière, 1847. 3 pl. gravées. Thèse de botanique pour le doctorat 
ès-sciences, soutenue le 19 juillet 1847. 

DES FERMENTATIONS. Thèse de concours pour l'agrégation en hist, nat. méd, présentée 
et sout. à l’École de méd. de Paris, 1847, in-40, 41 pages. 


APPENDICE. CLXIX 


1848 


Mémoire relatif à la structure des ganglions du système nerveux périphérique. — 
Journal l’Institut, n° 733, du 19 janv. 1848, vol. XVI. p.28. Proc.-verb. Soc. philom., 
15 janv. 1848. Reproduit avec de nouveaux développements dans le traité d'Anatomie 
descriptive de M. le docteur Sappey, 1852, in-18, t. Il, p.35 et suiv., et dans Müller, 
Manuel de Physiologie, trad. franç., nouv. édit., par E. Littré. Paris, 1851, t. I, 
p. 963. 

Mémoire pour servir à l’histoire anatomiqne et pathologique de la membrane mu- 
queuse utérine, de son mucus et des œufs, ou mieux glandes de Naboth. Lu à la 
Soc. philom., le 18 mars 1848. Archives générales de médecine, 4° série, 1848, 
LAVER De 2JT. 

Note sur les phénomènes de contact de l'huile et de l’albumine. — Lue à la Soc. phi- 
lom., 12 fév. 1848, et à la Soc. de Biol., juillet 1848. 

Mémoire sur le développement des spermatozoïdes, des cellules et des éléments anato- 
miques des tissus végétaux et animaux. — Proc.-verb. Soc. philom., 10 juin 1848. 
Journal l’Institut, no 759, 19 juillet 1848, vol. XVI, p. 214. 

Note sur la structure de la glande mammaire, chez l'enfant nouveau-né et chez l'adulte 
pendant et hors la période de l’allaitement. — Lue à la Soc. de biol., juillet 1848. 

Mémoire sur la structure de la peau des Céphalopodes. — Lu à la Soc. de biol. dans 
sa séance du 23 sept. 1848. 

Note sur un cas de soudure entre les fleurs, ou de synanthie, dans le Symphytum of- 
ficinale. — Communication à la Société de biologie. Procès-verb. du 12 août 1848. 

Mémoire sur l'existence d’un œuf ou ovule, chez les mâles comme chez les femelles des 
végétaux et des animaux, produisant, l’un les spermatozoïdes ou les grains de pol- 
len, l’autre les cellules primitives de l'embryon. — Comptes rendus des séances de 
l’Ac. des Sc., 23 oct. 1848, t. XXVIF, p. 421. Journal l’Institut, n° 7175, 8 nov. 1848, 
vol. XVI, p. 343. Publié en entier dans la Revue zoologique, 1848. vol. XI, p. 287 
et 319. 

Note sur les vertèbres crâniennes. — Lue à la Soc. de biol. Procès-verb. du 7 oc- 
tobre 1848. 

Mémoire sur la Rayère hispide (Rayera hispida, Ch. R.). — Lu à la Soc. de biol. Pro- 
cès-verb. du 4 nov. 1848. 

Mémoire sur la vascularité du cancer (en collab. avec M. Lebert). — Lu à la Soc. de 
biol., 4 et 25 nov. 1848. Analysé dans Lebert, Traité des maladies cancéreuses, 1851, 
p. 31 et suiv. 

Mémoire sur les genres Retzia, Ch. R. et Mülleria, Ch. R. (avec 3 pl. coloriées). — 
Lu à la Soc. de biol. Procès-verb, du ? déc. 1848. 

Mémoire sur une nouvelle espèce d’Annélide, du genre Ipis (Fabricius), qui est très 
abondante dans les calcaires de Dieppe et s’y creuse un logement en forme de double 
tube (avec 2 pl. coloriées). — Lu à la Soc. de biol. Procès-verb. du 2 déc. 

Structure de la glande thyroïde chez l'homme, et comparaison de cette structure à celle 
de la thyroïde chez les Poissons cartilagineux, etc. (en commun avec M. Lebert.) — 
Dans volume supplém. au Dictionnaire de médecine de Hulfeland, 1848. 

Rapport sur un cas de mort et de dissolution de l'embryon, par suite d’hémorhagie des 
membranes de l’œuf, observé par M. Boussi. — Bulletin de la Soc. anat., 3° série, 
1818, t. IIT, p. 81. 


1849 


Sur la structure du placenta et des môles hydatiformes de l'utérus. — Ces recherches 
sont consignées dans la Thèse d’un élève, F.-A. Cayla : De l'hydropisie des villosi- 


CLXX CHARLES ROBIN, SA VIE ET SON ŒUVRE. 


tés choriales (môles hydatiques des auteurs), Paris, août 1849, p. 7 et suiv. 

Mémoire sur les lymphatiques des Torpilles. — Analysé dans Comptes rendus et mém. 
de la Soc. de biol., fév. 1849, p. 20. 

Du MICROSCOPE ET DES INJECTIONS DANS LEURS APPLICATIONS A L'ANATOMIE ET À LA 
PATHOLOGIE, SUIVI D'UNE CLASSIFICATION DES SCIENCES FONDAMENTALES, DE CELLE 
DE LA BIOLOGIE ET DE L'ANATOMIE EN PARTICULIER, Paris, J.-B. Baillière, 1849, un 
vol. avec 4 planches. (Voy. 1871 et 1877.) 

Sur la structure des artères et sur leur altération sénile, — Comptes rendus et mém. 
de la Soc. de biologie, mars 1849, p. 33. 

Sur les glandes du creux de l’aisselle. — Comptes rendus et mém. de la Soc, de biol., 
mai 1849. p. 77. Gaz. méd. de Paris, 1849. 

Sur la direction que se sont proposée, en se réunissant, les membres fondateurs de la 
Société de bivlogie pour répondre au titre qu'ils ont choisi. — Comptes rendus et 
mém. de la Soc. de biol., 1849, p. 1.—Voy. ci-dessus p. xxXx1v. 

Mémoire sur la locomotion des Céphalopodes, remarques comparatives sur celle du 
Calmar (Loligo vulgaris, Lamk), de la Seiche officinale (Sepia officinalis) et du 
Poulpe commun (Octopus vulgaris, Lamk (en commun avec M. Segond). — Revue 
et Magasin de Zool., 1849, p. 333. 

Anatomie d’un monstre du genre Rhinocéphale, et observations pour servir à l’histoire 
de quelques monstruosités de la face (en commun avec M. Davaine), — Comptes 
rendus de la Soc. de biol., 1849. 

Recherches sur la nature musculaire du gubernaculum testis, et sur la situation du 
testicule dans l'abdomen. — Mém. de la Soc. de biol., 1849, p. 1. Gaz. méd. de 
Paris, 1849. Et dans Müller, Manuel de physiol., trad. fr., nouv. ed. par E. Littré, 
t. Il, p. 762, 1851. 

Note sur la structure des glandes utérines chez une femme morte dix-huit jours après 
l'accouchement. — Comptes rendus et mém. de la Soc. de biologie, janv. 1849, p. 5. 

De l’utricule primitive azotée des cellules végétales.— Comptes rendus et mém. de la 
Soc. de biol., fév. 1849, p. 19. 

De l'oviducte des Squales ( Acanthias vulgaris Mül. et Trosch.). — Comptes rendus 
de la Soc. de biologie, fév. 1849, p. 20. 

Présentation d’un calcul trouvé dans la vessie d’une chienne. — Comptes rendus de 
la Soc. de biol., février 1849, p. 27. 


Sur le grossissement réel des microscopes. — Comptes rendus de la Soc. de biol., 
mars 1849, p. 36. 
Sur la structure des os du cœur du bœuf et du veau, — Comptes rendus et mém. de 


la Soc. de biologie, mars 1849, p, 35. 

Structure de la mamelle pendant et hors l’état de grossesse. — Comptes rendus et 
mém. de la Soc. de biol., avril 1849, p. 59. Et dans Müller, Manuel de Physiologie, 
trad. franç., nouv. édit., par E. Littré. Paris, 1851, t. 1, p.357. 

Du prétendu système des capillicules. — Comptes rendus et mém. de la Soc. de bio!., 
mai 1849, p. 78. 

Sur les appendices génitaux mâles des Raies. — Comptes rendus de la Soc. de biol., 
juin 1849, p. 87. 

Sur la fécondation d'une Limnée des étangs (Limneus stagnalis. L.) sans copulation 
réciproque. — Comptes rendus et mém. de la Soc, de biologie, juin 1849, p. 89. 
Sur une tumeur cancéreuse mélanique de la peau, — Comptes rendus de la Soc. de 

biol., juin 18494p. 91. 

Mémoire sur l’existence de deux espèces nouvelles d'éléments anatomiques qui se trou- 
vent dans le canal médullaire des os.— Comptes rendus et mém. de la Soc. de biol., 
oct. 1849, p 149. Et dars Müller, Manuel de Physiologie, trad. fr., nouv. éd. par 
E. Littré, 1851, C7, p. 931. 


APPENDICE. CLXXI 


Inflammation traumatique du corps graisseux chez une Vipère. — Comptes rendus et 
mém. de la Soc. de biol., nov. 1849, p. 176. Gaz. méd. de Paris, 1849. 

Mémoire sur le développement des éléments anatomiques en général et celui des vési- 
cules adipeuses en particulier. — Comptes rendus et mêm. de la Soc. de biol., 
déc- 1849, p. 189. 


1850 


De la corrélation existant entre le développement de l'utérus et celui de la mamelle.— 
Comptes rendus de la Soc. de biol., janv. 1850, p. 1. 

Observations sur le développement de la substance et du tissu des 0s.— Mém. de la Soc. 
de biol., 1850, p. 119. 

Sur la structure d’un épulis du maxillaire inférieur. — Comptes rendus de la Soc. de 
biol., janv. 1850, p. 8. Gaz. méd. de Paris, 1850. 

Sur la distinction, à l'aide du microscope, de la matière cérébrale, de l’albumine, du 
fromage et du jaune d'œuf. — Publié à la suite d’un mémoire de M. Orfila, Recherches 
médico-légales sur la mat. cérébrale desséchée, tentées à l’occasion de l'assassinat de 
Louvet par Gontier, Annales d'hygiène et de méd. lég., 1850, t. XLIV. p. 180 et suiv., 
avec 1 pl. grav. Reproduit avec le titre: Examen des taches de substance cérébrale, 
dans Briand, Chaudé et Gaultier de Clau bry, Manuel de méd. lég., 5°éd., 1852, in-€, 
p. 812. 

Examen microscopique de l’urine de l’homme (en collab. avec Verdeil). — Comptes 
rendus de la Soc. de biol., fév. 1850, p. 25. 

Existence d’un gubernaculum testis musculaire chez un chien adulte.— Comptes rendus 
de la Soc. de biol., fév. 1850, p.38. Gaz. méd. de Paris, 1850. 

TABLEAUX D'ANATOMIE CONTENANT L’EXPOSÉ DE TOUTES LES PARTIES A ÉTUDIER DANS 
L'ORGANISME DE L'HOMME ET DANS CELUI DES ANIMAUX, 1850, un vol. in-4, (Voy. ci- 
dessus p. XVIII.) 


1851 


Sur les glandes de la peau et sur une nouvelle manière d'envisager la sueur. — Dans 
Müller, Manuel de physiologie, trad. fr., nouv. éd. par E. Littré, 1851, t. f, 
p. 349-350. 

De la caducité normale de la muqueuse utérine et de sa caducité morbide comme con- 
séquence de la première. — Dans Œuvres complètes d'Hippocrate, trad. nouv. par 
E. Littré, 1851, in-8, t. VII, p. 463-467. 

Rapport à la Société de biologie par la Commission chargée d'examiner les commu- 
nications de M. Souleyet relatives à la question dite du Phlébentérisme. — Mémoires 
de la Soc. de biol., 1851, p. 5. A part, 1851, un vol. in-8. 

De la classification des tumeurs d’après leur nature intime ou élémentaire. — Dans 
Essai de classification des tumeurs. Des tumeurs épithéliales au point de vue 
chimique, Thèse pour le doctorat en chirurgie. par M. Tourtaut, 1851, p. 10 et suiv. 

Supplément au Dictionnaire des Dictionnaires de médecine, sous la direction de 
M. Ambroise Tardieu. Paris, Germer Baillière, 1851. Mots : Microscope, p. 453-487; 
Ostéogénie, p. 560-575. | 

Note sur l’empêchement de la chute de l’œuf par des fausses membranes recouvrant 
l'ovaire, et sur la disparition de la vésicule germinative comme signe de la maturité 
des ovules (en commun avec M. Le Bret). Lue à la Soc, de biol. le 27 déc. 1851. 
Comptes rendus de la Soc. de biol., oct. 1832. 


1852 


TRAITÉ DE CHIMIE ANATOMIQUE ET PHYSIOLOGIQUE NORMALE ET PATHOLOGIQUE, OÙ DES 
PRINCIPES IMMÉDIATS NORMAUX ET MORBIDES QUI CONSTITUENT LE CORPS DE L'HOMME 


CLXXII CHARLES ROBIN, SA VIE ET SON ŒUVRE. 


ET DES MAMMIFÈRES (en commun avec Verdeil). Paris, 1852,3 forts vol. in-4o, accomp. 
d’un atlas de 45 pl., dess. d’après nature par Ch. Robin et P. Lackerbauer, gra- 
vées et en partie coloriées. 

Étude sur la structure du pancréas, comparée à celle des glandes salivaires. — Publiée 
dans Étude historique et critique sur les fonctions et les maladies du pancréas. 
Thèse par D. Moyse, juin 1852, avec une pl., p. 57 et suiv. 

Végétaux parasites sur un insecte du genre Brachinus — Comptes rendus de la Soc. de 
biol., janv. 1852, p. 11. 

Examen comparatif des taches de sang, de rouille, d’excréments de punaise, ete., sur 
les étoffes, et autres corps. — Dans Briand, Chaudé et Gaultier de Claubry, Manuel de 
méd. lég. et de chimie leg., 5° éd. 1852, p. 786, avec 1 pl. coloriée, p. 794. 

Note sur la structure d’une membrane de nouvelle formation oblitérant complètement 
la sous-clavière gauche chez un sujet atteint d’un anévrisme de la crosse et de l’aorte 
descendante (en collaboration avec M. Heffelsheim). — Comptes rendus de la Soc. 
de biol., avril 1852, p. 52. 

Sur le développement embryonnaire des Hirudinées. — Comptes rendus de la Sac. 
de biol., oct. 1852, p. 157. 

Du mode de pénétration des germes des végétaux observés sur les animaux vivants. — 
Comptes rendus de la Soc de biol., nov. 1852, p. 180. 

Sur quelques hypertrophies glandulaires. — Gazette des hôpitaux, nov. 1852. 

Caractères et classification des tumeurs glandulaires. — Dans Des tumeurs glan- 
dulaires, Thèse par Levé, 1852. 


1853 


Sur la constitution de la coque pendant le développement embryonnaire des Hirudi- 
nées. — Comptes rendus de la Soc. de Biol., janv. 1853, p. 4. 

Observations de leucocythémie (en collaboration avec M. Charcot). — Comptes rendus 
de la Soc. de biol., avril 1853, p. 44. 

Phtisie tuberculeuse; hémorrhagie méningée ; dégénérescence particulière des glandes 
bronchiques (en collaboration avec M. Duplay). — Comptes rendus de la Soc. de 
biol., mai 1853, p. 70. 

Collection purulente enkystée dans la dure mère (en collaboration avec M. Titon). — 
Comptes rendus de la Soc. de biol., mai 1853, p. 72. 

Sur un enfant qui présentait à la naissance des kystes multiples du cou (en collaboration 
avec M. Lorain). — Comptes rendus de la Soc. de biol., mai 1853, p. 62. 

Sur la structure des cotylédons de la muqueuse utérine des ruminants. — Comptes 
rendus de la Soc. de biol., sept. 1853, p. 131. 

Note sur les corpuseules du tact. — Archives générales de médecine, 1853, t. IN, p. 89. 

Mémoire sur les anomalies de composition des organes sexuels en général et en parti- 
culier sur celles des fleurs du maïs (Zea maïs. L.). — Comptes rendus de la Suc. 
de biol., sept. 1853, p. 137. 

Mémoire sur deux plantes nouvelles de la famille des Rosacées (Rubus cachemirien- 
sis, Ch. R., et Spiræa pulchella, Ch. R.)— Bulletin de l’Ac. de Méd., 1853, t. XVIII 
p. 1053. 

Mémoire sur trois productions morbides, non décrites(en coll. avec M. Laboulbène). — 
Mémoires de la Soc. de biol., 1853, p. 185, 1 pl. 

ÉLÉMENTS DE PHYSIOLOGIE DE L'HOMME ET DES PRINCIPAUX VERTÉBRÉS par Béraud, 
revus par Robin. Lol. petit in-80, Paris, Germer Baillière, 1853. — (Voy. 1856.) 
Mémoire sur la nature botanique des différentes parties du seigle ergoté et sur leur 

développement, — Bulletin de l’Ac. de méd., 1853, t. XVIII, p. 853. 

HISTOIRE NATURELLE DES VÉGÉTAUX QUI CROISSENT SUR L'HOMME ET LES ANIMAUX 

vIVANTS. 2e éd., corrigée et augmentée, Paris, 1853, un fort vol. in 8, avec 15 pl. 


APPENDICE. CLXXIII 


ravées, Ouvrage couronné par l’Ac. des Sciences. — C’est une refonte considéra- 
blement augmentée de la Thèse de botanique (voy. ci-dessus, 1847). 

Note sur quelques phénomènes de digestion se continuant après la mort et sur leur in- 
flnence sur la réussite des injections. — Comptes rendus de la Soc. de biologie, 
sept. 1853, p. 134. 

Note sur l’hypertrophie des éléments anatomiques et sur celle des tissus. — Mémoires 
de la Soc. de biol., 1853, p. 67. 

Sur les tumeurs colloïdes et épithéliales. — Mémoires de la Soc. de biol., 1853, p. 61. 

Rapport sur un nouveau microscope. — Comptes rendus de la Soc. de biol., octobre 
1853, p. 142. 

Note sur une tumeur d’aspect fibro-cartilagineux trouvée libre dans la cavité du péri- 
toine ; recherches sur la structure de ce produit et autres analogues (en collabora- 
ration avec M. O. Lecomte). — Comptes rendus de la Soc. de biol., novembre 1853, 
p. 197. 

1854 

Sur la présence de la sarcine dans l'œil. — Comptes rendus de la Soc. de biol., juin 
1854, p. 84. 

Observation d’un cas de la maladie dite phtisie aiguë avec altération correspondante 
dans les reins, par Robin et Ch. Bernard. — Comptes rendus de la Soc. de biol., 
janvier 1859, p. 14. 

Vomissements d’une matière présentant une coloration vert-pomme et contenant de 
nombreux cristaux de taurine, par MM. Charcot et Robin. — Comptes rendus de la 
Soc. de biol., 1854, p. 89. 

Deux observations pour servir à l’histoire anatomique des hypertrophies du sein et des 
granulations grises du poumon, par MM. Lorain et Robin.— Comptes rendus de la 
Soc. de biol., mai 1854, p. 58. 

Sur l’épithélioma pulmonaire du fœtus, par Lorain et Robin. — Comptes rendus de 
la Soc. de biol., décembre 1854, p. 199. 

Sur une forme non décrite du cancer du sein, par Lorain et Robin. — Comptes ren- 
dus de la Soc. de biol., décembre 1854, p. 155. 

Note sur un nouveau cas de tumeur hétéradénique, par Marcé et Robin. — Mémoires 
de la Soc. de biol., 1854, p. 223. 

Observation de sclérome cérébral, pas MM. Miltenberger et Robin. — Mémoires de la 
Soc. de biol., 1854, p. 125. 

Mémoire sur le périnèvre, espèce nouvelle d’élément anatomique qui concourt à la 
constitution du tissu nerveux périphérique. — Comptes rendus Ac. des Sc., 11 sept. 
1854,t. XXXIX, p. 489. 

Mémoire sur le périnèvre, espèce nouvelle d’élément anatomique. — Mém. de la Soc. 
de biol., 1854, p. 87. Arch. générales de médecine, 1854, t. IV, p. 323. 

Recherches sur les modifications graduelles des villosités du chorion et du placenta. — 
Mém. de la Soc. de biol., 1854, p. 63. Arch. gén. de médecine, 1854, t. II, p. 70o. 

Mémoire sur la naissance et le développement des éléments musculaires de la vie ani- 
male et du cœur. — Mém. de la Soc. de biol., 18 nov. 1854, p. 201. 

Note sur un nouveau cas de tumeur hétéradenique (en collaboration avec M. Marcé). — 
Comptes rendus et mém. de la Soc. de biol., 1854, p. 223. 

Mémoire sur deux nouvelles observations de tumeurs hétéradeniques et sur la nature 
du tissu qui les compose (en collaboration avec M. Lorain). — Comptes rendus de 
la Soc. de biol., sept. 1854, p. 209. | 


1855 


Notice sur l’action de la glycérine et de l'acide chromique sur les tissus. — Gazelle 
des Hôpitaux, 1855, p. 590. 


Le. 


CLXXIV CHARLES ROBIN, SA VIE ET SON ŒUVRE. 


Mémoire sur la composition de l'hématoïline.— Comptes rendus de l'Ac. des Sciences, 
1er oct. 1855, t. XLI, p. 506. Moniteur des Hôpitaux, 8 oct. 1885. 

Mémoire sur l’hématoïdine et sur sa production dans l’écomie animale (en collab. avec 
M. Mercié). — Mém. Soc. de biol., 1855, p. 115. 

Mémoire sur la production accidentelle d’un tissu ayant la structure glandulaire, dans 
des parties du corps dépourvues de glandes. Mémoire couronné par l’Acad. des 
Sciences. — Comptes rendus de l’Acad. des Sc., 1855, t. XL, p. 1365. In extenso. 
dans Mém. Soc. de biologie, 7 avril 1855, p. 91. 

Note sur l'épithélium du corps de l'utérus pendant la grossesse. — Comptes rendus 
de la Soc. de biol., sept. 1855, p. 113. 

Note sur l’état strié des fibres élastiques. — Comptes rendus de la Soc. de biol., 
sept. 1855, p. 115. 

Sur une altération du tissu propre de la mamelle, — Comptes rendus de l’Acad. des 
Sciences, 1855, t. XLI, p. 332; et dans Lebert, Anat. pathologique, 1857, in-fol. 
t. 11, p. 82, pl. XLIX et L. — Voyez ci-dessous 1857. 


Sur le Filaire de médine (Filaria medinensis, Gmelin). — Comptes rendus Soc. de 
biol., mars 1855, p. 35. 
Mémoire sur le tissu hétéradénique. — Comptes rendus Acad. des Sciences, 25 juin 


1855. Gaz. hebd. de méd. et de chir., 1856, t. II, p. 35 et suiv. 

Examen d’une tumeur épithéliale du sein. — Comptes rendus de la Soc. de biol., 
avril 1855, p. 41. 

Sur l’induration rouge du cerveau, — Comptes rendus de la Soc. de biol., sept. 1855, 
p. 126. 

Altération non décrite des glandules œsophagiennes caractérisée par leur hypertrophie 
épithéliale, suivie d’épithélioma ulcéré (en collaboration avec M. Bucquoy).—Comptes 
rendus de la Soc. de biol., janvier 1855, p. 3. 

Description d'une tumeur de l'iris qui a nécessité l’ablation de la moitié antérieure de 
l'œil (en collaboration avec M. Desmarres), — Comptes rendus de la Soc. de biol., 
mars 1859, p. 31. 

Sur une espèce peu connue de tumeur de la chambre antérieure de l'œil (en collabora- 
tion avec M. Desmarres). — Comptes rendus de la Soc. de biol., février 1855, p. 13. 

Mémoire sur l’induration pulmonaire, nommée carnification congestive (en collaboration 
avec M. Isambert). — Comptes rendus de la Soc. de biol., janvier 1855, p. 3. 

Sclérome du cerveau dans l'idiotie (en collaboration avec M. Isambert). — Comptes 
rendus de la Soc. de biol., janvier 1855, p. 9. 

Tumeurs fibro-plastiques du poumon (en collaboration avec M. Poisson), — Comptes 
rendus de la Soc. de biol., décembre 1855, p. 149. 


1856 


Mémoire sur les cavités caractéristiques des os. — Comptes rendus, Soc. de biol., 1856, 
p. 181. 

Note sur la nature des différentes parties de l’ergot de seigle. — Comptes rendus et 
mém. Soc. de biol., janv. 1856, p. 15. 

Mémoire sur les objets qui peuvent être conservés en préparations microscopiques, 
transparentes et opaques. Paris, 1856, in-8, chez J.-B. Baillière. 

ÉLÉMENTS DE PHYSIOLOGIE DE L'HOMME ET DES PRINCIPAUX VERTÉBRÉS, par P. Béraud, 
revus par Robin. ? vol., 2e édition, Germer Baillière, 1856. Le second volume porte 
la date 1857. — (Voy. ci-dessus 1853.) 

Note sur les hémorrhagies des vésicules ovariennes. — Mémoires de la Soc. de biol., 
1856, p. 139. 

Recherches prouvant que les diverses tumeurs dites sarcocèles du testicule siègent 
dans l'épididyme.— Mémoires de la Soc. de biol., 1856, p. 167. 


APPENDICE. CLXXV 


Note sur un cas de leucocythémie (en collaboration avec M. Isambert).— Wémoires de 
la Soc. de biol., 1856, p. 71. 


1857 . 


Un traité d'Histologie normale et pathologique annoncé dès 1845 l’est encore en 4857; il 
n’a pas été terminé, mais la plupart des chapitres en ont été publiés sous diverses formes. — 
Dans le même temps Robin collabora à l’Anatomie pathologique de Lebert. } 

Étude des ostéoplastes au moyen de l’action exercée par la glycérine sur les éléments 
anatomiques des os frais. — Comptes rendus de Lasad des Sciences, 1857, t. XLIV, 
p. 743. 

Note sur les connexions anatomiques et physiologiques du placenta avec l'utérus. — 
Comptes rendus de la Soc. de biol., mars 1857, p. 34. 

Note sur la disposition que présentent extérieurement et sous le microscope certains 
caillots de la cavité utérine. — Comptes rendus de la Soc. de biol., août 1857, p.106. 

Note sur l’état anatomo-pathologique des éléments du foie dans l’ictère grave. — Mé- 
moires de la Soc. de biol., 1857, p. 9. 

Mémoire sur un mode particulier et non décrit de la production des kystes autour de 
certaines collections de pus et d’autres liquides dans les organes profonds. — Mé- 
moires de la Soc. de biol., 1857, p. 211. 

Note sur la structure de la membrane des kystes sublinguaux appelés grenouilette. — 
Mémoires de la Soc. de biol., p.207. 

Quelques considérations sur l’ictère grave, par Hiffelsheim et Robin. — Hémoires de 
la Soc. de biol., p. 8]. 

Note sur la cataracte noire, par Sichel et Robin. — Mémoires de la Soc. de biol., 
p. 93. 

1858 


Mémoire sur la rétraction des vaisseaux ombilicaux et sur le système ligamenteux qui 
leur succède. — Comptes rendus Soc. de biol., juin 1858, p. 107, et Bulletin de 
VAcad. de méd., 1858, t. XXII, p. 1-8. Mém. de la Soc. de méd., 1860, t. XXIV, 
p. 387, avec 5 E 

Sur quelques points de l'anatomie et de la physiologie des globules rouges du sang. — 
Journal de la Physiologie, 1858, t. 1, p. 283. 

Note sur les causes de l’indépendance de la bronchite par rapport à la pneumonie. — 
Mémoires de la Soc. de biol., 1858, p. 93. 

Examen microscopique du pus concret renfermé dans la cavité d’un sac abdominal 
aérien sur une poule. — Comptes rendus de la Soc. de biol., 10 avril 1858, p. 88. 
Description d’une tumeur épithéliale provenant du plexus choroïde dont elle conserve 
la structure fondamentale, par Robin et Blondel. — Comptes rendus de la Soc. de 

biol., mars 1858, p. 54. 

Mémoire sur quelques points de la cicatrisation en général et sur celle des artères en 
particulier, par Robin et Ollier. — Mémoires de la Soc. de hiol., 1858, p. 19. 

Mémoires sur quelques points de l’anatomie et de la physiologie de la muqueuse et de 
l’épithélium utérins. — Journal de la Physiologie, 1858, t. 1, p. 46. 

DICTIONNAIRE DE MÉDECINE, DE CHIRURGIE, DE PHARMACIE, DES SCIENCES ACCESSOIRES 
ET DE L'ART VÉTÉRINAIRE, de P.-H. Nysten. Onzième édit. entièrement refondue par 
E. Littré, de l’Institut, et Ch. Robin, prof. ag. d'Hist. nat. à la Fac. de méd. de 
Paris, 1858, in-8 de 1600 p. avec plus de 500 fig. 


1859 


Note sur un des caractères qui peuvent servir à distinguer l'hématosine de l’hématoïdine. 
— Comptes rendus. Soc. de biol., juin 1859, p. 89. 

Sur une espèce particulière de concrétion du sac lacrymal. — Comptes rendus de la 
Soc. de biol., juillet 1859. 


CLXXVI CHARLES ROBIN, SA VIE ET SON ŒUVRE. 


Recherches sur quelques particularités de la structure des capillaires de l’encéphale. 
— Journal de la Physiologie, 1859, t. II, p. 537, avec une planche gravée. 

Sur quelques points de l’anatomie et de la physiologie des leucocytes ou globules blancs 
du sang. — Journal de la Physiologie, 1859, t. II, p. 41. 

Note sur les caractères distinctifs des taches de sang produites sur un instrument cou- 
vert de rouille (en commun avec M. Lesueur). — Annales d'hygiène, 1859, t. XII, 
p. 150. 

Sur une variété particulière de tumeur fibreuse provenant du follicule dentaire. — 
Bulletin de l’Acad. de médecine, 1859, p. 1205. — Nous trouvons dans les papiers 
de Ch. Robin la description incomplète d’une tumeur assez semblable à celle dont 
il est ici question, avec ce titre : Deuxième variété des tumeurs dérivant du tissu 
du bulbe dentaire. 

Recherches sur l’ordre et le mode d’apparition des follicules dentaires dans la gout- 
tière de chaque mâchoire (en commun avec M. le docteur Magitot). — Mémoires 
Soc. de biol., 1859, p. 245. 

Recherches sur le Sarcopte de la gale humaine. — Mém. Soc. de biol., 1859, p. 21, 
avec À pl. gravées. | 
Note sur le développement des mâchoires chez l’homme et quelques mammifères avant 
l'apparition des follicules dentaires (en commun avec M. le docteur Magitot). — 

Comptes rendus Soc. de biol., nov. 1859, p. 212. 

Recherches sur les gouttières dentaires et sur la constitution des mâchoires chez le 
fœtus (en commun avec M. le docteur Magitot). — Comptes rendus Soc. de biol., 
nov. 1859, p. 217. 

Sur la composition anatomique de la bouche ou rostre des arachnides de la famille des 
Sarcoptides. — Comptes rendus Ac. des Sciences, 22 août 1859,t. XLIX, p. 294. 
Mémoire sur une nouvelle espèce de Sarcoptes, parasite des Gallinacés (en commun 
avec M. Lanquetin). — Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, 21 nov. 1859, 

t. XLIX, p. 793. 

Note sur quelques particularités anatomiques de la muqueuse gingivale chez le fœtus et 
chez le nouveau-né (en commun avec M. le docteur Magitot). — Comptes rendus 
Soc. de biol., déc. 1859, p. 259. 

Note sur le tissu sous-muqueux gingival du fœtus, ou contenu de la gouttière den- 
taire des os maxillaires (en commun avec M. le docteur Magitot). — Comptes 
rendus et mém. Soc. de biol., déc. 1859, p. 263. 


1860 


Mémoire sur la rétraction des vaisseaux ombilicaux chez les mammifères et sur le sys- 
tème ligamenteux qui leur succède. — Comptes rendus de l’Ac. des Sciences, 21 mai 
1860, t. L. 

Mémoire sur la structure intime de la vésicule ombilicale chez les mammifères. — 
Comptes rendus de l’Acad. des sciences, 22 oct. 1860, t. LI. 

Mémoire sur la genèse et le développement des follicules dentaires jusqu’à l’époque de 
l’éruption des os (en commun avec M. le docteur Magitot). — Journal de la Phy- 
siol., 1860, p. 1 et 663, et 1861, p. 60 et 145, avec 6 pl. gravées. 

Mémoire sur la nécessité de la création d’une chaire d'anatomie générale appliquée au 
diagnostic, présenté à Son Excellence Monsieur le Ministre de l’instruction pu- 
blique par M. le D" Ch. Robin (autographié). 20 déc. 1860. 

Note sur le développement de la vertèbre axis, dont l’apophyse odontoïde représente 
le corps de l’atlas, — Inséré dans la thèse d'un élève, Recherches sur la nature des 
affections dites tuberculeuses des Vertèbres, par G. Echeveria, 1860, p. 56. 

Sur la constitution etle développement des gouttières dans lesquelles naissent les dents 
des mammifères. — Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, 13 fév. 1860, t. L, 
p. 360, 


APPENDICE. CLXX VII 


Mémoire zoologique et anatomique sur diverses espèces d’Acariens de la famille des Sar- 


coptides. — Extrait des Mém. de la Soc. imp. des naturalistes de Moscou, avec 
8 pl. Moscou, 1860, in-8, p. 1 à 110. 
Note sur les ligaments qui succèdent à l'ouraque. — Comptes rendus de la Soc. de 


_biol., juillet 1860, p. 85. 

Note sur le caillot sanguin qui se produit au bout des artères ombilicales après la chute 
du cordon. — Comptes rendus de la Soc. de biol., mai 1860, p. 37. 

Sur quelques particularités de la structure du cordon et des phénomènes dont il est le 
siège à la naissance. — Comptes rendus de la Soc. de biol., mai 1860, p. 40. 

Note sur le développement des ligaments qui relient entre eux l’ombilic et ses vais- 
seaux. — Comptes rendus de la Soc. de biol., août 1860, p. 103. 

Sur la cause de la dépression cutanée de l’ombilic. — Comptes rendus de la Soc. de 
biol., décembre 1860, p. 193. 

Note sur le tissu propre du bulbe dentaire (en collaboration avec M. Magitot). — 
Comptes rendus de la Soc. de biol., novembre 1860, p. 161. 

Note sur le cartilage de Meckel. — Comptes rendus de la Soc. de biol., janvier 1860, 
Dar 

1861 

Mémoire sur les spermatophores de quelques Hirudinées.— Lu à l’Acad. des Sciences le 
20 juillet 1861, Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, t. LITE, p. 280 et Comptes 
rendus Soc. de biol, juin 1861, p. 82. Annales des Sciences nat., 1861, Zool., 
t. XVII, pl. IT. 

Mémoire sur les modifications de la muqueuse utérine pendant et après la grossesse. 
— Mém. de l’Ac. imp. de méd., 1861, t. XXV, p. 81, avec 5 pl. 

- Note sur une particularité du développement des cellules épidermiques superficielles 
chez le fœtus. — Journal de la Physiol., 1861, p. 228, 1 pl. 

Mémoire sur la structure intime de la vésicule ombilicale et de l’allantoïde chez l’em- 
bryon humain. — Journal de la Physiol., 1861, p. 306, 1 pl. 

Mémoire sur l’anatomie et la physiologie de quelques Acariens de la famille des Sar- 
coptides. — Mémoires Soc. de biol., 1861, p. 231 à 258, avec 3 pl. 

Rapport sur un mémoire de M. le docteur Sucquet, ayant pour titre : De la circulation 
du sang dans les membres et dans la tête chez l’homme. — Bulletin de l'Acad. de 
méd., 1861, t. XXVI, p. 825. . 

Note sur la nature et le mode de production des globules polaires dans l'œuf. — 
Comptes rendus de la Soc. de biol., janvier 1861, p. 79. 

Sur les changements de structure interne du vitellus après la fécondation et sur la 
production du noyau vitellin. — Comptes rendus de la Soc. de biol., juillet 1861, 
p. 103. 

Sur les mouvements du vitellus qui précèdent ceux de l’embryon dans l’œuf. — Comptes 
rendus de la Soc. de biol., juillet 1861, p. 99. 

Observations sur la production du cortical osseux autour de la racine des dents (en col- 
laboration avec M. Magitot). — Comptes rendus de la Soc. de biol., avril 1861, p. 51. 


| 1862 

Mémoire sur les phénomènes qui se passent dans l’ovule avant la segmentation du vitel- 
lus. — Journal de la Physiol., 1862, p. 67 à 108. 

Mémoire sur la production du blastoderme sans segmentation du vitellus chez les Arti- 
culés. — Comptes rendus Acad. des Sciences, 20 janvier 1802. 

Mémoire sur la production du blastoderme chez les Articulés. — Journal de la Phy- 
siol., 1862, p. 347 à 383, pl. VII. 

Sur la production du noyau vitellin. — Journal de la Physiol., 1862, p.309. 

Mémoire sur un organe transitoire de la vie fœtale, désigné sous le nom de Cartilage 

CHARLES ROBIN. U 


CLXXVIIT CHARLES ROBIN, SA VIE ET SON ŒUVRE. 


de Meckel (en commun avec M. le docteur E. Magitot). — Annales des Sciences 
nat., 1862, t. XVIIF, p. 213, 1 pl. 

Sur Ja substance organisée et l’état d'organisation. — Journal de la Physiol., 1862, 
p. o01 à 527. 

Description de l’Acarus (Tyroglyphus) entomophagus et observations anatomiques 
sur le genre Tyroglyphus (en commun avec M. AI. Laboulbène). — Annales de la 
Soc. entomologique de France, 1862, p. 317, avec 1 pl. 

Mémoire sur les globules polaires de l’ovule. Lu à l’Ac. des sciences le 13 jan. 1862, 
Comptes rendus, t, XLIV, p. 162. — Journal de la Physiol., 1862, p. 149 à 190, 
pl. HE, IV et V. 

Des rapports de l'anatomie générale avec les autres branches de l’anatomie. — Ga- 
xette des hôpitaux, n°* des 2, 3, 4 et 9 déc. 1862. A part in-8. 

Mémoire sur une espèce de tumeurs formées aux dépens des bulbes dentaires. — Mé- 
moires de la Soc. de biol , 1862, p. 199. 


1863 


Recherches sur l’endosmose et sur quelques autres propriétés physiques et chimiques 
de la substance organisée. — Journal de la Physiol., 1863, p. 81. 

Note sur la manière de déterminer si une matière d'origine organique doit être con- 
sidérée comme substance organisée, — Journal de la Physiol., 1863, p. 5. 

Note sur le lieu précis où se montre le premier point d'ossification des os longs. — 
Comptes rendus Soc. de biol., déc. 1863, p. 202. 

Note sur le pied endémique de Madura. — Comptes rendus de la Soc. de biol., fé- 

_vrier 1863, p. 34. 

Sur un cas de néplétion des glandes sudoripares axillaires par une matière colorante 
d’un noir violet. — Comptes rendus de la Soc. de biol., sept. 1863, p. 156. 

Sur les états de virulence et de putridité de la substance organisée. — Mémoires de la 
Soc. de biol., p. 95. 

Cas de genèse hétérotopique dentaire chez le cheval, par Robin et G. Félizet. — 
Comptes rendus de la Soc. de biol., octobre 1873, p. 167. 


1864 


PROGRAMME DU COURS D'HISTOLOGIE PROFESSÉ À LA FAGULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS. 
Paris, J.-B. Baillière, 1864, 1 vol. in-8. — Voy. ci-dessous, ?e édition, 1870. 

Observations sur la constitution du tissu érectile. — Mémoires Soc. de biol., p. 77, 
lu le 27 août 1864. A part dans : Mémoires sur la constitution de divers tissus. In-8, 
Paris, 1865. 

Remarques sur le tissu médullaire des os à l’état normal et à l’état morbide, — 
Mémoires Soc. de biol., lu le 13 août 1864. A part dans : Mémoires sur la constitution 
de divers tissus. In-8, Paris, 1865. 

Note sur l’état de la graisse dans les muscles (en commun avec M. le professeur Rey- 
nal, d’Alfort). — Comptes rendus et mém. Soc. de biol., nov. 1864. A part dans: 
Mémoires sur la constitution de divers tissus. Paris, 1865. 

Mémoire sur quelques points du développement et de l’anatomie du système adipeux. 
— Mémoires Soc. de biol., p. 27, lu le 23 janvier 1864. A part dans : Mémoires sur 
la constitution de divers tissus. Paris, 1865. 

Sur la boule graisseuse de Bichat (en collab. avec M. Gimbert). — Comptes rendus 
Soc. de biol., 16 janvier 1864. A part dans : Mémoires sur la constitution de divers 
tissus. Paris, 1809. 

Sur le rapport de la capacité de chaque oreillette avec celle du ventricule correspon- 
dant (en commun avec M. le docteur Hiffelsheim). — Journal de l’Anat., 1864, 
p. 413. 


APPENDICE. CLXXIX 


Sur les conditions de l’ostéogénie avec ou sans cartilage préexistant, — Journal de 
l’Anat., 1864, p. 514, avec 2? pl. 

Mémoire sur les divers modes de la naissance de la substance organisée, en général, 
et des éléments anatomiques, en particulier. — Journal de l'Anat., 1864, p. 26, 
153, 337, et 1865, p. 113. 

Note historique sur la capacité absolue et relative des cavités du cœur. — Journal de 
l’Anat., 1864, p. 420. 

JOURNAL DE L'ANATOMIE ET DE LA PHYSIOLOGIE DE L'HOMME ET DES ANIMAUX, publié 
par MM. Brown-Séquard et Ch. Robin; à partir de la fin de l’année par Ch. Robin; 
à partir de 1877 par Ch. Rubin et G. Pouchet; à partir de 1886 par G. Pouchet. 
— Voy. ci-dessus p. LVIHI. 

Sur les éléments anatomiques appelés myéioplaxes. — Journal de l’'Anat., 1864, p.88, 
avec 3 pl. 

Mémoire sur le développement des vertèbres atlas et axis. — Journal de l'Anat, 
1864, p. 274, 4 pl. 

Les théories et les mouvements du cœur devant les Académies des sciences et de mé- 
decine. Analyse. — Journal de l’Anat., 1864, p. 436. — Dans la première année du 
Journal de l'anatomie, Robin signa une série d’analyses des travaux de MM. Périer 
(veines spermatiques), Aug. Comte (2e éd. du Cours de philosophie positive, avec 
préface de Littré), Lyell (l Ancienneté del’homme), Oré (fonctions de la veine porte), 
Willemin (l'absorption entanée), Gallois (inosurie), Leroy de Méricourt (chromhy- 
drose), Riban (principe toxique du redoul), etc. 


1865 
Mémoires sur la constitution de divers tissus. In-8, Paris, 1865. — Tirage à part de 

plusieurs mémoires pésentés à la Société de biologie en 1864 (voy. ci-dessus 1864). 
Article Anrpeux du Dictionnatre encyclopédique des sciences médicales, publié par 

Dechambre. — Robin a donné à ce Dictionnaire un grand nombre d’articles ; nous 

les indiquons ici par ordre alphabétique : Adipeux (1865). — Biologie, Biotaxie, 

Blastèmes, Blastodermiques (cellules) (1868). — Cartilage de Meckel (1871). — 

Cellule (anatomie, physiologie et théorie), Cellulose (1873). — Cytoblaste, Cytoblas- 

tions (1880). — Développement, Élastiques (éléments, tissu et système), Électriques 
. (organes et tissu) (1883). — Fécondation (1877). — Fibre. Fibreux (tissu), Fibro- 

cartilage et Fibro-cartilagineux (tissu et système) (1878).— Génération (physiologie) 

(1880). — Globule (1883). — Lymphatique (système), anatomie et physiologie (1869- 

1810). — Méconium (1872). — Mélanose (1873). — Moelle des os (anatomie, phy- 

siologie) (1875). — Muqueux (système), anatomie, physiologie, Museulaire (tissu), 

anatomie (1876). — Néomembrane, Néoplasie (1878). — Os (anatomie et physioiogie), 

Organe, Organique, Organisation, Organisés (corps), Organisme (1882). — Paren- 

chyme, Peau (1885). — Rate (anatomie), Rate (développement et physiologie) (1871). 

— Régression (1876). — Sarcode, Sarcodique (mouvement) (1878). — Sébacées 

(glandes et matières) (1880), — Sexe, Sexualité, Sexuels (organes) (1881). — Sudo- 

ripare (follicule et appareil), Sperme (1883). 

Les articles Hématie, Histologie, Épithélium , etc., ont été confiés à M. Renaut. L'article 
Principes immédiats à été attribué, croyons-nous, à M. Albert Robin. L’articie Pileux aurait été 
perdu. 

Sur le mode de production des petits globes vitellins qui forment le blastoderme chez 

les Mollusques et les Hirudinées. — Journal de l’Anat., 1865, p. 256. 
Démonstrations expérimentales de la production d'électricité par un appareil propre 

aux poissons du genre des Raies.— Comptes rendus de l’Ac. des Sciences, 1865, p. 160. 
Sur les phénomènes et la direction de la décharge donnée par Forgane électrique des 

Raies. — Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, 1863, 2° série, p. 239. In extenso 
Mémoires Soc. de Biologie, 1865, p. 1. 


CLXXX CHARLES ROBIN, SA VIE ET SON ŒUVRE. 


1866 


De l'action exercée par l'électricité sur les Noctiluques miliaires (en commun avec 
Legros). — Journal de l'Anat., 1866, p. 558. 


1867 


LEÇONS SUR LES HUMEURS NORMALES ET MORBIDES DU CORPS DE L'HOMME PROFESSÉES 
A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS, 1 vol., Paris, 1867. — Voy. 2° édition, 1874. 

Note accompagnant la présentation d’un volume intitulé « Leçons sur les humeurs 
normales et morbides du corps de l’homme. » — Comptes rendus de l’Ac. des Sciences, 
21 janvier 1867. Journal de l'Anat., p. 203. 

Note sur une éruption cutanée due à l’Acarus du blé, par MM. Robin et Rouyère. — 
Comptes rendus de la Soc. de biol., 8 juin 1867, p. 178. 

Mémoire anatomique et zoologique sur les Acariens des genres Cheiletus, Glycipha- 
gus et Tyroglyphus (en collaboration avec M. A. Fumouze).— Journal de l’Anatomie, 
1897, p. 504 et 561. 

Mémoire sur les dispositions anatomiques des lymphatiques des Torpilles comparées à 
celles qu’ils présentent chez les autres Plagiostomes. — Comptes rendus de l'Acad. 
des Sciences, 1867, 1er sem., p. 20. 

Mémoire sur l’anatomie des lymphatiques des Torpilles, comparées à celle des autres 
Plagiostormes. — Journal de l’Anatomie, 1867, p. 1. 

Indications historiques concernant les expériences tentées dans le but de découvrir le 
mode de transmission du choléra. — Journal de l’Anat., 1867, p. 300. 

Analyse et remarques sur les Nerfs dits nutritifs ou trophiques, à propos des Re- 
cherches sur quelques troubles de nutrition consécutifs aux affections des nerfs, 
par M. Mougeot, 1 vol. 4°, Delahaye, Paris. — Journal de l'Anat., 1867, mai-juin, 
p. 276, même année, p. 208 et 209. 

Mémoire sur l’évolution de la notocorde, des cavités des disques intervertébraux et de 
leur contenu gélatineux. — Comptes rendus de l'Ac. des Sciences, 1867, 1°" sem., 
p. 879. In extenso dans Mémoires de la Soc. de Biologie, 1867, p. 31. 

De la Biologie, son objet et son but, ses relations avec les autres sciences, nature et 
étendue du champ de ses recherches, ses moyens d'investigation. — La Philosophie 
positive, 1867, t. I, p. 78, 212, 392, juillet-décembre. 

Égypte et Palestine, par le D' E. Godard, avec une Préface par M. Ch. Robin. Paris, 
1867. — Voyez ci-dessus p. CLVHI. 


1868 


Articles. Élément anatomique. Épithélium (et plus tard Histologie, Tissus, Secrétion)du 
Dictionnaire universel d'Histoire naturelle de Ch. d'Orbigny, 2° édition. Les pre- 
miers articles ont paru à part sous ce Litre : AMATOMIE MICROSCOPIQUE. DES ÉLÉMENTS 
ANATOMIQUES. DES EPITHÉLIUMS (ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉE). 1 vol. in-8 
de la Bibliothèque des sciences naturelles; Paris, Cermer Baillière, 1868, 124 p. 
Voy. pour la publication à part des derniers articles, 1869. 

Note accompagnant la présentation de son travail intitulé : « Des éléments anatomiques 
et des épithéliums. — Comptes rendus de l’Ac. des Sciences, 1868, 1er sem., p. 298. 

Première leçon du cours de M. Robin (2° semestre), intitulée : Principes généraux 
d’histologie (nécessité de l’étude des éléments anatomiques avant celle des tissus ; 
propriétés de la substance organisée). — Revue des cours scientifiques, 30 mai 1868. 
— En note : 10 novembre 1866. « Cette leçon sert tous les deux ans d'ouverture au 
cours de M. Ch. Robin. C’est celle qu’on invoquait dans les accusations de matéria- 
lisme dirigées contre la Faculté de médecine de Paris. » — Voyez ci-dessus p. xL. 

Recherches zoologiques et anatomiques sur les Glyciphages à poils palmés ou plumeux, 
par A. Fumouze et Ch. Robin. — Journal de l’Anat., 1868, p. 66, avec 5 pl. 


APPENDICE. CLXXXI. 


Observations sur une nouvelle espèce d’Acariens du genre T yroglyphus, par A. Fumouze 
et Ch. Robin. — Journal de l’Anat., 1868, p. 287, avec 2? pl. 

Recherches sur une nouvelle espèce de sarcoptides du genre Glyciphage. — Journal 
de l’'Anat., 1868, p. 603 (3 pl.). 

Mémoire sur les sarcoptides avicoles et sur les métamorphoses des Acariens, — Comptes 
rendus de l’Ac. des Sciences, 1er sem., 1868, p. 776. 

Observations histologiques sur la génération et la régénération des nerfs. — Journal 
de l’'Anat., 1868, p.321. 

Observations (à propos d’une note de M. Van Beneden, communiquée par M. Coste, 
relatives aux travaux que M. Ch. Robin poursuit à l'établissement de Concarneau. 
— Comptes rendus de l’'Ac. des Sciences, 23 nov. 1868, p. 1053. 

Articles Biologie, Biotaxie, Blastème, Cellules blastodermiques du Dictionnaire en- 
cyclopédique. 

1869 


Observations anatomiques et physiologiques faites sur des suppliciés par décollation. — 
Journal de l’Anat., 1869, p. 69. 

Nouvelles observations anatomiques et physiologiques, faites sur un supplicié par dé- 
collation. — Journal de l’'Anat., 1869, p. 456. 

De Pappropriation des parties organiques et de l’organisme à l’accomplissement d’ac- 
tions déterminées. — La Philosophie positive, mai-octobre 1869, t. IV, p. 318, 
t. V,p. s et 161. 

Recherches physiologiques sur l'appropriation des parties organiques à l’accompllisse- 
ment d’actions déterminées. — Journal de l’Anat., 1869, p. 561, et 1870-71, p. 77 
et 369. 

ANATOMIE MICROSCOPIQUE. DES TISSUS ET DES SÉCRÉTIONS (ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 
COMPARÉES). 1 vol. in-80 de la Bibliothèque des sciences naturelles, Paris, Germer 
Baillière, 1869, 123 p. — Extrait du Dict. univ. de d'Orbigny. (Voy. 1868.) 

Note accompagnant la présentation d’un ouvrage intitulé : Anatomie et physiologie 
comparées des tissus et des sécrétions. — Comptes rendus de l’Ac. des Sciences, 
8 mars 1869. 

Note sur un nouveau genre d’Acariens(g. Carpoglyphus).— Journal de l’'Anat., 1869, 
alor. 

Note sur la muqueuse de la voûte du pharynx. — Journal de l'Anat., 1869, p. 235. 

Recherches anatomiques sur l’épithélioma des séreuses. — Journal de l'Anat., 1869, 
p. 239. 


1869-1870 


Article Lymphatique (système), anatomie et physiologie, du Dictionnaire encyclo- 
pédique. 


1870 


PROGRAMME DU COURS D'HISTOLOGIE PROFESSÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PaRis. 
2° édition, revue et développée. (Voyez ci-dessus, 1864.) 

Note accompagnant la présentation d’un volume intitulé : Programme du cours d’histo- 
Jogie professé à la Faculté de médecine de Paris, 2e édition, revue et développée. — 
Comptes rendus de l’Ac. des Sciences, 7 février 1870, et Journal de l’Anat., 
1870-71, p. 224. 


1871 


TRAITÉ DU MICROSCOPE ET DES INJECTIONS. Nouv. édition. (Voy. 1849 et 1877.) 

Note sur la présentation de son ouvrage intitulé : Traité du microscope et de son emploi. 
— Comptes rendus de l’Ac. des Sciences, 26 juin 1871, p. 793. 

Article Cartilage de Meckel (signé Magitot et Robin) du Dictionnaire encyclopédique. 


CLXXXITI CHARLES ROBIN, SA VIE ET SON ŒUVRE. 


1872 


Sur les colorations noires hématiques et mélaïniques des tissus morbides. — Journal 
de l'Anat., 1872, p. 78. 

Observations anatomiques et zoologiques sur deux espèces de Daphnies. — Journal de 
l'Anat., 1872, p. 449. 

Rapport sur un mémoire de M. Dufossé intitulé : Sur les bruits et les sons expressifs 
que font entendre les poissons des eaux douces et des mers de l'Europe. — Comptes 
rendus de l'Ac. des Sciences, 1872, 2e sem., p. 1074. 

Note accompagnant la présentation d’un ouvrage intitulé : Dictionnaire de 1iédhiee: 
etc., par MM. Littré et Robin, 13e édition entièrement refondue. — Comptes ren- 
dus de l’Ac. des Sciences, 9 déc. 1872. 


Article Méconium du Dictionnaire encyclopédique. 


1873 


ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE CELLULAIRES OU DES CELLULES ANIMALES ET VÉGÉTALES, DU 
PROTOPLASMA, ET DES ÉLÉMENTS NORMAUX ET PATHOLOGIQUES QUI EN DÉRIVENT. 
1 vol. Paris, J, Baillière — (Voy. ci-dessus p. Liv). 

Note accompagnant la présentation d'un ouvrage intitulé : Anatomie et physiologie 
cellulaires. — Comptes rendus de l’Ac. des Sciences, 2 jnin 1873, et Journal de 
l'Anat., 1873, p. 439. 

Note sur une nouvelle espèce de Tyrogliphes, le Tyrogliphus sironiformis. — Journ. 
de l'Anat., 1873, p. 435. 

Sur l’exsudation et les exsudats., — Journal de l'Anat., 1873, p. 628. 

Sur les organes phosphorescents thoraciques et abdominaux du Cocuyo de Cuba (Pyro- 
phorus noctylucus, Elater noctylucus) (en commun avec M. Laboulbène). — 
Comptes rendus de l’Ac. des Sciences, 1873, 2e semestre, p. 911, et Journal de 
l'Anat., 1873, p. 593. 

Articles Cellule (anatomie, physiologie et théorie), Cellulose, du Dictionnaire encyclo- 
pédique, t. XIIE, 1'e série, p. 563-694; Méianose, tbid., t. VI, 2e série, p. 372-410. 


1874 


LEÇONS SUR LES HUMEURS, etc... 2° édition. (Voy. ci-dessus, 1867.) 

Paroles accompagnant la présentation d’un ouvrage intitulé : Leçons sur les humeurs 
normales et morbides du corps de l’homme, 2° édition. — Comptes rendus de l’Ac. 
des Sciences, 20 avril 1874, 1er sem., p. 1096. 

Observations comparatives sur la moelle des os. — Journal de l'Anat., 1874, p. 35. 

Sur la structure intime de la muqueuse et des glandes uréthrales de l’homme et de la 
femme (en collaboration avec M. Cadiat). — Journal de l'Anat., 1874, p. 514. 

Sur lastructure et les rapports des téguments dans les régions anale, vulvaire et du col 
utérin (en collaboration avec M. Cadia!), — Journal de l'Anat., 1874, p. 589. 

Observations sur la fécondation des Batraciens urodèles. — Comptes rendus de l'Acad. 
des Sciences, 1874, ler semestre, p. 1254, et Journal de l’Anat., 1374, p. 376. 

Sur le parasitisme et la contagion. — Comptes rendus de l'Ac. des Ep A 9 G juillet 
1874. 

Articles Rate (anatomie) (en collaborafton avec M. Legros) du Dictionnaire encyclo- 
pédique, t. II, 3e série, p. 380-408; Rate (développement et physiologie), tbid., 
p. 408-438. 

À 1875 

MÉMOIRE SUR LE DÉVELOPPEMENT EMBRYOGÉNIQUE DES HIRUDINÉES, — Mémoires de 
l’Acad. des Sciences de Paris, 1875, t. XL, avec 19 pl. A part. 

Sur la nature des fermentations en tant que phénomènes nutritifs désassimilateurs des 
plantes, — Journal de l'Anat., 1875, p. 379. 


APPENDICE. CLXXXIII 


Note sur la constitution des conduits exeréteurs en général. — Journat de l'Anat. 
1875,2p. 432. 

Sur la constitution des muqueuses de l'utérus mâle, des canaux déférents et des trompes 
de Fallope (en collaboration avec M, Cadiat).— Journal de l’Anat., 1875, p. 83 et 105. 

Note sur la structure du sac lacrymal et de ses conduits (en collaboration avec M. Ca- 
diat). — Journal de l’Anat., 1875, p. 487. 

Préface aux Eléments d'Anatomie comparée des animaux vertébrés, par T.-I. Huxley. 
Trad. française. In-12, Paris, 1875. 

Article Moelle des os (anatomie, physiologie) du Dictionnaire encyclopédique, t. IX, 
2° série, p. 1-33. 

1876 

Préface de M. le prof. Robin à l'ouvrage: Les grands processus morbides, par J.-J. 
Picot. Paris, Masson, 1876. 

Note sur la constitution du tissu fibreux. — Journal de l’Anat., 1876, p.611. 

Observations sur quelques points de Ja texture des séreuses (cn collaboration avec 
M. Cadiat). — Journal de l'Anat., 1816, p. 621. 

Articles Régresion du Dict. encyclopédique, t. III, 3° série, p. 105-111; Muqueux 
(système), anatomie, physiologie, Musculaire (tissu), anatomie, t. X, 2e série, p. 406- 
474 et 501-651. 

DES RAPPORTS DE L'ÉDUCATION AVEC L'INSTRUCTION. — La Philosophie positive, 1876- 
1877, t. XVII, p. 26, 131, 305; t. XVIII, p. 5. — A part, 1 vol. in-12. 


1877 


TRAITÉ DU MiCROSCOPE ET DES INJECTIONS, 2e édit. Paris, 1877. — Édition très aug- 
mentée et ne renfermant pas la Classification des sciences. Cette édition est en réalité 
la 3e (Voy. ci-dessus 1849 et 1871). 

Mémoire sur les sarcoptides plumicoles (en collaboration avec M. Mégnin). — Journal 
de l’Anat., 1877, p. 209, 391, 498, 629, avec 3 pl. 

Article Fécondation du Dictionnaire encyclopédique, t. I, 4° série, p. 318-397. 


1878 


Sur la reproduction gemmipare et fissipare des Noctiluques (Noctiluca miliaris, Su- 
riray). — Comptes rendus de l’Ac. des Sciences, 1878, p. 1482. 

Recherches sur la production gemmipare et fissipare des Noctiluques. — Journal de 
l’'Anat., 1878, p. 563. 

Remarques sur la genèse des éléments anatomiques ou théorie cellulaire. — Journal 
de l'Anat., 1878, p. 507. 

Claude Bernard (en commun avec M. G. Pouchet). — Journal de l'Anat., 1578, 
p. 334. 

Articles Fibre du Dictionnaire encyclopédique, t. II, 2e série, p. 23-27; Fibreux (tissu) 
1bid., p. 27-67; Fibro-cartilage etFibro-cartilagineux (tissu et système), Ibid., p.71. 
Néomembrane, 1bid., t. XVI, p. 100; Néoplasie, Ibid., t. XII, p. 101, ?° série; 
Sarcode, Sarcodiques (mouvements), Ibid., t. VI, p. 770-790, t. VII, 3° série. 


1879 


Sur les dégâts causés au maïs et au chanvre par les chenilles dû Botys nubilalis, Hübner 
(en commun avec M. Laboulbène). — Annales de la Soc. entomologique de France, 
8 janvier 1879 (voir 1884). 

Remarques sur les fermentations bactériennes. — Journal de l'Anat., 1879, p. 465, 

Mémoire sur la structure et la reproduction de quelques Infusoires tentacuiés, suceurs 
et flagellés. — Journal de l’Anat., 1879, p. 529. 

Sur la production d'électricité par les Raies. — Comptes rendus de l’Ac. des Sciences, 
11 août 1879, p. 338. 


: CLXXXIV CHARLES ROBIN, SA VIE ET SON ŒUVRE. 


1880 


Sur quelques caractères anatomiques des Cheiroptères du genre Cynonycteris. — 
Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, 1880, p. 1309. 

Note sur l’ostréiculture et la pisciculture des côtes de Bretagne. — Commission séna- 
toriale du repeuplement des eaux. Sénat, 1880. 

Recherches historiques sur l’origine des termes : Organisme et Organisation. — Jour- 
nal de l’Anat., 1880, p. 1. 

Note sur quelques caractères et sur le cœur caudal des Anguilles, des Congres et des 
Leptocéphales. — Journal de l’Anat., 1880, p. 593. 

Articles Sébacées (glandes et matières) du Dictionnaire encyclopédique, t. VIT, 3e sé- 
rie, p. 377-405; Cytublaste, Cytoblastions, Ibid., t. XXI, 1'€ série, p. 273. 


1881 
Les Anguilles mâles comparées aux femelles. — Comptes rendus de l'Ac. des Sciences, 
21 février 1881, in extenso dans Journal de l'Anat., 1881, p. 437. 
Sur les corpuscules nucléiformes des leucocytes. — Journal de l'Anat., 1881. p. 331. 
Articles Sexe, Sexualité, Sexuels (organes) du Dictionnaire encyclopédique, t. IX, 
3e série, p. 462-492; Génération (physiologie), 1bid., t, VII, 4e série, p. 335-491. 


1882 


Mémoire sur la génération et la régénération de l'os des cornes caduques et persis- 
tantes des Ruminants (en collaboration avec M. Herrmann). — Comptes rendus de 
l'Ac. des Sciences, 6 mars 1882. In-extenso dans Journal de l'Anat., mai-juin 1882. 

Articles Organe, Organique, Organisés (corps), Organisation, Organisme du Diction- 
naire encyclopédique, t. XVII, 2e série, p. 376-535; Os (anatomie et physiologie), 
t. XVIII, 2e série, p. 1-17L. 

1883 

Sur la structure des corps rouges du Congre. — Journal de l’Anat., 1883, p. 528. 

Articles Développement du Dictionnaire encyclopédique, t. XXVIIF, 1° série, p. 499- 
495 ; Globule, Ibid., t. IX, 4° série, p. 271; Sperme, Ibid., 1. XI, 3e série, p. 112- 
194; Sudoripares (follicules et appareils), 1bid., t. XII, 3e série, p. 688-703. 


1884 


Sur les dégâts causés au maïs et au chanvre par les chenilles du Batys nubilalis, 
Hübner (en commun avec M. Laboulbène). — Annales de la Soc. entomologique de 
France, 1884, p. 5-16, avec 1 pl. (voir 1879). 

Note sur les organes élastiques de l’aile des oiseaux (en collaboration avec M. Cha- 
bry). — Journal de l'Anat., 1884, p. 291. 

Sur la distribution des fibres élastiques dans les parois artérielles et veineuses (en col- 
laboration avec M. Retterer). — Journal de l'Anat., 1884, p. 116. 


1885 


Note sur les propriétés émulsives du suc pancréatique. — Journal de l’Anat., 
p. 465-485. 


Article Parenchyme du Dictionnaire encyclopédique, t. XXI. 2° série, p. 138-172. 
1886 


NOUVEAU DICTIONNAIRE ABRÉGÉ DE MÉDECINE, DE CHIRURGIE, DE PHARMACIE ET DES 
SCIENCES PHYSIQUES, CHIMIQUES ET NATURELLES, par Cu. Rogin, 1 vol. grand in-8. 
Paris, Doin. — Voy. ci-dessus, p. cLvI. 


Saint-Denis. — Imprimerie CH. LAMBERT, 17, rue de Paris. 


JOURNAL 


L'ANATOMIE 


LA PHYSIOLOGIE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES 


DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 


RECHERCHES 


LA VEINE OMBILICALE 


Par EE WERTHEIMER 
Professeur à la Faculté de Médecine de Lille. 


(PLANCHES I er Il.) 


I. — DE LA PERMÉABILITÉ DE LA VEINE OMBILICALE CHEZ L'ADULTE. 


La question de la perméabilité de la veine ombilicale qui inté- 
téresse à la fois l’anatomiste et le pathologiste se pose en ces 
termes : ce vaisseau n’a-t-1il qu’un rôle transitoire et limité à la 
période de la circulation placentaire, ou bien demeuré perméable 
après la vie intra-utérine, mais réduit à des fonctions plus mo- 
destes, peut-il servir, par des anastomoses avec les veines des 
parois abdominales, à ramener dans le sinus de la veine porte du 
sang provenant de ces parois. Si cette dernière alternative est la 
vraie, la veine ombilicale représenterait chez l’adulte, une des 
voies de communication entre le système de la veine porte et le 
système veineux général : et dans les cas de cirrhose, le sang 
ne pouvant plus passer par le foie, trouverait dans la veine om- 
bilicale un canal tout ouvert où il s’engagerait pour être versé 
dans la veine cave, mais en suivant une direction précisément 
opposée à sa direction normale. 

Nous ne voulons pas exposer ici en détail les phases diverses 
par lesquelles a passé l’étude de cette question : bornons-nous 
à rappeler que sur la foi de Haller, de Cruveilhier, de Rokitansky, 

JOURN. DE L'ANAT, ET DE LA PHYSIOL. — T, xxit (janv.-fév. 1886). 1 


2 E. WERTHEIMER. — RECHERCIES 


etc., la persistance d'un canal au centre du cordon de la veine 
ombilicale et sa dilatation dans les cas pathologiques étaient gé- 
néralement admises comme des faits assez communs, quand 
M. Sappey vint prouver que le vaisseau qu'on considérait comme 
la veine ombilicale restée ou redevenue perméable, appartenait 
en réalité à l’un des groupes des veines portes accessoires, et 
qu’anormalement distendu, il rappelait entièrement cette veine 
par sa situation, sa direction, son calibre. 

L'opinion de M. Sappèy confirmée encore par le rapport du 
regretté professeur Robin, à l’Académie de médecine, avait pré- 
valu quand Baumgarten dans un mémoire intituté : De la per- 
méabilité des vaisseaux du fœtus et publié dans le Centralblatt 
(1877), remit tout en question. 

Cet auteur au lieu de s’en tenir aux injections et à la dissec- 
tion s’est aidé du microscope. En faisant des coupes sur le cor- 
don de la veine ombilicale, il yaurait constaté la présence d’une 
cavité centrale tapissée d’un endothélium et renfermant du sang 
à l’état frais; le dernier centimètre du vaisseau au voisinage de 
l'anneau serait seul oblitéré. Chez la plupart des sujets, 36 fois 
sur 60, sa lumière recevrait aisément une grosse soie de pore, 
parfois même dans le segment qui avoisine le foie une sonde 
métallique (8 fois sur 60): ce n’est que 5 ou 6 fois que l’obli- 
tération lui a paru totale. Dans la cirrhose, la veine ombilicale 
servirait donc à l'établissement de la circulation collatérale et 
se dilaterait jusqu’à acquérir le diamètre d'une plume d’oie ou 
même du petit doigt. 

En présence de ces opinions contradictoires, nous avons pensé 
que ce sujet que nous avons eu à aborder dans notre thèse d'agré- 
gation (sur le développement du foie et du système porte abdo- 
minal) mais que nous n'avions pu résoudre faute de temps, mé- 
ritait de nouvelles recherches : malgré l'autorité qui s'attache 
aux travaux de Robin et de M. Sappey l'existence d'un orifice 
au centre du cordon de la veine ombilicale était un fait d'une 
constatation trop facile pour qu’il fut permis de croire à quelque 
méprise de la part de l’auteur allemand. 

Nous avons donc pour contrôler les faits avancés par Baum- 
garten, examiñé avec le concours de notre collègue et ami Her- 
_mann, l’état du vaisseau non seulement chez l'adulte mais aussi 
chez l'enfant, et nos recherches qui ont porté sur 16 sujets nous 


SUR LA VEINE OMBILICALE. 3 


ont donné des résultats assez concordants pour nous permettre 
d’en tirer des conclusions précises. Nous pouvons dire immé- 
diatement que dans plus de la moitié des cas nous avons trouvé, 
ainsi que l'avait dit Baumgarten, un canal plein de sang, situé 
exactement au centre du cordon de la veine ombilicale, mais 
que cette cavité appartient comme on le verra, à une veinule 
de nouvelle formation et non à la veine ombilicale elle- 
même. | 

Pour suivre la description sommaire que nous allons avoir à 
faire, que le lecteur veuille bien jeter les yeux sur les difié- 
rentes coupes transversales de la veine ombilicale représentées 
dans les planches annexées à ce travail, et en particulier sur les 
figures 3, 4, 6 et 7. On verra la lumière de la veine ombilicale 
oblitérée par un bouchon de tissu conjonctif (b) et ce bouchon 
lui-même circonscrit par un anneau musculo-élastique (a) net- 
tement dessiné qui correspond à l’ancienne tunique interne du 
vaisseau du nouveau-né : la présence de ce tissu musculaire n a 
rien d'étonnant, car nous avons constaté qu’à la naissance la 
veine ombilicale possède un grand nombre de fibres lisses, in- 
timement mélangées au tissu élastique sous-endothélial. En de- 
hors de la zone musculo-élastique le reste du cordon est formé 
par du tissu lamineux et élastique traversé par des faisceaux lon- 
gitudinaux et transversaux de fibres lisses. 

Telle est la configuration générale du cordon, surtout quand 
on l'étudie chezles enfants peu après l’oblitération. Chez l’adulte, 
le bouchon central a souvent diminué de diamètre ; l’anneau 
qui le limite peut être plus ou moins riche en muscles ou en tissu 
élastique, de même que le reste du cordon, mais sauf ces varia- 
tions individuelles, l’aspect reste toujours le même. 

Le fait important sur lequel nous voulons surtout insister, 
c'est que 9 fois sur 16 nous avons rencontré dans l'épaisseur du 
bouchon central une cavité remplie de sang. 

Examinons-la d'abord chez l'adulte : nous prendrons comme 
type de notre description le cordon de la veine ombilicale d'un 
supplicié de 19 ans, chez lequel les tissus ont pu être examinés 
en parfait état de conservation. 

Le cordon avait une longueur d’à peu près 18 centimètres, 
10 centimètres depuis son embouchure jusqu’à la paroi abdo- 
minale, ct 8 centimètres de ce dernier point jusqu’à l’ombilic. 


A E. WERTHEIMER. — RECHERCIES 


Sectionné à 9 centimètres du foie il présente à l'œil nu un ori- 
fice central bien net sous forme d’un point rouge. 

Une coupe pratiquée à ce niveau nous montre le bouchon la- 
mineux, de dimension assez restreinte, mais bien reconnaissable 
cependant, limité par un anneau qui est riche en fibres mus- 
culaires et épais d’à peu près + de millimètre. Dans le bouchon 
formé d’un tissu conjonctif lâche est plongée une petite veinule 
mesurant à peu près + de millimètre dans son plus grand dia- 
_ mètre et renfermant encore du sang coagulé (fig. 1). 

La figure 2 représente cette veine à un plus fort grossisse- 
ment; ses parois apparaissent bien nettes dans le tissu lamineux 
qui les sépare de la zone musculo-élastique, et elle a tous les 
caractères des veinules qui rampent à la périphérie du cordon. 

Chez une femme de 19 ans, et chez deux hommes, l’un de 
29 ans, l’autre de 47, la disposition était absolument la même. 
Les coupes ont été pratiquées chez l’une à 8 centimètres, chez 
les deux autres à 5 et 6 centimètres du bout hépatique. Chez la 
première il existe sur quelques coupes deux orifices centraux, 
c’est-à-dire que la veinule se subdivise ce qui est encore assez 
fréquent, surtout à proximité de la paroi abdominale. 

Chez le supplicié nous devons signaler une autre particularité 
significative : la veinule centrale que nous avons signalée à 9 cen- 
timètres de l’extrémité hépatique du cordon ne se retrouve plus à 
2 cent. plus loin, en remontant vers le foie; elle est remplacée 
à ce niveau par un réseau capillaire bien développé, puis elle 
réapparaît à proximité de la branche gauche de la veine porte 
où elle vient se jeter. À l'extrémité opposée, c’est-à-dire au point 
où le cordon va s'appliquer à la paroi abdominale le vaisseau se 
résout également en petits ramuscules ; quant au ligament qui 
de là s'étend jusqu’à l’ombilic, il est de nature fibro-élastique 
sans trace de cavité centrale, ce qui est la règle chez tous les su- 
jets : aussi n’en sera-t-il plus question dans la suite. 

Il était à supposer que chez les sujets morts de cirrhose du 
foie, la petite veine centrale devait augmenter de diamètre. C’est 
en effet ce que nous avons observé dans 2 cas sur 3. Chez un 
premier cirrhotique, âgé de 40 ans (voyez fig. 8 où le centre de 
la coupe a séul été représenté) on pouvait à partir de l’insertion 
du cordon ombitical sur la branche gauche de la veine porte 
introduire dans le canal central qui mesure 3 millimètres de 


SUR LA VEINE OMBILICALE. s: 


diamètre un stylet qui s’y engage dans une longueur de 5 cen- 
timètres. Au delà, les coupes montrent un orifice qui n’a plus 
qu’un millimètre environ entouré lui-même de 5 ou 6 veinules 
plus petites : ces derniers représentent les embouchures d’un 
réseau dérivatif très développé et situé dans les couches 
périphériques du cordon. On remarquait aussi chez ce sujet 
une véritable hypertrophie des fibres lisses de la zone museulo- 
élastique, qui ici touchent presque immédiatement le vaisseau 
central. 

Chez un autre cirrhotique, âgé de 19 ans, le conduit central 
admet une fine aiguille à tricoter sur une longueur de plus de 
9 centimètres, les coupes présentent avec celles qui proviennent 
du sujet précédent la plus grande analogie ; au centre un orifice 
d'un millimètre environ, et autour de lui se groupent sur la 
plupart des préparations un certain nombre, ordinairement en- 
core 5 ou 6 orifices plus petits. Ajoutons aussi que sur quelques 
coupes, il existe au centre deux vaisseaux absolument sembla- 
bles et d’égale dimension. (Voyez figure 5 sur laquelle les deux 
veinules ne mesurent plus chacune qu'un demi-millimètre.) 

Il n’est pas étonnant que soit à l’état normal, soit dans les cas 
pathologiques, ce canal ait été pris, en raison même de sa si- 
tuation, pour la lumière de la veine ombilicale elle-même. Mais 
pour prouver qu’il appartient à une veinule de nouvelle forma- 
tion 1l nous suffira d’invoquer la structure de ses parois qui n’est 
autre que celle des petites veines rampant à la surface du cor- 
don, son isolement au milieu d’un bouchon lamineux central, 
enfin la distance qui le sépare de l’ancienne tunique interne 
plus ou moins modifiée. Ce. n’est que vers l'extrémité hépathique 
du cordon qu’on peut retrouver une structure qui rappelle encore 
celle de la veine ombilicale du nouveau-né : en effet, M. Sappey a 
déjà noté que ce vaisseau pouvait rester perméable dans l’étendue 
de 4 à 2 centimètres et même davantage à partir de son embou- 
chure. 

Il est bon de remarquer aussi que l’état du cordon de la veine 
ombilicale chez les sujets morts de cirrhose concorde entièrement 
avec l'aspect que nous avons décrit chez les sujets normaux. On 
voit qu’il n’est pas question dans ces cas d’un vaisseau qui ar- 
rive à acquérir le diamètre d’une plume d’oie ou de l'index: la 
dilatation de la veine centrale est telle qu’on peut l’attendre d’un 


6 E, WERTHEIMER,. +— RECHERCHES 


vaisseau de ce calibre, et qui d’un quart de millimètre arrive à 
4 millim. ou 4 millim. : : ce n’est qu'au niveau du sinus de la 
veine porte où persiste une portion du canal de la veine ombi- 
licale que la distension devient plus considérable. Cependant 
dans Ja cirrhose le cordon tout entier est hypertrophié et cette 
hypertrophie porte à la fois sur ses fibres musculaires et sur le 
réseau veineux qui le parcourt. 

Si l’on n’était pas encore entièrement convaincu que l’on a 
réellement sous les yeux une veinule nouvellement développée, 
il suffirait d’assister à la formation de ce petit vaisseau chez les 
jeunes sujets. 

Sur un enfant de à mois le cordon de la veine ombilicale me- 
sure à peu près 4 centimètres depuis son extrémité hépatique 
jusqu’à la paroi abdominale, au niveau de laquelle, par suite de 
sa rétraction, il offre une sorte de moignon conique. Une coupe 
faite à la partie moyenne de cette portion du cordon (fig. 3) nous 
montre la veine déjà complètement oblitérée par un bouchon 
lamineux, plus développé qu'il ne l'est chez l'adulte, et entière- 
ment plein sans trace d'orifice ni de petits vaisseaux. Mais au 
niveau du moignon c'est-à-dire vers la paroï abdominale ilexiste 
déjà à son centre une petite veinule autour de laquelle viennent 
rayonner quelques capillaires coupés dans le sens de leur lon- 
gueur (fig. 4). Le dessin rend très bien sur cette préparation 
traitée par le picrocarmin l'aspect de l'anneau (a) presque exclu- 
sivement élastique, tranchant par sa réfringence et sa coloration 
jaunâtre sur la teinte rosée du bouchon central (b) et envoyant 
des prolongements vers la périphérie du cordon. 

Chez un enfant de 8 mois (fig. 6) la disposition est la même 
que chez le précédent : ici toutefois, la veinule remplie de 
sang n'est pas tout à fait centrale, et surtout on la poursuit 
sur une plus grande étendue du cordon, mais non cependant 
dans toute sa longueur: on voit aussi que l’anneau (a) est in- 
complet. | 

Enfin chez un enfant de 19 mois (fig. 7), chez lequel nous 
avions pu pratiquer par le bout hépatique de la veine ombilicale 
une injection au mercure, ce n’est plus un seul orifice que l’on 
rencontre, mais bien deux et sur certaines coupes trois orifices à 
peu près d'égal diamètre occupant la même situation que pré- 
cédemment au milieu du bouchon (b); notons aussi ce détail 


SUR LA VEINE OMBILICALE, 1 


important que le mercure a rempli non seulement les veinules 
centrales mais encore les veines de la tunique adventice du cor- 
don (v’v). 

Il résulte assez clairement de nos dessins et de notre descrip- 
tion que nous assistons, chez tous ces enfants, à la production, 
dans l'épaisseur du bouchon oblitérateur, du vaisseau que nous 
avons trouvé chez l'adulte à un état de complet développement. 
En réalité c’est un petit système vasculaire qui se forme à l'inté- 
rieur du cordon : car le vaisseau central comme nous l'avons vu 
à plusieurs reprises n’est pas toujours unique, il peut aussi ne 
pas être continu dans toute sa longueur, même chez l'adulte, 
en ce sens qu'il est remplacé dans une certaine étendue par un 
réseau de veinules presque capillaires qui le mettent en commu- 
nication un peu plus loin avec une veine semblable; enfin il est 
l’aboutissant de petits vaisseaux qui certainement communi- 
quent eux-mêmes avec les veinules de la périphérie du cordon, 
comme nous l’avons observé chez les cirrhotiques et chez l’en- 
fant de 49 mois, et très probablement aussi avec celles de la 
paroi abdominale. Tout ce petit système vasculaire représente 
ainsi un sixième groupe de veines portes accessoires à ajouter à 
ceux qu'a décrits M. Sappey, et qui se développe après l'oblitéra- 
tion de la veine ombilicale en suivant une direction centripète; 
c'est-à-dire qu'il part du moignon de la veine ombilicale ré- 
tractée pour s’avancer progressivement jusque dans le sinus de 
la veine porte ou dans la portion de l’ombilicale restée per- 
méable. La veine efférente de ce réseau vasculaire si exactement lo- 
gée au centre du cordon simule, à s’y méprendre, la lumière de 
l’ancien vaisseau ; c’est ainsi que la veine appelée parombilicale 
(mais mieux adombilicale), et signalée par M. Sappey a donné 
lieu à la même confusion. 

Quant aux cas où l’orifice central n’existait pas, ils ont été au 
nombre de sept, dont 4 hommes et 3 femmes; de ces 4 hommes 
2 avaient 35 ans, le troisième mort de cirrhose en avait 60, le 
dernier était un adulte dont l’âge n’a pas été noté. 

Les trois femmes étaient âgées l’une de 36 ans, l’autre de 57; 
la troisième de 70. L’examen de ces sujets eux-mêmes vient 
encore apporter une nouvelle confirmation à notre manière de 
voir : car si la veinule centrale fait défaut, on n'en trouve pas 
moins à sa place un réseau vasculaire plus ou moins riche, mais 


8 E. WERTIEIMER. — RECHERCIES 


dont aucune ramification n’a pris un développement prépon- 
dérant. 

Nous nous sommes occupé presque exclusivement dans notre 
description de l’orifice centro-ombilical, de ses caractères, de sa 
nature, sans nous arrêter à certains détails secondaires de struc- 
ture. 

Résumons cependantles transformations principales que subit 
l’ancienne veine ombilicale et qui ne varient du reste que dans 
des limites assez restreintes. 

La zone musculo-élastique qui circonserit le bouchon central, 
et qui répond à la tunique interne du vaisseau du nouveau-né 
ne manque jamais : on Ja voit très nettement, même sans le se- 
cours du microscope, et rien que par transparence se détacher 
sur le fond de la préparation; d'ordinaire irrégulièrement cir- 
culaire ou elliptique, quelquefois triangulaire, elle peut man- 
quer partiellement (fig. 6); elle a généralement chez l'adulte une 
épaisseur de + à + de millimètre : tantôt comme nous l'avons 
dit, elle est, rarement cependant, formée en totalité de tissu- 
élastique, tantôt les fibres lisses y prédominent; nous avons déjà 
signalé pour expliquer leur présence, le tissu musculaire qui 
existe au voisinage de l’endothélium dans la veine ombilicale du 
nouveau-né, et Eberth dans Stricker a décrit également à ce vais- 
seau trois couches de muscles : une interne et une externe toutes 
les deux longitudinales, et une moyenne circulaire. Nous savons 
combien la structure des veines se modifie d’un sujet à l’autre : 
aussi ces variations individuelles ne doivent-elles pas nous sur- 
prendre. 

Dans certains cas, les éléments musculaires paraissent se mul- 
tiplier avec les progrès de l’âge, et empiètent ainsi sur le tissu 
conjonctif central qui diminue de diamètre ; chez d'autres adultes 
au contraire, le bouchon central est resté aussi net et aussi vo- 
lumineux que chez l'enfant. 

La portion du cordon concentrique à l'anneau ne diffère éga- 
lement suivant les cas, que par la quantité de faisceaux muscu- 
laires longitudinaux et tranversaux qu’elle renferme. 

Enfin, tout à fait à la périphérie, dans l’ancienne tunique ad- 
ventice, cheminent un grand nombre de petits vaisseaux arté- 
riels et veineux dont les derniers sont en connexion avec le réseau 
central. 


SUR LA VEINE OMPILICALE. 9 


Ajoutons, pour terminer, que si nous n'avons pas rencontré 
de cas de perméabilité de la veine ombilicale nous admettons 
cependant, ainsi qu’on le verra dans le chapitre suivant, qu’elle 
peut exister, mais exceptionnellement et non pas à titre de fait 
commun et ordinaire. 

Un point particulièrement intéressant qui mériterait une étude 
complète, c’est le mécanisme même de l'oblitération du vaisseau, 
le mode de formation et la provenance du bouchon obturateur. 


Il. — DES ANASTOMOSES DE LA VEINE OMBILICALE AU NIVEAU 
DES PAROIS DE L'ABDOMEN. 


Ce point de l’histoire de la veine ombilicale se rattache inti- 
mement au sujet qui nous a occupé dans le chapitre précédent. 

En effet, les auteurs qui ont prétendu que la veine ombilicale 
pouvait chez l’adulte servir de voie dérivative au sang du sys- 
tème porte, ont dû nécessairement admettre des communications 
entre ce vaisseau et les veines des parois abdominales, puisque 
sans l’existence de ces anastomoses la perméabilité de la veine 
ombilicale eût été inutile. Les partisans de cette opinion, s’ap- 
puyaient surtout sur quelques faits pathologiques, souvent mal 
étudiés, dans lesquels on a mentionné des ramifications unissant 
ce vaisseau soit à d’autres veines sous-péritonéales, soit à des 
veines sous-cutanées. [ls pouvaient également invoquer en leur 
faveur, les recherches déjà anciennes d’un anatomiste allemand, 
Burow, qui avait signalé comme un fait constant chez le nouveau- 
né, une communication normale entre l’ombilicale et l’épigas- 
trique (Mullers Archives 1838, p. 44). Sa description mérite 
d'être reproduite. « Lorsque la veine épigastrique, dit-il, n’est 
pas encore arrivée à la hauteur de l’ombilic, elle donne un ra- 
meau qui se porte en dedans et qui se réunit avec un autre ra- 
meau naissant du côté opposé, pour former un tronc qui est 
étroitement accolé à la veine ombilicale dans tout son parcours 
intra-abdominal et s'abouche avec elle près de son entrée dans 
le foie. » 

Par contre les anatomistes qui ne croyaient pas à la persis- 
tance de la perméabilité de l’ombilicale, étaient portés aussi à 
nier l'existence de toute branche anastomotique fournie par ce 
vaisseau à la paroi. C’est ainsi que Robin après avoir cité Bu- 


10 E. WERTIIEIMER. —— RECHERCHES 


row conclut de ses propres injections chez le nouveau-né, que 
« dans son trajet le long des parois abdominales et jusqu'au hile 
du foie, cette veine ne reçoit aucune branche des vaisseaux de Ja 
paroi abdominale et de l'intestin », que «hors du foie elle ne 
s’anastomose avec aucune veine. » 

Cependant, si nous remontons aux premières périodes de la 
vie embryonnaire, nous trouvons que Coste dans son grand ou- 
vrage où l’on puise toujours de précieux renseignements, a par- 
faitement décrit et figuré un réseau veineux qui des parois du 
ventre se rend dans l’ombilicale. Ainsi la planche V2, figure A, 
nous montre un lambeau de cette paroi renversée sur lequel, 
comme nous l’apprend le texte explicatif «existent quelques vais- 
sceaux dont les troncs se dirigent vers l’anneau ombilical, Ces 
vaisseaux sont Les restes du riche appareil veineux transitoire, 
qui des parois abdominales sur lesquelles ils étaient répandus, 
se portent vers la veine ombilicale ou allantoïdienne droite dans 
laquelle ils pénètrent par une foule de troncs, placés Les uns à 
côté des autres. Ils suivent la destinée de la veine qui les reçoit 
et s'éteignent complètement avec elle. 

Le même réseau existe sur la paroi abdominale du côté gauche 
et se porte également vers la veine correspondante, mais il a une 
existence beaucoup plus éphémère que cette veine et 1l s’atro- 
phie presque aussitôt que ceux du côté droit. » 

Ce que nous devons surtout retenir de cette description de 
Coste, c’est l'existence d’un riche réseau vasculaire afférent à 
l’ombilicale, et très apparent jusque vers le quarantième jour. 
Mais est-il vrai qu’à partir de ce moment, il disparaisse complè- 
tement et qu’il n’en reste bientôt plus rien non seulement à 
droite mais encore à gauche, c'est-à-dire du côté de la veine 
ombilicale définitive. C’est ce que nous devons examiner à pré- 
sent. On se dira peut-être que la persistance de ces rameaux n'a 
plus aucune importance, s’il est vrai, comme nous croyons l'avoir 
démontré que la veine ombilicale s’oblitère après la naissance. 
Cependant ce point d'embryogénie mérite d’être étudié en lui- 
même; car il prête à quelques rapprochements intéressants si 
l’on envisage la série des vertébrés, et de plus il trouve dans cer- 
tains cas son application utile chez l'homme. 

Si nous consultons sur cette question les auteurs plus mo- 
dernes nous n’en trouvons pas qui s'en soit occupé, si ce n’est 


SUR LA VEINE OMBILICALE, il 


Baumgarten, qui dans le mémoire déjà cité mentionne non seu- 
lement les vaisseaux décrits par son compatriote, mais plusieurs 
autres du même genre se perdant sur les parois abdominales et 
formant chez l'embryon un réseau sous-péritonéal qu’on ren- 
contrerait encore chez l’adulte. Ajoutons encore, pour être com- 
plet, que dans l'anatomie de Henle (Handbr der Gefasslehre 
Braunschweig 1876, p.409) au chapitre des anomalies veineuses 
rédigé par W. Krause, cet anatomiste s’en rapportant sans doute 
à l'opinion de Burow, parle de l'existence de ces veinules anas- 
tomotiques comme d'un fait constant chez le nouveau-né. 

Voici maintenant ce que nos propres recherches nous ont ap- 
pris. Nous avons pratiqué des injections sur 13 fœtus ou nou- 
veau-nés en nous y prenant de la facon suivante : après avoir 
lié le cordon ombilical tout entier immédiatement en dehors de 
l'anneau, et sectionné la veine ombilicale au niveau de son em- 
bouchure dans la branche de la veine porte, nous pouvions fa- 
cilement en laissant adhérer le vaisseau au lambeau de la paroi 
abdominale sur lequel il est appliqué (voir fig. 9) faire pénétrer 
la masse solidifiable par son extrémité hépatique. 7 fois sur 13 
nous ayons ainsi injecté un petit vaisseau qui partant de la veine 
ombilicale allait se perdre dans le tissu cellulaire sous-péritonéal 
de la paroï. Nos 13 cas comprennent 2 fœtus, l’un de 6 mois, 
l’autre de 8, 5 nouveau-nés à terme, 2 nouveau-nés âgés de 
8 jours, 2 de 10 et 2 de 12 jours. 

La figure 9 représente cette veinule sous son aspect le plus 
habituel. Elle naît à peu près à 4 centimètre + de l'anneau ombi- 
lical et chemine parallèlement au tronc d’origine pour s’anasto- 
moser au voisinage de l’anneau avec deux petites ramifications 
ascendantes venant de l’épigastrique et recouvertes comme elle- 
même par la séreuse péritonéale. 

Un vaisseau du même genre se trouvait chez les 2 fœtus et 
chez 5 nouveau-nés dont 2 à terme, 1 de 8 jours, 1 de 10 et1 de 
12 jours. 

Cinq fois la petite veinule était unique, naissait à peu pres au 
même niveau et suivait le même trajet que celle que nous avons 
figurée. Chez le fœtus de 8 jours il en existait deux pareilles l’une 
au-dessous de l’autre et toujours du même côté, c’est-à-dire à 
gauche. Une autre fois, chez le fœtus de 10 jours, deux petits 
vaisseaux prenaient naissance au même point que d'habitude 


12 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES 


mais tandis que l’un descendait comme d’ordinaire vers l’om- 
bilic, l’autre se perdait en haut et en arrière dans le ligament 
suspenseur. Nous ferons remarquer aussi en passant la facilité 
avec laquelle se laissait injecter la veine ombilicale des enfants 
de 40 à 42 jours. 

Si nous résumons les faits précédents nous voyons que les 
restes du réseau veineux afférent à l’ombilicale, persistent seu- 
lement 5 fois sur 11 en ne tenant compte que des nouveau-nés 
à terme; en outre il est réduit à des débris de peu d'importance 
puisqu'il n’est plus représenté dans la généralité des cas que 
par un seul petit vaisseau d’un faible calibre si on le compare 
au tronc d'origine. Nos observations sur ce point concordent 
done avec celles de Burow, mais elles nous ont montré aussi 
contrairement aux siennes, que la persistance de cette veinule 
est loin d’être la règle ; nous ne pensons pas non plus que son 
dessin soit conforme à la disposition normale (1). 

Que devient ce vaisseau après la naissance dans le cas où il 
subsiste encore ? Puisque le tronc dans lequel il va se jeter s’obli- 
tère, il ne paraît pas douteux qu'il ne partage le même sort. 
On pourrait supposer que la veinule continuant par ses anasto- 
moses à recevoir du sang même quand l’ombilicale est obli- 
térée deviendra le point de départ du réseau centro-ombilical 
que nous avons décrit; ce qui nous empêche d’aceepter cette 
hypothèse c’est que nous avons vu ce dernier se former pour 
ainsi dire de toutes pièces au centre de la veine devenue imper- 
méable. 

Quoiqu'il en soit de ce point, nous avons voulu surtout attirer 
l'attention sur une disposition anatomique transitoire chez les 
vertébrés supérieurs, permanente au contraire chez les reptiles 
et les amphibiens et qui peut servir à expliquer certaines ano- 
malies signalées chez l’homme. 

Rappelons en effet que chez les amphibiens on trouve une 
veine, la veine abdominale antérieure que tous ses caractères 
rapprochent de la veine ombilicale; elle reçoit les vaisseaux de 
la vessie urinaire, c’est-à-dire d’un organe qui au point de vue 


(1) Sur ce dessin ou voit petit tronc qui des veines épigastriques se porte à l'ombi- 
licale, mais qui de plus reçoit un petit vaisseau parcourant toute la ligne blanche et 
provenant du plexus vésical : c’est déjà là une anomalie qui se rapproche de celle 
que nous aurons à citer plus loin. 


SUR LA VEINE OMBILICALE. 13 


morphologique est l’analogue de la vésicule allantoïde, et elle se 
compose également à l’origine de deux branches dont la droite 
s’atrophie (Balfour). Or chez l'adulte elle s’unit en avant aux 
vaisseaux du foie et en arrière aux veines iliaques, de sorte 
qu'elle établit ainsi une communication entre le système porte 
hépatique et le système veineux général. 

Chez les reptiles apparaissent les veines allantoïdiennes pro- 
prement dites; l’une d'elles, quelquefois toutes les deux (Ge- 
genbaur), persistent chez l'animal adulte, au moins dans leur 
extrémité terminale qui se résout en capillaires dans le foie ; 
c'est alors la veine allantoïdienne qui reçoit les veines abdomi- 
nales ou épigastriques et par l'intermédiaire de ces derniers, 
unit le système porte aux vaisseaux cruraux. 

Ce qui distingue sous ce rapport le système veineux des ani- 
maux supérieurs, c'est que chez eux, comme nous l’avons éta- 
bli en particulier pour l’homme dans la première partie de ce 
travail, le rôle des veines allantoïdiennes est terminé à la nais- 
sance; de plus, le réseau vasculaire qui de la paroi abdominale 
va se jeter dans cette veine, disparaît également en totalité soit 
déjà pendant la vie intra-utérine, soit chez le nouveau-né au 
moment de l’oblitération de la de la veine ombilicale; c’est ainsi 
que chez l'adulte le système porte se sépare à peu près complè- 
tement du système veineux général (1). 

Cependant il est bon de faire remarquer au point de vue de la 
phyllogénie, que les veines abdominales des batraciens et des 
reptiles sont encore représentées chez les amniotes supérieurs 
par cet ensemble de petits vaisseaux afférant à la veine allantoï- 
dienne si richement développé dans la première période de la vie 
embryonnaire, et signalé chez l'homme et les mammifères par 
Coste et Rathke, chez le poulet par Balfour, et surtout il ne faut 
pas oublier qu’on peut encore retrouver quelques débris de ce 
réscau chez l'enfant nouveau-né. 

Ces notions d'embryogénie vont nous donner la clef de di- 
vcrses anomalies signalées par les auteurs, surtout par les pa- 


(1) L’isolement est encore plus complet chez les mammifères que chez les oiseaux ; 
chez ceux-ci il nxiste en effet une branche anastomotique considérable entre la veine 
hypogastrique et caudale et la veine porte, et appelée la veine coccygéo-mésentérique; 
elle a son analogie chez l'homme dans l’anastomose très réduite, établie par les hé- 
morrhoïdales au niveau de l'anus. 


1 E. WERTHEIMER. — RECIERCHES 


thologistes. Supposons en effet que contrairement à la règle, les 
anastomoses établies entre la veine ombilicale et Les veines ab- 
dominales se maintiennent encore très nombreuses au moment 
de la naissance, la circulation continuera dans tout le système 
et le tronc de l’ombilicale lui-même pourra exceptionnellement 
rester perméable. Les principaux faits de ce genre ont été re- 
cueillis par Robin, W. Krause, et par nous-même dans notre 
thèse d’agrégation. 

Résumone-les en quelques mots : le cas le plus curieux est 
celui de Monro qui aurait vu une veine ombilicale large d’un 
doigt à son embouchure dans la veine porte, se diviser en deux 
branches qui avaient chacune les dimensions d’une veine ombi- 
licale de nouveau-né et qui se dirigeait vers l’ombilic pour s’unir 
par l'intermédiaire des veines épigastriques aux veines iliaques 
droite et gauche. Ce serait la persistance d’un état tout à fait 
primitif, du stade où les deux veines allantoïdiennes existent 
encore. 

Le plus ordinairement c’est une veine ombilicale unique, 
restée perméable qui se comporte ainsi, c’est-à-dire qu'au ni- 
veau de l’anneau ombilical, elle s’anastomose avec les branches 
dilatées de l’épigastrique (Krause, Cruveilhier) ou même avec les 
veines sous-cutanées (Pégot). 

Quelquefois enfin l’anomalie se présente sous un aspect plus 
particulier, la veine ombilicale perméable dans toute son éten- 
due (Ménière, Klob) ou dans son tierssupérieur seulement (Manec) 
se continue auec une grosse veine du volume de l’index qui en 
définitive aboutit soit à la veine iliaque droite (Minière, Manec), 
soit à la veine iliaque gauche (Klob). 

Dans tous ces cas, la veine ombilicale a été exceptionnellement 
utilisée dans sa portion intra-abdominale pour faire communi- 
quer la veine porte avec le système veineux général, grâce au 
réseau vasculaire de la paroi ventrale qui s’est lui-même dé- 
veloppé avec les progrès de l’âge, et cette anomalie qui trouve 
son explication dans les données embryologiques, rappelle ainsi 
chez l'homme une disposition normale et constante chez les ver- 
tébrés inférieurs. Ce rapprochement n’a pas échappé à Burow, 
qui a comparé la veine qu’il a décrite au vaisseau des batra- 
ciens désigné par Carus sous le nom de veine abdominale anté- 
rieure, ni à Ménière qui a rappelé l’analogie de la veine qu'il a 


SUR LA VEINE OMBILICALE. 15 


rencontrée avec la veine épigastrique des reptiles signalée par 
Jacobson. 

Dans les faits de ce genre, il sera bon de s’assurer à l’avenir 
par l’examen microscopique de ce qu'est devenue la veine om- 
bilicale elle-même; quelques-uns d’entre eux ne sont pas ac- 
compagnés de détails suffisants pour entraîner la conviction, 
peut-être a-t-on eu à faire quelquefois à la dilatation d’une veine 
porte accessoire, telle qu'elle s’est présentée dans les cinq cas 
de cirrhose étudiés par M. Sappey. Cependant la persistance d'un 
élat fœtal n’a rien qui doive nous surprendre, et la perméabilité 
de la veine ombilicale doit pouvoir se rencontrer exceptionnel- 
lement, de même qu'on retrouve encore quelquefois chez l'adulte 
d’autres veines qui, normalement n’ont qu'une durée éphémère 
et limitée à certaines périodes de la vie intra-utérine. 

Mais si nous l’admettons sur la foi des auteurs, ce n’est 
d’après nos observations qu’à titre de très rare anomalie. Nous 
pouvons même nous rendre compte jusqu’à un certain point de 
la rareté des faits de ce genre : car nous venons de voir que 
dans les conditions habituelles, les vaisseaux anastomotiques 
qui peuvent seuls, après la naissance entretenir la circulation 
dans la veine ombilicale et en maintenir ainsi la perméabilité 
sont réduits à des vestiges insignifiants dont l’existence même 
est loin d’être constante, et dont la lumière disparaît bientôt avec 
celle du tronc d'origine. 


CONCLUSIONS. 


1° La présence d'un canal plein de sang au centre de la veine 
ombilicale de l'adulte est incontestable, bien que le fait ne soit 
pas constant; 

2 Il n’en est pas moins vrai que la veine omblicale s’est obli- 
térée peu après la naissance, et l’orifice qu'on y rencontre ap- 
partient à une veinule de nouvelle formation ; 

3° En effet, le centre de la veine est obturé par un bouchon 
lumineux qui se vascularise après l’oblitération ; 

4° L'une des veinules nouvellement formées se place exacte- 
ment au centre du cordon veineux, offre ordinairement chez 
l'adulte un diamètre de £ à À de millimètre, et simule dans 
cette situation la lumière de la veine ombilicale primitive; 


16 E. WERTIEIMER. — RECHERCHES 


5° Tout le réseau vasculaire qui s’est développé après l’obli- 
tération forme un petit groupe de veinules portes accessoires 
dont le petit vaisseau central représente la voie efférente; 
celui-ci va se jeter dans la branche gauche de la veine porte 
soit directement, soit par l'intermédiaire du bout resté per- 
méable de l’ancienne veine ombilicale ; 

6° Cette veinule centrale qui se dilate dans les cas d’obstruc- 
tion de la veine porte, peut être désignée sous le nom de veine 
centro-ombilicale par opposition à celle qu’on appelle quelque- 
fois la veine adombilicale et qui a été prise également avant 
M. Sappey pour la veine ombilicale elle-même; 

7° Chez le nouveau-né le riche réseau vasculaire qui, chez 
l'embryon se portait de la paroi abdominale au tronc de la veine 
ombilicale, ou bien a totalement disparu, ou bien n’est plus 
représenté d'ordinaire que par un vaisseau unique : néanmoins 
la persistance de ces restes, homologues des veines abdominales 
des batraciens et des reptiles, peut expliquer certaines anomalies 
observées chez l’homme. 


EXPLICATION DES PLANCBES I Er II. 


Sur nos deux planches toutes les figures, sauf la figure 9, repré- 
sentent des coupes transversales du cordon de la veine ombilicale, 
totales ou partielles dans lesquelles : 

», indique la veinule centrale; 

b, le bouchon lamineux où elle est plongée; 

a, l'anneau musculo-élastique qui circonscrit cc dernier et qui ré- 
pond à l’ancienne tunique sous-endothéliale de la veine ombilicale 
du nouveau-né. 

Les détails relatifs à la structure de toute la portion du cordon si- 
tuée en dehors de cet anneau ont été omis. 

Fi. 1. — Adulte (supplicié) de 19 ans. Coupe faite à 9 centimètres du 
bout hépatique du cordon veineux. Gr. *. 

Fic. 2. — Centre de la coupe précédente au gr. **, la veinule cen- 
trale v est complètement isolée de l’anneau a par la couche de tissu 
lamineux 0. 

Fi. 3. — Enfant de 5 mois. Coupe faite au milieu de la longueur du 
cordon à 2 centimètres du bout hépatique : pas d'orifice central. 
Gr. =, 

Fi. 4. — Le même cordon veineux que dans la figure 3, mais la coupe 
a été faite au niveau de son moignon périphérique, à 4 centimètres 
du bout hépatique : au centre du bouchon b, on voit une veinule vers 
laquelle rayonnent de nombreuses ramifications. On remarque aussi 


SUR LA VEINE OMBILICALÉ. 17 


l’aspect hyalin de l’anneau a, qui est exclusivement élastique au con- 
tact immédiat du bouchon central. Gr. ®. 

Fi. 5 — Portion centrale du cordon veineux d’un sujet de 19 ans, 
mort de cirrhose: la figure représente un point (9 cent. du foie) où 
il existait 2 vaisseaux centraux vv; à peu près d’égale dimension : 

v'v’ orifices de veinules plus petites qui viennent s’aboucher dans 
ces derniers : les fibres musculaires s’avancent ici jusqu’au voisi- 
nage immédiat des veines centrales. 

Fig. 6. — Enfant de 8 mois. Coupe faite au milieu de la longueur du 
cordon veineux. Gr. ®. 

Fic. 7. — Enfant de 19 mois. Coupe faite au milieu de la longueur du 
cordon : vv, à vaisseaux centraux encore remplis de mercure, vv 
veinules de l’ancienne tunique adventice également injectées. Gr. ?°. 

Fi. 8. — Portion centrale du cordon veineux d’un sujet de 40 ans 
mort de cirrhose, coupe faite à 6 centimètres du bout hépatique, 

_v, veine centrale et autour d'elle v’v orifices de petits vaisseaux 
qui vont s’y ouvrir : comme dans la figure 5, les fibres musculaires 
ont envahi le tissu lamineux central. Gr. =. 

Fi. 9. — Lambeau de paroi abdominale sur laquelle on voit : 

aa, les artères ombilicales; 
vo, la veine ombilicale; 
va, un vaisseau anastomotique qui se subdivise au niveau de l’an- 


neau ombilical pour s’unir à deux ramifications e de la veine épigas- 
 trique. A! tee 


JOURN. DE L'ANAT. ETSDE LA PHVSIOL, — y xx11 (1SE6). 2 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


SUR 


L'ACTION PHYSIOLOGIQUE DU TANGUIN DE MADAGASCAR 


Par Ch.-E. QUINQUAUD 


Dans ce travail, nous avons voulu mettre en évidence certains 
symptômes déterminés par l'extrait de Tanguin, et étudier sa 
manière d'agir sur l'organisme vivant. 

Qu'il me soit permis tout d’abord de remercier M. Joannes 
Chatin qui a bien voulu me fournir des fruits de Tanguin. 

Les tentatives detoxicologieexpérimentale sur ce poison ne sont 
pas bien nombreuses. 

Henry et Ollivier le rangent parmi les narcotico-âcres (sur le 
Tanguin, Journal de Pharmacie, t. X, p. 49, 1824). 

Virey (Journal de Pharmacie, 1822), donne sur le Tanguin les 
renseignements suivants : 

« On emploie le fruit comme épreuve judiciaire sur des indi- 
vidus accusés de crimes non prouvés. Si la mort est la suite de 
l’ingestion, on en conclut que l'accusé était coupable; s’il par- 
vient à en rejeter la plus grande partie, 1l peut échapper à la 
mort et on le tient alors pour justifié de tout. » 

Le breuvage est un liquide aromatique (suc de feuilles de lon- 
gouse ou grand Cardemone de Madagascar) dans lequel on met 
la semence râpée du Tanguin. Cette substance sert d’instrument 
à la justice, d’autres fois elle devient l'arme du crime. 

Les noirs, esclaves madécasses à Maurice, parviennent facile- 
ment à se procurer du Tanguin, par le moyen d'autres noirs, de 
même caste, employés comme matelots sur les navires qui font 
le voyage de cette colonie à Madagascar, et les exemples d'em- 
poisonnement, tant à Maurice qu’à l'île Bourbon, sont malheu- 
reusement très fréquents ; jusqu’à présent aucune victime, à qui 
ce poison a été administré, n’a échappé. 

C’est l’amande du fruit que les Madécasses emploient pour 
donner la mort. L'analyse faite par Henry fils, pharmacien aide 
à la Pharmacie centrale des Hôpitaux, dit que l’amande seule de 

| te 


£. OUINQUAUD. —— ACTION FHYSIOLOGIQUE DU TANGUIN, ETC. 19 


ce fruit contient le principe actif, que cette matière cristallisée 
paraît surtout posséder les propriétés délétères de ce végétal, et 
que la matière brune a moins d’action sur l'économie animale, 
mais n’en est pas privée entièrement. 

Cette substance cristallisée, dit-il, appliquée sur la langue en 
très petite quantité produit d’abord une saveur amère, à laquelle 
succède au bout de quelques instants une chaleur considérable 
et une sorte de constriction de l’arrière-bouche, assez analogue 
à la constriction que cause la racine de pyrèthre. En ayant mis 
sur la langue, j'éprouvais, dit-il, dans la bouche et dans l’arrière- 
bouche, un engourdissement qui persista deux heures et qui 
anéantit pendant deux heures la sensibilité de l'organe du goût. 

Chez des animaux, Ollivier a déterminé des accidents très 
graves suivis de mort. » 

Kolliker et Pélican (Some Remarks on the physiological action 
of the Tanghinia venenifera (Proced of the Royal Society, 1858, 
t.IX, p.173), reprirent la question. Ils opérèrent sur des feuilles 
et des rameaux desséchés qui leur avaient été donnés par le 
comte Seyderitz de Mecklembourg et reconnurent l’action sur 
les muscles et sur les nerfs. 

En 1873, M. Joannès Chatin, dans une très bonne thèse, fit 
connaître ses recherches pour servir à l’histoire botanique, chi- 
mique et physiologique du Tanguin de Madagascar. 

Il rapporte deux expériences d’Ollivier faites sur le cochon 
d'Inde: dans la première, l’expérimentateur introduisit dans 
l'estomac un centigramme de matière blanche cristalline dis- 
soute dans l'alcool très faible; la mort survint au bout de sept 
heures sans donner lieu au narcotisme, mais en déterminant des 
symptômes d'irritation. La même dose introduite dans le tissu 
cellulaire sous-cutané d’un lapin ne produisit aucun effet. 

Dans une seconde expérience, Ollivier introduisit dans l'esto- 
mac d'un cobage 0,15 gr. de tanguine (matière brune), dissoute 
dans l’eau; 5 minutes après assoupissement, l’animal dormait 
debout. 

Ollivier conclut que les propriétés toxiques étaient dues à la 
matière blanche cristallisée et que le narcotisme était produit par 
la tanguine. 

Ces expérences trop peu nd sont bien incomplètes ct 
peu démonstratives. 


A 14 £. QUINQUAUD. — ACTION PHYSIOLOGIQUE 


Pour M:J, Chatin (p.39). le Tanguintue-en arrêtant les mou- 
vements du cœur et en détruisant l’irritabilité musculaire. Plus 
loin, p. 49, il ajoute : « Le Tanguin produitles mêmes effets lors- 
qu’on le place sous la peau ou lorsqu'on l’introduit dans le tube 
digestif; l’absorption agit seulement moins vite dans ce dernier 
cas. La mort est amenée par la paralysie du cœur. » 

Enfin l’auteur (p. 44) cite parmi les principaux symptômes de 
l’'empoisonnement : 4° la dyspnée considérable, 2° l'inquiétude, 
3° l’état nauséeux, les vomissements, 4° l’affaiblissement pro- 
gressif, 5° l’absence de convulsions et de cris. 

Nos expériences confirment un certain nombre des faits rela- 
tés par nos éminents prédécesseurs, elles en rectifient plusieurs 
et en font connaître de nouveaux. Nous étudierons spécialement 
les faits contradictoires et les faits nouveaux. 

La préparation que nous avons employée dans nos recherches 
est l'extrait aqueux des amandes de Tanghinia venenifera; nous 
l'avons souvent mélangé avec l'extrait alcoolique non dissous 
dans l'alcool de telle sorte que la solution aqueuse était impar- 
faite, ce qui explique les doses un peu fortes notées dans notre 
travail : nons avons voulu avant tout ne pas introduire d'alcool 
dans l’organisme des animaux mis en expérience. 


1. — ÉVOLUTION CHRONOLOGIQUE DES DIVERS SYMPTOMES. 
PREMIÈRE PÉRIODE (Phénomènes du début). 


Parmi les nombreuses préoccupations d’un physiologiste étu- 
diant un agent toxique, il en est plusieurs qui doivent être tou- 
jours présentes à son esprit : 1l faut varier les doses et noter avec 
grand soin les effets produits suivant la quantité donnée; de 
plus, il est indispensable de suivre l’évolution des symptômes, 
c'est-à-dire noter le rapport des signes dans le temps à partir du 
début jusqu à la fin de l’empoisonnement; on doit également 
être tout à fait familiarisé avec l’organisation anatomique et phy- 
siologique de l’animal sur lequel on expérimente. Ce sont là des 
considérations élémentaires dont l'oubli a Coprs pr d'une 
fois conduit à l'erreur. 

Quand on intoxique l’animal avec des doses re Tanguin 
moyennes, mais surtout faibles, on provoque de l'excitation 
dont la durée est variable comme on peut le voir dans les expé- 
ricnces suivantes, 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 21 


ExPéRIENCE |. — Injection sous-cutanée de 0,12‘ de Tanguin. — Agita- 
tion pendant un quart-d’heure environ. — Abolition des mouvements volon- 
taires une demi-heure après le début, arrêt de la respiration une heure après, 
perte de l'irritabilité neuro-musculaire. 

A 1125, on injecte sous la peau du dos d’une grenouille 0,12°5 de Tanguin. 
Pendant un quart-d’heure elle s’agite beaucoup, les battements du cœur de- 
viennent plus fréquents; 25 minutes après, elle reste immobile si on l’excite; 
ses pattes postérieures étendues ne se fléchissent plus, la tête soulevée au- 
dessus du plan de la table et abandonnée à elle-même retombe : à ce moment 
les muscles sont le sièse de quelques contractions. Une demi-heure après 
l'injection, les mouvements respiratoires sont abolis; placée sur le dos, la gre- 
nouille ne se relève plus; 50 minutes après, le cœur se contracte encore fai- 
blement, le nerf n’est plus excitable, le muscle l’est encore (phénomène cura- 
rique). Une heure après, ni les nerfs, ni les muscles ne sont excitables (le phé- 
nomène curarique à disparu). 


Chez cette grenouille, l’un des premiers effets de l'injection du 
Tanguin a été de provoquer de l’excitation avec accélération des 
battements cardiaques, puis on a noté l'arrêt de la respiration 
et l’affaiblissement cardiaque enfin la perte de lirritabilité 
neuro-musculaire, lirritabilité de nerf cessant un peu avant celle 
du muscle, mais ce sont là des phénomènes lents à se produire. 


ExPÉRIENCE II. — Injection sous-cutanée de 0,125 de Tanguin. — Au dé- 
but accélération des mouvements respiratoires, puis arrêt de la respiration. — 
Phénomènes convulsifs toniques et cluniques. Arrêt du cœur. — Phénomène 
curarique tardif. 

Le 10 juin à 3 heures 32 m., on injecte sous la peau du dos d’une grosse 
grenouille 0,12c5 d'extrait de Tanguin; les 5 à 6 minutes qui suivent l’injec- 
tion, la respiration est régulière et accélérée, les battements cardiaques augmen- 
teut de fréquence. 15 minutes après, les mouvements abdominaux ont cessé. 
— Au même moment la grenouille est flasque et n’exécute plus de contrac- 
tions volontaires. 20 minutes après, en laissant tomber la grenouille sur la 
table, elle est prise de convulsions toniques et cloniques généralisées et vio- 
lentes, qui persistent pendant quelques minutes et sont suivies de résolution 
musculaire , d’ailleurs l’excitabilité neuro-musculuire est bien conservée. 25 
minutes après, le cœur est ralenti, presqu’arrêté. 39 minutes après le nerf n’est 
plus excitable, le muscle l'est encore : c'est là le phénomène curær'ique secon- 
daire et tardif. 


Le Tanguin porte donc son action sur la respiration et sur la 
circulation, les mouvements respiratoires cessant avant les batte- 
ments du cœur. Le phénomène curarique, c’est-à-dire la perte 
de l'irritabilité du nerf avant celle du muscle, est un symptôme 
secondaire et accessoire. 


22 E. QUINQUAUD. — ACTION PIIYSIOLOGIQUE 


L'accélération et souvent une plus grande amplitude gra- 
phique des mouvements respiratoires s’observent très nettement 
chez le rat et chez le chien avec des doses faibles. Ces deux phé- 
nomènes peuvent être dissociés ; l'accélération peut coïncider 
avec la diminution, l'égalité ou l'augmentation de l'amplitude, 
l'accroissement de l'amplitude peut exister seule avec égalité de 
fréquence. 

Voici des expériences qui prouvent la réalité de ces faits : 


EXPÉRIENCE II. — Injection sous-cutanée de 0,25 8 de Tanguin à un rat blanc. 
— Symptômes prédominants : affaiblissements des mouvements volontaires. 
— Accélération de la respiration pendant toute la durée de l’intoxication. — 
Phénomènes convulsifs. — Survie de l’animal. 

De 2 heures 45 m. à 3 h. 25 m., on injecte sous la peau d’un rat blanc 
0,250 d'extrait de Tanguin. 40 ininutes après l’animal se contracte avec moins 
de vigueur ; il reste là où on le dépose en agitant la tête; la respiration s’est 
accélérée. Une heure après la respiration est très accélérée. 80 R. par minute ; 
une heure et quart après, frissonnements convulsifs revenant par accès ; excité 
le rat exécute quelques mouvements, puis reste immobile. Une heure 20 après 
sous nos yeux, l'animal tombe sur le côté, en proie à des convulsions cloni- 
ques, qui persistent pendant une heure 45. 

Dans la soirée, les convulsions cessent puis reparaissent pendant deux jours. 
L'animal revient ensuite à l’état physiologique. 


Au début nous voyons encore la respiration augmenter de 
fréquence; bientôt éclatent les phénomènes convulsifs d’une 
grande intensité, néanmoins la guérison est survenue. 


ExPÉRIENCE IV, — Injection sous-cutanée d'extrait de Tanguin. — Tracé 
poenmographique de la respiration. — Analyse des gaz du sang. — Dosage de 
Co? de la respiration. — Pression artérielle. 

Le 2 juillet, on intoxique un chien de 14K,500. Sa pression artérielle normale 
est de 45 centim. 7 millim. 

Gaz du sang. — 20° de sang artériel donnent 8ce,3 Co? et 4ce,7 ox. Co? exhalé 
par les poumons : — 25 litres d'air expirés en # contiennent 1:",10 Co?. Pouls 
60. Resp. 14. 

A 10 heures 45 m. on fait une injection sous-cutanéede 18r,50 d'extrait de 
Tanguin en solution aqueuse au 1/5. 

95 minutes après, P. 64, R. 20. La pression artérielle est augmentée, elle 
est de 18 centim. 3 millim. 

30 minutes après, gaz contenus dans 20° de sang, 6°°,7 Co?; 4°°,7 ox. Co? 
exhalé, 25 litres d’air expirés en 4 minutes 35 secondes donnent 05,87 Co?. 

Au début le graphique de la respiration acquiert plus d'amplitude, et la pres- 
sion artérielle est augmentée. 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 23 


L'animal succombe vers midi. 


Fi. 1, — A. Tracé pneumographique normal pris au niveau de la région 
moyenne du thorax avant l'injection. 


Fic. 2. — B. Tracé pneumographique sept minutes après l'injection d'extrait 
de Tanguin. 

En comparant ces deux tracés, on voit que l’amplitude des mouvements res- 
piratoires s’est accrue, bien que le degré de fréquence reste le même. 


Chez le chien la première phase est plus mouvementée, la res- 
piration s’accélère, devient bruyante, le sympathique est excité, 
on note des nausées parfois excessives, des vomissements, de la 
diarrhée, voir même du tenesme rectal ; les mouvements volon- 
taires s’affaiblissent, le chien s’affaisse, se relève, titube et finit 
par ne plus pouvoir se tenir debout. 

Voici une expérience qui montre tous ces symptômes : 


EXPÉRIENCE V DU 2 Jui. — Accélération de la respiration. — Nausées, 
vomissements. — Tenesme rectal. — Affaiblissement musculaire. — Convul- 
sions tétaniques. — Mort. 

À 4 heures 50 m., on injecte 15°,40 d'extrait de Tanguin sous la peau d’un 
chien pesant 8k,900 : on laisse l’animal en tiberté. 14 minutes après l’injec- 
tion, excrétion de matières fécales. 15 minutes après, nausées et vomisse- 
ments alimentaires. 18 minutes après, l’animal se tient debout, haletant. 
19 minutes après, marche assez bien. 20 minutes après, vomissement. 22 mi- 
nutes après, défécation, diarrhée, un peu de ténesmé rectal. 25 minutes après, 
la respiration est difficile. 100 inspirations par minute, le tenesme continue. 


24 E. QUINQUAUD. — ACTION PHYSIOLOGIQUE 


30 minutes après, respiration forte, bruyante. 34 inspirations, l’animal se 
couche sur les côtés. 33 minutes après, le chien se tient debout, a des vo- 
missements muqueux. 37 minutes après, il oscille sur ses pattes, se couche 
volontiers sur le train postérieur, plaintes, respiration difficile. 38 minutes 
après, décubitus latéral, nausées, titubation. 40 minutes après, se tient à 
peine debout, retombe immédiatement couché. 41 minutes après, convulsions 
légères dans les pattes antérieures, nausées. 42 minutes après, le chien est 
chancelant, retombe latéralement, s’agite, puis retombe; il éprouve des sortes 
d’accès d’agitation, pupilles petites, procidence de la muqueuse rectale. 47 mi- 
nutes après, TR.39°6-R-20. 49 minutes après, ne peut plus se tenir sur ses 
À pattes, nausées, convulsions et roideur tétanique. Mort 92 minutes après le 
début de l'intoxication. 


La durée de cette période est d'autant plus courte que la quan- 
tité de poison injectée a été plus forte. 


DEUXIÈME PÉRIODE. 


(Période convulsive et de résolution musculaire.) 
Action sur l'irrilabilité neuro-musculaire. 


‘a. À mesure que l’intoxication s’accentue on constate que le 
Tanguin porte primitivement son action sur le système neuro- 
mn re l'animal s’affaisse, tombe dans une sorte de résolution 
des muscles, les mouvements volontaires diminuent ou cessent. 
Ce fait est tres évident chez les batraciens. 


EXPÉRIENCE VI. — A 5 heures 24 m., on injecte cinq .centigrammes d’ex- 
trait de Tanguin sous la peau du dos d’une grenouille très vivace. 3 minutes 
après, elle est très agile et exécute des mouvements volontaires. 9 minutes 
après, la tête au lieu de rester élevée au-dessus du plan de la table, s’affaisse 
et tombe; l’animal reste inerte, les pattes postérieures étendues gardent cette 
situation; le choc des membres postérieurs sur la table leur fait éprouver 
quelques contractions fibrillaires, l’irritabilité neuro-musculaire est intacte. 
A1 minutes après, la grenouille renversée sur le dos ne peut plus se retourner 
sur l'abdomen, les mouvements respiratoires ont cessé. 42 minutes après, si 
l'on pince les pattes antérieures, on voit survenir des mouvements reflexes, 
mêmes violents dans les pattes postérieures. 45 minutes après, les membres 
excités deviennent le siège de petites secousses convulsives qui sont très nettes 
24 minutes après le début. 41 minutes après, le nerf n’est plus excitable, le 
muscle l’est à peine, les battements du cœur ont cessé. 


Dans ce cas, il est bien évident que le Tanguin agit d’abord 
sur le système neuro-moteur en produisant une diminution, 
presqu’une cessation des mouvements volontaires, sans altérer 
l’irritabilité neuro-musculaire; l’exagération de la réflectivité, 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR: 20 


qui peut aller jusqu'aux convulsions, plaide encore en faveur de 
l’action sur les centres; bientôt la respiration cesse, à ce mo- 
ment les nerfs et les muscles sont encore excitables. Ce n'est 
que 40 minutes après le début de l’injection que l'irritabilité 
nerveuse s’est éteinte un peu avant l’irritabilité musculaire. 
Voici une autre expérience qui démontre le même fait : 


7 ExpéRiENCE VIE. — À 3 heures 26 m., injection de six centigrammes de 
Tanguin sous la peau du dos d’une grenouille. 9 minutes après, elle se débat 
retire ses pattes quand on les étend; les mouvements respiratoires sont con- 
servés. 14 minutes après, les mouvements des flancs et de l'appareil hyoïdien 
ont diminué d'intensité. 147 minutes après, on aperçoit des mouvements spas- 
modiques fibrillaires dans les muscles latéraux du tronc. 19 minutes après, 
début d’affaissement, les pattes postérieures restent traînantes quand on les 
étend. 21 minutes après, aflaiblissement, la grenouille est flasque; néanmoins 
quand on lui pique une patte, elle exécute des mouvements très nets; l’excita- 
Dbilité neuro-musculaire est conservée. 35 minutes après, la respiration cesse, 
le nerf étant encore excitable. 49 minutes après, l'excitabilité du nerf a dis- 
‘paru, tandis que celle du muscle persiste encore. 55 minutes après, le cœur 
se contracte, mais très faiblement. 


- ci encore nous voyons diminuer, puis cesser les mouvements 
respiratoires et les mouvements volontaires ce phénomène s'ac- 
compagne de flaccidité des membres ; à ce moment, la résolu- 
tion musculaire étant très forte, l’excitabäité neuro-musculaire 
est très nette; enfin, 49 minutes après l’injection, le nerf a perdu 
son excitabilité tandis que le muscle l'a conservée. C'est 1à un 
phénomène curarique secondaire que l’on observe souvent en 
toxicologie. | : 
Nous venons de constater qu'à une première phase d’ excita- 
tion, succède une deuxième phase de résolution musculaire, qui 
peut être marquée par des phénomènes spasmodiques. A l'ex- 
citation du début succède chez les batraciens un état particu- 
lier avec flaccidité musculaire coïncidant avec une exagération 
de laéflectivité bulbo-spinale. Ainsi, ce qui domine au milieu 
de la diminution et même de la cessation des mouvements vo- 
lontaires, ce sont les troubles d'hyperexcitabilité neuro-muscu- 
laire, se traduisant par des troubles épileptiformes ou tétani- 
formes suivant la dose de Tanguin ou suivant l’état des animaux. 
Les phénomènes convulsifs sont très apparents chez les batra- 
ciens, il suffit d’exciter l’animal en le laissant tomber sur las- 
siette qui le contient pour voir immédiatement se produire des 


26 E. QUINQUAUD. —- ACTION PHYSIOLOGIQUE 


convulsions plus ou moins intenses avec secousses : tantôt ce 
sont de simples trémulations qui cessent rapidement, tantôt ce 
sont des attaques, en général éphémères. Ces convulsions sont 
analogues à celles que provoque la strychnine; néanmoins les 
symptômes de l'empoisonnement par le Tanguin ne sont pas les 
mêmes que ceux de l’intoxication strychnique. 

Voici des expériences qui montrent l’état de flaccidité alter- 
nant avec des phénomènes convulsifs : 


EXPÉRIENCE VIII. — Sur une grenouille pesant 95 gr., injection de 0,08°s de 
Tanguin. — Sccousses convulsives. 

A 11 heures 16 m., on injecte sous la peau du dos, 0,08 d'extrait de 
Tanguin. A 41 h. 21 m., la respiration s’accélère, devient plus active. A 93 mi- 
nutes, le saut est un peu moins vif. À 26 minutes, les mouvements des mem- 
bres postérieurs sont plus lents. A 28 minutes, la respiration ne se fait 
presque plus : la grenouille, mise sur le dos, ne peut pas se relever, les 
membres postérieurs sont flasques. À 32 minutes, quand on laisse tomber 
l’animal, les membres postérieurs sont agités de petites secousses; le fait est 
très net à 41 h. 37 m. À 41 minutes, on ne détermine plus de mouvements. 
A 48 minutes, l'excitation du nerf sciatique provoque des contractions mus- 
culaires. À 51 minutes, le cœur bat plus lentement, plus faiblement, avec 
des arrêts. À 11 h. 54 minutes, cessation des battements cardiaques. 

EXPÉRIENCE IX. — Injection sous-cutanée de 0,128 d'extrait de Tanguin. — 
Convulsions épileptiformes. — Arrêt du cœur. 

A 3 heures 38 m., on injecte 0,12 de Tanguin sous la peau du dos d’une 
grenouille vigoureuse. Après 5 à 6 minutes, l’animal n’exécute plus de mou- 
vements volontaires et reste flasque. 12 minutes après, on voit apparaître des 
convulsions qui se produisent par accès très nets; dans l’intervalle on con- 
state de la résolution musculaire. Quelques minutes plus tard, le cœur s'ar- 
rêle en systole. 


Cette expérience prouve qu’en augmentant la dose, les con- 
vulsions deviennent très manifestes, et se montrent sous forme 
d'accès épileptiformes. On voit encore que l’arrêt du cœur sur- 
vient plus tôt si l'on donne des doses plus fortes. 


_ 

EXPÉRIENCE X. — Injection sous-cutanée de 0,258 d'extrait de Tanguin. — 
Exagération des reflexes huit minutes après le début de l’injéction. — Phé- 
nomènes épileptiformes. 

A 11 heures 42 m., on injecte à une grosse grenouille, 0,25°3 d'extrait 
mixte de Tanguin sous la peau de la patte postérieure droite. 8 minutes après, 
les reflexes commencent à s’exagérer. 14 minutes après, l’irritation de la peau 
provoque de légères convulsions. 43 minutes après, on voit éclater des con- 
vulsions cloniques et toniques, la contractibilité électro-musculaire est con- 
servée, Le cœur s'arrête 50 minutes après le début de l'injection. 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. et 


On remarque qu'avec une dose un peu forte les convulsions 
deviennent violentes. Ces doses, qui paraissent énormes, ne le 
sont cependant pas: en effet, cesextraits hydro-alcooliques, lais- 
sent des substances insolubles puisqu'ils sont seulement dilués 
dans l’eau afin d’éviter l'introduction d’alcool dans l'organisme, 


Force musculaire. 


b. Chez le chien et le cobaye, l'arrêt respiratoire est suivi de 
la cessation des battements du cœur. A cette phase, la force mus- 
culaire, évaluée à l’aide du dynamomètre, en excitant le nerf, est 
la même qu'avant l'intoxication; l'irritabilité des nerfs et des 
museles semble donc la même. Dans ces conditions, partant {a 
cause de la mort ne saurait dépendre de la perte de l'irritabi'ité 
neuro-musculaire. 

Voici des faits qui démontrent la persistance de la force mus- 
culaire au moment de la mort. 


ExPÉRIENCE XI. — Le 23 mai, à 9 heures 35 m., on sectionne le nerf scia- 
tique droit d’un chien pesant 12 kilogr. 200 : puis on mesure la puissance mus- 
culaire par la méthode que nous avons décrite pour la première fois dans no‘re 
travail fait en commun avec M. Gréhant, sur l’urée poison (Journal de l’Anato- 
mie et de la Physiologie, sept.-oct. 1884). En excitant le nerf, nous notons 
comme force musculaire : première excitation, 12 kil., deuxième, troisième, 
quatrième et cinquième, 41 kil. 

La force musculaire, en excitant le muscle seul, est de 4 kil. 1/2 à 2 kil., 
notons que l'évaluation de cette force était difficile à apprécier dans le cas pré- 
sent à cause des contractions volontaires qui se produisaient en même temps. 

A 9 heures 33 m., on injecte sous la peau 1 gr. 50 d'extrait de Tanguin, 
pendant quelques minutes le chien aboïe, puis il se calme, on note 42 mou- 
vements respiratoires par minute; 5 minutes après, la respiration est saccadée 
avec quelques rares secousses; 8 minutes après, les mouvements respiratoires 
sont descendus à 32 par minute, le tracé pneumographique fait voir qu'ils ont 
une. plus grande amplitude qu’à l’état normal; 44 minutes après, l'animal 
se calme, des nausées surviennent, la tête reste pendante en dehors de la 
gouttière, la respiraton subit des arrêts et cesse complètement 18 minutes après 
le début. On excite le sciatique droit et la force musculaire mesurée au dyna- 
nomètre donne pour la première excitation 9 kil. 4/2, pour la deuxième et la 
troisième 9 kil. | 

Six minutes après la cessation des mouvements respiratoires, on excite pour la 
première fois, le nerf sciatique gauche; la première excitation donne 7 kil.1/2; 
la deuxième 7 kil.; la troisième 6 kil.; la quatrième 5 kil.; la cinquième 3 kil. 
et huit minutes après l’arrêt respiratoire, l’excitation du nerf ne donne plus 
rien, tandis que l’excitation directe du muscle détermine encore des contrac- 
tions très nettes. 


28 E. QUINQUAUD. — ACTION PIYSIOLOGIQUE 


L'expérience qui suit est encore un exemple fort net de la con- 
servation de la puissance musculaire après l’intoxication par le 
Tanguin. 


EXPÉRIENCE XII. — À 9 heures 20, le 27 mai, on sectionne le nerf sciatique 
droit qui, excité, donne comme force musculaire 41 kil. 4/2 pour la première 
excitation, 11 pour la deuxième; 14 pour la troisième; 13 et 13 1/2 pour la 
quatrième et la cinquième, la température rectale est à ce moment de 38 de- 
grés 9. 

De 9 heures 30 à 10 heures 25 on injecte sous la peau 2 grammes d'extrait 
de Tanguin. 40 minutes après le début de l'injection, surviennent des vomis- 
sements abondants; 50 minutes après, nausées, diarrhée, cris violents; 55 mi- 
nutes après, l'animal est pris de convulsions toniques, il se roidit et meurt par 
arrêt respiratoire; à ce moment la température rectale est de 380,3. On excite 
iuninédiatement le nerf sciatique gauche non sectionné; la première excitation 
donne 43 kil., la deuxième et la troisième 41 et 11 1/2, la quatrième jusqu’à 
la septième 10 kil.; 16 minutes après la mort, l'excitation du nerf donne 6 kil.; 
48 minutes après 4 kil.; 20 minutes après rien; le muscle se contracte encore 
sous l'influence du courant. 


TROISIÈME PÉRIODE (période paralytique). 


Bientôt les reflexes et les convulsions diminuent d'intensité, 
le batracien est paralysé, inerte et flasque. Si, à ce moment, on 
excite le nerf, le muscle se contracte vigoureusement; on peut 
done conclure que la paralysie n’est pas le résultat de la perte de 
l’excitabilité neuro -musculaire. Voici une expérience qui le 
prouve nettement : 


EXPÉRIENCE XIII. — Le 2 septembre, à à heures 30, on injecte 0,20 cs de 
Tauguin sous la peau d’une petite grenouille assez vivace, 3 minutes après, lé- 
“ère hyperexcitabilité. 8 minutes après, la grenouille est très agile. 10 minutes 
après, elle devient plus calme, renversée sur le dos, elle ne peut se retourner. 
12 nunutes après la tête s'appuie sur l'assiette qui la contient; en même temps 
un voit une légère incurvation de la colonne vertébrale. 

13 minutes après, elle reste immobile, quand on la laisse tomber sur l' as- 
sietle qui la contient, on voit quelques contractions fibrillaires ; étaut sur Le dos 
une petite attaque convulsive se manifeste. 47 minutes après, attaque épilep- 
tiforme. 18 minutes après, les convulsions diminuent d’intensité. 20 minutes 
après, légères secousses. 24 minutes après, paralysie musculaire avec flacci- 
dité extrême : aucune contraction fibrillaire lorsque la grenouille retombe sur 
l'assiette. 27 minutes après le cœur s’arrête en systole. 

A ce inoment de flaccidité extrême, l'irritation mécanique et électrique du 
nerf sciatique mis à nu, provoque des contractions musculaires des plus nettes. 


L'expérience suivante nous montre qu’à la suite de la phase 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 29 


convulsive, qu’à la suite de la perte des reflexes et des mou- 
vements, c'est-à-dire à la période paralytique, le cœur, bien 
qu'affaibli, se contracte encore. 


ExPÉRIENCE XIV DU © SEPTEMBRE. 


A 3 heures 51 m., on injecte sous la peau du dos d’une grenouille, pesant 
16 grammes, six centigrammes de Tanguin. 

A 4 heures elle est moins active. A 4 h. 2, renversée sur le dos, elle ne peut 
plus se retourner. À 4 h. 6, la tête repose sur l'assiette, affaissement. À 4h. 6, 
arrêt respiratoire. À 4 h. 45, convulsions épileptiformes. A 4 h. 25, petites 
secousses convulsives dans les membres postérieurs. À 4 h. 27, on provoque 
les reflexes en pinçant les pattes, flaccidité complète, les phénomènes con vul- 
sifs ont disparu. À 4 h. 29, en laissant tomber la grenouillle sur l’assiette on 
ne provoque plus aucun mouvement. 4 h. 32 m., à cette période de flaccidité 
absolue, consécutive à la phase convulsive, le cœur bat encore. A 4 h. 50, les 
battements cardiaques persistent, mais ils sont rares. 


Les contractions des muscles de la vie de relation ont cessé 
avant les battements du cœur. 

Tout à fait vers la fin de l’intoxication, on voit apparaître la 
perte de l’irritabilité neuro-musculaire, la cessation de l'irrita- 
bilité du nerf survient un peu avant celle de l’irritabilité du 
muscle ; mais cette dernière s'éteint bien vite : c’est un phéno- 
mène curarique ultime, accessoire et éphémère. 


ExPÉRIENCE XV. — À 3 heures 40, on injecte sous la peau du dos d’une 
grosse grenouille 0,15€ d'extrait de Tanguin. 50 minutes après, le cœur bat 
encore, les mouvements volontaires ont cessé et la contractilité électrique a 
beaucoup diminué de force. 4 h. 40 m. après, les contractions cardiaques exis- 
tent mais sont faibles. 4 h. 20 après, l’excitabilité des nerfs est éteinte, même 
celle des nerfs qu’on excite pour la première fois, 4 h. 30 après, le cœur bat 
faiblement. { h. 41 m. après, les muscles et les nerfs, mis à découvert, ne sont 
plus excitables sous l’influence d’un courant de moyenne intensité. 4 h. 45 m. 
après, avec un fort courant, le nerf n’est plus excitable tandis que le muscle 
se contracte encore. C’est là un phénomène curarique secondaire, accessoire. 
À h. 50 m. après, le cœur bat encore faiblement jusqu’à 2 h. 20 m. après le 
début de l'injection. 


Cette perte de l’excitabilité neuro-musculaire n’est point due 
à l’affaiblissement du cœur, ni à la cessation de la circulation gé- 
nérale; car, après la ligature du cœur, l’excitabilité persiste pen- 
dant plusieurs heures, tandis que dans l’'empoisonnement parle 
Tanguin, la perte est précoce. Voici des expériences qui le prou- 
vent. 


30 £. QUINQUAUD. —— ACTION PHYSIOLOGIQUE 


ExPÉRIENCE X VI. — Ligature des vaisseaux à Ja base du cœur. — Conserva- 
tion de l’irritabilité ncuro-musculaire plusieurs heures après la ligature. 

A 3 heures 51, sur une grenouille, on lie les gros vaisseaux à la base du 
cœur. On voit, à l’aide du microscope, que le courant sanguin persiste une 
ou deux minutes puis s'arrête. La grenouille détachée à 4 heures exécute des 
sauts, comme à l’état normal. Les mouvements abdominaux et hyoïdiens sont 
très faibles, à peine perceptibles ou arrêtés; tout d’un coup l'abdomen se gonfle 
et reste dans cette siluation, puis l’affaissement a lieu peu à peu. 

A%h. 27 m. (36 minutes après l'injection), il y a encore des mouvements 
volontaires mais affaiblis, la tête touche l'assiette, la grenouille ne se tient plus 
sur ses pattes antérieures. Mouvements de nageur assez vifs quand on excite 
les pattes postérieures, l’une de ces dernières pattes se fléchit après avoir été 
étendue. 

A 4 heures 42 m., les pattes postérieures se fléchissent encore faiblement, 
la pression sur les pattes antérieures détermine des mouvements, mais sur 
place, puis flaccidité, aucun mouvement convulsif ni autre, la grenouille est 
morte. 

A 5 heures 7 m., à 5 h. 25 m., à 5 h. 39 m. et à 5 h. 59 m., c’est-à-dire 2 
heures après la ligature, l’excitabilité électrique neuro-musculaire est presque 
intacte. 


Ainsi deux heures après la cessation de toute espèce de circu- 
lation, l'irritabilité neuro-musculaire est conservée, tandis 
qu’elle est éteinte 50 minutes après l'intoxication parle Tanguin. 
La conclusion s'impose : le poison de Madagascar détruit peu à 
peu l’irritabilité neuro-musculaire, mais cette action est lente et 
terminale. 


ExPÉRIENCE XVII. — Ligature de l'aorte. 

Le 15 juillet, à 3 heures 20 m., on lie l’aorte à la base du cœur sur une gre- 
nouille vivace. À h. 40 m. après, l’excitabilité des nerfs sciatiques est intacte, 
il en est de même 1 h. 53 m. et 1 h. 57. m. après. Enfin 2 h. 20 m. après la 
ligature, l’excitabilité électrique des nerfs et des muscle sest encore très nette. 


ExPÉRIENCE X VIIS. — Ligature des vaisseaux de la base du cœur. 

Le 16 juillet, à 41 heures 30 m., on fait la ligature des gros vaisseaux à la 
base du cœur d’une grenouille. 8 minutes après, la grenouille excitée fait un 
#rand saut. 15 minutes après, les mouvements volontaires sont moins in- 
tenses qu’à l’état normal. 49 minutes après la ligature, les nerfs et les muscles 
possèdent leur excitabilité physiologique. 

ExPpÉRIENCE XIX. — Deux expériences comparatives. — Durée de l'irrita- 
bilité neuro-musculaire à la suite d'une injec'ion de Tanguin et consécutive- 
ment à la ligature de la base du cœur. 

Expérience A. — A 5 heures 53 m., injection sous-cutanée de Tanguin à 
une grenouille. 7 minutes après l'injection, on excite le nerf à l’aide du cou- 
rant induit et l’on constate que l’irritabilité neuro-musculaire a totalement dis- 
paru. 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 31 


Expérience B.— A 5 heures 45 m., on lie le cœur d’une grenouille un peu 
au-dessus de la base. 30 minutes après le début, les contractions musculaires 
sont vigoureuses. 4 h. 5 m. après la cessation complète de toute circulation, 
l'irritabilité neuro-musculaire existe encore. 


Cette perte de l’irritabilité neuro-musculaire à la suite de l'in- 
toxication par le Tanguin, ne semble pas être due à une action 
du poison sur les centres nerveux cérébro-spinaux. Si l’on com- 
pare la durée de l’excitabilité sur deux grenouilles privées de 
système nerveux central et dont l’une seulement a reçu le Tan- 
guin ; on voit que les nerfs et les muscles du batracien intoxi- 
qué perdent beaucoup plus vite leur excitabilité que ceux de 
l'autre. 


EXPÉRIENCE XX. — Comparaison entre l’excitabilité neuro- musculaire de 
deux grenouilles, dont l’une et l’autre ont subi la destruction des centres ner- 
veux, mais dont l’une seulement a été intoxiquée par le Tanguin. 

Le 18 juillet, à 10 heures 34 m., on détruit la moelle et le cerveau d’une gre- 
nouille A. 

A 10 heures 37 m., à une autre grenouille B dont on a préalablement détruit 
la moelle et le cerveau, on injecte sous la peau 0,12°5 d'extrait de Tanguin. 

33 minutes après le début, les nerfs et les muscles de A et de B se contrac- 
tent bien. Une heure après l’excitabilité neuro-musculaire est conservée chez 
A et B. On abandonne alors les grenouilles pendant un certain temps et 4 h. 
47 m. après le début, on constate que les nerfs et les muscles de B ne sont plus 
du tout excitables, tandis que les nerfs et les muscles de A ont conservé leur 
excilabilité physiologique. | 


Toutes ces expériences démontrent que l’action directe du 
Tanguin sur les nerfs etles musclés est la cause principale de la 
diminution et de la cessation tardive de leur irritabilité. 

Voici d’autres expériences très démonstratives à cet égard : 


ExPÉRIENCE XXI. — Durée comparative de l’excitabilité d’un nerf plongé 
dans l’extrait de Tanguin et de l’excitabilité d’un nerf plongé dans l’eau dis- 
tillée. 

Le 48 juillet, à 10 heures 52 m.,on désarticule le fémur de deux gre- 
nouilles, en conservant le nerf sciatique dans une étendue d’un centimètre. 
On place l’un des nerfs A dans l’eau distillée, et l’autre B dans l'extrait de Tan- 
guin. Une heure 8 m. après le début, le nerf B excité, ne provoque plus de 
contraction, tandis que le nerf A excité provoque des contractions normales. 

EXPÉRIENCE XXII. 

A 11 heures 28 m., on sectionne les muscles des deux cuisses, on dissèque 
avec le plus grand soin un centimètre et demi des nerfs sciatiques : on place 
l’un dans l’eau distillée et l’autre dans Pextrait de Tanguin. 39 minutes après 
on excite les deux nerfs : celui qui est placé dans l’eau distillée possède encore 


32 FE. QUINQUAUD,. — AGTION- PHYSIOLOGIQUE 
son excitabilité normale tandis que l'excilabilité du nerf qui est plongé dans 
le Tanguin est totalement abolie. 


ExPÉRIENCE XXIIL. — Etude comparative de excitabilité de deux nerfs dont 
l'un est plongé dans l’eau distillée, l’autre dans l'extrait de Tanguin. 

Le 15 juillet, à 2 heures, on. sectionne tous les muscles de la cuisse d’une 
srenouille à droite et à gauche, en laissant libre et intact un centimètre et demi 
des deux nerfs sciatiques : les extrémités de ces deux nerfs sont plongées, l’une 
dans l'extrait de Tanguin, l’autre dans l’eau distillée ; l’une et l’autre sont exci- 
tées 1 h. 3 m. après, l’excitabilité du nerf plongé dans l’eau distillée est nor- 
_inale, tandis que l’excitabilité du nerf baignant dans le Tanguin, est absolument 
éteinte; les muscles des deux pattes sont excitables. 


Le Tanguin altère donc l’irritabilité nerveuse, lorsqu'’ilest mis 
en contact direct avec le nerf moteur. 


IT. — ACTION SUR LA RESPIRATION. 


Nous venons d'étudier avec soin, chez le batracien, les trois 
périodes de l’empoisonnement par le Tanguin, en insistant 
principalement sur les phénomènes musculaires, de telle sorte 
que nous pouvons résumer les phases de l’intoxication de la 
manière suivante : en premier lieu apparaissent des signes d’ex- 
citation, en second lieu, des symptômes de résolution musculairé 
avec hyperexcitabilité, et en troisième lieu, des phénomènes 
paralytiques terminaux. Il nous reste à étudier d’autres symp- 
tômes contingents, dont quelques-uns ont une importance ca- 
pitale au point de vue du mécanisme de la mort. È 

: Tout d’abord, avec la résolution musculaire, on voit survenir 
chez la grenouille un arrêt respiratoire, qui, chez les mammi- 
fères, est souvent précédé de convulsions. Cet arrêt de la respi- 
ration se produit toujours avant l’arrêt du cœur. 

Voici des expériences qui sont très probantes à ce point de 
vue : | 

EXPÉRIENCE XXIV. — Injection de 0,20c£ de Tanguin à une grenouille de 
39 gr. — Résolution musculaire. — Arrêt respiratoire. — Convulsions. — 
Arrêt du cœur. — Irritabilité normale du nerf sciatique. 

Le 3 juin, à 10 heures 23 m., on injecte sous la peau du dos d'une gre- 
nouille 0,20°& d'extrait de Tanguin; immédiatement après l'injection, on re- 
marque quelques mouvements fibrillaires au niveau de la région. injectée ; 
pendant 9 minutes, la grenouille saute, nage, exécute des mouvements divers ; 
mais 40 minutes après le début, elle devient flasque et reste immobile; placée 
sur le dos, elle y reste en présentant quelques contractions fibrillaires (phé-; 
nomènes convulsifs), les mouvements de l’appareil hyoïdien ont cessé, 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 33 


42 minutes après, le cœur s'arrête en systole : les oreillettes se contractent en- 
core. L’irritation mécanique par tiraillement du nerf sciatique provoque des 
mouvements étendus. 


Dans ce cas, les premiers phénomènes sont : la résolution 
musculaire, la cessation des mouvements volontaires, l'arrêt de 
la respiration et des convulsions. 12 minutes après le début, le 
cœur s'arrête : à ce moment l'irritabilité du sciatique est nor- 
male. Les mouvements volontaires ont cessé au moment où le 
cœur se contractait encore, c’est le contraire qui se produit dans 
les cas types d'intoxication par un poison cardiaque. 


ExpéRIENCE XXV. — Injection sous-cutanée de 0,20°s d’extrait de Tanguin 
à une grenouille du poids de 25 gr. — 1'° phase : accélération et grande am- 
plitude de la respiration. — 2e phase : affaiblissement des mouvements vo- 
lontaires et des monvements respiratoires. — Après 42 minutes, cessation de 
la respiration. — Après 14 minutes, exagération des reflexes, flaccidité des 
membres, secousses convulsives provoquées entre la 16€ et la 32e minute. — 
Après 38 minutes, arrêt du cœur. 

A 11 heures 16 m., on injecte sous la peau d’une grenouille, pesant 25 gr, 
0,20c d'extrait de Tanguin. 2 minutes après, elle saute très bien, la respira- 
tion est régulière. 5 minutes après, la respiration est accélérée. 7 minutes après, 
le saut est un peu moins fort. 11 minutes après, les pattes postérieures, préala- 
blement étendues se fléchissent moins facilement, les mouvements hyoïdiens 
sont faibles, ainsi que les mouvements des flancs. 12 minutes après, la gre- 
nouille ne respire plus, les pattes étendues restent traînantes ; placée sur le dos, 
elle ne peut plus se retourner sur l'abdomen. — 14 minutes après, reflexes 
exagérés, membres flasques. 16 minutes après, quand on laisse tomber la gre- 
nouille sur la table, on voit se produire de petites secousses dans les pattes 
postérieures. 21 minutes après, petites secousses convulsives à la suite d’un 
choc. 23 minutes après, en frappant sur la table, on provoque des secousses 
convulsives. 32 minutes après, le nerf sciatique est encore excitable. 35 mi- 
nutes après, le cœur bat plus faiblement et s'arrête 38 minutes après le début 
de l'injection. | | 

ExPÉRIENCE XX VI. — Injection sous-cutanée de 0,22cs d'extrait de Tanguin 
à une grenouille bien vivace. — Diminution de fréquence et de force de la res- 
piration qui s'arrête 20 minutes après l’injection. — Résolution musculaire. 
— Les battements cardiaques diminuent de force et de fréquence. 

Le 10 juin, à 2 heures 25 m., on injecte sous la peau du dos d'une gre- 
nouille, 0,22 d'extrait de Tanguin, 3 minutes après, la tête s’affaisse un peu, 
mais se relève facilement quand on excite la grenouille. 20 minutes après, les 
pattes postérieures allongées gardent cette situation, les mouvements respi- 
ratoires diminuent d'intensité. 25 minutes après, la respiration est arrêtée, 
la grenouille renversée sur le dos ne peut plus se mettre dans le decubitus 
abdominal physiclogique, elle est absolument flasque, n’exécutant plus de 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XXII (1886). 3 


34 E. QUINQUAUD. —— ACTION PHYSIOLOGIQUE 


mouvements volontaires : l’irritabilité nerveuse est conservée. 35 minutes 
après, les contractions cardiaques persistent encore. 45 minutes après, les 
mouvements du cœur sont faibles. 5 minutes après, l’arrêt cardiaque n’est 
pas absolu. Mais les battements sont très rares et très faibles. 


On voit, dans cette expérience que les mouvements respira- 
toires diminuent assez rapidement de fréquence et d'amplitude, 
puis ils s’arrètent. À ce moment la grenouille est en résolu- 
tion musculaire, l’irritabilité nerveuse étant conservée. En 
même temps les battements cardiaques diminuent de fréquence. 

On observe les mêmes phénomènes avec les cobayes; chez 
ces animaux, la respiration s’arrête également avant le cœur. 
En voici des exemples : 


ExPÉRIENCE XX VII. — Injection sous-cutanée de 0,20s d'extrait de Tanguin 
à un jeune cobaye. — Après 20 minutes, arrêt de la respiration. — Le cœur ne 
cesse de battre que 17 minutes après l'arrêt respiratoire. 

À 9 heures 48 m., injection sous-cutanée de 0,205 d'extrait de Tanguin. 

A 9h. 56 m., tremblements de la tête, le museau tombe sur le plan de la 
table. 

A 10 h. 1 m., nausées, secousses de l’oreille. 

À 10 h. 4 m., expiration brusque, l’animal rejette un peu de salive. 

À 10 h. 5 m., efforts de vomissement avec un petit cri. Le pourtour de la 
bouche est coloré en vert par la chlorophylle. 

À 10 h. 7 m., convulsions surtout dans la partie antérieure du tronc. — 
Ces convulsious sont très nettes et, à leur suite, à 40 h. 10 m., on voit /a 
respiration s'arréter. 

On ouvre le thorax : le cœur bat jusqu’à 10 h. 14; à ce moment les bat- 
tements commencent à diminuer. 

À 10 h. 17 m., le cœur bat encore, mais les mouvements se ralentissent 
de plus en plus et diminuent d'intensité. 

À 10 h. 21 m., le ventricule se contracte. 

À 10 h. 24 m., l’oreillette seule se contracte ; même fait à 40 h. 26 m. 

À 10 h. 27 m., arrêt de l'oreillette. 


ExPÉRIENCE XX VIII. — Injection sous-cutanée de 0,10c d'extrait de Tan- 
guin à un jeune cobaye. — Mort 30 minutes après, par arrêt sr la respiration, 
le cœur continuant à battre. 

A 9 heures 28 m., injection sous la peau du dos d’un petit cobaye, de 
0,10c8 d'extrait de Tanguin. 

À 9 h. 33 m., quelques secousses dans les muscles de la tête. 

A 9h. 35 m., le museau tombe sur le plan de la table. R. 160. 

A 9h. 37 m., secousses du museau. Démarche spéciale : le cobaye s’avance 
allongé avec un tremblement de la tête. 

À 9 h. 40 m., se couche, marche en trémblant comme dans la sclérose en 
plaques. 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 35 


A 9h. 41 m., respiration forte. 
A 9 h. 42 m., ne peut plus avancer, tourne sur lui-même. R. 60. 

À 9 h. 45 m., quelques secousses. R. 80. 

A 9 h. 48 m. R. 84. De temps en io quelques secousses générales peu 
intenses, puis attaque convulsive. 

A 9h. 56 m., arrêt de la respiration. 

A 10 h., le cœur, vu par le thorax ouvert; bat toujours. 

A 10 h. 4 m., l'oreillette seule bat encore. 

À 10 h. 6 m., arrêt complet du cœur. 

A 10 h. 8 m., l'excitation électrique du nerf n'amène plus de contraction; 
lexcitabilité du muscle persiste. 

EXPÉRIENCE XXIX. — Injection sous-cutanée de 0,802 d’extrait de Tan- 


guin à un cobaye. — Mort rapide par arrêt de la respiration (le cœur continuant 
à battre). 


De 9 heures 25 m. à 9 h. 35 m., injection sous-cutanée de 0,40 €€ d’extrait 
de Tanguin à un cobaye de 630 gr. 

Après l'injection : tremblements de la tête, puis de tout le corps. Chute sur 
le côté droit, les membres restent étalés, mais réagissent encore. 

À 9h. 42 m., efforts de vomissements continus. 

A 9h. 50 m., la respiration s'arrête. On ouvre immédiatement le thorax et 


on voit le cœur battre encore pendant six minutes, sans qu’il se produise de 
mouvements respiratoires. 


Chez le chien, comme le montrent les expériences qui vont 
suivre, nous voyons toujours l’arrêt respiratoire être précédé de 
convulsions passagères : chez ces animaux, la phase d’excitation 
est beaucoup plus manifeste que chez les batraciens. 

L'arrêt respiratoire est dû à une action du sang intoxiqué sur 
le système nerveux : en effet, si au moment précis où l’animal 
fait la dernière respiration, on injecte le sang d’un chien sain 
dans le bout périphérique de l’artère carotide, on voitse produire 
plusieurs respirations successives : pour réussir l’expérience, il 
ne faut pas trop attendre, car, après quelques minutes, la respi- 
ration ne reprend plus ; et même, quand on fait réapparaître les 
mouvements respiratoires avec la première et la deuxième trans- 
fusion, la troisième n’amène plus l'apparition de ce phénomène. 

Voici plusieurs expériences qui démontrent le fait : 


ExPÉRIENCE XXX. — Injection sous-cutanée d’extrait de Tanguin. — Pres- 
sion arterielle. — Injection de sang artériel dans le bout périphérique de Par- 
ère carotide après l'arrêt de la circulation. 

17 juillet. Chien de 7 kil. Pouls 108. 

Pression artérielle normale. 45 cent. 2 mill. de mercure. 

A 9 heures 30 m., injection sous-cutanée de 1 gr. 20 d’extrait de Tanguin. 


36 E. QUINQUAUD. — ACTION. PIYSIOLOGIQUE 


A 9h. 40 m., l’animal s’agite, fait des efforts de vomissements. 

A 9h. 45 m., la pression sanguine est augmentée, {17 cent. 4 mil. 

A 9 h. 50 m., pouls 124. 

A 9h. 55 m. (25 m. après l'injection), l'animal cesse de respirer. Immédia- 
tement on lui injecte par le bout périphérique de la carotide du sang artériel 
extrait à ce moment de la carotide d’un autre chien non intoxiqué. Pendant 
l'injection de ce sang qui va au bulbe, le chien fait plusieurs mouvements 
respiratoires ; mais au bout de deux minutes environ, l'injection continuée ne 
produit plus rien. 

On ouvre alors le thorax et on voit le cœur se contracter sous l'influence du 
courant électrique. Les muscles sont'le siège de contractions fibrillaires. 

Au moment de la mort, l’animal se roidit, a quelques phénomènes convul- 
sifs et la respiration s’arrête. On remarque en outre, qu’avant la mort les res- 
pirations sont plus amples et que le chien, après avoir été excité dans les pre- 
miers moments qui suivent l’injection, devient à la fin calme et somnolent. 


Exrérience XXXI. — Injection sous-cutanée de Tanguin. — Analyse des 
gaz du sang. — Dosage de Co? de la respiration. — Pression artérielle. — 
Injection de sang artériel dans le bout périphérique de la carotide après l'arrêt 
de la respiration. 

19 juillet. Chien de 12 kil. 800. 

P. 94. R. 16.T. R. 39°3. Pression artérielle : 14 cent. 2 mill. de mercure. 

Gaz dans 20% de sang artériel : Co? 8 °° O,2cc7. 

95 litres d'air expirés en #4 m. 45, contiennent 0,71-Co?. 

A 9 heures 40 m., injection sous-cutanée de 0,40 ©8 d'extrait de Tanguin. 

A 9h, 30 m., la pression est la même qu'avant l'injection. 

A 9 h. 38 m., nouvelle injection de 0,40‘. 

A 9h. 47 m. P. 70. 

A 9 h. 50 m., gaz dans 20° de sang artériel : Co? à °° 8, 0,2cc 7. 

A 9h. 57 m.. R. 11. La pression artérielle est peu modifiée. 

A10h.,R. 7. T.R. 386. 

A 10 h. 40 m., 95 litres d'air expiré en 4 m. 35 s. ne contiennent plus que 
0,93°3 Co?. 

Gaz dans 20° de sang artériel : Co?, 3°° 7, 0,2cc 9, 

A 40 h. 45 m., la pression a baissé : 9 cent. 6 mill., le chien urine abon- 
damment ; il commence à se calmer et à devenir somnolent. Après avoir été 
agité depuis le début de l'injection. 

A 10 h. 25 m., P. 170. R. 11. T. R. 38°4. Les respirations sont amples. 

A 41 h. 10 m., la respiration s’arrête. On injecte immédiatement, par le 
bout périphérique de la carotide, du sang artériel pris sur un chien bien por- 
tant : au même instant la respiration se rétablit pendant quelques instants: 
mais bientôt, malgré l'injection de sang qui est continuée, les mouvements 
respiratoires ne reprennent plus. 

Le thorax ouvert montre qu’alors encore le cœur continuait à battre. 

L'intestin se contracte bien à la suite des excitations électriques. 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 37 


IT, — ACTION SUR LA CIRCULATION. 
Action sur le cœur. 


a. Le Tanguin amène assez vite l’affablissement graduel et 
progressif des contractions cardiaques, puis l'arrêt tardif du 
cœur, arrêt qui survient après celui des mouvements respira- 
toires. Le Tanguin accentue donc surtout son action sur la cir- 
culation. 

Voici des expériences confirmant ce que nous avançons : 


ExPÉRiENCE XXXII. — Injection sous-cutanée de Tanguin à une grenouille. — 
Graphique des contractions cardiaques. 

À 3 heures 39 m., on injecte de l'extrait de Tanguin sous la peau du dos 
d'une grenouille; pendant l'injection l'animal s’agite, le cœur bat 46 fois par 
minute. Les 412 premières minutes qui suivent l’injection, lc nombre des batte- 
ments reste le même. À 4 heures 48 m., les battements descendent à 28, jus- 
qu'à 4 heures 50 m. 

A 5 heures 24 m., on fait une nouvelle injection de Tanguin dans la cuisse; 
à à heures 26, les battements sont à 16. À 5 heures 35, les reflexes s’exagè- 
rent; en même temps plusieurs attaques épileptoides avec opistothonos se pro- 
duisent; à 6h. 45 on voit que les contractions ventriculaires sonttrès ralenties ; 
en même temps on constate l’affaiblissement des contractions musculaires, qui 
cependant existent encore. 

Voici des graphiques qui montrent : A les battements normaux, B les batte- 
ments ralentis. Dans ce dernier, le sommet indique la contraction ventricu- 
laire précédée d’une ligne ascendante indiquant la contraction auriculaire. 


Fie. 3. 


ExPÉRIENCE XXXIII. — Injection sous-cutanée de Tanguin à une grenouille. 
— Graphique des contractions cardiaques. 

A 6 heures 5, on fait l’injection : à ce moment, le cœur bat 50 fois à la mi- 
nute, 8 minutes après, la grenouille commence à s’affaisser. Le cœur ne se ra- 
lentit d’une manière appréciable que 17 minutes après le début de l'injection; 
il bat alors 40 fois par minute; 25 minutes après les battements sont descendus 
à 20; 32 minutes après, ils sont à 18; 36 minutes après, le cœur ne bat plus 
que 16 fois par minute. 

Les graphiques A, B, C représentent les battements normaux du cœur et les 


38 E. QUINQUAUD. —— ACTION PHYSIOLOGIUUE 


battements ralentis : À normaux, B ralentis 25 minutes après, C ralentis 42 
minutes après. 


FIG. 4. 


ExPpÉRIENCE XXXIV. — Injection sous-cutanée de 0,25c8 d’extrait de Tan- 
guin à une grenouille. — Arrêts et reprises des battements cardiaques; opis- 
thotonos. — Arrêt définitif du cœur. 

Le 3 juin, à 10 heures 55 m., le cœur étant à découvert, on injecte sous la 
peau du dos d’une grenouille 0,255 d'extrait de Tanguin. A 11 h., les mou- 
vements respiratoires ont cessé, le cœur se ralentit. À 41 h. 2 m., quelques 
secousses musculaires dans les pattes. A 11 h. 9 m., le cœur ralenti bat 
encore. À 41 h. 15 m., très rares contractions cardiaques, arrêts puis reprises. 
A 10 h. 18 m., en percutant les pattes postérieures, on détermine facilement 
des contractions reflexes dans les pattes antérieures. A 41 h. 20 m., on pro- 
duit un opisthotonos en laissant tomber la grenouille sur la table. A 41 h.24 m., 
encore quelques contractions cardiaques avec des arrêts et des reprises. A 
11 h. 42 m., le cœur est immobile, arrêté en systole. 


Il est facile de constater dans cette expérience que l’empoison- 
nement par le Tanguin offre des analogies avec l'intoxication par 
la strychnine; toutefois les différences sont grandes: la stry- 
chnine à haute dose peut déterminer des arrêts cardiaques secon- 
daires; mais le Tanguin agit sur le cœur d’une manière beaucoup 
plus hâtive. 

Aïnsi l’un des symptômes importants de l’empoisonnement 
par le Tanguin consiste dans son action sur le cœur qui est ra- 
lentiet si la dose est suffisante s’arrête en systole; le phénomène 
peut aller jusqu’au tétanos du cœur; le ventricule est pâle, con- 
tracté, inexcitable aux agents mécaniques et physiques, les oreil- 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 39 


lettes battent plus ou moins longtemps après les ventricules (Ex- 
périences XXVI et XVIT, p. 17) : il y a même là une preuve de 
l'indépendance fonctionnelle relative de ces organes. L'arrêt 
cardiaque a toujours lieu après l’arrêt respiratoire. 

Quel est le mécanisme de cette action du toxique sur le cœur ? 
Le poison agit-il sur l'appareil nerveux périphérique (ganglions, 
filets nerveux), ou sur le muscle lui-même ? 

Le Tanguin ne paraît pas agir sur le cœur par l'intermédiaire 
du système nerveux central; en effet, sur la grenouille, les effets 
de ralentissement et d’arrêt se produisent alors même que la des- 
truction des centres cérébro-spinaux a été complète. Nous citons 
à l'appui Les expériences suivantes : 


ExPÉRIENCE XXXV pu 12 juizer. — Destruction des centres cérébraux spi- 
naux sur deux grenouilles. — Intoxication de l’une par le Tanguin. — Etude 
comparative. 

A 8 heures 38 m., on détruit le cerveau et la moelle épinière de deux gre- 
nouilles ; à l’une T, on injecte 0,15 d'extrait de Tanguin et on abandonne 
l'autre R à elle-même. 

39 minutes après, le cœur de la grenouille T est arrêté tandis que celui de 
la grenouille R continue à battre régulièrement. De 35 minutes à 55 minutes 
après le cœur de T se met à battre pendant quelques secondes, puis s'arrête et 
reprend pour s'arrêter complètement 55 minutes après l'injection. Le cœur de 
la grenouille R continuait à battre normalement deux heures après. 


L'arrêt du cœur de la grenouille T n’est donc pas dû à l'in- 
fluence du Tanguin sur le système nerveux central puisqu'il est 
détruit. De plus cet arrêt n’est pas dû à la simple suppression sans 
intoxication des centres cérébro-spinaux. 

Voici des expériences parallèles qui plaident dans le même 
sens: 


ExPÉRIENCES XXXVI Er XXXVII. — Destruction du système cérébro-$pinal 
chez deux grenouilles. — Injection de Tanguin à l’une, — Étude comparative. 

À 4 heures 25 m., on détruit le système cérébro-spinal de deux grenouilles 
A et B dont le cœur bat 50 à 52 fois par minute. 

A 4 heures 31 m., on injecte à la grenouille B quelques gouttes d’une so- 
lution d’extrait de Tanguin. A 4 h. 45 m.,le cœur bat 48 fois; à 4h. 57 m., 
98 fois; à 5 h. 3 m., les battements sont à 16; à 5 h.6 m., ils tombent à 12; 
la réplétion ventriculaire est très lente à se faire. A 3 h. 21 m., le cœur bat 
44 fois, et à5 h. 25 m., 12 fois : à ce moment on dépose sur le cœur quelques 
gouttes de sulfate neutre d’atropine. À 5 h. 55 m., c’est-à-dire une demi-heure 
après le dépôt d’atropine le cœur bat encore {2 fois par minute, l’accélération 


40 E. QUINQUAUD, == ACTION PHYSIOLOGIQUE 


a donc été nulle : c’est là un fait important qui a sa valeur dans l'étude du mode 
d’action du Tanguin. 

À 5 heures 57 m., le nerf sciatique n’est plus excitable par le courant élec- 
trique, tandis que le muscle l’est encore. Dans le cas présent, ce phénomène 
terminal existe encore plus d’une demi-heure après la première constatation du 
fait. De plus il arrive un moment où un courant faible ne produit rien sur le 
muscle; tandis qu’un courant fort détermine des contractions. 


Le cœur de la grenouille À , qui n’a pas été intoxiquée, bat- 
tait 40 fois à 4" 57 et 48 fois à 5° 24”, c'est-à-dire qu'une heure 
après la destruction du système nerveux les mouvements de 
l'organe n'avaient pas varié de nombre. 

Le Tanguin peut donc arrêter le cœur sans agir sur le sys- 
tème nerveux central. L'action cardiaque a-t-elle lieu par l'in- 
termédiaire des pneumogastriques ? Pour résoudre ce problème, 
nous avons curarisé un chien jusqu’à ce que l'excitation du 
pueumogastrique ne produise plus d'arrêt cardiaque (le cœur 
continue à battre grâce à la respiration artificielle) ; puis nous 
avons intoxiqué l’animal avec le Tanguin; dans ces circonstances 
les battements du cœur se ralentissent et finissent par cesser : 
le Tanguin peut donc agir sur le cœur en dehors des pneumo- 
sastriques. Voici une expérience qui le prouve : 


Expérience XXXVIIT. — Curarisation d’un chien jusqu’à ce que le pneu- 
mogastrique ne produise plus d’arrêt cardiaque. Injection intra-veineuse de 
Tanguin. Sept minutes après le début de l’injection, les mouvements du cœur 
se ralentissent, la pression baisse et le cœur s'arrête. 

A 10 heures du matin, on injecte à un chien, pesant 7k,200, cinq ceuti- 
grammes de curare sous la peau de l’abdomen. Après 20 minutes, l'excitation 
des pneumogastriques diminuait encore d’une manière notable les battements 
du cœur. Respiration artificielle. 

À 10 heures 30, injection intra-veineuse de dix centigrammes de curare; à 
40 h. 42 m. l'excitation, à l’aide des courants faibles ou très intenses ne dé- 
termine plus le moindre ralentissement du cœur, qui bat avec une grande 
régularité. 

A 40 heures 50, on injecte avec précaution dans la veine saphène 208° d’eau 
renfermant 0sr,20csr d'extrait mixte de Tanguin pendant un quart d'heure, 
temps que dure l’injection, on ne sent apparaître aucun trouble du rhythme 
cardiaque, en prenant le pouls et en sentant les battements cardiaques ; le 
graphique de la pression pris pendant ce temps ne dénote rien, si ce n’est une 
légère accélération des mouvements du cœur, mais à 11 h. 12 m., c’est-à-dire 
7 minutes après la fin de l'injection, on voit sur le graphique que la pression 
baisse progressivement en même temps que le cœur se ralentit ; peu à peu il 
cesse de battre. 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 41 


Graphique montrant les battements du cœur et la pression artérielle dans 
le cours d’un empoisonnement par le curare suivi d’une intoxication par le 
Tanguin. 


nn 


Fic. 5. 

A. Tracé pris un quart d'heure après l'injection intra-veineuse de curare. 

B. Graphique montrant déjà un léger ralentissement du cœur dû au Tan- 
guin, suivi d'une chute rapide de la pression artérielle. 

C. Ce tracé fait voir le ralentissement du cœur qui est suivi d’un arrêt 
produit par le Tanguin. 

Cette expérience du double empoisonnement démontre que 
le Tanguin n'arrête point le cœur en agissant sur le nerf pneu- 
mogastrique. En effet le curare avait empêché que l'excitation 
du nerf produisit l'arrêt du cœur; or, puisque le Tanguin anéan- 
tit les mouvements cardiaques, ce ne peut pas être, en détrui- 
sant le tronc du nerf vague, qu’il amène cet arrêt. 

La non-intervention du pneumogastrique dans l'arrêt du 
cœur par intoxication du Tanguin est encore démontrée par l’ex- 
périence suivante : 

ExPÉRIENCE XXXIX. — Atropinisation d’un chien vigoureux, puis injec- 


tion sous-cutanée de Tanguin. A la suite de cette injection, affaiblissement 
puis arrêt du cœur. 


49 E. QUINQUAUD, —— ACTION PHYSIOLOGIQUE 


Le 12 sept., un chien est intoxiqué à une heure de l’après-midi, par le 
sulfate d’atropine, Au bout d’une demi-heure, on constate l'accélération du 
cœur, 

À deux heures, on injecte sous la peau du dos, un gramme d'extrait de Tan- 
guin : au bout de 20 minutes, les battements du cœur deviennent inégaux, 
irréguliers, très affaiblis par moments. Enfin, 50 minutes après le début de 
l'injection, le graphiqne montre une grande faiblesse du cœur qui finit par 
s'arrêter, 


lei encore les battements ont été modifiés comme si l’intoxi- 
cation par le Tanguin s'était produite chez un chien non em- 
poisonné par l’atropine. 


Graphiques du cœur après l’intoxication par le sulfate d’atropine, suivie de 
l’empoisonnement tanguinien. 


Fic. 6. 


A. Ce graphique montre les pulsations normales du cœur. du chien (artère 
en communication avec le tambour, le sphygmoscope comme intermédiaire). 

B. Tracé montrant l’accélération du cœur après le sulfate d’atropine. 

C. Tracé montrant déjà les inégalités des contractions cardiaques après 
l’intoxication par le Tanguin. 

D. Ce tracé traduit l’affaiblissement du cœur qui finit par s'arrêter, 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 43 


‘En définitive le Tanguin paraît donc agir sur le myocarde : 

Voici des expériences qui plaident en faveur de cette dernière 
opinion : 

EXPÉRIENCE XL. 

Le 8 sept. à 4 heures 10 m., on place dans deux centimètres cubes de 
solution de Tanguin le cœur d’une grenouille très vivace. A 4 h, 20 m., les 


battements sont beaucoup plus faibles. A 4 h. 25 m., les mouvements du cœur 
ont complètement cessé. 


ExPÉRIENCE XLI comparative. 

Le même jour, à # heures 13 m., on place un cœur de grenouille dans l’eau 
distillée. À 4 h. 30 m., les contractions cardiaques sont régulières. A 4 h. 35 m., 
le cœur se contracte encore. À 4 h. 51 m., les mouvements du cœur ces- 
sent, mais l’excitation du muscle provoque des contractions, tandis que l’ex- 
citation du cœur, provenant de l’expérience précédente, ne détermine rien. 


Le Tanguin a donc empêché les battements et fait perdre 
l’excitabilité 42 à 15 minutes après le contact, tandis que le 
cœur placé dans l’eau distillée bat pendant 38 minutes et reste 
excitable. 

Voici d’ailleurs une autre expérience du mème genre qui 
prouve également que le contact direct du Tanguin avec le tissu 
cardiaque paralyse l'organe central de la circulation. 

ExréRiENcE XLII comparative du 18 juillet. 

A 11 heures À m., on sectionne les cœurs de deux grenouilles un peu au- 
dessous de leur base : l’un A, est placé dans l’eau distillée, l’autre B, dans 
l’extrait de Tanguin. 

11 minutes après, le cœur A se contracte normalement, le cœur B faiblement. 


14 minutes après le début, les contractions du cœur B ont cessé, tandis que 
celles du cœur A persistent. 47 minutes après, le cœur A se contracte encore. 


Cette expérience démontre, d’une manière nette, que le tan- 
guin anéantit les contractions du cœur, lorsque cet organe est 
en contact avec le poison. 

Pour démontrer d’une manière plus nette l’action du Tanguin 
sur le muscle cardiaque, il faudrait faire des circulations artifi- 
cielles sur un cœur de tortue ou de grenouille dans des condi- 
tions variées. 


b. Pression artérielle et gaz du sang. 


La pression artérielle augmente de quelques centimètres au 
moment de la période d’excitation ; mais à la phase suivante 
la pression s’abaisse. Si la dose du poison a été forte, la 1'° phase 


41 E. QUINQUAUD. — ACTION PHYSIOLOGIQUE 

est très éphémère et peut passer inaperçue. Ainsi, dans une expé- 
rience, l'augmentation a été de deux cent. de mercure; tandis que 
dans une autre expérience, avant l'injection la pression étant de 
15 cent. 12 minutes après, elle est déjà descendue à 12 cent. à mill. 
Une heure après, elle tombe à 9 cent. 5 mill., et A h. 45 m. après, 
elle n’est plus qu’à 6 cent. 5 mill. Dans une troisième expérience, 
la normale étant de 13 cent. 6 mill., après 25 minutes d’intoxi- 
cation les maxima étaient à 14 cent. 7 mill. ; mais les minima 
étaient inférieurs à ceux de Lx normale. Enfin, une heure après 
l'injection, la pression était descendue à 8 cent. 

L'analyse des gaz du sang montre une diminution dans la 
quantité d'acide carbonique exhalé, tandis que la quantité 
d'oxygène reste normale ou même un peu supérieure à la nor- 
male, ce qui tient aux grandes respirations qui activent les phé- 
nomènes intrapulmonaires et à une légère concentration du 
sang produit par la diarrhée. Ainsi, dans une expérience, on 
trouve avant l'injection Tce,8 de Co? pour 20c de sang. 40 mi- 
nutes après, il n’y en a plus que 5*,5. Pour l'oxygène au con- 
traire on note 4c,5 avant l'injection et dce,3 40 minutes après. 
Dans une autre expérience, l'acide carbonique pour 20° de sang 
est de 5°°,5 avant l'injection, tandis que l'oxygène est de 2°°,85 
avant l’injection et de 3,15 une heure après. 

L'analyse de l’acide carbonique éliminé par les poumons 
donne des résultats en rapport avec ceux qui donne l'analyse des 
gaz du sang. Dans notre expérience en effet, 25 litres d’airexhalés 
donnaient avant l'injection 0,71 de Co? et une heure après, 
0,535 seulement. Il y a donc une diminution dans l’exhalation 
pulmonaire de l'acide carbonique. 

Voici des expériences qui démontrent les faits que nous venons 
d'avancer relativement à la pression artérielle et aux gaz du 
sang. 


