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Full text of "Journal de l'anatomie et de la physiologie normales et pathologiques de l'homme et des animaux"

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JOURNAL 
L'ANATOMIE 
LA PHYSIOLOGIE 


NORMALES ET PATHOLOGIQUES 


DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 


Paris. — Imprimerie de E, MARTINET, rue Mignon, 2. 


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N 


JOURNAL 


DE 


L'ANATOMIE 


ET DE 


LA PHYSIOLOGIE 


DE L'HOMME ET DES ANIMAUX 


PUBLIÉ PAR 


NME. CHARLES ROBIN 


MEMBRE DE L'INSTITUT, 
Professeur d'histologie à la Faculté de médecine de Paris, 
Membre de l'Académie impériale de médecine. 


QUATRIÈME ANNÉE 


1867 


PARIS 


GERMER BAILLIÈRE, LIBRAIRE-ÉDITEUR 
RUE DE L’'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, 17 
Londres New-York 
Hipp. Baillière, 349, Regent street | Ballière Brothers, 410, Broadway 


MADRID, C, BAILLY-BAILLIÈRE, PLAZA DEL PRINCIPE ALFONSO, 10 


J04867 


MÉMOIRE 


SUR 


L'ANATOMIE DES LYMPHATIQUES 
DES TORPILLES 


COMPARÉE A CELLE DES AUTRES PLAGIOSTOMES 


Par M. le D' Charles ROBIN 


Membre de l'Institut, professeur à la Faculté de médecine de Paris, etc, 


PLANCHES 1, II ET II. 


Bien que la distribution des lymphatiques soit chez les poissons 
d’une grande simplicité, comparativement à ce qu’elle est chez 
les autres vertébrés, elle laisse cependant à élucider quelques 
points importants (1). Elle a été étudiée par plusieurs anatomistes 
éminents, mais le peu de netteté de leurs descriptions, dans les 
ouvrages dogmatiques d'anatomie comparative, montre que plus 
d’une question fondamentale manque de solution. 


8 1°r. — Des organes pourvus de lymphatiques chez les 
plagiostoimes. 


Les organes pourvus de lymphatiques sont, chez ces animaux : 
1° le tube digestif depuis la fin de l’œsophage jusqu’à l’anus ; 2° le 
pancréas et son conduit; mais la rate en est dépourvue; 3° les 
conduits hépatiques, les vésicules du fiel et le canal cholédoque ; 
h° les oviductes, les canaux déférents et le cloaque, mais l’ovaire 


(1) «Dans la classe des poissons le système lymphatique n’est encore que très-im- 
parfaitement connu. » (M. Edwards, Leçons sur la physiologie et l'anatomie com- 
parée de l’homme et des animaux. Paris, 1859, in-8, t. IV, p. 471.) M. Edwards 
divise les lymphatiques en profonds ou viscéraux et en superficiels, Les vaisseaux 
qu’il décrit parmi ces derniers avec Monro et autres sont les réseaux veineux cutanés 
et les sinus collecteurs médian, latéraux et sous-péritonéaux. 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. IV (1867). 4 


2 CH. ROBIN. — MÉMOIRE 


et le testicule en manquent ; 5° le péritoine qui passe au-devant 
du rein en est pourvu, et ils cessent sur les côtés externes de cet 
organe, mais la substance propre de celui-ci en est réellement 
dépourvue ; 6° le cœur, la portion intrapéricardique de l'artère 
branchiale, le péricarde, possèdent des lymphatiques qui vien- 
nent se joindre à ceux de la fin de l’œsophage, par des troncs 
qui sé trouvent à la face interne du conduit péricardo-péritonéal. 
La surface des sinus veineux sus-hépatiques, celle de la veine 
cave el de ses dilatations et sinus, celle des branches de la veine 
porte et des artères correspondantes en sont pourvues également. 

Je me suis assuré, par de nombreuses observations et expé- 
riences, que les vaisseaux cutanés et sous-cutanés décrits par 
Monro, Hewson, Hyrtl, ete., comme des lymphatiques, sont 
des veines, les unes à l’état de veines proprement dites, les 
autres à l’état de sinus veineux. En dehors de ces veines, il 
est impossible d’injecter, à l’aide du mercure ou autrement, 
quelque vaisseau que ce soit. La division des lymphatiques des 
poissons en superficiels et en profonds ou viscéraux, encore 
adoptée par quelques auteurs modernes, doit, par conséquent, 
être abandonnée, le premier de ces ordres de vaisseaux n’existant 


pas dans cette classe de vertébrés. 


8 ?. — Du lieu et du mode d’ahouchement des vaisseaux 
lymphatiques. 


Les lymphatiques des différentes régions du corps énumérées 
plus haut viennent, chez les torpilles, se jeter, par un ou plu- 
sieurs orifices, dans deux réservoirs prismatiques triangulaires 
(pl. FE, fig. 4, r), correspondant à chacune dés deux veines caves. 
Ces réservoirs s’abouchent dans la dilatation que les veines caves 
présentent chez tous les plagiostomes, avant leur arrivée dans 
les sinus de Monro (pl. L, fig. 4, f). 

Le point précis de cet abouchement ne peut être fixé d’une 
manière absolue, car il varié un peu, non-seulement suivant les 
espèces, mais aussi Suivant les individus. Chez les Torpilles et les 
Acanthas, c'est dans le tiérs postérieur de la dilatation veineuse 
qu'a lieul’abouchement desréservoirs lymphatiques par un ou deux 


SUR L’ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 8 


orifices de chaque côté ; ces orifices se trouvent un peu en arrière 
de l’origine aortique de l'artère stomacale (pl. I, fig. 1, p, g). 

Chez les raies, c’est dans le tiers antérieur de la dilatation vei- 
neuse qu'a lieu cet abouchement, c’est-à-dire plus haut dans 
l'estomac, du côté du cardia, au niveau même de l'origine aor- 
tique des artères gastro-intestinales. Il a lieu ordinairement, sous 
la dilatation veineuse droite seulement, car les deux réservoirs 
communiquent largement ensemble sur la ligne médiane chez les 
rales. 

Les réservoirs Iÿmphatiques (») sont situés dans l'épaisseur d’un 
repli mésentérique, plus où moins étroit d’une espèce à l’autre, 
de figure triangulaire, occupant l'angle que forme l'estomac avec 
la veine cave, au moment où il s’en écarte pour devenir flottant 
dans la cavité ventrale. 

Chez les torpilles on trouve au bord libre de ce repli mésens 
térique l’artère de l’intestin à valvule spirale ; elle se trouve ainsi 
immédiatement derrière ces réservoirs, mais chez les raies, les 
Scyllium et les Acanthias, elle est bien plus en arrière, sans au- 
cun rapport avec eux. Si ce n’est que, dans les raies, leur abou- 
chement dans la veine cave droite est à peu près au niveau de 
l'origine de cette artère. Chez les Squatina et les Galeus elle est, 
au contraire, plus en avant. De ces différences de rapport il ré- 
sulte des dissemblances assez remarquables d’une espèce à l’autre, 
dans la disposition extérieure des troncs qui arrivent au réservoir; 
mais comme ces différences ne changent en rien la description 
générale des lymphatiques de ce groupe d'animaux, je n’en par- 
lerai pas en détail. 

Ces réservoirs Iymphatiques ont des parois minces, flexibles, di- 
latables, adhérentes au péritoine dans les points où ellesle touchent; 
chez les torpilles, ils sont rapprochés, contigus, aussi quelque- 
{fois leur cloison de séparation est percée d’orifices qui établissent 
eutre eux une communication facile. Cette communication est con- 
stantesur les raies, aussi leur abouchement dans les veines n’a-t-il 
lieu chez elles que dans la veine cave, du côté droit seulement, 
La face interne du réservoir est lisse, brillante, d'aspect séreux. 
Chaque réservoir s’abouche par un ou plus ordinairement par deux 


l CH. ROBIN. — MÉMOIRE 


orifices, dont l’antérieur (g) est presque toujours plus petit que 
l'autre (p). Il n’y a pas de valvule à ces orifices ni au-dessus, mais 
ils sont ovales, allongés, plus étroits en avant qu'en arrière, et cou- 
pés obliquement dans l'épaisseur de la paroi veineuse, comme celui 
de l’uretère dans la muqueuse vésicale. Il en résulte que la partie 
postérieure de l’orifice représente une sorte de repli à bord mince, 
concave, transparent, qui, sous l'influence de la pression d’un 
liquide qui distend la veine cave, s'applique contre la paroi op- 
posée et empêche le reflux dans les réservoirs lymphatiques. 

Chez les espèces de plagiostomes dont les renflements des deux 
veines caves communiquent ensemble (x) par des orifices nombreux 
de la cloison commune qui les sépare (Torpilles, Squatina, Galeus), 
c'est proche de ces orifices, immédiatement au-dessous d'eux, 
c’est-à-dire au bord inférieur de la cloison commune perforée, 
qu’a lieu cet abouchement des réservoirs lymphatiques (p, g.). 

Le réservoir ou les réservoirs Iymphatiques, comme leurs ori- 
fices, varient trop de dimensions, suivant la taille des individus, 
pour qu’il soit utile de fixer celles-ci par des chiffres. Chez les 
torpilles de dimensions ordinaires, les orifices ont de 1 à 3 milli- 
mètres de large. 


+ Madrate 


8 3. — des conduits lymphatiques principaux ou collecteurs des 
réseaux, et de leur mode d'arrivée aux réservoirs Iymphati- 


ques. 


Le premier fait qui frappe dans l'étude des lymphatiques des 
plagiostomes, comme chez les autres poissons et les reptiles, c’est 
que les conduits collecteurs des réseaux accompagnent les vais- 
seaux sanguins particuliers des organes, l’aorte et les veines 
caves. C’est en les suivant qu'ils arrivent aux réservoirs qui com- 
muniquent avec la veine cave. C'est dans les lymphatiques satel- 
lites des artères et des veines que viennent se jeter tous ceux qui 
forment des réseaux dans le péritoine ou à la surface des divers 
organes qui sont pourvus de cet ordre de vaisseaux. 

Ces conduits collecteurs principaux se réduisent à deux ordres, 
selon qu’ils suivent les artères de l’appareil digestif et ses veines, 
ou qu'ils accompagnent l’acrte et les veines caves, 


SUR L’ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 5) 

Parmi les premiers, il faut signaler d'abord un plexus lympha- 
tique qui s'étend depuis les deux réservoirs lymphatiques jusqu'à 
l'extrémité de l'intestin à valvule, en suivant d’abord le tronc de 
l’artère mésentérique, puis le bord supérieur du pancréas (s) et le 
bord concave, aortique ou vertébral de l’intestin valvulé (7). Ilre- 
couvre complétement les deux côtés de l’artère précédente, ainsi 
que de l'artère et de la veine qui suivent le bord vertébral de l'in- 
testin à valvule; il est ainsi divisé en deux moitiés ou traînées 
latérales par rapport aux vaisseaux qu’ils embrassent; mais les 
anastomoses que les deux moitiés ont l’une avec l'autre sont 
grosses et très-nombreuses, et le plus souvent ne laissent pas 
apercevoir les vaisseaux sanguins ou ne les laissent voir que par 
place, au fond de quelque maille étroite circonscrite par les ana- 
stomoses dont il vient d’être question. 

Au-devant du pancréas dont ce plexus longe le bord supérieur, 
il change de direction et remonte presque à angle droit au-devant 
de l'artère mésentérique, dans l'épaisseur du repli péritonéal dont 
elle occupe le bord antérieur. Après un court trajet, il se jette 
dans l’extrémité inférieure des deux réservoirs Ilymphatiques cor- 
respondants, par un orifice à peu près arrondi de chaque côté. 

Le long de la face supérieure de la portion vaste de l'estomac se 
voient l'artère et la veine gastriques supérieures, accompagnées de 
gros troncs lymphatiques fréquemment anastomosés (pl. IE, d), qui 
forment ainsi un sinus lymphatique stomacal supérieur (pl. IL, e). 
Il est situé dans le même repli péritonéal que le précédent, mais 
plus en avant, au contact même de l'estomac et du cardia ou à peu 
près. Chez les torpilles, il s’unit à lui pour se jeter dans les ré- 
servoirs par un seul orifice de chaque côté. Chez les raies, ils 
aboutissent au bas des réservoirs chacun par un orifice particulier 
de chaque côté. 

Autour de l'aorte, depuis le cloaque jusqu’à l’artère mésenté- 
rique, existe un réseau formé de conduits volumineux fréquem- 
ment anastomosés et circonscrivant des mailles polygonales 
étroites, de sorte que cette artère est presque entièrement cachée 
par eux. On peut toutefois, dans ce réseau lymphatique périaor- 
tique, observer un conduit principal de chaque côté (pl. I, w), unis 


6 CH. ROBIN. — MÉMOIRE 

ensemble par les anastomoses presque aussi larges qu'eux qui pas- 
sent au-devant de l'aorte. Ces vaisseaux, arrivés à l'origine de 
l'artère mésentérique, abandonnent l'aorte pour suivre celle-là et 
des cendre avec elle dans une étendue variable selon les espèces, 
et elle s’unit au sinus lymphatique venu de l'intestin à valvule. 


8 4. — Description particulière des lymphatiques du tube digestif 
et du pancréas. 


Il faut faire connaître d’abord ceux de la surface du tube di- 
gestif à la description desquels se rattache inévitablement celle 
des lymphatiques du pancréas, puis de ceux de la muqueuse intes- 
tinale. Les réseaux qui couvrent l’intérieur de l'intestin sont 
placés dans le tissu lamineux sous-péritonéal et dans celui qui lui 
correspond, pour les points qui ne sont pas lapissés d’une ma- 
niére immédiate par cette séreuse. 

À partir de son entrée dans la cavité abdominale, l’œsophage 
est couvert d'un réseau de lymphatiques moniliformes, un peu 
aplatis, larges de 1/10° à 1 millimètre chez les torpilles, et dont la 
plupart offrent ce dernier diamètre (voyez entre z et 7). Ils sont 
un peu plus larges dans les espèces plus grandes, comme les raies, 
les Trigon, les Squatina. Us circonscrivent des mailles polygonales 
ou arrondies qui ont à peu près la largeur des conduits qui les 
limitent. Ils se réunissent pour former de chaque côté de l'æso- 
phage un ou deux conduits larges de 2 à 8 millimètres, continus, 
réguliers, ou rendus un peu irréguliers par des interruptions et 
ces anastomoses, à l'aide de conduits plus petits qui rétablissent 
la continuité, 

Chez les torpilles, ces conduits (v) sont placés au niveau du 
point d’adhérence à l’œsophage du feuillet péritonéal qui, passant 
au-devant du renflement de chaque veine cave, réunit l’œsophage 
à la portion antérieure de la face interne et supérieure du foie. 
Chaque conduit droit et gauche, ou quand il y en a plusieurs, 
chacun d’entre eux va se jeter dans la partie antérieure du réser- 
voir correspondant, ou dans le sinus stomacal supérieur, près de 
son abouchement dans le réservoir de son côté. 


SUR L'ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 7 

Un peu en avant de ce conduit ou de ces conduits Iympha- 
tiques, de chaque côté de l’œsophage, peu après l'entrée de celui- 
ci dans l’abdomen, se voit le réseau lymphatique de l’œsophage, 
offrant une disposition qui, chez les torpilles, mérite quelques 
détails. Au niveau de la partie antérieure du foie, entre la veine 
cave en haut, le sinus sus-hépatique en bas, l’œsophage adhère à 
ces organes. Ici, ses lymphatiques sont des réseaux à gros troncs 
variqueux, à mailles étroites ; en arrière, où le péritoine tapisse 
seul l’œsophage et l'estomac, ils deviennent plus petits qu’en 
avant. Là ils se continuent en partie avec ceux de cette région, 
et une autre partie se jette dans les conduits collecteurs décrits 
plus haut, | | 

La portion vaste (x) de l'estomac et la portion grêle (y) qui lui 
fait suite sont pourvues de réseaux très-différents par le volume 
des conduits qui les circonscrivent, et par la forme des mailles 
qu'elles limitent. 

Toute la portion vaste est couverte de conduits aplatis, larges 
et circonscrivant des mailles à angles arrondis, si étroites, que 
la distension des vaisseaux, même peu exagérée, les fait dispa- 
raitre, en sorte qu'alors l'estomac semble être couvert d’une nappe 
d’injection ou de lymphatiques, plutôt que de réseaux. Cette dis- 
position et la largeur des conduits sont partout prononcées sur la 
partie convexe ou inférieure de la portion libre de l'estomac. 
Mais sur la partie antérieure de la face opposée (ou mésentérique, 
c’est-à-dire adhérente au mésentère, ou vertébrale), les vaisseaux 
deviennent plus étroits, particulièrement à gauche, et limitent 
des mailles quadrilatères allongées. Celles-ci sont formées par 
des vaisseaux rapprochés qui s'anastomosent fréquemment à angle 
droit. 

Les conduits qui recueillent les réseaux à'larges capillaires à 
mailles étroites des faces latérale et supérieure de l'estomac, 
forment autant de paires qu’il y a d’arlères un peu volumineuses 
sur la portion vaste de l’estomac, et ils aboutissent, soit dans le 
sinus stomacal supérieur, soit dans chacun des conduits œsopha- 
giens correspondants, déjà décrits plus haut. La portion vaste de 
l'estomac est unic, dans une partie de son étendue, à toute la 


8 CH. ROBIN. -— MÉMOIRE 

portion grèle par un repli mésentérique. A la face gauche de ce 
repli adhèrent, chez les torpilles, la rate et le pancréas, par un 
court feuillet péritonéal dont un bord adhère d'autre part à 
l'estomac. Dans l'épaisseur de ce repli mésentérique se voit, chez 
les torpilles, la terminaison de l'artère et de la veine gastriques 
supérieures, dont il vient d’être fait mention; elles possèdent, 
comme satellites, deux gros troncs lymphatiques de chaque côté 
de l'artère, et un plus petit de l'autre côté de la veine. Ils sont 
assez volumineux et assez fréquemment anastomosés pour cacher 
complétement ou presque complétement ces conduits, surtout 
l'artère. Ils forment l’origine du sinus stomacal supérieur déjà 
décrit. C’est ce sinus qui reçoit tous les réseaux de la portion 
vaste de l'estomac, qui est unie à la portion grêle, soit directe- 
ment, soit par l'intermédiaire des réseaux à conduits volumineux 
du repli mésentérique, qui sert de moyen d'union. 

C’est avec ce réseau que doivent être décrits, chez les lorpilles, 
les lymphatiques de la face postérieure ou droite du pancréas, 
situés sur le même plan et offrant les mêmes formes de mailles ; 
mais ils sont plus volumineux, variqueux moniliformes, (s). Ils 
aboutissent.en partie aux mêmes troncs que les précédents; une 
partie se réunit pour former trois à quatre branches principales 
et même au delà, qui se jettent dans les conduits qui entourent 
le tronc de l’artère mésentérique ou lavoisinent. 

La portion grêle de l'estomac est pourvue d’un réseau de ca- 
pillaires très-fins, larges, chez les torpilles, de 1/4 à 1/2 milli- 
mètre au plus, mais n'ayant souvent que 1/10° de millimétre de 
large. Ils circonscrivent des mailles régulières, quadrilatères, 
étroites, dont les capillaires aboutissent à angle droit dans autant 
de doubles conduits qu’il y a d’artères à peu près parallèles se 
ramifiant sur l’estomac, Ges conduits sont placés un de chaque 
côté des branches artérielles principales dont ils suivent la direc- 
tion ; il y en a souvent un troisième qui se trouve de l’autre côté 
de la veine satellite correspondante. 

Ces conduits vont se jeter : 4° ceux de la face convexe dans le 
sinus lymphatique caverneux, qui entoure l'artère et la veine 
saillante du bord convexe ou inférieur de la portion grêle de 


SUR L’ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES, 9 
l'estomac. Ce sinus caverneux est disposé de la même manière 
que celui de l'intestin à valvule sur les côtés de l’artère et de la 
veine, qui suit le bord inférieur ou convexe de la portion grêle de 
l'estomac ; mais les anastomoses des deux moitiés sont plus nom- 
breuses encore, plus grosses. Il en résulte qu'il masque complé- 
tement ces vaisseaux sanguins, ou mieux ce n'est réellement 
qu'un conduit très-large appliqué sur la face antérieure et les 
deux faces latérales de ces vaisseaux, les cachant complétement, 
conduit dont la paroi libre est rattachée à la portion qui adhère 
aux vaisseaux sanguins par des filaments ou des cloisons étroites, 
celles-ci font que lorsque le sinus est distendu par la matière à 
injection, il forme un demi-cylindre à surface entièrement bos- 
selée. Sa surface est pourvue de nombreuses expansions vésicu- 
liformes, en cul-de-sac, qui donnent à la face interne de ce sinus 
aréolaire un aspect spongieux, lamelleux et aréolaire tout parti- 
culier, bien décrit et bien figuré par Monro. Ge sinus caverneux 
est analogue par sa situation aux plexus collecteurs déjà décrits, 
qui accompagnent les artères, mais il en diffère par ses bosselures 
et vésicules, ainsi que par la disposition lamelleuse aréolaire de 
sa face interne. | 

Chez les torpilles, arrivé au pylore, il porte sur la face gauche 
de cette région de l'estomac à laquelle il adhère ; arrivé au bord 
supérieur du pancréas, ilse divise en plusieurs branches qui com- 
muniquent avec les réseaux du pancréas (pl. I, z); mais, parmi 
elles, il en est une plus grosse qui continue la direction de ce sinus, 
longe la partie antérieure de la glande adhérente à son bord anté- 
rieur ou dans le sillon qui Le sépare de la rate (fig. 1, n° 1). Arrivée 
au bord supérieur du pancréas, elle se jette dans le sinus stomacal 
supérieur décrit précédemment. A ce niveau, il reçoit une branche 
anastomotique du sinus caverneux de l'intestin à valvule, branche 
qui suit la veine satellite de l'artère mésentérique, à partir de l’ex- 
trémité antéro-supérieure du pancréas, point où elle quitte l'artère 
mésentérique pour se joindre aux autres branches de la veine porte. 
Gette anastomose, chez les torpilles, est quelquefois plus grosse 
que la portion du sinus caverneux de l'intestin à valvule qui en 
continue la direction. Chez les torpilles, on trouve en outre ordi« 


10 CH, ROBIN. —= MÉMOIRE 
nairement, mais non toujours, une autre branche plus petite, 
flexueuse, souvent ramifiée, qui passe au bord postérieur du pan- 
créas, entre lui el l'intestin à valvule, pour gagner le sinus caver- 
neux de ce dernier ou l’un des troncs lymphatiques de cet intestin 
qui s'y rend. | 

Chez les raies, surtout celles qui sont grandes, chez les Galeus, 
les Acanthias, etc., le sinus caverneux de la portion grêle de 
l'estomac est relativement beaucoup plus volumineux que chez 
les torpilles. Il est même remarquable par sa largeur et les bosse- 
lures de sa surface. Comme les vaisseaux sanguins qu’il accom- 
pagne, il n’est pas immédiatement appliqué sur l’estomac. Il en 
est séparé par un petit repli épiploïque dans l'épaisseur duquel se 
trouvent les branches des vaisseaux sanguins qui arrivent à l’es- 
tomac. C’est par les lymphatiques satellites de ces vaisseaux que 
les réseaux de cette région de l'estomac arrivent au sinus caver- 
neux. Dans l’épaisseur de ce repli ces vaisseaux sont monili- 
formes, volumineux, ils reçoivent aussi le réseau lymphatique à 
mailles étroites, polyédriques, limitées par des conduits étroits 
que renferme ce feuillet séreux. Le sinus caverneux suit les si- 
nuosités décrites par les conduits sanguins, mais n’arrive pas 
jusqu'au pylore. Comine l'artère et la veine qu’il accompagne, 1l 
passe au côté gauche de l’estomac, à quelques centimètres au- 
devant du pylore et de la portion intestinale du pancréas, c’est- 
à-dire qui adhère à l'intestin. Il est placé dans un repli péritonéal 
distinct, libre et étroit, Toutefois, un peu plus loin, ce repli 
s’élargit et adhère ainsi à la portion intestinale du pancréas par 
un feuillet mince. Dans l’épaisseur de ce feuillet se voient de 
larges conduits lymphatiques, moniliformes, anastomosés en- 
semble, qui viennent des faces antérieure et postérieure de la 
portion pylorique ou adhérente du pancréas. Ils suivent des vais- 
seaux sanguins qui, des artères et veines de la portion grêle de 
l'estomac, vont au pancréas et au pylore. Aussi, les lymphatiques 
satellites de ces vaisseaux s’anastomosent-ils avec ceux de la por- 
lon pylorique de l’estomac. Ces lymphatiques du pancréas se 
jettent ainsi dans le sinus caverneux de la portion grêle de l’es- 
tomac (pl. E, 2). 


SUR L’ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 11 
Après avoir recueilli ces vaisseaux, ce dernier reçoit l'ana- 
stomose venue du plexus de l’intestin à valvule, anastomose men- 
tionnée plus haut, puis il se dirige en avant pour se jeter dans le 
sinus stomacal supérieur. 

Les réseaux de la face convexe ou gauche du pancréas sont, 
chez les torpilles, remarquables par leur volume, leur disposition 
variqueuse, moniliforme, et la largeur des mailles qu'ils circon- 
scrivent. Celles-ci n’offrent pas de type particulier de conforma- 
ion, à cause des flexuosités des vaisseaux qui les circonscrivent. 
En bas et en avant, ces lymphatiques vont se jeter dans le con- 
duit qui est la continuation du sinus caverneux stomacal (fig. 4, 
n° 2); à la partie postérieure de cette face du pancréas, ils se 
jettent dans un conduit moniliforme gros et court, qui adhère à 
la fois au pancréas dont il longe le bord postérieur, et au com-. 
mencement de l'intestin à valvule. Ce conduit gagne le sinus ca- 
verneux lymphatique de l'intestin à valvule, au moment où il 
vient suivre le bord supérieur du pancréas, et recevoir les lym- 
phatiques de cette partie de celui-ci. Chez les raies, les Galeus, 
les Acanthias, ete., ces lymphatiques de la portion postérieure des 
deux faces du pancréas communiquent aussi avec ceux de la por- 
lion antérieure de l'intestin à valvule, soit directement avec les 
conduits principaux de cette partie, soit par l'intermédiaire des 
réseaux du péritoine qui unit la glande à l'intestin. Du reste, 
chez les poissons, les vaisseaux des deux faces du pancréas 
sont également moniliformes, volumineux, limitant des mailles 
étroiles par rapport à leur grand volume, comme chez les tor- 
pilles. Ceux de la portion libre ou mésentérique de cet organe se 
jettent dans le sinus caverneux de l'intestin à valvule, sinus qui, 
chez les raies, passe au bord inférieur de sa face gauche ; on a vu 
plus haut que ceux de sa portion adhérente ou pylorique se jettent 
dans le sinus caverneux de la portion grêle de l'estomac, 

Les lymphatiques de l'intestin à valvule (é) sont étroits et déliés 
comme ceux de la portion grêle de l’estomac. Ils forment aussi 
des mailles étroites qui n’ont guère que la largeur des capillaires 
lymphatiques qui les limitent, et là comme ici ces lymphatiques 
recouvrent les capillaires sanguins visibles à l’œil nu, et repro- 


12 CH. ROBIN. — MÉMOIRE 

duisent dans leurs réseaux la forme de leurs mailles. Elles sont 
généralement losangiques plutôt que quadrilatères. Toutefois, en 
approchant du cloaque (pl. IE, /),les Iymphatiques deviennent plus 
volumineux, moniliformes, variqueux, et circonscrivent des mailles 
plus grandes, sans formes fixes ou quadrilatères. Cette portion 
du tube digestif se trouve ainsi recouverte uniformément de lym- 
phatiques comme l'estomac. Bien que par le petit diamètre des 
vaisseaux, par l’étroitesse des mailles, les réseaux se rapprochent 
de la disposition qu'ils offrent sur ce dernier viscère, 1ls en dif- 
férent toutefois notablement par la forme des mailles et par la 
disposition des conduits qui les recueillent. 

Ces conduits collecteurs se composent d’autant de fois deux à 
trois lymphatiques volumineux, satellites des artères et veines, 
que l’on peut compter de ces vaisseaux sanguins. Ces lympha- 
tiques s’anastomosent fréquemment entre eux par des branches 
qui contournent l'artère et la veine transversalement, soit à angle 
droit, soit obliquement. Presque toujours l’un d’entre eux, placé 
en dehors de l'artère ou de la veine, et jamais entre elles deux, 
est plus gros que les autres. Ils sont ordinairement prismatiques, 
triangulaires, souvent dilatés au point d’abouchement de quelque 
petit conduit. Toujours celui de leurs bords qui est contigu au 
vaisseau sanguin empiète sur lui, ce qui, joint à la fréquence des 
anastomoses, fait qu’ils recouvrent et masquent en grande partie 
les artères et un peu les veines. Dans les deux tiers postérieurs 
de l'intestin à valvule, ces conduits collecteurs parcourent cireu- 
lairement chacune des faces de l'intestin à valvule, comme les 
vaisseaux sanguins qu'ils accompagnent, et vont se jeter dans le 
sinus caverneux qui entoure l'artère et la veine d’où proviennent 
les branches intestinales, ou sinus caverneux de l'intestin à val- 
vule. 

Les réseaux du tiers antérieur de l'intestin à valvule sont re- 
cueillis par les vaisseaux satellites de deux vaisseaux sanguins, 
qui se subdivisent plusieurs fois d’une manière semblable sur les 
deux faces latérales de l'intestin. Ceux-ci vont se jeter dans Îles 
lymphatiques satellites de l'artère et de la veine intérieures de la 
valvule spirale, qui, eux-mêmes, s’unissent au-devant du pancréas 


SUR L’ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES, 13 
avec le sinus caverneux de la portion grêle de l'estomac (pl. I, 
fig. 1, n° 3). Chez les raies, la face supérieure de la première por- 
tion de l'intestin à valvale offre d’autres lymphatiques collecteurs 
dirigés longitudinalement, qui sont satellites d’une petite artère 
et d’une petite veine se détachant des vaisseaux de la valvule, 
au point même où ils traversent les parois intestinales. Ces Iym- 
_phatiques se jettent dans ceux dont il vient d’être question, comme 
accompagnant ces vaisseaux de la valvule. 

Chez les torpilles, c’est par la face inférieure de cette même 
portion de l'intestin à valvule qu’on observe une artère et une 
veine longitudinales provenant de celles qui suivent, à partir du 
pylore, la face inférieure de la portion grêle de l’estomac; leurs 
satellites lymphatiques reçoivent les réseaux de toute cette région 
et se jettent directement dans le sinus caverneux de la portion 
grêle de l’estomac, au niveau du pylore (pl. I, fig. 4, z). 

Les lymphatiques du cloaque et de la portion terminale de 
l'intestin à valvule qui se continue avec lui sont plus volumineux 
que ceux du reste de l'intestin. Ils limitent des mailles larges par 
rapport au volume des vaisseaux qui les circonserivent. Toutefois, 
celles qui recouvrent la glande cloacale (pl. I, n° 4, et pl. IF, 9) 
sont au contraire étroites et quelquefois assez régulières, limitées 
par des capillaires lymphatiques étroits. Les replis péritonéaux qui 
s'étendent des côtés du cloaque jusqu'aux faces externes du bas- 
sin, la face interne du canal péritonéal qu'ils limitent, jusqu'aux 
bords de leur orifice externe, sont tapissés également de fins ré- 
seaux capillaires Iymphatiques, continus avec ceux du cloaque. 

Deux conduits collecteurs ou deux paires de ces conduits, plus 
ou moins subdivisés selon le volume de l'animal, sont placés, un 
de chaque côté du cloaque, comme satellites de ses vaisseaux san- 
guins. Ils vont se jeter dans les gros conduits latéraux du réseau 
périaortique (pl. EL, fig. 4, u), sur les côtés mêmes du cloaque. En 
outre, dans toute la partie adhérente du cloaque, sur la ligne mé- 
diane, ces lymphatiques se jettent directement dans ce réseau 
périaortique. Il en est de même des mailles limitées par des 
conduits un peu plus déliés qui couvrent le repli péritonéal étendu 
de la ligne médiane de l'abdomen, le long de l'aorte jusqu’au 


1 ; CH. ROBIN, — MÉMOIRE 

cloaque et à sa glande. Au bord libre de ce repli se voit une paire 
de conduits collecteurs, satellites de l'artère et de la veine de la 
glande cloacale. Ces collecteurs Iymphatiques reçoivent les 
réseaux de la partie supérieure et moyenne de la glande cloacale, 
de la partie médiane du cloaque placée au-dessus d'elle, et de la 
portion qui l’avoisine du feuillet péritonéal qu'elle suit; ils se 
jettent aussi dans le réseau périaortique au point d’origine de 
l'artère qui se rend à la glande cloacale. 


8 5. — Description particulière des lyÿmphatiques de l'appareil 
biliaire. 


Les deux grosses branches de la veine porte qui vont dans les 
foies des torpilles, les deux artères correspondantes et les deux 
conduits hépatiques (pl. E, fig. 1, n° 5), ainsi que le canal cholé- 
doque, sont presque entièrement couverts de lymphatiques. Ces 
réseaux forment des mailles polygonales limitées par des capillaires 
larges de 1/10° à 14 de millimètre. Les mailles ont de trois à 
cinq fois environ le diamètre des vaisseaux qui les circonscrivent. 
Ceux-ci vont tous se jeter dans deux conduits satellites de chaque 
branche de l'artère hépatique qui suit la portion correspondante 
de la veine porte. Ces deux lymphatiques satellites sent chacun 
presque aussi larges que l’artère, aussi la recouvrent-ils presque 
entièrement, et ils s'anastomosent fréquemment par de courtes 
branches transversales presque aussi grosses qu'eux. Arrivés 
au niveau du point d’origine de l’artère hépatique sur l'artère 
stomacale, ils s’'abouchent dans le sinus lymphatique stomacal 
antérieur (pl. IE, e), au niveau du bord supérieur de la rate ou un 
peu au-dessus (X). 

Le tronc hépatique de la veine porte, l'artère et le conduit hé- 
patique sont situés tous trois ensemble dans l'épaisseur d’un repli 
péritonéal placé transversalement au-devant de l’œsophage ; ce 
repli, très-riche en réseaux lymphatiques, adhère en avant à la 
partie moyenne ou anastomotique des sinus sus-hépatiques, et en 
reçoit les réseaux lymphatiques ; tous se jettent (ceux: ci par l’in- 
termédiaire des premiers) dans les vaisseaux satellites de l'artère 


SUR L'ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 15 
hépatique. Le repli péritonéal qui attache la partie antéro-supé- 
rieure du foie aux côtés du ventre, et sa partie antérieure au dia- 
phragme fibreux, est couvert de réseaux lymphatiques de dimen- 
sions moyennes, mais un peu moniliformes. Ils contournent la 
base du testicule ou de l'ovaire, en avant du foie; là ils offrent 
un assez grand volume et limitent des mailles trèés-étroites, 
Arrivés à ce point, ils se rendent dans les réseaux à conduits volu- 
mineux qui recouvrent les sinus sus-hépatiques et le repli péri- 
tonéal qui vient d’être décrit. 

C'est dans ces mêmes conduits satellites des artères hépatiques, 
que du côté droit se jettent tous les riches réseaux de la vésicule 
biliaire (2). Ils y arrivent, soit directement, soit par l'intermédiaire 
de la paire de lymphatiques satellites de chacune des artères de . 
la vésicule biliaire et de leurs branches. Entre ces lymphatiques 
principaux, les plus petits limitent des mailles polygonales à angles 
arrondis, plus étroites, limitées par des conduits plus volumineux, 
dans le voisinage du point d’adhérence de la vésicule au conduit 
hépatique, que sur le point opposé, mais conservant partout le 
même type de forme. 

Chez les autres plagiostomes, on retrouve le même di de 
distribution des lymphatiques, mais avec les différences qu’en- 
traîne la présence de trois lobes hépatiques chez plusieurs, les 
raies, par exemple, et la subdivision de la veine porte et de l’ar- 
tère hépatique, à son entrée dans le foie seulement. 


8 6. — Description particulière des vaisseaux lymphatiques du 
cœur et des veines caves. 


Li] 


Les veines caves et leurs renflements sont pourvus de réseaux 
lymphatiques minces, limitant de larges mailles qui se jettent dans 
le réseau périaortique et dans le même réseau prolongé le long 
de l’artère mésentérique. 

Plus en avant la face œsophagienne du foie, ou mieux supéro- 
interne, offre l’origine du sinus sus-hépatique dans lequel se jet- 
tent quelques veines efférentes du foie. Il est couvert de réseaux 
lymphatiques à conduits minces limitant des mailles assez larges 


16 CH. ROBIN. — MÉMOIRE 

(pl. I, #2). Ceux-ci se portent vers la ligne médiane, au-devant 
de la dilatation de la veine cave correspondante, et la recou- 
vrent ; ils sont, dans l'épaisseur du feuillet péritonéal, étendus de 
la partie précédente du foie aux côtés de l’œsophage, en passant 
au-devant de la dilatation de la veine qui lui adhère. C’est le long 
de l’adhérence de ce feuillet, aux côtés de l’œsophage, que se 
trouvent le ou les conduits collecteurs œsophagiens déjà décrits, 
qui reçoivent ainsi ces réseaux en même Lemps que ceux de l’œso- 
phage et du cardia (pl. E, fig. 4, v, v). 

. La partie moyenne ou anastomolique des sinus sus-hépatiques 
qui passe au-devant de l’œsophage est couverte d’un réseau à 
mailles polygonales, un peu allongées transversalement, limitées 
par de gros lymphatiques, moniliformes, aboutissant dans les 
satellites des artères sus-hépatiques de la manière indiquée précé- 
demment, c’est-à-dire par l'intermédiaire du feuillet péritonéal 
qui leur adhère en avant, et embrasse dans son épaisseur les 
vaisseaux et conduits hépatiques. 

C'est au-dessous de ce repli et de la communication sur la ligne 
médiane des deux sinus sus-hépatiques, que passe le canal séreux 
péricardo-péritonéal adhérent à l’œsophage. Or, c’est par les 
lymphatiques de l'intérieur de ce conduit, continus avec ceux de 
l’æsophage, que les lymphatiques de la cavité du péricarde et de la 
surface du cœur communiquent avec ceux de l'abdomen, et par 
leur intermédiaire arrivent aux veines. Les vaisseaux de la face 
interne du canal séreux péricardique sont assez gros, monili- 
formes, et limitant des mailles allongées; les lymphatiques du 
péricarde offrent à peu près le même volume, mais limitent des 
mailles plus polygonales. Ceux du cœur se continuent avec ceux 
de la face interne du péricarde, en avant au niveau de l'issue de 
l'artère branchiale, et en arrière au point d'abouchement des 
sinus de Guvier dans les oreillettes. Ces lymphatiques sont plus 
petits que ceux de la séreuse, ils sont un peu aplatis, polyédriques, 
et suivent les vaisseaux sanguins en reproduisant dans leurs 
anastomoses la forme des mailles que limitent ceux-là. 


SUR L'ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 47 


8 7. — Description particulière des lymphatiques des organes 
sexuels mâles et femelles. 


Les réseaux qui recouvrentles canaux déférents (pl. If,7), forment 
des mailles plus larges et limitées par des conduits plus minces que 
ceux des oviductes. Les conduits collecteurs, bien plus volumineux 
aussi chez les femelles que chez les mâles, suivent les vaisseaux 
sanguins pour arriver au plexus lymphatique aortique. Les rami- 
fications plus petites qui n’aboutissent pas à ces conduits collec- 
teurs passent au-devant des veines caves en formant des mailles 
étroites, et communiquent avec le plexus aortique. Les Iÿmpha- 
tiques de la partie antérieure du canal déférent, ceuX de la partie 
antérieure de l’oviducte, ceux de sa glande, sont en continuité 
avec le repli péritoneal qui attache la partie antérieure du foie 
aux côtés de la cavité ventrale et au diaphragme. Ils arrivent 
ainsi au-devant des sinus sus-hépatiques, à la base de l’ovaire ou 
du testicule dont ils reçoivent les Iymphatiques qui sont peu nom- 
breux, limitent des mailles larges et ne sont volumineux et à 
mailles étroites qu’au point d’adhérence de ces organes (7). 


8 8. — Remarques physiologiques sur les faits précédents, 


Les réseaux d'origine des lymphatiques des phagiostomes sont 
immédiatement appliqués contre les réseaux capillaires sanguins, 
dans les régions de l’économie où se trouvent des réseaux lympha- 
tiques. Si l’onse représente la coupe d’un capillaire, lelymphatique 
d’origine forme toujours sur les côtés de ce vaisseau un canal qui 


embrasse la moitié, les deux tiers et quelquefois les trois quarts 


de la circonférence du conduit sanguin. Le lymphatique repré- 
sente un vaisseau qui n'a de paroi propre que d’un côté; dans le 
reste de son étendue, 1l est limité par le capillaire sanguin; ou 
du moins, pour être plus exact, la tunique propre du lympha- 
tique adhère intimement en ce point avec la tunique externe du 
capillaire sanguin, sur une partie de la circonférence de celui-ci, 
sans cesser d’être continue avec la portion opposée, dans la direc- 


lion du petit axe de ces conduits. Les vaisseaux lymphatiques 
JOURN. DE L'ANAT, ET DE LA PHYSIOL, æ+- . JV (1867), 2 


18 | CH. ROBIN. — MÉMOIRE 

sont donc appliqués sur les côtés des conduits capillaires. On 
l’ôbserve déjà dans les réseaux d’origine, mais aussi sur les 
vaisseaux volumineux, surtout artériels, comme nous venons 
de le voir. Chez tous les vertébrés des lymphatiques à paroi 
propre, très-distincte, isolable des tissus ambiants, existent dans 
l'épaisseur de la substance nerveuse cérébro-rachidienne. Ces 
lymphatiques circonscrivent les vaisseaux sanguins qui parcourent 
le tissu nerveux central, de telle sorte que ces derniers sont com- 
plétement plongés dans les premiers; la lymphe avec ses globules 
circule donc d’une part entre la paroi propre du lymphatique 
(seule contiguë à la matière cérébrale même) et la surface externe 
du capillaire occupant son centre d’autre part. Ces conduits s’é- 
tendent ainsi depuis les plus fins capillaires jusqu'aux troncs ou 
réservoirs lymphatiques décrits par Fohmann sous la pie-mère. 

Nous venons de voir que, sur les poissons et les batraciens, 
cette disposition se retrouve jusques autour de l'aorte. Chez eux, 
les lymphatiques sont appliqués contre les vaisseaux artériels 
qu'ils embrassent à moitié ou aux trois quarts et parfois entière- 
ment. Les capillaires proprement dits et même des artérioles qui 
se détachent des conduits sanguins principaux, traversent trans- 
versalement ces capillaires et sont ainsi tout à fait plongés dans 
la lymphe, sur une courte partie de leur trajet (pl. IE, a 6), 
quand toutefois une branche de ce lymphatique ne les accompagne 
pas plus ou moins loin. Cela est assez important parce qu'on re- 
trouve quelque chose de cette disposition autour des capillaires 
de l’encéphale et de la moelle épinière des mammifères (4). 

Le système des lymphatiques et celui des chylifères réalisent 
ainsi dans l’économie l’exécution d’un endosmomètre, tel que l’a 
imaginé le génie de du Trochet; et c’est parle mécanisme de l’en- 
dosmose que pénètrent et montent dans le système anatomique 
des liquides dont la progression n’est qu’aidée accessoirement par 
l’élasticité. et la contractilité des tubes d’ascension, 

La membrane ou cloison tendue à l'extrémité du tube endosmo- 


(1) Ch. Robin, Journal de la gi a” par stitiui Séquard, Paris, 4859, in-89, 
p. 537et 749, 


SUR L’ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 19 
métrique est représentée par la paroi même des capillaires contre 
laquelle est appliquée celle des conduits d'origine des lympha- 
tiques ou par la substance des villosités intestinales dans le cas 
des conduits d’origine des chylifères. 

Le liquide dans lequel plonge cette membrane endosmotique est 
surtout représenté par le plasma sanguin dans le premier cas et 
par le chyme dans celui des chylifères. 

Le tube d’ascension est représenté par l’ensemble des conduits 
se dirigeant vers les veines sous-clavières. La pénétration du 
liquide au travers de la membrane endosmotique varie avec la 
quantité et la nature de celui-ci, et l’énergie avec laquelle elle à 
lieu représente ici la force dite us & £ergo qui pousse et fait pro- 
gresser le liquide dans les conduits lymphatiques et chylifères ; 
force bien différente de celle qui, recevant le même nom, çon- 
court à faire progresser le sang dans les veines. 

Voici maintenant en quoi ces dispositions sont importantes à 
noter. C’est que les matériaux qui prennent part à la constitution 
de la lymphe ne sont pas, comme ceux du sang (sauf le cas parti- 
culier du chyle, dont j'ai parlé tout à l'heure), des principes 
d’origine extérieure, ni essentiellement des matériaux empruntés 
aux éléments anatomiques directement actifs dans l’économie, 
comme les fibres musculaires ou les fibres élastiques, par exemple; 
ce sont des composés principalement empruntés au sang lui- 
même, et la disposition anatomique dont j'ai parlé est en rapport 
avec la particularité que je signale en ce moment. La disposition 
des capillaires Ilymphatiques pourvus d’épithélium, etc., dans les 
autres tissus des mammifères, montre que ces lymphaliques, en 
même temps qu'ils prennent des matériaux au plasma sanguin, 
empruntent également des principes de désassimilation aux élé- 
ments anatomiques, comme les éléments lamineux, dermiques, 
hépatiques ou de tout autre tissu. Mais d’après les dispositions 
anatomiques précédentes on se rend compte des résultats obtenus 
dans certaines expériences, donnant lieu de croire que c’est surtout 
aux vaisseaux sanguins que les lymphatiques empruntent leurs 
matériaux, ces expériences qui ont principaiement été faites par 
M. Bernard, montrent que, lorsqu'on vient a injecter de l’iodure 


20 | CH. ROBIN. — MÉMOIRE 

de potassium ou du prussiate de potasse dans le sang, on retrouve 
presque immédiatement ces principes dans la lymphe. Ainsi, en 
injectant ces corps dans la veine jugulaire, an les retrouve au 
bout d’un très-petit nombre de minutes dans les lymphatiques 
qui accompagnent cette veine, bien qu'ils aient eu à suivre un 
trajet assez considérable avant de pouvoir arriver aux capillaires 
sanguins qui correspondent à l’origine de ces Iymphatiques. 

Maintenant on sait, d’après ces expériences, qu'il y à des 
principes qui pénètrent plus ou moins facilement dans les lym- 
phatiques, de même qu'il y en a qui passent plus ou moins faci- 
lement dans les glandes. Ainsi, par exemple, l'iodure de potas- 
sium se retrouve assez rapidement dans la Ilymphe, tandis que 
l’iodure de fer ne s’y retrouve pas d’une manière aussi sensible, 
Il y a là des phénomènes d’endosmo-exosmose qui sont particuliers 
à chaque principe selon la constitution des membranes et récipro- 
quement, chaque membrane limitant ces conduits, est apte à 
laisser passer par les phénomènes d’endosmo-exosmose, plus ou 
moins facilement, tel ou tel principe immédiat, selon la nature des 
principes d’une part et des membranes dont il s’agit d’autre part. 

De cet ensemble de faits il semble résulter que les Iymphatiques 
ont principalement pour usage de se remplir du surplus du 
plasma sanguin, de l'excès du plasma sanguin, si l'on peut dire 
ainsi, qui arrive dans les capillaires à chaque systole des ventri- 
cules. En effet, on sait que la quantité de Iymphe qui s’écoule est 
bien plus grande lorsqu'il y à un afflux sanguin considérable dans 
l'organe que lorsque l'organe est à l’état de repos. 

De plus, j'ai constaté sur les raies vivantes, dans le laboratoire 
de M. Coste, à Concarneau, que les gros vaisseaux lymphatiques 
décrits dans les paragraphes précédents contiennent quelques 
gouttes seulement de lymphe, lorsqu'on les ouvre quelques mi- 
nutes après leur sortie de l’eau. Ce fait coïncide avec la pâleur 
de l'intestin et l’état de vacuité relative de ses vaisseaux. Cette 
lymphe est plus abondante lorsque l'animal est ouvert au sortir 
de l’eau, et lorsque en même temps son intestin renferme encore 
des aliments en voie de digestion ; alors aussi les vaisseaux san- 
guins renferment plus de sang. 


SUR L'ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 24 
IL y a lieu de croire que dans certaines conditions de la vie de 
ces animaux, à une grande profondeur de la mer, ces larges con- 
duits sont pleins ou à peu près, alors que surviennent certaines 
modifications de la circulation de l’ordre de celles que je viens de 
signaler. 
Sur les raies et les torpilles, comme sur les reptiles (pl. IE, 
c, d), la face interne des lymphatiques les plus petits est nette- 
ment limitée, bien qu’un peu bosselée. D'après cela, il est probable 


qu’elle est tapissée par une rangée de minces cellules épithéliales 


allongées, comme le sont les capillaires Iÿmphatiques des ver- 
tébrés. En dehors se trouve une couche de fibres longitudinales 
tant du tissu lamineux qu'élastiques. Il y à aussi des fibres élas- 
tiques transversales assez nombreuses, et des fibres musculaires 
de la vie végetative peu abondantes. L’ensemble de ces éléments 
forme aux plus fins capillaires de ces animaux une paroi épaisse 
de15 à 30 millièmes de millimètre, dans laquelle l'aspect strié 
longitudinalement, donné par la juxtaposition des fibres (pl. IE, 
ee), est plus tranché que l'aspect strié en travers. Cette paroi se 
confond, ne fait qu’un, par juxtaposition immediate, avec la tu- 
nique adventice des vaisseaux sanguins, dans la portion de son 
étendue où elle est appliquée contre ces derniers (c, c). 

Dans la cavité du lymphatique, entre la face interne concave 
(pl. HE,d, d) de sa paroi libre, et la face externe convexe du capil- 
laure contre lequel (c, €) l'autre portion de sa paroi est appliquée, 
on voit une lymphe hyaline tenant en suspension des leucocytes 
(y, g). Leur mouvement est oscillatoire, mais avec progression 
lente, dans un sens qui est lopposé de celui que suit le sang, 
avec une vitesse à peu près de dix à vingt fois plus grande dans 
l’artériole contiguë. Les leucocytes du sang sont entraînés par les 
hématies, mais plus lentement que ces dernières, et on les voit par 
moments arrêtés contre la face interne et concave du capillaire 
(ff), séparés de lalymphe par la paroi de celui-ci (7, b). Les leuco- 
cyles de la Iymphe sont les seuls éléments qu’on aperçoive dans ce 
liquide,et l’on n’y rencontre pas de globules rouges. Ces leucocytes 
sont (dans le mésentère des lézards qui ont été le sujet de mes ob- 
servalions) plus petits du tiers environ que ceux qui sont dans le 


22 CH. ROBIN. — MÉMOIRE 

sang ; ils flottent pour la plupart dans le liquide, et quelques-uns 
seulement sont appliqués contre la face interne du lymphatique. 
Ils sont aussi un peu moins grenus que ceux du sang. Leur contour 
est plus foncé, comme celui des leucocytes qui deviennent plus 
petits qu'ils n'étaient quand on les porte d’un liquide dans un 
autre plus dense. 

Je rappellerai, en terminant ce sujet, que personne n'ignore 
que E. H. Weber a depuis longtemps constaté sur le mésentère 
des grenouilles vivantes la présence des lymphatiques autour des 
vaisseaux sanguins capillaires. Il à vu, sous le microscope, le 
courant sanguin rapide entouré de toutes parts du courant de 
dix à vingt fois plus lent de la lymphe, courants séparés l’un de 
l’autre de manière qu’il n’y eût pas mélange des globules de la 
lymphe et de ceux du sang (1). 


8 9. — Historique. 


Alexandre Monro est le premier anatomiste qui se soit occupé 
des vaisseaux lymphatiquesdes plagiostomes (2). Bien que Hewson, 
vers la même époque, ait étudié ceux des différents poissons 
osseux, il n’a pas parlé des lymphatiques des Sélaciens. Toutes 
les recherches de Monro sont réunies dans son principal tra- 
vail sur l'anatomie des poissons, publié en 1785 (3). Dans la 
traduction allemande de cet ouvrage se trouvent en outre la tra- 
duction des recherches de Hewson et des notes de Camper sur 
les travaux de Monro. C’est d’après cette traduction que sont 
données les notions historiques qui suivent, et c’est à elle que je 
renvoie. | 


(1) E. H. Weber, Ueber die in den Adern lebender Früsche und Froschlarven 
sichtbare Bewegung von Kürnchen, etc. (Arch. für Anat. und Physiol. Berlin, 1838, 
in-8, p. 459 et suiv.) 

(2) Al. Monro, An acount of the lymphatic system in amphibious animals and in 
fish (Philosophical Transactions. London, 14769, in-4, p. 498-204( et State of facts 
concerning the paracentesis of the thorax, an acount of air effused and and lym- 
phalic vessels in oviparous animals. Édimburg, 1770, in-8. 

(3) 4. Monro, The structure and physiology of Fishes, explained and compared 
with these of man and other animals, London, 1785, in-folio. 


SUR L'’ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 23 


Monro (1) a constaté que les gros troncs lymphatiques sont 
situés le long des grosses artères et veines des viscères abdomi- 
naux et du mésentère. Il les figure (pl. IT) mais arrondis, cylin- 
driques, bien plus réguliers qu'ils ne sont. Toutefois il ajoute 
qu'ils sont bien plus gros que chez les autres vertébrés et même 
que chez les reptiles, que leurs branches s’anastomosent souvent, 
et qu'au lieu de se réunir en un ou deux troncs, ils forment à 
droite et à gauche un plexus. Ce fait n’est vrai que pour le tronc 
de la veine porte et ses branches hépatiques, pour le tronc de 
l'aorte et celui de l’artère mésentérique, et enfin pour les veines 
caves, Il indique nettement qu'ils ne sont point absolument cylin- 
driques et sont comme articulés, fait qui pourrait faire croire à la 
présence de valvules dont pourtant ils manquent complétement, 
excepté à leur point d’abouchement. On a vu que même à cet en- 
droit il n'y a pas de valvule proprement dite. Il a vu qu'ils 
manquent de glandes lymphatiques (p. 35). Il signale le sinus 
caverneux de la portion grêle de l'estomac, comme la seule région 
de l’économie où existe un réseau celluleux aréolaire avec lequel 
les chylifères sont en communication libre (p. 34, p. 19 et 20). 
Il note les anastomoses transversales à angle droit sur les vais- 
seaux sanguins. 

Il indique et figure à tort (pl. XVIII, X, et pl. XIX, S) la réu- 
nion de tous les lymphatiques dans les deux grosses veines où se 
réunissent, de chaque côté du cœur et en arrière, toutes les veines 
du corps, pour lui, sont les analogues des veines sous-clavières. Il 
décrit à tort également la veine antérieure des nageoires el ses 
branches, Lant externes que céphaliques ou internes, comme étant 
des vaisseaux lymphatiques (p.35 et 420, pl. XVIII, de R en W) 
de là-vient qu’il parle des lymphatiques du cerveau, de l'œil, de 
l'oreille, du nez, etc. (p. 37); il en est de même de la veine jugu- 
laire antérieure (pl. IT, n° 36) ; de là vient encore qu'il donne 
comme valvule lymphatique celle quiest à l’orifice de cette veine 
dansle sinus de Monro. Il indique les lymphatiques de la vésicule 


(1) A. Monro, Vergleichung des Baues und der Physiologie der Fische mit dem 
Bau des Menschen und der übrigen Thiere. Aus dem Englischen uebersezt durch J. 
G. Schneider. Leipzig, 1787, in-4, p. 34. | 


2A CH, ROBIN. — MÉMOIRE 

biliaire, ceux de l’oviducte (p. 1114, pl. IT, de 7 en 0). Il signale et 
figure, bien que trés-imparfaitement, sauf la situation, le conduit 
ou sinus commun qui suit l'artère stomacale (p. 111, pl. IE, p. 9). 
Mais il le considère comme se continuant le long de la veine cave 
pour alier se jeter dans le sinus de Monro, tandis qu’il se jette 
dans les deux veines caves de chaque côté, au niveau même de 
l’origine de cette artère, 

Il décrit et figure exactement le point de réunion des Iympha- 
tiques de la vésicule du fiel et du foie avec ceux de l’estomac, du 
pancréas, du mésenter splénique et de l'intestin à valvule, ainsi 
que le trajet des troncs qui en résultent et suivent, chez la raie, 
la face supérieure du cardia et de l’œsophage (p.120, pl. XVII, 
fig. 1,GFHIK L, p.121,pl. XIX, AB et de Een M). Il indique 
aussi ceux qui viennent du cloaque et des parties génitales, et qui 
suivent l'aorte, mais il n'indique pas exactement leur point de 
reunion aux. précédents (M). Il décrit et représente sous le nom 
de lymphatiques des nageoires antérieures, les veines musculaires 
superficielles (p. 120, pl. XVIIE, fig. 2, BD) et profondes (p. 121, 
pl. XIX, P) de ces organes. Il décrit aussi ceux de la partie su- 
périeure de l'ovaire, mais comme il figure et décrit en même 
temps ceux des muscles voisins qui n’ont que des veines et pas 
de Iymphatiques, il est probable que ce sont des veines qu’il a eues 
sous les yeux, car c'est là où se trouvent en effet quelques-unes 
de celles des organes dont il parle (p. 121, pl. XIX, N). C'est à 
tort que là encore il insiste sur l’analogie qui existerait à droite 
et à gauche entre le mode de terminaison, dansles sénus de Monro, 
des veines d’une part et des lymphatiques de l’autre, par des ori- 
fices pourvus de valvule (p. 424, pl. XVIILE, X, et pl. XIX, R S).II 
décrit et figure exactement le sinus caverneux aréolaire plexiforme 
de la portion grêle de l'estomac, autour des vaisseaux sanguins de 
cet organe (p. 122, pl. XIX, C D); sinusquiest pourvu d'une partie 
celluleuse spongoïde saillante en dehors des conduits Iymphatiques 
satellites des artère et veine, mais communiquant avec eux (p.1°2, 
pl. XX, fig. 1 et 2). Il note aussi de nombreux Iymphatiques de 
petit volume, provenant des parties situées derrière le péri- 
carde; comme au point qu’il indique (p.421, fig. XIX, 0) arrivent 


SUR L'ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 25 
les veines jugulaires postérieures de chaque côté, 1l ne parait pas 
que ce soient les lymphatiques du péricarde qu'il ait eus sous les 
veux. Il décrit ensuite les veines du cerveau, de l'œil et de la 
peau des Raïes, comme étant des lymphatiques (p. 122, pl. XXT). 
Il dit aussi que les lymphatiques de la rate sont volumineux et 
faciles à reconnaître, ne renfermant pas de sang (p. 44) ; mais 
ces lymphatiques ne pénètrent pas dans la profondeur de cet or- 
gane, pas plus que dans le foie, et ils existent seulement dans les 
replis mésentériques qui enferment ses vaisseaux et l’unissent à 
l'estomac. 

Il pense que les Iymphatiques ne sont pas la continuation des 
vaisseaux artériels les plus fins (p. 38, n° 5), et qu'ils sont destinés 
à absorber des liquides dans toutes les cavités du corps et à sa 
surface. | 

Prenant les veines de la tête et des parties antérieures de l'œil 
pour des lymphatiques, 1l pense que ces derniers commencent 
par des extrémités libres pourvues de petits orifices, parce qu’il a 
vu linjection dans ces veines suinter à la surface de la peau sans 
s'extravaser dans l'épaisseur des tissus cellulaire et musculaire 
(p. 38-39). Ces fais et l’égal éloignement des petits orifices à la 
surface du corps, leur régularité, ne permettent pas de mettre en 
doute, selon lui, que les lymphatiques commencent par des ori- 
fices libres. Or, on peut s'assurer que chez ces animaux les in- 
Jections tant artérielles que veineuses, mais suriout celles-ci, 
s’épanchent facilement à la surface de la peau par rupture des 
capillaires superticiels sous-épidermiques; dans l'épaisseur des 
Uissus dont les capillaires sont soutenus par ces conduits entre 
lesquels ils rampent, ilsse rompent moins facilement, mais cepen- 
dant’ laissent assez souvent extravaser l'injection. Il décrit et 
figure (p. 119, pl. XVII, fig. 4, A) les lymphatiques de la 
rate (D), mais ces vaisseaux n’existent que le long des conduits 
sanguins de cet organe, et dans la portion de mésentère qui le 
rattache à l'estomac. | 

Des faits qu’il a observés à la surface de la peau, il conclut que 
ses observations étaient exactes lorsqu'il a vu l'injection des chy- 
lifères sourdre à la surface des muqueuses stomacale et intestinale, 


26 CH, ROBIN, — MÉMOIRE 
et que, par conséquent, ces vaisseaux commencent aussi par des 
orifices superficiels (p. 38). 

Les seuls faits qui, dans Hewson, se rapportent au sujet de ce 
travail, sont les suivants : « J’ai examiné, dit-1l, à plusieurs re- 
prises, l’intestin et le mésentère de la Raze commune et de la 
Morue. Enfin, je fus assez heureux pour y découvrir les lympha- 
tiques et parvenir à introduire une canule dans un de ces vais- 
seaux du mésentère de chacun de ces poissons. En injectant par 
cette canule, je découvris de nombreux et larges vaisseaux, et il 
était peu difficile d’en suivre tout le système. Je donnerai leur 
description d'après la Merluche » (Hewson, À description of the 
lymphatic System, London,1774,inthe Works of the W.Hewson, 
London, 1846, in-8°, p. 152). La description qu’il donne ensuite 
n'est relative qu'aux poissons osseux. C'est avec raison que 
Fohmann pense que Monro n'avait pas injecté des lymphatiques 
du côté de la tête, lorsqu'il voyait le mercure s'échapper à la sur - 
face de la peau; mais il croit à tort que c’est le tube muqueux 
que ce dernier a rempli, et dont les ouvertures cutanées ont 
donné issue au liquide (1). On a vu plus haut que ce sont des 
veines que Monro avait sous les yeux. 

Fohmann n’a pas vu que le mercure suintât à la surface de la 
muqueuse intestinale des raies, etc., lorsqu'il en injectait les 
lymphatiques ; il pense donc que nulle part ces vaisseaux n'ont 
des orifices libres (p. 39). Il n’a pas pu voir de Iymphatiques dans 
les muscles, la peau, le cerveau, ni les organes des sens (p. 40). 
Il ne détermine pas quels sont les organes que Monro a décrits et 
figurés comme lymphatiques de ces régions. Mais j'ai indiqué plus 
haut que ce sont des veines que cet anatomiste a prises pour des 
Fmphatiques, et c’est pour n’avoir pas suffisamment connu cet 
ordre de vaisseaux que les recherches sur les lymphatiques, par 
Monro et Fohmann, laissent à désirer en plus d’un point important. 

C'est à tort que Fohmann dit (p. 41) que les lymphatiques 
commencent par des extrémités closes, formant dans la plupart 
des parties du corps des vésicules ou élargissements, offrant une 


(1) Fohmann, Das Saeugadersytem der Fische. Heidelberg und Leipzig. 1827, 
in-folio, p. 39, 


SUR L’ANATOMIE DES LYMPHATIQUES: DES TORPILLES,. 27 
face interne lisse et une face externe plus ou moins analogue au 
tissu cellulaire, variant de disposition dans les diverses parties 
du corps. Ge sont partout des réseaux, mais seulement les con- 
duits sont parfois volumineux, moniliformes. On verra plus loin 
que parfois alors le mercure donne par distension, à ces parties, 
une disposition qui n'existe pas à l’état naturel, et que celui-ci 


peut être observé en usant d’autres moyens. Les cellules qu'il 


décrit dans les muscles comme origine des lymphatiques de ces 
organes, et pouvant être comparées à celles que le moyen pré- 
cédent lui a fait voir dans la valvule spirale des raies (p. 40), 
n'existent pas; elles sont le produit d’épanchements du mercure 
dans les interstices des tissus. Il n’y a pas davantage à tenir 
compte du tissu cellulaire, aréolaire, eribleux, qui recouvrirait 
la face externe de ces origines des lymphatiques, et relierait ce 
système avec les autres systèmes de tissus qui entrent dans la 
composition des organes (p. 41), tissu cribleux qui serait chargé 
de pomper les liquides à la manière d'une éponge. 

C'est à tort que Fohmann (p. 45) cherche à voir dans les res- 
serrements qui se trouvent dans les lymphatiques moniliformes, 
les analogues des valvules que l’on trouve dans les lymphatiques 
des vertébrés supérieurs. Ce sont les particularités de préparation 
mentionnées plus haut qui lui font admettre que les lymphatiques 
perdent par place la forme de vaisseaux pour présenter des élar- 
gissements, former des sacs et des cellules. C’est ainsi qu’il in- 
terprète (p. 43) les réseaux à mailles étroites, limités par de larges 
conduits qu’on trouve à la surface de l'estomac, mais qui ne 
prennent l'aspect vésiculeux que par distensior exagérée. Il n’y 
a que le sinus caverneux de la portion grêle de l’estomac qui 
offre’ une disposition aréolaire, vésiculeuse, autour des vaisseaux 
sanguins de cette partie de l'estomac. 

Fohmann dit avec raison que sur l'animal vivant les lympha- 
tiques ont le même aspect que sur l’animal mort, et qu'on peut 
aussi pousser un liquide dans toutes les directions, sans difficulté; 
que, de plus, le liquide des chylifères n’est point blanc comme 
chez les mammifères, même pendant la digestion, mais transpa- 
rent, grisâtre. | 


28 CH, ROBIN, — MÉMOIRE 

Monro décrit dans la rate des cellules ou dilatations lympha- 
tiques ; il serait difficile de donner une détermination exacte de 
ces parties, si (ant est qu’elles existent, car je n'ai pu les re- 
trouver. Fohmann semble en parler plutôt d'après ce que dit 
Monro que d’après ce qu'il aurait vu (p. A5). Iles regarde comme 
les dilatations qui se trouveraient, selon lui, à l’origine de tous 
les Iymphatiques. C’est à tort que Fohmann dit qu'il y a deux 
ordres de communication entre les lymphatiques et les veines, 
les unes près du cœur, entre les gros troncs lymphatiques et les 
grosses veines, les autres entre les petits lymphatiques et les 
petites veines, celles-ci très-nombreuses, soit dans les parois de 
l'intestin, soit dans le mésentère, d'où résulterait que les parties 
que reçoit le système lymphatique ne sont pas versées dans les 
veines en deux points seulement, mais en plusieurs (p. 46). Il 
résulterait de là que, (andis que nulle part, chez les autres ani- 
maux, le chyle ou la Iymphe ne se mêlent au sang qui va dans le 
foie ; ici, la veine porte recevrait ces fluides, mais nous avons vu 
qu'il n’en est rien et que c’est là une erreur. 

Fohmann figure les lymphatiques de la torpille (Torpedo mar- 
morata). Sa description ne renferme rien qui ne soit déjà dans 
Monro; elle est même plus incomplète en ce qu'il n'indique pas 
les rapports exacts des conduits collecteurs des réseaux avec les 
vaisseaux sanguins, tant à la surface de l'intestin que sur les voies 
biliaires. Cela tient à ce qu'il a injecté les Iymphatiques sans 
injecter les artères ni les veines. Aussi, ses figures des réseaux 
lymphatiques (pl. 1) ont une uniformité qui est très-inexacte en 
face de la réalité. La dilatation exagérée des gros conduits lym- 
phatiques par le mercure, fait que ses dessins ne donnent aucu- 
nement une idée de leur aspect extérieur, bien que leur situation 
et leur trajet soient exactement représentés. Il indique à tort le 
sinus des veines sushépatiques comme appartenant aux veines 
caves (p. 20, pl. I, d d), et leurs réseaux lymphatiques (p. 214, 
pl. 1, 4 6), comme se jetant à part dans les veines caves des deux 
côtés, tandis qu'ils se joignent à ceux des voies biliaires. C’est à 
tort également qu'il décrit et figure (p. 24, pl. I, 11) l'ensemble 
de tous les Iymphatiques au-dessus du cardia, comme se parla- 


SUR L’ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 29 
geant en deux faisceaux qui marcheraient derrière l'œsophage, 
chacun d’un côté, pour se jeter dans la veine cave correspondante, 

Fohmann indique les lymphatiques qui recouvrent le sinus de 
Monro comme venant de la tête et des parties thoraciques, mais il 
ne décrit pas ces lymphatiques (p. 22, pl. IT, n° 1). Il signale 
comme élant un petit réseau placé le long de la colonne verté- 
brale, le plexus qui longe l'aorte, maisil ne le décrit pas, non plus 
que celui qui longe l’artère mésentérique, et il le figure inexacte- 
ment(p. 22, pl. Il, n°4). [ne parle pas de ceux du cœur, ni de ceux 
du pancréas, et ne décrit point ceux de la rate, mais il indique le 
réservoir lymphatique qu'il compare au réservoir de Pecquet des 
mammifères. Il décrit aussi les deux conduits qui sont placés sur 
les côtés de l'æsophage, entre lui et la veine cave correspondante ; 
il les donne comme formant deux faisceaux dont chacun irait 
s'ouvrir par neuf orifices de chaque côté (p. 22, pl. IF, n° 9). Il 
représente six orifices dans le sznus de Monro qu'il ne distingue 
pas de la veine cave, et trois dans celle-ci. Il dit que la plupart de 
ces orifices sont pourvus de valvules empêchant le reflux du sang 
dans les Iymphatiques. Mais on a vu plus haut que ce ne sont pas 
des valvules proprement dites, et que dans cette description et 
ces figures il n’y a d’exact que ce qui concerne les trois orifices 
placés dans la veine cave. Quant à ceux qu’il représente dans le 
sinus de Monro, ce sont des orifices veineux. Il figure en outre 
ces orifices beaucoup plus en avant qu'ils ne sont réellement. 
Quant aux deux faisceaux de conduits lymphatiques qui se déta- 
cheraient de la partie antérieure de chaque réservoir lympha- 
tique pour aboutir à ces orifices (p. 22, pl. IL, n°* 8 et 9), ce 
sont, d’une part, les conduits collecteurs des côtés de l’œsophage, 
et de l’autre, les conduits volumineux longitudinaux anastomosés 
sur les côtés de l’œsophage, tant sous le péritoine, au-dessous 
de la veine cave, que d’autres réseaux qui leur font suite en 
quelque sorte. Ces derniers, à conduits volumineux également, 
sont placés contre cet organe, dans la partie où il adhère à l’aide 
d'un tissu cellulaire lâche, tant à la partie antérieure du lobe hépa- 
tique correspondant, qu’au sinus sus-hépatique et à la veine cave. 

Fohmann décrit et représente avec beaucoup de soin le réseau 


30 CH. ROBIN. — MÉMOIRE 


lymphatique qui couvre la muqueuse de l'intestin à valvule, chez 
la raie, ainsi que les troncs lymphatiques collecteurs qui accom- 
pagnent les vaisseaux sanguins de cette portion de l'intestin. Il 
insiste sur leur nombre et leur capacité, toutefois ses figures etsa 
description exagèrent cette dernière, ce qui est dû à l'emploi du 
mercure pour les injecter. Cette remarque‘est également appli- 
cable aux cellules, sacs ou vésicules qu'il dit exister tant au bord 
libre que dans le reste de l'étendue de la valvule spirale et de la 
portion d'’inteslin qui est interposée à l’insertion de celle-ci (p. 28 
à 30, pl. VIE, fig. 1 et 2). II n'indique pas dans quel vaisseau lym- 
phatique vont se jeter les conduits collecteurs de ces réseaux. 

En 1845, j'ai publié les notes suivantes sur le sujet traité dans 
ce mémoire. Ce sont : 

1° Note sur un appareil particulier de vaisseaux lymphatiques 
chez les poissons (Journal l'Institut, n° 590 du 16 avril 1845, 
volume XIIT, page 144 ; Paris, in-4°. — Revue zoologique, n° 6, 
juin 4845, tome VIIT, page 224, Paris, in-8°. — Procès-verbaux 
de la Société philomathique, page 40, Paris, 1845, in-8°). Elle 
contient la description du vaisseau latéral, du vaisseau médian 
abdominal et des deux veines sous-péritonéales, sur la grande 
roussette (Squalus canicula, L.), et enfin une courte description 
du canal muqueux latéral. 

2° Deuxième Note sur l'appareil Pan des vaisseaux 
lymphatiques des poissons, connu sous le nom de système du 
vaisseau latéral (Journal l’Institut, n° 600 du 25 juin 1845, vo- 
lume XIII, page 233, Paris, in-4°. — Revue zoologique, n° 6, 
juin 1845, tome VIIT, page 228, Paris, in-8°. — Procès-verbaux 
de la Société philomahique, page 64, Paris, 1845, in-8°). Elle 
a pour sujet la description sur les raies (Raia, C.) des mêmes 
vaisseaux que chez les squales. Le vaisseau médian abdominal, 
indiqué comme constant, n’est que rudimentaire, et manque sur 
plusieurs espèces. 

Le renflement vasculaire spongieux de l’extrémité des appen- 
dices génitaux mâles n’est pas celui décrit par J. Davy. Ce der- 
nier enveloppe la glande prostate et reçoit le sang du précédent; 
en sortant de cette poche spongieuse érectile enveloppée d’un 


SUR L'ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 31 


muscle, le sang se rend dans les veines de la face supérieure du 
membre postérieur, et arrive ensuite au cœur par la veine sous- 
péritonéale. Elle contient enfin une courte description des lym- 
phatiques et chylifères des raies et des squales. 

3° Note sur le système veineux des poissons cartilagineux 
(Comptes rendusdes séances de l'Académie des Sciences de Paris, 
lue le 8 décembre 1845, tome XXI, page 1282, Paris, in-4°), 
Cette note a pour but principal de montrer que les vaisseaux 
sous-cutanés décrits par Hyrtl, chez les poissons osseux, puis par 
moi chez les Sélaciens comme étant des lymphatiques, ne sont 
que des veines ; mais les chylifères et les Iymphatiques du cœur, 
indiqués plus haut, sont de véritables lymphatiques. 

Enfin, dans un Mémoire sur les vaisseaux chylifères et san- 
quins des torpilles (Torpedo Galvanii), lu à la Société de Biologie, 
dans ses séances des 11 et 18 novembre 1848, et mentionné tant 
dans'ses bulletins (Paris, 1849, in-8°, page 20), que dans une 
Notice analytique de mes travaux (Paris, 1848, in-8°, page 4), 
j'ai démontré l’existence de réseaux lymphaliques nombreux et 
serrés depuis l’eutrée de l’œsophage jusqu'au cloaque, et de bour- 
relets lymphatiques recouvrant les troncs sanguins intestinaux et 
gastriques (surtout ces derniers) comme chez les raies, Cette note 
est le résumé des faits développés dans le mémoire que je publie 
ici en entier. J'y montre en outre que le foie est à deux lobes 
pairs, le droit seul à une vésicule; les lymphatiques de celle-ci et 
des conduits cholédoques se jettent dans les troncs périartériels, 
La rate est dénuée de lymphatiques. C2ux du cloaque et de sa 
glande sont volumineux, monilifcrmes, recueillis par un ou plu- 
sieurs:gros troncs de chaque côté qui longent et recouvrent 
l'aorte, puis remontent le long de l'artère mésentérique, en re- 
cueillant des capillaires peu nombreux du péritoine rénal et des 
veines caves pour se jeter dans le réservoir qui communique avec 
ces dernières. Gelles-ci sont en réalité les veines azygos chez tous 
les Sélaciens, comme le montre l’embryogénie (Coste). Elles sont 
renflées comme celles des squales et des Squatina, et manquent 
comme elles du réservoir médian des raies. Les sinus ovariens et 
testiculaires se jettent directement dans les sinus sus-hépatiques, 


32 CH. ROBIN. — MÉMOIRE 

sans communiquer avec les veines caves (azygos). On peut, dans 
les torpilles et les autres plagiostomes, injecter les lymphatiques 
du cloaque par les veines de cet organe, ou réciproquement, mais 
ce n’est qu'après avoir surdistendu l’un ou l’autre, ce qui porte 
à croire qu'il y a rupture, car on à ordinairement la sensation 
d’une résistance vaincue. Les veines de l'appareil électrique se 
jettent dans les jugulaires, elles ont des orifices d’abouchement 
munis de valvules. Les veines cutanées s’anastomosent avec le 
réseau veineux dont les mailles circonserivent le sommet des 
piles de disques de l'appareil électrique. La disposition des veines 
superficielles et profondes est la même que chez les raies, sauf 
les veines sous-périlonéales qui manquent et sont remplacées par 
un tronc sous-cutané de chaque côté, qui vient des membres pos- 
térieurs, longe la face antéro-latérale de l'abdomen et va se jeter 
dans le sinus de Monro. 

Ainsi, le résultat général de ces recherches avait été de dé- 
montrer que les vaisseaux sous-cutanés que j'avais décrits chez les 
Plagiostomes, vaisseaux que, sur la foi de Monro, de Hewson, de 
Hyrtl, ete., j'avais déterminés par analogie comme étant des Iym- 
phatiques, sout des veines et nullement des lymphatiques. Ce 
résultat se trouve entièrement confirmé par les descriptions con- 
tenues dans ce mémoire. Elles prouvent, en effet, que les poissons 
n'ont pas d’autres lymphatiques que les chylifères, et ceux du 
péritoine tapissant les organes génito-urinaires, ainsi que ceux du 
péricarde. Quant aux vaisseaux sous-cutanés décrits sous le nom 
de lymphatiques, ce sont des veines et la peau manque complé- 
tement de lymphatiques chez ces animaux. La division de ces 
- vaisseaux en superficiels et en profonds, encore admise chez les 
poissons par quelques auteurs, n'est par conséquent fondée sur 
aucun fait réel, et est en contradiction formelle avec l’obser- 
vation. 

Aucun des faits précédents concernant les plagiostomes n’est 
mentionné par Slannius. Il ne dit rien des lymphatiques ni des 
vaisseaux veineux sous-culanés el sous-péritonéaux des plagio- 
stomes (Handbuch der Zootomie : Zootomie der Fische, Berlin, 
1854, in-8°, zweile Auflage), 


SUR L’ANATOMIE DES LYMPHATIQUES DES TORPILLES. 33 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


PLANCHE I, fig. 4. — Torpille (Torpedo Galvanii, Risso) mâle, de grandeur naturelle, 
dont les vaisseaux sanguins et lymphatiques ont été injectés. On a enlevé toutes les 
parties latérales jusqu’auprès de la colonne vertébrale, ainsi que la paroi ventrale, 
pour relever tous les organes abdominaux. 

a. Le ventricule. 

b. L’oreillette. 

c. Le bulbe de l’artère branchiale. 

d. Veine jugulaire antérieure. 

e. Veine jugulaire postérieure. 

f. Sinus veineux commun ou de Monro du côté gauche, se jetant dans l’oreillette. 

g. Abouchement de la veine cave gauche dilatée dans le sinus de Monro, et 
commencement de celui-ci (g f). 

h. Veine amenant le sang du tronc et des membres du côté gauche dans le 
sinus de Monro. 

i. Abouchement, dans le mêine sinus, de la dilatation sus-hépatique des veines 
de ce nom, ou veines hépatiques gauches. 

j. Dilatation sus-hépatique gauche des veines correspondantes, appliquée contre 
le haut de la veine cave sans l’y aboucher. Elle est ici vidée de son injection; 
on voit en à son abouchement dans le sinus de Monro de ce côté, et plus haut, 
par la ligne médiane, sa communication avec la dilatation correspondante 
droite, laissée pleine d’injection. Le lobe gauche du foie a été enlevé pour 
laisser voir ces dispositions et les suivantes, 

k. Appendice des sinus veineux testiculaires droits, s’étendant sur la ligne mé- 
diane, entre la paroi ventrale et le foie. Il est plein d'injection, On a enlevé 
l’appendice veineux correspondant du côté gauche, pour montrer sa commu- 
nication avec celui de droite (k), par les trous dont est criblée la cloison qui 
les sépare incomplétement sur la ligne médiane. Chacun de ces appendices 
se jette, par plusieurs trous, dans la dilatation des veines sus-hépatiques du 
côté correspondant (v. pl. IL, k). 

l. Lobe droit du foie relevé, montrant les orifices des branches de la veine 
porte. 

m. La veine cave gauche, au point où elle commence à se dilater en sinus. Cette 
dilatation est ouverte ; sa paroi externe et l’injection qui remplissait cette dila- 
tation sont enlevées pour montrer la cloison perforée (n) qui la sépare de la 
dilatation correspondante du côté opposé. 

0. Partie supérieure de cette dilatation, laissée pleine d'injection jusqu’au point 
où elle se jette (en g) dans le sinus de Monro (f). 

p. q. Orifices d’abouchement dans la dilatation de la veine cave du réservoir 
commun des lymphatiques de tout le corps (voy. p. 2 et 3). 

r. Réservoir commun aux lymphatiques des différentes régions du corps, der- 

_ rière l’artère de l’intestin valvulé. 

ni Pancréas couvert d’un réseau de gros lymphatiques. 

. L’intestin à valvule spirale intérieure, couvert de fins réseaux Jymphatiques. 

u. Conduit collecteur gauche des réseaux péri-aortiques (Voy. p. 5 et 6). 

v. Conduit collecteur gauche des réseaux œsophagiens. 

æ. Réseaux de la portion vaste de l’estomac. 

y. Réseaux de la portion grêle de l'estomac. 

3. Pylore etses réseaux lymphatiques. 

1. La rate dépourvue de lymphatiques, longée par des sinus collecteurs pan- 
créatique et gastrique. 

2. Voyez page 11. 

3. Voyez pages 12 à 13. 


JOURN. DE L’ANAT ET DE LA PHYSIOL. — T, 1V (1867). 3 


5/4 CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR L'ANATOMIE, ETC, 


A. Glande cloacale, ses réseaux et leurs troncs collecteurs allant dans les con- 
duits collecteurs péri-aortiques (u). 

5. Canal hépatique, longé par l'artère hépatique, entourés des réseaux lympha- 
tiques correspondants. Voyez p. 14. 

Fic. 2. — Elle représente la réduction de la figure dont une portion, reproduite de 


grandeur naturelle, compose la planche IL. 


PLANCHE I. — Torpille (Torpedo Galvanii, Risso) mâle, de grandeur naturelle, dont 
tous les vaisseaux ont été injectés, comme sur la précédente (artères en rouge, 
veines générales en bleu, veine porte en jaune et lymphatiques en blanc). La paroi 
abdominale est enlevée, l’estomac et l'intestin sont renversés hors de la cavité 
ventrale, de manière à montrer leur face droite. 

a,b,c,f,k,l,lt. Comme à l'explication de la pl. I. 

d. Réseaux lymphatiques entourant l’artère-stomacale supérieure. 

e. Sinus lymphatique collecteur des réseaux gastriques. 

f. Réseaux de la fin de l'intestin à valvule et du cloaque, se réunissant en avant 
dans les conduits collecteurs péri-aortiques. : 

g. Glande cloacale et ses réseaux. 

h. Niveau de l’abouchement des lymphatiques biliaires dans le sinus collecteur 
dés réseaux gastriques (voy. p. 14). 

i. Vésicule biliaire et ses réseaux lymphatiques. 

j. Lymphatiques superficiels des canaux déférents. 

m. Réseaux lymphatiques recouvrant les dilatations ou réservoirs veineux sus- 
hépatiques des veines afférentes correspondantes du foie. 


PLANCHE III. — Elle représente une portion du mésentère d’un petit lézard (Lacerta 
stirpium, Daudin), montrant une artériole isolée et des capillaires qui s’en détachent. 
Un lymphatique accompagne le vaisseau principal. Grossissement, 230 diamètres, 
A un grossissement plus fort, le microscope montrait une bordure hyaline très- 
nette, épaisse de 2 à 3 millièmes de millimètre, que la lithographie n’a pu ren- 
dre, et qui limitait la face interne du lymphatique, de ses trabécules (h) et la surface 
externe des capillaires (a, b) qui le traversaient. 

a, b. Capillaires traversant de part en part le lymphatique. 

cd, cd. Largeur du lymphatique appliqué sur une partie de la circonférence de 
l’artériole ce. 

f, f, f. Leucocytes appliqués çà et là contre la face interne des vaisseaux san- 
guins dans une couche de plasma, et entraînés de temps à autre par la colonne 
des globules rouges courant rapidement. . 

g, g- Leucocytes rares, plus petits, flottant dans la lymphe, progressant lenie- 
ment par oscillation, en sens inverse du courant sanguin. 

h. Trabécule formée par un faisceau de fibres lamineuses, et tendue au travers 
du canal du lymphatique, d’un point de la surface externe de l’artériole à la 
paroi opposée du lymphatique. La lymphe et ses globules passaient de chaque 
côté de cette trabécule. D’autres, semblables ou plus petites, existaient çà et 
là dans ce conduit et dans ses analogues, | 

i, i. Trame de fibres lamineuses du mésentère. L’épithélium recouvrant celui-ci 
n’a pas été représenté. 


SUR L'ANATOMIE DES ÉDENTÉS 
LETTRE DE M. RICHARD OWEN 


ET REMARQUES SUR LE MÊME SUJET 


Par Georges POUCHET,. 


« Mon cher monsieur Pouchet, 


» Les notes qu’on trouve au bas de la troisième page de votre 
premier Mémoire sur l'anatomie des édentés (1), et au bas de la 
première page du second (2), tendraient à induire en erreur sur 
la véritable date à laquelle j'ai déterminé les caractères génériques 
du Glyptodon, en même temps que je leur imposais ce nom. Je 
ne vous aurais point écrit à ce sujet si je n’avais reçu tout récem- 
ment une lettre d’un éminent naturaliste américain qui me de- 
mande, s’en référant à vos mémoires, pourquoi j'ai changé, en 
1845, le nom d'Hoplophorus donné par Lund, dés 4841, aux 
grands tatous fossiles. J’ai dû renvoyer mon correspondant à 
l'History of Buenos-Ayres, par Sir Woodbine Parish, in-8°, 
1838, où je donnai pour la première fois les caractères génériques 
et spécifiques du Glyptodon clavipes, lequel est même figuré sur 
le frontispice du livre. 

» Les caractères et les affinités du G/yptodon sont longuement 
détaillés dans mon mémoire sur le Gyptodon clavipes, lu le 
23 mars 4839 à la Société géologique de Londres, et imprimé 
dans le sixième volume de ses Transactions. 

» Le docteur Lund, qui résidait au Brésil, ignorait ces travaux 
quand il fit paraître son important mémoire dans le Recueil de 
l'Académie de Copenhague, t. VI, 1841. Le Catalogue de la col- 
lection du Musée des chirurgiens auquel renvoient vos notes, ne 


(1) Voyez ci-dessus, troisième année, p. 115. 
(2) Ibid., p. 337. 


36 G. POUCHET. — SUR L'ANATOMIE DES ÉDENTÉS. 

donne guère que le résumé de mes descriptions de 1838 et de 
1839. Pour moi, les caractères du genre Glyptodon résident 
essentiellement dans la forme des dents et de la carapace. Et ces 
caractères se retrouvent dans toutes les espèces du genre Hoplo- 
phorus de Lund, et du genre Schistopleuron de Nodot, qui sont 
venues à ma connaissance. 

» Je cherche en vain une distinction de valeur générique entre 
le genre Glyptodon et l’Hoplophorus euphractus tel que vous le 
décrivez. Si nous nous arrêtons aux modifications que pourront 
nous offrir les plaques osseuses du derme, nous serons forcément 
conduits à faire autant de genres qu'il y a d'espèces, et nous re- 
tomberons dans cette Babel de noms où nous a jetés l’inutile con- 
fusion mise dans tant d’autres genres naturels. Bien mieux vaut, 
croyez-moi, conserver l’ancien nom de Glyptodon à tout animal 
offrant combinés le caractère des dents canelées, et le caractère 
de la carapace non disposée en anneaux (1). 


» Votre dévoué, 
» Richard OwEN. » 


Le nom seul de M. R. Owen était une autorité suffisante pour 
nous engager à publier cette lettre, où la grosse question de la 
nomenclature zoologique est incidemment tranchée par le célèbre 
anatomiste anglais. 

Nous devons toutelois faire quelques réserves sur le fond de la 
lettre. L'ouvrage de Sir Woodbine Parish n’a jamais été à notre 
disposition. Quant au mémoire lu par M. R. Owen à la Société 
de géologie, et dans lequel sont donnés, en effet, les caractères 
. du genre G/yptodon, aucun passage de ce mémoire ne se rapporte 
au G. ornatus, que nous avons par conséquent trouvé dénommé 
pour la première fois, seulement en 1845, dans le catalogue de 
la collection huntérienne. Si nous avons choisi provisoirement 
le nom donné par Lund en 1841, c’est que Lund, comme nous 
l'avons dit, eut la bonne fortune d’avoir le premier entre les 
mains un os du squelette profond de cet animal, et, de plus, un 
os caractéristique, 


(1) « Dentes esulcati, lorica integra. » 


LETTRE DE M. RICHARD OWEN. 37 


Toutefois, notre intention était si peu de trouver entre l’Æoplo- 
phorus euphractus de Lund et le G/yptodon clavipes une distinc- 
lion générique, que dans le résumé de nos deux mémoires, 
p. 354, nous mettons l'A. euphractus à la place naturelle qui 
nous à paru lui convenir, entre le G. clavipes et un autre Glyp- 
todon giganteus plus différents du (. clavipes, selon toute appa- 
rence, que l’Hoplophorus euphractus. | 

Notre dessein n’a été jusqu'ici que de rassembler et de publier 
les matériaux pour un travail d'ensemble sur les grands édentés 
fossiles à cuirasse, travail dont nous avons conçu le plan en face 
des nombreux débris de ces animaux acquis par le Muséum avec 
la collection Séguin et placés actuellement dans le Laboratoire 
d'anatomie comparée, auquel nous sommes attaché. 

Quant à la question de savoir s’il faudra faire dans ce groupe 
une ou plusieurs coupes génériques, la manière dont nous com- 
prenons la nomenclature zoologique, l’idée même que nous nous 
faisons de l’espèce, devaient nous porter forcément à penser 
comme M. R. Owen. On peut voir, p. 350, que nous ne donnons 
à ce nom d'espèce qu'une valeur tout à fait conventionnelle. Ce 
qu’on appelle espèce ne représente à notre esprit, dans l’état actuel 
des sciences et malgré tous les efforts des disciples de Cuvier, 
rien d’absolu. Le succès de l'hypothèse darwinienne, dont il est 
juste de faire remonter l’idée jusqu'à Lamarck, aurait porté, si 
cela avait été nécessaire, le dernier coup à l'entité de l’espèce 
biologique. : 

Puisque l’espèce ne représente à nos yeux rien de fixe, et que les 
désignations spécifiques ne nous apparaissent, en fin de compte, 
que comme des dénominations indispensables pour s’entendre, 
à plus forte raison, selon nous, doit-on éviter de multiplier les 
coupes génériques, encore plus artificielles de fait que les cou- 
pes spécifiques. Nous pensons aussi que des caractères larges, 
faciles à reconnaître, tranchès comme ceux du genre Glyptodon, 
doivent servir à distinguer les genres, quel que soit ensuite le 
nombre des espèces que des particularités d'organisation, même 
importantes, indiqueront ensuite dans le groupe générique. 


MÉMOIRE 


SUR 


LA PRÉTENDUE TRANSFORMATION DU SANGLIER 
EN COGHON DOMESTIQUE 


LU À L’ACADÉMIE DÉS SCIENCES DANS SA SÉANCE DU 12 NOVEMBRE 1866 


Par M, André SANSON 


Depuis Cuvier, personne n’a mis en doute que le Sanglier (Sus 
scrofa, L.), en passant de l’état sauvage à l’état domestique, eût 
donné naissance à nos races de Porcs. Quelques anatomistes ont 
bien remarqué, cependant, les différences tranchées qui existent 
entre les types crânien et facial du Sanglier et ceux du Cochon 
de l'Europe occidentale ; maïs ils ne pouvaient manquer d'attribuer 
ces différences à des modifications produites par la domesticité. 

Mes études sur la caractéristique de la race ne permettraient 
plus d'admettre l'hypothèse généralement adoptée sur l’origine 
des Cochons domestiques, si d’ailleurs il n’y avait, dans le cas 
particulier, un fait qui vient confirmer leurs résultats de la ma- 
nière la plus péremptoire. Ces résultals prouvent, en effet, que 
les caractères Lypiques des races ne se modifient sous aucune in- 
fluence appréciable pour nous. Le Cochon, par exemple, était 
domestique dans nos climats, dès la période dite antéhistorique. 
 Onena trouvé de nombreux débris osseux en fouillant les an- 
ciennes habitations lacustres de la Suisse. Ses caractères de celte 
époque sont encore ceux d'aujourd'hui. Ils ont persisté, et, pas 
plus alors qu’à présent, ils ne pouvaient être confondus avec ceux 
du Sanglier. 

Sans décrire dans tous ses détails la caractéristique complète 
des deux races, je ferai remarquer que le Sanglier de nos forêts 
est dôlichocéphale, tandis que le Porc de nos fermes est brachy- 
céphale (le Porc aborigène, bien entendu; car le Porc asiatique et 


SUR LA PRÉTENDUE TRANSFORMATION DU SANGLIER. 39 
celui de l’Europe méridionale n’ont pas les mêmes caractères que 
celui-ci); que chez le premier, la face et le crâne sont sur le même 
plan, et qu'il y a absence complète de ce que l’on appelle un 
angle facial, tandis que chez le second cet angle est très-prononcé, 
par suite d’une sorte de relèvement des os du nez et des maxil- 
laires supérieurs. 

Cela suffirait pour démontrer qu'ils ne peuvent avoir ensemble 
aucun degré de parenté; mais je ne saurais me dissimuler que la 
démonstration, bornée à ces caractères typiques, suppose admise 
la valeur que je leur attribue, et je ne me flatte pas assurément 
d’avoir dissipé dès à présent tous les doutes à cet égard. Ce sera 
l'œuvre du temps et de la discussion. Ces doutes s’évanouiront, 
j'espère, en ce qui concerne l’objet de la présente Note, lorsque 
j'aurai fait remarquer qu’il existe entre la constitution de la co- 
lonne vertébrale du Sanglier d'Europe et de celle de notre Cochon 
domestique une différence radicale, portant, non pas sur la forme 
des vertèbres, mais sur leur nombre. Je l’ai constatée et vérifiée 
sur tous les squelettes que j'ai pu voir, et récemment encore en 
présence de M. le professeur Goubaux, qui a eu l’obligeance de 
meltre à ma disposition ses belles collections. ostéologiques de 
l’École d’Alfort. | 

Le Sanglier n’a que cinq vertèbres lombaires, tandis que le 
Porc en a toujours six. Dans les Leçons d'anatomie comparée de 
Cuvier, il ne lui en est attribué que cinq; mais on y a certaine- 
ment décrit le squelette du Porc d'aprés celui du Sanglier, sous 
l'empire de l'hypothèse dont nous démontrons l'erreur. 

On ne voudra pas prétendre évidemment, pour persister à sou- 
tenir que le Sanglier a pu être la souche de nos Cochons domes- 
tiques, que la domesticité soit capable de faire pousser des ver- 
tèbres. Elle ne peut pas non plus en avoir retranché au Cochon 
asiatique, dit chinois, autant domestique qu’il est possible de 
l'être, et depuis plus longtemps que le nôtre, vraisemblablement, 
qui en a, de son côté, une de moins que le Sanglier. 

Il est donc bien certain que le Cochon a toujours été Cochon, 
et le Sanglier toujours Sanglier. La facilité avec laquelle ils se 
reproduisent ensemble, en donnant des produits indéfiniment 


h0 ANDRÉ SANSON. — MÉMOIRE 

féconds, prouvent qu’ils appartiennent à une seule espèce ; la 
différence de leurs types, qu’ils sont de races différentes, dont le 
principal attribut est la fixité. Le Porc redevient sauvage, et le 
Sanglier devient domestique, avec la plus grande facilite. Dans 
les deux cas, les seules modifications qui se produisent n’affectent 
que les caractères superficiels et tout à fait secondaires. 

Je demande la permission, à cette occasion, de consigner ici un 
fait analogue, en attendant que je puisse, par des recherches ul- 
térieures, contrêler sa généralité. Je suis porté à penser que la 
race des Chevaux orientaux se distingue, elle aussi, de celles des 
Chevaux de l'Europe occidentale, dont on la considère comme 
ayant été la souche primitive, par une différence dans le nombre 
des vertèbres lombaires. On peut vérifier, dans les galeries du 
Muséum d'histoire naturelle de Paris, que, sur tous les squelettes 
de Chevaux arabes et sur celui du Cheval de bataille de Napoléon, 
dit de race andalouse, il n'existe que cinq de ces vertèbres, 
comme chez l’Ane, le Daw, l'Hémione, du même genre Æqguus. 
Le même fait se présente, d’après ce qui m'a été assuré, au 
Musée de Londres. Or, dans toutes les races chevalines de l'Eu- 
rope occidentale, les vertèbres lombaires sont toujours au nombre 
de six. Aucun anatomiste vétérinaire n’en a admis moins, même 
à titre de rare exception. Le fait des cinq vertèbres lombaires du 
Cheval d'Orient n'avait jamais encore, que je sache, été signalé. 
S'il est général, ainsi que tout me porte à le croire, on saisira 
facilement sa signification. 

A la suite de la présentation de la note qu’on vient de lire, 
M, Emile Blanchard fit les remarques suivantes : 

€ Tous les naturalistes de nos jours admettront, je crois, sans 
difficulté, avec M. André Sanson, que le Sanglier de nos forêts n’est 
pas la souche de nos races de Pores, car le fait est déjà établi. 
Dans son Mémoire sur les origines des animaux domestiques, 
Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire s’est attaché à démontrer que le 
Porc, domestique en Europe, provenait d’une espèce asiatique, 
opinion manifestée précédemment par Link et Dureau de la Malle, 
comme le rappelle Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire. J'ai entendu 
avec beaucoup d'intérêt l'énoncé des observations de M. A. Sanson, 


SUR LA PRÉTENDUE TRANSFORMATION DU SANGLIER. li 
mais je regrette de n'avoir vu à ce sujet aucune mention des der- 
niers écrits d’Isidore &eoffroy-Saint-Hilaire, et je pense ne pou- 
voir laisser dire devant l’Académie, sans une protestation, que 
« depuis Guvier personne n’a mis en doute que le Sanglier, en 
» passant de l’état sauvage à l’état domestique, eût donné nais- 
» sance à nos races de Porcs. » 

Il y a, dans ces remarques, deux choses : 

1° L’articulation que le fait communiqué par moi à l’Académie 
était déjà établi auparavant, par conséquent que la priorité de ce 
fait, ou plutôt de sa constatation, ne m'appartiendrait point; que 
l’auteur l'ait ou non voulu (et j'ai de bonnes raisons de savoir 
qu'il ne l’a point voulu), sa phrase : « Tous les naturalistes de 
nos jours admettront, je crois, sans difficulté, avec M. André 
Sanson, que le Sanglier de nos forêts n'est pas la souche de nos 
races de Porcs, car le fait est déja établi », cette phrase tend 
invinciblement à le faire penser. 

2° La protestation en faveur des écrits d’Isidore Geoffroy-Saint- 
Hilaire en particulier. 

Il m'importait de répondre à l’une et à l’autre de ces deux 
choses. Je l'ai fait en termes aussi courts et aussi précis que pos- 
sible, en insistant seulement, comme il convenait devant l’Aca- 
démie, sur le point scientifique ; et M. Blanchard a bien voulu se 
charger de présenter lui-même ma réponse. 

Ici, grace à l’obligeance de M. Robin, je puis me donner un 
peu plus de latitude. Il ne sera pas bien difficile, j'espère, de 
montrer qu'il n’y avait point de raisons suffisantes pour que je 
fisse une mention particulière des écrits d’Isidore Geoffroy-Saint- 
Hilaire sur le sujet qui m'avait occupé, non plus que je n’ai eu de 
peine à prouver que ces écrits étaient étrangers à la question que 
mes observations ont résolue. 

Au moment où j'ai rédigé ma première note reproduite plus 
haut, je ne connaissais aucun naturaliste dont les travaux eussent 
mis en doute, par des observations scientifiques, l’origine attribuée 
par Cuvier à nos races de Porcs domestiques. La lecture atten- 
tive des écrits d'Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, qui s’est le plus 
occupé des animaux domestiques, en vue de l’acclimatation et de 


h2 ANDRÉ SANSON. — MÉMOIRE 

la domestication d’espèces nouvelles, ne m'avait point paru leur 
donner une signification autre. Il m'est arrivé trop souvent de 
discuter, dans la presse spéciale et dans mes ouvrages de 200- 
technie, les idées de l’éminent naturaliste, et de montrer qu'il 
négligeait constamment le côté fondamental de la question, le 
côté économique, pour que je pusse ignorer l'existence de 
ces écrits. L'auteur n’a pas pris garde, en effet, qu’un nouvel 
animal domestique ne peut être un gain pour l’économie rurale, 
qu’à la condition d’être en mesure de tirer meilleur parti des ali- 
ments qu’il consomme, qu'aucun de ceux qu’elle possède déjà, 
c'est-à-dire de donner des produits plus estimés ou obtenus à 
moindres frais. Il a abordé et traité une question d'économie 
rurale et publique en naturaliste pur. Mais ce n’est point de cela 
qu'il s’agit ici. 

Si donc je n’ai fait, dans ma note, « aucune mention des der- 
niers écrits d'Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire », c'est uniquement 
parce qu'ils ne se rapportent à son objet que par le nom des in- 
dividus considérés, et parce qu’ils ne contiennent qu’une preuve 
de plus à l'appui de mon affirmation sur l’état de la question. 

Pour l’établir, il suffira de les citer. 

Voici ce qui est écrit dans le « Mémoire sur les origines des 
animaux domestiques », présenté à l'Académie des sciences en 
1859, et reproduit dans le troisième volame de l’Æstoire natu- 
relle générale des rèqnes organiques, publié en 1862, après la 
mort de l’auteur, je crois : 

« C'est Link qui a, le premier, insisté sur l'origine orientale du 
Cochon, mais d’après des arguments fort contestables. D'Aristote 
à Pline, et de Pline à Cuvier, on avait toujours vu dans les races 
porcines des dérivés du Sanglier d'Europe. Link, et d'après lui 
Dureau de la Malle, les font descendre d’un Sanglier oriental ; 
perse et égyptien, selon Link; indien, selon Dureau, et qui est, 
disent-ils, d'une autre espèce. Il y a, en effet, en Orient, des San- 
gliers différents du nôtre, mais par des caractères d’une si faible 
importance, que la diversité spécifique de ces animaux est loin 
d’être généralement admise. Blainville lui-même, qui a fait une 
étude très-attentive de tous les éléments de la question, dit n'avoir 


SUR LA PRÉTENDUE TRANSFORMATION DU SANGLIER, UE 
pu saisir, entre le Sanglier d'Europe et celui de l'Inde, « aucun 
caractère d'espèce ». Il n’y a donc pus lieu de rapporter à l'un 
plutôt qu'a l'autre nos races porcines qui sont, les unes également 
voisines, les autres également distantes du Sus scrofa et du $. 
indicus. Mais où l’histoire naturelle nous laisse indécis, l’histoire 
nous permet de nous prononcer, car plus nous nous portons vers 
l'Orient, plus nous trouvons le Cochon anciennement domestiqué. 
La Grèce l’a possédé de très-bonne heure, comme le prouve, sinon 
l'Iliade, où le Cochon est à peine indiqué, du moins l'Odyssée, 
où il figure à plusieurs reprises. Et il existait à une époque bien 
plus reculée encore en Orient, témoin, pour l'Asie occidentale, 
les prohibitions du Deutéronome, et pour la Chine, divers pas- 
sages de l'antique Chou-King. Selon le premier denos sinologues, : 
la domesticité du Cochon dans l'extrême Orient daterait au moins 
de quarante-neuf siècles. 

Nos Sangliers d'Europe ne sont donc pas les pères des Co- 
chons de l'Asie et de l'Égypte, et ce sont, au contraire, les Co- 
chons d'Europe qui descendent des Sangliers de l'Asie (1). » 

Dans son ouvrage postérieur sur l’acclimatation des animaux, 
Isid. Geoffroy-Saint-Hilaire n’a fait que reproduire, sous une forme 
plus concise, les mêmes arguments et la même conclusion. 

Cette conclusion, si je ne me trompe pas, montre à l’évidence 
qu'il n’y a rien de commun entre l'opinion de l’auteur et le fait 
établi par mes observations. Elle m'en paraît être précisément 
la contre-partie. 

En effet, Isid. Geoffroy-Saint-Hilaire, s'appuyant seulement sur 
des considérations historiques, discute l'opinion admise en histoire 
naturelle, d'Aristote à Cuvier inclusivement, que les races por- 
cines dérivent du Sanglier d'Europe. Au point de vue de l’histoire 
naturelle, c’est-à-dire de la comparaison organique des individus 
entre eux, il s'appuie sur les études de Blainville, qui n’ont pu 
faire « saisir, entre le Sanglier d'Europe et celui de l'Inde, au- 
cun caractère d'espèce. » 

* Dans l’état d'incertitude qui règne en zoologie sur la caracté- 


(1) Hist. nat. gén. des règnes organiques, t. III, ps 82. 


ul ANDRÉ SANSON. — MÉMOIRE 
ristique de l'espèce, cette dernière assertion ne peut pas avoir une 
signification bien précise, mais elle suffit toutefois pour montrer 
que ni Blainville, ni celui qui invoque son témoignage, n'avaient 
eu l’idée d'établir le fait sur lequel j'ai appelé lattention, et elle 
réfute complétement l’allégation de M. Blanchard que, pour les 
naturalistes, l’objet de ma note était « déjà établi ». 

Serrons maintenant de plus près la conclusion historique et 


voyons-en la signification nette. 
Pour la bien saisir tout à fait, il faut savoir la définition de la 


race adoptée par Isid. Geoffroy-Saint-Hilaire. Cette définition, il l’a 
formulée ainsi : « La race est une collection ou une suite d’indi- 
vidus issus les uns des autres, distincte par des caractères devenus 
constants (1). » Et auparavant/il avait remarqué que « larace ne 
doit pas être dite seulement une variété », mais € une déviation 
constante du type, ou, comme disait Blumenbach, une « dégé- 
nération » qui se transmet constamment ». 

D'après cela, il fallait nécessairement, dans sa pensée, s’il s'était 
posé la question des rapports entre le Sanglier d'Europe et les 
races de Porcs, qu'il optât entre les deux opinions suivantes : ou 
celle de la dérivation, de la « déviation » du Sanglier en Porc, ou 
inversement celle de la dérivation du Porc en Sanglier. Il ne s’est 
pas expliqué là-dessus; son unique thèse était, pour le Cochon 
comme pour tous les autres genres d'animaux domestiques, du 
reste, que le prototype en venait d'Orient ; il englobe tous les 
Cochons d'Europe, sauvages ou domestiques, dans une origine 
commune, qui serait asiatique, et ce qu’il se propose avant tout 
de contester, c’est que nos Sangliers d'Europe soient les pères des 
Cochons de l'Asie et de l'Égypte; « et ce sont au contraire, dit-il, 
les Cochons d'Europe qui descendent des Sangliers de l’Asie ». 

Évidemment, si les faits sur lesquels je me suis appuyé sont 
exacts, j'ai démontré à la fois l'erreur commune et celle de 
Geoffroy-Saint-Hilaire, qui n'avait point eu pour effet, ainsi qu’on 
vient de le voir, de s'opposer à la première. Celle-ci restait en- 
tière, car la visée de l’auteur qui a été invoquée était au delà : 


(4) Loc, cit., t. II, p. 337, 


SUR LA PRÉTENDUE TRANSFORMATION DU SANGLIER. A5 
elle avait pour point de mire l'origine de « nos Sangliers d’Eu- 
rope », et non point celle de nos races de Porcs. Cela me parait 
impossible à contester justement. 

Or, les faits exposés plus haut sur la constitution anatomique 
du rachis des Porcs domestiques, du Sanglier de nos forêts (S. 
scrofa), des Porcs asiatiques, chinois, cochinchinois ou de Siam, 
et du Sanglier de l'Inde (S. éndicus), établissent qu’il y a, entre 
les diverses races (tous ces Cochons sont de la même espèce, 
attendu qu'ils se reproduisent indéfiniment entre eux), des diffé- 
rences fondamentales, des différences de nombre. 

Ces faits, je n'ai pas été le premier à les voir, et c’est ce 
qui donne encore plus de solidité à la conséquence que j'en ai 
tirée et dont je revendique seulement l’incontestable priorité. 
Dans tous les ouvrages d’anatomie comparée, on trouve écrit celui 
des cinq vertèbres lombaires du Sanglier d'Europe ; dans tous les 
ouvrages d'anatomie vétérinaire, on trouve celui des six vertèbres 
lombaires du Porc. À ce propos, l’auteur le plus récent, mon 
savant ami M. le professeur Chauveau, fait même, dans une note 
de son livre, la remarque suivante : « On a indiqué le nombre 5 
dans les Lecons d'anatomie de Cuvier, 2° édition. Il y à certai- 
nement erreur. » Enfin, Eyton a compté chez le Cochon de la 
Chine quatre vertèbres lombaires seulement. 

Si la signification de ces différences a échappé aux savants qui 
les avaient vues avant moi, et si elle m'a frappé, la raison en est 
fort simple : c’est qu’elles se rattachent à l’ensemble de mes tra- 
vaux sur la caractéristique de l'espèce et de la race, et que, ne 
pouvant douter, pour mon compte, de la fixité des formes fonda- 
mentales du squelette, de ce que j'ai appelé les caractères typiques 
de la race, dont la reproduction héréditaire est expérimentale- 
ment démontrée par toutes les observations zootechniques, il ne 
m'a pas paru possible d'admettre qu’en passant d’Asie en Europe, 
le S. indicus eût gagné une vertébre lombaire de plus pour de- 
venirleS. scrofa, et deux pour arriver à l’état de Porc domestique. 
Ces différences, si haut placées dans l’ordre de la subordination 
des caractères, sont venues confirmer, dans ce cas particulier, 
celles du type crânien et du type facial, dont mes travaux tendent 


6 ANDRÉ SANSON. — MÉMOIRE, ETC. 
à démontrer la valeur zoologique. Elles ne peuvent être, les unes 
et les autres, qu'originelles, car aucune preuve valable n’a jamais 
encore été fournie, à ma connaissance, à l'appui de l'hypothèse 
qui les fait si facilement considérer comme des « déviations » ou 
des « dégénéralions » du type primitif, devenues héréditaires. 
Ainsi comprises, les études zootechniques ne paraissent avoir 
une portée scientifique autre que celle qui leur avait été accordée, 
en général, jusqu'ici. Je m’efforcerai de montrer par la suite que, 
établies sur des bases anatomiques et physiologiques approfondies 
et solides, en introduisant en zoologie le point de vue expéri- 
mental, elles n’y seront pas sans utilité. Ailleurs, je lâche de 
prouver, en revanche, qu'il n’est pas indifférent pour l’exploita- 
tion économique des animaux domestiques, trop longtemps sou- 
mise à de simples règles empiriques, que cette exploitation s’in- 
spire constamment des lois positives acquises à la zoologie. 


EXPÉRIENCES 


SUR 


LA GENÈSE DES LEUCOCYTES 


LA GÉNÉRATION SPONTANÉE 


Par le D' ONIMUS 


CHAPITRE PREMIER. 


[. 


DE LA THÉORIE DITE CELLULAIRE ET DE LA THÉORIE PAR 
SUBSTITUTION. 


Deux théories sont en présence pour expliquer la genèse des 
éléments anatomiques. L'une pose comme principe que toujours 
et partout la cellule naît directement de la cellule, omnis cellula 
e cellula. « Dans un exsudat libre, dit Virchow, il ne se produit 
aucun nouvel élément; bien plus, les éléments dans le corps lui- 
même ont une origine légitime de par père et mére (ou pour 
mieux dire de père ou de mère, car il y a là une partho- 
genèse) » (4). 

L'autre théorie, au contraire, admet que les éléments anato- 
miqués naissent spontanément dans un blastème amorphe, à l’aide 
et aux dépens de ce dernier. Néanmoins, les défenseurs de cette 
théorie ou de /a genèse par substitution sont loin d’être aussi 
exclusifs que leurs adversaires, car dans certains cas (premières 
phases de développement de l’ovule) ils affirment la reproduction 
cellulaire par gemmation et segmentation. Ce point est impor- 


(1) Traité des tumeurs, par Virchow, traduit par Aronsohn, Germer Baillière, 
1867, 


h8 ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈSE DES LEUCOCYTES 
tant à considérer, car c'est surtout d’après les faits observés dans 
l’ovule que les partisans de la théorie dite cellulaire se fondent 
pour poser leur principe général. 

Ne voulant, dans ce travail, que mentionner les expériences 
que nous avons faites sans entrer dans les détails que comporte 
cette question, nous passerons sous silence la partie historique 
comme toute la partie critique, quelque intérêt et quelque utilité 
_ que présentent ces divers sujets. Qu'il nous suffise de dire qu’en 
Allemagne la théorie dite cellulaire ou du développement continu 
est aujourd'hui presque universellement adoptée. Remak et Vir- 
chow en ont été les principaux propagateurs, et ont trouvé des 
adeptes parmi beaucoup de savants étrangers. C’est ainsi qu’en 
France la Faculté de médecine de Strasbourg professe et défend 
les idées d’outre-Rhin (1), et qu’à Paris même quelques travaux 
histologiques ont été faits dans ce sens. 

Nous-même, nous avons été longtemps attiré par l'unité et la 
simplicité de cette théorie, et si aujourd’hui nous venons l'atta- 
quer, ce n’est pas seulement parce que nous aimons nous inspirer 
des travaux de M. Robin, le principal défenseur de la théorie de 
la genèse, mais c'est surlout parce que les expériences que 
nous avons instituées nous forcent à admettre que la vérité se 
trouve de son côté. 

Avant d'exposer ces expériences, nous croyons utile de rap- 
peler que l’on a souvent comparé à tort la genèse d’un élément 
anatomique dans un blastème, à la formation d’un cristal. « Cette 
comparaison n'exprime rien de réel en soi, si ce n’est peut-être 
qu'elle indique que le phénomène est moléculaire ou dominé par 
des phénomènes moléculaires » (2). 

Prenons un exemple. Supposons un gramme de sulfate de soude 
dissout dans de l’eau distillée ; si l’eau vient à s’évaporer, le sul- 
fate de soude se dépose en cristal, mais en changeant ainsi 
d'aspect, ce corps ne change pas de nature, c’est toujours du 


(4) Voyez surtout le Traité d'hislologie humaine, par M. Morei, dessins par M. A. 
Villemin. Paris, in-8°, 1864, 

(2) Robin, Mémoire sur la naissance des éléments analomiques (Journal de 
physiol. et d'anat., 1864, p. 169). | 


ET SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. A9 


sulfate de soude. S'il est dissous, les parties moléculaires de ce 
corps sont séparées, mais sans modifier leur nature ; s’il est cris- 
tallisé, les parties moléculaires se sont réunies, groupées selon 
certaines lois, mais il n’y a, dans tous ces phénomènes, aucune 
formation nouvelle, aucune modification des propriétés chimiques. 

Au contraire, quand un élément anatomique apparaît dans un 
blastème, il y a formation d’un principe immédiat qui n'existait 
pas encore ; au moment où cet élément se forme, la composition 
du blastème n’est plus la même qu'un instant auparavant. Le 
blastème, comme tout corps organique, est constamment en voie 
de rénovation moléculaire, et ce n’est qu’à cette condition que 
les éléments anatomiques peuvent y naître. Dans le blastème qui 
donne naissance à l’élément musculaire, on trouve de la fibrine 
et jamais de la musculine ; c’est seulement lorsque l'élément 
musculaire se forme, et dans l’élément seul, que ce principe appa- 
raît. La musculine n’a donc pas d’état antérieur spécifique indi- 
viduel. Elle ne se trouve pas dans le blastème, quoiqu’elle en 
provienne directement; sa formation s’est faite en même temps 
que la genèse de l'élément musculaire, car l'existence de l’un de 
ces termes suppose l’autre, et vice versd. On voit donc qu’il y a 
une grande différence entre la génération des éléments anato- 
miques el la cristallisation des corps inorganiques. 

Il ne faut non plus confondre la génération spontanée d’un 
élément anatomique dans un blastème, avec la génération spon- 
tanée hétérogénique, c’est-à-dire s’accomplissant hors de léco- 
nomie,et donnant naissance à des corps dissemblables à ceux dont 
ils dérivent. Le blastème proprement dit, c’est-à-dire celui qui 
est formé dans l’économie, provient directement de la substance 
organisée vivante, bien plus, il est vivant lui-même, car sa for- 
mation, comme ses modifications ultérieures, dépendent des con- 
ditions vitales. Au contraire, lorsque dans des matières organiques 
il naît des infusoires, le phénomène est tout autre ; car, dans ce 
cas, c’est un être nouveau qui apparaît, différant en tous points 
des éléments dont il provient ; c’est, par conséquent, une généra- 
tion primordiale, tandis que les éléments anatomiques naissent 


d'êtres préexistants semblables à eux. Que l'hétérogénie soit une 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. 111 (1866), l 


50  ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈSE DES LEUCOCYTES 
erreur ou une vérité, cela ne met donc nullement en cause /a 
genèse par substitution des éléments anatomiques, 


IL. 


EXPÉRIENCE DÉMONTRANT LA GENÈSE SPONTANÉE D'ÉLÉMENTS 
ANATOMIQUES DANS UN BLASTÈME AMORPHE. 


Avant de nous occuper de la genèse des leucocytes, qui fait le 
sujet principal de ce mémoire, nous allons citer l'expérience 
principale qui nous sert à marquer cette genèse, mais en ne 
voulant démontrer dans le moment que le seul fait de la naissance 
d'éléments anatomiques dans un blastème amorphe. 

Cette expérience consiste à renfermer de la sérosité transpa- 
rente de vésicatoire dans une membrane en baudruche, et à in- 
troduire le tout sous la peau d'animaux, afin d’étudier les modi- 
fications qu'éprouve cette sérosité. 

La première objection qui se présente est celle-ci : la sérosité 
provenant de vésicaloires renferme des éléments anatomiques et 
spécialement des leucocytes ; ce n'est donc point un blastëme 
amorphe, tel que l’exigent les conditions de l’expérimentation. 

A cela nous répondons : qu'il est vrai que la plupart du temps, 
la sérosité de vésicatoires renferme des leucocytes, mais que cela 
n’a lieu que pour les vésicatoires anciens et pour les vésicatoires 
récents, quelque temps après la formation de l'ampoule renfer- 
mant la sérosité. Lorsque, au contraire, on prend de la sérosité 
d'un vésicatoire récent au moment où l’ampoule se forme, cette 
sérosité est complétement privée de leucocytes (1). 

Mais pour nous mettre encore plus à l’abri de toute erreur, 
nous avons employé successivement les deux moyens suivants : 

Nous avons filtré la sérosité, et selon que cette dernière avait 
été plus ou moins en contact avec la peau, nous avons trouvé sur 
la partie supérieure du filtre des leucocytes et des cellules épithé- 
liales, ou bien rien que quelques cellules épithéliales. Lorsque la 

(1) I n’est pas indifférent d'employer des vésicatoires ou des mouches de Milan, 


car les mouches de Milan ont, en général, une action très-lente et peu énergique. Il 
est important d'employer des vésicatoires agissant avec rapidité. 


ET SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 51 


sérosité provient d’un vésicatoire frais el tout récemment formé, 
on ne trouve sur le filtre que de très-rares cellules épithéliales et 
pas de leucocytes; le liquide filtré ne renferme aucune espèce 
d'élément ayant forme, ri leucocytes, ni cellules épithéliales. 

Si, au contraire, on n’a pris la sérosité qu'une heure environ 
après la formation de l’ampoule, on trouve sur le filtre, à côté des 
cellules épithéliales, des leucocytes dont la proportion varie selon 
la sérosité employée. Dans ce cas, il passe toujours des leucocytes : 
à travers le filtre, et on les retrouve dans le liquide filtré, Il est 
inutile d'ajouter que ce n'est point un blastème de ce genre que 
nous avons employé dans nos expériences. 

Le second moyen qui nous fut conseillé par M. Robin consiste 
à laisser reposer pendant six à sept heures la sérosité préalable- 
ment filtrée. Ge laps de temps est suffisant pour que les leucocvtes 
en suspension tombent au fond du petit vase conique contenant la 
sérosité. La partie supérieure du liquide était donc ainsi parfaite- 
ment privée de leucocytes, et c'est cette partie seule que nous 
renfermions dans les membranes en baudrache. 

Ce moyen nous permettait, de plus, de vérifier l’exactitude de 
nos premières observations, car si le liquide que nous employons 
avait renfermé des leucocytes, il est évident que nous en aurions 
trouvé en suspension dans les dernières gouttes occupant le fond 
du tube. Or, en prenant de la sérosité d’un vésicatoire bien 
récent, nous ne rouvions jamais dans ces conditions de leucocytes 
au fond du tube, preuve certaine qu'il n’y en avait point dans le 
liquide qui servait à nos expériences. 

D'ailleurs, en laissant reposer dans un tube de ce genre de la 
sérosité qui était restée plus longtemps en contact avec la peau, 
et qui, par conséquent, renfermait des leucocytes, on ne trouvait 
pas, au bout de six heures, de globules dans la partie supérieure 
du liquide, car ils s’élaient tous amassés au fond du tube, ce qui 
démontre bien que dans le cas précédent nous en aurions trouvé 
au fond du tube, si la sérosité en avait renfermé. Donc, le blas- 
tème que nous avons employé était bien amorphe, c’est-à-dire 
qu'il ne renfermait aucune espèce d’éléments anatomiques de 
quelque forme que ce soit. 


92 ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈSE DES LEUCOCYTES 

En renfermant ce blastème dans une membrane, nous lemettions 
à l'abri de tout contact direct avec des éléments anatomiques; en 
employant de la baudruche, nous avions l'avantage d’utiliser une 
membrane à la fois endosmotique et suffisamment résistante, et 
de plus privée de vie depuis longtemps, et par conséquent ne 
pouvant agir sur le blastème autrement que par ses propriétés 
physiques. 

Dans ces conditions, nous croyons nous être mis à l’abri de 
toutes les causes d’erreur, et si dans un pareil blastème nous 
trouvons, au bout de quelque temps, des éléments anatomiques, 
nous sommes en droit de soutenir qu'ils se sont formés sponta- 
nément au sein de ce blastème. | 

En introduisant sous la peau d’un lapin des petits sacs formés 
par de la sérosité renfermée dans de la baudruche, on trouve, 
au bout de douze heures, la sérosité encore transparente, 
quoiqu’elle ait perdu sa couleur citrine primitive. On y remarque 
déjà quelques leucocytes et des granulations. Les granulations 
sont assez rares, et les leucocytes sont en général assez petits, à 
contours nets et présentant les expansions et les déformations 
sarcodiques qui ont été observées pour la première fois par 
M. Robin sur les leucocytes du sang. 

Au bout de vingt-quatre heures, la sérosité est trouble et ren- 
ferme un grand nombre de leucocytes et de granulations. 

Au bout de trente-six heures, la sérosité est toute blanche, 
laiteuse, et est composée uniquement de leucocytes et de granu- 
lations. 

Ces leucocytes, avons-nous dit, lorsqu'on les examine immé- 
diatement après avoir retiré la baudruche de l’animal où elle 
était maintenue, présentent les expansions et les déformations 
sarcodiques qu'on voit sur les leucocytes du sang et de la con- 
jonctive enflammée. De plus, ils ont également les autres carac- 
tères des leucocytes qui se forment dans l’organisme : action 
gonflante de l’eau, mouvement brownien des granules, plissement 
et rupture des parois, etc. L’ammonjaque les gonfle d’abord et 
les dissout ensuite. L'acide acétique n’y détermine pas la forma- 
tion de noyaux, ce qui démontre qu’ils sont de la variété pyoïde, 


ET SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 53 
caractère commun avec les leucocytes du pus des vésicatoires et 
de la peau en général (1). 

Cette même expérience, nous l'avons répétée non-seulement 
une fois, mais au moins une vingtaine de fois, dans les mêmes 
conditions ; nous avons pris de la sérosité de plus de quarante 
vésicatoires, l’examinant chaque fois avec soin au microscope, et 
prenant toutes les précautions que nous avons énumérées ci- 
dessus. Eh bien, dans ces conditions, nous avons toujours trouvé 
des leucocytes avec les caractères que nous venons de mentionner. 

Nous pouvons donc affirmer que si l'observation a conduit 
M. Robin et d’autres histologistes (2) à soutenir ce mode de 
genèse des éléments anatomiques, l'expérience vient à son tour 
confirmer leurs recherches et leur donner raison contre les par- 
Uisans de la théorie dite cellulaire. 


IL. 


GENÈSE DES LEUCOCYTES. — APERÇU HISTORIQUE. 


On trouve des leucocytes dans le sang, dans la lymphe, dans le 
mucus, dans le pus, etc. Cet élément anatomique est donc très- 
répandu dans l'organisme, et l’on comprend que sa présence 
dans différents liquides ait fait émettre plusieurs hypothèses sur 
son mode de génération. 

Ce seraient des épithéliums mal développés, ou encore des 
médullocelles modifiées. 

Dans la sérosité de vésicatoire ou dans le pus des abcès et des 
divers épanchements, les leucocytes naîtraient par une division 
progressive des noyaux embryoplastiques (dits aussi corpuscules 
du tissu conjonctif ou du tissu cellulaire) en cellules rondes, d’a- 
bord à un seul, puis à plusieurs noyaux. 


(1) M. Robin a eu l’obligeance d'examiner les différents liquides que nous avons 
ainsi obtenus, et il a constaté les mêmes faits que nous avions observés. 

(2) Voyez Broca, Traité des tumeurs, 1866, et Ordoñez, Étude sur le développe- 
ment des tissus fibrillaire et fibreux (Journ. d'anat. et de physiol. de M. Ch. Robir, 
octobre 1866). 


54  ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈSE DES LEUCOCYTES 

Les globules blancs du sang seraient fabriqués par la rate, et 
ceux de la lymphe par les glandes lymphatiques. 

Ainsi, voilà pour un même élément anatomique cinq origines 
différentes, et ce seul fait doit déjà faire douter de l'exactitude de 
ces diverses opinions. En effet, il serait très-singulier et tout à 
fait en dehors des lois générales de l’économie, que cinq éléments 
anatomiques essentiellement dissemblables comme forme, comme 
composition et comme propriétés, donnent naissance au même 
élément anatomique. D'ailleurs, les globules blanes du sang per- 
sistent après l'ablation de la rate, et l’on en trouve chez des ani- 
maux privés de rate. De même, la Ilymphe contient des leucocytes 
avant d’avoir traversé les ganglions lymphatiques. Bien d’autres 
objections aussi importantes se joignent à celles-ci, et sous ce 
rapport nous renvoyons le lecteur au mémoire de M. Robin « Sur 
quelques points de l'anatomie et de la physiologie des leucocytes » 
(Journal de la physiologie, Paris, 1859, p. A1). 

S'il est difficile d'admettre que les leucocytes ont pour origine 
cinq éléments anatomiques différents, dispersés dans des tissus 
n'ayant entre eux aucune ressemblance, cette présence des leuco- 
cytes dans des humeurs diverses doit faire supposer, au contraire, 
qu'entre le mucus, la sérosité, la lymphe, etc., il y a, dans cer- 
tains moments et dans de certaines conditions, analogie de com- 
position, et que, dans ces cas, le blastème, quel que soit le tissu 
où 1l se forme, donne naissance au même élément anatomique. 

Il nous reste à déterminer les conditions nécessaires à la nais- 
sance des leucocytes dans ces différents blastèmes, et c’est ce que 
les expériences suivantes vont démontrer. 


IV. 


INFLUENCE DE LA PAROI D'ENVELOPPE SUR LA GENÈSE 
DES LEUCOCYTES. 


Tous les solides et tous les liquides qui servent à former l’or- 
ganisme humain sont continuellement en voie de rénovation 
moléculaire, c’est-à-dire qu'ils se renouvellent constamment par 


ET SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 55 
suite des deux phénomènes d’endosmose et d'exosmose. Le phé- 
nomène d’endosmose apporte les principes nécessaires à la nutri- 
tion, et le phénomène d’exosmose emporte les principes qui ont 
servi à la nutrition, et qui sont devenus inutiles. Sans ces deux 
phénomènes, la nutrition, et par conséquent la vie, ne peuvent 
exister. 

Or, la naissance de leucocytes est un phénomène essentielle- 
ment vital, et pour qu’il ait lieu, il faut done que le blastème 
jouisse de ces deux propriétés d’endosmose et d’exosmose. Plus, 
en effet, la paroi enveloppante sera endosmotique, plus tôt les 
leucocytes y apparaîtront, c’est ce que prouvent les expériences 
suivantes : 

Expérience 1. — En prenant de la même sérosité, mais deux 


LU 


membranes de baudruche d'épaisseur différente, on constate, au 


bout de douze heures, que la sérosité renfermée dans la baudruche 
la plus fine contient, proportionnellement à la sérosité renfermée 
dans la baudruche la plus épaisse, un nombre considérable de 
leucocytes, et des leucocytes de plus grandes dimensions. 

Au lieu de portions de baudruche différant d'épaisseur, on peut 
se servir, pour cette expérience, de la même baudruche que l’on 
plie en double pour former un des petits sacs. Le résultat est 
alors encore plus sensible. | 

Expérience 2. — Si l’on prend de la même sérosité et qu’on 
en renferme daus de la baudruche et dans un morceau de vessie 
desséchée depuis très-longtemps, on ne trouve pas, au bout de 
douze heures, de leucocytes dans la sérosité renfermée dans le 
morceau de vessie, tandis qu'il y en a dans celle renfermée dans 
la baudruche. La vessie de pore, dont nous nous sommes servi, 
est en effet beaucoup plus épaisse que la baudruche, et les phé- 
nomèênes d’endosmose et d’exosmose se font difficilement à travers 
une pareille membrane. 

Expérience 3. — Si, au lieu de baudruche, on prend une por- 
tion de péritoine frais dont on racle la surface afin d'enlever les 
cellules épithéliales, et qu’on y introduise de la sérosité de vési- 
catoire, on y trouve, dans les conditions mentionnées, des leuco- 
cytes déjà au bout de deux heures, alors qu’il n’y en a pas encore 


56  ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈSE DES LEUCOCYTES 


dans la sérosité renfermée dans de la baudruche très-fine. Quoique 
l'enveloppe formée par le péritoine soit plus épaisse que celle 
formée par la baudruche, les leucocytes n'apparaissent que plus 
tard dans la sérosité renfermée dans cette dernière. membrane, 
et ce fait, qui parait en opposition avec ceux que nous avons 
cités plus haut, vient au contraire les confirmer. La portion de 
péritoine frais est, en effet, une membrane vivante, infiltrée de 
liquides, qui jouissait, dans l'animal dont elle a été extraite, des 
propriétés d’endosmose et d’exosmose, et pour laquelle, par con- 
séquent, ces mêmes phénomènes se rétablissent très-promptement,. 

On le voit donc, les leucocytes apparaissent d'autant plus vite 
dans un blastème, que les phénomènes d’endosmose et d’exosmose 
y sont plus marqués. N'est-ce pas, en effet, dans les parties les 
plus vasculaires, que la formation du pus est la plus rapide et la 
plus abondante ? 

Ce qui prouve encore mieux la nécessité des conditions d’en- 
dosmose et d’exosmose pour la formation des leucocytes, ce sont 
les deux expériences suivantes : 

Expérience k. — Au lieu de renfermer de la sérosité de vési- 
catoire dans de la baudruche, nous en avons renfermé dans 
des tubes à vaccin, et fermant à la lampe les deux extrémités, 
nous avons maintenu ces tubes sous la peau de lapin depuis vingt- 
quatre heures jusqu'à quarante-huit heures et plus, sans jamais 
y trouver de leucocytes. 

Expérience 5. — Au lieu d'employer des tubes en verre, nous 
avons répété l'expérience ci-dessus en nous servant de membranes 
de caoutchouc très-minces. Nous mettions en même temps de la 
même sérosité dans de la baudruche. Au bout de vingt-quatre 
heures, la sérosité renfermée dans la baudruche contenait des 
leucocytes, tandis que celle renfermée dans les membranes de 
caoutchouc était complétement transparente et privée de leuco- 
cytes. Il en était de même au bout de quarante-huit heures. 

Cette expérience montre en même temps que la sérosité ne 
renfermait pas primitivement de leucocytes, car nous en aurions 


retrouvé dans le liquide renfermé dans les tubes en verre ou dans 
les membranes en caoutchouc. 


ET SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE, 97 
A côté de la nécessité des conditions d’endosmose et d’exos- 
mose, nous voyons également par ces expériences combien il y a 
de différence entre la formation d’un cristal et la genèse d'un 
élément anatomique. Le mouvement moléculaire continu est 
inutile et même nuisible pour la formation d’un cristal, il est in- 
dispensable, au contraire, pour la genèse d’un élément analo- 
mique. 


V. 


INFLUENCE DES MILIEUX SUR LA GENÈSE DES LEUCOCYTES. 


Nous venons de voir que la chaleur, à elleseule, est insuffisante 
à faire naître des leucocytes au sein d’un blastème amorphe, et 
que la condition indispensable, celle qui domine tout le phéno- 
mène, c’est la rénovation moléculaire continue. — Mais lorsque 
les conditions d’endosmose et d’exosmose sont remplies, la cha- 
leur a une action assez marquée. 

Cest ainsi qu’en mettant sur un même animal les petits sacs 
formés par la baudruche remplie de sérosité, dans des parties 
superficielles ou dans des parties profondes, on voit apparaître 
des leucocytes dans les sachets situés profondément, avant qu'il 
y en ait dans ceux situés superficiellement. 

L'influence de la chaleur est également mise hors de doute dans 
l'expérience suivante. ? 

Expérience 1. — On met en même temps de la même sérosilé 
renfermée dans de la baudruche, chez une grenouille, dans 
l’abdomen, sous la peau d’un lapin et sous la peau d’un pigeon. 
C'est dans la sérosité placée sous la peau du pigeon que les leu- 
cocytes paraissent le plus tôt, puis dans celle placée sous la peau 
du lapin. Quant à la sérosité introduite dans l'abdomen de gre- 
nouilles, il est très-rare d'y trouver des leucocytes . dans deux. 
cas seulement où la température extérieure était très-élevée, nous 
ÿ avons trouvé quelques leucocytes. 

L'influence de la paroi enveloppante, influence que nous avons 
déterminée plus haut, peut également rentrer en partie dans 
l'influence des milieux; nous n'avons pas à y revenir, Nous ajou- 


58  ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈSE DES LEUCOCYTES 


terons seulement que le séjour préalable de la membrane dans 
des liquides organiques influe sur la rapidité de la genèse des 
leucocytes. C'est ce que prouvent les deux expériences suivantes. 

Expérience 2. — On met de la baudruche seule sous la peau 
d’un lapin; au bout de vingt-quatre heures, cette baudruche, pri- 
mitivement transparente, devient blanchâtre et opaque en divers 
points. Cette baudruche est lavée à grande eau, puis plongée 
dans une solution ammoniacale, afin d’enlever et de dissoudre 
les leucocytes qui la recouvraient (leucocytes provenant du séjour 
de la baudruche dans la plaie faite au lapin) (4). Si ensuite on 
emploie cette baudruche ainsi modifiée pour y renfermer de la 
sérosité et l'introduire de nouveau sous la peau de lapins, on voit 
naître des leucocytes dans cette sérosité plus promptement qu’en 
employant pour paroi enveloppante de la baudruche n’ayant subi 
aucune modification. 

Expérience 3. — En renfermant dass de la baudruche ordi- 
naire une assez grande quantité de sérosité, si l’on vient à rem- 
placer toutes les deux ou trois heures cette baudruche par une 
nouvelle portion de membrane, afin de renouveler très-souvent la 
paroi enveloppante, on constate que les leucocvtes apparaissent 
trés-tard et en très-petit nombre. 

Ces deux expériences rentrent en grande partie dans l'influence 
qu'exercent sur la genèse des leucocytes les phénomènes d’en- 
dosmose et d'exosmose, mais si nous les avons placées dans ce 
paragraphe, c’est pour montrer en même temps que les différents 
tissus dans lesquels un blastème vient à s’épancher n’ont pas 
une influence identique sur la formation du pus, et que quelque- 
fois un même tissu peut, selon ses conditions physiologiques ou 
pathologiques, déterminer lentement ou rapidement la purulence 
des liquides épanchés. 

L'influence des humeurs et des liquides environnants est égale- 
ment démontrée par les deux expériences suivantes. 


(1) 11 est important, chaque fois que l’on retire un des petits sacs employés, de le 
laver à grande eau, pendant un temps assez long, afin d’enlever tout le pus qui re- 
couvre la surface externe et qui pourrait se confondre après l'ouverture du petit sac 
avec le liquide qui y est renfermé. 


ET SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. b9 


Expérience h. — Deux mêmes sachets formés par la même 
membrane et la même sérosité sont mis l’un dans une plaie im- 
prégnée de sang, et l’autre dans une.plaie complétement exsan- 
gue. Afin qu’il ne puisse y avoir d'épanchement sanguin consé- 
eutif dans cette dernière plaie, on lie toutes les petites artérioles 
et toutes les petites veines qui ont été divisées. Dans ces condi- 
tions, les leucocytes apparaissent plus tôt et en plus grand nombre 
dans le sachet placé dans la plaie saignante. Cela tient sans doute 
à ce que les mouvements d'endosmose et d’exosmose se sont faits 
plus rapidement en présence de sang épanché. 

Expérience 5. — Deux mêmes sachets formés par la même 
membrane ét la même sérosité sont placés l’un dans une plaie ré- 
cente et imprégnée de sang, l’autre dans une plaie ancienne, 
suppurant depuis un ou deux jours. Les leucocytes, dans ce cas, 
apparaissent plus tôt dans le sachet placé dans la plaie ancienne. 
La présence du pus à la partie externe de la membrane endosmo- 
tique a favorisé la naissance des leucocytes. 

On voit done que la nature des liquides environnants influe sur 
la genèse des éléments anatomiques. 


VI. 


INFLUENCE DE LA NATURE DU BLASTÈME SUR LA GENÈSE 
DES LEUCOCYTES. . 


Il nous a été impossible d'obtenir des blastèmes amorphes en 
suffisante quantité, autres que celui fourni par la sérosité d’un 
vésicatoire. Gelui-ei cependant peut changer de nature et de com- 
position, car la fibrine peut y être encore dissoule, ou elle peut 
être coagulée. Or, ces deux états différents entraînent des résultats 
opposés. | 

C’est ainsi que toutes les expériences que nous avons rapportées 
Jusqu'ici ne sont vraies qu’à la condition que la fibrine ne soit 
point coagulée, car ÿ/ ne se forme ni leucocytes, ni aucune espèce 
d'éléments anatomiques dans la sérosité de vésicatoires dont la 
fibrine s’est coagqulée. 


60  ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈS: DES LEUCOCYTES 

Expérience 1. — On met de la même sérosité d’un vésicatoire 
dans deux petits tubes. L’un de ces tubes est plongé dans de l’eau 
fraiche, souvent renouvelée. De plus, on fait dissoudre du bicar- 
bonate de soude dans la sérosité, afin d'en empêcher la coagula- 
tion. Dans le second tube, on n’ajoute point de bicarbonate de 
soude, et l’on maintient le tube à la température ambiante (24°). 
La coagulation se fait dans ce tube assez rapidement, et l’on met 
alors dans de la baudruche la partie qui est restée liquide, pour 
former un sachet que l'on introduit sous la peau d’un lapin. Or, 
au bout de vingt-quatre heures, trente-six heures, quarante-huit 
heures et même plus, on ne trouve jamais dans ce liquide de leu- 
cocytes, ni aucune espèce d'éléments anatomiques." Le liquide 
devient trouble et renferme uniquement un grand nombre de 
granulations. 

La sérosité, au contraire, qui n’a point été coagulée étant placée 
dans la même plaie, renferme comme toujours des leucocytes au 
bout de ce même nombre d'heures. 

On voit donc, par cette expérience, que la coagulation du 
blastème empêche la genèse des leucocytes, et cela ne tient nul- 
lement, comme on pourrait en faire l’ohjection, à ce que le coa- 
gulum, en se formant, emprisonne les leucocytes qui se trouvent 
dans la sérosite. 

Expérience 2. — En effet, en ajoutant au liquide obtenu après 
la coagulation, des cellules épithéliales ou des leucocytes provenant 
de la suppuration de plaies, on ne trouve, au bout de vingt-quatre 
heures ou de trente-six heures, que les quelques leucocytes qu'on 
a ajoutés, et comme précédemment un grand nombre de granu- 

Jations, tandis que dans le cas de non-coagulation de la sérosité, 
on trouve toujours des milliers de leucocytes. 

Cette expérience montre bien que la présence d'éléments ayant 
forme n’influe nullement sur la genèse des éléments anatomiques, 
mais que la condition indispensable et nécessaire, c’est la nature 
du blastème et sa composition moléculaire. 

Nous voyons donc également que la fibrine est nécessaire à la 
genèse des leucocytes. Mais ce n’est pas la fibrine proprement 
dite qui est nécessaire pour cette genèse, car l'expérience sui- 


ET SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE 61 
vante montre bien que si l'on ne trouve pas de leucocytes dans 
la partie liquide obtenue après la coagulation, cela tient à un 
changement isométrique du blastème, et non à l'absence de la 
fibrine en tant que fibrine. 

Expérience 3. — On met dans de la baudruche, avec la partie 
liquide de la sérosité, la fibrine qui s’y est formée par coagula - 
tion. Le tout est introduit et maintenu sous la peau d’un lapin 
pendant trente-six heures et plus. La plupart du temps on trouve 
le coagulum redissous, mais malgré cela on ne constate jamais la 
présence de leucocytes. Dans ces conditions, on trouve quelque- 
fois des vibrions dans le liquide renfermé dans la baudruche, 
lorsque les sachets sont maintenus longtemps sous la peau d’ani- 
maux. 

Expérience h. — En ajoutant préalablement, dans la sérosité 
coagulée, des leucocytes provenant de plaies suppurées, on ne 
retrouve non plus de leucocytes nouvellement formés après trente- 
six heures (la sérosité renfermée dans la baudruche se compose, 
dans ce cas, de la partie liquide et de fibrine formée par coagu- 
lation). Comme dans le cas précédent, on ne constate que de 
nombreuses granulations. La présence de leucocytes a donc été 
impuissante à déterminer la purulence du blastème. 

Pour bien comprendre comment la sérosité, après sa coagula- 
tion, devient impropre à la genèse d'éléments anatomiques, quoi- 
qu'on conserve foutes les parties et tous les principes qui la com- 
posaient avant la coagulation, il faut se rapporter aux travaux 
qui ont été faits sur la coagulation du sang (1). 

On sait aujourd’hui que la fibrine ‘n'existe pas en tant que fi- 
brine dans le sang, elle n’y est ni à l’état de dissolution, ni à l’état 
de suspension moléculaire; elle provient du dédoublement de la 
plasmine. Chaque fois qu’un liquide organique se coagule, il 
change de nature, et par suite de propriétés; il cesse d’être 


(1) Denis, Recherches expér. sur le sang humain. 1830. — Commercy, Mémoire 
sur le sang. Paris, 1859, — Robin et Verdeil, Trailé de chimie anatomique el 
physiolog. Paris, 1853, t. III, p. 199 et suiv. — Robin, Programme du cours d’his- 
tologie. Paris, 1864, p. 96 et suiv. — G. Sée, Études sur les matières plasmatiques, 
la coagulation et la couenne du sang (Journ. d’anat. et de physiol. Novembre 1865). 


62  ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈSE DES LEUCOCYTES 
vivant, à moins qu’il ne renferme encore une certaine quantité de 
plasmine qui, conservant ses propriétés physiologiques, ne se 
dédouble en fibrine que plus tard (expériences de Brown-Séquard 
sur le sang défibriné). 

La fibrine ne préexiste donc pas dans les humeurs, elle n’appa- 
raît que lorsque celles-ci perdent leurs. propriétés normales, et 
comme nous venons de le voir par l'expérience 2, la fibrine n’est 
susceptible d'aucune organisation, et c’est à tort que beaucoup 
d'auteurs emploient encore tous les jours l'expression de fibrine 
organisée (1). 

Donc, au lieu de dire : La fibrine est nécessaire à la formation 
des leucocytes, il est plus exact de dire : La substance qui, par 
son dédoublement, produit la fibrine, est nécessaire à la genèse 
des leucocytes ; mais cette réserve faite, afin que l’on sache bien 
dans quel sens nous employons le mot fibrine, il est certain, 
comme le démontrent les expériences précédentes, qu'il y a 
entre la présence de la fibrine et la naissance des leucocytes une 
relation directe. 

Cette relation est également établie par l’observation des faits 
pathologiques. Car la tendance à la suppuration se trouvé dans 
toutes les maladies où l’on a observé l'augmentation de la fibrine; 
dans toute phlegmasie aiguë, 11 ÿ a production, au moins locale - 
ment, d'un plus grand nombre de leucocytes, et les beaux tra- 
vaux de MM. Andral etGavarret ont prouvé que toujours, quel que 
soit d’ailleurs l’état général, la fibrine augmente sous l'influence 
de toute phlegmasie aiguë (2). | 

Virchow, dans'sa Pathologie cellulaire, souligne même cette 
. phrase: «Toutes les fois que l'augmentation de la fibrine est 


(4) Robin et Verdeil, loc. cit., p. 261. Ces auteurs démontrent que nulle part 
l'examen microscopique n’a constaté la présence d'éléments anatomiques (autres que 
ceux du sang) de quelque forme que ce soit, dans les concrétions fibrineuses du 
cœur, dans celle des veines, des varices, des caïllots anévrysmatiques, etc. 

(2) Dans la section du ganglion cervical supérieur, le sang qui s’écoule des veines 
du côté de la tête où la section a été faite, renferme une plus grande quantité de 
fibrine que le sang des autres veines du corps (Claude Bernard, Liquides de l'or: 
ganisme, t. 1, p. 417). On sait également que la section du grand sympathique est, 
en général, suivie d'une suppuration très-abondante, 


ET SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 65 
sensible, on remarque simultanément l’augmentation des globules 
blancs ». Virchow attribue cette augmentation de leucocytes à 
l’exagération de la circulation lymphatique. « Dans chaque cas 
d’hyperinose, dit-il, on peut compter sur une augmentation des 
globules blancs. Toute irritation locale d’un organe riche en 
lymphatiques et lié à de nombreux ganglions, provoque l'apport 
d’une plus grande quantité de globules blanes (corpuscules lym- 
phatiques) dans lé sang. » 

Nous croyons plutôt que l'hypergenèse des globules blancs ou 
leucocytes tient aux modifications du plasma, car, comme nous 
l’avons vu, ce sont ces modifications qui influent sur la genèse 
des leucocytes. Nous en dirons autant de l’état morbide appelé 
leukémie. 

En realite, il est assez difficile de rattacher l’augmentation des 
globules blancs, soit à l’hypertrophie des ganglions Iymphatiques, 
soit à l’hypertrophie de la rate ou du foie. 

On trouve, en effet, dans les cas de leukémie (Virchow) ou 
leucocythémie (Bennett), l’hypertrophie de ces divers organes, 
mais 1l est à noter que souvent la rate ou le foie sont hypertro- 
phiés, sans entrainer cette altération particulière du sang. 

D'ailleurs, cette explication part d’un principe que l’on peut 
appeler paradoxal. Car de ce qu'à l’état normal, Y'énergie de la 
jonction d'un organe soit la plupart du temps proportionnel au 
volume de cet organe, il ne s'ensuit nullement que cette rela- 
Lion soit la même lorsque l'organe est Aypertrophié pathologi- 
quernent. Loin de là, tout développement anormal a pour consé- 
quence d’amoindrir la fonction de l'organe. L’hypertrophie des 
mamelles, des testicules, etc., entraîne la cessation entière ou 
partielle de la fonction de ces glandes; jamais elle ne l’augmente. 
I! en est de même de la rate, du foie ou des ganglions [ympha- 
tiques (1). 

En second lieu, on ne sait pas encore au juste quelle est lac: 
tion de la rate ou du foie sur les globules du sang. Détruisent-ils 
ies globules rouges ou les globules blancs ? ou bien favorisent-ils 


(4) Voyez Programme du cours d’histologie, par M. Ch, Robin, p: 109, 


64  ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈSE DES LEUCOCYTES 


la production de l’un ou l’autre de ces globules ? La physiologie, 
sous ce rapport, ne peut pas répondre, et cela peut-être parce que, 
jusqu’à présent, elle n’a recherché que l’action de ces glandes sur 
les globules du sang, tandis que les modifications les plus impor- 
tantes que le sang doit éprouver dans les différentes glandes qu'il 
traverse, sont celles qui concernent le plasma sanguin. 

La pathologie surtout montre l'importance des modifications 
du plasma relativement aux modifications qu'éprouvent les glo- 
bules. Dans les maladies infectieuses, miasmatiques ou virulentes, 
on ne trouve point d’altérations du côté des éléments ayant forme; 
c’est dans la composition et les propriétés du plasma que l’in- 
fluence morbide apparaît. Ainsi, les leucocytes du pus virulent 
d’un chancre ressemblent aux leucocytes d’une plaie saine ; c’est 
dans le sérum qu'il faut chercher la différence de propriétés de 
ces deux liquides purulents. 

Nous croyons donc que dans les cas de leucocythémie, l’état 
morbide dépend d’un changement survenu dans la composition 
du plasma, changement qui a pour conséquence l'hypergenese des 
leucocytes, et si cette modification du sang survient surtout dans 
les cas d’altéralion des ganglions lymphatiques, de la rate ou du 
foie, c'est qu’à l’état normal ces différents organes ont pour fonction 
de donner et de conserver au sang l’état moléculaire et chimique 
qui lui est nécessaire pour son fonctionnement physiologique. 

Ces différentes questions sont d’une importance capitale en 
physiologie et en pathologie; en les citant, nous n’avons voulu 
que montrer les sujets qui peuvent se rattacher à l'expérience 
que nous avons faite, et de peur de nous laisser entraîner hors du 
cadre que nous nous sommes tracé, nous terminerons là ce cha- 
pitre en ajoutant encore, au point de vue thérapeutique, que 
l'alcool, le sublimé, l’iode, ajoutés à la sérosité, empêchent la 
naissance des leucocytes. Cela se comprend, car ces substances 
déterminent la coagulation du blastème (expériences ci-dessus). 
Nous avons ainsi l'explication rationnelle de l’action thérapeutique 
de ces substances sur les plaies suppurées, car teut médicament 
qui détermine la coagulation doit empêcher ou du moins dimi- 
nuer par cela même la formation du pus. 


ET SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE, 65 


CONCLUSIONS. 


I. — Dans un blastème amorphe, il naît spontanément des élé- 
ments anatomiques. 

IL. — La genèse des éléments anatomiques dans un blastème, 
substance amorphe, a pour condition indispensable les phéno- 
mènes d’endosmose et d’exosmose. 

III. — Les éléments anatomiques naissent d'autant plus vite 
dans un blastème, que les phénomènes d’endosmose et d’exos- 
mose sont plus rapides. 

IV. — La chaleur et la composition des solides et des liquides 
environnants ont une influence marquée sur la genèse des leuco- 
cyles. 

V. — Il ne se forme ni leucocytes ni aucune espèce d'éléments 
anatomiques dans un blastème dont la fibrine a été coagulée. 

VI. — La présence de leucocytes ajoutés artificiellement, ne 
peut déterminer la purulence d’un blastème dont la fibrine a été 
coagulée. 


CHAPITRE IT. 


EXPÉRIENCES SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 


Dans la première partie du chapitre précédent, nous avons dit 
qu’il y avait une différence assez grande entre la genèse d’un 
élément anatomique dans un blastème, et la génération spontanée 
hétérogénique, c’est-à-dire s’accomplissant hors de l’économie et 
donnant naissance à des corps dissemblables à ceux dont ils 
dérivent. Les expériences que nous allons citer ne sont donc nul- 
lement un complément de celles qui précèdent, quoique celles-ci 
nous aient conduit presque involontairement à rechercher des 
cas de génération spontanée proprement dite. 

La recherche des conditions de genèse des leucocytes nous a 
également amené à voir dans quelles conditions des leucocytes 


pouvaient naître en grande quantité dans un plasma sanguin. 
JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL, -— T, IV (1867). 5 


66  ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈSE DES. LEUCOCYTES 


De plus, nous avons essayé de découvrir si la genèse des glo- 
bules rouges pouvait se faire en dehors des vaisseaux, dans un 
sang renfermé dans une membrane vivante ou inerte. 

Ces expériences ne sont pas encore assez complètes ni suffi- 
samment contrôlées pour que nous les exposions. Cependant nous 
croyons avoir observé qu’en renfermant du sang dans des mem- 
branes de ce genre, il s’y forme, dans les premiers instants, des 
petits corps ayant la forme et les caractères des globules rouges, 
mais des dimensions beaucoup plus petites. Cette genèse n’aurait 
lieu que dans les premiers instants, car au bout de quelques 
heures le résultat est tout autre, et dépend en nee partie de 
la nature de l'enveloppe. 

Expérience 1. — En prenant un morceau de péritoine frais 
provenant d'un pore, et en y mettant du sang de ce même porc 
ou du sang de lapin, on trouve dans ce sang, au bout de vingt- 
quatre heures, une quantité considérable de leucocytes et pas de 
vibrions. 

Expérience 2. — Si, au contraire, on se sert pour paroi en- 
veloppante d’une membrane de baudruche, on ne trouve, au bout 
de vingt-quatre ou trente-six heures, aucune trace de leucocytes ; 
mais à côté des globules sanguins altérés, on constate la présence 
de nombreux vibrions. 

Cette différence entre ces deux expériences tient sans nul doute 
à l’action de la paroi enveloppante. La portion de péritoine est 
vivante, les phénomènes d’endosmose et d’exosmose s’y font rapi- 
dement (expér. $ [V), le sang n’a pas le temps de subir les modifi- 
cations de la décomposition ; et, par conséquent, les leucocytes, 
éléments anato miques qui ne peuvent naître que dans un blas- 
tème en voie de rénovation moléculaire continue, c’est-à-dire 
vivant, qui n’a subi aucune altération chimico-cadavérique, se 
trouvent dans ce cas dans les conditions nécessaires à leur genèse. 
Quand, au contraire, la paroi enveloppante est formée par de la 
baudruche, les phénomènes d’endosmose et d’exosmose se font 
bien plus lentement et bien plus tard, alors que le sang a déjà 
subi une altération qui empêche la genèse des leucocytes et qui 
favorise la production des vibrions. Dans ces conditions, la sérosité 


ET SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 67 
de vésicatoires ne s’altérait point, il est vrai; mais cela prouve 
uniquement que certains liquides organiques s’altèrent plus rapi- 
dement que d’autres, et l’on sait, en effet, que le sang est de tous 
les liquides de l'organisme celui qui s’altère le plus facilement 
et le plus rapidement. 

A côté de l’action de la paroi enveloppante, il faut également 
placer l’action des milieux, car en mettant dessachets renfermant 
du sang de grenouille, l’un sous la peau d’une grenouille, et 
l’autre dans l’abdomen de cette même grenouille, on trouve, au 
bout de deux jours, dans le sang qui se trouve sous la peau, les 
globules complétement altérés, et une grande quantité de vi- 
brions. Le sang, au contraire, qui a été maintenu dans l’abdo- 
men, n'a subi presque aucune altération; les globules sont peu 
déformés et lon y trouve à peine quelques vibrions. 

Les globules du sang s’altèrent également d’autant plus vite 
que la température est plus élevée, ou qu’on les met sous la peau 
d'animaux dont la température surpasse celle des animaux dont 
ils proviennent. C’est ainsi que les globules de grenouille s’al- 
térent plus vite, mis sous la peau d’un pigeon, que mis sous Ja 
peau d’un lapin. Le sang d'oiseau s’altère plus vite sous la peau 
d’un lapin que dans l’abdomen d’une grenouille. 

À côté de cette action de la chaleur, il faut également tenir 
compte de la nature du sang. Aïnsi, à l’air libre, le sang prove- 
nant de mammifères s’altère plus rapidement que celui des ba- 
traciens, et cependant, en mettant en même temps du sang de 
grenouille et du sang de lapin sous la peau d’un lapin, le sang de 
grenouille s’altère proportionnellement plus vite que celui delapin. 

Cette altération du sang empêche également la dat de leu- 
cocytes dans la sérosité de vésicatoires. 

Expérience 3. — En mélangeant ensemble de la sérosité de 
vésicatoires et quelques gouttes de sang, et en employant pour 
paroi enveloppante de la baudruche desséchée, on ne trouve 
point, au bout de trente-six heures, de leucocytes, mais bien des 
vibrions. 

L’altération du sang s’est donc transmise à la sérosité, et dans 
ces cas la genèse des leucocytes est devenue impossible, et ce fait 


68 ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈSE DES LEUCOCYTES 
explique bien pourquoi, dans les suppurations de mauvaise na- 
ture, on trouve fort peu de leucocytes. 

Le sang renfermé dans de la baudruche et introduit sous la 
peau d'animaux s’altère, et cette altération est accompagnée de 
la présence de vibrions. Mais ici il nous reste à déterminer si cette 
naissance de vibrions est due à la présence de germes, ou si les 
vibrions naissent spontanément par suite de l’altération chimico- 
cadavérique du sang. Nous rentrons ainsi dans la question de la 
génération spontanée proprement dite, et l'expérience suivante 
conclut dans le sens des hétérogénistes. 

Expérience h. — Après avoir maintenu pendant quelque temps 
de la baudruche dans de l’eau bouillante, puis l'avoir desséchée 
dans une étuve chauffée à plus de 100 degrés , nous y introduisons 
rapidement du sang venant directement d’une artère coupée en 
deux. Nous introduisons de ce même sang dans un tube à vaccin, 
nous fermonsles deux extrémités à la lampe, et nous introduisons 
dans la même plaie la baudruche et le tube renfermant tous deux 
du même sang. Au bout de trente-six heures ou plus, on trouve 
des vibrions dans le sang renfermé dans la baudruche, et l’on 
n’en trouve pas la moindre trace dans le sang renfermé dans le 
tube de verre. 

Je crois qu'il est bien difficile de soutenir que des germes 

puissent traverser une membrane de baudruche ; je crois de plus 
qu'il est difficile quele contact avec l’air, presque insignifiant, que 
nécessite la chute du sang de l’artère dans la baudruche, suffise 
pour entrainer des germes. D'ailleurs pourquoi n’y a-t-il point 
de germes dans le sang renfermé dans le tube en verre ? 
_ Dans une communication faite au mois d'août de cette année à 
l’Académie des sciences (1), M. Donné a montré que les matières 
organiques, mises en contact avec un air tamisé par le coton 
cardé (le coton cardé a pour but de retenir les germes), renfer- 
maient cependant de nombreux infusoires. M. Donné, d’abord 
adversaire de l’hétérogénie, en a conclu que ces infusoires avaient 
réellement pris naissance par génération spontanée. 


(1) Le mémoire de M. Donné se trouve reproduit dans le numéro 5 du Journal 
d’analomie et de physiologie, 1866. | 


ET SUR LA GÉNÉRATION SPONTANÉE. 69 

M. Pasteur a objecté, à ces expériences de M. Donné, qu’une 
couche de coton cardé est loin d’être une protection absolue 
contre l’action des germes atmosphériques, et, de plus, il s’est 
appuyé sur l'expérience suivante, qui remplit les conditions dans 
lesquelles M. Donné a voulu se placer. M. Pasteur fait arriver 
directement du sang de la veine d’un chien dans un ballon rempli 
d’air chauffe à 100 degrés. Le ballon est ensuite fermé, et dans 
ces conditions, M. Pasteur ne trouve jamais le sang altéré ni la 
présence d'organismes microscopiques. 

Lorsque nous introduisons le sang dans un tube en verre, nous 
constatons le même fait que celui observé par M. Pasteur, c’est-à- 
dire que dans ce cas nous ne trouvons pas de vibrions dans le sang 
provenant soit d’un chien, soit d’un lapin, soit de grenouilles. 
Mais, et ceci est le point capital, ce même sang, introduit dans 
de la baudruche et placé dans la même plaie, et par conséquent 
dans les mêmes conditions de milieux, s’altère et renferme un 
grand nombre de vibrions. 

On comprend parfaitement que dans un tube de verre il n’y 
ait aucune production d'organismes microscopiques, car il ne 
peut y avoir ni échange de gaz, ni échange de liquide. La matière 
organisée ne peut s’y putréfier, car la putréfaction nécessite des 
transformations moléculaires et des modifications dans la nature 
et la constitution des différents principes en contact. 

Au lieu de mettre la substance organisée à l'abri de l'air atmos- 
phérique, si on la laisse au contraire au contact de l’atmosphère, 
mais en la maintenant constamment entourée de glace, il ne s’y 
forme, pas plus que dans le cas précédent, d'organismes micros- 
copiques, et cela par la raison que le froid empêche les mouve- 
ments moléculaires nécessaires à la putréfaction, et par consé- 
quent à la production des vibrions. Mais, d'un autre côté, si l’on 
maintient la substance à l'abri de l'air en y facilitant les phéno- 
mènes d’endosmose et d’exosmose, c’est-à-dire les échanges de 
gaz et de liquides, la substance organisée pourra subir des modi- 
fications, et si, malgré les phénomènes endosmotiques, elle ne se 
trouve point dans les conditions normales de la vie, elle s’altérera 
plus ou moins rapidement selon la nature de la paroi et la nature 


70  ONIMUS. — EXPÉRIENCES SUR LA GENÈSE DES LEUCOCYTES. 
de la substance, mais elle ne s’altérera que parce qu’il existe encore 
des phénomènes d’endosmose et d’exosmose. 

L'expérience que nous avons faite prouve que les développe- 
ments d'organismes microscopiques, dans la substance organisée, 
dépendent, non de la présence de germes atmosphériques, mais 
des conditions nécessaires à la putréfaction des matières organi- 
ques. Nous croyons, en effet, nous être mis complétement à l'abri 
des germes atmosphériques, mais lors même que nous nous se- 
rions trompé sous ce rapport, les faits que nous avons mentionnés 
prouveraient toujours l'influence considérable de la nature des 
liquides et des mouvements moléculaires qui se passent au sein 
de ces liquides. 


RÉSUMÉ DU SECOND CHAPITRE. 


Nous lerminerons en résumant quelques faits qui viennent 
encore à l’appui de ce que nous avançons. 

Il ne se produit pas de vibrions dans le blanc d'œuf renfermé 
dans un tube de verre, tandis qu’il s’en produit dans du blanc 
d'œuf renfermé dans une membrane de baudruche. 

De la sérosité de vésicatoires peut rester plusieurs heures (six à 
sept heures) en contact libre avec l'air, sans qu’il s’y développe de 
vibrions, lorsqu'on introduit cette sérosité dans une baudruche et 
qu’on maintient le tout trente-six heures sous la peau d’un animal. 
La sérosité des vésicatoires est cependant une substance orga- 
nisée putréfiable, et d’après l’espace de temps qu’elle a été exposée 
à l'air, elle devrait renfermer un grand nombre de germes. 

Si cetle sérosilé reste exposée peu de temps à l’air, mais si elle 
vient à se coaguler, c’est-à-dire à perdre ses propriétés vitales 
(voy. V, chap. 1), 1l s’y développe souvent des vibrions lorsqu’on 
la maintient sous la peau d’un anintal pendant plusieurs heures. 

Ces faits n'ont guère besoin d’explications, et nous rte croyons 
pas avoir exagéré en disant, en commençant ce chapitre, qu'its 
forçaient à conclure en faveur de la génération spontanée. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 74 


ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


De quelques productions hétérotopiques de muqueuses à épithé- 
lium prismatique cilié, par le docteur J. Ca. Demourin. Paris, 
1866, thèse, in-4, 36 pages et une planche. 


PLANCHE IV. 


LE] 


Sous le titre que j’ai adopté, dit M. Dumoulin, je décrirai certains kystes 
de l’espace hyo-thyroïdien, et de diverses autres régions, dont les parois in- 
ternes se rapprochent, par leur structure et leurs propriétés physiologiques, 
de celles des voies aériennes. 