ExPÉRIENCE XLIII. — Injection sous-cutanée de 18,20 d'extrait de Tanguin 
à un chien. — Pression artérielle. 

Chez ce chien, la pression artérielle normale est de 45 cent. 2 mill. de mer- 
cure. 

A 9 heures 30 m., on injecte sous la peau, 157,20 d’extrait de Tanguin. 

À 9 h. 45 m., la pression artérielle est augmentée de 1 cent. 9 mill., elle 
est de 17 cent. 4 mill. 

Arrêt de la respiration à 9 h. 55 m. 


DU TANGUIN. DE MADAGASCAR. 45 


ExPéRteNcE XLIV. — Injection sous-cutanée d’extrait de Tanguin.— Ana- 
lyse des gaz du sang. — Pression artérielle. 

Chien de 43%,500. T. R. 40°. Pouls 86. Gaz de 20€ de sang artériel : Co? 
7cc,8, Ox : 400,5. 

Pression artérielle : 45 cent. 

De 9 heures 27 m. à 9 h. 30 m., injection sous-cutanée de 18,50 d’extrait 
de Tanguin. 

A 9 heures 42 m., pression 12 cent. 5 mill. 

À 10 h. 5 m., pouls 414. Grandes inspirations de temps à autre. 

A 10 h. 40 m., 20° de sang artériel contiennent 5,5 Co et 5c,3 Ox. La 
respiration est irrégulière, avec arrêts et reprises. L’animal se plaint de temps 
à autre. Il est calme dans l'intervalle. 

À 10 h. 30 m. (une heure après l'injection). Pression : 9 cent. 5 mill. 

A 11 h. 10 m., T. R. 3807. Pression 6 cent. 5 mill. A ce moment, on déta- 
che le chien qui ne peut se tenir debout qu’avec peine. 

A 1 h., vomissements. Défécation. Pas de diarrhée nette. 

L'animal meurt à 4 h. 45 après avoir présenté pendant environ un quart 
d'heure des phénomènes convulsifs très intenses. 


ExPÉRiENCE XLV. — Injection sous-cutanée de 18r,50 d’extrait de Tan- 
guin. Gaz du sang. Pression artérielle. 

Chien de 41*,600. Pouls 1400. Resp. 24. T. R. 40°. Gaz dans 20c° contenns 
de sang : Co? 5,5. Ox : 2,85. Pression artérielle en prenant les maxima 
= 43 cent. 6 mill. 

De 9 heures 25 m. à 9 h. 30 m., on injecte sous la peau du dos 12,50 
d'extrait de Tanguin en solution dans 8° d’eau distillée. 

A 9h. 55 m., vomissement alimentaire. À ce moment, la pression pré- 
sente de grandes oscillations : les maxima (44 cent. 7 mill.) sont plus élevés 
que ceux de la normale, mais les minima sont inférieurs. 

À 10 h. 5 m. P. 56. R. 12. 

À 10 h. 10 m., vomissement. 

A 10 h. 30 m. P. 120. R. 10. TR. 3905. Défécation, vomissements, cris. 
La pression artérielle est descendue à 8 cent. | 

A 10 h. 35 m., 20° de sang donnent : Co? 3cc,6, Ox 3°,15. 

La mort arrive à 10 h. 42 m. par arrêt de la respiration. 


c. Ralentissement du courant sanguin dans les vaisseaux 
capillaires. 


La conséquence de l’affaiblissement des contractions cardia- 
ques est de ralentir le courant dans les vaisseaux capillaires, 
phénomène facile à constater chez la grenouille pendant que se 
fait l’évolution de l’empoisonnement. 


ExPÉRIENCE XLVI. — Injection sous-cutanée d’extrait de Tanguin. — Exa- 
men de la circulation dans la membrane interdigitale de la patte de la gre- 


46 E. QUINQUAUD. — ACTION PHYSIOLOGIQUE 


nouille. — Ralentissement du courant 8 minutes après l'injection. 23 minutes 
après, arrêt de la circulation dans certains vaisseaux. 

Le 49 juillet, à 40 heures 2 m., injection sous la peau du dos d’une grenouille 
de 0,158 d'extrait de Tanguin. 3 minutes après, en examinant la circulation au 
microscope dans les vaisseaux de la membrane interdigitale, on ne constate'pas 
de modification sensible. 8 minutes après, la circulation se ralentit, les mou- 
vements respiratoires le sont également. 23 minutes après, arrêt de la cireu- 
lation dans certains vaisseaux; à ce moment on voit encore quelques mouve- 
ments volontaires. 28 minutes après, arrêt dans un plus grand nombre de vais- 
seaux. 38 minutes après, le cœur bat encore, mais est ralenti. 48 minutes 
après, éclatent des contractions cloniques assez intenses : les contractions 
cardiaques sont très rares. | 

L’affaiblissement cardiaque et le ralentissement de la circulation survien- 
nent, on le voit, assez tôt dans le cours de l’intoxication. 


d. Action du Tanguin sur les cœurs lymphatiques. 


Les cœurs lymphatiques n’échappent pas au phénomène d'ar- 
rêt : de même que le cœur sanguin, ils cessent de battre. 


ExpÉRIENCE. XL VII. — Injection de Tanguin sous la peau d’une grenouille. — 
Cessation des mouvements volontaires, sensibilité intacte. — Abolition des 
battements des cœurs lymphatiques. — A la fin, perte de l’excitabilité ner- 
veuse. 

A 4 heures 31 m., injection sous-cutanée de 0,05c8 d'extrait de Tanguin. 
44 minutes après, les mouvements spontanés sont assez forts. 46 minules après 
les mouvements volontaires n’existent plus; on détache les pattes postérieures 
qui, en se repliant, sont agitées de petits mouvements convulsifs passagers ; 
la sensibilité est normale; résolution musculaire. 47 minutes après, des con- 
vulsions légères se produisent chaque fois que l’on change de place la gre- 
nouille, dont les pattes sont étendues comme dans un mouvement de natation. 

Les battements des cœurs lymphatiques ont complètement cessé, Le nerf a 
conservé son excitabilité physiologique. 

24 minutes après, quelques mouvements convulsifs, le cœur se contracte 
encore. 32 minutes après, les mouvements reflexes sont très nets : en frap- 
pant sur la table où la grenouille est placée, on fait contracter les muscles des 
membres postérieurs. 

Après 37 minutes, l’excitabilité neuro-musculaire est bien conservée. 49 
minutes après, l’excitabilité du nerf existe encore, mais elle est très affaiblie. 


56 minutes après le début, le nerf a perdu son excitabilité, le muscle se con- 
tracte encore pendant peu de temps. 


Dans cette expérience, des troubles moteurs : cessation des mou- 
vements volontaires, mouvements convulsifs sont survenus en 
premier lieu. Les cœurs lymphatiques cessent de battre avantle 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 47 


cœur sanguin ; le nerf conserve son excitabilité, puis la perd 56 
minutes après le début de l'injection. 

Tous les phénomènes précédents se produisent aussi bien 
quand le poison est introduit dans l'intestin que lorsqu'on l’in- 
jecte sous la peau. 


EXPÉRIENCE XLVIT: —- AISNE de Tanguin dans le tube digestif d’un cobaye 
par le rectum. 

A 9 heures 54 m., on injecte dans le rectum 0,20°8 d’extrait mixte de Tan- 
guin à un cobaye pesant 630 gr. 

A 10 h. 8 m., nouvelle injection rectale de 0,20ce. 

À 10 h. 45 m., l'animal urine. 

À 10 h. 18 m., légers tremblements. 

A 10 h. 26 m., dernière injection de 0,20 ce. 

À 10 h. 29 m., tremblements assez intenses répétés fréquemment comme de 
petits accès, très marqués à la tête et au cou. Temblements de la tête. Le mu- 
seau tombe sur le plan de la table. Le cobaye reste étendu. 

À 10 h. 35 m., placé sur le sol et excité à la marche, il reste à la même place 
Il laisse son museau toucher la terre et penche la tête latéralement. Tremble- 
ments con vulsifs par accès, même dans les pattes postérieures. Sensibilité cor- 
néenne intacte. 

A 80 h. 45 m., l’animal urine abondamment. Placé sur le dos, il se remet 
sur le ventre. Les accès convulsifs continuent. 

De 10 h. 50 m. à 11 h. 40 m., l’état reste le même : Hebhgsr conserva- 
tion de la sensibilité. 

A 11 h. 40 m., T.R. 36°5. Les accès convulsifs continuent et se rapprochent 
de façon à vrai croire à un accès continu. Défécation abondante sans li- 
quide. 

De midi à 2 h. les accès convulsifs diminuent de nombre et d'intensité. La 
température remonte (37°, 3705), le cobaye peut se soutenir, il semble se re- 
mettre peu à peu. 

A 3 h.,T.R. 380. Va beaucoup mieux, a recouvré sa vigueur. Plus de con- 
vulsions. 

ASh.,à8h.,à9 h.et à10 h. du soir, rien de particulier. 

Le lendemain matin l'animal paraît remis. 


IV. — ACTION SUR L'HOMME. — EFFETS THÉRAPEUTIQUES. 


Nous venons d'étudier les divers symptômes observés chez les 
animaux, Chez l’homme, il est de notre devoir de ne rien tenter 
pouvant nuire aux malades à un degré quelconque ; nous devons 
cependant soulager les patients à l’aide de doses qui n’ont aucune 
mauvaise influence sur l'organisme. 

En agissant avec une prudence extrémement timide, nous 
avons donné d’abord à l’homme un centigramme, puis deux, 


48 E. QUINQUAUD. —— ACTION  PHYSIOLOGIQUE 


puis trois centigrammes d'extrait de Tanguin, et nous avons re- 
connu qu’il fallait cinq à dix centigrammes pour donner des effets 
thérapeutiques sur les voies digestives et qu'il importait de n’al- 
ler guère au delà sous peine de voir survenir, non pas des acci- 
dents, mais des symptômes divers qu'il faut éviter. 

Voici l'observation d’un tuberculeux ayant quelques troubles 
intestinaux que nous pensions are cesser en administrant du 
Tanguin : 


J..., âgé de 31 ans, est entré à la salle Bernard (hospice d’Ivry) pour une 
tuberculose pulmonaire accompagnée de quelques troubles intestinaux. 

Le 23 août 1885, le malade prend une potion contenant xx gouttes d'extrait 
de Tanguin, à 9 heures du matin. Il se sentait ce jour-là assez bien portant. 
Il a bien déjeuné vers dix heures et n’a rien ressenti jusqu’à onze heures; à 
ce moment surviennent un étourdissement avec tendance au sommeil puis des 
nausées et des vomissements alimentaires; en même temps, J... a été pris de 
coliques assez fortes et de diarrhée (quatre garde-robes dans la journée). Bien- 
tôt J... a épouvé une céphalalgie violente et très persistante ; dans l'après-midi, 
ila voulu prendre un peu de lait qui a été vomi. De plus le malade accuse une 
sensation de courbature et de faiblesse générale. 

La nuit, J... a été trois fois à la garde-robe; la céphalalgie l’a empêché de 
dormir. Pas de troubles cérébraux. 

Le lendemain 24 août, le malade n’a pas pu manger, il a même vomi un peu 
le matin; il n’a eu ce jour-là que deux garde-robes. 

Au bout de quelques jours, la céphalalgie et la sensation de faiblesse géné- 
ralisée avaient totalement disparu; il y avait une amélioration des troubles 
intestinaux. 


Ainsi, chez l’homme, comme chez les mammifères, parmi les 
premiers phénomènes, il y en a qui se produisent du côté du 
tube digestif : nausées, vomissements, diarrhée; puis survien- 
nent de la céphalalgie et de la faiblesse généralisée. 

L'observation suivante démontre lamême action sur l'intestin. 


Pat... âgé de 73 ans, couché au numéro 13 de la salle Bernard (hospice 
d'Ivry), ayant une bronchite chronique, se plaint de constipation depuis quatre 
jours. On lui donne, le 43 juin, à 9 heures 20 m. du matin, 0,10 d'extrait 
de Tanguin en potion. Avant l’administration du médicament, le malade dit 
n’avoir eu ni coliques ni vomissements. A la palpation de l'abdomen, on perçoit 
du gargouillement. A midi, garde-robe très abondante, qui se répète le len- 
demain matin à 8 heures. 


Il en est de même les jours suivants sans administration de 
Tanguin. | 


DU TANGUIN DE MADAGASCAR. 49 


Chez plusieurs autres malades, les mêmes doses ont produit 
les mêmes effets. 

Ainsi, dans des recherches antérieures, nous avions pu don- 
ner progressivement xv gouttes de Tanguin sans déterminer de 
troubles bien accentués. Dans ces conditions, nous avons pu 
donner xx gouttes à un homme adulte; divers troubles n’ayant 
aucune gravité se sont produits, mais il est évident qu'il ne faut 
pas dépasser ces doses. Il est indispensable, comme dans Ja 
deuxième observation, de n’employer le Tanguin qu’à la dose de 
cinq à dix centigrammes pour combattre la constipation, En 
voici un nouvel exemple : 


N..., 61 ans, athéromateux avecphénomènes d’ischémie cérébrale, est couché 
au numéro 14 de la salle Bernard (hospice d'Ivry). Ce malade se plaignant 
d’être constipé depuis 5 jours, on Ini donne, le 42 juillet, 10 gouttes d'extrait 
de Tanguin. A la suite de l’administration de cette substance, N... n’a éprouvé 
aucun accident, ni aucun phénomène douloureux; il a eu deux selles ordi- 
naires dans l’après-midi. 

On renouvelle la dose toujours avec le même succès. 


On voit que nos recherches chez l’homme sont tout à fait in- 
complètes. Le Tanguin nous ayant manqué, nous n’avons pu les 
compléter; mais tout insuffisantes qu’elles soient, elles prouvent 
quel’on peut administrer cette substance à l’homme, touten ne dé- 
passant guère la dose de dix à vingt centigrammes, même il sera 
prudent de ne donner que des doses inférieures à vingt centi- 
grammes. Si l'on augmente progressivement les doses, il faudra 
s'arrêter aussitôt qu'apparaîtra la céphalalgie. 


CONCLUSIONS. 


Chez les batraciens le Tanguin détermine des accidents que 
l'on peut diviser en frois périodes : 

Dans la première, ce sont des phénomènes d’excitation qui 
dominent : agitation, accélération de la respiration et des mou- 
vements du cœur. 

La seconde phase se caractérise par l'arrêt respiratoire, par 
l’affaiblissement des mouvements volontaires allant jusqu’à la 
résolution des muscles, par l’hyperexcitabilité cérébro-spinale, 
avec convulsions généralisées et par la diminution de fréquence 
des battements cardiaques. 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. xx11 (1886). 4 


510) E. QUINQUAUD. — ACTION PHYSIOLOGIQUE DU TANGUIN, ETC. 


La troisième période s'annonce par la division des réflexes, par 
la paralysie avec flaccidité. À ce moment précis, l’excitabilité 
neuro-museulaire existe encore. Vers la fin de cette phase, l’irri- 
tabilité neuro-musculaire diminue, puis cesse. Le cœur s'arrête. 

La destruction tardive de l’irritabilité neuro-musculaire est 
due surtout à l’action du Tanguin sur le nerf et sur le muscle. 

L'affaiblissement, puis l’arrêt des mouvements du cœur pa- 
raissent dus à l’action du toxique sur le myocarde. 

Chez les mammifères, la première période est beaucoup plus 
longue et plus évidente : les animaux s’agitent, la respiration 
s'accélère ainsi que les battements du cœur; ils ont des nausées 
des vomissements, de la diarrhée, parfois du ténesme. La pres- 
sion artérielle augmente un instant pour diminuer ensuite. La 
deuxième phase est de courte durée : les convulsions survien- 
nent et sont accompagnées rapidement d'un arrêt respiratoire. 

La température rectale, mesurée au thermomètre, diminue 
de 0°5 à 0°8; l'examen calorimétrique ne fait pas découvrir de 
différence bien nette dans un sens ni dans l’autre. 

La mort est produite par un arrêt respiratoire et non par une 
syncope cardiaque, bien que le Tanguin agisse en même temps 
sur le cœur et sur la respiration. 

Chez l’homme à l’état physiologique et à la dose de 0,156, le 
Tanguin détermine des étourdissements, de la céphalalgie persis- 
tante, des coliques, de la diarrhée, des vomissements et une fai- 
blesse générale. Mais cinq à dix centigrammes ne produisent 
rien de semblable : à cette dose, l’action du poison de Madagas- 
car se borne à donner quelques coliques et une ou deux garde- 
robes. À l’état pathologique, le Tanguin produit ces mêmes effets. 
Il nous a paru être utile dans les cas de constipation, de réten- 
tion d’urine et dans les cas de tremblements, à la dose de cinq 
à dix centigrammes. 


* 


N'O'TE 


SUL LES 


SACS LARYNGIENS DES SINGES ANTHROPOIDES 


Par MM, DENIKER et BOUTART. 


Nous devons à l’obligeance de M. Le professeur Pouchet d’avoir 
pu étudier le larynx d’un certain nombre de singes anthro- 
poides, appartenant aux genres Chimpanzé (Troglodytes) Orang 
(Simia) et Gorille (Gorilla). 

Nos observations ont surtout porté sur les sacs laryngiens, 
organes dont la présence a été depuis longtemps signalée, mais 
sur lesquels, particulièrement pour les genres Chimpanzé et Go- 
rille, il n’existe en réalité que peu de détails. 


_ GENRE CHIMPANZÉ. 


Traill (4) signale la présence de deux sacs laryngiens chez 
le Chimpanzé, mais ils ne donne pas les dimensions des sujets 
observés par lui, il note cependant que chez une femelle de 
15 centimètres de hauteur, le sac gauche était plus développé 
que le droit. 

Vrolik (2) n'en trouve qu'un seul chez l'adulte. 

C. Mayer, dans un mémoire couronné en 1845 par l’Acadé- 
mie des sciences (3), dit n'avoir pas rencontré de sac à l’exté- 
rieur du larynx chez un Chimpanzé femelle de 1 mètreet 17 cent. 
Il signale néanmoins au-dessus de la corde vocale supérieure, 
une cavité qui se prolonge jusqu'à la base de la langue. 

Duvernoy a trouvé sur trois exemplaires non adultes et ayant 
seulement leur arrière molaire, deux réservoirs aériens petits et 
communiquant dans chaque ventricule’du larynxpar une ouver- 
ture comme celle des Orangs et des Gorilles (4). 


(1) Observations on the Anatomy of Orang-Outang, Mem. of the wernerian nat. 
hist. society, t. III, p. 40, Edimbourg, 1821. 

(2) Vrolik. Recherches d'anatomie comparative sur le Chimpanzé. Amsterdam, 
1841. 

(3) C. Mayer. Uber den Bau des organes der Stimme bei dem Menschen, den 
Säugethieren und einigen grossen Vôügeln. Verhand. der K. Léopole dinisch-caroli- 
nischen akademie der naturforscher, t. XV. 

(4) Duvernoy. Des caractères anatomiqnes des grands singes pseudo-anthropo- 
morphes, Arch. du muséum, t. VIII (1855-56), p. 204. 


52 DENIKER ET BOULART. — SACS LARYNGIENS 


Ehlers (1) a vu deux sacs chez l'adulte ©, sacs dont le droit 
était considérable, tandis que le gauche mesurait à peine deux 
centimètres ; il cite les travaux de Sandifort et de Bischoff qui 
ont constaté la présence de deux sacs chez les Chimpanzés jeunes 
et adultes, mais il oublie de signaler l'observation de Broca (2), 
sur les sacs d’un jeune Chimpanzé, et le remarquable travail de 
MM. Alix et Gratiolet (3), qui porte sur l’anatomie d’un Chim- 
panzé femelle mesurant 0”,50 de la fourchette sternale à la vulve. 
Voici ce que disent ces auteurs : « Entre les cordes vocales supé- 
rieures et inférieures, s’ouvrait de chaque côté un vaste ventri- 
cule qui, en avant, se prolongeait et formait une cavité remar- 
quable par la manière dont elle se terminait. À droite cette ca- 
vité formait simplement un cul-de-sac situé entre l’os hyoïde et 
le cartilage thyroïde. À gauche la cavité se prolongeait en un 
large conduit qui se place sous le muscle thyro-hyoïdien. Ce 
canal gagnait la ligne médiane puis se dilatait en une ampoule 
qui, d’une part envoyait derrière le corps de l'os hyoïde un vaste 
diverticulum et, d'autre part, communiquait par un col rétréci 
avec un grand sac étalé au-devant et sur les côtés du cou. Ce sac, 
dans sa partie médiane, atteignait le sternum et s'étendait à un 
centimètre environ sur les insertions sternales des muscles 
sterno-mastoïdiens. De chaque côté ce muscle émettait un pro- 
longement formant une poche latérale qui descendait au-des- 
sous de la clavicule jusque sur la base de l’apophyse corocoïde. 

La partie antérieure du sac est recouverte par une forte apo- 
névrose qui s'attache au bord inférieur de l'os hyoïde et s'étend 
entre les deux muscles sterno-mastoïdiens ». 

Les Chimpazés que nous avons été à même de disséquer, au 
nombre de quatre, étaient de jeunes femelles. Le plus petit me- 
sure 0”,53 centimètres du vertex au talon; le plus grand 0",72 
centimètres. Les deux autres respectivement 0",58, 0",62. 

Chez ces quatre sujets nous avons constaté que les deux sacs, 
semblables à l’origine, se différenciaient dans la suite, le sac 
droit restant rudimentaire et le sac gauche acquérant des di- 


(1) Ehlers. Beiträge zur Kenntniss des Gorilla und Chimpanzé. Abhandi. der K. 
Gesel. der Wissensch zu Gôttingen. 1881, p. 53. 

(2) Broca. L'Ordre des Primates, mémoires d'Anthropol. de Broca, t. Ii. Paris, 
1871, 94121: 

(3) Gratiolet et Aïix. Recherches sur l'anatomie du Troglodytes Aubrii. Nouv. 
Arch. du Muséum, t, II (1865-66). 


DES SINGES ANTHROPOIDES. DJ 


mensions notables; nous avons reconnu, en outre, que les deux 
sacs ou poches en question apparaissent tout d’abord comme deux 
petites vésicules de la grosseur d’un pois, simple hernie des ven- 
tricules de Morgagni qui se montrent latéralement entre le bord 
supérieur du cartilage thyroïde et le bord inférieur du corps de 
l’hyoïde sous le muscle sterno-hyoïdien. 

Ces vésicules ne se voient point à la simple inspection de la 
région et ce n’est qu’en poussant une injection à la cire colorée 
par les ventricules du larynx, que nous avons été à même de dis- 
cerner leur présence. 

Voici du reste, quant à ce qui touche au réservoir en question, 
les mesures que nous avons relevées sur les quatre sujets exa- 
minés par nous. 

1° Chimpanzé 9, 0"53 (pl. IV, fig. 1) (1). — Les deux sacs se mon- 
trent après avoir sectionné le muscle sterno-hyoïdien , comme 
deux petits réservoirs globuleux, égaux entre eux, et mesurant 
cinq millimètres de diamètre. La petitesse de ces poches nous 
porte à penser qu'il serait inutile de les chercher chez un sujet 
au-dessous de 50 centimètres et nous sommes d'autant plus 
fondés à émettre cette opinion, que le développement de ces 
organes est très rapide. Notre animal avait déjà toutes ses dents 
de lait. Un chimpanzé presque aussi jeune, examiné par Broca, 
prosentait à gauche un sac ayant Le volume d’un pois; « à droite 
le prolongement ventriculaire était plus petit encore et ne tra- 
versait même pas la membrane thyro-hyoïdienne. » 

2° Chimpanzé &, 0°,58 (pl. IV, fig. 2) (2). — Les deux sacs 
sont ici inégaux ; celui du côté gauche commence à se pédi- 
culer en même temps qu’il s’élargit à sa partie inférieure. En 
un mot il tend à devenir pyriforme. 

Longueur : 4 centimètre et 8 millimètres. 

Largeur maxima : 1 centimètre. 

La poche droite a conservé sensiblement la même dimension 
et la même forme que dans le sujet n° 1. 

3° Chimpanzé ©, 0®,62 (dit Bobo) (pl. IV, fig. 8 et 5) (3). — 
Poches toujours inégales ; celle du côté gauche mesure : 

Lougueur : 2 centimètres. 


(1) Pièce provenant de la Galerie d’Anatomie Comparée du Muséum, À 4553. 
(2) Gal. Auat. Comp. À 4553. 
(3) Gal. Anat. Comp. À 4553. 


04 DENIKER ET BOULART. — SACS LARYNGIENS 


Largeur : À centimètre et 2 millimètres. 

La poche du côté droit a perdu un peu de la forme globuleuse 
qu’elle avait dans les deux sujets précédents. Elle tend à s’allon- 
ger tout en conservant de très minimes dimensions. 

Longueur : 9 millimètres. 

Largeur : 5 millimètres. 

4° Chimpanzé, 0®,72 (pl. IV, fig. 4) (1). — Cet animal avait été 
en partie disséqué et la poche gauche ouverte et lacérée. Cepen- 
dant d’après les lambeaux qui subsistaient, on peut conjecturer 
qu’elle mesurait 6 centimètres de long. 

La poche droite est toujours rudimentaire. Elle mesure un 
centimètre de longueur. 

Ces quatre observations jointes à celles de Traill et de MM. Gra- 
tiolet et Alix, semblent démontrer que chez le Chimpanzé 
femelle il existe deux sacs, que ces deux sacs apparaissent de 
bonne heure et que l’un d’entre eux, le gauche, prend un déve- 
loppement très supérieur à l’autre. Une seule observation, celle 
d'Ehlers, qui a vu chez un adulte © le sac droit plus développé 
que le gauche, empêche de considérer ces données comme une 
règle générale. 


GENRE GORILLE. 


Si du genre Chimpanzé nous passons au genre Gorille, nous 
trouvons la même pénurie d'observations. 

Duvernoy (2), dans son troisième mémoire sur les caractères 
anatomiques des grands singes anthropomorphes, décrit les 
poches laryngiennes d’un jeune Gorille et d'un adulte sans don- 
ner, à l’égard du premier, des renseignements sur son sexe et 
ses dimensions. | 

Les poches, dans le jeune, d’après cet anatomiste, se mon- 
traient dans l’intervalle existant entre le cartillage thyroïde et le 
corps de l’hyoïde, entre les deux muscles sterno-hyoïdiens. Il 
en existait deux autres, également symétriques, qui faisaient 
saillie dans l’espace compris entre le bord supérieur du cartilage 
thyroïde et la corne thyroïdienne de l'hyoïde, entre le bord 
externe du muscle thyro-hyoïdien et le ligament thyro-hyoïdien 
externe. 


(1) Pièce existant au Laboratoire d'Anatomie Comparée du Muséum, 1883. n° 8661. 
(2) Le CD ART 


DES SINGES ANTHROPOIDES,. 55 


Les deux poches du même côté communiquent, d’après Du- 
vernoy, l’une dans l’autre par une cavité commune dont elles 
sont les prolongements. Cette cavité remontait au-dessus de la 
corne thyroïdienne de l’hyoïde sur les côtés de l’épiglotte, en 
dehors de la membrane aryteno-épiglottique. 

Chez le mâle adulte, décrit par le même auteur, il existait un 
réservoir aérien principal impair d’où partait, de chaque côté, 
un diverticulum qui se portait sur les parties supérieures et laté- 
rales du cou, en s’élevant jusque derrière l’angle de la machoire 
inférieure ; 1l était placé à l’intérieur des muscles sterno et omo- 
hyoïdien. 

La poche impaire et médiane descendait sur le devant du 
thorax en fournissant successivement une seconde et une 
troisième branche de chaque côté. La seconde branche, la 
moyenne, se dirigeait en dehors de la première, au-devant de la 
clavicule, sous le muscle sterno-cleido-mustoïdien et gagnait le 
dessus de l'épaule. Enfin, la troisième, la plus considérable, 
pénétrait sous la portion claviculaire du deltoïde, sous le tendon 
du grand pectoral et sous celui de la seconde portion du petit 
pectoral ; 1l gagnait l’aisselle ainsi que les côtés de la poitrine. 

Il ressort de cette description, que chez l'adulte étudié par 
Duvernoy, les deux sacs communiquaient entre eux. Cette com- 
munication nous paraît douteuse. Nous avons pu, en effet, con- 
stater la présence, chez deux Gorilles et chez un Gorille ©, de 
deux poches laryngiennes distinctes. 

D'autre part, Ehlers (1) a décrit chez une femelle adulte deux 
sacs, dont le droit, très volumineux, se prolongeait jusqu'aux 
aisselles, tandis que le gauche était relativement petit. 

Enfin, Bischoff (2) n’a vu qu'un seul sac chez une jeune femelle 
de 60 centimètres de hauteur. Ce sac, situé à droite, était de la 
grosseur d'une noisette. 

Les trois Gorilles sur lesquels ont porté nos observations me- 
surent l’un 93 centimètres du vertex au talon, l’autre 0,65 et 
le troisième 0,58. 

1° Gorille x 0",93 (3). — Comme chez le mâle adulte étu- 


(1) L. e. p. 49. 

(2) Bischoff. Béiträge zur Anatomie des Gorilla (Abh. der K. Bayer. Akad. der 
Wissen. Ile cl. XII, 3e Abth. p. 42, Munich, 1880). 

(3) Lab. Anat. Comp. 1883, n° 1083. 


06 DENIKER ET BOULART. — SACS LARYNGIENS 


dié par Duvernoy, il ne semble exister chez ce sujet, à pre- 
mière vue, qu'un réservoir aérien médian remontant égale- 
ment sur les parties latérales du cou jusque derrière l'angle de 
la mâchoire inférieure, et se prolongeant inférieurement en 
deux branches subdivisées elles-mêmes en deux prolongements 
gagnant l’un la clavicule, l’autre l’aisselle. Ayant injecté ce sac, 
au suif, nous avons vu notre injection ressortir par le ventri- 
cule droit. Une autre injection poussée par le ventricule gauche 
a pénétré dans un autre sac de la grosseur d'un œuf de poule 
et complètement recouvert par le premier auquel il adhérait 
intimement. | 

2o Gorille +, 0%,58 (1). — Du côté gauche, un sac pyriforme 
de 2 centimètres et 8 millimètres de long. Du côté droit, se voit 
une petite poche de 5 millimètres de long sur 4 millimètres de 
large. La poche gauche dirigée de dehors en dedans, occupe la 
ligne médiane du larynx; la poche droite est recouverte par le 
muscle sterno-hyoïdien du même côté. 

Le sac gauche avait sa portion rétrécie, ou son pédicule, logé 
dans la profonde excavation dont est creusé le corps de l'hyoïde 
chez le Gorille, et y adhérait intimement. 

8° Gorille ©, 0,65. — Ce sujet appartenant à la Faculté des 
sciences de Caen, et que l’un de nous a pu étudier, offrait du côté 
droit un sac rudimentaire de la grosseur d’un pois (pl. [, fig.3, s d). 
Le sac gauche, au contraire, était déjà bien développé. Long de 
0,095, large de 0”,020 et placé sur la ligne médiane, il des- 
cendaitentreles muscles sterno-hyoïdiens en haut, et les muscles 
sterno-mastoïdiens, en bas, jusqu’au bord supérieur du sternum.. 

Rétréci en haut, il s’élargissait ensuite et offrait dans sa portion 
supérieure, à droite, une petite dilatation de la grosseur d’un 
pois (pl. I, fig. 4), et qui probablement était le rudiment 
de la branche latérale supérieure ou maxillaire, ou bien le diver 
ticulum que le sac envoie dans le tambour de l’hyoïde (voy. 
Duvernoy, 1. ce. pl. XIE, fig. D, b, et Ehlers, pl. IL, fig. 10). 

En fendant la paroi du larynx, à partir de la corde vocale 
supérieure, on voit le prolongement antérieur du ventricule 
aboutir à un orifice assez large. La muqueuse du ventricule et 
celle du sac sont en continuité. 


(1) Lab. Anat. Comp. 1884, n° 339. 


DES SINGES ANTIIROPOIDES, 97 


Du côté droit, le prolongement du ventricule a l'aspect d’un 
cul-de-sac en forme de nid, tapissé par la muqueuse et faisant 
saillie au dehors, dans le petit sac droit. 

En résumé, laissant de côté l'observation de Duvernoy qui, 
comme nous l'avons dit plus haut, nous paraît erronée, nous pen- 
sons pouvoir établir qu’il existe toujours deux sacs chez le Gorille 
mâle, que ces deux sacs restent distincts l’un de l’autre, tout 
en s’accolant plus au moins étroitement l’un à l’autre dans la 
suite du développement et que c’est tantôt l’une des poches, 
tantôt l’autre qui prend le plus d'accroissement. Quant à la 
femelle, tout porte à croire qu'il existe également, chez elle, 
deux sacs inégaux. Ehlers en a constaté la présence, comme nous 
l’avons déjà dit, chez une femelle adulte, et nous-mêmes les 
avons vus chez une femelle de 0,65. Bischoff, il est vrai, n’a 
trouvé qu’une seule poche chez un sujet de 0,60, mais il est 
probable qu’il a négligé d'insuffler ou d’injecter l’autre réservoir 
ce qui fait qu'il n'a pu l’apercevoir en raison de la petitesse qu'il 
devait avoir. Il est bon d'ajouter que c’est tantôt le sac droit tantôt 
le sac gauche qui prend le plus grand développement. 

Notons pour terminer, ce qui a trait au genre Gorille, qu'ayant 
eu l’occasion de disséquer un fœtus de Gorille de 6 mois, l’un 
de nous n’a trouvé, ce qui du reste était à prévoir, aucune trace 
des sacs laryngiens. 


GENRE ORANG. 


C’est Camper qui le premier, en 1779, a signalé les sacs de 
l'Orang. Camper décrit (1) : 1° deux sacs chez une jeune femelle 
longue de 11 pouces rhénans, du menton au pubis; le droit, 
volumineux, long de 73 millimètres; le gauche, beaucoup plus 
petit, dépassant à peine le bord inférieur du cartilage cricoïde ; 
2° chez une femelle de 13 pouces du menton au pubis : deux 
sacs fusionnés, le sac droit beaucoup plus grand que le gauche 
et descendant jusqu’au milieu de la poitrine. 

Camper décrit encore les sacs de trois autres Orangs, dont il 
ne donne ni le sexe ni les dimensions, mais dont l’un, plus âgé, 
avait du côté droit un sac qui descendait jusqu'à l'extrémité du 
Sternum et de chaque côté sur la clavicule et sous les aisselles. 


(1) P. Camper. Naturgschichte des Orang-Utang und einiger andern Aflenarten 
(trad. allem.). Dusseldorf, 1791, p. 157. 


58 DENIKER ET BOULART. — SACS LARYNGIENS 


Mayer (1) a étudié trois sujets dont un mâle et deux femelles. 
Il a trouvé chez tous deux sacs et il a constaté que dans l’un le 
sac droit avait les dimensions d’un œuf d'oie, tandis que le 
gauche était de la grosseur d’une noisette. Chez l’autre, le sac 
gauche était plus grand que le droit. Enfin, dans le troisième, 
qui était une femelle, les sacs étaient à peu près égaux. 

Sandifort (2) signale la présence d'un seul sac chez le jeune 
Orang et de deux poches chez l'adulte. 

Vrolik (3) a constaté l'existence de deux sacs chez trois jeunes 
et d’un seul chez l'adulte. | 

Comme on le voit, les données sur les poches des Orangs sont 
très contradictoires, et il est en réalité fort difficile d’en tirer au- 
cune conclusion. Voilà pourquoi il nous semble utile de relater 
les observations que nous avons pu faire sur deux femelles et 
quatre mâles du genre en question. 

4° Orang-Outang ?, 0®,65 (4). — La poche gauche et la poche 
droite sont sensiblement égales. 

Poche gauche pyriforme : 

Longueur : 5 centimètres ; 

Largeur : 1 centimètre et 8 millimètres, inclinée de dehors en 
dedans et de haut en bas. 

Poche droite sensiblement de même forme, mais dirigée de 
dedans en dehors : 

Longueur : 4 centimètres; 

Largeur : 3 centimètres et 2 millimètres. 

2 Orang-Outang +, 0,52 (5). — Poches droite et gauche en- 
core sensiblement égales. Poche gauche dirigée parallèlement 
à la trachée et mesurant 3 centimètres 1/2 de long sur 2 centi- 
mètres de large. 

Poche droite. Longueur : 4 centimètres. Largeur : 3 centi- 
métres 1/2; de forme ovoïde. 

3° Orang-Outang *, 0",48 (6). — Deux poches. La poche droite 


(1) Loc. cit. 

(2) Sandifort. Ontleedkundige beschrijving van een volvassen Orang-Œtan. — 
Verchandelingen over der naturlijke geschiedeniss der niderland besittingen. Leyde, 
1840. 

(3) Loc. cit. 

(4) Lab. Anat. Comp., 1880, n° 1521. 

(5) Lab. Anat. Comp., 1864, n° 99. 

(6) Lab, Anat, Comp., 1880, n° 1482. 


DES SINGES ANTHROPOIDES. 59 


plus volumineuse que la gauche, de la grosseur d’un œuf de 
pigeon. Poche gaufhe globuleuse, de la dimension d’une noi- 
sette. 

ko Orang-Outang +, 0m,60. — Deux poches; celle du côté 
droit beaucoup plus développée, reniforme, est appliquée trans- 
versalement sur le larynx. Son bord inférieur dépasse un peu le 
cartilage cricoïde. Longueur : 2 centimètres 1/2. Largeur : 6 cen- 
timètres. 

La poche gauche est petite, globuleuse, et mesure 2 centi- 
mètres de diamètre. 

5° Orang-Outang «, 0",65 (1). — Deux poches ; celle du côté 
gauche beaucoup plus développée que la droite. Forme comme 
dans le sujet précédent. Longueur : 11 centimètres. Largeur : 
6 centimètres et 9 millimètres. 

Poche droite faiblement pédiculée. 

Longueur : 41 millimètres; 

Largeur : 32 millimètres. 

6° Orang-Outang +, 0°,80 (92) (pl. HT, fig. 2 et 3). — Deux 
poches; la gauche beaucoup plus grande que Ia droite. 

Le sac gauche, en forme de cornemuse, dirigé transversale- 
ment, s'applique par son bord supérieur contre l’arcade de la 
mâchoire inférieure qu’il déborde latéralement et couvre toute 
la région cervicale jusqu’au second anneau de la trachée. Ce ré- 
servoirse prolongeinférieurement sous le muscle sterno-hyoïdien 
en un diverticulum qui pénètre jusque sous la clavicule. 

Le sac droit disposé perpendiculairement au précédent, n’a 
pas de prolongement. Sa forme est elliptique. Il s'étend jusqu’à 
la clavicule et mesure 11 centimètres de long sur 9 centimètres 
de large. 

En ne tenant compte que de ces six observations, on voit, 
quant à ce qui touche aux individus femelles, qu’il existe chez 
le jeune deux sacs sensiblement égaux, mais que l’un d’entre 
eux, tantôt le droit, tantôt le gauche, présente des dimensionsun 
peu plus fortes. Quant aux sujets du sexe mâle, on constate 
également qu'il existe deux poches, que ces poches offrent une 
inégalité très marquée, et que c’est aussi tantôt la droite, tantôt 


(1) Gal. Anat. Comp. A. 2547. 
(2) Lab. Anat, Comp., 1880, n°4528. 


60 DENIKER ET BOULART, — SACS LARYNGIENS 


la gauche qui prend l'accroissement le plus considérable, En 
rapprochant ces observations de celles de Camper, de Sandifort, 
de Vrolik et autres, on arrive à cette conclusion qu’il existe dans 
la règle deux sacs aussi bien chez le mâle que chez la femelle ; 
que ces deux sacs sont surtout inégaux chez le mâle, le gauche 
ou le droit se développant davantage. Sendifort signale, il est 
vrai, la présence d’un seul sac chez le jeune, mais Les observa- 
lions que nous avons été à même de faire nous ont montré qu’un 
des sacs est généralement très petit chez les Singes anthropo- 
morphes et peut, par conséquent, échapper à l’observation. . 

Quant à l'opinion de Vrolik qu’il y a deux sacs chez le jeune 
et un seul chez l'adulte, on ne peut, ce nous semble, l'expliquer 
qu'en admettant que les observations de cet anatomiste ont porté 
sur des sujets chez lesquels un des sacs ayant pris seul un 
accroissement considérable, recouvrait et cachait l’autre, arrêté 
de bonne heure dans son développement. 

Il nous reste, pour terminer cette note, à dire quelques mots 
de la circulation dansles poches laryngiennes, à l'égard delaquelle 
il n'existe qu’une courte note, relatlve au Gorille, d'Ehlers (1). 

« Je n’ai, dit cet auteur, remarqué qu’une branche assez 
grosse et qui mérite une mention spéciale à cause de sa parti- 
cularité morphologique. Elle naît de l’anostomose médiane des 
artères crico-thyroïdiennes entre le cricoïde et le thyroïde. C’est 
une branche médiane impaire qui se dirige en bas et s’applique 
à la face postérieure du grand sac impair ». 

Voici ce que nous nous avons constaté sur l’Orang de 0",80. 

Chez cet animal, le sac gauche avait comme nous l'avons dit, 
la forme d'une cornemuse et couvrait la région cervicale jus- 
qu'au troisième anneaude latrachée, en même temps qu'il se pro- 
longeaitinférieurement jusque dans la clavicule. À 16 millimètres 
environ de l'artère thyroïdienne inférieure, presqu’au même 
niveau que la faciale se montrait un court tronc artériel (pl. IH, 
fig. 3, À) qui se divisait en trois branches : l’une est la linguale, 
(pl. IF, fig. 3, !) l’autre (homologue à la branche hyoïdienne 
de l’ar. laryngée sup.) passe au-dessous de l’hyoïde et s’anosto- 
mose avec celle du côté opposé (pl. I, fig. 5, ls). Enfin, la 
troisième (pl. I, fig. 3, as), longue et grêle, donne à la sur- 


(1) L. ©. p, 55. 


DES SINGES ANTIHROPOIDES. GI 


face du sac laryngien de nombreuses branches qui s’irradient 
à la face supérieure et inférieure de l'organe en question. La 
disposition est la même du côté droit, sauf que les vaisseanx 
sont ici moins nombreux et plus fins. 

Chez le Chimpanzé, la distribution des vaisseaux est un peu 
différente. Nous avons remarqué, en effet, sur le sujet de 0",65 
(Bobo), que la thyroïdienne se subdivisait en trois rameaux. 
L'un, le supérieur, est la linguale; l’autre (art. laryng. supér.) 
passe sous l'hyoïde et s’anostomose avec celui du côté opposé 
en fournissant quelques petits rameaux grêles à la poche gauche 
(pl. IV, fig. 5). 

Enfin, la troisième branche fournit l'artère crico-thyroïdienne 
(pl. IV, fig. 5, cf) qui s’anostomose avec celle du côté opposé et 
ne montre aucune trace de l’artère médiane observée par Ehlers, 
sur le Gorille. Elle émet simplement une artériole (pl. IV, 
fig. 5, k) qui se perd dans le muscle sterno-hyoïdien. On voyait 
aussi à la face antérieure de la poche quelques veinules se réu- 
nissant en deux petits troncs anastomosés qui se jettent dans la 
jugulaire interne. 


EXPLICATION DES PLANCHES IT ET IV. 


Lettres communes à toutes les figures : 


h. Os hyoïde. 

t. Cartilage thyroïde. 

cr. —  cricoïde. 

g. Clande sous-maxillaire. 
sh. Muscle sterno-hyoïdien. 


d. —  digastrique. 
0. —  omo-hyoidien. 
sd. Sac laryngien droit. 
sq. — gauche. 


æ. Prolongement claviculaire du sac. 
m. Membrane thyro-hyoïdienne. 

cl. Clavicule. 

c. Artère carotide primitive. 


ce — —, VA GHIEENC. 
ts. —  thyroidienne supérieure. 
ct. —  crico-thyroidienne. 


as. — du sac laryngien. 


62 DENIKER ET BOULART. — SACS LARYNGIENS DES SINGES, ETC, 


PLANCHE Ill. 


Fi. 1. Sacs laryngiens d’un jeune gorille femelle, grandeur naturelle. 
sm, muscle sterno-mastoidien ; {, ganglion lymphatique; dv, diverticulum 
latéral du sac laryngien gauche. 
Fi. 2. Sacs laryngiens d’un orang-outang adulte en place; : de grandeur na- 
turelle. 
Fi, 3. Mêmes sacs déjetés des deux côtés pour montrer la distribution des vais- 


1 
seaux à leur surface; : grandeur naturelle. 


2 
ci, artère carotide interne; À, tronc commun naissant de l’artère carotide 
externe et donnant trois branches : l’artère hyoïdienne (?) ({s), l'artère lin- 


guale (2) et l'artère du sac (as). 


PLANCHE IV. 
Fic. 1. Sacs laryngiens d’un très jeune chimpänzé, grandeur naturelle. 
Fic. 2. Sacs laryngiens d’un jeune chimpanzé, grandeur naturelle. 
Fic. 3. Sacs laryngiens d’un jeune chimpanzé femelle, grandeur naturelle. 
Fic. 4. Sacs laryngiens d’un chimpanzé presque adulte, grandeur naturelle. 


Fic. 5. Région cervicale antérieure d’un jeune chimpanzé (le même dont les 
sacs sont représentés sur la fig. 3). Rapports des vaisseaux avec le sac la- 
ryngien, grandeur naturelle. 
jt, veine jugulaire interne à laquelle aboutissent, par l'intermédiaire de la 

veine faciale, les veines de la région du larynx; /s, artère laryngée supérieure 
donnant une branche (a) à la glande sous-maxillaire et une autre (?) au sac 
larynger; k, artériole venant de l’anastomose des artères crico-thyroïdiennes 
et se ramifiant dans le muscle sterno-hyoïdien; gt, glande thyroïde; p, sa 
tunique se continuant avec celle du thymus. 


MESURE DU TRAVAIL EFFECTUÉ 


DANS LA 


LOCOMOTION DU QUADRUPÈDE 


Par André SANSON 


Professeur de zoologie et zootechnie 
à l’École nationale de Grignon et à l’Institut national agronomique. 


Ï 


A la façon de la locomotive, le moteur animé quadrupède ne 
peut déployer du travail utile qu’à la condition de se déplacer 
lui-même. Il accomplit sa fonction en transportant une charge 
sur son dos, ou en exerçant des efforts de traction par l’intermé- 
diaire de traits d’attelage, absolument comme la locomotive. 
Dans le dernier cas, la valeur de l’effort est facile à obtenir. Il 
suffit d’interposer un dynamomètre entre les traits et la résis- 
tance pour mesurer cette valeur. Le diagramme tracé par l’ins- 
trument enregistreur donne ce qu’on appelle le tirage. En mul- 
tipliant la valeur de l'effort moyen déduit du diagramme par le 
chemin parcouru, on a le travail effectué. Il n’en est pas de même 
au sujet du travail moteur déployé pour le déplacement du mo- 
teur lui-même, dans ce dernier cas comme dans celui du trans- 
port à dos de la charge, où celle-ci se confond d'ailleurs avec son 
propre poids, en s’y ajoutant. 

Une singulière interprétation des phénomènes fait parfois 
considérer comme mécaniquement nul ce travail moteur, par 
un raisonnement dont les auteurs de recherches sur l’alimenta- 
tion du cheval de trait (1) donnaient encore récemment un 
exemple. « Le cheval, disaient-ils, pour produire ce travail ex- 
térieur mesurable est obligé de déplacer son corps, de parcourir 
une certaine longueur sur une piste située dans un plan hori- 
zontal. Bien que, au point de vue mécanique, il n’y ait aucun 
travail produit (celui qui, par le déplacement vertical des jambes 


(1) L. Graxpeau et LECLERC. Annales de la science agronomique française et 
étrangère, t. II, 2e fascicule, p. 390. Paris, 1885. 


64 À. SANSON. — TRAVAIL EFFECTUÉ 


ou du corps, est positif pendant l'élévation, devient négatif dans 
l’abaissement, en sorte que le travail final est égal à zéro), on 
trouve cependant que le cheval dépense ses forces, et s’il passe 
du repos à la marche, par exemple, qu’un supplément de nour- 
riture lui est nécessaire pour le maintenir dans un même état 
d'entretien (Ration de transport). 

«On conçoit aisément, ajoutent les auteurs, que cette dépense 
de force est fonction du poids du cheval et du chemin parcouru. 
En conséquence, nous avons pris pour mesure de l'énergie dé- 
pensée ou de l'effet utile dans ce mouvement, pour nous servir 
du terme consacré, le produit du poids du cheval par le chemin 
parcouru. Cette nouvelle donnée, qu'il ne faut pas confondre 
avec le travail kilogrammétrique extérieur fourni par la traction, 
et que nous avons eu soin d'inscrire à part, nous permettra de 
comparer plus facilement les résultats que nous avons obtenus 
avec chacun de nos chevaux.» 

Le présent mémoire a pour objet de montrer que dans le dé- 
placement horizontal du cheval ou de tout autre animal quadru- 
pède, il y a production de travail mécanique réel, conformément 
à sa définition classique, et de fournir le moyen de mesurer ce 
travail, c’est-à-dire de le calculer en kilogrammètres. Les efforts 
déployés par les muscles pour opérer ce déplacement équivalent 
à un certain poids élevé à une certaine hauteur, ou à un véri- 
table travail mécanique, et ce travail équivaut, de son côté, à 
une certaine quantité d'énergie dépensée, ne pouvant être res- 
tituée que par les aliments. S'il n’y avait pas travail mécanique 
intérieur ou extérieur, il n’y aurait point perte de poids (1). C’est 
pourquoi l’on constate que, même dans le cas du simple déplace- 
ment du corps, un supplément de nourriture est nécessaire pour 
maintenir ce poids en état d'équilibre. Pour un cheval, dépenser, 
comme on le dit, ses forces sans produire du travail, est contra- 
dictoire. 

Antérieurement, d'autres interprétations également erronées, 
mais relatives à l'analyse des mouvements nécessaires pour dé- 
placer le corps, ont conduit à des résultats tout ausi peu accep- 
tables. Pourse transporter, a-t-on dit, l'animal doit vaincre, d'un 
côté, Les oscillations verticales de son poids, et, de l’autre, faire 


(1) Voy. André Sanson, Mémoire sur la source du travail musculaire, etc. Journ. 
de l’anat. et de la physiol., t. XVI (sept.-oct. 1880). 


DANS LA LOCOMOTION DU QUADRUPÉDE. 65 


glisser son corps dans la direction horizontale. Poisson (1) a 
admis que le centre de gravité du corps décrit un arc de cercle 
dont le rayon est la longueur de la jambe. Dès lors, pour lui, le 
travail correspond au soulèvement vertical dans cet arc de cercle, 
en outre de celui relatif au mouvement horizontal du centre de 
gravité. | 

Ces hypothèses de Poisson n’ont pas été reconnues d'une 
justesse irréprochable par les frères Weber. Ils ont introduit des 
corrections dans les calculs du mécanicien français, en substi- 
tuant à la hauteur à laquelle s'élèverait le centre de gravité dans 
l'orbite circulaire, celle à laquelle il atteint au moment où le 
membre antérieur, arrivé à la position verticale, est subitement 
levé. A la place de la force vive que, d’après Poisson, le corps en- 
tier gagne dans la première moitié du pas, pour la reperdre dans 
la seconde moitié, les frères Weber ont posé celle que gagne le 
membre soulevé pendant le temps qu’il se soulève et qu’il reperd 
au moment où il touche le sol. Ils ont donné la formule de la 
vitesse que ce membre soulevé possède au moment du soulève- 
ment, et aussi celle du soulèvement vertical du centre de gravité 
du corps. | 

C'est d’après ces formules que 0. Kellner (2) a calculé le tra- 
vail de transport effectué par le cheval attelé au manège dyna- 
mométrique dont on se sert à Hohenheim depuis une série d’an- 
nées, sous la direction d'Émile Wolff, pour étudier le rapportentre 
l'alimentation et le travail moteur. Les recherches de Hohenheim 
ont déjà établi, comme nous l’avons fait voir aïlleurs (3), que la 
production de l’urée croît proportionnellement à ce travail, con- 
trairement aux résultats apparents de recherches antérieures 
mal instituées, entre autres par Fick et Wislicenus. Et il sera 
bon de faire remarquer, à ce propos, que la conclusion relative 
à l'urée ne pourrait point être affectée par une erreur éventuelle 
dans le calcul du travail de transport, attendu que, dans les ex- 
périences, la valeur admise pour ce travail est constante. Les va- 
riations n’ont porté que sur le travail extérieur mesuré par le 
manège dynamométrique. | 

Dans le cas considéré par 0. Kellner, le calcul de la première 


(1) Poisson. Traité de mécanique, t. Il, 2 688. Paris, 1833. 
(2) 0. Kellner. Landw. Jahrbücher, t. IX. Berlin, 1880. 
(3) André Sanson, Mémoire déjà cité. 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, —T. xx11 (1386; à) 


66 À. SANSON. — TRAVAIL EFFECTUÉ 


formule &es frères Weber a donné, pour un cheval du poids vif 
de 500 kilogrammes, dont les quatre membres sont évalués à 
120 kïilogr. (30% pour chacun), un travail de 5,20 kilogrammètres 
pour un pas. Le manège a 26,39 de tour et le cheval parcourt 
la piste en 18 pas. Ccla fait, en nombre rond, 100 kilogram- 
mètres pour un tour de manège (exactement 93,60). Pour 100 
tours ou un chemin parcouru de 2,639 mètres, c’est conséquem- 
ment 10,000 kilogrammètres en nombre rond, En calculant la 
seconde formule, relative au soulèvement vertical du corps, l’au- 
teur arrive à un produit de 40,000 kilogrammètres, également 
en nombre rond. Cela fait donc, pour les 100 tours de manège, 
un travail total de transport de 50,000 kilogrammètres, tout à 
fait indépendant du travail de traction. Kellner a bien soin de 
faire observer que son évaluation prétend seulement à une exac- 
titude approximative. Il ne se dissimule point que les données 
relatives à la position du centre de gravité, soit du corps, soit des 
membres, ainsi qu’au poids de ces derniers, ne sont elles-mêmes 
que des évaluations approchées. 

Ces données fussent-elles d’une exactitude rigoureuse, le ré- 
sultat du calcul n’en serait point pour cela plus conforme à la 
réalité. Les hypothèses admises par Poisson et par les frères We- 
ber correspondent apparemment à la marche de l’homme, dela 
machine animale bipède (1). Elles ne s'appliquent que par un 
seul point au fonctionnement de la machine quadrupède. Bien 
souvent a été commise l'erreur consistant à assimiler la marche 
de celle-ci à celle de deux hommes se suivant à une faible dis- 
tance et liés entre eux par une tige rigide, et faisant avancer 
leurs pieds d’après un certain ordre. Les choses ne vont pas de 
la sorte. Il est avant tout nécessaire, pour poser dans ses véri- 
tables termes le problème qui nous intéresse, afin d’en obtenir 
la solution exacte, d'analyser physiologiquement la marche du 
quadrupède, sur le mécanisme de laquelle les auteurs cités, et 
bien d’autres encore, n’ont eu que des idées peuprécises ou fort 
éloignées de la vérité. 

Sur l'intérêt que peut avoir la solution de ce problème de 
mécanique animale, il est sans doute à peine besoin d'attirer 
l'attention. Etant donné que l'alimentation du moteur animé, 


(1) Le travail effectué dans ce cas a été mesuré récemment avec plus d’exactitude 
par Marey et Demeny. Comptes Rendus. t. CI. p. 905. 


DANS LA LOCOMOTION DU QUADRUPÈDE. 67 
pour assurer sa conservation en même temps que son fonction- 
nement utile, doit pourvoir à tous les travaux qu'il accomplit, 
c’est-à-dire à sa dépense totale en énergie, 1l ne peut évidem- 
ment être satisfait d’une façon scientifique à une telle exigence 
que par le calcul exact de tous ces travaux. On n’y arrive, par 
les voies empiriques, qu’au prix de longs tâtonnements. Ils ont, 
dans beaucoup de cas, coûté très cher, avant qu’on fût arrivé à 
l'équation. D’un autre côté, il est clair que le travail disponi- 
ble, celui qui peut être utilisé pour nos besoins quelconques, ne 
représente jamais qu’une fraction plus ou moins forte du travail 
total de la machine animale, correspondant à l'énergie poten- 
tielle dont elle dispose et qui lui vient de ses aliments. Une por- 
tion de cette énergie se dépense nécessairement, comme on l’a 
vu au commencement, pour le transport du moteur; une autre 
portion pour son entretien, pour le fonctionnement de ses vis- 
cères, pour les mouvements de respiration, de circulation du 
sang, de digestion, de nutrition, etc. Plus sont fortes ces deux 
portions, plus l’autre, celle pouvant se transformer en travail 
disponible ou utile, se trouve réduite. Celle-ci étant seule exploi- 
tée, 1l importe done, dans tous les cas, de l'agrandir le plus pos- 
sible, On ne le peut qu’en ramenant les deux premières au strict 
nécessaire, et notamment la portion prise par le travail de trans- 
port, à beaucoup près toujours la plus forte des deux. La con- 
naissance des données exactes de son calcul est pour cela indis- 
pensable. Et en outre il sera impossible sans elle d'arriver à 
l'évaluation, par différence, du travail disponible, et conséquem- 
ment de régler la charge, la vitesse et le temps de fonctionne- 
ment du moteur, de façon à ce qu’il y ait équation entre ce tra- 
vail disponible et le travail utile exigé. Quand il n’est pas satis- 
fait à cette équation, dans un sens le moteur est surmené et il 
périclite, dans l’autre, l'énergie est dépensée en pure perte. 

Subsidiairement il faut ajouter que dans bien des recherches 
sur l'alimentation des moteurs animés, poursuivies en ces der- 
niers temps et analogues à celle de Hohenheïm dont il a été parlé 
plus haut, des conclusions peu précises ou décidément erronées 
auraient été évitées, s’il avait pu être tenu un compte exact du 
travail déployé dans le transport de ces moteurs. 


68 À. SANSON. — TRAVAIL EFFECTUÉ 


Il 


L'animal quadrupède s'appuie sur une base de sustentation 
dont la figure est celle d’un parallélogramme rectangle. Chaque 
pied occupe un des angles de cette figure. Dans l’attitude de la 
station régulière, la base de sustentation étant sur le plan horizon- 
tal, le centre de gravité du corps est situé de telle sorte que la 
perpendiculaire abaïssée de ce centre tombe toujours un peu en 
avant du point d’intersection des deux diagonales de la figure. 
Le poids du corps n’est donc pas également réparti entre des 
quatre points d'appui. La part des deux antérieurs est plus forte 
que celle des deux postérieurs. L’avant-train ou bipède antérieur 
est surchagé par rapport à l’arrière-train ou bipède postérieur. 
Les conditions de conformation de la machine animaleexpliquent 
cela sans diffculté. Il y a d’abord, en avant du bipède antérieur, 
le cou et la tête fournissant la plus grande partie de la surcharge 
et pouvant, par leurs attitudes diverses, en flexion ou en exten- 
sion, la faire varier et déplacer ainsi le centre de gravité; puis 
le thorax et les viscères adominaux mobiles sur un plan un peu 
incliné vers ce dernier. 

Cette situation normale du centre de gravité du corps est 
affectée, dans la station même, on le comprend bien, par la direc- 
tion du plan de sustentation. Elle est portée en avant ou en arrière 
de l'intersection des diagonales de la base de sustentation, sui- 
vant que le plan de celle-ci est incliné dans un sens ou dans 
l'autre. Elle est portée aussi à droite ou à gauche du plan médian 
vertical, selon que l’encolure et la tête s’inclinent dans l’un ou 
l’autre sens. De la sorte, la répartition du poids cesse d’être égale 
entre les deux membres du bipède antérieur. L’un est surchargé, 
l’autre déchargé. Instinctivement, l’animal s’en sert pour repo- 
ser à tour de rôle ses membres, tout en restant debout et s’ap- 
puyant seulement sur trois pieds, le quatrième tout à fait sous- 
trait à l'appui. C’est tantôt l’un des antérieurs et tantôt l’un des 
postérieurs. Cette station sur trois pieds est appelée libre, par 
opposition à l’autre qui est qualifiée de forcée. Elle est une atti- 
tude de repos; et la plus ordinaire quand l'animal n’est pas sous 
l'impression d’une excitation extérieure ou intérieure. 

Les colonnes de soutien du corps, chez le quadrupède, sont 
disposées suivant des lignes brisées. Les os longs qui en cons- 


DANS LA LOCOMOTION DU QUADRUPÈDE. 69 


tituentle squelette forment entre eux, conséquemment, des arti- 
culations angulaires, du moins pour la plupart. Pour qu’elles 
puissent remplir leur office, il faut donc que les angles soient 
maintenus au degré normal d'ouverture, sinon ces angles se fer- 
meraient sous l'influence de la pesanteur et le corps tomberait 
sur le sol. Ils le sont par l’action des muscles extenseurs des le- 
viers osseux, toujours pour cela en état de tension durant la 
station normale, et dépensant ainsi de l'énergie pour faire équi- 
libre au poids du corps. C’est un travail mécanique réel, qui 
entre dans le compte de celui que nous avons nommé travail 
intérieur de la machine. Cette tension musculaire, qui n’est pas 
la contraction, est évidemment nécessaire, mais elle est en ou- 
tre démontrée par ce qui se passe lorsque l’animal détend volon- 
tairement ses muscles ou lorsqu'ils sont frappés de paralysie. 
Dans le premier cas, le décubitus se produit par le seul relâche- 
ment des extenseurs ; dans le second, il y a chute. La suspension 
volontaire ou la suppression subite, sous l'influence d’une lésion 
du centre nerveux, de l’excitation neuro-musculaire, a dans les 
deux cas le même résultat. 

Telle est la fonction des membres, dans la statique de la 
machine animale quadrupède. Ce n’est pas cette fonction qui 
nous intéresse le plus, en vue du problème dont nous avons à 
nous occuper. Leur fonction dynamique, celle qu'ils remplissent 
dans les déplacements du corps en avant, dans la marche de la 
machine aux diverses allures qu’elle peut prendre est autrement 
importante, et elle est apparemment la moins bien connue. 
Toutes deux sont liées, toutefois, car il faut nécessairement que 
la machine passe de l’une à l’autre. Le point essentiel de notre 
recherche est précisément le passage de la première à la seconde. 
C’est pourquoi nous avons dû commencer par poser les condi- 
tions statiques exactes. 

Sur la manière dont le quadrupède se donne l'impulsion qui 
doit porter son centre de gravité en avant et conséquemment 
déplacer ou transporter son corps, on chercherait en vain des 
indications précises dans les ouvrages de physiologie ou d'ex- 
térieur (comme on appelle ceux consacrés, depuis Bourgelat, 
spécialement à la mécanique animale), jusqu’à ces derniers 
temps. Les auteurs ont étudié avec grand soin l’ordre dans 
lequel les quatre pieds se lèvent et s'appuient, aux diverses al- 


70 À. SANSON. —— TRAVAIL EFFECTUÉ 


lures de la marche en avant, à celle du pas, du trot et du galop. 
Marey a fait le premier inscrire, par le cheval lui-même, à l’aide 
d’ingénieux appareils enregistreurs, cet ordre de succession, 
de manière à exclure tous les doutes. Le mécanisme de dépla- 
cement des membres, par l'extension succédant à la flexion, 
est aussi connu qu’on puisse le désirer. Mais il est à peine be- 
soin de faire remarquer que ces mouvements coordonnés des 
quatre membres, se succédant par un ou deux à la fois, ne peu- 
vent être pour rien dans le déplacement du centre de gravité. 
Aucun d’eux ne constitue le phénomène initial de la marche en 
avant. Ils peuvent tous se produire sans que la base de sustenta- 
tion ait changé ni de figure ni de place. Les auteurs spéciaux le 
sachant fort bien, ont généralement attribué Le déplacement à 
ce qu’ils ont nommé la détente du jarret, sans dire ce qu'il faut 
entendre par cette prétendue détente. 

On n’en doit pas moins inférer, en toute justice, qu'ils ont 
saisi et reconnu le fait essentiel du mécanisme de la marche en 
avant, chez le quadrupède, en constatant que l’impulsion est 
donnée au centre de gravité par l'effort de l’un des membres pos- 
térieurs. Commentse produit cet effort ? c’est ce qu'ils ne parais- 
sent pas avoir cherché, leur esprit s'étant satisfait de l’idée de 
détente comme celle d’un ressort bandé; du moins nous n’avons 
trouvé nulle part la trace d’une recherche de ce genre. L'image 
était séduisante, à vrai dire, mais elle n’exprime qu'une analo- 
gie. La réalité est autre. Nous avons été le premier, sauferreur, 
à analyser avec précision le phénomène mécanique en question ; 
et c’est du résultat de son analyse que doit dériver la solution de 
notre problème. 

Pour mettre en évidence ce résultat, 1l convient de se repré- 
senter le mécanisme des membres du quadrupède par une con- 
struction schématique comme le montre la figure 4. Les lignes 
de ce schéma reproduisent les leviers théoriques de la machine 
ou les droites unissant les centres articulaires des leviers osseux 
réels, de forme et de direction quelconques. Dansle membre pos- 
térieur, celui du coxal où le supérieur est solidement attaché au 
levier rachidien, qui en devient ainsi solidaire. Il n’en est nul- 
lement ainsi pour le membre antérieur. L’extrémité supérieure 
du levier scapulaire ne contracte avec le rachis que des attaches 
musculaires. 


DANS LA LOCOMOTION DU QUADRUPÈDE. 71 


Considérant la machine en station forcée, c’est-à-dire sup- 
portée normalement par ses quatre colonnes de soutien, si les an- 
gles de la postérieure du bipède latéral visible sur la figure ten- 
dent à s'ouvrir par la contraction des muscles extenseurs de ses 
leviers articulés, les extrémités de la colonne tendront, de leur 
côté, par cela même, à s’écarter ; en d’autres termes, le membre 
étant libre s’allongerait par le fait de l'ouverture de ses angles. 
Mais il rencontre à son extrémité inférieure la résistance du sol 
sur lequel il s'appuie, à la supérieure celle du poids du train pos- 
térieur. Sur un sol meuble .ou susceptible de céder, dans une 
certaine mesure, à la pression, le sabot qui termine l'extrémité 
inférieure du membre marque son empreinte, jusqu’à ce qu’il 


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FiG. 1. — Schéma des leviers du quadrupède. 


rencontre un point d'appuisolide et pouvant réagir de telle sorte 
que le mouvement d'extension se transmette à l’extrémitésupé- 
rieure, solidement fixée, comme nous le savons, à la tige verté- 
brale. Celle-ci, sollicitée de cette façon par une force oblique ca, 
s’élèverait par un mouvement de bascule sur le point d'appui 
du bipède antérieur, si la force était suffisante pour vaincre les 
obstacles qui lui sont opposés. C’est ce qui arrive dans le cas où 
les angles des deux membres tendent ainsi à s'ouvrir simulta- 
nément et où se produit le mouvement du train postérieur ap- 
pelé double ruade. Dans celui que nous considérons, une autre 
force égale à la première et agissant angulairement par rapport 
à sa direction propre, intervient pour modifier la direction du 
mouvement. C'est la force b a, dont le sens est celui de la ligne 
qui joint le point d'application (a) de la première au centre de 


72 À, SANSON. — TRAVAIL EFFECTUÉ 


gravité g. Ge point, avec lequel tous les autres de la tige verté- 
brale sont liés, se trouve ainsi actionné par deux forces égales 
et angulaires. Le sens du mouvement ne peut être que celui de 
la diagonale da du parallélogramme construit sur ces deux forces 
ba et ca, et l’on voit que ce sens est horizontal. 

La tige vertébrale tout entière sera donc ainsi poussée en avant 
d'une quantité proportionnelle à l'intensité de l'effort déployé, 
entraînant avec elle le centre de gravité du corps. Cette quantité 
pourra être telle que la perpendiculaire abaissée du centre de 
gravité ne tombe plus dans l’intérieur de la base de surtenta- 
tion, et en tout cas qu'elle soit assez près de son petit côté an- 
térieur pour rendre tout équilibre stable impossible. C’est pour 
rétablir cet équilibre, pour éviter la chute infaillible en avant, 
que l’animal, aussitôt après qu'il s’est donné l'impulsion comme 
on vient de le voir, déplace instinctivement ses membres, faisant 
passer la figure de sa base de sustentation d’abord du rectangle 
au trapèze, puis de celui-ci au rhombe, puis de ce dernier en- 
core au trapèze, puis enfin de celui-ci au rectangle de nouveau. 
Alors, ce qu’on appelle un pas complet a été accompli. 

L'ordre dans lequel ces déplacements successifs ont lieu aux 
diverses allures est toujours le même pour chaque allure, à par- 
tir du premier membre qui se déplace. Et l’on n'aura pas de 
peine à comprendre, d’après ce qui vient d'être dit, comment 
il se fait que ce premier membre soit toujours l’un des anté- 
rieurs. Il s’agit de prévenir la chute en avant par le rétablisse- 
ment d’une base de sustentation stable. Quant à la détermina- 
tion du membre antérieur qui se lève le premier pour effectuer 
ce rétablissement, elle dépend de la loi de moindre résistance. 
Celui qui commence est toujours le moins chargé par la situation 
du centre de gravité, due à la position de la tête et conséquem- 
ment de l'encolure. Portée à droite du plan médian, la tête dé- 
termine le fonctionnement du membre gauche et inversement. 
Pour la même raison, c'est toujours le membre postérieur op- 
posé en diagonale qui donne l’impulsion. 

_ Que les choses se passent, dans l'allure du pas, comme nous 
venons de le montrer, il y a pour cela une raison excellente, qui 
dispenserait d'en faire valoir aucune autre : c’est que mécani- 
quement ces choses sont nécessaires. Mais il est facile d'en ac- 
quérir la preuve par l'observation, et nous ne manquons point 


DANS LA LOCOMOTION DU QUADRUPÈDE. 73 


de la fournir à nos élèves, chaque fois que nous leur enseignons 
le mécanisme en question. Après avoir fait placer un cheval tenu 
par un aide intelligent, de telle sorte que sollicité à marcher il 
devra d’abord lever le membre antérieur droit, il suffit de porter 
son attention sur la cuisse gauche pour constater, au comman- 
dement de marche et avant tout mouvement du membre anté- 
rieur, la contraction du muscle ilio-aponévrotique ou fascia- 
lata, le plus apparent de tous les extenseurs parce qu’il est 1m- 
médiatement sous-cutané. Dès que cette contraction s’est pro- 
duite, en même temps que celle des autres extenseurs, avec des 
intensités variables sans doute selon la vitesse des allures, les 
mouvements de déplacement des membres commencent. Ils 
sont donc bien la conséquence de l'impulsion et non point sa 
condition déterminante. 

Lorsqu’au transport du moteur doivent se joindre, de sa part, 
des efforts de traction sur une lourde charge ou sur une résis- 
tance intense, le phénomène mécanique reste au fond le même, 
mais il se présente sous des apparences un peu différentes. 
D'abord, pour donner aux muscles extenseurs du membre pos- 
térieur plus de champ d’action, l’animal commence par fermer 
plus ou moins les angles de ce membre en contractant leurs 
fléchisseurs. On dit vulgairement alors que pour tirer il s’accrou- 
pit. Ensuite il a besoin, pour que son effort entraîne la charge, 
pour qu'il soit efficace, de solides points d'appui sur le sol. Il 
les obtient en se cramponnant, en quelque sorte, des membres 
antérieurs, qu'il fléchit afin de faire pénétrer la partie tranchante 
de ses sabots, la pince armée du fer, dans la profondeur de la 
voie sur laquelle il chemine. Mais cela ne concerne pas notre 
sujet. Ces efforts extrêmes, que les chevaux sont si souvent obli- 
gés de déployer pour démarrer leur charge, se mesurent au 
dynamomètre. Ils sont fonction du travail extérieur, du travail 
utile, non du travail de transport du moteur, dont nous avons 
seulement à nous occuper. 

Il est évident, après notre analyse, que dans ce transport à 
l'allure du pas, en aucun cas le centre de gravité du corps ne 
subit une élévation quelconque. Le corps de l’animal mar- 
chant à cette allure est toujours supporté par deux membres 
au moins, par un bipède latéral, puis par un bipède diagonal. 
Sa tige rachidicnne reste conséquemment toujours à la même 


74 À. SANSON. -— TRAVAIL EFFECTUÉ 


bauteur ou à la même distance du sol. Le niveau de cette tige 
pe change point, et non plus dès lors celui du centre de gra- 
vité. L'introduction de l'hypothèse d'une élévation de ce centre 
dans les anciennes formules de calcul du travail est done une 
erreur. 

Le centre de gravité ne s'élève pas davantage dans la marche 
à l'allure du trot, bien que dans cette allure le corps ne soit 
plus supporté du tout, durant un court instant, dans l'intervalle 
des appuis. Les graphiques de Marey l'ont démontré d'une façon 
péremptoire. Il s’abaisse au contraire un peu au moment de ces 
appuis, pour reprendre aussitôt sa position première. (est ce 
qui produit les réactions bien connues des cavaliers, réactions 
d'autant plus intenses et plus desagréables que l'allure est plus 
allongée ou que le corps projeté en avant vient de plus loin. 
La trajectoire du centre de gravité est donc plutôt au-dessous 
qu’au-dessus de l’horizontale. 

Dans la seule allure du galop il en est autrement. Ier, cette 
trajectoire est une courbe ou un arc de cercle à rayon plus ou 
moins grand, selon la force initiale d’impulsion et conséquem- 
ment la vitesse. Plus celle-ci est grande, plus la trajectoire est 
tendue. Cela toutefois ne peut rien changer aux données de notre 
problème, à l’égard du travail de transport du corps. 

Mais il y a en outre le déplacement des membres, quittant 
l'appui pour le reprendre comme nous l’avons vu. Dans les mou- 
vements qu'ils accomplissent pour cela, le sabot s'élève à une 
certaine hauteur, variable suivant les individus et dépendante 
de leur conformation, surtout de la longueur de leur pied. Ce 
sont les fléchisseurs du pied, ceux de l’avant-bras et de la jambe, 
qui dans le cas effectuent le travail, en agissant sur des leviers 
du troisième genre ou interpuissants. La somme des travaux des 
quatre membres, relativement faible, est à joindre au travail de 
transport du corps, calculé sur les données dont nous conuais- 
sons maintenant la principale, qui est l’effort d’impulsion dé- 
ployé par le membre postérieur. Il ne reste plus qu’à chercher 
la mesure exacte de sa valeur. 


FIL 


D'après ce qui précède, il estévident que la donnée essentielle 
du problème du travail de transport de l'animal quadrupède 


DANS LA LOCOMOTION DU QUADRUPÈDE. 75 


consiste dans Ja mesure de l'effort déployé par les muscles exten- 
seurs du membre postérieur, dont la contraction donne à son 
corps l'impulsion en avant. Le centre de gravité, dans l'allure 
du pas que nous considérons d’abord, n’est nullement élevé. 
Il ne l’est pas d'avantage dans celle du trot. Et c’est à ces deux 
allures que le quadrupède travaille le plus ordinairement. Il l'est 
un peu dans celle du galop; mais alors son élevation dépend de 
l'attitude prise au moment où l'impulsion va être donnée, et c'est 
toujours l’effort du même membre qui produit l'effet. La trajec- 
toire du centre de gravité est parabolique au lieu d’être droite. 
La force initiale ne change pas pour cela de lieu. C’est donc cette 
force initiale qu'il s’agit de mesurer dans tous les cas. 

On ne voit pas comment il serait possible de mesurer directe- 
ment, avec les instruments dont nous disposons, cette force 
initiale où l'effort déployé par la contraction simultanée de tous 
les muscles extenseurs du membre où de quelques-uns d’entre 
eux seulement. Le nombre de ceux qui prennent part à l’action 
est évidemment variable selon l’intensité de l’effort nécessaire. 
L'intensité même de ceteffort, pour chaque musele en particulier, 
est également variable suivant l’état du système nerveux qui le 
provoque. C'est ce que nous avons établi dans un autre mé- 
moire (1) et ce qui a été vérifié expérimentalement (2) depuis. 
Mais dans tous les cas elle ne peut être que proportionnelle à la 
résistance de l'obstacle qu'il s’agit de vaincre, et l’animal lui 
donne instinctivement la mesure nécessaire sans la dépasser. 
Que tous les muscles ou quelques-uns seulement se contractent 
pour faire effort sur la tige vertébrale du quadrupède, comme 
nous l’avons vu, par la tendance à ouvrir les angles articulaires 
du membre, il ne paraît point y avoir de procédé direct pour 
. déterminer la valeur précise de cet effort. Du moins pour notre 
compte, nous n’en avons point trouvé. Est-ce à dire que la me- 
sure en doive être reconnue comme décidément impossible ? 
Tel n’a pas été notre avis. Nous avons pensé depuis longtemps, 
puisque notre première recherche sur ce sujet date du 15 fé- 
vrier 1875, ainsi qu'en ferait au besoin foi notre registre de la- 


(1) André Sanson. Recherches expérimentales sur la propriété excitante de l’avoine. 
Journ. de l'anat. et de la physiol. T. IX (mars-avril 1883.) 

(2) Ch. Ferré. Série de communications à la Soc. de biologie, à partir de la séance 
du 11 avril 1885. 


76 A. SANSON, — TRAVAIL EFFECTUÉ 


boratoire, qu'on pourrait être conduit au résultat par une voie 
indirecte. Ce résultat obtenu dès lors a été publié et il a servi de 
base à tous nos calculs ultérieurs sur le travail des moteurs 
animés, dans ses rapports avec leur alimentation. Mais le dis- 
positif expérimental adopté pour nos recherches est resté inédit. 
Nous avons attendu, pour le faire connaître, que de longues 
vérifications vinssent justifier la parfaite exactitude du raisonne- 
ment d’après lequel il a été conçu et exécuté. 

L'idée fondamentale de ce raisonnement est que, d’après le 
mécanisme précédemment expliqué, le quadrupède en marche 
peut être assimilé à un véhicule à quatre roues. Les articulations 
scapulo-humérales et coxo-fémorales représentent les moyeux 
de ces roues, à cela près que chez l'animal le moyeu n’a que son 
segment supérieur dans les cavités articulaires scapulaires et 
coxales, ainsi que l’essieu dans les têtes humérales et fémorales. 
Chez lui de même, au lieu que, dans la marche, les rais ou rayons 
de la roue fixés sur le moyeu et tournant avec lui sur les jantes, 
viennent successivement prendre la position verticale en quittant 
l’oblique, ou l’oblique après avoir quitté la verticale, selon qu'on 
considère d’abord les obliques ou les verticaux servant à l’appui, 
un seul remplit l'office et prend successivement, en raison de 
ses mouvements propres, les deux positions. Au fond le phé- 
nomène n’est pas différent. Seulement les segments de moyeu 
et d’essieu, mobiles l’un et l’autre, décrivent dans leurs mou- 
vements des arcs de cercle en sens inverse, au lieu que lé moyeu 
tourne autour du centre de l’essieu, entraînant, par l’intermé- 
diaire des rayons, le cercle de la roue dans son mouvement. 
Chez l’animal quadrupède, les cavités articulaires représentant 
les segments de moyeu se meuvent sous l'impulsion qui leur 
est transmise par la tige vertébrale ; les têtes ou segments d’es- 
sieu, par la flexion et l'extension qu'impriment aux leviers 
osseux dont elles font partie les propres muscles des ces leviers. 

En considérant attentivement l’un des membres du quadru- 
pède en marche, et mieux encore les photographies instantanées 
qu'on en peut prendre maintenant, comme celles de Muibridge, 
par exemple, il est facile de constater que ce membre occupe 
successivement toutes les positions qui sont simultanément celles 
des rayons de la roue situés en arrière et en avant du rayon ver- 
tical, pour le même chemin parcouru. 


DANS LA LOCOMOTION DU QUADRUPÈDE. 2 


C'est donc bien cinématiquement le même phénomène, et dès 
lors il était permis de penser qu’en déterminant directement 
l'effort nécessaire pour faire cesser l’équilibre d’une construction 
d’un poids connu, établie d’après cette idée, le coefficient déduit 
du rapport entre la valeur de cet effort et celle du poids même 
de la construction pourrait s'appliquer sans chances d'erreur à 
l'animal quadrupède. Cette construction, nous l’avons réalisée 
sous la forme d’un petit charriot monté sur quatre roues sans 
jantes ou cercle (s’il est permis de s'exprimer de la sorte), tel 
que le représente la figure 2. Ce charriot est pourvu, à l'avant, 
d’un crochet d’attelage auquel s'attache une corde qui, à l’autre 
extremité, porte un plateau de balance. Un peu en arrière de ce 
plateau, elle est soutenue dans la situation horizontale par un 
support. 


Fi. 2. — Appareil pour mesurer l'effort de marche. 


Placé horizontalement sur une table, de façon à ce qu'il soit 
supporté par quatre rayons situés dans la position verticale, con- 
séquemment en équilibre aussi stable que le permettent les seg- 
ments courbes de ses essieux, à la façon du quadrupède, on dé- 
termine, par tâtonnement, le poids nécessaire et suffisant, sur le 
plateau de balance, pour lui faire perdre sa position d'équilibre 
et l’entraîner en avant jusqu à ce que le rayon antérieur touche 
la table. Le charriot pèse 940 grammes. Pour faire perdre aux 
rayons qui le supportent leur position verticale, le plateau doit 
peser 50 grammes. Au-dessous de ce poids, il ne bouge pas. Si 
l'on surcharge le charriot de 500 grammes, ce qui fait un poids 
total de 940 + 500 — 1440 grammes, il faut 785 grammes sur le 
plateau pour rompre l'équilibre, en d’autres termes pour dépla- 
cer le centre de gravité du système et Le porter en avant. Chaque 
fois que l’expérience a été répétée , elle a toujours donné les 
mêmes résultats. C’est donc sensiblement 0,05 du poids total qui 
sont nécessaires pour vaincre l’inertie et déterminer la chute en 


78 À. SANSON. — TRAVAIL EFFECTUÉ 


avant du système par le déplacement de son centre de gravité. 


Ou exactement + ou + — 0,053. Cela correspond, pour un che- 


940 1440 
val du poids vif de 500 kilogr., à un effort de 95 kilogr.; soit à 
un travail de 25 kilogrammètres par mètre de déplacement du 
centre de gravité, à l’ailure du pas, dont nous avons décrit le mé- 
canisme. 

Quelle peut être la valeur de cet effort aux allures du trot et 
du galop? Il est évident, dès qu’on connaît leur mode d’exécu- 
tion, que l’appareil ou le dispositif décrit ne peut plus suffire pour 
la mesurer. On conçoit bien qu'un poids plus fort, placé sur le 
plateau de balance, pourrait suffire pour entraîner le charriot et 
lui faire parcourir une certainé étendue, en appuyant successi- 
vement sur deux ou plusieurs des rayons fixés aux moyeux. Et 
c’est d’ailleurs ce que l’expérience démontre. Mais où serait alors 
l’analogie avec l’allure du quadrupède ? Il convient de faire re- 
marquer, à l’occasion, que ce terme d’allure, en cinématique ani- 
male, n'a pas exactement le même sens que dans son emploi 
pour la marche des machines motrices en général. Pour celle-ci, 
le terme s'applique seulement à la vitesse de cette marche. D’une 
manière générale , la vitesse est bien impliquée dans les diffé- 
rences d'allure des moteurs animés, où l’on reconnaît une allure 
lente, qui est celle du pas, et des allures vives, qui sont celle du 
trot et du galop. Toutefois elle ne l’est pas nécessairement. Cer- 
tains chevaux, par exemple, marchent au pas à une vitesse égale 
à celle de la marche au trot de certains autres. La signification 
du terme se tire donc ici seulement du mode d'exécution des 
mouvements, qui seul caractérise l'allure. L'effet utile de l'effort 
dépend des dispositions que présentent les organes de ces mou- 
vements, et non pas toujours de son intensité, comme la vitesse 
de la locomotive, par exemple, dépend de la longueur du rayon 
de ses roues motrices. 

Cependant on constate que pour un seul et même sujet, con- 
séquemment pour la même disposition des leviers osseux des 
membres, le chemin parcouru dans un temps de trot ou de ga- 
lop ordinaire, est en moyenne égal au double de celui qu'il 
parcourt en un pas. Si la longueur du pas est d’un mètre, celle 
du temps de trot ou de galop sera de deux. Ceci implique né- 
cessairement que dans l’un et l’autre des deux derniers cas, la 
valeur de l'effort aura été elle même double, puisque le centre 


DANS LA LOCOMOTION DÜ QUADRUPÈDE. 79 


de gravité a parcouru une distance deux fois aussi grande que 
dans le premier. Cela ne paraît pas contestable. La différence 
entre les points d'arrivée ne peut dépendre que de la force ini- 
tiale déployée et ne lui être que proportionnelle. En conséquence 
on est donc autorisé à conclure que la valeur de l'effort déployé 
par les muscles extenseurs du membre postérieur qui donne au 
centre de gravité l'impulsion, dans les allures du trot et du ga- 
lop, est le double de celle de l’effort déployé à l'allure du pas. 
Celle-ci étant 0,05 du poids vif, l’autre sera 0,10. Le travail du 
cheval de 500 kilogr. étant au pas de 25 kilogrammètres par 
mètre parcouru, sera dès lors de 50 kilogrammètres au trot ou 
au galop, pour la même distance. 

Il est à peine besoin de faire remarquer que nous entendons 
par temps de trot ou de galop l’espace compris entre deux appuis 
sur le sol. On sait qu'entre ces deux appuis, aux allures en ques- 
tion, le corps n’est pas du tout supporté et que le centre de gra- 
vité parcourt une trajectoire. La vitesse de l'allure dépend encore 
plus de la durée de ces appuis que de la distance qui les sépare, 
c’est-à-dire qu’elle dépend surtout de la fréquence de repétition 
des efforts. 

L'expérience a donné depuis longtemps et par avance une dé- 
monstration de l'exactitude du raisonnement que nous venons 
de faire. Il est reconnu, en pratique, que les chevaux ne peuvent 
travailler au trot, avec la même charge, que durant un temps ne 
dépassant pas la moitié de celui de leur travail au pas. La journée 
de travail effectif est, à l’allure du pas, de dix heures, à celle du 
trot elle n’est que de quatre à cinq heures. Depuis longtemps 
des expériences rigoureuses de Tredgold ont démontré que si 
le rendement d’un cheval qui travaille au pas est représenté par 
4,000, il n’est plus que de 500 quand le travail s’accomplit au 
trot. Les chevaux de la poste de Paris, employés au transport des 
facteurs pour la distribution des lettres, produisent au maximum 
un travail utile de 800,000 kilogrammètres. Lorsque M. Dailly 
les emploie au travail agricole sur sa ferme de Trappes, il en 
obtient, d’après les calculs d'Hervé Mangon, 1,550,000 kilo- 
grammètres. De même pour ceux des omnibus, dontles travaux 
aux deux allures sont sensiblement égaux. On ne risque donc 
pas de s'éloigner de la vérité en admettant que le coefficient 
nécessaire pour calculer l'effort déployé par le cheval pour dépla- 


80 A. SANSON. — TRAVAIL EFFECTUÉ 


cer son corps à l’allure du trot et à celle du galop a une valeur 
double de celle que l’expérience indique pour l'allure du pas. 
Mais le travail de déplacement horizontal du centre de gra- 
vité du corps n’est pas le seul qui se déploie dans la marche du 
quadrupède. Les membres se soulèvent pour se déplacer eux- 
mêmes et rétablir ainsi la base normale de sustentation, comme 
nous l'avons vu. Il a été dit que la somme de leurs travaux est 
pour cela nulle, sous le prétexte singulier qu’au travail positif 
succède un travail négatif d’égale valeur. C’est comme si l’on 
prétendait que le travail d’un marteau pilon, qui s'élève et 
s’abaisse de même, est lui aussi égal à zéro, en présence de la 
masse de fer qu'il étire par ses coups répétés. On a vu que de 
son côté, par des calculs exécutés à l’aide d’une formule de Pois- 
son, rectifiée par les frères Weber, O0. Kellner a été conduit à 
donner à ces travaux une valeur égale au quart de celle du tra- 
vail de déplacement du centre de gravité du corps. Il y a eu mé- 
prise de sa part dans l’appréciation des données du calcul, due 
à l'interprétation fautive du mécanisme de la marche. Kellner 
a raisonné dans la supposition qu'il s'agissait, à chaque pas, de 
soulever la totalité du poids du membre, tandis qu’en réalité 
l'effort à déployer est de beaucoup moindre. Cet effort se réduit 
à ce qui est nécessaire pour soulever le sabot d’abord, par la 
flexion du pied, puis à fermer un peu les angles scapulo-humé- 
ral et huméro-radial dans le membre antérieur et à le coxo-fé- 
moral dans le postérieur , afin de porter ces deux membres à la 
distance voulue au moment de l’appui pour que, à ce moment, 
ils prennent une situation verticale assurant la stabilité. A l'ins- 
tant du lever, la situation du centre de gravité du corps est telle 
que le membre qui doit quitter le sol n’y exerce à peu près au- 
cune pression : il est en quelque sorte suspendu au corps, au lieu 
de supporter, comme dans la station normale, une part de son 
poids. Dès lors, l'effort musculaire qui doit soulever le sabot 
par la flexion simultanée des articulations du pied n'équivaut, 
au plus, qu’au poids de ce pied et non pas à celui du membre tout 
entier, De même, ou à peu près, pour celui qui, après quil a 
été soulevé, doit le porter en avant. 

Ce poids, on le comprend bien, est variable comme les indi- 
vidus. Il varie aussi comme la ferrure; et dans le temps nous 
avons montré, à ce point de vue, combien il importe que celle- 


DANS LA LOCOMOTION DU QUADRUPÉDE. .- 81 


ci soit réduite au poids sirictement nécessaire. Mais en l’évaluant 
à 2 kilogr. pour le cheval de 500 kilogr. pris déjà plusieurs fois 
pour exemple on ne s'éloigne sans doute pas de la réalité. Cela 
ferait donc, pour chaque pas complet, un poids total de 8 kilogr. 
à soulever, et par conséquent un effort total de même valeur à dé- 
ployer. En moyenne, les sabots ne s'élèvent pas à plus de 0",15. 
Ce serait donc, pour chaque pas, un travail de 8 >< 0,15 — 
4fem 20. Supposons la moindre étendue de pas et fixons cette 
étendue à 4 mètre. Il y aura ainsi mille pas par kilomètre par- 
couru et conséquemment 1,200 kilogrammètres de travail dé- 
ployés, soit pour un parcours de 20 kilomètres 24,000 ki- 
logrammètres. Pour ce même parcours, le cheval de 500 kilogr. 
en aura, pour transporter son corps, déployé 500,000. C’est done 
environ seulement un vingtième du travail total qui revient au 
déplacement des membres. 

Cette fraction, toutefois, ne serait pas négligeable s’il était 
certain que notre dispositif expérimental donne avec une exac- 
titude parfaite la représentation de ce qui se passe dans l’orga- 
nisme vivant. Mais il est impossible de méconnaître que les 
surfaces de glissement de nos moyeux et de nos essieux ne sont 
point tout à fait aussi parfaites que celles des articulations qu’elles 
ont pour objet de représenter. Quelque soin qu’on prenne de les 
ajuster et de les huiler, elles ne peuvent être identiques aux sur- 
faces articulaires munies de leurs cartilages et de leur synovie. 
Conséquemment, en réduisant d’environ un vingtième la résis- 
tance qu'elles opposent, par rapport à celle qui se produit dans 
l'appareil d'expérience, on ne doit guère s’écarter de la vérité. 
D'où il suit qu'on peut finalement admettre, comme première 
donnée du calcul du travail déployé pour le déplacement de 
l'animal quadrupède, le coefficient de 0,05 du poids vif pour 
l'allure du pas, et celui de 0,10 pour les allures du trot et du 
galop; soit, comme nous l’avons déjà dit, pour un cheval de 
500 kilogr. un travail de 25 kilogrammètres à l’allure du pas, et 
un de 50 kilogrammètres aux deux autres, par mètre parcouru. 


IV 


L'exactitude suffisante de la conclusion théorique qui vient 
d'être formulée a été, du reste, vérifiée par le contrôle de l’ex- 
périence poursuivie dans un autre sens. Depuis que cette con- 

JOURN.. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. Xxx11 (1856). 6 


82 À. SANSON. —— TRAVAIL EFFECTUÉ 


clusion a été publiée pour la première fois, il y a maintenant 
plus de dix ans, de nombreuses recherches ont été exécutées, en 
France et en Allemagne, dans l'intention, non toujours avouée, 
de contrôler la valeur du nombre donné en même temps comme 
équivalent mécanique des aliments. À l'égard de ce dernier, il 
nous est permis de dire qu'elles ont toutes été confirmatives. 
Qu'on opérât sur des individus isolés ou sur des groupes plus 
ou moins nombreux d'individus, les moteurs animés ont tou- 
jours conservé leur poids en déployant un travail de 1,600,000 
kilogrammètres, en nombre rond, par kilogramme de protéine 
alimentaire, c’est-à-dire digestible au maximum, consommé 
dans leur action journalière. Il y a donc là un moyen de vérifier 
sûrement les divers éléments de calcul du travail total, et en 
particulier celui qui nous occupe ici. Nous allons voir ce qu'il 
a donné. Ce sera la contre-preuve de nos déterminations expé- 
rimentales. 

A la Compagnie générale des voitures de Paris, il se fait de- 
puis plusieurs années, dans un laboratoire très bien installé et 
outillé, des recherches précises sur l'alimentation du cheval de 
trait, dont les résultats ont été publiés dans des rapports succes- 
sifs (1). D’après ces résultats, un cheval ayant consommé en deux 
jours, dont un de repos, 2,026 gr. 69 de protéine, sur lesquels 
il fallait en retrancher 550 pour son entretien, soit 1,476 gr. 69 
disponibles pour alimenter le travail total, a produit en travail 
utile mesuré au dynamomètre 1,634,138 kilogrammètres, cor- 
respondant, en équivalent mécanique, à 1,021 grammes de pro- 
téine. Il restait ainsi, pour alimenter le travail de transport du 
moteur, 455 grammes correspondant à 728,000 kilogrammètres. 
Or, le cheval pesant 388 kilogr. et ayant parcouru 18,254 mètres, 
son travail, calculé d’après le coefficient d'effort de 0,10, donne 
708,255 kilogrammètres. On ne peut guère désirer une concor- 
dance plus grande. En calculant autrement, on trouve que la 
somme de ses travaux est de 2,342,293 kilogrammètres, corres- 
pondant à 1,463 gr. 4 de protéine. Sa ration en contenait 
1,476 gr. 69, comme on l’a vu plus haut. 

A la Compagnie générale des omnibus de Paris, on a opéré, 
dans des vues semblables (2), sur un groupe nombreux de che- 


(3) Grandeau et Leclerc. Loc, eit. 
(2) A. Müntz, Recherches sur l’alimentation et sur la production du travail. An- 


DANS LA LOCOMOTION DU QUADRUPÈDE. 83 


vaux, dont le travail utile moyen journalier a été mesuré. Il a 
été d’abord reconnu, par des expériences répétées, que les 5/11 
de la ration totale étaient nécessaires pour que ces chevaux con- 
servassent leurs poids en restant au repos à l'écurie. La ration 
d'entretien ainsi déterminée contenait 628 grammes de protéine. 
La ration journalière totale des chevaux exécutant le service des 
omunibus et des tramways en contenait 1,535 grammes. Le poids 
moyen de ces chevaux était de 555 kilogr. Leur parcours jour- 
ualier était de 46,642 mètres. Le tirage des voitures ou l'effort 
nécessaire pour les déplacer a été mesuré à 32 k. 2 par cheval. 

Avec ces données précises, il est facile d'établir nos calculs 
de contrôle. 


39,9 X 16.642 —535.879 kilogrammètres de travailutile, 
555 X 0,10 X 16.642 —993.681 kilogr'”" de travail de transport 
du moteur, soit.. .. 1.459.553 kilogr"" de travail total. 


Des 4,335 grammes de protéine de la ration journalière il faut 
soustraire les 628 grammes nécessaires pour l’entretien. Il reste 
done 907 grammes pour alimenter ce travail total de 1.459.553 
kilogrammètres, oupour dégager la quantité d'énergie qui lui cor- 
respond. À raison de 1.600.000 par kilogramme de protéine ali- 
mentaire, on trouve : 


907 X 1.600.000 


) LQ sl ” 
1000 — 1.451.200 kilogrammètres. 


Encore ici la concordance entre les deux nombres est aussi 
approchée que possible; et conséquemment la valeur attribuée 
au travail de transport du moteur, d’après le coefficient d'effort 
moyen admis, se trouve complètement confirmée. 

Nous pensons qu’il serait superflu de chercher ailleurs d’au- 
tres vérifications. On en trouverait de même pour les chevaux de 
la poste de Paris et aussi pour ceux qui ont été attelés au ma- 
nège dynamométrique à l'aide duquel ont été poursuivies durant 
plusieurs années les recherches de Hohenheim, sous la direction 
d'Emile Wolff. Déjà le travail déployé dans ce dernier cas a été 
calculé par nous (1), en vue de le rapprocher des quantités durée 


nales de l'Institut national agronomique, 3€ année, 1878-1879. Paris, 1881. Et 
Rapports du directeur de la cavalerie et des fourrages, 1884. 

(1} Mémoire sur la souree du travail museulaire. Journ. de l'anat. et de la physiol., 
t: XVI (sept.-oct. 1580). 


84 A. SANSON. — TRAVAIL EFFECTUÉ, ETC. 


éliminées. On a montré alors, conformément à la conclusion de 
Kellner sur ce sujet, un rapport exact entre ces quantités et celles 
du travail dans ses diverses conditions, en admettant le coeffi- 
cient 0,05 pour le calcul du travail de transport du poids de 
l'animal, 

On voit donc que par les diverses voies suivies par nous et par 
les auteurs dont les résultats viennent d’être exposés, les coeffi- 
cients déterminés pour les deux sortes d’allures de la marche 
des quadrupèdes se trouvent établis d’une façon tout à fait sa- 
tisfaisante. Il est permis de s’en servir dans les calculs, soit du 
travail total, soit de la ration journalière suffisante pour alimen- 
ter ce travail en énergie, sans aucune crainte de s'éloigner sen- 
siblement de la vérité ; car il ne paraît pas douteux, d’après tout 
ce qui précède, que l'effort déployé dans la marche du quadru- 
pède au pas ne s’écarte guère de 0,05 de son poids vifet de 
0,10 dans la marche au trot ou au galop. 

Avec cela, si la vitesse et le temps de la marche sont connus, 
ou bien si le chemin parcouru a été mesuré, il suffit de peser 
le quadrupède pour obtenir toutes les données nécessaires au 
calcul du travail effectué dans sa locomotion. 


RECHERCHES 


SUR LES 


INSECTES VÉSICANTS 


(suITE) ! 


Par H. BEAUREGARD 


(PLANCHE V.) 


? 3. — Appareil digestif. 


J’étudierai successivement les pièces buccales et le tube di- 
gestif. 


I. — PIÈCES BUCCALES. 


Dans leur constitution générale, les appendices buccaux des 
insectes vésicants présentent de nombreux traits communs en 
rapport avec le régime peu variable des diverses espèces de ce 
groupe. Tous ces Coléoptères sont en effet herbivores ; quelques- 
uns seulement se contentent du pollen ou des parties les plus 
tendres des fleurs, tels les Nemognathes et les Cérocomes et ce 
sont aussi les seuls qui présentent dans l’organisation extérieure 
de la bouche des modifications appréciables. Aucune espèce 
n'est carnivore. 

Comme c’est la règle chez les Coléoptères, on trouve chez les 
Vésicants, comme appendices de la bouche les pièces suivantes : 
un labre, une paire de mandibules, une paire de mâchoires avec 
palpes maxillaires et une lèvre inférieure avec palpes labiaux. 

J'aurais fort peu de chose à dire qui n'ait été maintes fois ré- 
pété dans les ouvrages entomologiques si je voulais m'en tenir 
à la description succincte de ces diverses parties de la bouche. 
Les caractères généraux de forme, de volume, de couleur des 
organes en question ont été signalés par tous les auteurs quiont 
traité des insectes qui m’occupent. 

Quelques-uns de ces caractères peu nombreux, il est vrai, ont 


(1) Voir le numéro de Novembre- Décembre, 1885, page 483. 


80 H. BEAUREGARD. -— RECHERCHES 


même été utilisés dans l'établissement des groupes et des genres. 

On peut se demander par quel concours de circonstances les 
pièces buccales ont été si rarement prises en considération, 
malgré toute la valeur qu'il est convenu à juste titre de recon- 
naître aux caractères qui sont tirés de leur examen. Deux raisons 
me semblent pouvoir être invoquées. La première répose sûr ce 
que j'ai dit plus haut des différences extérieures peu accentuées 
qui se montrent à un examen superficiel chez des animaux dont 
le régime est très sensiblement le même. La seconde se trouve 
dans ce fait que les entomologistes ont une tendance très mar- 
quée à faire de la taxomonie et non de l’anatomie comparée. Ils 
recherchent avant tout, chez les insectes qu'ils étudient et qu’ils 
décrivent, les caractères les plus apparents au risque d’accorder 
une trop grande attention à des particularités d'importance 
minime et de laisser dans l'ombre des caractères anatomiques 
d'une réelle valeur. Cette observation, incontestablement vraie 
pour ce qui concerne les organes internes qui ne sont connus 
que chez un nombre relativement très petit d'insectes est ap- 
plicable aussi à l'étude des pièces buccales. On comprend fa- 
cilement qu'il est très souvent impossible d'étudier les organes 
internes des insectes, parce qu'on n en possède les spécimens 
qu'à l’état sec ou dans un état de conservation souvent impar- 
faite, mais il n’en est plus de même pour l'étude des pièces buc- 
cales, études que l’on peut faire sur tous les échantillons. Or, 
l'anatomie de ces organes n'a jamais été faite ou tout au moins 
d'une manière approfondie. J'aurai l’occasion de montrer qu'elle 
permet cependant de trancher d’une façon très nette des ques- 
tions douteuses relatives à l’établissement des genres. Au sur- 
plus, qu’on relise les lignes suivantes écrites par Latreille (18). 
Je m'associe dans une large mesure aux considérations qu'elles 
mettent en avant : 


« Quelle que soit, en fait de méthode entomologique la manière de voir! il 
est incontestable que la connaissance des organes de la manducation des in- 
sectes est si l’on veut approfondir leur étude, un complément non seule-. 
ment utile, mais nécessaire. Il est encore certain que l’examen de ces parties 
n’exige point, malgré leur exiguité, une attention extraordinaire ni l’usage du 
microscope composé et qu’à l'égard des faits, il n’y a jamais de variations im- 
portantes toutes Les fois qu’ils sont recueillis par des observateurs patients et 
exercés. Mais l'emploi de ces considérations est-il indispensable dans l’établis- 
sement des genres? Voilà ce que contestent des naturalistes qui voudraient 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 87 
faciliter l'étude de l’entomologie en faisant usage de caractères plus apparents. 
Je partage leur opinion, quant aux coupes génériques qui sont susceptibles 
d’être autrement signalées. Je suis aussi d'avis qu'on a abusé des principes 
introduits par Fabricius, qu’il en a le premier donné l’exemple, et que lors- 
qu’on est forcé de se servir des caractères fournis par les organes de la man- 
ducation, il faut autant que possible se restreindre aux parties que lon peut 
observer sans dissection ou sans peine, et à imiter, à cet égard, Clair ville qui 
n’emploie que les mandibules et les pattes. Mais le désir de familiariser 
promptement les élèves avec cette science, ou d'étre élémentaire, doit étre 
subordonné à cette règle : qu'ici, de même que dans tous les animaux 
vertébrés, l’on ne peut établir aucune bonne coupe naturelle sans l'examen 
préalable de ces organes et que l’on ne peut réunir génériquement des ant- 
maux qui, quoique semblables par leur physionomie diffèrent néanmoins 
sous ce point de vue. » 


L'étude détaillée que j'ai faite des pièces buccales d’un 
nombre assez considérable (environ 200) d'espèces prises dans 
tous les genres de la tribu des Vésicants, m’a conduit aux mêmes 
conclusions. Je n’entrerai, pour le moment, que dans l'exposé 
des généralités, réservant pour un autre chapitre, les descrip- 
tions relatives à chaque genre et à chaque espèce. Mais, dès main- 
tenant, on remarquera la constance des caractères dans chaque 
groupe déterminé. Je ferai voir en même temps par quelques 
exemples que ces caractères sont susceptibles de remplacer 
avantageusement ceux que, faute de mieux, l'on tire trop souvent 
de la couleur ou seulement de la consistance des organes, lors- 
qu'il s’agit d'établir la parenté d’espèces indécises. Enfin, J'ajou- 
terai que les caractères sexuels sont ici généralement fort peu 
marqués, ou consistent dans des détails insignifiants. 


LABRE (1). 


Le labre est formé chez tous les Vésicants d’une seule pièce 
saillante en avant de l’épistome, au-dessus des mandibules, 
qu'il recouvre presque complètement (voir fig. 1 et 2 ci-contre). 

Sa face supérieure est ordinairement velue, principalement 
vers le bord antérieur et sur les côtés ; sur sa face inférieure est 
un épipharynx (fig. 2 E, ep.) consistant le plus souvent en deux 
bandes de poils convergeant en arrière. De consistance cornée 
et parfois même très dure chez un grand nombre d'espèces 

(1) Contrairement à Brullé (19) et d'accord avec M. Milne Edwards (20), je ne con- 


sidère pas le labre comme faisant partie des pièces buccales proprement dites. J'en 
parle dans ce chapitre, pour ne pas rompre avec les usages, 


88 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


(Mylabris, Meloe, Canlharis, Halosimus), le labre peut être mem- 
braneux (Cissites testacea, Cerocoma, etc.). 


Fi. 4. — Types de labres, grossissement, : 
A, Mylabris cichorii; B, Lytta pennsylvanica; C, Nemognatha lutea; 
D, Lagorina scutellata; E, Meloe proscarabœus ; F, Cissites testacea. 


Son bord libre antérieur offre presque toujours en son milieu 
des poils d’une nature spéciale, probablement tactiles, qui se 
font remarquer par leur délicatesse. Ces poils, cylindriques ou 
obconiques, sont incolores, régulièrement pressés côte à côte en 
plusieurs rangées. Ils semblent être rétractiles, car suivant les 
conditions de préparation, ils deviennent très apparents ou 
cessent d'être visibles chez une même espèce. 

Dans la grande majorité des espèces, le bord antérieur du 
labre est échancré. Mais on observe sous ce rapport de multiples 
variations non seulement d’un genre à l’autre, mais aussi entre 
les espèces d'un même genre. Ainsi, dans le genre Meloe, le 
Meloe majalis se fait remarquer ainsi que Meloe proscarabeus 
(fig. 4 ci-contre, E) par un labre à bord concave tandis que ce 
bord est profondément échancré au point que le labre semble 
divisé en deux lobes chez Meloe rugosus. M. brevicollis, Meloe 
murinus, etc. D'un genre à l’autre on observe des différences plus 
profondes encore. Échancré dans le genre Cantharis (fig. 2 C), 
le bord antérieur du labre est droit chez Cysteodemus armatus, 
convexe chez Nemognatha, Zonitis, Gnathium, etc. (voir ci- 
contre, fig. 1 € et fig. 2 B). Ces particularités contribuent à 
donner à la lèvre supérieure un aspect très caractéristique et qui 
a été fort employé pour la diagnose des genres. 

La forme générale du labre ne présente pas moins d'intérêt. 
D'après les recherches que j'ai faites chez un grand nombre 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 89 


d'espèces, cette forme m’a paru donner lieu à quatre types prin- 
cipaux bien tranchés entre lesquels toutefois on peut observer 
des formes de passage. 

1°" type. — (Fig. 1, ci-contre À et B). Cordiforme, à pointe di- 
rigée en arrière, et tronquée de telle sorte que le bord antérieur 
est plus large que le bord postérieur qui s'attache à l’épistome. 
Dans cette forme, le bord libre est ordinairement concave ou 
profondément échancré en son milieu, et les angles antérieurs 
sont arrondis et proéminents. On l’observe chez le genre Myla- 
bris et chez quelques espèces du genre Lytta (L. erythrocephala, 
L. pensylvanica). 

9° type. — (Voir ci-contre, fig. 4 Det 2 C). Plus large que long, 
bords latéraux convexes. Bord antérieur ordinairement échancré 
ou concave, à peine plus large que le bord postérieur. Ce type 
s’observe dans les genres Cantharis, Lagorina, Lydus, Hapalus, 
OEnas, Épicauta, Pyrota avec quelques modifications de détail. 

Le genre Meloe (fig. 4 E) offre un type intermédiaire aux deux 
précédents. En effet, le bord postérieur du labre est moins large 
que dans le second type et plus large que dans le premier. Somme 
toute, il se rapproche assez de l'apparence cordiforme qu'on 
observe chez les Mylabres. 

8° type. — (Noir ci-contre, fig. 1 Cet F, et fig. 2 A). Tout dif- 


FiG. 2. — Types de labres, grossissement 


, — 
fl 
À, Henous confertus; B, Zonilis mutica; C, Pomphopæœa Texana ; 
D, Cantharis Dussaulti,; E, Cerocoma Valli . 


férent des précédents, le troisième type appartient aux genres 
Nemognatha, Gnathium, Henqus et Cissites. Le labre est plus 
long que large, son bord libre est convexe, ses côtés droits. 


90 H. BEAUREGARD, =— RECHERCHES 


4° type. — (Noir ci-contre, fig. 2 B). Il se rapproche du pré- 
cédent, mais il est proportionnellement moins long et est parfois 
coupé carrément en avant et obliquement sur ses côtés demanière 
à prendre une forme pentagonale, C’est ce qu’on observe chez 
Sitaris humeralis et chez Zonitis bilineata. Toutefois, chez les 
Zonitis en générai le bord libre est convexe et la forme du labre 
se rapproche beaucoup de celle qu’on observe chez les Nemo- 
gnatha. Enfin, on observe une forme assez aberrante chez les 
Cerocomes si remarquables d’ailleurs par les particularités que 
présentent leurs diverses pièces buccales (fig. 2 KE), Dans ce 
genre, le labre très allongé est généralement décrit comme un 
organe bifide. Mulsant (17) dit : « labre plus long que large 
presque en fer de lance, fendu longitudinalement. » En réalité, 
il n'est point bifide. Il consiste en une lamelle membraneuse 
plus longue que large dont les angles repliés se réfléchissent en 
bas et dont le bord antériéur est droit. Il a somme toute une 
forme pentagonale. De plus, sur chacun des angles antérieurs, 
s'insère un pinceau de poils qui se projettent en avant et ont été 
considérés à tort comme deux lobes. En somme, le labre des Ce- 
rocomes rentre dans notre 4° type. Il n’est nullement bifide. 

[l est à remarquer que les types que je signale sont très cons- 
tants et peuvent compter parmi les caractères des genres. C'est 
d’ailleurs ce qu'avait très bien compris Mulsant qui ne néglige 
pas d'indiquer la forme du labre dans ses descriptions. Toutefois 
quand il s’agit de différencier les espèces, iln’y a guère à compter 
sur le labre pour aider à la diagnose. 


MANDIBULES (1). 


Les mandibules, robustes et de consistance cornée chez tous 
les Vésicants, se composent d’un corps épais, le plus souvent 
excavé à sa face inférieure. On y peut distinguer un mawxillaire 
reconnaissable aux poils qui garnissent son bord externe épais 
et convexe, et un galea glabre, en forme de bec dont l'extrémité 
pointue, rarement obtuse ou tronquée se recourbe plus ou moins 
en dedans. Le galea termine la mandibule et en forme l’extré- 
mité distale. Maxillaire et Galea sont parfois soudés complète- 
ment, mais une ligne de moindre épaisseur, plus transparente 
marque le plus souvent leur limite. Le bord interne de la man- 


(1) J'adopte dans mon exposé la nomenclature de Brullé (Ann. des Se. nat., 3e série, 
t. 11, 1844). 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 91 


dibule est formé pour les 2/3 antérieurs environ par le Ga- 
lea et pour le 1/3 postérieur par une saillie quelquefois très 
épaisse qui représente le sous-maæillaire (molaire de Marcelle 
de Serres) et qui est toujours soudée intimement avec le maxil- 
laire. Le sous-maxillaire occupe l'angle postérieur et interne de 
la base de la mandibule. L'angle externe étant prolongé par un 
condyle pour l'articulation avec la tête. | 

A l'union du sous-maxillaire, du maxillaire et du Galea, on 
observe sur le bord interne de la mandibule une échancrure pro- 
fonde (1) ordinairement carrée, mais parfois réduite à une en- 
coche triangulaire ou demi-circulaire. Cette échancrure supporte 
sur sa lèvre postérieure une pièce membraneuse velue. 

Cette pièce est l’Intermaxillaire (prostecha de Kirby). Audouin 
avait reconnu l'existence de cette « membrane tendineuse jau- 
nâtre qui occupe en partie le côté interne de la mandibule » chez 
la Cantharide; Brullé (19) en parle également et la décrit chez le 
Meloe et la Cantharide. 


« Chez les Staphylins, dit-il, c’est un article biarticulé, revêtu d’un bouquet de 
poils. Chez les Blaps, c’est un gros mamelon membraneux, sorte de vésicule 
située entre le sous-maxillaire bien développé et les dentelures robustes (Ga- 
lea) qui terminent les mandibules. Les Meloe ont une vesicule du même genre 
située comme chez les Blaps, entrele sous maxillaire et le Galea ; c’est encore un 
intermaxillaire membraneux. Les cantharides (Lytta ou Cantharis Vesicato- 
ria) ont l’intermaxillaire conformé comme dans les staphylins, c’est-à-dire qu’il 
est comprimé et velu sur le bord, ce qui le distingue de l’intermaxillaire des 
Blaps et des Meloe. » 


L'intermaxillaire, d’après mes recherches, existe chez tous les 
vésicants, plus ou moins développé et varié dans sa forme et sa 
structure. 

Dansle genre Cerocoma (GC. Vahli) (pl. V, fig. 16) ilsemble formé 
de deux parties; l’une supérieure quirépond peut-être à un pré- 
maxillaire (4) est de consistance semi-cornée et couverte de longs 
poils groupés en une sorte de bouquet; l’autre, membraneuse, 
formant les 2/3 inférieurs de l'organe est mince et revêtue de 
petits poils fins, courts et serrés. 

Ailleurs, l’intermaxillaire est membraneux dans toute son 

(1) « Un peu au-dessus de la molaire, dit Audouin (14), dans sa description des man- 
dibules de la cantharide, et sur le bord interne de la mandibule, existe une forte échan- 


crure ou entaille quadrilatère qui avait échappé aux entomologistes. Cette échancrure 
existe chez presque tous les vésicants. » 


92 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


étendue, à peu près linguiforme et appliqué plus ou moinsinti- 
mement contre le bord interne des mandibules. Cette forme 
s’observe chez les espèces du genre Cantharis (C. Vesicatoria, C. 
Nuitalli, G. Sphæricollis, C. Viridana, etc.), ainsi que chez les 
genres Lydus, Hapalus, Zonitis, etc. (pl. V, fig. 12 et 13 et ci- 
contre, fig. 3 À p). 

La forme vésiculeuse signalée par Brullé chez le Meloe, s’ob- 
serve en effet chez la grande majorité des espèces de ce génre, 
etaussi chez les Epicauta (E. Verticalhs, E. callosa, E. ferruginea, 
E. pruinosa, E. vütata, E. strigosa, ete.), les Pyrota, les Macro- 
basis (M. Albida, M. Fabrici, M. Torsa),le Leptopalpus rostra- 
tus le Cissites testacea, etc. (pl. V, fig. 5 et ci-contre fig. 3 D p). 

Enfin, l’intermaxillaire est réduit à une très courte languette 
membraneuse, velue, chez quelques genres (Hapalus, Tricra- 
na, etc.), (pl. V, fig. 16 et ci-contre fig. 8 A). 

Dans un certain nombre de mes préparations J'ai constaté 
l'existence d’un axe central chitineux servant de support à la 
partie membraneuse de l’intermaxillaire (pl. V, fig. à). 

La nature des poils que porte l’intermaxillaire montre qu'on 
a affaire à un organe tactile. En effet, outre les poils aigus de 
consistance cornée qu’il porte sur presque toute sa surface, on 
observe des organes beaucoup plus délicats qui ont tout à fait 
l'apparence d’organes tactiles et qui se font remarquer par leur 
forme et leur répartition. Ce sont des sortes de papilles, roides, 
cylindriques ou coniques, généralement courtes, groupées ré- 
gulièrement; sous ce rapport, les faitsles plus curieux m'ont été 
offerts par l'étude de l’intermaxillaire chez Meloe Majalis, Can- 
tharis vesicatoria et Lagorina Scutellata. 

L'intermaxillaire de Meloe Majalis se présente sous la forme 
d’une sorte de vésicule trilobée dont le lobe externe, le plus 
court est à peu près sphérique et occupe en majeure par- 
tie l’échancrure de la mandibule. Le lobe moyen, cylindrique, 
est couché dans la concavité de la mandibule, tandis que le lobe 
interne, de même forme, mais un peu plus allongé, repose sur 
le bord interne. Tout l'organe est relevé d’un dessin polygonal 
formé par des épaississements en forme de petites écailles qui se 
relèvent et produisent de courtes saïllies qui se transforment dans 
les 2/3 potstérieurs de l'organe en de longs poils cylindriques 
couchés obliquement et très serrés, Le bord externe du lobe in- 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 93 


terne de l’intermaxillaire porte dans sa partie supérieure un 
épaisissement, sorte de lèvre saillante sur laquelle sont disposés 
régulièrement en une rangée des spinules roides, obconiques, 
chitineux et durs. Ces spinules sont localisés en ce seul point et 
ne se retrouvent sur aucune autre région de l'organe. 

Ajoutons enfin qu’une expansion chitineuse, colorée en brun 
et couverte de semblables spinules, se voit lorsqu'on examine la 
face inférieure de la mandibule. Cette expansion qui remplit 
presque toute l’étendue de l’échancrure sert de support à l’inter- 
maxillaire membraneux. 

L'intermaxillaire de la Cantharide (pl. V, fig. 12 et 13), (C. Vé- 
sicatoria) a une forme bien différente. Il consiste en une sorte de 
lame linguiforme soutenue en son centre par une tige chitineuse 
légère et appliquée contre le bord interne de la mandibule. 
Toute la lame membraneuse est velue; en outre, sur une ligne 
correspondant à l’axe chitineux, on observe une série de petits 
faisceaux de spinules roides, épais et courts, également distants 
les uns des autres et groupés par 6 ou 10. Ces petits groupes 
de spinules semblent sortir chacun d’une sorte de calice formé 
par un relèvement de la membrane chitineuse tout autour de 
leur base. 

J'ai observé une disposition toute semblable chez Lagorina 
scutellata (pl. V, fig. 1 et 2). 

Comme il me serait impossible d'entrer dans une étude dé- 
taillée de toutes Les particularités qu’on observe dans la struc- 
ture des mandibules chez les nombreuses espèces qui composent 
la tribu des Vésicants, jai cherché pour les résumer, à grouper les 
principales modifications que présentent ces organes. Ils me pa- 
raissent pouvoir rentrer dans quatre types principaux comme suit : 

4° Mandibules semblables entre elles, très robustes, cornées, à 

galea pointu et recourbé en dedans; bord interne muni de une 
ou plusieurs dents très irrégulières en général, et formées par 
des sortes d’entailles de ce bord. Échancrure profonde, carrée. 
Intermaxillaire vésiculeux en général, molaire lisse. Genres : Py- 
rota, Epicauta, Lytta, Macrobasis, Meloe (pl. V, fig. 3 et 14, et 
ci-contre, fig. 3 E). 

Une modification consistant dans la forme de l’intermaxillaire 
qui est réduit à une lame linguiforme, se rencontre chez les 
genres Cantharis, Henous, etc. (pl. I, fig. 13). 


94 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


9° Mêmescaractères que précédemment, mais, bord interne du 

Galea lisse et dépourvu de dents. Genres : Cabalia segetum, 

Lydus; chez Cysteodemus et Tegrodera, l'extrémité du Galea est 
4 B C 


Fic. 3. — Types de mandibules, grossissement, | 
A, Hapalus bipunctatus; B, Nemognatha lutea; C, Zonitis mutica ; 


D. Cüissites testacea; E, Pyrota insulala; F, Cysteodemus armatus, 
bifide et la concavité de la face inférieure de la mandibule est 
extrêmement prononcée (pl. I, fig. 7, et ci-contre fig. 8 F). 

Chez Lagorina scutellata, l'extrémité du galea est obtuse 
(pl. I, fig. 4). 

3° Dans une troisième modification, les mandibules se font 
remarquer par l’absence complète d'échancrure au bordimterne. 
Ce bord est lisse et fortement concave. 

L’intermaxillaire est vésiculeux et le Galea s’avance en dedans 
en une longue dent. Genre Cissites (voir ci-contre, fig. 3 D). 

L'intermaxillaire est lamelleux. Genres: Sitaris, Cerocoma 
(pl. V, fig. 6 et 15). 

L'intermaxillaire est encore lamelleux, mais le bord interne 
de la mandibule est dentelé et une encoche porte l'intermasil- 
laire, Genres: Pomphopæa, Zonitis, Nemognatha (pl. Y, fig. 4, 
et ci-contre, fig. 3 B et C). 

Enfin, l’intermaxillaire est rudimentaire et Le bord interne de 
la mandibule est presque droit ou à peine concave. Genres: 
Hapalus (H. bimaculatus), Tricrania (T. Stansburii) (pl. V, 
fig. 16, et ci-contre, fig. 3 A). 

4° Un quatrième groupe comporte tous les genres dont le sous- 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 95 


maxillaire (molaire) au lieu d’être lisse est hérissé de tubercules 
plus ou moins pointus, qui le transforment en une sorte de râpe. 
En général, l’échancrure de la mandibule est réduite à une 
encoche. Genres : Halosimus, OEnas, Mylabris, Coryna (pl. V, 
fig. 17 et 8). 

Les Mylabris et Coryna offrent une très intéressante particu- 
larité qu’on ne retrouve nulle part ailleurs chez les Vésicants (1). 
Chez ces insectes, en effet, les mandibules sont dissemblables. 
Tandis que la mandibule droite est pourvue d’une très forte dent 
à son bord interne (pl. V, fig. 8, 9, 10 et 11), au-dessous de 
l'extrémité du Galea, la mandibule gauche est inerme. 

Chez ces deux genres, en outre, le bord des mandibules offre 
une grande échancrure, mais celle-ci, au lieu d’être carrée ou 
triangulaire, consiste en une sorte d’entaille oblique, d’arrière 
en avant et de dedans en dehors qui donne à l'organe un aspect 
tout particulier et très caractéristique. 

On peut dire que les genres Mylabris et Coryna seraient faci- 
lement distingués de tous les autres Vésicants au seul examen 
de leurs mandibules. 

En exposant les caractères des mandibules chez les princi- 
paux genres, Je ne me suis pas préoccupé des classifications 
adoptées. Par un simple coup d’œil on peut voir toutefois que 
ces caractères correspondent le plus souvent aux groupements 
ordinaires. Là où il semble y avoir des divergences, celles-ci 
portent sur des genres dont la place est douteuse. Cette obser- 
vation vient à l'appui des considérations que je faisais valoir au 
début de cette étude des pièces buccales. J'aurai à y revenir 
d’ailleurs au sujet de l’examen des mâchoires. Je montrerai par 
quelques exemples que l’étude détaillée de ces divers organes si 
importants crée en réalité une réserve d'excellents matériaux 
qu'il sera possible de mettre à profit lorsqu'il s’agira de procéder 
à la diagnose des genres et des espèces. 

MAcHotnes. 

(PI. V, fig. 19 à 40). — Pour l’étude des mâchoires chez les 
Vésicants, il n’est pas de sujet plus convenable que les diverses 
espèces du genre Pyrota (ci-contre, fig. 4 A). Chez ces insectes, 

(1) Cette particularité qui est passée sous silence par les auteurs et que je croyais 


avoir été le premier à observer a été signalée et figurée pour le genre Mylabris par Bil: 
berg (21) dans sa monographie des Mylabres. 


” 96 H. BEAUREGARD,. — RECHERCHES 


en effet, toutes les pièces des mâchoires sont reconnaissables et 
faciles à distinguer, tandis que dans tous les autres genres ces 
pièces sont plus ou moius soudées et confondues entre elles, au 
point qu’il devient souvent impossible de distinguer autre chose 
qu'un organe bilobé portant un palpe. 

Je prendrai donc pour type la mâchoire des Pyrota, d’après 
mes recherches sur les Pyrota Mylabrina, P. insulata, P. Ger- 


Fic. 4. — Types de mâchoires, grossissement, ” 


À, Pyrota insulata; B, Meloe proscarabeus, maxillaire et palpigère, face supérieure ; 


C, du même, mâchoire, face inférieure; D, Halosimus viridissimus, É 


mari et P. Afzeliana. Les mâächoires sont en parties cornées et 
en partie membraneuses. 

Les pièces qui les composent sont assez régulièrement dispo- 
sées en trois séries linéaires placées côte à côte, savoir : d’arrière 
en avant, série interne : l’intermaxillaire et le prémaxillaire. 
Ces deux pièces sont soudées, comme cela s’observe d’ailleurs 
chez tous les Vésicants sans exception. 

Série intermédiaire : Sous-Galea et Galea. 

Série externe: Sous-maæillaire, maxillaire. Ce dernier portant 
le palpigère que termine un palpe de quatre articles. 

L'intermaxillaire est ici, comme d’ailleurs chez tous les Vési- 
cants, une pièce allongée, appliquée au bord interne de la mûâ- 
choire et couverte de poils plus ou moins serrés suivant les 
espèces. Cette pièce se termine à son extrémité distale par un 
faisceau de poils plus durs, plus longs et plus roides, disposés en 
brosse et tournés en dedans. Cette portion est celle qu’on désigne 
communément sous le nom de lobe interne de la mâchoire. Elle 
me paraît représenter le prémaxillaire soudé à l’intermaxillaire. 

Kirby et Spence (16) pensaient que, parmi les Coléoptères, 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 07 


l'intermaxillaire manquait chez les Scarabeoïdes et les Nemo- 
gnathes. Brullé prétend qu’il n’en est rien et que l'intermaxil- 
laire existe toujours; quand il ne paraît pas nettement, c'est 
qu'il est soudé au sous-galea. « C’est, dit cet auteur, le cas des 
:« Lucanes et genres voisins. On retrouve, ajoute-t-il, cette dis- 
« position dans quelques Téléphores d'Amérique et dans les 
« Ripiphores, et sans doute aussi dans les Nemognathes que je 
« n’ai pu examiner.» Mes recherches sur de nombreuses espèces 
de Nemognathes (N. luiea, N. bicolor, N. piezata, N. lurida, 
N. vitigera, N. immaculata) confirment cette manière de voir. 
Chez tous ces insectes il existe un intermaxillaire, soudé, il est 
vrai, avec le sous-galea etle maxillaire, mais bien reconnaissable 
encore (pl. V, fig. 15). 

Le sous-galea est une pièce rarement distincte. Chez les Pyrota, 
où il se montre nettement séparé du maxillaire, il consiste en un 
article allongé, couché obliquement entrele maxillaire et l’inter- 
maxillaire. Par contre, chez Leptopalpus rostratus (pl. V, fig. 34 
et 35), il offre un grand développement ; de forme triangulaire, 
il empiète considérablement sur la place ordinairement occupée 
par le maxillaire qui se trouve ainsi proportionnellement très 
réduit. Le Galea offre chez les divers genres de la tribu de nom- 
breuses variations. Le plus souventilse montre sous la forme d’un 
triangle irrégulier dont le sommet tronqué est dirigé en arrière 
et confine au sous-galea, tandis que la base convexe ou plane 
porte des poils nombreux et épais en forme de brosse. Ces poils 
sont ordinairement plus serrés au côté interne du galea et y for- 
ment une houpe en avant de celle que forment les poils du som- 
met de l’intermaxillaire. 

Les rapports du galea (lobe externe) et du prémaxillaire (lobe 
interne) sont tels que, dans la plupart des cas, le galea embrasse 
le prémaxillaire et se courbe pour le contenir dans la concavité 
de son bord interne. | 

Les espèces du genre Nemognatha offrent un galea d’une 
forme toute particulière et qui depuis longtemps a attiré l’atten- 
tion des entomologistes. Il consiste en effet en une longue pièce 
conique recourbée en dehors à son extrémité terminale. Cette 
pièce (pl. V, fig. 25) est crénelée sur ses bords et particulière- 
ment sur le bord interne les crénelures sont larges et profondes. 
Au premier coup d'œil, on croirait être en présence d’un organe 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. Xx11 (1886). 7 


98 TT. DEAUREGARD. — RECHERCIHES 


composé de nombreux articles superposés. Il n’en est rien ce- 
pendant, le galea est formé d’un seul article. Au bord interne 
des poils très serrés et couchés les uns sur les autres se montrent 
dans toute l'étendue de l’organe. 

Les Nemognathes sont les seuls insectes parmilesVésicants qui 
offrent cette disposition. On en a rapproché les Zonitis sous le 
prétexte que le galea dans ce genre est terminé par un long 
pinceau de poils. Je ne vois pas en réalité qu’il y ait une assi- 
milation possible entre ces deux formations. Le pinceau de poils 
du galea des Zonitis (pl. V, fig. 36 et 37) contribue il est vrai à 
allonger les mâchoires de ces insectes; mais, somme toute, ce 
galea a la mème forme que chez la plupart des autres Vésicants. 

Il n'en est plus de même du galea du Cérocome (pl. V, fig. 21 
à 24). Chez Cerocoma Vahli +, par exemple, cet organe revêt une 
forme très irrégulière comparable à celle d’une massue tronquée 
obliquement au sommet. Membraneux dans une partie de son 
étendue, il est occupé en son axe par une tige chitineuse qui 
s’élargit en s’amincissant à mesure qu’elle se rapproche de l’ex- 
trémité libre. À quelque distance de cette extrémité, le galea porte 
sur sa face inférieure (pl. XI, fig. 22) un épaississement sinueux 
transversal couvert de spinules épais, coniques, disposés en une 
rangée, et qui non loin du bord interne se répandent en plus 
grand nombre sur une certaine étendue de la surface de l'organe. 
En outre, trois sortes de poils peuvent se distinguer sur le galea, 
savoir : 4° sur tout son bord libre antérieur, des poils allongés, 
grêles, hyalins, et terminés par une sorte de tête en forme de 
petite ventouse taillée obliquement (c, fig. 23) à la façon des 
poils des brosses qui garnissent les tarses des Mylabres; 2° sur 
la moitié antérieure du bord interne, des poils (a, fig. 24) rami- 
fiés à leur extrémité en cinq ou six branches courtes et ondu- 
lées ; 3° sur la moitié postérieure de ce même bord, des poils 
aigus, roides (b, fig. 24). — Cette complexité dans la structure 
est évidemment en rapport avec un rôle très actif du galea dans 
les fonctions de nutrition. 

Le sous-maæillaire se présente à peu près toujours sous la 
même forme. C’est une sorte de lame étendue horizontalement 
à la base de la mâchoire, et pourvue sur son bord postérieur 
d'une assez longue apophyse pour son articulation à la tête et 
pour l'insertion des muscles. 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 99 


Le maæillaire est toujours triangulaire. Le plus souvent il 
figure un triangle isocèle dont la base est en rapport avec le sous- 
maxillaire et dont le sommet atteint l'extrémité postérieure du 
galea et vient même parfois s'appliquer plus en avant au bord 
externe de ce dernier. Le maxillaire porte sur sa face supérieure 
le palpigère. 

Palpigère. — Le palpigère est toujours très développé. Le plus 
ordinairement, il est comparable comme forme à l’article tibia 
des pattes, c’est-à.dire qu’il est conique, allongé, un peu courbe, 
à concavité externe. Toutefois dans quelques genres, Cissiles et 
Nemognatha en particulier, il est court et large, tronqué à sa 
base ou fortement obtus (pl. V, fig. 25). Le palpigère est cou- 
ché sur la face supérieure du maxillaire et occupe une grande 
partie de sa surface. Toujours il se prolonge jusqu'au bord ex- 
terne de cette pièce, et c’est seulement en ce point qu'apparait 
le palpe. 

Palpe. — Le palpe maxillaire comprend, chez tous les vési- 
cants, quatre articles superposés. Il existe de nombreuses varia- 
tions dans la forme et les rapports de grandeur de ces articles 
entre eux. Jene puis entrer ici dans ces détails. Qu'il me suffise 
de dire que d’une façon très générale (Meloe, Cantharis, Mylabris, 
OEnas, Nemognatha, Zonitis, etc.), le premier article est très 
court ; le deuxième très allongé, plus ou moins cylindrique ou 
cyathiforme ; le troisième, de longueur moyenne ; le quatrième, 
enfin, aussi long ou peus long que le second, et ordinairement 
cylindrique. 

Parmi les exceptions les plus remarquables que je ne peux 
cependant pas passer sous silence, je citerai le palpe des mä- 
choires des Cerocomes. 

Chez Cerocoma Vahli, par exemple, espèce déjà remarquable 
par la forme et la situation du galea (voir page 98) le palpe ma- 
xillaire comprend un premier article (p', pl. V, fig. 38) long et 
cylindrique qui s’évase un peu à son extrémité distale. Cette 
extrémité évasée reçoit le second articel (p?) presque complète- 
ment membraneux et qui a la forme d’une sorte de coupe dont 
la concavité assez profonde est couverte de saillies courtes et a1- 
guës. Le troisième article (p*), également membraneux forme 
un couvercle bombé qui se fixe à l’un des bords de la coupe, de 
telle sorte que les deux articles réunis constituent une pièce 


100 H. BEAUREGARD. — RECHERCIES 


composée de deux valves susceptibles de s'appliquer à peu près 
exactement l’une sur l’autre. 

C’est, en somme, une sorte de cuiller capable de recueillir le 
pollen car j'ai toujours trouvé de nombreux grains renfermés 
entre les deux valves susdites. 

Quant au quatrième article (p*) du palpe maxillaire, il est 
subcylindrique, un peu vésiculeux et légèrement renflé à son 
extrémité. Il porte sur une de ses faces un organe dont il m'est 
absolument impossible d'apprécier l'usage. C’est une sorte de 
plaque cornée ovale, allongée parallèment au grand axe de 
l’article, et enfoncée en son milieu de manière à figurer deux 
lèvres dont les bords sont garnis de poils. 

Enfin l'extrémité terminale du quatrième article est convexe et 
hérissée de petites papilles cylindriques de nature probablement 
tactile. 

Je signalerai encore en passant le curieux palpe (pl. V, fig. 34 
et 35) de Leptopalpus rostratus supporté par un long palpigère et 
formé de quatre articles dont les trois derniers très allongés à bord 
externe un peu convexe et à bord interne garni d’une brosse de 
poils donnent à lamâchoire une grande longueur. Rien de sem- 
blable ne s’observe chez les Nemognathes auxquels Lacordaire 
a réuni le Leptopalpus. Chez les Nemognathes en effet, l’allon- 
gement de la mâchoire est dû au développement singulier du 
Galea tandis que chez Leptopalpus il tient à l'allongement du 
palpe. Ces caractères, comme le dit fort bien Fairmaire (292), pa- 
raissent motiver suffisamment la séparation de ces deux genres 
que Lacordaire réunit, et j’ajouterai qu’on semble s’accorder à 
tort à réunir (voir Catal. de Gemminger et Harold 1870) encore 
aujourd’hui. 

Pour compléter cet exposé général de la structure des mà- 
choires chez les Vésicants, je réunirai comme je l’ai fait pour les 
mandibules lesprincipales formes qu’on peut observer en groupes 
qui permettent de saisir plus facilement l’ensemble des particu- 
larités qui distinguent ces appareils. En considérant le degré de 
soudure des diverses parties des mâchoires j’établirai quatre 
types comme suit : 

Premier type. — Toutes les pièces sont distinctes sauf toute- 
fois le premaxillaire qui, je l’ai dit, est toujours soudé avec l'in- 
termaxillaire. — À ce type appartiennent les espèces du genre 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS, 101 


Pyrota.— On peut leur rattacher le genre Leptopalpus (L. ros- 
tratus) qui se distingue toutefois par le grand développement du 
sous-galea au détriment du maxillaire et par l'allongement con- 
sidérable du palpe (pl. I, fig. 34, et ci-contre, fig. 4 A). 

Deuxième type. — Le sous-galea n’est plus distinct de l'inter- 
maxillaire avec lequel il est complètement soudé. Parfois cepen- 
dant, il reste une trace de différenciation du sous-galea, accusée 
par une encoche sur le bord interne de la mâchoire à l’extré- 
mité postérieure de l’intermaxillaire et par une encoche sem- 
blable au niveau du premaxillaire (Halosimus viridissimus, OEnas- 
afer, etc.) (pl. V, fig. 28, et ci-contre, fig. 4 D). 

Tantôt l’encoche postérieure seule est apparente. Ex. Mylabris 
variabilis (pl. V, fig. 19). Ailleurs, au contraire, c'est l’encoche 
antérieure qui est seule apparente. Ex. Weloe proscarabeus, 
M. lœvigatus, ete. (voir ci-contre, fig. 4 B et C). 

Quoiqu'il en soit, ce second type est celui qu'on observe le plus 
fréquemment chez les Vésicants. Je citerai particulièrement les 
genres Halosimus, OEnas, Cabalia, Mylabris, Meloe, Lagorina, 
Lydus, Cerocoma, Coryna (pl. V, fig. 39, et ci-contre, fig. 5 A). 

Le genre Sitaris, touten présentantles caractères de ce groupe, 


Fic. 5. — Mâchoires; 


Grossissement, <- À, Coryna distincta, face inférieure ; 


B, du même, face supérieure avec palpigère pa; 
Grossissement, TC : C, Henous confertus, face supérieure ; 
D, Epicauta verticalis, face supérieure, 

(Mèmes lettres explicatives que pour les figures des planches.) 


s’en distingue cependant en ce que le sous-galea est soudé au 
maxillaire et non à l’intermaxillaire (pl. V, fig. 52). 

Troisième type. — Le galea, le sous-galea, l’intermaxillaire 
et le premaxillaire sont soudés en une seule pièce bilobée située 
au bord interne du maxillaire. C’est Le cas des genres : Tegrodera, 


102 Il. REAUREGARD. — RECHERCHES 


Henous, Cantharis, Macrobasis, Lytta, Epicauta, Pomphopæa, 
Cysteodemus (ci-contre fig. 5 G et D, et fig. 6 A). 

Quatrième type. — Enfin, une dernière modification montre 
le maxillaire soudé lui-même avec les parties voisines. Le galea 


6x . 0 
Fic. 6. — Mâchoires, grossissement, ee 


À, Macrobasis albida, face inférieure; B, Cissites testacea, face supérieure ; 
C, Cissites testacea, face inférieure. 


. cependant dans ce cas reste distinct. Le sous-maxillaire et le pal- 
pigère restent également différenciés comme dans les trois pre- 
miers types; — à ce groupe appartiennent les genres Hapalus 
(H. bipunctatus), Cissites (C. Testacea), Zonitis, Nemognatha et 
Gnathium, (pl. V, fig. 30 à 37, et ci-contre, fig. 6 B et C). 

Comme on le voit, par ce qui précède, le mode d’arrangement 
et la forme des pièces qui entrent dans la composition des mä- 
choires ne sont pas sans intérêt. Ils constituent des caractères 
dont la constance dans chaque genre mérite d’attirer l'attention; 
aussi me paraît-il indispensable d’en tenir grand compte dans 
l'étude des Insectes. J'ai montré plus haut par un fait frappant, 
à quelles erreurs conduit l'habitude de s’en référer aux carac- 
tères extérieurs, tels que la longueur des organes. Il me serait 
facile de multiplier les exemples qui montrent quel parti on 
pourrait tirer de l'étude approfondie des pièces buccales pour le 
classement des genres ou des espèces douteux. 

C’est ainsi que si je veux intervenir dans le débat qui a eu lieu 
entre Mulsant et Fairmaire relativement à la place que doit occu- 
per le genre Hapalus, je puis le faire en apportant des documents 
d’une autre valeur que ceux que l’on met ordinairement en avant, 
longueur des poils, disposition de ceux-ci en pinceaux, etc. 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 103 


« Mulsant, dit Fairmaire (22), a rangé dans le groupe des Zoni- 
« tites les Hapalus que je crois devoir laisser près des Sitaris, le 
« lobe externe de leur mâchoire n'étant nullement prolongé en 
« pinceau bien qu'il soit oblong, étroit et fortement cilié, » La 
« structure du lobe interne des mâchoires de l’Hapalus, disait 
«cependant Fairmaire, dans une autre partie de son genera 
« (article : Hapalus) forme une transition naturelle pour arriver 
« à la modification du même organe chez les Zonitis et les 
« Nemognathes. » On voit par ces deux extraits contradic- 
toires sur quelle faible base reposait l'opinion de Fairmaire. 

En ex aminant les types ci-dessus établis, je crois pouvoir me 
ranger de l’avis de Mulsant, et rapprocher l'Hapalus des Zonitis, 
car les Zonitis et Hapalus ont tous deux les diverses parties du 
corps de la mâchoire soudée en une seule pièce, tandis que dans 
le genre Sitaris auquel Fairmaire voudrait joindre le genre 
Hapalus, le sous-galea seul est soudé au maxillaire. 

Autre exemple : Le genre Lagorina de Mulsant, est contesté; 
beaucoup d’entomologistes le font rentrer dans le genre Can- 
tharis. « Ce genre, dit Fairmaire, a beaucoup de ressemblance 
avec les vraies Cantharis, mais, la forme des cuisses postérieures, 
du corselet, et du lobe externe des mâchoires permet de les dis- 
tinguer facilement, » j'ajouterai qu'il y a mieux que le carac- 
tère de la forme du lobe externe des mächoires, caractère somme 
toute assez peu important. Mais que l’on jette les yeux sur les 
types que j'ai établis plus haut, et l’on verra que les genres Lago- 
rinaet Cantharis sont complètement distincts puisque le premier 
appartient au second type, tandis que le second appartient au 
troisième. J'interviendrai de même plus tard dans l'examen des 
genres discutés tels que Lytta, Epicauta, etc. 

Ce n’est d’ailleurs que par la combinaison des divers carac- 
tères empruntés aux pièces de la bouche et aux autres organes 
aussi bien qu'à l'étude du développement qu’on pourra arriver 
à des résultats précis et susceptibles de quelque rigueur. 


LÈVRE INFÉRIEURE. 


(PL. V, fig. 61 à 64). — La vreinférieure comprend chez tous 
les Vésicants une pièce médiane impaire ou languette en partie 
confondue en arrière avec le menton. Rarement la séparation 
complète entre ces deux pièces existe; le plus souvent une 


104 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


ligne sinuée de forme très variable, indique seule la limite. 

Les palpes labiaux portés à la partie inférieure et postérieure de 
la languette se composent ordinairement de trois articles. Cepen- 
dant, chez un certain nombre de genres, on en peut compter 
quatre par suite de l’adjonction d’un article basilaire. 

Les anatomistes paraissent avoir complètement ignoré l’exis- 
tence de cet article basilaire que je ne vois mentionné dans 
aucune description. Il a parfois cependant un grand dévelop- 
pement et représente évidemment un palpigère analogue à 
celui qu’on observe aux mâchoires. C’est dans le genre Sitaris 
(pl. V, fig. 68) que ce palpigère acquiert sa plus grande longueur. 
Il se présente alors sous la forme d’un article ovoïde aussi long 
que la languette et qui se confond postérieurement avec le men- 
ton, si bien que les deux palpigères font assez bien l'effet d’un 
menton profondément divisé en deux lobes ovoides qui attei- 
gnent le bord antérieur de la languette. Dans ce cas, le menton 
semble avoir conservé sa composition théorique ; les soi-disant 
palpigères en question peuvent être considérés en effet comme 
les deux coxites du membre transformé qui sontrestés libres au 
lieu de se souder comme à l’ordinaire. Ou bien encoreils figurent 
les deux maxillaires isolés et alors la languette proprement 
dite est formée uniquement par les galea et intermaxillaires 
soudés. 

Cette dernière manière de voir me parait devoir être adoptée 
et me semble encore appuvée par le mode d'organisation que 
présente la lèvre inférieure chez Hapalus bipunctatus. Dans cette 
espèce, en effet, à la face inférieure (pl. V, fig. 51) de la languette 
largement bilobée on voit une lame membraneuse rectangulaire 
qui prolonge le menton et s’étend en avant Jusqu'au niveau du 
bord antérieur de la languette. Cette lame rectangulaire porte 
à sa face supérieure, au niveau de la base de la languette deux 
petits palpigères qui supportent les palpes de trois articles. En 
réalité, la partie bifide appelée ordinairement languette, répond 
aux galeas et aux intermaxillaires confondus, tandis que le pro- 
longement rectangulaire du menton figure la portion maxillaire 
du membre. 

En admettant cette manière de voir, les palpes labiaux se 
trouvent occuper la même situation que ceux des mâchoires par 
rapport au maxillaire, c’est-à-dire qu’ils sont alors insérés sur 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 105 


la face supérieure des maxillaires et non sur leur face inférieure, 
ce qui avait quelque lieu de surprendre quand on considère que 
toujours à la mâchoire, les palpes siègent à la face supérieure 
du maxillaire. Pour étendre cette explication à tous les Vésicants, 
il suffit d'admettre que la languette est formée seulement par 
les galea et intermaxillaires confondus en une pièce plus ou 
moins bilobée, tandis que les maxillaires sont atrophiés et ré- 
duits au lieu d'insertion des palpes. Ils rentrent donc dans la 
loi la plus générale chez tous les insectes. 
= Parmi les insectes Vésicants chez lesquels le palpe est sup- 


FiG. 7. — Lèvre inférieure des Vésicants, types : 


: 10 à : 
Grossissement T : A, Meloe Tuccius. Grossissement F : B, Cysteodemus armatus. 


C, Epicanta verticalis. D, Pyrota insulata. E, Cantharis vesicatoria. 


Grossissement 7: F, Nemognatha opicalis. 


porté par un palpigère distinct, je citerai encore diverses espèces 
de Meloe, (M. Majalis, M. Murinus, M. Tuccius, etc.), Cabalia 
segetum, Tegrodera erosa, Cerocoma Valhli, etc.) (pl. I, fig. 43 
et 49). 

Chez ces insectes, le palpigère consiste en un petit article 
inséré vers le 1/3 postérieur de la face inférieure de la lan- 
guette. | 

Palpes labiaux. — Les articles des palpes labiaux se présentent 
sous des formes assez différentes. En général le premier article 
est le plus court, le troisième au contraire est volumineux, 
ovoïde, cylindrique ou triangulaire. Son bord terminal convexe 
est couvert de petites papilles délicates, que leur forme cylin- 
drique, leur faible longueur et l'absence de coloration font dis- 


106 H, BEAUREGARD. — RECHERCHES 


tinguer facilement des poils ou spinules qui recouvrent plus ou 
moins complètement le reste de la surface des autres articles. 

Languette. — La languette est souvent composée d’une pièce 
unique à bord libre plus ou moins excavé (Meloe, Cysteodemus, 
Pyrota, Epicauta), ou droit et relevé légèrement dans son milieu 
(Cantharis, Lydus, Lytta, etc.) (pl. V, fig. 40 et 50, et ci-contre, 
fig. 7, B, C, D, E). 

Fréquemment aussi la languette est divisée profondément en 
deux lobes. Chez Mylabris (pl. V, fig. 41), ce n’est qu'une échan- 
crure au milieu du bord antérieur (M. Variabilis) mais parfois 
une suture plus claire s'aperçoit au centre de l'organe (M. 4- 
punctata). 

La bifidité est complète, et les deux lobes s’écartent légère- 
ment l’un de l’autre, chezles genres Zonitis, Nemognatha, Sitaris, 
Leptopalpus, OEnas, Coryna, ete. (pl. I, fig. 46 à 48 et ci-contre, 
fig. 7, F). 

Hypopharynx. — A la face supérieure du menton, on observe 
un hypopharynx ordinairement peu développé et consistant en 
séries de poils divergeant en avant. Parfois cependant cet organe 
est un peu plus compliqué et consiste en un ou plus ordinaire- 
ment deux lobes velus, supportés par une charpente chitineuse 
spéciale (Cabalia Segetum) (pl. V, fig. 48). 


EXPLICATION DE LA PLANCHE V. 


PIÈCES BUCCALES DES VÉSICANTS. 


Signification des lettres : m, maxillaire; sm, sous-maxillaire; 9, galea ; 
sg, sous-galea; pa, palpigère; p, palpe; im, intermaxillaire; k, mo- 
laire; 2, languette; m, menton; h, hypopharynx; ep, épipharynx. 


15 


Fi@. 1. — Mandibule de Lagorina scutellata, —. 

F1. 2. — Prostecha du même, = avec groupes de papilles, a, a. 
F1G. 3. — Mandibule de Lytta pennsylvanica, +. 

Fig. 4. — Mandibule de Pomphopæa texana, À. 

Fic. 5. — Mandibule de Leptopalpus rostratus, . 

F1c. 6. — Mandibule de Sitaris humeraiis. a, 

F1G. 7. — Mandibule de Cabalia segetum, Le: 

FiG. 8. — Mandibule gauche de Mylabris variabilis, A 

Fig. 9. — Mandibule droite du même, +; d, dent. 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 107 


F1@. 10. — Mandibule gauche de Coryna distincta, —. 

Fig. 41. — Mandibule droite du même, ?; d, dent. 

Fi&. 12. — Prostheca de Cantharis Vesicatoria, ; a, groupe de papilles. 
F1G. 13. — Mandibule du même, ?, face inférieure. 

Fi. 44. — Mandibule de Lytta Erithrocéphala, ?, face inférieure. 

Fig. 15. — Mandibuie de Cerocoma Vahli 2 9, galea. 

Fi6. 16. — Mandibule de Tricrania Stansburii, © 


F1G. 17. — Prostheca de Halosimus Viridissimus, * <> avec molaire héris- 
sée k. 
= A 0 L . 
FiG. 18. — Mandibule du même, +, face supérieure. 
* . ‘ . 7e. 0 . AE 
F1&. 19. — Mâchoire de Mylabris Variabilis, face inférieure. 


Fi@. 20. — Mâchoire du même, S face supérieure montrant le palpi- 
sère en place. 

F1&. 21. — Mâchoire de Su soi Vahli & £ , face supérieure ; b, poils. 

F1&. 22. — Galea du même © &, be nt chitineux. 

Fig. 23. — Poils du sommet du galea c. 

F1G. 24. — Poils du bord interne; a, poils ramifiés ; b, poils simples. 

Fi&. 25. — Mâchoire de Nemognatha lutea, — face supérieure. 

Fi. 26. — Mâchoire du même, *, face inférieure. 

F1G. 27. — Portion du galea du même, 2. 

F1@. 28. — Mandibule de Œnas afer, —. 

FiG. 29. — Prostheca du même,  ; ch, tige chitineuse de soutien. 

Fig. 30. — Mâchoire de Hapalus bipunctatus, —, face inférieure. 

Fig. 31. — Mâchoire du même, Ÿ, face supérieure. 

F1G. 32, — Mâchoire de Gnathium minimum, —. 

Fi. 33. — Poils du galea du même. 

Fig. 34. — Mâchoire de Leptopalpus rostratus, — face inférieure. 

Fic. 35. — Mâchoire du même, +, face supérieure. 

Fic. 36. — Mâchoire de Zonitis mutica, face inférieure, © 

Fig. 37. — Mâchoire du même, face supérieure, © 


Fic. 33. — Palpe grossi © de la mâchoire de Cerocoma Vahli & ; p!, à 
p“ articles du palpe. 
Fig. 39. — Mâchoire de Lagorina scutellata, face inférieure, Le 


Fig. 40. — Mâchoire du même, face supérieure, ? 
Fi. 41. — Lèvre inférieure de Mylabris Cichorii 2 


Fig. 42. — Mâchoire de Sitaris humeralis, = 

Fig. 43. — Lèvre inférieure de Cantharis Segetum, face supérieure, = 
Fig. 44. — —- Gnathium minimum, face inférieure, + 
Fig. 45. — — Œnas afer, face supérieure, L. 


| LÉCr 91 
Fig. 46. — — Leptopalpus rostratus, face inférieure, —. 


108 


Fi. 
Fic. 
Fi. 
Fi. 
FiG. 
FiG. 
Fic. 
Fi1G. 


H. BEAUREGARD. — RECHERCHES SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 
41. — Lèvre inférieure de Zonitis mutica, face supérieure, +. 
48. — es Sitaris humeralis, face supérieure, +. 
49. — = Meloe Murinus, face inférieure, *. 
50: se Lytia pennsylvanica, face inférieure, *. 
LT ANR mé Hapalus bipunctatus, face inférieure, +. 
52. — _ Tegrodera erosa, face inférieure, —. 
D3. — — Cerocoma Vahli S, face inférieure, —. 
D4. — — Cissites testacea, face inférieure, = 3 


NOTE 
SUR UNE ARTICULATION ANOMALE 


ENTRE 


L'OS HYOÏDE ET LE CARTILAGE THYROÏDE LE L'HOMME 


Par Ch. DEBIERRE 


L'ossification du cartilage thyroïde n’est point rare chez les 
vieillards, et il est digne de remarque que cette calcification.du 
cartilage, s'effectue de la périphérie au centre. C’est là une ob- 
servation faite depuis longtemps, sur laquelle nous n'insistons 
pas. 

Chez un sujet de 56 ans livré aux salles de dissection de la 
Faculté de Lyon, et qui a servi à notre cours, cette ossification 
du cartilage thyroïde est très avancée. Le centre seul du carti- 
lage est resté à peu près indemme de calcification. Tout le bord 
postérieur, depuis les grandes jusqu'aux petites cornes, forme 
une colonne osseuse solide et résistante. 

Le corps de l’os hyoïde n'offre rien de particulier, mais ses 
petites cornes sont à lui complètement soudées (bien que la ligne 
de soudure du basihyal et des grandes cornes soit encore très 
marquée), et le sommet de sa grande corne porte une colonne 
osseuse qui se dirige en bas à la rencontre de la grande corne 
ossifiée du cartilage thyroïde. C’est entre ces deux os que l’on 
trouve une articulation anomale (1). 

Entrons plus avant dans l'explication, et pour mieux faire sai- 
sir et ressortir l’anomalie, ayons recours, comme comparaison, 
à la disposition normale. 

Chacun sait qu’à l’état normal, le cartilage thyroïde est uni à 
l'os hyoïde au moyen d’un ligament membraneux médian, la 
membrane thyro-hyoïdienne, et sur les côtés, par l’intermé- 
diaire des ligaments thyro-hyoïdiens latéraux qui, du sommet 
de la grande corne du cartilage thyroïde vont s’attacher au som- 


(1) La pièce est conservée au Musée d’Anatomie de la Faculté de Médecine. 


110 CH. DEPIERRE. — L’0S HYOIDE 


met de la grande corne de l’hyoïde ou corne thyroïdienne de cet 
os. Ces ligaments latéraux portent ordinairement, en leur milieu, 
un fibro-cartilage hordéïforme, le cartilage triticé dont l’exis- 
tence est à retenir en l’espèce, car sa modification va nous don- 
ner la clef de formation de l'articulation supplémentaire que nous 
décrivons. En un mot, la disposition anatomique normale est 
celle qui est figurée partout. 

Décrivons maintenant la disposition anomale que nous avons 
rencontrée (Voyez la figure ci-contre). 

Du sommet de la grande corne de l’os hyoïde se détache une 
tige osseuse de 10 millimètres de long et de 15 millimètres de 
tour (fig. Q). Cette colonne osseuse se dirige directement en bas 
au point de toucher le sommet de la grande corne ossifiée du 
cartilage thyroïde. Eile est solidement soudée à la grande corne 
de l’hyoïde, mais toutefois la ligne de soudure est restée visible 
sous la forme d’un petit sillon oblique à la partie antérieure 
(fig. X). 

Cette colonne osseuse estterminée en bas par une surface plane 
encroûtée de cartilage (fig. 3”). Elle se met en rapport avec 
une surface similaire appartenant au sommet de la grande corne 
du cartilage thyroïde ossifié. Un manchon fibreux réunit ces deux 
tiges osseuses en s’insérant à leur pourtour à quelques milli- 
mètres au-dessous de la surface articulaire, et en se continuant 
des deux côtés avec le périoste (fig. 2). Une synoviale est 
interposée aux surfaces articulaires. En un mot, il y a entre la 
grande corne de l’hyoïde (par l'intermédiaire de son pédon- 
cule) et la grande corne de l'os thyroïde une véritable articula- 
tion diarthrodiale, variété arthrodie. 

Cette anomalie méritait, je pense, d’être signalée en raison de 
sa rareté, et aussi en raison de ce que, à ma connaissance du 
moins, elle n'a pas encore été décrite. 

Mais notre observation resterait incomplète si nous ne recher- 
chions point qu’elle est la signification de cette nouvelle articu- 
lation. D'où vient et d'où sort le pédoncule osseux fixé à la grande 
corne de l’hyoïde, pédoncule qui n’a point d'existence légale, 
qu'on nous passe cette expression ? Sa situation (en raison de la 
loi des connexions anatomiques), la ligne de soudure restée évi- 
dente au sommet de la corne, nousconduisent fatalement àinduire 
que cet osselet supplémentaire n’est autre que le cartilage triticé 


ET LE CARTILAGE TNYROIDE DE L'HOMME. Al 


ossifié. Cette opinion est confirmée par l’envahissement de tout 
le système des cartilages du larynx par l'ossification. 


j 

D 
ÿ4//1/) y je 
1 (à 


Th 


4 
Af 


ail, 


Appareil hyoïdien änomal. 

Hy, os hyoïde; Th, cartilage thyroïde ossifié dans toute la partie ombrée, resté cartilagineux au 
centre, dans la partie laissée en blanc; 1, grande corne de l’os hyoïde; 3, grande corne du 
cartilage thyroïde; Q, pédoncule articulaire (cartilage triticé ossifié et réuni à l’hyoïde 
en X); 2, articulation thyro-hyoïdienne anomale; 3”, surface articulaire encroûtée de carti- 
lage du pédoncule osseux descendant de la grande corne de l’os hyoïde; en regard, la grande 
corne du cartilage thyroïde offre une surface articulaire semblable; entre les deux est inter- 
posée une synoviale et les deux extrémités osseuses articulaires sont réunies par un manchon 
fibreux; 4, petite corne du cartilage thyroïde ; 5, cartilage cricoïde; 6, articulation crico-thy- 
roïdienne; 7, membrane thyro-hyoïdienne. 

Or, ce cartilage devenu osseux et considérablement agrandi, 
marche aussi bien à la rencontre de la grande corne du carti- 
lage thyroïde qu’à la rencontre de la grande corne de l’hyoïde. 
Il suit le ligament thyro-hydoïen latéral au milieu duquel il 
est développé, tendant à transformer tout ce ligament en un pont 
osseux rigide et résistant. Que füt-il advenu s’il était parvenu à 
se souder à l'os thyroïde comme il l’a fait avec l’os hyoïde ? Une 
immobilité du larynx sur l’hyoïde en eut été la conséquence 


fatale, 


112 CH. DEBIERRE, = L'0S HYOIDÉ ET LE CARTILAGE THYROÏDE, ETC. 


Mais la mobilité du larynx sur l’os hyoïde est une nécessité 
physiologique, une condition indispensable à la bonne harmonie 
de plusieurs fonctions, et non des moins importantes, de la ma- 
chine animale, la déglutition, la parole, le cri, le chant, sans 
insister d’ailleurs. 

Que fait la Nature pour remédier à cette tendance siéfanté 
et unissante fâcheuse? Elle crée (sans attacher aucune portée 
philosophique à ce mot) une articulation qui va rendre au sys- 
tème physiologique laryngo-hyoïdien toute sa mobilité et toute 
sa souplesse. 


Le Propriétaire-gérant, 
FÉLix ALCAN. 


Cm tent tt tt 


Saint-Denis. — Imprimerie Ca. LAMBERT, 47, rue de Paris. 


RECHERCHES 


DE 


CALORIMETRIE 


Par M. A. D’'ARSONVAL 


Professeur remplaçant au Collège de France, 
Directeur du laboratoire de Physique biologique à l'Ecole pratique des hautes Etudes. 


PREMIÈRE PARTIE. — MÉTHODES ET APPAREILS (1). 


C’est grâce à l’amitié ct au désintéressement de Claude Ber- 
nard, de Marey, et de Brown-Séquard que depuis 1875 j'ai 
pu poursuivre ces recherches au Collège de France avec la con- 
tinuité que suppose la création de nouvelles méthodes d’inves- 
tigation. Je suis heureux que cette publication me permette 
d'associer les noms de mes trois maîtres auxquels je rends un 
égal tribut de reconnaissance et d’admiration. 

Mes travaux de Calorimétrie ont fait l’objet de notes nombreuses 
présentées depuis dix ans à l’Académie des sciences, à la Société 
de Biologie, à la Société de physique, etc..., ou parues dans 
différents recueils (Travaux du laboratoire de Marey, comptes 
rendus de l’école des hautes études, journal La Lumière Elec- 
trique, année 1884, catalogues de Wiesnegg, manuel de Burdon 
Sanderson, etc...) 

Un grand nombre d'expériences, en partie inédites, ont été 
exposées par moi chaque année dans les leçons de médecine que 
je fais au Collège de France depuis 18892, en remplacement de 
mon maître, M. Brown-Séquard. J'en donnerai la description 
dans la deuxième partie de ce mémoire. 

Ces publications, bien qu'incomplètes et éparses, ont eu 
l’heureux résultat d'attirer l'attention d’un assez grand nombre 
d'expérimentateurs sur l'importance bien méconnue de la calo- 
rimétrie physiologique. La plupart d’entre eux s’adressant jour- 
nellement à moi pour avoir des renseignements sur mes mé- 


(1) Tous ces appareils se trouvent à Paris, chez M. Verdin, 6, rue Rollin. 
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL, — T. xx11 (mars-avril 1886). 8 


114 À, D'ARSONVAL. — RECHERCIHES 


thodes ou le fonctionnement de mes appareils, jai cru utile d’en 
donner une vue d'ensemble sinon une description détaillée. 

La plus grande quantité de l'énergie développée par les 
êtres vivants supérieurs se manifeste à nous sous forme de cha- 
leur. Depuis les travaux de Lavoisier nous savons que cette 
chaleur a pour origine les différentes réactions chimiques dont 
l'être vivant est le siège. Ces différentes réactions portent le nom 
de combustions respiratoires, mais bien à tort, si l’on donne au 
mot combustion le sens que lui attribuait Lavoisier. 

La mesure de la quantité de chaleur dégagée par l'être vivant 
a donc une importance extrême au point de vue des mécanismes 
vitaux. 

Pourtant lorsque en 1875 j'ai commencé ce travail jai trouvé 
les méthodes de calorimétrie animale telles que les avait décrites 
Lavoisier et Laplace, Dulong et Despretz. 

Si les physiologistes ont négligé la calorimétrie directe c’est 
d’abord pour n’avoir pas eu une méthode facile répondant aux exi- 
_gences du sujet, mais surtout à cause de la découverte des nerfs 

vaso-moteurs. Claude Bernard a montré que ces nerfs, en mo- 
difiant le calibre des vaisseaux changent la température d’une 
partie quelconque du corps en en réglant l'irrigation sanguine 
comme le ferait un robinet. | 

Cette découverte mémorable jetait tant de lumière sur le mé- 
canisme obscur des circulations locales, qu’on ne s’oceupa plus 
que des températures locales. 

L'étude des températures locales se rattache intimement à 
celle de la circulation. Les effets calorifiques qui suivent la sec- 
tion du grand sympathique s'expliquent facilement par la dila- 
tation paralytique des vaisseaux. La preuve en fut donnée par 
l'expérience qui consiste à électriser le bout périphérique du nerf 
qu’on vient de couper comme Île fit le premier Brown-Séquard. 
On voit alors la température baisser dans la partie échauffée tout 
le temps que dure l'excitation du nerf. 

Dans cette expérience on peut expliquer les phénomènes 
observés par une simple modification dans la répartition de la 
chaleur sans faire intervenir la production. Dans la fièvre, et dans 
beaucoup de maladies tout porte à croire que c’est au contraire 
la production qui varie. Le thermomètre est impuissant à nous 
donner la valeur absolue de ce changement. Comme je l'ai 


DE CALORIMÉTRIE. 115 


montré par de nombreux exemples une température centrale 
plus élévée peut correspondre à une moindre production de 
chaleur et inversement. En un mot les expressions augmentation 
de la témpérature et augmentation de la production de chaleur sont 
loin d’être synonymes. 


Conditions générales des recherches calorimétriques en Biologie. 


La physiologie n’est certainement que la physique des êtres 
vivants, comme l’a dit Claude Bernard; mais il ne faudrait pas 
en inférer qu'il suffit de prendre à cette dernière science ses 
instruments et ses méthodes pour les appliquer sans modifica- 
tions à l'étude des êtres vivants. 

Les recherches de physique biologique comportent deux sortes 
d’exactitude : 4° une exactitude physique, tenant à la perfection 
des appareils de mesure employés ; 2° une exactitude physiolo- 
gique, qui dépend des conditions dans lesquelles on place l'être 
vivant en expérience. 

Toute expérience n’est valable que lorsqu'elle satisfait à ces 
deux conditions parfois contradictoires. 

Le but que je me suis proposé consiste à rechercher les condi- 
tions physiologiques et pathologiques qui modifient la production de 
chaleur chez les êtres vivants, tout en satisfaisant aux deux condi- 
tions d’exactitude que je viens d’énoncer. J'ai donc été amené à 
imaginer de nouvelles méthodes calorimétriques pour répondre 
aux exigences du sujet. 

Ces méthodes doivent présenter comme conditions d'ordre 
physiologique : | 

1° Une composition constante et normale du milieu gazeux où 
l'animal est en expérience. 

2° Une température absolument constante de ce même milieu 
pendant toute la durée de l’expérience. Ce fait est évident par 
exemple pour la calorimétrie de l’incubation. 

3° L'expérience doit pouvoir se faire pendant un temps très long. 
On élimine ainsi, soit les causes d’erreur accidentelles, soit les 
coincidences heureuses qui se sont produites dans les expé- 
riences de Dulong et Despretz. 

Ces mêmes méthodes doivent présenter comme conditions 
d'ordre physique : | 


116 A. D'ARSONVAL. — RECHERCIIES 


1° La certitude de mesurer toute la chaleur dégagée par l'animal. 

2 La certitude de ne mesurer qu’elle. 

3° La possibilité d'enregistrer automatiquement les indications 
de l'appareil, la méthode graphique constituant, grâce à sa con- 
tinuité, le plus parfait et le plus impartial des observateurs. 

J'ai réalisé de diverses manières ces exigences multiples par 
une série d'essais poursuivis sans relâche depuis près de dix 
années. Les personnes familiarisées avec l’expérimentation et qui 
connaissent toutes les difficultés d’une technique rigoureuse 
comprendront les nombreux tâtonnements par lesquels j'ai du 
passer avant de m'arrêter à un dispositif me donnant pleiné 
satisfaction. 

Avant de décrire le principe général dont dérivent tous mes 
appareils calorimétriques, j'exposerai en quelques mots, les 
idées théoriques qui me servent de guide dans l'étude de la 
chaleur animale; tout être vivant est le siège de deux ordres 
de phénomènes : 

1° Phénomènes de nutrition ou de synthèse organique. 

2° Phénomènes de fonctionnement ou de destruction orga- 
nique. 

Cette division, proposée par Claude Bernard, embrassant tous 
les phénomènes de la vie communs aux deux règnes, a de plus 
l'avantage de constituer un plan excellent pour les études de 
calorimétrie. En effet, aux premiers phénomènes (synthèse or- 
ganique) correspond une absorption de chaleur; les seconds, au 
contraire, sont caractérisés par un dégagement de calorique. 

Les phénomènes de synthèse organique sont les phénomènes 
vitaux par excellence, ils correspondent à ce qu’on appelle faus- 
sement le repos des organes. Maïs il est impossible de séparer 
d’une manière absolue ces deux ordres de phénomènes pour les 
étudier à part, car ils existent simultanément et se provoquent 
mutuellement chez l’être vivant. Nous sommes obligés, pour 
arriver à notre but, d’user d'artifice et de prendre l'organisme 
dans des conditions où l’un de ces phénomènes devient physio- 
logiquement prédominant. 

La phase de synthèse organique se rencontre à son maximum 
d'intensité lors du développement de l'œuf, etoffre chez l'oiseau 
de grandes facilités d'étude. J'ai pris en conséquence le déve- 
loppement de l'œuf, soumis à l'incubation artificielle, comme 


DE CALORIMÉTRIE. 117 


type des phénomènes endothermiques ou du premier ordre, 
C'est à ce propos que l’on reconnaitra l’absolue nécessité d’une 
température constante dans le calorimètre (40 degrés) et d’une 
longue durée (21 jours) dans l'expérience. Aucune des méthodes 
connues ne permettait d'entreprendre une pareille étude. 

L'état adulte peut être considéré comme une sorte d'équilibre 
instable entre les phénomènes de synthèse et ceux de destruc- 
tion ; le poids de l’animal reste à peu près constant, 1l n’emma- 
gasine pas de forces comme dans l’état embryonnaire, il n’en 
détruit pas outre mesure non plus, il libère simplement les forces 
de tension contenues dans sa nourriture, suivant les besoins de 
son organisme et par des mécanismes que j'ai cherché à élucider 
au moyen de la calorimétrie. 

C'est dans cette période qui constitue le véritable état physio- 
logique, que l’on peut assimiler l'être vivant à une machine, 
avec cette différence capitale toutefois que cette machine, véri- 
table phénix, renaît constamment de ses cendres, en détruisant 
et reconstruisant à chaque instant ses propres organes. 

C’est dans cette période de statu quo que j'ai cherché à étu- 
dier toutes les conditions d'ordre physico-chimique et physiolo- 
gique faisant varier la production de chaleur chez un même ani- 
mal. C’est ici également que j'ai étudié la machine animale au 
point de vue de son rendement comme moteur mécanique et 
que j'ai repris avec un matériel et des méthodes plus perfec- 
tionnés les expériences de Robert-Mayer, de Hirn et de Bé- 
clard. 

Pour faire varier les conditions physiques jemodifie le milieu 
cosmique ou extérieur. Je me suis adressé au milieu sanguin ou 
intérieur et surtout au système nerveux pour modifier les condi- 
tions physiologiques. J'ai donc étudié successivement les modi: 
fications calorifiques dues aux variations : 

1° De la température. 

2 De la pression. 

3° De la composition gazeuse du milieu ambiant. 

J'ai modifié les conditions physiologiques : 

1° Par la nature de l'alimentation. 

2° Par l'état de jeûne ou de suralimentation. 

3° Par le repos ou l'activité musculaire. 

4° En excitant le système nerveux, soit directement soit par 


118 À. D'ARSONVAL. — RECHERCIIES 


l'intermédiaire de certaines substances toxiques ou médicamen- 
teuses (curare, strychine, opium, alcaloïdes divers). 

Enfin pour faire naître la prédominance des phénomènes de 
destruction, j'ai eu recours à l’inanition d’une part, puis aux 
maladies provoquées, telles que : 

40 La fièvre traumatique. 

2° La septicémie. 

3° Les empoisonnements. 

4° Le charbon ou autres maladies virulentes contagieuses. 

On voit par ce court aperçu combien vaste était le champ à 
explorer. Depuis l’époque déjà éloignée (1878) où j'ai fait con- 
naître mon programme de recherches, avec des expériences à 
l'appui, dans les travaux du laboratoire de Marey, différents phy- 
siologistes se sont mis à l’œuvre en s'inspirant de mes idées et 
en mettant à profit soit mes méthodes soit mes critiques. De mon 
côté, grâce à la méthode graphique, j'ai recueilli un grand 
nombre de faits nouveaux, en partie inédits, de sorte que la ca- 
lorimétrie animale commence à reposer maintenant sur une 
base expérimentale solide, et qu'on en peut tirer des renseigne- 
ments très intéressants sur le fonctionnement des mécanismes 
vitaux, comme j'aurai occasion de le montrer dans la seconde 
partie de ce travail. La première partie sera presque entièrement 
_ consacrée à l’exposé des nouvelles méthodes et à la technique 
instrumentale. 


Principe général de la Méthode (1). 


J'ai établi plus haut que pour répondre aux exigences physio- 
logiques, le calorimètre où est enfermé l'animal doit rester à 
une température sensiblement invariable, et de plus permettre de 
continuer sans corrections l'expérience pendant une durée de 
temps quelconque. 

Ces deux conditions dominent en quelque sorte la construc- 
tion de l'appareil. 

Pour satisfaire à la première il faut que les variations de tem- 
pérature que détermine dans le calorimètre la présence de l’ani- 
mal, soient à chaque instant compensées par un mécanisme qui 
donne la mesure de ces changements. 


(1) Voir Société de Biologie (Séance du 1er décembre 1877). 


DE CALORIMÉTRIE. 119 


Cette délicate fonction est confiée au calorimètre lui-même qui, 
par un mécanisme automatique, refroidit son intérieur que l’ani- 
mal tend à échauffer. 

Pour permettre une longue durée de l'expérience et éviter les 
corrections qui sont toujours des causes d'erreur, le calorimètre 
nedoit ni céder ni emprunter de calorique au milieu dans lequel il 
est plongé. Ce qui revient à dire qu'il doit avoir {a même tempé- 
rature que le milieu ambiant. 

En plaçant le calorimètre dans une enceinte à {empérature cons- 
tante ayant exactement le même degré que lui, onévite toute cor- 
rection due au rayonnement. 

Pour enlever la chaleur cédée au calorimètre par l'animal et 
en donner la mesure, j'ai employé différents moyens qui seront 
décrits plus loin. 

Toutes les dispositions que j'ai imaginées obéissent aux con- 
ditions suivantes : 

1° Le calorimètre constitue un thermomètre creux enveloppant 
l'animal ; 

2° Sa température reste sensiblement la même ; 

3° Il est plongé dans un milieu qui a la même température que 
lu ; 

4° Le calorimètre règle automatiquement sa température en agis- 
sant sur une source frigorifique compensatrice qui donne la mesure 
de la chaleur dégagée. | 

Comme on le voit, le principe de cette méthode générale de 
calorimétrie présente a une grande analogie avec la méthode de 
Réduction à zéro employée dans les mesures électriques. C’est 
pour cette raison que je l’ai appelée : méthode calorimétrique par 
compensation. Elle est de plus d’une grande exactitude et réalise 
tous les desiderata du problème physiologique, mais son usage 
nécessite qu’on soit bien familiarisé avec les expériences de phy- 
sique. 

Pour parer à cetinconvénient, j'ai apporté récemment (octobre 
1884) à mes premiers appareils diverses modifications qui en 
rendent le maniement extrêmement simple. Comme j'ai été 
obligé dans ces derniers appareils de sacrifier un peu l’exacti- 
tude à la simplicité, je crois devoir décrire en détails la première 
méthode qui m’a fourni presque tous les résultats que j'aurai à 
signaler dans la deuxième partie de ce travail. 


120 À. D'ARSONVAL. — RECHRRCHES 


Comme on vient de le voir, il faut avant tout avoir des appa- 
reils à température constante; je vais décrire à présent les dif- 
férentes solutions que j'ai données à ce problème qui m'a tout 
d’abord occupé. 


Les Appareils à température constante (4). 


Les seuls appareils de ce genre employés dans les laboratoires 
en 1875, quand je commençai l'étude de cette question, étaient 
le régulateur de Bunsen ou ses dérivés. 

L'instrument de Bunsen consiste essentiellement en un gros 
thermomètre à mercure dont on utilise la dilatation pour ob- 
struer plus ou moins le passage du gaz d'éclairage qui sert de 
combustible. 


Fi. 4, 


Cet appareil ne peut être sensible qu’à la condition d'em- 
ployer une masse de mercure considérable, mais alors il devient 
paresseux. 

De plus, quand la pression du gaz augmente, son écoulement 
se fait par soubressauts à travers le mercure, ce qui éteint le 
brûleur. 


(1) Voir Société de Biologie (Séance du 5 août 1876). 


DE. CALORIMÉTRIE. 121 


Pour parer au premier inconvénient, on a eu l'idée d'utiliser 
la dilatation d’un gaz, le mercure formant simplement fermeture 
hydraulique. C’est la disposition qui est représentée figure 1, Le 
régulateur se compose d’un tube de verre partagé en deux 
chambres reliées entre elles par un tube plongeant. Dans la 
chambre inférieure se trouve enfermée une masse d'air qui agit 
par sa dilatation pour soulever le mercure qui monte en O dans 
la chambre supérieure. Au-dessus du mercure débouche un 
tube, taillé en biseau a, qui amène le gaz d'éclairage ; le mer- 
cure en règle l'écoulement, et le gaz s'échappe ensuite par le 
tube c pour aller au brûleur. 

Pour empêcher son extinction lors du barbotage, on lui en- 
voie directement du gaz par un tube en H; ce gaz sert au rallu- 
mage en cas d'extinction. L'air, quoique plus dilatable que le 
mercure, et constituant par conséquent un régulateur plus sen- 
sible que ce dernier, a l'inconvénient de subir les variations de 
la pression barométrique, ce qui peut amener des écarts de près 
de 3 degrés centigrades. Cest pourquoi d’autres expérimenta- 
teurs ont remplacé la bulle d'air par de l'huile, du pétrole, ete..., 
ou tout au autre corps liquide plus dilatable que le mercure. 

Moi-même, je me suis servi d’un dispositif analogue pour avoir 
certaines températures déterminées bien fixes. Au lieu d'agir 
sur le mercure par la dilatation d’un corps gazeux ou liquide 
j'ai agipar tension de vapeur. Ce dispositif a l'avantage d’être très 
sensible et n’exige qu’une très faible masse de liquide, car la 
vapeur produite occupe un volume des centaines de fois plus 
grand que le liquide qui lui a donné naissance. 

Ainsi, pour régler les couveuses artificielles dont la tempéra- 
ture ne doit jamais dépasser 40 degrés centigrades, je remplace 
la bulle d’air par quelques gouttes d’éther sulfurique bouillant 
à 37° degrés environ. Aussitôt qu’on atteint cette température, 
la tension de la vapeur d’éther soulève la colonne de mercureet 
Ja température se trouve fixée. Ce procédé a l’avantage de con- 
stituer un appareil qui retombe toujours automatiquement à la 
même température lorsqu'on le remet en marche. En un mot, 
il ne peut passe dérégler, ce qui est très commode pour les expé- 
riences de physiologie (incubations, digestions artificielles, fer- 
mentations, etc…), qui se font toutes vers 37 degréscentigrades. 
Pour avoir des températures différentes allant de 37° à 200°, je 


122 A. D'ARSONVAL. — RECNERCHES 


fais des mélanges variés : éther-chloroforme jusqu’à 60, alcool 
jusqu’à 70°, alcool-eau jusqu’à 100° et eau-glycérine jusqu’à 
250°. Malgré ces améliorations, ce procédé ou plutôt ce disposi- 
tif ne constituait pas des appareils assez exacts pour le but que 
je me proposais. 

Parmi les meilleures modifications du régulateur primitif de 
Bunsen, je dois encore signaler celles qui sont dues à M. Schlæ- 
sing, d'une part et à M. Raulin, d’autre part. 

Le régulateur Schlæsing, tout en verre, est un excellent appa- 
reil de laboratoire qui, même dans ces conditions, ne peut pas 
être confié à toutes les mains, à cause de sa fragilité et de la fa- 
cilité avec laquelle il peut se dérégler. Il est représenté en détail 
dans la figure 9, | 


Fire, 2 


Je m'étais inspiré de cet appareil pour en construire un moins 
fragile et susceptible, même d’applications industrielles. IT est 
représenté figure 3. 

Cet appareil se compose d’un étui en laiton, terminé par un 
tube de plomb, 3: Cetétui porte latéralement en communication 
avec sa cavité une boîte dont la paroi antérieure est constituée 


DÉ CALORIMÉTRIÉ. 193 


par une membrane métallique de baromètre anéroïde, L'étui 
étant plein d’un liquide dilatable (huile, pétrole ou glycérine) et 
supposé fermé hermétiquement, les variations de volume du li- 
quide se traduisent sur la membrane métallique par sa projec- 
tion ou son recul, grâce à l’élasticité dont elle est douée. 

Le gaz qui doit aller au brûleur est amené par le tube 4, qui 
débouche normalement au centre de la membrane métallique 2, 
et à une faible distance de sa surface externe, dans l'intérieur 
d’une boîte métallique, d’où il ressort par un autre orifice 5, qui 
le conduit au brûleur. 

Le tube de sortie du gaz 5, présente un robinet latéral, 6, 
qui sert de robinet de sûreté lorsque le régulateur n’est pas 
plongé dans une grande masse liquide. Pour cela par un tube en 
Y, on bifurque la prise de gaz; une partie est amenée au robinet 


Fic. 3. 


6 et s’en va directement au brüleur qu’elle a pour fonction de 
maintenir allumé constamment, on règle la quantité par le robi- 
net, de façon à ce qu’elle soit insuffisante pour maintenir à elle 
seule la température que l’on désire, le surplus est fourni par le 
régulateur. 

La boîte à gaz (4, 5 et 6), est mobile et peut se fixer dans 
toutes les positions, grâce au contre-écrou dont elle est munie, 
ce qui permet de tourner latéralement l’orifice de sortie du gaz. 

L'appareil est réglé d'avance pour une température détermi- 
née ; si on veut le régler pour tout autre température il faut cou- 


12% A, D'ARSONVAL. — RECUERCIES 


per le bout du tube du plomb 3, ce qui ouvre le régulateur, et 
on le met dansun bain que l’on porte à 5 degrés au-dessous de la 
température désirée; cela fait on éteint le feu, et, après avoir 
rempli complètement l’étui avec le liquide choisi, on écrase avec 
une pince plate l’extrémité du tube de plomb ; on coupe avec des 
ciseaux pour affleurer les deux lèvres du tube et on passe rapide- 
ment dessus un fer à souder très chaud, induit d'un peu d’étain 
qui ferme hermétiquement l'appareil, comme une boîte d’ané- 
roïide. 

Cet appareil est très pratique et très commode, l’étui peut re- 
cevoir des longueurs et des formes quelconques, suivant les cir- 
constances. Il se trouve tout réglé et nullement fragile. Sa sensi- 
bilité pour un réservoir de 50 cent. cubes de capacité, dépasse 
le ; de degré. Enfin, il ne se dérègle pas. M. Pasteur en a dans 
son laboratoire depuis 1876 qui n’ont pas bougé. 

Pour un besoin donné, on peut lui faire régler l'écoulement 
d'un combustible liquide (pétrol, alcool), un jet de vapeur ou un 
courant d’eau chaude, si on n’a pas de gaz, ce qui est précieux 
dans bien des circonstances. 


Régulateurs directs (1). 


Les différents régulateurs que je viens de décrire, constituent 
les appareils auxquels j'ai donné le nom de régulateurs indirects. 
Bons pour toutes les expériences de physiologie ou de chimie 
qui ne nécessitent pas une absolue constance de la température, 
ils ne pouvaient convenir pour le but que je me proposais, c’est 
pourquoi j'ai dû créer une seconde classe de régulateurs aux- 
quels j’ai donné par opposition le nom de régulateurs directs. Il 
me reste à justifier ces dénominations. 

Pour avoir une enceinte toujours à une température uniforme 
on la constitue par un vase entouré d’eau de tous côtés, cette 
enveloppe liquide distribue régulièrement la chaleur autour de 
l'enceinte et l'empêche de subir de brusques variations, elle cons- 
titue un véritable volant de chaleur. Le régulateur proprement dit, 
est plongé d'habitude dans ce volant de chaleur, à la manière 
d’un thermomètre. Par conséquent l'appareil ne règle la tempé- 
rature que pour l'endroit fort restreint qu’il occupe, De plus, le 


(1) Voir Société de Biologie (Séance du 5 acût 1876). 


DE CALORIMÉTRIE. 125 


foyer chauffe d’abord le matelas liquide, c’est-à-dire l'enceinte 
elle-même, la chaleur doit ensuite se transmettre au régulateur 
qui est d'autant plus paresseux à se mettre en équilibre avec 
elle, que ses parois et le liquide dilatable dont il est formé, sont 
eux-mêmes moins bons conducteurs du calorique et ont une 
capacité calorifique plus grande. | 

. C’est pourquoi, malgré sa faible dilatation, on prend de pré- 
férence le mercure qui présente une très faible capacité calori- 
fique. RE 

Malgré cette précaution, la température du régulateur est tou- 
jours en retard sur la température du matelas liquide chauffé di- 
rectement; l'appareil présente toujours un temps perdu qui le 
rend infidèle. De plus, le mercure enfermé dans une enveloppe 
aussi fragile que le verre, est toujours, en cas de rupture, un 
danger pour l’étuve faite en cuivre rouge et présentant des sou- 
dures que le mercure détruit rapidement. 

J'ai paré à tous ces inconvénients et supprimé complètement 
l'usage du mercure par la méthode suivante, décrite en 1875 à 
la Société de biologie : 

Je supprime tout régulateur indiréet plongeant dans le matelas 
liquide environnant l'enceinte, et j'utilise, simplement, les varia- 
tions de volume de cette énorme masse de liquide, pour régler le 
passage du gaz allant au brüleur. Cest là ce qui constitue l'origi- 
nalité des régulateurs directs et leur exquise sensibilité. 

On comprend, en effet, que le matelas liquide et le régulateur 
ne faisant plus qu’un même tout, il ne peut y avoir aucun retard 
dans la régulation. 

L’étuve (figure 4) se compose : 

De deux vases cylindro-coniques concentriques, limitant deux 
cavités; l'une centrale qui est l'enceinte qu'on veut maintenir 
constante, l’autre annulaire, que l’on remplit par la douille 3 
et qui constitue à la fois le matelas liquide soumis à l’action du 
foyer et Le régulateur proprement dit. 

La paroi externe de l’étuve, porte une tubulure latérale 2, qui 
communiquant avec l’espace annulaire, se trouve fermée à l'ex- 
térieur par une membrane verticale de caoutchouc. Cette mem- 
brane constitue, une fois la douille 3 bouchée, la seule portion 
de paroi qui puisse traduire à l’extérieur les variations de volume 
du matelas d'eau en les totalisant. 


126 A. D'ARSONVAL: —— RECHERCHES 


Or, le gaz qui doit aller au brûleur est amené par de tube 4 
qui débouche normalement au centre de la membrane et à une 
faible distance de sa surface extérieure. Une fois réglé, il 
s'échappe de la boîte 7 par le tube 5, pour aller au brüleur 6, 
tube et membrane constituant de la sorte un robinet très sen- 
sible, dont le degré d'ouverture est sous la dépendance des va- 
riations de volume du matelas d'eau, et qui ne laisse aller au 
brûleur 6 que la quantité de gaz strictement nécessaire pour com- 
penser les causes de refroidissement. 


Fic. 4, 


Dans cette combinaison, le combustible chauffe directement le 
régulateur qui, à son tour, réagit directement sur le combustible, 
ainsi se trouve justifiée l’épithète appliquée à ces régulateurs qui 
ne peuvent présenter aucun femps perdu dans la régulation. 

Le maniement en est fort simple : 


1° Après avoir ouvert la douille du haut, 3, qui communique 


DE CALORIMÉTRIE. 127 


avec l’espace annulaire 1, on remplit cet espace d'eau récemment 
bouillie, et par conséquent privée d’air, cette condition est es- 
sentielle et ce remplissage est fait une fois pour toutes. 

2° Sans fermer la douille, on plonge un thermomètre dans 
l'eau, et, après avoir ajusté les tubes de cautchouc, on allume le 
brûleur 6; la température s'élève peu à peu. 

3° Lorsque l’appareil est à la température désirée, on retire le 
thermomètre et l’on replace sur la douille le bouchon avec le 
tube de verre 3 qui le surmonte. 

L'appareil se trouve définitivement réglé pour cette tempéra- 
ture, et voici par quel mécanisme : le tube qui amène le gaz 
porte un petit disque mobile qui, s'appliquant sur la membrane, 
tend sans cesse à la repousser, grâce à l’élasticité d’un petit res- 
sort à boudin qu’on voit sur la figure. 

Tant que la douille 3 est ouverte, l’eau provenant de la dila- 
tion s’écoule au dehors, et le gaz continuant d’affluer librement 
au brûleur 6 par la tubulure 5, la température s'élève d’une fa- 
çon continue, mais, lorsqu'on metle bouchon surmonté du tube, 
l’eau provenant de la dilatation, au lieu de se perdre, monte dans 
le tube de verre, et cette colonne d’eau exerce sur la membrane 
une pression de plus en plus forte qui, surmontant graduelle- 
ment l’élasticité du boudin, rapproche de plus en plus la mem- 
brane de l’orifice d'arrivée du gaz, dont le débit se trouve ainsi 
réglé. 

Le tube qui amène le gaz porte un pas de vis qui permet de 

l’éloigner ou de l’approcher de la membrane ; un contre-écrou 
sert à fixer le tube dans sa position. Si le gaz ne passait pas au 
moment de l’allumage, cela prouverait que le tube touche la 
membrane, on n’aurait qu’à le reculer en dévissant pour donner 
passage au gaz. 
_ Si, au moment du réglage, la flamme ne baïssait pas, malgré 
l'élévation de la colonne d’eau dans le tube de verre, cela prou- 
verait que l’orifice d'arrivée du gaz est trop loin de la membrane 
et on visserait le tube jusqu'à ce que la flamme baisse. 

En résumé, pour faire fonctionner l’appareil, il faut : 

4° Remplir complètement d’eau bouillie l'appareil par la 
douille 3 ; 


2° Mettre dans cette douille un thermomètre qui ne la bouche 


198 A. D'ARSONVAL. -— RECHERCHES 


pas et laisser l'écoulement libre pour l’eau venant de la dila- 
tation ; 

3° Allumer le brüleur et dévisser légèrement le tube 4 si le gaz 
ne passait pas. 

4° Quand le thermomètre marque la température voulue, on 
l'enlève et on le remplace par le bouchon qui porte le tube de 
verre, | 

5° On visserait légèrement le tube 4 si la flamme ne baïssait 
pas, malgré l'élévation de l’eau dans le tube 3 

L'appareil est définitivement réglé, on We l’éteindre ; au 
rallumage, il tombera automatiquement à la même température. 

Cette disposition est très commode en ce sens qu'elle supprime 
tout régulateur indépendant et que l'appareil se trouve réglé une 
fois pour toutes. Si l’on veut utiliser toute la sensibilité del’ins- 
trument, on peut supprimer le tube de verre et boucher hermé- 
tiquement la douille 3. Seulement il ne faut pas oublier de Ja 
déboucher lorsqu'on éteint le gaz, pour Pérmeltte à l’air de 
rentrer lorsque l’eau se contracte. 

J'ai insisté un peu longuement sur la description du régula- 
teur direct parce qu'il est la base de tous mes appareils calori- 
métriques. On voit, comme je le disais en commençant, que cet 
appareil est un grand thermomètre périphérique creux dans la ca- 
vilé duquel on loge le corps à étudier. On retrouvera ce principe 
dans tous mes appareils, la seule différence est que je rempla- 
cerai parfois le liquide dilatable par une tension de vapeur ou 
un gaz dont je fotaliserai toujours par le même mécanisme les 
variations de volume. 

On voit sur quel principe très simple reposent ces appareils. 
Leur sensibilité n’a pas de limite bien que la construction de 
l'appareil ne demande aucune précision. 

Une étuve contenant 20 litres d’eau peut maintenir facilement 
une température à moins de À de degré dans son intérieur, si 
cet intérieur est hermétiquement clos. Mais on peut aller beau- 
coup plus loin et dans mon grand calorimètre la température 
moyenne ne varie pas de + de degré quand l’appareil est bien 
monté. 

Le dispositif ci-dessus est applicable seulement aux étuves de 
petite capacité servant à l’incubation ou pouvant contenir un 
animal de moyenne taille. Dansle cas où on veut avoir de grands 


DE:CALORIMÉTRIÉ. :: : 199 


espaces à température constante, capables de contenir une ou 
plusieurs personnes pour la calorimétrie humaine ou certaines 
expériences de physique, la forme de l’étuve est modifiée de la 
facon suivante : | 

1° Le régulateur est séparé de l'étuve proprement dite; 

2° Le chauffage a lieu par la vapeur d’eau. 

L'étuve (figure 5) n’a plus de fonds; deux grands cylindres 
verticaux concentriques limitent un espace annulaire 4 qui est 
rempli par de l’eau constituant le corps dilatable. Cette eau est 
mise, par l'intermédiaire du tube 5, en communication avec la 
membrane régulatrice qui se trouve sur un pied isolé. 

Cette séparation du liquide dilatable et du régulateur pro- 
prement dit présente de grands avantages. J’ai pu faire de ce 


Fic. 5, 


dernier, en le modifiant un peu, un appareil indépendant très 
simple, d’un emploi tout à fait général, qui peut servir à régler 
toutes les températures et aussi toutes les pressions. Je le dé- 
crirai ci-dessous. | L 9 

Le matelas liquide est mis en communication par le tube de 
plomb 5 avec le régulateur indépendant décrit ci-dessous. Les 
fonds de l’étuve sont à fermeture hydraulique d'huile pour qu’on 
puisse analyser les gaz de l’étuve sans les méttre en communi- 
cation avec l’air extérieur. 

L'action directe de la flamme sur des surfaces métalliques 
aussi grandes présenteräit l'inconvénient de faire gondoler le 
métal. | | 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, xx11 (1856). Q 


130 A. D'ARSONVAL. — RECHERCHES 


‘J'évite cet inconvénient en prenant la vapeur d’eau comme 
source de chaleur intermédiaire. Pour cela, le matelas liquide 1 
est traversé par un serpentin 2, dont la partie inférieure est ter- 
minée par une bouillote 3 aux trois quarts remplie d'eau. Le 
brüleur 5 qui reçoit le gaz du régulateur porte l’eau à l’ébulli- 
tion; la vapeur cède sa chaleur au serpentin, s’y condense et 
retombe constamment dans la bouillote 3 pour être vaporisée de 
nouveau. | | 

Ce mode de chauffage est très régulier et ne fait pas jouer di 
tout le métal de l’étuve. 

Il est même très facile de savoir quelle est la quantité de cha- 
leur fournie à l'appareil pour maintenir sa température, il suffit 
pour cela de placer la bouillote en 2 et de recueillir l’eau con- 
densée dans le serpentin et qui s'écoule par l'extrémité la plus 
basse. Comme on connaît la chaleur de volatilisation de la va- 
peur d’eau, le volume de l’eau condensée donne le nombre de 
calories fournies à l’appareil. Je me suis servi de cette méthode 
dans quelques cas pour la calorimétrie des grands animaux et 
aussi pour vérifier la loi de Newton. 

Lorsqu'on a pas de gaz à sa disposition et qu’on veut main- 
tenir la température constante vers 35 ou 37 degrés, je remplis 
la bouillote 3 d’éther sulfurique que je chauffe avec une source 
de chaleur quelconque. Il faut dans ce cas mettre un réfrigérant 
en 2 pour éviter toute perte d’éther. C’est ce dispositif, considé- 
rablement réduit que j'ai employé pour mes recherches thermo- 
électriques et que M. le Docteur Redard a utilisé sur mon con- 
seil pour ses recherches cliniques de thermométrie électrique. 

Je vais passer à présent rapidement en revue les différentes 
formes de régulateurs que j’annexe au matelas liquide suivant 
les sources de chaleur qu’on a à sa disposition. 

Je ne crois pas cette description inutile car dans bien des cas 
l’expérimentateur sera heureux d'utiliser un quelconque de ces 
procédés. 

La figure 6 représente une des formes du régulateur indépen- 
dant annexé à l’appareil figuré en 5. 

Il se compose d’un pied à vis calantes portant une membrane 
de caoutchouc horizontale 2 dont la surface inférieure est mise 
en rapport avec le matelas liquide à une distance quelconque 
par un fin tube de cuivre rouge qui ne lui communique aucune 


DE CALORIMETRIE. 131 


chaleur. (La figure représente un réservoir cylindrique qui cor- 
respond à'un autre cas.) La surface supérieure de la membrane 
est comprimée par un piston métallique 3, lié à une tige ver- 
ticale portant un plateau 9 qu’on peut charger de poids. Le gaz 


arrive par le tube 5 et sort par le tube 7 à la manière ordinaire, 
un robinet 6 constitue la prise de gaz indépendante empè- 
chant l'extinction accidentelle du brûleur. Dans le cas où le corps 
dilatable de l’étuve est de l’eau ce régulateur fonctionne comme 
celui qui est adapté à l’étuve de la figure 4, avec cette seule 
différence que, n’adhérant pas à l’étuve on peut porter cette 
dernière jusqu’à 100 degrés sans craindre de détériorer la mem- 
brane de caoutchouc du régulateur. 

Au lieu de constituer le matelas liquide environnant l'enceinte 
par un liquide, j'emploie quelquefois des vapeurs qui donnent 
partout la même température et dont je règle la tension par ce 
régulateur. C'est pour cela qu'il porte le plateau 9 qu’on charge 
de poids, qui règlent d'une façon absolue la tension de ces va- 
peurs et par conséquent la température elle-même, ce procédé 
est excessivement précis, 

Lorsque la vapeur doit acquérir une tension dépassant plu- 


132 A. D'ARSOXVAL. — RECHERCHES 
sieurs atmosphères, j'emploie l'appareil suivant (fig. 7).(1). 

La membrane dé caoutchouc 8 est recouverte par un piston 2 
qui glisse librement dans la boîte à gaz et que surmonte une 
tige 5 qui lui transmet la pression exercée par le contre-poids 6 
agissant par l'intermédiaire d’un levier articulé. 

La membrane se trouve chargée de la sorte comme une véri- 
table soupape de sûreté; sa face inférieure est mise par le tube 1 
en communication avec le générateur de vapeur. Le gaz arrive 
comme d'habitude par le tube 3 et se rend au brûleur par le 
tube 4. 

La membrane étant chargée pour se soulever à 5 atmophères, 
par exemple, tant que cette pression n’est pas atteinte, le gaz 
afflue au brûleur, mais lors qu’on arrive à 5 atmosphères, la 
membrane est soulevée par la pression de la vapeur et règle alors 


du 


D 
L'aroux 


Fig. 7. 


l'écoulement du gaz, la pression à partir de ce moment reste 
invariable. Un simple déplacement du contre-poids change la 
pression dans la chaudière en maintenant constante cette nou- 
velle pression. Je me suis servi de ce moyen entr’autres pour 
faire sans danger des expériences avec la marmite de Papin, et 
sous pression absolument fixe pendant des semaines entières. 

On pouvait craindre à priori qu'une faible membrane de 
caoutchouc ne résistât pas longtemps à des pressions aussi con- 
sidérables. L'expérience a montré qu'il n’en était rien. D'abord 


(1) Voir Catalogue de Wiesnege 1877, 


t x 4 


© DE CALORIMÉTRIE. 133 


l'appareil étant placé à distance, la membrane reste froide, d’un 
autre côté elle supporte des pressions égales sur ses deux faces 
qui, par conséquent s’annulent et ne peuvent la déchirer. 

M. Wiesnegg a dans ses ateliers un semblable régulateur qui 


ls 


LM 


jt 


|! 
| KI 
—= |} 1 
À 
\ 


Fic. 8. 


7 


fonctionne tous les jours depuis février 1876, et dont la mem- 
brane n’a pas encore été changée. Je l'avais installé pour chauffer 
à pression constante une petite chaudière à vapeur destinée à 
comprimer régulièrement de l'air par entraînement de vapeur. 
Cet air était destiné à l'obtention de hautes températures. Depuis 


134 A, D'ARSONVAL. — RECHERCIIES 


cette époque, l'appareil représenté figure 8 est devenu d’un 
usage courant dans les laboratoires et certaines industries pour 
l’obtention des hautes températures. Il maintient constante la 
pression de la vapeur, quel qu’en soit le débit , et n’use de gaz 
que proportionnellement à la vapeur dépensée. Enfin on n’a 
aucune chance d’explosion à redouter, tout en supprimant toute 
surveillance de l'appareil. Je donne cette figure à titre d'exemple 
des nombreuses applications que peut recevoir un instrument 
inventé d’abord pour un but déterminé. 

Au lieu de faire fonctionner le régulateur d'écoulement du gaz 
directement par la pression ou la dilatation du matelas environ- 
nant l'enceinte, j'ai pris parfois l’électricité comme intermé- 
diaire. 

C’est le dispositif représenté figure 9 qui donne aux appareils 
une sensibité presque illimitée. 

Dans ce cas le matelas environnant l'enceinte est relié à un 
petit manomètre en U contenant du mercure 1 et mastiqué sur 


Fi. 9. 


un pied en fonte, le mercure du tube communique avec la 
borne 2, une tige métallique 3 ferme le circuit quand le mer- 
cure arrive en contact avec elle. 

Le régulateur électrique est constitué par un tube de fer 5 
reposant sur un pied et par lequel arrive le gaz. Ce tube esten- 
touré d'une bobine 6 qui le transforme en électro-aimant par 
le passage du courant venant de la pile 4; une membrane de fer 
blanc 7 très légère est fixée à une boîte métallique 8 en face du 
tube de fer, à la façon d'une membrane de téléphone. Quand le 
courant passe le disque 7 est attiré et vient boucher l’arrivée du 


DE CALORIMÉTRIE. 135 


gaz. Le fonctionnement de ce régulateur se comprend d’ailleurs 
au seul aspect de la figure. Les moindres variations de tempé- 
rature, grâce à ce dispositif retentissent immédiament sur la 
source de chaleur. En remplaçant l’étuve par un simple ther- 
momètre avertisseur ordinaire on transforme ce robinet en un 
régulateur électrique de température. 

Dans la pratique j'ai renoncé à ce dispositif qui complique 
l'installation, je le signale uniquement pour montrer que l’em- 
ploi de l'électricité nous offre toujours quelque ressource 
nouvelle, 


Régulateurs sans gaz. 


Dans tout ce qui précède, j'ai raisonné dans l’hypothèse qu'on 
pouvait employer le gaz d'éclairage comme corps combustible; 
c’est le cas le plus ordinaire et le plus commode, mais ce n’est 
pas le cas le plus général. 

Dans certaines expériences, surtout à la campagne, j'ai dû, 


É | 


—., 
€) = 7 à 
 _+Régulat. 


Fic. 10, 


pour avoir des températures constantes, employer d’autres 
moyens qu'il peut être utile de signaler. 

Et d’abord s’il s’agit d'obtenir une température fixe vers 
37 degrés on peut employer l’ébullition de l’éther ou des diffé- 
rents mélanges que j'ai indiqués plus haut. Ce procédé est très 
commode pour l’incubation artificielle, mais il ne répond pas à 
tous les besoins. C’est pour cette raison que j’ai imaginé d’autres 
dispositifs; je décris ci-dessous ceux d’entre eux qui m'ont donné 
dans la pratique les meilleurs résultats. 


136 À, D'ARSONVAL: —æ RECHERCHES 


1° Thermo-siphon régulateur (1). — Cet appareil, avec ses deux 
variantes, a été inventé en 1876 pour un cas particuher que 
voici : il s'agissait de déssécher un corps explosif avec un foyer 
dont on ne pouvait pas régler l’activité, et qui, d’autre se 
devait se trouver éloigné du corps à déssécHer: 

L'étuve 1 est alors chauffée à distance par un thermo-siphon 
8 à l’aide d’un serpentin. Ce serpentin sort en dehors et se re- 
courbe en U comme on le voit en 2. Ce tube 2 est terminé en Y, 
et mis en rapport avéc une boule 4 contenant du mercure. 

La partie supérieure de la boule est reliée avec un maätelis 


Etuve ET \ À = | fiavio 


Fre. 11. 


liquide dont la dilatation fait monter le mercure dans le tube 
en U. Quand la température s'élève trop, l’U se remplit de mer- 
cure et la circulation d’eau chaude dans le thermo-siphon est 
ralentie. L'étranglement du thermo-siphon règle ainsi automa- 
tiquement la circulation du liquide chaud. Le foyer 3 peut être 
placé à une distance quelconque de l’étuve 4 et son ardeur peut 
être également quelconque, comme il est facile de le comprendre. 
Dans la variante représentée figure 11, je suis arrivé à sup- 
primer l'emploi du mercure pour régler le thermo-siphon., 
Dans ce cas le matelas liquide de l’étuve est remplacé simple- 
ment par de l'air. Le tube en U a sa convexité fournie vers le 
haut. Quand l'air de l'enceinte, chauffé par le serpentin du 
thermo-siphon a acquis le dégré voulu, il se dilate, refoule le 
liquide du thermo-siphon et en arrête la circulation. Cet appa- 
reil, très simple de orne. a été installé en 1877 dans une 


(1) Voir Comptes rendus de l'Académie des sciences et re de biologie. 
(Séance du 5 août 1876.) | | 


DE CALORIMÈTRIE. 137 


grande usiné et y fonctionne parfaitement depuis cette époque. 
Les étuves sont de grands séchoirs et l'air servant de régulateur 
est enfermé dans de grandes bouteilles métalliques placées à 
chaque coin des pièces. La température, malgré les variations de 
pression barométrique, oscille dans des limites très étroites 
(1 à 2 degrés), précision plus que suffisante dans la plupart des 
opérations industrielles. 

20 Régulateurs à essence de pétrole (1). — Quand la source de 
chaleur peut être mise sans inconvénient sous l'étuve, j'ai em- 
ployé les deux dispositifs suivants qui sont très simples etdonnent 
de bons résultats. 

Dans la figure 12 la source de chaleur est une simple lampe à 
essence de pétrole dont la flamme est réglée de la façon suivante : 
L'appareil régulateur se compose d’un électro-aimant 14, attirant 
un levier 2, qui soulève lors de l’attraction un petit tube 3, placé 
autour de la mèche dela lampe à essence minérale. Quand la 
mèche, est complètement dégagée du tube, elle brûle à pleine 
flamme et chauffe fortement, quand au contraire, le tube la re- 
couyre, elle ne donne qu’un point lumineux, et chauffe très peu. 
L'électro-aimant fonctionne soit à l’aide d’un thermomètre élec- 
trique soit par le liquide de l’étuve comme précédemment, Ce 
petit appareil très simple marche parfaitement et ne brüle de 


Fi ‘12. 


combustible que la quantité strictement nécessaire au maintien 
de la température. 

Je l'ai encore simplifié en supprimant complètement l'inter- 
vention de l'électricité grâce au dispositif suivant représenté 
figure 13. 


(1) Voir Lumière électrique, 18 octobre 1884. 


138 À. D'ARSONVAL. — RECHERCHES 


Le tube régulateur de la flamme 1 est porté par un flotteur 
placé au-dessus de la lampe; le liquide du matelas de l’étuve 
est mis en communication avec le tube 2. Quand la température 


Fic. 43. 


s’élève, le liquide provenant de la dilatation soulève le flotteur 
et fait baisser la flamme de la lampe. Pour éviter l’évaporation 
on place le flotteur sur de la glycérine ou de l’huile. Tant qu’on 
veut laisser monter la température on débouche une ouverture 
latérale représentée à gauche sur lafigure. Leliquide provenant de 
la dilatation s'écoule à l'extérieur; quand on veut fixer cette 
température il n’y a qu’à boucher l'orifice, la dilatation du 
liquide fait alors monter le flotteur. 

J'ai remplacé parfois la membrane de caoutchouc de mes régu- 
lateurs par un simple tube de même substance à parois très 
minces (fig. 14). | 

Ce tube est placé dans un tube de verre plus large qui est 


Fic. 44. 


lié à ses deux extrémités 3 et 4; le tube de verre est muni de 
2 tubulures latérales; l'une 1 est mise en rapport avec le liquide 
dilatable, l’autre 2 sert de tube de niveau. Quand la tempéra- 
ture monte, le liquide s'élève dans le tube 2 et exerce sur les 
parois du caoutchouc une pression qui l’aplatit de plus en plus. 
Le courant de gaz ou d’eau chaude qui traverse le tube pour 


DE CALORIMÉTRIE. 139 


aller chauffer l’étuve diminue progressivement d'intensité. Cet 
appareil, moins sensible que la membrane peut être construit 
extemporanément, c’est pourquoi je le signale. 


Régulateurs d'écoulement (1). 


Dans bien des cas on veut chauffer des liquides à température 
constante, et pourtant on ne peut pas songer à régler l’activité 
du foyer. C’est le cas notamment qui se présente pour le chauf- 
fage des vins par le procédé Pasteur, c’est également le cas de 
mon calorimètre dont la température ne doit pas varier, et qui, 
cependant, porte dans son intérieur un foyer de chaleur dont il 
faut mesurer l’ardeur. 

Pour obtenir ce résultat je n’ai eu qu’à modifier légèrement 
le régulateur à membrane décrit ci-dessus. Dans ce cas le tube 


€ 
1111 last 


__ 


d'arrivée 3 porte une soupape 5 qui s'ouvre de bas en haut de 
telle sorte que, lorsque la membrane surmontée d’un galet 
métallique 2 se soulève, au lieu de fermer le tube 3 comme dans 
le premier régulateur, elle soulève la soupape 5 qui, au con- 
traire, ouvre le tube et produit l’écoulement. Le fonctionnement 
se comprend très facilement. Lorsque l’ardeur du foyer diminue 
la membrane se retire, la soupape laisse passer moins de liquide, 
quand au contraire la vivacité de la source calorifique augmente 
l’effet inverse se produit, il passe par le foyer une plus grande 
quantité de liquide. 

* On comprend, que par ce mécanisme le liquide, à sa sortie 


(1) Voir Catalogue Wiesnegg 1877, et Société de biologie (Séance du 5 août 1876). 


140 À. D'ARSONVAL, — RECHERCHES 


de l’appareil, présente toujours la même température, quelle que 
soit l'ardeur du foyer. De plus, la quantité de liquide écoulé en un 
temps donné sert de mesure à l’activité de la combustion. C’est 
précisément là le principe de ma première méthode calorimé- 
trique. Je m'en suis servi pour mesurer industriellement la 
puissance calorifique d’un combustible, et, un ingénieur dont 
le nom m'échappe, a même ultérieurement appliqué ce principe 
à la construction d’un pyromètre industriel. 

La soupape de cet appareil, présentait parfois l'inconvénient 
de n'être pas parfaitement étanche, et le moindre grain de 
poussière suffisait pour cela. C’est pourquoi dans mes calori- 
mètres j'ai remplacé ce régulateur par le suivant, basé d’ail- 
leurs sur le même principe. Dans le nouvel appareil (fig. 16) 


F6... 16. 


le liquide passe à travers un tube de cooutchouc à parvis minces, 
reposant sur un cylindre que peut soulever la membrane 2 par 
l'intermédiaire du galet 3 et de la tige portant le plateau 9. Un 
second cylindre fixé 7 sert de buttée et le tube de caoutchouc 
vient s’y écraser plus ou moins suivant le degré de soulèvement 
de la membrane 2; si, au contraire, l’on met le caoutchouc sur 
la traverse en 55”, l'appareil fonctionne à la manière d'un ré- 


DE CALORIMÉTRIE. 141 


gulateur ordinaire. Cet. instrument étant muni d’un plateau 
qu'on peut charger de poids, s'applique également à la régu- 
lation par tension de vapeurs. Il répond par conséquent à tous 
les cas; c’estpourquoi je l’ai appelé régulateur universel ou encore 
régulateur à guillotine à cause de sa forme. 

Ce régulateur fonctionnant par écrasement du tube de caout- 
chouc est absolument étanche et d’une régularité parfaite. Nous 
allons le retrouver un peu simplifié, appliqué au calorimètre. 

Je m’arrête dans la description des différents moyens que j'ai 
imaginés pour avoir une température constante. Ce que j'ai dit 
suffit pour montrer qu’il est toujours possible, et même facile 
d’avoir une température fixe, quelle que soit la source de chaleur 
qu'on a à sa disposition. 


Appareils calorimétriques. 


Après avoir décrit en détail les enceintes à température fixe 
où on doit placer les calorimètres je vais passer à la description 
de ces appareils, description qui sera singulièrement abrégée 
par ce qu’on vient de lire. 

Mes appareils calorimétriques actuels se divisent en deux ca- 
tégories : la première comprend tous les calorimètres à tempé- 
_rature fixe, la seconde ceux dont la température est variable. 


4° Calorimètres à température fixe. 


Dans le premier en date de ces instruments, la chaleur cédée 
au calorimètre lui est constamment enlevée au fur et à mesure 
de sa production par un courant d’eau, qui entrant à zéro, en 
ressort à la température ambiante T. Cette eau gagne donc T 
calories par litre écoulé, et la mesure de la chaleur produite est 
ramenée ainsi à celle d'un écoulement liquide. Dans cette mé- 
thode il faut avoir un liquide à une température plus basse que 
celle de l'air pour enlever au calorimètre la chaleur qui se pro- 
duit dans son intérieur, et il faut néanmoins que ce liquide soit 
à une température fixe. J'ai donc dû m'occuper d’une seconde 
question. : l'obtention de températures. constantes inférieures à la 
température ambiante. 

Le moyen le plus simple que j’ai employé tout d’abord, con- 
siste à prendre de l’eau à la température de la glace fondante, 


C2 


142 À. D'ARSONVAL. == RECHERCHES 


mais comme il n’est pas toujours possible d’avoir de la glace j'ai 
dû chercher d’autres procédés que je vais signaler rapidement. 

Le suivant qui est très précis est basé sur l’ébullition des gaz 
liquéfiés. Dans le réservoir contenant l’eau qu'on veut main- 
tenir à basse température et qui doit servir à refroidir le calori- 
mètre, on place un cylindre métallique contenant du chlorure 
de méthyle que l’industrie livre couramment auj'ourd'hui. Ce 
liquide, à la pression ambiante, bout à — 93°. Si on laissait le 
cylindre librement ouvert il abaisserait la température de l’eau 
à— 23e par conséquent. Par un dispositif très simple je fais bouillir 
ce liquide à une température constante quelconque, inférieure 
à la température ambiante jusqu'à—23°{voir une note à l'Institut, 
du 25 août 1879). Pour obtenir ce résultat je munis le réservoir 
de chlorure de méthyle d’une soupape de sûreté ordinaire à 
travers laquelle la vapeur méthylique peut s'échapper. En char- 
geant graduellement cette soupape, j'élève la température d’é- 
bullition du chlorure de méthyle, qui reste constante pourune 
même charge de la soupape. 

Quand la soupape est sans charge, la température obtenue est 
— 23°. 

Pour 320» de mercure, elle égale — 15e 


— 550 ee 1 TU 
— 1,130 2 — ( 
— 1,490 <a re 7, 


On fait en un mot varier la température tout en la mainte- 
nant constante par un simple glissement du levier de la soupape, 
comme dans une machine à vapeur. Ce moyen peut être précieux 
dans bien des recherches. Plus récemment j'ai remplacé le chlo- 
rure de méthyle par l’acide carbonique liquide, qu’on trouve 
aujourd'hui dans le commerce à meilleur compte, et qui per- 
met de descendre jusqu’à 70 degrés au-dessous de zéro, avec les 
mêmes facilités. 

Avant qu'on eût la facilité de se procurer les gaz liquéfiés, 
j'avais employé comme sources de froid les deux dispositifs sui- 
vants, que je crois utile d'indiquer : 

Le premier consiste à employer comme source de froid l'appa- 
reil Carré à ammoniaque, qui sert à fabriquer la glace dans les 
laboratoires (voir fig. 17). 

On sait que cet appareil produit le froid dans le vase 2 par 


DE CALORIMÉTRIE, 143 


suite de la volatilisation de l’ammoniaque liquéfiée, qui vient se 
redissoudre dans l’eau du vase 1. Ce froid est d'autant plus in- 
tense que la dissolution se fait plus vite, c'est-à-dire que l’eau 
du vase 1 est elle-même plus froide. Cela posé, pour régler la 


Fig. 17. 


production du froid, je chauffe l’eau du récipient 1, dans laquelle 
l'ammoniaque liquéfiée du vase 2 vient se dissoudre en produi- 
sant le froid par son évaporation. 

Plus cette eau est chaude, moins elle dissout le gaz rapide- 
ment et moins, par conséquent, est rapide la production du 
froid. 

Soient 1 le vase contenant l’eau, 2 celui qui contient le gaz 
ammoniac et l’eau à maintenir à température constante. On plonge 
dans l’eau un régulateur 3, semblable à celui représenté dans la 
figure 3 de cet article et qui amène le gaz sous le brûleur 4. Si la 
température s’abaisse trop en 9, le régulateur ouvre le gaz 
qui chauffant davantage le vase 1, ralentit la dissolution du gaz. 
L'inverse a lieu si la température en 2 n’est pas assez basse, 
avec ce dispositif qui ne nécessite aucune modification aux appa- 
reils commerciaux, on obtient très régulièrement des tempéra- 
tures pouvant atteindre — 50° et qui restent absolument cons- 
tantes, on a également l’avantage de ne pas perdre le gaz li- 
quéfié, et pour produire le froid, tout se borne, en somme, à 
brûler du gaz d'éclairage. 

Le second moyen consiste à produire le froid en évaporant de 
l’éther sulfurique par un courant d’air provenant d’une soufflerie 
hydraulique (trompe de laboratoire). Pour rendre la température 
constante, on se sert des régulateurs d'écoulement des figures 


144 | A. D'ARSONVAL. — RECHERCIIES 


15.et 16. Quand la température s’abaisse trop, le régulateur mo- 
dère le courant d’air, il l’active dans le cas inverse. 

Ayant ainsi donnéles moyens d'obtenir une température fixe 
quelconque, supérieure ou inférieure à latempérature ambiante, 
je passe à la description du calorimètre proprement dit. 

Cet appareil (fig. 18) astreint à rester toujours à la tempéra- 


ail 


Fic. 18. 


ture ambiante, est done lui-même un appareil à température 
constante, qui contient dans son intérieur un foyer d'ardeurva+ 
riable dont il s’agit de mesurer l'intensité. | 

Comme l’étuve de la figure 4, cet appareil se compose de deux 
cylindres concentriques qui limitent deux cavités ; unecentrale, 
où est placé l'animal en expérience, l’autre annulaire, qui ren: 
ferme le matelas liquide dilatable. Ce liquide est traversé par 
un serpentin, à travers lequel passe le liquide réfrigérant des- 
tiné à enlever la chaleur produite au fur et à mesure de sa pro- 
duction, 

Pour cela, un des bouts du serpentin (celui de gauche dans la 
figure 48) est relié avec le vase contenant l’eau à température 
constante (zéro si on emploie la glace), le second bout est'en 
rapport avec le régulateur d'écoulement par écrasement décrit 
figure 16 et simplifié comme on le voit figure 18. La surface in- 
férieure de la membrane du régulateur est mise en communica- 
tion avec le matelas liquide à la manière habituelle, On lerègle 


DE CALORIMÉTRIE. 145 


de telle: sorte qu'aucun écoulement n'ait lieu quand le calori- 
mètre est à la température ambiante, 

: On introduit alors la source de chaleur (lapin dans le cas de la 
figure). La membrane se soulève et l'écoulement commence, 
d'autant plus rapide que la source de chaleur est elle-même plus 
énergique ;-et cela, sans secousse, grâce à la continuité parfaite 
du régulateur par écrasement. La température moyenne du calo- 
rimètre, pendant tout ce temps ne varie pas de 1/100 de degré. 

Rien de plus facile que d'évaluer. le nombre de calories pro- 
duites en un temps donné. Il suffit de mesurer le volume d’eau 
qui a traversé le serpentin. En effet, supposons que l’eau du ré- 
frigérant soit à zéro et le calorimètre à + 15° : l’eau entrant à 
zéro et sortant à + 15, enlève donc 15 calories au calorimètre 
par litre écoulé. | 

La mesure de la chaleur dégagée, étant ainsi ramenée à la 
mesure d'un volume liquide, il est facile d'inscrire les phases 
correspondantes du dégagement de chaleur. Pour cela j'ai em- 
ployé un dispositif utilisé antérieurement par M. Marey. Le ji- 
quide se rend dans un grand vase cylindrique muni d’un flot- 
teur ne touchant pas la paroi. Ce flotteur est attaché à un long 
levier de bambou qui tend constamment à le soulever sous l’in- 
fluence d’un contre-poids qu’on voit sur la figure 18. L’extré- 
mité de ce levier porte une plume qui vient inscrire les phases 
de l'écoulement sur un cylindre faisant un tour en vingt-quatre 
heures ét qui porte un papier divisé millimétriquement. On fait 
varier le bras de levier à volonté de façon qu’une course de la 
plume de 4 millimètre, corresponde à la calorie, le millimètre 
en abcisse correspondant à la minute de temps. 

Pour contrôler l'exactitude de l'appareil, je lui ai fourni une 
quantité connue de chaleur et je l’ai comparée à celle qu’il m'a 
accusée. Voici une expérience qui a eu lieu sans inscription, par 
la simple mesure du volume écoulé : 


Temyérature du calorimètre..,..,...... — 22° 

. On introduit un litre d’eau à........... = 43°,9 
Chaleur fournie à l’appareil en calories. — 11°,5 
Volume d’eau, à zéro, écoulé. ......... == 349cc 
Chaleur retrouvée......... 349 X 32 — 11,168 calories. 


On a donc retrouvé la chaleur fournie avec une exactitude suf- 
fisante, 
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL., — T, Xx11 (1886). 10 


146 À. D'ARSONVAL, — RECHERCHES 


L'expérience qui suit a été faite avec inscription graphique 
pour connaître les phases du phénomène. 

J'ai placé dans le calorimètre un litre d’eau à 100°. Le refroi- 
dissement avait lieu par rayonnétment, dans une enceinte à 30°; 
il a mis à peu:près six heures à ‘s'effectuer. La courbe repré- 
sentée figure 19 indique les phases de ce refroidissement, on 
voit que l’on retrouve sensiblement les trente calories fournies à 
l'appareil, et la régularité de la courbe montre que l'écoulement 
se fait sans intermittences. D'un grand nombre d'expériences de 
contrôle ‘analogues, j'ai pu conclure que cette méthode fournit 
des résultats d’une pores plus que suffisante pour l'étude 
que j'avais'en Vué. 

Je ferai remarquer d'ailleurs que l'erreur absolue de l'appareil 
reste sensiblement constante, tandis que l'erreur relative devient de 
plus en plus petite à mesure. qu'on prolonge davantage l'expérience. 
C’est là un des plus grands avantages de ma méthode. 

Dans les nombreuses expériences que j'ai faites au Collège de 
France, j'ai pu supprimer l’enceinte à température constante 
environnant le calorimètre.: Pour cela j'ai installé l'instrument 
dans une cave de mon laboratoire ‘dont la température reste 
constante pendant des:semaines entièrés et qui ne varie que de 
-H 10 à +12 dans le courant de l’année. C’est une condition 
qu’il estrelativement facile de remplir dans la plupart des grands 
laboratoires ‘et qui simplifie considérablement l'installation de 
l'appareil. On peut encoré, comme je l’ai également indiqué, 
environner le calorimètre d’un grand réservoir annulaire plein 
d’eau, comme Berthelot l’a fait pour son calorimètre à eau. 

Pour des expériences dé physique, nécessitant une haute 
précision, j ai indiqué une autre méthode susceptible d’applica- 
tions en physiologie et qui laisse également invariable la tem- 
pérature du calorimètre. 

Cette méthode a été appliquée par moi en 1880 à la détermi- 
nation de l'équivalent mécanique de la chaleur et décrite à la So- 
ciété de physique et au congrès de La Rochelle, par M. Marcel 
Deprez. | 

Elle est basée sur la chaleur latente de volatilisation des liquides 
en présence de leur vapeur saturée. La figure 20 représente sché- 
matiquement le principe de cette méthode. 

Soit 1 le calorimètre dont l’espace annulaire est mis en com- 


DE CALORIMÉTRIÉ. 147 


munication avec un récipient en verre 2 gradué en centimètres 
cubes. Supposons l’espace annulaire rempli d’un liquide vola- 


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tile (éther sulfurique, acide sulfureux) on a fermé le tout her- 
métiquement après avoir chassé l'air par ébullition des réservoirs 


148 A. D'ARSONVAL. — RECHERCHES 
4 et 2. Cette condition est essentielle, il faut que de liquide se 
trouve seulement en présence de sa propre vapeur saturée. 

Cela fait, on place le réservoir 4 dans un vase 3 contenant de 
l'air. Ce vase 3 est lui-même plongé dans le vase 4 contenant 
de l’eau en contact direct avec le tube 2. 

Les vases 1 et 2 étant toujours, quoi qu'il arrive, à la même tem- 
pérature, aucune distillation ne peut avoir lieu du liquide de 1 vers 
2, quelles que soient les variations de la température ambiante, 
c'est-à-dire du vase 4. 

1l en sera tout autrement si on met une source de chaleur dans 
l'intérieur du calorimètre 1. Cette chaleur sera exclusivement 
employée à volatiliser le liquide de 1 et le faire distiller vers 9, 


Fic.r21: 


mais sans pouvoir augmenter sa température si la masse d’eau 4 
est suffisante. 

Le liquide distillera donc sas changement de température, et 
toute la chaleur produite est employée à la volatilisation. 

Connaissant la chaleur latente de volatilisation du liquide, on 
obtient le nombre de calories en lisant simplement le volume 
du liquide passé en 2. 

Cet appareil qui, pour les petites dimensions, a été construit 
tout en verre, est d’une exactitude absolue. Il présente l’avan- 
tage de pouvoir mesurer intégralement un dégagement de cha- 
leur quelque lent qu'il soit. 

Je reviendrai plus tard sur ces nombreuses applications en 
chimie organique. | 

J'ai apporté à cette méthode une modification qui m’a permis 
d'employer la balance pour évaluer la quantité de liquide? \O- 
latilisé, et l’eau comme corps volatil. | 


DE CALORIMÉTRIE, 149 


Cette modification est reproduite figure 21. 
Au fléau d’une balance sensible je suspens un vase 2 plein 


Fic. 21. 


d’eau distillée. Ce vase plonge dans un vase plus grand 1 dans 
lequél on fait bouillir de l’eau. Quand l’eau du vase 2 est portée 
à 100°, comme elle se trouve plongée dans de la vapeur saturée 
à 100° également, aucune évaporation ne peut se produire dans 
le vase 2 tant qu’on maintient l’ébullition en 1, ce qui est fa- 
cile grâce au réfrigérant 3. 

On constate en effet que, quelle que soit la durée de l'expérience 
le poids du vase Q reste invariable. 

Mais supposons qu'on place en 2 une source de chaleur inté- 
rieure, par exemple une spirale métallique 4 traversée par un 
courant, tout change alors. ‘La chaleur cédée par le courant, et 
elle seule, volatilise l’eau du vase 2, ce qui se traduit par une 
perte de poids que la balance donne exactement. Cette méthode 
m'a permis de mesurer très exactement le travail calorifique d’un 
courant proportionnel à R [° suivant la loi de Joule, et à obtenir R 
avec une grande précision; mais je n’ai pas à insister ici sur 
ces résultats, j'ai simplement voulu donner une vue d’en- 
semble de mes recherches calorimétriques et montrer une fois 
de plus que toutes les sciences expérimentales bénéficient de la 
découverte de nouvelles méthodes d'investigation. 


Calorimètres par rayonnement ou à température variable. 


Les méthodes décrites ci-dessus, reposant toutes sur l'invaria- 
bilité de température du calorimètre, sont d’une grande exarti- 


150 À, D'ARSONVAL. — RECHERCHES 


tude; mais elles nécessitent de la part de l'opérateur une assez 
grande habitude de l’expérimentation. De plus, pour les em- 
ployer, il.faut une installation spéciale et disposer d’une source 
de froid compensatrice. 

Pour de petits appareils, la chose est relativement facile, mais 
lorsque l’on doit faire de la calorimétrie sur de grands animaux 
ou sur l’homme, il faut autant que possible simplifier l'appareil 
instrumental. C’est pour atteindre ce but, qu'en janvier 1884, 
j'ai décrit dans mes leçons du Collège de France, une autre mé- 
thode plus simple que j'ai publiée en octobre dans le journal 
La Lumière Électrique et quelques mois après, avec plus de dé- 
tails, à la Société de Biologie. 

L'appareil qui la réalise est exactement semblable à mon pre- 
mier calorimètre avec cette différence 1° que le corps dilatable 
entourant l'animal est de l’air, et 2° que la chaleur produite par 
cet animal est enlevée par le rayonnement de l'appareil au licu 
de l'être par un courant d’eau. 

Voici d’abord l'appareil que j'ai installé pour l'homme au Col- 
lège de France. 

Le calorimètre proprement dit est toujours composé de deux 
vases cylindriques concentriques (comme dans tous mes autres 
appareils) limitant deux cavités : une intérieure 2 où se place 
l'homme, une annulaire 1 hermétiquement close et pleine d'air. 
Cette cavité est en communication par le tube 3 avec un mano- 
mètre en U figuré en 4 et rempli d'eau. 

Le calorimètre est suspendu au plafond par une poulie 6 et 
équilibré par un poids 7. Sa base repose sur un socle 8 munie 
d'une rainure circulaire qu'on emplit de liquide et qui isole la 
cavité 2 de l’air extérieur par fermeture hydraulique. 

Pour pénétrer dans l'instrument, on le soulève au-dessus du 
sol et on le laisse retomber dans la rainure 8 une fois en place. 
Cette manœuvre ne présente aucune difficulté grâce à la suspen- 
sion de l'instrument. Au-dessous du socle débouche un tuyau 9 
de six à huit centimètres de diamètre, qui passe à travers la 
cloison de la pièce. 

La ventilation a lieu simplement par rl appel de la cheminée 9 
dans laquelle brûle un bec de gaz à débit constant assuré par un 
régulateur Giroud, L'air extérieur arrive par la tubulure 40 si- 
tuée en haut du calorimètre, et comme la ventilation se fait de 


DE CALORIMETRIE. | 151 


haut en, bas, la température est bien uniforme dans l’intérieur 
de l'appareil. | 
Supposons maintenant l'appareil at ai un manomètre en U 


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| Fic. 22. 


par le tube 3; si une source de chaleur est placée en 2, elle 
échauffe l'air de 1 et la température monte jusqu'à ce que la 
perte par rayonnement soit égale à la production. Cette augmen- 
tation de température se traduit à l'extérieur par le mouvement 
de la colonne du manomètre qui en donne la mesure. 

Ce calorimètre n’est autre chose, comme on le voit, qu'un 
grand thermomètre périphérique creux (comme mon autre calo- 
rimètre à liquide), dans la cavité duquel la source de chaleur est 
enfermée. On reconnaît aisément dans ce disnositif le principe 
de mes régulateurs directs, décrits précédemment, et qui totalh- 
sent comme d'habitude la chaleur perdue par rayonnement. 

D’après la loi de:Newton, la:quantité de chaleur rayonnée 
(c'est-à-dire produite) en-un temps donné est proportionnelle 
jusqu’à 30 degrés à l'élévation de la colonne manométrique 4 
Si on employait un-manomètre simple pour mesurer l'échaulffe- 
ment de la cavité 4, il faudrait tenir compte des variations ba- 
rométriques et thermométriques _ milieu ambiant pendant la 
durée de l’expérience. IUU9 - 

Pour éliminer à la fois ces deux PETER je: ncrelié la seconde 


152 A. D'ARSONVAL. — RECHERCHES 


branche du manomètre, soit à un second calorimètre, soit sims 
plement à un grand vase 5 qui se trouve dansla même pièce 
lé calorimètre. 

Avec cette disposition, le manomètre indique constamment 
l'excès de température du calorimètre sur le milieu ambiant, c’est- 
à-dire précisément la quantité à mesurer. 

L'ensemble de l appareil est donc un thermomètre différentiel 
de Leslie creux qui est transformé en calorimètre. 

Pour graducr l'appareil, je place dans son intérieur une source 
constante de chaleur (bec d'hydrogène ou jet de vapeur à 100°) 
dont l'intensité est connue d'avance. Le manomètre monte par 
exemple de N centimètres. Si la source de chaleur égale par 
exemple 400 calories à l'heure j'écris : 

N centimètres — 100 calories 
D'où 1 centimètre — % calories. 


Et l'instrument se trouve gradué une fois pour toutes. Pour 
que son pouvoir émissif reste constant, j'ai fait beaucoup d’es- 
sais qu’on trouvera dans mes communications à la biologie. Fi- 
nalement j'ai reconnu qu'en recouvrant l'instrument d’un bon 
vernis, cuit au four, les indications de l'instrument restent cons- 
tantes à 3 ou 4 p. 100 près de leur valeur. 

Si on veut sensibiliser l'instrument, on incline simplement le 
manomètre et on lui communique ainsi teile sensibilité qu’on 
désire. Le nombre de calories rayonnées en un temps donné 
est rigoureusement proportionnel à la hauteur du manomètre. 

Le vernis qui augmente considérablement le pouvoir rayon- 
nant du calorimètre, a l’avantage de l'empêcher de trop s'échauf- 
fer, ce qui troublerait beaucoup la production de chaleur de 
l'être en expérience, comme on le v verra dans la deuxième pe 
de ce travail. 

Pour inscrire les indications du manomètre; j'avais éu recours 
soit à la photographie, soit à l'instrument représenté figure 23. 

C’est un manomètre différentiel dont les deux branches 4 et 
5 sont terminées chacune par une membrane mince de caout- 
chouc 1 et 2 d’égal diamètre. Ces deux membranes sont reliées 
entre elles par une traverse rigide 3 qui fait mouvoir un levier 6 
dont la pointe vient tracer une courbe en 7 sur.le cylindre enre- 
gistreur. Cet appareil n'inscrit que les différences de pression 


DE CALORIMÉTRIE, 153 


entre les membranes 1 et 2, Il est analogue au loch enregistreur 
de Marey. À | 


FIGa24 


La figure 24 représente un double calorimètre tout en verre 
qui m'a servi pour certaines expériences de fermentation. La 
figure suffit à expliquer son fonctionnement, Il est à la fois com- 
pensateur et différentiel. 


Fi. 24: 


La figure 25 représente un calorimètre de petite taille appli- 
qué au lapin. Le réservoir compensateur est ici un simple ballon 
de verre, hermétiquement clos par fermeture hydraulique. Le 
manomètre peut s’incliner sur l’horizontale grâce à la pince qui 
le porte pour donner à l'instrument une sensibilité quelconque. 


154 A. D'ARSONVAL. — RECHERCHES 


Ce manomètre est une espèce de manomètre de Güettet qui tota- 
lise les indications dans le tube de verre. Ce dispositif rend 
toute fuite d'air impossible. — Un bec de > gaz o sert de cheminée 
d'appel. | 

Si on veut faire en même temps l'analyse des gaz de la respi- 
ration, on remplace cette cheminée par un aspirateur et des fla- 
cons laveurs appropriés; ou bien on transforme, comme je l’ai 


Fic. 25, 


. Calorimètre. 

. Tubulure communiquant avec l’espace annulaire. 
. Réservoir compensateur. 

. Tubulure pour l’aération. 

. Cheminée d'appel pour la ventilation. 

. Couvercle witré. 


© Or & O9 RO 


indiqué autrefois, le calorimètre en un appareil de Regnault et 
Reiset. 

Plus récemment (juillet 1885), j ai simplifié encore le mode 
d'inscription des calories par le dispositif représenté figure 26. 

L'appareil calorimétrique se compose de deux calorimètres 
semblables 8 8, dont l’un sert de réservoir com pensateur comme 
dans les appareils précédents; PROS inscripteur est seul dif- 
férent. 

Il se compose essentiellement de deux Dches métalliques 
légères, 2.2”, suspendues à ms extrémité d'un “ile de ba- 
lance équilibrée 1. 

Chaque.cloche plonge dans-un réservoir plein: d’ eau 3: ; | por- 
tant un tube.central 4.4 qui dépasse le niveau de. l'eau, et qui, 
s’engageant sous la cloche correspondante, la Wépsipume en un 
peut gazomètre d’une mobilité extrêmes! ont | | 


DE CALORIMÉTRIE. 155 


L'intérieur de chaque cloche est mis en rapport par le tube 
central 4.4 avec la cavité d’un des calornmètres à air 9.9’. Les 
calorimètres correspondants à chaque cloche sont identiques. Si 
une source de chaleur vient échauffer un des calorimètres, l’air 


Fic. 26. 


8 8’. Réservoirs calorimétriques. 

9 9°. Matelas d'air. 
1. Levier de la balance. 

2.2. Cloches gazométriques. 

4 4; Tubes communiquant avec, l'espace 9.9, par les tubulures 10.10". 
_6. Levier portant la plume. 
7: Cylindre enregistreur. 


se dilate et soulève la cloche correspondante, à une hauteur qui 
éert de mesure à l’échauffement. Si les deux calorimètres sont 
échauffés également, les deux cloches'se font équilibre et le fléau 
qui les porte ne change pas de place. L'appareil se trouve donc 
soustrait de ce fait aux variations de la température et de la 
pression extérieures comme dans l’appareil à manomètré com- 
pensé. | 

Les réservoirs d'eau communiquent entre éux par un tube 
latéral 5, qui identifie leurs niveaux: 

Pour rendre l'appareil enregistreur le fléau de la balance porte 
un levier 6, terminé par une plume à encre donnant un tracé 
sur un cylindre vertical 7, qui fait un tour en 24 heures. 

La longueur du levier et la capacité des cloches gazométriques 
sont telles que la plume s'élève de 4 centimètre pour une ealorie 
à l'heure dégagée dans l'appareil. On peut d’ailleurs obtenir telle 
sensibilité qu'on désire. Une trompe (non représenté sur la figure) 
fait circuler dans l’instrument un courant d'air continu et on 
peut doser en même temps l’ oxygène absorbé et l’acide carbo: 
nique émis par l’animal en expérience, suivant lés procédés que 
j'ai décrits dans mes différentes communications depuis 1878: 


156 A D'ARSONVAL. — RECIERCIES 


On peutaiosi poursuivre une expérience pendant des journées 
et même des semaines entières sans avoir à effectuer aucune 
correction. Un cylindre enregistreur faisant un tour en huit 
jours, dispense même de toute surveillance, et c’est ainsi que 
j'ai pu entreprendre la calorimétrie continue de l’inanition sur 
le cobaye, le lapin et la poule, comme on le verra dans la 
deuxième partie de ce travail. 

On peut à volonté faire des expériences absolues sur un animal 
isolé ou, au contraire, faire des expériences comparatives en 
plaçant dans chaque calorimètre un animal différent. 

Cet instrument qui est d’un maniement facile, répond, je crois, 
à tous les besoins de la calorimétrie physiologique, où les me- 
sures comparatives ont plus souvent plus d'importance que les 
valeurs absolues. 


Calorimètre thermo-électrique. 


Le calorimètre à air demande une demi-heure à trois quarts 
d'heure environ pour être en équilibre et fournir une indication 
définitive. Ce temps est un peu long lorsqu'il s’agit de faire une 
expérience de cours. C’est pourquoi dans mes leçons de cette 
année (décembre 1885) j'ai décrit à mon cours un autre dispo- 
sitif qui montre à un nombreux auditoiré le pouvoir calorimé- 
trique d'un animal dans l'espace de cinq minutes. Ce procédé 
n'est au fond qu’une variante du précédent et nécessite ets 
du galvanomètre. 

Le calorimètre à air tel que je viens de le décrire est un ther- 
momètre différentiel à air : le calorimètre thermo-électrique, 
comme son nom l'indique, est un thermomètre différentiel élec- 
(rique. 

Il se compose de deux soudures thermo- rem conjuguées 
(cuivre-fer), l'une d'elles (le calorimètre) est creuse et enveloppe 
l'animal, l’autre plonge dans l’air ambiant. L'animal rayonne 
à travers la soudure creuse qui l'entoure, l’échauffe et le galva- 
nomètre indique par sa déviation l'excès de température de cette 
soudure sur l'air ambiant, Un rayon lumineux projeté sur le 
miroir de l'instrument permet au plus nombreux auditoire de 
suivre la marche de l’expérience sur une échelle graduée que 
parcourt le rayon lumineux. 


DE CALORIMÉTRIE. 157 


L'équilibre thermique est très rapidement obtenu dans ces 
conditions et on mesure avec une précision extrême l'échauffe- 
ment de l'instrument qui est ici bien moindre qu'avec le calo- 
rimètre à air, ce qui constitue une circonstance très favorable 
pour ne pas troubler la de 07 chez l'animal en expé- 
rience: 

On pourrait au besoin inscrire par la photographie les dévia- 
tions du galvanomètre comme je le fais pour d’autresexpériences. 
Mais ce serait là une complication qu’on préférera éviter dans la 
pratique en se servant du calorimètre différentiel à air. 

Le calorimètre thermo-électrique peut rendre de très grands 
services pour étudier la production de chaleur sur les tissus 
isolés de l'organisme soumis ou non à la circulation artificielle. 
J'en donnerai des exemples à la deuxième partie de ce travail, 
relativement à la production de chaleur dans les tissus après la 
mort ou dans les muscles privés de circulation. A l’aide de cet 
instrument, extrêmement sensible on peut constater et mesurer 
la production de chaleur chez les êtres inférieurs et les animaux 
à sang froid comme les batraciens, les poissons, etc... Le calo- 
rimètre thermo-électrique peut recevoir des dimensions micros- 
copiques en conservant touté sa sensibilité. J'en ai fait juste 
d'assez grands pour contenir un insecte ou, une larve. 


Causes d’érreur de la Calorimétrie par rayonnement; moyens de les 
éviter; graduation des appareils (1). 


_ Chaque fois qu'on introduit dans la science une nouvelle mé- 
thode d'investigation, le premier devoir qui s'impose à son in- 
venteur, est d’en contrôler l'exactitude. Ce que j'avais fait pour 
mon premier calorimètre à température constante, j'ai dû le re- 
commencer pour le calorimètre par rayonnement. 

. J'ai passé un temps fort long à perfectionner les méthodes de 
mesure et surtout à en publier les résultats uniquement parce 
qu'il m'est impossible de partager l'opinion de certains physio- 
logistes qui, professent qu'une méthode approximative est tou- 
jours suffisamment exacte pour les besoins de la physiologie. 

Pour moi, cette science est déjà assez compliquée par elle-. 

{4} Voir comptes-rendus de là Société de Biologie. Séances de décembre 1884 ét de 
janvier 1885. 13)25 1 JD 


1538 A. D'ARSONVAL. =! RECHERCUES 


même, pour qu’on évite soigneusement de l’encombrer encore 
d'expériences sur l'exactitude physique, nee on peer 
élever des doutes légitimes. | 

En physiologie ce ne sont pas les expériences qui nous man- 
quent, nous en sommes encombrés, ce qu'on ne trouve pas en 
général, c’est une critique rigoureuse des conditions expérimen- 
tales où l'expérience a eu lieu. 

Pour que le calorimètre par rayonnement soit exact, il faut et 
il suffit qu’il donne toujours la même indication pour une même 
quantité de chaleur fournie; voici, Fee cela, les conditions phy- 
siques à remplir : 

1° Au point de vue physique, pour que le principe sur lequel 
repose la méthode, conserve toute sa valeur, il faut que le rayon- 
nement dela totalité de la chaleur perdue:par l'appareil ait lieu à 
travers la couche d'air qui sert derthermomètre. C'est pour cette 
raison que mon calorimètre est composé de deux cylindres con- 
centriques, emprisonnant une masse d'air dont tous les points 
peuvent se mettre rapidement en équilibre thermique. 

Il n’en serait plus de même si je remplaçais cette masse d’air 
annulaire par un tube roulé en serpentin comme F semblerait 
de prime abord plus simple delle faire. 

Le rayonnement de la chaleur à travers les pe du serpen- 
tin a lieu d’une façon très compliquée et très variable, suivant 
le point du serpentin où on place la source de chaleur. La masse 
d'air contenue dans le tube ne peut avoir la même température 
dans toute son étendue. Le rayonnement ne se fait pas à travers 
cette masse d'air, maïs le tube s’échauffe par l’intérieur du calo- 
rimètre et rayonne directement par l'extérieur, la chaleur se pro- 
pageant par simple conductibilité métallique. Il n'en est pas de 
même dans l'appareil à cylindres concentriques. La chaleur 
échauffe d’abord le cylindre intérieur qui, à travers la couche 
d’air, échauffe le cylindre extérieur; toute la chaleur est ainsi 
obligée de traverser le matelas d’air annulaire dont la dilatation 
lui sert alorsexactement de mesure. Dans le calorimètre thermo- 
électrique, cette condition est encore mieux remplie, puisque 
toute la chaleur perdue doit forcément traverser la soudure cir- 
culaire pour s'échapper à l'extérieur. 

2° Le pouvoir émissif de la surface extérieure du calorimètre 
doit rester constant. 


DE CALORIMÉTRIÉ. 159 


Pour constater laconstance de ce pouvoir émissif, je place dans 
l'appareil une source de chaleur d'intensité constante, si lepou- 
voir .émissif n’a pas varié, le calorimètre doit donner toujours la 
même indication. 

Pour réaliser cette source constante de chaleur, je me suis 
servi soit d’un simple petit bec de gaz brûlant sous pression cons- 
tante, grâce à un petit régulateur Giroud, soit plus simplement 
d’un jet de vapeur à 400 degrés. Je prends un ballon à long col 
que j’enduis de noir defumée pour lui donner un pouvoir émissif 
constant. Ce ballon est placé au centre (sans en toucher les pa- 
rois) l'ouverture du col sortant à l'extérieur par le couvercle du 
calorimètre, cela fait un tube central de ‘verre plonge jusqu’au 
fond du ballon'et y projette un jet de vapeur provenant d’un vase 
contenant de l’eau en ébullition. Le ballon est ainsi parcouru par 
un jet de vapeur continu qui en porte la surface à 100 degrés. 
Le ballon constitue donc une source de chaleur constante placée 
dans le calorimètre. 

Pour savoir quelle est la chaleur perdue par le ballon n'ya 
qu'à mesurer l'eau qui s’est condensée dans son intérieur et à en 
prendre la température. La chaleur perdue Per le ballon dans le 
temps T est égale, en calories, à | 


C AS (100- TE) x 537. 


T étantla température finale del’eau du ballon, Y étant exprimé 
en litres, et 537 étant la chaleur latente de la vapeur d’eau. 
; | Cetté méthode permet en même temps de graduer l'appareil 
puisque elle:montre que pour une hauteur du manomètre égale 
à H, le calorimètre perd C calories dans l’unité de temps. En opé- 
rant ainsi, j'ai vu que le pouvoir émissif du calorimètre, n’était 
constant que lorsque sa surface était parfaitement polie et sur- 
tout bien débarrassée des corps gras. — Avec les métaux polis, le 
pouvoir émissif est très faible, ce qui a pour résultat d'augmenter 
la sensibilité de l'appareil, mais aussi l'inconvénient d'élever 
beaucoup trop la température du milieu où est:placé l'animal. 

Pour rendre le pouvoir émissif à la fois constant et plus grand 
j'ai recouvert la surface extérieure du calorimètre d’une couche 
de:peinture à la céruse.: Aujourd’hui cette peinture est passée au 
four et rendue inaltérable. Dans ces conditions le pouvoir émis- 
sif de l'instrument reste constant à 2 pour cent près. Le calori- 


460 A. D'ARSONVAL. —— RECRERCHES 
mètre recouvert de peinture se refroidit environ cinq fois plus 
vite que le calôrimètre en métal poli, ce qui fait que son inté- 
rieur ne présente jamais une température trop supérieure à cos 
du milieu ambiant. | 

Pour mesurer l’échauffement de l'air du réserrèir calorimé- 
pre je me sers du manomètre pour l'observation simple et du 
gazomètre pour l'inscription. La méthode manométrique est 
physiquement plus simple ; en‘effet, en l'enployant: 
! a. Je n’ai pas à tenircompte du volume de l’air renfermé dans 
l’espace annulaire. Que le calorimètre contienne 1 litre ou 100 
litres d’air l'augmentation de pression sera exactement la même 
pour une même élévation de température. De sorte qu'il est fa- 
cile de faire des calorimètres fournissant des indications iden- 
tiques simplement en leur donnant la même surface extérieure. 

b. Rien qu'à l'inspection du manomètre on sait quelle est 
l'augmentation de température du calorimètre, sans connaître le 
volume de l'air en vertu de la formule bien connue: | 


Pt = Po (1 Hat). 


. Pour un manomètre à eau, chaque degré d'augmentation de 
la température du calorimètre fait monter la colonne manomé- 
trique de 4 centimètres. 

c. Enfin : La quantité dé chaleur perdue ést À usisgi pro- 
porlionnelle à la hauteur du manomètre. 

Pour l'enregistrement il est plus simple et plus commode de 
se servir de l'appareil gazométrique. Il y a à tenir compte de la 
capacité du calorimètre et il faut que les deux réservoirs soient 
bien identiques pour obtenir la compensation. C’est là d’ailleurs 
une condition facile à remplir et la graduation de + se 
fait comme précédemment. 

. Je ferai remarquer en outre qu'il est.essentiel que Pinatrimens 
puisse rétrograder, c’est-à-dire indiquer et inscrire toutes les 
phases de la thérmogénèse soit en plus soit en moins. Quelques 
exemples feront mieux comprendre la nécessité: de cette condi- 
tion. 

Dans l'anésthésie par le dHilomforrie faite sad le calorimètre, 
la thermogénèse augmente au début pour tomberensuite, à me- 
sure que l’anesthésie fait des progrès, à un chiffre de plus en 
plus bas, IlLen est de.même dans l’asphyxie,,danslacurarisation, 


DE CALORIMÉTRIE. 161 


dans la digestion, dans la septicémie, etc., si l'instrument ne 
pouvait pas rétrograder tous ces phénomènes passeraient ina- 
perçus. Il y aurait la même différence qu'entre les indications 
d’un thermomètre à maxima à eelles d’un thermomètre à ins- 
cription continue. 

Dans la description de mes instruments de calorimétrie j'ai 
laissé de côté à dessein les moyens que j'ai employés pour enre- 
gistrer en même temps que la chaleur les phases de l’absorpuon 
d'oxygène et du dégagement d'acide carbonique par l'animal en 
expérience. Ces procédés seront décrits dans la deuxième partie 
de ce travail (1). 


(1) Dans la séance du 20 novembre 1884, à la Société de Biologie, M. Ch. Richet, 
sans avoir connaissance de ma méthode, a décrit son calorimètre à siphon qui utilise 
également la dilatation de. l'air comme procédé calorimétrique. Bien que nos deux 
procédés paraissent d’abord les mêmes, la question de priorité ne saurait être en jeu. 
Mes méthodes et mes instruments avaient été publiés, avec dessins, le 18 octobre 1884 
dans le journal La Lumière électrique, c’est-à-dire un mois et demi avant la com- 
munication de M. Richet, de plus, j'ai montré les instruments dans le courant de 
février 1884, à mon cours du Collège de France, 

D'ailleurs, au point de vue physique, les deux méthodes diffèrent complètement. 

1° Mon réservoir calorimétrique (qui est le même que celui de mon premier calo- 
rimètre communiqué le 1e* décembre 1877 à la Biologie), constitue un calorimètre par 
rayonnement ; il n'en peut être de même du serpentin employé par M. Richet pour les 
raisons physiques développées ci-dessus. 

2° Mes méthodes de mesure et d’enregistrement ne nécessitent nullement la pré- 
sence de l'opérateur et permettent à l'instrument de rétrograder. 

3° Par l'emploi du réservoir compensateur, j’ai supprimé complètement les correc- 
{ions nécessitées par les variations de la température et de la pression extérieures. Par 
ce même dispositif, l'instrument a été rendu différentiel à volonté, propriété très pré- 
cieuse pour faire des expériences comparatives simultanées. 

4° J’ajouterai enfin que j'ai signalé les différentes causes d'erreurs inhérentes à la 
méthode et qu'après avoir appris à les reconnaître, j'ai donné les moyens de les évi- 
ter. On peut donc, après avoir gradué l’appareil comme je l’ai indiqué, avoir toute 
confiance dans les résultats qu’il fournit. 


JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYS10L. —:T. xx11 (1856). 11 


RECHERCHES 


SUR LES 


PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE 


Par M Em. BOURQUELOT. 


HISTORIQUE (1). 


En étudiant les propriétés optiques des sucres, Biot avait ob- 
servé que la matière sucrée obtenue par l’action de l’extrait de 
malt sur l’empois d'amidon possède un pouvoir rotatoire plus 
grand que celui des glucoses du miel et de l’urine diabétique. 
Guidé par cette remarque, Dubrunfaut réussit en 1847 (2) à pré- 
parer en traitant l’empois par l'extrait de malt, un sucre cris- 
tallisé qui possédait un pouvoir rotatoire trois fois plus grand 
que celui du glucose ordinaire. Il jugea que ce sucre était un 
sucre différent du glucose et 1l lui donna le nom de maltose, 

Cette découverte passa presque inaperçue, et l’on continua à 
considérer le sucre du malt comme du glucose jusqu’à l’époque 
ou Cornelius O’Sullivan (3) dans ses recherches sur les transfor- 
mations de l’amidon, vint confirmer le fait avancé par Dubrun- 
faut. Avec O’Sullivan, d’autres chimistes : Schulze (4), Marker (5) 
Musculus et Gruber (6), Brown et Héron (7), étudièrent les pro- 


(1) Bien que découvert par un Français, le maltose n’a été étudié qu'en Allemagne 
et en Angleterre. Pour cette raison j'ai pensé qu’il ne serait pas inutile de donner 
quelques développements à la partie historique de ce travail. 

(2) Dubrunfaut. Note sur le glucose. Annales de Chimie et de Physique [3], t. 21, 
p. 178. 

(3) C. O’Sullivan. Action de l'extrait de malt sur l’amidon. Journal of the che- 
mical Society. Juillet 1872. Traduction française dans le Moniteur scientifique [3], 
t. IV, p. 210. 1874. 

(4) Er. Schulze. Ueber Maltose. Berichte d. d. Chem. Gesellsch, t. VII, p. 1047; 
1874. 

(5) Marker. Verhält, in dem Maltose und Dextrine aus Stärke etc. Berichte d. d. 
Chem. Gesell, 1877, t. X, p. 2234. 

(6) Musculus et Grüber. Ein Betrag zur Chemie der Stürke. Zeiïtsch f. phys. Che- 
mie, t. II, p. 177, 1878. Traduction française dans les Ann. de Ch. et de Ph. [5], 1878; 
t. XIV, p. 548. 

(7) Brown et Héron. Stäirke und Umwandlungs Producte derselben. Berichte d. d. 
Chem. Ges. 1879, t. XII, p. 1477. 


E. BOURQUELOT. —= PROPRIÈTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 163 


priétés et les conditions de formation du nouveau sucre et il fut 
établi définitivement que la diastase du malt en agissant sur 
l'empois d’amidon donne naissance à du maltose et à des dex- 
trines (1). 

On trouve cependant mélangé à ces produits de petites propor- 
tions de véritable glucose. D'ailleurs le maltose qui a pour for- 
mule | | 

C24 H22022 
est transformé en glucose quand on le fait bomllir avec de l’eau 
acidulée, d’après la formule : 


C24H220?2? + H?20?2 — 9 C12H12012. 


Les petites proportions de glucose dont j'ai parlé ont-t-ellesleur 
origine dans une réaction analogue, consécutive à l'apparition 
du maltose, et déterminée par la diastase elle-même, c’est-à- 
dire par le ferment qui a d'abord donné naissance au maltose ? 
En un mot le maltose est-il stable en présence de la diastase ? 
C'est là une question qui a donné lieu à des assertions complè- 
tement opposées. Pour Schulze, Brown et Héron, Herzfeld (2) la 
diastase est sans action sur le maltose. Au contraire, pour 
0’Sullivan, De Mering (3), l'influence prolongée du ferment finit 
par transformer le maltose en glucose. 

Un grand nombre de chimistes ont déterminé le pouvoir ro- 
tatoire du maltose. 0'Sullivan a donné en 1872 pour le maltose 
auhydre «j = + 150,en1879 (4)aj = + 154 à +155. Schulze 
a trouvé a«j = + 149,5, Musculus et Grüber & j = + 149. Les 
autres déterminations ont été faites à la lumière du sodium. 
Soshlet (5) a donné «D = + 139.8 ; Steiner (6) «D + 138.9, 
Enfin Meissl (7) a fait de cette question le sujet d’un mémoire 


(1) On verra dans le cours de cet exposé comment il faut entendre cectte expres- 
sion : des dextrines. 

(2?) Herzfeld. Einwirkung der Diastase auf Stärkekleister. Ber. d. d,. Chem. Gesells., 
t. XII, p. 2120, 1879. 

(3) Von Mering. Ueber den Einfluss diastatischer Fermente auf Stärke, Dextrine 
und Maltose. Zeitsch. f. phys. Chem. 1881. t. V, p. 185. 

(4) O’Sullivan. Sur les produits de transformation de l’amidon. Bulletin de la Soc. 
chimique, t. XXXII, p. 493. 1879. 

(5) Soxhlet. Action des sucres sur la liqueur cupro-potassique. Journal f. pralkt. 
Chemie [2], t. XXI, p. 276. 1879. 

(6) J. Steiner. Bemerkungen uber einige Experimente mit Maltose. Chem. Nevvs. 
Vol. 43,p. 54. 1881. 

(7) E,. Meissl. Ueber Maltose. Journ. f. prakt, Chem. [2], t. XXV, p. 14. 1682: 


164 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


assez étendu. Il a constaté que le pouvoir rotatoire du maltose 
diminue quand la température, ou quand la concentration aug- 
mente. Dans la formule suivante il a tenu compte de cette va- 
rlation : 

a D — 140,375 — 0,01837 » — 0,0956. 


P — le poids de maltose renfermé dans 100 cent. c. de liquide. 
t — la température à laquelle se fait l’observation. 

La formule de Meissl donne un chiffre un peu inférieur à celui 
de Soxhlet qui se rapporte à une observation faite à 15°. 

Un fait curieux, relatif au pouvoir rotatoire du maltose est 
celui qui a été observé par Soxhlet et par Sundwik. Ces chi- 
mistes ont trouvé que ce pouvoir augmente dans les premiers 
instants qui suivent la dissolution faite à froid. Au bout de 7 à 
8 heures, le pouvoir rotatoire atteint son maximum. Ce maxi- 
mum qui correspond au pouvoir rotatoireadopté peutétreobtenu 
immédiatement en portant la solution à la température de l’ébul- 
lition et laissant refroidir. On sait que le glucose possède la pro- 
priété inverse. 

Une autre des propriétés importantes du maltose réside dans 
son action réductrice sur les sels cuivriques. Tandis que un 
équivalent de glucose (180) en solution au centième réduit 10,52 
équivalents de cuivre, quand on se sert de liqueur de Fehling 
concentrée, un équivalent de maltose anhydre (171), n’en ré- 
duit que 6,09 (Soxhlet). Il suit de là que 10,52 éq. de cuivre 
sont réduits pour 294 de maltose. Un calcul très simple fera voir 
que comme matière réductrice le maltose équivaut à 61/100 de 
glucose, autrement que 61 de glucose réduisent autant de cuivre 
que 100 de maltose. On exprime ce fait en disant que le pouvoir 
réducteur du maltose est 61. 

Les chiffres changent lorsqu'on se sert de liqueur étendue. Si 
la liqueur de Fehling est étendue de 4 fois son volume d’eau, 
la quantité de cuivre réduit avec 4 équivalent de glucose ne 
monte qu'à 10,11 équivalents, tandis qu’elle s’élève à 6,41 pour 
1 équivalent de maltose. Dans ces conditions le pouvoir réduc- 
teur du maltose est 66,9. | 
Quant aux travaux de Yoshida, Chem. News. Vol. 43, p. 29, de Sundwik, Zeütsch. f. 
Phys. Chem., t. V, p. 427, ils n’y a pas lieu de s’y arrêter; ces chimistes ayant fait 


preuve d’une certaine ignorance dans l’application de la méthode suivie pour déter- 
miner un poùvoir rotatoire. 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 165 


Cette manière d'envisager l’action réductrice du maltose à 
l'égard de l’oxyde de cuivre peut s'étendre à tous les corps ré- 
ducteurs. Le chiffre ainsi calculé est la représentation précise 
d’une propriété spécifique de ces corps, en même temps qu'il 
fournit un excellent terme de comparaison. 

Le maltose est moins soluble dans l’alcool méthylique et dans 
l'alcool ordinaire que le glucose; il eristallise plus facilement, 
ce qui permet de l'obtenir pur, même quand il est mélangé à ce 
dernier sucre. | 

Cristallisé dans l’eau ou dans l’alcool à 85°, il renferme une 
mollécule d’eau de cristallisation qu’il perd à 100°. Desséché 
entre 400 et 110°, il devient presqu’aussi hygroscopique que le 
chlorure de calcium. 


Si la découverte du maltose a fait faire quelques progrès à la 
question de la constitution de la matière amylacée et à celle de 
l’action diastasique; elle ne les a pas résolues. Le seul fait de la 
formation de maltose et de dextrines est bien établi; mais on 
discute toujours sur la nature du processus chimique, aussi bien 
que sur les quantités respectives des produits formés dans l’action 
fermentaire. La formation du sucre succède-t-elle à celle de la 
dextrine ou a-t-elle lieu dans le même temps par un dédouble- 
ment donnant naissance à ces deux composés ? Les proportions 
relatives des produits de la réaction sont-elles toujours les mêmes 
à quelque température qu'on détermine la fermentation diasta- 
sique, et quelque soit la quantité de ferment employé ? Autant 
de points sur lesquels nous allons examiner rapidement l'état 
actuel de la science. 

Musculus le premier (1) commença en 1860, la série des re- 
cherches qui ont été faites dans cette direction. Avant lui on pen- 
sait généralement que l’amidon sous l'influence de la diastase 
se transforme d’abord en dextrine et cette dernière ultérieure- 
ment en sucre. Il crut avoir trouvé qu’au contraire le sucre et la 
dextrine se forment simultanément et sont toujours dans le même 
rapport.: 2 de dextrine pour 1 de sucre (2). La dextrine ne serait 

(1) Musculus. Remarque sur la transformation de la matière amylacée en glucose 
et dextrine. 1860. Ann. de Chim. et de Phys. [3], t. LX, p, 203. — Id. De la Dextrine. 
1865, même recueil [4]. t. VE, p. 177. 


(2) Les premières recherches de Musculus, celles de Payen, de Schwarzer ont été 
faites dans l'hypothèse que le sucre de fécule est du glucose. C’est là une erreur qu'il 


106 Ë. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


pas attaquable par la diastase et la saccharification de l’empois 
serait terminée dès que dans le liquide ne reste plus de substance 
se colorant par l’Iode. Conformément à ces observations Muscu- 
lus émit l'hypothèse que le processus de transformation de l’ami- 
don ne consiste pas dans le changement de l’amidon en dextrine 
suivi de l’hydration de la dextrine, mais en un dédoublement 
de la molécule amylacée avec absorption d’eau d’après la for- 
mule suivante : 


3 C12H10010 + H20? 229 C12H10010 Æ Ci2H12012, 


Payen, en 14865 (1) et en 1866, non seulement se prononça 
contre cette interprétation; mais contesta l'exactitude des faits 
avancés par Musculus. De ses recherches, il conclut 1° que la 
diastase saccharifie la dextrine pure; 2° que la diastase en agis- 
sant sur l’empois produit des proportions de dextrine et de glu- 
cose qui peuvent varier, suivant les conditions dans lesquelles 
on opère, entre 17 et 50 de glucose pour 100 du produit total. 
Ces conditions sont d’après lui : la dilution et le temps. On re+ 
marquera que quand même la diastase agirait sur la dextrine pure 
cela ne serait pas contraire à l'hypothèse d’un dédoublement de 
l’'amidon en glucose et dextrine dès le commencement de l’ac- 
tion diastasique.Toutefois Payen crut devoiradmettre l'hypothèse 
d’une production première de dextrine suivie de la transforma- 
tion de cette dernière en sucre; hypothèse qui lui paraissait 
mieux s’accorder avec les résultats de ses propres recherches. 

En examinant les chiffres qui dans les deux mémoires de 
Payen se rapportent aux expériences de saccharification de l’em- 
pois, on entrevoit, ce qu'il n’a pas mis en relief, que les varia- 
tions observées dans les résultats sont surtout sous la dépen- 
dance de la température. Schwarzer le démontra quelques 
années plus tard (2). Si on effectue la saccharification de l’em- 
pois de 0 à 60°, la proportion de sucre (exprimée en glucose) 
s'élève toujours à 50 ou 53 p. 0/0 de la matière amylacée, ce qui 


est facile de corriger par la pensée en se rappelant que ces chimistes dosaient comme 
elucose un produit ayant un pouvoir réducteur égal aux 2/3 de celui de ce dernier sucre. 
(1) Payen. Réaction de la diastase sur la substance amylacée dans différentes con- 
ditions. 1865. Ann. de Chim. et Phys. [4], t. IV, p. 286. — Id. Même recueil [4], 
t. VII, p. 382. — Amidon, dextrine et tissus ligneux. 
(2) Schwarzer. Transformation de l’amidon. J. f. prakt. Chem. Nouvelle série, t. F, 
Te A 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIOUES DU MALTOSE. 1617 


répond au dédoublement de l’amiden en 1 équivalent de dex- 
trine et 4 éq. de sucre. Fait-on l'expérience entre 60 et 655; les 
proportions de sucre sont comprises entre 53 et 27 p. 0/0. 
Enfin, au-dessus de 65°, ces proportions diminuent encore. 
Schwarzer a en outre confirmé les données de Payen concernant 
l’action du ferment sur la dextrine; aussi s’est-il rangé à son 
opinion sur le processus chimique de la saccharification. 

Les résultats publiés par Schwafzer ont été confirmés, quant 
aux variâtions dépendant de la température, dès après la décou- 
verte nouvelle du maltose par O’Sullivan lui-même et plus tard 
par Marker. 

À l'égard du processus de la saccharification, O’Sullivan crut 
avoir trouvé qu’on peut exprimer l'influence de la température 
par trois formules différentes. Si on effectue la saccharification à 
une température inférieure à 63°, les proportions de sucre et de 
dextrine formées répondent à la formule : 

C$6H30030 + H20? = C?4H220?? (maltose) + C12H10010 {dextrine) 

(68 de maltose et 32 de dextrine). 


Entre 64° et 68°, ces proportions répondent à la formule : 


2 C56H30050 = C24H2202? + 4 C12H10010 (34.54 de maltose 
et 65.46 de dextrine). 


Enfin de 68° jusqu’à 10°, la formule devient : 


4 C36H30030 + H202 = C24H22022 + 10 C12H10010 
(maltose 17.4, dextrine 82.6). 


— On ne trouverait ces proportions que dans les premiers temps 
de l'expérience. Plus tard, la quantité de sucre augmenterait par 
suite de l’action ultérieure de la diastase sur [a dextrine. 

En résumé, pour O’Sullivan, la décomposition de l’amidon en 
dextrine et maltose est le résultat d’un dédoublement molécu- 
laire avec emprunt d’eau, et peut se faire de trois manières, 
suivant qu'on opère au-dessous de 63°, au-dessus de cette tem- 
pérature et au-dessous de 68°, enfin au-dessus de 68° jusqu’à 
10°. À cette première phase de la saccharification succéderait la 
transformation de la dextrine en maltose par une hydratation 
lente et graduelle. 

Il répugne à l'esprit d'accepter qu’il puisse y avoir trois dé- 
doublements préseñtätit des différentes aussi tranchées et com- 


168 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


mandées par ces petites variations dans la température. Il est 
certain que l'élévation de température à partir de 60° abaisse 
rapidement les proportions de maltose formé, mais cet abaisse- 
ment ne paraît pas pouvoir être mis en formule; il est graduel : 
la proportion de maltose descendant de 70 p. 0/0 environ à 0. 
On trouvera une preuve de ce que j'avance dans ce que Marker 
a trouvé d’autres proportions que 0. Sullivan, et a en outre fait 
cette observation importante que l'addition de faibles proportions 
d'acide agit dans le même sens que l'élévation de température. 
Enfin, O’Sullivan lui-même, en 1879 (1) publiait qu'outre les 
trois processus dont il vient d'être question, il en existait un 
quatrième exprimé par l'équation : 
4 C36H30030 + 3 H202 = 3 C24H2202? + 6 C12H12012 (2): 


On a jusqu'ici examiné la question de la saccharification de 
l’amidon en restant dans l’hvpothèse que la réaction ne donne 
lieu qu’à de la dextrine (considérée comme espèce chimique 
unique) d’une part, et à du maltose d'autre part. Mais dès 1870 
a commencé à s’introduire dans la science cette opinion que dans 
le cours de la saccharification il se forme non pas une dextrine, 
mais plusieurs dextrines. La question s’est ainsi encore com- 
pliquée. %: 

On peut tout d’abord admettre que l’amidon soluble qui est 
la dextrine la plus rapprochée de l’amidon et la dextrine qui 
reste après que l’action de la diastase est terminée sont deux 
différents. 

Il est certain qu’on a là deux véritables espèces cliniques 
formées dans le cours de l’action diastasique. Leurs propriétés 
différencielles sont d’ailleurs tranchées et ne permettent pas 
l’hésitation. La première est colorée en bleu par l’iode; est 
presqu insoluble dans l’eau froide, est attaquable par la diastase ; 
la deuxième n’est pas colorée par l’iode, est soluble dans l’eau 
froide, enfin est inattaquable par la diastase. 

Mais si on prélève de temps en temps dans le courant d’une 
saccharification par la diastase des échantillons de la matière 


(1) O’Sullivau. Sur les produits de transformation de l’amidon: Bull. de la So- 
cieté chim., t. XXXII, p. 493. 1879. 


(2) Les résultats d’une saccharification par la diastase dépendant à un si haut degré 


de la température, on s'explique les différences observées par des expérimentateurs 
qui avaient négligé de se mettre dans les mêmes conditions. 


SUR LES PROPRIÉTÉS PIYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 169 


et si on les précipite immédiatement par l'alcool, on obtient 
outre ces deux dextrines dont il vient d’être question, plusieurs 
autres dextrines pouvant se distinguer par la manière dont elles 
se comportent en présence de l’iode. Celles qui se colorent en 
présence de l’iode ont été appelées Erythrodextrines, celles qui 
ne se colorent pas Achroodextrines. Brücke à qui on les déno- 
minations (1), Mus culus et Grüber (2), Bondonneau (3), O'Sul- 
livan, Broown et Heron, Herzfeld, De Mering, admettent qu'il 
existe une série de dextrines différentes. Solomon (4) au con- 
traire, incline à penser qu'il n existe outre l’amidon soluble 
qu’une seule dextrine. Les colorations différentes que l’on ob- 
tient avec l’iode tiendraient à la présence de quantités variables 
d’amidon soluble non encore saccharifié. 

Quoi qu’il en soit, en présence des nouveaux faits découverts 
dans ces derniers temps, Musculus a transformé son hypothèse 
de 1860 afin de la faire cadrer avec ces faits. ILsuppose que l’ami- 
don sous l'influence de la diastase subit une série de dédouble- 
ments successifs avec hydratation simultanée. À chaque dédou- 
blement il se formerait du maltose et une nouvelle dextrine à 
poids moléculaire plus faible. Dans cette hypothèse la formule 
du maltose étant | 

C24H22022 
et en admettant qu’il ne se forme que deux dextrines, on voit 
qu'il faudrait donner à l’amidon la formule : 
C26H80080 — 4 C214H20020. 
47 dédoublement. C°6H80080 + H202 — C72H60060 + C24H22022. 


ire dextrine. Maltose. 
2e dédoublement. C72H60060 + H202 = C48H40040 LE C24H2202?, 
_ 2e dextrine, Maltose. 


Cette hypothèse est actuellement l'hypothèse la plus satisfai- 
sante. Elle peut rendre compte — surtout si on admet un plus 
grand nombre de dextrines(5) —de toutes les variations produites 


(1) Brücke. Vien. Acad. Sitzungsb., t. LXIIL, 2, 1871, et LXV, p. 126. 

(2) Musculus et Grüber. Sur l’amidon. Comptes rendus, t. LXXXVI, p. 1459. 

(3) Boudonneau. De la Dextrine. Bull. de la Soc. chim., 1874, t. XXI, p. 50 et 
p. 149. Dextrine pure du malt. Bull. de la Soc. chim., t. XXIII, p. 98, 1875. 

(4) Salomon. Die Starke etc. Journal f prakt. Chem. 1883. Traduction dans Ann. 
de Chim. et de Phys. 1885 (6)., t. IV, p. 147. 

(5) Cette hypothèse a été appelée l'hypothèse de la dégradation. On comprend sans 


470 | E. BOUROUELOT. — RECHERCHES 


dans la saccharification par la température. Il suffit, en effet, 
pour les expliquer, dé supposer qu’à 60° par exemple la diastase 
possède toute son énergie, et peut pousser la saccharification jus- 
qu’au bout, qu’à mesure que la température s’élève elle perd de 
sonénergie etne faitque commencer la saccharification, qu’enfin, 
elle devient inerte à la température de destruction. Ceci d’ail- 
leurs concorde avec ce qu'on sait des propriétés des ferments 
solubles au voisinage de la température de leur destruction ; aussi 
n'est-il pas nécessaire d'imaginer comme l’a fait Marker qu'il y 
a dans la diastase deux ferments dont l’un qui donne plus de 
maltose et moins de dextrine est détruit à une basse temipéra- 
ture, et dont l’autre qui donne plusde dextrine et moins de maltose 
résiste à cette température. 


Le maltose se produit encore dans d’autres conditions que 
celles qui ont été indiquées précédemment. D’après Musculus et 
Grüber, lorsqu'on traite l’amidon par l'acide sulfurique étendu 
bouillant, il se fait du maltose qui ne tarde pas à être transformé 
en glucose par l'action ultérieure de l'acide. D'autre part lors- 
qu’au lieu de diastase du malt, on emploie de la salive, ou du 
suc pancréatique, on obtient les mêmes produits, c'est-à-dire 
du maltose et des dextrines (1). Il y a plus : le glycogène comme 
l'amidon subit sous l'influence de ces ferments qui sont d’ail- 
identiques (2) une saccharification dans laquelle se forme du 
maltose. 

O. Nasse (3) avait supposé que dans la saccharification par la 
salive il se forme un sucre différent non seulement du glucose, 
mais encore du maltose. Mais Musculus et de Méring ont montré 
qu'on avait bien du maltose, et Külz a confirmé les recherches 
de ces deux expérimentateurs (4). On doit à Külz une analyse 
élémentaire du maltose fourni par la saccharification diasta- 


qu'il soit besoin d’insister que la formule de l’amidon doit être élevée, on adopte un 
nombre de dextrines supérieure à deux, 

(1) Musculus et von Méring. Ueber dié Umwandlung von Stärke und Glycogène durch 
Diastase, Speichél, Pankreas und Leberferment.— Zeitsch. [. phys. Chem., t. Il, p. 403. 

(2) Em. Bourquelot. Identité de la diastase chez les différents êtres vivants. Comptes 
rendus de la Socièté de Biologie [S], t. IE, p. 73. 1885. 

(3) O0. Nasse. Bemerkunger. Physiol. des Kohlenhydrate. Pflüger’s Archiv., t. XIV, 
1877, p. 473. | 

(4) E, Külz. Zur Kenntniss der Maltose. Pflugers’s Arch., t. XXIV, p. 81. 1881. 


SUR LES PROPRIÊTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 171 


siqué du glycogène, et une étude de ses propriétés établissant 
son identité avec le maltose provenant de Famidon. Enfin Kü)z 
aurait constaté que les glycogènes de divers animaux, de lapin, 
de tortue, d’huîtres, de vers de terre, sé conduisent de la même 
facon en présénce de la salive; c’est-à-dire qu'ils donnent nais- 
sance à des dextrines et à du maltose. 

La formation si générale du maltose dans les actions saccha- 
rifiantes des diastases sur lès matières amylacées étant ainsi éta- 
blie, on devait se demander si dans bien dés cas on n'avait pas 
jusqu'alors pris du maltose pour du glucose, si par exemple le 
sucre du sang considéré comme du glucose (1} n’est pas où tot 
au mois ne peut pas être quelquefois du maltose; si, de même 
qu’il existe des diabètes inositurique et lactosurique (2) il n'existe 
pas également un diabète maltosurique, si chez les plantes l’ami- 
don ne passe pas par la phase maltose, si dans certains cas le 
sucre des végétaux n’est pas du maltose, etc. 

Les seules recherches effectuées jusqu’à présent dans cet ordre 
d'idées, se rapportent à la nature du sucre du foie. Berthelot et 
De Luca (3) avaient démontré que le glycogène du foie traité 
par l'acide sulfurique étendu fournit du véritable glucose, don- 
nant comme celui-ci une combinaison cristallisée avec le chlo- 
rure de sodium. Partant de là les physiologistés ont toujours 
considéré le sucre existant ou se produisant dans le foie comme 
du glucose, bien que le mécanisme de la transformation du gly- 
cogène en sucre dans cet organe ne soit pas comparable à l'ac- 
tion de l'acide. 

La question de la nature du sucre du foie a été examinée par 
O. Nasse, Musculus et de Méring, Seegen et Kratschmer et enfin 
par Külz. D’après O. Nasse (4) le foie renferme du glucose, c'est- 
à-dire un sucre dont le pouvoir réducteur ne s'accroît pas par 
ébullition avec les acides. Mais Musculus et De Méring préten- 
dent avoir constaté dans le liquide provenant de foies épuisés 
par l’eau, la présence d’un sucre qui en raison de son pouvoir 
réducteur et de son pouvoir rotatoire devait être du maltose (5). 


(1) On sait que le sucre du sang n’a pas encore été isolé. Wurtz, Chimie biologique, 
I, p. 330. 

(2) Fr. Hofineister. Ueber Lactosurie. Zeitsch. f. physiol. Chemic., t. E, p. 101. 

(3) Gazette Médicale, 1859, n° 41. 

(4) Cité par Musculus et de Méring. 

(5) Mémoire cité précédemment. 


172 EE. BOURQUELOT. — RECHERCIES 


Quant à Seegen et Kratschmer (1) ainsi que Külz (2) ils affirment 
que ce sucre.est du glucose. 

Sans m'étendre longuement sur la critique de ces travaux, 
je puis dire que les méthodes employées par ces divers physio- 
logistes sont défectueuses. On ne peut affirmer qu'un sucre est 
du maltose parce que la matière examinée augmente de pouvoir 
réducteur par l’ébullition avec les acides étendus. C’est en s’ap- 
puyant sur cette augmentation que Drosdorff pense déceler et 
doser le sucre de canne dans la veine porte (3). Tout hydrate de 
carbone, les dextrines, l’amidon, traités par les acides donnent 
du glucose. La mucine elle-même, qu'on considère aujourd’hui 
comme un glucoside (4) est dans le même cas. Il faudrait donc 
que dans le liquide examiné il n'y eût aucun des corps pré- 
cédents; en un mot il faudrait qu'il n'y eût d'hésitation 
qu'entre glucose et maltose. 

La méthode suivie par Seegen etKratschmer, quiaffirmentque 
le sucre ne peut être que du glucose, n'est pas plus rigoureuse. 
Et cependant ces physiologistes s’appuient simultanément sur le 
pouvoir rotatoire, le pouvoir réducteur et la fermentation alcoo- 
lique du liquide sucré. Ils arrivent à trouver, par exemple, pour 
une solution d'extrait de foie, un pouvoir réducteur inférieur, 
rotatoire supérieur à ce que ces deux pouvoirs seraient si la ma- 
tière qui fermente était du glucose pur. D'autre part, le liquide 
traité par les acides étendus acquiert un pouvoir réducteur plus 
élevé. Ils en concluent qu'ils ont affaire à du glucose mélangé 
de dextrine, cette dernière pouvant fermenter. C'est un fait qui 
peut tout aussi bien se concevoir en admettant que la solution 
renferme du maltose et de la dextrine. Peut-être la dialyse que 
les auteurs ont employée pour rechercher s'ils ne se trouvaient 
pas en présence d’un mélange de maltose et de dextrine, doit-elle 
être prise en considération? « Le maltose et le glucose, disent-ils, 
dialysent avec la même vitesse (à), mais beaucoup plus vite que 


(1) E.Külz. Ueber die Natur des Zuckevs in der todtenstarren Leber.Pflüger’s Archiv. 
t. XXIV, p. 52. 

(2) Seegen et Kratschmer. Die Natur des Leber secretes. Pflüg. Arch,, t. XXIT. p.206. 

(3) Drosdortff. Ueber die Resorption des Rohrzuckers, etc. Zeitseh. f. phys. Chimie, 
t LE R28; 

(4) Eichwald : cité par Landwehr. Untersuchungen uber das Mucin der Galle 
und das der Submaxillardrüse. Zeitsch. f. phys. Chem... t. V, p. 371. 1881. 

(5) D’après mes observations personnelles, il n’en est pas ainsi. Le maltose dialyse 
moins rapidement que le glucose. 


SUR LES RROPRIÈTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 173 


la dextrine. On a donc là un moyen de séparer les sucres de ce 
dernier corps.» Or dans leur essai, le produit qui a dialysé le 
premier possédait toutes les propriétés du glucose. 

Quoiqu'il en soit, pour démontrer d’une façon péremptoire 
l'existence du maltose dans le foie ou le sang, il faudrait le sé- 
parer et constater ses propriétés, et cela n’a pas été fait. Quant 
aux raisons invoquées pour nier sa présence, elles ne sont pas 
suffisamment démonstratives,. 


On voit par les considérations étendues qui précèdent quelle 
place tient le maltose au point de vue physiologique. Se formant 
tout au moins d’une façon transitoire dans toute digestion 
d'amylacés, c’est un sucre alimentaire autrement important 
que le sucre de canne qui ne se rencontre qu'accidentellement 
dans nos aliments; je dirai même que le sucre de lait qui, chez 
les mammifères, n’entre dans l’alimentation que dans le jeune 
âge et n’est jamais consommé par les autres animaux. 

Le but que je me suis proposé en entreprenant ce travail était 
de rechercher si le maltose qui est, comme je l’ai déjà dit, un 
saccharose, ne peut être assimilé qu'après avoir été dédoublé en 
deux molécules de glucose, si ce dédoublement se fait quelque 
part dans le tube digestif, et par un des ferments solubles qu’on 
y rencontre; si les ferments figurés, la levûre, le ferment Jac- 
tique, les moisissures le dédoublent avant de le consommer; en 
un mot, s’il se comporte dans toutes les circonstances comme le 
sucre de canne. 

Le maltose dont je me suis servi a été préparé en suivant le 
procédé décrit par Soxhlet, et pour les détails je ne puis que 
renvoyer au mémoire original (1). Dans la purification, la pra- 
tique m'a enseigné un artifice qu'il me paraît utile de décrire; 
car 1l fait gagner beaucoup de temps. 

On introduit dans un ballon de deux litres 150 grammes de 
maltose impur sur lequel on verse 50 grammes d’eau bouillante. 
Le maltose se dissout en partie. On ajoute alors un litre d'alcool 
éthylique à 90°. On porte au bain-marie et on met en communi- 
cation avec un réfrigérant à reflux. On fait bouillir. Avec ces 
proportions la totalité du sucre se dissout. On filtre bouillant 
dans un premier vase et on laisse reposer pendant 8 à 10 heures. 


(1) Mémoire cité à la page 163. 


174 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


Il se dépose une petite quantité d’un sirop foncé en couleur, tan- 
dis que la solution se décolore. On décante dans un deuxième 
vase et on amorce avec quelques eristaux imprégnés d’alcool pro- 
venant d’une opération précédente. La cristallisation commence 
immédiatement et elle est terminée en 36 à 48 heures. On obtient 
ainsi 100 à 110 grammes de maltose entièrement blanc. Le mal- 
tose est pur au bout de trois eristallisations. 

Les propriétés du maltose ont été vérifiées avant son emploi, 
surtout en ce qui concerne le pouvoir rotatoire et le pouvoir ré- 
ducteur. L'examen polarimétrique fait à la lumière de sodium, 
avec un saccharimètre Laurent, et dans un tube de 20 centi- 
mètres, ma donné les résultats suivants pour la température 
de 18°5 : 

Poids du maltose desséché à 1100 = 32r 1174 


Volume de la solution., . . . . . — 50€c 093 
PR Dh ee 4 me | 0 2 eR =417° 98 


« répond à la déviation observée après un temps suffisant pour 
que le pouvoir rotatoire ait atteint son maximum. La formule : 


donne ainsi pour yaleur du pouvoir rotatoire à 18°,5, en solu- 
tion à 6,293 0/0 : 
« D — 138°4. 


On voit que ce chiffre est un peu plus faible que celui de Soxhlet 
et correspond plutôt à celui de Meissl. 

Dans le cours de mes recherches, j'ai eu surtout à faire des 
dosage de maltose par la liqueur de Fehling. M'appuyant sur 
les travaux de Soxhlet (1) et sur mon expérience personnelle, 
j'ai toujours étendu les liqueurs sucrées de telle sorte qu'elles 
renfermaient toujours de 0 gr. 5 à À gr. 5 de maltose pour 100. 
D'autre part je me suis servi de liqueur de Fehling étendue de 
trois fois son volume d’eau. Dans ces conditions, 5 cent. c. de 
liqueur de Febling correspondent à 0 gr. 0376 de maltose, Je 
n’ai pas cru devoir recourir au procédé de dosage préconisé 
par Soxhlet, ce procédé étant fort long, et mes recherches exi- 
geant de nombreux dosages. Il me semble néanmoins qu'en 


(1) Voir page 163, 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 175 


observant les précautions dont je viens de parler, j'ai éliminé la 
majeure partie des causes d'erreurs signalées à juste raison par 
ce chimiste comme inhérentes au procédé tel qu'il est pratiqué 
habituellement (1). 

Il me reste à faire une dernière observation. J'ai été entraîné 
à instituer quelques expériences qui paraîtront peut-être du do- 
maine de la chimie pure. Si je les publie à côté de celles qui 
ressortissent à la physiologie, c’est que j'estime que, dans cer- 
tains cas, il y a si près des conditions physiologiques à des con- 
ditions réalisables seulement dans le laboratoire, que la transi- 
tion est insensible. Exemple : le sucre de canne est dédoublé 
par de l'acide chlorhydrique dilué comme l’est l'acide du suc 
gastrique, et à la température du corps; le maltose ne l'est 
pas. Mais qu’on augmente la proportion d'acide, qu'on élève 
la température, on verra le maltose se. dédoubler également. 
On devait donc se demander à quelle distance les conditions 
physiques dans lesquelles il faut se placer pour obtenir un 
dédoublement apparent, sont des conditions physiologiques dans 
lesquelles l’examén chimique ne révèle pas de dédoublement. 
Les phénomènes de la chimie orgänique ne sont jamais brusques; 
ils sont lents, surtont dans l’économie, et une réaction à peine 
sensible dans un verre peut avoir une grande importance dans 
le corps lorsque cette réaction se poursuit sans cesse, favorisée 
qu’elle est par la disparition continue des produits formés. Sup- 
posons qu’il eût fallu une augmentation très faible d'acide pour 
rendre le dédoublement du maltose manifeste, on eût été fondé 
d’après ce que je viens de dire à admettre que, dans les condi- 
tions physiologiques, le maltose est dédoublé faiblement dans 
l’estomac et que ce dédoublement est à considérer dans l’en- 
semble des transformations que peut subir le maltose par la di- 
gestion. 

(1) Étant donnée une solution connuede maltose, qu’onexpose à une influence hydra- 
tante, on peut trouver la quantité de maltose dédoublé dans 100 ce. par un simple dosage à 
la liqueur de Fehling. En effet, soitn le nombre de centimètres cubes de solution sucrée né 
cessaire pour décolorer 5 cc. de liqueur cuivrique(—0 gr. 025 de glucose)et soitæla quan- 
tité de maltose transformé en glucose dans {00 ce. = le maltose transformé dans n cc. 


nz 180 


100 X TTÉ On aura donc, si 66 est le pouvoir réductif du 


| a 66 , 180nx 
maltose, et si ité primiti ge TT x ee 
n: , et si a est la quantité primitive p. 0/0 de maltose [OÙ X 100 * 17100 


qui constitue en glucose 


= ?5 milligrammes. 


176 E. BOUROUELOT. —— RECHERCHES 


2 1. — Action des acides de l’économie sur le maltose. 

Acide chlorhydrique. — CI. Bernard pensait déjà en 1855 (1) 
que le sucre de canne était dédoublé par le suc gastrique, en 
raison de l’acide que renferme ce dernier. D’après Béchamp, 
cette supposition est exacte (2). En effet, le suc gastrique même 
étendu de son volume d’eau intervertit rapidement le sucre de 
canne ; mais si ce suc est exactement saturé par le carbonate 
de soude, le sucre de canne reste inaltéré. 

L’analogie qui existe entre le sucre de canne et le maltose, m'a 
engagé à étudier comparativement l’action de l'acide chlorhy- 
drique dilué sur chacun de ces deux sucres à la température du 
corps (38° centigrades). 

On s’est servi pour cela de solutions sucrées renfermant 0 gr. 
50 centigr. de saccharose ou de maltose et 0 gr. 20 d'acide 
chlorhydrique 0/0. Le tableau suivant réunit les résultats ob- 
tenus (3): 


Durée de l’essai. Saccharon interverti  Maltose dédoublé. 


p. 0/0 de sucre. 

6 heures. 69.4 0 
192 — 86.2 0 
148 — 100 0 
36 … — | 100 0 


On voit que tandis que la totalité du sucre de canne peut être 
intervertie en un peu plus de 12 heures, le maltose reste inal- 
téré. Il faut en conclure que même si l’acide du suc gastrique 
est libre, il ne peut exercer aucune action sur le maltose. Si, au 
lieu d'acide chlorhydrique pur, on emploie du suc gastrique ar- 
tificiel on n’observe pas davantage le dédoublement du maltose. 

Une recherche particulière m’a d’ailleurs montré que si une 
solution de maltose à 0 gr. 50 p. 0/0 additionnée de 0 gr. 2 
p. 0/0 d’HCI, est portée en vase scellé à 110° pendant uneheure, 
71 p. 0/0 du sucre sont dédoublés. 

Acide lactique. — Deux solutions sucrées renfermant comme 
dans les recherches précédentes 0 gr. 50 de chacun des sucres 

(1) Lec. de phys. expérimentale, t. II, p. 314. 

(2) Les Microzymas, p. 314. 
(3) Un résumé de la partie la plus importante de ces recherches a été inséré aux 


Comptes rendus de l’Académie des sciences (décembre 1882, 5 novembre et 3 décem- 
bre 1883). 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 177 


furent additionnées de 0 gr. 493 d'acide lactique p. 0/0 (—0 gr. 2 
de HCI) et exposées à la température de 88° pendant 36 heures. 

Le maltose ne fut pas attaqué, tandis qu'il y eut 33, 33 p. 0/0 
du sucre de canne interverti. 

L’acide lactique est du reste loin d'exercer sur le maltose 
une action comparable à celle qu’exerce l’ acide chlorhydrique, 
puisque le maltose n’est même pas altéré si on porte la solution 
précédente à 110° pendant une demi-heure. 

Acide carbonique. -— Il y a quelques années, Lippmann (1) a 
étudié l’action de l’acide carbonique sur le sucre de canne et 
constaté qu’on peut intervertir ce sucre en totalité à l’aide de cet 
acide, à la condition d'opérer sous pression. Il y avait donc àre- 
chercher si de petites quantités d’acide carbonique, à la pres- 
sion ordinaire, peuvent exercer une action inversive soit sur le 
sucre de canne, soit sur le maltose. 

Pour cela on a introduit dans un ballon à long col 80 centim. c. 
d'une solution de sucre de canne à 1 p. 0/0. Le col ayant été 
ensuite effilé, on a fait passer dans le ballon un courant d’acide 
carbonique,bien lavé, à l’aide d’un tube presque capillaire descen- 
dant au fond du ballon, de manière à saturer la solution d’acide 
et à remplacer l’air plus léger par ce gaz. La partie effilée du 
col fut alors scellée à la lampe. 

Dans un deuxième ballon d’égale capacité, on a introduit 
80 cent. c. de la même solution sucrée et fermée à la lampe sans 
remplacer l'air par de l’acide carbonique. 

Enfin, dans un troisième ballon on a mis une solution de mal- 
tose qu’on a saturée d’acide carbonique de la même façon que 
pour le premier ballon. 

Ces ballons furent tous trois placés dans une étuve réglée à 
38°. Au bout de cinq jours, on a constaté que dans le ballon témoin 
(n°2) il n'y avait pas trace de sucre interverti. 

Dans le ballon n°1, 3.22 p. 0/0 du sucre de canne étaient in- 
tervertis. 

Dans le ballon n° 3, le maltose n'avait pas été attaqué. L’exa- 
men de l’action de l’acide carbonique sur les deux sucres a d’ail- 
leurs été poussé plus loin, et bien que cela ne soit plus d'ordre 
physiologique, je crois devoir publier les résultats auxquels je 


(1) Ed. v. Lippmann. Ueber die Inversion des Robrzuckers durch Kohlensaüre, und 
einige Eigenschaften des Invertzuckers. Ber. d. d. Chem. Gesells,t. XIII, p. 1822 (1880). 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. xx11 (1886). 12 


178 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


suis parvenu; rien de semblable n ayant été fait jusqu’à pré- 
sent. 

Pour étudier l’action de l'acide carbonique sous pression età 
différentes températures, on s’est servi d'un dispositif ana- 
logue (1) à ceux qu'on emploie dans l'étude des réactions py- 
rogénées au bain d'huile. Dans un tubeen verre de Bohème épais 
on versait tout d’abord une solution connue de l’un des sucres. 
On introduisait ensuite un tube à essai a renfermant une quan- 
tité exactement pesée, de bicarbonate de potasse pur et grossiè- 
rement pulvérisé. Le bicarbonate de potasse n’occupait pas plus 
du cinquième de la longueur du tube à essai. Il était surmonté 
d’un autre petit tube en verre b, renfermant de l'acide sulfu- 
rique au 1/3, et d'une longueur égale aux 2/5 du tube à essai a. 
Celui-ci était fermé par un tampon de coton préalablement trempé 
dans une dissolution de bicarbonate de soude puis desséché. Pour 
empêcher le tube à essai de s’enfoncer dans la solution sucrée, 
un agitateur en verre, de la longueur de la colonne liquide avait 
été placé dans cette solution, en sorte que le tube a venant s’ap- 
puyer sur l’agitateur, s’arrêtait juste à la surface de la solu - 
tion. 

Au moyen d'un tube assezcapillaire pour SRE passer entre 
le tube a et la paroi du tube épais, et assez long pour pouvoir 
pénétrer jusqu’au fond de la solution sucrée, on saturait celle-ci 
d'acide carbonique, qui en même temps chassait l'air de l’appa- 
reil et le remplaçait. 

Le tube ayant été fermé à la lampe, on l’inclinait avec pré- 
caution. L’acide sulfurique tombant sur le bicarbonate, celui-ci 
était décomposé, et l'acide carbonique ainsi mis en liberté we- 
nait augmenter la quantité et la pression de celui dont on avait 
rempli le tube à la pression ordinaire. Le tampon de coton laisse 
passer le gaz, mais empêche toute projection d’acide. Après la 
décomposition totale du bicarbonate, on pouvait porter Domi! 
à la température voulue. 

Connaissant la capacité du tube (déduction faite du volume 
occupé par l’agitateur et les parois des tubes intérieurs) ; con- 
naissant en outre le poids de bicarbonate de potasse et la tempé- 

(1) Cette étude a été faite au laboratoire de M. le professeur Yungfleisch, à l'Ecole 


de phamacie; M. Yungfleisch m’a donné dans cette recherche particulière, comme dans 
le cours de tout mon travail, de précieux conseils. Je l’en remercie:sincèrement, 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 1 79 


rature de l'expérience, on a toutes les données suffisantes pour 
déterminer la pression de l’acide carbonique à cette tempéra- 
ture. 

Les essais ont été poussés, la pression étant à 15-18° de 5 
athmosphères 1/10 jusqu’à la température de 100°. 

Le tableau qui suit résume les résultats. Les solutions renfer- 
maient 4 gr. de sucre p. 0/0, sauf celles qui ont servi dans les 
deux dernières expériences qui étaient à 2 p. 0/0. 


Saccharose Maltose 


Pression à 15°-180. Température Durée interverti dédoublé 
de l’essai. de l’essai, p. 0/0. p. 0/0. 

etes 38° 120 heures. 3,22 0 

3 athmosp.. . . . 150 144  — 1,60 -— 

} LE an" re 19 0 

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Ainsi en chauffant une solution de maltose à 100°, et sous une 
pression d'acide carbonique qui à cette température dépasse 6 
atmosphères, le maltose n’est pas altéré. 

L'action d’autres acides organiques a été également examinée, 
mais je ne puis entrer ici dans des détails à cet égard; j'indiquerai 
seulement que l'acide oxalique, à la dose de 1 p. 0/0 dédouble 
des proportions assez élevées de maltose à 110° (31.8 p. 0/0 en 
une demi-heure). Il y a évidemment à rapprocher ce fait de la 
saccharification assez rapide de l’amidon par le même acide {1) 
étudiée récemment par Salomon. 

En résamé on voit que la résistance du maltose à l’action des 
acides est infiniment plus grande que celle du sucre de canne. 
S'il y a lieu d'admettre que des proportions notables de ce der- 
nier sont interverties dans l'estomac, et de supposer que des pro- 
portions infiniment moindres peuvent être interverties dans le 
sang par l'acide carbonique, il est évident aus le maltose est inal- 
térable sous ces influences. 


8 2. — Action des ferments solubles et des sucs digestifs 
sur le maltose. 


Invertine, — En raison des analogies qui existent entre le 
sucre de canne etle maltose, le premier ferment soluble à essayer 


(1) Ann. de Chim. et de Phys., 1885, t. IV (6). 


180 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


était l’invertine qui dédouble le sucre de canne avec une grande 
rapidité. 

La solution d’invertine qui a servi dans mes recherches était 
préparée d’après le procédé suivant : 250 gr. de levüre fraîche 
sont délayés dans 500 cc. d’eau, puis essorés à la trompe. La 
levûre est alors mélangée à deux cents grammes de sable lavé; 
puis le tout est additionné de 500 cc. d’alcool à 90 et jeté sur un 
filtre. On fait ensuite sécher à une température inférieure à 40°. 
On obtient environ 250 gr. de poudre qu’on conserve dans un 
flacon bien bouché. 

Pour l'usage, 10 gr. de ce produit (correspondant à 10 gr. de 
levûre fraîche) sont mis à macérer dans 50 cent. d’eau distillée 
pendant une heure, puis jetés sur un filtre. On obtient ainsi une 
solution d'invertine claire et intervertissant rapidement le sucre 
de canne. 


EXPÉRIENCE [. — Solution de maltose à 0 gr. 50 p. 0/0. 20 cc. 
Solution d'inffertine. . 45. 2.» D 0 


On laisse réagir 18 heures à la température de 16°. Au bout de ce temps, 
le pouvoir réducteur du mélange ne s’était pas accru. Il y a donc lieu de con- 
clure que l’invertine n’exerce aucune action hydratante sur le maltose. 


Diastase. — D'après De Méring (1), la diastase n’agit pas sur 
le maltose lorsque le contact ne dure pas longtemps; mais elle 
le dédouble à ia longue. 


Exe. II. — Solution de maltose à 0 gr. 50 p. 0/0.. 50 cc. 
Solution de diastase (10 centigr.). . . . 410 cc. 


On maintient pendant 4 heures à 35°. Le liquide est devenu légèrement 
acide. Son pouvoir réducteur n’a pas changé sensiblement. Il n’y a donc pas eu 
de dédoublement. 


Exr. III. — Solution de maltose à 6 gr. 223 p. 0/0. 90 cc. 
Solution de diastase (0 gr. 10 cent.) 920 cc. 
Chloroforme 15 gouttes. 


Au bout de 24 heures à 18°, pas de changement. 


Salive. — D’après de Méring, la salive n’altère pas le maltose 
dans un temps court, mais le dédouble lentement si on prolonge 
le contact. 


(1) Mémoire déjà cité. Zeütsch. f. physiol. Chemie, t. V, p. 185. 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 181 


Exe. IV. — Deux essais ont été préparés en mélangeant : 


Solution de maltose à 0 gr. 50 p. 0/0.. . . . . 20 cc. 
CO RE 0. . Aeteue n e + © 90 cc. 


L'un de ces essais a été abandonné à la température du laboratoire (16°) pen- 
dant 48 heures. Le liquide s’est à peine troublé : il est légèrement acide; le 
pouvoir réducteur n’a pas changé. Si le maltose avait été dédoublé ; le pouvoir 
réducteur aurait augmenté. 

Le deuxième essai a été maintenu pendant 18 heures à 40°. Le liquide s’est 
fortement troublé, il était rempli de bactéries et acide. Néanmoins le pouvoir 
réducteur n’a pas sensiblement changé. 

Il n’ya donc eu d'action dans aucun cas. 


Salive et acide carbonique. 


Exr. V. — On met dans un matras : 


Solution de maltose à 0,5 p. 0/0... ...... 50 cc. 
SAVE HONDA 0 Te d'CU: 


On faitle vide dans le matras, et on laisse rentrer de l’acide carbonique après 
quoi on ferme à la lampe (le col du matras avait été étiré avant de faire le vide). 
On porte à 40° pendant 18 heures. Le maltose n’est pas dédoublé. 

Le liquide est absolument limpide, et l'examen microscopique ne révèle la 
présence d’aucune bactérie. Or, l’exp. V a été faite avec les mêmes liquides 
que le deuxième essai de l’exp. IV. Il faut donc en conclure que l'acide car- 
bonique s’oppose au développement des bactéries — tout au moins de certaines 
bactéries. 


Salive et invertine. — On pouvaitse demander si l'association 
de deux ferments ne donnerait pas naissance à quelque chose 
de différent de ce qui précède. 


Exp. VI. — Solution de maltose à 0,5 p. 0/0. 90 ce. 
Solution d’invertine. . . . . . . Dec. 
1). Lt SAONE ESA bec! 


Le mélange est maintenu à 36° pendant 12 heures. Le maltose n’est pas dé- 
doublé. Le liquide s’est peuplé de bactéries. Il est acide. 


ES 


Suc pancréatique. 


Exr. VII. — Le pancréas d’un lapin à jeun depuis la veille, est découpé ct 
mis à macérer dans l’eau distillée pendant 4 heures. On filtre et on ajoute une 
portion du liquide filtré. 

A. A de l’empois d’amidon. On expose à la température de 32° pendant 14 
heures. L’empois est entièrement saccharifié. 

B. A0 cent. c. d’une solution de maltose à 2 p. 0/0, température de 52° pen- 
dant 44 heures. Le liquide est envahi par les bactéries; une petite portion de 
maltose a disparu, consommé par celles-ci ; mais il n’y a pas trace de glucose. 


189 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


Exp. VIII. — On découpe le pancréas d’un lapin en digestion, on le met à 
macérer dans de l’alcool à 92° pendant une demi-heure. On jette sur un filtre. 
Après écoulement de l’alcool on fait macérer le pancréas dans de l’eau dis- 
tillée pendant trois heures, et on sépare la solution aqueuse par filtration. 

A. 10 cent. c. de liquide pancréatique sont additionnés de 10 cent. e. de 
solution de maltose à 2 p. 0/0. Dix-huit heures de contact à la température 
de 48. Le liquide est devenu très légèrement acide, et s’est un peu troublé. 
A l'analyse on trouve que 1/10 environ du maltose a été transformé en glu- 
cose. 

B, 10 cent. c. du même liquide pancréatique sont additionnés @e 10 cent. c. 
de solution de saccharose à 2 0/0. Après dix-huit heures du contact à 48°, on 
essaie à la liqueur de Fehling, et on n’observe pas de réduction. Le sucre de 
canne n’a donc pas été interverti. Puisque le maltose l’a été partiellement, il 
faut admettre que le ferment qui agit sur le maltose n’a pas d'action sur le 
saccharose. La réciproque a déjà été démontrée. 


Liquide intestinal. — Brown et Héron (1) ont fait sur ce liquide 
des recherches assez étendues. J'ai varié moi-même mes expé- 
riences de différentes façons en raison de quelques faits difficile- 
ment explicables au premier abord. À supposer que le liquide 
secrété par l’intestin fût actif sur le maltose, on devait déjà s’at- 
tendre à trouver des variations de cette activité suivant la por- 
tion de l'intestin considérée. Aussi dans mes recherches, ai-je 
toujours fait trois essais parallèles portant sur trois portions bien 
déterminées de l’intestin. 


Exp. IX. — A. Dans une solution de maltose à 0 gr. 35 p. 0/0 on a mis 
macérer une portion d’intestin de lapin à jeun. Cette portion avait été prise au 
voisinage du pylore et lavée par un courant d’eau. Le maltose n’a pas été sen- 
siblement altéré. — Température 18°. Durée du contact 24 heures. 

B. Dans une autre solution au même titre, on a mis un morceau du même 
intestin pris à À mètre du pylore : soit à 70 centim. environ de l’endroit où 
débouche le canal pancréatique. Température 18°. Durée de l'expérience 24 
heures. Le maltose a été en partie dédoublé (20 p. 0/0). 

C. Une troisième portion de l'intestin rapprochée du cœcum a été ajoutée à 
une solution de maltose. — Même température, même durée de l'expérience. 
— Maltose dédoublé : 11 p. 0/0. Cette expérience a été répétée avec l'intestin 
d'un lapin en digestion. En même temps, on a essayé l’action des mêmes por- 
tions de l’intestin sur une solution de sucre de canne. La solution de maïtose 
était à 0 gr. 44 pour 0/0, celle de saccharose à 0 gr. 50. Température 18. 

Exe. X. — 4. Morceau d’intestin faisant suite à l'estomac. — Le maltose 
n’était pas altéré. Le ‘saccharose était partiellement interverti. — Durée 18 
heures. 


(1) Brown et Héron. Ucber die hydrolitischen Wirkungen des Pankreas und des 
Dünndarms. Ann. d. Chemie ünd. Pharm., t. CCIV, p. 228. 1880. 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 183 


B. Portion médiane de l'intestin grêle. 70 p. 0/0 du maltose ont été dédou- 
blés en 48 heures. Le saccharose était entièrement interverti. 

C. Dernière portion de l'intestin grêle avec première portion du gros intes- 
tin. Ni le maltose ni le saccharose n’ont été altérés. 

Les portions d’intestin employées avaient été lavées préalablement. Dans 
tous les cas, il y a eu un grand développement de bactéries. 

Exr. XI. — Dans cette expérience le morceau d’intestin pris dans la région 
moyenne, a d’abord été lavé par un courant d’eau, puis lié par un bout de fa- 
çon à constituer une sorte de vase. On l’a rempli ensuite d’une solution de 
maltose à 4 gr. 90 p. 0/0. Au bout de 12 heures, la température était de 18, 
on a constaté que 7 p. 0/0 du maltose étaient transformés en glucose. Il y a 
eu également développement de bactéries. 

Dans toutes les expériences qui viennent d’être exposées, l’in- 
testin était directement en contact avec la solution sucrée. J’es- 
pérais ainsi être dans les conditions les plus favorables à une 
action fermentaire. Cl. Bernard (1), en effet, en traitant de la 
propriété inversive du suc intestinal, insiste sur ce point que le 
suc obtenu par macération, agit plus lentement que le contact 
de la membrane muqueuse intestinale. 

Mais on pouvait supposer que l’action observée était déter- 
minée par les tissus, sans qu’il y eût l'intervention d’un ferment 
soluble. La question, méritant d’être examinée, j'ai effectué des 
expériences conduites autrement que celles qui précèdent. L’in- 
testin était mis à macérer dans l’eau pendant un temps conve- 
nable. Le produit était jeté sur un filtre en papier ou sur du co- 
tou, et le liquide filtré mélangé à la solution sucrée. 


- Exp. XII. — Lapin à jeun. — On sépare un mètre d’intestin grêle; on le 
nettoie à l’aide d’un courant d’eau, on le découpe et on le met à macérer dans 
l’eau pendant deux heures (température — 18°). On filtre sur papier. Produit 
obtenu : 400 cent. c. 

Ce liquide ne réduit pas la liqueur cupro-potassique; il ne renferme donc pas 
de sucre. | 

A. 15 cent. c. sont mélangés à 40 c. c. de solution de maltose à 2 p. 0/0. 
Au bout de 44 heures d’exposition à la température de 360, il y a 24 p. 0/0 
de maltose transformé en glucose. 

B. 15 c. c. sont mélangés à 10 c. c. de solution de saccharose à 2 p. 0/0. 
Même température, même durée que pour À. 

Saccharose interverti 29 p. 0/0. 


Exp. XIII. — Lapin en digestion. — On découpe un morceau d'intestin 
grêlé pris à partir du pylore et long de 4,30; et on le met à macérer dans 


(1) Leçons sur le diabète! p. 260. 


184 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


100 c. c. d’eau distillée pendant 2 heures 1/2. On filtre à la trompe sur une 
bourre de coton placée dans un entonnoir. Le liquide est limpide. 

A. 15 cent. c. sont ajoutés à 10 cent. c. de solution de sucre de canne à 2 
p. 0/0. On met dans une étuve réglée à 36° pendant 18 heures. Saccharose 
interverti 38 p. 0/0. 


B. 15 cent. c. sont ajoutés à 10 cent. c. de solution de maltose à 2 p. 0/0. 
18 heures à 36°. Maltose dédoublé 67.7 p. 0/0. 


Dans les expériences précédentes, les liquides ont toujours 
été envahis par les bactéries; mais cet envahissement a surtout 
été remarquable dans l'essai suivant. 


Exp. XIV. — On fait une macération aqueuse avec la plus grande partie de 
l'intestin grêle d’un lapin en digestion et on en retire un suc intestinal assez 
clair par filtration. . 

On mélange 30 cent; c. de ce liquide avec 30 c. c. de solution de maltose 
à 2 p. 0/0. Température 48. 


1° Examen après 20 heures. — Maltose dédoublé. 37.5 p. 0/0 
20 — 4h  — — .…. 85 — 


Les bactéries qui avaient envahi le liquide dès les premières heures se sont 
pendant la deuxième journée rassemblées en un nuage floconneux qui n’a pas 
tardé à se précipiter au fond du ballon. 


Ainsi, il a été établi successivement: 1° que l'intestin grêle, et 
en particulier la partie moyenne de cet intestin possède la pro- 
priété de dédoubler le maltose; 2° que ce dédoublement n'est 
pas déterminé par les tissus en tant que tissus, mais plutôt par 
un ferment soluble, produit par eux, puisque la macération 
aqueuse filtrée de l'intestin agit aussi énergiquement que l’in- 
testin lui-même. 

Cependant, cette dernière proposition pouvait être combattue 
en s'appuyant sur ce fait que dans toutes les expériences rela- 
tives à cette étude, il y a eu un développement considérable 
d'infiniments petits. On pouvait dire que le dédoublement était 
produit ou par ces organismes ou par un ferment sécrété par 
eux. Il fallait donc trouver un moyen de les éliminer. 

On a conseillé depuis longtemps dans des circonstances ana- 
logues l'emploi des filtres en terre poreuse. J’ai en effet institué 
une série de recherches, dans lesquelles le liquide obtenu par 
macération aqueuse de l'intestin était filtré soit au travers d’un 
vase à pile, soit à travers le tuyau de pipe adapté au ballon 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE, 185 


de Pasteur. Le liquide ainsi privé de germes (1) était mélangé à 
la solution sucrée en prenant les précautions usitées en pareil cas. 


Exe. XV. — On prend un mètre de l'intestin grêle d’un lapin à 25 centim. 
à partir du pylore. On le lave par un courant d’eau. On le découpe et on le 
met à macérer pendant 42 heures à la température du laboratoire dans de l’eau 
distiilée. On filtre les liquides à travers un vase à pile. 

On mélange 40 cent. c. du liquide filtré avec 50 cent. c. de solution de mal- 
tose à 4 p. 0/0, et on abandonne à la température du laboratoire (18°) pen- 
dant 24 heures. Le maltose n’a pas été altéré. 


Exp. XVI. — On s’est servi dans cette expérience de l'appareil Pasteur, 
c'est-à-dire que le suc intestinal artificiel a été filtré à travers un tuyau de 
pipe. 

A. 95 cent. c. de liquide ainsi filtré sont additionnés de 10 c. c. de solution 
à 2 p. 0/0. On abandonne le mélange 12 heures à 22°, puis 6 heures à 36°. 

Maltose dédoublé 5 p. 0/0. 

4’. 15c. c. du suc intestinal non filtré ont élé également mélangés à 10 c.c. 
de maltose à 2 p. 0/0. — 18 heures à 36°. 

Maltose dédoublé — 67.7 p. 0/0. 

B. 15 cent. c. de liquide filtré au tuyau de pipe sont mélangés à 40 c. c. de 
solution de saccharose à 2 p. 0/0. On abandonne 12 heures à 22° et 6 heures 
à 36°. 

Saccharose interverti = 0. 

B'. Comme en 4’, le sucre étant du saccharose, 

Saccharose interverti — 38 p. 0/0 (2). 

Exe. XVII. — Répétition de l'expérience qui précède avec l'intestin d'un 
autre lapin. 


A  Maltose dédoublé : 0 durée : 12 h. à 22, puis 7 h. à 36°. 


A — 24 p. 0/0, durée : 14h. à 36°. 
B Saccharose interverti : 8.5 p. 0/0, durée : 19 h. à 220, puis 7 h. à 36°. 
B’ — 29 p. 0/0, durée : 14 h, à 36° (3). 


L'examen des résultats obtenus dans les trois dernières expé- 
riences paraît démontrer que les bactéries jouent un rôle impor- 
tant dans l’hydratation des deux sucres. On y voit en effet qu’un 
suc intestinal d'une activité incontestable lorsqu'il n’a pas été 
filtré, devient inactif ou presqu’inactif lorsqu'il a passé à travers 
Ja terre poreuse, c’est-à-dire lorsqu'il a été dépouillé des germes, 


(1) Nous avons montré, M. Galippe et moi dans quelles conditions les microorga- 
nismes peuvent traverser le filtre. Comptes-rendus de la Société de Biologie. Série 8, 
t. I, p.111 et 120. 1885. 

(?) Cette expérience a été faite en même temps que l’exp. XIE. 

(3) Gette expérience a été faite en même temps que l’exp. XI. 


186 E. PBOURQUELOT. — RECHERCHES 


quien se multipliant venaient envahir les liquides des ex périences 
décrites antérieurement. 

J'aurais probablement conclu dans ce sens si je n’avais ren- 
contré dans la littérature physiologique plusieurs observations 
conduisant à une interprétation différente de celle qui me pa- 
raissait certaine au premier abord. Je veux parler des observations 
qui tendent à faire supposer que les ferments solubles sont ar- 
rêtés ou en partie arrêtés par les cloisons en terre poreuse. Si 
cet arrêt a lieu, non seulement on élimine les microorganismes 
en ayant recours à ce mode de purification, mais encore, on se 
débarrasse de l’agent qu’il serait important de conserver. 

Les faits se rapportant à cette question sont encore peu nom- 
breux, et ils n’ont pas été que je sache rassemblés jusqu’à pré- 
sent. Je vais donc essayer de les mettre en relief. 

D’après Külz (1) si on filtre le suc gastrique même à l’aide du 
papier, ce suc perd de ses propriétés. Charles Richet (2) parlant 
du suc gastrique des poissons dit qu'il semble que la filtration 
lui enlève de son activité. 

D’après William Roberts (3) Le liquide provenant de la macé- 
ration d'une portion de l'intestin grêle dans l’eau, jouit de la 
propriété d’intervertir le sucre de canne, tandis que ce même 
liquide filtré à travers du papier jusqu'à clarification complète 
ne possède plus cette action. «Il semble, ajoute-t-il, que le fer- 
ment inversif ne se dissout pas complètement, ou même ne se 
dissout pas du tout. 

Brown et Héron (4) ont constaté que l'extrait de malt qui a 
été filtré à travers une paroi d'argile non vitrifié est sans action 
diastasique, et ne renferme aucun corps albuminoïde coagu- 
lable. 

Pour Cazeneuve (5) le filtre en plâtre retient les matières albu- 
minoïdes et les ferments solubles. Le filtre en porcelaine ne 
présente pas le même inconvénient. 


(1) Deutsch Zeitschr. fur prack. Medicin, 1875, no 27. Cité par Ch. Richet. 

(2) Charles Richet. Du suc gastrique. Thèse pour le Doctorat ès-sciences, p. 69. 

(3) William Roberts. Les ferments digestifs. — Traduction française. 

(4) Brown et Héron. Beiträge zur Kentniss des Stärke und des Umwandlungen der- 
selben. Ber. d. d Chem. Gesellsch. 12, p. 1477. 

(5) Cazeneuve. Observations critiques sur l'emploi des filtres de plâtre pour stériliser 
les liquides à ferments. Bull. de la Soc. chim. de Paris, t. XLII, p. 89. 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 187 


Enfin d’après Hartley (1) les substances albuminoïdes sont in- 
capables de filtrer sous pression à travers un vase en terre po- 
reuse (2). 

Je n’ai fait pour ma part qu’un seul essai dans cette voie. J’ai 
étendu de la salive avec de l’eau; j'en ai conservé une partie et 
j'ai filtré le reste à l’aide de l’appareil à tuyau de pipe. 5 cent. 
ce. de la salive filtrée furent mélangés à 50 cent. c. d'empois 
d'amidon liquide; au bout de 18 heures le mélange avait acquis 
un pouvoir réducteur de 46. Cinq cent. c. de salive non filtrée 
avaient communiqué, pendant le même temps, à la même quan- 
tité d’empois un pouvoir réducteur de 52. 

Il faut donc admettre que le filtre retient une partie du fer- 
ment. Peut-être Y a-t-1l là une sorte de fixation, comparable à 
la fixation des matières colorantes par le RE animal, ou 
encore des matières albuminoïdes par ce même charbon ani- 
mal (3). Dans cette hypothèse, l’arrêt ne serait pas indéfini. La 
paroi filtrante une fois saturée par la matière albuminoïde lais- 
serait passer celle-ci à la filtration, comme du charbon animal, 
une fois saturé par une matière colorante, se trouve incapable 
d’en absorber de nouvelles quantités. 

Quoiqu'il en soit, en raison de ce qui précède, une certaine 
incertitude s’attache à l’emploi du filtre en terre poreuse. J'ai 
donc dû chercher dans une autre direction pour répondre à la 
question qui s’est posée d'elle-même dans le cours de mes re- 
cherches sur le liquide intestinal : « Les bactéries sont-elles la 
cause du dédoublement des deux sucres. » 


Exe. XVIII. — On se rappelle que dans l’expérience XIV les bactéries ont 
pris un développement considérable, et que le dédoublement du maltose a été 
presque complet. On s’est servi de ces bactéries pour ensemencer une deuxième 
solution de maltose à 4 p. 0/0. Cette solution avait été faite dans du bouillon 
de levüre et stérilisée à 1000 pendant une demi-heure. Le liquide placé dans 
une étuve réglée à 35° s’est troublé rapidement. Après 24 heures, on a con- 


(1) Leçons sur la fermentation par Hartley. Traduit de l'anglais. Moniteur scienti- 
fique, t. XV [3], 1885, p. 45. 

(2) Je dois dire que M. Duclaux a vu que la présure reste active après filtration au 
travers de la porcelaine dégourdie (Microbiologie, p. 154). Je ne crois pas cependant 
qu’il ait fait à cet égard de recherches quantitatives. 

(3) Voir CI. Bernard. Leg. de physiologie exp. appliquée à la médecine, t. I, p. 52, 
1854. Cette propriété du charbon animal a été l’objet d’un nouvel examen de la part 
de MM. Bochefontaine et Marcus. Compt. rend. des Séances de la Société de Biologie 
EE, IS DE 120. 


188 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


staté que le maltose n’avait pas été altéré. Après 48 heures, la proportion de 
maltose avait un peu diminué mais le sucre n’était pas dédoublé. 


Une expérience analogue a été faite avec du sucre de canne. 
Après 24 heures d'exposition à la température de 35° il y avait 
4 centigr. de sucre réducteur dans 100 cent. c. de la solution 
sucrée qui avait été faite à 1 gr. p. 0/0. 

Il ressort de cette expérience que la bactérie n’était pour rien 
dans le dédoublement du maltose observé dans l’exp. XIV. On 
se trouve donc obligé d'admettre la production dans l'intestin et 
surtout dans la portion moyenne de l'intestin, d’un ferment so- 
luble capable de dédoubler le maltose. Comme j'ai démontré 
chemin faisant que le sucre de canne est interverti également 
par le suc intestinal, que le ferment qui détermine cette inter- 
version est différent de celui qui dédouble le maltose on voit que 
l'intestin doit sécréter deux ferments. Le ferment du sucre de 
canne est l’invertine, et je vais donner les raisons qui me font 
supposer, malgré mes insuccès, que le ferment du maltose est 
la diastase elle-même, c’est-à-dire le ferment à l’aide duquel ce 
sucre a été préparé. 

En premier lieu, l’exp. VIlInous a montré que le suc pancréa- 
tique jouit à un faible degré de la propriété de dédoubler le mal- 
tose, et le suc pancréatique renferme de la diastase. 

En second lieu il y a longtemps que CI. Bernard a démontré 
que le liquide intestinal saccharifie l’amidon (1). Ce liquide ren- 
ferme donc aussi de la diastase. 

En troisième lieu, De Méring et d’autres chimistes ont trouvé 
que la diastase dédouble lentement le maltose. Un résultat po- 
sitif doit être accepté de préférence à un résultat négatif. 

Lorsqu'on ajoute de la diastase à de l’empois d’amidon, on 
ajoute aussi des germes de bactéries. Parallèlement à la fermen- 
tation diastasique, se produit une fermentation lactique. Or, 
comme je l’ai établi (2), comme l’a établi Kjéldah], de petites 
proportions d'acides arrêtent l’action de la diastase. Il me paraît 
beaucoup plus logique d’attribuer l'arrêt de l’action diastasique 
sur l’empois avant l'achèvement de la réaction, à ce qu’à un cer- 
tain moment la quantité d’acide lactique formé est suffisante 


(1) Leçons de Phys. exp. t. IT, p. 416 et 163. 
(2) Journ. de Pharm. et de Chim., t. X, 5e série, p. 184, 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 189 


pour annihiler le ferment. Payen l'attribuait à l'accumulation 
des produits de la réaction; mais Kjéldahl a montré qu’il n’en 
était rien. 

D'autre part, le dédoublement du maltose est plus difficile à 
produire que les réactions constituant les premières phases de 
la saccharification. On comprend dès lôrs que des quantités ex- 
trêmement faibles d’acide l’empêchent absolument. 


2 3. — Injections de maltose dans le sang. 


Ainsi, le maltose provenant de la digestion des féculents peut 
être dédoublé dans l'intestin grêle (1). Maïs ce sucre n'est pus 
comme l’amidon incapable de dialyser à travers les membranes; 
il dyalyse même assez rapidement. On peut donc concevoir qu'il 
soit directement absorbé. En tout cas, on peut admettre comme 
vraisemblable, étant donnée la grande quantité de ce sucre formée 
à la fois, et sa résistance à l’action fermentaire, qu'il en passe 
une partie dans les vaisseaux. 

Pour résoudre directement la question, il aurait fallu séparer 
le sucre du sang d’un animal en digestion et l’analyser, afin de 
savoir si ce sucre était du maltose. J’ai fait plus haut la critique de 
tous les travaux qui ont été effectués dans cesens,etmontréqu'au- 
cun d’entre eux n’a de valeur absolue. J'ai essayé moi-même, en 
collaboration avec M. Dastre de séparer le sucre du sang. Bien 
que nous ayons opéré sur cinq litres de sang reçu immédiate- 
ment dans l’alcool, le procédé que nous avons employé n'a pas 
donné de résultat. 

Mais il y avait un moyen indirect d'aborder le problème. On 
pouvait, en exécutantdesexpériencesanalogues à celles qu'a faites 
CI. Bernard avec le sucre de canne, c’est-à-dire en injectant des 
solutions convenablement diluées de maltose dans les vaisseaux, 
on pouvait, dis-je, s’assurer si le maltose ainsi mêlé artificielle- 
ment au sang était assimilé, ou se retrouvait inaltéré dans 
l'urine, ce qui est le cas pour le sucre de canne. 


Les travaux de CI. Bernard ont démontré que les sucres non 
assimilables (sucre de canne) injectés dans le sang, ont deux 


(1) CL. Bernard avait déjà montré que le gros intestin est sans action sur le sucre de 
canne : Leç. sur le Diabète, p. 260. 


190 -E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


voies éliminatoires, qui sont les reins d’une part et la muqueuse 
stomacale de l’autre (1). Mais comme il n’y a véritable sécrétion 
de la muqueuse gastrique qu’au moment de la digestion, on 
voit qu'en expérimentant sur un animal à jeun, on n’a plus 
qu'une porte de sortie qui est le rein. Il n’y a pas dans ce cas 
de matière sucrée perdue pour l’expérimentateur. 

Lorsqu'on injecte un sucre assimilable, s’il est en excès, l’ex- 
cès s’élimine également par l'urine. On peut donc l’étudier 
aussi quand il a traversé l’économie, et voir si le sucre qui reste 
a subi dans son parcours quelque transformation. 

C’est en ne perdant pas de vue ces indications que nous avons 
entrepris, M. Dastre et moi, une étude de l’assimilabilité du mal- 
tose par les injections. Dans cette étude, trois expériences seule- 
ment se rapportent à mon sujet. Les résultats qu’elles nous ont 
donnés ont déjà été publiés (2). Néanmoïns, je les exposerai 
avec quelques détails. 


EXPÉRIENCE [. — On injecte dans l’artère carotide gauche d’un chien à 
jeun 3 gr. 04 de maltose en solution dans 16 cent. c. de liquide. 

On met environ 5 minutes à faire l'injection. 

L’urine du chien examinée avant l’opération ne renfermait point de sucre. 

On recueille en 4 heure 45 minutes 37 cent. c. à d'urine. 

La liqueur de Fehling, dont on s’est servi pour l’analyse de l'urine, était 
titrée de telle sorte que 5 cent. c. étaient entièrement décolorés par 0.0376 
de maltose. 

L’urine recueillie renferme du sucre réducteur. On dose ce dernier comme 
maltose, et on trouve ainsi que l'urine totale doit renfermer 0 gr. 683 de mal- 
tose. 

Pour savoir si ce sucre est bien du maltose, on prend une portion de l'urine, 
on l'additienne de 1 p. 0/0 d’acide sulfurique; on l’introduit dans un ballon 
qui est scellé et porté à 105°-106° pendant une heure. Des expériences particu- 
culières m'ont démontré que dans ces conditions, le maltose est entièrement 
dédoublé. Il ne peut donc y avoir dans le ballon, après cette opération, que 
du glucose. On fait alors un nouveau dosage et on trouve pour les 37 ce. 
d'urine 0 gr. 722 de glucose. Or, les 0 gr. 683 de maltose supposés dans le 
premier dosage, doivent donner, d’après la formule 


C24H22022? + H?202 — 2C12H12012 
0 gr. 748 de glucose. — Chiffre sensiblement identique à 0 gr: 722. 
Cette expérience prouve 4° que sur 3 gr. 04 de maltose 
(1) Leçons de physiol. expérimentale, t. 1, p. 303. 1854, 


(2) De l’Assimilation du Maltose; par MM. À, Dastre et Em. Bourquelot. Coni ptes 
rendus, t. XCVIII, p. 1604. | 


SUR LES PROPRIÈTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 191 


L gr. 683 seulement n'ont pas été assimilés, soit : 22.46 p. 0/0; 
2° que le sucre non assimilé est du maltose non altéré (1). 

Deux autres injections ont été faites de la même manière : 
l’une dans une veine saphène, l’autre dans la carotide droite. 
Il suffira d'indiquer sommairement les points saillants de ces 
expériences. 


ExP.. Il. — Chien à jeun. 
Vaisseau injecté : veine saphène. 
Maltose injecté — 3 gr. (15 cc.). 
Durée de l'injection — 5 minutes. 
Urine recueillie en 1 heure 55 minutes : 42 ce. 
Sucre dosé comme maltose — 1 gr. 82. 
Glucose obtenu par SO3 : 1 gr. 89. 


Or 1 gr. 82 de maltose doivent donner 1 gr. 91 de glucose. On a donc bien 
affaire à du maltose, et on voit qu'il en reste 60.6 p. 0/0. 


Exr. III. — Chien à jeun. 


Vaisseau injecté : carotide droite. 

Maltose injecté — 3 gr. 80. 

Durée de l’injection — 10°. 

Urine recueillie en 6 heures : 45 ce. 

Maltose retrouvé : gr. 922, soit 24.26 p. 0/0. 


Rien ne s'oppose donc à admettre qu’une partie du maltose 
formé dans la digestion passe directement dans le sang, puisque 
ce sucre est manifestement assimilable. Mais, même lorsque le 
maltose est détruit dans le sang, la destruction est-elle précédée 
par un dédoublement en glucose? Si l’on admet que la diastase 
est le ferment soluble qui dédouble le maltose, l'hypothèse d’un 
dédoublement préalable trouve un appui dans ce fait que le 
sang renferme de la diastase. 

En effet, Magendie et CI. Bernard ont fait depuis longtemps 
Ja remarque que Île sérum du sang saccharifie l’amidon (2), Il a 
même fait des injections d’amidon soluble et de glycogène dans 
le sang et constaté que l’urine de l’animal injecté renfermait 
du sucre (3). Mais en présence de ce fait qu'après injection de 


(1) Cette deuxième proposition a été également énoncée par Philipps. Over maltose 
en hare omzetting tot glucose binnen het dierlijk organismus. Diss. Amsterdam, 
1881. , 

(2) Lec. de physiol. expérim., t, II, p. 163. Liquides de l'organisme, t. 1, p. 498. 
(3) Leçons sur le diabète, p. 539, 


192 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


maltose dans le sang on ne trouve pas de glucose dans l’urine, 
il faudrait supposer en outre que le glucose provenant du dé- 
doublement du maltose est consommé immédiatement. 

J'aurai plus loin, à propos de la fermentation alcoolique du 
maltose, l’occasion de revenir sur ce point. | 


2 4 — Consommation du maltose par quelques champignons 
inférieurs, 


Dans ces dernières années, la biologie des végétaux inférieurs 
a fait de grands progrès, en raison surtout de la propriété qu’ils 
possèdent de se développer dans des milieux artificiels. Cette 
circonstance permet d'introduire à volonté dans un milieu connu 
une substance alimentaire bien déterminée et de la suivre dans 
les altérations qu’elle subit sous l'influence des manifestations 
vitales de l'être qu’elle nourrit. Sous ce rapport l’Aspergillus 
niger et le Pemicillium glaucum présentent de grands avantages. 
La facilité avec laquelle on se procure ces champignons à l’état 
de pureté et dans des conditions convenables permet de faire 
avec eux des essais très variés. 

Aspergillus niger. — Cette moisissure appartient à l'ordre des 
champignons ascomycètes, c’est-à-dire que ses spores sont ren- 
fermées dans un sac (asque). Mais outre la forme ascosporée, 
elle présente un état conidifère. C’est même dans cet état qu’on 
la rencontre d'ordinaire, et en particulier lorsqu'on la cultive 
sur du liquide de Raulin. Elle se développe spontanément sur 
des tranches de citrons. Ensemencée dans le liquide de Raulin, 
contenu dans une cuvette plate, elle fournit à la surface du 
liquide un thalle composé de nombreux filaments rameux et 
cloisonnés ; ce sont des filaments libres, dressés sur ce thalle, 
qui portent les fructifications noires. 


EXPÉRIENCE [. — On sait que le liquide de Raulin est une sulution aqueuse 
d'un certain nombre de sels minéraux, d’acide tartrique et de sucre de canne. 
Cette dernière substance est la matière organique alimentaire importante. Si 
on la remplace par un autre hydrate de carbone, la végétation peut être in- 
ffuencée considérablement. On a donc préparé plusieurs liquides de Raulin, 
ne différant entre eux que par l’hydrate de carbone. Chacune de ces liqueurs 
est versée dans une cuvette, puis ensemencée avec des spores d’Aspergillus. 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 193 


jGermination rapide. For- 


A L’hvdrate de carbone est du glucose. . . .? mation d’un thalle épais 
\ dès les 17e 24 heures. 

B — maltose. . . Id. 

G 2. lichénine. . Id. 

D — inuline. . . Id. 

E Dextrine. Germination très difficile. 

F Lactose. Id. 


Le maltose se conduit donc comme le glucose. 

Exe. II. — On fait développer sur du liquide de Raulin une culture d’As- 
pergillus. Lorsque le thalle s’est trouvé couvert de fructifications, on siphone 
le liquide sous-jacent et on le remplace par de l’eau distillée. Un quart-d’heure 
après, on enlève cette eau et on met à sa place une solution de maltose à 


3 p. 0/0. Température 20 à 22°. 


Rotation de la solution 8°20° correspondent à 3 gr. de maltose p. 0/0 


— après 24h... 48 — À gr. 54 — 
— après 48 h. . 1026 — 0 gr. 52 — 


Un dosage à la liqueur de Fehling indique d’autre part, si on considère le 
sucre réducteur comme du maltose, que la solution renferme : 


Après 24 heures. . . . .. 2 pr 21 
Après 48/heures.". ".". .. 1201 


Comme on le voit les résultats sont différents, et l’examen comparatif des 
chiffres montre que la solution sucrée doit renfermer un mélange de glucose 
et de maltose. Il y a par conséquent lieu d'admettre que le maltose en contact 
avec le thalle de l’Aspergillus ne tarde pas à être dédoublé. 

Exp. III. — Répétition de l'expérience 2. L’eau avec laquelle on lave le 
vase et le thalle est examinée au polarimètre et à la liqueur de Fehling. Elle 
ne donne ni rotation ni réduction. On n’a donc pas à craindre qu’il ne reste 
de matière sucrée. On enlève l’eau et on la remplace par une solution de 
maltose à 3 p. 0/0. Température 20-222. 

La solution est analysée tous les jours. On fait chaque fois un examen au 
polarimètre et un dosage à la liqueur de Fehling, ce qui permet de calculer 
les proportions de maltose et de glucose qu’elle renferme (1). 


(1) Soit æ la quantité de maltose solution dans 100 centig. et y la quantité de gln- 
cose. En admettant comme pouvoir rotatoire du maltose : 138° 4 du glucose : 53° 4, 
on voit que 1 gr. de maltose dans 100 centig. doit donner avec un tube de ? déc. 
2° 77 et 1 gr. de glucose 1° 068, On a donc 

(A) & xX 9,77 + y x 1,068 = d 
si d est la déviation observée. Soit d'autre part n le nombre de centimètres cubes de 
solution sucrée nécessaire pour décolorer 5 centim. c. de liqueur de Fehling; en tenant 
compte du pouvoir réducteur du maltose qui est les 66/100 de celui du glucose, on a 
na 66 ny 
(9) NT = Re M 
100 100 + 100 
Des deux équations on tire les valeurs de x et de y. 
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. Xx11 (1886). 45 


x 


194 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 
Déviation. Maltose p, 0/0. Glucose p. 0/0. 


. Avant l'expérience. . Cd LE à gr. 00 0 gr. 00 
Après 24 heures. . . 40 18° 1 gr. 27 0 gr. 74 
Après 48 heures. . . 1930’ 0 gr. 12 1 gr. 10 
Après 72 heures. . . 4% 0 gr. 032 0 gr. 587 


Une solution de sucre de canne à 3 gr. 28 p. 0/0 avait été placée dans le 
inême temps sous une culture autant que possible égale à la précédente. Le 
liquide renferme : 


Après 24 keures : sucre interverti 4 gr. 52 p. 0/0. Saccharose 0 gr. 45 p. 0/0. 
Après 48 heures : — Agr. 26 — 0 


Ces deux expériences comparatives montrent que la consom- 
mation des deux sucres par l’Aspergillus se fait avec üne vitesse 
à peu près égale. Mais le dédoublement du sucre de canne s’est 
fait plus rapidement que celui du maltose. 

On pouvait supposer que le dédoublement du maltose avait 
été déterminé par la plante elle-même, et non par un ferment 
soluble sécrété par elle. Pour en décider on institue les deux 
expériences suivantes : 


Exp. IV. — Dans une culture on remplace le liquide de Raulin par de l’eau 
distillée. Au bout de 24 heures de contact, on enlève cette eau, on en mélange 
40 cent. c. avec 40 cent. c. de solution de maltose à 3 gr. p. 0/0. Tempéra- 
ture 32°. 

Rotation primitive. . . . . . ., .. 4° 8° 
— après 24 heures. . . .. 3° 20° 


À ce moment le liquide renfermait 0 gr. 59 de glucose et 
0 gr. 96 de maltose. Le contact avec le mycélium n’est donc pas 
nécessaire pour que le dédoublement ait lieu. 


Exp. V. — Trois thalles d’Aspergillus en fructifications sont enlevés, placés 
dans une capsule et recouverts avec de l'alcool à 90°. Au bout de une heure on 
enlève l'alcool et on triture le champignon avec du sable. On lave encore plu- 
sieurs fois avec de l'alcool, on jette sur un filtre, on exprime entre des feuilles 
de papier et on dessèche à 35°. Le produit est ensuite pulvérisé, La poudre 
mise à macérer dans l’eau donne un liquide foncé qui saccharifie rapidement 
l’amidon. On l’additionne d’alcool absolu. 11 se précipite lentement une ma- 
tière blanchâtre qui s’attache aux parois du vase. On décante au bout de 48 
heures et on dissout le précipité dans 60 cent. c. d’eau. 

A. 40 cent. c. sont additionnés de 40 cent. c. de solution de maltose à 
2 gr. 60. Température 22°. 

Rotation primitive. . .. 3°36° Maltose p. 0/0 14 gr. 30 Glucose 0 
— après 24 heures 9034 — 0 gr. 68 — 0,63 
— après 48 heures 2° 10 — O gr. 40. — 0,925 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 195 


B. 20 cent. c. sont additionnés de 20 cent. c. d’eau tenant en dissolution 
0 gr. 50 centig. de sucre de canne. Température 22°. 

Après 24 heures la solution renferme 1 gr. 30 de sucre interverti p. 100 
cent. c. soit 0 gr. 52 pour les 40 cent. c. L’interversion est donc complète. 


Voici une dernière expérience que l’on pourra rapprocher de 
celles que j'ai décrites. 


Exp. VI. — On introduit sous une culture d’Aspergillus en fructification 
de l’eau distillée, après avoir siphoné le liquide de culture. Au bout de 12 heures 
on enlève cette eau qu’on partage en deux parties À et B. 

A. On mélange 40 cent. c. de cette eau et 40 cent. c. d’une solution de mal- 
tose à 3 gr. 75 p. 0/0. 

Rotation après le mélange.. . . . . . . 90 10° 
— au bout de 24 heures {tre 320). . 414 


Quantité de solution nécessaire pour décolorer 5 cent. c. de liqueur de Feh- 
ling : À cent. c. 8; — ce qui conduit aux chiffres suivants : 


Durée du contact 0 h. maltose p. 0/0 1 gr. 87 Glucose 0 
— 24 h. — À gr. 34 — 0,52 


B. Le Liquide B est d’abord filtré à l'appareil à tuyau de pipe. On mélange 
ensuite 40 cent. c. du liquide filtré et 40 cent. c. de solution de maltose à 
3 gr. 79 p. 0/0. 


Rolation au bout de 24 heures à 32°... . . ... . ....... 4° 40° 
Quantité de solution nécessaire pour décolorer 5 cc. de Fehling.. 1 cc. 9 
Maltose pour 0/0... Ps otns : sans entame 1 gr. 28 
GUESS EE nee oct NU dun à og au o ans alt 0,28 


On voit qu’iciencore la filtration à travers une terre poreuse à affaibli l'énergie 
du ferment. 


Penicillium glaucum. — Ce champignon qui appartient à la 
même famille que l’Aspergillus niger est encore plus commun 
que lui, Il se cultive tout aussi facilement sur le liquide de Rau- 


lin et présente au point de vue des études physiologiques les 
mêmes avantages. | 


Exe. VII. — Sous une culture de Penicillium on introduit, après enlèvement 


du liquide de Raulin, nne solution de maltose à 2 gr. 6 p. 0/0. Température : 
220. 


Rotation pre ete 2 1 4 
— après 24 heures. . . . . .. O0 
Pour 5 cc. de liqueur cuivrique.. . 3 cc. 59 


On tire de là que la solution sucrée renferme après 24 heures 0 gr. 85 de 
maltose et 0 gr. 14 de glucose. | 


Exe. VUE. — Elle correspond à l'expérience IV. On remplace dans une cul- 


196 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


ture de Penicillium le liquide nutritif par de l’eau distillée. Au bout de12 heures, 
on enlève cette eau et on la mélange avec volume égal d’une solution de mal- 
tose et on porte dans une étuve réglée à 32, 


Rotation primitive de mélange.. . . . 0° 19 
— après 24 heures. . . . . .. 4° 98 
— =, 48 0: ORAN RS AL ICE 


A la 48° heure, pour 5 c. c. de liq. cuivrique il faut 1 cent. c. 68 de solu- 
tion sucrée. Celle-ci renferme donc 1 gr. 10 de maltose et 0 gr. 77 de glucose 
p. 0/0. 

Exp. IX. — Plusieurs cultures de Penicillium sont traitées comme dans l’ex- 
périence V pour séparer le mélange de ferments produits par la plante. On 
obtient un rendement extrêmement faible. Néanmoins on dissout le précipité 
alcoolique dans l’eau et on divise la solution aqueuse en trois parties. 

A l’une on ajoute une solution assez concentrée de maltose. En 24 heures la 
température étant de 32°, la rotation qui était de 14° 20, a diminué seulement 
de 8. 

A la deuxième, on ajoute de l’empois d’amidon. Après 48 heures de contact 
l’acide donnait encore une coloration acajou. 

Enfin à la troisième, on ajoute du sucre de canne; en 24 heures l’interver- 
sion est complète. 

Nous avons encore là une preuve que ce n’est pas l’invertine qui dédouble 
le maltose, puisque l’action sur le dernier sucre a été à peine sensible, tandis 
que le sucre de canne a été rapidement dédoublé. Remarquons en même temps 
que l’empois n’a été que faiblement saccharifié. L'action exercée sur le maltose 
et l’action exercée sur l’empois se ressemblent singulièrement comme puis- 
sance, de telle sorte qu’on peut sopposer qu’elles sont dues au même ferment. 


Mucor mucedo. — Les mucor sont des champignons, appar- 
tenant à un autre ordre que les précédents. Ils appartiennent à 
l'ordre des Oomycètes, ainsi appelés en raison de la propriété 
que ces végétaux ont de former des œufs. L’œuf est le point de 
départ d’une génération à sporanges et les sporanges présentent 
des caractères très variés, sur lesquels on s’appuie pour la dis- 
tinction des genres et même des espèces. Le Mucor mucedo se 
distingue des autres mucor par ce fait que les filaments qui 
portent les sporanges sont simples si souvent très longs. Le spo- 
range termine ce support. 

Pour me procurer ce champignon, j'ai eu recours au procédé 
suivant : 

On met du crotin de cheval dans un cristallisoir. On place 
celui-ci dans un deuxième cristallisoir, d’un diamètre un peu 
plus grand. Dans l'espace compris entre les deux cristallisoirs 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 197 


on verse de l’eau. On couvre le tout avec un disque de verre, en 
ayant soin d’interposer un morceau de carton, afin de ménager 
une communication avec l’athmosphère. On a ainsi un milieu à 
peu près saturé d'humidité. À la température de 20°, on voit 
bientôt apparaître de longs filaments blanes pouvant atteindre 
et même dépasser 10 centimètres. Chacun d’eux ne tarde pas à 
présenter un sporange à son extrémité. 

D’après Gayon, le Mucor mucedo ne produit pas d’invertine et 
par conséquent ne peut végéter dans le sucre candi pur. Fitz 
avait avancé antérieurement le contraire. L'expérience suivante 
donne raison au premier de ces deux observateurs. 


Exe.X. — Dans deux ballons Pasteur, on introduit 100 cent, c. de solution de 
sucre de canne à 40 gr. de sucre pur p. 0/0. On porte ces deux ballons à 100° 
pendant vingt minutes environ, puis on laisse refroidir à l’abri des germes de 
l'air. 

On introduit dans chacun d’eux un sporange mür de mucor. Au bout de 
48 heures il n’y avait pas apparence de germination. Dans l’un des ballons 
on ajoute alors un peu d’invertine et deux jours après le liquide était parcouru 
en tous sens par le mycelium, tandis que l’autre ballon était comme au pre- 
mier jour. 

Il suit de là que la spore du mucor mucedo ne renferme pas d’invertine et ne 
peut germer dans une solution de sucre de canne pur. 


Exp. XI. — Dans un ballon Pasteur contenant une solution de maltose à 10 gr. 
p. 0/0 traitée comme ci-dessus, on introduit un sporange de mucor. Les spores 
germent rapidement, et en deux jours le liquide est entièrement envahi par 
le mycelium. Le champignon n’a cependant pas donné de fructifications même 
après 8 Jours. 


Quoi qu'il en soit, ces expériences démontrent que les spores 
de mucor mucedo ne germent pas dans une solution de saccha- 
rose pur, et qu'elles germent dans une solution de maltose. 

Si donc le maltose doit être dédoublé par la plante avant d’être 
consommé, ce dédoublement ne peut être le fait de l’invertine, 
puisque le saccharose n’est pas dédoublé et ne convient à la ger- 
mination qu'autant qu’on a ajouté de l’invertine à la solution. 


8 5. — Fermentation alcoolique et lactique du maltose. 


On a vu plus haut (p. 180) que l’invertine est sans action sur le 
maltose. Cependant une solution de maltose fermente rapide- 
ment en présence de la levüre de bière. On se trouve donc en 
présence de cette alternative : ou bien le maltose subit la fer- 


198 E. BOURQUELOT. — RECHERCHES 


mentation alcoolique, sans passer au préalable par l’état de glu- 
cose, ou bien si le dédoublement a lieu, c’est la levüre elle-même 
et non un ferment sécrété par elle qui le détermine. 

Lorsqu'on met de la levûre de bière dansune solution de suere 
de canne, il n’y a fermentation qu’à partir du moment où la so- 
lution renferme du sucre interverti. À vrai dire, la fermentation 
commence immédiatement, parce que l’interversion commence 
aussi immédiatement. Les deux phénomènes, fermentation et 
interversion, se poursuivent d’ailleurs simultanément, le dernier 
beaucoup plus rapidement que l’autre. Il en résulte que la quan- 
tité de sucre interverti va en augmentant, du moins tant qu'il y 
a du sucre de canne dans la solution. Cette augmentation est 
révélée par ce fait que le liquide qui primitivement ne réduisait 
pas laliqueur de Fehling en réduit une quantité de plus en plus 
grande, autrement dit que le volume de solution sucrée néces- 
saire pour réduire un même volume de liqueur cuivrique di- 
minue à chaque essai successif. Si le maltose est dédoublé par 
la levûre et si le dédoublement est plus rapide que la fermenta- 
tion du glucose produit, le même phénomène doit se présenter 
avec ce sucre puisque le pouvoir réducteur du glucose est plus 
grand que le pouvoir réducteur du maltose. 

Pour examiner la question il n’y avait donc qu'à faire fermen- 
ter une solution de maltose, et à chercher à des intervalles assez 
rapprochés ce qu'il fallait de cette solution en fermentation, 
pour réduire un volume déterminé de liqueur de Fehling : 
10 cent. c. par exemple. 

Les tableaux suivants donnent les états successifs de deux fer. 
mentations, l’une de sucre de canne à 0 gr. 50 p. 0/0, l'autre 
de maltose à 0 gr. 50 p. 0/0. La liqueur de Fehling employée 
était titrée de telle sorte que 10 cent. c. étaient réduits par 
0 gr. 0526 de glucose ou par 0 gr. 0792 de maltose. Même poids 
de levüre.. 

I. Fermentation du sucre de canne 0 gr. 50 p. 0/0. 


Quantité de solution sucrée nécessaire 


Durée de la fermentation. pour réduire 40 ce. 
DL . . CO pas de réduction. 
20Mminutes. 41/14 LOU 27 cc. ÿ 
ONE CNE PRE PP 14 cc. 6 

Dre, . 200 ice. 9 
Sn Lit 
: LP ALT AU ML EAP FI ENS 33 CC. 8 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 199 


IT. fermentation du maltose : 0 gr. 50 p. 0/0. 


Quantité de solution sucrée nécessaire 


Durée de la fermentation. pour réduire 40 cc. 
CRE A. . di 10:ce,. 0 
PR  . - . . ne 16 cc. 8 

{lReuren VS 1 19 à 47 :ec."7 
Quhauressannt | à Sfr 20 cc. 0 
AO |. «1. JUNE. 48 cc. 0 


On voit que pour le maltose les chiffres de la deuxième colonne 
vont constamment en augmentant, ce qui indique que s’il y a 
dédoublement préalable du maltose, ce dédoublement n’est pas 
sensiblement plus rapide que la fermentation des produits dé- 
doublés, puisque le pouvoir réducteur de la liqueur va sans cesse 
en diminuant. 

D'ailleurs on a constaté dans divers essais particuliers que le 
sucre non fermenté était du maltose sans mélange de glucose. 

Mais on peut admettre que le dédoublement a poutant lieu et 
qu'il suffit exactement à lafermentation, dans lequel cas l’expé- 
rience qui précède n’apporte aucun éclaircissement. Je revien- 
drai tout à l’heure sur ce point, après avoir exposé ce qui se 
passe avec le ferment lactique : 


On trouvera dans une note publiée antérieurement les détails 
relatifs à l’étude de la fermentation lactique du maltose (1). Je 
ne donnerai ici que les résultats. 

La solution sucrée soumise à la fermentation renfermait 10 gr. 
p. 0/0 de maltose simplement séché à l'air. L'analyse faite 
chaque jour comprenait deux essais à la liqueur de Fehling; 
l’un effectué directement sur la solution, l’autre effectué sur 
cette même solution après transformation par l’acide sulfurique 
étendu. Le premier donnait (5 centim. c. de la liqueur cuivrique 
étant réduits par 0 gr. 0396 de maltose anhydre) un chiffre pou- 
vant exprimer provisoirementle maltose restant dans la liqueur, 
le deuxième la quantité de sucre restant transformé totalement 
en glucose. En comparant les deux chiffres ou plus simplement 
les quantités de solution sucrée étendue, qu'il fallait ajouter 
dans chacun de ces cas pour réduire entièrement 5 cent. c. de 
liqueur de Febhling, on pouvait voir si le sucre restant était tout 

(L) Sur le non dédoublement préalable du saccharose et du maltose dans leur fer- 


mentation lactique par M. Em. Bourquelot. Journal de Pharm. et de Chimie, t. VIT, 
de série, p. 420. 1883. 


200 E. BOUROUELOT. —- RECHERCIES 


entier à l'état de maltose, où si celui-ci avait été en partieonen 
totalité transformé en glucose. 

La première colonne du tableau suivant représente l’âge dela 
fermention ; la deuxième donne le nombre de dixièmes de 
centim.c. de liqueur sucrée étendue (20 p. 500) qu'il a fallu 
ajouter à 5 cent. c. de liqueur de Fehling pour en amener la 
réduction. 

Dans la troisième se trouvent les poids de sucre restant dans 
400 cent. c. de liquide, poids exprimé en maltose. Dans la qua- 
trième sont les chiffres théoriques de dixièmes de cent. c. de la 
solution étendue (20 p. 500) dans laquelle le maltose supposé 
dans la troisième colonne serait transformé en glucose, calculés 
comme devant être nécessaires pour réduire à cent.te. de liqueur 
cuivrique. 

Enfin dans la cinquième sont les nombres de dixièmes de 
cent. c. trouvés après traitement par l'acide SO* dilué. 


Divis. de la burette.  Maltose 0/0. Chiffresthéoriques. Chiffres trouvés, 


À jour. 130 po 11 ] 82 86 
2 — 150 6.60 94 va 
3 — 162 6,11 102 106 
4 — 194 5.10 122 120. 
6 — 208 3,69 169 166 


On voit que les chiffres des deux dernières colonnes sont tres 
rapprochés. 

La différence paraît devoir être attribuée aux erreurs d’ana- 
lyse, en sorte qu’on doit conclure que le sucre restant même 
après six jours de fermentation est encore du maltose. 

On retrouve donc avec le ferment lactique ce qu’on a constaté 
avec le ferment alcoolique. | 


RÉSUMÉ. — CONCLUSIONS. 


Rappelons brièvement les résultats observés dans le cours de 
ce travail. Aussi bien cela est-il nécessaire, en raison du nombre 
et de la diversité des expériences qui ont été faites. 

D'une part on a vu que le maltose est dédoublé dans l'in- 
testin. Ce dédoublement est déterminé par un ferment soluble 
etnon par des microorganismes, puisqu'il est plus rapide lorsque 
l'animal est en digestion que lorsqu'il est à jeun, et aussi puisque 
les microorganismes de l'intestin ensemencés dans une solution 
nutritive renfermant du maltose ne dédoublent pas celui-ci. 

Ce ferment soluble n’est pas l’invertine, bien que celle-ci soit 


SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 201 


également présente dans l’intestin. Des recherches directes l’ont 
démontré, et j'ai eu plusieurs fois l'occasion d’insister sur des 
faits venant à l’appui de cette assertion. Il est présent parmi les 
ferments que sécrètentl’'Aspergillus niger et le Penicillium glau- 
cum en pleine végétation; et.1l a pu être séparé par les procé- 
dés ordinaires de préparation des ferments solubles. 

Ce ferment est partiellement, et quelquefois presque totale- 
ment arrêté par les filtres en terre poreuse, comme la diastase, 
Dans certains cas on a pu remarquer qu’une solution active à 
l'égard du maltose mais n'exerçant sur ce sucre qu’une faible 
action, agissait également, et tout aussi faiblement sur l’empois 
d’amidon, fait justifiant cette opinion que le ferment dédoublant 
le maltose est la diastase elle-même. 

Mais si De Méring a constaté le dédoublement du maltose par 
la diastase, dédoublement d’ailleurs très faible; j’ai toujours eu 
de ce côté des résultats négatifs ou à peu près négatifs. 

D'autre part, le maltose injecté dans le sang est consommé 
comme le glucose ; et s’il en a été injecté un excès, le sucre qu’on 
retrouve dans l’urine est du maltose sans trace sensible de glu- 
cose, en sorte qu on ne peut pas dire que la première phase de 
la destruction de ce sucre soit son dédoublement en glucose. 