J'ai surtout en vue ceux qui se développent à Ja partie antérieure du cou, 
entre l'os hyoïde et le cartilage thyroïde, au niveau de la membrane qui les 
unit; et cette préférence est légitimée par l'intérêt, à tous les égards, plus 
grand de leur siége et des caractères qu’ils y empruntent, 

Trois puints de cette étendue attireront particulièrement notre attention : 
l'anatomie pathologique, le pronostic et le traitement, 


L'histoire de ces kystes prouve qu’ils ont été méconnus, pendant de longs 
siècles, dans leur vraie nature, et confondus la plupart du temps avec d’autres 
affections. Cette confusion tient à la difficulté qu’on a éprouvée à préciser leur 
véritable siége. 

fentionnées déjà par Celse et par Albucasis, les tumeurs du cou ont été 
décriles par un grand nombre d’auteurs dont nous ne chercherons pas à 
dresser une liste qui n’offrirait aucune utilité, Cependant, chose remarquable, 
il faut arriver jusqu’à ces dernières années, pour voir quelques chirurgiens 
les étudier convenablement, et Boyer, dans son Traité des maladies chirurgi- 
cales (t. VII, p. 31), fut le premier qui consacra quelques lignes aux tu- 
meurs enkystées dont nous venons de parler : 

« — Il se forme quelquefois, entre l’os hyoïde et le cartilage thyroïde, sur 
» Ja membrane qui les unit derrière le muscle thyro-hyoïdien et le peaucier, 
» une tumeur enkystée contenant une matière visqueuse, jaunâtre. Cette tu- 
» meur à déjà pris un certain volume avant de devenir apparente en soule- 
» vant les parties qui la couvrent : elle peut suhsister pendant fort long- 
» temps sans acquérir un volume considérable et sans causer aucune gêne ; 
» mais elle est un objet de difformité, surtout pour les femmes, et les ma- 
» lades désirent en être débarrassés. Comme l’extirpation entière de la tu- 
» meur est impossible, on pourrait croire qu’il suffit pour la guérir d’en 
» faire l’ouverture avec un caustique ou avec l'instrument tranchant, et de 
» faire suppurer le kyste au moyen des cathérétiques ; l’expérience m’a 
» appris le contraire. Dans deux cas de cette espèce, après avoir excité 


72 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, 


» la suppuration du kyste en le touchant, tantôt avec le muriate d’antimoine 
» liquide, tantôt avec l’acide nitrique, j’ai cherché à mettre en contact les 
» parties couvertes de bourgeons charnus, en exerçant de devant en arrière 
» une compression aussi forte que peuvent le permettre la structure des 
» parties et la nature de leurs fonctions : tous mes efforts ont été inutiles, et 
» l'ouverture est restée fistuleuse. On en conçoit aisément la raison : pour 
» que des parties couvertes de bourgeons charnus et en suppuration se réu- 
» nissent, il faut qu'elles se touchent immédiatement ; or la chose est im- 
» possible ici : de quelque manière qu’on s’y prenne, il restera toujours un 
» intervalle entre la partie du foyer qui correspond au muscle thyro-hyoïdien 
» et la partie postérieure qui repose sur la membrane thyro-thoïdienne. 
» D’après ces considérations, on voit qu’il ne faut pas se déterminer légère- 
» ment à ouvrir la tumeur dont il s’agit, et que dans le cas où l’on est en 
» quelque sorte forcé d’en faire l'ouverture en cédant aux sollicitations du 
» malade, on doit le prévenir du résultat probable de l’opération. » 

J’ai tenu à citer textuellement ce passage de Boyer, parce que les auteurs 
qui l’ont suivi n’y ont, pour ainsi dire, rien ajouté de plus. C’est réellement 
à M. le professeur Nélaton que revient l’honneur d’avoir appelé l'attention, 
d'une façon spéciale, sur cette curieuse variété de kystes. Avec cette sagacité, 
cet esprit d'observation, ce coup d’œil qui font les grands cliniciens et qui lui 
sont si naturels, il reconnut aussi les analogies frappantes qui existent entre 
ces kystes et d'autres situés dans des régions plus ou moins éloignées. 

M. le professeur Robin, en faisant connaître le premier leur véritable na- 
ture histologique, sut ainsi résoudre le côté scientifique de la question et 
rendre un vrai service à la science. 

Siêge anatomique. — Le siége anatomique précis de ces kystes sous- 
hyoïdiens est un des points de leur histoire qui a été le plus discuté et qui 
est encore obscur aujourd’hui. Boyer pensait qu'ils siégeaient dans la hourse 
séreuse qu’on a signalée dans cette région, et comme, à l’époque où il écri- 
vait, l'expression de bourse muqueuse était usitée pour désigner les bourses 
que nous appelons aujourd’hui séreuses, Boyer se trouvait avoir, par hasard, 
bien indiqué la nature de la tumeur. Dupuytren a parlé aussi d’une bourse 
séreuse qui, au niveau de la membrane thyro-hyoïdienne, donnerait lieu à 
une pareille tumeur. 

D’après M. Voillemier, cette dernière aurait pour siége non la bourse thy- 
roïdienne signalée par Béclard, mais bien celle décrite par Malgaigne sous le 
nom de bourse muqueuse hyo-thyroïdienne. 

M. Nélaton s'est demandé si ces tumeurs sous-hyoïdiennes ne se rattache- 
raient pas à l’os hyoïde lui-même; car parfois elles lui ont semblé comme 
appendues à cet os ; et même, dans un cas d'ablation d’une de ces tumeurs, 
il a été obligé d’enlever le périoste sus-hyoïdien, ou bien si elles avaient 
réellement leur siége dans une bourse séreuse ? 

Se fondant sur le développement de ces petites tumeurs, sur leur proémi- 
nence entre l’épiglotte et la base de la langue, prenant aussi en considéra- 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 73 


tion la nature du liquide, qui est plutôt muqueux que séreux, pour ces mo- 
tifs enfin, M. Nélaton est porté à croire qu’elles sont formées par l’ampliation 
d’un des follicules SOUS ARUqUEUx observés à la base de l’épiglotte, au niveau 
de cet amas graisseux qu’on y a signalé, et il propose de leur assigner le 
nom de grenouillettes sous-hyoïdiennes. Dans certains cas, le follicule dilaté 
passerait à travers la membrane hyo-thyroïdienne et viendrait faire saillie 
sous la peau. Cette hypothèse nous paraît la plus admissible, d’autant plus 
qu’on observe assez souvent, à l'intérieur de la cavité buccale, de ces dila- 
tations folliculaires constituant des kystes. 

Nous avons peu de choses à dire sur l’étiologie proprement dite de ces 
kystes. Les causes, en effet, nous échappent à peu près complétement. Ils 
ne paraissent pas affecter un sexe plus fréquemment que l'autre ; l’âge paraît 
plutôt exercer une certaine influence sur leur développement. On les ren- 
contre en général chez de jeunes sujets, et, dans quelques cas, on pourrait 
peut-être les considérer comme congénitaux, si à raison de leur petit volume 
primitif et de l’absence de douleur, ils ne restaient pas dissimulés pendant 
un temps plus ou moins long. | 

Anatomie. — L’obscurité qui a régné sur l’histoire de ces sortes de tu- 
meurs explique l’absence complète de tous renseignements sur ce qui a trait 
à leur anatomie pathelogique. On s’est sans doute plu à la confondre avec 
celle des kystes en général, persuadé d'avance que la ressemblance en était 
grande. 

Il appartenait à l’anatomie générale de nous donner sur ce point des résul- 
tats rigoureux et à l’abri de toute objection fondée. 

Rien de plus intéressant à étudier que la nature et l’aspect soit de la poche 
kystique, soil des produits qu’elle contient. | 

La paroi de ces kystes ou trajets fistuleux est résistante, élastique; son 
épaisseur, qui est d’un demi-millimêtre environ, varie d’ailleurs selon leur 
ancienneté et les circonstances qui ont pu, à HAE époques, y provoquer 
un certain degré d'inflammation. 

On leur distingue une paroi externe qui est principalement formée de 
fibres élastiques et de tissu lamineux. Par cette face, ils peuvent être très- 
adhérents aux organes voisins, tels que l’os hyoïde ; ou, au contraire, très- 
mobiles et glisser sur eux, grâce au tissu cellulaire qui les sépare. 

La membrane interne, de beaucoup la plus importante, est de nature 
muqueuse : dans un cas, elle était lisse, molle, blanchâtre ; dans un 
autre, elle était comme chagrinée et présentait des plissements qui donnaient 
lieu à des sillons, à des anfractuosités nombreuses ; elle ressemblait assez 
à la muqueuse de la vésicule biliaire, par sa coloration et les plis qu’on y 
observait. De plus, elle est tapissée, dans presque toute son étendue, d’un 
épithélium prismatiqne à cils vibratiles, pareil à celui de la trachée. Les cel- 
lules prismatiques, des mieux caractérisées, sont allongées, leur queue est 
très-effilée, et leur extrémité libre terminée par un épaississement opaque 
qui supporte les cils vibratiles, Au-dessous d’elles se trouve une couche 


7h ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


épaisse, formée de plusieurs rangées d’épithélium nucléaire à noyaux sphé- 
riques, soit contigus, soit écartés par un peu de matière amorphe. 

Le liquide sécrété par de telles parois présente, comme elles, un carac- 
tère spécial : ilest épais, extrêmement visqueux et filant, tellement qu’on 
peut le faire sortir en le saisissant avec une pince; et pour la consistance, il 
rappelle assez bien le mucus du col utérin. Sa couleur varie un peu suivant 
les cas : il est transparent, ou simplement louche, si le kyste a été ponc- 
tionné avant l’apparition de tout travail inflammatoire ; si celui-ci s’est déjà 
manifesté, il est plutôt jaunâtre. 

On y trouve des cellules épithéliales prismatiques à sommet, soit coupé 
nettement, soit prolongé par un mince filament ou queue ; leur extrémité 
libre a une bordure hyaline assez épaisse portant des cils qui sont longs et 
nettement limités. Ce mucus renferme aussi quelques noyaux de l’épithélium 
sus-indiqué qui sont dépourvus de nucléoles. 

Les kystes muqueux ne sont pas rares ; on sait, en effet, que la même irri- 
tation de transformation qui donne lieu au développement accidentel du tissu 
muqueux dans les fistules, ou dans d’autres cas pathologiques analogues, dé- 
termine la formation de kystes, d’une structure véritablement muqueuse. 
Mais ce qui dis'‘ingue les kystes muqueux dont il est ici question, c’est la pré- 
sence de l'épithélium que nous venons de signaler. Il est difficile d’en expli- 
quer la formation : si on le rencontrait exclusivement dans les kystes sous- 
hyoïdiens, on pourrait alléguer des raisons de voisinage, ou même rechercher 
si, à un moment donné, il n’y a pas eu quelque communication avec les 
voies aériennes. Mais, ainsi que nous le verrons, ce même épithélium se re- 
trouve dans des kystes qui siégent ailleurs qu’au cou, et paraît dû à une véri- 
table production hétéroto pique. 

Développement. — Situés sur la ligne médiane, au-dessous de la base de 
l'os hyoïde, ils forment en ce point un relief peu considérable. Leur marche 
est très-lente ; ils mettent quelquefois plusieurs années à acquérir un volume 
qui varie depuis celui d’un pois jusqu’à celui d'un œuf de pigeon. Ils sont 
globuleux et suivent tous les mouvements du larynx dans l’acte de la dégluti- 
tion, mais ils sont fixes dans la région qu'ils occupent et ne se déplacent en 
apparence que parce qu’ils suivent le mouvement des parties auxquelles ils 
adhèrent, De plus, ils sont assez durs et fluctuants. Après être restés long- 
temps stationnaires, la peau, qui était saine d’abord, commence à rougir ; 
elle s’amincit, se perfore, et l’ouverture laisse échapper un liquide mucoso- 
purulent. Si la tumeur est ponctionnée avant l’apparition de ce travail in- 
flammatoire, le liquide qui s’en écoule a les caractères que nous avons déjà 
signalés. Une fois la poche vidée par la ponction ou par une ouverture spon- 
tanée, l’écoulement ucoso-purulent se perpétue et il reste un trajet fistu- 
leux dans la région thyro-hyoïdienne. Ce trajet fistuleux donne aux doigts qui 
l’explorent la sensation d’un petit cordon, qui, d’abord sous-cutané, se di- 
rige ensuite vers la profondeur de la région. Ce cordon est mobile, excepté 
dans le point où il vient s’aboucher à la peau; il est de la grosseur d’une 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 75 


plume d’oie ou de corbeau, et, si l’on introduit un petit stylet très-fin, on 
voit que l'instrument pénètre beaucoup plus loin qu’on ne l’aurait supposé : 
il s'enfonce profondément dans l'intervalle des muscles de la région sous- 
hyoïdienne, vers l’os hyoïde, jusque sur la base de l’épiglotte. Il n’y a cepen- 
dant aucune communication avec l’intérieur des voies aériennes. Son orifice 
cutané, qui correspond habituellement au niveau du bord supérieur du car- 
tilage thyroïde, est entouré d’un bourrelet de tissu blanc rosé, présentant un 
aspect particulier et un peu d’induration. Il s’en échappe un liquide épais qui 
se concrète sur les bords de l’ouverture fistuleuse et qui en détermine par- 
fois l’oblitération. La tumeur se remplit alors lentement de liquide et le ma- 
lade est obligé, pour la vider, de rouvrir la fistule avec la pointe d’une 
épingle, par exemple. Ces petites tumeurs restent donc ainsi fistuleuses pen- 
dant un temps indéfini sans déterminer aucun trouble fonctionnel, sans gêner, 
si ce n’est par la malpropreté que cause leur suppuration incessante. 

Le pronostic de ces kystes n’est pas grave en lui-même, en ce sens qu'ils 
sont généralement peu gênants et qu'abandonnés à eux-mêmes, ils peuvent 
exister très-longtemps sans amener de graves accidents. Mais comme ils oc- 
cupent une région ordinairement découverte, qu'ils se développent particu- 
lièrement chez les jeunes gens et les jeunes filles, les malades demandent à 
en être débarrassés. Or, disons tout de suite que c’est là chose très-difficile, 
et que ces petites tumeurs enkystées présentent un caractère d’incurabilité 
des plus remarquables. Elles ne cèdent pas aux cautérisations les mieux 
faites et les plus énergiques, soit avec la potasse caustique, le nitrate d’ar- 
gent, le chlorure de zinc, etc. 

Cherchons l’explication de cette résistance qu’ils opposent aux différents 
modes de traitement. Celle que donne Boyer est peu satisfaisante. Il pense 
en effet que la guérison ne peut être obtenue, parce qu'il est impossible de 
mettre immédiatement en contact les parois du kyste. Or l'expérience prouve 
surabondamment que toutes les fois que deux surfaces sont couvertes de 
bourgeons charnus, elles ont une tendance extrême à se réunir. Et, d’ail- 
leurs, dans les cas où la disposition des parties a permis une compression 
capable d'amener les parois l’une contre l’autre, l’incurabilité a été la même. 

Il faut donc en chercher ailleurs la cause, 

Il est parfaitement démontré aujourd’hui, et M. Nélaton insiste sur ce 
point toutes les fois que l’occasion s’en présente, que dans les kystes de 
l'ovaire, la nature du liquide exerce une influence notable sur leur termi- 
naison. Les kystes contenant un liquide complétement séreux guérissent, en 
général, avec une grande facilité ; il suffit même quelquetois d’une simple 
ponction pour en amener la disparition définitive. Mais lorsque le liquide 
devient filant, visqueux, gélatiniforme, la guérison est plus que douteuse. 
M. Nélaton attribue la gravité du pronostic, dans ce dernier cas, à la struc- 
ture de la membrane interne du kyste, à la difficulté d'extraire le kyste, et 
à l’impuissance d’action des diverses injections irritantes sur des parois ta- 
pissées d’une couche de liquide épais. 


76 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Quant aux kystes qui nous occupent, il est permis d’invoquer les mêmes 
raisons pour expliquer l’excessive difficulté de leur guérison. 

On peut surtout s’appuyer sur les résultats fournis par l’examen histo- 
logique qui révèle la présence d’un épithélium prismatique à cils vibratiles 
dans toute l'étendue de ces kystes et trajets fistuleux. Or, l'expérience 
semble prouver jusqu’à présent, d’après diverses observations, que tout tra- 
jet fistuleux, toute cavité muqueuse, revêtus de cils vibratiles, ne peuvent 
pas être recouverts de granulations pyogéniques propres à en amener la ci- 
catrisation. 

L'absence complète de renseignements de la part des auteurs, relativement 
à la plus ou moins grande puissance de régénération de cet épithélium, m’a 
déterminé à faire quelques recherches pertonnelles dans le but d'étudier cette 
intéressante question; et, à cet effet, j’ai tenté dans le laboratoire de M. Robin 
les deux expériences suivantes : 

Le 11 juillet 1856, après avoir pratiqué la trachéotomie sur deux chiens 
adultes, j'ai fait, à l’un, une cautérisation, sur l’étendue d’un pouce environ, 
de la face interne de sa trachée, à l’aide d’un pinceau trempé dans une so- 
lution concentrée de nitrate acide de mercure ; à l’autre chien, j’ai cauté- 
risé la même étendue de sa trachée, avec un cautère rouge à blanc. 

Le premier de ces chiens, affaibli beaucoup par les expériences qu’il avait 
subies avant cette cautérisation, succombe le quatrième jour. Sa trachée, exa- 
minée alors, se montre tapissée depuis la naissance des bronches jusqu’au 
sommet du larynx par une fausse membrane très-épaisse, résistante, adhé- 
rente à la muqueuse trachéale, et présentant une grande analogie avec celle 
du croup. L’étendue de la trachée sur laquelle a porté la cautérisation est 
complétement dépourvue d’épithélium, qui manque du reste dans presque 
toute l’étendue de la trachée. 

Le second chien s’est rétabli assez promptement, et ne présente au cou 
qu'une petite ouverture, qui est l’orifice externe d’une fistule de la trachée, 
consécutive à l’opération qu’il a subie. Cet animal est sacrifié le 26 juillet, 
c'est-à-dire quinze jours après la cautérisation au fer rouge; on fait immé- 
diatement l’examen de sa trachée, sur laquelle on ne remarque pas la moindre 
rougeur inflammatoire, pas le moindre bourgeon charnu. On trouve seule- 
ment, sur les points où a porté la cautérisation, un petit rétrécissement de la 
trachée et des cicatrices qui unissent des segments d’anneaux qui ont été dé- 
truits par la violence de la cautérisation. 

En grattant un peu, avec un scalpel, ces différents points de la muqueuse, 
on trouve facilement les cellules épithéliales à cils vibratiles qui la tapissent 
normalement, et elles se montrent aussi abondantes dansles points qui ont été 
cautérisés que sur ceux qui ne l’ont pas été. 

Le trajet fistuleux qui existe de la trachée à l’extérieur est formé d’une 
membrane épaisse et résistante, qui est également tapissée d’un épithélium, 
mais différent de celui de la trachée : ce sont de simples noyaux, qui proba- 
blement seraient devenus le point de départ d’un épithélium prismatique, 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 77 


si l'expérience eût été continuée plus longtemps. La genèse de ce dernier, 
comme on le sait, commence par un noyau autour duquel se segmente la 
matière amorphe qui constitue la paroi de la cellule, 

1l est donc hors de doute que l’épithélium prismatique à cils vibratiles peut 
se régénérer avec une extrême facilité, même après des désordres graves pro- 
duits sur les muqueuses qu’il tapisse. 

Ceci semble nous donner l’explication rationnelle des difficultés presque 
insurmontables que l’on éprouve à obtenir l’oblitération complète des kystes 
et trajets fistuleux revêtus de cet épithélium, et des récidives nombreuses 
auxquelles ils donnent lieu. 

D’après ces considérations, on voit qu'il ne faut pas se déterminer légère- 
ment à ouvrir les kystes dont il s’agit, et que dans le cas où l’on est en 
quelque sorte forcé d’en faire l’ouverture en cédant aux sollicitations du 
malade, on doit le prévenir du résultat probable de l’opération. 

OBSERVATION 1. — Recueillie dans le service de M. Nélaton, par M. Anger, 
interne des hôpitaux. — Henri F.. . demeurant rue Amélie, au Gros-Caillou, 
âgé de douze ans, est un enfant fort, bien constitué, n'ayant jamais eu de 
maladie antérieure capable d’expliquer l’affection dont il est atteint. 

Il ya trois ans, les parents s’aperçurent qu’une petite grosseur apparais- 
sait sous la mâchoire de leur enfant. Cette tumeur, exactement située sur la 
ligne médiane, entre le cartilage thyroïde et l’os hyoïde, se développa lente- 
ment, grossissant peu à peu, et arriva au volume d’un œuf de pigeon. 

Un médecin de province, consulté à ce propos, pratiqua une ponction de 
Ja tumeur, et l’incision donna issue à un liquide blanc, albumineux, filant, 
Le médecin voulut cautériser l’intérieur du kyste, mais les cris et les débats 
de l’enfant l’en empêchèrent. 

Depuis lors, l'ouverture est restée fistuleuse et il s’en échappe un peu de 
liquide épais, qui se concrète en croûtes sur les bords de l’ouverture. 

Depuis l’ouverture du kyste, on n’a fait aucune cautérisation, aucune in- 
jection de liquide 1rritant. ; 

Actuellement, voici ce qu’on observe : entre le cartilage thyroïde et l’os 
hvoïde, en avant de la membrane thyro-hyoïdienne, exactement sur la ligne 
médiane, existe un petit orifice à bords épais et calleux; l’ouverture n’admet 
qu’un petit stylet. 

Par Ja palpation, on s’assure que cet orifice se continue avec un tissu in: 
duré, résistant, se perdant dans la profondeur de la région. Un stylet intro- 
duit par l’orifice pénètre à une profondeur de 2 centimètres et se trouve 
arrêlé, quelle que soit la direction qu’on lui imprime. Il n’y d’ailleurs ni 
douleur ni gêne, le seul inconvénient est la difformité et le petit suintement 
qui se fait incessamment par l’orifice fistuleux. 

Le 16 février 4366, l’enfant étant chloroformisé, M. Nélaton circonserit 
l'orifice par deux petites incisions formant un ovale dans lequel est inscrite la 
tumeur. Puis il dissèque attentivement tout le trajet fistuleux, de façon à 
l'enlever en totalité avec les tissus environnants, Pendant cette dissection, 


78 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


une veine fut ouverte et donna lieu à un écoulement de sang assez abondant, 
Les bords de la petite plaie furent réunis à l’aide d’une petite bandelette de 
diachylon. 

Depuis l’opération, aucun accident n’est survenu; la suppuration, d’abord 
très-abondante, a diminué peu à peu. 

Aujourd’hui, 23 février, la plaie est dans l’état le pius satisfaisant; son 
fond, déjà très-rapproché de la surface cutanée, est recouvert de bourgeons 
charnus, et sans doute la guérison sera complète d’ici quelques jours. 

Examen de la fistule. — Après avoir fendu la partie supérieure de Ja fis- 
tule, on constate que sa moitié antérieure est formée d’un tissu cicatriciel 
blanchôtre, à surface lisse. La moitié postérieure est constituée par une dila- 
tation qui forme un véritable cul-de-sac. 

Sa surface est tapissée par une membrane ayant tout à fait l’aspect d’une 
muqueuse, et rappelant assez bien la muqueuse de la vésicule biliaire par sa 
coloration et les plis qu’on y observe. Cette surface est comme chagrinée : 
on y voit des plissements qui donnent lieu à des sillons, à des anfractuosités 
nombreuses. La paroi de trajet fistuleux est épaisse d’un demi-millimètre ; 
elle est résistante, élastique, solide. Sa face interne est recouverte d’un 
mucus jaunâtre et granuleux. 

En grattant, avec la pointe d’un scalpel, la surface du fond du kyste et 
portant sous le microscope les parties détachées, on observe comme élément 
fondamental des cellules prismatiques à cils vibratiles (voy. fig. IL, a). Ces 
cellules sont très-allongées ; leur queue esttrès-longue et très-effilée. Par leur 
surface libre, elles se terminent par un épaississement opaque (c) qui sup- 
porte des cils vibratiles, (n voit au-dessous quelques cellules allongées fusi- 
formes, mais sans cils vibratiles (d). Dans leur intérieur, on distingue un 
contenu très-granuleux, et près de la queue un gros noyau avec son nu- 
cléole. Entre ces cellules existent quelques granulations graisseuses et même 
des cellules de graisse. 

La paroi qui supporte cette couche épithéhale est principalement formée 
de tissu élastique et de faisceaux de tissu conjonctif. On n’y remarque aucune 
glande. 

OBSERVATION 2.— Fistule sous-hyoïidienne.— Plusieurs traitements. — Ré- 
cidives. — Ablation complète. — Guérison. — Le nommé F..., demeurant 
- route d'Italie, 470, employé à la gare d'Orléans, est un jeune homme qui 
portait à la région sous-hyoïdienne une fistule semblable à la précédente. 
M. Gosselin l’avait fendue et cautérisée ; Bauchet également. Tourmenté par 
cette affection, qui durait depuis fort longtemps et contre laquelle on avait 
essayé en vain divers traitements, le malade vint réclamer les secours de 
M. Nélaton, qui opéra l’extirpation complète de tout le trajet fistuleux. L’écou- 
lement a persisté pendant un certain temps, après quoi le succès a été dé- 
finitif. Depuis trois ans, la guérison s’est maintenue, comme nous avons pu 
le constater tout récemment. 

OBSERVATION 3. — 11 s’agit d’une jeune fille de dix-huit ans, qui, il y a six 


Le) 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 7 


mois, vit apparaître une petite tumeur, de la grosseur d’une noisette, à la 
région antérieure du cou. Cette tumeur s'étant enflammée, on en fit la ponc- 
tion, et l’on attendit en vain la guérison. Des injections iodées faites pendant 
deux mois, l’introduction du caustique sulfo-safranique, ne produisirent aucun 

effet. | 

Cette jeune fille vint à Paris, où M. Richard chercha à détruire la poche par 
des fragments de chlorure de zinc; il n’obtint que des espèces de guérison. 

Entrée le 23 novembre 1863, dans le service de M. Nélaton, elle pré- 
sente une petite fistule au niveau du bord supérieur du cartilage thyroïde ; il 
en sort un liquide opalin, filant, plus consistant que du blanc d'œuf et ana- 
logue au mucus provenant du col utérin. 

Le 25 novembre, M. Nélaton enlève en totalité le trajet fistuleux, et, de 
plus, il ajoute au fond de la dissection un morceau de potasse caustique. Les 
jours suivants, comme il suinte encore un peu de liquide muqueux, on ap- 
plique de nouveau et à deux reprises différentes un fragment de potasse 
caustique, ce qui fait en tout trois cautérisations. 

Le 5 décembre, pansement simple avec une bandelette de diachylon pour 
réunir les bords de la plaie, qui est large comme une pièce de cinq francs. 

Le 11 décembre, la plaie marche vers la cicatrisation et présente à peine 
un léger écoulement quand la mâchoire exécute des mouvements. 

Le 27 décembre, la malade quitte l'hôpital et peut être considérée comme 
guérie. 

OBSERVATION 4. — Fistule sous-hyoïdienne. — Plusieurs récidives. — Ex- 
tirpation complète. — Guérison. — Un médecin de province portait, depuis 
quinze ans, une fistule sous-hyoïdienne, et après avoir reçu les soins de plu- 
sieurs de ses confrères et essayé les traitements les plus variés, il se décida à 
venir à Paris, au mois de novembre 1865, consulter M. Nélaton. Ce chirur- 
gien eut encore recours à l’extirpation complète, et l'opéré put bientôt partir 
avec toutes les apparences de la guérison. La suite d’ailleurs n’a fait que con- 
firmer cet heureux résultat, car il écrivait ces jours-ci que son état ne laissait 
rien à désirer, et qu’il avait le bonheur d’être radicalement délivré de cette 
infirmité. 

Vue par M. Robin, cette fistule contenait ua mucus visqueux, rempli d’épi- 
thélium prismatique, et présentait, quant à l’épithélium et aux villosités ou 
papilles, une structure pareille à celle qui est décrite dans les arrière-fonds 
de la pièce suivante. 

Ge sont là, comme on le voit, de sont tumeurs : elles ne sont cepen- 
dant pas sans analogues, car on en a rencontré quelques cas dans d’au - 
tres régions, et, une fois l’attention attirée sur ce point, peut-être en obser- 
vera-t-on plus fréquemment. 

OBSERVATION 5 (recueillie dans le service de M. Nélaton, par M. Fontaine, 
interne des hôpitaux). — Kyste muqueux præsternal avec épithélium prisma- 
tique à cils vibratiles. — Traitements divers. — Récidives. — Ablation totale, 
— Guérison. — Amélie D..., âgée de dix-sept ans, couturière, demeurant à 


80 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Grenelle, rue Fondary, 33, entrée à l’hôpital des cliniques le 5 avril 4865, 
et est couchée au n° 28 de la salle des femmes. 

La malade était en nourrice lorsqu'elle fit une chute, dans laquelle le ster- 
num aurait porté sur un corps chaud, au niveau du siége même de la lésion. 
Cet accident lui serait arrivé vers l’âge de dix-huit mois ; elle fut un peu plus 
tard retirée des mains de la nourrice. Vers le commencement de sa troisième 
année, les parents s’aperçurent de la présence d’une petite tumeur de la 
grosseur d’une petite noisette. 

Elle était globuleuse, recouverte par une portion de peau saine ; sa dureté 
était considérable ; on pouvait la faire rouler sous le doigt. 

Un médecin militaire qui la soignait à ce moment, et qui constata les ca- 
ractères que nous venons de noter, prit la tumeur pour un kyste et en pro- 
posa l’ablation. 

L'opération ne fut pratiquée que vers l’âge de quatre ans. La poche fut 
incisée : il en sortit une matière non liquide, assez consistante. Le kyste, 
une fois vidé, fut cautérisé avec le nitrate d’argent en crayon. Une inflamma- 
tion s’ensuivit, qui fit suppurer la poche. Contre son attente, le chirurgien 
ne put obtenir l'oblitération de la cavité. A partir de ce moment, la surface 
irritée se modifia lentement et prit l'aspect que nous décrirons plus loin. 

Le chirurgien essaya encore, à diverses reprises, et pendant une année, 
d'arriver à son but : l’oblitération du sac kystique ; malgré la variété des 
moyens employés, il échoua. 

Plus tard, à l’hôpital des Enfants malades, ou réitéra les cautérisations avec 
le crayon de nitrate d’argent. Une inflammation vive se déclara : des attaques 
d’éclampsie en furent la conséquence, et l’on dut suspendre tout traitement. 
L'enfant avait alors environ six ans. 

Inquiets sur Îa ténacité du mal, les parents amenèrent l'enfant à la Cli- 
nique, le 1° juillet 4864, dans le service dirigé à ce moment par M. Houel, 
qui remarqua que la cavité kystique était presque complète et s’était proba- 
blement reconstituée. Seul, un petit orifice donnait accès dans l’intérieur de 
la poche. Le fond de cette dernière était situé à 4 centimètres environ au- 
dessus de l’ouverture. [a malade éprouvait une certaine gêne, au niveau du 
mal, et se contrariait beaucoup de l’augmentation de la sécrétion, surtout 
depuis quelque temps. 

A deux reprises différentes et à huit jours d'intervalle, M. Houel incisa, 
de haut en bas,la membrane qui format le pont. Il cautérisa chaque fois les 
surfaces malades avec le crayon de nitrate d’argent. Puis, après quelques 
jours, il eut recours à la liqueur de Villate, qui fut employée pendant quel- 
ques semaines dans les pansements. 

Les lèvres de la plaie furent rapprochées et se cicatrisérent rapidement. 
Au bout de ce laps de temps, la malade, se sentant améliorée, quitta l’hô- 
pital ; chez elle, la plaie fut pansée avec de l’alcool. 

Bientôt après, la gêne et le suintement reparurent aussi incommodes 
qu'auparavant. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, 81 


La malade rentre à la clinique le 4 avril 1865, dans le service de M. Né- 
laton. On peut alors constater l’état suivant : 

Sur le devant du sternum, un peu au-dessous de l’union de la première 
pièce de cet os avec la deuxième, on voit un diverticulum, d'aspect muqueux, 
lorsqu'on l'examine par son ouverture. La partie malade ressemble assez 
bien, par sa configuration, à une poche, dont le fond, tourné en haut, serait 
diamétralemnnt opposé à l’ouverture, placée inférieurement. 

Horizontalement, la poche s'étend sur une longueur de 3 centimètres en- 
viron ; dehaut en bas, elle mesure 1 centimètre et demi. 

La partie supérieure de la cavité qu’elle circonscrit forme un véritable cul- 
de-sac, lequel est limité : 

4° En avant, par une sorte de voile tendu de droite à gauche et de haut en 
bas. La partie supérieure de cette sorte de pont membraneux se confona avec 
la peau qui recouvre l'extrémité correspondante du sternum; mais en bas, 
où il est libre et sans adhérences, ce repli présente un rebord, presque flot- 
tant, dont les extrémités viennent se perdre à la peau des régions voisines. 

20 Quant aux deux bords latéraux, l’un droit et l’autre gauche, il est im- 
possible de trouver extérieurement leur limite, à cause de leur continuité 
parfaite avec les téguments des organes voisins. Cependant l’introduction 
d’un stylet dans la poche permet de les accuser, en soulevant les extrémités 
latérales de la cavité. 

Énvisagé dans son ensemble, ce repli membraneux présente quelque ana- 
logie avec les prolongements valvulaires. On peut lui considérer deux faces : 
l'une, antérieure, superficielle, cutanée ; l’autre, postérieure, profonde, mu- 
queuse, La première n’a pas les caractères de la peau saine : elle est un 
peu rougeâtre, et l’on y voit des traces de cicatrices, témoignage des vaines 
tentatives de traitement faites antérieurement, On trouve aussi des brides ci- 
catricielles, légères, au-delà du mal; plusieurs d’entre elles remontent jus- 
qu’à 4 centimètre au-dessus de la valvule. , 

La face profonde est constituée par une membrane d'aspect muqueux, qui, 
supérieurement et sur les côtés, se réfléchit d’avant en arrière, pour se con- 
tinuer avec un autre plan également muqueux, mais reposant, lui, sur la face 
antérieure du sternum. 

Les deux surfaces, cutanée et muqueuse, de ce voile sont donc adossées 
pour former le repli valvulaire et elles se continuent directement sur son bord 
libre. 

3° En arrière, la poche kystique formant une sorte de sinus, se trouve 
tapissée par un feuillet également muqueux, que nous avons vu n’être en 
quelque sorte que le prolongement de celui qui appartient au repli membra- 
neux. Il est rougeâtre et forme la partie postérieure du diverticulum ; il pré- 
sente cette particularité, que, en bas, il descend au-dessous du bord libre 
de la partie flottante, d’où il résulte qu’en arrière, le sinus mesure une éten- 
due plus considérable en hauteur. 

Limité de cette manière, le diverticulum nous présente à sa partie déclive, 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, -——T. IV (1867). 6 


82 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 

un large hiatus qui conduit à l'extérieur. Par cet orifice qu’on peut agrandir 
en soulevant le repli valvulaire soit avec un stylet, soit même avec le doigt, 
on voit jusqu'au fond du diverticulum. 

Cette cavité est le siége d’une sécrétion de nature muqueuse. Parfois, les 
produits exsudés ont un aspect rosé ; parfois aussi, ils sont jaunâtres et puru- 
lents, ce qui nécessite, en raison même de l'abondance relative de la sécrétion, 
des soins de propreté incessants. 

Le 5 avril, M. Nélaton l’opère de la manière suivante, il circonserit le 
kyste par deux incisions curvilignes, dirigées transversalement, se réunissant 
par leurs extrémités et cernant toute la tumeur. La dissection fut délicate et 
assez laborieuse, surtout pour le feuillet profond placé au devant du sternum 
auquel il adhérait fortement. M. Nélaton parvint à enléver le kyste dans sa 
totalité et à ne laisser aucun point de la poche qui pût lui faire craindre une 
nouvelle récidive. Le pansement fut fait avec de la charpie imbibée d’alcool. 

Trois jours après l’opération, les bords de la plaie rougissent et un érysi- 
pèle se développe à ce niveau; les bords de la plaie, qu’on avait rapprochés 
avec des bandelettes de diachylon placées verticalement, se tuméfient consi- 
dérablement et s’écartent l’un de l’autre. L’érysipèle s’étend à la partie su- 
périeure gauche de la poitrine. Un abcès se développe au-dessus de la cla- 
vicule ; il est ponctionné avec le hbistouri ; il en sort une quantité notable de 
pus ; dès lors l’érysipèle s’amende et l’abcès guérit facilement. À partir de la 
disparition de l’érysipèle, le travail de cicatrisation de la plaie marche rapide- 
ment, et en quelques jours 1l se trouve complet. 

Le 14 juillet 4866, nous avons revu la malade et la guérison s’était main- 
tenue complétement, La cicatrice est dirigée transversalement et son tissu 
présente une teinte blanchâtre avec une légère dépression à son centre. 


EXAMEN HISTOLOGIQUE FAIT PAR M. LE PROFESSEUR ROBIN (pl. IV). 


La pièce présente une dépression à surface muqueuse profonde de 4 à 3 
millimètres ; sa longueur est de 2 centimètres (voir fig. 4, ao), sur une lar- 
geur de 4 cent. à 4 cent 1/2. Elle présente quelques dépressions larges de 1 
à 6 millimètres sur 1 à #4 millimètres de profondeur. 

Le tissu, d’aspect muqueux, est lisse, mou, blanchâtre, plus mince que le 
derme avec lequel il est continu. À son niveau, le tissu sous-jacent est un 
peu congestionné. 

L’épithélium de cette dépression d'aspect muqueux est pavimenteux, formé 
de cellules faciles à isoler (c,d). Les cellules de la couche la plus superficielle 
de cet épithélium sont dépourvues de noyaux. 

Les plus grandes des dépressions sus-indiquées présentent sur leur sur- 
face des papilles vasculaires (e,f); ces dépressions sont tapissées d’un épithé- 
lium pareil au précédent (c,d). Mais ces dépressions présentent des arrière- 
fonds ou culs-de-sac pleins d’un mucus transparent et très-visqueux. Ces ar- 
riére-fonds sont tapissés d’un épithélium prismatique à cils vibratiles (g,h). 

Les cellules prismatiques sont des mieux caractérisées, pareilles à celles de 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 83 


la trachée ; au-dessous d'elles, on trouve une couche assez épaisse, formée de 
plusieurs rangées d'épithélium nucléaire à noyaux sphériques, soit contigus, 
soit écartés par un peu de matière amorphe, non encore segmentée. 

Quelques-uns de ces arrière-fonds présentent une ou plusieurs longues pa- 
pilles vasculaires tapissées, soit d'épithélium prismatique cilié (à), soit au 
contraire seulement par la rangée des épithéliums nucléaires précédents (g). 

Dans le mucus, on trouve des cellules épithéliales prismatiques, à sommet, 
soit coupé nettement, soit prolongé par un mince filament ou queue. 

Leur extrémité libre a une bordure hyaline assez épaisse portant des cils 
qui sont longs et nettement limités (4). Il renferme aussi quelques noyaux de 
l'épithélium nucléaire sus-indiqué qui, ainsi que les précédents, sont dépour- 
vus de nucléoles (4). 

OBSERVATION 6. — Un jeune homme de la campagne, âgé de dix-sept 
ans, porte une petite plaie, au niveau de l’articulation du pied, sur le milieu 
de la malléole externe. Il en sort un liquide filant, très-visqueux. Le stylet 
“fait constater que l'os n’est pas dénudé, M. Nélaton croit pouvoir annoncer 
une guérison facile. Cependant les injections iodées, celles de nitrate d'argent 
d’une solution de potasse caustique restent sans effet; on introduit un petit 
fragment de pâte de Canquoin dans le trajet, et après trois mois de traite- 
ment, le malade n’est pas guéri : il conserve une tumeur fluctuante, renfer- 
mant un liquide filant qui se reproduit sans cesse. 

Ce fait porta M. Nélaton à penser qu’il iy avait une certaine analogie entre 
cette tumeur et celles que nous avons décrites au cou. 

OBSERVATION 7. — Kysle muqueux prætibial, — Kécidives nombreuses. — 
Extirpation complète. — Guérison. — Vers le mois d'août 1862, un malade 
entra à l’hôpital des Cliniques, présentant à la face interne de l’extrémité 
supérieure du tibia, au-dessous de la patte d’oie, une tumeur à liquide extrè- 
mement filant, avec fistule. Cette fois, M. Nélaton annonça qu’on ne parvien- 
drait que très-difficilement à tarir cette fistule ; et, en effet, pendant dix-huit 
mois, malgré des injections et des cautérisations de toutes sortes, on observa 
une série de récidives. 

Cet habile chirurgien abrasa alors la surface du tibia sur laquelle la tumeur 
paraissait sessile, et le malade guérit seulement par ce moyen. 

La structure de la membrane interne de ce kyste fut exactement semblable 
à celle præsternale décrite plus haut. 

De la lecture attentive de ces trois dernières observations, il ressort ce 
grand fait, à savoir : que des tumeurs enkystées, de nature muqueuse et 
exactement semblable à celle que nous avons établie plus haut, peuvent af- 
fecter différentes régions du corps, et qu'ils se prêtent à la plupart des 
considérations relatives aux kystes sous-hyoïdiens quant à l’étiologie, le dia- 
onostic, le pronostic et le traitement, les causes en sont en effet tout aussi 
obscurs. 

Je ne traiterai point ici la question de savoir si les productions acciden- 
telles de l’épithélium prismatique à cils vibratiles qu'on y a trouvées, sont pri- 


8/ ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


mitives ou consécutives à d’autres productions organiques. Cela importe peu 
à l’objet dont il s’agit : il suffit seulement que ce mode de génération soit 
bien constaté, et bien distinct des autres, pour en faire une variété. 

Si ces sortes de tumeurs, en tant que kyste, n’offrent pas difficulté pour le 
diagnostic, elles en présentent de sérieuses quand il s’agit d'établir leur véri- 
table nature. Pour cela, on s’appuiera sur l’aspect du liquide qui est louche, 
blanc, jaunâtre, toujours visqueux et très-filant; sur la persistance des fis- 
tules auxquelles ces tumeurs donnent lieu, enfin sur l'examen histologique 
de la membrane interne de la poche kystique et de son contenu. 

Pour ce qui a trait à leur guérison, on aura la même réserve que pour les 
kystes sous-hyoïdiens, et on cherchera également à les combattre par l’ex- 
tirpation complète. 

Mon seul but est d'exprimer iciles résultats généraux des observations pour 
permettre de saisir ce que tous les kystes muqueux, à épithélium prisma- 
tique cilié, ont de commun et de mieux constaté. 

En résumé, nous dirons : 

Certains kystes et trajets fistuleux; de nature muqueuse, se rencontrent à 
la partie antérieure et médiane du cou, entre l’os hyoïde et le cartilage thy- 
roïde, au niveau de la membrane qui les unit. 

Is sont tapissés, à l’intérieur, d’un épithélium prismatique à cils vibratiles, 
pareil à celui de la trachée. 

Ils ne sont pas sans analogues dans l’économie, car on en rencontre dans 
différentes régions. 

Quel que soit du reste leur siége, leur guérison présente des difficultés 
presque insurmoniables. 

D'après l’expérience de nos recherches personnelles, on peut admettre une 
relation entre le cachet d’incurabilité de ces kystes, et la disposition ana- 
tomique que nous démontre le microscope. Leur véritable traitement con- 
siste dans l’ablation totale. 


Des phénomènes entoptiques, par le M. le professeur Helmholtz, 
traduction par E. Javal et Th. Klein (4). 


Il 


Pour obtenir la perception des vaisseaux de la rétine, il faut mettre en 
œuvre des procédés un peu différents de ceux employés pour les objets 
entoptiques précédemment décrits, Les méthodes que nous allons passer en 
revue ont ceci de commun que la position ou la largeur de l'ombre que les 
vaisseaux rétiniens projettent sur la face postérieure de la rétine deviennent, 


(1) Voyez année 1866, pages 519 à 529, la première partie de ce mémoire, qui 
est la traduction du $ 15 de l’Optique physiologique. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 85 


par l'emploi de ces méthodes, différentes de ce qu’elles sont ordinairement, 
et qu’en outre on maintient cette ombre dans un état de mouvement continuel. 

On peut, pour percevoir les vaisseaux rétiniens, employer les trois mé- 
thodes principales suivantes : 


4° Au moyen d’une lentille convergente à court foyer, on concentre une 
lumière très-intense, de préférence la lumière solaire, en un point de la sur- 
face externe de la sclérotique le plus éloigné possible de la cornée, de ma- 
nière à former, sur la sclérotique, une image petite, mais très-éclairée de la 
source lumineuse. Si le regard se porte alors sur un fond obscur, le champ 
visuel semble éclairé d’un rouge jaunâtre et il y apparaît un réseau de vais- 
seaux sombres, dont les ramifications rappellent celles d’un arbre, et qui 
répondent aux vaisseaux rétiniens représentés ci-dessous (fig. 82), d’après une 


Fic. 82. 


préparation injectée. Si l’on imprime au foyer formé sur la sclérotique un 
mouvement de va-et-vient, l’arbre vasculaire prend un mouvement analogue 
et de même sens : Le foyer lumineux et le réseau montent ou descendent en 
même temps, se dirigent en même temps vers la droite ou vers la gauche. 
Sous l’influence de mouvements de cette espèce, l'arbre vasculaire se voit plus 
distinctement que si on laisse pendant longtemps le foyer de la lentille en un 
même point; dans ce dernier cas, l’image finit même par disparaitre compléte- 
ment. Cependant, dansla méthode que nous venons de décrire, un mouvement 
continuel est moins nécessaire que dans les méthodes suivantes. Il est à re- 
marquer que plus la partie éclairée de la sclérotique est petite, et plus les 
moindres rameaux de l'arbre vasculaire se dessinent nettement, de sorte qu’en 


86 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


exécutant convenablement l’expérience, on peut rendre visible le réseau 
capillaire le plus fin. 

Au milieu du champ visuel se trouve une portion privée de vaisseaux, et 
qui correspond au point de fixation; en se rapprochant de cette région, les 
grands rameaux se subdivisent en capillaires dont les anses allongées en- 
tourent l’espace libre en question. Cet endroit lui-même offre, dans les yeux 
de H. Müller, ainsi que dans mes deux yeux, un aspect particulier par lequel 
il se distingue de tout le reste du fond de l'œil. En effet, tandis que, sauf 
l’image obseure des vaisseaux, ce fond est éclairé uniformément, le lieu de 
la vision directe présente un éclat plus vif et rappelle en même temps l’aspect 
du cuir chagriné. On vient de voir que si, pendant qu’on observe cet en- 
droit en fixant invariablement un objet extérieur, on fait mouvoir de bas en 
haut le foyer de la lentille sur la sclérotique, l'arbre vasculaire se déplace 
également de bas en haut : l’éclat chagriné se déplace, au contraire, un peu 
en sens opposé, c’est-à-dire de haut en bas par rapport au point de fixation de 
l'œil. Meissner aussi, en appliquant cette même méthode d’observation, a vu 
cet endroit plus éclairé, mais il lui attribue vers son bord, une ombre obs- 
cure en forme de croissant, analogue à celle qui se manifeste par la seconde 
méthode d’observation. Je ne vois pas d'ombre semblable lorsque la lu- 
mière pénètre par la sclérotique. 

Dans cette expérience la lumière pénètre dans l’œil par la sclérotique et 
la choroïde. La première de ces tuniques est translucide, la seconde n’est 
pas assez pigmentée à la partie postérieure de l’œil pour pouvoir arrêter 
toute la lumière. En avant, sur les procès ciliaires, la couche de pigment est 
plus considérable ; aussi, dans notre expérience, l’éclairage de la rétine est-il 
assez faible lorsqu'on amène le foyer à se former sur la partie antérieure de 
la sclérotique, près de la cornée. La partie éclairée des membranes de l’œil 
représente une source lumineuse par rapport à l’intérieur de l'organe; les 
rayons qui en émanent se distribuent également dans toutes les directions, 
car la sclérotique, qui est translucide, loin de réfracter régulièrement la lu- 
mière, la diffuse suivant toutes les directions possibles. 

Tandis qu’ordinairement la lumière n’arrive à la rétiné qu’au travers de 
la pupille, dans le cas actuel elle provient d’un point situé très-latéralement ; 

pour cette raison, l’ombre des vaisseaux situés dans les couches antérieures 
- de la rétine vient, dans notre expérience, se former sur des parties de la 
face postérieure de cette membrane, toutes plus différentes que d’habitude. 

La figure 83 fait voir clairement que l’arbre vasculaire doit paraître se 
déplacer dans le même sens que le foyer de la lentille. Soient v la coupe 
d’un vaisseau rétinien, k le point nodal de l’œil. Lorsque le foyer de la lu- 
mière incidente est en a sur la sclérotique, l'ombre du vaisseau se forme 
en a, l'œil projette, par suite, dans le champ visuel, une ligne obscure sui- 
vant la direction «A. Si le foyer est en b, l’ombre se forme en G, et la ligne 
obscure du champ visuel est transportée en B. Ainsi, tandis que la source 
lumineuse se meut de a vers b, le tronc vasculaire apparent se meut, dans 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 87 


le champ visuel, dans le même sens, de A vers B. La surface chagrinée qui 
avoisine le point de visée, présente un mouvement en sens opposé : elle ne 
se produit donc assurément pas de la même manière que l’ombre des vais- 
seaux, mais on ne connaît pas encore assez la 

structure de la tache jaune pour pouvoir donner la F À 
cause de ce phénomène. Dans ie champ visuel, 
l'arbre vasculaire empiète un peu surile bord de | 
la portion chagrinée, du côté opposé à la lumière ; 
en haut et en bas, il semble seulement toucher ce 
bord ; du côté de la lumière, enfin, il y a un in- 
tervalle entre les deux ; toutes ces apparences res- 
tent les mêmes, soit que la lumière vienne de 
l’augle interne de l’œil, soit qu’elie vienne de l’an- 
gle externe. La raison en est, sans doute, que les 
ramifications vasculaires sont situées plus antérieu- 
rement que la couche qui par un effet de réfraction 
ou!de réflexion, présente l’aspect chagriné, et que 
pour ce motif, lorsque la direction de la lumière 
incidente est'oblique, l'ombre de la figure vasculaire 
sur la face postérieure de la rétine n’est pas située 
perpendiculairement sous les vaisseaux. La struc- 
ture qui produit l’aspect chagriné paraît, d’après ce qui précède, avoir assez 
exactement la même étendue que la portion non vasculaire de la rétine. 


2° La seconde méthode employée pour l'observation des vaisseaux réti- 
niens est la suivante : on dirige le regard vers un fond obscur en donnant à 
une bougie allumée un mouvement de va-et-vient, soit au-dessous, soit à 
côté de l'œil. On voit bientôt le fond obscur se recouvrir d’un reflet mat et 
blanchâtre, sur lequel se dessine l’arbre vasculaire obscur. L'image ne 
reste nette qu'autant qu’on fait mouvoir la lumière. Si l’on ne donne à la 
lumière que des déplacements latéraux, on voit surtout les vaisseaux dont le 
cours est vertical, et si on la déplace de haut en bas on voit principalement 
les vaisseaux horizontaux. Les déplacements de la lumière sont accompagnés 
de mouvements de tout l’arbre vasculaire, mais ses différentes parties se dé- 
placent inégalement. Meissner compare très-heureusement les mouvements 
de l'arbre vasculaire à ceux qu’affecte une image réfléchie dans une eau ridée 
par de faibles vagues. 

En étudiant le phénomène de plus près, on voit .que lorsque la lumière 
s'approche et s’éloigne alternativement de la ligne visuelle, l'arbre vascu- 
laire subit, en même temps, des déplacements dans le même sens. Mais si 
l’on fait mouvoir la lumière suivant un arc de cercle dont le centre est sur la 
ligne visuelle, l’arbre vasculaire se meut en sens opposé, C’est ainsi que, la 
lumière étant tenue sous l’œil, si on lui imprime des mouvements verticaux, 
le tronc vasculaire subit des déplacements verticaux homonymes, et que si, 


88 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


la lumière étant plus bas que l'œil, on la fait mouvoir horizontalement, l'arbre 
vasculaire affecte des mouvements latéraux, mais en sens contraire de ceux 
de la lumière. Les rameaux les plus voisins da milieu de la figure vasculaire 
ne se dessinent pas aussi finement que par les deux autres méthodes. 

Au centre, plusieurs observateurs décrivent un disque clair, circulaire ou 
elliptique, répondant au point de visée. La figure 84 représente le dessin 
qu’en a donné Burow. Du côté qui est 
tourné vers la flamme, le disque est bordé 
par une ombre obscure en forme de crois- 
sant ; la partie la plus claire est au centre. 
H. Müller ne voit pas du tout ce disque, et 
pour ma part je ne vois jamais que l’om- 
bre en forme de croissant qui en constitue 
la périphérie, du côté tourné vers la lu- 
mière, tandis que l’autre côté ne présente 
pas de contour distinct, Ce disque central 
se meut aussi quand on déplace la lu- 
mière : pour s’en convaincre, il suffit de 
fixer un point extérieur pendant qu’on 
observe le phénomène. Chez moi, le point 
de fixation se trouve toujours à la partie 
du bord du disque éclairé qui serait tour- 
née vers la lumière, en complétant par la pensée, de manière à en former un 
disque entier, l’ombre en forme de demi-lune qui existe dans mon æil. 

Je vais exposer la théorie de ces phénomènes telle qu’elle a été donnée 
complétement par H. Müller. — La source lumineuse qui éclaire l’intérieur de 
l'œil est l’image dela lumière, qui vient se former sur les parties très-latérales 
de la rétine, puisque la lumière est loin du centre du champ visuel. Comme, du 
reste, la lumière se trouve très-près de l’œil, son image rétinienne peut être 
assez grande et peut renvoyer dans le corps vitré une quantité de lumière 
suffisante pour provoquer sur toute la rétine une perception lumineuse sensible. 
Le mode d'éclairage est donc semblable à celui de la première méthode, avec 
cette seule différencé que la portion de paroi de l’œil qui agit comme source 
lumineuse, ne reçoit pas sa lumière du dehors, au travers de la sclérotique, 
mais que la lumière lui vient d’en avant, à travers la pupille. Comme les images 
sur les parties latérales de la rétine ne sont pas distinctes, et que, dans notre 
cas, l’image de la flamme doit être assez étendue pour donner une quantité 
suffisante de lumière, il est facile d'expliquer pourquoi l’on ne voit pas les 
plus fines ramifications vasculaires aussi bien que par la première méthode. 
Le mode de mouvement de l’arbre vasculaire s’explique complétement dans 
la théorie de H. Müller. Soient (fig. 85) 4 le point nodal de l’œil et v un 
vaisseau rétinien, Si la source lumineuse se trouve en a, son image réti- 
nienne se forme en b, la lumière qui vient de b projette en c l’ombre du 
vaisseau v, et si nous menons la ligne ck, son prolongement kd est la direc- 


Fic. 84. 


ANALYSES DE’ TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 89 


tion suivant laquelle l’ombre du vaisseau v apparaît dans le champ visuel. 
Si nous amenons le point lumineux de a en &, b vientenf, ceny, d end; 
d se déplace donc dans le même sens que a, Le contraire a lieu si a se déplace 
perpendiculairement au plan de la figure. Si a se trouve en avant de ce plan, 
best en arrière, c en avant et, enfin, d en arrière. Si donc a se meut en 
avant (du plan de la figure) d se meut en arrière et inversement, le tout 
conformément aux résultats de l’observation. | 

H. Müller regarde, non sans vraisemblance, l’apparition, au milieu du 
champ visuel, du disque éclairé, et de son ombre semi-lunaire, comme dus 
à la fovea centralis. Soit c (fig. 86) la fovea, et admettons que le lieu de la 
vision directe est au fond de cette cavité, soit a la lumière, b son image réti- 
nienne, l'ombre du bord proéminent de la fovea qui est tourné vers b tombe 
exactement sur le point de visée et, sur la rétine, l'ombre entière de la fovea 


Fi. 85. fic. 86. 


est entre le point de visée et la lumière, de sorte que, dans le champ visuel, 
c'est, conformément à l’observation, le contraire qui doit avoir lieu. Si l’on 
rapproche davantage de la ligne visuelle la lumière a, et que, par suite, b se 
rapproche de c, je remarque, dans mon æil, une ligne éclairée à la partie 
externe de l’ombre semi-lunaire, et qui provient sans doute de lumitre qui, 
renvoyée par la rétine, est venue frapper le bord de la fovea et s’y réfléchir, 
comme l’indique la ligne ponctuée à 8 y (fig. 86), Chez les personnes dont la 
foveu centralis présente des bords moins escarpés, cette ombre peut faire 
complétement défaut. 


3° La troisième méthode pour l'observation des vaisseaux rétiniens con- 
siste à regarder à travers une ouverture étroite un grand champ éclairé, le ciel 
par exemple, en donnant à cette ouverture un rapide mouvement de va-et- 
vient. — Les vaisseaux rétiniens apparaissent três-finement dessinés, foncés sur 
fond clair, et se meuvent, dans le champ visuel, dans le même sens que l’oun- 
verlure, Au milieu, répondant au point de visée, on voit la partie sans vais- 
seaux, qui me paraît avoir un aspect finement granulé, et dans laquelle une 
ombre de forme arrondie se meut tant qu’on agite l’ouverture. Dans les mou- 


90 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇ!IS ET ÉTRANGERS. 


vements horizontaux de l’ouverture, on ne voit que les vaisseaux verticaux, et 
dans les mouvements verticaux, seulement ceux dont le cours est horizontal. 
On voit encore la même figure vasculaire en regardant dans un microscope 
composé, sans y mettre d'objet, de manière à voir seulement le cercle uni- 
formément éclairé du diaphragme. Si l’on fait un peu mouvoir l'œil au- 
dessus du microscope, on voit les vaisseaux de la rétine se dessiner très- 
finement et très-nettement dans le champ de l'instrument. Les vaisseaux qui 
sont perpendiculaires au sens du mouvement sont les plus nets de tous, 
tandis que ceux qui lui sont parallèles disparaissent entièrement. 

Dans les deux premières méthodes, la lumière arrivait à la rétine suivant 
une direction insolite, et, pour cette raison, l'ombre des vaisseaux rétiniens 
venait se former sur des parties de la rétine qui ne reçoivent pas cette ombre 
dans la vision ordinaire, et qui, par suite, sont facilement impressionnées 
par cet état inaccoutumé. Dans la troisième méthode, au contraire, la lumière 
suit sa voie ordinaire et entre dans l’œil par la pupille. Si la pupille entière 
est libre et l’œil tourné vers un ciel clair, chaque point du plan pupillaire 
laisse arriver des rayons de lumière au fond de l’œil, absolument comme si la 
pupille elle-même était la surface lumineuse. Sous l’influence de cet éclairage; 
les vaisseaux rétiniens doivent projeter, sur les parties de la rétine situées der- 
rière eux, une ombre large et estompée, de manière que la longueur du cône 
d'ombre totale ne soit que de quatre ou cinq fois le diamètre du vaisseau. 
Comme, d’après E. H. Weber, le diamètre du rameau le plus épais de la 
veine centrale mesure 0,017 lignes de Paris (0"",038), et que, d’après 
Külliker, l'épaisseur de la rétine, au fond de l'œil, est de 0"",22, on peut 
admettre que le cône d'ombre totale des vaisseaux n’atteint pas la surface 
postérieure de la rétine. Mais si nous amenons une ouverture étroite au 
devant de la pupille, l'ombre des vaisseaux devient nécessairement plus 
étroite, plus nettement dessinée, et l’ombre totale devient plus longue, de 
sorte que les parties de la rétine qui sont généralement dans la pénombre 
viennent se trouver, soit dans l’ombre complète, soit dans la partie complé- 
tement éclairée de la rétine. 

Si, dans la vision ‘ordinaire, nous n’apercevons pas l’ombre des vaisseaux, 
c’est sans doute parce que la sensibilité des parties ombragées de la rétine 
est plus grande, leur excitabilité moins émoussée que celles des autres par- 
ties de cette membrane sensible ; mais dès que nous modifions la position de 
l'ombre ou son étendue, elle devient perceptible, parce que le faible éclai- 
rage vient alors sur des éléments rétiniens fatigués et moins excitables. Les 
plus excitables, au contraire, des éléments rétiniens, ceux qui, auparavant, 
étaient dans l’ombre, viennent, d’autre part, à se trouver, en partie, en 
pleine lumière, et sont plus sensibles à cet éclairage. C’est ce qui explique 
comment, surtout au commencement de l’expérience, il arrive parfois que, 
pour quelques instants, l’arbre vasculaire se dessine en clair sur fond sombre, 
et comment, chez certaines personnes, la partie claire du phénomène peut 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 91 


mieux attirer l'attention que la partie sombre, Aussitôt que, dans notre ex- 
périence, l’ombre des vaisseaux vient à conserver quelque temps sa nouvelle 
position, les parties nouvellement ombragées deviennent peu à peu plus sen- 
sibles, celles primitivement ombragées paraissent au contraire perdre très- 
vite leur excès d’excitabilité, et le phénomène disparaît. Pour le voir d’une 
manière durable, il est donc nécessaire de faire constamment varier la posi- 
tion de l’ombre, et dans les mouvements rectilignes de la source lumineuse, 
les vaisseaux dont l’ombre change de place sont les seuls qui restent visibles. 
Nous reviendrons plus en détail au $ 25 sur ces altérations de lexcitabilité. 


Vierordt (Conf, fin du $ 23, p. 382 de l'édit. allemande) a observé des mou- 
ments en forme de courants, qu’il attribue à la circulation du sang dans la ré- 
tine, et qui se manifestaient en portant le regard sur une surface éclairée 
d’une manière intermitente. Pour faire l'expérience, écartant les doigts, 
il donnait à sa main, devant l’œil, un mouvement de va-et-vient, Meissner et 
moi, nous n’avons vu ce mouvement que sous forme de petits courants sans 
bords auxquels je n’osais pas d’abord donner la signification que leur attri- 
buait Vierordt. Cependant il n’en est pas moins possible que Vierordt les ait 
vus d’une manière plus nette et plus déterminée, et qu’ils aient été réelle- 
ment pour lui l’expression de la circulation sanguine. 

De plus, Purkinje et J. Müller (voy. $ 25. p. 424), en portant le regard sur 
une grande surface éclairée, ont vu des points lumineux apparaître dans le 
champ visuel et parcourir un certain espace ; après des intervalles de temps 
inégaux, ces points apparaissaient toujours aux mêmes endroits, pour par-- 
courir toujours le même trajet, avec une même vitesse, assez considérable 
d’ailleurs. D’après une remarque de 0. N. Rood, le phénomène se produit 
incomparablement mieux en regardant le ciel à travers un verre bleu foncé. : 
Dans cette expérience, je fixe un point de la vitre, afin de voir les corpuscules 
mobiles se manifester toujours à la même place, de manière à pouvoir com- 
parer la position de leurs trajectoires avec la figure vasculaire projetée sur 
la même vitre. | 

Après avoir répété ces expériences, je crois, comme Vierordt, qu’on doit, 
sans hésiter, rapporter tous ces mouvements à la circulation du sang, et cela 
par le mécanisme suivant : Un globule un peu volumineux se coince dans 
un des vaisseaux les plus étroits : il se forme alors, dans ce vaisseau, un cer- 
tain vide en avant de ce globule, tandis qu’en arrière se pressent un nombre 
considérable de globules sanguins. Aussitôt que l’obstacle cède, tout l’encom- 
brement s’écoule rapidement : ce sont là des circonstances qu’on a souvent 
occasion d’observer lorsqu'on examine au microscope la circulation capil- 
laire. Dans l’expérience dont nous parlons, on voit, en avant de l'obstacle, 
dans le champ visuel, une bande claire, longitudinale, répondant à la partie 
vide du vaisseau. Cette bande est suivie d’une partie sombre, qui correspond, 
je pense, à l’agglomération des globules sanguins. Dans mon œil droit, je 
vois três-nettement et souvent le phénomène se répéter, un peu à gauche 


92 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


du point de fixation, dans deux vaisseaux parallèles, et quelquelois cela a 
lieu simultanément dans les deux. Le mouvement apparent est ascendant ; 
l’agglomération mobile disparaît en suivant, avec une vitesse accélérée, les 
sinuosités d’une courbe en forme d’S. Dans l’image entoptique de l'arbre 
vasculaire, je retrouve à l’endroit en question, non-seulement les deux vais- 
seaux parallèles, mais aussi la courbe en forme d’S qui les réunit et qui débou- 
che dans un tronc veineux plus grand : les deux méthodes d'observation sont 
donc parfaitement d'accord. Du reste, les deux vaisseaux dont j'ai parlé ne 
sont pas les seuls qui présentent un semblable mouvement : beaucoup d’autres 
parlies dans le champ visuel du même œil, sont dans le même cas; mais elles 
sont plus éloignées du point de fixation et ne présentent pas de formes aussi 
caractéristiques. — En résumé, nous devons considérer l’apparition dont il 
s’agit, comme étant l’expression optique de petits obstacles à la circulation 
sanguine, obstacles qui ne se présentent ordinairement que dans certaines par- 
ties rétrécies de l’arbre vasculaire et ne se manifestent que lors du passage 
de globules un peu volumineux. 


em 


Pour décider si les objets vus entoptiquement sont en avant ou en arrière de 
la pupille et s’ils sont près de la rétine, ilsuffit d'examiner la parallaxe, comme 
l’a proposé Listing. — Soient (fig. 87) a l’image du point lumineux formée 
par les milieux de l’œil, cle point de la vision di- 
recte, fe le plan dela pupille, ou plutôt son image 
formée par le cristallin, laquelle diffère très-peu 
de la pupille vraie; enfin soit d un objet obscur, 
situé en arrière de la pupille. Si la ligne ac coupe 
la pupille en g, l'ombre du point g ceïncide avec 
le point c de la vision directe ; g est donc le point de 
l'image entoptique de la pupille qui est vu directe- 
ment. Joignons ad et prolongeons cette droite 
jusqu’à son intersection b avec la rétine, c’est en 

ce point b que se forme l’ombre de d, Désignons 

par À le point d’intersection de la ligne ad et du plan 

los |: 11108 pupillaire, la projection du point k de la pupille 
à arrive également en b ; les points d et h se recou- 

Fic. 87. vrent dans le champ visuel entoplique. Si, sur la 

ligne ab, se trouve encore un objet i en avant de la 

pupille, ce dernier coïncide également avec dans le champ visuel entoptique. 

Mais que l’œil ou le point lumineux vienne à se déplacer de manière à ce 
qu’un autre point f, de la pupille, soit vu directement dans l’image entop- 
tique, que le point éclairant vienne en «sur le prolongement de la ligne cf, 
aussitôt la position des ombres de d et de à change par rapport à la pupille. 
Menons œd et œi. Soient m et e les points où la première de ces lignes et où 
le prolongement de la seconde coupent le plan de la pupille, ces points m et e 


ce. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 93 


sont les points de la pupille dont les images entoptiques coïncident maintenant 
avec celle des objets d et à. Ainsi, dans l’image entoptique, tandis que le 
point de visée est venu de g en f, l’image de l’objet d, placé derrière la pu- 
pille, a marché dans le même sens, de h en », et celle de l’objet i, placé devant 
la pupille, a marché en sens contraire, de À en e. D’après le mode de dési- 
gnation de Listing, d possède donc une parallaxe positive et à une parallaxe 
négative. Avec un peu d'exercice, il est toujours facile de décider si, par 
rapport au contour circulaire du champ visuel, les objets vus entoptiquement 
se déplacent dans le même sens que le point de visée ou en sens contraire, 
et, par suite, de distinguer s’ils sont en avant ou en arrière de la pupille. 

Pour calculer plus exactement la distance des objets qui flottent dans le 
corps vitré, Brewster a, le premier, employé une méthode qui consiste à 
faire pénétrer dans l’œil deux faisceaux de rayons homocentriques et à 
produire ainsi deux ombres de chaque objet. De la distance réciproque des 
ombres, on peut déduire la distance qui sépare les objets de la rétine. À cet 
effet, à travers une lentille placée devant l'œil, Brewster regardait vers deux 
flammes situées l’une à côté de l’autre. Donders a modifié cette méthode en 
plaçant devant l'œil une lame de métal pourvue de deux ouvertures distantes 
de 1®°,+. À travers ces ouvertures, il regarde un papier blanc, fortement 
éclairé, sur lequel les apparitions entoptiques paraissent projetées. Il mesure 
d’abord la distance qui sépare les centres des deux images circulaires de la 
pupille qui se recouvrent partiellement, distance qu’on obtient en mesurant 
simplement la largeur de la partie non recouverte de l’un ou de l’autre de 
ces cercles. II mesure ensuite la distance des images doubles de l’objet en- 
toptique en question. Gette distance est à la distance des deux cercles comme 
la distance demandée de l’objet à la rétine est à la distance apparente de la 
pupille à la rétine (18""), De cette manière on arrive facilement à calculer 
la distance des objets à la rétine, 

Doncan a modifié la méthode de Donders en ce sens qu’il exécute ses men- 
surations d’après le principe des mensurations microscopiques à double vue. — 
L’observateur regarde avec un œil, à travers une ou deux étroites ouvertures, 
un petit miroir concave qui réfléchit la lumière du ciel, et avec l’autre, un 
tabieau placé à la distance de la vision distincte. C’est sur ce tableau qu'il 
peut mesurer avec le compas la grandeur des objets entoptiques, la dis- 
tance de leurs doubles images, ainsi que la distance des points correspon- 
dants au bord de l'iris. Pour calculer la grandeur réelle des objets en- 
toptiques, en partant de leur grandeur apparente, il faut connaître Ja 
distance qui sépare la cornée de l’ouverture à travers laquelle on regarde. 
Le mieux est d'amener cette ouverture au foyer antérieur de l'œil (à 12°” 
en avant de la cornée) : les ombres des objets entoptiques sont alors de même 
grandeur que ces objets eux-mêmes. La grandeur apparente de ces objets 
dans le champ visuel, mesurée au compas, est à la grandeur réelle de l’ombre 


sur la rétine comme la distance du compas à l’œil est à la plus petite distance 
focale principale de l'œil (15"m), 


94 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Pour amener, au moins approximativement, la lame à coïncider avec le plan 
focal antérieur de l’œil, on la fixe à l'extrémité d'un petit tube de longueur 
convenable. 


Müller a mesuré la grandeur apparente du mouvement qu’affecte, dans 
le champ visuel, l’arbre vasculaire obtenu par la première des méthodes pré- 
citées ; un aide mesurait en même temps au compas la grandeur du déplacement 
du foyer éclairant sur la sclérotique. — Des données ainsi obtenues, on peut 
en déduire, au moins approximativement, par construction ou par calcul, la 
distance qui sépare les vaisseaux qui projettent l’ombre et la couche réti- 
nienne qui la perçoit. Dessinons (fig. 83, page 87) la coupe de l’œil en grandeur 
naturelle. Supposons que le foyer sur la sclérotique se meuve entre les 
points a et b. Soit l’ombre d’un vaisseau v situé dans le voisinage de la tache 
jaune, dont on a mesuré le mouvement apparent. Pour la position a du point 
lumineux, ce vaisseau devra être situé sur la ligne droite aœ. Soit af le dé- 
placement réel sur la rétine déduit, par le calcul, du déplacement apparent 

“dans le champ visuel; soit donc la position de l’ombre du vaisseau quand le 
foyer est en b. Menons la droite bG, le point v où bB et aa se coupent, donne 
la position du vaisseau et on peut trouver la distance de ce point à la rétine 
par une construction ou par le calcul. H, Müller trouva de cette manière, 
dans plusieurs expériences, pour la distance des vaisseaux à la couche sen- 
sible 0,17; 0,19 à 0,21; 0,22; 0,25 à 0,29; 0,29 à 0,32 millimètres ; 
pour trois autres observateurs, il trouva 0,19; 0,26; 0,36 millimètres. 
Comme, d’après les mensurations anatomiques du même observateur, la dis- 
tance des vaisseaux à la couche des bâtonnets et des cônes, dans la région de 
la tache jaune, varie entre 0"®,2 et 0"®,3, il est probable que les cônes 
sont les parties sensibles à l’ombre, et c’est ce qu’on est porté à croire par 
d’autres circonstances que j’exposerai dans le $ 18. 


DECHALES (1), jésuite du xvir® siècle, émit le premier une opinion sur la prove- 
nance des mouches volantes ; d’après cette opinion, qui est la vraie, ce sont les om- 
bres de corpuscules qui nagent dans le voisinage de la rétine. PITCAIRN (2), au 
contraire, les plaça sur la rétine elle-même, et MorGAGnI (3), dans tous les milieux 
de l'œil, quoiqu’on ne puisse pas voir ceux qui sont le plus en avant sans avoir re- 
cours à des sources de lumière étroites. DE LA HIRE (4) se trompe également en 
plaçant les mouches fixes exclusivement sur la rétine, et les mouches mobiles dans 
l'humeur aqueuse. LE CAT (5) décrit une expérience qui contient complétement, en 
principe, la méthode de l'examen entoptique, puisqu'il a observé, dans le cercle de 

diffusion d’un petit point lumineux, l’ombre renversée d’une épingle tenue tout 
près de l’œil, Vers la même époque, Æpinus (6) a observé entoptiquement, et en 


(1) Cursus seu mundus mathemalicus. Lugduni, 4690, III, 402. 

(2) PiTcaIRNIt opera. Lugd. Bat. p. 203, 206. 

(3) Adversaria anatomica, VI. Anim. LXXV, p. 94. agde Bat. 1722. 
(4) Accidents de la vue, p. 358. 

(5) Traité des sens. Rouen, 1740, p. 298.— Amsterdam, 1744, p. 293, 
(6) Novi Comment. Petropol. NII, 303. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 95 


se rendant compte de ce qu’il voyait, l’ombre de l'iris ainsi que la dilatation et le 
rétrécissement de la pupille. Mais c’est seulement depuis 1760 (1) qu’on a com- 
mencé à employer de petites ouvertures et de fortes lentilles pour voir plus nette- 
ment les mouches volantes, procédé qui, du reste, n’était pas absolument inconnu à 
DECHALES. 

Une théorie plus rigoureuse des images, les méthodes au moyen desquelles on 
reconnaît la position des corpuscules dans l’œil, furent établies bien plus tard par 
LismiNG (2) et par BREWSTER (3) sur les traces desquels marcha DonDERS (4). 
DoncAN (5), élève de ce dernier, fit voir la concordance des objets vus entoptique- 
ment avec la structure microscopique du corps vitré. JAMES JAGo (6) fit des essais 
dans le même sens. Outre les expérimentateurs déjà nommés, STEIFENSAND (7), 
MACKENZIE (8), APPIA (9), décrivirent les différentes formes des objets entop- 
tiques. 

PuRKINJE (10) a, le premier, découvert l’image subjective des vaisseaux centraux et 
a employé, pour l’observer, les trois méthodes indiquées plus haut. Il l’a aussi vue 
lors de l'excitation de l’œil par la pressionet par l’afflux sanguin. GUDDEN (11) attira 
l'attention sur l'importance de la signification du mouvement de l’ombre relati- 
vement à la théorie du phénomène. La théorie du phénomène produit par de la 
lumière homocentrique qui se répand dans l’œil soit par la pupille soit par un foyer 
formé sur la sclérotique, ne parut présenter aucune difficulté. Cependant MEISsNER (12) 
appela l'attention sur les faits, irréguliers en apparence, qui se préseutent lors du 
mouvement d’une lumière au-dessous de l’œil et se fonda sur ces faits pour élever 
des doutes sur toute l'explication généralement admise. Ces doutes furent levés par 
H. MÜüLLER (13), qui trouva la théorie de cette expérience, telle qu’elle a été ex- 
posée plus haut. 

PURKINIE dit déja qu’au centre du champ visuel apparaît une tache éclairée, qui 
ressemble à une fosse. Burow (14) décrivit plus exactement l’image entoptique de la 
fovea centralis; mais, se fondant sur la théorie ancienne, qui a été rectifiée de- 
puis par H. MÜüLLER, il l’expliqua par une saillie au lieu de l’attribuer à un creux. 


(1) Histoire de l’Académie des sciences, 1760, p. 57. Paris, 1766, 

(2) Beitrag zur physiologischen Optik. Güttingen 1845. 

(3) Transactions of the Roy. Soc. of Edinb. XV, 377. 

(4) Nederl. Lancet. 1846-47, 2 série, II, 345, 432, 537. 

(5) De corporis vitrei structura. Diss. Utrecht, 1854. — Onderzockingen ged. in 
het Physiol. Laborat. d. Utrechische Hoogeschool, ann. VI, p. 471. 

(6) Proceed. Roy. Soc., 18 jan. 1855. 

(7) Poggendorff's Ann., LV, 134.— v. Ammon’s Monaisschrift f. Med. I, 203. 

(8) Edinburgh Medical and Surgical Journal. July 1845. 

(9) De l’œil vu par lui-même. Genève, 1853. 

(10) Beiträge zur Kenntniss des Sehens, 1819, p. 89, Neue Beitrage, 1825, pp. 
Mis 117, 

(11) J. Müller's Archiv für Anat.u. Physiol., 1849, p. 522. 

(12) Beiträge zur Physiologie des Sehorgans, 1854. 

(13) Verhandl. der med.-physik. Ges. zu Wäürzburg, IV, 100, V. Lief. 3. 

(14) J. Müller’s Archiv, 1854, p. 166. 


96 


1690. 
1694. 


1722 


1740. 


1760. 
1819. 
1825. 
1842. 


1845. 


1860. 


1861. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


DECHALES, Cursus seu mundus mathematicüs. Lugduni, IF, 402. 

DE LA HIRE, Accidens de la vue, in Mém. de l’Acad. des sc., P- 358. 

PiTcAIRNIT opera. Lugd. Bat., pp. 203, 206. 

MorGAGNI, Adversaria anatomica, VI. Anim. LXXV, p. 94. Lugd. Bat. 

LE CAT, Traité des sens. Rouen, p. 298. Amsterdam, 1744, p. 293. 

ÆpriNus, Novi Comment. Petrop. VII, 303. 

Histoire de l’Acad. des sc. pour l’année 1760, p. 57. 

PURKINJE, Beiträge zur Kenntniss des Sehens, p. 89. 

LE MÊME, Neue Beiträge., p. 145, 117. 

STEIFENSAND, in Poggendorff’s Ann. LNV,p.134.— v, Ammon's Monatsschrifi 
für Medicin, I, 203. 

LisTiNG, Beitrag zur physiologischen Optik, Gôttingen. 

BREWSTER, in Transactions of the Roy. Soc. of Edinb., XV, 377. 

MACKENZIE, in Edinb. Medical and Surgical Journal, July, 1845. 


AG. DoNDERS, in Nederlandsch Lancet, 1846-47, 2e série, 11, 345, 432, 937. 
18. BREWSTER, in Phil. Mag. XXXIL, 1. — Arch. des sc. phys. et natur. de 


Genève, VIII, 299. 


. GUDDEN, in J. Müller’s Archiv, 1849, p. 522. 
. Appia, De l’œil vu par lui-même. Genève. 


TROUESSART, Suite des recherches concernant la vision, in Comples rendus, 
XXXVI, 144-446. 


. À, DoncAN, de corporis vitrei structura. Dissert. Trajecti ad Rhenum.— Onder- 


zockingen ged. in het Physiol. Laborat. d. Utrechische Hoogeschoo!, Jaar VI, 
D 27e. 


.Burow, in J. Müller’s Archiv, 1854, p. 166. 
. JAMES JAGO, in Proceedings of the Roy. Soc., 18 Jan. 1855. 
. ViEroRDT, Wahrnehmung des Blutlaufs in den Netzhautgefässen, in Archiv 


für physiol. Heilkunde, 1856, Heft IT. 
MEISSNER, in Jahresbericht für 1856, Henie und Pfeuffer’s Zeitschrift, 3, L 
069-066. 


. J. JAGo, Ocular spectres, structures and functions as mutual exponents, in 


Proc. Roy. Soc., VNIIT, 603-610.— Phil. Mag., 4, XV, 545-550. 

O. N. RooD, On a probable means of rendering visible the circulation in the 
eye, in Silliman J., 2, XXX, 264-265; 385-386. 

L. REUBEN, On normal quasi-vision of the moving blood-corpuscles within the 
retina of {he human eye, in Silliman J., 2, XXXI, 325-338; 417-117. 


— 


Expériences sur les propriétés toxiques du Boundou, poison 
d'épreuves des Gabonnais, par MM. G. Pécuonier et CaMiLLE 
SAINTPIERRE. 


“ 


Le Boundou (l’Zcaja ou M°Boundou) est un arbuste de la famille des Apo- 
cynées, qui partage avec d'autres plantes de cette famille (/nès, Nerium 
oleander) la propriété d’être un poison violent. C’est, dit M. Touchard (4), « un 


(1) Touchard, thèse de Montpellier, 1854, La rivière du Gabon et ses maladies. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 97 


» arbuste de 2 mètres environ, ayant une racine pivotante dont l’écorce 
» rouge est seule employée. Les feuilles ont leurs nervures affectant une 
» disposition semblable à celle des mélastomacées. La macération de cette 

écorce constitue l’épreuve du poison, que l’on consulte pour savoir si un 
» accusé est réellement coupable du crime qui lui est imputé. Son effet est 
» de déterminer des convulsions tétaniques et d'amener rapidement la mort. 
» Quelquefois il arrive cependant qu'une émission abondante d’urine termine 
» la première partie de cette scène, elle est alors un signe certain de l'inno- 
» cence du malheureux soumis à cette épreuve. » Les Gabonnais, on le sait, 
ne croient pas à la mort naturelle : aussi, dès qu’un homme vient à trépasser 
de maladie, sa famille s’empresse-t-elle d’accuser de sa mort une famille ri- 
vale ou ennemie. Dans ces sortes de procès, le juge s’en rapporte au Juge- 
ment de Dieu, et c’est le Beundou qui sert à préparer la liqueur d’épreuve. 

I. — Nous avons été assez heureux pour nous procurer quelques racines de 
cet arbuste, grâce à l’obligeance de M. le docteur Falot, médecin distingué de 
la marine impériale. À son envoi, notre honorable confrère a bien voulu 
joindre les renseignements suivants : « Ce végétal toxique croît dans les 
» forêts de l’Afrique équatoriale. Pendant mon séjour au Gabon, j’en avais 
» fait prendre dans les bois dix pieds par un nègre, et je les avais plantés 
» dans le jardin du comptoir. Les dix pieds sont morts sans que j'aie pu en 
» voir les fleurs, et je vous en envoie les racines. Son nom en gabonnais est 
» Icaja, on l’appelle M’Boundou au cap Lopez. L’arbuste a 2 mèêtres à 
» 2 mètres 50 de hauteur, il croît dans les terrains inondés. Sa racine est 
» longue, pivotante, recouverte d’une écorce rouge qui, dit-on, est la partie 
» active. On en râpe un demi-verre qu’on fait macérer dans un litre d’eau à 
» peu près. Quand cette eau a pris une teinte rouge, le poison est prêt... 
» Tous ceux qui prennent du poison ne succombent pas... Les symptômes 
» de l’empoisonnement sont, dit-on : injection des yeux, contractions convul- 
sives des membres, délire ataxique, propos incohérents, vociférations, puis 
» stupeur analogue à celle que produit le délire alcoolique... On prétend 
» que l’huile de palmes prise avant l’administration du poison, agirait comme 
» préservatif. » — M. Falot nous a adressé enfin une quinzaine de grammes 
de teinture alcoolique obtenue par la macération de l'écorce fraîche râpée 
dans l’alcool. | 

C’est avec ces renseignements et cette faible quantité de produit que nous 
avons entrepris nos recherches. 

Il, — L’échantillon envoyé par M. Falot consistait en 80 grammes environ 
de racines sèches, noueuses, odorantes, recouvertes d’une écorce mince, 
rouge sale dans ses couches les plus externes, rouge vif dans ses parties pro- 
fondes. Ces morceaux de racines, dont le plus long avait 25 centimètres, 
variaient de la grosseur du doigt à celle d’un porte-plume, L’écorce de cette 
racine fut raclée avec soin, et des échantillons de la poudre rouge ainsi ob- 
tenue furent traités comme suit : 

41° Par macération prolongée dans l’eau froide ; 

JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL.— T. IV (1867). 7 


2 


98 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


2° Par l’eau bouillante ; 

3° Par l'alcool tiède. 

Dans les trois essais nous avons obtenu une liqueur rouge brun, à odeur 
particulière, d’une amertume remarquable, et donnant par évaporation au 
bain-marie un extrait brun sale. L’extrait aqueux, toutefois, a paru contenir 
en plus une matière gommeuse jaunâtre, qui reste comme résidu quand on 
reprend cet extrait aqueux par l’alcool. 

Ne pouvant songer, avec le peu de matières que nous possédions, à mul- 
tiplier ces essais, nous avons établi seulement que l’action toxique de nos 


divers extraits était parfaitement comparable et tout à fait identique à l’ac- 


tion de la solution alcoolique faite sur l'écorce fraîche par M. Falot. Ces 
expériences nous permettent d’aflirmer que, par sa dessiccation, le principe 
de l’écorce du Boundou n'a rien perdu de son énergie. 

Comme nous possédions fort peu de matière, nos expériences ont porté 


seulement sur de petits animaux : les grenouilles, les lapins, une seule fois 


un chien. 

Nous avons expérimenté constamment avec la solution aqueuse obtenue en 
reprenant par l’eau soit l’extrait aqueux, soit l’extrait alcoolique. Ce dernier 
est le plus actif. Nous avons déterminé préalablement que l’écorce de notre 
solution aqueuse normale contenait de 4 à 5 centigrammes d’extrait alcoolique 
brut. 


EXPÉRIENCE 1, — Sur un lapin de Â220 grammes, empoisonné par des doses 
croissantes de Boundou injectées sous la peau (19 avril 1866). 


Au début, 200 pulsations, 400 respirations par minute. On injecte sous la 
peau de la cuisse ? de centimètre cube de solution normale, contenant envi- 
ron 2 centigrammes d'extrait alcoolique solide. Demi-heure après l’adminis- 
tration du poison, légers mouvements convulsifs ; — pulsations, 250 ; respi- 
rations, 200. Affaissement et refroidissement. Ces accidents s’amendent peu 
à peu, et vingt minutes après l'animal se met à courir. 

On laisse reposer ce lapin quelques instants, puis on administre une dose 
de poison trois fois plus forte que la première. Au bout de cinq minutes, 
l'animal fuit, cherche à se cacher, et tombe sur le flanc. Bientôt arrivent des 
convulsions tétaniques, les membres et les oreilles se rapprochent du corps. 
— Opistothonos. — Pulsations, 400 ; respirations, 60. — Exophthalmie, — 
Refroidissement. Dix minutes après cette seconde injection, l'animal est 
mort. | 

A l’autopsie : roideur cadavérique presque immédiate, le cœur bat après 
a mort, les reins sont injectés. Rien de spécial dans les autres viscères. 


Exp. II, — Sur un lapin pesant 1395 grammes, empoisonné pur ingestion 
du Boundowu, — Guérison, 


Ce lapin reçoit par la bouche, avec la sonde œsophagienne, À ceñtimètre 
cube de liqueur normale. Presque aussitôt, excitation et très-légères con- 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 99 


vulsions. Au bout de demi-heure, retour à l’état normal et nouvelle prise 
d’une dose double. Aussitôt, accélération des mouvements du cœur et de la 
respiration. Quelques convulsions. — Émission d’urine. 

Une heure suffit au rétablissement de l’animal, qui se remet, mange et est 
réservé pour une expérience ultérieure. 


Exp. Ii. — Sur un chien de taille moyenne, traité par des doses croissantes 
de Boundou., Relour à la santé. 


Le sujet reçoit sous la peau de la cuisse 5 centigrammes d’extrait 
alcoolique dissous dans un peu d’eau. Les symptèmes d’empoisonnement 
étant très-lents à se manifester, nous introduisons demi-heure après, par la 
même plaie, une dose double. 

Nous observons de la tristesse, des mouvements irréguliers du train posté- 
rieur. Pourtant, retour à l’état normal. — Nous renouvelons les doses 
d’heure en heure, mais l’animal continue de présenter les mêmes symptômes, 
comme si le poison s’éliminait peu à peu. Enfin le chien survit et reprend ses 
habitudes. | 

Nous n’ayons pu songer à reprendre cette expérience pour tuer l’animal, 
à cause de la faible quantité de matières qui restait à notre disposition. 


Exp, IV, — Sur un lapin pesant 1395 grammes, ayant déjà servi 
à la deuxième expérience (21 avril 1866). 


Nous administrons par la bouche environ 48 centigrammes d’extrait 
aqueux, Respirations au début, 95; pulsations, 450. 

Au bout de quelques minutes, 140 respirations, 185 pulsations. Peu à 
peu l'excitation se calme, la respiration descend à 84, le pouls à 440, 

Demi-heure après, l’animal étant revenu à l’état normal, nouvelle dose 
égale de poison. Au bout de quinze minutes, comvu'sions, tétanos, trismus, 
mouvements de tout le corps, sensibilité exagérée, mort apparente. Le moindre 
attouchement du corps détermine des mouvements réflexes dans les membres. 

Malgré ces symptômes très-violents, le lapin revient peu à peu à la santé, 
mange et paraît entièrement rétabli, 


Exp. V. — Sur des grenouilles empoisonnées par le Boundou (24 avril). 


Grenouille n° 1. — Injection de deux ou trois gouttes de liqueur normale. 
. Ralentissement de la circulation et de la motilité. Paralysie. Mort lente au 
bout de trois quarts d'heure. Nous avons constaté, en effet, que si la dose est 
très-faible, la mort des grenouilles arrive sans convulsions. Le cœur continue 
de battre après la mort. 

Grenouille n° 2, — Traitée par l’extrait aqueux à la dose de 4 à 5 gouttes. 
— Affaissement, paralysie, diminution de la respiration, convulsions téta- 
niques, mort apparente. Au bout d’un certain temps, retour à la vie, Après 


100 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


deux heures, la grenouille vit encore, elle est paralysée, mais trés-excitable. 
Ses fonctions se rétablissent, le lendemain elle est bien vivante. 

Grenouille n° 3. — Dose assez considérable de solution normale. Affaisse- 
ment, paralysie, convulsions tétaniques violentes, mais rares. Mort en dix 
minutes. — [nsensibilité à la piqûre et au pincement, mais excitabilité par 
l'électricité. | 

Grenouille n° 4 (26 avril). — Tuée comme la précédente en quinze mi- 
nutes. Affaissement, diminution de la respiration. Excitabilité exagérée, puis 
convulsions tétaniques, mort et diminution de la sensibilité. Le cœur bat après 


la mort. 


Exp. VI. — Sur des grenouilles préparées par le procédé de M. CI. Bernard, 
c'est-à-dire liées au-dessous de l'abdomen, en laissant libres les nerfs. 


Grenouilles n° 5 et n° 6 (27 avril 1866). — Injection sous la peau du dos 
de quelques gouttes de liqueur normale. Au bout de vingt minutes, ralentis- 
sement de la respiration, affaissement et mort après de légères convulsions. 
L'animal étant décapité, le tronc et les membres antérieurs sont insensibles, 
leur irritation ne détermine aucun mouvement réflexe. Au contraire, le pin- 
cement des pattes postérieures amène des mouvements dans le train posté- 
rieur et des trépidations très-faibles en avant. Roideur tétanique des membres 
antérieurs, flaccidité du train postérieur. Le cœur continue de battre. 

Si au lieu d’irriter avec le scalpel, on excite le sujet avec un courant élec- 
trique, on détermine des mouvements convulsifs dans tout le corps, très- 
énergiques en arrière, très-faibles en avant. 

Grenouille n° 7 (a servi de témoin). — Nous l’empoisonnons en quinze mi- 
nutes par le sulfate de strychnine. Nous obtenons sur elle, à un degré plus 
marqué, la cessation de la sensibilité en avant, sa conservation en arrière, 
et nous avons pu nous convaincre de son excitabilité par la pile, alors que le 
pincement ne pouvait plus l’agiter. 

Grenouille n° 8. — Empoisonné comme celui du n° 5, mais par une dose 
plus forte, cet animal présente les mêmes symptômes et les mêmes convul- 
sions tétaniques. Malgré l’insensibilité du train antérieur aux pincements, 
l'excitation directe du nerf par le scalpel ou par l'électricité est suivie de 
mouvements. Nous avons noté de plus sur celle-ci que la contractilité muscu- 
laire est conservée dans tout le corps. Le cœur continue de battre après la 
mort. 

I. — Des expériences consignées dans ce travail nous concluons : 

ao Le Boundou contient un principe toxique, soluble à Ja fois dans l’eau 
et dans l’alcool; 

99 Ce poison a un mode d’action analogue à celui de la noix vomique, 
c’est-à-dire qu'il porte son effet principalement sur le système nerveux 
sensitif; | 

3° Administré soit par l'estomac, soit par la méthode endermique, il produit 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 401 


d’abord une augmentation du nombre des inspirations et des pulsations, en- 
suite une diminution considérable de ces mouvements; 

4° Ce poison amène en même temps une exagération de la sensibilité, 
puis des convulsions tétaniques, enfin l'insensibilité, la paralysie et la mort ; 

5° Il n’agit que secondairement sur le système nerveux moteur. Il n’agit 
pas sur la contractilité du système musculaire. Ce n'est pas un poison du 
cœur ; cet organe, au contraire, continue à battre assez longtemps après la 
mort ; 

6° Dans plusieurs expériences où nous avions obtenu des symptômes très - 
graves et une mort apparente prompte, nous avons vu pourtant l'animal 
revenir avec lenteur, mais définitivement à la vie. Si, comme :il est permis 
de le penser, l'action sur l’homme est identique, on comprend, d’après 
l'observation précédente, comment le Boundou aura été choisi par les Ga- 
bonnais pour poison d’épreuve. — Dans le Jugement de Dieu, les champions 
atteints subitement de symptômes graves, mais revenant peu à peu à la santé, 
semblaient rappelés à la vie par la Divinité jalouse de démontrer leur inno- 


cence. 


Recherches sur la pourriture des végétaux vivants, par M. le 
docteur GC. Davaine. (Lues à l’Académie des sciences, dans sa 


séance du 6 août 1866.) 


PREMIÈRE PARTIE. : 
POURRITURE DES FRUITS. 


La pourriture des fruits a été regardée comme une simple altération chi- 
mique, comme une exagération de la maturation ; cependant des fruits par- 
faitement mürs, conservés avec des soins convenables, ne pourrissent point, 
mais ils arrivent peu à peu à une dessiccation complète, et, d’un autre côté, 
les fruits se pourrissent quelquefois lorsqu'ils sont encore loin de la maturité, 

La pourriture, qui doit être distinguée de l’altération produite par une 
contusion, par la chaleur ou par la congélation, est déterminée par le déve- 
loppement du mycélium d’un champignon; en effet, dans toute partie pourrie 
l’on trouve un mycélium, c’est-à-dire les filaments de la tige souterraine 
ou de la racine d’un champignon, accompagné quelquefois des spores d’un 
mycoderme. En outre, la pourriture peut être produite expérimentalement 
en déterminant le développement d’un champignon dans le parenchyme du 
fruit, comme je vais l’exposer. 

La pourriture que l’on voit le plus ordinairement sur les fruits dont nous 
faisons usage, est déterminée par deux des mucédinées les plus communes et 
les plus connues; l’une est le Mucor mucedo (L. Persoon), qui recouvre d’une 
efflorescence noire la surface des substances qu’elle envahit; l’autre est le 


102 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Penicillium glaucum (Link), qui la recouvre d’une efflorescence verdâtre. Le 
mycélium de ces deux mucédinées se distingue par des caractères non moins 
précis; l’un étant formé de tubes non cloisonnés et l’autre de tubes cloi- 
sonnés, 

La pourriture occasionnée par le développement de ces mycéliums est 
contagieuse pour les fruits sains, mais dans des conditions particulières : la 
peau revêtus d’un épiderme intact protège le fruit contre cette contagion. Je 
me suis assuré de la réalité de ce fait par des expériences dont je crois inutile 
de donner ici le détail ; une pomme, une poire, une orange, revêtues de leur 
épiderme, restent impunément en contact pendant des semaines avec un pa- 
renchyme complétement pourri; mais il n'en est plus de même lorsque leur 
épiderme est altéré ou détruit; alors la pourriture se communique rapide- 
ment au parenchyme sain. J’ai mis ce fait en évidence par des expériences 
variées, dont l’une a consisté à enfermer dans des pommes complétement 
pourries d’autres pommes saines; à quelques-unes de ces pommes saines 
j'avais laissé l’épiderme intact, aux autres j’avais enlevé un petit segment de 
peau; les premières furent préservées de la pourriture, mais les secondes 
furent envahies promptement et toujours par la partie privée de son épi- 
derme. 

La protection des fruits est en rapport avec l'épaisseur et la consistance 
de l’épiderme qui les recouvre; aussi l'orange, la pomme, la poire, la 
prune, etc., se préservent beaucoup plus facilement que la figue, la fraise, 
la framboise, etc., dont l’épiderme est mince et délicat. 

L'introduction des spores du Mucor ou du Penicillium sous l’épiderme des 
fruits produit le même résultat que le contact du mycélium, c’est-à-dire que 
le contact de la partie pourrie; la pourriture ne tarde pas à s’emparer du 
point où les spores ont été déposées, et cette pourriture s’étend rapidement 
à tout le fruit, Sur une orange, une poire, une prune, etc., après vingt- 
quatre ou trente-six heures, le point inoculé montre déjà des traces de pour- 
riture ; après quatre ou cinq jours, le fruit est tout entier envahi. La pourri- 
ture causée par ces champignons n’a pas une marche identique; elle est in- 
finiment plus rapide par le Mucor que par le Penicillium. Cette rapidité est 
en rapport parfait avec celle de la germination des séminules de ces deux 
végétaux ; les spores du Mucor germent, en effet, en cinq à six heures, 
tandis que celles du Penicillium, dans le même milieu et par la même tempé- 
rature, ne germent qu’en douze ou quinze heures. L’inégale rapidité du dé- 
veloppement de ces mucédinées m’a donné quelquefois, après leur inoculation 
expérimentale, des résultats inattendus et dont l'explication eût été fort 
difficile, si l’examen microscopique ne fût venu en dévoiler la cause. La 
pourriture qui survient après l’inoculation du Penicillium se trouve parfois 
être celle d’un Mucor; c’est qu’alors des spores de cette dernière mucédinée, 
qui se mêle fort souvent avec la prenière, ont été inoculées en même temps 
et ont pris les devants dans leur développement. 

La pourriture produite par ces deux champignons offre encore d’autres 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 103 


différences ; celle qui est déterminée par le Mucor a une couleur plus foncée, 
une mollesse plus grande: il se fait en. outre un dégagement abondant d'acide 
carbonique, qui donne aux tissus, lorsque ce gaz est retenu, une sorle de 
turgescence, une apparence emphysémateuse que le Penicillium ne pro- 
duit pas. | 

Le mycélium de ces mucédinées ne donne sa fructification qu’au contact de 
l’air, de sorte que chez les fruits dont la peau est épaisse et résistante, la 
pourriture s'empare de tout le parenchyme sans se montrer au dehors sous 
forme de moisissure, à l’exception toutefois des points par où se sont intro- 
duites les spores. L'épiderme empêche donc le passage de la mucédinée du 
dedans au dehors, comme elle l'empêche du dehors au dedans ; aussi, lorsque 
Ja peau est très-mince, comme sur la figue, la fraise, etc., le mycélium se 
fait jour partout et recouvre bientôt tout le fruit de son efflorescence verte on 
noirâtre. L’orange, quoique son épiderme soit très-consistant, se recouvre 
de même de la fructification du champignon qui s’est emparé de son paren- 
chyme, parce que le mycélium, ayant détruit les glandules qui produisent 
l'huile essentielle de l’écorce, arrive, par leurs conduits alors ouverts, au 
contact de l’air atmosphérique. 

Beaucoup de champignons autres que le Mucor et le Penicillium peuvent 
produire la pourriture des fruits ; j’en ai étudié jusqu’aujourd’hui sept espèces 
appartenant à sept genres différents. Les phénomènes qu’ils produisent sont 
très-analogues à ceux dont nous venons de parler. 

La pourriture étant causée uniquement par l'introduction du mycélium ou 
des spores d’un champignon, se produit généralement par les parties qui 
peuvent donner accès à ces agents de la contagion; elle est donc toujours 
extérieure chez les fruits qui sont partout recouverts d’un épiderme, tels que 
le citron, l’orange et les fruits à noyau; mais chez ceux qui, tels que la 
pomme, la poire, les nêfles, ont un calice ouvert, elle naît aussi à l’intérieur. 
En effet, le tube calicimal peut conduire les spores ou leurs filaments jusqu’au 
centre du fruit, C’est ainsi que se produit le blettissement, qui n’est autre 
chose qu’une pourriture. Je l’ai déterminé expérimentalement en introduisant 
dans le calice de pommes et de poires des spores maintenues humides pendant 
quelques jours. | 

En résumé, la pourriture des fruits est produite par le développement 
d’un champignon, bien loin qu’elle soit la cause du développement de ces 
végétaux, comme on le croit généralement. La pourriture est contagieuse par 
le mycélium qui existe dans toute la partie atteinte, et par les spores qui se 
produisent à sa surface. Les dimensions des tubes mycéliens et des spores 
nous permettent de suivre pas à pas l’envahissement de cette contagion, 

Si les filaments ou les séminules avaient des dimensions moindres, s'ils 
élaient invisibles au microscope, on attribuerait à un virus les phénomènes 
qui surviennent au contact de la pourriture. Le mycélium serait un virus 
fixe, les spores un virus volatil; la durée de la germination serait l’incuba- 
tion du virus, et lorsque, dans des recherches expérimentales, des spores 


104 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


d’un développement rapide seraient mêlées accidentellement avec d’autres 
d’un développement lent, on verrait se produire une pourriture, c’est-à-dire 
une maladie qu'on croirait n’avoir point inoculée. Le microscope nous met ici 
à même de rectifier les erreurs et de suivre tous les accidents de l’expérimen- 
tation. 

A ce point de vue, au point de vue de l’analogie de pourriture avec les 
maladies virulentes, l'étude de cette altération des fruits peut offrir de l'in- 
térêt. 

Je vais maintenant montrer qu’elle peut en offrir un autre encore, car la 
pourriture n’est pas spéciale aux fruits ; les mêmes mucédinées produisent 
dans d’autres organes des végétaux vivants des altérations analogues à celles 
des fruits, et ce ne sont pas tant des conditions intérieures que des conditions 
extérieures qui favorisent la propagation de ces plantes destructives. 


DEUXIÈME PARTIE. 


SUR LA POURRITURE DES PARTIES DES VÉGÉTAUX VIVANTS AUTRES 
QUE LES FRUITS. 


Les champignons qui envahissent les fruits et qui en déterminent la pour- 
riture peuvent se développer et produire des altérations analogues dans le 
tissu des racines, des feuilles ou des tiges de certains végétaux. Les sept 
espèces de mucédinées que j’ai étudiées jusqu’aujourd’hui n’ont pas une égale 
aptitude à se propager sur tous les fruits. Ces espèces se développent avec 
plus ou moins de rapidité et de vigueur suivant que le parenchyme est plus 
ou moins consistant ou ramolli, plus ou moins sucré ou acide ; aussi arrive- 
t-il fréquemment que pendant l’envahissementdela pourriture, d’après les con- 
ditions nouvelles dans lesquelles se trouve le fruit, une mucédinée se suh- 
stitue à une autre. Une moisissure rosée, le Trichothecium domesticum (Fries), 
qui s'empare des fruits desséchés, se propage très-facilement par inoculation 
sur Ceux qui sont encore verts et compactes, alors que le Mucor n’y végète 
que très-lentement. Les spores de ce Trichothecium, qui se plaît mieux, si 
je puis dire ainsi, sur les tissus résistants que sur les tissus mous, insérées 
sous l’épiderme des feuilles des plantes grasses, s’y développent rapidement. 
Ces feuilles deviennent demi-transparentes ; elles se ramollissent, se rident, 
puis se dessèchent. L’altération s’arrête au point d’insertion de la feuille sur 
la tige. En trois ou quatre jours tout le parenchyme est envahi par le mycélium, 
et les spores ne se montrent qu’au point de l’inoculation. J'ai répété ces ex- 
périences plusieurs fois, avec le même succès, sur des feuilles de divers 
Mesembrianthemum, Pachyphytum, et sur celles de la Joubarbe (Sempervirum 
tectorum, L.). Les spores du Mucor mucedo se développent de même dans le 
parenchyme de ces feuilles ; mais les inoculations réussissent moins con- 
stamment qu'avec le Trichothecium. 

J’ai obtenu des résultats analogues sur les tiges de plusieurs plantes 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 105 


grasses, et principalement sur le Stapelia europæa. Des spores de Mucor in- 
sérées sur cette plante, à l’extrémité de tiges longues de 6 centimètres, les 
ont complétement envahies en cinq jours. Ces tiges, ramollies et réduites à 
l’état de putrilage, s’affaissent sur elles-mêmes, se crevassent et donnent 
issue à une abondante sérosité. 

Certains fruits, tels que le concombre, et certaines plantes grasses, le 
Stapelia entre autres, opposent à l’inoculation un obstacle dont je dois 
parler : un suc gommeux très-abondant sort par la petite plaie de l’inocu- 
lation et entraîne les spores au dehors; j'ai pu obvier à cet inconvénient 
en chauffant fortement le point que je voulais inoculer ; les spores y restent 
alors, germent, et le mycélium se propage de là dans toutes les parties 
saines. 

L’envahissement de la pourriture causée par les mucédinées est subordonné 
à l'introduction dans les tissus des spores ou des filaments quien proviennent. 
Comme on vient de le voir, l’expérimentation, pour arriver à ce résultat, 
peut avoir recours quelquefois à des procédés particuliers ; dans la nature, Ja 
condition la plus générale de cet envahissement est l’humidité. Cette condition 
de la production de la pourriture peut être mise expérimentalement en évi- 
dence ; c’est ce que j’ai fait en opérant sur des fruits à parenchyme peu hu- 
mide. Après avoir enlevé à plusieurs pommes un segment de la peau, j'ai 
recouvert la plaie avec des spores d’une mucédinée (Mucor ou Penicilium), 
puis j’ai placé ces pommes, les unes dans une atmosphère sèche, les autres 
dans une atmosphère humide. Celles-ci n’ont pas tardé à pourrir dans les 
parties en contact avec les spores qui avaient germé, tandis que les autres 
sont restées intactes. On conçoit que sur des fruits très-humides, cette expé- 
rience ne puisse donner le même résultat. 

D’après ces observations, j’ai pu conserver longtemps dans une atmosphère 
sèche des fruits de plusieurs espèces et très-mürs, qui ont fini par se des- 
sécher sans avoir subi la pourriture. De nombreuses expériences faites depuis 
l'hiver dernier m’avaient fait penser que les poires, par ce procédé et en 
fermant le tube de leur calice avec de l’huile, peuvent échapper à la pour- 
riture et au blettissement, mais j'ai reconnu récemment qu'il n’en est pas tou- 
jours ainsi, el que celte allération peut se produire en l'absence d’un mycélium. 
J'ai dit déjà que la pourriture déterminée par un Mucor ou par un Peni- 

cilium offre quelques différences dans sa consistance et sa coloration, comme 
dans la rapidité de son développement ; les autres mucédinées donnent aussi 
à la pourriture qu’elles déterminent des caractères particuliers : un Helmin- 
thosporium, qui se développe sur la carotte, la réduit en un putrilage noi- 
râtre ; un Selenosporium? (Corda), que j’ai observé sur le concombre et que 
j'ai propagé sur ce fruit et sur d’autres, donne une belle couleur rouge à la 
chair du concombre, tandis que la pourriture déterminée sur ce fruit par un 
Penicilium ou par un Mucor n’a point de coloration particulière. 

De ces faits et de ceux que j’ai exposés dans une précédente communica- 
üion, je crois pouvoir tirer les conclusions suivantes : 


106 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS: 


Les mucédinées vulgaires qui se développent sur les substances organi- 
ques inertes peuvent se développer aussi sur un organisme vivant. Il n’est 
point nécessaire que cet organisme soit primitivement altéré ou malade 
pour que l’envahissement ait lieu; il suffit que des conditions extérieures 
amènent dans son tissu des spores ou des filaments de mycélium de ces mu- 
cédinées. 

Les conséquences du développement de ces champignons sont l’altération 
profonde des tissus envahis, altération désignée communément sous le nom 
de pourriture. La pourriture est variable dans ses caractères, suivant la mu- 
cédinée qui la détermine; enfin la condition la plus générale du développe- 
ment de la pourriture est l’humidité atmosphérique. 


Méningite céphalo-rachidienne consécutive à la section des filets 
cervicauz du grand sympathique, par M. le docteur E. 
Gouox. 


Un fait assez singulier et tout à fait opposé à ce que nous a appris la liga- 
ture des vaisseaux qui se rendent à l’encéphale, m’a donné l'idée de tenter 
quelques expériences, pour vérifier Phypothèse qui avait d’abord été faite, 
afin d'expliquer la nature des accidents qu'a présentés l’animal dont voici du 
reste l’observation. 

Dans le but de faire une expérience sur la circulation, on pratique à un 
jeune chien vigoureux la ligature des deux carotides primitives à quatre jours 
d'intervalle, Aucun trouble apparent ne se manifeste après cette opération ; 
l'animal mange comme avant et les deux petites plaies se cicatrisent sans 
suppurer. Le 47 mars, dix jours après la dernière ligature, ce chien est pris 
brusquement d'accidents très-violents ; il est très-agité, marche constamment 
et va se heurter contre tous les objets qui sont devant lui; il pousse des gé- 
missements continuels, et le moindre contact sur le dos ou sur la tête lui fait 
pousser des cris très-aigus. Il est pris par moment de convulsions et se jette 
à terre, en cachant sa tête entre ses pattes, qui sont roides, surtout les pos- 
térieures, mais ne paraissent pas dépourvues de sensibilité ; la respiration 
* devient très-inégale, l'animal s’affaiblit graduellement, tombe dans un véri- 
table coma, et meurt ainsi sept ou huit heures après l’apparition des premiers 
accidents que j'ai signalés. 

L’autopsie, faite le lendemain, montre une grande quantité de sang accu- 
mulé et coagulé dans les membranes du cerveau; une épaisseur considérable 
de ces dernières et des adhérences très-intimes entre elles et le cerveau. Une 
grande quantité de pus se trouve dans les points où les adhérences sont moins 
grandes ; inflammation s’étend de la surface des hémisphères à la base du 
cerveau et se propage à l’arachnoïde ventriculaire. Le cerveau n'est pas ra- 
molli et ne présente d'autre altération qu’une très-grande injection de sa 


SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 107 


surface. Les mêmes altérations s’observent du côté de la moelle et elles pa- 
raissent même dans ce cas beaucoup plus accentuées. Cet organe se trouve 
entouré d’une couche épaisse de pus crémeux et verdâtre ; ses enveloppes 
sont très-épaisses, la dure-mère surtout, qui se déchire avec une grande 
faciité. 

Les deux carotides liées étaient oblitérées, au-dessous et au-dessus des 
ligatures, par un caillot très-résistant, et le diamètre de ces vaisseaux était 
de beaucoup diminué. Les deux vertébrales avaient pris un développement 
plus considérable, et la pièce n’ayant pas été injectée, 1l me fut impossible de 
trouver des anastomoses ou vaisseaux de nouvelle formation. 

Connaissant les belles recherches de M. CI. Bernard sur le grand sympa- 
thique, et sachant que le savant professeur a déterminé des épanchements 
pleurétiques chez des animaux auxquels il irritait ou enlevait le ganglion cer- 
vical inférieur, il était rationnel d'attribuer le développement de la méningite 
cérébro-spinale à la paralysie des filets du grand sympathique qui se distri- 
buent aux vaisseaux des centres nerveux par suite de leur ligature involontaire 
avec les carotides. 

C’est, en effet, la véritable explication. J’ai fait deux fois depuis la section 
des deux filets cervicaux du sympathique, et j'ai vu les deux fois des accidents 
analogues se déclarer, seulement ils arrivaient plus vite, peut-être parce que 
les carotides n’avaient pas été liées. J’ai choisi pour ces deux expériences un 
Japin et un cochon d'Inde, parce qu'il est plus facile d'agir sur les filets de 
ce nerf que chez le chien, où il se trouve intimement uni au pneumogas- 
trique, et il est dans ce cas difficile d’agir isolément sur chacun de ces nerfs. 
Le lapin a vécu cinq jours : il présentait une grande congestion des enve- 
loppes du cerveau et de la moelle avec adhérence de ces membranes entre 
elles, et il était facile de constater la présence de pus presque concret sur 
plusieurs points de leur étendue. Le cochon d’Inde est mort trente-six heures 
après l’expérience, el ne présentait pas autre chose qu’une très-grande con- 
gestion des centres nerveux. 


SOCIÈTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


Études sur le tissu interstitiel des parties blanches des centres 
nerveux, par MM. Magnan et Hayem, internes des hôpitaux. 
(Communication faite à la Société micrographique le 6 août 
1865.) 

$ 1. 


On trouve, dans les parties blanches des centres nerveux, un élément par- 
ticulier qui se présente sous forme de noyau, plus rarement sous forme de 


108 SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


cellule, et qui devient, dans beaucoup de maladies, le siége de modiñ- 
cations particulières dans la genèse, son évolution ultérieure, sa forme 
et sa structure. Nous avons pensé, malgré les indications que l’on trouve dans 
les auteurs et sur lesquelles nous reviendrons à la fin de cette note, qu'il 
était bon de déterminer complétement la présence et la distribution relative 
de ces éléments dans les portions blanches des centres nerveux, afin de se 
rendre mieux compte des modifications pathologiques dont ils sont le siégé. 
En présentant plus tard des pièces d'anatomie pathologique, nous reviendrons 
sur le rôle que joue cet élément, soit dans la production d’altérations dif- 
fuses souvent très-étendues, comme dans la paralysie générale, la méningite 
tuberculeuse, l’alcoolisme chronique, etc.; soit dans la production de lésions 
plus circonscrites, comme dans certaines tumeurs dites à myélocytes, dans 
quelques formes de ramollissement, dans le tubercule, dans les scléroses 
partielles, etc. | 

Nous mettons aujourd’hui sous les yeux de la Société une série de pièces 
appartenant à des individus d’âges différents, comparativement et pour mieux 
faire voir la différence, nous montrons aussi, dès à présent quelques prépara- 
tions de substance blanche prise sur des cerveaux de malades morts de para- 
lysie générale. : 

La substance blanche, comme on le sait, se compose de deux parties; 
l’une fondamentale, nerveuse, représentée par les tubes (cylindre d'axe et 
gaîne de myéline), et l’autre accessoire, servant de gangue aux vaisseaux, in- 
terposée aux tubes et les réunissant; c’est cette partie que l’on peut dési- 
gner sous le nom de tissu interstitiel et dont nous voulons étudier les élé- 


ments. 
Nos recherches portent en particulier sur le système nerveux complétement 


développé, et il ne sera question, dans la description qui va suivre, que de 
l’état adulte de ce tissu. Nos préparations, faites par les procédés habituels, 
proviennent de pièces à l’état frais ou durcies par l’acide chromique. Les 
premières, étalées par dilacération ou à l’aide de tranches minces, sont la 
plupart colorées par le carmin et conservées à l’aide de la glycérine étendue 
d’eau ; les pièces durcies, obtenues aussi par coupes très-minces, sont éga- 
leinent colorées par le carmin et conservées soit dans le baume de Canada, soit 
“dans la glycérine étendue d’eau. A l’aide de ces moyens, on arrive à voir 
deux parties principales : la première est représentée par des éléments 
figurés, la deuxième par une substance amorphe ou vaguement fibrillaire. 
Les éléments figurés sont presque toujours des noyaux généralement sphéri- 
ques, quelques-uns ovoïdes ; ils ont de 0w®w,005 à Omm,007, à contour net, 
pâle, légèrement sinueux, à contenu finement granuleux ; quelques-uns pos- 
sèdent un nucléole. Quand les préparations ne sont point traitées par les 
réactifs, ces éléments sont difficiles à voir à cause de leur mélange très-in- 
time avec les tubes nerveux, et parce qu’en dilacérant ceux-ci, on produit 
des gouttes de myéline ayant quelque analogie avec eux, mais que l’on distin- 
guera de ces derniers par leur réfringence qui leur donne un centre brillant 


SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 109 


et un contour foncé. L’action des réactifs, du reste, rend leur distinction 
très-apparente. 

L’acide acétique contracte ces éléments, les resserre au point de leur faire 
prendre un diamètre presque moitié moindre, il rend leur contour plus régu- 
lier et le contenu granuleux plus marqué, on voit les plus fines granulations 
se réunir pour former des granulations plus grosses. Sur les pièces durcies 
par l’acide chromique, l’acide acétique a la même action ; quand on élève 
la température jusqu'à l’ébullition, on ne constate pas de modification notable. 

Sous l'influence de l’éther et du chloroforme, la substance blanche des cen- 
tres se contracte, se change en un stroma fibrillaire au milieu duquel les 
éléments nucléaires se dessinent mieux, le contour reste granuleux, et, au- 
tour de quelques-uns, en faisant varier le foyer du microscope, on aperçoit 
une zone blanchâtre plus ou moins régulière, en général granuleuse, qui 
simule un corps de cellule. Quelques-uns de ces éléments présentent de petits 
prolongements fibrillaires très-irrégulièrement disposés ; d’autres sont comme 
appendices à ces petits prolongements, mais ces derniers aspects paraissent 
être le résultat de la préparation. Si l’on ajoute de l’acide acétique à ces pré- 
parations déjà traitées par l’éther et le chloroforme, ces éléments deviennent 
plus pâles mais ne disparaissent pas. 

La teinture d’iode ne donne que des résultats négatifs, elle ne produit au- 
cune réaction ; toutefois quand la teinture est étendue, le contenu finement 
granuleux des noyaux se montre un peu mieux. 

La solution ammoniacale de carmin ou la teinture très-étendue de fuchsine 
ont une grande affinité pour ces éléments et les colorent assez vite. Lorsque 
la solution est peu concentrée et qu'on laisse la substance cérébrale peu de 
temps en contact avec le liquide, ces noyaux colorés tranchent d’une façon 
très-nette sur le reste de la préparation ; la myéline, en effet, ne se colore 
point et ses gouttes restent pâles, réfringentes et très-distinctes des noyaux. 
Dans la variété cellule, les noyaux sont toujours plus colorés que le reste de 
l'élément. Les parois des faisceaux et leurs noyaux’ se colorent de la même 


manière tant sur les pièces fraîches que sur les pièces durcies, et c’est en 


mettant à profit cette coloration facile par la solution ammoniacale de car- 
min que notre collègue et ami, M. Bouchard, se rend compte rapidement de 
la géographie de la lésion dans les cas de sclérose rubanée ou en plaques de 
la moelle, 

Quand on examine des portions de substance cérébrale à l’état frais, ou 
voit ces éléments distribués çà et là, sans régularité, dans toute l’étendue de 
la préparation, et il est difficile de faire une estimation de leur nombre ; 
mais sur les coupes fines de pièces durcies dans l’acide chromique, on trouve 
ces éléments situés d’une façon assez régulière suivant la direction des tubes 


nerveux ; ils ne sont pas plus nombreux dans le voisinage des vaisseaux. On 


peut, dans ces conditions, se faire une idée de leur nombre, ou du moins 


apprécier assez exactement leur quantité relative dans les différentes prépa- 
rations. 


410 SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


En les examinant à ce double point de vue dans les diverses parties des 
centres nerveux, nous avons pu nous convaincre qu'ils sont en nombre à peu 
près égal dans toutes les parties blanches du cerveau. Ainsi, nous avons re- 
gardé comparativement des préparations faites avec de la substance blanche 
prise dans diverses régions, sur les lobes frontaux, sphénoïdaux, occipitaux ; 
nous avons, en outre, pris ces portions de substance à différentes hauteurs 
pour chercher s’il n’y avait pas quelque particularité à noter, à mesure que 
l’on se rapprochait de la substance grise soit de la couche corticale, soit des 
noyaux colorés des parties centrales. Ces divers examens ne nous ont pas 
fourni de différences assez notables pour être mentionnées ; mais en nous 
rapprochant de la moelle, dans la protubérance, dans le bulbe, nous avons 
vu leur nombre décroître, et dans la moelle il y a une différence très-notable; 
on les aperçoit dans les préparations en nombre beaucoup moins considé- 
rabie. 

Nous avons cherché ensuite si l’âge n’amenait pas de changements soit dans 
la structure, soit dans la forme, soit dans la distribution de ces éléments, et, 
à ce sujet, nous avons examiné des cerveaux sains d'enfants à la naissance, 
d'enfants aux divers âges, d’adultes et de vieillards ; tous ces examens nous 
ont démontré qu’à l’état normal ces éléments ne subissent point de modifica- 
tions dans les diverses périodes de la vie, depuis la naissance jusqu’à l’âge le 
plus avancé. 

La substance amorphe qui entoure ces éléments apparaît quelquefois 
comme très-vaguement fibrillaire, mais nous n’avons pas pu y trouver de 
véritables filaments susceptibles d’une description particulière. Sa connexion 
avec les éléments figurés paraît très-fragile, surtout quand on emploie les 
réactifs coagulants ; à l’état frais, au contraire, un certain nombre d'éléments 
restent entourés de cette matière. 


& 2. 


Depuis les travaux de Remak et de Valentin sur le développement du sys- 
tème nerveux, un très-grand nombre d’anatomistes ont étudié non-seulement 
les éléments nerveux et leur mode de formation, mais aussi le tissu qui sépare 
leurs éléments; daris la plupart des descriptions qu'ils ont données de cette 
dernière partie, on voit qu’ils ont eu presque toujours en vue le développe- 
ment des centres gris, et que leurs descriptions sont rarement applicables à 
toute l’épaisseur des centres nerveux. Nous croyons, cependant, que plusieurs 
d’entre eux ont admis dans les centres et partout la présence du tissu inter- 
stitiel, tandis que d’autres ont décrit dans les centres gris, et plus spéciale- 
ment dans la couche corticale, des éléments particuliers qui, d’après eux, 
n’existeraient pas dans les parties blanches. Rokitansky indiqua le premier, 
sans le décrire complétement, un tissu interstitiel des organes centraux sous 
le nom de tissu conjonctif de l’épendyme. Virchow, en 1846, donna à ce 
même tissu le nom de névroglie ; les idées de ce dernier auteur sur les tissus 
de substance conjonctive, appliquées à l’anatomie du système nerveux, lui 


SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DÉ PARIS. 111 


firent admettre partout un tissu intermédiaire aux éléments nerveux, et il 
en donna la description suivante : «On trouve aussi, entre les fibres nerveuses 
du cerveau, une disposition analogue à celle que nous avons étudiée dans le 
tissu conjonctif et surtout des cellules analogues : mais ces dernières sont si 
molles et si fragiles qu’on n’en voit ordinairement que les noyaux, dispersés 
dans la masse à certains intervalles réguliers. En examinant avec soin, on 
découvre, sur les pièces fraîches, des corps mous et cellulaires, possédant 
un contenu finement granulé, et: des noyaux volumineux et granulés avec 
nucléoles : ces productions sont arrondies ou lenticulaires, et se trouvent en 
quantité assez notable entre les éléments nerveux. En certains points, il a été 
impossible jusqu’à présent d’établir une limite bien nette entre les deux 
üssus nerveux et conjonctif, à la surface du cerveau et du cervelet, par 
exemple, entre les granules que j’ai décrits plus haut et qui sont reliés aux 
gros ganglions, et entre les noyaux du tissu conjonctif. Dès qu’on a détruit 
les rapports des parties, il est difficile de les distinguer, et pour reconnaître 
les éléments, il faut les voir dans leur disposition naturelle (4). » 

Le même tissu est nommé, par Kolliker, réseau de substance conjonctive 
ou reticulum, mais dans son traité d’histologie, on ne trouve pas, à propos de 
la description des parties blanches, de mention spéciale sur le tissu intersti- 
tiel; de même, la plupart des travaux plus récents sur les centres nerveux 
manquent de renseignements sur ce point spécial. Nous n’avons pas pu nous 
procurer le travail de Deiters, qui, d’après la mention qu’en fait Besser (2), 
donne l’historique et la description complète du tissu conjonctif des parties 
centrales du système nerveux; de sorte que nous pouvons dire d’une façon 
générale que le tissu conjonctif des centres blancs n’a pas été décrit à notre 
connaissance ; cependant, par le passage que nous avons cité, on peut voir 
que Virchow paraît l’admettre entre tous les éléments nerveux, tubes ou 
cellules. 

IL nous reste à examiner maintenant si les éléments que nous avons dé- 
crits sont capables de constituer à eux seuls un tissu conjonctif, spécial aux 
parties blanches du système nerveux, ou bien si les noyaux et celluies dont 
nous avons donné les caractères ne sont pas, en définitive, les mêmes élé- 
ments que ceux qui ont été décrits dans les parties grises, et en particulier, 
par M. Robin, sous le nom de myélocytes. M. Robin, en effet, décrit sous ce 
nom des éléments anatomiques qui avaient été vus en 1837 par Michaëlis et 
Valentin, et appelés granules ou corpuscules de la rétine ; en 4838, par Pur- 
kinje, qui les considérait comme des granules de la substance grise, et en 
4844, par Hannover, qui les désignait sous le nom de noyaux de la substance 
grise. Ces éléments offrent, comme ceux que nous avons décrits, les variétés 
noyaux et cellules, et, d’après M. Robin, ils n’existeraient que dans la sub- 


(1) Virchow, Pathologie cellulaire, p. 233, traduction Picard 1861. 
(2) L. Besser, Zur Histogenese der nervôsen Elementartheile, etc. (Arch. de Vi- 
chow, 36° v, juillet 1866). 


412 SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


stance grise cérébro-rachidienne (cerveau, cervelet, moelle et rétine) (1). 

Or, nous avons été frappé, dans nos recherches, de la ressemblance, au 
point de vue des caractères physiques et chimiques, entre ces éléments et 
ceux que M. Robin appelle myélocytes. Cette ressemblance existe à tous les 
âges dans les cerveaux complétement développés. 

Dans la période embryonnaire, si l’on fait des préparations de substance 
blanche et de substance grise, et qu’on examine comparativement les élé- 
ments qu'on y trouve, on peut encore constater l'identité de ces éléments 
dans ces deux parties des centres nerveux. 

Nous n’avons pas étudié, dans les premiers âges de la vie embryonnaire, 
quel était le mode d’apparition de ces éléments, et si leur rôle, par rapport 
à la formation des éléments nerveux, était identique dans les diverses parties 
des centres. Mais, quoi qu’il en soit de cette question d’histogenèse, nous 
pensons qu’il existe partout, dans le système cérébro-rachidien, un tissu in- 
terstitiel spécial à ce système qui joue non-seulement un rôle physiologique 
important, soit pour le développement et la nutrition du système nerveux, soit 
pour l’isolement de ces parties, mais aussi un rôle pathologique qui se mani- 
feste particulièrement dans les diverses inflammations et dans les néoplasies. 
Pour ce dernier point, la constatation de ce tissu dans les parties blanches 
aussi bien que dans les parties grises explique comment les produits inflam- 
matoires et les tumeurs peuvent se montrer avec les mêmes caractères, quels 
que soient les points où on les rencontre (2). 


(1) Ch. Robin, Programme du cours d’histologie, 1864, p. 46. 
(2) Voir aussi sur ce sujet, dans le volume IT de ce recueil, année 1865, la 
page 694.— (Rédaction) 


RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 


SUR LES 


PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES 


DU CURARE 


Résumé d'un travail communiqué à l'Institut (Académie des sciences) les 4 juin 1866 
et 21 janvier 1867 


Par le docteur Auguste VOISIN 
Médecin de l'hospice de Bicêtre 


Et M. Henry LIOUVILLE 


Interne des hôpitaux de Paris. 


$ 1. — Remarques sur le but de ce travail. 


Le travail que nous présentons à l'appréciation médicale, sous 
le titre d'Érunes sur LE cuRARE, a été dirigé sous l'inspiration 
des idées médicales actuelles, qui tendent de plus en plus à rè- 
clamer le concours des sciences, dites à tort accessoires, pour 
puiser chez elles, dans la limite du possible, des données plus 
exactes, et chercher ainsi à diriger toutes nos ressources vers la 
possession de ce but final, objet de nos constants efforts, la #hé- 
rapeutique, c’est-à-dire l’art de guérir. 

L'étude des poisons ou agents trés-actifs, susceptibles de devenir 
des médicaments, est destinée, nous le croyons, à servir utile- 
ment ce genre fécond de recherches. LE 

Nous avons pensé que le curare, parmi ces agents précieux, 
remplirait le mieux ce but, dans la situation où nous étions à 
l’hospice de Bicêtre, et servirait surtout mieux encore l'intérêt 
de nos malades. Ses propriétés physiologiques sur les animaux 
étaient, en effet, depuis les beaux travaux de M. CI. Bernard 
(voy. CI. Bernard, Lecons sur les effets des substances toxiques et 
médicamenteuses ; Paris, 1857), en 1844, assez vulgarisées pour 


que nous puissions y trouver un guide sûr et un puissant appui: 
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — T. IV (14867). 8 


114 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 

Les applications thérapeutiques étaient encore trop vagues et 
trop peu connues pour ne pas réclamer de nouvelles investiga- 
tions, qui rendraient peut-être un compte plus exact de la fortune 
changeante de cette substance, qui, dès le début, produite et ac- 
clamée avec un enthousiasme exagéré, tomba bientôt dans un 
discrédit aussi immérité. 

Mais dans le vague où l’on était, surtout en ce qui concernait 
une dosologie précise et une connaissance exacte des votes d’in- 
troduction du curare, il nous fallait tout d’abord instituer un 
grand nombre d'expériences sur les animaux, car nous n’eussions 
pas voulu nous avancer sur ce terrain, presque tout à fait neuf, 
sans ces appuis indispensables. 

Nous avons été fidèles à cette loi, en n’appliquant jamais une 
dose du médicament, sur un malade que nous trailions, sans 
qu'elle ait été pesée, discutée et raisonnée d’après les résultats 
des premières expériences, dites expériences d'essais. 

Pour celles-ci, nous trouvions dans les observations physiolo- 
giques de ceux qui nous avalent précédés des renseignements 
utiles dont plusieurs nous ont été d’un grand secours. 


8 ?. — Considérations physiologiques tirées des Expériences 
préparatoires sur les animaux, 


Les expériences nombreuses sur les animaux, qu'ont donc né- 
cessitées ces recherches méthodiques et progressives des effets du 
curare, ne nous ont pas seulement donné les résultats dosologiques 
que nous cherchions avant tout à atteindre, pour assurer d’une façon 
plus précise les applications thérapeutiques de cette substance. 

Elles nous ont permis de vérifier et de contrôler, bien souvent 
d'une façon nette, les faits importants que l’étude physiologique 
du curare, poussée déjà si loin, avait révélés depuis longtemps. 

Dans ce champ minutieusement exploré par des savants comme 
Fontana, MM, CI. Bernard, Pelikan, Kôlliker, Vulpian, Kühne, 
pour ne citer que les plus illustres, il y avait un intérêt des plus 
grands, on le comprendra, à se rendre compte des découvertes 
physiologiques auxquelles était arrivé presque chacun de ceux 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 115 
que nous venons de citer dans les expériences variées qu'il avait 
pu exécuter avec le curare. 

Du reste, nos résultats, comme eflets généraux, ont été le plus 
souvent les mêmes. 

Nous aurions aimé à y insister davantage, reprenant en détail 
l'analyse des points admis par tous ou de ceux encore discutés, 
mais nous avons reconnu que ce serait assurément sortir de notre 
cadre, déjà trop vaste, et ne pas laisser à ce travail le caractere 
qu'il a eu véritablement dans notre esprit, celui de la recherche 
d’une application thérapeutique du curare, basée sur l'experi- 
mentation raisonnée et, par conséquent, sur les données physio- 
logiques. 

Mais la relation de nos expériences, que nous avons tenu à 
transcrire complétement, restera comme point de comparaison 
et comme justification des faits que nous avons observés et con- 
trôlés. Par là, il sera donc facile de nous contrôler à notre tour. 

Toutefois, sous forme de résumé et rapidement, il nous paraît 
intéressant de souligner quelques-uns des faits les plus saillants 
que l’empression, l'intoxication, l'empoisonnement curariques 
des animaux, nous ont permis d'observer. 

Tout d’abord l'atteinte portée à l’économie par le curare nous 
a semblé toujours caractéristique, et nous n'avons jamais eu, 
en observant de près et surlout en variant les doses et les ani- 
maux, à la confondre avec l'atteinte résultant d’autres poisons, la 
strychnine, par exemple, puisque c’est à elle que quelques auteurs, 
MM. Martin Magron et Buisson surtout, l’ont comparée autrefois. 

Les petites convulsions cloniques que l’on observe, ces trem- 
blements fibrillaires qui, localisés quelquefois, sont le plus sou- 
vent généralisés, cet état finement tremblé du corps qui augmente 
par l'impression extérieure que l’animal perçoit et qui s’accroit, 
pour ainsi dire graduellement et en passant par son corps tout en- 
lier, se traduisant par le tremblement fibrillaire des muscles où 
par l’état ondulatoire des poils, qui semblent comme agités dou- 
cement par le vent; tout cet appareil, en un mot, n'est pas la 
convulsion tonique, énergique, brusque, saccadée, qu'offre l’ani- 
mal en puissance de strychnine. 


116 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 

Nous n'avons pas dans le curare, cette sorte de décharge vio- 
lente, qui s’accroit par l'excitation extérieure la plus faible, un 
petit contact, le moindre bruit, et qui courbe d’une façon irré- 
sistible le corps tout entier de l'animal, comme une corde qui 
tend subitement les deux branches d’un arc. 

Non, l’ensemble des phénomènes curariques, c'est du FRISSON, 
c’est l’une des manifestations de la fièvre. Car ce que la physio- 
logie ne pouvait pas aussi délicatement nous démontrer, l’ob- 
servation clinique nous l’a fait voir, à nombre de reprises, d’une 
facon irrécusable. 

Nous renvoyons à cette partie des observations de nos malades 
traités par le curare et à l’analyse détaillée que nous avons faite 
de ces phénomènes importants observés, nous le croyons, pour 
la première fois. 

Nous avons cherché à en donner l'explication et à faire res- 
sortir les conséquences importantes qui pourraient en découler 
au point de vue de la physiologie pathologique et de la théra- 
peutique, si ces recherches étaient poursuivies, contrôlées et 
fécondées. Ç 

Un autre point nous a paru mériter l'attention, ce sont les 
modifications possibles de la TEMPÉRATURE dans les phénomènes 
curariques. 

Nous avons trouvé une très-notable élévation de la température 
du rectum des animaux dans les cas où. les doses furent toxiques. 
On constatait, en effet, alors une augmentation de 3 à 4 degrés. 

Cependant la température extérieure de tout le corps de l’ani- 
mal ne nous a jamais paru offrir de très-notables modifications, 
même dans ce phénomène de la coloration et de LA CHALEUR DES 
OREILLES, sur lequel M. Cl. Bernard a surtout insisté. 

Mais quand nous avons trouvé ce dernier phénomène mani- 
feste, irrécusable chez nos malades, il était lié à une augmenta- 
tion très-accusée de la ROUGEUR ET DE LA CHALEUR DE LA FACE; et 
cette coloration ét cette chaleur faciales nous ont paru toujours 
plutôt prédominer la scène. 

Là, l'observation clinique nous a été d’un puissant secours 
pour l'observation expérimentale, car ces nuances de coloration, 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 4117 


si visibles aux pommettes, par exemple, l'expression des yeux 
injectés, si caractéristique chez les hommes, sont trop difficiles à 
bien saisir chez les animaux, dont la peau, même celle des oreilles, 
si transparente d'habitude, ne peut être un miroir aussi net où 
se réflètent ces variations délicates. 

De plus, pour la TEMPÉRATURE INTÉRIEURE, augmentée comme 

nous l’avons dit, les notations des expériences et des observa- 
tions concordent parfaitement, et cette concordance se traduit en 
chiffres irrécusables, 
_ En même temps nous observions des effets notables sur la cir- 
CULATION, Que nous croyons, contrairement à l'opinion de certains 
physiologistes, atteinte dans les premiers temps, puis modifiée 
ensuite considérablement si la dose est plus forte. 

Nous fondions cette opinion, qui nous paraissait d'observation 
pure, sur les modifications qu'offraient, chez nos animaux d’ex- 
périences, les battements du cœur en devenant rapides et irré- 
guliers, pour baisser graduellement et s’éteindre avec l’asphyxie, 
quand des sracés pris sur l’homme curarisé avec le sPHyGmo- 
GRAPHE, ingénieux instrument de M. Marey dont on ne peut 
contester la précision, nous donnèrent une complète satisfaction 
sur ce point, peu étudié encore jusqu'ici. 

Nous y insistons plus loin, comme il le mérite, en montrant 
les manifestations de l'appareil fébrile amenées chez nos prin- 
cipaux malades pendant leur traitement curarique. 

Pour ce qui concerne l'appareil de la vision, on avait bien noté 
déjà ces troubles qui se traduisent par les modifications dans le 
diamètre des pupilles, et l’on avait vu les pupilles augmentées 
même quelquefois du double, sous l'influence du curare. | 

Toutefois ce n’est pas uniformément ni d’une façon graduée, 
persistante, que se fait cette augmentation ; sans doute, dans les 
cas moyens, on constate une augmentation que nous ayons vue 
presque toujours être du tiers en plus. 

Mais si la dose est plus forte, cette augmentation est elle-même 
plus considérable et atteint le double parfois; alors se passe 
ce phénomène curieux qu’à l’AUGMENTATION PUPILLAIRE succède 
presque subitement une diminution et même une CONSTRICTION, 


118 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 

et l'on n'a plus qu'un champ pupillaire, qui offre à peine la 
moitié de l’état normal; puis la dilatation reprend et est, à son 
tour, suivie encore une fois de la constriction. 

De sorte que si, comme nous le croyions au début, on annon- 
çait que le curare dilate la pupille, et qu’on fit de ce phénomène, 
si manifeste avec d’autres substances (la belladone, par exemple), 
un des signes de l’intoxication curarique, on serait absolument 
trompé en arrivant près du cadavre empoisonné. 

Ces troubles, dont, on le voit, l'expression est si mobile, 
mais qui sont manifestement évidents, et que nous avons ren- 
contrés nombre de fois dans nos expériences, nous ont toujours 
paru accompagner un autre phénomène qui ne nous semble pas 
avoir jusqu'ici suffisamment frappé les expérimentaleurs, c’est 
l'EXOPHTHALMIE DOUBLE, qui survient après l'emploi de doses 
énergiques, toxiques, et qui, dans quatre de nos expériences, 
est enregistrée avec des détails précis. 

Ce phénomène n’a pas été l’objet des réflexions des auteurs, 
probablement parce qu'il demande à être observé sur des ani- 
maux qui puissent l’offrir nettement et sans conteste (chiens, la- 
pins, cochons d'Inde), et non sur des grenouilles, objet habituel 
du plus grand nombre des recherches curariques, et qui offrent 
déjà normalement une saillie considérable des globes oculaires. 

Ce phénomène, disons-nous, a eu, lui aussi, quelques phases 
curieuses, en ce sens que se prononçant davantage à un certain 
moment de l’intoxication, et arrivant comme par une poussée 
assez rapide, il décroît le plus souvent peu à peu, et n'est plus 
aussi constatable vingt, vingt-cinq et trente minutes après la 
cessation de toute apparence de vie. 

De plus, nous avons noté que ces divers troubles du côté de la 
pupille, du côté des sclérotiques injectées et des yeux exophthal- 
miés (que nous avons eu soin plus loin de compléter par l'étude 
des modifications dans la vue elle-même, DIPLOPIE, TROUBLES DE 
L’ACCOMMODATION, observables seulement chez des malades capables 
de bien rendre compte) étaient des phénomènes concomutants, 
et pouvaient très-raisonnablement passer pour être des traduc- 
tions simultanées et comme liées entre elles d’un même état gé- 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 119 
néral (TROUBLES DU SYSTÈME VASO-MOTEUR ET EFFETS PARALYTIQUES 
SUR LES MUCLES DE L'OEIL). 

Pour ce qui est du SYSTÈME NERVEUX, pris d’une façon plus gé- 
nérale, nous avons constalé, et après tous nos devanciers, que, 
sans qu'il nous soit possible de définir encore l’action intime du 
curare, cette substance n’en était pas moins certainement comme 
un poison du nerf moteur, le frappant à des degrés différents et 
dans un ordre un peu variable, suivant qu’il s'agissait de tel ou 
tel nerf moteur, ou de tel ou tel animal ; mais le frappant toujours, 
tandis que le nerf sensitif n’est pas atteint, et que les muscles, 
sous l'influence de l'électricité, réagissent vivement quand le nerf 
même de leur département circonscrit, est pour ainsi dire mort. 

L'irritabilité musculaire est ainsi conservée intacte. Ici nous 
pouvons ajouter que nous avons vérifié une opinion qui fut (par 
l'interprétation d’une portée qu’elle n’avait pas) la cause de bien 
des discussions, à savoir : que la mort curarique n’arrivait que 
par suite de l'abolition de la motricité dans toute l’économie, 
car ce qui est vrai sur des grenouilles et des animaux de cet 
ordre ne l’est plus sur des mammifères, où la mort curarique 
survient à un moment où les nerfs ont conservé une motricité 
encore très-marquée. 

Ici, nous sommes tout à fait d'accord avec deux observateurs 
distingués, M. Vulpian (voy. Vulpian, cours du Muséum, Sur le 
système nerveux, Paris, 1865) qui opérait sur des chiens, et 
M. E. Pelikan, de Saint-Pétersbourg, qui opérait sur de grands 
animaux, les chevaux, par exemple. Même sur des lapins, nous 
avons constaté des faits analogues ; mais nous devons ajouter que 
dans ce cas, quand la motricité existait encore, elle était nota- 
blement diminuée, Le curare devait déjà lui avoir porté atteinte. 

Là se borneront les réflexions de physiologie proprement dites, 
que nous ont suggérées les nombreuses expériences d'essais faites 
sur les animaux pour arriver à doser nos curares et connaître 
leur énergie. 

Ajoutons que dans les cas toxiques, mais non foudroyants, 
nous avons retiré un très-excellent effet de la respiration artifi- 
cielle seule, et quand elle ne suffisait pas, de la érachéotomie. 


120 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 

Nous aurons à nous servir de ces données pratiques, en parlant 
du traitement d’un empoisonnement par le curare. 

Nous avons donc voulu, comme nous venons de le dire, insti- 
tuer, dès le début, toutes ces expériences dites d'essais sur des 
animaux différents, en multipliant et variant ces conditions, car 
notre but était de déduire, de la connaissance des curares que 
nous avions, des données exactes pour essayer d'entreprendre une 
dosologie précise et raisonnée du curare, dosologie si désirable, 
et qui, par son absence, est peut-être la cause du discrédit dans 
lequel est tombée, après une ère brillante d'enthousiasme, cette 
substance indienne, fabriquée d’abord pour la destruction (armes 
de chasse, armes de guerre) et devenant, dans des mains plus ci- 


8 3. Variétés de curare. 


vilisées, un instrument de science et un agent thérapeutique. 

Nous avons eu cinq variétés de curares à notre disposition, deux 
de calebasses et trois de petits pots de terre. Les premiers que 
nous devions à l’obligeance de M. CI. Bernard, toujours si disposé 
à faciliter les recherches, le troisième, donné par M. E. Carrey, 
voyageur et écrivain distingué, qui avait rapporté de la tribu 
même des Ticunas, bords de l’Amazone, les parties de petits 
pots de terre qu’il a bien voulu nous donner (voy. Voyages de 
M.E. Carrey en Amérique, Morateur et collection Michel Lévy). 

Enfin, nous nous sommes servis de deux autres curares que 
nous avions achetés chez le droguiste Ménier, ils proviennent 
aussi de petits pots de terre. 

Le dernier a été envoyé pour nos recherches à M. Ménier par 
‘le docteur Francisco da Silva Castro (du Para), qui l'avait reçu de 
Fonte-Boà, ville située dans les montagnes de Solimoës, et où il 
avait été apporté par des Indiens qui habitent les bords des ri- 
vières Tonantin et Yapura. 

Tout d’abord, nous avions à nous poser trois questions : 

1° Les substances que nous avions étaient-elles des curares 
dans le sens qu’il nous paraît mdispensable d’attacher à ce nom, 
pour arriver à une entente générale et raisonnée sur l’application 
thérapeutique. 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 121 

Pour nous, en effet, toute substance qui, offrant des propriétés 
extérieures physiques et chimiques en rapport avec celles recon- 
nues habituelles au curare, possédera surtout le pouvoir d’ame- 
ner par son introduction méthodique à une dose déterminée, 
d’abord quelques phénomènes d’anéantissement général, puis et 
principalement la destruction des fonctions physiologiques de 
l'élément nerveux moteur, qui seul n’est plus ou est devenu moins 
irritable sous l'influence de l'électricité, tandis que les autres 
éléments histologiques ont conservé intact le jeu de toutes leurs 
propriétés vitales ; cette substance, dont une dose exagérée occa- 
sionnerait la mort, tandis qu’une faible dose se révélera par les 
seuls effets précédemment décrits et caractéristiques, sera vérita- 
blement du curare, et nous devrons, en thérapeutique, la regarder 
comme telle. 

Or, à cette première question, posée aussi Arbre nous 
pouvons répondre que les cinq substances employées par nous 
sous le nom de curares étaient bien véritablement telles. 

Cette distinction était surtout importante pour le curare Ménier, 
qui provenait du commerce, tandis que les autres nous étaient 
déjà bien connus, ayant été examinés, soit par M. CI. Bernard, 
soit par nous-mêmes dans plusieurs cas de tétanos, et principale- 
ment dans le cas du malade de l'hôpital Cochin, il y a deux ans. 
(Observation rapportée dans la thèse du docteur Jousset, /njec- 
tions sous-cutanées, et dans le Bulletin de thérapeutique, 1865- 
1866.) (Voy.Thèses de Paris, 1865, docteur Jousset (de Bellesme), 
Injections sous-cutanées.) 


$ 4, — Moyens et voies d'introduction du eurare. 


De ces curares nous avons fait des solutions et des poudres. 

Nous n'avons rien à dire des solutions faites facilement avec 
l’eau distillée, si ce n’est que chez les animaux seuls, elles peu- 
vent ne pas être filtrées. | 

On les fait au 1/5°, au 1/10°, au 1/100° pour l'usage des serin- 
gues hypodermiques et en les variant suivant les circonstances. 

Mais le mieux, pour ne pas discuter encore longtemps sur les 


422 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 


gouttes des différents instruments et des différentes solutions, est 
de faire ses pesées chaque fois. Gela est peut-être plus long, mais 
c’est encore un des meilleurs moyens d'éviter les erreurs. 

Nous n'avons non plus rien à dire des poudres faciles à faire. 

2° La deuxième question était celle-ci. 

À. — Quel moven d'introduction fallait-il choisir ? 

B. — Quels instruments fallait-il employer ? 

A. Les moyens d'introduction ont été : a. le fissu cellulaire 
sous-cutané; b. le derme ; c. la bouche ; d. le rectum. 

a. Pour ne pas rentrer dans le détail un peu compliqué, disons 
simplement que le vrai moyen pour avoir des résultats rapides et 
presque prévus à courte échéance, et la plus utile voie pour pou- 
voir parer tout de suite par la ligature, avec une bande roulée, à 
un accident, est l’injection sous-cutanée dans les membres avec 
les précautions qu’elle exige. 

b. L'application endermique peut être utile, mais elle est 
beaucoup plus lente. 

c. Le rectum, tout en étant réellement une voie d'absorption, 
a l'inconvénient de ne pas être fixe par des raisons diverses, et de 
ne pas offrir une facilité d'application trés-grande si l’on devait 
combattre immédiatement quelques accidents curariques. 

d. La bouche, comme tout le faisait prévoir, est une voie qu’il 
ne faut jamais choisir si l’on peut l’éviter ; elle ne nous a rien 
donné, sauf à des doses énormes, et chez de très-jeunes animaux 
el avec le plus fort de nos curares. 

Nous savons cependant très-bien qu’un animal à jeun peut être 
intoxiqué par une dose assez forte de curare prise à l’intérieur, 
et qui ne lui ferait rien s’il élait en pleine digestion. 

Depuis la publication de ce premier travail, nous avons lu : 
1° dans le n° 8 du Schmidt s Jahrbücher, pour 1866, un résumé 
d'après lequel le professeur Lussana, de Parme, pense que le 
curare introduit par la bouche n’est pas détruit par la salive, les 
sucs gastrique, pancréalique, les liquides intestinaux et la bile, 
et que si, dans ces conditions, il n’y a pas de phénomènes ap- 
préciables, cela tient à ce que le curare « est sécrété peu à peu 
par le foie avec la bile, sans arriver auparavant dans la cir- 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. N 498 
culation générale du sang ». À l'occasion des symptômes, nous 
parlerons nous-mêmes de phénomènes que nous avons tout ré- 
cemment observés sur l’homme et qui concordent avec ces don- 
nées physiologiques (augmentation du volume du foie). 

2° Dans une brochure communiquée par M. Polli (Expériences 
sur le curare, Lugan, 1861), qu'il incline à croire que l’action 
paralysante du curare, sur les pores et les ostioles béantes et 
absorbantes de la surface de l'estomac, a la plus grande part 
dans l’innocuité de l’introduction de cette substance par cette 
voie. 

B. Nous avons peu à dire des instruments employés, qui ont 
été ceux de trousse ordinaire et les seringues hypodermiques, 
dites de Pravaz, construites par Mathieu, Robert et Collin. 

Cet attirail suffit, en y ajoutant la pince de Pulvermacher et 
l'appareil de du Boys-Reymond, puis un insufflateur et un soufflet 
ordinaire s’y adaptant. | 

Les animaux ont été variés, suivant que l’on voulait étudier 
l'énergie des curares ou seulement quelques phénomènes physio- 
logiques ; le lapin, le cochon d'Inde, le chat et la grenouille nous 
ont successivement servi, 

Nous arrivons à la troisième question. 

3° A quelle dose fallait-il donner le curare ? 

Ici, nos essais ont été nombreux et multipliés; nous n'avons 
avancé que peu à peu, lentement, depuis les plus faibles doses qui 
ne donnaient aucun effet appréciable, jusqu'aux doses qu’on ap- 
pelle doses-limites, qu'on peut donner pour produire des effets 
palpables, et qu'il ne faut pas dépasser pour ne point amener de 
phénomènes plus sérieux. 

Par ce procédé, véritablement scientifique et pratique, on peut 
s'assurer que foute substance ainsi graduée, si elle est reconnue 
utile, peut être un médicament à petites doses et devenir un poi- 
son à doses plus élevées. 

Nous ne pouvons entrer très-avant dans les observations dé- 
taillées qui nous ont appris la force de nos curares ; mais il nous 
paraît nécessaire, pour l'explication des doses qui seront plus 
tard employées par nous chez l’homme, de donner rapidement le 


42h VOISIN FT LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 
résumé de ces essais sur les animaux, point de départ de notre 
dosologie pour lapplication béttiane: 

1° Le curare CI. Bernard, n° 1, pracuit des effets can mais 
non mortels, sur des lapins forts, à la dose de 6 milligrammes, 
par la méthode hypodermique. 

2 Le curare Cl. Bernard, n° 2, produit des effets csobeesatr mais 
non mortels, sur des lapins, à la dose de 7 milligrammes, par la 
méthode hypodermique. 

3° Le curare E. Carrey produit des effets efficaces, mais non 
mortels, sur des lapins, à la dose de 3 milligrammes, par la mé- 
thode hypodermique. 

h° Le curare Ménier, n° 4, produit des effets efficaces, mais 
non mortels, sur des lapins, à la dose de 7 milligrammes, par la 
méthode hypodermique. 

5 Le curare Ménier, n° 2, produit des effets efficaces, mais 
non mortels, à la dose de 3 milligrammes, par la méthode hypo- 
dermique. 

C’est ainsi qu'après avoir bien établi nos données Drémibres 
sur les bases sérieuses de l’expérimentation et sur l’interpréta- 
tion raisonnée et la critique des résultats qu’elles fournissent, 
nous avons suivi une marche à peu près analogue pour l’applica- 
tion méthodique du curare dans le traitement des maladies. 

Dosologie et voies d'introduction du curare chez l’homme, 
tels ont été tout d’abord les deux points principaux de thérapeu- 
tique que nous avons cherché à fixer le plus exactement possible, 
parce qu’ils nous semblaient le mieux répondre à une lacune qui, 
jusqu’à présent, est pour nous l’une des causes qui ont arrêté 
l'essor d’un médicament dont, en peu de temps, on a tour à tour 
et trop vanté et trop discrédité les effets. 

Nous ne croyons pas être téméraires en ajoutant que l'expé- 
rience mieux entendue fera revenir, sous peu de temps peut-être, 
sur un jugement qu’il ne serait ni scientifique, ni pratique de 
laisser ainsi sans appel. 

Ces bases étant bien établies, comme le constatent nos nom- 
breuses expériences d'essais relatées avec détails, nous pouvions 
commencer l'application thérapeutique. 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 495 


$S 5. — Application thérapeutique; phénomènes produits 
par le curare. 


Les malades que nous avons traités avec le curare sont tous 
des épileptiques placés dans le service de l’un de nous à l’hospice 
de Bicètre. 

Leur affection nous a paru d'autant mieux se prêter à cette 
médication qu'elle est, d’une part, regardée comme le plus sou- 
vent incurable, et que, d'autre part, elle est une de ces maladies 
que l’on dit avoir été traitées avec succès par le curare dans les 
contrées où on le prépare. 

De plus, cette médication curarique a déjà fait à Paris et à 
Vienne, dans les mains de MM. Thiercelin et Bénédickt, l’objet 
de recherches malheureusement restées incomplètes par la pri- 
vation du médicament, et peu certaines, peu concluantes par le 
défaut d’une dosologie établie d’une façon plus fixe. 

Il nous a paru utile de contrôler ces faits et de chercher à les 
féconder si cela était possible, car l'incertitude et le vague sont, 
en ces sortes de matières, les pires des choses, et, pour ainsi dire, 
les plus dangereux de tous les guides. 

Enfin, dans quelques circonstances, ils peuvent être, dans des 
mains indignes, l’objet des plus tristes spéculations, et l’occasion, 
pour le charlatanisme, d’étaler l’appât d’espérances toujours si 
cruellement déçues. 

Nous avons donc recherché consciencieusement sile curare était 
utile ou non dans cette horrible affection, — l’éplepsie, — dont 
la plupart des cas sont, à juste titre, regardés comme incurables. 

Placés dans la situation de donner nos soins à ces malheureux 
malades; nous avons obéi à cette influence, qui vous pousse à 
tenter et à agir (bien entendu dans les limites sévères de la raison), 
dès qu’on est appelé dans ce triste milieu, où l’ënaction devient 
presque une faute inexcusable. 

Le nombre des malades soumis au traitement curarique a été 
de douze, adultes ou jeunes gens de plus de quinze ans; leur poids 
a élé exactement pesé, considération qui, suivant nous, jointe à 
la résistance individuelle, a une notable importance. 


426 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 

Ce traitement, pour la plupart d'entre eux, a commencé en 
aout 1865, et continue encore. | 

Nous avons fait précéder les détails recueillis antérieurement à 
cette époque des observations prises jour par jour, le matin et le 
soir, pendant cette période de temps. 

C'est ainsi également qu’ont élé pris tous les tracés sphygmo- 
graphiques, dont on trouvera plus loin quelques échantillons. 

Le traitement a commencé par des doses excessivement petites, 
2 dixièmes de milligrammes. Nous avons ainsi obtenu l'avantage 
de mettre les charlatans dans l'impossibilité de tromper le publie 
qui croit à L'ACTION DE L’INFINITÉSIMALITÉ. 

Nos observations démontrent qu’à ces doses aucun effet physio- 
logique ou thérapeutique n’est produit par le curare sur l’homme; 
ces doses ont été augmentées chaque fois de cette quantité ou de 
1 milligramme, jusqu’à ce que nous ayons acquis une expérience 
suffisante. 

Puis, à partir des doses de 60 à 70 milligrammes, nous avons 
augmenté chaque fois les quantités de curare de 5 milligrammes 
à À centigramme, et sommes arrivés ainsi graduellement, pour les 
injections sous-cutanées, à la dose de 18 centigrammes; pour la 
méthode endermique (vésicatoires), à celle de 38 centigrammes ; 
au moyen de l'introduction par la bouche, à 40 centigrammes ; 
enfin, par l'anus, à la dose de 40 centigrammes également. 

Mais, pour arriver là, le chemin n’étant pas frayé, et ne vou- 
lant avancer qu'avec prudence, nous avons plus d’une fois été 
obligés d’user de tàtonnements, qui étaient commandés par les 
conditions dans lesquelles nous étions. 

Nous n'avons de cette façon et par ces procédés rien eu jamais 
à redouter ni à regretter. 

Toutefois, dans cette longue période, nous avons été appelés à 
observer des faits qui, en dehors d’une application directement 
spéciale et s’élevant même encore au-dessus de celle-ci pour pou- 
voir devenir peut-être la source d'applications plus générales, 
nous ont paru devoir tenir une place plus importante dans l’ap- 
préciation que l’on pourra faire de nos études. 

Nous allons en donner brièvement le tableau, qui, à plusieurs 
reprises, a pour nous été saisissant. 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 197 


Pour procéder avec méthode, nous distinguüerons des effets cu- 
rariques, LOCAUX € GÉNÉRAUX. 

Voyons d’abord les PREMIERS. 

4° Le curare produit des PHÉNOMÈNES LOCAUX, variables suivant 
les divers modes d'introduction, mais ils ne présentent d'intérêt 
qu'avec la méthode des injeclions sous-cutanées ou celle des ap- 
plications endermiques. 

Dans le premier cas, la peau qui recouvre la région qui reçoit 
l'injection de curare offre aussitôt une eélevure d’un blanc rosé, 
d'apparence ortiée, entourée, dans une étendue variable, d’une 
teinte rouge, disparaissant momentanément à la pression. 

La disposition ortiée ne dure que quelques heures , mais la 
surface rouge persiste avec des caractères spéciaux : 

Élévation notable et instantanée de température à son niveau ; 
apparence phlegmoneuse consécutive ; empâtement sous-cutané. 

La main se ressent de l'élévation de température de la partie 
des avant-bras qui reçoit les injections. La chaleur croît aussi en 
proportion. | 

Consécutivement aux injections sous-cutanées de curare, il se 
produit des phénomènes differents, suivant que les solutions em- 
ployées sont filtrées ou non : 

Dans le premier cas, la rougeur de la peau, l’empâtement sous- 
cutané, l’élévalion de température ne durent, le plus souvent, que 
quelques jours au plus ou quelques heures ; dans le cas contraire, 
les effets persistent, et, ou bien la tuméfaction finit au bout de 
quelques semaines par se transformer en un noyau fibreux plus 
persistant, ou bien elle s’abcède ; enfin, plusieurs mois après des 
injections quotidiennes, la peau des régions injectées a été le 
siége d’une desquamation furfuracée en forme de cercle. 

La tuméfaction des ganglions sus-épitrochléens et axillaires n’a 
pas toujours compliqué cet état phlegmasique. 

2° Par la méthode endermique (vésicatoires), on obtient les 
phénomènes locaux suivants : 

Douleur très-vive, piquante, au moment même où le derme est 
saupoudré de curare; élévation de température, parfois érythème 
périphérique, 


128 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 

Parlons maintenant des PHÉNOMÈNES GÉNÉRAUX. 

Le curare détermine des phénomènes généraux variables d’in- 
tensité, suivant la dose, et quelquefois certaines particularités 
propres au manuel opératoire. 

On peut donc diviser les phénomènes généraux en ordinaires 
eten 2ntenses. 

1° Les phénomènes généraux les moins intenses, et que nous 
avons appelés ordinaires, consistent surtout en effets sur la cir- 
culation, sur les paupières et sur la vue (1). 

Les pulsations augmentent un peu de force et de fréquence et 
deviennent dicrotes pendant un certain nombre d'heures; des 
sueurs se produisent quelquefois ; la température axillaire aug- 
mente de 4 à 2 degrés au plus, et le nombre des inspirations de 
4 à 8 au maximum; la sécrétion urinaire est augmentée, et sa 
couleur devient notablement claire; elle renferme du sucre. 


TRACES SPHYGMOGRAPHIQUES, 


Pouls normal de Fournier, 64 pulsations avant loute injection sous-cutanée du curare. 
Tracé pris sur l'artère radiale gauche. 


Pouls de Fournier pendant l’action curarique moyenne, 141 minutes après l’injection 
sous-cutanée à l’avant-bras droit de curare Ménier n° 2, dose de 08',11, le 7 novem- 
bre 14866, 68 pulsations. Tracé pris sur l’artère radiale gauche. 


Pouls de Fournier pendant l’action curarique moyenne deux heures après injection 
sous-cutanée dans l’avant-bras droit de 08r,11 de curare Ménier n° 2, le 7 novem- 
bre 1866, 64 pulsat. Tracé pris sur l’artère radiale gauche. 


(1) Pour plus de détails, voyez le dernier paragraphe de ce mémoire. 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 1929 


Pouls de Fournier pendant l’action curarique moyenne 1 h. et demie après injection 
sous-cutanée, dans l’avant-bras droit, de 0,12 de curare Ménier n° 2, qui a eu lieu 
le 10 novembre 1866. 72 pulsations. Tracé pris sur l’artère radiale gauche, 


Pouls de Fournier pendant l’action curarique moyenne, 2 heures 15 minutes après 
injection sous-cutanée, dans l’avant-bras droit, de 0,12 de curare Ménier, n° 2, 
qui a eu lieu le 10 novembre 1866. 68 pulsations. Tracé pris sur l’artère radiale 
gauche. 


Pouls normal de Fournier, le 10 décembre 1866, avant injection sous-cutanée. 
64 pulsations. Tracé pris sur l’artère radiale gauche. 


Pouls de Fournier pendant l’action curarique moyenne, 43 minutes après injection 
sous-cutanée, dans l’avant-bras droit, de 0,11 de curare Ménier n° 2, qui a eu lieu 
le 10 décembre 1866. 70 pulsations. Tracé pris sur l’artère radiale gauche. 


2° Les phénomènes généraux intenses que détermine le curare 
a doses relativement élevées sont, vus d'ensemble : la FIÈVRE 
avec tous ses Caractères. 

Ils consistent en troubles de la circulation, de la respiration, 
de la calorification, de la motilité ; en hypersécrétions et en sym- 
ptômes intéressant les fonctionnements cérébral et visuel (1). 

Les malades sont pris d’un frisson initial et d’un sentiment de 


(4) Pour plus de détails, voyez le dernier paragraphe, 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. 1V (1867). 9 


130 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 


froid violent, de chair de poule, de claquements de dents, de tres- 
saillements, de tremblements de tout le corps, accompagnés 
presque aussitôt de petitesse et d'accélération du pouls, d’anxiêté, 
de respiration suspirieuse, d’élévation de la température axillaire, 
et quelquefois de diplopie (voy. p.137). 

Très-rapidement la motilité diminue ou disparaît tout à fait 
aux membres inférieurs; l’équilibration et la ccordinalion de leurs 
mouvements sont troublées, et les malades sont quelquefois dans 
l'impossibilité absolue de mouvoir leurs jambes et de se mettre 
à séant. Une soif considérable, une céphaialgie intense et un 
besoin profond de sommeil, quelquefois de la diurèse, s’allient à 
ces premiers phénomènes. 

Au sentiment de froid succèdent, pendant plusieurs heures, 
une élévation de la température cutanée, la fréquence et le dève- 
loppement du pouls, son dicrolisme, la rougeur du corps et prin- 
cipalement de la face, des oreilles, l'injection des conjonctives 
oculaires, et enfin une sueur profuse. 

La paralysie des membres a duré, chez nos malades, un temps 
peu long (un quart d'heure à une heure au plus), parce que nous 
avons fait à temps les ligatures conseillées par M. CL Bernard 
(application de tours de bande roulée entre le cœur et la partie 
du membre qui a reçu l'injection). 

La sécrétion urinaire est, pendant ces phénomènes, notable- 
ment augmentée; l’analyse chimique y découvre du sucre, et les 
expériences physiologiques y démontrent la présence du curare, 
dont l'élimination paraît terminée au bout de vingt heures. 

Il nous a paru, en effet, utile et nécessaire de déterminer la 
durée de l'élimination du curare par l'urine, au point de vue de 
son emploi en thérapeutique et des recherches médico-légales. 
Nos expériences sur les animaux traités par les urines de nos 
malades au moyen d’injections sous-cutanées nous autorisent à 
penser que l'élimination est terminée au bout de vingt heures. 

La fièvre dure plus ou moins, suivant les doses; nous l’avons 
vu persister pendant cinq à six jours, mais diminuer peu à 
peu d'intensité. (Voyez, ci-contre, les tableaux de courbes 
graphiques). 


136. 


p- 


TABLEAU IL 


TABLEAU I. 


pérature, de la respiration, 


injecté dans le issu cellulaire sous-cutané 


= 
d 
DS 
= 
CS 
S 
Ci 
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S 
a 
= 
"= 
Le] 
= 
S 
La 
= 
SJ 
S 
Le 


TABLEAU de courbes graphiques représentant les modi 


TABLEAU de courbes graphiques représentant les modifications du pouls, de la température, de la respiration, dans 


090 milligrammes) 


2 


0 


( 


dans un cas de traitement par le curare 
le 24 mars 1866, à 11 heures 10 minu 


» 


un cas de traitement par le curare (0,077 milligr.) injecté dans le tissu cellulaire sous-cutané le 12 mars 1866 


à 9 heures 17 minutes du matin, chez le malade Rangeon. 


tes du matin, chez le malade Bregnitz. 


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SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 151 

Les derniers phénomènes ont été : l'élévation de la tempéra- 
ture, l’accélération et l'accroissement de développement du pouls, 
dont nous avons suivi toutes les phases au moyen du sphygmo- 
graphe de Marey, qui nous a servi à tracer les dessins ci-dessous. 


TRACÉS SPHYGMOGRAPHIQUES. 


Pouls normal de Bregnitz, 6 avril 1866. Pas d’accès depuis 48 heures. 64 pulsa- 
tions. 


Pouls de Bregnitz pendant l’action curarique intense, 2 heures 25 minutes après l’in- 


jection, à l’avant-bras gauche, de 08,090 de curare, qui a eu lieu le 24 mars 1866, 
120 pulsations. 


Pouls de Bregnitz pendant l’action curarique intense, 2 heures après injection sous: 
cutanée, dans l’avant-bras droit, de 0,12 de curare Ménier n° 2, qui a eu lieu le 
25 décembre 1866. 96 pulsations. Tracé pris sur l’artère radiale gauche. 


Pouls de Bregnitz pendant l’action curarique intense, 2 heures 40 minutes après 
injection sous-cutanée, à l’avant-bras droit, de 0,12 de curare Ménier n° 2, qui 
a eu lieule 25 décembre 1866. 96 pulsations, Tracé pris sur l’artère radiale gauche. 


132 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 


Pouls de Brégnitz pendant l’action curarique intense, 2 heures 20 minutes après in- 
jection sous-cutanée, dans l’avant-bras droit, de 0,12 de curare Ménier n° 2, 
le 25 décembre 1866. 96 pulsations. Tracé pris sur l’artère radiale gauche. 


Pouls normal de Rangeon, 6 décembre 1865, 9 heures 45 minutes. — 1 accès il y 
a 30 heures. — Artère radiale du côté gauche. 


Pouls de Rangeon pendant l’action curarique intense, 48 heures après l’injection de 
0,077 de curare, qui a eu lieu le 12 mars 1866. 92 puls. Artère radiale gauche. 