Il en est de même dans la fermentation alcoolique et dans la 
fermentation lactique du maltose ; ce sucre est détruit sans qu’on 
puisse saisir une phase de dédoublement. 

Nous trouvons quelque chose d’analogue dans la disparition 
du glycogène des muscles. « Sur l’animal vivant, dit CI. Ber- 
nard (1) dans les circonstances où on voit la matière glycogène 
du muscle diminuer et même disparaître, on ne voit jamais le 
glycogène se transformer en sucre. La matière glycogène subit 
la fermentation lactique. Maïs dira-t-on, dans la fermentation lac- 
tique du glycogène des muscles, l’une des phases de la transfor- 
mation doit être représentée par la matière sucrée. Cela est pro- 
bable d’après ce que nous savons de par la chimie. Mais cette 
phase est si rapide qu’on ne peut saisir cet état de passage. » 

Ces considérations sont applicables en tous points au maltose. 
Mais si le dédoublement a lieu, il faut admettre, comme je l’ai 


déjà dit à la page 192 que le glucose formé est détruit au fur et à 
mesure de sa formation. 


(1) Leçons sur le diabète, p. 428-430, 


20? E. BOURQUELOT. — RECHERCIIES 


Bornons-nous à examiner la fermentation alcoolique. Une pre- 
mière supposition qui se présente à l'esprit est que le ferment so- 
luble reste à l’intérieur de la cellule de levûre puisqu'on n’en 
trouve pas dans l’eau de levüre. 

Dumas (1) a fait une observation qui pouvait être utilisée pour 
étudier cette hypothèse. Il a remarqué qu’en plaçant de la levüre 
dans certaines solutions, on lui communique une sorte d’albu- 
minurie. Il se produit un courant exosmotique considérable, et 
l'eau de levüre se coagule par la chaleur comme le fait une so- 
lution d’albumine. Ne trouverait-on pas dans cette eau le fer- 
ment du maltose ? 

Ne pouvant avoir recours au sel signalé par Dumas (tartrate 
neutre de potasse), dont la présence aurait empêché toute ana- 
lyse, j'ai cherché dans différentes directions. J'ai trouvé qu’en 
laissant de la levüre, préalablement essorée, dans de l’eau chlo- 
roformée, celle-ci ne tarde pas à acquérir la propriété de donner 
un léger précipité floconneux par la chaleur, tandis que l’eau de 
levüre obtenue avec la même quantité de levûre et d'eau, mais 
sans chloroforme, ne précipite pas. 

EXPÉRIENCE I. — J'ai essayé l'action de cette eau de levüre chloroformée sur 
le maltose, elle n’a déterminé aucun dédoublement. 

Une deuxième hypothèse pouvait encore être émise, à savoir: 
que le dédoublement et la fermentation qui le suit immédiate- 
ment sont tous deux déterminés par le protoplasma vivant. Dans 
les circonstances ordinaires, le premier processus n'a pas de pré- 
pondérance sur l’autre, ce qui fait qu’on ne les distingue pas. 
Pour étudier cette hypothèse, il fallait trouver un moyen de ra- 
lentir ou de supprimer la deuxième phase. Les anesthésiques 
étaient indiqués. 

Exp. II. — On ajoute à 100 cc. de solution de maltose 1 gr. de levüre et 
25 vouttes de chloroforme, température 48°. 


Rotation après le mélange. . . . .. + 792? 
— 24 heures.,..... , + 1° AW 
— PR: RE DRE + 701# 
_ D MES UMP TER + 7 #4 
— 81) HR S LATE te + 6° 3? 


Comme il n’y a pas eu de fermentation et que le pouvoir ro- 
tatoire a diminué, il faut bien admettre qu'il y a eu dédouble- 


(1) Recherches sur la fermentation alcoolique par M. Dumas, Ann. de Chim. et des 
Phys., 5e série, t, HI, p. 57. 1574. 


SUR LES PROPRIÉTÉS PYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 203 


ment partiel du maltose. En tout cas l’action a été très faible. 

L'expérience suivante, conçue d’après des vues théoriques 
étrangères à la question que j'examine en ce moment, m’a con- 
duit à des résultats beaucoup plus nets. 


Exp. If. — Dans 100 cent. c. d’une solution sucrée renfermant 2 gr. de 
lévulose et 2 gr. de maltose, on ajoute 1 gr. de levüre et 20 gouttes de chlo- 


roforme. 
Quantité de solution sucrée au 4/10 
nécessaire à la réduction 


Rotation. de 5 cc. de Fehling. 

Primitive AA: + 154 LC Ci à 
Après 3 heures. . . + 1° 26’ — 

se 7) + 49 4 2 

—. At — + 39° 7 ce. 0 

— 1e PTE - 

— 1 — — 19 — 

Ne LE 9y’ 02 


La rotation du lévulose est représentée dans le mélange par — 4° ; celle du 
maltose par + 5° 34. La rotation du lévulose ne pouvant changer, comme la 
différence a diminuée de 2° 16’ en 68 heures, il faut bien admettre que le 
maltose a été dédoublé en glucose ; ce qui est d’ailleurs confirmé par ce fait 
que le pouvoir réducteur a augmenté. 


Ainsi 1° l'eau de levûre fraîche ne renferme pas de ferment 
capable de dédoubler le maitose ; 2° en traitant la levüre de façon 
à faire sortir hors de la cellule certaines matières albuminoïdes, 
on obtient un liquide sans action sur le maltose ; 3° si dans une 
solution de maltose additionnée de la levûre, on se contente de 
supprimer la fermentation alcoolique sans tuer la levûre, on 
voit le maltose se dédoubler. 

On pourrait conclure de là, et la conclusion paraîtrait inatta- 
quable, que c'est la levüre, — son protoplasma — qui déter- 
mine ce dédoublement et non un ferment soluble. L'expérience 
suivante va nous montrer que ce n’est pas encore là la vérité. 


Exp. IV. — 100 cent. c. de solution sucrée renfermant 4 gr. 95 de lévulose 
et 1 gr. 68 de maltose sont additionnés de 15 gouttes de chloroforme et de 
1 gr. de levûüre. 

Rotation. Réduction de la liqueur de Fehling. 
Prinitive Rs ‘48 8 cent. 2 
Après 2)00s. 0... .. L 94 — 
— HS. EE — 

A ce moment on filtre la totalité du mélange. Si le dédoublement est le fait 

de la levûre, il devra s'arrêter, puisqu’on enlève cette dernière. 
Après 24 heures., . . — 40 7 cent. 6 


204 E. BOURQUELOT. — PROPRIÉTÉS PIIYSIOLOGIQUES DU MALTOSE. 


:La rotation continuant à diminuer, c’est-à-dire le dédouble- 
ment se poursuivant ; c’est bien un ferment soluble sécrété par 
la levûre qui détermine le dédoublement du maltose. 

Comparons les conditions de l’exp. I, avec les conditions des 
expériences suivantes. Il n’y a de différence que dans ce fait que 
dans les dernières on a mis l’aliment à consommer, c’est-à-dire 
le maltose, en contact avec la levûre. 

Dans le premier cas la levüre ne produisait que de l’invertine; 
dans le second, elle a donné naissance à un ferment capable de 
dédoubler le maltose. C’est l’aliment qui a déterminé le ferment 
soluble. C’est donc avec raison que Béchamp a dit : « que la 
fonction chimique d’un ferment (lisez: ferment figuré) peut 
changer corrélativement à l'espèce de matière fermentescible 
qu'on l’oblige de consommer (1). » 

Il semble, bien qu'il y ait là apparence de cercle vicieux, que 
le ferment soluble tire son énergie spécifique de : matière qu 1l 
doit faire fermenter. 

N'y at-il pas lieu de faire rentrer dans cet ordre de faits ce qu’on 
connaît des secrétions digestives chez les animaux, ce que j'ai 
observé en particulier si nettement chez les mollusques, à sa- 
voir que ces sucs ne sont actifs que lorsque l’ingestion des ali- 
ments a commencé. - | 
En résumé, la leyüre de bière en activité dans une solution 
de glucose ou de sucre de canne ne produit pas de ferment ca- 
pable de dédoubler le maltose, Par contre, lorsqu'elle se trouve 
dans une solution de ce dernier sucre, elle sécrète un ferment 
qui le dédouble. Elle détermine la fermentation alcoolique du 
produit de ce dédoublement (glucose) au fur et à mesure de sa 
production, et c’est pour cela que l'analyse ne révèle pas la 
présence du glucose dans le liquide en fermentation. Vraisem- 
blablement, il en est de même dans la fermentation lactique et 
dans la consommation du maltose injecté dans le sang. 


(1) Annales de imite et de physique, t. XIII, p. p. 103, 1867. La même idée à 
été développée à nouveau par Duclaux. Voir : Microbiblénte, p. 196. 


(NERFS ÉJACULATEURS 


Par Ch. RÉMY 
Agrégé. 


(Travail couronné par l’Institut. Prix de Physiologie. Monthyon, 1885.) 


Chez le cochon d’Inde on trouve sur la veine cave inférieure 
au niveau de veines rénales, un petit ganglion plexiforme du vo- 
lume d’une petite tête d’épingle, dont l'excitation électrique dé- 
termine très rapidement l’éjaculation. 

Ce ganglion est facile à voir. Sa blancheur tranche sur la cou- 
leur rouge sombre de la veine. Il reçoit ses filets radiculaires du 
plexus rénal et desramicommunicantes de larégion. Il émet habi- 
tuellement deux branches de couleur blanche qui, suivant un 
long trajet, descendent parallèlement à la colonne vértébrale 
vers les organes génitaux internes et sont placées dans le méso- 
colon (1). 

Pour trouver le ganglion, il faut sectionner la paroi abdomi- 
nale crucialement dans toute son étendue, rejeter à gauche tout 
le paquet intestinal, découvrir l'embouchure des veines rénales, 
et suivre les filets nerveux qui se dessinent sur la veine rénale 
droite, Pour trouver les filets efférents, il suffit de tendre le mé- 
socolon ou.méso-rectum qui s’insère presque en ligne droite 
du rein au bassin. On aperçoit par transparence ces petits nerfs 
blanchâtres accompagnés d’un peu de graisse, 

Les effets de l'excitation sont ceux que je fis immédiatement 
connaître, mais ceux de la paralysie de ces nerfs ne sont pas 
moins intéressants. 

Dans la séance de la Société de Biologie, du 19 juillet 1884, 
j'annonçai l'existence de nerfs éjaculateurs et joignant la dé- 
monstration à la parole, je répétai publiquement l'expérience 
avec succès. — Plus d’une année s’estécoulée depuis ce moment 
et je puis dire que dans les nombreuses tentatives que j'ai faites 
depuis lors, jamais l’effet prévu n’a manqué. 

L'excitation électrique du ganglion où des rameaux efférents 


(4) Voir la figure 1. 


206 CH. RÉMY. — NERFS ÉJACULATEURS. 


est suivie de l'émission du sperme, celle des racines du ganglion 
> | 


n'a pas d'effet. 


Bic. L.— Montrant sur le Cobaye (grandeur naturelle), U, l’uretère, V, la veine cave inférieure 
G, le ganglion avec les rameaux afférents et efférents dans un repli du mésorectum, T W, tubes 
ébériens, 

Aussitôt après l'application des électrodes on voit se produire 
une contraction énergique des tubes wébériens que l’on peut phy- 
siologiquement considérer comme les longues vésiculesséminales 
de l’animal. Elles se tordent et se tortillent d’un mouvement 
vermiforme. 


CII. RÉMY. — NERFS ÉJACULATEURS. 207 


En même temps, l'extrémité des canaux déférents sur une 
étendue de deux centimètres, à partir de la vessie, se contracte 
énergiquement. Ces conduits couchés jusqu'alors sur les parties 
sous-jacentes se redressent brusquement. C'est bien par le fait 
d'une contraction vermiculaire , car on voit l'onde se propager 
sous les yeux. Mais cette contraction diffère par sa rapidité de 
ce qui se voit d'ordinaire dans les fibres lisses. 

Puis il se produit un mouvement du côté de la verge et du pé- 
rinée, l’animal a éjaculé dans son prépuce sans érection. 

Nouvelle excitation, nouvelle émission de sperme; on peut 
ainsi recommencer un certain nombre de fois avec succès. Mais 
il faut mettre des intervalles de plus en plus éloignés entre les 
excitations, ou bien augmenter la puissance de l’excitant. 

Il est remarquable que l'intervalle entre l'excitation et la con- 
traction soit très court, bien qu’il s'agisse d’organes à fibres 
lisses, mais ce fait est sans doute en rapport avec la rapidité de 
leurs contractions que j'ai déjà signalée. 

Quand les excitations ont été reproduites à plusieurs reprises, 
il survient des phénomènes plus compliqués. L'animal entre en 
érection, les mouvements des muscles du périnée deviennent 
plus prononcés et le gland se gonfle et se hérisse de papilles lors 
de l'émission spermatique, qui se fait cette fois par jets sac- 
cadés. 

Le sperme est d’abord formé de bouchons muqueux épais, plus 
tard il devient plus liquide, mais on peut, dès la première éjacu- 
lation, constater des spermatozoïdes. 

Le courant nerveux est centrifuge, après section des nerfs on 
constate que c’est le bout périphérique seulement qui donne 
des résultats, le bout central est sans action. 

Quand le ganglion ou les nerfs non sectionnés ont été excités 
quelque temps, il suffit de toucher la verge avec un corps étranger 
pour déterminer l’éjaculation, on peut supprimer le courant élec- 
trique. Le courant nerveux suit alors la voie réflexe, parti par le 
nerf honteux interne, il passe dans la moelle, revient au ganglion 
et au nerf éjaculateur. | 

La vessie et le rectum ne sont pas influencés dans ces expé- 
riences. 

Les excitations déterminent presque toujours de la douleur 


208 CH. RÉMY. — NERFS ÉJACULATEURS. 


sitôt qu’elles sont un peu fortes, mais l’éjaculation n’en est pas 
troublée (1). | 1 | 

Ayant démontré ce que donnait l'excitation des nerfs éjacula- 
teurs j'ai cherché depuis ce qu’amène leur destruction. (Note sur 
les effets de la Résection des nerfs éjaculateurs. 7 nov. 1885. 
Compte Rendu. Soc. Biologie.) 

Pour en faire la résection, ilsuffit de pratiquer à la paroï abdo- 
minale, une incision de quatre centimètres sur la ligne blanche. 
On recherche ensuite avec les doigts le rectum, qui donne avec 
les crottes qu’il contient, la sensation d’un chapelet. En le tirant 
au dehors et en regardant son mésentère par transparence, on 
aperçoit les nerfs en question. 

Sur plusieurs mâles bien développés, j'ai donc réséqué un 
fragment desdits nerfs, assez long pour empêcher à jamais le 
rétablissement du courant nerveux, après la guérison j'aiobservé 
les modifications survenues dans les fonctions génitales. 

Ces animaux mis en présence de femelles manifestent très net- 
tement la persistance de leurs appétits sexuels, Ils poursuivent 
la femelle, la lèchent, se montre jaloux et batailleurs, mais sont 
incapables d’en arriver à la copulation. La verge reste flasque, 
sans érection. L'animal essaie en vain de réveiller ses organes 
en les frottant contre le sol, l'érection n'arrive même plus après 
provocation. Pendant ces manœuvres il s’écoule du liquide par 
la verge, j'avais cru à du sperme, ce n’est que de l'urine. 

.. Trois mois après l’opération, un de ces impuissants devint ma-. 
lade, maigrit et je Le sacrifiai. | 
. La paralysie de ces nerfs écujaculateurs avait produit des effets 
vraiment extraordinaires. On peut dire que l’animal avait le 
ventre rempli par la dilatation de divers canaux et réservoirs ser- 

vant à l’éjaculation (tubes wébériens et canaux déférents). 

. Les tubes wébériens qui fournissent la plus grande partie du 
sperme d'émission avaient quintuplé de volume. Ayant chacun 
le volume du petit doigt, ils forment parleur réunion une tumeur 


(1) J'ai appris par l’article sympathique de M. F. Franck, qu’un auteur allemand du 
nom de Loeb, avait en 1866, à Giessen, présenté une thèse intitulée : Contribution à 
l'étude des mouvements des canaux spermatiques et des vésicules séminales. Cet auteur 
aurait signalé l'action éjaculatrice des filets nerveux vénant du ganglion mésentérique 
inférieur, mais je ne puis parler de ce travail en parfaite connaissance de cause, car 
je.n’ai-pu me procurer ni l’original, ni le compte rendu fait dans Æenle und Meissners’ 
Bericht, Phys. 1866. 


CH. RÉMY. — NERFS ÉJACULATEURS. 209 


du volume du pouce, on les aurait cru injectés artificiellement 
de liquide clair et transparent. Ils avaient la résistance de kystes 
distendus. Les canaux déférents du volume d’une plume d’oie 
laissaient voir dans leur intérieur la collection du sperme sous 
forme de colonne blanchôâtre. 


Les 
TRS 


D 4, 
ty 


= 


2 SSSS 


Lez *. € 


Du 


LA EUX deds / ARENTE SE 


Fia. 2. — Organes génitaux d'un Cobaye après résection des nerfs éjaculateurs (grandeur na- 
turelle). TW, tubes wébériens, T, testicules et canaux déférents, V, vessie, P, pénis, G, glandes. 


Je ne saurais dire dans quelle mesure cette sorle de tumeur 
intra-abdominale, avait troublé la santé de mon sujet en expé- 
_rience, car il avait en outre présenté sur la fin de sa vie une ma- 
ladie de peau, mais sûrement elle n’a pas été sans influence. 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL, —T. XXII (1886). 14 


210. CI. RÉMY. -: :NERFS ÉJACULATEURS, 


Si l'on rapproche ces expériences des premières que j'ai citées 
plus haut, on voit que dans le cas d’excitation, l’éjaculation a été , 
suivie d’érection et que dans le cas de paralysie, l’éjaculation et 
l'érection ont été supprimées. 

J'ai nommé ces nerfs «éjaculateurs », parce que le premier 
effet de leur excitation. est de vider les vésicules séminales et de 
provoquer des mouvements du périnée. 

Ce n’est que plus tard, par suite du passage du sperme dans 
le canal, que se produit l'érection. Elle n’est Jamais un phéno- 
mène de début dans ces expériences. Elle succède à plusieurs ex- 
citations intra-canaliculaires du sperme. 

On remarque dans ces expériences que l'érection est nécessaire 
au bon accomplissement del’éjaculation, sans elle iln'yaqu’'une 
émission de sperme sans jet et sans force. 

Les nerfs de l’éjaculation et ceux de l’érection sont dans un 
rapport étroit. — Je ne veux cependant pas les confondre avec 
les nerfs érecteurs de Eckhardt, qui n’ont produit que l'érection 
et je crois pouvoir persister dans la dénomination d’éjaculateurs 
que je leur ai donnée. 

Par la résection du nerf, on constate enfin que les nerfs éja- 
culateurs n’ont aucune influence sur la sécrétion des diverses 
parties constituantes du sperme, puisque celles-ci peuvent s’accu- 
muler en si grande quantité dans leurs réservoirs. 


ANALYSES ET EXTRAITS 
DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS 


Lacuesse (G.-E.). — Recherches sur le développement embryon- 
naire des voies aériennes. (Thèse pour le doctorat en médecine, 


Paris.) 


Ce travail, fait presque tout entier au laboratoire d’histologie zoologique de 
M. le professeur Pouchet, avait pour but principal d'étudier l’origine de l’épi- 
thélium à cils vibratiles. L'auteur a cherché à suivre les principales modifica- 
tions de cet épithélium, surtout dans les fosses nasales, depuis les premières 
phases du développement jusqu’à la naissance, chez l'embryon de mouton. Le 
feuillet externe invaginé qui tapisse ces organes, est d’abord constitué par plu- 
sieurs couches de petites cellules rondes ou prismatiques, granuleuses, à con- 
tours peu distincts. Peu à peu, les éléments augmentent de volume, s’allongent, 
et l’on se trouve en présence d’un épithélium cylindrique stratifié, mais en- 
core dépourvu de cils. A la partie profonde, se différencie une couche généra- 
trice ou de renouvellement, à petites cellules granuleuses, à nombreux noyaux 
doubles ou en voie de division. En avançant vers la surface, les cellules tendent 
à la transformation muqueuse; des gouttelettes liquides s'accumulent dans 
leur protplaasma, et arrivent à le refouler contre la paroi et aux extrémités 
de l'élément qui devient complètement vésiculeux ; en même temps la mem- 
brane s’épaissit. Les éléments les plus superficiels finissent par faire saillie 
à la surface, ou à être comprimés entre les voisins ; leur noyau s’atrophie, leur 
membrane se rompt, et le contenu liquide s’épanche à la surface sous forme 
d’un nuage granulé analogue au bouchon de mucus des cellules caliciformes; 
ce liquide donne d’ailleurs la réaction caractéristique de la mucine par l'acide 
acétique. A cette période de la vie embryonnaire, toute la surface de la mu- 
queuse est sécrétante; cette première tendance ne doit jamais disparaître com- 
plètement, les cellules caliciformes de l'adulte en font foi et ne sont que les 
descendantes de ce premier revêtement ; dans les cas d’irritation catharrale, 
le retour à l’état embryonnaire se manifeste d’abord par l'invasion des cellules 
par le mucus.— Vers le second quart de la vie intra-utérine, alors que cette 
membrane épithéliale a atteint son complet développement, on voit des cel- 
lules de la couche profonde, comparables dans une certaine mesure à des Ami- 
bes, envoyer jusqu’à la surface de longs prolongements protoplasmiques qui 
s’y épanouissent en bouton et se couvrent de cils, d’abord très fins et très 
courts, mais isolés dès l'origine. La cellule se diviserait alors, une partie res- 
tant dans la couche profonde, et l’autre dans la superficielle, où elle forme 
une cellule cylindrique ciliée. Le processus se généralisant, les cellules à cils 
deviennent prédominantes, les éléments muqueux cessent de se former et ont 
disparu presque complètement à la naissance. 


212 ANALYSES ET EXTRAITS DES TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 


En suivant ces phénomènes dans toute l’étendue des voies aériennes, on 
retrouve partout le même mode de développement. Jusque dans les bronches 
terminales, l’épithélium est d’abord stratifié et subit plus ou moins la trans- 
formation muqueuse. — Le revêtement pavimenteux des cordes est dû à la 
persistance de l’épithélium polyédrique primitif, qui s’aplatit peu à peu et subit 
en partie la transformation cornée. Sur les cordes vocales supérieures de 
l’homme, la poussée des cellules cilicées a lieu chez l'embryon ; c’est seule- 
ment après la naissance que les couches supérieures redeviennerit pavimen- 
teuses. 

Si l’on rapproche ces faits de ceux étudiés par MM. Tourneux et Legay à 
propos du développement de l’utérus, on en tirera cette conclusion générale 
que les épithéliums ciliés des muqueuses paraissent devoir être toujours se- 
condaires et précédés par un épithélium cylindrique ou polyédrique stralifié. 


Le Propriétaire-gérant, 
‘Férix ALCAN. 


Saint-Denis. — Imprimerie Cu. Lamperr, 17, rüe de Paris. 


NOUVELLE MÉTHODE DIRECTE 


POUR 


L'ÉTUDE DE LA CHALEUR ANIMALE 


Par M.-V. DESPLATS !. 


Les phénomènes chimiques de la respiration et la calorifica- 
tion qui en est la conséquence, ont attiré l'attention d'un grand 
nombre de physiologistes et de physiciens. 

Les uns, comme Lavoisier, Dulong et Despretz, en étudiant en 
même temps les altérations chimiques de l’air dans l'acte de la 
respiration et la chaleur produite par les animaux, ont eu surtout 
pour but de rechercher les sources de la chaleur animale ; d’au- 
tres, comme Regnault et Reiset se sont uniquement occupés des 
altérations que les divers animaux font subir à l'air dans lequel 
ils séjournent. 

Les appareils employés par ces divers physiciens pour ce genre 
d'expériences sont très compliqués et très coûteux; ils exigent 
une manipulation longue et difficile; j’ai donc pensé qu'il y au- 
rait quelque avantage à posséder un appareil plus simple, plus 
facile à manier, pouvant se prêter à un grand nombre de re- 
cherches physiologiques et permettant de déterminer à la fois, 
comme l’a fait Despretz, la chaleur rayonnée, l'acide carbonique 
exhalé et l'oxygène absorbé, soit à l’état normal, soit à l'état pa- 
thologique. La méthode employée dans ce travail est celle du ca- 
lorimètre à eau, la même que celle qui a servi à Berthelot pour 
mesurer les quantités de chaleur dégagées ou absorbées dans 
lesactions chimiques. 


DESCRIPTION DE L'APPAREIL. 


Mon appareil représenté par la figure ci-contre se compose de 
trois parties : {une boîte métallique dans laquelle on place l'ani- 
mal en expérience ; 2° un calorimètre à eau analogue à celui de 


(1) Travail du laboratoire de Physiologie générale au Muséum, professeur M. Rou- 
get. 
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XxI1 (inai-juin 1886). 15 


214 M.-V. DESPLATS. — ÉTUDE 


Berthelot; 3° un appareil destiné à recueillir et à doser les gaz 
expirés. né 
1° La boîte B en cuivre rouge très mince peut être fermée her- 


#56 


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LL 
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B, boîte métallique dans laquelle est placé l'animal. 
c couvercle de la boîte. 
T, T° tubes pour l’entrée et la sortie de l'air. 
C C? calorimètre à eau, 
t thermomètre calorimétrique. 
a agitateur. 
EE’ double enceinte en fer-blanc rempli d’eau. 
A A? son agitateur. 
K couvercle en bois de tout l'appareil. 
S sac en caoutchouc. 
M cylindre cuve. 
r robinet. 
à régulateur d’aspiration. 
Tr tube communiquant avec la trompe. 


métiquement par l’intermédiaire d’un couverele de même mé- 
tal que l’on fixe au moyen d’une rondelle de caoutchouc inter- 
posée et de vis de pression; dans l’intérieur de la boîte se trouve 


DE LA CHALEUR ANIMAIE, 215 


une cage très légère de bois qui sépare l’animal du métal et em- 
pêche son refroidissement par simple contact. Le couvercle porte 
deux tubes servant, l'un T au passage de l'air nécessaire à la res- 
piration de l’animal, l’autre T à la sortie de l’air expiré et de l'air 
entraîné; ce dernier tube enroulé extérieurement autour de la 
boîte plonge dans l’eau du calorimètre, .ce qui permet aux gaz 
expirés d'abandonner avant leur sortie toute la chaleur dégagée 
par l’animal; le tout est supporté par trois petits pieds de verre. 

Le poids de la boîte et de son couvercle est de 798 gr. 68; son 
évaluation en eau est 75 gr. 87. 

2 Le calorimètre à eau CC’ construit par Golaz se compose 
d'un cylindre de cuivre rouge très mince et d’un agitateur a 
formé d’un fil de cuivre vertical, replié horizontalement et élargi 
en palette à son extrémité. 

Le poids du calorimètre et de l’agitateur est de 265 gr. 85; 
son évaluation en eau est de 25 gr. 

Le calorimètre repose sur un petit triangle de bois au centre 
d'une enceinte à eau £ E’ identique à celle de l'appareil calorimé- 
trique de Berthelot: c’est un cylindre de fer-blanc à doubles 
parois rempli d’eau et recouvert extérieurement d’un feutre très 
épais qui le protège du rayonnement extérieur; un agitateur 
circulaire À À’ permet de remuer l’eau de temps en temps pour 
y établir l’uniformité de température. 

Enfin, le tout est fermé par un grand couvercle de bois K 
percé de trous convenables pour laisser passer les tubes et la 
tige { du thermomètre calorimétrique. 

Cette disposition met le calorimètre à l’abri de toutes les in- 
fluences extérieures et le maintient dans des conditions cons- 
tantes pendant toute la durée d’une expérience, comme il est 
facile de s’en assurer préalablement. 

3° L'appareil destiné à recueillir les gaz expirés comprend : 
un barboteur à acide sulfurique pour arrêter la vapeur d’eau 
entraînée, deux barboteurs à potasse pour absorber l’acide car- 
bonique, enfin un barboteur à acide pour absorber l’eau prove- 
nant de la solution alcaline. 

L’air après avoir traversé la boîte dans laquelle se trouve 
l'animal en expérience et les quatre flacons de Durand se rend 
dans un sac de caoutchouc $ muni d’un robinet qui peut con- 
tenir 40 litres d'air environ. Pour obtenir l'aspiration des gaz, 


216 M.-V. DESPLATS. — ÉTUDE 


on introduit le sac dans un grand cylindre de verre ou de 
métal A qui est fermé par un couvercle métallique assujetti avec 
des tringles de fer verticales, des vis et une rondelle de caout- 
chouc; le couvercle porte deux ajutages dont l’un reçoit le col 
du sac tandis que l’autre est uni au iuyau d'aspiration d'une 
trompe de (Golaz. Après avoir enlevé complètement l'air du 
sac, on fait un vide partiel dans le cylindre en produisant une 
diminution constante de pression à l’aide d’un régulateur d’as- 
piration R : à cet effet une éprouvette à pied contenant du mer- 
cure est fermée par un bouchon de caoutchouc à deux trous tra- 
versés par deux tubes de verre dont l’un est uni par un tube 
de caoutchouc avec un tube en T fixé sur le tuyau d'aspiration 
de la trompe, tandis que le second tube est droit et peut être 
immergé plus ou moins dans le mercure. La trompe aspirant un 
volume d'air plus grand que celui qui pénètre dans le ballon, 
l'air extérieur rentre constamment bulle à bulle à travers le mer- 
cure et maintient une diminution de pression constante dans le 
cylindre; en tournant convenablement le robinet du sac on ob- 
tient ainsi un barbotage très régulier : cette disposition qui 
permet de recueillir facilement et de conserver les gaz qui ont 
traversé le calorimètre et les barboteurs est due à Gréhant. 
Pour mesurer le volume d'air qui a pénétré dans le sac de 
caoutchouc, on ferme le robinet et on le met en communication 
par un tube de caoutchouc avec une cloche graduée remplie 
d’eau et munie aussi d'un robinet; en ouvrant les deux robinets, 
le gaz passe du sac dans la cloche où l’on mesure son volume. 
L'analyse eudiométrique faite sur l’eau du gaz dépouillé d’acide 
carbonique donne la proportion d'oxygène, ce qui permet de 
calculer le poids d'oxygène absorbé ; deux analyses eudiomé- 
triques faites successivement donnent des résultats identiques ou 
qui diffèrent seulement d’un dixième ; on trouvera, par exemple, 
17,4 ou 17,5 pour la proportion centésimale de l’oxygène. 
Manipulation. — Avant de faire une expérience, il importe 
essentiellement de mettre, plusieurs jours à l’avance, le calori- 
mètre avec son eau ainsi que la boîte au centre de l'enceinte à 
doubles parois, afin que toutes les pièces soient en équilibre de 
température avec le milieu ambiant : de cette manière, on peut 
affirmer que les variations thermiques de l’eau calorimétrique 
peuvent être considérées comme uniquement dues au rayonne- 


DE LA CHALEUR ANIMALE, 217 


ment calorifique de l'animal : on peut s'en assurer en faisant une 
expérience à blanc, c’est-à-dire sans mettre l'animal; le thermo- 
mètre ne varie pas sensiblement d'un cinquantième de degré au 
bout d'une heure, quoique la boîte soit traversée par un courant 
d'air. 

Ces conditions étant remplies, on introduit l’animal dans la 
boîte que l’on ferme hermétiquement; puis on établit le courant 
d'air au moyen de la trompe. | 

On peut faire durer l'expérience une heure ou une demi-heure ; 
il est bon de ne pas trop la prolonger afin d'éviter le refroidis- 
sement de l'animal; il faut aussi pour éviter cette cause d'erreur 
que l’eau du calorimètre ne soit pas à une température infé- 
rieure à 10°. 

En notant la température de l’eau au commencement et à la 
fin de l'expérience, la différence multipliée par le poids de l’eau 
du calorimètre augmenté de l'évaluation en eau du vase, de la 
boîte et du thermomètre, donne en calories la chaleur dégagée 
par l'animal. 

L'augmentation de poids des flacons à potasse et duflacon con- 
tenant de l’acide sulfurique donne l’acide carbonique exhalé, 
enfin, par l'analyse eudiométrique on évalue l'oxygène absorbé. 

La méthode calorimétrique que je viens de décrire supprime 
toutes les causes d'erreur ; en effet, l’animal ne se refroidit pas 
sensiblement dans le cours de l’expérience comme on peut le con- 
stater en prenant sa température avant et après ; en outre, 1l est 
placé dans un milieu gazeux qui se renouvelle d’une manière 
continue, ce qui permet de le considérer comme respirant à l'air 


libre, 


EXPÉRIENCES NORMALES. 


Les dimensions de l'appareil que je viens de décrire ne per- 
mettant que d’opérer sur de petits animaux tels que Rats albinos, 
Cochons d'Inde, petits Oiseaux, je me suis d’abord attaché à étu- 
dier chez ces divers animaux la respiration normale ; le tableau 
suivant contient les résultats qui ont été obtenus sur des Rats 
albinos dans des expériences qui ont duré une heure; j'ai cal- 
culé ensuite le nombre de calories et les poids d’acide carbo- 
nique exhalé et d’oxigène absorbé par heure et par kilogramme 
de poids d'animal, 


218 


M.-V,. DESPLATS. — ÉTUDE 


TAPLEAU Î. 


Expériences sur les Rats, à l’état normal. 
Numéros Poids Par kilogr. et par heure. 
des de Calories CO? 0 ro CRT FE 
expér. l'animal. dégagées. exhalé. absorbé. calories. CO. 0. 
gr. c. bre gr. 
1 89,3 1,8 0,34 0,93 199417 19,58 2,6 
2 105 4,4 0,3 0,25 1953 %, 85. + 238 
) 105 1,4 0,98 0,26 11,9 2,06, ,..220 
1 109 1,4 0,38 0,29 12,8 3,9 2,0 
si) : 48 4,45 0,5 0,220 2 42,9 0007 2 
6 195 1,45 ‘0,4 0,36 11/6 5 PA 2,88 
T 150 t,45/1:%0,36 0,26 9,6 2,4 4,79 
8 11408 1,88: 0,624 110844 4 3 BIG ARS 
9 T2 1,8 0,9 0,4 10,4 2,9 2,3 
TABLEAU II. 


Expériences faites sur des Cobayes jeunes, à l’état normai. 


Numéros Poids 
des de 
expériences. l'animal. 

gr. 
À 66 
2 74 
3 86 
4 04 
à. 97 
6 105 


Par kilogramme et par heure. 
EEE 0 


Calories. 
C 


16 
45,2 
14 
13,4 
14 


11,5 


TABLEAU Ill. 


pic] 
9 "O9: 7 
CS 


1% 19 1O CS 
(Hi 


CONCORCE 
conee 


19 


ls: 
4 


> «1 © 


Ve 
= 


LQ RO 19 19 19 19 
ODdrO> ©: 


19 


2 


Expériences faites sur les Oiseaux, à l'état normal. 


Durée de chaque expérience : 1 heure. 


Nom Numéros 
de des 
l'oiseau. expér. Poids. 
Venere: 1:91 
Id. Zi 20 
Moineau. . 3 21 
Id. 40 195 
Id. BBr20 
Id. Got, 
Id dt D 


Calories CO? 

dégagées. exhalé. absorbé. 
c. gr. 
0,732: .0,299.2 00,222 
0,82" 0525 0,246 
0,753 0,24 0,218 
0,88 0,28 0,242 
0,89 0,98 0,239 
0,92.,:10:42 0,276 
1,06 0,20 0,304 


Par kilogramme et par heure. 
SE 


Calories.  COZ. 0. 

34,76 11,4 10,6 
50: 09 DES D 10, 7 
30,09 MATE" "TO, 
39,2 11,2 937 
34,9 10,7 9,2 
34,9 11,6... 40 

34,7 11,5 28190 


Remarques. — 1. Si l'on compare entre eux ces différents ré- 
sultats, on voit : 1° que, par kilogramme et par heure, les 
jeunes Cubayes ct les Rats albinos exhalent à peu près la même 


DE LA CHALEUR ANIMALE. 219 


quantité d'acide carbonique et absorbant à peu près la même 
quantité d'oxygène; 2° la quantité de chaleur qu'ils dégagent est 
comprise entre 10 et 16 calories (la calorie étant, bien entendu, 
la quantité de chaleur absorbée par un kilogramme d’eau quand 
la température s’élève d'un degré); 3° chez les Cobayes, on re- 
connaît toutefois que la quantité de chaleur dégagée est d’au- 
tant plus grande que le poids est plus petit ou que l’animal est 
plus jeune, car un Cobaye du poids de 66 gr. a dégagé 16 calo- 
ries, tandis qu'un autre de 105 gr. a donné 11,5 calories ; 4° les 
Rats et les Cobayes absorbent trois fois plus d'oxygène etexhalent 
trois. fois plus d’acide carbonique que les Lapins et les Chiens 
qui ont servi aux expériences de Regnault et de M. Reiïset. 

IL. Pour les Oiseaux, les nombres que j’ai trouvés pour l'acide 
carbonique exhalé et pour l'oxygène absorbé par kilogramme et 
par heure, sont les mêmes que ceux qui ont été publiés par Re- 
gnault et Reiset ; ainsi, ces illustres expérimentateurs ont trouvé 
pour les moineaux, par kilogramme et par heure, 10 gr. 58 
d'acide carbonique et9,59 d'oxygène absorbé, le tableau III con- 
tient des nombres très voisins de ceux-ci et une pareille con- 
cordance garantit l'exactitude de mon procédé. 

IT. Quant à la chaleur dégagée par les Oiseaux, elle est beau- 
coup plus grande que celle qui est produite par les petits mam- 
mifères, puisqu’un kilogramme de petits oiseaux m’a donné de 
34 à 36 calories, c'est-à-dire près de trois fois plus de chaleur 
que celle qui a été fournie par les Rats et par les Cobayes. 

En poursuivant mon travail, j'ai cherché quelle est l'influence 
de deux poisons, l’oxyde de carbone et l'alcool sur la calorifica- 
tion, sur la production d'acide carbonique et sur l’absorption de 
l'oxygène. | 


ACTION DE L'OXYDE DE CARBONE SUR LA PRODUCTION DE CHALEUR. 


L'influence de l’oxyde de carbone sur les phénomènes chimi- 
ques de la respiration et sur la calorification, mérite d’être étu- 
diée. J'ai déterminé préalablement la dose toxique capable de 
causer la mort de l'animal; un rat meurt après avoir respiré pen- 
dant une heure dans une cloche de l’air renouvelé contenant 
d'oxyde de carbone; un oiseau succombe au bout du même 
temps dans une atmosphère contenant + de ce gaz. 

Ceci posé, pour établir la comparaison, on fait d’abord res- 


220 M.-V. DESPLATS, — ÉTUDE 


pirer l’animal dans l’air ordinaire comme je l’ai déjà indiqué, 
puis dans un mélange d’air et d'oxyde de carbone, pendant le 
même temps en mettant le tube d’entrée de la boîte métal- 
lique en communication avec un sac de caoutchouc contenant 
10 litres d'air et un volume mesuré d'oxyde de carbone, 

Voici les tableaux des résultats obtenus : 


TABLEAU IV. 


Expériences comparatives faites sur les Rats. 


Durée de chaque expérience : une demi-heure. 


Nes Poids Températ. rectale 
des de Composition = Calories. CO? 0 
expér. l'animal. de l'air. au début, à la fin. exhalé, absorbé. 
do ARE EE 10» 0,785 OA7 0,13 
» » Air avec a CO. » 380040 /6317206 ALBUM 
»»  Airavec C0. » 36 0,6 0,10 0,072 
2 109 Aïrrplrsi .19,90 40° » 204),7 0,94: -0,2 
» Oo» Airave CO. » 373 0,56 0,15 0,12 
3 176 ANT QU, 272 40° » 1:29) 2002970078 
» » Air avec co. » 35° 0,f4 0,14 0,09 
» ” Pér. d'élimination. » » 0,69 0,148 0,135 
£ntus5, cd AiPpursi -/11a0 40° » 0,87 0,18 0,137 
» » Air avec co: » se 05 D'07:7 0207 ? 
TABLEAU V. 


Expériences comparatives faites sur les Moineaux. 


Durée de chaque expérience : une demi-heure. 


Nos Temp. du cloaque. 

des Composition ————— (Calories. CO? 0 
expér. Poids. de l’air. au début. à la fin. exhalé, absorbé. 

gr gr. gr. 

| 41 : ADO... 4%°5 » 0,758 7 028 0,718 

>» Airave CO. » 36 05 OM 007 

? DR cAir Dur, . se 07 » » 0,85 0,26 - 0,246 

nn Ajrave CO. ». 395 0,12 10,20 0,134 
219 26 Arpur.. tt. » » 0,89 0,28 0,239 

» » Air avec ps CO. » » 0,73 0,18 0,148 


‘ Mcurt une heure après l'expérience. 


DE LA CHALEUR ANIMALE. 291 


» » Air avec in CO. » 38°) 


500 0:07, 40,16: D 
M1, 201. ABOU: 44° » 1,12 0,30... 0,310 
» »y Air avec a CO. » 3905 0,73 0,18 0,148 
» » Air avec cb. » 990 Von 12:" (0,126 
D S moin. AE DUR ER 44° » 0,961 0,28 0,24 
» 60 Airave CO. » 355 0,552 0,13 0,149 


Remarques. — Dans les expériences d'intoxication, l’animal 
était placé pendant un quart-d'heure dans une cloche traversée 
par le mélange d’air et d'oxyde de carbone, avant d’être intro- 
duit dans le calorimètre et le mélange toxique circulait à travers 
le calorimètre et à travers les barboteurs pendant toute la durée 
de l'expérience. 

Remarques. — On voil en examinant ces deux tableaux que les 
Rats et les Moineaux empoisonnés par l’oxyde de carbone pro- 
duisent moins de chaleur qu’à l’état normal, mais il faut obser- 
ver, en outre, que les animaux se refroidissent beaucoup; chez 
les oiseaux, par exemple, la température qui est à l’état normal 
de 44°, s’abaisse jusqu’à 37° et même 35°; ce grand abaissement 
de la température échauffe l’eau du calorimètre eton peut affir- 
mer que la chaleur produite par l'animal pendant la période d'in- 
toxication, est moins grande que celle qui est mesurée en ca- 
lories ; cette observation est confirmée par le fait que le poids de 
l'acide carbonique exhalé et celui de l’oxigène absorbé, est égal 
ou inférieur à la moitié des poids que l’on trouve à l’état normal. 

La mesure calorimétrique traduit donc à la fois une grande 
diminutuon dans la quantité de chaleur produite par les animaux 


et dans la quantité de chaleur perdue par l’abaissement de la 
température du corps. 


ACTION DE L'ALCOOL SUR LA PRODUCTION DE CHALEUR. 


Pour étudier l'influence de l'alcool sur la calorification, j'ai 
cherché d’abord à produire l’ivresse chez des rats en injectant de 
l'alcool dans la cavité buccale ou dans le rectum, mais j'ai dû 
abandonner ces moyens; l'animal, en se débattant rejettait tou- 
jours une quantité indéterminée et non mesurable de liquide. 

Le procédé qui m'a donné des résultats constants, consiste à 
injecter sous la peau de 5 à 8 cent. cubes d'alcool à 25° avec 


929 M.-V. DESPLATS, — ÉTUDE 


une petite seringue munie d’une canule piquante et capillaire. 

Il n’est pas facile de contenir les Rats et de faire cette injection 
ou de prendre la température dans le rectum de ces animaux et 
il faut beaucoup se défier de leurs dents, aussi je me suis servi 
avec avantage de l’artifice suivant : je prends une petite boîte 
de bois ayant la forme rectangulaire, longue de 16 c., large 
de 7 c. et profonde de 4 c.; je pratique d'abord une échancrure 
de 4 c. de long et de c. de large au milieu du couvercle, puis 
deux échancrures ayant 2 c. sur 3 c. sur les deux faces oppo- 
cées les plus petites ; le Rat saisi dans sa cage avec une longue 
pince est introduit dans cette boîte que l’on ferme aussitôt; la 
queue sort par l’une des échancrures, on la saisit avec un linge 
et on indroduit facilement et sans aucun danger dans le rectum 
le réservoir d’un thermomètre très fin, qui fait connaître la tem- 
pérature de l'animal. 

Pour injecter l'alcool , on saisit par l’échancrure du couvercle 
avec deux pinces à pression munies chacune d’un arrêt, deux 
points de la peau du dos ou du ventre, distants de trois centi- 
mètres environ ; avec des ciseaux courbes, on coupe les poils, et 
par la surface de la peau ainsi dénudée on introduit la pointe de 
la canule; on injecte lentement l'alcool qui forme sous la peau 
une tumeur liquide qui disparaît peu à peu, à mesure que l’ab- 
sorption a lieu; il faut environ vingt minutes pour que les pre- 
miers signes de l'ivresse apparaissent chez l’animal qui a été 
replacé dans sa cage; on introduit le Rat dans le calorimètre 
lorsque l'ivresse est tout à fait confirmée. Le tableau VI fait con- 
naître les résultats obtenus : 


TaBLEau VI. 
Expériences sur des Rats, à l'état normal, puis alcoolises. 


Durée de chaque expérience : une demi-heure. 


Variation 
Nos Poids de la températ. 
des de État CO? 0 de l’eau 
expér. l’animal. de l’animal. Calories. exhalé. absorbé. du calorimètre. 
gr. gr. degré. 
1 120 Normal: 14 4,01 0,95 0,2 0.72 
» » 6 cc. alcool! à 25°. 0,82 0,2 0,148 0,58 
2 420 Normal... 0,92 0,26 0,20 0,66 
» » Alcoolisé..... 0,73 0,19 0,15 0,52 
3 HT Nanals.... 0.95 0.38 0.26 0.68 
» » 8 cc. aldoo! à 25° 0.86 0.31 02205 . 053 
4 164 Normal. 1... 0.99 0.34 027 0.66 
» » Alcoolisé....... 0." 0.26 0.20 0.52 


DE LA CHALEUR ANIMALE. 223 


Remarque. — Les résultats indiqués dans ce tableau montrent 
que, chez un animal alcoolisé, la production de chaleur est di- 
minuée sensiblement, et en même temps on trouve une dimi- 
nution notable dans la quantité d’acide carbonique exhalé et 
d’oxigène absorbé; ces faits sont d'accord avec les observations 
qui ont été faites bien souvent par les médecins, de l’abaissement 
de température considérable que présentent les alcooliques après 
plusieurs heures d'ivresse, abaissement de température qui peut 
même causer la mort. 

Conclusion. — Mes expériences démontrent, donc que dans 
l’empoisonnement par l’oxyde de carbone aussi bien que dans 
celui qui est produit par l'alcool, ces deux substances ne pa- 
raissent pas brûler dans l'organisme et ne semblent contribuer 
en rien à la production de la chaleur animale. 


CONTRIBUTION 


A L'ÉTIOLOGIE DE LA FIÈVRE TYPHOIDE 


A PROPOS 


DE L'ÉPIDÉMIE DU PAS-DES-LANCIERS ‘ 


Par M. RIETSCH 
Professeur snppléant à l'École de médecine et de pharmacie de Marseille, 


Au printemps 1885, une division dite « de réserve du Ton- 
kin » fût rassemblée près du Pas-des-Lanciers, petite station 
de la ligne de Marseille à Paris que l’on rencontre à 18 kilo- 
mètres de la première ville en sortant du tunnel de la Nerthe. 
La fièvre typhoïde éclata bientôt dans cette troupe, et les ma- 
lades furent envoyés à l'hôpital militaire de Marseille qu’ils 
ne tardèrent pas à encombrer. Il s'agissait d’une épidémie in- 
tense, la contagion semblait des mieux caractérisées ; il me pa- 
rut intéressant de rechercher encore ici le bacille qui a été 
trouvé dans la dothiénentérie par Klebs, Eberth, Koch, Meyer, 
Friedländer, Gaffky, Bouchard, Cornil et Babès, etc., qui a 
été cultivé par Gaffky en premier lieu, qui a été enfin inoculé 
avec succès à divers animaux par Tayon d’abord (Ct. R. Ac. Sc., 
le 18 août 1884, 9 février et 40 août 1885), et tout récemment 
par Fraenkel et Simonds (Die aetiologische Bedeutung des Ty- 
phus-Bacillus, Hambourg et Leipzig 1886) (2). 

Je fis part de mon intention à M. Chabert, médecin principal 
de 1° classe, qui dirigeait alors l'hôpital militaire de Marseille, 
et j en reçus l’accueil le plus favorable. Quoique surchargé à ce 
moment de besogne, l'hôpital ayant passé brusquement de 100 à 


(1) Ce travail a été fait à l'École de plein exercice de Marseille, dans le local et 
avec des ressources que MM. les professeurs Rousset et Roustan ont bien voulu 
mettre à ma disposition; c’est pour moi un agréable devoir de remercier ces Mes- 
sieurs de leur constant appui, grâce auquel il m’a été possible de terminer ces re- 
cherches. : 

(2) J'ai moi-même réussi à peu près régulièrement à tuer en 24 à 48 heures de 
jeunes souris blanches âgées de trois à six semaines, par l'injection sous-cutanée de 
1/20 à ‘/10 de cent. cube d’une culture pure däns le bouillon à peptones, employée 
24 heures après ensemencement ; la rate et même le foie ont redonné les bacilles par 
culture sur pomme de terre et en gélatine. 


M. RIETSCH. — NTIOLOGIE DE LA FIÈVRE TYPHOIDE. 225 


800 malades, obligé en outre d'organiser un hôpital supplé- 
mentaire à la caserne Saint-Charles et de pourvoir à l’évacua- 
tion du trop-plein sur Lyon, Avignon, etc., M. Chabert s’est 
efforcé de mettre à ma disposition tous les matériaux que je 
pouvais désirer ; je me fais un véritable plaisir de lui exprimer 
ma reconnaissance pour l'appui éclairé qu’il a bien voulu pré- 
ter en toute circonstance à mes recherches. Je dois aussi adres- 
ser mes remerciments à M. Sieur, médecin aide-major, tout 
dévoué à la science, qui à fait un grand nombre d’autopsies 
de typhiques. 

Ce travail devait être entrepris en commun avec mon excel- 
lent ami M. Rœser, pharmacien-major, qui a pris part aux pre- 
mières recherches ; malheureusement son déplacement ne lui a 
pas permis de continuer et m'a privé, à mon grand regret, d'un 
collaborateur aussi actif que compétent. 

Recherches bactériologiques sur le cadavre (À). —L’examen a 
porté sur 36 cas; les autopsies ont été faites par MM. les méde- 
cins attachés à l'hôpital aussi vite que le permettent les règle- 
ments des hôpitaux militaires ; mais mes opérations se sont trou- 
vées plus d’une fois retardées par mes occupations profession- 
nelles d’abord, puis par la nouvelle épidémie de choléra qui a 
bientôt absorbé tout mon temps. Ainsi pour les n°° 29, 34 et 35 
du tableau des autopsies, l’ensemencement n’a pu avoir lieu 
que 48 heures après la mort, tandis que dans la grande ma- 
jorité des cas, l'intervalle a été de 25 à 30 heures seulement. 

J'ai toujours opéré par ensemencement dans la gélatine d’a- 
près la méthode indiquée par Gaffky (Mitth. aus dem K. Gesund- 
heitsamt, B. IT, p. 386). La rate (ou un morceau massif du foie, 
ou un rein) est lavée soigneusement dans une solution de 1/1 000 
de sublimé corrosif. Avec un scalpel et des pinces stérilisés par 
flambage, on fait une incision longitudinale profonde qui coupe 
presqu’entièrement en deux tout l'organe ou fragment d’or- 
gane. Une des deux surfaces de section sert de point de départ 
à une deuxième incision qui est faite avec de nouveaux instru- 
ments flambés, mais qui n’atteint nulle part les couches exté- 
rieures de l’organe (ou fragment d’organe). Enfin l’une de ces 
deuxièmes surfaces de section sert de point de départ à une troi- 


(1) Ces recherches ont été failes en grande partie en commun avec M. Rœser, 


996 M. RIETSCH. — ÉTIOLOGIE 


sième incision, qui est faite encore à l'aide de nouveaux instru- 
ments stérilisés, et qui ne doit pas davantage atteindre les cou- 
ches extérieures. C’est au fond de cette troisième incision, et 
avec une tige de platine stérilisée ou un quatrième scalpel 
flambé que l’on prélève une petite quantité de matière (sang, 
tissu râclé) que l’on introduit rapidement dans un tube dont la 
gélatine nutritive a été fondue puis refroidie vers 30°. On replace 
le bouchon de coton et opère le mélange par agitation aussi 
bien que possible. Avec une tige de platine recourbée en anse 
au bout et flambée, on introduit 3 à 5 gouttes de ce mélange 
dans un second tube de gélatine, puis on coule séparément le 
contenu des deux tubes dans des godets de verre stérilisés que 
l'on refroidit rapidement; on obtient ainsi deux cultures (ou 
même trois) de concentration différente, dans lesquelles les co- 
lonies du bacille typhoïde ne tardent pas à se développer. 

Ces colonies, on le sait, ne possèdent pas un aspect caracté- 
ristique, c’est-à-dire qu'elles ressemblent tout à fait aux colo- 
nies de plusieurs autres bactéries ; elles sont finement granu- 
leuses, d’une teinte jaune-brunâtre ; elles ne liquéfient pas la 
gélatine, et elles atteignent rapidement (3 à 5 jours) leur maxi- 
mun de développement, sauf à la surface de la gélatine, où elles 
continuent à s’étaler en donnant une tache jaunâtre avec des 
reflets bleus. 

Les cultures en gélatine ont toujours été examinées à Ja 
loupe et au microscope à un faible grossissement; dans le plus 
grand nombre de cas toutes les colonies présentaient le même 
aspect ; on faisait alors des préparations coloriées avec plusieurs 
d’entre elles pour les examiner au microscope. Quand il exis- 
tait des colonies d’aspect différent, elles étaient examinées à 
part; dans le cas contraire, les godets étaient conservés plu- 
sieurs jours, et on vérifiait encore l’absence de colonies d'un 
aspect différent et la non liquéfaction de la gélatine (1). 

Dans plusieurs cas j'ai aussi fait, en partant des cultures de 
gélatine, des semis sur pomme de terre qui sont bien plus ca- 
ractéristiques. Les pommes de terre bien lavées et brossées, 


(1) Ces caractères ne prouvent pas évidemment la pureté de la culture ; un godet qui 
remplissait ces conditions m’a donné, par exemple, sur pomme de terre, au bout de 
trois jours, un revêtement gris et velouté, et j'ai reconnu ensuite un mélange du ba- 
cille typhique avec un bacille notablement plus petit et ne liquéfiant pas la gélatine. 


DE LA FIÈVRE TYPHOIDE. 227 


sont immergées une 1/2 heure dans une solution de sublimé à 
35/1000 ; on les lave encore à l’eau bouillie, puis on les cuit 
une heure dans le courant de vapeur d’eau ; on les coupe en- 
core chaudes avec des couteaux flambés renouvelés pour 
chaque section, et on introduit les tranches dans des godets en 
verre stérilisés en replaçant aussitôt le couvercle. On n'emploie 
que les tranches sur lesquelles après plusieurs jours d'exposition 
à 30-36° il ne s’est formé aucune végétation ; on frotte la surface 
de la tranche avec une tige de platine qui a touché une culture 
(ou l'organe) typhique, puis on place les godets sous cloche en 
chambre humide. Au bout de 2 à 3 jours la surface de la tranche 
ne semble pas modifiée ; elle possède seulement un aspect un peu 
humide, sans changement de couleur, sans aucune apparence 
de revêtement velouté comme en produisent beaucoup d’autres 
bactéries ; et pourtant en touchant une partie quelconque de la 
surface avec une tige de platine on obtient des préparations 
contenant de nombreux bacilles typhiques. L’aspect des tranches 
reste le même les jours suivants si la culture reste pure. 

Plusieurs cultures ont été continuées par piqüre en tube; le 
développement est très faible autour de la piqüre et atteint 
bientôt son maximun; il ne se continue qu’à la surface de la 
gélatine qui finit par être recouverte entièrement d’une croûte 
mince, blanc-jaunätre. 

J'ai vérifié aussi que ces bacilles sont mobiles, qu'ils forment 
des spores au bout de 3 ou 4 jours à la température de 34 à 37°, 
qu’ils absorbent les couleurs d’aniline d’une façon moins in- 
tense que la plupart des autres bactéries et qu’ils se décolorent 
par la méthode de Gram. 

Enfin j'ai comparé mes cultures à celle de Gaffky. M. Frank, 
assistant de M. Koch, qui séjourna quelque temps à Marseille 
pendant le choléra de 1885, a bien voulu en effet m'envoyer un 
tube de la culture de Gaffky, et j’ai pu, par de nombreuses pré- 
parations, par des cultures en gélatine, etc., mais surtout par 
des cultures sur pomme de terre, établir l'identité des deux ba- 
cilles. 

Dans 36 autopsies l’examen a porté 34 fois sur la rate, 23 fois 
sur le foie, 9 fois sur un rein. Dans 35 cas on a retrouvé le ba- 
cillus typhosus ; il n’a fait défaut que dans une seule autop- 
sie (n° 7) où il n’a pu être trouvé ni dans les cultures, ni dans 


228 M. RIETSCH. — ÉTIOLOGIE 


les préparations directes faites soit avec le foie, soit avec la rate. 
N'ayant pas disposé de l'outillage nécessaire pour faire des 
coupes, je n’ai pu jusqu’à présent pousser plus loin l'examen 
de ce cas particulier unique. Il se rapporte à un moment où 
l'hôpital militaire de Marseille était déjà absolument encom- 
bré et où cependant le personnel médical n'avait pu encore 
être augmenté en proportion et se trouvait numériquement 
tout à fait insuffisant; je crois donc qu'il ne faut pas ex- 
clure la possibilité, soit d’un diagnostic fait à la hâte, soit 
d’une erreur de numéro ou d'écriture. La rate n’a donné br 
très petit nombre de colonies formées par un coceus, le foie 
des colonies de coccus et des colonies nombreuses d’un bâton- 
net droit différent du bacille typhoïdique et liquéfiant la géla- 
tine. Les préparations directes sur lamelles ont confirmé ces ré- 
sultats pour le foie ; elles n’ont rien donné pour la rate. 

Des préparations directes ont été faites aussi pour toutes les 
autres autopsies en étalant sur lamelle de petites parcelles d’or- 
gane, puis séchant, flambant et coloriant d’après la méthode 
connue ; elles donnent un résultat beaucoup moins sûr et moins 
net que les cultures ; souvent cependant elles montrent des 
bacilles nombreux dans lesquelles parfois on distingue des 
spores; 1l est évident que les spores isolées échapperalent à 
l'examen dans ces préparations. 

Quand par les procédés ci-dessus indiqués on avait constaté 
la présence du bacillus typhosus, ce résultat a été indiqué dans 
le tableau par le signe + qui n’est suivi d'aucune autre indi- 
cation dans le cas où l’on n’a trouvé aucun autre micro-orga- 
nisme ; le résultat négatif pour le bacillus typhosus est indiqué 
par le signe —; un ou deux astérisques suivant le signe + im- 
pliquent une diminution croissante dans le nombre de bacilles 
ou des colonies ; mais il s’agit là d’une évaluation assez arbi- 
traire. 

Des bactéries étrangères ont été constatées dans les autopsies 
suivantes : 

29 et 35 ensencement seulement 48 heures post-mortem. 
34 de même, de plus la maladie avait duré 98 jours. 


3 et 36 décès après 11 jours de maladie (à l’hôpital). 
28 après 20 jours de maladie (à l'hôpital). 


I semble très plausible que quelques-uns des divers micro- 


DE LA FIÈVRE TYPHOIDE. 229 


organismes contenus dans l'intestin puissent envahir l’écono- 
mie à la suite du bacille typhique, surtout quand la maladie se 
prolonge longtemps. 

La rate et le foie se sont montrés littéralement farcis de ba- 
cilles typhiques, même dans des cas assez anciens (1). Dans le 
rein, au contraire, ils étaient plus rares en général (19, 13,26, 
27, 28), ou même faisaient défaut (8, 15). Gaffky était déjà ar- 
rivé à des résultats analogues. 

Dans la deuxième colonne du tableau, j'ai indiqué en jours 
la durée du séjour du malade à l'hôpital; le chiffre doit sans 
doute être augmenté en genéral d’une ou de deux unités pour 
avoir la durée réelle de la maladie. 

L’autopsie 2 se rapporte à un militaire de la garnison de Mar- 
seille ; ce cas n’a aucun rapport avec l'épidémie du Pas-des- 
Lanciers (2). 

 L’autopsie 12 est celle d’un apprenti des équipages de la flotte 
entré à l'hôpital militaire le 4 juillet comme anémique sans au- 
cun symptôme typhique, et mort le 12 juillet de la fièvre ty- 
phoïde confirmée ; cela semble être un cas de contagion inté- 
rieure. 

Toutes les autres autopsies proviennent de la division de ré- 
serve du Tonkin, en majorité du camp Nord. (Voir plus loin.) 

Le même bacille se retrouvant dès le commencement de ces 
recherches dans presque toutes les autopsies et en quantité 
énorme, une relation de cause à effet entre ce bacille et l’épi- 
démie du Pas-des-Lanciers devenait très probable, d’autant 
plus que nos résultats n'étaient que la confirmation de beau- 
coup d’autres recherches sur le même sujet. 

Je me suis rendu plusieurs fois sur les lieux pour essayer de 
savoir comment la contamination avait pu se faire sur une aussi 
large échelle. À ma première visite (7 juillet) la division était 
encore rassemblée, mais on venait d’évacuer le camp Nord 
(3 juillet), et les troupes occupaient un espace plus vaste. Je fus 


(1) Ilest vrai que les ensemencements n’ont êté faits que plus de 24 heures après la 
mort, et Fraenkel et Simmonds ont montré qu'il y a multiplication des bacilles post- 
mortem. 

(2) L'identité du bacille trouvé dans ce cas avec celui du Pas-des-Lanciers et celui 
de Gaffky a été mise hors de doute, notamment par des cultures sur pomme de terre. 
Il ne semble donc pas y a voir lieu de distinguer, au point de vue étiologique, les épi 
démies typhiques des camps de celles des casernes. 


JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XXII (1886). 16 


Tableau des autopsies. 


+2 


Séjour 


à 
l'hôpital 
en jours. 


19 


27 


14 


| ——————————————— | | | 


mm | ————_—_—— | ———— | — 


Séjour 
l'hôpital Résultat des cultures, 
en jours. 
3 Rate + 
Foie + 
9 Rate + 
Foie 
11 Rate + 
Foie + coccus. 
9 Rate + 
Foie -+ 
p] Rate + 
11 Rate +* 
Foie + 


—_——— | ————___————————————— ———_————— > | ———— 


Rate — rares coccus. 
7 Foie — coccus et bacille 
liquéfiant la gélatine. 


Rate + 

7 Foie + 
Rein — 

8 Rate + 
Foie + 

18 Rate + 
Foie + 

7 Rate + 
Foie + 
Rate + 

8 Foie +* 
Rein +** 
Rate + 

13 Foie + * 
Rein +-** 

RENE EMA AU TA" sua dus 

Rate + 

9 Foie + 
Rein + 
NL 

19 Foie + 
Rein — 

9 | Foie + 

5 | Rate + 

20 foie + 


me 


a 


il 


| 
| 
Rate + 
Rate +* 


Résultat des eultures, 


Rate + 


Rate + 


Rate + 


Rate 


Rate + 
Rate + 
Rein +* 


Rate + 
Rein +* 


Rate + 


Rein +-** (coceus ?). 


Rate + coccus. 
Rein + impur. 


Rate +* 
Foie + 


Rate + 
Foie + * 
Rate + 
Foie + 


Rate + 
Foie + 


Rate +* coceus et gros 


bacille. 
Foie —* coccus. 


Rate + coccus. 
Foie + impur. 


Rate + impur. 
Foie + impur. 


DE LA FIÈVRE TYPHOIDE. 231 
accueilli avec la plus grande affabilité par M. Duchemin, méde- 
cin principal et directeur du service sanitaire de la division; 
M. Duchemin s’est empressé de me fournir tous les renseigne- 
ments qui pouvaient me guider et je suis heureux de l’en re- 
mercier ici. Plus tard je suis retourné successivement avec mes 
amis M. Roule et M. Jourdan, qui s'étaient occupés tous deux 
de la géologie de cette région. Finalement je suis arrivé à cette 
conclusion qu’il y a encore lieu ici d’incriminer principalement 
l’eau. 


Description des lieux et du régime des eaux. — Au nord- 
ouest de la station du Pas-des-Lanciers, à l’ouest de la voie 
ferrée de Marseille à Paris, entre celle-ci et l'étang de Berre, 
est situé un champ de tir où vont séjourner successivement en 
été des fractions du XV° corps d'armée. Ce champ de tir, tra- 
versé par une petite rivière, la Cadière, fut affecté au campement 
de la division du Tonkin (camp Sud) (1); on utilisa en outre 
la partie inférieure d'un plateau incliné qui s'élève vers le nord 
depuis la route de Martigues à Marseille et qui se trouve limité 
à l’ouest par une falaise de quelques mètres de hauteur; cette 
portion inculte du plateau (camp Nord) est séparée à l’est de la 
voie ferrée par une bande de champs cultivés. Au sud le pla- 
teau vient presque affleurer à la route; la falaise devient très 
basse et dans l'angle qu'elle forme avec la route jaillit une 
source abondante, la font Marignane, donnant un petit ruis- 
seau qui ne rejoint la Cadière qu’à 1,800 mètres environ plus 
loin, un peu en amont du village de Marignane, bien en aval 
du hameau de Saint-Victoret. 

Le plateau incliné est constitué par la formation dite calcaire 
de Rognac, que les géologues considèrent comme contempo- 
raine de la craie de Maëstricht, c’est-à-dire comme appartenant 
au crétacé supérieur. Les couches superficielles se composent 
d’un calcaire perméable d'autant plus qu’il porte de nombreuses 
crevasses verlicales ; il repose sur une couche argilo-bitumi- 
neuse compacte, imperméable, correspondant dans la série géo- 
logique à la couche connue sous le nom de zone à Melania ar- 
mata. La coupe ci-jointe, qui exagère notablement les pentes, 
montre que ces couches ont une direction parallèle à la surface 


(1) Voir ci-contre le plan du camp que j'emprunte au rapport de M. Duchemin. 


ETIOLOGIE 


RIETSCH. 


M. 


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… S'PAananist 


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Echelle au 


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DE LA FIÈVRE TYPHOIDE, 233 


du plateau ; elles sont inclinées du nord au sud; à la font Ma- 
rignane elles sont devenues presque horizontales ; à une faible 
distance au delà leur direction change et elles se relèvent de 
nouveau légèrement vers le sud. La source Marignane corres- 


EXT k / ge caleaure, 
ET a ds &: | AT Au cherasse 
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Phéteas du*eamp ]Vord f IDR e Marigr ane Pr. Xes L anciers 
Fiq. 2. 


pond presque au point le plus bas de la coupe , elle est alimen- 
tée par une nappe d’eau reposant sur la couche argilo-bitumi- 
neuse, et les eaux de pluie tombant sur la partie inférieure du 
plateau, arrivent à la source pour ainsi dire directement et sans 
filtration, à cause des crevasses du calcaire superficiel. 

Je de encore insister sur un détail qui me paraît très im- 
portant; la fontaine ne donne pas naissance directement au. 
ruisseau, mais l’eau jaillit dans le coin G du bassin ABCD figuré 


“ : 4 D 1 A We US Ab 
ia 
| Wu he Fr cg 


y | DIE NEA (Éi 
io & 4, |: 2 SA N- ua 
à : ire 


SE = dise (== 


7 


7 a 


: 
* Rursseau ait Font Marignane 


Fig. 3. 
ci-contre; ce bassin est entouré de murs hauts de quelques mé- 
tres ; l’eau y reste d'abord plus ou moins stagnante au milieu 


234 M. RIETSCH. — ÉTIOLOGIE 


des végétaux qui le remplissent complètement et qui forment 
une couche épaisse, dense, couvrant toute la surface sauf dans 
l'angle C (1). L'eau n’est accessible qu’à sa sortie du bassin au 
bas du mur AD, et c’est là que les soldats allaient la puiser. 

Les habitants de Saint-Victoret et de Marignane ne boivent 
pas l’eau de la font Marignane, mais celle de leurs puits. Les 
puits de Saint-Victoret, placés sur la rive gauche de la Cadière, 
ne peuvent avoir aucune communication directe avec le ruis- 
seau. Les puits de Marignane, à 2 kilomètres plus loin, powr- 
raient recevoir une certaine proportion de ces eaux, mais seu- 
lement après leur mélange avec la Cadière dont le débit est huit 
à dix fois plus fort que celui du ruisseau, et seulement après fil- 
tration ; enfin la Cadière n’est certainement pas l’unique source 
d'alimentation des puits de Marignane, si toutefois elle y prend 
part. Trois ou quatre maisons seulement de Saint-Victoret sont 
placées sur la rive droite du ruisseau, à une distance de 40 à 
15 mètres, et je ne sais pas dans quels rapports leurs puits peu- 
vent être avec la font Marignane. 

Marche de l’épidémie. — Les premières troupes arrivèrent au 
camp vers le milieu de mai et l'effectif de la division fut bientôt 
porté à 8,615 hommes dont 199 officiers (2). Les 62°, 63° et 123° 
de ligne, forts de 5,110 hommes, s’établirent au camp Nord; les 
47° de ligne, 22° bataillon de chasseurs, l'artillerie, le génie, le 
convoi des subsistances prirent le camp Sud, soit 3,427 hom- 
mes, officiers compris. Il faut encore ajouter état-major : offi- 
ciers 31, troupe 47, soit en tout 78 hommes qui firent partie la 
plupart au moins du camp Sud; mais n’étant pas assez certain 
de leur répartition, je préfère ne pas les faire entrer en ligne de 
compte dans l'effectif du camp Sud. 

Dans ce qui va suivre, je compterai comme malades, au camp 
Nord, tous ceux appartenant aux 62°, 63° et 123° de ligne, et, 
au camp Sud, tous les autres de la division. 

Le 62° de ligne provenait de Lorient, où « un régiment d’in- 
« fanterie de marine était depuis longtemps éprouvé par : 
« la fièvre typhoïde, tandis que le 62° avait été complète- 


(1) J'ai trouvé le bassin dans cet état à chacune de mes visites au camp. 

(2) J'emprunte ces chiffres, ainsi que la plupart de mes renseignements sur les 
troupes et les malades du camp, au rapport de M. Duchemin. (Archives de Méd. et 
Pharm. militaires, n° du 1er mars 1886.) 


DE LA FIÈVRE TYPHOIDE, | 235 


« ment indemne jusqu'à son départ; mais, pendant la route, 
«_ il avait laissé à Limoges deux hommes fortement soupçon- 
«nés d’être atteints par la maladie » (rapport de M. Du- 
chemin), Ce régiment arrive au Pas-des-Lanciers le 12 mai; 
le 15, il envoie à l'hôpital de Marseille trois hommes atteints de 
fièvre typhoïde. « Naturellement on s'émut; le régiment fut 


Tableau des entrées à l'hôpital pour fièvre typhoïde. 


| CAMP NORD, CAMP SUD, CAMP NORD. CAMP SUD, 
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=— 


« inis en on prescrivit l'isolement des hommes de 
« renfort » qui devaient compléter les deux bataillons de ce 
régiment. Dès le mois de mai «les embarras gastriques furent 


236 M. RIETSCH. — ÉTIOLOGIE 


« toujours nombreux au 6%.» Le 63° eut dès le 18 mai un 
cas de fièvre typhoïde confirmée; le camp Sud ne fut atteint que 
plus tard. Il ne me semble donc pas impossible que le 63° eût 
apporté aussi de son côté des germes de l'épidémie, tandis que 
les troupes du camp Sud n’ont probablement été contaminées 
qu’au Pas-des-Lanciers. 

Le tableau ci-joint indique la marche de l'épidémie jusqu'à 
la levée du camp (24 juillet); lo camp Nord fut évacué le 3 juil- 
let, et les troupes qui le composaient furent installées autour 
et à quelque distance du camp Sud, jusqu'à la dispersion com- 
plète de la division. J'ai encore emprunté tous les éléments de 
ce tableau au rapport de M. Duchemin, en les groupant seule- 
ment par camp Nord et camp Sud. M. Duchemin a partagé tous 
les typhoïdiques en deux catégories : «les malades ayant par- 
« couru le cycle complet de la fièvre typhoïde (F. t. confirmées) 
« et les malades auxquels on aurait pu maintenir les épithètes 
« de fièvre muqueuse, fièvre gastrique (f. t. abortives). 

La totalité des fièvres typhoïdes confirmées a donc été de : 


416, soit 8,14 0/0 de l'effectif au camp Nord. 
3, — 1,55 0/0 — — Sud. 


La totalité des fièvres typhoïdes abortives : 
829, soit 16,08 0/0 au camp Nord. 


198, — 3,73 0/0 — Sud. 
Soit en tout 24,22 0/0 de cas typhoïdiques au camp Nord. 


— 5,78 0/0 — = Sud. 


sur lesquels il y a eu : 


409 morts, soit 2,13 0/0 de l'effectif au camp Nord. 
43 —  — 0,38 0/0 — — Sud, 


Le camp Nord a fourni en général 2,247 entrées aux hôpi- 
taux, ou 43,97 0/0; le camp Sud 655, ou 19,11 0/0; si l'on en 
défalque les fièvres typhoïdes, il reste pour toutes les autres 
maladies nne proportion de 19,75 0/0 au camp Nord, 13,83 0/0 
au camp Sud. C’est donc surtout l'épidémie typhoïdique qui 
donne l'énorme différence de 19 à 44 0/0 entre les deux camps. 

Causes probables. — Les troupes étaient loin d'être placées 
dans de bonnes conditions. Dans l'emplacement du camp on 
ne trouve pas un arbre, pas trace d'ombre, ni aucun abri contre 
le mistral. Sous les tentes, ii faisait Le plus souvent, dans la 


DE LA FIÈVRE TYPHOIDE, 237 


journée, une chaleur insupportable; les nuits étaient humides 
et fréquemment fraîches. Des feuillées furent bien creusées 
pour recevoir les selles ; on devait même les munir de tinettes; 
néanmoins le sol ne tarda pas à être couvert de déjections 
typhoïdiques et autres; les hommes affaiblis par la fièvre, at- 
teints de diarrhée, ne pouvaient guère en effet parcourir les 
200 mètres ou plus qui les séparaïent le plus souvent des lieux 
d'aisance. Les rafales assez fréquentes de mistral balayaient 
le camp, soulevant des nuages de poussière qui couvraient les 
ustensiles, les effets, le pain, la soupe, etc. des soldats, et dans 
cette poussière il pouvait, il devait y avoir souvent, dans ces 
conditions, des spores du bacille typhique qui résistent si long- 
temps à la dessication: 

Il a donc dû y avoir contamination par l'air, contamination 
sans nul doute aussi par le linge, par le couchage en com- 
mun sous la même tente, par les rapports constants des hommes 
entre eux dans un même camp. Mais ces conditions étaient à 
peu près les mêmes pour les deux fractions de la division, 
et les rapports fréquents qu'elles avaient entre elles auraient 
dü, après quelques semaines au moins, établir l'égalité au 
point de vue de l'épidémie entre les deux camps, si les circons- 
tances que je viens d’'énumérer avaient été les principaux fac- 
teurs dans la contagion. Une différence capitale, à mon avis, 
c’est que les deux camps ne consommaient pas la même eau. 
Le camp Nord s’approvisionnait à la source Marignane, le camp 
Sud au puits de l'état-major et à la Cadière (voyez le plan du 
camp et le rapport de M. Duchemin). 

Or, au camp Nord, l’eau de pluie, après avoir passé sur les 
déjections éparses et sur celles des feuillées qui devenaient de 
véritables appareils de lixiviation, se rendait presque directement 
et sans filtration à la fontaine à laquelle buvaient les soldats, 
et il n’est pas possible de douter que bacillus typhosus, une 
fois amené dans le bassin, dans lequel jaillissait la source, 
devait, le soleil aidant, s’y multiplier et s’y perpétuer, soit sur 
les parcelles végétales et les débris organiques flottant dans le 
bassin, soit dans les parties plus ou moins stagnantes de la mare 
d'eau, contaminant sans cesse l’eau qui s’écoulait par le ruis- 
seau. Il y a donc eu au camp Nord une cause de contagion gé- 
nérale et persistante dès les premiers jours, car le 62° de ligne 


238 M. RIETSCH. — ÉTIOLOGIE 


est arrivé le 42 mai et il a plu abondamment le 14; il y avait 
à ce moment des hommes atteints de la maladie, puisque ce 
régiment a fourni le 15 trois entrants à l’hôpital pour fièvre 
typhoïde confirmée. Les pluies subséquentes (1), à un moment 
où les typhiques étaient déjà nombreux et leurs déjections abon- 
dantes sur le sol, n’ont pu manquer de déterminer une nouvelle 
infection de la source. 

On ne peut pas objecter à cette manière de voir le fait que 
l'évacuation du camp Nord n’a pas été suivie immédiatement 
d’une diminution notable de l'épidémie, car on est générale- 
ment d'accord pour admettre, pour la fièvre typhoïde, une pé- 
riode d'incubation, de durée variable sans doute d’après l’état 
de réceptivité de l'individu et la quantité de bacilles (ou de 
spores) introduits dans l'intestin, mais pouvant atteindre trois 
semaines d'après Gaffky. Le changement de l’eau potable ne 
pouvait donc manifester son influence qu'après un certain laps 
de temps, et c’est ce qui a eu lieu, comme on le reconnaîitra en 
consultant le tableau précédent. 

Au camp Sud, on buvait : 4° de l’eau de la Cadière, qui des- 
cend de la chaîne de la Nerthe, et pour laquelle il n’y avait pas 
de raison apparente de contamination ; 

2° L'eau du puits de l'état-major et du puits du génie creusés 
dans le voisinage de la Cadière. Ces puits affleurent aussi à la 
couche argilo-bitumineuse dont il a été question, et sont creu- 
sés à travers les couches de calcaire perméable; mais, en ce point, 
il ya une inclinaison générale des terrains vers l'étang de Berre ; 


(1) Je donne ici le relevé des observations pluviométriques faites en mai, juin et 
juillet dans les stations les plus rapprochées du Pas-des-Lanciers, d’après la com- 
munication qu'a bien voulu me faire M. Stephan, diæcteur de l'Observatoire de Mar- 
scille (pluie en millimètres). 


DATES 
BERRE, 
LES PENNES 
MARIGNANE 
DATES. 
BERRE 
LES PENNES 
SAINT-CHAMAS 
DATES 
BERRE 
LES PENNES. 
SAINT-CHAMAS 


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29 6 k À » Î 7 12 | A 3 


DE LA FIÈVRE TYPHOIDE. 239 


les eaux d'infiltration du camp Sud devaient donc plutôt s’éloi- 
gner de la Cadière et des puits. Puis la nappe d’eau souterraine 
est considérable ; les infiltrations du camp s’y seraient trouvées 
très délayées dans l’eau provenant des collines voisines; enfin, 
et surtout peut-être, les puits n’aboutissaient pas dans un véri- 
table appareil de culture, de multiplication, comme le bassin 
de la fontaine Marignane. 

Le village de Saint-Victoret (450 habitants) qui, au point de 
vue de l’eau, se trouve dans des conditions très analogues à 
celles du camp Sud, n’a pas eu un seul cas de fièvre typhoïde, 
d’après les renseignements qui m'ont été fournis par MM. les 
docteurs Amavet et Justinesy de Marignane; il est vrai que ses 
habitants, acclimatés du reste, étaient protégés par leurs mai- 
sons contre le mistral et le soleil. 

Il y a eu un cas grave de fièvre typhoïde à Marignane 
(2,000 habitants, situé à 2 kilomètres plus loin) le 48 juin; il 
n’y à aucune raison pour le mettre en relation avec l'épidémie 
du Pas-des-Lanciers. | 

En général, dans ces deux localités, les fièvres typhoïdes 
sont rares ; en 1885, il y en a eu plutôt moins que la moyenne, 

Examen bactériologique des eaux. — Avec de l’eau que j'a- 
vais puisée au camp le 7 juillet, nous avons fait, M. Ræser et 
moi, plusieurs ensemencements dans la gélatine. Les eaux de 
la Cadière, de l'état-major et de la font Marignane nous ont 
donné toutes trois de nombreuses colonies de coceus tout à fait 
semblables à celles du bacillus typhosus (on sait que celles-ci 
n'ont rien de caractéristique) ; il eut donc fallu faire l’essai de 
chaque colonie par une préparation coloriée, et par l'examen 
microscopique; nous avons fait un certain nombre de ces es- 
sais, et nous avons fini par trouver quelques colonies formées 
d’une bacille très semblable par sa forme et ses dimensions au 
bacillus typhosus. Ge bacille a été resemé, et ses colonies nous 
ont paru alors un peu moins colorées que celles de la dothié- 
nentérie. Une fois obtenu à l’état de pureté, il a été semé sur 
des tranches de pomme de terre, et nous avons pu ainsi nous 
assurer qu'il ne s'agissait pas du bacille typhique. Les tranches, 
en effet, se recouvraient en vingt-quatre heures à 34° d'une 
épaisse couche blanche semi-fluide. Le départ de M. Ræser et la 
réapparition du choléra à Marseille ne nous ont pas permis de 


\ 


240 M. RIETSCH, — ÉTIOLOGIE 


reprendre ces recherches avec de nouveaux échantillons d’eau. 

Le résultat a donc été certainement négatif pour ces quelques 
recherches du bacille typhique dans l’eau que nous incrimi- 
nons; mais ceci ne prouve absolument rien. La recherche d’une 
bactérie déterminée dans l’eau offre bien des chances de non 
réussite, même quand cette bacterie existe en quantité assez 
notable, et forme des colonies bien caractérisées faciles à recon- 
naître de toutes les autres (bacille-virgule du choléra, par 
exemple); néanmoins, dans ces conditions, le problème n'est 
pas insoluble. Les conditions sont bien différentes quand on ne 
peut plus retrouver à la loupe ou avec un faible objectif la co- 
lonie cherchée au milieu de centaines d’autres, quand il faut, 
pour chaque colonie, faire une préparation et un examen mi- 
croscopique. 

Si l’eau de la source Marignane avait renfermé trois ou 
quatre bacillus typhosus par litre, cela n’aurait-il pas suffi à ex- 
pliquer toute l'épidémie? et pourtant comment les trouver, si 
ce même volume d’eau renfermait 100,000 (et ce chiffre est 
sans nul doute beaucoup trop faible) bactéries, et en majorité 
le (ou les) coccus fournissant des colonies d’aspect identique 
à celui des colonies du bacille pathogène, étant donné surtout 
que cet examen ne peut jamais porter que sur quelques centi- 
mètres cubes d’eau ? 

Il n’est pas douteux que chaque pluie devait infecter la source 
Marignane avec les déjections du camp Nord, que le bassin en- 
tourant cette source ne pouvait manquer de devenir un réser- 
voir, un multiplicateur du contage ; l’eau qui en sortait était 
éminemment propre à produire une contamination intense, sur- 
tout étant bue par des hommes en aussi excellentes conditions 
de réceptivité que les troupes du camp. 

Cela prouve encore une fois que l’on n'obtient pas des ren- 
seignements suffisants sur les eaux potables par l'analyse chi- 
mique, car celle-ci avait montré l’eau Marignane préférable à 
toutes les autres du camp. (Rapport Duchemin, p. 149.) 

Conclusions. — Quoique différant d'opinion avec M. Duche- 
min en plus d’un point sur les causes de cette épidémie, je 
conclurai donc comme lui (1. c. p. 175) : 1° que les conditions de 
réceptivité ne doivent pas être négligées, c'est-à-dire qu’il ne 
faut pas camper 8,000 hommes pendant des mois, en plein été, 


DE LA FIÈVRE TYPHOIDE. o41 


sous le soleil ardent de la Provence, dans une plaine dénudée 
et sans abri contre le mistral. 

« 2° Que les camps permanents doivent être évités en temps 
« de paix. Lorsqu'ils sont imposés par des considérations 
« d'ordre supérieur, ils doivent être établis, autant que pos- 
« sible, dans des régions tempérées; l'aménagement des eaux 
« potables et des latrines doit toujours précéder l’arrivée des 
« troupes. Le service des vidanges doit être préalablement as- 
« Suré. » 

J'ajouterai seulement ceci : et à! faudra surtout prendre des 
dispositions telles que les déjections ne puissent, par l'inter- 
médiaire de l’eau de pluie, aller contaminer l’eau de consomma- 
hon, dût-on pour cela aller chercher celle-ci à une certaine 
distance. 


RECHERCHES 


INSECTES VÉSICANTS 
(SUITE) ! 


Par H. BEAUREGARD 


(PzancHes VI 4 IX.) 


II, — TUBE DIGESTIF. 
A. FORME EXTÉRIEURE. 


Le tube digestif a été étudié chez quelques insectes Vési- 
cants par différents naturalistes, Ramhdor (23), Brandt et Ratz- 
burg (24), L. Dufour (25), Audouin (14), etc.; mais en général, 
ces auteurs n'ont examiné qu’un petit nombre de genres et leurs 
descriptions sont assez sommaires. 

L. Dufour (1824), est celui qui a étendu ses recherches au 
plus grand nombre de types. Il a figuré le tube digestif des 
Meloe Majalis, Mylabris melanura, Zonitis prœusta et Sitaris 
humeralis. 

Audouin (1826), de son côté, n’a étudié que la Cantharide, 
mais il a donné dans ja belle monographie qu'il a consacrée a 
cet insecte la description la plus détaillée que l’on possède du 
tube digestif d’un Vésicant. 

Je me suis proposé de compléter ces notions dans la mesure 
du possible. Mes investigations, à cet effet, ont porté sur tous les 
types que j'ai pu me procurer vivants ou conservés dans l’al- 
cool. 

Les Cantharis vesicatoria, Epicauta verticalis, Lytta Fabriciüi, 
Lylta pensylvanica, Cerocoma Schreberi, Mylabris 4-punctata, 
Mylabris geminata, Zonitis mutica, Meloe angusticollis, M. pros- 
carabœus, M. Majalis et Sitaris humeralis que j ai étudiés repré- 
sentent, à quelques exceptions près, les principaux genres du 
groupe. 

Le tube digestif examiné en place présente chez tous les Vési- 


(1) Voir les numéros de Novembre-Décembre 1885 et Janvier-Février 1886. 


H. BEAUREGARD. — RECHERCHES SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 243 


cants trois parties bien distinctes par leurs caractères extérieurs ; 
ce sont, d'avant en arrière : l’œsophage (préintestin) ; le ven- 
tricule chylifique (intestin moyen) et l'intestin proprement dit 
(post-intestin). La forme et les dimensions réciproques de ces 
diverses parties sont un peu variables avec les espèces. 

L'œsophage, toujours court et cylindrique dans sa partie anté- 
rieure, se renfle plus ou moins en arrière avant de s'unir au 
ventricule chylifique. Cette partie dilatée qui est très développée 
chez Meloe majalis, a reçu de certains auteurs le nom de jabot; 
nous verrons qu'il n'existe point chez les espèces qui, comme 
les Zonitis (Z. mutica, Z. prœusta) se nourrissent exclusivement 
du pollen des fleurs. Dans ce cas, l'œsophage (fig. 16, pl. IX) 
est grèle et cylindrique dans toute son étendue. 

Chez certains Vésicants, comme la Cantharide ordinaire (C. 
Vesicatoria) les parois de l'œsophage semblent assez épaisses. 
Dans la région postérieure elles sont relevées extérieurement 
de saillies longitudinales séparées par des dépressions de lar- 
geur à peu près égale, et au niveau où commence l'estomac 
l’œsophage se termine par un bord festonné (pl. VI, fig. 4). 
Aïlleurs, chez Epicauta verticalis, Lytta Fabrici et Lytta pen- 
sylvanica la paroi paraît plus mince et l’on aperçoit par trans- 
parence les pièces internes qui composent la valvule cardiaque 
(pl. VILLE, fig. 2). 

Le Ventricule chylifique a toujours un diamètre de beaucoup 
supérieur à celui des autres parlies du tube digestif. Chez Meloe 
Majalis en particulier, sa capacité est telle que Graber a pu dire 
(26) que de tous les insectes c’est certainement celui qui a le 
plus grand estomac (1). Dans les autres genres, sans atteindre 
un développement aussi considérable, il reste encore le plus vo- 
lumineux des organes internes, 

Allongé et de forme ovoïde chez le plus grand nombre (Can- 
theris, Meloe, Epicauta, Lytta, Mylabris), il est à peu près régu- 
lièrement cylindrique chez les Zonitis et Sitaris. 

Chez tous, il se rétrécit plus ou moins brusquement dans son 
1/3 ou son 1/4 postérieur et se termine en un renflement ovoïde 
ou annulaire auquel fait suite l’intestin proprement dit. C’est 


(1) Il est à remarquer toutefois que cette grande capacité ne se montre que lorsque 
l'organe est distendu par les aliments. Chez les insectes à jeun, le volume est beau- 
coup moindre. | 


244 Il. BEAUREGARD. — RÉCHERCHES 


en cette région renflée (renflement pylorique) à son union avec 
le ventricule chylifique que débouchent les tubes de Malpighi. 

Rarement (Zonitis, Sitaris) la surface extérieure du ventricule 
est lisse; ordinairement elle est marquée d’épaississements 
transversaux très prononcés dans les 2/3 antérieurs et qui s’atté- 
nuent un peu en arrière pour disparaître complètement dans la 
portion postérieure rétrécie du ventricule ainsi qu’à la surface 
du renflement pylorique qui est toujours lisse. 

Ces épaississements annulaires ont été regardés par les au- 
teurs (L. Dufour, Audouin, etc.) comme formés de rubans mus- 
culaires transversaux. Il n’en est rien, car ainsi que nous le 
montrerons plus loin, l'enveloppe musculaire de l’intestin moyen 
n’a qu’une faible épaisseur. Ces épaississements traduisent à 
l'extérieur les replis annulaires de la muqueuse sur lesquels 
se moule la paroi très mince de l'organe. Cela est si vrai, que 
dans la région pylorique du ventricule où la muqueuse cesse 
d'être plissée, la surface est lisse bien qu'à ce niveau les plans 
musculaires de la paroi acquièrent un plus grand développement. 
Pour se convaincre de l’erreur que nous signalons, 1l suffit 
d’ailleurs de lire le passage suivant du mémoire de Audouin : 
« La paroi externe de l’estomac, offre une quantité de bande- 
« lettestransversales qui sont formées par la tunique musculaire ; 
« celte structure est beaucoup plus sensible à l'intérieur où elle 
« constitue des plis saillants séparés entre eux par des sulons 
« très larges... » 

Il est évident qu’il s’agit bien là de la muqueuse. Les coupes ne 
laissent d’ailleurs aucun doute sur l’origine des épaississements 
annulaires en question. 

L'intestin proprement dit est un tube flexueux qui sous Île 
rapport de la forme extérieure et de la longueur présente deux 
types distincts : 

D'une part, chez les espèces qui ne sont pas à proprement 
parler herbivores et qui se nourrissent principalement de pollen 
(Mylabris, Zonitis, Sitaris) l'intestin relativement très court se 
rend directement à l'anus en décrivant seulement quelques si- 
nuosités. Avant sa terminaison, il se renfle brusquement en un 
réservoir pyriforme qui aboutit à l’anus par son extrémité retré- 
cie (pl. IX, fig. 16, 18 et 19). 

D'autre part, chez les espèces qui se nourrissent de feuilles 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 245 


comme les Cantharis, Epicauta, Lytta, Meloe, etc., l'intestin est 
comparativement plus long et pour trouver place dans la cavité 
abdominale, se courbe en formant deux anses. On peut alors y 
distinguer trois parties qui se caractérisent tant par leurs dimen- 
sions que par leur direction. 

La première portion, toujours la plus courte, fait immédiate - 
ment suite au ventricule chylifique. Elle s’abouche au renfle- 
ment pylorique et se dirige en arrière. Après un trajet de quel- 
ques millimètres, l'intestin en faisant un coude brusque se porte 
en avant, en se plaçant au côté droit du ventricule. Enfin, par 
un nouveau coude, l'intestin reprend sa direction primitive et 
se porte en ligne droite vers l'extrémité postérieure du corps. IL 
est alors rapproché de la face dorsale de l'abdomen. La situation 
relative de ces trois parties de l'intestin se voit bien sur la coupe 
transversale de la Cantharide que nous donnons (pl. VI, fig. 11). 

De ces trois portions, les deux premières sont à peu près 
cylindriques et ont sensiblement même diamètre chez Can- 
tharis, Lytta Fabricü, L. pensyloanica et Meloe. Chez Epicauta 
verticalis la deuxième portion est fusiforme et même passable- 
ment renflée en son milieu. Quant à la troisième portion elle est 
ordinairement cylindrique, mais d’un diamètre presque double 
de celui des précédentes parties. Chez Meloe Majalis, toutefois, la 
forme de cette région rappelle davantage celle de la région cor- 
respondante des Mylabris et Zonitis, en ce sens que lerenflement 
est ovoide et limité à la partie postérieure de l'intestin. D'ailleurs, 
ainsi que je le montrerai plus loin la structure de cette dernière 
région de l'intestin ne laisse voir qu’une différence de longueur 
suivant les espèces. On arrive à la même conclusion, si l’on con- 
sidère que c'est toujours à l’extrémité antérieure de ce renfîle- 
ment cylindrique ou ovoïde (cæcum des auteurs) que se voit l’in- 
sertion postérieure des tubes de Malpighi. | 

Enfin l'intestin se termine par un tube cylindrique extrème- 
ment court et d'un petitdiamètre, mais qui u’est pas à négliger, 
car il offre une structure interne toute particulière. 


B. STRUCTURE DU TUBE DIGESTIF. 


Si après avoir ouvert le tube digestif dans toute sa longueur, 
on l’étale pour l'examiner à la loupe, on constate la présence de 


deux valvules, situées : la première (valvule cardiaque) à l'union 
JOURN, L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — T, XXII (1886). 17 


246 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


de l’œsophage et du ventricule chylifique ; la seconde (valvule 
pylorique) à l'union du ventricule et de l'intestin. En outre, la 
surface interne de chacune des régions du tube digestif offre un: 
_aspect particulier, indice de profondes différences de structure. 

Il était nécessaire pour prendre une idée exacte de la struc- 
ture de ces organes, de pratiquer des coupes en série. Dans ces 
recherches histologiques, j'ai procédé de la manière suivante 
avec les espèces telles que Cantharis vesicatoria, Epicauta ver- 
ticahs, Mylabris 4-punctata et Meloe proscarabœus que j'ai pu 
me procurer vivantes : le tube digesüf était fixé par l'alcool 
absolu ou l’acide osmique, puis durci dans la gomme et les 
coupes colorées au moyen du picro-carmin ou de l'hematoxyline. 

Comme agent de fixation l’acide osmique m'a donné d’excel- 
lents résultats par la méthode suivante : j'injecte dans le tube 
digestif en place une solution d’acide osmique au centième, puis 
après un contact peu prolongé, je fais un lavage à l'alcool, Il 
est bon pour réussir de faire Les injections à la fois par l’anus et 
par la bouche, le jeu des valvules pouvant s'opposer au passage 
des liquides dans un sens ou ne cédant qu'à une pression qui 
peut nuire à l'intégrité des parois. 

Je me suis trouvé mieux encore d’une autre méthode consis- 
tant à ouvrir dans toute sa longueur le canal alimentaire et après 
l'avoir étalé, à le traiter par l'acide osmique. On suit mieux ainsi 
l’action du réactif et on obtient d'excellentes préparations. 

Mes investigations m'ont montré que les caractères généraux 
de structure se retrouvent à peu près semblables chez Les diverses 
espèces sauf en ce qui concerne la structure et le développement 
des valvules. Je prendrai pour type la Cantharide ordinaire 
(G. Vesicatoria). 


a. OESOPHAGE ET VALVULE CARDIAQUE. 


1° Cantharide. — Comme chez tous les insectes, l’œsophage 
comprend, de dedans en dehors, trois couches nettement défi- 
nies, savoir : 1° une cuticule ou revêtement chitineux interne, 
2° une couche de fibres musculaires longitudinales et 3° une 
couche de fibres musculaires à disposition circulaire. 
. En dehors de cette dernière, la surface de l’œsophage est par- 
courue par de fines trachées englobées en partie dans une masse 
adipeuse qui forme uvre double traînée à la face venirale et à la 


SUR: LES INSECTES: VÉSICANTS. 247 


face dorsale de l'organe. Cette masse adipeuse n’offre pas la même 
structure que celle qui enveloppe l'intestin. Elle est formée de 
cellules irrégulièrement polyédriques, finement granuleuses, 
larges d'environ 424 à 17 y, et qui renferment un noyau à peu 
près sphérique dont le diamètre mesure 6 y. Ce noyau qui se 
colore très bien par le carmin, possède le plus souvent deux nu- 
cléoles fortement réfringents. Les cellules sont groupées dans 
une substance fondamentale hyaline (fig. 12, pl. VI), qu'on voit 
par places sur les bords, se prolonger en de grèles filaments 
transparents. L'ensemble des cellules affecte parfois des grou- 
pements tels qu’on penserait avoir affaire à des tubes tapis- 
sés d’épithélium. Cependant jamais sur les coupes je n'ai pu 
obtenir des sections qui confirment cette manière de voir. J'avais 
pensé d’abord être en présence de quelqu'organe de secrétion, 
tel que glandes salivaires. Mais la disposition de ces amas de 
cellules à la surface des trachées, leurs caractères histologiques 
et la coloration noire intense qu’elles prennent sous l’action de 
l'acide osmique en même temps que l’absence de conduit d’au- 
cune sorte débouchant dans l’œsophage sont, autant de raisons 
qui me déterminent à les considérer comme une formation à 
rapprocher du corps adipeux. 

Sur mes coupes, non plus qu’au moyen des dissociations, je 
n'ai pu mettre en évidence une couche hypodermique interpo- 
sée entre la cuticuleet la musculeuse longitudinale. Ici comme 
chez les autres insectes, la cuticule repose directement sur Îles 
fibres musculaires; toutefois à partir d’une certaine distance en 
arrière de l’orifice buecal; la face externe ou profonde de la cu- 
ticulé présente des champs polygonaux irréguliers, d'abord mal 
définis, puis plus arrêtés, qui offrent un aspect finement granu- 
leux et se colorent bien en rouge par le picro-carmin. 

Je n’ai trouvé dans la paroi de l’œsophage ou à son voisinage 
aucun élément où organe pouvant être interprété comme glande 
salivaire. Les récentes recherches de M. Gazagnaire (30) sur les 
Glandes salivaires m'ont engagé à rééiudier ce point particulier 
et mes études me confirment dans mon opinion première rela- 
tivement aux insectes vésicants. M. Gazagnaire a décrit, en effet, 
des éléments glandulaires dans l'épaisseur du labre des Ditycideæ, 
et a cru pouvoir, vu leurstructure, les considérer comme glandes 
salivaires. Je retrouve bien dans le labre de la Cantharide des 


248 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


éléments glandulaires formés d’une cellule volumineuse ovoïde 
avec noyau nucléolé et pourvue d’un fin conduit chitineux qui 
partant de l’intérieur de la cellule où il forme un crochet pro- 
noncé, va après un long trajet aboutir à la surface du tégument. 
Or ces glandes unicellulaires s'ouvrent aux deux surfaces, supé- 
rieure et inférieure du labre, ce qui semble bièn indiquer qu’elles 
sont simplement des glandes de la peau. Bien plus, j'ai retrouvé 
de semblables éléments glandulaires et les antennes dans les 
divers articles des pattes (cuisse, jambe, tarse), et jusque dans 
les élytres. Pour considérer les glandes de la face inférieure du 
labre comme glandes salivaires, il faudrait admettre, ce qui est 
possible, qu'une même forme d'éléments est susceptible de don- 
ner des produits variés (de même que chez les animaux plus éle- 
vés, nous voyons les glandes en grappes constituer un type quise 
reproduit dans des organes qui donnent des secrétions très dis- 
tinctes). L’abondance des glandes monocellulaires dans le labre 
chez la Cantharide laisse à penser tout au moins qu’elles secrètent 
un liquide qui s’écoulant sur les mandibules au moment de leur 
fonctionnement peutavoirune action mécanique sinon chimique, 
et aider à la trituration. Les orifices de ces glandes à la face infé- 
rieure du labre, siègent en effet de chaque côté, en avant de l’épi- 
pharynx, par conséquent immédiatement au-dessus des mandi- 
bules qui ne peuvent manquer d’être lubréfiées par la secrétion. 
Mais je répète que des glandes en nombre non moins grand, et 
absolument identiques, débouchent à la face supérieure du labre. 

Les deux couches musculaires de l'œsophage, sont superposées 
sans interposition d'aucun tissu apparent entre elles. La couche 
musculeuse interne est composée de fibres striées longitudinales 
disposées côte à côte en une sorte de membrane. Cet arrangement 
s’observe fort bien à travers la cuticule lorsqu'on examine une 
préparation d'un œsophage ouvert et étalé. La paroi semble alors 
striée longitudinalement, apparence due aux lignes de sépara- 
tion des fibres longitudinales. Sur les coupes transversales on 
se convainct que cette musculeuse interne est fort peu épaisse. 
Elle n’est formée en effet que d’un ou deux plans de fibres sauf 
au niveau de certains replis de la cuticule dont nous parlerons 
tout à l'heure, où les fibres musculaires se groupent en petits 
faisceaux entre les deux lames de la cuticule qui par leur ados- 
sement forment ces replis. 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 249 


La musculeuse externe est composée de fibres circulaires, Elle 
comprend deux ou trois plans de fibres superposés et a une 
épaisseur moyenne de 0**,010 environ. 

Cuticule. — La cuticule consiste en un revêtement chitineux 
épais d'environ 6 # à 74,5 appliqué à la face interne de la couche 
des fibres musculaires longitudinales. Incolore et transparente, 
cette cuticule est relevée à sa surface de prolongements en 
forme de poils qui font saillie dans la cavité de l’œsophage et 
qui disposés en rangées régulières (fig. 25, pl. VI) reposent sur 
des épaississements ondulés de la membrane chitineuse. Ces 
appendices cuticulaires sont coniques et très aigus; les uns, 
sont simples, d’autres sont composés, c’est-à-dire qu’une ou 
deux éminences plus petites se voient à leur base et les font 
ressembler quelque peu aux dents de certains squales. 

Toute la surface de la cuticule n’est pas ainsi hérissée. En 
effet, si l’on examine des coupes transversales de la partie an- 
térieure de l’œsophage (fig. 2, pl. VI), on voit qu'en une région 
qui correspond à la face ventrale de cet organe, la cuticule se 
relève pour former trois replis saillants, dont un médian plus 
élevé que les deux latéraux. Ces deux replis sont assez écartés l’un 
del’autre etdélimitent deux sortes de gouttières parallèles dontles 
bords accolés sont représentés par le repli médian et dont le fond 
formé par la paroi chitineuse paraît lisse. Il ne l’est pas cepen- 
dant. Si l’on examine un œsophage ouvert et étalé, on constate 
en effet que si ces gouttières sont dépourvues des saillies cuti- 
culaires qui hérissent le reste de la surface interne de l’œsophage, 
elles sont par contre renforcées d’épaississements linéaires trans- 
versaux qui donnent tout d’abord la sensation de deux grosses 
trachées accolées. Ces lignes d’épaississement s’arrêtent à la base 
des replis et la surface saillante de ceux-ci (fig. 15, pl. VI) est hé- 
rissée comme le reste du revêtement chitineux. Sur ces mêmes 
préparations, on peut voir que le repli médian à la forme d’une 
crête saillante plus épaisse à son sommet qu'à sa base et à peu 
près rectiligne ou à peine ondulée, tandis que les replis laté- 
raux moins élevés sont très sinueux et comme étranglés de place 
en place. 

Telles sont les particularités que présente la cuticule de l'œso- 
phage dans sa partie antérieure. On peut suivre les trois replis 
qui y apparaissent et que je désignerai sous le nom de replis 


290 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 
de premier ordre jusqu'à l'extrémité postérieure de l'orgäne. 

Les coupes faites en arrière des précédentes montrent que de 
nouveaux replis apparaissent bientôt dans la zone qui en est 
dépourvue. C’est d'abord et bien avant tous les autres un repli 
qui occupe le voisinage de la ligne dotsale de l’æsophage et qui 
par conséquent est opposé au repli médian décrit plus haut. Ce 
sera le quatrième repli de premier ordre. Enfin, sur les coupes 
pratiquées au voisinage du point où commence le ventricule chy- 
lifique on constate que quatre nouveaux replis (replis de second 
ordre) ont pris naissance. Ceux-ci se sont interposés entre les 
replis primaires, de manière à diviser les espaces qui les sépa- 
raient en deux parties à peu près égales, de telle sorte (fig. 8 et 4, 
pl. VI) qu’on se trouve en présence de quatre gouttières rigides, 
au lieu de deux qui existaient primitivement. 

Le niveau où apparaissent les replis secondaires est celui où 
commence la partie de l’æsophage que je désigne sous le nom 
de valvule cardiaque. 


En effet l'œsophage arrivé au contact de l'estomac ne se con- 
tinue pas directement avec cet organe. Il pénètre par son orifice 
cardiaque et se prolonge dans sa cavité sur une longueur de 
4 millimètre à peine. C’est cette portion intra-stomacale de l’&so- 
phage que j'appelle valvule cardiaque, eton va voirqu'elle mérite 
bien ce nom. Sur les coupes transversales en effet (fig. 4, pl. VI) 
on constate que la musculeuse interne à fibres longitudinales a 
disparu presque complètement et est réduite aux extrémités 
effilées de ses faisceaux, mais que par contre la musculeuse 
externe à fibres circulaires a pris un grand développement. Beau- 
coup plus épaisse que dans l’œsophage proprement dit car elle 
mesure 0"",030, elle forme un véritable spluncter. On ne peut 
douter du rôle de sphinceter que joue cette couche musculaire 
lorsqu'on divise longitudinalement la valvule pour l'étaler sur 
une lame de verre. On n'arrive alors, en effet, qu'avec les plus 
grandes difficultés à faire de bonnes préparations, car les bords 
divisés ont une tendance presque invincible à se rapprocher, ce 
qui n’a point lieu pour l'œsophage proprement dit. | 

Le revêtement chitineux de la valvule montre les huit replis 
dont il a été question plus haut, et l’on voit sur les coupes trans- 
versales (fig. 4, pl. VI que les quatre replis primaires s'étalent à 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 251 


leur extrémité libre et semblent se bifurquer irrégulièrement. 
On s'explique bien cette disposition en examinant la valvule à 
plat(fig. 15, pl. VI). J'ai reproduit dans cette figure trois des re- 
plis de premier ordre et les deux replis de second ordre qui leur 
sont interposés. On voit qu’à leur extrémité terminale, c’est-à- 
dire dans presque toute la hauteur de la valvule, les replis de 
premier ordre s’étalent en une sorte de lame foliacée parallèle- 
ment à la paroi chitineuse. L'un des bords de cette feuille est 
plus étalé que l’autre. C’est ce qu’indique la bifurcation irrégu- 
lière des replis sur les coupes transversales. Quant aux replis de 
second ordre, ils sont un peu plus saillants et moins largement 
étalés. 

Je n'ai pas figuré le quatrième vepli de premier ordre et les 
deux autres replis de second ordre, car ils n’offrent rien de par- 
ticulier, sauf que la paroi chitineuse dans les espaces qui les 
séparent n’est pas renforcée d’épaississements transversaux, 
mais est hérissée de petites pointes coniques. 

À mesuré qu’on serapproche du bord libre de la valvule, épais- 
sissements et pointes disparaissent pour faire place à un très 
fin réticulum. Comme on le voit sur la figure, le bord libre 
de cette valvule est régulièrement festonné, les extrémités de 
chacun des replis se prolongeant dans une sorte de lobe con- 
vexe. Il y a ainsi quatre lobes convexes de grande taille corres- 
pondant aux quatre replis de premier ordre et quatre dépres- 
sions qui alternent avec eux. Dans le fond de chacune de ces 
dépressions on trouveun petit lobe convexe qui dépend du repli 
de second ordre correspondant. Ainsi s'explique cette phrase par 
laquelle Audouin (loc. cit.) décrivait la valvule cardiaque de la 
Cantharide : «l’œsophage se prolonge intérieurement dans l’es- 
« tomac en un bourrelet conique et tronqué offrant un ouver- 
« ture valoulaire en rosace et à quatre éehancrures cordi- 
« formes.» C’est bien en effet (fig. 46, pl. VI) la forme à laquelle 
donnent lieu les huit lobes susdits rapprochés. 

Il me reste à établir comment se fait la continuité de l’œso- 
phage et de l'estomac. 

On pourrait croire que les diverses couches qui composent la 
paroi de l’æsophage passent directement dans celles de l'esto- 
mac. Il n’en est rien cependant. J'ai dit en effet que les muscu- 
leuses de l’æsophage se continuent dans la valvule, et je puis 


D52 H. BEAUREGARD, —— RECHERCHES 


ajouter qu’elles ne sont pas en continuité avec celles de l’esto- 
mac. On sait d’ailleurs que les couches musculaires du ventri- 
cule chylifique sont disposées dans un ordre inverse par rapport 
à celles de l’æœsophage. Voici en réalité comment les choses se 
passent : | 
Lorsque j'examinai pour la première fois les coupes trans- 
versales de la valvule cardiaque comprenant à la fois la paroi 
du ventricule chylifique et celle de la valvule, puisque cette der- 
nière est intra-ventriculaire, je fus très intrigué par la présence 
d’une zone sinueuse épaisse par places de 0"®,077 qui sépare le 
sphineter valvulaire de la muqueuse du ventricule, Cette zone 
est formée (fig. 4, pl. VI) en dehors, d'une cuticule hyaline et 
fortement réfringente, ne mesurant pas moins de 0"",020 en 
épaisseur, et en dedans au contact avec la valvule, d'une assise 
de cellules épithéliales cylindriques. J'eus bientôt l'explication 
de cette particularité, par l'examen des coupes longitudinales. 
On peut voir sur ces coupes (fig. 21, pl. VI) qu’au bord libre de 
la valvule, la cuticule de l'œsophage est en continuité avec une 
lame cuticulaire qui se réfléchit en avant vers l'extrémité car- 
diaque du ventricule chylifique pour se continuer avec le revé- 
tement chitineux très mince de la muqueuse de cet organe. Cette 
lame cuticulaire qui établit l’union entre l'œsophage et le ven- 
tricule, est séparée de la musculeuse externe de l'æsophage par 
une assise de cellules épitheliales. Celles-ci, dans la portion 
voisine du bord libre de la valvule sont à peine apparentes ; mais 
peu à peu elles se dessinent mieux, et au niveau où l’œsophage 
pénètre dans l’estomac elles affectent la forme de cellules cylin- 
driques, très allongées, pressées les unes contre les autres et 
pourvues d’un noyau arrondi. Ces cellules sont très semblables 
à celles de la muqueuse du ventricule et sont en continuité avec 
elles. En ce même point, la cuticule sur laquelle elles reposent 
s’épaissit en formant une espèce de bourrelet convexe au dehors 
qui peut-être est destiné à s'opposer à une désinvagination de 
la valvule. ; 
Quant à la forme ondulée qu’affecte sur nos coupes transver- 
sales cette lame d'union, elle s'explique par ce fait que la val- 
vule y est en état de contraction. Dans l’état de dilatation, ces 
ondulations disparaissent. Il est également à remarquer que dans 
les mouvements de la valvule s’il y a frottement contre la mu- 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS, 253 


queuse du ventricule, c'est cuticule contre cuticule qu'a lieu 
ce frottement puisque la membrane d'union double la valvule 
en dehors. Cette membrane d'union me semble pouvoir prendre 
le nom d’enveloppe perivalvulaire. 

En résumé, la valvule cardiaque est un prolongement de l'æso- 
phage dans la cavité du ventricule chylifique. Le rôle que joue 
cette valvule sera étudié plus tard. 


2% Mylabris 4-punctata (pl. IX). — Chez Mylabris 4-punc- 
tata, l’œsophage et la valvule cardiaque diffèrent assez peu des 
mêmes parties que nous venons de décrire chez la Cantharide. 

La cuticule de l’œsophage se fait remarquer toutefois par une 
moindre épaisseur dans toute son étendue. Hérissée dans sa partie 
antérieure, elle est glabre dans les régions moyenne et posté- 
rieure où commencent à apparaître les replis qui concourent à 
former l’armature de la valvule. Dans ces régions (fig. 22, 
pl. IX), les espaces séparés par les replis sont relevés d'épaissis- 
sements transverses plus ou moins régulièrement anastomosés 
entre eux, plus écartés d’ailleurs et moins forts que ceux que j'ai 
figurés chez la Cantharide. La surface seule des replis est alors 
hérissée de prolongements chitineux épars, hyalins, aigus, longs 
et grêles, recourbés au sommet et dirigés irrégulièrement dans 
tous les sens suivant la manière d’être générale des poils ou des 
prolongements chitineux chez les Mylabres. 

La valvule cardiaque est comme chez la Cantharide, formée de 
huit replis dont quatre de premier ordre et quatre de second 
ordre. Je reproduis (äg. 21, pl. IX) une coupe transversale de 
cette valvule à son extrémité antérieure en avant du bourrelet 
formé par la membrane perivalvulaire qui offre ici les mêmes ca- 
ractères que précédemment. D'autre part, on peut voir sur la 
figure 22 qui représente une portion de la valvule étalée, que 
les replis dont elle est pourvue prennent une forme assez par- 
ticulière. | 

Les replis de premier ordre s’étalent en forme de folioles lan- 
céolées, rattachées à la paroi par un de leurs bords. Il en est 
ainsi au moins dans leur partie la plus proche du bord libre de 
la valvule. Plus en avant, les replis ne s’étalent plus de même, 
mais ils sont plus élevés ainsi qu’on le voit dans la coupe trans- 
versale (fig, 21, pl. IX). Quant aux replis de second ordre, qui 


254 H. BEAUREGARD, — RECHERCHES 


alternent avec les précédents, ils sont beaucoup moins larges 
et moins élevés, et ils ne prennent naissance que dans la de: 
valvulaire proprement dite de l’ œsophage. 

Le bord libre de la valvule ainsi constituée est festonné régu- 
lièrement. Quatre saillies convexes correspondant aux grands 
replis alternent avec quatre saillies plus petites auxquelles abou- 
tissent les quatre replis de second ordre. 

Enfin le sphincter est très developpé et les fibres musculaires 
circulaires qui le forment au lieu de disparaître comme chez la 
Cantharide, à une certaine distance du bord libre de la valvule, 
forment une couche continue qui s'étend jusqu’à la limite de ce 
bord. 


3° Genre Meloe. — J'ai eu l’occasion d'étudier trois espèces 
du genre Meloe, savoir : les M. Majalis, M. Proscarabœus et 
M. auusticéilies Tous trois m'ont offert des caractères à srpeu 
près identiques et qui diffèrent notablement de ceux que j'ai 
observés dans les précédents genres. 

Je prendrai pour type le Meloe Majalis (4). 

Meloe Majalis. — Léon Dufour (25) a étudié cet msecte, mais 
la description qu'il donne de la valvule cardiaque est très suc- 
cincte et la figure qui l'accompagne est absolument schématique. 

Je rappelle d’abord que l’œsophage, cylindrique dans sa partie 
antérieure, se renfle au voisinage du ventricule chylifique (voir 
la fig. 45, p. VID). 

Dans la portion cylindrique, la cuticule déjà assez épaisse offre à 
sa surface libre des champs irrégulièrement polyédriques et à sur- 
face bombée, disposés en une sorte de pavage régulier etquisup- 
portent chacun de cinq à six petits prolongements chitineux cy- 
lindriques d’inégale hauteur (fig. 6, pl. VIN). Bientôt on voit ap- 
paraître, sur les coupes les replis de la cuticule, et au voisinage 
de la partie renflée de l’œæsophage, ces replis constituent quatre 
groupes, bien distincts, également espacés, opposés en croix et 
formés chacun de trois replis saillants dans la cavité œsopha- 
gienne (fig. 3, pl. VIT). La cuticule entre ces trois replis est 

(1) Je saisis avec empressement cette occasion pour remercier bien sincèrement mon 
savant ami le professeur Ricardo José Gorriz J. Munoz, de la faculté de pharmacie de 
Madrid. C’est grâce à ses soins que j'ai pu recevoir en bon état de conservation dans 


un mélange de glycérine et d'alcool les échantillons de Meloe Majalis qui ont serv] à 
mes recherches. 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 255 


épaisse, excavée, et l’ensemble constitue deux gouttières paral- 
lèles accolées par un de leurs bords. Le fond de ces gouttières est 
glabre, mais renforcé d’épaississements transverses. Il existe 
-donc, ‘au total, douze replis cuticulaires qui engendrent quatre 
paires de gouttières accolées deux à deux. Lorsqu'on examine 
des coupes pratiquées un peu plus loin en arrière, on constate 
que quatre replis de deuxième ordre, très peu élevés, apparais- 
sent entrelesgroupes de premier ordre, ci-dessus décrits. Somme 
toute, la cuticule de lœsophage dans sa région postérieure offre 
seize replis qui vont constituer l’armature de la valvule cardiaque. 
À ne considérer chaque groupe de trois replis primaires que 
comme le représentant d’un repli primaire de la valvule car- 
diaque chez la Cantharide et le Mylabre, on voit qu'on peut 
ramener à huit le nombre des replis chitineux, dont quatre pri- 
maires, trifides et quatre secondaires simples, nombre égal à 
celui qui existe chez les deux genres précédents. 

À mesure qu’on se rapproche de l’estomac, le fond des gout- 
tières s’épaissit considérablement, prend une consistance cornée 
et une coloration noire (fig. 3 et 4, pl. VIT). Les bords libres des 
replis composants restent toutefois incolores et la chitine qui les 
revêt est relevée de petitsmamelons garnis de tubercules courts 
et obtus (fig. 7, pl. VIF). 

Si l’on examine les coupes transversales de la région ruée 
de l’œsophage, on constate qu’à ce niveau le repli médian de 
chaque groupe de premierordre qui primitivement était le moins 
élevé s’est considérablement exhaussé au point de dépasser les 
deux replis latéraux. En même temps les deux lames de la cuti- 
cule qui, par leur adossement, forment ce repli médian s’écar- 
tent, et les bords des gouttières chitineuses qu'elles limitent se 
réfléchissent en dehors tendant ainsi à transformer chaque gout- 
tière en un cylindre. C’est ce qu’on voit très bien encore sur la 
fig. 4, pl. VIF à l'extrémité antérieure des gouttières de la val- 
vule étalée. 

Dans la région moyenne dela valvule, il u’enest plus de même, 
et les bords contigus des gouttières se redressent. Enfin, à l’extré- 
mité postérieure, le repli médian s'étale en une lame foliacée 
hérissée de petits tubercules. L'existence de cette lame foliacée 
vient à l'appui de la comparaison que je cherchais à établir plus 
haut entre ces groupes de trois replis de la valvule du Melge Ma- 


256 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


jalis et les replis de premier ordre des valvules de la Cantharide 
et du Mylabre. Ces replis de premier ordre ont, en effet, nous 
l'avons vu, une forme tout à fait semblable. 

En examinant la fig. 4, pl. VII on se rend bien compte de la 
forme des goutiières. On voit qu’à leur extrémité antérieure elles 
s'écartent un peu l’une de l’autre pour se rapprocher en arrière, 
et qu’à leur extrémité postérieure elles se terminent par un bord 
profondément concave. Elles répondent à cette description de 
L. Dufour : « l'armature consiste en quatre pièces principales 
résultant chacune de l’adossement de deux cylindres creux tri- 
dentés en arrière.» En réalité ce ne sont pas des cylindres, mais 
des gouttières. 

La valvule ainsi composée est pourvue d’un sphincter puissant 
qui occupe sa moitié antérieure. Elle est doublée comme chez 
la Cantharide et le Mylabre d'une membrane périvalvulaire 
(fig. 5, pl. VID) qui établit la continuité de l'œsophage et du ven- 
tricule chylifique. Son bord libre, enfin, présente quatre saillies 
correspondant aux quatre petits replis de deuxième ordre et alter- 
nant avec les extrémités trifides des quatre groupes formés par 
les replis de premier ordre. 

J'ai figuré (fig. 2, pl. VID l’orifice ventriculaire de la valvule 
cardiaque. On voit que cet orifice rappelle heaucoup par sa forme 
générale celui de la valvule de la Cantharide. C’est une sorte de 
rosace à échancrures cordiformes. 

La longueur de la valvule ainsi constituée est de 17,75 en- 
viron. 

Meloe proscarabœus. — La valvule cardiaque, chez cette es- 
pèce offre exactement la même disposition que chez le Meloe Ma- 
jalis. Les gouttières sontseulement moins épaisses, moins dures 
et elles ne sont pas colorées en noir. Je reproduis une portion de 
cette valvule, fig. 16, pl. VII. Cette figure me dispense d'entrer 
dans de plus longs détails. 

Meloe angusticollis (4). — Chez cette espèce on observe quel- 
ques modifications de détails qui peuvent se résumer de la façon 
suivante : 


(1) J'adresse mes meilleurs remerciements à mon cher ami J. Turcas, négociant à 
New-York, qui m'a fait parvenir en excellent état de conservation des Meloe angusticol- 
lis, Lytta Fabricii, Lytta Pensylvanica, ete. C'est à lui que je dois d’avoir pu étendre 
ainsi mes recherches. 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 257 


Les replis de deuxième ordre prennent naissance très en avant 
dans l’œsophage. Ils sont élevés, sinueux et se terminent dans 
la région valvulaire en une lame ayant la forme d’une foliole lan- 
ccolée bifide à sa pointe et placée parallèlement à la paroi. 

Les replis de premier ordre sont beaucoup plus courts, saufl’un 
d'eux qui, on le voit dans la figure que je donne de la valvule 
étalée (fig. 17, pl. VIL) prend naissance dans la partie antérieure 
de l’œsophage. 

Quoiqu'il en soit, tous ces replis de premier ordre donnent lieu 
chacun à une paire de gouttières accolées dont les détails rappel- 
lent ceux que j'ai décrits à propos du Meloe Majalis. Toutefois, 
en avant, ces gouttières sont plus irrégulières, et à leur extré- 
mité postérieure elles sont moins profondément concaves. J'ajou- 
terai que les épaisissements qui les forment sont moins puis- 
sants que chez le Meloe Majalis et qu'ils sont incolores. 

Je figure (pl. VIL, fig. 18) des coupes partielles de cette ar- 
mature. La figure 18 représente une coupe faite au niveau a de la 
gouttière (voir & fig. 17). On peut remarquer que le repli mé- 
dian interposé aux deux gouttières est étalé à son bord libre. 
On voit.également en dehors de la couche de fibres musculaires 
circulaires que la valvule est doublée comme chez les autres es- 
pèces d’un repli chitineux avec couche épithéliale. 

La fig. 19 pl. VIT qui reproduit une coupe transversale par- 
_ tielle faite au niveau c de la valvule (voir fig. 47 c) montre les 
modifications qu'ont subiles replis dans cette région postérieure 
de l'organe. 

Enfin, je donne pl. VII, fig. 20 une coupe transversale totale 
de la valvule qui montre les rapports de situation et de gran- 
deur des seize replis dans la région antérieure de celle-ci. 


4° Epicauta verticalis. — Chez cette espèce, la structure 
de l’œsophage se fait remarquer par un développement assez 
grand de la musculeuse interne. L’hypoderme est aussi bien 
moins rudimentaire que précédemment. Sauf dans la partie tout 
à fait antérieure du préintestin où on n’aperçoit aucune trace 
de cellules épithéliales au-dessous de la cuticule, dans tout le 
reste de l'organe ces cellules sont faciles à mettre en évidence. 
Tout d’abord leurs contours sont mal définis, mais elles se 
reconnaissent à leur corps cellulaire granuleux contenant un 


258: H. BEAUREGARD. -— RECHERCIIES 


noyau sphérique, qui se colore bien par le piero-carmin. A me- 
sure qu’on se rapproche davantage du ventricule chylifique, le 
contour des cellules s’accuse plus nettement. Elles sont aplaties, 
irrégulièrement polyédriques, et remplissent exactement chacun 
des champs polygonaux dont est ornée la cuticule. 

Cette cuticule offre également quelques particularités inté- 
ressantes. Elle mesure environ 8 & d'épaisseur. Dans la région 
antérieure du tube œsophagien, elle est marquée de dessins po- 
lygonaux qui portent sur un de leurs bords de petites saillies 
chitineuses courtes, obtuses, dirigées en arrière de telle sorte 
que cette partie du conduit présente intérieurement une sorte 
de brosse à poils renversés en arrière de manière à empêcher les 
aliments de revenir vers l’orifice buccal. Plus en arrière, le des- 
sin polygonal subsiste, mais les prolongements piliformes dis- 
paraissent. 

Dans presque toute son étendue la cuticule de l’œsophage 
présente des replis saillants. Ceux-ci concourent à former une 
valvule cardiaque dont la structure est assez différente de celle 
des valvules que j'ai étudiées précédemment pour constituer un 
type à part que je vais décrire avec quelques détails. 


Dans la région antérieure de l’œsophage, la lumière du con- 
duit alimentaire est, comme on le voit sur la coupe transversale 
(6g. 3, pl. VIT) occupée par huit replis d’inégale hauteur formés, 
comme toujours par adossement de la lame chitineuse interne à 
elle-même, avec interposition de faisceaux musculaires longitu- 
dinaux aux deux lames adossées. 

De ces huit replis, quatre de premier ordre sont plus saillants 
et plus riches en fibres musculaires; les quatre autres, de secorid 
ordre, ne sont encore accusés que par un soulèvement de la cu- 
FAT 

Sur les coupestransversales quiintéressent la région moyenne 
de l’œsophage (fig. 4) on observe déjà de profondes modifica- 
tions: les quatre replis de premier ordre se sont compliqués par 
l'apparition d’un petit repli de chaque côté de leur base. IL y a 
donc en tout maintenant seize replis, dont douze de premier 
ordre disposés par groupes de trois, et quatre de second ordre 
alternant avec ces groupes. 


‘Un peu plus en arrière, dans la partie REMnéoër à renflée de 


SUR LES INSECTES  VÉSICANTS. : 200 


l'æsophage, qui précède le ventricule chylifique, les coupes 
montrent subitement d'importants changements dans la struc- 
ture des replis (fig. 5, pl. VI). Trois des groupes de premier 
ordre se sont organisés de telle sorte qu'ils figurent chacun la 
coupe de deux gouttières accolées, tout à fait comparables à 
celles que j'ai décrites chez les Meloe. Le fond de ces gouttières 
s’est considérablement épaissi, et la chitine qui le forme est 
dure, de consistance cornée et colorée en brun foncé. Quant 
au quatrième groupe de premier ordre (0'), il est resté dans 
son état primitif. Si l’on oriente la coupe, on constate que ce 
groupe avorté pour ainsi dire, occupe la face dorsale de l’æso- 
phage; les trois autres groupes étant disposés à peu près à égale 
distance sur les faces ventrale et latérales droite et gauche. 
Quant aux replis de second ordre, ils sont allongés et proémi- 
nent largement. Il est encore à remarquer sur ces coupes que 
les replis médians des trois groupes de premier ordre en voie 
d'évolution sont bifurqués à leur sommet et qu'ils s’étalent pa- 
rallèlement à la paroi de l’œsophage, tendant ainsi à rejoindre 
les replis latéraux et à transformer les gouttières en cylindres. 
Cette apparence des coupes transversales, déjà rencontrée chez 
d’autres espèces, s'explique de la même manière. Il suffit en 
effet de jeter les yeux sur la figure (fig. 1, pl. VIII), que je 
donne de l’œsophage entier et grossi, pour voir qu’au niveau c 
où passe la coupe, chaque paire de gouttières est recouverte 
d’une sorte de foliole à bords ondulés et à surface hérissée, qui 
résulte de l’étalement du repli médian en question. Ces folioles 
mesurent environ 0°®,53 de longueur sur 0"%,23 dans leur 
plus grande largeur. 

En arrière de ces folioles, dans la région c (fig. 6, pl. VII) qui 
correspond au point de pénétration de l’œsophage dans le ven- 
tricule et par conséquent à l'extrémité antérieure de la valvule 
cardiaque, les coupes transversales montrent les modifications 
suivantes : le repli médian de chaque groupe de premier ordre 
s’est presque complètement affaissé, tandis que les replis laté- 
raux Ont pris plus de développement ; la coupe de chaque paire 
de gouttières rappelle la lettre grecque w. Aucune modification 
dans les replis de second ordre. 

Plus en arrière, au niveau d de la figure 1, pl. VIIL, les coupes 
montrent que le fond des gouttières diminue de largeur, mais 


260 U H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


s’épaissit davantage. On constate en même temps que l’œso- 
phage est engagé dans le ventricule chylifique, dont la mu- 
queuse se voit au dehors du prolongement œsophagien. Les 
fibres musculaires longitudinales du préintestin ont à peu près 
disparu complètement; par contre, les faisceaux de muscles cir- 
culaires sont très développés, etse sontsubdivisés en trois arcs qui 
s’étendent entre chaque groupe de replis de premier ordre. Il y a 
en somme à ce niveau interruption de la musculeuse externe 
au niveau des gouttières chitineuses. L’are musculaire dorsal 
est moins épais que les deux autres, mais 1l est beaucoup plus 
étendu car il s'étale sur toute la surface dorsale de l'organe 
comprise entre chacune des gouttières latérales. On voit égale- 
ment sur cette coupe la membrane périvalvulaire qui s’inter- 
pose à la valvule cardiaque et à la muqueuse du ventricule. 
Cette membrane présente la même structure que chez les in- 
sectes précédemment étudiés. 

Plus en arrière, les choses changent d'aspect. On voit sur la 
coupe que représente la figure 7, pl. VII, que les gouttières chi- 
tineuses se réduisent à des prismes épais, à section triangulaire, 
fortement colorés en noir, disposés par paires comme toujours, 
mais un peu écartés l’un de l’autre. Encore un pas et la sépara- 
tion devient complète entre chacun des prismes. Cette séparation 
s'opère bientôt en effet (fig. 8 et 9, pl. VIII). Alors la valvule 
qui précédemment était cylindrique s’est divisée en trois lobes 
inégaux savoir : un lobe dorsal, très large, qui porte en son mi- 
lieu le repli de premier ordre avorté, et deux autres plus petits, 
à peu près égaux. 

Chacun de ces lobes est bordé de part et d'autre par une tige 
prismatique triangulaire cornée et noire, qui lui forme comme 
un cadre. L'apparition de ces lobes étant le résultat de la divi- 
sion qui s'est opérée entre les deux gouttières de chaque groupe 
de replis de premier ordre, il en résulte que chacun d'eux est 
limité par deux tiges épaisses appartenant l’une et l’autre à deux 
groupes différents de replis. 

En examinant cette même coupe transversale (fig. 0, pl. VIII) 
on se rend bien compte de la façon dont se comporte la lame 
périvalvulaire. Cette lame se divise, elle aussi, en trois lobes 
qui doublent extérieurement les trois lobes de la valvule. L'union 
de la lame avec les lobes se fait au point de rupture de la cuticule 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 261 


œsophagienne, de telle sorte qu'il n’y a aucune solution de con- 
tinuité entre le revêtement chitineux de l’œsophage et celui du 
ventricule. 

J'ai figuré à un fort grossissement (fig. 10, pl. VIII) la coupe 
de la marge de l’un des lobes de la valvule cardiaque. On voit 
à l'union des deux lames chitineuses valvulaire et périvalvulaire 
l'épaississement corné qui contient le bord du lobe de la val- 
vule; on constate en outre que les cellules épithéliales de la 
lame périvalvulaire sont aplaties en ce point et très semblables 
à celles de l’hypoderme de la valvule, tandis que plus en avant, 
dans la région où cette lame forme un bourrelet (fig. 7, pl. VIN), 
elles sont allongées et cylindriques. Je repreduis d’ailleurs une 
coupe longitudinale de cette région du tube digestif (fig. 13, 
pl. VIT) d’après laquelle on peut voir que la lame périvalvu- 
laire se comporte chez Epicauta verticalis, absolument comme 
chez les autres Vésicants. 

En résumé, la valvule cardiaque de l’Epicauta verticalis est 
constituée de même que chez tous les Vésicants que j'ai pu exa- 
miner, par huit replis du revêtement chitineux de l’œsophage. 
Semblablement à ce qui a lieu chez les Meloé, les quatre replis 
de premier ordre se compliquent par l’apparition de deux re- 
plis à leur base de manière à former chacun une paire de gout- 
tières accolées et parallèles. Mais, tandis que chez les Meloe 
quatre paires de gouttières étaient ainsi composées, trois paires 
seulement se constituent définitivement chez Epicauta vertica- 
lis, par suite de l’avortement du repli dorsal de premier ordre. 
Somme toute, les huit replis primitifs ont finalement engendré 
seize replis comme chez les Meloe. 

Les trois paires de gouttières qui forment l’armature de l’œso- 
phage de l'Epicauta sont recouvertes comme chez les Meloe, à 
leur partie antérieure, par des appendices foliacées. Ces appen- 
dices occupent la région un peu renflée de l’œsophage qui pré- 
cède immédiatement le ventricule. Dans la région valvulaire, 
proprement dite, qui est engagée dans le ventricule, les gout- 
tières primitivement larges et accolées se réduisent bientôt à 
des tiges qui s’écartent l’une de l’autre et divergeant de plus en 
plus, limitent les lobes de la valvule. Les pièces de l’armature 
œsophagienne consistent donc (fig. 1) en une tige postérieure, 
grêle, allongée, terminée antérieurement par une sorte de 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. xx11 (1836). 18 


262 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES . 


manche creusé en gouttière. La longueur des gouttières est de 
1,05, celle des tiges et par suite des lobes de la valvule 
atteint 2°",095. C'est l'addition de ces tiges aux manches qui 
fait toute la différence d'avec l'armature des Meloe. Le type de 
la valvule de l'Epicauta ne diffère en réalité du type étudié chez 
les Meloe que par l'addition de lobes à la valvule cylindrique, 
ou mieux, par l'allongement des lobes qui festonnent le bord 
libre de celle-ci chez les Meloe. En tenant compte de l’avortement 
de l’un des replis de premier ordre chez Epicauta, on ne peut 
nier la concordance absolue qui existe entre les deux types. 
C'est d’ailleurs à l'avortement de ce repli dorsal qu'est due 
l'inégalité des trois lobes de la valvule de l'Epicauta, inégalité 
telle que le lobe dorsal égale à peu près à lui seul en largeur 
les deux autres lobes réunis. | 

J'ai parlé plus haut du sphinceter formé par la musculeuse 
externe de l’œsophage. J'aidit qu’il constitue vers la partie anté- 
ricuüre de chaque lobe de la valvule une lame transversale allant 
d'un bord à l’autre de ce lobe. Il me faut ajouter que dans la 
partie qui précède immédiatement ces lobes et qui répond au 
niveau des gouttières cornées, la musculeuse externe est très 
puissante, et qu’elle y forme un sphincter complet. En outre, à 
la hauteur des lames foliacées qui recouvrent les gouttières, on 
observe entre les gouttières de chaque paire un faisceau de fibres 
musculaires obliques (mo fig. 4, pl. IX) qui se fixent directement 
aux bords contigus de ces gouttières et à la face externe de la 
lame foliacée. Nul doute que ces faisceaux obliques ne doivent 
avoir un rôle dans le jeu des pièces de la valvule. Peut-être sont- 
ils des antagonistes du sphincter. Ces muscles obliques ne sont 
d’ailleurs pas particuliers à la valvule cardiaque de l’'Epicauta. 
Je les ai retrouvés également chez les Meloe, et j'ai particuliè- 
rement pu bien les examiner chez Meloe Angusticollis. 


9° Lytta Fabricii (Lec.). — Chez cette espèce américaine, la 
valvule cardiaque appartient absolument au type que je viens 
de décrire chez Epicauta Verticalis. Les figures que je donne 
(pl. IX, fig. 4 à 6) et qui reproduisent les coupes transversales 
de l’æsophage et de la valvule faites à différents niveaux, me 
dispensent d'entrer dans de plus longs détails. 

de ferai remarquer toutefois qu'ici les replis de second ordre 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 263 


font complètement défaut ainsi que le repli dorsal de premier 
ordre. Je ne trouve sur les coupes que trois groupes de replis de 
premier ordre constituant, comme le montre la figure d’en- 
semble de la valvule étalée (fig. 1, pl. IX), une armature de trois 
pièces chitineuses, noires et cornées absolument semblables à 
celles de l'Epicauta verticalis. Les lobes de la valvule longs de 
2 millimètres sont plans et doublés extérieurement par la lame 
périvalvulaire comme on le voit sur la coupe transversale que je 
reproduis (fig. 4, pi. IX). 

Ajoutons enfin, que la cuticule de l’œsophage, dans la région 
antérieure présente une sorte de pavage formé de mamelons hé- 
misphériques supportant chacun une ou deux saillies courtes ct 
obtuses. 


6° Lytta pensylvanica (Lec.) — Cette espèce donne lieu aux 
mêmes observations que la précédente. La valvule est formée 
de trois lobes et armée des mêmes pièces que ci-dessus. Toute- 
fois, ces pièces sont moins dures et de coloration plus pâle. La 
longueur de ces pièces est de 0"",8 environ. Les lobes de la val- 
vule mesurent eux-mêmes 1,20, Ils sont proportionnelle- 
ment un peu plus allongés que chez l'espèce précédente. 

En résumé, chez tous les Vésicants phytophages qu'il m’a été 
donné d'examiner, le préintestin est pourvu d’une valvule qui 
fait saillie dans le ventricule chylifique. L’armature qui accom- 
pagne cette valvule, est parfois très puissante et présente des as- 
pects variés, mais elle a toujours pour point de départ huit replis 
de la cuticule de l'œsophage. Ces huit replis concourent seuls à 
former la valvule cardiaque chez Mylabris et chez Cantharis vesi- 
catoria. Îls se compliquent et donnent lieu à un total de seize re- 
plis chez Meloe, Epicauta et Lytta. Dans ce dernier genre toute- 
fois, les replis de second ordre peuvent manquer, et le premier 
repli de premier ordre qui tend à avorter chez Epicauta, dispa- 
raît complètement chez Lytta. 

Le groupement des replis cuticulaires donne lieu à une paire 
de gouttières ventrales chez la Cantharide, à quatre paires de 
gouttières chez les Meloe, et à trois paires chez les Epicauta et 
les Lytta (1). 

(1) On remarquera que les gouttières ventrales du préintestin de la cantharide ne 
sont pas absolument comparables à celles des Meloe, Epicauta, etc. Ces dernières, en 


264 H. BEAUREGARD. —— RECHERCHES 


Ajoutons que chez ces deux derniers genres trois lobes allon- 
gés et inégaux terminent la valvule. 

[! m'a été impossible, faute de sujets en bon état de conser- 
vation, de poursuivre cette étude chez tous les genres de Ja 
tribu des Vésicants, toutefois 1l paraît certain que chez les es- 
pèces qui se nourrissent plutôt de pollen ou des parties les plus 
tendres des fleurs, la valvule cardiaque et l’armature du pré- 
intestin sont réduites à leur plus simple expression. 

Il en est ainsi, par exemple, chez le Sitaris humeralis et le 
Cerocoma Schreberi. La valvule consiste alors en un court pro- 
longement de l’œsophage dans le ventricule en une sorte de 
rebord à peine festonné. 

Les replis formés par la cuticule, rudimentaires chez le Ce- 
rocome, un peu plus marqués chez le Sitaris où ils sont hérissés 
de pointes chitineuses aiguës ne m'ont offert aucune particula- 
rité notable. 


b. VENTRICULE CHYLIFIQUE (intestin moyen). 


Chez tous les insectes vésicants que j’ai pu examiner j’ai trouvé 
la structure du ventricule chylifique identique dans ses points 
essentiels. 

Dans la description qui va suivre, je prendrai pour type la 
Cantharide ordinaire. Je rappelle que toutes mes observations 
ont été faites sur des pièces fixées par l’acide osmique concentré 
ou par l'alcool absolu, et j'ajoute que l’emploi du picro-carmin 
m'a donné d'excellents résultats. 

La paroi du ventricule chylifique comprend cinq couches qui 
sont, de dedans en dehors : 1° une cuticule; 2 un épithélium; 
3° une couche conjonctive et folliculeuse; 4° une musculeuse 
et à° une séreuse. 

Les trois premières peuvent être considérées comme consti- 
tuant la muqueuse proprement dite; en tous cas, lorsque je me 
servirai du terme « muqueuse », je ferai allusion à l’ensemble 
de la cuticule, de l’épithélium et de la couche conjonctive avec 
ses follicules. | 

Lorsqu'on ouvre le ventricule chylifique, on constate que sa 


effet, résultent d’une trifurcation de replis de premier ordre, tandis que celles de la 
cantharide sont dues à une modification de la cuticule dans l’espace qui sépare deux 
replis de premier ordre et à l'interpositon de l’un des replis de second ordre. 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 265 


surface interne est marquée de sallies circulaires plus appa- 
rentes encore et beaucoup plus élevées que celles qu’on observe 
à la surface extérieure (voir plus haut, page 3). Des coupes 
longitudinales pratiquées sur l’organe, montrent qu ces saillies 
sont dues à des replis circulaires de la muqueuse. On peut 
compter vingt-cinq à trente de ces replis formés par adossement 
de la muqueuse à elle-même et plus ou moins saillants dans la 
cavité ventriculaire. Les plus élevés sont ceux des régions an- 
térieure et moyenne du ventricule; vers l'extrémité posté- 
rieure ils s’effacent insensiblement et deviennent bientôt telle- 
ment bas qu'ils n’ont guère plus que la hauteur des cellules 
épithéliales. Toutefois, chez la Cantharide, à cette région presque 
lisse, succèdent à quelques millimètres du renflement terminal 
où s’abouchent les tubes de Malpighi, deux ou trois replis 
presque aussi élevés que ceux de la région moyenne. 

Quoiqu'il en soit, ces replis très serrés et à peu près réguliè- 
rement parallèles entre eux déterminent à la surface interne 
du ventricule ces alternances régulières de saillies et de dépres- 
sions circulaires dont nous parlions tout à l'heure. On pourrait 
leur appliquer très exactement le nom de valvules conniventes. 
Extérieurement 1ls trahissent leur présence par des plissures 
transversales qui ont été regardées à tort par Audouin et L. Du- 
four comme résultant de la présence de bandelettes musculaires. 

« La paroi externe de l’estomac, de la cantharide, dit Au- 
« douin, offre une quantité de bandelettes transversales qui sont 
« formées par la tunique musculaire ; cette structure est beau- 
« coup plus sensible à l’intérieur où elle constitue des plis sail- 
« lants séparés entre eux par des sillons très larges. » En réalité 
les bandelettes circulaires qu’on observe à la surface extérieure 
du ventricule correspondent aux intervalles qui séparent les re- 
plis de la muqueuse; les espaces enfoncés qui limitent ces ban- 
delettes répondent chacun à l’angle rentrant formé par l’adosse- 
ment de la muqueuse à elle-même et sont opposés par suite aux 
replis saillants de la face interne du ventricule (fig. 18, pl. VI). 

La muqueuse du ventricule n’est pas lisse, elle est comme 
finement villeuse, et elle doit cette apparence à des replis secon- 
daires qui ondulent très fortement la surface des grands replis. 

Cuticule. — La surface de la muqueuse est revêtue d’une cu- 
ticule chitineuse qui prend une légère teinte jaunâtre par le 


266 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


picro-carmin. Dans les régions antérieures du ventricule, cette 
couche cuticulaire est très mince et n’a guère plus de 1 u 8 d’é- 
paisseur, mais dans les régions moyenne et postérieure elle est 
sensiblement plus épaisse et attent 6 ». Sur les coupes, elle pa- 
raît marquée de fins canalicules dirigés perpendiculairement à la 
surface des cellules épitheliales sous-jacentes, et a quelque res- 
semblance avec le plateau strié de l'intestin du lapin. Bien que 
les dissociations soient très difficiles à opérer, on peut arriver 
cependant à isoler des groupes de trois à quatre cellules (fig. 22 
et 28, pl. VI) qui ont alors tout à fait l'apparence de cellules à 
cils vibratiles. En réalité la cuticule du ventricule chyhfique est 
poreuse dans ces régions. 

On peut s’en convaincre facilement par l’examen à plat d’un 
lambeau d’épithélium. On y voit la cuticule marquée d’un des- 
sin polygonal qui répond aux limites des cellules sous jacentes 
‘pl. 26, fig. VI). Les aires de ces figures polygonales sont rem- 
plies de petites ponctuations noires extrêmement serrées, qui 
sont les orifices des pores de la cuticule. 

Sur les coupes de la muqueuse on trouve parfois des endroits 
où les cellules épithéliales ont été enlevées et qui sont occupés 
par un réseau à mailles polygonales vides (fig. 17, pl. VI). Ce 
réseau formé par des tractus hyalins réfringents, m’a paru en 
continuité avec la cuticule. Je crois pouvoir en conclure que la 
cuticule envoie plus ou moins loin en dehors des prolongements 
entre les cellules épithéliales. Ainsi s’expliquerait aussi la grande 
difficulté qu’on éprouve à obtenir de bonnes dissociations de 
l’épithélium (1). 

Épithélium. — Le revêtement épithélial du ventricule chyli- 
fique est composé de cellules cylindriques disposées sur un seul 
rang. Ces cellules mesurent en longueur 0",06 environ. Le 
corps cellulaire légèrement granuleux se termine en dehors par 
un ou deux prolongements courts et déliés. Un noyau sphé- 
rique ou ovoide, pourvu ordinairement de deux nucléoles bril- 
lants occupe à peu près le milieu de la cellule. 

Dans le fond des intervalles qui séparent entre eux les re- 
plis de la muqueuse, l’épithélium offre une structure toute 


(1) Il se peut aussi que ce ne soit là qu’un artifice de préparation car, sur l’épithé- 
lium frais, ce réseau n’est pas visible. 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 267 


particulière. Les cellules qui les forment sont en effet très diffé- 
rentes de celles qui viennent d’être décrites. Elles sont assez 
comparables aux cellules à mucusque Leydig (11) a signalées dans 
l'estomac des poissons et me paraissent représenter une variété 
de cellules calyciformes appartenant probalement au groupe 
de celles qui ont été considérées par divers auteurs comme cei- 
lules sécrétantes de mucus. 

Ces cellules offrent des aspects assez ee que je considère 
d’ailleurs comme de simples variations d'état de l’élément. Le 
plus ordinairement, elles se présentent comme suit: le corps 
cellulaire (pl. VI, fig. 13 et 14) à peu près cylindrique ou effilé 
en cône, finement granuleux et se colorant en rose pâle par le 
carmin, renferme un noyau sphérique ou ovoïde, nucléolé.. Ce 
corps cellulaire se prolonge du côté de la cavité du ventricule 
chylifique en une large portion dilatée en massue, coiffé d’une 
calotte hémisphérique d’une substance très réfrigente qui se co- 
lore en rose pâle par le carmin, alors que toute la partie sous- 
jacente reste incolore. 

Là où ces cellules sont mélangées aux cellules cylindriques, 
elles dépassent ces dernières et font saillie au-dessus du plan de 
la cuticule qui m’a paru faire défaut à leur niveau Dans le fond 
des replis de la muqueuse où elles remplacent presque complè- 
tement les cellules cylindriques, celle-ci est recouverte d’une 
sorte de mucilage granuleux parsemé d’un grand nombre de ces 
calottes hémisphériques réfringentes (pl. VI. fig. 19), qui sem- 
blent dès lors être un produit de secrétion des éléments en ques- 
tion. Parfois, la partie renflée des cellules est remplie de granu- 
lations extrêmement fines qui ne se colorent pas par le pircro- 
carmin, mais qui noircissent par l'acide osmique. La calotte 
réfringente qui coiffe l'élément est alors moins épaisse que dans 
les premiers cas. 

… Parmi les réactions propres à ces éléments, il est à noter que 
l'acide osmique les colore très rapidement en noir, aussi sur 
les pièces fixées par ce réactif, est-il très facile de déterminer 
leur localisation. Elles ne siègent pas seulement dans le fond 
des replis de la muqueuse. On les retrouve encore en abondance 
dans la région postérieure du ventricule chylifique. Dans cette 
région, ai-je dit, les replis de la muqueuse s’effacent presque 
complètement. Celle-ci offre alors un aspect villeux qui est dû 


268 H. BEAUREGARD. — RECHFRCHES 


au groupement particulier des cellules muqueuses. Ces cellules 
en effet, se disposent en bouquets qui font saillie de toute leur 
partie renflée dans la cavité de l'organe. Sur les pièces fixées par 
l'acide osmique on reconnaît très bien le revêtement continu 
formé par les corps cellulaires pourvus de leurs noyaux et co- 
lorés en rose par le carmin tandis que les parties renflées en 
massue des cellules, colorées en jaune noirâtre par l’acide os- 
mique sont unies en faisceaux ou bouquets qui font saillie à la 
surface de la muqueuse et lui donnent son aspect villeux. Toute 
cette partie de la cavité du ventricule chylifique se distingue par 
l’abondance de la substance granuleuse parsemée de corps ré- 
fringents, produit de secrétion des cellules susdites. 

En somme, la structure histologique du fond des replis de la 
muqueuse rappelle assez bien celle d’une glande à épithélum 
sécrétant. En admettant que ces parties viennent à s’allonger en 
tubes faisant saillie à la surface extérieure du ventricule. on se 
trouve ramené à la structure du tube digestif de maints Coléop- 
tères. Ce qui caractérise dès lors les espèces ici étudiées, c’est 
que les glandes de l’intestin moyen au lieu de former des tubes 
saillants en dehors, se réduisent à des surfaces dont la présence 
ne se manifeste au dehors que par des épaississements annu- 
laires de la surface de l'organe. 

9° Couche conjonctive et folliculeuse. — Au-dessous de l’épi- 
thélium, la muqueuse comprend une trame conjonctive. Les 
fibres qui composent cette trame sont longues et disposées par 
faisceaux qui s’entre-croisenten un réseau dont les mailles ovoides 
ou irrégulièrement arrondies renferment chacune un follicule. 
Ces follicules, semblables à ceux qui ont été signalés par Siro- 
dot (28) dans la muqueuse de l'estomac de l’Oryctes nasicor- 
nis, consistent en des corps ovoïdes ou sphériques mesurant en 
moyenne un diamètre de 0"",040 etformés d'un amas de noyaux 
polyédriques par pression réciproque. Ces noyaux qui ont envi- 
ron 7 à 8 & de diamètre, sont assez fortement réfringents, et se 
colorent bien par le picro-carmin. Ils renferment un gros nu- 
cléole brillant. A la surface de ces follicules qu'enveloppe la 
trame conjonctive et qui semblent recouverts d’une fine mem- 
brane anhyste, on observe des traînées protoplasmiques fusi- 
formes, striées transversalement et pourvues d’un noyau (fig. 20, 
pl. VI). Ces éléments musculaires de volume variable, et longs 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 269 


en moyenne de 0"",035 sur 14 à 15 & de large rappellent sous 
beaucoup de rapports ceux qu'a décrits M. Huet (29) dans 
la paroi du réservoir séminal des Isopodes. Pour les bien voir, 
il suffit de pinceauter un lambeau de muqueuse dont on a enlevé 
l’épithélium. On chasse ainsi un certain nombre de follicules 
hors des mailles où ils siègent et dans le vide qu’ils laissent, on 
aperçoit très bien les éléments auxquels je fais allusion. 

J'ai dit précédemment que la couche conjonctive accompagne 
toujours l’épithélium. Il en résulte qu’elle participe aussi à la 
formation des replis de la muqueuse. Aussi, sur les coupes 
longitudinales du ventricule (fig. 19, pl. VI) voit-on la trame 
conjonctive et les follicules occuper la face externe de chacune 
des lames adossées de la muqueuse. Mais la couche conjonctive 
de la lame supérieure ne se confond pas avec celle de la lame 
inférieure. En effet, dans l'angle rentrant que font ces lames 
ense soulevant, des trachées et des fibres musculaires cheminent 
en formant une sorte de cloison de séparation. Sur les coupes 
longitudinales la coupe de cette cloison figure une sorte de 
raphé médian de chaque côté duquel les follicules forment comme 
les grains d'une grappe; on y voit en outre une rangée régulière 
de fibres musculaires circulaires, dont la section transversale me. 
sure de 9 u à19 u. 

IL n'y a qu'une assise de follicules, comme on peut s’en con- 
vaincre soit par l’examen des coupes longitudinales du ventri- 
cule, soit par l'examen de la couche conjonctive à plat. Sur les 
coupes transversales cependant (fig. 18, pl. VI) on trouve le plus 
souvent trois ou quatre rangées de follicules superposées. Cette 
apparence s'explique aisément si l’on se reporte à ce que je viens 
de dire. Les coupes qui se montrent ainsi sont seulement celles 
qui passent par le milieu de l’un des replis circulaires de la 
muqueuse. Elles montrent alors l’épithélium qui limite la cavité 
du ventricule, et en dehors de cet épithélium la série des folli- 
cules qui occupent toute la hauteur du repli. Pour peu que la 
coupe ait été un peu oblique, elle passe alors en même temps 
par le fond du repli, de sorte qu'on retrouve une lame d’épi- 
thélium en dehors des follicules, et une nouvelle assise de 
follicules en dehors de cette lame épithéliale. Les coupes trans- 
versales présentent une complication plus grande encore lors- 
qu'elles passent à une certaine distance au-dessus ou au-dessous 


270 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


du plan médian d’un repli circulaire. En effet, grâce aux replis 
secondaires de l’épithélium de la muqueuse, elles se trouvent 
intéresser successivement de dedans en dehors : l’épithélium, 
puis la couche conjonctive, une nouvelle couche épithéliale, puis 
la couche conjonctive, et ainsi de suite à plusieurs reprises. 
Quoiqu'il en soit, toujours la couche transversale est limitée au 
dehors abstraction faite de la musculeuse longitudinale, par 
une assise de follicules. | 

3° Musculeuses. — Il existe dans la paroi du ventricule chyli: 
fique deux couches de fibres musculaires, mais contrairement 
à ce qui a lieu pour l’œsophage, la musculeuse interne est com- 
posée de fibres circulaires, tandis que la musculeuse externe est 
à fibres longitudinales. 

La couche interne est d’ailleurs peu épaisse; ses fibres sont 
espacées et elle ne me semble pas continue. 

Quant à la couche externe, elle paraît plus puissante; les 
fibres striées qui la composent ne forment il est vrai en général 
qu’une seule assise, mais ces fibres sont très rapprochées les 
unes des autres. Elles présentent de nombreuses anastomoses; 
de plus, elles pénètrent dans les replis de la muqueuse et leurs 
ramifications vont se mêler plus ou moins intimement aux fibres 
de la couche conjonctive. 

Tout ce qui précède peut s’appliquer aux autres Vésicants. 


Chez Epicauta Verticalis (fig. 41 à 13, pl. VIN) Le nombre des 
replis circulaires de la muqueuse est de 16 à 18; ils s’effacent 
complètement dans la partie postérieure du ventricule. La cuti- 
cule y est plus mince que chez la Cantharide; les cellules 
épithéliales, cylindriques ét très longues mesurent environ 
0"®,07 de longueur (fig. 45, pl. VIT). 


Chez Lytta Fabricii les replis de la muqueuse sont plus com- 
pliqués que dans les espèces précédentes, grâce à l'apparition 
de replis de deuxième et de troisième ordre. La cuticule est 
relativement plus épaisse, en particulier dans des régions posté- 
rieures de l'organe, où elle atteint 6 à 7 &. Aussi, mieux encore 
que chez la Cantharide, donne-t-elle aux éléments dissociés 
l'apparence de cellules à cils vibratiles (pl. IX, fig. 9, 14 et 15). 


Chez les Meloe enfin, les replis de la muqueuse paraissent 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 271 


moins élevés que chez les espèces précédentes, eu égard sur- 
tout à la dimension considérable du ventricule chylifique. Ces 
replis sont d’ailleurs très nombreux et très serrés. 

En résumé, le ventricule chylifique me semble avoir chez les 
Vésicants la plupart des attributs d'un organe sécrétant et ceux 
d'un organe absorbant; les replis de la muqueuse figurent en 
effet de véritables valvules conniventes, et la présence des folli- 
cules dans la couche conjonctive ainsi que l'existence. d’une 
cuticule poreuse rappellent plusieurs des caractères de structure 
qu'on retrouve dans l'intestin des vertébrés. 


VALVULE PYLORIQUE. 


Le ventricule chylifique est pourvu à son extrémité posté- 
rieure d’une valvule qui fut signalée pour la première fois par 
L. Dufour (1824) chez Meloe Majalis. « L’intestin, dit cet ana- 
tomiste, offre à son origine dans le Meloe, une portion conoïde 
dont l'intérieur a de légères plissures longitudinales et une 
valvule correspondant au ventricule chylifique, composée de 
six tubercules ovales, bilobés, un peu calleux; je n’ai point, 
ajoute-t-il, observé cette structure dans les autres Cantharidies. » 
Cependant, deux ans plus tard (1826), Audouin (loc. cit.) dé- 
crivit chez la Cantharide, « à la terminaison de l’estomac à l’in- 
« testin une véritable valvule formée par la réunion de plu- 
« sieurs petits corps réniformes, libres sur tous leurs bords, et 
« n’adhérant au ventricule chylifique que par le milieu de leur 
« côté externe. On en compte six, et entre chacun d’eux, on 
« voit un vaisseau biliaire. » Cette description toute sommaire 
est absolument exacte. J'ajouterai que j'ai retrouvé une sembla- 
ble valvule chez tous les insectes vésicants qu’il m'a été possible 
d'étudier, Cantharis, Epicauta, Lytta, Meloe, Mylabris, etc. 

L'étude de cette valvule pylorique m'a présenté quelques par- 
ticularités que je vais exposer en prenant pour type la Cantharide 
ordinaire. 

Cantharis vesicatoria. — Lorsqu'on fend en long le paroi du 
ventricule et qu'on l'étale pour l’examiner à loisir, on constate 
à l'extrémité postérieure de l'organe, l'existence de six petits 
corps disposés en couronne et également espacés. Ces petits 
corps, ou tubercules saillants, sont arrondis ou un peu ovoides 
et formés chacun, comme le montre la figure 28, pl. VI de deux 


“ât H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


épaississements latéraux de chaque côté d’une gouttière médiane 
dans le fond de laquelle se trouve une saillie moins élevée qu’ils 
cachent en partie. — Ces corps valvulaires sont donc trilobés; 
c'est ce dont on se rend mieux compte à l'examen de leur coupe 
transversale (fig. 24, pl. VF. | 

On y voit qu'ils sont constitués chacun d’un épais repli de la 
muqueuse du ventricule, repli trilobé et dont le lobe médian 
peu saillant est profondément enfoncé entre les deux lobes laté- 
raux. À sa base, qui correspond à sa face externe, ce repli est 
brièvement pédiculé et 1l est en continuité avec la muqueuse du 
ventricule. 

La structure de ces corps valvulaires est très simple. Ils com- 
prennent, de dedans en dehors : une cuticule, une rangée de 
cellules épithéliales cylindriques et une très mince trame con- 
jonctive. | 

L'arrangement de ces diverses parties rappelle assez bien celui 
qui caractérise le bourrelet que j'ai décrit à l'union de la mu- 
queuse et de la membrane périvalvulaire de la valvule cardiaque. 

Cellules épithéliales et cuticule sont en continuité par le pé- 
dicule avec les mêmes parties de la muqueuse ventriculaire ; 
mais la cuticule revêt un aspect différent; beaucoup plus épaisse, 
elle n’est pas poreuse et sa surface est relevée de stries ondulées 
couvertes de petites éminences chitineuses cylindriques groupées 
par trois; cet aspect rappelle celui de la cuticule æœsophagienne. 

On comprend bien les rapports de la valvule avec le ventri- 
cule d’une part et l’intestin de l’autre, en examinant les coupes 
longitudinales de cette région du tube digestif. La coupe que 
je reproduis (fig. 23, pl. VI) passe par le centre d’un des corps 
valvulaires. On y voit que le lobe central qui est intéressé dans 
la coupe est assez bas pour être surplombé par les replis circu- 
laires de la muqueuse du ventricule, replis qui, je l’ai dit, repa- 
raissent à l'extrémité terminale de cet organe après avoir com- 
plètement disparu dans la région immédiatement antérieure. 
Cette coupe montre la continuité qui s'établit par l'intermédiaire 
du corps valvulaire entre le muqueuse du ventricule et celle de 
l'intestin. 

Sur cette coupe, et mieux encore sur les coupes transversales 
qui passent au niveau de la valvule, on constate que la muscu- 
leuse interne à fibres circulaires est extrêmement mince, la mus- 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 273 


culeuse externe conservant les mêmes caractères que dans le 
reste du ventricule. Il n’y a donc pas là de sphincter, c’est en 
effet immédiatement en arrière des corps valvulaires et non à 
leur niveau qu’on trouvera un anneau musculaire épais. 

Les tubes de Malpighi s'ouvrent dans le ventricule chylifique 
en avant de la couronne valvulaire et dans un ordre tel qu’un 
tube de Malpighi alterne avec un corps valvulaire. 

C'est ce que montre la figure 12, pl. VII, qui reproduit une 
coupe longitudinale de la région pylorique chez Epicauta verti- 
calis. 

Epicauta verticalis. — Chez cette espèce, la couronne valvu- 
laire est comme chez la Cantharide formée de six corps également 
trilobés. Vus de face, ces corps figurent chacun une sorte de 
foliole allongée, épaisse (fig. 17, pl. VIII). Sur les coupes transver- 
sales de la région valvulaire, on les voit rangés en couronne et 
régulièrement espacés (fig. 18, pl. VIII). La cuticule qui les re- 
couvre est très épaisse, hérissée comme précédemment. Quant 
aux cellules épithéliales, elles présentent un aspect tout parti- 
culier. Au sommet des repiis qui constituent les corps valvu- 
laires (fig. 24, pl. VII), ces cellules ont beaucoup des caractères 
des cellules à mucus décrites dans la muqueuse du ventricule 
chylifique. Vésiculeuseset remplies d’une substance incolorefine- 
ment granuleuse, elles se terminent du côté extérieur par un 
corps cellulairelinguiformequise colore bien par le picro-carmin. 
Le noyau relativement petit et comme ratatiné est situé à l'union 
de ces deux parties. Une auréole de granulations assez serrées 
l'entoure. Au voisinage de ces éléments vésiculeux qui occupent 
avons-nous dit le bord libre des replis valvulaires, on voit des 
cellules épithéliales cylindriques terminées en massue du côté 
de la cuticule; ce renflement terminal est rempli de granulations 
et se colore en noir intense par l’acide osmique. À mesure qu'on 
se rapproche de la muqueuse de l'estomac, on voit ces renfle- 
ments s’étrangler, se séparer même du corps cellulaire et se ré- 
duire bientôt à des traînées qui sur les coupes de pièces traitées 
par l'acide osmique marquent de taches noires la tranche de la 
cuticule très épaisse à ce niveau. On passe enfin aux cellules 
cylindriques ordinaires. Ces différentes formes me semblent pou- 
voir être considérées comme des modifications marquant des 
périodes de l’évolution des cellules épithéliales. 


274 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


c. INTESTIN FROPREMENT DAT (postintestin). 


L'intestin proprement dit, c’est-à-dire toute la partie du tube 
digestif qui fait suite à la valvule pylorique, se caractérise très 
nettement par sa structure histologique. 

La cuticule (intima) y prend une épaisseur relativement assez 
grande. Les cellules épithéliales, très bien développées, et ne 
rappelant en rien la réduction de l’épithélium de la région œso- 
phagienne, ne sont plus cylindriques, mais aplaties, cubiques ou 
presque sphériques suivant les régions. La couche conjonctive 
est rudimentaire, dépourvue de follicules; enfin, les couches 
musculaires ont entre elles les mêmes rapports que dans l’œso- 
phage, c'est-à-dire que contrairement à ce qu'on observe dans 
le ventricule chylifque, c’est la musculeuse interne qui est for- 
mée de fibres longitudinales et la musculeuse externe qui est 
composée de fibres circulaires. Dans certaines régions toutefois, 
la zone de fibres circulaires est comprise entre deux couches à 
fibres longitudinales. 

Ces caractères généraux de structure comportent certaines 
modifications de détails qui permettent de reconnaître cinq par- 
tics bien distinctes dans l'intestin des Vésicants. 

Cantharide. — La première partie, très courte, et ne mesu- 
rant pas plus de 1" de longueur chez la Cantharide, fait immé- 
diatement suite à la valvule pylorique et répond au renflement 
qui occupe l'extrémité postérieure du ventricule chylifique. Son 
diamètre transversal mesure 0%*,95 environ. Sa structure est 
très caractéristique. La muqueuse, en effet, y forme dix-huit 
replis longitudinaux saillants. Audouin qui avait parfaitement 
vu ces replis, s’est également bien rendu compte de leur origine. 
« Si on les examine avec soin, disait-il, on voit qu’ils partent des 
six corps valvulaires. Chacun en fournit deux et il en naît régu- 
lièrement un desintervalles qui les séparent. » C’est bien ainsi, 
en effet, que les choses se présentent. Ces replis ne sont pas 
égaux en hauteur; il y a alternativement un repli plus bas etun 
repli plus élevé (fig. 6, pl. VIP). 

La muqueuse qui les forme, offre à considérer, une cuticule 
épaisse de 3 & environ, hérissée comme celle des corps valvu - 
laires. C’est celle-ci en effet qui se continue sans modifications 
dans cette première parte de l'intéstin. Par contre, les cellules 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 219 


épithéliales sont bien différentes. Aux cellules cylindriques font 
place des cellules polyédriques, presque aplaties et qui ne me- 
surent pas plus de 12 y de hauteur sur 15 « de largeur. La couche 
conjonctive très mince estréduite à quelques fibres éparses. En- 
fin, l'enveloppe musculaire consiste en une épaisse couche de 
fibres musculaires comprise entre deux couches de fibres longi- 
nales. De ces deux dernières, l’interne semble être la conti- 
auation des fibres musculaires longitudinales du ventricule 
(fig. 93, pl. VI); quant à l’externe elle est représentée par quel- 
ques faisceaux peu serrés. L'épaisseur de la couche à fibres circu- 
laires est remarquable, car elle ne mesure pas moins de 0"",14. 
C’est un anneau musculaire puissant, et il n’est pas douteux que 
cette première partie de l'intestin constitue une sorte de sphinc- 
ter placé à l'extrémité postérieure du ventricule. 

La deuxième partie de l'intestin est caractérisée par la di- 
minution du nombre des replis de la muqueuse qui se réduisent 
à douze (fig. 7, pl. VI). En même temps, la cuticule devient 
complètement glabre, et les cellules épithéliales peut-être un 
peu plus longues que dans la précédente région mesurent en- 
viron 14 « de hauteur. La musculeuse interne est représentée 
par quelques fibres longitudinales. Quant à la musculeuse ex- 
terne, elle est moins épaisse que dans le gésier, elle mesure tou- 
tefois encore 0"®,10 à 0"",12. | 

Enfin une sorte de gaîne formée par le corps adipeux et qui 
enveloppe toute la longueur de l'intestin apparaît pour la pre- 
mière fois dans cette région. La structure de cette gaîne est très 
remarquable, les cellules adipeuses étant groupées en sortes de 
colonnes cyiindriques qui entourent l'intestin, et sont placées 
côte à côte parallèlement à son grand axe. 

La deuxième partie de Heétio constituée comme il vient 
d’être dit, n'a qu'une faible longueur, environ 2 à 3mm, Elle 
comprend la portion qui s'étend directement en arrière, du ren- 
flement à dix-huit replis jusqu’au coude que forme l'intestin 
pour revenir en avant (voir la fig. 1, pl. VI). Son diamètre trans- 
versal peu considérable, mesure, paroi comprise 0"",65. 

Vient alors la troisième partie de l'intestin représentée par la 
portion ascendante qui se place le long du côté droit du ventri- 
cule chylifique. Elle est caractérisée par une nouvelle diminu- 
tion du nombre des replis de la muqueuse qui se réduisent à 


276 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


six. Sur les coupes transversales pratiquées sur un abdomen 
entier de Cantharide on reconnaît facilement cette région de l’in- 
testin à ses six replis qui suffisent parfaitement à la caractériser 
(fig. 8, pl. VI) et l’on constate comme je le disais plus haut, 
qu'elle occupe le côté droit du ventricule. 

Il est à remarquer que le calibre de cette troisième portion du 
ventricule est notablement réduit. C’est la partie la plus grêle 
de tout le conduit intestinal. La musculeuse externe, bien que 
représentée encore par deux ou trois assises de fibres circulaires 
est beaucoup moins développée que dans les régions précédentes. 

La quatrième partie de l'intestin comprend toute la portion 
descendante de cet organe jusque vers son extrémité terminale. 
Sur les coupes transversales d'ensemble de l'abdomen (fig. 9 
et 41, pl. VI), on voit qu’elle occupe la face dorsale, au-dessus 
du ventricule. 

Son diamètre transversal, paroi comprise, mesure dans sa ré- 
gion la plus large 0,90 à 1" et l'emporte de beaucoup sur les 
régions précédentes ; c’est la partie qu’on désigne ordinairement 
sous le nom de rectum ; les extrémités postérieures des tubes de 
Malpighi sont fixées à son origine. Chez quelques Vésicants tels 
que les Mylabres, dont l'intestin est beaucoup plus court, ce 
rectum est réduit à un renflement à peu près sphérique. Quoi- 
qu'il en soit, la structure de cette quatrième région de l'intestin 
est remarquable. Les six replis de la muqueuse s’affaissent peu 
à peu et disparaissent bientôt presque complètement. La cuti- 
cule est lisse; les cellules épithéliales sont très différentes de 
celles des régions précédentes. Elles sont presque sphériques ou 
à peine comprimées latéralement; volumineuses car leur dia- 
mètre atteint 0",017, elles possèdent un noyau plongé dans un 
protoplasma hyalin, à peine granuleux. Il m’a semblé que, au 
niveau des replis, là où ils font encore une saillie appréciable 
(&g. 9, pl. VI), ces cellules épithéliales ont un diamètre un peu 
plus considérable. Enfin la couche musculaire est réduite à une 
seule assise de fibres circulaires. Le corps adipeux lui forme une 
enveloppe continue. 

La cinquième partie de l'intestin comprend sa région termi- 
nale et aboutit à l'anus. Brusquement, en effet, le rectum se 
rétrécit et un conduit grêle, long seulement de 1 à2 millimètres 
lui succède. Cette portion terminale (fig. 40, pl. VI), qui ne 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. a 


mesure pas plus de Owm,7 de diamètre transversal, paroi com- 
prise, a une structure toute différente de celle de la région qui 
la précède. 

La muqueuse, y offre de huit à dix replis très saillants, dont 
la cuticule est très épaisse. La couche épithéliale par contre est 
extrêmement réduite et les cellules rudimentaires rappellent la 
structure de l’œsophage. Enfin, deux couches musculaires très 
développées ajoutent encore à ces caractères distinctifs. (est 
d’une part, une couche externe à fibres longitudinales, et d'autre 
part, une couche interne à fibres circulaires, très épaisse et qui 
mesure 0"%,098 et forme un sphincter comparable à celui que 
j'ai signalé dans la première partie de l’intestin mais plus puis- 
sant encore. 

En résumé, l'intestin de La Cantharide comprend cinq parties 
bien distinctes par leur structure. Dans l’état actuel de nos con- 
naissances sur le rôle de ces diverses parties, il ne me paraît pas. 
possible d'essayer de les comparer aux parties de l'intestin des 
animaux vertébrés, aussi n’ai-je à dessein pas employé les noms 
d'intestin grêle, de gros intestin, de rectum, etc. Si l’on veut 
les désigner par des noms particuliers, on peut emprunter ces 
noms à l’un de leurs caractères le plus apparent, soit au nombre 
des replis. On aura alors, la région à dix-huit replis, celle à douze 
replis, la région à six replis, la portion lisse et le sphincter ter- 
minal. Ces noms peuvent d'autant mieux être adoptés qu'ils sont 
applicables à l'intestin de tous les insectes vésicants. 

Chez l’Epicauta verticalis en effet, j'ai retrouvé une disposi- 
tion identique. Les figures que je donne des coupes transver- 
sales de ces diverses régions (fig. 19 à 25, pl. VII) rendent 
compte de cette disposition. Les Mylabris quadri-punctata, Lytta 
Fabricii, Meloe proscarabœus, etc., ont même structure, les dif- 
férences siègent seulement dans la longueur plus ou moins 
grande des diverses régions et en particulier de la quatrième 
portion. 


d. TUBES DE MALPIGHI. 


L'étude des vaisseaux de Malpighi ne m'a rien appris qui ne 
fut déjà connu. Je rappellerai que chez tous les Vésicants il existe 
six vaisseaux de Malpighi qui s'ouvrent à l'extrémité postérieure 
du ventricule chylifique entre les six pièces de la valvule pylo- 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. Xx11 (1886). 19 


278 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


rique et que ces six vaisseaux viennent se fixer à l'intestin, à la 
limite de la troisième et de la quatrième partie. En ce point ils 
se groupent en général par trois, et chaque groupe se fixe à la 
paroi intestinale par un tube très court (fig. 17, pl. IX), souven- 
réduit à un simple mamelon (1). L. Dufour avait indiqué cette 
disposition et fait remarquer en même temps, ce qui a été con- 
firmé depuis par M. Fabre (27), à savoir que le Sifaris hume- 
ralis fait exception à la règle générale. Il ne possède en effet-que 
quatre vaisseaux de Malpighi unis deux à deux à leur extrémité 
postérieure. | 


e. CORPS ADIPEUX 


Le corps adipeux est généralement abondant chez les Vési- 
cants, et teint en jaune (Cantharide et Zonitis) ou en rouge (My- 
labris 4-punctata). Ses rapports avec le tube digestif sont teis 
qu'il enveloppe l'intestin comme d’une sorte de gaîne continue 
que j'ai signalée déjà à propos des coupes transversales sur cet 
organe. C’est ainsi que chez la Cantharide (fig. 7 et 8, pl. VD), 
on voit l'intestin entouré d’un manchon formé de deux ou trois 
assises de cellules groupées par petits paquets cylindriques. 
Chaque cylindre paraît nettement séparé du cylindre voisin par 
un contour qui est peut-être une fine membrane conjonctive ou 
seulement la limite de la substance hyaline dans laquelle sont 
plongées les cellules. Ces cellules volumineuses, ovoides ou sphé- 
riques, mesurent en moyenne 28 à 30 & de diamètre. Elles ren- 
ferment un gros noyau très réfringent, large de 15 à 16 w et 
sont réunies par une substance intermédiaire hyaline ou très 
finement granuleuse (fig. 29, pl. VI). Elles se colorent rapide- 
ment en noir par l'acide osmique. Cependant elles ne renferment 
pas de globules graisseux. Quelques granulations seulement se 
voient parfois dans le noyau. 

Le tissu graisseux de l'abdomen et celui qui s’étend sur l’es- 
tomac et jusqu à la surface de l’œsophage ne présentent pas les 
mêmes caractères. Sur ces dernières parties du tube digestif 
les cellules sphériques, sont très granuleuses, d’un diamètre 
plus petit, et la substance intermédiaire dans laquelle elles sont 
plongées, semble moins dense. Cette seconde forme constitue 


(1) Toutefois, comme l’a fort bien vu Audouin (loc. cit.) chez la Cantharide, les 
tubes de Malpighi s'unissent postérieurement en un seul tronc. 


SUR LES INSEUTES VÉSICANTS. 279 
un tissu beaucoup plus lâche et qui n’enveloppe pas d’une ma- 


nière aussi intime les organes sur lesquelles il s’étend d’ail- 
leurs irrégulièrement. 


EXPLICATION. DES PLANCHES VI A IX. 
PLANCHE VI. 


Tube digestif de la Cantharide. 


Fi. 1. — Tube digestif avec trois des canaux de Malpighi en place; les 
3 autres ont été coupés. — æ, œsophage; c, renflement cardiaque ; 
v, ventricule chylifique; p, renflement pylorique; 22, 23, à, #5, les 
quatre portions suivantes de l'intestin. 

Fig. 2. — Coupe transversale de l’æsophage dans sa région anté- 
rieure, .— 0, repli de premier ordre, ventral; o1, o?, replis de pre- 
mier ordre, latéraux; mc, musculeuse à fibres circulaires ; m/, coupe 
des fibres longitudinales de la musculeuse interne; a, tissu adipeux ; 
ce, cuticule de l’œsophage; 9, gouttières. 

Fig. 3.— Coupe transversale de la région moyenne de l'œsophage, #, 
mêmes lettres ; e, repli de second ordre apparaissant irrégulière- 
ment: 

F1. 4. — Coupe transversale au niveau du bourrelet périvalvulaire, “. 
— 01, 0?, 05, o4, replis de premier ordre; ei, e?, e3, e4, replis de se- 
cond ete ë, outic alé mc, sphincter: pv, Her périvalvulaire ; 
c, cuticule de ce bourrelet; e’, épithélium du bourrelet; mv, mu- 
queuse du ventricule. 

FiG. 5. — ab transversale de l'estomac au niveau de la valvule 
pylorique, +; p à p5, CEE pyloriques; pour le reste, mêmes lettres 
que plus haut. 


Fig. 6. — Coupe transversale de l’intestin ; région à 18 replis, % — 
c, cuticule ; e, épithélium. 
Fig. 7. — Coupe transversale de l'intestin; région à 12 replis, #; 


mêmes lettres. — a, a, corps adipeux. 

Fig. 8. — Coupe transversale de l'intestin, région à 6 replis, “ ; mêmes 
lettres. 

FiG. 9. — Coupe transversale de l'intestin, région dilatée à peu près 
lisse, +. 

F1@. 10. — Coupe transversale du rectum, ©; mêmes lettres. 

F1&. 11. — Coupe transversale de l’abdomen de la Cantharide dans sa 
région antérieure au niveau de la valvule pylorique. — V, ventri- 
cule chylifique; I, intestin, région à 6 replis; R, intestin, région 
renflée à muqueuse à peu près lisse; &, trachées; T, portion de testi- 
cule; m, muscles; G, glande de l'organe mâle. 

F1G:12. — Portion de tissu adipeux de la surface de l’æœsophage. 

Fia. 13. — Cellules épithéliales à mucus du ventricule chylifique, °°; 


280 IH. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


F1G. 14. — Cellules épithéliales du ventricule, *; ab, cellule avec cu- 
ticule poreuse; ce, cellules à mucus. 

Fi@. 15. — Portion ventrale de la valvule cardiaque étalée, =. Cette 
figure montre les gouttières g à surface cannelée transversalement, 
les replis de premier ordre o1, o?, 03, et 2 replis de second ordre 
el, e?; f, lames foliacées qui terminent les replis de premier ordre; 
l, les lobes qui frangent les bords de la valvule. 

F1G. 16. — Orifice interne de la valvule vu de face; !, grands lobes; 
l1, petits lobes. 

Fig. 17. — Coupe transversale d’une portion d’épithélium de la mu- 
queuse du ventricule chylifique, montrant les cloisonnements chiti- 
neux, *. | 

F1G. 18. — Coupe transversale d’une portion de la muqueuse de l’in- 
testin, région à 6 replis très bas; c, cuticule; e, épithélium. 

Fi. 19. — Coupe longitudinale d’un repli tranversal de la muqueuse 
du ventricule, ?/*; c, cuticule; e, épithélium; f, follicules ; mt, sec- 
tions de fibres musculaires transversales; t, trachées; em, épithé- 
lium du fond des replis. 

F1G. 20. — Portion très grossie de la couche conjonctive; d, fibres du 
tissu lamineux ; m, faisceaux musculaires ; m1, cellules musculaires; 
f, follicules. 

FiG. 21. — Coupe longitudinale de la valvule cardiaque, “°; c, cuticule 
de l’æœsophage; ct, cuticule du bourrelet périvalvulaire; mc, muscles 
à fibres circulaires; m!, musculeuse à fibres longitudinales; v, mu- 
queuse du ventricule; b, bourrelet périvavulvaire. 

F1G. 22. — Cellules épithéliales avec cuticule poreuse de la partie pos- 
térieure du ventricule chylifique, 7. 

Fi. 23. — Coupe longitudinale de l’extrémité postérieure de l’esto- 
mac, comprenant un corps pylorique p; r, replis de la muqueuse de 
l'estomac; les autres lettres comme fig. 21. 

F1G. 24.— Coupe transversale d’un corps pylorique; rm”, repli médian; 
rl, replis latéraux ; p, pédicule du corps pylorique. 

F16. 25. — Armature de la cuticule de l’œsophage. 

F1. 26. — Épithélium du ventricule chylifique dans le fond des replis. 
vu en surface; c, calottes hyalines des cellules à mucus. 

FiG. 27. — Cellules épithéliales de la muqueuse de l'intestin, 4e por- 
tion, =. 

Fig. 28. — Un corps pylorique très grossi; rm, repli médian; r?, replis 
latéraux. 

Fi@. 29. — Portion du corps adipeux prise à la surface de l'intestin, Æ#. 


FiG. 30.— Coupe longitudinale au niveau du bourrelet périvalvulaire, 
montrant son passage à la muqueuse du ventricule, =; c, cuticule 
de l’æsophage; ct, cuticule du bourrelet ; et, épithélium du bourre- 


let ; e, épithélium du ventricule. 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 281 


PLANCHE VII. 
Appareil digestif des Meloe. 


(Mêmes lettres que dans la planche précédente.) 


Fig. 1. — Portion de la valvule cardiaque du Meloe Majalis, 2, mon- 
trant une paire de gouttières g et un repli de second ordre et; f, por- 
tion foliacée d’un repli de premier ordre; t, trachée; m, muscle du 
sphincter. 

F1G. 2. — Orifice de la valvule cardiaque du même, vu par sa face pos- 
térieure ; gg, gouttières cornées. 

F1G. 3. — Coupe d’un repli de premier ordre de l’œsophage du même 
au-dessus de la valvule, ©; c, cuticule; e, épithélium ; m{, muscu- 
ieuse à fibres longitudinales ; me, musculeuse à fibres circulaires ; 
t, trachées. 

FiG. 4. — Coupe transversale d’une portion de la valvule cRaNe au 
niveau où celle-ci pénètre dans le ventricule chylifique, © ; m, mu- 
queuse du ventricule; m1/1, musculeuse longitudinale du ventri- 
cule; mc, musculeuse à fibres circulaires de l’œsophage; e,et, replis 
de second ordre; gg, gouttières. 

Fi&. 5. — Coupe transversale d’une paire de gouttières au niveau du 
bourrelet périvalvulaire b, ©; ct, cuticule; et, épithélium du bour- 
relet. 

Fig. 6. — Armature de la cuticule de l’æœsophage du Meloe Majalis 
dans sa région antérieure, +. 

F1G. 7. — Armature de la ble du même au niveau des replis, 2. 

F1G. 8. — Coupe longitudinale d’une moitié du iybe digestif au niveau 
de la valvule cardiaque chez Meloe Majalis, ; c, cuticule de l’œso- 
phage ; ct, cuticule de la membrane périvalvulaire; b, bourrelet épi- 
thélial; v, muqueuse du ventricule chylifique. 

F1. 9. — Mandibule de Meloe Majalis,  ; m, maxillaire ; p, prostecha: 
d, molaire. 

FiG. 10. — Prostecha de la même ; :, région papilleuse; s, surface d’in- 
sertion à la mandibule. 

F1. 11. — Mâchoire du même, “=; m, maxillaire ; sm, sous-maxillaire: 
im, intermaxillaire ; g, galea ; pa, palpigère ; p, palpe maxillaire. 

F1G. 12. — Maxillaire, =», et palpigère, pa, du même. 

Fig. 13. — Labre, face inférieure avec épipharynx, ep, ‘*. 

F1@. 14. — Lèvre inférieure du même; face inférieure, ; pa, palpi- 
gère; p, palpes. 

Fic. 15. — Tube digestif du Meloe Majalis; æ, œsophage; c, renflement 
cardiaque; v, ventricule chylifique; p, renflement pylorique ; #?, #5, 
i4, i5, intestin. 

FiG. 16. — Portion de la valvule cardiaque étalée du Meloe Proscaru- 
bœus, montrant deux paires de gouttières y, €. 

Fi@. 17. — Valvule cardiaque étalée, et vue par sa surface interne, du 


282 H. BEAUREGARD. —— RECHERCHES 


Meloe angusticollis, ©; o à 0%, replis de premier ordre; e à e5, replis 
de second ordre. 

FiG. 18. — Coupe transversale d’une portion de cette valvule, compre- 
nant une paire de gouttières et un repli de second ordre, faite au 
niveau du bourrelet périvalvulaire “ vers a de la figure 17; mt, mus- 
cles du sphincter; ci, cuticule périvalvulvaire; et, épithéliont péri- 
valvulaire. 

F1c. 19. — Coupe unes d'une portion de valvule vers son ex- 
trémité terminale c, <; les autres lettres comme fig. 18. 

Fig. 20. — Coupe transversale totale de la valvule cardiaque du même 
vers le niveau b; milieu de la valvule, ®. 


PLANCHE VIII, 
Tube digestif de l'Épicauta Verticalis. 
(Mêmes lettres que dans les planches précédentes.) 
Fig. 4. — Œsophage et valvule cardiaque, vue d'ensemble ; Zs, lobe 
supérieur de la valvule; li, lobes latéraux inférieurs ; f, prolonge- 


ments foliacés des replis ; g, gouttières ; cl, lames cornées qui sou- 
tiennent les lobes. 


Fig. 2. — Appareil digestif entier, *; 7, pièces de la valvule visibles 
par transparence à travers les parois de l’œsophage et de l’estomac. 
Fic. 3. — ARE transversale de l’œsophage dans sa région anté- 


rieure, ©, À, fig. 1. 

Fig. 4. — Coupe transversale de l’æsophage dans sa région moyenne, 
À a, fig. 1, =; les huit replis sont complètement développés. 

FiG. AT transversale de l’œsophage dans sa portion renflée B, 
fig. 1,  ; ot, repli dorsal de premier ordre. 

Fig. 6. — Coupe au niveau où la valvule pénètre dans le ventricule 
chylifique immédiatement en avant du bourrelet périvalvulaire,. 
ms, muscles du sphincter. 

F1. 7.— Coupe transversale au niveau du bourrelet périvalvulaire, “; 
les gouttières commencent à s’écarter. 

F1G. 8. — Coupe transversale de l’estomac un peu en arrière du bourre- 
let, +. 

F1. 9.— Coupe au niveau des lobes de la valvule cardiaque. Ils sont 
séparés et limités par les tiges chitineuses ch, +. 

F1G. 10. — Bord très grossi, =, de l’un de ces lobes, en coupe transver- 
sale, pour montrer l’union de la membrane périvalvulaire à la lame 
cuticulaire de l'œsophage. 

Fig. 11. — Coupe longitudinale d’un repli circulaire du ventricule 
chylifique, montrant la structure de la muqueuse, *; e, épithélium 
de la portion saillante du repli; et, épithélium de la portion ren- 
trante; ca, corps hyalins béni ob dt au milieu d’une substance 
granuleuse; , follicules ; t, trachées; me, fibres AHÉPIMAIEES circu- 
laires, en coupe. . 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 283 


Fig. 12. — Coupe longitudinale de l’extrémité postérieure du ventri- 
cule chylifique, **, montrant la disposition des cellules de la mu- 
queuse dans cette région. Au-dessus du corps pylorique », on voit 
déboucher un tube de Malpighi, m. 

F1@. 13. — Coupe longitudinale de l'extrémité antérieure du ventricule 
chylifique, ©, montrant le bourrelet cardiaque et son union avec la 
muqueuse ventriculaire. 

F1&. 14. — Coupe longitudinale du tube digestif au niveau de la val- 
vule cardiaque, vue d'ensemble. 

Fi&. 15.— Cellules épithéliales très grossies de l'extrémité postérieure 
du ventricule chylifique.— a, cellules à mucus; b, cellule à euticule 
poreuse,. 

Fi. 16. — Surface de la cuticule qui recouvre les corps pyloriques. 

F1G. 17. — Un corps pylorique vu de face et très grossi. 

FiG. 18. — Coupe transversale au niveau des corps pyloriques p, ?:. 

Fi@. 19. — Coupe transversale de l'intestin, région à dix-huit replis, °°. 

Fig. 20. — Coupe transversale de l'intestin, région à douze replis, “, 

F1G. 21. — Coupe transversale de l'intestin, région à six replis, ; ad, 
corps adipeux. 

Fig. 22. — Coupe transversale de la région renflée et lisse de l’intes- 
tin, ©. 

FiG. 23. — Coupe transversale du rectum, “. 

Fig. 24. — Coupe transversale d’une portion d’un corps pylorique, ?<*, 
montrant les cellules à mucus dans leurs divers états, a, ai. 

F16. 25. — Coupe transversale d’une portion de la muqueuse de la ré- 
gion lisse de l'intestin, montrant les cellules épithéliales presque 
sphériques, =. | 

FiG. 26. — Trachée avec corps adipeux de la surface de l’œsophage. 


PLANCHE IX. 
Appareil digestif des Lytta Fabricii et Mylabris 4-punctata. 
(Mêmes lettres que dans la planche précédente.) 


Fig. 1. — Lylta Fabricii. Portion de la valvule cardiaque étalée, mon- 
frant les trois lobes L à l?, soutenus par les tiges chitineuses, #, 
mo, muscles obliques. 

Fig. 2. — Lyita Fabrici.' Coupe transversale de l’œsophage vers sa 
partie antérieure, montrant le commencement des replis, #. 

Fic. 3. — Coupe transversale de l’œsophage du même au niveau des 


appendices foliacés qui recouvrent les gouttières, <=. 


FiG. 4. — Coupe transversale de la valvule cardiaque du même, au 
niveau du bourrelet périvalvulaire, #. 

FiG. 5. — Coupe transversale de la valvule cardiaque du même, au 
niveau de sa division en trois lobes 21 à 3, 2, 

FiG. 6. — Coupe transversale très grossie de l’un de ces lobes, pour 


montrer l’union de l’intima de l’œsophage à celle de la membrane 
périvalvulaire. 


284 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 


F1. 7.— Coupe longitudinale de l'estomac du Lytta Fabrici, au niveau 
de la valvule cardiaque, montrant les replis très profondément lobés 
de la muqueuse du ventricule mo. 

Fi. 8. — Surface de la cuticule de l’æsophage au-dessus de la valvule 
cardiaque. 

Fig. 9. — Coupe transversale de la muqueuse du ventricule dans sa 
région moyenne; on y voit l’épaisse cuticule poreuse. 

F1G. 10. — Une gouttière de la valvule pylorique, en coupe transver- 
sale très grossie, prise au niveau du bourrelet périvalvulaire chez 
Lytta Fabricii, =. 

Fig. 11. — Coupe d’une gouttière dans sa région antérieure, au niveau 
de l’appendice foliacé, =. 

F1G. 12. — Un appendice foliacé vu en surface. 

F1G. 13. — Coupe longitudinale de l'extrémité postérieure du ventri- 
cule, montrant la coupe d’un corps pylorique. 

FiG. 14. — Trois cellules de l'estomac, montrant la cuticule poreuse, =. 

F1G.15. — Cellules de la partie postérieure de l’estomac, “=. 

FiG.16.— Tube digestif de Zonitis mutica. 

F1G.17.— Extrémité postérieure grossie des tubes de Malpighi, mon- 
trant leur mode d'insertion à l’intestin, dans la même espèce, 

F1G. 18. — Tube digestif du Mylabris geminata. 

F1G. 19. — Tube digestif du Mylabris 4-punctata. 

FiG. 20. — Coupe transversale de la région à douze replis de l’intestin 
du Mylabris 4-punctata, =. 

FiG. 21. — Coupe transversale de la valvule cardiaque du même, au 
point où elle pénètre dans le ventricule, +. 

FiG. 22. — Portion de la valvule cardiaque du Mylabris 4-punctata étalée 
et vue par sa face interne, +. 

F1G. 25. — Portion de la valvule cardiaque du Meloe Angusticollis, mon- 
trant une paire de gouttières et un repli intermédiaire, “. 


CONTRIBUTION A L’ÉTUDE 


DE L'OSSIFICATION ET DE L'HOMOTYPIE 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME 


Par CH. DEBIERRE 


(PLANCHES X er XI.) 


I 


Vésale déjà s’était occupé de l’ossification des os du carpe, 
qu'il ramenait au nombre de sept, en considérant le pisiforme 
comme un os sésamoïde, ce que Riolan se refusa d'accepter. — 
Riolan, Albinus, et après eux et mieux qu'eux, Béclard et Serres 
étudièrent l’ossification des os du tarse. 

Depuis Vésale et Riolan, l’ostéogénèse des os carpiens et tar- 
siens a fait beaucoup de progès, et après les travaux de Ram- 
baud et Renault (1), de Cruveilhier (2), de Sappey (3), de 
Quain (4), de Kælliker (5) pour ne citer que quelques anato- 
mistes, il ne reste guère que quelques divergences à expliquer 
en ce qui concerne l’ossification pure de chacun des os du carpe 
et du tarse. 

Mais si le travail d’ossification de chacun des os du carpe et 
du tarse, individuellement considéré, a été assez bien indiqué 
dans ses commencements (époque d’apparition du point osseux 
primitif), ce travail n’a cependant pas encore été suivi comme 
il mérite de l’être, depuis ses plus humbles débuts jusqu’à sa 
réalisation complète. 

Les lacunes de la science sont autrement grandes lorsqu'on 
essaye de se rendre compte de l’ossification comparative des os 
homologues carpiens et tarsiens. Ici, outre que le travail com- 


(1) RampBaup et RENAULT, Dévelop. des Os, Paris, 1864. 

(2) J. CRUVEILHIER, Anat. descriptive, 4e éd., t. I, p. 206 et 251, Paris, 1862. 
(3) Sappey, Anat. descriptive, t. I, 3e édit. Paris, 1875. 

(4) Quain's Anatomy, t. I, 9 édit., p. 102 et 125, London, 1882. 

(5) KoœŒcuixEr, Embryologie, éd. franc. Paris, 1882, p. 511. 


286 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


paralif est à faire, la difficulté est d'autant plus grande qu’on 
rencontre déjà beaucoup de peine à établir l’homologie des seg- 
ments osseux du membre thoracique et du membre pelvien. 

Pour résoudre ce dernier problème, les anatomistes ont eu 
recours au principe des connexions, si bien établi par Geoffroy 
Saint-Hilaire, principe qui trouve son complément nécessaire 
dans l’étude des lois du développement. Ces deux points de 
repère nous serviront de guide pour esquisser l’homologie des 
os du membre supérieur et du membre inférieur, en particulier 
l’homotypie des segments osseux du carpe et du tarse, détermi- 
nation absolument nécessaire, indispensable même, avant d’a- 
border l'ossification comparative des os carpiens et tarsiens. 
L'étude du travail de l’ossification de chacun de ces os, nous 
servira lui-même d'ailleurs pour établir l’homologie. 

Dans le présent mémoire, nous nous attacherons surtout à 
l'étude comparative du carpe et du tarse, mais au préalable nous 
esquisserons l’ossification des os carpiens et tarsiens telle que 
nous l'ont montrée la coupe d’une centaine de mains et d'autant 
de pieds, provenant d’une série de sujets variant de six mois 
(vie intra-utérine) à douze ans. Cette étude nous permettra de 
fixer avec sûreté l’époque d'apparition du point d’ossification de 
chacun des segments osseux du carpe et du tarse, et d’en 
suivre l'évolution graduelle jusqu’à l’ossification achevée; elle 
nous fournira en outre des matériaux précieux pour établir l'ho- 
mologie dessegments carpo-tarsiens en même temps qu’elle nous 
permettra de terminer par un mot du développement compara- 
tif du carpe et du tarse. 


Il 


PHÉNOMÈNES PRÉCURSEURS DE L'OSSIFICATION. 


Certains phénomènes précurseurs se passent dans les carti- 
lages carpo-tarsiens avant l’apparition du véritable noyau os- 
seux. 

L'ossification tout d'abord, débute au sein de pièces cartila- 
gineuses vascularisées. Au centre du cartilage, se remarque un 
point clair bleuâtre, qui contraste avec l'aspect opaque du reste 
de la pièce cartilagineuse. Cette apparence claire répond à une 
modification physique du cartilage. À ce niveau, en effet, la sub- 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 281 


stance fondamentale est moins grenue et a relativement beau- 
coup augmenté. Par contre et corrélativement, les capsules de 
cartilages se sont agrandies et dans leur intérieur, les cellules 
de cartilage ont proliféré. Autour des vaisseaux, on voit les 
grandes capsules de cartilage, le plus ordinairement ovalaires 
ou aplaties, entourer le vaisseau comme les ostéoplastes entou- 
rent le vaisseau qui traverse la substance osseuse pour former 
un système de Havers ; quelques cellules, ovoïdes ou en virgule, 
fortement colorées par le carmin, s’échelonnent autour du vais- 
seau. Ces éléments rappellent les ostéoblastes, et semblent n’être 
que des cellules de cartilage jeunes et mises en liberté par l'ou- 
verture des capsules. 

Ce n’est point là du tissu osseux, longtemps encore peut-être 
se fera attendre l'apparition de celui-ci, mais c'est là une modi- 
fication histogénique qui annonce l’ossification. C'est ce que 
Broca a appelé le «tissu chondroïde» au centre duquel appa- 
raîtra un point opaque, le point d'ossification. 

Comme dans les cartilages carpo-tarsiens l’ostéogénèse est 
centrale, toutes ces lignes de tissu chondroïde qui entourent 
les vaisseaux, se réunissent en un point (centrum) avant que le 
tissu chondroïde subisse une nouvelle modification et passe à 
l’état ostéoïde, nouvelle modification (calcification du cartilage) 
qui devance de peu l’ostéogénèse proprement dite. 

Si l’on prenait le point clair central de la pièce cartilagineuse 
carpo-tarsienne comme le commencement de l’ossification, on 
commettrait donc une erreur d'autant plus grande, que ce phé- 
nomène peut devancer de beaucoup le travail de l’ostéogénèse. 


IT 


CONSTRUCTION GÉNÉRALE ET DÉVELOPPEMENT DU CARPE. 


Dès le deuxième mois de la vie intra-utérine,sur des embryons 
de 5-7 cent. les cartilages des os du carpe sont distincts et recon- 
naissables les uns des autres. Leur nombre est celui des pièces 
carpiennes de l'adulte, leurs connexions sont les mêmes, leur 
forme analogue. Les deux rangées sont ordonnées comme chez 
l'adulte ; la voûte carpienne a déjà pris corps, et le trapèze placé 
sur un plan antérieur aux autres catilages carpiens, à grand dia- 
mètre obliquement dirigé en dedans et en avant (la main en pro- 


288 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


nation) avec sa facette articulaire métacarpienne tournée en 
dedans et en bas, rend compte de la direction différente et de 
l'indépendance relative du rayon pollicial, par rapport à ceux 
des autres rayons métacarpo-phalangiens. 

Les diamètres du carpe à cette période de la vie sont les sui- 
vants : D. transversal — 3 mill. ; D. longitudinal — 2 mill.; 
D. antéro-postérieur moins d’un millimètre. Chacun des carti- 
lages carpiens n’atteint donc pas 1 mill. de diamètre au deuxième 
mois de la vie embryonnaire. 

Telle est la composition générale du carpe. Mais la constitu- 
tion de cette partie du squelette peut subir certaines modifica- 
tions et les pièces carpiennes varier de nombre. 

Henke et Reyher (1), puis E. Rosenberg (2), Kælliker (3), 
Leboucgq (4) ont mis à découvert chez de jeunes embryons hu- 
mains du deuxième au troisième mois, et Gruber (1869), Fried- 
lowsky (1870), Turner (1883), Leboucq (1884), Ruge, ont re- 
trouvé normalement chez l’adulte un cartilage entouré par le 
trapèze, le trapézoïde, le grand os et par le naviculaire, qui ré- 
pond manifestement à l'os central permanent (intermédiaire de 
De Blainville, os surnuméraire de Cuvier) de quelques Mammi- 
fères, des Reptiles et des Amphibies. 

Ce cartilage représentatif disparaît dans le cours du troisième 
mois (Rosenberg, Kælliker) par atrophie (Rosenberg), en se sou- 
dant et finalement se fusionnant avec le scaphoïde (Henke et 
Reyher, Leboucq) (5). 


(1) HENKE et REYHER, Studien über die Entw. der Extr. (Sitzungbericht der 
Wiener Akad., vol. LXX, 1874). 

(2) E. RosexgerG, Ueber die Entwick. der Wirbelsaüle u. das centrale carpi des 
Menschen Morph. Jahrb., t. I, 1876. 

(3) KoœLLIKER, Embryologie, éd. franç.; Paris, 1882, p. 511. 

(4) LeBouco, De l’os central du carpe chez les Mammifères (Bull. de l'Aead. roy. 
des sc., 1882, et Acad. de Méd. Beige, 1884, et Arch. de Biologie, t. NV, p. 35, 1884). 

(5) Cuvier (Leçons sur l’Anat. comparée, 2° éd., t. 1, p. 425), après avoir consi- 
déré l'os central du carpe comme une subdivision du trapézoïde, le regarde finalement 
comme un démembrement du grand os. MECKEL (Syst. d.vergl. Anat., 1825, Il, 390), 
Owen (On the archetype and homologies of the vertebrate skeleton; London, 1848, 
p. 191), DE BLaINviLe (Ostéographie; Pithéens, 1829), Vroux (Rech. d'anat. comp. 
sur le Chimpanzé; Amsterdam, 1841, p.14), GRATIOLET et ALix (Rech. sur l’Anat. des 
Troglodytes Aubryi) (Nouv. arch. du Museum, 11, 1866, p. 82), Huupxry (On the 
limles of the vertebrates , 1860, p. 4), HuxLey (Hunterian Lectures) (Med. Times, 
1864, vol. I, p. 165), Mivart (On the appendie. Skeleton of the Primates) (Philos. 
trans., vol. CLVII, 1867, p. 317), et autres, se basant sur l'examen comparatif du 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 289 


Il n’en est pas toujours ainsi, et l'os central peut persister 
chez l'adulte sous forme d'os surnuméraire. C’est alors un or- 
gane représentatif de première valeur en anatomie philoso- 
phique. 

V. Gruber (de Pétersbourg), Turner, Vincent, Leboucq, ont 
cité un certain nombre d'exemples de cette persistance. 

Wertheimer (1) a retrouvé l’os central dans le corps des Ongu- 
lés (Daman), Ed. Retterer (2) dans le carpe d'un fœtus de Gib- 
bon de 6 mois. 

Mais Henke et Reyher ont signalé en outre l'existence d'un 
second os carpien surnuméraire, placé au côté radial du cen- 
tral, entre le scaphoïde et le trapèze. 

Il y a plus. Leboucq, en réunissant divers cas publiés par les 
auteurs, et en les comparant à ses observations personnelles, a 
pu établir que le scaphoïde, le semi-lunaire, le pyramidal, le 
trapèze, le trapézoïde, le grand os, pouvaient être représentés 
chacun par deux ou trois segments indépendants pendant toute 
l'existence de l'individu, curieuse anomalie sur laquelle nous 
aurons à revenir plus tard. 

Pendant la vie intra-utérine, le carpe tout entier reste cartila- 
gineux. 


IV 
OSSIFICATION DU CARPE. 


Meckel, Sæœmmerring, Béclard, J.Cloquet, Cruveilhier, Sappey, 
Kælliker, Quain, Holden, n’accordent, pour chacune des pièces 
carpiennes, qu un point d'ossification.Meckelet Sæmmerring font 
commencer celle-ci à la naissance, alors que Béclard, Cruveilhier, 
Sappey,Kælliker, Quain, Holden, ne la font débuter qu’à un an, 
Rambaud et Renault dans le courant de la troisième année. En 


carpe de l’homme et des singes supérieurs à carpe homotype d’une part, et des autres 
singes chez lesquels le central existe, d’autre part, arrivent tous à cette même conclu- 
sion : que le central est une partie détachée du scaphoïde. 

Lesouco (Arch. de Biol. de Van Beneden, t. V, p. 59-66, 1884) en retrouve le ves- 
tige, presque constant, sur la face dorsale du naviculaire, à l’état de nodule saillant, 
D'où pour lui, « le central du carpe ne disparaît pas par atrophie, mais se soude avec 
le radial du carpe pour former le scaphoïde., » (Loc. cit., p. 39.) 

° (1) WERTHEIMER, Soc. de Biol., 1885. 

(2) ReTTERER, Dévelop. du squelette des extrémités (Journal de l'Anat., 1884, 

p. 475). 


290 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


outre, ces derniers auteurs accordent deux centres d’ossification 
au scaphoide, deux au semi-lunaire et deux à l’os crochu (1). 
— Serres de son côté admet trois points osseux pour le sca- 
phoiïde (2). 

L'ossification débute par la deuxième rangée, et le premier 
centre osseux se montre sur le grand os, puis peu après dans 
l’unciforme. 

1. Grand os. — Six enfants de 8 à 13 mois nous ont offert 
six fois le même point osseux central du grand os sous forme 
d’un petit noyau, non pas complètement sphérique, mais légère- 
ment rectangulaire, comme la forme générale du cartilage du 
grand os lui-même, et d'un grand diamètre de 2 à 3 millimètres. 
Avant le sixième mois, aucun enfant ne nous a montré le point 
d'ossification du grand os. 

Nous devons conclure que le point osseux du grand os appa- 
raîit bien vers la fin de la première année, ainsi que le dit J. Cru- 
veilhier (3), et que si Meckel et Sæmmerring (4) en placent le 
début trop tôt, Béclard (5), Rambaud et Renault (6) le placent 
trop tard. 


2. Os crochu ou unciforme. — Des six enfants précédents, 
ägés de 8 à 13 mois, cinq portaient le point osseux de l’os crochu, 
d'un aspect circulaire (sur les coupes), d'un diamètre presque 
égal à celui du grand os; mais en tous cas, ce noyau osseux 
n'est pas plus volumineux qne celui du grand os, malgré ce 
qu'en dit Meckel. Un seul de nos enfants portait des os crochus 
sans centre osseux. Ce dernier fait, la grosseur moindre du point 
osseux de l’unciforme, nous porte à admettre que le point osseux 
du grand os apparaît un peu avant celui de l’os crochu. C’est la 
conclusion de Sappey (7) qui indique 12 à 45 mois pour le début 
de cette ossification, rapprochant à 142 mois celle du grand os. 
C’est également celle de Quain, suivi par Holden, qui dit : That 
of the unciform appears first ov second year (8). — Rambaud et 


(1) Ramgaup et RENauLT, Loc. cit., p. 212-213. 

(2) SERRES, Des lois de l’ostéogénie, Institut, 1829 et 1838. 

(3) CRUVEILHIER, Anat., I, p. 206, 4e éd., 1862. 

(4) MecxeL, Manuel d'Anat., 1, p.718, 1825; S.-T. SOEMMERRING, Traité d’'Os= 
téologie et de Syndesmologie in Encyclop. anat., p. 139, 1843. 

(5) P.-A BécLarv, Anat. générale, p. 522, 4e éd.; Paris, 1865. 

(6) Ramgaup et RENAULT, Loc. cit., p.212. 

(7) Sappey, Anat., 3° éd., t. I, p. 120. 

:8) Quain's Anatomy, vol. 1; 9e éd., 1882, p. 102. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 291 
Renault placent done à une date trop tardive l'ossification de 
l’unciforme. Ajoutons que, suivant ces auteurs, un point spécial 
existerait pour l’apophyse de cet osselet, ce qui porterait à deux 
ses centres d'’ossification. J. Cloquet partage la même opinion (1). 
Nous n’avons pu retrouver ce centre osseux de l’apophyse de 
l'unciforme. 


3. Pyramidal.— Avant d’envahir le reste de la deuxième ran- 
gée, l’ossification se porte sur la première. Le premier os envahi 
dans cette dernière est le Pyramidal, contrairement à l’opinion 
de Rambaud et Renault, qui font débuter l’ossification dans la 
première rangée du carpe par le scaphoïde, puis le semi-lunaire. 

J. Cruveilhier place de 3 à 4 ans le développement du centre 
d’ossification du pyramidal; Sappey estime cet âge à 2 ans 1/2 
ou 3 ans, et Béclard dit vers 3 ans, âge également donné par 
Quain et Holden. 

Sur les six enfants précédents, deux fois nous avons trouvé le 
point osseux du pyramidal chez l’un d'eux âgé de 8 mois seule- 
ment, chez un autre d’un an (pl. X, fig. 3). A côté de cette 
précocité relative, j'ai rencontré des enfants de 20 mois, de 
2 ans, de 2 ans 1/2 et même de 3 ans 1/2, dont le pyramidal 
ne portait encore aucun centre d’ossification. 

Le début de celle-ci peut donc varier dans d’assez grandes li- 
mites, et le chiffre de 2 à 3 ans doit se rapprocher beaucoup de 
l’âge moyen de cette ossification. À 4 ou 5 ans, on le rencontre 
toujours. 

4. Semi-lunaire. — Meckel et Sæœmmerring placent l’ossifica- 
tion du semi-lunaire et du scaphoïde à la même période ; Ran- 
baud et Renault admettent que celle du scaphoïde commence 
un peu avant celle du semi-lunaire, J. Cruveilher, P.-A. Béclard 
placent le début de cette ossification en même temps que celle 
du trapèze, entre 4 et 5 ans; Sappey l'estime au même âge, 
Holden dans la cinquième année, et Kælliker également; Quain 
à 5 ans. Avant cet âge, Retterer a trouvé le scaphoïde, le semi- 
lunaire, le trapèze et le trapézoïde à l’état de cartilages vascu- 
laires. 

Le carpe d'un enfant de 3 ans nous a offert le point osseux du 
semi-lunaire, arrondi et d'un diamètre de 2 mill. environ, mais 


(1) 3. CLoquer, Anat., 1.1, p.120. 


202 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


huit carpes d'enfants de 4 à 5 ans ne nous en ontoffert aucune 
trace. Les enfanss de 6 ans nous l’ont tous montré au contraire, 
plus ou moins circulaire, central et d’un diamètre de 3 à 4 mil. 

Nous concluons donc que le semi-lunaire s’ossifie entre 5 et 
6 ans, mais plus généralement vers la fin de la cinquième an- 
née, rarement avant la 4° (pl. X, fig. 5). 

Suivant Serres, cet os se développerait par deux petits points 
osseux, très rapprochés, mais biens distincts, — que je n’ai pas 
eu le bonheur de retrouver. 

5. Trapèze. — Rambaud et Renault placent l’ossification de 
cet os à la fin de la 4° année (quelquefois même, disent-ils, à 
ÿ ans). Sappey, Kælliker, fixent ce travail à 5 ans. Cette date est 
peut-être encore trop précoce. Nous avons , en effet, rencontré 
le début de l’ossification du trapèze beaucoup plus souvent à 
6 ans qu à 5 ans (pl. X, fig. 8). Quain le fixe cependant aussi 
à la cinquième année, ainsi qu'Holden (1). 

6. Scaphoide. — Il est rare d'observer un point osseux dans 
le scaphoïde avant la sixième ; tout au moins cinq carpes nous 
l'ont-ils présenté qu’à partir de 6 ans, 

La fig. 8 de la pl. X, montre nettement le développement 
réciproque des centres d’ossification du carpe d’un enfant à de 
6 ans. 

Sappey estime cette apparition à l’âge de 5 ans 1/2; Kælliker 
ainsi que Quain, la fixent entre 6 et 7 ans, Schwegel indique 
comme limites extrêmes 2 et 8 ans; P.-A. Béclard, Holden, à 
8 ans, Cruveilhier de 8 à 9, ce qui est trop tard, car, comme 
nous, Retterer a trouvé un point osseux dans tous les os du 
carpe, sauf dans le pisiforme, entre 6 et 7 ans (loc. cit., p. 532). 

Rambaud et Renault admettent deux centres osseux très rap- 
prochés pour le scaphoïde. 

T1. Trapézoïde. — La matière osseuse apparaît dans cet osse- 
let entre 6 et 7 ans, plus tôt, par conséquent, que ne le disent 
Kælliker, Quain, Béclard, Holden et J. Cruveilhier (2), plus tard 
que ne l’admettent Sappey, Rambaud et Renault (3). 

8. Pisiforme. — Ce petit os, placé hors rang et comme sura- 


(1) Hoznen, Human osteology, p. 252, London, 1882. 
(2) J. Cruveilher place cette date de 8 à 9 ans; Kælliker et Quain, de 7 à 8 ans; 
Béclard et Holden à 9 ans. 


(3) Sappey estime cette époque à 6 ans; Rambault et Renault à l’âge de 5 ans. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 293 


jouté aux os du carpe, a été considéré à tort comme un sésa- 
moïde par Vésale, Coiter, Sæmmerring, Rambaud et Renault, 
cutr'autres. Alors que lesuns disent qu'ils s’ossifient dès l’âge de 
6 à 7 ans (Meckel, Sæmmerring), les autres reportent cette date 
à 12 ans (Béclard, Kælliker, Quain), et même 12 ou 15 ans 
(Cruveilhier, Rambaud et Renault). Sappey, de son côté, fixe 
l’ostéogénèse du pisiforme entre 8 et 10 ans. 

Pour notre part, nous avons rencontré ce petit os en parlic 
ossifié sur une fillette de 41 ans et sur un garçon de 12 ans. Mais 
ce qu’il y a d’intéressant à retenir, c’est que chez ces deux enfants 
l'ossification du pisiforme s’est faite par deux points osseux 
(pl. X, fig. 9). 

Les os du carpe n’ont point d’épiphyse; tous se développent 
par un seul foyer osseux, à l'exception du pisiforme et peut-être 
du scaphoïde, de los crochu et du semi-lunaire, si on s’en re- 
fert à l'opinion de Serres, 3. Cloque, Rombaud et Renault (1). 


Résumé chronologique de l'ossification du carpe : 


1. Grand os ou capitatum.......... —, M4 à 42 mois: 

2. Os crochu ou unciforme..... .… — 192 à 14 mois. 

des PYEANI OR E . due ne EC 

2. Semi... ........ — Dà6 ans. 

9. Trapèze..... 4 MORE =" C'ans. 

6. Scaphoïde ou naviculaire . ...... UN PARS: 

12 TrapézoideiR mio. IHM", 02 7lanst 

8: Pisifor mess... .. —  A01ù121ans. 
V 


CONSTRUCTION GÉNÉRALE ET DÉVELOPPEMENT DU TARSE. 


Le tarse humain possède, dès l’origine, les segments, au 
nombre de sept, qu’il aura chez l’adulte. Toutes les pièces qui 
le constituent apparaissent sous la forme première d’un nodule 
cartilagineux. Sur des embryons de 4 et 5 cent. (vertex-coccyx), 
c'est déjà un pied avec sa voûte et ses piliers, dessinés sous 
forme de talon, tête du premier et du cinquième métatarsien. 


(1) Nous verrons plusloin que l’homologie elle-même plaide contre ces doubles foyers 
osseux du scaphoïde, de l'os erochu, du semi-lunaire. Quand ils existent ce sont des 
points anormaux qui réapparaissent comme un souvenir des segments multidigités de 
nos ancêtres, et qui en réalité représentent un segment atrophié et disparu. 


JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XXII (1886). 20 


294 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


Alors, cependant, la largeur du tarse au niveau de la deuxième 
rangée ou rangée métatarsienne, n’excède pas 2 mill. 

Il en est de même chez l'embryon de gibbon ainsi qu'il résulte 
des recherches de Ed. Retterer, Huxley. Miwart et C. Vogt, du 
reste, ont depuis longtemps fait remarquer que le squelette du 
pied des Anthropoïdes n’est pas celui d’une main. Si ces ani- 
maux ont un pied préhensible, ils le doivent à la disposition spé- 
ciale des surfaces articulaires du premier cunéiforme, taillé un 
peu en avant et en dedans pour recevoir le premier orteil (gros 
orteil), comme l’est le trapèze pour s’articuler avec le pouce. 
Cela n'empêche que ce pied n’est pas une main et que la déno- 
mination de Quadrumanes appliquée aux singes, consacre une 
erreur anatomique. 

Cependant, on peut observer un cartilage supplémentaire dans 
la charpente du tarse. R. Owen, Meckel, Retterer ont signalé huit 
cartilages tarsiens dans le squelette du tarse de certains ron- 
_geurs (Cobaye, Rat), le cartilage supplémentaire occupant la face 
interne du scaphoïde (1). Nous verrons plus loin l'importance 
de ce fait. 

Tous les os du tarse s’ossifient par un seul point osseux, à 
l'exception du calcanéum qui voit assez tardivement venir s’ajou- 
ter à son point osseux central, un point épiphysaire né à son 
extrémité postérieure. C’est la répétition exacte de ce qui se 
passe à la main, où le pisiforme, pour le dire de suite, repré- 
sente le calcanéum. 


VI 


OSSIFICATION. 


VIE INTRA-UTÉRINE, — Calcanéum. — Astragale. — Avant le 
huitième mois, aucun des os du tarse n’est ossifié, à l'exception 
du calcanéum et dé l’astragale. 

De neuffætus, deux de 19 cent. (vertex-coccyx) m'ont présenté 
l’un » le point primitif du calcanéum, l’autre aucun point os- 
seux. Ce point du calcanéum avait 2 mill. de diamètre et n’était 
point situé au centre de l'os, mais tout près de sa face externe 
(pl. X, fig. 10 et 11). 


(1) R. Owen. Anat. of. Vertebrates, Il, p. 139; En. RETTÈRER, Loc. cit. , p. 998. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 295 


Trois fœtus de 29 cent. avaient tous trois le point osseux pri- 
mitif du calcanéum, au même siège dans le calcanéum que chez 
les fœtus ci-dessus de 19 cent., mais un peu plus volumineux ; 
de plus, le point de l’astragale, gros comme une tête d'épingle 
au niveau et au centre de son col (pl. X, fig. 11), existait chez 
l’un d'eux. 

De deux fœtus de 22 cent. , l’un avait seulement Le point du 
calcanéum, l’autre n’avait aucun point osseux, ni au calcanéum, 
ni à l’astralgale. 

De deux fœtus & de 25-38 cent. , l’un avait les points osseux 
de l'astralgale et du calcanéum (pl. X, fig. 10), le point du cal- 
canéum d’un diamètre de 4 mill., celui de l’astragale de 2 mil]; 
l’autre ne possédait encore que le centre osseux du calcanéum. 

En résumé, sur sept fœtus de 20 à 22 cent. (vertex-coccyx), 
six avaient le point osseux primitif du calcanéum, un seul avait 
les premiers rudiments du point osseux de l’astragale; de deux 
fœtus de 25-38 cent., l’un d'eux n'avait point encore le point 
de son astragale. 

D'où, si nous considérons qu'un fœtus de 20 cent. (vertex- 
coccyx) est du milieu du cinquième mois lunaire, alors que les 
‘fœtus de 25 cent. sont du commencement du sixième mois lu- 
naire, nous pouvons dire que l'ossification du calcanéum com- 
mence dans la première moitié du cinquième mois de la vie 
fœtale, celle de l'astragale ne commençant qu’un mois plus 
tard. 

La plus grande précocité du développement de l’ostéogénèse 
dans l’astragale est une exception; alors même qu'il en est 
ainsi, le diamètre réciproque des points osseux du calcanéum et 
de l’astragale, fait toujours facilement reconnaître que le point 
du calcanéum est le plus vieux. Rambaud et Renault (1), Cam- 
pana (2), en fixant le premier point de l’ossification du calca- 
néum à 4 mois 1/2, lui ont peut-être accordé une trop grande 
précocité; Meckel (3), Sappey (4), Quain (5), Kælliker (6), 


(1) RamsauD et RENAULT, Loc. cit., p. 236. 
(2) Campana, Dict. encyclop. des Sc. Méd., art. Memeres, t. VI, 2e série, p. 182, 
1874. | 
(3) MeckeL, Manuel d'Anat. I, p.718, 1825. 
(4) Sarrey, Anat., 3e éd., I, p. 468, 1875. 
(5) Quaix, Anatomy, 9% éd., vol. 1, p. 125, 1882. 
(6) Koszuiker, Embryol., p. 511, 1882. 


296 CH. DÉBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


T. Vrolik (4) en le plaçant au sixième mois lui accordent une 
trop grande tardivité. A plus forte raison, L. Holden (2 (2 ) qui le 
met vers le septième mois. 

Plus près de la vérité est Béclard en le plaçant à mi-terme. 

En disant que le point osseux de l’astragale paraît « vers six 
mois, » Rambaud et Renault, bien que peu précis, étaient bien 
près de la vérité; ceux (Meckel, Quain, Kælliker, Holden) qui 
placent le début de cette ossification dans le septième mois, le 
reportent à une date trop éloignée; à plus forte raison Sappey, 
d’après qui, le point osseux de l’astragale ne se montrerait que 
dans les derniers jours de la grossesse. 

D’après Rambaud et Renault, Quain, Holden, le point épi- 
physaire du calcanéum apparaît vers 10 ans et se soude au corps 
de l’os vers la seizième année; Meckel, Cruveilhier le font naître 
de la huitième à la dixième année, Sappey de 7 à 8 ans, et 
Kælliker de 6 à 10 ans. Sa soudure au reste du calcanéum n’a 
lieu que de 16 à 18 ans, suivant Sappey. Sur certains squelettes 
Rambaud et Renault ont encore observé des traces de sépara- 
tion à la vingt-deuxième et même même à la vingt-quatrième 
année. À la douzième année, ce point est déjà volumineux, et 
la bande de cartillage qui le sépare du point osseux primitif qui 
a envahi à peu près tout le calcanéum ne dépasse point 2 mill. 
d'épaisseur (pl. XI, g. 20, B.). 

Ce point apparaît dans la portion achilléenne du calcanéum 
sous forme d’une lame qui s'étend et coiffe en forme de calotte 
l'extrémité de l’os du talon. En se prolongeant sur la face infé- 
rieure du calcanéum, cette lame osseuse épiphysaire va consti- 
tuer ses deux tubérosités. 

Suivant Rambaud et Renaud, suivis par Campana cependant, 
le tubercule calnéen externe aurait une épiphyse particulière. 
Cette épiphyse pourrait même rester isolée, ce qui l’a fait con- 
sidérer comme un os sésamoïde par quelques auteurs. Rambaud 
et Renault signalent son analogie avecle pisiforme, mais ne vont 
pas au delà de cette parole platonique. 


VIE EXTRA-UTÉRINE. — Cuboide, Cunéiformes, Scaphoïde. — 
Sur sept fœtus à terme, j’en ai trouvé quatre avec le point d’os- 


(1) VroLix, Aonteckeningen over de Ontleedkunde von der carpus, Leiden, 1866. 
(2) L. HozDeN, Human Osteology, p. 188-190. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 297 


sification du cuboïde, ayant alors uneforme arrondie ainsi qu il 
restera plus tard tout en grandissant, avec un diamètre de 1 à 
2 mill.; chez les trois autres nouveau-nés, le cuboïde ne portait 
aueun point d’ossification, il est vrai, mais il était très vascula- 
risé et autour des vaisseaux se voyait le tissu chrondo-ostéoide 
précurseur du point osseux. 

- Il peut donc se faire que l’ossification du cuboïde n’ait point 
commencé à la naissance, mais c'est une exception que de ne pas 
la voir au douzième mois, c’est-à-dire deux mois après la nais- 
sance à terme. Rambaud et Renault (1) ont donc raison de dire 
que « à la naissance, l’ossification commence au milieu du eu- 
boïde, » mais nous verrons que l’on ne peut ajouter avec eux : 
et au milieu du « grand cunéiforme. » 

L'opinion que nous émettons, et qui n’est que le résultat bru- 
tal de nos coupes, est conforme à celle de Cruveilhier (2) qui dit 
qu'il a vu l’ossification du cuboïde commencée chez un fœtus à 
terme, conforme à celle de Quain, Sæmmerring, Holden, Cam- 
pana, etc.; elle est contraire et infirme celle de Meckel, qui pré- 
tend que cette ossification commence dès le huitième mois de la 
vie fœtale; elle est opposée à celle de Béclard d'après qui le cu- 
boïde’ne s’ossifie que quelques mois après la naissance ; opposée 
à celle de Blumenbach qui place cette ossification à 18 ou 24 
mois après la naissance, ainsi qu’à l’assertion d’Albinus, et 
nombre d’autres anatomistes, qui disent que dans le tarse du 
fœtus à terme, tous les os sont encore cartilagineux, à l’excep- 
tion du calcanéum et de l’astragale. Sappey place cette ossifica- 
tion au sixième mois après la naissance, alors que Kælliker dit 
qu'assez souvent le cuboïde présente un point osseux au sep- 
tième mois de la vie fœtale. fus 

Le centre d’ossification du troisième cunéiforme (en comptant 
du dedans au dehors) est celui qui paraît après le point du cu- 
boïde. Onze enfants de 5 à 20 mois nous l'ont offert: deux 
avaient moins d’un an (l’un 5, l’autre 8 mois), trois 12 mois, 
deux 13 mois, deux 15 mois, deux 20 mois; par contre, un en- 
fant de 13 mois, un autre de 20 mois et un de 2 ans, avaient un 
cunéiforme entièrement cartilagineux encore. 

Le tarse d’un enfant de 3 ans nous a même présenté le point 


(1) Rameau et RENAULT, Loc. cite, De 23% 
(2) CRUVEILHIER, Anatomie, t, 1, p. 252. 


298 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


osseux central du troisième cunéiforme moins développé que 
chez les enfants précédents âgés de 5 à 20 mois. 

En plaçant l’ossification du troisième cunéiforme de 19 à 45 
mois, je pense qu'on doit se rapprocher beaucoup de l’âge gé- 
ral d'apparition de ce centre osseux. C’est d’ailleurs à peu près 
l'âge accordé à la genèse de ce point par Sappey, Quain, Hol- 
den, qui le font apparaître un an environ après la naissance. 
Lorsque Béclard, Rambaud et Renault, J. Cruveilhier, Kælliker 
font naître le point osseux du troisième cunéiforme après ceux 
du deuxième et du premier, vers 3 ou 4 ans, c’est sans doute 
parce qu'ils comptent les cunéiformes à partir du bord péronéal 
du pied. 

Après le troisième (en comptant du bord interne au bord 
externe du pied) c'est le grand, ou premier cunéiforme qui s’os- 
sifie, ordinairement avant le deuxième cunéiforme, et surtout 
avant le scaphoïde qui est beaucoup plus tardif, quoiqu’en dise 
Schwegei (1). 

Sur quatorze enfants de 13 mois à 3 ans 1/2, j'ai trouvé le 
point osseux du premier cunéiforme, une fois à13 mois, trois 
fois de 18 à 20 mois, cinq fois de 2 ans à 2 ans 1/2, trois fois à 
la troisième année. 

Sur vingt-cinq enfants de 20 mois à 5 ans, trois de 20 mois 
n'avaient point de noyau osseux dans le premier cunéiforme, 
deux de 2 ans, trois de 3 ans et un de 5 ans étaient dans la 
même situation. Cinq fois sur sept, Le travail d’ossification avait 
commencé sur des sujets de 2 à 3 ans. 

D'après mon calcul, 61 0/0 auraient le point osseux du premier 
cunéiforme à la troisième année. La majeure partie de ces os 
s’ossifient donc vers la troisième année, le reste entre 3 et 4ans, 
beaucoup plus rarement après, une fois environ sur vingt tarses. 

C’est donc avec raison que Quain place l’ossification du pre- 
mier cunéiforme à la troisième année : «that of the internal cu- 
neiform in the 3 rd year (2).» Pour Holden (3), le cunéiforme 
interne, le moyen cunéiforme et le scaphoïde s’ossifient tous les 
trois entre 3 et 4 ans. Sappey intervertit l’odre que nous adop- 


(1) ScxweceL, Die Entwick, der Knochen des Hammes u. der Extrem.(Sitzber der 
Wienne, Akad, XXX, p. 337, 1858. 

(2) Quaix’s, Anatomy, I, p. 125, 9° éd., 1882. 

(3) HozoreN, Human Osteology, p. 195, 6e éd., 1882, 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 299 


tons. Pour lui, le premier des cunéiformes qui devient osseux 
est le troisième (à un an), puis le deuxième, à 3 ans, et enfin le 
premier, de 3 à 4 ans. Campana (1) admet que le scaphoïde 
commence à s'ossifieritrès peu avant les deux derniers cunéi- 
formes, mais c’est là l'exception, non la règle. 

Quant à l’ordre d’ossification adoptée par Kælliker (2) : pre- 
mière année, scaphoïde et premier cunéiforme; 8 ans deuxième 
cunéiforme:; # ans, troisième cunéiforme, et 1l est contraire à 
l'ordre des faits observés. 

Le point osseux du cunéiforme moyen, petitou intermédiaire, 
paraît aussitôt après celui du premier cunéiforme ou cunéiforme 
interne (tibial), parfois presque en même temps. Quain estime 
son apparition à 4 ans, époque à laquelle s'étaient d’ailleurs 
rangés depuis longtemps Béclard, Rambaud et Renault et 
J. Cruveilhier. 

Sur huit enfants de 3 ans, un seul n’avait point de noyau os- 
seux dans le petit cunéiforme. Cinq enfants de 18 mois à 2 ans 
m'ont présenté ce noyau, mais beaucoup plus petit. Dans tous 
les cas, alors même que les trois cunéiformes sont en voie d’os- 
sification, on reconnaît toujours que ce travail est moins avancé 
dans le petit cunéiforme, d’où l’on peut conclure que son point 
osseux est le plus retardataire de ceux des cunétformes. Toute- 
fois, ainsi que l’admet Sappey, le noyau osseux du deuxième 
cunéiforme peut naître avant celui du premier, mais au lieu 
d’être la règle, cette disposition est l'exception, car je ne lai 
rencontrée qu une fois sur quinze tarses. Les exceptions ne sont 
pas rares d’ailleurs dans l’ordre de succession de l’ossification des 
os du tarse, car j'ai pu voir un petit point osseux très net dans 
le deuxième cunéiforme d’un enfant de 8 mois, dont le premier 
cunéiforme ne portait aucun grumeau osseux. 

Comme sur sept enfants de 3 ans, un seul n'avait point le 
point osseux du deuxième cunéiforme, je pense qu’il m'est per- 
mis d'admettre que le plus souvent, l’ossification de ce cunéi- 
forme s'effectue vers la troisième année. 

Reste l’ossification du scaphoïde. 

Le scaphoide est le plus tardif des os du pied. Bien que Cam- 
pana admette qué cet os s’ossifie avant les deux derniers cunéi- 


(1) Campana, Loc. cit., p. 482. 
(2) KRœzuiker, Embryol., p. 511, Paris, 1882, 


300 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


formes (les plus internes), il me paraît hors de doute qu'il n’en 
est pas ainsi, quatre-vingt dix-neuf fois sur cent, j'oseraimême 
dire. 

D'autre part, c’est une erreur d’admettreavec Sæmmerring et 
Schwegel que l’ossification de cet os date de la première année. 
Sur une centaine de tarses que j'ai coupés, je n'ai pas rencontré 
un seul scaphoïde aussi précoce. 

Chez un enfant ° de 43 mois seul, le scaphoïde portait un petit 
point osseux central et elliptique, à grand diamètre dirigé sui- 
vant son grand axe et long de 3 millimètres. Les trois cunéi- 
formes étaient en voie d’ossification chez ce jeune sujet, et plus 
avancés dans ce travail que le scaphoïde. (Voy. pl. XI, fig. 19.) 

Béclard place l’ossification du scaphoïde à la cinquième année; 
Rambaud et Renault de 4 ans 1/2 à 5 ans 1/2; Sappey de 8 à 
4 ans, parfois de 4 à 5; Quain entre 4 et 5 ans, et F. Holden 
entre 3 et 4 ans. 

Sur huit scaphoïdes provenant d'enfants de 3 ans, un seul 
ee à un point d’ossification. Les tarses des énfants de 4 à 

5 ans le présentent généralement. Cependant de même que j'ai 
vu l’ostéogénèse commencée dans le scaphoïde, une fois au trei- 
zième mois, une autre fois au dix-huitième, de même aussi j'ai 
rencontré plusieurs fois le scaphoïde non osssifié à la cinquième 
année. 


En moyenne, j'estime cette ossification entre 4 et 5 ans. 

J. Cloquet accorde deux points osseux à l'astragale, et Ram- 
baud et Renault font ossifier le scaphoïde par deux points pri- 
mitifs qui ne tardent pas à se réunir et apparaissent en même 
temps. Je n'ai pas eu la chance de rencontrer cette disposition. 


Résumé : un seul noyau d’ossification pour tous les os du 
tarse; un point épiphysaire pour le calcanéum vers la dixième 
année. 

Ces points paraissent dans l’ordre suivant : 


Ossifiés dans la vie intra-utérine : Calcanéum.. 5e mois lunaire. 
Astragale... 6° mois lunaire. 


Vie extra-utérine : Guboïde........,....... à la naissance à terme. 
De CUNÉIIOPUNE . » se met ee 12 à 15 mois. 
4er ou grand cunéiforme.. 2 à 3 ans. 
2e ou petit cunéiforme..., très peu après. 
Scaphoide. con. scvies babe de la 4° à la 5e année. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 301 


VIT 
UTILISATIONS PRATIQUES DES RÉSULTATS PRÉCÉDENTS. 


Je ne veux pas entrer ici dans les applications pratiques qui 
peuvent résulter, en chirurgie et en médecine légale, de la con- 
naissance exacte de l’ossification des os du carpe et du tarse. 
Je ne puis cependant passer sous silence que ce sont là des os 
courts composés de tissu spongieux recouvert d'une mince ca- 
lotte de tissu compacte qui ne paraît qu alors que le travail de 
l'ossification est très avancé. Dans ces os, la moelle et les vais- 
seaux sont abondants, mais en même temps très variables, 
suivant les sujets, d’où très probablement les prédispositions 
individuelles aux lésions inflammatoires. 

On sait la fréquence des ostéites et. des caries des os du tarse 
chez les petits sujets scrofuleux; eh bien! ce phénomène nous 
a paru en rapport avec une vascularisation intense du cartilage 
en voie d'ossification et un foyer osseux contenant une abon- 
dante moelle rouge. En général, ces os sont d’autant plus vas- 
culaires que le sujet est plus jeune, ce qui est en rapport avec 
leurs plus fréquentes lésions inflammatoires à cette époque. 

En ce qui concerne la médecine légale, je me bornerai à dire 
qu'il n’est pas indifférent au médecin légiste de connaître exac- 
tement l’époque d'apparition des foyers osseux des os du carpe 
ou du tarse. En effet, cette simple donnée pourra lui permettre, 
à l’occasion, de déterminer avec précision l’âge d’un enfant 
dont il ne pourrait disposer que d’une main ou d’un pied, re- 
trouvé, après « dépeçage », dans une fosse d’aisance ou un 
égout. 


‘ VIII 


HOMOLOGIE ET OSSIFICATION COMPARATIVE DES SEGMENTS CARPO- 
TARSIENS. 


Il n’est pas sans intérêt de savoir si le carpe devance le tarse 
dans son ossification ou inversement, ce qui est connu d’une 
manière générale d’ailleurs, disons-le de suite; mais il est 
peut-être plus intéressant encore en anatomie générale de con- 


naître l'ossification comparative des pièces tarso-carpiennes 
homologues. 


302 CH. DEPIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


La première chose à faire est donc d'établir l’homologie des 
pièces du carpe et du tarse. 

C'est donc par une difficulté doublée d’une difficulté antécé- 
dente, celle de l’homologie des membres thoracique et abdo- 
minal que nous avons à commencer. 

Nous serons bref sur l’homologie des premiers segments 
des membres antérieur et postérieur, et nous n'en dirons, ou 
plutôt rappellerons, que juste ce qu’il faut pour établir l’ho- 
mologie des segments du carpe et du tarse, étude préliminaire 
indispensable, avant d'aborder le développement ostéogénique 
des pièces carpiennes, comparé au même développement des 
pièces tarsiennes homologues. 

L'étude de la main et du pied est des vo intéressante; l'air 
de famille des extrémités des différentes espèces de la série des 
vertébrés est un des points les plus éloquents que l’anatomie 
comparée puisse fournir à la doctine généalogique. 


2 1. — Homologie des membres thoracique et pelvien. 


Galien affirmait déjà l’analogie du membre antérieur et du 
membre postérieur. Mais l’ancienne anatomie n'en sut jamais 
plus long que le fameux médecin de Pergame. 

Winslow et Vicq-d’Azyr, au siècle dernier, Cuvier, Flourens, 
P. Gervais, Ch. Martins, Lavocat, Foltz, Gegenbaur, Arloing, 
A. Julien, A. Sabatier, Albrecht, plus près de nous, se sont 
occupés de l’homologie des membres pelviens et thoraciques. 

Vicq-d’Azyr (1), le premier qui ait abordé sérieusement le 
problème, suivi par Cuvier, recommande de mettre en parallèle 
le membre antérieur d'un côté et le membre postérieur du côté 
opposé, pour rétablir le parallélisme des axes des cols du fémur 
et de l'humérus. 

La comparaison de Vicq-d’Azvr, acceptée par Sappey dans 
la 2° édition de son traité d'anatomie, et par Foltz (2), est una- 
nimement abandonnée aujourd'hui, et Sappey lui-même, dans 
la dernière édition de son Anatomie (3), accepte « la torsion » 


(1) Vicç-n’Azyr, Parallèle des os qui composent les extrémités (Mém. de l'Acad. 
des sc., 1871). 

(2) Fou12, Homologie des membres pelviens et thoraciques (Journ. de la Phystol, 
de Brow-Séquard, t. VI, p. 49-80, 1863. 

(3) SAPPEy, Anat,, 3° édit, t. 1, p. 444, 1875, 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 303 


de l’humérus, d’où, dès lors, le radius devient l’homologue 
du tibia, le pouce, l’homologue du gros orteil, contrairement à 
Foltz qui admet que le pouce correspond au petit orteil. 

En 1839, Bourgery (1) imagina l'hypothèse du croisement, 
qu'adopta J. Cruveilhier en 1843. Dans cette comparaison des 
membres, on regarde la partie supérieure du tibia avec la ro- 
tule comme représentant le cubitus surmonté de l’olécrane, 
tandis que la partie inférieure du même os devient l'analogue 
de la partie inférieure du radius. Cette hypothèse insoutenable 
fut abandonnée par J. Cruveilhier en 1862, qui se rallia des 
premiers à la théorie de la « torsion humérale » (2). 

Flourens (3) et Lavocat (4) comparent l’un à l’autre les deux 
membres d’un même côté, après avoir placé la main en prona- 
tion naturelle par rotation du radius sur le cubitus. 

Non satisfait de ces comparaisons, Ch. Martins imagina, en 
1857, l'hypothèse de la « torsion de l’humérus ». 

L'humérus, dit Gh. Martins (5), est un « fémur tordu » ; si 
l’on veut comparer ces deux os, il faut donc « détordre » l'hu- 
mérus. Le résultat de cette opération est de placer l'épitrochlée 
en dehors, l’épicondyle en dedans. Cela fait, la comparaison des 
membres thoraciques et pelviens n’offrait plus aucune diffi- 
culté. En effet, le col de l’humérus est dirigé en dedans comme 
celui du fémur; la partie tricipitale des deux os, l’olécrâne 
comme la rotule sont en avant, le radius correspond au tibia, 
le cubitus au péroné, le pouce au gros orteil. Or, cette détor- 
sion de l’humérus donne, pour le membre thoracique, la me- 
sure de la modification qui s’est opérée chez les vertébrés 
supérieurs; et cette mesure est représentée chez l’homme et 
les anthropoïdes par une torsion de l’humérus de 180° (demi- 
circonférence), alors que la même torsion humérale ne dépasse 
point 90° chez les autres mammifères, terrestres ou aquatiques, 
les cheiroptères, les oiseaux et les reptiles. 


(1) BourGery, Traité de l’Anat. de l’homme, 1832, 1, p. 133. 

(2) J. CRUVEILHIER, Anat. descriptive, 4 édit., t. I, p. 265, 1862. 

(3) FLouRENS, Ann. des Sc nat., 1838,t. X, p. 35. 

(4) Lavocar, Sur le parallèle des membres thoraciques et pelviens. Toulouse, 
1868. 

(o) Cx. MarTINS, Nouvelle comparaison des membres (Ann. des Sc. nat., 4e sé- 


rie, t. VIII, p. 45, et Dict. encyclop. des Sc. méd., 2° série, t, VI, p. 487, 
1873.) 


301 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


Pour Ch. Martins (1), la torsion de l’humérus de 180 se 
décompose, dans tous les mammifères autres que les primates, 
en deux torsions, l’une du col, de 90°, l’autre du corps, égale- 
ment de 90° (chez ces animaux, l’axe du col est dirigé d’avant 
en arrière). Pour cet anatomiste, l’humérus de quadrupède est 
tordu de 180°, comme celui du bipède; mais alors que chez 
l’homme et les anthropoïdes, cette torsion est tout entière dans 
le corps de l’humérus, elle se subdivise en deux sous-torsions 
dans les quadrupèdes, 90° pour le corps et 90° pour le col de 
l’humérus. — Broca, au contraire, admettant que la seconde 
torsion s'effectue au niveau de l'articulation scapulo-humérale, 
n’admet par cela même qu'une torsion de 90° pour l’humérus 
des quadrupèdes (2). Ch. Martins, pans son premier mémoire, 
n’admettait qu’une torsion virtuelle de l'humérus (1857), mais 
après les recherches de Gegenbaur (3), il admet une torsion 
réelle (1873). 

« Les mesures faites par Gegenbaur, sur 36 humérus d’'Eu- 
ropéens adultes, dit-il, prouvent que ces axes (axes du col de 
l’humérus et axe de la trochlée) font entre eux un angle moyen 
de 12°, ce qui donne, pour l'angle de torsion de l’humérus, 
une moyenne de 168° et varie de 478° à 148°..... Un autre 
résultat important, c’est que, sur 8 humérus frais de jeunes 
enfants âgés de trois à neuf mois, l’angle de torsion s'est trouvé 
n'être plus que de 146°, et, sur 8 fœtus, âgés de douze à treize 
semaines, il se réduit à 421°. Ainsi donc, la torsion de l’humé- 
rus n’est pas uniquement virtuelle comme je l’avais cru, elle 
se continue réellement dans l’état fœtal, infantile et adulte, et, 
d’après les mesures de Gegenbaur, cette torsion complémen- 
taire, observée par lui, serait de 47°, à partir du huitième mois 
jusqu à l’âge adulte. Je persiste néanmoins à considérer comme 
virtuelle la torsion initiale de l’humérus. Ainsi, chez un fœtus 
de huit mois, los est tordu de 1240, et, depuis cet âge jusqu'à 
l’âge adulte, 1l se tord effectivement de 47°. Mais, auparavant, 
il est tordu virtuellement et non mécaniquement d’un certain 


(1) Ca. MarrTins, Dict. encyclop., art. MEMBRES, p. 487. 

(2) P. Broca, L'ordre des Primates (Bull. de la Soc. d'Anthrop., 2° série, t. IV, 
p. 228, 1870). 

(3) GecensauR, Ueber die Drehung des Humerus (Jenaische Zeit., IV, p. 50, 
et Ann. des Sc. nat, 5° série, t. X, p. 55. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 305 


nombre de degrés. En effet, du jour où le membre antérieur 
apparaît sur un fœtus âgé de quelques semaines, le bras se 
fléchit en avant et la main est en demi-pronation ; une torsion 
s'est donc déjà opérée, mais l'os n’en porte aucune trace, 
puisqu'il se montre sous la forme d’une palette aplatie et iden- 
tique, sauf la grandeur, à celle du fémur. Mais, par suite de 
l'adaptation fonctionnelle héréditaire, l’avant-bras se fléchit 
déjà en avant, tandis que la jambe se fléchit en arrière. De 
l’état fœtal à l’état adulte, la torsion se complète et s’a- 
chève » (1). 

On peut donc démontrer, en partie, que la torsion de l’hu- 
mérus s'opère pendant l’ontogénèse. 

La théorie de la torsion humérale n’a pas été acceptée sans 
contradiction. Foltz (2) lui oppose ce fait anatomique, à savoir 
que l’on peüt suivre le bord antérieur de l’humérus depuis la 
coulisse bicipitale, où il commence, jusqu’à la cavité coronoïde 
où il finit. Cet argument indéniable est considérable. Il est en 
effet manifeste que l’humérus de tous les mammifères, et même 
celui des Sauropsidés, présente toujours une « ligne âpre anté- 
rieure » qui va, directement et sans torsion, de la trochlée au 
bord antérieur ou externe de la coulisse du biceps. 

Campana (3) objecte qu'il n’y a pas plus de «fibres tordues 
dans l’humérus que dans le fémur », et à leur tour, Alexis 
Julien (4) et À. Sabatier (5) repoussent la théorie de Martins. 

Le membre inférieur se montre aussi bien que le membre 
supérieur chez l'embryon, sous la forme d’une palette paral- 
lèle au plan vertébro-sternal, ainsi que le dit Ch. Martins lui- 
même, comme la nageoire ventrale des poissons; mais dans 
tous les animaux terrestres, vivants ou fossiles, elle se retourne 
ensuite vers le sol, et se maintient dans cette position. D’où 
À. Julien conclut justement que le membre abdominal subit 
une torsion comme le membre thoracique. 

L'humérus n’est donc pas un « fémur retourné » et le membre 


(1) Ca. MarTins, Dict. encyclop., t. VI. 2e série, p. 488. 

(2) Fourz, Loc. cit., p. 51. | 

(3) Campana, Dict. encyclop. des scienc. méd., art. MEMBRES, p. 483, 1873. 

(4) A. Juzien, De l’homotypie des membres thoraciques et abdominaux. (Her. 
d'Anthrop. ?° série, t. II, p. 13-21, 1879.) 

(5) A. SABATIER, Comparaison des ceintures et des membres dans la série des ver- 
tébrés, 1880. 


306 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


abdominal n’est pas le membre type, car sa position est acquise 
comme celle du membre thoracique. 

Sans vouloir aborder l’examen de la critique que À. Sabatier 
a consacrée à la théorie de Ch. Martins, ce qui ne serait pas 1c1 
le lieu, j'ajouterai cependant que A. Sabatier adopte les idées 
de A. Julien en les complétant. 

« Parvenu à la conviction la plus entière que la torsion de 
l’humérus n’était qu’une trompeuse apparence en contradiction 
avec les faits », A. Sabatier a proposé sa «théorie articulaire ou 
théorie de la rotation (1).» 

Considérant que les muscles conservent mieux qu’on ne le 
dit leurs insertions, À. Sabatier, en se basant sur la disposition 
de ces organes arrive à conclure : 1° «que l’avant-bras des 
quadrupèdes a été porté à un état de pronation forcée par une 
forte translation du radius en avant et en dedans, par sa rotation 
très prononcée en dedans sur son axe, par la translation du cu- 
bitus en arrière et en dedans, et par sa rotation très faible en 
dedans sur son axe ; 2° que la jambe des Quadrupèdes et des Bi- 
pèdes a été placée dans un état de supination exagérée, par la 
translation accentuée du péroné en arrière et en dedans, et par 
sa rotation assez prononcée en dehors, en même temps que par 
la translation modérée du tibia en avant et en dehors, et sa ro- 
tation très faible aussi en dehors sur son axe. » 

Ce qu'il y a de vrai, en effet, c’est que pour comparer les deux 


(1) Pour A. Sabatier, l’humérus n’est point tordu, ou tout au moins la moitié supé- 
rieure de cet os ne présente aucune trace de la gouttière de torsion. Si le corps de 
l’humérus était réellement tordu, ajoute-t-il, ies insertions musculaires porteraient les 
traces de cette torsion; le trajet spiral du nerf radial n’est pas une preuve de la tor- 
sion, puisque les autres gros nerfs du bras suivent un trajet direct (Sabatier); l’humé- 
rus n’est pas le seul os tordu comme le dit Martins, ni le seul que des vaisseaux et” 
des nerfs contournent en hélice, le péroné est dans le même cas (A. Sabatier).— Il ré= 
cuse également l'opinion de Durand (de Gros) acceptée par Ch. Maruns, d'apres la- 
quelle «dans les chéloniens la torsion n’est visible que sur les grandes tortues ter 
restres el fluviatiles », et que l'humérus est « d’abord sans torsion dans l’Archégosaurus, 
les Ichthyosaures et les Piésivsaures et actuellement encore les Protées et les Cétacés », 
d'où la torsion serait l'indice d’une disposition apparue plus tard et en rapport avec 
une «adaptation fonctionnelle à un nouveau milieu. » A. Sabatier fait en effet remar- 
quer que la torsion (col huméral dirigé en dedans), ne fait point défaut aux humérus 
de tortue marine, Protée et Cétacés, et il ajoute que les Cétacés ne sauraient rentrer 
dans le cas des animaux à vie aquatique chez lesqueis la torsion ne se serait pas encore 
montrée, car, d’après les données actuelles de la Paléontologie, les Cétacés ne sont 
qu'une forme dégradée provenant d’une adaptation au milieu aquatique chez des ani- 
maux à vie terrestre (A. SABATIER, Loc. cit., p. 348 et suiv. 1880). 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 307 
membres, il faut les ramener à leur position première. Nés sous 
forme de palette sur les côtés du tronc de l'embryon, les membres 
thoracique et pelvien ont d'abord et tous les’ deux, l’un le 
bord radial, l’autre le bord tibial tourné en haut (bord cépha- 
lique), le bord 'cubital et le bord péronéal, homologues chacun 
à chacun, tourné en bas (bord caudal) (1). À partir de ce mo- 
ment, fémur ethumérus subissent chacun en sens inverse, l’hu- 
mérus en dehors, le fémur en dedans, un mouvement de torsion 
en arc de cercle de 90°, d’où finalement le pied regarde en ar- 
rière (face plantaire) et le genou en avant, la main en avant (face 
palmaire) et le coude en arrière. De là résulte la différence 
de 180° qui existe dans la direction des faces homotypiques des 
membres supérieur et inférieur. 

Or, l'explication de ces mouvements doit être cherchée moins 
dans la torsion de l’humérus que dans le développement des 
ceintures thoracique et pelvienne et les modifications que ce déve- 
loppement imprime aux extrémités articulaires supérieures de 
l’humérus et du fémur. Les muscles n’y sont pour rien, car à 
l’époque de la rotation du membre, de la formation du coude et 
du genou (deuxième mois de la vie embryonnaire), ces agents 
du mouvement ne sont encore qu’à l'état d’ébauche, ou pour 
mieux dire, 1ls ne sont point nés. 

Ce simple changement de situation es membres provoquant 
la direction des articulations du coude et du genou en sens op- 
posés , nous explique suffisamment comment les muscles con- 
servent leur position relative par rapport au fémur et à l’humé- 
rus, mais voient leur position absolue entièrement changée, les 
internes devenant antérieurs (bras) ou postérieurs (cuisse), les 
externes devenant postérieurs (bras) ou antérieurs (cuisse). On 
s'explique aussi que la main en se portant dans une pronation 
extrême ait entraîné le long supinateur et les radiaux en avant 
et devié leur crête d'insertion, ce qui rejette le nerf radial en 
avant et achève de compléter son mouvement héliçoïdal. 

Ce mouvement de rotation en dehors pour le bras, en dedans 
pour la jambe explique fort bien la direction des vaisseaux et 


(1) La position normale des membres, est donc la demi-supination. C’est la position 
des membres des premiers reptiles, l’Archegosaurus, l’Icthyosaure, le Plésiosaure; c’est 
la position des membres des Oiseaux, des Cheiroptères. — C’est également la position 
que prend la main de l’homme lorsque le bras tombe librement le long du corps. 


308 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


des nerfs le long des membres supérieur et inférieur; elle rend 
également compte de l’enroulement des adducteurs primitifs de 
l’humérus autour de cet os, d’où ces muscles (pectauraux, sous- 
scapulaire, coraco-brachial, grand dorsal, grand rond) devien- 
nent rotateurs en dedans; l’enroulement des obturateurs sur le 
col du fémur, la courbe hélicoïdale du tendon du psoasiliaque, 
les prémoteurs, rétromoteurs et adducteurs de la cuisse (muscles 
* fessiers, obturateurs, psoas-iliaque, jumeaux, carré crural, py- 
ramidal, adducteurs, etc.), transformés en rotateurs en dehors, 
est une preuve palpable que la ligne âpre était primitivement 
interne et qu’elle n’est devenue postérieure que par suite du 
quart de rotation du membre en dedans. 

Pourquoi vouloir que chez l’homme le membre type soit le 
membre abdominal? Est-ce pour indiquer que l’homme des- 
cend des « quadrupèdes ? » Mais qui ne sait que le membre 
thoracique de ces derniers est aussi différent du membre pel- 
vien que chez le plus élevé des Primates ? Comme chez ces der- 
niers, n’est-il point bâti sous un type propre et absolument dif- 
férent du type particulier au membre abdominal ? 

Tordez, ou plutôt détordez l’humérus, dites-vous, et aussi- 
tôt la main devient « un pied, » le radius, homologue au tibia, 
est en dedans comme ce dernier; le cubitus, homologue du pé- 
roné, se place en dehors comme cc dernier, le pouce vient se 
placer en dedans comme le gros orteil, et la paume de la main 
regarde la terre. Mais vous oubliez qu’en agissant ainsi vous 
forcez les homologies. Vous faites passer l’olécrane en avant, 
alors que chez tous les Mammifères elle est en arrière, et votre 
main, quoi que vous fassiez, ne devient pas un pied. 

Ce qui est conforme à la réalité des choses, c’est que le 
membre thoracique, est le membre thoracique aussi bien chez 
l’homme que chez les autres animaux, et que s'il faut chercher 
l'homologie entre les segments osseux des membres, ce n’est 
point le membre thoracique qu'il faut comparer au membre 
pelvien, mais bien le membre thoracique au même membre 
des animaux, et le membre pelvien au membre pelvien. 

Nous ne voulons toutefois point dire qu'il est interdit à l’ana- 
tomiste de rechercher les points de ressemblances entre les 
pièces osseuses du membre thoracique et celles du membre pel- 
vien. Mais ce que nous pensons, c’est que ces deux segments 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 309 


sont depuis fort longtemps différenciés, à tel point que « l'unité 
de plan » semble être ici frappée d’interdit. 

Nous recherchonsnéanmoins plusloin si nous nepouvons point 
trouver dans la série des vertébrés le membre type, celui qui a 
servi de modèle, ou plutôt de matière première à tous les 
autres. 

Quoi qu’il en soit, que l’on admette ou que l’on récuse la tor- 
sion de l’humérus, qu’on détorde l'humérus préalablement, que 
l’on compare les membres thoracique et pelvien, le membre 
thoracique en pronation, ou bien enfin, ce qui est plus conforme 
à l'embryogénie que l’on convienne d’une rotation pour chaque 
membre en sens inverse d’un arc de cercle de 90°, il n’en de- 
meure pas moins que le fémur est l’homologue de l’humérus 
aussi bien que la ceinture scapulaire est l’homologue de la cein- 
ture pelvienne, que le tibia est l’homologue du radius, le cubi- 
tus du péroné, l’olécrane de la rotule, malgré la négation à ce 
dernier égard, de Flourens, P. Gervais, A. Sabatier. 

En effet, si l’on étudie les os de la jambe de certains Marsu- 
piaux (Phascolomes, Phalangers, Dasyures, Sarigues) où tibia et 
péroné sont isolés comme chez l'homme, on constate : 1° que ces 
deux os s'articulent avec la portion condylienne du fémur ; 2° que 
la face antérieure du tibia a perdu sa crête; 3° que la rotule est 
rattachée à l'extrémité supérieure du péroné. D'où l’on peut con- 
clure avec Ch. Martins, que chez les mammifères supérieurs, le 
tibia, moins ses tubérosités antérieure et externe, est l’homo- 
logue du radius, et que le péroné et les tubérosités externe et 
antérieure du tibia sont l’homologue du corps et de l’extrémité 
inférieure du cubitus. 

La comparaison du genou et du coude amène à des conclu- 
sions conformes à la précédente : la tête du cubitus, c’est-à- 
dire l’olécrâne et la crête qui lui fait suite dans le tiers supérieur 
de l'os, existent chez tous les mammifères terrestres et amphi- 
bies. Les parties correspondantes du genou, rotule et crête an- 
térieure de l'os jusqu’au-dessous de son tiers supérieur, sont 
également constantes. Au contraire, le corps du cubitus, ou 
mieux cet os, moins l’olécrâne et la crête qui lui fait suite, n’est 
pas constant, il s’atrophie ou se soude avec le radius. Le pé- 
roné, qui correspond précisément à cette portion du corps cubi- 
tal, non seulement s’atrophie et diminue de longueur en s’amin- 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA l'HYSIOL. —T. xx11 (1886). 21 


310 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


cissant dans les Ruminants et les Solipèdes, mais disparaît même 
complètement chez le dromadaire (Ch. Martins). Chez la chauve- 
souris vampire, le pingouin et les Pteropus enfin, l’olécrâne est 
séparé du cubitus comme la rotule du péroné. 

En réusmé, le chapiteau du tibia est le résultat de la coales- 
cence de la tête du radius et de l’extrémité supérieure du cubi- 
tus, ou encore le radius n’est qu’un péroné qui s’est annexé en 
haut la tubérosité externe du tibia, ce qui cependant n'est pas 
admis par tous, par A. Sabatier en particulier (1). 


2 2. — Homologie des pièees earpo-tarsiennes. 


Quant au carpe et au tarse, leur homologie saute aux yeux. 
Le métacarpe et le métatarse, les doigts et les orteils sont homo- 
logues, ceci ne fait pas de doute. Pes altera manus, disait déjà 
Galien. 

Mais quelle est l’homologie individuelle et réciproque de 
chaque os du carpe comparé à chaque os du tarse, et quelles 
sont les homologies individuelles de chacun des segments méta- 
carpo-phalangiens comparé à un même segment métarso-pha- 
langien ? 

Ici commencent les divergences, et il n’est pas trop des don- 
nées réunies du principe des connexions anatomiques, de l’ana- 
tomie comparée, de l’embryologie et des anomalies réversives, 
pour débrouiller la question. 

Foltz est le seul atanomiste qui ait considéré le pouce et le 
gros orteil comme n'étant pas homologues. I dit : 4° que le gros 
orteil a pour homologue, non le pouce, mais les deux derniers 
doigts, tandis que le pouce a pour homologue, non le gros or- 
teil, mais les deux derniers orteils; 2 que le pouce et le gros 
orteil ne sont pas simples, mais qu’ils résultent de la coalescence 


(1) La pentadactylie est complète chez tous les Primates aux deux extrémités ; chez 
tous, le pouce est opposable et le mouvement de supination de la main est complet. La 
condition ostéologique de ce mouvement est une complète indépendance du radius et 
du cubitus, le premier pouvant décrire une demi-circonférence en tournant autour de 
l'axe du second, Du moment qu'il y a union solide entre une portion de cubitus et du 
radius, comme on le voit chez beaucoup de mammufères inférieurs, le mouvement de 
supination devient impossible. La cause efficiente de cette transformation, qui com- 
mence avec les Kangourous, les Paresseux, les Rongeurs claviculés (demi-supination), 
doit être cherchée dans l'adaptation de l’extrémité antérieure à la préhension. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 311 
de deux doigts. Pour démontrer sa première proposition, Foltz 
invoque les connexions : « Le premier métatarsien, dit-il, s’ar- 
ticule avec un seul os du tarse, le premier cunéiforme ; de même 
les métacarpiens du petit doigt et de l’annulaire s’articulent avec 
un seul os du carpe, l'os crochu, que ses connexions donnent 
pour homologue au précédent. Le pouce est en connexion 
par son métacarpien avec un seul os du carpe, le trapèze, qui a 
pour homologue le cuboïde, avec lequel s’articulent les qua- 
trième et cinquième métatarsiens. En conséquence, le gros or- 
teil et le pouce ne sont pas homologues entre eux, mais chacun 
respectivement avec les deux derniers doigts du membre homo- 
logue. » 

Pour établir la binarité du pouce et du gros orteil, Foltz in- 
voque les exemples de bifurcation du pouce, dont il a réuni plu- 
sieurs exemples, aujourd'hui au Musée d’Anatomie de la Faculté 
de Lyon, la grosseur du métacarpien de ce doigt ou du méta- 
tarsien de cet orteil, la grosseur de sa tête digitale « évidem- 
ment constituée par la réunion latérale des têtes oblongues de 
deux métatarsiens. » L’anatomie comparée, ajoute cet ancien 
professeur de l'École de Lyon, nous montre la fréquence des 
coalescences de cette nature, témoin l’os canon du cheval qui 
« pourrait être comparé comme une coalescence de deux mé- 
tacarpiens. » D'où Foltz croit pouvoir dire : « Le gros orteil 
est binaire et homologue des deux derniers doigts; le pouce est 
binaire et homologue des deux derniers orteils (1). » 

Guidé par l'anatomie comparée et les anomalies réversives, 
nous pouvons, à l'exemple de Joly et Lavocat, Chauveau et Ar- 
loing, considérer l’archétype de la main comme le suivant : 

Cinq doigts composés de trois phalanges chacun, supportés par 
un métacarpien chacun, à la base duquel se trouve enfin le 
segment carpien, composé lui-même de deux petits os placés 
l'un au-dessus de l’autre. Le type de la main est donc la penta- 
dactylie. (VNoy. pl. XI, fig. 21.) 

Le raisonnement suffirait à faire admettre cette constitution 
de la main, si elle n’était offerte par certains mammifères, tels 
que la taupe, la marmotte, le cochon d'Inde. 

Mais l’archétype est rarement réalisé. Ainsi, l’homme à perdu 


(1) Fozrz, Loc. cit., p. 67. 


312 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


une phalange au pouce, un os carpien. En descendant l'échelle 
des êtres, le nombre des pièees diminue encore davantage. De 
cinq, nombre normal, les doigts se réduisent à quatre (Porc), 
puis trois (Rhinocéros), puis deux (Ruminants) et enfin à un seul 
(Equidés). Mais si tous les rayons ne sont plus complets, c’est 
que certaines pièces, ou bien ne se sont pas développées, ou bien 
se sont fusionnées avec leurs voisines. 

La main de l’homme présentant cinq rayons métacarpo-pha- 
langiens, il est donc rationnel d'admettre l'existence virtuelle de 
cing pièces à chaque rangée carpienne. En réalité, on ne voit 
cependant que quatre os à chaque rangée. Mais la comparaison 
du carpe de la main de l’homme avec celui des animaux qui 
possèdent l’archétype, fait reconnaître et regarder le scaphoïde 
comme le résultat de la soudure du quatrième et du cinquième 
os de la rangée supérieure (1), et l'os crochu comme le résultat 
de la fusion du premier et du deuxième os de la rangée infé- 
rieure. Nous verrons plus loin que nous interprétons les choses 
autrement. 

Par les rayons métacarpo-phalangiens, les carnassiers appar- 
tiennent au type pentadactyle. Ils paraissent s’en éloigner, au 
contraire, par la constitution de leur carpe. Les uns (chien) n’ont 
que sept os, les autres (rat) huit os'carpiens. Mais chez eux il y 
a soudure du semi-lunaire et du scaphoïde , et le cinquième os 
de la rangée supérieure est libre. Ainsi élevés à huit, les os car- 
piens sont susceptibles d’être rattachés à l’archétype en procé- 
dant de la même manière que pour le carpe de l’homme. 

Les rongeurs (lapin) ne différent de l’archétype que par lasou- 
dure du premier au deuxième os carpien inférieur (soudure 
parfois incomplète). Les dix pièces sont complètes : comme au 
tarse le scaphoïde est entre les deux rangées. 

Chez les Insectivores, le corps contient neuf os et le scaphoïde 
est soudé au lunaire comme chez les Carnivores et les Cheirop- 
tères, où parfois (roussettes), le cunéiforme (pyramidal) est uni 
lui-même aux os précédents, de sorte que la rangée carpienne 
supérieure n'est représentée que par un seul os. 

Les porcins n’ont que quatre rayons au membre antérieur, 
mais la tératologie a montré que le cinquième (pouce) pouvait 


(1) En comptant de dehors en dedans, la main étant en pronation à l'exemple de 
Lavocat et Joly. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 313 


se développer accidentellement (Joly et Lavocat, Goubaux, Chau- 
veau et Arloing). 

Les ruminants n'ont en apparence qu’un rayon métacarpien, 
mais le métacarpien principal et médian supportent de chaque 
côté un petit métacarpien styliforme et avorté. Or, le métacar- 
pien principal est formé de deux métacarpiens séparés (accolés) 
pendant la vie intra-utérine, séparés par une cloison médullaire 
plus ou moins incomplète pendant la vie extra-utérine (Fouge- 
roux de Bondaroy et Geoffroy Saint-Hilaire), chez le bœuf, le 
mouton, la chèvre, isolés toute la vie chez le chevrotain, en 
partie chez le chameau. Quant aux deux pièces styliformes, ce 
sont deux métacarpiens avortés, que l’anomalie réversine fait 
parfois reparaître avec les caractères des métacarpiens ordinaires 
et supportant un segment digité. Le cinquième segment dont 
on ne trouve pas traces chez les ruminants, a été vu également 
sous forme d’anomalie chezle mouton(Et. Geoffroy Saint-Hilaire). 
Les quatre segments digitaux normaux, dont deux atrophiés, les 
latéraux, laissaient d’ailleurs soupconner cette disposition. Le 
carpe estréduit à six os chez le bœuf, le mouton etla chèvre, mais 
«l'étude des rapports montre qu’il y a : avortement du cin- 
quième os de la rangée supérieure; fusion entre le premier et le 
deuxième, et entre les troisième et quatrième, et avortement du 
cinquième os de la rangée inférieure. » (Chauveau et Arloing, 
Anatomie comparée, p. 124.) 

Le carpe des solipèdes ne possède que sept os, quatre à la ran- 
gée supérieure, trois à la rangée inférieure, mais on a vu un 
huitième os accolé à la face interne du trapézoïde (un trapèze 
accidentel), et Bourgelat, Girard, Rigot et Goubaux ont vu le pre- 
mier carpien inférieur chez le cheval. 

«Le carpe des solipèdes ne diffère donc de l’archétype que par 
l'avortement fréquent du cinquième os carpien supérieur, des 
premier etcinquième os carpiens inférieurs (Chauveau et Arloing, 
p#29)11": 

Les cinq segments métacarpiens sont faciles à déceler; le ca- 
non, en particulier, résulte de la soudure de deux métacarpiens 
médians, comme les faits tératologiques viennent le racon- 
ter (4). | 

(4) Voy. Lavocar et Joy, Etude surune mule fissipède (Mém. de l'acad. de Toul use 


1853), ARLOING, Contrib. à l'étude de l’org. du pied chez le cheval, Ann. des sc. nat , 
5e série, t. VIII, p. 55. 


914 CH. DEBIERRÉ. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


Les cinq segments phalangiens eux-mêmes peuvent être re- 
trouvés dans l’unique sabot des solipèdes. 

L’archétype du pied possédait cinq rayons complets : chaque 
rayon comprenait deux pièces tarsiennes, une Es métatar- 
sienne, trois pièces phalangiennes. 

I n + a peut-être pas dans la faune actuelle un ne mammi- 
fère qui soit en possession du type pentadactyle à son membre 
abdominal. Cette construction idéale se modifie de la même façon 
que pour la main : le pied est en effet construit sur le modèle 
de la main. 

La section tarsienne du pied de l’homme renferme sept os, 
trois au rang supérieur, quatre à la rangée inférieure. Le sca- 
phoïde, bien que placé entre les deux rangées, appartient à la 
rangée supérieure, ainsi qu’il appert de l'examen du tarse dans 
quelques espèces qui ont conservé cette disposition primitive. 
En apparence, il manque deux pièces à la rangée supérieure et 
une pièce à la rangée inférieure. Cette lacune est le fait de « la 
soudure du sommet du calcanéum (premier ostarsien supérieur) 
avec le reste de l’os (deuxième os), du scaphoïde avec le cinquième 
os, à la première rangée, et du premier os tarsien inférieur avec 
le cuboïde, à la deuxième rangée. » (Chauveau et Arloing, 
p. 150.) 

Chez les Ruminants, le carpe ne possède que cinq pièces, 
parce que outre les soudures qui existent chez l'homme, on as- 
siste à l'union du scaphoïde avec le cuboïde, et à l'avortement 
complet du troisième cunéiforme (Arloing). 

Le tarse des Solipèdes possède sept ou six os. Dans le premier 
cas il est identique à celui des Carnassiers et de l'Homme ; dans 
le second, le deuxième et le troisième cunéiformes se sont fu- 
sionnés (Chauveau et Arloing) (1). 

Mais nous pouvons remonter plus haut, et rattacher la penta- 
dactilie à la forme polydactyle des Enaliosauriens (Icthyosaure, 
Plésiosaure), reptiles marins gigantesques des terrains jura- 
niques inférieurs, et même au métaptérygium des Sélaciens. 


(1) Voyez encore : Jouy et Lavocar, Études d’Anat. philos. sur la main et le 
pied, Toulouse, 1852; Lavocar, Rech. sur la main et le pied, 1855; Note sur la 
coalescence du métacarpien du pouce, avec la première phalange du même doigt, 
1857 ; GouBaux, Compte rendu de la Soc. centrale de Médecine vétérinaire, in Re- 
cueil, 1852; Lavocar, Constitution des doigts du cheval, 1867 ; DELPLANQUE, Études 
tératologiques, 1869. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 319 


La forme primitive des membres, telle qu’elle existait chez les 
antiques Poissons de l'époque silurienne, se composait, comme 
pièce de charpente principale de la nageoire, pectorale ou ab- 
dominale, d’un basiptérygium (cette pièce deviendra plus tard le 
mélaptérygium), üge cartilagineuse centrale supportant des 
rayons à droite et à gauche, à la façon des barbes d’une plume. 
Cette forme primitive s'est conservée chez le vieux dipneuste 
australien, dit Cératodus. C'est à cette nageoiïre primordiale que 
Gegenbaur a donné le nom d'archiptérygium. 

Chez quelques Rales et Requins, on rencontre encore cette 
forme, surtout dans le jeune âge, plus ou moins modifiée. Mais 
chez la plupart des Sélaciens, cette nageoire primitive est déjà 
considérablement transformée : d'un côté les rayons sont atro- 
phiés, et la nageoire, de penniforme est devenue demi-penni- 
forme. 

La polydactylie primitive des Sélaciens s’est peu à peu anéan- 
tie par atrophie des rayons d’un des côtés du membre jusqu’à 
produire la pentadactylie (réduction du type primitif), qui se 
laisse déjà apercevoir chez les Amphibies, et que ceux-ci ont 
transmis aux Reptiles d’une part, aux Mammifères de l’autre. 
Ce qui le prouve, c’est que l’anatomiste sait retrouver chez les 
quatre classes de Vertébrés supérieurs, le même squelette fon- 
damental dans les membres. Et cependant, quelle différence 
entre les ailes de la chauve-souris, la rame des Cétacés, la pelle 
de la taupe, les grêles pattes du cerf, le robuste membre du 
cheval ou du bœuf, et la délicate main du singe! — La diver- 
sité dans l’adaptation (vol, fouissement, natation, support, 
course, etc.), a déterminé les variétés, héréditairement trans- 
mises et fixées. Le passage de la vie aquatique à la vie terrestre 
a été la cause efficiente qui a fait de la nageoire polydactyle un 
pied pendactyle, de même que pour s'adapter au mode de vie 
terrestre, les torsions des deux membres ont eu lieu en sensin- 
verse de plus en plus opposés. 

En dehors des adaptations spéciales, les membres des 
mammifères ont subi des atrophies diverses. Ainsi le pouce 
de la patte antérieure du chien et du chat est atrophié; le même 
doigt a disparu chez le tapir et chez le porc; chez le bœuf, le 
deuxième et le cinquième doigt sont extrêment atrophiés; le 
cheval n’a plus qu'un doigt, le troisième, mais on a pu retrauver 


316 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


dans le terrain tertiaire son ancêtre à trois doigts, l'antique Hip- 
parion, dérivé lui-même des Tapiridés. 

Chez tous, le membre thoracique diffère du membre pelvien, 
le genou est en avant au membre inférieur, le coude, son ho- 
mologue, en arrière au membre supérieur. La similitude qui 
existait entre les membres thoraciques et pelviens des Ichthyo- 
saures et Plésiosaures a disparu avant la réalisation des Mammi- 
fères, avec les Reptiles (Ptérodactiles) eux-mêmes, animaux qui 
fléchissaient leur avant-bras en dehors comme nos chauves-sou- 
ris. 

Aïnsi que le dit Balfour (1), le Chiroptérygium peut être 
considéré comme dérivé d'un type unisérié de nageoire, 
conformément à la théorie de Gegenbaur, car la torsion du 
nombre peut enlever les difficultés signalées par Huxley tou- 
chant l’homologie du bord radial et du métaptérygium dans 
cette théorie. 

Dans tous les membres des Vertébrés, nous trouvons les 
mêmes os caractéristiques unis par le même mode essentiel 
d'articulation. L’anatomie comparée ne pourrait fournir une 
meilleure preuve en faveur de la théorie généalogique. 

L'Embryogénie n’est pas opposée de son côté, à cette manière 
de voir. 

La forme initiale des membres est toujours la même, qu'il 
s'agisse de l'embryon de l’homme, d’un singe, d’un chien, ou 
d’un kangourou : une palette arrondie, appliquée aux flancs, 
dans laquelle se développent cinq rayons digitifères réunis 
entre eux par une lame membraneuse. C’est là la rame natatoire 
primitive, 

Cependant, malgré cette unité morphologique, dès l’appari- 
tion des pièces cartilagineuses tarsiennes et carpiennes les dis- 
semblances se prononcent. La rame natatoire existe, mais les 
pièces de sa chapente s’ordonnent différemment, suivant qu'il 
s’agit d'une main ou d’un pied, ou suivant l’espèce animale con- 
sidérée. 

Suivant Gütte (2), le squelette de la main et du pied des Am- 
phibiens est constitué par trois rangées d'os carpiens ou tar- 


(1) Bazrour, Embryol., I, p. 567-571. 
(2) Gôrre, Leb. Entwick., u Regenerat'in d. Gliedmaassenskelets d. Molche, 


Leipzig, 1879. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 317 


siens, une proximale, une moyenne et une distale renfermant 
chacune en puissance trois éléments. La rangée proximale est 
formée par le radial, l'intermédiaire et le cubital; la moyenne 
par le premier carpien, le central et le quatrième carpien; et la 
rangée distale par le deuxième (composé de deux éléments fu - 
sionnés) et le troisième carpien. 

I. Strasser (1) de son côté est arrivé dans ses recherches em- 
bryogéniques sur le Triton et la Salamandre, à des résultats 
quelque peu analogues, sans être absolument semblables, et 
Wiédersheim (2), dans ses études, adopte une conclusion adé- 
quate. 4 
De ces recherches, confirmées par celles de Leboueq (3) il 
résulte ce fait fondamental, à savoir, que le même plan fonda- 
mental a présidé à la formation des extrémités. De la nageoire 
primitive à la main du Primate, le squelette fondamental est 
formé, ici comme là, par un axe principal segmenté, sur lequel 
se greffent des rayons latéraux divisés à leur tour en segments 
distincts, etcet axe passe à travers l’humérus-fémur, le cubitus- 
tibia pour de là gagner obliquement à travers le carpe-tarse le 
bord cubital de la main ou péronéal du pied. 

« Les segments qui sont internes ou externes chez les penta- : 
dactyles par rapport à l’axe du membre, dit Retterer (4) se dis- 
posent sur un plan postérieur chez le Porc, les Ruminants et les 
Solipèdes. » D'où les connexions sont en partie changées, ce qui 
montre qu'il ne faudrait pas prendre à la lettre le principe posé 
par Geoffroy Saint-Hilaire : un organe est plutôt anéanti que 
iransposé. Dès leur apparition, les nodules cartilagineux se 
groupent dans un ordre déterminé suivant le groupe zoologique. 
L'une des conséquences de ce fait, c’est « l'appropriation des 
parties à l’accomplissement d’actes déterminés » (Ch. Robin) (5). 
Mais pour mon compte, je ne pense pas qu’on puisse en tirer la 
conclusion que « c’est l'organe qui fait la fonction et non pas la 
fonction qui fait l'organe, » ainsi que l’avance, après d’autres, 


(1) H. STRASSER, Zur Entwick d. Extremitätenknorpel bei Salandern u. Tritonen 
(Morph. Jahrbuch. V, 1879). 

(2) WiÉoERSHEIM, Salamandrina perspicill. u. Geotriton fusc. Genov, 1875, et Die 
àttesten formen des Carpus u. Tarsus (Morph. Jahrb., II, p. 421, 1876). 

(3) Lesouco, Loc. cit., p. 84-98, 1884. 

(4) En. RETTERER, Loc. cit., p. 514. 

(5) CH. Rosin, J'ourn. de l'Anat., t. VIII, 1870. 


318 CH. DEBIERRE. — OSSIFIGATION ET HOMOTYPIE 


du reste, Ed. Retterer. Cette disposition n’est que le fait d’adap- 
tations fixées et transmises par l’hérédité. 

La disposition du trapèze, par exemple, est tout autre chez les 
Primates de ce qu’elle est chez les autres animaux, d’où l’oppo- 
sition du pouce devient impossible. Mais cela prouve-t-il que 
c’est l'organe que crée la fonction ? À mon avis, cela est simple- 
ment le résultat d’une configuration particulière de la facette 
articulaire inférieure du trapèze, ici, à surface articulaire dans 
toute son étendue (cas de la non possibilité d'opposition du 
pouce), là subdivisée en deux facettes secondaires dont l’interne 
seule {main en pronation) est articulaire, d'où la possibilité 
d'opposition du pouce. Or, cette disposition anatomique ne peut- 
elle pas être le fait de l’adaptation ancestrale ? 

Quant à savoir pourquoi le membre antérieur est resté ici « un 
pied », alors que là il est devenu un instrument de préhension, 
c'est-à-dire « une main », c’est encore dans l'adaptation qu'il 
faut chercher la cause de cette merveilleuse transformation. 


1X 


L'HOMOLOGIE DES SEGMENTS CARPO -TARSIENS ÉCLAIRÉE 
PAR LE DÉVELOPPEMENT ET L'OSSIFICATION. 


Le parallèle du carpe et du tarse établi par Vicq-d’Azyr a en- 
traîné la conviction de beaucoup d’anatomistes. La voici sous 
forme de tableau synoptique : 


Tarse. Carpe. 
Malrapale. . . . . 42. , 1 Semi-lunaire avec la tête du grand os. 
DRE... .. 00e 5-58 Pyramidal et pisiforme réunis. 
Scaphoïde ou naviculaire. . . . . . . Scaphoïde ou naviculaire. : 
Premier ou grand cunéiforme.. . . . Trapèze. 
Deuxième ou petit — .« . .« Trapézoïde. 
Troisième cunéiforme. . . . . . . . . Grand os moins la tête. 
COR 0 Os crochu ou unciforme. 


J. Cruveilhier (1), Sappey (2) ont adopté cette homologie à 
l'exception toutefois de la proposition qui considère le grand os 
moins la tête comme homologue du troisième cunéiforme; pour 
eux le grand os tout entier représente le troisième cunéiforme, 


(1) 3. CruveizuiEr, Anat., 5e éd., t. 1, p. 266-267, 1862. 
(2) Sapprv, Anat,, 3e éd., t. 1, p. 468:476, 1875. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HONME. 319 


et nous avouons ignorer sur quoi Vicq-d Azyr a basé sa con- 
ception. 
Gegenbaur de son côté (1) a établi l'homologie suivante : 


Carpe. Tarse. 
Forme primitive. Transformé. Forme primitive. Transformé. 
Radial.. — IScaphoïde.. . . — Tibial.. . . . . —_ 
| at: Astragale. 
Intermédiaire. . — Semi-lunaire (lunare). — Intermédiaire. . — TT 
Cubital (ulnaire). : — Pyramidal.. . . — Péronéal. . . . — Calcanéum. 
Central. . . .. (Cent … — Central. ... :.. — Scaphoïde. 
Carpien 4... . — Trapèze.. . . . — Tarsien 1... . — 1° cunéiforme, 
Id.., 2... . = Trapégoide, . ; — Id. ,9..... — 2° id. 
LR FE — (rando $ (maximum). — Id. 3.... — 3° id 
Id.” 4. = de de bee MR ; 
RTE __. € Oserochu ou unciforme ! DU __{ Guboïde. 


Gegenbaur (2) regardant le pisiforme comme un « os acces- 
soire » n’a point eu à en chercher le représentant au tarse. Nous 
verrons plus loin quelle objection capitale on peut faire à cette 

manière de voir. 

Quain, dans son livre d’Anatomie (3), une homologie 
qui ARRTE un peu de la précédente : 


Carpe. Tarse. 

Typical Names. Names in Human Anatomy. Typical Names. 

Radiale. . . ... Scaphoïd.. . . . . Tibiale. 
Astragalus., . . . ; 
Intermedium.. . . Lunar. , . . . . . Intermedium. 
Llnare.is 535846 Pyramidal. . (Fibulare. 
ke Re "20s caleis (ealeanéum). .’.. 

Ulnare sesamoideum.. . Pisiforme. . . . . "p Fibulare sesamoideum. 
Centrale, … . : ... ABSONEN  "., …. Centrale. 


et AD 


Radiale sesamoideum. . (Part of scaphoïd). “(libial sesamoideum. 


Pour la seconde rangée carpo-tarsienne, aucune différence ; 
là, en effet, tout le monde est d'accord pour admettre que tra- 
pèze + trapézoïde + grand os — les trois cunéiformes, et que 
l'os crochu représente le cuboïde, c’est-à-dire qu’à la main et au 
pied les deux derniers cubitaux (4 et 5) représentent régulière- 
ment la fusion en une seule pièce, ainsi que le disent Gegen- 
baur et Huxley. 


Par suite de la découverte de « l'os trigone » annexé à la par- 
(1) K. GEGENBAUR, Manul d'Anat. comp., p. 665. 


(2) K. GEGENBAUR, Loc, cit., p. 684. 
(3) Quain’s, Anatomy, vol. I, p. 134, 


320 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


tie postérieure de l’astragale par P. Albrecht (1879), et peu après 
(1883) par Bardeleben, et à la suite d’autres considérations anà- 
tomiques, Albrecht a modifié la théorie de Gegenbaur. 

Considérant : 

1° Que le scaphoïde du pied des Mammifères se composait 
originairement d’un transverse et d'un oblique du pied, et 
l'oblique à son tour d’un scaphal et d’un scaphulaire ; 

2° Que le scaphoïde de la main sans le central comprend de 
son côté un scaphal et un scaphulaire ; | 

3° Que le calcanéum est l’homologue du pisiforme ; 

4 Qu'il y a trois différents centraux et au carpe ét au tarse, 
Albrecht (1) oppose l’homologie ci-dessous aux précédentes : 


Carpe. Tarse. 
= (Scaphulaire (reste du doigt scaph.) — (Restedu doigtscap.) Scaphulaire. 2 
2 (Scaphal (Radial).. . . . . . . .. + Tia, LOS A Scaphal. © 
5 Rond (Central 1. . ....... — CentralI.. . . ... Transverse. lË 
Oblong (Central IT). . . . . . .. ÆICUAIALIAUD Le Calcanéole. 
Prismatique (Central IT). . . . . — Central III... . . . Calcanule. 
Semi-lunaire (Intermédium I)... — Intermédium I. . . Astragale, 
Pyramidal (Intermédium IT)... . . — Intermédium IT. . . Trigone. 
Pisiforme (Cubital). . . . .. is == CDI. EU Calcanéum. 


Nous nous accordons avec ce laborieux anatomiste pour faire 
du pisiforme, non pas un os sésamoïde et accessoire ainsi que le 
veulent Huxley, Milne-Edwards et Gegenbaur, mais bien l’homo- 
logue du calcanéum. Nous dirons bientôt pourquoi. 

Foltz enfin, plaçant la main en supination pour comparer le 
membre supérieur au membre inférieur, admet que le tibia — 
cubitus, le péroné — radius, d’où il renverse absolument les ho- 
motypies précédentes des pièces carpo-tarsiennes. 

Homologie des os du carpe et du tarse selon Foltz (2) : 


Tarse. Carpe. 
Calcatumis Jess ocre ce. de Scaphoïde et pisiforme. 
A Lt. . 25 2 Semi-lunaire et tête du grand os. 
SCAPROME MEME... . LL Pyramidal. 


(1) P. ALBRECHT, Sur les homodynamies qui existent entre la main et le pied des 
Mammifères ; Bruxelles, 1884, et Os trigone du pied (Soc. d'Anthrop. de Bruxelles, 
t. II, 1855). 

(2) Fourz, Homologie des membres pelviens et thoraciques (Journ. de la Physiol. 
de Brow-Sequard, t. VI, p. 61, 1873). 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 9? 


Premier cunéiforme.. . . . .:.. . . Os crochu. 
Deuxième  —,4 mu ta Corps du grands os. 
Troisième  — HUE us : Trapézoïde. 
Cuhoide.. 7 "0e AL use. Trapèze. 


En établissant ces homologies, Foltz viole le principe des con- 
nexions sur lequel il prétend s'appuyer, ou établit des connexions 
par à peu près, à l’aide, non de syndesmoses, mais d’attaches 
ligamenteuses plus ou moins bien définies et éloignées. 

Que nous apprennent en réalité les connexions anatomiques? 


PREMIÈRE RANGÉE. — Sappey a fort bien étudié ces connexions. 
Comme le dit ce savant anatomiste, le Pyramidal s'articule en 
bas avec l’os crochu qui représente le cuboïde, et en dehors avec 
le semi-lunaire qui représente l’astragale, d’où le pyramidal re- 
présente le calcanéum ; l’'apophyse styloïde du cubitus qui repré- 
sente la malléole péronéale, unie au pyramidal comme cette mal- 
léole est unie au calcanéum par le ligament péronéo-calcanéen 
complète l’homotypie. 

Le Pisiforme articulé avec le pyramidal comme l'épiphyse achil- 
léenne du calcanéum est unie à cet os, représente cette épiphyse, 
d’où le calcanéum représente à lui seul le pyramidal + le pisi- 
forme. Soudés aux pieds, ces deux os restent indépendants à la 
main. L’attache du tendon du eubital antérieur perpendiculaire- 
ment à l’axe du pisiforme, comme le tendon d'Achille à la saillie 
du talon complète l’homologie. 

Le semi-lunaire = l’astragale. Le premier se trouve en rapport 
avec le radius, de même le second avec le tibia. Tous deux s’ar- 
ticulent avec les os correspondants, puisque le semi-lunaire est 
placé entre le pyramidal qui correspond au calcanéum, et le sca- 
phoïde de la main qui correspond au scaphoïde du pied. Ces der- 
niers sont homotypes, puisque le scaphoïde de la main s’unit au 
semi-lunaire comme celui du pied à l’astragale; le premier s’unit 
au trapèze, au trapézoïide et au grand os, comme le second s’ar- 
ticule avec les trois cunéiformes. Or, trapèze = grand ou premier 
cunéiforme, trapézoïde — deuxième ou petit cunéiforme et grand 
os— troisième cunéiforme. 


DEUXIÈME RANGÉE. — Trapèze =premier cunéiforme. — Comme 
le premier cunéiforme s'articule avec le premier métatarsien, le 
trapèze s'articule avec le premier métacarpien; comme lui il 


322 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 
s'articule avec le scaphoïde et s’unit au trapézoïde, pièce homo- 
logue à la main du deuxième cunéiforme au pied. 

Le trapézoïde est placé entre le scaphoïde d’une part, et le 
deuxième métacarpien d’autre part, comme le deuxième cunéi- 
forme est placé entre le scaphoïde, eu arrière, et le deuxième 
métatarsien, en avant; il a en dehors de Jui le grand os, et en 
dedans le trapèze, comme au pied, le deuxième cunéiforme est 
enclavé entre les homotypes de ces os, le premier cunéiforme en 
dedans, le troisième en dehors. 

Le grand os est enclavé entre le scaphoïde et le semi-lunaire 
en haut et en dedans, le trapézoïde, l’os crochu et le troisième 
métacarpien, en bas et en dedans et en dehors, comme au pied, 
le troisième cunéiforme est placé entre le scaphoïde en arrière, 
le troisième métatarsien en avant, le deuxième cunéiforme en 
dedans, qui représente le trapézoïde au pied, le cuboïde en 
dehors, homotype de l’os crochu. 

* L'os crochu de son côté s’articule en haut avec le pyramidal 
et touche au semi-luuaire, comme le cuboide s'articule avec le 
calcanéum et touche à l’astragale; en bas il s’articule avec les 
deux derniers métacarpiens, comme le cuboïde au pied avec les 
deux derniers métatarsiens. Le premier s’unit en outre au grand 
os, en dedans, comme le second au troisième cunéiforme, os qui 
représente au pied le capitatum de la main. 

Une seule connexion nous échappe en partie, c’est qu’à la main 
le grand os s’articule à la fois en haut avec le scaphoïde et le 
semi-lunaire, alors qu’au pied, son homologue, le troisième 
cunéiforme n’a point de rapport direct avec l’astragale, l’homo- 
type au pied du semi-lunaire. Ce résultat est le fait du glissement 
en avant du scaphoïde du pied, glissement en rapport avec la 
forme même et la fonction du pied, déterminé par des adapta- 
tions nouvelles, nouvelle preuve qu’un organe se déplace parfois 
plutôt qu'il ne disparaît, contrairement à la loi absolue établie 
par Geoffroy Saint-Hilaire. 

Quelques anatomistes, de Blainville (1), Blandin (2), Gervais (3), 
n'ont point admis ces assimilations. Sans donner ses motifs, de 


(1) DE BLainviLue, Dict, de l’Hist. nat. de Deterville (art. Organ des Mam.), t. XIX, 
p. 92, 1818. 

(2) BuanDiN, Nouv. élem. d'Anat. descriptive, t.. 2 p. 210, 1838. 

(3) Genvats, Théorie du squelette, 1856, 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 329 
Blainville compare le scaphoïde du carpe avec l’astragale du tarse, 
et le semi-lunaire uni au pisiforme avec le calcanéum. Blandin 
estimait que le scaphoïde du pied estl'homotype du semi-lunaire 
et du scaphoïde du carpe réunis; il compare l’astragale au py- 
ramidal, parce que le tibia représente pour lui le cubitus, et 
finalement il arrive à établir l’homologie du pouce (pour le pla- 
cer en dedans) et du gros orteil en imaginant une rotation de 
toute la main autour du grand os. Cervais pense que l’astragale 
répond au scaphoïde et au semi-lunaire réunis. Mais comme il 
prévoit l’objection , il fait remarquer que jusqu'ici on n’a pas 
encore reconnu les deux noyaux d’ossification dont il serait alors 
composé. 

Nous ne voulons pas entreprendre ici l’homologie du système 
musculaire de la main et du pied, mais pour le dire en passant 
les muscles homologues, cubital antérieur (épitrochléo-cubito- 
pisien) et jumeau externe (condylo-calcanéen), court fléchisseur 
du pouce (trapézo-phalangien), et court fléchisseur du gros 
orteil (cunéi-phalangien), abducteur du petit doigt (pisi-pha- 
langien) et abducteur du petit orteil (calcanéo-phalangien), etc., 
approuvent ici l'homotypie que nous venons d’établir entre les 
segments osseux, carpo-tarsiens. 

L’ostogénèse s’accorde-t-elle avec le principe des connexions 
pour établir ces homologies? 

On sait qu'une des règles établies par Geoffroy Saint-Hilaire 
pour arriver à déterminer les homotypies c’est, non point de 
comparer entre eux les os adultes, mais leurs points ou centres 
d'ossification. 

Cette loi qui donne de si beaux résultats quand on l’applique à 
l'étude du temporal, de l’os coxal, de l’occipital, etc., est-elle 
applicable à la détermination des homologies carpo-tarsiennes ? 
Voyons. 

La plupart des auteurs, à part Serres, J. Cloquet, Rambaud 
et Renault, s'accordent pour dire que les os du tarse s’ossifient 
par un seul point d'ossification et qu’il en est de même des os 
du carpe, à part le calcanéum qui en présente deux. 

J'ai cherché le double point osseux accordé au semi-lunaire 
par Serres, les deux points osseux du scaphoïde de la main, 
décrits par Rambaud et Renault, le double centre d'ostéogénèse 
de l'os crochu accepté par J, Cloquet, sans être assez heureux 


324 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


pour les retrouver. Suis-je passé à côté du moment psycholo- 
gique? Hartmann (1) n’a pas été plus heureux que moi chez un 
jeune chimpanzé : son naviculaire ne portait qu’un point d’ossi- 
fication. | 

Maïs ce que j'ai rencontré, et qu'aucun auteur ne signale, c’est 
un double point d’ossification au pisiforme, d'où j'en infère que 
cet os représente le calcanéum du pied. 

Pas n’est besoin, d’ailleurs, d'examiner longtemps les extré- 
mités des Carnassiers (chien, chat, tigre, ours), des Ruminants 
(bœuf, ruphus hippelaphus), des Solipèdes (cheval, âne), des 
Osmatiques (loutre), des Marsupiaux (phas colôme-wombat), 
pour se convaincre que le pisiforme de la main est l’homologue 
du calcanéum du pied. C’est la même situation en dehors (bord 
cubital ou bord péronéal), le même rapport en arrière avec le 
muscle homologue (ici tendon d'Achille, là tendon du cubital 
antérieur), la même connexion en avant, car si au pied cet os est 
directement en rapport avec le cuboïde, alors qu'il ne l’est pas 
avec l'os crochu (homotype du cuboïde) à la main, c’est que pour 
s'adapter à la marche et àla station, la première rangée du tarse 
a dû subir un certain déplacement que la première rangée du 
carpe n’a pas eu à supporter. L'analogie de développement et de 
texture, du pisiforme avec le calcanéum chez le chien, signalée 
par Ed. Retterer, la texture chez le lapin, du pisiforme et du cal- 
canéum, qui est celle d'un os long, nous autorise davantage en- 
core à considérer le pisiforme et le calcanéum comme homody- 
names. 

Si donc nous partons du carpe type primitif pentadactyle, tel 
qu'il est encore chez la taupe, par exemple (pl. XI, fig. 21), nous 
voyons que le carpien 1 de la rangée proximale (première ran- 
gée) devient le scaphoïde de l'homme et des Anthropoides, le 
carpien 2, lesemi-lunaire, le carpien 3, le pyramidal, le pisiforme 
représentant à la fois les carpiens 4 et 5 (voy. pl. XI, fig. 21, 22, 
23, 24 et 25). 

À la rangée distale (deuxième rangée), le carpien 1 devient 
le trapèze, le carpien 21e trapézoïde, l’oscentral représenté tem- 
porairement chez l'embryon (voy.pl.XI,fig. 23) humain, existant 
toute l’existence chez l'Orang parmi les Primates (pl. XI, fig. 
22), les Rongeurs, les Insectivores, les Lémuriens, les Ongulés 


(1) HarTmann, Arch. f. Anat. a. Phys., 1876, p. 636. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 325 


(Daman), représente le carpien 3, et le grand os et l’os crochu 
les carpiens 4 et 5. 

Le scaphoïdo-semi-lunaire des Carnassiers (chat, chien), se 
développant par trois points osseux (1), ne vient pas à l’en- 
contre de cette manière de voir, et lorsque Leboucq dit que le 
scaphoïdo-semi-lunaire (Cuvier, Meckel) des Carnassiers résulte 
de la soudure de trois cartilages d’abord indépendants, il faut 
entendre par là, sans aucun doute, qu'il s’agit du scaphoïdo- 
semi-lunaire central. 

On pourra remarquer enfin qu’au lieu de placer le central 
dans la première rangée carpienne, à l'exemple de Gegenbaur, 
je le mets là où je le pense à sa place, c’est-à-dire dans la 
deuxième rangée. 

Chez Ursus arctos, l’apophyse de l'os crochu est séparée du 
reste de l'os et forme un osselet distinct. J. Cloquet verrait 
probablement là la confirmation de son opinion, à savoir que 
l'os crochu se développe chez l’homme par deux points d’ossi- 
fication. Pour mon compte personnel, j'aime mieux considérer 
cet osselèt comme un sixième carpien, il joue là le rôle d'un 
segment surnuméraire, apparition que l’on peut considérer 
avec Darwin (2) « comme un cas de retour vers un ancêtre 
prodigieusement éloigné d'uue organisation inférieure et mul- 
üudigitée (3). » 

Le fait que nous avons signalé plus haut, à savoir qu'on a pu 
voir le scaphoïde, le semi-lunaire, le pyramidal, le trapèze, le 
trapézoïde, le grand os, représentés chacun toute la vie par 
deux ou trois segments indépendants, est un argument en fa- 
veur de cette hypothèse (voyez Leboucq, Arch. de Biol., t. V, 
p. 188), et ne peut que pousser l'esprit vers l’idée d’un au- 


(1) Voy. Miwarr, The Cat., London, 1881; En. RETTERER, loc. cit.,p. 534. 

(2) Darwin, Variation des animaux et des plantes, p. 17. 

(3) Je n'hésite pas à admettre pour mon compte qu'il y a des doigts perdus dans nos 
mains et dans nos pieds. De l’hécatondactylie des Raies jusqu'au médius unique des 
Chevaux, il y a tout un régiment de doigts perdus à l'extrémité antérieure. Les 
Ichthyosaures avaient sept doigts, les Grenouilles en ont encore six aux pieds. 

La polydaetylie de l’humme n’est qu’un souvenir ancestral, Je crois notamment avec 
Albrecht qne les doubles pouces et les doubles auriculaires sont ataviques, parce que 
chez l'Ichthyosaure , les sept doigts résultent précisément d'un double pouce et d'un 
double auriculaire. Chez l'homme, les doubles pouces et les doubles auriculaires sont 
beaucoup plus fréquents que les doubles doigts intermédiaires dans le cas de polydac- 
tylie; il semble donc que pendant le développement philogénétique, ce soit le premier 
radial et le deuxième cubital qui se soient perdus les premiers (rangées extrêmes). 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. Xx11 (1856). 29 


326 CH. DEBIERRF. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


cêtre multidigité, Reptiles primitifs ou même Poissons des 
premiers âges géologiques. 

Quant au carpe de ce nègre du Muséum qui ne contient que 
sept os, il est facile de voir que cette disposition anormale 
curieuse, est le résultat de la soudure du semi-lunaire et du 
pyramidal, ainsi que cela a lieu normalement chez nombre de 
Troglodytes. 

Au pied, le type PEMAUReErTe primitif a subi dé plus grandes 
transformations qu'à la main. Les dix pièces du tarse n'existent 
peut-être plus que chez Cryptobranche. Le membre abdominal 
s’adaptant à la station et à la marche, a fait subir au tarse 
d'importantes métamorphoses. Ce segment s'est disposé en 
forme de voûte, apte à supporter le poids du corps et à main- 
tenir son équilibre. Un seul os dès lors représente au pied le 
condyle carpien composé de trois os. L’astragale, homotype du 
semi-lunaire, primitivement placé entre le scaphoïde et le py- 
ramidal-pisiforme, est comme énucléé par ces os, dont l’un se 
porte en arrière et en bas, l’autre en avant. Le pisiforme, dans 
ce mouvement, devient l’os du talon (calcanéum), le scaphoïde, 
le scaphoïde du pied, et le pyramidal atrophié, ne reparaît plus 
que dans l'os trigone découvert par Albrecht et accolé à l’ex- 
trémité postérieure de l’astragale, homotype du semi-lunaire. 
Le principe des connexions est respecté; 1l est, de plus, appuyé 
sur les lois du développement et de l'anatomie comparée. 

Que devient dès lors notre tarse primitif pentadactyle ? 

Le tarsien 1 de la rangée proximale, devient le scaphoïde 
(comme à la main), le tarsien 9, l’astragale (homotype du semi- 
lunaire), le tarsien 3, l’os accidentel ou atavique trigone (ho- 
motype du pyramidal), les tarsiens 4 et 5, le calcanéum (voy. 
pl. XI, fig. 25). 

À la deuxième rangée tarsienne, notre embarras serait grand 
pour retrouver le cinquième segment, car nous ne trouvons 
que quatre os, et aucun d'eux ne se développe par un double 
point osseux ; mais chez plusieurs Rongeurs (Meckel, R. Owen, 
Retterer), le carpe présente un huitième cartilage, situé d’or- 
dinaire en dedans du scaphoïde, ou à l’union du scaphoïde et 
de la tête de l’astragale (1). Or, pour moi, ce cartilage surnu- 


(1) R. Owen, Anat of Vertebrates, II, p. 379; En. RETTERER, Loc. cit., 
p. o08. 


DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 327 


méraire n’est autre que l'homologue du central de la main. 
Comme lui, il a disparu par atrophie et ne reparaît plus qu'ac- 
cidentellement par atavisme chez l'embryon. 

D'où pour nous, le tarsien 1 de la rangée distale est repré- 
senté par le premier cunéiforme (homotype du trapèze), le tar- 
sien 2 par le deuxième cunéiforme (homotype du trapézoïde), 
le tarsien 3 manque (représenté temporairement chez certains 
rongeurs), le tarsien 4 devient le troisième cunéiforme, homo- 
logue du capitatum de la main, et enfin le tarsien 5 le cuboïde, 
homotype de l’os crochu à la main, car je ne puis admettre avec 
Gegenbaur et Huxley la fusion régulière des deux derniers cu- 
bitaux ou péronéaux (4 et 5), pour donner lieu au cuboïde ou à 
l'os crochu, ces deux os se développant constamment par un 
seul foyer osseux (1). 

Une objection, tirée des caractères de l’ossification, pourrait 
être formulée contre nos conclusions homologiques, à savoir, 
qu’alors que le calcanéum est Le premier os du tarse, son homo- 
type à la main, le pisiforme est le dernier os paru au carpe. Mais 
nous estimons que la précocité ou la tardivité de l'ossification 
en l'espèce, ne saurait avoir une valeur plus grande que n’en a 
le volume relatif des parties similaires en anatomie comparée. 
Ce n’est point la forme ou le volume qui définissent les organes, 
ce sont les connexions ; ici ce n’est pas tant l’époque de l’ap- 
parition des points dossification que leur nombre qui doit entrer 
en ligne de compte. 

Ceci nous amène à nous demander pourquoi le tarse s’ossifie 
avant le carpe. « En leur qualité de supports du corps entier, les 
fémurs et les os du tarse, dit Burdach (2), s’ossifient de meil- 
leure heure que les humérus et les os du carpe.» Est-ce là la 
bonne raison ? Retterer (3), ayant vu le carpe et le tarse des Car- 


(1) Ce n’est pas que je veuille recourir à la pentadactylie comme vers une loi im- 
muable et absolue. Nullement, Ce que je veux bien préciser, c'est que c’est la disposition 
type, normale encore en quelque sorte, alors que l'apparition d’un plus grand nombre 
de pièces est un fait atavique beaucoup plus rare et du domaine de la tératologie. — 
Il n’en saurait être de même de la présence de l’os central du carpe chez l'embryon qui 
est presque constante, n1 du cartilage central surnuméraire du tarse des Rongeurs et 
des Insectivores. Si on me permet de préciser ma pensée, je dirai: la pentadactylie 
complète des animaux supérieurs est une disparition relativement récente, la polydac- 
tylie est une disparition qui se perd dans la nuit des âges géologiques. 

(2) Burpaca, Traité de Physiol., t. II, p. 449, 

(3) En. RETTERER, Loc. cit., p. 543, 


328 CH. DEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE 


nassiers (chat,chien) et des Rongeurs s’ossifier à la même époque, 
alors que chez les Anthropoïdes (Gibbon) comme chez l'homme 
le tarse s’ossifie avant le carpe, il est probable que l'opinion de 
Burdach renferme tout au moins une partie de la vérité, 


CONCLUSION. 


Si nous résumons en un tableau : 4° les centres d’ossifica- 
tion de chaque pièce carpo-tarsienne ; 2 l’époque d'apparition 
de ces centres, en ayant soin de mettre en regard les pièces ho- 
mologues, nous donnons du même coup la synthèse de notre 
travail, Voici ce tableau : 


RESTAURATION. 


Rongée proximale. 


Pied (10 segments tarsiens). Main (10 segments carpiens). 
Tarsien 1. Scaphoïde, ! point d’ossifica- Carpien 1. Scaphoïde, 1 centre osseux, 
tion, 5 ans. 6 ans. 
Id, 2. Astragale, 1 point d'ossifica- Id. 2. Lunaire, { centre osseux, 5 à 
tion, 6e mois vie fœtale. 6 ans. 
Id, 3. Os trigone. Id. 3. Pyram., { centre osseux, 3 ans. 
/Calcanéum, 2 points d’ossifica- 
Id. 4.) tion, corps : 9€ mois vie to Pisiforme, ? points, 10 à [2ans 
ll 25 ent pig: TR CN dé Lara ” 
ù 1 fœtale; épiphyse 10 à 12 ans. 


Rangée distale. 
Tarsien 1. 1°" cunéiforme, Î point d’ossi- Carpien |. Trapèze, 1 point d'ossification, 


fisation, 2 à 3 ans. 6 ans. 

Id. 2. 2e cunéiforme, 1 point d'ossi- Id. 2. Trapézoide, 1 point d'ossifica- 
fication, peu après. tion, 6 à 7 ans. 

Id 3, Cartilage surnumér. central, 11. 3. Os central. 

Id, 4. 3e cunéiforme, 1 point d'os- Hi. 4. Capitatum, 1 paint d’ossifica- 
sification, 12 à 15 mois. tion, 11 à 12 mois. 

Id. 5. Cuboïde, 1 point d'’ossifica- Id. 5. Unciforme, 1 point d'ossifica- 
tion, à la naissance. tion, 12 à 14 mois. 


Si l’homotypie est évidente entre les différents segments car- 
po-tarsiens, qu’on l’envisage à l'aide de la morphologie ou de 
l’ostéogénèse (nombre des foyers d’ossification), nous n’en pou- 
vons dire autant de l’ordre d'apparition des points d’ossification 
dans chacune des pièces carpo-tarsiennes considérées chacune 
à chacune (avec son homologue) : ici, aucune loi générale ne 
semble pouvoir être déduite des faits observés. 


LA 


_ DES PIÈCES DU CARPE ET DU TARSE CHEZ L'HOMME. 329 


EXPLICATION DES PLANCHES X ET XI. 


Les figures 1 à 9 représentent, à peu près de grandeur naturelle, 
les segments du carpe, vus en coupe horizontale. Les figures 10 à 20 
sont la représentation des pièces du tarse, vues également en coupe. 
Les figures 21 à 95 sont là pour servir à l'explication de la pentadac- 
tylie primitive et à l'essai d’'homologie des segments carpo-tarsiens. 

Les chiffres 1, 2, 3, 4, 5, appliqués à chacun des métacarpiens ou 
métatarsiens, indiquent suffisamment d'eux-mêmes la disposition de 
la main ou du pied, et le numéro d'ordre de chaque rayon digitifère. 

CARPE. — Fig. 1. — Carpe d'un enfant de 5 mois, précoce, puisqu'il 
présente un grand os avec un point osseux. 

Fra. 2. — Carpe d’un enfant d’un an, avec les points osseux du grand 
os et de l'os crochu. 

Fic. 3. — Carpe d'un enfant ,° de 18 mois, précoce en développement, 
puisqu'il présente le point osseux du pyramidal. 

Fig. 4. — Carpe d’un enfant de 2 ans. Le grand os et l’os crochu ont 
seuls encore leur point d’ossification. 

Fig. 5. — Carpe d’an enfant de 3 ans. On voit un point osseux au centre 
des pièces cartilagineuses qui représentent le grand os, l’os crochu 
(deuxième rangée), le semi-lunaire et le pyramidal (première ran- 
gée). 

Fic. 6. — Carpe d’un enfant de 3 ans, dont seuls le grand os et l'os 
crochu sont en voie d’ossification. 

F16. 7. — Carpe d'un enfant 4 de 5 ans, avec centres d'ostéogénèse 
dans le grand os, l’os crochu et le pyramidal. 

Fic. 8. — Carpe d’un enfant & de 6 ans. Tous les osselets sont en voie 
d'ossification, sauf le pisiforme. 

FiG. 9. — Carpe d’un enfant & de 12 ans. L’ossification des cartilages 
carpiens est complète. Il ne reste, comme chez l'adulte, qu'uné mince 
lamelle cartilagineuse (en blanc sur la figure) autour de l’os. On voit 
le pisiforme avec ses deux points d’ossification. 

Tarse. — F1G. 10. —Tarse d’un fœtus de 6 mois. Le calcanéum et l'as- 
tragale seuls sont en voie d’ossification. 

Fig. 11. — A, calcanéum du tarse précédent; B, vu d’en haut et en 
coupe horizontale; C, astragale. 

Fi@. 12. — A, Astragale d'un fœtus à terme; B, calcanium du même 
fœtus. 

Fi. 13. — Tarse d’un fœtus #4 à terme. Outre l’astragale et le calca- 
néum, le cuboïde présente un point osseux à son centre. 

FiG. 14. — Tarse d’un enfant de 6 mois. 

Fig. 15. — Tarse d’un enfant # de 12 mois. Le troisième cunéiforme a 
son point osseux. 

F1c. 16. — Tarse d’un enfant 4 de 18 mois. 


330 CH. BEBIERRE. — OSSIFICATION ET HOMOTYPIE, ETC. 


FiG. 17. — Tarse d’un enfant # de 2 ans, exceptionnellement avancé en 
ossification, puisque seul, le scaphoïde reste sans point osseux, 

F1G. 18. — Tarse d’un enfant ,» de 4 ans. 

Fi@. 19. — Tarse d’un enfant ,» de 18 mois, exceptionnellement avancé 
en ossification, puisque les cunéiformes, et le scaphoïde lui-même, 
chose beaucoup plus rare, ont leur foyer d'ossification paru et en voie 
d'accroissement. 

FiG. 20. — Coupe transvarsale et suivant son grand axe, du calcanéum 
d’un garcon de 12 ans. C, corps du calcanéum (diaphyse); E, épi- 
physe; B, bande de cartilage inter-diaphyso-épiphysaire, 


HOMOTYPIE DES SEGMENTS OSSEUX CARPO -TARSIENS. 


Fig. 21. — Main pentadactyle type avec ses cinq rayons digitifères 
complets (Taupe). 

Fi. 29. — Main d’Orang avec 3, os central représentant le n° 3 de la 
deuxième rangée carpienne. 

Fi. 23. — Main d’un embryon humain (grossie) de 3 mois, avec 3, le 
central. 

Fic. 24 et 25. — Destinées à montrer l’homologie des os du carpe et du 
métacarpe et du tarse et du métatarse. 

Dans la figure 24, le scaphoïde est marqué par 1 et correspond au 
même numéro (1) de la figure 25. — Le semi-lunaire, dans la figure 24, 
est stygmatisé par 2, et correspond à l’astragale (2) de la figure 25. Le 
pyramidal (fig. 24, 3) est représenté au pied par l'os trigone (fig. 25, 3). 
— Le pisiforme (fig. 24, 4 et 5) est le représentant à la main du cal- 
canéum {fig. 25, 4 et 5). — Le trapèze (fig. 24, 1) correspond au pre- 
mier cunéiforme (fig. 25, 1), le trapézoïde (fig. 24, 2) au deuxième cu- 
néiforme (fig. 25, 2), le grand os (fig. 24, 4)au troisième cunéiforme 
(fig. 25, 4), et l'os crochu (fig. 24, 5) est l’équivalent du cuboïde (fig. 
25, »), du pied. — Les numéros 1, 2, 3, 4 et 5 au métacarpe et au mé- 
tatarse’ sont correspondants et similaires. 


Le Propriétaire-gérant, 


FÉLix ALCAN. 


Saint-Denis. — Imprimerie Cu. LamsEerr, 47, rue de Paris, 


ÉTUDE DE QUELQUES POINIS 


DE LA 


STRUCTURE DES FIROLES 


Par BR. WW ARLOMON'N, 
Docteur en médecine et en sciences. 


———— 


à (PLANCHE XIL) 


Pendant un hiver que je passai au laboratoire de Villefranche, 
j'eus fréquemment l’occasion de rencontrer divers types de Fi- 
roles (Pterotrachea coronata, mutica et hyppocampus); c'est ce qui 
m'engagea à m'arrêter quelque temps à l'étude de leur struc- 
ture. 

Le travail que je présente aujourd’hui n’a nullement la pré- 
tention d'apporter sur le sujet des connaissances complète- 
ment inédites. J'ai seulement cherché dans les lignes qui vont 
suivre, à rendre plus accessible, plus saisissante pour les lec- 
teurs, la disposition générale de ces organismes étranges. J'y ai 
ajouté, en passant, quelques descriptions plus détaillées sur le 
_ système nerveux etsur l'organe vibratile. Enfin, dans un dernier 
chapitre, je donne la représentation d’une jeune forme d'hé- 
téropode, rencontrée à Villéfranche dans la pèche pélagique. 

Qu'il me soit permis, avant de commencer, d'exprimer toute 
ma reconnaissance à M. le D'J. Barrois qui n'a cessé, pendant 
tout mon séjour au laboratoire de Villefranche, de se mettre à ma 
disposition de la manière la plus obligeante. 

Les différents dessins ont été faits sur des échantillons d'ani- 
maux, soit frais, soit colorés au carmin boracique ou traités par 
l'acide osmique (pour le système nerveux) (1). 


(1) Disons ici, une fois pour toutes, que nous décrirons constamment l'animal en le 
supposant dans sa position naturelle, c’est-à-dire couché sur le dos, la nageoire 
regardant en haut, la tête représentant l’extrémité antérieure et la queue l'extrémité 
postérieure. 


JOURN: DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. xxu1 (juillet-août 1886). 23 


332 R. WARLOMONT. —— QUELQUES POINTS 


I. — DiSPOSITION GÉNÉRALE DES TÉGUMENTS ET DE LA 
MUSCULATURE (fig. 4 et 2). 


Les Firoles, malgré leur extrême transparence, présentent au 
toucher une très grande consistance ; leur corps est duret rigide, 
et peut être pris à la main sans subir aucun dégât. 

Au premier coup d'œil, on les dirait composées d’une enve- 
loppe musculo-cutanée rigide, très épaisse, et d'une tunique 
gélatineuse, parfaitement transparente, entourant la couche pré- 
cédente et rappelant assez bien la tunique des Salpes. Ce der- 
nier revêtement serait, à en croire les apparences, un simple 
produit cuticulaire, comme une enveloppe de gélatine sécrétée 
tout autour de la peau de l'animal. 

Cependant, un examen plus approfondi ne permet pas d’ad- 
mettre cette structure : les coupes transversales démontrent que 
l'enveloppe musculaire ne présente pas une grande épaisseur, 
mais qu'elle est au contraire excessivement mince. Ce n’est pas 
un épais tube musculaire comme celui qui forme le paroi (le 
hautmuskelschlauch) des Annélides, mais seulement un tube très 
délicat, formé par des fibres musculaires lisses entre-croisées, 
et dont on voit fort bien les noyaux au moyen du carmin au 
borax; nulle trace de fibre musculaire striée ni d'aucun élément 
plus complexe. Ces fibres lisses ne se trouvent pas stratifiées 
sur une grande épaisseur; elles ne forment que deux ou trois 
plans superposés. L'épiderme, loin d’être appliqué à la surface 
de cette couche musculaire, en est séparé par l’épaisse couche 
de gélatine dont nous avons parlé, et revêt celle-ci d’une ma- 
uière complète. Cette gélatine n’a donc rien qui puisse en faire 
un produit cuticulaire. 

Cette disposition se voit du premier abord chez les espèces 
dont l'épiderme est pourvu de papilles ou de taches pigmen- 
taires, telles que les P. mutica et coronata (variété violacée) ; 
elle devient plus difficile à établir et nécessite un examen plus 
attentif chez les formes à épiderme complètement transparent, 
surtout chez les petits individus (Pt. hyppocampus, etc.). 

Examinée sur le vivant, ou même sur l'animal entier conservé 
dans la liqueur d’Owen ou l'acide osmique, la couche gélatineuse 
externe paraît assez épaisse, mais il n’en est plus de même si 
l’on examine des coupes transversales faites en empâtant l’ani- 


DE LA STRUCTURE DES FIROLES. 383 


mal dans une masse au collodion, ou même de simples coupes 
faites aux ciseaux : dans ces coupes, on constate que la couche 
gélatineuse située entre l’épiderme et l'enveloppe musculaire 
n’oceupe sur la section qu'une assez faible étendue. En dedans 
de la couche musculaire, on observe une seconde couche géla- 
tineuse beaucoup plus épaisse et qui réduit d’une manière con- 
sidérable la cavité générale (4). 

C’est à la réunion de ces deux couches gélatineuses, sur les- 
quelles Gegenbaur avait déjà attiré l'attention (2), et surtout à 
la couche gélatineuse interne, la plus épaisse, que l’animal doit 
sa grande consistance. Elles forment, par leur réunion, un tube 
assez régulier qui constitue la partie la plus volumineuse de la 
paroi du corps. 

En résumé, on peut dire que le corps d’une Firole consiste 
éificllsinent en un long tube de gélatine très consistante, 
revêtu par un très mince épiderme et parcouru au milieu par 
une couche musculaire (3). 

Les deux couches gélatineuses, l’interne comme l’externe, con- 
tiennent un grand nombre de grosses cellules arrondies munies 
d'un noyau volumineux, telles que je les ai représentées dans la 
figure 1. Sauf ce détail important dans l'élément cellulaire, les 
couches gélatineuses des Firoles me paraissent être absolument 
comparables à la gélatine du disque des méduses dont elles ont 
la transparence et la consistance (4). 

Enfin, le tube musculaire et la couche gélatineuse interne cir- 
conscrivent une cavité Rhindrique parcourue d'un bout à l’autre 
par un tube digestif qui vient s’ouvrir aux deux bouts. 

Telle est dans son ensemble la structure d’une Firole. L’ani- 
mal peut donc se ramener à ja disposition typique d’un double 
tube ouvert aux deux bouts, aux extrémités buccale et anale. 
Mais deux organes viennent altérer la simplicité de ce plan: la 
queue et la nageoire. 


(1) On rencontre donc, en procédant de l'extérieur vers l'intérieur : l’épiderme, la 
couche gélatineuse externe, la couche musculaire et enfin la couche gélatineuse in- 
terne (fig. 1 et 2). 

(2) Untersuchungen uber Pteropoden und Heteropoden. Leipzig, 1855. 

(3) La figure 2, qui représente une vue d'ensemble de l'animal, montre les deux 
couches de gélatine dans toute leur étendue. 

(4) Comme chez les méduses, la partie la plus volumineuse du corps est formée par 
cette gélatine; là s'arrêtent, du reste, les analogies, 


334 R. WARLOMONT. — QUELQUES POINTS 


4° De la queue (1). — Le corps se prolonge au delà de l’extré- 
mité terminale du tube digestif sous forme d'un appendice cau- 
dal qui s’effile progressivement. Cette queue, munie d’un fila- 
ment mobile interrompu par des nodosités pigmentées, ne pré- 
sente pas la même structure que précédemment : elle est en effet 
formée uniquement de matière gélatineuse: ce n’est plusun cylindre 
creux dont la cavité serait entourée d'une couche musculaire, 
mais un tube gélatineux plein revêtu seulement par l’épiderme. 
Quant au tube musculaire (hautmuskelschlauch), il se termine 
au-dessus du nucléus par une sorte de cul-de-sac d’où se dé- 
tachent seulement de chaque côté quatre bandes isolées qui se 
rendent à la surface de la queue. Ce cul-de-sac constitue donc 
en même temps la limite de la cavité générale (fig. À et 4) de 
l'adulte. 

Dans la masse gélatineuse de cet appendice caudal, se ren- 
contrent des corps étoilés, en assez grande abondance, dans 
l'épaisseur même de la queue ainsi que dans le petit lobe ter- 
minal / (Mg. 4). Par contre, les grosses cellules arrondies signa- 
lées plus haut m'ont paru faire ici complètement défaut. 

La queue ne s'insère au reste du tégument que par le haut, où 
sa gélatine est en continuité avec la couche gélatineuse externe 
de la paroi du corps; elle est de plus rattachée à la paroi muscu- 
laire par les quatre brides musculaires dont nous avons parlé. 
Tels sont les points principaux de la structure de cette partie. 
Nous y reviendrons plus tard avec plus de détails. 

2° De la nageoire (fig. 1). — La nageoire doit être considérée 
comme une simple expansion ou diverticule de la paroi muscu- 
laire; elle est formée par deux feuillets musculaires, accolés l’un 
à l’autre, et dont les fibres présentent deux directions différentes : 
longitudinale et oblique ; toutes se terminent vers le haut de 
la nageoïire, dans un repli transparent formé par l'épiderme, sous 
forme de fines expansions représentées dans la figure 4. 

À la base de la nageoire, les fibres longitudinales se réunissent 
en trois faisceaux distincts qui viennent s’insérer sur la paroi 
musculaire du corps; les deux principales de ces brides mus- 
culaires se terminent (fig. 1) d'une manière remarquable, en 

(1) L'extrémité postérieure du corps, occupée par la terminaison de l'intestin, le 


nucléus, est coiffée par la queue comme par un véritable capuchon dont le fond repré- 
senterait la cavité palléale. 


DE LA STRUCTURE DES FIROLES. 335 


s’éparpillant en fibres isolées qui vont séparément s’insérer à la 
paroi. 


IT. — SYSTÈME NERVEUX ET ORGANE CILIÉ (fig. 2). 


Le système nerveux des Firoles est des plus intéressants; il 
contient un grand nombre de centres nerveux. 

Ilexiste en outre un organe curieux qui doit aussi évidemment 
être rangé dans la même catégorie, bien qu’on ne connaisse pas 
encore bien sa fonction, et que Gegenbaur a nommé l'organe 
cilié (Wimperorgan). 

Nous commencerons par les centres, et passerons ensuite aux 
nerfs qui en rayonneni (1). 


CENTRES GANGLIONNAIRES (fig. 2). 


Quatre groupes ganglionnaires : 1° ganglions cérébraux 
(3 pairs), fig. 2, gg’f; ? ganglion pharyngien (un ganglion pair 
ph); 3° ganglion pedieux (un ganglion pair p); 4° ganglions vis- 
céraux (2 ganglions impairs, vv ). 

1° Ganglions cérébraux. — On sait que la masse cérébrale des 
Firoles est composée de deux paires de renflements gg' réunis 
par une commissure, et auxquels s'ajoute, faisant suite à g, un 
troisième renflement qui donne naissance aux nerfs optique et 
acoustique. Gegenbaur avait cru pouvoir distinguer dans ces 
trois renflements un nombre de ganglions plus considérable. Les 
observations que nous avons faites en nous aidant des procédés 
actuels (carmin au borax, essence de girofle, etc.) n’ont pas con- 
firmé cette manière de voir : on ne trouve en effet dans chacune 
des deux moitiés symétriques de la masse cérébrale, que trois 
noyaux de fibres entourées par une écorce de cellules ganglion- 
naires, c’est-à-dire, en tout, trois ganglions qui correspondent 
exactement aux renflements visibles à l'œil nu. Il faut donc con- 
sidérer la masse cérébrale des Firoles comme formée de deux 
ganglions gg réunis l’un à l’autre par une très courte commis- 
sure ou plutôt soudés ensemble sur la ligne médiane; puis en 
dessous les ganglions gg et sur les côtés les ganglions ff, ceux- 
ci donnant naissance aux nerfs optiques et acoustiques. 


(1) Cette partie du travail a été étudiée d’après un jeune échantillon de Pt. hyppo- 
campus traité par l'acide osmique. 


336 R. WARLOMONT, — QUELQUES POINTS 


2 Ganglion pharyngien (fig. 2, ph). — En avant, à l'extré- 
mité de la trompe, et relié par un nerf au ganglion supérieur g, 
se trouve un ganglion buccal ou pharyngien pair, placé Juste à 
la même place que celui signalé par Gegenbaur chez l’Atlante; 
ce ganglion, superposé au pharynx, se confond assez complète- 
ment avec cette masse; il est pourtant facile à apercevoir pour 
peu qu’on étudie avec détail cette région. Les deux ganglions 
pharyngiens, parfaitement distincts l’un de l’autre, sont réunis 
par une commissure. 

8° Le ganglion pédieux (fig. 1 et 9, p) est formé de deux gan- 
glions réunis en une seule masse bilobée; il est situé, comme 
le montre la figure 2, entre le tube digestif et la paroi du corps, 
du côté de l'intestin opposé à celui qu'occupe la masse cérébrale, 
à peu près au milieu de la longueur de l'animal, c'est-à-dire à 
une distance considérable du cerveau. Le collier œsophagien 
ne ressemble donc plus du tout ici au collier œsophagien des 
mollusques; ses commissures transversales gp constituent de 
vrais nerfs d’une très grande longueur. 

4° Les ganglions viscéraux vv" impairs, sont situés à la place 
indiquée par Gegenbaur, sur le péricarde. Ils n’offrent de remar- 
quable que leur disposition relative. Le premier v constitue un 
centre où se rendent à la fois : 4° le nerf qui établit la commu- 
nication avec tout le reste du système nerveux; 2° le nerf qui se 
rend au ganglion terminal v, et enfin, 3° un nerf aboutissant à 
l'organe cilié à dont nous parlerons plus loin d'une manière spé- 
ciale. Le second v’ est relié au précédent comme nous venons de 
le dire. 


Nerrs (fig. 2). 


Lo Système cérébro-pharyngien. — Si on enlève la masse céré- 
brale pour la placer sous le microscope, on voit partir deux paires 
de nerfs de son extrémité antérieure gg, et deux autres paires 
de son extrémité postérieure g’g’. 

Les deux nerfs (1) antérieurs sont tous les deux importants : 
l'un, externe, aboutit au ganglion pharyngien; il est en général 
direct et n’émet qu un petit nombre de fibrilles. Le second, des- 
tiné à la peau, est plus contourné et donne naissance à un grand 


(1) Pour simplifier la description, nous décrirons les nerfs pairs tels qu'ils sont re- 
présentés dans la figure 2, c'est-à-dire vus sur un seul côté de l’animal. 


DE LA STRUCTURE DES FIROLES, 397 


nombre de fibrilles. Ces nerfs se prolongent ainsi jusqu’à l’ex- 
trémité de la trompe. 

Des deux nerfs postérieurs, l’externe, très long (portant le 
numéro 1! sur notre figure 2), relie le cerveau (ganglion g) au 
ganglion pédieux (p) en passant à côté de l'intestin; il joue, avec 
son congénère, le rôle de commissure latérale de l’anneau œso- 
phagien considérablement allongé. [ne diffère en rien des autres 
nerfs du corps et donne naissance à un assez grand nombre de 
fibres qui se rendent au tégument. 

Le nerfinterne, plus grêle, envoie seulement un petit rameau 
insignifiant au tégument du côté dorsal. 

Les ganglions cérébraux latéraux (f) donnent aussi naissance 
à des nerfs importants, aux nerfs acoustique et optique et à un 
nerf assez gros destiné à la capsule de l'œil et qui s’en détache 
en avant du nerf optique. 

Enfin, on distingue encore d’autres branches nerveuses qu'on 
ne peut guère apercevoir qu’en regardant l'animal de profil. Ce 
sont : un lacis assez remarquable qui relie le ganglion g° à la 
partie antérieure du grand nerf commissural, et un petit nerf 
qui se détache de la partie moyenne du cerveau pour se porter 
à la peau. 

2 Système pédieux. — Le ganglion pédieux donne naissance 
à dix nerfs, dont sept pairs et trois impairs. 

À. Filets pairs. — Le nerf n° 1 n’est autre que le nerf commis- 
sural qui va au cerveau. 

Les nerfs 2, 3 et 4 sont peu intéressants, ils se composent 
chacun d’un tronc qui se porte vers le tégument des faces laté- 
rales : les nerfs 2 et 8 se bifurquent avant d'y arriver, le nerf 4 
reste simple. 

Le nerf 5 est plus remarquable. Comme les précédents, il est 
formé d’un tronc qui se porte vers la face latérale et se bifurque 
à l'extrémité, mais avant de se diviser, il donne naissance à une 
branche puissante qui se porte en arrière et vient, à l’aide de 
nombreuses fibres, innerver toute la peau de larégion postérieure 
jusque près de l'extrémité occupée par le nucleus. 

Le nerf6 se porte directement vers l’extrémité postérieure: il 
croise l'intestin, et se distingue des autres par sa disposition en 
zigzag; il est généralement relié d’un côté, par une petite com- 
missure, au nerf de la quatrième paire. 


338 R. WARLOMONT. — QUELQUES POINTS 


Enfin, le nerf de la septième paire, le plus important de tous 
ceux qui naissent du ganglion pédieux, se rend directement vers 
la partie postérieure, et forme avec le grand nerf commissural 
antérieur un cordon unique (interrompu seulement par le gan- 
glion pédieux) qui parcourt le corps dans toute sa longueur; il 
reste simple, ne donnant naissance qu'à peu ou point de fibres, 
jusqu’à une faible distance du nucléus; là, 1l se divise en deux 
gros nerfs, le premier qui va aux ganglions viscéraux vv’, et lese- 
cond qui pénètre dans la queue qu'il innerve, en donnant 
quelques fibrilles, pour se terminer seulement à l'extrémité de 
cet organe. 


B. Filets impairs (8, 9, 10). Le premier seul mérite quelque 
attention, les deux autres (9 et 10) ne forment que deux filets 
insignifiants qui se rendent directement (fig. 2) à la paroi du 
corps. Le nerf 8 pénètre dans la nageoire et là se divise en 
trois branches dont la supérieure se ramifie dans l'organe en- 
tier. Chez la femelle, il se distribue comme l'indique la figure 2; 
chez le mâle il va innerver la ventouse. Les deux bandes soit 
disant musculaires, qui partent de la ventouse, et paraissent se 
perdre peu après dans les fibres musculaires de la nageoire, ne 
sont autres que les extrémités des deux ramifcations termi- 
nales xx’ de ce nerf. 


3° Système viscéral. — Le ganglion v est relié, comme nous 
l'avons dit, au ganglion pédieux, par une branche détachée du 
nerf 7. Ce ganglion envoie en outre un rameau à l'organe ci- 
lié à et au ganglion v'. 

Il nous resterait pour terminer l'étude du système nerveux 
périphérique, à parler des fibrilles nerveuses si étranges que l’on 
voit traverser toute la masse gélatineuse de la peau pour se 
rendre aux papilles de l’épiderme. Nous aurions voulu pouvoir 
étudier ces dernières avec détail (c’est un des points les plus 
intéressants de la structure de ces animaux), mais les notions 
que nous avons pu acquérir sur ce sujet ne vont pas au delà de 
ce qu'on connaît aujourd hui (1). 


(1) Gegenbaur. Loc. cit. Voir aussi L. Edinger, Die Eindigung der Hautnerten be 
Pterotrachea, in Archiv für microsk. Anat. 1577. 


DE LA STRUCTURE DES FIROLES, 399 


ORGANE GILIÉ (fig. 3). 


Cet organe étrange, symétrique, de fonction absolument pro- 
blématique (on sait qu'on a voulu en faire l'organe de l’olfaction), 
s’est montré, d'après nos coupes pratiquées transversalement, 
composé de deux parties, l’une nerveuse, n, en continuité directe 
avec le nerf provenant du ganglion viscéral v; l’autre de nature 
épithéliale. Les deux parties sont très nettement séparées l’une 
de l’autre par une ligne formée par le péricarde p c et par la cellule 
allongée el dont il sera question plus loin (fig. 3). Elles sont 
en relation l’une avec l’autre au moyen de deux séries de filets 
nerveux f n qui partent des deux bords inférieurs de la partie 
nerveuse (1). | 

La partie nerveuse existe tout le long de l'organe; elle a donc 
non pas la forme d’un ganglion, mais celle d'une bande assez 
allongée, comme l'organe lui-même (fig. 2 1). Sur les coupes 
transversales, cette bande se montre (fig. 3 n) composée d'une 
portion centrale fibreuse et de cellules ganglionnaires périphé- 
riques peu nombreuses; parmi ces dernières, on en remarque 
surtout, à la partie supérieure, deux ou trois volumineuses. 

Toute la masse nerveuse se trouve entourée d’une enveloppe 
spéciale m p, remarquable surtout dans sa partie inférieure où 
elle m'a paru constituée de chaque côté par une seule grosse 
cellule fusiforme c/, qui sépare la partie nerveuse de la portion 
épithéliale située au-dessous. 

Enfin tout cetensemble se trouve recouvert par une membrane 
très mince formée de cellules aplaties et qui représente, pen- 
sons-nous, la paroi du péricarde (fig. 3 p c.). 

La partie épithéliale est composée de la manière suivante : la- 
téralement un bourrelet de longues cellules cilliées (fig. 8 c) et 
plus au milieu, une masse épaisse de grosses cellules stratifiées, 
divisée elle-même par une échancrure ec en deux lobes dis- 
tincts. La portion épithéliale examinée sur l'organe entier, pré- 
sente donc trois épaississements, un médian à grosses cellules 
arrondies, irrégulièrement disposées, et deux extrêmes, à cel- 
lules rayonnantes c portant de longs cils. Enfin, à l'extrémité de 

(L) Cette figure ne représente qu'une des moitiés de l'organe, celui-ci étant symé- 


trique. Nous ne décrirons donc que cette moitié. Cet organe a été traité par la mé- 
thode ordinaire (carmin boracique, essence de girofle). 


340 R. WARLOMONT. —— QUELQUES POINTS 


cette dernière bande, s’attache l’épiderme ep du tégument gé- 
néral, plus épais ici que sur les autres régions, et composé de 
petites cellules très tassées. 

C’est au niveau de l’échancrure e c que se toute les fibres 
qui font communiquer les portions nerveuse et épithéliale. 


IT. — RÉGION viscÉRALE (fig. 4). 


Il nous reste, pour terminer cette étude, à nous arrêter un ins- 
tant à la région du corps la plus compliquée : la région viscérale. 

Nous avons déjà vu en gros, dans la première partie, com- 
ment les différentes couches de la paroi du corps se terminaient 
en ce point, et comment l’appendice caudal venait s'y implan- 
ter. Il sera intéressant, croyons-nous, d'étudier d'un peu plus 
près la façon dont se comportent les téguments autour du nu- 
cléus et des organes qui se pressent à cette région, dans l'en- 
semble des groupes de Firoles. 

La figure 6 montre d’une manière précise la disposition du 
cul-de-sac musculaire cc qui termine le tube musculaire de la 
paroi du corps (1). Ce cul-de-sac est maintenu en place par deux 
brides musculaires br br’; derrière lui et un peu plus haut, le 
tube musculaire forme un trone commun fc, auquel viennent 
s'insérer les bandes musculaires de la queue, réunies de la sorte 
en une seule masse avant de se continuer avec l'enveloppe mus- 
culaire générale. Enfin, ce même cul-de-sac se trouve placé au- 
dessus d’une poche musculaire spéciale, le péricarde, pc, qui 
contient l’oreillette au, le ventricule v £, et Le rein r. 

La distinction de ces trois parties : (1° tronc commun des 
bandes musculaires de la queue fe, 2° cul-de-sac terminal du 
hautmuskelschlauch c c, et 3° paroi musculaire du péricarde pe, 
est d’une importance capitale, si l'on veut se faire une idée 
exacte de cette région compliquée. Le péricarde n'est pas séparé 
du cul-de-sac cc d’une manière très nette; sa paroi s'y trouve 
immédiatement accolée ; au contraire entre le tronc tcet le cul- 
de sac cc est creusée une fente f m qui délimite ces parties d'une 
façon absolue. 

La cavité du péricarde etla cavité péri-intestinale, constituent 
deux cavités absolument distinctes ; la première estsituée, comme 


(1) Cette figure, en grande partie schématique, est faite d'après des exemplaires de 
différentes espèces et de différentes tailles. 


DE LA STRUCTURE DES FIROLES. 341 


le montre la figure 4, dans l'épaisseur de la couche gélatineuse 
qui devient plus épaisse en ce point pour la recevoir. On con- 
paît l'importance que prend en général cette cavité du péricarde 
dans le groupe des mollusques, où elle forme souvent la partie 
la plus spacieuse du système lacunäire. Chez les Firoles, on le 
voit, il en est bien autrement, elle n’y occupe qu’une place 
relativement très restreinte et c’est la lacune, située autour de 
l'intestin (probablement homologue à celle de tous les autres 
animaux) qui reprend ici son entier développement. Le nucléus, 
qui renferme dans son épaisseur le foie f, l'intestin ên et la masse 
génitale mg, et auquel viennent s’accoler l'extrémité du cul-de- 
sac cc, ainsi que le péricarde, se trouve en dehors du système des 
cavités, mais il est maintenu en place par des fibres musculaires 
qui rayonnent des extrémités du cul-de-sac et du péricarde. 

Après avoir parlé de la musculature, passons maintenant à la 
disposition des téguments, et principalement des replis formés 
par l’épiderme. Nous avons déjà vu que la base de la queue for- 
mait autour de la portion terminale du corps une espèce de ca- 
puchon dont la cavité correspond à la cavité palléale. Nous avons 
à distinguer le fond, ftet les bords, Lu de cette cavité palléale. Nous 
dirons ensuite quelques mots de la masse viscérale elle-même 
(nucléus). 


I. — CAViTÉ PALLÉALLE (fig. 4). 1° Bords. — Ils sont toujours 
très relevés (fig. 4), ce qui fait que l'ouverture de la cavité pal- 
léale au dehors est excessivement large, et qu’une portion con- 
sidérable du nucléus affleure librement au dehors. Les deux 
faces de l'animal présentent, sous ce rapport, un aspect diffé- 
rent : le côté gauche (correspondant à la gauche de l'animal) re- 
présenté dans la figure 4, où les bords lv (de forme plus ou moins 
déchiquetée) descendent relativement assez bas, correspond au 
maximum de développement de la cavité palléalle; sur la face 
opposée (côté droit), les bords sont beaucoup plus relevés, et 
souvent même n'existent qu’à l’état de traces, de sorte que la 
cavité palléale n'y esttrès souvent représentée que par un sillon, 
et que la portion terminale (anale) du corps fait tout entière 
saillie à l’extérieur. 

2° Fond. — La ligne Lu représentait le bord de la cavité pal- 
léalle. La ligne f p en représente le fond, vu en coupe, sur la ligne 


342 R. WARLOMONT. — QUELQUES POINTS 


médiane, et f p’ le fond, vu sur la face latérale. La limite f p’ nous 
montre exactement quelle est la portion du corps recouverte par 
cette espèce de manteau : on voit qu’elle comprend le nucléus, 
le péricarde avec les organes les plus importants : foie, masse gé- 
nitale, cœur, organe cilié, ganglions viscéraux, et enfin la por- 
tion terminale du cul-de-sac ce. 

Le fond fp de la cavité palléale correspond à la fente qui sé- 
pare l’un de l’autre le cul-de-sac ce et le tronc commun fc des 
bandes musculaires de la queue (fig. 4). Parmi les trois racines 
qui se détachent de ce tronc commun pour donner naissance 
aux bandes musculaires b! b? bb", il en est une, l’inférieure, qui 
sert d'origine commune à b®et b‘; ellese distingue des autres par 
son épaisseur beaucoup plus forte, et sert ordinairement de bor- 
dure à l’extrémité postérieure de la lèvre Zv. 

Nous avons vu que le cul-de-sac ce est maintenu en place 
par deux brides musculaires br br’. La première de ces brides 
n’a rien de remarquable et se soude simplement au hautmus- 
kelschlauch. La seconde br’ se porte directement versle haut, con- 
tourne le fond de la cavité palléale, et va rejoindre celle du côté 
opposé de façon à former comme une ceinture; de plus, la ra- 
cine commune des bandes b et b* envoie également des fibres 
vers cette ceinture, dont l’origine est par conséquent double et 
provient en même temps des fibres du cul-de-sac cc et de la 
grosse racine. Ainsi est assurée d’un manière indissoluble l’adhé- 

ence de la queue avec le reste du corps. 


LE. — MAssE viSCÉRALE (NUCLÉUS). — Gegenbaur à décrit avec 
soin la disposition des principaux organes de la masse viscérale. 
Notreintention n’est pas de reprendre cette étude; nous avons seu- 
lement voulu insister sur les connexions existant entre les diffé- 
rentes parties qui entourent ces organes, sur la charpente de 
cette partie embrouillée. Avant de terminer notre travail, nous 
dirons cependant quelques mots au sujet de deux points spéciaux 
qui nous semblent présenter quelque intérêt : 

1° Les branchies situées sur la portion du corps qui fait saillie 
au dehors de l'ouverture du manteau, sont composées de treize 
houppes qui vont en décroissant du milieu aux extrémités ; elles 
constituent dans leur ensemble un demi-cercle placé tout autour 
de l'organe cilié. La partie la plus considérable de l'appareil bran- 


DE LA STRUCTURE DES FIROLES. 343 


chial est située sur la portion du corps qui affleure le plus en 
dehors, sur la face où le manteau est le moins développé. Sur 
cette face, il est dirigé d'avant en arrière et se compose de huit 
houppes, tandis que sur la face opposée (fig. 6), il n’y a que six 
houppes disposées en sens inverse et d’arrière en avant. 

2° Le tube digestif possède la même structure que dans tout 
le reste du groupe de mollusques, mais sa portion œsophagienne 
est extraordinairement développée; elle occupe toute la longueur 
du corps; par contre, l'intestin et le foie Sont très réduits, ils se 
réunissent en une petite masse dont fait également partie la 
masse génitale, pour donner naissance au nucléus situé sous le 
cul-de-sac cc. 

La portion initiale du tube digestif se compose d'un vestibule 
(pharvnx) dans lequel débouchent l'œsophage et deux glandes sa- 
livaires analogues à celles de l’atlante. Dans ce vestibule dé- 
bouche également l'appareil masticateur avec ses muscles; on y 
trouve aussi une masse de soutien cartilagineuse destinée à ser- 
vir de point d'appui à ceux-ci. La figure 1 représente tout cela 
en vue d'ensemble. 


IV. — DEscriIPTION D'UN TYPE ABERRANT D'HÉTÉROPODE (fig. à). 


Nous avons eu l’occasion d'étudier un échantillon d'hétéro- 
pode qui s’écarte des types connus par plusieurs particularités 
intéressantes (1). Nous le décrirons dans ses trails essentiels, et 
nous donnerons ensuite les réflexions qu’il nous suggère. 

Tué par l'acide osmique, l’animal a été coloré au carmin au bo- 
rax, et éclairei à l’essence de girofle. De dimensions très réduites 
(7 millimètres de long), il présente tous les caractères distinctifs 
des hétéropodes, mais ce qui frappe immédiatement, c’est la dis- 
proportion, le défaut d'harmonie de ces différentes parties com- 
parées aux mêmes régions chez les Firoles et les Carinaires 
(voir fig. 5). Le corps, grossièment cylindrique, gélatineux et 
transparent, se termine en avant par une trompe très allongée; 
la nageoire, située à sa place ordinaire, à la partie ventrale, est 
bien développée et rappelle assez exactement, par sa forme dis- 


(1) Nous devons cet échantillon à l’obligeance de M. Bolles Lee et de M. le Dr 3. Bar- 
rois, qui l'ont recueilli après notre départ de Villefranche et ont bien voulu nous en 
faire hommage. 


344 R. WARLOMONT. — QUELQUES POINTS 


symétrique et sa ventouse déjetée vers la partie postérieure (1), 
la nageoire des Carinaires. 

Immédiatement en arrière de la nageoïre, le corps s’élargitet 
se bifurque en quelque sorte en deux troncs distincts : l’un, pé- 
donculé, plutôt dorsal, supporte le nucléus et les branchies avec 
le repli du manteau et la cavité palléale, l'autre suit l'axe du 
corps et s’elfile pour former la queue. (Cette dernière partie a été 
tordue et déformée par les réactifs, comme l'indique notre des- 
sin.) 

Cette extrémité caudale se termine, après un très court tra- 
jet, par une expansion bilobée, formée de deux ailes membra- 
niformes pigmentées sur une partie de leur bords et parcourues, 
sur toute leur surface, par des cellules fusiformes, probablement 
de nature musculaire car elles sonten continuité avec les derniers 
faisceaux de la tunique musculaire qui, comme nous l'avons 
vu pour les Firoles, entoure toute la cavité générale. A l'extré- 
mité libre de l'expansion foliacée que nous venons de décrire, et 
entre ses deux lobes, se trouve un lobule rudimentaire. 

Cette disposition n'est pas sans analogie avec la conformation 
de la queue des Carinaires. Seulement, contrairement à ce qui 
se passe chez ces dernières, les deux appendices latéraux ou 
ailes ont conservé ici un grand développement, tandis que l’ex- 
trémité eflilée n'est plus représentée que par un lobule atro- 
phié. 

Pour terminer cette description générale de l'animal, men- 
tionnons sur tout le tégument, la présence d'une série d’aspé- 
rités pigmentées, représentées dans la figure 5, en arrière de 
la trompe. 

Le système nerveux, bien développé, présente la mème orga- 
nisation essentielle que chez les hétéropes en général. On y re- 
trouve des ganglions cérébraux, pédieux, pharyngiens, et deux 
ganglions viscéraux, placés au fond de la cavité palléale, entre 
le foie et l'extrémité du rein. L'appareil cilié est représenté 1ei 
par une bande rubannée qui contourne, dans une grande partie 
de sa circonférence, l’entrée de la cavité palléale, en s’adossant 
à l'un des deux lobes ou replis du manteau (repli gauche) (voir 


(1) Nous décrivons toujours l’animal supposé dans sa position normale b c d couché 
sur le dos, la trompe représentant l'extrémité antérieure, la queue, l'extrémité posté- 
rieure. 


DE LA STRUCTURE DES FIROLES. 345 


fig. 5). Il paraît, mais nous n oserions l’affirmer, être relié aux 
ganglions viscéraux. 

Les systèmes digestif, excréteur, respiratoire et circulatoire sont 
surtout intéressants à étudier dans la région du nucléus où ils 
forment un amas assez complexe. Nous donnerons donc une 
description un peu détaillée de cette région. 

Nous avons vu qu'à la partie postérieure de l’animal, le corps 
se prolonge en un pédoncule dorsal qui se termine par le nu- 
cléus. Comment cette disposition est-elle réalisée ? Le pédoncule 
ou collet court, élargi, dont nous venons de parler, ne tarde pas 
à se replier sur toute sa circonférence, de manière à circonscrire 
de toutes parts une véritable cavité palléale, possédant un fond 
et une ouverture circulaire, puis le tégument s’arrondit en une 
sorte de sac qui n’est autre que le nucléus proprement dit ou 
masse viscérale (voir le schéma ci-contre et la fig. 5). On le voit, 


Schéma de la région du nucléus (coupe transversale). 
p. Pédoncule et collet. . 

r r’. Replis du manteau. 

o. Ouverture de la cavité palléale. 

f. Fond de la cavité palléale. 

n. Nucléus ou masse viscérale. 


- on retrouve ici la même disposition essentielle du manteau et de 
la cavité palléale que chez Mollusques en général. 

Il est à remarquer que, chez le type que nous étudions, le re- 
pli circulaire du manteau n’a pas partout la même hauteur; 
ainsi sur notre dessin (pl. 5), le rebord gauche du manteau (r) 
est plus prononcé que le rebord droit (r’). C'est au niveau de ce 
dernier qui vient déboucher l'anus; quant au repli gauche (r) il 


346 R. WARLOMONT. — QUELQUES POINTS 


donne insertion aux branchies, et c’est sur son trajet que vient 
s’adosser l'organe cilié (+). 

Vue de l’intérieur, la région du nucléus permet de distinguer 
par transparence deux parties d'aspect bien différent : 1° une 
portion brunâtre, opaque, occupant à elle seule presque tout le 
nucléus, et 2° une portion claire, située près de l’ouverture de 
la cavité palléale et vers la région dorsale de l'animal; on y voit 
le rectum, le rein et le cœur. Si nous suivons le tube intesti- 
nal à partir de l'anus, nous le voyons se diriger à peu près 
en ligne droite, vers le rebord opposé du nucléus, puis dis- 
paraître sur l’autre face (face gauche) pour décrire une série de 
circonvolutions (dont l’une est figurée sur la pl. 5) et, enfin, 
rejoindre l’œsophage à l'entrée de ce dernier dans le nucléus. 

Il n’est pas inutile, pour se rendre compte de la disposition 
réciproque des organes de cette région compliquée, d’y prati- 
quer des coupes transversales, c’est-à-dire perpendiculaires au 
grand axe du nucléus, en procédant, par exemple, depuis l’ex- 
trémité effilée ou inférieure de celui-ci, jusqu’à son extrémité 
bombée ou supérieure. Les premières tranches emportent, acco- 
lés de la droite vers la gauche, la terminaison de l'intestin, le 
rein et le cœur. Ces mêmes coupes comprennent déjà, ainsi que 
toutes les suivantes, les deux replis de la cavité palléale, dont . 
l'un, celui de gauche, montre très distinctement la section de 
l'organe cilié, formé en grande partie par un épaississement du 
feuillet interne de ce repli. Bientôt, le cœur cesse d’être visible; 
en revanche, on peut voir jusqu’à deux sections de l'intestin sur 
la même coupe, ce qui s'explique par les circonvolutions qu'il 
décrit, et entre ces deux sections, le foie commence à apparaître 
sous une forme lobulée, brunûtre. 

Entre le foie et l’intestin d’une part, et le fond de la cavité pal- 
léale d'autre part, on rencontre le rein, qui occupe là une assez 
grande étendue. 

Les deux ganglions viscéraux se montrent au moment où l’on 
n'aperçoit plus que les derniers vestiges du rein et de l'organe 
cilié; ils sont placés tout contre le fond de la cavité palléale, 
qu'ils soulèvent même. | 

Le foie prend un développement de plus en plus considérable, 
et, à partir de l'endroit où l’œsophage pénètre dans le nucléus, 
on ne rencontre plus sur les coupes que les circonvolutions et 


DE LA STRUCTURE DES FIROLES. 347 


les tours de spire que décrit l'organe hépatique : c’est en réalité, 
lui, qui forme la majeure partie de la masse du nucléus. 

Chose remarquable, nulle part nous n'avons trouvé de trace 
d'appareil générateur. | 

Le nucléus n’est pas renfermé dans une coquille. 

Classification. — On sait, depuis Cuvier et de Blainville, que 
lcs Hétéropodes ne doivent pas être considérés comme formant 
un groupe à part, ainsi que le voulait Lamarck, entre les cé- 
phalopodes et les poissons, mais qu'ils sont en réalité des gas- 
téropodes, dont ils reproduisent l’organisation dans ses traits 
essentiels. Ce sont des gastéropodes organisés pour la nalation 
(pied transformé en nageoire) (1). Chez tous, le tégument forme, 
en un point donné, un repli (manteau), circonserivant une cavité 
palléale, et rattaché au reste du corps par un pied. Seulement, il 
n'est pas difficile de constater, comme le font remarquer les au- 
teurs, que les trois familles d'Hétéropodes (Atlantes, Carinaires, 
Firoles) s’éloignent du type parfait des gastéropodes par une tran- 
sition presque insensible. Ainsiles Atlantes ont une coquille bien 
développée, abritant tout l'animal. Chez les Carinaires, la co- 
quille existe encore, mais rudimentaire, ne recouvrant qu’une 
portion très limitée de l’animal, la région du nucléus ou région 
viscérale ; en même temps les autres régions (tête, corps, queue) 
ont acquis un développement extraordinaire. Chez les Firoles, 
même extension de ces parties, mais absence complète de co- 
quille et dispositions anatomiques spéciales de la région viscé- 
rale, qui s'écartent, plus encore que chez les carinaires, de la 
conformation de cette région chez Les mollusques en général. 

Ces notions étant acquises, il nous paraît que le type d’'hétéro- 
pode que nous venons de décrire doit être rangé parmi les Ca- 
rinares, et cela pour les raisons suivantes : 1° si, comme chez 
les Firoles et les Carinaires, la masse viscérale a éprouvé ici une 
très grande réduction, elle ne s’éloigne cependant pas autant que 
chez les Firoles de l’organisation qui distingue les mollusques; 
nous ne retrouvons pas ici les dispositions compliquées de la 
région viscérale des Firoles (voir la première partie de ce tra- 
vail); au contraire, la situation du nucléus, la topographie des 
organes (foie, Intestin, cœur, péricarde, branchies) et la forme 


(1) Voir Eydoux et Souleyet, Voyage autour du monde, etc. 
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XXII (1886). 24 


348 R. WARLOMONT. — QUELQUES POINTS 


du manteau et de la cavité palléale présentent les plus grandes 
analogies avec l’organisation des Carinaires. Il est vrai que la 
coquille, constante chez les Carinaires, fait ici défaut; mais il 
est possible, chez un sujet aussi délicat, qu’elle se soit détachée 
avant que nous pussions l’examiner; et puis, pour peu qu'il 
s'agisse ici d'une forme Jeune, larvaire, quoi d'étonnant à ce 
qu'une différenciation cuticulaire n'ait pas encore puse produire? 
Ajoutons que le nucléus est pédonculé, caractère que l’on s’ac- 
corde à attribuer spécialement aux Carinaires (Gegenb., Eyd. et 
Soul., Rattray, etc.). 

2° La tête de l'animal porte des tentacules, comme chez les 
Carinaires, et son corps est couvert de taches pigmentaires en 
papilles, telles qu'on en rencontre chez ces dernières. 

3° L'extrémilé caudale ne porte pas de filaments, et n’a pas non 
plus la forme générale de la queue des Firoles, mais plutôt celle 
de la queuc des Carinaires. Comme chez les Carinaires, elle se 
compose, nous l'avons vu, d’une pointe terminale et de deux ex- 
pansions ou ailes latérales ; sculement, nons l'avons vu, tandis 
que chez les Carinaires, ces deux ailes sont tout à fait rudimen- 
taires, ici ce sont elles qui ont pris le plus grand développement, 
la lame médiane n'étant au contraire représentée que par un 
petit lobule (voir fig. 5). 

4° La radula qui, on le sait, joue un rôle important dans la 
classification des mollusques, s'écarte visiblement de la radula des 
Firoles, telle du moins que Gegenbaur la figure (1). Au contraire 
elle est très analogue à la radula des Carinaires (voir la figure 
qu'en donnent Eydoux et Souleyet) (2). Comme chez les Cari- 
naires, la pièce médiane, identique comme forme à celle de ces 
Hétéropodes, porte trois dents, dont la médiane est la plus longue 
(fig 6); seulement ici les dents sont droites, tandis que chez les 
Carinaires adultes, elles sont, au moins les deux latérales, lé- 
gèrement incurvées. 