Pouls normal de Verdier avant injection sous-cutanée, le 15 décembre 1866, 
68 pulsations. Tracé pris sur l’artère radiale gauche. 


Pouls de Verdier pendant l’action curarique forte, 2 heures après injection sous- 
cutanée, dans l’avant-bras droit, de 0,415 de curare Ménier n° 2, qui a eu lieu le 
15 décembre 14866. 72 pulsations. Tracé pris sur l’artère radiale gauche. 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 133 


Pouls de Verdier pendant l’action curarique forte, 4 heure et demie après injection 
sous-cutanée, dans l’avant-bras droit, de curare Ménier n° 2, 0,115, qui a eu 
lieu le 19 décembre 1866. 76 pulsations. Tracé pris sur l’artère radiale gauche. 


La production de la fièvre d'emblée et à volonté nous a paru 
un phénomène de la plus haute importance pour l'avenir de la 
médication curarique, et les conséquences de ces résultats doi- 
vent paraître immenses à quiconque sait l’influence de la connais- 
sance des circonstances étiologiques et PAROBRRAUEE sur les 
succès en thérapeutique. 

Eh bien, ne voilà-t-il pas trouvée, nous le pensons, la cause du 
phénomène qui a divisé et qui divise encore les savants et les 
hommes de l’art; on saura maintenant que la raison intime de la 
fièvre est dans le systéme nerveux, et plus particulièrement dans 
le système vaso-moteur. 

De plus, la possibilité d’agir sur le nerf grand sympathique dont 
le rôle physiologique et pathologique grandit à mesure que la 
science progresse, nous paraît être de la plus grande importance. 

Il nous semble qu’il y a là une voie ouverte à de bien nom- 
breuses recherches scientifiques et thérapeutiques. 


8 6. — Remarques sur la curarine et l’empoisonnement 
par le curare. 


Dans l'impossibilité où nous avons été de nous procurer de la 
curarine, nous avons essayé d’en obtenir avec l’aide du phar- 
macien en chef de Bicêtre et de M, Lacoste, interne en pharmacie 
du service ; nous avons employé une notable quantité du curare 
Ménier à cette extraction, mais faute d'installation convenable 
nous avons échoué. 

Traité par le procédé de MM. Boussingault et Roulin, le curare 
nous à donné des résultats négatifs. 


154 VOISIN ET LIOUVILLE, — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 

Traité par le procédé de M. Preyer, il nous a donné des résul- 
tats à peu près négatifs. 

Nous avons beaucoup regretté d’avoir échoué dans ces diffi- 
ciles essais d'extraction, qu'a pu récemment mener à bien 
M. Preyer en obtenant le sulfate de curarine, qu’il considère 
comme le plus fixe de ces sels, bien qu’il ne le soit encore qu’à 
un faible degré. 

On comprend facilement que, dans ces conditions, le résidu 
du curare que nous obtenions ainsi n’ait pas été employé par 
nous en thérapeutique ; mais, très-décidés à rechercher le principe 
actif du curare, nous réservons cette question intéressan(e pour 
des études ultérieures. 

Pour le moment, ayant étudié à fond le seul curare, agent 
plus facile à manier et plus à la portée de tout praticien, nous 
avons voulu nous borner à en faire connaître les effets, et exciter 
à des recherches nouvelles et qui ne pourront point manquer 
“encore d’être fructueuses. 

Pour ce qui touche les résultats définitifs de l’emploi du curare 
contre l’épilepsie, nous ne pouvons, pour le moment, rien affir- 
mer dans aucun sens. 

Nous n’avons pas vu qu’il fût nuisible, mais rien ne nous auto- 
rise non plus à vanter son efficacité. 

Pour asseoir sérieusement un jugement définitif sur ses avan- 
tages réels, il nous semble qu’on est en droit d’exiger des obser- 
vations de plus longue durée (deux, trois, quatre ans même), et 
une statistique avec des points comparatifs antérieurs dans une 
période à peu près pareille. 

Le jugement sur ces assises sévères serait probablement ainsi 
inattaquable. 

Nous ferons done part, plus tard, des résultats qui, dans cette 
direction, auront été obtenus par nous. 

Nous avons terminé notre mémoire par une SRE à la 
médecine légale et à la thérapeutique de Dre par 
le curare. | 

Sujet nouveau encore, il nous a paru qu'il pourrait cesser de 
l’être un jour, et qu'il était dès lors indispensable de montrer, 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 135 
d’une part, qu’il y à là une éhérapeulique spéciale des accidents 
curariques, el, d'autre part, de donner au médecin légiste le 
moyen de reconnaître la présence du poison. 

En premier lieu, nos observations cliniques, d'accord, du reste, 
avec les expériences sur les animaux, nous ont appris que le 
traitement de l’empoisonnement par le curare consiste dans l’ap- 
plication de ligatures faites avec des bandes roulées entre le cœur 
et les régions injectées, si c’est l’un des membres qui a reçu le 
poison ; dans l’emploi de boissons délayantes à haute dose, d’éva- 
cuants de toutes sortes, puis de la respiralion artificielle, enfin 
de la trachéotomie, derniére et utile ressource dans le cas d’as- 
phyxie. 

D'autre part, étant donné un empoisonnement connu ou sup- 
posé par le curare, le médecin légiste aura, grâce à nos expé- 
riences, le moyen de déceler la présence du poison, (Voyez pour 
les détails, Annales d'hygiène et de médecine légale, 1866, 
t. XXVI.) 

L’urine d’un individu empoisonné par le curare tuera des gre- 
nouilles avec les phénomènes propres à cette substance; mais si 
l'individu avait élé sidéré, il pourrait se faire que le poison n’eût 
pas eu le temps d'arriver jusqu’à la vessie; dans ce cas, dans 
celui où les urines auraient été perdues, et dans toutes les exper- 
lises, du reste, lés viscères, le foie, la rate, les reins, le cœur, 
les poumons, donneront les moyens de retrouver le poison en assez 
grande quantité pour déterminer des phénomènes toxiques, carac- 
téristiques et identiques avec ceux que l’on produirait directement 
avec la substance même, sur des grenouilles, des lapins, des 
cochons d'Inde et des chiens. 

La méthode de la coction, suivie des lavages répétés qui, pour 
d’autres substances malheureusement trop célèbres, a rendu déjà 
tant de services, et qu’a bien voulu mettre en pratique pour nos 
expériences M. Roussin, donnera en solution finale un liquide 
qui renferme le curare et détermine sur les animaux les accidents 
curariques les plus caractéristiques. 

De plus, quelques réactifs chimiques, que nous plaçons, du 
resle, en second ordre jusqu’à présent, pour laisser la première 


436 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 


place au réactif physiologique vivant dans les recherches toxico- 
logiques, devront être interrogés. On sait actuellement que la 
curarine doit se colorer : 

4° En gros bleu par l'acide sulfurique pur et concentré (ce carac- 
tère précieux, quand il existe, distingue nettement la curarine de 
la strychnine qui, pure, ne doit donner aucune coloration). 

2° En pourpre par l'acide nitrique. 

83° En violet par le bichromate de potasse broyé avec un peu 
d'acide sulfurique concentré (mais ces deux derniers caractères 
lui sont communs avec la strychnine). 

h° En pourpre violet par le sulfate manganique, d’après le 
professeur Polli et comme l’a confirmé le professeur Giovanni 
Giorgini. 

Ainsi donc, si nous avons dans le curare (médicament à dose 
graduée et bien déterminée, poison à dose plus élevée) un agent 
qui, dans des mains inexpérimentées ou coupables, peut être la 
cause d’accidents graves et même de mort, nous avons aussi, 
dans les différents moyens que nous venons de passer en revue, 
et qui sont de pratique habituelle, des armes prêtes pour com- 
battre ses effets toxiques, et nous rendre toujours maîtres absolus 
de la situation. 

Cette dernière réflexion, sur laquelle nous nous arrêterons, 
sera sans doute pour les autres, comme elle l’a été pour nous, 
l’objet d’une profonde satisfaction et surtout un soutien des plus 
puissants. 

Nous nous estimerions heureux si, ainsi comprise, elle était 
contrôlée sérieusement et désormais admise. 

… Telles ont été les tendances, tel était le but de ce travail, et 
tels les moyens employés par nous pour y arriver. 

Tels sont aussi les résultats qu’il nous a été permis d’atteindre. 

Parvenus au terme de ces études, et jetant un coup d'œil sur 
le chemin parcouru, nous croyons qu’il nous a été donné de trou- 
ver quelques faits ignorés jusqu'à présent, et de contribuer ainsi, 
dans la limite de nos forces, à l'avancement d'une question scien- 
tifique et pratique qui offrait et qui offrira longtemps encore tant 
d'intérêts si variés. 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURABE. 137 


7.— Prolapsus des paupières supérieures ; troubles de la vision ; 
diplopie et hypnotisme. 


Depuis l'envoi du précédent Résumé des Études sur le curare 
à l’Académie des sciences, nous avons continué nos recherches 
thérapeutiques sur le curare, et tout en étudiant mieux que nous 
ne l’avions fait jusqu’alors certains phénomènes que nous avions 
déjà observés dans les organes de la vue, nous en avons décou- 
vert d’autres qui nous ont paru très-importants et dont nous 
avons fait l’objet d’une note que M. le professeur Robin a bien 
voulu communiquer à l’Académie des sciences, dans sa séance 
du 24 janvier 1867 (1). | 

Ce sont les éléments et la substance de cette note qui constituent 
le travail additicnnel suivant, que nous intitulerons : Du prolapsus 
des paupières supérieures, des troubles de la vision, de la di- 
plopie et de l’hypnotisme produits par le curare. 

Nous commencerons par l’exposé des faits : 


Os. I, — Le malade F..., âgé de vingt-huit ans, bijoutier, pesant 56 kilo- 
grammes, entré à Bicêtre (service de M. Auguste Voisin), n’a jamais présenté 
de diplopie, ses deux yeux sont dans le même axe, les pupilles sont à l’état 
normal. | 

Il est épileptique depuis trois ans, les attaques convulsives ont lieu le jour 
et la nuit; en outre, il a souvent des absences et de la céphalalgie sus-orbi- 
taire dans les intervalles des attaques. 


Commencement du traitement curarique le 25 octobre 1866. 


Seize minutes après la première injection sous-cutanée de 0,10 centi- 
grammes d'emblée de curare Ménier n° 2 (2) à la partie moyenne (près du 
bord externe) de l’avant-bras droit, le malade, de lui-même, dit qu’il se sent 
la vue très-fortement brouillée et un peu de pesanteur dans la région fron- 
tale moyenne. Les pupilles, qui étaient de 0,003, en ont 0",004. Il lit dis- 
tinctement les caractères et ne voit pas double. 

On fait trois ligatures (avec des bandes roulées) entre la région injectée et 
le cœur. — Le phénomène diminue quelques instants après. 


(4) Voy. Comptes rendus de l’ Acad. des sciences, t. LXIV, janvier 4867, n° 3. 

(2) Ce curare Ménier a été acheté dans le Para, par le docteur Silva da Castro ; 
il provient d’un pot de terre, a l'apparence de réglisse, répand une forte odeur sui 
generis, que nous avons déjà signalée pour une autre de nos variétés (curare 
E. Carrey), et tue un lapin à la dose de 4 milligrammes. 


438 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 


Sept minutes après, deux ligatures sont desserrées ; le phénomène reparaît 
plus intense ; les pupilles ont 0",003. 

Toutes les ligatures sont enlevées cinq minutes après, et au bout de trois 
minutes le malade dit continuer à éprouver une pesanteur dans la région 
frontale moyenne. 

Vingt minutes après on fait lever le malade; il dit qu’il est un peu comme 
étourdi, mais il peut marcher, tourner sur lui-même et se diriger ; les pu- 
pilles sont de 0®,004. 

Trente minutes après, le malade se sent toujours la vue lourde et les yeux 
légèrement brouillés. 

Douze minutes après, la vue est moins brouillée et la diplopie cesse. Dans 
la journée, le phénomène, allant toujours diminuant, s’est passé, et le ma- 
lade a pu lire. 

Les pupilles sont revenues à 0,003. 

Rien de spécial le lendemain. 

Huit jours après, nouvelle injection sous-cutanée de O0m,44 à la partie 
moyenne, près du bord externe de la face antérieure de l’avant-bras droit. 
Au bout de trente-cinq minutes, le malade dit que depuis quelques instants 
la vue est comme éblouie et qu'il voit les objets brouillés, quelque peu dou- 
bles ; six minutes après cela, le malade dit avoir, au-dessus des yeux, comme 
un poids, la tête un peu trouble, la vue brouillée ; les objets sont vus d’une 
façon peu nette et il y a de la diplopie. L'intelligence est bien conservée 
et le malade rend bien compte de ce qu’il ressent. 

Les pupilles sont contractiles, égales, et plutôt un peu dilatées. 

Dix minutes après on s’assure que, malgré l'état brouillé de la vue, les 
couleurs sont bien distinguées : ainsi le jaune, le rouge, le bleu. 

Demi-heure après, la vue est toujours brouillée, le malade marche et ne 
chancelle nullement. 

Vingt minutes après, la tête toujours un peu lourde, mais quinze minutes 
après la vue paraît ne plus être aussi brouillée. 

Le phénomène va en diminuant dans la journée, et le soir, la tête cst 
bien moins lourde, la vue bien moins brouillée, puisque le malade a pu lire 
sans fatigue toute la journée. Le lendemain, ni lourdeur de tête, ni état 
. brouillé de la vue. + 

Trois jours après, nouvelle injection sous-cutanée de 0",12 à la face anté- 
rieure de la partie moyenne de l’avant-bras, près du bord externe, 

Trente-deux minutes après, le malade dit éprouver, depuis quelques 
instants, des éblouissements dans la vue, un peu de lourdeur dans la tête et 
de pesanteur dans les paupières, surtout dans les supérieures; les objets 
sont vus en double et brouillés ; les pupilles ne sont pas changées. — Or le 
malade n'éprouvait, avant l’injection, aucun de ces phénomènes, et l’intelli- 
gence est très-nettement conservée. 

Vingt-cinq minutes après, toujours léger mal de tête ; une heure après, le 
malade, toujours calme et la figure reposée, essaye de lire, et, tout en le pou- 


+. Done DU 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 139 


vant, trouve que cela lui est assez difficile, un peu pénible même par une 
sorte de fatigue plus grande dans la vue. 

Le soir, la tête a été moins lourde, les troubles de la vue se sont dissipés 
et le phénomène semble même passé. 

Le lendemain rien de spécial. 

Deux jours après, nouvelle injection sous-cutanée de curare, 05,12 en so- 
lution filtrée avec du papier Prat, à la région moyenne de l’avant-bras droit, 
près du bord externe. 

Trente-huit minutes après, le malade, conservant toute son intelligence 
et s'exprimant très-facilement, dit éprouver, depuis quelques instants, la vue 
brouillée, la vision un peu nuageuse et comme double des objets et des per- 
sonnes, surtout ceux qui sont éloignés. 

Une heure après, il accuse à peine un léger poids vers le front et la vue 
est toujours un peu brouillée. Le soir, tout semble revenu à l’état normal. 

Deux jours après, nouvelle injection de 0,12 dans la même région, à peu 
près. 

Quarante minutes après, mêmes phénomènes plus accusés cette fois; les 
objets sont vus en double, quelquefois en triple; il ne peut point lire, les 
lettres lui paraissent passer les unes sur les autres, confuses; l’intelligence 
est très-nette ; il rend très-bien compte ; il n’a pas de céphalalgie à propre- 
ment parler, mais les paupières supérieures lui paraissent très-lourdes. 

Quarante-cinq minutes après, quoique la vue soit moins brouillée, le ma- 
lade, toutefois, ne peut pas encore lire; il voit des milliers de lettres qui 
rendent les lignes confuses, mais après vingt-cinq minutes l’amélioration 
dans la vue apparaît, il commence à mieux voir, à mieux lire; les lettres ne 
s’embrouillent plus comme tout à l’heure. 

Vingt minutes après, il lit facilement, mais il sent qu’il se fatiguerait plus 
vite que les autres jours. 

Dans la journée, la vue s’est très-améliorée ; il a pu lire, et les paupières 
supérieures sont restées toujours un peu lourdes. 

Rien le lendemain, 

Deux jours après, même injection de 0,12 dans la même région. 

Quinze minutes après il dit qu’il commence à ressentir un peu de trouble 
de la vue, de lourdeur des paupières, et une sensation de pesanteur au front, 
entre les deux arcades orbitaires. 

Le maximum du phénomène a lieu de vingt à vingt-cinq minutes après, 
puis il va en diminuant comme d'habitude. 

Trois jours après, injection de 0,125 dans la même région. 

Quarante minutes après, le malade dit éprouver, depuis quelques instants, 
les phénomènes déjà signalés; ils sont surtout évidents quand le malade essaye 
de lire. 

En examinant les troubles de la vue d’une façon plus précise, on constate 
qu'il existe bien réellement de la diplopie. Les images d’une bougie sont 
croisées, et par conséquent, il existe un strabisme divergent : cherchant à 


140 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHRRCHES ET EXPÉRIENCES 


analyser le phénomène, nous tenons, devant le malade, une bougie allumée; 
nous la promenons en diverses directions, et nous constatons que la bougie 
étant placée à gauche du malade il n’y a pas de diplopie, mais si elle est 
amenée à la droite du malade, la vue se brouille, puis, en continuant le 
mouvement, la diplopie se produit sans qu’il change la position de sa tête. 
Les images s’écartent de plus en plus à mesure qu’on porte davantage la 
bougie à droite ; les images sont horizontales lorsque la bougie est dans le 
plan horizontal des yeux et au-dessus; elles sont superposées lorsque 
la bougie est située au-dessous ou au au-dessus du plan horizontal des yeux. 

Rien de particulier sur les pupilles. 

Le phénomène a été en diminuant comme les autres jours. 

Deux jours après, même injection, même dose, même région. 

Treize minutes après, commencement des phénomènes : vue un peu 
brouillée, paupières supérieures lourdes, assoupissement. 

Une heure vingt minutes après l’injection, ces phénomènes se sont accen- 
tués de plus en plus; il ne peut plus lire, tellement les caractères sont brouillés. 
Intelligence très-bien conservée, mais au bout d’une heure diminution des 
phénomènes, le malade a moins de tendance à l’assoupissement. Dans la 
journée il peut bien lire. 

Le lendemain, même injection, même région, mêmes phénomènes comme 
troubles de Ja vue. La diplopie a lieu à la distance de dix pas; les person- 
nages, wus en double, ont deux têtes superposées, à 1 mètre de différence. 

Les phénomènes suivent les mêmes phases que d’habitude. 

Le lendemain, même injection, même région, et vers la septième ou 
huitième minute, commencement des phénomènes du côté des yeux et des 
paupières. Mêmes sensations vers le front (sensation de resserrement et d’un 
peu de chaleur), même marche des phénomènes. 

Trois jours après, même dose, même région. 

Vers la vingtième minute, mêmes impressions du côté de la vue et com- 
mencement de la diplopie. 

Vers la trente-huitième minute, les phénomènes s’accusent de plus en plus ; 
il veut saisir un objet et met la main à côté, là où il en voit un autre. Les 
paupières supérieures lui semblent lourdes, elles sont abaissées sur les 
yeux; le malade dit qu'il s’endormirait volontiers. 

Une heure un quart après l’injection, le clignement des paupières est tou- 
jours prononcé; le malade a l’aspect d’un homme qui lutte contre le sommeil. 

C'est vers ce moment qu’a lieu le maximum des troubles qui vont après en 
diminuant comme d'habitude. 

Le lendemain, injection de 0,13 dans la moitié externe du tiers supérieur 
de la face antérieure de l’avant-bras broit. 

Douze minutes après, commencement des troubles de la vue; vue brouillée, 
puis diplopie. 

A la trentième minute, la diplopie est très-nette. Parfois il y a des objets 
qui lui apparaissent quatre fois au lieu de une et de deux, 


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SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE, AA 


Même aspect de lutte contre le sommeil que les autres fois, mais parais- 
sant plus considérable au malade. 

Même marche. 

Une heure treize minutes après l’injection, la diplopie est moins accusée, 
surtout de près ; mais à 5 mètres il voit double. Pour une personne, il voit 
deux têtes, l’une à droite, l’autre à gauche ; mais la tête fausse apparaît au 
malade à gauche et sur un plan inférieur. 

Même marche de ces phénomènes dans la journée. 

Le lendemain l’état est aussi normal que possible. 

Deux jours après, injection de 05,1 35 dans la même région. 

Apparition des phénomènes visuels comme les autres jours ; les pupilles, 
toutefois, ont le diamètre de 5 millimètres. 

N’a pas eu envie de dormir, malgré l’abaissement presque forcé des pau- 
pières supérieures qui a eu lieu une heure et demie environ après l’in- 
jection. Dans la journée, la vue reste brouillée, mais la diplopie cesse. 

Un jour après, injection de 0,05 dans la même région, mais il a été fait 
usage, pour le filtrage, d’un filtre Berzelius. 

Le malade, qui ne sait pas le changement de dose, n’accuse ni état brouillé 

de la vue, ni lourdeur de paupières, ni diplopie. 

Le lendemain, injection de 0,07, même région, même filtre. 

On ne constate qu’un peu de pesanteur des paupières et un petit resserre- 
ment frontal trois quarts d'heure après l’injection. Cet état cesse vers la 
deuxième heure. | 

Quatre jours après, injection de 0,08, même région, 

Vingt minutes après, la vue se brouille un peu; petit resserrement entre 
les deux yeux; paupières supérieures un peu lourdes. Pas de diplopie, cela 
dure une heure, comme maximum, puis disparaît graduellement. 

Trois jours après, injection de 0,09, même filtration, même région. 

Dix-sept minutes après, la vue commence à se brouiller, mais il peut lire. 
Au bout de une heure, l’état brouillé de la vue se‘dissipe plutôt qu’il 
n’augmente, toutefois les paupières supérieures sont encore un peu lourdes. 

Le lendemain, injection de 0,10, même papier à filtre, même région. 

Vers la trentième minute, apparition des mêmes troubles de la vue. 

Le lendemain, 25 décembre 1866, injection de 0,12, même papier à filtre, 
même région. 

Vers la douzième minute, la vue commence à se brouiller, mais il peut 
encore lire. 

À la vingt-deuxième minute, le phénomène se prononce davantage ; on voit 
le malade passer la main sur ses yeux comme pour chasser un nuage. Il 
essaye de lire, mais il sent sa vue se brouiller davantage. 

Vers la vingt-septième minute, il cesse tout à fait de pouvoir lire, disant 
qu’il voit les lettres doubles et empiéter les unes sur les autres. 

Tous les objets lui apparaissent aussi doubles ; l’examen, au point de vue 
de la diplopie, est fait au moyen d'une bougie que nous tenons à distance, 


112 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 


et d’un verre coloré que le malade tient au devant de l’un de ses yeux (voyez 
les figures suivantes, dues à l’habileté de M. Alling, interne des hôpitaux, 
alors attaché au service de Bicêtre). 


®) 


= 


ALLING AD.NAT.DEL. 


Fournier, homme adulte. — État normal. 


La lumière est tenue directement en avant du malade. — Il n’y a pas de diplopie. 


4(\\ 
AS 


Zi) 
V4 


\\ 


ALLING AD.NAT, DEL 


95 décembre 1866, injection de 06",12 de curare Ménier n° 2 maximum des troubles 
de la vue, 1 heure après injection. 


La lumière tenue à six pas du malade, directement en avant de lui. Les images sont 
croisées ; la colorée est à gauche et sur un plan plus élevé que l’image blanche. 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 115 


Les paupières supérieures sont plus lourdes, les pupilles plus dilatées, 
0,004. | 
Le maximum de ces phénomènes semble avoir lieu une heure après l’in- 


| | Ù ALLINQ AD,NAT.DEL 


Lumière à six pas et tenue directement, en avant du malade. Les images sont 
croisées, La colorée est à droite de la blanche et sur un plan plus bas, 


Mix; ALLING AD.NAT. DEL, 
1 RS | 


Lumière à six pas et tenue à droite du malade. Les images sont croisées. la colorée 
| est à droite de la blanche et sur un plan plus bas, 


jection, et le malade peut, bientôt après, commencer à lire en se forçant un 
peu. 


Même marche descendante graduelle des phénomènes. 


AA VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 


Dans la journée la vue a été un peu brouillée, la diplopie a cessé, et il y a 
eu de la fatigue des yeux lorsqu'il fixait les objets. 

Trois jours après, injection de 0,14, même région, même genre de 
filtre. 

Mêmes troubles déjà notés de la vue. 


ALLING AD.NAT. DEL. | 


Lunière à six pas, tenue à la gauche du malade. Les images sont croisées. La colorée 
est à droile de la blanche et sur un plan inférieur, 


‘ 
Deux jours après, injection de 0,115, même genre de filtre, même région. 
Mèmes troubles de la vue, de marche analogue. 

Le malade est vu un mois après; il n’a pas présenté depuis des phéno- 
mènes analogues à ceux que le curare a produits. 


OBs. II. — Le malade V..., âgé de trente-cinq ans, pesant 58 kilogr., 
entre à Bicêtre (section de M. Aug. Voisin) le 10 février 1866. 

L’épilepsie date de sept ans. Fréquentes attaques diurnes et secousses ; le 
malade n’a jamais présenté de diplopie, n’accuse rien du côté de la vue. 

Les pupilles sont égales, contractiles, de diamètre moyen. . 

Pas de strabisme, 


Institution du trailement curarique le 2 novembre 1866. 


3 novembre 4866. — Injection sous-cutañée de eurare Ménier n° 9, 
10 centigrammes en solution filtrée (filtre Prat) dans l’ävant-bras droit 
(bord externe, tiers moyen). 

Quarante-éinq minutes après, le malade accuse quelques troubles de la 
tue; quand il regarde en haut, les traverses du plafond lui paraissent enve- 
loppées d’un brouillard. A distance focale, les caractères imprimés, n°° 49 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 4145 


et 20, sont vus visiblement. Une heure un quart après, la vue n’est plus 
trouble et est revenue à l’état normal. 

Les pupilles n’ont pas varié. 

Vingt jours après, nouvelle injection de 0,425, même curare, même papier 
à filtre, même région. Après vingt minutes, le malade, de lui-même, dit que 
sa vue commence à se brouiller ; il y a des objets qu’il voit doubles et mal 
dessinés ; il se sent la tête un peu lourde, envie de sommeiller ; les paupières 
lui semblent pesantes, elles s’abaissent, en effet, plus qu’à l’état normal, et 
l'œil en est moins largement ouvert, 

Après vingt minutes, ces phénomènes s’accentuent de plus en plus; il dit 
voir double. On promène une bougie devant lui, il dit la voir double quand il 
tourne la tête à sa droite et à sa gauche, et la voir simple quand il regarde 
devant lui. Un peu plus tard, il ne la voit double qu’à sa gauche ; les deux 
images sont peu distantes l’une de l’autre quand la bougie est placée suivant un 
plan horizontal passant par les deux orbites, mais elles sont superposées, 
l’une à 20 centimètres au-dessus de l’autre, si l’objet est placé au-dessus 
ou au-dessous de ce plan. 

Un verre coloré (teinte verte) étant mis devant son œil gauche, l’image 
colorée est vue à droite de l’autre et au-dessous (voyez les figures page 1 43). 
La position des images est très-nette par moments, mais par d’autres elle 
semble changée, ou bien l’une s’efface, ou bien la vue devient plus brouillée, 
et il ne peut plus regarder la bougie. 

Six minutes après, plus de diplopie, quand'on met la flamme à droite, mais 
elle persiste quand on met la flamme à gauche. Sa vue est toujours très-trou- 
blée. Tête lourde. Intelligence conservée. Parle bien et rend facilement 
compte de ce qu'il éprouve. Pupilles égales. 

Quinze minutes après tendance au sommeil, s’assoupit pendant une heure. 
À ce moment se réveille, dit que sa vue est moins brouillée, ne voit plus 
double. Moins de lourdeur de tête. 

Dans la journée, les phénomènes vont en diminuant, il ne conserve qu'un 
peu de lourdeur de tête et un état qu'il compare à cette pesanteur qui suit 
les excès alcooliques. 

Deux jours après, nouvelle injection de 0,125 ; même région ; même filtre. 
Vers la trentième minute, mêmes phénomènes du côté de la vue, peut-être 
un peu meins manifestes qu'avant hier. 

Deux jours après, nouvelle injection dans les mêmes conditions ; mêmes 
phénomènes observés. 

Le lendemain injection de 0,13 dans les mêmes conditions. 

Au bout de quatorze minutes, commencement des troubles de la vue, pas 
de diplopie. Au bout de trente-cinq minutes, phénomènes s’accusant de plus 
en plus. Pas encore de diplopie. 

Tendance au sommeil ; l’apparence extérieure est celle de l’homme qui 
lutte contre un commencement de sommeil. 

Deux minutes après, les objets éloignés à 4, 5, 6 mètres, commencent à 

JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. -— T. 1V (1867). 10 


A6 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 


lui paraître doubles, Mais à la distance de 4 à 2 mètres, le phénomène diplo- 
pie, même pour de petits objets, n’existe pas (ainsi un porte-plumes). Vers 
la deuxième heure, la diplopie disparaît, la vue est moins brouillée. 

Deux jours après, injection de 0,135 dans les mêmes conditions. Mêmes 
phénomènes. 

Le lendemain, injection de 0,03 (solution filtrée avec un filtre Berzelius); 
même région, 

Le malade, qui n’a pas été prévenu de ce changement, n’accuse aucun 
phénomène. 

Le lendemain, injection de 0,07, même papier à filtre ; même région. 

Au bout de quarante minutes on n’observe aucun trouble de la vue ; mais, 
vingt minutes après, la vue est très-légèrement brouillée, Pas de diplopie. 

Ces phénomènes se passent facilement. 

Neuf jours après, injection de 0,11 {même papier à filtre Berzelius) dans 
l’avant-bras gauche, même région externe. 

Dix-huit minutes après, la vue commence à se brouiller. 

Dix minutes après, elle se brouille davantage; pas de diplopie à quelque 
distance qu’on mette les objets. 

Le maximum du phénomène a lieu au bout de une heure, mais toujours 
sans diplopie. 

Vers la deuxième heure, tout semble terminé. 

Trois jours après, même injection de 0,41 dans les mêmes conditions. 

Mêmes troubles de la vue, sans diplopie. Sensation de resserrement frontal. 

Le lendemain, injection de 0,445 dans l’avant-bras droit. 

Mêmes phénomènes. Pas de diplopie; paupières lourdes. 

Cinq jours après, injection de 0,145. 

Lourdeur des paupières, leur demi-occlusion ; tendance au sommeil. 

Une heure et demie après l'injection, examen ophthalmoscopique des deux 
yeux; nous ne constatons rien de spécial dans le fond de chaque œil ; la cir- 
culation est bien accentuée et les vaisseaux paraissent normaux. 


Ogs. III. — Le nommé L..., quinze ans, entre à Bicêtre (section des épi- 
leptiques, service de M. Aug. Voisin) le 25 mai 1866. 

L’épilepsie date de trois ans. Attaques nocturnes tous les huit jours. 
- Secousses fortes en dehors des attaques. 
Le malade n’a jamais eu de troubles de la vue, 


Les pupilles sont égales, contractiles, de diamètre moyen. 
Pas de strabisme. 


Commencement du traitement curarique le 12 novembre 1867. 


42 novembre 1867. — Injection sous-cutanée de 0,05 centigrammes de 
curare Ménier, n° 2, dans l’avant-bras droit (bord externe, région moyenne). 
— (Solution filtrée avec un filtre Prat.) 


Une heure après la vue est assez nette ; toutefois, 1l s ’aperçoit que de l'œil 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 147 


gauche il y a un peu. d’affaiblissement, comme un peu de vue brouillée ; 
mais les objets ne sont pas vus doubles. Pupilles, même diamètre. 

Vers la deuxième heure, pas de céphalalgie ; mais il dit que ses paupières 
supérieures sont un peu lourdes et qu’il a comme un sentiment de pesanteur, 
de resserrement au front, entre les deux yeux. 

La vué est assez nette ; toutefois elle ne l’est pas tout à fait autant de l’œil 
gauche. 

Ces phénomènes cessent dans la journée. 

Deux jours après, injection de 0,06 dans les mêmes conditions. 

Mêmes phénomènes. 

Deux jours après, injection de 0,05 dans les mêmes conditions. 

Une demi-heure après le malade s’aperçoit qu’en lisant il y a un trouble 
inaccoutumé dans sa vue, surtout de l’œil droit. Toutefois, il peut encore lire, 
mais moins facilement. Pas de céphalalgie. 

Le maximum de ces phénomènes semble avoir lieu une heure après l’in- 
jection. Puis ils vont en s’éteignant. 

Quatre jours après, injection de 0,07 dans les mêmes conditions. 

Mêmes phénomènes plus manifestes dans l’œil droit. Pas de diplopie. 

Bâillements profonds ; tendance au sommeil. 

Même marche des phénomènes, 

Deux jours après, injection de 0,07. 

Mêmes phénomènes comme vue, et comme tendance au sommeil. 

Deux jours après, injection de 0,07, mêmes phénomènes. 

Le lendemain, injection de 0,07. Mêmes phénomènes, 

Deux jours après, injection de 0,075. Mêmes phénomènes. 

Deux autres injections de 0,075 amènent les mêmes phénomènes. 

Puis, injection de 0,08 (avec un filtre Berzelius), mêmes phénomènes, 
sans diplopie. 

Puis, injection de 0,08. 

Phénomènes à peine marqués. ; 

Deux jours après, injection de 0,085. 

Mêmes phénomènes plus marqués. Pas de diplopie. 

Cinq jours après, injection de 0,90. Lourdeur des paupières supérieures, 
sentiment de resserrement frontal entre les deux arcades sourcilières. Même 
marche des phénomènes. 

. Une heure et demie après l’injection, on ne constate avec l’ophthalmoscope 
rien de spécial au fond de chaque œil; la circulation y est bien accentuée; 
les vaisseaux paraissent normaux. 

Jusqu'au 12 février dernier les mêmes phénomènes ont été observés avec 
des doses de 0,90 à 0,405, mais ayant ce jour-là injecté, par suite d’une 
erreur du pharmacien, 0,42, les symptômes ordinaires ont été très-augmentés 
etils”y est ajouté un strabisme externe de l’œil droit et uné dilatation nota- 
ble des pupilles pendant deux heures et demie à trois heures. 


148 VOISIN ET LIOUVILLE. — RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 


Ops. IV. — Le nommé Br...., âgé de vingt-sept ans, entré à Ricêtre le 
31 février 4862. 

Épilepsie datant de l’âge de dix-sept mois. Attaques nocturnes etdiurnes. 

D'une intelligence très-affaiblie et incapable de rendre compte de ses 
impressions. 

I n'a jamais accusé de diplopie, il a présenté quelques troubles vagues 
dans la vue aux doses de 10 centigrammes à 435 milligrammes de curare 
Ménier. Mais on pouvait facilement, sur sa physionomie, distinguer des phé- 
nomènes consistant en : clignement des yeux, semi-occlusion des paupières, 
se fermant malgré lui et donnant à sa physionomie une expression particulière 
caractéristique qui s’est montrée chaque fois. 

Parfois tendance au sommeil, à ces doses de 10 centigrammes à 135 milli- 


grammes. 


En résumé, les phénomènes qui forment le fond de ce second 
travail ont consisté, suivant leur ordre d'apparition, en un état 
brouillé de la vue, une pesanteur des paupières supérieures, la 
semi-occlusion de ces voiles, un sentiment de resserrement frontal, 
de la diplopie et la dilatation des pupilles, puis en un sentiment 
de lourdeur de tête, une tendance au sommeil et de l’assoupis- 
sement, et une fois en un sérabisme externe très-facilement appré- 
ciable par l'observateur. 

Les doses de curare, qui ont produit ces effets avec plus ou 
moins de rapidité et plus ou moins d'intensité, ont varié de 
5 centigrammes à 135 milligrammes. 

Elles ont été administrées, après avoir été filtrées, en injections 
sous-cutanées faites au membre supérieur. 

La rapidité de l'apparition des phénomènes et leur intensité 
ont naturellement été liées à la force de la dose. 

On peut ainsi établir deux catégories : la première, caractérisée 
par l’état brouillé de la vue, la sensation de pesanteur des pau 
pières supérieures et leur semi-occlusion, le sentiment de resser- 
rement frontal; la seconde, caractérisée par /a diplopie, la dilata- 
tion des pupilles, le strabisme externe, puis un sentiment de 
lourdeur de la tête, une tendance au sommeil et de l'assoupisse- 
ment ; l'une est en rapport avec les doses de 5 centigrammes à 
9 centigrammes. L'autre, tout en renfermant les premiers phéno- 
mènes, mais plus prononcés et plus rapidement observés, est liée 


SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 449 
à des doses de 10 centigrammes à 135 milligrammes, (Cette der- 
nière dose a, dans ces cas, été notre maximum.) 

Reprenons en détail les effets produits. 

4° CATÉGORIE. — C’est par un état brouillé de la vue et une 
légère pesanteur des paupières supérieures, que l'apparition des 
phénomènes de ce genre est annoncée, environ vers la 40° mi- 
nute avec 7 centigrammes; vers la 20° avec 8 centigrammes; 
vers la 17° avec 9 centigrammes ; 

Le malade ne distingue plus nettement les objets, il lit plus 
difficilement; on le voit passer la main sur ses yeux comme pour 
chasser un nuage; il se plaint de pesanteur des paupières supé- 
rieures, que l’on constate, en effet, abaissées de façon à rétrécir 
l’ouverture palpébrale et à donner à la physionomie une expres- 
sion toute spéciale. 

Sans se plaindre de mal de tête réel, il accuse une sensation 
très-nette de resserrement qu’il appelle frontal et qu’il place au 
niveau de la racine du nez, entre les deux arcades sourcilières. 

Ces symptômes existent le plus souvent réunis, mais ils peuvent 
quelquefois aussi se montrer séparément. 

Ils ont une marche progressive, ascendante pendant 30 mi- 
nutes environ, puis progressivement aussi descendante, de façon 
à durer en tout une heure et demie, Ils s’éteignent ainsi et ne 
laissent aucune trace appréciable après eux. 

2° CATÉGORIE. — Mais si l’on arrive aux doses de 10 centi- 
grammes et plus, ces symptômes s’accusent plus vite, sont plus 
intenses et ont une durée plus longue. 

Ainsi, on les voit se produire, le plus souvent, environ au bout 
de 16 minutes avec des doses de 10 centigrammes ; 12 à 13 mi- 
nutes avec des doses de 41 et 12 centigrammes. 

Leur marche est également progressive. Toutefois leur durée 
est de plusieurs heures, quelquefois même d’une demi-journée ; 
ils ne laissent aussi aucune trace après eux. 

Mais, de plus, c’est avec ces doses que l’on obtient d’autres 
Symplômes qui frappent bien davantage l'observateur, ce sont la 
diplopie, la dilatation des pupilles, le strabisme et les effets 
hypnotiques. 


150 VOISIN ET LIOUVILLE, —— RECHERCHES ET EXPÉRIENCES 
L'état brouillé de la vue est en effet bientôt compliqué de la 


sensation qu’accuse le malade de voir les objets doubles, de près 
et de loin. 


L'image supplémentaire est vue, par rapport à la vraie, dans 
des positions variées, tantôt au-dessus ou au-dessous. 

L'expérience avec des verres colorés indique qu’il y a stra- 
bisme externe alors même qu’on ne peut le constater en regar- 
dant le malade. 

Les deux images sont aperçues à des distances plus ou moins 
grandes l’une de l’autre, suivant l’éloignement de l’objet, 

La position de l’image supplémentaire n’est jamais absolument 
identique : le malade la voit même, en quelques instants, varier, 
soit à gauche, soit à droite, soit en bas, soit en haut. Cette image 
ne vacille pas. Le malade la reconnaît et la décrit le plus souvent 
très-bien, même sans l’aide d’un verre coloré. Il est cependant 
arrivé que voulant saisir un objet, il mettait la main à côté, sur 
l'image supplémentaire. Parfois, au lieu de deux images, le 
malade dit en voir trois, quatre et même davantage, mais celles-ci 
sont alors troubles et apparaissent un peu pêle-mêle. Ge phéno- 
mène, toujours accompagné d’une sorte de brouillard, empêche 
absolument, lorsqu'il est très-intense, le malade de lire. Il a duré 
au plus deux heures. Sa marche a été également progressive 


avec un maximum et n’a laissé aucun trouble après lui (1). Pen-. 


dant ce temps on notait le plus souvent une dilatation des 
pupilles, qui conservaient leur contractihté. Elles augmentaient 
de 1 à 2 millimètres. 

Dans certains éas, la tendance au sommeil s’accusait sur la 
-physionomie, d’abord par l’exagération de la lourdeur des pau- 
pières supérieures, d’où leur demi-occlusion, et cette apparence 
qu'offrait le malade, d’une personne luttant contre le sommeil. 
Celui-ci arrivait quelquefois, mais non dans tous les cas. Le 
malade le plus réfractaire nous a cependant dit {dose de 125 mil- 
ligrammes) que, s’il se laissait aller, il s'endormirait volontiers. 
Cette dernière manifestation symptomatique nous avait déjà frap- 


(1) Voyez les planches, pages 142, 143, 144. 


no 


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SUR LES PROPRIÉTÉS DU CURARE. 151 
pés chez l’homme, comme nous l'avons indiqué dans notre pre- 
mier travail (1), et depuis nous en avons trouvé une nouvelle con- 
firmation dans une récente expérience physiologique. 

Un lapin soumis à l'influence curarique nous présenta, au 
milieu des autres phénomènes si connus, une sorte de somno- 
lence avec occlusion des paupières ; en tout, l'apparence endormie 
la mieux caractérisée, état qui disparaissait au moindre bruit, 
puis se manifestait de nouveau, mais qui dura 30 minutes environ. 

Nous souvenant de ce que nous avions observé si nettement 
chez l’homme, nous pûmes rapporter à sa véritable cause, nous 
le croyons du moins, un phénomène que nous avions noté très- 
souvent dans nos expériences préparatoires sur les animaux, 
mais sans y attacher d'importance. Dans ce cas, la chnique avait 
donc ainsi fourni l'interprétation réelle d'un fait de physiologie 
qui, pour nous, jusqu'à présent, passait inaperçu. 

Terminons en disant que, quelque intenses qu’aient été (jusque 
du moins à la dose de 135 milligrammes de notre nouveau curare) 
les remarquables symptômes que nous venons de décrire, aucun 
n'a persisté au delà des limites indiquées, aucun ne s’est depuis 
manifesté spontanément. L'influence était, ici encore, comme 
pour d’autres effets curariques, absolument passagère. 

IL est essentiel de noter aussi que l'intelligence a toujours été 
à tous moments parfaitement conservée et que nous pouvions 
puiser ainsi les renseignements les plus précis. L'ophthalmoscope 
n'a fait constater quoi que ce soit d’anormal au fond de l'œil pen- 
dant les phénomènes que nous venons de signaler. 

Nous reviendrons sur leur interprétation dans un prochain 
travail basé sur la clinique et l’expérimentation physiologique. 


(1) Voy. Gañette hebdomadaire, août 1866, Études sur le curare. — Gazette 
des hôpitaux, septembre 1866. 


NOTE 


SUR 


LA CICATRISATION DES OS 
ET DES NERFS 


Par M. le docteur A. DUBRUÉEIL 


Prosecteur de la Faculté de médecine de Paris. 


Les régénérations osseuses et nerveuses défrayent depuis quel- 
que temps le monde physiologique, la chirurgie s’approprie les 
conquêtes de la physiologie : le vent souffle aux régénérations. 
J'ai fait et fais encore des expériences sur ce point. En voici 
deux entre autres. 

Le 5 octobre 1861, j’enlevai sur un lapin croisé anglais et russe 
et à peine adulte un centimètre de la portion moyenne du radius 
droit. Le périoste fut enlevé avec l'os. Pour être plus certain de 
ne pas me laisser induire en erreur, j'avais prié quelques-uns des 
internes de l'hôpital Saint-Louis, où je me trouvais alors, et entre 
autres mon ami Cornil, de vouloir bien m'assister. Je leur fis 
constater que j'avais bien enlevé le périoste avec l’os. 

L'animal supporta parfaitement l'opération et se mit à manger 
immédiatement après. Il marchait sans beaucoup de difficulté, et 
au bout d'une vingtaine de jours, la progression était redevenue 
ce qu'elle était auparavant. 

Le 17 novembre 1861, je mis à nu le radius dont j'avais reséqué 
une portion, et je vis et fis voir à mes camarades que les deux 
bouts de l'os étaient réunis par un pont osseux ferme et 
résistant. Seulement la portion osseuse de nouvelle formation était 
un peu moins volumineuse que les deux segments d’os ancien 


qu'elle réunissait. Je me proposais de pratiquer un examen ulté- 
rieur, mais l’animal me fut volé. 


SUR LA CICATRISATION DES OS ET DES NERFS. 153 

Cette année-ci j'ai répèté la même expérience et elle m'a 
donné le même résultat. Le 23 janvier j'ai excisé 12 millimètres 
du radius gauche d’un lapin en enlevant le périoste, et le 22 fé- 
vrier, J'ai constaté que l'os s'était reproduit. 

Ces expériences me conduisent à une conclusion importante, 
quoiqu’elle n’ait rien de bien nouveau. Du tissu osseux (je suppose 
que je puis, sans présomption, donner ce nom à la substance qui 
est venue combler le vide laissé par ia portion d’os excisé, bien 
que je n’en aie pas pratiqué l'examen microscopique), du tissu 
osseux peut donc être engendré, en l'absence du périoste, de la 
moelle, et cela dans une étendue considérable, si l’on compare la 
longueur des portions enlevées à la longueur totale du radius du 
lapin. 

Certes de pareils faits ne dépossèdent pas le périoste de la pro- 
priété ostéogène dont on l’a si libéralement doté, mais ils dé- 
montrent tout au moins que cette propriété ne lui appartient pas” 
d’une façon exclusive. [ci l’os nouveau a indubitablement été 
formé au sein d’un blastème dont les tissus ambiants ont dû faire 
les frais. 

Que les deux bouts de l’os formant les limites de la solution de 
continuité y aient contribué, c’est incontestable; mais ce qui ne 
l'est pas moins, c’est que les tissus périphériques conjonctif, 
musculaire, ont dû participer pour une bonne part à cette repro- 
duction. Seraient-ils donc aussi doués d’ure propriété ostéo- 
gène ? 

Si l’on attribue cette propriété au périoste en se fondant sur ce 
que, après une résection sous-périostée, on voit de l'os se pro- 
duire sur la face interne de cet étui fibreux demeuré en place, 
le même raisonnement est applicable ici. 

À quelle étrange erreur nous mènerait l'abus de l'induction ! 
Nous en viendrions ainsi à assimiler, au point de vue des proprié- 
tés, des tissus aussi disparates que les muscles et le périoste. Du 
reste, n'a-t-on pas vu des erreurs de ce genre et de plus fortes 
encore émises par un homme que la physiologie a mené, et à 
bon droit, jusqu’au faite des grandeurs scientifiques ? Flourens 
n'a-t-il pas donné figures et explications à propos de têtes humé- 


154 A. DUBRUEIL, — NOTE 

rales et radiales reproduites par le périoste (1), et n’a-t-il pas 
formulé la conclusion suivante : « Ainsi donc, on peut enlever au 
périoste une portion d'os et il rend cette portion d'os; on peut 
lui enlever une tête d’os, etil rend cette tête (2). » 

Que penser d’un périoste qui rend une tête, lorsqu'il est bien 
démontré que le périoste s'arrête au pourtour des surfaces arti- 
culaires. Autant vaudrait dire que dans la période embryonnaire 
l'os dérive du périoste, lequel n’apparaît qu'après lui. 

Les expériences si connues d’Ollier, de Lyon, qui nous montrent 
du perioste transplanté engendrant encore de l’os dans le terrain 
nouveau où on l’a porté, ont, je me fais un devoir et un plaisir 
de le reconnaître, un grand intérêt au point de vue chirurgical, 
mais, sous le rapport physiologique, elles ne prouvent pas grand 
chose. Avec le périoste destiné à subir la transplantation, Ollier 
a bien soin d'enlever, il nous le dit lui-même, une couche d’os 
sous-jacente, portion non encore dure, mais présentant déjà des 
noyaux libres nageant dans une matière amorphe semi-liquide 
ou inclus dans des cellules rappelant par leurs dimensions les 
cellules à noyaux multiples de la moelle. Ces cellules et ces 
noyaux sont mêlés à une plus ou moins grande quantité d'élé- 
ments fibrillaires (3). 

Cette couche est transportée dans un pays nouveau avec le 
périosle, c’est-à-dire, qu’on me passe l’expression, avec sa nour- 
rice et son berceau. Si nourrice et berceau continuent à être en 
bon état, le nourrisson a de grandes chances de croître et de 
prospérer. C’est là sans doute un résultat qui présente de l’impor- 
tance et de l’intérêt, mais cela ne prouve nullement que le pé- 
“rioste fasse de l'os. 

La preuve qu’il est complétement impropre à en faire par lui- 
même, Ollier nous la fournit en disant : S2 après avoir détaché 
un lambeau de périoste, on racle légèrement avec un scalpel la 


(4) Flourens, Théorie expérimentale de la formation du cal, Paris, 1847, p. 67 
et 68 et planche III, fig. 4, 2, 3, 9, 10, 11, 42 et 13. 

(2) Flourens, loc. cit., p. 69, 

(3) Ollier, De la production artificielle des os au moyen de la transplantation du 
périoste et des greffes osseuses. Mémoire lu à la Société de biologie, 1859, p. 108. 


SUR LA CICATRISATION DES OS ET DES NERFS. 155 


face profonde d'une moitié de ce lambeau, on détruit sur toute 
l'étendue qui est ainsi raclée les germes de l'os futur. Le tissu 
osseux se produira seulement sous l'autre mortié du lambeau (1). 
Suit une expérience à l’appui. 1l ajoute ensuite, un peu plus loin : 
« Cette expérience prouve que ni les vaisseaux, n1 les couches 
externes du périoste, ne suffisent pour produire de l'os. Il faut 
une couche de blastème, une couche de cellules embryonnares 
pour point de départ (2). » 

Ainsi, nous le voyons, le périoste transplanté ne peut produire 
de l’os qu’à la condition d’être doublé d’une couche de blastème 
qui présente déjà des éléments organisés, qui a été pendant un 
certain temps en contact avec l'os ancien, qui, en un mot, a subi 
une sorte d'imprégnation, et en transportera l'influence dans un 
milieu nouveau. Après les expériences de greffe animale de 
Hunter et de ses successeurs, celles d’Ollier n’avaient rien, ce 
me semble, que de facile, sinon à réaliser, du moins à prévoir. 

Un mot maintenant sur les régénérations nerveuses. Je ne veux 
pas faire ici l'inventaire de toutes les recherches expérimentales 
qui, depuis Cruikshanks jusqu’à Waller, ont été faites sur ce su- 
jet. C'est chose acquise aujourd’hui que les cicatrices qui réu- 
nissent deux segments de nerf subissent la substitution nerveuse, 
Le fait est certain ; il n’y a là qu’une affaire de temps. Dans les 
résections nerveuses, comme pour les résections osseuses où le: 
périoste est enlevé, les frais de la cicatrisation sont faits, dans le 
début, par les tissus périphériques, et personne, je le suppose, 
ne songera à faire intervenir ici le névrilème que l’on excise 
avec le nerf. 

Ainsi, quand on resèque une portion d’os ou de nerf, la perte 
de substance est comblée par un tissu qui, au bout de quelque 
temps, subit la substitution osseuse ou la substitution nerveuse, 
sans qu’il soit nécessaire pour cela que l’étui normal de la por- 
tion excisée, périoste ou névriléme, soit demeuré en place. 

La perte de substance est comblée d’un commun accord par 


(4) Ollier, loc. cit., p. 11. 
(2) Ollier, loc. cit., p. 12. 


156 A. DUBRUEIL. — NOTE SUR LA CICATRISATION DES OS. 

tous les organes ambiants, mais il faut qu’une force coordonne 
tous ses efforts, et cette force, qui est une, ne peut résider dans 
des tissus essentiellement différents par leur structure et leurs 
propriétés. C’est donc aux segments osseux ou nerveux situés au- 
dessus et au-dessous du point où a porté la résection qu’appar- 
tient le rôle de présider à l’évolution du blastème interposé. Les 
portions de ce blastème en contact immédiat avec los ou le nerf 
doivent subir les premières l’organisation qui est le dernier terme 
de leur évolution, et les parties ainsi métamorphosées deviennent 
aussi un centre d’action. 

Il existe donc pour les tissus osseux et nerveux une force qui 
produit de l’os et du nerf quand on en excise une portion (1). 
Cette force, que je rapprocherai de ce que pour les pseudomor 
phoses Vogel appelle l’analogie de formation (2), si j'osais lui 
servir de parrain, je proposerais de l'appeler force rayonnante 
d'assimilation ou force homcæo-plastique. 

Les autres tissus, le cartilagineux, le musculaire, ne parti- 
cipent-ils pas aux effels de cette puissance ? Il est difficile, dans 
l’état actuel de la science, de répondre d’une façon précise. Les 
résultats négalifs n'engagent pas l’avenir, et il est encore permis 
de conserver des doutes à cet égard. 


{4) Voyez sur ce point, Ch. Robin, Leçons sur les humeurs. Paris, 1867, in-8, 
Introduction, p. xL, et l’année 1864 de ce Recueil, p.. 583 à 598. 
(2) Vogel, Analomie pathologique générale, traduction de Jourdan, p. 103. 


MÉMOIRE 


SUR 


L'ACTE DE LA DÉGLUTITION 


PRÉSENTE A L'ACADÉNIE DES SCIENCES LE 30 JUILLET 1866 


PAR 


M. le Docteur MOURA 


PLANCHES V, VI er VII. 


L'acte physiologique qui consiste à faire passer les aliments et 
les boissons de la bouche dans le pharynx, l’œsophage et l’esto- 
mac, est appelé déglutir, ou vulgairement avaler. 

L'ensemble des phénomènes qui constituent son mécanisme 
porte le nom de déglutition. 

Si d'une part, l’acte est exécuté d’une manière rapide et simple 
en apparence, d'autre part, son mécanisme est des plus com- 
pliqués. 

En effet, les organes et appareils qui contourent à l’accom- 
plissement de cette fonction sont : la langue, le voile du palais, 
l'isthme du gosier, l’appareil de la voix, le pharynx, l’œsophage. 

La langue est l’organe volontaire le plus variable dans sa forme 
et le plus mobile de l'organisme; c’est elle qui pousse les ali- 
ments dans le pharynx. 

Le voile du palais, plan charnu mobile qui, en s’élevant, con- 
tinue en arrière la voûte palatine, a pour fonction de s'opposer 
au reflux des aliments et surtout des boissons dans les fosses 
nasales. 

L'isthme du gosier forme, avec ses piliers postérieurs, la pre- 
mière ouverture que traversent ces mêmes aliments. 


158 MOURA. — MÉMOIRE 

L'appareil de la voix, profondément situé au-dessous de la 
langue, est resté complétement inaccessible à la vue jusqu’en ces 
derniers temps. Aussi son rôle, dans l’acte de la déglutition, a-t-1l 
été Le plus difficile à déterminer et le plus controversé. 

Le pharynx est une sorte de carrefour, variable et mobile, 
dans lequel viennent aboutir les grandes voies buccale, nasale, 
œsophagienne et laryngo-trachéale ou aérienne. 

Enfin, l’œsophage, continuation ou prolongement du pharynx 
lui-même, transporte les aliments dans l'estomac. 

La part inégale que chacun de ces organes prend à l’acte de la 
déglutition, impossibilité de les soumettre à l’observation di- 
recte, la rapidité avec laquelle la déglutition s’accomplit, les dif- 
ficultés de l’expérimentation, tout, on en conviendra, contribuait 
à faire un mystère de cette fonction. 

Un grand nombre de physiologistes, tant anciens que modernes, 
ont tenté cependant d’en pénétrer les secrets. Ainsi qu’il arrive 
toujours dans la recherche de l'inconnu, les uns et les autres ont 
vu, expérimenté, compris et expliqué, chacun à leur manière, le 
rôle des organes dont j'ai parlé plus haut. De sorte que l'accord 
entre eux est un problème à résoudre. 

Si je ne puis prétendre d’avoir trouvé sa solution, j'ai du moins 
le ferme espoir d’y contribuer en venant soumettre le résultat de 
mes patientes recherches à la bienveillante attention de l’illustre 
Académie, qui a bien voulu, l’année dernière, accorder à un 
autre de mes travaux une mention des plus flatteuses et des plus 
encourageantes (séance du 5 mars 1866). 

Mon travail comprendra deux ordres de faits, savoir : 

4° L'observation des phénomènes de l'acte de la déglutition au 
moyen du laryngoscope ; 

2° L'interprétation de ces phénomènes et de ceux qui ont 
cours dans la science. 

Des expériences faites au Collése de France, sous les auspices 
du maître en l'art d'expérimenter, M. Claude Bernard, me per- 


mettront de rendre mon interprétation aussi complète que pos- 
sible. 


SUR L'ACTE DE LA DÉGLUTITION. 159 


PREMIÈRE PARTIE. 


PHÉNOMÈNES DE LA DÉGLUTITIUN OBSERVÉS A L'AIDE DU LARYNGOSCOPE. 


Le 411 mars 1861, j'ai adressé à l’Académie des sciences une 
note relative à l’étude de ces phénomènes au moyen du miroir 
laryngien (1). 

Je la reproduis ici avec quelques lègères modifications qu’une 
observation constante m’a suggérées. 

Disposition des aliments au fond de la bouche. — « Les ali- 
» ments, préparés par la mastication et imprégnés de salive, sont 
» insensiblement entraînés et réunis vers la base de la langue, 
» dans les fossettes glosso-épiglottiques et sur toute l’étendue de la 
» face externe de l’épiglotte. Ils se maintiennent là comme sur une 
» sorte de plancher ou de pont suspendu, limité ou plutôt inter- 
» rompu en arrière par le bord libre de l’épiglotte et par les replis 
» hyo- ou pharyngo-épiglottiques, placés de chaque côté de ce bord 
» qu’ils continuent, 

» Un besoin pressant d’avaler se fait sentir alors et me porte 
» à déglutir. Toutefois ce besoin n’est pas assez impérieux pour 
» ne pouvoir être contenu, 

» Si les aliments sont bien délayés, demi-liquéfiés, ils dé- 
» bordent les replis hyo-épiglottiques et même le bord libre de 
» l’épiglotte. 

» Quelques filaments peuvent descendre dans la partie anté- 
» rieure des gouttières pharyngiennes, ou flotter au-dessus de la 
» cavité du larynx à la manière des glaçons suspendus aux loits 
» des maisons. 

-» En exécutant ensuite la déglutition lentement et avec une 
» grande précaution, je vois ce quit suit : 

» Le larynx commence à s’élever ; les cordes vocales se rap- 

» prochent, se mettent en contact et ferment la glotte; le som- 


(1) Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences. Paris, 1864, t. LI, 
p. 460. 


160 MOURA. — MÉMOIRE 


» met des cartilages aryténoïdes suivent les mêmes mouvements 
> et sont portés en avant et en haut; la partie inférieure de lépi- 
» glotte subit une inflexion en arrière et forme une saillie (bour- 
» relet de Czermak) qui remplit en avant l’intervalle compris entre 
» les deux replis sus-glottiques et le sommet des deux aryté- 
» noïdes.» Ce mode d’occlusion du larynx a été découvert par 
M. Czermak. 

« Pendant que ces phénomènes ont lieu, le voile du palais se 
» soulève et s'applique contre le pharynx sur lequel il s’appuie 
» solidement; l’isthme du gosier s’est allongé et légérement ré- 
» tréci; la luette est dirigée en avant au lieu d’être verticale et 
» pendante. 

» La base de la langue commence ensuite son mouvement 
» d’ascension ; elle entraine Ja portion libre de l’épiglotte, avec les 
» aliments qu’elle dérobe progressivement à la vue. » 

Orifice pharyngo-émiqlottique dans lequel pénètrent les ali- 
ments et les boissons. — « Le pharynx se contracte, s’élève et se 
» rétrécit à son tour ; il se met en contact avec les côtés du bord 
» de l’épiglotte. Au moment où sa contraction devient énergique 
» et avant que la base de la langue, gonflée et soulevée vers le 
» voile palatin, ait entièrement caché le fond de la gorge, je vois 
» à travers l’isthme rétréci, le milieu du bord de l’épiglotte se 
» renverser en avant, prendre la forme d’un demi-conduit et les 
» aliments s'engager dans ce demi-conduit complété par le 
» pharynx. 

» En continuant son ascension, la base de la langue soulève la 

» luette, s'applique sur les piliers et empêche l’observation des 
» derniers phénomènes du passage des aliments. 
_ » Si j'exécute cet acte par fractions, c’est-à-dire en l’inter- 
» rompant, je vois les aliments pénétrer dans l’orifice pharyngo- 
» épiglottique et descendre, par fractions aussi, le long de la paroi 
» pharyngienne. » 

Ces expériences laryngoscopiques sont difficiles, laborieuses. 
Elles exigent plusieurs séances, une grande habitude de l’explo- 
ration laryngienne et une soumission parfaite des organes. 

Déglutition des liquides. — « La déglutition d’un liquide noir, 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. | 161 
» de l’encre par exemple, m'a permis de contrôler les faits qui 
» précèdent et de suivre pas à pas le trajet des aliments et des 
» boissons de la bouche dans l’œsophage. J'ai vu de cette ma- 
» nière que l'encre avait teint en noir toute la bouche, le voile 
» du palais, la luette, les piliers, la face externe de l'épiglotte, le 
» pharynx, les faces postérieures des cartilages cricoïde et ary- 
» ténoiïdes. | 

» Tout le vestibule du larynx jusqu’à une trés-petite distance 
» du milieu du bord épiglottique, toute l'étendue de la partie 
» antérieure ou laryngienne des gouttières latérales, avaient con- 
» servé leur teinte naturelle, 

» L'examen de l’appareil de la voix, après la déglutition des 
» aliments et des liquides, m'a démontré qu’une très-petite quan- 
» tité peut descendre des côtés de l’épiglotte dans la partie anté- 
» rieure et profonde des gouttières pharyngiennes. 

» En exécutant la déglutition des aliments par fractions, j'ai 
> remarqué qu’un certain bruit de claquement accompagnait la 
» cessation brusque des contractions pharyngo-laryngiennes, et 
» coïncidait avec la descente ou plus exactement avec le décol- 
» lement de ces organes. Ce bruit prouve que l’air atmosphérique 
» s’introduit dans le pharynx avec une certaine force, pour rem- 
» plir le vide produit par la descente des aliments et par les con- 
» tractions énergiques de l’arrière-gorge. » 


LE] 


REMARQUES SUR LES MODIFICATIONS DES PREMIERS PHÉNOMÈNES DE 
LA DÉGLUTITION RÉSULTANT DE L'EMPLOI DU MIROIR LARYNGIEN. 


L'observation du mécanisme de la déglutition à l’aide du laryn- 
goscope exige que la bouche soit ouverte. Gette condition intro- 
duit parmi ses premiers phénomènes quelques modifications que 
je crois devoir signaler. ; 

Ordinairement, lorsque le besoin d’avaler se fait sentir, nous 
commençons par fermer la bouche. Les dents sont maintenues 
les unes contre les autres et la mâchoire inférieure est ainsi fixée 


solidement. La pointe de la langue s'applique ensuite d’avant en 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. T. 1V (1867). 11 


162 MOURA. — MÉMOIRE 
arrière à la voûte palatine, et le voile du palais s’arc-boute contre 
le pharynx. 

Puis, l'os hyoïde suit le mouvement de la base de la langue, 
s'élève avec elle et devient fixe lui-même, ce qui permet au car- 
tilage thyroïde, qui a suivi son ascension, de s’en approcher 
jusqu’au contact et à la langue de pousser les aliments dans le 
pharynx. 

Pendant l'observation laryngoscopique, les deux mächoires 
sont au contraire écartées et l'application de la langue à la voûte 
palatine ne peut se faire. L’os hyoïde et l'appareil de la voix 
opèrent donc tout d’abord leur ascension ; ils sont ensuite fixés 
sur place par leurs muscles et par ceux du voisinage. Puis le 
voile du palais s'élève, s’arc-boute contre le pharynx. La base 
de la langue s'applique à son tour sur les piliers du voile, ferme 
l’isthme du gosier, et chasse, en dernier lieu, les aliments dans 
l’orifice pharyngo-épiglottique et le pharynx raccourci. 

Ces modifications sont heureusement sans importance quant 
aux phénomènes essentiels du mécanisme de la déglutition; elles 
n’influent en rien, par exemple, sur la disposition des aliments 
au fond de la bouche, ni sur les rapports qu’affectent l’épiglotte 
et le pharynx au moment de leur passage. 


CONCLUSIONS DE LA PREMIÈRE PARTIE, 


« Les expériences qui précèdent ont été faites sur moi et sur 
> une autre personne. Elles m’avaient déjà démontré en 1861 : 

» 1° Que les diverses phases de l’acte de la déglutition s’opèrent 
» en deux temps, et que le second et le troisième temps des au- 
» teurs est une division anatomique plutôt que physiologique ; 

» 2° Que les aliments, roulés et ramassés en bol par la langue, 
» perdent d'autant plus cette forme avant d’être déglutis, qu'ils 
» sont plus délayés ; 

3° Que ces aliments sont réunis après la mastication, non pas 
sur la base de la langue seulement comme on le croyait, mais 
encore sur une surface qui s'étend de cette base au bord libre de 
l'épiglotte ; ils occupent surtout la face externe de ce cartilage et 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 163 
les fossettes glosso-épiglottiques ; de sorte qu’au moment de leur 
passage dans le pharynx, ils échapperaient à l’action supposée 
des piliers de l’isthme du gosier ; 

4° Qu’à ce moment l’épiglotte est abaissée et rapprochée du 
pharynx par les contractions des muscles voisins; sa portion 
supérieure qui est en contact par son bord avec la paroi pharyn- 
gienne, au lieu de continuer à s’incliner en bas, se redresse au 
contraire, se convertit en une sorte de gouttière et forme la 
porhon antérieure de l’orifice d’un conduit irrrégulier et très- 
court que la paroi du pharynx complète en arrière; | 

5e Que les aliments n’entrent pas dans le pharynx de yp/ain- 
pied comme on l’a toujours avancé, mais qu’ils ne s’y engagent 
qu'après avoir traversé l’orifice pharyngo-épiglottique signalé ; 

» 6° Que leur entrée dans lœsophage est déterminée par 
» des contractions musculaires énergiques et simultanées, et par 
» la pression atmosphérique ; | 

» 7° Que l’inclinaison de bas en haut et d'avant en arrière de 
» l’épiglotte a pour but d'empêcher la chute des aliments et des 
» boissons dans le larynx ; | | 

» 8° Que les liquides suivent la même voie que les aliments 
» solides en passant de la bouche dans l’œsophage, sauf quelques 
» rares exceptions signalées plus loin à l’occasion des divers 
» genres de conformation de l’épiglotte.» | 

N'ayant pu opérer sans danger de suffocation la déglutition des 
liquides pendant l’examen pharyngoscopique, j'ai dû tourner la 
difficulté. J'ai bu d'abord de l'encre pure ; puis, avec mon instru- 
ment (1), j'ai vu que cette encre, en imprimant sa teinte noire aux 
parties touchées, avait pénétré dans le pharynx à travers l'orifice 
pharyngo-épiglottique et non en passant de HA côté de l’épi- 
glotte comme on l'avait toujours admis. 


(4) Voyez Moura, Traité de laryngoscopie et de rhinoscopie. Paris, 1864, in-8, 
pl. I, et Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, Paris, 1866, in-4, 
t, LXII, p. 529, 


164 MOURA. — MÉMOIRE 


DEUXIÈME PARTIE. 


INTERPRÉTATION ET COMPARAISON DES PHÉNOMÈNES DE LA DÉGLUTITION 
RÉVÉLÉS PAR LA LARYNGOSCOPIE, ET DE CEUX QUI ONT COURS DANS 
LA SCIENCE ET DANS L'ENSEIGNEMENT. 


Division du sujet. — Les différences essentielles qui ressortent 
de la comparaison de ces phénomènes se rapportent à trois ordres 
de faits : 

1° A la disposition des aliments au fond de la bouche ; 

2° Au rôle de chacun des organes qui concourent à l’acte de la 
déglutition ; 

3° Aux divisions établies dans la succession des phénomènes 
de cet acte. 


&S 1. — Disposition des aliments au fond de la bouche. 


IL est généralement admis que les aliments, suffisamment pré- 
parés et insalivés par la mastication, sont ramassés et réunis 
par la langue au fond de la bouche de manière à constituer une 
seule masse appelée : bo/ alimentaire. 

Bol alimentaire. — Opinions des physiologistes. — Les phy- 
siologistes ne sont d’accord ni sur la disposition et la place que la 
pulpe alimentaire occupe au fond de la bouche au moment de 
sa déglutition, ni sur le véritable agent de son passage de la 
bouche dans le pharynx. 

« Les aliments, disent Chaussier et Adelon, sont figurés, dis- 
» posés en forme de bols et placés sur la face supérieure, sur le 
» dos de la langue» (Dict. en 60 vol., t. IX). 

Magendie, Brachet et Fouilhoux reproduisent la même idée, 

« Au premier abord, dit Gerdy, le bol ne va pas au delà de 
» l’isthme du gosier, et il est placé en avant et non en arrière de 
» ce détroit ; de sorte qu’on ne peut surseoir à son introduction.» 

Cette manière de voir est partagée par presque tous les 
savants. 

Müller place la bouchée alimentaire sur la surface de la base 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 165 


de la langue et jusque derrière les piliers antérieurs, ce qui re- 
vient à l'opinion de Gerdy. 

Opinion basée sur l'observation laryngoscopique. — Voici 
maintenant ce que la laryngoscopie m'a appris : 

4° Si la bouchée d’aliments est petite, ceux-ci sont transportés 
et disséminés sur la face externe de l’épiglotte, dans les fossettes 
glosso-épiglotliques et sur la base de la langue au besoin. 

2° Si la bouchée est volamineuse, les aliments qui doivent être 
avalés à la première déglulition, c’est-à-dire du premier coup, 
occupent en plus la partie de la surface de la langue qui est en 
arrière du V lingual et même un peu en avant, sur la ligne 
médiane. | 

3° La bouchée alimentaire à laquelle la langue, en la rassem- 
blant, donne & un certain moment la forme arrondie, n’a pas 
de forme appréciable au moment de sa déglutition; elle prend 
seulement celle du conduit dans lequel elle est poussée par la 
base de la langue. 

h° La pulpe qui déborde en arrière le plancher de l’épiglotte 
tomberait dans le larynx si les sucs salivaires ne maintenaient la 
cohésion entre les débris des aliments. J’attribue à cette cohésion 
une bonne partie de l'intégrité de la déglutition chez les indi- 
vidus dont l’épiglotte a été en partie détruite. 

Les corps étrangers mêlés aux aliments peuvent tomber dans 
les vores aériennes, dans les qouttières latérales ou rester dans 
les fossettes glosso-épiglottiques. — La laryngoscopie m’a fait 
constater en outre qu'un corps étranger, accidentellement intro- 
duit dans la pulpe alimentaire et non susceptible de lui être uni 
par les sucs salivaires, peut en être séparé par une cause où par 
une autre et tomber ou rester : 

1° Dans le larynx. La toux est alors immédiate, persistante, 
quinteuse, jusqu’à ce que l'expulsion du corps étranger ait lieu. 
La mort du poëte Anacréon a été occasionnée, paraît-il, par 
l'arrêt d’un pepin de raisin dans l’un des ventricules, et celle 
du pape Adrien par une mouche qui s'était logée dans le même 
endroit du larynx. 

2 Dans la partie antérieure des qouttières latérales, c’est- 
à-dire entre le vestibule et le cartilage thyroïde. La toux est ici 


166 MOURA. — MÉMOIRE 

remplacée par une sensation désagréable, qui a son siège sur les 
côtés du larynx et qui porte à boire plusieurs fois sans pouvoir 
se débarrasser du corps étranger. Les boissons, en effet, ne pas- 
sent pas dans le cul-de-sac vestibulo-thyroïdien, Il faut se garga- 
riser et faire franchement le glouglou vulgaire. 

Le liquide s’introduit alors autour du vestibule et dans la cavité 
du larynx, comme l’a démontré M. Guinier, professeur agrégé de 
Montpellier ; il est fortement agité par les vibrations des cordes 
vocales, communique ses secousses au corps étranger, l’ébranle, 
le déplace et l’entraîne vers l’œsophage, c’est-à-dire dans la partie 
la plus déclive du pharynx. 

3° Dans les fossettes glosso-épiglottiques, sortes de nids de 

pigeon situés sous la base de la langue, Dans ce cas, on éprouve 
une gêne particulière au fond de la bouche. La langue exécute 
des mouvements dans tous les sens, fait des efforts continuels et 
la gêne persiste néanmoins, Les boissons ne la font pas non plus 
disparaître. 
… Pour se délivrer de cette sensation, il faut Birp une ou deux 
bouchées de pain, comme le conseillent les gens du peuple sans le 
comprendre. Le corps étranger est alors enveloppé et entraîné 
avec la pulpe, 

Quant à la cause qui fait passer les aliments de la bouche dans 


le pharynx, je dirai plus loin quel est le principal agent de ce 
passage, 


8 %.— Rôle des organes qui concourent à l’acte de la déglatition. 


1° Langque.— C'est à la langue qu’incombe la fonction complexe 
de. maintenir entre les dents les aliments non broyés suffisam- 
ment, de les ramener ensuite de toutes les parties de la bouche 
vers l’espace compris entre le V lingual et le bord libre de l’épi- 
glotte, de les pousser enfin dans le pharynx. Cette dernière 
action mérite une attention toute spéciale de ma part. 


OPINION DES PHYSIOLOGISTES. 


MAGENDIE, — La langue, dit Magendie, continue de presser le bol, le pousse 
contre le voile du palais qui devient horizontal et l'empêche, par sa résistance, 
de passer dans les fosses nasales. 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 167 


Le voile du palais tiré en bas par ses piliers, embrasse et serre le bol. A 
la fin du second temps de la déglutition, il s’abaisse, l’isthme se resserre, la 
langue reste élevée ainsi que le larynx et le pharynx; le voile étant descendu, 
lui et les piliers postérieurs s'emparent du bol, le serrent, le pressent et, 
aidés des constricteurs, des stylo-pharyngiens, le poussent par delà le larynx 
dans l’œsophage. Le voile presse donc et chasse le bol en bas. 

M. LonGET. — Le bol, suivant M. Longet, est pressé par la langue contre 
le voile du palais et soulèverait ce voile s’il ne formait un plan résistant. 

BRAcHET et FouiLHoux.-— Le voile du palais, écrivent Brachet et Fouilhoux, 
est soulevé par le bol bien plus que par l’action bien faible des muscles péri- 
staphylins externes. 

CHAUSSIER et ADELON. — Selon Chaussier et Adelon, le bol est pressé par 
la langue contre la voûte palatine, contre le voile du palais et les piliers qui 
résistent et font cheminer le bol vers l’isthme. 

MuELLER. — Müller admet cette pression du bol par la langue contre le 
voile du palais et contre la voüte palatine. | 

BippER. — Le soulèvement du voile du palais, constaté par Bidder, pen- 
dant la déglutition à la suite d’une opération qui permettait d’examiner le 
voile à travers les fosses nasales, par M. Debrou au moyen d’un stylet intro- 
duit dans le nez, par Ménière pendant le cathétérisme de la trompe d’Eus- 
tache, a été aussi attribué par eux au bol alimentaire comprimé par la 
langue, 


Ainsi donc il est admis par tout le monde que la langue et le 
voile du palais compriment le bol réciproquement l’un sur l’autre 
au moment où la déglutition a lieu. 

Les aliments ne sont pas ordinairement comprimés par la base 
de la lanque contre le voile du palais. — 9x, si l’on réfléchit : 
1° Que la place occupée par les aliments est, comme le démontre 
la laryngoscopie, située en grande partie au delà de Ja base de 
la langue ; 

9 Que cette base est en rapport direct avec l’isthme seulement, 
c'est-à-dire avec les piliers et la luette; 

3° Que le voile se soulève et se fixe contre le pharynx avant 
que la base de la langue commence son ascension et que les 
pilers se contractent ; 

h° Que ce même voile ne peut exercer simultanément et à la 
fois deux actions contraires et opposées : élévation et abaissement 
ou compression du bol; 

5° Que la déglutition des aliments ou de la salive seule peut 


1468 MOURA. — MÉMOIRE 


être exécutée à volonté et sans que la langue s'appuie sur la 
voûte palatine, la bouche étant ouverte ou fermée. 

On est obligé de reconnaitre avec moi que, non-seulement les 
aliments ne sauraient agir par eux-mêmes sur le voile pour le 
soulever, mais qu'ils ne peuvent pas même être réciproquement 
comprimés par le voile et par la base de la langue. 

La portion de pulpe alimentaire qui recouvre le V lingual est 
à peu près la seule qui, dans les bouchées volumineuses, soit 
soumise à ce genre de pression. 

La base de la lanque agit à la manière d'un piston sur les 
aliments; elle est le véritable agent de leur passage de la bouche 
dans le pharynx. — Il suit de là que la base de la langue agit 
en quelque sorte à la manière d’un piston sur les aliments pour 
les refouler dans le tube pharyngo-épiglottique ; elle doit done 
être considérée comme le véritable et principal agent de leur 
passage de la bouche dans le pharynx. 

Voici maintenant des expériences qui viennent confirmer mon 
opinion : 


Expérience sur l’homme. — Je porte directement dans le fond de ma bou- 
che, largement ouverte et éclairée, le plus près possible de la base de la lan- 
oue, une bouchée de pain préparée, roulée et imprégnée d'encre. Je l’avale 
et j’examine aussitôt ma gorge dans le miroir de mon pharyngoscope. 

Je vois que les piliers, la luette et la base de la langue sont noircis ; le 
voile du palais, lui, conserve sa teinte naturelle. J’ai recommencé plusieurs 
fois de suite cette opération sur moi et sur un sujet de bonne volonté; le 
voile du palais est resté toujours intact. 

Si malgré cette expérience on persistait à croire à la pression du bol ali- 
mentaire contre le voile, on conviendrait avec moi que cette pression a dû 
tre bien légère, puisqu'elle n’a pas laissé de traces. 

Expérience faite sur un chien ; ‘voile du palais enlevé complétement ; déglu- 
tition normale. — Sur un chien de taille moyenne, j'enlève un lambeau cen- 
tral à la portion membraneuse du voile et je produis un trou assez grand. 
(L’aide préparateur de M. Claude Bernard, M. Gréhan, est présent ; il veut 
bien me prêter son concours dans toutes mes expériences ; je l’en remercie 
publiquement ici.) Je donne à manger et à boire en portant l’un et en versant 
l’autre dans la gueule du chien; il avale tout comme avant son opération. 

J’enlève ensuite tout le voile, partie membraneuse et partie musculaire 

jusqu’à la voûte osseuse; je laisse seulement l’isthme intact. Je redonne à 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 169 


boire et à manger; tout est avalé et rien, absolument rien ne reflue par les 
fosses nasales. 

Enfin, j’enlève l’isthme du gosier et je fais avaler des aliments et de l’eau. 
Rien encore ne passe dans les fosses nasales, 

Le premier et le second jour après l'opération, le chien, mis en présence 
de l’eau, a manifesté son envie de boire en ouvrant sa gueule et faisant mou- 
voir ses mâchoires ; il n’a commencé ses happées que le troisième jour. 

Quinze jours, trois semaines après, je fais manger le chien à côté d’un 
autre non opéré. Le premier mange et boit un peu moins avidement que le 
second. Il a un peu de difficulté à faire passer les gros morceaux ; il évite les 
os un peu gros et il soumet la viande à la mastication un peu plus longtemps. 
Il déchire en petits morceaux ceux qui sont volumineux contrairement à 
son compagnon. Mais, ni aliments, ni boissons ne reviennent par les fosses 
nasales. 


Conclusions. — Les expériences que je viens de rapporter 
démontrent suffisamment, il me semble : 

1° Que les aliments ne sont pas ou sont à RsinR comprimés par 
la langue contre le voile du palais ; 

2° Que la base de la langue seule est le véritable et principal 
agent qui chasse les aliments de la bouche dans le pharynx ; ce 
qui explique très-bien l'intégrité de la déglutition chez les indivi- 
dus qui ont eu leur langue enlevée ou détruite par opération, 
mulilation ou maladie : 

3° Que le voile du palais, l’isthme du gosier, peuvent être enle- 
vés chez le chien sans empêcher la déglutition ; ce qui explique 
jusqu’à un certain point la possibilité d’avaler chez les enfants et 
les grandes personnes dont le voile est divisé ou détruit en 
partie, mais dont la base de la langue est intacte, 

2° Voile du palais. — Contrairement à l'opinion générale, le 
voile du palais, on vient de le voir, n’exerce pas de pression sur 
les aliments; sa présence n’est pas non plus absolument néces- 
saire à l’accomplissement de l’acte de la déglutition chez le chien. 

Occlusion de l'arrière-cavité des fosses nasales. — Le voile du 
palais, en s’élevant et s'appliquant contre le pharynx, ferme-t-il 
hermétiquement l’orifice inférieur du cavwm nasale ou arrière- 
cavité des fosses nasales ? 


« Les aliments, dit Gerdy, ne passent pas dans les fosses na- 


110  . MOURA. — MÉMOIRE 


Al 


» sales, comme on le soutient, 4 cause de l'élévation et de la 
» tension du voile du palais. 

» Cette action est aussi inutile que peu démontrée. 

» La contraction des stylo et staphylo-pharyngiens qui consti- 
» tuent une sorte de sphincter oblique s’oppose directement au 
» passage des aliments dans les fosses nasales. » 

Observation directe. — L'observation démontre que le voile 
s'élève de lui-même contre le pharynx sous l'influence de la vo- 
lonté; en s'appliquant ainsi sur la paroi de ce conduit, il ne 
prend tout d’abord réellement appui que sur la ligne médiane. 
Mais, si sa Lension vient s'ajouter à son élévation, alors le contact 
a lieu sur toute l'étendue de la paroi pharyngienne et toute 
communication entre l’arrière-gorge et l’arrière-cavité des fosses 
nasales cesse. 

Occlusion démontrée par une expérience très-simple. — L’ex- 
périence suivante en est la preuve : 

J’éclaire le fond de ma bouche de haut en bas, avec mon 
pharyngoscope. Ma tête est assez fortement renversée en arriére. 
Je soulève alors le voile du palais volontairement contre le pha- 
rynx, sans produire sa tension, comme si je voulais déglutir ou ne 
pas respirer par le nez. Je verse ensuite, par l’une de mes narines, 
de l’eau contenue dans un tube fermé par un bout. Dés que le 
liquide est arrivé sur le voile du palais, je le vois suinter lente- 
ment, et former, entre les piliers postérieurs et le pharynx, deux 
gouttes qui vont grossissant de chaque côté de la luette et des- 
cendent en dedans des piliers. Dés que je soumets mon voile élevé 
à une légère tension, l’eau cesse de couler dans ma gorge. 

L’occlusion complète du cavum nasale n’est d’ailleurs nêces- 
saire qu'au moment où la base de la langue, se soulevant, pousse 
les aliments vers le pharynx. Or, à ce moment, le constricteur 
supérieur s'applique fortement sur le voile qui est à son tour for- 
tement tendu. De sorte que l’occlusion est doublement main- 
tenue. 

Cette action du voile du palais n’est pas nécessaire chez le 
chien. Get organe peut être enlevé et la déglutition s’opérer 
cependant. | 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION, 171 


Mais en est-il de même pour l’homme ? L'observation dit : non. 

Le voile du palais peut-il être supprimé chez l’homme comme 
chez le chien? Conformation de la gorge du chien. — D'une 
part, la conformation de la gorge de l’un et de l’autre n’est pas la 
même. Ainsi, chez le chien, le cavum nasale a la forme d’un tuyau 
courbe, évasé en bas, étroit en haut; son voile est beaucoup plus 
long que celui de l’homme et dépourvu de luette ; il est composé 
de deux moitiés : l’une supérieure, musculo-membraneuse, ridée ; 
l’autre inférieure, membraneuse, mince, lisse, d’une teinte plus 
claire. L’isthme du gosier présente un grand diamètre vertical ; son 
orifice est ample, très-élastique. La base de la langue descend 
très-bas dans la gorge. Enfin l’épiglotte est appliquée contre le 
pharynx, contournée en demi-cornet et très-facile à déplacer 
dans tous les sens. 

Il résulte de cette conformation que le chien peut soie des 
morceaux très-volumineux, n’en avaler même qu'une partie pen- 
dant que l’autre est encore sous sa dent. Le gosier de l’homme 
est loin de jouir d’une élasticité déglutissante aussi grande. 

D'autre part, l'observation démontre, chez l’homme, que les 
aliments et surtout les boissons reviennent facilement par le nez 
chez les individus dont le voile est divisé ou perforé; leur déglu- 
tition est laborieuse ou difficile, et ils ne peuvent boire à pleine 
bouche, c’est-à-dire la tête penchée en avant ou en bas. 

On sait aussi que pour élever au sein un enfant atteint de divi- 
sion du voile, la nourrice est obligée de le placer dans une posi- 
tion favorable, de presser en outre d’une manière continue sur 
le sein afin d’aider l’action de la bouche de l’enfant; encore ce 
moyen ne réussit-il pas toujours, 

Le voile du palais, on le voit, ne peut, chez l’homme, être 
enlevé ou détruit sans compromettre sérieusement l'acte de la 
déglutition. 

On doit donc reconnaitre, contrairement à Gerdy, que l’éléva- 
tion du voile du palais est aussi nécessaire que réelle et que cet 
organe ferme hermétiquement l’arrière-cavité des fosses nasales 
pendant la déglutition. 


3° Isthme du gosier. — Le rôle de l’isthme du gosier, dans 


172 MOURA. — MÉMOIRE 
l'acte de la déglutition, à été fort exagéré par quelques physiolo- 
gistes. 

« Les muscles stylo- et staphylo-pharyngiens agissant, dit 
» Gerdy, comme sphincter oblique, séparent le pharynx en deux 
» portions, l’une supérieure qui communique avec les fosses na- 
» sales, et une autre inférieure, la seule où passe le bol. » 

Ce mécanisme des piliers avait été indiqué, avant Dzondi et 
Gerdy, par les deux Albinus, Sandifort, Hevermann. Dzondi et 
Müller l’auraient observé aussi pendant le vomissement. Les con- 
ditions ne sont pas pourtant les mêmes dans les deux cas, quoi- 
que les piliers paraissent se contracter de la même façon. 

Rôle de l'isthme pendant le vomissement. — Au moment où 
les matières vomies arrivent dans le pharynx et la bouche, la 
langue est éloignée du pharynx et du voile pour leur laisser libre 
le passage de l’isthme; sa base est portée en bas et en avant, et 
fournit un point d'appui aux piliers; elle est au contraire forte- 
ment appliquée contre l’isthme et le voile pendant la déglutition. 

Dans le vomissement, la contraction des piliers augmente jus- 
qu'à la sortie des matières ; leurs bords se touchent presque et 
réduisent l’isthme à un espace étroit et presque linéaire. À 

Dans la déglutition, cette contraction cesse, au contraire, au 
moment du passage des aliments dans le pharynx. Elle ne se pro- 
duit, en effet, que lorsque la base de la langue se rapproche du voile 
et de l'isthme ; de sorte qu’au lieu de fournir aux piliers un point 
fixe, cette base affaiblit leur tension, raccourcit le diamètre ver- 
tical de l’ouverture qu'ils circonscrivent, agrandit son diamètre 
transversal, et l’isthme retrouve ainsi la souplesse qu’exige le 
- passage d’une partie des aliments. 

Il résulte de là que la résistance qu’offrent les piliers à la sortie 
des matières rejetées par les efforts du vomissement, fait défaut 
au passage des aliments déglutis. 

Pourquoi les matières vomies passent souvent par les fosses 
nasales. — Ge fait explique pourquoi les matières vomies passent 
si fréquemment derrière les piliers, le voile du palais et traversent 
les fosses nasales. 


SUR L'ACTE DE LA DÉGLUTITION. 4173 


Tout en admettant le mécanisme de Gerdÿ, M. Debrou ne peut compren- 
dre que l’élévation de la base de la langue, le resserrement de l’isthme de 
la circonférence au centre, de manière à effacer son canal, la contraction du 
voile, des piliers, du pharynx aient lieu simultanément dés leur début, et 
que, d’un seul coup, l'aliment ait passé de la bouche dans l’œæsophage. Je 
ne vois là, dit-il, aucune voie pour faire entrer le bol, aucune capacité 
même pour le recevoir. Comment l'aliment passera-t-il derrière l'isthme, si 
cet isthme est resserré, a effacé son canal aussitôt que la base de la langue a 
donné le signal du second temps ? 


Ces réflexions parfaitement justes confirment ma manière de 
voir. Elles prouvent que mon savant confrère avait très-bien 
saisi le défaut capital de la théorie de Dzondi, Gerdy et autres; 
mais il n’avait pu faire mieux. 

Je dis donc que l’isthme du gosier est moins indispensable à 
l'acte de la déglutition que le voile lui-même ; sa destruction peut 
avoir lieu, selon moi, sans porter une atteinte sérieuse à cette 
fonction, le pharynx le remplaçant parfaitement d’ailleurs en se 
contractant lui-même. 

Le rôle de l’isthme dans l’acte de la déglutition me paraît ré- 
sulter de la situation et de la disposition de ses piliers. A l’état 
de repos, l’isthme est situé, on le sait, sur un plan vertical. Après 
l'élévation du voile ce plan devient oblique de bas en haut et 
d'avant en arrière; il forme une sorte de cloison inclinée entre la 
bouche et le pharynx sur lequel elle est appuyée en haut. Il est 
percé à son centre d’une ouverture triangulaire mais variable qui 
l’a fait comparer avec assez d’à-propos à une paire de rideaux 
dont les bords sont écartés en bas. Or, si l’on observe que ses 
côtés ou rideaux sont inclinés latéralement de dehors en dedans 
et d'avant en arrière, on voit de suite que l’isthme n’est que /e 
petit orifice de l’entonnoir buccal, destiné à servir de filière aux 
aliments et aux corps étrangers pour les obliger autant que pos- 
sible à suivre l’axe de la voie bucco-pharyngienne. Ceux qui ont 
occasion d'extraire du fond de la bouche des aiguilles, de petites 
épingles, des arêtes de poisson, peuvent remarquer qu'elles sont 
implantées généralement à la superficie ou dans l'épaisseur des 
amygdales et des piliers. Ces objets, ayant échappé à l’action des 
dents et s'étant présentés de côté ou en travers au devant de 


174 MOURA. — MÉMOIRE 

l’isthme, n’ont pu s’y engager, ils se sont, en conséquence, fixés 
sur ses côtés et non dans le pharynx. Les corps étrangers de cette 
classe qui sont avalés de travers sont ceux qui ont déjà dépassé 
l’isthme pendant la mastication. 

Quant à la division du pharynx en deux portions par les piliers, 
elle ne me paraît pas soutenable après ce que j'ai dit du rôle du 
voile du palais. Cette division est bien plus le fait de l'élévation 
et de la tension de ce voile que celui de la contraction des piliers. 

h° Luette. — La luette a-t-elle un rôle à remplir pendant la 
déglutition ? 

Suivant quelques auteurs, cet appendice a pour fonction de 
juger le degré de trituration et d’insalivation de la pulpe al- 
mentaire. 

Or, si l'on examine les mouvements de la langue pendant la 
mastication, on reconnaît que les aliments sont broyés et sufli- 
samment préparés avant leur contact avec la luette, laquelle est 
pendante derrière la base de la langue. Ce contact d’ailleurs ne 
peut avoir lieu que lorsque la langue a déjà réuni ces aliments 
vers sa base, et à ce moment le besoin d’avaler est tel qu’ils sont 
déglutis presque instinclivement. 

Le sens dégustatif attribué à cet organe ne serait, comme le 
remarquent avec raison Brachet et Fouilhoux, « qu’une modifica- 
» tion du sens général tactile. Si l’on faisait un sens pour chacune 
» des modifications qu'il présente, il faudrait en créer des mil- 
» liers. Îl en faudrait un à l'entrée du larynx pour l'empêcher 
» de recevoir un autre corps que l'air atmosphérique, etc, » 

Boérhaave, ayant remarqué que des malades privés de luette 
. toussaient en buvant et en mangeant, croyait que cet organe 
s’interposait entre l’épiglotte et l'ouverture supérieure du larynx 
et servait ainsi à clore plus hermétiquement cette cavité. - 

« La luette, dit Gerdy, est avalée avec le bol par suite de la 
» contraction du pharynx, qui étreint l’isthme et le voile à la 
» manière d'un sphincter. » 

La luette peut être avalée, en effet, lorsque, par une circon- 
stance accidentelle, sa longueur est plus ou moins exagérée; elle 
est alors formée d’une portion supérieure, contractile, et d’une 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 475 
portion inférieure, non contractile et pendante ; celle-c1 est par- 
fois entraînée très-bas avec le bol et peut donner lieu à des phé- 
nomènes particuliers. 

Tel était l'exemple d’un boucher, âgé de quarante-cinq ans, 
qui, toute sa vie, avait été sujet en avalant à des accès de suflo- 
cation incomplète et passagère. IL s'était habitué à cette incom- 
modité et ne s'en effrayait pas. L'examen de la bouche me fit 
reconnaître une luette allongée et bifide, mais simple à première 
vue. L’excision fit cesser, comme par enchantement, les accès 
de suffocation déterminés par l'entrée probable de cet appendice 
dans le vestibule ou peut-être même par son seul contact avec 
la cavité du larynx. 

A l’état normal, la luette s’efface plus ou moins complétement 
pendant la déglulition. Lorsque le voile du palais est fixé contre 
le pharynx et que les piliers se contractent, on voit la luette diri- 
ger sa pointe en avant et se contracter ensuite. En arrivant près 
du voile, la base de la langue soulève la luette au lieu de lap- 
pliquer contre le pharynx, entre les piliers ; celle-ci ne saurait 
donc être entraînée en bas avec les aliments. 

Si l’on en croit M. Maissiat, la luette, par sa sensibilité au con- 
tact des corps étrangers qui passent dans le plan médian et vertical 
de cet organe et de la glotte, « a pour fonction de dénoncer leur 
» présence et de provoquer ainsi l’ocelusion du larynx. Le corps 
» étranger qui pénètre dans les voies aériennes est aspiré trop 
» vivement, dit-il; il est dévié du plan médian ou renvoyé par le 
» pharynx sur lequel il frappe». L'existence de la luette chez 
l’homme et le singe seuls est pour lui un fait d'anatomie com- 
parée qui réduit à néant toutes les autres explications sur ses 
usages. | 

La sensibilité de la luette au contact des corps étrangers est un 
fait constant; elle est quelquefois très-exagérée; elle peut pro- 
voquer des contractions dans le pharynx et l’œsophage. 

Mais si l’usage attribué à cet appendice par M. Maissiat était 
réel, son absence ou sa destruction devrait être, par contre, une 
cause fréquente de pénétration des corps étrangers dans le nu tu 
C'est ce que notre confrère aurait dû établir. 


176 MOURA. — MÉMOIRE 


« La luette, dit Dafieu, partage les aliments à leur arrivée dans 
» le pharynx et les fait passer sur les parties latérales de l’épi- 
» glotte dont la confiquration est propre à cet usage.» (Fome IT, 
p. AA9.) 

Je ne cite ce passage que pour signaler la singularité du rôle 
attribué à cet appendice, et pour montrer combien est grande 
l'influence de ce préjugé que tout est utile ou a un but dans la 
nûlure. | 

En résumé, le rôle de la luette dans l’acte de la déglutition est 
encore à trouver, si toutefois elle en a un. 

5° Appareil de la voir. Épiglotte. — L'appareil de la voix 
concourt à l’acte de la déglutition de deux manières : 

4° Directement, par l'épiglotte et par sa face postérieure crico- 
aryténoidienne qui complète en avant l’entonnoir pharyngien ; 

2 Indirectement, par son élévation. 

Je ne m’occuperai ici que du rôle de l’épiglotte, car sa déter- 
mination constituera le sujet véritablement neuf et original de 
cette deuxième partie de mon mémoire. 

Opinion des anciens et des modernes. — Le rôle de l’épiglotte 
dans le mécanisme de la déglutition a longtemps exercé la saga- 
cité et les controverses des physiologistes. 

Les anciens avaient pensé que l’épiglotte protégeait le larynx 
au moment du passage des aliments de la bouche dans l’œsophage. 

« Tegitur quodam quasi operculo, dit Cicéron, quod ob eam 
» causam datum est, ne si quid eam sibi forte incidisset, spiritus 
>» impediretur. » (De natura Deorum, lib. IE, p. 54.) 

Cependant Hippocrate, Platon, Galien, Oribase, Casserius 
.croyaient qu’une partie des boissons tombait dans les voies 

aériennes. Are 

« De tout temps, dit M. Longet, on a accordé à l’épiglotte le 
» rôle de l’occlusion du larynx. » 

Or, le difficile était de déterminer de quelle maniëre cet organe 
remplissait ce rôle, et, à cet égard, on était loin de la vérité, 
avant la découverte du laryngoscope. 


Pour les uns, le poids seul des aliments abaisse l’épiglotte sur le larynx. 


SUR L’'ACTE DE LA DÉGLUTITION. 477 
Mais alors la salive, l’air, les boissons prises en petite quantité, devraient 
l'abaisser aussi par leur poids. Cela n’est pas admissible. 

Pour les autres, le larynx porté en haut pendant la déglutition, va se réfu- 
gier en quelque sorte sous l’épiglotte, qui trouve un point d’appui contre la 
langue et qui est ainsi abaissée passivement sur le larynx (Percy). 

L’épiglotte n’a d’autre usage que de recouvrir exactement l'ouverture de 
la glotte au moment de la déglutition et d'empêcher que les aliments solides 
s’introduisent dans les voies aériennes. Elle est par elle-même incapable 
d'exécuter aucun mouvement, sinon de se relever par son élasticité lors- 
qu’elle a été abaissée (Jourdan, Dict. en 60 vol., t. XII, p. 509). 

L’épiglotte, selon Magendie,' s’abaisse par suite de l'élévation du larynx, 
s'incline en arrière et en bas de manière à couvrir son entrée; le bol glisse 
à sa surface et, toujours pressé par la contraction du pharynx et du voile du 
palais, il parvient à l’œsophage. 

En s'élevant, dit Bérard, le larynx va cacher son ouverture derrière l’é- 
piglotte, « qua ampliter tegitur (Haller). 

Au moment de la déglutition, l’épiglotte éprouve une véritable culbute, 
inclinaison d'avant en arrière qui l’applique sur l’ouverture supérieure du 
larynx. En même temps que l'os hyoïde et le larynx s'élèvent, ils se rappro- 
chent. Le bord supérieur du cartilage thyroïde s’engage derrière le corps de 
l'os hyoïde ; alors le paquet graisseux et glandulaire qui couvre le pied de 
l’épigloitte est repoussé en arrière et déprime ce fibro-cartilage. Peut-être 
suffit-il du relâchement des ligaments thyro-hyoïdiens pour que l’épiglotte 
soit attirée en arrière par l’élasticité des replis aryténo-épiglottiques. 

L’épiglotte, écrit M. Béclard, subit un mouvement de bascule par sa ren- 
contre avec la base de la langue gonflée. Elle agit comme obturateur par 
excellence du larynx. | 

Suivant Brachet et Fouilhoux, l’épiglotte, par l'élévation de la langue, est 
abouché au larynx ; sa face externe devient postérieure et le bol glisse sur 
elle. C’est une valvule protectrice du larynx. j 

Lorsque pendant la déglutition, ajoute M. Brachet, le besoin de respirer, 
de rire ou de tousser se fait sentir, l’épiglotte, soulevée brusquement, chasse 
avec force les aliments qui s'engagent tantôt dans les narines, tantôt dans la 
bouche (vol. Il, 4855, p. 45). 

Quelques physiologistes, enfin, veulent que l’épiglotte soit abaissée par des 
faisceaux musculaires destinés à cet usage, 


Tel est l’état de la science sur le rôle attribué à l’épiglotte 
dans l'acte de la déglutition. I faut l'avoir bien présent à l'esprit, 


afin de se rendre compte des difficultés du sujet et du résultat de 
mes recherches et de mes expériences. 
La part qui revient à l’épiglotte dans le mécanisme de la dé- 
glutition est loin d’être aussi simple que le prétendent les physio- 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, — T, 1V (1867). 12 


178 MOURA. — MÉMOIRE | 

logistes. Les difficultés de sa détermination m'obligent à faire 
connaître d’abord certaines dispositions anatomiques propres à ce 
fibro-cartilage, et en particulier les divers aspects qu'il offre sur 
le vivant, Cette connaissance a une grande valeur, aujoureil hui 
que la laryngoscopie en permet le contrôle. 

Rôle du ligament thyro - épiglottique. — Mode d'occlusion 
du larynx, découvert par Czermak. — Nous savons tous que 
le sommet de l’épiglotte, autrement dit son extrémité inférieure, 
est uni au eartilage thyroïde par un tissu fibro-élastique appelé 
ligament £hyro-épriglottique. 

En 1859, M. Czermak, voulant étudier, à l’aide du laryngos- 
cope, les phénomènes physiologiques dont le larynx est le siège, 
observa ce qui suit : 

Pendant que le larynx s'élève et que ses ligaments vocaux se 
rapprochent, la partie inférieure de l'épiglotte s’abaisse, subit 
une inflexion et forme une espèce de bourrelet en arrière. 

Si l'élévation continue, ce bourrelet ou saillie est mis en 


contact avec le sommet des deux cartilages aryténoïdes rappro- 


chés, et l’orifice compris entre les deux replis sus-glottiques 
(fausses cordes vocales) est fermé. 

J'ai maintes fois vérifié sur moi et sur d’autres personnes 
ce mode d’occlusion du larynx. Certaines conformations de la 
gorge et du larynx ne permettent pas cette vérification. Il faut, 
en outre, une grande habitude du laryngoscope et beaucoup de 
docilité de la part du sujet. 

Coude épiglottique. — Le bourrelet de Czermak, que j’appe- 
lerai coude épiglottique, est très-facile à reconnaître quand, 

. larynx étant fermé, on simule un effort de toux. On l'avait depuis 
longtemps observé sur le cadavre. Il suffit, en effet, de diviser 
verticalement le pharynx, de soulever ensuite de bas en haut la 
trachée et le larynx, pour voir aussitôt le coude se former au- 
dessus de la glotte. Mais l’inertie des ligaments vocaux et des 
cartilages aryténoïdes, le défaut d’élasticité vitale de l’épiglotte 
avaient empêché de saisir le véritable mécanisme de cette occlu- 
Sion. + 
Le coude épiglottique, ainsi que je l'ai observé, comble parfois 


Î 
{ 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 179 
imparfaitement l'intervalle compris entre les replis sus-glottiques 
et les cartilages aryténoïdes. Les cartilages de Wrisberg, quand 
ils existent, participent un peu à cette occlusion et diminuent 
d'autant la communication qui existe en ce point, pendant la dé- 
glutition, entre le pharynx et la région de la glotte. 

Le tiers inférieur de l’épiglotte prend seul une part directe à 
l'occlusion du larynx pendant la déglutition et joue le rôle 
d'opercule. — La portion d’épiglotte qui prend une part directe 
à ce mécanisme est représentée par son sommet, c’est-à-dire par 
son tiers inférieur à peine. Il résulte de là que les deux autres 
tiers de l’organe peuvent être détruits ou enlevés sans que l’occlu- 
sion soit atteinte dans son mécanisme. 

Voici done un premier fait qui démontre que l’épiglotte n’est 
pas, chez l’homme, un simple opercule,:qui, pendant la déglu- 
tition, s’abaisse et s'applique sur la cavité du larynx. 

Au point de réunion du tiers moyen avec le tiers supérieur, il 
existe une nouvelle inflexion, un second coude disposé en sens 
inverse du premier et moins prononcé; de sorte que le tiers 
moyen se trouvant dirigé en avant ou directement en haut, le 
tiers supérieur, lui, est incliné en arrière, vers le pharynx. 

Importance de la portion libre de l'épiglotte en physiologie 
ou en laryngoscoprie. — Gette portion supérieure ou libre de 
l'épiglotte est celle qu’il importe de bien connaître sous ses nom- 
breux aspects. C’est elle, en effet, que l’on désigne ordinaire- 
ment et surtout en laryngoscopie, quand on parle de l’épiglotte 
et réciproquement ; c'est elle aussi qui a fait croire aux physio- 
logistes que ce fibro-cartilage, qui, pendant l'acte de la déglu- 
tition, subit un léger mouvement de bascule, jouait le rôle 
d’opercule dans l'occlusion du larynx ; c’est elle encore qui, seule, 
prend une part directe à cet acte, soit en arrêtant la pulpe 
alimentaire et l’empêchant de tomber dans le larynx, soit en 
formant une partie du conduit qu’elle doit franchir avant de péné- 
trer dans l’œsophage. 

Or, cette portion de l’épiglotte présente des formes très-va- 
riées suivant les individus. Ainsi elle est plus ou moins inclinée 
sur le larynx, droite ou renversée sur elle-même d’arrière en 


180 MOURA. — MÉMOIRE 

avant, très-courte ou très-longue, à peine courbée ou très- 
fortement comprimée sur ses côtés. Son bord libre est tantôt 
convexe et saillant, uni ou échancré au milieu, tantôt diverse- 
ment contourné. 

De l’ensemble et de la combinaison de ces conditions anatc- 
miques résultent de nombreuses variétés de formes que l’on peut, 
au point de vue de l’acte de la déglutition, ramener aux cinq 
genres suivants (voir la planche ci-jointe) : 

1°* genre : oméga ; 2° genre : fer à cheval ; 3° genre : demi- 
cercle; k° genre : arc de grand cercle; 5° genre : cône tronque. 

Ces divers genres ou espèces d’épiglottes présentent chacun 
des caractères qui sont en rapport avec certaines conditions ana- 
tomiques, et même, jusqu’à un certain point, avec la taille des 
individus. Le genre oméga, par exemple, appartient à l’épiglotte 
courte, et se rencontre très-fréquemment chez les sujets petits de 
taille et à voix flütée; le genre arc de grand cercle indique une 
épiglotte longue, ordinairement renversée en avant, etc. Je dois 
toutefois faire observer que ces rapports sont loin d’être ab- 
solus. 

Mouvements de l’épiglotte. — J'ai déjà dit ce que les physio- 
logistes pensaient de ces mouvements. Voyons ce que la laryn- 
goscopie nous apprend à cet égard : 

M. Manuel Garcia, professeur de chant, a, le premier, en 1855, 
constaté que l’épiglotte exécute pendant le chant de légers mou- 
vements de tension et de redressement. M. Czermak les a con- 
firmés après lui, et il n’est pas aujourd’hui de médecin s’occupant 
un peu de laryngoscopie qui ne les ait observés. 

Ces mouvements de l’épiglotte sont faciles à reconnaitre : 
4° lorsque, les circonstances le permettant, on soumet à l'examen 
du miroir laryngoscopique deux sujets dont le larynx est sain 
chez l’un, frappé de paralysie ou atteint d’œdème vestibulaire 
chez l’autre ; 2° lorsque, par cause pathologique ou accidentelle, 
l’épiglotte a été divisée suivant sa longueur en deux parties iné- 
gales dont l’une est inerte et flottante, et dont l’autre, résistante, 
exécute les mouvements signalés plus haut. Les mouvements de 
l'épiglotte n’ont pas lieu ou sont peu appréciables lorsque cet 


2 
4 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 181 


organe est conformé suivant le 4°, le 5° et quelquelois le 
2° senre, ou lorsqu'il y a un œdème assez intense, une paralysie 
des cordes vocales. 

L'anatomie démontre à son tour qu’il existe des faisceaux mus- 
culaires ayant action sur l’épiglotte de manière à l'incliner en 
bas et en arrière. Ces faisceaux, au nombre de quatre, sont logés 
dans l'épaisseur des replis aryténo-épiglottiques et superposés 
deux à deux. 

Les deux faisceaux supérieurs, souventrudimentaires ou absents, 
sont situés près du bord des replis et constitués par les fibres 
croisées du muscle aryténoïdien; leur extrémité tendineuse se 
perd sur les côtés de l’épiglotte, mais ne s’insère pas directe- 
ment à ce fibro-cartilage. 

Les deux faisceaux inférieurs, quelquefois très-développés, 
se détachent du bord supérieur de la couche externe des mus- 
cles thyro-aryténoïdiens, et vont par leur extrémité tendineuse 
s'épanouir dans le tissu fibro-élastique qui se fixe aux côtés de 
l’épiglotte. 

Il résulte de tout ce qui précède que l’épiglotte jouit de trois 
sortes de mouvements : 

1° Mouvements propres ou achfs, les uns de haut en bas ou 
d’abaissement, les autres de dehors en dedans ou de compression; 
ils font souvent défaut comme les muscles qui les produisent; 

2 Mouvements d’'élasticité ou de résistance Vitale ; 

3° Mouvements passifs, c’est-à-dire d'emprunt ou de voisi- 
nage. 

La combinaison de ces mouvements entre eux rend difficile 
l’apprécietion de leur nature. Elle explique le désaccord des 
expérimentateurs à cet égard. 

Les mouvements exécutés par l'épiglotte pendant la dégluti- 
hon et le chant ne sont pas les mêmes. — Les mouvements 
qu'exécute l’épiglotte pendant la déglutition sont-ils les mêmes 
que ceux qui ont lieu pendant le chant ? 

La laryngoscopie m'a démontré que si l’ocelusion du larynx 
pendant la déglutition était facile à constater, il n’en était plas 
ainsi des mouvements actifs de l’épiglotte, 


182 ._ MOURA. — MÉMOIRE 

Les contractions des organes voisins sont si multiples, leur 
déformation si complète, qu'ils deviennent insaisissables quelque 
attention que l’on fasse. 

De sorte que, pour moi, les mouvements de l’épiglotte, pen- 
dant l’acte de la déglutition, ne sont que des mouvements d’é/as- 
ticité vitale et d'emprunt. Il m'est impossible d’affirmer si son 
. mouvement d’abaissement lui est propre. 

L'épiglotte n'est pas un simple opercule chez l'homme. — 
S'il est un phénomène de l'acte de la déglutition sur lequel les 
physiologistes soient d'accord, c'est évidemment celui-ci. 

L’épiglotte a été, en effet, considérée par tous comme une val- 
vule, une soupape, un opercule destiné à fermer, à couvrir ou 
protéger mécaniquement la cavité du larynx, au moment du pas- 
sage des aliments de la bouche dans l’œsophage. Cette opinion, 
vraie pour le chien et probablement pour d’autres animaux, est 
erronée quant à l’homme. Ce que j'ai dit de son épiglotte le 
prouve surabondamment. 

En outre, la conformation de l'organe de la voix du chien et 
de l’homme présente des différences qui ne permettent pas d’ap- 
pliquer à celui-ci ce qui se passe chez celui-là. 

Épiglotte du chien. — L’épiglotte du premier n’offre pas les 
inflexions de celles du second ; elle représente assez exactement 
(voyez la planche ci-contre) la mandibule supérieure des jeunes 
oiseaux, à peine sortis de l’œuf; elle est lâchement unie à la 
langue, se laisse déplacer, abaisser et porter à droite et à gauche 
avec la plus grande facilité ; elle est découpée à angle aigu et 
contournée en cornet de papier; ses bords, à l’état de repos, 
touchent la paroi du pharynx. Des observations directes, faites 
sur plusieurs chiens, m'ont démontré que les aliments renversent 
l'épiglotte en passant, de façon que son angle ou sa pointe supé- 
rieure devenant inférieure frotte contre le pharynx et se relève 
de bas en haut après la descente des aliments. 

Occlusion du larynx chez le chien. — L’occlusion du larynx 
présente aussi une différence essentielle. Les replis sus-glottiques 
(fausses cordes vocales des auteurs) se mettent facilement en 
contact et ferment la cavité du larynx, aussi bien que les cordes 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 183 
vocales situées au-dessous. Chez l’homme, l'effort le plus éner- 
gique n’a jamais pu, à l'état normal, produire le contact des 
replis sus-glottiques ; de sorte que le ligament thyro-épiglottique 
est indispensable pour combler le vide ou intervalle qui sépare 
ces deux replis au moment de la déglutition. 

On voit par là qu’il n'est pas possible de juger de l’épiglotte 
humaine par l'épiglotte canine. Voici donc un deuxième fait qui 
démontre que chez l’homme ce fibro-cartilage n’est pas un simple 
opercule destiné à fermer le larynx. 

Communication du vestibule avec le pharynx pendant la 
déqglutition. — Expériences. 

Sur un chien de taille moyenne fintroduis, entre l’os hyoïde 
et le cartilage thyroïde, un trocart, de manière à faire pénétrer 
l'extrémité de sa canule au-dessus des replis sus-glottiques. Je 
verse ensuite de l’eau dans la gueule de l'animal; à chaque dé- 
glutition une gouttelette sort brusquement et avec des bulles 
d’air par l’orifice externe. 

Je répèle cette expérience avec un trocart de 2 à 3 milli- 
mètres de diamètre sur un autre chien. À chaque déglutition il 
sort avec bruit de l’eau et de l’air par la canule. Il n’y a donc 
pas le moindre doute qu'il existe une certaine communication 
entre le vestibule et le pharynx au moment du passage des ali- 
ments. 

Cette communication avait été démontrée par Corde, Evers, 
Haller. Ces auteurs ayant fait avaler un liquide coloré à des ani- 
maux et les ayant immolés peu après, auraient trouvé, dit-on, la 
trachée et les bronches imprégnées de la couleur du liquide 
(Grimaud). 

J'ai constaté moi-même, au moyen du laryngoscope, la colora- 
tion en noir de la glotte et de la trachée sur un chien dont j'avais 
excisé la moitié de l’épiglotte et auquel j'avais ensuite fait boire 
de l'encre. Sans être complétement démonstrative, cette expé- 
rience prouve du moins que les replis sus-glottiques et les liga- 
ments vocaux, chez le chien, ne ferment pas hermétiquement 
l’entrée du larynx, et qu’une petite quantité de liquide peut s’in- 
troduire dans la glotte sans inconvénient, | 


18/ + MOURA. — MÉMOIRE 

Mais voici d’autres expériences plus concluantes : 

Une troisième expérienc est faite avec le trocart. J’adapte 
l'extrémité extérieure de la canule à un tube de caoutchouc qui 
aboutit à un manomètre. Dès que le chien boit, la colonne mer- 
eurielle s'élève jusqu’à 7 et 8 millimètres dans la branche graduée 
de l'instrument. Ce phénomène se reproduit à chaque déglutition, 
même lorsque le chien avale à vide, c'est-à-dire n’avale que sa 
salive. 

Cette dernière expérience montre que l'air contenu dans le 
pharynx ei le larynx au moment du passage du bol alimentaire 
est comprimé et refoulé dans l’œsophage et probablement aussi 
dans la trachée. 

Les expériences que je viens de citer sont fort simples en elles- 
mêmes ; cependant elles demandent beaucoup de soins ét d’at- 
tention. Ainsi, le pied de l’épiglotte devant être traversé par la 
pointe du trocart, ce cartilage résiste et glisse très-facilement sur 
l'instrument. De plus, l'extrémité interne de la canule doit à 
peine dépasser ce pied dans le larynx pour que la communication 
ne soit pas gênée ou fermée par le contact du pharynx. Le la- 
ryngoscope, du reste, m'a permis d'éviter ces inconvénients. 

Cette communication peut exister chez l'homme entre le coude 
épiglottique et le sommet des deux aryténoïdes. — Il est facile 
de prévoir, par ce que j'ai dit du rôle de l'épiglotte, que cette 
communication ne saurait être chez l’homme la même que chez le 
chien. La seule communication probable et admissible est située 
entre le coude épiglottique et le sommet des deux carlilages ary- 
ténoïdes, mais elle ne paraît pas constante, comme le prouve le 
fait suivant : 

Un jeune homme de dix-huit ans, ayant perdu la voix par suite 
de la présence d’une fausse cicatrice sous-glottique, en forme de 
croissant, fut soumis à l'opération de la laryngotomie. 

Pendant qu’il buvait, je maintins écartées, avec des érignes, 
les deux moiliés du cartilage .nyroïde. Aucune trace de liquide 
ne vint, à travers le larynx, m’avertir de l’existence d’une com- 
munication quelconque entre cet organe et le pharynx. 

Quoi qu’il en soit, des chirurgiens ont, dans des circonstances 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 185 
semblables, observé non-seulement le passage des liquides mais 
aussi celui des aliments à travers le larynx et la trachée. 

Cette communication aryténo-épiglottique peut expliquer la 
facilité avec laquelle certaines personnes avalent de travers. 

Tel est l'exemple d’une femme que je cite plus loin. 

L'épiglotte est-elle indispensable à l'intégrité de la dégluti- 
tion ? — L’excision de cet organe sur des chiens avait fait croire 
à Magendie que ce fibro-cartilage n’était indispensable ni à la 
déglutition des aliments, ni à celle des boissons. « 1/ n'avait pu 
toutefois répondre, dit Percy, que la privation de l'épiqglotte fut 
aussi indifférente chez l’homme que chez les animaux pour l'acte 
de la déglutition. » 

En répétant les expériences de Magendie, notre savant physio- 
logiste, M. Longet, a constaté que la déglutition des liquides seule 
était suivie d’une toux convulsive. 

J'ai moi-même pratiqué l’extirpation de l’épiglotte sur trois 
chiens, en suivant un procédé plus simple que celui de ces expéri- 
mentateurs, et que voici : 

Le chien étant solidement attaché, ses mâchoires sont écartées 
et sa gorge est éclairée par la lumière solaire réfléchie. Je passe 
ensuite un fil à travers sa langue que je soulève, et j'incise pro- 
fondément son filet charnu. | 

La langue est tirée en avant par un aide; puis je saisis l’épi- 
glotte à l'aide d’une érigne et j’en fais l’excision avec des ciseaux 
courbes. Le laryngoscope, appliqué avant et après l'opération, 
me permet de voir ce que je fais. 

Les chiens opérés de cette manière mangeaient et buvaient 
sans présenter une gêne réelle de la déglutition. Dans les pre- 
miers moments, deux ont toussé légèrement en buvant, mais leur 
repas s’est très-bien terminé sans toux nouvelle. Ce phénomène 
ne s’est plus représenté depuis. 

Ces différences entre les expériences de Magendie et les mien- 
nes d’une part, et celles de M. Longet et autres d’autre part, 
tiennent-elles à une conformation différente de l’organe de la voix 
ou à toute autre cause ? 


Le laryngoscope m’a fait voir qu’il existait, en effet, quelques 


æ 
186 MOURA. — MÉMOIRE 


variétés dans la forme de l’orifice supérieur du larynx des chiens. 
Mais je ne saurais jusqu’à présent en faire une application favo- 
rable à l'explication de ces différences. 

Quoi qu'il en soit, il est certain que les résultats de ces expé- 
riences ne sont applicables ni à l'homme, ni aux faits patholo- 
giques sur lesquels on les appuie, 

J'ai déjà montré, en effet : 1° que la conformation du larynx 
de l’un était différente de celle du larynx de l’autre; 2° que l’oc- 
clusion de la cavité de cet organe se fait à l’aide des replis sus- 
glottiques et vocaux chez le premier, au moyen du ligament 
thyro-épiglottique, au contraire, chez le second; 3° qu’enfin les 
inflexions que présente l’épiglotte humaine n’existent pas sur celle 
du chien. 

Ces inflexions, sur lesquelles je me suis arrêté déjà, peuvent 
faire considérer cet organe comme composé, jusqu’à un certain 
point, de trois pièces unies entre elles et susceptibles d'une 
flexion limitée les unes sur les autres ; la pièce inférieure est des- 
tinée à fermer le larynx pendant la déglutition et non pendant 
le chant; la pièce supérieure empêche les aliments de tomber 
dans son vestibule ct la trachée; elle leur sert en même temps de 
pont pour franchir Le carrefour du pharynx ; la pièce moyenne sert 
de lien aux deux autres et leur facilite les mouvements dont j'ai 
parlé plus haut. 

Rien de semblable ne s’observe chez le chien. 

Ce n’est pas sans raison, par conséquent, que je dis que les 
conclusions tirées des expériences faites sur cet animal ne sont 
pas applicables à l’homme. 

- Le passage des aliments de la bouche dans l'æsophage est 
subordonné au fait principal de l'occlusion du larynx. — Cette 
occlusion, on le sait, peut être obtenue par le contact des replis 
sus-glottiques chez le chien, par le ligament thyro-épiglottique 
et le tiers inférieur de l’épiglotte chez l'homme; on comprend 
dès lors que la destruction ou l’extirpation complète de cet 
organe n'empêche nullement la déglutition chez le premier, et la 
rende, au contraire, trés-difficile chez le second. 

On peut donc avancer sans crainte que lépiglotte tout entière 


ii mé sdiéietÉÉERÉ SSD nd © 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 187 


chez le chien, ses deux tiers supérieurs seulement chez Phomme, 
ne sont pas nécessaires à l'intégrité de cette fonction. Beaucoup 
de faits pathologiques confirment cette dernière opinion. J'ai 
maintes fois constaté que des malades atteints d’ulcérations pro- 
fondes, tant de l’épiglotte que des cordes vocales, mangeaient et 
buvaient sans accuser la moindre difficulté, la douleur exceptée. 

M. Louis et d’autres ont vu des phthisiques qui, malgré la des- 
truction des cordes vocales, avaient bu et mangé jusqu’au der- 
nier moment. Le laryngoscope confirme tout cela sur le vivant. 

Comment la déglutition pourrait-elle s’accomplir dans ces cir- 
constances de même que dans la paralysie des cordes vocales, si 
le ligament thyro-épiglottique et le tiers inférieur de l’épiglotte 
n'étaient là pour fermer l'entrée du canal aérien ? Cette partie 
inférieure de l'organe est tellement indispensable chez l’homme 
que si, par une cause pathologique ou par un moyen artificiel, on 
pouvait fixer à la base de la langue le bord épiglottique, la dé- 
glutition en serait gènée, pénible, par suite de l’occlusion très- 
imparfaite du vestibule laryngien. Les deux observations sui- 
vantes en sont la preuve. 


Os. [. — M"° W..., couturière à Paris, fut atteinte d’un mal de gorge 
qui, en vingt-quatre heures, produisit une sorte d’étranglement très-pénible 
et la perte de la voix. Le mal de gorge cessa de lui-même assez vite, paraît - 
il, et sans rien faire. x 

Un mois après, M"° W... vint me consulter pour un enrouement qu’elle 
avait conservé. À peine le laryngoscope est-il en place que j’aperçois une 
épiglotte fortement renversée en avant et maintenue dans cette position par 
quatre à cinq petites tumeurs situées à droite et adhérentes à la base de la 
langue. 

Si par hasard une forte contraction des organes dégage l’épiglotte, celle- 
ci est immédiatement après ressaisie et fixée par les mamelons hypertro- 
phiés de la langue. | 

Je m’enquiers aussitôt de la manière dont la déglutition s’accomplit. Un 
peu surprise de mes questions, celle dame m’apprit ce qui suit : 

Toute sa vie (elle a quarante-sept ans) elle a avalé avec difficulté ; elle 
est forcée de prendre des précautions en mangeant et en buvant ; elle ne 
peut avaler que de petites bouchées d'aliments et de petites gorgées de 
liquide ; encore celles-ci ne passent-elles pas toujours la premiére fois, et 
la malade se reprend, dit-elle, à deux fois pour les avaler. 


188 MOURA. — MÉMOIRE 


Enfin, M"° W... s’ennoue (s'étrangle) facilement, si surtout on la distrait, 
ou si on la fait rire pendant qu’elle boit; elle a manqué étouffer de cette ma- 
nière en 1854. 

Ops. IT. — Un jeune homme de vingt ans, avalant de travers depuis deux 
mois, est examiné le 5 décembre 4860, en présence de son médecin. Le la- 
ryngoscope me fait constater un œdème sus-glottique considérable ; le vesti- 
bule est remplacé par un bourrelet circulaire, bosselé, rigide ; l’épiglotte 
forme en avant une tumeur convexe, pâle, profondément divisée en arrière 
en deux lobes par le raphé médian de l’organe. 

À travers le centre du bourrelet, j’aperçois à peine les cordes vocales qui 
sont blanches et peu mobiles. 

Je fais manger le malade et je l’examine avant que la déglutition ait lieu. 
Le miroir laryngien me montre alors l’intérieur du bourrelet garni d'aliments 
mâchés et en bouillie. Pour les déglutir, le malade est obligé de tousser cha- 
que fois ; il s’est créé ainsi une déglutition artificielle et parvient à se nourrir 
tant bien que mal. 

La déglutition des liquides lui est plus pénible ; il est obligé de tousser 
davantage pour les faire passer dans l’œsophage. 


RÔLE DE L'ÉPIGLOTTE PENDANT L’ACTE DE LA DÉGLUTITION, 
MODIFIÉ SUIVANT SON GENRE DE CONFORMATION. 


Je puis maintenant exposer en peu de mots les modifications 
que les différents genres de conformation de l'épiglotte intro- 
duisent dans le rôle de cet organe et que la laryngoscopie con- 
firme, car tous les éléments du problème nous sont connus. 

1 genre : oméga.— Il n'y a ni abaissement, ni culbute appré- 
ciable de l’épiglotte; pas de déformation, pas de renversement en 
avant par le pharynx. Passage des aliments et des liquides par- 
dessus son bord et sur ses côtés. (Voyez les planches IV et V.) 

* 2e genre : fer à cheval. — L'abaissement de l’épiglotte est 
encore peu sensible ; ses côlés sont rapprochés par la contraction 
énergique des organes voisins; léger renversement en avant de 
son bord libre. Passage des aliments et des liquides par-dessus 
ce bord et très-peu sur ses côtés. 

5° et 4° genres : demi-cercle et arc de grand cercle. — L'a- 
baissement ou culbute de l’épiglotte est manifeste; la déforma- 
tion de son bord libre est très-évidente dans le quatrième genre 
et son renversement en avant plus marqué que dans les deuxième 


ES ET RS ES 


ET OS ST PS CS CE 


SUR L'ACTE DE LA DÉGLUTITION. 189 
et cinquième; ses côtés sont énergiquement rapprochés et son 
bord libre forme avec la paroi du pharynx un orifice pharyngo- 
épiglottique plus régulier dans le troisième genre que dans le qua- 
trième. La compression latérale exercée sur lépiglotte est souvent 
telle que son bord libre en est comme froissé, ou plissé dans le 
quatrième genre. 

5° genre : cône tronqué. — L'abaissement de l'épiglotte, quoi- 
que peu sensible en général, est d'autant plus appréciable que 
l’inclinaison de cet organe sur le larynx est moins prononcée ; sa 
déformation est presque nulle, le rapprochement de ses côtes 
un peu augmenté, et le renversement en avant plus ou moins 
marqué suivant la longueur de sa portion libre. 

Le passage des aliments et des boissons se fait à travers l’ori- 
fice pharyngo-épiglottique, et non sur les côtés. 

Ce cinquième genre d'épigloitte est celui qui représente le 
mieux l’opercule des auteurs, 

Il ne faut pas oublier que le pharynx en se contractant fait 
varier le renversement en avant de l’épiglotte, suivant que le 
diamètre antéro-postérieur de ce conduit est plus ou moins en 
rapport direct avec la longueur et avec linclinaison de ce fibro- 
cartilage. Tel genre d’épiglotte, le cinquième par exemple, peut 
rencontrer la paroi pharyngienne dès les premiers phénomènes 
de l’acte de la déglutition ou seulement à la fin, suivant la con- 
formation de la gorge du sujet. | 

6° Pharynx. — Le rôle du pharynx dans Vacte de la dégluti- 
tion a été étudié avec soin par Albinus, Sandifort, Hevermann, 
Gerdy, Kobelt, Bidder, Béclard, Longet, etc. Je ne m'occuperai 
ici que de son ampliation et de ce fait qu'il peut remplacer 
l'isthme. 

Son ampliation n'existe pas: — Le célèbre physiologiste Haller 
a signalé un certain élargissement qui se produirait dans la partie 
inférieure du pharynx pendant que cet organe est entrainé en 
baut avec le larynx. 

« L'introduction des aliments dans le pharynx et en partie 


. » dans l’œsophage, dit M. Maissiat, est due à l’ampliation du 


» pharynx, déterminée par le mouvement en haut et en avant du 


190 MOURA. — MÉMOIRE 
» larynx et de l'os hyoïde. Aïnsi la déglutition, ajoute-t-il, serait 
» la conséquence physique de ce mouvement. » 

Cette ampliation, acceptée par les uns, rejetée par les autres, 
n’a pas été démontrée. Elle ne me paraît pas admissible. 

La laryngoscopie m'a permis de constater que la capacité infé- 
rieure du pharynx était augmentée pendant l'émission des sons 
les plus bas; alors le larynx et le pharynx subissent un léger 
mouvement, l’un de descente et de tension, l’autre d’agrandisse- 
ment et d’allongement. 

Dans les autres circonstances cette capacité ne varie pas; elle 
diminue plutôt qu'elle n’augmente. L’ampliation ne pourrait se 
produire que si le larynx et le pharynx descendaient, et c’est le 
contraire qui a lieu dans la déglutition. 

Au moment, d’ailleurs, où cette ampliation suivant les auteurs 
devrait se réaliser, les aliments ne sont pas encore engagés dans 
le conduit pharyngo-épiglottique; cet engagement ne commence 
qu'avec l’aide de la contraction énergique de tous les organes, et 
le pharynx alors est réduit à sa plus simple expression. 

La déglutition ne peut donc être la conséquence physique de 
cette amplialion supposée, comme l’avance M. Maissiat. 

Le pharynx.peut remplacer l'isthme du gosier. — J'ai dit que 
le pharynx remplacerait l’isthme du gosier si, par hasard, celui-c1 
faisait défaut. | 

« Les constricteurs supérieurs du pharynx, dit Gerdy, se con- 

» tractent, embrassent le voile par sa face supérieure et son bord 
» libre, puis le compriment de haut en bas, et l’entraînent en ce 
» dernier sens avec le bol qui est au-dessous. 
..» Dans ce moment le pharynx tend à avaler le voile, et l’ava- 
» Jerait si celui-ci n’était solidement fixé à la voûte osseuse. Il y 
» a en quelque sorte un sphincter inscrit dans un autre sphincter, 
» de même qu’à l'oreillette on voit autour de chaque veine pul- 
» monaire, un anneau charnu, contenu ou inscrit dans l’anneau 
» commun à toute l'oreillette. » 

Cette action du pharynx pendant la déglutition ne pouvait être 
assurément mieux imterprétée, et, quoique les derniers mouve- 
ments de l’organe soient soustraits à l’observation directe, on 


SUR L'ACTE DE LA DÉGLUTITION. 191 


reconnait que l'explication de Gerdy est celle qui approche le 
plus de la vérité. 

Cette interprétation pourrait à la rigueur me suffire pour dé- 
montrer que l’action du sphincter pharyngien rend inutile celle 
du sphincter de l’isthme et peut par conséquent y suppléer. 

Mais voici une expérience et une observation qui le prouvent : 


Expérience sur un chien de taille ordinaire. — Je sépare de chaque côté les 
piliers de l’isthme du voile du palais en pratiquant une incision profonde à 
leur point de jonction. 

Cette opération n'empêche pas l’animal de manger et boire immédiate- 
ment comme si la division de l’isthme et du voile n’existait pas. 

Je pourrais ici rappeler encore l’expérience que j’airapportée page 469 et 
qui consiste à enlever totalement l’isthme et le voile. 

Observation de M. Debrou. — M. Debrou cite une jeune fille qui, atteinte 
de division congénitale du voile du palais et opérée depuis sept ans, n’avait 
plus que ses quatre piliers. 

En examinant sa bouche immédiatement après avoir avalé, il a vu distinc- 
tement au fond de sa gorge un pli horizontal qui se détachait du pharynx et 
faisait saillie derrière et au-dessus des piliers. 

Ce pli, dit-il, répondait à la hauteur du plan de la voûte osseuse palatine; 
il paraissait formé par l’arcade des fibres les plus élevées du constricteur su- 
périeur. 


Ainsi donc, le pharynx, en s'appliquant contre le voile, rend, 
par sa contraction énergique, l’action de l’isthme sur les aliments 
inutile. 

L'observation précédente prouve que le pharynx peut rempla- 
cer les piliers et même, en partie, le voile du palais, dans l'acte 
de la déglutition. 

Je suis par conséquent en droit de soutenir que les piliers, 
malgré Dzondi, Gerdy et autres physiologistes, prennent une part 
bien insignifiante à cet acte, et que sous ce point de vue ils peu- 
vent être supprimés sans inconvénient, 


CONCLUSIONS. 


Les expériences physiologiques, les observations pathologiques 
et les vivisections que j’ai faites et qui sont exposées dans la se- 
conde partie de mon mémoire démontrent : 


192 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. à 
1° Que la base de la langue est le seu et véritable agent qui 
pousse les aliments dans le pharynx ; 

2° Que les aliments ne sont presque jamais comprimés 2 contre, 
ni par le voile du palais ; 

3° Que le rôle de ce voile pendant la déglutition consiste à 
clore l’orifice inférieur du cavum nasale afin d'empêcher les 
liquides, plutôt que les aliments, de s’y engager; 

L° Que listhme du gosier n'a point sur les aliments l’action 
exagérée qu’on lui a attribuée, et qu’il peut être supprimé ou dé- 
truit sans compromettre l'acte de la déglutition ; 

5° Que les diverses variétés de conformation de la portion libre 
de l’épiglotte que j'ai distribuées en cinq genres, peuvent pro- 
duire quelques légères modifications dans le mode d'introduction 
des aliments et des boissons dans le pharynx ; 

6° Que l’épiglotte jouit de mouvements actifs limités, d’élas- 
ticité vitale et passifs ou d'emprunt; 

7° Enfin que le résultat des expériences faites sur le rôle de 
l’épiglotte du chien n’est pas applicable à l’homme (1). 


ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Recherches sur la constitution chimique des matières albumi- 
noides, par M. A. Commaize (2). 


COMPTE RENDU, par M. FERNAND PAPILLON. 


Ce travail très-étendu, plein d’analyses difficiles et de déductions intéres- 
santes, a trait à toutes les substances albuminoïdes connues, aux végétales 
comme aux animales, et aux variétés secondaires aussi bien qu'aux espèces 
fondamentales. L'auteur a pris la question comme il convient de la prendre, 
et si ses conclusions ne sont pas définitives, la science doit les enregistrer du 
moins comme point de départ, digne de faire époque, et comme l’œuvre 


(1) Voyez l’explication des planches V, VI et VII à la page 224. 
(2) Moniteur scientifique, 15 octobre 1866, t. VIII, p. 897. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 193 


pleinement méritoire d’un savant modeste, à qui son désintéressement ne 
fermera pas, j'imagine, les ouvertures du succès. 

M. Commaille fait l’histoire complète des matières albuminoïdes. Nous 
laisserons de côté la partie de son mémoire relative à celles de ces matières 
qu’on trouve dans les végétaux, et passerons également sous silence les faits 
déjà connus qu’il rapporte, ainsi que les données anciennes qu’il mentionne 
pour étayer sa manière de voir. C’est cette dernière que nous exposerons 
dans son individualité originale. 

L’auteur distingue dans l’œuf de poule, l’albumine crue du blanc, identique 
avec celle du jaune, la vitelline, principe propre au jaune et insoluble dans 
l’eau ; enfin, ce qu’il appelle peæine (de ænêre, coagulation), c’est-à-dire l’al- 
bumine du blanc coagulé par la chaleur. Il a reconnu que l’albumine pro- 
prement dite présente de grandes différences dans ses propriétés selon qu’elle 
est ancienne ou de date récente, toutes précautions prises d’ailleurs pour la 
conserver, selon qu’elle est plus ou moins étendue d’eau. En outre, la cuisson 
opère une dissociation véritable de ses principes. L'argent qui séjourne 
dans l’albumine crue ne s’y altère point, tandis qu’il se sulfure immédiate- 
ment dans l’albumine cuite ou en voie de cuisson. 

M. Commaille a fait des chloroplatinates avec cette albumine, et la propor- 
tion de cette dernière a varié dans les combinaisons, en raison des différences 
mentionnées précédemment. 1 00 de chloroplatinate ont donné un minimum 
de 9,05 de platine et un maximum de 10,32. 

La vitelline a été obtenue en traitant le jaune d'œuf cru par l’eau, dissol- 
vant dans l’eau acidülée la portion insoluble, précipitant par l’acide chlorhy- 
drique concentré, et redissolvant dans l’eau. Elle a donné avec le chlorure de 
platine un chloroplatinate renfermant de 7,85 à 7,96 de platine pour 400. 
Quant à la pexine, sa combinaison anléropiathique en renfermait 7,80 
pour 100. Elle a été préparée en dissolvant le blanc d'œuf dans de l’eau 
sodée, précipitant par l'acide chlorhydrique et redissolvant dans l’eau. 

Ces chloroplatinates albumineux sont tous d’un jaune orangé plus ou 
moins foncé, solubles dans l’alcool et insolubles dans l’eau. 

Le lait renferme, d’après M. Commaille, trois matières albuminoïdes : 
A° la caséine, qui existe d’après lui en dissolution et en suspension ; 2° la 
lactalbulmine, qui se trouve en grande quantité dans le colostrum; 3° la Jacto- 
proléine. 

La caséine retirée du lait par coagulation acétique donne en moyenne 
6,53 de platine pour 100 de chloroplatinate. La lactalbumine obtenue en 
chauffant le petit-lait légèrement acétique, filtré, donne des chloroplatinates 
contenant de 8,24 à 8,30 de platine. M. Commaille ne dit rien de la lacto- 
protéine. 

Dans le sang se rencontrent, d’après l’auteur : 4° la fur, spontanément 
coagulable et distincte de la musculine en ce qu’elle se dissout dans une s0- 
lution de nitre; 2° la globuline, matière des globules; 3° la sérosine ou al- 
bumine du sérum, non coagulable à froid par le sulfate de magnésie, ce qui 

JOURN, DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL.— Te IV (1867). 13 


19% ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


la distingue de la pancréatine et de la caséine, mais ce qui la rapproche de 
l’albumine du blanc d'œuf. Les combinaisons chloroplatiniques ont donné à 
M. Commaille sur 400 parties : 4° pour la fibrine 8,35 et 8,45 de platine ; 
2° pour la globuline, de 40,20 à 11,02 (six dosages); 3° pour la sérosine, 
8,14, 8,15, 8,73. 

La musculine de Robin et Verdeil {appelée depuis synfonine par Lehmann) 
et l’oposine (de ons, suc) existent dans le muscle; la première constitue la 
fibre même, la seconde est contenue dans le suc qui s'écoule des muscles par 
la pression. La matière albuminoïde liquide, appelée oposine par M. Commaille, 
est très-stable ; elle prend de 9,88 à 41,44 de platine, tandis que la muscu- 
line en prend de 10,78 à 41,47. 

Sous le nom d’uralbumine, M. Commaille distingue encore l’alhumine re- 
tirée de l'urine pathologique. L’uralbumine laisse de 40,20 à 410,62 de 
platine sur 400 de chloroplatinate, elle diffère sous plusieurs rapports de 
celle du sang, fait déjà signalé par Icery en 1854 (1). 

Enfin, l’hydropisine en a laissé 8,53. L'auteur, après avoir rapporté en 
détail ces divers résultats analytiques, remarque qu’au point de vue de la 
composition élémentaire, les poids de carbone, d'hydrogène et d'azote ne va- 
rient guère dans les diverses substances albuminoïdes. On en peut conclure, 
selon lui, que les équivalents respectifs de ces substances représentent soit des 
polymères les uns des autres, soit des associations en diverse proportion, des 
amides qui constituent la molécule primitive de chacune de ces substances. 
M. Commaille se range à cette seconde manière de voir, qu’il tâche d’étayer 
au moyen des considérations qui suivent. 

En examinant les équivalents respectifs des chloroplatinates qu’il a obtenus, 
l’auteur a remarqué qu’on les peut répartir en trois groupes qui présentent 
des caractères tels que la constitution de la base contenue dans ces sels s’en 
déduit aisément. Cette constitution est vérifiée d’ailleurs par une confron- 
tation avec les résultats de l’expérience. 

Le premier groupe renferme la caséine qui s’empare de 7 de platine. Si 
l’on donne à ce corps la formule C:% H°7 Azti 02 L 3aq, qui représente 
& équivalents de lyrosine amidée, plus 3 équivalents de leucine amidée, on a, 
faisant le décompte du poids des divers éléments : 


Théorie. Expérience, 

TE, % 
GC 8100 = 54,08...... 22 à 54,99 
m0... . 450 6,87 à 8,17 
LES SPP 2450 = 16,83... 15,66 à 16,22 
0%.. a SD es ane néon ss SE SES 

15000 
FES … 1232— 7,49... 6,53 à 7,39 
Un... « 886 


17118 équivalent du chloroplatinate. 


(1} Voyez M: Ch. Robin, Leçons sur les humeurs, 1867, in-8, p. 720. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 195 


Le deuxième groupe renferme la fibrine, la vitelline, la peæine, la lactalbulmine, 
la sérosine et l’hydropisine, prend 8 pour 400 de platine. M. Commaille lui 
donne la formule C%H®? Azt? 06, qui représente 4 équivalents de tyrosine 
amidée, plus 2 équivalents de leucine amidée. 

Voici la vérification : 


Théorie. Expérience. 
CT — PT 
CN... 1300 — 90,05...1:.. 514 à 50,5 
HE AL c 1094— 7,86...... 6 à 7,6 
Aabbraghe. 2100—16,12...,.. 45  à46 
0%,.4...: 2600 
13024 
PP CMPLREPEPIN! 2) 7,80à 8,24 
CHU ve 886 


15142 équivalent du sel. 


L’albumine proprement dite, qui prend 40 pour 4100 de platine, correspond à 
k équivalents de tyrosine amidée, plus 1 équivalent de leucine amidée. Sa for- 
mule est : C8* H67 Az10 023, 

Le quatrième groupe s’exprime par C66 H54 Az8 Of3 -E 2aq. La globuline, la 
musculine, l’oposine et l’uralbumine se réduisent en effet à 3 équivalents 
de tyrosine amidée, plus À équivalent de leucine amidée. 


Théorie. Expérience. 
C66, ..... 4950 —94,69.4 . + 52,9 à 52,2 


H56.. dd os 700 — TPE A CPC 7,0 à 7,93 
An... 4h00 —=145,47., «44. 45,92 à17,4 
OIL 4 EN 20087. 


ss 


9050 
BEA AS. 19232 — 10,84...... 10,24 à 40,27 
ie: .. 886 

11168 


M. Commaille est ainsi conduit à un essai de sériation des matières albumi- 
noïdes absolument neuf, et trop concis pour qu'on le puisse résumer. Je le 
reproduis ici textuellement, en le faisant suivre du tableau qui résume, d’a- 
près M. Commaille, les principales réactions des diverses substances albu- 
minoïdes. | | 

Essai de sériation des matières albuminoïdes. 


Les substances albuminoïdes sont des amides de tyrosine et de leucine (1). 
« C’est M. Millon et moi, dit M. Commaille, qui, les premiers, avons avancé 
cette opinion, qui se trouve confirmée par le travail précédent. » 


(f) « Les substances albuminoïdes sont des amides, ét comme telles peuvent don- 
ner lieu à des phénomènes caloriques tranchés, lors de leur hydratation aveë dédou- 


196 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Quand on traite ces substances par des oxydants, elles donnent toutes des 
corps de la série benzoïque, acétique ou homologues. 

La tyrosine a pour formule, déduite des analyses de MM. Warren de 
la Rue et Hinterberger : C1 Ht!Az 06, Cette formule a été vérifiée par l’a- 
nalyse de beaucoup de combinaisons, la tyrosine donnant des produits dé- 
rivés avec l’acide nitrique et pouvant alors se combiner aux bases et aux 
acides, dont elle peut du reste jouer elle-même le rôle au point de décom- 
poser les carbonates. | 

La leucine est représentée par C1? H13 Az Of. 

Elle se combine parfaitement aux bases métalliques (cuivre, plomb, mer- 
cure) et aux acides. 

Considérée comme acide, la leucine se rattache aux acides polyatomiques 
et polybasiques. 

Elle fait partie d’un groupe dont le glycocolle (acide acétamique de Ca- 
hours; le glycocolle est en effet de l’acide acétique dans lequel H est remplacé 
par Az H?) est le premier terme et dont elle-même est le dernier. Pour 
M. Cahours, la leucine est l’amide de l’acide caproïque. ou acide caprona- 
mique. 

En effet, l’acide acétamique C* H° Az Of est à l’acétamide C#H° AzO? ce 
que l’acide capronamique C1? H1$ Az Of est à la capronamide C!? H13 Az O?, 

On a alors comme série des glycocolles : 


C4 H5 Az 04 — glycocolle ou acide acétamique. 

C6 H7 Az Of — alamine ou acide propionamique. 
Série homologue... 4 C8 H° Az 04 — corps de Friedel et Machuca. 

C10H114z 04 — butalanine. 

C12H134z 0$ — leucine ou acide capronamique. 


Tous ces corps sont intermédiaires enire les acides et les bases, dont ils 
peuvent jouer les deux rôles. 
La leucine doit être formulée 


C12H1103 + 0 
H AZ 


C12 H!1 0 étant l’anhydride caproïque. 

(M. Gorup-Bezanez dit avoir trouvé dans la pulpe de la rate un composé 
ayant une formule très-voisine (C1? H11Az0#) et affectant la forme de fines 
aiguilles brillantes) (4). 


blement ou de leur déshydratation avec combinaison.» (Berthelot, Journal de phar- 
macie, 4865, t, Il, p. 211, Sur la chaleur animale.) — « D’après leurs ré.ctions, 


on est fondé à considérer tous ces principes (albumine, fibrine, osséine, etc.) comme 


des amides, etc. » (Berthelot, Leçons sur les méthodes générales de synthèse, 1864.) 
(4) Schützenberger, Chimie appliquée à la physiologie, p. 218. 


NO RL rent Er 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 197 


La leucine, qui est une monamine primaire, 


Ci?2H1104 | 
He #,Az 
H | 


dans la classification d'Hofmann, peut encore se représenter par de la buty- 
ramide et du glycol, moins 2 équivalents d’eau. 


CI2H13 Az 04 — C8 H9 Az 02 EL C4 H6 04 — 2H0. 
TT  —" a mm 
Leucine. Butyramide. Glycol. 


Quant à la tyrosine, on n’a pu la sérier. 

On peut cependant la considérer comme une amide de l’acide acétoben- 
zoïque de Gerhardt (C'8 H$O6). On a en effet 

C8 H8 06 —E Az H$ — C'8H!1 Az O6. 

L’acide acétobenzoïque, étant l’anhydride double de l’acide acétique et de 
l'acide benzoïque, ne perd pas d’eau pour constituer une amide (1). 

L’acide capronamique (leucine) et l’acide acétobenzoïque amidé (tyrosine), 
qu’il ne faut pas confondre avec l’acide acétobenzamique C18 H° Az 06, déjà 
connu, peuvent se combiner à l’ammoniaque Az H#0, comme le font les 
composés analogues dérivés de l’acide camphorique, et l'on a : 


(C1? H13Az 04, Az H4 0)3 + (CI8H11A206, Az H40)4 — C108 H97 Az14 029  4HH0. 
D D DU. “es So, 
Capronamate d’ammoniaque, Acide acétobenzoïque amidé Caséine anhydre. 

et ammoniaque. 


égalité qu’on peut, du reste, écrire : 
(C2 H13Az Of — HO Az HS) — (C2 H15 Az2 0% 
où amide de l’acide capronamique, 
+ (CI8 H11 Az 06 — HO<+-Az H3){— (CI8 H15 Az? 05) 
ou amide du deuxième degré de l’acide acétobenzoïque 
— (108 H97 Az14029, 
anhydride des acides amidés (caséine). 


(1) L’acide acétobenzoïque est de l’eau dans laquelle l'hydrogène est remplacé par 


deux radicaux différents : 
n | 0° L C4 H30? 0? 


H C14H502 
L’acide acétobenzamique de Gerhardt est une monamine secondaire : 
C4 H503 
C4H303 Az, 
H 


et l’acide acétobenzamique ou la tyrosine sera une monamine primaire dans laquelle 
l'acide acétobenzamique ci-dessus remplacera H de l’ammoniaque : 
C!8H206 
H La 
H 


198 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, 


Mais il est plus rationnel de formuler sous le type ammoniaque : 


C12H134z02L 0) \3 /CI8HIHAz06— O0) \4 | 
H | x) . H | ) — (108 H97 Azi4 029, 
H H 


Remarquons encore que Hofmann, considérant l’acide anisamique comme 
un amide à molécule susbtituante oxygénée à 6 équivalents, on peut ap- 
pliquer une formule analogue à la tyrosine ; on a 
C16H706 C18H2 056 


H Az — acide Ar St N Va — tyrosine (amide acétobenzoï- 
H H ) que). 


La différence étant C2 H?, ces deux corps sont homologues. 
Ce que je viens de dire pour la caséine peut être appliqué à toutes les 


autres substances albuminoïdes, qui sont aussi des amides de ans et de 
leucine, | 


Maintenant, si nous remarquons : 

1° Que, toutes les fois qu’on attaque la tyrosine par des corps oxydants, 
on obtient de l’hydrure de benzoïle (essence d’amandes amères), qui se 
transforme par simple oxydation en acide benzoïque, et du glycocolle (acide 
acétamique), 


C8 H11 Az 06 — CHH6O2 + CAHS Az Of; 
Tyrosine. Hydrure Glycocolle. 
de benzoïle, 


2° Que la tyrosine peut être représentée par 4 équivalent d’acide benza- 
mique, ! équivalent de glycol, moins 1 <qpalent d'eau, 


CI8H11 4706 — CI4H6Az03 CAHGOU — HO ; 
Te se. mm 
Tyrosine. Aeide benzamique,  Glycol, 


comme la leucine peut être représentée par du glycol et de la butyramide, 
moins 2 équivalents d’eau : 


CIZH13 702 — C8 H? Az 02 - C4 H604 — 2H0 ; 
EE SE mt 
Leucine, Butyramide. Glycol. 


3° Que le glycol, par oxydation, donne de l’acide oxalique, 


C{H604 E 08 = CH208 — AHO ; 


a mm Sn, 
Glycol, Acide 
oxalique. 


4° Que l’acide benzoïque et le glycocolle représentent l'acide hippurique, 


CHH604  CAHSAzO4 — CI8H°Az706  2H0 : 
mm ST, ST 

Acide Glycocolle, Acide 
benzoique, bippurique. 


Î 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 199 


5° Que l'acide hippurique, isomère de l’acide acétobenzamique de Ger- 
hardt (CI$H°Az 06), peut lui-même être considéré comme de l’ammoniaque, 
Az H$, dans laquelle 2 équivalents d’hydrogène seraient remplacés par 
A équivalent d'acide acétique anhydrique et 1 équivalent d’acide benzoïque 
anhydre, 

C4 H303 
. Ci4H5 da = C!8H°Az06; 
H 


6° Que la leucine peut être représentée par de l’eau, du valéraldéhyde et 
de l’acide cyanhydrique, 


C10H10 02 -L HC2Az + 2H0 — CI2H13Az01, 


hi mm? Se  . — 
Valéraldéhyde. Acide. Leucine, 
cyanhydrique. 


ce qui explique la production aruficielle de cette substance par le procédé de 
Limpricht ; 

7° Que toutes les matières albuminoïdes sont des amides de tyrosine et de 
leucine, dont les rapports avec d’autres substances viennent d’être établis ; 
on comprendra comment on a pu trouver dans l'organisme, soit à l’état 
normal, soit à l’état pathologique, de la tyrosine et de la leucine d’une part, 
et d’autre part tous les composés qui en dérivent, y compris l’acide oxalique, 
et aussi comment on a pu, sous l'influence des réactifs ou de la chaleur, re- 
tirer de ces substances des composés appartenant à la série acétique et à la 
série benzoïque. 

Quant à la tyrosine, elle appartient à ces mêmes séries, par copulation de 
 l’acide benzoïque avec l’acide acétique. 

En somme, la leucine et la tyrosine, et par conséquent les substances al- 
buminoïdes, doivent être rangées dans la série benzoïque et dans la série 
acétique, dont elles forment le trait d’union, comme le glycocolle est le trait 
d'union de la série acétique à la série glycolique. 

Les matières albuminoïdes sont seulement quaternaires (1). 

Le soufre et le phosphore qu’on y rencontre ne font pas partie de leur 
molécule, 


CONCLUSIONS. 


4° La caséine est représentée par 4 équivalents d’amide de tyrosine et 
3 équivalents d’amide de leucine. Sa formule est : 
(108 H°7 Agt# 021, 
2° La vitelline, la pexine, la lactalbuümine, la sérosine, la fibrine, l’hy- 
dropisine et la pseudofibrine du liquide de l’ascite sont représentées par 


(1) Berthelot, Leçon professée en 1862 à la Société chimique, p. 195, etc. 


200 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 
4 équivalents d’amide de tyrosine, 2 équivalents d’amide de leucine, Leur 
formule est 
C96 H82 Az12 0%. 
3° L’albumine est représentée par 4 équivalents d’amide de tyrosine et 
À équivalent d’amide de leucine. Sa formule est : 
C84 H67 Az10 O2, 


4° La globuline, l’oposine, la musculine, la neurine et l’uralbumine sont 


représentées par 3 équivalents d’amide de tyrosine et 1 équivalent d’amide 
de leucine. Leur formule est 
C56 H54 Az8 018. 

Les groupes que j’ai ainsi formés comprendront-ils toutes les substances 
albuminoïdes ? Evidemment non. Ce n’est qu’à la longue, par une série de 
recherches et l’étude de combinaisons analogues à celles décrites dans ce 
mémoire, qu’on parviendra à déterminer la formule des substances organiques 
azotés, tant physiologiques que pathologiques, à les classer et à suivre la 
série de transformations qu’elles subissent. 

Remarquons cependant déjà quelle est la différence qu’il y a entre les for- 
mules transcrites ci-dessus : 

C156 H138 A 720 042 — (108 H97 714029 — C48 HA A76 O1, 
qui se décompose en 2 équivalents de tyrosine amidée (C'8H15 Az? 05}? et 
4 équivalent de leucine amidée (C1? H1° Az? O$). 

On trouve de même que la troisième formule ne diffère de la seconde que 
par 1 seul équivalent d’amide de leucine (C*? H!5 Az205), et qu’il en est encore 
ainsi entre la quatrième et la troisième formule 

(CSS H82 Az12 026 — 084 H6T Azi0 0% — (12 H15 A72 03), 
Enfin, entre la quatrième et la cinquième formule, la différence se traduit 
par 4 équivalent d’amide de tyrosine, 

(C84 H67 Az10 023 — C66 H54 A8 O18 — C8 H13 Az2 05). 

On voit alors très-facilement d’après quel mode la condensation atomique 
s’opère dans les matières albuminoïdes, Mais il est probable qu’entre le pre- 
mier et le deuxième groupe, il y en a d'intermédiaires que l’étude d’autres 
substances fera découvrir : la proportion 6 pour 400 de platine manque en 
effet. d 

On sait quels écarts existent entre les analyses élémentaires des principes 
‘albuminoïdes, dues cependant aux chimistes les plus habiles ; c’est là une 
des causes qui ont empêché d’établir les formules de ces substances, car il 
fallait pour cela deux choses encore : 4° les faire entrer en combinaison avec 


un corps équivalent suffisamment élevé et apte à donner des composés: 


définis (le platine présente cette double condition); 2° être guidé par 
des vues théoriques à l’aide desquelles on püût éviter l’incertitude résultant 
des divergences dans les analyses, incertitude qui n’est pas entièrement 
levée par le poids du métal, quand il s’agit de formules où il entre jusqu’à 
456 équivalents de carbone. 

L'analyse élémentaire, dans ces cas, ne peut entièrement décider la ques- 


_v 


; 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 201 


tion, et l’on a à choisir entre des nombres qui diffèrent notablement les uns 
des autres, quoique s’approchant du nombre centésimal fourni par l’expé- 
rience. 

La préparation ni la leucine et de la tyrosine à l’aide des composés albu- 
minoïdes, et la présence constante de ces deux substances dans la destruction 
spontanée ou à l’aide des réactifs, des mêmes composés, nous ont mis, 
M. Millon et moi, sur la voie des vues théoriques dont je viens de parler, et 
l’idée de considérer les substances albuminoïdes comme de la tyrosine unie à 
de la leucine, plus de l’ammoniaque, moins de l’eau, c’est-à-dire d’en faire 
des amides de tyrosine et de leucine, nous appartient entièrement. C'est en 
élargissant le cadre de nos recherches sur la caséine que j'ai pu y faire entrer 
un grand nombre de composés albuminoïdes et établir ainsi la formule en 
les combinant au platine. | 

Il est vrai que le dédoublement de ces substances ne se traduit pas par des 
chiffres représentant le poids du corps détruit ; mais il ne faut pas oublier 
que ce dédoublement n’a pu s’effectuer jusqu'ici que sous l’action d’agents 
énergiques, acide sulfurique, potasse en fusion, et que les produits secon- 
daires doivent être considérés comme provenant de la décomposition de la 
tyrosine et de la leucine, ainsi que je l’ai indiqué déjà. 

On ne doit pas, en outre, admettre que les combinaisons obtenues avec le 
chlorure de platine ou avec les acides et les bases, ne soient que le résultat 
d’un dédoublement, d’une altération des substances albuminoïdes, dont une 
partie seulement se combinerait en se précipitant, tandis que l’autre partie 
resterait en dissolution dans les eaux mères. Toutes les tentatives que j’ai 
faites prouvent que la substance albuminoïde se comporte toujours, dans les 
conditions où je me suis placé, comme un composé apte à se combiner en 
bloc avec le corps réagissant. Et à ce propos je citerai la combinaison platinique 
de caséine ; quand elle est produite entièrement, on ne peut déceler, dans le 
liquide surnageant, que des traces presque. inappiéGables de matière orga- 
nique en dissolution. . 


(Voyez le tableau à la page suivante.) 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


202 


OW'P 098 — 


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ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 203 


Note accompagnant la présentation d’un volume intitulé : Lecons 
sur les humeurs normales et morbides du corps de l'homme, 
par M. Cu. Roi (Comptes rendus des séances de l'Académie 
des sciences, Paris, t. LXIV, p. 49 ; séance du 21 janvier 1867). 


L'ouvrage dont j'ai l’honneur de faire hommage à l’Académie est une partie 
de l’ensemble des travaux sur l’ Anatomie générale dont j'ai depuis longtemps 
commencé la publication et dont, en 4850, j'ai tracé le plan dans mes Ta- 
bleaux d’ Anatomie. 

Cet ouvrage fait suite au 7raité de Chimie anatomique ou Traité des prin- 
cipes immédiats que Verdeil et moi avons publié en 4853. Pourtant logique- 
ment ce volume aurait dû être précédé d’un Traité des éléments anatomiques 
et devrait être suivi de l'Etude des tissus ou Histologie, maïs ces deux subdi- 
visions de l’Analomie générale étant celles qui ont le plus attiré l’attention des 
savants et été l’objet du plus grand nombre de publications, j’ai cru devoir 
faire paraître d’abord ce Traité des humeurs pour revenir bientôt à l’examen 
des éléments anatomiques et à l’histologie. 

L’étude de ces parties, dont les secondes sont composées par l’association 
des premières, m’a occupé presque exclusivement depuis 4853. C’est parti- 
culièrement l’indispensable obligation d’observer la génération et l’évolution 
de chacune d’elles, quand on veut les connaître réellement, qui m’a empêché 
de hâter ces publications. Toutes les questions qui se rapportent à ces di- 
vers sujets sont, en effet, susceptibles de solutions réellement scientifiques, 
lorsqu'on sait s’astreindre à subordonner l’imagination à l’observation et 
l'examen du dérangement des parties à la connaissance de leur arrange- 
ment normal. 

Je demanderai maintenant à l’Académie la permission de lui signaler ra- 
pidement les questions de cet ordre que j’ai traitées dans le livre que j'ai 
l'honneur de lui présenter. 

Les parties constituantes liquides du corps sont, comme les solides, de 
deux ordres bien distincts anatomiquement et physiologiquement, ou, si l’on 
veut, au Foint de vue de leur constitution et de leurs propriétés. Les unes 
appartiennent au.groupe des constituants, les autres à celui des produits. 
Les constituants liquides ne sont qu’au nombre de deux, le sang et la lymphe. 
Le nombre des produits liquides est bien plus considérable que celui des pro- 
duits solides ; les constituants solides sont, 2u contraire, plus nombreux que 
les produits correspondants. 

Nous retrouvons donc dans ce livre la séparetion des humeurs en deux 
grandes divisions, celle des constituants et celle des produits, séparation 
analogue à la division que la science établit en étudiant les éléments ana- 
tomiques et les tissus. Seulement, ici, cette séparation est infiniment plus 


20 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


tranchée, malgré que, dans les plasmas, l’état d'organisation reste des plus 
rudimentaires ; car, tandis que les éléments anatomiques, et, par suite, les 
tissus, appartenant au groupe des produits, présentent nettement l’état 
d'organisation, nous m’apercevons cet état que dans le plasma des humeurs 
constituantes. Les produits liquides, au contraire, ne le possèdent pas ; ils 
diffèrent par suite plus du sang et de la lymphe, au point de vue de leur 
constitution et de leurs propriétés, que les produits solides (épithéliums, 
ivoire, etc.) ne s’écartent sous ces divers rapports des constituants qui leur 
correspondent. 

Les produits liquides, à leur tour, se suhdivisent en sécrétions et en 
excrétions qu'il importe de ne pas confondre anatomiquement et physiolo- 
giquement. À ces deux groupes de produits il faut en ajouter, comme com- 
plément, un troisième qui, sous le nom de produits médiats , comprend des 
matières formées d’un mélange intime de résidus provenant de diverses sé- 
crétions modifiées par leur action réciproque sur les aliments et demeurant 
associés aux restes alimentaires. 

Si maintenant nous envisageons les humeurs séparément, nous voyons que 
sur chaque espèce il y a lieu d’étudier : 4° leurs caractères d'ordre ma- 
thématique relatifs à leur siége, à leur quantité, à la durée de leur existence 
par rapport à l'organisme ; 2° leurs caractères d'ordre physique relatifs à 


leur degré de fluidité ou de viscosité, leur saveur et leur odeur, à leur den- . 


sité, à leur couleur ; 3° leurs caractères d'ordre chimique relatifs aux actions 
colorantes, coagulantes (1) ou décomposantes des agents physiques et chimi- 
ques, ainsi qu’à leur composition immédiate. 

Comme dans l'étude des éléments anatomiques, la valeur logique et l’im- 
portance pratique de la connaissance de chacun de ces ordres de caractères 
vont en augmentant à mesure qu’on approche davantage des caractères chi- 
miques. Elle devient particulièrement prédominante lorsqu'on arrive à l’exa- 
men des réactions décelant les analogies et les différences de la composition 
immédiate de chaque espèce. La raison de ce fait est que la connaissance de 


. (4) Nous manquons de notions précises sur la nature des actes moléculaires qui 
font que certains composés d’origine organique se coagulent, c’est-à-dire que de 
l'état liquide ils passent brusquement à l’état solide tout en retenant la même quan- 
lité d’eau ; puis enfin sur les conditions qui les rendent susceptibles de subir les 
modifications dites de la coction; car nous sommes obligés de reconnaître que nous 
ne possédons que des notions empiriques sur ces particularités spéciales importantes, 
et que nous ne pouvons encore les relier par des relations de cause à effet, soit entre 
elles, soit avec les actes offerts par les corps cristallisables. Non-seulement la chimie 
nous a longtemps laissé ignorer ce que sont les substances coagulables en tant que 
composés chimiques, à côté des alcaloïdes, des amides, des alcools, des éthers, etc., 
mais plus d’un, parmi ceux qui devraient nous éclairer sur ces questions capitales, 
préfère l'étude facile des corps que nous pouvons fabriquer artificiellement à volonté, 
et se plaît à ne pas connaître la composition des principes qui se forment incessam- 
ment dans les êtres organisés dont ces principes constituent la substance. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, 205 


ces données nous place plus près des conditions moléculaires des actions 
exercées par chacune d'elles; et, s’il s’agit des éléments anatomiques, elle 
nous conduit plus près des notions relatives à leur état d'organisation, c’est- 
à-dire plus près des conditions les plus directes de leur activité organique. 
Il y a donc dans l’étude des réactions et des autres caractères d’ordre chi- 
mique des éléments anatomiques et des humeurs, une question de méthode 
qui nous donne la raison scientifique de ce qui rend leur connaissance plus 
importante encore que celle des caractères physiques, ou des caractères de 
forme et de volume, lorsqu'il s’agit de distinguer les éléments anatomiques 
d’une espèce de ceux d'une autre espèce. C’est ainsi que deux éléments de 
même forme, de même volume, de même consistance, etc., ne peuvent 
être considérés comme de même espèce, s’ils réagissent différemment, si 
l’un, par exemple, est attaqué par l’acide acétique, lorsque l’autre ne l’est 
pas. Aussi, nulle description des éléments n'est-elle acceptable, quand il 
s’agit de déterminer une espèce de l’un d’eux, si l'indication comparative 
des caractères de ces ordres a été omise. On ne saurait croire combien est 
considérable le nombre des écrits dans lesquels une espèce d’élément est prise 
à chaque instant pour une autre, faute de la part de leurs auteurs d’avoir 
cru nécessaire de se soumettre à quelque méthode et parce que beaucoup 
pensent qu'il est inutile de recourir à l’emploi des réactifs une fois la forme 
et le volume d’un élément déterminés. Une confusion de ce genre n’est 
pourtant pas momdre que celle qui, en chimie, consiste à prendre un chlorure 
pour un sulfate, et en anatomie, une erreur de cet ordre entraîne des con- 
séquences de plus en plus fausses, davantage encore qu’en chimie. 

Une fois résolues les questions précédentes, il faut, dans l’étude des hu- 
meurs, examiner ensuite si elles offrent ou non la proportion des principes 
immédiats et le mode d'association moléculaire de ces derniers qui caracté- 
risent l’état d'organisation ; car, selon qu’elle présente ou non ces particula- 
rités, l’humeur est ou non le siége des phénomènes de rénovation moléculaire 
continue dits de nutrition. : 

Vient ensuite l’étude des relations, qu’en raison de leur fluidité les hu- 
meurs offrent avec les tissus dans lesquels elles se forment, dont elles suin- 
tent en quelque sorte, leurs relations avec les conduits qu’elles parcourent, 
les parties solides ou liquides avec lesquelles elles entrent en contact, se 
mélangent, ou sur lesquelles elles agissent. — Cela nous mène donc à exa- 
miner leur origine et leur fin, et par là leurs propriétés dynamiques spéci- 
fiques, c’est-à-dire le rôle qu’elles remplissent. Or il existe une telle solidarité 
entre la composition immédiate, l’origine et la fin, et le rôle, tant commun 
que particulier des humeurs, prises à part ouen masse, que pour base de leur 
classification on peut prendre indifféremment les assises suivantes : 4° Leur 
situation ou siége dans telle ou telle partie de l’économie (qui se rattache fa- 
talement aux relations qui s’établissent entre elles et d’autres parties dans 
l’accomplissement de leur rôle) ; 2° leur composition immédiate dont dépen- 
dent encore plus les usages qu’elles remplissent; 3° ou encore ces usages 


206 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


mêmes qui conduisent à leur fin, 4° ou même leur origine, c'est-à-dire le 
lieu et le mode de leur dtbduétidit 

De là vient que dans la nomenclature des principales divisions établies 
dans cet ouvrage, je n’ai pas cru devoir changer les dénominations que 
l'usage d’une part, et les écrits de Vieussens et de de Blainville de l’autre, 
ont introduites, bien que les unes soient fondées sur la part prise par certains 
liquides à la constitution de l’économie, et les autres sur le rôle rempli par 
quelques-uns d’entre eux, en tant par exemple que récrémentitiels, excrémen- 
titiels, ou servant surtout à la reproduction, etc. 

Cette division entre les humeurs constiluantes et les produits, tant sécrétés, 
excrélés, que médiats, est des plus naturelles. Elle est fondée, non-seulement 
sur des différences physiques et chimiques, de composition immédiate et d’ar- 
rangement moléculaire, mais encore sur des dissemblances relatives à . 
leur origine et au rôle qu’elles remplissent en vertu de leurs propriétés spé- 
cifiques. 

Les premières de ces humeurs, en effet, n’entrent ni ne sortent normale- 
ment de l’économie : elles s’y forment et y remplissent leur rôle sans sortir 
du cercle qu'elles parcourent et, fait important, sans se détruire ; pas plus 
que ne se détruisent en agissant les éléments anatomiques solides du groupe 
des constituants. Dans les produits liquides quels qu’ils soient, nous ne re- 
trouvons rien d’analogue. 

Nous voyons les sécrétions se subdiviser en deux groupes, selon que restant 
immobile, comme les sérosités (1), elles jouent un rôle purement physique, 
ou qu'à la manière des plus nombreuses, les sécrétions proprement dites, elles 
ne remplissent leur rôle qu’en se détruisant, au moins partiellement ; car la 
disparition de quelques-uns de leurs principes essentiels, ou certains chan- 
gements moléculaires survenant dans ces derniers, comme conséquence de 
leur action, représentent précisément la condition essentielle de l’accomplis- 
sement de ce rôle. 

Enfin les excrétions et les produits médiats une fois formés ne jouent un 
rôle que par le fait même de leur expulsion intégrale, sans se modifier ni mo- 
difier quelque partie que ce soit de l’économie, comme le font, au contraire, 
les sécrétions. 

L'étude de l’origine et du rôle spécial de chaque groupe et de chaque 
espèce des fluides sont des sujets partieuliérément développés dans le cours 


(4) Les sérosités se rapprochent des humeurs constituantes par leur permanence 
et par leurs qualités récrémentitielles ; mais elles en sont séparées par l'absence pres- 
que complète des prineipes immédiats de la deuxième classe dont la formation à lieu 
par suite des actes de rénovation moléculaire désassimilatrice ; fait qui se joint à 
d’autres pour montrer qu’elles ne sont pas le siége d’actes nutritifs. Bien que la plu- 
part des humeurs exerémento-récrémentitielles soient, comme les sérosités, pauvres 
en principes cristallisables d’origine organique, ces humeurs diffèrent l’une de l’au- 


tre en ce que dans les sérosités les substances coagulables sont albuminoïdes et non 
mucoïdes. 


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ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 207 
de ces leçons. G’est leur connaissance qui à permis de constater avec préci- 
sion que les plasmas du sang et de la lymphe seuls sont doués du mouvement 
de rénovation moléculaire continu qui caractérise la nutrition, comme seuls 
aussi ils offrent l’état moléculaire caractéristique de l’état d'organisation, bien 
qu’au degré le plus rudimentaire seulement. 

Quant aux autres fluides, ils ne jouissent que de propriétés physiques et 
de propriétés chimiques en rapport avec leur composition immédiate, et par 
suite bien différentes dans les sécrétions de ce qu’elles sont dans les excré- 
tions ; de là des différences plus grandes encore dans le rôle particulier que 
remplit chaque espèce lors de leur concours à l’accomplissement de telle 
ou telle fonction. Or, pendant leur séjour dans l’économie, nul de ces fluides 
ne présente trace de ce mouvement régulier de composition et de décomposi- 
tion incessantes, si remarquablement caractérisé dans les plasmas sanguin et 
lymphatique. 

Les humeurs constiluantes, les sécrétions et les excrétions diffèrent les unes 
des autres, au point de vue de leur origine, de leur mode de formation, au- 
tant que sous le rapport de leurs propriétés générales et &e leur composition 
immédiate. Les humeurs constituantes, comme le sang, la lymphe et Le chyle, 
empruntent tout formés leurs matériaux constitutifs aux milieux dans lesquels 
ils sont plongés ; ces derniers sont représentés soit par le milieu ambiant dans 
lequel l'animal respire et puisent ses aliments, soit par les éléments anatomi- 
ques des tissus entre lesquels rampentles capillaires. Les parois des conduits 
contenants et vecteurs ne jouent, dans cette formation, qu’un rôle purement 
physique d’endosmo-exosmose, pour donner entrée et sortie aux principes 
immédiats constitutifs de ces liquides. | 

Les humeurs sécrétées, ou sécrétions, dans ce qu’elles ont de caractéris- 
tique, viennent des parois mèmes qui les contiennent avant qu’elles soient 
excrétées; car dans leur production il y a : 4° formation de leurs principes 
essentiels par les parois des tubes du tissu qui les fournit, de sorte qu’on ne 
trouve ces principes ni dans le sang artériel, ni dans le sang veineux, mais 
dans la sécrétion seule, ainsi que dans les éléments du tissu dont les actes 
désassimilateurs amènent la formation de ces composants ;. 2° il y a, en 
outre, emprunt au sang, par exosmose dialytique, d’une certaine quantité de 
principes préexistants dans celui-ci. 

Quant aux liquides excrétés, tout dans leur formation se borne à un choix 
dans le sang, par exosmose dialytique, de principes formés ailleurs que 
dans le parenchyme excréteur, et que dans le sang lui-même, principes ayant 
pénétré dans celui-ci et pris part à sa constitution avant d’arriver à ce pa- 
renchyme et avant d’être séparés par lui. 

Rien donc n’est plus inexact que de dire que le sang est une sécrétion in- 
lerne, car sa composition immédiate n’a aucun rapport avec celle des parois 
vasculaires, et celles-ci ne prennent aucune part à sa formation, ne fabri- 
quent spéciälement aucun des principes qui le constituent. Ces derniers se 
forment ou se perdent dans l'épaisseur des éléments anatomiques des tissus, 


208 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


ou dans les milieux ambiants, mais toujours hors des parois du contenant et 
sans intervention notable de parties fournies par celles-ci. Ce fait, qui lie le 
sang à ces milieux d’une part, et de l’autre aux agents immédiats des actes 
qui se passent en nous, ce fait est capital aux points de vue de la trans- 
mission pathogénique de l’état des milieux au sang et de l’état du sang aux 
éléments anatomiques. Il ne contredit pas moins les hypothèses qui ont fait 
considérer le sang, soit comme étant un tissu, soit comme représentant 
un organe. 

Quant aux sécrétions, au contraire, leur composition immédiate est liée à 
celle des parois qui les fournissent, parce que leurs principes caractéristiques 
sont des produits de la désassimilation, relativement excessive, des éléments 
anatomiques de celles-ci même. C’est par désassimilation de ce qui est hors 
de la paroi des vaisseaux que se forme une partie des principes immédiats 
constitutifs du sang, ce qui lie ce fluide aux tissus plus qu’à ses parois, et ce 
sont ces principes mêmes qui, avec d’autres venus du dehors, composent les 
excrétions urinaires et sudorales ; celles-ci n’ont donc en fait de liaison di- 
recte qu’avec le sang et non avec les parois des tubes qui les empruntent à 
ce dernier pour les éliminer aussitôt. 

Les nerfs n’ont aucune influence sur les actions intimes des sécrétions et 
des excrétions que nous venons d’énumérer, c’est-à-dire sur les cellules 
épithéliales et la paroi propre des parenchymes glandulaires et non glan- 
dulaires, des séreuses, etc. Ils n’ont aucune influence sur les actions molé- 
culaires, d’où résulle la formation des principes immédiats ; non plus que 
sur ceux d’endosmo-exosmose dialytique qui suivent ou accompagnent cette 
formation. Ils n’agissent que sur les fibres musculaires lisses des vaisseaux 
et sur celles qui entourent les tubes ou les acini sécréteurs de divers paren- 
chymes. Nulle part les nerfs qui fonctionnent du dedans au dehors n’ont d’ef- 
fets sur d’autres éléments que sur des éléments contractiles. Ici, ils n’agissent 
donc en quelque sorte qu'avant et après l’action formatrice caractéristique 
de la secrétion : avant, en laissant se dilater, ou en amenant le resserrement 
les conduits vecteurs du sang, c’est-à-dire des principes servant de matériaux 
à la sécrétion ou à l’excrétion, qui arrivent alors en plus ou en moins grande 
quantité ; après, en déterminant le resserrement et l’évacuation des tubes sé- 

créteurs ou excréteurs qui viennent de se remplir. | 

= C’est toujours, comme on le voit, sur des fibres musculaires, et sur des 
fibres musculaires de la vie végétative seulement, comme vaso-moteurs et 
glandulo-moteurs, qu’influent les nerfs dits de nutrition. Ils agissent en mo- 
difiant le transport des matériaux servant à l’assimilation et aux sécrétions, 
mais non sur les phénomènes endosmo-exosmotiques, sur ceux de rénovation 
moléculaire, de composition et de décomposition assimilatrice, désassimilatrice 
ou sécrétoires. Il n’y a pas là un mode de l’innervation qui soit nouveau, 
spécifique, différent de l’innervation motrice en général, ni même comparable, 
par exemple, à l’acte d’innervation qui suscite la décharge électrique dans 
les poissons pourvus d’un appareil de cet ordre. 


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ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 209 

Ceux-là seuls en effet qui méconnaissent l’importance d’une connaissance 
précise des espèces de principes immédiats constituant la matière organisée, 
de ce qui caractérise l’état d'organisation, et de ce que sont les éléments 
anatomiques par rapport aux tissus, ceux-là seuls ont pu croire à l’existence 
de nerfs agissant sur la nutrition de la substance de l'os même, en dehors des 
nerfs vaso-moteurs, de ses vaisseaux nourriciers, et ainsi des autres pour 
chaque tissu. 

La propriété immanente aux tubes nerveux est la transmissibilité (1). Or, 
il n'existe que deux ordres de tubes nerveux périphériques au point de vue 
du mode dont a lieu la transmission des actes d’innervation fonctionnelle 
s’accomplissant, soit naturellement aux deux extrémités des tubes nerveux, 
soit expérimentalement, sur quelque point de leur longueur. Elle a lieu, en 
effet, d’une part, du dedans vers le dehors, des centres cérébro-rachidiens 
et ganglionnaires vers les muscles, et, d’autre part, des extrémités nerveuses 
terminales vers ces centres, ou du dehors au dedans. 

Les nerfs qui agissent ainsi du dedans au dehors ne sont que de trois 
variétés au point de vue de leur terminaison sur des éléments anatomiques 
d'espèces différentes : ce sont les fibres musculaires à contraction rapide, 
les disques du tissu électrique et enfin les fibres musculaires à contraction 
lente, ou fibres-cellules, tant des muscles viscéraux que des conduits vascu- 
laires et glandulaires. Ces derniers éléments nerveux appartiennent au grand 
sympathique. 

Les nerfs qui fonctionnent du dehors au dedans sont dans leur ensemble 
divisés en nerfs de sensibilité spéciale, ou des appareils des sens, et en 
nerfs de sensibilité générale. Ces derniers se subdivisent à leur tour en nerfs 
de la sensibilité générale de la vie animale, et en nerfs sympathiques, ou de 
la sensibilité de la vie végétative. À l’état normal, cette sensibilité, ou mieux 
ces actes d'innervation viscérale, ayant lieu des organes périphériques vers 
les centres nerveux, ne se propagent pas ordinairement jusqu'aux parties de 
ces derniers qui sont le siége de la perception; ils ne sont habituellement 
décelés que par des actions réflexes motrices, se transmettant en sens 
inverse sur d’autres tubes nerveux de même ordre, viscéraux , vasculaires ou 
glandulaires : ces actions motrices involontaires peuvent pathologiquement 
s'étendre à des nerfs qui ordinairement ne fonctionnent que sous l’influence 
de la volonté. 

La fluidité seule rapproche le sang des autres humeurs, sa composition et 
sa rénovation moléculaire le liant plus encore aux tissus qu'aux sécrétions et 
même qu'aux excrétions. Rien de plus important pour l'étude de la pathogénie 
que la connaissance exacte de cette liaison du sang aux tissus et aux milieux 
ambiants;, rien de plus important également que la connaissance de cette liaison 
des sécrétions aux parois sécrétantes permettant une action de l’économie 


(1) Voyez Béraud et Robin. Dans Béraud, Éléments de physiologie. Paris, 4856, 
2° édition, t. 1, p. 42, 138, 484 el 162. 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. 1V (1867). 14 


210 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


sur les milieux et sur les substances qui leur sont empruntées, telles que les 
aliments. Rien de plus saisissant encore que cette relation originelle directe 
des excrétions avec le sang seulement, et non avec les parois excréirices ; 
relation venant ici comme complément de la liaison de ce dernier avec les 
milieux ambiants. 

De là cette facile transmission au sang des altérations de ces milieux et 
de celles du sang aux tissus, ainsi qu'aux liquides excrétés. Quant aux sé- 
crétions proprement dites, l’individualité qui leur est donnée, par le fait de 
la formation de leurs principes caractéristiques dans le tissu même qui les 
verse, les rend plus indépendantes de ces lésions générales, et fait qu’on les 
trouve moins modifiées durant les maladies que les liquides précédents. 

Car, en effet, ou le sang est altéré à ce point que la nutrition cesse, et 
alors la sécrétion cesse également ; ou bien l’altération est telle que la nutri- 
tion ne cesse pas, et dès lors la désassimilation restant la même à peu de 
chose près, l’humeur produite conserve ses caractères, ses relations molécu- 
laires avec la paroi formatrice restée sans changements. 

L’étude des parties liquides et solides de l’économie doit nécessairement 
être étendue de l’état normal jusqu’à l’état morbide ; car cette extension, 
amenant une comparaison de l’un à l’autre de ces états, constitue un com- 
plément, une contre-épreuve scientifique indispensable et des plus utiles, en 
nous montrant les mêmes parties sous un nouveau jour, celui de la dimi- 
nution, de l’excès ou de l’aberration de tel ou tel de leurs attributs. Cette 
extension est surtout nécessaire lorsqu'il s’agit de corps, de disposi- 
tions et d'actes en voie incessante de modifications, et variant sous de si 
faibles influences, qu’on ne peut bien juger de leur état normal, ou moyen, 
que par la connaissance des extrêmes touchant à leur origine et à leur fin. 

L’anatomie pathologique devient ainsi un des modes de l’unatomie compara- 
tive, celui dans lequel on compare une des parties du corps, non plus avec son 
analogue d’une autre espèce animale, mais avec elle-même dans des condi- 
tions nouvelles, anormales ou accidentelles. Les dissemblances alors obser- 
vées exigent, pour être saisies et bien appréciées, la comparaison de ces 
parties, tant solides que liquides, avec elles-mêmes, dans des conditions nor- 
males, bien que différentes, dites conditions d’âge ou d'évolution. Dans ces 
conditions-là comme dans les circonstances accidentelles ou anormales, l’élé- 
-ment anatomique, le fluide, etc., ne se retrouvent jamais absolument sem- 
bles à ce qu’ils ont été ; car, en voie de rénovation moléculaire continue, ils 
changent incessamment un peu, soit de forme, soit de volume, soit dans 
leur structure, soit enfin dans leur composition immédiate, 


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ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 241 


Nature de la contraction dans les muscles de la vie animale, par 
M. Marey. (Comptes rendus des séances de l'Académie des 
sciences. Paris, 1867, in-4, t. LXIV, séance du 11 mars.) 


Jusqu'ici, on distinguait sous le nom de contraction tous les mouvements 
produits par un muscle, aussi bien la commotion soudaine provoquée par une 
décharge électrique que les mouvements lents et gradués que la volonté com- 
mande. Le même mot s’appliquait aussi à la fonction de tout muscle : ains 
l’on disait également la contraction du biceps et la contraction du cœur. 

M. Marey, appliquant la méthode graphique à l’étude des différents actes 
musculaires, a établi : 1° qu’il faut distinguer ici deux actes bien différents, 
l'un qu’il appelle la secousse musculaire, et l’autre qui est la contraction pro- 
prement dite; 2° que certains muscles, le cœur par exemple, ne peuvent 
produire que des secousses, tandis que d’autres, comme les muscles volon- 
taires, peuvent produire, selon les cas, la secouss: ou la contraction. 

A. L'auteur désigne sous le nom de secousse musculaire un raccourcisse- 
ment brusque du muscle, suivi aussitôt d’un relâchement. 

Le type de ce mouvement est celui que provoque une décharge électrique 
ou bien l'excitation d’un nerf moteur. Le caractère de la secousse d’un muscle 
vivant est loin d’être toujours identique avec elle-même, d’avoir fatalement 
toujours la même aptitude et la même durée. Mais la secousse peut varier 
d’un muscle à un autre; elle diffère surtout si l’on compare les muscles vo- 
lontaires dans les différentes espèces animales, | 

Ainsi, chez l'oiseau, la secousse est très-brève : elle ne dure guère que 
trois centièmes de seconde. Elle n’est guère plus longue chez le poisson. 
Chez l’homme, la durée est de sept à huit centièmes de seconde. Elle dure 
quatre à cinq fois plus chez les crustacés ; enfin, chez h tortue, la secousse, 
relativement très-longue, dure plus d’une seconde. 

B. Quant à la contraction musculaire, l’auteur démontre que cet acte, qui 
a pour titre les mouvements volontaires, est un phénomène complexe. Il 
résulte de la fusion ou interférence d’une série de secousses très-fréquentes. 
(est ainsi qu’un son, engendré par des vibrations successives, fournit néan- 
moins une sensation qui paraît continue. L'emploi des appareils enregis- 
treurs permet d'analyser la contraction musculaire et d’assister à la produc- 
tion. Si l’on applique à un muscle volontaire des décharges électriques 
égales, mais de fréquence croissante, on voit d’abord se produire dans le 
muscle des secousses distinctes; plus tard, chaque secousse n’a pas le temps 
de s'effectuer avant que la suivante arrive, et alors l’interférence commence. 
Chaque secousse s’ajoute partiellement à la précédente, et l’on n’aperçoit 
plus que son sommet. Ces sommels s’accusent eux-mêmes de moins en 
moins et finissent par disparaître complétement; la contraction est établie. 


212 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Si la fréquence des excitations électriques augmente encore, il en résulte une 
augmentation de l'intensité de la contraction. : 

M. Marey démontre, par ses expériences, que cette interférence des se- 
cousses existe dans toute espèce de contraction, non-seulement lorsqu'on 
emploie l'électricité, mais aussi dans les contractions volontaires, dans celle 
que provoque l’action de certains agents chimiques sur les nerfs moteurs, 
dans celles du tétanos produit dans la strychnine, etc. 

Puisque l’interférence des secousses constitue la contraction, il s’ensuit que, 
chez les divers animaux, il faudra, pour faire contracter les muscles, provo- 
quer des secousses d'autant plus fréquentes que celles-ci sont plus brèves. 
M. Marey a démontré, en effet, que, chez l'oiseau, il faut plus de soixante- 
quinze décharges électriques par seconde pour produire Ja contraction; chez 
l'homme, il n’en faut guère que vingt-cinq ou trente. Enfin, chez la tortue, 
il suffit de quatre à cinq secousses par seconde pour obtenir la contraction. 

Dans un but de recherches cliniques, l’auteur a imaginé un appareil qu’il 
appelle pince myographique, qui peut s’appliquer à tout muscle superficiel et 
transmet à ua enregistreur tous les mouvements que le muscle produit. La 
construction de cet instrument est basée sur ce principe, qu'un muscle qui 
se raccourcit d’une certaine quantité et avec une certaine force se gonfle 
avec la même force et d’une quantité proportionnelle. Or, quand le gonfle- 
ment du muscle est sensible à travers la peau, il est très-facile de l'enregistrer 
avec toutes ses nuances au moyen des appareils qui donnent les caractères 
du pouls, des battements de cœur et de la respiration. Il devient donc pos- 
sible de comparer la secousse museulaire dans différentes maladies avec le 
même phénomène enregistré sur l’homme sain. Les différentes paralysies, 
suivant qu’elles sont de cause nerveuse ou musculaire, pourront fournir de 
nouveaux caractères diagnostiques au même litre que les effets de certains 
poisons que l’auteur a déjà étudiés. 

Terminons en disant que des recherches de M. Marey il résulte encore que 
la systole du cœur n’est point une contraction, maïs une secousse aussi longue 
à peu près que celle d’un muscle de tortue. La démonstration de ce fait ré- 
sulte des effets d’induction produits par un cœur sur une patte galvanosco - 


pique de grenouille. . 


Recherches sur la structure des parties fibreuses et fibro-car- 
tulagineuses, par M. Sappey. (Comptes rendus des séances de 
l'Académie des sciences. Paris, 1867, in-4, t. LXIV, séance du 
11 mars.) 


‘ 


Ces recherches ont pour objet la structure des organes appelés fibrocarti- 
ages articulaires, celle des ligaments, des tendons et des aponévroses. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 243 


M. Sappey, en passant en revue ces diverses parties, s’attache à déterminer 
les éléments qui les composent, ainsi que l’arrangement et les proportions de 
ceux-ci. Mais ses recherches ont plus spécialement pour but de faire con- 
naître la disposition qu’affectent les vaisseaux et les nerfs dans ces parties, 
deux points importants de l’histoire de ces organes, dont l’un avait été peu 
étudié, et dont l’autre présentait encore quelque obscurité. 

4. Fibrocartilages interarticulaires. —On sait que les organes ainsi nommés 
n’ont pas une composition anatomique et une texture semblable à celle des 
cartilages, ni des fibrocartilages véritables, tels que ceux de l'oreille externe 
et de l’épiglotte, mais qu’ils offrent la constitution générale du tissu fibreux 
proprement dit ; leur surface articulaire lisse ou de glissement est seule re- 
couverte d'une très-mince couche de substance cartilagineuse avec sa sub- 
stance fondamentale et des chondroplastes contenant une ou plusieurs cel- 
lules. M. Sappey a constaté qu'ils renferment.en outre des artérioles, des 
veinules et des nerfs. 

Les préparations que nous a montrées cet anatomiste attestent en effet 
l’existence des vaisseaux et des nerfs dans leur épaisseur. Mais ces éléments 
n'offrent pas la même disposition dans les organes qui, formés ainsi que nous 
venons de le dire, sont appelés d’une part fibrocartilages interarliculaires, et 
de l’autre, fibrocarlilages périarticulaires. 

Les premiers ne possèdent des vaisseaux et des nerfs que dans leur partie 
périphérique. Ceux du genou l’emportent sur tous les autres par la multi- 
plicité des vaisseaux et des nerfs qu’il reçoivent ; les ramifications vasculaires 
et nerveuses s’avancent jusqu’à eur partie moyenne, et même un peu au 
delà, mais n’arrivent jamais jusqu’à leur bord tranchant. Les artérioles et les 
veinules cheminent, en se divisant et en se subdivisant, dans les interstices 
des faisceaux de fibres qui forment le tissu; les unes et les autres présentent 
de fréquentes anastomoses qui enlacent ds leurs mailles tous les faisceaux 
fibeux. Dans la première partie de leur trajet, les deux ordres de vaisseaux 
sont encore munis de leurs trois tuniques. Les divisions capillaires forment 
avec les premières radicules des veines des anses qui offrent dans leur en- 
semble les dispositions les plus variées et les plus élégantes. 

Dans les organes dits fibrocarlilages périarticulaires, les vaisseaux sont 
plus abondamment répandus que dans les précédents ; ils s’étendent à toute 
leur épaisseur. Ces vaisseaux, qui pénètrent par leur face externe, se com- 
portent du reste comme dans les parties dites fibrocartilages interarticu- 
laires. 

Les nerfs, dans ces deux ordres d’organes, suivent en général le trajet des 
artérioles et des veinules. Souvent, cependant, ils s’en écartent ou se divi- 
sent sous dès incidences diverses. Les préparations que M. Sappey a mises 
sous nos yeux nous ont permis de constater qu’ils sont nombreux et qu’ils 
s’anastomosent aussi très-fréquemment. Leur volume, dans quelques points, 
surpasse celui des artéricles et des veinules ; leur terminaison proprement 
aite n'est pas décrite par l’auteur, 


214 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


En résumé, sur ce premier point, les recherches de M. Sappey établissent : 
1° que les parties fibreuses appelées à tort fibrocartilages sont pourvues de 
ramifications nerveuses, ce qu'aucun observateur n’avait jusqu'ici démontré, 
et que ces ramifications s’unissent entre elles par de nombreuses anasto- 
tomoses ; 2° que des divisions artérielles et veineuses s’y rencontrent aussi 
en grand nombre. 

2. Structure des ligaments. — M. Sappey a retrouvé dans les ligaments 
tous les éléments qui contribuent à former les organes considérés comme 
fibrocartilagineux; mais ces éléments diffèrent par leur proportion et leur 
mode d’arrangement. On sait qu’ils sont surtout constitués par des faisceaux 
de fibres lamineuses. Dans les interstices de ceux-ci on rencontre des fibres 
élastiques inégalement développées et qui présentent pour la plupart une 
configuration fusiforme. 

Les ligaments sont remarquables par la multiplicité des divisions vascu- 
laires qui se ramifient dans leur épaisseur. Tous les auteurs avaient men- 
tionné ces vaisseaux; mais aucun ne les avait poursuivis dans leur distribu- 
tion et jusqu’à leurs mailles capillaires ; aucun n'avait signalé leur nombre 
considérable. M. Sappey a fait remarquer qu'ils rampent d’abord à la surface 
des liens articulaires, pénètrent ensuite dans les intervalles des faisceaux 
fibreux en se divisant et s’anastomosant pour donner naissance à des réseaux 
qui enlacent chacun de ces faisceaux. Dans les ligaments capsulaires, ils 
cheminent intervalle en intervalle, constituent une ‘foule de petites mailles 
qui communiquent entre elles et arrivent jusqu’à la couche la plus profonde, 
dans laquelle ils forment un plexus de capillaires un peu moins riche que 
celui de la couche superficielle du derme. 

Tous les ligaments reçoivent des nerfs, dont nous avons pu suivre facile- 
ment les divisions et subdivisions sur les préparations que nous a présentées 
M. Sappey. Ces nerfs accompagnent généralement les artères et les veines. 
Quelques divisions nerveuses, cependant, marchent isolément, suivies seule- 
ment par des ramifications vasculaires déliées qui s’anastomosent à leur sur- 
face ou dans leur épaisseur, et qui représentent leurs capillaires propres. 
Dans leur trajet, tous. ces nerfs émettent une longue série de branches, de 
rameaux, de ramuscules par lesquels ils échangent de continuelles anasto- 
moses, en sorte qu’au milieu du plexus sanguin, on observe facilement des 
plexus nerveux dont les mailles s’entremêlent. En résumé, si M. Sappey n’a 
pas découvert les vaisseaux des ligaments, il a mis en lumière le grand nom- 
bre, le mode de distribution et l’importance de ceux-ci, beaucoup plus com- 
plétement que ses prédécesseurs. | 

3. Structure des tendons. — La disposition des vaisseaux et des nerfs dans 
es tendons est exactement la même que dans les ligaments; mais leur nombre 
est moins considérable ; ils sont aussi moins volumineux. Nous avons vu, du 
reste, la distribution de ces ramifications vasculaires et nerveuses sur les 


préparations de l’auteur aussi manifestement que celles des ligaments et des 
fibrocartilages. 


RASE NN 71e 


SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 215 


4. Structure des .aponévroses. — Ces membranes fibreuses, considérées 
par quelques auteurs comme peu vasculaires et dépourvues de ramifications 
nerveuses, sont aussi riches en vaisseaux que les tendons, et sont parcourues 
comme ceux-ci par des nerfs sur l’existence desquels les préparations de 
M. Sappey ne laissent aucun doute. 


SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


Note sur un cas de tumeur lymphatique des os (tumeur consli- 
tuée par le tissu adénoïde de His), par le docteur Ranvier. 


Les différents auteurs qui, dans ces derniers temps, se sont occupés des 
tumeurs lymphatiques développées sous l’influence de la leucémie ou en 
dehors de cette influence, ne signalent aucune altération du côté du système 
osseux (1). Le fait que j’ai l’honneur de présenter à la Société paraît donc 
sans analogue dans la science. 

Voici d’abord l’observation clinique telle qu’elle m'a été remise par 
M. Lediberder, interne des hôpitaux. 

Hôpital Sainte-Eugénie, service de M. Marjolin.— Mandoux (Jeanne), âgée 
de dix ans, malade depuis sept mois au dire de sa mère, entre dans le ser- 
vice le 12 mai 4866. Gette enfant est pâle, maigre. Elle présente une diffi- 
culté dans la marche, qui, au premier abord, en impose pour une coxalgie. 
Il y a gonflement du pli de l’aine du côté droit, développement assez consi- 
dérable des veines sous-cutanées de ce côté. Cependant les deux membres 
inférieurs ont sensiblement la même longueur. De plus, bien que la marche 
soit difficile et douloureuse, l'articulation coxo-fémorale paraît parfaitement 
libre quand on examine la malade au lit; les mouvements s’y font tous 
comme à l'état normal. Ceci fait penser à une sacro-coxalgie. Mais en explo- 
rant par Ja palpation les fosses iliaques interne et externe du côté droit, on 
y découvre des tumeurs excessivement dures qui les remplissent compléte- 
ment. La coexistence de ces tumeurs dans les deux fosses prouve qu’elles 
appartiennent à l’os. D’ailleurs, l’état de la malade est peu satisfaisant : elle 
va s’affaiblissant de jour en jour; l’appétit reste bon jusqu’à la fin. Huit jours 
avant la mort, on remarque que les pieds sont œdématiés. Cet œdème devient 
rapidement considérable et s’étend à la totalité des deux membres inférieurs 


(1) Vogel, Arch. de Virchow, t. IT. — Fridreich, id., t. XII. — Bœttcher, id., 
t. XIV et t. XXXV. — Waldeyer, id., t. XXXV. — Trousseau, Clin., 2° édit. — 
Cornil, Arch. de méd.. 4865. — Wunderlich, Arch. der Heilkunde, 1866, 


216 SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


et aux parois abdominales. Enfin, là malade succombe le 27 octobre. La 
mère, interrogée sur les antécédents, affirme que sa fille n’a jamais eu ni 
glandes au cou ni ophthalmie, ni impétigo du cuir chevelu. Enfin, il n’existe 
chez elle aucun antécédent scrofuleux, et avant l’invasion de la maladie pour 
laquelle elle fut conduite à l’hôpital, elle paraissait d’une bonne santé. La 
mère paraît d’une assez bonne constitution. Elle a eu deux autres enfants qui 
ont succombé à des maladies accidentelles; l’un au choléra, l’autre à une 
maladie aiguë de la poitrine. 

Autopsie vingt-quatre heures après la mort. — Œdème considérable des 


membres inférieurs et des parois abdominales. Il y a un peu d’ascite. L’in- 


testin est distendu par des gaz. 

La veine cave inférieure est obstrnée jusqu'au niveau du bord inférieur du 
foie. Les veines iliaque primitive et hypogastrique du côté droit offrent un 
développement énorme, mais la veine fémorale n’est pas plus grosse qu’à 
l'ordinaire. Les veines de l’utérus et de la vessie sont gonflées, mais ne con- 
tiennent que du sang normal. Dans la veine cave inférieure et les iliaques 
droites se trouve un caillot dur. Les veines iliaques gauches ne sont pas alté- 
rées. Notons que les veines du côté droit, dont le volume est augmenté, sont 
comprises dans un tissu lardacé qui remplit la fosse iliaque interne de manière 
à la combler complétement. Ce tissu se prolonge au-devant de l’articulation 
sacro-iliaque droite et remonte sur les côtés de la colonne lombaire. Il est 
excessivement adhérent aux os, et si on le déchire, il ne cède qu’en arra- 
chant des portions osseuses. Vers l’arcade crurale, ce tissu cesse brusquement, 
et c’est justement en ce point que l’on voit les veines du membre inférieur 
droit reprendre leur aspect normal. | 

La fosse iliaque externe est également remplie de tissu lardacé. Il se pro- 
longe dans le membre inférieur par ses parties postérieure et externe. Il 
enveloppe complétement l’articulation coxo-fémorale et se prolonge sur le 
fémur, auquel il adhère fortement. Ce tissu lardacé est dur à la coupe, 
d'apparence fibro-cartilagineuse, jaunâtre par places, et rappelle ce tissu 
qui dans les tumeurs blanches vient prendre la place des parties molles. 

L’os iliaque est énormément augmenté de volume au niveau des fosses 
iliaques. 11 laisse échapper à la coupe une certaine quantité d’un liquide jau- 
nâtre, visqueux, qui n’offre pas les caractères du véritable pus. Le plus, la 
densité de l’os iliaque varie suivant les points où on l’étudie. Très-compact en 
certains endroits, il est très-poreux dans d’autres où son tissu est raréfié. Il 
présente des fongosités analogues pour l’aspect avec celles que l’on trouve 
dans les tumeurs. Ces fongosités, d’autant plus abondantes que la substance 
osseuse est plus raréfiée, sont très-molles, et leur surface est recouverte de 
ce liquide que nous avons précédemment décrit. 

La cavité cotyloïde paraissait intacte au premier abord. Une inspection 
plus attentive y fit découvrir une fausse membrane qui la tapissait presque 
en entier. Le cartilage est mat, jaunâtre ; 1l existe partout, excepté au foud ; 
le ligament interarticulaire n’est pas détruit ; mais il s’insère an fond de l’ar- 


SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 947 


ticulation sur une portion de tissu osseux raréfié, ce qui se voit très-bien sur 
la pièce débarrassée des parties molles. 

Le tissu osseux étant mis à nu par la macération, on aperçoit les cavités 
que remplissaient les fongosités dont nous avons parlé, ainsi que les épaissis- 
sements et raré'actions partiels du tissu osseux, que la coupe fraîche per- 
mettait de distinguer. Dans les points où il est raréfié, de petits fragments 
sont complétement détachés et restent adhérents aux débris du tissu lardacé. 
Dans les fosses iliaques, le tissu osseux apparaît sous forme de lamelles très- 
dures, pointues et d’aspect variable qui piquent les doigts qui les pressent. 

Le fémur présente à l’état frais un aspect un peu différent. Son tissu est 
mou et friable; son cartilage est jaunâtre et mat. La coupe de l’os offre 
l’aspect du fromage de porc et est remarquable par ses vives couleurs. Le 
corps du fémur est plus gros qu’à l’état normal. On y trouve une sorte de 
végétation du tissu osseux en divers points, ce qui lui donne une surface 
bosselée et irrégulière. La moitié supérieure du fémur a seule pu être enle- 
vée ; ces lésions s’étendaient au delà de cette portion. A la partie supérieure, 
vers le grand trochanter, le tissu osseux est détruit, et l’épiphyse trochanté- 
rienne est complétement séparée. Les vertèbres n’ont pas été examinées, 
non plus que e sacrum; mais comme le tissu lardacé se prolongeait sur ces 
os et y adhéraïit, il n’est pas douteux qu’ils n’eussent offert à l’examen des 
lésions analogues. Notre atiention ne s’est pas portée sur les os éloignés du 
siége de la lésion que nous venons de décrire. Le sternum a été coupé pen- 
dant l’autopsie, Il n’avait pas une épaisseur anormale; l’aspect de la coupe 
ne nous a pas frappé ; mais nous ne pouvons affirmer absolument qu’il n'of- 
frait aucune lésion. 

Le caillot des veines cave inférieure et iliaque droites est rouge noirâtre 
par places et jaune en d’autres. Cette coloration jaune se montre par larges 
places. Les muscles iliaque et psoas sont dégénérés et atrophiés par la com- 
pression qu’exerce sur eux le tissu lardacé, qui les repousse au-devant de 
lui. 

Il en est de même des muscles de la fesse. L’artère crurale et le nert du 
même nom sont intacts. 

Les ganglions mésentériques sont volumineux, mous, bleuâtres ; ils n’offrent 
pas de matière dite tuberculeuse dans leur intérieur. 

La rate n’offre à l’œil nu aucune altération. Elle a son volume normal. Le 
foie présente sur sa convexité et près de son bord tranchant de petites col- 
lections sphériques que l’on prit d’abord pour des tubercules. Les poumons 
présentent dans leur parenchyme des corps assez nombreux, jaunâtres, ana- 
logues pour l'aspect aux tubercules que l’on y rencontre si fréquemment. 
Les plus gros peuvent avoir un demi-centimètre de diamètre. La plèvre parié- 
tale est soulevée par des productions analogues peu nombreuses et limitées 
à quelques points de la paroi postérieure , près de la colonne vertébrale. 


Enfin les ganglions situés à la bifurcation de la trachée présentent des 
lésions analogues. 


218 SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


Les reins ne présentent à l’œil nu aucune lésion. Ces lésions du poumon, 
de la plèvre, du foie et des ganglions furent prises d’abord pour des tuber- 
cules. Les lésions du foie, des ganglions mésentériques, des vaisseaux, de l’os 
illaque et du fémur ont seules été soumises à l’analyse microscopique, 


EXAMEN HISTOLOGIQUE. 


La tumeur des os du bassin nous frappa d’abord, elle n’avait aucune ana- 
logie avec les différentes tumeurs des os que nous avions examinées précé- 
demment. Aucune des descriptions données par les auteurs ne pouvait non 
plus s’appliquer à cette production pathologique. L’os coxal était diminué 
dans sa consistance à un degré tel, qu’en le pressant avec les doigts par ses 
faces latérales, on en faisait sortir un suc abondant, blanchâtre et légèrement 
filant. Examiné au microscope, ce suc parut contenir des cellules et des 
noyaux, semblables à ceux que l’on trouve dans la lymphe et dans les alvéoles 
des ganglions lymphatiques. Cellules incolores, sphériques, ayant de 0,042 à 
0,02 et contenant plusieurs noyaux; cellules semblables, plus petites, uni 
ou multinucléaires, petits noyaux libres, ayant de 0,005 à 0,007. Le liquide 
dans lequel nageaiïent ces éléments se mélangeait difficilement à l’eau, pa- 
raissait de nature muqueuse, mais ne donnait pas laréaction caractéristique 
de la mucine. | 

L’extrémité supérieure du fémur, divisée à l’aide de la scie, présentait des 
altérations analogues, avec cette seule différence qu’elles n'étaient pas aussi 
avancées que dans l’os iliaque et que la néoformation constituait des îlots 
arrondis, tranchant par leur coloration blanchâtre ou rosée sur le tissu spon- 
gieux resté sain dans leur voisinage. En pressant sur la tête du fémur, 
nous fimes sourdre un liquide semblable à celui que nous avions obtenu 
de l’os des iles. Dans le foie, les petites tumeurs signalées dans l’obser- 
vation étaient assez régulièrement sphériques, du volume d’un petit pois envi- 
ron, blanches, légèrement translucides et séparées du tissu hépatique par 
une ligne de démarcation très-nette. A leur voisinage il n’y avait ni rougeur, 
ni teinte différente de celle que revêtait le reste du parenchyme hépatique. 
Ces petites tumeurs avaient le même aspect dans toute leur étendue; c’est 
“dire qu’elles ne présentaient pas, comme les tubercules, un point caséeux à 
leur centre. Elles ne pouvaient pas non plus être prises pour des abcès, à 
cause de l’absence de modifications du foie dans leur voisinage. Par le raclage 
et la pression, elles abandonnaient un suc semblable à celui que nous avions 
obtenu des os. 

Ces productions pathologiques du foie étaient bien caractérisées comme 
tumeurs leucémiques ; nous fûmes dès lors conduit à penser que l’iliaque et 
le fémur étaient envahis par des productions de même nature, et nous diri- 
geâmes notre observation dans ce sens. Malgré l'absence de renseignements 
cliniques suffisants, nous étions d’autant plus portés à le faire, que la veine 
fémorale nous ayant été apportée, nous avions pu constater dans un caillot 


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SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 319 


qu’elle renfermait une quantité énorme de globules blancs formant par leur 
réunion des masses irrégulières, étendues et profondes. Nous savons bien 
que les caillots formés pendant la vie chez un sujet non leucémique peuvent 
contenir beaucoup de globules blancs, mais dans le cas présent leur nombre 
était hors de toute proportion. 

Notre hypothèse fut complétement vérifiée par l’examen des coupes que 
nous fimes par le procédé suivant : des portions d'os furent placées dans une 
solution d’acide chromique à :--, et au bout de quelques jours nous pûmes, 
à l’aide du rasoir, enlever à leur surface des tranches minces et étendues, 
que nous lavâmes au pinceau. Ce lavage a pour but de faire partir la plupart 
des cellules qui encombrent les espaces médullaires. Nous pûmes voir alors 
dans ces espaces un stroma réticulé des plus manifestes, limitant des mailles 
ayant de 0,05 à 0,2; dans quelques-unes de ces mailles sont comprises 
encore quelques cellules. Les fibres du stroma sont cylindriques, ont de 
0,004 à 0,003 de diamètre; à leur jonction existent des épaississements 
nodaux évidents. Cette description s'applique surtout à quelques points de 
la préparation, elle est, comme on le voit, en rapport avec la structure 
connue des ganglions et organes lymphatiques, telle que His et Frey nous 
ont appris à l’étudier. La production pathologique dont il est ici question est 
donc définie, non pas seulement par la présence d'éléments cellulaires sem- 
blables à ceux de la lymphe, puisque ceux-ci peuvent être rencontrés égale- 
ment dans le sang, le pus, le mucus, la salive, etc., mais surtout par l’exis- 


tence d’un tissu spécial, tissu lymphatique (tissu adénoïde de His), constitué 


essentiellement par un stroma réticulé comblé par des éléments de la lymphe. 
Un intérêt tout spécial s’attache encore à ces productions leucémiques des 


os: on peut y suivre le développement du tissu lymphatique et assister à sa 


métamorphose régressive. En effet, nous venons de donner la description 
des portions blanches non encore opaques ; là se trouve le tissu lymphatique 
dans toute sa perfection. Mais d’un côté existent des parties rouges et de 
l'autre un tissu blanc et opaque. 

Dans les portions rouges 
ou rosées, les aréoles du 
tissu spongieux sont agran- 
dies par résorptiongraduelle 
de la substance osseuse et 
sont comblées par un tissu 
lymphatique en voie de for- 
mation. Cette néoformation 
se fait aux dépens des cel- 
lules embryonnaires, pro- 
venant soit des cellules 


osseuses mises en liberté, ! 
soit des cellules médullaires a,;a, cellules étoilées ; b, fibrilles aplalies du stroma 


ARE naissant ; ©, cellules contenues dans les mailles 
proliférées. Quelques-unes (500 diam), 


FIG. 1, — Développement du tissu lymphatique. 


220 SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


de ces cellules deviennent fusiformes ou étoilées,-et s’anastomosant les unes 
avec les autres constituent un réseau de cellules. Les prolongements anastomo- 
tiques de ces cellules paraissent d’abord aplatis et granuleux, leur diamètre 
diminue bientôt, et ils deviennent alors cylindriques et homogènes ; en même 
tempsles celluless’atrophient, et il ne reste bientôt plus que des fibrilles avec 
des nœuds au niveau de leurs jonctions. Dès leur origine, les mailles du stroma 
sont comblées par des cellules embryonnaires qui ne diffèrent que bien peu 
des cellules lymphatiques, et par quelques cellules adipeuses. 

Les vaisseaux capillaires qui sillonnent le nouveau tissu sont eux-mêmes 
revêtus d’une seconde tunique réticulée, dont les fibrilles sont en connexion 
avec celles du stroma. Quelques-uns de ces vaisseaux sont remplis de globules 
blancs très-reconnaissables encore après l’action de l'acide chromique. 

Das les portions blanches et opaques, le pinceau n’enlève pas les cellules. 
Mais on retrouve encore quelques-unes de celles- 
ci atrophiées, pressées les unes contre les autres 
et contenant des granulations graisseuses fines. 
Aù milieu de la masse semi-caséeuse on peut 
distinguer encore le stroma réticulé ; mais celui-ci 


grande minceur. Les cellules osseuses des trabé- 
cules circonvoisines ne contiennent pas de granu- 


Fc. 2. — Transformation Jations graisseuses. 
caséeuse du tissu lympha- Il est bien regrettable que les différents os du 
tique. sujet en question n’aient pas été examinés, car 


a,a, Éléments cellulaires ra- On aurait pu y rencontrer des altérations sem- 
tatinés; D, fibrilles du hjables à celles qui viennent d’être décrites. On 
sons on dd sait, en effet, que les productions leucémiques 

sont habituellement généralisées. 

Les tumeurs du poumon, que M. Lediberder signale dans son observa- 
tion, ne nous ont pas été remises. Il est fâcheux que l’examen microscopique 
n'ait pu en être fait, car dans ces derniers temps le professeur A. Bœttcher, 
de Dorpat (Zur pathologischer Anatomie das Lungen und das Darms bei Leukü- 
mie, in Arch. für path. Anat. von B. Virchow, 1865), a donné une description 
histologique des tumeurs leucémiques du poumon, dans laquelle il signale des 
caractères spéciaux de ces productions, les séparant entièrement des produits 
tuberculeux. — La distinction serait le plus souvent impossible à œil nu. 

La description que nous venons de donner de ces tumeurs osseuses les 
éloigne entièrement des productions tuberculeuses et syphilitiques des os; on 
ne saurait y voir non plus une forme d’affection cancéreuse. Depuis quelques 
années nous avons eu l’occasion d’étudier un grand nombre de tumeurs 
osseuses, sarcomaleuses, carcinomateuses, tuberculeuses, syphilitiques et 
autres, jamais nous n'avions trouvé dans les os un stroma réticulé avec leu- 
ont C’est la première fois que nous y rencontrons du tissu lymphatique 
(tissu adénoïde de His); et jusqu’à présent, nous le répétons, aucun auteur 


ne se voit distinctement que sur des coupes d’une : 


SV 


SOCIÉTÉ MICROGRAMHIQUE DE PARIS. 291 


n’a donné de description de pareille tumeur. Néanmoins il est possible que 
ces productions leucémiques des os ne soient pas très-rares, car on ne songe 
pas d'habitude à regarder le tissu osseux chez des sujets ayant succombé à la 
leucémie, bien caractérisée durant la vie. Espérons donc que cette observa- 
tion dirigera les recherches des anatomo-pathologistes de ce côté, et que ces 
recherches seront suivies de succès. 


Des altérations des reins dans l'empoisonnement aigu 
par le phosphore, par le docteur L. Ranvier. 


Les altérations du rein qu’on observe dans l’empoisonnement aigu par le 
phosphore amènent quelquefois de l’albuminurie ; mais dans d’autres cas on 
n’a pas constaté durant la vie la présence de l’albumine dans les urines. Une 
note consignée dans la thèse de M. Cornil, aux noms de Fritz, Verliac et 
au mien, contient l’exposé de ces faits. Dans ces derniers temps, j’ai cherché 
à étudier cette question d'une manière expérimentale, et je suis arrivé à me 
faire une idée plus précise sur les conditions dans lesquelles se produit la 
stéatose avec et sans albuminurie. Nous avions déjà constaté (loc. cit.) que 
dans les cas où il y avait eu albuminurie, les reins présentaient une altération 
différente que dans ceux cù il n’y en avait pas eu. 

Je veux de nouveau attirer l’attention sur ces faits, à cause de l’intérèt 
qu'ils présentent. 

Le plus souvent les reins des empoisonnés par le phosphore (hommes ou 
animaux) se montrent avec les caractères de la stéatose complète et géné- 
ralisée. Les tubuli contournés de la substance cor- 
ticale sont alors comblés par des grauulations et 
des gouttelettes graisseuses se touchant toutes, Les 
tubes droits de la substance corticale et ceux de la 
substance médullaire sont souvent aussi atteints 
par la transformation graisseuse. Mais elle y est 
irrégulièrement distribuée et consiste surtout dans 
un dépôt plus ou moins abondant de granulations 
graisseuses dans l’intérieur des cellules épithéliales. 
Aux granulations graisseuses ne s’ajoutent pas 


des granulations protéiques, en sorte que les cel- Fig. 1.— Tubes droits de 
lules conservent un certain degré de transparence. la substance eee 
Dans les pyramides de Malpighi, les différents tubes des ons iensnpure. 


ne sont pas également affectés ; et dans cette forme, comme dans celle dont 
la description va suivre, on peut habituellement constater que les tubes ré- 
fléchis (tubes de Henle) sont fortement dégénérés, tandis que les gros tubes 
droits sont beaucoup moins granuleux. Aussi, sur certaines préparations 
peut-on, à l’aide de cette sorte d'injection pathologique, suivre exactement 


2992 SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


le trajet de ces différents conduits. Dans cette forme, les urines sont rares et 
ne contiennent pas ou très-peu d’albumine. 4 
D’autres fois, les tubuli du rein, au lieu d’être comblés par des gouttelettes 
de graisse, sont remplis par une sorte d’exsudat formé de granulations grais- 
seuses fines et d’une substance albuminoïde pétries ensemble ; de telle sorte 
que les granulations graisseuses,; au lieu 
d'êtres libres comme dans la première forme 
et de s’échapper facilement des tubuli qui 
_les contiennent, sont reliées les unes aux 
autres par une substance albumineuse qui 
se moule sur les tubes urinifères. L’altéra- 
tion n’envahit pas d’une manière régulière 
tous Les tubes de la substance corticale. Dans 
quelques points elle est assez marquée pour 
Fic, 2. — Stéatose albuminü- que ces cellules épithéliales aient complé- 
rique. Substance tubuleuse,  {ement disparu, dans d’autres ces cellules 
à € UE persistent et sont devenues troubles par un 
cercles représentent la section dépôt interne d’albumine et de fines granu- 
des tubes de Bellini, les petits  ]ations graisseuses ; enfin certains tubes pa- 
Je (tuRES AR RE raissent revêtus d’un épithélium normal. 
Les différents canaux des pyramides de Malpighi ne sont pas non plus 
également transformés. L’altération paraît toujours plus complète dans les 
tubes de Henle. Les figures 2 et 3 montrent 
les tubes réfléchis et les gros tubes droits 
dans leurs rapports, sur des coupes longi- 
tudinales et transversales. On y remarque 
que la direction et le trajet de ces tubes 
peuvent être parfaitement saisis, grâce à 
leur réplétion par la masse albumino-grais- 
seuses, et qu'on peut alors les distinguer 
très-facilement des vaisseaux, qui dans l’em- 
poisonnement par le phosphore ne sem- 
blent jamais subir la transformation grais- 
seuse. Il convient de désigner cette seconde 
forme sous le nom de stéatose albuminurique 
FIG. 3. — Coupe longitudinale de es reins, car elle s'accompagne toujours 
D ol : 3: présence d’albumine dans les urines 
et donne lieu à l'émission de cylindres 
pleins. Ces cylindres ont une constitution analogue à celle des masses albu- 
miro-graisseuses qui remplissent les canaux contournés de la substance cor- 
ticale. Leur structure est caractéristique (fig. 4), c’est-à-dire qu'on n’en 
rencontre d'analogue dans aucune forme et à aucune période de la maladie 


de Bright. 
En effet, dans l’albuminurie ordinaire les dépouilles graisseuses sont con- 


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SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 2923 


stituées par une partie centrale transparente recouverte par des granulations. 
Ici les cylindres ont la même constitution dans tous les points de leur masse, 
comme on peut en juger à première vue, 
surtout quand des tronçons de ces cylin- 
dres se présentent successivement sous 
toutes leurs faces dans le champ du mi- 
croscope. Ces cylindres sont généralement 
très-abondants, leurs bords sont coupés 
par quelques échancrures, les granula- 
tions graisseuses qu'ils contiennent sont 
très-fines et ne sont bien évidentes qu’a- 
près l’action de l’acide acétique. Dans 
Lip abs: = 5 We sie ce Fic. 4.— Cylindres pleins albumino- 
trouve des cylindres hyalins (dits fbri-  graisseux trouvés dans l'urine d’une 
neux), toujours en très-petit nombre. femme empoisonnée par le phosphore. 

Après les recherches de mon excellent 
ami À. Ollivier sur l’albuminurie déterminée par l'élimination des poisons, 
je pensai que la forme albuminurique pourrait bien être liée à l’élimination 
du phosphore ingéré ; tandis que la stéatose rénale pure serait sous la dé- 
pendance de l’action générale du phosphore; action analogue à celle qui pro- 
duit dans le foie et les muscles la transformation graisseuse. 

Voici une expérience qui met cette hypothèse en relief, mais qui, à la 
vérité, ne suffit pas pour la démontrer d’une manière complète. 

Lapin vigoureux de sept mois. — Le 30 août, 5 centigrammes de phos- 
phore blanc émulsionné dans une solution épaisse de gomme arabique sont 
donnés à l’animal à l’aide d’une pipette. 

Le lendemain et le surlendemain, rien d’anormal. 

La mort survient dans la nuit du 1° au 2 septembre. Et le matin je trouve 
l'animal en rigidité cadavérique. Je n’avais pas pu recueillir ces urines 
durant la vie. Mais à l’autopsie je trouve la vessie complétement pleine. 
L’urine qu’elle contient est très-fortement albumineuse, elle est trouble et 
lient en suspension une très-grande quantité de cylindres albumino-graisseux 
tels que je les ai décrits il y a un instant. 

Au milieu de ces cylindres, comme vous pourrez le remarquer sur les 
préparations que je vous soumets, on remarque une grande quantité de 
gros cristaux de phosphate ammoniaco-magnésien. 

La substance corticale des reins est grisâtre et opaque; au microscope, 
comme on l'observe sur ces préparations, les tubuli sont comblés par des 
inasses albumino-graisseuses, semblables aux cylindres des urines. Le foie est 
augmenté de volume, ses bords sont inousses, sa coloration est d’un jaune 
caractéristique ; au microscope, les cellules hépatiques paraissent remplies de 
fines granulations graisseuses. 

Voici donc une expérience dans laquelle la mort est survenue rapidement 
(2 jours) à cause de la dose élevée de phosphore que j'avais avec intention 


22/ SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 

administrée à l’animal. Les reins se montrent avec tous les caractères de la 
stéatose albuminurique, et nous rencontrons dans les urines une grande 
quantité de phosphates, indice d’une élimination active de la substance toxique. 

J'ajouterai, en terminant, que chez plusieurs sujets ayant succombé à 
l’empoisonnement par le phosphore et présentant de la stéatose albuminu- 
rique des reins, nous avions noté, Fritz, Verliac et moi, la présence d’une 
grande quantité de phosphate ammoniaco-magnésien dans les urines. 

Je pense donc que ces faits sont suffisants pour donner au moins un com- 
mencement de preuve à cette hypothèse que la stéatose albuminurique 
dépend de l'élimination du phosphore par les urines et que la stéatose pure 
est le résultat de l’action spéciale du pliosphore. 

On comprend dès lors que ces deux formes puissent se présenter à des 
périodes différentes de la maladie chez le même sujet ; qu’au début de l’affec- 
ton il y ait de l’albuminurie et que plus tard celle-ci disparaisse. On concevra 
aussi la coïncidence des deux formes d’altération dans un même rein. 


PLANCHE V. 


Vue du larynx du chien par sa partie postérieure. Le pharynx a été enlevé. — 
L'ouverture supérieure de la cavité du larynx comprend une portion épi- 
glottique ou triangulaire et une portion interaryténoïdienne étroite, allongée 
et en fuseau; celle-ci n'a pas toujours la forme indiquée sur la planche; 
elle se rapproche plus ou moins de celle du larynx de l’homme. 


PLANCHE VI. 


Elle représente le larynx du même chien, divisé en deux moitiés. 


PLANCHE VII 


Vue laryngoscopique des cinq principaux genres de conformation du bord et 
de la partie supérieure de l’épiglotte. 


Premier genre : oméga. — L’orifice étroit, circonscrit par le bord libre de 
l’épiglotte, empêche l’éclairage de l’intérieur de la cavité du larynx. 


Deuxième genre : fer à cheval. — Les cordes vocales peuvent être éclairées, 
mais les côtés de la cavité du larynx sont invisibles, 


Troisième et quatrième genres. — Demi-cercle et arc de grand cercle. Toutes 
les parties de l’intérieur du larynx ainsi que la trachée sont très-acces- 
sibles à la lumière réfléchie et faciles à distinguer dans l’image laryngo- 
scopique. 

Cinquième genre. — Cône tronqué. 

Ce genre d’épiglotte présente de fréquentes variétés dans ses dimensions et 
dans la conformation de son extrémité libre ; il empêche l'éclairage de la 
cavité du larynx quels que soient les efforts du chanteur. 


MÉMOIRE 


DE L'HOMME 
ET DE QUELQUES ANIMAUX 


Par le D’ M. GRANDRY 


(de Liége). 


LA SPRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNLE 
| 


PLANCHES VIII ET IX. 


Ce travail se composera de deux parties : la première compren- 
dra l’étude de la capsule chez divers animaux domestiques; dans 
la seconde, je décrirai le même organe sur l’homme. 

Dans la première partie, je me bornerai à donner le résultat de 
mes observations, en signalant brièvement Tes opinions de quel- 
ques-uns des auteurs qui ont écrit sur le même sujet, me réser- 
vant d'y revenir plus longuement dans la seconde partie. 


PREMIÈRE PARTIE 


DE LA STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE DE QUELQUES ANIMAUX. 


La capsule surrénale offre à la coupe et à l'œil nu deux sub- 
stances bien distinctes : une périphérique ou corticale, et une 
centrale où médullaire, qui est enveloppée de toutes parts par 
la première. 

L’organe entier est entouré par une gaine fibreuse. 


La substance corticale est pius épaisse que la substance médul. 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL, == T. 1V (1867). 15 


296  GRANDRY. — STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 


laire, qui à son maximum d'épaisseur au centre de l’organe, et 
n'existe pas ou est réduite à une lame mince vers les bords et les 
extrémités. | 

Ces deux substances diffèrent par leurs propriétés physiques, 
chimiques et morphologiques. 


Propriétés physiques. 


La substance corticale varie de couleur suivant les animaux. 
Chez le bœuf, le mouton, elle est rouge ; chez le chien et le chat, 
elle est jaune. Chez quelques autres animaux, elle offre deux 
teintes tranchées, une externe, plus claire, une interne, plus 
foncée. Ces différences de teintes ont pour cause le plus ou moins 


grand nombre ou l'absence dans les éléments de granulations 


graisseuses. 

La substance médullaire est blanche, quelquefois rougeàtre: 
l'intensité de cette dernière coloration tient à la plus ou moins 
grande quantité de sang dans les vaisseaux. 

On trouve des points jaunes disséminés dans la substance mé- 
dullaire ; ils sont formés par les mêmes éléments que la substance 
corticale. 

Ces pointsse trouvent principalementautourde la veine centrale 
et des troncs nerveux principaux. 

Quant à la consistance, la substance corticale est plus ferme que 
la substance médullaire, qui est généralement molle ; cependant 
la première est assez friable et, quand on la brise, présente une 
cassure fibreuse. : 

Si, au lieu d'examiner à l’état frais, on prend un organe 
d'animal mort depuis plusieurs jours, on trouve au centre 
une cavité remplie par une pulpe rougeâtre. On a cru que 
ce phénomène était dû à la liquéfaction de la substance mé- 
dullaire ; il n'en est rien, elle est simplement décollée en un 
point de la substance corticale, de là rupture de vaisseaux et 
production de la pulpe. 

On obtient la formation de la cavité en froissant entre les doigts 
un organe frais. 


" 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. 227 


Propriétés chimiques. 


Les principales réactions différentielles des deux substances 
sont les suivantes : l’acide chromique, le chromate de potasse et 
le liquide de Müller, colorent en brun la substance médullaire ; 
ils agissent peu sur la substancé corticale, surtout quand elle con- 
tient des globules graisseux. 

L’ammoniaque agit très-rapidement sur la substance médul- 
laire et la dissout; la substance corticale est à peine attaquée. La 
potasse caustique exerce la même action. 

L’acide acétique fait pàlir les deux substances, 

L’éther agit sur la substance corticale quand elle contient des 
granulations graisseuses, mais n’a pas d’action sur les granulations 
qu'on rencontre dans les éléments de la substance corticale du 
bœuf et du mouton. Il n’exerce aucune influence sur la substance 
médullaire. 


STRUCTURE. 


1° Membrane fibreuse. 


Elle est formée de tissu lamineux à texture serrée, avec fibres 
élastiques et éléments contractiles (Moërs) ; elle est traversée par 
les vaisseaux et les nerfs qui se rendent à l'organe, chez le bœuf, 
on y rencontre des cellules pigmentaires étoilées. | 

Par sa face externe elle est en continuité avec le tissu lamineux 
périnéphrétique, et dans celui-ci, près de l’organe, on rencontre 
de petits corps sphériques qui, par leur structure, doivent être 
considérés comme des capsules surnuméraires. T'arufli les à con- 
statées chez le cheval, je les ai trouvées chez le chat et le 
chien. 

Par sa face interne, elle est en rapport avec la partie superfi- 
cielle de la substance corticale, vers laquelle elle envoie des pro- 
longements lamineux de forme triangulaire qui divisent la sub- 
stance corticale en cylindres. 


Ces prolongements se suivent assez facilement jusqu’au mäieu 


225  GRANDRY. — STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 

de la substance corticale. Si l’on traite un fragment de capsule 
surrénale par l’acide acétique, on peut enlever l'enveloppe fibreuse 
avec les prolongements; alors la substance corlicale apparaît 
toute couverte de petites saillies arrondies. 


20 Substance corticale. 


La substance corticale dans son ensemble doit être considérée 
comme formée de cylindres accolés les uns aux autres. Ces cylin- 
dres, comme je viens de le dire, sont délimités par les prolonge- 
ments de la membrane fibreuse et des vaisseaux. 

Cette disposition se voit déjà à l'œil nu chez le bœuf, veau, 
mouton; elle est plus difficile à retrouver chez les autres animaux. 

Ils présentent une extrémité périphérique nettement définie, 
arrondie, en forme de cul-de-sac; l'extrémité, vers le centre, est 
mal définie, le corps même n’est bien limité que dans la partie 
moyenne et externe de la substance corticale: cela tient à la dis- 
position des éléments qui les constituent. Sur une coupe perpen- 
diculaire à l’axe, ils sont circulaires, et on les voit séparés par du 
tissu lamineux contenant des vaisseaux et des nerfs. 

Ils sont placés les uns à côté des autres, et se dirigent tous en 
rayonnant vers le centre de l'organe. 

Si l’on place sous le microscope une coupe parallèle à l’axe des 
cylindres, on voit qu'ils sont formés de deux couches distinctes par 
leurs éléments : une, externe, mince, formée de vésicules closes; 
une, interne, épaisse, formée de cellules qui, comme les vésicules, 
sont variables quant à leur forme et à leur contenu, suivant les 
- animaux chez lesquels on les examine. 


A. Première portion. 


À un faible grossissement, on voit qu’elle consiste en une cou- 
che qui recouvre complétement l'extrémité arrondie des cylindres, 
et quise présente chez le bœuf sous la forme d’un croissant dont 
les parties amincies se trouvent contiguës aux prolongements de 
l'enveloppe fibreuse (pl. VIIL, fig. 3). 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. 229 

Examinée à un grossissement plus fort, on trouve cette couche 
formée de vésicules closes. 

Chez le chien, elles sont grandes, longueur, 0"",25 ; largeur, 
0,06 à 0"",07, ovoïdes, à grand diamètre dirigé vers le centre 
de l'organe, quelquefois piriformes ou arrondies. Elles sont for- 
mées par une membrane sur laquelle on remarque parfois une 
apparence de plis et qu’on reconnaît très-bien sur les coupes 
(pl. VII, fig. 4, 2). Le contenu est variable sur un même animal. 

La membrane peut être tapissée dans toute son étendue par 
un épithélium prismatique, dans ce cas on a une cavité centrale 
remplie d’un liquide renfermant des granules brillants, réfractant 
fortement la lumière. | 

Les cellules épithéliales sont petites, sans noyau, renfermant 
les mêmes granulations ; souvent dans les préparations on obtient 
de grands lambeaux d’épithélium dont les éléments s’isolent avec 
facilité : aussi est-il difficile d’avoir une vésicule avec son épithé- 
lium complet. | 

Dans d’autres places, on ne trouve pas d’épithélium; le contenu 
est formé d’un liquide, mais ici la paroi parait plissée: cette ap- 
parence est due probablement à ce que l’épithélium n’a pas com- 
plétement disparu, et que ses derniers vestiges sont restés 
adhérents à l'enveloppe. 

Les vésicules, chez le chien, sont placées les unes à côté des 
autres avec leur grand axe dirigé vers le centrè : ordinairement 
on n’en observe qu’un seul rang; parfoison en trouve deux rangs, 
alors elles sont plus petites et inclinées ; au niveau des prolonge- 
ments de l'enveloppe, il y en à ordinairement deux, se touchant 
par les extrémités de l’ovoïde. 

Chez le chat, les vésicules ressemblent à celles du chien, elles 
sont plus arrondies ; quant aux cellules épithéliales et au contenu, 
il n’y à pas de différences notables. 

Chez le bœuf, les vésicules sont petites, 0"",06 à 0,07, de 
forme arrondie ou ovale; leur contenu consiste en noyaux de 
0°°,005 avec substance granuleuse, quelquefois segmentée en 
petites cellules polyédriques (pl. VIE, fig. 4). 

Sur un organe frais, on peut assez facilement les isoler, alors 


230 GRANDRY. — STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 


on leur reconnaît une paroi propre, distincte du tissu lamineux, 
qu’on fait apparaître par l'acide acétique. 

Pour les voir, sur un organe durci, il faut pratiquer des coupes 
très-minces, sinon on n'aperçoit que des points opaques sans 
structure appréciable. 

Elles sont disposées sur plusieurs rangs parallélement à la sur- 
face de l'organe : dans la partie épaisse de la couche on en trouve 
trois, quatre, cinq rangs; dans la partie amincie, le nombre est 
réduit à un ou deux: on en rencontre quelquefois dans l’épaisseur 
même des prolongements. 

Chez tous les animaux, les vésicules sont isolées les unes des 
autres par du tissu lamineux et des vaisseaux sanguins. 


B. Deuxième portion de la substance corticale. 


1° Éléments. —Si l'on prend une portion de cette couche chez le 
bœuf et qu’on la dilacère modérément dans l’eau, on trouve 
dans le liquide des granulations très-fines, des noyaux et des 
cellules. 

Les granulations sont très-ténues ; les noyaux sont ronds ou 
ovales, d'environ 0"",01, granuleux avec nucléoles, entourés 
presque toujours d’une certaine quantité de substance granuleuse; 
les cellules sont ovales, polyédriques, quelquefois allongées, for- 
mées par un noyau entouré de substance granuleuse sans mem- 
brane cellulaire ; d’après Joesten, on en trouverait aussi avec mem- 
brane (pl. VIIL, fig. 5 a). 

Les cellules mesurent de 0"",02 à 0"*,03; elles sont plus 
- grandes vers le centre qu’à la périphérie. 

On trouve encore dans la substance corticale du bœuf, en cer- 
tains points, des cellules à granulations plus foncées, presque sou- 
dées entre elles, et formant des espèces de tubes; ces mêmes 
cellules se retrouvent parfois dans la substance médullaire. 

Chez le chien et le chat, on trouve, en agissant de la même 
façon que pour le bœuf, des fragments d'apparence tubulaire 
remplis de granulations graisseuses qui masquent complétement 
le reste du contenu; sur d’autres tubes, on distingue dans leur 


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DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. 231 
intérieur des noyaux également remplis de granulalions grais- 
seuses. À côté de ces tubes, on trouve des cellules plus petites 
que celles du bœuf, renfermant un noyau avec nucléole et un 
contenu granuleux réfractant fortement la lumière. Ces cellules 
se trouvent dans la partie voisine de la substance médullaire 
(pl. VILLE, fig. 5 0). 

2 Disposition des éléments. — Chez le bœuf.— Is sont dis- 
posés en traînées parallèles et linéaires, s’irradiant vers le centre 
de l'organe. 

Ces traînées débutent en dessous de la couche des vésicules 
closes, et se terminent à une certaine distance de la substance 
médullaire. 

Elles sont le plus visibles dans la partie moyenne ; leur acco- 
lement forme les cylindres. 

Sur une coupe durcie et parallèle à l'axe des eylindres, on voit 
que les cellules qui les composent ne se touchent pas; sur une 
coupe transversale les cellules paraissent contenues dans une 
loge de substance amorphe. 

Près de la substance médullaire, les éléments n’ont pas de dis- 
position très-spéciale; ils sont plus isolés les uns des autres et 
plus faciles à voir. 

Chez le chat et le chien.— Au lieu de traînées de cellules, on 
rencontre des cylindres homogènes renfermant de nombreuses 
granulations graisseuses, dans lesquelles il est impossible de dis- 
tinguer ni noyaux, ni cellules, si ce n’est près de leur point de 
terminaison vers la substance médullaire,. 

Ces cylindres débutent près des vésicules closes, et vont s’irra- 
diant vers le centre et parallèlement les uns aux autres. Ils pré- 
sentent entre eux des anastomoses transversales assez fréquentes 
(pl. IX, fig. 1). 

Près de la substance médullaire, les cellules sont nettement 
visibles et isolées. Une question surgit ici : y a-t-il une membrane 
propre autour des trainées el cylindres ? Je crois qu’il n’y en à pas 
chez le bœuf, mais qu’elle existe chez le chien et le chat; 
au reste, je reviendrai plus longuement sur ce sujet dans mon 
travail concernant l’homme. 


23% GRANDRY. —— STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 


CAPSULES SURNUMÉRAIRES. 


On trouve dans le tissu cellulaire lâche qui touche à la capsule 
surrénale de petits corps ronds qu’on doit rattacher par leur struc- 
ture à la substance corticale, et considérer comme capsules sur- 
numéraires. 

Taruffi leur attribue une structure tubuleuse. 

Je les ai rencontrées chez le chat, et les ai trouvées constituées 
par des cellules à noyau avec granulations graisseuses sans dis- 
position en tubes ; il en est de même chez le chien. 


30 Substance médullaire. 


Elle doit être considérée comme essentiellement formée de 
vésicules closes. 


Je prendrai comme type, pour la description, la substance 
médullaire du bœuf. | 

Chez cet animal, on rencontre de grandes vésicules d’une forme 
variable, arrondies, tubulaires, droites ou recourbées, c’est-à-dire 
ce sont de grands sacs clos comprimés les uns contre les autres et 
prenant par là une grande multiplicité de formes. 

La forme la plus commune est un boyau allongé mesurant 
quelquefois dans sa longueur 0"",3 et même plus, et environ 
0"*,06 dans sa largeur. Assez souvent on trouve plusieurs de 
ces boyaux parallèles; mais ordinairement ils's’entrecroisent de 
telle sorte que sur une coupe on les voit divisés longitudinalement, 
transversalement ou obliquement (pl. IX, fig. 2). 

Ces vésicules sont accolées les unes aux autres sans se toucher 
par tous les points; alors on trouve entre elles des espaces vides 
qui ne sont autre que la coupe des vaisseaux sanguins : en effet, 
ces lacunes sont quelquefois remplies de globules. 

Elles sont aussi séparées par des filets nerveux, quelquefois 
même par des troncs assez volumineux. 

Aux points de contact, elles sontintimement unies par du tissu 
lamineux, 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. | 233 

Elles sont difficilement isolables chez les animaux adultes : mais 
chez les jeunes, chezle veau par exemple, on parvient à les isoler 
assez facilement. 

Du côté de la substance corticale, elles se voient nettement 
limitées et différentes des éléments de cette couche. 

Le point de réunion des deux substances forme, en général, une 
ligne irrégulière, une substance s’engrenant avec l’autre. 

Les moyens d'union sont du tissu lamineux, des vaisseaux et 
des nerfs ; en certains points, l’adhérence est très-faible. 

Avant de décrire en détail les éléments constituant les vési- 
cules, je signalerai les principales opinions sur l’ensemble de la 
structure de la substance médullaire. Ecker et Külliker la consi- 
dérent comme formée d’un réseau de tissu conjonctif dans les 
mailles duquel se trouvent des cellules finement granulées, outre 
les vaisseaux et les nerfs. | 

Leydig la considère comme formée de cellules nerveuses 
multipolaires. 

Moërs parle d'espaces ovales et allongés, limités par du tissu 
conjonctif. | | 

Joesten dit que chez le veau elle est divisée par du tissu con- 
jonctif en boyaux très-variables comme grandeur et comme forme : 
ils paraissent formés de cellules composées d’une substance granu- 
leuse et de noyaux placés dans chaque cellule, vers l’axe du 
boyau et sans membrane cellulaire. 

Henle dit qu’il y a des boyaux ou tubes composés d’une mem- 
brane rigide un peu plissée et de cellules particulières, laissant 
entre eux des lacunes : ce sont particulièrement les parois conti- 
guës des boyaux qui présentent l’apparence d’un réseau fin con- 
jonctif, mais on trouve entre les boyaux de véritables trainées de 
tissu conjonctif, | 

On voit que mes résullats concordent avec ceux de Henle. 

J'arrive maintenant à la description des vésicules en particulier. 

Si l’on isole une de ces vésicules chez le veau, et à cet effet on 
prend une portion de substance médullaire qu’on met dans l’eau 
additionnée d’un peu d’acide acétique, et qu’on la dilacère avec 
précaution, on voit qu'elle est limitée par une paroi trans- 


23h  GRANDRY. — STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 
parente nettement tranchée, et qu’elle renferme un contenu 
particulier. En dehors de la membrane propre, on trouve des corps 
fusiformes et des noyaux embryoplastiques qui formeront le tissu 
lamineux chez l'adulte. 

Membrane.— Elle est anhiste, transparente, quelquefois légè- 
rement granuleuse, mais ceci tient probablement à des granula- 
tions du contenu qui y sont restées adhérentes. 

Les bords'des lambeaux qu’on obtient sont nettement déchirés 
et sans apparence fibrillaire (pl. IX, fig. 4, 5). 

Elle n’est attaquable ni par l'acide acétique, même à la longue, 
ni par l’'ammoniaque. 

Je l’ai isolée chez le veau, le bœuf et le chien. M. Ordoñez, qui 
s’est occupé du même sujet, m'a dit être arrivé au même ré- 
sultat. 

Pour l'obtenir, on peut dilacérer un fragment de substance 
médullaire, enlever la matière granuleuse à l’aide d’un pinceau et 
traiter par l'acide acétique ; mais on fera mieux de prendre une 
coupe mince de la substance et de la traiter de la même façon : 
dans ce cas, on voit un tissu aérolaire dans les mailles duquel 
flottent des lambeaux de membrane encore adhérents. 

Contenu.— Par le grattage, on obtient des granulations très- 
ténues, insolubles dans l’alcool et l’éther, pâlissant par l'acide 
acétique, disparaissant par l’ammoniaque. Outre ces granulations, 
on trouve des noyaux ronds, quelquefois ovales, à contours très- 
accusés, granuleux, avec nucléoles (pl. IX, fig. 3). 

On trouve encore des débris de tubes nerveux, des cellules de 
la substance corticale, etc., mais qui n’appartiennent pas au con- 
tenu des vésicules. 

Si l’on examine une coupe mince de substance méduilaire 
durcie, on trouve que les noyaux sont dans l'axe des bovaux, et 
en même temps on voit souvent la substance granuleuse segmen- 
tée en cellules, Quand ces cellules existent, elles présentent une 
forme discoïde aplatie, de telle façon que l'épaisseur soit environ 
le tiers de la largeur. Elles mesurent 0"°,018 en longueur, et 
0" ,006 à 0,007 en épaisseur. Quand elles remplissent la totalité 
du boyau, elles se montrent de champ et accolées les unes aux 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX, | 235 


autres par leur surface plane, et rappellent l'aspect des globules 
sanguins groupés en rouleau de monnaie. 

Les cellules contenues dans les boyaux, vues de célte façon, 
présentent une certaine ressemblance avec l’épithélium en cylin- 
dre, pour lequel Joesten les a prises probablement. 

Telle est la description que donne Henle de ces cellules, et je 
partage complétement son opinion. 

Les réactions du contenu des vésicules ont été données anté- 
rieurement. 

Telle est la structure de la substance médullaire chez le bœuf ; 
le même type se retrouve chez les animaux que j’ai examinés. Les 
différences portent surtout sur le volume des vésicules, qui sont 
en général plus petites et plus difficiles à voir, et sur la quantité 
de nerfs généralement beaucoup moins considérable. 


h° Waisseaux. 


Les artères qui se rendent à la capsule surrénale sont très- 
nombreuses et proviennent de différents troncs principaux. Avant 
d'arriver à l’organe, elles se ramifient dans le tissu cellulaire 
ambiant, de telle façon qu’arrivées à la membrane fibreuse, elles 
sont peu volumineuses. 

Toutes ces artères percent l’enveloppe, mais au delà se com- 
portent de différentes manières : les unes, arrivées à la substance 
corlicale, se résolvent brusquement en capillaires; d’autres pénè- 
trent à une certaine distance et se distribuent à la même sub- 
stance; un troisième ordre va jusqu’à la substance médullaire et 
s’y distribue. 

Immédiatement au-dessous de l'enveloppe, les artères semblent 
former un plexus d’ où partent les capillaires. 

Les capillaires de la substance corticale sont très-fins, à mailles 
allongées parallèles ; ils cheminent entre les trainées de cellules 
et les tubes, en envoyant de temps en temps des anastomoses 
transversales. Chez le bœuf, à la périphérie, les mailles sont ar- 
rondies, Les capillaires ont moins de volume à la périphérie que 
vers le centre, 


236  GRANDRY. — STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 

À l'union des deux substances, il y a un véritable plexus de 
vaisseaux dilatés, à mailles très-serrées, où se perdent les capil- 
laires de la substance corticale. 

Les vaisseaux de la substance médullaire sont très-dilatés, à 
mailles polygonales; près du centre, ils se réunissent en petits 
troncs veineux qui vont se jeter dans la veine centrale, dans toute 
son étendue, de telle façon que, si l’on ouvre celle-ci et qu’on l’é- 
tale, on la trouve percée d’un grand nombre de petits trous. On à 
le plus souvent une seule veine pour toutes les artères, cependant 
quelquefois il y en a deux. 

Moërs dit ne pas avoir trouvé de troncs veineux dans la sub- 
stance corticale ; voici ce que j'ai observé chez le bœuf : Trés-sou- 
vent de la partie supérieure d’un cylindre part un tronc principal 
qui débute près de la périphérie, formé par la réunion de petits 
capillaires, se dirige à travers l’axe du cylindre vers la substance 
médullaire en recevant des branches latérales sur son parcours, 
et va se jeter dans le plexus à l’union des deux substances. Au 
lieu d’un tronc, il y en a quelquefois plusieurs plus petits. 

Quant à leur texture, les capillaires ont une paroi mince et 
fragile ; les petits troncs veineux el la veine centrale ont des parois 
musculaires. 

J'ai parlé de leurs rapports avec les éléments dans la substance 
corticale ; dans la substance médullaire, ils entourent les vési- 
cules closes sans pénétrer dans leur intérieur. 

Il me reste à parler de la vascularisation des capsules surnu- 
méraires; n'ayant pas réussi à en injecter, je me bornerai à citer 
ce qu’en dit Taruffi. 

Ces petits corps ont une disposition vasculaire semblable à un 
placenta et sont placés parfois dans un réseau admirable, de telle 
facon qu’à première vue, on pourrait les prendre pour des glomé- 
rules vasculaires. 

Lymphatiques. —1ls sont peu étudiés. 


5° Nerfs. 


Les nerfs sont très-nombreux chez le bœuf, veau, mouton; 
chez le chien et le chat, on n’en trouve que très-peu. 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. 237 

[ls traversent l’enveloppe fibreuse et parcourent toute l'étendue 
de la substance corticale sans y donner des branches; arrivés à 
la substance médullaire, ils se divisent en faisceaux de plus en 
plus petits, mais on ne peut reconnaître aucune extrémité termi- 
nale : ils semblent former un réseau très-serré dont les fibres pas- 
sent entre les vésicules. G | 

A côté des trous nerveux, à certaines places, au voisinage des 
artères et de la veine centrale, quelquefois entourant de petits 
troncs vasculaires, ‘on rencontre de véritables cellules nerveuses, 
ovales ou anguleuses, multipolaires, à contenu granuleux, à noyau 
volumineux entouré d’une zone de pigment jaunâtre et à nucléole 
très-gros. 

Ces cellules sont réunies en groupes de quatre à huit (pl. EX, 
fig. 2). US 

Je les ai trouvées en communication avec des fibres nerveuses. 

Moërs dit que certains troncs nerveux, pénétrant dans l’écorce 
par une face, en ressortent par l’autre, tantôt sans avoir touché la 
substance médullaire, tantôt après en avoir traversé les couches 
les plus externes. 

Chez l’homme, où j’ai eu occasion d’examiner la capsule d’un 
supplicié, j'ai trouvé deux ganglions nerveux de 0"",5 de dia- 
mêtre, entourant des troncs vasculaires ou au voisinage de ceux- 
ci; j y reviendrai, du reste, dans la seconde partie de mon 
travail. 

Chez le chien, je n'ai rien trouvé qui ressemblât à un ganglion 
ou à des cellules nerveuses. 


(L’explication des planches et la suite au prochain numéro.) 


OBSERVATIONS DIVERSES 


SUR L'ANPE TL TEL 0 


CHEZ LE CHEVAL 


Par M. Arm. GOUBAUX 
Professeur d'anatomie et de physiologie à l’École impériale vétérinaire d'Alfort. 


8 1.— Remarques historiques sur le sujet de ce travail. 


Il y a déjà longtemps que, dans mes cours à l’école d’Alfort, 
je démontre tous les détails qui font l’objet de la note que j'ai 
l'honneur de publier aujourd’hui. 

L'observation m’a fait reconnaître que, chez le cheval, le pubis 
est le seul os du squelette qui présente plusieurs variétés de dis- 
position. 

Ces variétés sont au nombre de trois ; elles portent sur la face 
supérieure, le bord antérieur et le bord interne. 

Les pièces anatomiques que j'ai recueillies à cet égard font 
partie des collections que j’ai formées pour l’ostéographie. 

Ces variétés n’ont pas été notées par les auteurs français d’ana- 
tomie vétérinaire; je tiens à en donner les preuves: 

4 Bourgelat (Éléments de l'art vétérinaire. Précis anato- 
mique du corps du cheval, 3° édition, an VE, voy. t. I, p. 104) 
a donné une description du pubis qui paraît très-méthodique, 
mais qui ne fait connaître aucun des détails que présente cet os. 

2° J, Girard (Traité d'anatomie vétérinaire, L° édition, Paris, 
1841, t. [*, p. 204) dit que la face interne du pubis, «lisse 
et légèrement concave, soutient la vessie lorsqu'elle est dans un 
état moyen de plénitude. Le bord antérieur ou abdominal est 
garni de plusieurs tubérosités pour l'implantation des muscles de 
l'abdomen. » Enfin, 1l dit que « le bord interne s’articule avec ce- 
lui du côté opposé ». 


OBSERVATIONS SUR L'OS PUBIS CHEZ LE CHEVAL. 239 

Plus loin (page 207) Girard à émis ce qui suit : « Le coxal n'é- 
prouve, par l’effet de l’âge, nulle altération bien marquée, ainsi 
que nous l’avons déjà faitremarquer ; la symphyse ischio-pelvienne 
se soude pendant l’âge adulte, même dans les juments poulinières. 
Dans ces dernières, la surface pelvienne du pubis forme une 
excavation particulière, et cette cavité augmente par le renou- 

‘vellement des gestations. » 

Ainsi Girard n’a remarqué que la disposition concave de la face 
supérieure du pubis; il n’a pas noté les particularités diverses du 
bord antérieur, ni celles du bord interne du même os. Quant à sa 
dernière observation, qui est relative aux juments poulinières, je 
suis convaincu que cet auteur a fait une assertion que les examens 
répétés ne confirment pas. 

3° Suivant Rigot (Traité complet de l'anatomie des animaux 
domestiques, 1° partie, OstÉoLoGiE, Paris, septembre 1841, 
voy. p. 204) : « La face interne ou supérieure du pubis, plus ou 
moins concave, tapissée par le péritoine, etc... 

» Le bord antérieur ou abdominal du pubis, dirigé transver- 
salement et légérement relevé à ses extrémités, porte une /évre 
raboteuse à laquelle s’insérent le périnée et les muscles des parois 
inférieures de l’abdomen. 

» Le bord enterne, le plus court, mais le plus épais, s'unit avec 
le bord correspondant du pubis opposé, et concourt à la formation 
de la symphyse pubienne. » 

Plus loin, en parlant du bassin (voy. p. 211), Rigot a dit: 
« Dans le milieu, la symphyse ischio-pubienne y forme quelque- 
fois une saillie très-considérable, etc...» 

Rigot ne signale donc aussi qu’une seule disposition de la face 
supérieure du bord interne et du bord antérieur du pubis, et il 
ajoute, à l’occasion de la description du bassin, une particularité 
de la symphyse qui présente quelquefois une saillie très-considé- 
rable. | 

h° M. À. Chauveau (Traité d'anatomie comparée des animaux 
domestiques, Paris, 1855, voy. p. 91) indique ainsi qu’il suit les 
points sur lesquels nous voulons appeler l'attention : 

« La face supérieure (du pubis), lisse et concave, concourt à 


210 GOUBAUX. — OBSERVATIONS DIVERSES 

former le plancher du bassin. — Le bord antérieur est constitué 
par une lèvre mince et âpre recourbée en haut.— Le bord interne 
se soude avec celui du pubis opposé, pour former la portion pu- 
bienne de la symphyse du bassin. » 

Ainsi M. Chauveau indique une seule disposition, et c’est la 
même que celle qu'avaient fait connaître ses devanciers. 

. Tous ces faits ne sont qu’en partie en rapport avec ceux que 
j'ai observés. 

J'avais recueilli toutes les pièces anatomiques et toutes les notes 
relatives à leur description, lorsque j'eus l’idée de lire un travail 
que M; Bouley jeune a publié à l’occasion d’une pièce anatomique 
que renferme le cabinet des collections de l’école d’Alfort. Cette 
pièce anatomique a trait à une vessie qui a été perforée par une 
saillie osseuse dela symphyse pubienne. 

Le travail de M. Bouley jeune a pour titre : Perforation de la 
vessie par une tumeur osseuse de la symphyse pubienne. 
Epanchement de l'urine dans la cavité abdominale; péritonite 
consécutive entérorrhagie passive, diarrhée noire et fétide. Mort 
le douzième jour de la maladie (voy. Recueil de médecine vété- 
rinaire, année 1842, page 5). | 

Voici les passages principaux et importants qui se rapportent 
à notre sujet : 

« La vessie, dans un presque état de vacuité, reposait en grande 
partie sur la symphyse pubienne, et offrait à sa partie inférieure, 
à 6 centimètres environ de son col, une owverture anormale 
communiquant directement avec sa cavité à travers ses trois 
membranes; cette perforation, arrondie, plus large extérieure- 
ment que dans son fond, paraissait infundibuliforme. Une tumeur 
osseuse (1) située sur la face supérieure de lasymphyse pubienne, 
près de son bord antérieur, était logée dans cette ouverture, pé- 
nétrait par conséquent dans l’intérieur de la vessie, et la fixait en 
quelque sorte dans le point où elle se trouvait alors. Cette tumeur, 
d’une étendue de 4 centimètres environ, était arrondie à sa base 


(1) En explorant la vessie à travers les parois du rectum, M. Barthélemy (Gas- 
pard) avait annoncé la présence de cette saillie osseuse sur le plancher du bassin. 


SUR L'OS PUBIS CHEZ LE CHEVAL. 241 
et terminée par une pointe mousse assez irréguliére; enfin il 
existait sur le côté gauche du col de la vessie, dans le tissu cellu- 
laire infiltré, un canal accidentel tapissé d’une fausse muqueuse 
incomplétement organisée, qui conduisait directement l'urine de 
la vessie dans l'abdomen à travers un point ulcéré du péritoine : 
disposition pathologique qui explique comment ce liquide avait 
pu pénétrer dans la cavité abdominale, bien que la blessure de la 
vessie fût située Lors péritoine. . .. ..... Le cheval qui fait le 
sujet de cette observation, ayant présenté les apparences de la 
santé la plus parfaite pendant les trois années qui ont précédé sa 
maladie, et la éumeur osseuse qui a causé les accidents se trou- 
vant placée dans la cavité pelvienne, il nous a semblé impossible 
de rapporter le développement de cette même tumeur à la con- 
stitution de l'animal, et moins encore à une lésion physique. Dans 
cet état de choses, nous avons recherché dans l’organisation nor- 
male de la symphyse pubienne l’explication du phénomène patho- 
logique. Il résulte des investigations auxquelles nous nous sommes 
livré à ce sujel, et qui d’ailleurs se trouvent en rapport avec les 
observations de M. le professeur Rigot, qu’il n’est point de partie 
dans le squelette du cheval dont la conformation soit plus va- 
riable que celle de la surface antérieure el supérieure de la 
symphyse pubienne ; en eflet, elle est concave, quelquefois plane 
et souvent mamelonnée. D'après ces faits anatomiques qu'il est 
facile de constater, nous sommes naturellement porté à croire 
que la tumeur pubienne que nous avons décrite n’a jamais dé- 
pendu d’une cause pathologique, et qu’elle n’est rien autre qu'une 
éminence osseuse, naturelle, anormalement développée. Que si 
l'on nous demande maintenant comment nous concevons que cette 
éminence osseuse, qui existait assurément depuis longtemps, a pu 
déterminer tout à coup une blessure mortelle à la vessie, nous 
répondrons que nous l’ignorons, mais que cependant il nous 
semble très-probable que cette lésion a été occasionnée, sinon 
complètement d’abord, du moins en partie, par un brusque mouve- 
ment de va-et-vient que la vessie, dans un état moyen de pléni- 
tude aura sans doute exercé sur l'extrémité raboteuse de celte 


éminence, soit durant un saut, soit dans une chute où pendant 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. IV (1867). 16 


2h 2 GOUBAUX. —- OBSERVATIONS DIVERSES 


tout autre effort. Hâtons-nous d'ajouter, toutefois, que le cavalier 
Foucault, interrogé par nous, n’a pu nous donner aucun rensei- 
gnement positif touchant cette éfiologie supposée. I serait aussi 
fort possible que la perforation de la vessie eût été le résultat 
d’une inflammation ulcéreuse produite par la présence seule de 
l’éminence osseuse ; aussi n’osons-nous rien affirmer à ce sujet. 
Enfin, nous dirons en terminant que, depuis l'époque où ce fait 
a été recueilli, nous avons observé deux fois, en explorant l'in- 
teslin rectum de chevaux atteints de coliques, des éminences os- 
seuses très-étendues de la symphyse pubienne, et que dans l'un 
et l’autre caselles n’ont amené aucun des funestes accidents que 
nous venons d'exposer.» 

Si j'ai tenu à donner les preuves que les auteurs français 
d'anatomie vétérinaire n’ont pas indiqué tous les détails que pré- 
sente le pubis chez le cheval, je n’ai pas moins tenu à montrer 
aussi qu'une particularité de la symphyse pubienne avait été re- 
marquée : on en trouve la preuve dans l'extrait que je viens de 
rapporter du travail de M. Bouley jeune, dans lequel se trouvent 
citées les remarques de M. Rigot, que j’avais rappelées déjà pré- 
cédemment. 

L'état de la question que je me propose d'étudier étant donc 
maintenant nettement établi, je mentionnerai d’abord les détails 
principaux et constants que présente le pubis, et j’exposerai en- 
suite les observations que j'ai Mc relativement à ses variétés 
anatomiques. 


$ 2.— Sur les dispositions anatomiques de l’os pubis chez le cheval, 


Des trois portions qui composent l’os coxal ou des iles, le pubis 
est la portion moyenne, quant à sa situation, et la plus petite, 
quant à ses dimensions. Sa forme est triangulaire. On y recon- 
naît deux faces, trois bords et trois angles. 

La /ace inférieure offre une disposition invariable. 

Le bord postérieur forme toujours la limite antérieure du trou 
ovalaire ou de l'ouverture sous-pelvienne. 


SUR L'OS PUBIS CHEZ LE CHEVAL. 245 

L’angle externe ou cotyloïdien présente toujours la même 
disposition. 

Des variétés de disposition se font remarquer en ce qui con- 
cerne la face supérieure, le bord antérieur et le bord interne. En 
effet, l'observation m'a permis de constater les dispositions 
suivantes que je présente successivement, et sans attacher d'im- 
portance, du moins pour le moment, à leur degré de fréquence. 
Le degré de fréquence de ces variétés de disposition est un 
complément d'étude du sujet que je ferai connaître ensuite. 


Première disposition. 


A. Le pubis est plus épais à son bord abdominal ou antérieur 
que partout ailleurs. 

B. La face supérieure peut être divisée en deux parties, l’une 
antérieure et l’autre postérieure : 

a. La partie antérieure, concave transversalement ou de dedans 
en dehors, est convexe ou arrondie d’avant en arrière. 

bd. La partie postérieure ou la plus rapprochée du trou ovalaire 
ou de l'ouverture sous-pelvienne est concave suivant ses deux 
diamètres, ou, en d’autres termes, d'avant en arrière et de dedans 
en dehors. | 

G. Avec cette disposition, les angles du pubis sont, quant à 
leur volume, dans le rapport suivant : 

a. L'antérieur interne est plus épais. 

b. L’antérieur externe ou cotyloïdien est le moyen en volume. 

c. Le postérieur est le plus petit. 

D'où 1l suit que le bord interne du pubis, qui s'oppose sur la 
hgne médiane au bord homologue du pubis, du côté opposé, dimi- 
nue graduellement d'épaisseur d’avant en arrière. 


Seconde disposition. 


À. Le bord antérieur ou abdominal est mince et rugueux. 

Le bord interne augmente peu à peu d'épaisseur d'avant en 
arrière. 

Le bord postérieur est le plus épais. 


24h GOUBAUX. —— OBSERVATIONS DIVERSES 


B. La face supérieure est encore divisée en deux fractions iné- 
gales : l’antérieure, beaucoup plus grande que la postérieure, est 
excavée suivant ses deux diamètres et forme, avec celle du pubis 
du côté opposé, une sorte de cuvette plus ou moins profonde, sui- 
vant les individus, plus étendue transversalement que dans le sens 
antéro-postérieur. Cette fraction antérieure de la face supérieure 
du pubis est séparée de la postérieure par une crête, souvent plus 
élevée et même beaucoup plus élevée dans sa partie moyenne 
que vers ses extrémités. Cette crête, à peu près transversale, est 
cependant dirigée un peu obliquement de dedans en dehors et 
d'arrière en avant. 

La fraction postérieure de la face supérieure du pubis est pres- 
que verticale en avant du trou ovalaire, et oblique de dedans en 
dehors dans la moitié postérieure du bord interne de l'ouverture 
ovalaire. 


“ 


Ainsi, dans cette disposition, on trouve les caractères opposés 
a ceux de la première, c’est-à-dire que : 

La face supérieure est concave suivant ses deux diametres : 

Le bord antérieur est mince ; 

Le bord postérieur est plus épais; 

Le bord interne augmente d'épaisseur d’ayan( en arrière; 

L’angle antérieur interne est le plus petit; 

L’angle postérieur est le moyen en volume; 

Enfin, l’angle externe ou cotyloïdien est le plus volumineux. 

Ce ne sont pas encore là toutes les particularités que le pubis 
peut présenter chez le cheval; il en est encore d’autres qui ont 
trait à la DISPOSITION QUE LA SYMPHYSE PUBIENNE OFFRE SUR LE 
PLANCHER DE LA CAVITÉ PELVIENNE. Ges variétés sont au nombre de 
trois : 


PREMIÈRE VARIÉTÉ.— C’est la plus ordinaire, on peut l’observer 
avec l’une ou l’autre des deux dispositions du pubis qui ont étéin- 
diquées, et je la caractérise en disant qu'elle ne présente rien de 
remarquable, 


DEUXIÈME VARIÉTÉ. — Avec la disposition qui a été indiquée au 


SUR L’0S PUBIS CHEZ LE CHEVAL. 245 
paragraphe 2, on observe quelquefois sur la ligne médiane, et 
comme point de départ ou de réunion des deux crêtes qui se 
portent l’une à droite et l’autre à gauche, sur la face supérieure 
du pubis du côté correspondant, on observe quelquefois, dis-je, 
une saillie prismatique ou conique dont la partie supérieure ou 
libre est pointue, et s’élève au-dessus des parties environnantes 
de 0",010, 0®,015, 0",018, suivant les individus. Cette saillie 
n'est pas très-commune, mais j'ai eu l’occasion de la remarquer 
plusieurs fois.Ce fait, comme on le voit, est en rapport avec ceux 
qui ont été observés par M. Rigot et par M. Bouley jeune, et 
que j'ai cités plus haut. | 


TROISIÈME VARIÉTÉ.— Enfin, avec la disposition du pubis qui a 
été signalée au paragraphe 1°, on trouve quelquefois, encore sur 
la ligne médiane, une saillie plus ou moins élevée et tranchante à 
sa partie supérieure ou libre : elle consutue une sorte de crête, 
convexe d'avant en arrière, qui s'étend depuis le bord antérieur 
du pubis jusqu’à l’origine des crêtes qui divisent la face supé- 
rieure du pubis en deux fractions, l’une antérieure et l’autre 
postérieure, 

Cette crête médiane antéro-postérieure fait quelquefois saillie 
de 15 à 18 millimètres au-dessus des parties qui sont situées à son 
voisinage, à droite et à gauche. 

Lorsque, par des observations nombreuses , j'ai été fixé défini- 
tivement sur les diverses particularités que peuvent présenter les 
bords, les angles et la face supérieure du pubis chez le cheval (1), 
j'ai recherché quel en est le degré de fréquence. 

Il serait inutile d'exposer ici avec tous ses détails la statistique 
que j'ai faite à cet égard; en voici seulement le résumé : 

Mes recherches ont porté sur soixante individus de l’espèce 
chevaline, et comme il aurait pu y avoir quelques-unes des parti- 
cularités qui fussent relatives au sexe, j’ai examiné trente chevaux 
et trente juments. 


(1) Toutes les pièces que j'ai recueillies font partie des collections du service 
d'anatomie de l’École d’Alfort. 


246 GOUBAUX. —— OBSERVATIONS DIVERSES 


Voici les résultats de mes examens : 


1° Bord antérieur de l'os pubis : 


Chez 18 chevaux, il était épais........,...... 18 millim. 20 ch 

Chez 12 chevaux, il était mince .............. 12 — RES 

Chez 9 juments, il était épais............... 9 + 

Chez 21 juments, il était mince......... ..... 21 LR 
| (0 CL PP ERERE ati 60 


2° Face supérieure de l'os pubis (fraction antérieure). 


Chez 13 chevaux, elle était convexe d’avant en ar- 


HÉPORAEN enr ipnens rs SP CRRRTÉRL 2. 43 millim. ad des 
Chez 17 chevaux, elle était concave suivant ses ‘ 
DOUÉTRMELNRS Rxb sc. UN Does. 17 — 
Chez 3 juments, elle était convexe d’avant en ar- 
Me me De late nes ue Deus 0 SU Te 3 — | + 
Chez 27 juments, elle était concave suivant ses deux ke im 
diamètres. ...... aies très Fun: sroiies 27 — 
Totale. L 541104 60 
3° Particularités de la symphyse pubienne. 
Chez 27 chevaux, elle n’a rien présenté de remar- 
QUAD ANOE TER ENT | P28. RHEMIPENE SE 27 millim. 
Chez 1 cheval, elle a présenté une crête antéro- 20 
_ chev. 
HOMÉÉIeUFE te. us: cnudins fee < sg ele #. À — 
Chez 2 chevaux, elle a présenté une saillie prisma- 
lidue MERE Ps eue ec Pr RRS 2 — 
Chez 27 juments, elle n’a rien présenté de remar- 
quable "029700 AT: PIANO, 1022 27 — 
Chez 2 juments, elle a présenté une crête antéro- 1 
de 30 jum. 
postérioutes 4 «does ab Sas Lis RS An! #> 
Chez 1 jument, elle a présenté une saillie prisma- 
(1 5 CPR DO RORR AT Pine das eu OS S da EU NUS 1 — 


Une observation importante à faire en ce qui concerne la sta- 
tistique qui vient d’être présentée, c’est qu’elle a êté faite sur des 
animaux de dissection, à mesure qu'ils étaient amenés dans le 
service d'anatomie. Il ne semble pas permis, en effet, de conclure 


SUR L’OS PUBIS CHEZ LE CHEVAL. 217 


qu'une des dispositions de la face supérieure, des bords et des 
angles du pubis, soit plus commune dans un sexe que dans l’autre. 
Ïl est probable que le hasard seul a fait ces différences de nombre 
qui ont été signalées, soit dans l’un, soit dans l’autre sexe, car 
les diverses dispositions ont été rencontrées aussi bien dans l’un 
que dans l’autre. 

Pour terminer cette note, j'inscrirai encore une observation 
particulière : | 

Les nombreux examens cadavériques que j'ai faits m'ont permis 
de constater un assez grand nombre de fois la lésion suivante. 

Une exostose ou tumeur osseuse, anormale, se développe sur 
le bord antérieur ou abdominal du pubis et peut s’étendre sur la 
partie correspondante de sa face inférieure, soit du côté gauche, 
soit du côté droit, soit des deux côtés à la fois. Cette tumeur, 
irrégulière, rugueuse à sa surface, dont le milieu est quelquefois 
creusé par la coulisse qui donne passage au ligament pubio-fémo- 
ral, répond surtout à l’origine de la branche antérieure du muscle 
pectiné ou sous-pubio-fémoral. Le volume de cette tumeur est 
variable ; il atteint quelquefois celui de la moitié d’un œuf de poule. 

Quelle peut être la cause du développement de cette tumeur 
osseuse, dont je ne fais que signaler ici la situation et les carac- 
tères principaux ?.… 


$S 3. — Résumé. 


A. Tous les auteurs français d'anatomie vétérinaire n’ont vu 
et n’ont décrit qu’une seule des dispositions diverses que peut 
présenter l’os pubis, chez le cheval. 

B. Ces dispositions constituent plusieurs variétés ; elles ont trait 
au bord antérieur, au bord interne, à la face supérieure de l'os 
pubis et à la symphyse pubienne. 

La face inférieure et le bord postérieur ne présentent jamais 
de variétés anatomiques, 

G. Suivant les individus, et quel que soit leur sexe, la FACE 
SUPÉRIEURE peut offrir deux dispositions. 

a. Elle est excavée à la manière d’une cuvette, ou concave 
suivant ses deux diamètres ; 


2h8 GOUBAUX. — OBSERVATIONS DIVERSES SUR L'OS PUBIS. 


b. Ou bien elle est, dans sa fraction antérieure, convexe 
d'avant en arrière et légérement concave transversalement ou 
d'un côté à l’autre. 

Borps. — a. Le bord antérieur ou abdominal est mince ou il 
est épais. 

b. Le bord interne augmente d'épaisseur d’avant en arrière 
lorsque le bord antérieur est très-mince, ou il diminue d'épaisseur 
dans le même, lorsque le bord antérieur est très-épais. 

La SYMPHYSE PUBIENNE peut offrir les trois variétés suivantes : 
1° elle n'offre rien de remarquable, c’est Le cas le plus ordinaire ; 
2° elle offre une crête plus ou moins élevée, tranchante, convexe 
et dirigée d'avant en arrière ; 3° elle offre une saillie conique ou 
prismatique dont l'extrémité libre est toujours pointue. Cette 
saillie s'élève au-dessus du plancher du bassin de 10 à 18 milli- 
mètres, suivant les individus. 

M. Bouley jeune a observé un fait de perforation de la vessie 
par une saillie de ce genre. IL me parail extraordinaire que cet 
accident ne se soit pas fait remarquer de nouveau, car j'ai vu cette 
éminence osseuse, un assez grand nombre de fois, sur des cada- 
vres qui ont servi pour les travaux anatomiques. 

D. Il n’est pas très-rare d'observer une tumeur osséuse anor- 
male sur le bord antérieur du pubis, d’un volume variable, suivant 
les individus, et qui peut s’étendre un peu sur la face inférieure 
de cet os. Par sa situation, elle répond à l’origine de la branche 
antérieure du muscle pectiné. J'ignore quelle est la cause du 
développement de cette exostose. 


NOTE SUR UN CAS 


DE 


RÉTRACTION PERMANENTE DES DOIGTS 


Par A. SEVESTRE 


Élève des hôpitaux. 


PLANCHES X ET XI. 


Les doigts, au lieu de conserver la liberté deleurs mouvements, 
restent quelquefois, par suite de lésions de diverse nature, dans 
un état de flexion plus ou moins considérable, et ne peuventêtre 
étendus au delà d’un certain degré. Cette flexion permanente peut 
résulter, soit d’une affection articulaire, soit de cicatrices vicieuses 
à la face palmaire des doigts. Quant aux cas où il n'existe ni lé- 
sion articulaire, ni cicatrice, ils étaient autrefois rapportés par la 
plupart des auteurs à une affection des muscles fiéchisseurs, et 
Boyer réunissait tous les cas de rétraction des doigts sous le nom 
de crispatura tendinum ; mais, le plus souvent, on ne constatait à 
l'examen anatomique aucune lésion de ces muscles ni de leurs 
tendons, et la section de ces tendons ne diminuait en rien la 
flexion, On trouvait bien quelquefois, pour expliquer l'insuffisance 
de l'extension, une lésion des muscles extenseurs ou des nerfs qui 
s’y rendent; mais ces cas étaient peu nombreux, ct les autres 
restaient complétement inexpliqués. C’est alors que Dupuytren, 
ayant eu occasion de disséquer une main qui présentait cette 
lésion, démontra l'existence de prolongements fibreux qui, de 
l’'aponévrose, se rendaient sur les côtés des doigts malades. Cette 
découverte était très-importante ; en effet, A. Cooper avait bien 
émis en passant l'opinion que peut-être la rétraction des doigts 
était le résultat de la rétraction de l’aponévrose palmaire ; ilavait 
même proposé la section des brides comme moyen thérapeutique, 


250 A, SEVESTRE. —— NOTE SUR UN CAS 


mais aucun fait ne démontrait la réalité de cette hypothèse, et 
Dupuytren était réellement le premier à donner une explication 
satisfaisante de ces faits (1). Il réussit même, chez deux malades, 
à produire une extension suffisante par la division des bandelettes 
digitales de l’'aponévrose. Un peu plus tard, M. Goyrand vint con- 
tester ces résultats, et prétendit que la rétraction des doigts était 
due à la présence de fibres de nouvelle formation, dont quelques- 
unes affecteraientconsécutivement desrapports de contiguïté avec 
l’aponévrose palmaire. Sanson, chargé de faire un rapport sur ce 
travail (2), adopta une opinion intermédiaire en disant que, sui- 
vant les cas, la flexion pouvait être due aux fibres décrites par 
M. Goyrand, ou à la condensation de l’aponévrose palmaire. 
Enfin, outre les auteurs classiques, il faut citer Gerdy qui, trai- 
tant de l’inflammation des tissus fibreux (Traité de chirurgie 
Pratique, t. IT), fit l'application de ses idées sur ce point à la ré- 
traction de l’aponévrose palmaire. M. Velpeau en a fait aussi le 
sujet d’une de ses leçons cliniques (3). 

M. Dubrueil, prosecteur de la Faculté, ayant trouvé dernière- 
ment deux mains affectées de cette lésion, a bien voulu m'en 
abandonner la dissection. C’est le résultat de cet examen que je 
rapporte ici. Mais, auparavant, je rappellerai brièvement la dispo- 
sition de l’aponévrose palmaire, en insistant plus particulièrement 
sur ses terminaisons digitales, disposition qui se trouve d’ailleurs 
très-bien indiquée dans le mémoire de M. Maslieurat - Lagé- 
mard (4). 


$ 1°7 — De l’aponévrose palmaire. 


L'aponévrose palmaire, désignée encore sous le nom de /zgament 
palmaire, forme au-devant des muscles et des vaisseaux et nerfs 
de la région palmaire moyenne un plan fibreux très-résistant. 
Elle commence, en haut, par une extrémité rétrécie qui semble la 
continuation du tendon du petit palmaire, mais s’insère aussi sur 


(1) Clin. chirurg., 2° édit., t. IV, p. 473. 

(2) Mém. de l'Acad. de méd. 1834, t. II, p. 489. 

(3) Velpeau, Leçons de clin. chirurg., 1841, t. III, p. 332. 

(4) Des aponévr. et des synov. de la main.(Gaz. médic., 1839.) 


DE RÉTRACTION PERMANENTE DES DOIGTS. 251 


le bord inférieur du ligament antérieur du carpe. Elle va ensuite 
en s’élargissant progressivement, et arrivée à À ou 5 centimètres 
des replis interdigitaux, se divise en quatre faisceaux (pl. X, 4). 

La face antérieure ou superficielle de cette aponévrose est en 
rapport avec le derme cutané auquel elle est reliée par de nom- 
breux tractus fibreux. 

Par sa face profonde, elle répond aux muscles et aux vaisseaux 
et nerfs destinés aux doigts. A la partie supérieure et interne de 
cette face postérieure et au bord interne de l’aponévrose s’in- 
sère le muscle palmaire cutané. 

De la partie inférieure de ce même bord se détache un faisceau 
très-fort qui vient s’insérer sur le bord interne du cinquième mé- 
tacarpien (pl. X, 3), séparant ainsi les muscles de la région 
hypothénar de ceux qui forment la région palmaire moyenne. 
D’autres fibres se rendent à la peau de la région hypothénar, 
et quelques-unes encore, peu nombreuses, vont contribuer à la 
formation de l’aponévrose palmaire interne. 

Du bord externe de l’aponévrose se détachent aussi des fibres 
qui vont renforcer les fibres propres de l’aponévrose palmaire 
externe (pl. X, 5). Ge sont les fibres longitudinales de l’aponé- 
vrose qui se contournent de façon à devenir à peu près trans- 
versales. Il existe encore, comme au côté intèrne, des fibres des- 
tinées aux téguments de la région latérale externe, et ces fibres 
sont surtout remarquables au niveau du pli qui sépare le pouce 
de lindex (pl. X, 6); quelques-unes s'étendent même jusque 
sur la face externe du pouce. Enfin, on trouve aussi un faisceau 
qui se porte au côté externe du deuxième métacarpien. Il existe 
donc une analogie complète entre les deux côtés, quant à la dis- 
position des fibres qui se détachent de l’'aponévrose palmaire, mais 
elles sont toujours beaucoup plus abondantes au côté externe. 

Depuis son origine jusque vers sa partie moyenne, l'aponévrose 
est uniquement formée de fibres longitudinales. À ce niveau, on 
trouve des fibres transversales entrecroisées avec les précédentes 
et généralement plus profondes (pl. X, 2). Ces fibres transver- 
sales, qui relient entre eux les faisceaux longitudinaux, naissent 
en dehors du bord externe du deuxième métacarpien, au point où 


292 A. SEVESTRE, — NOTE SUR UN CAS 


viennent s’insérer les fibres longitudinales. Les plus superficielles 
vont jusqu'au bord interne de l’aponévrose palmaire, où elles se 
fixent, les unes à la peau (pl. X, fig. 4), les autres au bord interne 
du cinquième métacarpien (pl. X, fig. 3). Quant aux fibres pro- 
fondes, elles s'étendent d’un métacarpien à l’autre, et concourent 
à former la gaine des fléchisseurs. En haut, ces fibres diminuent 
peu à peu de nombre, mais en bas, elles forment entre les fais- 
ceaux de fibres longitudinales un bord nettement tranché au- 
dessous duquel émergent les vaisseaux et nerfs collatéraux des 
doigts et les muscles lombricaux. 

L'aponévrose palmaire, par son extrémité inférieure, se divise 
en quatre faisceaux, sur la distribution desquels il est nécessaire 
d’insister un peu plus. Les fibres les plus superficielles et mé- 
dianes de chaque faisceau sont destinées à la peau où elles s’in- 
sèrent à 1 centimètre ou À centimètre 1/2 de la racine des doigts 
(pl. X, 8); quelques-unes descendent jusqu’à la peau qui recou- 
vre les phalanges (pl. X, 9). M. Maslieurat-Lagémard a aussi 
décrit des fibres intermédiaires aux faisceaux, et qui iraient s’in- 
sérer à la peau dans l’intervalle des doigts, au niveau des arti- 
cuiations métacarpo-phalangiennes. 

Le reste du faisceau semble se diviser en deux faisceaux plus 
petits (pl. X, 10). Des fibres dont ils se composent, les plus 
profondes vont entourer les tendons des muscles fléchisseurs, et 
s'insérent, soit aux bords des métacarpiens, soit aux ligaments 
des articulations métacarpo-phalangiennes, soit à l’aponévrose 
interosseuse. Elles contribuent, avec les fibres transversales et 
des fibres propres nées sur les bords des métacarpiens et des pha- 
langes, à constituer la gaîne des tendons fléchisseurs des doigts. 
Cest à quelques millimètres au-dessus du point où commencent 
les bourses synoviales de ces tendons que cette gaine se constitue. 

Plus bas, les fibres aponévrotiques vont encore en partie sur la 
gaine fibreuse des tendons; mais d’autres, peut-être plus nom- 
breuses, se rendent sur les côtés des doigts, et se fixent les unes 
à la peau (pl. XL, fig. 1-3), les autres aux bords du tendon de 
l’extenseur. Aux fibres aponévrotiques viennent en ce point s’a- 
jouter d’autres fibres qui se détachent, soit de la gaine des flé- 


DE RÉTRACTION PERMANENTE DES DOIGTS, 293 


chisseurs, soit des bords de la phalange (pl. XL fig. 1-5). C’est à ces 
fibres, très-développées dans les cas de rétraction des doigts, que 
M. Goyrand (4) fait jouer le principal rôle. On en trouve toujours 
quelques vestiges à l'état normal, ainsi que l’a constaté Sanson. 

J'ai dit plus haut que les faisceaux destinés aux doigts se bi- 
furquaient. C'était, en effet, l'opinion de Dupuytren, Blandin, 
Vidal (de Cassis), de M. Cruveilhier, qui faisaient insérer ces deux 
faisceaux, soit sur les côtés de la phalange, soit exclusivement 
sur les ligaments des articulations mélacarpo-phalangiennes. Mais 
M. Maslieurat-Lagémard fait remarquer avec raison que ce n’est 
qu’une apparence et qu’en réalité les fibres existent aussi bien en 
avant que sur les parties latérales, mais sont seulement beaucoup 
plus abondantes sur les côtés. Elles descendent aussi beaucoup 
plus bas que ne l’avaient indiqué les auteurs que je viens de citer. 

Telle est la disposition générale de l’aponévrose palmaire ; mais 
à l’auriculaire el surtout à sa face interne, les fibres aponévro- 
tiques sont beaucoup moins abondantes ; il est même assez rare 
qu’elles dépassent le niveau de l'articulation métacarpo-phalan- 
gienne. Elles sont, il est vrai, remplacées par des fibres d’un autre 
ordre, dont il me reste maintenant à parler. Ces fibres (pl. X, 2), 
signalées par Gerdy, sont situées transversalement à la racine des 
doigts, et s'étendent du côté externe de l’index au côté interne 
de l’auriculaire. [ln’y en a qu’un petit nombre qui mesurent toute 
cette étendue, mais au moment où le faisceau qu’elles forment 
dans leur ensemble passe au niveau d’un espace interdigital, il 
s’en détache de petits fascicules (pl. X, 12) qui vont sur les côtés 
de chaque doigt où ils se distribuent de la même façon que les 
fibres venues de l’aponévrose palmaire (pl. XI, fig. 1-4). Ces 
fibres, formant entre chaque doigt une sorte d'arcade, dont la 
concavité, tournée en bas (pl. X, 14), répond au repli interdigital, 
limitent les mouvements d’adduction et d’abduction et s’oppo- 
sent à ce que l’écartement soit porté trop loin. Elles sont sur- 
tout développées à l’auriculaire (pl. X, 18) qui, précisément, ne 
reçoit que quelques filaments de l’aponévrose palmaire. 


(1) Gaz. méd., 1835, p. 484. 


25/1 A. SEVESTRE., — NOTE SUR UN CAS 


8 ?.— Description des doigts rétractés. 


J'aborde maintenant la description de la lésion sur les deux 
mains que J'ai eues à examiner. Je dois dire d’abord que ces 
mains étaient déjà mutiléés, ayant servi à des exercices de mé- 
decine opératoire, Du côté gauche, le médius et l’annulaire, un 
peu aussi l’index, étaient légèrement fléchis ; l’auriculaire avait été 
amputé avec le métacarpien correspondant. À droite, il n’y avait 
plus que l’annulaire, dont la lésion était beaucoup plus avancée 
que sur les doigts du côté gauche. La première phalange était lé- 
gérement fléchie sur le métacarpien et la deuxième phalange 
sur la première, faisant un angle de 135° environ. La troisième, 
était, au contraire, aans l'extension complète (pl. XL, fig. 2 et à). 

La peau déjà en partie détachée ne paraissait pas, autant qu’il 
était possible d’en juger, notablement altérée dans sa consistance 
et son extensibilité ; au-dessous d’elle et après l'avoir compléte- 
ment disséquée, on trouvait deux cordons formés par les bande- 
lettes aponévrotiques plus développées qu'à l’état normal (pl. XI, 
fig. 2 et 3, 1°). En suivant ces bandeleltes, on voit qu’elles four- 
nissent seulement quelques fibres au niveau de la première pha- 
lange, mais qu’elles descendent jusqu’à l'extrémité inférieure de 
la seconde, sur toute l’étendue de laquelle elles s’insèrent. 

Ces bandelettes sont encore renforcées par d’autres fibres in- 
dépendantes de l’aponévrose palmaire, et venues, soit de la gaine 
tendineuse, soit des bords de la première phalange (pl. XI, fig. 2 
et 3, 2°). Elles vont toutes ensemble se terminer à la peau et sur- 
tout sur les bords du tendon de l’extenseur de la troisième pha- 
lange. Cette disposition anatomique explique comment, par suite 
de la rétraction des même fibres, la deuxième phalange est fléchie 
sur la première, et la troisième étendue sur la seconde. 

L'insertion des brides fibreuses qui partent de la phalange et de 
la gaîne des tendons montre aussi que, pour obtenir une extension 
complète, il ne suffit pas de faire une incision au niveau de l’ar- 
ticulation métacarpo-phalangienne, mais qu’on doit la prolonger 
jusqu’au-dessous de l'insertion de ces fibres. C'était, du reste, le 


DE RÉTRACTION PERMANENTE DES DOIGTS. 255 


résultat auquel Dapuytren était arrivé empiriquement, lorsque, 
après avoir fait une incision transversale au-dessus de la racine 
des doigts, il fut obligé, pour ramener le doigt dans l'extension, 
de faire plusieurs incisions au niveau de la phalange. Il est donc 
préférable de faire, comme M. Goyrand, une incision longitudi- 
nale jusque vers la partie moyenne de la phalange, et de couper 
les brides fibreuses de chaque côté, d'autant mieux que celte in- 
cision longitudinale se réunit beaucoup plus facilement que Pinci- 
sion transversale de Dupuytren, qui est tiraillée dans les mou- 
vements des doigts. 

Après avoir coupé ces fibres sur le doigt disséqué, l'extension 
devint possible, niais ne put encore être complète; ce qui s’ex- 
plique par la présence d’autres fibres plus profondes et qui s’éten- 
dent d’un point de la gaine tendineuse situé à quelques millimètres 
au-dessus de l'articulation phalango-phalanginienne à un autre 
point de la gaine tendineuse ou de la phalange, situé un peu au- 
dessous de la même articulation (pl. XI, fig. 8, 3°); mais ces fibres 
sont peu développées et auraient, sans doute, cédé facilement à 
l'extension consécutive à l'opération. 

Les ligaments de l'articulation phalango-phalanginienne n'of- 
frent rien de particulier. Les surfaces articulaires ne sont pas non 
plus altérées ; cependant elles présentent, en avant, un lèger degré 
d'usure. Aussi, bien quel’extension puisse se faire complétement, 
après que l'articulation a été isolée et que l’on a seulement con- 
servé un petit faisceau médian des ligaments latéraux, la deuxième 
phalange revient dans la flexion dès qu’on l’abandonne à elle- 
même. Les tendons fléchisseurs sont peut-être un peu raccourcis, 
tout au plus de 1 ou 2 millimètres, mais ce raccourcissement est 
probablement consécutif à la rétraction. Enfin, je dois signaler 
une petite bourse séreuse quise trouve au niveau de l’angle saillant 
de l'articulation fléchie. 

En résumé, à quoi était due la flexion dans ce cas ? Était-ce, 
comme le voulait Dupuytren, à une rétraction de l’aponévrose 
palmaire, ou bien faut-il admettre, avec M. Goyrand, qu’elle était 
le résultat du développement de fibres nouvelles ou, du moins, de 
fibres indépendantes de l’aponévrose palmaire? Ces deux causes 


256 A, SEVESTRE. — NOTE SUR UN CAS 


peuvent être, 1l me semble, invoquées concurremment: outre 
l’hypertrophie des bandelettes aponévrotiques, il existait, bien 
évidemment, des fibres analogues à celles qu’a décrites M. Goyrand; 
mais, comme on en trouve déjà quelques traces à l’état normal, il 
est impossible de dire qu’elles se développent de toutes pièces. 
Elles s’hpertrophient au même titre que celles qui viennent de 
l’aponévrose palmaire. Il serait intéressant de rechercher quelle 
est la proportion relative de ces fibres et de celles qui viennent de 
l’aponévrose, dans les cas où c’est l’auriculaire qui est affecté. 
Cette étude m'a êté impossible, attendu que l’auriculaire manquait 
sur les deux mains que j'ai eues à ma disposition. Cependant, 
parmi les doigts rétractés qu’a disséqués M. Goyrand, on trouve 
une fois le pouce et l’auriculaire, et tandis qu’il signale pour les 
autres doigts des prolongements aponévrotiques, c'est à peine s’il 
mentionne quelques filaments venant de l’aponévrose pour le 
pouce et l’auriculaire; c’est peut-être à cela qu'il faut rapporter 
l'influence attribuée par ce chirurgien au développement des 
fibres insérées sur la première phalange. 

Voici en terminant l'observation d’un malade qui présente une 
retraction des doigts de la main droite. C'est un homme de cin- 
quante-six ans, entré à l'hôpital de la Pitié (service de M. le pro- 
fesseur Gosselin) pour se faire traiter de fistules urinaires. Cet 
homme qui n’a jamais eu d’atteintes de goutte ou de rhumatisme 
travaille à la terre depuis son enfance, etse trouve par conséquent 
exposé à des frottements répétés à la face palmaire de la main et 
des doigts. Il lui est absolument impossible de préciser le moment 
où il a commencé à ne pouvoir étendre complétement les doigts. 
Il sait seulement qu’il y a très-longtemps et que le début a êté 
trés-lent. Aujourd'hui la première phalange des quatre derniers 
doigts est légèrement fléchie sur le métacarpien, la deuxième pha- 
lange l’est beaucoup plus sur la première ; la troisième est dans 
l’extension complète. Quant au pouce il a conservé à peu près la 
liberté de ses mouvements. C’est à l’auriculaire que la lésion estle 
plus avancée, et la flexion atteint presque l'angle droit. Elle va en 
décroissant progressivement sur les doigts voisins, jusqu’à l'in- 
dex qui est à peine fléchi. Sur les parties antéro-latérales de cha- 


DE RÉTRACTION PERMANENTE DES DOIGTS. 257 : 


cun des doigts fléchis existe une corde saillante, surtout apparente 
lorsqu'on essaye de porter le doigt dans l'extension. Dans ce 
mouvement, il ne paraît pas que le tendon du petit palmaire soit 
tiraillé d’une façon notable. Cette exploration est, du reste, assez 
difficile en raison de la dureté des téguments au-dessous desquels 
on ne sent que très-imparfaitement le tendon du palmaire 
grêle. 

La flexion se fait trés-bien, ce qui prouve qu'il ne s’agit pas 
d'une ankylose. La peau, dans le sens de la flexion, présente des 
plis à concavité inférieure. Le malade ne se plaint d’ailleurs nul- 
lement de cette lésion qui ne le gêne en aucune façon pour son 
travail. 

La main gauche a été autrefois le siège de brûlures dont ilreste 
des cicatrices à la face dorsale. Il existe aussi sur le côté externe 
de l’auriculaire une cicatrice qui maintient ce doigt dans uneflexion 
persistante portée au plus haut degré. Les autres doigts peuvent 
exécuter tous les mouvements, mais sont beaucoup moins forts 
que ceux du côté droit. 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


PLANCHE X, 


Aponévrose palmaire. 
A. Tendon du palmaire grêle. 
B. Muscle palmaire cutané. 
C. Ligament antérieur du carpe, se continuant en haut avec l’aponévrose 
antibrachiale. 
4. Aponévrose palmaire (fibres longitudinales). 
2. Fibres transversales de cette aponévrose. 
3. Fibres s’insérant au bord interne du 5° métacarpien. 
4. Fibres cutanées (région hypothénar). | 
5. Fibres qui concourent à former l’aponévrose palmaire externe. 
6. Fibres qui se rendent à la peau du pouce et du 4° pli interdigital. 
7. Fibres cutanées au-dessous desquelles sont les fibres qui s’insèrent 
au 2° métacarpien. 
8 et 9. Fibres s’insérant à la peau de la racine des doigts. 
10. Faisceaux secondaires de l’aponévrose. 
JOURN, DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL,==— Te IV (1867), 17 


258 A. SEVESTRE. — NOTE SUR UN CAS DE RÉTRACTION, ETC. 


41. Fibres interdigitales (de Gerdy). 

. 42. Faisceaux qu’elles envoient sur les côtés des doigts. 
43. Les mêmes faisceaux très-développés au petit doigt. 
44. Arcades qui forment les faisceaux de deux doigts voisins. 


PLANCHE XI. 


Fic. 4. — Fibres digitales de l’aponévrose palmaire. 
. Fibres transversales de l’aponévrose. 

. Fibres longitudinales. 

. Fibres longitudinales cutanées. 


. Fibres de renforcement provenant des fibres transversales interdigi- 
tales. 


. Fibres propres venant de la gaîne des tendons et des bords de la 
phalange. 

Fi. 2 et 3. — Rétraction des doigts. (Doigt annulaire de la main droite.) 

| Tendon de l’extenseur des doigts. 

. Tendon du fléchisseur. 

Muscles lombricaux (il y en a 2). 

. Bourse séreuse sous-cutanée, 

. Fibre$ venant de l’aponévrose palmaire. 

. Fibres propres (Goyrand). 

. Fibres profondes allant d'un point à un autre de la gaîne des tendons. 


RO © DO — 


OT 


wo 19 = & © 


MÉMOIRE 


SUR 


L'ACTE DE LA DÉGLUTITION 


PRÉSENTÉ A L'ACADÉMIE DES SCIENCES LE 50 JUILLET 1866 


Par M. le docteur MOURA 


(FIN) 


8 3. Divisions établies par les physiologistes dans la succession 
des phénomènes de l’acte de la déglutition. 


Tous les auteurs s'accordent à établir, dans la succession des 
phénomènes de l’acte de la déglutition, trois coupures, c’est-a- 
dire érois temps. Cette division, destinée à faciliter l’étude et la 
compréhension du mécanisme de cet acte, est arüficielle et non 
réelle, anatomique et non physiologique, Aussi dès qu’il s’agit 
de fixer les limites de chacun de ces temps, la confusion fait place 
à l’entente et la simplicité du problème disparait. | 

Les uns comprennent dans le premier temps, le transport et 
l’arrangement du bol au-devant de l'isthme du gosier (Gerdy, Bé- 
clard, Longet, Müller, etc.). Parmi eux, quelques-uns y ajoutent 
la compression par la langue contre le voile et la voûte du palais 
(Müller, Béraud, etc.), ce qui implique un commencément de 
déglutition. 

Les autres (Chaussier, Adelon, Magendie, etc.) renferment dans 
ce premier temps, non-seulement la réunion de la pulpe alimen- 
taire au-devant de l’isthme, mais encore son entrée dans l’arrière- 
bouche à travers cet isthme, c’est-à-dire son passage de la 
bouche dans le pharynx. | 

M, Debrou a cru devoir faire deux temps de ce premier temps, 
parce que le voile du palais subit un léger mouvement de descente 
aussitôt après son élévation, 


260 MOURA. —— MÉMOIRE 


Je ne signale cette subtilité que pour montrer combien il est 
difficile de faire un peu de clarté dans les problèmes de la science 
biologique. 

Le second temps de l’acte de la déglutition correspond, pour 
les premiers physiologistes, aux phénomènes qui concourent à 
faire passer le bo/ de la bouche dans le pharynx. Mais leur dés- 
accord devient grand, quand il faut déterminer l'endroit où 
s'arrête le bol. ; 

Il y a, en elfet, trois opinions à cet égard. L’une veut que le 
pharynx saisisse le bol et le tienne en suspens avant de le confier 
à l’œsophage; l’autre fait cheminer les aliments jusqu’à l'entrée 
de ce conduit; la troisième enfin leur fait dépasser cette entrée et 
les arrête dans le haut du canal œsophagien. 

Les autres physiologistes admettent tous que le second temps 
comprend le érajet du bol du pharynx à l'æsophage. Xs semblent 
donc ici plus d'accord entre eux que les premiers, tandis qu'ils 
étaient en apparence plus divisés qu’eux sur la première phase de 
l'acte de la déglutition. 

Quant au troisième temps, il est déterminé pour tout le monde 
par la descente des aliments dans l’estomac à travers l'œsophage. 

Le court exposé que je viens de faire me dispense d'entrer dans 
de plus longs détails sur les divisions que l’on s’est efforcé d’éta- 
blir dans les divers phénomènes de la déglutition. Il suffit et au 
delà pour expliquer linvincible répugnance, le découragement 
inévitable qui s'emparent de tous les élèves sans exception, lors- 
qu'ils ont inutilement tenté de comprendre l’une des questions 
les plus difficiles de la physiologie de l’homme. 

Puis-je du moins me flatter d’avoir fait la lumière dans ce 
chaos scientifique? Voici ma réponse : 

J'ai avancé (voyez ci-dessus, page 162) que les phénomènes de 
l'acte de la déglutition s’accomplissaient en deux temps. Avant 
de justifier cette proposition, il convient de s’entendre sur la 
signification des mots. 

Déglutir, ai-je dit au commencement de ce travail, veut dire 
avaler, c'est-à-dire exécuter l'acte qui consiste à faire passer les 
aliments de la bouche dans l'estomac, Or, cet acte commence au 


SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 261 


moment où les organes destinés à l’exécuter se mettent en mou- 
vement, autrement dit en contraction, pour opérer ce passage. 
Ce moment est indiqué par la fixation de la mâchoire inférieure 
et par l’ascension du larynx. 

On voit dés lors et tout de suite que la disposition de la 
bouchée alimentaire sur la base de la langue et. sur toute la face 
externe de l’épiglotte n’appariient pas à l’acte de la déglutition. 
Elle en fait si peu partie, que non-seulement le besoin d’avaler ne 
se manifeste qu'après l’arrivée des aliments dans l’arrière-bouche, 
mais que ce besoin, tout pressant et instinctif qu’il est, peut 
encore, je l’ai prouvé, être contenu à volonté. Elle doit être con- 
sidérée, selon moi, comme le phénomène ultime de la mastica- 
tion, l'insalivation des aliments n'étant par elle-même ni un acte, 
ni une fonction. 

Ceci étant bien compris, quelles sont les phases que présente 
le mécanisme de la déglutition? Il y en a deux incontestables : 

Dans la première, tous les organes : appareil de la voix, voile 
du palais, pharynx, langue, se mettent en mouvement, se con- 
tractent, se prêtent mutuellement appui pour concourir à une 
même fin : pousser les aliments de la bouche dans la partie infé- 
rieure du pharynx et les obliger à franchir cet angle droit que 
forment à leur point de réunion les voies buccale et pharyn- 
gtenne. 

Il fallait en effet ce consensus général, énergique et simultané, 
pour vaincre un pareil obstacle. Aussi, dès que ce détour est 
franchi, dès que le changement de route horizontale en route 
verticale est opéré, la seconde phase commence; l'œsophage alors 
s'empare du bol et le conduit tranquillement et sans souci aucun 
pour l’être vivant, jusqu’à l'estomac. 

Il n’y a donc physiologiquement et en réalité dans la succes- 
sion des phénomènes de l'acte de la déglutition que deux phases, 
c’est-à-dire deux temps: l’un qui commence à l’arrivée des 
aliments dans l'arrière-bouche pour finir à leur entrée dans 
l'œæsophage, l'autre qui va de cette entrée à l'estomac. 

M'étendre davantage sur ce sujet, serait, je crois, détruire son 

importance pratique et nuire à sa clarté. Je termine donc ici mon 


262  MOURA.—MÉMOIRE SUR L’ACTE DE LA DÉGLUTITION. 


travail, heureux s’il a pu répondre aux desiderata de la science 
et de la pratique médicales. 


PRINCIPAUX AUTEURS ET OUVRAGES CITÉS 


Adelon. Physiologie de l’homme, 9° édit. Paris, 4831, 4 vol. in-8. 

Béclard. Traité élémentaire de physiologie humaine, 5° édit. Paris, 1866, 
in-8. 

Bérard. Cours de physiologie, Paris, 4849, 3 vol. in-8. 

_ Béraud et Robin, Éléments de physiologie, 2° édit, Paris, 1856, 2 vol. 
in-1 8. 

Bernard (Claude). Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la méde- 
cine. Paris, 1855, in-8. — Introduction à l’étude de la médecine expérimen- 
tale. Paris, 14866, 1 vol. in-8. 

Beullac. Manuel de physiologie. Paris, 1826, in-12. 

Brachet. Physiologie élémentaire de l'homme, 2° édit, Paris, 1855, 2 vol. 
in-8. 

Achille Comte. Physiologie à l’usage des collèges, 6° édit. Paris, in-8. 

Cullen. Physiologie, 3° édit., par Bosquillon. Paris, 1785, in-8. 

Dufieu. Traité de physiologie. Lyon, 1763, 2 vol. in-12. 

. Dugès. Traité de physiologie comparée de l’homme et des animaux, Montpel- 
lier, 1839, 3 vol. in-8. 

Grimaud. Cours complet de physiologie, 2° édit. Paris, 1824, 2 vol. in-8. 

A. Haller. Éléments de physiologie, trad. par Bordenave, 3° édition. 
Paris, 14769, 4 vol. in-1 2. 

Longet. Archives générales de médecine, 1844, et Traité de physiologie, 
2° édit. Paris, 1850, 2 vol. in-8. 

Magendie, Mémoire sur l'usage de l'épiglotte. Paris, 1813, et Précis de 
physiologie, 4° édit. Paris, 1836, 3 vol. in-8. 

Maissiat. Études de physique animale. Paris, 1843, in-8. 

Malgaigne. Archives générales de médecine, 1831. 

Matteucci. Leçons sur les phénomènes physiques des corps vivants, 2° édit. 
Paris, 14847, in-8. 

Milne Edwards. Zoologie, 9° édit. Paris, 4863, 1 vol. in-18. — Leçons 
sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'homme et des animaux. Paris, 
1858 à 1868, 10 vol. in-8. 

Muller. Manuel de physiologie. Paris, 1848, 2 vol. in-8. 

Noeggerath. Quelques observations sur la voix, la langue, la respiration et 
la déglutition. Bonn, 1841. 

Rampont. Monographie sur la voix et la parole. Paris, 1803. 

Reichel. De usu epiglottidis. Berlin, 1816, 


BALBIANI, —= ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 263 


Richerand. Nouveaux éléments de physiologie, 10° édit. Paris, 1833, 3 vol. 
in-8, 

Rudolphi. Principes de la physiologie. Berlin, 1823, 2 vol, in-8. 

Verduc. Traité de l’usage des parties. Paris, 1696, 2 vol. in-12. | 

Dictionnaires des sciences médicales, de chirurgie et de médecine pratiques. 

Etc., etc. | 


ÉTUDES 


SUR 


LA MALADIE PSOROSPERMIQUE 
DES VERS À SOIE 


Mémoire communiqué à l'Académie des sciences, dans les séances du 18 mars 
et du 2 avril 1867 


Par M. BALBIANI 


PLANCHE XII (1). 


IL. 


DE LA MALADIE OBSERVÉE DANS L'OEUF ET CHEZ L'EMBRYON. 


Dans un travail présenté à l’Académie le 27 août dernier (2), 
J'ai essayé de montrer que l’opinion qui consiste à attribuer à la 
maladie actuelle des vers à soie une origine parasitaire est la seule 
qui s'appuie sur des preuves positives, et j'ai fait ressortir, en 
outre, l’analogie que présentent les corpuscules qui doivent être 


(1) Plusieurs des figures de cette planche sont destinées à éclairer quelques-uns 
des faits exposés antérieurement dans mon mémoire sur les Corpuscules de la pébrine, 
publié dans le tome III de ce journal, numéro de novembre et décembre 1866, 
p. 599; je les indiquerai dans l'explication de la planche. 

(2) Voyez ce Journal, t. III, p. 599. 


26h BALBIANI. — ÉTUDES SUR LA MALADIE PSOROSPERMIQUE 
considérés comme la cause de cette maladie avec les organismes 
microscopiques connus depuis Jean Müller sous le nom de ps0r0- 
spermies. À mesure que j'ai pénétré plus profondément dans 
l'étude de ces singulières productions, j’ai pu me convaincre de 
plus en plus de l'exactitude de cette manière de voir, et j'espère 
réussir à la faire partager à l’Académie, si elle veut bien me per- 
mettre de lui communiquer les faits nouveaux que j'ai recueillis 
sur cette importante question depuis le premier travail que j’ai eu 
l'honneur de lui soumettre. 

Ayant pensé que la voie la plus sûre pour arriver à une con- 
naissance précise de cette affection redoutable était de remonter 
à la source même du mal, placée, comme chacun le sait, dans la 
graine, j'ai résolu de reprendre ab ovc l'étude de cette question 
et d'examiner comment le germe s’infecte à son origine, puis de 
suivre pas à pas la marche et les progrès de la maladie à travers 
toutes les périodes du développement de l'embryon jusqu’à l’éclo- 
sion. En effet, chez les jeunes chenilles que l’on examine au sortir 
de l’œuf, la plupart des organes internes sont déjà plus ou moins 
envahis par la production parasitique, de sorte qu'il n’est pas pos- 
sible de reconnaître la manière dont celle-ci s’est propagée dans 
leur intérieur, et encore moins de décider si, suivant le mode usuel 
des autres affections du même genre, elle a d’abord apparu dans 
une partie déterminée du corps avant de s'étendre au reste de 
l'organisme. Pour pouvoir éclairer cette question, il importe donc 
de remonter jusqu'aux premières époques de la formation de la 
larve et d'observer d’une manière parallèle le moment où chacun 
de ses organes apparaît, et celui où les parasites se montrent 
dans son intérieur. 

C'est cette recherche que je me suis décidé à entreprendre, 
tant sur des œufs dont l'évolution suivait son cours normal à la 
température ordinaire que sur d’autres œufs mis en incubation à 
des degrés de température plus ou moins élevés. En exposant ici les 
résultats auxquels j'ai été conduit dans ces observations, mon in- 
tention n’est pas de faire l’histoire embryogénique du Bombyx du 
mürier : c'est une tâche que je réserve pour une autre occasion ; 
je me contenterai de donner une description sommaire de ceux 


DES VERS A SOIE. 265 


des phénomènes de cette évolution qui peuvent nous éclairer sur 
la propagation des corpuscules parasites dans l’organisme de 
l'embryon. 

On sait, depuis les beaux travaux de MM. Cornalia, Osimo, 
et de plusieurs autres observateurs, que les corpuscules peuvent 
se rencontrer dès le moment de la ponte dans les œufs qui pro- 
viennent de papillons malades, et qu’ils transmettent le germe de 
la maladie aux vers qui éclosent de ces œufs (1). 

Si l’on cherche à se rendre un compte plus exact du siège que 
ces organismes occupent dans l’intérieur de l'œuf, on reconnaît 
qu'ils sont d’abord libres comme les granules vitellins eux-mêmes 
auxquels ils sont mêlés et qui composent, avec la petite quantité 
de liquide albumineux dans lequel ils sont suspendus, tout le con- 
tenu de l’œuf à cette époque. Mais plus tard, vers le cinquième 
ou le sixième jour après la ponte, ces granules s’agglomérent en 
masses plus volumineuses dans lesquelles apparaissent bientôt un 
ou plusieurs noyaux transparents et qui se caractérisent, par con- 
séquent, comme de véritables cellules dans lesquelles sont aussi 
renfermés les corpuscules psorospermiques (fig. 2, a,b,c). La 
connaissance de ce siége domine, comme on le verra, toute l’his- 
toire de la propagation de la maladie dans l'intérieur du ver, dont 
la vie est ainsi frappée à sa source. 

De même que chez tous les autres insectes, le premier rudi- 
ment du nouvel être se forme dans l’épaisseur de la vésicule 
blastodermique qui se produit à la surface du vitellus, et se com- 
pose primitivement d’une simple lamelle celluleuse ayant l’aspect 
d’un ruban étroit présentant une expansion bilobée ou en forme 
de cœur à l’une de ses extrémités. Cette lamelle, qui est appliquée 
contre le vitellus, n’est autre chose que le rudiment de la région 
ventrale du corps avec les parties latérales de la tête du ver 
futur. 


(1) Les auteurs cités plus haut ont même fondé, comme on sait, sur cette obser- 
vation, un mode d'investigation destiné à déceler la qualité de la graine, suivant 
qu’elle renferme ou non les corpuscules caractéristiques. Mais cette méthode n’a pas 
donné tous les résultats que l’on était en droit d’en attendre. J'indiquerai plus loin 
quelles sont les causes d'erreur qui l’ont fait presque généralement rejeter aujour- 
d’hui comme infidèle, 


266  BALBIANI. — ÉTUDES SUR LA MALADIE PSOROSPERMIQUE 
Franchissant une longue période du développement embryon- 
naire, transportons-nous immédiatement à une époque assez 
reculée de l’évolution. L'embryon s’est divisé en segments succes: 
sifs, et les trois principales régions du corps se sont différenciées 
par les appendices qui les caractérisent. La bouche avec l'intestin 
antérieur, l’anus avec l’intestin postérieur sont bien reconnaissa- 
bles; mais il n’existe encore aucun vestige de l'intestin moyen ou 
le futur estomac, non plus que de la paroi postérieure du corps. 
Là où celle-ci se formera plus tard existe une large excavation 
en forme de gouttière dans laquelle pénètre le vitellus. Mais peu 
à peu les deux bords opposés de cette gouttière, s’avançant à la 
rencontre l’un de l’autre, tendent à diminuer de plus en plus 
l’écartement qui les sépare, puis viennent à se rencontrer et à se 
souder intimement sur la ligne médiane de l'embryon. La gout- 
tière primitive s’est donc convertie de la sorte en un canalcomplet 
qui n'est autre chose que la cavité du corps, et le côté par lequel 
elle s’est fermée est le dos du futur animal. Mais, par suite de la 
formation de cette cloison postérieure, la portion de vitellus qui 
proëminait dans l’excavation de l’embryon se trouve emprisonnée 
et séparée de la masse principale restée en dehors. Une paroi cy- 
lindrique s'organise autour du vitellus intérieur et l’isole des pa- 
rois embryonnaires, puis ce cylindre se met en rapport avec les 
autres portions du tube digestif et représente ce que l’on anommé 
le sac vitellin, destiné pour la majeure partie à devenir l'estomac 
du ver parfait (1). 
Aussitôt après que se sont passés les phénomènes qui viennent 
d’être décrits, survientun changement remarquable dans la situa- 
tion de l'embryon, changement par suite duquel celui-ci, après 
avoir exécuté une demi-révolution autour de son axe, vient se 
mettre en rapport par sa face ventrale avec le vitellus. 
À l'époque qui nous occupe, l’embryon est encore blanchâtre 
et d’une assez grande transparence. Grâce à ces caractères phy- 


(1) Ce partage du vitellus en deux portions, l’une intra et l’autre extra-embryon- 
naire, est probablement une particularité qui n’appartient qu’au développement des 
Lépidoptères, car elle n’a encore été signalée dans aucun des autres ordres d'insectes 
où le vitellus tout entier passe dans l’intérieur de l'embryon. ; 


DES VERS A SOIE. j ‘267 


siques, il est facile de s'assurer que jusque-là les corpuscules para- 
sites n’ont pas encore envahi sa trame, et qu'ils sont restés con- 
finés dans leur siége primitif, c’est-à-dire dans les cellules de la 
substance vitelline où ils se sont activement multipliés. Mais par 
suite de l'introduction d’une certaine quantité de cette substance 
dans sa cavité alimentaire, le principe morbide y à pénétré en 
même temps que celui destiné à le nourrir. Aussi l’invasion para - 
sitaire ne tarde-t-elle pas à faire des progrès rapides dans toutes 
les parties de l'organisme du ver en voie de développement. 

En effet, à mesure que les substances albuminoïdes et grais- 
seuses du vitellus sont absorbées par les parois de l’estomac, pour 
les besoins de l’accroissement de l'embryon, les corpuscules deve- 
nus libres se trouvent en contact immédiat avec la membrane 
épithéliale qui tapisse la face interne de cet organe. Ce tissu dé- 
licat ne leur oppose qu’une faible barrière ; elle est bientôt fran- 
chie, et on les tronve par milliers dans l’intérieur de ses cellules 
où ils se multiplient d’une manière prodigieuse. Les autres por- 
tions du tube digestif et ses principales annexes glandulaires, les 
vaisseaux malpighiens, sont envahies de proche en proche et 
remplies de corpuscules. Les autres appareils organiques, tels que 
les muscles, le système nerveux, la tunique péritonéale des tra- 
chées, les organes sécréteurs de la soie (1) ne tardent pas à l’être 
consécutivement suivant leur plus ou moins grande proximité du 
centre qui a servi de point de départ à l'invasion. Chez de petites 
chenilles près d’éclore, j’ai même plusieurs fois observé leur arri- 
vée jusque dans l’intérieur des éléments de la glande sexuelle, où 
se trouvait ainsi déposé dès l'œuf le germe destiné à porter l'in- 
fection chez les individus de la génération suivante. 

En raison de leur grande puissance de reproduction, les cor- 


() J’engage les personnes qui contestent la nature parasitaire de la maladie que 
nous étudions, à examiner les corpuscules dans l’intérieur des cellules des organes 
sécréteurs de la soie. Grâce à la transparence et à la grandeur de ces éléments, elles 
pourront aisément les y observer à toutes les phases de {eur développement et se 
convaincre ainsi de l’exactitude de la description que j'ai donnée de leur mode de 
propagation, dans ma note présentée à l’Académie des sciences le 27 août 1866, et 
d’une manière plus détaillée, dans mon mémoire sur les Gite de la pébrine 
(voyez ce Journal, t. III, p. 602). 


268  BALBIANI. — ÉTUDES SUR LA MALADIE PSOROSPERMIQUE 


puscules renfermés dans le vitellus primitivement contenu dans 
l'intestin suffisent et au delà pour porter le mal jusque dans les 
points les plus extrêmes de l'embryon; mais comme s’il n’était 
pas déjà assez de cette source d'infection, celui-ci introduit sans 
cesse dans son intérieur de nouvelles quantités de parasites en 
absorbant le vitellus placé en dehors de lui. L’intestin s’en trouve 
bientôt littéralement rempli; aussi en rencontre-t-on toujours 
des masses considérables mêlées au méconium noirâtre qui com- 
pose les premiers excréments que le ver rejette après avoir quitté 
l'œuf. Ces excréments, répandus dans la litière et sur la feuille 
qui sert de nourriture aux vers, sont mangés avec celle-ci et con- 
stituent la principale voie d'infection pour les individus demeurés 
jusqu'alors à l’état sain. 

Relativement à l'influence de la chaleur sur la marche de 
l'affection parasitique, elle est la même que celle qu’elle exerce 
sur le développement du germe. Des œufs que j'ai fait éclore en 
quelques jours, dans les mois de janvier et de février, en les ex- 
posant à une température de 25 à 30 degrés centigrades, ren- 
fermaient tout autant et souvent même plus de corpuscules que 
d’autres œufs pris dans la même graine et qui, soumis à une tem- 
pérature plus basse, n’éclosaient que beaucoup plus tardive- 
ment. 


IL, 
ÉTUDE DE LA MALADIE CHEZ LES JEUNES VERS RÉCEMMENT ÉCLOS. 


Un grand nombre de vers présentent déjà, au moment de 
l’éclosion, une foule de corpuscules psorospermiques dans leurs 
organes internes ; la maladie s’est, par conséquent, déjà généra- 
lisée chez eux à un haut degré pendant la période embryonnaire, 
et la mort du ver à un âge peu avancé ne tarde ordinairement 
pas à en être la conséquence. Tel est toujours le cas lorsque le 
nombre initial des corpuscules déposés dans l'œuf par l'orga- 
nisme maternel et considérable. C’est celui que j'ai supposé en dé- 
crivant, dans la première partie de ce travail, la marche du dé- 


DES VERS A SOIE. 269 


veloppement parasitique chez l'embryon. Lorsque, au contraire, 
cette quantité primitive est faible, les parasistes, à l’époque qui 
. nous occupe, sont encore plus ou moins localisés dans l'intestin 
et ses annexes, mais ils y existent toujours en nombre suffisant 
pour ne laisser jamais aucune incertitude sur leur présence chez 
la jeune chenille. On les trouve non-seulement en plus ou moins 
grande abondance dans l’intérieur de la cavité digestive, mais 
aussi dans l’épaisseur de ses parois, notamment dans la couche 
interne ou couche épithéliale (fig. 7, e). Dans la tunique muscu- 
leuse, ils forment parfois de longues traînées parallèles à la direc- 
tion des fibres qui composent celle-ci (fig. 7, m; fig. 9, p, p). 
Les corpuscules renfermés dans la cavité intestinale peuvent 
êlre considérés comme le résidu de la digestion de la substance 
vitelline que le ver a absorbée dans les derniers temps de la vie 
embryonnaire et dans laquelle ils étaient primitivement logés. Ils 
y sont mêlés aux matières qui forment le contenu normal de l’in- 
teslin chez les petites chenilles qui viennent d’éclore. Lorsqu’on 
soumet ces matières à l'inspection microscopique, on les trouve 
composées des parties suivantes : 1° une substance formée de 
petites granulations moléculaires qui n’est autre chose qu’un 
produit de sécrétion des glandes gastriques (fig. 8, #2), et qui, 
colorée en rouge plus ou moins intense au moment où elle est 
versée dans la cavité stomacale, prend promptement une 
teinte foncée violacée ou brunâtre: cette matière peut être phy- 
siologiquement comparée au méconium que les jeunes d’un grand 
nombre d'autres animaux rejettent après la naissance ; 2° des 
fragments irréguliers de la coque de l’œuf rongés et avalés par le 
ver au moment de l’éclosion et bien reconnaissables à leur aspect 
_réticulé (fig. 8, /, /)(4); 3° enfin les corpuscules caractéristiques 


(1) Parmi ces fragments on reconnaît fréquemment la partie du chorion qui porte 
l'appareil micropylaire au dessin figurant une double rosace qu’elle présente (fig. 8, 
f'), ce qui justifie l’opinion émise, dès 1833, par Bellani, que le ver se fraye, au 
moment de l’éclosion, une issue au dehors en attaquant la coque de l’œuf par le point 
où cet auteur avait déjà aperçu un petit orifice qu’il nomme stigmate et auquel il 
attribue divers usages plus ou moins hypothétiques (Annali universali d’Agricoltura, 
1833, vol. XVI, p. 300). Il était réservé à R. Leuckart de généraliser l’observation 
de Bellani en démontrant l'existence d’un micropyle dans les œufs de la plupart des 


270 BALBIANI. — ÉTUDES SUR LA MALADIE PSOROSPERMIQUE 


de la maladie ou psorospermies, mêlés en plus ou moins grand 
nombre aux parties précédentes chez les vers malades. 

Ces mêmes parties se retrouvent aussi dans les premiers ex- 
créments rendus par le ver après son éclosion. Elles forment alors 
de petites masses solides et noirâtres, qui se délayent facilement 
dans l’eau en se résolvant en fines granulations d’une couleur 
foncée. Quand le ver a commencé à manger, elles sont plus ou moins 
mêlées de détritus végétaux qui leur communiquent une teinte 
verdâtre ; mais même après que les fèces ont pris leur caractère 
ordinaire, celles-ci peuvent pendant longtemps encore renfermer 
des corpuscules plus ou moins nombreux. Îl en résulte que l’exa- 
men de fèces et surtout du méconium fournit un moyen de re- 
connaître pendant la vie et aussitôt après l’éclosion si le ver est 
corpusculeux ou non. 

Si j'insiste sur les caractères offerts par le tube digestif et son 
contenu chez les petites chenilles, c’est dans la pensée que ces 
notions pourront être utilisées dans la crise que traverse actuelle- 
ment l’industrie séricicole. C’est ainsi que je crois qu’il y 
aurait un incontestable avantage à remplacer la méthode qui con- 
siste à apprécier la qualité de la graine par l’examen de son con- 
tenu, méthode qui ne donne que des résultats incertains, par l’in- 
vestigation des jeunes vers eux-mêmes. En effet, la maladie, peu 
accusée encore et partant difficile à reconnaître dans l’œuf (1), 
s’est, au contraire, singulièrement développée au moment de 
l’éclosion ; il en résulte que les corpuscules, dont le nombre s’est 
accru dans la même proportion, peuvent être alors facilement 
constatés, même par l'observateur le moins habitué à ce genre de 
recherches. 

A l'appui de ce qui précède, je me contenterai de rapporter les 
chiffres suivants : l'examen d’une graine qui m'avait été remise 
pour en faire l'analyse microscopique a donné 40 pour 400 d'œufs 
corpusculeux, tandis que l’inspection des petites chenilles écloses 


insectes, et de lui assigner sa fonction véritable qui est de livrer passage aux sper- 
matozoïdes dans l’acte de la fécondation. (Müller’s Archiv, 1855, p. 90 et suiv.) 

(4) Surtout si les corpuscules y sont rares, et leur mélange avec les granules vi- 
tellins rend leur recherche encôre plus difficile. 


DES VERS À SOIE, | 271 
de cette même graine, a offert jusqu’à 52 pour 100 de vers ma- 
lades. Pour apporter plus de soin dans ces observations en 
évitant la fatigue qu'entraîne un travail aussi monotone lorsqu'il 
se prolonge pendant quelque temps, je me contentais d’exa- 
miner une série journalière de dix œufs et de dix chenilles, jus- 
qu'à concurrence du nombre de cent que je m'étais proposé 
d'examiner des uns et des autres afin de pouvoir baser ma com- 
paraison sur une quantité suffisante d'œufs et de vers. En frac- 
lionnant ainsi ces observations, j'ai pu y mettre toute l'attention 
nécessaire, néanmoins la différence entre les résultats donnés 
par l’une et l’autre méthode est entièrement à l'avantage du mode 
d'examen que je propose de substituer à celui usité jusqu’à ce jour. 

Pour employer le moyen d'appréciation reposant sur l'examen 
des petites chenilles, il suffit de mettre en incubation, plus ou 
moins longtemps avant l’époque où les éclosions se font en grand 
pour les éducations, une petite quantité de la graine dont on se 
propose de reconnaitre la qualité et d’examiner les vers qui en 
proviennent. Voici un procédé aussi sûr que rapide pour constater 
la présence ou l'absence des corpuscules chez ces derniers. Avant 
d'être portée sous le microscope, la petite chenille est placée dans 
une goutte d’eau, sur une lame de verre, et recouverte d’une la- 
melle mince de la même substance. Puis, à l’aide d’une aiguille 
ou de tout autre point rigide, on exerce une pression sur la la- 
melle précédente, à l'endroit correspondant à la partie posté- 
rieure de la tête de l'animal. Cette pression a pour effet de 
rompre le tube digestif à sa partie antérieure et de chasser 
brusquement à travers l’ouverture anale la portion postérieure 
de l'intestin rompu. En sortant, celle-ci se retourne comme un 
doigt de gant (fig. 8), en entraînant au dehors les tubes qui 
prennent leur insertion sur elle, et souvent aussi une portion 
plus ou moins longue des vaisseaux soyeux. À l’aide de cette 
petite manœuvre, les organes le plus chargés de corpuscules 
viennent, pour ainsi dire, s'offrir d'eux-mêmes aux regards de 
l'observateur. De plus, l'estomac s’est en même temps vidé d’une 
plus ou moins grande partie de son contenu dans l’eau environ- 
nante, où l’on voit aussitôt flotter, mélés aux granulations du 


272  BALBIANI. — ÉTUDES SUR LA MALADIE PSOROSPERMIQUE 
méconium, de nombreux corpuscules, si l’on a affaire à un ver 
malade. | 

Si l’on se proposait de réunir un certain nombre de vers par- 
faitement sains, pour une petite éducation de grainage, la simple 
inspection des matières rendues fournirait un moyen pour discer- 
ner ceux-ci et écarter les individus corpusculeux. Il suffirait d’iso- 
ler les vers après l’éclosion, en ajoutant à chacun quelques frag- 
ments de feuille, et d'examiner à l’aide du microscope les fèces 
rendues au bout de quelques heures. Enfin, je signalerai comme 
une dernière conséquence qui découle des observations précé- 
dentes l'extrême importance des soins de propreté, surtout dans 
le premier âge du ver, où les chances d'infection sont le plus à 
redouter. En effet, le méconium et les matières stercorales des 
jeunes vers malades, toujours chargés, comme nous l’avons vu, 
de nombreux corpuscules, constituent le principal agent de trans- 
mission de la contagion aux vers encore sains. J'ai entrepris à ce 
sujet des expériences directes qui ne laissent aucun doute sur cette 
influence funeste des matières précédentes et que je me propose 
de publier dans un prochain travail. J'y montrerai, en outre, la 
possibilité de provoquer tous les accidents de la gattine, et même 
la mort, chez d’autres espèces d’insectes en leur faisant prendre 
avec les aliments les corpuscules ou psorospermies qui donnent 
lieu à cette maladie chez les vers à soie. Les individus qui ont 
introduit de la sorte une certaine quantité de corpuscules dans 
leurs voies digestives deviennent, comme le Bombyx du mürier, 
le siége d’un développement actif de ces petits organismes dans 
tous leurs tissus où ils présentent des caractères entièrement 
identiques avec ceux qu'ils offrent dans celte dernière espèce. J'ai 
représenté, dans la figure 9, une portion du canal digestif d’une 
chenille du Gastropacha neustria nourrie de feuilles corpusculeu- 
ses, où l’on voit de nombreux amas psorospermiques à tous les 
degrés de formation dans les enveloppes qui composent la paroi 
de ce canal. Ces derniers faits, qui confirment, en les étendant, les 
résultats analogues obtenus par MM. Pasteur et Gernez (1), mon- 


+ 


(4) Comptes rendus de l'Académie des sciences du 26 novembre 1866, 


DES VERS A SOIE. 273 


trent dans les corpuscules les véritables agents propagateurs de 
l'épidémie qui fait aujourd’hui tant deravages dans la plupart des 
magnaneries. Joints aux preuves lirées des propriétés physiques 
et chimiques de ces petits corps, de leur mode de propagation, 
de leur analogie avec les psorospermies que l’on rencontre chez 
une foule d'animaux (1), ils me paraissent dissiper d'une ma- 
nière complète l'obscurité qui a régné jusqu'ici sur la cause réelle 
de cette épidémie, en démontrant qu’elle est due au développe- 
ment d’un organisme végétal qui envahit parasitiquement toutes 
les parties du ver, ce qui avait élé, du reste, déjà admis, mais 
sans preuves suffisantes, par plusieurs de mes prédécesseurs. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XII. 


Fi, 1. Psorospermies du ver à soie, dites corpuscules vibrants, vues avec un 
objectif n° 9 à immersion de Hartnack, et supposées grossies 1700 fois. 
a. Leurs formes les plus habituelles. 
b. Formes que l’on trouve souvent mêlées aux précédentes. 
Avec de très-forts grossissements et les meilleures lentilles, on parvient 
à apercevoir une ligne longitudinale saillante sur un grand nombre 
d’entre elles comme sur les autres psorospermies. (Comparez la figure 12 
qui représente des psorospermies vues chez une pyrale.) Longueur des 
corpuscules — 0,0028 à 0,0045 de millimètre; Targeur — 0,0020. 
c. Formes anormales résultant de la soudure fortuite, plus ou moias in- 
time, de deux ou de plusieurs corpuscules pendant leur développe- 
ment. Ce sont ces formes qui ont fait admettre par M. Lebert d'a- 
bord et d’autres observateurs ensuite la prétendue reproduction des 
corpuscules par scission. Elles sont très-rares relalivement aux 
formes a et b. 


Fi. 2. Psorospermies dans l’intérieur des cellules vitellines où elles sont 
tantôt éparses et mêlées aux globules huileux vitellins, comme dans a et 
b, tantôt disposées par groupes formés d’un plus ou moins grand nombre de 
corpuscules réunis par une substance homogène ou légèrement granuleuse 
qui n’est autre chose que la gangue, ou le plasma, au sein de laquelle se 
développent les psorospermies, comme on le voit dans la cellule c, Les 
cellules vitellines sont plongées dans l’eau salée et assez fortement apla- 
tes par compression afin de rendre visibles leurs noyaux n et les psoro- 


(1) Voyez mon mémoire cité sur les Corpuscules de la pébrine, dans ce recueil, 
année 1866, p. 590. A 


JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. IV (1867). {8 


27h  BALBIANI. — ÉTUDES SUR LA MALADIE PSOROSPERMIQUE 


spermies renfermées dans leur intérieur. L’une d’elles, a, montre sur son 
bord plusieurs lobes transparents dus à l’action de l’eau salée sur la sub- 
stance protoplasmique intérieure et laisse échapper les corpuscules conte- 
nus. (Grossiss., 250 diamètres.) 

Fic. 3. Psorospermies aux différentes phases de leur évolution, telles qu’on 
les rencontre fréquemment mêlées aux formes parfaites de la figure 4, 
lorsque leur multiplication est très-active, par exemple chez les jeunes 
vers qui naissent à l’état corpusculeux et chez ceux auxquels on a inoculé 
la maladie en leur donnant à manger des feuilles corpuscu'euses, 

v. Taches claires, arrondies, qui sont probablement des vésicules imté- 
rieures (nucléus ?). 

Fi6. 4. Deux globules formés d’une substance transparente renfermant des 
psorospermies à différents degrés de développement. De la cavité du corps 
d’un petit ver venant d'éclore. 

v. Large vacuole dans l’intérieur d'un de ces globules. (Grossissement 
de 450 diamètres.) 

Fig. 5. Portion de la glande soyeuse d’un jeune ver à soie corpusculeux, 
long de À centimètre. Un grand nombre de cellules de cette glande avaient 
subi une dilatation considérable sous l’inflience d’un développement abon- 
dant de psorospermies dans leur intérieur. Ce ver avait été rendu artifi- 
ciellement malade par une nourriture corpusculeuse. 

c. Cellules glandulaires normales, 

p. Cellules très-dilatées par les psorospermies qu’elles renferment. 

s. Matière soyeuse dans l’intérieur du canal de la glande. (Grossiss., 
250 diamètres.) 

Fié. 6. Portion d’un tube malpighien du même ver, dans la partie inférieure 
de laquelle les cellules sont obstruées par des psorospermies et ont perdu 
leur noyau. L'intérieur du tube est rempli par une substance blanchâtre 
formée de granulations et de petits cristaux quadrangulaires d'acide urique. 
(Grossiss., 250 diamètres.) 

fic. 7. Section optique de la paroi de l'estomac d’un ver corpuseuleux au 

. moment de l’éclosion. 
e. Cellules épithéliales remplies de psorospermies. 
m. Tunique musculeuse dans laquelle se trouvent quelques traînées 
formées par les parasites, 
c. Cuticule. 
s. Enveloppe séreuse de l'estomac. (Grossiss., 250 diamètres.) 