9° La nageoire est dyssimétrique, à ventouse rejetée en arrière, 
comme chez les Carinaires. 

Nous avons doncaffaire, croyons-nous, à un Ilétérope du groupe 
des Carinaria (3). En outre, la disproportion relative des diffé- 

(1) Gegenbaur. Loc. cit. Fig. reprod. dans le Traité de Zoologie de Claus. 


(2) Eyd. et Souleyet. Loc. cit. 
(3) Nous ne croyons pas devoir nous occuper ici des sous-groupes peu importants : 


DE LA STRUCTURE DES FIROLES. 349 


rentes parties de l'animal, sa forme générale, l'absence d’or- 
ganes génitaux et de coquille (?), la conformation particulière et 
comme ébauchée de larégion caudale, tout cela nous permet de 
supposer qu’il s’agit d'une Carinaire à l’état jeune, larvaire. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XII. 


Fig. 1. — Animal entier (F. Frederici) montrant une vue d'ensemble 
des téguments. Grossissement : 4. 
p. On voit en p le ganglion pédieux, placé entre le tube digestif 
et la paroi musculaire. 
l. Lobule terminal de la queue. 
Fic. 2.— Animal entier, montrant une vue d'ensemble du système ner- 
veux. 
gg. Les deux ganglions, antérieur et postérieur, du cerveau. 
f. Ganglion cérébral latéral. 
ph. Ganglion buccal ou pharyngien. 
p. Ganglion pédieux. 
4 à 7. Les sept nerfs pairs qui se détachent du ganglion pédieux. 
8, 9,10. Les trois nerfs impairs. 
rr. Les deux branches terminales du nerf 8 qui, chez le mâle, 
innervent la ventouse. 
vo’. Ganglions viscéraux; v, l'antérieur ; v’, le postérieur. 
i. L’organe cilié. 
F1G. 3. — Coupe transversale à travers l’organe cilié (une moitié seule- 
ment a été représentée). 
ep. Épiderme. 
pc. Paroi du péricarde. 
mp. Enveloppe propre de la portion nerveuse de l’organe cilié. 
fn. Fibres nerveuses intermédiaires entre les deux portions (ner- 
veuse et épithéliale) de l'organe cilié. 
c. Bourrelet de cellules ciliées (portion épithéliale). 
ec. Échancrure divisant la masse de grosses cellules stratifiées, 
en deux lobes distincts. 
cl. Cellule fusiforme séparant la portion nerveuse de la portion 
épithéliale. 
n. Partie centrale, composée de fibres, de la masse nerveuse de 
l'organe cilié. 
Fig. 4. — Vue détaillée de la portion viscérale, pour montrer la dispo- 
sition des différents feuillets musculaires et du tégument. 
br, br’. Bandes musculaires reliant le cul-de-sac ce du hautmus- 
kelschlauch, aux parties voisines. | 
te. Tronc commun formé par la soudure des bandes musculaires 
de la queue allant se réunir à l'enveloppe musculaire générale. 


firoloïdes et carinaroïdes, qui du reste, ne ressemblent en rien à l'échantillon que 
nous décrivons ici, 


350 WARLOMONT. — QUELQUES POINTS DE LA STRUCTURE DES TIROLES. 


bi, b?, b3, bt. Les bandes musculaires de la queue. 
fm. Fente séparant le trone commun fc du cul-de-sac cc. 
fp, [p’. Le fond de la cavité palléale : fp, vu en coupe sur la 
partie médiane; fp’, sa continuation sur toute la face 
latérale. É 
lo. Bord du manteau ou lèvre de la cavité palléaie. 
cp. Cavité palléale. 
pc. Péricarde. 
au. Oreillette. 
vt, Ventricule. 
r. Rein. 
mg. Région du nucléus correspondant à la masse génitale. 
in. Région de l'intestin. 
lt, Région du foie. 
i. Organe cilié. 
Fic. 5. — Hétéropode (forme jeune trouvée à Villefranche). Vue de 
l’animal entier. Grossi 20 fois. 
Région du nucléus : 
n. Nucléus. 
rr’. Repli du manteau. 
o. Ouverture de la cavité palléale. 

. Rein. 

. Branchies. 

. Organe cilié. 

. Ganglions viscéraux. 

. Terminaison de l'intestin et anus. 

. Lobule terminal de la queue. 

FiG. 6. — Dent de la Radula du même animal (pièce médiane). 

Fig. 7. — Coupe transversale du nucléus suivantla ligne dd (au-dessus 
du foie). Cette coupe rencontre le nucléus dans sa partie inférieure 
et effleure seulement le corps; à gauche de l’épithélium de la ca- 
vité palléale, on voit l’organe vibratile, et à l’intérieur du nucléus 
le cœur, le rein et l'intestin. — v, organe vibratile; cæ, cœur; r,rein; 
in, intestin. Grossissement : 40. 

F1G. 8. — Coupe suivant la ligne cc. La disposition des organes in- 
ternes est la même que précédemment, mais le cœur a disparu, et 
le foie est venu se placer entre les deux divisions de l’intestin. — 
a, anus; f, foie; &, portion de l’intestin coupée transversalement. 

Fi. 9. — Coupe au niveau de la ligne bb. Ici le corps est intéressé dans 
la coupe dans toute son étendue. A la partie supérieure du nucléus, 
se voient l’extrémité du rein, la terminaison renflée de l’organe vi- 
bratile, et enfin les deux ganglions viscéraux 1 et 2. 

Fi. 10. — Coupe au niveau de aa, intéressant l’œsophage et la partie 
de l'intestin qui le suit immédiatement, jusqu’à la rencontre de la 
coupe transversale 2 de l'intestin; à droite, se voient la partie prin- 
cipale du foie et le premier tour de spire f’. 


î 


ro 410 er CUS 


SUR LA 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS 


ESPACES ET PONTS INTERCELLULAIRES. — MEMBRANE ÉPITHÉLIALE 
DE DESCEMET 


Par A. PRENANT 


Chef des Travaux histologiques à la Farulté de médecine de Nancy, 
Licencié ès sciences naturelles, 


(PLANCHE XII.) 


On a longtemps pensé qu'un des caracteres les plus saillants 
des tissus épithéliaux était leur parfaite continuité. Cependant, 
dans ces derniers temps, l'histologie animale a fourni des 
exemples nombreux du contraire. Et tandis qu'autrefois on re- 
gardait les cellules épithéliales comme séparées et réunies tout 
à la fois par un mince ciment intercellulaire, et formant de la 
sorte un pavé réputé ininterrompu, on admet aujourd’hui 
qu'entre certaines cellules épithéliales tout au moins peuvent 
apparaître de larges espaces (espaces intercellulaires), coupés 
ou non par des ponts anastomotiques (ponts intercellulaires) qui 
à travers ces espaces unissent les cellules. Pour certains épithé- 
liums, le corps muqueux de Malpighi, par exemple, on s'est en 
France généralement accordé, à la suite de la description qu'en 
a donnée M. Ranvier, à reconnaître comme réelle une pareille 
disposition. Mais elle est niée en d’autres points; et, de plus, 
les auteurs mêmes qui l’admettent ne sont pas d'accord sur le 
mécanisme de la formation de ces espaces et ponts interccllu- 
laires ; par suite les opinions divergent quant à leur valeur. 

J'ai examiné à cet égard deux épithéliums : 

1° L’épithélium qui recouvre la membrane de Descemet; 

2° L'épithélium qui tapisse, sous le nom de Tegmentum 
vasculosum, la rampe moyenne du limaçon de l'oiseau. Cet épi- 
thélium de l'oiseau a pour homologue et sans doute aussi pour 
analogue physiologique celui qui dans le limaçon des Mammi- 
fères revêt la région dite strie vasculaire. 

Ces épithéliums, au point de vue général de la constitution 


392 A. PRENANT. 


des tissus épithéliaux, méritent l'examen; car ils offrent la dis- 
position ci-dessus mentionnée, et on pourrait étudier sur eux les 
conséquences qu’une pareille disposition entraine avec elle. 

Ils ont de plus un intérêt spécial. L'épithélium de Descemet 
ou épithélium postérieur de la cornée fait partie du revêtement 
épithélial qui limite de toutes parts la chambre antérieure de 
l'œil. Or la chambre antérieure a été depuis longtemps déjà re- 
gardée par Schwalbe, dans un travail classique sur les voies 
lymphatico-sanguines de l'œil, comme un Jac lymphatique, con- 
fluent du groupe antérieur des lymphatiques oculaires. A ce ni- 
veau donc peuvent et doivent se faire des phénomènes d’exhala- 
tion et de résorption lymphatiques. Quelle que soit d’ailleurs 
l'idée qu'on veuille se faire de la chambre antérieure et de l’hu- 
meur aqueuse qui la remplit, il est toujours intéressant d’étu- 
dier la paroi d’une cavité dont le contenu vidé se renouvelle aussi 
aisément que le fait l'humeur aqueuse, de voir si cette paroi, dont 
l'épithélium de Descemet constitue une bonne part, est passive 
ou active dans ces phénomènes, d'examiner enfin si l’épithélium 
postérieur de la cornée laisse passer les liquides dans le tissu 
conjonctif de cette membrane, ou s'il est impénétrable. Cepen- 
dant je n’ai pas eu la prétention d’élucider complètement toutes 
ces questions importantes, et d'arriver à un résultat que n ont pu 
atteindre parfaitement de très nombreux et très remarquables 
travaux. La portée de ces recherches sur l’épithélium de Desce- 
met est moindre; j'ai pensé que la conformation de l’épithélium, 
à travers lequel tous ces intéressants phénomènes se passent, 
ayant des conséquences physiologiques certaines, méritait d'être 
étudiée une fois encore. 

Le tegmentum vasculosum offre un intérêt analogue. Vu de 
face et de l’intérieur de la rampe moyenne, il montre avant tout 
et à un faible grossissement des arborisations vasculaires, le long 
desquelles et par dessus lesquelles règnent des traînées d'un tissu 
épithélial tout à fait particulier. Dans la strie vasculaire du lima- 
con des mammifères qui est, ainsi que je l'ai dit plus haut, l'ho- 
mologue du tegmentum vasculosum du limaçon d'oiseau, la dis- 
position est pareille ; cette région vue de face montre encore 
des ramifications capillaires que revêt un épithélium spécial. 
C’est au niveau de ces deux régions, le tegmentum vaseulosum 
chez l'oiseau, la strie vasculaire chez le mammifère, régions 


MORPIIOLOGIE DES ÉPITIÉLIUMS, 353 


riches toutes deux en vaisseaux très superficiels, et pourvues 
toutes deux d’un épithélium particulier, que l’on a placé le siège 
de l’exhalation de l’endolymphe. lei encore on comprendra 
quelles conséquences physiologiques peut avoir l'observation 
histologique de ces épithéliums. 

J'ai l'intention d'étudier plus tard le tegmentum vasculosum et 
son homologue, la strie vasculaire ; j'ai fait déjà d’ailleurs quel- 
ques observations à cet égard. 

J'ai l’idée en outre de rassembler les principaux exemples de 
ponts et espaces intercellulaires qui sont aujourd'hui connus, de 
réunir ces faits dans un aperçu historique ; et joignant ensuite 
le résultat des observations qui ont été faites sur la membrane 
épithéliale de Descemet d’une part, sur le tegmentum vasculo- 
sum et la strie vasculaire de l’autre, j'espère pouvoir présenter 
les ponts etespaces intercellulaires d'après un point de vue assez 
général, pour que des données sur la morphologie générale des 
épithéliums et des conséquences physiologiques découlent des 
faits encore épars qui sont cependant acquis sur cette question. 

Ainsi, l’étude de l’épithélium de Descemet qui fait l’objet du 
présent travail, ne sera, je l'espère, que la première partie d'un 
mémoire plus étendu. 


EPITHÉLIUM DE LA MEMBRANE DE DESCEMET. 


On sait depuis Klebs (1) que les cellules de l’épithélium posté- 
rieur de la cornée sont, chez la grenouille, des éléments plats in- 
visibles à l'état frais, dont le contour délimité par le nitrate d’ar- 
gent se montre polygonal, et qui peuvent prendre des formes 
remarquables lorsqu'elles ont été excitées d’une certaine façon 
(par exemple, par l’abrasion d’une partie de l’épithélium anté- 
rieur, ou par une légère cautérisation de la surface extérieure 
de la cornée avec la pierre infernale). Chaque cellule, formée 
d’une région centrale contenant le noyau qui fait saillie dans la 
chambre antérieure de l'œil, et d’une zone périférique très 
mince, se montre alors, dit Klebs, entourée d’une couche fré- 
quemment interrompue. Dans cette couche protoplasmique se 
présentent en effet des espaces arrondis, qui s’agrandissent aux 
dépens de la substance même de cette couche, qui se fondent les 


(1) Klebs. (Medic. Centrarblatt, 1864.) 


304 À, PRENANT. 


uns dans les autres, et qui restent enfin séparés par de fins et 
nombreux filaments de substance cellulaire; ces filaments pa- 
raissent unir les granulations du protoplasma. C'est à un change- 
ment de forme spontané, à une véritable contraction cellulaire, 
que Klebs attribue les aspects qu'il a observés. L 

Plus tard, Stricker et Norris (1) constatèrent la formation 
d'espaces intercellulaires et de filaments cellulaires d'union tra- 
versant ces espaces ; ils mirent, comme Klebs, ces faits sur le 
compte de la contractilité cellulaire. En même temps Stricker 
et Norris disaient avoir vu, parmi les cellules épithéliales, çà et 
là, quelques éléments d'aspect tout particulier. 

Ciaccio (2), Swaen (3) et plus tard M. Ranvier (4) ont constaté 
que, lorsqu'on traite par une solution faible de nitrate d'argent 
l’épithélium postérieur de la cornée, de manière à irriter les cel- 
lules avant de les faire mourir, on obtient des cellules rétractées 
ayant subi l’imprégnation positive par leurs portions protoplas- 
miques, tandis que leurs noyaux de forme souvent bizarre sont 
ménagés en blanc par le réactif. Quant au contraire les éléments 
ont été bien fixés et tués immédiatement, leurs seuls contours 
sont imprégnés d'argent. 

Pour Ciaccio, entre les cellules épithéliales se trouvent des 
pores par lesquels la chambre antérieure communiquerait avec 
l'intérieur même du tissu cornéen, à travers la membrane de 
Descemet également perforée. D'ailleurs ces pores ne seraient 
pas produits entre les cellules par le fait d'une contraction vé- 
ritable ; car cette contraction, Ciaccio n'a jamais pu l’observer; 
la contractilité même des éléments de l'épithélium cornéen pos- 
térieur est niée par lui (5). 

La même année, Knies (6) décrit entre les cellules des espaces 
stomatiques. Il opère par injection de ferrocyanure de potas- 
sium dans la chambre antérieure, réalise la réaction du bleu de 


(1) Stricker et Norris. — (Sitz. der K. Akad. der Wiss. de Vienne, Bd. 52.) 

(2) Ciaccio. — Osservationi intorno alla membrana del Descemet e al suo endote- 
lio, etc. Bologna, 1875. 

(3) Swaen. — Des éléments cellulaires et des canaux plasmatiques dans la cornée de 
la grenouille. Bruxelles, 1876. 

(4) Ranvier. — Leçons d'anatomie générale, la Cornée. 1881. 

(5) Le mémoire de Ciaccio ne m'est connu que par l'analyse qu'en donne M. Ranvier. 

(6) Knies. — Ueber die Resorption von Blut in der Vorderen Augenkammer. Ar- 
chives de Virchow. Bd. 62. 1875. 


MORPIIOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS. 355 


Prusse, et arrive à cette conclusion que dans les phénomènes 
qui se passent du côté de la chambre antérieure, l’épithélium 
postérieur de la cornée se comporte comme un filtre régulateur. 

Waldeyer, déjà en 1874, avait vu des stomates dans l’épithé- 
lium postérieur; il avait également reconnu des espaces inter- 
cellulaires dans l'épaisseur de l’épithélium cornéen antérieur; 
il se prononce en faveur de l'existence réelle de ces derniers: 
mais pour ceux de l’épithélium postérieur, il ne sait s'ils sont 
une disposition naturelle (1). 

Brugsch (2) a fait paraître en 1877 un mémoire dont les ré- 
sultats qui nous intéressent sont les suivants. Ayant injecté de 
l'encre de Chine dans la chambre antérieure, il constate que la 
surface postérieure de la cornée est recouverte de pigment qui 
se dépose en partie dans les cellules endothéliales elles-mêmes ; 
il est autorisé à regarder comme longue d'environ et d’au moins 
huit semaines la durée de ces éléments endothéliaux; car au 
bout de ce temps, on retrouve encore des cellules richement 
pourvues du pigment que l’on a injecté huit semaines aupara- 
vant. Il représente d’ailleurs (fig. 2) des cellules endothéliales de 
la membrane de Descemet infiltrées en partie de granules d'encre 
de Chine. En une autre figure (fig. 3) on voit les cellules endothé- 
liales ayant un aspect étoilé ; autour du noyau, le protoplasma 
cellulaire renferme de nombreux grains d'encre ; il en existe 
aussi dans les prolongements protoplasmiques par lesquels les 
cellules s'anastomosent ; les espaces intercellulaires en sont dé- 
pourvus. 

Bien que le travail de Leber (3) ait en vue principalement l'épi- 
thélium cornéen antérieur, cet auteur dit cependant quelques 
mots sur l’épithélium postérieur. « Les limites des cellules de 
l’épithélium de Descemet, dit Leber, montrent des aspects très 
variables, suivant des influences très variées qui ne sont pas en- 
core parfaitement connues. Tantôt les cellules paraissent immé- 
diatement juxtaposées ; tantôt au contraire elles se montrent 
fortement contractées, étoilées ; les rayons des cellules voisines 


(1) Waldeyer. — Cornea, in Graefe et Saemisch. 1874. 

(2) Brugsch. — Ueber die Resorption kornigen Farbstoffs ans der Vorderen An- 
genkammer (Arch. für Ophthalmologie). 1877. 

(3) Leber. — Ueber die intercellularen Lücken des Vorderen Hornhant-Epithels in 
normalen und pathologischen Zustande. Arch. fur Ophthalmologie. 1878. 


300 A. PRENANT, 


se rencontrent mutuellement et paraissent se confondre. Il reste 
de la sorte entre les cellules des espaces arrondis et ovales, sé- 
parés les uns des autres par les prolongements des cellules. Ces 
prolongements correspondent évidemment aux piquants, et les 
espaces aux lacunes que présentent les épithéliums plats. Bien 
que les préparations soient claires et transparentes, à cause que 
la couche cellulaire estsimple, etque les éléments en sont minces, 
je n'ai pu voir si les prolongements de deux cellules évidemment 
confondus s'unissent par leurs extrémités, ou bien s'ils se juxta- 
posent par leurs faces latérales. » Le travail de Leber renferme 
d’ailleurs des remarques très intéressantes sur cette question gé- 
nérale des ponts et espaces intercellulaires dans les épithéliums. 

M. Ranvier (1), en 1881, et déjà auparavant (comme il le dit 
dans son livre sur la cornée), a employé certains réactifs, entre 
autres le nitrate d'argent, avec lequel il contrôle les résultats 
fournis par Ciaccio et Swaen ; il a constaté qu'après l’action de 
l'alcool au 1/3 les cellules paraissent comme de petits lambeaux 
frangés cousus les uns aux autres; il explique ces aspects par la 
rétraction cellulaire que le réactif a produite, et nie que la con- 
tractilité cellulaire soit pour quelque chose dans leur produc- 
tion. Pour M. Ranvier donc, les ponts et les espaces intercel- 
lulaires n'auraient pas la valeur d’une disposition réelle. 

En 1881 également, a paru le mémoire de Preiss (2). Si l'on 
applique, dit cet histologiste, sur une cornée fraîche dont on ne 
voit pas alors l’épithélium postérieur, une solution de sel de 
cuisine, on voit les cellules apparaître, puis s’écarter les unes 
des autres en restant unies cependant par des anastomoses in- 
tercellulaires entre lesquelles des espaces stomatiques intercellu- 
laires se trouvent par là même constitués. Puis, au bout de 
quelques secondes, les cellules se juxtaposent, et bientôt on ne 
voit de nouveau plus rien. Si l’on se sert d’une solution de ni- 


trate d'argent à “©, on arrive au même résultat. Avec l’eau pure 


100 ? 

Ja répétition de l'expérience se fait moins facilement. Dans tous 
ces cas, le fait important est que les cellules, que l'addition du 
réactif a rétractées, ont pu revenir à leur forme première au bout 
de peu de temps; c’est leur élasticité, ou bien même leur con- 
tractilité qui seule a été mise en jeu; le réactif n’a fait qu'exci- 

(1) Ranvier, loc. cit. 

(2) Preiss. (Archives de Virchew, 1884.) 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS. 357 


ter les cellules à la contraction, mais ne les a pas tuées; leur 
mort ne se produit qu’au bout d’un certain temps; et pour qu’elle 
se fasse, plusieurs excitations successives sont nécessaires. Une 
solution de nitrate d'argent à + tue les cellules immédiatement 
en faisant apparaître leurs contours. A côté de ces expériences, 
Preiss a surtout étudié l'épithélium de Descemet et ses espaces 
intercellulaires, en se servant de l’action du perchlorure de fer 
sur le ferrocyanure de potassium, en colorant par le bleu de 
Prusse en un mot. Dans ces conditions, il voit, tout autour des 
cellules, une couronne de lacunes ou stomates limités par des 
ponts intercellulaires et profondément situés; en relevant l'ob- 
jectif ce sont les contoursréguliers des cellules que l’on observe. 
Les stomates, produits d’abord dans la profondeur par l'écarte- 
ment des bords cellulaires, arrivent jusqu’à la surface, lorsque 
l’action est très avancée. En somme, Preiss admet que les sto- 
mates intercellulaires et les ponts d’anastomose sont le résultat 
d'une action vitale. Un grand nombre d'observations intéres- 
santes sont consignées dans le travail de Preiss; j'aurai occasion 
d'y revenir dans le cours de cette description. 

Les cellules de la membrane de Descemet ne peuvent être bien 
vues à l’état frais; chez la grenouille elles sont même absolu- 
ment invisibles; c'est ce que Klebs, Preis ont constaté. Klebs, 
cependant, et Stricker et Norris, en accordant aux éléments épi- 
théliaux de Descemet la faculté de se mouvoir à la facon des 
amibes, font penser qu'ils ont vu et bien vu les cellules fraîches. 
D'autre part, Ciaccio, dans l’ouvrage cité plus haut, M. Ranvier 
dans ses leçons d'anatomie générale, semblent dire qu’ils ont 
vu l’épithélium frais, puisqu'ils n’ont pu lui reconnaître de 
mouvements amiboïdes. 

En tout cas, on ne peut voir suffisamment pour faire, à l’état 
frais, c'est-à-dire la membrane étant plongée dans lhumeur 
aqueuse, une observation complète. Et dès l'instant que l’on 
distingue quelque chose, on peut toujours craindre que l'on ne 
soit en présence d'un épithélium déformé par une influence ex- 
térieure. Ce que M. Ranvier et d’autres histologistes nous ont 
appris sur les différences d'aspect que l’on observe entre la cor- 
née absolument fraîche et la cornée examinée dans l’eau, par 
exemple, justifie amplement de pareilles craintes. 

Il nous faut donc renoncer à un examen fait à l’état frais, et 


398 À. PRENANT. 


nous contenter de l'observation de cellules mortes. Quels seront 
les réactifs à employer ? Tout d’abord on songe à l'acide osmique, 
réactif en lequel on peut avoir actuellement le plus de confiance, 
et qui, à.la dose de un pour cent d’eau, fixe immédiatement, 
dit-on, les éléments anatomiques; l’agonie de ces éléments est 
alors si courte qu'ils n'ont pas le temps de se déformer. Néan- 
moins, jai fait usage, dans la pensée d’une comparaison, 
d’autres réactifs tels que le nitrate d’argent solide et liquide, et 
celui-eià Let à, la liqueur de Müller, l'alcool au 1/3, le 
perchlorure de fer, le ferrocyanure de potassium et le perchlo- 
rure de fer, l'acide nitrique à +, la liqueur de Lang. 

De ces essais, il résulte que l’épithélium de Descemet consti- 
tue une véritable pierre de touche sur laquelle on peut essayer 
les réactifs. On peut, en les expérimentant sur cette membrane, 
acquérir des données précieuses sur leur valeur relative, bien qu'il 
ne soit jamais permis de conclure du particulier au général, et 
que l’on doive se souvenir toujours qu'un réactif tel que l'alcool 
au 1/3, qui fixerait mal les éléments de l’épithélium postérieur 
de la cornée, pourrait être, appliqué à d’autres cellules, un fixa- 
teur excellent. 

Mais il ne suffit pas d’avoir un bon réactif; 1l faut en détermi- 
ner le mode d'application. 

Si l'on se sert d'yeux qui ne sont pas absolument frais, et qui 
ont été énucléés depuis quelque temps déjà, 1l faut s'attendre à 
trouver des aspects qui ne représentent pas la réalité. Toutefois, 
il résulte des expériences que j'ai faites, que cela n’est pas tou- 
jours le cas, et que la mort des éléments, pourvu qu'elle ne soit 
pas trop ancienne, peut ne pas avoir d'influence déformante. 

Si l’on détache la cornée à l'air libre, pour la plonger ensuite 
dans le réactif fixateur, l'humeur aqueuse s'écoule, le milieu 
naturel qui baignait les éléments épithéliaux de Descemet dis- 
paraît, et se trouve remplacé par l'air, milieu 1rritant au plus 
haut degré pour des éléments qui d'ordinaire n’y sont pas plon- 
gés. Voilà done une manière de faire qu’il faudra rejeter ou qui 
ne sera mise en pratique qu’en connaissance de cause, et dans 
la pensée de la comparer à d’autres. 

Une autre méthode qui se présente est la suivante, employée 
par Leber (qui étudiait surtout l’épithélium cornéen antérieur), 
et par d’autres auteurs encore. Elle consiste à plonger tout sim- 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS. 359 


plement l’œil dans le réactif fixateur, qui, dans les recherches 
de Leber, a été la liqueur de Müller. Ce procédé, bon pour l'épi- 
thélium antérieur, qui se trouve, dans toute son épaisseur, en 
contact presque immédiat avec le liquide ambiant, est mauvais 
pour l’épithélium postérieur ; dans ce cas, en effet, il arrive que 
le liquide ne pénètre que peu à peu dans la chambre antérieure. . 
On croit traiter directement l’épithélium postérieur par la li- 
queur de Müller ou par l’acide osmique à +, c’est-à-dire par des 
liquides dans les proportions voulues et jugées nécessäires; 
point du tout; comme les liquides, surtout l'acide osmique, ne 
diffusent que très lentement à travers les tissus, c’est de l'acide 
osmique à un cent millième peut être qui d'abord arrive aux 
éléments, c’est-à-dire à une dose inférieure à celle qui est exi- 
gée pour la fixation instantanée des cellules; et c'est seulement 
au bout d’un certain temps, qu’il se trouve au contact des élé- 
ments un acide osmique à ; mais alors il est trop tard pour 
obtenir une fixation brusque et définitive, une fixation à l’état 
statique; car une influence dynamique prolongée a déjà été 
exercée-par l’acide osmique agissant à tous les degrés de dilu- 
tion pour irriter les éléments; et finalement les cellules sont 
déjà mortes, sous cette influence que l’histologiste a introduite 
et qui est absolument étrangère à la normale. Cette méthode 
sera donc laissée de côté. 

Une autre s’offre à l'esprit de quiconque veut éviter les incon- 
vénients des précédentes méthodes, c’est-à-dire faire arriver à 
l'abri de l’air et d'emblée sur l’épithélium postérieur de la cor- 
née le réactif qui doit Le fixer. C’est l'injection du réactif dans la 
chambre antérieure. Cette méthode a été employée bien des 
fois par Knies, qui injectait le ferrocyanure de potassium, par 
M. Ranvier, qui se servait de nitrate d'argent, par Preiss, qui 
introduisait dans la chambre antérieure du perchlorure de fer. 
Ici encore, une cause d'erreur existe ; elle réside dans l’augmen- 
tation de pression que l’on produit par le fait de l'injection d'une 
certaine quantité de liquide, et qui n'est assurément pas sans 
influence sur la forme des éléments. On dira que l’on peut se 
contenter d’une pression modérée; mais alors on s’expose, si la 
chambre antérieure n’est pas un peu distendue, à ne pas baigner 
toute la surface postérieure de la cornée; et lorsque plus tard 
on détachera l’épithélium, on pourra avoir devant les yeux des 


360 A. PRENANT. 


régions qui n’auront pas été touchées, dès le début, parle réactif. 

J'ai donc renoncé encore à cette méthode, et je me suis arrêté 
à la suivante. L’œil étant rapidement énucléé, je le plonge dans 
le liquide fixateur, l’acide osmique, par exemple, et alors j'ouvre, 
dans le liquide même, et d'un coup de ciseaux rapide, la 
chambre antérieure de l'œil. De la sorte, à l'humeur aqueuse qui 
fait vivre les éléments jusqu'au dernier moment, je substitue 
brusquement, et sans changement de pression, l'acide osmique 
qui les tue. À la face postérieure de la cornée restent adhérents le 
cristallin et l'extrémité antérieure de la choroïde avec l'iris. J’en- 
lève le tout rapidement, la cornée étant toujours plongée dans le 
réactif, où elle reste un temps variable suivant les liquides em- 
ployés. Au bout de vingt-quatre heures, après action de la li- 
queur de Muller, de l'alcool au 1/3, par exemple, on pourra dé- 
tacher des lambeaux de membrane de Descemet revêtus de leur 
épithélium. On peut arriver au même résultat, lorsqu'on a mis 
en usage l’acide osmique, déjà deux heures après l’action de ce 
réactif; mais il vaut beaucoup mieux user du procédé que Do- 
giel a employé pour la rétine, et qui est excellent pour toute dis- 
sociation en général; il consiste, je le rappelle 1ci, après un sé- 


" 


jour de l’objet dans l’acide osmique à & comme liquide fixa- 
teur, à le placer pendant un temps quelconque dans le même 
agent à & ou plus faible, qui agit alors comme dissociant. 
Quant aux réactifs colorants, on peut s’en passer, et si l'on veut 
user de coloration, le picrocarminate d’ammoniaque m'a suffi le 
plus souvent; dans quelques cas j'ai employé cependant quelques 
matières colorantes dérivées de l’aniline, la fuschine, la vésu- 
vine. Les préparations ont été montées dans un véhicule aqueux, 
le plus souvent le liquide de Ripart et Petit, recommandé par 
Carnoy; il présente sur la glycérine les avantages que tout le 
monde reconnaît aux liquides conservateurs aqueux. Quelque- 
fois, et constamment après l’action du nitrate d'argent, la cor- 
née tout entière était montée dans le baume du Canada. 

La méthode de fixation par ouverture de la chambre anté- 
rieure dans le réactif même, bien qu’elle paraisse la meilleure, 
ne doit pas cependant être employée à l'exclusion des autres 
procédés; il ne faut pas perdre l’enseignement que d’autres mé- 
thodes, par cela même qu'elles sont imparfaites, peuvent four- 
nir. J'ai donc consigné, dans les expériences faites par les di- 


MORPHOLOGIE DES ÉPITIIÉLIUMS. 361 


vers procédés qui sont indiqués plus haut, les résultats obtenus, 
qui, comparés à ceux que donne une plus parfaite méthode, de- 
viennent instructifs. Ouvrir la chambre antérieure d’un œil abso- 
lument frais dans l’acide osmique même me semble la meilleure 
manière de faire. Cela n'empêche pas de tirer parti de l'emploi de 
l'acide osmique après la mort de l'animal, ou lorsque la chambre 
antérieure a été vidée. Cela n'empêche pas qu'il soit intéressant 
de remplacer l'acide osmique par d’autres agents fixateurs, peut- 
être moins bons. Tous ces essais doivent seulement être faits en 
connaissance de cause. Et je puis m étonner que certains auteurs 
qui ont éludié cette question n’aient pas paru se douter qu'en 
traitant un œil, même absolument frais, par une solution faible 
en ammoniaque de carmin ammoniacal, ils se sont mis dans le 
cas d'obtenir les plus fantastiques images. En somme je m'étonne 
que plusieurs auteurs, qui ont eu à examiner des éléments aussi 
délicats que ceux de l’épithélium de Descemet, aient eu d’em- 
blée confiance dans leur manière de faire et aient regardé sans 
scepticisme, comme l'expression exacte de la réalité, tout ceque 
leurs procédés leur faisaient voir. 

Avant d'exposer les faits que j'ai observés, je dois faire re- 
marquer que Je n'aipas toujours obtenu desrésultatsidentiques 
dans des conditions que j'avais cru rendre parfaitement iden- 
tiques. Je veux dire que, traitant par le même acide osmique et 
de la même façon, des yeux d'animaux de même espèce et sen- 
siblement du même âge (de jeunes pigeons, par exemple), j'ai 
observé des aspects qui étaient quelquefois assez différents les uns 
des autres. J'ai d’abord attribué ce fait à un vice d’expérimen- 
tation; en particulier j'ai pensé que la zone périphérique de la 
membrane de Descemet se trouvant masquée par l'iris, qu'on ne 
peut détacher qu'en quelques secondes au moins, ne se trouvait 
fixée par le réactif que ces quelques secondes plus tard, au lieu 
que la partie centrale de la membrane, étant immédiatement en 
contact avec le réactif, se trouvait fixée sur le champ. Les diffé- 
rences observées pouvaient alors tenir à ce que j'examinais tan- 
tôt les portions périphériques, tantôt la partie centrale de la 
membrane épithéliale. Cependant, là ne gît pas la cause de ces 
différences; car, observant sur un même œil le centre et la pé- 
riphérie de l’épithélium postérieur, et ayant répété cet examen 
sur plusieurs yeux, je n'ai pas vu de différences tranchées entre 


302 A. PRENANT. 


les deux régions. D'ailleurs, M. Ranvier a constaté que très di- 
vers étaient les aspects obtenus sur une même membrane épi- 
théliale, traitée par le nitrate d'argent ; de mon côté, 1l n’est guère 
de préparations que j'aie faites, quine me montre ici telle image, 
et un peu plus loin telle autre; une cellule étant conformée 
d’une façon, sa voisine peut l'être d’une autre. Il est évident, ce- 
pendant, que, dans ces cas, le réactif a dû agir de la même ma- 
nière sur uneétendue de quelques centièmes de millimètre carré. 
Et je serais beaucoup plus tenté d'attribuer les différences en 
question à la manière variée dont les cellules réagissent vis-à-vis 
du fixateur employé. C’est qu’en effet toutes les cellules d'une 
surface épithéliale ne sont pas du même âge. Presque tous les 
auimaux dont je me suis servi étaient jeunes, et par conséquent 
leur membrane de Descemet était en voie d'accroissement plus 
ou moinsrapide, suivant leur âge. Un certain nombre d'éléments 
cellulaires avaient été récemment formés, soit par multiplica- 
tion des cellules déjà existantes, comme les recherches de 
Evetsky tendraient à le faire supposer, soit par fixation et trans- 
formation de cellules lymphatiques. C’est peut-être ainsi qu'on 
pourrait expliquer aussi ce fait, observé par M. Ranvier, et que 
j'ai pu constater surtout après le traitementàla liqueur de Müller, 
que certains noyaux épithéliaux se colorent énergiquement sous 
l'influence du picrocarminate, tandis que d’autres prennent très 
peu la coloration. 


Dans l’exposé des faits qui va suivre, je procéderai à peu près, 
mais non pas d’une façon rigoureuse, suivant les réactifs que j'ai 
employés et leur mode d'emploi; je me placerai done au point 
de vue technique. 

Lorsqu'on fait agir l'alcool au 1/3 en plongeant dans ce réactif 
un œil tout entier, comme on le fait le plus souvent pour tout 
organe, on observe que les cellules de la membrane épithéliale 
de Descemet sont beaucoup plus éloignées les unes des autres 
qu’ellesle paraissent, quand onles examine aprèsl’action d'autres 
réactifs ou bien quand on les voit dans l’eau; elles ont donc di- 
minué de volume ; elles paraissent être revenuessur elles-mêmes. 
Sur une membrane de Descemet du pigeon, j'ai obtenu l'aspect 
indiqué par M. Ranvier « de lambeaux cellulaires frangés cousus 
les uns aux autres. » 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUNS. 363 


Sur deux veux de chat nouveau-né, dans la chambre antérieure 
de l’un desquels l'alcool au 1/3 avait été injecté, tandis que la 
chambre antérieure de l’autre avait été ouverte dans le réactif 
même, l'aspect était tout différent de celui qui vient d’être décrit. 
Les cellules étaient en contact par toute l'étendue de leurs bords; 
seulementla quantité de protoplasma qui entouraitchaque noyau 
était plus ou moins épaisse suivant les endroits; de la sorte, si 
d’un côté du noyau, elle avait réellement l'air d'une zone proto- 
plasmique de la cellule, d’un autre côté elle était si mince qu'elle 
semblait une membrane, et que le noyau paraissait de ce côté 
absolument marginal. On observait également que sur ce jeune 
animal la forme des cellules était très irrégulière; si l’on y ajoute 
la grosseur du noyau et le peu de largeur de la zone protoplas- 
mique, on aura les principaux caractères des cellules jeunes. Ces 
éléments étaient ou tout au moins paraissaient bien fixés par 
l'alcool au 1/3 agissant dans les conditions que je viens de dire, 
tandis qu'ils étaient évidemment déformés à la suite de l'im- 
mersion d’un œil entier dans le même réactif. Seulementles ani- 
maux n'étaient pas les mêmes; il se peut que les cellules épithé- 
liales de Descemet soient plus altérables chez le pigeon que chez 
le chat. Mais il y a surtout là, je crois, l'influence de l’âge à noter 
car j'ai pu constater, après l’action de l'alcool au 1/3 comme après 
celle des autres réactifs, que chez les animaux jeunes la défor- 
mation est moins facile que chez les adultes. 

Je ne veux pas quitter l'alcool au 1/3 sans signaler une dis- 
position que j'ai observée, à la suite de ce réactif, chez le chat 
nouveau-né, dans les préparations dont j'ai parlé plus haut etque 
j'ai retrouvée sur l'épithélium postérieur de la cornée d’un fœtus 
humain âgé de 5 mois environ, traité par l’acide osmique à ; à 
peu près 10 heures après la mort. La préparation de chat nouveau- 
né traitée à l'alcool au 1/3 avait été colorée au vert de méthyle; 
celle de fœtus humain soumise à l'acide osmique fut colorée au 
picrocarminate. C’est cette dernière préparation que je décrirai 
et c’est celle qui est représentée dans la figure 3. Au milieu de 
cellules épithéliales fixées par l’acide osmique dans une forme 
polygonale, et juxtaposées sans intervalles intercellulaires, se 
trouvent des corps réfringents étoilés et colorés, envoyant des 
prolongements entre les cellules épithéliales. Ces corps n'étaient 
pas des vides, mais bien des réalités histologiques, et cela pour 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, = T, XXII (1886). 25 


361 À. PRENANT, 


plusieurs raisons : 4° ils avaient une réfringence qui n’était pas 
celle qu'eût montrée de l'air interposéentreles cellules épithé- 
liales ct ayant pris la place de cellules disparues ; ® ils se colo- 
raient un peu, mais pas en rose franc dans la préparation traitée 
par le picrocarmin ; mais dans celle où le vert de méthyle avait 
agi, ils avaient une franche coloration verte; 3° dans les lam- 
beaux épithéliaux qui constituaient ces deux préparations se 
trouvaient des brisures; le long de ces fissures, les corps en 
question se voyaient avec une individualité propre. Ce n’étaient 
pas davantage des lambeaux de la membraneanbhiste de Desce- 
met, car dans ces deux préparations l’épithélium seul avait été 
détaché, et nulle part on ne voyait de lambeaux de membrane, 
dénudés de leur revêtement épithélial, comme je l’ai vu facile- 
ment toutes les fois que la membrane amorphe avait été enlevée 
en même temps que l'épithélium. S'agit-il ici d'éléments sem- 
blables à ceux que Stricker et Norris ont décrit en même temps 
que les cellules épithéliales ordinaires, et au milieu d'elles? 
S'agit-il d'éléments Iymphatiques migrateurs? Je serais assez 
tenté de le croire en raison de la ressemblance que ceséléments 
présentent avec les cellules migratives qui viennent mourir dans 
la mœælle de sureau placée sous la peau du dos d’une grenouille 
et s’y présentent déformées, avec des aspects réfringents et irré- 
gulièrement étoilées. Ce n’est là, bien entendu, qu'une simple 
hypothèse, que cette ressemblance me suggère (1). Je n'insiste- 
rai d'ailleurs pas sur cette question qui ne rentre pas précisé- 
ment dans le sujet qui m'occupe. | 

J'ai dit plus haut m'être servi d'un réactif très recommandé 
dans ces dernières années, l'acide nitrique à #. Ce réactif n’a pu 
être utile ici, car il désagrège les cellules épithéliales, les fait 
tomber, de sorte qu’il est très difficile d'en observer qui soient 
réunies en un lambeau suffisamment grand pour permettre l’exa- 
men de leurs rapports réciproques. Néanmoins dans de toutpetits 
fragments j'ai pu en voir assez pour me convaincre que les cel- 
lules avaient l'aspect que j'ai signalé après l'action de l'alcool 
au 1/3 sur l'œil entier; ce réactif ne fixe donc pas bien les élé- 
ments de l'épithélium de Descemet. 


(1) I peut enfin être ici question de cellules d'âge différent; des observations seront 
indiquées plus loin, où j'ai retrouvé des cellules d'aspect réfringent analogue, mais 
moins marqué, , 


MORPIHOLOGIE DES ÉFITIÉLIUMS. 365 


A yant opéré sur un œil de pigeon comme Preiss l'a indiqué, 
c'est-à-dire après avoir injecté comme liquide fixateur du per- 
chlorure de fer dans la chambre antérieure, laissé ce liquide 
deux heures en contact avec l’épithélium, pour le traiter ensuite 
par le ferrocyanure de potassium, et colorer ainsi en formant du 
bleu de Prusse, j'ai obtenu un aspect très semblable à celui que 
cet auteur indique et qu'il représente dans sa figure 1. J'ai vu 
les cellules écartées les unes des autres, avec des noyaux très 
apparents jaunâtres, et des espaces intercellulaires ménagés entre 
les cellules écartées, et parcourus par des ponts iIntercellulaires 
qui unissent les cellules entre elles. Seulement les précipités de 
bleu de Prusse qui couvrent çà et là l’épithélium gênent beau- 
coup l'examen et on ne peut complètement les enlever, sous peine 
de détacher l'épithélium qui leur adhère. Je dois ajouter qu'en 
employant cette méthode, il m'est arrivé, ainsi que Preiss l’a 
déjà vu de fixer les éléments de telle soric que leurs contours 
polygonaux apparaissent comme après l'emploi d’une solution de 
nitrate d'argent à =. 

L'opération inverse, c’est-à-dire la fixation par le ferrocyanure 
et la coloration par l'addition ultérieure de chlorure ferrique a 
abouti au résultat suivant. Les cellules formaient ce réseau de 
cellules frangées et cousues bout à bout, dont il a été plusieurs 
fois déjà question. | 

J'ai essayé le sublimé corrosif, suivant la formule de Lang 
(que donne le traité d'anatomie comparée de C. Vogt et Yung), 
sur les yeux de chats nouveau-nés, par ouverture directe de la 
chambre antérieure dans le liquide; j'ai obtenu des résultats. 
identiques à ceux que m'a fournis l'acide osmique; et la liqueur 
de Lang peut donc compter parmi les bons fixateurs. Toutefois, 
comme elle n’a pas été essayée sur des yeux adultes, ou à peu 
près, il faut être en garde contre ce fait que les membranes épi- 
théliales de Descemet sont moins altérables chez les animaux 
jeunes, et par conséquent plus facilement fixées. 

J'arrive à la liqueur de Muller. J'ai examiné l’épithélium pos- 
térieur cornéen chez un lapin albinos, dont l’œil avait été plongé 
tout entier dans la liqueur de Muller, et qui y était resté un 
mois environ. Avec cette cornée, j'ai fait deux préparations; 
l'aspect était un peu différent dans l’une et dans l'autre. Dans 
l’une se voyait un réseau; les cellules étaient unies par des pro- 


366 À. PRENANT. 


longements épais et réfringents, et émeltaient çà et là des 
pointes, les espaces intercellulaires étaient très larges, moins 
larges cependant qu’une cellule, ce qui ne permettait pas de les 
attribuer à la chute d’une cellule épithéliale (fig. 1). 

Quant à l’autre préparation (fig. 2), en mettant au point pour 
la surface postéricure du revêtement épithélial (celle qui est 
tournée vers l'humeur aqueuse), on voyait des lignes sinueuses, 
contours de cellules épithéliales assez intimement juxtaposées et 
rappelant un peu le dessin en jeu de patience d’un épithélium 
lymphatique; çà et là les traits s’épaississaient un peu tout en 
restant sombres (2 A). En abaissant l'objectif, on voyait l'aspect 
changer, et l’on se trouvait en présence d’une membrane épi- 
théliale perforée; de larges espaces intercellulaires séparaient 
les éléments qui à travers ces espaces étaient reliés les uns aux 
autres par des prolongements courts et assez déliés (2 B). Cette 
observation a trait à la différence dont seraient agencées, suivant 
certains auteurs, les parties superficielle et profonde de la cel- 
lule (c’est-à-dire celle qui est baignée par l'humeur aqueuse et 
celle qui est en contact avec les membranes de Descemet), par 
rapportaux portions correspondantes des cellules voisines. Preiss 
a soutenu que, lorsque les cellules se rétractent, pour laisser 
entre elles des espaces stomatiques, c’est par leur partie pro- 
fonde qu'elles le font tout d’abord; la rétraction et par suite la 
formation d’espaces intercellulaires ne se montrerait à la super- 
ficie tournée vers la chambre antérieure, que lorsque la rétrac- 
tion serait à un stade plus avancé. L'observation que j'ai faite 
viendrait à l’appui de cette opinion de Preiss. Swaen au con- 
traire avait avancé, en se fondant sur des aspects obtenus à l’aide 
du nitrate d'argent, que la rétraction des cellules se fait dans 
leur portion postérieure d’abord, tandis que les parties anté- 
rieures de ces cellules, restant étroitement juxtaposées, forment 
une membrane continue appliquée sur la membrane de Desce- 
met, et ne laissant voir aucun interstice cellulaire. A propos 
d'autres préparations, je reviendrai sur cette question. 

Un œil de chat nouveau-né étant ouvert dans la liqueur de 
Muller même, on obtient des résultats autres. Outre les corps 
irrégulièrement conformés, dont j'ai parlé plus haut à propos 
de l’alcool au 1/3 et de l’acide osmique, indépendamment de 
la plus forte coloration de certains noyaux sous l'influence du 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS, 367 


picrocarmin, tandis que d’autres étaient à peine teintés, ce qu'il 
y avait dans ces préparations de remarquable, c'était l'aspect 
uniformément granuleux du protoplasma cellulaire dans lequel 
les noyaux étaient plongés;, la disposition était à peu près celle 
que j'ai déjà signalée chez le chat nouvé-né à la suite de l’ac- 
tion de l’alcool au 1/5. 

L'observation de cette préparation, où l’on a tant lieu decroire, 
d’après l’aspect des éléments, que la fixation avait été bien faite, 
: peut faire penser que le liquide de Muller, appliqué dans des 
conditions convenables, peut se comporter en excellent réactif. 
Cependant, il ne faut pas oublier qu'iles’agit ici d'un animal 
jeune, dont l’épithélium de Descemet, je le répète, se fixe mieux 
que celui des adultes. De plus, je ne dois pas omettre de dire 
que, sur une préparation faite par le même procédé, j'ai toute- 
fois observé un aspect réticulé du protaplasma, qui s’est montré 
également à la suite de l'acide osmique agissant après écoule- 
«ment de l'humeur aqueuse, c’est-à-dire dans de mauvaises con- 
ditions, et qui par conséquent diminue un peu la valeur du li- 
quide de Muller comme liquide fixateur. J'aurai à revenir sur 
ces préparations, quand je parlerai de l'acide osmique. 

J'arrive à deux réactifs beaucoup plus importants que les pré- 
cédents : le nitrate d'argent et l’acide osmique. Je commencerai 
par ce dernier, qui m'a surtout servi dans ces recherches, et je 
rappellerai que je l'ai fait agir de diverses façons : directement, 
la chambre antérieure étant ouverte dans le réactif; par injection 
dans la chambre antérieure; après ouverture à l'air de la 
chambre antérieure et l'écoulement de l'humeur aqueuse; après 
la mort de l'animal et probablement la mort des éléments anato- 
‘miques. Je rappellerai aussi que telle manière de faire ne m'a 
pas donné des résultats toujours les mêmes, et que d’autre part 
tel modus faciendi m'a fourni souvent les mêmes aspects que tel 
autre. La question est donc complexe, les résultats ayant-été, 
contre monattente, très diversifiés dans les mêmes circonstances, 
et s'étant présentés comme indépendants, jusqu'à un certain 
point, des conditions de l'expérience. 

C’est ainsi que, voulant examiner si l'influence de la mort des 
éléments épithéliaux de Descemet et la maladie qui la précède 
naturellement étaient ou non suffisantes à la production des ponts 
et des espaces intercellulaires, j'ai utilisé une cornée de fœtus 


368 À. PRENANT. 


humain dont j'ai parlé déjà à propos des corps particuliers qu’elle 
présentait. Les cellules de Descemet de cette cornée se montrent 
sous une forme parfaitement régulière et polygonale (fig. 3); et 
cependant la préparation fut faite dix heures après la mort de 
ce fœtus qui avait environ six mois. L'âge serait une explication 
possible, si je n’avais obtenu ailleurs des résultats un peu con- 
tradictoires. Il s’agit de l’observation d'une membrane épithé- 
liale de chat nouveau-né, six heures environ après la mort de 


l'animal, et à une époque où je pouvais supposer que les élé- 


ments épithéliaux avaient cessé de vivre. À ce moment, j ouvris 
l'œil dans l’acide osmique, et je remplaçai l'humeur aqueuse, 
qui avait été conservée, par le réactif. L'autre œil avait été di- 
rectement et immédiatement traité par l'acide osmique. Dans 
l’épithélium du premier de ces yeux (fig. 16), on voit des élé- 
ments de forme variée, dans lesquels le noyau ne se distingue 
pas bien du protoplasma, et qui sont pourvus d'un nucléole. Le 
fait que ces corps étaient colorés tout entiers par le picrocarmin 
donne à penser qu'ils étaient formés tout entiers par le noyau, et 
que le protoplasma se trouvait ailleurs. En effet, la lame proto- 
plasmique très mince (il s'agit d'éléments jeunes) qui sur 
l’autres préparations se montre entourant le noyau, chez le chat 
nouveau-né, se trouve ici, Je crois, représentée en totalité, ou 
peu s’en faut, par ces tractus d’une réfringence spéciale, qui, 
véritables ponts anastomatiques, unissent les cellules entre 
elles. 

Ayant attendu six heures après qu'un pigeon fut mort, pour 
Jui prendre ses yeux, et les traiter par l’acide osmique, et deux 
préparations ayant été faites, avec chacun de ces deux yeux, 


j observais que dans l’une d'elles la plupart des cellules étaient . 


tombées. La plupart de celles qui étaient restées en place étaient 
écartées les unes des autres, rétractées, ratatinées, comme à peu 
près cela est représenté par la figure 12, qui est une membrane 
épithéliale de grenouille traitée par le nitrate d'argent solide. 
Les éléments cellulaires n’y étaient pas individualisés; leurs 
protoplasmas étaient confondus en une masse dans laquelle les 
noyaux étaient plongés. Cette préparation ressemblait ainsi 
presque complètement à celle qui est représentée par lafigure 4, 
et qui appartient au chat nouveau-né. Ainsi donc, j'ai obtenu 
des résultats très divers sur deux membranes épithéliales de 


MORPIOLOGIE DES ÉPITIHÉLIUMS. 369 


Descemet tirées des yeux d’un même animal, et ayant été traitées 
de la même façon. 

Dans d’autres essais, sur des yeux d'animaux ayant depuis 
longtemps déjà cessé de vivre, j'ai eu sous les yeux des images 
très différentes, alors que j’espérais le contraire. Cette diversité 
des résultats me paraît le trait le plus caractéristique des obser- 
vations faites dans ces conditions, c’est-à-dire après la mort de 
l'animal. 

Je n’ai fait que peu d'essais avec l’acide osmique injecté dans 
la chambre antérieure ; car l’ouverture de la chambre antérieure 
dans le liquide m'a paru dès le début une méthode plus parfaite. 
À la suite d’une injection d’acide osmique dans la chambre an- 
térieure du cobaye,et de la coloration par le picrocarmin de l’épi- 
thélium cornéen supérieur, voici ce qui se présentait : un réseau 
de substance protoplasmique limitant des espaces polygonaux 
arrondis, à l’intérieur desquels se trouvaient les noyaux (fig. 20). 
Les noyaux n’occupaient pas tout l’espace, de sorte qu'entre leur 
periphérie et le réseau de protoplasma se trouvait un « espace 
périnucléaire. » Examinant à l’aide d’un grossissement assez 
fort le réseau protoplasmique, on le voit en certains endroits 
formé de substance grenue; les granulations assez grosses sont 
disposées sans aucun ordre; c’est ce que l’on pourrait appeler 
protoplasma à arrangement diffus ou plus simplement proto- 
plasma diffus. En d’autres points de ce réseau, les granulations 
se disposaient en séries radiaires autour du noyau cellulaire 
comme centre, on pourrait dire ie : protoplasma à arrangement 
sérié, brièvement protoplasma sérié, En d’autres points encore 
de la même préparation, les séries rayonnantes de granulations 
protoplasmiques sont remplacées par de petits bâtonnets réfrin- 
gents rangés les uns à côté des autres normalement à la surface 
du noyau, on peut penser que ces bâtonnets se sont constitués 
par soudure des granulations qui appartiennent à une même file 
radiale; et cette idée est pleinement justifiée par la présence de 
tous les intermédiaires entre le protoplasma ayant la précédente 
disposition, et celui-ci; c’est cette fois un protoplasma bacillaire. 
D'ailleurs, dans les endroits de la préparation où cette structure 
du protoplasma, nettement bacilliforme et radié, est bien mar- 
quée, on peutavec un faible grossissement même constater cet as- 
pect radié qui dessine des figures très élégantes. Ainsi voilà une 


370 À. PRENANT. 


préparation qui fait voir trois arrangements différents du proto- 
plasma qui se sont succédés l'un à l’autre. 

Prenons à présent la série des observations qui ont été faites, 
la chambre antérieure étant intacte ou ayant perdu son humeur 
aqueuse, au moment où l'acide osmique a été en contact avec 
l’épithélium de Descemet. | 

Je parlerai tout d'abord des cas où les unités épithéliales, dis- 
tinctes avec des contours polygonaux, ou bien confluentes en une 
nappe protoplasmique où des noyaux étaient nichés, étaient 
constitués toujours par un protoplasma à granulations éparses. 
Mais auparavant je rappelle que ce n’est pas l'acide osmique seul 
qui m'a fourni ces aspects, mais que je les ai obtenus par d’autres 
réactifs, tel que l'alcool au 1/3, la liqueur de Lang, le liquide 
de Muller, sur des animaux jeunes, il est vrai, et à condition que 
la chambre antérieure soit ouverte dans le réactif même. 

De semblables aspects m'ont été fournis par l'acide osmique 
chez le chat nouveau-né, dans une préparation représentée par la 
figure 4. On n'y distingue pas les contours des cellules épithé- 
liales; on serait tenté de parler de couche protoplasmique for- 
mant réseau dans les mailles duquel seraient les noyaux cellu- 
laires ; et cependant la figure 5 représente l'épithélium de l’autre 
œil de ce même petit chat imprégné d'argent. 

Sur un épithélium d’un autre chat nouveau-né j'ai observéle 
même fait. Comme cette observation ne saurait être séparée 
d'autres que j'ai faites avec divers réactifs sur six petits chats de 
la même portée, j'indiquerai aussi les résultats que m'ontfourni 
ces différents réactifs; je laisserai seulement pour plus tard le 
nitrate d'argent. 

L’acide osmique à —, la liqueur de Muller, la liqueur de Lang, 
l'alcool au 1/3 employéssuivant la méthode que j'ai recomman- 
dée, m'ont offert tous à peu près ce qui est figuré en (4). En em- 
ployant l'acide osmique, non plus immédiatement, mais sur une 
cornée dont la face postérieure était restée une demi-minute en- 
viron à l'air, l'humeur aqueuse s'étant écoulée, j'ai observé 
d’abord un aspect différent de celui que l'application directe de 
l'acide osmique faisait voir, et ensuite des images variées suivant 
les points de la membrane épithéliale que j'examinais. Ayant 
pris sur cette cornée en différents points les lambeaux d’épithé- 
lium, je dois dire néanmoins que l’un d'eux me montra un pro- 


MORPIIOLOGIE DES ÉPITHÉLUMS. srÉ 


toplasma avec arrangement diffus des granulations, c’est-à-dire 
ce que la fixation par l'acide osmique à l'abri de l'air m'avait 
fait voir. En un autre lambeau, le protoplasma était constellé de 
vacuoles assez nombreuses, ou, ce qui revient au même, ce pro- 
toplasma se montrait réticulé ; les vacuoles que ce délicat réseau 
limitait étaient-elles réellement des vides, ou bien n’étaient-elles 
que des régions contenant une substance pâle et peu abondante, 
c’est ce que je ne puis dire. Le réticulum était plus ou moins ac- 
centué, suivant les points de la préparation, et quand il était bien 
net, il semblait évident aussi que c’étaient de véritables vacuoles 
qu'il entourait (fig. 18). Çà et là on voyait ce réticulum recouvrir 
comme d’un filet le noyau de la cellule; on pouvait voir aussi un 
semblable réticulum entourer un espace vide, d’où le noyau était 
évidemment torabé, n'étant plus maintenu, comme un verre de 
lampe dans sa griffe, par le réticulum attaché surlut, mais qui 
s’en est écarté dans le cas dont ilest ici question. Une autre por- 
tion enfin de la même membrane offrait de véritables réseaux, 
dont chaque maille-contenait un noyau ou devait en avoir con- 
tenu ; car le noyau avait disparu de plusieurs de ces espaces. Il 
semblait que dans ce cas où la maille était vide, on avait affaire à 
l’exagération du précédent processus, que les filaments d'attache 
du réticulum sur le noyau s'étant rompus, il restait un anneau de 
substance réticulée tout autour de la loge nucléaire, cet anneau 
se contractant, se resserrant dans le sens de son épaisseur, l’es- 
pace nucléaire avait été agrandi, et le noyau libre ainsi de toute 
adhérence avec le protoplasma, logé ensuite dans une cavité trop 
grande pour lui, en avait été facilement expulsé lors des mani- 
pulations que la préparation avait subies. D'ailleurs, à l'appui de 
fait qu'autour des cavités nucléaires d’où le noyau était tombé, 
il s'était fait un travail de resserrement de la portion du réseau 
protoplasmique qui limitait cette cavité, il y avait à faire cette re- 
marque. Les portions de réseau entourant un espace que le 
noyau remplissait encore presque complètement, sauf dans une 
mince fente périnucléaire, avaient presque l’aspect granuleux 
ordinaire du protoplasma. Au contraire, les portions de réseau 
quientouraient des cavités d’où le noyau s'était échappé, offraient 
un aspect réfringent tout particulier, qui était, mais fortement 
exagéré, celui des travées du réticulum dont il a été fait men- 
tion plus haut; de la sorte certains espaces nucléaires semblaient 


372 À, PRENANT. 


limités par un réseau de trabécules très réfringentes et de forme 
cylindroïde (fig. 17) (1). 


Pour achever ce qui est relatif à la description de cette série de 


préparations qu’il est intéressant de comparer, puisqu'elles ont 
toutes été faites avec les yeux de chats de la même portée, je 
rappellerai que, l'acide osmique étant employé six heures après 
la mort de l'animal, j'ai obtenu l'aspect d'éléments unis les uns 
aux autres par de courts ponts anastomotiques que l’on peutregar- 
der comme formés du protoplasma cellulaire qui tout entier ou 
presque tout entier à été utilisé pour leur constitution. 

Je laisserai de côté et remettrai à leur véritable place Les pré- 
parations au nitrate d'argent faites avec ces mêmes petits chats. 

Je passe à présent à l'examen de préparations obtenues par la 
même méthode, l'ouverture de la chambre antérieure dans l’acide 
osmique, sur un autre animal, le cobaye. J'ai signalé déjà cer- 
taius résultats fournis par une injection d'acide osmique dans la 
chambre antérieure de cet animal; j'ai parlé d’aspects divers du 
protoplasma, d’arrangement diffus, sérié, bacillaire. Sur les 
préparations dont il est maintenant question, on voyait, à un 
faible grossissement, les cellules comme des soleils; autour du 
noyau de chacune d'elles s’étendaient des strics radialement di- 
rigées. À un grossissement fort {Verick, oc. 2, ob]. 9 immersion) 
on pouvait se convaincre que l’arrangement bacillaire et radié 
du protoplasma n'existait pas tout autour du noyau, dans toute 
l'étendue du protoplasma; dans une cellule donnée, il ne se mon- 
trait qu’en un point assez restreint du protoplasma fig. 7 A). 
Sur une seule cellule on pouvait de plus observer tous les pas- 
sages, depuis la disposition diffuse jusqu'à l'arrangement ba- 
cillaire, en passant par l’état sérié des granulations protoplas- 
miques. Je mentionnerai, en passant, que j ai obtenu les mêmes 
aspects chez le pigeon. En certaines cellules de l’épithélium du 
cobaye, on voyait partir de la région centrale de la cellule cor- 
respondant au noyau, des filaments situés plus superficiellement 
que le noyau, très grêles d’abord, puis s'épaississant ensuite de 
plusen plus à mesure qu'ils se rapprochaient, dans leur trajet ra- 


(1) I est à remarquer dans la figure 15 que le protoplasma cellulaire avait pris ce 
même aspect réfringent le long des fissures (f), c’est-à-dire là où la continuité de l'épi- 
thélium ayant été rompue, le protoplasma s'était trouvé en contact avec un milieu 
anormal, 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHELIUMS, d'a 


dié, mais légèrement sinneux, de la périphérie de la cellule; ces 
filaments, de plus, se relevaienttoujoursdavantage,à partir deleur 
origine centrale, si bien qu’arrivant aux confins de la cellule ils 
se présentaient en coupe optique, comme des grainsréfringents, 
De la sorte, les limites cellulaires étaient indiquées par une ligne 
de grains irrégulièrement distribués, qui n'étaient autres que les 
coupes optiques des bâtonnets ou filaments du protoplasma. De 
plus, sur beaucoup de cellules, le noyau avait une sorte de hile, 
et cette dépression paraissait due à une traction que les filaments 
protoplasmiques avaient exercée sur Jui (7 A). Enfin, je ne dois 
pas omettre de dire que le noyau était séparé du protoplasma par 
un espace vide, clair, espace périnucléaire, que traversaient les 
filaments radiés, en apparence du moins. Car ceux des filaments 
qui semblaient traverser l’espace périnucléaire étaient superfi- 
ciels, appartenaient à une lame mince de protoplasma superfi- 
ciellement placée ; ils ne paraissaient s'étendre à travers l’espace 
périnucléaire que parce que celui-ci se présentait en coupe op- 
tique au-dessous d'eux. Lorsqu'un vide existait autour du noyau, 
je n’ai jamais pu voir d’une façon nette qui me permette d’affir- 
mer le fait, les filaments du protoplasma (pas plus d’ailleurs que 
les autres formes du protoplasma) prendre insertion surle noyau, 
émanant de lui pour ainsi dire, et traversant ensuite l’espace pé- 
rinucléaire se continuer dans le protoplasma. Toute continuité 
de substance entre le noyau et le protoplasma a été rompue par 
la formation d'un espace périnucléaire. On peut, et c’est ce que 
plusieurs auteurs ont fait, injecter cet espace, et montrer alors 
qu'ilse continue tout autour du noyau sans aucuneinterruption. 

Avant de passer aux faits intéressants que nous donne l'ob- 
servation de la membrane épithéliale de Descemet, chez le pi- 
geon, je veux rendre compte en quelques mots des résultats ab- 
solument inattendus que j'ai obtenus sur des embryons de pou- 
let du douzième jour de l’incubation. Je ne voulais pas faire le 
développement de l’épithélium de Descemet, lorsque j'ai cher- 
ché à l’observer sur ces embryons. J'avais simplement pour but 
de voir si, sur ces épithéliums très jeunes, je ne constaterais pas 
une fois de plus, et ici mieux que partout ailleurs, la difficulté 
que les épithéliums de Descemet jeunes témoignent à effectuer 
celte transformation dans leur agencement, qui produit les es- 
paces et les ponts intercellulaires. Eh bien, alors que les yeux 


374 A. PRENANT. 


de ces embryons {qui d’ailleurs étaient plein de vie et de mou- 
vement), ont été ouverts dans l'acide osmique, qu'il n'y avait pas 
de cause d'erreur possible tenant à un défaut de fraîcheur des 
membranes, ou à une fixation défectueuse, alors que, d’après 
ce que j'avais vu déjà sur les membranes très jeunes, je m'’at- 
tendais à obtenir une couche protoplasmique granuleuse avec 
noyaux inclus, j ai vu (fig. 8 À) ce que m'avait donné l’épithé- 
lium de Descemet du chat nouveau-né, fixé par le réactif, six 
heures après la mort de l'animal, et (fig. 8 B) ce même aspect 
paraissant exagéré. Si la figure 8 À me semble due au même mé- 
canisme qui a produit l'épithélium de chat nouveau-né repré- 
senté en (16), et devoir comporter la même interprétation, je 
suis beaucoup plus embarrassé pour expliquer la figure 8 B. 
Car on y voit eu certains points des espaces vides entourer le 
noyau; ce sont des espaces périnucléaires agrandis évidemment; 
ces espaces se prolongent dans l'épaisseur même, semble-t-il, 
d'un fllamentintercellulaire, pont anastomotique de protoplasma 
qui unit à distance deux éléments voisins, et qui n'est que le 
pont intercellulaire allongé de la figure 8 A; c'est cette fissura- 
tion longitudinale des filaments anastomiques par des diverti- 
cules partis de l’espace périnucléaire qu'il est assez difficile de 
comprendre. J'ai tenu à ne pas laisser de côté ces résultats, bien 
qu'ils aboutissent à infirmer la proposition que j'avais mise eu 
avant, au sujet des épithéliums de Descemet jeunes et de la dif- 
ficulté qu'ils montrent à se modifier. 

Les pigeons Jeunes, mais adultes, sont avec les chats nou- 
veau-nés, les animaux que j'ai eu le plus souvent à ma dispo- 
sition. 

J'ai d'abord observé sur Jeur épithélium cornéen postérieur 
l'aspect, plusieurs fois décrit déjà, de soleils cellulaires ; autour 
du noyau est un espace mince; en dehors se trouve une zone 
annulaire de protoplasma à petits bâtonnets radiés. Dans un cas 
il y avait ce fait à remarquer que les bâtonnets s’étendaient 
d’un espace périnucléaire à celui de la cellule voisine, en droite 
ligne, et que vers le milieu de leur parcours, c'est-à-dire au 
point où devait se trouver la limite des deux cellules voisines, 
chaque bâtonnet était recflé en un petit nodule , en un grain. 
On se rappelle quelle était l'interprétation qui résultait nécessai- 
rement de la considération de la figure 20 où chez le cobaye un 


MORPHOLOGIE DES ÉPITIHÉLIUMS. 375 


aspect analogue avait été trouvé. Ce qui existe ici fait penser à 
autre chose, mais je n’anticipe pas, et reporte à plus tard l’ex- 
plication possible du fait qui se présente ici. 

Une des observations les plus intéressantes peut-être que j’ai 
faites est celle-ci. J'ai ouvert dans l'acide osmique la chambre an- 
térieure de l’œil d’un pigeon, tandis que celle de l’autre œil l’était 
à l'air libre, et qu’ainsi l’acide osmique n’agissait qu'après écoule- 
ment de l'humeur aqueuse. Dans les deux cas, les résultats ont été 
sensiblement les mêmes. Mais s’ils manquent d'intérêt à ce point 
de vue de la comparaison des manières dont le réactif fixateur 
peut être employé, ils offrent une disposition importante, qui 
autorise à interpréter les ponts et espaces intercellulaires d’une 
certaine façon. Dans l’œil dont l'acide osmique seul avait touché 
l’épithélium de Descemet, les noyaux cellulaires étaient évidents, 
délimités par un espace périnucléaire très étroit (fig. 6 C). Un 
protoplasma granuleux régnait autour de cet espace; mais un 
grand nombre des grains de ce protoplasma étaient doués d’une 
réfringence toute spéciale. Des bâtonnets assez épais émanaient 
de ce protoplasma qui, traversant un espace intercellulaire par- 
venaient jusqu’au protoplasma des cellules voisines ; ces bâton- 
nets partaient d’une de ces granulations réfringentes dont il 
vient d’être question et qui pourraient bien être leurs coupes 
optiques. Enfin, et c’est là ce qui est surtout intéressant, un cer- 
tain nombre de bâtonnets, au lieu d’être cylindriques et de dia- 
mètre sensiblement le même dans toute leur longueur, étaient 
moniliformes, se constituaient d’une série de granulations très 
réfringentes placées bout à bout; souvent, comme le montre la 
figure, ces chaînes partaient d’une petite saillie de protoplasma 
ordinaire. Les bâtonnets n'avaient pas tous au même degré cette 
structure ; mais il était facile de se convaincre, à l’aide de gros- 
sissements forts et d'un condensateur, que tous la présentaient, 
très atténuée, 1l est vrai, dans un grand nombre d’entre eux. 
Tous ces bâtonnets, moniliformes-ou non, n’arrivaient jamais 
cn réalité jusqu'au noyau; si on pouvait les croire venant se 
fixer sur lui, ce n était qu'une apparence; tous restaient en de- 
hors de l’espace périnucléaire ; aucun ne le traversait. 

Il y avait le même aspect général sur la membrane épithéliale 
que l'air avait pu influencer; mais il existait quelques différences. 
Le noyau n'était pas visible; il ne faisait qu’une masse avec le 


376 A, PRENANT. 


protoplasma, masse constellée de grains ressemblant à des mi- 
crobes, et qui ne semblaient plus être, comme dans le cas pré- 
cédent, la coupe optique des bâtonnets, car ils étaient d’un dia- 
mètre supérieur à celui que cette coupe optique aurait eu. Les 
espaces intercellulaires étaient sillonnés en tous sens de bâton- 
nets dont un grand nombre présentaient franchement l'aspect 
moniliforme. 

Dans d’autres préparations j'ai retrouvé cet aspect monili- 
forme des filaments intercellulaires anastomotiques, représenté 
dans la figure 14. Cette figure reproduit l’état d’une région épi- 
théliale assez limitée d’une préparation qui ailleurs donnait 
l'image figurée en 13. Entre ces deux états qui paraissent très 
éloignés l’un de l’autre, et qui le sont, je crois, en réalité, pa- 
raissaient exister cependant des intermédiaires. Le dessin nu- 
méro 43 montre un protoplasma cellulaire divisé en bâtonnets 
radiés, mais irréguliers; ces bâtonnets ne paraissent pas formés 
d'une façon active, mais paraissent bien plutôt le résultat de la 
fissuration radiale du protoplasma. Les noyaux sont entourés 
d'espaces périnucléaires; et l’on peut voir, en certains points, 
un espace communiquer avec un espace périnucléaire d'une 
cellule voisine par une longue fente creusée à travers les proto- 
plasmas des deux cellules contiguës (a f. 13). Dans une partie de 
la préparation que l’on trouve en se rapprochant de celle qui a 
fourni la figure 14, on voit les bâtonnets devenir beaucoup plus 
nombreux; et, tandis que dans la région correspondant à la 
figure 13, le protoplasma cellulaire était en certains points en- 
core sous forme de plaques assez larges que la fissuration n'avait 
pas encore segmentée, et où les bâtonnets ne s'étaient pas mon- 
trés, dans ces parties intermédiaires il n’y avait plus que des 
bâtonnets, dont beaucoup présentaient l’état moniliforme. Plus 
loin on se trouvait devant la région représentée en 14. Entre le 
dernier aspect qui a été signalé et celui que cette figure fait voir, 
il n'y avait pas d’intermédiaire ; mais tout à coup on voyait un 
certain nombre d'éléments, qui n'étaient sans doute que les 
noyaux cellulaires, réunis les uns aux autres par des filaments 
grèles qui formaient de petits faisceaux par leur juxtaposition 
au nombre de trois ou de quatre. Ces filaments offraient un as- 
pect moniliforme, il est vrai, mais cet aspect n’était pas celui 
que j'ai observé dans les cas que je regarde comme typiques, 


MORPIIOLOCIE DES ÉPITHÉLIUMS. val 


dans ceux des figures 6, par exemple, et dans les parties de la 
préparation qui nous occupe, intermédiaires à celles de la figure 
13 d’une part, de la figure 14 de l’autre. Je ne crois pas qu’il 
s'agisse, par ce dessin numéro 14, d'autre chose que d’une mo- 
dification énorme et tout à fait due à une autre cause que celle 
qui a fait l’état des régions voisines, où l’état moniliforme exis- 
tait aussi, mais d'aspect différent. Peut-être cette partie de la 
préparation n’a-t-elle pas été bien fixée? En tout cas, je ne vois 
pas bien comment elle pourrait être reliée à la figure 183 même 
avec les intermédiaires dont j'ai parlé; comment se fait-il en 
particulier que les filaments arrivent jusqu'aux corps anguleux, 
dans cette figure 14, si ces corps anguleux représentent le noyau 
entouré ou non d’un peu de protoplasma; qu'est alors devenu 
l'espace périnucléaire? J'ai voulu cependant ne pas négliger 
cette partie de la préparation si différente du reste, et que je se- 

rai volontiers tenté de MR RUGRET de la figure 8 B à laquelle elle 
ressemble le plus. 

Je terminerai ce qui a trait à l’acide osmique en rendant 
compte de plusieurs préparations faites également sur le pigeon. 
Je rappelle les résultats variés que j'ai obtenus sur l’animal 
mort depuis six heures. Avec deux pigeons de la même couvée 
je fis d’autres préparations; un œil fut ouvert dans l’acide os- 
mique, l’autre fut ouvert à l’air et traité seulement ensuite. 

Dans les préparations qui ont élé réalisées par ce dernier pro- 
cédé, et dont une est représentée par la figure 19, on voit déjà à 
un faible grossissement (Verick, oc. 2, obj. 2), mais mieux à l’aide 
d'un objectif numéro 7, que les cellules sont limitées par des 
contours brillants, très sinueux, qui rappellent tout à fait un épi- 
thélium lymphatique. Au centre de la cellule règne un espace 
vide, arrondi, qui n'est autre que la loge nucléaire d’où le noyau 
est tombé. Si l’on examine avec plus d'attention, on arrive à se 
convaincre, qu’en beaucoup de points, les sinuosités des con- 
tours épithéliaux (1) s’exagérant, de petits diverticules clairs s’en- 
foncent dans l'épaisseur du protoplasma d’une des cellules; en 
certains points même on voit ces diverticules arriver jusque dans 
l'espace vide qui occupe le centre de l’élément, mettant ainsi en 
relation l’espace intercellulaire avec l’espace périnucléaire. Si 


(1) Ces sinuosités ne sont pas suffisamment accentuées dans la figure. 


318 A, PRENANT. 


deux diverticules naissent de chaque côté d’un espace intercel- 
lulaire pour s’enfoncer chacun dans une cellule, si chaque di- 
verticulum parvient jusqu’à l’espace nucléaire de la cellule qu'il 
a pénétrée, il y aura ainsi une communication directe établie 
entre les espaces périnucléaires de deux cellules voisines. L’ob- 
servation de ces faits me paraît intéressante. La cellule nous ap- 
parait comme une unité, c'est vrai, puisqu'elle est nettement sé- 
parée de ses voisines par un espace péricellulaire susceptible 
d’agrandissement. Mais cette unité est partagée dans sa partie 
protoplasmique, en segments séparés les uns des autres par des 
diverticulums de l’espace périceilulaire. Quant au noyau, 1l est 
logé dans la cellule presque comme le serait un corps étranger 
à elle; il en est séparé par un espace périnucléaire tout comme 
la cellule l’est de ses voisines par une espace intercellulaire. 
C’est en examinant la surface de la membrane épithéliale que 
l’on fait cette observation, si l’on enfonce un peu l'objectif, de 
façon à voir la profondeur de là membrane, c’est-à-dire la partie 
des cellules qui est en contact avec la membrane amorphe de 
Descemet, on voit les espaces intercellulaires s’agrandir, les cel- 
lules présenter corrélativement un diamètre moindre, et s’en- 
voyer à travers ces espaces des prolongements, ou ponts inter- 
cellulaires qui les unissent. Ainsi les cellules séparées par des 
espaces intercellulaires sinueux, mais assez minces, dans toute 
leur partie postérieure, seraient beaucoup plus écartées l’une de 
l’autre dans leur partie antérieure ou profonde, et là seulement 
seraient réunies par des ponts anastomotiques. Je rappelle les 
résultats semblables qui sont exposés dans les figures 2A et 2B. 
C’est à une conclusion semblable que Preiss a été conduit par ses 
observations. Je ne veux pas quitter ces préparations sans men- 
tionner un fait qui tout d’abord paraît singulier. A côté de cel- 
lules conformées comme je viens de le dire, 1l y en avait d’autres 
d'aspect tout différent ; elles se distinguaient tout de suite par 
leur réfringence et leur air vernissé; le noyau n’y était pas en- 
touré d'un espace périnucléaire; 1l se montrait plus ou moins 
confondu avec le protoplasma; ces cellules envoyaient à leurs 
voisines, et cela dans toute leur hauteur, à la surface comme dans 
leur profondeur, des ponts anastomotiques épais, grossiers, très 
réfringents. Ces cellules étaient éparses au milieu de celles qui 
présentaient de tout autres aspects; je ne puis penser en consé- 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS. 379 


quence que ces différences soient dues à une action autre du 
réactif ; il y a évidemment là à faire intervenir l’état, la nature 
des cellules, une cause inhérente à ces cellules mêmes, peut-être 
une différence d'âge. Et bien que les animaux et les conditions 
d'observation n’aient pas été les mêmes, ces cellules réfrin- 
gentes du pigeon me firent penser aux corps cellulaires réfrin- 
gents décrits plus hautcomme fréquents chez les animaux jeunes, 
et représentés en la figure 38. 

Sur les membranes épithéliales traitées directement par l'acide 
osmique, les mêmes faits à peu près s’offrent, moins accentués. 
De grands lambeaux de membrane montrent le protoplasma cel- 
lulaire à peine agencé en bâtonnets, et presque encore semé de 
granulations diffuses. Dans une des préparations de cet ordre, 
les cellules se montraïient à leur surface unies par des ponts in- 
tercellulaires épais, d'aspect monihforme. Profondément, ces 
mêmes cellules étaient réunies par des prolongements très fins, 
bâtonnets très délicats, rangés les uns à côté des autres et des- 
sinant une figure très élégante. Plus profondément encore, ce 
n'étaient plus des bâtonnets que l’on apercevait, mais des séries 
radiées de granulations; c'était du protoplasma sérié. Évidem- 
ment nous avons là les transformations subies parle protoplasma 
granuleux, et que nous montrent à ses divers degrés les régions 
profonde, moyenne et superficielle de la cellule. [ei seulement, 
pour des raisons que je ne sais pas, c’est, à l'encontre de qui a 
été dit tout à l'heure, la région superficielle de la cellule qui est 
le plus avancée dans ses transformations. 

Sur ces mêmes préparations se voyait, bien que cette descrip- 
tion ne rentre pas précisément dans mon sujet, la membrane 
amorphe de Descemet semée de petites taches claires, qui elles- 
mêmes n'étaient pas disposées d’une façon quelconque, mais 
placées bout à bout de façon à former comme un réseau de pe- 
tites perles juxtaposées. C'était certainement là l'empreinte lais- 
sée par les éléments épithéliaux, sans doute par les petits espaces 
intercellulaires représentant les perles, les taches brillantes, tan- 
dis que les minces intervalles qui séparaient ces perles corres- 
pondaient aux ponts intercellulaires. Cependant ce n’est pas ab- 
solument certain. Car les réseaux avaient un diamètre un peu 
moindre que celui des éléments cellulaires. 

Lorsqu'on passe le crayon de nitrate d'argent sur la face an- 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XX11 (1856). 26 


380 À. PRENANT. 


térieure de la cornée, on arrive à fixer et à imprégner les cellules 
de l’épithélium cornéen postérieur. Ce sont là des expériences qui 
ont été instituées par plusieurs auteurs, entre autres M. Ranvier. 

J'ai obtenu de la sorte la nitratation des cellules au bout de 
vingt-quatre heures chez la grenouille; les cellules étaient fixées 
par le réactif sous une forme polygonale; leurs contours, nette- 
ment tracés par l'argent, n'étaient pas rectilignes, mais légère- 
ment sinueux. De plus les cellules avaient subi une forte im- 
prégnation positive; leur protoplasma étaitteinté en jaune brun. 
Il est en effet remarquable que, ainsi que l’a vu M. Ranvier, les 
cellules épithéliales de Descemet s’imprègnent avec une très 
grande facilité. 

Ayant passé d'autre part au crayon de nitrate d'argent la sur- 
face antérieure de la cornée d’une grenouille, et fait l'examen de 
l'épithélium postérieur une heure après l’opération, je constatai 
que les cellules étaient déjà fortement imprégnées d’une façon 
positive (preuve évidente que le nitrate était parvenu jusqu’à 
l'épithléium de Descemet et avait agi), mais que leurs contours 
ne l'étaient pas. Les cellules se montrant d’ailleurs séparées par 
de larges espaces intercellulaires, il eût été difficile que l’impré- 
gnation de ces espaces se fit dans ces conditions. Le protoplasma 
de ces cellules était coloré par l'argent, brun marbré ; il était 
limité par des contours crénelés. Le noyau, de forme bizarre, 
était incolore. C’était évidemment à des éléments déformés que 
l’on avait affaire. La figure 12 représente une portion de l’épi- 
thélium, portion des moins modifiées. La déformation était telle, 
sur les bords de la préparation, que les cellules étaient entière- 
ment irrégulières et déchiquetées; en même temps les cellules 
étaient là séparées par de très larges intervalles. L'irrégularité et 
la bizarrerie des cellules épithéliales était telle qu’on eût pu croire 
à cet endroit avoir devant soi le tissu propre de la cornée impré- 
gné d'argent, si le plan cellulaire de Descemet à cette place ne 
s'était trouvé en continuité parfaite avec les régions franchement 
épithéliales ; d’ailleurs la façon dont le tissu était imprégné n’eût 
pas un seul instant permis la confusion. Le tissu cornéen s’im- 
prègne en effet par sa substance intercellulaire qui devient d’un 
brun foncé, tandis que les cellules ne sont qu’à peine teintées ; 
l’épithélium de Descemet au contraire n’est pas imprégné du 
tout dans sa substance intercellulaire, dans ce cas-ci tout au 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS. 381 


moins, tandis que le nitrate a été réduit par la substance même 
des cellules. En d’autres termes, il y avait ici déformation et im- 
prégnation positive seulement des cellules épithéliales. 

Les auteurs qui ont étudié l’action du nitrate d'argent en so- 
lution ont tous vu qu’il agit différemment suivant le degré de 
concentration de cette solution. Preiss entre autres a fait voir 
que si l’on emploie une solution à + les éléments sont fixés dans 
une forme polygonale, au lieu que l'usage d’une solution à %à 
fournit de tout autres aspects. 

C’est pourquoi j'ai expérimenté avec ces deux solutions. Une 
membrane de Descemet du pigeon a été traitée par le nitrate 
d'argent à +. Une autre l’a été par une solution quatre fois plus 
faible que la précédente. Mais ici une question de technique se 
pose. Comment agira la solution ? 

Il est convenu que pour le nitrate d'argent comme pour les 
autres réactifs, la chambre antérieure sera ouverte dans le réactif 
même. Mais la chambre antérieure contenant l'humeur aqueuse, 
il va se faire un précipité extrêmement abondant de chlorure et 
d’albuminate d'argent, si l’on n’a pas le soin de laver préalable- 
ment l’épithélium postérieur par l'immersion dans l’eau distil- 
lée. Un tel lavage nous est cependant interdit; car le contact de 
l'eau exposerait les éléments épithéliaux à des déformations qui 
pourraient être des causes puissantes d'erreur. Aussi ai-Je re- 
noncé à laver la chambre antérieure de l'œil et ai-je opéré en 
plongeant l’œil dans une grande quantité de la solution de nitrate 
pour que le précipité qui se forme n’en affaiblisse pas le titre, et 
agitant constamment tandis que j’ouvrais la chambre antérieure. 
C’est en opérant de la sorte que j'ai obtenu chez la grenouille un 
dessin épithélial très pur, malgré des taches superficielles de chlo- 
rure et d’alluminate d'argent, qu'il était d’ailleurs aisé de recon- 
naître. Ce dessin limitait des cellules polygonales dans leur con- 
tour général, mais à côté légèrement sinueux (fig. 42); les traits 
quoique fins étaient cependant à double contour ; les noyaux 
étaient ménagés en clair; le protoplasma se montrait comme 
marbré. L'aspect était celui que M. Ranvier a représenté. 

Mais revenons à la membrane épithéliale du pigeon. Traitées 
par le procédé que je viens de dire à l’aide d’une solution de ni- 
trate à +, les cellules avaient subi l'imprégnation positive; le 
noyau n’était pas asolument ménagé en clair; il avait réduit un 


382 À. PRENANT. 


peu le nitrate, assez faiblement toutefois pour se détacher nette- 
ment sur le protoplasma beaucoup plus fortement coloré. Chaque 
cellule était de toutes parts bordée par un trait noir; de la sorte 
il y avait entre deux cellules contiguës deux traits noirs. Entre 
ces deux traits de bordure un espace linéaire était laissé parfaite- 
ment clair, un peu sombre seulement lorsqu'il était très étroit, 
sans doute par un simple jeu de lumière. En plusieurs points, les 
cellules étaient un peu écartées les unes des autres; l’espace qui 
les séparait était alors souvent assez large et elliptique; et dans 
ces conditions on pouvait se convaincre de l'absence totale d’un 
ciment intercellulaire, au sens propre du mot, qui eüt été inter- 
posé aux deux traits de bordure des deux cellules, les séparant 
et les réunissant tout ensemble; bien plus, il n'y avait entre deux 
cellules voisines pas trace de matière albuminoïde susceptible de 
fixer l'argent et de prendre la coloration brune ou noire (fig. 10). 

Sur une préparation de chat nouveau-né, que j'ai déjà eu l'oc- 
casion de signaler, j'ai obtenu un aspect semblable. Seulement 
ici un trait brun restait, intermédiaire aux deux lignes dont cha- 
cune bordait une cellule; ici on aurait pu parler de ciment, ou 
tout au moins de matière albuminoïde susceptible de réduire le 
nitrate d'argent. 

Traitant d'autre part par le nitrate d'argent à = une mem- 
brane épithéliale de Descemet du pigeon, voici ce que j'ai ob- 
servé. Dans la plus grande étendue de la préparation, dans la 
région centrale du cercle que représente la membrane de Desce- 
met, les cellules étaient séparées par des traits noirs, simples et 
minces et légèrement ondulés. M. Ranvier, Schwalbe (1) ont oh- 
tenu de pareilles imprégnations que l'on peut qualifier de par- 
faitement réussies, et qui ressemblent à celles que donnerait 
par exemple la nitratation du mésentère. Seulement 1ci, de plus 
que dans le mésentère, il y avait une légère imprégnation po- 
sitive des éléments cellulaires. Sur Les bords de la préparation, 
et par conséquent dans une région périphérique annulaire de la 
membrane, l'aspect changeait. Un rang de cellules montrait, sur 
celui de leurs côtés qui se tournait vers la périphérie de la mem- 
brane, comme un semis de grains réfringents ou noirs suivant 
la mise au point, ne ressemblant en rien aux précipités d’albu- 


(1) Schwalbe. (Manuel d'anatomie de Schwalbe et Hoffmann.) 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS. 383 


minate d'argent, et ayant d’ailleurs une certaine régularité dans 
leur disposition. Cela n’empêchait pas que de ce côté, la cellule 
était limitée par un trait noir parfaitement continu. Les rangs de 
cellules situées au delà de cette rangée offraient un aspect ca- 
ractéristique. Leurs limites étaient formées par des traits sinueux 
et interrompus, comme si l’on eùt été en présence d’un épithé- 
lium lymphatique mal imprégné. Je laisse pour le moment de 
côté toute interprétation de ces résultats. 

Je termine l'exposition de ces faits en mentionnant des im- 
prégnations faites sur le chat nouveau-né à l’aide de solutions à 
56 et à +. Dans le cas d’une solution à £ j'ai obtenu de petites 


lignes de contours cellulaires un peu tourmentées, et très fines. 


Dans le cas de solutions à © comme aussi à la suite de la cau- 
térisation au crayon de nitrate de la surface antérieure de la cor- 


née, c'était au contraire l'aspect figuré en (5) que j'observais. 


Avant de passer à l'interprétation des faits qui viennent d'être 
rapportés, je ferai remarquer que j'ai relaté dans cette descrip- 
tion tous les faits qui me paraissent importants, aussi bien ceux 
qui se groupaient pour se corroborer les uns les autres que 
ceux qui se présentaient avec des formes contradictoires. C’est 
pourquoi je n'ai pas la prétention d'interpréter tous les faits que 
j'ai vus et décrits. 

À côté de certains faits accessoires, il est une disposition d’im- 
portance première que j'ai signalée bien des fois dans Le cours de 
cette exposition ; c’est la présence de ponts et d'espaces intercel- 
lulaires. Les ponts et espaces intercellulaires ont-ils la valeur 
d'une disposition physiologique ? Quelle est leur signification? 
Quel est le mécanisme qui préside à leur formation? Tels sont 
les problèmes que nous avons à nous poser, non pas à propos des 
épithéliums en général, mais seulement au sujet de l’épithélium 
de Descemet. Je laisse en effet pour plus tard l’exposé et la dis- 
cussion de ces questions, au point de vue de la morphologie gé- 
nérale des épithéliums. 

La première question : les espaces et ponts intercellulaires 
ont-ils, en dehors de l’expérimentation, une existence réelle? a 
déjà été posée et résolue affirmativement par Klebs en 1864. Klebs 
voyait ces ponts et espaces prendre naissance à la suite d'irrita- 
tions de la cornée, telles que l’abrasion de l’épithélium antérieur 


381 À. PRENANT. 


ou par l'immersion de la cornée dans l’eau il avait mis les phé- 
nomènes qu’il observait sur le compte de la contraction des élé- 
ments cellulaires. 

Plus tard, un certain nombre d'auteurs allemands ont rempli 
les espaces intercellulaires avec différentes substances liquides 
ou bien par divers pigments, pendant la vie de l’animal même, 
et ont pu en conclure que, puisque ces substances s'étaient ré- 
pandues dans ces espaces sur la cornée vivante, il fallait bien 
attribuer à ces lacunes une existence réelle, et l’on ne pouvait 
voir simplement en elles Le résultat de déformations cadavériques 
de l’épithélium. 

Ainsi a fait Knies, qui le premier, je crois, a parlé de stomates 
mis en évidence par injection. En même tempsquelui, d’ailleurs, 
Ciaccio arrivait au même résultat par une autre méthode d'inves- 
tigation. 

Ainsi également a conclu Leber qui, à la suite d'injections de 
terpentinol principalement, a vu, sur l'épithélium postérieur et 
surtout sur l’épithélium antérieur de la cornée, que les espaces 
intercellulaires et même un espace périnucléaire se remplissaient 
de gouttelettes de terpentinol. Raehlmann obtenait ces espaces 
injectés en noir par l’encre de Chine. 

Brugsch par ses injections était arrivé à des résultats différents. 
La matière pigmentaire qu’il avait fait pénétrer dans la chambre 
antérieure n’occupait pas les espaces intercellulaires, mais bien 
le protoplasma même des éléments, autour du noyau surtout, 
ainsi que les prolongements de ce protoplasma. Lui aussi avait 
vu des stomates entre les cellules ; mais ces stomates il les avait 
trouvés vides. 

À côté de ces auteurs qui ont affirmé l'existence réelle des 
espaces intercellulaires, quelques histologistes ont émis des 
doutes, ou même ont nié que ce soit là une disposition physio- 
logique. Leber lui-même qui a admis en principe les espaces in- 
tercellulaires les considère « comme l’exagération d’un phéno- 
mène normal ; » il émet quelques hypothèses au sujet de la cause 
qui développe d’une manière exagérée ces lacunes. Les espaces 
existant déjà normalement, dit-il, deviendraient plus grands par 
Je fait de l’afflux de liquide; en même temps les cellules subi- 
raient une légère hypertrophie parlaquelle s’agrandiraient leurs 
piquants et toutes leurs saillies en général qui élargiraient en- 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS. 385 


suite activement les espaces intercellulaires. Bien plus, Waldeyer 
en 1874 émet des doutes sérieux sur la réalité de l'existence des 
stomates intercellulaires, au moins pour ce qui concerne la mem- 
brane épithéliale de Descemet. Bien plus encore, M. Ranvier nie 
ces stomates. 

Ainsi ont pensé les histologistes qui ont étudié l’épithélium de 
Descemet. Pour moi, la réponse à cette question « quelle est la 
valeur et la signification des espaces intercellulaires, » je ne 
pourrai la donnerévidemmentqu'aprèsavoir étudié le mécanisme 
de leur formation. 

Des cellules épithéliales, à l’état statique, ne peuvent avoir 
entre elles que deux sortes de rapports anatomiques. Ou bien 
elles se touchent soit partiellement, soit par toute l’étendue de 
leurs surfaces; ou bien elles ne se touchent pas. 

Dans ce dernier cas, 1l existe primitivement des espaces lacu- 
naires entre les cellules. Dans ce dernier cas également, on 
peut penser (et beaucoup d'auteurs ont émis cette opinion) que 
les cellules se sont envoyé des prolongements amiboïdes à tra- 
vers ces espaces, que ces prolongements partant de deux cel- 
lules voisines en sens opposé, venaient à la rencontre l’un de 
l’autre, et se soudaient ensuite; cette soudure étaitindiquée par 
une petite nodosité située au point de jonction des deux prolon- 
gements (1). Certaines des préparations que j'ai figurées per- 
mettent une semblable interprétation; par exemple la figure 1 
montre des prolongements qui paraissent aller au-devant les uns 
des autres; il est vrai que cette préparation pourrait s’interpréter 
. tout autrement. D’autres aspects, et ils sont nombreux, ne sau- 
raient donner place à un tel mécanisme; et dès lors on est forcé 
de reconnaître que si la formation des ponts intercellulaires dans 
des espaces intercellulaires préformés peut se faire quelquefois 
par prolongements intercellulaires amiboïdes, ce mécanisme 
n'est pas cependant général. Comment, en effet, avec ce proces- 
sus, expliquer les nombreuses préparations dont le type est des- 
siné en (4) où les cellules étaient en si intime contact qu'elles 
étaient confondues? Comment l’admettre avec le réseau proto- 
plasmique de la figure 20? Comment expliquer les préparations 

nitratées. On dira bien que ces dernières montrent souvent un 


(1) Je rappelle que j'ai signalé chez le pigeon une semblable image, obtenue à l’aide 
de l’ucide osmique, 


380 A. PRENANT. 


espace linéaire vide entre deux cellules voisines, que cet espace 
peut s’agrandir ainsi que l'avait pensé Leber, par afflux de li- 
quide, et qu’alors 1l peut suffire à loger des prolongements cel- 
lulaires aussi longs que ceux des figures 1 et 6. Mais il faut 
avouer que cette cellule qui est obligée nécessairement de ce ra- 
petisser puisque tous les espaces qui l'entourent augmentent par 
afflux de liquide, a des allures bien singulières, lorsqu'à la suite 
de ce phénomène purement passif, elle use de son activité pour 
s'unir à grande distance (fig. 44), par des prolongements ami- 
boïdes avec les cellules qui l’environnent,. 

On peut en second lieu partir de cette idée bien plus conforme 
à ce que l’on connaît des épithéliums en général, que les cellules 
sont en contact par toute l'étendue de leurs surfaces ou par 
quelques-uns des points seulement de cette surface ; dans ce der- 
nier cas il peut se faire qu'entre les points où les cellules sont eu 
continuité de substance, un ciment intercellulaire soit épanché 
qui unit secondairement les cellules au niveau de leurs solutions 
de continuité. Et ici, s’il m'est permis de faire une courte in- 
cursion dans le domaine de la morphologie générale des épithé- 
liums, ce serait, ce me semble, une intéressante acquisition pour 
la science histologique, que de montrer par l'étude du dévelop- 
pement, que lors de la division cellulaire les cellules filles ne 
perdent pas complètement le contact, mais restent adhérentes 
en certains points; ces points ou ponts d'anastomose pourront 
s’allonger et devront s’allonger en filaments, lorqu’un liquide 
s'accumulera entre les cellules voisines au niveau des parties 
deleurs surfaces simplement contiguës. C'estl’idée qu’a exprimée 
M. Ranvier, à la suite de ses recherches sur le réseau muqueux de 
Malpighi (1). C’est aussi et surtout Mitrophanow qui dernière- 
ment pense être arrivé, par l'étude du développement de la peau 
chez les Batraciens, à de semblables conclusions (2). 

Y a-t-il des raisons de croire, à la suite des observations que 
j'ai relatées, que les cellules épithéliales de Descemet ont entre 
elles des points d'attache? Oui et non. 

Non, de par certaines préparations, celles de nitrate d’argent 
surtout, et quelques-unes aussi à l’acide osmique. Ces dernières 


(1) L. Ranvier. Comptes rendus. 
(2) Mitrophanow. Sur les espaces el les ponts intercellulaires dans l'épithélium 
(Zeitschrift fur Wiss. Zool., 1884). 


MORPIHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUNS. 387 


nous ont fait voir plusieurs fois, par exemple figure 3, que les 
cellules sont limitées par un trait qui a l'aspect d'une membrane, 
que ce trait n’est nulle part interrompu, et que nulle part, par 
conséquent, il n’y aurait continuité des protoplasmas. Les pré- 
parations au nitrate d’argentsontencore mieux de nature à faire 
nier ces points d'attache. Ainsi parlent contre eux les figures 11, 
5,10 et 19, qui montrent: la première un ciment continu sous 
forme d’un trait à double contour, la deuxième un trait noir li- 
mitant chaque cellule de toutes parts, et une bande brune in- 
terposée aux traits de bordure des deux cellules contiguës et 
probablement de signification cimentaire ; la figure 10, au lieu 
de cette bande de substance analogue à un ciment, montre un 
espace linéaire vide; la figure 12 fait voir enfin les cellules abso- 
lument écartées. Mais je laisserai de côté cette préparation pour 
deux raisons : parce que d’abord elle appartient à la grenouille 
chez laquelle l’absence de membrane de Descemet met les cel- 
lules dans des conditions autres que celles où elles se trouvent 
chez d’autres animaux où la membrane anhiste existe, parce que 
ensuite ces cellules étaientévidemment altérées, comme j'en ai 
pu juger par les régions voisines de celle qui a été ici représen- 
tée. Quant aux préparations nitratées qui montrent un trait con- 
tinu noir entre deux cellules, elles-mêmes ne prouvent rien 
contre l’existence d’anastomoses cellulaires. En effet, les cellules 
épithéliales de Descemet ont une certaine hauteur; elle est faible 
il est vrai chez la grenouille, mais elle est très marquée chezles 
autres animaux. Si l’on imprègne d'argent les contours des cel- 
lules, comme les ponts anastomotiques n’occupent pas toute 
l'épaisseur de la cellule, et qu’il reste toujours au-dessus ou au- 
dessous d'eux une certaine épaisseur de ciment ou de substance 
intercellulaire capable de réduire le nitrate d'argent, on pourra 
ne voir partout qu'un trait continu, malgré la présence de ponts 
d’anastomose, Il ne faut pas oublier en effet que c’est de noir 
qu'il s’agit ici, et qu'une épaisseur même faible de ciment noirei 
nous fait la même impression qu’une épaisseur forte. Ainsi peut 
faire illusion sur l’absence de continuité intercellulaire toute 
imprégnation au nitrate d'argent. 

Les préparations sont au contraire nombreuses, où il est évi- 
dent que les cellules sont complètement ou partiellement con- 
fluentes. Je rappelle la figure 4, les figures 15, 18, 20 et bien 


388 A. PRENANT. 


d'autres préparations où les cellules sont en complète-continuité. 
Enfin, un autre aspect ne doit pas être négligé, c'est la figure 9 
qui le fournit: elle est obtenue par imprégnation au nitrate d’ar- 
gent. Cette préparation, qui offre dans toute sa partie centrale 
destraits noirs interrompus délimitant les cellules, nous montre, 
dans la zone périphérique de la membrane épithéliale, les cel- 
lules délimitées seulement incomplètement par des tronçons de 
lignes noires entre lesquels se trouvent ménagés en clair des 
espaces par lesquels communiquent ces cellules. Je ne trouve pas 
d'explication pour les cellules à rangées de grains qui sont in- 
termédiaires aux cellules complètement et aux cellules incom- 
plètement limitées. Mais pour ces dernières, on expliquera leur 
aspect, tout de suite, par une idée qui se présente sur le champ 
à l'esprit, en disant qu'il est dù à une imprégnation incom- 
plète. 

On dira que le réactif n’a pas partout agi. C’est l'interprétation 
que l’on donne couramment de pareilles images. Mais faut-il tou- 
jours les mettre sur le compte d'une nitratation imparfaite? Et 
ici n'est-il pas difficile de comprendre pourquoi, à côté de cel- 
lules parfaitement imprégnées et à quelques centièmes de mil- 
limètre plus loin, il en est d’autres qui le sont mal? Il est plus 
vraisemblable de mettre sur le compte d’un état différent des 
cellules, une action que l’on trouve différente, lorsqu'elle agit 
dans une étendue microscopique. Quel est cet état? C’est celui 
de ponts et d'espaces intercellulaires. Les parties continues des 
cellules voisines se sont allongées en filaments , en même temps 
qu'augmentaient les espaces intercellulaires. Les anastomoses 
qui étaient à l’état latent dans les cellules nitratées (a) sont dans 
les cellules (b) devenues évidentes par absence de réduction du 
nitrate à leur niveau. Comment et pourquoi cet état se montre- 
t-1l dans les cellules (b) avec autant de netteté, tandis qu'il n'est 
qu'en puissance en (a)? C’est que les cellules ont été diversement 
impressionnées par le réactif, parce que leur nature estautre, plus 
spécialement parce que peut-être elles ne sont pas du même âge. 
J'avoue que ces interprétations, tout hypothétiques qu'elles 
puissent paraître, me semblent préférables à celles qui attri- 
bueraient les aspects en question à une action déféctueuse du 
réactif ; celles-ci n'auront même jamais la valeur d’une hypothèse 
et ne seront qu’un a priori; car jamais on ne pourra prouver 


MORPIOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS. 389 


d'une façon certaine et absolue qu’un réactif a eu une action 
défectueuse. | 

Ainsi, nous sommes conduit à penser que les cellules sont en 
continuité par certaines parties de leur substance, tandis qu’en 
d’autres points de leur surface elles sont simplement contiguës, 
séparées et réunies tout à la fois par un ciment ou plus géné- 
ralement une substance intercellulaire. Nous pouvons à cet égard 
accepter pleinement les vues de Leber. Mais à l’état statique, ces 
anastomoses intercellulaires ne sont pas évidentes; ces espaces 
intercellulaires, où est contenue la substance cimentante, ne sont 
que des espaces virtuels. [Il faut, pour rendre apparents les es- 
paces et ponts intercellulaires, un agent qui change en état dy- 
namique l’état statique des éléments. Ou tout au moins, pour ne 
pas préjuger 1ci sur la manière d’être des cellules, il faut un ré- 
actif qui exagère la disposition qui n’est à l’état normal qu’in- 
diquée, qui n y existe, si je puis dire, qu’en puissance. 

On a remarqué que dans les tissus épithéliaux enflammés, on 
observait bien plus facilement la disposition en question que dans 
les tissus normaux. De là l’idée qui est venue à certains auteurs 
d'irriter, d'enflammer la cornée, soit par abrasion, soit par légère 
cautérisation au nitrate d'argent, de l’épithélium antérieur de la 
cornée. Ainsi opérait Klebs. Preiss agissait sur les éléments 
épithéliaux de Descemet en les plongeant dans un milieu anor- 
mal, l’eau, le nitrate d’argent faible; il voyait se développer 
les ponts et les espaces intercellulaires, puis il plongeait de 
nouveau la membrane dans l'humeur aqueuse, milieu normal, 
et tout rentrait dans l’ordre; il ne voyait alors plus rien : les 
cellules ne sont pas visibles, on le sait, quand on les observe dans 
leur liquide naturel. Mais est-il bien nécessaire de produire 
exprès cette irritation et les réactifs que nous sommes obligés 
d'employer pour bien voir, les éléments n’ont-ils pas suffisam- 
ment cette influence irritative ? Certains même n'irritent-ils pas 
outre mesure les cellules? L’air n'est-il pas de ces derniers? Mais 
même en évitant l’action de l’air, agent trop énergique, en em- 
ployant des réactifs qui passent pour fixer instantanément les 
cellules, il ne faut pas espérer de cette fixation qu’elle auraune 
instantanéité absolue; les réactifs tuent les cellules; certains le 
font très rapidement, mais il y a toujours cependant une période 
agonale pendant laquelle les cellules réagissent contre le milieu 


390 À. PRENANT. 


nouveau, anormal, fatal, qui leur est offert. Pendant cette pé- 
riode d’agonie, qui existe toujours, quelque courte qu’elle soit, 
et dont la longueur dépend du pouvoir fixateur du réactif em- 
ployé, les cellules sont à l'état dynamique, et la mort les sur- 
prend en cet état. Bien plus, emdehors de l’action de tout réactif, 
la mort naturelle des éléments qui se fait après une phase où les 
cellules luttent, peut aussi nous montrer des aspects semblables; 
les cellules, mortes, comme on dit, de leur belle mort, sont à 
l’état dynamique, comme elles le sont après l’action des réactifs 
qui les ont tuées. Et si nous pouvons observer les ponts et es- 
paces intercellulaires après la mort pure et simple des éléments, 
à condition bien entendu que ces éléments morts aient été trai- 
tés de telle sorte que toute altération ultérieure cadavérique soit 
évitée, nous pouvons mettre sur le même rang que les réactifs 
la mort naturelle, et dire que tous peuvent produire dans les 
cellules de Descemet un état dynamique, l’exagération au moins 
de la disposition normale, l'aspect d'espaces et de ponts inter- 
cellulaires. Nos recherches cependant ne sont pas de nature à 
permettre d'affirmer que la mort ait sur les éléments en ques- 
tion une pareille influence; car souvent après avoir laissé mou- 
rir les éléments cellulaires, nous n’avons observé en eux que l’état 
ordinaire et statique. 


Lorsque nous avons permis à l'air d'exercer une action sur la 
membrane épithéliale, nous avons observé, très généralement, 
que son influence avait eu pour effet d’écarter davantage encore 
de la disposition statique les cellules qui avaient éprouvé son 
contact. En d’autres termes, l'air, plus un réactif, irritait les cel- 
lules bien plus que le réactif tout seul. Ce fait était surtout évi- 
dent, lorsque nous nous servions de réactifs fixateurs qui passent 
pour peu énergiques; l’air ayant agi, ces réactifs ne suffisaient 
pas à entraver, à arrêter son action. Au contraire mettant en 
usage, eprès l'influence de l'air, un puissant fixateur tel que 
l'acide osmique, la cellule était tuée rapidement, alors que les 
modifications que l'air lui avait imprimées étaient peu avancées; 
dans cette circonstance elle se présentait à peu près avec les mêmes 
aspects qu’une cellule soumise à l’action de l'acide osmique 
seul. Cependant cette action de l’air, venant se surajouter à celle 
du réactif et l’exagérant, ne se dégage pas, je le reconnais, des 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS. 391 


observations que jai faites, avec toute la netteté à laquelle j'avais 
cru pouvoir m'attendre. 

Nous pouvons penser donc que les aspects que nous avons dé- 
crits ne sont que des amplifications dynamiques d’une disposi- 
tion normale et statique; nous avons vu que les agents amplifi- 
cateurs sont multiples. Nous avons vu aussi que ce sont les es- 
paces et ponts intercellulaires qui se sont accrus en importance 
sous l'influence de ces agents, au point d’apparaître aisément à 
nos yeux. Mais quelle est au juste cette influence, que j'ai qua- 
lifiée par anticipation d’irritative, alors que je n’en avais pas Cn- 
core le droit? Est-elle mécanique ? Est-elle d’ordre vital, réelle- 
ment irritative alors? 

Ou bien, ce qui revient au même, quel est le mécanisme in- 
time de la formation des ponts et espaces intercellulaires ? 

Je crois que les deux influences mécanique et irritative con- 
courent simultanément à la production de la disposition qui 
nous occupe. 

Et tout d’abord, comment agit l'influence mécanique du réac- 
tif? On a des raisons de croire, ainsi qu'il est dit plus haut, que 
des espaces intercellulaires minimes existent entre les cellules 
épithéliales de Descemet, remplis d’ailleurs par cette substance 
sur laquelle on n’est pas bien d'accord et qu’on est convenu d’ap- 
peler ciment. Les injections que beaucoup d'auteurs ont fait pé- 
nétrer dans la chambre antérieure, distendent et rendent appa- 
rents ces espaces. D’autres fois, cette distension est due à des 
éléments vivants, à des globules blancs; d’autres fois encore, à 
des extrémités nerveuses. À l'état normal, l'humeur aqueuse 
n’agrandit pas ces espaces, car les cellules vivantes sont, si rien 
ne vient agir sur elles, dans un état de tension, d’élasticité tel 
qu’elles restent étendues presque au contact, unies tout à la fois 
par leurs anastomoses naturelles et par le ciment intercellu- 
laire (1). Qu'un réactif vienne maintenant agir sur la membrane 


(1) Étant donnée la courbure de la membrane épithéliale de Descemet, et les diffé- 
rences de tension qui existent sans doute entre là partie profonde (tournée vers la 
membrane anhiste), et la partie superficielle (qui est baignée par l'humeur aqueuse) 
où les espaces intercellulaires se montrent agrandis et évidents dans la première bien 
avant qu’ils ne paraissent dans la seconde, je ne puis m'empêcher de songer aux con- 
ditions de courbures analogues causées dans les végétaux par des différences de ten- 
sion dues elles-mêmes à des différences d’imbibition cellulaires; ces causes déter- 
minent des courbures permanentes dans les végétaux ou bien des courbures tempo- 


392 A. PRENANT. 


épithéliale pour la faire mourir, le liquide contenu dans ce réac- 
tif ou bien le liquide même d’imbibition des cellules s’accumu- 
lera dans ces espaces pour les agrandir mécaniquement, en 
même temps que les ponts d'union cellulaires distenduss’allon- 
geront en filaments, en même temps que le corps cellulaire se 
rétractera. 

Par la rétraction cellulaire, par le débordement liquide dans 
les interstices intercellulaires, les espaces intercellulaires se- 
ront agrandis et ainsi démontrés. Mais des interstices très mi- 
nimes susceptibles d’être distendus ne se rencontrent pas seu- 
lement entre les cellules, mais encore dans l’intérieur même de 
ces cellules, dans l'épaisseur même du protoplasma. A l'état 
normal, ces interstices sont remplis d’une substance plus molle, 
plus fluide que celle qui les entoure sous forme d’un réticulum 
délicat. Certains réactifs comme on le sait agissent en augmen- 
tant la différence de réfringence entre le contenu des mailles 
et la substance du réseau, hydratant le premier, déshydratant 
et rétractant la seconde. De là dans certaines de nos préparations 
l'aspect réticulé du protoplasma. 

Autour du noyau existe encore un espace, périnucléaire, qui 
peut se distendre beaucoup, par le même mécanisme. On peut 
voir alors de cet espace périnucléaire s’irradier, vers la périphé- 
rie de la cellule, des fissures (fig. 13); cette figure montre assez 
évidemment que les fentes partent de l’espace périnucléaire, et 
non des espaces intercellulaires qui sont restés latents. Si les deux 
ordres d’interstices se développent en même temps, des fissures 
pourront s'étendre de l’un à l’autre, de l’espace périnucléaire à 
l'espace péricellulaire (fig. 19). Si la lacune où le noyau est plongé 
est seule agrandie, on observera des aspects tels que ceux de la 
figure 20 et les protoplasmas des cellules contiguës sembleront 
fusionnés en un réseau. Si le développement de l’espace péri- 
clunéaire se fait en même temps que la vacuolisation du proto- 
plasma, on obtiendra la figure 17 qui se trouvait appartenir à la 
même préparation que la figure 18. Dans cette dernière, le pro- 
toplasma vacuolé se montrait comme formé d’une trame réti- 


raires que tout le monde connait dans les feuilles de la sensitive, les stigmates des 
Mimulus, etc. Comme il s’agit là de lois qui régissent la biologie cellulaire tout en- 
tière, de tels rapprochements sont justifiés. Il y aurait en tout cas peut-être, d'inté- 
ressantes observations à faire dans ce sens. 


Se à 


MORPHOLOGCIE DES ÉPITIIÉLIUMS. | 393 


culée délicate ; ce réticulum avait une réfringence très marquée 
qui l'était d'autant plus que les vacuoles étaient plus accentuées, 
et que par suite il était lui-même plus rétracté. La concentration 
de la substance de ce réticulum mène à l'aspect très réfringent 
que présentaient les trabécules de la figure 17. Seulement là, 
le noyau étant tombé par suite déjà de l'agrandissement exces- 
sif de l’espace périnucléaire, la rétraction protoplasmique avait 
été portée très loin. 

Jusqu'ici, il n’a été question que de l’action mécanique des 
réactifs sur la membrane épithéliale. Cette action détermine des 
aspects variés suivant qu’elle amplifie les espaces péricellulaires, 
intercellulaires, périnucléaires, suivant que ces différents in- 
terstices sont séparément agrandis, ou que l'élargissement des 
uns se fait concourremment avec celui des’autres. Mais n’y a- 
t-il que cette influence que subissent les cellules d’une façon 
passive, dont il faille tenir compte. Les cellules ne peuvent-elles 
pas réagir activement contre l’agent qui les irrite et les tue en- 
suite. Et si elles réagissent, ne peuvent-elles pas produire de la 
sorte des effets adjuvants des influences mécaniques de tout à 
l'heure ; en d’autres termes, l’activité propre de la cellule, ne 
peut-elle pas coïncider sans être en rapport de cause à effet avec 
la rétraction mécanigne des cellules ? Klebs, Preiss, dans leurs 
expériences sur les cellules vivantes, parlent de contraction cel- 
lulaire, de contractilité cellulaire mise en jeu. Pour nous, nous 
avons des raisons de penser que cette contractilité existe, et que 
nous en avons observé les effets. C’est ici le cas de rappeler les 
dispositions qui sont figurées en 20 et 6, en 7 B et que j'ai ob- 
servées dans d’autres préparations qui n’ont pas été représen- 
tées. En voyant dans ces préparations le protoplasma disposer 
ses granulations en séries radiales, alors qu'ailleurs elles étaient 
disséminées sans ordre, en voyant de plus se former par fusion 
des grains d’une même série des bâtonnets moniliformes qui ne 
sont autre chose que les ponts ou filaments intercellulaires, je 
n'ai pu m'empècher de songer aux bâtonnets contractiles des 
cellules du rein et des conduits excréteurs des glandes, et sur- 
tout le travail d'ensemble de M. Hippolyte Martin m'est revenu 
à l'esprit. Dans ce mémoire se trouve affirmée la structure his- 
tologique de tout élément contractile. Du moment que cette 
Structure je la retrouve dans les cellules de la membrane épi- 


394 À. PRENANT. 


théliale de Descemet, je puis accorder à ces éléments la pro- 
priété de contractilité. Je ne sais si la disposition en question 
vaut réellement pour caractériser la substance contractile ; je ne 
fais que me conformer à l’état actuel de la science à cet égard; 
aujourd'hui et jusqu’à nouvel ordre, la présence du protoplasma 
à bâtonnets, et surtout celle de grains dans ces bâtonnets, pas- 
sent pour preuves de l’état contracté ou tout au moins de la pro- 
priété contractile. | 

Je crois que le plus souvent la rétraction, due à une influence 
purement mécanique, et la contraction, produite par une véritable 
irritation, se sont jointes pour déterminer dans noséléments épi- 
théliaux les aspects qui nous occupent. Mais, quelquefois aussi, 
ces deux puissances ont pu intervenir séparément. Avec ce que 
l’on sait actuellement sur la contraction, étant donné que cet 
état n'implique nullement un resserrement de la substance pro- 
toplasmique, mais seulement un arrangement différent de cette 
substance, nous pouvons comprendre que, si très souvent nos 
cellules sont mortes rétractées et contractées, il a pu arriver 
aussi qu'elles meurent étendues et contractées , leur équilibre 
réciproque n’ayant pas été rompu, et toutes les unités constitu- 
tives de la membrane ayant gardé leurs rapports d’élasticité et 
de tension. D'autre part, sous l’action de certains réactifs, la ré- 
traction seule a produit ces effets, la figure 12 le montre. 

Mais il ne suffit pas d’avoir, sur des préparations que des 
moyens artificiels ont seuls produites, déterminé la formation 
d'espaces et de ponts intercellulaires. Il faut encore, pour que 
cette disposition ait une valeur, montrer qu’elle peut être phy- 
siologique, et qu’alors elle se présente à l’état normal avec les 
mêmes caractères que notre technique histologique nous a ré- 
vélés en les exagérant..Un excitant physiologique existe-t-il qui 
produit le retrait et la contraction que déterminent nos expé- 
riences? Par suite, la disposition d'espaces et de ponts intercel- 
lulaires, qui est la conséquence des ces phénomènes, est-elle 
normale? C'est difficile à dire de par l'observation directe, car, 
dans les conditions où l’on examine la membrane épithéliale 
vivante dans l'humeur aqueuse, on voit mal, ou même on ne 
voit rien. Mais comme les réactifs ne font qu’exagérer, pour nous 
la rendre évidente, une disposition qui normalement existe, 
quoiqu’en puissance seulement; comme à la suite de l’action de 


MORPHOLOGIE DES ÉPITHÉLIUMS. 395 


ces réactifs des preuves probables nous sont fournies en faveur 
d’un état qui n’a rien de cadavérique puisqu'il s’agit de contrac- 
tion cellulaire, nous pouvons penser que les ponts et les espaces 
intercellulaires sont normalement possibles avec les caractères 
que nous leur avons reconnus, lorsqu’agit l'excitant physiolo- 
gique. 

Et maintenant l'importance et la signification de ces espaces 
et de ces ponts n’échappent à personne. Par leur présence, se 
trouvent singulièrement modifiées et la morphologie et la phy- 
siologie des épithéliums en général. Les espaces intercellulaires 
sont, pour le matériel de nutrition des tissus épithéliaux, les voies 
de circulation, les ponts sont le dispositif qui règle cette circu- 
lation. Voilà qui s’applique à tous les épithéliums où l’on a des 
raisons de croire que la disposition en question se trouve. 

Quant à la membrane épithéliale de Descemet en particulier, 
j'ai dit déjà que sa physiologie locale était pleinement influencée 
par la présence d'espaces stomatiques et de ponts d'union in- 
tercellulaires. S'ils existent, l’épithélium se comporte comme un 
filtre régulateur qui laisse passer plus où moins les liquides de 
la chambre antérieure, soit de dedans en dehors, soit dans le 
sens inverse, c'est-à-dire de la chambre antérieure dans le tissu 
cornéen même ; on comprend alors que là nutrition de la cornée 
se ressente de l’action et de l’état de cet épithélium. Dans ses 
expériences purement physiologiques, Knies était arrivé à cette 
même conclusion, que l’épithélium de Descemet agit à la ma- 
nière d’un filtre. | 

Mais je m'arrête dans ces considérations physiologiques qui ne 
sont pas de mon sujet. 

Les résultats de mes observations me semblent pouvoir être 
ainsi résumés : 

Les espaces et ponts interceilulaires existent à l’état normal, 
mais ils n y sont que virtuels pour ainsi dire. 

Les réactifs rendent cette disposition évidente en l’exagérant, 
mais il faut se rendre compte de ce qu’il peut y avoir d'excessif 
dans cette amplification. 

L'action des réactifs est double : mécanique, elle produit la 
rétraction cellulaire: irritante, elle détermine la contraction des 
cellules. La structure histologique de celles-ci à ce moment nous. 
en donne des preuves. 


JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, xx11 (1886). 27 


396 A. PRENANT. 


Physiologiquement les espaces et ponts intercellulaires sem - 
blent possibles, et ont des conséquences importantes au point de 
vue de la morphologie générale et de la physiologie des épithé- 
liums et sous le rapport de la physiologie spéciale de l'épithélium 
de Descernet. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XII. 


Fig. 1. — Lapin albinos(liq. de Muller; pierocarmin, liq.Ripart).Verick, 
de.2, 0b).1. 

Fic. 2A. — Lapin albinos. Vue superficielle. 

FiG. 2B.— Vue profonde du même épithélium (liq. de Muller; picro- 
carmin, liq. Ripart). Verick, oc. 2, obj. 7. 

FIG. ÿ. — Fœtus humain (6 mois) 12 heures après la mort. Ac. osmique 
à _ à corps PRAERRE énigmatiques, (Osm. picrocarmin, liq. Ri- 
part.) Verick, ocul. 2, obj.7, tube tiré. 

Fi. 4. — Chat nouveau-né. (Ac. osmique sr liquide ripart.). Verick, 
oc. 2, obj. 8. 

Fig. 5. — Chat nouveau-né. (Nitrate d'argent à Z 
tube tiré. 

Fig. 6. — Pigeon. (Verick, oc. 2, obj. 9, DSTI ) 

A (action de l'air, de l’acide osmique à - is ensuite, picrocarmin, liq. 
Ripart), figure demi-schématique. 

B (action de Pre de l'acide osmique à — ensuite, liq. Ripart). 

C (ac. osmique à _— liq. Ripart). 

Fic. 7 À et B. — Cobaye. (Verick, oc. 2, obj. 9, immersion (tube tiré 
pour 7 A), ac. oSm. de liq. Ripart.) 

FiG. 8 A et B.— Embryon de poulet, 12e jour (ac. osm. JL liq. Ripart). 

F1G. 9. — Fhgsen (bord de la préparation). Nitrate d'argent à _ .Ve- 
rick, oc. 2, obj. 6, tube tiré. 

Fig. 10. — Pigeon. Nitrate d'argent à —. Verick, oc. 2, obj. 6, tube 
tiré. 

Fig. 11. — Grenouille. Nitrate d'argent à — ou à = 
ob}. 7. 

F1G. 12. — Grenouille. Crayon de Fate d'argent. Verick, oc. 2, obj.7. 

FIG. g+ — Pigeon. Ac. osmique — picrocarmin, liq. Ripart. Verick + 

oc. 2, obj. 9, immersion tube tiré. 

Fic. 12. — Pigeon. Même préparation, es grossissement. 

F1. 15. — Chat nouveau-né. (Ac. osmique — = picrocarmin, liq. Ripart.) 
(Verick, oc. 2, obj.9, immersion); f, fissure dans l'épaisseur de l’épi- 
thélium. 

F1G. 16. — Chat nouveau-né. (Ac. osmique à _ agissant 6 heures après 
la mort de l'animal, liq. Ripart.) Verick, oc. 2, obj. 9, immersion. 


=.) Verick, oc. 2, obj.7, 


“+, Verick, oc. ?, 


MORPHOLOGIE DES ÉPITIHÉLIUMS. 397 


Fi. 17. — Chat nouveau-né. (Air. Acide osmique à +, picrocarmin, 
liq. Ripart.) Verick, oc. 2, obj. 8. 

F16. 18. — Chat nouveau-né. Même préparation. 

Fig. 19. — Pigeon. (Air. Acide osmique ;; vésuvine, liq. Ripart.) Vue 
superficielle. Verick, oc. 2, obj.7, tube tiré. 


F1G. 20. — Cobaye (injection d'acide osmique dans la chambre anté- 
rieure, picrocarmin, liq. Ripart). Verick, oc. 2, obj. 8. 


STRUCTURE DES GLANDES ŒSOPHAGIENNES 
CHEZ L'OCTOPUS VULGAIRE 


Par A. PILLIET 


(PLANCHE XIV.) 

Chez les céphalopodes, il existe à la partie supérieure du tube 
digestif deux paires de glandes volumineuses, formant chacune 
une petite masse d'aspect acineux, bien limité, ets’ouvrant dans 
l'œsophage par un canal excréteur unique. Leur description est 
du ressort de l’anatomie comparée. Nous dirons ici un mot de 
leur structure, persuadés que l'étude de l’adaptation d’un même 
système, le système glandulaire, dans le cas présent aux besoins 
physiologiques variant pour chaque espèce vivante, peut mon- 
trer des rapports nouveaux et ne saurait être dédaigné. 

Ces glandes ontextérieurement l'aspect de glandes en grappe; 
elles paraissent composées de grains jaunâtres, qu'il est toutefois 
presque impossible d'isoler. Ce qu’on constate d’abord en les 
examinant au microscope, soit par dissociation, soit par coupes, 
c'est qu’elles contiennent une grande quantité de cellules calici- 
formes à mucus. Aussi sont-elles communément envisagées 
comme analogues aux glandes salivaires muqueuses des ver- 
tébrés, et c’est ainsi, par exemple, queles considère M. Charles 
Livon, dans un travail assez récent et très étendu sur l’histologie 
des poulpes (1). 

Pourtant, si l’on examine à un faible grossissement la coupe 
d'une de ces glandes, celle de la deuxième paire, ou paire in- 
térieure, par exemple; après traitement par l’acide osmique et 
coloration par le carmin ou l’hématoxyline, on s'aperçoit que les 
choses sont un peu différentes et l’on peut assez facilement se 
rendre compte de la texture de la glande, avant de passer à 
l'étude de sa structure. 

Sur une telle coupe, on distingue d’abord que les canaux glan- 
dulaires sont enveloppés dans un tissu interstitiel trèsabondant; 


(1) Ch, Livon, — Structure des viscères des Céphalopodes, Journal de l’Anatomie, 
etc., 1881. 


A. PILLIET. — STRUCTURE DES GLANDES OESOPHAGIENNES, ETC. 399 


formant à peu près, quand on l’évalue ainsi superficiellement, 
le cinquième de la masse totale de la glande. Ce tissu, disons-le 
tout de suite pour n'avoir plus à y revenir, est formé sur cer- 
tains points de cellules rondes, à noyaux sphériques, dans une 
substance amorphe, etsur certains autres, de cellules fusiformes 
au milieu d'une substance fibrillaire; on y voit des capillaires 
assez nombreux autour desquels les cellules sont aplaties con- 
centriquement et quelques nerfs qui sont des fibres de Remak. 
Autour de chaque canal existe une gaïne lamelleuse épaisse, sem- 
blable à celle des tubes testiculaires. 

Les canaux eux-mêmessont coupés transversalement, oblique- 
ment ou selon leur longueur; ce qui permet de constater au pre- 
mier coup d'œil qu'ils sontallongés, etqu'ilne s’agit pas là d’une 
glande acineuse. On distingue, à un faible grossissement que 
les canaux excréteurs, reconnaissables à leurs cellules opaques et 
striées en long sont très nombreux, que les canaux secréteurs 
présentent par place deux sortes de cellules, claires ou foncées et 
que les cellules foncées sont situées à la partie des tubes glan- 
dulaires la plus profonde, la plus éloignée du canal excréteur. 
Le nombre des tubes coupés en long est considérable. Ilsnesont 
pas groupés en îlots bien distincts, formant lobules, avec le canal 
excréteur au centre. Ils ne se touchent presque jamais, mais sont 
séparés par du tissu conjonetit. 

Il est facile de conclure qu’on a affaire à une glande en tube 
ramifié, à une glande digitée, racémeuse, telle que les a dé- 
crites J. Renaut (1) et l’on peut la comparer aux glandes de Brun- 
ner du duodenumdu chien, par exemple. Mêmes canaux profonds 
et ramifiés, mêmes cellules granuleuses au fond des culs-de-sacs. 
Quant à la constitution cellulaire de cette glande, elle est assez 
particulière. Un certain nombre de culs-de-sac, ceux dont le 
diamètre est le moindre, sont tapissés de cellules polyédriques, 
remplies de grosses granulations très abondantes, et ces cellules 
se touchent, ne laissant au centre du tube qu’une lumière im- 
perceptible. Cette partie répond à la partie la plus reculée des 
canaux; ces cellules granuleuses sont en petit nombre, et font 
place rapidement à des éléments allongés, beaucoup plus volu- 
mineux, Où n'existent plus ces gros grains des cellules précé- 


: (1) S. Renaut. Essai d'une nomenclature mélhodique des glandes, Archives de 
Physiologie, n. 3, p. 301, 1881. | 


400 A. PILLIET. —— STRUCTURE DES GLANDES OESOPIAGIENNES 


dentes, mais dont le corps cellulaire tout entier se colore forte- 
ment en noir par l'acide osmique. Il se colore aussi par l'héma- 
toxyline et le picro-carmin. Ce sont là très probablement deux 
stades différents dans l’évolution d’une même cellule, et les ré- 
actions de ces éléments nous autorisent à penser que ce sont des 
cellules à ferment, d'après les recherches de Nussbaüm (1), 
d'après la distribution de ces cellules sur les coupes, on peut 
estimer qu’elles occupent à peu prèsle tiers profond des canaux. 
Dans tout le reste on voit des éléments allongés, de même forme 
qui sont des cellules caliciformes remplies de mucus restant clair 
par l’action de l’acide osmique. 

Voilà pour les canaux secréteurs. Les canaux excréteurs pré- 
sentent une disposition difficile à expliquer. On les voit tapissés 
d’une série de globes, ou de sphères opaques, disposée en rangée 
sur un seul rang. Cesglobes sont tous entourés d'une zone claire, 
et le tout cst noyé dans une substance opaque formant le revête- 
ment du canal, Si l’on cherche à trouver les éléments cellulaires, 
voici ce que l’on constate : toute la bande épaisse, opaque, qui re- 
pose contre le paroi du tube, et dans laquelle sont contenus les 
éléments que nous venons d'indiquer, présente une citution 
manifeste semblable à celle des cellules des canaux excréteurs 
dans les glandes salivaires. Les globes eux-mêmes que nous avons 
signalés présentent cette même striation, et sont évidemment de 
même nature. Enfin, dans la zone claire qui entoure chaque 
globe, on découvre un noyau, situé du côté de la paroi et en- 
touré d'une atmosphère cyloplastique claire. Chacun de ces 
globes répond donc à une cellule, et cette cellule est ainsi cons- 
tituée : un corps cytoplasmique différencié d'une façon spéciale 
etstrié en long, paraissant confondu sur ses limites latérales avec 
les cellules voisines semblables. Au centre de ce corps, le noyau 
entouré d'une zone cytoplasmique claire, et enfin au milieu de 
cette zone, un globule différencié, présentant l'aspect strié de la 
portion externe de la cellule. D’après certaines figures de Nuss- 
baüm dans le mémoire que nous avons cité, nous croyons que 
cette portion du corps cellulaire est analogue à celle que cet au- 
teur a vus’éliminer dans les glandes gastriques de lasalamandre. 
L'abondance de ces éléments, leur coloration foncée par l'acide 


(1) Moritz Nussbaum, Ueber den Bau und die Thàtigkeit der Drusen, Archiv. für 
mikrosk. Ana’. 1882, p. 296. 


CHEZ L'OCTOPUS VULGAIRE. A0! 


osmique, nous fait penser aussi qu'ils jouent un rôle dans la 
digestion. Cette glande est donc au point de vue de la structure 
une glande mixte, sécrétant à la fois du mucus et des ferments, 
car en effet, les cellules à ferment y sont différentes entre elles. 
C'est sans doute à ces organes que sont dus les sucs digestifs de 
l'estomac des Cephalopodes, car l'Octopus en particulier ne pré- 
sente de glandes gastriques à ferment sur aucun point de son 
canal digestif, comme nous l'avons dit dans un précédent mé- 
moire (1). 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XIV. 


Fi&. 1. — Coupe de la 2 glande œsophagienne de l’Octopus vulgaris. 
Acide osmique, alcool, gomme et alcool. Coloration au picro-car- 
min. 

A. Tissu conjonctif. 

B. Gaîne lamelleuse des tubes. 

C. Tube à grosses cellules striées; c, coupe transverse d'un tube 
semblable. 

D. Tube à cellules granuleuses non striées, et à cellules homo- 
gènes mais opaques. 

E. Tube contenant surtout des cellules claires et homogènes, ct 
quelques cellules granuleuses. 

F. Tube contenant des cellules non granuleuses, mais à corps cel- 
lulaire opaque et homogène. 

F1@. 2. — Tube à cellules striées. Même préparation, coloration à l'hé- 
matoxyline. 

A. Tissu conjonctif. 

B. Gaine lamelleuse. 

C. Masse protoplasmique contenant les noyaux. 
D. Espace clair autour des masses striées. 

E. Masses striées isolées. 

FiG. 3. — Même préparation, cellules granuleuses. 

A. Cellules à cytoplasma composé de gros grains réfringent:. 
B. Tube nerveux composé de fibres de Remak. 


(1) A. Pilliet, Structure du tube digestif de quelques poissons de mer. Bulletins 
Société zoologique de France, 1885, p. 283. 


SUR L'ESTOMAG 


DE L'HIPPOPOTAME, DU KANGUROO DE BENNETT 
ET DU PARESSEUX AÏ 


Par A. PILLIET et R. BOULART, 


(PLANCHE XV.) 


Avant d'aborder l’étude de l’estomac de l'Hippopotame, du 
Kanguroo de Bennett et du Paresseux Aï, nous dirons quelques 
mots desformes principales que présente cetorgane chezles Mam- 
mifères. Simple dilatation du canal alimentaire l'estomac est, 
chez l'Homme, la plupart des Singes, les Carnassiers, par 
exemple, composé de deux portions distinctes au point de vue 
histologique : l’estomac du fond avec des glandes allongées 
contenant deux sortes de cellules, les cellules principales et les 
cellules bordantes, l'estomac pylorique ne contenant qu'une 
seule sorte de cellules, les cellules muqueuses. 

Cet estomac est donc en réalité double et se montre recouvert 
sur toute sa surface de glandes en tube (1). 

Si l'on suppose maintenant que l'æœsophage, à sa partie in- 
férieure, s’allonge, s’évase en entonnoir et empiète sur l’esto- 
mac de façon à en occuper une portion plus ou moins considé- 
rable, on a affaire à un organe toujours simple en apparence, 
mais néanmoins composé de trois parties dont la supérieure est 
constituée par une muqueuse dermo-papillaire, sans glandes en 
tube ; tel est le cas pour beaucoup de rongeurs, en particulier 
pour le Rat, la Souris, etc. Chez d’autres Mammifères de cet 
ordre il existe, entre la portion œsophagienne et l'estomac pro- 
prement dit, une délimitation plus ou moins nette indiquée, à 
l'extérieur, par un étranglement comme chez le Hamster, ou à 
l’intérieur par un repli de la muqueuse, comme chez l'Hélamys. 


(1) Garel. Thèse Lyon. Doctorat en médecine, Muqueuse gastrique des différents 
vertébrés, Paris 1877. 


A. PILLIET ET R. BOULART. — ESTOMAC DE L HIPPOPOTAME, ETC. 403 


Chez le Cheval et le Porc la portion dermo-papillaire œso- 
phagienne de l’estomac occupe près de la moitié de la poche 
gastrique. C’est une véritable panse mais qui se continue, sans 
ligne de démarcation autre que l’aspect de la muqueuse, avec 
les deux portions suivantes de l'estomac. Ce second type nous 
conduit aux estomacs dits composés que l’on observe chez un 
assez grand nombre de Mammifères, mais il faut faire 1c1 la dis- 
tinction entre ceux de ces animaux qui ruminent et ceux qui 
ne possèdent pas cette faculté. Au nombre de ces derniers sont 
les Semnopithèques, les Colobes, chez les Singes, quelques Por- 
cins, les Paresseux, les Cétacés (1), les Kanguroos. 

L’estomac des Rumivuants a été bien décrit aux points de vue 
anatomique et histologique (2). Par contre 1l est des Mammi- 
fères parmi ceux que nous venons d’énumérer dont l'organe en 
question a été peu étudié surtout au prerier de ces points de 
vue. Tels sont en particulier l’Hippopotame, le Kanguroo, le 
Paresseux Aï dont nous allons décrire l'estomac. On verra que 
cette partie du tube digestif, bien que pouvant être ramenée, 
dans la plupart des cas, à l’un ou l’autre des types que nous ve- 
nons de signaler, présente néanmoins chez ces deux derniers 
auimaux, quant au groupement et à la situation des glandes, 
des particularités intéressantes qui l’éloignent des conditions de 
structure ordinaire. | 


HippoPoTAME (Hippopotamus amphibius). 


L'estomac, dans le groupe des Porcins, présente une série de 
gradations qui le font passer d’une forme simple à une forme 
presqu'aussi compliquée que celle qu'on observe chez les rumi- 
nants. Nous avons vu que chez le Porc l'estomac se composait 
au point de vue de l’histologie de trois portions : une portion 
æsophagienne et deux portions stomacales vraies. La seule 
inspection de cet organe montre qu’il existe en outre au fond du 
cul-de-sac cardiaque une dilatation plus marquée chez le San- 
glier, très nette chez le Babiroussa et qui est en quelque sorte 
l’ébauche de la structure, complexe en apparence, qu’on remar- 


(1) Voir R. Boulart et Pilliet. Struct., estomac du Dauphin. Journ. anat., 1884. 
(2) Chauveau et Arloing. Anat. comparée des an. domestiques, éd. 3, 1879, 
p. 447. 


40% A. PILLIET ET R. BOULART. -—— ESTOMAC DE L'IPPOPOTAME, 


que chez le Pécari et chez l’Hippopotame. Chez le Pécari (1) l’es- 
tomac est composé de deux grands culs-de-sac bien distincts, 
l'un cardiaque l’autre pylorique. Le cul-de-sac cardiaque offre 
deux diverticulums, poches coniques à parois minces. Vers la 
région pylorique un sillon marque à l'extérieur la délimitation 
de cette région et de la région cardiaque, sillon auquel corres- 
pond à l'intérieur un bourrelet muqueux épais. 

Chez l'Hippopotame il existe un degré de complication de plus 
et bien que l’estomac de ce Porcin ait été étudié et décrit par un 
assez grand nombre d’anatomistes, il existe néanmoins à son 
égard un certain nombre de lacunes. En effet, quand on com- 
pare entre elles les différentes figures qu'ont données, de l’esto- 
mac de l'Hippopotame, Daubenton, Crips, Gratiolet, J.-W, Clark 
on est surpris des différences qu'elles présentent. Ces différences 
sont d'autant plus singulières que les sujets examinés étaient 
sauf un, des jeunes à la naissance ou du moins âgés de quelques 
mois seulement et, en réalité, il serait difficile, en se basant sur 
la description des auteurs précités d'avancer quelque chose de 
précis quant à la forme, aux dimensions, à la direction, aux rap- 
ports des diverses parties qui composent l'organe dont il s'agit. 
D'autre part, sauf quelques détails histologiques donnés par 
Clark 1l n’existe à l'égard de la structure intime des poches sto- 
macales de l'Hippopotame rien d'assez précis pour interpréter 
convenablement leur rôle. Enfin, la question de l’âge mise de 
côté, existerait-il réellement des différences telles que pas une 
des figures données ne concordent entre elles, ou bien ces dif- 
férences sont-elles imputables à ce que les auteurs précités ont 
étudié l'estomac séparé du reste des viscères et par suite dans 
des conditions telles que l'orientation de cet organe a pu se trou- 
ver sensiblement modifiée. 

La question, complexe dans son ensemble, est une de celles 
que de nombreuses observations peuvent seules trancher. C'est 
pourquoi M. le professeur Pouchet ayant obligeamment mis à 
notre disposition les pièces ayant trait au sujet que renferme son 
laboratoire et la galerie d'anatomie comparée, nous avons pensé 
quil était utile de publier les remarques que nous avons été à 
même de faire. 


(1) Voir Cleland. Viscera of the Porpoise. Journal of Anatomy and Physiology, 
1854, p. 387. 


DU KANGUROO DE BENNETT ET DU PARESSEUX AI, 405 


Ces pièces sont les suivantes : 

4° Un Hippopotame à mi-terme environ de la gestation, ac- 
quis par le Laboratoire au D' Julien en 1883 (1) ; 

2° Un Hippopotame à la naissance, sujet ayant servi au D' Alix 
à compléter quelques points de l'anatomie de ce bisoque, com- 
mencée par Gratiolet (2); 

3° Des portions de l'estomac d'un mâle adulte mort au Muséum 
en 4881 (3). 

Avant de donner la description de ces différentes pièces nous 
résumerons brièvement les travaux publiés jusqu'ici. 

C’est Daubenton (4) qui le premier a décrit et figuré l'estomac 
de l’Hippopotame. Le sujet examiné par lui était un jeune à la 
naissance, sujet chez lequel l'estomac paraissait, à l'extérieur, 
composé de trois cavités. La portion principale s’étendant du 
cardia au pylore ressemblait beaucoup à une portion d’'intestin. 
De chaque côté de cette partie centrale se voyaient deux appen- 
dices en forme de cœcums ; l’un volumineux naïssait du cardia, 
à droite, suivait la portion principale jusque près de sa termi- 
paison et la croisait en arrière; l’autre, plus courte naissait de 
la face postérieure de l’extrémité cardiaque et se recourbait vers 
le côté droit. L'intérieur de cette poche était divisé par plusieurs 
replis, replis dont on constatait aussi l'existence dans l’estomac 
central sous forme de lames transversales qui divisaient sa ca- 
vité en neuf ou dix chambres. La muqueuse de ces différentes 
parties était granuleuse excepté près du pylore où les parois 
étaient lisses et plissés. 

Vrolik (5) note d’après le dessin qu'il reçut du Cap de Bonne- 
Espérance, de l'estomac d’un mâle adulte, qu'il existait de 
chaque côté du cardia deux poches communiquant avec une 
portion volumineuse intestiniforme, dont la cavité était divisée 
par de nombreux plis transversaux; il existait, en outre, un 
appendice près du pylore ? 

Cuvier (6), Meckel (7), Owen (8) se basent sur la description 

(1) Catalogue laboratoire Anatomie comparée, 1883, n° 272. 

(2) Catalogue laboratoire Anatomie comparée, 1871, n° 432. 

(3) Cabinet d’Anat. comp., A. 133. 

(4) Daubenton. In Buffon, 1. XIL, édit. 1784. 

(5) Vroïik. Recherches d’anat. comp., 1846. 

(6) Cuvier, Anat. comparée, t. IV, 2° part., 1835, 


(7) Meckel, Anat. comparée, t. VII. 
(8) Owen, Anat. comparée, t. I. ' 


406 A. PILLIET ET R. BOULART. — ESTOMAC DE L'HIPOPPOTAMF, 


de Daubenton. Aucun ne fait mention de la dilatation volumi- 
neuse qu'offre l'estomac, vers le pylore. Néanmoins Meckel, fait 
très justement remarquer que dans cette région la muqueuse 
stomacale offre un aspect qui la rapproche de celle de la caillette 
des ruminants. Viennent, ensuite, les travaux de Gratiolet (1), 
Crips, Clark, qui s'accordent tous à reconnaître quatre cavités 
stomacales mais différent cependant à beaucoup d’égards. 

Gratiolet décrit et figure l'estomac d’un jeune à la naissance. 
Il est regrettable que cet éminent anatomiste dont l’œuvre re- 
marquable est empreinte d’un si parfait esprit d'observation, ne 
nous ait donné, à l'égard de cet organe que des notions som- 
maires. 


Fic. 1, — Estomac d'un Hippopotame à la naissance, vu par la face 
antérieure d’après Gratiolet. 


D'après lui, l’ampoule cardiaque de l'estomac se continue en 
une sorte de boyau étroit qui sert d'intermédiaire entre l’am- 
poule cardiaque et une ampoule pylorique repliée sur elle-même 
ect aboutissant à un duodonum relativement mince et très étroit. 
Des replis transversaux au nombre de neuf, lui donnent, à l’ex- 
térieur, l'aspect d’un colon. A l’intérieur, un nombre égal de 
cloisons divisent sa cavité en neuf compartiments. 

A cette portion principale s’en ajoute deux autres, l’une ana- 
logue à l’appendice de l’estomac des sangliers, tient à la face 
antérieure de l’ampoule cardiaque ; l’autre est un jabot véritable 
qui s'ouvre à la face postérieure de l’œsophage, au point même 
de son insertion dans l’ampoule cardiaque ; sa grandeur est un 
peu supérieure à celle de l’autre poche. De la structure de la mu- 
queuse des différents compartiments, pas un mot, non plus du 


(1) Gratiolet. Recherch. sur l'anatomie de l’Hippopotame, 1867. 


DU KANGUROO DE -BENNETT ET DU PARESSEUX AI. 407 


reste que de la direction des deux parties annexes. Son dessein 
montre cependant qu’elles étaient parallèles à la portion intes- 
tiniforme. 

Crips (1) a étudié et figuré l'estomac d’un jeune Hippopotame 
âgé de quatorze mois. Les deux poches cardiaques étaient, suivant 


Fig. 2. — Estomac d’un Hippopotame âgé de 14 mois, d’après Crips. 


Jui, à peu-près d’égal volume et, d’après la figure qu'il en donne, 
dirigées de dedans en dehors écartées qu’elles étaient à angle 
aigu de la portion intestiniforme; cette dernière partie comptait 
en son intérieur sept replis valvulaires tandis que la muqueuse 
de la dilatation pylorique n’offrait aucun repli. 

Enfin F. W. Clark ayant eu l’occasion de disséquer un jeune à 


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Fra. 3. — Estomac d’un jeune Arabe à la naissance, d’après Clark. 


la naissance et un adulte, a constaté d'assez grandes différences 
chez l’un et chez l’autre. L’estomac central ne présentait que huit 


brides, brides qui, comme nous venons de le voir étaient au 


nombre de neuf dans le spécimen de Gratiolet et de sept dans 
celui de Crips. La dernière portion, chez le jeune, offrait neuf 


plis en forme de croissant placés le long de sa face antérieure. 


(1) Crips. P, Z. S. 1867, p. 601, 689. 


408 A. PILLIET ET R. BOULART. -— ESTOMAC DE L'INPPOPOTAME, 


Chez l'adulte il existait une valvule spirale au pylore. Ni Dau- 
benton, ni Crips, ni Gratiolet ne parlent de ces plis. D'un autre 
côté, tandis que Crips et Gratiolet figurent les poches latérales 
cadiaques comme ayant sensiblement la même dimension et di- 
rigées à peu près parallèlement à l’estomac central, Daubenton 
nous montre la poche droite plus grande que la gauche, s’éten- 
dant presque jusqu à l’extrémité pylorique, croisant la portion 
intestiniforme de l'estomac; Clark, d'autre part, a vu ces mêmes 
poches dirigées au bas et en dedans chez le jeune, sensiblement 
en dehors et en haut chez l'adulte, comme on le voitil existerait 
d'assez grandes différences dans la structure de l'estomac de 
l'Hippopotame, différences qui portent particulièrement sur la 
structure anatomique de la dilatation pylorique, sur la forme, 
la dimension, la direction des poches cardiaques, sur le nombre 
de compartiments qu'offre la portion intestiniforme. Nous nous 
contenterons, quant à ce qui a trait à ces différents points, de dé- 
crire les pièces mises à notre disposition, nos observations con- 


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2. 


Fic. 4, — Estomac d’un Hippopotame adulte, d’après Clark. 


cordent, il est vrai, entre elles, mais elles ne portent sur un 
nombre suffisant d'animaux pour que nous puissions nous mon- 
trer complètement affirmatifs. 

41° Hippopotame à à mi-terme environ de la gestation. — Le fœtus 
en question mesure 0,80 de long, du museau à la base de la 
queue. Il a été acquis, comme nous l’avons dit plus haut, par le 
laboratoire d'anatomie comparée au D Julien. Son état de con- 
servation est aussi parfait que possible. L’abdomen ayant été 
fendu par une incision cruciale il nous suffit d’écarter les lam- 
beaux pour apercevoir les viscères dont l'estomac forme la masse 
principale. Ce dernier organe paraîtextérieurement composé de 
quatre parties et l'attention est tout d’abordappelée sur une de ces 
portüons, cylindrique, intestiniforme dirigée transversalement de 


DU KANGUROO DE BENNETT ET DU PARESSEUX AI. 409 


l’hypochondre gauche à l'hypochondre droit et offrant tout à fait 
l'aspect d’un colon en raison des bosselures dont sa surface est 
marquée. À droite ce compartiment stomacal est en communi- 
cation avec une poche, courte, sensiblement sphérique, au fond 
de laquelle se montre le pylore. À gauche, la portion intestini- 
forme communique également avec une seconde poche dans la- 
quelle s'ouvre l’æœsophage et qui se montre composée de deux 
compartiments de dimensions inégales, de forme différente, l’un 
placé à droite de l’œsophage, l’autre à gauche, l’un antérieur, 
l'autre postérieur. Pour plus de clarté et pour éviter les répéti- 
tions, nous désignerons le réservoir cardiaque droit par la lettre 
À, la gauche par la lettre B, la portion intestiniforme par la lettre 
C et le renflement pylorique par la lettre D. 

Compartiment À.— Cette partie de l'estomac chez l’Hippopotame 
d'abord large a son origine, sans sillons ni bosselures à sa sur- 
face, va ensuite diminuant de diamètre, devient cylindrique et 
se dirigeant obliquement de haut en bas et de dedans en dehors, 
passe sous la portion intestiniforme et reparaît au delà de son bord 
inférieur sous forme d'un cul-de-sac mesurant 0",06 de long sur 
0®,04 de large. L’extrémité se reléve de bas en haut et se place 
entre la poche D et l'extrémité en cæœcum du compartiment B, 
qui, comme nous le verrons plus loin, se termine égalementen 
un cul-de-sac. La muqueuse dans cette région de l'estomac est 
relevée de plis saillants portant de petites papilles et offrant un 
revêtement épithélial pavimenteux. Au-dessous se voient deux 
couches de muscles dont l’interne surtout est d’une remarquable 
épaisseur. 

Compartiment B. — Cette poche offre plusieurs particularités 
intéressantes. Elle paraît à l’extérieur composée de deux par- 
ties, une inférieure sensiblement globuleuse; une supérieure 
cylindrique qui semble comme plaquée sur la première. Un 
sillon bien marqué indique leur limite. 

La première a 0",06 de diamètre, la seconde mesure 0",09 de 
long sur 0*,05 de large. La partie cylindrique se recourbe de 
dehors en dedans et se termine en un cul-de-sac qui va s’appli- 
quer le long du bord inférieur et concave de la portion intesti- 
niforme. 

Si on fendles parois des poches À et B, on constate que l’æso- 
phage débouche dans une sorte de vestibule dont la muqueuse 


410 A. PILLIET ET R. BOULART. — ESTOMAC DE L'HIPPOPOTAME, 


n'offre point de papilles. Ce vestibule, simple dilatation de 
l'œsophage, communique largement avec les deux poches en 
question et de sa paroi supérieure, séparés par un espace d'un 
centimètre environ , naissent deux replis muqueux importants. 
L'un, le principal, est falciforme et mesure un centimètre dans 
sa plus grande hauteur. Il ressemble à la cloison qu’on observe 
dans la panse des ruminants et divise la poche cardiaque gauche 
en deux étages, régions. dont nous avons parlé plus haut et qu’un 
sillon extérieur correspondant à ce repli lui-même indique tout 
d’abord. L'autre repli de la muqueuse, vertical, peu élevé, di- 
vise l'étage inférieur en deux compartiments. Lorsque l'estomac 
est à l’état de vacuité, ces deux replis sont presque accolés et 
simulent une gouttière œsophagienne. La muqueuse de cette 
poche est comme en A, relevée de plis portant des papilles, mais 
celles-ci sont plus nombreuses et plus longues. Les plis sont en 
outre moins marqués, plus serrés et présentent de nombreux 
anastomoses. La muqueuse a la même structure que celle du 
compartiment précédent. On n’y observe égalementaucune trace 
de glandes. Un pli vertical semi-lunaire sépare cette cavité sto- 
macale de la portion intestiniforme C. 

Compartiment C. — Cette portion de l'estomac mesure 0,17 
de long sur 0°,06 de diamètre. Elle présente un bord supérieur 
légèrement convexe et offre à sa surface huit profonds sillons 
délimitant autant de bosselures qui lui donnent l’aspest d'un 
colon. Une bride fibreuse règne dans toute sa longueur. A l'in- 
térieur se voient huit cloisons incomplètes qui divisent la poche 
C en autant de compartiments mesurant 0",02 de large. On re- 
marque, en outre, vers l’orifice de communication avec Ja 
poche décrite plus haut, deux autres plis peu élevés, très rap- 
prochés l’un de l’autre et qui portent le nombre des cloisons à 
dix. Nousrappellerons que Daubenton en a compté dix, Gratiolet 
et Clark neuf, Crips 7. Ces plis ainsi que le reste de la muqueuse 
sont couverts de papilles très nombreuses et fines. La muqueuse 
ne présente pas de glandes. 

Cette portion de l'estomac communique largement avec le ren- 
flement pylorique. Un sillon marque à l'extérieur la délimita- 
uon des régions cardiaque et pylorique et répond à un bour- 
relet muqueux formé de deux plis accolés à la base, qu’on observe 
à l'intérieur. 


DU KANGUROO DE BENNETT ET DU PARESSEUX AI. 411 


Compartiment D.— Cette dernière partie de l'estomac, la plus 
importante au point de vue physiologique, mesure 0",09 de 
longueur sur 0",07 de large. Elle se rapproche beaucoup pour la 
forme du cœcum de quelques singes et en particulier des Cyno- 
céphales. Elle offre à l'extérieur trois sillons peu marqués. A l’in- 
térieur sa muqueuse offre un aspect velouté et se montre relevé 
de plis transversaux au nombre de six principaux dirigés trans- 
versalement et qui s'anastomosent par places. On n’y voit aucune 
trace de la valvule spirale signalée par Clark chez l'adulte. 

Cette partie est lé véritable estomac. Partout ailleurs on trouve, 
en effet, comme nous l'avons dit, une muqueuse dermo-papil- 
laire et les différences que l’on remarque à l'œil nu s'expliquent 
par le nombre plus ou moins considérable, le groupement et les 
dimensions des papilles. Dans le compartiment D nous trouvons 
des glandes en tube, serrées. L'épithélium était en grande partie 
tombé, mais on pouvait voir encore sur certains points des cel- 
lules bordantes. Nous avons de plus constaté la présence de 
follicules clos qui font absolument défaut dans les trois autres 
poches, et de glandes acineuses au voisinage du pylore. Le col 
des glandes est évasé; leur intervalle est rempli à la surface par 
de petites villosités. 

Nous avons trouvé dans l'estomac du fœtus dont nous nous 
occupons un grand nombre de grains, sensiblement égaux, du 
volume d’un petit pois et de couleur blanc jaunäâtre. Tous ont 
l'aspect enroulé et présentent un hile qui se termine en cul-de- 
sac. Leur surface est sillonnée de traits spiroïdes. A la coupe ils 
se montrent formés entièrement de cellules épithéliales desqua- 
mées. C’est la couche la plus superficielle (épiderme fœtal) qui 
recouvre la panse et qui, une fois tombée, aété brassée par l’esto- 
mac et transformée en ces petites masses régulières et sembla- 
bles. On ne voit, en effet, à la périphérie comme au centre de ces 
masses que de grandes cellules polyédriques, claires, vésicu- 
leuses, avec atrophie complète des noyaux. Il est impossible, 
croyons-nous, de comprendre la formation de ces boules sans 
admettre des mouvements actifs de l’estomac chez le fœtus. On 
sait du reste que la desquamation épithéliale est très active chez 
le fœtus, sur toutes les muqueuses ectodermiques, et par suite 
la présence de ces masses épithéliales n’est intéressante qu’au 


point de vue de la forme qu’elles affectent. 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — T. xx11 (1886). 28 


412 A. PILLIET ET R. BOULART. — ESTONAC DE L'HIPPOPOTAME, 


2° Hippopotame à la naissance. — L’estomac, chez ce sujet, 
offre en plus grand la répétition de ce que nous avons vu chez le 
fœtus à mi-terme de la gestation. Les deux poches cardiaques 
ont une direction analogue, les mêmes rapports, la même forme. 
On retrouve dans le compartiment gauche les deux plis prinei- 
paux dont nous avons parlé, ainsi que le sillon qui à l'extérieur 
divise ce diverticulum. La portion intestiniforme présente éga- 
lement dix cloisons dont les deux premières sont peu marquées. 
Enfin, nous observons dans la région pylorique le même sillon 
externe et les mêmes plis internes et tranversaux que nous 
avons précédemment décrits. 

Dans la poche cardiaque droite, les plis de la muqueuse pa- 
rallèles entre eux et longitudinaux offrent une série de, creux et 
de saillies qui leur donnent l'aspect festonné. Dans les creux, 
les papilles sont rares et petites ; sur les saillies, au, contraire, 
elles s'offrent comme de petits corps épais, coniques, quelque- 
fois groupés au nombre de trois ou quatre sur une base com- 
mune, d’autres fois isolés. Certains se bifurquent vers leur extré- 
mité. À gauche, la disposition est la même, mais les papilles 
sont plus allongées, à peu près cylindriques; il n’est pas rare 
d'en trouver par place cinq ou six groupées en petits paquets. 
Dans la région intestiniforme, les papilles deviennent si nom- 
breuses qu’elles couvrent entièrement la muqueuse et ne laissent 
plus apercevoir les plis qui leur servent de base. Elles sont 
beaucoup plus fines que partout ailleurs, portées également au 
nombre de quatre, cinq ou six sur une saillie, plus rarement 1s0- 
lées et souvent bifurquées et trifurquées. Cette disposition rap- 
pelle beaucoup celle qu'on observe à l'égard des villosités intes- 
tinales du Rhinocéros. 

3° Hippopotame + adulte. — Nous n’avons eu à notre disposi- 
tion que des portions des quatre cavités stomacales de ce Porcin. 
La disposition des papilles étant la même que chez le jeune à la 
naissance, nous nous contenterons de donner une.description 
histologique sommaire de ces quatre régions. 

1° Portion À (cul-de-sac cardiaque droit). — Sur une coupe, 
on constate qu'il existe dans cette partie de l'estomac deux plans 
de fibres musculaires dont l’interne est d’une.extrême épaisseur. 
La muqueuse se compose d’un épiderme, d’un derme et d’un 
hypoderme, L'épiderme est pavimenteux, stratifié, divisé en deux 


DU KANGUROO DE BENNETT ET DU PARESSEUX AI. 419 


couches ; une externe hyaline se colorant fortement par les réac- 
üfs et dans laquelle on n’aperçoit des noyaux qu’à la partie pro- 
fonde; une externe, véritable corps muqueux de Malpighi, qui 
envoie entre les papilles du derme des prolongements très ré- 
guliers et très profonds, un peu renflés en massue à leur extré- 
mité. Les cellules sont crénelées ; presque toutes celles qui sont 
en contact de la couche superficielle présentent un état vésicu- 
leux de leurs noyaux, mais on ne voit pas d’éléidine n1 de proces- 
sus de keratinisation. Le derme forme une mince bande fibreuse 
ne présentant que relativement peu de tissu élastique et d’où 
partent des papilles vasculairrs. L’hypoderme forme une couche 
assez lâche dans laquelle on ne voit ni musculaire muqueuse ni 
glandes d'aucune sorte. Cette partie est comparable à la portion 
œsophagienne de l’estomac du Cheval ou du Pore, ou, si l'on 
veut, à la panse d’un très jeune ruminant. 

2 Portion B (compartiment cardiaque gauche). — Même struc- 
ture de l'épiderme que dans la poche précédente ; la couche la 
plus superficielle se teint fortement en jaune par le picro-car- 
min. Les papilles du derme sont nombreuses et serrées, mais un 
peu plus longues. Il existe de plus des saillies des bourgeons 
dermiques couverts de ces mêmes papilles et assez volumineuses 
pour faire saillie à la surface libre de la muqueuse. Le corps 
muqueux est assez développé, mais il n’y a pas trace d’éléidine. 
Il n'existe pas non plus de musculaire muqueuse sous le derme, 
mais on remarque à la face profonde de celui-ci de gros faisceaux 
de fibres conjonctives qui courent parallèlement à la muqueuse. 
On ne voit aucune glande dans l’hypoderme. Au-dessous de ce 
dernier, les fibres lisses sont séparées par Le tissu conjonctif en 
ilots à peu près d'égal volume, îlots cloisonnés eux-mêmes et 
formés chacun par six à huit faisceaux de fibres lisses. 

Ce compartiment présente, aux points de vue auatomique et 
histologique, beaucoup d’analogie avec la panse. 

3° Portion C ou intestiniforme. — C'est encore une région 
ectodermique, mais les saillies du derme se sont multipliées. 
L’épiderme y est encore formé de cellules pavimenteuses strali- 
liées, très abondantes, et le derme présente les mêmes papilles. 
La présence des grands plis transversaux qui divisent cette poche 
stomacale en compartiments, l'abondance des papilles, l'absence 
d'anastomose entre les plis principaux ne permettent pas d’assi- 


414 A. PILLIET ET R. BOULART. — ESTOMAC DE L’HIFPOPOTAME, 


miler cette portion de l'estomac au bonnet des ruminants. C'est 
un feuillet non développé, rudimentaire, que nous avons sous 
les yeux. 

Quant à la quatrième portion stomacale C ou caillette, elle ne 
diffère de celle du jeune à la naissance que par la hauteur des plis. 

En résumé, l'estomac de l’Hippopotame est une ébauche de 
celui des ruminants. Il n'aurait, il est vrai, que trois cavités : 
une panse, formée des compartiments A et B, un feuillet et 
une caillette; mais il est aussi des ruminants qui n’ont aussi 
que trois cavités stomacales, le feuillet faisant défaut. Tels 
sont les Hyemosques qui se rapprochent à d’autres égards des 
Porcins, et en particulier en ce qu’ils ont le placenta diffus et 
que leurs métacarpiens et leurs métatarsiens principaux restent 
distincts. D'autre part, les deux estomacs d'Hippopotame que 
nous avons pu examiner nous ont montré une concordance par- 
faite dans la forme, les rapports, les détails anatomiques des di- 
vers compartiments qui les composaient, et si nous les compa- 
rons à la figure que Clark a donnée de l'estomac d'un adulte, 
nous constatons que la panse et la caillette ne semblent pas su- 
bir avec l’âge de modifications analogues à celles qu'on observe 
chez les Ruminants. 


KaxGur0O DE BENNETT (Halmalurus Bennettü). 


C’est à l’obligeance de M. R. Blanchard, que nous devons 
d’avoir pu examiner à l’état frais, l'estomac de ce marsupial. 

Il nous a paru offrir un certain nombre de particularités 1n- 
téressantes qui l’éloigne à quelques égards des estomacs com- 
posés du type ruminant, et cétacé et sembleraient nécessiter la 
création d’un autre terme. 

Chez le Kanguroo en question, l’œsophage s’ouvrait dans une 
vaste poche ou panse dirigée transversalement de l’hypochondre 
gauche, à l’hypochondre droit, située au-dessus du colon trans- 
verse et offrant, abstraction faite de son volume beaucoup plus 
considérable, la même apparence. 

Elle présente, en effet, un nombre assez considérable de saillies 
ou de bosselures séparées par des sillons plus ou moins profonds. 
Cétte poche se continue à droite avec un compartiment moins 
volumineux ; la communication entre ces deux réservoirs se fait 
au moyen d'un très large orifice. La seconde poche offre l’as- 


DU KANGUROO DE BENNETT ET DU PARESSEUX AI. 415 


pect mamelonné de l'estomac vrai et se termine par le pylore; 
cet orifice est relativement étroit. Immédiatement au-dessous du 
bourrelet pylorique, la muqueuse de l’intestin est soulevée sur 
un espace de 1 centim. 1/2 par des groupes de glandes jaune 
rougeâtre, d'aspect acineux, formant une saillie de plus de deux 
millimètres au pylore. 

Cette couche va en s’atténuant brusquement, à un centimètre 
et demi du détroit pylorique. Vient ensuite la muqueuse de l’in- 
testin avec son aspect normal, très mince, ne contenant plus de 
glandes de Brunner dans son épaisseur, mais parsemée de fol- 

licules clos réunis par groupe de six à huit, aplatis, étiolés. 

= La première poche stomacale est dilatée à gauche en un cul- 
_ de-sac assez marqué, relié à la rate par un repli épiploïque. A 
l'extérieur, un raphé fibreux indique la limite entre les deux 
portions de l’estomac dont nous venons de parler. De l'œsophage 
à ce raphé s'étend la petite courbure de la panse dont la mu- 
queuse peu épaisse et à surface lisse offre des plis longitudinaux 
très fins et présente le même aspect que la muqueuse de l’œso- 
phage, qu’elle semble continuer jusque dans la deuxième poche. 
C’est un premier degré de gouttière œsophagienne. Toute la 
portion de cette poche répondant à la grande courbure, présente 
des bosselures profondes, annulaires, multiples, décomposées 
elles-mêmes en bosselures secondaires limitées par des plis qui 
viennent se terminer en avant et en arrière de cette bande de 
tissu qui forme la petite courbure. 

Toutes ces bosselures, qui font saillie à l’extérieur, peuvent 
être dilatées dans une assez grande proportion, sans que les di- 
mensions ni la position de la petite courbure puissent varier. 
Les plis transversaux extrêmement nombreux délimitantdes bos- 
selures aussi marquées, sont l’exagération de la disposition qu’on 
observe dans la portion instestiniforme de l'estomac de l’Hippo- 
potame. 

L'œsophage présente, au cardia, une double couche muscu- 
laire très épaisse. Le derme offre de nombreuses papilles vas- 
culaires. L'épiderme pavimenteux stratifié, comprend d’abordun 
corps de Malpighi formé de cellules polyédriques granuleuses. 
Celles de la couche génératrice se chargent beaucoup plus que 
les autres de matières colorantes. Celles qui se trouvent à la 
limite du réseau de Malpighi présentent la même élection, des- 


416 A. PILHET ET R. BOULART. — FSTOMAC DE L’HIPPOPOTAME, 


sinant ainsi une sorte de structure granuleuse rudimentaire. Au- 
dessus vient la couche de desquamation formée de cellules à pro- 
toplasma homogène et transparent non grenu. Elles conservent 
leur noyaux jusque dans les couches les plus superficielles. 

La bande de muqueuse sèche et mince, large de deux centi- 
mètres, qui occupe la petite courbure, allant de l’œsophage à la 
deuxième poche présente une couche musculaire mince, un 
derme sans papilles, où l’on ne voit d’autressaillies que celles dé- 
terminées par les fins plis longitudinaux qui composent cette zone 
et un épiderme pavimenteux stratifié, présentant la même struc- 
ture que dans l’œsophage, mais dont les deux couches ont une 
épaisseur beaucoup moindre. Il n’y a pas de glandules sous-ja- 
centes. Des deux côtés, en avant et en arrière, cette bande est 
séparée des plis transverses qui donnent à cette poche un faux 
aspect du feuillet de ruminant, par une mince bordure très net- 
tement accusée qui répond à un épaississement de la muqueuse 
soulevée par des follicules clos serrés en deux bandes parallèles, 
le long de la gouttière de la petite courbure. Au microscope on 
voit l’épithélium pavimenteux stratifié cesser brusquement au 
niveau de ces follicules qui sont recouverts par des glandes en 
tube sur lesquelles nous allons revenir. Les follicules sont len- 
ticulaires, aplatis, situés au milieu même du chorion entre l'épi- 
thélium et la couche de muscles externe très mince à ce niveau. 
Ils cessent au niveau des plis de la grande courbure. 

Dans la grande courbure, dans la région des plis, on voit la 
tunique musculaire très restreinte, surtout la couche longitudi- 
nale externe qui est réduite, sur les coupes, à un mince liseré. 
Sa tunique interne annulaire, dont les faisceaux sont dirigés pa- 
rallèlement au sens des plis, est beaucoup plus marquée. Le 
chorion, très mince, formé de tissu conjonctif en faisceaux 
fibroïdes, dessine des plis de différente hauteur comblés par un 
tissu conjonctif lâche qui permet l’ampliation de l'estomac quand 
ces plis sont effacés, plis dans la formation desquels n’entre pas 
de muscles. Il n y apas d’ailleurs de musculaire muqueuse et on 
ne constate que du tissu cellulaire et des vaisseaux capillaires. 
La partie du chorion sous-jacente aux glandes est riche en cel- 
lules fusiformes, puis viennent les glandes elles-mêmes quire- 
couvrent toute la surface stomacale offrant des plis, c’est-à-dire à 
peu près les + de cette poche. Elles jouent donc un rôle consi- 


DU KANGUROO DE BENNETT ET DU PARESSEUX AI. 417 


dérable. Ce sont des glandes en tube, serrées, toutes d’égale 
hauteur et présentant un corps et un col. Les cellules qui ta- 
pissent le reste de l'estomac, s’enfoncent dans le col des glandes 
et descendent jusqu'aux deux tiers de la hauteur du tuble glan- 
dulaire. Ce sont des cellules prismatiques, ou plutôt cubiques à 
cytoplasma assez clair, très grenu, mais à noyau très volumi- 
neux ; elles se rapprochent de la forme cubique à mesure qu’elles 
s’enfoncent davantage dans les glandes. Les culs-de-sac, au con- 
traire, sontoccupés par des cellules à noyaux petits, à corps cel- 
lulaire clair, légèrement et uniformément granuleux, toutes po- 
lyédriques par pression réciproque et ressemblant beaucoup, 
comme disposition générale, aux cellules d’une glandule mu- 
queuse ou faiblement séreuse telle qu'on en peut trouver sur la 
peau de la grenouille, par exemple, nous n'avons pas pu en trai- 
ter par l'acide osmique et voir si quelques-unes présentaient 
pour cet agent colorant une élection spéciale, les rapprochant 
des cellules de Nussbaum, par exemple, que l’on rencontre dans 
l'estomac pylorique (1). Il n’y a pas de villosités proprement 
dites, ni même de saillies villeuses entre ces glandes, à la sur- 
face de cette poche, ce qui nous prouve que nous ne sommes 
pas là dans l'estomac. Le caractère'de ces cellules l'indique 
aussi, car elles sont éloignées des cellules principales et plus en- 
core des cellules bordantes de l’estomac du fond des mammifères 
à poche gastrique simple. La présence d'un tel revêtement de 
glandes en tube dans la panse est un fait curieux et mérite qu’on 
s'y arrête. Les glandes en tube simple, dans l'appareil digestif, 
semblent en effet, appartenir surtout aux muqueuses endoder- 
miques et cela d'autant plus que l’on considèrera plutôt comme 
des cryptes que comme des glandes vraies, les dépressions au 
doigt de gant qu'a signalées M. G. Herman (2), dans la portion 
ectodermique de la muqueuse anale. Pourtant, l’un de nous (3) 
a déjà signalé chez le Chameau et le Lama, dans la panse, dans 
deux régions qui étaient autrefois regardées comme des bonnets 
rudimentaires, des glandes en tube, remplies d’une seule sorte 
de cellules polyédriques ou irrégulièrementarrondies, assez pe- 

(1) Philippe Storh, Arch. fur mikroskopische Anatomie 1881, p. 221. Zur Kennt- 
niss des feineren Magens Schleimhaut. 

(2) Gustave Herman. Muqueuse anale, thèse doctorat, Paris, 1880. 


(3) A. Pilliet. Portion gaufrée de l’estomac du chameau. Bulletin de la Société 
zoologique de France, 1885, p. 40. 


418 A. PILLET ET R. BOULART. — ESTOMAC DE L'HIPPOPOTAME, 


tites, réfringentes, rempli d'un granulé fin et se colorant assez 
faiblement par l'hématoxiyline. Elles ont exactement la même 
forme et la même disposition que nous avons sous les yeux, dans 
la panse du Kanguroo. A cette époque, les glandes en tube de la 
panse du Chameau et du Lama se présentaient à nous comme un 
cas isolé curieux, et nous n'avions pu en rattacher les éléments 
à aucune des cellules déjà connues de la muqueuse gastrique. 

Chez le Kanguroo, nous retrouvons des organes en tout sem- 
blables, mais beaucoup plus répandus. Par conséquent, le deve- 
loppement de glandes en tube simple, dans des muqueuses der- 
mo-papillaires telle que celle de la panse, est un fait hors de 
doute. Il est d'autant plus curieux à constater que chez d’autres 
vertébrés que nous sommes accoutumé à étudier, l’homme ou le 
chien, par exemple, les glandes qui existent dans les muqueuses 
dermo-papillaires, telles que celle de l'œsophage, sont de glandes 
en grappes réfugiées dans le chorion, sous l’épithélium pavi- 
menteux stratifié qui reste intact. 


Notons pour en finir avec cette question de la morphologie des 
glandes de l’aditus anterior, que les glandes de l’œsophage et 
du jabot des oiseaux, sont des glandes en tube composées, c’est- 
à-dire que leur cul-de-sac profond et élargi est divisé par des cloi- 
sonssecondaires, de façon à leur donner l'aspect de glandes aci- 
neuses très simples, comme l’a montré le professeur Ranvier (1), 
qui à mis au point cette question dans ces derniers cours. Rien 
d'étonnant à ce que nous y trouvions des glandes en tube simples. 

La panse du Kanguroo se continue largement, comme nous 
l'avons vu, avec l'estomac vrai. Dars celui-ci la muqueuse, d’a- 
bord peu épaisse au voisinage de la première poche augmente 
peu à peu d'épaisseur jusqu'au pylore, iciles deux couches mus- 
culaires de l'estomac ne changent guère jusqu’en ce point, l'in- 
terne restant toujours la plus considérable ; le chorion est épais 
et forme des bandes parallèles de faisceaux conjonctifs, parcou- 
rues par de volumineux plexus nerveux. Les glandes de plus en 
plus hautes, à mesure qu’on se rapproche du pylore où elles sont 
plus longues que les glandes gastriques ; cellules granuleuses bor- 
dantes à la périphérie, cellules principales au centre. Ces glandes 


(1) L. Ranvier. Cours de janvier 1884, in Journal de Micrographie de Pelletan. 
Paris, 1884. 


DU KANGUROO DE BENNETT ET DU PARESSEUX AI. 419 


sont d’abord très étroites et très allongées ; les éléments y sont 
serrés et aplatis. À un faible grossissement la zone des glandes 
parait partagée en deux portions d égale hauteur, une profonde 
qui fixe énergiquement les réactifs ; une supérieure qui se colore 
beaucoup moins bien. Si on examine de plus près les éléments 
on voit que dans toute la portion profonde, les glandes et leur 
cul-de-sac très légèrement renflé sont tapissés par des cellules 
cubiques peu granuleuses, à noyaux volumineux qui sont évidem- 
ment des cellules principales, puis, par une transition tellement 
ménagée qu’elle est presqu'insensible, ces éléments font place 
dans la seconde partie de la glande à des cellules plus grosses, 
polyédriques remplies d'un granulé jaunätre, réfringent, qui 
sont les analogues des cellules bordantes bien qu'elles soient 
beaucoup plus petites que chez les autres Mammifères. Ainsi 
s'expliquent les deux zones de coloration différente que l’on voit 
tout d’abord. La surface de la muqueuse stomacale et le col des 
glandes jusqu’à une faible profondeur sont recouverts par des cel- 
lules-ealiciformes du type prismatique, c’est-à-dire très allongées 
et évasées à leur surface libre. Les glandes sont séparées par des 
saillies très courtes qui sont des rudiments villeux plutôt que 
des villosités vraies. Au pylore les glandes offrent la même dispo- 
sition générale ; les granulations jaunes des cellules sont cepen- 
dant un peu moins nombreuses mais elles continuent à former 
un revêtement d'éléments cubiques; elles cessent brusquement 
au niveau de l’épaississement de la couche interne de la tunique 
musculaire, qui constitue Le sphincter pylorique et font place aux 
glandes de Liberkuhn, courtes, très espacées, s’enfonçant peu 
dans le chorion. 