Fic. 8. Extrémité de l'intestin d’un petit ver corpusculeux retourné en ma- 
nière de doigt de gant et faisant saillie hors de l’orifice anal par l'effet de 
la compression exercée sur le ver. L'intestin est en train de se vider de 
son contenu dans l’eau environnante, , 

m. Granulations du méconium mêlées de nombreux corpuscules. 
f.f'. Fragments du chorion de l’œuf rongés et avalés par la petite chenille 
au moment de l’éclosion. L'un de ces fragments porte l’appareil mi- 


DES VERS À SOIE. 275 


‘cropylaire de la coque, reconnaissable à la double rosace qui entoure 
le micropyle. | 

c. Cuticule. 

e. Épithélium intestinal, 

m. Tunique musculeuse. 

s. Enveloppe séreuse. 1 

t. Anses formées par les tubes malpighiens entraînés hors du corps 
par la sortie de l'intestin. (Grossiss., 80 diamètres.) 

FiG. 9. Partie moyenne de l'intestin d’une petite chenille du Gastropacha 
neustria rendue artificiellement corpusculeuse. On voit sous la séreuse s, 
et dans l'intervalle des fibres musculaires longitudinales, de nombreux 
amas formés par des psorospermies à différents degrés de développement. 

p, p. Masses de matière psorospermique homogène dans quelques-unes 
desquelles quelques psorospermies commencent à se former. 

p', pl. Amas psorospermiques arrivés à maturité et contenant des para- 
sites à l’état parfait, | 

s. Enveloppe séreuse de l'intestin, 

m. Couche des fibres musculaires transversales. 

m'. Couche des fibres musculaires longitudinales. (Grossiss., 250 diam.) 

Fi. 10 et 11. Sphères trouvées au nombre de quinze à vingt dans un papil- 
lon du Pyralis viridana, d’où elles se sont échappées lors de l’ouverture 
de la cavité abdominale. Ces sphères, d’un diamètre de 0,23 à 0,40 de 
millimètre, étaient entourées d’une enveloppe assez épaisse et renfermaient 
dans leur intérieur quelques amas arrondis formés de fines granulations 
brunâtres et suspendus dans un liquide visqueux homogène ; les psorosper- 
mies étaient répandues à la surface au-dessous de la membrane d’enve- 
loppe. Dans quelques-unes de ces sphères (fig. 11), les parasites étaient 
mêlés à de nombreux globules d'apparence graisseuse, insolubles dans la 
soude caustique et prenant une coloration lie de vin sous l'influence de 
l’iode, Un deuxième individu de cette espèce renfermait quatre sphères 
semblables à celle de la figure 40. (Grossiss., 85 diamètres.) 

FiG. 12. Quelques-uns des corpuscules renfermés dans les sphères précé- 
dentes. Ils ont une grande analogie avec les psorospermies que l’on trouve 
sur les branchies et dans différents organes des poissons d’eau douce (1). 
Ils présentent une forme elliptique légèrement aplatie et leur bord est par- 
couru par une ligne saillante qui semble produite par la juxtaposition de 
deux valves comme chez les psorospermies des poissons. De plus, ils offrent, 
comme ces dernières, tantôt deux petits grains géminés brillants placés à 
une de leurs extrémités, tantôt quatre grains semblables disposés par 
paires aux deux bouts du corpuscule, Ni les alcalis concentrés, ni les solu- 


(1) Voyez J. Müller, Ucher eine eigenthümliche krankhafte parasitische Bildung 
mil specifisch organisirten Samenkürperchen. (Müller’s Archiv, 1841, p. 477 et 
suiv.). — Balbiani, Sur l'organisation et la nature des psorospermies. (Comptes 
rendus de l’Académie des sciences, 1863, t. LVII, p. 157-161). 


276 J. B. A. MOUGEOT. -— RECHERCHES 


tions acides faibles ne les modifiaient d’une manière sensible ; mais après 
quelques minutes de séjour dans l’eau salée, ils avaient pris un aspect 
brillant et homrgène tout à fait semblable à celui que présentent norma- 


lement les corpuscules du ver à soie. (Voyez mon Mémoire sur Les Cor- 
puscules de la pebrine, loc. cit., p. 601.) 
a. Psorospermies de la pyra!e vues de face. 
b, b. Les mêmes vues par leur bord. 
c, c, c. Changements d'aspect produits par l’eau salée, (Grossiss, sup- 
posé de 1500 fois.) 


RECHERCHES 


SUR QUELQUES 


TROUBLES DE NUTRITION 
CONSÉCUTIFS 
AUX AFFÉCTIONS DES NERFS 


Par J. B. A, MOUGEOT 
;. Docteur en médecine (1). 


« Il m’est impossible, on le comprend, dit M. Mougeot, de faire 
l'histoire de tous les troubles de nutrition qui surviennent consé- 
cutivement aux affections des nerfs; j'ai dû me restreindre et 
attirer l’attention sur un certainnombre des plus caractéristiques. 
J'ai dû d’abord n’envisager que le système tégumentaire, parce 
que ce sont surtout ses lésions qui sont le moins connues, et si, 
parfois dépassant le cadre fixé d'avance, j'ai fait quelques incur- 
sions dans le domaine d'organes ou de tissus voisins, c’est que j'y 
voyais une réelle utilité. Rejetant tous les faits douteux, j'ai es- 
sayé de grouper d’une façon méthodique ceux qui m'ont paru ne 
pas laisser prise à la critique : l’ordre que j'ai suivi n’est passans 
doute complétement inaltaquable, mais il a l’avantage de procé- 


(4) Paris, 4867, in-4, Delahaye. (Analyse et remarques par M. Ch. Robin sur les 
Nerfs dits nutritifs ou trophiques.) 


SUR QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION. 277 


der du simple au composé, je dirais presque du connu à l'inconnu. 

» 1° Le premier chapitre comprend toutes les lésions trauma- 
tiques des nerfs qui peuvent être suivies de troubles de nutrition 
du côté de la peau.— J'ai fait précéder l'étude de chaque sym- 
ptôme en particulier de quelques considérations de physiologie 
pathologique qui ont pu me permettre d'établir quelques distinc- 
tions utiles entre des phénomènes enveloppés encore d’une cer- 
taine obscurité. On comprendra sans peine que dans mes recher- 
ches j'aie fait précéder les lésions spontanées des lésions trauma- 
tiques: dans ces dernières, en effet, l'éticlogie est si claire qu’on 
se trouve pour ainsi dire en présence d’une expérience physiolo- 
gique, et seule l’analyse approfondie des affections consécutives 
au traumatisme permettra, grâce à une comparaison attentive, 

’étendre des conclusions exactes aux autres affections dont la 
symptomatologie est moins claire. 

» J'ai complétement laissé de côté les lésions musculaires de 
toute nature. — Qu’'aurais-je eu à dire sur ce sujet qui n’ait déjà 
été dit, et mieux dit que je n'eusse pu le faire ? Les travaux de 
M. Duchenne (de Boulogne), ceux d’autres observateurs qui ont 
confirmé: ses résultals, ont très-bien éclairé ce point de la 
pathologie. N 

» 2° Dans le deuxième chapitre, j'ai réuni les quelques obser- 
vations que j'ai pu rencontrer dans lesquelles une lésion anato- 
miquement déterminée d’un nerf, par exemple la névrite, a été la 
cause d'affections cutanées ; puis, établissant un parallèle entre 
celles-ci et celles que nous avons vu succéder aux blessures des 
nerfs, j'ai cherché à en tirer quelques conclusions. 

» 3° Le troisième chapitre est un chapitre d'attente. Il renferme 
toutes les maladies dites essentielles du système nerveux qui peu- 
vent causer des affections cutanées. Parmi celles-là, il en est en- 
core de bien indélerminées. 

» Nous avons, en premiére ligne, les névralgies qui se recom- 
mandent à notre attention par leur fréquence et trop souvent 
aussi par leur ténacité. A côté de ces manifestations douloureuses 
d’un état inconnu du nerf, nous aurons à étudier des affections 
nerveuses dont la nature est encore complétement ignorée. Mais, 


278 J. B. A. MOUGEOT. — RECHERCHES 

au fond, les discussions sur leur étiologie, leur nature, ne nous 
importent guère; on ne peut, en effet, nier la relation qui existe 
entre le caractère nerveux des symptômes de ces affections et le 
lésions cutanées. 

» Ici, je le reconnais, 1l ne faut marcher qu'avec la plus grande 
prudence; mais je ne veux pas faire un pas sans m’appuyer sur 
les faits, et sans être abrité par l'opinion de quelque bon obser- 
vateur. 

» 4° J’ai consacré mon quatrième chapitre à quelques considé- 
rations physiologiques, qu’il m’a paru utile de présenter, les fai- 
sant précéder de tout ce qui a rapport à la pathologie. 

» Je pense que cet ordre est le plus rationnel ; car si la physio- 
logie possède des moyens puissants d'investigation, si elle peut, 
dans un grand nombre de cas, donner à la pathologie des ensei- 
gnements précieux, celle-ci n’en garde pas moins son indépen- 
dance et ses procédés spéciaux. 

» Comparer des observations cliniques qui sont la base de li 
science médicale; chercher si, de cette étude, il est possible de 
tirer quelques conclusions utiles au point de vue du diagnostic, 
du traitement, etc.; puis demander à la physiologie l’explication 
de phénomènes que nous ne saisissons pas, voilà, si je ne me 
trompe, la marche à suivre quand on se propose d’étudier à fond 
un point spécial de la science. 

» 5° J'ai rappelé en quelques pages une théorie physiologique, 
la théorie des nerfs trophiques, qui n’est peut-être pas encore très- 
connue, et qui a la prétention d'expliquer des faits pathologiques 
dont les nolions antérieures ne rendaient pas compte. Bien qu’elle 
soit vulnérable à beaucoup d’égards, elle a le droit de se produire. 
Libre à chacun de l’approuver ou de la condamner. 

» Tels sont, en quelques mots, les points principaux sur lesquels 
a porté mon étude. » 

M. Mougeot a terminé son travail par les conclusions générales 
suivantes : 

« 1° Diverses affections des nerfs ont une influence non dou- 
teuse sur la production d’un grand nombre de troubles de nutri- 
tion, soit de la peau, soit des articulations, soit d'organes divers. 


SUR QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION. 279 

» 2 Ces affections des nerfs sont ou bien traumatiques, où bien 
spontanées. ; 

» 3° Ces dernières sont souvent de celles qué l’on a appelées 
essentielles ; mais dans des cas bien étudies dont le nombre va en 
augmentant, c’est à l'existence de la névrite qu’il faut rapporter 
les symptômes observés. 

» 4° Quant aux affections traumatiques, elles sont quelquefois 
accompagnées de névrile ; mais on ne peut pas dire que celle- 
ci soit la condition nécessaire de la production de troubles de 
nutrition, 

» 9° L'influence morbide du système nerveux peut s'exercer 
sur la peau et ses annexes de plusieurs façons. Ce qui domine, 
c’est d’abord une variété d'érythème trés-analogue à l’érythème 
pernion, puis surtout des affections vésiculeuses, une déformation 
des ongles, des troubles variés dans la production des poils et 
dans la sécrétion de la sueur. 

» 6° Les lésions articulaires qui tiennent à une affection du 
système nerveux ne diffèrent en rien d’une arthrite subaiguë ou 
chronique. 

» 7° Ces troubles de natrition de la peau et des articulations 
ne se produisent dans les affections traumaliques que quand le 
nerf n’est pas séparé des centres. 

» 8° Il est très-intéressant de comparer les symptômes d’une 
blessure, d’une lésion organique ou d’une affection essentielle d’un 
nerf; par exemple, nous avons vu le zona se produire dans des 
circonstances diverses, en conservant son caractère d’inflammation 
vésiculeuse de la peau. 

» Il faudra dès lors, dans l'étude de l'herpès zoster, faire des 
divisions importantes, suivant qu’il est traumatique, qu’il succède 
à une névrile où à une altération des ganglions spinaux, ou qu’il 
accompagne une névralgie, ou enfin que, sans causes apprécia- 
bles, il se produit sur le trajet d’un nerf. 

» 9° La cause intime de ces troubles variés de la nutrition est 
encore ignorée dans un grand nombre de cas. On peut ce- 


pendant quelquefois les rapporter à une modification des vaso- 
moteurs. | 


280 J. B. 4. MOUGEOT. — RECHERCHES 

» Il faut ajouter que certains auteurs, non satisfaits de cette 
explication, laquelle n’est pas applicable à tous les faits, ont 
édifié la théorie des nerf trophiques. » 

Les pages précédentes, empruntées textuellement M. Mougeot, 
résument bien la direction qu'il a suivie et les résultats auxquels 
il a été conduit, par la comparaison des observations cliniques 
qu’il a rassemblées en grand nombre dans les annales de la 
science et de celles qu’il a recueillies dans les hôpitaux. 

Il y avait encore d’autres résultats à obtenir de la comparaison 
de ces observalions entre elles, et, premièrement, avec ce que 
présentent de particulier, dans chacun des tissus affectés, les 
phénomènes d’assimilalion et de désassimilation nutritives qu'il 
importe d’avoir toujours présents à l'esprit durant l'étude de cet 
ordre de questions. Mais ils semblent avoir échappé à l’auteur, 
et il ne pouvait en être autrement, dès l'instant où, comme lui, 
on regarde la connaissance des phénomènes normaux, non pas 
comme servant de base à la pathologie, mais seulement comme une 
source d'enseignements précieux dans un grand nombre de cas. 

Cette inversion de l’ordre naturel des choses se retrouve jusque 
dans la distribution des matières de ce travail, trés-remarquable 
du reste d'autre part. Si jamais une question exigeait que fût 
d’abord nettement connu et formulé le rôle que peut jouer l’in- 
nervalion dans les phénomènes de la rénovation moléculaire, 
c’est certainement l’étude des #roubles de nutrition consécutifs 
aux affections des nerfs.Or, ce n’est qu’à la fin de son travail qu’il 
traite rapidement de ce rôle, et sans se prononcer sur ce point 
aussi nettement que l'exige, pour un médecin, l'état actuel de la 
science, d’une part, et que l'ont fait, d'autre part, depuis long- 
temps, ceux qui se sont occupés de ce sujet. 


REMARQUES TOUCHANT L'ACTION DES NERFS VASO-MOTEURS ET SUR LES 
ACTES NUTRITIFS. 


Avant que la rénovation moléculaire continue fût nettement 
connue (sous ses deux faces de combinaison assimilatrice et de 
simullanée décomposition désassimilatrice), comme propriété 


SUR QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION. 281 


générale de la matière organisée placée dans de certaines condi- 
tions de température, d'humidité, etc, il était admis que les lois 
de l’affinité chimique qui régissent ces phénomènes perdaient 
leurs droits devant l'influence du système nerveux. Cette in- 
fluence nerveuse qui n’était en aucune manière définie, comme 
est définie, par exemple, celle de l’électricité sur les actions chi- 
miques; mais une facile hypothèse ne la considérait pas moins 
comme chargée de l’accomplissement de ces actions molécu- 
laires au même titre que tant d’autres. 

Peu à peu l'expérience a montré qu'il n’y avait pas là d'in- 
fluence nerveuse autre que celles déjà connues ; que cette influence 
ne s’exerçait pas sur la rénovation moléculaire qui amène le main- 
tien, l'augmentation ou la diminution de la masse des éléments; 
que cette influence avait lieu sur les fibres musculaires des vais- 
seaux (nerfs vaso-moteurs) comme sur celles de l'intestin, et 
qu'en modifiant l'apport ou le déport des principes nécessaires à 
l'assimilation et à la désassimilation, la résultante de ces deux. 
actes chimiques était inévitablement modifiée. 

Quelques auteurs ont cru faire progresser la science en trans- 
formant, malgré l'anatomie et l'expérimentatien physiologique, 
les nerfs vaso-moteurs (CI. Bernard) en nerfs #rophiques, c’est- 
a-dire en nerfs n’allant plus seulement aux vaisseaux, de manière 
à régulariser de telle ou telle manière l’afflux des principes ser- 
vant à la nutrilion, mais en nerfs allant sur les éléments même 
qui leur sont interposés ou superposés (épithéliums) à la manière 
des tubes nerveux qui vont s'appliquer sur les faisceaux muscu- 
laires striés : nerfs allant ainsi influer sur les actes moléculaires 
ou chimiques de la nutrition et des sécrétions, sur la fixation du 
phosphate de chaux, par exemple, sur la formation de l’urée, sur 
celle du sucre de lait, etc. 

Seulement, en revenant ainsi à l’ancienne hypothèse de l’in- 
fluence directe des nerfs sur les actes moléculaires d’assimilation 
et de désassimilation (hypothèse permise jusqu’à un certain point 
lorsqu'elle fut émise), on l’a subtilement atténuée pour la mieux 
rémntroduire. 

Ce n’est rien faire autre chose, en effet, que de dire avec Samuel 


282 J. B. A. MOUGEOT. = RECHERCHES 


que la cause de la nutrition est dans les éléments anatomiques, 
mais que le rôle des nerfs trophiques est de lui donner une exci- 
tation spéciale à l’activité, de sorte que la suppression de cette 
influence trophique des nerfs n’arrêle pas la nutrition ni les phé- 
nomènes qui reposent sur elle, mais l’affaiblit beaucoup, tandis 
que son augmentalion exagère le mouvement nutrilif. 

Suivant Samuel (Dre trophischen Nerven. Ein Beitrag zur 
Plusioloqie und Pathologie. Leipzig, gr. in-8, 1860) : 

« L’accroissement subit de l’influence des nerfs trophiques au 
delà de sa mesure physiologique produit un développement très- 
rapide de tout le processus nutritif dans toute l’élendue de leur 
domaine. L'irritalion aiguë de ces nerfs donne naissance à uné 
série de produits anormaux, précisément parce qu'elle accélère 
au plus haut degré ie processus nutritif. Les tissus s’enflent subi- 
tement, les cellules croissent rapidement ; elles se divisent; d’où 
formations nouvelles ne ressemblant plus au lype mère. Nous 
sommes habitués à appeler tout cet ensemble de phénomènes du 
nom d’inflammation aiguë. Il cesse de lui-même dès que l’action 
de l'excitation primitive disparaît. » (Samuel, dans Mougeot, 
loc. cit., p. 143.) 

Mais déjà toute cette argumentation tombe devant ce fait élé- 
mentaire que rien n’est commun, en l'absence de tout système 
nerveux, tant de la vie animale que végétalif, viscéral et vaso-mo- 
teur, que de voir sur les plantes /es tissus s'enfler subitement, les 
cellules croître rapidement, puis se diviser, d’où des formations 
nouvelles. Les circonstances qui déterminent ces phénomènes sont 
soit normales, soit accidentelles, et ces derniers cessent avec la 
disparition de ces conditions, sans qu’on les ait appelés inflamma- 
tion, ni considérés comme dus à une excitation nerveuse primitive. 

On avance de plus que : 

€ La nutrition, c’est-à-dire la conservation, l'accroissement, la 
multiplication des cellules, se fait d’après des lois générales; 
mais, dans les organisations élevées, elle reçoit une excitation 
spéciale à l’activité par l'influence incessante des nerfs tro- 
phiques. 

Et que : « la disparition de cette influence trophique des nerfs 


SUR QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION. 285 
n'arrête donc pas la nutrition et les phénomènes qui reposent sur 
elle : -— accroissement et formation nouvelle de cellules ; — mais 
l'affaiblit, l’'amoindrit beaucoup. » (Samuel.) 

Mais on oublie de nous dire comment cette influence supposée 
des nerfs s'étend aux globules rouges et blancs du sang, tant pen- 
dant la durée de la circulation sur l'individu bien développé, que 
chez l'embryon, alors que ces cellules existent avant l'apparition 
de tout élément nerveux périphérique (1). 


(1) L'hypothèse d’une influence nerveuse trophique directe sur les actes nutritifs, 
s’irradiant plus ou moins loin à la périphérie du bout des nerfs dans l'épaisseur de la 
substance des éléments nerveux autres que la fibre même, supposée trophique, cette 
hypothèse, dis-je, a été manifestement édifiée avant démonstration, pour donner une 
explication facile de phénomènes morbides nutritifs survenant dans certains lissus, à 
la suite de lésion des nerfs qui s’y rendent. Pour expliquer certaines altérations des 
nerfs eux-mêmes, elle a reçu encore une nouvelle extension dans la thèse de 
M. Mougeot ; cette extension consiste à admettre que les cellules nerveuses peuvent 
répandre directement autour d’elles leur influence trophique en même temps qu’elles 
la transmettent par la fibre ou le tube nerveux qui en part. On lit en effet dans la 
thèse de M. Mougeot : 

« À l’état physiologique et à l’état pathologique, le ganglion a donc une action 
certaine sur les fibres sensitives qui ne font que le traverser, » (Page 78.) 

Cette hypothèse nouvelle, ajoutée à la précédente, est complétement inutile lors- 
qu’on se place en face de la réalité anatomique et lorsqu'on tient compte exactement 
des faits découverts par Waller, que cette hypothèse conduirait à interpréter un peu 
autrement que ne l’a fait cet ingénieux physiologiste, 

Le type de la théorie des nerfs trophiques est certainement celle de Waller dans 
laquelle les cellules nerveuses agiraient sur leur propre nutrition et sur celle des 
tubes nerveux qui leur arrivent ou qui en partent, ou du moins sur celle de la 
myéline entourant le cylindre-axe en continuité de substance avec les cellules ner- 
veuses, On sait, d’après les observations de Valentin, Steinruck, Nasse, Gunther et 
Schon, que sur un animal vivant le bout périphérique d’un nerf coupé s’altère pro- 
gressivement dans sa Structure intime. Waller a établi que ces altérations se propa- 
gent dans les tubes nerveux, depuis le lieu de la section jusque dans les extrémités 
périphériques, et qu’elles ont lieu exactement de la même manière dans toute cette 
étendue. Dans le bout central du nerf, les tubes nerveux gardent leur structure nor- 

_male. Se basant sur ces deux faits, Waller s’en est servi pour reconnaître la distri- 
bution anatomique des différents nerfs. 

En opérant sur les nerfs rachidiens, il a vu que dans les nerfs mixtes tous les tubes 
du bout central ou attenant au centre nerveux après la section restent à l’état nor- 
mal, tandis que dans la portion qui, à partir de la section, se rend dans les organes 
et s’y termine, tous les tubes, tant moteurs que sensitifs, s’altèrent au contraire. Ce 
fait général, qu’il nomme /a loi des centres, reste invariable sur toute l'étendue des 
nerfs mixtes jusqu’au ganglion, 

Mais en opérant au-dessus des ganglions, c’est-à-dire en coupant les racines, il a 
reconnu qu’elle n’était plus applicable, car les racines postérieures ou sensitives se 


284 j. B. A. MOUGEOT, — RECHERCHES 


D'autre part, on suit des tubes nerveux jusque sur les faisceaux 
striés des muscles, jusque dans les faisceaux de fibres-cellules des 
couches contractiles viscérales et glandulaires, jusque sur les ca- 
pillaires à couche musculaire, mais nulle part au delà. Rien ne 
justifie done anatomiquement non plus que physiologiquement 
l'hypothèse de l'existence d’un système de nerfs trophiques autres 
que les vaso-moteurs, soit qu’on admette que ceux-ci n'existent 
pas et qu'au lieu d’aller aux vaisseaux, les nerfs ainsi nommés 


comportent différemment des racines antérieures ou motrices, et réciproquement. 

En effet : 4° Dans la racine antérieure ou motrice, la loi des centres reste telle 
qu'elle vient d’être indiquée, c’est-à-dire que tous les tubes du bout central restent 
intacts au-dessus de la section, tandis que tous les tubes du bout périphérique ou au- 
dessous de la section prennent l’état granuleux. La racine tout entière offre natu- 
rellement cet élat, lorsque, au lieu de la couper à une certaine distancé de la moelle, 
on l’arrache à son point d’adhérence avec celle-ci. 

2° Dans la racine postérieure ou sensitive, au contraire, tous les tubes du bout 
central ou attenant à la moelle arrivent rapidement à l’altération granuleuse, tandis 
que tous les tubes du bout périphérique, à partir de la section, restent intacts dans 
toute leur étendue, tant au-dessus qu’au-dessous du ganglion. La racine tout entière 
conserve ses tubes intacts lorsque, au lieu de la couper plus ou moins près de la 
moelle, on l’arrache à son point d'adhérence ou d’origine à celle-ci. Les choses se 
passent ici comme si, à partir des cellules ganglionnaires (ou multipolaires), se ré- 
pandait dans toute la longueur du tube attenant une influence nutritive spéciale tant 
en allant vers la moelle qu’en allant vers la peau, 

Il résulte de là que lorsqu’on coupe ou arrache la racine antérieure même, on 
trouve peu après, dans le nerf mixte qu’elle va former, une partie des tubes devenus 
granuleux, et ce sont tous les (tubes moteurs; tandis que les tubes sensitifs restent 
intacts. Les choses restent encore ainsi dans le nerf mixte, par suite de ce qu’on vient 
de voir (2°), lorsqu'on coupe ou arrache en même temps la racine postérieure ; tandis 
que si on la névragme seule, elle et tous les tubes du nerf mixte, tant sensitils que 
moteurs, restent intacts. 

Il résulte aussi de là que dans la section des tubes sensitifs, si l’on veut avoir 
dans leur portion terminale l’altération granuleuse qui permet de les distinguer, il 
faut opérer leur section au-dessous du ganglion ; et, suivant que l’on coupe au-des- 
sus ou au-dessous de celui-ci, on a une altération du bout central ou du bout péri- 
phérique des tubes ; l’absence de cellule ganglionnaire sur le trajet des tubes moteurs. 
ne permet pas d’y varier ainsi l'expérience et les altérations correspondantes. 

Quelle que soit la longueur ou la brièveté du bout de racine postérieure qui reste 
adhérent à la moelle, quelle que soit celle du bout de racine qui reste adhérent au 
pôle supérieur du ganglion, et quelle que soit la longueur de la partie périphérique 
des tubes sensitifs, qui reste adhérente à l'extrémité externe du ganglion, Walier a 
toujours vu que :les parties qui restaient en connexion avec le ganglion restaient 
à l’état sain, tandis que les autres qui en étaient séparées s’altéraient de la même 
manière et avec la même rapidité. 

La conclusion qu’il en a tirée est : 1° que la partie qui entretient la nutrition des 


SUR QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION, 285 


s'étendent aux éléments anatomiques extra-vasculaires, soit qu'on 
admette l'existence simultanée des nerfs vaso-moteurs et des 
nerfs supposés être directement trophiques. 

M. Mougeot cite quelques-uns des auteurs qui reconnaissent 
que la nutrition est une propriété générale des é/éments anato- 
miques végétaux et animaux, et comme telle inévitablement in- 
dépendante des autres propriétés dont elle est la condition d’exis- 
tence. Il en est plusieurs autres encore dont les noms doivent 


fibres sensitives de la moelle est le ganglion spinal ; que la moelle épinière n’exerce 
pas plus d'influence pour entretenir la structure des racines postérieures que la peaw 
ou la muqueuse pour la partie périphérique de ces mêmes fibres ; 2° que le centre nu- 
tritif des racines motrices se trouve dans la moelle épinière. 

En opérant sur la partie inférieure de la moelle épinière, près de la queue de che- 
val, Waller a trouvé, après la section complète de la moelle, des racines et des 
membranes rachidiennes, lorsque l’animal avait vécu quelques jours, des résultats 
confirmant de point en point ceux ci-dessus mentionnés. À l’examen cadavérique, il 
trouva qu'outre la moelle épinière, il y avait quatre paires de nerfs croisés, tranchées 
en deux à la même occasion sur chaque côté latéral de la moelle. Les bouts supé- 
rieurs de ces racines qui restaient attachés à la moelle épinière se trouvaient au-des- 
. sus de la ligne de section, c’est-à-dire sur le bout antérieur ou cèphalique de la 
moelle épinière. Les parties périphériques de ces mêmes racines se trouvaient pla- 
cées sur les faces latérales du segment postérieur ou caudal, mais sans être en con- 
nexion avec lui. En examinant les bouts centraux de ces racines sur le segment 
antérieur, il trouva que les bouts des racines postérieures étaient désorganisés, tan- 
‘ dis que les parties correspondantes des racines antérieures étaient à l’état sain, et il 
a fait vérifier ces modifications de la manière la plus démonstrative par M. Ch. 
Robin, 

Dans les bouts inférieurs ou périphériques de ces mêmes racines, les tubzs des 
racines postérieures se trouvaient à l’état sain, ainsi que leurs ganglions et la partie 
périphérique qui leur fait suite. Les racines antérieures des mêmes paires se trou- 
vaient tout altérées de la même manière que les parties centrales des racines posté- 
rieures. Ces résultats, qui sont invariables, proviennent de ce que les bouts des ra- 
cines de la partie céphalique étaient séparés de leurs connexions avec des cellules 
nerveuses (dites centres nutritifs par Waller), tandis que les mêmes parties des 
racines antérieures étant en rapport avec la moelle épinière, tenaient encore à 
leurs centres nutritifs. 

-Dans les parties périphériques de ces nerfs, les racines postérieures étaient à l’état 
normal, elles devaient cela à leur ganglion auquel elles tenaient, tandis que, 
pour les antérieures, leur disjonction de la moelle épinière les séparait de leurs 
connexions cellulaires ou centres nutritifs de Waller. 

Par d’autres observations de même ordre, Waller arrive à la conclusion que les 
centres nutritifs des racines antérieures se trouvent dans la substance grise ou gan- 
glionnaire de la moelle épinière. Dans le cas où il y avait désorganisation limitée à 
toute la partie grise centrale du segment inférieur de la moelle épinière d’un chien, 
toutes les racines antérieures se trouvaient désorganisées dans ce segment, tandis 


286 J. B. À. MOUGEOT. — RECHERCHES 


d'autant moins être omis qu’ils ont pour certains des côtés de 
cette question la priorité sur ceux qu’il cite, et qu'ils ont consi: 
déré les actes sécrétoires comme étant aussi une propriété inhé- 
rente aux éléments anatomiques. Tels sont, en particulier, 


que les racines postérieures étaient saines. Dans les cas ordinaires où il n’existe 
point d’altération de la partie grise de la moelle épinière, les racines antérieures mo- 
trices de ce segment sont seules altérées, ce qui prouve que les origines nutritives 
(Waller) de ces tubes sont très-près de leur origine apparente. 

Ces résultats conduisent à des conclusions très-intéressantes sur l’ensemble du 
système nerveux, car ils obligent, d’après Waller, à admettre, pour tous les 
tubes sensitifs, des centres organiques spéciaux qui tiennent sous leur dépen- 
dance nutritive tous les tubes sur lesquels la moelle n’exerce absolument aucune 
influence. La nullité de cette action, de la part de la moelle épinière sur les tubes 
sensitifs, se déduit de ce que l’altération du bout des racines postérieures attenant à 
la moelle après section en travers s’opère exactement avec la même rapidité que 
dans le bout périphérique d’un nerf mixte coupé ; ce qui n'aurait point eu lieu si la 
moelle avait la moindre influence retardatrice sur ces altérations, laquelle, du reste, 
serait facilement appréciable dans ces observations. D’autres expériences sur la 
moelle épinière indiquent que ces tubes des racines postérieures ne s'étendent pas 
depuis les ganglions jusqu’au canal central de la moelle, mais qu’ils s’avancent jusqu’à 
une certaine distance, assez rapprochée du reste, dans la substance grise qui sert 
de limite à la propagation de l’altération. Il importe de ne pas oublier que cette 
altération granuleuse des tubes nerveux consiste en un passage sur place, à l’état 
granuleux de la myéline, état précédant la résorption de celle-ci, et n'étant pas, 
comme on le voit dire à chaque instant, une transformation graisseuse des nerfs, 
c’est-à-dire une modification morbide comparable à celle des leucocytes, des cellules 
épithéliales, etc., se chargeant de granules graisseux. 

Waller trouve qu’il existe sous ce rapport de l’analogie entre l’inflüence de la 
moelle épinière sur les tubes sensilifs et celle du ganglion cervical supérieur du sym- 
pathique sur les tubes du cordon cervical. 

En coupant le cordon cervical, ces tubes se désorganisent jusque dans l'intérieur 
du ganglion ; mais cette action ne se propage pas au travers du ganglion jusqu'à son 
- extrémité antérieure ou crânienne ; car on ne trouve jamais les tunes des deux ra- 
meaux carotidiens altérés en quoi que ce soit, fait qu’on peut démontrer au moyen 
du microscope et du galvanisme. Ce dernier agent, à quelle époque qu’on l'applique 
après la section, est capable de faire dilater la pupille et contracter les vaisseaux de 
l'oreille. Waller pense donc qu'il faut admettre dans la moelle un système de relais 
pour les centres qu’il dit nutritifs des tubes, semblables à ceux que l'expérience 
démontre pour le sympathique, et que des expériences directes seules peuvent nous 
indiquer le nombre et la nature exacte de ces relais. 

Une autre considération résulte de ces expériences, ajoute Waller, c’est leur par- 
fait accord avec la découverte de M. Ch. Robin de la structure bipolaire des ganglions 
spinaux. La connaissance de la structure bipolaire des cellules nerveuses des gan- 
glions sensitifs, et celle de l’action qu’il appelle nutritive bipolaire de ces ganglions est 
importante par elle-même ; mais elle acquiert une signification d’un oräre bien autre- 
ment frappant, lorsqu’elle est envisagée dans son ensemble, Les cellules multipoiaires 


SUR QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION. 287 


de Blainville (1) et Auguste Comte (2). Bérard a vu les plaies de 
membres paralysés se cicatriser parfaitement. L'exemple des 
zoophytes et des greffes animales à fait depuis longtemps ad- 
mettre avec Mueller que la nutrition des tissus est indépendante 
du système nerveux. Des expériences ingénieuses faites par Schiff 
prouvent que la nutrition des os privés de leurs nerfs est augmen- 
tée, et qu’il en résulte une hypertrophie considérable. (Voy. Ga- 
zette médicale, 1854, p. 382 ; vov. aussi Brown-Séquard, Comptes 
rendus et mém. de la Société de biologie, 18A9 et 1850, p. 50.) 

Pourquoi aussi, dans des études de ce genre, à côté de tant de 
savants dont les travaux ont été recherchés bien loin, ne pas citer 
également les expériences sur le même sujet, faites par M. Chau- 
veau ? Dans ces observations, en ellet, ces questions sont discu- 
tées sous les titres suivants (3) : 

Prémière proposition. — Les nerfs n’ont aucune influence di- 
recte sur la nutrilion des organes. 

Deuxième proposition.— La propriété d'assimiler les matériaux 
organisables du sang est une propriété inhérente à tous Les tissus. 
Le nerfs n’exercent sur cette faculté qu’une influence régulari- 
satrice. 
du sympathique se traduisent également par l'influence si différente qu’elles exercent 
sur les tubes ascendants du cordon cervical du sympathique. 

Les déductions pratiques de ces observations sont également très-nettes. D’après 
les centres dits de nutrition différents des fibres sensitives et motrices, Waller arrive à 
cette conclusion que les altérations dans la structure de ces racines porteront, en 
général, sur les racines motrices dans les nombreuses maladies de la moelle épi- 
nière, surtout celles de nature aiguë. Dans ces cas, il ÿ aura, selon toute probabi- 
lité, répétition de ce que Waller a observé sur la grenouille, où dans un cas de dit- 
fluence de la moelle épinière, il y avait désorganisation complète des racines anté- 
rieures et état normal des postérieures ; il appelle l'attention des médecins, surtout 
sur l’état des racines dans les maladies de la moelle épinière. (Comptes rendus de 
l'Académie des sciences, 1851 à 1856, et Note dans BÉRAUD, Éléments de physiologie, 
Paris, 1856, 2° édition, t. 1, p. 532 à 540.) 

(1) De Blainville, De l’organisation des animaux, Paris, 1822, in-8, p. 16 à 21, 

(2) A. Comte, Cours de philosophie positive, Paris, 1838, et 2° édition, 1864, in-8, 
t. II, p. 464 et 466.— Ch. Robin, Histoire naturelle des végélaux parasites. Paris, 
1853, in-8, introduction, p. 64, et Tableaux d'anatomie, Paris, 1850, in-4, aver- 
is sement, p. 7. 

(5) A. Chauveau. Influence du système nerveux sur les propriétés nutritives et 
sécréloires de la membrane kératogène, e! sur la nutrition et les sécrétions en géné 
ral. Lyon, 1853, in-8, p. 42 et suivantes, 


288 J. B. A. MOUGEOT. — RECHERCHES 

Cette influence comparée par Mueller à celle du régulateur 
d'une horloge est à juste litre regardée par M. Chauveau comme 
due à l'action motrice des nerfs sur les parois des artères, des ca- 
pillaires et même des veines. Il considère la force nerveuse assi- 
milatrice comme une fiction. 

Eufin dans une éroisième proposition, il se met au nombre de 
ceux qui ont regardé les organes sécréteurs comme agissant « en 
vertu d’une propriété inhérente à leur tissu, et qu’ils ne doivent 
nullement aux nerfs qu'ils reçoivent. Ceux-ci se bornent, comme 
dans l’acte de la nutrition, à régulariser la marche du phénomène 
sécrétoire. » | 

On sait, en effet, que la composition immédiate des é/éments 
anatomiques (termes dont le mot cellule est considéré comme sy- 
nonyme par quelques auteurs) étant différente d’une espèce a 
l’autre, aussi bien que leur structure, elc., chacun emprunte 
molécule à molécule au plasma ou aux éléments qui lavoisinent 
des principes différents, en rapport avec la nature chimique de 
ceux qui prennent part à leur propre composition. Il y a dans cet 
acte assimilateur pénétration de certains principes à l'exclusion 
de certains autres, ce qui a fait souvent employer les termes très- 
expressifs de choix des matériaux nutritifs de la part des éle- 
ments anatomiques. Mais il faut savoir aussi que c’est au figure 
seulement qu’on dit qu’ils écartent et repoussent certains prinei- 
pes ; il y a seulement non-pénétration de ces matériaux. Dans celte 
pénétration, il y aincontestablement endosmose physique d’abord, 
puis ensuite union chimique des principes qui sont entrés. On 
dit endosmose, bien qu’il s’agisse le plus souvent d'éléments 
solides et non toujours de corpuscules vésiculeux ou composés 
d’une paroi solide distincte d’un contenu liquide; car le phéno- 
mène est analogue ici à ceux dits d’hygrométricité, ayant lieu 
dans des substances homogènes, sans orifices ni conduits micros- 
copiques. 

En outre, le plus souvent, en même lemps que dans élément 
anatomique solide pénètrent molécule à molécule certains prinei- 
pes, il en sort d’autres de l’épaisseur de celui-là, comme s’il était 
creux, ainsi que cela se passe dans les expériences d’endosmose 


SUR QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION. 289 
instituées physiquement. Cette issue exosmotique qui a lieu pour 
les gaz comme pour les liquides, ainsi que le montrent les cellu- 
les rouges du sang, est la condition physique de la désassimilation 
comme l’endosmose de l'assimilation. 

Mais les phénomènes essentiels à signaler sont les phénomènes 
chimiques simultanés : 1° d’une part, de combinaison ou fixation 
aux autres pour certains des principes qui entrent; de catalyse 
isomérique pour d’autres ; 2° et, d'autre part, de dissolution de 
certains des principes cristallisables qui étaient combinés; puis de 
dédoublement des substances organiques coagulables passant à 
état de principes cristallisables, ce qui caractérise particulière- 
ment la désassimilation. De ces phénomènes résulte le renouvelle- 
ment moléculaire incessant de la substance des éléments anatomi- 
ques de tous les tissus. 

Mais en même temps on voit pour chaque espèce d'éléments, 
pour ceux des produits en particulier, tels que les épithéliums, 
survenir, à mesure qu’a lieu ce renouvellement, des modifications 
plus ou moins manifestes de leur consistance, de leurs réactions 
au contact des agents chimiques ; ce qui indique des changements 
dans la nature des substances organiques qui les composent. Il en 
survient en même temps dans leur volume, leur forme même, leur 
(transparence. La production assimilatrice de principes immédiats 
dans les éléments anatomiques (les cellules principalement) pou- 
vant ensuite sortir au même état ou après s'être dédoublés, est 
surtout frappante dans les éléments des glandes. 

C'est dans cette propriété du renouvellement moléculaire inces- 
sant de Ja substance des éléments anatomiques, ayant, dans l’en- 
trée comme dans la sortie des matières, la production de principes 
immédiats nouveaux pour condition d’accomplissement, que se 
trouve la raison d’être des sécrétions, ou production des principes 
immédiats spéciaux, S'opérant dans leurs cellules épithéliales sur 
tout. Ce sont, en effet, de tous les éléments, ceux qui jouissent des 
proprièlés végétatives les plus énergiques, celles qui appartien- 
nent aux produits plus encore que toutes les autres (1). 

(4) Voyez Ch. Robin, Tableaux d'anatomie. Paris, 1850, in-8, p. 8, et Béraud, 


Éléments de by Stologié, 17e édition, 1853 et 2° édit., 1856, t, I, p. 16 et 99. 
JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. T. 1V (1867). 19 


290 J. B. A. MOUGEOT, — RECHERCHES : 


Les données relatives à la régularisation de ces phénomènes 
sont exposées ainsi quil suit dans la physiologie de Béraud 
(1856, t. I, p. 105 et 309). 

« Les usages des organes composés de tissu glandulaire recon- 
naissent pour condition d'existence la propriété de sécrétion, 
telle qu’elle vient d’être caractérisée, comme les usages des 
muscles, ont pour condition essentielle la contractilité. Or, aucun 
de ces usages n’est rempli indépendamment de toute liaison avec 
les usages de divers autres organes. Nous avons vu que c’est 
grâce aux attributs du système nerveux qu’est établie cette liaison 
qui, de chaque parte séparée, fait un tout (loc. cit., page 194).. 
Nul acte de l’économie n’est continu d’une manière égale, La 
nutrition elle-même, l'acte le plus constant de l’économie et qui 
n’est jamais interrompu nulle part, offre pourtant, selon l'état des 
vaisseaux qui portent aux tissus leurs matériaux de rénovation, 
des augmentations momentanées d'énergie qui sont considéra- 
bles; elle offre aussi des diminutions transitoires qui peuvent 
aller jusqu’à la cessation presque complète, sinon complète, pour 
certains principes assimilés de ceux qui se forment par désassi- 
milation. Nous avons vu que cet état des vaisseaux est influencé 
par le système nerveux. Ce qui à lieu pour la nutrition elle- 
même est encore bien plus prononcé pour la sécrétion, où 
l’on constate une cessation qui peut être complète, dans les 
intervalles des recrudescences. 

» C’est là ce qui caractérise les intermittences d'action des 
glandes qui, pour être moins caractérisée encore que dans les or- 
ganes de la vie animale, comme les muscles, existe cependant. 
Une impression venue du dehors arrive sur un organe et est trans- 
mise par un nerf de sensation jusqu’au centre spinal, et la réac- 
tion de celui-ci se propage, par un autre système de nerfs, vers 
l'organe dans lequel s’accomplit le phénomène le plus manifeste 
extérieurement, par un mouvement, si c'est un muscle, par une 
sécrétion, si c'est une glande. Lorsque, par exemple, un corps 
étranger tombe entre les paupières et excite la surface de la con- 
jonctive, il en résulte un écoulement de larmes abondant. Il est 
dû à ce que les branches de la cinquième paire transmettent au 


SUR. QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION. 29 
centre nerveux l'impression reçue; la réaction de celui-ci se trouve: 
ensuite transmise par d’autres branches aux vaisseaux de :la 
glande lacrymale ; la sécrétion de celle-ci est ainsi augmentée par 
afflux de matériaux, et ses usages se manifestent d’autant plus 
activement que l'impression est plus forte ou de nature spéciale, 
comme dans le cas de l’action du principe volatil des oignons 
et autres essences. | Ho. . E 

» Ces exemples particuliers et accidentels d’intermittence, avec 
augmentation d'action, nous en relrouvons d’analogues qui sont 
normaux; nous verrons que c’est toujours par le même méca- 
nisme que les usages d’un organe arrivent par léur accord avec 
d’autres à déterminer l’accomplissement régulier d’une fonction: 
comme aussi leur perturbation, par une cause ou l’autre, entraine 
d’une façon analogue les troubles dits morbides d’une ou de plu- 
sieurs fonctions, selon que les usages de l'organe sont uniques ou 
multiples, Rien donc de plus important, avant d'aborder l’étude 
des fonctions, que de connaître, non-seulement les usages de 
chaque organe, mais de savoir s'ils sont ou non intermittents, el 
par quel mécanisme ils le peuvent être (1). » 


REMARQUES SUR LES NERFS DITS NUTRITIFS OU TROPHIQUES. 


Aux données exposées dans le paragraphe précédent, ajoutons 
les suivantes, qui sont de même ordre, en commençant par quel- 
ques remarques que nous avons publiées, 1l ÿ a plus de dix ans 
déjà, dans l’ouvrage cité plus haut : 

:« On sait, actuellement, que la prétendue influence des tubes 
nerveux sur la nutrition même, en tant que propriété élémentaire 
ou vitale des éléments anatomiques, u’existe pas; mais l'influence 
manifeste de la section des nerfs sur la nutrition des tissus vas- 
culaires (et par suite sur celle des tissus non vasculaires qui em- 
pruntent leurs matériaux nutritifs à ceux-ci) tient à l’action 
exercée par les tubes ou fibres dits nutritifs ou trophiques 
sur la contraction des vaisseaux, et par suite sur l’afflux du 


(1) Voyez aussi ce recueil, année 1867, ci-dessus p. 208 et 209, 


292 J. B. À. MOUGEOT. — RECHERCHES 

sang dans ces tissus. Or, les éléments nerveux, pas plus que 
les autres éléments, ne font exception à cet égard; mais, pas 
plus que les autres également, leur nutrition ou rénovation mo- 
Jléculaire incessante avec conservation de leur structure propre, 
n’est sous la dépendance d’une de leurs parties même, telles que 
les cellules ganglionnaires intramédullaires (pour les tubes mo- 
teurs), ou extramédullaires (pour les tubes sensitifs et ceux du 
grand sympathique). Sans parler des cas d’anencéphalie-et de dé- 
rencéphalie dans lesquels les racines antérieures comme les pos- 
térieures sont dans un état d'intégrité parfaite, lorsqu'il n’y a 
pas de moelle épinière, on sait que la nutrition en elle-même, 
envisagée directement dans les éléments anatomiques, comme 
c'est ici le cas, est une propriété vitale élémentaire, qui n’est do- 
minée que par les conditions physiques et chimiques qui en per- 
mettent l’accomplissement, mais nullement par une influence 
nerveuse. 

» S1l en était autrement, la partie des tubes nerveux, les cel- 
lules ganglionnaires intra où extra-encéphaliques qui préside- 
raient, dit-on, à la nutrilion de toute la longueur du tube attenant, 
devraient, pour se conserver elles-mêmes, influer sur leur propre 
nutrilion, et le même tube devrait avoir pour activité spéciale, 
outre celle relative à la sensibilité ou à la motricité, celle qui, 
dans sa cellule ganglionnaire, se rapporterait à sa propre nu- 
trition. 

» Tout tube nerveux, comme tout autre élément nerveux, par 
cela même qu'il existe, se nourrit; mais, outre cette propriéte 
d'ordre végètatif, 1l offre un mode d'activité qui lui est propre, 
surajouté au précédent, une propriété de la vie animale, rela- 
tive soit à la sensibilité, soit à la pensée, soit au mouve- 
ment, selon la variété du tube dont il s’agit. Seulement ici, 
comme pour tous les autres éléments doués de propriétés de 
la vie animale, 1l y a solidarité entre ces divers actes, entre 
la nutrition et l'exercice de la propriété spéciale à l’élément. 
anatomique ; de telle sorte que lorsqu'on le met dans l’impossibi- 
lité de manifester celle-ci, la nutrilion se modifie graduellement 
et entraine peu à peu l'atrophie, avec modification de structure 


SUR QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION. 293 
des parties qui sont mises dans l'impossibilité d’agir par une sec- 
tion, ligature, compression, etc. » (Dans Béraud, Eléments de 
physiologie. Paris, 1856, t. I, p. 537.) 

Nos connaissances touchant cette action (régularisatrice seule- 
ment) du système nerveux sur les actes de nutrition, de sécrétion 
et d'absorption chez les animaux pourvus d’un système vasculaire, 
ont acquis une plus grande précision, depuis les recherches de 
M. (1. Bernard, qui ont montré que les fibres de Remak allant 
sur les vaisseaux étaient motrices à l'égard des fibres muscu- 
laires de ces conduits. M. Mougeot expose ainsi cette action 
d’après M. CI. Bernard : 

« Le système nerveux, en permettant ou en empéchant l’afflux 
d'une certaine quantité du liquide nourricier, n’a donc qu'une 
action indirecte sur la nutrition, il est incapable de modifier 
d’une façon primitive les phénomènes physico-chimiques. Ainsi 
donc, c’est par les nerfs vasculaires, les nerfs vaso-moteurs, que 
s'explique cette action indirecte du système nerveux. 

» Mais il faut établir une distinction, car le système vasculaire 
est soumis à l’influence de deux systèmes nerveux plus ou moins 
distincts : celui du grand sympathique et le cérébro-spinal. » 

« Le premier, dit M. Claude Bernard, joue le rôle de modérateur 
des vaisseaux; en l’irritant, on produit un resserrement plus ou 
moins considérable de ces vaisseaux, resserrement qui apporte 
une certaine entrave à la circulation, et par conséquent la ralen- 
tit. Au contraire, en excitant les filets du cérébro-spinal, on 
provoque la dilatation de ces mêmes vaisseaux. 

» Voilà tout le mécanisme de l'influence nerveuse. Avec ces 
deux seuls modes d'action, resserrement ou dilatation des vais- 
seaux, le système nerveux gouverne tous les phénomènes chimi- 
ques de l'organisme. » (Lecons sur les propriétés des tissus 
vivants. Paris, 1865, in-8, p. 410.) Ces quelques points acceptés, 
ajoute M. Mougeot, «on comprend dès lors facilement que des 
troubles des nerfs vaso-moteurs se traduisent par des troubles 
de nutrition. Ce fait est admis par tout le monde; l’espace me 
manque pour l’étudier avec quelque soin ; aussi vais-je passer (out 
desuile à l'influence directe du système nerveux sur la nutrilion.» 


294 J. B.-A. MOUGEOT. — RECHERCHES 

» Et d’abord, cette influence existe-t-elle? Pour le plus grand 
nombre des observateurs non, et il n’y en a pas d’autre que celle 
dont nous venons de parler briévement. | 

» J’ai dit déjà que l’on ne devait accepter cette théorie des 
nerfs trophiques que sous bénéfice d'inventaire, car trop peu de 
faits semblent jusqu'alors parler en sa faveur. » (Mougeot, 
p. 158, 139.) 

Rappelons actuellement les données anatomiques qui suivent, 
depuis longtemps connues et vérifiées par l’observation. 

Au niveau des ganglions, chaque tube sensitif large porte un 
corpuscule ganglionnaire ou cellule ganglionnaire. Il fait partie 
du tube nerveux; il est bien réellement un renflement du cy- 
lindre-axe, et par suite en continuité de substance avec lui. En 
considérant le corpuscule individuellement, on voit chaque tube 
sensitif venu de l’encéphale ou de la moelle se jeter à l’un de 
ses pôles, puis repartir au pôle opposé en reprenant la structure 
qu'il avait de l’autre côté du corpuscule (ce/lules bipolaires). 

Il y a des corpuscules ganglionnaires qui sont en continuité de 
substance avec plusieurs tubes (corpuscules ou cellules multipo- 
laires); dans les nerfs périphériques, ils peuvent être en rap- 
port avec le cerveau par un seul tube et avec les organes par 
deux et même trois tubes nerveux. Ce fait, qui se voit surtout 
aux ganglions du pneumogastrique et du grand sympathique, nous 
explique comment tel nerf est plus gros à sa sortie d’un ganglion 
qu’à son entrée. Quelquefois, deux corpuscules, assez près l’un 
de l’autre, existent sur la longueur du même tube, disposition 
qu'on observe, du reste, sur les ganglions des paires rachidiennes 
comme sur ceux du grand sympathique. Le contenu solide de ces 
cellules ganglionnaires est manifestement en continuité de sub- 
stance avec le cylinder axis des tubes nerveux y attenant. 

l'y a enfin des cellules ganglionnaires sans communication 
avec le cerveau et ne donnant naissance, par un point de la sur- 
face, qu’à un tube nerveux (cellule unipolaire), à la manière d’un 
petit cerveau tube allant vers la périphérie du corps. On trouve 
des cellules unipolaires ou donnant naissance à un seul tube ner- 
Yeux périphérique dans les ganglions de la chaîne nerveuse des 


SUR QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION. 295 


invertébrés, dans ceux du système grand sympathique des verté- 
brés, et aussi en moindre quantité dans les ganglions des racines 
postérieures des nerfs rachidiens. C’est l'existence de ces tubes 
ou fibres prenant leur origine dans des céllules ganglionnaires ne 
communiquant pas avec le névraxe qui a servi de base à l’édifica- 
tion du système des nerfs à action trophique directe ; édification 
établie, du reste, pour chercher à donner une explication, plus hy- 
pothétique que scientifique, de certaines lésions des tissus, consé- 
cutives à celles des nerfs correspondants. Mais rien n’est plus 
facile que de démontrer anatomiquement, surtout chez les pois- 
sons et les batraciens, que les ganglions rachidiens ne sont pas 
formés exclusivement ni principalement par des cellules unipo- 
laires comme l’ont avancé quelques auteurs. | 

D'un autre côté, l'expérience physiologique démontre les faits 
suivants : | 

« .... En résumé, dit M. Claude Bernard, d’après mes expé- 
riences, que j ai contrôlées et vérifiées avec le plus grand soin et 
que je crois exemptes de causes d'erreur, je conclus que la langue 
est reliée à la glande sous-maxillaire par deux espèces d’axes ner- 
veux en quelque sorte concentriques : l’un, plus étendu, allant 
passer par l’encéphale ; l’autre beaucoup plus court, passant par 
le ganglion sous-maxillaire. A ces deux trajets nerveux parais- 
sent correspondre deux sortes d’influences réflexes destinées à 
agir sur la glande sous-maxillaire. La première, qui traverse le 
cerveau, est consciente et mise en activité plus spécialement par 
la fonction gustative de la langue ; la seconde, qui est inconsciente, 
est transmise par le ganglion sous-maxillaire et paraîtrait devoir 
être provoquée plus particulièrement par les conditions de séche- 
resse ou d'humidité de la membrane bucco-linguale. 

» Le ganglion sous-maxillaire perd son pouvoir réflexe après 
un certain temps qu'il a été séparé de l’encéphale; et la glande 
sous-maxillaire, qui est alors complétement dépourvue de ses 
influences nerveuses, au lieu d’entrer dans un état de repos fonc- 
tionnel, se trouve, au contraire, dans un état de sécrétion per- 
manente. » (CI. Bernard, Comptes rendus de l'Académie des 
sciences, t. LV, 1862.) 


296 J. B. À. MOUGEOT. — RECHERCHES 


Ainsi, la physiologie vient confirmer ce que nous avait enseigné 
l'anatomie : il y a des cellules ganglionnaires, sources de nerfs, 
qui sont aussi des sources d’influx nerveux; mais il y a des cel- 
lules bipolaires, c’est-à-dire liées à l'axe spinal par des tubes. 
Aussi celles-là perdent leur pouvoir réflexe lorsqu'elles en sont 
séparées depuis quelque temps. La doctrine de l'indépendance 
partielle et de la dépendance partielle aussi de ces organes à 
acquis une nouvelle certitude par les expériences physiologiques. 
(Voy. Polaillon, Etude sur les ganglions nerveux, 1865, p. 53.) 

Il est difficile de se rendre compte des raisons qui peuvent avoir 
amené M. Mougeot à passer sous silence les faits anatomiques que 
nous venons de rappeler, pour baser uniquement son travail au 
point de vue théorique sur une description de la structure des gan- 
glions qui est peu admise par la raison qu’elle est manifestement 
obseure et incomplète (1). On doit regarder, en effet, comme in- 
complètes les descriptions qui considèrent comme n’existant dans 
les ganglions que des cellules nerveuses unipolaires sans commu- 
nication simultanée avec le centre spinal et les organes périphé- 
riques, alors que les expériences de Waller démontrent physiolo- 
giquement cette communication ; alors que l'observation directe 
de cette communication est facile chez les animaux sur lesquels 
Waller a expérimenté, tels que les batraciens, bien plus facile 
encore sur les poissons et fort possible chez les oiseaux et les 
mammifères, quoiqu’elle y exige un peu plus de temps et quelques 
réactions préliminaires. 

- Cependant il faut reconnaître qu’on se trouve fatalement en- 
traîné où l’a êté M. Mougeot dès l'instant où à l’époque actuelle 
on en vient encore à considérer les observations cliniques comme la 
base de la science médicale, sans voir qu’une connaissance appro- 
fondie de l'anatomie et de la physiologie est avant tout la base 
même sans laquelle toute ohservalion clinique ne peut être prise 
que d’une manière incomplèle; sans voir que les observations 


(1) Voyez à cet égardle résumé que Waller a donné de ses recherches dans Péraud, 
Éléments de physivlogie. Paris, 1856, in-12, 2e édition, t. I, p. 536. Voyez aussi 
Polaillon, loc. cit., 1866, p. 49 et suivantes, et pl. IT, 


SUR QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION. 297 
cliniques recueillies de nos jours ne sont supérieures aux obser- 
vations qui ont été rassemblées dans les siècles antérieurs qu’en 
raison directe de la prévalence des modernes sur les anciens, en 
fait de connaissances anatomiques et physiologiques ; sans voir 
que pour recueillir convenablement une observation clinique, il 
ne faut pas commencer par le faire empiriquement pour ensuite 
demander à la physiologie l'explication des phénomènes que 
nous ne saisissons pas, mais bien au contraire commencer par 
étudier tout ce que nous savons de ces phénomènes à l'état normal 
avant de prétendre sérieusement comprendre quoi que ce soit à 
ce que sont les états morbides. 

Il faut, en effet, avouer que des doctrines anciennement émi- 
ses touchant les rapports hiérarchiques et logiques de la méde- 
cine, avec les diverses sciences, la plus singulière qu’on puisse 
encore chercher à soutenir est certainement celle qui, dans l’état 
actuel de l’anatomie et de la physiologie normales et pathologi- 
ques, voudrait faire de la pathologie fondée sur l'observation 
clinique une science à part, n’allant chercher dans l'étude de l'état 
sain que des renseignements, comme en emprunte, par exemple, 
la chimie à la physique dans l’examen d’un grand nombre de 
questions. 

L'étude de la composition élémentaire, de la texture et des pro- 
priélés des tissus lésés, lorsqu'elle est basée sur la connaissance 
des caractères correspondants des tissus normaux et du mode de 
développement de ceux-ci ne valide point les classifications et 
les nomenclatures nosologiques et anatomo-pathologiques établies 
d’après les caractères extérieurs seulement. Elle conduit à des 
résultats tout autres, imprévus, parce qu’on ne pouvait les prévoir 
avant d’avoir fait l’examen de la réalité. En cherchant, d’après 
l'étude de la couleur, de la consistance, du mode de déchirure, et 
autres caractères visibles à l’œil nu, à deviner la nature intime, 
c'est-à-dire la composition anatomique élémentaire des tumeurs 
qui ne peuvent être constatées qu'avec des instruments amplifiants 
et à tel ou tel grossissement déterminé, on n’est jamais tombé 
juste. [en est de même lorsqu'on interprète des symptômes sans 
prendre pour base la connaissance minutieuse de la fonction lésée. 


298 J,. B. A. MOUGEOT. — RECHERCHES 

Aussi, associer dans les descriptions les nomenclatures anciennes 
(fondées sur cette forme jadis inévitable de l’empirisme), à d’au- 
tres plus récentes, mais qui ne s'appuient pas sur la comparaison 
de l’état. morbide à l’état normal, constitue une inconséquence 
manifeste qui ne laisse que des rapports rares et éloignés entre 
les descriptions et la réalité qu'elles sont destinées à traduire en 
signes ; les termes, en effet, sont alors contredits par la nature 
même des faits qu’ils sont destinés à exprimer. Lorsqu'on recher- 
che la cause de cette manière de faire on ne la trouve que dans la 
tendance qu'ont certains esprits à subordonner les résultats de 
leurs observations à d'anciennes hypothèses que ces observations 
mêmes renversent, dans l’espoir de donner une autonomie à l’ana- 
tomie pathologique et à ces nomenclatures dés liens naturels (bien 
que ne se manifestant qu'accidentellement) qui unissent les états 
morbides à l’état normal, et qui font que la nomenclature patho- 
logique doit être un dérivé de celle qui est usitée en anatomie 
normale, se trouve ainsi rejetée au dernier plan, au grand détri- 
ment de la pratique de l’art aussi bien que de la science. 


RÉSUMÉ. 


En résumé, il n’existe pas d'éléments nerveux trophiques fibres- 
cellules, ou tubes ayant action directe sur la nutrition et Îles 
sécrétions des éléments situés au voisinage de leurs extrémités 
périphériques ou de leur cellule d’origine, pas plus qu’ils n’agis- 
sent directement sur leur propre nutrition ni sur celle des 
éléments nerveux qui les avoisinent. 

Au contraire, l'existence de nerfs ayant action sur les vaisseaux 
est certaine (nerfs vaso-moteurs); l’action de ces nerfs sur les 
vaisseaux, par l'intermédiaire des centres nerveux, est plus nette- 
ment démontrée expérimentalement que ne l’est encore leur ac- 
tion par l'intermédiaire des ganglions nerveux périphériques 
seulement qui, cependant, semble bien prouvée. 

Ces nerfs qui viennent, les uns, du système cérébro-spinal, les 
autres, du système du grand sympathique,en diminuant ou augmen- 
tant le diamètre des vaisseaux, diminuent ou augmentent apport 


SUR QUELQUES TROUBLES DE NUTRITION. 299 
et le déport des principes assimilables ou désassimilés, et influent 
ainsi sur les phénomènes nutritifs, sécrétoires, et aussi sur ceux 
d'absorption; tous ces phénomènes changent, en effet, selon que 
la circulation plus ou moins active emportant plus ou moins vite 
les principes qui ont pénétré, facilite plus ou moins Parrivée ou 
Vissue de ces principes. L'action de ces nerfs qui est indirecte, 
puisqu’en fait elle est musculaire ou motrice, n’en est pas moins 
réelle. 

Il n'y a pas de nerfs trophiques connus autres que les vaso-mo- 
teurs, et ce n’est que par une hypothèse infirmée par l'anatomie 
autant que par la physiologie qu’on les a transformés en nerfs qui 
auraient eu une action autre que cette action motrice. Anatomi- 
quement, en effet, on ne suit pas de nerfs ganglionnaires ailleurs 
que sur les vaisseaux et les couches de fibres-cellules viscérales et 
glandulaires. D'autre part, s’il est certain qu’il y a des cellules 
ganglionnaires spinales et sympathiques dont on ne peut pas voir 
partir des tubes se rendant à la moelle épinière, il ne l’est pas 
moins qu’on peut, sur des cellules bipolaires ou multipolaires, 
suivre un des tubes allant dans les racines spinales postérieures, 
ou d’un ganglion sympathique à l’autre, et même d’une cellule à 
une autre qui est au-dessus ou au-dessous dans un même ganglion, 
de manière que l’une de ces deux cellules envoie un tube vers les 
centres nerveux et l’autre vers les organes périphériques. 

Les troubles sécrétoires, ceux d'absorption, les indurations, ra- 
mollissements et hypertrophies ou autres altérations consécutives 
aux lésions des nerfs, sont une conséquence de perturbations 
circulaloires par l'intermédiaire des nerfs précédents affectés di- 
rectement ou par action réflexe, et non la conséquence de l’action 
de nerfs qui auraient, à la manière de l'électricité par exemple, 
une influence sur les actes moléculaires ou chimiques de l’assi- 
milation et de la désassimilation dans une zone d’une certaine 
étendue au dehors de leur surface. 

L'hypertrophie individuelle des éléments, leur multiplication 
par scission el par genèse, et les autres altérations que l'on 
observe ‘sur ceux qui sont intérposés aux capillaires dans les 
tissus enflammés sont autant de phénomènés consécutifs aux 


300 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 

troubles circulatoires qui sont les phénomènes essentiels de l'in- 
flammation ; ils ne sont pas primitifs ni suscités par une 2rritation 
aiquë de cette prétendue action nerveuse trophique. En d’autres 
termes l’inflammation est un érouble de la circulation capillaire, 
et comme telle, primitivement ou secondairement sous l’influence 
des nerfs vaso-moleurs, mais elle ne consiste pas en un érouble 
de l’innervation fictivement regardée comme érophique. 

Nulle étude plus que celle des lésions survenant dans les tissus 
autres que le lissu nerveux à la suite d’affections des nerfs, ne 
montre mieux que la pathologie ne saurait être logiquement con- 
stituée tant qu’elle ne sera pas considérée comme une extension de 
l'anatomie et de la physiologie, à l'étude des phénomènes de même 
ordre que ceux que nous envisageons à l’état normal, mais obser- 
vés dans des condilions nouvelles, tant en ce qui touche l’état de 
l'organisme qu’en ce qui regarde celui des milieux ambiants. 
Nulle étude ne montre mieux l'importance des services que Îa 
science rend à l’art,et que, si primitivement elle a pris sa source 
dans la pratique, elle lui rend aujourd’hui plus qu’elle ne lui a 
emprunté ou lui emprunte encore chaque jour. 


ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS, 


Indications historiques concernant les expériences tentées dans 


- le but de découvrir le mode de transmission du choléra, par 
M, Cu. Roin. 


Ce fut Magendie qui, le premier, en 4832 (Leçons sur le choléra. Paris, 
1832, in-8°, V° jeçon), injecta huit onces de sang de cholérique dans la jugu- 
laire d’un chien auquel on avait enlevé la même quantité de son sang; l’ani- 
mal mourut en huit heures. La mort survint à la suite de symptômes ressem- 
blant beaucoup à ceux du choléra.Tout le système veineux étaii rempii de sang 
noir ainsi que celui des cholériques. Les intestins avaient un aspect analogue 
à celui qu’ils ont sur les sujets qui ont succombé à cette affection. Du sang 
de cholérique injecté à petites doses n’a pas causé la mort des animaux. 

M. Namias, de Venise, en 1836 (Annales d'Omodei, t. LXXVIIE, p.499), ayant 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 301 


mis un caillot fibrineux tiré du cœur d’ün cholérique sous la peau d’un lapin, 
vit cinq jours après l’animal devenir malade ; ses déjections devinrent molles, 
blanches, gluantes ; la mort eut lieu le huitième jour. L’autopsie ne donna 
rien de spécial. Il ne mentionne pas l'état de l'intestin. [l obtint les mêmes 
résultats suivis de mort entre le deuxième et le sixième jour avec le sang de 
ce lapin inoculé à d’autres lapins. Le sang des cholériques, pendant la pé- 
riode algide, renferme donc, suivant lui, un agent toxique capable d'amener la 
mort sur les lapins. 

Meyer dit avoir obtenu des effets analogues avec du sang de tuberculeux, 
mais le sang des lapins morts ainsi n’a jamais causé la mort. 

De la matière de déjections cholériques introduites sous la peau des lapins 
avec une aiguille, par Namias, n’a pas donné de résultats. 

Peu après Borsani, Semola et Freschi (Annales d’Omodéi, t. LXXXV), 
obtinrent des résultats négatifs en cherchant à répéter les expériences de 
Namias. 

Calderini injecta du sang frais sortant de la veine d'un cholérique à un 
chien et à deux poules sans provoquer d’accidents. Namias obtint également 
le même résultat sur deux lapins en agissant dans les mêmes conditions. 

Karl Schmidt, en 1850 (Caractéristique de l'épidémie cholérique au point de 
vue de sa ressemblance avec les maladies transsudatives, Dorpat, 1850), note 
que sur un chat mis à la diète depuis douze heures, il injecta dans la jugu- 
laire 43 grammes de sang défibriné d’un cholérique mort depuis vingt-quatre 
heuïes ; il n’obtint aucun résultat. Son travail renferme d’intéressantes 
données, conséquences de ses analyses des déjections cholériques. 

Renault (d’Alfort) a montré, en 1851 {Bullelins de l'Académie de médecine, 
séance du 40 mai 1851), que l'affection cholériforme des oiseaux et des 
lapins de basse-cour qui a régné en 4832 et en 1839, se transmettait à 
coup sûr par inoculation du sang, de la bile, des humeurs, de l’œil, etc. 
Mais elle ne se transmeltait pas par l’ingeslion gastrique de ces mêmes 
humeurs. | 

En second lieu, des expériences rigoureuses lui ont démontré que cette 
affection, dite aussi choléra des animaux, se transmet non pas seulement de 
volaille à volaille ou des oiseaux avec lapins et réciproquement, mais encore 
de l’une ou de l’autre de ces espèces à la chèvre, au cheval et au chien. 

Joseph Mayer (Essai d'infection par le sang et les déjections de cholériques, 
Berlin, 1852, in-8°, p. 28) a injecté sans résultat sur un gros chien du sang 
d’un cholérique vivant, 

Il cite le docteur Joy, de Varsovie (Ann. d’Omodei, t. LXXXV), comme ayant 
avalé sans résultat des déjections cholériques. Un ivrogne ayant bu la moitié 
d'une chope de ces matières n’a pas eu d’accidents. Au contraire, un chien 
ayant avalé les déjections de son maître atteint de choléra, mourut, et son 
intestin présentait les altérations qu’on observe chez l’homme. Héring, dans 
son Trailé de médecine vétérinaire, indique Otto comme ayant vu un cas sem- 
blable, Mayer à constaté lui-même un fait analogue dans lequel un chien est 


302 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


mort le lendemain, et Hertwig en a: fait l’autopsie. L’intestin contenait un 
liquide riziforme et était très-injecté; les plaques de Peyer. entourées de 
réseaux sanguins injectés. Le sang élait poisseux, noir, avec l’aspect du sang 
cholérique chez l’homme. 

Sur six chiens mis à la diète depuis dix à douze heures, il a vu que si l’on 
injecte dans l’estomac et l'intestin de 4 à 7 onces de déjections cholériques, 
il s'ensuit ou bien des vomissements de matières blanchâtres et filantes, et 
des selles tantôt noires, tantôt jaunes. Dans certains cas il n’y avait rien de 
plus, dans d’autres cas survenait la mort avec des symptômes asphyxiques, et 
l’autopsie montrait des lésions analogues à celles du choléra aigide. La rigi- 
dité etl’énergie des symptômes semblent en rapport avec la quantité de ma- 
tière injectée, aussi bien filtrée que non filtrée. 

Les matières ingérées, au-dessous du poids de 8 grammes, n’ont rien 
produit. Il semble donc à Mayer que les déjections renferment une matière 
toxique efficace, pour peu qu'elle soit ingérée en quantité suffisante. 

En 4854, M. Charceiay, s’efforçant de démontrer à la Société de méde- 
cine de Tours la possibilité de la contagion du choléra de l’homme aux ani- 
maux, rapportait qu'il a observé les faits suivants sur une poule nourrie 
avec une pâtée composée de pain et de matières cholériques rendues pendant 
la vie, ou prises dans l'intestin après la mort. L'animal, d'abord abattu, 
mourut après s’être refroidi, avoir eu la crête violacée, et rendu des liquides 
blanchâtres et gluants. | 

Lindsay, médecin de l’hôpital des cholériques, à Édimbourg, a fait le pre- 
mier, en 1854, des expériences suivies concernant l’action sur les chiens 
des déjections cholériques et des substances qu’elles laissent exhaler. 

Il a constaté d’abord qu’en nourrissant des chiens et des chats avec des 
évacuations intestinales et urinaires cholériques recueillies pendant la vie, 
avec le sang ou avec les viscères pris sur les cadavres de ceux qui ont suc- 
combé à cette affection, on produit uniquement des effets analogues à ceux 
que détermine l’absorption de matières animales putrides, c’est-à-dire des 
vomissements et de la diarrhée, mais pas de choléra. 

Lindsay fit alors d’autres expériences dans la supposition que ce n’étaient 
point ces matières ou d'autres, provenant de cholériques, qui produisaient 
l'infection, mais que c’étaient au contraire les exhalaisons auxquelles elles 
donnent naissance, qui étaient les agents vecteurs ou propres de la conta- 
gion. Il exposa, par conséquent, dans un endroit chaud, des animaux aux 
vapeurs de déjection et de sang de cholériques, et aux exhalaisons qui se dé- 
gageaient des vêtements qu’ils avaient portés, el qui avaient été imprégnés 
de leur sueur, Ces animaux avaient été soumis préalablement à l’influence de 
certaines conditions prédisposantes, nourriture avec des aliments peu nour- 
rissants, dans un air chaud, confiné, humide, avec accumulation de beau- 
coup d'animaux, sans enlever leurs évacuations. Dans ces circonstances, 
Lindsay a vu quatre chiens mourir d'accidents cholériques. 

En négligeant une partie des conditions précédentes, les animaux ne 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 303 


mourraient pas. Les quatre chiens devenus malades ont eu tous les sym- 
ptômes spécifiques du choléra. Les caractères de l’affection ont été vérifiés 
sur le vivant et sur le cadavre, avec l'assistance de vétérinaires expéri- 
mentés (1). 

Ces expériences de Lindsay furent faites sur quatre chiens et un chat. II 
enferma, le 24 octobre, un chien et un chat dans un espace obscur, humide, 
chaud et peu aéré ; le 4 novembre un chien; le 49 novembre deux chiens. 
Les premiers animaux enfermés ne furent nourris qu'avec des déjections et 
du sang de cholériques. Ce n’est que le 22 novembre, époque où ces ani- 
maux ne présentaient que des signes d'une irritation gastro-intestinale, 
causée par la nature des substances qu'ils avaient prises, que Lindsay fit 
étendre, dans l’espace que ces chiens occupaient, des linges de corps et de 
lit de cholériques. Jusqu'au 26 au soir, il n’y eut aucune modification chez ces 
animaux, mais le soir du même jour l’un des chiens éprouva de violents vo- 
missements, de la diarrhée et des crampes. Il tremblait de ‘tout le corps, 
courait hagard comme s’il éprouvait une grande angoisse, et il poussait par 
moments des cris de douleur. Le lendemain, Lindsay trouva ce chien mort, 
ayant les extrémités contractées ; il était complétement rigide, et sur le sol 
on voyait une masse spumeuse et muqueuse que l’animal avait vomie, 
ainsi qu'un liquide coloré en vert qu’il avait rendu par l'anus. Un second 
chien gisait dans un coin, apathique, immobile, insensible, plongé manifes- 
tement dans un épuisement extrême, il semblait près de mourir. Ce chien 
n'avait fourni que très-peu de déjections. Un troisième était étendu sur le sol, 
il était souillé par ses déjections verdâlres mélangées à son urine, ses yeux 
étaient entr’ouverts; lorsqu'il essayait de se lever, il tremblait considérable - 
ment et était manifestement très-affaihli. Quant au chat, il s’était placé sur 
une caisse, il paraissait faible et apathique, il ne cherchait aucunement à 
fuir ; il était aussi souillé par ses déjections. Enfin, tout le sol était sali par la 
matière des vomissements, les déjections intestinales et l’urine de ces animaux, 

Ceux qui vivaient encore furent retirés de cet endroit, et exposés pendant 
le jour à l’air libre ou.dans d’autres endroits. Le chat et le troisième chien 
vomirent encore et eurent plusieurs déjections pendant le jour ; le deuxième 
chien était dans un état de collapsus dans un coin du cellier, sans vomir ni 
avoir de déjections. Pendant la nuit, ces animaux furent de nouveau en- 
fermés. Le deuxième chien fut trouvé mort le matin et complétement rigide; 
le chat et le troisième chien s’étaient un peu rétablis. Les expériences furent 
continuées jusqu'au 417 décembre, de la même manière, sur les deux animaux 
survivants et sur d’autres chiens fraîchement arrivés, Ces expériences ne 
donnèrent pasde plus amples résultats, et la cessation de l'épidémie fit cesser 
également les expériences. 


(1) L. Lindsay, médecin à l'hôpital des cholériques d'Édimbourg, Transmission 
du choléra aux animaux. (Gazette hebdomadaire. Paris, 4854, in-A°, p. 939 et 
404%.) Voyez aussi les Recueils scientifiques publiés à Édimbourg, 1854, et Schmidts 
Jahrbücher, 1855, t. LXXXVIIT. 


304 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


L’autopsie des deux chiens qui avaient succombé, et communiquée en 
détail par l’auteur, montra l'existence de lésions si complétement semblables 
à celles que l'on voit sur les cholériques, que non-seulement Lindsay, mais 
plusieurs autres médecins qui assistaient à l’autopsie, et apportaient l’appui 
de leur grande expéri-nce en ces questions, ne purent faire autrement que 
de déclarer la mort de ces animaux comme déterminée par le choléra. 

La même année que Lindsay, c’est-à-dire en 1854, un savant d’Erlangen, 
alors à Munich, M. Thiersch a pris pour point de départ de ses expériences 
cette considération que les déjections ne sont point contagieuses par elles- 
mêmes, mais que le contagium s’y développe lorsqu'elles commencent à se 
décomposer, et que le contagium n'est pas lié à des produits volatils de dé- 
compo:ilion. 

11 fut conduit à faire ces essais par la discussion qu’il a faite du travail 
dans lequel Schmidt (Archives d'anatomie pathologique de Virchow) pensait 
avoir prouvé que les produits volatils des émanations cholériques ne propa- 
geaient pas le choléra. Cet auteur admettait que, pendant cette maladie, il se 
forme dans le sang un principe analogue à l’émulsine, et, comme elle, suscep- 
tible de dédoubler l’amygdaline. 

Après avoir examiné une série de faits concernant l’histoire de la trans- 
mission du choléra de l’homme à l’homme, il lui parut nécessaire d’expéri- 
menter avec de très-petites quantités de ces matières que l’on peut présumer 
être capables ainsi de pénétrer dans le corps de l’homme. Partant de cette 
supposition, Thiersch recueillit en partie des déjections riziformes, en partie 
le contenu des intestins de cholériques morts récemment, les mit dans un 
verre et abandonna ces matières à la décomposition, sous l'influence de l'air, 
à une température de 5° à 9° Réaumur. Chaque liquide avait été versé dans 
un verre distinct, et dans chacun d’eux, on trempa de vingt-quatre heures en 
vingt-quatre heures une bande de papier à filtrer large d’un pouce, après avoir 
convenablement agité le dépôt. Le papier ainsi humecté fut séché rapidement 
dans un courant d’air, et ainsi, pendant dix-huit jours, on obtint de chacun 
de ces verres des préparations qui correspondaient aux dix-huit jours de 
d‘composition du liquide contenu. Pour chacun de ses essais sur l'infection, 
Thiersch employa deux rats auxquels 1l donnait chaque jour, versle soir, un 
fragment d’un pouce carré de ces bandes de papier mêlé aux aliments ha- 
bituels, donnés en quantité suffisante, qu’il plaçait dans leur cage. Pendant 
quatre jours consécutifs il donnait la même préparation, et pendant quatre 
autres jours qui suivaient cette administration, il observait s'il se produisait 
quelque manifestation. La dose contagieuse adhérente au papier gris, et qui 
était donnée à chacun des deux rats, était d’environ 2 milligrammes, de 
sorte qu’il ne pouvait être question ici d’une alimentation avec des déjections 
cholériques. 

L'auteur s’est servi en tout, pour ses essais, de cinq produits pathologi- 
ques (1). Il essaya, pour ses deux premières séries d'expériences, les pro- 


(1) Les deux premières séries d'expériences furent faites avec le contenu aqueux, 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 305 


duits de décomposition de dix-huit jours consécutifs; dans sa troisième série 
d'expériences, il ne continua pas au delà du dixième jour, et dans sa qua- 
trième et sa cinquième série d'expériences, il dut cesser au neuvième et au 
septième jour. 

En somme, Thiersch a fait soixante-deux essais sur cent vingt-quatre 
animaux, mais parmi ces soixante-deux essais. sept furent sans effet par 
suite d’empêchements divers. 

Le résultat général de ces expériences est résumé par Thiersch dans les pro- 
positions suivantes : 

Dans les produits de décomposition du contenu intestinal pris sur des ca- 
davres ou des individus malades du choléra, il s’est formé, du deuxième au 
sixième jour, une substance d’une activité spécifique. 

Cette substance n’était pas volatile, elle provenait du résidu desséché du 
liquide. 

Cette substance, introduite en quantité extrêmement petite dans les voies 
digestives des animaux mis en expériences, produisit une maladie qui cor- 
respondait au choléra vu les déjections intestinales, les accès convulsifs des 
muscles. | 

Plusieurs fois on a pu constater avec certitude qu’un stade de latence ou 
d'incubation précédait l’apparition de la maladie. 

Lorsque la maladie amenait la mort, ce qu’on trouvait dans le canal intes- 
tinal ne pouvait alors se distinguer de ce que l’on trouve dans le canal intes- 
tinal de cadavres d'individus morts dans le stade d'asphyxie du choléra. 

Aprés un temps plus considérable de décomposition des matières du canal 
intestinal, on ne pouvait plus obtenir d’effets analogues avec les produits non 
volatils de décomposition. 

L’auteur fait remarquer que deux objections peuvent s’élever contre ses 
expériences et les conséquences qu’il en tire. La première serait que les 
animaux choisis pour ces expériences étaient trop petits pour en déduire une 
conclusion sur les phénomènes ayant lieu dans l’organisme humain, et quepar 
conséquent la maladie dont ils étaient morts n’était pas le choléra. A cette 
première objection, on peut répondre qu’elle n’a vraiment de signification 
que-si l’on entend par là qu’une substance nuisible qui rend malade et fait 
même mourir un animal de pelite taille ne peut exercer une action pareille 
sur l'organisme humain. 

Thiersch fait volontiers cette concession, mais il fait remarquer que pour ce 
même motif le temps d’incubation devait être proportionnellement plus court 
chez les animaux de petite taille, et que, d’un autre côté, les phénomènes 
morbides et la mortalité devraient être moins prononcés chez l’homme que 
chez les petits animaux; que ces derniers mouraient à un degré de la ma- 


inodore, floconneux de l'intestin grêle d’un cadavre de cholérique ; la troisième sérié 
avec le contenu du gros intestin ; la quatrième et la cinquième série avec les selles 
riziformes d’un malade atteint de choléra. 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. -— T. 1V (1867). 20 


306 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


ladie dont les animaux de grande taille et l'homme auraient pu se rétablir. 
A la seconde objection on peut répondre que, bien que dans le tableau de la 
maladie on ait observé plusieurs différences, néanmoins les manifestations 
essentielles pendant la vie et après la mort, et particulièrement l’infiltration 
finement grenue des cellules nerveuses, le contenu du canal intestinal, etc., 
ont correspondu complétement à ce qu’on a observé chez les cholériques et 
sur leurs cadavres. Par conséquent, Thiersch n'a pu hésiter à signaler comme 
choléra la maladie de ces animaux (1). 

Sans considérer ces expériences comme terminées, l’auteur les regarde 
pourtant comme le commencement d’une phase nouvelle dans les recherches 
étiologiques et pathogénétiques, non-seulement du choléra, mais encore des 
phénomènes morbides qui appartiennent surtout aux empoisonnements aigus 
du sang. 

Quelques doutes ont été émis sur la réalité des analogies admises par 
Thiersch entre le choléra et les symptômes offerts par les souris (Virchow 
et Picard, Sur l'étiologie du choléra; Gazette hebdomadaire, Paris, 4853, 
p. 698 et p. 223, 1856), mais sans contre-épreuve expérimentale de la part 
de ses contradicteurs. 

En sorte qu’il résulte, au résumé des expériences de Thiersch, que les 
déjections cholériques ont été sans action nuisible sur les animaux pendant 
trois à six jours après leur émission. Mais dans les jours suivants il s’est dé- 
veloppé un principe toxique, non volatil, restant dans le résidu de la dessic- 
cation des matières et dont une portion minime a produit sur les animaux une 
maladie présentant les symptômes caractéristiques du choléra. Ce principe a 
disparu dans les périodes ultérieures de la décomposition des déjections s’ac- 
complissant de + 5° à + 9° Réaumur (2). 

Ces résultats ont contribué à fixer l'opinion d’un grand nombre de prati- 
ciens en Allemagne sur le mode de propagation du choléra ; plusieurs méde- 
cins ont admis depuis que le choléra est une maladie indirectement conta- 
gieuse, pouvantse propager par infiltration des liquides infectants dans le sol 
et de là dans les eaux de source. Aussi l’attention est spécialement dirigée 
sar la désinfection immédiate des évacuations. 

Suivant Guttmann et Baginsky (Centralblalt, Berlin, 4866, p. 690, in-8c), 
l'injection sous la peau des déjections fraîches ou anciennes, filtrées ou non 
filtrées, agit d’une manière toxique. (La même quantité ingérée dans l’esto- 
mac ne produit rien.) À l’autopsie on ne trouve pas de lésion expliquant la 
mort. Les animaux ne meurent pas avec les symptômes du choléra, mais par 
un empoisonnement du sang. 


(1) Carl Thiersch, Infectionsversuche an Thieren mit dem Inhalte des Cholera- 
darmes. München 1856, in-8, p.1-118, et Schmidl’s Jahrbücher,1855,t. LXXX VIII. 

(2) Thiersch, Sur les principes loxiques qui peuvent exisler dans les déjections 
cholériques (Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences. Paris, 14866, 
in-4, t, LXIII, p. 992). 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 307 


M. Baudrimont a constaté que la liqueur des déjections cholériques filtrée 
jouit de la propriété caractéristique de la diastase : elle fluidifie immédiate: 
ment l’empois d’amidon et le rend limpide. 

Cette liqueur ne coagule pas immédiatement le lait à froid et ne l'empêche 


pas de se coaguler sous l'influence du temps, comme cela a lieu ordinaire- 
ment. Elle ne produit rien de remarquable dans les autres matières et n’en 


détermine nullement la putréfaction. 

Le mucus, retenant un peu de la partie soluble des déjections, jouit de la 
propriété de la diastase, mais à un très-faible degré. Il coagule fortement le 
lait. 

Les déjections filtrées, mais ayant éprouvé un commencement de putréfac- 
tion, ne jouissent plus des propriétés de la diastase. 

L’albumine du sang existe donc dans les déjections des cholériques, mais elle 
y est modifiée et à l'état de diastase, L 

Dans la crainte que la réaction opérée avec l’empois d’amidon ne puisse 
être due à une autre cause que la présence de ja diastase, dont l’analyse 
permet de supposer l'existence dans les déjections des cholériques, l’auteur 
a mis au contact de l’empois d’amidon les carbonates et bi-carbonates, phos- 
phates, sulfates et chlorures potassique et sodique, Aucun d’eux n’a pu le 
fluidifier. 

Il importait beaucoup, pour l'étiologie de la maladie, de savoir si l’altéra- 
tion de l’albumine avait lieu après son extravasation, ou si elle s'était produite 
dans les vaisseaux mêmes qui recèlent le sang. L'expérience a montré que le 
sang des cholériques jouit de la propriété de la diastase, comme les déjections 
filtrées. 

Enfin, il fallait savoir si cet état du sang était normal. 

Le sang d’un homme atteint d'une simple congestion cérébrale et celui 
d’une femme n’ayant d'autre affection qu’une bronchite furent soumis à l’ex- 
périence, et il fut démontré qu'ils ne jouissent nullement de la propriété de 
la diastase. 

À tous les désordres observés chez les individus atteints du choléra épidé- 
mique, il faut donc ajouter l'altération de l’albumine du sang et sa transfor- 
mation en diastase, matière albuminoïde différente de l’albumine du sang et 
qui existe dans l’orge germée où elle transforme la fécule de ce fruit d’abord 
en dextrine, puis en sucre. 

Dans le choléra, le sang éprouve une perte considérable d’eau, d’albumine 
et de différents sels. Les autres principes ont perdu la propriété de se réunir 
sous forme de caillot. 

L’albumine est transformée en diastase, jouissant de la propriété de fluidi- 


fier l’empois d’amidon. Enfin cette diastase se retrouve dans les déjec- 
tions (1). 


(1) Baudrimont, Recherches expérimentales el observations sur le choléra épidé- 
mique. Paris, 1866, in-8, p. 21. pra 


308 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Les recherches les plus récentes de l’ordre de celles qui sont rassemblées 
dans cette note sont celles dont MM. Legros et Goujon ont publié le résumé 
dans ce recueil (année 1866, page 584) et dans CH. RoBiN, Leçons sur la 
substance organisée et ses allérations. Paris, 1866, in-12, p. 52 à 58. 


Essai sur la détermination des nerfs qui président aux mouve- 
ments de l'œæsophage, par le docteur F. Jouyer. Thèse. Paris, 
1866, in-h (extrait par M. Cu. Romix). 


Dans la première partie de son travail, l’auteur expose les données sui- 
vantes sur l’anatomie de l’œsophage : 

La membrane musculaire de l’œsophage, dit-il, présente deux plans de 
fibres plus ou moins distincts : un plan extérieur formé de fibres longitudi- 
pales, et un plan intérieur composé de fibres annulaires. 

Dans la constitution de ces deux couches entrent des fibres musculaires 
striées et des fibres musculaires lisses, dont le rapport varie suivant le point 
où on les examine, et aussi suivant les espèces animales. 

Aïnsi, chez l’horame, sur le tiers supérieur de l’œsophage, ces muscles 
sont de la nature des mucles striés. Plus bas, des fibres lisses s'ajoutent aux. 
fibres striées, et cela d’abord dans la couche annulaire, puis dans la couche 
longitudinale. Ces fibres lisses deviennent de plus en plus nombreuses vers 
l'estomac, de sorte que, dans le quart inférieur de l’&œsophage, elles l’em- 
portent de beaucoup sur les fibres striées, et constituent même à elles seules 
la couche annulaire. 11 est cependant possible de retrouver encore des fibres 
striées, principalement sur les parties latérales de la couche superficielle de 
l’œsophage jusqu’au voisinage du cardia. 

La tunique musculeuse de l’œsophage se compose uniquement souvent de 
muscles striés. Dans un grand nombre de mammifères {souris, lapin, castor, 
chauve-souris, taupe, chien), la musculature œsophagienne est striée jus- 
qu’au cardia. Chez le chien même et le castor, ces faisceaux striés vont au 
delà du cardia jusqu’à une certaine distance sur l’estomac, où ils se perdent 
en se dissociant. De plus, chez la plupart des animaux, tout à fait à la partie 
inférieure de l’œsophage, on rencontre un assez grand nombre de fibres 
lisses formant comme une sorte de sphincter à ce niveau. 

Chez le chat, le cheval et d’autres mammifères, les muscles striés n'occu- 
pent, comme chez l’homme, que la partie supérieure de l’œsopbage. 

Dans les poissons, la musculature paraît être généralement striée. 

Contrairement à ce qui a lieu dans les mammifères et les poissons, la 
membrane musculeuse de l'œsophage a été reconnue De de fibres lisses 
dans tous les oiseaux et les reptiles. 


{ ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 309 


Nous venons de voir, ajoute-t-il, quelle est la structure de la tunique mus- 
culeuse de l’œsophage, faisons connaître maintenant les nerfs qui s’y distri- 
buent. Ici encore nous n’insisterons que sur les points qui sont plus direc- 
tement en rapport avec l’objet de nos recherches. 

Lorsqu'on examine les nerfs qui naissent du bulbe rachidien, on voit sur 
une même ligne, ligne qui représente le prolongement du sillon collatéral 
postérieur de la moelle, une série de filets radiculaires placés les uns au-des- 
sus des autres ; cesfilets sont les origines des nerfs glosso-pharyngien, pneumo- 
gastrique et spinal. Ces filets radiculaires superposés sont si rapprochés, qu'il 
est difficile de délimiter tout d'abord l’ensemble des filets d’origine constituant 
chacun des nerfs que nous venons de nommer. Il n’y a pas, en effet, de ligne 
de démarcation bien nette entre les filets supérieurs du pneumogastrique, 
et les filets inférieurs du glosso-pharyngien. Les filets inférieurs du pneumo- 
gastrique ne sont pas plus nettement séparés des filets supérieurs du 
spinal. 

Il est cependant très-important de savoir au juste à quelle origine on a 
affaire, afin que, lorsqu'on viendra, par exemple, à irriter dans le crâne les 
filets originaires du pneumogastrique pour déterminer les fonctions de ce nerf, 
on n’aille pas irriter en même temps les origines du glosso-pharyngien ou 
celles du spinal. De pareilles expériences seraient, on le voit, entachées d’er- 
reur, et feraient attribuer à un nerf des propriétés qui ne lui appartiendraient 
pas. 

Ainsi donc, dit M. Jolyet, il est indispensable de bien connaître les origines 
de chacun de ces nerfs avant d'entreprendre des expériences pour déterminer 
leurs fonctions. 

Les filets nerveux que nous avons vu prendre naissance sur le bulbe ra- 
chidien se divisent ainsi : 

Les cinq ou six filets les plus supérieurs se réunissent entre eux et vont 
ormer le tronc du glosso-pharyngien. Un petit intervalle sépare ces racines 
de celles qui sont au-dessous ; celles-ci, en nombre plus considérable que les 
premières, forment, en se réunissant, le tronc du pneumogastrique. Enfin, 
les quatre ou cinq filets bulbaires les plus inférieurs sont séparés du pneumo- 
gastrique par une petite artère, et conslituent le nerf spinal (branche in- 
terne). C’est au-dessous des racines bulbaires du spinal que naissent les filets 
médullaires de ce nerf, et, suivant les animaux, on peut remarquer qu'ils 
tirent leur origine dans une étendue plus ou moins grande de la moelle cer- 
vicale, et même de la moelle dorsale. 

Il importe de bien distinguer, comme l’a fait Bendz, la portion cervicale 
du spinal de la portion bulbaire, car celle-ci affecte des rapports intimes avec 
le pneumogastrique, et c’est elle seule aussi qui nous intéresse, 

Cette portion médullaire du spinal, accolée d’abord à la branche interne 
pendant un certain trajet, s’en sépare ensuite complétement pour aller se 
distribuëer au trapèze et au sterno-mastoïdien chez l’homme, et aux muscles 
de l'épaule chez les animaux (lapin, chien, chat, cheval). 


310 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Au-dessus des filets originaires du glosso-pharyngien, se voient ceux du 
facial, qui, unis aux filets du nerf auditif, gagnent bientôt le trou auditif in - 
terne, où ils s'engagent, 

C'est en considérant avec attention la manière dont tous ces filets conver- 
gent les uns vers les autres, que l’on arrive anatomiquement à les bien déli- 
miter, et à reconnaître l’ensemble des filets qui constituent chacun de ces 
nerfs. 

Une fois constitués en troncs, les nerfs glosso-pharyngien, pneumogas- 
trique et spinal se rendent dans le trou déchiré postérieur. Les deux premiers 
de ces nerfs présentent, dans le trou déchiré, un renflement ganglionnaire. Au 
glosso-pharyngien correspond le ganglion d’Andersch, au pneumogastrique 
appartient le ganglion d’Ehrenritter. C’est de la présence de ces deux renfle- 
ments, qu’on a comparés aux ganglions intervertébraux des racines posté- 
rieures, que certains physiologistes ont voulu inférer que les portions gan- 
glionnaires de ces deux nerfs étaient exclusivement sensitives. Plus bas, le 
preumogastrique, au sortir du trou déchiré postérieur, offre un renflement 
beaucoup plus considérable que le premier, le plexus gangliforme. C’est au 
niveau de ce renflement que le pneumogastrique va contracter plusieurs anas- 
tomoses, et devenir un nerf très-complexe. En effet, il reçoit, à partir de ce 
point, son anastomose la plus importante, la branche interne du spinal, qui se 
jette dans ce nerf par un ou plusieurs filets, la branche externe du spinal se 
séparant tout entière de la branche anastomotique interne pour aller se ter- 
miner, comme nous l’avons déjà indiqué, dans les muscles sterno-mastoïdien 
et trapèze. | 

Il est difficile de poursuivre longtemps, sur le tronc du vague, les filets 
émanés de la branche interne du spinal. Cependant M. CI. Bernard les aurait 
suivis jusque dans le ramean pharyngien, et Bendz jusque dans le récurrent. 
D’après Vrolik, la séparation de ces deux nerfs serait complète chez le chim- 
panzé : le nerf spinal (branche interne) irait directement et isolément au 
larynx, sans s’unir au vague. 

Une autre anastomose, très-importante aussi, est celle que le pneumogas- 
trique reçoit du facial. 

Ce rameau anastomotique, connu sous le nom de rameau auriculaire d’Ar- 
nold, ou rameau de la fosse jugulaire, sort du crâne par laqueduc de 
Fallone, pénètre dans la fosse jugulaire, logé dans une espèce de canal qui 
le conduit au pneumogastrique, où il se jette. Nous verrons plus loin l'impor- 
tance de ce rameau et la part qui lui revient dans les mouvements de l’œso- 
phage. 

Le plexus gangliforme du pneumogastrique reçoit aussi une anastomose 
du glosso-pharyngien, partant du ganglion d’Andersch ; mais, le plus souvent, 
l’anastomiose de ces deux nerfs se fait par l'intermédiaire du nerf pharyngien, 
qui se trouve formé alors par un rameau du glosso-pharyngien et par un 
rameau du vague et du spinal réunis, 

Au moment où l’hypoglosse croise le pneumogastrique, ces deux nerfs con- 


tractent encore une anastomose entre eux. . 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 311 


D'autres filets, partis de l’anse nerveuse formée par les branches antérieu- 
res des premières et deuxièmes paires cervicales, viennent aussi se jeter dans 
le pneumogastrique. 

Enfin le plexus gangliforme et le ganglion cervical supérieur du grand sym- 
pathique, qui sont accolés l’un à l’autre, s’anastomosent entre eux par un 
nombre plus ou moins grand de filets. Chez certains animaux même, chez les 
oiseaux par exemple, l'union du »lexus gangliforme et du ganglion cervical 
supérieur est tellement intime qu'il y a pour ainsi dire fusion entre eux. 

Mais ce ne sont pas encore là toutes les anastomoses que contracte le pneu- 
mogastrique, comme nous allons le voir. 

Le ganglion cervical supérieur du grand sympathique s’anastomose avec 
les quatre premières paires cervicales, et les ganglions cervicaux moyen et 
inférieur avec les quatre dernières ; d’autre part, les ganglions thoraciques 
du grand sympathique reçoivent des filets anastomotiques des cinq ou six 
premières paires dorsales. Or, comme de tous ces ganglions du grand sym- 
pathique partent des filets qui vont se jeter dans le pneumogastrique, il s’en- 
suit que ce nerf emprunte des filets moteurs aux branches antérieures des 
paires cervicales et dorsales supérieures ; filets qu’on peut appeler indirects 
avec M. Longet, en ce sens qu'ils n'arrivent au tronc du vague qu'après avoir 
traversé les ganglions sympathiques correspondants. 

Ajoutons enfin que chez certains animaux même, chez le chien, par exem- 
ple, le cordon cervical du grand sympathique et le nerf pneumogastrique 
sont unis d’une façon tellement intime, qu’il est tout à fait impossible de les 
séparer. 

C’est le nerf vague ainsi constitué, d’un côté par les filets originaires qui 
ont traversé le ganglion d'Ehrenritter, et d’un autre côté par les filets d’em- 
prunt émanés des sources nombreuses que nous venons d'indiquer, qui va 
aller se terminer dans le pharynx, l’œsophage, l’estomac, etc. 

Nous voyons en effet le nerf pneumogastrique fournir, par l'intermédiaire 
du plexus pharyngien, des filets au pharyox et à la partie supérieure de l’œso- 
phage, puis d’autres filets par l'intermédiaire des récurrents, et enfin des ra- 
meaux œsophagiens directs qui s’en détachent pendant son parcours. 

* Mais si, d'un côté, l'anatomie nous apprend que tous les nerfs de l’œso- 
phage viennent du nerf vague, si, d’un autre côté, elle nous montre quels 
sont les nerfs qui concourent à sa formation, elle n’en est cependant pas 
moins impuissante à nous dire si ce sont les filets originaires propres du 
pneumogastrique, ou bien les filets anastomotiques qu'il s’adjoint, qui vont 
se terminer dans la tunique musculeuse de l'œsophage, pour présider à ses 
mouvements. 

Î n fau lrait pas cependant conclure de là que les notions anatomiques 
que nous ‘enons de rappeler sont sup rflues pour la solution d' ce ,rohèe 
L'anatonie, en no’s f isa t connaître la consututiou du nerf vague, NOUS 
indique li marche à suivre dans cette recherche, e nous fait conncitre les 
neifs sur lesquels doit porter l'expérimentat.on. 


312 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Dans la deuxième partie de sa thèse, M. Jolyet passe en revue les princi- 
pales epinions émises sur les fonctions des nerfs spinal et pneumogastrique. 

On peut ranger, dit-il, ces opinions sous deux grands chefs. Dans la pre- 
mière opinion, qu'on peut appeler la théorie de Bischoff, on regarde le pneu- 
mogastrique comme un nerf exclusivement sensitif à son origine, et l’on 
attribue son influence motrice à ses anastomoses, principalement à celle qui 
lui vient du spinal, qu’on considère comme sa racine antérieure. Dans l’au- 
tre opinion, au contraire, le pneumogastrique est considéré comme un nerf 
mixte, ayant, dès son origine, une influence motrice propre et indépendante 
de celle qui lui serait apportée par le spinal ou par d’autres nerfs. 

La troisième partie contient l’exposé des expériences physiologiques de 
l’auteur. 

Le problème de la détermination des nerfs moteurs œsophagiens, dit 
M. Jolyet, revient tout entier à la physiologie expérimentale, qui seule peut 
le (rancher. 

Ce problème peut être ainsi posé : étant connus tous les nerfs qui concou- 
rent à la formation du pneumogastrique, quelle est la part qui revient à cha- 
cun d’eux dans les mouvements de l’œsophage ? 

Pour arriver à la connaissance des fonctions d’un nerf, deux procédés sont 
mis en usage : l’un, qui consiste à opérer la section du nerf et à voir ensuite 
laquelle des facultés motrice ou sensitive est abolie ; l’autre, qui a pour but 
de restituer au nerf son influence par certains excitants, et de provoquer 
ainsi la mise en action des organes auxquels 1l se distribue. 

Ces deux procédés ne sont pas toujours également applicables. En effet, 
pour pouvoir suivre les phénomènes qui sont la conséquence de la destruction 
d’un nerf, il est de toute nécessité que les animaux survivent à l'opération. Or, 
certains nerfs sont tellement inaccessibles, que la mort est la conséquence 
inévitable des mutilations qu'il faut faire pour arriver jusqu’à eux. Le second 
procédé, au contraire, est d’un usage général et toujours applicable, puis- 
qu’il suffit de porter les excitants sur les nerfs, chez des animaux récemment 
mis à mort, et avant que. ces nerfs aient perdu leur excitabilité. 

C’est à ce procédé que le plus souvent nous serons obligé d’avoir recours. 

Pour arriver à la détermination des nerfs qui régissent les mouvements de 
l’œsophage, il faudra donc aller exciter les nerfs facial, glosso-pharyngien, 
pneumogastrique, spinal, qui concourent à la formation du pneumogastrique, 
alors que ces nerfs sont encore purs de tout mélange, c’est-à-dire à leur 
naissance au bulbe, et observer les effets produits sur l'œsophage. 

Il nous faut maintenant indiquer le mode opératoire employé pour pré- 
venir deux objections qu’on pourrait nous faire : celles des actions réflexes et 
celles des courants dérivés. À 

L’excitation d’un nerf moteur ne produit pas seule la contraction des mus- 
cles auxquels il se distribue. L’excitation du nerf sensitif, dans certaines con- 
ditions, peut provoquer des contractions dans les mêmes parties. Il suffit pour 
cela que les centres nerveux aient conservé leurs propriétés : l’excitation 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 313 


agit alors par action réflexe. Il fallait donc se mettre en garde contre cette 
cause d'erreur. C’est pour cela que, dans toutes les expériences que nous 
allons rapporter, toujours les nerfs ont été excités après qu'on les avait sé- 
parés des centres nerveux. Dans ces conditions, les nerfs moteurs seuls, on 
le sait, ont la propriété de répondre aux excitations portées sur leur bout 
périphérique. 

Parmi les excitants qu’on peut employer pour arriver à la connaissance 
des fonctions d’un nerf, les excitants galvaniques et les excitants mécaniques 
sont les plus usités. Est-il indifférent d'employer l’un ou l’autre de ces exci- 
tants ? 

Quand, dans certaines conditions, on applique un courant sur un nerf, 
non-seulement l’état électrotonique de la fibre nerveuse sur laquelle on agit 
est modifié, mais de proche en proche aussi celui des autres fibres du nerf ; 
de telle sorte que, non-seulement la fibre excitée fera naître une contraction, 
mais encore les autres fibres du nerf feront contracter les muscles auxquels 
elles se distribuent. jÿ 

Si donc, le courant est appliqué sur un nerf sensitif qui s’adjoint des fibres 
motrices, il pourra réagir sur celles-ci, produire une contraction des muscles 
auxquels elles se distribuent, et introduire ainsi une cause d'erreur dans les 
résultats. C'est pour éviter l’objection qu’on pourrait nous faire de ces cou- 
rants dérivés, que les excitations mécaniques ont été préférées aux excitants 
galvaniques. Si, en effet, d’excitation mécanique d’un nerf, le pincement, par 
exemple, produit une contraction musculaire, c’est que le nerf excité anime 
bien réellement les muscles qui entrent en contraction. 

Voici comment il a été procédé dans la première série des expériences que 
nous allons rapporter. 

On saigne l’animal à mettre en expérience par l'ouverture d’une ou de 
plusieurs grosses artères, des carotides, par exemple, Quand le sang ne 
coule plus, que l’animal est affaibli, au point que sa mort devient imminente 
dans quelques instants, on met à nu complétement le crâne en incisant la 
peau et les masses musculaires temporales. Si l'animal a été suffisamment 
saigné, pas une goutte de sang ne s'écoule. Puis, on enlève, par un rapide 
trait de scie, la calotte du crâne, et du même coup, la partie supérieure du 
cerveau et la plus grande partie du cervelet. 

Dans un autre temps de l’opération, on ouvre la cavité abdominale sur la 
ligne médiane et la cage thoracique, en enlevant le plastron formé par le 
sternum et les cartilages costaux. 

Alors on isole l’œsophage dans toute son étendue, depuis le pharynx jus- 
qu’à l’estomac. Ces deux temps de l’opération doivent être faits aussi rapide- 
ment que possible, afin que les nerfs n’aient pas le temps de perdre leur 
excitabilité. 

L'expérience commence alors. On enlève la base des hémisphères céré- 
braux, on soulève la protubérance, et l’on arrive ainsi à voir les différents 
nerfs qui naissent du bulbe. L’expérimentateur excite successivement les 


31/ ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 


filets originaires qui constituent chacun de ces nerfs, tandis qu'un aide ob- 
serve l'effet produit sur l’œsophage ou ailleurs, 

Analysant ces expériences, l’auteur note qu’un premier fait bien certain et 
sur lequel il est inutile d’insister, c’est que l'excitation des nerfs olfactifs, 
optiques, oculo-moteurs, ne produit rien sur l'œsophage, non plus que l’exci- 
tation du nerf trijjumeau (grosse et petite racine) : l'anatomie, en nous faisant 
connaître la distribution précise de ces nerfs, devait nous faire prévoir ces 
résultats. 

Facial. — Avant les expériences de M. Vulpian qu'il rapporte, on ne con- 
naissait de l’action du facial que son action sur les muscles de la face, et 
celle sur les muscles du voile du palais, par l’entremise du grand nerf pétreux 
superficiel et du ganglion sphéno-palatin (Longet). Quant à l’anastomose qui 
unit le facial au pneumogastrique (rameau de la fosse jugulaire), on en 
ignorait complétement le rôle, et c'était par une simple hypothèse qu’on la 
faisait aller au larynx. Quelques anatomistes et physiologistes pensaient même 
que cette anastomose provenait du pneumogastrique, et allait de ce nerf au 
facial. 

Les expériences de M. Vulpian nous font connaître le rôle de cette anas- 
tomose. 

Les effets du pincement du facial dans une des expériences principalement, 
et cela à cinq ou six reprises différentes pour chaque nerf, ont été aussi nets 
que possible. À chaque pincement du facial, il y a ea une contraction brusque 
et forte dans la portion cervicale et thoracique supérieure de l’œsophage,J'exa- 
minais moi-même, dit M. Jolyet, cette partie, et J'ai constaté que les contrac- 
tions de l’œsophage et du pharynx coïncidaient exactement avec chaque pin- 
cement du facial qu'annonçait M. Vulpian. li y a eu doute pour savoir si la 
contraction se propageait à la portion inférieure du conduit. De la constatation 
des résultats fournis par les expériences LIT et IV, et de celui fourni par l’ex- 
périence V, dans lesquels on voit que la portion inférieure de l’œsophage 
ne répond pas à l'excitation du facial, M. Jolyet est porté à penser que ce 
nerf borne son action à la portion cervicale et thoracique supérieure de ce 
conduit. 

Je fais remarquer, ajoute-t-il, que c’est par le pincement du nerf que 
ces résullats ont été obtenus : quand, dans ces conditions, une contraction 
se produit, c’est que bien réellement le nerf excité en est la cause, Ii insiste 
sur ce résultat, parce qu'il est nouveau et en désaccord avec ceux obtenus 
par M. Chauveau. Il pense donc qu’on peut conclure que, chez le chien au 
moins, pour ne rien préjuger de ce qui pourrait avoir lieu chez d’autres ani- 
maux, l'anastomose qui unit le facial au pneumogastrique va bien réellement, 
au moins en partie, du premier au second de ces nerfs, et qu’elle a sa part 
d'influence sur les mouvements du pharynx et de la moitié supérieure de 
l'æsophage. 

Glosso pharyngien. — ci la difficulté est plus grande. Les filets originaires 
de ce nerf sont si voisins des fiiels supérieurs du pneumogastiique, et en 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 315 


sont si peu distincts, qu'il n’est pas toujours facile de les exciter isolément. 
Cependant, en bornant avec soin l'irritation aux filets les plus supérieurs, on 
peut être sûr de n’agir que sur le glosso-pharyngien. Dans les expériences II 
et II, où l'excitation du nerf a été faite dans ces conditions, l'effet produit a 
été une contraction brusque de tout l’œsophage et du pharynx. La difficulté 
n'existe que pour savoir si cette action du glosso-pharyngien sur l’œsophage 
est une action directe ou une action réflexe. 

Le résultat très-net de l’expérience IT, où l'excitation du bout central 
seul, après la section du nerf, a produit la contraction de l’œsophage, lui fait 
penser que les mouvements produits dans ce cas sont plutôt des mouvements 
dus à une action réflexe que des mouvements directs. Si, dans les expérien- 
ces I et IV, les résultats ont été négatifs, cela a tenu sans doute à ce que le 
bulbe, ne recevant plus de sang depuis quelque temps, avait perdu ses pro- 
priétés de centre réflexe C'est à la même sause peut-être, pense‘t-il, qu’il faut 
attribuer les résultats pareillement négatifs des expériences de M. Chauveau. 

Pneumogastrique. — Les expériences [ et Il prouvent l’action motrice des 
filets originaires du pneumogastrique. L'expérience IT surtout est aussi 
concluante que possible. Elle montre, en effet, que les racines propres du 
preumogastrique (l'excitation ayant été bornée parfaitement à elles), celles 
qui traversent le ganglion d’Ehrenritter, et qui, par les partisans de l’opinion 
de Bischoff, sont regardées comme exclusivement sensitives, ont, au con- 
t'aire, une double action, une action motrice propre, centrifuge, et une 
action indirecte ou réflexe. Toujours l'excitation du bout périphérique du 
pneumogastrique dans le crâne a provoqué des contractions énergiques du 
pharynx et de l’œsophage dans toute son étendue. 

Je fais ici, dit M. Jolyet, la même remarque que j’ai faite au sujet du facial, 
à savoir que l'excitation a été faite par le pincement seul du nerf, et non par 
sa galvanisation. Ces expériences échappent donc au principal argument des 
partisans de la sensitivité du vague, que les contractions qu’on obtient dans 
l’œsophage à la suite de l’excitation du pneumogastrique dans le crâne sont 
dues à des courants dérivés sur les filets supérieurs du spinal, Quand dans ces 
conditions (pincement de nerf), je le répète, un mouvement se produit, il est 
bién la conséquence de l'excitation du nerf, Ces résultats sont entièrement 
d'accord avec ceux obtenus par M. Chauveau. Ainsi, on peut conclure que, 
chez le chien, le nerf pneumogastrique est un nerf mixte dès son origine, et 
qu’il exerce sur l’œsophage une double action, une action directe par ses 
fibres centrifuges, et une action indirecte par ses fibres centripètes. 

Spinal. — La difficulté rencontrée pour distinguer les filets originaires 
du pneumogastrique et du glosso-pharyngien est plus grande encore, quand 
il s’agit de séparer les racines bulbaires supérieures du spinal des infé- 
rieures du pneumogastrique. Ces racines, comme nous l'avons vu en effet, 
sont implantées sur la même ligne, et sans limite bien nette qui les sépare. 
C'est à cette cause qr’est dû l'embarras dans lequel on se tronve, quand il 
s’agit de se prononcer sur les fonctions de ce nerf, relativement à l'æœsophaze. 


315 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Toutefois, de l’analyse des résultats fournis par les expériences précéden- 
tes, on peut dire que si le spinal possède une action motrice sur l’œsophage, 
la partie de ce nerf qui possède cette action doit être très-limitée et n’appar- 
tenir qu'aux filets les plus supérieurs et les plus voisins du pneumogastrique. 
Ce qui est certain, c’est que celte action n’appartient pas aux filets bulbaires 
les plus inférieurs du spinal, puisqu’après l’arrachement des racines propres 
du pneumogastrique ét des racines les plus supérieures du spinal, le pince- 
ment des racines les plus inférieures de ce nerf ne produit plus aucun mou- 
vement sur l’œsophage. Ce n’est que lorsqu'on vient à pincer les filets 
médullaires supérieurs du spinal qu’on produit un mouvement dans l'épaule 
seule. 

On voit combien cette opinion est éloignée de celle des physiologistes 
qui prétendent que si le pneumogastrique a une influence motrice sur l'œso- 
phage, elle est due entièrement au spinal. C’estla proposition inverse qui est 
vraie : l'action motrice du pneumogastrique sur l'œsophage est certaine, la 
difiiculté est de savoir si cette mêine action doit ètre accordée au spinal. 

Cordon ou racine externe du sipnal. — Son action se borne exclusivement 
aux muscles de l’épaule, jamais son excitation ne produit de mouvements 
dans l’æsophage : ce résultat est d'accord avec la distribution anatomique de 
ce nerf. 

L’hypoglosse que ce nerf envoie au pneumogastrique ne concourt pas à la 
formation des nerfs moteurs de l’œsophage. 

Nerfs cervicaux. -— On a dit que les anastomoses que ces nerfs envoient 
au pneumogastrique avaient leur part d'action sur les mouvements de l’œso- 
phage. Les résultats fournis par les expériences IT et III montrent que ce n'est 
pas à ces nerfs que le pneumogastrique emprunte l'influence qu'il exerce sur 
l'œsophage. 

Le pincement du ganglion cervical supérieur, dans l’espérience IV, n’a 
produit aucun mouvement dans l'œsophage. 

Grand sympathique.— J’ai galvanisé plusieurs fois, dit M. Jolyet, le cordon 
cervical du grand sympathique chez des chats, sans avoir jamais vu survenir 
les moindres contractions dans l'œsophage. 

- Jl fait remarquer que toutes les expériences qui précèdent ont été 
faites sur des chiens, et il réserve exclusivement à cet animal les conclu- 
sions auxquelles il vient d'arriver, pour ne rien préjuger de ce qui pourrait 
avoir lieu chez d'autres animaux. 

Une deuxième série d’expériences comprend celles qui ont été faites d’a- 
près la méthode de M. Waller (1). Elles confirment entre autre choses que la 
différence des contractions qu’on observe dans ces deux cas tient aux muscles 
eux-mêmes, et non pas aux nerfs. On peut, du reste, en avoir la preuve 
directe : qu’on applique, en effet, le courant sur un muscle strié ; la contraction 


(1) Nouvelle méthode analomique pour l'invesligation du système nerveux. 
Bonn, 4852, et Philipeau et Vulpian (Soc. de biol., 1859). 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 317 


suscitée est brusque et instantanée, et naît avec l'irritation elle-même; la 
contraction, au contraire, produite par l’application directe des pôles de la 
pile sur les muscles lisses, est vermiculaire, lente à se produire et à dispa- 
raître. Les faits qu’on a invoqués n’autorisent donc pas à dire : que la vitesse 
de propagation des irritations est différente, et se fait moins vite dans les 
nerfs du grand sympathique que dans les nerfs cérébro-rachidiens. 

Toutes les fibres nerveuses quelles qu’elles soient, qu'elles fassent partie 
des nerfs de la vie animale ou de ceux de la vie végétative, doivent être con- 
sidérées comme douées des mêmes propriétés physiologiques ; si elles diffè- 
rent, c’est par leurs connexions centrales et périphériques. 

La troisième série d'expériences comprend celles qui ont été faites à l’aide 
au curare. 

On sait que chez les animaux empoisonnés par le curare et chez lesquels 
on entretient la respiration artificiellement, les nerfs perdent, gu bout d’un 
certain temps, la propriété de transmettre aux muscles l'excitation qu'on 
porte sur eux, Mais on sait aussi, les expériences de M. Vulpian l’ont bien 
démontré, que certains nerfs conservent indéfiniment leur propriété d'agir 
sur les muscles. Aïnsi, le pneumogastrique conserve son action d’arrêt du 
cœur lorsqu'on le galvanise : il en est de même des nerfs du grand sympa- 
thique, qui conservent jusqu’à la fin aussi leur action. 

Il était intéressant de savoir si le pneumogastrique, qui a conservé sa pro 
priété d'arrêter le cœur, a conservé sa propriété d’agir sur l’œsophage après 
l'empoisonnement, 

On voit, d’après les expériences dues à M. Vulpian, qu’un même nerf, le 
pneumogastrique, peut être paralysé dans ses filets qui vont à certains orga- 
nes (œsophage, pharynx), tandis qu’il conserve son action sur d’autres (cœur, 
estomac) : il perd son action sur les muscles striés, il la conserve sur les 
muscles lisses. 

Après l’empoisonnement, la galvanisation du pneumogastrique, chez le 
chien, provoque des contractions dans l’estomac, elle n’en produit plus dans 
l'œsophage. Chez le chat etle lapin, au contraire, le pneumogastrique a con- 
servé la propriété, non-seulement de mettre en jeu la contractilité de l’esto- 
mac, mais encore celle d’agir sur la portion inférieure de l’œæsophage. Or, 
chez le chien les muscles de l’œsophage sont striés et leurs mouvements 
brusques, tandis que les muscles de la portion inférieure de l’œsophage chez 
le chat et le lapin, et ceux de l’estomac chez tous ces animaux, sont lisses et 
leurs mouvements lents et vermiculaires. 

M. Jolyet attire en terminant l’attention sur quelques points de la physio- 
logie des mouvements de l’œsophage qui ressortent de ses expériences et 
montre comment ces mouvements sont en rapport avec la structure muscu- 
laire de l’œsophage. 

On considère habituellement les mouvements de l’œsophage comme ren- 
trant dans la classe des mouvements organiques. Nous avons vu, dit-il, dans 
les expériences sur les chiens qu’il n’en est point ainsi; chez cet animal, les 


318 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


mouvements qui se produisent dans l’œsophage sont en tous points analogues 
à ceux des muscles de la vie animale, et cela non-seulement dans la partie 
supérieure de l’œsophage, mais dans toute sa partie inférieure, jusqu’à l’es- 
tomac. Quand on galvanise le pneumogastrique, la contraction qui se produit 
dans l’œsophage est brusque et s'étend immédiatement dans toute sa lon- 
gueur, et, comme pour les muscles striés de la vie animale, elle succède 
aussitôt à l’excitation du nerf et se termine dès que celle-ci a cessé. Il en 
devait être ainsi, puisque l’anatomie nous montre que l'œsophage chez cet 
animal est constitué par des fibres striées dans toute son étendue. 

Chez le chat et le lapin, au contraire, où l’œsophage est formé de fibres 
striées dans la partie supérieure, et de fibres lisses dans sa moitié inférieure, 
on voit les deux ordres de mouvements se produire et succéder à la galvani- 
sation du pneumogastrique ; un mouvement brusque instantané, dans la por- 
tion supérieure de l’œsophage, et un mouvement lent vermiculaire à sa 
partie inférieure. Ge dernier mouvement n’a pas lieu d'ensemble, mais il se 
propage de haut en bas successivement, de proche en proche, jusqu’à l’es- 
tomac ; aussi n’esi-il pas encore terminé lorsque l'excitation galvanique a 
déjà cessé. Ce mouvement vermiculaire est surlout facile à observer chez les 
animaux empoisonnés par le curare, puisque là il n’est pas masqué par le 
mouvement brusque des fibres striées qui existent avec des fibres lisses jus- 
qu’à l'estomac. 

Ainsi, on le voit, on peut rencontrer dans l’œsophage des animaux, sui- 
vant sa structure, toutes les variétés de mouvements : chez le chien, des 
mouvements brusques dans toute l'étendue de l’œsophage (muscles striés) ; 
chez le chat, des mouvements brusques dans la partie supérieure de l’œso- 
phage (muscles striés), et des mouvements lents, vermiculaires dans la 
partie inférieure (muscles lisses); enfin, chez les oiseaux, des mouvements 
vermiculaires dans toute l'étendue de l’œsophage et du jabot (muscles 
lisses). 

Les principales conclusions de ce travail peuvent être résumées dans les 
propositions suivantes : 

Chez les chiens. — 4° L’excitalion, dans le crâne, des racines propres du 
pneumogasirique provoque des contractions violentes et brusques du pharynx 
et de l’œsophage dans toute sa longueur. Les racines de ce nerf agissent sur 
l’œsophage par action directe ou centrifuge, et par action reflexe ou centri- 
pête. 

2° L’excitation, dans le crâne, des filets propres du glosso-pharyngien 
provoque des contractions dans l’œsophage qui paraissent tenir à une action 
réflexe. 

3° Si le spinal possède une influence sur les mouvements de l’œsophage, ce 
qui est douteux, elle doit être bornée aux filets les plus supérieurs de ce nerf, 

4° De toutes les autres anastomoses du nerf pneumogastrique, le facial est 
le seul nerf qui exerce une influence sur les mouvements de l’œsophage, Son 
action paraît bornée à la moitié supérieure de ce conduit. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 319 


Chez le chat. — 5° L'influence principale sur les mouvements de l’œso- 
phage paraît ne pas appartenir au pneumogastrique, comme cela à lieu 
chez le chien. Chez le chat, c’est au nerf spinal que revient toute l’influence 
motrice que possède le nerf pneumogastrique, au milieu de la région cer- 
vicale. 

Chez le lapin. — 6° L'influence motrice que le nerf pneumogastrique 
exerce sur l’œsophage revient en partie aux filets propres de ce nerf, et en 
partie au nerf spinal. ÿ 

7° Les expériences, en montrant que la source des nerfs moteurs de l’œso- 
phage est variable suivant les animaux, font aussi connaître le danger qu'il y 
aurait de généraliser et d'appliquer à tous les animaux des résultats obtenus 
sur une seule espèce animale. 


Exposé de quelques faits nouveaux tendant à démontrer que les 
productions dites cancéreuses de l’homme sont susceptibles de 
se greffer chez les animaux, et de produrre l'infection chez 
ces derniers, par M. le docteur L. Gouson. Paris, 1866, 
thèse in-/4°. 


Les résultats si pleins d'intérêt qu'a obtenus M. Paul Bert, en faisant des 
tentatives de greffes des différents tissus à l’état normal, m'ont donné à 
penser, dit M. Goujon,que les productions pathologiques qui ne sont constituées 
que par des éléments normaux de l’organisme, qui se développent en trop 
grande abondance et dans les lieux où ils ne devraient pas exister, pourraient 
bien être susceptibles de se greffer également et de produire par la suite les 
différents troubles fonctionnels propres à chacun de ces produits. 

Les services actifs des hôpitaux de Paris, et le nombre de pièces que l’on 
apporte journellement dans le laboratoire de M. Robin, m'ont offert de fré- 
quentes occasions de mettre en pratique le projet que j'avais conçu; c'est 
ainsi que j'ai pu tenter la greffe de tumeurs dites cancéreuses, d’adénomes, 
de chondromes, de hpomes, etc. 

Ces tentatives, bien entendu, n’ont été faites que lorsque la tumeur étail 
enlevée depuis fort peu de temps, bien que nous ne sachions pas au juste 
quelle est la durée de la vie des éléments anatomiques séparés de l’orga- 
nisme. 

Je me bornerai à rapporter ici les résultats que m'ont donnés les tumeurs 
dites cancéreuses, parce que ceux obtenus avec les autres productions patho- 
logiques ne sont pas assez satisfaisants. Langenbeck, Lebert et Follin, sont 
les seuls, à ma connaissance, qui aient des expériences faites jusqu’à présent 
sur ce sujet. Je crois utile d’exposer d’abord celles-ci avec quelques détails, 
afin de présenter l’état de la science sur ce point, 


320 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


La première en date est celle de Langenhbeck; elle est déjà ancienne 
(10 juin 1839). 

Cet expérimentateur, après avoir trituré, dans un mortier, une tumeur 
encéphaloïde provenant de l’humérus d’un jeune homme qui avait subi l’opé- 
ration deux ou trois heures avant, a placé le contenu du mortier sur un linge 
grossier, et a exprimé ainsi la tumeur, de façon à en séparer la trame et les 
différents grumeaux qui pouvaient mettre obstacle à l’opération. Il a obtenu 
ainsi 45 grammes de suc cancéreux, avec les caractères qu’on lui connaît, 
c'est-à-dire lactescent, de consistance crémeuse, miscible à l’eau, etc. Ce suc 
a été mêlé à 250 grammes de sang défibriné, qu’il venait de retirer de l’ar- 
tère fémorale d’un gros chien. 

Après avoir intimement mélangé ces deux liquides, il les a injectés dans la 
veine fémorale du même chien. Cette injection détermina de la dyspnée, qui 
disparut en quelques heures, et, sept ou huit jours après, la santé de l’ani- 
mal paraissait parfaitement rétablie; mais, quelque temps plus tard, bien 
qu’il continuât à manger de bon appétit, il maigrit beaucoup et fut sacrifié le 
10 août, soixante-trois jours après l’injection. 

A l’autopsie, les poumons paraissaient d’abord sains; mais en regardant 
avec attention, on s’aperçut que de chaque côté, sur la face antérieure du 
lobe supérieur de chaque poumon, existaient deux ou trois petites tumeurs 
aplaties, arrondies, blanches et grosses comme des lentilles. Une tumeur 
plus grosse existait sur le lobe moyen du poumon droit. Cette dernière tumeur 
est dure et présente une vascularisation à la coupe. Le microscope montra 
que ces diverses productions étaient formées d’une trame de tissus lamineux, 
dans laquelle se trouvait disposées ce que l’on appelle les cellules cancéreuses 
et semblables, bien qu’un peu plus grandes, à celles qui constituaient le 
cancer de l’humérus, enlevé le 8 juin, et qui avait été injecté dans le sang du 
chien (1). 

4° Expérience de MM. Follin et Lebert (28 novembre 1848). — Le suc 
que contenait une masse cancéreuse enlevée le matin même par M. Velpeau 
dans l’aisselle d’une femme, qui avait déjà été opérée antérieurement d’un 
cancer de la mamelle, a été étendu d’eau et l’on a injecté 30 grammes de ce 
mélange dans la veine jugulaire droite d’un chien ; il n’y eut pas d’accidents 
immédiats; mais les jours qui suivirent l’injection, l’animal fut abattu, ne 
voulut pas manger, eut de la fièvre et parut se rétablir au bout de ce temps. 
Il fut sacrifié le 12 décembre 1848. Comme dans l'expérience de Langen- 
beck, on trouva dans les poumons des petites tumeurs formées par des ag- 
glomérations de cellules cancéreuses; de plus, on rencontra également ces 
mêmes petites masses dans le foie et dans les parois du cœur; elles étaient 
d’un blanc grisâtre, disent ces observateurs, et formées de cellules à un ou 
deux noyaux comme celles du cancer (2). 


(4) B. Langenbeck, Schmidl’s Jahrbücher der gesammien Medicin. Leipzig, 1840, 
Bd. XXV, S. 104. | 
(2) Follin, Traité de pathologie externe, t. I, p. 303, Paris, 1861, in-8. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 321 


Dans ces deux expériences, il paraît hors de doute que l'introduction du 
suc dit cancéreux (1) dans le sang a été la cause du développement de ces 
petites tumeurs dans les poumons et les autres régions. M. Ch. Legros, pen- 
dant qu’il était interne à Bicêtre, a fait quelques tentatives sur des lapins, en 
suivant la même méthode que Langenbeck, mais il n’a jamais obtenu de ré- 
sultats; ces animaux étaient toujours immédiatement tués par l'injection. Il 
est probable que dans ce cas ils succombaient à des embolies pulmo- 
naires. 

Voici maintenant les expériences que j'ai faites à l’École pratique : 

Je rapportai un matin de l’Hôtel-Dieu la moitié d’une tumeur encéphaloïde 
provenant d’un testicule dont M. Jobert venait de pratiquer l’ablation. Je 
plaçai immédiatement un fragment de cette tumeur sous la peau d’un gros 
rat blanc. Deux mois après, cet animal meurt ; l’autopsie en est faite et l’on 
trouve dans la poitrine une tumeur grosse comme une petite amande adhé- 
rente au sternum et comprimant très-fortement les poumons et le cœur qui 
n'ont pas la moitié du volume qu'ils devraient avoir. Cette tumeur paraît assez 
vasculaire et laisse couler par l'incision un liquide lactescent, légèrement 
rosé, qui, examiné au microscope, se montre entièrement formé de cellules 
épithéliales avec un ou plusieurs noyaux, des noyaux libres et quantité de 
gouttelettes d'huile ; la trame de la tumeur est très-peu abondante. 

Tous les ganglions lymphatiques ont un volume au moins triple de celui 
qu’ils ont à l’état normal et sont constitués par leur épithélium dont les cel- 
lules sont devenues plus volumineuses. On ne trouve rien dans les poumons 
et les autres viscères, si ce n’est une très-grande quantité de graisse accumulée 
dans l’abdomen et dont on peut expliquer la présence par la faiblesse de la 
fonction respiratoire. Le point dans lequel on avait placé le fragment cancé- 
reux ne présentait qu'une petite cicatrice et il fut impossible d’y trouver autre 
chose que du tissu cicatriciel ; le fragment de tumeur avait donc été complé. 
tement résorbé, car l’animal n’avait pas eu d’abcès dans ce point. 

L'expérience suivante justifiera plus que cette dernière l’expression de 
greffe que j’ai inscrite en tête de ce chapitre, 

2° expérience. — Le 17 mai 14866, M. Théophile Anger, interne à la Cli- 
nique de la Faculté, apporte au laboratoire une tumeur encéphaloïde de la 
mamelle que M. Nélaton avait enlevée le matin même : j’en plaçai immédiate- 
ment un petit morceau, gros comme deux fois la tête d’une épingle, sous la 
peau d’un cochon d'Inde, dans la région cervicale, à un travers de doigt de 
l'occipital. L’animal ne paraît nullement incommodé les premiers jours qui 
suivent, il mange comme auparavant et sa petite plaie se cicatrise sans sup- 
purer; mais il maigrit bientôt et meurt le 42 juin, vingt-cinq jours après 
l'opération. Examiné alors avec le plus grand soin, il présente d’abord dans 
le point où l’inoculation a eu lieu une tumeur bilobée qui fait saillie sous la 


(1) Voyez, sur la composition de ce suc, l’article Suc DES TUMEURS, dans Littré et 
Robin, Diclionnaire de médecine. Paris, 1865, douzième édition. 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOS, —"T. IV (1867). 21 


21 


322 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


peau et lui adhère par le lobe le plus gros qui est aussi le plus superficiel 
et gros comme un pois. L’examen histologique de cette tumeur la montre en- 
tièrement formée de cellules épithéliales et de noyaux de même forme et de 
même volume que ceux de la tumeur de M. Nélaton. Il y avait eu dans ce cas 
certainement une véritable greffe du fragment et qui était devenue par la suite 
le centre de production de nouveaux éléments anatomiques. Sur l’une des par- 
ties latérales de la trachée existe également une tumeur ovoïde de la grosseur 
d’un haricot et qui est, je crois, un ganglion de cette région ; tous ceux du voi- 
sinage sont également plus volumineux qu’ils ne devaient l’être. Ils sont tous 
durs et incisés, ils ont un aspect lardacé ; en raclant cette surface avec un 
scalpel, on obtient un liquide épais, dans lequel on trouve au microscope 
l’épithélium nucléaire des ganglions qui est devenu très-granuleux et dont les 
cellules ne sont guère plus grandes qu'à l’état normal. Une grande quantité 
de granulations fines et brillantes nagent dans ce liquide, et enfin beaucoup de 
tissus fibreux constitue la charpente de ces petites masses. 

Comme on le voit par ce qui précède, on trouve dans les ganglions à peu 
près tout ce qui constitue l’adénite. Était-ce simplement une adénite ou un 
premier degré de l’altération qu'auraient subie les ganglions si l'animal eût 
vécu plus de vingt-cinq jours et que la tumeur cervicale fût arrivée à ses 
phases de ramollissement? Les poumons et les viscères de l’abdomen ne 
présentent rien de spécial ; le volume des ganglions mésentériques cepen- 
dant est de beaucoup augmenté et ils ont la même structure que les précé- 
dents. 

3° expérience, — Un lapin reçut dans la cuisse un fragment de tumeur 
cancéreuse récemment enlevé ; il mourut d’un phlegmon en trois jours : son 
autopsie ne présente rien de spécial à noter, 

&° expérience. — Dans la veine fémorale d'un jeune chien j'injecte deux 
fois le contenu de la petite seringue de Pravaz de suc cancéreux provenant 
d’une tumeur enlevée peu d'heures auparavant par M. Nélaton etexprimée au 
travers d’un linge après l’avoir pilée. Pas d'accidents immédiats ; maïs le point 
où l'injection a été pratiquée est bientôt le siége d’un ulcère profond, aux 
bords saillants et donnant du sang par le moindre contact. Cette plaie finit 
par se cicatriser ; mais il s’est développé dans ce point une petite tumeur 
assez analogue à un tubercule anatomique. 

A mon grand regret cet animal disparut un jour du laboratoire et il me 
fut impossible d’en faire l’autopsie ; il y avait alors deux mois que je lui avais 
fait l'injection dans le sang. 

Il est à remarquer que fréquemment le suc dit cancéreux mis au contact 
d’une plaie, chez les animaux, y détermine bientôt un ulcère très-long à 
guérir ou quelquefois même un phlegmon; choses qui arrivent beaucoup 
plus rarement si l’on met au contact de ces mêmes plaies du pus ou tout autre 
liquide pathologique. 


de mme pme drone Se etes onrére ntnnue Etrenisttdlhe 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 323 


Greffe de la moelle des os, productions osseuses, par, M. le 
docteur E. Gouion. Paris, 1866,. thèse in-A. 


Troja, le premier, à l’aide d'expériences, a accrédité dans la science le 
rôle ostéogénique de la moelle. M. Flourens a reprisles expériences de Troja, 
et il est resté convaincu que la moelle a un rôle aussi actif que le périoste 
dans la formation des os, 

Quelques faits pathologiques plaident en faveur de lossification de la 
moelle, et parmi les pièces qui ont été produites à l’appui de cette assertion, 
il en est deux fort remarquables qui ont été présentées à la Société de bio- 
logie par MM. Broca et Verneuil, et qui se trouvent actuellement déposées 
au musée Dupuytren. À cette occasion, M. Broca, bien que grand admirateur, 
comme je le suis moi-même, des belles expériences de M. Ollier, ne manque 
pas cependant de s'élever contre ceux qui enlèvent complétément à la moelle 
le pouvoir de faire de l’os pour en doter exclusivement le périoste. 

Voici un fait qui m’est personnel et qui a eu pour témoins les élèves qui 
fréquentent assidûment le laboratoire de M. Robin. Il prouve que la moelle 
peut être transplantée et greffée au sein d’autres tissus, et donner naissance, 
comme le périoste, à des productions osseuses. | 

Le 10 mars 4865, je resèque à deux lapins 3 centimètres de la diaphyse 
du fémur, dans le but d'étudier les productions nouvelles qui pouvaient se 
former à chaque extrémité des os reséqués ; comme on le sait, chez ces jeunes 
animaux le canal osseux est parfaitement uni et ne présente aucune des aspé- 
rités ou lamelles osseuses que l’on trouve chez quelques espèces animales. 
Aussi, après avoir brisé l’os enlevé, on a un petit cylindre de moelle rouge 
parfaitement homogène et assez résistante. Sur l’un des deux lapins, je plaçai 
le morceau de moelle sous la peau, à l’autre dans la profondeur des muscles 
de la cuisse : ces deux animaux, mis dans les mêmes conditions et assez 
bien nourris, se rétablirent promptement, et furent sacrifiés le 5 juillet, 
deux mois après l’expérience. Voici ce qu’ils présentèrent alors : Chez celui 
qui a reçu la moelle dans les muscles, on sent sous la peau une petite tumeur 
résistante et peu mobile, Enlevée immédiatement, on la trouve constituée de 
deux parties très-distinctes : l’une, celle qui adhérait aux muscles, est com- 
posée de six petites lamelles d'os, se touchant toutes par un de leurs côtés et 
formant ainsi un petit canal hexagonal d'un centimètre de long et dans 
lequel se trouve de la moelle encore rouge. L'autre partie de la petite tu- 
meur, celle qui est directement en rapport avec la peau, est constituée par 
de la moelle à l’état graisseux et rappelant assez exactement celle des vieil- 
lards. 

Chez l’autre lapin on ne sentait aucune saillie, et c’est à peine si l'on 


trouvait quelques traces de l’opération qu 1l avait subie ; la moelle avait été 
complétement résorbée, 


32h ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


M. Christot, élève de M. Ollier, nons dit, dans sa thèse inaugurale, avoir 
fait beaucoup de tentatives infructueuses, et M. Ollier lui-même n’a jamais 
obtenu de l’os en transplantant de la moelle. Il est incontestable que la moelle 
s'ossifie avec moins de facilité que le périoste ; c’est un tissu plus délicat, se 
greffant moins facilement et susceptible de s’altérer ou d’être résorbé beaucoup 
mieux que le périoste ; d’une solidité et d’une texture entièrement différentes, 
on comprend qu’ils donnent des résultats différents. Mais je n’en reste pas 
moins convaincu que la moelle prend une aussi large part dans l’ossification 
que le périoste, et je crois que l’expérience rapportée ci-dessus prouve très- 
bien que le périoste n’est pas la source exclusive du blastème ossifique et 
qu’il ne participe pas seul à l’accroissement des os en épaisseur, et qu’à 
défaut de périoste la moelle le remplace : on voit cela fréquemment dans le 
cal, qui n’est, en définitive, qu’un des modes naturels de la formation des os. 
La petite expérience suivante que j’ai faite prouve clairement ce dernier fait. 

J’ai pris deux pigeons du même âge : à chacun d’eux j'ai fait une fracture 
du radius, et après leur avoir fait à chacun une petite plaie au niveau de la 
fracture, pour les rapprocher le plus possible des mêmes conditions, j’ai re- 
séqué à l’un le périoste dans l'étendue d’un centimètre à chaque bout de la 
fracture ; chez l'autre le périoste a été laissé intact. Les deux petites plaies 
suturées, je les ai laissés ainsi trente-cinq jours ; les deux fractures étaient 
alors consolidées, et les deux os n’étaient pas plus déformés l’un que l’autre. 

Je crois utile de faire remarquer ici, à propos du périoste, qu’on nous a 
donné des détails minutieux sur la nature de sa couche profonde et désignée 
sous le nom de couche ostéogène ; maïs on ne nous a jamais rien dit des mé- 
dullocelles et des myéloplaxes que M. Robin y a décrites, et dont ilne manque 
jamais de parler en faisant l’histoire de ces éléments à son cours de la Fa- 
culté (1). On trouve, en effet, et surtout chez les jeunes animaux, à la face 
profonde du périoste, une couche de médullocelles régulièrement disposées, 
et rappelant, par places, l’aspect d’une couche épithéliale par leur mode 
d’arrangement et leur disposition régulièrement géométrique, suite de leur 
pression réciproque, sans que, bien entendu, j’établisse aucune autre analogie 
entre ces parties. Il est impossible, pour un observateur un peu exercé, de se 
méprendre sur la nature de ces éléments; la comparaison avec les médullo- 
celles prises dans la moelle et l’action comparée des réactifs ne permettent 
pas de saisir la moindre différence tranchée. En transplantant le périoste, on 
ne manque jamais d’emporter, adhérente à cette membrane, la couche de mé- 
dullocelles, à moins que l’on ne prenne la précaution de racler cette mem- 
brane, et l’on sait que dans ce cas elle ne donne pas d'os. Sans vouloir 
accorder une trop grande importance à la présence de ces éléments sous le 
périoste, 1l ne paraît pas impossible qu’ils jouent un rôle actif dans l’acte 
important de l’ossification. 

L’anatomie comparée nous fournit, du reste, quelques détails qui ne sont 


(4) Voyez aussi, Ch. Robin, Journ. d'anat. et de physiol. Paris, 1864, 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 329 


peut-être pas sans intérêt dans la question qui nous occupe, On sait que les 
oiseaux arrivés à l’âge adulte possèdent tous un certain nombre d’os (os 
pneumatiques) qui sont complétement dépourvus de moelle. Ces os possèdent 
de la moelle dans les premiers moments de la vie; ce n’est qu’à mesure que 
l’animal grandit que cette moelle disparaît et se trouve remplacée dans la 
cavité osseuse par une membrane lamineuse, très-vasculaire, en coutinuité 
avec les réservoirs aériens, et qui est là un véritable périoste interne qui 
avance et pénètre plus avant dans l'os à mesure que la moelle se résorbe. 
Or, quel que soit l'âge de l'oiseau, on trouve toujours au-dessous de cette 
membrane interne des médullocelles, irrégulièrement disposées, il est vrai, 
mais ces éléments doivent certainement jouer un rôle dans la conservation de 
l'intégrité des usages de l’os. 


Note sur la prétendue période d’excitation de l’empoisonnement 


des animaux par le chloroforme ou par l'éther, par M.P. Berr. 
(Extrait des Comptes rendus des séances de l’Académie des 
sciences, Paris, 1867, in-4, t. LXIV, p. 612.) 


Lorsqu’on soumet un animal à des inhalations d’éther ou de chloroforme, 
on reconnaît aisément que l’action du poison se manifeste d'abord par une 
excitation plus ou moins vive ; l’animal s’agite, respire bruyamment, remue 
convulsivement la tête et les membres. Si l’on opère sur un animal très- 
intelligent, sur un chien par exemple, et, à plus forte raison, si l’on opère 
sur un homme, on voit, à ces troubles de la motilité, s’en joindre d’autres 
du côté de l'intelligence ; on se trouve en présence de rêves dans lesquels le 
sujet lutte presque toujours contre quelque violence physique imaginaire, 
et Souvent, s’il s’agit de l'homme, contre quelque contrainte ou souffrance 
morale. Mais bientôt tous ces phénomènes s’apaisent, et l’éthérisé tombe 
dans un état complet d’insensibilité. Aussi, tous les auteurs sont d'accord 
pour décrire, avant cette période de relâchement, une période d’excitation 
du système nerveux. 

Si l'on veut simplement exprimer par ces mots l’agitation de corps et d’es- 
prit que manifeste l’animal, on est dans le vrai, tout en n’expliquant rien ; 
mais si l'on entend, comme le font presque toutes les personnes qui se ser- 
vent de ces expressions, si l’on entend ainsi que le système nerveux cérébro- 
spinal est primitivement excité avant d’être relâché, que son action augmente 
d’abord d'intensité pour diminuer ensuite au point d’être annulée pour ce 
qui à rapport à la réceptivité et à la réflectivité, on avance une hypothèse 
qui vaut la peine d’être examinée , or, l'examen démontre, comme nous allons 
le prouver, que l'hypothèse est fausse. 

Sectionnons sur un mammifère nouveau-né, chat ou lapin, la moelle épi- 


326 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 


nière au niveau du commencement de la région dorsale, immédiatement le 
train postérieur est paralysé, ais pendant longtemps nous pouvons en ob- 
tenir des mouvements réflexes intenses. En plaçant alors l'animal dans utie 
atmosphère chargée d’éther ou de chloroforme, on voit qu'après une agita- 
tion très-vive de la face et des pattes antérieures, l'insensibilité survient à 
peu près en même temps pour les deux paires de membres. Mais nulle agi- 
tation ne s’est manifestée dans les membres postérieurs ; de plus, en lés 
pmçant à différents momeénts de l’inhalation anesthésique, on voit la sensibi- 
lité dimintier graduellement à partir de l’état normal. Il n’y a donc eu au- 
cune surexcitation passagère dés propriétés de la moelle épinière précédant 
leur disparition. La prétendue période d’excitation n’existé donc pas pour le 
centre nerveux rachidien. Mais à quoi tient l'agitation excessive des membres 
antérieurs et de la tête chez l’animal en expérience ? Incontestablement à 
l’action irritante du chloroforme ou de l’éther sur les muqueuses oculaire, 
nasale, buccale et surtout glottique. En effet, ouvrons la trachée d’un lapin, 
fixons-y un tube de verre munid’une pêtite ampoule, et, laissant l'animal en 
pleine liberté, introduisons dans l’ampoule de petits morceaux d’ouate imbibés 
de liquide anesthésique. Si l'acte respiratoire n’est pas gêné, on voit l’animal 
S’arrêler d’abord dans sa marche, s'accroupir, puis s’endormir tranquillement 
en devenant complétement insensible. Il né présenté, dans cette circonstance, 
aucune excitation. 

Il n’existe donc point, dans l’intoxication anesthésique, de véritable pé- 
riode d’excitation ; l’irritation due au contact du chloroforme avec les mu- 
queuses est la cause principale de l'agitation manifestée par les animaux 
soumis à son inhalation. Chez les lapins, cette cause est certainement la 
seule ; mais en est-il de même chez les animaux plus intelligents, notamment 
chez l’homme? Il est permis d’en douter. On peut, je crois, considérer comme 
certain que, chez eux comme chez les lapins, ni la moelle épinière ni les 
organes encéphaliques ne sont surexcités dans leurs propriétés. Mais il me 
semble très-vraisemblable que, pendant un certain temps, les impressions 
transmises par une moelle dont les fonctions sont partiellement abolies, à un 
cerveau lui-même inégalement atiaqué dans ses différentes parties, peuvent 
avoir pour résultat des conceptions délirantes plus ou moins nettes, des rêves 
engendrant des mouvements désordonnés. Il n’y aurait pas là une excitation 
des cellules cérébrales, mais un trouble dans leurs relations entre elles et 
avec les cellules médullaires, une sorte d’anarchie cérébrale. 

Il faudrait, pour s’assurer de la vérité de cette explication, pouvoir sou- 
mettre à l’anesthésie quelque personne portant une fistule trachéenne qui per- 
mettrait d'introduire le gaz toxique directement dans les poumons, en élimi- 
nant la cause d'erreurs due aux muqueuses sus-glottiques: On verrait alors 
s’il se mänifeste quelques-uns de ces phénomènes rapportés jusqu'ici à l’exci- 
tation du cerveau, et qui ne seraient, au contraire, que la conséquente d'une 
cessation incomplète et irrégulière de ses fonctions. | 

S'il en était ainsi, il serait permis de se demander si, dans beaucoup de 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 227 


maladies délirantes, l'agitation parfois redoutable des malades est due à une 
véritable excitation des organes intellectuels, ou s’il ne faut pas plutôt l’attri- 
buer à un trouble apporté dans les relations entre les différentes parties des 
centres nerveux, trouble en rapport avec une diminution dans l’énergie de 
quelques-unes d’entre elles : d’où se tireraient des conséquences graves au 
point de vue de la thérapeutique. Mais ceci nous écarte de notre sujet. 

Il reste donc, je pense, démontré que, sous l'influence du chloroforme et 
de l’éther, les propriétés des centres nerveux sont PE'ERRESTAIRS déprimées 
sans nulle surexcitation préalable. 

Je n’ai parlé que des propriétés des centres nerveux; c’est que l’action du 
poison sur ces centres suffit à expliquer les phénomènes anesthésiques. En 
effet, chez un animal empoisonné par le chloroforme, les muscles et les nerfs 
moteurs conservent, comme on le sait depuis longtemps, leurs propriétés 
vitales. De plus, si, avant l'emploi des anesthésiques, on a, ‘chez une gre- 
nouille ou un nee nouveau-né, lié complétement les vaisseaux d’un 
membre, de manière à empêcher le sang chargé de poison d'aller impression- 
ner les nerfs sensitifs de ce membre, on voit que l’anesthésie s’étend à cette 
partie aussi bien et aussi vite qu'aux autres, et ici le poison a porté son action 
exclusivement sur le centre nerveux. 

Ce n’est pas à dire, bien entendu, que l’extrémité périphérique des nerfs 
sensitifs ne puisse être directement influencée par le chloroforme : les anes- 
thésies locales, si faciles à produire sur les grenouilles, par exemple, sont la 
preuve de cette impression directe. Mais, dans l’empoisonnement par inha- 
lation pulmonaire, je crois que l’action sur les centres nerveux domine la 
scène et suffit à expliquer tous les phénomènes. 

Maintenant, quelle est la partie du centre nerveux impressionnée ? En quel 
point est rompue la chaîne physiologique qui unit l’extrémité périphérique du 
nerf sensitif à celle du nerf moteur? Est-ce la réceptivité du centre nerveux 
qui est atteinte, ou sa réflectivité, ou sa motricité ? incontestablement c’est la 
réceptivité sensitive, Sans parler des observations faites sur l’homme par les 
chirurgiens, ni de l’action du chloroforme dans les empoisonnements par la 
strychmine, l'expérience suivante le démontre parfaitement : Uhloroformisez un 
rat jusqu’à insensibilité cutanée complète, puis plongez-le dans l’eau tiède ; 
bientôt l’animal s’agite, moins énergiquement, il est vrai, que s’il n’eût pas 
été anesthésié. 

Cela prouve manifestement que le pouvoir excito-moteur des centres ner- 
veux est resté intact, la réceptivité de la moelle épinière ayant disparu, puis- 
que l’excitation de la moelle allongée par un sang privé d’oxygène et chargé 
d'acide carbonique a pour conséquence des mouvements qui ne peuvent être 
dus qu’au pouvoir excito-moteur de la moelle épiniere. 


228 ANALYSES DE TRAVAUX FRANCAIS ET ÉTRANGERS. 


Note sur l'action du sulfate de quinine chez les grenouilles, 
par M. le docteur Joyer. (Extrait des Comptes rendus des 
séances de l’Académie des sciences, Paris, 1867, in-4, t. LXIV.) 


Dans la séance du #4 mars, M. Eulenburg a présenté à l’Académie des 
sciences les conclusions d’un travail sur l’action du sulfate de quinine chez les 
grenouilles (1). Soupçonnant une cause d'erreur dans les expériences de cet 
auteur, j'ai entrepris, de mon côté, quelques recherches pour en contrôler 
l'exactitude. 

De mes expériences je crois pouvoir tirer les conclusions suivantes : 

4° Les injections hypodermiques de sulfate de quinine, faites sous la peau 
des pattes postérieures, ne produisent pas les effets des injections faites 
sous la peau du dos (comme c'est le cas dans les expériences de M. Eulen- 
burg) dans le même temps, ni même dans un temps beaucoup plus long et à 
doses égales. 

20 Les phénomènes observés à la suite des injections de sulfate de quinine, 
sous la peau du dos, dans les expériences de M. Eulenburg, ne sont pas les 
effets d'une substance toxique en circulation dans le sang, après absorption. 
Ces phénomènes sont le résultat d'une action locale, en rapport avec la perte 
rapide d’irritabilité que le sulfate de quinine fait éprouver aux muscles au 
contact desquels il arrive. L'arrêt des cœurs lymphatiques et des monve- 
ments respiratoires d’abord, et du cœur en dernier lieu, qui exprime l’ordre 
des phénomènes observés à la suite de l’injection sous le dos, indique aussi 
l’ordre suivant lequel les organes sont atteints par la substance, par fusion et 
imbibition. 

Il n’est pas exact de dire que le sulfate de quinine paralyse d’abord les 
centres réflexes dans la moelle épinière, puis ceux de sensibilité et des mou- 
vements volontaires dans le cerveau, puisque, tant que les mouvements spon- 
tanés persistent, on peut constater l’existence des mouvements réflexes, en 
se plaçant dans des conditions convenables. 


(1) Eulenburg, De l’action du sulfate de quinine sur le système nerveux (Comptes 
rendus des séances de l'Académie des sciences, Paris, 1867, in-4, t. LXIV, p. 421). 


NOTE ADDITIONNELLE AU MÉMOIRE 


SUR 


LA MALADIE PSOROSPERMIQUE 
DES VERS A SOIE | 


Par M, BALBIANI 


Tout récemment (1), deux savants chimistes, M. Pasteur et M. Béchamp, 
se sont occupés de la reproduction des corpuscules que l’on rencontre chez 
les vers à soie: le premier soutient qu’ils se multiplient par scissiparité trans- 
versale, le second veut qu’ils se reproduisent par scissiparité longitudinale. 
Comment se prononcer entre des opinions aussi opposées ? De quel côté est la 
vérité, ou bien sont-elles vraies ou fausses l’une et l’autre? C’est ce que je 
me propose d'examiner ici. 

M. Pasteur s’exprime d’abord de la manière suivante : «Jusqu'à présent, 
dit-il, j'ai considéré les corpuscules des vers à soie, dits de Cornalia, comme 
des organites que l’on devait ranger à côté de tous ces corps réguliers de 
forme, mais ne pouvant s’engendrer les uns les autres, tels que les globules 
du sang, les globules du pus, les granules d’amidon, les spermatozoïdes, que 
les physiologistes désignent sous le nom d’organites (2). Cette opinion, partagée 
par beaucoup de personnes très-autorisées, s’appuyait principalement sur 
l'impossibilité de saisir un mode quelconque de reproduction des corpuscules 
par génération directe, soit par bourgeonnement, soit par scissiparité. » 

Je n’ignore pas que des savants d’un nom justement estimé dans la science, 
MM. les professeurs de Filippi et Cornalia, le docteur Ciccone, ont assimilé 
les corpuscules aux parties élémentäires des animaux. Pour en juger ainsi, 
ils avaient probablement de bonnes raisons, mais M. Pasteur, en sa qualité 
de chimiste, et de chimiste éminent, en avait assurément de meilleures pour 
s'empêcher de partager leur manière de voir. En effet, dès 1856, M. Lebert, 
s'appuyant sur les réactions chimiques de ces petits corps, l’avait victorieuse- 
sement combattue en démontrant que ceux-ci n’avaient aucune des pro- 
priétés des substances grasses ou albuminoïdes (3). Si, pour justifier le chan- 


(1) Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences du 29 avril 1867. 

(2) Sur la valeur de ce mot, voyez ce recueil, année 1866, p. 417. 

(3) C’est seulement pendant la correction des épreuves de ce travail que j'ai eu 
connaissance de deux Mémoires récents de M. le professeur Vlacovich (de Padoue), 
insérés dans les Ati dell’ Istitulo veneto di scienze, lettere ed arti, vol. IX et XI, 
3° série, 1864 et 1867, et qui contiennent une étude très-détaillée des corpuscules 
des vers à soie, dits corpuscules vibrants, J'indiquerai dans des notes ajoutées au bas 
du texte les résultats les plus importants auxquels M. Vlacovich est arrivé dans ses 


330 BALBIANI. — NOTE ADDITIONNELLE AU MÉMOIRE 


gement survenu dans sa manière d'envisager les corpuscules, M. Pasteur avait 
eu recours au même argument, si tardif qu’eût été ce dernier, il n’eût cer- 
tainement rencontré aucune objection sérieuse, mais il en est tout différem- 
ment de celui qu'il tire dé là découverte d’un mode de reproduction chez ces 
petits corps. Quel est, en effet, le physiologiste qui ignore que les éléments 
que M. Pasteur désigne sous lé nom d’organites ne sont nullement carac- 
térisés par leur impuissance de s’engendrer ies uns les autres, et que la 
scissiparité est même le mode dé génération le plus répandu et le mieux 
constaté parmi eux? Les globules du sang, les globules du pus eux-mêmes 
que M. Pasteur aime à prendre comme termes de comparaison, et auxquels 
il assimilait naguëre le plus volontiers les corpuscules des vers à soie, ces 
globules se multiplient d’uné manière active par division spontanée, sinon 
chez tous les animaux à l’état adulte, du moins chez tous les embryons de 
ceux-ci, et aux premières époques de la formation de ces éléments. Il en 
est dé même des spermalozoïdes de quelques animäux inférieurs et de leurs 
cellules de développement dans toutes les espèces connues (1). 

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui les idées de M. Pasteur paraissent s’être mo- 
difiées ; les corpuscules ont cessé d’être pour lui des organites; mäis, bien 
que sa note des Comples réndus porte pour titre : Sur la nature des corpuscules 
des vers à soie, il se tait sur la signification nouvelle qu’il leur attribué désor- 
mais, Tout en nous disant ou, pour être plus exact, en nous laissant sous-en- 
tendre ce qu'ils ne sont plus, il s’abstient dé conclure en n£ nous disant pas 
ce qu'ils sont réellement, 

Mais laissons de côté cette question qui n’a probablement plus, pour M, Pas- 
teur lui-même, qu’un simple intérêt historique, et arrivons au fait qui est 
l'objet principal de sa communication à l’Académie, c’est-à-dire à la répro- 
duction des corpuscules par scissiparité transversale. « Je viens, dit-il, de 
reconnaître qu'il est très-facile de rencontrer en nombre immense des cor- 
püuscules à tous les états d’une division spontanée. 11 suffit de considérer la 
tunique interne de l'estomac des vers corpusculeux... Les corpuscules se 
forment par scissiparité, perpendiculairement au grand axe... Tout récem- 
ment, ajoute M. Pasteur, j'ai observé dans les corpuscules un détail de struc- 
ture qui avait passé inaperçu; je veux parler de l’existencé, dans chaque 


recherches sur ces petits corps. S’il faut l'en croire, il serait parvenu à y démontrer 
l’ékistence d'üne substance analogue à la cellulose végétale, maniféstée par là colora- 
tion violette qu’ils prennent sous l’action combinée des solutions alcalines, des acides 
et de l’iode. Si cette découverte de M. Vlacovich se confirme, la naturé végétale des 
corpuscules aura été mise hors de touté contestatiün par la démonstratiüh dé leur 
Composition chimique. (Sui Corpuscoli oscillanti dél Bombyce dél Gelso. Nüuove 
oS$ervazioni, Vénézia, 4867; p: 14 et suiv.) 

(1) Quant aux granules d’amidon que M. Pasteur rangé parmi les Grganités, ils 
ñé méritént assurément pas cette qualification, cär il$ he Sont qu’un produit de l’ac- 
tivité vitale de certains de ces derniérs ; il n’ési donc pas étonnant qu’ils soient dé- 
pourvus dé Ja faculté de s’engendrer les uns les autres. 


SUR LA MALADIE PSOROSPERMIQUE DES VERS À SOIE. 931 


organe, d’un noyau dont la netteté de contour ne le cède en rien à celui des 
corpuscules éux-mêmes. Lés noyaux ont exactement la forme ovalaire des 
corpuseules. Or, il est possible de reconnaîre, et cela confirme, ce me semblé, 
la réalité de l’existenve du mode de génération dont jé parle, que ces noyaux 
se divisent en même temps que les corpuscules. En outre, il arrive fréquem- 
ment qu'il y a dans le noyau des traces de division, avant même qu’on en 
aperçoive dans les corpuscules. » 

Sans m’arrêter sur ce quil y aurait de surprenant à ce que la division dont 
il est question dans le passage qui précède, eût échappé à des observateurs 
aussi habiles que MM. Leydig et Cornalia, si elle était réellement aussi facile 
à constater que le prétend M. Pasteur, je citerai comme n’ayant pas été plus 
heureux que les savants précédents, MM. Ghavannes (1) et Genzke (2), qui 
ont fait une étude atténtive de ces petits corps. M. Lebert lui-même qui, le 
premier, a parlé d’une division des corpuséules, avoue n’avoir pu la consta- 
ter que dans quelques cas irès-rares sur des centaines de vers qu’il a examinés 
dans cette intention, Pas plus que M. Pasteur, il n’a négligé d'observer la tu- 
nique interne de l’estomac, et nonobstant il considère cette division come 
un phénomène tout à fait exceptionnel (3). 

Mais comment expliquer l’assertion de MM. Lebert et Pasteur, car il est 
constant qu’il s’agit ici d’une observation réelle dont l'interprétation seule est 
cause de la divergence qui existe entre ces deux savants et les auteurs cités 
plus haut. En invoquant mes observations personnelles sur le sujet en litige, 
je pense que l’on peut attribuer à plusieurs causes l'illusion de MM. Lebert 
et Pasteur, savoir : 1° la coexistence avec des corpuscules bien développés 
d’autres corpuscules, normaux aussi, mais indiquant un état de maturité in- 
complet de ces petits organismes ; 2° le mélange avec les corpuscules précé- 
dents d'individus anormaux ou monstrueux résultant d’une coalescence, pen- 
dant le développement, de deux ou d’un plus grand nombre de corpuscules 
entre eux, simulant tous les états d’une division spontanée ; 3° enfin peut-être 
aussi la présence, dans quelques vers corpusculeux, d’autres organismes 


(4) Aug. Chavannes, Les principales maladies des vers à soie, mémoire couronné 
par l’Institut royal lombard des sciences et des arts, deuxième édition, 1866, p. 32. 

(2) Doctor Carl Genzke, Ueber die jetzt herrschende Krankheit des Seidenspinners, 
1859, p. 16. 

(3) Lebert, Ueber die gegenwärtig herrschende Krankheit des Insects der Scide, 
1858, p. 17. — Telle est aussi là conclusion à laquélle M. Vlacovich est arrivé après 
de nombreusés recherches sur ce sujét. Il fait dépendre la reproduction des corpus- 
culés par scission de cérlaines conditions particulièrés, telles que la constitution du 
vèr, la qualité de sés humeurs, étc., dont lé concoufs est nécessaire pour provoquer 
leur division. Ces conditions ne se trouvant que rarement réunies, cé mode de mulli- 
plicatioh n’est lui-même qu'un fait exceptionnel. D’après la déscriplion qu’il donne 
des corpuscules qu’il suppose être en voie de division, il est évident qu'il a pris pour 
tels certainés formes añormales qui avaient été égaletñént vüès bar M. Lébert et con- 


sidérées par lui comme des corpusculés près dé sé diviser, diñsi que je le monirerai 
plus loin. À 


192 BALBIANI. — NOTE ADDITIONNELLE AU MÉMOIRE 


étrangers, tels que des spores de mucédinées, ayant avec les premiers une 
certaine ressemblance de forme, et pouvant être plus ou moins facilement 
confondus avec ceux-ci. 

Relativement aux formes que je considère comme des corpuscules en voie de 
développement ou non encore parvenus à leur maturité entière, je crois que 
ce sont surtout elles qui ont été prises par M. Pasteur pour des corpuscules 
en état de division. Elles sont effectivement mêlées en quantités considérables 
aux corpuscules ordinaires toutes les fois que ceux-ci se multiplient d’une ma- 
nière active. Ces corpuscules inachevés sont loujours beaucoup plus pâles que 
les autres, et montrent pour la plupart dans leur intérieur, tantôt une seule, 
tantôt deux taches claires et transparentes, arrondies ou ovalaires, à contour 
net, et situées près des extrémités. Dans plusieurs, la ligne de contour extérieure 
du corpuscule est très-peu visible, tandis que celle des taches intérieures res- 
sort avec beaucoup plus de netteté, d’où résulte une apparence qui peut être 
prise pour une division. M. Pasteur n’hésite pas à donner à l’espace clair in- 
térieur le nom de noyau, quoique rien ne justifie cette qualification, puisqu'il 
ne mentionne point l’existence de l’organe central qui caractérise cet élément 
celluleux, c’est-à-dire le nucléole, D'ailleurs, M. Pasteur est dans l’erreur 
en croyant être le premier qui ait aperçu ce détail de structure. Il avait déjà 
été indiqué en 4863 par M. Leydig, mais, plus réservé que son successeur, 
l’éminent micrographe de Tubingue se contente de l’appeler une tache nucléi- 
forme pour ne rien préjuger sur sa signification réelle (4). Quant aux corpus- 
cules dans lesquels M. Pasteur suppose que le noyau a subi une division, ce 
ne sont autre chose que ceux à deux taches claires signalés plus haut, et 
rien n’indique que celles-ci proviennent du partage d’une tache primitive- 
ment simple (2). D'ailleurs l'extrême petitesse de ces éléments, en rendant 
à peu près impossible l'observation directe d’une pareille division, en suppo- 
sant qu’elle existe réellement, empêcherait d’arriver à aucune certitude à cet 
égard (3). 

Les corpuscules pâles ne se rencontrent pas seulement en grand nombre 
dans les parois de l'estomac des vers, mais généralement dans tous les or- 
ganes qui sont le siége d’un développement actif de ces petits parasites. Ils 
naissent par genèse directe au sein du blastème germinatif dans lequel se 


(1) Leydig, Reichert’s u. du Bois-Reymond’s Archiv, 1863, p. 190. — M. Vla- 
covich mentionne également l'existence de ces Laches, qu’il désigne sous le nom de 
lacunes ou de vacuoles, en décrivant et figurant un grand nombre des variétés de 
forme qu’elles présentent, {Vlacovich, Annotazioni intorno alcune proprielà dei Cor- 
puscoli oscillanti del Bombyce del Gelso, 1864, p. 20 et suiv.; et fig, 2, b, b!; 
fe: 0,0h,er fiesb, cel, 02.4, did, etc) 

(2) Cette supposition est également écartée par M. Vlacovich (Sui Corpuscoli 
oscillanti, etc., p. 70). \ 

(3) Voyez, pour les corpuscules en voie de développement dont il est question 
ici, la planche jointe dans ce numéro à mon mémoire sur la maladie psorospermique 
des vers à soie (planche XII, fig. 2). 


SUR LA MALADIE PSOROSPERMIQUE DES VERS A SOIE, 333 


développent les corpuscules, sous la forme de petites masses très-pâles, d’abord 
arrondies, mais qui passent peu à peu à la forme ovalaire. La tache claire 
intérieure apparaît de bonne heure et est d’autant plus grande relativement à 
la masse du corpuscule que celui-ci est moins développé. Elle ne cesse d’être 
visible que dans le corpuscule arrivé à l’état de maturité complète, où elle est 
sans doute masquée par l’éclat que celui-ci présente à ce moment. 

Les corps que je considère comme des formes anormales ou monstrueuses, 
et qui sont évidemment ceux que M. Lebert avait sous les yeux lorsqu'il a parlé 
d’une division des corpuscules (1), sont beaucoup plus rares que les précé- 
dents, mais on en retrouve toujours au moins quelques-uns dans chaque ver 
qu’on examine. Les plus communs, et en même temps ceux qui en imposent 
le plus facilement pour des corpuscules en voie de division, résultent de la 
soudure de deux de ces petits corps dans le sens de leur grand axe (2). Leur 
réunion peut être assez intime pour ne plus laisser aucune trace de l’indé- 
pendance primitive des deux corpuscules composants, et l’on croirait avoir 
réellement affaire à un corpuscule unique d’une grandeur exceptionnelle, 
D’autres fois, au contraire, les deux corpuscules conjugués sont encore par- 
faitement reconnaissables l’un et l’autre, et, dans ce cas, 1l semblerait que 
l’on a sous les yeux un individu simple portant la trace plus ou moins marquée 
d’une division en deux moitiés. Ces accidents du développement sontd’ailleurs 
sujets eux-mêmes à certaines anomalies. C’est ainsi, par exemple, qu'il arrive 
quelquefois que les axes des deux corpuscules coalisés, au lieu d’être dans 
le prolongement l’un de l’autre, forment entre eux un angle d'une ouverture 
variable. Plus rarement, un certain nombre de corpuscules se réunissent à la 
manière des grains d’un chapelet, en restant plus ou moins distincts, ou en 
se confondant dans une longueur variable. Enfin, on rencontre parfois aussi 
des masses d’une apparence tout à fait irrégulière, résultant d'une soudure 
de plusieurs corpuscules par des points indéterminés de leur surface (3). 

Lorsque mon attention se fixa pour la première fois sur les formes qui vien- 
nent d’être décrites, elles produisirent d’abord aussi sur moi l’impression de 
corpuscules en voie de division. Pour me former une opinion plus complète à 
cet égard, j’entrepris plusieurs fois de suivre les progrès de cette division sup- 
posée, en observant les corpuscules dans le sang même du ver chez lequelils 
s'étaient développés et en me servant, pour empêcher l’évaporation de ce li- 
quide, de l’appareil connu des micrographes sous le nom de chambre humide, 
Mais quelque soin et quelque patience que je misse à cette observation, 
jamais je ne pus constater aucun changement dans la forme extérieure de ces 
petits corps, et, à plus forte raison, leur séparation en deux moitiés, d'où je 
conclus qu’il ne s’agissait ici que d’une simple apparence et non d’un phéno- 


(1) Lebert, loc. cit., p. 17. 

(2) Planche XIE, fig. 4, c. 

(3) Voyez, pour ces formes anormales, la planche XII, fig. c. Elles sont grossies 
moitié moins que les formes ordinaires a et b. 


33h  BALBIANI. —— NOTE ADDITIONNELLE AU MÉMOIRE 


mène de reproduction véritable. Depuis, toutes les observations que j'ai faites 
sur le même sujet n’ont fait que me corroborer dans cette manière de voir. 

Enfin, j'ai signalé comme une troisième cause d’erreur pouvant expliquer 
la croyance à une prétendue reproduction des corpuscules par division spon- 
tanée, leur mélange avec d’autres organismes parasites se rencontrant acci- 
dentellement chez les vers. Rien de plus admissible, en effet, que l’existence 
simultanée chez ceux-ci des corpuseules habituels et d’autres organismes plus 
ou moins analogues aux spores des diverses mucédinées parasites des insec- 
tes. Leydig cite un fait de ce genre observé non pas, à la vérité, chez le ver 
à soie, mais chez une abeille ouvrière, Les espaces lacunaires sanguins de la 
tête renfermaient deux sortes de corpuscules dont les uns étaient identiques 
avec ceux des vers à sole, tandis que les autres étaient de petits corps fusi- 
formes, droits ou recourbés en forme de croissant, environ huit fois aussi 
longs que les précédents, et renfermant dans leur intérieur quatre lignes ou 
cloisons transversales séparées par des intervalles réguliers (4). 

D’après MM. Frey et Lebert, on rencontre chez quelques vers à soie, outre 
les corpuscules ordinaires, d’autres petits corps ovoïdes, très-analogues aux 
précédents, quoique plus petits et plus plats, et abondants surtout dans les 
parois de l’estomac et de l'intestin (2). J'ai observé moi-même, chez quelques 
vers, des corps très-analozues à ceux vus par MM. Frey et Lebert, mêlés en 
nombre immense aux corpuscules ordinaires, et présentant en foule toutes 
les phases diverses d’une multiplication par scission transversale, Je n’ai 
malheureusement pas noté s'ils provenaient du tube digestif seulement ou 
s'ils étaient répandus dans toutes les parties du corps. Comme il n’y avait 
point de développement concomitant d’un mycélium, j hésitais à les consi- 
dérer comme des spores. C’est évidemment par des faits de ce genre qu’il 
faut expliquer cette remarque faite par M. Lebert et qui l’a singulièrement 
frappé, que, tandis que dans la grande majorité des vers, on ne rencontre 
point ou seulement un petit nombre de corpuscules portant l'indice d’une di- 
vision, c’est toujours, au contraire, par milliers que l’on observe ceux-ci 
chez certains individus isolés (3). 

En résumé, je pense que rien n’autorise jusqu'ici à admettre le mode de 
reproduction des corpuscules décrit par MM. Lebert et Pasteur. Ceux-ci m'ont 
toujours paru naître, quel que soit l'organe dans lequel on les considère, 
d’après un mode identique, c’est-à-dire par la formation de petits corps 
ronds, prenant peu à peu la forme ovalaire, aux dépens d’une masse germi- 
native amorphe résultant elle-même d’une transformation des corpuscules 
préexistants (4), mode de reproduction qui rappelle complétement celui 


(4) Leydig, Reichert’s u. du Bois-Reymond’s Archiv, 1863, p. 188. 

(2) Lebert, loc. cit., p. 24 

(3) Lebert, loc. cit., p. 17. Une observation analogue a été faite par M. Vlacovich 
(Sui Corpuscoli oscillanti, etc., p. 47). 

{4) Voyez planche XII, fig. 3, 4, 9, p,p/. 


SUR LA MALADIE PSOROSPERMIQÉE DES VERS A SOIE. 330 


des grégarines et des psorospermies (1). M. Pasteur assure n'avoir point 
” réussi à le constater, Je le regrette, mais n’en suis pas surpris, attendu que 
l'observation en est assez difficile, vu la petitesse des objets qui ne peuvent 
être étudiés qu'à l’aide des plus forts grossissements. En outre, je ne crois 
pas inutile de faire cette remarque générale, que la constatation et surtout 
la juste interprétation des faits qui se rattachent au sujet de ces études sup- 
posent une connaissance assez approfondie des formes et des phénomènes que 
les organismes inférieurs présentent dans leur évolution. 

J'arrive maintenant à l’opinion de M. Béchamp, lequel décrit d’une ma- 
nière fort différente de M, Pasteur la reproduction des corpuscules. M. Bé- 
champ est loin d’avoir étudié dans tous ses détails ce qu'il considère comme 
une reproduction de ces petits corps par scission longitudinale. En réalité, il 
n’a observé que certaines apparences qui lui paraissent devoir être inter- 
prétées comme telle. C’est d’abord l’apparition d’une ligne noire dirigée dans 
le sens du grand axe du corpuscule, puis une légère échancrure se montre à 
chacune des extrémités de cet axe et la ligne longitudinale médiane se résout 
en fines granulations. Tels sont les faits dans lesquels M. Béchamp croit voir 
une division commençante dont le résultat final serait, si j'ai bien compris la 
pensée du professeur de Montpellier, la séparation du corpuscule en deux 
moitiés longitudinales dont chacune se constituerait ensuite en un nouvel in- 
dividu. Il n’a d’ailleurs pas observé ce mode de multiplication dans les tissus 
mêmes du ver, c’est-à-dire sur des corpuscules frais, mais seulement dans des 
infusions faites avec des matériaux provenant de vers corpusculeux. Qu'y 
a-t-il de réel dans cette description ? Un seul fait me parait hors de doute : 
c'est l'existence de la ligne longitudinale aperçue par M. Béchamp dans 


(4) Récemment, M. le professeur Vlacovich a rencontré des corpuscules très-sem- 
blables à ceux des vers à soie dans un reptile, le Coluber carbonarius. Les uns 
étaient libres et répandus dans les interstices des tissus, les autres renfermés dans 
des vésicules particulières ou kystes. Les corpuscules libres étaient de forme ovoïde, 
d’une longueur de 6 à 7 millièmes de millimètre, d’une largeur de 2 à 3 millièmes, 
et renfermaient chacun vers la grosse extrémité une vacuole claire et transparente ; 
les vésicules, que M. Vlacovich considère comme les kystes générateurs des corpus- 
cules précédents, étaient de forme sphérique, d’un diamètre de 12 à 148 millièmes 
de millimètre pour la plupart, et contenaient dans leur intérieur, soit un nombre 
variable de vésicules filles remplies d’une substance homogène et transparente, soit 
des groupes formés de dix, vingt, ou d’un plus grand nombre de corpuscules sem- 
blables à ceux qui existaient à l’état libre. M. Vlacovich a également trouvé des cor- 
puscules et des kystes analogues chez une larve du Gryllus campestris (Vlacovich, 
Sui corpuscoli oscillanti del Bombyce del Gelso, Venezia, 1867, p. 5 et suiv.). Il faut 
évidemment ranger à côté des faits précédents les corpuscules ou psorospermies que 
j'ai rencontrés, soit à l’état libre, soit renfermés dans de grands kystes sphériques , 
chez le Pyralis viridana, et que j’ai décrits dans mon mémoire sur les corpuscules 
de la pébrine. (Voyez le tome III de ce Journal, p. 601 (1866), et les figures 10, 11 
et 12 de la planche XII du présent numéro.) 


336  BALBIANI. — NOTE ADDITIONNELLE AU MÉMOIRE, ETC. 


l’axe du corpuscule; mais a-t-elle réellement la signification qu’il lui attribue? 
Je ne le pense pas. Cette ligne, signalée déjà par M. Leydig sur les corpus- 
cules des vers à soie (1), peut être constatée à l’aide de forts grossissements, 
non-seulement sur ceux de ces petits corps qui ont séjourné dans l’eau, mais 
encore chez la plupart de ceux que l’on examine à l’état frais après les avoir 
retirés de l’intérieur du ver (2). Son existence me paraît effectivement en 
rapport avec une structure de ces petits organismes, laquelle, peu évidente 
ou peut-être même rudimentaire chez eux, apparaît, au contraire, avec une 
grande netteté dans des corps de même nature observés chez d’autres ani- 
maux. Je veux parler de leur formation à l’aide de deux moitiés ou valves 
superposées par leurs bords, formation indiquée par une ligne saillante qui, 
dans certaines positions des corpuscules, devient visible d’une extrémité à 
l’autre de ceux-ci, c’est-à-dire dans le sens du grand axe (3). Si cette orga- 
nisation, que la petitesse des corpuscules des vers à soie ne permet que de 
soupçonner chez ces derniers, est réelle, les échancrures observées par 
M. Béchamp aux deux extrémités de l’axe chez ceux qui ont longtemps 
séjourné dans l’eau, pourraient bien n’être autre chose qu’une séparation 
commençante du corpuscule en ses deux parties composantes, se produisant 
sous l’action prolongée de ce liquide. Quant à moi, je n’ai jamais réussi à 
rien apercevoir de semblable sur des corpuscules observés dans les mêmes 
conditions que celles où M. Béchamp s’est placé. Je suis néanmoins loin de 
nier la réalité de l'observation rapportée par ce savant. Comme M. Béchamp 
soutient avec raison, selon moi, la théorie parasitaire de l’épidémie qui sévit 
actuellement sur les magnaneries, en l’attribuant, comme je le fais moi-même 
avec plusieurs de nos prédécesseurs, MM. Frey, Lebert, Naegeli, Leydig, 
Osimo, Vlacovich, au développement d’un organisme végétal dans les tissus 
des vers, je crois qu’en appelant son attention sur les points qui précèdent, 
il sera peut-être amené par de nouvelles observations à confirmer l'exacti- 


tude de l’interprétation que je donne des faits qu’il vient de communiquer à 
l’Académie. 


(1) Leydig, loc. cit., p. 189. Elle a été également aperçue et figurée par M.VIa- 
covich, mais celui-ci paraît l’attribuer plutôt à un simple effet d'optique se produisant 
dans certaines situations du foyer de l'objectif (Vlacovich, Annotazioni, etc. Venezia, 
1864, in-8, fig. 4. d?, dë, af). 

(2) Planche XII, fig. 4, a, a. 

(3) Voyez pl. XII, fig. 12, b, b, et l’explication de la planche à la suite de mon 
mémoire sur la Maladie psorospermique des vers à soie, inséré ci-dessus, p. 263. 


DES TYPES NATURELS 
EN ZOOLOGIE 


Par M. André SANSON, 


Membre du comité central de la Société d'anthropologie de Paris. 


ÉTAT DE LA QUESTION. 


Dans un ouvrage qui se fait surtout remarquer par la grande 
erudition de son auteur (1), on trouve un chapitre dont voici le 
titre : « Sens divers, anciens et modernes, du mot ESPÈCE, et de 
ses synonymes.» Auparavant, bien des pages d'un autre chapitre 
avaient été consacrées aux définitions de la varsété et à celles des 
races et des sous-races ; et après, en tête d’un autre encore, on 
ht ceci : « L'espèce est le groupe fondamental donné par la 
nature. Tout en part ou y aboutit, comme la variété qui en est 
une dérivation accidentelle, et la race une dérivation devenue 
permanente; comme la famille ou compagnie, la société, l'agré- 
gat et la communauté, qui en sont des subdivisions naturelles ; 
comme le genre qui est la collection des espèces qui se ressem- 
blent le plus ; comme les groupes supérieurs eux-mêmes qui sont 
des collections de genres, par conséquent, médiatement, d’es- 
pèces. Si cela est, il n’y a dans la nature que des espèces diver- 
sement considérées, tellement qu’il ne reste, en dehors d’elles, 
que « des ombres » (2); on ne s’élonnera pas de voir la définition 
de l’espèce placée par les maîtres de la science au nombre des 
plus grands problèmes dont l'esprit humain ait à se préoccuper. 
Aussi n’en est-il pas un seul, en histoire naturelle, dont la solu- 
lion ait été plus souvent, plus laborieusement cherchée. Depuis 
un siècle surtout, de Linné et de Buffon à Lamark, à Cuvier, à 


(1) Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire naturelle générale des règnes orga- 
niques. Paris, 1854-1862, in-8. 


(2) « Buffon, Histoire naturelle, XUL, p. vüj, 1769. » 
IOURN, DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL.=— Te IV (1867), 22 


338 ANDRÉ SANSON. — DES TYPES NATURELS 
Geoffroy Saint-Hilaire et à leurs disciples actueis, c’est une chaine 
continue d'efforts toujours renouvelés ; si bien que nous pourrions 
à peine citer une seule année qui n’ait eu, sinon son succès, du 
moins sa tentative de succès (1). » 


L'auteur ajoute : 
« Des innombrables définitions qu'ont introduites dans Ja 


science cette multiplicité d’efforts, et, encore plus, la diversité 
des directions suivies par les auteurs, la plupart ne sont que de 
simples variantes les unes des autres, ou ne différent que par de 

nuances. Ailleurs la divergence des doctrines commence à se faire 
jour par des dissidences qui touchent au fond même de la défi- 
nition, ou même elle se traduit par des diversités radicales, et 
telles qu’il n’y a plus à concilier, mais à opter. 

» Les définitions qu’on a données de l'espèce différent aussi 
entre elles par l'ordre des idées, par la nature des notions dont 
elles dérivent ; tantôt simplement empiriques ; tantôt scientifiques, 
particulièrement physiologiques; tantôt, et le plus souvent, méta- 
physiques ou même théologiques. En sorte qu'aux difficultés ré- 
sultant de la diversité des doctrines, viennent parfois s’en ajouter 
d’autres, nées de la diversité des points de vue que comporte la 
même doctrine. Et s’il est inévitable qu’il y ait discordance entre 
les définitions des écoles opposées, il est possible, et il arrive 
souvent, que celles qui ont cours dans la même école ne concor- 
dent pas non plus entre elles (2). » | 

Passant ensuite à l'examen des vues des auteurs sur l'espèce, 
depuis les anciens jusqu'à nos contemporains, Is. Geoffroy Saint- 
Hilaire prouve surabondamment ce qu'il vient d'avancer; de telle 
sorte qu’on ne saurait comprendre comment il a pu se trouver 
quelqu'un capable d’oser attribuer aux naturalistes une notion 
commune sur l'espèce organique. 

Partons seulement de Linné. Il serait superflu de remonter plus 
haut. Le grand naturaliste n’a, paraît-1l, jamais défini l'espèce, à 
proprement parler; mais il en a formulé la notion telle qu’il la 
comprenait, dans cette proposition : «Nous comptons autant d’es- 


(1) Loc. cit., t. I, p. 365. 
(2) Loc. cit,, p. 366. 


EN ZOOLOGIE. | | 339 
pèces qu'il y a eu de formes diverses créées à l’origine : Specres 
tot numeramus, quot diversæ formæ in principio sunt - 
creatæ (1) ». Cette notion, qui implique la fixité de l'espèce, 
Linné ne l’aurait cependant pas conservée, car ultérieurement, 
dans les Amænitates, il aurait admis l'hypothèse d’une multipli- 
cation des espèces primitives par des générations hybrides. 

. Pour Buffon (1765), « l'espèce est une collection ou une suite 
d'individus semblables ». En rapportant cette définition, Îs. Geof- 
froy Saint-Hilaire se pose la question suivante : « Comment sera- 
t-il possible, dit-il, si l’on s’en tient à la définition de Buffon, de 
distinguer les espèces de ces autres suites d'individus semblables 
que nous appelons des races? Celles-ci aussi se per pétuent ; elles 
sont constantes, et c’est par là même qu’elles se séparent des 
simples variétés. Toutefois leur perpétuité, leur constance, ne 
sont-elles pas d’un autre ordre que celles des espèces (2)?» Il ne 
dit paint de quel ordre elles sont. 4 
Aux deux notions précédentes, fait-il remarquer, se rattachent 
la plupart des définitions qui ont eu cours dans la suite du 
xvur siècle et dans le nôtre. « De la première dérivent toutes 
celles dont l'élément essentiel est l'invariabilité perpétuelle du 
type; de la seconde, celles qui caractérisent surtout l'espèce par 
la fécondité continue ; et de toutes deux, la multitude de celles 
qui reposent sur l’une et sur l’autre de ces notions (3). » 
Antoine-Laurent de Jussieu est avéc Linné. Blumenbach consi- 
dère l'espèce comme une collection d'individus non entièrement 
semblables, mais assez semblables pour que leurs différences 
puissent être attribuées à la dégénérescence. Pour Illiger, c’est 
« l’ensemble des êtres qui donnent entre eux des produits féconds ». 
Pour Daubenton, c’est « la collection des individus qui se res- 
semblent plus entre eux qu'aux autres ». Enfin, pour Cuvier, 
c’est «la collection de tous les corps organisés nés les uns des 
autres ou de parents communs, et de ceux qui leur ressemblent 


(1) Fundamenta botanica, aphor, 155, p. 18, édit. origin. Amsterdam, 1736, 
in-12. 

(2) Loc. cit,, p. 394. 

(3) Loc: cit., p. 396: 


" + 


3h10 ANDRÉ SANSON. —= DES TYPES NATURELS 


autant qu’ils se ressemblent entre eux (1798) ». Plus tard (1817), 
. l'illustre naturaliste admet que « certaines formes se sont per- 
pétuées depuis l'origine des choses», et il ajoute : « Tous les 
êtres appartenant à l’une de ces formes constituent ce que l'on 
appelle une espèce ». 

Selon Lamark, l'espèce est « une collection d'individus sem- 
blables que la génération perpétue dans le même état tant que 
les circonstances de leur situation ne changent pas assez pour 
faire varier leurs habitudes, leur caractère et leur forme ». Pour 
lui, les collections auxquelles on a donné le nom d’espêces ne 
sont que des races. Antérieurement (1802) il avait écrit : «Il n°y 
a réellement dans la nature que des individus, » 

La doctrine d'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire sur l’espèce, inter- 
prétée par son fils, découle des deux propositions fondamentales 
suivantes : 1° « L'espèce est fixe sous la raison du maintien de 
l’état conditionnel de son milieu ambiant ; ? elle se modifie, elle 
change si le milieu ambiant varie, et selon la portée de ses va- 
riations (1). » 

Cela n'est pas trés-clair, mais on y voit cependant que l’auteur 
de la Phulosophie anatomique se rattache assez étroitement à 
l’école de Lamark, bien que son fils s'efforce de l'en détacher. 
Jusqu'ici on a pu constater, en effet, que les vues sur la notion 
de l'espèce sont seulement de deux ordres : 1° celles qui ramè- 
nent la collection ou la succession des individus formant l’espèce 
à un type originel immuable ; 2° celles qui, la faisant partir d'un 
type déterminé, la considèrent comme susceptible, dans la suite 
des générations, de subir des variations de forme sous une in- 
fluence quelconque. Or Geoffroy Saint-Hilaire, comme Lamark, 
est au nombre des naturalistes dont les vues sont de ce dernier 
ordre. [Il y a cependant, en outre, ceux qui, sans avoir égard au 
type ou à la forme, ne tirent la caractéristique de l'espèce que du 
phénomène physiologique de la fécondite continue. 

Après Cuvier et E. Geoffroy Saint-Hilaire, dont les luttes sur 
ces sujets ont longtemps tenu le monde attentif, Blainville définis- 


(4) Loc. cil., p. 416. 


EN ZOOLOGIE. 341 


sait l'espèce «: l'individu répété et continué dans le temps et dans 
l’espace »; définition remarquablement précise dans son éner- 
gique concision, et qui serait irréprochable, disons-le dès à présent, 
si, au lieu de déterminer le sens d’un terme impropre, elle ne 
s’appliquait qu’au fait dont ce terme est l'expression. Par une 
heureuse image, Baudement a rendu depuis la même idée en 
“disant que, dans la race, « chaque individu n’est plus qu’une 
épreuve, tirée une fois de plus, d’une page une fois pour toutes 
stéréolypée ». 

M. Chevreul, dont l'esprit encyclopédique aime surtout les 
hautes visées scientifiques, considère l’espèce comme la réunion 
des « individus issus d’un même père et d’une même mère : ces 
individus, dit-il, leur ressemblent le plus qu'il est possible relati- 
vement aux individus des autres espèces ; ils sont donc caracté- 
risés par la similitude d’un certain ensemble de rapports mutuels 
existant entre des organes de même nom » (1). 

M. Godron (2) est de l’école de Cuvier; il nie la variabilité de 
l’espèce depuis l’origine de la période géologique actuelle, en la 
considérant du reste, lui aussi, comme la collection des individus 
de même souche qui se ressemblent entre eux. 

Voici la définition d’Isidore Geoffroy Saint-Hilaire : « L'espèce 
est une collection ou une suite d'individus caractérisés par un 
ensemble de traits distinctifs dont la transmission est naturelle, 
réqulière et indéfinie dans l'ordre actuel des choses (3). » 

D'après M. Milne Edwards : « On donne le nom d’espèce, à la 
réunion des individus qui se reproduisent avec les mêmes pro- 
priètés essentielles (4). » 

D'après M. Flourens : « Le caractère de l'espèce est la fécondité 
continue (5). » 

Les autres naturalistes contemporains se partagent sur la 


(1) L’illustre chimiste a développé ses vues à cet égard dans plusieurs travaux, 
mais particulièrement dans divers articles du Journal des savants et dans ses Lettres 
adressées à M. Villemain. 

(2) De l'espèce et des races. Nancy, 1848. 

(3) Loc. cit., p. 437. 

(4) Éléments de zoologie. Paris, 1834. 

(5) Examen du livre de M. Darwin. Paris, 1864. 


312 ANDRÉ SANSON. —— DES TYPES NATURELS 


question, entre l’école de Cuvier, plus ou moins celle d’Étienne 
Geoffroy Saint-Hilaire, et enfin celle de Blainville. Citer leurs vues 
serait multiplier beaucoup trop les répétitions. Il suffit de ce qui 
précède pour montrer que les zoologistes, à notre époque, ne sont 
pas encore parvenus à se mettre d'accord sur une notion com- 
mune du fait fondamental, en histoire naturelle. 

Il est un point, toutefois, au sujet duquel on ne rencontre parmi 
eux aucune dissidence. On verra plus loin combien ii importe de 
le constater. Ge point est celui de l’origine primitivement com- 
mune de tous les individus qu'ils considèrent comme appartenant 
à la même espèce. Un autre aussi doit être présentement signalé : 
c’est celui du caractère propre à toutes les notions admises sur 
l'espèce, en vertu duquel ces notions sont exclusivement spécu- 
latives et pas du tout expérimentales. Les définitions en sont, 
le plus souvent, « métaphysiques ou même théclogiques», a dit 
Is. Geoffroy Saint-Hilaire, en caractérisant d’ailleurs parfaitement 
l'état. de la science sur la question qui nous occupe, dans les 
termes qu'on a lus plus haut. 

En ce qui concerne la notion de la race, il a de même parfai- 
tement exposé les vues des naturalistes contemporains. Il n'y à 
donc rién de mieux à faire que de le citer. 

« Nous ne rencontrons pas, dit-il, sur le mot race, les mêmes 
incertitudes que sur le mot variété. On vient de voir le dernier 
de ces termes flottant depuis près d’un siècle entre les significa- 
tions les plus diverses : le premier, à part les efforts isolés de 
quelques novateurs excentriques, n’a jamais reçu que deux accep- 
tions, l’une dans le langage ordinaire, l’autre dans le langage 
scientifique; encore celle-ci tient-elle de près à la première. 

» Notre tâche sera donc ici fort simple : sauf quelques rectifi- 
cations sur des points secondaires, nous n’avons guère qu’à rap- 
peler, qu’à résumer ce que tout le monde admet. 

» La race, la lignée, comme disent nos pères, c'est, dans le 
langage ordinaire, l’ensemble des individus qui ont la même ori- 
gine. La race, c’est, en d’autres termes, la famille dans toute son 
extension : familia generalis, comme on se fût exprimé il y a 
quelques siècles. La notion de la race, en ce sens, repose donc 


EN Z00LOGIE. 315 
essentiellement sur un fait et sur un seul : la filiation des indi- 
vidus, abstraction faite de leur ressemblance. Les descendants 
fussent-ils très-différents de leurs ancêtres, ils seraient encore 
dits de la même race, aussi bien que si tous répétaient, jusque 
dans leurs moindres détails, l’organisation et les traits de leurs 
premiers auteurs. 

» En passant de la langue générale dans la langue scientifique, 
le mot race a pris un sens plus restreint. Pour que des êtres soient 
dits de même race, il ne suffit pas au naturaliste qu’ils aient la 
même origine, qu’ils soient tous ancêtres, frères ou descendants ; 
il faut aussi qu'ils satisfassent en commun à une seconde con- 
dition, et d’un tout autre ordre, quoique ordinairement elle de- 
rive de la première : il faut qu’ils se ressemblent, qu’ils soient de 
même type comme de même sang. Communauté d’origine et 
transmission héréditaire des mêmes conditions organiques, tels 
sont donc les deux caractères de la race en histoire naturelle. 
C'est en ce sens, fixé par un usage général avant de l’être par des 
distinctions précises, que le mot race était entendu dans la science 
avant Kant; et c'est en ce sens aussi qu’il y a cours depuis que 
Blumenbach, modifiant par sa définition celle de Kant, à fait 
d'une « dégénérescence » devenue « nécessairement et inévita- 
blement héréditaire » le caractère essentiel de toute race. 

« En acceptant, dans son esprit, la définition de Blumenbach, 
la plupart des auteurs n’en ont pas adopté les expressions qu'ils 
ont jugées trop peu simples, et peut-être aussi trop absolues. Il 
a paru à la plupart d’entre eux qu’il y avait lieu de revenir à la 
définition de Buffon; qu’il suffisait de dire la race « une variété 
» constante et qui se conserve par la génération » ; ou, ce qui re- 
vient au même, mais plus briévement : une « variété devenue 
permanente » (Godron). Autre définition ou plutôt autre forme 
de la définition commune qui est aujourd’hui de toutes la plus 
usitée, mais non la plus irréprochable. Elle explique le mot race 
par le mot variété, qui lui-même aurait besoin d’être préalable 
ment expliqué; et s’il l’est dans le sens qui prévaut aujourd’hui, 
elle n’est pas seulement ambiguë, elle est fausse. Une race peut 
résulter de la permanence de vices de conformation aussi bien 


3h/ ANDRÉ SANSON. — DES TYPES NATURELS 

que de simples variétés, lémoin (pour ne pas sortir des faits 
connus de tout le monde) le basset à jambes torses, le canard 
pingouin, les gallinacés alourdis au point de ne plus pouvoir 
voler, et les vers à soie abâtardis de nos magnaneries dont les 
ailes sont devenues d’inutiles appendices. Il y a donc des races 
vicieuses, il pourrait même en exister de monstrueuses, aussi bien 
que de simplement variées; et la race ne doit pas être dite seu- 
lement une variété, mais «une déviation constanie du type », 
ou, comme disait Blumenbach, une « dégénérescence » qui se 
transmet constamment. 

« Ou encore, et afin de n’introduire dans la définition que 
des termes simples, d’un usage général, et exempts de toute am- 
biguité : La race est une collection ou une suite d'individus issus 
les uns des autres, distincte par des caractères devenus con- 
stants (1). » 

L'auteur ajoute en note une remarque fort importante, à notre 
point de vue. « On verra plus tard, dit-il (on l’a déjà vu), que 
cette définition serait applicable, à un seul mot près, à l'espèce 
aussi bien qu’à la race, et qu’elle l’est même, au moins très-vrai- 
semblablement, à un grand nombre des collections ou suites que 
nous appelons espèces. La race touche de si près à l’espèce, qu’il 
est impossible de ne pas accepter pour l'une et pour l’autre des 
définitions très-peu différentes, à moins toutefois de quitter le 
terrain des faits et de l'observation pour se jeter dans les hypo- 
thèses et les idées métaphysiques. » 

. Tous les naturalistes contemporains, partisans de la variabilité 

du type, sauf ceux de l’école de Blainville, à certains égards, 
comprennent ainsi la notion de la race. M. de Quatrefages, par 
exemple, considère la race comme « la réunion des individus pro- 
venant d’une même souche, ayant reçu, par voie de génération, 
certains caractères de variété. La différence qui existe entre les 
races et les variétés me paraît, dit-il, désormais nettement 
établie : la race est héréditaire. » 

« Je regarde, dit M. Naudin (2), toutes ces faihles espèces, 


(1) Loc. cit., p. 333 et suiv. 
(2) Mémoire sur l'hybridité, couronné par l’Académie des sciences, en 4862. 


EN ZOOLOGIE. 319 


énumérées sous les noms de races et de variétés, comme des formes 
dérivées d’un premier type spécifique, et ayant par conséquent 
une origine commune. Je vais plus loin : les espèces, même les 
mieux caractérisées, sont pour moi autant de formes secondai- 
res, relativement à un type plus ancien qui les contenait toutes 
virtuellement, comme elles contiennent toutes les variétés 
auxquelles elles dennent naissance sous nos yeux, lorsque nous 
les soumettons à la culture. » 

Voilà donc qui est bien établi par l'analyse précédente : ab- 
sence de notion fixe, générale, déterminée, sur la question de 
l'espèce ; unanimité, au contraire, touchant celle de la race, con- 
sidérée par tous les naturalistes comme étant une dérivation acci- 
dentelle du type spécifique, une variété qui se transmet par 
génération. 

Cette notion sur la race, les naturalistes l’ont acceptée toute 
faite de ceux qu'ils appellent les « agriculteurs » et qui sont, ou 
des éleveurs d'animaux domestiques, ou des auteurs spéciaux, 
s'étant occupés de réunir en corps de doctrine les résultats de 
leurs observations, dans des livres sur les haras ou sur l’économie 
du bétail. Ces observations les ont conduits à des conclusions 
purement empiriques; car on n'a pas Connaissance qu'aucun na- 
turaliste contemporain ait jamais pris la peine d'étudier de près 
et scientifiquement les races animales domestiques. En consultant 

“les écrits maintenant assez nombreux, les écrits anthropologiques 
surtout, où les faits relatifs à ces dernières sont invoqués, on n'y 
rencontre que des citations de textes ou des renseignements em- 
prüntés verbalement à des éleveurs plus ou moins habiles, mais à 
coup sûr hors d'état de recueillir une observation véritablement 
scientifique. 

Pourtant l'étude des animaux domestiques semble faite pour 
introduire, en zoologie, le point de vue expérimental qui a 
manqué jusqu’à présent pour vérifier la plupart des détermina- 
tions, spécifiques où autres, de la méthode dite naturelle. On a 
tout de suite le caractère de la situation à cet égard, en songeant 
que chaque naturaliste sent le besoin de se rattacher à un maitre 
de génie. En zoologie, à moins d’être maître à son tour, on est le 


346 ANDRÉ SANSON. == DES TYPES NATURELS. 

disciple de Cuvier, de Geoffroy Saint-Hilaire ou de Blainville. Les 
sciences faites sont impersonnelles. En mathématiques, on n'est le 
disciple de personne. On révère les grands hommes, mais on ne 
relève que de la vérité. Ainsi en physique. 

Aussi, dans les sciences naturelles, combien peu de points sur 
lesquels le consentement unanime soit établi! 

La raison en est que les bases fondamentales de ces sciences 
n’ont jamais été déterminées expérimentalement, et que la mé- 
thode d’induction y joue encore le rôle principal. Les lois y sont 
induites de l'étude anatomique des individus. En un mot, les lois 
de la vie sont demandées à la mort. Et encore, a-t-on jamais 
exactement précisé la caractéristique d'aucun des groupements 
naturels des individus appelés ordre, famille, genre, espèce, race? 
S'ils sont véritablement naturels, ces groupes ne peuvent être 
que l’expression de lois correspondantes, c’est-à-dire qu’ils dé- 
pendent nécessairement, chacun pour ce qui le concerne, d’une 
condition naturelle déterminante. Or, les diverses écoles de natu- 
ralistes dont les vues ont été résumées plus haut, admettent vo- 
lontiers des sous-ordres, des saus-genres, même des sous-espèces 
et des sous-races. Est-ce done qu’il y aurait, dans la nature, des 
sous-lois? 

C’est ce qu'aucun esprit véritablement scientifique n’admeltra. 

Sur les points où le génie des classificateurs a vu juste, en dé- 
terminant d’une façon nette et précise la caractéristique du” 
groupe, il n’y a pas de dissidence possible, l'accord est unanime. 
Personne ne se trompe sur le rang qu’occupe dans le règne ani- 
mal un vertébré, non plus qu'un mammifère. Dès qu'il s’agit de 
l'ordre, il n’en est plus ainsi ; bien plus encore, à propos du 
genre. Cuvier lui-même a dû dire, au sujet de l’ordre des rumi- 
nants, que « l’on a été obligé de les diviser en genres d’après des 
caractères assez peu importants (1). » Et l’incerlitude à cet 
égard est telle qu’il ajoute, en ce qui concerne le genre des mou- 
tons : «Ils méritent si peu d’être séparés des chèvres qu'ils pro+ 
duisent avec elles des métis féconds (2). » 


(1) Règne animal, 1f€ édit., t. I, p. 266. 
(2) 1bia., p. 277, 


EN ZOOLOGIE. 347 


Ce fait de la fécondité réciproque des moutons et des chèvres, 
aujourd’hui mis hors de doute, a servi de base, soit dit en passant, 
pour l'établissement d’une classe d’Aybrides bigénères ; et ceux-là 
qui ont fait le plus d'efforts pour en démontrer l'existence, 
Is. Geoffroy Saint-Hilaire, par exemple, ont en même temps fourni 
les meilleurs arguments pour prouver que les caractères anato- 
miques sur lesquels est fondée la distinction des genres Ours et 
Capra n’ont aucune valeur. Si bien que, quelle que soit la carac- 
téristique qu’on adopte, que les caractères du genre soient lirés 
des formes ou de la fécondité, on est dans l'obligation, pour s’y 
conformer, de ranger les chèvres et les moutons dans un seul et 
même genre naturel, à moins de faillir à la logique, comme les 
naturalistes l’ont fait unanimement dans ce cas, pour ne pas 
faillir à leur respect de l’autorité des maîtres. 

Quant à la détermination des espces, ils ne se montrent pas 
plus fidèles, dans la pratique, à leurs définitions. Prenez au hasard 
l'ouvrage de zoologie, monographie ou traité général, d’un par- 
tisan de la caractéristique tirée exclusivement de la fécondité 
continue, ou bien celui d’un partisan de cette fécondité et de la 
répétition des formes semblables par la génération : dans les deux 
cas, la détermination n’en sera pas moins fondée exclusivement 
sur les formes; seulement, d’une espèce à l’autre, les bases de la 
caractéristique auront changé, les formes semblables ne se rap- 
porteront ni aux mêmes organes, ni aux mêmes parties de leur 
constitution. Aussi rien n’est-il plus variable que le nombre des 
espèces admises, suivant les auteurs, pour chaque ordre d’ani- 
maux. 

Sur les notions fondamentales de la zoologie, l’état de la 
science est donc une incertitude complète, que la méthode expé- 
rimentale paraît seule capable de faire cesser. Quinze années 
d’études persévérantes sur la reproduction des animaux domes- 
tiques, en vue des principes scientifiques qui doivent diriger les 
éleveurs dans leur exploitation économique, en vue des principes 
constituants de la zootechnie, m'ont conduit à la conviction que 
les faits fournis par cette exploitation pourraient éclairer quelque 
peu la question dont il s'agit. Ces études ont été poursuivies sans 


948 ANDRÉ SANSON. —— DES TYPES NATURELS 


aucune prétention, à coup sûr, de réformer la classification zoolo- 
gique; mais à mesure que les faits généraux ou les lois apparais- 
saient par le rapprochement des faits particuliers relatifs aux 
divers ordres auxquels appartiennent les animaux domestiques, 
sortant du domaine des applications purement économiques, j'ai 
dû songer naturellement à reporter vers la science pure les dé- 
monstrations qui me paraissaient acquises. Je m'y suis senti 
autorisé par des précédents en grand nombre. Les zoologistes et 
les anthropologistes, sur le sujet qui nous occupe, ne dédaignent 
point d'emprunter souvent des éclaircissements à la pratique 
des éleveurs. 

Dans une série de communications à l'Académie des sciences et 
à la Société d'anthropologie de Paris, les principaux résultats de 
mes études ont été portés à la connaissance des savants; mais par 
des nécessités qui seront facilement comprises de quiconque con- 
naît les exigences auxquelles ces sortes de communications sont 
soumises, il a fallu s’y maintenir dans les limites d'une extrême 
concision, qui ne permettent pas toujours une suffisante clarté. Ces 
résultats, en outre, sont consignés, au titre de bases des méthodes 
zootechuiques, dans mon ouvrage sur l’économie du bétail (1). 
Par la nature même du plan de cet ouvrage, écrit en vue des éle- 
veurs et des agriculteurs, ils devaient y être très-disséminés et 
formulés avec une grande sobriété ; la place y appartenait surtout 
à l'exposé complet des faits et des préceptes pratiques auxquels 
ils conduisent. 
C’est pourquoi on ne me saura peut-être pas mauvais gré de 
concentrer ici, sans autre préoccupation que celle de la science 
pure, l’ensemble des vues expérimentales que je crois exactes 
sur les lois naturelles de la reproduction des animaux vertébrés, 
avec quelques-unes des preuves qui les appuient. Les biologistes 
jugeront s’il y a lieu d’en tenir compte pour réviser les modes de 
groupement des individus admis en histoire naturelle. Ils déci- 
deront si ce serait outre-passer les généralisations permises de les 


(1) Principes généraux et applications de la zootechnie, par André Sanson. 4 vol. 
in-18. Paris, 4866-1867, librairie agricole de la Maison rustique. 


EN ZOOLOGIE. 319 
considérer comme applicables aux reègnes organiques tout en- 
tiers. 

Il semble cependant, en songeant, d’une part, que les animaux 
domestiques appartiennent à divers ordres el même à diverses 
classes du règne animal et qu'ils paraissent tous soumis, quant à 
leur reproduction, aux mêmes lois ; d'autre part, que l'embran- 
chement des insectes, d'après ce dont je me suis assuré en 
interrogeant les observateurs compétents de ceux qui sont l’objet 
d’une exploitation industrielle, fournit de son côté des faits 
exactement conformes ; enfin même que les résultats des expé- 
riences de MM. Decaisne, Naudin, Rogron, sur les types végétaux, 
ue différent point non plus de ce qui peut être constaté chez les 
animaux domestiques; en réfléchissant à lout cela, 1l semble, 
dis-je, qu'il n'y a pas beaucoup de chances de se tromper, en 
tenant pour générales les vérités que je vais m’efforcer de mettre 
en évidence. 

J'énoncerai d’abord les faits généraux qui ont été déduits des 
observations, et j’exposerai ensuite quelques-unes de celles-ci, 
choisies parmi les principales, pour chacun de ces faits, en dis- 
cutant au besoin les erreurs d'observation qui pourraient leur 


être opposées, puis nous essayerons de conclure sur les notions 
à réformer. 


Il 


LOIS DE LA REPRODUCTION DES ANIMAUX DOMESTIQUES, 


Les études dont il s’agit ici d'exposer les résultats ont été en- 
treprises principalement en vue de déterminer les lois de l’hérédite 
physiologique. Les opérations industrielles de multiplication des 
animaux domestiques par la reproduction ne peuvent être solides 
et fructueuses qu’à la condition d’en calculer à l'avance les élé- 
ments essentiels. Il n’est pas seulement question, en effet, lors- 
qu’on accouple dans une exploitation agricole deux reproducteurs, 
d'en obtenir vaille que vaille le fruit de leur accouplement. Je 
n'insiste point sur la considération, étrangère au but de ce travail. 
I suffit de l'indiquer en passant, pour faire saisir tout de suite 


300 ANDRÉ SANSON. — DES TYPES NATURELS 
l'importance de la donnée qui est une des bases essentielles de la 
zootechnie scientifique, et qui a été examinée à fond dans l’ou- 
vrage mentionné plus haut. 

Or, voici ce que l’observation révèle, lorsqu'elle porte sur un 
grand nombre de faits relatifs à la reproduction des animaux do- 
mestiques, dans les exploitations dont ils sont l’objet : 

Les reproducteurs exempts de tout mélange antérieur, vulgai- 
rement de pur sang, quand ils sont de même type, donnent 
naissance à un produit qui est toujours exactement du même type 
qu'eux. | 

C'est ce que Blamville a exprimé lorsqu'il a dit que l’espèce 
est l’individu répété et continué dans le temps et dans l’espace ; 
mais par la profondeur même du sens philosophique de la formule, 
celle-ci demeure vague et indéterminée. Blainville a négligé le 
côté concret qui est ici l'essentiel, et l’on ne serait pas embar- 
rassé pour montrer par quelques-unes de ses propres détermina- 
tions d'espèces que, pas plus qu'aucun autre naturaliste, il n'avait 
à son usage la notion déterminée et fixe des caractères spéci- 
fiques. 

Lorsque les reproducteurs sont de types différents (il est bien 
entendu qu'il ne s’agit que de types jouissant entre eux de la 
fécondité, limitée ou illimitée), il peut se présenter trois cas : ou 
bien le produit hérite uniquement du type de son père, ou de 
celui de sa mère, ou il hérite à la fois et dans des proportions 
diverses de l’un et de l’autre; mais dans ce dernier cas le produit, 
accouplé de nouveau, même avec son semblable, n’est plus 
répète : l'individu qui résulte de l’accouplement se rapproche 
plus ou moins du type de l’un de ses premiers ascendants, pater- 
nel ou maternel, et il ne s’écoule jamais plus de quatre généra- 
tions entre individus issus ainsi de deux souches différentes, sans 
que le retour complet au type de l’une ou de lautre soit 
effectué. 

Cela prouve qu’il y a impossibilité physiologique radicale à 
former des types nouveaux par le croisement des types anciens, 

La première proposition énoncée plus haut n’est pas contestée. 
Elle a seulement besoin d’être développée et déterminée dans son 


EN ZOOLOGIE, 391 
sens véritable et précis. De la deuxième, relative au croisement 
des types, il n’en est point ainsi. On l’a déjà vu. Aussi nous la 
posons seulement comme un postulatum que nous aurons à dé- 
montrer par les faits. Ce ne sera pas une tâche difficile, en vérité, 
car il ne reste plus guëre de naturalistes pour s'inscrire contre 
elle. Les contradicteurs, ici, se comptent surtout parmi les zoo- 
technistes de l’école empirique. 

Mais où l'opposition commence tout à fait formidable, c’est au 
sujet de la formation des types nouveaux par voie de sélection. 
En voici la théorie, que je demande la permission de qualifier de 
simple hypothèse, en m'engageant à fournir la preuve de la jus- 
tesse de l'expression. | 

Les naturalistes admettent à l’unanimité, sur la foi des asser- 
tions consignées dans les ouvrages sur l’exploitation du bétail, 
que les éleveurs, par des procédés à eux connus, impriment aux 
individus des modifications de forme, et qu’en faisant reproduire 
entre eux avec persévérance ces individus ainsi modifiés, is par- 
viennent à fixer les caractères acquis et à constituer par là des 
groupes nouveaux qu'ils appellent des races. On admet également 
que dans un certain nombre de cas les caractères nouveaux ont 
apparu spontanément, et que l’art de l’éleveur a consisté seule- 
ment à les fixer, par la génération, dans un groupe d'individus. 

Toute la théorie de la race, telle que nous l'avons vue formuler 
précédemment par Is. Geoffroy Saint-Hilaire et telle qu’elle est 
comprise par les naturalistes, se résume à cela. Personne ne 
doute que les éleveurs aient le pouvoir de créer des races nou- 
velles, c’est-à-dire des types nouveaux. Et parmi les naturalistes, 
ceux qui se déclarent les plus résolûment partisans de l’immu- 
tabilité de l'espèce, n’en acceptent pas moins comme un fait hors 
de contestation cette hypothèse de la variabilité du type, jusqu’au 
point d'arriver à des caractères nouveaux susceptibles de con- 
stance. C’est ce qu'ils appellent la théorie de la variabilité limitée 
de l'espèce. | 

On serait en droit de leur demander, à ce sujet, qu'est-ce que 
la race? qu'est-ce que l'espèce ? A ces questions ils répondraient, 
ou à peu près, avec l’auteur cité tout à l'heure : « La race est une 


302 ANDRÉ SANSON. — DES TYPES NATURELS 

collection ou une suite d'individus issus les uns des autres, dis- 
tincte par des caractères devenus constants » ; et : « L'espèce est 
une collection ou une suite d'individus caractérisés par un en- 
semble de traits distinctifs dont la transmission est naturelle, 
régulière et indéfinie dans l’ordre actuel des choses. » 

C'est fort bien, mais si l’on poussait plus loin la curiosité et 
qu'on demandät quels sont ces caractères et ces traits distinctifs 
de la race et de l'espèce, j'ose aflirmer qu'on n’obtiendrait plus 
aucune réponse précise. 

Peut-être en serait-il autrement quant à la race, toutefois. 
Vraisemblablement, on parlerait des caractères distinctifs de telle 
race domestique prise parmi celles qui passent pour avoir été 
créées récemment par la culture. Ce serait le plus commode, mais 
dans ce cas je m'engagerais à montrer immédiatement ces. 
mêmes caractères sur plusieurs autres du même acabit; ce qui, Je 
pense, suffirait pour leur enlever aussitôt toute valeur distinctive, 

La vérité est qu’il n’y a pas, chez les animaux, de caractères 
distinctifs dont on puisse dire avec exactitude qu’ils sont devenus 
constants où susceptibles d’être transmis infailliblement par la 
génération ou l’hérédité. Les aptitudes naturelles des animaux 
acquièrent, dans l’état domestique, par la culture dont l’art sou- 
mis à des règles scientifiques porte maintenant le nom de 
zootechnie, des développements plus ou moins considérables pour 
s'adapter à nos besoins sociaux. Ces développements d’aptitude, 
qui modifient en certains points leurs apparences, dépendent des 
conditions artificielles qui les produisent, et ils ne se maintiennent 
qu’autant que celles-ci durent, sans toutefois rien changer absolu- 
ment au type naturel de l'animal qui les a subis. Ce type seul se 
transmet héréditairement et toujours identique; les altérations 
accidentelles qu’il peut éprouver ne sont jamais que momen- 
tanées, l’atavisme le rétablit intact, infailliblement. 

Les propositions suivantes, formulées par Is. Geoffroy Saint- 
Hilaire au sujet de la théorie de la variabilité limitée de l'espèce, 
sont donc fondées sur de simples illusions d’observation, ainsi 
que nous le montrerons. 

« L'expansion graduelle des espèces à la surface du globe est, 


EN ZOOLOGIE. 393 
dit-il, à la longue, la conséquence nécessaire de la multiplication 
des individus. D’autres causes d’un ordre moins général peuvent 
aussi amener des déplacements partiels, D'où, aux limites surtout 
de la distribution géographique des espèces qui se sont le plus 
étendues, des différences notables d'habitat et de climat qui, à 
leur tour, entraînent inévitablement quelques différences secon- 
daires dans le régime et même dans les habitudes. A ces divers 
genres de différences correspondent des races caractérisées par 
des modifications dans la couleur et les autres caractères exté- 
rieurs, dans les proportions et la taille, et parfois dans l’organi- 
sation intérieure. Ces races ont ele fort arbitrairement, tantôt 
appelées variétés de localité, tantôt considérées comme des es- 
pèces distinctes. 

» Chez les animaux domestiques, les causes de variation sont 
beaucoup plus nombreuses et plus puissantes. Dans une longue 
série d'expériences qui, pour avoir été entreprises dans un but 
tout pratique, n’ont pas une moindre importance théorique, des 
espèces de plusieurs classes, au nombre de quarante environ, 
ont éle contraintes, par l'intervention de l’homme, de quitter 
l’état sauvage et de se plier à des habitudes, à des régimes, à 
des climats très-divers. Les eflets obtenus ont été en raison des 
causes : il s’est formé une muititude de races très-distinctes. 
Parmi elles, plusieurs offrent même des caractères égaux en va- 
leur à ceux par lesquels on différencie d'ordinaire les genres. 

» Le retour de plusieurs races domestiques à l’état sauvage a 
eu lieu sur divers points du globe. De là une seconde série d’ex- 
périences, inverses des précédentes, et en donnant la contre- 
épreuve. Si des animaux domestiques sont replacés dans les cir- 
constances au milieu desquelles avaient vécu leurs ancêtres 
sauvages, les descendants reprennent, après quelques générations, 
les caractères de ceux-ci. Ils revêtent seulement des caractères 
analogues s'ils sont rendus à la vie sauvage dans des conditions 
analogues mais non identiques (1). » 

Toutes ces affirmations sur la formation des races reposent sur 


(4) Loc. cil., p. 432. 
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. T. 1V (1867). 


1 
C5 


2354 ANDRÉ SANSON. —- DES TYPES NATURELS 


une pure hypothèse qui n’a jamais été sévèrement vérifiée. Gette 
hypothèse fait dériver nécessairement tous les types observés au- 
jourd’hui à l’état domestique, et qui sont capables de donner entre 
eux des suites indéfiniment fécondes, d’an type unique, d’un seul 
couple primitif, du prototype de ce que les naturalistes appellent 
l'espèce, dont ils n’ont jamais, je le répète, déterminé la carac- 
téristique d’une façon précise. Depuis que les races domestiques 
ont été étudiées scientifiquement, c’est-à-dire depuis une quin- 
zaine d'années tout au plus, on s’est aperçu que ces variations 
apparentes auxquelles les naturalistes ont fait jouer un si grand 
rôle, ne sont que de simples effets d’accommodation aux milieux ; 
depuis lors, les éleveurs eux-mêmes commencent à voir les choses 
plus exactement, et le nombre des prétendues races admises va 
toujours diminuant. Au point de vue de la détermination de la 
race, les plus éclairés accordent moins d'importance aux diffé- 
rences de taille, de couleur du pelage ou du plumage, auxquelles 
un naturaliste, M. Bazin, a du reste contesté, dès 1843, toute 
valeur comme caractères zoologiques. Ces différences ne se trans- 
mettent que sous linfluence directe de l’homme, sans certitude 
toutefois, et par l’exercice attentif du procédé que j'ai appelé 
sélection relative. Ge sont des choses purement artificielles qui, 
par conséquent, ne peuvent servir de base à aucune conclusion 

d'histoire naturelle des animaux; tout au plus peuvent-elles 
éclairer leur physiologie. Elles n'ont rien de commun avec le 
type zoologique qui se reproduit toujours, dans la suite des gé- 
nérations normales, ou qui tend à se reproduire infailliblement, 
lorsque des générations croisées l’ont troublé momentanément, 

‘I faut maintenant indiquer la caractéristique de ce type. 


HI 


CARACTÈRES DU TYPE ZOOLOGIQUE. 


L'étude attentive des animaux domestiques et de leur repro- 
duction a montré que les individus qui composent les races véri- 
tables, ou les groupes issus d’une même souche; se rattachent à un 


EN ZOOLOGIE. | 355 


type déterminé, dont les caractères sont tirés des seules formes du 
squelette. Celles-ci, considérées absolument pour chaque os en 
particulier, sont toujours les mêmes entre individus de même ori- 
gine naturelle. Elles subissent, sous l'influence des milieux, des 
réductions ou des amplifications qui peuvent en imposer à une 
observation superficielle; mais amplifiées ou réduites, leurs 
dimensions conservent toujours entre elles exactement les mêmes 
rapports. [Il m'est arrivé de comparer, — justement je crois, — 
le phénomène qu’on observe alors, à ce qui se passe lors de la 
réduction d’une statue à l'état de statuelte, ou lors de l’amplifi- 
cation d’une épreuve photographique par les procédés optiques 
dits de grandissement. 

Parmi les caractères typiques tirés de la forme du squelette, les 
plus facilement saisissables et: les plus importants, d'ailleurs, sont 
ceux fournis par les os de la tête et par les pièces du rachis. Ces 
parties de la charpente osseuse de l'individu sont les plus élevées 
en dignité dans la hiérarchie anatomique, suivant les expressions 
de Gratiolet. Pour le rachis,. c'est le nombre des pièces fendamen- 
tales qui importe. Il varie souvent d’un type à l’autre, mais non 
point que je sache pour un même type déterminé par les carac- 
tères crâniologiques. Et c’est là un fait général dont je pense que 
la découverte m’appartient. [l n’est pas favorable à la doctrine de 
l'unité de composition organique, mais ce n’est point de cela 
qu'il y a lieu de se préoccuper. 

Quant aux pièces dont l’ensemble constitue le crâne et la face, 
c'est-à-dire la tête de l'individu, chacune d'elles a, pour chaque 
type naturel, sa forme et ses proportions déterminées; mais les 
plus importantes à considérer sont d’abord ceïles qui cireonscri- 
vent la boîte crânienne et dont les proportions relatives lui 
donnent une forme plus où moins allongée, ellipsoïde, ou une 
forme sphéroïdale. On sait qu’en cràniologie anthropologique ces 

deux formes diverses sont exprimées par des termes spéciaux, 
dont le premier signifie crâne allongé (do/ichocéphale), et le 
second, crâne court (hrachycéphale). Ges termes sont applicables 
aux animaux comme à l’homme, bien que, en raison de la position 
de la tête à l'extrémité du rachis et de sa forme générale déter- 


396 ANDRE SANSON. — DEKS TYPES NATURELS 


minée par la situation du trou occipital, les procédés de mensu- 
ration ne puissent être les mêmes pour le calcul de lindice 
céphalique. 

La forme, la direction et les proportions du frontal, des di- 
vers os de la face, des os propres du nez ou sus-nasaux, du lacry- 
mal, du zygomatique et des maxillaires, ont une valeur typique 
encore plus grande, attendu qu’il existe notoirement plusieurs 
tvpes dolichocéphales et plusieurs types brachycéphales qui ne 
peuvent être rigoureusement distingués entre eux que par les 
caractères différentiels de la face, accompagnant du reste des 
nuances de ia brachycéphalie ou de la dolichocéphalie. 

Chez les animaux, c’est la forme des sus-nasaux et leur direc- 
lion par rapport à celle du frontal qui fournissent les caractères 
les plus faciles à déterminer. L’étendue relative, par rapport à la 
cavité cränienne, du lacrymal et des grands sus-maxillaires, qui 
donnent la longueur de la face, est d’une grande importance; elle 
commande celle des intermaxillaires ou petits sus-maxillaires et 
du maxillaire inférieur, qui entraîne, de son côté, la disposition 
des arcades dentaires. 

N’avant pas à décrire ici les divers types zoologiques naturels 
qui se font observer chez les animaux domestiques, on ne peut 
entrer dans l'indication spéciale des formes et des proportions 
absolues et relatives présentées par chacun des os du crâne et de 
la face pour chaque type connu. Il doit suffire à la thèse de poser 
les bases des caractères {ypiques dont le propre est, ainsi que 
nous l'avons dit déjà, de se reproduire infailliblement par la géné- 
‘ration normale. À titre d'hypothèse ou d’induction, les natura- 
listes partisans de la théorie de la variabilité limitée de l'espèce 
et ceux qui admettent vaguement ou positivement sa mutabilité, 
ont à diverses reprises avancé que des anomalies légères, compa- 
tibles avec la vie et intéressant les parties que nous venons d’in- 
diquer, pouvaient se transmettre héréditairement et se fixer en- 
suite pour former une nouvelle race, mais aucun n’en a donné 
jusqu’à présent des preuves valables. [s. Geoffroy Saint-Hilaire a 
sur ce sujet un long chapitre que les autres n’ont guère fait que 
copier depuis. Nous examinerons les seuls faits authentiques qu’ils 


EN ZOOLOGIE. 357 


aient invoqués. Ceux qui se seraient passés en Amérique n'ont 
jamais été constatés scientifiquement. Il n’y a donc pas lieu de 


s'y arrêter (1). 

Quant à présent, ne sortons pas de la notion nette des carac- 
tères typiques, qui est celle d’une vérité fondamentale pour la 
classification naturelle des animaux vertébrés. Je ne suis pas en 
mesure de dire si elle trouverait son application aux animaux 
des autres embranchements, en ce sens qu’ils auraient, eux aussi, 
un ensemble de caractères également transmissibles sans altéra- 
tion, et qui seraient à déterminer dans les parties essentielles de 


, 


(1) A l’occasion d’une discussion sur ce sujet, entre M. Camille Dareste et moi, 
M. Ch. Naudin a communiqué à l’Académie des sciences quelques faits qui lui pa- 
raissent démontrer que, chez les végétaux, les monstruosités peuvent devenir l’origine 
de races particulières (voy. Comptes rendus, t. LXIV, p. 929). En laissant de côté la 
définition de l'espèce ou du type botanique, qui n’est pas plus établie, et qui l’est 
peut-être moins encore que celle du type zoologique, il me sembie que l’on peut 
opposer aux déductions de M. Naudin les objections suivantes, que la juste autorité 
du savant botaniste me fait un devoir de présenter. 

L’auteur cite, sans iui attribuer toutefvis une valeur probante, d’abord le cas d’un 
pavot monstrueux, dont M. le professeur Güppert, de Breslau, n’a observé qu’une 
seule génération ; mais il considère comme concluant ce qui se passe pour les Fou- 
gères, très-sujettes à varier, dit-il, et présentant de véritables monstruvsités dans la 
conformation de leurs frondes. Des spores prises sur les parties altérées de la fronde 
fructifiante reproduisent à coup sûr des plautes affectées du même genre d’altération ; 
prises sur la fronde restée à l’état normal, les spores reproduisent au contraire la 
plante normale. N'est-ce point que, chez les cryptogames, la spore n’est qu’une sim- 
ple bouture, servant à continuer, en le divisant, le mème individu, et non pas à créer 
un type nouveau. M. Decaisue n’a-t-il pas vu les semences de poiriers grefiés donner 
naissance à des individus dont les fruits différaient notablement de celui qui avaient 
fourni ces semences, tandis que la greffe se reproduit sans altération. 

M. Naudin parle ensuite des trois espèces de Courges alimentaires, « plantes sou- 
mises depuis un temps immémorial à la culture, et qu’on n'a Jamais trouvées à l’état 
Sauvage. » Nonobstant, il les considère comme tératologiques, par cela seul qu’elles 
diffèrent sous plu-ieurs rapports de la courge représentant à ses yeux le type de l’es- 
pèce. Où est la preuve qu’elles re sont pas elles-mêmes des types spécifiques? « La 
date de leur origine, dit M. Naudin, est inconnue, et l’on ne saurait dire davantage 
sous quelles influences elles se sont formées , mais les espèces étant ici tout entières 
réduites en domesticité, il est {rès-vraisemblable que quelques-unes de ces races, 
sinon même toutes, ont été produites par le fait même de la culture. » 

On le voit, l’auteur résout la question par la question, 1l faudrait avant tout déter- 
miner la caractéristique du type, afin de ne pas s’exposer à prendre pour des modi- 
fications typiques ce qui n’est que des variations accessoires, comme dans le cas du 
Datura Tatula inermis de M. Godron, que cite aussi M, Naudin, 


398 ANDRÉ SANSON: —— DES TYPES NATURELS 

leur organisation. Je ne les ai pas assez étudiés pour savoir s'il 
en est ainsi chez eux, mais je suis porté à le penser, et je ne puis 
que recommander la question à ceux qui en font l’objet habituel 
de leurs études. Il ne me parait guère probable que la reproduction 
de tous les êtres organisés ne soit pas soumise à la même loi fonda- 
mentale. Toutefois, une telle vue ne peut avoir de valeur qu'autant 
qu’elle aura subi la vérification expérimentale, qui est la condition 
indispensable de toute science positive. Seulement, la notion des 
caractères typiques déterminés, sur laquelle nous insistons en ce 
moment, est la base nécessaire de toute vérification de ce genre. 
C’est parce qu’elle n'existait pas encore dans la science que les 
observations ont été si souvent détournées de leur véritable signi- 
fication, et qu’elles ont conduit à des conclusions fausses et sur 
les lois de la reproduction et sur la classification naturelle des 
individus. Les confusions dans leur nomenclature n'ont point 
d'autre cause. 

Il n’est pas, en effet, un seul de ces groupes nouveaux formés 
d’abord par les éleveurs, puis acceptés par les naturalistes, ou 
créés du premier coup par ceux-ci avec la qualité d'espèce ou 
seulement celle de race, qui ne soit fondé sur des modifications 
purement superficielles et sans aucune fixité. C’est sur ce qui 
concerne les animaux domestiques, il ne faut pas l'oublier, qu'on 
s’est le plus appuyé pour l'établissement des théories de la va- 
riabilité du type, parce que leur exploitation industrielle est une 
mine féconde d’expérimentations continuelles. IL est à peine pos- 
sible de comprendre comment des naturalistes éminents ont été 
capables de se laisser entrainer à fonder sur quelque chose de si 
fragile des distinctions dont la seule base solide est dans les lois 
naturelles bien constatées. On est allé jusqu’à ranger parmi les 
caractères de race des dispositions de tempérament ! 

Nous montrerons tout à l'heure que plusieurs des races dont la 
dérivation récente est admise, n’ont pas d'autre raison de sub- 
sister. Avec une telle caractéristique, tirée des considérations de 
taille, du volume des muselès où de la proportion de graisse, de la 
couleur des poils, il y aurait en vérité autant de races que de 
communes en France, et même autant que d'exploitations agri- 


‘EN ZOOLOGIE, 359 


coles. C’est bien ainsi que l’entendent, à vrai dire, la plupart des’ 
éleveurs. Cela, jusqu’à un certain point, leur est permis, mais- 
non à des naturalistes, à ce qu’il me semble du moins. Ils savent 
bien qu'aucun caractère de cet ordre n'appartient en propre à 
aucun type. 

- Lorsqu'il s’agit de décrire, au rep de vue oidtiigues une 
population animale, qu'aucune particularité secondaire ne soit 
négligée, c’est fort bien : chacune peut avoir son utilité pour la 
caractériser à ce point de vue; on fait alors son ethnographie ; 
les caractères qui lui sont communs avec d’autres populations du 
même genre n’en sont pas moins intéressants, pour cela, à con- 
naître; mais s’il s’agit d’en délerminer le type, on devrait parfai- 
tement sentir qu'alors les seuls caractères qui lui soient exclusi- 
vement propres sont valables, Seuls ils peuvent être distinctifs 
ou véritablement lypiques. 

L'attribut fondamental de ces caractères typiques est, avons- 
nous dit, leur fixité ou leur infaillible transmission héréditaire 
entre individus purs de la même race, et leur puissance d’ata- 
visme chez les Vs issus d’un croisement. C’est ce que nous 
avons maintenant à prouver. 


IV 


PREUVES EXPÉRIMENTALES DE LA FIXITÉ DU TYPE. 


Les preuves de la fixité du type zoologique sont de deux ordres : 
les-unes positives, les autres négatives. 1l s’agit de montrer que 
les types actuellement existant sont loujours été observés avec les 
caractères que nous leur voyons, et que par conséquent en 
les attribuant à une dérivation ou déviation d’un autre type anté- 
rieur, primitif ou non, les naturalistes font une hypothèse pure- 
ment gratuite, qui est seulement la conséquence d’une vue méta- 
physique, dite cosmologique, sur la manière dont la terre a dû se 
peupler. | 

Cette vue n’a même pas le mérite d’être nécessaire aux doc- 
trines qui l'inspirent; rien, même dans les Écritures, ne 


360 ANDRÉ SANSON. —— DES TYPES NATURELS 


l’autorise, car il n’est pas moins logique de supposer que le 
peuplement à commencé par un couple de chacun des types 
que nous observons, si nombreux qu’ils puissent être. La révé- 
lation s’en accommoderait tout aussi bien, ce dont nous n’avons 
point, du reste, à nous occuper. Il y aura lieu de faire voir 
ensuite que les types prétendus nouveaux, dont la date d’ap- 
parition et le mode de formation sous la direction de l’homme 
semblent connus, sont en réalité tout aussi anciens que les autres, 
et qu’ils ont pris naissance comme eux à une époque absolument 
ignorée, attendu qu'ils n’en sont point véritablement distincts. 

C’est là ce que j'appelle des preuves positives de la fixité; les 
preuves négalives sont celles par lesquelles il est établi que les 
altérations réelles du type, par voie de génération croisée, ne se 
sont encore jamais, jusqu'à présent, montrées durables. Les pre- 
mières prouvent l'impuissance de la sélection, les secondes, celle 
du croisement, à transformer un type en un autre type. 

Comme ceci est du ressort exclusif des faits d'expérience, nous 
pouvons l’emprunter entièrement à l'ouvrage de zootechnie pré- 
cédemment indiqué. Nous ne reproduirons pas, bien entendu, 
tous ces faits; cela nous entrainerait {rop loin ; nous devons nous 
borner à renvoyer à l'ouvrage même les lecteurs qui ne se croi- 
raient pas suffisamment édifièés par quelques-uns des principaux 
seulement. 

Nous ne contesterons pas les variations relatives à la taille, au 
volume du corps, à la couleur, aux aptitudes physiologiques : 
eHes sont incontestables ; nous les expliquerons en faisant remar- 
quer qu'elles ne touchent en rien aux caractères typiques, el que, 

pour ce molif, elles ne peuvent fournir aucune preuve de la va- 
riabilité du type. La plupart des arguments en faveur de celle-ci 
élant de cet ordre, ils tomberont par là, faute de base. 

Avant d'aborder toutefois ce qui concerne les animaux domes- 
tiques, disons un mot d’un fait relatif à un animal sauvage dont 
l'espèce passe pour s’être consliluée dans les temps historiques, 
depuis l'antiquité romaine. Je veux parler du Cerf de Corse. On 
fait de ce ruminant une espèce distincte (Cervus corsicanus), sur 
le bien fondé de laquelle, cependant, les naturalistes ne sont pas 


EN ZOOLOGIE. 361 


d'accord. Elle est caractérisée par une taille moindre que celle du 
Cerf d'Europe (C. elaphus), par des bois moins grands, aux an- 
douillers moins nombreux, et par un pelage tacheté. Or, l’his- 
torien et géographe Polvbe, que l'on qualifie d’exact, n’a pas 
mentionné le cerf parmi les ruminants sauvages de la Corse; donc 
le cerf n’y existait pas de son temps; donc il y a été introduit; 
done il s’y est modifié pour devenir le C. corsicanus, espèce dis- 
tincte de celles que l’on trouve en divers autres lieux. 

Avec une telle méthode de raisonnement on va loin. Mais un 
esprit sévère sur les démonstrations scientifiques peut-il bien s’en 
servir ? D'abord, de ce que Polybe n'a pas vu de cerfs en Corse, s’en- 
suit-il nécessairement qu’il n’y en avait point? [ne dit même pas 
formellement qu'ils en étaient absents; il se borne à ne les pas 
mentionner. Admettons que s'ils y avaient existé de son temps, 
Polybe les eût vus, ne fussent-ils qu'au nombre de deux ou d’un 
couple. La question, avec cette concession, sera bien loin encore 
d’être résolue. Comme une génération spontanée de cerfs, même 
plus petits que les autres, n’a guère de chances de s'être produite 
en Corse, il faut supposer qu'ils y ont été introduits. D'où venaient- 
ils et qu’étaient-ils au moment de l'introduction? Nul ne le sait. 
Supposons qu'ils étaient de l’une ou de l’autre des espèces dont 
ils s’éloignent le moins; est-ce à dire qu’en perdant de leur taille 
et quelques-uns de leurs andouillers, ils aient changé de type? 
Nous avons vu que ce ne sont point là des caractères typiques. 

Avec la meilleure volonté du monde et en faisant toutes sortes 
de concessions sur la rigueur scientifique, il est donc impossible 
d'accorder aucune valeur probaute à l'argument.fs. Geoffroy Saint- 
Hilaire, qui l'invoque, le sent si bien, qu’il n’ose pas le considérer 
comme décisif. « Entre l’époque, dit-il, déterminable seulement 
par approximation, ou le Cervus elaphus à été transporté outre- 
mer, et celle où l’on a retrouvé, à la place de cette espèce, le 
C. corsicanus et le C. barbarus, il s’est écoulé des siècles ; et 
l’on peut supposer que tout ce temps a élé nécessaire pour faire 
sortir, de la tige commune, deux rejetons si profondément mo- 
difiés. Peut-être les types du C. corsicanus et du C. barbarus 
étaient-ils depuis longtemps constitués lorsqu’on a connu l’un au 


{ 


362 ANDRÉ SANSON. == DES TYPES NATURELS 


xvi siècle et l’autre au xiX°; mais nous n'avons aucun moyen 
de le savoir. Un autre doute s'élève ici, et sur le fait lui-même 
de la formation de types nouveaux. Malgré les connaissances po- 
sitives des anciens sur le nord de l'Afrique, malgré le savoir si 
précis de Polybe sur la Corse, leur autorité n’est pas ici telle qu'on 
soit obligé de s’y rendre, et l’on pourrait, à la rigueur, supposer 
aux cerfs de Barbarie, de Corse et de Sardaigne, des ancêtres 
cachés dans quelque repli des montagnes de ces îles ou de l'Atlas, 
et restés inconnus même aux plus savants. Les plus savants sont 
seulement ceux qui ignorent le moins (1) ». | 

Paroles fort sages, assurément; il est à regretter seulement que 
l’auteur ne se soit pas montré toujours aussi scrupuleux sur les 
témoignages du même genre qu'il admet pour appuyer sa con- 
clusion ainsi formulée : « Non-seulement le type est sujet à des 
varialions, et ces variations peuvent être considérables et notam- 
ment porter sur les caractères spécifiques, mais elles se produi- 
sent quelquefois très-rapidement, et la constitution d’une race 
nouvelle est loin d'exiger, comme on l'avait suppose, une longue 
suite de siècles ». 

C'est ce que nous allons voir. 

La plupart des preuves queles auteurs en donnent sont fondées 
sur la supposition d’un type primitif unique, pour chaque genre 
d'animaux domestiques, auxquels ils rapportent toutes les variétés 
de taille, de volume, de couleur, etc., qu’ils considèrent comme 
résultant nécessairement des variations de ce type. C’est là ce 
qu'on appelle, en logique, une pétition de principe, ou bien, en- 
core, c'est résoudre la question par la question. On n’est tenu 
d'examiner que les variations qui auraient été observées directe- 
ment. Dans toutes les dissertations sur ce sujet, à la place du mot 
variations, mettez variétés, l'exposé ne perdra rien en clarté, et 
il aura en outre l'avantage de rester dans les limites d’une con- 
statation de faits exacts. La pétition de principe aura disparu. 

Les prétendues variations, chez les animaux domestiques, sur 
lesquelles on a Le plus insisté, sont relatives aux chiens, dont les 


(1) Hist. nat. génèr. des règnes organiques, t. LIL, p. 412. 


EN ZOOLOGIE. 363 
races, pour être en réalité moins nombreuses qu’on ne le croit 
généralement, en présence du grand nombre de variétés secon- 
daires qu’elles présentent, sont cependant assez multipliées. 

A cet égard une citation résoudra la question. Je l’emprunte à 
mon ouvrage. | 

« C’est dans les écrits de ceux qui ont entrepris de prouver la 
mutabilité des espèces et des races, disions-nous à propos de l’hy- 
bridité, qu’il faut surtout aller chercher les bons arguments pour 
établir le contraire. Les faits qu’ils exposent avec une grande 
bonne foi se chargent de démontrer le peu de fondement de leur 
hypothèse. : 

» Ilen est un, par exemple, dont la signification si nette n’au- 
rail point dû échapper à leur sagacité. On trouve, disent-ils, sur 
les bords du Nil, une race de chiens autrefois soumise à l’homme, 
maintenant libre et nomade, et « à qui trente siècles de civilisa- 
» tion, suivis de mille ans de barbarie, n’ont fait subir aucun 
» changement. Ces chiens qu’on désigne vulgairement sous le 
» nom indien de parias, sont tout à fait semblables à ceux dont 
» les corps embaumés se retrouvent en grand nombre dans les 
» plus anciens tombeaux de l'Égypte. C’est leur image qui forme 
» le signe unique et invariable du mot cten dans toutes les in- 
» scriptions hiéroglyphiques » . 

» Ge type n’était certainement pas le seul qui fût indigène dans 
ce pays d’antique civilisation. Les formes caractéristiques du 
basset et du iévrier sont figurées notamment, sur le tombeau de 
Roti, célèbre amateur de chasse qui vivait sous la douzième dy- 
nastie, c'est-à-dire plus de deux mille ans avant notre ère. Il est 
curieux de constater, ajoute seulement l’auteur auquel nous em- 
pruntons ce fait, « que le type du lévrier et celui du basset 
» étaient alors aussi distincts, aussi bien caractérisés qu’ils le 
» sont aujourd'hui, et que ces types ont persisté sans altération 
» notable, depuis l’origine des temps historiques, sous les climats 
> les plus divers et dans les conditions les plus changeantes ». 
L'antiquité du mâtin, dit-il aussi, n’est pas moins respectable, 
€ car ses ancêtres avaient déjà des statues à Babylone et à Ninive, 
» plus de six cents ans avant Jésus-Christ, On voit dans le travail 


36/ ANDRÉ SANSON. — DES TYPES NATURELS 
» de M. Nott, sur l'Histoire monumentale des chiens, la gravure 
» d’un magnifique bas-relief trouvé dans les ruines de Babylone 
» et sculpté, paraît-il, d'après le dire des archéologues orienta- 
» listes, sous le règne de Nabuchodonosor,où se trouve un superbe 
» mâtin, dont la forme et les proportions, la physionomie et les 
» allures, se retrouvent, sans aucune modification, dans la race 
» des mätins actuels ». | 

» Îl est vrai de dire que ces faits si curieux, bien qu'ils se trou- 
vent rapportés dans un ouvrage dont le but essentiel est de 
démontrer la mutabilité des espèces et des races, sont invoqués 
pour établir la spécificité des races de chiens que Buffon a consi- 
dérées comme dérivant d’un type uniques et à l'encontre de l’o- 
pinion qui veut qu'il en soit ainsi des races humaines. Et à ce 
propos l’auteur s’écrie : « C’est pourtant quelque chose qu’une 
» expérience de quarante siècles, et si, pendant cette longue pé- 
» riode qui embrasse tout le passé connu, certains types sont 
» restés immuables, sur quoi peut-on se baser pour dire qu'aupa:- 
» ravant ces (ypes avaient varié? Il ne faut rien moins que le 
» besoin de defendre un système pour égarer des esprits sérieux 
» dans de semblables hypothèses. Dira-t-on que quatre mille ans 
» d'observations sont insuffisants et que ce laps de temps est peu 
» de chose en comparaison des siècles innombrables qui nous 
» séparent de la création ? Mais j’entends déjà les théologiens qui 
» se récrient et demandent ce qu’on fait du déluge universel, 
» Survenu, Comme on sait, deux mille trois cent quarante-huit ans 
» avant la grâce, c'est-à-dire quatre mille deux cent seize ans 
» avant le présent jour de juin 1858, et trois ou quatre siècles 
» à peine avant le célèbre chasseur qui comptait dans sa meute, 
» outre les chiens autochthones de la vallée du Nil, des bassets, 
» des lévriers et des chiens courants. C’est done pendant ces trois 
» siècles que les descendants du chien de Noë ont dû perdre l’u- 
» niformité de leur organisation et se diviser en races distinctes 
» qui depuis lors n’ont plus changé. La chose est difficile à com- 
» prendre, et c’est pourquoi bon nombre de naturalistes éminents, 
il faut bien l'avouer, se sont vus forcés de rejeter la chronolo- 


> de 


gie du peuple juif ». 


EN ZOOLOGIE. 369 

» Cela est parfait, mais le savant anthropologiste ne s’est pas 
aperçu qu’il fournissait ainsi le plus solide des arguments contre 
sa thèse principale, et que cet argument retomberait sur lui de 
tout son poids. Quand on songe, en effet, à cette persistance des 
types les plus anciennement connus, surtout lorsqu'ils se rappor- 
tent aux chiens, dont la promiscuité est proverbiale, comment 
admettre que le croisement puisse les altérer? Si les hybrides ou 
les métis pouvaient, en se reproduisant, être après quelques 
générations, comme on le prétend, la souche d'espèces ou de 
races nouvelles, il y a belle heure évidemment que le type de 
bords du Nil représenté dans l'écriture hiéroglyphique, ceux du 
tombeau de Roti, et même le mâtin de Ninive et de Babylone, 
auraient disparu pour faire place aux types nouveaux résultant de 
leurs croisements continus ! 

» Pour satisfaire leur instinct génésique, les chiens, on le sait 
bien, ne se préoccupent guère de la sélection absolue. La consi- 
dération de race ne les arrête nullement. Et pour que le lévrier, 
le basset, le chien courant du temps de Sésostris, le mätin du 
temps de Nabuchodonosor, soient venus jusqu’à nous, il est né- 
cessaire qu’une loi naturelle, infaillible, ait présidé à la conser- 
vation de leur race (1) ». 

Pour les créations de types nouveaux attribués à la sélection, 
je suis obligé de renvoyer au même ouvrage, dont il faudrait sans 
cela reproduire de longs chapitres presque tout entiers. Parmi 
les bœufs, il y a d’abord la plupart des races de l'Angleterre et 
particulièrement celle dite de Durham. La description de cette 
prétendue race nouvelle (2) prouve que son type ne diffère en 
rien de celui des bœufs de la Hollande, d'où il provient. Il suffit, 
pour s’en convaincre, de comparer les portraits authentiques 
d'individus des deux provenances, qui sont reproduits plus loin 
(p.371). Les éleveurs anglais, et Charles Colling le premier, n’ont 
fait que développer à un très-haut degré l'aptitude à s’assimiler 
les aliments, en vertu de quoi le squelette, plutôt achevé, con- 

(1) A. Sanson, Principes généraux dela zoolechnie, p. 285 et suiv. 


(2) Voyez À. Sanson, Applications de la zootechnie (Bœuf, Mouton, Chèvre, Porc), 
p. 61. 


366 ANDRÉ SANSON. = DES TYPES NATURELS 

serve par cela même des proportions plus exiguës, tandis que les 
parties molles acquièrent des proportions exagérées. La méthode 
zootechnique à l’aide de laquelle ces résultats sont obtenus, en- 
seignée par Bakewell, a été appliquée de même à tout le bétail de 
l'Angleterre. Elle n’a pas fait subir la moindre altération aux types 
sur lesquels elle s’est exercée. Après comme avant, les bœufs 
d'Hereford, de Devon, d’Angus, de Saffolk, de West-Highland, 
conservent, comme ceux de Durham, leurs caractères distinctifs, 
bien qu'ils aient acquis, quant aux parties qui donnent de la 
viande, une conformation uniforme. Personne ne se trompe lors- 
qu'il s’agit de les distinguer : c’est que chacune des races aux- 
quelles ils appartiennent.a un type qui lui est propre. 

Il en est de même pour les moutons, et cela montre jusqu’à 
quel point se trompent les naturalistes qui invoquent en gros 
l'exemple des bestiaux anglais comme une preuve des variations 
de type imprimées par les éleveurs. La seule preuve qu'on en 
puisse tirer, c'est que pour soutenir une thèse préconçue, ces 
naturalistes ont accepté des assertions incompétentes, sans se 
donner la peine d'examiner directement les faits et de les analyser 
avec la rigueur qu'exige la science. 

Aucun de ces faits, acceptés si facilement, ne supporte lexa- 
men. [l en est un qui à été bien souvent invoqué, et tout récem- 
ment encore, bien qu’il eût été réduit, d’une manière que j'ose 
dire péremptoire, à sa juste valeur. Je veux parler de la prétendue 
race ovine de M. Graux, de Mauchamp. Ce serait encore un cas 
de multiplication, par sélection, d’un nouveau {ype apparu acei- 
dentellement, et par la production d’une de ces anomalies légères 
auxquelles on se montre disposé à attribuer l’origine de bon nom- 
bre de nos races domestiques. 

Eh bien, qu'on lise dans le premier des volumes tout à l'heure 
cités (p. 114) l’histoire de la création de M. Graux. Elle y est rap- 
portée tout au long, chapitre DE L’nérépiré, article De l'hérédité 
des aptitudes. On y verra que les mérinos de Mauchamp ne différent 
des autres mérinos que par leur laine soyeuse, à ondulations moins 
serrées, et qu’il est absolument impossible de les en distinguer 
lorsqu'ils sont tondus, À plus forte raison, leur squelette ne différe- 


EN ZOOLOGIE. 367 


t-il point. Or, nous savons que le squelette seul donne le type. 
Est-il jamais venu à la pensée de personne de dire que deux Mont- 
morency ou deux Noailles n'étaient pas de la même race, parce 
que les cheveux de l’un étaient bouclés et ceux de l’autre plus ou 
moins plats? Devant une telle distinction, un anthropologiste ne 
pourrait se dispenser de sourire; comment se fait-il donc que les 
naturalistes lui accordent tant d'importance lorsqu'il s’agit de 
moutons ? Si les aplitudes étaient des caractères de race, il serait 
permis de se demander comment on pourrait, à cet égard, dis- 
tinguer un bœuf d’un mouton; car, en vérité, les animaux des 
deux genres, améliorés par Bakewell, ne différent point; et 
même, sans aller si loin, l'effet des méthodes zoctechniques est 
de donner à tous les animaux du même genre des aptitudes com- 
munes. À ce compte, il n'y aurait plus bientôt qu’une seule race 
de bœufs et une seule race de moutons. Pourtant, les naturalistes 
dont je discute la théorie ont pour but d'établir qu’elles vont se 
multipliant. Ceci est tout simplement une contradiction. 

Pour la race, réputée anglaise, des chevaux de course (éhe race- 
horse), la question est tout aussi claire. On en trouvera la solution 
complète dans mon ouvrage (1), avec la démonstration que le type 
de ces chevaux n’est autre que celui des chevaux d'Arabie, im- 
planté en Angleterre, où les individus, sans changer de formes, 
ont acquis plus de laille et de développement, sous l'influence 
des procédés d'entraînement. 

Les naturalistes, disposés par leurs conceptions hypothétiques 
sur la notion de l'espèce, se sont montrés trop faciles pour accep- 
ter les distinctions de races que les éleveurs et les auteurs spé 
ciaux ont poussées jusqu'aux dernières limites de l'abus, dans 
tous les genres d'animaux domestiques. L'examen scientifique de 
nos populations animales le démontre à chaque instant. En dé- 
crivant ces populations, j’ai dû réduire considérablement le nom- 
bre des lypes réels, et je suis convaincu qu’en poursuivant mes 
études, je serai conduit à opérer encore de nouvelles réductions, 
. par une application encore plus rigoureuse de la notion des ca- 


(14) Voyez Applications de la 30olechnie (Cheval, Ane, Mulet), p. 74. 


368 ANDRÉ SANSON. — DES TYPES NATURELS 


ractéres typiques. Beaucoup de groupes d'animaux ont reçu des 
dénominalions de race sans aucun motif valable, sans même une 
apparence de raison, comme celle tirée d’une différence de cou- 
leur, par exemple, qui peut en imposer à des observateurs super- 
ficiels. Je pourrais extraire de mon livre un grand nombre de 
faits qui le prouvent. Bornons-nous à la citation d’un seul, choisi 
parmi les plus remarquables, parce qu’il se rapporte à deux pré- 
tendues races unanimement distinguées et réputées distinctes 
depuis les temps les plus reculés. Pourtant rien n'est plus certain 
que la parfaite identité de leur type; et ainsi qu’on va le voir, les 
caractères secondaires qui les ont fait séparer ne sont même pas 
constants. 

Je demande la permission d'entrer à cet égard dans quelques 
details. 

€ RACE HOLLANDO-FLAMANDE. — Avec les idées généralement 
admises sur la caractéristique des races, il ne faut point s'attendre 
à voir accepter sans contestalion le rapprochement que nous opé- 
rons entre le bétail de la Hollande et celui des Flandres. Pourtant 
rien n’est plus certain et plus facile à constater que l’identité de 
type des populations bovines, dans tous les pays baignés par la 
mer du Nord et ses affluents, depuis les bouches de l'Ems Jjus- 
qu’au delà du Pas-de-Calais, à l'entrée de la Manche, comprenant 
la Hollande, la Belgique, quelques-uns de nos départements du 
nord et du nord-est, et le grand duché de Luxembourg. 

» Seuls quelques-uns des caractères secondaires différent dans 
les tribus de la race unique qui occupe cette assez vasle étendue 
de pays, tribus établies solidement sur des points extrêmes; et 
encore, pour en être frappe, faut-il les considérer isolément, sans 
tenir compte de la fusion qui s'opère par des gradations insensi- 
bles dans les populations intermédiaires. 

» Identité de type et identité d'aptitude prédorainante, voilà ce 
qui confond, à tous les points de vue, dans une seule et même 
race, les deux prétendues races flamande et hollandaise, si unani- 
mement admises jusqu'à présent, tant elles semblent en effet 
distinctes, considérées d’après les errements empiriques, dans 
lesquels la couleur joue un rôle exagéré. En nous fondant sur la 


EN ZUOLUGIE. 369 
caractéristique tirée des lois physiologiques, 1l me sera possible, 
j'espère, de démontrer l’exactitude de cet énoncé, sans aucune 
difficulté. Il suffira de décrire les caractères typiques, en mettant 
sous les veux du lecteur l’image exacte et authentique d'individus 
appartenant aux deux prétendues races. Si, comme cela ne me 
semble point douteux, la description unique convient également 
à tous, la démonstration sera complète. 

» Mais auparavant faisons, conformément à notre plan, une 
sorte d’ethnographie sommaire de la race, pour ce qui concerne 
notre propre pays, en vue duquel nous écrivons surtout. Il est 
loujours bon de commencer par fixer d’abord les idées à cet 
égard, afin qu’ensuite on puisse porter sa pensée vers les lieux où 
se présentent les particularités secondaires qui s’y rattachent, Les 
différences, au reste, étant assez tranchées et pouvant se ramener 
aux deux groupes admis comme constituant deux races distinctes, 
nous distinguerons nous-mêmes, pour la description des carac- 
tères secondaires, dont quelques-uns sont absolument semblables 
toutefois, une éribu flamande et une tribu hollandaise. 

» La première occupe toute la partie française des anciennes 
Flandres, c’est-à-dire les départements du Nord, du Pas-de- 
Calais, de la Somme, et une partie de ceux de l'Oise et de l’Aisne ; 
la seconde, les départements des Ardennes, de la Meuse, de la 
Moselle et une partie de ceux de la Marne et de la Meurthe. 

» La division se prolonge de même en remontant vers le nord, 
au delà de nos frontières, la tribu hollandaise descendant de ses 
polders vers le sud-est de la Belgique, et se répandant sur toute 
l'étendue de ce pays, moins le Hainaut et les Flandres orientale 
et occidentale, qui sont en possession de la tribu flamande. 

» Celle-ci reçoit chez nous des désignations secondaires presque 
aussi nombreuses que les petites localités diverses qu'elle habite. 
Ainsi on distingue, dans ce qu’on appelle la race flamande, dans 
le département du Nord, les vaches berquenardes, des environs de 
Bergues, les casseloises, vers Cassel, les maroullaises, des cantons 
d’Avesnes, Landrecies, Berlaimont, Solve-le-Château, moins am- 
ples et plus fines, plus laitières que les autres ; dans le départe- 
ment du Pas-de-Calais, les boulonnaises, aux environs de 


JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOI, — T. IV (1867), 24 


370 ANDRÉ SANSON, — DES TYPES NATURELS 

Boulogne et de Montreuil, les artésiennes, dans l’ancienne pro- 
vince d'Artois, vers Arras, Saint-Omer et Béthune, les bournai- 
siennes, du côté de Desvres, Samer, Hucqueliers, Fruges, petite 
contrée anciennement connue sous le nom de Bournaïs, et enfin 
les xamponnaises, de la petite vallée de l’Authie, dans l’arrondis- 
sement de Montreuil; dans la Somme, d’abord, puis dans les 
parties occupées de l'Aisne et de l'Oise, où la race confine 
avec la normande et s'y allie souvent, elle forme la sous-race 
picarde, des auteurs, en se distinguant, dit Lefour, de la sous-race 
artésienne par une transition presque insensible. 

» Pour la tribu hollandaise, les désignations sont moins nom- 
breuses, si nous négligeons loutelois, comme il convient, celles 
usilées dans les provinces de la Hollande et de la Belgique, nous 
en tenant à ce qui concerne notre pays. On ne distingue chez 
nous que les bêtes ardennaises, qui peuplent le département des 
Ardennes et surtout l’arrondissement de Rethel; de là elles s’é- 
tendent jusque dans la Marne, dont la population bovine, fort 
mêlée, se compose de vaches ardennaises constamment introduites 
par le commerce, et de métisses obtenues de leur accouplement 
avec des taureaux suisses, sous l'influence des efforts peu dignes 
d'approbation qui ont été faits en ce sens par le comice agricole 
de Reims ; puis les bêtes meusiennes, qui peuplent la partie fran- 
caise du bassin de la Meuse, en se mélant, elles aussi, vers le 
midi et vers l'est de la région, avec les bêtes suisses du canton de 
Fribourg et les bêtes françaises de la Franche-Comté. 

.» Ajoutons, en outre, que la vache hollandaise est une des 
plus cosmopolites que nous connaissions : non-seulement elle se 
répand individuellement, comme la vache bretonne, sur tous les 
points de la France, partout où l'on peut lui assurer une alimen- 
tation en rapport avec sa grande aptitude laitière, mais elle a 
franchi l'Océan depuis longtemps avec les hardis navigateurs de 
sa nation, pour aller s'établir jusqu’au cap de Bonne-Espérance. 
Dans l'Amérique méridionale, on ne rencontrerait guère de grand 
centre populeux qui ne possédât plusieurs étables garnies de 
vaches hollandaises. 

» Que tant de migrations de la race aient fait subir, à tout ce qui, 


EN ZOOLOGIE. 971 


en elle, est susceptible de s’accommoder au milieu ou de se con- 
former aux vues de ceux qui dirigent sa reproduction, des modi- 
fications profondes ou seulement superficielles, c’est ce dont il 


FiG. 1. — Taureau hollandais, 4°7 prix, Fi6. 2,— Vache hollandaise, 4° prix, 
16° catégorie, 2° section, 1'€ classe 10° catégorie, 1'° section, 1'€ classe 
(M.Gilles. Concours universel, Paris, (M. Preuyt, Concours universel, Paris, 
1856). 1856). 


n’y à pas lieu de s'étonner ; mais ce qui atteste son unité fonda- 
mentale, encore une fois, c’est que, sous toutes ces modifications, 
le type a persisté indélébile, avec les caractères qui vont être 
maintenant indiqués (fig. 4, 2, 3 et 4). 


FiG. 3. — Taureau flamand, 1% prix, Fig. 4. — Vache flamande, 1° prix, 
29 catégorie, 1'° classe (M. Léopold 2° catégorie, 2° section, 1'° classe 
Vandamme. Concours universel, (M. Dutfoy. Concours universel, 
Paris, 1856). Paris, 1856). 


» Caractères typiques. — Üràne dolichocéphale; protubérance 
occipito-frontale large, épaisse et élevée ; cheville osseuse petite, 
implantée haut, courte et arquée horizontalement en avant ; front 
plat; arcades orbitaires effacées ; orbite petit; face courte, à chan- 
frein droit et rétréci à son extrémité inférieure ; crête zygomatique 


D 72 ANDRÉ SANSON. — DES TYPES NATURELS 


peu saillante; maxillaire inférieur à branches écartees en arrière, 
relevées à angle obtus et serrées au menton; arcade incisive 
étroite. Sur le vivant, mufle étroit et peu proéminent; levres 
minces, bouche petite, peu ou point du tout de fanon sous la 
gorge; oreille mousse, petite, mince, peu velue à l’intérieur et 
plantée bas; cornes fines dans toute leur étendue, courtes et for- 
tement arquées en avant et en bas, de telle sorte que, chez cer- 
tains sujets, la pointe arrive jusqu’au front, tandis que chez la 


F1G. 5. — Taureau durham, 1° prix, F1G. 6. — Vache durham, 1% prix, 


2° catégorie, 1'° section, 1'e classe 1"€ catégorie, 1'€ section, 1"€ classe 
(M. Ch. Towneley. Concours uni- (M. Ch. Towneley. Concours uni- 
versel, Paris, 1856). versel, Paris 1856). 


plupart elle se relève un peu; œil petit et saillant; ensemble de 
la tête d'une forme conique allongée et fine ; physionomie douce. 

» Si l'on a pris la peine de confronter, trait pour trait, la des- 
cription de caractères typiques qui précède sur chacun des por- 
traits de la race hollando-flamande que nous mettons sous les 
yeux du lecteur, on n’a pu manquer de constater que ces carac- 
téres sont ceux de tous les individus représentés, malgré les 
légères différences qu'ils présentent dans la pose et le développe- 
ment absolu de leur tête. Mais comme pour donner encore plus 
de force à la démonstration, il se trouve précisément que ces dif- 
férences alternent dans les deux tribus. En effet, tandis que c’est 
le taureau hollandais (fig. 1) qui a la tête moins forte, plus 
fine dans son ensemble que celle du taureau flamand (fig. 3), 
la vache hollandaise (fig. 2), à son tour, l’a moins fine que la 
flamande (fig. 4); ce qui n’empèche pas, dans les deux cas, de 
vérifier l'existence de formes identiques et de rapports exactement 


EN ZOOLOGIE. 373 
semblables, entre l'étendue des deux régions du crâne et de la 
face, bien que le couple hollandais soit vu de profil et le couple 
flamand de trois quarts. 

» En les comparant en outre aux figures 5 et 6, on vérifiera 
facilement l'identité du type de durham avec celui dont il s’agit 
en ce moment. (Le durham a été seulement, par la précocité, 
rendu plus fin.) 

» Caractères secondaires. — La race hollando-flamande pos- 
sède dans sa robe les poiis blanc, noir et rouge, des diverses 
nuances que les trois couleurs sont susceptibles de présenter. Sui- 
vant les temps et les lieux, les idées particulières des éleveurs, 
d’abord, puis les circonstances impersonnelles, y ont amené des 
combinaisons en vertu desquelles le pelage se trouve présenter 
l'association des couleurs de la race naturelle dans des conditions 
qui sont à peu près toujours les mêmes. C’est l’uniformité préci- 
sément de ces conditions, qui en impose et fait admettre des dis- 
Uinctions de races là où il n’y a, en réalité, que des groupements 
artificiels de familles en tribus. 

» On ne sait pas jusqu’à quel point l'influence du milieu est 
capable de faire varier la couleur du poil. Pour ma part, je ne 
connais aucun fait bien ohservé qui permette de considérer 
comme démontré autre chose à cet égard que des variations de 
nuance; je n’oserais cependant nier d’une manière définitive la 
possibilité des variations de couleur, les preuves négatives n’ayant 
Jamais, en science, qu'une valeur actuelle et provisoire. 

» Mais il en est autrement des variétés que la robe peut pré- 
senter, étant admise, dans une race, l'existence de poils de 
diverses couleurs : ces poils se prêtent avec la plus grande faci- 
lité à toutes les combinaisons qu'il plait à l’éleveur d'imaginer; 
ce n'est plus qu'une pure affaire de sélection; et c’est cela, soit 
dit en passant, qui a porté tant d’éleveurs à s’abuser sur leur 
puissance de création de races nouvelles. 

» Des expériences intéressantes d’un vétérinaire belge, M. Le- 
grain, faites en vue de vérifier une assertion de M. Charles Aubé, 
en vertu de laquelle quatre ou cinq générations consanguines 
auraient suffi pour produire l’albinisme chez les lapins, ces expé- 


37h ANDRÉ SANSON. — DES TYPES NATURELS 
riences ont démontré que l’hérédité seule, conformément à la loi 
formulée par nous, produit ce résultat. 

» En effet, accouplant en consanguinité des lapins blancs et 
noirs, M. Legrain a obtenu à volonté des albinos, des individus 
noirs où des individus présentant comme leurs ascendants les 
deux couleurs réunies, suivant qu’il faisait, à chaque généralion, 
sélection des sujets présentant sur la plus grande étendue de leur 
corps la couleur qu'il voulait obtenir. Cela n’est en vérité qu’un 
Jeu. 

» Il est facile de comprendre, d’après cela, que la race hol- 
lando-flamande présente des différences en apparence radicales 
de pelage, du moment surtout que ces différences ne portent que 
sur la combinaison de ses couleurs. Deux caractères, toutefois, 
sont uniformes dans toute la race : le mufle et les paupières sont 
d’un noir vif, le premier étant quelquefois marbre ; les cornes sont 
blanches ou jaunâtres à la base et noires à l'extrémité. Quant à 
l’ensemble de la robe, sur chaque individu, il se présente sous 
cinq combinaisons : ou bien il est presque entièrement noir, blanc 
ou rouge, ou il résulte de l'association de chacune des deux cou- 
leurs rouge et noire avec le blanc, formant les deux variétés des 
robes pie rouge et pie noir. 

» Dans la tribu flamande, c’est le rouge‘brun acajou qui do- 
mine, cette couleur y étant considérée comme l'indice de la plus 
grande pureté de la race. C’est une raison suffisante pour qu’elle 
y aitété maintenue et multipliée. Dans la triba hollandaise, les 
préférences étant pour le pie noir, les éleveurs attentifs se sont 
appliqués à le multiplier. Dans les points intermédiaires, où la 
race se reproduit comme toujours un peu plus à l'aventure, et 
loin des centres réputés, dans les localités qui ont donné leur 
nom au bétail de la race qui s'y multiplie, on observe toutes les 
varièlés du rouge clair, du pie rouge, du blanc à peine taché de 
noir et du noir à peine taché de blanc. 

» Les vaches meusiennes, par exemple, sont quelquefois entiè- 
rement blanches, avec les oreilles et le bout de la queue noirs 
seulement, mais le plus souvent elles offrent de petites taches 
noires disséminées sur le corps blanc. Les vaches picardes sont 


EN ZO0OLOGIE. | 379 
ordinairement rouge froment foncé ou rouge clair; chez les arté- 
siennes, le blanc se mêle au rouge foncé de la flamande dans une 
proportion plus forte, mais distincte, tandis que chez les maroil- 
laises l'association est souvent assez intime pour former le pelage 
pagne ou rouan, le rouge uniforme y étant d’ailleurs ordinaire- 
ment de la nuance froment. | 

» Dans les provinces hollandaises de la Zélande et de la Gueldre, 
et dans les provinces belges intermédiaires du bassin de la Meuse, 
la race se montre fréquemment avec le pelage pie rouge ; dans la 
Frise, le pie noir présente cette particularité que la tête et l'es 
extrémités sont généralement blanches. 

» Ces variétés de la robe étant indiquées, en vue surtout de 
bien faire saisir comment elles ne peuvent en aucune façon porter 
atteinte à l'unité fondamentale de la race, pas plus que les variétés 
de taille et d’ampleur qui les accompagnent, celles-ci dépendant 
de l’accommodation au milieu plus ou moins fertile et au mode 
d'exploitation, décrivons maintenant, sous le rapport du pelage, 
les deux tribus principales. 

» Voici la description que Lefour a donnée de la flamande : 
« La robe rouge brun, ordinairement plus foncée vers la tête, 
» laisse apparaître, soit à la tête, au flanc et à l’ars, des taches 
blanches ou tigrées; les vaches ainsi marquées en tête, et prin- 
» cipalement à la joue, sont dites barrées ; c'est un signe de race. 
» — On trouve cependant en Flandre beaucoup d'animaux d’un 
» rouge plus elair ou d’un brun plus foncé, d'autres rouan ou 
pie rouge; mais il convient de considérer la robe rouge brun 
comme le cachet de la race. » 

» Il convient! pourquoi? — Il convient seulement de constater 
que les éleveurs flamands ont une préférence marquée pour le 
poil rouge brun. 

» Passant en revue le bétail du North-Hollande qui oceupe 
toute la vaste étendue du littoral, depuis le Rhin jusqu’au détroit 
séparant le Zuyderzée de l'Océan, et forme la tribu Ao/landaise, 
le même auteur fait remarquer que ce bétail est généralement 
pie noir à lête noire, « On voit également, ajoute Lefour, des 

» sujets complétement noirs ou blancs, et quelques-uns dont le 


Y 


Y 


376 ANDRÉ SANSON. —— DES TYPES NATURELS 


» corps, noir dans ses autres parties, est comme enveloppé entre 
» les épaules et les reins d’un large manteau blanc. Les éleveurs 
» du Wedd-Laken et du Lakenfeld tiennent à reproduire cette 
» particularité de robe dans la variété qu'ils élèvent (1). » 

On remarquera que ces descriptions de Lefour n’avaient point 
été faites pour soutenir la thèse. C'est pour cela que je les lui 
ai empruntées. 

Le reste n’a plus qu'un intérêt économique. Il convient d’inter- 
rompre la citation et de passer aux preuves tirées de l’impuis- 
sance du mélissage, pour donner naissance à des {ypes nouveaux. 
Je me borne à les indiquer, afin de me maintenir dans les limites 
de l’espace qui m'est accordé. 

Les groupes d'individus dont on argue sont principalement ceux 
des chevaux anglo-normands, des moutons dishley-mérinos et de 
la Charmoise, et surtout des porcs anglais. Ces groupes de métis 
sont, dit-on, constitués en races nouvelles. Le croisement aurait 
donné des types intermédiaires fixés, devenus constants, par les 
soins des éleveurs et qui se perpétueraient désormais sans altéra- 
tion. 

Voici l’état exact des faits, tel que je l’ai établi, et tel qu’on le 
trouvera plus détaillé dans mon ouvrage, avec gravures à l'appui, 
copiées sur des portraits authentiques : 

Sur 33 jeunes chevaux de la Normandie, faisant partie d’un 
régiment de cavalerie, on en a trouvé 7 de type normand-danois, 
17 de type anglais (arabe), et 9 en voie de retour à l’un ou à 
l'autre. Sur 26 plus âgés, et pris au hasard dans une écurie, leur 
provenance normande étant toutefois hors de doute, on en a 
rencontré 11 de type danois, 7 de type anglais et 8 en voie de 
retour. 

Voilà ce qu’il en est de l’uniformité de type de la prétendue 
race anglo-normande, dite de demi-sang. Les types naturels qui 
en ont fourni les premières souches persistent à revenir, lors de 
la reproduction des métis entre eux. 


(1) A. Sanson, Applications de la zootechnie (Bæœuf, Mouton, Chèvre, Porc), 
p. 202 et suiv, 


EN ZOOLOGIE. 377 


Pour les moutons dishley-mérinos et de la Charmoise, j'ai mis 
en regard les portraits d'individus auxquels les jurys de nos con- 
cours régionaux avaient décerné des premiers prix. Les uns 
étaient des dishley, les autres, des mérinos, quant à leur type, 
dans le premier cas; pour le second, ce sont les types new-kent 
et berrichon qui se montrent. Ici, comme pour les chevaux, c’est 
toujours le retour au type naturel qui se fait observer. 

Quant aux cochons, les résultats sont encore plus probants, 
parce que l'opération remonte à une date plus ancienne, et parce 
qu'il y a, en outre, entre les types naturels, des différences plus 
accusées. Je rappellerai, en effet, que l’un de ces types, celui de 
l'Asie, dit chinois, n’a que quatre vertèbres lombaires, avec 
quinze dorsales, landis que les deux autres types connus, ceux 
de l’Europe occidentale et de l'Europe méridionale (je ne parle 
que des cochons domestiques), en ont six, avec quinze dorsales 
également. On sait que le sanglier d'Europe n'en a que cinq. Ge 
qui est, ainsi que je l’ai fait remarquer le premier (1), une preuve 
irrécusable que les porcs ne peuvent pas dériver du sanglier d'Eu- 
rope non plus que de celui d’Asie. Le crâne et la face different 
d’ailleurs radicalement. L'auteur d’une intéressante étude crà- 
niologique des types de cochons, M. Hermann von Nathusius, qui 
est en même temps un des grands éleveurs de la confédération 
allemande du Nord, en a décrit les caractères très-exactement, 
tout en se laissant aller à des interprétalions qui paraîtront sans 
doute fort hasardées. Il attribue, par exemple, l'absence complète 
d'angle facial, chez le sanglier d'Europe, à ce que cet animal, en 
sa qualité de sauvage, se servant beaucoup de son boutoir, l’oc- 
cipital a été, suivant lui, fortement tiré en arrière. Par quoi cette 
traction se serait-elle opérée? Par le ligament cervical, sans doute, 
s’il n’était absent dans le genre auquel appartient le sanglier de 
nos forêts. 

Toutes les prétendues races anglaises de porcs ont été formées 
par un croisement persévérant entre le type autochthone, le type 
oriental, et celui de l’Europe mériodinale, dit napolitain. Les 


(1) Voyez Journal de l'anatomie et de la physiologie, janvier 1867. 


378 ANDRÉ SANSON. — DES TYPES NATURELS 


deux derniers sont intervenus ilérativement, par de fréquents 
croisements de retour. Or, voici ce qu'il est permis de constater 
sur la population actuelle, représentée par 82 sujets avant eu 
des premiers prix dans nos divers concours universels, généraux 
et régionaux, sous les dix ou douze noms de races qu’ils tirent 
des comlés dans lesquels ils sont élevés. Les portraits de ces 
82 sujets, exécutés à l’Imprimerie impériale, d'après le daguer- 
réotype, se trouvent dans les comptes rendus officiels de ces cen- 
cours, publiés par le ministère de l’agriculture. Eh bien, sur le 
nombre, 23 sont du type asiatique nettement caractérisé; 39 du 
type napolitain, non moins nettement caractérisé; et 20 étaient 
en voie de retour vers l’un ou l’autre, auquel la plupart touchent 
de très-près. Et si l’on‘ décompose les chiffres, on voit que les pro- 
portions ne varient guère pour chacune des prétendues races 
nouvelles, considérées isolément. Ici, comme dans les cas précé- 
dents, plus on avance dans Île temps, plus l'instabilité est mani- 
feste. Il est, par conséquent, impossible de compter sur l'avenir. 
Ainsi donc, tout concourt à prouver expérimentalement la 
fixité du type naturel, soit qu’il résiste aux effets de la sélection 
la plus attentive et la plus persévérante des individus qui peuvent 
présenter des variations secondaires, soit qu'on cherche à lalté- 
rer, à le faire varier par des croisements. Aux preuves précé- 
dentes, il y en aurait encore bien d’autres à ajouter. L'ouvrage 
d’où elles sont tirées en est plein. Maintenant, il faut conclure. 


V 
CONCLUSIONS. 


Des faits exposés ou indiqués dans le présent mémoire, se dé- 
duisent logiquement les proposilions suivantes : 

I. — Il existe dans le règne animal, pour l’embranchement des 
vertébrés, au moins, des types déterminés qui se sont reproduits 
sans variation notable depuis les temps historiques, embrassant 
les époques géologiques, dont les faits de la paléontologie sont les 
documents. 

Ces derniers faits établissent qu’un certain nombre de types 


EN ZOOLOGIE. 379 
naturels ont cessé d'exister, tandis que d’autres ont continué de 
se perpétuer. Il n'est pas plus permis de considérer les types ac- 
tuellement vivants, comme résultant de la transformation des 
types éteints, que de supposer l’apparition d'aucun, à une époque 
quelconque. Outre que les explorations des continents, à ce point 
de vue, n’ont pas encore été poussées assez loin pour qu’il soit 
possible d’en rien conclure avec certitude, la plus grande partie 
de la surface du globe nous étant cachée par les mers, nous ne 
savons pas si ceux des types actuels dont les représentants ne se 
retrouvent plus à l’état fossile, n'ont pas vécu sur un des points 
de cette surface cachée. 

Le groupement des types fossiles ou des types vivants, en sé- 
ries ascendantes, au moyen de caractères dits intermédiaires, 
prouve bien moins la dérivation possible des uns aux autres, 
que l’analogie des conditions inconnues qui ont présidé à leur ap- 
parition. Ce groupement est un fait; tandis que la dérivation est 
rendue plus qu'improbable, par la démonstration expérimentale 
de la fixité des types actuellement vivants. 

IT. — Cette fixité des types naturels implique nécessairement 
une origine distincte pour chacun d'eux. C'est là un fait fonda- 
mental en biologie et une notion de première importance pour la 
classification méthodique des êtres organisés. 

IT, — La faculté de fécondité continue ou indéfinie, entre indi- 
vidus de même genre, n'implique pas du tout, au contraire, la 
communauté d’origine ou de souche, puisqu'elle s’observe entre 
individus de types différents, sauf à ramener infailliblement, après 
un nombre très-restreint de générations, le type de chacun, qui 
se reproduit ensuite suivant sa loi. 

Cette fécondité, qui s’observe à divers degrés, depuis le nombre 
indéfini de générations jusqu’à l'unité, celle-ci étant caractérisée 
par la production de ce qu’on appelle un hybride immédiatement 
infécond, exprime seulement un fait dont l'explication est encore 
à trouver, mais qui dépend, selon toute vraisemblance, d’une 
analogie plus ou moins grande entre les éléments anatomiques 
de la reproduction, l'identité n’existant probablement que chez les 
individus de même type. 


380 ANDRÉ SANSON. — DES TYPES NATURELS 

IV. — Les diverses définitions de l’espèce et de la race, acceptées 
par les naturalistes et servant de base à leurs déterminations, ne 
sont pas plus en rapport avec la réalité des faits zoologiques 
qu'avec le sens des termes auxquels elles correspondent dans la 
langue générale. Les naturalistes considérent comme étant de la 
même espèce des individus de types évidemment distincts, et par 
conséquent de races différentes, les deux termes correspondant 
pour eux à des notions de même ordre, tandis que ces notions 
sont en réalité d'ordres différents. 

En langue française, le terme dé race exprime l’idée d’une suite 
de générations entre individus ayant la même origine. Or, étant 
établi qu’ils ne peuvent être de même origine ou de même souche 
qu’à la condition d’être de même type, il s'ensuit nécessairement 
que le terme de race ne peut s'appliquer justement qu’à l'en- 
semble des individus d’un même type. 

Chacun des types naturels, par cela seul qu’il est déterminé, 
est de toute nécessité spécifique, c’est-à-dire qu'il est d'une espèce 
particulière, suivant le sens étymologique du mot (spectres). 

V. — Pour établir la concordance entre les notions et les 
termes, concordance qui est la première condition du langage 
scientifique, il semble done nécessaire de substituer d’abord la 
notion des {ypes naturels, caractérisés dans le prèsent mémoire, 
à celle des espèces, indéterminées et diversement définies par les 
naturalistes de tous les temps; et si l’on tient, afin de ne pas sor- 
tir des usages consacrés, à conserver les deux expressions de race 
et d'espèce dans la nomenclature zoologique, il convient tout au 
moins de les employer d’après leur sens véritable, que les natu- 
ralistes ont alléré. 

VI — En conséquence, il faut dire, pour se conformer à ia 
vérité des lois naturelles : 

Que l’ensemble des individus d'un même type forme une race; 

Que les individus d’un même type ayant subi, sous une influence 
quelconque, des modifications secondaires de taille, de volume, de 
couleur ou d'aptitude, héréditaires ou non dans les conditions où 
elles ont été produites, sont des variétés de ce type; 

Que les individus de types différents ne sont pas de la même 


EN ZOOLOGIE. 381 
espèce, non plus que de la même race, fussent-ils capables de 
se feconder indéfiniment ; 

Que les individus capables entre eux d’une fécondité quelconque, 
si limitée qu’elle puisse être, sont du même genre et doivent rece- 
voir un nom générique. < 

Donc, en définitive, la classification et la nomenclature zoolo- 
giques paraissent devoir subir une réforme, en vertu de laquelle 
il n’y aurait plus, au delà du genre naturel, que des fypes spéci- 
fiques de race, au lieu d’espèces subdivisées en races. 

Les termes de sous-ordre, de sous-genre, de sous-espèce, de sous- 
race, ne correspondant à aucun fait déterminé qui soit l’expres- 
sion d’une loi naturelle, attendu qu'il n’y a point de sous-lot dans 
la nature, doivent être abandonnés. | 

Et la réforme que nous proposons, on voudra bien le remar- 
quer, n’a pas pour objet un simple changement de mots. Elle vise 
avant tout à remplacer les notions admises par des notions plus 
conformes à l’ordre naturel des choses, en dehors duquel les appli- 
cations de la science sont toujours incertaines, et, dans le cas 
particulier, le plus souvent ruineuses, les animaux domestiques 
formant l’une des principales parties de la fortune publique. 


NOTE 


SUR UNE DÉFORMATION PATHOLOGIQUE 
DE LA MACHOIRE INFÉRIEURE DU CACHALOT 


Par M. le docteur FISCHER 


PLANCHE XIII 


S 4. 


La collection d'anatomie comparée du Muséum d'histoire natu- 
relle de Paris possède une mâchoire inférieure de jeune Cachalot, 
dont l'extrémité antérieure est fortement recourbée en crosse et 
à droite. 

Cette mâchoire, provenant d’un Cachalot de la mer des Indes, 
a £$té envoyée de l’ile de France (Maurice). Sa longueur totale, 
en suivant la courbure, est de 2° ,20; la portion rectiligne ou nor- 
male a 1",70 de long; la portion courbée a par conséquent 
50 centimètres de développement. 

Chez le Cachalot adulte, les maxillaires inférieurs atteignent 
jusqu’à 4",50 ; on peut en conclure que la pièce du Muséum ap- 
partenait à un très-jeune animal. | 

La structure de l'os est normale dans toute la portion non sym- 
physée des maxillaires; la courbure ne se montre qu’au-dessus 
de la symphyse et au niveau de la dix-septième paire de dents, 
en les comptant d’arrière en avant. 

On trouve sur chaque maxillaire vingt-trois alvéoles dentaires; 
mais pas une seule dent n’est conservée; six alvéoles se voient 
sur le bord de la mâchoire en arrière de la symphyse. 

Ces alvéoles changent de direction en approchant de la cour- 
bure anormale; elles deviennent de plus en plus obliques d’ar- 
rière en avant; dans la partie contournée, elles sont à peine indi- 
quées, du tissu osseux de nouvelle formation les comble complé- 
tement; vers l'extrémité antérieure des maxillaires, et surtout 


DÉFORMATION PATHOLOGIQUE DE LA MACHOIRE DU CACHALOT. 989 


à droite, les alvéoles présentent à leur centre des stalactites 
osseuses, élevées, qui ont dù certainement expulser les dents. 

La branche droite de la mâchoire commence à s’élargir en ar- 
rière de la courbure; elle est hypertrophiée, rugueuse; la bran- 
che gauche plus étroite l'embrasse dans sa concavité ; les surfaces 
par lesquelles se touchent les portions symphysées ne sont donc 
pas planes, mais inégales ; celle de la branche droite étant bombée 
est reçue dans une gouttière de la branche gauche. 

Outre sa torsion à droite, le maxillaire subit un changement 
dans la direction de son bord alvéolaire; celui-ci se contourne 
vers l'extrémité de la màächoire, de telle sorte que les dents de- 
vaient être dirigées en bas, au lieu d’avoir leur pointe tournée 
vers le maxillaire supérieur. 


$ 2. 


Afin d'arriver au diagnostic anatomique de la singulière lésion 
qui vient d’être décrite, j'ai dù examiner la structure microsco- 
pique du maxillaire inférieur du Cachalot ; j'ai éte aidé dans cette 
étude. par mon ami le docteur Ranvier. 

Sur un maxillaire normal de Cachalot, nous avons pratiqué des 
sections au voisinage d’une alvéole. Sur le maxillaire du Cachalot 
malade, une lame d'os a été enlevée à la même hauteur, dans un 
point qui avait l’apparence du tissu normal, 

En outre, nous avons scié deux lames osseuses dans les régions 
manifestement altérées. 

Ces divers fragments osseux sont tous coupés perpendiculai- 
rement à l’axe de la mâchoire. Après avoir été usés, ils ont pu 
donner des lames assez minces pour permettre l'emploi de gros- 
sissements variés, 

Le maxillaire sain et le maxillaire anormal au-dessous de la 
torsion ont absolument la même structure; ce qui indique que la 
lésion osseuse est limitée. Dans les deux préparations, on voit les 
canalicules de, Havers généralement arrondis, de diamètre va- 
riable (entre 0"",06 et 0"",1), rapprochés les uns des autres, 
entourés de lamelles osseuses bien tranchées, formant des cou- 
ches régulièrement stratifiées (systèmes spéciaux de Külliker) au- 


38h  FISCHER. — NOTE SUR UNE DÉFORMATION PATHOLOGIQUE 


tour des canalicules. La couche des lamelles communes ou fonda- 
mentales (système commun) est bien développée à la périphérie 
des maxillaires. Les cavités osseuses, remarquables par leur peti- 
tesse, ont en moyenne 0"",01 de longueur et 0**,005 de largeur. 
Uhez l’homme, les cavités osseuses mesurent 0"®,02 de longueur 
et 0",009 de largeur (1). 

Les préparations provenant des régions altérées du maxillaire 
tordu montrent tous les caractères d’une lésion osseuse très- 
avancée. Les canalicules de Havers n’existent plus ou sont épars; 
ils sont remplacès généralement par des lacunes oblongues, visi- 
bles à l’œil nu et dont le diamètre varie entre 0"",5 et À milli- 
mètre. Ces lacunes sont limitées néanmoins par des systèmes spé- 
caux de lamelles osseuses, à stratification régulière, et qui, sur 
plusieurs points, tendent à ramener les lacunes au diamètre des 
canalicules de Havers. Il n'existe pas de traces du système com- 
mun des lamelles; à la périphérie, los est irrégulier, accidenté, 
creusé de petites anfractuosités, qui se comblent par le dépôt de 
nouvelles couches très-nombreuses de lamelles osseuses. 

Les cavités osseuses n’ont pas subi de modifications appré- 
ciables. 

L'altération osseuse existant dans la mâchoire du jeune Cacha- 
lot de l’île de France est donc une ostéite raréfiante, caractérisée 
par l'élargissement des canalicules de Havers, leur transforma- 
tion en lacunes, et par la destruction de la couche des lamelles 
communes, mais cette ostéite est déjà ancienne, la présence de 
systèmes spéciaux de lamelles osseuses autour des lacunes et à la 
périphérie de l'os; l'apparition de tissu osseux de nouvelle for- 
mation (stalactites des alvéoles), indiquent une période de répa- 
ration. | 

La maladie s’est montrée peut-être dans les premiers temps de 
la vie du Cachalot ; quand l'animal a été capturé, il n'avait atteint 
que la moitié de son développement, et, néanmoins, il pouvait être 
déjà considéré comme guéri, quoique affligé pour toujours d'une 
Lorsion de la mâchoire inférieure. 


(1) Külliker, Éléments d’histologie humaine, p. 235. Paris, 1856. 


DE LA MACHOIRE INFÉRIEURE DU CACHALOT. 389 


$ 3. 


Cette déformation pathologique offrirait peu d'intérêt si elle 
était très-rare; mais elle paraît être, au contraire, assez fréquente 
puisque Beale en a vu deux cas (1) ; M. James Murie, trois cas, et 
M. Flower, un cas; ce qui fait, en y comprenant le nôtre, sept 
cas d’ostéite de la mâchoire, avec déformation très-prononcée. Il 
existe donc dans l’organisation, l’état de santé ou les conditions 
d'existence du Cachalot, des causes prédisposantes de nature par- 
ticulière. 

Beale (2), qui a assisté à la prise d’un grand nombre de Cacha- 
lots, cite deux cas dans lesquels la déformation élait telle que la 
préhension des aliments semblait impossible. Cependant les 
Cachalots atteints de cette lésion étaient au moins aussi gras que 
les autres. 

Le premier présentait une torsion à droite; la mâchoire était 
contournée comme un rouleau ; chez le second, les maxillaires se 
recourbaient en bas. Beale n’a pas cherché à déterminer la cause 
de cette disposition anormale ; mais il nous apprend que les vieux 
baleiniers l’attribuent à des contusions reçues par les Cachalots à 
l’époque du rut. Ces animaux se précipiteraient avec furie les 
uns contre les autres, la tête en avant, cherchant à saisir leurs 
mâchoires inférieures. Beale n’a pas été témoin de ces combats, 
mais 1l est porté à adopter l'opinion des baleiniers, parce qu'il n’a 
observé la torsion de la mâchoire que chez des màles. 

M. Murie (3) donne la description de trois maxillaires défor- 
més qu'il a étudiés. 

Le premier fait partie d’un musée de New-York; on ne possède 
que la moitié droite du maxillaire inférieur d’un jeune individu. 
L'os est tordu presque à angle droit vers sa partie moyenne, puis 
recourbé encore en sens contraire. 


(1) D’après les assertions de Beale, la déformation de la mâchoire est, après la 
cécité, l'affection la plus commune chez les Cachalots, 

(2) Natural history of the sperm-whale. 1839, p. 36. 

(3) On the deformity of the lower jaw in the Cachalot. (Proceed. Zoo. Soc.). Lon- 
don, 1865, p. 390. 


JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL, =» T. 1V (1867). 25 


380 FISCHER. — NOTE SUR UNE DÉFORMATION PATHOLOGIQUE 


Le second est inscrit sous le n° 2452 du Catalogue du musée 
du « Royal College of Surgeons » (4). C’est la branche droite du 
maxillaire d’un jeune Gachalot. On compte dix-neuf alvéoles 
dentaires. 

L'os est tordu en crosse à droite, et ses plans changent de po- 
sition vers l'extrémité antérieure; en avant de la courbure et au 
uiveau de celle-ci les alvéoles sont obliques, inclinés. Au-dessous 
de la courbure, le tissu osseux est plus dense, plus épais, et l'on 
reconnait des traces d’ostéite chronique. 

Le troisième spécimen appartient au British Museum. Le 
maxillaire inférieur est complet, il a été pris sur un animal jeune. 
Les alvéoles sont au nombre de vingt-deux. 

: L’os est courbé à gauche, mais non enroulé; et, après la pre- 
mière courbure de droite à gauche et d'avant en arrière, on en 
constate une deuxième d'arrière en avant. L’ exemplaire du Musée 
de New-York présente une déformation analogue. 

Les alvéoles de la branche gauche du maxillaire sont remplies 
de üssu osseux spongieux (stalactites); près de la torsion, l'os 
est augmenté de largeur, de densité, d'épaisseur ; sa surface est 
rugueuse el poreuse, 

Nous n'avons pas de renseignements sur le cas de M. Flower (1), 
la pièce appartient au musée de Hull. 


$ 4. 


En résumé, les déformations de la mächoire inférieure du Ca- 
‘chalot sont dues à une ostéite. Cette maladie se montre dans le 
jeune âge, avant que les os aient pris tout leur développement ; 
les trois pièces décrites par M. Murie et celle que j'ai observée 
moi-même avaient appartenu à de jeunes individus. | 

 L’ostéite, débutant dans l’une des branches de la mâchoire, a 
pour effet d'arrêter pendant quelque temps sa croissance et de 
produire un een dans sa es HU branche de & subit 


(4) Descriptive Cain of the dhleoibgtent series contained in the Muséiin of 
royal college of surgeons, 4853, t. IL, Pièce donnée par M. F. Bennet. 
(1) Cité par Murie, loc. cit., p. 396. mg 


DE LA MACHOIRE INFÉRIEURÉ DU CACHALOT. 387 
plus tard les mêmes influences morbides et acopipagne la per 
mière dans son nouveau trajet. | | 

_Ilest digne de remarque qu'aucune dent, n’est coñservée sur 
les mächoires malades qu’on a examinées. L'élat des alvéoles, en 
avant et en arrière de la torsion, me porte à croire que les dents 
ont été chassées de leurs cavités ou qu ’elles devaient se détéchen 
facilement. : isdotq 

Le maxillaire du musée de Paris porte 23 alvéoles, celui du 
Collège des chirurgiens en a 19, et celui du Brotish Museum, 22; 
or, M. Owen (1) attribue 27 dents au Cachalot mâle et 23 à la fe- 
melle; les trois maxillaires précités proviendraient donc de jeunes 
femelles. D'un autre côté, Beale parle de deux cas de torsion de 
la mâchoire chez des mâles. On peut en inférer que. le sexe n’a 
pas d'influence sur la déformation, et qu’elle n’est pas l'effét:de 
combats de Cachalots mäles comme Padmettent les baleiniers. 
D'ailleurs, cés combats ne surviennent qu’à l’époque ‘du rut, et le 
rut n’a pu se manifester chez des individus aussi jeunes que ceux 
dont nous possédons les mâchoires. 

Rien ne prouve que la déformation soit traumatique; il n’existe 
aucune trace de fracture; l’altération n’est pas limitée en un point 
précis ; elle attaque une grande étendue de l'os. 

Il n’est pas possible d'admettre ici un arrêt de développement 
d’une des branches du maxillaire; les traces d’ostéite, les stalac- 
lites osseuses des alvéoles, démontrent que- réellement l’ostéite 
est la cause elliciente. Mais dans quelles conditions est-elle sur- 
venue ? | 

En tenant compte du jeune âge des individus malades, de la. 
frequence relative de la torsion, du changement qu’elle produit 
dans l’axe de la mâchoire et dans la position des alvéoles, il est 
difficile de ne pas songer au rachitisme. 

Dans cette hypothèse, la maladie commencerail presque après 
la lactation, et se développerait lentement jusqu'à ce qu’une 
ostéite se soit substituée au rachitisme. 

Malheureusement celte théorie n’est pas confirmée par l’exa- 


(1) Odontography, p. 353, 354. 


388  FISCHER. — NOTE SUR UNE DÉFORMATION PATHOLOGIQUE 


men microscopique, qui ne fait découvrir que les traces d’une 
ostéite raréfiante à sa période de réparation. 

Quoi qu’il en soit, je ne comprends pas clairement comment 
une ostéite seule a pu produire des incurvations aussi considéra- 
bles que celles que j'ai signalées, à moins que la maladie ne soit 
congénitale ou presque congénitale ; or, ce dernier point ne sera 
probablement pas élucidé avant de longues années. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XII. 


Fic. 4. Mâchoire inférieure déformée de Cachalot provenant de l’île Maurice, 
et appartenant au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Réduction au 
dixième. 

Fic 2. Portion de mâchoire de Cachalot (branche droite) conservée dans le 
musée du Collige des chirurgiens de Londres (d'après M. Murie). 

Fic. 3. Mâchoire conservée au British Museum (d’après M. Murie). 


MÉMOIRE 


R 


LA STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 


DE L'HOMME 
ET DE QUELQUES ANIMAUX 


Par le D' M. GRANDRY 
(de Liége). 


PLANCHES XIV, XV ET XVI. 


DEUXIÈME PARTIE. 


Dans cette seconde partie je décris la capsule surrénale de 
l’homme; toutes mes recherches ont été faites sur les organes 
d'un supplicié âgé de dix-neuf ans. Les organes ont été pris 
avant qu’ils n’eussent subi aucune altération cadavérique et placés 
tout de suite dans l'acide chromique. 

Cette seconde partie sera suivie, dans ce numéro, d’une troi- 
sème dans laquelle je décrirai deux autres glandes ayant quelque 
analogie de structure avec la capsule surrénale : /a glande 
Piluitaire et la glande pinéale. 


STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE DE L'HOMME. 


Les organes que j'ai examinés présentaient une forme allongée 
dans le sens transversal ; si l’on pratiquait une coupe verticale on 
voyait qu'ils étaient trilobés. Les lobes étaient plus marqués 
dans la partie moyenne, moins accentués dans la partie interne 
qui était beaucoup plus épaisse que le reste, et ils n’existaient 
plus vers la partie externe qui était aplatie et mince. 

Comme chez les animaux, on distingue deux substances chez 
l’homme, une corticale et externe, et une médullaire, enve- 
loppée complétement par la précédente. 


390  GRANDRY. — STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 

Chez les animaux, la substance médullaire occupe le centre de 
l'organe ; chez l’homme, elle n'existe que dans la partie interne et 
est réduite à une lame. mince dans.la partie moyenne ; ele man- 
que complétement DANS Ad partienlterne. 1210 LAURE EU 
= Là où la substance médullaire existe, on la trouve à l’union 
des lobes entre eux; elle manque aussi dans les lobes mêmes, 
surtout dans la partie moyenne. 

On trouve des vésicules de la substance corticale disséminées 
dans la substance médullaire même, : 

L’organe entier est enveloppé par une membrane fibreuse. 
Quant aux propriétés physiques et chimiques qui différencient 
les deux substancés’ elles sont tout à fait identiques avec celles que 
j'ai décrites chez les animaux, avec cette seule différence que la 
substance corticale chez l’homme offre les caractères de celle du 
bœuf et de celle du chien: suivant la place où on l’examine. 


Membrane fibreuse, 


Elle est formée de tissu lamineux très-dense et résistant avec 
fibres élastiques, surtout dans la partie externe ; elle.est traversée 
ne les vaisseaux et nerfs. 

Elle envoie des prolongements { très-fins dans la substance cor- 
ticale ; je n'ai pu retrouver la formation de cylindres délimités 
par elle comme chez le bœuf, 


SUBSTANCE CORTICALE. 


La substance corticale présente à l’œil nu deux zones colo- 
rées bien distinctes dans la partie moyenne et interne de lor- 
gane : la partie périphérique est jaune, la portion centrale rou- 
geâtre; au centré, se trouve la substance médullaire qui est 
blanche. A la partie externe la coupe totale de l’organe montre 
deux couches jaunes séparées par une bande rouge qui remplace 
la substance médullairé, et n’est pas formée des éléments de la 
substance. corticale, , mais bién par des vaisseaux et du fissu 
Jamipeux; Vers la partie moyenne on trouve à la coupe deux 
couches externes, jaunes, séparées. par. une couche épaisse , 


DE L'HOMME ET D£ QUELQUES ANIMAUX. : 892 
rouge ; celle-ci est constituée par des éléments corticaux et des 
vaisseaux. 

Nous avons vu dans la premiére partie que 16 substance corti- 
cale présentait, chez les animaux, deux couches : une externe, 
formée de vésicules closes ; une interne, formée de séries linéai- 
res de cellules ou de tubes. Chez l’homme, ces deux couches 
existent également : la plus externe est formée de vésicules clo- 
ses ; plus en dedans on trouve une couche formée de tubes, mais 
entre cette dernière et la substance médullaire, et entre deux 
eouches de tubes, quand la médullaire n'existe pas, nous avons 
une couche où les éléments, au lieu d’être contenus dans des tubes 
ou vésicules, sont libres ; ce qui constitue une troisième couche. 


Première couche de la substance corticale. 


Elle est formée de vésicules closes, mais cette couche est loin 
d’être aussi tranchée que chez les animaux, elle est même quel- 
quefois difficile à voir; il faut pour cela exécuter des coupes très- 
minces. | 

Les vésicules sont petites, de 0"",05 à 0"",04 de Me 
rondes ou ovales ; constituées par une membrane propre et un 
contenu particulier (pl. XV, fig. 1). | 

Dans quelque sens qu’on fasse les coupes, les vésicules pré- 
sentent toujours la même forme, 

La membrane propre se voit en pratiquant des coupes minces, 
et enlevant le contenu à l’aide d’un pinceau. 

Le contenu consiste en une substance finement granuleuse, 
grisätre, sans granulations graisseuses et des noyaux de 0"",014, 
à contours nets et pourvus de nucléole; on voit souvent la seg- 
mentation de la substance grenue interposée en cellules petites, 
irrégulières et anguleuses, de 0"",25 de diamètre. 

Les vésicules sont disposées le plus souvent sur plusieurs 
rangs, deux ou trois, rarement il n’y en à qu’un seul. 

Elles sont séparées les unes des autres par des prolongements 
lins de tissu lamineux venant de la membrane d’enveloppe. 

Elles touchent immédiatement à la couche suivante, 


292 GRANDRY. —— STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 


Deuxième couche de la substance corticale. 


L'élément fondamental est un tube à paroi propre et contenu 
particulier. 

On peut distinguer trois variétés de tubes selon le contenu : 

Une première variété dans laquelle le contenu des tubes est 
formé d'une masse opaque réfractant assez fortement la lumière, 
très-résistante, et qui sur une coupe mince se montre principa- 
lement composée d’aiguilles cristallines, analogues à des cristaux 
graisseux ; on y retrouve difficilement des traces de cellules, par- 
fois on y voit en nombre assez grand des noyaux (pl. XV, fig. 2e14). 

Une seconde variété où le contenu est nettement formé de 
cellules à noyaux, avec contenu finement granuleux quelquefois, 
mais rarement avec granulations brillantes graisseuses. 

Ce contenu présente, sous le microscope, une teinte jaunâtre 
analogue à celle au contenu des tubes de la substance corticale 
du bœuf durcie par l'acide chromique (pl. XV, fig. 3 et 4). 

La troisième variété a pour contenu des cellules à noyaux à 
granulations fines et graisseuses. Elle à un aspect grisâtre. 

Les tubes ont environ 0"",05 de diamètre transversal, quelle 
que soit la variété à laquelle ils appartiennent. 

Ces trois variétés ne sont pas complétement tranchées ; on 
trouve des transitions de l’une à l’autre. 

On voit constamment la première varielé se transformer en la 
seconde, et ne former qu’un seul et même tube dont le contenu 
varie suivant la place où on l’examine. Ainsi, si l’on suit un tube 
dans toute sa longueur, on trouve d’abord, en partant de la péri- 
phérie, un contenu très-opaque, avec aiguilles nombreuses, où 
on ne distingne aucune trace de cellules; plus loin on trouve le 
contenu plus transparent avec nombre moindre de cristaux et 
avec noyaux qui deviennent de plus en plus distincts ; puis on a 
des cellules complètes avec granulations noirâtres, enfin des cel- 
lules avec granulations fines sans graisse. 

Quant à la troisième variété, je crois qu’elle constitue un état 
intermédiaire entre la première et la seconde variété : En effet, 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. 393 
ici nous avons un contenu formé de granulations grisätres et 
parfois des aiguilles cristallines, c’est-à-dire que dans la première 
variété il y a suraddition graisseuse considérable, qui est moindre 
dans la troisième, nulle ou presque nulle dans la seconde. 

Les deux premières variétés se rencontrent dans la partie 
moyenne et interne de l'organe, là où la substance médullaire 
existe. 

La troisième se rencontre surtout dans la partie externe et 
amincie. Tels sont les éléments constituant la seconde couche 
de la substance corticale. 

Voyons maintenant comment ces éléments sont disposés et les 
différences que cette couche présente d'un point à l’autre. 

Les tubes débutent en cul-de-sac au-dessous de la couche pré- 
cédente à laquelle ils sont unis par du tissu lamineux en petite 
quantité et des vaisseaux sanguins ; ils sont accolés les uns aux 
autres et se dirigent tous en s’irvadiant vers le centre, 

Quant au mode de terminaison vers le centre, je n'ai pu le déter- 
miner, excepté cependant vers la partie externe où j'ai vu ces 
tubes se terminer là aussi en cul-de-sac contre là couche mince 
formée de vaisseaux sanguins et de tissu lamineux qui sépare les 
deux substances corticales accolées, à l'endroit où n'existe pas 
encore la troisième couche. 

Si l’on examine la composition de la seconde couche en partant 
du côté externe de l’organe en allant vers l’interne ; on trouve 
qu’elle est d’abord exclusivement formée de tubes de la troisième 
variété ; en avançant plus loin on trouve que les tubes deviennent 
de la première variété à la partie périphérique de leur trajet, tout 
en restant de la troisième variété dans le reste de leur étendue ; 
plus avant on trouve la seconde variété, ce qui est constant à 
partir de la moitié de l'organe jusqu'à sa partie interne. Dans 
cette portion les tubes présentent toutes les variétés de contenu 
que j'ai décrites plus haut. 

Le plus grand nombre des tubes est rempli de graisse à la péri- 
phérie, cependant on voit des tubes débuter avec le contenu de la 
seconde variété et le conserver tout le long de leur trajet ; ils sont 
accolés alors au nombre de deux à trois, rarement plus. 


39/ GRANDRY. — STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 


Outre ces éléments principaux on rencontre du tissu lamineux 
et des vaisseaux sanguins qui sont entre les tubes. 

On a beaucoup discuté sur l'existence des tubes avec mem- 
brane propre, voici les principales opinions à ce sujet : 

D’après Ecker les groupes de cellules de la substance corticale 
sont toujours enveloppés d’une membrane fine, anhiste, qu'il a 
appelée membrane glandulaire. D'après cet auteur, la membrane, 
lorsqu’elle n’est pas bien visible sans réaction, doit toujours appa- 
raître distinctement au moyen d’une solution étendue de potasse. 

Je ne mesuis pas servi de ce moyen pour constater l'existence de 
la membrane, je l'ai toujours vue chez l’homme, en pratiquant 
des coupes minces et enlevant les cellules à l’aide du pinceau. 

J'ai employé la potasse chez le bœuf, et jamais, chez cet ani- 
mal, je n’ai pu voir de membrane entourant les séries de cellules. 
Frey admet aussi l’existence de la membrane; Moers (1) et 
Kôlliker disent n’avoir jamais réussi à la constater. 

Joesten (2) dit que la substance corticale est divisée en com- 
partiments allongés par du tissu conjonetif. 

D'après Henle (3) on trouve toujours comme dernier élément 
de la substance corticale des cellules à noyaux dont on distingue 
deux espèces réunies par des formes intermédiaires ; une, petite 
avec contenu pâle et finement granuleux, une, plus grande, 
où le noyau devient diffus avec contenu à grosses granulations 
graisseuses. Les cellules finement granulées sont près de la sur- 
face de l’organe, séparées par du tissu conjonctif en groupes non 
enveloppés par une membrane. 

Sur ce dernier point je ne suis pas d'accord avec Henle et je 
erois qu’il existe une membrane, comme je l’ai constaté chez 
l’homme et le chien. 

D’après le même auteur, les cellules à gros grains sont rare- 
ment placées librement dans le stroma dé la glande, et il ajoute 
que, plus la transformation graisseuse a fait de progrès, mieux 
on les voit contenues dans les tubes ; elles constituent alors une 


(4) Virchow’s Archiv, vol. XXIX, p. 336 (1864). 
(2) Archiv der Heilkunde, vol. V, p. 97 (1864). 
(3) Henle et Pfeufer, Zeitschrift, 8° série, vol. XXIV, p. 443 (1865). 


DE L'HOMME ET DE: QUELQUES ANIMAUX. 305 


masse compacte dans laquelle les noyaux et les limites des cel- 
lules s’effacent. a dur 

On parvient, dit-il, à isoler le tube entier par la macération 
dans l'acide chlorhydrique ; la potasse caustique n’a pas d’effet. 
On voit que mes recherches concordent en partie avec celles 
de Henle ; mais je ne crois pas que la formation de la membrane 
propre soit liée à la suraddition graisseuse des cellules, puisque 
j'ai trouvé des séries de cellules non graisseuses entourées de la 
membrane. | 

La couche de tubes se continue sans ligne de démarcation 
tranchée avec la troisième couche, les tubes perdent leur mem- 
brane et se transforment en colonnes ou séries de cellules à con- 
tenu finement granuleux. | 

De la différence de contenu et de la transformation des tubes 
en séries de cellules résulte la différence de coloration de la 
substance corticale à la périphérie et au centre. 

A la périphérie, la coloration jaune est due à la présence de la 
graisse dans les éléments ; vers le centre elle est rouge comme 
chez le bœuf où il n’y a pas de graisse ; cette coloration est due 
aussi, en partie au moins, à la grande quantité et au volume des 
vaisseaux sanguins à ce niveau. 


Æ'roisième couche de la substance corticale. 


Elle n'existe pas dans toute l'étendue ; elle manque à la partie 
externe ; vers la partie moyenne elle occupe la place de la sub- 
starnce médullaire et se trouve entre deux couches de tubes corti- 
caux ; à la partie interne elle unit la couche de tubes à la sub- 
stance médullaire. Ses éléments ne sont pas inclus dans une 
membrane propre vésiculeuse ou tubuleuse comme ceux des deux 
couches. 

L'élément principal est une cellule à noyau avec contenu 
finement granuleux sans granulations graisseuses, analogue à 
celles qui forment le contenu des tubes de la seconde variété. 

On trouve tout près de la substance, mais pas partout, des 
éléments avec graisse, c’est surtout le cas quand la veine een- 


396 GRANDRY. — STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 


trale ou une portion de ganglion touche presque à la substance 
corticale. La disposition des éléments n’est pas la même dans 
toute l'étendue de la couche, elle varie suivant que la substance 
médullaire existe ou non. | | 

Quand elle unit la substance tubuleuse à la substance médul- 
laire voici ce qu’on observe : les cellules se réunissent en séries 
linéaires se continuant avec les tubes corticaux. 

Près de la substance médullaire, les cellules ‘ne sont plus en 
séries, mais réunies en groupes arrondis dans des mailles de tissu 
lamineux, groupes séparés les uns des autres par des vaisseaux 
volumineux. 

Il arrive parfois que les tubes corticaux se continuent jusqu’à la 
substance médullaire, et alors la troisième couche manque ; mais 
cela ne se voit que par places et jamais sur une grande étendue. 

Quand elle unit deux couches de tubes, les cellules se réunis- 
sent en séries linéaires qui succèdent aux tubes et vont à la ren- 
contre les unes des autres, mais qui rarement se réunissent à 
celles du côté opposé (pl. XV, fig. 5). 

Dans la partie médiane les cellules sont isolées ou réunies par 
groupes et entourent des vaisseaux volumineux : on observe 
parfois un véritable réseau de cellules laissant entre elles des 
espaces ayant l'aspect de lacunes arrondies de différentes gran- 
deurs, de 0"",3 à 0"",02, qui ne sont autres que la lumière des 
vaisseaux sanguins. 

Cette couche n’existant pas à la partie externe par quoi est- 
elle remplacée ? À ce niveau on trouve les deux couches de tubes 
séparées par une bande rouge, étroite, formée par du tissu lami- 
neux, avec de nombreux capillaires sanguins, entre lesquels on ne 
trouve aucun élément de la substance corticale ; mais en allant 
vers la partie interne on voit que cette couche intermédiaire se 
continue avec la troisième couche, et l’on rencontre peu à peu les 
éléments de cette couche entourant les vaisseaux. 

C'est probablement dans ces couches presque uniquement vas- 
culaires que commence la formation de la cavité centrale qu’on 
rencontre souvent sur le cadavre. 

Telle est la structure de la substance corticale chez l’homme, 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. 397 


d’après les faits observés sur l'organe complétement frais et 
n'ayant subi aucune altération cadavérique. 


VARIÉTÉS DE STRUCTURE. 


En examinant sur des capsules provenant de sujets destinés 
aux dissectiors, on trouve des différences avec la description que 
je viens de donner : ainsi j'ai vu la suraddilion graisseuse être 
tres-abondante dans la troisième couche; celle-ci peut également 
contenir des granules jaunes dits pzgmentaires; au lieu d’ai- 
guilles cristallines on peut trouver des gouttelettes de graisse de 
grandeurs variables. 

J'ai examiné les capsules surrénales d’un sujet atteint de 
maladie bronzée et j'y ai vu la substance corticale tout à fait 
semblable à celle du bœuf, sans aucune suraddition graisseuse. 
Les cellules étaient réunies en séries linéaires, sans membrane 
propre, qui constituaient de véritables cylindres d'environ 0"",5 
de diamètre, séparés par du tissu lamineux beaucoup plus abon- 
dant que normalement; dans la substance médullaire le tissu 
lamineux qui séparait Les vésicules avait également augmenté. 

Chez l'enfant, la substance corticale est formée de tubes de la 
troisième variété et de vésicules closes périphériques. 

Chez le fœtus humain, la substance corticale est surtout formée 
cellules à granulations fines sans graisse, mais chez certains ani- 
maux, par exemple, le rat, la suraddition graisseuse existe. 

En comparant la structure de la substance corticale chez 
l’homme avec celle des animaux, on voit que l’homme tient le 
milieu entre le bœuf, le chien et le chat. 

Chez le bœuf il n’y a pas de suraddition graisseuse, pas de 
tubes, mais des cellules finement granulées ; nous les retrouvons 
dans la troisième couche chez l’homme ; chez le chien et le chat 
la suraddition graisseuse partout et tubes; chez l’homme, tubes et 
suraddition graisseuse dans toute la partie périphérique. 


SUBSTANCE MÉDULLAIRE, 


La substance médullaire de la capsule surrénale de l'homme a 
pour élément principal une vésicule close, dont le type est le 


395 GRANDRY. —= STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 


même que celui que j'ai décrit chez le bœuf. Outre les vésicules 
closes on y rencontre des éléments de la substance corticale, 
des vaisseaux sanguins nombreux et surtout des éléments ner- 
veux. 

Les vésicules ont une paroi propre et contiennent une matière 
granuleuse avec noyaux, souvent segmentée en cellules. 

La membrane propre présente les mêmes caractères que chez 
le bœuf et est plus facilement isolable. Elle est anhiste, homogène, 
hyaline, résiste à l’action de l'acide acétique, ete.; elle s'obtient 
par le procédé que j'ai donné dans la première partie. 

Si l’on examine une préparation obtenue par le grattage, on 
trouve que les éléments du contenu sont une matière amorphe 
parsemée de granulations, des noyaux libres et des cellules. | 

Les granulations sont très-abondantes, masquant même les 
autres éléments. Elles sont très-petites, ne réfractant pas forte- 
ment la lumiere ; elles disparaissent par l’ammoniaque et palis- 
sent par l’acide acétique. 

Les noyaux sont ronds ou ovales, mesurent environ 0"",01, à 
contours très-nets qu’on peut faire accentuer par l'acide acétique. 

Les cellules sont irrégulières, anguleuses, sans membrane ; 
mesurent 0"",015 à 0*",02 ; elles sont difficilement isolables, parce 
que la substance granuleuse se détache très-facilement du noyau, 
mais se voient très-bien sur les coupes ; elles pälissent par l'acide 
acétique et la matière granuleuse qui entoure le noyau disparaît 
par l’ammoniaque. 

Les vésicules closes présentent des formes excessivement va- 
riables ; elles sont rondes, ovales, ailongées ;. le type est le même 
que chez le bœuf : une vésicule allongée. à 

Rarement plusieurs vésicules allongées sont accolées l’une à 
l’autre dans toute leur étendue, elles sont ordinaireme ntplacées 
dans différents sens de telle sorte que sur une même coupe on les 
voit sectionnées longitudinalement ou transversalement, c’est cé 
qui donne lieu à la variété d'aspect, 

Elles sont difficilement isolables chez l'adulte, mais Je les al 
isolées sur la capsule surrénale d’un fœtus de quatre mois. 
 Élles sont soudées l’une à l’autre par du tissu tamis en 


DE L'HOMME £T DE QUELQUES ANIMAUX. 399 
petite quantité et laissent entre elles des espaces vides qui cor- 
respondent aux vaisseaux sanguins. 

Les éléments de la substance corticale qu’on trouve des la 
substance médullaire sont situés au voisinage et entourant par- 
fois complétement les troncs vasculaires et nerveux et les gan- 
glions. 

On les reconnaît déjà à l'œil nu : ce sont des points jaunes dis- 
Séminés dans une substance blanche. 

Ils sont constitués par des groupes de cellules à granulations 
noirâtres, graisseuses, quelquefois par de grosses vésicules. rem- 
plies de gouttelettes graisseuses ; il est parfois impossible de 
distinguer la composition à cause de la grande quantité de gra- 
nulations graisseuses et d’aiguilles cristallines. 

Quant aux diverses opinions émises sur la nature de la sub- 
stance médullaire, je les ai données dans la première partie de 
mon travail. 


VAISSEAUX. 


Je n’ai pas injecté la capsule surrénale humaine, mais voici ce 
que j'ai trouvé par l'injection naturelle. | 
Les vaisseaux capillaires de la substance corticale sont comme 
chez les animaux à mailles allongées à grand diamètre parallèle à 
celui des tubes et vésicules contre lesquels ils sont accolés. | 
| Dans la troisième couche ils sont très-volumineux et très- 
nombreux ; il y à des points de l’organe où cette couche est 
réduite à des vaisseaux et du tissu lamineux. | 
Les vaisseaux capillaires de la substance médullaire sont trés- 
dilatés et forment des mailles polygonales. 
Les lymphatiques sont mal éludiés. 
. Ecker en les examinant sur un animal tué en pleine digestion, 
a vu un réseau superficiel, mais il n'a pu suivre Les, lymphatiques 
dans l’intérieur. TC 
Moers dit avoir souvent observé dans l'intérieur de la glande 
des creux bien accusés, à parois très-minces, qui n'étaient pas en 
communication avec les vaisseaux sanguins et qui sont L'peut-être | 
des lymphatiques. 


h0O0 GRANDRY. — STRUCTURE DE LA GLANDE PITUITAIRE 


Joesten parle de cavités à parois anhistes de tissu conjonctif se 
trouvant surtout au voisinage des grandes artères. 


NERFS, 


Les nerfs sont trés-abondants dans la capsule surrénale de 
l’homme ; ils pénètrent à travers la substance corticale sans s’y 
distribuer et vont se rendre dans la substance médullaire. 

Leur mode de terminaison est inconnu. Outre Îles fibres ner- 
veuses on rencontre chez l’homme deux ganglions d'environ 
On 5 de diamètre, de forme oblongue, placés au milieu même de 
la substance médullaire. 

Ces ganglions sont formés de cellules présentant les caractères 
de celles des centres nerveux ganglionnaires. Elles sont angu- 
leuses, irrégulières de 0"*,05 à 0®*,06 de diamètre, à noyau vo- 
lumineux, mesurant 0"",02 et dont le nucléole est très-apparent. 

A côté des cellules 1l y a des tubes nerveux et du tissu lami- 
neux. 

Ces ganglions sont traversés par des troncs vasculaires et sont 
presque accolés à la veine centrale. C’est près de celle-ci qu’il 
faut les chercher. Près des ganglions on trouve des cellules ner- 
veuses séparées du reste des ganglions et dispersées entre les 
vésicules de la substance médullaire (pl. XVE, fig. 1). 

Külliker dit ne pas avoir trouvé de nerfs dans la substance 
médullaire d’un embryon; quant à moi, j’en ai trouvé à l’état de 
fibres de Remak sur un fœtus de quatre mois; je n’y ai pas encore 
pu constater l’existence de cellules nerveuses. 


TROISIÈME PARTIE. 


La troisième partie de mon travail traite de la structure des 
glandes pituitaire et pinéale, comparée à celle de la capsule sur- 


rénale. 
GLANDE PITUITAIRE. 


La plupart des auteurs considèrent depuis longtemps la glande 
pituitaire comme une glande vasculaire sanguine, mais Henle, le 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. AO 
premier, l’a comparée aux autres glandes et l’a placée à côté de la 
substance médullaire de la capsule surrénale ; par mes recherches 
je suis arrivé à joindre à cette classe la glande pinéale. 

Ecker a trouvé dans la pituitaire les éléments d’une glande 
vasculaire : un stroma conjonctif dans les mailles duquel il y a de 
grosses vésicules de 0"",067 à 0"",20 de diamètre et contenant 
de la substance granuleuse avec noyaux ou de véritables cel- 
lules, 

Leydig dit qu’elle est composée, chez les vertébrés, de vésicules 
avec contenu granuleux et noyaux, et la rapproche de la glande 
pinéale. 

Henle lui donne absolument la même structure qu’à la substance 
médullaire de la capsule surrénale, | 

Voyons maintenant sa structure et sa comparaison avec les 
deux autres glandes. 

Elle est essentiellement composée de vésicules closes entre 
lesquelles il y a du tissu lamineux et des vaisseaux sanguins. 
Chaque vésicule est formée par une membrane propre et un con- 
tenu granuleux avec noyaux ou cellules complètes. 

La membrane est anhiste, transparente, sans noyaux; elle 
résiste à l’action de l’acide acétique et des alcalis. On l’obtient en 
dilacérant un fragment de pituitaire fraîche, enlevant le contenu 
des vésicules par le pinceau et traitant par l'acide acétique; elle 
est plus facile à trouver que celle des vésicules de la substance 
médullaire de la capsule surrénale. 

Contenu. Par le grattage, on obtient de la matière granuleuse, 
des noyaux libres et des cellules entières qui forment la plus 
grande partie de la masse ; dans la substance médullaire, au con- 
traire, 1l est difficile d'obtenir des cellules complètes. 

Les granulations libres sont très-petites, réfractent peu la 
lumière, pälissent par l'acide acélique et disparaissent par l’am- 
moniaque. 

Les noyaux sont à contours lrès-accusés, de 0"",005 de dia- 
mètre, avec nucléole. 

Les cellules sont irrégulièrement polyédriques, anguleuses, 


mesurent 0"”,01 à 0"",015 ; elles ont le plus souvent un noyau 
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. 1V (1867). 26 


O2  GRANDRY. — STRUCTURE DE LA GLANDE PITUITAIRE 

qui est quelquefois masqué par les granulations du contenu, mais 
qu'on fait apparaître très-nettement par l'acide acétique. Les 
cellules ne contiennent pas ordinairement des granulations grais- 
seuses à moins que dans un âge très-avancé. On trouve les mêmes 
cellules chez l'adulte et chez l'enfant nouveau-né (pl. XVI, fig. 3). 

Les vésicules de la glande pituitaire sont tout à fait semblables 
comme forme à celles de la substance médullaire de la capsule 
surrénale; elles sont rondes, ovales, le plus fréquemment allon- 
sées; vers la périphérie de l'organe, elles sont plus allongées qu’au 
centre, où elles sont lc plus souvent sphériques; elles mesurent 
0,2 et même plus en longueur et environ 0"",06 en largeur, les 
plus .petites qui se rencontrent près du pédicule, ont 0"",08 
de diamètre. Les vesicules de l'enfant nouveau-né sont plus petites 
que celles de l’adulte (pl. XVE, fig. 2). 

Malgré la netteté de délimitation de leurs contours, je n'ai pu 
réussir à isoler complétement les vésicules l’une de l’autre, ni 
chez l'adulte, ni chez Penfant; on les voit trés-bien sur des coupes 
d'organes dureis par l'acide chromique ou par l'alcool; à l’état 
frais, on les fait apparaître très-nettement en traitant une coupe 
mince par l’ammoniaque. 

Quant 4 leur disposition, les vésicules sont accolées les unes 
aux autres el inlimement unies par du tissu lamineux et des vais- 
seaux sanguins. Quelquefois mais rarement on trouve accolées, 
suivant leur grand axe, plusieurs vesicules allongées; le plus 
souvent elles sont placées les unes par rapport aux autres de telle 
facon que sur une même coupe on les voit sectionnées dans tous 
les sens. Elles sont plus ou moins écartées suivant l’abondance du 
{issu lamineux. 

Le tissu lamineux qu'on rencontre dans la glande pituitaire 
vient des prolongements envoyés par le pédicule et la membrane 
d'enveloppe. 

Le pédicule, qui est forme de tissu lamineux très-abondant et de 
troncs vasculaires, péaètre dans l’organe en conservant la même 
composition, et, après un court trajet, il se subdivise en prolon- 
gements plus où moins volumineux qui vont former les mailles 
entre lesquelles se trouvent les vésicules. 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. 105 

Le tissu lamineux est le plus abondant pres du pédicule, aussi 
la les vésicules sont très-ecartées les unes des autres; dans le 
centre, au contraire, elles sont très-rapprochées ; à la périphérie, 
elles le sont moins. On rencontre quelques vésicules dans l’épais- 
seur même du pédicule quand il est entré dans l'organe. 

Les vaisseaux capillaires forment des mailles polygonales en- 
tourant les vésicules sans pénétrer dans leur intérieur ; ils ont un 
diamètre variant entre 0"",025 et 0*",035. 

Quant aux éléments nerveux, je n’ai jamais observé ni cellule 
nerveuse, ni même des filets nerveux entre les vésicules. 

Le mème type se retrouve chez les animaux adultes que j'ai 
examinés : chien et chat. 

Comparaison de la pituitaire à la surrénale. — Si nous com- 
parons la substance médullaire de la capsule surrénale avec la 
pituitaire, nous voyons qu’elles sont formées toutes deux de vési- 
cules cioses qui sont constituées par une membrane propre et un 
contenu épithélial. La forme des vésicules, les réactions du con- 
tenu, sont les mêmes dans les deux glandes. Henle dit même 
qu'on peut les confondre sous le microscope. 

Il y a cependant quelques différences : Je n'ai jamais trouvé 
dans la pituliaire les cellules discoïdes simulant l’épithélium en 
cylindre qui existent dans la substance médüllaire de la capsule 
surrénale; ces cellules du contenu s’obtiennent facilement entières 
par le grattage dans la pituitaire, elles se désagrégent toujours 
dans la substance médullaire; les vésicules sont beaucoup plus 
nettes et mieux limitées dans la pituitaire, la trame lamineuse y 
est aussi beaucoup plus abondante, de là une plus grande adhé- 
rence des vésicules entre elles. Outre ces différences dans les 
éléments principaux, on trouve dans la substance médullaire de 
la capsule surrénale des éléments autres qui ne se rencontrent pas 
dans la pituilaire : éléments de substance corticale et nombreux 
éléments nerveux. | | 

J'ai cherché en vain chez l’homme à voir dans la glande pitui- 
taire des éléments analogues à ceux de la substance corticale, 
jamais je n'ai rien vu qui y ressemblât ; Henle est arrivé au même 
resultat sur les animaux, 


hO4  GRANDRY. —STRUCTURE DE LA GLANDE PITUITAIRE 

Concrétions. On trouve dans la pituitaire des sujets avancés en 
âge des concrétions particulières, analogues à celles qu’on ren- 
contre dans le corps thyréoïde des adultes. (Sympexions, Ch. 
Robin.) 

Ces concrétions se trouvent dans la cavité même des vésicules 
et forment ainsi une partie du contenu; elles sont pâles, transpa- 
rentes, nettement limitées, ne sont attaquées, ni par l'acide acé- 
tique, ni par les alcalis; elles ne sont donc pas calcaires comme 
celles de la glande pinéale, mais sont de nature azotée. 

Leur forme est variable; on les trouve sphériques ovoïdes, al- 
longées, quelquefois anguleuses. Quant au volume, tantôt elles ne 
sont pas plus grandes que les cellules épithéliales, tantôt elles 
atteignent la grandeur des vésicules qu’elles remplissent alors 
complétement. 

Elles sont toujours dans la cavité de la vésicule, jamais je ne 
les ai rencontrées dans la trame; elles sont logées au milieu des 
cellules épithéliales et occupant de préférence le centre même de 
la vésicule. 

Par le graitage, on les obtient parfaitement isolées et non en- 
tourées de cellules épithéliales, car celles-ci ne leur adhérent pas. 
Quand elles sont isolées, on les voit parfois avec un noyau, tel 
que celui d’un calcul, dans leur intérieur et avec granulalions 
Jaunes. 

Les changements apportés à la constitution des vésicules sont 
peu marqués quand la concrétion est peu volumineuse ; on voit 
alors un point transparent de forme et de volume variables au 
milieu de cellules épithéliales complétement normales; mais si 
la concrétion est volumineuse, on trouve la vésicule ayant son 
contenu formé en grande partie par la concrétion et celle-ci est 
séparée de la membrane propre par une couche de substance gra- 
nuleuse où l’on ne retrouve ni noyaux ni cellules. 

Quant au siége, 1l n’a rien de particulier; les concrétions se 
rencontrent dans tous les points de l’organe; les vésicules conte- 
nant des concrétions ne sont pas réunies en groupes mais sont 
disséminées dans les vésicules normales. 

Je n’ai pas observé la fusion de deux vésicules voisines amenant 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. h05 
la formation de kystes plus ou moins volumineux comme cela 
s’observe dans le corps thyréoide. 


GLANDE PINÉALE. 


Les différents auteurs qui ont écrit sur la glande pinéale sont en 
désaccord : les uns la considèrent comme glande sanguine, les 
autres comme appartenant au système nerveux. 

Leydig dit que la glande pinéale chez les poissons est composée 
de vésicules à membrane résistante, enveloppées par un grand 
nombre de vaisseaux sanguins ; chez les mammifères, elle aurait, 
d’après cet auteur, une structure analogue. 

Külliker dit qu’elle se compose de cellules pâles, arrondies, 
sans prolongements, et de quelques rares fibres nerveuses. 

Faivre (1) la considère comme formée de trois éléments prin- 
cipaux : 1° enveloppe fibro-vasculaire, 2° parenchyme globu- 
laire, 3° acervuli ou amas de matières inorganiques. 

Le parenchyme, pour cet auteur, est essentiellement composé 
d’une grande quantité de globules ou noyaux; ces globules, grenus 
dans leur intérieur, sont généralement elliptiques et à bords ré- 
guliers ; ils ont un diamètre moyen de 0"",015. 

Ge même auteur croit devoir rapprocher des éléments nerveux 
ces globules ou noyaux. 

D'après mes recherches, on doit distinguer deux couches dis- 
tinctes d'éléments dans la glande pinéale : une, externe ou cor- 
ticale, présentant une structure analogue à la pituitaire; une, 
interne ou centrale, complétement nerveuse. 

D’après Faivre, tantôt la pinéale présente à l’intérieur une ca- 
vité remplie de matière liquide ; tantôt, au contraire, elle constitue 
un organe complétement plein. J’ai constaté l'existence d’une 
cavité au milieu de la substance nerveuse sur la pinéale d’un sup- 
plicié. 

L'enveloppe formée de tissu lamineux comme l’épendyme ne 
présente rien de particulier ; elle envoie des prolongements dans 
l'intérieur de l'organe. 


(1) Ann, dés sciences natur., 4857, 4° série, t, VII, p. 52, 


kOG GRANDRY. —— STRUCTURE DE LA GLANDE PINÉALE 


Substance corticale. 


Sur l'organe durci par l'alcool, on remarque une différence de 
coloration à la périphérie et au centre. la substance corticale est 
plus foncée. 

Sur une coupe mince et à un faible grossissement, on trouve 
à la périphérie des îlots peu transparents, ronds ou ovales, dissé- 
minés dans une substance plus transparente et qui, examinés à un 
grossissement plus fort, se montrent formés de cellules et ressem- 
blent aux vésicules closes de la pituilaire. 

Les cellules sont irrégulièrement polyédriques, à contenu fine- 
ment granulé, avec noyau et d’un diamètre de 0"",012 à 
0"°,015 ; elles pàlissent fortement par l’acide acétique. 

Ces cellules sont réunies en groupes ronds ou ovales, jamais 
trés-allongés, mesurant 0"*,2 à 0®*,4 en diamètre. Ces groupes 
sont plus espacés les uns des autres que les vésicules de la pitui- 
taire ; ils sont isolés par des éléments qui varient à la périphérie 
et au centre; à la périphérie, on trouve entre eux du tissu lami- 
peux très-abondant avec nombreux vaisseaux capillaires dilatés ; 
vers le centre, ils sont entourés par de la substance nerveuse. 

Les groupes sont-ils entourés d’une membrane propre? Mes 
recherches ne me suffisent pas pour résoudre la question, je crois 
cependant avoir vu vers la périphérie une membrane anhiste 
limitant de véritables vésicules closes (pl. XVI, fig. 4 et 5). 

_ Les vaisseaux capillaires de la substance corticale cheminent 
entre les groupes sans pénétrer dans leur intérieur ; ils ont une 
paroi très-mince et sont très-larges ; 1ls sont logés dans du tissu 
lamineux abondant. 