La muqueuse du duodénum est dépourvue de villosité à ce 
point. I n'y a donc pas de glandes pyloriques proprement dites, 
mais, par contre, et c'est là unfaitparticulier, on trouve un groupe 
de glandules visiblesà l'œil nu, au-dessous du pylore. Gesglandes 
loin d'être comme nous le pensions tout d’abord des glandes 
de Brunner, sont composées d’acinis bien distincts constitués 
chacun par des canaux courts que tapissent des cellules polyé- 
driques granuleuses à noyaux volumineux, ne laissant pasentre 
elles de lumière centrale, offrant en un mot l'aspect d’une glande 
en grappe séreuse; un seul caractère manque toutefois. Nulle 
part on ne voit de canaux excréteurs différenciés, 


420 A. PILLIET ET R. BOULART. — ESTOMAC DE L'HIPPOPOTAME, 


En résumé l'estomac du Kanguroo de Bennett comprend : 

Une panse pourvue de glandes en tube probablement à mucus ; 
un estomac vrai très riche en glandes à cellules granuleuses. Ab- 
sence de glandes pyloriques, probablement supplées pas les 
glandes de la première poche stomacale. Cellules à ferment se 
continuant groupées en glandes en grappe jusque dans un duo- 
dénum dépourvu de villosités, avec follicules clos confluents. 

D'autre part la présence de glandes en tube dans la panse du 
Kanguroo, analogues en tous points à celles qu'on trouve dans les 
portions gaufrées de la panse du Chameau et des Lamas, est une 
particularité qui offre un certain intérêt. Les Marsupiaux consti- 
tuent, en effet, un groupe des plus naturels, il est vrai, mais dont 
certaines familles peuvent être homologuées avec quelques-uns 
des ordres de Mammifères placentaires. C’est ainsi qu’on a com- 
paré les Phascolomes aux Rongeurs, les Phalangers aux Lémures, 
les Dasyures et les Thylacines aux Carnivores. On a de même 
constaté que les Kangouroos avaient quelque analogie avec les 
Ruminants, par leurrégime, la forme de leur cœcum, la compli- 
cation de leur estomac divisé en compartiments incomplets par 
des plis de la muqueuse et par la disposition de leurs pieds de 
derrière grèles, dont les métatarsiens et les deux premières 
phalanges sont accolés l’une à l’autre et dont la phalange un- 
guéale porte un petit ongle qui s’accolant contre celui de l’autre 
doigt rappelle en petit les deux sabots intermédiaires des Bi- 
sulques (1). À ces divers caractères s’ajouteraient la similitude 
singulière qui existe, au point de vue histologique, entre les por- 
tions gaufrées de la panse des Camélides et la région de l'estomac 
du Kanguroo qu’on ne peut assimiler qu’à une panse. 


ParEssEUx Aï (Bradypus Tridactylus). 


L'estomac des Paresseux Aï et Unau a été décrit par un grand 
nombre d’anatomistes au nombre desquels nous citerons Cu- 
vier (2), Meckel (3), Duvernoy, Milne Edwards (4) et E. Ousta- 
let (5). 


(1) P. Gervais. Histoire des Mammifères, t. 11, p. 268. 

(2) Cuvier, Anatomie comparée, t. IV, 2° partie, p. 56, année 1835. 

(3) Meckel, Anatomie comparée, t. VII, p. 567, année 1838. 

(4) Milne Edwards, Leçons physiol. et anat. comparées, t. VII, 1858 et t. VI, 1860. 
p. 316, note. 

(5) E. Oustalet, Dict. encyclop. des sciences méd., série 2, t. XXI, 1785, p. 174. 


DU KANGUROO DE BENNETT ET DU PARESSEUX AI. 421 


Aussi nouscontenterons-nous de rappeler brièvement la forme 
que présente cette organe chez l’Aï. Il semble extérieurement 
composé de trois parties. La première portion la plus volumi- 
neuse et qu’on a assimilée à une panse est divisée en deux com- 
partiments, un gauche et un droit. Le compartiment gauche dont 
la muqueuse est papilleuse se termine en un court cul-de-sac; 
le compartiment droit est lui-même incomplètement subdivisé 
en deux et sa muqueuse est plissée. De cette panse on passe dans 
une poche stomacale comparée au bonnet des Ruminants, mais 
dont le revêtement épithélial est en tout point analogue, d’après 
Owen à celui de la cavité précédente, et qui n’est par conséquent, 
qu’une troisième portion de la panse. Gette panse ou ce bonnet, 
comme on voudra l’appeler est en communication avec l’œso- 
phage au moyen d’une sorte de gouttière æœsophagienne qui se 
termine dans la cavité stomacale dans laquelle quelques auteurs 
voient un feuillet et une caillette. Cette dernière région est d’a- 
près Owen revêtue d’un épithélium épais qui va en augmentant 
d'épaisseur vers le pylore ou elle prend alors un aspect grossière- 
ment villeux (4). Cet anatomiste signale l'absence de cet épithé- 
lium sur un espace ovalaire près de la grande courbure, portion 
dont la surface est faiblement villeuse. C’est cette bande que nous 
verrons plus loin présenter seule des glandes pepsiques, noyée 
qu'elle est au milieu d’un épithélium pavimenteux stratifié. Les 
sujets que M. le professeur Pouchet a bien voulu mettre à notre 
disposition sont au nombre de deux : un très jeune Aï et un 
adulte. 

L'œsophage au voisinage de l'estomac, se montre formé de 
trois couches musculaires. L’interne est constitué de fibres longi- 
tudinales, striées, disposées par faisceaux inégaux, faisceaux qui 
déterminent les plis longitudinaux qui soulèvent la muqueuse. 
Vient ensuite une couche de fibres anulaires striées également, 
puis enfin, plus en dehors, apparaît une couche mince de fibres 
lisses longitudinales. Les fibres striées descendent donc extrême- 
ment bas dans cet æsophage et les fibres lisses les recouvrent à 
leurterminaison, s’imbriquantsur ellessansseconfondre, comme 
cela à lieu du reste chez un certain nombre d’autres vertébrés et 
en particulier les poissons (2). 

(1) Owen, Anat. comparée, t. IT. 


(2) A. Pilliet. Structure du tube digestif de quelques poissons de mer. Bulletin de 
la Société zoologique de France, 1881, p. 283. 


422 A. PILLIET ET R. BOULART. — ESTOMAC DE L'HIPPOPOTAME, 


La muqueuse se compose d’un chorion ou derme assez épais 
formé de faisseaux ondulés, de tissu conjonctif et ne présentant 
pas de papilles, et d’un épithélium pavimenteux, stratifié, assez 
mince. 

Le premier compartiment stomacal formé comme nous l’avons 
vu d’une poche droite et d'une poche gauche, offre deux couches 
de fibres musculaires assez feutrées et minces , un chorion peu 
épais soulevé de distance en distance par des plis élevés, sail- 
lants dont la charpente est formée de tissu conjonctif. Des pa- 
pillles dermiques, coniques, courtes, égales entre elles, se voient 
en assez grand nombre dans le compartiment gauche surtout, 
et sont recouvertes par des cellules pavimenteuses stratifiées. Il 
n'existe n1 glandes m1 follicules clos dans le chorion. 

Le deuxième compartiment ou bonnet de la plupart des au- 
teurs offre une structure à peu près identique à ceile de la région 
précédente. Les deux plans musculaires de fibres lisses sont plus 
épais, mieux marqués, tandis que les papilles sont peu appa- 
rentes et noyées dans l'épithélium pavimenteux stratifié. Par 
contre , les plis de la panse sont devenus de véritables feuillets 
qui, sur certains points, s’anastomosent entre eux, disposition 
qui rappelle celle qu’on observe dans le bonnet des Ruminants. 
Ces feuillets sont formés par l’adossement de la tunique mu- 
queuse et de la couche musculaire interne qui pénètre dans cha- 
eun de ces replis et leur sert de charpente. On ne voit pas trace 
de glandes chez le jeune dans cette partie, tandis que chez 
l'adulte il existait entre cette poche et la première une ligne de 
follicules clos. 

Le troisième compartiment dans lequel Owen ne voit qu’une 
poche unique, tandis que d’autres anatomistes l’assimillent au 
feuillet et à la caillette, ce qui porterait à quatre le nombre des 
loges stomacales chez l’Aï, présente dans sa partie répondant au 
feuillet des papilles dermiques, coniques, courtes, abondantes, 
avec un épithélium pavimenteux stratifié. Elles font légèrement 
saillie à la surface de la muqueuse. Il n'existe point de glandes. 


Vient ensuite la région signalée par Owen comme dépourvue 
d'épithélium pavimenteux stratifié. Dans cette partie, la mu- 
queuse devient épaisse, veloutée et présente des glandes gas- 
triques encore peu développées. Au-dessus l'estomac se montre 
revêtu d’une muqueuse, mince, sèche, sans velouté et dont la 


DU KANGUROO DE BENNETT ET DU PARESSEUX AI, 423 


tunique musculaire va s’épaississant jusqu'au pylore. On y re- 
marque de hauts plislongitudinaux décomposés en papilles beau- 
coup plus marquées que partout ailleurs, coniques ou filiformes 
etrecouvertes par des cellules pavimenteuses stratifiées. Il n°y a 
pas de glandes acineuses ou tubulées, non plus que de tissu 
lymphoïde. 

Chez l'Ai adulte, nous constatons également l'absence de 
glandes dans les parties de l’estomac assimilées à la panse ou 
bonnet et au feuillet. Nous n’en trouvons, comme chez le jeune, 
que dans le compartiment stomacal précédent la dilatation py- 
lorique, région qui offre cette particularité d’être recouverte d'un 
épithélium pavimenteux stratifié. Un autre fait intéressant est 
le mode de groupement de ces glandes qui occupent une surface 
réduite, plus restreinte que chez les Ruminants puisque la mu- 
queuse à épithélium pavimenteux stratifié envahit la caillette 
et se poursuit jusqu'au pylore. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XV. 


Fic. À. — Estomac d’un fœtus d'Hippopotame à mi-terme environ de 
la gestation, vu par la face antérieure. 

Fig. 2. — Estomac du même, vu par la face antérieure; les différents 
compartiments ont été ouverts pour montrer les orifices de commu- 
nication et la disposition des plis de la muqueuse. — A et B, loges 
cardiaques répondant à la panse des Ruminants ; C, région corres- 
pondant au feuillet ; D, caillette ; Œ, œsophage ; I, intestin grêle. 

Fi. 3 et 4. — Muqueuse des compartiments répondant à la panse. 

Fic. 5. — Muqueuse du feuillet. 

F1G. 6. — Muqueuse de Ja caillette. 


ANALYSES ET EXTRAITS 


DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS 


L. Tesrur. — Les anomalies musculaires chez l'Homme ex- 
pliquées par l'anatomie comparée. Leur importance en anthro- 
pologie avec une préface de M. Mathias Duval. (Paris. Masson, 
1884.) 


Les nombreuses variations du système musculaire chez l’homme ont été 
considérées pendant longtemps comme des anomalies sans importance. C'est 
surtout depuis l'établissement de la doctrine transformiste que leur significa- 
tion à pu être aperçue et qu'elles ont été l’objet de recherches suivies de la 
part d’un certain nombre d’anatomistes. | 

Le livre du professeur Testut est un exposé systématique des résultats de 
ces recherches. L'auteur ne s’est pas contenté de rassembler les données ac- 
quises par ses devanciers pour en tenter l’interprétation; il a enrichi la science 
d'une masse considérable de faits en étudiant, pendant qu'il était chef des tra- 
vaux anatomiques à la Faculté de médecine de Bordeaux, environ 800 sujets 
disséqués soit par lui soit par ses élèves, sans compter un certain nombre de 
nègres et un très grand nombre de mammifères. 

Les recherches de M. Testut ont eu pour objet deux groupes distincts d'ano- 
malies musculaires : 4° celles qui concernent les muscles surnuméraires; 
90 les variations morphologiques des muscles existants normalement. La fré- 
quence de ces anomalies est bien plus grande qu’on ne le suppose générale- 
ment : il n’y a peut-être pas un cadavre, dit l’auteur, qui n’en présente quel- 
ques-unes. 

Mais ce n’est pas tout que de les découvrir et les décrire; il s’agit aussi de 
rechercher si elles ne reproduisent pas des dispositions normales chez quelque 
animal voisin de l’homme ou occupant un rang quelconque dans la série des 
mammifères. C’est pourquoi M. Testut a dû se livrer à de longues recherches 
d'anatomie comparée. 

La conclusion générale à laquelle aboutit son livre est la suivante : «Les ario- 
malies musculaires observées chez l'homme ne sont que la reproduction d’un 
type qui est normal dans la série zoologique. » Il semble, pourtant, que quelques 
cas ne puissent rentrer que difficilement dans une formule aussi catégorique, 
mais il est aisé de prévoir que tel cas difficile à interpréter aujourd’hui trou- 
vera demain une explication facile. Non content de rechercher, à propos de 
chaque anomalie musculaire, le type homologue existant à l’état normal dans 
telle ou telle espèce, l’auteur à voulu rechercher le pourquoi de ces anomas 
lies et l’on verra plus loin combien de témoignages éclatants il a pu ainsi réunir 
en faveur des théories évolutionnistes. 

Le livre de M. Testut est divisé en cinq parties : la première est consacrée 
aux anomalies musculaires du tronc; la seconde à celles du cou, de la tête, de 


ANALYSES ET EXTRAITS DES TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 425 


la nuque et des gouttières vertébrales ; la troisième à celles du membre supé- 
rieur; la quatrième à celles du membre inférieur, et la cinquième à l’étude 
générale des anomalies musculaires. 

Il n’est pas possible, dans cette analyse, d'exposer autre chose que des con- 
clusions générales. Quant au plan de l'ouvrage, il nous suffira d'ajouter aux 
indications précédentes que l’auteur étudie successivement, à propos de chaque 
muscle, toutes les variations anatomiques observées par lui-même ou par d’au- 
tres auteurs, qu’il les classe en groupes méthodiques et en cherche l’explica- 
tion dans l’anatomie comparée, toujours préoccupé de cette pensée, de placer 
à côté du muscle anormal chez l'homme le même type normal dans la série 
zoologique. Enfin, l'étude de chaque muscle est suivie d’un index bibliogra- 
phique très complet. 

Cela dit, nous passerons immédiatement à la cinquième partie qui résume 
en quelque sorte tout le reste de l'ouvrage dont elle montre la portée générale. 
Elle est intitulée : Des anomalies musculaires considérées au point de vue 
de l'anatomie générale et de l'anthropologie zoologique. 

I. Fréquence des anomalies du système musculaire. — M. Testut consi- 
dère les muscles de l’homme comme tout aussi variables que les vaisseaux, 
bien plus variables que les.os et les nerfs. À coup sûr, dit-il, ces modifications 
anatomiques ne sont pas les produits du hasard; elles doivent obéir à des in- 
fluences naturelles, lesquelles doivent se trouver soumises à des lois. M. Tes- 
tut ajoute que l’on ne peut guère, pour le moment, que poser des problèmes 
à résoudre. 

10 Influence du sexe. — Meckel a prétendu que les vices de conformation 
en général sont plus ordinaires chez la femme que chez l’homme. 

En attendant que cette proposition soit un peu mieux établie, M. Testut dé- 
clare que, dans l’état actuel de la science et en ce qui concerne le système 
musculaire, les deux sexes paraissent être aussi sujets l’un que l’autre aux 
anomalies. Pour ce qui est de tel ou tel muscle en particulier, les observations 
ne paraissent pas à l’auteur être assez nombreuses pour trancher la question. 
Pour le petit psoas, cependant, muscle devenu rare dans l’espèce humaine, 
si les assertions contradictoires de Winslow, de John Bell et de Riolan peuvent 
rendre douteuses sa plus grande fréquence dans un sexe ou dans l’autre, il n’en 
est pas de même lorsqu'on s’en rapporte aux chiffres de préférence aux asser- 
tions. Sur cinquante-six femmes, Perrin a rencontré le petit psoas one fois 
seulement et, sur un même nombre d'hommes, vingt et une fois. Une telle 
différence mérite, croyons-nous, d’être prise en considération. 

20 Influence de l’âge. — Les anomalies musculaires sont déjà constituées 
au moment de la naissance. Par conséquent, c’est à la dissection difficile des 
jeunes embryons qu’il faudrait avoir recours pour saisir lemode de formation 
de ces anomalies. L'auteur rappelle que c’est sur de jeunes fœtus que Gegen- 
baur a découvert, dans l’aponévrose cervicale moyenne, des faisceaux muscu- 
laires, derniers vestiges des faisceaux cléido-hyoïdiens qui existent dans 
quelques espèces de vertébrés et qui ont totalement disparu chez l'homme 
adulte. 

3° Influence du côté. — Anomalies symétriques. — Les anomalies mus- 
culaires peuvent être symétriques, mais elles ne le sont pas nécessairement. 


426 ANALYSES ET EXTRAITS DES TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Dans les cas d’anomalie bilatérales, les deux formations peuvent être iden- 
tiques ou représenter des types éloignés et souvent très dissemblables de la 
même varlété. 

Dans les cas d'anomalies unilatérales, les deux côtés du corps paraissent 
également prédisposés (Humphry, Wood, Testut). 

D'après Humphry, on ne trouve que fort rarement des variétés d'anomalies 
correspondantes dans les membres supérieurs et inférieurs, ou bien sur les 
laces opposées d’un même membre (flexion et extension). En d’autres termes, 
les anomalies n’affectent pas habituellement la série des muscles homologues 
dans les membres supérieurs et inférieurs du même sujet, ou bien des muscles 
antagonistes correspondants dans un même membre. M. Testut confirmecette 
conclusion. 

Mais il est incontestable , ajoute-t-il, que les anomalies rétablissent, dans 
bien des cas, des homologies disparues entre les membres supérieurs et les 
membres inférieurs. Ainsi le muscle pédieux ou court extenseur des or- 
teils, qui est constant sur le pied, fait défaut sur la face dorsale de la main; 
M. Testut l’a vu se reproduire par anomalie. Il cite d’autres exemples du 
même genre dont l'interprétation est assez facile si l'on songe que le membre 
supérieur de l’homme n’a pas toujours joué un rôle aussi différent de celui du 
membre inférieur. Mais ce qui est moins facile à expliquer, c’est que le 
membre. inférieur peut présenter, lui aussi, certaines anomalies qui rétabli- 
raient ou mieux augmenteraient son analogie avec le membre supérieur. « Les 
mouvements de pronation de la jambe sont rendus impossibles, dit M. Tes- 
tut, par les modes d’union qui unissent l'un à l’autre les deux os de la jambe; 
avec la fonction à disparu l'organe qui lui était destiné. » Cet organe serait 
représenté, d’après l'auteur, par des faisceaux transverses sous-jacents au 
muscle poplité et constituant un muscle pronateur transverse de la jambe. Or, 
bien qu’un muscle interosseux et rotateur de la jambe existe chez les Chélo- 
niens et chez quelques mammifères Monodelphiens, nous avouons éprouver 
quelque difficulté à admettre que les faisceaux tibio-péroniers décrits par 
M. Testut, constituent un muscle homologue du carré pronateur et non pas, 
de simples faisceaux aberrants du poplité. S'il nous paraît très satisfaisant de 
voir que le membre supérieur de l’homme se souvienne, en quelque sorte, de 
ses fonctions dans l'attitude quadrupède, il nous est un peu plus difficile d'ad- 
mettre que la jambe se souvienne aussi d’avoir possédé des mouvements de 
pronation auxquels la disposition du squelette s’oppose aujourd’hui, et de- 
puis bien longtemps, d’une façon si absolue. Mais nous devons n’incliner de- 
vant la compétence de l’auteur et songer que le pronateur transverse de la 
jambe ne se retrouve pas seulement chez les marsupiaux, mais encore chez le 
loup, le renard et chez les simiens ou prosimiens (Gruber). 

4° Influences diverses. — M. Testut pense qu'il n'existe aucun rapport 
entre le mode de production des anomalies et le degré de développement du 
système musculaire. Il a rencontré tout autant de dispositions anormales sur 
les sujets faibles, aux os et aux muscles délicats, que sur les sujets vigoureux 
et fortement musclés. Une distinction faite, à ce sujet, entre les anomalies 
par excès et les anomalies par défaut, nous eût semblé très intéressante. 

Humphry estime que les anomalies musculaires doivent être relativement 


ANALYSES ET EXTRAITS DES TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 427 


plus fréquentes chez les sujets qui présentent des difformités et des arrêts de 
développement, et il cite à l’appui de son opinion la dissection d’un idiot faite 
par Carver. M. Testut fait observer qu'une conclusion formelle, à cet égard, 
serait encore prématurée, car le sujet de Carver n’a présenté, en somme, que 
des anomalies peu nombreuses et pour ainsi dire banales. 

5° Influence de la région anatomique, prédisposition particulière à cer- 
tains muscles. — Pour être édifié sur ce point, observe M. Testut, on ne peut 
tenir compte que des sujets disséqués entièrement. La statistique de Wood 
remplit cette condition. Elle démontre que les anomalies musculaires se pro- 
duisent le plus souvent aux membres supérieurs. Pour deux cent quatre-vingt- 
douze anomalies sur les membres thoraciques, on n’en trouve que cent dix- 
neuf sur les membres pelviens. En outre, ce sont les segments extrèmes qui 
sont plus particulièrement riches en dispositons anormales. 

Humprhy fait remarquer que les muscles les plus fréquemment atteints par 
l’'anomalie sont en somme ceux qui peuvent disparaître sans inconvénient, soit 
qu'ils puissent être facilement suppléés, soit qu'ils n’aient à remplir, dans l’or- 
ganisme, qu’un rôle tout à fait secondaire. C’est ici le cas de rappeler la dispa- 
rition si fréquente du petit palmaire, du pyramidal de l’abdomen, du petit 
psoas et autres formations similaires qui n’existent chez l’homme qu’à l’état 
de vestiges, et comme pour lui rappeler les liens qui l’unissent aux espèces 
inférieures. Les muscles précités acquièrent ainsi, en anthropologie z00lo- 
gique, toute la valeur des organes rudimentaires. M. Testut fait observer 
d’un autre côté les déviations si nombreuses d’un muscle essentiellement hu- 
main, le long fléchisseur propre du pouce, qui semble lutter, en quelque sorte, 
contre la tendance à la régression vers une disparition antérieure. 

II. — Hérédité des anomalies musculaires. — Il est rationnel d'admettre 
que les anomalies musculaires sont transmissibles héréditairement, au même 
titre que tant d'autres anomalies, soit congénitales, soit accidentelles. L'auteur 
déclare cependant que ce n’est encore là qu'une induction non cotrôlée par les 
faits, car on n’a pas souvent l’occasion de disséquer toute une famille. Giaco- 
mini a pu cependant disséquer une Abyssinienne et sa fille et a rencontré sur 
l'une et l’autre diverses anomalies musculaires. Ce n’est point là un rensei- 
gnement suffisant. 

II. — Degré d’analogie des anomalies musculaires avec les dispositions 
homoloques des animaux. — M. Testut est arrivé à cette conclusion, que 
chaque disposition anormale chez l’homme correspond à une disposition nor- 
male dans la série zoologique. Mais cette représentation n’est pas toujours 
parfaite. Qu'il s’agisse de muscles propres à l’espèce humaine ou seulement 
de dispositions particulières, ou bien encore de muscles surnuméraires, on 
voit le plus souvent les formes anormales constituer une transition entre un 
état éloigné et l’état normal. I! est probable que les cas de transition passent 
fréquemment inaperçus en raison de la difficulté qu’il y a, le plus souvent, à 
les reconnaitre. « Que d’aponévroses, dit l’auteur, ne devraient pas porter ce 
nom et sont en réalité des muscles atrophiés au maximum, des reliquats et 
des débris de muscles! » 

IV. — Essai de classification des anomalies musculaires. — M. Testut 
distingue d’abord deux grandes classes de muscles au point de vue des ano- 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XXII (1856). 29 


498 ANALYSES ET EXTRAITS DES TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


malies : I. Les muscles surnuméraires, tels que le cléido-trachélien, l’épi- 
trochléo-cubital. — II. Les muscles ordinaires modifiés : 

A. Dans leur forme (petit palmaire fusiforme). 

B. Dans leur constitution : 1° Dédoublement total (sterno-mastoïdien), par- 
tiel (jambier antérieur); 2 Fusion totale (sterno-mastoïdien), partielle (biceps); 
3° Apparition de faisceaux nouveaux (3° chef du biceps); 4 Disparition de 
quelques faisceaux (biceps); 5° Transformation fibreuse (péronier antérieur); 
6° Disparition du muscle (petit palmaire); 7° Intersections aponévrotiques 
ajoutées (sterno-cléido-mastoïdien), supprimées (tendon intermédiaire du di- 
gastrique); 8° Renversement du muscle (petit palmaire). 

C. Dans leurs rapports avec les muscles voisins : 4° Isolement anormal 
(faisceau interne du pédieux); 2° Fusion anormale totale (les deux radiaux 
externes), partielle. (idem), par anastomose (fléchisseur des doigts). 

D. Dans leurs insertions : 1° Surajoutées (sterno-mastoïdien); 2° Déplacées 
(digastrique); 3° Diminuées en étendues (scalène postérieur); 4° Augmentées 
en étendue (petit pectoral); 5° Supprimées (muscle se perdant dans le tissu 
cellulaire). 

Il n’y a que très peu d'anomalies, dit l’auteur, qu’il serait difficile de faire 
entrer dans ce tableau. 

V. — Des anomalies musculaires chez les animaux. — A priori, les ani- 
maux doivent présenter, comme l’homme, des anomalies musculaires qui les 
rapprochent d’autres animaux, particulièrement des espèces moins élevées dans 
la série, et plus particulièrement, selon la remarque de Humphry, des espèces 
les plus voisines. M. Testut a pu confirmer par de nombreuses dissections 
l'exactitude de cette conception. Il a rencontré des variations nombreuses chez 
les chiens, les chats, les renards, les chimpanzés, les ours, etc. Mais existe-t-il 
aussi, chez les animaux, des anomalies progressives, des anomalies muscu- 
laires tendant à reproduire des dispositions appartenant à des animaux supé- 
rieurs? Peut-on, notamment, rencontrer, dans le système musculaire des 
singes antrhopoïdes, des dispositions humaines? M. Testut déclare que les 
matériaux que nous possédons sur ce sujet sont notoirement insuffisants pour 
résoudre la question. 

Variations du système musculaire suivant les races. — Il n'est pas sou- 
vent loisible aux anthropologistes, remarque l’auteur, de disséquer les 200 à 
250 muscles d'un sujet appartenant à une race exotique. Aussi la question de 
l'influence ethnique sur les variations musculaires est-elle encore très peu con- 
nue. 

M. Testut fait un court historique des dissections de Cuvier, de Wood, de 
Chudzinski, de Giacomini, puis il expose en détail le résultat de ses propres 
dissections faites sur onze nègres, dont six ont été étudiés complètement. Il 
s'attache principalement à combattre la tendance naturelle qu'ont certains au- 
teurs à considérer une anomalie comme propre à telle race, parce qu'ils ne 
l’ont observée que sur des sujets de cette race. « C’est à peine, dit-il, si la lit- 
térature anatomique renferme la description musculaire de trente nègres! Et 
si quelques-uns de ces sujets, les deux Boschimans, par exemple, présentent 
un nombre vraiment considérable d'anomalies musculaires, il en est d’autres 
où les anomalies ont été tellement rares qu’elles eussent passé inaperçues 


ANALYSES ET EXTRAITS DES TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 429 


peut-être si, au lieu de se trouver sur un nègre, elles se fussent rencontrées 
sur un blanc. » M. Testut cite à ce propos un des sujets blancs disséqués par 
lui, un homme admirablement constitué, du reste, qui lui a présenté un 
nombre extraordinaire d'anomalies, « Voilà un sujet qui,'dit-il, s’il eût ap- 
partenu à quelque race nègre, eût fait assurément l'objet d’un bien inté- 
ressant mémoire! » Nous ne pouvons nous empêcher de rappeler, en pas- 
sant, la remarque analogue faite par nous à propos des caractères crânioio- 
giques signalés comme particuliers à certaines catégories d'individus, tels que 
les assassins, par quelques auteurs trop peu versés dans l'étude des crânes quel- 
conques. Il n’est pas douteux qu’en pareille matière, il faille étudier des séries 
suffisantes des objets que l’on veut comparer entre eux. Il est nécessaire aussi 
de compter; c’est ce que fait M. Testut, pour montrer que non seulement l'ab- 
sence du petit psoas n’est pas caractéristique des races nègres, ainsi qu'on eùt 
pu le croire d’après les nombreuses dissections de M. Chudzinski, mais encore 
que cette absence n'est pas plus fréquente dans les races nègres que dans les 
races européennes. Remarquons toutefois, ici, que si le petit psoas n'existe 
que douze fois sur cent chez les nègres, ainsi qu’il résulte de la statistique 
faite par M. Testut, nous trouvons dans une autre partie de l'ouvrage même de 
cet auteur une confirmation de l’opinion de M. Chudzinski, lequel affirme seu- 
lement que le petit psoas est beaucoup plus fréquent chez les européens que 
chez les nègres. En effet, si Theile n’a rencontré ce muscle qu’une fois sur 20 
(5 0/0), Perrier l’a rencontré 32 fois sur 119, c’est-à-dire 28,5 fois sur 100. 

En résumé, on ne connaît pas une seule disposition anatomique spéciale au 
système musculaire du nègre, et l'on ne peut dire que les anomalies muscu- 
laires soient plus fréquentes chez les nègres que chez les blancs. Telles sont 
les conclusions acceptables dans l’état actuel de la science, d’après M. Testut. 
Il n’en reconnaît pas moins l’existence probable de caractères ethniques dans 
le système musculaire anssi bien que dans le squelette. 

Reproduction chez l’homme, par anomalies, de toutes les dispositions si- 
miennes. — L'auteur montre que toutes les dispositions considérées comme 
caractéristiqnes des espèces simiennes, se reproduisent chez l'homme à l’état 
d'anomalies. « Si les hommes, en général, diffèrent des singes sur bien des 
points de leur système musculaire, il en est quelques-uns qui, sur certains 
points, leur ressemblent entièrement ; et si nous avions à la fois le pouvoir de 
construire un corps humain et le loisir d'emprunter à un nombre de sujets in- 
déterminé les divers matériaux de son système musculaire, à l’un son cléido- 
trachélien, à l’autre son dorso-épitrochléen, à un troisième son scalène inter- 
médiaire, etc., nous arriverions ainsi à constituer un système musculaire si- 
mien avec des organes empruntés exclusivement à l’homme. » 

De la valeur des anomalies musculaires en anthropologie zoologique ; évo- 
lution et atavisme. — Il n’y a que de très rares anomalies musculaires qui 
puissent être considérées comme le résultat d’une tendance vers une modalité 
anatomique plus parfaite, comme des anomalies progressives, dit M. Testut. I 
considère la plupart des anomalies décrites comme à peu près insignifiantes 
au point de vue de la mécanique animale. 

Cela se conçoit, puisque tous ces faisceaux musculaires, ces muscles à demi 
développés que l’on trouve en si grand nombre dans le corps humain, ne sont 


430 ANALYSES ET EXTRAITS DES TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


autre chose que des souvenirs d’un état antérieur. L'auteur qualifie avec rai- 
son ces reliquats musculaires organes rudimentaires accidentels.Il fait obser- 
ver ensuite que l’anatomie anormale du système musculaire, en nous mon- 
trant l'apparition, dans un groupe zoologique, de dispositions organiques con- 
sidérées comme caractéristiques d'un groupe zoologique voisin ou éloigé «four- 
nit un argument puissant contre la théorie de l’espèce et celle des créations 
successives et indépendantes qui lui est intimement connexe. » Il insiste sur 
l'appui considérable que trouvent sur ce point les idées évolutionnistes dans 
l’anatomie anormale qui fait voyager pour ainsi dire d’une espèce à une autre, 
des dispositions organiques qui n’ont ainsi rien de fixe, rien d’anormal, rien de 
caractéristique. La théorie de l’Unité du plan, ajoute-t-il, nous fait accepter 
comme très naturelle, la présence chez un individu de dispositions anormales 
qui ne manqueraient point, sans cela, de nous paraître fort singulières. « Toutes 
les anomalies musculaires de l'homme, qu’elles soient constituées par des for- 
mations nouvelles ou par des muscles nouvellement configurés, deviennent de 
vraies dispositions ancestrales disparues depuis une longue série de siècles et 
reproduites accidentellement chez le sujet qui en est porteur, par ce quid 
ignotum qu'on est convenu d'appeler l’atavisme. Ces différentes formes an- 
cestrales ne se retrouvent pas exclusivement où en totalité dans les es- 
pèces simiennes; nous les rencontrons aussi, bien souvent, dans des ordres 
plus éloignés : chez les carnassiers, les rongeurs, les édentés, les didelphiens. 
Il est parfois nécessaire de descendre plus bas encore dans la série, jusque 
chez les vertébrés inférieurs. Ces faits, peu compatibles avec la descendance 
exclusivement simienne de l’homme, concordent plutôt avec l'opinion de ceux 
qui n’admmettent, entre l’homme et le singe qu’une parenté collatérale.… » 
M. Testut termine son livre en faisant ressortir l’élévation des ensei- 
gnements de l’anatomie et la nécessité qu'il y a pour les anatomistes à ne 
point séparer, dans leurs études, l’homme et les autres vertébrés, puisque la 
nature ne les a point séparés. « Bien mieux que l'histoire, dont le champ est 
infiniment restreint, bien mieux que les raisonnements d’une métaphysique 
dont le règne est heureusement près de s’éteindre au grand profit des sciences 
naturelles, bien mieux que les traditions ou les mythes des poètes, l'anatomie 
nous fait connaître l’homme en nous indiquant ce qu’il fut, ce qu’il est, ce qu’il 
sera un Jour. » L.-M. 


Le Propriétaire-gérant, 
FÉLix ALCAN. 


Saint-Denis. — Imprimerie Cu. Lamperr, 17, rue de Paris. 


RECHERCHES 


SUR LA 


PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 
PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES 


Por Félix PLATEAU, 
Professeur de Zoologie et d’Anatomie comparée à l’Université de Gand. 


INTRODUCTION. 
8 1. — Historique. 


M. G. Pouchet a publié, il y a quatorze ans, dans la Revue et 
magasin de zoologie, de Guérin Méneville, un travail fort remar- 
quable où il prouva, par de nombreuses expériences, que les 
larves de Muscides, dépourvues d'organes visuels externes, per- 
çoivent les rayons lumineux (1). En faisant paraître, à mon 
tour , dans le journal que dirige M. Pouchet, le résultat de mes 
essais sur Les Myriopodes privés d’yeux, j'ai voulu présenter mes 
recherches sous le bienveillant patronage du savant biologiste 
qui, le premier, a étudié systématiquement la sensibilité pour 
la lumière d’un animal considéré comme aveugle. 

Un historique de la question ayant été donné par V. Graber, 
je pourrais, à la rigueur, me borner à renvoyer le lecteur à l'in- 
téressant mémoire de cet auteur (2); je crois cependant bien faire 
en résumant brièvement la bibliographie du sujet. En effet, 
Graber a passé sous silence plusieurs indications utiles et, d'un 
autre côté, s’occupant en même temps de la visibilité des cou- 
leurs, il a naturellement mélangé aux citations concernant la 
sensibilité générale pour la lumière celles qui ont trait à la per- 
ception des couleurs de différentes espèces. 


(1) Pouchet. De l'influence de la lumière sur les larves de Diptères privées d'or- 
ganes extérieurs de la vision. (Revue et magasin de zoologie pure et appliquée, 
1571-72.) 

(2) Graber. Fundamentalrersuche über die Helligkerits und Farbenempfindlichkeit 
augenloser und geblendeter Thiere. (Sitzungsberichte Math. Naturwiss. CL. d. K. 
Akademie, LXXX VII. Band, 1 Abtheil., p. 201. Wien. 1883.) 


JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — T. XXII (Sept.-0ct. 1886). 30 


439 F. PLATEAU. — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


Afin de faire mieux comprendre ce qui a été fait et ce qui reste 
à faire, j adopterai un ordre zoologique. 

Protozoaires. — Les mouvements que manifestent les Proto- 
zoaires cilifères cet flagcllifères sous l’influence des rayons lumi- 
neux, certaines espèces se portant vers la lumière, et d’autres 
fuyant celle-ci, ont été signalés par Haeckel (1), par Pouchet 
(Glenodinium) (2), et ont été soigneusement étudiés par Th. W. 
Engelmann (Paramæcium, Euglena) (3). 

Cœlentérés. — Rappelons, d'abord, les recherches trop ou- 
bliées de A Trembley (4) qui, se mettant à l'abri des causes d’er- 
reurs, a clairement démontré que les Iydres inffuencées par la 
lumière et non par la chaleur, cheminent constamment vers les 
parties éclairées du vase où on les renferme. 

Signalons ensuite les observations de W. Rapp (Veretillum) (5) 
de H.G. Bronn (Edwardsia, Cerianthus) (6) et de E. Jourdan (Pa- 
ractis striata) (1),sur la contraction rapide que la lumière amène 
chez des Alcyonaires et chez plusieurs formes d’Actinies. 

Les larves de Méduses et les Méduses adultes ont été l’objet 
d'observations et même d'expériences suivies. Ainsi, Sars, cité 
par Graber (8), a vu les larves de Cyanea se rassembler de pré- 
férence du côté éclairé d’un aquarium, G. J. Romanes (9) a 
constaté que les Sarsia auxquelles il enlevait les organes mar- 
ginaux paraissaient insensibles aux excitations lumineuses, 
tandis que les Sarsia intactes se portaient vers la lumière, enfin, 


(1) Haeckel. Uber Ursprung und Entwicklung des Sinneswerkzeuge. (Kosmos, 
IV Bd. 1880, cité par Graber.) 

(2) Pouchet. D'un œil véritable chez les Protozoaires. (Comptes rendus de la So- 
ciété de Biologie. 8e série, t. 1, n° 36, 7 novembre, p. 593, 1884.) 

(3) Engelmann. Ueber Licht und Farbenperception niederster Organismen. (Archiv. 
für die gesammte Physiologie de Pflüger, XXIX, Band, p. 387, Bonn, 1882.) 

(4) Trembley. Mémoires pour servir à l'histoire d'un genre de polypes d'eau 
douce, etc. 1€" mémoire, pp. 11 et 66. Leyde, 1744. 

(5) Rapp. Untersuchungen über den Bau einiger Polypen des Mittellandischen 
Meeres. (Nova acta Academiae naturæ curiosorum, t. XIV, Pars 11, p. 648, Bon- 
nae, 1829.) 

(6) Bronn. Die Klassen und Ordungen des Thier-Reichs, ? Bd., Strahlenthiere, 
p. 2. Leipzig 1859 (cité par Graber). 

(7) Jourdan. Recherches zoologiques et histologiques sur les zoanthaires du Golfe 
de Marseille. (Ann. d. sc. naturelles. Zoologie, 6e série, t. X, p. 28, 1880.) 

(8) Graber. Fundamentalversuche.., etc., op. cit. p. 204. 

(9) Romanes. Preliminary Observations on the Locomotor System of Medusae 
(Philos. Trans. of the Royal Society of London. Vol 166, part. 1, p. 296, 1876). 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 433 


Graber (1) s’est assuré que l’Aureha aurila préfère la lumière à 
l'obscurité (2). 

Tout autres sont les allures des larves d'un spongiaire, la 
Reniera filigrana ; suivant W. Marshall (3), elles se groupent dans 
les endroits les plus obscurs. 

Echinodermes. — Les seules recherches qui aient été effec- 
tuées jusqu’à présent, sont celles de G.-J. Romanes et J.-C. 
Evwart (4), sur des Astéries et des Oursins, et celles de Graber 
sur l’Asteracanthion rubens (5). Ces trois naturalistes sont d’ac- 
cord pour affirmer que les Echinodermes qu'ils ont étudiés se 
déplacent vers les régions éclairées, tant que les organes pig- 
mentés considérés comme organes visuels sont respectés, mais 
que ces animaux se dispersent indifféremment dans tous les sens 
lorsqu'on les a privés des organes en question. Outre la nature 
réellement optique des petits appareils découverts par Vahl et 
Forbes, nous pouvons déduire des expériences citées, que les 
Astéries et les Oursins privés d’yeux deviennent peu sensibles à 
la lumière. 


Bryozoaires — On connaît peu de chose, quant à l’action des 
rayons lumineux sur ces êtres. Certaines formes d’eau douce, 
comme les Cristatella, recherchent la lumière, tandis que 
d’autres, comme les Paludicella semblent fuir le jour (6). 


Annélides. — Toutes les observations et les études expéri- 
mentales ont été faites sur le Ver de terre. W. Hoffmeister (7), 


(1) Graber. Ueber die Helligkeits und Farbenempfindichkeit einiger Mcerthiere. 
(Sitzungsberichte d. Mat. Naturwiss. CI. der K. Akademie, XCI, Bd. 1 Abtheil, p. 141. 
Wien. 1885.) 

(2) On trouvera peut-être étrange que je rappelle ici des recherches sur l’Aurelia 
aurita; mais le dernier mot n’est pas dit sur la signification des organes marginaux 
de cet animal. Ainsi, pour ne citer que des opinions récentes, tandis que J. Carrière 
(Die Sehorgane der Thiere, p. 91. München und Leipzig, 1885) y voit des yeux rudi- 
mentaires, E. A. Schäfer (Observations an the Nervous Systen of Aurelia aurita. 
Phil. Trans. Roy. Soc. London, vol 169, part. II, p. 567 et suiv., 1878), n’y reconnait 
rien qui permette d'admettre la localisation de perceptions visuelles. 

(3) Marshall. Die Ontogenie von Reniera filigrana. O. Schm. (Zeitschr. f. Wiss. 
Zoologie. XX VII Bd., p. 225, Leipzig, 1882.) 

(4) Romanes and Ewart. Observations on the Locomator System of Echinoder- 
mata. (Phil. Trans. Roy. Soc. London, vol. 172, part. II, p. 899, 1881.) 

(o) Ueber die Helligkeits…, ete. op. cit. p. 133-134. 

(6) Graber. Fundamentalversuche…., etc., op. cit. p. 205. 

(7) Hoffmeister. Die bis jetzt bekannten Arten aus der Familie der Regenwürmer, 
p. 18, Braunschweig, 1845. (Cité par Graber.) 


434 F. PLATEAU. =— PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


Ch. Darwin (1), Bridgman et Newmann (2), ont constaté que cet 
animal complètement privé d'organes visuels est sensible à la 
lumière et cherche à l’éviter. Pour les deux premiers, la per- 
ception ne réside que dans la région antérieure du corps, pour 
les deux autres, cette perception est même faible. 

Il était réservé à V. Graber (3) d'élucider complètement le 
problème. Par des méthodes extrêmement ingénieuses et dont 
je me suis inspiré en parte, cet habile expérimentateur est par- 
venu à prouver que les Lombrics sont nettement affectés par 
les rayons lumineux, que la sensibilité n’est pas localisée dans 
les premiers anneaux, mais existe sur toute la surface du corps, 
et que cette sensibilité est suffisante pour permettre aux vers de 
distinguer des différences d'éclairage relativement peu accu- 
sées, etc. 

Mollusques. — Ici on ne peut citer, jusqu’à présent, que les 
observations de H. de Lacaze-Duthiers (4) sur la rétraction du 
pied du Dentale sous l'influence d’un rayon de soleil ou de la 
lumière d'une bougie. 

Arthropodes. — N. Graber (5) est l'unique naturaliste qui ait 
cherché à constater si un Arthropode, absolument privé d'yeux, 
mauifestait certaine sensibilité pour la lumière et distinguait 
le jour de l'obscurité. Ses essais, encore peu nombreux, ont 
porté sur des Blalta germanica aveuglées et lui ont permis de 
s'assurer qu'effectivement il y avait perception. 

Quant aux observations de de la Brülerie (6) sur les Coléop- 
tères cavernicoles qui fuient la lueur des torches et à mes expé- 
riences personnelles (7) sur le Nipharqus puteanus, répétées 
récemment par mon savant collègue Ed. Van Beneden (8), 


(L) Darwin. The formation of Vegetable Mould through the Action of Worms, wukh 
Observations on their Habits. London, 1881. 

(2) Bridgman and Newman. (The zoologist., vol. 7. 1874.) Cité par Graber. 

(3) Graber. Fundamentalversuche…, etc., op. cit. p. 208 et suiv. 

(4) De Lacaze Duthiers. Histoire de l’organisation et du développement du 
Dentale. Troisième partie. (Ann. des sc. nat., zoulogie, 4e série, t, VIII, p. 25. 1857.) 

(5) Graber. Fundamentalversuche, etc., op. cit. p. 235. 

(6) De la Brûlerie. Notes pour servir à l'étude des coléoptères cavernicoles. (Cité 
dans Brehm. Les Insectes, trad. franç., t. 1, p. 129.) 

(7) F, Plateau. Recherches sur les crustacés d'eau douce de Belgique. (Mém. de 
l'Acad. roy. de Belgique. Savants étrangers, t. XX XIV, p. 5. 1868.) 

(8) E. Van Beneden. Sur la présence à Liége du Niphargus puteanus. (Bullet. 
Acad, roy. de Belgique, 53€ année, 3e série, t. VIII, n° 12, p. 651. 1884.) 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 435 


elles concernent des animaux dont les yeux incomplètement 
développés sont dépourvus de pigment. 

Le lecteur qui se sera donné la peine de parcourir l’histo- 
rique ci-dessus, saisira certainement tout l'intérêt qu'il y avait 
à faire quelques recherches expérimentales sur la sensibilité 
des Myriopodes aveugles pour la lumière. Il ne s’agit, en effet, 
ni d’Arthropodes artificiellement aveuglés, comme les Blattes 
observées par Graber, ni d’Arthropodes possédant des yeux 
d’albinos, comme les Coléoptères des cavernes ou la crevette 
des puits, mais bien d’Articulés, n'ayant normalement aucune 
trace d'organes visuels (1). 

Les formes sur lesquelles j'ai opéré appartiennent aux genres 
Geophilus et Cryptops. La plupart des expériences ont été, en 
outre, reproduites sur un Myriopode chilopode d’une organi- 
sation très voisine, mais pourvu d’yeux, le Lithobius forficatus. 

Cette façon d'expérimenter parallèlement à l’aide d'espèces 
avèugles et d’une espèce munie d'organes de vision m'a per- 
mis, dans beaucoup de cas, de mieux interpréter les résultats 
que si j'avais agi sur les Géophiles et les Cryptops seuls. 

Je terminerai cette introduction par une indication qui peut 
devenir utile à quelques observateurs : certaines personnes se 
demanderont comment je parvenais à me procurer à point 
nommé un nombre suffisant de Myriopodes d’une même forme, 
afin de pouvoir utiliser les individus peu d’instants après leur 
capture, alors qu'ils ne sont pas encore affaiblis par la capti- 
vité. Le procédé est fort simple : dans le coin le plus obscur et 
le plus humide de mon petit jardin, j’accumule pendant toute 
l'année les débris végétaux, tels que feuilles tombées, rameaux 
provenaut de la taille des arbustes, mauvaises herbes, etc. Cela 
forme bientôt un amas de terreau grossier, qui devient le 
rendez-vous général des Myriopodes, des Crustacés isopodes, 
des larves de Coléoptères, d'insectes Thysanoures, d’une foule 
de petits Mollusques, etc. Quelques coups de bêche dans le tas 
et un examen un peu minutieux permettent, à peu près en 
toute saison, de recueillir rapidement de nombreux matériaux 
d'étude. 

(1) Il est bien évident que je me suis assuré, au préalable, de l'absence totale 


d'organes visuels chez les animaux réputés aveugles, sur lesquels j'ai fait mes expé- 
riences. 


436 F. PLATEAU. — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


Il 


EXPÉRIENCES AYANT POUR BUT DE DÉTERMINER SI LES MYRIOPODES 
AVEUGLES PERÇOIVENT LA LUMIÈRE. 


22. — Première méthode; méthode de Pouchet. 


Parmi différents procédés, G. Pouchet (1) a employé le sui- 
vant pour déceler la perception de la [lumière chez les larves de 
mouches : sur une table bien horizontale, placée devant une 
fenêtre, est collée une feuille de papier blanc d’une surface de 
36 centimètres carrés (2); au milieu de cette surface, on ren- 
verse une petite boîte contenant un nombre déterminé d’ani- 
maux à essayer ; ceux-ci circulent sur le papier, du centre vers 
les bords, et l’on note, dans chaque expérience, combien dyn- 
dividus ont atteint le bord opposé au jour, le bord le prés 
voisin de la fenêtre et chacun des deux autres. 

Cette méthode n’est bonne que lorsqu'il s’agit d'êtres se dé- 
plaçant lentement; les Myriopodes chilopodes, qui courent 
très vite, fournissent les résultats les plus discordants, dont on 
pourrait même déduire des conclusions absolument fausses. 

J'avais cependant pris la précaution d'employer une surface 
de papier considérable ; elle mesurait 2704 centimètres carrés; 
la table était à un mètre de la fenêtre. 

Les Lithobies qui, ne l’oublions pas, ont des yeux, et qui, 
comme je le prouverai plus loin, sont réellement très lucifuges, 
fuyaient rapidement de tous côtés, indifféremment vers la lu- 
mière ou vers l'ombre. 

Les Géophiles, au nombre de quatorze, appartenant tous à 
l'espèce Geophilus longicornis, ont présenté, dans une série 
d'essais, une légère tendance à se disperser de préférence vers 
le côté d’où venait le jour, et cela aussi bien en plein soleil 
qu’à la lumière diffuse. 

Ce résultat étant en contradiction avec les habitudes bien 


(1) Pouchet. De l'influence de la lumière, ete., op. cit. p. 5 des tirés à part. 

(2) Il y a probablement ici une faute d'impression dans le travail cité; la feuille de 
papier n'aurait été ainsi qu'un petit carré de 6 centimètres de côté. Je suppose que 
les dimensions réelles étaient un carré dont le côté mesurait 36 centimètres. 


ne 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 437 


connues des Géophilides, je dispose un écran de façon à ce 
qu’une moitié de la feuille de papier horizontale soit à l'ombre 
et que l’autre moitié seulement soit au soleil. La ligne de dé- 
marcation coupe la surface en deux et est perpendiculaire au 
bord le plus voisin de la fenêtre. 

Les choses ainsi disposées, je renverse une petite boîte conte- 
nant douze Géophiles au milieu de la feuille de papier, exacte- 
ment sur la ligne limite entre la région ombrée et la région 
éclairée. 

Six Géophiles parcourent rapidement la moitié située au s0- 
leil, en marchant parallèlement à la fenêtre, et six autres errent 
un peu plus lentement sur la moitié obscure. Il y a donc par- 
tage égal. 

On se tromperait étrangement en déduisant de cette expé- 
rience et de la précédente que les Géophiles aveugles ne per- 
çoivent pas la lumière et ne cherchent pas à l’éviter; ces pre- 
miers essais montrent simplement que les Myriopodes en 
question, ne pouvant avoir la notion de la forme d’une surface 
éclairée et de la distance qui les sépare d’une région obscure, 
ne savent plus retrouver cette dernière lorsqu'ils s’en sont 
écartés. 

L’exactitude de l’interprétation est facile à vérifier. Au centre 


Fi, 1. 


de la feuille de papier éclairée tout entière par une lumière 
diffuse vive (fig. 1), on pose sur champ une petite boîte rectan- 
gulaire b renfermant quatorze Géophiles ; le couvercle naturel- 


438 F. PLATEAU. — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


lement vertical est tourné vers le côté sombre de la chambre. 

Lorsqu'on ouvre la boîte, l'intérieur de celle-ci est relative- 
ment obseur; elle projette, de plus, une ombre portée dont la 
surface, bien restreinte en comparaison de l'étendue considé- 
rable de papier éclairé, est de 40 centimètres carrés environ. 

Dans ces conditions, les Géophiles, non effrayés, sortent de 
la boîte avec une certaine lenteur, et, bien qu'il ne puisse être 
question de différence de température, la plupart des individus 
restent obstinément dans les limites de l'ombre. Ainsi, je 
constate que : 


A. 3 Géophiles circulent dans la région éclairée, 11 restent à l’ombre. 
B. 4 > — 10 — 


Des expériences identiques effectuées un jour de pluie, alors 
que le contraste entre les deux régions obscure et éclairée n'est 
plus suffisant, fournissent un résultat qui confirme parfaite- 
ment mon hypothèse : les Géophiles, au lieu de stationner, 
comme précédemment, à l’ombre de Ja boîte, se promènent 
dans toutes les directions. 

J'ai cru inutile de multiplier les essais à l'aide d’une mé- 
thode qui s'applique mal aux Myriopodes, alors que d’autres 
procédés conduisent facilement à des conclusions nettes. 


2 3. — Deuxième méthode ; lumière solaire et ombre; interposition 
d’une couche d’eau, 


Au début de mes recherches, j'ai fait un certain nombre 
d'expériences dans lesquelles les Myriopodes aveugles devaient 
choisir entre une région directement éclairée par le soleil et 
une région obscure, mais je n'ai pas tardé à comprendre com- 
bien ce système était défectueux, les résultats étant entachés 
d'une cause d’erreur grave provenant de la différence de tem- 
pérature dans les deux régions. 

Ces tentatives n'ont cependant pas été absolument infruc- 
tueuses, car elles m'ont appris un fait curieux, dont la con- 
naissance m'a rendu de grands services. Lorsqu'on place un 
-Géophile ou un Cryptops, soit sur le sol d’un jardin, soit sur la 
couche de terre humide qui garnit le fond d’un bocal, on voit 
invariablement l'animal explorer la surface à l’aide de ses an- 


| 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 439 


tennes et s'insinuer prestement dans la première crevasse qu'il 
rencontre. Est-ce exclusivement le besoin de fuir le jour qui 
détermine l’acte en question, ce qui ferait supposer une sensi- 
bilité extrême pour la lumière, ou est-ce le désir instinctif de 
se retrouver dans son milieu naturel, milieu humide avec lequel 
tout le corps, et non les pattes seulement de l’Arthropode se 
trouvent en contact ? 

Pour résoudre ce petit problème, je mets au soleil un grand 
cristallisoir de verre dont le fond est garni d’une couche de pa- 
pier blanc intimement collée. Trois Cryptops punctatus, C. Koch, 
sont déposés dans ce vase et courent naturellement affolés au- 
tour de leur prison. Ceci fait, je place sur le fond du cristallisoir 
trois plaques de verre bien transparentes, de simples porte-ob- 
jets de miscroscope, en ayant soin de faire reposer les angles sur 
de minimes fragments de carton, afin que les plaques soient sou- 
levées de 1 !/, à 2 milimètres. On n’oubliera pas que les plaques 
de verre sont transparentes et sont situées en plein soleil. 

Au bout de quelques minutes, les trois Cryptops se sont insi- 
nués sous l’un des porte-objets et font des efforts pour se caser 
les uns près des autres; ils se gènent mutuellement, se poussent 
et finissent par quitter cette singulière retraite pour en chercher 
une nouvelle. Un instant après, deux des Myriopodes sont de 
nouveau logés sous une plaque et le troisième s’est casé seul 
sous la plaque voisine, etc. J'ai assisté plusieurs fois à ce spec- 
tacle curieux; l'instinct est si borné que la satisfaction d’un 
Cryptops est complète si une partie notable de son corps se trouve 
resserrée entre une lame de verre et le fond du cristallisoir: il 
ne s'aperçoit même pas qu’une portion de son individu, com- 
prenant la tête et plusieurs anneaux, est restée à découvert. 

Voilà, quant au besoin instinctif de contact entre la totalité 
ou la presque totalité de la surface de l’être et des corps voisins, 
besoin qui explique aussi pourquoi un Géophile enlevé avec une 
boulette de terre à peine grosse comme un pois, enveloppe la 
boulette de ses replis et y reste obstinément appliqué. 

Quant au besoin d'humidité, celui-ci se démontre bien plus 
facilement. Veut-on éviter, dans des recherches quelconques, 
que les Géophiles, les Cryptops et les Lithobies placés sur le fond 
d'une boîte ou d’un bocal, courent incessamment autour de leur 


demeure, il suffit de déposer en un point de ce fond, un petit 


4140 F. PLATEAU. — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


fragment de papier à filtrer humide, de deux ou trois centimètres 
de côté, pour voir le Myriopode en expérience monter sur le pa- 
pier, en explorer les bords à l’aide de ses antennes et s’y ins- 
taller bientôt immobile. 

J'ai pu déterminer des Cryptops à s'arrêter où je voulais rien 
qu’en produisant à l'endroit désigné, une trace humide à peine 
visible, par l'application momentanée d'un morceau de papier 
mouillé. 

Il résulte donc de ce qui précède, que lorsque les Myriopodes 
chilopodes aveugles ou munis d'yeux, déposés sur le sol, s’intro- 
duisent avec empressement dans la première fente qu'ils rencontrent, 
cet acte n'est pas déterminé par le seul besoin de fuir la lumière ; 
ces animaux cherchent en même temps un milieu humide et avec 
lequel la plus grande partie de la surface de leur cerps soit en con- 
tact direct. 

J'arrive maintenant aux expériences qui font le sujet principal 

du paragraphe actuel. 
= Afin d'éviter, lors de l'emploi de la lumière du soleil, l'in- 
fluence fâcheuse de différences notables de température, j'aiin- 
terposé, entre la fenêtre et le vase qui contenait les Myriopodes, 
une grande auge rectangulaire, en verre, limitée par des faces 
bien parallèles et renfermant une couche d’eau de 2 centimètres 
d'épaisseur. 

Les essais suivants ont été effectués. 

A. Un cristallisoir de 20 centimètres de diamètre (fig. 2) et à 


Fc. 2. 


fond de papier blanc, est placé au soleil devant une fenêtre fer- 
mée. Les rayons solaires traversent la couche d’eau de 2 centi- 
mètres d'épaisseur, contenue dans l’auge a. 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 441 


On dispose un écran e, de façon qu'une moitié du fond du cris- 
tallisoir soit seule au soleil, l’autre moitié étant à l'ombre. 

Une première série d'observations est faite sur un Myriopode 
voyant, le Lithobius forficatus. 

Un thermomètre placé dans le cristallisoir indique, dans la ré- 
gion éclairée 27° c. et dans la région ombrée 25°,5. 

L'animal circule rapidement le long des parois du vase, la ra- 
pidité de la locomotion étant manifestement plus grande au 
soleil qu’à l'ombre. De temps à autres il s'arrête pendant plu- 
sieurs secondes pour se nettoyer les antennes à l’aide des palpes 
conne le font tous les Chilopodes (1). 

On note la durée des arrêts et, ce qui est plus important, on 
remarque si la Lithobie effectue ses pauses au soleil ou dans la 
zone chscure. Voici les résultats : 


1+ arrét alor durée. . . ; . 25 soleil franc. 
2e — ABC Quarter 307 — 
3° — es idee LEP bent > — 
À — ES re). 5432 = 
Done lire run 04 - dt +! _ 
be — mnt ehbn TÔT isole voilé. 
qe — 4 PP MONT l'a _ 
ge — RAT TE AU OUT — 
L -— Sn 4 (RDS UE, À -—- 
10° — detre .2 98 + Spieil franc. 
#4 — Réiu ara see à — 
12° _ 22) (CRETE OMRNTTE 7" — 


Tous les arrêts de la Lithobie ont donc eu lieu dans la région 
obscure. Le fond du cristallisoir étant parfaitement sec, l'animal 
n'était attiré nulle part par une trace humide. 

Une expérience identique est répétée avec un Myriopode 
aveugle, le Cryptops punctatus. 

Le thermomètre placé dans le cristallisoir indique dans la 
zone éclairée 26° c. et dans la zone ombrée 25° c. 

Les allures rappellent celles de la Lithobie, quoique plus ra- 
pides. Les arrêts sont comme dans le cas précédent, séparés par 
de longues périodes d'activité durant de cinq à dix minutes, et 
pendant lesquelles le Cryptops court autour du cristallisoir. 

(1) Voyez à ce sujet mon travailintitulé : Expériences sur le rôle des palpes chez 


les Arthropodes maxillés, 2e partie, palpes des Myriopodes et des Aranéides. (Bui- 
letin de la Société zoologique de France, t. XI, 1886.) 


44? F. PLATEAU. — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


Aesarébaliombre,; durée .:.0901 LU AUSTIS. 21” 
2e _— — ré EI 9 4 F4 36” 
3° — —, dla ali 6er tÈEs. 25” 
4e — —, « Te je AN al ER F4 
5e — Æ en D RE ET 20° 
6e — EL HSE CERN UNNNE ERe 11" 
ds — BV DL RDAT EI" 34” 
8° arrêt au soleil, tite ré fl réf QUE 6” 
9° arrêt à l'ombre, 4— "peaux etre à 4 23” 
10° — TS PNR sn le da 
11° -- Ne l'a Le: 22 AE 
— LL PEUT ” 14ÿ4 40" 


Quoiqu'il s'agisse, cette fois, d'un animal sans yeux, les ré- 
sultats sont du même ordre que ceux fournis par le Myriopode 
muni d'organes visuels. Un seul arrêt sur douze a eu lieu au 
soleil et n’a, du reste, duré que six secondes; tous les autres ont 
eu lieu à l'ombre. 

On peut déduire de ces expériences que lorsqu'un espace obs- 
cur a une étendue un peu grande, les Myriopodes privés d'yeux, 
comme les Myriopodes voyants, s'y arrêtent de préférence. 

B. Le cristallisoir à fond de papier blanc est placé au soleil ; 
les rayons solaires traversent la couche d’eau de 2 centimètres 
d'épaisseur. Une bande de carton verticale (fig. 3) projette sur le 


Fi. 3. 


fond du cristallisoir et suivant un diamètre, une ombre étroite, 
large seulement de 3 centimètres. 

Je débute par un Myriopode muni d’yeux, le Litholius forfi- 
calus. 

Température, dans le cristallisoir, au soleil, 31° c. (1). 


(1) J'ai malheureusement négligé de noter la température à l'ombre. La différence 
ne pouvait être grande, comme le prouvent les autres expé:iences. 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 443 


L'animal est extrêmement agité et, en l’espace d’une heure, 
je n observe que cinq arrêts. 


LAN a EIRE EE SUN 0,5, d1” 
2e — à l'ombre de la bande, durée. . . . . 957 
Je 0 QU DOM AMrÉS: di Len «ruér lat ra Let der de 10” 
4e — TS nd ut 40e 
De — 2 2 : : 28” 


Il y a donc eu un seul arrêt dans l'ombre étroite de la bande 
de carton. 

Je répète la même expérience avec un Myriopode sans yeux, 
le Cryptops punctatus. 

Température, dans le cristallisoir, au soleil, 26° c., dans 
l'ombre étroite, 25° c. Sur la partie latérale gauche du cristalli- 
soir est une région faiblement ombrée, résultant de la courbure 
même du vase. 


1er arrêt, à l'ombre de la bande de carton, durée. . . 24” 


Den Le Vauisoiethidurée) LAIT, AS Sun ge 14” 
3 — dans l’ombre faible latérale, durée. . . ... 4” 
4e — — — Hoituias at 14” 
D — — — ue Last be vs 47” 
O0 = AMNEDIEMPAMMRÉE.. . à + « « « + Lis » e (: 
19 — tête et 14 premiers anneaux au soleil, le reste 
du corps à l’ombre de la bande de carton, 
CL anne he ne 26” 
80, —, AUS. à is de lé 6 à e Lt, 
9e — dans l'ombre faible latérale, durée. . . . . D 
TOP ER VE MOREL SRE NOS, JF, Lu 
41e  — à l'ombre de la bande de carton, durée... . 8” 
VIE PT SRI CO I SR. - . . 9” 


Il y a eu cinq arrêts au soleil, sur douze. Ces résultats con- 
trastent fortement avec ceux de la série A, dans laquelle tous 
les arrêts du Cryptops, sauf un, ont eu lieu à l'ombre. J’en con- 
clus que lorsqu'un espace obscur est de faible étendue par rapport 
à la surface éclairée, les Myriopodes aveugles (et peut être les My- 
riopodes munis d'yeux), traversent cet espace sombre sans s'en 
apercevoir et ne savent plus le retrouver lorsqu'ils en ont dépassé 
les limites. | 

C. L'expérience suivante effectuée à la lumière diffuse sur des 
Géophiles, vient encore à l’appui de la conclusion formulée ci- 
dessus. 


444 F. PLATEAU. — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


Le cristallisoir à fond de papier blanc est en pleine lumière, 
diffuse, vive; il renferme neuf Geophilus longicornis. Un écran 
vertical de papier noir a été rogné par tâtonnements, jusqu à 
produire sur le fond du cristallisoir une ombre en forme de sec- 
teur, n’intéressant qu'un quart de ce fond. 

Pendant deux heures, les neuf Géophiles exécutent des courses 
continuelles dans tous les sens, ne paraissant pas s’apercevoir 
qu'il existe une région obscure. Au bout de ce temps, la fatigue, 
probablement, les oblige à s'arrêter; j'en trouve quatre en pleine 
lumière et cinq à l'ombre; à peu près partage égal. 

Le lecteur remarquera que ce dernier résultatest parfaitement 
d'accord avec ce qui est relaté au $ 2. 

Le fait que les Myriopodes aveugles ou voyants traversent 
sans s’en douter une surface ombrée restreinte, et font au con- 
traire toujours leurs pauses dans des régions obscures étendues, 
semble indiquer, dès à présent, que la perception de la lumière 
ou de la différence entre la lumière et l'obscurité, est lente chez 
ces animaux. Les $ 4, 6 et 7 nous permettront de nous former 
à ce sujet une opinion définitive. 


8 4. — Troisième méthode : tube de verre horizontal 
avec manchon obscur mobile. 


L'instrument employé consiste en un tube de verre de 51 cen- 
timètres de long et de 16 millimètres de diamètre intérieur, 
(fig. 4). Il est couché horizontalement et repose sur deux petits 


F1G. 4. 


supports légèrement excavés. On a collé, à l’intérieur et dans 
toute la longueur, une bande de papier blanc, large de 5 milli- 
mètres, constituant la surface sur laquelle circuleront les My- 
riopodes. Enfin, les deux extrémités du tube sont fermées par 
des bouchons percés, dont les orifices sont garnis de toile mé- 
tallique serrée. 

Un manchon cylindrique de carton noirci, dont la longueur 
sera indiquée plus bas et d’un diamètre un peu supérieur au 
tube de verre, peut glisser le long de celui-ci, sans le toucher, 


LL Le 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 445 


ce qui permet d'éviter les ébranlements et les bruits déterminés 
par le frottement. 

Tous les essais ont été faits à une lumière vive, mais diffuse, 
de sorte qu’il ne peut être question de différences appréciables, 
de température. En outre, les déplacements du manchon noir 
vers la droite ou vers la gauche, ont toujours été rapides, de fa- 
con à ce que le passage de l’ombre à la lumière fût brusque. 

Dans l'intérêt de l’exactitude, j aurais du transcrire ici litté- 
ralement mes notes d'expériences; j'ai craint cependant que 
celte longue énumération de petits détails parüt fastidieuse, 
aussi me bornerai-je à résumer les résultats. 

A. Expérience sur un Myriopode voyant, le Lithobius forfica- 
tus. Manchon obscur de 20 centimètres de longueur. 

L'animal qui effectue de nombreuses courses d'exploration 
dans l'intérieur du tube s'arrête cependant de temps à autres, 
soit pour se reposer, soit pour nettoyer ses antennes. Ces repos 
au nombre d’une dizaine, ont tous lieu à l’ombre du man- 
chon. 

Lorsque la Lithobie est ainsi immobile dans sa retraite obscure 
le déplacement du manchon noir ne la met pas immédiatement 
en fuite; un temps appréciable, parfois assez long, s'écoule avant 
que le Myriopode gêné par l'éclat du jour se remette en route. 

Ce qui ressort de plus clair de cette expérience, c’est qu’il y a, 
de la part de la Lithobie, recherche instinctive de l’obscurité. 
Les résultats en ce qui concerne la rapidité plus ou moins 
grande avec laquelle se fait la perception de la lumière sont peu 
nets. 

B. Expérience sur un Myriopode privé d’yeux, le Cryptops 
punctatus. Manchon obscur de 7 1/2 centimètres de longueur. 

Le Cryptops, comme la Lithobie, se promène rapidement d’un 
bout à l’autre du tube, effectuant de nombreuses excursions 
dans les deux sens. 

Il s'arrête quatorze fois, treize fois à l'ombre du manchon, 
une seule fois dans la région éclairée, où il reste cinq minutes. 

Le déplacement brusque du manchon ne détermine jamais 
d'action immédiate, l'animal que l’on trouve invariablement se 
nettoyant les antennes, continue cette opération et ne se remet 
en marche que lorsque les appendices antennaires ont été tous 
deux consciencieusement brossés, article par article. 


46 F. PLATEAU, — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


J'ai noté les durées suivantes pour le temps considérable qui 
s'écoule ainsi, entre l'instant où le manchon est déplacé et celui 
où le Myriopode commence à s’agiter : 


2”, 2, 10”, 30”, 2’, 30”, moyenne 1 minute, 41 secondes. 


Plusieurs fois, j'ai vu le Cryptops, pendant les moments oùil 
était réfugié sous le manchon noir, explorer rapidement, à l’aide 
de ses antennes, la surface interne du tube de verre, en tâton- 
nant circulairement le long de la limite, entre la portion éclai- 
rée et la portion sombre de cette surface, comme s’il distinguait 
vaguement la limite en question et cherchait à se rendre compte 
de sa nature. 

C. Des essais du même ordre, effectués à deux reprises diffé- 
rentes à l'aide de Geophilus longicornis, ne fournissent aucun 
résultat décisif. Ces animaux, continuellement agités, ne restent 
pas un instant immobiles et s’épuisent en efforts pour s’échap- 
per au travers des ouvertures grillées des bouchons qui gar- 
unissent les extrémités du tube de verre. 

Quoiqu'il en soit, l'expérience B sur le Cryptops prouve que 
les Myriopodes privés d'yeux perçoivent la lumière et recher- 
chent l’obscurité. En outre, elle coufirment une première fois 
l'hypothèse finale du $ 3 en montrant que la perception est 
lente. 


? 2. — Quatrième méthode ; méthode de Graber. 


V. Graber, dans ses curieuses recherches sur le Ver de terre, 
sur les Tritons et sur la Blatte germanique (1), a fait usage d'un 
excellent procédé fournissant des résultats d’une grande netteté. 

Le savant professeur de Czernowitz employait une longue 
boîte prismatique en fer-blanc noirci dont un des longs côtés, 
celui qui se trouvait tourné vers la lumière, était divisé en plu- 
sieurs parties égales alternativement constituées par des pan- 
neaux pleins, par conséquent opaques, et par des vitres trans- 
parentes. 

L'intérieur de la boîte offrait donc une série de régions diffé- 
rentes, les unes obscures, les autres éclairées. L'auteur mettait 
dans la boîte, en les &istribuant d’abord uniformément, des ani- 


(1) Fondamental Versuche..., etc, Op. cit. p. 208. 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 447 


maux en nombre connu, puis, après un temps toujours le même, 
il comptait combien il y avait d'individus dans les régions éclai- 
rées et combien d'individus s'étaient réfugiés dans les régions 
sombres. L’instrument que j'ai construit (fig. ÿ A) est analogue 


= 


A. Boîte vue extérieurement. 
B. Plan de la boîte avec l'indication des régions obscures. 


à celui de Graber. Les seules modifications que j'y ai apportées 
ont été nécessitées par la facilité avec laquelle les petits Myrio- 
podes grimpent le long des parois verticales et s’échappent par 
des fentes étroites. 

La boîte est entièrement en verre à vitre recouvert, à l’exté- 
rieur, de papier noir double. Elle a 60 centimètres de longueur, 
6 centimètres de largeur et 8 1/2 centimètres de hauteur. Le 
plancher est revêtu, à l'intérieur, d’une couche de papier blanc 
qui constitue la surface de reptation. Le couvercle, doublé de 
papier noir, est à rebords. 

La boîte étant prismatique possède donc deux longues faces: 
celle que l’on tourne vers la lumière est partagée en six parties 
égales dont trois sont recouvertes extérieurement de papier noir 
double. Dans les trois autres qui alternent avec ces dernières, 
le verre est laissé nu et transparent. 

Lorsque la boîte fermée à l’aide de son couvercle est placée 
devant une fenêtre, l’intérieur comprend naturellement trois ré- 
gions éclairées et trois régions relativement obscures (fig. 5 B). 

Les diverses expériences ont été faites à la lumière diffuse 
pour éviter les différences de température. 

A. Expériences sur des Myriopodes voyants, Lithobius forfi- 
calus. 

Je mets dans l’appareiïl douze Lithobies, et, à l’aide des barbes 
d'une plume d'oie, je les distribue à peu près uniformément 


partout. Toutes les dix minutes je note combien d'individus se 
JOURN:_DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. xx11 (4886). 31 


448 F. PLATEAU. — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


trouvent placés dans les régions éclairées et combien il y en a 
dans les régions obscures de la boîte. Puis, comme le faisait 
Graber, après chaque constatation, je redistribue uniformément 
les animaux dans toute la longueur de l’instrument afin de les 
forcer à manifester nettement leurs préférences. 

Dans douze essais successifs, les Lithobies ont été trouvées can- 
tonnées comme suit : 

Dans les régions éclairés : 

1, 0, 1, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 1, 1, 0. — Total 4. 
Dans les régions obscures : 
HS IS AIS AR TS TL IR AS A IT, TE TR 

Rég. obscures 140 


———— F0. 
Rég. éclairées 4 s 


Le rapport est : 

C'est-à-dire qu'il s’est trouvé trente-cinq fois plus d'indivi- 
dus à l’ombre qu'à la lumière. 

La sensibilité des Lithobies pour la lumière et leur désir d'évi- 
ter l'éclat du jour sont assez intenses pour amener la plupart de 
ces animaux à aller se pelotonner en quelques instants dans le 
recoin le plus obscur de la boîte; aussi est-ce uniquement pour 
mettre de l’uniformité dans les expériences effectuées sur des 
espèces différente que j'ai laissé s’écouler dix minutes entre les 
observations successives. 

B. Première expérience sur des Myriopodes aveugles, Geo- 
philus longicornis. 

Quinze Géophiles sont déposés dans la boîte. On fait comme 
plus haut douze observations séparées par des intervalles de dix 
minutes. Les mêmes précautions sont prises pour distribuer les 
animaux uniformément après chaque dénombrement., 

Le temps est couvert, la lumière peu vive. Les Géopbiles ont 
été trouvés répartis comme suit : 


Dans les régions éclairées : 
2, 5, 5, 5, 7, 5, 8, 8, 2, 5, 3, 6. — Total 61. 
Dans les régions obscures : 
43, 10, 10, 10, 8, 10, 7, 7, 13, 40, 12, 9. — Total 419: 
Rég. obscures 119 


Mie. écrites OÙ NS PU 


Le rapport est : 


Ce qui veut dire qu’on a trouvé environ deux fois plus d’indivi- 
dus dans les parties obscures que dans les parties éclairées. 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 449 


Le résultat manquant cependant, pour moi, de netteté, parce 
que de nombreux individus, au lieu de s'arrêter réellement à 
l'ombre, circulaient constamment à la recherche d'une fissure 
pour s'échapper, j'ai voulu recommencer l'expérience dans 
d’autres conditions. 

J'ai eu alors l’idée d'utiliser l'influence du papier à filtrer 
humide qui, ainsi que l’ai expliqué au $ 3, amène les Myrio- 
podes chilopodes à se tenir immobiles. Seulement, pour éviter de 
créer certains emplacements de prédilection, ce qui aurait ôté 
toute valeur aux observations, j'ai recouvert la totalité du plan- 
cher de la boîte d’une couche uniforme de papier à filtrer hu- 
mectée d’eau (1). 

L’humidité étant la même partout, les choix des Myriopodes 
s’arrêtant dans tel ou tel emplacement ne pouvaient être déter- 
minés que par des différences d'éclairage. 

Le procédé a parfaitement réussi, comme le montrent les deux 
expériences ci-dessous. 

C. Deuxième expérience sur des Myriopodes aveugles, Geo- 
philus longicornis (surface de reptation recouverte de papier hu- 
mide). | 

‘J'emploie dix-sept Géophiles. Toutes les précautions sont les 
mèmes que dans les expériences précédentes. 

Beau temps, lumière diffuse vive. Les individus ontété trouvés 
distribués comme suit : 

Dans les régions éclairées : 

2, 4, 2, 2, 5, 1, 3, 4, 9, 4, 3, 2. — Total 41. 
Dans les régions obscures : 
15, 13, 15, 45, 12, 16, 14, 13, 8, 13, 14 15. — Total 163. 
Rég. obscures 163 


Le rapport est : Rés. éclairées 41 


— 3,97, soit à peu près 4. 

Il y a donc eu environ quatre fois plus de Géophiles dans les 
régions sombres que dans les régions éclairées. 

D. Troisième expérience sur des Myriopodes aveugles, Cryp- 
tops punctatus. 

Ici le procédé du papier à filtrer mouillé est indispensable ; 


(1) Afin de produire une répartition bien égale de l'humidité, la bande de papier à 
filtrer roulée sur elle-même a été plongée dans l’eau; lorsqu'on l’a supposée bien im- 
bibée, l'excès de kquide a été exprimé; puis la bande a été déroulée sur le fond de la 
boîte en évitant soigneusement les plis et les déchirures. 


450 F. PLATEAU. — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


en effet, dans un essai antérieur, avec plancher sec, les Cryptops 
s'étaient promenés continuellement pendant trois heures sans 
s’arrêter nulle part. Sur une surface humide, ils s'arrêtent au 
contraire au bout de peu de temps. 

J'emploie deux Cryptops seulement, parce que ces animaux 
sont relativement rares et qu’il m'est impossible, au moment de 
l'expérience, de me procurer plus d'individus. 

Ciel lumineux, lumière diffuse vive, mêmes précautions que 
plus haut. Douze observations fournissent : 

Dans les régions éclairées : 

00/0; 0,0, VOD 00 0 


Dans les régions obscures : 
2, 2,2; 2; '2(9,0273 224,02, 


Étonné de l’uniformité des résultats, je change, à deux re- 
prises, aux moments indiqués par des astérisques, la direction de 
la boîte, de façon à modifier les formes et, jusqu'à un certain 
point, l'étendue relative des surfaces éclairées et ombrées; mais 
rien n'y fait; toujours les deux Cryptops vont se blottir à peu de 
distance l’un de l’autre dans l’extrémité la plus obscure de la 
boîte. 

Les diverses expériences que je viens de décrire démontrent 
ce fait curieux que la sensibilité des Myriopodes aveugles pour la 
lumière est assez grande et n’est pas beaucoup inférieure à celle 
des Myriopodes munis d’yeux. | 


JIT 


EXPÉRIENCES SUR LA RAPIDITÉ DE LA PERCEPTION. 
8 6. — Première méthode ; emploi d’un écran mobile, 


On a vu plus haut (fin du $ 3 et fin du $ 4) qu'il semble ré- 
sulter des recherches que j'ai instituées pour déterminer s’il ya 
perception de lumière de la part des Myriopodes aveugles, que 
cette perception est lente à s’effectuer, c’est-à-dire qu'il y aurait 
une période latente plus ou moins longue entre l'instant où la 
lumière agit sur le corps de l’Arthropode et l'instant où ce der- 
nier perçoit l’excitation. Des expériences variées étaient néces- 
saires pour se former une conviction à cet égard. 

La méthode que j'ai mise d’abord en usage est celle à laquelle 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 451 


on songe naturellement en premier lieu comme étant la plus 
simple et la plus facile à employer. Elle consiste à masquer pen- 
dant quelques minutes la lumière directe à l’aide d'un écran, à 
enlever ensuite celui-ci rapidement, enfin à noter le temps qui 
s'écoule entre le moment où les rayons lumineux tombent en 
plein sur l’animal et celui où l’on constate à des signes extérieurs 
que le Myriopode s'aperçoit des conditions physiques nouvelles 
dans lesquelles il se trouve. | 

Les expériences ont été faites au soleil, mais en interposant, 
comme dans d’autres essais antérieurs, une auge en verre con- 
tenant une couche d’eau de 2 centimètres d'épaisseur (voy. fig. 2). 
Les Myriopodes placés dans un cristallisoir à fond de papier blanc 
se tenaient immobiles à l’ombre, grâce à une trace humide située 
du côté du vase le plus proche de la fenêtre. L'écran était une 
feuille de carton épais, verticale. 

J'ai considéré, faute de mieux, comme instant où la percep- 
tion de la lumière a lieu, ou plus exactement où cette perception 
est complète, celui où les animaux observés présentent le ba- 
lancement caractéristique de la tête indiquant qu'ils vont se 
mettre en mouvement. Le balancement de la tête constitue, du 
reste, en général, le premier signe perceptible d’agitation. 

À. Expérience sur un Myriopode muni d’yeux (Lithobius forfi- 
catus). 


Température, dans le cristallisoir, au soleil. . . . . . . 2700 .c. 
— — à l'ombre de l’écran.. . 2505 c. 
Différence. . . . 105 c. 


On a effectué vingt essais. Les nombres de secondes écoulés 
entre l'enlèvement de l'écran et les premières manifestations 
d'activité ont été : 


Aer essai. . 2” soleil voilé. 11 essai. 4” soleil franc. 
180 EU D _ 19 — . 4” — 
D — AIR — 43° — . 97” soleil voilé. 
He =)1}; 8” Le 44 — . 40” — 
Doha 1: rex 2 NS _" O0 oh 242? — 
6 — . g” — 10 ha , 47, — 
1 — . D” soleil franc. 17e — . 14” — 
Beni © FF — 182 — . 48” — 
9% — ., 9” — Ages 1 »” soleil franc. 
Mr nn- in LUN - O0 n4mainl +20! — 


La moyenne générale est 17”,7. 


452 F. PLATEAU, — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


On remarquera que cette durée moyenne est considérable et 
que la plus petite durée qui ait été observée est encore de deux 
secondes. 

Le tableau ci-dessus montre, en outre, que la période latente 

est plus courte lorsque la lumière solaire est franche (moyenne 8”) 
que lorsqu'elle est légèrement voilée par des nuages (moyenne 
94”), 

R. Expérience sur un Myriopode aveugle, le Cryptops punc- 
Lätus. 


Température, dans le cristallisoir, au soleil. . . . . . . 207C. 
_ — à l'ombre de l'écran. . 25° c. 


Différence. . . . . in 
Les essais sont, comme pour la Lithobie, au nombre de 
vingt. 
Soleil légèrement voïlé pendant toute l'expérience. 


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La moyenne générale est 17”, 4, à peu près exactement celle 
qui a été observée pour la Lithobie (17”, 7). 

Ce n’est évidemment pas le hasard qui a amené cette concor- 
dance remarquable entre les deux moyennes. En effet, d’abord 
les essais ont été assez nombreux, de part et d'autre, pour ob- 
tenir, malgré de grands écarts partiels, des moyennes très ap- 
prochées de l'exactitude : ensuite l’accord entre les résultats 
existe même dans les détails ; ainsi, la plus petite durée obser- 
vée est 2” pour les deux Myriopodes, et la plus grande est 48” 
pour la Lithobie et 44” pour le Cryptops. 

Il paraît donc résulter des expériences faites à l’aide de la mé- 
thode de l’écran mobile, non seulement qu’il existe bien réelle- 
ment une période latente notable entre l’instant où commence 
l’excitation lumineuse et l'instant où cette excitation est perçue, 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 453 


mais, de plus, chose très curieuse, que la durée de cette période 
est à peu près la même chez les Myriopodes pourvus d'organes 
de vision et chez les Myriopodes aveugles. 

Je ne pouvais cependant me borner au moyen un peu grossier 
dont il vient d’être question, car il offre deux causes d'erreurs 
à éviter : 1° un contraste trop faible entre la lumière et l'ombre, 
puisque derrière l'écran , les animaux sont encore éclairés par 
la lumière diffuse réfléchie par les murs de l'appartement : 2 des 
changements très appréciables de température ; un bon thermo- 
mètre indiquant, malgré l’interposition d’une couche d’eau, 
environ un degré de plus au soleil. C’est pour ces motifs que 
j'ai eu recours au procédé que je vais décrire. 


£ 1. — Deuxième méthode : emploi d’une boîte complètement 
obscure avec panneau mobile. 


L'animal à essayer est logé dans un petit cristallisoir en verre 
de 7 centimètres de diamètre; celui-ci est placé dans une boîte 
cylindrique verticale en carton noirci (fig. 6) ayant 11 centi- 
mètres de diamètre et 20 centimètres de hauteur. 


F1G. 6. 


Le plafond ou couvercle de la boîte est percé d’une petite ou- 
verture d'un centimètre carré, environ, permettant d'observer 
ce qui se passe à l’intérieur et qui, en dehors des moments d’ob- 
servation est elle-même fermée. 

Enfin, sur le côté de la boîte que l’on tourne vers la lumière, 
est un grand orifice rectangulaire de 10 centimètres de haut et 
de 5 1/2 centimètres de large, que l’on peut clore où ouvrir à 
volonté, à l’aide d’un panneau opaque mobile glissant de haut 


454 F. PLATEAU. — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


en bas dans des coulisses à bords assez larges pour intercepter 
tout filet de lumière. 

Quand la boîte est fermée, le Myriopode en expérience se 
trouve dans une obscurité complète et, lorsqu'on soulève ra- 
pidement le panneau mobile, la lumière vient Le frapper d’une 
façon brusque. 

Si l’Artropode est trouvé immobile, ce que l’on obtient à peu 
près à coup sûr, en déposant dans le petit cristallisoir un carré 
de papier à filtrer humide, on n’a qu’à compter le nombre de 
secondes qui s'écoule entre l’accès de la lumière et les premiers 
signes d’agitation extérieure, précurseurs de la mise en marche. 

Toutes les expériences sont effectuées à la lumière diffuse, de 
façon à éviter les variations de température. Les durées des sé- 
jours bans l'obscurité complète ont toujours été d’au moins dix 
minutes. 

A. Expériences sur des Myriopodes pourvus d’yeux. Lithobius 
forficatus. 

Première expérience. Temps couvert, Température de l'ap- 
partement 19° c. 

Les nombres de secondes écoulés entre l’enlèvement du pan- 
neau plein et les premiers mouvements d'inquiétude du Myrio- 
pode ont été : 


Ares QUE F 1e besals. à... 4” 

Da UE 0” Base Eh se 

EEE : ge” Dee = <c .e Lt 

DU = jee RO 2” A: Le se” 

De, à «308 0” AUOT GIGUC ER 

| RO DE dt tnt dos  & 
Moyennes: tel a 5 


Deuxième expérience à l’aide de deux autres individus. Temps 
clair; soleil (àl’extérieur). Température de l’appartement 18° c. 


9e rNDIVIDU. 32 INDIVIDU. 
: an =: "| OMR 6” 1e essai NU, 9” 
Pafesioint 20! ?” Soon lé 9” 
AREAS : : 44” Me, 4 Liu: LME 
JS ER. . 8” diva. |. 8” 
Ho VEN ki 11% 0308 6” 
Ge EE OMPUININEHS44” Age 21 ON TO, 8” 
Mumenties 0 1, 90 SUR, 7,9 


Moyenne générale pour les trois individus, 5”, 2. 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES. 455 


En comparant ces résultats à ceux du $ 6, on constate que la 
perception de la lumière s’est faite beaucoup plus rapidement. 
Ce qui s'explique parfaitement, l'excitation étant plus intense 
lorsque, comme dans le cas actuel, la Lithobie passe rapidement 
de l'obscurité complète, à la pleine lumière. 

B. Première expérience sur un Myriopode aveugle; Cryptops 
punctatus (1). 

Temps clair, soleil (à l'extérieur). Température de l’apparte- 
ment 25° C. 


AT ÉSSAI, Se ON 97 7e essai. . 0” soleil voilé. 
Me eh à 2” 8e — ,, 1 — 
SRE RCE D à! 8” ge —.,. 8” _ 
ke ES 0 E'UIRTTN . 1e 10 — .. 0” 
Bel. ——,) PAR 0” 11e — .. 0” = 
06 to 1% — .,., 8” 

MON 5 à dus an ue 4,2 


La méthode relativement défectueuse de l’écran mobile ($ 6) 
avait donné ce résultat contestable que, chez les Cryptops aveu- 
gles, la lumière est perçue dans le même temps que chez les 
Lithobies pourvues d’yeux. L'expérience qui précède prouve ce- 
pendant que le fait est bien exact. Les durées moyennes de 4,2 
observées pour un Cryptops et de 5”,2 fournies par les Lithobies 
devant être considérées comme très voisines, surtout si l’on tient 
compte de cette particularité que le Cryptops était excité par une 
température plus élevée. 

C. Deuxième expérience sur des Myriopodes privés d’yeux. 
Geophilus longicornis. 

Température de l’appartement, 18° c. 


Acer inpivipu. (Temps couvert.) 2e mpivipu. (Soleil légèrement voilé.) 
4er: éssai 54. D” TenessdiessD.hi 2’? 
De. — 0 1% SA 04 D 29 2" 
3, -— Dé qe qe re 1 x 
RS - “à A nat. » Li 
bs)l IL EURRER F PI SIENS VAUT 4 
Ge . —400 2 RS RER EE 4 
l'UE ARMES 2”,0 


(1) C’est avec beaucoup de peine que j'ai obtenu cette série. Le seul moyen de faire 
rester un Cryptops immobile, tout en lui conservant son excitabilité, est de lui donner 
un fragment de papier humide, renouvelé de temps à autres, mais que l’on supprime 
lors de chaque essai, avant de mettre le Myriopode dans l’obscurité. 


456 F. PLATEAU. — PERCEPTION DE LA LUMIÈRE 


Ici Le temps qui s'écoule entre l’action brusque de la lumière 
et les actes extérieurs qui indiquent la perception paraît encore 
plus court que pour les Cryptops. Ce résultat, bien que ne me 
satisfaisant pas complètement, montre cependant que chez les 
Géophiles aveugles la période latente n’est certainement pas plus 
longue que chez les Lithobies munies d'organes visuels. 

Je sais fort bien qu'il ne faut attacher aucune valeur absolue 
à des chiffres obtenus à l’aide d’une montre à secondes dans des 
observations délicates dont les résultats sont en partie faussés : 
1° par des erreurs personnelles, et 2 par l'impossibilité de dis- 
tinguer la perception chez l'animal autrement que par des mou- 
vements qui sont probablement loin de suivre immédiatement 
l'instant réel de cette perception. Mais les erreurs ayant tou- 
jours été de même nature, la valeur relative des nombres obser- 
vés conserve une signification importante. 

Toutes les expériences relatées dans le paragraphe qui pré- 
cède et dans le paragraphe actuel nous conduisent done à ad- 
mettre que chez les Myriopodes chilopodes il faut, en général, un 
temps assez long pour que ces animaux s'aperçoivent qu'ils ont 
passé d’une obscurité relative ou complète à la lumière du jour et 
que la durée de la période latente n’est pas plus grande chez les 
Myriopodes aveugles que chez les Myriopodes munis d’yeux (1). 


3 8. — Conclusions. 


Quelque imparfaites que soient mes recherches, et malgré le 
défaut de netteté de certains résultats fournis par des animaux 
dont les actes extérieurs sont peu variés et sont, partant, très 
difficiles à interpréter, je crois avoir assez multiplié les expé- 
riences pour pouvoir énoncer les conclusions suivantes déjà for- 
mulées çà et là dans Le cours du travail, mais que le lecteur trou- 
vera ici groupées avec ordre : 

1° Les Myriopodes chipolodes aveugles perçoivent la lumière 
du jour et savent choisir entre cette lumière et l'obscurité ; 


(1) Bien que la chose puisse paraître paradoxale aux physiologistes qui ne se sont 
occupés de la vision que chez l’homme, je crois, d’après quelques observations qui de- 
mandent à être complétées, que ce phénomène curieux d’une longue période latente 
entre l’action de la lumière et la perception est très répandu, sinon général chez les 
Arthropodes. Il y a là matière à des recherches curieuses que je me réserve de pour- 
suivre. 


PAR LES MYRIOPODES AVEUGLES, 457 


2 Chez les Myriopodes chilopodes munis d'yeux et chez les 
Chilopodes dépourvus de ces organes, il faut, en général, un 
temps assez long pour que ces animaux s’aperçoivent qu'ils ont 
passé d’une obscurité relative ou complète à la lumière du jour; 

3° La durée de cette période latente n’est pas plus grande 
chez les Myriopodes aveugles que chez les Myriopodes munis 
d'yeux; 

4° Il résulte de la lenteur avec laquelle se fait la perception 
que lorsqu’un espace obscur est de faible étendue par rapport à 
la surface éclairée, les Myriopodes aveugles, quoique sensibles 
à la lumière, traversent cet espace sombre sans s’en apercevoir 
et ne savent plus le retrouver lorsqu'ils en ont dépassé les li- 
mites ; 

5° Quand Les Myriopodes chilopodes aveugles ou munis d’yeux, 
déposés sur le sol, s’introduisent avec empressement dans la 
première fente qu'ils rencontrent, cet acte n’est pas déterminé 
par le seul besoin de fuir la lumière; ces animaux cherchent en 
même temps un milieu humide et avec lequel la plus grande 
partie de la surface de leur corps soit en contact direct (1). 


(1) Il reste à déterminer si les Myriopodes aveugles distinguent les couleurs. Ce 
sera le sujet d’un autre travail dont je prépare les matériaux. 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


SUR LES 


CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE 


Par EE. WERTHEIMER 
Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Lille. 


INTRODUCTION. 


«Non seulement la vie du tronc dépend de la moelle épinière, 
mais chaque partie dépend spécialement de la portion de cette 
moelle dont elle reçoit ses nerfs.» En parlant ainsi de la vie du 
tronc, Legallois (1) avait principalement en vue la plus impor- 
tante des manifestations de la vie, les mouvements : la proposi- 
tion qu'il a formulée doit plus que jamais servir de base à toute 
étude sur le fonctionnement de la moelle épinière, et se confirme 
tous les jours davantage. 

Mais tout en établissant ce principe , Legallois avait été forcé 
de conclure d’après ses remarquables expériences, que les mou- 
vements respiratoires du tronc avaient leur centre ailleurs que 
dans la moelle et faisaient ainsi exception à la règle qu'il avait 
lui-même posée. Il a d’ailleurs eu soin de faire ressortir immé- 
diatement la difficulté; « les nerfs diaphragmatiques et tous les 
autres nerfs des muscles qui servent aux phénomènes méca- 
niques de la respiration, prennent naissance dans la moelle épi- 
nière de la même manière que ceux de tous les autres muscles 
du tronc. Comment se fait-il donc qu'après la décapitation, 
les seuls mouvements inspiratoires soient anéantis et que les 
autres subsistent. C’est là, à mon sens, un des grands mystères 
de la puissance nerveuse, mystère qui sera dévoilé tôt ou 
tard (2). » Le mystère a été éclairei, en effet, et d’une façon fort 
simple. Il a été démontré que les mouvements respiratoires du 
tronc obéissent, eux aussi, à loi commune, et que leurs centres 
immédiats doivent être cherchés dans la moelle épinière. La pro- 
position de Legallois a donc une portée plus grande encore qu'il 


(1) Œuvres de Legallois. Edit. 1830, p. 62. 
(2) Id. Ibid., p. 63. 


E. WERTHEIMER. — CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 499 


ne l’avait lui-même supposé. Les faits rapportés dans notretra- 
vail viennent s’ajouter à ceux qui sont déjà connus pour prouver 
qu’elle se vérifie même en ce qui concerne le mécanisme de Ja 
respiration. De plus, nous nous sommes surtout proposé ici de 
déterminer, ce qui n'avait pas encore été fait, les véritables ca- 
ractères des mouvements respiratoires auxquels préside la 
moelle par elle-même, sans l'intervention du bulbe. Nous avons 
étudié également, et ce sera l’objet d’un prochain mémoire, les 
effets des excitations centripètes sur ces mouvements, enfin l’in- 
fluence de certaines conditions expérimentales qui peuvent faci- 
liter et hâter leur retour après l’ablation de la moelle allongée : 
ce sont là les différents points dont nous nous occuperons après 
avoir passé en revue les principaux travaux publiés sur cette 
question. 


PREMIÈRE PARTIE. — HISTORIQUE ET CRITIQUE. 


Il n’y a pas lieu de s'étonner que l'opinion qui place dans le 
bulbe le centre exclusif des mouvements respiratoires soit restée 
si longtemps classique et qu’elle soit encore soutenue aujour- 
d’hui. Elle s’appuie en effet sur des expériences qui, au premier 
abord, paraissent absolument probantes, et qui ont donné aux 
physiologistes de toutes les époques, les mêmes résultats. 

La section de la moelle épinière entre la première et la 
deuxième vertèbre cervicale, anéantit sur-le-champ la respira- 
tion avec la vie : voilà ce qu'avait vu Galien.(1), et bien long- 
temps après lui Lory (2). 

On ouvre le crâne d’un jeune lapin et on fait l'extraction du 
cerveau par portions successives, d'avant en arrière, « on peut 
enlever de cette manière tout le cerveau proprement dit, ensuite 
le cervelet et une partie de la moelle allongée : mais la respira- 
tion cesse subitement lorsqu'on arrive à comprendre dans une 
tranche l’origine des nerfs de la huitième paire. » 

La conclusion qui s'impose aux témoins de ces mémorables 
expériences de Legallois (3), c’est que le premier moteur ou le 
principe de tousles mouvements respiratoires, a son siège dans 
cet endroit de la moelle allongée qui donne naissance aux nerfs 

(1) De anatom. adminitr. Leipzig, 1821, p. 696 et 697. 


(2) Acad. des sciences. Mém. des sav. étrangers, t. III. 
(3) Ouv. cit. 


460 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


de la huitième paire (1). Legallois montre encore que la section 
des centres nerveux, faite au-dessous de cette région circonscrite 
du bulbe, abolit les mouvements du tronc en laissant persister 
ceux de la tête; faite au-dessus, elle ne supprime plus que ces 
derniers et ne trouble pas ceux du tronc. 

Les recherches de Flourens (2) qui viennent apporter une 
nouvelle confirmation aux faits signalés par Legallois, ont eu 
trop de retentissement pour qu'il soit nécessaire d'y insister : 
on peut dire qu'ils servent encore de base aujourd'hui à toute 
l'histoire des centres respiratoires. Sans doute, la théorie du nœud 
vital, au sens où l’entendait Flourens, n’a pu résister longtemps 
aux enseignements de la physiologie générale; s'ilne fut pas dif- 
ficile de démontrer que «l'exercice de l’action nerveuse, l'unité 
de cette action, la vie entière de l'animal, en un mot, » ne peut 
dépendre ainsi d’un point circonscrit du système nerveux, par 
contre, tous les physiologistes, sauf quelques rares exceptions, 
ont continué, depuis Flourens, à regarder ce point comme le 
centre et le premier moteur du mécanisme respiratoire. 

La plupart même de ceux qui ont répété ces expériences res- 
taient d'accord avec lui sur le fond de la question, c’est-à-dire 
sur l'existence du centre unique, et ne contestaient que le siège 
exact qu’il fallait lui attribuer. Il est important de rappeler 
que Flourens dans ses différentes publications ne lui a pas tou- 
jours assigné les mêmes limites. Il s'agissait d'abord d’une 
partie qui n’offrait que quelques lignes d’étendue, commençant 
immédiatement au-dessus de l’origine de la huitième paire et 
s'étendant à trois lignes au-dessous (3); plus tard, ce n’est plus 
qu'un point qui n’est pas plus gros qu'une tête d'épingle (4); 
plus tard, enfin, le nœud vital devient double, c'est-à-dire formé 
de deux parties réunies sur la ligne médiane. « Une section trans- 
versale de cinq millimètres dans un point de la moelle allongée, 
c'est-à-dire passant par le millieu du V de la substance grise, 
voilà tout ce qu’il faut pour détruire la vie (5). » 

Il n’est donc pas étonnant que les autres physiologistes aient 


(1) Percy, Comptes rendus et Mém. de l’Acad. des Sciences, t. 1, p. 247 et 259, 
(2) Rech. expérim. sur les propr. et les fonct. du système nerveux. Paris, 1842. 
(3) Ouw. cit., p. 203 et 204. 

(4) Comptes rendus, oct. 1851, p. 437. 

(5) Comptes rendus, nov. 1858. 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 461 


varié également sur le siège précis du centre respiratoire; c’est 
ainsi que Longet le place dans le faisceau intermédiaire du bulbe. 
Schiff le localise à la partie antérieure de l’aile grise, un peu en 
arrière de l'émergence du pneumogastrique. L’un et l’autre 
constatent, ainsi que Volkmann, qu'une section de la moelle 
allongée, passant par la pointe du V de substance grise, n’abolit 
pas la concordance des mouvements respiratoires bilatéraux, et 
ils en concluent, comme le fit plus tard Flourens, que les centres 
respiratoires bulbaires sont pairs et situés symétriquement de 
chaque côté de la ligne médiane (1). 

Seul, Brown-Séquard s'élève contre le fond même de l'opinion 
de Flourens : dans ses « Recherches sur les causes de la mort 
après l’ablation de la partie de la moelle allongée qui a été nom- 
mée point vital, » l’éminent physiologiste établit dès lors une 
règle capitale dans l'étude des centres nerveux, à savoir que les 
effets observés à la suite des lésions traumatiques de ces centres, 
peuvent reconnaître deux causes absolument distinctes : soit la 
perte de fonction par suppression de la partie lésée, soit au con- 
traire l’irritation produite sur les parties voisines, ou même sur 
les organes éloignés. Sans nier les résultats obtenus par Flou- 
rens, il soutient qu’on peut les interpréter différemment; mais 
il montre aussi qu'ils ne sont pas constants, que la respiration 
peut avoir lieu avec force et régularité pendant un grand 
nombre de jours après l’ablation du nœud vital. La mort subite, 
quand elle se produit, n’est done pas due à l’extirpation de ce 
point mais à l'irritation des parties voisines qui produisent un 
arrêt du cœur et des mouvements respiratoires; de ces deux 
effets de l'opération, le dernier est une cause de mort plus fré- 
quente que l’autre et peut exister seule. Enfin, le procédé même 
de Flourens, qui consiste dans l’emploi d’un emporte-pièce, 
expose plus que tout autre à ce résultat, parce qu’il agit brus- 
quement sur toute la surface qu’un bistouri ou des ciseaux n'ir- 
ritent que partiellement. Tels sont dans leurs traits principaux 
les faits rapportés et l'opinion émise par Brown-Séquard dès 
1858 (2). 

(1) Longet. Arch. génér, de médec., t. XIN, p. 377 et Tratté de phys. — Schiff, 
Lehrb. der Phys. 19 Th., p. 322, 1858-59. — Volkmann, Wagners-Handwor;, I, 


ps 091, 
(2) Journ. de Phys, t. I, p. 2L7, 1858, 


462 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


Pourquoi, malgré l’autorité de ce physiologiste, ces idées 
n’ont-elles pas prévalu? Sans doute pour deux motifs principaux : 
le premier, c’est que le centre respiratoire n'étant pas en réalité, 
malgré tous les efforts de Flourens, délimité d’une façon pré- 
cise, on pouvait supposer que Brown-Séquard n'en avait enlevé 
qu’une portion. Schiff aussi et Longet ont pu impunément ex- 
tirper le nœud vital de Flourens, mais ils avaient été seulement 
amenés ainsi à localiser, le centre respiratoire en un point dif- 
férent du bulle. D'autre part, l'interprétation que donnait Brown- 
Séquard des effets de l'opération, c’est-à-dire de l’arrêt des mou- 
vements respiratoires, bien que fort légitime, prêtait évidem- 
ment à la discussion : on n’était pas encore familiarisé avec ces 
phénomènes d’arrêt ou d’inhibition que produit à l’irritation de 
certaines parties des centres nerveux et sur lesquels ce physio- 
logiste n’a cessé dès lors de revenir. 

Cependant aujourd'hui tout porte à croire que les effets con- 
sécutifs de l’ablation du nœud vital reconnaissent comme cause 
un phénomène de ce genre. Paul Bert (1) n’a-t-il pas démontré 
qu’une excitation violente du pneumogastrique peut amener la 
mort subite par arrêt de la respiration, et l’on comprend facile- 
ment que l’irritation de la partie du bulbe voisine de l’origine du 
nerf, puisse par un mécanisme analogue, avoir les conséquences 
semblables? Le désaccord même qui a régné entre les physiolo- 
gistes sur l'endroit précis où il faut pratiquer l'opération de 
Flourens, n'est-il pas une preuve que l'abolition des mouvements 
respiratoires du tronc est le résultat des lésions dont le siège 
peut varier dans des limites assez étendues, pourvu qu’elles pro- 
duisent une irritation suffisante ? 

C'est ainsi que Legallois avait déjà dit que la section du bulbe 
faite immédiatement au-dessous de la protubérance peut quelque- 
fois supprimer la respiration, bien que dans ce cas les connexions, 
entre le centre bulbaire et la moelle, ne soient pas interrompues. 
Longet a vu des animaux mourir instantanémant quand l’in- 
cision portait sur la profondeur du faisceau intermédiaire, même 
quand elle était unilatérale, L’irritation des parties voisines du 
point vital amène quelquefois l’arrêt de la respiration, bien que 
ce point ne soit pas lésé, a dit Brown-Séquard (2). Ce dernier a 


(1) Leçons sur la phys. comp. de la respiration, 1870. 
(2) Journal de la Physiologie, 1858, t. I, p. 233. 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 463 


observé, comme Legallois, que la section transversale des parties 
voisines de la moelle allongée et situées en avant d'elle, protubé- 
rance, pédoncule cérébral, détermine souvent le même effet (1). 
Il se produit sans doute dans toutes ces expériences une action 
irritative exercée à distance par le traumatisme, et nous sommes 
en droit de supposer que l'opération de Flourens agit de la 
même manière et non pas seulement par suppression d’un centre. 

Des arguments d’un autre ordre, fondés surtout sur l'anatomie, 
étaient venus dans ces dernières années ébranler la théorie clas- 
sique. Gierke (2) s’est appliqué à déterminer des lésions très 
circonscrites du bulbe et à rechercher ensuite, à l’aide du mi- 
croscope, sur l’animal mort, quel est le point précis du bulbe 
que l’on doit intéresser pour arrêter définitivement les mouve- 
ments respiratoires. Il a trouvé qu’il fallait diviser un faisceau 
longitudinal des fibres nerveuses situées de chaque côté en de- 
hors du noyau du pneumogastrique et plussuperficiellement que 
lui, prenant son origine en haut, à quatre millimètres au dessus 
de la pointe du calamus, et se perdant inférieurement dans le 
réseau nérveux compris entre les cornes antérieures et posté- 
rieures; ce faisceau est en connexion probable avec celui du 
côté opposé et avee les noyaux d’origine du pneumogastrique et 
du trijumeau. Gierke a pu sectionner isolément les différents 
amas ganglionnaires qui entourent le faisceau, sans influencer 
les mouvements respiratoires : ceux-ci n'étaient définitivement 
abolis que quand le faisceau était divisé avec la substance grise 
voisine. Rosenthal, en citant le travail de Gierke, ajoute que les 
notions fondamentales de physiologie ne permettent pas de pla- 
cer dans une couche de fibres nerveuses, privée de cellules, le 
foyer excitateur des mouvements respiratoires. Aussi, Gierke 
n’a-t-il pas considéré son faisceau comme un centre, mais sim- 
plement comme une voie de communication entre les noyaux 
bulbaires, en particulier ceux du pneumogastrique et du triju- 
meau , d'une part, et le noyau d’origine des nerfs respirateurs 
de la moelle, d'autre part; et il a supposé qu’il était destiné à 
amener à ces derniers des excitations capables de provoquer et 
de modifier leur activité. 


(1) Journal de la Physiologie, 1860, t. III, p. 153. 
(2) Arch. f. anat. und physiol., t. VII, p. 583, 1873. 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XXII (1896). 32 


464 E. WERTHEIMER. — RECIIERCHES EXPÉRIMENTALES 


Si les conclusions de Gierke avaient été exactes de tous points, 
elles suffisaient à elles seules pour démontrer que l'opération de 
Flourens n’agit pas par suppression d’un centre, puisqu'un 
centre suppose toujours une agglomération de cellules gan- 
glionnaires. Mais Gierke, dans une courte communication toute 
récente (1), revient sur la description qu'il avait donnée du 
faisceau respiratoire, pour y décrire maintenant des éléments 
nerveux à forme cellulaire, interposés aux fibres blanches. Tout 
ce que nous voulons retenir ici de ces intéressantes recherches 
de Gierke, c’est que ce nouvel essai de localisation du point pré- 
cis dont la section produit l'arrêt respiratoire, a encore une 
fois donné des résultats qui diffèrent notablement des tentatives 
antérieures du même genre, et que ce faisceau, dont l'intégrité 
semble nécessaire à la respiration, offre une structure et des dis- 
positions qui ne sont pas ordinairement celles des centres. 

Malgré ces contradictions, un point cependant reste acquis : 
pour suspendre la respiration, la lésion du bulbe doit porter 
de préférence sur une région assez circonscrite de cet organe 
au niveau du nœud vital de Flourens, ou dans son voisinage : 
si la section ou la piqüre d’autres parties situées plus haut peut 
amener les mêmes effets, ceux-ci, cependant, sont exception- 
neis. Si nous admettons avec Brown-Séquard, Langendorff, que 
l'arrêt de la respiration n’est qu’un phénomène d’inhibition, 
comment pouvons-nous expliquer qu’il y ait pour le produire 
un lieu d'élection ? C’est sans doute qu’à ce niveau on opère 
à proximité de l’origine du pneumogastrique et aussi de celle 
du trijumeau, qui répondent tous deux par un arrêt de la res- 
piration à une excitation centripète un peu forte. Pour que 
ces nerfs agissent comme ils le font, il faut de toute évidence 
que leurs noyaux soient en communication par des fibres spé- 
ciales, avec les centres respiratoires quels qu’ils soient, bul- 
baires ou médullaires, et l'excitation de ces fibres, à leur tour, 
doit avoir les mêmes effets physiologiques que celle des troncs 
nerveux. Il ne nous semble guère possible d’aller plus loin dans 
l'explication des phénomènes inhibitoires consécutifs aux lé- 
sions du bulbe. Comme on le verra dans le cours de ce travail, 
l'opinion que nous venons de développer ne nous empêche 


(1) Centralbl. f. d. med. Wiss. 1885, p. 593. 


(4 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 465 


pas d'admettre dans lé bulbe l'existence d'un appareil central 
dont les différentes parties sont encore à déterminer mais dont 
le fonctionnement ne peut être ainsi troublé ou supprimé par 
le fait d’un traumatisme, sans qu'il en résulte également des 
conséquences immédiates pour le jeu de la respiration. 

Les arguments que nous avons passés en revue fournissent 
une explication satisfaisante d'une première série de faits qui 
ont servi à fonder la théorie d’un centre respiratoire unique : ce 
sont ceux dans lesquels on pratique l’extirpation d’un point cir- 
conscrit dans la moelle allongée. Mais que répondre à cet autre 
ordre d'expériences qui consistent à arrêter instantanément tout 
le jeu du mécanisme réspiratoire par une section de la moelle, 
immédiatement au-dessous du bulbe. Celles-ci avaient été répé- 
tées par tant de physiologistes, avec un succès si constant, 
qu'elles ne semblaient pas pouvoir prêter à la discussion. Ce- 
peñdant des faits contradictoires avaient été signalés pour la 
première fois dès 1860, par Brown-Séquard, que nous citons ici 
textuellement : « Dans certains cas et chez certains animaux, on 
peut voir des mouvements respiratoires s’opérer après l’ablation 
de la moelle allongée. Le docteur Bennet-Dowler, de la Nouvelle- 
Orléans, asignalé cette persistancechezles crocodiles, nousl’avons 
constatée et nous l'avons fait voir nombre de fois dans nos cours 
chez les oiseaux, enfin, le D' B.-W. Richardson, de Londres, et 
nous-même l’avons observée chez les Mammifères nouveau- 
nés » (1). Il ne s’agit plus ici, comme dans le cas d’extirpation 
ou de piqûre du nœud vital, d'expériences qui peuvent recevoir 
des interprétations diverses : celles-ci démontrent indubitable- 
ment que le bulbe n’est pas le seul centre respiratoire. Et ce- 
pendant il faut reconnaître qu’elles n’ont pas modifié les idées 
régnantes sur ce point particulier de la science. Exposées dans 
les lignes que nous venons de citer, elles semblent avoir été 
moins connues que celles dont il a été précédemment question 
et qui, elles, prêtaient mieux à la controverse; peut-être aussi 
les quelques cas cités par Brown-Séquard ont-ils été regardés 
comme des exceptions trop rares pour pouvoir infirmer la géné- 
ralité des résultats obtenus à la suite de l’ablation du bulbe. 

Toujours est-il, que jusqu'à une époque récente, la théorie du 


(1) Journal de la Physiologie, 1860, p. 153. 


466 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


centre respiratoire unique a continué à être enseignée dans les 
traités classiques et admise par les physiologistes les plus auto- 
risés. Elle a été développée par Vulpian en ces termes : « Si 
chez un mammifère on pratique une section du bulbe un 
peu en arrière du bec du calamus scriptorius, toute respiration 
thoracique reflexe devient impossible, et l’on reconnaît faci- 
lement ainsi la subordination absolue des foyers médullaires 
d’origine des nerfs respiratoires au bulbe rachidien. Il semble 
que du centre respiratoire du bulbe partent des éléments qui le 
mettent en communication avec tous ces foyers, tandis que ces 
foyers ne seraient pas eux-mêmes en relation directe les uns 
avec les autres. Sous l'influence d’une irritation portant sur un 
ou plusieurs nerfs sensitifs, ces foyers ne sont pas excités tous 
ensemble et il ne pourra pas se produire un mouvement respi- 
ratoire complet et efficace. » Il est nécessaire que l’excitation soit 
transmise au bulbe : «ce centre respiratoire étant en relation 
avec tous les foyers d’origine des nerfs de l’appareïl respiratoire, 
pourra mettre en jeu tous ces nerfs simultanément etprovoquer 
ainsi un mouvement complet de respiration (1). » On ne pouvait 
exposer d’une façon plus logique et plus claire les connexions 
du centre bulbaire avec les centres médullaires telles qu’elles 
semblaient ressortir des expériences habituelles. C’est en termes 
presque identiques que cette théorie a été formulée par Béclard : 
« La section complète du bulbe au niveau du calamus rompt les 
liens qui relient avec le centre incitateur des mouvements respi- 
ratoires, ou nœud vital, les divers foyers nerveux échelonnés le 
long de la moelle et impliqués dans le mécanisme des mouve- 
ments respiratoires (2). » 

Mais dans ces dernières années, une série de recherches faites 
dans d’autres directions avaient montré que la moelle épinière 
remplit comme centre fonctionnel un rôle beaucoup plus impor- 
tant qu’on ne l'avait supposé. Il a été reconnu successivement 
que les centres qui président aux mouvements des organes du 
petit bassin, ceux des vaso-moteurs et des nerfs sudoripares des 
membres, ceux des mouvements convulsifs du tronc, doivent 
être cherchés dans la moelle elle-même et non plus haut, et Luch- 
singer pouvait répéter sous une autre forme ce qu'avait dit Le- 


(1) Dict. encyclop. Art. Mœlle ép., p. 537. 
(2) Traité de physiol., 2e part. p. 552, 1884. 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 467 


gallois : « les centres immédiats de toutes les fonctions du tronc 
ont leur siège dans la moelle (1). » 

En ce qui concerne les centres respiratoires, les faits probants 
rapportés par Brown-Séquard parlaient déjà dans le même 
sens, mais il a fallu qu’une observation faite par Rokitansky, 
vint de nouveau appeler l'attention sur ce sujet. Cet auteur a vu 
que des jeunes lapins, dont la moelle était séparée du bulbe 
et auxquels il administrait de la strychnine, exécutaient au mi- 
lieu des convulsions, quelques mouvements respiratoires (2). 
Puis Schroff a obtenu des résultats semblables quand il soumet- 
tait les animaux opérés de la même façon à l’action d’une tem- 
pérature d'environ 37°; la chaleur agit iei comme la strychnine 
dans les expériences de Rokitansky pour réveiller l'irritabilité 
affaiblie de la moelle (3). 

Ces travaux ont servi de point de départ aux recherches beau- 
coup plus complètes de Langendorff. Dans le premier mémoire, 
le plus important de ce physiolologiste (4), il y a à considérer 
deux ordres d’expériences; les unes sont relatives à des animaux 
ordinairement très jeunes auxquels on injecte un demi à un mil- 
ligramme de strychnine, après qu’ils ont subi la section du bulbe; 
dans les autres, au contraire, on n’a pas eu recours à l'agent 
toxique. 

À propos des premières, je placeraiici une remarque : l'appa- 
rition de quelques mouvements respiratoires dans les convul- 
sions du strychnisme ne suffirait nullement à prouver l'auto- 
nomie de la moelle dans cette fonction. Ce serait plutôt un 
fait exceptionnel si de toutes les cellules qui servent d’origine 
aux nerfs moteurs du tronc, le poison ne respectait que les 
noyaux des nerfs respiratoires et si le diaphragme, par exemple, 
ne participait pas, soit aux convulsions tétaniques ordinaires, 
soit à ces mouvements choréiques ou rhythmiques étudiés par 
M. Ch. Richet (5). Par contre, si l’on administre la strychnine 
avec certaines précautions, on voit très rapidement survenir une 
deuxième période , pendant laquelle toute convulsion a cessé 
dans les autres parties du corps, tandis que les mouvements res- 

(1) Luchsinger. Arch. de Pflug., t. XVI, 1878, p. 540. — Id., ibid., 1880, p. 158. 

(2) Wiener med. Jahrb., 1874, p. 30. 

(3) Wiener med. Jahrb., 1875, p. 319. 


(4) Arch. f. Physiol., 1880, p. 518. 
(5) Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1880. 


468 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


piratoires persistent : c’est alors seulement que l'on est au 
moins autorisé à conclure avec Langendorff que la moelle peut 
par elle-même, si l’on a soin de réveiller son excitabilité, en- 
voyer aux muscles de la respiration des excitations à caractère 
rhythmique. 

Si l’on objecte que le poison modifie, ce qui est incontestable, 
le fonctionnement des centres, Langendorff montre qu'on peut 
provoquer également par les excitations mécaniques ou élec- 
triques des nerfs centripètes, des mouvements respiratoires re- 
flexes chez des animaux, de préférence très jeunes, auxquels on 
n’a pas administré de strychnine. Dans les mêmes conditions, ce 
physiologiste a également observé des séries de mouvements 
respiratoires spontanés quand, après la section du bulbe il sus- 
pendait parintervalles l’insufflation pulmonaire. Il recommande 
pour réussir dans ce cas, de ne s’adresser autant que possible, 
qu'à des animaux nouveau-nés ou âgés d’un jour ou deux seu- 
lement. 

Ces dernières expériences ne sont, comme on le voit, que la 
répétition, ävec quelques détails, des recherches déjà citées de 
Brown-Séquard, que l’auteur allemand a eu soin de rappeler en 
maints endroits. Langendorff n’a cessé depuis lors d'apporter 
des faits nouveaux destinés à démontrer l'autonomie des centres 
respiratoires spinaux et à prouver le rôle simplement modéra- 
teur du bulbe. Dans le mémoire que nous venons d'analyser 
rapidement, 1l émet cette dernière idée sous forme d’hypothèse 
et reconnait que la sanction expérimentale lui fait encore dé- 
faut. « Si le centre régulateur de la respiration a son siège dans 
le bulbe, on doit s'attendre à ce que l’ablation de la moelle al- 
longée provoque des troubles remarquables dans la régulation 
de ces mouvements, mes expériences ne me permettent pas de 
décider ce qu'il en est. Les mouvements respiratoires d’origine 
spinale que nous avons vu se produire, ont été obtenus dans 
des conditions trop peu favorables. Peut-être arrivera-t-on à les 
obtenir sans avoir recours à la strychnine et en évitant les causes 
de dépression du système nerveux. Malheureusement les ani- 
maux nouveau-nés ne peuvent servir à élucider cette question 
en raison du faible développement de leurs appareils régula- 
teurs (1) ». 4 


(1) Loc. cit., 1880, p. 546. 


SUR LES CENTERS RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 469 


Dans un travail ultérieur (1) où Langendorff cherche à démon- 
trer directement l'influence inhibitrice du bulbe par des excita- 
tions directes portées sur cet organe, il revient encore sur le 
même sujet : « Je me suis en vain préoccupé de trouver des ça- 
ractères différentiels entre la respiration spinale et la respiration 
normale. Jusqu'à ce qu'ils me soient démontrés, je ne puis que 
rappeler qu’un animal privé de son bulbe est capable d'exécuter 
des mouvements qui sont équivalents à ceux d’un animal in- 
tact ». 

Je ne pouvais mieux terminer la partie historique de mon 
travail qu’en laissant à l’auteur, auquel on doit les recherches 
les plus suivies et les plus complètes sur cette question, le soin 
d'indiquer les desiderata de ses recherches. On trouvera peut- 
être que les expériences dont il va être question y satisfont en 
partie. En opérant sur des animaux adultes et non sur des nou- 
veau-nés, en ne faisant intervenir aucune infiuence excitante 
ou dépressive autre que l'opération elle-même, nous avons pré- 
cisément pu éviter les conditions où Langendorff se plaint d’avoir 
dû se placer et étudier les caractères que prend la respiration 
lorsque la moelle séule y préside; et si les travaux de cet auteur, 
de Brown-Séquard et de Lautenbach (2) ont rendu incontestable 
l'existence des centres respiratoires spinaux, on verra aussi que 
les circonstances mêmes dans lesquelles nous avons expérimenté 
mettent peut-être mieux en lumière le rôle et l’activité propre de 
la moelle dans le mécanisme de la respiration. 


DEUXIÈME PARTIE. — EXPÉRIENCES. 
I. — Méthode opératoire. 


Toutes les expériences qui vont nous occuper dans ce pre- 
mier mémoire ont été faites sur des chiens, soit âgés de quel- 
ques mois seulement, soit arrivés à leur complet développement. 


(1) Uber Reizung des verläng. Mark. Arch. f. Phys. 1881, p. 536. Voir du même : 
Ub. ungleichmäsige Thätigk. beid. Zwerchfellshàlf. Arch. f. Phys. 1881, p. 78. — 
Ub. period. Alhmung bei Frôschen., ibid. p. 241. — Period. Athm. nach Muscar. 
und Digital., ibid. p. 331. — Consulter encore sur le même sujet : Nietschmann, 
Arch. de Pfluger. 1885, p. 551. 

(2) Philad. medic Times, 1879. Nous ne connaissons de ce travail que le titre : 
Are there spinal respitarory centres; et la citation de Beaunis : Nouveaux élém. de 
physiol., t. IE, p. 1293. 


470 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


Cette distinction est nécessaire, parce que la différence d'âge 
amène aussi quelques différences dans les résultats. 

Nous nous sommes abstenu d’expérimenter sur des animaux 
trop jeunes ou trop vieux : les essais de Langendorff comparés 
aux nôtres, nous avaient montré que les premiers étaient des 
sujets de recherches bien moins favorables que les chiens 
adultes; quant aux seconds, nous avons constaté qu'on les sa- 
crifiait trop souvent inutilement. 

Dans cinquante-six cas, ces expériences ont été suivies de suc- 
cès : nous n'avons pas noté le nombre d'animaux opérés sans 
résultat, mais il a été certainement de plus du double; nous 
n’en parlerions pas ici si nous ne voulions faire remarquer que 
les conditions d'âge et d'opération restant les mêmes, 1l ne nous 
a pas été possible de trouver soit dans des caractères de races, 
soit dans certaines influences physiologiques tels que l’état de 
jeûne ou de digestion, par exemple, les causes des insuccès. 

Le procédé opératoire est d’ailleurs des plus simples : l'ani- 
mal est anesthésié au chloroforme, on sectionne au thermocau- 
tère les masses musculaires de la nuque et on dénude ainsi les 
lames des deux premières vertèbres cervicales. On peut alors en 
fléchissant fortement la tête, profiter de l’espace atloïdo-axoïdien 
pour y faire pénétrer un instrument tranchant. Mais ce pro- 
cédé, bien qu’expéditif, laisse toujours des doutes jusqu'à l’au- 
topsie sur la réussite de l'opération, aussi y avons-nous bientôt 
renoncé pour le suivant : avec une forte pince coupante appli- 
quée au milieu de la hauteur de l’axis, on enlève d’un seul coup 
toute cette partie de la lame vertébrale avec l’apophyse épineuse, 
eton met ainsi à nu la moelle dans toute sa largeur et dans une 
longueur de 1 1/2 à 2 centim. À ce moment et avant de la di- 
viser, on retourne l'animal sur le dos, on pratique rapidement 
la trachéotomie, on établit la respiration artificielle et on coupe 
les deux pneumogastriques (1). On remet l’animal sur le ventre, 
on fend les méninges (dure-mère et arachnoïde) avec des ciseaux 
fins, on passe une pince courbe entre les membranes et la moelle 


(1) Cette section, superflue au point de vue qui nous occupe ici, était nécessitée par 
ce fait que nous avons cherché à étudier les rapports des phénomènes vasomoteurs 
dépendant de la moelle épinière avec les mouvements respiratoires de même nature, 
et que nous devions ainsi soustraire le cœur à l'influence du bulbe ; comme cette pré- 
caution a toujours été prise dans ces expériences, nous avons tenu à la mentionner. 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 471 


qu’on sectionne au bistouri. On est ainsi assuré de l'avoir divisée 
entièrement, à moins que la pince n’ait exceptionnellement pé- 
nétré dans son épaisseur au lieu de la contourner. 

Pour arrêter la perte de sang qui se produit à ce moment, on 
enfonce immédiatement un bout d’éponge dans l’intérieur même 
du canal rachidien; d’autres fragments d’éponge sont superpo- 
sés au premier, les muscles de la nuque sont recousus sur le 
tout et cette compression énergique suffit pour empêcher l’hé- 
morrhagie. 

I n’y a plus qu’à laisser la respiration artificielle continuer 
jusqu’à ce que l’on constate le retour de la respiration sponta- 
née. La canule trachéale étant mise en communication au moyen 
d'un robinet à trois voies d’une part avec le soufflet, d'autre 
part avec un tambour enregistreur de Marey, on peut, au moyen 
d’un tour de robinet, arrêter l’insufflation pulmonaire ou la ré- 
tablir à volonté, et enregistrer s’il y a lieu la respiration spon- 
tanée. Sur le tube qui va du robinet au tambour, on interpose, 
si les mouvements respiratoires sont trop amples, un récipient 
d'une capacité variable. 

Le métronome de Gaiffe, interposé sur le cireuit d’un courant 
de pile et mis en rapport avec le signal de Depretz, donne en 
secondes la mesure du temps, quand il est nécessaire. 

Disons aussi que l’autopsie nous a montré presqueconstamment 
les deux tronçons de la moelle séparés par un espace d’un cen- 
timètre et même davantage, et qu’il n’a été tenu compte que des 
cas où la section complète de la moelle ne pouvait faire de doute. 


Il. — Retour et persistance des mouvements respiratoires du tronc 
chez les mammifères adultes après la section de la moelle cer- 
vicale. 


Nos expériences nous ont montré d’adord que même chez les 
mammifères arrivés à leur complet développement, les mouve- 
ments respiratoires du tronc ne sont pas abolis irrévocablement, 
comme semblerait le démontrer l'observation journalière : que 
non seulement leur arrêt n’est pas définitif, mais qu’ils peuvent 
se réveiller pour un temps souvent assez long, après cette opé- 
ration. 

La persistance de la respiration spontanée à la suite de la sec- 
tion de bulbe chez des mammifères adultes n'avait pas encore 


472 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


été signalée. Il'est vrai que si nous considérons une autre classe 
d'animaux, Brown-Séquard dit l’avoir constatée « nombre de 
fois chez des oiseaux », sans entrer dans de plus amples détails ; 
mais chez les mammifères, ce physiologiste ainsi que Langen- 
dorff ne l’ont observée que sur des animaux nouveau-nés ou 
âgés de quelques jours. Il était donc intéressant d'établir que 
non seulement les adultes se comportent sous ce rapport comme 
ces derniers, mais qu’ils conviennent même mieux pour ce genre 
de recherches. Il aurait pu se faire en effet que l’âge amenât dans 
le fonctionnement des centres respiratoires de notables diffé- 
rences, comme il arrive pour d’autres organes et pour certaines 
propriétés de tissu; on n'aurait qu’à citer l’inexcitabilité des ré- 
gions dites motrices de l'écorce, l'absence de la faculté modéra- 
trice du pneumogastrique, la résistance à l'asphyxie chez le nou- 
veau-né, pour rappeler que la physiologie de celui-ei ne ressemble 
pas toujours entièrement à celle de l'animal complètement dé- 
veloppé. C’est ainsi que dans une note récente, Mislawsky (1) 
prétend qu'il n’a jamais pu observer le retour de la respiration 
après la section du bulbe chez des chats, même strychninisés, 
lorsqu'ils avaient plus d’un mois. Cette opinion est certainement 
erronée. Maïs les recherches de Langendorff tendent aussi, du 
moins implicitement, à établir, suivant les âges, une différence 
dans le fonctionnement des centres respiratoires de la moelle. 
Après avoir parlé des mouvements spontanés observés chez les 
nouveau-nés, il ajoute : « Chez les animaux un peu plus âgés, 
leur nombre n’est jamais grand, insuffisant par conséquent pour 
entretenir la vie : chez les lapins plus développés, on ne voit sou- 
ventse produire, après l'arrêt de l’insufflation pulmonaire, qu'un 
ou deux mouvements respiratoires spontanés, très souvent 1ls 
font complètement défaut (2). » 

Or nous avons pu, pendant des heures entières, enregistrer 
les mouvements respiratoires chez des animaux âgés de quelques 
mois ou adultes, en ayant soin de rendre à intervalles plus ou 
moins rapprochés la respiration artificielle. C'est chez les chiens 
qui ont de trois à six mois ou un peu plus, que le succès de l’ex- 
périence est le plus certain. 

Le retour de la respiration a lieu au bout d’un temps plus ou 


(1) Centralbl. f. d. med. Wiss. 1885, p. 466. 
(2) Loc. cit., 1880, p. 526. 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 473 


moins long, variable surtout avec l’âge de l'animal. Chez les 
chiens adultes, il peut se faire attendre quatre ou cinq heures, 
mais parfois aussi une ou deux heures seulement; il ne demande 
ordinairement qu’une heure, trois quarts d'heure ou même une 
demi-heure chez les jeunes animaux. C'est quand ils se réta- 
blissent promptement que les mouvements respiratoires présen- 
tent aussi, en général, leurs caractères les plus tranchés. 

Si l'opération que nous pratiquons ne fait que suspendre la 
respiration du tronc, il nous faut déterminer quelle est la cause 
de son arrêt momentané. Elle n’est autre que l’impuissance fonc- 
tionnelle et plus ou moins prolongée de la moelle, consécutive 
à tout traumatisme portant sur cet organe. Ce trouble a été at- 
tribué par les uns à l’affaiblissement résultant de l’hémorrhagie, 
par les autres à l’ébranlement de l’axe nerveux. Mais il est plus 
logique d'appliquer à ce cas particulier la théorie générale de 
Brown-Séquard, et d'admettre que le choc traumatique produit 
des phénomènes inhibitoires : la section de la moelle cervicale 
agirait donc comme lablation du nœud vital, non pas en sup- 
primant un centre situé plus haut, mais en irritant assez violem- 
ment les centres sous-jacents pour suspendre momentanément 
leur activité. 

Quoiqu'il en soit du mécanisme d'arrêt, les effets immédiats 
de l'opération n’en sont pas moins positifs, et c’est également 
pour les avoir méconnus qu’on a longtemps refusé à la moelle 
le rôle qui lui appartient dans un certain nombre d'autres fonc- 
tions. Goltz, en particulier, a montré que pour rendre manifeste 
l'influence du segment lombaire de cet organe sur l'érection, la 
défécation, il fallait laisser au tronçon médullaire le temps de 
se remettre pour ainsi dire des suites de la section (1). 

Lorsqu'on coupe la moelle cervicale, c’est la totalité de l’or- 
gane qui subit les conséquences de l'opération, et la respiration 
s'arrête avec toutes les autres fonctions. Pour la voir se rétablir, 
il suffit donc d'attendre que la substance grise ait repris son ac- 
tivité. Chez les nouveau-nés, elle revient quelquefois immé- 
diatement après la section, parce que la moelle chez eux supporte 
mieux le traumatisme, et très probablement parce que les centres 
nerveux à cet âge résistent mieux aux influences inhibitoires. 
Chez les mammifères adultes, ils y sont plus sensibles, et la perte 


(1) Arch. de Pflug.,t. VII, p. 460. 


474 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


de leurs fonctions est plus durable; si nous avons pu obtenir 
chez eux les résultats que nous venons de mentionner, c’est 
qu'instruit par les recherches antérieures, nous avons eu soin 
de prolonger l’insufflation pulmonaire jusqu’au retour de l’exci- 
tabilité médullaire. 

Le choix de l’animal est sans doute aussi pour beaucoup dans 
le succès de l'opération; si Langendortff n’a pas été heureux dans 
ses expériences sur les animaux adultes, c’est qu’il semble d’a- 
près le texte que nous avons cité plus haut, n'avoir expérimenté 
que sur des lapins : ceci prouve encore une fois combien Luch- 
singer avait raison, quand il recommandait de renoncer à ces 
animaux pour les recherches de ce genre, à cause du peu de ré- 
sistance de leurs centres nerveux au traumatisme (1). 

Mais quel que soit l’animal sur lequel on opère, quand il s’agit 
d'un mammifère adulte, un effet à peu près inévitable de la sec- 
tion, c’est de supprimer pour un temps toutes les manifestations 
de l’activité médullaire sans exception. En effet, les mouvements 
reflexes des membres se comportent comme les mouvements 
respiratoires et ne reviennent que progressivement. 

Les expériences suivantes donneront une idée de la marche 
ordinaire des phénomènes : 


EXPÉRIENCE n° 4. 9 février. — Jeune chien. Voir les tracés 3 et 3 bis. 

Moelle sectionnée à 3 h. 50. 

À 4h. 30, le pincement d’une patte ne produit des mouvements que dans 
le membre correspondant et dans la queue. 

À 4h. 45, la même excitation réagit sur la patte du côté opposé; on n'ob- 
tient rien dans les membres antérieurs ni directement, ni indirectement. 

À 5 h., un simple chatouillement de la pulpe digitale d’une patte posté- 
rieure provoque des reflexes dans les deux pattes postérieures et reste sans 
effet sur les membres antérieurs, mais l’excitation de la patte antérieure gauche 
détermine un mouvement dans la patte postérieure du même côté et ne réagit 
ni sur la patte antérieure ni sur la patte postérieure droites : effets analogues 
pour la patte antérieure droite et reproduits toujours avec les mêmes résul- 
tats (2). 

A 5 h. 20, le pincement d’une patte postérieure détermine des reflexes gé- 
néralisés dans les quatre membres : l'excitation d’une patte antérieure produit 
des mouvements dans les deux membres postérieurs et est sans effet sur la 
patte antérieure opposée. 


(1) Arch. de Pflug., t. 28, 1882, p. 78. 

(2) Nous avons constaté aussi souvent dans ces expériences le reflexe qu'on peut ap- 
peler diagonal (Trabreflex de Luchsinger), et qui consiste en ce que l’excitation d'une 
patte antérieure provoque un mouvement dans la patte postérieure du côté opposé. 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 475 


A 5h. 30, l’animal respire spontanément pendant la respiration artificielle. 

ExPéRIENCE n° 27. 3 mars. — Chienne pleine. 

Section de la moelle à 41 h. 30. 

A 41 h. 45, l'excitation de la muqueuse vulvaire produit des mouvements 
rhythmiques du sphincter de l'anus et de celui de la vulve. Le pincement des 
pattes postérieures ne produit rien. 

A 11 h. 50, le reflexe rotulien existe très nettement : l’excitation de la pulpe 
digitale reste sans effet. 

A 41 h. 55, le chatouillement de la vulve produit des mouvements de flexion 
dans les orteils des deux côtés. 

Le pincement de la pulpe digitale d’une patte postérieure ne donne encore 
des mouvements que du côté correspondant. 

A midi, rien encore dans les pattes antérieures. 

On ne revoit plus l'animal avant 2 h. 30, et à ce moment il exécute quelques 
mouvements respiratoires spontanés pendant l’insufflation pulmonaire. 

Nous reproduisons ici le tracé (fig. 1) tel qu’il a été pris immédiatement 
après l'arrêt de la respiration artificielle. 


F16. 4. Exp. 27. — Chienne en état de gestation. Respiration spontanée trois heures 
après la section de la moelle (1). 


Il est inutile de rapporter d’autres expériences qui ne diffère- 
raient de celles-ci que par des variantes n'ayant pas de rapport 
direct avec notre sujet. Les détails précédents ont surtout pour 
but de démontrer que le retour des propriétés de la moelle se 
fait graduellement de bas en haut, et que ce sont les régions les 
plus éloignées du traumatisme qui reprennent les premières leurs 
fonctions; nous aurons plus tard à tirer partie de ces renseigne- 
ments. 

Nous nous sommes peu occupé dans nos expériences de la 
durée absolue du temps pendant lequel peut persister la respi- 
ration spinale. Nous avons tenu très souvent ces animaux en ex- 
périence pendant deux ou trois heures, de façon à étudier les 


(1) Ce tracé, ainsi que tous les autres, doit être lu de gauche à droite, Comme ils 
ont tous été pris d’après le même procédé, décrit plus haut, la descente de la courbe 
correspond à l'inspiration, son ascension à l'expiration (passive). 


476 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


caractères de ces mouvements, leurs modifications spontanées 
ou provoquées expérimentalement : nous prenions des tracés 
ininterrompus pendant deux, trois, cinq minutes, puis on réta- 
blissait l’insufflation ; dans d’autres cas, l’animal a respiré sans 
discontinuer pendant dix et quinze minutes dans un espace clos 
constitué par une bombonne de dix litres environ, interposée 
sur le tube qui allait de la trachée au tambour. 

Enfin chez trois jeunes chiens qui avaient déjà fourni des tra- 
cés pendant des heures, nous avons laissé la respiration spon- 
tanée s’exécuter librement à l'air par la canule trachéale, et nous 
l'avons vu persister très fréquente ettrès active chez l’un pendant 
vingt-cinq minutes, chez un deuxième pendant une demi-heure, 
chez le dernier enfin pendant quarante-cinq minutes, et encore 
faut-il ajouter que chez tous les trois nous avions détaché les 
muscles abdominaux de leurs insertions au thorax, et mis ainsi 
largement à découvert le diaphragme avec la cavité abdominale. 
ILest probable que chez certains animaux moinsrefroidis etnon 
mutilés on verrait la respiration: persister encore davantage : 
“mais ces expériences nous ont paru assez significatives pour que 
nous n'ayons pas jugé à propos de les renouveler : elles démon- 
trentamplement quelarespiration spinale suffit à entretenirla vie. 


III, — Caractères des mouvements respiratoires qui dépendent 
de la moelle épinière. 


Les faits que nous venons de rapporter ne font que confir- 
mer l'existence des centres respiratoires spinaux en l’appuyant 
cependant sur des preuves nouvelles. Une question des plus 
importantes mérite maintenant de fixer notre attention. Les mou- 
vements respiratoires du tronc subissent-ils ou non quelques 
modifications notables après l’ablation du bulbe? Sileurs ca- 
ractères ne sont plus les mêmes quand la moelle seule préside 
à la respiration, nous pourrons arriver à reconnaître d'après 
la nature de ces changements quelles sont les fonctions respec- 
tives des deux portions de l’axe nerveux. D'autre part, on sait 
à quelles controverses donne lieu depuis des années Ja ques- 
tion de l’action centripète du pneumogastrique sur le mécanisme 
respiratoire; Or, puisqu'il est prouvé que la moelle est le pre- 
mier centre de ces mouvements, et que par conséquent le bulbe 
n'intervient que comme agent intermédiaire, n'est-il pas néces- 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. A7 


saire, pour arriver à une notion exacte de l'influence du nerf 
vague, de savoir d’abord comment la moelle allongée elle-même 
agit sur les centres sous-jacents ? L'intérêt qui s'attache à l'étude 
des mouvements respiratoires dépendant de la moelle épinière 
est donc tel, que l’ensemble de leurs caractères peut nous ren- 
seigner à la fois et sur le fonctionnement de cette dernière et en 
partie aussi sur le rôle du bulbe. 

Ce côté de la question n’a pas encore été traité. La méthode 
suivie par Langendorff ne pouvait sur ce point lui donner de ré- 
sultats, comme 1l le reconnaît lui-même. Le poison qu’il a em- 
ployé modifie incontestablement les fonctions des centres ner- 
veux et on ne peut conclure de l’animal strychninisé à l’animal 
non intoxiqué. D'autre part, dans son travail où il a reproduit 
de nombreux tracés provenant de chiens et de lapins très jeunes 
auxquels on avait administré de la strychnine, il ne donne qu’un 
seul exemple de respiration spontanée proprement dite (c’est-à- 
dire non provoquée soit par l’agent toxique soit par des excita- 
tions centripètes), et observée chez un chat né de la veille. La 
description qu'il lui consacre est également des plus sommaires. 
« Elle est ralentie, dit-il, et tout à fait régulière et rappelle le 
type respiratoire qui suit la section des pneumogastriques (1) ». 
L'auteur a eu soin de faire remarquer que la faiblesse des ap- 
pareils régulateurs du nouveau-né ne doit pas être perdue de 
vue. Si en effet le bulbe représente réellement pour la respira- 
tion un appareil de’ce genre, et s’il est vrai qu’à la naissance il 
n’est pas encore en possession de ses fonctions, il est évident 
que les mouvements respiratoires ne se trouveront pas mo- 
difiés par son ablation. C’est ainsi que chez le nouveau-né, la 
section du pneumogastrique n’accélère pas les battements du 
cœur parce que l'appareil modérateur ne fonctionne pas en- 
core (2). Une cause du même genre expliquerait peut-être les 
différences très marquées que nous aurons à indiquer entre nos 
résultats et quelques-uns de ceux de Langendorff; peut-être 
aussi n’a-t-1l pas prolongé assez la respiration artificielle pour 
laisser à la moelle le temps de reprendre complètement ses pro- 
priétés, Ce qui est certain, c’est que chez les animaux sur les: 


(1) Loc. cit., 1880, p. 526. 
(2) V, Anrep. Arch. de Pflug., t. XXI. Langendorff, Brest. artzt. Zeitschr., 1819. 


478 E. WERTHEIMER. — RECIIERCHES EXPÉRIMENTALES 


quels nous avons expérimenté, la respiration spinale présente 
des caractères tout opposés à ceux que Langendorff a sommai- 
rement décrits chez le nouveau-né, et pour les résumer en deux 
mots, il faudrait dire : elle est très fréquente et très irrégulière. 

Nous avons, il est vrai, observé quelquefois chez les animaux 
adultes le type respiratoire décrit par Langendorff chez le nou- 
veau-né; mais toutes nos expériences parlent dans le sens que 
nous venons d'indiquer dans tous les cas où l’excitabilité de la 
moelle était complètement revenue, ce qui se reconnaissait aux 
caractères mêmes des mouvements respiratoires, ainsi qu'à la 
vivacité et à la facile généralisation des reflexes du tronc et des 
membres. Remärquous encore qu’en nous bornant à attendre le 
retour spontané de la respiration, sans autre intervention que 
l'emploi de l’insufflation pulmonaire, nous étions placé dans des 
conditions aussi favorables et aussi normales que possible pour 
saisir les caractères qui la distinguent de la respiration normale 
ct que nous allons tâcher de mettre en lumière. 


A. Influence des variations des gaz du sang sur les centres respi- 
raluires spinaux. 

On a déjà vu par les expériences rapportées plus haut que les 
mouvements respiratoires du tronc se rétablissent même pen- 
dant que la ventilation pulmonaire continue. Cela est vrai toutes 
les fois que l’activité de la moelle est bien revenue. Il n’est donc 
pas nécessaire que les centres médullaires soient stimulés par 
l’action irritante du sang asphyxique ou par des excitations des 
nerfs centripètes. 

Une fois qu’ils ont repris leur activité, ils fonctionnent par ce 

seul fait qu'un sang de composition normale y entretient la nu- 
trition. 
_ C'est seulement quand les propriétés de la substance grise 
sont revenues faiblement et incomplètement qu'il faut attendre 
une, deux minutes ou plus après l’arrêt de l’insufflation pulmo- 
naire pour voir la respiration spontanée se rétablir, et c’est alors 
qu'intervient l'influence excitante du sang noir, mais elle est 
loin, comme on voit, d'être nécessaire. 

Langendorff avait observé le contraire. « Quand la respiration 
revient chez les animaux non strychninisés, elle ne se produit 
jamais, quand l’insufflation pulmonaire a été tant soit peu fré- 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 479 


quente, que cinquante à soixante minutes après que celle-ci a 
été supprimée (1) ». Les fig. 2 et 3 bis de ce mémoire prouvent, 


Fig. 2. Exp. 20. — Retour immédiat de la respiration après arrêt 
de l’insufilation pulmonaire en A. 


d'une façon péremptoire, le retour immédiat de la respiration 
spontanée après l’arrêt de la respiration artificielle. La première 
est fournie par une chienne adulte qui a respiré deux heures et 
demie après la section de la moelle; la fig. 3 bis par un jeune 
chien dont l'observation a été donnée plus haut (p. 474). 

Il est vrai que l’action de l’asphyxie s'exerce quelquefois au 
début de l'expérience pour augmenter la profondeur des mou- 
vements respiratoires (fig. 3). Mais par contre, elle peut se pro- 
longer pendant quelques minutes sans modifier davantage leurs 

caractères, c'est-à-dire qu'ils ne deviennent ni plus rares ni plus 
amples, à l'inverse de ce qui se passe dans l’asphyxie ordinaire. 
fi faut Surtout noter He leur fréquence se maintient presque 
toujours égale, jusqu’à leur complète extinction. 

Comme phénomène corrélatif, il faut signaler l'impossibilité 
de mettre en apnée les centres spinaux. On sait que Rosenthal 
a désigné sous ce nom l'arrêt plus ou moins prolongé des mou- 
vements respiratoires chez un animal auquel on a pratiqué une 
ventilation pulmonaire quelque peu active; le sang surchargé 

(1) Loc. cit., 1880, p. 535. 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. xx11 (1886). 38 


480 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


d'oxygène ne serait plus alors pour le centre respiratoire un 


excitant suffisant. 
Chez l'animal privé de son bulbe, il n’en est plus de même. 


Fic, 3. Exe. 4. — L'amplitude des mouvements augmente quelques secondes après l'arrêt 
de la respiration artificielle. 


Quelque fréquente et ample que soit l’insufflation, on n ob- 
tient jamais l'arrêt complet des mouvements respiratoires spon- 
tanés. Ces faits sont en contradiction avec l’opinion de Rosen- 
thal qui veut que le sang apnéique diminue l'excitabilité de 
la substance grise. Mais la figure 3 bis comme aussi la figure 2 
montrent qu'immédiatement après la suspension de la respira- : 
tion artificielle, faite intentionnellement très fréquente et très 
active dans ces deux €as, on n’observe pas la pause qui se serait , 


Fic. 3 bis. Exp. 4. — De À en B, suspension de la respiration artificielle. Pas de pause apnéïque 
malgré une ventilation pulmonaire très active (4). 


certainement produite dans les mêmes conditions chez un ani- 
mal normal. 
On voit du reste les contractions des muscles respirateurs se 
(1) Pour ce tracé comme pour le précédent, on avait entr’ouvert la boutonnière du 


tube en caoutchouc qui allait directement du robinet à trois voies au tambour de 
Marey. 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 481 


produire, ainsi qu’il a déjà été dit, pendant même que la res- 
piration artificielle continue. nl 
_Les centres spinaux échappent donc à l’action des causes qui : 
amènent l’apnée chez un animal dont le bulbe est intact. Si on. 
admet l'opinion de Brown-Séquard qui considère l’apnée comme 
un phénomène d'arrêt consécutif à l'excitation mécanique des | 
nerfs vagues par l’insufflation pulmonaire (1), on s'explique fa- . 
cilement pourquoi elle fait défaut dans nos expériences, le pneu- 
mogastrique ne pouvant évidemment plus intervenir après la 
section du bulbe. Et de fait, les recherches de ce physiologiste, 
celles de Gad (2) ont démontré qu’il y avait là un facteur impor- 
tant dont il faut tenir compte. Cependant, il paraît établi que 
l’apnée peut encore se produire même quand on a éliminé l’ac- 
tion des nerfs vagues, et l’on est alors en droit de faire inter- : 
venir les variations des gaz du sang, soit l'augmentation d'0 
comme le veut Rosenthal, soit la diminution de C0? comme 
l'admet Ewald (3). Cette variété de l’apnée a été désignée sous 
le nom d’apnée vraie par opposition à l’apnée dite du nerf vague, 
et de ce côté, la doctrine de Rosenthal subsiste encore dans ce 
qu'elle a de plus essentiel (4). | 


S'il en est ainsi, on pourrait doncinférer de tout ce qui a été dit 
plus haut que les centres respiratoires de la moelle épinière ne 
sont pas influencés par les variations des gaz du sang. La con- 
clusion ne serait pas juste et en opposition avec les enseigrie- 
ments de la physiologie générale qui nous montre partout l'ac- : 
tion fortément excitante du sang noir, en particulier sur la 
substance grise. Mais si les centres spinaux sont sensibles comme | 
tous les autres à cette influence, d’autre part, ils doivent réagir : 
suivant leur activité propre. Leur rôle consiste à envoyer aux 
muscles respirateurs des impulsions rhythmiques incessantes, : 
du moins quand ils sont séparés de l'encéphale : ce sont des. 
organes purement excitateurs du mouvement, et le sang as- 
phyxique aussi bien que le sang chargé d'oxygène ne font que .: 
les stimuler dans ce sens. Le centre bulbaire qui est, lui, un 
régulateur de ces mouvements, modifie au contraire son travail, 


(1) Soc. de Biolog., 1872, p. 22. 

(?) Uber apnoë Wurzbourg, 1880, 

(3) Arch. de Pflug., t. VIE, p. 575, 

(4) V. Miescher-Rusch. Arch. f. Phys., 1885, p. 361. 


482 E. WERTHEIMER, — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


tantôt pour l'activer, tantôt pour le diminuer ou même le sus- 
pendre, suivant les qhalités du sang qui le baigne. On peut donc 
déjà trouver dans ces faits un premier étenibté de l’activité 
propre à chacune des deux portions de l'axe gris dans le méca- 
nisme respiratoire. 

Pour terminer ce qui a trait à la respiration spontanée que 
l’on observe pendant la respiration artificielle, remarquons en- 
core qu’un animal dont le bulbe et le pneumogastrique sont 
intacts répond à chaque insufflation par un mouvement expira 
toire, à chaque retrait du poumon par une inspiration comme 
l'ont montré Hering et Breuer. Dans nos expériences, cette 
coordination n'existe pas, les mouvements spontanés n’ont au- 
cun rapport avec le jeu du soufflet. 


B. Rythme et variétés de forme des mouvements respiratoires. 


1° Fréquence. — Quelle que soit la variété de forme de ces 
mouvements, un de leurs caractères le plus constant et le plus 
frappant, c'est leur grande fréquence. 

Alors que chez le chien à l’état physiologique, le nombre des 
mouvements respiratoires est de douze à quinze par minute, 
chez l’animal dont la moelle est sectionnée, il est d'ordinaire 
compris entre cinquante et quatre-vingt-dix et quelquefois il 
est plus élevé encore. C’est alors une véritable anhélation du 
tronc, sans que la tête y participe. 

La figure 4 donne le tracé respiratoire d'un jeune chien pris 
deux heures après la section de la moelle, mais la respiration 
était revenue au bout d’une heure; dans ce cas, on ne compte pas 
moins de quarante-neuf à cinquante mouvements respiratoires 
en vingt-sept secondes. On en compte de quarante-quatre à qua- 
rante-cinq durant le même espace de temps chez l’animal de 
la figure 5, qui pouvait avoir comme le précédent de six mois à 
un an, et qui a respiré au bout de deux heures. Le nombre des 
mouvements respiratoires est donc chez l’un à peu près de cent, 
chez l’autre de plus de quatre-vingt-dix par minute. Ce travail 
fournira encore, du reste, de nombreux exemples de cette re- 
marquable fréquence (1). 

Ce caractère particulier à la respiration spinale est un de ceux 
qui nous paraît le plus significatif au point de vue du fonction- 


(1) Tous les tracés ont été pris avec la même vitesse du cylindre. 


“Sapu099$ Sap ous; ‘6 uonendsoi e[ 2p 20e41J ‘X ‘ojuonboiy uonendsoz 9 SOÏÂL — ‘ET AA ‘€ ‘91 SI "AXA ‘YO 


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483 


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E, WERTIEIMER. _ RECHERCHES EX PÉRIMENTALES 


Fi. 6. Exp. 41. — Type de respiration fréquente et superficielle. R, respiration. S, ligne des secondes. 


nement des centres médullaires et 
de leurs relations avec le bulbe. Il 


est particulièrement propre à mon- 


irer l’activité continue des uns et 
l'influence modératrice de l’autre. 
On ne peut s’empêcher de rappro- 
cher les effets de l’ablation du bulbe 
sur les mouvements respiratoires 
de ceux que produit la section du 
pneumogastrique sur les batte- 
ments du cœur. Dans les deux cas, 
on a supprimé un rouage d'arrêt. 

2° Défaut de synchronisme entre 
les mouvements respiratoires du tronc 
et ceux de la tête. — 4e caractère 
que nous venons d'étudier devient 
plusfrappantencorelorsqu'oncom- 
pare pendant la durée d’une expé- 
rience lesmouvements respiratoires 
de la tête avec ceux du tronc. Il est 
à peine besoin de dire, après les 
chiffres précédemment donnés,qu'il 
n’y a aucun synchronisme entre les 
uns et les autres. Tandis que les 
premiers se répètent dans certains 
cas une centaine de fois par minute, 
les autres, comme tous les physio- 
logistes ont pu l’observer après la 
section du bulbe, ne se reproduisent 
que huit à dix fois pendant le même 
espace de temps : pendant que les 
uns continuent avec la même rapi- 
dité malgré les progrès de l’asphy- 
xie, les autres au contraire se ralen- 
tissent encore davantage en même 
temps que se manifestent du côté 
du bulbe les effets ordinaires de l’ac- 
tion du sang noir; c'est-à-dire que 
les centres voisins du centre res- 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 485 


piratoire sont excités en même temps que lui, et chaque dilata- 
tion des nasaux s'accompagne d’un mouvement de la gueule et 
d’un mouvement de déglutition. 

Langendortff avait au contraire noté dans ses expériences une 
coïncidence exacte entre la respiration de la tête et celle du tronc. 
Il rappelle pour l'expliquer, une proposition formulée par 
Volkmann, d’après laquelle deux centres peuvent entrer simul- 
tanément en activité, quoique non unis par des liens anato- 
miques, lorsqu'ils sont soumis à l'influence d’un excitant com- 
mun. Cet excitant serait ici le sang noir. 

Sans doute, il doit en être ainsi si les deux centres sont de 
même nature; mais si l’un d'eux est simplement excito-moteur, 
ou accélérateur, l’autre au contraire modérateur, il en va tout 
autrement. Et quelle preuve plus démonstrative pourrait-on 
fournir de ce rôle régulateur et inhibiteur du bulbe que cette 
opposition si netteentre les phénomènes observés dans la région 
qui reste placée sous sa direction, et ceux qui se remarquent 
dans les parties qui y ont été soustraites? 

Cette comparaison fait également bien ressortir les effets dif- 
férents de l’asphyxie sur le centre bulbaire et les centres spi- 
naux, Car il ne faut pas oublier que dans nos expériences, les 
animaux respirent dans un espace clos très étroit, puisque très 
souvent la canule trachéale est en communication immédiate 
ayec le tambour de Marey, sans interposition de la bombonne de 
P. Bert. Or, à un moment où la respiration de la tête, c’est-à- 
dire la respiration bulbaire, subit les modifications liées à 
l’asphyxie, celle du tronc persiste toujours avec les mêmes ca- 
ractères de fréquence et d'amplitude. 

Si donc dans les conditions ordinaires de l’asphyxie, les mou- 
vements respiratoires se ralentissent bientôt, (quelquefois après 
avoir passé par une première phase d'accélération) en même 
temps qu'ils deviennent plus profonds, c’est que le bulbe exerce 
sur tout l'appareil une influence prédominante ou plutôt direc- 
trice. Ici encore, un rapprochement avec la physiologie de la 
circulation s'impose. L’asphyxie provoque à la fois l’activité du 
centre modérateur et des centres accélérateurs cardiaques, 
mais le cœur se ralentit parce que le premier l'emporte sur les 
seconds: aussi si l’on sectionne alors les pneumogastriques, il 


est facile de démontrer, comme l'ont fait MM. Dastre et Morat 
dd" 


480 E. WERTHEIMER. — RECHERCIES EXPÉRIMENTALES 


que les centres accélérateurs étaient excités en même temps (1). 

Pour réaliser une expérience entièrement analogue, il faudrait 
au moment où l’asphyxie a ralenti la respiration dans son en- 
semble, supprimer brusquement l'influence régulatrice du bulbe 
et l’on verrait certainement alors les mouvements respiratoires 
du tronc persister avec leur fréquence particulière, tandis que 
ceux de la tête continueraient à se ralentir encore davantage. On 
ne peut pas, dans les conditions ordinaires, arriver instantané- 
ment à ce résultat, car, pour éliminer l'influence du bulbe, on 
est forcé de sectionner la moelle cervicale et cette opération ré- 
duit précisément pour quelque temps à l'impuissance les centres 
spinaux dont on voudrait mettre en évidence l'activité. Cepen- 
dant, bien qu’il faille attendre que celle-ci soit revenue, la signi- 
cation de l’expérience n’en reste pas moins la même. Elle prouve 
également l'excitation de deux sortes de centres qui ici ne sont 
pas à proprement parler antagonistes, mais à fonctions distinctes, 
les uns régulateurs, les autres simplement excito-moteurs. On 
verra dans un prochain mémoire que la démonstration peut se 
faire quelquefois d'une façon immédiate. 

3° Amplitude des mouvements. — Quand les mouvements res- 
piratoires se succèdent aussi rapidement, ils doivent forcément 
être superficiels. Pour se contracter par exemple, de quatre- 
vingt-dix à cent-vingtfois par minute, le diaphragme ne pourra 
s’abaïsser à chaque inspiration que très incomplètement. Aussi 
l'amplitude des mouvements sera telle en raison inverse de 
leur fréquence. C’est ce que démontrent déjà les tracés 4 et 5, 
dont l’un (fig. 5) a été pris sans interposition d'un récipient qui 
aurait pu modifier leur profondeur ; dans l’autre on s’est servi 
d’un flacon d’une capacité de deux litres. Le tracé 6 a été enre- 
gistré de cette dernière façon (2), et il fournit encore un type 
plus frappant de cette respiration superficielle, autant que fré- 
quente : ainsi, le nombre des mouvements est d'environ cent 
trente par minute. 

Voici en quelques mots les détails de cette expérience : jeune 


(1) Rech. expérim. sur le syst. vaso-moteur, p. 279. 

(2) Nous devons ajouter qu’on observe quelquefois des mouvements d'une aussi faible 
amplitude que ceux-ci, même quand le tube va directement de la canule trachéale au 
tambour (sensible comme à l'ordinaire). Inutile de faire remarquer que nous étions en 
garde contre la confusion possible avec les mouvements du cœur inscrits par la 
trachée. 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 407 


chien : la moelle est sectionnée incomplètement à 2 heures 45 m. 
les cordons antérieurs sont laissés intacts intentionnellement. 
(Je passe sur cette première partie de l'expérience qui appartient 
à un autre ordre de recherches, dans lesquelles nous avons cher- 
ché à déterminer les voies de transmissions suivies par les exci- 
tations qui vont du bulbe aux centres médullaires, et qui ne 
sont pas terminées,) 

À 4 heures 20 m., on complète la section de la moelle : le 
chien continue à avoir, malgré une ventilation énergique, des 
mouvements rhythmiques, non seulement des muscles respira- 
toires, mais encore de ceux des pattes; les uns et les autres 
avaient déjà été observés à partir de 3 h. 1/4. Presque immédiate- 
ment après la section des cordons antérieurs on prend le tracé 6. 

Nous ferons remarquer que quand nous respections les cor- 
dons blancs de la moelle et que nous achèvions ensuite la divi- 


Fi6. 7.Exe. 44. — Inégale amplitude de la respiration. 


sion, ce qui ne se faisait généralement qu'au bout de 1 heure 1/2 
à 2 heures, ordinairement les centres médullaires ne paraissaient 
pas se ressentir de la nouvelle opération, c'est-à-dire qu'ils ne 
gardaient pas moins leur activité, s'ils l'avaient précédemment 
recouvrée. 

Mais pour revenir au caractère qui nous occupe, il faut dire 
qu'une respiration aussi superficielle que celle de la figure 6, 
ne s’observe, en général, que tout à fait au début de l'expérience, 
c'est-à-dire immédiatement après l'arrêt de la respiration artifi- 


488 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


cielle, ce qui est le cas ici : elle augmente ensuite d'amplitude 
comme on l’a déjà vu : mais c’est dans d'assez faibles propor- 
tions. 

Une autre particularité aussi habituelle que la précédente et 
que la grande fréquence des mouvements respiratoires, c’est 
leur amplitude très inégale : des mouvements plus profonds 
alternent avec d’autres plus superficiels. On en trouvera de nom- 
breux exemples dans ce travail. Mais la figure 7 montre ce détail 
d'une façon particulièrement nette. (Voir pour ce qui concerne 
cette expérience, p. 494.) 

Le même fait ressort également bien de la figure 8, laquelle 
est destinée à faire voir que l'inégalité dans l’amplitude recon- 
naît quelquefois une cause particulière assez intéressante. On 
observe qu’en A se produit un mouvement profond d'inspira- 
tion ; le diaphragme reste abaïissé, mais exécute néanmoins de 
A en B des excursions superficielles jusqu’en B, où un relâche- 
ment complet du muscle, aidé d’une expiration quelque peu 
active, ramène le tracé au-dessus de la ligne primitive. 


Fie, 8. Exp. 19. — Inégale amplitude de la respiration surtout remarquable de A en B, 


Nous devons faire remarquer que ce caractère a été signalé 
également par Langendorff, chez les animaux strychninisés, et 
il ajoute qu’on a l’occasion de l’observer chez les chiens intacts 
mais épuisés. Maïs on ne peut invoquer ici l'épuisement : car le 
fait s’observe aussi bien au début de l'expérience qu'à la fin, et 
il nous paraît avoir une importance égale à celle de la fréquence 
des mouvements, et une signification semblable ; le bulbe ne 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 489 


faisant plus sentir son influence, l’activité des centres médul- 
laires devient inégale, parce .qu'ils ne sont:pas aptes à-régula: 
riser eux-mêmes leur travail. 

Rappelons ici une expérience de Brown-Séquard qui, tout en 
n'ayant avec notre sujet qu'un rapport indirect, pourrait être 
interprétée dans le même sens. Pour démontrer que le cordon 
latéral de la moelle ne sert pas à la respiration, contrairement à 
l'opinion ancienne de Ch. Bell, ce physiologiste (1) pratique une 
hémisection de l'organe à la région cervicale et il constate que 
du côté de l'opération les mouvements, non seulement ne sont 
pas abolis mais qu’ils présentent au contraire une amplitude plus 
considérable que du côté opposé. Il est vrai que Schiff et Vulpian 
sont arrivés à des résultats opposés ou différents. Nos recherches 
sur ce point ne sont pas encore assez concluantes pour nous per- 
mettre de nous prononcer. Mais les expériences de Brown-Sé- 
quard concordent bien avec les faits précédents, en ce sens que 
l'existence des centres spéciaux étant prouvée d’une façon in- 
contestable, on comprend aisément qu’il n’y ait plus harmonie 
complète entre ceux qui correspondent à l’hémisection et ceux 
qui demeurent placés directement sous l'influence du bulbe. Ce- 
pendant 1l semblerait, d’après ce que nous avons vu plus haut, 
que la différence devrait porter sur la fréquence des mou- 
vements, plus que sur leur amplitude, et qu’on devrait noter 
surtout un défaut de synchronisme entre les deux côtés. Mais il 
reste à démontrer jusqu’à quel point une seule moitié de la 
moelle est apte à transmettre aux centres symétriques et billa- 
téraux, situés plus bas, les excitations venues du bulbe. C’est 
un point sur lequel nous nous proposons de revenir. 

4 Variétés de forme des mouvements. — Dans les différents 
tracés que nous avons reproduits jusqu’à présent, nous avons 
eu soin de choisir ceux qui ne se distinguent du type nor- 
mal que par la fréquence et l'amplitude des mouvements; Mais 
ils S'en rapprochent en ce que l'inspiration est seule active ou du 
moins prédominante, et l'expiration passive ou à peu près. 

Dans les graphiques de cette catégorie et avant de passer à la 


description de types tout à fait différents, nous tenons à men- 
tionner la variété suivante assez curieuse. 


(1) Arch. de physiol. norm., 1869, vol. II, p. 299. 


490 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


Sur ce tracé qui fait suite à celui de la figure 8 du même ani- 


FiG. 9. Exp. 19. — Inspirations en deux temps. 


mal, on voit que toutes les inspirations, sans exception, se font 
en deux temps. 

Voici un exemple semblable fourni par un autre animal: (jeune 
chien, hémisection de la moelle à 41 heures du matin, division 
complète à quatre heures du soir, tracé recueilli après cette der- 
nière opération et après section des muscles abdominaux à leurs 
insertions thoraciques pour mettre le diaphragme à découvert). 


FiG. 10. Exp. 8. — Inspirations en deux temps. 


En voyant des mouvements de ce genre, en particulier ceux 
de la figure 10 (Il), on pourrait se demander s’il ne s’agit pas 
d'un défaut de synchronisme entre les muscles inspirateurs de 
chaque côté et en particulier entre les deux moitiés du dia- 
phragme. Mais dans ces expériences rien n’expliquerait la dis- 
cordance entre les centres symétriques de la moelle et nous avons 
au surplus constaté directement que les muscles respiratoires 
symétriques se meuvent simultanément, 


SUR LES CENTRES RÉSPIRATOIRES DE LA MOËLLE ÉPINIERÉ. 491 


Fic. 11. Exp. 19. — Contractions rhythmiques des muscles expirateurs. 


L'interprétation de ces cas est du 
reste des plus simples ; sur le tracé 9, 
à peine le diaphragme a-t-il commen- 
cé à se relâcher qu'il survient une 
nouvelle excitation partie des centres, 
et une nouvelle contraction des mus- 
cles, et au lieu d’un simple mouve- 
ment respiratoire, c’est une sorte de 
sanglot qui se produit. Dans la fi- 
gure 10, une inspiration est déjà à 
peu près achevée quand l’autre com- 
mence. Dans ces deux expériences le 
tracé a conservé cet aspect pendant 
quelques minutes, mais dans d’autres 
cas ce sont quelques inspirations seu- 
lement du même genre qui se pro- 
duisent. 

Si nous avons insisté sur ces par- 
ticularités, c’est que nous y voyons 
une nouvelle manifestation de l’ac- 
tivité déréglée des centres spinaux. 

Mais la cause principale et la plus 
intéressante des grandes variétés de 
forme qu’affecte la respiration après 
la suppression du bulbe, c’est le fonc- 
tionnement simultané des centres ex- 
pirateurs et des centres inspirateurs. 
On sait que chez le chien l'expiration 
normale est purement passive (1); 
après la section de la moelle, au con- 
traire, les puissances expiratrices in- 
terviennent très activement et quel- 
quefois même deviennent prédomi- 
nantes. C'est là encore un des traits 
les plus habituels de cette respiration 
assez Caractéristique,.et assez impor- 
ant pour que nous entrions dans 
quelques détails. 


(1) Rosenthal, Athembeweg., p. 162. 


492 E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


D'abord, il peut arriver que l’on n’enregistre exclusivement: 
que des contractions rhythmiques des muscles abdominaux sans 
mélange d’inspirations, et telles qu'on n'en observe jamais à 
l'état normal. La figure 11 fournit un exemple de ce genre et 
nous en avons recueilli plusieurs autres. 

Cette respiration purementexpiratoire, s’observe presque tou- 
jours au début de l'expérience et l’on saisit facilementipourquoi 
il en est ainsi. Nous avons dit que l’excitabilité de la moelle se 
réveille de bas en haut, puisque les mouvements reflexes peuvent 
être provoqués dans les membres inférieurs, alors que les 
membres thoraciques ne répondent pas encore aux excitations. 
C'est donc le segment lombaire et l'extrémité inférieure de la 
région dorsale qui reprennent en premier leurs propriétés. Les 
principaux muscles expirateurs, c'est-à-dire les muscles abdo- 
minaux qui reçoivent leurs nerfs de ces régions de la moelle, 
se contracteront donc d'abord seuls avec le rhythme particulier 
à ces mouvements respiratoires d'origine spinale. 

Si l’on a soin de prendre le tracé à intervalles assez rappro- 
chés, on voit d'abord s'inscrire quelques inspirations isolées, 
puis quand la portion cervicale de la moelle a repris à son tour 
son activité, le tracé se renverse pour ainsi dire complètement, 
au moins dans un certain nombre de cas, par suite de l’interven- 
tion du diaphragme et des autres muscles inspirateurs. | 

Nous avons dans plusieurs expériences suivi très nettement 
cette progression, surtout chez certains animaux chez lesquels 
pour une cause qu’il nous serait impossible de déterminer, les 
centres inspirateurs tardaient à se réveiller. C'est ainsi que sur 
la figure 11 on peut déjà, à un examen attentif, apercevoir quel- 
ques inspirations à peine ébauchées. Un peu plus tard, elles sont 
encore, très rares mais très nettement marquées (fig. 12, Il). &ë| 


Fi. 42. Exp. 19. — Retour de quelques mouvéments äinspiratoirés. 


Enfin à peu près une heure après le début de l'expérience, ce 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 493 


même chien donnait les tracés 8 et 9 auxquels je renvoie. (L'ani- 
mal en question était âgé d'environ quatre à six mois, et le pre- 
mier tracé, figure 11, avait été pris une heure après la section 
de la moelle.) 

Nous reproduisons ici une autre expérience semblable dans 
laquelle les phénomènes ont suivi la même marche. 


EXPÉRIENCE n° 5. — Chienne adulte (à l’autopsie on constate qu'elle est 
pleine); section de la moelle à midi 1/2. 

À 2 h. 1/2 on revoit l'animal, il réagit par des mouvements d'expiration 
pendant l'insufflation pulmonaire. 

A 3 h.1/2, on prend le tracé n° 13. 


Fic. 43. Exp. 5. — Contractions rhythmiques des muscles abdominaux et inspirations 
: superficielles. 


La respiration conserve les mêmes caractères jusqu’à’4 h. 3/4; à ce moment 
on obtient le tracé 14. 


Fic. 44. Exr. 5. 


Ajoulons cependant que la respiration n’a pas toujours gardé chez cet animal 
le type inspiraloire presque-pur du tracé 14, et que l'action des muscles ab- 
dominaux se marque à intervalles irréguliers. 


: Voici encore un autre cas dans lequel on a observé ces mou- 
vements rhythmiques d'expiration, dans des conditions parti- 
culières. 


ExPÉRIENCE n° 14. — Chien adulte. Section complète de la moelle à 44 h. 1/2. 
Retour de la respiration constaté à 2 h. 


49 # E. WERTIEËIMER. — RECHIRCHÉS EXPÉRIMENTALES 


Le premier tracé est pris vers 3 h. (fig. 45); bien que l’action des muscles 
expirateurs s’y marque, on voit qu’il reproduit le type presque normal. 


F,g. 15. Exe. 44. 


Un peu tard on obtient le tracé 7, purement inspiratoire (voir p. 487). 

A ce moment, vers 4 heures, comme nous avions quelque doute sur la ques- 
tion de savoir si la moelle était sectionnée en totalité, nous rouvrons la plaie, 
nous retirons de la cavité rachidienne le bout d’éponge que nous y laissions or- 
dinairement, et nous nous assurons que réellement la section a été complète, 
mais une hémorrhagie assez notable se produit, et quand après avoir remis les 
choses en l’état nous inscrivons de mouveau, un peu après, les mouvements 
respiratoires, nous recueillons le tracé suivant (fig. 46). 


Fig. 16. Exr. 44. ES 


7 


1 n’y a plus, comme on voit, que des expirations activés, mais au bout d’un 


Fc. 17. Exp. 14. 


quart d'heure environ, les inspirations redeviennent plus nombreuses (fig. 17). 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOËLLE ÉPINIÈRE. 495 


En dernier lieu enfin, le tracé reprend ses caractères du début moins la fré- 
quence. 


Il est facile de comprendre ce qui s’est passé dans cette der- 
nière expérience : l’excitabilité de la moelle était revenue com- 
plètement, mais l’hémorrhagie que nous avions provoquée a 
affaibli les centres spinaux et plus particulièrement les régions 
supérieures de la moelle où s’est produite la perte de sang et où 
se trouvent les centres des principaux muscles inspirateurs, en 
particulier du diaphragme. Le trouble de la circulation a égale- 
ment affecté les centrés expirateurs, car les contractions des 
muscles abdominaux, tout en continuant à se marquer seules, 
sont cependant très ralenties; enfin après que, l'hémorrhagie 
s’est arrêtée, le type primitif tend à se rétablir. 

L'ensemble des expériences précédentes a une signification 
des plus nettes : elles montrent que la région inférieure de la 
moelle est pour les principaux muscles expirateurs un centre 
d'action rhythmique, comme la région supérieure l’est pour les 
muscles inspirateurs, et que ces centres distincts peuvent fonc- 
tionner isolément. ; | 

Nous ne voulons pas omettre de rappeler que Langendorff a 
observé des faits semblables chez des animaux strychinisés 
mais il ne leur a pas consacré une étude particulière. Voici 
ce qu'il en dit (1): «Dans le chapitre relatif à la respiration 
spinale d’origine reflexe, nous avons signalé que plus l’arrêt 
de la respiration artificielle se prolonge, plus les expirations 
actives deviennent énergiques, de sorte que finalemerit quand 
on obtient plus d'inspirations, les muscles expirateurs se con- 
tractent encore après excitation (centripète). Il s’agit donc d’une 
stimulation reflexe des centres expirateurs. Ces centres peu- 
vent aussi entrer en activité spontanément et même d’une fa- 
çon rhythmique, dans le cas où l’excitabilité ou l’automatisme 
des centres inspirateurs est épuisée. De fortes doses de strych- 
nine paraissent favoriser la production de ces séries d’expira-, 
tions : nous n'avons pas poursuivi plus loin ces remarquables 
manifestations qui contribueront peut-être un jour à éclaircir la 
cause du rhythme respiratoire ». On voit que nos expériences 
parlent dans un sens différent. Elles prouvent très nettement 


(1) Loc. cit., 1880, p. 530. 
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — T. xx11 (1586). 34 


496 E. WERTUEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


que ce n’est pas après épuisement des centres inspirateurs que 
les centres antagonistes peuvent fonctionner, mais bien avant 
que ceux-ci ne manifestent leur activité, et il en est forcément 
ainsi d’après ce que nous avons dit du retour habituellement 
graduel de l’excitabilité médullaire. L'emploi de la strychnine 
qui surexcite la substance grise dans son ensemble, ne permet 
pas de saisir le moment où les centres expirateurs sont seuls ré- 
veillés. 

Cependant on comprend d'autre part très bien, comme l’a noté 
Langendorff et comme nous l'avons observé nous-même quel- 
quefois, que ceux-ci ne s'épuisent qu'après les centres antago- 
nistes, dans les cas où les uns et les autres sont redevenus exci- 
tables; mais il ne nous a pas paru que la résistance plus grande 
des centres expirateurs fût la règle. 


Li. 18. Exp. 13. — Contractions rhythmiques des muscles abdominaux fréquentes 
et de faible amplitude. 


Nous retrouvons dans ces séries d’expirations actives tous les 
caractères que nous avons assignés en général, aux mouvements 
respiratoires d'origine spinale; c'est-à-dire que dans les cas 
types, ils sont remarquables par leur fréquence, leur amplitude 
inégale ; c’est ce que démontre bien la figure 11; la figure 16 ne 
peut pas servir d'exemple, parce que l'excitabilité de la moelle 
était affaiblie chez cet animal. 

Ce que nous avons dit de la faible amplitude de ces mouve- 
ments estencore applicable ici: souvent au débutde l’expérience, 
ils ne consistent qu’en une sorte de tremblotement rhythmique 
des muscles abdominaux. 

On rapprochera sous ce rapport la figure 18 de la figure 6 : 
les deux tracés ont été pris de la même façon. 

Voici quelques détails sur l'expérience à laquelle appartient 
le tracé 18: 


Jeune chien : secuon de la moelle à 3 h. 4/4, à 4 heures retour spontané 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 497 


F1G. 19. Exp. 10: — Type d'expiration active. 


498 E. WERTHEIMER. —- RECHERQONES EXPERIMENTALES 


des mouvements d'expiration pendant l’insufflation pulmonaire; à 4 h. 1/4 
on prend le tracé ci-dessus ; à 4 h. 1/2 de nombereuses inspirations com- 
mencent à s’enregistrer; à 5 h. le tracé prend le type inspiratoire, bien que 
les expirations actives se marquent encore. (Voir plus loin, fig. 21.) 


Une particularité assez intéressante que nous avons notée chez 
cet animal, c’est que pendant la période où les expirations ac- 
tives s’inserivaient seules, le pincement de la patte ou toute autre 
excitation mécanique provoquait une inspiration : l’activité re- 
flexe descentresinspirateurs avait précédé leur activitéspontanée. 