Concrétions. Elles se développent dans le centre des groupes 
de cellules comme dans la glande pituitaire, mais dans la glande 
pinéale les concrétions ne sont pas de nature azotée, elles sont 
calcaires. Quand les groupes contiennent des concrétions, on 
voit à leur centre un point opaque à contours foncés, paraissant 
formé de couches concentriques et enveloppé de toutes parts par 
les cellules épithéliales non altérées. Pour plus de détails sur les 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. 07 
concrétions ou acervuli bien connus depuis longtemps, je renvoie 
au mémoire de Faivre. 


Substance centrale. 


Elle occupe non-seulement le centre de l'organe, mais envoie 
des prolongements vers la périphérie; ces prolongements for- 
ment des mailles où sont logés les groupes de cellules de la 
substance et en bas ils se continuent avec les pédoncules du ca- 
narium. 

Sa structure est semblable à celle de la substance grise des cir- 
convolutions : matière granuleuse abondante, myélocytes, cel- 
lules multipolaires avec cylindres-axes qui en partent. 

Il n’y a pas de concrétion dans son épaisseur. Elle est enve- 
loppée par la couche précédente. 

Si nous comparons la structure de la glande pinéale à celles de 
deux glandes précédemment décrites, nous trouvons que la sub- 
stance corticale ressemble à la glande pituitaire et serait tout à 
fait semblable à celle-ci si l'existence de la membrane propre 
était certaine. La glande pinéale, dans son ensemble, ressemble 
peut-être plus à la substance médullaire de la capsule surrénale, 
celle-ci contenant des éléments nerveux dans son intérieur ; mais 
encore est-il que dans la première ce sont des éléments de la 
substance grise centrale et au contraire des tubes nerveux péri- 
phériques avec cellules ganglionnaires dans celle-ci. 


CONCLUSIONS. 


La capsule surrénale, dans son ensemble, offre la structure 
des glandes sanguines. 

La substance corticale présente des variétés de structure sui- 
vant qu’on l’examine chez les animaux ou chez l’homme. Elle 
a (oujours une couche de vésicules closes à la périphérie, très- 
manifeste chez l’homme et chez le chien et le chat, moins 
visible chez le bœuf, le mouton et le veau. 

Le reste de la substance corticale à pour éléments principaux 
des cellules qui sont libres et non contenues dans des tubes chez 


108 GRANDRY. — SYRUCTURE DE LA GLANDE PINÉALE, 

le bœuf, le mouton, le veau, et sont disposées en séries linéaires 
jusque près de la substance médullaire où elles sont isolées ou réu- 
nies en groupes ; chez le chien et le chat, les cellules sont conte- 
nues dans des tubes à paroi propre ; chez l’homme, on les trouve 
en partie renfermées dans des tubes en partie libres ; ce dernier 
cas s’observe au voisinage de la substance médullaire, ou quand 
celle-ci n'existe pas et que des éléments de la substance corticale 
en occupent la place. 

Les cellules constituant la substance corticale sont à contenu 
finement granuleux chezle bœuf, le veau, le mouton ; chez le chien 
et le chat, elles contiennent de grosses granulations graisseuses ; 
chez l’homme, on trouve les deux variétés. 

La substance médullaire est composée de vésicules closes 
comme les autres glandes sanguines. 

Quoiqu’elle contienne des éléments nerveux en quelques points 
déterminés, elle ne peut être considérée comme appartenant au 
système nerveux; les éléments nerveux n’en constituent qu'une 
faible partie, et ils manquent presque complétement chez cer- 
tains animaux. 

A ces conclusions principales, on peut ajouter l'indication de 
quelques particularités : 

La cavité centrale, qu’on trouve dans la capsule surrénale, est 
une altération cadavérique, normalement elle n'existe pas. La for- 
mation de cette cavité a lieu très-probablement dans la troisième 
couche de la substance corticale, là où elle est formée en grande 
partie de vaisseaux. Elle n’est pas due à la liquéfactien de la 
substance médullaire qu’on retrouve toujours dans un point ou 
dans l’autre de l'organe et encore adhérente. 

La suraddition graisseuse n'existe pas chez certains animaux 
dans la substance corticale; chez d’autres, elle existe dans pres- 
que toute celte substance corticale ; chez l’homme, elle occupe 
principalement la deuxième couche. On la rencontre chez le fœtus 
de certains animaux; elle n’est donc pas une dégénérescence 
graisseuse de l'organe qui serait constante chez l'adulte. 

La glande pituitaire est composée essentiellement de vési- 
cules closes à paroi propre et a beaucoup d’analogie avec la sub- 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. 109 
stance médullaire de la capsule surrénale. On n’y rencontre pas 
d'éléments nerveux. 

La glande pinéale, dans sa partie corticale, présente proba- 
blement une structure analogue à celle de la glande pituitaire ; 
elle est formée de groupes de cellules qui sont peut-être enve- 
loppés par une membrane hyaline propre. La partie centrale est 
nerveuse. 

Les concrétions de la glande pituitaire se développent dans 
l'intérieur même des vésicules closes; il en est de même dans la 
glande pinéale (1). 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


PLANCHE VIII. 


Cette planche montre la structure de la substance corticale de la cap- 
sule surrénale chez le bœuf et le chien ; le complément se trouve dans les 
figures 4 et 2 de la planche suivante. 

ic. 4. Vésicules closes périphériques, chez le chien, sans épithélium dans 

leur extérieur. 
a et b. Vésicules. 
c. Membrane d’enveloppe de l’organe. 
Fic. 2. Ces mêmes vésicules mais contenant leur épithélium. 
a. Membrane d’enveloppe. 
b. Prolongements de cette membrane. 
c. Vésicules. 
Fic. 3. Coupe d'ensemble de la substance corticale du bœuf, 
a. Membrane fibreuse. 
b. Délimitation des cylindres. 
c. Couche de vésicules closes périphériques. 
d. Origine des séries linéaires. 

Fic. 4. Vésicule périphérique de la substance corticale du bœuf entourée 

de tissu lamineux avec noyaux embryoplastiques. 

Fic. 5. Cellules isolées de la substance corticale. 

A. Cellules finement granuleuses du bœuf, noyaux et granulations 
libres. 
B. Cellules à granulations graisseuses du chien, 


(1) Les recherches dont les résultats sont exposés dans ce Mémoire ont été faites 
dans le laboratoire d’histologie de la Faculté de médecine de Paris. 


h10  GRANDRY. — STRUCTURE DE LA CAPSULE SURRÉNALE 


PLANCHE IX. 


FiG. 4. Coupe de la capsule surrénale du chien. 
a. Vésicules closes périphériques. 
b. Couche de tubes, 
c. Couche où les éléments cellulaires ne sont plus contenus dans des 
tubes mais isolés ou réunis en groupes. 
d. Substance médullaire. 
e. Membrane d’enveloppe. 
Fc. 2. Tubes de la substance corticale du chat; ils sont graisseux et ont 
une paroi propre.On ne reconnaît pas la nature cellulaire du contenu. 
Fi. 3. Substance médullaire du bœuf. 
a. Vésicules closes avec épithélium simulant l’épithélium en cylindres. 
b. Vaisseaux sanguins. 
c, Tronc nerveux. 
d. Cellules nerveuses. 
Fic. 4. Éléments de cette substance médullaire obtenus par le grattage, 
granulations fines sans graisse et noyaux. 
Fi, 5 et 6. Elles représentent la membrane propre des vésicules closes 
de la substance médullaire. 
Figure 5 vue de champ. 
Figure 6, vue de face chez le veau, à côté, granulations et noyaux du 
contenu, 
PLANCHE XIV. 


Cette planche représente les vaisseaux de la capsule surrénale chez le co- 
chon d’Inde et chez le bœuf. Je dois à l’obligeance de M. Ordonez l’injec- 
tion chez le cochon d'Inde, 

FiG. 4. Injection chez le cochon d’Inde. 

a. Vaisseaux capillaires à mailles allongées de la substance corticale. 

b, Vaisseaux dilatés et à mailles polygonales de la substance médul- 
laire. 

Mic. 2. Injection chez le bœuf. 

La figure représente un cylindre de l’écorce injecté ; au centre, on voit 
le tronc veineux principal qui va se jeter dans les vaisseaux dilatés 
de la substance médullaire. 

On voit qu'à l’union des deux substances il y a un plexus vasculaire très- 
abondant. 

PLANCHE XV. 


Cette planche montre la structure de la capsule surrénale chez l’homme. 
Fi. 1. Dans cette figure, on voit les vésicules closes périphériques chez 
l’homme qui sont immédiatement au-dessous de l’enveloppe; en 
dessous de cette couche on trouve l’origine des tubes de la première 


variété. 


| 


DE L'HOMME ET DE QUELQUES ANIMAUX. n11 


a. Membrane d’enveloppe. 

b, Vésicules closes périphériques. 

c. Origine des tubes. 

F1. 2. Tube de la première variété avec contenu graisseux abondant. 
Fic. 3. Tube avec contenu nettement formé de cellules. 
Fi. 4. Contenu des tubes. 

A. Contenu des tubes de la première variété. 

B. Cellules contenues dans les tubes des deux autres variétés. 

Fic. 5. Coupe d’un lobe de la capsule surrénale à où la substance mé- 
dullairé n’existe pas. 

On y voit les différentes couches de la substance corticale, une externe 
peu colorée, une moyenne très-colorée et une interne qui l’est 
moins qui constitue la troisième couche et sépare deux couches 
fortement colorées. 

a. Couche de vésicules. 

b. Couche de tubes. 

c. Couche où les éléments sont isolés ou en séries linéaires, 

d, Vaisseaux sanguins. 


PLANCHE XVI. 


Fi. 4. Figure représentant un ganglion nerveux de la substance médul- 
laire, on le voit traversé par des vaisseaux artériels et accollé à la 
veine centrale. 

a. Ganglion. 
b. Artères. 
c. Veine centrale, 
d. Amas de substance corticale. 
e. Substance médullaire. 
Fic. 2. Coupe de la pituitaire montrant les vésicules closes de cet organe: 
on les voit remplies de concrétions. 
a. Vésicules. 
b. Concrétions. 

Fic. 3. Cellules isolées formant le contenu des vésicules de la pituitaire. 

Fic. 4. Groupes de cellules de la portion corticale de la glande pinéale ; 
ces groupes sont séparés par du tissu lamineux avec vaisseaux san- 
guins dilatés; dans un de ces groupes on voit une concrétion. 

Fig. 5. Cellules constituant les groupes de la glande pinéale. 

Fic. 6. Figure représentant la disposition de la substance nerveuse dans 
la glande pinéale. 

a. Substance nerveuse centrale avec la cavité, sans groupes de cellules. 
b. Groupes de cellules entourés de substance nerveuse, 


DES ACTIONS RÉFLEXES 


DÉTERMINÉES 


PAR LES COURANTS ÉLECTRIQUES CONSTANTS ET CONTINUS 


Par le docteur ONIMUS. 


CONTRACTIONS RÉFLEXES, LES NÉRFS MOTEURS ET LES NERFS SENSITIFS 
ÉTANT INTACTS. 


Les courants électriques constants, appliqués sur les nerfs, 
produisent dans les muscles qui dépendent de ces nerfs des con- 
tractions variables dans leur intensité et dans le moment de leur 
production. Ces phénomènes sont connus depuis longtemps, quoi- 
que jusqu’à présent ils n'aient reçu aucune explication bien satis- 
faisante ni aucune application thérapeutique. 

À côté de ces contractions, qui ont lieu dans les muscles qui 
reçoivent les divisions du nerf électrisé, on observe dans d’autres 
muscles éloignés des contractions qui ont lieu souvent, même avec 
plus d'énergie et à des moments différents ; c’est sur ces contrac- 
tions évidemment réflexes que nous désirons appeler l'attention. 

Nos expériences -ont toutes été faites sur des grenouilles, et 
nous nous sommes servis des courants électriques fournis par 
l'appareil Remak, c’est-à-dire de piles se rapprochant de celles 
de Daniell. Nous avons, de plus, toujours employé des courants. 
très-faibles. 

Sur une grenouille vivante, on met un nerf sciatique à nu, et 
en électrisant ce nerf dans une assez grande étendue, on obtient 
des contractions à la fois dans la jambe du même côté et dans 
celle du côté opposé. Ces contractions sont dans le commence- 
ment assez irrégulières et difticiles à classer; mais au bout d’un 
instant on observe les phénomènes suivants : 

1° a. En mettant sur les nerfs de la jambe droite le pôle posi- 


DES ACTIONS RÉFLEXES DÉTERMINÉES PAR LES COURANTS ÉLECTR, 413 
tif en haut, c’est-à-dire en faisant agir un courant descendant 
PN, ou centrifuge, on obtient : 

À la fermeture du courant, des contractions, à la fois dans la 
jambe droite (B) et dans la jambe gauche (A). 

À l'ouverture, 1l n'y a de contractions que dans fla jambe 
droite (B). 


b. Si par les nerfs de cette mème jambe (jambe droite) on 
fait passer un courant ascendant ou centripète P'N', on obtient : 

À la fermeture, des contractions seulement dans la jambe 
droite (B). 

À l'ouverture, des contractions à la fois dans les deux jambes. 

ec. Si l’on met le pôle positif sur les nerfs de la jambe gauche, 
et le pôle négatif sur ceux de la jambe droite, on obtient : 

À la fermeture, des contractions dans les deux jambes, 


AAA ONIMUS. — DES ACTIONS RÉFLEXES 

A l'ouverture, des contractions dans la jambe droite seulement. 

d. En plaçant le pôle positif sur les nerfs de la jambe droite, 
et le pôle négatif sur ceux de la jambe gauche, on obtient les 
mêmes phénomènes, mais en sens inverse : 

À la fermeture, contractions dans les deux jambes, et à l'ou- 
verture contractions rien que dans la jambe gauche. 

Au bout de quelques instants, qui varient de trois à cinq mi- 
nutes, les phénomènes deviennent encore moins compliqués. Cette 
seconde phase n’existe souvent pas encore lorsqu'on agit directe- 
ment sur les nerfs, mais on peut l'obtenir en mettant un des pôles 
sur les nerfs à nu, et l’autre sur la peau du dos au-dessus de la 
moelle. Ce n’est que quelque temps après, qu’en agissant directe- 
ment sur les nerfs, on obtient les phénomènes suivants avec beau- 
coup de netteté : 

2° a. En faisant agir un courant descendant (PN) sur les nerfs 
de la jambe droite (B), on obtient : 

À la fermeture, des contractions dans la jambe du côté op- 
posé (A), et rien dans la jambe du même côté. 

À l'ouverture, des contractions dans la jambe du même côte (B), 
et rien dans celle du côté opposé (A). 

b. En employant le même courant, mais en sens inverse, c'est- 
a-dire ascendant, on obtient : 

À la fermeture, des contractions dans la jambe du méme 
côté (B), et rien du côté opposé (A). 

À l'ouverture, des contractions dans la jambe du côté op- 
posé (A), et rien dans celle du même côté (B). 

°& En mettant le pôle positif en (B), et le pôle négatif en (A), 
on obtient : 

À la fermeture, des contractions en (B), et rien du côté op- 
posé (A). 

A l'ouverture, des contractions en (A), et rien du côté op- 
posé (B). 

4. En mettant le pôle négatif en (B) et le pôle positif en (A), 
on obtient : | 

A la fermeture, des contractions en (A), et à l'ouverture, des 
contractions en (B). 


DÉTERMINÉES PAR LES COURANTS ÉLECTRIQUES. M5 

D’apres ces différents phénomènes, on voit que si l’on ne con- 
sidère comme contractions réflexes que celles qui se font dans 
des muscles indépendants des nerfs qu’on électrise, on peut dire 
d'une manière générale : | 

Le courant descendant produit des contractions réflexes à la 
fermeture. 

Le courant ascendant produit des contractions réflexes à l’ou- 
verlure. 

Les phénomènes (c) et (d) pourraient sembler contradictoires à 
ces deux propositions, mais 1l faut remarquer que, dans ce cas, 
la portion supérieure des deux nerfs sciatiques et la portion de 
la moelle traversée par le courant électrique ne forment pour 
ainsi dire qu'un seul et même conducteur nerveux, et que le phé- 
nomène a lieu exactement comme dans les cas précédents, car 
dans le cas (c) le courant est descendant pour la jambe gauche (A), 
ce qui rentre dans le cas (4). Dans {d) le courant est ascendant 
pour cette même jambe, et l'on observe, en effet, les mêmes phé- 
nomènes que dans le cas (b). 

Ce qui démontre bien que dans ces différents cas les nerfs 
n'agissent pas comme de simples conducteurs, et qu’au contraire 
l'électricité agit d’une manière particulière sur les nerfs et sur les 
centres nerveux, c’est qu'en plaçant les rhéophores sur d’autres 
parties du corps (peau, muscles), on n'obtient plus des contrac- 
tions dans le même ordre. De plus, si l’on sépare les rerfs 
sciatiques de la moelle, les contractions deviennent beaucoup 
moins énergiques, et très-souvent ne se font plus dans le même 
ordre, même pour un seul et même membre. 

Lorsqu'on coupe la moelle complétement en travers et qu'on 
‘ place un des pôles sur le tronçon supérieur et l’autre sur un des 
nerfs sciatiques, les contractions se font en même temps dans les 
deux jambes (si le courant est fort), dans l’une ou dans l’autre, si 
le courant est plus faible, mais on n’observe plus les alternatives 
réflexes que nous avons mentionnées plus haut. 

Enfin, si les nerfs n'agissaient, dans ce cas, que comme de 
simples conducteurs, une portion de nerf remplacée, par un fil 
métallique, devrait conduire le courant aussi facilement que lors- 


h16 ONIMUS. — DES ACTIONS RÉFLEXES 
que le nerf est entier. Or, dans cette expérience, aucun des phé- 
nomènes mentionnés ne se produit. 

Nous venons d'examiner les contractions qui ont lieu lorsqu'on 
laisse intacts les nerfs moteurs et les nerfs sensitifs; nous allons 
examiner maintenant les différences que peuvent apporter à ces 
phénomènes les lésions de ces deux ordres de nerfs. 


Il 


CONTRACTIONS RÉFLEXES, LES NERFS SENSITIFS ÉTANT PARALYSÉS. 


Lorsqu'on vient à détruire la sensibilité dans un des membres, 
les phénomènes mentionnés précédemment changent d'une ma- 
nière notable; les contractions disparaissent presque entière- 
rement. Pour arriver à détruire la sensibilité, nous avons coupé 
chez des grenouilles les racines lombaires postérieures. Dans les 
premiers temps, et surtout lorsque la sensibilité n’est pas com- 
plète, ou que le courant électrique est un peu fort, les phénomènes 
sont assez complexes. Lorsqu'on se trouve dans de meilleures 
conditions, on observe les phénomènes suivants. 

Les nerfs sensilifs de la jambe droite étant intacts et ceux de la 
jambe gauche étant coupés à leur origine : 

1° a. Quand on fait agir sur le nerf sciatique sain, c’est-à-dire 
sur le sciatique droit (B) un courant descendant, 

À la fermeture, contractions dans les deux jambes. 

À l'ouverture, contractions seulement dans la jambe droite. 

Ce résultat est le même que celui obtenu dans le cas où les 
nerfs sensitifs ne sont point paralysés (4, I), mais il faut remar- 
quer que nous agissons sur la jambe droite où les nerfs sensitifs 
sont demeurés intacts. 

b. Quand sur la jambe droite on fait traverser à travers le nerf 
sciatique un courant ascendant ou centripète, on obtient : 

À la fermeture et à l’ouverture, des contractions dans la jambe 
droite; mais aucune contraction dans la jambe gauche, 

Un courant plus fort détermine néanmoins quelques contractions 
légères dans la jambe gauche, 


DÉTERMINÉES PAR LES COURANTS ÉLECTRIQUES. h17 

2° Si l’on place les rhéophores sur les nerfs de la jambe gauche, 

c'est-à-dire sur les nerfs du côté privé de sensibilité, on constate 
les phénomènes suivants. 

a. Quand on se sert d’un courant PA TR AN les contractions 
ont lieu à la fermeture dans les deux jambes, mais très-faiblement 
dans la jambe droite; à l'ouverture, il n’y a de contractions que 
dans la jambe gauche, mais il est à remarquer que ces dernières 
contractions sont très-faibles et qu’elles cessent complétement 
lorsque le nerf est un peu épuisée. 

b. Quand on se sert d’un courant ascendant, il n’y a de con- 
tractions à la fermeture et à l'ouverture que dans la jambe gauche ; 
rien du côté de la jambe droite. 

Les contractions qui ont lieu dans la jambe gauche sont corn- 
prises à la fermeture entre l'espace occupé par les deux pôles, 
c'est-à-dire qu’elles ont lieu dans les muscles de la cuisse ; à l’ou- 
verture, ces contractions, au contraire, n'existent que dans les 
muscles situés en arrière du pôle positif, c'est-à-dire dans les 
muscles du mollet, 

Ces faits montrent que lorsqu'on électrise un membre privé de 
sensibilité, on n’obtient pas de contractions dans les muscles éloi- 
gnés, lorsqu'on se sert d’un courant ascendant ou dirigé dans le 
sens des nerfs sensitifs. Un courant descendant ou dirigé dans 
le sens des nerfs moteurs, détermine des contractions dans les 
deux membres; mais il faut noter que ces contractions se font 
dans les deux membres dans le même moment, et qu'on obtient 
absolument le même résultat en détruisant complétement la 
moelle. 

Les actions réflexes sont donc surtout provoquées par les cou- 
rants centripètes, et des expériences sur lesquelles nous ne pou- 
vons insister ici, faites sur l’homme, soit à l’état sain, soit à l’état 
pathologique, confirment le résultat de ces expériences sur "les 
animaux (1). ï. 


(1) Nous avons observé un cas de chorée dans lequel les courants descendants 
arrêtaient et empêchaient les accès choréiques, tandis qu les courants ascendants 
les provoquaient et les augmentaient. 


JOURN, DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL, — T, 1V (1867). 27 


h18 | ONIMUS, —— DES ACTIONS RÉFLEXES 


IL 


CONTRACTIONS RÉFLEXES, LES NERFS MOTEURS ÉTANT PARALYSÉS. 


Le meilleur moyen pour paralyser les nerfs moteurs est sans 
contredit l’emploi du curare. Nous avons donc, à lexemple de 
M. Claude Bernard, après avoir par une ligature empêché l'accès 
du sang dans la jambe droite, empoisonné une grenouille par le 
curare. 


En mettant à nu les nerfs des deux jambes, et en faisant agir 
sur les nerfs de la jambe droite non empoisonnée (B) un courant 
descendant, on obtient les résultats suivants : 

4° a. A la fermeture, aucune contraction; à l'ouverture, fortes 
contractions, Îl est évident que dans tous ces cas nous n’enten- 


DÉTERMINÉES PAR LES COURANTS ÉLECTRIQUES. h19 


dons parler que des contractions qui ont lieu dans la jambe 
droite, car il n’est point possible d’en obtenir dans les autres 
membres, ceux-ci ayant subi l'influence du curare. | 

b. En faisant agir un courant ascendant, les contractions ont 
lieu à la fermeture; aucune contraction n’a lieu à l'ouverture. 

c. Si l’on applique le pôle positif sur les nerfs de la jambe gau- 
che (A) et le pôle négatif sur ceux de la jambe droite (B), Les con- 
tractions ont lieu dans le même ordre que dans le cas (a), c'est-à- 
dire que dans le cas d’un courant descendant appliqué sur le nerf 
du même côté. Nous avons, en effet, une contraction à l’ouver- 
ture et rien à la fermeture. 

En mettant le pôle positif sur le sciatique droit (B) et le pôle 
négatif sur le gauche (A), on obtient l'effet du courant ascen- 
dant (4), c’est-à-dire des contractions à la fermeture et rien à 
l'ouverture. 

On voit par ces deux derniers phénomènes, que le résultat est 
identique si l’on fait traverser le courant uniquement à travers un 
nerf mixte (sciatique droit), ou si une portion du trajet parcourue 
par le courant est composée exclusivement de nerfs sensitifs (scia- 
tique gauche, les nerfs moteurs étant paralysés). 

2° En mettant les rhéophores seulement sur le nerf sciatique 
gauche, ou sur le nerf paralysé, on obtient les contractions sui- 
vanies dans la jambe non paralysée du côté opposé. 

a. Avec un courant descendant, contractions à la fermeture, 
rien à l’ouverture. (Les premiers instants, on retrouve quelquefois 
une légère contraction à l'ouverture, mais elle disparait bientôt.) 

b. Avec un courant ascendant, pas de contraction à la ferme- 
ture, contractions à l’ouverture. 

Ces phénomènes sont donc juste en sens opposé de ceux que 
l’on obtient en électrisant le nerf non empoisonné par le curare. 
Les contractions ainsi obtenues sont évidemment réflexes, car 
elles ne sont obtenues qu’en électrisant des nerfs sensitifs, et elles 
confirment le résultat que nous avions trouvé au commencement, 
à savoir que : 

Le courant descendant produit des contractions réflexes à la 
fermeture, et le courant ascendant à l’ouverture. 


h20 ONIMUS,. —— DES ACTIONS RÉFLEXES, ETC. 


Il nous est impossible de donner une théorie satisfaisante de 
ces phénomènes; nous ferons seulement remarquer que le cou- 
rant descendant a une direction opposée à celle de la vibration 
nerveuse des nerfs sensitifs, que c’est donc surtout au moment où 
il s'établit qu’il doit influer sur l’état du nerf sensitif. Le courant 
ascendant, au contraire, à la même direction que la vibration 
nerveuse des nerfs sensitifs, elle change donc beaucoup moins 
l'état moléculaire du nerf au moment de son passage, que lorsque 
son action vient à être interrompue. 

Quoi qu’il en soit, ces faits prouvent bien que les courants élec- 
triques à courant constant et continu agissent à distance sur la 
moelle, ou même sur le cerveau, comme l’indiquent les phosphènes 
et le goût métallique que l’on observe souvent en électrisant des 
parties éloignées du nerf optique ou des nerfs de la langue. Des 
maladies de la moelle ont été améliorées par Remak en électrisant 
uniquement les membres inférieurs ou supérieurs; et d’un autre 
côté, nous avons vu quelques cas où des actions réflexes des plus 
manifestes accompagnaient l’électrisation des membres ou de la 
moelle, actions réflexes que l’on pouvait provoquer ou faire cesser 
selon la direction des courants. 

Il est un autre point très-important en thérapeutique et que 
nous n'avons pu élucider encore, c’est de savoir si l’action du 
courant comme cause des actions réflexes est continue, ou s’il 
n’agit sur les parties éloignées qu’au moment où apparaissent les 
contractions. En d’autres termes, le courant descendant qui pro- 
duit des actions réflexes à la fermeture n’agit-il que dans ce 
moment seul, ou continue-t-il son action sur les parties éloignées 
pendant tout le temps de son passage ? On comprend quelle im- 
portance ces faits peuvent avoir eu thérapeutique, selon que l’on 
veut limiter l’action des courants électriques, ou selon qu'au 
contraire on veut agir sur les parties centrales. Nous croyons que 
les recherches physiologiques peuvent difficilement éclaircir ce 
point, et que ce résultat peut surtout être obtenu par l’étude des 
phénomènes qui se passent dans les cas pathologiques. 


DU PIGMENTUM DE LA PEAU 


DANS LES RACES HUMAINES 


ET, EN PARTICULIER, DANS LA RACE NÈGRE 


Par le D' J.F, LARCHER 


Docteur en médecine, ancien interne des hôpitaux de Paris, 
Lauréat de l’Institut de France et de l'Académie de médecine de Paris, 
Chevalier de la Légion d'honneur. 


Dans l’espèce humaine, le pigmentum de la peau 
est un caractère de race, et les phases de son déve- 
loppement obéissent à des lois physiologiques déter- 
minées et invariables. 


en 


I 


Envisagé sous le point de vue général des variétés de sa 
couleur, le pigment de la peau, comme de Blainville l’a fait 
remarquer depuis longtemps déjà « peut présenter, chez les 
» mammifères, les trois couleurs fondamentales, le rouge, le 
> jaune et le bleu, ainsi que le blane, qui en est le mélange, et le 
» noir qui en est l'absence. » 

Dans l’espèce humaine, les diverses races nous donnent 
l'exemple de la coloration blanche, de la jaune, du rouge cuivré, 
du brun plus ou moins foncé, du noir enfin. ( 

Parmi les animaux les plus rapprochés de nous dans l’échelle 
des êtres, nous trouvons le bleu vif à la face du Mandril et de 
quelques Callitriches, autour des organes génitaux de plusieurs 
autres espèces de Singes. Sur le Mandril, nous voyons égale- 
ment la couleur rouge carmin se montrer à la face, à la peau de 
l'organe génital mâle et au pourtour de cet organe. La face, la 
paume des mains, les oreilles du petit singe Mico, sont aussi de 
la même couleur (1). 

Le pigment, auquel la peau doit ces variétés de coloration que 
nous avons voulu seulement rappeler d’une façon très-sommaire, 
se rencontre également à l’origine des membranes muqueuses ; 


(1) De Blainville, Traité de l'organisation des animaux, t. 1, p. 65. Paris, 1822. 


422 J. F. LARCHER. — DU PIGMENTUM DE LA PEAU 

on sait qu'il teint aussi en noir la choroïde, et qu'il imprime à 
l'iris ses couleurs différentes. Le système pileux lui emprunte 
ses nuances diverses, depuis le blanc le plus pur jusqu’au noir le 
plus foncé. 

Dans l'espèce humaine, de même que chez tous les mammi- 
fères, le pigment noir commence à se produire avee la vie intra- 
utérine. Dans la masse embryonnaire, à peine formée, les deux 
points noirs, parallèlèment situés, qui représentent les yeux, ne 
sont autre chose, en effet, que le pigmentum de la choroïde, à 
l’état initial. Dans l’état normal, leur existence constitue un 
caractère commun à tous les représentants de notre espèce; mais 
si, d'une manière générale, le globe oculaire paraît seul avoir 
jusque-là le privilège d’en recueillir l’unique dépôt, les choses se 
montrent différentes, pour peu que nos recherches cessent de 
porter exclusivement, sur la race blanche. Si, en effet, au moins 
dans cette dernière, le pigment n’a pas encore jusque-là sa raison 
d’être à la surface du derme, plus tard, méme avant la nais- 
sance, on l’observera déjà dans la race nègre, en des points 
déterminés de la surface cutanée. Ce dernier fait, que j'ai nette- 
ment constaté, et que j’exposerai tout à l'heure dans ses détails, 
est, j'ai häte de le dire, un résultat contradictoire des opinions 
reçues, 

Mais, avant d'aller plus loin, l'intérêt de mon sujet exige que 
je dise quelques mots des coloralions de l’épiderme proprement 
dit. Cette partie de la peau est, en effet, complétement indé- 
pendante du pigmentum, et, dans lappréciation de l'influence 
exercée par les agenis physiques, il est important de bien rap- 
porter à cette dernière les modifications qu'a pu éprouver la 
coloration. Le marin, par exemple, à quelque nation qu’il appar- 
tienne, a toujours l’épiderme proprement dit plus ou moins noir, 
et, d’une manière générale, tous ceux qui ont passé quelque 
temps sur les bords de la mer en reviennent toujours avec une 
peau plus ou moins basanée. Mais 11 n'y a rien de commun entre 
cette couleur d'emprunt, acquise par l'épiderme proprement dit, 
et la couleur caractéristique du pigment, se transmettant d'âge 
en âge, sous les climats les plus différents. 


DANS LES RACES HUMAINES, L cf 123 


- Il semble bien évident que l’épiderme et le pigment qui colore 

les cellules du corps muqueux sont réciproquement dans Îles 
conditions d’une parfaite indépendance. La dépouille épidermi- 
que d’un reptile, abandonnée à elle-même et retraçant encore 
la forme de l’animal, est incolore, transparente; elle reproduit 
exactement l'empreinte du corps qu’elle a revêtu. Quant aux 
cellules pigmentales, un épiderme nouveau les recouvre déjà : 
leur coloration, aussi, est déjà plus vive ou plus intense; plus 
que jamais, alors, le serpent noir est noir, le lézard vert est 
vert, ele, 

Cependant on a plusieurs fois confondu les teintes variées que 
l’épiderme emprunte aux divers agents physiques, avec les teintes 
propres au pigmentum, et nous lisons, dans l’un de nos diction- 
naires classiques, l’assertion suivante, à l’appui de l'influence 
exercée par le climat sur la coloration de la peau, « Les Juifs, 
» originaires de l'Asie, où ils sont bruns, sont très-blancs en 
» Pologne; ils brunissent, à mesure qu’on les observe dans des 
» régions plus méridionales. Ils sont, en Afrique, aussi noirs que 
» les indigènes, et l’on sait que cette nation ne mêle pas son 
» sang à celui des autres peuples (1). » Il semblerait ainsi, que 
le caractère propre d’une race, que la physionomie nationale 
d'un peuple, consistassent seulement dans les apparences de 
couleur de la peau. 

Qu’un Juif soit né en Europe, qu’il soit d’origine asiatique ou 
d’origine africaine ; que son épiderme soit plus ou moins blanc, 
plus-ou moins brun, plus ou moins bronzé, ce sera toujours un 
Juif avec son type particulier, en un mot, avec sa physionomie 
nalionale. Le Juif; né en Asie, n’a pas pour cela les pommettes 
saillantes, le visage plat, les yeux étroits d’un Kalmouck. Le Juif, 
né en Afrique, n’a pas, pour cela, la peau noire, les cheveux cré- 
pus, le crâne étroit et oblique, les grosses lèvres saillantes d’un 
Hottentot ou d’un Houzouanas. 

Ici l’épiderme proprement dit est seul compromis; seul, il 


(1) Rostan, article CLIMAT in Dictionnaire de médecine, t, V, p. 373. Paris, 
1822. 


11 


h24 J. F. LARCHER. -— DU PIGMENTUM DE LA PEAU 


reçoit la fugitive empreinte des rayons solaires, et celle-ci n’inté- 
resse en rien les cellules du corps muqueux colorées par le pig- 
mentum. 


Il en est autrement des types de races et de la physionomie 
nationale des peuples ; leur transmissibilité à travers les siècles 
et malgré les croisements est incontestable; et ici, la femme, 
bien plus que l’homme, vient y concourir. « Cet excès de force 
» formatrice », dit Meckel (1), « dépend incontestablement de la 
» partinégale que prennent à la production d’un organisme nou- 
» veau les deux sexes qui y concourent; part évidemment plus 
» considérable du côté de la femelle que de celui du mâle, qui 
» conserve au profit de son existence individuelle tout l'excès 
» de force qui lui reste en avantage. » 

De nos jours, on observe encore, dans la population de Gran- 
ville, chez les femmes surtout, le type grec très-pur des siècles 
passés, et, à côté de la Ville éternelle, les Transtévères repré- 
sentent aux observateurs d'aujourd'hui les Romains d'autrefois, 
Enfin, le pigmentum de la peau, dans la race nègre, est encore 
apparent après plusieurs générations de croisements successifs. 
On le retrouve, en quelque sorte, réfugié à la base de l’ongle des 
doigts et des orteils, où il décrit une ,zone plus ou moins noire, 
plus ou moins bronzée. Aussi, dans les colonies, où règne tou- 
jours ce qu’on a nommé l’aristocratie de la peau, quand il s’agit 
de quelque blanc équivoque, suffit-il de la seule inspection de la 
peau pour découvrir ces derniers vestiges du type primordial : on 


applique alors l’épithète de sang-mêlé à Y'individu porteur de ces 
nuances intermédiaires. 


I 


C’est précisément en présence des changements de coloration 
que divers changements dans les conditions d'existence peuvent 
imprimer à l’épiderme proprement dit; en face, au contraire, 
de la persistance de certaines colorations à travers les âges, dans 


(1) J. F. Meckel, Trailé général d'anatomie comparée, traduit de l'allemand par 
Riester et Alph. Sanson, t, I, p. 342. Paris, 1828. 


DANS LES RACES HUMAINES. h25 


une même race; que la couche pigmentale, comparée à l'épi- 
derme, me paraît acquérir une grande importance. Pour moi, 
en l'étudiant attentivement pendant les phases de son dévelop- 
pement à la surface cutanée, j'y vois dès le début de l'existence 
un caractère de race tellement accentué dans celle des nègres, 
qu’il me semble utile de relever les inexactitudes que j'ai plu- 
sieurs fois rencontrées à ce sujet dans les auteurs, et d'exposer 
simplement ce que j'ai constaté d’une maniere certaine. 

Déjà, je l’ai tenté en 1826 [1), et depuis encore, il y à quel- 
ques années (2), lorsque parut l'analyse (3) d’un travail publié 
par le baron Müller (de Stutigard), sur les Causes de la colora- 
tion de la peau et des différences dans la forme du crâne, au 
point de vue de l'unité du genre humain. Le savant allemand, 
dans ce travail, arrive avec raison à une conclusion qui me 
paraissait déjà fort bien établie, à savoir que l'humanité est une, 
primitivement et essentiellement une. L'énoncé de ce fait me 
semble aujourd’hui surabondamment prouvé (4); et, si je Île 
rappelle, c’est seulement en raison de son importance. Mais le 
baron Müller, à mon avis, s’écarte de l’exactitude, lorsqu'il écrit 
que les conditions climatériques déterminent la coloration de la 
peau, et que la peau du fœtus nègre ne contient pas plus de 
couche pigmentale que la peau de l’homme blanc. 

La première de ces deux propositions se rattache à une ma- 
nière de voir que Buffon admettait déjà, sans exclure toutefois 
l'influence que pourraient exercer la nourriture et les mœurs (5). 


(1) 3. F. Larcher, note manuscrite remise à mon regrettable ami A. Cassan, et 
publiée par lui dans ses Recherches sur les cas d’utérus double et de superfétation. 
Thèse inaugurale, p. 40.-Paris 1826, 

(2) J. F. Larcher, Du pigmentum de la peau dans les races humaines, et en par- 
ticulier dans la race noire. (Lettre adressée à M. Amédée Latour et publiée dans l’U- 
nion médicale, 1'° série, t. XI, p. 43 et A4. Paris, 1857.) 

(3) Union médicale. Paris, 2 décembre 1856. 

(4) En acceptant ce travail la rédaction de ce journal fait toutes ses réserves sur 
ce point, les recherches et les découvertes scientifiques concernant l’histoire naturelle 
de l’homme, qui s’accumulent depuis plusieurs années, étant formellement éversives 
de l’ancienne opinion concernant la monogénie primitive et essentielle de l’homme. 
(Ch. Robin.) 

(5) «11 paraît », dit Buffon, «que la couleur dépend beaucoup du climat, sans que 
» cependant on puisse dire qu’elle en dépend entièrement... Dans une même race 


126 J. F. LARCHER., — DU PIGMENTUM DE LA PEAU 


Mais, même avec cette dernière réserve, elle me paraît infi- 
niment trop exclusive; et je crois pertinemment qu’il faut ici 
faire surtout une large part à l’hérédité. 

Dans les conditions anormales c’est l’hérédité qui transmet 
certaines maladies, certains vices de conformation ; dans l’ordre 
physiologique, c’est elle encore qui transmet les formes exté- 
rieures, la stature, les traits du visage ; elle transmet aussi la 


physionomie nationale des peuples. Il me semble naturel de recon- 


naître encore la tracc de son influence lorsqu'on voit, à travers les 
âges, se transmettre pendant plusieurs générations les différents 
modes de coloration de la peau dans les races humaines, et cela, 
en dehors de toute influence climatérique. Et, d’ailleurs, n’a-t-on 
pas observé l’hérédité, même dans l’albinisme, caractérisé par l’ab- 
sence du pigmentum à la surface du derme et dans la choroïde ? 

Dans un instant j'aurai du reste à montrer que pendant la vie 
intra-utérine, l'enfant du nègre porte déjà en lui l'empreinte 
caractéristique et indélébile de sa race, et qu’au moment même 
de la naissance, elle apparaît déjà bien avant que les conditions 
climatériques du milieu qui l'entoure aient pu exercer sur lui 
aucune influence. 

Relativement à ce fait, que la peau du fœtus nègre ne contien- 
drait pas plus de couche pigmentaire que la peau de l'homme 
blanc, comme il touche au cœur même de la question, je tiens à 
le relever comme complétement inexact. 

Je sais bien que les assertions de plusieurs auteurs semblent 
prêter appui à la proposition formulée par le baron Müller. J. F. 
Meckel, par exemple, étudiant les différences que les progrès de 
l’âge amènent dans la coloration, fait remarquer que « plus l’ani- 
» mal est jeune, moins la coloration est variée. Avant la nais- 


» d'hommes, continue-t-il plus loin, le plus ou moins noir dépend de la plus ou moins 
» grande ardeur du climat : il faut peut-être plusieurs siècles et une succession d’un 
» grand nombre de générations pour qu’une race blanche prenne par nuances la 
» couleur brune, et devienne enfin tout à fait noire; mais il y a apparence qu’avec 
» le temps un peuple blanc, transporté du nord à l'équateur, pourrait devenir brun 
» et même tout à fait noir, surtout si ce même peuple changeait de mœurs et ne se 
» servait, pour nourriture, que des produciions du pays chaud dans lequel il aurait 
» été transporté. » | 


DANS LES RACES HUMAINES. 127 
» sance, ajoute-t-il, les teintes sont plus claires; le fœtus du 
» nègre, même à terme, est encore blanchâtre ». Béclard a 
même écrit que « les individus de races colorées, et même les 
» nègres, naissent à peu près de la même couleur que les blancs. 
» La couleur, dit-il, commence à se manifester dès que l’enfant 
» respire, mais surtout vers le troisième jour après la naissance », 

Cependant malgré mon respect habituel pour l'autorité de ces 
auteurs, malgré les assertions plus ou moins analogues que je lis 
dans d’autres ouvrages que les leurs, je ne puis m'empêcher de 
trouver en défaut les enseignements donnés sur ce point par ces 
différents anatomistes. 

D'une étude que j'ai pu faire en 1826, pendant le cours de 
mon internat en médecine à l’hospice de la Maternité de Paris, 
il résulte, en effet, « qu’à l'enstant de la naissance, la peau du 
» négrillon ne différait en rien de celle des blancs, si ce n’est au 
» scrotum qui était déjà entièrement noir : un cercle de même 
» couleur entourait la base du cordon ombilical. 

» Les cheveux, légèrement bruns, n'étaient point lanugi- 
» neux; la muqueuse labiale était d’un rouge très-vif. 

» Vers le troisième jour, la région frontale commençait à bru- 
» nir : on remarquait alors deux bandes noirâtres qui s’éten- 
» daient de chaque côté de l'aile du nez à la commissure des 
» lèvres. Ces deux bandes se dessinaient sous l’épiderme qui 
» semblait seulement les recouvrir, sans participer en rien de 
» leur couleur. Le même phénomène se manifeste, le surlende- 
» main de la naissance, à la partie antérieure des genoux. A cette 
» époque, le cercle noir qui circonscrivait le cordon ombilical 
» s’eflace en même temps que la surface entière des téguments 
» prend une teinte plus foncée (1). » 

Ces phases successives par lesquelles passe la coloration de la 
peau dans la race éthiopienne pourraient, comme je l’ai déjà fait 
remarquer autrefois, servir en médecine légale pour déterminer 
d’une maniere assez précise le temps qu’un fœtus nègre trouvé 
mort aurait déjà vécu. 


(1) Note manuscrite déjà citée, communiquée par nous à notre ami A, Cassan et 
publiée par lui dans sa thèse inaugurale, p. 40. 


128 J. F. LARCHER, — DU PIGMENTUM DE LA PEAU 


Mais à part cet intérêt pratique, un fait capital, selons-nous, 
ressort de ce que nous venons de dire ; c’est que la coloration de 
la peau dans les races humaines suit un ordre déterminé. Ainsi, 
le pigment, à peine apparent dans la race blanche ou caucasique, 
l’est davantage dans la race jaune ou malaise; il s’observe mieux 
encore dans la race rouge ou américaine et atteint, dans la race 
africaine, son summum d'intensité. 

L'enfant de race nègre né à Paris, aux Antilles ou sous l’équa- 
teur, est toujours l’enfant de race nègre. En dehors de toute 
influence climatérique, avant de naître, il porte déjà en lui l'inef- 
façable empreinte de son origine. 

Si je donne aujourd’hui une nouvelle publicité aux résultats 
de recherches que mon ami Armand Cassan avait déjà pris soin 
de mentionner complétement dans sa thèse, et que moi-même ai 
fait connaître encore en 1857, lorsque parut le travail du baron 
Müller, c’est que quelques auteurs paraissent avoir ignoré ces 
résultats. 

C'est ainsi que dans l’une de ses savantes Lecons sur l'homme, 
Carl Vogt, qui déclare n’avoir pas encore pu observer lui-même 
d'enfant nègre nouveau-né, se borne à citer un passage dans 
lequel Pruner bey indique le nègre nouveau-né comme ne pré- 
sentant pas la couleur de ses parents; «il est », lisons-nous, «d’un 
» rouge mêlé de bistre et moins vif que celui d’un nouveau-né 
» d'Europe. Cette couleur primitive », continue lauteur, «est 
» cependant plus ou moins foncée selon les régions du corps. Du 
>» rougeâtre elle passe bientôt au gris d’ardoise et elle correspond 
» enfin à la couleur des parents plus ou moins promptement, selon 
» le milieu dans lequel le négrillon grandit. Dans le Soudan, la 
» métamorphose, c’est-à-dire le développement du pigment, est 
» ordinairement achevée au terme d’une année; en Égypte, au 
» bout de trois ans seulement (1). » 

Le résultat auquel m'ont conduit mes recherches, faites et 
publiées déjà en 1826, me paraît avoir d'autant plus d'intérêt 


(1) Carl Vogt, Leçons sur l’homme, traduct. française de J, J, Moulinié, p. 247. 
Paris, 1865, 


DANS LES RACES HUMAINES. h29 


qu'un auteur dont on a trop souvent oublié de citer l'ouvrage, le 
docteur Broc, dans un Essaz publié dix ans plus tard, traite la 
question en termes tout à fait confirmatifs de mes observations et 
sans paraître les avoir connues. « A sa naissance », écrit-il, «le 
» négrillon, bien que confondu avec le nouveau-né européen, par 
» la coloration rougeâtre ou jaunâtre de la peau, s'en distingue 
» pourtant déjà par plus d'un caractère. Aimsi, les ongles des 
» doigts et des orteils sont alors entourés d’un cercle brun foncé; 
» les parties génitales offrent aussi celte teinte rudimentaire qui, 
» au bout de quelques semaines, envahit toute la surface cutanée 
» et cela sous quelque latitude qu'on le place (1). » 


… 


A4 


TTL 


J’ai jusqu'ici surtout fait ressortir l'influence de l'hérédité sur 
le mode de coloration de la peau, et je me suis attaché à donner 
tels que je les ai constatés de visu, les caractères de coloration 
de la peau du nègre. au moment de la naissance. C'était là, selon 
moi, la question la plus importante de mon sujet; je me propose, 
comme complément de cette étude, d'examiner maintenant com- 
parativement l’énfluence du climat sur la coloration de la peau. 
Cette question a été traitée par plusieurs auteurs qui l’ont résolue 
de façons différentes; il ne sera pas sans intérêt, je l’espére, de 
rapporter 11 l'opinion de quelques-uns des plus autorisés. On a 
pu voir dans les pages qui précèdent vers quelle opinion j’incline 
le plus volontiers, il est donc naturel que je réunisse surtout les 
preuves de divers ordres qui me paraissent démontrer clairement 
ce que je crois être la vérité. A 

Pour prouver que deux races qui différent entre elles par la 
coloration de la peau tiennent cette différence de l'influence 
exercée par les climats sous lesquels elles vivent, il faudrait 


plusieurs conditions qu’il est important d'examiner successive- 
ment. 


(1) P. P. Broc, Essai sur les races humaines considérées sous les rapporls ana- 
tomiques el philosophiques, p. 68. Paris, 1836. 


h30 . F. LARCHER: — DU PIGMENTUM DE LA PEAU 

Il faudrait par exemple rencontrer wx point du monde sur 
lequel il n'existerait aucune trace d’une visite antérieure. Or, 
un pareil isolement, joint à l’agglomération sur un petit espace 
lors de la découverte de l'archipel de Sandwich, faisait de la 
position du peuple de ces îles la plus parfaite condition d'expé- 
rience pour la question qui nous occupe. «Eh bien», ajoute 
Desmoulins, auquel j'emprunte cette remarque, « /es enfants 7 
» naissent d'un brun noir de suie, et les demoiselles de qua- 
» lité, élevées à l'abri da soleil et du grand air, restent d'autant 
» plus noires qu'elles se préservent mieux de l'influence atmo- 
» sphérique. Les gens du peuple, au contraire, obligés d'aller 
» au soleil, passent du noir à la couleur orange, changement 
» beaucoup plus grand que la transition inverse la plus complète 
» que l’on ait jamais observée chez un Européen. Voilà pourquoi 
» aussi les femmes, tout égal d’ailleurs, ont toujours la teinte plus 
» foncée que les hommes dans cet archipel (1). » 

Pour prouver que le blanc et le noir tiennent leur différence 
de celle des climats sous lesquels ils vivent, il faudrait, selon la 
remarque de Bory de Saint-Vincent et du docteur Bertrand de 
Saint-Germain (2), que la lignée du nègre ou du blanc eût changé 
sans croisement du blanc ou du noir au blanc, après avoir été 
transportée du sud au nord ou du nord au sud; or la chose 
« n’a jamais eu lieu, encore que des écrivains obstinés dans leurs 
» étroites vues d'identité l’aient affirmé ; elle est même impos- 
» sible (3)... Sur la côte d’Angola, ainsi qu’à Saint-Thomas, 
» sous la ligne, au fond du golfe de Guinée, les Portugais établis 
» depuis environ trois siècles, sous l'influence d'un ciel de feu, 
» ne sont guère devenus plus foncés qu’on ne l’est généralement 
» dans la péninsule Ibérique, et ils y sont demeurés des blancs, 
» tant qu'ils ne se sont pas croisés. Sous ce brûlant équateur, 


(1) A. Desmoulins, Histoire naturelle des races humaines, p. 166. Paris, 1826, 

(2) Bertrand de Saint-Germain, De la diversité originelle des races humaines et 
des conséquences qui en résullent dans l’ordre intellectuel et moral, p. 7. Paris, 
1848. 

(3) Bory de Saint-Vincent, L'homme (Homo), Essai zoologique sur le genre hu- 
main, deuxième édition, p. 70. Paris, 1827. 


DANS LES RACES HUMAINES. hô1 


» qui traverse dans l’ancien monde la patrie des Éthiopiens cou- 
» leur d'ébène, et des Papous bistrés, on n’a pas trouvé de nègres. 
» En Amérique, fait encore observer M. Bory, les naturels sem- 
» blent au contraire être d’autant plus blancs qu'ils serapprochent 
» davantage de la ligne équinoxiale ; et /a preuve que la couleur 
» noire n'est pas causée uniquement par l'ardeur des contrées 
» intertropicales, c’est que les Lapons et les Groënlandais, nés 
» sous un ciel glacial, ont la peau plus foncée que les Malais 
» des parties les plus chaudes de l'univers. Geux qui, parmi ces 
» Hyperboréens, s'élèvent le plus vers les pôles, y deviennent 
» presque des nègres (1). » 

Ce dernier fait, relativement à la coloration des Lapons et des 
Groënlandais, nous paraît fort intéressant à relever, surtout si 
nous le rapprochons de cet autre, que dans les îles de l’Océanie, 
à Bornéo, à Macassar, vivent les plus pàles des peuples malais. 
Ces deux faits me semblent plaider énergiqüement en faveur de 
l'influence de l’hérédité, indépendamment de toute influence eli- 
matérique. [l ne faudrait pas, en effet, que d’après le dernier des 
deux faits que nous venons de rappeler, on allât croire que le 
fond de la couleur s'éclaireit par l'effet de la chaleur et de la 
lumière ; puisque, selon la juste remarque de Desmoulins « les 
» habitants des îles Mulgraves (de dix degrés plus méridionales 
» que les iles Carolines), sont plus foncés que les Caroliniens (2).» 

Voici, du reste, un fait qui peut permettre de juger de lin 
fluence des agents physiques sur la détermination de la couleur 
de la peau, à travers les âges, pour ne pas parler de ce qui con- 
cerne-aussi la couleur des cheveux et la forme du visage. J’em- 
prunte encore ce fait au livre de Desmoulins. Il s’agit dés Rohillas, 
colonie d’Afghans, établie au sud du Gange. Selon la remarque de 
l’auteur que j'aime à citer, un témoignage fourni par ce fait est 
d’autant plus important que M. Niquet, qui l’a recueilli, se trou- 
vant, étranger à l’histoire naturelle, était tout à fait exempt de 
prévention. Jamais plus ancienne influence du climat des plaines 


(1) Bory dé Saint-Vincent, loc. cit., p. 71-72: 
(2) A. Desmoulins; loc. cit, p. 167. ki 


L32 I. F, LARCHER. — DU PIGMENTUM DE LA PEAU 
équatoriales ne s’est exercée sur la race indo-germanique, puis- 
qu’elle date de l’avénement de la dynastie Patane au trône de 
Delby, au x siècle (1) ; et pourtant, chez le peuple des Rohillas, 
la peau très-blanche est téintée de rouge et fort semée de taches 
de rousseur; pendant qu’au nord de leur pays, les Népauliens ont 
la peau noire, malgré la grande élévation de leurs montagnes 
tempérées, pendant qu’enfin, à la limite sud de ce même pays, 
c'est la teinte jaune de bistre qu'offre la peau des Mahrattes, 
« Voilà done, sous le tropique, les traits physiques et tous les 
» caractères d'organisation primitive, diversement immuables 
» dans chacune de ces trois races, népaulienne, indo-germanique 
» et hindoue, malgré l'influence aliérante en sens inverse que 
» devrait exercer sur les Népauliens leur climat de montagne, sur 
» les Rohillas leur climat de plaine (2). » 

D’après les faits que nous venons de rappeler, faits dont la va- 
leur et l'importance ne sauraient être contestées, on voit déjà à 
combien peu se réduit l’influence du climat sur la coloration de 
la peau. 

Mais ne nous arrêtons pas là. « Les traits des Juifs sont telle- 
» ment caractérisés, qu’il est difficile de s'y tromper, et, comme 
» il s’en trouve dans presque tous les pays de l'Europe, il n’est 
» point de figure nationale plus généralement connue et plus re- 
» connaissable. On peut les regarder comme des colonies de 
» même race établies dans ces contrées. Depuis des siècles, ils 
» font partie de la population des pays où ils se sont fixés; et, 
» s'ils n’ont point participé aux bienfaits du gouvernement, on 
‘» ne les a pas privés de la liberté d’habiter le même sol, de res- 
» pirer le même air, de jouir du même soleil. Comme ils ont con- 
» servé leur religion, leurs mœurs et leurs usages, qu'ils ont fait 
» peu d'alliances avec les peuples chez lesquels ils demeuraient, 
» il serait difficile de trouver des conditions plus propres à faire 
» ressorlir les effets du climat... Les Juifs des divers pays se 
» ressemblent beaucoup plus entre eux qu’ils ne ressemblent aux 
» nations parmi lesquelles ils vivent ; et le climat, malgré la longue 


(1) A. Desmoulins, loc. cit,, p. 163. 
(2) Ibidem, p. 169. 


DANS LES RACES HUMAINES. h53 
» durée de son action, ne leur a guère donné que des diversités 
» de teinte et d'expression, et peut-être d’autres modifications 
» aussi légères (1). » 

Sans doute il serait important de pouvoir établir que, de même 
qu'ils se ressemblent entre eux aujourd’hui partout, les Juifs 
étaient aussi, anciennement, ce qu’ils sont aujourd'hui. Si l’on 
veut, à cet égard, se contenter seulement d’un espace de trois 
cents ans, en voici une preuve que W. Edwards donnait, il y à 
longtemps déjà, comme tout à fait irrécusable. «A Milan», disait- 
il, «j'ai vu /a Cène, de Léonard de Vinci; ce chef-d'œuvre, lout 
» dégradé qu’il est par l’injure du temps et l’incurie des habitants, 
» conserve encore distinctement les figures de presque tous les 
» personnages. Les Juifs d’aujourd’'hui y sont pets trait pour 
» trait. Personne n’a représenté comme ce grand peintre le carac- 
» tère national, tout en conservant aux individus la plus grande 
» diversité (2). » 

On sait que, dans un ouvrage sur l’histoire naturelle de l'homme, 
Prichard soutenait que les hommes étaient primitivement noirs, 
et devenaient blancs par la civilisation ; parmi les faits rapportés 
par lPauteur, à l’appui de sa manière de voir, on trouve cité un 
passage d’un auteur grec qui, en parlant des Égyptiens, dit ex- 
pressément qu’ils étaient noirs et crépus. Cependant, si, au lieu 
de s’en tenir à cette citation, on pousse plus loin l’examen, on 
arrive à un résultat tout différent, et qu'il nous importe de consta- 
ter, parce qu’il prouve que quelquefois on s’est trop hâté de faire 
ressortir les ressemblances entre deux peuples vivant sous le 
même climat, en laissant dans l’ombre les côtés par lesquels ils 
diffèrent. 

W. Edwards, que le passage en question, lu dans le livre de 
Prichard, avait fort intéressé, se trouvant à Londres avec deux 
savants médecins, les docteurs Hodgkin et Knox, dont le dernier, 
pendant son séjour en Afrique, avait étudié les races nègres, eut 
la pensée de vérifier l'exactitude de la citation empruntée à l'au- 

(1) W. F: Edwards, Des caractères physiologiques des races humaines considérés 


dans leurs rapporis avec l’histoire, p. 15et 16. Paris, 1829. 
(2) Ibidem, p. 17. 


JOURN, DE L'ANAT. ET DE LA PHYSI9L, — T, 1V (1867). 28 


h3h J. F. LARCHER,. — DU PIGMENTUM DE LA PEAU 


teur grec, en ayant recours, non au texte, mais à un monument 
qui représentait le tombeau d’un roi d'Égypte. «On y voit», dit le 
célèbre naturaliste, « une multitude de figures, peintes de gran- 
» deur naturelle et représentant des personnes du peuple. Leur 
» teint, à la vérité, est d’un brun très-foncé, mais elles n’ont ni la 
» couleur ni les cheveux crépus du nègre. Ces caractères ne se 
» voient que dans un très-petit nombre à part, qui, évidemment, 
» sont des nègres éthiopiens. À côté, se trouvent deux autres petits 
» groupes de nations étrangères, dans l’une desquelles nous recon- 
» nûmes, d’une manière frappante, la nation juive. J'avais vu la 
» veille des Juifs qui se promenaient dans les rues de Londres : je 
» croyais voir leurs portraits (1). » 

Le témoignage bien suflisant de W. Edwards et des docteurs 
Hodgkin et Knox concorde du reste avec la description du même 
tombeau publiée par Belzont: (2), description dans laquelle l’au- 
teur nous apprend qu’à l'extrémité d’un certain cortége « on y 
» distingue des hommes de trois sortes de nations qui différent 
» des autres individus, et qui représentent évidemment des Perses, 
» des Juifs et des Éthiopiens ; les premiers à leurs costumes aux- 
» quels on les reconnaît toujours dans les tableaux qui représen- 
» tent leurs guerres avec Îles Égyptiens ; les Juifs sont reconnais- 
» sables à leur physionomie et à leur teint, et les Ethiopiens à la 
» couleur de leur peau et à leur parure. » 

Le précieux tombeau, examiné par des observateurs différents, 
met donc en défaut la citation empruntée par Prichard à l’auteur 
grec, et, permettant de retrouver ce qu'était le type des Juifs, il 
ya plus de trois mille ans, il nous montre nettement l'exemple 
d’un peuple qui subsiste avec le même type pendant une longue 
suite de siècles, au milieu des circonstances les plus propres à 
modifier profondément l’organisation physique; « il faut done, 
» suivant la juste remarque de W. Edwards, que la nature bu 
» maine ait une grande force de résistance pour avoir su en 
» triompher. Ce grand exemple paraît comme une expérience 
» rigoureuse faite dans le dessein de constater l'influence des cli- 


(1) W. F. Edwards, loc. cit., p. 19-20. 
(2) Belzoni, Voyages en Égypte et en Nubie, t, 1, p. 389, Paris, 1821, 


DANS LES RACES HUMAINES. 455 
» mats divers sur les formes et les proportions humaines dans 
» toute l'étendue des siècles historiques » (1). J'ajouterai que cet 
exemple vient à l’appui des faits que j’ai déjà rassemblés, par- 
ticulièrement en ce qui concerne la différence de coloration des 
races soumises aux mêmes conditions climatériques. 
«D'ailleurs», fait aussi remarquer le docteur Bertrand de Saint- 
Germain (2), «il est aisé de montrer directement que les carac- 
» tères d’où l’on tire la distinction des races ne peuvent être im- 
» putés aux influences climatériques, puisque l’on observe, sous 
» l'empire des mêmes influences, les oppositions les plus mar- 
» quées, tandis que l’on voit, sous des influences opposées, des 
» rapprochements incontestables dans les qualités externes et 
internes des hommes. 


v° 


bd 
LA 


» On a dit, en effet », continue l’auteur, « que la coloration de 
» la peau était d'autant plus foncée que l’on se rapprochait da- 
vantage de la zone torride, et qu’elle s’éclaircissait à mesure 
» que l'on s’en éloignait. 

» [l est vrai que la race nègre a son principal foyer dans 
» ces règions brülantes sur la terre d'Afrique; mais on n’a 
» pas pris garde que les indigènes d'Amérique, qui vivent sous la 
» même latitude, entre l’Orénoque et le fleuve des Amazones, 
» sont, de tous les indigènes de ce vaste continent, ceux dont la 
» coloration est le moins foncée. Le fait a été constaté par les 
» Portugais qui, les premiers, ont pénétré dans ces contrées, et 
» il est confirmé par les relations de M. Alexandre de Humboldt. 

» On n’a pas pris garde que les régions les plus montueuses des 
» îles Philippines, et entre autres de l’île de Luçon, nous fournis- 
» sent une variété d'hommes noirs à peu près semblables aux né- 
» gres de Guinée, tandis que, au même degré, les montagnes de 
» l'Abyssinie, sur la côte orientale de l'Afrique, sont occupées, 
» de temps immémorial, par des hommes de race blanche, qui 
» différent très-peu des Arabes. » 

Mais j'ai hâte d'arriver au terme de cette revue générale d’opi- 
nions émanées d'hommes éminemment autorisés, et qui, d’ail- 


Bt 
LA 


(4) W. F. Edwards, loc. cit., p. 20-21. 
(2) Bertrand de Saint-Germain, loc. cit, p. 6, 


h36 J. F. LARCHER. — DU PIGMENTUM DE LA PEAU 

leurs, sans s'être concertés entre eux dans cette vue, nous four- 
nissent l'exemple d’une parfaite concordance dans les resultats de 
leur examen. 

Ce n’est pas à dire pour cela que je considère, comme absolu- 
ment nulle ou impuissante, /’influence des climats sur la déter- 
mination de la couleur de la peau. Je tiens seulement à établir 
qu'elle est loin d’être exclusive, comme le veulent quelques au- 
teurs, et notamment le baron Müller (de Stuttgard). D'autres con- 
ditions concourent à cette détermination ; plusieurs d’entre elles, 
peut-être, sont encore inconnues ; et, même en faisant une large 
part aux habitudes des peuples, à leurs mœurs, à leur mode d’a- 
limentation, au caractère du sol sur lequel ils vivent, à la nature 
de ses productions, à la température des différents lieux, il ne 
faut voir dans ces conditions que des sources minimes de modi- 
ficalions dans la couleur de la peau. Au contraire, en ce qui 
concerne l'origine et la cause de persistance des différents modes 
de coloration, #/ faut surtout faire intervenir l'hérédité, cette 
srande voie de transmission des autres caractères propres aux 
diverses races, à travers les siècles et malgré tous les croisements. 
Si ces derniers, en effet, entraînent des modifications, qui, après 
de longues séries d’années, laissent méconnaître les origines pri- 
mitives, on sait aussi qu'il n’est pas très-rare de voir reparaître, 
dans des produits déjà éloignés de la souche, des caractères typi- 
ques qui trahissent la nature mème de cette souche (1). 


CONCLUSIONS. 


Je crois donc, d’après Lout ce qui précède, être suffisamment 
autorisé à présenter, en terminant, les conclusions suivantes : 

1° C’est l’hérédité qui détermine les modes permanents de co- 
loration de la peau, dans les diverses races humaines, à travers 
les âges et indépendamment de toute influence extérieure, 

9 Les croisements déterminent graduellement des modifica- 


(1) Voyez aussi Georges Pouchet, Des colorations de l'épiderme. Thèse. Paris, 1864, 
in-4, et De la pluralité des races humaines. Paris, 1865, deuxième édition, in-8, 
chap. vi. 


DANS LES RACES HUMAINES. h37 


tions de coloration dans la série des produits qui en naissent 
mais, chez ces produits, s'exerce encore l'influence de l'hérédité 
puisée dans les races d’origine. 

3° Dans l'espèce humaine, le pigmentum de la peau est un ca- 
ractère de race ; les phases de son développement obéissent à des 
lois physiologiques déterminées et invariables. 

4° Dans la race nègre, en particulier, il caractérise les jeunes, 
dès l'instant de la naissance. On peut ainsi les distinguer des 
autres nouveau-nés à leur scrotum déjà entièrement noir, et à 
l'existence d’un cercle de même couleur qui entoure la base du 
cordon ombilical. C’est seulement à partir du troisième jour que 
la région frontale, la partie antérieure des genoux, puis, succes- 
sivement, la surface entière des téguments, prennent la teinte 
foncée qu'ils doivent conserver. 

5” Les phases successives par lesquelles passe la coloration de 
la peau, dans la race éthiopienne, pourraient servir en médecine 
légale, s’il s'agissait de déterminer, d’une manière assez précise, 
le temps qu’un fœtus nègre, trouvé mort, aurait déjà vécu. 


NOTE 
SUR LA VASCULARITÉ DES FAISCEAUX PRIMITIFS 
DES NERFS PÉRIPHÉRIQUES 


Par GEORGES POUCHET 


Aide-naturaliste, chef des travaux anatomiques au Muséum. 


MM. Hyrtl etBruns avaient décrit depuis longtemps les capillaires 
sanguins des nerfs des sens et en particulier du nerf optique. Ils 
avaient vu les capillaires former un réseau à mailles allongées au - 
tour des faisceaux d'éléments nerveux qui composent ces neris. 
M. Kôlliker, dans son Anatomie microscopique (1) crut pouvoir 
assimiler tous les nerfs périphériques à ceux de lolfaction, de la 
vision et de l'audition, sous le rapport de la texture ; ce qui était 
une erreur. Il décrit ainsi leurs vaisseaux : « Tous les nerfs volu- 
» mineux contiennent des vaisseaux, mais en petit nombre. Ces 
» vaisseaux ont en général une direction longitudinale [et aussi 
» comme dans les nerfs des sens(2) une direction circulaire] et for- 
» ment un réseau peu serré de capillaires très-fins, de 0*",005 à 
» 0%*,009 de diamètre, réseau à mailles longitudinales qui entoure 
» les faisceaux de tubes en envoyant des prolongements entre 
» leurs éléments, mais qui n’enveloppe jamais individuellement les 
5 éléments nerveux.» Ce passage, sauf la ligne que nous avons 
placée entre des crochets, est reproduit dans le Manuel d’hasto- 
tologie, qui parut en 1852. En 1854, M. Ch. Robin pubhe son 
Mémoire sur le périnèvre (3), il montre que dans les nerfs péri- 
phériques les faisceaux primitifs d'éléments nerveux ne sont plus 
en contact immédiat avec le Lissu lamineux du névrilème ambiant 


(4) Mikroskopische Anatomie, 1850, in-8, t. II, p. 516. 

(2) Hyrtl, dans Heidler, Das Blut, u. s. w., Prague, 1839, p. 45 ; Bruns, Allg. 
Anat., p. 161. 

(3) Mémoire sur le périnèvre, dans les Archives générales de médecine, 1854, sep- 


tembre. 
+ 


NOTE SUR LA VASCULARITÉ DES NERFS PÉRIPHÉRIQUES. 499 


comme cela a lieu pour les nerfs des sens; mais qu'ils sont isolés 
dans des gaînes formées par un élément anatomique tubuleux 
particulier, résistant, bien distinct du tissu lamineux chimique- 
ment et embryogéniquement, qu'il nomme périnèvre et qu'il 
décrit comme ne se laissant jamais traverser par aucun capil- 
laire sanguin sur le trajet du nerf. Dans la traduction du Manuel 
d'histologie qui parut en 1856, M. Külliker, tout en faisant 
mention du travail de M. Ch. Robin, reproduit l’ancien texte 
de l’Anatomie microscopique, ce qui établit une sorte de con- 
fusion entre les observations de MM. Hyrtl, Bruns et Robin, et de 
doute sur les rapports des capillaires et des éléments nerveux 
contenus dans les gaines de périnèvre. 

De son côté, M. Ch. Robin, à son cours de la Faculté de méde- 
cine, laissa entendre que dans certains cas, douteux peut-être, il 
avait cru remarquer des vaisseaux mêlés aux éléments nerveux à 
l’intérieur des gaines de périnèvre. Les faits positifs que nous 
allons signaler, confirment qu’ilen est ainsi: au moins chez cer- 
tains mammifères, les faisceaux primitifs, environnés de leur 
gaine de périnèvre, sont parcourus par des vaisseaux qui la tra- 
versent. — C'est ici le lieu de rappeler que Todd et Bowman 
ont décrit avec une grande apparence d’exaclitude les capillaires 
des corpuscules de Pacini dans le mésentère du Chat (1). 

L'animal qui a servi à nos observations est le grand Fourmilier 
(Myrmecophaga jubata, L.), et les nerfs que nous avons élu- 
diés sont ceux de la langue. Nous ne voulons pas ici les décrire : 
ces neïfs très-nombreux et très-volumineux résultent de la coa- 
lescence du nerf lingual et du nerf grand hypoglosse; ils suivent 
un trajet parallèle à l'axe de l'organe, en sorte que la coupe per- 
pendiculaire de la langue présente toujours la coupe perpendi- 
culaire de la plupart des filets nerveux qu’elle renferme. Ceux-ci 
n'ont rien de remarquable : ils diffèrent de volume, tandis que 
les gaines de périnèvre conservent autour de tous les faisceaux 
une épaisseur à peu près égale, de 6"",007 à 0"",009 environ. La 
structure homogène finement striée de cette gaîne contraste avec 


(1) The Physiological Anatomy, deuxième édition, 1856, p. 318, pl. LXXV-LXX VI, 


hAO GEORGES POUCHET.— VASCULARITÉ DES NERFS PÉRIPHÉRIQUES. 


le tissu lamineux ambiant qui est formé de fibres lamineuses en- 
chevêtrées, avant un diamètre considérable pour chacune indivi- 
duellement (0"*,004), particularité fréquente chez les Édentés. 

La langue avait été complétement injectée par l'aorte et l’in- 
jection avait régulièrement pénêtré jusque entre les tubes nerveux 
inclus dans les gaines de périnèvre, laissant deviner la disposition 
des capillaires à leur intérieur. Voici, en effet, ce que montrent 
les coupes transversales de l'organe sur des préparations du 
laboratoire d'anatomie comparée du Muséum. 

Les faisceaux primitifs d'éléments nerveux, entourés chacun 
de leur gaine propre de périnèvre, cylindroïdes, sont parcourus 
par des capillaires plongeant au milieu des éléments, pourvu que 
le faisceau atteigne une certaine grosseur. Ces capillaires for- 
ment des mailles allongées dont le diamètre transversal — le 
seul que nous ayons pu mesurer — est de 0*",070 en moyenne. 
C'est ce diamètre transversal des mailles qui règle le nombre des 


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Coupe transversale d’un filet nerveux de la langue du Tamanoir (Myrmecophaga 
jubata, L.). Grossissement 100 diamètres. 


a, Faisceau primitif de petite dimension, non vasculaire, enveloppé de sa gaîne de 
périnèvre et plongé dans un tissu lamineux formé de fibres très-épaisses enche- 
vêtrées ; b, artériole coupée transversalement : c, faisceau primitif de grande dimen- 
sion avec cinq capillaires coupés transversalement ; d, capillaire franchissant le 
périnèvre perforé en ce point d’un orifice proportionné au volume du vaisseau 
et devenant le capillaire unique d’un faisceau primitif de moyenne dimension ; e, 
faisceau musculaire de la langue, 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. hl1 


capillaires dans chaque gaîne. Quand la largeur du faisceau pri- 
mitif entouré de sa gaîne est égale ou inférieure à la dimension 
moyenne de 0"",070, on n’y trouve pas de capillaires. Quand 
elle dépasse de peu cette dimension, on n'y voit, en général, 
qu’un seul capillaire parallèle aux éléments tubuleux Enfin, pour 
les faisceaux primitifs plus épais, le nombre des vaisseaux est à 
peu près régulièrement proportionnel à Paire de chacun, à raison 
d’une distance moyenne de 0"",070 entre eux. Il y a des fais- 
ceaux volumineux ayant près de cinq dixièmes de millimètre d’é- 
paisseur dans lesquels on peut compter jusqu'à neuf capillaires. 

En résumé : 4° les faisceaux primitifs d'éléments nerveux qui 
par leur ensemble composent les nerfs périphériques, sont vascu- 
laires, pourvu que ces faisceaux aient une suffisante épaisseur. 

2% Celle-ci est suffisante quand elle est au moins égale au petit 
diamètre de l’espèce de mailles vasculaires propre au tissu de ces 
faisceaux primitifs. 

3° Le périnèvre se laisse traverser par des capillaires de la pre- 
mière variété c'est-à-dire à une seule tunique. C’est surtout le 
long de ces capillaires que se trouvent les fibres lamineuses dont 
M. Ch. Robin a signalé la présence entre les tubes nerveux de 
chaque faisceau primitif dans sa gaine de périnèvre. 


ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Sur l’action toxique du phosphore, par M. Dybkowsky (1). 


Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer les singuliers effets 
toxiques du phosphore et cette étrange dégénérescence graisseuse qui les 
caractérise principalement. Selon Wôhler et Frerichs, ces effets sont dus aux 
acides phosphoreux et hypophosphoreux. Suivant Munk et Leyde, c’est à 
l'acide phosphorique qu'il faut les attribuer. Enfin, suivant le plus grand 


(1) Medicinische-chemische Untersuchungen von Hoppe-Seyler. Premier cahier, 
p. 49, 1866. (Extrait par M. Fernand Papillon.) 


hA2 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


nombre, c’est le phosphore lui-même qui agit directement dans le sang. 
M. Dybkowsky admet l’absorption du phosphore libre, mais il ne croit pas 
qu’il agisse dans cet état. D’après ses expériences, le sang défibriné mis au 
contact du phosphore n’éprouve d’autres modifications que celles qui pro- 
viennent de l’absorption de l’oxygène et de l’action consécutive de l’acide 
phosphorique formé. On peut neutraliser ce dernier au moyen du carbo- 
nate de soude, Il a vu aussi que le sang désoxydé par l’oxyde de carbone 
n’est pas altéré par son contact avec le phosphore, et qu'une solution oléagi- 
neuse de phosphore injectée dans le sang ne provoque pas les mêmes alté- 
rations que le phosphore introduit par les organes digestifs. 

L’auteur conclut de ses expériences et de plusieurs autres, que le phosphore 
se convertit dans l’organisme en hydrogène phosphoré gazeux PhHä. Il a 
remarqué une analogie complète entre l’empoisonnement du phosphore et 
l’empoisonnement de l’hydrogène phosphoré. En outre, il a pu observer la 
formation de l'hydrogène phosphoré dans un mélange d’eau aérée, de suc 
gastrique et de sang désoxydé. L'hydrogène phosphoré agirait sur le sang en 
lui enlevant son oxygène. 

Il y a sans doute des résultats intéressants dans le travail de M. Dybkowsky, 
mais 1l est à regretter que cet expérimentateur se soit borné à l’étude trop 
exclusive des symptômes provoqués, et qu'il ait négligé les altérations stœ- 
chiologiques, lesquelles, seules, pouvaient permettre de conclure à une iden- 
tité ou à une différence dans les divers effets produits. Ce sont des expé- 
riences à reprendre et à compléter. 


Recherches sur les produits gélatineux, par J. de Bary (1). 


On sait que les solutions de chondrine dévient à gauche le plan de polari- 
sation. M. de Bary a vu que cette déviation est de 213°,5 pour une solution 
peu alcaline ; qu’elle dévenait égale à 552 degrés après l’addition d’un égal 
volume de soude, et égale à 281 degrés après l’addition de son volume d’eau. 

Les solutions de gélatine dévient à gauche, et le pouvoir diminue avec l’élé- 
vation de température. Il est égal à 423 degrés entre 35 et 40 degrés pour 
la raie D de Frauenhofer. La soude a baissé ce pouvoir rotatoire, Pendant:la 
digestion, il augmente d’abord, puis ensuite s’abaisse. Le liquide clair obtenu 
en neutralisant par du carbonate de chaux et en filtrant le produit de la di- 
gestion du blanc d'œuf, est doué du pouvoir rotatoire. La rotation ne change 
pas sous l'influence de la chaleur ; mais par des précipitations partielles avec 
l'acétate de plomb ammoniacal, on obtient des produits distincts par leur 
pouvoir rotatoire. 


(1) Medicinische-chemische Uniersunchungen von Hoppe-Seyler. 1866, p. 76. 
(Extrait par M. Fernand Papillon.) 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, QUE) 


Sur la salamandarine, poison de la Salamandra maculata, 
par M. Zalesky (1). 


La sécrétion venimeuse de la salamandre forme un liquide crémeux qu'on 
obtient en grattant les parties postérieures de la tête et le dos de l'animal, 
Ce liquide visqueux, alcalin, amer, renferme des globules solubles dans l’al- 
cool, l’éther et l’acide acétique. Par la dessiceation il donne une masse opa- 
lescente, Pour isoler le principe venimeux de ce liquide, M. Zalesky étend le 
liquide d’eau et chauffe à 400 degrés. Il filtre pour séparer le coagulum. La 
partie filtrée est additionnée d’acide phosphomolybdique, qui fournit un pré- 
cipité jaunâtre. Celui-ci est dissous dans l’eau de baryte, précipité par l'acide 
carbonique, puis filtré. Le liquide filtré est évaporé à feu nu, puis au bain- 
marie dans une atmosphère d'hydrogène. On obtient de la sorte de longues 
aiguilles qui disparaissent par la dessiccation pour donner une masse amorphe, 
cassante, incolore, soluble dans l’eau, cristallisable en fixant une certaine 
proportion d’humidité, et présentant les mêmes caractères toxiques que la 
sécrétion. C’est la salamandarine dont l’auteur formule la composition par 
C3#H60A7205. Les symptômes provoqués par ce principe toxique sont les 
mêmes que ceux du liquide d’où on l’extrait, c'est-à-dire, anxiété, tremble - 
ments, convulsions et mort. 


De la présence de la protagone dans le sang, par L. Hermann (2). 


On sait que la protagone a été découverte récemment par M. O. Liebreich 
dans le cerveau {3). Elle est contenue aussi dans les hématies. Pour l'obtenir 
on agite avec de l’éther le sang défibriné ou le caillot divisé en morceaux. On 
laisse séjourner le mélange dans un vase au milieu d’eau chaude et en ayant 
soin de l’agiter souvent, cela pendant plusieurs jours. En refroidissant à 0 de- 
gré la solution éthérée, elle se trouble; on évapore lentement et il reste un 
résidu cristallin notable. Mis en contact avec l’eau, ce résidu se gonfle, on le 
sèche avec précaution, puis on traite par l’éther refroidi pour dissoudre la 
cholestérine. Le résidu présente toutes les propriétés de la protagone. 


(1) Medicinische-chemische Untersunchungen von Hoppe-Seyler. 1866, p. 85. 
(Extrait par M. Papillon). AG re à 

(2) Du Bois und Reicherts Arch. für Analomie und Physiologie. 1866, p. 36. 
(Extrait par M. Papillon.) 

(3) Voyez Journal de l’anatomie et de la physiologie. 1866, p. 654. 


hill ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Faits pour servir à la connaissance de la constitution du sang, 
par M. Hoppe-Seyler (1). 


Dans plusieurs mémoires antérieurs, l’auteur a montré que la différence 
de couleur entre le sang veineux et le sang artériel dépend des propriétés 
optiques et de la faculté absorbante distinctes de l’hématoglobuline oxydée et 
désoxydée. 

Il ressort d’expériences récentes que le sang défibriné et frais peut être 
conservé pendant six heures à 38 degrés, sans indiquer par ses caractères une 
perte d'oxygène. Le même sang conservé pendant un ou deux jours en été, 
puis agité au contact de l’oxygène, perd l’oxygène absorbé au bout de quel- 
ques heures; cette expérience peut être répétée plusieurs fois. Il se forme 
donc, dans le sang conservé, une substance réductrice qui ne s’y trouvait 
pas à l’état frais. 

L'hématoglobuline oxydée peut céder son oxygène à l’acide sulfhydrique, à 
l'hydrogène phosphoré et autres substances toxiques, mais elle n’agit point 
comme oxydant sur les principes normaux du sang (sucre, acide urique, 
graisses, etc.). 

Îl n’y a donc pas d’oxydation, à l’état normal, dans le sang lui-même, 
mais dans les tissus, et l’hématoglobuline oxydée ne peut être considérée que 
comme un moyen de transport de l’oxygène. 

M. Hoppe-Seyler a cherché à doser dans le sang la cholestérine et la pro- 
tagone. Nous renvoyons pour les procédés analytiques au mémoire original. 
Voici les résultats : 

Le poids de cholestérine contenu dans les globules paraît ne varier qu'entre 

8,04 et 0%',06 pour 400%: de sang. La cholestérine du sang varie beaucoup 
et dépend de la proportion des matières grasses (0,234 à 0,019). 

Le poids de la protagone a varié pour les globules entre 05",164 et 08,030 

pour 400€. de sang et pour le sérum entre 0%,451 et 0£",040, 


(1) Medicinische-chemische Untersuchungen von Hoppe-Seyler. 1866, p. 151. 
(Extrait par M. Fernand Papillon.) 


SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. hA5 
SOCIÈTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


Note sur un cas de kystes athéromateux des reins. — Observa- 
tions sur le développement de ces kystes, par le docteur L. 
Ranvier. 

Ces reins furent trouvés chez un sujet ayant succombé à un empoisonne- 
ment par l’ammoniaque et présentés à la Société anatomique, en décembre 
1866, par M. Petit, interne des hôpitaux. Ils me furent remis pour en faire 
l'examen microscopique. 

Comme les renseignements cliniques ont été très-incomplets, il est impos- 
sible, dans le cas présent, de rattacher à aucune cause connue Îles singu- 
lières altérations dont je vais vous parler; en effet, il ne viendra à l’idée de 
personne de faire dépendre ces altérations de l’intoxication, puisqu'elles 
sont l’indice d’un processus d’une grande lenteur et que l’empoisonnement a 
suivi une marche aiguë. 

On remarque d’abord que ces reins sont fortement congestionnés et qu’ils 
présentent à leur surface des dépressions profondes de #4 ou 5 millimètres 
correspondant à une atrophie de la substance corticale. Au niveau des points 
atrophiés et sur une section du parenchyme rénal se trouvent de petits 
kystes, dont les plus gros atteignent à peine 3 millimètres de diamètre, rap- 
prochés les uns des autres et remplis d'une substance blanchâtre et caséeuse. 

Quand avec la pointe d’un scalpel on enlève des portions de cette substance, 
qu’on la délaye dans une goutte d’eau et qu’on l’examine au microscope, on 
y trouve des cristaux de cholestérine grands et abondants, des granulations 
ograisseuses, des cristaux d’acide stéarique, des granulations calcaires, et 
des globes ayant de 0,05 à 0%®,4, libres ou unis les uns avec les autres 
de manière à constituer des magmas mamelonnés ; ces globes sont constitués 
par des couches concentriques et ressemblent beaucoup à des boules de 
leucines. Je croyais d’abord que telle était leur constitution, mais ayant fait 
agir sur elles de l’acide chlorhydrique, je vis celui-ci en dégager des bulles 
de gaz, et en même temps les couches concentriques devinrent plus nettes. 
Je pense donc que nous avons affaire ici à des corps globulaires infiltrés de 
sels calcaires analogues à ceux qu’on trouve dans le plexus choroïde, certaines 
tumeurs du cerveau et des méninges, le thymus, etc. 

Ces petits kystes des reins étant remplis des différentes substances conte- 
nues d'habitude dans les foyers dits athéromateux, il convient de les désigner 
sous le nom de kystes athéromateux des reins. Il reste maintenant à savoir 
comment ils se développent, et si ce développement peut jeter quelque lu- 
mière sur leur pathogénie. 


AG SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


Les différentes préparations que je soumets à la Société peuvent dans une 
certaine limite répondre à ces questions. On y voit, d’abord, que partout 
l’épithélium des tubuli a subi la transformation albumino-graisseuse, ce qu'il 
faut mettre sur le compte de l’empoisonnement par l’ammoniaque et proba- 
blement de l’élimination de la substance toxique par les reins. Ensuite, dans 
les points correspondant à la substance corticale atrophiée, on constate un 
épaississement de la trame fibro-vasculaire. Cet épaississement porte égale- 
ment sur le tissu interstitiel des tubes et sur les capsules des glomérules. 
Mais ce qui frappe surtout, ce sont des dilatations des tubuli et des capsules 
de Bowman, si considérables que le parenchyme rénal paraît dans quelques 
points constitué uniquement par des aréoles claires ayant de 0,4 à om, 3 
et séparées par une trame fibreuse. Mais en y regardant de plus près, on re- 
marque que ces aréoles ne sont point vides, mais bien remplies d’une 
substance vitreuse, réfringente, parfaitement incolore ou légèrement teintée 
de jaune. De plus, on reconnaît, dans cette substance vitreuse ou en dehors 
d'elle, certains détails de structure, qui nous permettent de saisir son mode 
de dépôt et de savoir si la cavité que nous avons sous les yeux a été formée 
aux dépens d’un tube ou de la capsule d’un glomérule. 

Dans un certain nombre de tubes dilatés on retrouve, entre la masse 
vitreuse et la tunique du tube, des cellules épithéliales disposées sur une ou 
deux couches, agrandies et granulo-graisseuses. Dans ces tubuli le dépôt 
semble s’être fait par couches successives, de telle sorte que l’on y distingue 
des zones concentriques, au centre desquelles se trouve un cylindre plein 


Fic. 1. — Deux tubuli de la substance 
corticale coupés en travers. 


a, Exsudat vitreux ; b, cylindre fibrineux 
contourné ; b/, cylindre analogue coupé 
en travers ; C, granulations graisseuses 
prises dans l’exsudat et entourant les 
cylindres ; {, trame épaissie du rein, 
(150 diamètres.) 


dont le diamètre est toujou rsun peu inférieur à celui des tubuli contournés 
normaux. Remarquons encore que le centre de quelques-unes de ces masses 
transparentes est occupé par un cylindre légèrement contourné, limité par de 
fines granulations graisseuses et rappelant en tous points les cylindres dits 
fibrineux des urines albumineuses. 

Les caractères micro-chimiques de cette substance vitreuse la rapproche 
complétement des concrétions muqueuses; insolubilité dans l’acide acétique, 
coloration facile par le carmin, le rouge d’aniline et l’eau iodée. 

Les capsules de Bowman dilatées contiennent aussi un dépôt colloïde, mais 
il est alors coloré en jaune, tandis que celui des tubes est incolore; en outre 
le bouquet vasculaire des glomérules, même dans le cas de forte dilata- 


SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. hA7 


tion, se retrouve encore refoulé vers un des points de la cavité ; de plus le 
dépôt transparent, parsemé comme celui des tubes de fines granulations 
graisseuses, est séparé de la capsule par une couronne de gouttelettes de 
graisse, entre lesquelles la substance vitreuse s’avance et forme une bordure 
festonnée très-élégante. Ces altérations ne sont pas également prononcées 


Fic. 2. — Coupe de la substance corticale du rein dans un point atrophié. 


A. Glomérules devenus kystiques par accumulation d’un exsudat muqueux sous la 
capsule de Bowman ; a, bouquets vasculaires refoulés par l’exsudat ; B, tubuli rem- 
plis d’exsudat; C, trame épaissie. (100 diamètres.) 


sur les différents glomérules ; sur certains le dépôt peu abondant a simple- 
ment séparé de la capsule le bouquet vasculaire, et les capillaires de celui-ci 
sont encore perméables; sur d’autres glomérules, le bouquet vasculaire 
refoulé par le dépôt s’est atrophié, et les capillaires qui les constituent ne 
sont plus représentés que par des traînées de granulations graisseuses noyées 
dans de la fibrine concrète. Dans le stade ultime, nous constatons que le bou- 
quet vasculaire n’est plus reconnaissable, il forme une masse noire et gre- 
nue, de laquelle l’acide chlorhydrique dégage des bulles de gaz. 

J’ai vainement cherché dans la matière vitreuse contenu dans les capsules 
dilatées.les globules rouges discoïdes ou déformés indiqués par Klein (Arch. 
de Virchow, déc. 1866); la coloration jaunâtre que présente l'exsudat à 
sans doute pour cause la diffusion de l’hématosine au moment où le sang 
contenu dans le glomérule se dédouble, après s’être coagulé. 

__ A côté des kystes à contenu vitreux, on en trouve d’autres plus vastes à 
contour irrégulier, à capsule fibreuse épaisse et renfermant les différents pro- 
duits athéromateux dont il a été question : granulations graisseuses et cal- 
Caires, cristaux d'acide stéarique et de margarine et globes à couches con- 
centriques. Il est probable que ces matières proviennent d’une transformation 
régressive de l’exsudat vitreux ; on sait en effet que les divers exsudats peu- 


vent donner des produits de cette espèce quand ils séjournent longtemps au 
sein de l’organisme, 


18 SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


Des faits semblables à celui que je viens d’analyser ont été déjà décrits, 
deux par Beckmann (Arch. de Virchow, t. IX et XI), un dernièrement par 
Kleim (loc. cit.). Ce dernier auteur s’est appliqué surtout à la recherche du 
développement des kystes athéromateux, il les fait provenir des glomérules 
dont il décrit minutieusement les altérations, et comme il a trouvé des glo- 
bules rouges pris au milieu de l’exsudat, il en conclut que la lésion primitive 
a été une apoplexie glomérulaire. Je ferai pourtant remarquer, d’abord, que 
la description donnée par cet auteur laisse un certain doute sur l’existence 
de véritables globules rouges au milieu de la masse vitreuse, ensuite que 
l’apoplexie des glomérules n’a été vue ni dans son fait, ni dans ceux de 
Beckmann, ni dans celui que je viens de relater ; bien mieux, il a pu comme 
moi voir lexsudat à son début, ce qui n'aurait pas eu lieu si l’altération 
commençait par une hémorrhagie dans la capsule. 

J'arrive maintenant à l’interprétation qui me paraît la plus logique et sem- 
ble découler naturellement des faits observés. Le phénomène initial de l’al- 
tération est une exsudation semblable à celle qu’on observe dans la ma- 
ladie de Bright, et la preuve en est dans la présence de cylindres fibrineux au 
centre de la matière vitreuse qui remplit les tubes de la substance corticale. 
L'existence de fines granulations graisseuses autour de ces cylindres vient 
encore corroborer cette opinion. 

Seulement ici l’altération est partielle. L’a-t-elle été dès le début ? C’est 
ce que l'observation présente ne permet pas de trancher. 

À cette manière de voir on pourra peut-être objecter que dans la maladie 
de Bright, les glomérules ne présentent jamais une altération analogue à celle 
que je viens de décrire. Mais dans le cas présent la lésion des glomérules 
semble être sous la dépendance de l’oblitération persistante des tubes qui y 
aboutissent, et l’on conçoit que dans ces conditions l’exsudat, en s’accumu- 
lant de proche en proche, puisse arriver jusque dans la capsule de Bowman. 


Nous signalerons à nos lecteurs la prochaine apparition d’une nouvelle Revue 
dirigée par MM. Littré et Wyrouboff, sous le titre : La Philosophie positive, 
Le premier numéro doit paraître le 4° juillet, il formera une livraison de 

- dix feuilles d'impression ; un numéro paraîtra tous les deux mois. Voici en peu 
de mots le programme de ce nouvel organe tracé de la main de M, Littré : 

« Développer les idées fondamentales d’Auguste Comte, ce grand penseur 
» qui, le premier, a introduit la méthode scientifique dans le domaine philo- 
» sophique, et les appliquer aux questions de tout ordre que le progrès de 
» la civilisation fait naître dans les sciences, dans les arts, dans les lettres et 
» dans la politique; en d’autres termes, réorganiser la philosophie sans théo- 
» logie et sans métaphysique, tel est le but de cette publication. C’est la pre- 
» mière fois que la doctrine positive prend part, sous la forme périodique, à 
» la mêlée des opinions qui se disputent la société. La mème raison qui fait 
» qu’elle écarte ce qui est théologique et métaphysique, fait aussi qu'elle 
» poursuit, comme le grand parti issu de la Révolution, une rénovation ; mais 
» cette rénovation, elle la fonde tout entière sur la connaissance réelle des 
» lois du monde, de l’homme et de l’histoire, » 


RECHERCHES 


SUR LE 


SPERME DES VIEILLARDS 


Par A. DIEU 


Médecin aide-major à l'hôtel des Invalides. 


$S 1. — Avant-propos. 


Ces recherches ont été commencées tout d’abord sans un but 
bien arrêté. Elles ont eu pour origine la détermination que j'avais 
prise, en entrant à l'Hôtel des Invalides, en qualité de médecin 
aide-major, d'étudier l’anatomie-pathologique de la vieillesse. IL 
me semblait qu’il devait y avoir une riche mine à exploiter dans 
l'étude des affections chroniques du testicule, envisagée au point 
de vue de la sécrétion spermatique, bien que d’intéressants tra- 
vaux aient déjà été publiés sur ce sujet. Mais cette étude n’est 
bientôt plus devenue qu’un sujet accessoire pour moi ; car, pen- 
dant que j'étais en train de colliger des observations nécrosco- 
piques, je fus étonné d’une part, de ne rencontrer qu'un petit 
nombre d’affections du testicule, capable d’envoyer la sécrétion 
spermatique, et de constater, d’un autre côté, l'absence complète 
des spermatozoïdes dans le sperme des hommes frés-dgés, 
absence arrivant d’une manière progressive comme un fait con- 
tingent à la vieillesse. 

Dès: lors, je me livrai à l’étude des caractères physiques du 
sperme des vieillards, ainsi qu'à celle de ses caractères micro- 
graphiques, et je suis ainsi arrivé à des données qui me semblent 
avoir quelque importance au double point de vue de la physio- 
logie et de la médecine légale. 

Ce travail est basé sur les résullats fournis par cent cinq 
autopsies de vieillards àgés de soixante-cinq à quatre-vingt-dix- 
sept ans. Avant de le reproduire, j'ai dû nécessairement me livrer 
à quelques recherches bibliographiques ; et c’est alors seulement 

JOURN. DE L’ANAT: ET DE LA PHYSIOL: — T« 1V (1867). 29 


h50 A. DIEU. — RECHERCHES 
que j'ai constaté que.j'avais été devancé dans cette voie par 
M. Duplay, médecin des hôpitaux de Paris. 

De mes études classiques sur le sperme, il ne m'était resté que 
la connaissance de celui de Padulte.et celle du rôle que jouent les 

spermatozoïdes dans l’acte de la fécondation. 

Or, comme l’accomplissement de cet acte est impossible dans 
l'enfance, et disparaît avec l’âge, je croyais, d’une manière gène- 
rale, que la liqueur contenue dans les vésicules séminales des 
vieillards n’était pas plus féconde que celle que l’on rencontre 
dans les vésicules des garçons non pubères. 

La lecture du remarquable travail de M. Duplay (1) a dû nêéces- 
sairement modifier nos idées sur ce rapport. Cependant, quoique 
mes recherches aient une grande analogie avec celles de M. Du- 
play, je suis arrivé à des résullats statistiques qui corroborent 
souvent, qui complètent parfois, et qui infirment d'autre fois ceux 
du savant praticien de Paris. J'hésite d'autant moins à publier 
ces résultats, qu'ils ont été obtenus sans idées préconçues, et 
qu'ils viennent donner une sorte de satisfaction au désir que 
M. Duplay a manifesté dans son mémoire, de voir continuer les 
recherches qu'il à instituées avec une bien remarquable auto- 
rité. À lui donc revient, sans conteste, l'honneur d’avoir le pre- 
mier étudié, d’une manière suivie, le produit de la sécrétion 
spermatique dans la vicillesse. | 

Mon mémoire, joint à celui de M. Duplay, viendra-t-il combler 
tous les desiderata de cette branche de nos connaissances? Telle 
n’est pas ma pensée; car si les mystères de la fécondation ont 
été singulièrement dévoilés par les travaux des physiologistes 
modernes, il reste encore bien des points à éclaircir, et l’étude 
du sperme dans la vieillesse, malgré ces travaux, ne peut encore, 
en conscience, paraître qu'ébauchée., Il me semble donc très- 
désirable, que les médecins placés dans de bonnes conditions 
d'observations, continuent ces recherches, et donnent à l'ébauche 
ja perfection dont elle est susceptible. 

Voici, d’ailleurs, comment j'ai procédé à ces recherches. En 


(1) Archives générales de médecine, 1852, 4€ série, t, XXX. 


SUR LE SPERME DES VIEILLARDS. ho 
général, vingt-quatre heures après la mort, j'ai enlevé complète- 
ment les organes génitaux, et après un examen soigneux des tes- 
tcules, de l’épididyme, de la tunique vaginale, etc., etc., dont je 
notais les lésions lorsqu'il y avait lieu, J'ai apprécié les qualités 
physiques du liquide contenu dans les vésicules séminales, puis 
ce liquide était porté sous le microscope et examiné seul d'abord, 
puis à l’aide de différents réactifs. 

J'ai bien des fois fait contrôler mes résultats par MM. Villemin, 
Cornil et Legros, qui m'ont prêté le concours de leur habileté 
micrographique, et augmenté ainsi la valeur de ces recherches, 
de toute celle qui s’attache à leur nom. Je suis heureux de leur 
adresser l’expression de mes sentiments affectueux et reconnais- 
sants. | 

J'adresse aussi de bien vifs remerciments à M. le professeur 
Ch. Robin, qui a bien voulu m’encourager dans ce travail, et dont 
les précieux conseils m'ont été si utiles. 

Dans ce travail, après avoir brièvement retracé l'historique du 
sujet que je traite, j'établis, avec des chiffres, des résultats rela- 
tifs à la fécondité des vieillards ; puis, je donne les caractères 
bien connus du sperme de l'adulte, que je compare à celui du 
vieillard, en en faisant ressortir les différences. J’étudie ensuite 
les maladies de l'appareil sécrèteur et de l'appareil excréteur, 
envisagées au point de vue de la génération des spermatozoïdes ; 
et je termine le travail par quelques sobres SosdE aan appli- 
cables à la médecine légale. 


8 2. — Historique. 


Ce point intéressant a été traité avec un très-grand soin par 
“M. Duplay, et je ne pourrais que répéter ici, en moins bons 
termes, ce qu’il a si bien exposé. Je me contenterai d’en donner 
un extrait très-sommaire. 

Jusqu’à M. Duplay (/0c0 citato), et à part Wagner (1), tous les 
physiologistes qui ont traité l’histoire de la’ fécondation ont 
admis, comme un fait général, que la puissance virile disparaît 


(1) Histoire de la génération, p: 44. . 


HE» A. DIEU. — RECHERCHES 


avec l'âge. Or, comme on croit généralement que le sperme doit 
sa puissance fécondante aux spermatozoïdes, 1l en est résullé la 
négation de la présence de ces éléments anatomiques dans le 
sperme des vieillards. 

M. Longet (1), dans la première édition de son Traité de phy- 
siologie, dit que le développement des spermatozoïdes cesse 
dans un âge avancé. Dans la seconde édition, le savant physio- 
logiste français, (out en rappelant qu’il est généralement admis 
que les spermatozoïdes disparaissent chez l’homme par les progres 
de l’âge, cite M. Duplay comme en ayant trouvé jusqu’à l’âge de 
quatre-vingt-deux ans. 

Le professeur J. L. Casper (2) dit avoir constaté la présence 
des spermatozoïdes chez des hommes âgés de soixante-dix ans, 
et même chez un vieillard de quatre-vingt-seize ans. 

L'opinion généralement admise par les physiologistes sur l’ab- 
sence des spermatozoïdes pendant la vieillesse, a êté sérieusement 
batiue en brèche par les observations de M. Duplay, et il me 
paraît certain que l’on doit accorder un peu plus de valeur aux 
cas nombreux de paternités tardives, insolites, cités par les 
auteurs. La possibilité de féconder dans un âge avancé est un 
fait qui appartient aujourd’hui à la science, qui peut résister à 
une critique sérieuse, et qui ne doit plus être résolue seulement 
par une maligne interprétation de fidélité conjugale. 

Toutefois, 1l résulte de mes observations, comme on le verra, 
que la génération des spermatozoïdes diminue avec l’âge, et 
qu’elle disparaît à l’âge de quatre-vingt-six ans. Dans ma pensée, 
ces résultats ne doivent pas être le dernier mot de l’expérimen- 
tation, puisque Casper en a trouvé chez un vieillard de quatre- 
vingt-seize ans, et je suis disposé à croire que cette formule 
générale doit trouver des exceptions individuelles. Il est certain 
que l'excitation de l'imagination, qu’une nourriture succulente, 
que certaines conditions individuelles enfin, doivent favoriser 
celte génération, même dans un âge avancé, C'est ainsi que chez 
un vieillard de quatre-vingt-quatre ans, ancien officier, vigou- 


(1) Trailé de physiologie. Paris, 1860. 
(2) Traité pratique de médecine légale, traduit par G, G. Bailliére. Paris, 1862. 


SUR LE SPERME DES VIEILLARDS. L55 
reusement organisé, et qui s’est suicidé par la pendaison, j'ai 
trouvé, arrêté dans son long prépuce, un sperme très-abondant, qui 
avait tous les caractères phvsiques et micrographiques de celui 
de l'adulte. Or, ce vieillard était organisé pour vivre encore plu- 
sieurs années, il est probable qu’il aurait dépassé l’âge de quatre- 
vingt-six ans et que son sperme aurait encore contenu des sper- 
matozoïdes. 

Cet âge ne peut donc être regardé comme étant la limite 
extrême de la présence de ces éléments anatomiques. 


8 3. — Re cherches statistiques relatives à 105 autopsies 
de vieillards. 


J'ai classé mes observations en quatre catégories, d’après l’âge 
des vieillards : 


1° Hommes âgés de 64 à 70 ans............ 14 
2 — 70 à 80 Ma sw dia , 49 
3° — 80 à 90 ARE TRE * : 90 
49 —— SU ITU UE AA ! Ge, VA 


J'ai joint à cette statistique celle de M. Duplay qui porte sur 
91 vieillards, et je vais essayer de démontrer, d’une manière pré- 
cise, ce qui me paraît résulter de cet ensemble d'observations. 

Sur les 105 cas que j'ai observés, j'ai constaté : 


L'absence des spermatozoïdes. ...,........ 64 fois 
La présence er MON OPEN A PAL ARS Al 
Total... à ....... 109 fois 


Ces chiffres ramenés au nombre proportionnel du tant pour 
cent me donnent : 


Pour Fabsente . 4.4... Ur 61 pour 100 

Poutiaprésencesiuin.,s LA A KL # 39 — 
Sur 51 cas, M. Duplay a trouvé : 

Absence des spermatozoïdes. ....,..,.., . 14 fois 

Présence A RP SE fais à éd 37 
Soit : 

FOUR PARC Eee ee à 27.45 pour 100 


Pour'i4 Présenee ne ann, 2. 72.55 — 


h54 A. DIEU. — RECHERCHES 


Ces résultats différent à ce point que les proportions relatives 
à l'absence et à la présence des spermatozoïdes, sont presque 
inverses de celles que j'ai trouvées. 

Mais cette contradiction est plus apparente que réelle ; elle tient 
certainement à ce que l’âge moyen des homines que j'ai observés, 
a été beaucoup plus élevé que celui de ceux qui ont fait le 
sujet des observations de M. Duplay. | 

Ainsi, le plus grand nombre des vieillards dont j'ai examiné 
le sperme dépasse l’âge de 70 ans (87 sur 105), et j'ai recueilli 
28 observations d'hommes ayant dépassé l’âge de 82 ans. 

Dans la statistique de M. Duplay, le nombre des octogénaires 
n'est que de 13, le plus âgé n’avait que 86 ans, et 9 ne dépas- 
saient pas l’âge de 82 ans; la moyenne de l’âge est donc beau- 
coup moins élevée. 

Au surplus, je vais donner les chiffres tels que je les aï obtenus 
pour chaque catégorie d'hommes : Sur 14 sexagénaires (64 à 
70 ans), 9 avaient du Spèrme contenant des spermatozoïdes, soit : 
64,3 pour 100 et 5 n’en avaient pas, soit : 35,78 pour 400. 

La proportion des sexagénaires encore aptes à la fécondation 
doit être plus élevée que dans ma statistique; car, je dois faire 
remarquer que sur les 5 cas où l’absence des spermatozoïdes a 
été constatée, il y a eu 4 fois des conditions particulières, ca- 
pables de donner la raison de cette absence. Deux de ces vieil- 
lards avaient des cancers et se trouvaient plongés, au moment de 
leur mort, dans un état de marasme très-avancé :un est mort du 
choléra, et avait une atrophie presque complète des testicules; 
l’autopsie du quatrième n’a pu être pratiquée que trois Jours 
après la mort, et lorsque les vésicules étaient déjà désorganisées 
par la putréfaction. Quant au cinquième, âgé de 69 ans, l’ab- 
sence des spermatozoïdes n’a êté légitimée par aucune cause. 

M. Duplay a examiné le sperme de 11 sexagénaires et il a 
trouvé une proportion de 72,7 pour 100. Ce chiffre, plus élevé 
que le mien, me parait être celui qui se rapproche le plus de la 
vérité. 

Dans la statistique des septuagénaires et des octogénaires, nous 
arrivons avec M. Duplay à das résultats complétement différents. 


SUR LE SPERME DES VIEILLARDS. A55 
Ainsi, sur A9 septuagénaires, j'ai trouvé 22 fois des spermato- 
zoïdes, soit : 44,8 pour 100, et 27 fois je n’en ai pas rencontré, 
soit : 55,2 pour 100. M. Duplay, au contraire, sur 37 cas, arrive 
à une proportion de 74 pour 400, où il constate la présence des 
animaleules, proportion plus élevée que celle qu'il a trouvée à 
propos des sexagénaires, et qui n’est que de 72,7 pour 100. 

Ce sont là des bizarreries que la statistique démontre et que la 
science enregistre en attendant des observations ultérieures. 

Sur 38 octogénaires, dont 34 avaient dépassé l’âge de 82: ans, 
j'ai trouvé 40 fois des spermatozoïdes, soit : 26,3 pour 100, et 
58 fois je n’ai pu constater leur présence, soit : 73,7 pour 100. 

M. Daplay sur 13 octogénaires, dont 9 n'avaient pas dépassé 
l’âge de 82 ans, a trouvé une proportion de 69,2 pour 100 de 
vieillards ayant encore des spermatozoïdes. Ce chiffre élevé doit-il 
être considéré comme donnant la vraie proportion des octogé- 
naires encore aptes à la reproduction envisagée seulement au 
point de vue de la génération des spermatozoïdes ? Je ne le crois 
pas. M. Duplay, d’ailleurs, a fait à cet âge de bien sages réserves ; 
il faudrait, dit-il, avant de conclure, avoir observé plus d’octogé- 
naires, el pouvoir raisonner d’après un plus grand nombre de faits. 

Enfin, j'ai examiné le sperme de 4 vieillards ayant dépassé 
l’âge de 90 ans, et je n’ai plus trouvé de spermatozoïdes. 

Dans les observations de M. Duplay, l’âge limité s'arrête à 
82 ans; dans les miennes, il monte jusqu’à celui de 86 ans. 
Est-ce là la limite absolue ? Je ne le pense pas. ( 

En ajoutant les 51 observations de M. Duplay aux miennes, on 
arrive à un lotal de 156 vieillards dont le contenu des vésicules 
a été examiné. Voici les résultats de cet examen : 

25 sexagénaires. donnent une proportion de 68,5 pour 400, 
ayant encore des spermatozoïdes, 

76 septuagénaires donnent une proportion de 59,5 pour 100, 
de vieillards encore pourvus de spermatozoïdes. 

51 octogénaires donnent une proportion de 48 pour 100, de 
vieillards ayant encore des spermatozoïdes. 

h vieillards ayant dépassé l’âge de 90 ans donnent des résul- 
tats complétement négatifs, 


456 A, DIEU, —— RECHERCHES 


Il résulte, comme remarque générale, de l'examen de ce der- 
nier tableau, que l'aptitude à la fécondation, envisagée au point 
de vue de la génération des spermatozoïdes, décroît évidemment 
avec l’âge, qu’elle est faible à partir de l’âge de 80 ans, et qu’elle 
disparait à celui de 86 ans, jusqu’à ce que de nouvelles observa- 
tions viennent infirmer ces résultats. 

Pour compléter ces recherches, il m'a paru utile de tenir 
compte du genre de maladie auquel avaient succombé ces 105 
vieillards. Bien des auteurs ayant admis que chez l'adulte les 
spermatozoïdes disparaissaient dans cerlaines maladies chro- 
niques; à plus forte raison ne devait-on plus rencontrer ces 
éléments anatomiques chez les vieillards morts de ces maladies. 

Curieux d'étudier cette question, j'ai noté avec soin la cause 
de la mort dans tous les cas, et la statistique des affections qui 
ont enlevé ces vieillards prouve, conformément aux idées émises 
par M. Duplay (4) et par E. Godard (2), que les affections chro- 
niques mortelles n’arrêtent pas nécessairement le développement 
des spermatozoïdes, même dans la vieillesse. Toutefois, il est 
important de faire remarquer, que chez les vieillards morts sans 
spermatozoïdes, il y avait plus d’affections chroniques que dans la 
seconde catégorie. La cause de la mort n’a donc pas beaucoup 
influencé les résultats donnés précédemment dans la statistique 
des âges. 

4° Maladies auxquelles ont succombé les vieillards n'ayant pas 
de spermatozoïdes : 


Hémorrhagies cérébrales........ 6 Report... voice) 2h 
Ramollissement cérébral......., 6 | Tuberculisation pulmonaire. . .... 4 
Congestion cérébrale.....,..... . A | Emphysème pulmonaire .... ... 2 
Paralysie générale........°.... 1 | Choléra..............,...... A 
Fracture du crâne....... TITRE 4 | Drarrhée chronique.…..h sr aîn-smtr 
Affection organique du cœur..... 2 | Cystite chronique ............ Re | 
Mort subite {syncope).......... 1 l'INIST ee Somme Verne 4 
Bronchite chronique. .......... 2.41 Cancers ur AL RASE LARTE EUE 3 
Pneumonie suppurée....e...e- 1 | Adynamie sénile.............. 26 

À reporter. ... 24 Total..,.... 64 


(1) Loco citato. 
(2) Études sur la monorchidie et la cryplorchidie chez l'homme. Paris, 14857. 


SUR LE SPERME DES VIEILLARDS. h57 


Remarque. — Je range dans la catégorie des vieillards morts 
d'adynamie sénile ceux dont l’autopsie n’a présenté aucunes 
lésions organiques, autres que celles que l’on rencontre si fré- 
quemment dans la vieillesse; telles que : raréfaction du tissu 
pulmonaire, hypertrophie du cœur, avec dégénérescence grais- 
seuse des fibres musculaires, athérome des artères, etc., etc. 

2° Maladies auxquelles ont succombhé les vieillards ayant des 
spermatozoïdes: 


Hémorrhagie cérébrale ........, 3 Report, 20 
Ramollissement cérébral. ...... *. Rupture de l’anrte . .., «se. 4 
Affection organique du cœur..... 6 | Choléra........... EE Pad 4 
Mort subite (syncope)......... + 2 | Hernie étranglée.....,....... FU : 
Bronchite chronique. .... ...... 2 | Érysipèle de la face ...... DS 2S 
PHEUMOME nr rues so e0 2} P'PEMAIROM 4. à. 2 ul sense oh 0 4 
Épanchement pleurétique....... 1 Fracture du col du fémur....... 1 
Mort subite..... Mt cet Gyrrhase;dui foié..sict site #élie 3 À 
Tuberculisation pulmonaire. ..,.. 2 ! Cancer........ D'ou tin fais e a nie 
Emphysème pulmonaire......,.. 9 | Adynamie sénile.,..,.6:,....° 6 

A‘reporter. +... 26 TO Pres ve 41 


$S 4. — Examen du sperme contenu dans les vésicules séminales,. 


Avant de signaler les particularités que j'ai rencontrées dans 
le sperme des vieillards, et pour mieux les faire ressortir, je vais 
rappeler, aussi brièvement que possible, les caractères du liquide 
complexe contenu dans les vésicules séminales de l'adulte : 
caractères qui ont été exposés d’une manière si savante dans 
une des dernières publications de M. le professeur Ch. Robin (1). 
Tout ce qui va suivre a été puisé dans les remarquables leçons 
de ce professeur. 

Sperme de l'adulte. — Le liquide contenu dans les vésicules 
séminales de Padulte est complexe; il se compose : 1° Des pro- 
duits du testicule, dont l'élément principal, les spermatozoïdes, 
est la partie la plus importante au point de vue physiologique; 
2° des liquides qui servent de milieu dans lequel continuent à 
vivre les spermatozoïdes, et qui, en même temps, leur servent 


(1) Leçons sur les humeurs normales et morbides du corps de l’homme. Paris, 
1867. 


458 ._ A. DIEU. — RECHERCHES 

de véhicule. Ces liquides formés d'éléments multiples provien- 
nent de la sécrétion des follicules du canal déferent, et de la 
sécrétion des vésicules séminales, 

La substance qui va du testicule, dans le canal déférent, n est 
pas liquide. C’est une matière pâteuse, demi-liquide, d’un blane 
mat; elle est constituée, pour les neuf dixièmes au moins, par 
les spermatozoïdes ; on y voit, en outre, un peu de sérum ; des 
cellules sphériques large d’un centième de millimètre environ, 
sans noyaux, peu granuleuses. On trouve également des granu- 
lations moléculaires, les unes très-fines, azotées, et les autres 
jaunâtres graisseuses ; enfin, on Y. rencontre quelques rares 
épithéliums nucléaires, principalement sphériques très-petit 

Ce produit, pris dans le canal déférent, a une coloration 
blanche, lactescente et une consistance crêmeuse épaisse, Mais 
il se mélange bientôt avec le liquide fourni par les follicules 
du canal, prend une coloration brunâtre, ou gris jaunâtre et 
contient alors : 4° du sérum; 2° des cellules épithéliaies pris- 
matiques et des épithélilums nueléolaires ovoïdes ; 3° des gra- 
nulations arrondies ou polyédriques, irrégulières, refractant 
fortement Ja lumière, à centre brillant et à contour brunâtre fonce. 

Enfin, dans les vésicules séminales, se surajoute au sperme un 
second liquide, qui est fourni par les parois propres de ces 
vésicules. 

Cette humeur est relativement abondante, d'une teinte lége- 
rement grisâtre, mais sans coloration brune. Lorsqu'elle a sé- 
journé un certain temps dans les vésicules, quatre à cinq jours, il 
se produit de petites concrétions que M. Robin a décrites sous le 
nom de sympexions et qu’il signale comme plus fréquentes chez 
le vieillard. M. Robin dit, en outre, qu'il a rencontré plusieurs 
fois, surtout lorsqu'il y a séjour prolongé du sperme dans les 
vésicules, de petites à éd qui donnent à ce liquide une 
coloration rosée. 

En résumé, d’après M. Robin : 

« Le liquide des vésicules séminales est brunâtre, ou grisâtre, 
» quelquefois presque opaque, d’autres fois gélatiniforme ou un 
» peu grenu au toucher, et contient tous les éléments anato- 


SUR LE SPERME DES VIEILLARDS. A59 
» miques des liquides précédents ; il renferme de plus des sym- 
» pexions arrondies ouréunies en masses aréolaires, englobant ou 
» non des spermatozoïdes, plus ou moins abondants, et des flocons 
» de mucosine. On y voit toujours des leucocytes normaux, où 
» hypertrophiés, quelquefois granuleux, ainsi que des granula- 
» {ions jaunâtres graisseuses, réfractant assez fortement la 
» lumière. Souvent il y trouve de l’hématoïdine en grains 
» amorphes, ou quelques amas d’hématies. » 


85. — Caractères physiques et micrographiques du sperme 
| des vieillards. 


4° Caractères physiques. 


Les caractères physiques du liquide contenu dans les vésicules 
séminales offrent de notables différences, suivant que l’on 
examine ce liquide chez le vieillard ou chez l'adulte. Ces carac- 
tères se rapportent à la quantité, à la consistance, et à la couleur 
du liquide. Je pense que, contrairement à l’opinion généralement 
admise, ces différences sont essentiellement liées à la présence ou 
à l'absence, à l’abondance ou à la rareté des spermatozoïdes ; de 
telle sorte que, pour exprimer le fait d’une manière générale, 
plus un sperme de vieillard contient de spermatozoïdes, plus 1l se 
rapproche par ces caractères physiques et micrographiques de 
celui de l'adulte. | 

J’ai noté tous ces caractères dans les cent cinq observations 
qui font la base de ce travail, et voici à quels résultats je suis 
arrivé. | 

Je classe mes observations en trois catégories, pour la facilité 
de la description. 

4° Vingt-sept cas où les spermatozoïdes se présentaient en 
grande quantité. 

2° Quatorze cas où les spermatozoïdes n'existaient plus qu'en 
petit nombre. 

3° Soixante-quatre cas où le liquide des vésicules ne contenait 
plus de spermatozoïdes. 

Première catégorie. —- Dans les vingt-sept cas dans lesquels 


h60 A. DIEU. —— PECHERCHES 


j'ai trouvé des spermatozoïdes en grande abondance, générale- 
ment les vésicules étaient distendues par le liquide, les bosse- 
lures que l’on observe à leur surface extérieure étaient saillantes, 
et présentaient au doigt la sensation rénitente d’un liquide con- 
tenu dans une petite vessie; lorsque l’on ouvrait ces vésicules, 
un liquide assez visqueux s’échappait spontanément en grande 
abondance, à peu près comme chez l’adulle ; la couleur en était 
grisâtre, et la transparence plus ou moins grande dans vingt cas; 
jaune foncé dans cinq cas ; et jaune clair dans deux cas. 

Trois de ces vieillards, âgés de soixante-quatorze, quatre-vingts 
et quatre-vingt-quatre ans, offraient des vésicules contenant un 
sperme d'aspect différent dans chaque vésicule; du côté où le 
liquide était abondant, visqueux et grisâtre, les spermatozoïdes 
étaient très-nombreux ; de l’autre côté, au contraire, où le sperme 
était peu abondant, épais et de couleur brune foncée, il y avait 
peu de spermatozoïdes. 

Deuxième catégorie. — Dans les quatorze cas où j’ai noté peu 
de spermatozoïdes, le liquide était plus ou moins abondant, quel- 
quefois visqueux, d’autres fois très-fluide ; il a présenté la couleur 
brune foncée dans sept cas, jaune clair et alors très-liquide 
dans cinq cas, et jaune, mais de consistance gélatineuse, dans 
deux cas. 

Dans deux des cas rangés dans cette catégorie (quatre-vingt- 
trois et quatre-vingt-six ans), le contenu des vésicules était de 
consistance gélatineuse dans certaines loges, et il n’y avait pas 
de spermatozoïdes ; tandis qu’il y en avait quelques-uns dans 
d’autres loges où le liquide était moins épais. 

Dans un autre cas (soixante-quinze ans), à droite, le liquide 
jaune clair, visqueux, assez abondant, contenait des spermato- 
zoïdes, à gauche, au contraire, le sperme peu abondant et de 
consistance gélatineuse, ne contenait pas de spermatozoïdes. Il 
faut noter que, de ce côté, il y avait un varicocèle et une hydro- 
cèle enkystée du cordon. 

Troisième catégorie. — Enfin, dans les soixante-quatre cas où 
je n’ai pas rencontré de spermatozoïdes, souvent les vésicules 
présentaient les altérations si bien décrites dans le mémoire de 


SUR LE SPERME DES VIEILLARDS,. AG1 
M. Duplay (1), c’est-à-dire qu’elles étaient flétries, revenues sur 
elles-mêmes; quelquefois, elles semblaient comme perdues au 
milieu d’un tissu cellulaire abondant, plus ou moins induré ; lors- 
qu'on les découvrait par la dissection, elles paraissaient aplaties, 
les parois en étaient amincies dans certains cas; d’autres fois, au 
contraire, elles étaient hypertrophiées. De plus, j'ai souvent noté 
une diminution remarquable du nombre des cellules, et de leur 
capacité; dans ces cas, il y avait presque toujours hypertrophie 
des parois des vésicules. La quantité de liquide était notable- 
ment diminuée dans le plus grand nombre des cas; quelquefois 
même 1l fallait racler la surface interne de la vésicule pour re- 
cueillir le liquide que l’on devait examiner au microscope. 

La consistance du sperme a aussi présenté des variations {rès- 
intéressantes. Dans quinze observations, j'ai trouvé la liqueur à 
l'état gélatineux ; elle avait une couleur jaunâtre, était transpa- 
rente, s’écrasait facilement sous le doigt, et offrait l’aspect d'une 
gelée tremblante, que je ne puis comparer qu’à de la colle-forte 
refroidie. Dans vingt-huit cas, le liquide était peu abondant, 
épais, et assez visqueux ; dans vingt cas, le liquide était assez 
abondant, mais tres-fluide, enfin, dans un cas, les vésicules 
étaient remplies de matière tuberculeuse. 

J'ai noté les différences suivantes dans la couleur. Dans les 
quinze cas où le sperme était gélatineux, la couleur était jaune 
plus ou moins foncée ; vingt-huit fois le liquide était brun foncé; 
quatorze fois, jaune clair, et six fois complétement Imcolore. 

De ces observations, je crois pouvoir déduire : 

1° Que le liquide contenu dans les vésicules séminales diffère 
assez fréquemment par ses caractères physiques, chez l’adulte 
et chez le vieillard. 

2° Que ces caractères sont d’autant plus différents que le 
sperme contient moins de spermatozoïdes, ou n’en contient plus. 

3° Que, lorsque le liquide est grisâtre, visqueux et abondant, 
plus ou moins transparent, on trouve presque toujours des sper- 
matozoïdes. | 


(1) Archives générales de médecine, 1855, 5° série, t. VI. 


A62 A. DIEU. — RECHERCHES 


h° Que, lorsque le liquide est de consistance gélatineuse, on 
_ne rencontre jamais de spermatozoïdes. 

5° Que, en général, lorsque la couleur du sperme est d’un brun 
très-foncé, on trouve rarement des spermatozoïdes. 

6° Que la forme, l’aspect, la consistance, l'épaisseur des parois 
des vésicules, présentent souvent des modifications notables par 
le fait de l’âge ; surtout lorsqu’iln’y a plus de spermatozoïdes. 

7° Enfin, je crois que l’on peut, en général, prévoir l'absence 
des spermatozoïdes dans le liquide des. vésicules séminales des 
vieillards, lorsqu’aux changements anatomiques survenus dans 
les vésicules, se joignent ceux de consistance, de couleur et 
d'aspect du liquide, que j'ai signalés plus haut. 


20 Caractères hygrologiques. 


.… Le liquide contenu dans les vésicules a une réaction neutre ; 1l 
ne se coagule pas lorsqu'on le chauffe dans un tube; il a une 
densité supérieure à celle de l’eau distillée, au pointque, mélangé 
avec elle, il gagne le fond du vase. Je n'ai jamais pu constater si 
ce liquide avait une odeur spéciale, je lui ai toujours trouvé 
l'odeur caractéristique des matières fécales. Les convenances et 
les règlements ne permettant de pratiquer les autopsies que vingt- 
quatre heures après la mort, les vésicules et leur contenu s'im- 
prègnent, pendant ce contact prolongé avec le rectum, de l'odeur 
des matières contenues dans cet intestin. Cette odeur est done le 
résultat d’une sorte d’imbibition posé mortem. 

-. Lorsqu'on examine au microscope le sperme des vieillards, la 
première chose que l’on constate, c’est la présence ou l'absence 
des spermatozoïdes. Ceux-ci existent en plus ou moins grand 
nombre :. vingt-sept fois ils ont été très-abondants, ils couvraient 
le champ du microscope, s’entrecroisaient dans tous les sens en 
suivant les courants du liquide. Ils étaient, en général, parfaite- 
ment conformés, cependant on en trouvait quelquefois qui 
n'avaient plus la queue aussi allongée ; celle-ci paraissait termi- 
née par un tronçon, comme si elle avait été coupée d’une ma- 
nière très-netle. . 


SUR LE SPERME DES. VIEILLARDS. A6 


Dans quatorze cas, les spermatozoïdes étaient peu abondants ; 
les uns étaient parfaitement conformés, mais c'était le petit 
nombre: d’autres avaient la queue tronquée; d’autres enfin ne 
présentaient plus que la tête, dernier vestige de leur présence. 

Dans soixante-quatre cas, je n’ai pas. rencontré de spermato- 
zoïdes dans les vésicules ; cependant, je faisais toujours trois ou 
quatre examens sur du liquide frais dans des points différents. 

Les autres éléments anatomiques du liquide séminal se sont 
montrés à peu près identiques avec ceux de l’adulte, lorsque les 
spermatozoïdes s’y rencontraient en grand nombre. Alors, et 
dans tous les cas, j'ai trouvé des spermatozoïdes ; des cellules 
épithéliales prismatiques; des épithéliums nucléaires ; des granu- 
lations arrondies ou polyédriques irrégulières; des leucocytes ; 
et, assez fréquemment, des sympexions. M. Robin (1) a signalé 
ces dernières concrétions comme étant fréquentes chez le 
vieillard. 

Mais lorsque les spermatozoïdes ont fait défaut, ou même 
lorsque le nombre en était beaucoup diminué, j'ai noté plusieurs 
particularités qui me paraissent offrir de l'intérêt. Tout d’abord, 
on trouve de nombreuses cellules granuleuses et de grosses 
cellules graisseuses, colorées en Jaune, imitant les globules de 
colostrum, et réfractant fortement la lumière : ces cellules dis- 
paraissent lorsqu’on les met en contact avec l’éther. | 

Dans bien des cas, et surtout lorsque le liquide présentait la 
couleur brune foncée, j'ai rencontré une grande quantité de 
globules sanguins, les uns normaux et parfaitement nets, les 
autres-en voie de destruction, et en train de se désagréger. Ces 
globules sont évidemment le signe pathognomonique de petites 
‘hémorrhagies qui se produisent dans l’intérieur des vésicules. Ge 
fait n’a pas échappé aux habiles investigations de M. Robin (2) ; 
mais il est très-exceptionnel chez l’adulte, et très-fréquent au 
contraire chez le vieillard. La cause première de ces hémorrha- 
gies est le séjour du sperme dans les vésicules ; mais elle est excep- 


(1) Loco cilato. 
(2) Loco citato. 


GA A. DIEU. — RECHERCHES 


ionnelle chez l'adulte, tandis qu’elle est, pour ainsi dire, la règle 


chez le vieillard. 
Outre ces globules sanguins, on rencontre très-fréquemment 


des masses assez volumineuses, d’un jaune plus ou moins foncé, 
de formes très-variables, et qui existent souvent en très-grande 
quantité dans le liquide des vésieules, surtout lorsque ce dernier 
est fortement teinté en brun. On trouve ces masses mêlées aux 
globules sanguins, d’autres fois elles existent sans les glo- 
bules. 

Ces masses jaunâtres résistent à l’action de l'acide acétique, de 
l’acide sulfurique, de l’éther et de la potasse caustique. Ge sont 
évidemment des masses de matière colorante provenant des 
hémorrhagies qui se sont produites dans les vésicules à une 
époque plus ou moins éloignée. 

Je puis donc établir, comme règle générale, que très-souvent, 
dans le liquide contenu dans les vésicules séminales des vieillards, 
et particulièrement lorsque celui-ci ne contient plus de sperma- 
tozoïdes, on trouve, ou des globules sanguins plus ou moins 
altérés, traces d’hémorrhagies récentes, ou des masses de matière 
colorante, quelquefois isolées, quelquefois mêlées aux globules 
sanguins, traces d'hémorrhagies anciennes. La fréquence de ces 
hémorrhagies, chez le vieillard, vient donc corroborer l'opinion de 
M. Robin, qui les attribue au séjour prolongé du liquide dans les 
vésicules. 


RÉSUMÉ. 


À l'examen physique et micrographique du sperme des vieillards, 
on peut déduire quelques rêgles générales qui me paraissent avoir 
une véritable importance, mais qui ne doivent pas être, cepen- 
dant, considérées aujourd’hui comme absolues. 

Toutes les fois que le sperme de la vieillesse présentera les 
apparences physiques de celui de l’âge viril, on est sûr d’y trouver 
un grand nombre de spermatozoïdes, ainsi que les autres éléments 
histologiques du sperme d’adulte. 

Quand le sperme du vieillard s'éloigne beaucoup, par ses ca- 
ractères physiques, de celui de l'adulte, le microscope vient dé. 


SUR LE SPERME DES VIEILLARDS, 165 
celer l'absence des spermatozoïdes, et souvent la présence de 
sang et de masses pigmentaires, signe d’hémorrhagies récentes 
ou anciennes, et formant alors le principal caractère de ce sperme 
radicalement modifié. 

Toutes les fois que les altérations physiques du sperme sont 
incomplètes, on y rencontre encore des spermalozoïdes ; mais 
ceux-ci sont rares, souvent déformées, et presque toujours alors 
mélangés avec des globules sanguins et du pigment. 

Il semblerait donc, que la génération des spermatozoïdes chez 
le viéillard, ait une certaine relation de cause à effet, avec ces 
hémorrhagies pathologiques dont j'ai parlé. Toutefois, il ne faut 
pas oublier qu’il n’est arrivé, dans certains cas, de ne pas trouver 
des spermatozoïdes dans du sperme limpide, incolore, et dépourvu 
de sang et de pigment. Je me garderai donc bien de tirer de cette 
coïncidence une conclusion absolue, qui pourrait paraître pré- 
maturée. Je me contente de signaler le fait, tel que je l'ai vu et 
apprécié ; c’est un jalon susceptible de fixer l'attention des autres 
observateurs. 

Le séjour prolongé du sperme dans les vésicules séminales 
paraît être la cause des petites hémorrhagies capillaires. Cette 
opinion, qui emprunte une valeur considérable au nom illustre 
qui l’a émise, peut-elle être affirmée aujourd’hui? Je ne le pense 
pas ; car il faut pour cela qu’elle supporte le contrôle de l’obser- 
vation directe appliquée à ce point particulier de lhistoire de la 
sécrétion spermatique. 

La constatation de ce séjour prolonge du sperme dans les 
vésicules n’est pas toujours facile, et l'observateur trouvera sou- 
vent des conditions imprévues d'incertitude. C’est ainsi qu'il 
m'est arrivé, de constater l’absence complète de spermatozoïdes 
dans les vésicules d’un vieillard, qui, quelque temps avant sa 
mort, se vantait de se livrer au coït une fois par semaine. J’en 
ai vu d’autres tombés dans une sorte d'idiotie sénile se livrer, 
pendant leur séjour au lit, à des attouchements prolongés, sans 
cependant jamais parvenir ni à provoquer une érection, ni une 
éjaculation. 


Ces bizarreries, que Je ne fais que signaler en passant, sont donc 
JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL, T. 1V (1867), 39 


466 À. DIEU. — RECHERCHES 
de nature à prouver que les observateurs pourront se heurter 
contre la possibilité d'objections qu’il importe de prévoir. 


8 6. — Affections de l’appareil producteur et de l'appareil excré- 
teur du sperme, envisagées au point de vue de la génération des 
spermatozoïdes. 


© Pour compléter ces recherches, je vais indiquer les altérations 
et les changements que j'ai trouvés dans l'appareil secrétant et 
dans l'appareil excrètant le sperme des vieiilards. 

M. Duplay (1) a produit, sur ce sujet, un mémoire complet, et 
décrire avec soin les lésions que j'ai rencontrées, serait repro- 
duire des ‘details que l’on trouvera dans le travail de ce savant 
praticien. 

Je me contente donc de dire que mes recherches confirment de 
tout point les siennes. Mon but principal, en colligeant des obser- 
vations nécroscopiques, élait d'étudier l'influence de certaines 
lésions sur la génération des spermatozoïdes. L’habile médecin 
des hôpitaux de Paris a dissèqué avec le plus grand soin tout 
l'appareil génital de cinquante-neuf vieillards, et 1l a trouvé un 
certain nombre de lésions qui sont évidemment le résultat des 
progrès de l’âge ; mais 1l n’a pas indiqué la relation qui existe 
entre ces lésions et la présence ou l'absence des spermatozoïdes. 
Je viens ici apporter quelques matériaux qui me paraissent sus- 
ceplibles de donner un commencement de satisfaction à ce dess- 
deratum. Certaines lésions très-fréquentes des enveloppes des 
testicules, telles que : adhérences, épaississements partiels de la 
tunique vaginale, hydrocèles peu volumineuses, épaississement 
de la tunique albuginée, avec plaques fibro-cartilagineuses à la 
surface de celte membrane, présence de petits kystes si fréquents 
dans cette région, toutes ces lésions ne m'ont pas paru avoir 
d'influence sur la génération des spermatozoïdes. On rencontré 
tout aussi fréquemment ces éléments anatomiques, que l’on con- 
state leur absence avec l’une ou l’autre de ces lésions et même 
avec plusieurs d’entre elles réunies sur le même sujet. 

_ Il n’en est peut-être plus de même des hydrocèles volumi- 


(4) Archives générales de médecine, 5° série, t. VI. 


SUR LE SPERME DES VIEILLARDS. A67 


neuses et de vieille date; dans cinq cas, j'ai trouvé un grand 
nombre de spermatozoïdes dans les vésicules séminales placées 
du côté où il n’y avait pas d'épanchement et je n’en ai pas trouvé 
dans les vésicules du côté opposé. 

Les testicules des vieillards sont genéralement mous, aplatis, 
de volume et de poids inférieurs à ceux de l’adulte, l’épithélium 
des tubes séminifères est plus ou moins graisseux. Malgré tous ces 
changements de poids, de volume et de forme, je n'ai pas remar - 
qué qu’il existàt une relation quelconque entre ces modifications 
séniles et la génération des spermatozoaires. Plusieurs fois, j'ai 
rencontré un sperme riche en animalcules chez des vieillards dont 
les testicules pesaient 5 et 6 grammes. Cependant, dans une 
dizaine d'observations, l’absence des spermatozoïdes a coïncidé 
avec une atrophie considérable des testicules. Dans deux autres 
cas, Jai trouvé le liquide contenu dans les vésicules séminales 
d'un côté, dépourvu de spermatozoïdes, tandis qu’il y en avait 
de l’autre côté : or, l’absence de ces éléments anatomiques a pre- 
cisément coïncidé avec l’atrophie d’un testicule. 

Les kystes de l’épididyme si fréquents chez les vieillards et si 
savamment eludiès par M. Gosselin, n’ont aucune relation avec ia 
genération des spermatozoïdes. Il n’en est plus de même de l’in- 
duration de l'épididyme. Je n’ai rencontré cette lésion que trois 
fois, et elle a toujours coïncidé avec l’absence des spermatozoïdes. 
Ce fait, d'ailleurs, n’a rien de nouveau, il vient seulement comme 
appoint, aux beaux travaux de E. Godart et de M. Gosselin sur ce 
sujet. | 

Dans deux cas, j'ai rencontré des hydroceles enkystées du 
cordon d’un côté ; et chaque fois j'ai constaté l'absence des sper- 
matozoïdes, de ce côte. Il en est de même des varicocèles volu- 
mineux qui ont plusieurs fois coïncidé avec cette absence. 

M. Duplay a décrit avec beaucoup de soin les changements 
quil a trouvés dans les canaux déférents, chez les vieillards, etil a 
constate que ces changements sont rares et que ces canaux sont, 
en general, à l’état normal, à conduit libre et ne different en rien 
de ce qu'ils sont chez l’adulte. Mes observations confirment cette 
remarque; Car j'ai peu trouvé d’altération des canaux déférentis. 


16S A. DIEU, — RECHERCHES 

Cependant, je ne puis me prononcer sur la fréquence de 
l’oblitéralion de ces canaux, car je n’ai pas fait d'injection pour la 
chercher. 

Deux fois, j'ai trouvé ces canaux complétement oblitérés. Dans 
un de ces cas, la substance contenue dans le canal a été examinée 
avec M. Cornil, et voici le résultat de cet examen. 

Au niveau de la réunion du canal déférent avec la vésicule 
séminale du côté droit, ce canal était complétement oblitéré par 
une substance brune, amorphe, transparente, ayant la consis- 
tance de la gomme du prunier ; la cassure en était très-nette, et 
l’on y remarquait des espèces de corspuscules entourés de cercles 
concentriques que l’iode colorait en rouge violet. 

Dans ces deux cas, je n’ai pas rencontré de spermatozoïdes dans 
le liquide contenu dans les vésicules séminales du côté de l’oblité- 
ration. 

En général, lorsque les vésicules séminales présentent une con- 
formation analogue à celles que l’on rencontre dans la période 
moyenne de la vie; quand elles sont bien gonflées, bien disten- 
dues, et que la surface extérieure présente des saillies et des bos- 
selures, elles renferment un sperme riche en spermatozoïdes. 

Mais lorsque les vésicules sont affaissées, aplalies, diminuees 
dans leurs dimensions, indurées avec hypertrophie des parois, 
présentent dans leur intérieur une oblitération ou mieux une dimi- 
nution de capacité, des lacunes, etc., etc.; loutes les fois enfin 
que ces organes s’éloignent de la normale, on y trouve. presque 
certainement un liquide renfermant peu ou pas de spermatozoïdes. 

Tels sont les faits que j'ai constatés; s’ils sont insuflisants pour 
affirmer que telle ou telle lésion est nécessairement incompatible 
avec la génération des spermatozoïdes, que telle ou telle autre 
n’a aucune influence sur cette géncration, s'ils appellent le con- 
trôle de l'expérience, il ne m'en paraissent pas moins de nature 
à fixer l'attention, M. Duplay par ses remarquables travaux sur le 
sperme des vieillards et sur les altérations que la vieillesse imprime 
à l'appareil sécréteur et à l’appareil excréteur de ce liquide, a 
ouvert un vaste champ à l'observation ; il a laissé une lacune (la 
relation qui existe entre ces altérations et la génération des 


SUR LE SPERME DES VIEILLARDS. A6G9 


spermatozoïdes) : que chacun apporte des matériaux pour la 
combler ! 


$ 7. — Applications de ces données à la médecine légale. 


En France, où le divorce n'est pas permis, où la recherche de 
la paternité est interdite, où le fameux adage : Pater est quem 
nuphiæ demonstrant est absolu ; car l’article 313 établit que le 
mari ne peut désavouer l'enfant en alléguant son impuissance na- 
turelle; où ce désaveu n’est admis qu’à la condition, pour le mari, 
de faire la preuve qu’il a été dans l'impossibilité physique de co- 
habiter avec sa femme pendant le temps qui a couru depuis le trois 
centième jusqu’au cent quatre-vingtièmne jour avant la naissance; 
en France, où la demande de séparation de corps est si rarement 
fondée sur une cause d’impuissance et où cette cause doit être 
très-nettement établie; en France enfin, où le mariage n’a pas 
seulement pour but la procréation des enfants, mais encore celui 
de s’aider par des secours mutuels à supporter le poids de la vie 
et à partager une vie commune, et où l’on ne peut, par consé- 
quent, interdire le mariage entre vieillards, ces recherches envi- 
sagées au point de vue de cette branche restreinte de la médecine 
légale, en matière civile, ne trouveront pas de fréquentes appli- 
cations. 

Mais en matière criminelle, il n’en est plus de même. En effet, 
il reste bien établi maintenant, par les recherches de M. Duplay 
et par les miennes, que la sécrétion spermatique continue à se 
produire, même dans un âge avancé, et que la génération des 
spermatozoïdes, cause de la puissance fécondante du sperme, 
n'est qu’enrayée par la vieillesse. Donc, le médecin expert, en 
matière d’attentats à la pudeur, d’outrages à la morale publique 
el de viol, ne devra pas être arrété dans ses investigations par 
des circonstances d'âge et de maladies ; il devra chercher à con- 
Stater la présence des zoospermes, toutes les fois que la question 
d'impuberté n’interviendra pas. 

Chez nos voisins d'Outre-Rhin, les données qui résultent de 
ces recherches pourront trouver de nombreuses applications. Là, 
en eflet, la législation autorise le divorce : pour des manœuvres 


h70 ‘ À. DIEU. — RECHERCHES 


employées par l’un des époux, avant ou après l’acte du coït, ca- 
pables d'empécher d'atteindre le but légal du mariage, soit la 
procréation des enfants ; pour une impuissance complète et incu- 
rable à l’accomplissement du devoir conjugal, et même pour des 
infirmités corporelles qui inspirent du dégoût et de la répugnance. 
Là, la recherche de la paternité est permise, et la législation 
autorise des époux à adopter des enfants étrangers, si d’un lien 
matrimonial on ne peut s'attendre à la production d'enfants légi- 
times. 

Il est de toute évidence que dans les procès de divorce, dans 
ces pays, l'aptitude au coït et l'aptitude à la fécondation qu'il ne 
faut pas confondre, doivent souvent donner lieu, en matière 
civile, à desrecherches médico-légales, puisque l'impossibilité de 
la reproduction peut être invoquée comme cause de divorce. 

Dans l’état actuel de la physiologie, linaptitude au coït, par 
défaut d’érection, ne peut plus être invoquée comme cause d’im- 
puissance, car il suffit, pour qu’il y ait fécondation que les sper- 
matozoaires pénètrent dans les organes génitaux de la femme. 
Il est certain, en effet, que si le coït est le moyen le plus naturel 
d'opérer la fécondation, il ne peut plus être considéré, depuis que 
le voile de la génération a été soulevé, que comme une fonction 
mécanique de moindre importance, comme le dit M. Leuckart. Les 
expériences de fécondation artificielle faites sur les animaux, dit 
M. G. Valentin, qui a produit tant de travaux estimés sur ces 
questions, apprennent que le coït n'est pas une opération indis- 
pensable pour la fécondation. C’est le moyen le plus commode 
que nous offre la nature pour mettre en contact les deux prin- 
cipes du germe chez beaucoup d'êtres... Mais l'érection du pénis 
ne forme pas une condition absolument nécessaire à l’éjaculation 
et à la fécondation, elle favorise seulement le rapprochement des 
organes (1). 

Ainsi, dans les cas d'aptitude douteuse à la reproduction, sur- 
tout dans les cas de recherche de la paternité, les experts n’ou- 
blieront pas que si l’inaptitude au coït par suite de configuration 


(4) Cité par J. L. Casper, Traité de médecine légale, t. 1, p. 51. 


SUR LE SPERME DES VIEILLARDS: h71 


anormale des organes génitaux peut être invoquée comme cause 
d’impossibilité de reproduction , et que si, dans ces cas, l'inap- 
titude à la fécondation en découle nécessairement, la réciproque 
n’est pas absolument vraie. Il peut, en effet, existér des circons- 
lances qui s’opposent à la fécondité du coït, telles que l'absence 
des testicules, lorsqu'elle date de plusieurs mois, et que les vési- 
cules séminales ont eu le temps de se vider. Mais ce serait trop 
m’éloigner de mon sujet que d’entrer à cet égard dans de plus 
longs détails, j’ai hâte d’en finir par quelques considérations rela- 
tives à l’âge auquel l’homme devient inapte à la fécondation. 

On admet généralement que l'aptitude au coït commence 
plus tôt et finit plus tard que l'aptitude à la fécondation. Gette 
assertion ne me semble plus être l'expression de la vérité, et je 
crois que la faculté de féconder persiste longtemps encore après 
que l’inaptitude au coït a commencé. Sans vouloir fixer de limite 
à cette inaptitude qui doit singulièrement varier suivant les 
idiosyncrasies, les habitudes d’une vie luxuriante, les excitations 
de toute nature, l’état de santé, etc., le médecin légiste devra se 
rappeler que la possibilité de féconder peut persister jusqu’à l’âge 
de quatre-vingt-six ans et exister encore alors que toutes les 
apparences d'une paternité contestée ont disparu, surtout si le 
vieillard jouit d’une bonne santé, et s’il n'offre pas les indices 
d'une décrépitude complète, 


ACTION RÉFLEXE 


D'UN DES NERFS SENSIBLES DU CŒUR 
SUR LES NERFS VASO-MOTEURS 


Par le D'E. CYON 


(De Saint-Pétersbourg) 


Et le professeur C. LUDWIG 


(Travail communiqué à l’Académie dessciences de Saxe, le 2 octobre 1866.) 


PLANCHE XVII 


L’excitation des nerfs qui partent du cerveau et de la moelle 
pour se rendre au cœur, celle du pneumogastrique excepté, 
n'avait pas conduit jusqu'alors à des résultats bien positifs. 
Une question surtout était restée sans solution, à savoir si l’exci- 
tation des nerfs cräniens et rachidiens avait quelque influence 
sur Je nombre et l'étendue des battements du cœur. Il semble 
d'autant plus étonnant que les résultats soient restés incertains, 
que les nerfs dont il s'agit ici ont un volume relativement trop 
considérable pour que leur action ait pu échapper aux observa- 
teurs. On pouvait donc se demander si les observations n'avaient 
pas été dirigées dans une fausse voie. Peut-être les nerfs du 
cœur agissaient-ils sur le cerveau, tandis qu’on avait cherché 
jusqu'alors une action centrifuge se dirigeant des centres ner- 
veux vers le cœur ? Partant de cette supposition, nous avons eu 
l'idée d’exciter les troncs centraux des nerfs du cœur qui avaient 
été coupés, et d'observer les suites de cette opération sur les 
battements du cœur et sur la pression sanguine. Comme point de 
départ de nos expériences, nous avons choisi le rameau qui se 
détache du nerf pneumogastrique à la partie supérieure du cou 
et qui, après avoir marché isolément pendant un assez long 
trajet, vient se jeter dans le ganglion étoilé. Notre supposi- 
ion fut aussitôt confirmée, car nous trouvâmes que l’excita- 
tion de ce nerf peut, par voie réflexe, abaisser d’une manière 


D'UN DES NERFS SENSIBLES DU COEUR. h73 


notable la pression sanguine. C’est à cause de cette propriété 
que nous proposons de le désigner à l'avenir sous le nom de nerf 
dépresseur. 

Bien que le nerf dépresseur soit facile à trouver sur le lapin, 
nous allons cependant, pour éviter toute confusion, donner la 
description anatomique de sa naissance et de son parcours, et 
pour plus de clarté, nous ajouterons une planche explicative. 
Dans la figure [, an voit que le nerf dépresseur a deux racines, 
dont l’une naît du tronc du pneumogastrique lui-même et l’autre 
d’une des branches de ce nerf, à savoir du nerf laryngé supérieur. 
Une fois indépendant, le nerf dépresseur se rend vers l'artère 
carolide et vient se placer dans un rapport intime avec le nerf 
grand sympathique, à côté duquel il chemine jusque dans les 
environs de l’orifice supérieur de la cage thoracique, bien qu’il en 
soit constamment séparé. Sur plus de quarante lapins nous n'avons 
trouvé qu’une seule exception à la marche que nous venons de 
décrire. Dans cette variété anatomique, le nerf dépresseur venait 
se rendre de nouveau près du nerf pneumogastrique à la partie 
moyenne du cou et se placer dans la gaîné de ce nerf. Au point 
où se produisait cette union, le nerf pneumogastrique formait un 
petit plexus, dont le nerf dépresseur s’isolait de nouveau pour 
continuer son cours habituel. La description que nous venons de 
donner servira à faire éviter la confusion du nerf dépresseur avec 
le rameau descendant de l’hypoglosse. Dans la figure I, où les 
différents nerfs sont indiqués par leur nom, on n’a pas reproduit 
d’une manière fidèle la superposition des troncs nerveux, afin de 
mieux faire voir leur origine. Une seule préparation faite sur le 
cadavre d’un japin permettra à tout observateur de se faire une 
idée bien nette des rapports anatomiques que nous avons décrits. 

En passant dans la cavité thoracique, le nerf dépresseur suit 
une marche bien plus compliquée, car il se met en rapport avec 
les différentes branches nerveuses qui partent du ganglion étoilé, 
Les rapports anatomiques de cette partie sont représentés dans 
la figure IT qui est tirée d’une publication plus ancienne (1), 


(1) Ludwig und Thiry, Wiener Likzungsberichte. 1864, Band IXL. 


h7k E. CYON ET C. LUDWIG. — ACTION RÉFLEXE 
Le dessin reproduit exactement tous les détails que la dissection 
anatomique permet de reconnaître. Nous n’avons qu’à ajouter. 
que les troncs nerveux formés par les branches du ganglion étoilé. 
et du nerf dépresseur se terminent entre l’origine de l’aorte et de 
l’artère pulmonaire en petites branches que l'œil nu ne peut plus. 
suivre au milieu du tissu cellulaire assez dense de cette région. 
Nous remettons à plus tard l'examen microscopique détaillé.de 
la terminaison de ces nerfs. 
Toutes les expériences que nous allons décrire ont été faites 
sur des lapins. Elles ont pour but de mesurer la pression 
moyenne du sang dans une artère de gros calibre, ainsi que le 
nombre des battements du cœur dans l’unité de temps. Pour 
compter le pouls, nous nous sommes servi du manomètre à res- 
sort d’Ad. Fick. Mais généralement, nous avons mesuré la pres- 
sion à l’aide du manomètre à mercure. Notre manomètre accom- 
plissait une ondulation entière en 84 secondes, quand il était 
rempli d’une quantité de mercure équivalente à celle dont nous 
nous sommes servi dans toutes nos expériences ; il était muni en 
outre d’un flotteur et d’une plume en verre, chargée d’encre, qui 
écrivait sur du papier lisse. Comme on sait, le pouls des lapins 
ne descend jamais au-dessous de 150 par minute, de sorte que la 
courbe donnée par le pouls présente au moins deux fois autant 
de changements de direction dans l'unité de temps que la courbe 
produite par les ondulations propres du manomètre. Nous croyons 
done, et avec raison, pouvoir placer toute notre confiance dans 
les chiffres fournis par le manomètre. En jetant un coup d'œil sur 
les courbes du pouls que nous avons obtenues,onverra que la con- 
fiance que nous avions placée dans le manomètre est bien justifiée, 
même dans les cas où il y a moins de cent cinquante pulsations 
à la minute. Dans ce cas, on n'observe pas après la diastole une 
ondulation du mercure pendant l’arrêt des battements. Done, les 
résistances que le contenu des vaisseaux oppose au contenu du 
manomètre suffisent pour détruire les ondulations propres du 
mercure, 

Les résultats numériques de nos expériences ont été placés à 
la fin de ce travail afin d'éviter l'interruption dans le cours de 


D'UN DES NERFS SENSIBLES DU COEUR. h75 


notre démonstration. Nous renverrons à ces chiffres dans le cou- 
rant du travail. 

Avant tout, il fallait établir que l'excitation tétanique du bout 
périphérique du nerf dépresseur sectionné restait sans effet visible 
avec les moyens d'observation que nous avons employés. Chaque 
fois que nous avons produit cette excitation, elle n’a apporté de 
changement ni dans le nombre des pulsations ni dans la pression 
sanguine. 

Comme exemple, prenons l'expérience [. 

Au moment où les secousses électriques traversaient le bout 
central du nerf sectionné et parfaitement bien isolé, la pression 
du sang diminua petit à petit. 

La pression du sang s'étant abaïissée à la moitié du tiers de la 
hauteur qu’elle avait avant l'excitation galvanique, s’est main- 
tenue dans cet état pendant tout le temps où le courant passait ; 
mais dés que le courant était interrompu, la pression sanguine 
remontait peu à peu et atteignait le degré qu'elle avait eu avant 
l'expérience. Les changements survenus dans la pression san- 
guine ne se localisaient pas dans le sang contenu dans la caro- 
tide; car un manomètre placé dans l’artère crurale indiquait des 
phénomènes tout à fait identiques. On peut suivre à l’œil nu, sur 
une aorte dénudée, les résultats produits par lirritation du nerf 
dépresseur ; l’abaissement du degré de pression est en effet si 
considérable, qu'il entraîne une diminution notable du calibre de 
l’artère. Les mêmes phénomènes se reproduisent dans tous les 
gros troncs artériels (voyez les expériences [, IT, IT). 

Le temps compris entre l'instant où la pression arrive de son 
degré normal à sa valeur la plus faible n’est point le même chez 
tous les animaux. Cependant nous n'avons jamais vu la pression 
descendre à son degré minimum avant quinze battements du 
cœur. | 

La valeur absolue suivant laquelle variait la pression moyenne 
était également soumise à des différences assez considérables. 
Elle descendait de 50 à 70 millimètres de mercure, lorsque Pon 
irritait violemment le nerf soigneusement préparé. Si nous exa- 
minons les rapports en exprimant la pression mesurée avant 


h76 E. CYON ET C. LUDWIG, — ACTION RÉFLEXE 


l'irritation par 1,00, nous trouvons que le minimum oscille géné- 
ralement entre 0,45 et 0,70. Par exception, nous avons vu ce 
chiffre baisser plus fortement encore comme dans l'expérience 
XI 4., où la pression était tombée à 0,27 pendant l'irritation. 

La diminution de la pression est accompagnée d’un ralentis- 
sement du pouls dans les cas où l’on n’a coupé que le nerf dépres- 
seur. Le nerf irrité est isolé d’une manière si complète, que l'on 
ne pouvait craindre le passage du courant excitateur dans le tronc 
du nerf pneumogastrique. Les changements dans le nombre des 
pulsations persistent lors même qu’on à excité le pneumogas- 
trique du côté où a lieu l'irritation, du point où le nerf laryngé 
supérieur prend naissance jusqu’à celui où le nerf pneumogas- 
trique pénètre dans la cavité thoracique (voyez, observ. IV, V. 
Résultats obtenus à l’aide du manomètre de A. Fick). 

D'après ce qui précède, il est évident que les changements sur- 
venus dans le nombre des pulsations sont dus à l’excilation du 
nerf dépresseur. Si l’on étudie attentivement la marche suivie par 
les pulsations cardiaques durant l'excitation, on observe toujours 
que le ralentissement. le plus considérable a lieu au commence- 
ment de l'expérience, c’est-à-dire au moment où la pression 
sanguine descend de son degré normal à sa valeur la moins consi- 
dérable. Lorsque la pression s’est complétement abaissée, le 
pouls s'accélère de nouveau et va même jusqu’à atteindre presque 
complétement les chiffres qu'il présentait avant l’oscillation 
(voyez entre autres observ. V, a). Lorsque l’irritation cesse après 
an Lemps plus ou moins long, le cœur bat généralement plus vite 
qu'avant l'irritation et cela pendant tout le temps que la pression 
met à revenir à son degré normal. Cette observation réfute à elle 
seule l’idée d’après laquelle l’abaissement de la pression dépen- 
drait du ralentissement des pulsations. Si le ralentissement du 
pouls produisait l’abaissement de la pression, celle-ci aurait dû 
s'élever en même temps que les pulsations du cœur s’accélé- 
raient. 

La manière dont les battements du pouls se ralentissent fait 
supposer que l'on à affaire à uneirritation réflexe du nerf pneu- 
mogastrique. 


D'UN DES NERFS SENSIBLES DU COEUR. h77 

Il était facile de vérifier cette dernière opinion, et nous avons 
pu la confirmer en coupant d’abord les nerfs pneumogastriques 
de chaque côté et en irritant ensuite l'extrémité centrale du nerf 
dépresseur. Dans ce cas, la pression descendait à 0,62, 0,55, etc., 
tandis que le nombre des pulsations restait invariable ou bien 
oscillant très-peu au-dessus ou au-dessous du chiffre observé 
avant l’irritation (VI. Manomètre à ressort, VIII, a). 

Les changements qui surviennent dans le nombre des pulsa- 
tions avant ou après la section des pneumogastriques s'explique 
facilement. Nous examinerons d’abord le cas dans lequel on excite 
le nerf dépresseur, sans toucher aux nerfs pneumogastriques. 
Le nombre des pulsations baisse aussi longtemps que la pression 
n'a pas diminué de beaucoup, mais ce nombre augmente malgré 
l'excitation continue du nerf, lorsque la pression est très-basse. 
À l'état normal, c’est la pression cérébrale qui provoque l’exci- 
tation tonique des nerfs pneumogastriques. Lorsque à cette 
excilation, on en ajoute une seconde, en faisant passer un courant 
à travers le nerf dépresseur, le nombre des pulsations cardiaques 
diminuera naturellement bien plus encore. Mais l’excitation en- 
traîne aussitôt à sa suite la diminution de la pression sanguine. 
L’une des deux excitations, concentrées dans l’extrémité centrale 
du nerf pneumogastrique se trouvant ainsi détruite, il peut se 
faire que, malgré lexcitation constante du nerf dépresseur, le 
nombre des pulsations devienne aussi considérable qu'il l'était 
avant l'excitation. Mais lorsque après la section des nerfs pneu- 
mogastriques les battements du cœur se ralentissent par suite de 
la diminution de pression qui a suivi l'excitation du nerf dépres- 
seur et au contraire s’accélérent quand la pression augmente 
après que l'excitation a cessé, on peut regarder ces phénomènes : 
comme le résultat d’une excitation exercée directement par le 
sang sur la surface du cœur. Par le fait, on ne comprend pas 
pourquoi la pression transmise par le sang sur la surface interne 
du cœur doive avoir des résultats opposés à ceux qui ont été 
produits par toute autre pression. Cette manière de voir, qui 
semble la plus naturelle, est, il est vrai, en opposition avec celle 
de Marey, qui était adoptée par beaucoup d'auteurs. D'après cet 


hA78 E. CYON ET C. LUDWIG. — ACTION RÉFLEXE 


observateur, le cœur devrait battre d'autant plus souvent que les 
résistances qui s'opposent à la sortie du sang qu'il contient sont 
plus faibles. Les preuves que M. Marey donne ne sont pas suffi- 
santes, Car en apportant des changements dans les résistances du 
courant circulatoire, il a laissé croître en proportion égale la 
pression intracränienne. Ainsi, par exemple, il n'avait point 
coupé les nerfs pneumogastriques; des excitations violentes 
parties du cerveau pouvaient done l'emporter sur les excitations 
plus faibles qui attaquent directement la surface du cœur. Des 
expériences faites par MM. Ludwig et Thiry ont démontré que 
l'augmentation des résistances cireulatoires provoque, dans 
presque tous les cas, où l’on a sectionné les pneumogastriques, 
une accélération des battements. Dans les expériences analogues 
qui ont été faites par l’un de nous avec le docteur M. Gyon, les 
résultats obtenus par les auteurs que nous venons de citer ont été 
pleinement confirmés. Mais ces expériences ont également prouvé 
que le ralentissement des pulsations du cœur qui suit dans les 
cas les plus rares l’augmentation de la pression du sang, ne 
dépend pas uniquement d’une excitation centrale des pneumo- 
gastriques. 

Nous venons de donner une explication simple et salisfaisante 
des changements que l'excitation du nerf dépresseur apporte dans 
le nombre des battements. 

Nous avons également prouvé que les changements de pression 
étaient indépendants du nombre plus ou moins grand des pulsa- 
ons. Îl nous reste à chercher le mécanisme qui produit l’abais- 
sement de la tension artérielle. Notre premier moyen d’investi- 
gation à été de rechercher la cause par voie d'exclusion. Nous 
avons démontré tout d'abord que, ni les mouvements de la cage 
thoracique ni ceux d'aucune autre partie du squelette, ne peuvent 
être invoqués 1ci;, car nous avons obtenu les mêmes phénomènes 
après avoir ouvert le thorax, en enlevant le sternum, ou après 
avoir complétement narcotisé l'animal à l’aide du curare. Il va de 
soi que dans les expériences que nous venons d'invoquer, 
nous nous sommes toujours servi de la respiration artificielle 


(V et IX). 


D'UN DES NERS SENSIBLES DU COEUR. A79 
L'empoisonnement par le curare met hors de service tous les 
organes moteurs, à l'exception du cœur et des muscles des vais- 
seaux. Or, comme l’excitation du nerf dépresseur avait lieu par 
voie réflexe, on ne pouvait s'expliquer l’abaissement de la pres- 
sion que par une diminution réflexe de la tonicité du cœur et des 
muscles des vaisseaux. | 

Pour savoir si une diminution de l'impulsion cardiaque ou des 
résistances dans les pelites artères se trouvaient en jeu, nous avons 
interrompu tous les rapports qui unissent le cœur au cerveau et 
à la moelle. 

A cette fin, les deux pneumogastriques furent sectionnés ; les 
ganglions étoilés préparés avec grand soin, ainsi que la partie 
thoracique du grand sympathique furent écartés jusqu'à la 
deuxième côte. 

L’autopsie, faite avec beaucoup de précaution après la mort, 
démontre que deux fois sur trois nous avions complétement 
atteint notre but. Toutes les branches qui partent des ganglions 
étoiles pour se diriger vers le cœur avaient été enlevées, ainsi que 
ces ganglions eux-mêmes. En électrisant l'extrémité centrale du 
nerf dépresseur sur des animaux ainsi préparés, la pression dans 
la carotide s’abaissait au chiffre, de 0,45, 0,32, 0,46, 0,70, 0,42; 
en un mot, l’action produite par l'excitation du nerf dépresseur 
s'était maintenue intacte, bien qu’on eût détruit toutes les voies 
par lesquelles l’action réflexe pouvait parvenir du cerveau au 
cœur (X, XI, XID). 

Ce ne sont point les résuliats décisifs fournis par ces expe- 
riences qui nous ont déterminé à en limiter le nombre. Un autre 
phénomène encore nous montre d’une manière très-netie, que 
l'excitation du nerf dépresseur est sans action aucune sur l’inté- 
grité des pulsations cardiaques. En effet, la pression sanguine 
qui, au moment de l'excitation se trouvait à un degré très-bas, 
peut être relevée rapidement, même jusqu’à sa valeur normale, en 
accélérant l'apport du sang vers le cœur. C’est ainsi qu'il suffit, 
par exemple, de frotter vigoureusement l'abdomen avec la main, en 
allant du bassin vers le foie, pour faire monter aussitôt, quoique 
d'une manière passagère, le niveau du mercure qui avait baissé 


h80 E. CYON ET C. LUDWIG. — ACTION RÉFLEXE 


par l'excitation du nerf dépresseur (IE, XE, 6). D’autre part, on 
voit constamment la pression sanguine s’élever pendant l'irrita- 
tion du nerf dépresseur lorsque les animaux soumis à l’empoi- 
sonnement par le curare sont pris de convulsions au début de 
lexpérience (V, 6). Cette observation prouve que le cœur tra- 
vaille avec une force qui ne s’affaiblit point, et que ce n'est ni 
dans le nombre ni dans l'intensité de ses impulsions qu'il faut 
chercher la cause de la diminution de la pression du sang. 

Il ne restait plus qu’à faire dériver l’abaissement de la pres- 
sion d’une diminution dans les résistances. 

Afin d'appuyer cette manière de voir sur des preuves positives, 
nous fimes quelques expériences sur les nerfs splanchniques et sur 
les vaisseaux auxquels ils envoient des ramuscules. Ce choix sera 
compris facilement, car on se rappelle que nous avons démontré 
quelle grande influence la paralysie ou l’irrilation des nerfs vaso- 
moteurs de l'abdomen exerce sur la pression sanguine de l'aorte. 
Mais comme :l s'agissait 1c1 de déterminer d’une manière plus 
exacte le rôle du nerf splanchnique comme nerf vasomoteur, nous 
avons fait sur lui quelques expériences. On sait qu’en ouvrant la 
cavité ahdominele on altère déja d’une manière notable l’état des 
vaisseaux abdominaux ; il fallait donc tout d’abord porter notre 
attention sur ces altérations. 

Aussitôt que la cavité abdominale d’un animal parfaitement 
sain se trouve ouverte par une incision étendue de la ligne blan- 
che, la pression sanguine de l’artère carotide s'élève d’une ma- 
. nière notable et en même temps ses pulsations se ralentissent 

- (XIE, XIV). 

Cependant cette élévation de la pression du sang est passagère; 
elle s'abaisse peu à peu lorsque la cavité abdominale reste ou- 
verte et attemt souvent un degré au-dessous de la normale (XVI). 
Cet abaissement de pression se trouve notablement accéléré 
quand, après avoir ouvert l'abdomen, on ccupe l’un des deux 
nerfs splanchniques. Après cette opération, la pression s’abaisse 
_de 30 à 50 millimètres au-dessous de la normale. Lorsqu'on coupe 
le second nerf splanchnique, la pression s’abaisse encore davan- 
tage, mais dans une mesure plus faible qu'après la section du 


D'UN DES’ NERFS SENSIBLES DU COEUR, h81 


premier nerf; en effet, l’abaissement n’est plus que de 8 à 
10 millimètres. Si l’abaissement de la pression ainsi obtenue, on 
faradise l'extrémité périphérique du nerf sectionné, la pression 
s'élève rapidement et atteint un degré qu'elle n'avait point avant 
la section du nerf. Cependant ce phénomène ne se produit que 
lorsqu'on irrite le bout périphérique du nerf sectionné ; en effet, 
l'excitation du bout central n’a aucune influence sur la pression 
du sang. Ces faits prouvent que les nerfs splanchniques contien- 
nent les fibres qui se rendent aux vaisseaux dont l'importance est 
grande par rapport à la pression sanguine; ils montrent en outre 
que l'excitation des nerfs splanchniques a des résultats tout à fait 
analogues à ceux que produit la compression de l'aorte au-dessous 
du diaphragme. En un mot, ces expériences démontrent que les 
nerfs splanchniques constituent les vasomoteurs les plus impor- 
tants de tout l'organisme. 