Il nous reste encore à montrer comment les contractions 
rhythmiques des muscles expirateurs, que nous venons d'étudier 
quand elles existaient seules, peuvent compliquer de différentes 
manières la forme des mouvements respiratoires, une fois que 
les inspirations s'inscrivent à leur tour. Nous ne reproduirons 
ici que quelques-unes des variétés les plus habituelles. 

Ainsi il peut arriver que lesexpirations actives se reproduisent 
avec une certaine régularité, en ce sens qu’elles précèdent ou sui- 
vent immédiatement chaque mouvement inspiratoire; on trou- 
vera un exemple du premier genre dans la moitié droite de la 
figure 19, qui dans son ensemble est un type intéressant de 
ce mélange d’inspirations et d’expirations actives. L'animal qui 
l’a fourni est un chien adulte chez lequel la moelle avait été 
sectionnée à midi; à 3 h. 1/2 l'animal respirait spontanément 
pendant la respiration artificielle. Le premier tracé qui a été 
pris à 4 h. 1/4 (sans interposition de la bombonne) est celui de 
la figure 19; vers 5 h. les mouvements expiratoires ne se mar- 
quaient plus qu’à de rares intervalles. 

Voici encore un exemple de cette alternance assez régulière : 


Fic. 20. Exe. 34, 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 499 


des inspirations et des expirations; il provient du même animal 
qui a donné le tracé 18 et il a été recueilli très peu après. 

Un autre tracé, toujours du même chien, montrera comment 
plus tard, iénd les inspirations l'émpôrtent, les expirations 
actives ee continuent encore à se marquer (fig. 21). 


Fi. 21. Exp. 13. 


Rappelons que l'intervention active des muscles abdominaux 
s’observe quelquefois après la simple section des deux pneumo- 
gastriques; et elle se fait alors suivant un rhythme régulier ana- 
Jogue à celui du tracé 19, c’est-à-dire que le resserrement des 


Fig. 22. Exp. 25. 


parois abdominales précède immédiatement chaque contraction 
du diaphragme (1). 

Mais d'ordinaire, dans nos expériences, quand les puissances 
Spiratrices sont devenues prédominantes, les expirations ac- 
tives ne s'inscrivent plus avec la même régularité ; de là autant 


(1) Rosenthal. Neue. Stud. ub. Athembew. Arch. f. Phys. supy'l., 1880, p. 41. 


500 E. WERTHEIMER, — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


de types variés dont les plus communs sont ceux des figures 21, 
22 et 23. 

Ajoutons enfin que les muscles expirateurs ne participent pas 
toujours à la respiration spinale ; le type respiratoire normal s’ob- 
tient souvent sans qu'on ait à passer par la période d'expiration 
active et peut conserver ses caractères pendant toute la durée 
de l'expérience. | 

A quoi tiennent ces différences? Tout dépend, à notre avis, du 
degré d’excitabilité de la moelle. 


Fie. 23. Exp..:35. 


Ou bien celle-ci est à peu près revenue à l’état normal une 
fois la phase d’inhibition passée ; et alors ainsi qu’à l’état phy- 
siologique, les centres inspirateurs fonctionnent seuls, mais 
d'après le mode d'activité qui leur est propre; ou bien l'exci- 
tabilité est augmentée et les centres expirateurs habituellement 
” inactifs entrent en jeu, d’abord avant leurs antagonistes, puis en 
même temps qu'eux; à un degré plus élevé encore on voit les 
muscles des membres eux-mêmes se contracter rhythmique- 
ment. ; 

Il ne faudrait pas invoquer l’asphyxie comme cause de ce 
surcroît d'activité médullaire : car les contractions des museles 
abdominaux ou de ceux des membres ne’s’observent pas seule- 
ment après la suppression dela respiration artificielle, mais bien 
pendant l'insufflation pulmonaire la plus large et la plus fré- 
quente. 

La conclusion qui s'impose, c’est que, par cela seul que la 
moelle a été séparée de l’encéphale, l’action rhythmique des 
centres expirateurs tend à s emanifester comme celle des centres 
inspirateurs; donc s’il n’en est pas de même normalement, c’est 
que le bulbe, en particulier, exerce sur eux une influence inhi- 
bitrice qui les maintient au repos, ou du moins re leur permet 
d'intervenir que dans des conditions déterminées et sous l’in- 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE, 50! 


fluence d’excitations spéciales. Remarquons aussi que les faits 
précédents parlent d'autant plus dans ce sens, qu'ils ont été ob- 
servés chez le chien dont l'expiration est, à l’état physiologique, 
purement passive. 

Sans l’appareil régulateur, les expirations actives tendraïent à 
entraver le jeu de la respiration, plutôt qu'à le favoriser. Si, en 
effet, dans nos expériences nous voyons quelquefois après une 
période d'expiration active, le tracé revenir au type inspiratoire 
normal, le plus ordinairement cependant et dans les cas types, 
l’action des muscles abdominaux s'exerce jusqu’au bout, et de 
telle sorte que les expirations actives et les inspirations peuvent 
même se produire simultanément, C’est ce que démontre très 
nettement la figure 24. 


Fig. 24. Exp. 43. 


On voit que pendant deux inspirations profondes, l’une de 
Len F’, l’autre de l’ en [”, les expirations actives E E’ continuent 
à se marquer. 

Ces deux inspirations sont ici consécutives à un arrêt de la 
respiration, déterminé expérimentalement; il semble que la: 
pause ait amené du côté des centres inspirateurs une sorte d'ad- 
dition latente des excitations, qui provoque ensuite des mou- 
vements très amples, mais ralentis, tandis que les centres ex- 
pirateurs continuent à envoyer aux muscles des impulsions plus 
fréquentes, mais moins intenses. 

Le même phénomène se produit aussi spontanément, mais il 


502 E. WERTHEIMER. — RECIERCHES EXPÉRIMENTALES 


est rare qu’il puisse s’analyser aussi facilement que sur la figure 
24, les mouvements sesuccédant d'habitude avec une trop grande 
rapidité. Il n’y a du reste pour l’observer, qu’à mettre à nu les 
muscles de l’abdomen et des parois thoraciques. Il est curieux 
de voir alors les obliques, le grand droit, les intercostaux, les 
grands dentelés, quelquefois les pectoraux, animés tous de con- 
tractions rhythmiques d’une remarquable fréquence. Il est inu- 
tile d'ajouter que le diaphragme participe à ces mouvements : 
nous l’avons souvent mis à découvert après avoir divisé la ligne 
blanche, et sectionné au thermocautère les insertions des mus- 
cles abdominaux à la base du thorax. Tous les agents ordi- 
paires de la respiration entrent donc en jeu : aussi, après avoir 
paralysé le diaphragme par la section des phréniques, on ob- 
tient encore des courbes inspiratoires, de moindre amplitude, il 
va sans dire; et inversement on voit les effets des muscles expi- 
rateurs thoraciques continuer à se marquer sur les tracés quand 
on a détaché complètement les muscles abdominaux de leurs in- 
sertions supérieures. 

Dans cette dernière opération, une portion du grand droit 
reste appliquée à la base du thorax, de même que des fragments 
des obliques demeurent adhérents à leurs insertions vertébrales 
et c’est chose remarquable que la persistance des mouvements 
avecleurrhythme antérieur, danstous ceslambeaux musculaires, 
tant qu’on n’a pas entièrement détruit tous les filets nerveux 
qu'ils reçoivent. Si nous insistons sur ces détails, c'est qu'ils 
nous paraissent tout particulièrement mettre en relief la puis- 
sance excito-motrice de la moelle quand elle a été affranchie de 
l'influence inbibitrice des centres encéphaliques. 

IV. — Considérations générales sur les centres respiratoires 
spinaux. 

Il n’est pas inutile de jeter un coup d'œil d'ensemble eur les 
faits qui viennent d'être exposés. La moelle est-elle réellement 
un centre pour les mouvements de la respiration et quelle est 
la signification et la valeur de ce centre dans le mécanisme gé- 
néral de cette fonction ? Les expériences précédentes répondent 
à la première question. Quand après la section du bulbe on voit 
chez un animal la respiration continuer sans interruption pen- 
dant trente à quarante-cinq minutes, on est certainement auto- 
risé à considérer la moelle comme un centre respiratoire. Ro- 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 503 


senthal (1), en rendant compte des expériences de Langendorff, 
estime qu’elles ne permettent pas de refuser au bulbe le rôle 
qu'on lui a attribué jusqu'ici et qu'en particulier la respiration 
spinale est incapable d'entretenir la vie, même pendant un court 
espace de temps. Langendorff cependant, avait répondu par 
avance à cet argument en citant le cas d’un lapin âgé de trois 
semaines, qui après avoir fourni des tracés pendant une demi- 
heure a respiré librement pendant cinquante minutes. Il est vrai 
qu'on avait injecté à cet animal un demi-milligramme de strych- 
nine, et qu'on peut toujours objecter que ce ne sont pas là des 
conditions normales. 

C’est ainsi que Mislawski dans le travail que nous avons déjà 
cité et dans lequel il est amené à localiser, avec Longet, le centre 
respiratoire unique dans un noyau gris du faisceau intermédiaire 
du bulbe, prétend que la persistance des mouvements respira- 
toires reflexes, chez lesjeunes animaux, n’est pas démonstrative 
parce que la strychnine « ouvre aux reflexes des voies nouvelles, 
préexistant dans la moelle mais non cultivées physiologique- 
ment.» Bien plus, le même auteur ajoute que toute excitation 
des nerfs sensitifs est sans effets sur le diaphragme après la sec- 
tion du bulbe. Toutes ces objections et en particulier celles 
qu'on peut tirer de l'emploi de la strychnine, tombent devant 
les faits positifs que nous avons rapportés. 

Un autre argument par lequel on a pensé soutenir l’opinion 
ancienne est purement spécieux. Il consiste à dire : la substance 
grise de la moelle est non pas un centre respiratoire, mais le 
centre des muscles respiratoires. Ce n’est là qu’une discussion 
de mots. En réalité, toutes les fois que nous voyons un segment 
isolé de l’axe gris entretenir des mouvements dans les organes 
auxquels il fournit leurs nerfs, nous sommes en droit de le dé- 
signer comme centre de ces mouvements. 

Tel est le cas de la substance grise de la moelle : elle peut 
présider par elle-même à la fonction respiratoire sans qu’elle ait 
à recevoir son stimulus de quelque autre point du myelencéphale, 
et pour que les mouvements de la respiration persistent, son 
intégrité est suffisante. Il n’y a pas à tenir compte de ce que ces 
mouvements ont changé de caractère ; il faut bien qu'il en soit 


(1) Handb. der. Fhysiol. Athembew, p. 250. Biol. Centrall, 1881, p. 88. 


504  E. WERTHEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


ainsi, si soumis normalement à l’action de centres distincts, ils 
ne subissent plus accidentellement que l'influence d’un seul 
d’entre eux. | 

Cette discussion ne vise pas seulement une simple question 
de fait : elle a une portée plus générale. Dans lathéorie classique 
c'est un point, une région circonscrite du système nerveux qui 
gouverne seule tout le mécanisme respiratoire. Même quand il 
a été bien démontré que celui-ci fonctionne encore après l’abla- 
tion de ce point, on s’est borné à mettre d'accord l’opinion an- 
cienne avec les données nouvelles. (C’est ainsi que Schroff con- 
clut de ses recherches et de celles de Rokitansky, que le centre 
respiratoire envoie un prolongement dans la moelle cervicale (1). 
Fidèle à la doctrine classique, Rosenthal (2) s'exprime de la 
même manière. « Tout ce que nous pouvons concéder, c’est qu’il 
existe dans la moelle cervicale certains points qui possèdent les 
mêmes propriétés que le centre respiratoire. » D’après ces idées, 
si la respiration persiste après la section du bulbe, c’est qu’il y 
a dans la moelle comme des fragments aberrants du centre vé- 
ritable, 

Il y a longtemps que Brown Séquard a formulé sur la répar- 
tition des centres respiratoires une doctrine tout opposée : « Les 
mouvements respiratoires dépendent de toutes les parties excito- 
motrices de l’axe cérébro-spinal et de la substance grise qui unit 
ces parties aux nerfs des muscles respirateurs » (3). Cette opinion 
dans ce qu’elle a de plus essentiel, est seule d’accord avec les 
faits. 

Elle explique comment le nombre des centres respiratoires 
peut se multiplier pour ainsi dire indéfiniment, si l’on veut don- 
ner ce nom à toutes les régions de l’axe central qui modifient le 
rhythme de ces mouvements, comment par exemple Christiani (4) 
a pu décrire un centre inspirateur sur le plancher du troisième 
ventricule, un centre expirateur au niveau des tubercules qua- 
drijumeaux antérieurs, comment Martin et Brooker (5) en ont 
trouvé un autre dans les tubercules postérieurs. Brown-Séquard 


(1) Wiener med. Jahrb., 1875. 

(2) Handb. d. Physiol. Athembeweq., p. 250. 

(3) Course of Lectures on the Physiol. Philad., 1860, p. 192. 
(4) Monatsb. d. Berlin. Acad. Fevr., 1881. 

(5) Cités par Rosenthal, loc. cit. p. 285. 


SUR LFS CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 505 


déjà avait dit dans le passage que j'ai cité plus haut : « Toute la 
base de l’encéphale sert à la respiration. » 

Cependant, nous admettons contrairement à ce physiologiste, 
et d'accord avec d’autres expérimentateurs, en particulier avec 
Rosenthal, que l’activité des centres respiratoires n’est pas seule- 
ment d’origine reflexe, mais aussi automatique, c'est-à-dire qu'ils 
peuvent fonctionner indépendamment de toute excitation centri- 
pèteet être stimulés directement parlesanglui-même.Nousdirons 
donc que le centre respiratoire est toute la colonne de substance 
grise qui donne naissance aux nerfs respiratoires de la tête et du 
tronc, et qui doit être considérée non pas seulement comme le 
centreanatomique, mais comme le centre fonctionnel des muscles 
correspondants. Son unité d’actionestassurée, comme l’a très bien 
fait remarquer Langendorff, par l’excitabilité commune à tout 
le système, et par l’excitant commun qui est très probablement 
le sang lui-même ; la régularité de cette action serait entretenue 
selon nous par les excitations reflexes provenant de tous les nerfs 
centripètes sans exception, plus spécialement de certains d'entre 
eux, et émanées aussi, d'autre part, de quelques points circons- 
crits de l’axe cérébro-spinal. 

Le rôle de la moelle dans le mécanisme général de la fonction 
se conçoit donc facilement. Elle est le centre immédiat des mou- 
vements respiratoires du tronc : aussi quand elle a été séparée 
du bulbe, elle n’en continue pas moins à envoyer des impulsions 
rbythmiques aux muscles thoraciques et abdominaux, de même 
que son action tonique et reflexe persiste dans ces conditions. 
Bien plus, l’ablation des centres supérieurs rend son activité 
rhythmique d’autant plus manifeste qu'elle a pour résultat de 
l'exagérer. On est surtout frappé de cette puissance excito- 
motrice de la moelle quand après avoir mis à découvert les 
muscles respirateurs, on les voit tous animés de ces contractions 
si fréquentes et si persistantes dont nous avons parlé. Il arrive 
quelquefois, ainsi qu’on l’a vu, que les muscles des membres 
antérieurs et postérieurs participent à ces mouvements et sui- 
vent le même rhythme. Nous rappellerons que cette tendance 
de la moelle à déterminer des contractions périodiques, quand 
elle a été sectionnée, c’est-à-dire isolée des centres encéphaliques, 
se retrouve dans d’autres circonstances, même quand ces mou- 
vements n'existent pas normalement, C’est ainsi que Goltz a vu 


506 E. WERTIEIMER. — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


le sphincter anal qui chez un animal intact se resserre simple- 
ment sur un corps étranger introduit dans l’anus, se contracter 
suivant un rhythme régulier chez des chiens dont la moelle avait 
été divisée au-dessus du renflement lombaire (1). Nous avons 
vu se produire les mêmes phénomènes après section de la moelle 
cervicale et dans certains cas, tout à fait spontanément. 

Nous avons déjà touché à la question de savoir si cette activité 
de la moelle, du moins en ce qui concerne les centres respira- 
toires, est reflexe ou automatique. Bien qu’elle n’ait ici qu’une 
importance tout à fait secondaire, nous devons cependant en 
dire quelques mots. Quand on voit les mouvements respiratoires 
revenir spontanément pendant l'insufflation pulmonaire, sans 
aucune provocation extérieure, l’on ne peut s'empêcher de pen- 
ser que les excitations centripètes sont tout à fait étrangères à 
leur production. Il est vrai que le retour des mouvements res- 
piratoires est ordinairement lié à celui de l’excitabilité reflexe 
et l'on pourrait dire que l’un est effet de l’autre; mais la coïn- 
cidence est forcée puisqu'ils reconnaissent tous les deux une 
cause commune qui est le réveil de l’activité médullaire. 
On pourrait encore trouver une preuve de l’automatisme de ces 
centres dans la diminution d’excitabilité des nerfs centripètes, 
comparée à la fréquence et à la vivacité des mouvements res- 
piratoires. Pour démontrer directement cette opinion, nous 
avons cherché à plusieurs reprises à sectionner de haut en bas 
toutes les racines postérieures chez ces chiens à moelle cervicale 
sectionnée, mais dans les quelques tentatives que nous avons 
faites, les délabrements forcément considérables ont amené la 
mort de l’animal. 

Nous n’aurons pas à nous arrêter longuement sur les rela- 
tions des centres spinaux avec le centre bulbaire; elles ressor- 
tent nettement de l'exposition des faits. Puisqu’après la section 
du bulbe, les mouvements respiratoires sont fréquents, super- 
ficiels, d'amplitude inégale, c’est que celui-ci intervient norma- 
lement pour les rendre tout à la fois plus lents et plus profonds 
et en même temps pour leur donner la régularité nécessaire. 
Puisque dans les mêmes conditions, les muscles expirateurs se 
contractent inutilement ou à contre-temps, c’est que le bulbe 


(1) Arch. de Pflug., VII, p. 460. 


SUR LES CENTRES RESPIRATOIRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 507 


est chargé de modérer, et même chez le plus grand nombre 
d'animaux d'inhiber complètement l’activité des centres expira- 
teurs et de la coordonner avec celle des centres inspirateurs. En 
résumé, si le bulbe n’est pas le centre unique de la respiration, 
il n’en remplit pas moins un rôle des plus importants ; il repré- 
sente pour cette fonction, comme pour la circulation, un appareil 
modérateur et régulateur. 

Mais à notre avis, on chercherait inutilement dans cette ré- 
gion, comme on l’a fait si souvent, un amas ganglionnaire spé- 
cial et distinct dans lequel on puisse localiser ce centre ; il est 
probable qu'il n’y en a pas d’autre que le noyau même du pneu- 
mogastrique (1), uni sans doute par des conducteurs spéciaux aux 
centres inspirateurs et expirateurs de la moelle épinière. Chargé 
de recevoir les excitations apportées par le nerf centripète le 
plus important de la respiration, peut-être aussi plus sensible, 
par adaptation, à celles qui tiennent aux variations des gaz du 
sang, il doit à ces deux conditions, et certainement à la première 
son influence régulatrice prédominante, mais non exclusive ; car 
nous avons déjà parlé des centres qu'on a décrits dans d’autres 
régions et nous démontrerons dans un prochain mémoire que 
toutes les excitations centripètes des nerfs du tronc peuvent réa- 
gir sur les mouvements respiratoires pour les accélérer, les ra- 
lentir ou les arrêter, sans l'intervention du bulbe. 


(1) L'indépendance des phénomènes cardiaques et respiratoires dépendant du bulbe, 
ne vient pas à l’encontre de cette hypothèse. Ce ne serait pas le seul exemple d’un 
centre anatomiquement simple, mais à fonctions complexes et distinctes. 


ANALYSES ET EXTRAITS 
DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS 


Hannover (Adolphe), de Copenhague. — Quelques remarques 
sur le Cysticercus cellulosæ dans le cerveau de l'homme. 


On sait que les œufs d’une grande partie des cestoïdes ne sont pas déve- 
lupés chez le même individu ou chez des individus de la même espèce, mais 
chez des individus d’une autre espèce chez lesquels l'œuf donne naissance à 
un cysticerque. Afin que son développement devienne parfait, il faut que le 
cysticerque soit admis dans l'intestin d’un animal de la même espèce que celui 
qui en a fourni l'œuf. De cette manière, le Cysticereus tenuicolis du bœuf est 
développé des œufs du Tænia marginata du chien, et seulement, quand ce cysti- 
cerque est avalé par un chien, il s’y développe un Tænia marginata. Le Tænia 
coenurus est développé du Cysticercus coénurus du mouton, le Tænia serrata 
est développé du Cysticereus pisiformis du lièvre, le Tænia crassicollis du chat 
est développé du Cysticercus fasciolaris de la souris, le Tænia saginata (medio- 
cannelata) de l’homme est développé du Cysticercus du bœuf, et le Tænia so- 
lium de l’homme est développé du Cysticercus cellulosæ du cochon. On ne rén- 
contre peut-être qu’une exception dans ces séries non interrompues, le Cysti- 
cercus cellulosæ se trouvant non seulement chez le cochon, mais aussi. chez 
l’homme, et un Tænia solium parfait pouvant de mème être logé chez l’homme 
en même temps qu’un Cysticercus cellulosæ. Dans des rapports cannibales, un 
homme pourrait done infecter un autre homme d’un Tænia solium si le Cysti- 
cercus cellulosæ de l’un fut avalé par l’autre ; mais, dans des rapports ordi- 
naires, on ne pouvait expliquer cette exception frappante qu’en supposant que 
les œufs du Tænia solium pouvaient être développés chez le même homme ou 
chez un autre homme sans aucun développement intermédiaire chez le cochon. 
Dans les cas où le cysticerque a paru séparément, par exemple dans l’intérieur 
de l’œil, sa présence a été expliquée par l’admission accidentelle d’un œuf, de 
même que la déglutition de proglottides entières a dû devancer la présence des 
grandes masses de cysticerques, par exemple chez des enfants, des aliénés ou 
des coprophages, etc. Pour l'explication des grandes masses de cysticerques, 
on a aussi supposé une infection de soi-même, de manière qu’un homme souf- 
frant d’un Tænia s’infectait soi-même de quelque part en ramassant ses propres 
proglottides dans son estomac; car sans la coopération du suc gastrique, la 
solution et la digestion des proglottides n’aurait pas lieu. Mais dans ce cas, la 
simultanéité d’un Tænia et d’un cysticerque chez le même individu serait plus 
fréquente que l’expérience ne nous le montre. 

Il y a encore un expédient par lequel on pourrait expliquer cette exception 
extraordinaire. Il était possible que le cysticerque qui se trouve chez l'homme 
ne fût pas le Cysticercus cellulosæ, mais une toute autre espèce dont le Tænia 
y appartenant fût encore inconnu, comme on ignore encore le Tænia du Cysti- 
cercus acanthotrias, caractérisé par trois séries de crochets, qui se trouve chez 
l’homme. 

A cet égard, il faut d’abord considérer l'endroit où les cysticerques séjournent 
par préférence. Chez le cochon, où le Cysticercus cellulosæ se trouve le plus 
fréquemment, tandis qu’il est rare chez le singe (Rudolphi, Treutler), le chien 
(Leisering, Reimann), l'ours, le rat, le cerf (Krabbe), et douteux chez le mou 


ANALYSES ÊT EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 5909 


ton (Cobbold) et l’alpaca, on observe les cysticerques surtout dans les muscles, 
puis dans la peau, le cerveau et les yeux, et exceplionnellement dans les in- 
testins: mais le cysticerque que l'on trouve chez l’homme à son siège le plus 
fréquent dans le cerveau et dans les yeux et principalement pas simultanément 
dans d’autres parties, tandis qu'il est rare dans la peau et dans les muscles. 
Enfin, le cysticerque de l’homme prend des formes insolites qui manquent 
ailleurs, donnant ainsi lieu aux variétés trouvées chez l'homme que lon a 
nommées Cysticereus racemosus (Zencker), dicystis (Laennec), albo-punctatus 
(Treutler), Trachelocampylus (Frédault), turbinatus et melanocephalus (Koe- 
berlé). On pourrait joindre aux formes insolites la grandeur extraordinaire que 
le cysticerque de l’homme peut atteindre chez celui-ci, ce qui n’est pas le cas 
chez les animaux ; cependant il est possible que cette grandeur soit due à l'or- 
gane (le cerveau) où sont logés les cysticerques. 

Dans ces circonstances, il ne m’a pas paru superflu (ce sont des recherches 
qui datent de plus de 30 ans) de faire l'anatomie exacte des cysticerques de 
l'homme aussi bien que du cochon, et d'en comparer les résultats, bien que 
Leuckart affirme leur identité complète, en ajoutant cependant (Parasiten des 
Menschen, I, 2 p. 644) : « Damit soll aber nicht gesagt sein, dass es immer 
und überal nur der Cysticercus cellulosæ sei, der den Menschen heimsuclht ». 
J'aurai en même temps l’occasion de communiquer quelques observations sur 
l'anatomie du cysticerque adulte moins connues ou n'étant pas d'accord avec 
celles d’autres observateurs. 

Le principal objet de mes recherches fut le cerveau d’un homme infecté 
largement et partout de cysticerques; c’est sans aucun doute le même cas qui 
est mentionné par M. Eschricht dans son mémoire sur la maladie hydatidique 
endémique en Islande (Bibliothek for Læger, Januar 1854) sans qu’il s’occupe 
des rapports anatomiques. Les cysticerques du cochon, maladie à présent très 
rare en Danemark, Je les dois à l’obligeance de M. Krabbe. Où il n’y est pas 
fait d'autre restriction, la description s’applique en même temps au cysticerque 
de l’homme et à celui du cochon. 

Le cysticerque, quand il est parfaitement développé, nage librement dans 
le fluide d'une capsule, produit d’une irritation des parties dans lesquelles 
l'animal s’est logé. La capsule est dépourvue d’un épithélium sur ses faces in- 
terne et externe. Lorsque la capsule chez le cochon est placée entre les fibres 
musculaires, elle est bien en connexion intime avec eux, mais s’en laisse dé- 
tacher. Dans le cerveau. de l’homme, elle est serrée par la masse cérébrale 
qu’on peut en racler, mais elle est complètement unie avec le plexus chorioi- 
dien et la pie-mère. Les parois de la capsule, dont la forme varie selon les 
parties qui l'entourent, sont tantôt très minces tantôt épaisses ou d’une épais- 
seur inégale. Leur membrane ferme et élastique se compose de fibres ordi- 
naires lisses du système conjonctif disposées en une ou plusieurs couches et 
pourvues de vaisseaux sanguins en dehors. 

Le fluide contenu dans la capsule dépose chez le cochon un fin sédiment 
sans structure; chez l’homme, je l’ai trouvé trouble et mêlé d’un grand 
nombre de cellules purulentes, de globules adipeux et granuleux, de cristaux 
de cholestérine et quelquefois de globules de sang et de cristaux de margarine. 
Les résultats de l’inflammation produite par la présence d’un corps étranger 
sont donc plus manifestes chez l’homme que chez le cochon. 

La capsule renferme le cysticerque, qui est composé d’un sac et d’un corps 
solide. 

Le sac (receptaculum) est formé par une membrane claire et ferme sans 
structure et granuleuse à l’intérieur. L’extérieur est garni de cellules épithé- 


510 ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


liales grandes, rondes, à gros grains; on les observe facilement en pliant 
une partie de la membrane; elles ont la double grandeur des corpuscules 
calcaires dont il sera question plus tard. On trouve en outre chez le co- 
chon des noyaux ronds ou anguleux qui deviennent plus visibles à l’aide de 
l’acide acétique. Le sac lui-même est rond ou oval, de différente grandeur, et 
il contient un fluide assez limpide et un sédiment blanchâtre sans structure; 
on y voit aussi des gouttes adipeuses et des cristaux de cholestérine. Je n'ai 
pas observé de vaisseaux. 

Le corps, qui est plus gros chez l’homme que chez le cochon, se divise en 
une tête et une partie cylindrique, mais ces parties se continuent, sans in- 
terruption. 

La tête (trompe) est hémisphérique chez le cochon, plus pointue chez 
l’homme. Elle est garnie d’une double couronne de crochets alternativement 
plus longs et plus courts et rangés de manière que toutes les pointes sont dis- 
posées sur le même cercle; c’est la raison pourquoi l'extrémité intérieure des 
crochets courts ne porte pas si loin en dedans que celle des crochets longs. 
Quand l'animal à tourné la tête, les pointes des crochets s'élèvent et leurs 
bords convexes se regardent. Ils sont courbés en forme de sabre, et on y dis- 
tingue trois parties : une lame, un manche et un talon unique ou bifurqué, 
placé un peu au delà du milieu du crochet et implanté dans la peau de l’ani- 
mal. Ces diverses parties des crochets forment cinq cercles concentriques, 
soit, en comptant de dehors en dedans : les pointes de tous les crochets tour- 
nés en dehors, les talons bifurqués des crochets courts, les talons uniques des 
crochets longs, l'extrémité intérieure des manches des crochets courts et 
l'extrémité intérieure des manches des crochets longs. Le nombre des crochets 
varie; chez le cochon, j'en ai trouvé 24 six fois, 16 deux fois, en d’autres cas, 
26, 20 et 18; chez l’homme, j'en ai trouvé 24-98, quelquefois moins, même 
14. Les nombres les plus élevés doivent naturellement être considérés comme 
les plus sûrs. 

La substance des crochets est uniforme, vitrée et luisante, ce qu'on observe 
le mieux sur les cassures. Leur aspect change à cause de leur transparence 
selon la distance focale du microscope, et la réfraction de la lumière devient 
plus grande à cause de la forme sphérique des talons. Les crochets ne sont pas 
altérés par l’acide acétique; l’acide nitrique les pâlit, mais il n’y a ni disso- 
lution ni effervescence. 

Les crochets longs ont la lame légèrement recourbée; le dos convexe de 
cette lame est d’une épaisseur assez uniforme, le tranchant est concave et plus 
grêle. Les côtés de la lame sont âpres et rayés et forment une figure triangu- 
laire avec une limite oblique et un peu dentelée vers le manche; cette limite 
est formée par le bord d’un fourreau dans lequel le talon et le manche sont 
enfermés. L’âpreté ne se trouve que sur la surface de la lame. 

Le manche est cylindrique, quelquefois un peu courbé, surtout l'extrémité; 
il est un peu plus large immédiatement au-dessous du talon. Le talon est unique 
et hémisphérique, mais paraît souvent sous des formes différentes et surtout 
plus pointues. La raison en est que le manche et le talon sont entourés d'un 
fourreau membraneux et sans structure qui accompagne le crochet lorsqu'il 
est détaché de sa place. Ne les entourant que lâchement, le fourreau saillit 
quelquefois hors des parties enveloppées et en change la forme; il adhère ce- 
pendant plus fortement au manche qu’au talon où on le trouve en général dé- 
gagé ou flottant. Il semble que le fourreau contient un fluide, mais je n’ai pas 
réussi à l’isoler parfaitement. 

Les crochets courts sont courbés comme les crochets longs, et ils ont le 


ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. olf 


même dessin sur les côtés de la lame, mais outre la différence de leur lon- 
gueur, ils s’écartent des crochets longs par la bifurcation du taion d’une cour- 
bure différente. L’extrémité du manche est plus pointue que celle des cro- 
chets longs, mais elle est du reste conique, ce qui fait que le manche et le 
talon deviennent plus épais et plus gros que ceux des crochets longs. Un 
fourreau enveloppe le manche et le double talon et forme la limite oblique sur 
les côtés de la lame comme celui des crochets longs; la forme change selon la 
largeur du fourreau. 

J'ai mesuré avec soin les crochets et leurs parties différentes chez l’homme 
et le cochon, et j'ai pris la moyenne de 12-14 mesures de crochets pris 
au hasard. Le crochet est mesuré de la pointe à l'extrémité du manche; par 
contre, la lame seule est mesurée le long de son dos; par cette raison, la lon- 
gueur totale de la lame et du manche ne répond pes à la longueur de tout le 
crochet. La mesure est indiquée en millimètres. 


CYSTICERCUS CELLULOSÆ 
007009, 


HOMINIS. SUIS SCROPHÆ, 
ES RS CP QU ES 
Grandeur Maximun. Grandeur Maximum, 
moyenne. | Minimum. moyenne. Minimum. 
{ Longueur totale.......... 0,199 ue 0,164 LA 
&| Longueur de la lame... 0,094 AE 0,096 tte 
S 0,080 ne 0,080 
2 Longueur du manche......| 0,069 0007 0,075 0,065 
= £ ; : 0,05 , 053 
S Largeur latérale du talon... | 0,049 0.025 0,050 0045 
ke Largeur de la lame au-dessus! 
du talon. An 0,018 0,016 
4129 19" 
Longueur totale........., 0,126 TE - 0,193 Sn 
; Longueur de la lame... 0,076 ne 0,073 que 
Ë 0057 , | 0,060 
S Longueur du manche... 0,053 0030 0,052 0,025 
a &e 0,052 à ,057 
É Largeur latérale du talon...| 0,046 0045 0,047 0.040 
S Largeur de la lame au-dessus 
© dutalon..... #. PPPPES 0,015 0,016 
Largeur à travers le talon. | 0,036 0,038 


Les différences entre les crochets du cysticerque chez l'homme et chez le 
cochon ne sont pas très prononcées. En général, les crochets longs du cochon 
et leurs parties sont plus longs que ceux de l’homme, tandis que les crochets 
courts ont une longueur un peu plus grande chez l’homme. Les lames des 
crochets courts de l’homme sont plus courbées que celles du cochon, leur lar- 
geur est un peu moindre. Il y a aussi des différences dans la forme du talon, 
surtout dans celle des crochets courts; mais je renvoie le lecteur, à l'égard de 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XXII (1886). 39 


512 ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ETRANGERES. 


ces différences, aux dessins ci-joints (grossissement de 340 fois) que j'ai gra- 
vés moi-même, et qui font voir ces différences, pas très grandes il est vrai, 


plus aisément que ne le ferait une description détaillée. 


CYSTICERCUS CELLULOSÆ CEREBRI HOMINIS. 
Crochets longs. Crochets courts. 


En bas des pointes des couronnes formées par les crochets, à une distance 
moyenne de 0,06 chez le cochon et de 0,15" chez l’homme, se trouvent 
quatre ventouses qui semblent être un peu plus grandes chez l’homme ; la 
distance différente est cependant seulement causée par la contraction diflé- 


CYSTICERCUS CELLULOSÆ SUIS SCRCPHÆ. 
Crochets longs. Crochets courts. 


rente du rostre. La tête, dont la forme paraît quadrangulaire vue d’en haut, 
est chez l’homme un peu plus grosse que la partie suivante du corps, diffé- 
rence qui n’est pas si visible chez le cochon. Les ventouses sont d’une gran- 
deur variable chez les individus différents et contiennent des fibres radiaires 
et concentriques pour la contraction et la dilatation des ventouses. 

Le corps est enseveli dans le sac qui l'entoure de tous les côtés; on distingue 


ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 513 


déjà à l'extérieur du sac un petit point blanchâtre indiquant la place où l’ani- 
mal a commencé à se développer en retournant sa tête. Ce point forme la place 
de transition entre le corps et le sac; il est pourvu d’une ouverture par laquelle 
on peut faire sortir par compression un fluide laiteux avec des masses grume- 
leuses; ce fluide doit son origine à la substance liquide contenue dans la cap- 
sule dans laquelle l’animal flotte. L'ouverture peut laisser introduire un crin 
dans le corps retourné à une profondeur d’un millimètre; elle est toujours 
située vers le côté convexe formé par le corps. Ordinairement tout le corps est 
retourné dans le sac en formant un angle aigu avec celui-ci, et on peut l'en 
faire sortir à l’aide d’une compression, mais quelquefois le corps et la tête 
flottent librement dans le fluide du sac. J'ai observé cette disposition chez le co- 
chon, tandis que, chez l’homme, le corps reste en général retourné dans le sac. 

Chez le cochon, je n’ai pas observé un épithélium particulier à la surface 
externe du corps ; chez l'homme au contraire, j’ai trouvé le corps parfaitement 
couvert d’une enveloppe gélatineuse qu’on ne pouvait pourtant séparer ni 
retirer comme une membrane propre. 

Le corps a dans sa totalité une forme ronde ou cylindrique; la forme en 
alambic est très fréquente chez l’homme. La tête est invaginée dans la partie 
grosse de l’alambic, enroulée en spirale avec un ou deux tours pour occuper 
moins de place. Chez le cochon, je n’ai pas trouvé de spirales. Le tiers su- 
périeur avec la tête est beaucoup plus grêle que le reste, et la transition entre 
ces deux parties se fait assez subitement. Cette partie supérieure est garnie 
extérieurement de plis transversaux très fins qui deviennent successivement 
plus gros en bas et alors plus visibles ; ils se perdent quand les paroïs du corps 
deviennent minces vers son attache au sac; le corps devient en même temps 
plus large. Dans le cas mentionné ci-dessus où le tiers supérieur flottait libre- 
ment dans la capsule sur une longueur de trois millimètres, il n’y avait pas de 
plis transversaux, tandis qu’on en reconnaissait dans le reste du corps qui 
était entouré d’une enveloppe gélatineuse. 

Les parois du corps sont formées d’une couche, en général unique, de 
fibres transversales et longitudinales qui se croisent sous un angle droit. Ces 
deux sortes de fibres sont assez déliées. Leur parcours est parallèle ou un 
peu tortillé, et elles sont placées dans un tissu ferme et uniforme, souvent 
ramassé en forme de ceintures indiquant les plis transversaux de l'animal et 
leur correspondant en nombre. Les fibres longitudinales sont les moins nom- 
breuses, et la même fibre ne semble pas correspondre à toute la longueur de 
l'animal. Tout le corps est creux depuis la tête jusqu’à la limite accentuée de 
la transition du corps au sac. L'intérieur du canal du corps est garni sur 
toute sa longueur de plis transversaux annulaires et assez épais; ils peuvent 
à leur tour porter des plis plus petits. Vers la tête, les plis sont plus minces, 
plus serrés et plus uniformes, mais néanmoins bien manifestes, même au 
commencement du canal au-dessous de la tête. En outre, il y a ordinairement 
chez l’homme un ou deux groupes de plis plus larges, formant par leur en- 
semble un corps solide saillant à peu près vers le milieu du canal; sur de 
coupes, ce corps donne l’aspect de feuilles pliées et attachées à la paroi interne 
du canal. Quand l’animal est transparent, tous ces plis sont visibles du dehors, 
mais l’enveloppe gélatineuse n’y prend aucune part. 

Chez l’homme, je n’ai pas trouvé de corpuscules calcaires, chez le cochon, 
au contraire, toute la surface interne du canal depuis la tête jusqu’au sac est 
couverte largement de ces corpuscules qu’on a nommés calcaires, peut-être à 
tort. Ils n’adhèrent que légèrement à la surface interne et sont ovales et plats, 
moins souvent ronds ou anguleux, Leur diamètre le plus grand est de 0,02", 


514 ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


beaucoup sont plus petits ou n’ont que la moitié de cette taille. Ils sont com- 
posés d’une coque et d’un contenu... Ils semblent formés non par un dépôt 
concentrique de couches calcaires, mais par une pénétration de chaux dans une 
substance organique. Lorsqu'on y ajoute 
un acide fort comme l'acide nitrique 
(lacide acétique est sans effet), tout le 
corpuscule pâlit subitement et se dissout, 
et il reste un contour faible mais bien 
visible. Quand les corpuscules sont des- 
séchés et ont été trailés par l’essence de 
thérébentine, ils pâlissent de même, mais 
leur forme est conservée; ils contiennent 
donc vraisemblablement une matière 
grasse qui se dissout. 

Au lieu de ces corpuseules calcaires, 
on trouve chez l’homme dans toute Ja 
longueur du canal des masses rondes, 
ovales ou anguleuses, d’une structure in- 
certaine à gros grains. Par l'acide ni- 
trique, la masse se contracte et pâlit un 
peu, mais aucun autre changement ni 
aucune effervescence n'a lieu. 

En périssant l'animal durcit chez l’homme et se transforme en une masse 
informe composée de couches concentriques pétrifiées et sans structure 
manifeste. La capsule, qui est le produit d’une irritation de la substance cé- 
rébrale peut rester et se remplir d’une masse caséeuse dans laquelle l'animal 
est plongé. Quelquefois, le sac très mince de l'animal est conservé et devient 
gros comme une noix ou de plus; la partie de l’animal qui se trouve dans le 
sac, est bien conservée tandis que la partie hors du sac devient caséeuse. Les 
crochets restent inaltérés dans ces sacs caséeux. On peut trouver des masses 
de pigment ou grains noirs dans la peau de l’animal. 

Quoique Leuckart, comme je l’ai dit plus haut, affirme qu'il est prouvé 
suffisamment que le cysticerque du cochon est identique avec celui de l’homme 
et que la preuve bien déterminée en est donnée par Redon qui avala quatre 
cysticerques d’un homme et rendit des proglottis de Tænia solium, il me 
semble pourtant qu'il y a des circonstances qui élèvent en tout cas quelque 
doute sur ce témoignage. 1l y a d’abord, comme je l’ai mentionné au commen- 
cement de ce mémoire, l'apparition simultanée d’un Cysticercus cellulosæ et 
d'un Tæuia solium chez le même homme ou chez un autre homme, appari- 
tion qui devait être beaucoup plus fréquente, vu la fréquence du Tænia solium 
chez l’homme; c'est une exception si importante d’une loi générale qu'elle 
seule doit nous inspirer des soupçons à l’égard de la justesse de son opinion. 
Puis il y a les diflérentes localités favorisées par le cysticerque de l’homme et 
par celui du cochon, ensuite les formes et la grandeur extraordinaires du cys- 
ticerque de l’homme. Enfin, on rencontre des différences anatomiques qui ne 
sont en vérité pas très notables prises isolément, mais qui obtiennent en tout 
cas quelque valeur par leur coïncidence. 


CYSTICERCUS CELLULOSÆ CERLBRI HOMINIS. 
Grossis de 7 fois. 


Le Propriétaire-gérant, 
FÉrix ALCAN. 


Saint-Denis. — Imprimerie Cu. Lauserr, 17, rue de Paris. 


NOTE 


NOUVELLE FORME DE SARCODINE 
LE SCHIZOGENES PARASITICUS 


Par KR. MONIEZ 
Professeur à la Faculté de médecine de Lille. 


(PLANCHE XVI.) 


J'ai trouvé cette espèce à Lille, pendant les mois d’août et 
septembre, dans la cavité viscérale d’un certain nombre de Crus- 
tacés appartenant aux espèces suivantes : Cypris salina, ornata 
villosa, candida, lœvis, punctata, unifasciata, ovata, vidua, mo- 
nacha, Chydorus sphæricus et Daphnia sima. Elle était surtout 
abondante chez le Cypris salina et presque tous les individus 
de cette espèce, provenant d’un bassin construit dans les cours 
de la Faculté de médecine, en contenaient un grand nombre; 
très fréquente aussi chez les Cypris ornata, villosa, unifasciata, 
je l’ai observée beaucoup moins souvent chez les autres espèces 
citées, bien que la provenance en füt la même. J'ai retrouvé le 
Schizogenes chez des Crustacés venant d’autres localités : à la 
vérité, Je n'ai pas rencontré ailleurs, jusqu'ici, son hôte prin- 
cipal, le Cypris salina, mais je l’ai revu chez des Cypris ornala 
vidua et lœvis de différentes provenances et une seule fois chez 
la Daphnia sima; mes recherches ont été vaines chez le Chydorus 
sphæricus, bien que, pour cette espèce comme pour la précé- 
dente, j'aie examiné un grand nombre d'individus. Le parasite 
semble à peu près limité aux espèces que j'ai nommées, et je l'ai 
cherché inutilement sur un grand nombre d’autres Ostracodes 
et Cladocères (4). 

Le Schizogenes se présente sous des formes excessivement va- 
riables qui, prises individuellement età première vue, pourraient 


(1) J'ai observé chez le Sida cristallina, une fois sur une douzaine d'individus, un 
parasite fort analogue, sinon identique au Schizogenes, mais, malheureusement, je ne 
pus l'étudier ; or, la Sida est rare à Lilleetelle échappe assezfacilement aux recherches, 
grâce à la propriété qu'elle a de se fixer aux objets, aussi ai-je dû remettre à l'an 
prochain le complément de cette observation. 


JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL.—T. XXII (n0v.-déc. 1886). 36 


516 R. MONIEZ. — NOUVELLE FORME DE SARCODINE. 


être considérées comme caractéristiques, à cause de leur appa- 
rente fixité : une observation plus attentive portant sur plusieurs 
d’entreelles, fait voir que toutes les formes ne sont que des états 
momentanés, préparant la reproduction ou résultant de la divi- 
sion et que l'espèce ne peut-être caractérisée par une figure 
définie, bien que, certaines formes très simples, puissent se ren- 
contrer fréquemment. La taille est de même extraordinairement 
variable et les corps reproducteurs sont très dissemblables. 
Il ne reste donc, comme caractéristiques, que les particula- 
rités fournies par la nature du protoplasme et le mode de repro- 
duction dont les processus sont en réalité constants. Nous ne 
pouvons mieux faire pour avoir une idée exacte de ce type, que 
d’en étudier successivement un certain nombre d'individus. 
Disons d’abord que tous les Schizogenes observés étaient for- 
més d’un protoplasme peu réfringent,absolumenthomogène, ne 
présentant pas de différentiation en zones, dépourvu de noyau, 
de vésicule contractile, de vacuoles, et de granulations d'aucune 
sorte; ilest limité par un contour très net qui même, dans des 
cas peu fréquents à la vérité, forme une très mince membrane 
détachée du protoplasme qu’elle enveloppe. Les essais pour co- 
lorer tout ou partie du parasite sont restés infructueux et j'ai 
employé tour à tour le carmin boracique, le brun-bismarck, le 
vert de méthyle, le vert d'iode, l’aniline pure, la chrysoïdine, 
l'hœmatoxyline, etc. Seule la teinture alcoolique d'iode le 
colore en jaune clair. Le parasite résiste, pendant très longtemps 
et sans présenter aucune altération, quand on le tient dans l’eau 
ou dans le serum artificiel. D’une manière générale, les change- 
ments de forme se font très lentement, avec une sorte de diffi- 
culté et ils paraissent assez limités pour un même individu. En 
outre de toutes ces particularités, il faut donner comme très 
caractéristique le mode de reproduction dont nous allons obser- 
ver de nombreuxexemples : toujours la formation des nouveaux 
individus débute par des fentes qui apparaissent dans le proto- 
plasme et qui, en se propageant, arrivent à détacher des masses 
de sarcode de forme et de dimensions très variables. Toute une 
portion de protoplasme s’écarte ainsi de la masse principale 
par une sorte de translation qui porte, non sur un point, 
comme dans la formation des pseudopodes des autres Sarco- 
dines, mais sur une étendue plus ou moins considérable. Les 


EP ès 


LE SCHIZOGENES PARASITICUS. 517 


fissures dont nous venons de parler sont généralement parallèles 
aux surfaces ou parallèles entre elles, ce qui revient au même. 
On ne peut comparer ce mode de reproduction à la formation des 
spores. La division ne se fait pas quand seulement l'individu a 
atteint un volume déterminé : on l’observe chez des individus 
de toute taille comme de toute forme. D’après quelques observa- 
tions rapportées plus loin il est possible que plusieurs individus 
entrent parfois en coalescence pour n'en plus formerqu'un seul, 
mais nous n’avonsrien constaté de positif dans cetordre d'idées. 


La forme la plus simple que l’on puisse observer est celle d'un 
disque bien régulier (fig. 26), ne présentant aucune sorte de 
mouvement ni de différentiation et dont le diamètre varie entre 
& et 6 &. Cette forme, qui n’est pas très fréquente, est à peu 
près la seule dont les dimensions ne soient guère sujettes à 
varier et je n’ai pas observé d'individus dont le diamètre fut 
plus considérable. — Notons en passant qu'il faut véritable- 
ment avoir observé les aspects dont nous parlons plus loin, 
pour accorder quelque attention à un être aussi peu différen- 
cié, au milieu des éléments de toute sorte que l’on peut obser- 
ver en écrasant un Cypris sur le porte-objet du microscope; 
la même observation pourrait être faite à propos de petits indi- 
vidus de forme allongée aussi peu différenciés que celui-ci. 

Nous devons nous demander de suite de quelle manière se 
sont formés ces sujets si simples : ils proviennent, suivant un 
processus que nous allons avoir l’occasion de décrire, des indi- 
vidus représentés dans les figures 95 et 17 (aa). On voit, dans 
la figure 25, le point de départ du phénomène, la fente b-qui va 
circonscrire la masse a et l’isoler de l’individu-mère. J'ai dit 
que les individus discoïdes et sans lacune centrale (fig. 26) 
étaient rares à l’état indépendant : on en voit aussi, peu fré- 
quemment, attachés encore aux formes plus compliquées qui 
leur ont donné naissance. Ces observations démontrent que la 
forme encore très simple (fig. 20) dont nous allons parler main- 
tenant ne se transforme pas en comblant sa lacune centrale 
comme on aurait pu s’y attendre. C’est le contraire qui est vrai 
et la forme figure 26 peut arriver à la forme figure 20, 

Une seconde forme très simple s’observe beaucoup plus fré- 
quemment que la précédente : elle est représentée figure 20. 


018 R. MONIEZ. — NOUVELLE FORME DE SARCODINE. 


Son diamètre est très variable, l'individu figuré mesurait 6 w 5 
et c’est une dimension moyenne. C’est encore un disque rond 
ou un peu ovale, régulier, immobile, sans aucun prolonge- 
ment : on voit au centre une solution de continuité bien régu- 
lière, marquée par un contour très net. 

Les individus de cette forme proviennent, à n en pas douter, 
de ceux qui sont représentés figure 6 en (a)et figure 29 (en a); 
il est probable que les extrémités renflées marquées en a dans la 
figure 23 se détachent, pour former de ces individus discoïdes, 
évidés au centre. On observe parfois plusieurs de ces disques 
troués, disposés concentriquement et la figure 13 est intéres- 
sante, en ce qu’elle montre le stade initial de cette disposition. 
Si l’on prolonge par la pensée les fentes plus ou moins marquées 
apparues chez cet individu, on forme ainsi quatre disques con- 
centriques déjà très nettement indiqués en 4, b, c, d; les petits 
disques conserveront leur forme — pour quelque temps du 
moins — les grands prendront des aspects compliqués. 

Notons encore, à propos de cette forme, l'identité qui existera 
entre les figures 20 et 25, aussitôt que le disque « de la figure 25 
sera complètement détaché. Toutes les formes dont nous venons 
de parler, présentent, on le voit, beaucoup d’analogieentre elles. 

La forme figure 9, n’est pas rare : elle peut dériver d'un in- 
dividu de forme semblable (fig. 5) par une fissure qui apparaît 
dans la partie la plus épaisse du croissant; cette fissure délimite 
une portion de protoplasme qui peu à peu se soulève, rap- 
proche ses extrémités et finit par s'individualiser. Fréquemment 
elle apparaît aux dépens d'individus compliqués comme en bb 
(fig. 6) où l’on voit deux de ces croissants aux pointes rappro- 
chées inclus l’un dans l’autre, en a (fig. 3), en f (figure 29). 

La forme représentée par la figure 12 est très fréquente et 
assez variable; on la voit apparaître en particulier dans les 
figures 22 et 28 sur lesquelles nous devons revenir plus loin. 

Une forme qu'il est important de considérer parce qu’elle est 
le point de départ d'un grand nombre d’autres, est celle d’une 
sorte de baguette protoplasmique, souvent sans inflexions, qui 
peut être légèrement renflée à l’une de ses extrémités et dont 
les dimensions sont très variables. Ce corps, par des mouvements 
d'ordinaire presque insensibles et que nous avons suivis, peut se 
courber pour donner la figure 11; — l’on doit conclure de cette 


LE SCHIZOGENES PARASITICUS, 019 


observation que c’est de la même manière qu'apparaissent les 
formes fréquentes que nous avons représentées figure 7; la 
figure 8 ne montre qu un degré plus avancé dans la courbure 
des extrémités qui peuvent entrer en coalescence avec la por- 
tion centrale : il n’est pas rare de rencontrer des individus pré- 
sentant une disposition analogue et il suffit de patience pour 
assister à la soudure. Il est possible que la forme figure 8 
donne par scission celle que nous avons dessinée figure 20 et 
il semble que l’on doive rattacher ici la figure 10, remarquable 
par le renflement des extrémités et par le bourgeon évidé qui 
se développe en arrière. 

Nous pouvons supposer maintenant que, au lieu de se porter 
vers la partie centrale, les deux extrémités de la baguette proto- 
plasmique se soudent entre elles, ou se rapprochent en décri- 
vant de part et d'autre un cercle plus ou moins régulier : nous 
aurons ainsi les figures 1, 2, 4, 6, 15, 18, 21, 22, 28 que nous 
allons expliquer successivement. 

Prenons d'abord la figure 4, forme assez fréquente du parasite : 
nous y voyons une sorte de 8 aux boucles non soudées; une 
moitié présente une large fente bien régulière qui divise son 
protoplasme en deux parties de mème figure et la fente peut na- 
turellement s observer à tous les degrés. Par un processus dont 
nous parlons plus loin à propos de la figure 29, l'arc b ou l’arcc 
se détache et devient libre, à moins qu'il ne reste plus ou moins 
longtemps fixé par une extrémité, ce qui produit la forme que 
nous avons représentée figure 15. 

La figure 2 peut recevoir une explication analogue : l'arc a est 
complètement délaminé, l’arc b n’est pas encore tout à fait libre; 
les fentes c, d préparent des individus d'une autre forme. 

La figure 22 est intéressante, parce qu'elle nous montre que 
toutes les formes d'individus peuvent être produites par un seul 
et aussi parce qu'elle nous fait voir comment se détachent et 
pourquoi restent partiellement adhérents, dans certains cas, 
les individus nouvellement formés. Nous y distinguerons deux 
parties À et B : l’adhérence entre elles va cesser comme le 
marquent les caractères des points marqués d': la zone proto- 
plasmique limitante, qui forme un contour très accentué, se 
continue de À sur B avec l’apparence d'une sorte de membrane 
excessivement mince, mais le protoplasme montre uue solution 


520 R. MONIEZ. — NOUVELLE FORME DE SARCODINE. 


de continuité très accentuée. La « membrane » finit bien par se 
rompre mais parfois la rupture ne se fait qu’un d’un côté etl'ona 
alors desaspectsdu genre de celui qui est représenté par la fig. 28 
où les membranes marquées g, retiennent dans un même groupe 
les trois individus À, B, C. 

La partie À de cette même figure 22 est épaisse, beaucoup 
plus épaisse que la partie B, dont la délamination est probable- 
ment déjà faite, mais une fente (b) marque le commencement de 
la division. J’ai vu à plusieurs reprises, sur des individus de cette 
forme, des fentes semblables se produire et partager la masse 
en 74 portions plus ou moins égales. 

La partie B (fig. 22) a formé des disques évidés, dont l’un a 
même déjà donné naissance à des individus de la forme repré- 
sentée par la figure 9. 

On remarquera dans la figure 22 les appendices marqués de 
la lettre c : ce sont des sortes de fouets auxquels je n'ai jamais 
vu que des mouvements de flexion très lents et qui m'ont paru 
ne changer jamais de forme : on peut les observer sur des indi- 
vidus de toute forme, aussi fréquemment à l’extérieur que dans 
les lacunes ; ils sont dus à la réparation d’une très mince lame 
de protoplasme et non à la saillie progressive d’un unique point 
de ja surface : j'ai assisté plusieurs fois à leur formation. 

Expliquons maintenant la forme donnée par la figure 28, que 
nous n’avons observée qu’une fois. Nous y constatons avec la 
plus grande netteté, l'indépendance possible de la portion interne 
du protoplasme avecla pärtietout à fait périphérique, différenciée 
en une sorte de membrane très mince. Celle-ci est en voie de se 
séparer des individus nouvellement formés qu’elle circonscrivait. 
On remarquera le changement de nature de cette membrane 
vers les points marqués d et f : elle passe là, insensiblement, au 
contour que présentent ordinairement les autres individus et 
cela nous permet d'admettre que, en ces points d et f, les extré- 
mités de la membrane se joignaient d’abord en enfermant les 
trois individus À, B, C, dont les deux derniers étaient vraisem- 
blement côte à côte. 

La figure 1 représente un aspect fréquent — le premier d’ail- 
leurs que nous avons observé, — aspect comparable à la figure 
d’un 8, si nous faisons abstraction de l'espèce de bourgeon a, 

qui peut manquer, être situé sur un autre point, ou multiplié. 


LE SCHIZOGENES PARASITICUS. 521 


C’est un seul et volumineux ruban qui s’est contourné, non 
sans présenter certaines analogies avec les stades figurés en 7, 
8, 10,11. En observant des individus de cette forme, on peut 
les voir former un 8 parfait, par la soudure des extrémités avec 
la partie moyenne; parfois aussi, après un contact prolongé, 
les extrémités se détachent de nouveau et l'organisme reprend 
l'aspect que nous avons figuré ou écarte fortement ses extré- 
mites. Je n’ai pas constaté dans cette forme l'apparition de la 
membrane représentée figure 28. 

Nous avons rappelé, par la figure 21 un aspect très fréquent 
qui se rattache à la figure 18 et peut donner la forme représentée 
en 4. J'ai vu des individus de cette forme se fléchir et se redresser 
assez rapidement : on s'explique qu'il en soit ainsi dans les 
formes non soudées en des cercles moins parfaits et chez les- 
quelles la contractibilité n’est pas contrariée par l'effort d’une 
partie symétrique. L’individu représenté ici (üg. 21) mesurait 
64 & de longueur. 

Des aspects très curieux sont représentés figures 3 et 19. Ce 
sont des masses assez volumineuses, arrondies, dont la pre- 
mière présente des fissures placées, — comme presque toujours 
d’ailleurs, — à peu près symétriquement par rapportau contour 
extérieur. La forme donnée par la figure 4 est très compliquée : 
on la voit former en même temps des figures en croissant, des 
disques évidés, des fouets, etc.; des fentes annoncent la pro- 
chaine scission dela masse principale. On observe assez rarement: 
ces sortes d’aspect (1). 

Citons encore l'individu représenté figure 24, observé une 
seule fois et qui est si différent de tous ceux que nous avons 
jusqu'ici décrits. Au lieu de s’accroître en épaisseur, il s'est con- 
sidérablement allongé, jusqu’au point d’atteindre 320 p : il 
offre à considérer une base plus volumineuse, dont chaque ren- 
flement détermine une fente, puis une portion longue et assez 
épaisse qui fait suite à la première etprésenteenson milieu unlarge 
canal ; les parois du canal entrent alors en coalescence pour un 
courttrajetets’écartent de nouveau en formantun renflement; le 
tout est terminé par une portion longue et grêle, enfermant un 


(1) Notons que tout nos dessins ont été pris à la chambre claire, tâche que rend fa- 
cile l’immobilité ou la grande lenteur des mouvements de ces êtres. — Tous les indi- 
vidus représentés sont figurés à la même échelle (Zeiss, oc. 3, obj. F) sauf les figures 
23, 24, 27 qui ont été fortement réduites, 


922 R. MONIEZ. — NOUVELLE FORME DE SARCODINE. 


très étroit canal qu'on peut suivre jusque près de l'extrémité. 
Sur cette dernière portion se trouvaient un certain nombre de 
flagellums. 

L'individu queje viens de décrire s’est allongé sous mes yeux, 
d'un tiers environ, dans l’espace d’une heure, sans présenter de 
mouvement appréciable; les secousses portées sur lecouvre-objet 
ne semblaient pas l’impressionner et il ne faisait que subir les 
mouvements d'oscillation du liquide de la cellule danslaquelle je 
l'observais. 

Enfin, j'ai pu étudier à plusieurs reprises des masses proto- 
plasmiques très volumineuses, dont quelques-unes offraient un 
aspect véritablement étrange.J’en ai représenté deux relativement 
très peu compliquées, dans les figures 23 et 28. Ces individus ont 
tous les caractères essentiels des formes précédemment décrites, 
les fissures qui déterminent la séparation des rubans ou des dis- 
ques protoplasmiques sont très accentuéesdansla figure 27. Dans 
la figure 23, remarquable par les fentes de sa base, de longs et 
larges rubans ne sont plus adhérents que par une extrémité. — 
Le même hôte contient à la fois ces grandes masses et les indivi- 
dus de volume ordinaire. 

Nous pouvons nous demander maintenant quelle position le 

genre Schizogenes doit occuper dans la systématique. S'il ne 
s'agissait d’un parasite, je considérerais sans hésitation ce type 
comme un des organismes les plus simples quiexistent, à placer 
à côté des Monères, mais il faut se défier de l'apparence simple 
de ces êtres qui ont perdu leur indépendance et qui ne doi- 
vent d'ordinaire leurs caractères qu'à une profonde régression : 
souvent il convient d'attendre pour se prononcer, les éclaircis- 
sements que peut seule donner l'étude des formes voisines 
vivant dans des conditions différentes. Je ne sais s’il en est ainsi 
du Schizogenes et, provisoirement, nous le classerons dans les 
Rhizopodes, bien qu'il s’en éloigne par des particularités impor- 
tantes et que d'autre part il ne présente ni vrais pseudopodes, 
ni vrais mouvements amiboïdes. Il semble que l’on doive faire 
pour lui une nouvelle famille de Sarcodines dont l'unique genre 
serait ainsi caractérisé : 

Schizogenes: corps aplati de forme et de dimension variables, 
formé d’un protoplasme absolument homogène; reproduction 
par des fissures qui peuvent apparaître dans tous les points 


LE SCHIZOGENES PARASITICUS, 523 


de l'individu-mère et circonserivent une masse de protoplasme 
qui constitue un nouvelindividu. 

Espèce unique : Schizogenes parasilicus, parasite de plusieurs 
Ostracodes et Cladocères (1). 

L'être énigmatique dont nous venons d'exposer les caractères 
semble avoir été entrevu par Weissmann. Cet éminent observa- 
teur, dans un des nombreux mémoires par lesquels il a poussé si 
loin l’étude des Daphnoïdes, a figuré (?), pensons-nous, quelques 
formes très simples du Schizogenes, à propos des éléments re- 
producteurs du Simocephalus vetulus (Daphnia sima, syn.). Il 
représente, comme cellules-mères, un stade fort analogue à 
nos figures 20 et 16; un autre stade peut se comparer à notre 
figure 3 pour les flagellums (2). Weissmann déclare d’ailleurs, 
qu’il n’a pu se rendre compte de la manière dont se formaient 
lesspermatozoïdes et constate que ses observations ne concordent 
pas avec celles faites par Leydig surle même animal. Il me semble 
peu probable, dit-il, que cette différence tienne à la saison dans 
laquelle j'ai fait mes observations, et il faut plutôt admettre une 
erreur dans la détermination des individus observés. 

Disons que cette erreur nous paraît difficile à admettre : le 
Simocephalus velulus est une espèce aux caractères si nets, qu'il 
n'est pas possible de se tromper à son sujet, pour peu que l’on 
ait observé des Cladocères, et la difficulté disparaît si l’on admet 
avec nous que Weissmann a figuré comme cellules-mères de sper- 
matozoïdes, quelques états du Schizogenes (3). 


(1) Le D' Deichler, médecin à Francfort-sur-le-Mein, annonce dans un récent mé- 
moire la découverte d’un Protiste dans les crachats des malades atteints de coque- 
luche. Les dessins qu'il donne de cet animal sont fort curieux : ce sont des espèces 
de croissants aux pointes plus ou moins rapprochées, et ménageant naturellement un 
espace dans lequel se trouve enfermé un organisme semblable au premier ou de forme 
arrondie. D’autres individus ont l’aspect de cellules très allongées, ou sont coudés 
avec une extrémité plus volumineuse. Peut-on rapprocher ce Protozoaire du Schizo- 
genes ? Il en différerait par la nature du protoplasme qui est granuleux, par la pré- 
sence (parfois) d’un noyau. Les fissures manqueraient aussi (Cf. Deichler, Ueber pa- 
rasitäre Protozoen im Keuchhustenauswurf Zeitsch. für wiss. Zool., t. 43, p. 144). 

(2) Weissmann, Beiträge zur Naturgeschichte der Daphnoiden Zeitscrift für wis- 
senschaftliche Zoologie, t. XXXIIE, p. 75 et pl. XII, fig. 38 B spbl et 38 C. 

(3) Nous recevons pendant la correction de ces épreuves le fascicule 4 du tome 44 
de Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, édité le 14 décembre 1886. II contient 
un mémoire de Stuhlmann : Beiträge zur Anatomie der inneren männlichen Ges- 
chlechtsorgane und zur Spermatogenese der Cypriden; les figures 18, 24, 43, 47 de 
la planche qui accompagne cet intéressant travail semblent devoir être rapportées au 
Schizogenes. 


RECHERCHES 


SUR LES 


INSECTES VÉSICANTS 


(suITE) 


Par H. BEAUREGARD 


(PLaxcHE XVII.) 


Systèmes circulatoire, respiratoire et nerveux. 
1. — APPAREILS CIRCULATOIRE ET RESPIRATOIRE. 


J'ai fort peu de choses à dire de l'appareil circulatoire qui 
ne diffère pas de celui des autres insectes. Il consiste en un vais- 
seau dorsal étendu de la tête à l'extrémité de l’abdomen, et je 
ne l’ai point étudié d’une manière spéciale. 

Quant au système respiratoire, il comprend une série de stig- 
mates disposés de chaque côté du corps, et des trachées. 

Les stigmates offrent ceci de particulier chez tous les Vési- 
cants, qu'ils sont assez rapprochés de la face dorsale des Zoo- 
nites abdominaux et qu'ils siègent dans une aire, pour ainsi dire 
membraneuse, qui relie de part et d’autre les tergites cornés 
aux sternites. Cette aire membraneuse, molle et flexible est de 
couleur sombre et terne chez les insectes dont le test revêt des 
teintes métalliques; de couleur blanchâtre ou jaune pâle, chez 
les espèces à test jaune ou brun. 

Les stigmates sont ordinairement très simples et formés d’un 
péritrème ovalaire qui circonscrit la base d’une cavité conique, 
hérissée de fins prolongements chitineux à sa face interne. Chez 
Cerocoma Schreberi toutefois, l'appareil se complique d’un lam- 
beau chitineux, de forme triangulaire qui se fixe par sa base à 
la paroi interne de la cavité conique en question, recouvre 
l'orifice profond du stigmate et fait saillie au dehors. 

La distribution des trachées a été étudiée par Audouin (loc. 


(1) Voir les numéros de Novembre-Décembre 1885, Janvier-Février et Mai- 
Juin 1886. 


H. BEAUREGARD. — RECHERCHES SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 929 


cit.) chez la Cantharide. Chaque stigmate abdominal donne 
naissance à un gros tronc trachéen qui se divise bientôt en deux 
branches dirigées, l’une en avant, l'autre en arrière. Au thorax, 
chaque tronc se divise aussi en deux branches, mais dont la di- 
rection est différente. L'une de ces branches se dirige en haut, 
l’autre en bas, et chacune se subdivisant en un grand nombre 
de ramifications, il en résulte deux plans trachéens superpo- 
sés, dans l'intervalle desquels est compris le tube digestif. 


II. — SYSTÈME NERVEUX. 


Audouin, en 1826, a donné une description assez détaillée du 
système nerveux de la Cantharide. On trouve, d'autre part, dans 
l'ouvrage de Brandt et Ratzburg (1829), des renseignements sur 
le système nerveux du Meloe et de la Cantharide. En 1832, 
Brandt et Erichson (38) ont décrit celui du Meloe. Enfin, en 
1846, M. Blanchard (39) contrôla les précédentes recherches et 
les étendit à une autre espèce (Mylabris Cichorii). J'ai pu de mon 
côté reconnaître l’exactitude des précédentes observations et 
examiner sous le même rapport les genres Zonitis (Z. mutica) 
et Mylabris (M. Geminata). 

Il est intéressant de remarquer, avec M. Blanchard, que dans 
ces différents genres, qui cependant présentent de nombreux 
caractères distinctifs, on trouve la plus grande unité dans la 
composition du système nerveux. Chez tous, en effet, outre 
les renflements cérébroïdes et le ganglion sous-æsophagien, 
on trouve trois ganglions thoraciques et une chaîne abdomi- 
nale de quatre ganglions, dont le volume va grossissant jus- 
qu’au dernier. La forme de ces ganglions abdominaux est à 
peu près triangulaire, à sommetantérieur; le dernier seul, beau- 
coup plus volumineux que les autres, est rectangulaire, et pré- 
sente souvent dans le milieu de sa masse, un petit enfoncement 
ou même une petite fenêtre qui le divise incomplètement en 
deux parties. 

Suivant M. Blanchard, par le nombre des ganglions dela chaîne 
abdominale, comme par leur arrangement, les insectes vési- 
cants se rapprochent plus spécialement des Chrysoméliens. 
Toutelois, chez les Vésicants, les ganglions thoraciques seraient 


plus espacés et plus petits comparativement aux ganglions ab- 
dominaux, 


526 H. BEAUREGARD. — RECUERCHES 


Audouin le premier, paraît avoir reconnu l'existence d'un 
système nerveux viscéral. Il décrit, en effet, chez la Cantha- 
ride, deux filets nerveux « excessivement longs et très prolon- 
« gés eu arrière, » situés de part et d'autre du vaisseau dorsal 
et partant d'un ganglion très distinct, situé en avant du cerveau 
et qui fournit antérieurement deux autres filets très grêles, se 
rendant au chaperon. | 

Plus tard, Brandt et Erichson ont donné une description 
complète de ce système nerveux viscéral chez le Meloe. Il com- 
prend, comme c'est le cas général, chez les Coleoptères, une 
partie impaire destinée à l'estomac et dans laquelle le-nerf ré- 
current est simple, et une partie paire réservée comme l’a mon- 
tré M. Blanchard au vaisseau dorsal et aux trachées. Le ganglion 
frontal est triangulaire; il en est de même du renflement dans 
lequel se termine, en arrière, le nerf récurrent. 

J'ajoute que chez les larves (Cantharide et Meloe), d'après 
Brandt et Ratzburg, le nombre des ganglions de la chaîne sous- 
intestinale est de treize, alors qu'il n’y en a que huit chez l’in- 
secte parfait. 


Appareil de la génération. 
1° APPAREIL MALE. 


a. ORGANES INTERNES. 


Comme chez la plupart des Coléoptères, l'appareil mâle des 
insectes vésicants comprend une paire de testicules avec canaux 
déférents s’unissant en un conduit éjaculateur commun, et un 
certain nombre de glandes accessoires plus ou moins dévelop- 
pées. 

L'étude morphologique de cet appareil a été faite par Léon 
Dufour (31) qui l’a décrit et figuré chez quelques espèces (Myla- 
bris, Zonitis). Audouin (14) de son côté, a fait connaître l'appa- 
reil mâle de la Cantharide, et on trouve dans la zoologie médi- 
cale de Brandt et Ratzburg (24) des dessins relatifs à cette espèce 
et au genre Meloe. Toutes ces descriptions sont ordinairement 
très sommaires et parfois inexactes, c’est pourquoi J'ai cru bon 
de reprendre cette étude en même temps que je me suis efforcé 
de l’étendre à un plus grand nombre d’espèces. 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 527 


L'appareil mâle des insectes vésicants offre dans sa compo- 
sition, suivant les genres que l’on étudie, des différences assez 
sensibles pour qu’il me paraisse nécessaire d’en donner une 
description détaillée chez chacun des types pris à part. Mais 
pour ne pas avoir à me répéter Je commencerai par indiquer les 
caractères communs ou peu variables qui se rencontrent. 

Les testicules sont relativement peu volumineux et mesurent 
de 2 à 3 millimètres de diamètre. Ils siègent aux côtés de l’abdo- 
men contre les parois de l'estomac et sont cachés au milieu des 
nombreux replis des conduits déférents et de certaines glandes 
accessoires. Ils consistent chacun en un nombre parfois consi- 
dérable de petits cæcums groupés autour d’un réceptacle central 
auquel aboutit le conduit déférent. 

Leur forme est un peu variable ; tantôt sphériques ou orbicu- 
laires, ils sont ailleurs réniformes. Leur surface est ordinairement 
lisse ou marquée d’un fin réticulum dont les mailles corres- 
pondent au fond des follicules testiculaires. Parfois chez les Zo- 
nitis, par exemple, leur surface est hérissée, la tunique vaginale 
semblaut faire défaut et les follicules se montrant alors comme 
un petit amas de poils fins et serrés. 

La couleur des testicules est également un peu variable. D’un 
beau rouge orangé chez Mylabris 4-punctata, ils sont d’un jaune 
paille chez Épicauta verticalis, ou d’un jaune citron chez Myla- 
bris Geminata. Ces diverses teintes sont dues à l'existence de 
cellules plus ou moins adipeuses remplies de granulations colo- 
rées et interposées aux follicules testiculaires. 

Les Canaux déférenis sont plus ou moins considérablement 
_renilés dans leur portion voisine du conduit éjaculateur. Ces ex- 
trémités renflées sont toujours remplies de spermatozoïdes, et 
avec Siebold et Stannius je crois qu’on peut les considérer comme 
jouant le rôle de réservoirs spermatiques. Le canal déférent pro- 
prement dit serait alors représenté seulement per la longue por- 
tion grêle qui aboutit au testicule. 

Le canal éjaculateur est toujours représenté par un conduit 
d'un fort petit diamètre, droit ou un peu sinueux. 

Quant aux glandes accessoires, elles offrent dans leurs formes 
comme dans leur nombre d'assez grandes variations. Le plus 
souvent toutefois, elles sont au nombre de trois Hs: et en 
forme de tubes a: ou enroulés. 


528 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


Cantharide (pl. XVII, fig. 1). (C. Vesicatoria) (1). — Je prends 
pour type la Cantharide ordinaire parce que j’ai pu l’étudier avec 
plus de détails que la plupart des autres espèces. Beaucoup de 
ces détails s’appliquent d’ailleurs à ces dernières. 


MESTICULES. 


Les testicules chez la Cantharide sont à peu près sphériques, 
incolores on légèrement jaunâtres et formés d’un très grand 
nombre de tubes testiculaires allongés et renflés en massue, à 
l'extrémité libre périphérique. Par leur extrémité centrale ces 
tubes débouchent dans une cavité commune à laquelle aboutit 
d'autre part le canal déférent. 

La paroi des tubes testiculaires est formée d’une membrane 
parsemée de noyaux et parcourue par de fines trachées. 


CANAUX DÉEFÉRENTS. 


Le réservoir central des testicules est tapissé d’un épithelium 
cylindrique qui passe en se modifiant un peu dans le conduit 
déférent qui lui fait suite. Ce conduit déférent tapissé dans sa 
parte épididymaire d’un épithélium à cellules cylindriques 
élevées est revêtu extérieurement d’une tunique musculaire 
à fibres circulaires et longitudinales. Cette région épididymaire 
extrêmement grêle est assez longue et s’enroule plusieurs fois 
sur elle-même, puis augmente peu à peu de diamètre jusqu’à 
constituer un tube large, cylindrique, proportionnellement très 
renflé (fig. 1 d) dont la surface extérieure est pourvue d’étran- 
_ glements très marqués, que produisent des faisceaux de fibres 
musculaires circulaires. Cette portion renflée du canal déférent 
forme un réservoir spermatique que l’on trouve en effet toujours 
rempli de spermatozoïdes. Elle débouche dans l'extrémité anté- 
rieure élargie (v) du canal éjaculateur et semble continuer ce 
canal, 

CONDUIT ÉJACULATEUR (Fig. 1, c). 

En effet, comme l’a bien vu Audouin, le canal éjaculateur, 
chez la Cantharide s’évase à son extrémité antérieure de manière 
à former une sorte d’urne arrondie dans laquelle débouchent 
d'une part les conduits déférents et d’autre part les glandes 
accessoires de l'appareil génital. (PI. XVII, fig. 2.) Dans le reste 


(1) Voir Audouin(loe. cit.); Brandt et Ratzburg (loc. cit.); Règne animal Cuvier. 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 529 


de son étendue le conduit éjaculateur se présente sous la forme 
d'un tube très grêle, un peu sinueux, dont la longueur égale 
à peu près l’espace mesuré par les cinq derniers anneaux de l’ab- 
domen, et qui siège immédiatement au-dessous et à gauche de 
l'estomac. Sa paroi est formée de dedans en dehors, d'un épi- 
thélium à cellules cylindriques et d’une tunique musculaire à 
fibres longitudinales et circulaires. Aussi lorsqu'on ouvre l’in- 
secte par sa face abdominale reconnaît-on facilement le canal 
éjaculateur aux énergiques contractions qui persistent pendant 
longtemps. 
GLANDES ACCESSOIRES. 

Les glandes accessoires sont, chez la Cantharide au nombre 
de trois paires (1). Elles s'ouvrent dans la portion antérieure 
renflée du conduit éjaculateur, sur la face ventrale de ce der- 
nier, à peu près au niveau où débouchent les canaux déférents. 

De ces trois paires, la médiane est insérée plus en avant que 
les autres et consiste en deux cœcums longs de 10 à 12 milli- 
mètres et mesurant 0"",50 de diamètre dans leur partie la plus 
large (pl. XVIL, fig. 4 s). Chacun de ces cœcums après up court 
trajet en ligne droite se recourbe en une longue anse à convexité 
antérieure dans laquelle son extrémité libre s’enroule plusieurs 
fois sur elle-même en forme de crosse. Je désignerai ces glandes 
sous le nom de glandes scorpioïdes qui indique assez bien leur 
forme générale. Quand on a ouvert l'abdomen dela Cantharide, 
on reconnait de suite les glandes scorpioïdes à la couleur d’un 
blanc crayeux qu’elles offrent dans une partie de leur étendue 
et à leur mode d’enroulement caractéristique. Elles occupent 
dans l'abdomen l’espace qui s'étend du 3° ou 4° anneau abdo- 
minal au bord postérieur du sternum du métathorax. 

La seconde paire de glandes accessoires (pl. XVII, fig. 1 v) est 
insérée un peu en arrière et en dehors de la précédente. Ce sont 
deux cæcums cylindriques courts qui passant entre les glandes 
scorpioides et les canaux déférents embrassent étroitement la 
base de ces derniers. 

La troisième paire enfin (pl. XVIL, fig. 1 x) consiste en deux 
longstubes qui prennent naissanceimmédiatement en arrière des 

(1) Audouin (loc. cit.) décrit quatre paires de glandes accessoires : je n’en ai pour 


ma part jamais trouvé que trois paires, et Brandt et Ratzburg n’en figurent également 
que trois. 


930 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


canaux déférents.Ils s'appliquent contre la face inférieure de ces 
derniersetse dirigent en arrière. Lestubes en question sont d’une 
grande longueur et pour prendre place dans l'abdomen ils s’en- 
roulent de chaque côté du tube digestif en replis irréguliers tout 
au voisinage des testicules qu’ils cachent en partie. Leur paroi 
est tellement mince et délicate que lorsqu'on cherche à les dé- 
rouler on doit prendre les plus grandes précautions pour ne pas 
les déchirer. Ils semblent en effet au premier abord ne consister 
qu’en un filament de gelée claire et transparente un peu élas- 
tique. Leur forme est irrégulière ; ils présentent de place en 
place dans toute leur longueur des renflements ovoïdes irrégu- 
liers et leur extrémité libre est claviforme. 

Quant à la quatrième paire de glandes que Audouin décrit 
comme formée de « petits tubes déliés s’ouvrant dans le conduit 
spermatique commun », je ne l'ai jamais rencontrée malgré les 
uombreuses dissections que j'ai faites. 

JL me reste à donner quelques détails sur la structure et le 
contenu de chacune des glandes que je viens de décrire. 


PREMIÈRE PAIRE OU GLANDES SCORPIOÏDES. 


C'est vers le milieu de leur longueur que les glandes scor- 
pioides commencent à s’enrouler. À partir de là aussi elles de- 
viennent plus grêles, et chez certains individus leur extrémité 
terminale consiste en un petit cæœcum qui paraît surajouté à la 
glande. C’est cette forme que représente notre fig. 4 (h), dansla- 
quelle la glande est vue en partie déroulée. Audouin fait évidem- 
ment allusion à cette disposition quand il dit (loc. cit., p. 51) : 
« Un petit vaisseau flottant se voit non loin de leur extrémité 
libre, mais il manque quelquefois ». Souvent en effet la glande 
est formée d’un tube continu qui va seulement en diminuant 
de diamètre jusqu’à son extrémité libre, comme le montre la 
fig. 3. Quoiqu'ilen soit d'ailleurs, la structure de la glande scor- 
pioide présente les caractères suivants : 

Sa paroi est formée de dedans en dehors d'un épithélium et 
d’une musculeuse séparés par une membrane hyaline épaisse 
de ÿà6 DE 

Épithélium. — L'épithélium est formé de cellules cylindriques, 
mais celles-ci n’offrent pas les mêmes caractères dans toute 
l'étendue du tube glandulaire. Les coupes transversales prati- 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 531 


quées sur les régions postérieure et moyenne de ce tube mon- 
trent deux bourrelets épais (pl. XVIT, fig. 10), latéraux formés par 
de très longues cellules (e), tandis que les espaces qui séparent 
ces bourrelets et qui correspondent aux bords interne et externe 
de la glande sont tapissés par un épithélium à cellules courtes (i) 
polyédriques qui ne mesurent pas plus de 12 de hauteur. On 
peut suivre les bourrelets épithéliaux dans toute la longueur de 
la glande jusque vers son extrémité, où ils vont en s’effilant et 
laissent une place de plus en plus grande à l’épithélium prisma- 
tique. Mais sur les coupes on constate qu’ils n’occupent pas aux 
différents niveaux la même situation relative; on les voit en 
effet gagner peu à peules faces interne etexterneenabandonnant 
les faces latérales qu'ils occupaient d’abord, puis revenir à cette 
situation primitive. En un mot ils décrivent un long tour de spire, 
et sans aucun doute ils ont une influence sur l’enroulement si 
caractéristique du tube glandulaire. 

Les cellules épithéliales des bourrelets, examinées sans l’in- 
terposition d'aucun réactif ou sur des dissociations de pièces 
fixées par l'acide osmique, se présentent comme des éléments 
très allongés, mesurant 35 à 45 u de hauteur sur 8 à 10 & de 
largeur à leur extrémité libre. (PI. XVIF, fig. 7 et 6.) Elles sont 
claviformes, terminées en pointe à leur extrémité externe. Leur 
contenu est finement granuleux ; leur noyau sphérique ou ovoide 
pourvu de 2 à 3 nucléoles brillants, mesure 7 à 8 w de diamètre 
en moyenne. Il est situé dans le tiers interne de l’élément. 

Ces cellules ne forment qu’une seule assise et offrent une dis- 
position qui est un peu différente pour chacun des bourrelets 
qu'elles constituent. Dans l’un (fig. 10 b) elles sont un peu plus 
courtes, moins épaisses et ce sont leurs extrémités internes qui 
ont une légère tendance à converger entre elles. Dans l’autre 
(Big. 10e), elles sont plus hautes, etleurs extrémités périphériques 
sont tout à fait convergentes; sur les coupes tranversales elles 
présentent par suite une disposition en éventail très marquée. 

Parmi les cellules que je viens de décrire, on en voit d’autres 
qui se distinguent par leur forme plus grèle, leurs contours ir- 
réguliers et leur contenu homogène, très réfringent que le picro- 
carmin colore en jaune pâle. Leur noyau pâle, comme ratatiné, 
occupe un point un peu renflé de la cellule. (PI. XVIE, fig. 8.) Ces 


divers caractères me font penser que ces éléments représentent 
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. xxI1 (1886). 31 


532 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


des formes de régression des cellules épithéliales. On trouve 
d’ailleurs dans ces mêmes régions des traînées granuleuses 
interposées aux cellules normales (fig. 10 k) et qui semblent un 
état ultime de leur évolution. Il est à remarquer que c’est seule- 
ment dans les parties moyennes les plus développées des bourre- 
lets qu’on trouve ces éléments en assez grande quantité. Dans la 
région terminale du tube, où les bourrelets vont en diminuant 
de volume, l’épithélium qui les forme est beaucoup plus homo- 
gène (pl. XVII, fig. 12). 

Musculeuse. — La musculeuse des glandes scorpioïdes est 
formée ‘fig. 6 n) de fibres longitudinales disposées en une ou 
deux assises à la surface de la membrane hyaline sur laquelle 
reposent les cellules épithéliales, et d’une couche externe de 
fibrestransversales (m). Toutes ces fibres musculaires présentent 
sur leurs coupes transversales l'aspect bien connu d’un disque 
clair marqué en son centre d’un point sombre, quise colore for- 
tement par le carmin. Les éléments musculaires paraissent 
plus nombreux à la surface des bourrelets que sur les régions 
voisines. 

Contenu des glandes scorpioïdes. — Les éléments épithéliaux 
que nous venons de décrire forment un organe de nature glan- 
dulaire, ainsi que l’atteste le contenu des tubes scorpioïdes. Ce 
contenu n’est pas homogène. Dans les régions postérieure et 
moyenne qui, à l'œil nu, se font remarquer par leur couleur d’un 
blanc crayeux, les tubes scorpioides renferment une matière 
légèrement jaunâtre, très dense et élastique qui forme un épais 
cordon remplissant en partie la lumière du canal. D'autre part, 
sur l’une des faces de ce cordon (pl. XVIL, fig. 5 et 10) est creu- 
sée unerigole remplie par une substance gélatineuse et parsemée 
de nombreux corps cristallins, qui apparaissent plus nettement 
après addition d’une goutte d’eau à la préparation. En poursui- 
vant l’examen de l'organe, on voit que cette substance gélati- 
neuse devient de plus en plus abondante (fig. 14 et 12) dans la 
portion terminale du tube glandulaire en même temps que le 
cordon de substance épaisse s’effile et disparaît, si bién que la 
portion grêle qui termine le tube scorpioïde n’est plus guère 
remplie que d’une matière semi-liquide, présentant des vacuoles 
(fig. 11 /) et des cristaux en grand nombre en même temps que 
de fines granulations qui offrent une disposition radiée très nette. 


SUR LES INSECTES. VÉSICANTS, 533 


Plus en avant encore, les cristaux disparaissent et il ne reste plus 
(fig. 12) qu’une matière granuleuse où des zones concentriques 
d'épaississement sont parfaitement visibles ainsi que des trai- 
nées radiaires de granulations. | 

Un examen plus approfondi du contenu des glandes SCOr- 
pioides permet de noter quelques particularités dont voici les 
principales. : 

En étudiant sur des coupes ou des dissociations le cordon de 
matière épaisse, on constate que sa surface est piquetée de 
petits orifices atteignant à peine 1/2 de diamètre dans les- 
quels pénètrent de fins prolongements (fig. 10 o et o’) qui sem- 
blent partir des longues cellules épithéliales des bourrelets. Sur 
les dissociations d’ailleurs, il est facile d'isoler des lambeaux 
d’épithélium (fig. 6 e), dont la surface est hérissée de ces déli: 
cats prolongements des cellules épithéliales. En même temps, la 
surface du tube présente de petits enfoncements quireprésentent 
le moule de petites calottes muqueuses (fig. 10 r) qu’on voit se 
_ détacher de la surface de l’épithélium des bourrélets. Ces faits 
s’observent particulièrement bien dans les régions du tube où 
l'épithélium présente ces éléments à divers états d'évolution dont: 
j'ai parlé plus haut. J'en conclus que ces bourrelets sont des 
organes de sécrétion muqueuse et que ce sont eux qui donnent 
plus particulièrementnaissance au cordon de substance élastique. 
L'activité de la sécrétion est accusée par les nombreux éléments 
en voie de régression qui se rencontrent dans les parties postér 
rieure et moyenne de l’organe. 

Quant à la substance granuleuse de consistance plus molle, 
elle est plus spécialement le produit de sécrétion des cellules 
polyédriques courtes dans ces mêmes régions, et de l’ensemble 
de l’épithélium dans la partie terminale des tubes glandulaires. 
La surface de cette substance gélatineuse est marquée de des- 
sins polygonaux, empreintes des cellules épithéliales (fig. 9). 

Enfin les cristaux contenus en si grande quantité dans cette 
matière muqueuse méritent une attention spéciale. J'avais pensé 
tout d’abord qu'ils pouvaient être rapportés à de la cantharidine 
ou à un cantharidate, mais l'examen le plus superficiel ne per- 
met pas de s'arrêter à cette manière de voir. La cantharidine 
cristallise en lames aplaties, très minces (fig. 18), tandis que les: 
cristaux en question sont des prismes (fig. 13) hexaédriques 


534 H. REAUREGARD. —— RECHERCHES 


très réguliers, de toutes tailles. Les essais physiologiques que j'ai 
faits (voir plus loin) m’ont démontré d’ailleurs que les glandes 
scorpioides ne sont point vésicantes, Ces cristaux ne rappellent 
point non plus les cristallisations de l’acide urique et des urates 
et d’ailleurs il m’a été impossible d'obtenir la réaction dela mu- 
rexide par l’addition d’acide azotique et d’ammoniaque, même 
en agissant sur des quantités assez fortes de produit. 

* Ces cristaux sont insolubles dans l’eau, le chloroforme et 
l'éther. Les bases fortes, ammoniaque liquide ou potasse 
caustique en solution concentrée, les gonflent rapidement au 
point de les faire disparaître à peu près complètement. Ils 
perdent alors leur forme cristalline, mais cependant ne sont 
pas détruits, car, par l'addition d’un acide fort, on voit peu à 
peu une sorte de contraction se produire, et les apparences 
cristallines se montrent de nouveau. Cette action est particu- 
lièrement nette avec l’acide acétique. Sous l'influence des acides 
forts et particulièrement de l'acide azotique, les cristaux dis- 
paraissent complètement sans trace d’effervescence. A ces diffé- 
rents caractères, je crois pouvoir admettre que l’on est en 
présence, non pas de cristaux de phosphate insoluble comme 
je l’avais pensé d’abord en les voyant se dissoudre rapidement 
et sans effervescence dans l'acide azotique, mais en présence de 
matières protéiques affectant des formes cristallines comme 1l 
s’en rencontre souvent dans les mucus. Ce ne sont donc pas de 
vrais cristaux, mais des cristalloïdes. Un autre fait vient ap- 
puyer cette conclusion. Les matières colorantes et en particu- 
lier le picro-carmin, colorent très bien en rose les corps cristal- 
lins en question, ce qui prouve bien que ce ne sont pas des 
vrais cristaux. L'iode les colore en jaune. 

En résumé, les tubes scorpioides sont des glandes muqueuses 
spéciales annexées à l'appareil reproducteur, mais nullement 
des réservoirs spermatiques. Je n’y ai, en effet, jamais trouvé 
de spermatozoïdes. La sécrétion de ces glandes n’a, d'autre 
part, aucun rapport avec les propriétés vésicantes de l’insecte. 


DEUXIÈME PAIRE. 


Les cœcums courts qui avoisinent les tubes scorpioïdes sont 
également des glandes spéciales qui ne servent pas comme ré- 
servoirs spermatiques. Ce sont de petits tubes remplis d'une 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 539 


substance gélatineuse parsemée de fines granulations, prinei- 
palement à la périphérie, des traînées plus homogènes et ré- 
fringentes, se voient au centre de la masse. 

La paroi de ces glandes (pl. XVIL, fig. 20) comprend un 
épithélium à cellules polyédriques hautes de 8 à 10 & avec 
noyaux sphériques mesurant 6 à 8 « de diamètre et renfermant 
un ou deux nucléoles brillants. Les cellules se modifient un 
peu dans le fond du cæœcum où elle sont un peu plus aplaties. 
L’épithélium repose directement sur une membrane hyaline 
de 5 à 6 & d'épaisseur, transparente et homogène, dans laquelle 
on distingue quelques noyaux espacés, allongés tangentiellement 
à la surface de la glande. Il n'existe aucune trace de fibres 
musculaires. 

J'ai dit, plus haut, que le produit de sécrétion de ces glandes 
est une sorte de mucus granuleux; j'ajoute que les cellules épi- 
théliales, dessinent à la surface de ce mucus leur empreinte 
hexagonale et que les granulations sont régulièrement disposées 
en trainées ou colonnes radiales qui mesurent exactement en 
épaisseur le diamètre des cellules. Je ne saurais dire si ces 
glandes renferment de la cantharidine, mais j'indiquerai plus 
loin les raisons qui me donnent à penser qu'il en peut être ainsi. 


TROISIÈME PAIRE OU GLANDES A CANTHARIDINE. 


J'ai dit plus haut que la troisième paire de glandes accessoires 
consiste en longs tubes moniliformes à paroi très mince, à con- 
tenu absolument hyalin et qui figurent comme des chapelets à 
grains ovoides, qu'on dirait faits en verre filé, tant ils sont trans- 
parents. En examinant ces tubes à la loupe, on remarque que 
les espaces qui séparent leurs portions renflées présentent des 
stries transversales rapprochées. Cet aspect s'explique facilement 
quand on connaît la structure de la paroi. Celle-ci comprend, 
en effet, outre l’épithélium interne, une musculeuse assez puis- 
sante, formée de fibres longitudinales et circulaires. (PI. XVII, 
fig. 16.) Or, dans les portions dilatées du tube, les fibres muscu- 
laires sont comme dissociées et écartées les unes des autres. 
Danslesparties dont le calibre est resté cylindrique au contraire, 
les faisceaux de fibres sont rapprochés et déterminent des 
étranglements de la muqueuse alternant avec des saillies circu- 
laires de celle-e1 qui produisent la striation transversale. 


236 H..BEAUREGARD. — RECHERCHES 


En dedans de la musculeuse il existe une couche conjonctive 
forméé de cellules étoilées qui se distinguent dans les parties 
renflées du tube par leur état de dissociation; leurs prolonge- 
ments s’allongentalors et en s’unissant forment un remarquable 
réseau dontles noyaux très réfringents se colorent difficilement 
par le carmin. L’ épithélium repose sur cette couche lamineuse et 
est formé de cellules sphériques ou polyédriques par pression 
réciproque qui renferment un fort noyau sphérique ou ovoiïde 
pourvu de deux ou trois nucléoles très brillants (fig. 15 a b). Sui- 
vant les parties de la glande que l’on observe, l’épithélium 
montre quelques modifications dans la forme de ses éléments. 
Dans les parties les plus voisines de l’abouchement au canal 
éjaculateur, les cellules épithéliales, relativement petites, me- 
surent 11 à 124% en moyenne, avec un noyau dont le diamètre 
atteint 7 w. (Fig. 15 a.) Elles sont alors très serrées les unes 
contre les autres et de forme hexaédrique. Dans les parties 
moyenne et terminale du tube glandulaire, on voit se mêler à 
ces cellules d’autres éléments complètement sphériques, beau- 
coup plus volumineux, qui mesurent 15 à 17 y de diamètre 
avec un noyau de 8 à 10 w.. (Fig. 45 et 16 b.) Enfin, dans les 
parties cylindriques de la glande, la muqueuse présente de 
grandes cellules allongées (fig. 15 c) en forme d’outre dont l’ori- 
fice s'ouvre dans le tube glandulaire et dont le fond sphérique, 
rempli d’une matière granuleuse, est occupé par le noyau. Le 
contenu du col de ces ampoules est homogène, fortement réfrin- 
gent. Ces ampoules, véritables glandes unicellulaires, mélangées 
aux cellules épithéliales, rappellent les cellules calyciformes de 
l’épithélium de l'intestin des mammifères et présentent différents 
états de régression que nous figurons. Elles deviennent par 
place, en effet, plus grêles, totalement réfringentes (fig. 15 d), 
et le noyau ne se voit plus que comme un petit amas, appliqué 
contre le fond de l’élément et reconnaissable à la coloration rose 
qu'il prend encore par le picro-carmin. 

Contenu. — Les glandes de la troisième paire sont des réser- 
voirs séminaux (1); j'ai toujours trouvé, en effet, le fond rempli 
de faisceaux de spermatozoïdes (voir fig. 14 3 p). De plus, ce 

(1) Peut-être est-ce beaucoup dire que ces tubes fonctionnent comme réservoirs 


séminaux. Il est toutefois incontestable qu’ils renferment toujours une certaine quan- 
tité de faisceaux de spermatozoïdes massés dans leur partie la pos profbndes 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 537 


sont les organes d'élection de la catharidine, ainsi que me l’ont 
prouvé les nombreuses expériences que j'ai faites sur moi-même 
et qui seront exposées dans une autre partie de ce travail. Il 
m'a d’ailleurs été possible d’en faire la preuve chimique, et voici 
comment j ai procédé : 

Dans toute leur longueur, les tubes en question sont remplis 
d'une substance muqueuse hyaline, transparente et homogène 
qui se colore en rose par le carmin. Si, prenant un des tubes et 
le plaçant sur une lame de verre, on le traite par une goutte 
d'acide acétique ou d’un acide fort (nitrique ou sulfurique), 
on voit au bout de peu de temps se déposer dans la masse 
muqueuse qui perd sa transparence de nombreux cristaux 
en forme de fines aiguilles ou en lamelles allongées rectan- 
gulaires groupées irrégulièrement autour de masses amorphes à 
surfaces mamelonnées (voir fig. 17, pl. XVI). — Ces cristaux 
sont solubles dans le chloroforme et à peu près insolubles dans 
l’eau; caractères qui appartiennent bien à la cantharidine. Bien 
plus, si on ajoute un peu d’eau sous la lamelle où les cristaux 
sont dissous dans le chloroforme, on voit bientôt apparaître 
une magnifique cristallisation en tables rhomboïdales (voir 
fig. 19) absolument comparable aux cristaux de cantharidine 
pure que jai figurés pl. XVII, fig. 18, comme terme de com- 
paraison. 

Ces faits me paraissent démontrer que, s’il existe de la can- 
tharidine en dissolution dans le mucus des tubes glandulaires, 
cette cantharidine ne représente pas tout le produit actif; il doit 
y avoir également une certaine quantité de cantharidine à l’état 
de cantharidate alcalin; on s’explique dès lors l’action de 
l'acide qui déplace la base et laisse la cantharidine en liberté (1). 
D'ailleurs, je reproduis cette expérience de la façou suivante : 
prenant de la cantharidine pure, je la convertis en cantharidate 
de potasse en la chauffant pendant quelque temps dans un 
tube renfermant une solution concentrée de potasse caustique. 
Une fois la cantharidine dissoute, je neutralise avec précaution. 
Une goutte du liquide placée sous le microscope ne laisse voir 
aucun cristal. J'ajoute alors sous la lamelle une goutte d’acide 


(1) On sait, depuis les travaux de MM. Blum (32), Massing et Dragendorff (33) que 
la cantharidine est un anhydride de l’acide cantharidique, et est susceptible de se com- 
biner avec les bases en fixant deux équivalents d'eau. 


338 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


azotique ; très rapidement des cristaux se déposent; leur forme 
en tables rhomboïdales est bien celle de la cantharidine ; 
d’ailleurs ils se dissolvent rapidement dans le chloroforme. Je 
suis donc arrivé de la sorte à reproduire l'expérience faite sur 
le tube à cantharidine, mais en employant un cantharidate; je 
me crois donc bien fondé à admettre que la cantharidine existe 
pour une part au moins à l’état de cantharidate dans le tube en 
question. Cette manière de voir est conforme à l'opinion émise par 
Blum (34), qui admet que la cantharidine existe dans les can- 
tharides à la fois à l’état de liberté et à l’état de combinaison. Il 
est vrai que M. Béguin (35), dans un travail plus récent, n'a pas 
adopté cette manière de voir; mais les raisons qu’il en donne ne 
me paraissent pas très convaincantes. M. Béguin commence, en 
effet, par remarquer que dans l'extraction de la cantharidinel’em- 
ploi d'un mélange d'acide acétique et d’éther lui donne un ren- 
dement relativement plus considérable que lorsqu'il emploie 
l’éther seul ou le chloroforme. Puis, observant dans une seconde 
série d'expériences qu'après le traitement des cantharides par le 
chloroforme seul il n'obtient plus de cantharidine en essayant l’ac- 
tion de l'acide acétique et de l’éther, il conclut que l’existence 
de cantharidates dans les cantharides ne saurait être admise et 
que le principe actif doit être considéré comme existant dans ces 
insectes tout entier à l’état de liberté. Je ferai remarquer que dans 
ces expériences il se peut fort bien que le chloroforme d’abord 
employé ait dissous non seulement la cantharidine libre, mais 
aussi une partie du cantharidate qui, bien que moins soluble, l'est 
cependant dans une certaine proportion. Ainsi s’expliquerait le 
rendement nul ou peut-être très faible donné par le traitement 
secondaire au moven d’un acide. Pour ma part, je crois que mes 
expériences histochimiques résolvent la question, car s’il n’existe 
pas de cantharidate dans la glande soumise à mes expériences, je 
ne sais comment on pourrait expliquer l'apparition de cristaux de 
cantharidine par l'addition d’un acide. Je rappelle que les cris- 
taux en question, par leur forme, par leur insolubilité dans l’eau, 
par leur solubilité dans le chlorfoorme et l’éther ne peuvent don- 
ner lieu à aucune méprise et sont certainement des cristaux de 
cantharidine. 

En résumé, des trois paires de glandes annexées à l'appareil 
mäle des Cantharides, deux paires, la première et la seconde, 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 539 


fonctionnent comme organe de sécrétion de substances mu- 
queuses. Une seule paire, la troisième, fonctionne comme réser- 
voir séminal, et cette dernière en même temps est le siège de la 
production du principe actif. 


Genre Meloe (1). — Chez les Meloe (M. Proscarabœus, M. Ma- 
jalis), l'appareil mâle est tout à fait comparable à celui de la 
Cantharide. Les testicules réniformes déversent leur produit dans 
des canaux déférents, dont la portion distale dilatée fonctionne 
comme réservoirs spermatiques. | 

Les glandes accessoires sont aussi au nombre de trois paires, 
mais la partie du canal éjaculateur dans laquelle elles débou- 
chent n’est point renflée comme chez la Cantharide en une sorte 
de réceptacle. 

De ces trois paires de glandes, l’antérieure est enroulée et le 
nom de tubes scorpioïdes convient aussi bien à ces organes qu’à 
ceux qui leur correspondent chez la Cantharide. Leur contenu 
d’un blanc crayeux consiste également en une matière épaisse 
élastique, et en nombreux et volumineux cristaux qui m'ont 
offert les mêmes caractères que dans l’espèce précédente. Dans 
leurs recherches sur diverses espèces de Meloe employés comme 
vésicants en Piémont (M. Violaceus, M. Autummalis, M. puncta- 
tus, M. Majalis, etc.). MM. LavinietSobrero(36)avaientremarqué 
« que quelques individus de forte taille présentaient dans leur 
ventre desséché de petits cristaux prismatiques blancs transpa- 
rents, visibles même à l’œil nu ». Ils ne s'étaient pas expliqués 
sur la nature de ces cristaux et des indications qu'ils donnaient 
ensuite, 1l résultait qu'ayant retrouvé chez les insectes en ex- 
périence de la cantharidine et de l’acide urique, les cristaux 
sur lesquels ils avaient appelé l’attention pouvaient être l’une ou 
l’autre de ces substances. D’après ce que nous avons vu, iln'en 
est rien; l'acide urique, dont ils ont « reconnu la présence dans 
l’extrait aqueux » provenait des vaisseaux de Malpighi ou de 
l'intestin qui en renferme parfois des quantités assez consi- 
dérables. Quant à la cantharidine, elle n’existe pas dans les 
glandes scorpioïdes. Les cristaux auxquels ces auteurs font allu- 
sion ne sont autre chose que les cristaux de matière protéique si 


(1) Voir Brandt et Ratzbureg, loc. cit. 


540 H. BEAUREGARD, — RECHERCHES 


abondants dans ces dernières glandes et qu’on distingue en effet 
comme une fine poussière crayeuse chez les individus de taille 
un peu volumineuse, 

La seconde paire de glandes accessoires est formée de cœæ- 
cums un peu plus allongés et plus volumineux que chez la Can- 
tharide. 

Quant à la troisième paire, elle consiste comme chez cette 
dernière espèce en tubes moniliformes très fragiles, qui sont 
sinueux etenroulés sur eux-mêmes dans les côtés de l'abdomen. 
Ce sont lès tubes à cantharidine. 


Lytta pensylvanica (fig. 21, pl. XVII). — Chez Lytta pensyl- 
vanica, les testicules sphériques se trouvent complètement ca- 
chés au milieu des nombreux replis des canaux déférents et des 
tubes à cantharidine. 

Les canaux déférents très renflés dans les 2/3 de leur longueur 
s'abouchent dans le conduit éjaculateur sans l’intermédiaire 
d’une dilatation de ce conduit. 

Il existe trois paires de glandes accessoires. La première paire 
(tubes scorpioïdes) est formée de longstubes, grêles à leur origine, 
plus larges et de calibre irrégulier dans leur partie moyenne et 
terminés enfin par une extrémité déliée. Ces tubes s’enroulent 
et s’enchevêtrent en confondant leurs anses avec celles des con- 
duits déférents; ils se portent en arrière et non en avant comme 
chez la Cantharide. Sur notre figure, nous les avons pour plus 
de clarté ramenés en avant, mais on voit très nettement le coude 
brusque que nous avons dù leur faire faire pour les placer dans 
cette position. | 

Les glandes accessoires de la seconde paire sont deux petits 
cæcums (v) longs de 2 à 3 millimètres, qui prennent naissance 
comme chez la Cantharide sur la face ventrale du conduit éja- 
culateur un peu en arrière et en dehors des précédents. Ces 
tubes, très grêles, sont droits ou un peu courbés à leur extré- 
mité libre. 

Enfin les glandes de la troisième paire (x) naissent sur la face 
dorsale du conduit éjaculateur au niveau de l’erigine des canaux 
déférentsetleurs replis très nombreux enveloppent ces canaux et 
les testicules. Ce sont les tubes à cantharidine. Ils offrent comme 
chez la Cantharide un aspect moniliforme, mais bien moins ré- 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 541 


gulier. Leur calibre est généralement plus considérable que dans 
cette dernière espèce. 


: Lytta vittata. — D'après Leydi (37) cette espèce possède comme 
la précédente trois paires de glandes accessoires. 


Cerocoma schoefferi (pl. XVII, fig. 22). — [ci les canaux dé- 
férents très grêles à leur extrémité voisine du testicule, sont re- 
lativement peu allongés. Il existe trois paires de glandes acces- 
soires, savoir : en avant une paire de tubes scorpioïdes propor- 
tionnellement très longs, par suite fort enroulés et qui s’ouvrentà 
la face ventrale du conduit éjaculateur à peine élargi à ce niveau. 
A l'endroit même où débouchent les tubes scorpioïdes, on voit 
s’insérerles petits cœcums de la seconde paire qui sont très courts 
un peu renflés à leur extrémité libre et rejetés sur la face ventrale 
du conduit éjaculateur. Ces petits cœcums sont couchés, de telle 
sorte qu’ils semblent continuer en arrièreles tubes dela première 
paire (fig. 23 v). Enfin latéralement de gros tubes, à calibre très 
irrégulier fortement sinueux, figurent la troisième paire de 
glandes accessoires. 


Mylabris 4-punctata (pl. XVIT, fig. 24). — Dans cette espèce, 
les testicules réniformes ont une belle couleur rouge orange ou 
jaune citron, on distingue sous ce rapport des variations indi- 
viduelles assez marquées. Les canaux déférents sont longs et 
volumineux. 

Quant aux glandes accessoires, elles présentent quelques par- 
ticularités. D'après Léon Dufour (loc. cit.), il y aurait « quatre 
paires de vésicules séminales ». Cette manière de voir n’est pas 
absolument juste. Voici en réalité comment les choses se pré- 
sentent : à la partie antérieure du conduit éjaculateur il existe 
une paire de tubes allongés, sinueux, recourbés à leur extrémité 
libre. Ces extrémités un peu renflées sont ordinairement au 
contact l’une de l’autre et sont retenues dans cette position par 
de fines attaches lamineuses. Les tubes en question répondent 
aux tubes scorpioïdes des précédentes espèces, ils s'ouvrent dans 
le conduit éjaculateur au niveau où débouchent les canaux défé- 
rents qui semblent être la continuation de ce conduit, En ce 
point, les tubes, scorpioïdes deviennent très sinueux, renflés 
et on peut les suivre accolés et confondus sur une certaine lon- 
gueur à l’intérieur du conduit éjaculateur, 


542 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES 


La deuxième paire de glandesaccessoires (v) est formée de deux 
longs tubes moniliformes insérés de chaque côté des précédents 
et qui renferment une substance incolore et transparente. Leur 
paroi est excessivement mince et leur contenu se gonfle très ra- 
pidement dans l’eau. Bien que je n’aie point fait d'expériences 
spéciales à ce sujet, je ne crois pas m’avancer trop en admettant 
que ces tubes sont des glandes à cantharidine; les caractères 
ci-dessus l’indiquent suffisamment. 

Quant à la troisième paire de glandes accessoires (x), elle se 
présente de la manière suivante : 

De chaque côté, on voit déboucher dans le conduit éjacula- 
teur, à l’orifice même du canal déférent, un petit canal court qui 
se renfle immédiatement en une sorte de grosse ampoule (fig. 24 
et 25 0) d'où partent deux tubes moniliformes d’inégale longueur, 
beaucoup moins longs toutefois que ceux de la Cantharide, mais 
présentant pour le reste les mêmes caractères. C’est l'existence 
de ces deux tubes de chaque côté qui avait fait croire à L. Dufour 
que les Mylabres possèdent quatre paires de glandes accessoires. 
On voit d’après notre description qu'il n’en est rien et que le 
M. 4-punctata, sous le rapport du nombre des glandes séminales, 
ne se distingue pas en réalité des espèces précédemmentdécrites. 


Mylabris geminata. — D'ailleurs, l'étude d'autres espèces de 
Mylabres nous ramène à la forme ordinaire. Ainsi, chez (pl. XVI, 
fig. 26) M. geminata, on ne trouve que trois tubes de chaque côté, 
savoir : en avant les tubes scorpioïdes, puis une paire de larges 
cœæcums un peu atiénués à leur extrémité et renfermant un con- 
tenu hyalin. Enfin, une paire de tubes moniliformes, peu allon- 
gés, répondant aux glandes à cantharidine des autres espèces. 

Chez Mylabris melanura, j'ai noté une tendance très particu- 
lière des canaux déférents à se renfler en ampoules en différents 
points de leurtrajet; sur la figure que je donne (pl. XVII, fig. 260) 
en particulier, on peut voir qu’à quelque distance des testicules 
les canaux déférents sont largement dilatés en une sorte de ré- 
servoir ovoïde. Il se peut que cette apparence ne soit qu'un acci- 
dent de préparation et résulte de la facilité avec laquelle le con- 
tenu de ces tubes se gonfle dans l’eau où se fait la dissection. En 
tous cas, cette tendance à présenter de pareils renflements montre 
que la paroi des canaux déférents est dans ces espèces beaucoup 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 543 


plus délicate que chez les Cantharides, les Lytta et les Meloe, où 
je n’ai observé rien de semblable dans des conditions cependant 
identiques. 


Épicauta verticalis (pl. XVII, fig. 27). — L'appareil mâle 
interne de l’Epicauta verticalis présente une organisation un 
peu différente de celle que nous avons rencontrée chez tous les 
Vésicants étudiés jusqu 1c1. 

D'une part, les canaux déférents se font remarquer par la 
limite très nette qui existe entre leur portion grêle rattachée au 
testicule et leur portion dilatée qui s'ouvre dans le conduit éja- 
culateurrenflé à ce niveau comme chez la Cantharide. La portion 
grêle est très sinueuse et cesse brusquement pour se continuer 
par la portion renflée, presque cylindrique. Cette dernière por- 
tion, vrai réservoir spermatique, est donc mieux délimitée que 
partout ailleurs et parfaitement distincte de la portion grêle qu'on 
pourrait appeler épididymaire. Bien plus, etcomme pour mieux 
marquer cette limite, au niveau où le tube grêle se continue dans 
le réservoir cylindrique, on voit déboucher un petit cæœcum, long 
de quelques millimètres, sorte d'appendice glandulaire dont nous 
n'avons trouvé aucune trace chez les autres Vésicants précédem- 
ment étudiés (pl. XVII, fig. 27 b). 

D'autre part, tandis que chez ces derniers nous avions tou- 
jours trouvé trois paires de glandes accessoires chez Épicauta 
verticalis, il en existe quatre paires ainsi disposées : la plus an- 
térieure s’attache à l'extrémité antérieure du conduit éjacula- 
teur quelque peu à sa face dorsale (fig. 26 et 27). Elle consiste 
en tubes très longs, enroulés, dirigés en avant; leur contenu 
est d'un blanc crayeux. Ces organes correspondent aux tubes 
scorpioïdes des précédentes espèces. Un peu en arrière de ces 
tubes, et vers le milieu de la face ventrale du conduit éjaculateur, 
on voit s'ouvrir une seconde paire de glandes qui consiste en 
deux cœcums courts, recourbés en crochet à leur extrémité 
légèrement renilée. Une troisième paire de glandes est composée 
par deux tubes légèrement sinueux (a), mais non enroulés, qui 
se dirigent en avant entre les tubes scorpioïdes dont on a peine 
à les isoler. Ces cæœcums sont insérés en arrière de la deuxième 
paire et en dehors. 


Plus en dehors enfin, on voit encore de chaque côté un long 


544 H. BEAUREGARD. -— RECHERCHES 


tube, très renflé à son origine, puis devenant plus grêle, sinueux, 
ets’enroulant d’une façon presque inextricable au milieu des re- 
plis de la portion épididymaire du canal déférent. Cette quatrième 
paire correspond aux glandes à cantharidine. 

Bien qu’on retrouve chez l’Epicauta verticalis les parties essen- 
tielles décrites dans l’appareil génital des autres Vésicants, un 
coup d'œil jeté sur la figure que nous donnons montrera mieux 
encore que toute description les différences assez grandes qui 
distinguent cette espèce. 


Genre Zonitis. — Avec le genre Zonitis nous arrivons à un 
type bien différent des précédents. Léon Dufour (loc. cit.) a déjà 
décrit et figuré l'appareil mâle de Zonitis prœusta; il est sem- 
blable, à quelques détails près, à celui de Zonitis mutica que j'ai 
étudié et que je reproduis (pl. XVI, fig. 20). 

Chez Zonitis mutica, les testicules (f), comme l’a bien vu 
Dufour chez Z. prœusta, se distinguent des testicules des autres 
Vésicants en ce que leur tunique externe semble faire défaut. 
Les capsules spermatiques oblongues se montrent alors comme 
de petites éminences papiliformes au-dessus d’une sorte de 
calice auquel aboutit le canal déférent. Les testicules ainsi 
composés siègent assez haut dans l’abdomen et ne sont pas pla- 
cés comme chez les autres espèces dans la partie postérieure de 
cette cavité. 

Les spermatozoïdes présentent également un caractère tout 
particulier. Beaucoup plus allongés, ils mesurent jusqu’à 1504 
de longueur et forment des faisceaux rubanés qui ont environ 
12 x de largeur. 

Les canaux déférents présentent une portion grêle très déve- 
loppée, à laquelle fait suite une portion cylindrique un peu si- 
nueuse et trés renflée qui débouche dans l'extrémité dilatée en 
ampoule d'un conduit éjaculateur grêle et court. 

Quant aux glandes accessoires, elles sont au nombre de trois 
paires comme chez la Cantharide, mais elles offrent des formes 
tout à.fait nouvelles et se présentent comme suit : 

La paire la plus antérieure est formée de chaque côté par un 
tube qui prend naissance au sommet de l’ampoule du conduit 
éjaculateur. Ce tube, d’abord grêle et dirigé en avant, se renfle 
brusquement (pl. XVII, fig. 29 et 80 a) en une sorte de sac irré- 


dé L + 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 545 


gulier qui bientôt s'incurve, puis s’atténue et se termine en 
un long et grêle cœcum sinueux qui se dirige en arrière et se 
place dans la région postérieure de l’abdomen. 

Non loin du point où s’insère la première paire de glandes, 
on voit naître sur la face ventrale une paire de courts cæœcums 
cylindriques un peu renflés à leur extrémité terminale (v). 

Enfin, lesglandes accessoires de latroisième paire consistent en 
deux petits sacs ovoïdes (x) qui communiquent avec le conduit 
éjaculateur par un col trèsgrêle et court.Ces glandes vésiculeuses 
siègent un peu en arrière et en dehors de la seconde paire. Je 
n’ai malheureusement'pas fait d'observations relativement au 
contenu des glandes accessoires du Zonitis mutica, mais si l’on 
prend en considération le mode d'insertion et les rapports réci- 
proques de ces glandes, la première paire, caractérisée par les 
renflements que j'ai décrits, répondrait aux tubes scorpioïdes des 
autres Vésicants. Les cœcums cylindriques seraient assimilables 
à la seconde paire de glandes, et les sacs ovoïdes aux glandes à 
cantharidine qui seraient ici très courtes mais volumineuses. 
Leur contenu est d’ailleurs hyalin. Du volume peu considérable 
des glandes à cantharidine chez les Zonitis on peut conclure à 
priori, si ces glandes ont bien la fonction que je leur attribue, 
que ces espècessont moinsfranchement vésicantes quelesautres. 
Cela est si vrai que Leclère (40) les avait classées parmi les can- 
tharidies non vésicantes. Depuis Béguin (35) a reconnu que cette 
opinion était erronée, et je lai vérifié moi-même, mais il n’en 
reste pas moins vrai que le pouvoir vésicant des Zonitis a pu être 
nié, fait qui concorde avec le peu de développement des glandes 
à cantharidine. 

La description que fait L. Dufour (loc. cit.) des glandes acces- 
soires de l'appareil mâle du Zonitis prœusta répond dans ses 
traits essentiels à ce que nous venons d'indiquer. Toutefois, les 
glandes dela première paire sontreprésentées simplement comme 
des tubes cylindriques sans renflements et les rapports d’inser- 
tion sont tout autrement indiqués. C’est ainsi que Dufour ne 
figure pas de renflement à l'extrémité antérieure du conduit 
éjaculateur, et qu'il représente les glandes fixées de part et 
d'autre de ce conduit sur le canal déférent correspondant; les 
glandes vésiculeuses en dedans et en avant, les cœcums en de- 
hors et Les longs tubes flexueux en arrière. Je rappelle ces diffé- 


546 H. BEAUREGARD. — RECHERCIES 


rences sans les discuter, parce que je n'ai pas eu l'occasion 
d'étudier cette espèce, mais je tiens à affirmer que chez le Zo- 
pitis mutica, qui a fait l’objet de mes recherches, les rapports 
d'insertion et les caractères morphologiques sont bien ceux que 
J'ai indiqués. 


Sitaris humeralis. — Suivant L. Dufour, on retrouve chez le 
Sitaris la même disposition et la même texture des organes que 
chez le Zonitis prœusta, mais il n’existerait que deux paires de 
glandes accessoires, sous forme de tubes allongés. 

En résumé, l'appareil mâle interne des insectes vésicants peut 
être rapporté à plusieurs types caractérisés chacun par le nombre 
des glandes accessoires. Dans la plupart des espèces (Cantharis, 
Lytta, Cerocoma, Mylabris, etc.), 11 y a trois paires de glandes. 
Mais il n’y en a que deux chez les Sitaris, tandis que les Épicauta 
(E. Verticalis) en possèdent quatre. 

D'autre part, parmi les Vésicants qui onttrois paires de glandes 
accessoires, les Zonitis se distinguent par la forme toute spéciale 
de ces glandes et les Mylabres par le développement des tubes 
de la deuxième et de la troisième paire. | 

Enfin, il ressort de mes recherches que c’est dans l’une au 
moins des glandes accessoires de l’appareil mâle que se ren- 
contre et que se produit la cantharidine, qui donne à ces insectes 
leurs propriétés épispastiques. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XVII. 


Fig. 1. — Organes génitaux & de la Cantharide. — +, les testicules ; 
d, canaux déférents (réservoirs spermatiques); ep, portion épidi- 
dymaire de ces canaux; c, conduit éjaculateur et son extrémité an- 
térieure renflée r; s, tubes scorpioides; v, glandes de la seconde 
paire ; æ, tubes à cantharidine. 

F1G. 2. — Extrémité antérieure du conduit éjaculateur de la Cantha- 
ride. Mêmes lettres que dans la figure précédente. 

F1G. 3. — Tube scorpioïde (Cantharide). 

F1G. 4. — Le même déroulé pour montrer le petit tube À qui se greffe 
à son sommet s. 

F1G. d.— Portion du contenu du tube scorpioïde. — m, mucus épais; 
g,; matière gélatineuse renfermant les cristaux €, €, c. 

F1G. 6. — Portion grossie d’une coupe transversale de l’un des bourre- 
lets épithéliaux du tube scorpioide.— M", fibres musculaires transver- 


SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 447 


. sales; n, fibres musculaires longitudinales; tr, trachée ; e, épithé- 
lium avec prolongements hyalins ; k, cellules en régression. 

F1G. 7. — Deux cellules épithéliales isolées par dissociation. 

FiG. 8. — Deux cellules épithéliales en régression, isolées par disso- 
ciation. | 

F1G. 9. — Portion de la masse muqueuse de l’extrémité antérieure des 
tubes scorpioïdes, montrant l'empreinte des cellules épithéliales. 

F1G. 10.— Coupe transversale de l’un des tubes scorpioïdes dans la ré- 
gion moyenne; grossissement : —. — M, MUCUS épais ; g, Substance 
gélatineusce avec cristaux; en o et o!, empreintes des cellules épi- 
théliales, et petits tubes où pénétraient les prolongements des cel- 
lules épithéliales ; e, épithélium ; :, épithélium à cellules courtes; 
k, cellules en régression; k!, état ultime de régression; u, couches 
musculaires de l'enveloppe ; r, calottes muqueuses, produit des cel- 
lules. 

F1G. 11. — Coupe transversale d’un tube scorpioïde dans la portion an- 
térieure de la région moyenne; grossissement : ©.— Mêmes lettres 
que dans la figure précédente; {, vacuoles. 

F1G. 12. — Coupe transversale d’un tube scorpioïde vers son extrémité 
antérieure, grossissement : . — Mêmes lettres que figure 10. 

F1G. 13. — Forme des cristallisations que renferme le mucus gélatineux 
des tubes scorpioides. 

FiG. 14. — Coupe transversale de l’extrémité libre d’un tube à cantha- 
ridine. — m, paroi musculaire ; g, contenu muqueux; sp, amas de 
faisceaux de spermatozoïdes. 

Fig. 15. — a, b, cellules de l’épithélium de la paroi des tubes à can- 
tharidine, prises dans les portions renflées de ces tubes ; c, d, glandes 
unicellulaires siégeant dans l’épithélium, particulièrement au niveau 
des espaces étranglés; a’ b’, deux de ces cellules en régression. 

FiG. 16. — Portion étalée de la paroi d’un tube à cantharidine. — 
f, faisceaux musculaires ; a, cellules épithéliales; db, grosses cellules. 

Fig. 17.— Figures cristallines obtenues en traitant le contenu des tubes 
à cantharidine par l'acide azotique. 

Fi. 18. — Cristaux de cantharidine pure. 

FiG. 19. — Cristaux obtenus par addition d’eau à la solution des cris- 
taux de la figure 17 dans le chloroforme. 

Fie. 20. — Coupe transversale d’une portion d’un tube de la seconde 
paire de glandes accessoires. — 9, mueus; e, épithélium. 

Fig. 21.— Appareil génital mâle de Lytta pensylvanica. — Mêmes lettres 
que figure 1. 

F1G. 22, — Appareil génital mâle de Cerocoma Schæfferi. 

Fic. 23. — Portion grossie de l’appareil mâle du même. 

Fig. 24. — Appareil mâle de Mylabris quadripunctata. — 0, renfilement 
d’où naissent les deux tubes moniliformes de la troisième paire. 

F1G. 25. — Portion grossie de l’appareil mâle du même. 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. XXII (1886). 38 


448 H. BEAUREGARD. — RECHERCHES SUR LES INSECTES VÉSICANTS. 


Fig. 26. — Appareil mâle de Mylabris geminata. — 0, renflement de la 
région épididymaire du canal déférent. 

FiG. 27. — Appareil mâle de Epicauta verticalis. — a, glandes-formant 

. une quatrième paire; b, tubes annexés à l'extrémité de Ia portion 
renflée du conduit déférent. 

F1G. 28. — Portion grossie du même appareil. 

Fig. 29. — Appareil mâle de Zonitis mutica. — a, portion renflée du 
tube de la première paire de glandes accessoires. 

F16. 30. — Portion grossie du même appareil. 

FiG. 31. — Formes cristallines obtenues en traitant par l’eau ammonia- 
cale les cristaux préparés par addition d’acide azotique au contenu 
des tubes à cantharidine. 


TABLE DES MATIÈRES 


DU TOME VINGT-DEUXIÈME. 


CHARLES ROBIN, SA VIE ET SON ŒUVRE 


Par G. PoucET (avec un portrait gravé sur acier par A. Martinet). 


I. — Jasseron. — Les débuts. — Lebert. — L'influence d’Auguste Comte. — Le 


traité du Microscope. — L'état d'organisation. — Le milieu. . ....... 1 
IT. — Les Tableaux d’Anatomie. — L'état de l’Histologie. — Premiers travaux : les 
Médullocelles, les Myéloplaxes, le Perinèvre. . ....,........... XVI 


IIS. — Collaboration avec Verdeil.— Le traité de Chimie anatomique et physiologique.  xxvir 
IV. — La Société de Biologie. — Travaux d’histologie et d’embryogénie., — La Phy- 
siologie de Béraud. — Le Dictionnaire de Nysten devant le Sénat impérial. xxxtv 


V. — Création de la chaire d’histologie. — Le Programme du cours d’histologie., — 
Les Leçons sur les humeurs. — La technique. — Le Journal de l’Anatomie. 


— Collaboration au Dictionnaire encyclopédique. . .. ........... XLIT 
VI. — Le traité d’Anatomie et de physiologie cellulaires. — Les cinq propriétés 
fondamentales de la matière organisée. — Marriigbiité, discussion avec 
M. VirchoW ES ERA. Le. Cle ARRETE, à ee à LIX 
VII. — Les cinq propriétés fondamentales de la matière organisée (suite). — Théorie 
deAILONES ER RER Q'TIENANC AU ROMAN ES TS LXX 
VIII. — Les cinq propriétés fondamentales de la substance organisée (suite). — La 
courbe vitale. — La division du travail... ..........,....... LXXXV 
IX. — Travaux de pathologie. — M. Virchow. — Le cancer. ............. XCI! 
X. — Travaux de pathologie (suite). — L'école étiologique. — L'état virulent. — 
Les doctrines bactériennes. — Objections. . ................. ox 
XI. — Travaux de botanique, de zoologie et d’embryogénie. — L’accomodation des 
DAS LM une nn A Loan dde à: CXXV 


XII. — Le Sénateur. — Le traité des Rapports de l'instruction et de l’éducation. — 
L’homme privé. — Le Nouveau dictionnaire abrégé. — Les élèves. — Les 
Laboratoires. — La mort. — Un monument. ................ CXL VIE 

APPENDICE : Index bibliographique des publications de Ch. Robin.. .......... CLXVI 


ANATOMIE HUMAINE, GÉNÉRALE, COMPARATIVE 


Recherches sur la veine ombilicale, par M. E. Wertheimer. , . . 1 
Note sur les poches laryngiennes des non anthropoïdes, par MM. en et 

BOuIart. + CURE & L'ÉlNIS de LORsiBogtian.rt de ne à 2 o1 
Note sur une articulation mode ‘entré l 08 17. et le cartilage thyroïde de 

l’homme, par M. Debierre. . , . 109 
Contribution à l’étude de l'ossification et de r homotypie des ièces du ME et 

du tarse chez l’homme, par M. Debierre. . . . . Li AE 
Étude de quelques points de la structure des Firoles, ee M. Cent. D en | 
Sur la morphologie des épithéliums, par M. Prenant. . . . 301 


Structure des glandes œsophagiennes chez }’Octopus vulgaire, Ne “pilliet. .« 398 
Sur l'estomac de l'Hippopotame, du Kanguroo de Bennett et du Paresseux Aï, 
DORE Pilliet ét RON RCE COMEER : : . . , . ... . : 6 20 407 


450 TABLE DES MATIÈRES. 


ANATOMIE PATHOLOGIQUE 


Contribution à l'étiologie de la fièvre typhoide à propos de l’épidémie du Pas- 


des-Lancicte er RER. . . . . . . : . . SONO CRU 224 
PHYSIOLOGIE 
Recherches expérimentales sur l’action physiologique du Tanguin de Madagascar, 
EP ES ON is a nt 18 
Mesure du travail effectué dans la locomotion des quadrupèdes, par M. Sanson. 63 
Recherches de calorimétrie, par M. d’Arsonval. . . . . . . . . . . . . .., 113 
Recherches sur les propriétés physiologiques du maltose, par M. Bourquelot. . 162 
Nerfs éjaculateurs, par M. Remy. , 5 st Ce nor? cr-à cart. 205 


Nouvelle méthode directe pour l'étude de la chaleur animale, par M. Desplats, . 213 
Recherches sur la perception de la lumière par les Myriopodes aveugles, par 


DL. Please nneutai lis Mado -e ODA NE COUR 43 
Recherches expérimentales sur les centres respiratoires de la moelle épinière, par 
M. EsNertheimen is 11 - ‘sister ep LUI — MANOURRE DS 458 


ZOOLOGIE 


Recherches sur les Insectes vésicants, par M. Beauregard, . . . . . 85, 247, 524 
Note sur une nouvelle forme de Sarcodine, le Schizogenes parasiticus, par 
M DONS... . ... . .…. AUDIO, OUSOROMENT DE OR RO nr, 2 919 


ANALYSES ET EXTRAITS 


Recherches sur le développement embryonnaire des voies aériennes, par M. La- 


GUEMMDT . ... 0 … sraviadus ai 0h ainanS he AMENER 211 
Les anomalies musculaires chez | homme expliquées par l'anatomie, par M. Tes- 
+... OO a NO CS 4?4 


Quelques remarques sur le Cysticercus cellulosæ dans le cerveau de l'homme, 
par M; Mañgovér. . . . . , ..+.dusix te ions e0- HDI SR ii 503 


— RL 


TABLE DES AUTEURS 


D'ARSONVAL Recherches de calorimelrie. 7: . . . . . . . . . . . . 113 
BEAUREGARD. Recherches sur les Insectes vésicants. . . . . . . 85, 242, 524 
BOULART. Voy. DENIKER, PILLIET. 
BOURQUELOT. Recherches sur les propriétés physiologiques du maltose. . . 162 
DEBIERRE. Note sur une articulation anormale entre l’os hyoïde et le carti- 
baethwroie de l'OM ET RME 0. Lu enr D. à . 109 
— Contribution à l’étude de l’ossification et de l’homotypie des pièces du carpe 
étmtanse chez l'homme ET ROUTE + « 285 
D et BOULART. Note sur les poches laryngiennes des Singes anthro- * 
DOr des QU, à dut d'Samisqque .l SMBLEREE. 
DESPLATS. Nouvelle méthode pour l’étude de la chaleur animale. . . . . . 213 


MONIEZ. Note sur une nouvelle forme de Sarcodine, le Schizogenes parasiticus. 515 
PILLIET et BOULART. Sur l’estomac de l’Hippopotame, du Kanguroo de Bennett 


etdu Parts AS RS 2 ne: aboucalh ant 5e: 46e 402 
PLATEAU. Recherches sur la perception de la lumière par les Myriopodes 

ANCUD EC R Oo - muqes nl épi + à Spiie 431 
POUCHET. Charles Robin, sa vie et son œuvre. . . . . . . . . . . . . . I 
PRENANT. Sur la môvstiolagie RES D. + ..,.. … « «&ts de 351 
QUINQUAUD. Recherches expérimentales sur l’action ME que du Targuin 

de Madagsscane) CORRE EAU: EN ACL CT ET Le 18 
REDLELNens CCE 0e LR, 2. . , . Oo 205 
RIETSCH. Contribution à l’étiologie de la fièvre typhoïde à propos de l’épidé- 

anéduiPas-des- Lance Ne LR, ee à 0 224 
SANSON. Mesure du travail effectué dans la locomotion des quadrupèdes. . . 63 
WARLOMONT. Étude de quelques points de la structure des Firoles.. . . . 331 
WERTHEIMER. Recherches sur la veine ombilicale. . . . . . . . . . . . l 


— Recherches expérimentales sur les centres respiratoires de la moelle épinière. 458 


TABLE DES PLANCHES 


* PLANCHES Î et I]. . . . Recherches sur la veine ombilicale (E. Wertheimer). 

“PLANGHES IT et IV. . . Note sur les poches laryngiennes des Singes anthropoides 
(Deniker et Boulart). 

‘PLANCHES V à IX. . . . Recherches sur les Insectes vésicants (Beauregard). 


“ PLancHes X et XI. . . Contribution à l'étude de l’ossification et de l'hmotypie des 
pièces du carpe et du tarse chez l’homme (C. Debierre). 


MPEANCHE. XIL. CSS Étude de quelques points de la structure des Firoles 
(Warlemont). 

“ PLANCHE XIII. . . . . . Sur la morphologie des épithéliums (Prenant). 

7 PLANCHE XIV. . . . . . Structure des glandes œsophagiennes chez l’Octopus vul- 
gaire (Pilliet). 

W'PLANCHE XV. . : 0e Sur l'estomac de l’Hippopotame, du Kanguroo de Bennett 
et du Paresseux Aï (Pilliet et Boulart). 

"PLANCHE XVI. . . . . . Note sur une nouvelle forme de Sarcodine, le Shizogenes 


parasiticus (Moniez). 
* PLANCHE XVII. . . . . Recherches sur les Insectes vésicants (Beauregard). 


ERRATA 


Page 334, ligne 18, supprimez L. 


— 3317, — 4, au lieu de : (ganglion g), lisez : (ganglion g'). 

— 338, — 22, au lieu de : xx’, lisez : rr. 

— 341, — 20, au lieu de : ft, lisez ; fp. 

— 343, — 4, au lieu de : (fig. 6), lisez : (fig. 4). 

— 347, —  ?, après : masse du nucléus, ajoutez : (fig. 7, 8, 9, 10). 

— 350, — 29, au lieu de : (au-dessus du foie), lisez : (au-dessous du foie). 

— 350, — 31, au lieu de : et effleure seulement le corps, lisez : et en effleure 


seulement le corps. 
Planche XII, fig. 4, au lieu de : br (entre les lettres fp’ et tc), lisez : br’. 


Le propriétaire-gérant, 


FÉLIX ALCAN. 


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Saint-Denis. — Imprimerie de Cu. LAMBERT, 47, rue de Paris. 


JOURNAL D'ANAT £7 pe PHYSIOL (1886) PLI 


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Recherhes Sur la veine ombilicale 


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Recherches sur la veine ombilicale. 


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PL'ANATOMIE 


LA PHYSIOLOGIE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES 


DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 
CHARLES RogBin 


GEonGes POUCHET 


Professeur au Muséum d'histoire naturelle 


VINGT-DEUXIÈME ANNÉE 


No 1. — Janvier-Février 


PARIS 


f | ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cr 
| FÉLIX ALCAN, EDITEUR 


408, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 Une 


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Paru le 28 Février, 


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NOUVELLES ARCHIVES 


GYNÉCOLOGIE ET D'OSTÉTRIQUE 


Paraissant tous les mois 
DIRECTEURS : MM. 


CHARPENTIER DUPLAY 
Professeur agrégé, Professeur, 
Membre de l’Académie de médecine. Chirurgien de Lariboisière. 
GUÉNIOT 
Professeur agrégé, POLAILLON 
Chirurgien des Enfants assistés. Professeur agrégé, 
PORAK Chirurgien de la Pitié. 
Accoucheur des hôpitaux. SIREDEY 
BERNUTZ Médecin de Lariboisière, 
Médecin de la Charité. Membre de l’Académie de médecine. 


Répacreur En cuer : HB'ORLERIHS, Accoucueur Des HôprTAUx 


PARIS : MM. Boullly, professeur agrégé, chirurgien des hôpitaux; Labadie-Lagrave, 
médecin de la Maternité; Descroizelles, médecin de l'Hôpital des Enfants assistés; 
Ollivier, Prof. agr., médecin des hôpitaux ; Perrier, Prof. agr., médecin de Saint-Antoine. 
— LYON : Prof. Bouchacourt, — LILLE : Prof. Eustache. — STRASBOURG : Prof. 
Koœberlé. — VARSOVIE : Prof. Neugebauer.'— GENEVE : Prof. Vuiliet — HEL- 
SINGFORS : Heinricius, agrégé. — CATANA : Mangiagalli. 


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PUBLIÉ PAR LA RÉDACTION DES 


NOUVELLES ARCHIVES D'OBSTÉTRIQUE ET DE GYNÉCOLOGIE 


Paraissant le 10 et le 25 de chaque mois. 


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TRAITÉ DE DYSTOCIE PRATIQUE 


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LES SINGES ANTHROPOIDES 


ET LEUR ORGANISATION COMPARÉE A CELLE DE L'HOMME 


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Professeur à l’Université de Berlin. 


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TABLE DES MATIÈRES 


E. WERTHEIMER. — Recherches sur la veine ombilicale (pl. I et IF). 1 
CH.-E. QUINQUAUD. — Recherches expérimentales sur l’action phy- 


" siologique du tanguin de Madagascar {avec figures).......... 18 
DENIRER er BOULART. — Note sur les poches laryngiennes des 
Singes anthropomorphes (pl. Het [V})............,........,... 51 
A. SANSON.— Mesure du travail effectué dans la locomotion des qua 
CPADODES (AN ÉCERTES M S 1.0... : Ps ANS PES ER 63 
H. BEAUREGARD. — Recherches sur les Insectes vésicants (pl. V), F 
SUP ST RD LE Sont 22 ce diese RL VE 5 
C. DEBIERRE. — Note sur une cation anomale entre l’ os hyoide 
et le cartilage thyroïde de l'homme (avec figures). .......,...... 109 


Le journal a reçu et publiera dans ses prochaines livraisons : 


REMY. — Nerfs éjaculateurs. 


S. POzzi. — De l’hypospadias normal de la femme. 


: BOURQUELOT. — Recherches sur les propriétés physiologiques du maltose. 


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Un-numero, eu D RO EP CET EEE RUE A 7 0e 
Un an, pour Paris..... AT SÉRIE ce D'RNAES 30 » : 
— pour les départements et l’étranger........... 33 » 


Les abonnements partent du 1° Janvier 


Les treize premières années, 186%, 1865; 1866, 1867, 1868, 1869, 1870-71, 1879, 
1873, 1874, 1875, 1876 et 1877 sont en vente au prix de 20 fr. l’année, et de 3 fr. 50 
la livraison. Les années 1878, 1879, 1880, 1881, 1832, 1883, 1884 et 1885, se vendent 
30 fr., et 6 fr. la livraison. 


[avt CE JOURNAL PARAIT TOUS LES DEUX MGIS, ‘ET CONTIENT ‘: 


1° Des travaux originaux sur les divers sujets que comporte son titre ; ‘ 
20 L'analyse et l'appréciation des travaux présentés aux Sociétés savantes françaises et étran- 
gères; 


30 Une-revue des publications qui se font à l'étranger sur la plupart des sujets qu’embrasse 
le titre de ce recueil, 


IL A EN OUTRE POUR OBJET : 
La tératologie, la chimie organique, l'hygiène, la toxicologie et la médecine légale ans leurs 
rapports ayec l'anatomie et;la physiologie; 


Les applications de l’anatomie et de la physiologie à la pratique de la médecine, ‘de la 
chirurgie. et de l'obstétrique.. LSrA 


Les ouvrages à analyser, -et tout ce qui-concerne la rédaction, devront être adressés, D: à 
la librairie Féuix ALCAN, 108,:boulevard Saint-Germain. 


Saint-Denis, - — Imprimerie de Cu. Lawserr, 47, rue de Paris. 


LES MICROBES 
LES FERMENTS ET LES MOISSISURES 


Par le D: E.-L. TROUESSART 


1 vol. in-8 de la Bibliothèque scientifique internationale, avec 107 figures dans le texte, car- 
tonné à l'anglaïse..: .". RER SSP REINE RE CRE NE R fr: 


Les admirables expériences que vient de faire M. Pasteur, appellent en ce moment l'attention 
universelle sur la théorie des microbes, qui a donné de si merveilleux résultats. Le livre de 
M. Trouessart paraît juste à point pour initier le grand publie à l’ensemble de cette question, 
dont l'importance va en croissant tous les jours. De nombreuses figures représentent les por- 
traits de ces organismes microscopiques, qui contiennent certainement plus de races que les ani- 
maux supérieurs. L 

PRINCIPALES DIVISIONS DE L'OUVRAGE. 


Préface. — Introduction : microbes et protistes. — I. Les champignons parasites et les moi- 
sissures. — II. Les ferments et les fermentations industrielles. — 11]. Les microbes proprement 
dits ou bactéries. — IV. Les microbes des maladies des animaux domestiques. — V. Les microbes 
des maladies de l’homme. — VI. La défense contre les microbes. — VII. Recherche et culture des 
microbes dans les laboratoires. — VIIT. Polymorphisme des microbes. — Conclusion : la théorie 
microbienne comparée aux autres théories proposées pour expliquer l’origine des maladies con- 
tagieuses. 


ÉLÉMENTS DE 


PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 


Par W. WUNDT 
Professeur à l’Université de Leipzig 


TRADUIT DE L'ALLEMAND AVEC L’'AUTORISATION DE L'AUTEUR 
Par le D' Élie Rouvier 
ET PRÉCÉDÉEÉ D'UNE INTRODUCTION 
Par M. D. NOLEN, recteur de l’Académie de Douai. 


2 forts vol. in-8 de la Bibliothèque de philosophie contemporaine, avec 180 figures dans 
léftexte SLT es RG NON Bu AR AO EME RER 20%r? 


ARCHIVES ITALIENNES DE BIOLOGIE 


REVUES, RÉSUMÉS, REPRODUCTIONS DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES ITALIENS 
RÉDIGÉES EN FRANÇAIS 
SOUS LA DIRECTION DE : 


C. ÉMERY A. MOSSO 
Professeur de zoologie à l’Université de Bologne. Professeur de physiologie à l’Université de Turin. 


Les Archives italiennes de biologie paraîtront dorénavant par fascicules sans périodicité fixe. 
— Trois fascicules forment un volume de 30 à 35 feuilles grand in-8; deux planches hors 
texte seront comptées pour une feuille. 


[Prix de souscription par volume : 20 fr. 
Le fascicule 1er du tome VII est en distribution. 


En vente séparément: Tomes I et II (année 1882)............ 30 fr. 
— Tomes III et IV (année 1883)...:...... 40 fr. 
_ Tomes V et VI (année 1884).......... 40 fr. 


SOMMAIRE DU DERNIER FASCICULE PARU 
(Tome VII, fasc. 1er, — Janvier 1886) 


Corrado Tommasi-Crudeli : Études sur l'assainissement de la campagne de Rome. — 
C. Golgi : Sur l’anatomie microscopique des organes centraux du système nerveux. — 
A. Mosso : La respiration périodique et la respiration superflue (avec 7 planches hors 
texte). — C. Sighicelli : Contribution à l’étude de l’action physiologique de Ta Cocaïne. — 
G-. Pisenti : Sur l’action physiologique de la Thalline, — Revues : Mycose kystique asper- 
gillaire chez un poulet. Inoculation d'actinomyces accidentellement survenue à un cheval, 
par E. Perroncito. 


La Librairie Féuix ALCAN se charge de fournir franco, à domicile, à Paris, en 


province et à l'étranger, tous les livres publiés par les différents éditeurs de Paris, 
aux prix de catalogue. 


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JOURNAL 


L'ANATOMIE 


ET DE 


LA PHYSIOLOGIE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES 
DE L'HÔMME ET DES ANIMAUX 
CHARLES RoBin 
DIRIGÉ PAR 


Gronces POUCHET 


Professeur au Muséum d'histoire naturelle 


VINGT-DEUXIÈME ANNÉE 


N° 2. — Mars-Avril 


PARIS 
ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cv 
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR 


108, BOULEVARD SAINT- -GERMAIN, 108. 


1886 , 


Paru le 28 Février. 


LIBRAIRIE FÉLIX ALCAN 


VIENNENT DE PARAITRE : 


ANNUAIRE DE THÉRAPEUTIQUE 


DE MATIÈRE MÉDICALE 
DE PHARMACIE ET D'HYGIÈNE 


Pour 1886G 
Suivi de notices sur le traitement hygiénique de la maladie 24 Bright, 
les difficultés de l'hygiène, etc. 
Par A. BOUCHAERDAT 
Professeur honoraire à la Faculté de médecine de Paris, membre de l’Académie de médecine. 
46° ANNÉE; Un volume M-185244, SRE Ne, AUS, SATA RE 


DICTIONNAIRE ANNUEL DES PROGRÈS 


DES SCIENCES ET INSTITUTIONS MÉDICALES 


SUITE ET COMPLÉMENT DE TOUS LES DICTIONNAIRES 
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21e aANXÉE, 1885. Un volume in-12.. . : . PR RE 


La première année, 1864, se vend 5 fr.; les 2°, 3e, ïe, 5e et Ge année, sans 6 fr.; la T° ct 
les suivantes, chacune 7 fr. 


CONGRES FRANCAIS DE CHIRURGIE 


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Président : M. le professeur U. WRÉLAT 


PROCÈS-VERBAUX, MÉMOIRES ET DISCUSSIONS 
Publiés sous la direction de M. le Dr S. POZZI, secrétaire général. 
Un fort volume grand in-8°, avec figures dans le texte. . . . . . . . 14fr. 


LA PSYCHOLOGIE DU RAISONNEMENT 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES PAR L'HYPNOTISME 


Far Alfred BIENET. 
Un volume in-18 de la Bibliothèque de philosophie contemporaine. . . . . 2fr. 50 


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PRÉCÉDÉ 
DE NOTIONS DE PHARMACIE VÉTÉRINAIRE, DE GÉNÉRALITÉS SUR L'ART DE FORMULER 
| ET | 
DE LA TECHNIQUUE DES INJECTIONS HYPODERMIQUES 
DES INOCULATIONS ET VACCINATIONS, ETC. 
PAR 


A. BOUCHARDAT €. VIGNKARDQOU 
Professeur honoraire à la Faculté de médecine Chef des travaux de chimie et de pharmacie 
aris, à l'École vétérinaire d’Alfort. 


Membre de l’Académie de médecine. 


3e édition conforme au nouveau Codex, revue et augmentée. 
Un volume in-18, broché : 3 fr. 50; cartonné à l’angiaise : 4 fr.; relié : 4 fr. 50 


La Librairie FÉuIx ALCAN se charge de fournir franco, à domicile, à Paris, en 
province et à l'étranger, tous les livres publiés par les différents éditeurs de Paris, 
aux prix de catalogue, 


4 


TABLE DES MATIÈRES 


A. D'ARSONVAL. — Recherches de calorimétrie (avec 26 figures 


ue le ME RD Rent eue ee esse ee oi AN ON , .b TES 
Eu. BOURQUELOT.— Recherches sur les propriétés a AU: | 

du maltose. 7. sas + shéisnere Mat certe RP NN IENT | 162 
Ca. REMY. — Nerfs éjaculateurs (avec 2 figures dans le texte}.,..,, 205 
ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. spé 

quesse. Recherches sur le développement embryonnaire des voies 


aériéDnes. :. 0:60 MR ARRET le ne + SNA Lee AIS Ps de CES 


Le journal a reçu et publiera dans ses prochaines livraisons : 


V, DESPLATS. — Nouvelle méthode directe pour l'étude de la chaleur animale. 
S.-Pozzi. —-De-l'hypospadias normal dé la femme. 


CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION 


CRE L'URL a, 6fr. » 
Du:an, pour. Para ce ARR NO des uus« 20 30 » 
— pour les départéments et l’étranger........... 33 » 


Les abonnements partent du 1° Janvier 


| Les treize premières années, 1864, 1865, 1866, 1867, 1868, 1869, 1870-71, 1879, 


1873, 1874, 1875, 1876 et 1877 sont en vente au prix de 20 fr. l’année, et de 3 fr. 50 


Ja livraison. Les-années 1878, 1879, 1880, 1881, 1882, 1883, 1884 et 1885, se vendent 
30 fr., et.6 fr. la livraison. 


AE RS nm AE Dee 


CE JOURNAL PARAIT TOUS LES DEUX ‘MOIS, ET CONTIENT : 


1° Des travaux originaux sur les divers sujets que comporte son titre; 
20 L'analyse et l'appréciation des travaux présentés aux Sociétés safäntes françaises et étran- 
gères;. 


30 Une revue des publications qui se font à l'étranger sur la plupart des sujets qu’embrasse 
le titre de ce recueil. 


» 


IL À ÆN OUTRE POUR QBÇET ; 


La tératologie, la chimie organique, l'hygiène, la toxicologie et la médecine légale dans leurs 
rapports avec l’anatomie et la physiologie; . 
Les applications de l'anatomie et dela physiologie à la pratique de la médecine, de la 
chirurgie et de l'obstétrique. : 
PRE HS 


22 


Les ouvrages à analyser, et tout ce qui concerne la rédaction, devront étre adressés franco à 
la librairie FÉLix ALGAN, 108, boulevard Saint-Germain. 


PER — ren Fr. Cr. RS 47, rue de Paris. - 


| VIENNENT DE PARAITRE : 
THÈSES D'AGRÉGATION (Médecine) 


concours DE 1886 


LE LANGAGE INTÉRIEUR 


ET LES DIFFÉRENTES FORMES DE L'APHASIE 


Par le Er GILBERT BALLET 
Professeur agrégé à la Facalté de médecine de Paris. 


Un volume in-18 jésus. . . PR RARE Vraie E 66 | 
Cet ouvrage est classé bus la Bibliothèque 2 Dilasehhes contemporaine. 


DE L'ANTISEPSIE MÉDICALE 


Par le D' G. LEMOINE 
Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Lille, 


Un volume grand-8o de 180 pages. . . . . . ; fée V2 RE 


PATHOGÉNIE DES ATROPHIES MUSCULAIRE 


Par le Eb' PARISOT 


Professeur agrégé à la Faculté de métecine de Nancy. 
Ua volume grand in-8° de 120 pages. . . . EU EE y cp CRE 


DES FRACTURES SPONTANÉES 


Par le Dr EP SIMON 


Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Nancy. 
Un volume graud in-8° de 226/pages .. , … .  . . 4 « » NEA LE TER 


DES AFFECTIONS RUMATISMALES 


Par le Dr CEUFFARD 
Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Lille. 


Un volume grand in-8° de 220 pages. . . . . 5 cie Re 4 fr. 


ARCHIVES ITA LIENNES DE BIOLOGIE 


REVUES, RÉSUMÉS, REPRODUCTIONS DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES ITALIENS 
RÉDIGÉES EN FRANCAIS 
SOUS LA DIRECTION DE : 
C. ÉMERY A. MOSSO 
Professeur de zoologie à l’Université de Bologne. Professeur de physiologie à l’Université de Turin. 


Les Archives ilalienneæde biologie paraïtront dorénavant par fascicules sans périodicité fixe. 
— Trois fascicules formeront un volume de 30 à 35 feuilles grand in-8 ; deux planches hors 
texte seront comptlées pour une feuille. 

Prix de souscription par volume : 20 fr. 
Le fascicule 1er du tome VII est en distribution. 
En vente séparément: Tomes I et II (année 1882)......,..... 30 fr. 
Tomes-III e1 IV (année 1883) :40 fr. — Tomes V et VI (année 1884) : 40 fr. 


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LES BACTÉRIES 


LEUR ROLE DANS L'ANATOME- ET L'HISTOLOGIE PATHOLOGIQUES 
DES MALADIES INFECTIEUSES 
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- PAR 
V. CORNIL 
Professeur d’anatomie pathologique 
à la Faculté de médecine de Paris. 


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Un fort volume in-8° avec 350 figures en noir et en couleur dans le texte, et 4 planches 
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Professeur à l'Université 
de Pudapesth. 


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ANATOMIE 


ET DE 


LA PHYSIOLOGIE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES , 


DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 


FONDÉ PAR 
CHARLES RoBin 


DIRIGÉ PAR 


GEORGES POUCHET 


Professeur au Muséum d'histoire naturelle 


VINGT-DEUXIÈME ANNÉE 


No 3. — Mai-Juin 


PARIS 


ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cr 
; FÉLIX ALCAN, EDITEUR 


108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 


1886 


Paru le 5 Juillet. 


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VIENNENT DE PARAITRE : 


LES BACTÉRIES 


LEUR ROLE DANS L'ANATOMIE ET L'HISTOLOGIE PATHOLOGIQUES 
DES MALADIES INFECTIEUSES 
(Ouvrage contenant les méthodes spéciales de la bactériologie) 


PAR : 
V., BABES 
Professeur à l’Université 
de Budapesth. 


CORNIL 
EE d'anatomie pathologique 
à la Faculté de médecine de Paris 


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Un fort volume in-8° avec 350 figures en noir et en couleur dans le texte, et 4 planches 
en chromo-lithographie hors texte. . . 80 fr. 


CLIMATOTHERAPIE 


Par le D' HERMANN WEBER 
TRADUIT DE L'ALLEMAND PAR LES DOCTEURS 


SPILLMANN DOYON 
Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Nancy Médecin inspecteur des eaux d'Uriage. 
Un volume in-8°, avec une Préface de l’auteur pour l'édition française. . . . . Gfr. 


CONGRES FRANCAIS DE CHIRURGIE 


re sEssION 1885 
Président : M. le professeur U. TRÉLAT 


PROCÈS-VERBAUX, MÉMOIRES ET DISCUSSIONS 
Publiés sous la direction de M. le Dr S. POZZI, secrétaire général. 
Un fort volume grand in-8°, avec figures dans le texte. . . . RS v 7 


DES COLIQUES HÉPATIQUES 


ET DE LEUR TRAITEMENT PAR LES EAUX DE VICHY 
Par le D' WILELEMIN 
Médecin-Inspecteur adjoint des eaux de Vichy, membre correspondant de l’Académie de médecine. 
QUATRIÈME ÉDITION 


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Par le Docteur S.-E, MAURIN 
DEUXIÈME ÉDITION. 
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LA CRIMINALITE COMPARÉE 


Par G. TARDE | 
Un volume in-18 de la Bibliothèque de philosophie contemporaine. . . . . ?fr. 50 


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province et à l'étranger, tous les livres publiés par les différents éditeurs de Paris, 
aux prix de catalogue. 


# 


+ 


TABLE DES MATIÈRES 


M.-V. DESPLATS. — Nouvelle méthode directe pour l'étude de la 
chaleur animale (avec fig. dans le texte)........................ 
RIETSCH. — Contribution à l'étiologie de la fièvre typhoïde à propos 
de l’épidémie du Pas des-Lanciers (avec fig. dans le texte)....... 
H. BEAUREGARD. — Recherches sur les insectes vésicants (suite). 
BIRD RP ENS R R LE NU Re 
C. DEBIERRE. — Contribution à l'étude de l'ossification et de l’ho- 
motypie des pièces du carpe et du tarse chez l’homme. Plan- 
CR OC ER PR ie... 0e. D. Lin 


Le journal a reçu et publiera dans ses prochaines livraisons : 


S. Pozzi. — De l'hypospadias normal de la femme. 
A. PILLIET. — Structure des glandes œsophagiennes chez l'octopus vulgaire. 


CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION 


RU nn ce Re UT TS TR RE NTI RENE EN 6 fr. » 
Li ONE TOUR PAUSE TR ARE Au Me ont à on ess 30 » 
— pour les départements et l’étranger........... 33 » 


Les abonnements partent du 1° Janvier 


Les treize premières années, 1864, 1865, 1866, 1867, 1863, 1869, 1870-71, 18792, 
1873, 1874, 1875, 1876 et 1877 sont en vente au prix de 20 fr. l’année, et de 3 fr. 50 
la livraison. Les années 1878, 1879, 1880, 1881, 1832, 1883, 1584 et 1835, se vendent 


30 fr., et 6 fr. la livraison. 


CE JOURNAL PARAIT TOUS LES DEUX MOIS, ET CONTIENT : 


1° Des travaux originaux sur les divers sujets que comporte son titre; 


| 


gères; 


20 L'analyse et l’ nes des travaux présentés aux Sociétés savantes françaises et étran- 


30 Une revue des publications qui se font à l'étranger sur la plupart des sujets qu’embrasse 


le titre de ce recueil. 


IL À EN OUTRE POUR OBJET : 


La tératologie, la chimie organique, l'hygiène, la toxicolugie et la médecine légale dans leurs 


rapports avec l’anatomie et la physiologie ; 


Les applications de l'anatomie et de la physiologie à la pratique de la médecine, 
chirurgie et de l'obstétrique. 


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Les ouvrages à analyser, et tout ce qui concerne la rédaction, devront être adressés franco à 


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Saint-Denis. — Imprimerie de Cu. Lausert 47, rue de Paris. 


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Par À. BOUCHARDAT 


Professeur d'hygiène à la Faculté de médecine de Paris, membre de l'Académie de médecine, 
président d'honneur de la Société de médecine publique et d’hygiène professionnelle 


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Un volume in-18, 3 fr. 50. Cartonné à l’anglaise, 4 fr. Relié, 4 fr. 50 


RECHERCHES SUR LE CHOLERA 


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XV. NICATI et M. RIEZSCH 


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TRAITEMENT CHIRURGICAL DE LA PÉRITONITE 


Par le Dr H. TRUC 


Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier. Ancien interne des hôpitaux, 
Ancien prosecteur à la Faculté de médecine de Lyon. 


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ÉTUDE PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE 


Par A. MOSSO 
Professeur à l’Université de Turin 


TRADUIT SUR LA TROISIÈME ÉTITION ITALIENNE 


Par Félix HÉMENT 
Membre du Conseil supérieur de l’Instruction publique 


Un volume in-18 de la Bibliothèque de philosophie contemporaine, avec figures dans le 
texte. RNA T ed ù dat ei cv Te NO DU TRES RIRES 


L'ENFANT DE TROIS A SEPT ANS 


Par Bernard PEREZ 


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Les trols premières années de l’enfant, 3° édition, précédée d'une in- 
troduction de M. James SULLY, 1 vol in-8 de la Bibliothèque de philosophie contem- 
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L'ANATOMIE 


ET DE 


LA PHYSIOLOGIE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES 


| 

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DE L'HOMME ET DES ANIMAUX | 
FONDÉ PAR | 

CHARLES RoBin 


DIRIGÉ PAR 


GEorRGEs POUCHET 


Professeur au Muséum d'histoire naturelle 


à VINGT-DEUXIÈME + 


No Æ. — Juillet-Aoùût 


PARIS 


ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Ce 
FÉLIX ALCAN, EDITEUR 


108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 


1886 


—— ——— ——— 


Paru le 31 Août. 
AVIS POUR LA BROCHURE 
. La biographie du professeur Robin, dont le commencement est contenu dans le présent 
numéro, doit être mise en téte du tome XXII (année 1886), la planche sur acier, portrait 
de M. Robin, placée en frontispice. 


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LEÇONS DE CLINIQUE CHIRURGICALE 


PROFESSÉES A L'HOPITAL SAINT-LOUIS (1879-1880) 
Par le Dr PÉAN 


Suivies : 4° Des observations recueillies dans le service de l’auteur, du 4er janvier 1879 au 4er janvier 1881. 
2 De la statistique des opérations de gastronomie pratiquées par cas, du 4er juillet 1881 au 
1er janvier 1885. 
3° De la 3e partie du Catalogue de la collection des pièces anatomo-pathologiques de M. Péan, à 
l'hôpital Saint-Louis. 
Un fort volume grand in-8°, avec 40 figures dans le texte et 7 planches coloriées hors texte 
(tome IV). SR The L'efe Le 0 AC ER 


DU MÈME AUTEUR : 


LEÇONS DE CLINIQUE CHIRURGICALE PROFESSÉES A L'HOPITAL SAINT-LOUIS 


TOME 4er. — Leçons professées pendant l’année 1874 et le 4er semestre de 1875. 4 fort Le gr. in- va avec 
40 fig. dans le texte et 4 pl. coloriées hors texte. 20 fr. 


TOME II. — Leçons professées PR le 2e semestre de 1875 et nos 1 fort vél! ge in- 8, avec figures 
f 


dans le texte. . . sai se 02047, 
TOME III. — Leçons pa: pendant les années 7e el 1878. 1 fort a grand in- Be, avec ru dans 
le texte.. . : , PS VON. 


LA BIOLOGIE D ARISTOTÉLIQUE 


Par G. POUCHET 
Professeur d'anatomie comparée au Muséum d'histoire naturelle. 


l'volunie grand in-8°. Sms 2 SR US n° 4, PSN RP 


CLIMATOTHÉRAPIE 


Par le D' HERMANN WEBER 
TRADUIT DE L'ALLEMAND PAR LES DOCTEURS 
SPILLMANN DOYON 


Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Nancy Médecin inspecteur des eaux d’Uriage. 
Un volume in-8, avec une Préface de l’auteur pour l'édition française. . . . . Gfr. 


NOUVEAU FORMULAIRE MAGISTRAL 


Par À. BOUCHARDAT 


Professeur d’hy giène à la Faculté de médecine de Paris, membre de l’Académie de médecine, 
président d’honneur de la Société de médecine publique et d'hygiène professionnelle 


VINGT-SIXIÈME ÉDITION 
COLLATIONNÉE AVEC LE NOUVEAU CODEX 
REVUE ET AUGMENTÉE DE FORMULES NOUVELLES 


Un volume in-18, 3 fr. 50. Cartonné à l’anglaise, 4 fr. Relié, 4 fr. 50 


TE RE, PE ES EE PS RE RE 

La Librairie Féux ALCAN se charge de fournir franco, à domicile, à Paris, en 
province et à l'étranger, tous les livres publiés par les différents éditeurs de Paris, 
aux prix de catalogue. 


TABLE DES MATIÈRES 


G. POUCHET.— CnanLes Rogix, sa vie et son œuvre, avec un portrait 
gravé sur acier par À. Martinet. 

R. WARLOMONT. — Etude de quelques points de la structure des 
Ole RERO Re LU oeil 

A. PRENANT. — Sur la morphologie des épithéliums (planche XII). 351 

A. PILLIET. — Structure des glandes œsophagiennes chez l’Octopus 
DC DAR CHORREN ES ERP Ne ss. IT Te 'e  T 

A. PILLIET er R. BOULART. — Sur l'estomac de l'Hippopotame, du 

. Kanguroo de Bennett et du Paresseux Aï, avec figures dans le texte 
anche AVIS ire LASER PRES DR Le 4 ae DNA 2 CSA MARS . 402 

ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. — Les 
anomalies musculaires chez l'Homme expliquées par l'anatomie. 
Leur importance en anthropolozie, par L. Testut................ 494% 


Le journal a reçu et publiera dans ses prochaines livraisons : 


F. PLATEAU. — Recherches sur la perception de la lumière par les Myriopodes aveugles. 
A. D'ARSONVAL. — Recherches de calorimétrie (suite). 
S. Pozzi, — De l'hypospadias normal de la femme. 


CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION 


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— pour les départements et j'étranger........... 33 » 


Les abonnements partent du 1° Janvier 


Les treize premières années, 1864, 1865, 1866, 1367, 1868, 1869, 1870-71, 1872, 
1873, 1874, 1875, 1876 et 1877 sont en vente au prix de 20 fr. l’année, et de 3 fr. 50 
la livraison. Les années 1878, 1879, 1880, 1881, 1882, 1883, 188% et 1835, se vendent 


30 fr., et 6 fr. la livraison. 


CE JOURNAL PARAIT TOUS LES DEUX MOIS, ET CONTIENT : 


1° Des travaux originaux sur les divers sujets que comporte son titre; 

2° L'analyse et l'appréciation des travaux présentés aux Sociétés savantes françaises et étran- 
gères; 

30 Une revue des publications qui se font à l'étranger sur la plupart des sujets qu’embrasse 
le titre de ce recueil. 

IL À EN OUTRE POUR OBJET : 

La tératologie, la chimie organique, l'hygiène, la toxicolugie et la médecine légale dans leurs 

rapports avec l'anatomie et la physiologie ; 


Les applications de l'anatomie et de la physiologie à la pratique de la médecine, de la 
chirurgie et de l'obstétrique. | 


Les ouvrages à analyser, et tout ce qui concerne la rédaction, devront être adressés franco à 
la librairie FÉLix ALCAN, 108, boulevard Saint-Germain. 


Saint-Denis. — [Imprimerie de Cu. LauBert 17, rue de Paris. 


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AUTRES PUBLICATIONS PÉRIODIQUES : 


REVUE DE MÉDECINE 


Paraissant tous les mois. , 
DIRECTEURS : MM. 


BOUCHARD CHAUVEAU 
Professeur à la Faculté de médecine de Paris, Professeur à la Faculté de médecine de Lyon, 
Médecin de l'hôpital Lariboisière. Directeur de l'Ecole vétérinaire. 
CHARCOT VULPIAN 
Professeur à la Faculté de médecine de Paris, Professeur à la Faculté de médecine de Paris, 
Médecin de la Salpètrière. Médecin de l’Hôtel-Dieu. 


RÉDACTEURS EN CHEF : MM. ; 
LEPINE 


Professeur de clinique médicale 
à la Faculté de médecine de Lyon. 


LANDOUZY 


Professeur agrégé à la Faculté de médecioe de Paris, 
Médecin de l’hôpital Tenon. 


REVUE DE CHIRURGIE 


Paraissant tous les mois. 
DIRECTEURS : MM 


VERNEUIL 
Professeur de clinique chirurgicale Professeur de cliniqne chirurgicale 
à la Faculté de médecine de Lyon. à la Faculté de médecine de Paris. 
RÉDACTEURS EN CHEF : MM. 
F. TERRIER 


Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, 
Chirurgien de l'hôpital Bichat. 


OLLIER 


NICAISE 


Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, 
Chirurgien de l’hôpital Laennec. 


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POUR CHAQUE REVUE SÉPARÉE POUR LES DEUX REVUES RÉUNIES 
Un an, Paris es Ve h TRE 0 . “20 fr. l'Uñ:ah, Paris SC Re . 35 fr. 
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et de la Revue de chirurgie se vend séparément 20 fr. — Chaque livraison, 2 fr. 


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Chargé du cours à la Faculté des lettres de Paris. 


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C. EÉMERI ET A. MOSSO 


Professeur à l’Université de Bologne. Professeur à l'Université de Turin. 


Paraissent par fascicules sans périodicité fixes. 3 fascicules forment un volume de 30 à 
39 feuilles gr. in-8; 2 planches hors texte sont comptées pour une feuille. 


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LANATOMIE 
LA PHYSIOLOGIE 


DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 


FONDÉ PAR 


CHARLES RoBin 


DIRIGÉ PAR 


GEorGEes POUCHET 


Professeur au Muséum d’histoire naturelle 


« VINGT-DEUXIÈME ANNÉE 


No 5. — Septembre-Octobre 


PARIS 


ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Gr 
FÉLIX ALCAN, EDITEUR 


108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 


— 


1886 


Paru le 10 Novembre. 


LIBRAIRIE FÉLIX ALCAN 


VIENNENT DE PARAITRE : k: 


LES MAMMIFÉRES 


DANS LEURS RAPPORTS AVEC LEURS ANCÊTRES GÉOLOGIQUES : 
Par ©. SCHMIDT : 1 


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ÉDITION FRANÇAISE TRÈS AUGMENTÉE PAR L'AUTEUR. 


Un volumo in-8° de la Bibliothèque scientifique internationale, avec 51 figures dans le texte, EC 
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> 


44- 


PA 


PATHOLOGIE CHIRURGICALE GÉNÉRALE | 


Par F. TERRIER 
Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, chirurgien des Hôpitaux. 


LA T7 


2° FASCICULE : Complications des lésions trammatiques. — Lésions inflammatoires. 
L'vVOme RD", AS Le nee OU NET NN ARE EEE) 


Le 1er Fascicule paru en 1885. T VOL D", 72 ie NE CE 


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BERTHELOT. Sur la préparation du gaz ammoniac. — DEMARÇAY. Sur la sensibilité de 
quelques réactions spectroscopiques. — DUJARDIN-BEAUMETZ. La formule atomique des « 
. corps et leurs effets thérapeutiques. — A. GAUTIER. Du mécanisme de la variation des 
êtres vivants. — En. GRIMAUX. Deux lettres inédites de Lavoisier. — Cn. RICHET. Des. 
mouvements inconscients. — G. POUCHET. Des produits en anatomie générale. 


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Professeur de pathologie chirurgicale à l’Université Professeur de chirurgie à l’Université : 100 


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TABLE DES MATIÈRES 


F. PLATEAU. — Recherches sur la perception de la lumière par 
les Myriopodes aveugles (avec 6 figures dans le texte)............ 431 
E. WERTHEIMER. — Recherches ‘expérimentales sur les centres 
respiratoires de la moelle épinière (avec 24 figures dans le texte).. 458 
ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, — Quelques 
remarques sur le Cysticercus cellulosæ dans le cerveau de l DURE du 
PAU SOOIONTE ARMOR NUE ARMAND RE AUS AH 508 
G. POUCHET.— CnarLes RoBin, sa vieet son œuvre (suite). 


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Le journal a reçu et publiera dans ses prochaines livraisons : 


A. D'ARSONVAL. — Recherches de calorimétrie (suite). 

Mon1Eez. — Note sur une nouvelle forme de Sarcodine. 

BEAUREGARD. — Recherches sur les Insectes vésicants (suite). 
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Les treize premières années, 1864, 1865, 1866, 1867, 1868, 1869, 1870-71, 1879, 
1373, 1874, 1875, 1876 et 1877 sont en vente au prix de 20 fr. l’année, et de 3 fr. 50 
la livraison. Les années 1878, 1879, 1880, 1881, 1882, 1833, 1884 et 1885, se vendent 
30 fr., et 6 fr. la livraison. 


CE JOURNAL PARAIT TOUS LES DEUX MOIS, ET CONTIENT : 


1° Des travaux originaux sur les divers sujets que comporte son titre; 


20 L'analyse et l'appréciation des travaux présentés aux Sociètés savantes françaises et étran- 
gères; 


39 Une revue des publications qui se font à | l'étranger sur la plupart des sujets qu’embrasse 
le titre de ce recueil. 


IL À EN OUTRE POUR OBJET : 


La tératologie, la chimie organique, l'hygiène, la toxicologie et la médecine légale dans leurs 
rapports avec l'anatomie et la physiologie; 


Les applications de l'anatomie et de la physiologie à la pratique de la médecine, de la 
chirurgie et de l’obstétrique. 


Les ouvrages à analyser, et tout ce qui concerne la rédaction, devront ére adressés franco à 
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morale. 3e édition revue et augmentée. 2 forts vol. in-8. 20 fr. 
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ARCHIVES ITALIENNES DE BIOLOGIE 


REVUES, RÉSUMÉS, REPRODUCTIONS DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES ITALIENS 
| RÉDIGÉES EN FRANÇAIS 


SOUS LA DIRECTION DE : 
C. ÉMERY A. MOSSO 


Professeur de zoologie à l’Université de Bologne. Professeur de physiologie à l’Université de Turin. 


Les Archives italiennes de biologie paraissent maintenant par fascicules sans périodicité fixe. 
— Trois fascicules forment un volume de 30 à 35 feuilles grand in-8; deux planches hors 
texte sont comptées pour une feuille. 


Prix de souscription par volume : 20 fr. 


Le fascicule 2? du tome VII est en distribution. | 
En vente séparément : Tomes I et II (année 1882)........... A Er 
Tomes IT et IV (année 1883) : 40 fr. — Tomes V et VI (année 1884) : 40 fr. 


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LA PHYSIOLOGIE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES 


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FONDÉ PAR 


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DIRIGÉ PAR 


GEonrnGces POUCHET 


Professeur au Muséum d'histoire naturelle 


VINGT-DEUXIÈME ANNÉE 


No GG. — Novembre-Décembre 


PARIS 


ANCIENNE LIBRAIRIE GÉRMER BAILLIÈRE ET Ce 
FÉLIX ALCAN, EDITEUR 


108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 


1886 


Paru le 25 Janvier. 


RENOUVELLEMENT D'ABONNEMENT DU 1°" JANVIER 1887 


Ceite livraison étant la dernière de l’année 1886, nous prions nos abonnés de vouloir 
bien nous adresser leur renouvellement avant le 1e" février prochain. Sauf avis 
contraire de leur part, nous leur ferons présenter après cette date des quittances 
à domicile : à Paris, par nos porteurs ; en province et à l'étranger, par l’intermé- 
diaire de la poste. Les abonnés de l'étranger pour lesquels nous ne pouvons faire 
les recouvrements par la poste voudront bien nous envoyer dans le même délai le 
montant de leur abonnement en une valeur sur Paris ou par l’intermédiaire d'un 
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Par WW. PREYER 
Professeur de physiologie à l’Univerité d’Iéna. 


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Par le D' WIET 
Ex-préparateur de physiologie à la Faculté de médecine de Paris. 


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OBSERVATIONS SUR LE DÉVELOPPEMENT PSYCHIQUE DES PREMIÈRES ANNÉES 


Par WW. PREYER 
Professeur à l’Université d'Iéna 


TRADUIT D'APRÈS LA 2€ ÉDITION ALLEMANDE 
Par H. de VARIGNY. 
Un volume in-8 de la Bibliothèque de philosophie contemporaine. . . . . . 10 fr. 


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Éléments de physiologie générale, traduits de l’allemand par M. Jules Soury. 1884. 


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TABLE DES MATIÈRES 


À. MONIEZ. — Note sur une nouvelle forme de Sarcodine, le Schi- 


onenesparosteus (pli AV: aa DAC sa ut . 015 
H. BEAUREGARD. — Recherches sur les insectes vésicants (suite) 
(DRANIEE RES. er 2e Se PS Re PRE de à 


G. POUCHET. — Cuarzes RoBin, sa vie et son œuvre (suite et fin). 


Le journal a reçu et publiera dans ses prochaines livraisons : 


A. D'ARSONVAL. — Recherches de calorimétrie (suite). 

Poucuer. — Quatrième contribution à l'histoire des Péridiniens marins. 
BARRoOIS. — Sur une nouvelle forme parasite des Firoles. 

RouLe. — Recherches histologiques sur les Mollusques lamellibranches. 
VUILLEMIN. — L'appareil reluisant du Schistostega osmundacea. 


CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION 


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Les abonnements partent du 1° Janvier 


Les treize premières années, 1864, 1865, 1866, 1867, 1868, 1869, 1870-71, 1872, 
1873, 1874, 1875, 1876 et 1877 sont en vente au prix de 20 fr. l’année, et de a fr. 50 
la livraison. Les années 1878, 1879, 1880, 1881, 1832, 1883, 1884, 1885 et 1386, se 
vendent 30 fr., et G fr. la livraison. 


CE JOURNAL PARAIT TOUS LES DEUX MOIS, ET CONTIENT : 


1° Des travaux originaux sur les divers sujets que comporte son titre; 

20 L'analyse et l'appréciation des travaux présentés aux Sociétés savantes françaises et étran- 
geres ; +. | : 

30 Une revue des publications qui se font à l'étranger sur la plupart des sujets qu embrasse 
le titre de ce recueil. | 

IL A EN OUTRE POUR OBJET : 

La tératologie, la chimie organique, l'hygiène, la toxicologie et la médecine légale dans leurs 
rapports avec l’anatomie et la physiologie; 

Les applications de l'anatomie et de la physiologie à la pratique de la médecine, de la 
chirurgie et de l’obstétrique. 


Les ouvrages à analyser, et tout ce qui concerne la rédaction, devront être adressés franco à 
la librairie FÉLIx ALCAx, 108, boulevard Saint-Germain. 


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REVUES, RÉSUMÉS, REPRODUCTIONS DES TRAVAUX SCIENTIFIQUES ITALIENS 
RÉDIGÉES EN FRANÇAIS 


SOUS LA DIRECTION DE : 
C. EMERY A. MOSSO 


Professeur de zoologie à l'Université de Bologne. Professeur de physiologie à l’Université de Turin. 


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— Trois fascicules forment un volume de 30 à 35 feuilles grand in-8; deux planches hors 
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Le fascicule 2? du tume VII est en distribution. 


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Par KF. TERRIER 
Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, chirurgien des Hôpitaux. 


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PAR 
Fe. DELLE OTE A. VON WINIWARTER 
Professeur de pathologie chirurgicale à l’Université Professeur de chirurgie à l’Université 
de Vienne. de Liège. 


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Par le D' O. DELBASTAILLE 
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DELORME. — Traité de chirurgie de guerre. 1 fort volume in-8&, avec nombreuses 
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Cu. FÉRÉ. — Sensation et mouvement. Étude de psycho-mécanique. 1 vol. in-8° de 
la Bibliothèque de philosophie contemporaine, avec figures dans le texte. . . . 2 fr. 50 

ONIMUS. — Traité d'électricité médicale. 1 vol. in-8° avec figures. 2° édition, revue 
et augmentée. 

RILLIET Er BARTHEZ. — Traité critique et pratique des maladies des enfants. 


4e édition refondue et augmentée, par BanTHez et SanNÉ, tome IL (le tome Ier, paru en 1881. 
1 vol. in-8°, 16 fr.). | 


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province et à l'étranger, tous les livres publiés par les différents éditeurs de Paris, 
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