Ceci posé, nous avons excité le nerf dépresseur chez des ani- 
maux dont nous avons coupé les nerfs splanchniques, ou dont 
nous avons comprimé l'aorte au-dessous du diaphragme. La 
pensée qui nous avait guidé dans ces expériences était simple. 
Nous pensions que l'excitation du nerf dépresseur ne devait pas 
avoir de suites, ou bien des suites très-faibles si son action con- 
siste réellement à abaisser par voie réflexe la tonicité des parois 
artérielles et surtout celle des artères viscérales. Dans le premier 
cas (section des nerfs splanchniques), les résultats étaient à peu 
près ceux que nous avions déjà obtenus en irritant le nerf de- 
presseur. Dans le second cas (compression de l'aorte), l'excitation 
du nerf dépresseur ne pouvait étendre son action jusque sur les 
vaisseaux abdominaux. 

Dans les deux cas, les expériences ont confirmé nos prévisions. 
L'irritation du nerf dépresseur après la section d’un nerf splan- 
chnique produit encore un abaissement de la pression sanguine, 
mais la valeur absolue de cet abaissement est beaucoup plus 
petite qu’elle n’était pendant l’irritation de ce nerf avant la sec- 
ton du nerf splanchnique. L’abaissement est de À à 12 millimé- 
tres de mercure environ. 

Bien que la valeur absolue de la diminution de pression soit 

JOURN, DE L'ANAT: ET DE LA PHYSIOLe==— Te IV (1867), 31 


82 E. CYON ET C. LUDWIG. — ACTION RÉFLEXE 


sans importance, elle a cependant une valeur relative qui doit 
être prise en considération. Soit 1,00 la pression, après la section 
des nerfs splanchniques et avant l’excitation du nerf dépresseur. 
La pression sera égale à 0,70, 0,65 pendant l'excitation du nerf 
dépresseur (XV). [l suit de là que l’irritation du nerf dépresseur 
a plus. d'importance que la section d’un nerf splanchnique. Mais 
l'irritation agil encore même après la section des deux nerfs 
splanchuiques, car elle est encore accompagnée dans ce cas d’un 
abaissement de la pression sanguine. Néanmoins la valeur pro- 
portionnelle el absolue de cet abaissement est beaucoup moindre 
qu'elle ne l'était pendant lirritation, après la section d’un seul 
nerf splanchnique (XV, 6). 

Toujours est il que ce phénomène montre que l’action réflexe 
du nerf dépresseur s'étend au dela des nerfs vasomoteurs de 
l'abdomen. 

La compression de l'aorte conduit à un résultat analogue. En 
effet, après la compression de cette artère, l’irritation du nerf 
dépresseur agit encore faiblement sur l’abaissement de la pression 
sanguine. Dans un cas où l'aorte était comprimée, l’irritation du 
nerf dépresseur fut sans résultat aucun (XVIIT). En admettant 
que nous n’attachions aucune importance à ce fait isolé, il résul- 
(erait cependant des autres observations que le nerf dépresseur se 
trouve surtout lié d’une manière intime aux nerfs splanchniques. 

La compression de laorte est suivie d’une pression si intense, 
que si l’irritation du nerf dépresseur doit paralyser d’une manière 
notable les artères restées libres, le courant dans ces artères doit 
_être très-considérable, D’après cela, Pirritation du nerf dépres- 
seur devrait être suivie d’un abaissement absolu de pression plus 
notable. Mais ceci n'a pas lieu comme nous avons pu nous en 
convaincre. 

L'observation des organes abdominaux devait nous donner la 
preuve évidente de la supposition que nous avions faite à propos 
de l’action du nerf dépresseur. Si la résistance diminue d’une 
manière plus notable dans les petites artères des organes abdomi- 
naux que dans les vaisseaux afférents des autres organes, il fallait 
s'attendre à trouver danses capillaires et dans les veines desorganes 


D'UN DES NERFS SENSIBLES DU COEUR. 183 
‘abdominaux uue augmentation du contenu sanguin. Quant à savoir 
si la quantité du sang accumulé serait assez considérable pour être 
appréciée à l'œil ou, on ne pouvait le déterminer, attendu que la 
quantité du-sang entraînée par Îles vaisseaux afférents doit aug- 
menter avec l'apport plus considérable de ce liquide. Nous re dou- 
tons pas cependant que dans les cas favorables, on ne puisse 
percevoir de la rougeur sur la surface des muqueuses stoma- 
cales et intestinales, rougeur qui est la suite de l'irritation du 
nerf dépresseur. Afin d'éviter les objections que l’on aurait pu 
faire avec plus ou moins de justesse aux expériences pratiquées 
sur des organes dilacérés, nous avons fait nos observations sur le 
rein. 

La rougeur apparaît d'une manière trés-nette sur cet organe 
à la suite de lirritation du nerf dépresseur, et elle disparaît 
lorsque l'excitation de ce nerf a cessé. Cependant le rein n’est pas 
toujours propre à servir dans cette expérience si nelte. On sait 
en effet que la tension dans les petites artères des reins est sou- 
mise à des changements inconnus et divers, de sorte que les reins 
mis à nus présentent tantôt une teinte rouge sombre, tantôt une 
teinte rouge clair. Si l’on a devant les yeux cette dernière colo- 
ralion, l'irritation du nerf dépresseur devra produire un change- 
ment de couleur ; c’est ce que nous avons vu se reproduire à diffé- 
rentes fois. 

En nous basant sur les faits que nous venons de décrire, nous 
croyons pouvoir déclarer que le nerf dépresseur peut, par voie 
réflexe, abaisser la tonicité des nerfs vasomoteurs. Nos expé- 
riences présentent l'exemple le plus frappant de la propriété 
qu'ont certains nerfs sensibles de régulariser par voie réflexe la 
tension des petites artères. En opposition avec les observations 
de Lovèns, nous avons irouvé que l’abaissement de la tension 
des artères, produit par l’irritation du nerf dépresseur, n'est pas 
précédé d'une augmentation de tension. Chez tous les lapins 
soumis à nos expériences, nous avons observé le même résultat, 
Aussi pouvons-nous le regarder comme un des plus constants de 
tous ceux que l’on obtient en irritant des nerfs. Ces résultats sont 
aussi constants que ceux qui ont été obtenus sur le cœur par 


AS/ E. CYON ET C, LUDWIG. — ACTION RÉFLEXE 
l'irritation de la portion cervicale du nerf pneumogastrique et 
sur les vaisseaux des glandes sub-maxillaires par l’irritation de la 
corde du tympan. L'irritation du nerf dépresseur est trés-impor- 
tante dans l'étude de l’action du cœur, et pourra éclaircir beau- 
coup de phénomènes de la circulation sanguine. 

Nous connaissions déjà différents moyens à l’aide desquels les 
parties de l'appareil circulatoire s'accommodent réciproquement, 
Nous avons trouvé dans le nerf dépresseur un nouveau moyen du 
même genre qui est certes un des plus importants; c’est grâce à 
lui que le cœur est capable de régler les résistances qu'il a à 
vaincre par sa contraction dans la circulation. 

Sans trop s'aventurer, on peut affirmer que le cœur, lorsqu'il 
se trouve rempli outre mesure, soit par manque de forces mo- 
trices, soit par un apport trop considérable de sang, est irrité, 
et qu'à l’aide du dépresseur il peut modifier non-seulement le 
nombre de ses battements, mais encore les résistances qui s’op- 
posent à la sorlie du sang qu'il contient. 

Parmi toutes les questions nouvelles que soulève cette maniere 
de voir, nous n'avons pu jusqu'alors en étudier qu’une seule, à 
savoir si les terminaisons cardiaques du nerf dépresseur se trou- 
vent dans un état continuel d’excitation. Afin d’éclaircir cette 
question, nous avons déterminé la pression du sang dans l'artère 
carotide, puis nous avons sectionné les deux nerfs dépresseurs; 
après un certain laps de temps, nous avons de nouveau mesuré la 
pression sanguine. La section de ces nerfs (en excluant l'irrilation 
passagère produite par l'opération) n’a pas fait subir de moditi- 
cation à la valeur de la pression. 

Nous ne terminerons point sans toucher à une question encore 
fort obscure. L'irritation directe du cœur accélère les pulsations, 
tandis que l'irritation du nerf dépresseur, qu'il faut ranger parmi 
les nerfs sensibles et réflexes, produit chez l'animal, dont les 
pneumogastriques sont inlacts, une diminution dans le nombre 
des pulsations. Comment expliquer cette contradiction apparente? 
L'expérience répondra d’une manière satisfaisante, quand on aura 
déterminé anatomiquement ou physiologiquement la position ler- 
minale des nerfs dépresseurs dans le cœur. 


TERMINAISON PÉRIPHÉRIQUE DES NERFS MOTEURS, 185 


(Nous n’avons pas cru devoir reproduire à la fin de ce travail 
les tableaux où se trouvent: consignés les résullats numériques 
des dix-neuf expériences faites sur des animaux. On pourra les 


consulter dansles Comptes rendus de l'Académie des sciences de 
Saxe, 1867. 


MÉMOIRE 


SUR 


LA TERMINAISON PÉRIPHÉRIQUE DES NERFS MOTEURS 
DANS LA SÉRIE ANIMALE (1) 


Par M. S. TRINCHESE 


Professeur à l'Université de Gênes. 


PLANCHES XVIII, XIX, XX et XXI 


S 1.— Remarques historiques, 


En 1836, Valentin et Emmert crurent avoir trouvé la fameuse terminaison 
en anse des nerfs moteurs, et cetle prétendue découverte, annoncée avec 
beaucoup d'éclat, fut favorablement accueillie par le plus grand nombre des 
anatomistes. En effet, ce mode de terminaison était très-commode pour expli- 
quer la circulation de ce fluide nerveux hypothétique qui était fort goûté par 
les physiologistes du temps. Mais malgré les sympathies qu'elles inspiraient, 
les anses terminales devinrent bientôt un embarras sérieux pour la physio- 
logie expérimentale. 

De nouvelles expériences sur les propriétés physiologiques du nerf et du 
muscle nous laissaient déjà entrevoir que les rapports qui existent entre eux 
sont beaucoup plus étroits qu’on ne le pensait d’abord. 

Doyère fut le premier à faire connaître un mode de terminaison qui dé- 
montrait une connexion intime des nerfs avec les muscles, Il annonça dans 
son mémoire sur les Tardigrades publié en 1840 (2), qu’au moment « d’ar- 
» river sur le muscle, le nerf s’épanouit et prend l’aspect d’une matière 
» gluante ou visqueuse qui serait coulée sur le muscle, l’envelopperait dans 


(1) Memoria sulla terminazione periferica dei nervi molori nella seria degli ani- 
mali, per S. Trinchese. Genova, 1866, in-4, con 4 tavole. 


(2) Annales des sciences naturelles, 1840, 2€ série, t. XIV, p. 346, pl, XVII, 
fig. 1-4, 


186 | S. TRINCHESE. — MÉMOIRE 


» certains cas, le plus souvent sur une de ses faces en une couche de plus en 
» plus mince, et dans une portion considérable de sa longueur, et peut-être 
» même dans sa longueur tout entière. Cette substance, » dit l’auteur, « chez 
» un Tardigrade engourdi paraît granulée ou ponctuée comme les ganglions 
» eux-mêmes ; puis, quand l’engourdissement se dissipe, cet aspect va dis- 
» paraissant de plus en plus, jusqu’à ce que la substance ayant repris une 
» homogénéité et une limpidité complètes, les rapports des derniers fila- 
» ments nerveux avec les muscles ne s’y puissent plus apercevoir. » 

Cette observation remarquable fut le point de départ d’une longue suite de 
découvertes très-importantes. Toutefois elle passa d’abord inaperçue et n’at- 
tira que longtemps après l’attention des anatomistes. 

M. de Quatrefages, en 1843, ayant répété les recherches de Doyère sur les 
Tardigrades, confirma les faits annoncés par ce savant et leur donna une 
portée plus générale par de nouvelles observations sur quelques annélides 
microscopiques et sur quelques rolateurs. 

M. de Quatrefages fit aussi des observations analogues sur les mollusques 
et les vertébrés inférieurs. Il trouva, chez l’Eolidina paradoxum, que le nerf 
grossit en approchant de sa terminaison et prend la forme d’un cône dont la 
base se confond avec la fibre musculaire, de sorte que la connexion des deux 
éléments s’établirait par une pénétration peut-être réciproque, par une véritable 
fusion de substance (A). 

On sait que cette prétendue pénétration ou fusion n’est plus admissible au- 
jourd’hui, mais l'accroissement du diamètre de l'élément nerveux vers son 
extrémité périphérique n’est pas moins un fait bien établi dans la science. 

M. de Quatrefages observa un mode identique de terminaison dans les 
nerfs sous-cutanés de l’Amphioxus lanceolatus ; mais l’extrème transparence 
des tissus chez cet animal ne lui laissa point apercevoir si le cône terminal de 
l'élément nerveux s'applique sur une fibre musculaire. Cette circonstance 
amoindrit un peu, au point de vue de notre sujet, l'intérêt de ces belles recher- 
ches (2). l 

Après M. de Quatrefages, Kôlliker remarqua dans une larve de Chiro- 
nomus une terminaison analogue à celle que nous avons décrite. Leydig et 
Meissner donnèrent ensuite une confirmation non moins autorisée aux faits 
que nous venons d'indiquer. 

Rudolphi Wagner (3) fut le premier qui montra que sur les vertébrés les tubes 
ne se terminent pas en anses, mais par des extrémités libres. Il a bien décrit 
et figuré sur les grenouilles le mode de subdivision des plus petits faisceaux 


(1) Annales des sciences naturelles. 1843, 28 série, t. XIX, p. 299 à 300, pl. XI, 
fig. 12. 
(2) Recherches anatomiques et zoologiques faites pendant un voyage sur les côtes 
de la Sicile, par M. Edwards, de Quatrefages et Blanchard. 1849, 2€ partie, p. 32. 
(3) R. Wagner. Neue Untersuchungen über den Bauw und die Endigung der Ner- 
ven. Leipzig, 1847, in-4 ; — et Handwærterbuch der Physiologie. Braunschweig, 
4846, in-4, vol. III, p. 381 et suivantes, fig. dans le texte, et pl. IV, fig. 53. 


SUR LA TERMINAISON PÉRIPHÉRIQUE DES NERFS MOTEURS, hS7 


primitifs des nerfs, encore enveloppés de leur gaîne propre (périnèvre de 
Robin), et leur diminution graduelle de volume par séparation de tubes ner- 
veux l’un après l’autre, allant se terminer isolément sur les faisceaux mus- 
culaires striés. 

Wagner s’exprime ainsi sur ce sujet : « Il est admis assez généralement 
jusqu'ici que toutes les fibres primitives se continueraient les unes dans Îles 
autres dans les organes périphériques, avec les muscles comme dans la peau, 
et même dans les organes des sens. Valentin a donné, à l’appui de cette 
doctrine, des figures tout à fait significatives, et la plupart des physiologistes 
ont adhéré à son opinion. Carus, acceptant les anses centrales et périphé- 
riques d’une seule et même fibre nerveuse primitive, a émis sur ce sujet et 
avec beaucoup de complaisance des hypothèses relatives à ces cercles ner- 
veux. Gerber, Hannover, Krause, Emmert et beaucoup d’autres anatomistes, 
parmi lesquels je me compte, ont également accepté comme loi générale cet 
entrelacement périphérique des nerfs, et j’ai cru pouvoir les montrer avec 
une complète certitude au moins dans l'organe de l’ouie. En effet, j’ai avancé 
qu'on pouvait les voir manifestement dans cet organe chez les poissons et 
les grenouilles, tandis qu’ils me paraissaient moins certains ailleurs et même 
complétement incertains sur la rétine où les observateurs cités plus haut 
voulaient les avoir vus. Dans ce même livre, Valentin a également admis, 
comme fait anatomique, les anses terminales, c’est-à-dire la continuité de 
deux fibres nerveuses primitives à leurs extrémités périphériques, bien qu'il 
reconnût l'opposition de ce fait avec la physique actuelle des nerfs. Volkmann, 
de son côté, a donné aussi dans ce dictionnaire une critique détaillée de la 
doctrine des anses terminales considérées au point de vue physiologique ; c’est 
pourquoi je puis m’abstenir de pénétrer plus avant dans ce sujet. « Dans la 
physique des nerfs, ajoute-t-il, les anses ne sont pas seulement une énigme, 
c’est quelque chose qui est impossible, on pourrait dire absurde, » 

«Dans ces derniers temps se sont multipliées des voix qui ont voulu aussi 
avoir vu anatomiquement les divisions et même les ramifications des fibres 
nerveuses primitives. Je ne tiens pas compte ici de l’observation de Schwann 
sur la division des fibrilles en fibres très-fines dans le mésentère de la gre- 
nouille, puisque ce fait pourrait s’expliquer autrement. Mais J. Müller a vu 
avec Brücke, dans une série d’observations sur les muscles de l’œil du bro- 
chet, des divisions très-souvent réelles de tubes nerveux en deux autres tubes ; 
ils purent même voir parfois des exemples où une seule et même fibre pré- 
sentait deux et même trois divisions successives, de sorte que Müller et Brücke 
ont considéré la division périphérique des nerfs comme caractéristique pour 
les muscles de l’œil. Ces deux observateurs ne sont pas entrés dans plus de 
détails, ils n’ont pas parlé de la terminaison des fibrilles et de leurs derniers 
rapports avec la substance musculaire. Dans l'organe de l’ouïe, Müller con- 
sidère les anses comme non douteuses. » (P. 381, 382.) 

Wagner arrivant à la terminaison même des tubes rampant deux à deux 
ou isolément entre les faisceaux striés des muscles, s’exprime ainsi : 


h88 S, TRINCHESE, — MÉMOIRE 


« Une forte fibre à doubles contours, large de 4 de ligne de diamètre, se 
divise en quelque sorte comme les fibres nerveuses dans l’organe électrique 
en rameaux de diamètres un peu différents. Six de ces rameaux sont détachés 
et se transportent vers des faisceaux musculaires plus éloignés. Quant aux 
deux autres rameaux, on les voit se diviser en fourchette sur deux faisceaux 
musculaires différents, pâlir et disparaître sous l'enveloppe du faisceau strié 
du muscle. » (P. 387). 

Wagner montre que le tronc du tube nerveux qui a donné ces deux bran- 
ches terminales se continue parfois plus loin pour donner encore des 
branches à deux ou plusieurs autres faisceaux. 

« La fibre à doubles contours donne dans deux sens diflérents deux 
fibres tout à fait fines, päles, très-courtes, qui se dirigent aussitôt vers les 
faisceaux musculaires primitifs, et là disparaissent sous leur mince enveloppe 
(p. 338). 

» Çà et là j’ai trouvé de petites branches terminales, qui ne mesuraient en 
réalité que 5 à 545 de ligne, avant de pénétrer dans le faisceau musculaire. 
Je n’ai pu les poursuivre en aucune façon dans l’intérieur du faisceau mus- 
culaire (p. 388). » Après avoir fait cette découverte de la terminaison des 
nerfs dans les muscles volontaires, dit-il, il l’a cherchée sans succès dans 
celle des muscles non soumis à la volonté. 

Les figures de Wagner donnent bien une idée de l’aspect général qu’ont 
les tubes nerveux à leur terminaison jusqu’au point où la paroi propre de 
chaque branche terminale des tubes s’unit au myolemme ; mais là elles devien- 
nent très-imparfaites par la manière brusque avec laquelle cesse la repré- 
sentation de tout détail et il ne suit pas le cylindre-axe plus loin. Il ne donne 
aucun détail sur la myéline, près de la terminaison du tube, mais il a cer- 
tainement suivi chaque tube jusqu’au point où cesse la myéline. 

Kübhne observa, en 1860, que chez les insectes l’enveloppe du nerf se 
continue avec le sarcolemme et que son contenu va se terminer à la surface 
des fibres musculaires primitives dans une substance granuleuse, 

Beale répéta le premier les recherches de Kühne sur les insectes, mais 
sans succès, et n'ayant pas réussi à voir ce que l’histologiste allemand avait 
annoncé, il mit en doute les observations de ce dernier, dont l’exactitude fut 
du reste constatée peu après par Waldeyer. 

Beale dirigea ensuite ses investigations à la terminaison des nerfs chez les 
vertébrés, et se flatta d’avoir enfin résolu le problème. Malheureusement le 
dessin qui accompagne son mémoire ne donne qu'une idée très-confuse de 
ses observations. C’est un fouillis inextricable de nerfs, de fibres musculaires, 
de noyaux et de vaisseaux capillaires qui ne ressemble à rien de ce qu'on a 
trouvé depuis (4). 

Beale prétend que les nerfs se terminent par un réseau extérieur au sar- 
colemme, formé de fibres nerveuses et de noyaux ovoïdes, Ces derniers, 


(1) Philosophical Transactions. 1860, vol. CL, part. 2. 


SUR LA TERMINAISON PÉRIPHÉRIQUE DES NERFS MOTEURS. 489 


d’après Beale, jouent un rôle dans le développement des nouvelles fibres ner- 
veuses. Cette assertion ne repose sur aucun fait positif. 

Les résultats obtenus par Margô dans la recherche de la terminaison des 
nerfs chez la grenouille et les articulés, ont été consignés dans un mémoire 
qui a paru en 4862 (1). 

La gaîne de l’élément nerveux s’unit intimement, d’après ce savant, avec 
le sarcolemme ; la moelle s’arrête au point d'union, et le cylindre-axe seul 
se continue jusqu'aux fibres musculaires primitives où il se divise en plusieurs 
ramifications. Celles-ci présentent, d’après Margo, de petits renflements sur 
leur trajet. Elles atteignent les noyaux allongés qui se trouvent dans le fais- 
ceau musculaire primitif, et forment avec eux un réseau dont les mailles en- 
tourent la substance contractile. Le même auteur auraitvu, chez les insectes, 
l'élément nerveux, un peu avant sa rencontre avec le faisceau musculaire, 
traverser une cellule nerveuse. Gette dernière observation de Le a été 
considérée comme douteuse par Waldeyer. 

Dans la même année où Margô faisait connaître les résultats de ses recher- 
ches, Kühne publiait un mémoire dans lequel il annonçait la découverte d’or- 
ganes nouveaux placés à l'extrémité périphérique des nerfs moteurs chez la 
grenouille. Ces organes se rapprocheraient par leur structure des corpuscules 
de Pacini (2). 

La gaïîne de l’élément nerveux, dit Kühne, se confond avec le sarcolemme ; 
la moelle s’arrête à ce point, et le cylinder axis pénètre seul jusqu’aux fibres 
musculaires primitives ; là il se ramifie plusieurs fois dans un petit espace, 
et les filaments qui en résultent, pénètrent dans des organes spéciaux d’une 
forme ovoïde et s’y terminent par un renflement de leur substance. Ces ren- 
Îlements ou boutons terminaux du cylinder axis présentent, dans leur inté- 
rieur, des petites boules. Les organes dans lesquels le cylinder axis va se 
terminer, sont pourvus d’une enveloppe grenue qui présente, à l’extrémité 
opposée à celle par où le cylinder axis pénètre, plusieurs petites éminences 
pointues. D’après le dessin de Kühne, ces éminences donneraient à l’en- 
semble de l’organe terminal l'aspect d’une grenade. £a structure de ces 
organes -singuliers a été étudiée par Kühne à un grossissement de 4000 dia- 
mètres. 

Külliker répéta de suite les recherches de Kühne et il a dû se convaincre 
que les organes terminaux, décrits par ce dernier, sont tout simplement des 
noyaux de la gaîne du tube nerveux. La cause qui aurait induit Kühne en 
erreur, ce serait, d’après Kôülliker, le grossissement trop fort qu'il a employé 
dans ses observations. 

Kôlliker, de son côté, décrit de la manière suivante la terminaison des nerfs 
chez la grenouille : 


(1) Margd,Ueber die Endigung der Nerven in der quergestreiftein Muskelsubstanz. 
Pest, 1862. 


(2) Kühne, Ueber die peripherischen Endorgane der motorischen Nerven. Leipzig, 
1862. 


h90 °S. TRINCHESE. — MÉMOIRE 


Le tube nerveux, arrivé sur le faisceau musculaire primitif, se ramifie plu- 
sieurs fois. La moelle s’arrête dès les premières modifications, et l'élément 
nerveux se termine par des fibres pâles très-minces. Ces fibres, d’après Kül- 
liker, ne traversent pas le sarcolemme pour aller se mettre en contact im- 
médiat avec les fibres musculaires primitives, mais elles se terminent en 
pointe libre à la surface du faisceau musculaire (1). 

Malgré tous les travaux que nous avons mentionnés, on était loin encore 
d’avoir acquis des notions précises sur le sujet qui nous occupe, lorsque 
Rouget présenta à l'Académie des sciences un mémoire qui fit considérable 
ment avancer la question (2). Rouget a trouvé chez les mammifères, les 
oiseaux et les reptiles une terminaison que nous allons brièvement décrire : 
Dans le point où l'élément nerveux rencontre le faisceau musculaire primitif, 
la gaîne de celui-là se confond avec le sarcolemme ; la substance médullaire 
s'arrête brusquement à ce point, et le cylinder axis va se terminer en une 
plaque formée par une substance granuleuse. Cette plaque est placée au- 
dessous du sarcolemme et se trouve en contact immédiat avec les fibres mus- 
culaires primitives. D’après Rouget, la plaque terminale de l’élément nerveux 
moteur n’est qu'une expansion du cylinder aæis. Au même niveau de la plaque 
se trouve une agglomération de noyaux appartenant à la gaîne de l’élément 
nerveux qui s’élargit vers son extrémité pour se confondre avec le sarco- 
lemme. Rouget a trouvé ce mode de terminaison dans les classes supérieures 
des vertébrés. Relativement aux batraciens, il admet une terminaison ana- 
logue à celle qui a été décrite par Külliker. Cependant, nous verrons dans la 
suite que la plaque terminale existe aussi chez la grenouille, comme Waldeyer 
Va démontré. Je ne veux pas terminer l’examen du travail de Rouget 
sans dire que c’est à lui que revient l'honneur d’avoir trouvé, dans les verté- 
brés, la plaque terminale que Doyère avait aperçue longtemps avant chez les 
Tardigrades et qu’on avait presque oubliée. 

Tous les anatomistes qui se sont occupés de cette étude, après Rouget, 
sont d'accord avec lui pour admettre l’existence de la plaque motrice. Seule- 
ment il y a encore quelque contraste d'opinion au sujet des rapports exis- 
tants entre la plaque motrice et le faisceau musculaire ; ainsi, Krause prétend 
que la plaque motrice ne se trouve pas au-dessous du sarcolemme, mais au- 
dessus (3). 

Waldeyer, dans un intéressant mémoire publié en 1863 (4), examine la 
terminaison des nerfs dans les vertébrés et dans les articulés. Relativement 
aux trois classes supérieures des vertébrés, il confirme les observations de 
Rouget ; il décrit en outre la plaque motrice de la grenouille que Rouget n'a- 


(1) Handbuch der Gewebelehre des Menschen. Leipzig, 1863, p. 203. 

(2) Rouget, Comptes rendus, 1862, 29 septembre, p. 548, et Note sur la ter- 
minaison des nerfs moteurs, in Journal de la physiologie de Brown-Sequard. Paris, 
1862, p. 574, pl. VIII et IX. 

(3) Zeitschrift für rationelle Medicin, herausgegeben von Henle und Pfeufer. 1863. 

(4) Zeitschrift für rationelle Medicin, 1863. 4 


SUR LA TERMINAISON PÉRIPHÉRIQUE DES NERFS MOTEURS. 191 


vait pas vue, et celle des poissons que personne n'avait encore étudiée. Quant 
aux articulés, Waldeyer confirme les résultats de Kühne chez les insectes, et 
décrit la plaque motrice des crustacés qu'on n’avait pas encore examinée. 
Chez lAstacus fluviatilis, Waldeyer aurait vu la plaque motrice se continuer 
avec une enveloppe de substance granuleuse qui entourerait le faisceau mus- 
culaire primitif. 

Nous devons encore nous entretenir un instant des derniers travaux de 
Kühne, de Rouget et de Greef. 

Kühne ayant dernièrement soumis à un examen très-attentif la plaque mo- 
trice d’un muscle encore vivant, s’est convaincu que la substance granuleuse 
considérée par Rouget comme une expansion du cylinder axis, était une en- 
veloppe de la véritable plaque terminale du nerf moteur. Au-dessous de la 
substance granuleuse décrite par Rouget existe, d'après Kühne, une seconde 
plaque très-homogène et extrêmement transparente qui est la vraie terminai- 
son du cylinder aæis. Celle-ci présente, au dire de Kühne, des bords très- 
irréguliers et des plis nombreux (1). 

Les dernières recherches de Rouget sur les animaux invertébrés ont abouti 
à quelques résultats nouveaux que nous pouvons résumer ainsi: chez les 
crustacés et les insectes, la substance granuleuse existe à l’extrémité de la 
fibre nerveuse, mais elle ne constitue pas la terminaison du nerf, car celui-ci 
traverse la substance granuleuse et se divise en deux filaments très-minces 
qui vont se terminer en pointe à la surface des fibres musculaires primi- 
lives (2). 

Greef a répété les observations de Doyère sur les Tardigrades et a confirmé 
la découverte du savant français. On lui doit aussi d’avoir déterminé la valeur 
histologique de la substance granuleuse découverte par Doyère à l'extrémité 
de la fibre nerveuse. La présence d'un noyau qui se trouve constamment au 
milieu de cette substance, et la ressemblance de celle-ci avec le contenu des 
cellules nerveuses a conduit Greef à admettre que la plaque terminale des 
Tardigrades est, en définitive, une cellule nerveuse qui se continuerait par un 
côté avec la fibre nerveuse, et embrasserait, par l’autre, la fibre musculaire. 

Celaserait d'autant plus probable, que les plaques motrices de ces animaux 
présentent des prolongements semblables à ceux des pôles des cellules ner- 
veuses (3). IL est inutile d'ajouter que les vues de Greef sur ce point d'his- 
tologie sont très-importantes. 

Les travaux de Engelmann d’abord, et plus tard ceux de Moxon (4), ont 
confirmé les résultats obtenus par Doyère, de Quatrefages, Rouget et Wal- 
deyer. 

Le résultat le plus évident des travaux que nous avons passé en revue est 


(1). Comptes rendus, 1864, mai, p. 1025. 
(2) Comptes rendus, 1864, novembre, p. 851. 


(3) Archiv für mikroskopische Anatomie, von Max Schultze. Erster Band, 1865. 
p. 437. 


(4) Quarterly Journal of microscopical science. October 1866, p. 235 


192 S. TRINCHESE. — MÉMOIRE 


la découverte d’un organe nouveau dans lequel se termine le cylindre axis 
du tube nerveux moteur. On a donné à cet organe le nom de plaque excilo-mo- 
trice (Rouget), ou simplement de plaque motrice ainsi que celui de colline de 
Doyère en honneur de ce savant qui fut le premier à la décrire. Quant à nous, 
nous préférons l'appeler plaque motrice. 

Sur onze auteurs qui se sont occupés de la connexion des nerfs avec les 
muscles, il y en a neuf qui admettent l'existence de la plaque motrice 
(Doyère, de Quatrefages, Rouget, Kühne, Krause, Engelmann, Waldeyer, 
Greef et Moxon). Aujourd'hui il n’y en a plus que deux, Külliker et Beale, qui 
nient l'existence de cet organe. 

Malgré l’autorité de ces derniers anatomistes, on doit désormais considérer 
l'existence de la plaque motrice comme un fait acquis à la science; toutefois 
on n’est point encore fixé par rapport à la structure de cet organe et à ses 
rapports avec le cylinder axis. 

Nous avons entrepris une longue série de recherches sur divers types d’a- 
nimaux dans le but d'éclairer ce point douteux. De tous les vertébrés que 
nous avons examinés, la torpille nous a donné les résultats les plus nets et 
les plus évidents. 


$S 2. — Mode de préparation. 


Pour observer la plaque motrice, il ne suffit pas de la chercher dans un 
muscle quelconque pris au hasard, car il y en a de plus ou moins favorables 
à cette recherche ; les muscles intercostaux et ceux du bulbe oculaire des 
vertébrés sont les plus convenables, et l'on est sûr de l’y trouver dès la pre- 
mière ou dès la seconde préparation. 

Pour la première fois, il n’est pas facile de préparer la plaque motrice sur 
un muscle frais. Il faut commencer par examiner des muscles macérés dans 
une solution étendue d'acide chlorydrique (une partie d'acide pour cent 
d’eau). On isole alors aisément les faisceaux musculaires ; les filets nerveux 
qui étaient imperceptibles à l'œil nu deviennent bientôt visibles et facilitent 
le choix des morceaux plus convenables pour l’observation microscopique. 
Après avoir retiré le muscle de la solution acide, on a soin de le laver dans 
l’eau distillée et l'on cherche sur sa surface un petit filet nerveux : dès qu’on 
en a trouvé un, on le place sur un verre ainsi que les faisceaux musculaires 
qui y adhèrent. Ensuite on espace ces derniers au moyen des aiguilles, et on 
observe la préparation à un grossissement d’environ 400 diamètres. Pour 
trouver la plaque dite motrice, il faut regarder attentivement un tube nerveux 
et le suivre jusqu’à sa terminaison. Si la préparation est bien réussie, on 
verra à l’extrémité de l'élément nerveux une agglomération de noyaux appar- 
tenant à la plaque motrice. Alors on pourra substituer au premier un objectif 
plus fort (300 diamètres environ) et l’on examine la préparation en détail. 


SUR LA TERMINAISON PÉRIPHÉRIQUE DES NERFS MOTEURS. 193 


$ 3. — De la terminaison des nerfs moteurs chez les vertébrés. 


Mammifères. — Nous avons étudié la terminaison des nerfs moteurs sur 
les muscles droits de l’œil de l’orang-outang et du chien. Chez ce dernier 
l'observation est plus facile parce que ses faisceaux musculaires primitifs 
sont plus volumineux, plus susceptibles d’être isolés, et présentent des pla- 
ques motrices plus développées. 

Voici les conclusions que nous avons tirées de nos recherches. 

Chaque tube nerveux, avant d'arriver à sa terminaison, se ramifie et donne 
naissance à un certain nombre de tubes plus minces. Ce fait a été observé 
par tous les anatomistes qui se sont occupés de la terminaison des nerfs. 

Dans le plus grand nombre de cas, le tube nerveux diminue de diamètre 
en s’approchant de sa terminaison, quelquefois cependant il grossit brusque- 
ment avant de se terminer. 

L'élément nerveux, au moment où il rencontre le faisceau musculaire pri- 
mitif, se comporte de la manière suivante : la gaine du tube nerveux se 
confond avec le sarcolemme, la substance médallaire s’arrête à ce point et 
le cylinder axis seul continue son chemin et pénètre dans la plaque motrice 
(pl. XVIIL, fig. 44, e, à). 

Quelquefois la moelle s’arrête à une certaine distance de la plaque mo- 
trice et laisse à découvert une partie du cylinder axis (fig. 11, e, à). Elle 
se termine tantôt brusquement comme le dit Rouget, tantôt par une pointe 
très-fine. Cependant dans le plus grand nombre des cas, la moelle se pro- 
longe jusqu’au sommet de la plaque motrice et recouvre le cylinder axis jus- 
qu'à son entrée dans cet organe. 

La plaque motrice est formée en grande partie par une substance granu- 
leuse avec de nombreux noyaux disséminés. Elle a une forme généralement 
conique et s'applique par sa base sur les fibres musculaires primitives. Les 
bords de cette base sont très-minces, ordinairement très-réguliers, mais 
quelquefois aussi un: peu découpés. Le sommet de la plaque le plus souvent 
s’amoindrit par degrés jusqu’à devenir aussi mince que le cylinder axis, de 
sorte que la plaque semble un épanouissement de celui-ci. Il est des cas où 
le sommet de la plaque est, au contraire beaucoup plus gros que le cylinder 
aæxis et présente, vers le point d'insertion de celui-ci, un petit enfonce- 
ment. 

Dans la substance granuleuse de la plaque, on voit un certain nombre de 
noyaux, tantôt sphériques, tantôt ovoïdes. Plusieurs de ces noyaux appartien- 
nent bien certainement à la plaque motrice et non à la gaîne extérieure du 
tube nerveux ou au sarcolemme qui recouvre la plaque. 

Le nombre de ces noyaux varie dans l’orang-outan et le chien de trois ou 
quatre à seize. Leur diamètre varie de 0"",002 à 0,006. 

La plaque motrice ne présente pas constamment les mêmes dimensions. 
Quelquefois elle a un diamètre de 0"",03 à sa base et 0,04 d'épaisseur ; 


h94 S. TRINCHESE. — MÉMOIRE 


mais dans le plus grand nombre des cas elle atteint un diamètre de 0w® 08 à 
sa base et 0°*,03 d'épaisseur. 

Le tube nerveux forme rarement un angle droit avec le faisceau musculaire 
primitif; le plus souvent il s'incline plus ou moins d'un côté. 

Dans l’orang-outan et le chien, nous avons pu voir pour la première fois 
que la substance granuleuse n’est pas, comme le croit Rouget, une con- 
tinuation du cylinder axis. En examinant un muscle frais, il est facile de 
s’assurer que l’aspect de la substance de la plaque est bien différent de celui 
du cylinder ais ; ce dernier, en effet, est formé par une substance homo- 
gène et ne présente jamais les granulations grossières qu’on voit dans la 
plaque motrice. Ce qui a probablement conduit Rouget à admettre que la 
plaque motrice tout entière n’est qu’un épanouissement du cylinder aæxis, 
c’est l’observation de pièces qui avaient subi trop longuement l’action de 
l’eau acidulée. 

Chez les mammifères, aussi bien que chez les oiseaux, les reptiles et les 
batraciens, nous n'avons pu pousser plus loin nos recherches sur la structure 
de la plaque motrice. Heureusement il n’en a pas été de même de nos re- 
cherches sur les poissons et particulièrement sur la Torpille. En effet, nous 
avons constaté chez cet animal des faits nouveaux que nous ferons connaître 
dans la suite. 

Oiseaux.— Chez ces animaux, la plaque motrice est en général plus petite 
que celle des mamunifères ; on la prépare avec une certaine difficulté. Je l'ai 
observée chez la Mouette et le Faucon (pl. XVIIE, fig. 13). 

Reptiles. — J'ai étudié la terminaison des nerfs chez la Lacerta agilis, 
Chez ce reptile, la plaque motrice peut être préparée avec une très-grande 
facilité. Elle est tantôt ronde, tantôt très-allongée, mais ses bords sont tou- 
jours très-réguliers. Son diamètre est à peu près égal à celui des plaques des 
mammifères. Elle est pourvue d’un grand nombre de noyaux ordinairement 
plus petits que ceux des mammifères et des oiseaux (pl. XVIIE, fig. 15). 

Batraciens. — Nos recherches ont porté sur la Grenouille. La plaque mo- 
trice de cet animal est ordinairement très-allongée et peu épaisse, et ne con- 
tient que fort peu de noyaux ; deux ou trois. Nous n’en ayons jamais trouvé au- 
tant qu’en indique Waldeyer dans son dessin. En général, la plaque de la Gre- 
nouille a une longueur de 0",05 sur 0",006 d'épaisseur (pl. XVII, fig. 10). 

Poissons. — La terminaison périphérique des nerfs moteurs chez ces ver- 
tébrés n’a jamais été étudiée sérieusement. De Quatrefages et Waldeyer seuls 
s’en sont occupés, mais sans beaucoup de succès. Nous avons déjà brièvement 
indiqué les résultats obtenus par le premier de ces observateurs chez l’Am- 
phioæus ; nous verrons maintenant ceux qui sont dus aux travaux de Wal- 
deyer. D’après cet anatomiste, le nerf moteur se termine en une plaque chez 
les poissons comme chez les autres animaux. Dans le Petromyzon, il trouva 
des plaques motrices petites, mais il ne réussit pas à en obtenir une prépara- 
tion assez nette pour qu’il fût possible d’en prendre une mesure exacte. 
Waldeyer fut plus heureux dans ses recherches sur l'Esox lucius, car 1l par- 


SUR LA TERMINAISON PÉRIPHÉRIQUE DES NERFS MOTEURS. 499 


vint à mesurer la plaque motrice de ce poisson qui a 0",05 de longueur sur 
0%,005 d'épaisseur. Voilà ce que l’on savait, avant nos recherches, sur la 
terminaison des nerfs moteurs de ces poissons. 

Nous nous sommes surtout appliqué dans ce travail à l’étude de la termi- 
naison des nerfs moteurs de la Torpille, à cause du développement énorme 
de ses plaques motrices et de ses faisceaux musculaires. Avant de décrire la 
terminaison des nerfs chez la Torpille, nous croyons utile de donner quelques 
renseignements sur le périnèvre de ce poisson. Chez les vertébrés supérieurs, 

tube nerveux, près de sa terminaison, ne présente qu’une seule gaîne, 
celle découverte par Schwann. Ce n’est qu’à une certaine distance de sa ter- 
minaison que le tube nerveux montre bien clairement une seconde enveloppe 
découverte par Charles Robin et nommée par lui périnèvre. Chez les mam- 
mifères, les oiseaux, les reptiles et les batraciens, nous avons trouvé le péri- 
nèvre dans les nerfs des muscles ; nous avons suivi ses divisions ; nous avons 
vu cette enveloppe contenir d’abord quatre ou cinq tubes nerveux, puis se 
ramifier, et, dans ses ramifications, contenir un nombre de tubes nerveux de 
plus en plus petit, jusqu'à n’en contenir qu'un. Nous avons vu même le 
périnèvre arriver jusqu'aux ramifications terminales de l’élément nerveux, 
mais nous n’avons pu le suivre jusqu'au point où le tube nerveux rencontre 
le faisceau musculaire primitif. Chez laTorpille, au contraire, nous avons vu 
plusieurs fois, de la manière la plus évidente, le périnèvre (pl. XXI, a) arriver 
jusqu’à la terminaison de l'élément nerveux (a) .Dans ces cas, nous nous 
sommes assuré que le périnèvre se confond avec le sarcolemme, et que la 
gaîne de Schwann (b) pénètre dans la plaque motrice avec le cylinder 
axis et se ramifie avec lui dans la couche supérieure de cet organe. Sur une 
préparation très-bien réussie, nous avons vu le tube nerveux contenu dans le 
périnèvre, un peu avant d'atteindre le faisceau musculaire primitif, se diviser 
et donner naissance à trois tubes plus minces (pl. XXI). Ces trois tubes, après 
avoir parcouru un court trajet, perdaient leur moelle et le cylinder axis, 
entourés de la gaîne de Schwann, pénétraient dans la plaque motrice. Dans 
le plus grand nombre des cas, cependant, chez la Torpille on ne voit autour 
de l’extrémité du tube nerveux qu’une seule gaîne, l’externe. Dans ces cas, 
il est probable que la gaïîne interne existe aussi, mais on ne peut l’aperce- 
voir à cause de sa minceur et parce qu’elle s’applique exactement sur le 
cylinder axis. Des recherches ultérieures sont nécessaires pour éclairer ce 
point important d'anatomie générale. 

Voyons maintenant quelle est la structure de la plaque motrice. Cet organe 
peut être étudié chez la Torpille avec une grande facilité, à cause de sa 
grosseur. Cet organe est constitué par deux couches bien différentes et que 
l'on distingue facilement surtout lorsqu'on examine la plaque en profil sur 
une préparation fraîche. La couche supérieure est formée par un amas de 
granulations, l’inférieure, par une substance parfaitement homogène. La 
surface de contact des deux couches est indiquée par une ligne qui ressemble 
beaucoup à une accolade _ — _ (pl. IL, fig. 3, c,c). 


h96 S. TRINCHESE. — MÉMOIRE 


La couche inférieure qui se trouve en contact immédiat avec les fibres 
musculaires primitives, a un aspect analogue à celui du cylinder aæis. 

Je dois à la complaisance de M. d’Albertis le dessin qui représente les 
deux substances de la plaque motrice (pl. XX, fig. 3). 

Le cylinder axis, après avoir pénétré dans la substance granuleuse de la 
plaque, se divise en plusieurs filaments qui vont s’anastomoser avec les 
cylinder axis des autres tubes nerveux, quand il y en a plusieurs qui péné- 
trent dans la plaque, comme cela se voit dans la planche XXI. Entre la gaine 
de Schwann et le cylinder aæis il y a un espace remarquable (pl. XXI, j) qui, 
dans le vivant, doit être occupé par un liquide et fort probablement par la 
moelle qui peut y pénétrer librement. 

Le réseau formé par le cylinder axis et par la gaîne de Schwann, se trouve 
dans l'épaisseur de la substance granuleuse, c’est-à-dire dans la couche su- 
périeure. On ne connaît pas encore les rapports du cylinder ais avec la 
substance homogène de la couche inférieure de la plaque motrice. 

La plaque motrice a des formes très-caractéristiques. Elle s’incline quel- 
quefois brusquement d’un côté, tandis qu’elle présente une pente plus douce 
de l’autre (pl. XIX, fig. 4). Il n’est pas rare cependant que les deux versants 
de la plaque soient également inclinés (pl. XX, fig. 4). Waldeyer compare 
justement l’appareil moteur à une feuille de Tropæolum dont le limbe serait 
représenté par la plaque motrice, et le pétiole par le cylinder aæis. 

Quant aux noyaux qui se trouvent dans la plaque, il y en a qui appartien- 
nent à la gaîne interne du tube nerveux, mais d’autres sont épars dans la 
substance granuleuse, ou se trouvent à l’extrémité d’un cylinder aæis (pl. XXI, 
k, h'), ou occupent le centre d’une expansion de celui-ci (g). Dans ce dernier 
cas, l’extrémité du cylinder axis prend l’aspect d’une cellule nerveuse 
unipolaire. Les noyaux sont tantôt disposés irrégulièrement (pl. XIX, fig. 4); 
tantôt ils forment une série parallèle à l’axe du faisceau musculaire (pl. XX, 
fig. 1, h); tantôt ils forment un cercle sur le bord de la plaque (pl. XIX, 
fs 5M) 

Un fait assurément fort remarquable est la présence de quelques cellules 
nerveuses dans la plaque motrice (pl. XXI, #, à’). Le nombre de ces cellules 
peut varier de deux ou trois à six ; celui des noyaux varie de quatre ou cinq 
à vingt-deux. j 

Le diamètre des plaques motrices de la Torpille est très-variable; il est 
ordinairement plus considérable que celui des plaques des autres animaux. 
Leur base a un diamètre qui varie de 0"",08 à 0"®,2, Leur hauteur va jus- 
qu’à 0,04 dans le plus grand nombre des cas. Quand on fait un grand nom- 
bre de préparations, il est facile de rencontrer des plaques tellement déve- 
loppées qu’elles sont visibles à l’œil nu. 


SUR LA TERMINAISON PÉRIPHÉRIQUE DES NERFS MOTEURS, 197 


8 4. — Terminaison des nerfs chez les annelés, les mollusques, 
les molluscoïdes, les cœlentérés et les protozoaires, 


Insectes. — Chez ces animaux la plaque motrice est ordinairement fort 
petite. Le diamètre de sa base varie de 0®,03 à 0,05 ; son épaisseur est 
de 0,003. 

Dans la substance granuleuse, les noyaux sont rares, ou bien manquent 
tout à fait. Nous ne sommes pas parvenus dans les espèces que nous avons 
examinées à voir la série de noyaux du canal central du faisceau musculaire 
se continuer dans la plaque motrice, comme le montrent les dessins de 
Kühne et de Waldever. Nous croyons cependant que cette disposition existe 
réellement, car nous avons pu constater une disposition analogue dans les 
aranéides. Les insectes que nous avons examinés sont le Luciola italica et 
l’Apis mellifica (pl. XVIIL, fig. 5 et 6). 

Arachnides. — Dans ces animaux les plaques motrices présentent, en gé- 
néral, les mêmes dimensions que chez les insectes. Elles sont formées en 
grande partie par des granulations moins fines, et se continuent avec la sub- 
stance granuleuse contenue dans le canal central du faisceau musculaire 
primitif de ces animaux (pl. XVIIL, fig. 4, d). Nous avons fait ces observations 
sur le Pholcus phalangioides et chez la Segestria cellaria. 

Crustacés. — Nous n’avons rien à ajouter aux recherches de Waldeyer 
sur cette classe d'animaux. Dans le Palémon sur lequel nous avons étudié 
la terminaison des nerfs, la plaque était très-développée en longueur, et se 
confondait avec une couche mince de substance granuleuse qui entourait le 
faisceau musculaire primitif sur une assez grande étendue. 

Quant aux annélides, nous n’avons pu trouver chez eux la plaque motrice, 
quoique nous l’ayons cherchée longuement chez l’Hirudo medicinalis et la 
Terebella emmalina. 

Mollusques. — En 1863 nous avons étudié la terminaison des nerfs chez 
l’Helix pomalia, et nous avons exposé les résultats de nos recherches dans un 
chapitre du mémoire sur la structure du système nerveux des mollusques 
Gastéropodes, présenté à l’Académie des sciences. Dans notre travail nous 
avons confirmé l’existence de la matière granuleuse à l’extrémité de l’élément 
nerveux décrite par de Quatrefages, mais nous avons montré qu’elle ne con- 
stitue point, chez ces animaux, la véritable terminaison de l’élément nerveux, 
comme le voudrait ce naturaliste. Chez l’Helix pomatia, le cylinder ais tra- 
verse Ja substance granuleuse de la plaque, et se divise en deux filaments, 
après avoir pénétré dans l’intérieur de la fibre musculaire (pl. XVIIL, fig. 14, e). 


-Ces filaments se dirigent en sens contraire l’un de l’autre et parcourent les 


deux moitiés de la fibre contractile ; dès qu’ils se trouvent à l’extrémité de 
celle-ci, ils se terminent après s'être contournés en spirale ( fig. 7, d, d, 
et fig. 16, d). Souvent dans la même moitié de la fibre musculaire on trouve 
deux cylindres axes dont un se termine avant l’autre (fig. 46, b, c, d). 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOI. — 7. IV (1867). 32 


h98 , S. TRINCHESE, — MÉMOIRE 


Annuloides. — Nous avons étudié la terminaison des nerfs sur les échino- 
dermes et particulièrement sur l'Ophiura texturata. On voit très-bien chez 
cèt animal que la plaque motrice se trouve sous le sarcolemme et en contact 
immédiat avec la substance contractile. Le sarcolemme, chez cet animal, 
s'éloigne considérablement de la substance musculaire (pl. XVIIT, fig. 2, a) et 
laisse bien voir les rapports de la plaque motrice. Celle-ci a un diamètre d’en- 
viron 0",04 à sa base, et 0",01 d'épaisseur (fig. 2, d). 

Molluscoïdes. — Parmi les animaux de ce groupe, les Bryozoaires se sont 

mieux prêtés à l'observation de la terminaison des nerfs. Les fibres muscu- 
laires de l'appareil operculaire de la Bowerbankia et celles qui s’attachent 
d’une part à l'estomac et de l’autre à l’enveloppe extérieure de l'animal, 
contiennent des plaques très-bien visibles avec un grossissement de 100 dia- 
mètres (fig. 9, a, b, c, d). Une fibre nerveuse très-mince descend de 
la fibre musculaire plus haute (fig. 9, c) et envoie à chacune des fibres 
musculaires sous-jacentes un filament qui va se terminer dans la plaque mo- 
trice (fig. 9, d; fig. 3, d). Celle-ci a un diamètre de 0",04 à sa base et 
0",005 d'épaisseur. La plaque motrice présente, dans son intérieur, un 
noyau sphérique elliptique (pl. XVIII, fig. 3,6). 
” Cœlentérés et Protozoaires. — Les moyens d'investigation dont on peut 
disposer aujourd hui ne sont point suffisants pour la recherche de la termi- 
naison des nerfs dans ces animaux. Quant aux protozoaires, les anatomistes 
n’ont pas encore observé le système nerveux, du moins avec certitude. Ce ne 
ne sont que des observateurs privilégiés qui voient l’invisible, qui prétendent 
avoir trouvé le système nerveux des protozoaires. Les cœlentérés sont un peu 
mieux connus, et quelques naturalistes dont l'autorité ne peut être mise en 
doute, ont signalé l’existence du système nerveux chez quelques médusaires 
(Medusidæ), quelques zoanthaires et quelques cténophores ; mais personne n’a 
poussé les recherches jusqu’à l’examen de la terminaison périphérique des 
nerfs de ces animaux. 


& 5. — Conclusions. 


Nous pouvons tirer quelques conclusions générales des faits énoncés dans 
ce mémoire. 

1° Dans tous les animaux chez lesquels « on à pu FFT la terminaison des 
nerfs moteurs, on a trouvé un organe spécial nommé plaque motrice, à l’ex- 
trémité du A UaR axis. 
2e L'union de l’élément nerveux avec le faisceau musculaire .s’accomplit 
de la manière suivante : 

Quand le faisceau musculaire est pourvu de sarcolemme, et l° élément ner- 
veux de gaîne, celle-ci se confond avec l’enveloppe du faisceau musculaire 
primitif au point où l'élément nerveux rencontre le faisceau musculaire. Dans 
‘ce même point, ou un peu. ayant, la substance médullaire s'arrête, tandis 
que le cylinder ais poursuit son chemin et pénètre dans la plaque motrice: 


SUR LA TERMINAISON PÉRIPHÉRIQUE DES NERFS MOTEURS. A99 


3° La plaque motrice est placée sous le sarcolemme. Elle présente ordi- 
naiïrement la forme d’un cône dont le sommet est dirigé du côté du tube 
nerveux, tandis que la base s’appuie sur les fibres musculaires primitives. 

4° Cette plaque est formée de deux couches superposées et bien distinctes, 
surtout chez les animaux pourvus de grandes plaques, la Torpille par exem- 
ple. La substance de la couche supérieure est granuleuse, celle de la couche 
inférieure est parfaitement homogène, et probablement elle n’est autre chose 
qu’un épanouissement du cylinder axis. | 

5° Dans l’épaisseur de la couche granuleuse de la plaque, on trouve, chez 
la Torpille, un système de canaux dans lesquels se ramifie le cyüinder axis 
en formant un réseau à grandes mailles. Ces canaux sont limités par une 
gaîne qui en forme les parois. 

6° Lorsque les faisceaux musculaires possèdent un Canal central, la sub- 
stance granuleuse de la plaque se continue avec la substance granuleuse con- 
tenue dans ce canal. | 

7° Dans les animaux pourvus seulement de fibres musculaires lisses, le 
cylinder axis traverse la substance granuleuse de la plaque en se Fer en 
deux filaments qui vont se terminer en pointe aux deux extrémités de l’élément 
contractile. 


8° Tout porte à croire que chaque faisceau musculaire primitif n'offre 


qu’une seule plaque motrice. Dans celle-ci peuvent se terminer un ‘ou plu- 


sieurs éléments nerveux provenant de la subdivision d’un même tube ner: 
veux. 

9° Le diamètre de la plaque motrice augmente en proportion de la grosseur 
du faisceau musculaire primitif, | 


EXPLICATION DES PLANCHES, 


PLANCHE XVIII. 


Fic. 1. Faisceau musculaire nétitié de la patte du Pholcus phalangioides à à 


l’état frais. Grossissement de 300 diamètres. 
a. Sarcolemme. 
b. Substance striée. 
c. Fibre nerveuse. 
d. ! anal central du faisceau musculaire rempli d’une substance granu- 
leuse qui semble se continuer avec la plaque motrice. 


Fic, 2. Faisceau musculaire primitif du bras de l’Ophiura twturala: à l'état 


frais. X 300. 
a, Sarcolemme. 


b. Substance contractile avec des stries qui lui doinsnt l'aspect d’une 
natte. X 300, 


300 S. TRINCHESE. — MÉMOIRE 


c. Fibre nerveuse. 

d. Plaque motrice. 

e. Noyau du faisceau musculaire. La direction de son grand axe conduit 
à admettre qu’il n’appartient pas au sarcolemme. 

Fic. 3. Deux fibres musculaires de la Bowerbankia densa observées sur l’ani- 

mal vivant, à un grossissement de 300 diamètres. 
a. Fibre musculaire. 
b. Noyau de la plaque motrice. 
c. Fibre nerveuse. 
d, Plaque motrice. 

Fic. 4. Faisceau musculaire primitif du muscle droit externe de l’œil de 
l’orang-outang, traité avec de l’eau acidulée par l'acide chlorhydrique. 
X 300. 

a. Sarcoléèmme. 

b. Substance striée. 

c. Tube nerveux. 

d. Plaque motrice. 

e. Noyaux de la plaque motrice. 

Fi6. 5. Faisceau musculaire primitif de la patte de la Luciola italica à l'état 
frais. X 300, 

æ. Sarcolemme. 

b. Substance striée. 

c. Fibre nerveuse. 

d, Plaque motrice. 

e. Noyaux du canal central du faisceau musculaire. 

Fi. 6. Faisceau musculaire primitif de la Luciola italica plus petit que celui 
de la figure précédente. 

Fi6. 7. Fibre musculaire de l’Helix pomatia (muscle rétracteur de la masse 
pharyngienne) traité avec de l’eau acidulée par l’acide chlorhydrique. 
x 700. 

a. Substance contractile, 

b. Cylinder axis. 

c Substance granuleuse de la plaque motrice d’où sort le cylinder 

aæis. 
d,d. Spirales formées par le cylinder axis avant sa terminaison. 
Fic. 9. Bowerbankia densa vue à un grossissement de 100 diamètres. 

a. Fibres musculaires de l’appareil operculaire. 

b. Plaque motrice. | 

c. Nerf qui donne des fibres aux éléments musculaires qui s’insèrent 
sur le tégument de l’animal d’une part, et sur son estomac de 
l’autre. 

d. Une plaque motrice, 

e. Un corpuscule formé de substance sarcodique. 


SUR LA TERMINAISON PÉRIPHÉRIQUE DES NERFS MOTEURS. 901 


FiG. 40. Faisceau musculaire primitif de la Rana esculenta (muscle gastro- 
cnémien) traité avec de l’eau acidulée par l’acide chlorhydrique. X 300. 

a, Sarcolemme. 

b. Substance striée. 

c. Plaque motrice. 

e. Un noyau de la plaque. 

f. Un noyau du sarcolemme. 

Fi. 41, Faisceau musculaire primitif du chien (muscle droit externe de 
l'œil) traité avec de l’eau acidulée par l’acide chlorhydrique. X 300. 

a. Sarcolemme. 

b. Substance striée. 

c. Plaque motrice et ses noyaux. Cette plaque est développée d’une 
manière exceptionnelle, Ordinairement les plaques motrices du 
chien sont moins grandes. 

d, Gaîne du tube nerveux. 

g. Point où la gaîne du tube nerveux, après s’être dilatée pour embras- 
ser la plaque motrice, se confond avec le sarcolemme. 

k. Moelle du tube nerveux. 

e Point où la moelle du tube nerveux s’arrête et laisse à découvert le 
cylinder axis. 

î. Point où le cylinder aæis pénètre dans la plaque motrice, 

f. Un noyau du sarcolemme. 

FiG. 43. Faisceau musculaire primitif du Larus ridibundus (muscle pectoral) 
traité avec de l'eau acidulée par l'acide chlorhydrique. x 300. 

a. Sarcolemme. 

b. Substance striée. 

c, Plaque motrice. 

d. Tube nerveux. 

Fic, 14. Fibre musculaire de l’Helix pomatia (muscle rétracteur de la masse 
pharyngienne) traitée avec de l’eau acidulée par l’acide chlorhydrique. 
X 300. 

. Substance contractile. 

. Cylinder axis. 

Substance granuleuse de la plaque motrice, 

Fibre nerveuse. 

Point où le cylinder ais se divise en deux filaments qui vont par- 
courir la fibre musculaire dans toute sa longueur. 


a 


FiG. 45. Deux faisceaux musculaires primitifs de la Lacerta agilis (muscle 
intercostal) traités avec de l’eau acidulée par l’acide chlorhydrique. X 300. 
a. Sarcolemme. 
b. Substance striée, 
c. Plaque motrice et ses noyaux. 
d. Tube nerveux. 
.e Autre plaque motrice et ses noyaux. 


DOE = &. TRINCHESE. — MÉMOIRE 
PLANCHE XIX, 


Toutes les figures de cette planche représentent des faisceaux musculaires 
primitifs du muscle abaisseur de la mâchoire inférieure de la Torpedo ocel- 
lata traités avec de l’eau acidulée par l’acide chlorhydrique, X 300. 

Fig. 41. | nf à 
- à. Sarcolemme. 
b. Substance striée. 
. Plaque motrice vue de front. 
. Gaïîne du tube nerveux. 
. Moelle du tube nerveux. 
. Point où la moelle s'arrête. 
Dernière division du tube nerveux, 
Un noyau du sarcolemme. 


ra 9 Re 


F6. 
a. Sarcolemme. 
b. Substance striée. 
c.- Plaque motrice. 
d. Gaîne du tube nerveux. 
o. Point où la gaîne du tube nerveux se confond avec le sarcolemme. 
m. Noyau de la gaïîne du tube nerveux. 
_t.. Deux gros noyaux de la plaque motrice ayant un nucléole, 
i'. Noyaux qui se trouvent sur le bord de la plaque. 
f. Point où la moelle s’arrête. 
h. Un noyau du sarcolemme. 
Fi6. 3. Dessin de mon élève M. d’Albertis, d’après une de mes préparations. 
X 300. 
a. Sarcolemme. 
.b. Substance contractile. 
c,c. Plaque motrice. 
d. Gaîne du tube nerveux. 
e. Point où la moelle s'arrête et laisse le cylinder aæis à découvert. 
e'. Cylinder axis. 
f. Arrêt de la moelle. 
g. Dernière division du tube nerveux. 
h. Un noyau du sarcolemme. 
i. Un noyau de la plaque motrice, 
._ k. Point où la gaîne du tube nerveux se confond avec le sarcolemme. 
FIG. 4. | 
a. Sarcolemme. 
b. Substance striée. 
ce. Plaque motrice. 
e. Moelle du tube nerveux. 


SUR LA TERMINAISON PÉRIPHÉRIQUE DE NERFS Fo 503 


L Point où la moelle s’arrête. 
. Point où la gaîne du tube nerveux se dilate pour embrasser la plaque 
motrice et se confondre avec le saréolemme. 
4 Gros noyau de la plaque. | 
m. Noyau de la gaîne du tube nerveux ditatée. 
h. Un noyau du sarcolemme. 


PLANCHE XX. | LAGUL 


Toutes les figures de cette planche représentent des faisceaux musculaires 
primitifs du muscle abaisseur de la mâchoire inférieure de la Torpedo ocellata, 
traités avec de l’eau acidulée par l'acide chlorhydrique. X 300. 


Fic. 4. 
a. Sarcolemme. 
b. Substance striée. 
c. Plaque motrice. 
d. Gaîne du tube nerveux. 
e. Moelle, 
f. Point où la moelle s’arrête. 
g. Point où le cylinder axis pénètre dans la plaque motrice. 
i. Un noyau de la plaque motrice. 
h. Série de noyaux contenus dans le faisceau musculaire. 

Fic. 2. Préparation et dessin faits par re Fornara, mon élève el 

étudiant en médecine. 
a. Sarcolemme. 

b. Substance striée. 

c. Plaque motrice. | 
f. Cylinder axis. Ne AD:£ 

h,h. Deux noyaux qui semblent appartenir au cp amis eo. 

i. Un noyau de la plaque motrice. 

e. Point où la moelle s’arrête et É à découvert le cylinder dæis. 
d. Gaîne du tube nerveux très-dilatée. 

Fi. 3. Plaque motrice vue de profil (elle montre les deux substances qui la 
constituent), dessinée par M. d’Albertis d’après une de mes a sel 
tions. 

u,a. Sarcolemme qui couvre la plaque. 
b. Couche supérieure formée de substance granuleuse. 
c,c. Couche inférieure formée de substance homogène. 
d. Point où la substance homogène présente un enfoncement dans jé 
quel pénètre la substance granuleuse de la couche supérieure, 
e. Faisceau musculaire primitif. 

Fic. 4. Préparation et dessin de mon élève M. Fornara, étudiant en méde- 
cine, 

a. Sarcolemme. 


_, 


S. TRINCHESE. — MÉMOIRE SUR LES NERFS MOTEURS. 


. Substance striée. 


Plaque motrice. 

Un noyau de la plaque. | 

Gaïîne du tube nerveux qui, peu après, se dilate pour embrasser la 
plaque. . 

Moelle. 


. Point où la moelle s’arrête. 


Deux faisceaux musculaires primitifs. 


. Plaques motrices. 

. Gaîne du tube nerveux dans laquelle se voit le cylinder axis. 

. Cylinder axis au moment de pénétrer dans la plaque motrice. 

. Sarcolemme qui, après avoir couvert la plaque motrice, s’étend zur 


la substance contractile. 


. Idem. 
. Gaîne du tube nerveux qui s’est dilatée pour couvrir le sommet de la 


plaque et se confondre avec le sarcolemme. 


. Un noyau de la plaque. 
. Un noyau du sarcolemme. 


PLANCHE XXI. 


Plaque motrice et nerf qui y pénètre. Grossissement 1000 diamètres. 

Le tube nerveux qui va dans cette plaque est entouré par deux gaînes : 
l'une, externe (périnèvre), se confond avec le sarcolemme; l’autre, interne, ou 
gaine propre de Schwann, pénètre dans la plaque motrice avec le cylinder aris. 


ii. 


. Périnèvre. 

. Gaîne de Schwann, interne par rapport au périnèvre. 

. Noyau de la gaîne de Schwann. 

. Moelle. 

. Cylinder axis. 

. Renflements de la gaine. 

. Expansion du cylinder axis contenant un noyau. 

. Noyaux qui se trouvent aux extrémités du cylinder aæis. 

. Espace limité par la gaîne de Schwann contenant le cylinder axis. 


Cellules nerveuses. 


Dans les mailles formées par la gaîne de Schwann et par le cylinder axis 
se trouve la substance granuleuse de la plaque que je n’ai pas représentée 


ici pour 


ne pas rendre la figure confuse. 


MÉMOIRE ANATOMIQUE ET ZOOLOGIQUE 


SUR LES ACARIENS 


DES GENRES 


CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS 


Par MM. A. FUMOUZE et CH. ROBIN 


(] 


Le principal résultat de nos recherches a été de nous faire re- 
connaître que les caractères des genres Cheyletus et Glyci- 
phagus devaient être notablement modifiés bien que leurs li- 
mites restent les mêmes. 

Nous avons donné avec tous les détails nécessaires la descrip- 
tion anatomique des parties du corps qui servent aux distinctions 
spécifiques, car l’exactitude des diagnoses des zoologistes tou- 
chant les espèces de ces genres d’Arachnides laissaient beaucoup 
à désirer, par suite de l'abandon dans lequel étaient demeurées 
ces notions anatomiques. 

Nous nous sommes convaincus, d'autre part, que parmi les 
espèces de Tyroglyphus qui dévorent les Cantharides et sans 
doute aussi d’autres insectes dans les collections, il existait une 
espèce nouvelle, très-différente du T. entomophaqus, Laboul- 
bène. 

Notre travail sera donc divisé en froës parties. Dans les deux 
premières, nous exposerons le résultat de nos études sur Îles 
Uheylètes et sur les Glyciphages; dans la troisième, nous déeri- 
rons l'espèce nouvelle de Tyroglyphe à laquelle nous venons de 
faire allusion. Chacune de ces parties comprendra, d’une part, 
l'énoncé taxinomique des genres et des espèces, et la discus- 
sion de ces caractères, puis en dernier lieu, l'exposé des obser- 
vations anatomiques que nous avons faites. 


0 


Cr 
(e} 


FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


PREMIÈRE PARTIE. 


OBSERVATIONS ZOOLOGIQUES ET ANATOMIQUES SUR LES CHEYLÈTES, 


PLANCHE XXII. 


8 1.— Caractères taxinomiques des Cheyletus. 


Genre CHEYLETUS, Latreille (1). 


Acariens grisâtres d’un volume qui varie de trois dixièmes de 
millimètre à un millimètre environ. 

Corps mince, aplati sur le dos et sous le ventre, très-mou, 
non cuirassé, sans yeux, pourvu de trachées qui sont très-appa- 
rentes, avec un sillon circulaire immédiatement en avant de la 
troisième paire de pattes et un autre entre le corps et le 
rostre. 

Rostre énorme, à mâchoires inermes portant de gros pales 
maxillaires latéraux, conoïdes, à trois articles libres, non soudés 
à la lèvre ; le dernier article terminé par deux séyles pectinés 
falciformes, et le deuxième par un seul qui est mousse, falciforme 
bi- ou tri-tuberculéux à sa base. 

Lèvre étroite en pointe, membraneuse, terminée de chaque 
côté par un palpe labial épais muni de deux poils à sa face infé- 
rieure et d’une languette lancéolée à sa face supérieure. 

Mandibules grèles à onglets minces non dentés. 

Pattes à cinq articles, disposées en deux groupes de deux 
paires chacun, placés l’un près du rostre, l’autre près de l'abdo- 
men, avec un petit intervalle entre eux ; les deuxième et troi- 
sième paires plus courtes que les autres, tarses Lerminés par deux 
crochets monodactyles avec un prolongement grêle, bifurqué 
entre ceux-ci, et au lieu de ventouse où de caroncule, quatre ou 
cinq cirrhes rangés en peigne. 


(1) Latreille, Histoire naturelle des Crustacés et des Insectes. Paris, an VII, in-8, 
t. VIE, p. 54; et Genera Crustaceorum et Insectorum. Parisiis et Argentorali, 1806, 
in-8, t. I, p. 152. Ne - 


| 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 507 


Épimères et pièces solides du rostre el des pattes faiblement 
jaunâtres. 

Téqument transparent, mince, mou, finement plissé, portant 
des poils et grêles. 

Anus protractile, à l'extrémité postérieure de l'abdomen. 

Larves hexapodes, ayant forme des nymphes, mais plus cour- 
tes, longues de 0"",29 à 0,25, larges de 0°" ,10 à 0*®,14; tous 
les épimères libres ; abdomen court, s’atténuant en s’arrondissant 
dès le niveau de la dernière paire de pattes ; le style externe du 
troisième article des palpes maxillaires seul pectiné, l’interne 
plus petit, sans dentelures. Extrémité postérieure de l'abdomen 
portant deux paires de poils plus longs que ceux du reste du 
corps, mais dépourvue du prolongement conoïde rétro-anal des 
individus adultes, et des trois paires de poils courts que porte ce 
dernier. 

Individus sexués inconnus. 

Habitat. L'un de nous (M. Fumouze) a rencontré plusieurs 
fois des Gheylètes dans différents échantillons de Cantharides . 
récoltées en France. Ils élaient très-rares dans les échantillons 
de provenance étrangère (1). 

Ces petits animaux ont une démarche assez singulière, qui ne 
ressemble n1 à celle des Tyroglyphus ni à celle des Glyciphaqus. 
Quand ils s’avancent, ils n’ont pas comme les précédents la tête 
abaissée entre leur première paire de pattes; ils la tiennent, au 
contraire, toujours directement dirigée en avant, leurs palpes 
maxillaires étant écartés. 

Au lieu de marcher comme les Tyroglyphus, ou de courir 
comme les Glyciphagus, ils s’avancent en faisant de petits bonds 
répétés, qu'ils peuvent exécuter en arrière comme en ayant, 

Ils semblent fuir la société de leurs semblables, et quand ils 
se rencontrent, ils se livrent des combats dans lesquels on les 
voit saisir leur adversaire au moyen de leurs énormes palpes 
maxillaires. 

Ces animaux se rencontrent aussi dans les poussières de foin, 


4) À. Fumouze, De la Cantharide offcinale. Paris, 1867, in-4, p. 51 et: sui: 
vantes. | | 
+ 


508  FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


de paille, dans le vieux son, le vieux blé et la vieille farine de 
céréales et de graine de lin. Plusieurs fois on nous en a envoyé 
qui avaient élé trouvés à la surface du corps humain, dans les 
déjections, etc., sans qu'ils eussent causé d'accidents ; ils pro- 
venaicnt sans doute de quelqu'un des objets précédents ou de la 
farine de lin des cataplasmes (1). On les voit aussi dans les plumes 
et dans les poils des animaux conservés en collections, dans les 
insectes atlaqués par les Glyciphages et les Tyroglyphes, etc. 


$S 2.— Remarques sur les formes des Acariens à leurs divers âges 
et sur les caractères des Cherylètes (2). 


Les Acariens de la famille des Ixodes se distinguent facilement 
des Cheylètes par la forme de leurs palpes, leur grosse lèvre hé- 
rissée, en forme de cuiller, et par leur bouclier dorsal. 

Les Gamasides s’en distinguent aussi aisément par leurs palpes 
filiformes, à cinq articles d'épaisseur égale, et par leurs patles 
à sept articles. 

Les Oribatides se distinguent aussi sans peine des Cheylètes 
par la dureté de leur enveloppe extérieure (bouclier ou cuirasse) 
et leurs palpes à cinq articles velus. 

Bien que les palpes des Sarcoptides n'aient que trois articles et 
leurs pattes cinq, ces animaux se distinguent facilement aussi des 
Cheylètes, par l’adhérence des palpes maxillaires à la lèvre, par 
le volume de leurs mandibules, les caroncules avec ou sans cro- 
chets de leurs tarses et par l’absence de trachées. 


(1) M. Laboulbène (Description et figure d'un Acarien parasite trouvé à Terre- 
Neuve dans le pus qui s'écoulait de l'oreille, à la suite d'une inflammation du 
conduit auditif, in Annales de la Société entomologique de France, 2° série, t. IX, 
p- 301, et pl. 9, fig. 4, 1851) a fait connaitre le premier, en 1851, la présence des 
Cheylètes sur l’homme. Trois individus avaient été pris, dans le canal auditif, par 
M. Le Roy de Méricourt, mais un seul a pu être conservé. En conséquence, M. La- 
boulbène avait laissé dans le genre Tyroglyphus, sous le nom de Tyroglyphus Me- 
ricourti, l’Acarien dont il s’agit. Le professeur Moquin-Tandon a reproduit, dans ses 
Éléments de zoologie médicale, 1862, p. 314, fig. 119, la description et la figure 
que M. Laboulbène avait données, mais en les rapportant, par erreur, à M. de Méri- 
court, et a formé sur lui le genre Acaropse; mais M. Laboulbène a fait remarquer 
depuis avec raison (Notice sur ses travaux scientifiques, 1866) que cet Acarien doit 
rentrer dans l’ancien genre Cheyletus de Latreille. dont il offre tous les caractères. 

(2) Cheylète de 7£e, être répandu, et An, forêt, 

LA 


DES GENRES CHEYLETUS , GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS, 309 
Sur les Cheylèles, comme chez divers Sarcoptides, le céphalo- 
thorax est manifestement annelé sans disjonclion des quatre 
segments qui le forment (1). Ce fait s’observe bien chez les 
Sarcoptes scabiei (Latreille) et Cat (Hering), lorsque ces ani- 
maux sont (vivants ou morts) légèrement contractés mais pré- 
servés de toute compression des lames de verre. Il se voit bien 
aussi sur les Cheylètes demeurant en repos (pl. XXIV, fig. 2). 

Ainsi les Cheylètes et les Sarcoptides rentrent dans le type des 
Arachnides, non-seulement par le nombre de leurs pattes, mais 
encore par celui des pièces de leur céphalothorax, qui restent 


distinctes entre elles et de l'abdomen, sur quelques espèces, bien 
qu’elles soient entièrement confondues chez la plupart. Comme 


sur les autres Arachnides aussi, ce sont les segments thoraciques, 
confondus ou distincts, qui portent les organes génilaux externes 
et non l’abdomen; celui-ci ne montre que l’anus (2) sous forme 
d’une fente longitudinale à la partie postérieure de la face ventrale. 

Enfin les deux dernières paires de pattes s’attachent au qua- 
trième anneau d’une manière si constante, qu'elle peut servir à 
déterminer les limites de l’abdomen et du céphalothorax, soit 
dans les espèces où elle est peu distincte, et la place où seront 
les organes génitaux, (ant sur les larves que chez les nymphes ou 
individus qui, bien que déjà octopodes, n’ont pas encore subi la 
mue après laquelle seulement se montrent les organes sexuels (3). 

Des formes diverses offertes par les Acariens pendant la 
durée de leur développement.— Le dernier fait que nous venons 
de signaler ici est des plus importants en raison de sa généralité 
dans l’ordre des Acariens, 


(4) Ces divisions sont figurées, mais inexactement quant au nombre et à la gran- 
deur, par Renucci (1821), Raspail (1833), Dugès (Sur le Sarcopte de la gale hu- 
maine, in Ann. des sc. nal., 1835, t. III, p. 847, pl. XI), Hering (1838), Ger- 
vais (1841), Gerlach (1857), etc. 

(2) C’est à tort, par conséquent, que Delafond et Bourguignon (Archives géné- 
rales de médecine, 1858, t. XI, p. 30 et 31) appellent l’anus des Sarcoptides orifice 
génilo-anal et le considèrent comme l’orifice d’un cloaque commun aux appareils 
digestif et reproducteur (p. 42 et 45). 

(3) Voy. Ch. Robin, Mémoire zoologique et anatomique sur quelques Acariens 
de la famille des Sarcoplides (Bullelins de la Soc. impér. des naturalistes de Mos- 
cou. Moscou, 1860, in-8, p. 22), 


510  FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


Dans tous les genres que nous avons pu observer, tous les in- 
dividus présentent pendant la durée de leur existence hors de 
l'œuf, trois formes qui se montrent brusquement après une mue, 
et chacune d’une durée différente, bien que variable, selon Es 
conditions de température d'alimentation, etc. 

La première forme est celle de larve (de Geer) toujours hexa- 
pode que présente l'animal en sortant de l'œuf (1). Elle est carac- 
térisée par le volume de l’Arachnide qui est toujours moindre que 
dans les phases ultérieures de l’évolution, bien que la forme soit, 
dans le plus grand nombre des espèces, semblable ou très-analogue 
à ce qu’elle sera pendant le reste de la vie; par l'existence de 
trois paires de pattes seulement et d’un nombre de poils moindre 
que par la suite ou de dimensions différentes ; quelquefois enfin 
par la présence d’appendices qu’on ne retrouve plus dans les états 
qui suivent. 


On ne sait pas si les Acariens subissent plusieurs mues en Con- 
servant la forme hexapode après chacune d’elles, mais 1l y à 
des individus encore hexapodes qui ont un volume qui est presque 
du double plus grand que celui qu'ils ont au sortir de l'œuf. 

La deuxième forme’est celle de rymphe. 

Elle comprend les Acariens octopodes qui sont dépourvus d'or- 
ganes sexuels. 


Dugès se sert du mot rnymphe pour désigner les Acariens qui 
ont déjà subi une ou plusieurs mues après leur sortie de l’œuf (2). 
et sont devenus ainsi ocfopodes, mais ne sont pas encore sexués. 
« Les métamorphoses de ces Acariens, dit-il (les Rhyncholophes), 
sont multiples, du moins, il s’en fait encore une après que leurs 


(1) Dans l’étude des Arachnides le mot larve n’est pas pris dans son sens étymo- 
Jogique de forme masquée, celle de ces articulés étant déjà ce qu’elle sera toujours 
à peu de choses près ; il est employé dans le sens plus général d’animal envisagé tel 
qu’il est au sortir de l'œuf (demi-larves de quelques auteurs ou larves à métamor- 
phoses partielles comme chez les Hémiptères et les Orthoptères dont la larve diffère 
peu de l’insecle parfait). 

(2) C’est ainsi qu’on appelle nymphes mobiles ou demi-nymphes les insectes de 
quelques ordres (Hémipières, etc.) qui, après avoir dépassé l’état de larve, out en- 
core une mue à traverser, une enveloppe à rejeter avant d’être sexués, bien qu'ils 
aient déjà la forme et la bouche de l’adulte et se nourrissent d’une manière sembla- 
ble ou analogue. 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS, 541 


huit pattes sont déjà développées... Ceux (les Rhyncholophes) 
qui n’ont pas encore subr cette métamorphose (celle qui les amène 
à l’état sexué) et qu'on peut croire impubères, sont plus arrondis, 
plus renflés et d’une couleur rougeâtre plus uniforme; on les 
lrouve aux mêmes endroits et avec des dimensions qui va- 
rient, » (1). | 

Cette forme sur laquelle Dugès ne s’étend pas plus longuement, 
est d'autant plus importante qu'elle est, dans plusieurs genres 
d'Acariens, la seule qui soit connue (2); tel est le cas pour les 
Cheylètes. Avant ce travail, aucun auteur n’avait décrit leur larve 
et personne encore n’a fait connaître leur état adulte proprement 
dit ou sexué, 

Indépendamment des différences de volume que signale Dugès 
entre les individus à l’état de nymphe et ceux qui sont sexués, 
il peut en exister d’autres. C’est ainsi, par exemple, que les 
nymphes des Glyciphages manquent du prolongement tubu- 
leux qui existe à l'extrémité postérieure du corps des adultes. 
Les /arves des Cheylètes manquent d’une saillie portant des poils 
qu'on trouve sur les nymphes de ces mêmes Acariens; outre la 
présence des organes sexuels et de leurs annexes, tels que les 
ventouses génitales et copulatrices, ele., il est probable que les 
Cheylètes adultes présenteront encore d’autres parties impor- 
tantes à décrire. * 

La troisième forme des Acariens est celle de l’état adulte ou 
pubère qui comprend les individus octopodes sexzués. Or, non-seu- 
lement celte forme comprend : a. les individus mâles, et b. lesin- 
dividus femelles, souvent fort différents les uns des autres comme 
chez les Sarcoptes, mais encore les femelles comprennent parfois 
deux formes distinctes, comme sur les Dermaleichus, Koch. 

Remarques sur les Cheylètes décrits jusqu'à présent. — La- 
treille , créateur du geure Cheylète, le plaçait entre les. Uropodes 


(1) Dugès, Recherches sur l'ordre des Acariens (Annales des sciences naturelles, 
Paris, 1834, in-8, t. 1, p. 33 et 169). 

(2) On voit par ce qui précède que le nom de be: ve doit remplacer celui de 
nymphe que j'ai employé dans les descriptions des Sarcoptes et des Tyroglyphes que 
j'ai publiées dans mes précédents travaux sur ces Acariens (Ch. Robin), 


312 FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


etles Gamases dans la famille des Acarides (1). Il tendait à le rap- 
procher des Sarcoptes; M. Gervais pense qu'il est impossible de 
limiter (2). La présence des trachées qui n'avaient pas été 
signalées sur ces animaux avant Dujardin, l’état libre des palpes 
et l'absence de leur soudure à la lèvre, puis la disposition du 
rostre, séparent en effet les Cheylètes des Sarcoptides. Mais la 
présence de trois articies aux palpes maxillaires et de cinq à 
toutes les pattes les rapproche plus des Sarcoptides que des 
Tetranychus et que des Trombidiens. 

Ce genre a peut-être encore plus d’affinité avec la famille des 
Bdellides, à la fin de laquelle Koch le place (3). 

Dugès n'ayant pas observé de Cheylètes n'a pas conservé ce 
genre, en raison de l'imperfection des descriptions et des figures 
de Schrank et de Latreille, mais à tort comme on le voit. 

Koch a decrit plusieurs espèces de Cheylètes, de manière à 
permettre de les reconnaître en présence des figures qu'il en 
donne et’ qui sont les meilleures de toutes celles qui ont été 
publiées jusqu'ici sur ces Arachnides. 

Il ne lient pas compte des analogies de leur rostre avec la 
bouche des autres articulés et donne:le nom de frompe à leurs 
mandibules. Il ne parle pas du nombre des articles des palpes 
ni de la disposition pectinée de leurs cirrhes ou styles, non plus 
que de la disposition de leurs poils, etc. Il figure à tort six arti- 
cles aux pattes. 

Il indique et figure le sillon transversal du corps comme placé 
derrière la deuxième patte en avant du poil latéral, tandis qu'il 
“est en arriére de celui-ci, immédiatement au devant de la troi- 
sième paire de pattes. 

Il les a vus saisir des Tyroglyphes entre leurs palpes, plonger 
leur rostre dans le corps de ces Acariens et en sucer les parties 
molles, quand il laissait ensemble ces animaux entre deux 
verres. 


(4) Latreiïlle, loc. cit., et Familles du règne animal. Paris, 1825, in-8, p. 320. 

(2) Gervais, dans Walkenaer, Histoire naturelle des Insectes aptères. Paris, 1844, 
in-8, t. III, p. 166, en note. 

(3) Koch, Uebersicht des Arachniden Systems. Nürnberg, 1842, in-8, p. 79. 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 513 

Koch décrit les espèces suivantes de ce genre : 

1° Cheyletus eruditus, Latreille (loc. cit.). 

Acarus eruditus, Schrank (Enumeratio insect, Austriæ, 1781, 
n° 1058). 

Pediculus musculi, Schrank (bid., n° 1024). 

Cheyletus eruditus, Koch (Deutschlands Grustaceen, Myria- 
podem und Arachniden. Regensburg, 1839, Heft 23, Tab. 20). 

2 Cheyletus casalis, Koch (1bid., t, 21). Il regarde celui-ci 
comme étant probablement une variété du précédent. 

3° Ch. venustissimus, Koch (2hid., t. 22). 

h° Ch. Hirundinis, Koch (chid., 1835, Heft, 1 Tab, 20). 

5° Ch. Marginatus,Koch (ibid,, t. 21). 

Il ne parle ni des larves n1 des sexes de ces animaux. 

Depuis lors il n’a pas êté publié de travaux sur ce sujet, que 
nous sachions. 

L'espèce que nous avons observée offre tous les caractères du 
Cheyletus eruditus (pl. XXID. 

Les caractères génériques signalés plus haut suffiront pour la 
faire reconnaître ; mais nous n’en donnerons pas une description 
spécifique, car tant que des individus de chaque sexe n’auront 
pas été observés, ces descriptions laisseront trop de lacunes à 
“remplir. 

Son corps est uniformément grisâtre, à surface brillante, à 
reflets nacrés, lorsqu'il est vu à l’aide de la lumière réfléchie ; 
il présente ou non vers le milieu du corps une tache ou une 
bande jaunâtre ou blanchàtre selon que l'intestin est plein ou 
vide. | 

Sa forme générale est celle d’un losange dont la pointe du 
rostre forme l'angle aigu antérieur et dont les angles obtus, indi- 
quant la partie du corps la plus large, se trouvent au niveau du 
poil latéral, au devant de la troisième patte. La partie postérieure 
est tronquée, un peu arrondie ou un peu déprimée au milieu, ou 
pourvue d’une pointe saillante, selon que le court prolongement 
chargé de poils qui est sur la ligne médiane est rétracté ou non. 
Un sillon circulaire, peu profond, mais bien marqué, contourne 


le corps en arrière de l’angle obtus indiquant la partie la plus 
JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — Te IV (1867). 33 


514 A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 
large de l'animal, immédiatement au devant de la troisième paire 
de pattes. | 

Un autre sillon circulaire se voit au niveau de la jonction 
du rostre avec le céphalothorax. Tout le rostre est un peu jau- 
nâtre. 

L'épaisseur du corps est au plus la moitié de sa largeur, et 
“les côtés en sont arrondis, ce qui fait que l’animal vu de côté res- 
semble à un cylindre mince, pointu en avant, le ventre et le dos 
étant également aplatis, et ce dernier n’étant pas bombé comme 
sur les Tyroglyphes. 

Les poils courts et minces ne sont pas visibles sur le dos lors- 
que l'animal marche comme chez ces derniers. 

Le tégument étant très-mince, fragile, l'animal s'écrase avec 
une grande facilité et lorsqu'il meurt et se dessèche, le corps 
se déforme, se plisse et se réduit à un volume bien moindre 
que ne le font les Tyroglyphes et les Glyciphages. 


8 3. — Observations anatomiques sur les Cheylètes. 


À. Rostre. 


Le rostre (pl. XXIL fig. 4, &, v) des Cheylètes fait en totalité 
saillie au devant du céphalothorax avec lequel il est continu à sa 
base. Sa longueur est de 0"",16 à 0"*,20, de la base au bout de 
la lèvre, chez les adultes, de 0®%,05 à 0"",06 sur les larves. La 
largeur immédiatement au-dessous des palpes maxillaires est 
de 0,14 à 0,16 sur les adultes, et de 0"",04 à 0"",06 sur 
les larves. 

Sa forme ne peut mieux être comparée qu’à celle d’un court 
et épais fer de lance, vers la base adhérente et élargie duquel 
sont insérés deux organes coniques qui sont les palpes maxillai- 
res. Les pièces qui le composent sont en partie jaunàtres, plus ou 
moins foncées selon leur épaisseur, et d’aspect corné et non tout 
à fait incolore comme le tégument à plis très-fins qu’on aperçoit 
entre ces pièces et les autres parties analogues du squelette. Le 
rostre est à peine incliné en bas et en avant; il rentre fort peu 
sous l’épistome, qui est presque nul, de sorte qu’un sillon circu- 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 919 


laire net se voit au niveau du plan où il se continue avec le reste 
du corps. À ce niveau existe une pièce annulaire formant une 
bande jaunâtre, d'aspect corné, transversalement placée à la 
base du rostre à son point d'union avec le céphalothorax et 
se recourbant sur les côtés du premier pour présenter à sa face 
dorsale une disposition analogue à celle qu’elle occupe en 
avant (&). 

Cette pièce est dépassée en avant par une masse hexagonale 
(a d) considérable, légèrement Jaunätre comme le reste du 
rostre, à téguinent finement plissè comme celui du corps, ét 
qu’on pourrait à la rigueur considérer comme une tête; son 
extrémité antérieure étroite est en effet directement prolongée 
par le rosire proprement dit qui est grêle et pointu, tandis que la 
partie postérieure est continue avec le thorax. Cest à ce niveau 
que se trouvent la pièce et le sillon circulaire mentionnés plus 
haut. Il est vrai qu’elle porte sur ses côtés les palpes maxillaires ; 
mais ils sont rattachés directement aux mâchoires (figurées de 
c en /) par un prolongement squelettique carré de celles-ci, qui 
sont situées à l'extrémité antérieure (d) de cette masse hexago- 
nale, comme elles le sont à l'extrémité antérieure du céphalo- 
thorax sur les Sarcoptides. 

Celle masse a, d’une manière générale, la forme d'un prisme 
losangique, aplali, tronqué en avant et en arrière, ce qui lui 
donne six côtés avec deux larges faces dont l’une est continue 
avec celle du dos, et l’autre avec celle du ventre de l’animal. 

Sa partie postérieure est continue avec le céphalothorax, et c’est 
là que se trouve la pièce cireulaire précédemment décrite (a). 
Sa partie antérieure, bien plus étroite, se continue avec la lévre 
et avec les mandibules. Ses deux côtés antérieurs sont occupés 
par la base des palpes maxillaires avec lesquels ils s’articulent. 

En arrière de ces palpes sont les deux côtés postérieurs de 
cetle masse, qui font un angle oblus avec les précédents et sont 
bien plus courts qu'eux. [ls sont arrondis, marqués de sillons 
ou plis cutanés trés-marqués passant de la face ventrale à la face 
dorsale de cette partie. 

Gette face dorsale ne montre que les plis précédents, mais la 


516 A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


face ventrale porte deux poils fins dépassant en avant la longueur 
du rostre (fig. 8, c et fig. 1) cet insérés au niveau du milieu de la 
base des pa'pes maxillaires. Sur cette face, le tégument porte 
une étroite pièce cornée, longitudinale, un peu amincie à ses 
deux bouts. 

Ainsi que nous l'avons signalé, le rostre proprement dit, com- 
posé des mâchoires, de la lèvre et des mandibules, continue, sous 
forme de pointe jaune rougeûtre, l'extrémité antérieure de la 
masse hexagonale que nous venons de décrire. Ces diverses 
pièces présentent les caractères suivants : | 

1° Machorres ou maxilles. — On peut, par comparaison avec 
les autres Acariens et les Aranéides, considérer les pièces sui- 
vantes comme les analogues des màchoires des autres articulés 
(fig. 1 de e en f), elles forment une bande étroite, d'aspect corné 
jaune rougeûtre, transversalement placée au bord ventral de 
l'extrémité antérieure de la masse hexagonale décrite plus haut, 
et offre là une double courbure à grande concavité tournée en 
avant. Les deux pièces mazillaires ne sont pas soudées et conti- 
nues ensemble sur la ligne médiane, comme chez les Sarcoptides. 
Elles sont contiguës l’une à l’autre sur la ligne médiane (f) et 
leur point de contact limite la commissure postérieure du stig- 
male trachéen ou inférieur. De la ligne médiane jusque-là, cha- 
cune est composée de trois courtes pièces articulées l’une à 
l’autre. À partir de leur articulation ou symphyse médiane, cha- 
cune se dirige en dehors et en avant, puis sur les côtés du rostre 
chacune aussi se recourbe assez brusquement en arrière pour 
descendre sur les côtés de la face dorsale de la masse hexagonale 
précédemment décrite; elle longe la base même du palpe maxil- 
laire et s'articule avec la partie postérieure de l’étroit anneau 
corné qui forme la base de ce palpe. C’est contre le coude même 
que chacune forme au bord du rostre, pour de là se diriger en 
arrière, que se voit chacun (e) des stigmates latéraux correspon- 
dants, auxquels arrivent les deux grosses trachées dorsales. 

2 Palpes maxillaires (fig. h et 5). — Ce sont les organes les 
plus volumineux de tous ceux du rostre proprement dit. Leur 
base est épaisse, articulée avec les côtés de la masse hexagonale 


D RÉ ménte à 


DES GENRES CHEYLETUS , GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 517 


décrite plus haut, et pourvue d’un étroit anneau corné (9) qui, par 
sa parlie inférieure, s’articule, ainsi que nous l’avons dit, avec 
l'extrémité de la portion réfléchie de la mächoire correspon- 
dante. Trois faisceaux musculaires primitifs, fusiformes, à fibres 
striées, traversent cet anneau pour se rendre de la masse précé- 
dente dans le premier article du palpe, en haut duquel ils s’insè- 
rent. Deux autres partent de la face interne de la pièce qui le con- 
stitue, pour se rendre à la base du deuxième article. Trois trachées 
flexueuses descendent dans toute la longueur de ces palpes, pé- 
nètrent dans la masse hexagonale précédente pour se jeter vers 
le niveau de la jonction du rostre ou céphalothorax, dans la 
grosse trachée ventrale du côté correspondant. (La trachée prin- 
cipale a seule été figurée pl. XXIL, fig. 1.) 

La figure générale de ces palpes est celle d’un cône, avec une 
concavité le long de leur bord interne, qui est bien plus court 
que l’autre bord. Leur base est élargie; leur sommet, recourbé 
en dedans, se termine en pointe, dépasse le bord antérieur de la 
lèvre et le sommet des mandibules lorsque celles-ci n’ont pas été 
chassées en avant par compression. Les bords des palpes sont 
nets, foncés, comme bordés dans toute leur longueur par deux 
lignes parallèles très-rapprochées dont l’écartement indique lé- 
paisseur de leur paroi. Par cette concavité ils embrassent les côtés 
de la lèvre et des mandibules en avant et au-dessus desquelles ils 
s'avancent un peu. | | 

Ces palpes sont composés de trois articles articulés et mobiles 
l'un sur l’autre. 

Le premier (k).est le plus volumineux dans les trois sens; il est 
conoïde à base large, à sommet tronqué et légèrement recourbé 
en dedans. La surface de son tégument est marquée de plis très- 
fins parallèles, courbes, à concavité tournée en avant. La face 
dorsale (fig. 4) porte vers son Liers inférieur un poil dont la lon- 
gueur sur les larves comme chez les nymphes, atteint ou dépasse 
un peu (4) en avant celle de tout le palpe. Sa face ventrale (fig. 5) 
en porte deux plus courts et plus fins (7 »2) à peu près vers le même 
niveau et un peu écartés l’un de l’autre. Un quatrième poil (&) un 
peu plus court que les précédents est inséré sur sa face externe 


518 A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


près de son extrémité et de son articulation avec le deuxième 
article. Ces poils existent sur les larves comme sur les nymphes. 

Le deuxième article (2) est court, jaune rougeâtre, d'aspect 
corné, et la pièce squelettique qui le représente est bien plus 
épaisse que celle des autres articles. Sa forme est à peu près 
celle d’un court cylindre obliquement coupé de dehors en 
dedans, de manière à ne former qu'une portion d’anneau très- 
basse du côté du rostre, et à présenter du côté opposé une paroi 
élevée surmontée elle-même d’un fort crochet ou cirrhe falciforme 
qui atteint ou dépasse les autres parties du palpe. Ce crochet (0), 
style ou cirrhe, a deux fois la longueur de l’article qui le porte; 
il est conoïde, terminé en pointe mousse; il est recourbé en 
dedans, et là, près de la base qui est élargie, il est muni de deux 
tubercules mousses sur certains Chevylètes, et de trois sur d’au- 
tres individus vivant ensemble. Sa substance est d’aspect corné 
avec un étroit canal au centre sur quelques-uns. 

Sur la partie du deuxième article qui le porte et qui forme la 
partie principale de cette pièce du palpe, on voit trois poils chez 
les nymphes et les larves; le plus long est à la face dorsale; il 
est (p) inséré près de l’articulation du deuxième avec le premier 
article et atteint ou dépasse la pointe du cirrhe précédent; les 
deux autres sont à la face ventrale : l’un en dedans et en bas est 
le plus court; l’autre en dehors près de la base du cirrhe précé- 
dent est aussi long que ce dernier organe. 

Le troisième article (7) est le plus petit de tous. Il est placé 
-contre la face interne et près de la base du deuxième, avec lequel 
il s'articule, mais il est si court, qu'il est dépassé par ce dernier. 
D'une manière générale, il a la forme d’un tubercule presque 
hémisphérique, plus ou moins saillant en dedans et à la base du 
deuxième article selon qu’il est plus ou moins rétracté. Il est 
brun rougeâtre. Il est remarquable par le nombre d’appendices 
qu’il porte. | 

Ce sont d'abord, du côté de sa face dorsale, deux cirrhes 
aplatis, courbés en faucille et élégamment pectinés sur leur bord 
interne ou concave. Le plus long des deux, qui est le plus externe, 
se prolonge par une extrémité mousse, non pectinée, presque 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS.ET TYROGLYPHUS.  Db19 


jusqu’au bout du cirrhe du deuxième article. Sur les nymphes, 
le plns interne, qui est le plus court (r), est pectiné jusqu'à son 
extrémité; ses dentelures sont plus longues, plus fines et plus 
rapprochées que celles de l’autre; il est aplati, tranchant, non 
dentelé sur les larves. | 

Un poil grêle part de la face dorsale du troisième article près 
de son sommet et s'étend presque jusqu’au niveau de l'extrémité 
des cirrhes pectinés (s). 

Du côté de la face ventrale de cet article, on observe un poil 
au moins aussi long et un peu plus gros (#) que le précédent, 
inséré près de la base de l’article. Au sommet de cet article, on 
voit de ce côté, mieux que par la face dorsale, un gros poil (u) 
ou cirrhe, à pointe mousse, courbé aussi en faucille, à concavité 
interne etun peu plus long que toutes les autres parties du palpe. 
Immédiatement en dehors de sa base est un cirrhe très-court, 
difficile à voir, aussi épais à son sommet qu’à sa base. 

3° La lvre (labium, fausse lèvre, lèvre sternale, lèvre infé- 
rieure, etc.) est un organe membraneux (fig. 1, au-dessus de 
{), adhérant en arrière aux deux mâchoires dans toute l'étendue 
de sa base; ses deux bords sont libres, épais, sans adhérence 
avec le premier article des palpes et d’un jaune rougeâtre. Sa 
face inférieure porte deux poils fins et courts, un de chaque côté 
de la ligne médiane, immédiatement en dedans du bord interne 
du palpe labial correspondant. Chaque poil est fin, difficile à 
voir, dirigé en avant et ne dépasse pas ou dépasse à peine le bout 
du rostre, plus près du bord libre de la lèvre que de la mâchoire. 
Le petit tubercule basilaire arrondi qui les porte est difficile à 
voir. La base du palpe labial porte un poil un peu plus long (v) 
que celui-c1. 

A sa face supérieure la lèvre porte ie menton un peu au delà 
de son adhérence aux mâchoires, et la languette ou ligule placée 
immédiatement en avant. Sur la face supérieure de la lèvre repo- 
sent, sans lui adhérer, les deux mandibules (1). 


(1) Voy. Nicolet, Histoire naturelle des Acariens, famille des Oributides (Archi- 
ves du Muséum d'histoire naturelle. Paris, 4855, in-4, t. VII, p. 403). 


520 4. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


La /anguette ou ligule est une pièce mince, membraneuse, jau- 
nâtre, élégamment lancéolée, à base élargie contiguë avec le men- 
ton et aiguë au sommet. Vers son milieu, elle présente un orifice 
très-petit, parfois difficile à voir, allongé en travers ou en long, 
losangique, à angles arrondis on aigus selon la position des bords 
qui le limitent. Ces bords sont formés par la base de la languette 
divisée en deux branches dirigées en arrière, puis en dehors, et se 
recourbant au-dessous de la fente précédente pour s’y réunir. Ces 
branches limitent ainsi une fente ou échancrure médiane régu- 
lière. Cette fente conduit dans le pharynx, elle représente l’orifice 
buccal, qui se {trouve placé entre la base des deux mandibules, 

Le menton est représenté par une petite plaque carrée, à 
peine jaunâtre, formée par le prolongement jusqu’à l'extrémité 
médiane des deux mâächoires des branches de la languette, à partir 
de la portion qui limite en arrière la fente précédemment dé- 
crite. 

L’extrémité libre ou antérieure de la lèvre (fig. 1) est mince, 
très-étroite, difficile à observer ; elle est fendue légèrement sur la 
ligne médiane, et forme deux lobes fort petits. De chaque cûté, 
les bords de la lèvre portent deux palpes labiaux sous forme de 
deux épaississements occupant un peu plus du tiers de la lon- 
gueur de chaque bord, qui, en arrière d’eux, est également épais, 
jaunâtre, d'aspect corné. Ces palpes sont aplatis, un peu recour- 
bés en dedans, à base à peine élargie. Ils se retrouvent chez tous 
les Sarcoptides, et comme sur eux ils portent à leur base un poil 
fin qui dépasse (v) au moins de moitié leur longueur. Le som- 
met de ces palpes, qui dépasse à peine l'extrémité libre de la Jévre, 
porte comme sur les Sarcoptides un piquant mousse très-court. 

h° Les deux mandibules sont rapprochées l’une de l’autre sur 
la ligne médiane, elles forment par leur réunion une petite masse 
grêle, pointue, en forme de stylet à pointe mousse, dont la plus 
grosse extrémité est tournée en arrière. La compression du rostre 
les détache et les fait saillir en avant avec facilité, et même les 
chasse sans peine hors de l'espèce de loge dans laquelle ils sont 
maintenus. Chacune est aplatie latéralement, et c’est par celle-là 
de ces faces qu'elles se touchent; l'extrémité postérieure est 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 921 


mousse, adhère vers le niveau des mâchoires à la masse charnue 
hexagonale décrite plus haut; elle reçoit un faisceau musculaire 
qu’elle entraîne parfois avec elle lorsque la mandibule est expulsée 
par compression. Dans leur situation naturelle, les mandibules 
présentent par conséquent à l'observateur leur face convexe la 
plus étroite et se touchent par la plus large. 

Mais un léger degré de compression suffit pour les faire tourner 
sur leur axe, elles montrent alors l’une de leurs deux faces laté- 
rales aplaties. On reconnaît facilement ainsi que leur forme et 
leur structure se rapprochent beaucoup par leur minceur et leur 
disposition en stylet des pinces ou mandibules didactyles des au- 
tres Acariens suceurs. | 

Chaque pince est composée d’une #i9e comme dans les autres 
Arachnides, et de deux doigts, onglets ou crochets. 

La fige représente à peu près les trois quarts de leur masse, 
elle a la forme générale indiquée plus haut. Cette tige est crense, 
elle peut être aplatie et contient des fibres musculaires. L’onglet 
supérieur fait suite au bord correspondant dont il occupe le som- 
met. Son bord supérieur ou dorsal est un peu incliné en bas et 
en avant, il ne se recourbe pas en crochet à son extrémité. 
Le bord inférieur qui est droit est un peu tranchant mais non 
dentelé. 

L’onglet inférieur continue la direction du bord correspondant 
de la tige qui est rectiligne et allongé, grêle. 

Il s’avance jusqu'’au-dessous du bout de l’onglet supérieur, et 
s'y termine en pointe mousse; le bord opposé à l’autre onglet 
reste tranchant, non denté. 

Toutes les dispositions précédentes du rostre se retrouvent sur 
les larves comme sur les nymphes. 

Comme chez beaucoup d’autres Arachnides pourvues de forci- 
pules didactyles, et comme chez les autres Acariens, le mouve- 
ment des crochets des mandibules est vertical, l'onglet inférieur 
mobile, tandis que le mouvement des mâchoires est transversal 
quand elles sont mobiles (1). 


(1) Voy. Nicolet, loc, cit. (Archives du Muséum d'histoire naturelle. Paris, 4855, 
in-4, t, VII, p, 403), 


522 A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. —- MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


B. Du camérostome. 


Le camérostome (fig. 1, a) est la cavité de la partie antérieure 
du céphalothorax qui reçoit et entoure la base du rostre. Elle est 
placée dans la portion la plus antérieure de la face ventrale, 
dépassée plus ou moins, selon les espèces, par l’épistome qui est 
représenté par le bord antérieur de la face dorsale du céphalo- 
thorax. Le camérostome peut être aussi plus ou moins profond 
selon les espèces, et le rostre s’y trouve plus ou moins enfoncé. 
Chez les Cheylètes, sa profondeur est réduite au minimum, le 
rostre étant en quelque sorte simplement appliqué contre le 
céphalothorax en avant duquel il fait saillie et auquel il adhère 
par suite de la continuité des téguments et des parties qui passent 
de l’un dans Fautre. Il est cependant un peu rétractile dans la 
partie antérieure du corps. Il peut s’y enfoncer jusqu'au niveau 
du milieu du premier article des palpes maxillaires. Le bord du 
céphalothorax se voit alors nettement, comme trés-distinet du 
rostre, et deux poils assez écartés l’un de l’autre sont insérés près 
de ce bord. 

C. Squelette du tronc. 


Le squelette des Cheylètes se compose d'autant d'épemèéres (1) 
qu’ily a de pattes, et en outre de cinq pièces tubuleuses, minces, 
dans chacune des huit pattes. #5) 

Tous les épimères (fig. 4 et 3) sont placés à la face profonde 
du tégument proprement dit et recouverts par lui, comme le sont 
aussi les pièces du rostre; mais ils ne tombent pas à chaque mue 
comme la peau proprement dite, seulement celle-ci en porte 
l'empreinte. Leur couleur les fait distinguer facilement des autres 
parties du corps; ils sont d’un jaune rougeûtre, pâle, ou seule- 
ment d’une teinte jaunâtre. 

Assez difficiles à isoler des léguments ou des parties molles 
lorsqu'on ne les a soumis à aucune préparation, ils peuvent en 


(1) L’épimère (èr:, sur ; wnpds, cuisse) est cette pièce unique de chaque côté, ou ac- 
compagnée d’autres parties, avee laquelle s’articule la hanche des pattes chez les ani- 
maux articulés. 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 523 


être séparés lorsqu'on a placé Panimal dans l'acide sulfurique 
qui ne fait que les pâlir légérement, tandis qu'il attaque les 
autres tissus. L’acide acttique et la glycérine les rendent plus 
nets, et plus faciles à distinguer dans tous leurs détails, parce 
qu'ils rendent plus transparents les tissus auxquels ils adhérent. 
Les épimères présentent tous à leur face profonde une la- 
melle saillante dans l’épaisseur des tissus du corps et qui ne se 
voit bien qu'après l'isolement de l’épimère. Cette lamelle est 
mince, très-transparente, mais de même teinte que les épimères, 
bien que plus pâle. Elle est mobile par suite de sa flexibilité et de 
sa minceur. Elle est analogue de tous points aux épidèmes d’in- 
sertion qu'on trouve (1) chez les insectes et les crustacés. Ces 
épidèmes donnent aussi insertion à des muscles. Il faut pour les 
bien reconnaître, les avoir vus successivement étalés, et par leur 
bord tourné vers l'œil de observateur, parce qu’ils différent beau- 
coup d’aspect dans ces deux cas; ilssontde teinte aussi foncée que 
celle des épidèmes dans cette dernière position, et transparents, 
pâles dans la première. Toutes ces pièces sont minces et grêles 
sur les Cheylètes, comparativement à ce qu’elles sont chez les 
Sarcoptides. 
= La comparaison des épimères (2) entre eux fait reconnaitre 
qu'ils sont identiques d'un côté du corps à l’autre et symétrique- 


(1) Les épidèmes (nt, sur , et d'u, lien) sont des parties du squelette tégumen- 
taire des articulés, qui proviennent de la face interne de certaines de ses pièces, et 
font saillie à l’intérieur du corps, mais ils ne dépendent que d’une seule pièce à la 
fois et sont simples par conséquent : ce qui les distingue des apodèmes, On les dis- 
tingue en épidèmes d'insertion qui sont de petites lamelles intérieures mobiles, ser- 
vant à des insertions musculaires, et en épidèmes d’articulation en forme d’osselets 
ou de têtes de champignons, qui sont mobiles, solides, et servent à l'articulation de 
certains organes, Les apodèmes sont, chez les articulés, des lames intérieures et par- 
fois aussi extérieures, dont la nature est la même que celle du squelette tégumentaire 
(ämb, de, et d'üus, lien), qui se trouvent au niveau des lignes de soudure de deux an- 
neaux ou de deux pièces contiguës d’un même segment, dont elles prolongent ainsi 
les bords ; aussi elles sont toujours formées de deux lames adossées et soudées entre 
elles dépendant de chacun des anneaux ou de chacune de leurs pièces qui se réunis- 
sent deux à deux. Ce caractère les distingue des épidèmes qui ne sont formés que 
d’une seule lame et avec lesquels il ne faut pas les confondre. 

(2) L’analogie de ces pièces avec les épimères des autres articulés à été signalée, 
pour la première fois, croyons-nous, par M. Dujardin. (Observateur au microscope. 
Paris, 1843, in-32, p. 147.) 


529 A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. —- MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


ment disposés. Elle fait reconnaître aussi (fig. 3, x, y) que tous 
se composent d'une pièce solide annulaire (x) ou limitant un 
espace à peu près triangulaire, à angles arrondis, envoyant du 
côté de la ligne médiane un ou deux prolongements courbes, 
allongés, grêles, irrégulièrement prismatiques à trois côtés, ou 
un peu aplatis, au moins dans une partie de leur longueur (y). 

La partie annulaire des épimères est placée sur les côtés de la 
face ventrale du corps, elle donne insertion au premier article 
des pattes. L'espace qu’elle limite est presque triangulaire sur le 
premier épimère. Celui-ci n’envoie pas de prolongement aux 
pièces du rostre, comme on le voit au contraire sur divers Sar- 
coptides. Sur les nymphes, mais non sur les larves, son prolon- 
gement interne se recourbe en bas et va s’unir à la pièce homo- 
logue du deuxième épimère qui, elle-même, continue un peu 
au delà de cette union, sous forme de pointe grêle, recourbée ou 
non en dehors, mais sans atteindre les épimères de la troisième 
paire. Ces derniers offrent deux prolongements dirigés aussi vers 
la ligne médiane qu’ils n’atteignent pas et se recourbant en bas 
pour se terminer librement en pointe. L’un de ces prolongements 
est en avant, l’autre en arrière de la pièce annulaire de l’épimère. 
La présence de cet épimère sur les larves hexapodes, et l'absence 
du suivant montrent que c’est bien la quatrième paire de pattes 
qui leur manque. 

Les épimères de la quatrième paire n’ont qu’un prolongement 
de ce genre qui sé détache de la partie postérieure de leur por- 
tion annulaire et il se dirige en dedans et en haut en se recour- 
bant un peu. 

Les épimères de la troisième et de la quatrième paire et par 
suite les pattes qu’ils portent, sont plus rapprochés l’un de l’autre 
sur les Cheylètes que ceux de la première et de la deuxième. 
Ces derniers sont plus voisins de la troisième que chez les Sar- 
coptides, tels que les Tyroglyphes et les Glyciphages. Comme 
sur ces animaux, les pattes de la première et de la quatrième 
paire, surtout celles-ci, sont plus longues que les autres ; la plus 
courte est la deuxième paire aussi bien sur les larves que dans 
les nymphes. 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 525 


D. Squelette des pattes. 


Les pièces solides des pattes des Cheylètes peuvent être isolées 
les unes des autres et des téguments à l’aide de la pression. On 
peut reconnaître dans toutes les espèces cinq parties constituantes 
pour chaque patte, comme chez les Sarcoptides ; chacune d’elles 
est constituée sur le même type de la premiére à la deuxième 
paire de pattes, puis de celles-ci aux deux dernières paires de 
pattes, et enfin d'une espèce à l’autre des Acariens, malgré les 
différences considérables de forme, d'épaisseur et de longueur de 
ces organes dans chaque genre de ce groupe des Arachnides. 

Ce sont : 1° la hanche ou rotule; 2° l'exinquinal ou tro- 
chanter ; 8° le fémoral ou cuisse; Le la jambe, et 5° le farse (voy. 
fig. 3, numéros 1, 2, 3, A el 5.) 

Ces cinq pièces toutes tubuleuses, plus minces et plus flexibles 
que chez les Sarcoptides et presque incolores ou à peine colorées 
en jaune rougeâtre päle. Elles correspondent à autant de seg- 
ments que l’on observe sur chaque patte entière et dont elles 
forment le squelette. Le tarse excepté, elles sont, au moins sur 
les gros individus, marquées de plis circulaires très-fins et très- 
rapprochés. 

1° La pièce solide de la hanche (fig. 3, numero 1) est la plus 
courte et la plus épaisse à toutes les pattes. Elle est un peu plus 
longue sur les quatre dernières pattes qu'aux quatre premières. 
Sa base est circulaire, articulée sur la portion annulaire de lépi- 
mère correspondant (1). 

Il porte un poil aussi long que lui à sa partie antérieure mince, 
à la quatrième etaux deux premières paires de pattes, et deux à la 
troisième. Cette pièce correspond à celle qui a été appelée aussi 


(1) Chez les insectes, l’épimère s'articule avec le premier segment des pattes 
(appelé hanche et autrefois rotule) par l'intermédiaire d’une petite pièce solide ap- 
pelée trochantin depuis Audouin. Cette pièce est tantôt cachée à l’intérieur du thorax, 
tantôt saillante à l’extérieur, selon que la hanche est ou n’est pas prolongée en de- 
dans du corps. Elle est décrite par tous les auteurs en même temps que les épimères ; 
mais elle semble être une dépendance de la hanche et de la palte par conséquent 
plutôt que de l’épimère, car chez certains insectes elle est soudée à la hanche et n’a 
pas de mouvement propre. 


26 A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


hanche dans la patte des insectes et des Aranéides. Dugès (Ann. 
des sc. nat., 183h, 1. I, p. 12) et Dujardin lui donnent avec raison 
ce nom (1) chez les Acariens (Observateur au microscope. Paris, 
1843, in-32, pl. 16 et 17, p. 147). Chez les Oribatides, cet article | 
a été appelé exinguinal par M. Nicolet (/oc. cit., in Archives du 
Muséum, Paris, 1835, in-4°, t. VII, p. 405). 

2° Le érochanter est articulé avec la hanche (fig. 8, 2). Chez 
les Oribatides, cet article a été appelé /émoral par M. Nicolet. Sa 
base est susceptible de s’enfoncer plus ou moins dans l’arucle 
précédent. Sur l'animal vu de dos on aperçoit cette pièce, et les 
suivantes conséquemment, faisant saillie au delà des flancs de l’a- 
nimal pour toutes les paires Ge pattes. 

Sur toutes les pattes, le trochanter porte deux poils ayant une 
longueur à peu près égale à la sienne. 

3° La pièce solide du /émoral ou cuisse (Hg. 3, numéro 3) est 
tubuleuse, un peu plus grêle que la précédente. Elle porte deux 
poils de iongueur égale à la sienne sur toutes les pattes. L’un 
d'eux pourtant est notablement plus long à la quatrième paite. 
Glez les Oribatides, l'article correspondant a été appelé génual 
par M. Nicolet. Chez le Dermanyssus ayilis et d'autres Acariens 
voisins, la cuisse, où éroisième segment des pattes, est subdivisée 
en deux segments, dont le premier, très-court, est à peine distinct 
du second qui est quatre à cinq fois plus long. | 

h° La pièce solide de la 7ambe (numéro 4) qui est un peu plus 
grêle et un peu plus courte que la précédente, à la quatrième patte 
du moins, porte quatre poils fins et un peu plus longs que l’arucie 
même à loutes les paties (2), sauf aux deux premières où il yen 
a Cinq. | 


(1) Chez les Acariens qui n’ont pas six ou sept articles à chaque patie comme les 
Dermanysses, etc., Dugès considère à tort l’épimère plongé sous les téguments du 
céphalothorax et nullement mobile, comme le premier article des pattes, et c’est à lui 
qu’il donne à tort le nom de hanche. (Dugès, Note sur le Sarcopte de la gale de 
l’homme, in Ann. des sc. nal., 1835, t. II, p, 246-247.) C’est par suite de cette 
confusion qu’il dit que la hanche est tantôt adhérente tantôt libre. 

(2) Cet article des pattes est appelé tibial chez les Oribates, par M. Nicolet. Chez 
le Dermanyssus agilis, au lieu d’un seul segment (la jambe) à la suite de la cuisse et 
avant le tarse, comme chez les insectes, tous les Sarcoptides, les Cheyletus, les Ori- 
bates, etc., on en trouve deux (qui sont le genual et le tibial de Savigny) comme 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. : 927 


Sur les larves; cet article ne porte que quatre poils courts sur 
toutes les pattes, 


5° La pièce solide du farse ou pied (numéro 5) est la plus lon- 
gue et la plus mince de toutes (1). 

Chez les Aranéides, les onglets ou crochets pectinés sont mo- 
biles au bout du tarse à l’aide d’une membrane qui attache la 
base de ceux-là au sommet de celui-ci dans lequel on la voit ren- 
trer à volonté sur beaucoup d'espèces. Ces crochets sont mani- 
festement analogues à ceux qui terminent le dernier article du 
tarse chez les insectes. Ge sont les appendices de cet article qui 
manquent dans certaines espèces, ils ne constituent nullement 
un segment particulier des pattes en général, ni du tarse en 
particulier, et ils n’ont jamais été considérés comme tels sur les 
insectes ni chez les Aranéides. Les crochets monodactyles ou tri- 
dactyles qui terminent les pattes des Oribates, les onglets didac- 
tyles des Cheyletus, des Dermanysses, etc., sont manifestement 
analogues à ceux qui terminent les pattes des Aranéides, comme 
appendices de leurs tarses. Ces onglets à leur tour sont, sans 
doute possible, les analogues du crochet unique qui est porté à 
l'extrémité de la caroncule ou poche transparente, se rétractant 


chez les Aranéides, Ainsi on voit que les mots jambe, génual et tibial, désignent, selon 
les groupes d’Arachnides et autres articulés, des articles des pattes qui sont distincts, 
qu’ils ne sont point synonymes et deviennent nécessaires pour la science selon que 
les pattes ont cinq ou sept segments. 

(1) Le tarse se reconnaît aux crochets pectinés ou non, aux caroncules, aux ven- 
touses avec ou sans crochets, ou aux longues soies, qu’il porte comme appendices 
terminaux, et qui sont caduques sur quelques espèces telles que le Sarcoptes mu- 
tans, Lanquetin et Ch. Robin. Les Arachnides chez lesquels on compte sept articles 
à chaque patte doivent cette particularité à ce que, après les trois premières pièces 
(1e, hanche ou rotule ; 2 e, exinguinal ou trochanter ; 3 e, cuisse ou fémoral), au lieu 
de trouver ensuite deux pièces simples (4 e, la jambe; 5 e, le tarse ou pied), on trouve 
Le, le génual, et 5e, Le tibial à la place de la jambe, puis à son tour le pied ou tarse 
est représenté par deux pièces, 6 e, le métatarse, et 7,e le tarse proprement dit. Chez 
le Dermanyssus agilis, Hering, la première paire de pattes n’a même que six arti- 
cles, le tarse étant simple, tandis que les trois paires suivantes ont sept articles, le 
pied étant formé de deux articles : le métatarse qui est très-court, et le tarse propre- 
ment dit. Chez les Aranéides du genre Hersilie, on trouve même huit articles à 
chaque patte, un métatarse supplémentaire étant placé entre le métatarse et le tarse 
proprement dit ; ce qui donne un pied à trois segments, comme dans le tarse des in- 
sectes trimères, au lieu de un ou deux comme chez les Arachnides dont il vient d’être 
question plus haut, 


228 À. FUMOUZE ET CH. ROBIN.— MÉMOIRE SUR LES ACARIENS, ETC. 


en forme de ventouse ou de godet à l'extrémité du tarse des pattes 
à cinq segments des Cheylètes, des Glyciphages, des Tyro- 
glyphes, etc. Enfin, la ventouse pédiculée (Sarcoptes, Psoro- 
tes, etc.) ou non (Symbiotes), nue (Sarcoptes) ou portant un 
crochet (Psoroptes), qui est à l'extrémité du tarse des pattes à 
cinq segments de ces Acariens, offre les analogies les plus incon- 
testables avec les organes précédents des Cheylètes, des Derma- 
nysses, des Oribates, des Aranéides, elle est seulement supportée 
par un pédicule dans quelques espèces ; mais à part cela elle est de 
même nature que dans les espèces où elle est sessile, et ne repré- 
sente cerlainement comme organe que l’un des appendices du 
tarse et non un segment particulier des pattes. 

Ce qui prouve encore que c’est là un appendice du tarse, et 
non pas un article des paites, c'est que, chez quelques-unes des 
espèces dont la ventouse est pédiculée aux pattes antérieures, 
elle est remplacée aux pattes postérieures par un long poil, de 
même aspect que le pédicule dans une partie de sa longueur et 
inséré de la même manière. Ce qui prouve enfin la validité de la 
conclusion précédente, c’est que chez la femelle du Sarcoptes 
mutans cette ventouse pédiculée disparaît complétement, comme 
le font certains poils, lors de la mue qui marque le passage de 
l’état de nymphe à l’état adulte. Or, la disparition d’un article des 
membres est un fait qui ne s’observe sur aucune espèce animale 
quelle qu’elle soit, à aucune période de son évolution, à moins 
que ceux-ci ne disparaissent tout à fait (1). 


(4) Chez la plupart des Acariens et chez les Sarcoptes en particulier, c’est sur les 
pièces solides du squelette des pattes que sont insérés et que naissent les appendices 
que celles-ci portent à leur surface et qui donnent souvent à l'animal un aspect singu- 
lier. Ces appendices, comme ceux des téguments du corps dont il a été déjà question, 
et qui seront décrits plus loin, peuvent se présenter : 1° sous forme de poils ou de 
soies flexibles, plus ou moins longs ; 2° de piquants ou aiguillons aigus, grêles, mais 
très-courts et rigides; 3° de spinules ou aiguillons rigides plus ou moins longs, mais 
à extrémité mousse, tronquée, coupée carrément. C’est le tarse qui ofire le plus grand 
nombre de ces appendices ; il possède en outre les ambulacres ou ventouses pédi- 
culées, remplacées parfois aux pattes de derrière par un long poil. 


(La suite et l'explication des planches au prochain numéro.) 


Dé lee 


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ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 529 


ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, | 


Expériences sur la Trichina spiralis, Owen, par M. le docteur 
L. Gougon. Paris, 1866, thèse in-4. 


On croit généralement, en Allemagne, que les Trichines non enkystées, 
bien qu’elles soient déjà dans les muscles, ne sont pas susceptibles d'infester 
les animaux qui mangent de la chair où elles se trouvent à cet état. 

Afin de vérifier cette assertion, nous avons divisé les sujets mis en expé- 
riences en deux catégories : La première comprenait un lapin, deux cochons 
d’Inde, deux rats, un chien, une chouette, un oiseau carnivore et deux gre- 
nouilles ; tous ces animaux ont avalé le muscle contenant les trichines en- 
kystées. La seconde catégorie se composait du même nombre et des mêmes 
espèces d'animaux n’ayant avalé que les trichines non enkystées. | 

La plupart de ces animaux sont sacrifiés le 9 avril, c’est-à-dire trente-six 
jours après l’ingestion, et sont porteurs de trichines enkystées dans l'une et 
l’autre section, seulement avec des grandes différences de nombre, et quel- 
ques-uns d’entre eux ne présentent pas traces de trichines ; parmi ceux-ci se 
trouvent le chien, les oiseaux et les grenouilles. Ceux des animaux qui sont le 
plus infestés sont les lapins, les cochons d’Inde et les rats, qui ont mangé le 
muscle où les trichines étaient enñkystées : ils en sont littéralement criblés 
dans toutes les régions, et elles s’y trouvent en si grand nombre, qu’il serait 
difficile de placer une tête d’épingle sur un de leurs muscles sans toucher 
plusieurs trichines. L'examen de tous les viscères de ces animaux fait avec 
le plus grand soin ne montre de ces petits vers absolument que dans les 
muscles, excepté le cœur où leur présence n’a pas encore été constatée jus- 
qu’à présent, 

Les animaux de la seconde catëgorie, c’est-à-dire ceux qui ont mangé du 
muscle de porc dont les trichines n’étaient pas encore enkystées, ne présen- 
tent qu’extrêmement peu de trichines; il faut chercher avec une grande 
attention dans les muscles de prédilection de ces entozoaires et souvent faire 
deux ou trois préparations pour apercevoir un ou deux petits kystes. De telle 
sorte qu’on peut se demander si la présence de ces trichines chez ces der- 
niers animaux ne proviendrait pas de quelques-uns de ces petits vers déjà 
enkystés dans le muscle de porc qu’ils ont avalé, Dans tous les cas, on peut 
au moins affirmer que les trichines à l’état libre dans les muscles ne sont 
pas susceptibles d’infester les animaux au même degré que lorsqu’elles sont 
enkystées, 

J'aurais déjà dû dire en commençant, afin de n’inspirer, aucune crainte, 
que les cadavres des animaux qui ont servi à nos expériences ont été incinérés 

JOURN. DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. 1V (1867). - 4 


530 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


avec soin; il serait donc injuste de nous accuser d’avoir pu favoriser la pro- 
pagation des trichines à des animaux vivant en liberté. 

Afin de suivre les différentes phases du développement de ces entozoaires, 
qui s’effectue, comme on le sait, en vingt-cinq jours, nous avons donné à une 
vingtaine de jeunes rats une pâtée faite avec du pain et de la chair trichinée, 
chair provenant des animaux ci-dessus, nous proposant ainsi d'en sacrifier 
un tous les jours; mais la plupart de ces petits rats ayani pris une trop 
grande quantité de nourriture, eurent une violente entérite déterminée par 
lirritation que produisent ces entozoaires à la surface de la muqueuse intes- 
tinale, et huit seulement survécurent. C’est sur ces derniers qu'ont porté nos 
observations. Nous étant surtout proposé, par cette expérience, de saisir le 
passage des jeunes trichines de l'intestin dans les muscles, je n’insisterai 
pas sur la plupart des faits que nous avons observés et qui sont relatifs au 
développement des organes génitaux mâles et femelles, les différents mo- 
ments auxquels ils apparaissent, etc., ces faits n’étant que confirmatifs de 
ceux déjà observés en Allemagne. 

40 avril. — 47 RAT, vingt-quatre heures après l’ingestion de chair tri- 
chinée. — Grand nombre de trichines enkystées dans l’estomac : beaucoup 
de kystes sont complétement isolés et nagent dans le suc gastrique. Tri- 
chines libres dans l'intestin, mais ne présentant encore rien de particulier, 
si ce n’est qu’elles se meuvent assez énergiquement et qu’il est alors facile 
d'étudier leurs mouvements : on en trouve dans les excréments où elles pa - 
raissent toutes mortes. | 


A4 avril. — 2° RAT. — On en trouve encore, mais beaucoup moins d’en- 
kystées dans l’estomac, toutes libres dans l’intestin, où elles ont notablement 
augmenté de volume ; déjà on observe un commencement de segmentation 
daus le corps des femelles et l’on distingue très-manifestement les organes 
génitaux mâles. On les trouve mortes dans le gros intestin, et le liquide qu'il 
sécrète paraît avoir une action nuisible sur elles; on sait, en effet, qu’il pos- 
sède une réaction différente de celui de l'intestin grêle. 


49 avril. — 3° RAT. — Quelques kystes encore intacts dans l’estomac, 
segmentation plus évidente dans le corps des femelles qui sont au moins dou- 
blévs de volume ; mortes également dans le gros intestin. 


43 avril. — 4° RAT. — Le corps des femelles est entièrement envahi par 
les jeunes; la vulve, qui jusqu'alors ne s’observait qu’avec peine, est devenue 
très-apparente et se trouve très-près de la tête, tandis que l’anus se voit à 
l'extrémité caudale. Il est alors extrêmement facile de distinguer les mâles des 
femelles; ceux-là sont le tiers moins gros environ, et l’une de leurs extré- 
mités se termine par deux prolongements qui ne sont autre que leurs deux 
verges. Ils sont beaucoup moins nombreux que les femelles ; on en compte 
un sur huit. Elles ont toutes alors une très-grande énergie et résistent long- 
temps à l’action des réactifs les plus violents : c’est ainsi qu’elles peuvent 
vivre vingt-quatre heures dans la solution d’acide chromique au ,:. 


PS Pr one- g 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 531 


A4 avril. — 5° RAT. — Tous les signes précédents ; les femelles ont en- 
core augmenté de volume ; les mâles ne sont pas devenus plus gros. 

A5 avril. — 6° RAT. — Sixième jour de l'ingestion ; une quantité innom- 
brable de petites trichines nagent dans le liquide intestinal et se meuvent 
avec une grande énergie. Elles ne rappellent pas du tout la forme des 
parents; elles ont une extrémité renflée, et c’est celle qui marche en avant, 
et une extrémité grêle, de telle sorte qu'elles ressemblent par la forme à des 
petits têtards de grenouilles ou à des spermatozoïdes de l’honime ; seulement, 
chez les trichines, la transition de cette partie renflée à l’autre ne se fait pas 
brusquement. Le diamètre de la partie renflée, qui est la tête, est la moitié 
environ de celui d’un globule du sang, c’est-à-dire —%— de millimètre ; Pani- 
mal tout entier est à peu près quatre fois plus long. Ces petites trichines, 
desséchées sur les plaques de verre où on les observe, ne sont pas suscep- 
tibles, comme les animaux ressuscitants, de revenir à la vie si on leur rend 
de l’eau ou tout autre liquide. | 

C’est alors que nous examinons le sang des différentes régions avec le plus 
grand soin , mais il nous est impossible d’y rencontrer un animal analogue à 
ces petites trichines ; on trouve bien dans le sang des petits vibrions filifor- 
mes, mais il est impossible de confondre.ces animaux quand on les a examinés 
comparativement. Ces vibrions se trouvent, du reste, dans le sang des ani- 
maux qui n’ont pas élé trichinés. Il n’en est pas de même si l’on examine les 
différentes régions du péritoine : on y trouve une grande quantité de petites 
trichines disséminées dans tous les points, surtout en raclant la face interne 
de l’intestin. On ne peut pas constater leur présence dans les muscles, l’es- 
tomac ne contient pas non plus de ces petits vers. Ces trichines sont en abon- 
dance dans les excréments et dans le gros intestin, mais toutes, dans ces 
points, ne donnent pas signe de vie. 

46 avril, — 7° RAT. — Il présente également quantité de trichines éparses 
dans le péritoine, mais il est également impossible d’en constater la présence 
dans le sang ; quelques-unes déjà sont arrivées dans les muscles où elles ne 
paraissent pas stationnaires, on les voit parcourir les différents points de la 
préparation entre les fibres musculaires. Arrivées dans les muscles, on sait 
qu’elles resient ainsi quinze à vingt jours à l’état libre, et qu'après, elles s’en- 
kysteni et restent ainsi stationnaires comme de simples corps étrangers, sans 
causer de grands troubles fonctionnels, car nous avons eu, au laboratoire, 
des animaux qui étaient infestés depuis près de deux ans et qui n’en parais- 
saient nullement incommodés. 

D'après ces expériences nous sommes peu disposé à admettre que le sang 
est le véhicule de transport des trichines de l’intestin dans les muscles ; nous 
croyons plutôt, qu’en raison de leur petite taille, ces petits vers glissent avec 
une grande facilité entre les fibres des tuniques intestinales qu’ils traversent 
ainsi, etse dispersent ensuite dans toutes les régions de l’économie. 

C’est à tort que l’on croit que certains animaux, tels que le chien, l'oiseau 
et les reptiles, ne s’infestent pas; nous avons parfaitement infesté un chien, 


532 ANALYSES . DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


mais pour cela nous avons procédé de la manière suivante : On a pris une 
anse intestinale de rat qui avait mangé cinq jours auparavant des trichines 
adultes, et, comme on l’a vu plus haut, c’est du cinquième au sixième jour 
que ces dernières donnent naissance à leurs petits. Ce morceau d’intestin, lié 
aux deux bouts, a été donné à un jeune chien, et, par ce moyen, il s’est par- 
faitement infesté ; mais dans ce cas il ne présentait pas un très-grand nombre 
de trichines, parce que ses muscles n’avaient été envahis que par les petites 
trichines ingérées, et l’on sait qu’une fois dans les muscles elles ne peuvent 
pas donner lieu à une génération nouvelle. 

On parvient également très-bien à infester des salamandres où animaux 
dits à sang froid, seulement elles ne sont susceptibles de s’infester que 
pendant une partie de l’année, pendant l’été. Ces animaux n’ayant qu’une 
température de bien peu supérieure à celle du milieu dans lequel ils 
vivent, ne présentent pas de prise à l’infection trichineuse pendant l'hiver, à 
moins qu'on ne les soumette à une température artificielle de 25 à 30 degrés 
centigrades. Ces mêmes animaux ont même le rare bonheur de se débarrasser 
complétement des trichines lorsque arrive le froid, si on les laisse soumis à la 
température ordinaire de la saison, parce que ces entozoaires périssent tou- 
jours et sont en grande partie complétément résorbés. Les trichines passent 
des mammifères aux animaux à sang froid sans subir aucune modification ap- 
parente, et après avoir séjourné dans les muscles des salamandres, elles peu - 
vent infester les animaux à sang chaud. C’est ainsi que M. Legros, qui, le 
premier, a montré que les reptiles contractent la trichinose, a infesté un rat 
avec de la chair de salamandre trichinée. 

Voulant déterminer la résistance vitale que présentent les trichines adultes, 
nous avons placé de la chair qui en contenait dans des conditions différentes. 
Un morceau a été mis dans un endroit humide et à l’abri de la dessiccation ; 
il s’est ainsi rapidement putréfié, et, au bout de treize jours, les trichines 
étaient encore parfaitement vivantes, tandis qu’elles étaient depuis longtemps 
mortes dans un morceau de chair qui avait été desséché. Ces deux portions 
de muscle, l'une desséchée et l’autre putréfiée, provenant du même animal, 
- ont été données chacune à un rat de même taille et nourri dans les mêmes 
conditions, et ces deux animaux, examinés vingt-cinq jours après, n’ont pas 
été trouvés infestés tous les deux; un seul l'était, celui qui avait avalé la chair 
putréfiée. Nous avons également fait avaler à des rats des excréments d’au- 
tres animaux et dans lesquels on trouvait des trichines, mais ceux-ci n’ont 
jamais été trouvés infestés de trichines. Ii est, d’après cela, fort peu probable 
que certains animaux, tels que les porcs, s’infestent en mangeant les excré- 
ments d’autres bêtes. 

Îls contractent bien plutôt la trichinose en mangeant quelques petits mam- 
mifères, tels que les rats, taupes, etc., chez lesquels il n’est pas rare de ren- 
contrer des trichines. 

Nous avons également donné de la chair trichinée à des animaux en partu- 
rition, afin de voir si ces entozoaires étaient susceptibles de passer de la mère 


‘+ 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 533 


aux produits, mais la mère seule a toujours été trouvée infestée. M. Rodet 
(de Lyon) a fait la même expérience sur des lapins et a obtenu les mêmes ré- 
sultats. 

C’est sans en avoir des preuves bien certaines, que MM. Delpech et Raynal 
ont avancé, dans leur rapport à l’Académie de médecine, qu’on ne rencontrait 
pas de trichines chez les rats qui vivent en liberté dans les égouts de Paris. 
Dans le courant de mai dernier, nous avons eu l’occasion d'examiner trente- 
deux de ces animaux, et, sur ce nombre, nous en avons trouvé trois qui pré- 
sentaient un très-grand nombre de trichines; sur deux des rats elles étaient 
enkystées, et sur le troisième elles étaient libres. Ces animaux ont été pré- 
sentés à la Société de biologie et ont été l’objet d’un examen attentif de la part 
des savants membres de ceite Société, qui n’ont pas conservé le moindre 
doute sur la réalité du fait. | 

Du 7 avril au 4 juillet 4866, nous avons examiné régulièrement tous les 
cadavres humains qui étaient à notre disposition, et c'est ainsi que pendant 
ces trois mois deux cent soixante-sept cadavres humains ont été l’objet de 
nos investigations, et il ne nous a pas été possible une seule fois de rencon- 
trer des trichines. On n’objectera assurément pas que les différentes per- 
sonnes dont les cadavres sont apportés tous les jours dans les amphithéâtres 
nè mangent pas de charcuterie; elles en font, au contraire, une très-grande 
consommalion. Nous croyons qu’il faut plutôt chercher la cause de ces résul- 
tats dans les différentes préparations que subissent ces viandes avant d’être 
mangées, et entre autres la cuisson : on sait, en effet, que les trichines péris- 
sent infailliblement lorsqu'elles sont portées à une température de 70 à 80 
degrés centigrades. 

Depuis la publication des observations rapportées ci-dessus, j’ai examiné 
au microscope les muscles d’un assez grand nombre de rats encore vivant en 
liberté dans les égouts de Paris. Sur quarante de ces rats, j’en ai trouvé deux 
infestés de trichines. IL fallait quelquefois pour trouver ces petits nématoïdes 
faire deux ou trois préparations des muscles où ils se trouvent très-nombreux 
quand on infeste volontairement les rats ou les lapins. L'un de ces deux rats 
a été présenté à la Société de biologie par M. Robin. Chez celui-ci ces vers 
étaient norabreux et presque tous enkystés. 

J'ai examiné également de nouveau un certain nombre des cadavres des- 
tinés aux dissections de l’École pratique, et je suis arrivé aux mêmes résultats 
qu’antérieurement, c’est-à-dire que je n’ai jamais trouvé de trichines. 


Pa 


53/4 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Recherches sur les mouvements de la Sensitive (Mimosa pudica, 
Linn.), par M. le docteur Pau Berr, professeur de zoologie à 
la Faculté des sciences de Bordeaux. (Extrait des Mémorres de 


la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux, 
3° cahier 1866 et avril 1867). 


On voudra bien considérer, en lisant les pages qui suivent, que mon but, en 
les écrivant, n’a été nullement de faire une monographie des mouvements de 
la Sensitive. Je ne prétends pas non plus appliquer aux autres végétaux exci- 
tables (DionϾa muscipula, Drosera, Oxalis sensiliva, etc.) ce que je dis de la 
plante qui fait le sujet de mes expériences : une pareille généralisation serait 
tout à fait prématurée. Je me contente, pour le moment, d’exposer les faits 
que j'ai observés, et d'en tirer les conséquences prochaines. 

Ceci posé, j’entre en matière. 

L. Anatomie. — A la base de chaque foliole et de chaque pétiole secon- 

daire ou primaire, se trouve un renflement; ce renflement ne contient pas 
de moelle : l’étui fibro-vasculaire des pétioles y forme une colonne pleine. 
Autour de cet axe ligneux, le liber et l'écorce s’épaississent et constituent le 
renflement. L’épiderme qui les revêt ne contient pas de stomates. Le liber 
est formé de cellules laissant entre elles des méats remplis de gaz. Les cel- 
lules de l’écorce forment, au contraire, une masse continue ; la plupart, mais 
non toutes, comme on le dit d'ordinaire, contiennent un gros globule qui les 
remplit presque complétement, et paraît de nature graisseuse. Je me suis 
assuré que ces globules manquent, ainsi que la couche aérifère, dans le 
renflement pétiolaire de l’acacia (Robinia pseudo-acacia). Selon Brücke (1), 
la paroi des cellules est plus épaisse dans la partie supérieure que dans la 
parte inférieure du renflement. Les parties latérales sont semblables à la 
partie supérieure. 
. Dans la très-jeune feuille, en Ni et non encore excitable, on ne 
voit pas de renflement ; mais le microscope montre déjà un épaississement 
du tissu cellulaire cortical. Il n’y a alors ni globules, ni couche aérifère. Dans 
une feuille dont le pétiole a 15 millimètres, et qui n’a pas encore ouvert ses 
folioles, je trouve les corps globuleux et la couche aévifère ; le pétiole pri- 
maire est un peu sensible. 

Il, Mouvements. — Le Mimosa pudica présente, comme chacun sait, deux 
ordres de mouvements : 1° des mouvements lents, constituant ce qu’on ap- 
pelle d'ordinaire l’état de sommeil et l’état de veille de la plante ; 2° des mou- 
vements brusques, consécutifs à une excitation plus ou moins vive : ceux-ci 
ont mérité à la Sensitive son nom et sa célébrité. 


(1) Ueber die Bewegungen der Mimosa pudica (Archiv für Analomie, Physiolo= 
gie, und Wissenschaftliche Medicin. 1848). 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS: 535 


Ces deux ordres de mouvements ont pour résultat dès apparences sem- 
blables : dans les deux cas, les pétioles primaires s’abaissent, les folioles se 
rapprochent par leur face supérieure. Il est tout naturel qu’on les ait com- 
parés l’un à l’autre, et même par suite identifiés. On ne doit donc pas être 
surpris de voir que, à l’exception de Brücke, dont je ne connaissais point 
le travail au moment où j'ai fait mes recherches, tous les auteurs aient con- 
sidéré les mouvements excités de la Sensitive comme un état de sommeil pro- 
voqué. (était encore l’opinion soutenue par Fée (1) dans son important mé- 
moire, un peu postérieur à celui de Brücke. Nous verrons plus loin que ce 
sont deux ordres de phénomènes tout à fait différents quant à leur cause 
intime. il n’en est pas moins vrai qu’ils se ressemblent si bien (au moins à 
une certaine période du mouvement nocturne), qu’une seule description peut. 
servir pour tous deux. 

L'auteur décrit avec plus de détails qu’on ne le fait d'ordinaire, les mou- 
vements simples des pétioles primaires, les mouvements complexes des pé- 
tioles secondaires et des folioles. 

Le centre de tous ces mouvements des folioles et des pétioles de premier 
ou de second ordre se irouve dans ces renflements dont nous avons signalé 
l'existence à la base des pétioles et des nervures principales, Le renflement 
tout entier prend part au mouvement; cela est manifeste, surtout dans les 
mouvements complexes des pétioles ‘secondaires et 'des’folioles. 

_ Mais =. changements tr “connus décrits depuis cer 
présente une Sensitive pendant la période de vingt-quatre heures. 

Entrant une nuit à deux heures du matin dans mon cabinet, où se trou- 
vaient quatre vigoureuses Sensitives dont j'avais, au début de la nuit, constaté 
l’état nocturne habituel, je fus très-surpris de voir leurs pétioles primaires 
extraordinairement dressées, les pétioles secondaires ne présentant rien de 
particulier. Une explication toute naturelle se présentait, et je l’acceptai un 
instant : c’est que les pétioles de: premier ‘ordre avaient repris bien avant le 
jour leur position diürrie, Cépéñdant, leur rédressement exagéré m’ayant mis 
en défiance, je me convainquis, lorsqu’au matin les folioles s’étalèrent, qu'ils 
s'étaient notablement abaissés. J'ai, depuis, vérifié maintes fois ce fait, et je 
me suis même assuré que, souvent, surtout lorsque la Sensitive est un peu 
fatiguée, ce redressement des pétioles primaires pendant l’état nocturne a 
lieu d'emblée, sans être précédé de l’abaissement habituel. 

Mais ne nous bornons pas: à ces indications vagues ; précisons, par des 
chiffres empruntés à quelques exemples; la valeur des changements de posi- 
lion que nous venons de décrite, Coime ‘conslituant le passage de l’état diurne 
DCR OCR do C'"hretares 


(1) Mémoire physiologique et organographique sur la Sensitive et les plantes dites 
Sommeillantes (Mémoires de la Sociélé d'histoire naturelle de Strasbourg, t. IV, 
Strasbourg, 1849). Fée a depuis ajouté quelques faits intéressants à ses anciennes 
découvertes (Bulletin de ia Société botanique de France, 1858). 


536 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Commençons par les péliales secondaires : 

7 septembre. — 9 heures du matin : temp., 24° ; lumière diffuse. 

Les pétioles secondaires, au nombre de quatre, sont ainsi espacés, qu’en 
comptant à partir du pétiole primaire on a les angles suivants : 400°, 55°, 
60°, 55°, 90°. De plus, leur direction moyenne fait, avec celle du pétiole 
primaire, un angle d’inclinaison égal à 430°. 

Le soir, vers huit heures, ces pétioles sont redressés suivant la direction du 
pétiole primaire, et étroitement rapprochés l’un de l’autre, 

Mais les pétioles de premier ordre sont beaucoup plus intéressants et m'ont 
beaucoup plus occupé. L’angle dont je vais donner les valeurs est l'angle 
inférieur fait par le pétiole avec la tige. Dans la suite de cette note, je le 
désignerai quelquefois par l’expression : angle «. 

A1 sept. — Temp., 19°. 

8 heures 30 min. du matin. Lumière diffuse : 


Feuille À (D) 000 56-00 en x RE 
TT. RARES se CRE 4470 


es Boroonoossssre serons 14300 
10 heures 30 min. du soir. Obscurité complète : 


Feuille dass te as 30°: diff, : 4009 
7" sa ee ax dé oh sisi 900; diff. : 57° 
— ECRIRE A POLAIRE SLT AE. 2 959; diff. : 35° 


J'ai dit plus haut que l’état d’abaissement des pétioles était suivi d'un état 
de relèvement au-dessus de leur position pendant la veille. Voici l’observation 
fortuite qui m’a mis sur la voie de ce fait curieux : 

Nuit du 44 au 15 sept. — Temp. 22°. 

2 heures du matin: 


41e Sensitive: Feuille €... uso cos saèvesessis 4609 


— - ee D ns 165° 
2° Sensitive. : Feuille 2 ....,........ RE PRE 4459 
“= PAL: Pa PR Lee or es 1250 


Les pétioles secondaires et les folioles étant dans l’état de sommeil complet. 
Le 45 sept., à 9 heures du matin, — Lumière diffuse ; temp., 24°: 


4re Sensitive : Feuille 4 .,..sopsaceess 493003: diff, : 25° 
— mal : sn doocsesus ve LES O3 288 
2° Sensitive : Feuille 2 ,. ses sncnessen 14093 diff. : 35% 
Là le. votes Re, 115% RECU 


Pour rendre plus manifestes ces oscillations, je les ai représentées par des 
tracés graphiques dans lesquels les temps sont mesurés sur l’axe des abcisses, 


(1) En partant du sommet de la tige. 


TP I EE 7 AE 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS« 537 


et les grandeurs d’angles sur celui des ordonnées. Une ligne noire ‘horizon- 
tale indique la période nocturne. | 

Parmi les exemples rapportés par l’auteur. nous citerons le suivant, qui 
a été étudié pendant plusieurs nuits et plusieurs jours consécutifs ; nous ne 
reproduisons que la figure qui représente les oscillations de deux feuilles. 

La figure 1 représente les oscillations des feuilles 4 et 2, 


MinuiT Moi Minuit Mini: Mint * Mao Manuir Mini Maur +2 Mini Minuir 


FIG. 4e 


En laissant de côté les apparentes irrégularités dont la raison est difficile 
à saisir, on voit que, d’une manière générale, les pétioles primaires, très- 
abaissés à l’entrée de la nuit, se relèvent plus ou moins pendant la nuit, pour 
s’incliner ensuite de plus en plus à partir du matin jusqu’à la nuit suivante, 
le minimum etle maximum de l’angle « étant fournis généralement par l’état 
nocturne. Celui-ci reste donc exclusivement caractérisé par la fermeture des 
folioles et le rapprochement des pétioles secondaires. 

On ne saurait invoquer, pour expliquer ces phénomènes, ni l’action de la 
lumière, ni celle de la température. C’est là un fait dont l’importance dépasse 
l’histoire particulière de la Sensitive, et qui devra être pris en considération 
toutes les fois qu’on tentera d’expliquer le sommeil des plantes. 

À ce propos, je dirai que j'ai vu le réveil d’une jeune Sensitive, ou du 
moins le redressement rapide de ses pétioles principaux, s’opérer sous l’in- 
fluence d’une simple bougie. Le tronçon d’un pétiole, auquel j'avais enlevé 
dès le matin ses pétioles secondaires et ses folioles, se releva comme les 
autres. L'influence de la lumière se fait donc directement sentir sur le ren- 
flement pétiolaire. Il est très-probable, comme le croyait Dutrochet, qu’il en 
est de même pour les renflements foliolaires. 

IV. — Occupons-nous maintenant des mouvements consécutifs à une exci- 
tation. 
Ils sont, avons-nous dit, semblables à ceux qui caractérisent le début de 
l’état nocturne : abaissement du pétiole primaire, rapprochement des pétioles 
secondaires, imbrication des folioles. Voici quelques chiffres propres à fixer 
les idées sur l'étendue du mouvement des pétioles primaires : 


238 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


6 sept.; 8 heures 30 min. du matin; lumière diff.; temp. 22° : 


Feuille 2, avant l’irritation... 4450, après... 60°; diff. : 55° 
nn le à A CS AIRE RE CORNE 80°; diff, : 65° 


9 heures 50 min. du matin; plein soleil ; temp., 47° : 


Feuille 2, avant l’irritation... 4100, après... 470; diff. : 63° 
NE dec cé un QE Ni EN LORS 0 se 85°; diff.: 700 


Cette amplitude de 70° est la plus considérable que j'aie rencontrée, à 
l’état diurne, dans plus de cent expériences mesurées, sauf dans un cas où la 
plante était exposée au soleil, à une température de 51°. 

Lorsque la plante est dans l’état de sommeil, que ses pétioles primaires 
soient très-redressés ou très-abaissés, ils s’infléchissent toujours par l’exci- 
tation. 

Exemples : 

6 sept. 8 heures du soir : avant l'excitation, « — 88°; après, 38°; 
diff. : 50°. — 15 sept., 2 heures du matin : avant, « — 460° ; après, 77°; 
diff. :83°. | 

C’est même pendant l’état nocturne que le pétiole est le plus facilement 
irritable. 

Il aurait été intéressant d’étudier la forme du mouvement exécuté par la 
feuille de Sensitive, soit dans sa position normale, où la pesanteur intervient, 
soit en la soustrayant à cette action par:la position horizontale. Mais je n'ai 
pas à ma disposition les appareils enregistreurs qui seraient indispensables 
pour l’étude de ce mouvement rapide. J’ai pu tenter quelques mesures pour 
le relèvement de la feuille, qui a lieu beaucoup plus lentement. 

D’ordinaire, cet affaissement dure peu de temps après l’excitation. Gra- 
duellement a lieu le retour à la position diurne, avec une rapidité qui dé- 
pend de l’état de santé de la plante, de la température, etc, 

Exemple : | 

6 sept.; temp., 34°, à 1 heure 7 min. : 


0 SAPDOR SUIS SN NO 


À 4 heure 45 min., l'angle est 85° ; à 4 heure 20 min., 99° ; à 4 heure 
25 min., 144°; à 4 heure 30 min., 448°; à 4 heure 36 min., 428°; à 
4 heure 42 min., id. 

On voit que le mouvement d’élévation est plus rapide au début. 

La Sensitive, comme tous les végétaux, et à un plus haut degré que la plu- 
part d’entre eux, est impressionnée par la direction des rayons lumineux qui 
Ja frappent; ses folioles tendent à mettre leur face supérieure dans un plan 


perpendiculaire à cette direction, si étrange que soit la position que l’on 
donne à la plante. 


mme mm 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, 539 


Il peut en résulter des distorsions singulières des pétioles. Si l’on place 
une feuille dont le pétiole primaire soit horizontal, à l’opposite du soleil, 
par rapport à la tige, les pétioles secondaires s’écartent en éventail, le plus 
possible ; si, ensuite, on retourne la plante, de manière que la feuille soit 
du côté du soleil, les pétioles secondaires se rapprochent. Je les ai vus ainsi, 
en vingt minutes, se mouvoir de telle sorte, que l’angle des deux extrêmes, 
qui était dans la première position de 130°, est devenu de 70° dans la se- 
conde. 

Les seules parties douées de motricité dans la Sensitive sont les renflements 
basilaires des pétioles et des folioles. 

Dans le pétiole primaire, en repos diurne, la section verticale principale (4) 
de ce renflement présente une notable convexité par en bas ; sa partie supé- 
rieure est délimitée par une ligne à peine convexe, presque droite. Après 
l’excitation, celle-ci devient très-convexe, l’autre notablement concave. En 
outre, la courbe supérieure s’allonge, l’inférieure se raccourcit : c'est ce 
qu'avait déjà dit Brücke. Pendant l’état d’exhaussement nocturne, la courbe 
supérieure arrive à être concave; mais son arc appartient à un cercle de 
rayon beaucoup plus grand que l’arc de la courbe inférieure. 

Il est d'observation vulgaire que l’excitation d’un point de la Sensitive n’a 


pas seulement pour conséquence un mouvement local, mais s’étend plus ou 


moins dans différentes parties de la plante. De plus, on sait qu’il n’est pas 
nécessaire pour obtenir un mouvement d’irriter directement la partie suscep- 
tible de mouvement, le renflement. 11 y a donc, dans la Sensitive, en outre 
de la motricité, deux propriétés à étudier : l’excitabilité, la transmissibilité. 

V. Excilabilité, — La partie la plus excitable de la plante est certainement 
la partie inférieure du renflement dans les pétioles primaires, et la partie su- 
périeure dans les renflements des folioles. (Dutrochet, Burnett et Mayo) (2). 

Dans le reste de la feuille, l’excitabilité existe aussi ; il suffit de trancher 
en son milieu un pétiole primaire pour en voir aussitôt le tronçon s’abaisser, 
d'entamer un foliole pour en voir se relever le limbe. Mais il est facile de s’as- 
surer, dans ce dernier cas, que l’effet est bien plus rapidement produit par 
une section perpendiculaire à la nervure principale que par une section lon- 
gitudinale; parfois même, chez des plantes fatiguées, celle-ci ne donne aucun 
résultat. En poursuivant la raison de ce fait, j’ai cru voir que le parenchyme 
de la foliole est tout à fait inexcitable, et qu’on n'obtient rien en piquant avec 
une aiguille fine dans l'intervalle des nervures ; mais si celles-ci sont intéres- 
sées, le mouvement aussitôt a lieu. De même, on peut enlever délicatement un 
lambeau d’écorce des pétioles sans que le renflement en soit averti; mais si 
l’on entame les faisceaux, il s'incline aussitôt. Ainsi, lé tissu cellulaire des 
renflements et le tissu fibro-vasculaire des pétioles et des nervures seraient 
les deux seuls tissus excitables. 


(4) C'est-à-dire en passant par l’axe de la tige et par celui du pétioie. 
(2) Quarterly journal of Litterature, Sciences and Arts, New series, n° 3, 14827, 


540 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS; 


-_ Les parties excitables peuvent êtré isolées sans perdre leur propriété. J'ai 
pu, par exemple, à l’imitation (alors involontaire) de’ Fée, conserver des 
folioles sensibles pendant plus de huit jours, après la section du pétiole prin- 
cipal, en son milieu. Le tronçon de celui-ci restait excitable et exécutait les 
mouvements quotidiens pendant deux jours environ. 

. VL Transmissibilité. — Les expériences de Dutrochet (1) ont prouvé que 
cette propriété appartient exclusivement aux faisceaux ligneux : ceux-ci en- 
levés, toute transmission est arrêtée ; conservés, au contraire, aprés l'ablation 
de la moelle et de l’écorce, ils laissent passer l'impression, 

La transmission se fait dans les deux sens ; la section d’un pétiole primaire 
a pour double résultat l’abaissement du moignon et la fermeture des folioles. 
De même, la section d’une tige fait abaisser tout à la fois le pétiole supérieur 
et le pétiole inférieur à la blessure. 

Dutrochet a mesuré la rapidité de la transmission. Il a vu qu’elle est plus 
grande dans les pétioles (8 à 45% par seconde) que dans la tige (2 à 3°" 
par seconde), Elle serait, selon lui, indépendante de la température ambiante, 
ce qui m'étonne beaucoup. 

La rapidité de la transmission est plus grande dans le sens centripète que 
dans le sens centrifuge, contrairement à ce qu'avait dit Dutrochet. Si l’on tran- 
che par la moitié une foliole située vers le milieu du pétiole secondaire, on 
voit le tronçon se relever, et presque simultanément la foliole symétrique ; 
puis, par paires, les folioles inférieures, c’est-à-dire plus voisines de la tige, 
jusqu’à l’origine du pétiole secondaire, Ici, le mouvement des folioles con- 
tinue sur le pétiole symétrique; mais 1] se propage en sens inverse, et tou- 
jours par paires, Pendant ce temps, les folioles supérieures à la fohole lésée 
se relèvent également par paires. Mais il est facile de voir que la propagation 
de l’impression est beaucoup plus lente dans ceux-ci que dans les folioles 
inférieures. Elle éprouve évidemment des résistances qui se manifestent en- 
core par ceci, qu’elle s’arrête bien plus tôt dans sa marche centrifuge que 
dans sa marche centripète. 

De même, la rapidité et l’énergie de la transmission à travers la tige sont 
plus considérables de haut en bas que de bas en haut. Sur une Sensitive qui 
possède six feuilles, numérotées de haut en bas, je coupe le pétiole primaire 
de la feuille n° 3 ; entre trois et cinq secondes après, les feuilles inférieures, 
dans l’ordre 4, 5 et 6, abaissent leur pétiole : les feuilles supérieures 2 et 4 
restent immobiles. 

VII. Excitants. — Les excitants susceptibles de déterminer les mouve- 
ments de la Sensitive peuvent être d'ordre mécanique (piqûre, section, pin- 
cement, pression tendant à abaisser ou à élever les pétioles, etc. ); ou d'ordre 
physique (chaleur, électricité, changement brusque de température, suppres 


(1) Recherches anatomiques et physiologiques sur la structureintime des animaux 
et des végétaux et sur leur motilité, Paris, 1824. — Mémoires pour servir à l’his- 
toire anatomique et physiologique des animaux et des végétaux. Paris, 1837, t. I. 


| 
ÿ 


ENS _ 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 5hl 


sion brusque de l’insolation, exposition soudaine aux rayons solaires, etc.);. 
ou d'ordre chimique (acides, bases, caustiques). Je ne ferai ici qu’une obser- 
vation : lorsque, à l’aide d’un courant induit traversant le pétiole, j’ai obtenu 
quelque mouvement soit de ce pétiole, soit des folioles, l’effet du courant 
avait probablement été porté jusqu'à action caustique, car je trouvais, dès le 
lendemain, très:malade ou même desséchée la partie qu’il avait traversée. 
Si l'on fait passer le courant à travers un certain nombre de paires de folioles, 
on peut exciter les folioles, les pétioles secondaires et le pétiole primaire; les 
premières folioles qui se relèvent sont celles qui sont comprises entre les 
rhéophores. 

VIIL. Conditions de l'excitabilité. — Une température supérieure à joe, 
l’exposition régulière à la clarté du jour, un état normal de santé, sont, 
comme on le sait depuis longtemps, des conditions nécessaires pour qu’une 
Sensitive puisse être excitée. J’ai fait quelques expériences pour déterminer 
le degré le plus élevé de température qu’une Sensitive pourrait supporter 
sans perdre son excitabilité, ou ayant perdu son excitabilité, sans mourir. Je 
dirai d’abord que toutes les fois que l’excitabilité a été complétement et défi- 
nitivement détruite, j'ai toujours vu la plante elle-même succomber, Mais 
l’excitabilité peut momentanément disparaître pour reparaître ensuite (Julius 
Sachs) (1). Les températures supportées par mes Sensitives ont été beaucoup 
plus élevées que la température indiquée comme limite supérieure par Julius 
Sachs (52° c. ). 

En effet, le 6 sept., une Sensitive a été placée au soleil, sous une cloche, 
à 9 heures 5 min.; à 9 heures 50 min., la température de l’air est 47° : les 
feuilles 2 et 3 me donnent 63° et 70° de chute par l’irritation. À 40 heures 
10 min., la plante, reposée à la lumière diffuse, est remise au soleil. A 
40 heures 45 min., la température est 54°; l'excitation donne des chutes de 
83° etde 57°, À celte haute température, les folioles sont à moitié fermées. 

Pai même vu une Sensitive rester sensible dans une étuve humide, où la 
température, prise au-dessus de la terre du pot, a monté, en 17 min , de 
28° à 56°, et dans les 8 min. suivantes, de 56° à 62°, | 

L'action des excitations successives et la nécessité du repos ont été signa- 
lées depuis longtemps, et l’observation classique de Desfontaines sur une 
Sensitive en voiture est connue de tout le monde, Mais je ne connais pas 
d'expérience faite avec soin sur cette accoutumance aux excitations que pré- 
sente la Sensitive. J’ai cru bien faire de combler cette petite lacune, au moins 
pour ce qui a rapport aux pétioles primaires. 

6 sep.; tempér. 34°. 

2 heures 36 min. : angle avant l’irritation, 120° ; après, 50°, 

De 2 heures 36 min. à 2 heures 45 min, , la feuille est irritée de 5.en 
8 secondes ; de 2 heures 45 min. à 2 heures 50 min., de 10 en 40 secondes ; : 
de 2 heures 50 min. à 3 heures, de 30 en 30 secondes. Malgré ces excita- 


(1) Handbuch der experimental-physiologie des Pflanzen, Leipzig, 1865, p, 55: 


542 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


tions répétées, le pétiole se relève aussi vite que si on l’eût laissé en repos : 
9 heures 4i min., 70°; 2 heures 46 min., 80°; 2 heures 52 min., 402°; 
3 heures, 1200. 1 n’a mis à remonter que 24 nutenl ce qui est à peu près 
le temps ordinaire. 

J'arrive à des faits plus importants en eux-mêmes et par les contes 
qu’on à voulu tirer de leur observation incomplète. Nous nous occuperons 
plus tard de celles-ci : parlons d’abord des faits. 

Lorsqu'on soumet une Sensitive à l’action des vapeurs de chloroforme ou 
d'éther, on constate qu'elle devient insensible aux irritations : la motilité a 
disparu, si bien que la plante reste ce qu’elle était au moment de l'application 
du poison. Si celle-ci a eu lieu tandis que la Sensitive était au repos, elle 
demeure avec ses folioles étalées, ses pétioles dressés ; si, au contraire, on 
venait de l’exciter, ses folioles restent imbriquées, ses pétioles abattus. (Le 
Clerc, de Tours) (1). 

Tel est le mode d’action de ces substances mises en contact avec la plante 
tout entière. Mais il est tout autre si on les fait agir sur une partie seulement 
de la plante. Cette partie seule est immobilisée. Je m’en suis assuré par l’ex- 
périence suivante : 

Une feuille, en place, est introduite (folioles et moitié du pétiole primaire) 
dans le col d’une petite cornue tubulée ; ce col est soigneusement luté. Quand 
les folioles se sont rouvertes, je fais tomber par la tubulure un petit morceau 
de coton imbibé d’éther, et je referme rapidement. Rien ne se produit tout 
d’abord ; les folioles restent étalées; le reste de la plante conserve compléte- 
ment et son apparence et son excitabilité. Mais, après dix ou quinze minutes, les 
folioles incluses dans la cornue commencent à se crisper : l’action de l’éther 
les a tuées; vers le même temps, on voit, sur le reste de la Sensitive, qui 
était demeuré parfaitement excitable, les folioles se fermer, les pétioles s’a- 
battre, et cela par chutes soudaines ; les folioles se ferment par paires de 
bas en haut, presque toujours avant l’abaissement de leur pétiole. 

Ainsi, l’éther n’a d’action immobilisante que sur la feuille avec laquelle 1l 
est mis en contact. Mais, par l’irritation violente qu’il détermine en la tuant, 
il excite des mouvements généraux dans la plante tout entière. Or, il en est 

.de cette excitation comme de celle que produit un agent chimique énergique 
(une goutte d’acide sulfurique, par exemple) ; elle a presque toujours pour 
conséquence la suppression de la sensibilité pendant un temps plus ou moins 
considérable, et souvent même la mort de la Sensitive en expérience. 

Réciproquement, en plaçant un rameau de Sensitive dans la tubulure d’une 
petite cornue, les feuilles restant au dehors, puis, lutant l'ouverture et intro- 
duisant par le col de la cornue un morceau d’ouate imbibé d’éther, j'ai vu 
que la sensibilité des pétioles et des folioles était parfaitement conservée : 
mais celles-ci se ferment par irritation de l’éther sur le rameau. 


(1) Sur les mouvements de la Sensitive (Comptes rendus de l'Acadernie des sciences, 
t. XXXVII, XXXVIIT, XL). 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 9043 


Le chloroforme agit identiquement de même. Le Clerc (de Tours), dans 
son étude sur l’action des anesthésiques, avait déjà vu une Fartie des faits que 
je viens de signaler. 

IX. — Dans l’état diurne normal, le pétiole principal s’élève d'un certain 
angle au-dessus de l'horizon. Après l’irritation, il s’abaisse généralement au- 
dessous de la ligne horizontale. Il était intéressant de connaître la valeur de 
force déployée par le renflement pour élever ainsi, au bout d’un long bras 
de levier, le poids des folioles. 

Des expériences tentées dans ce but, ont donné dans un cas, à l’auteur, 
une valeur approximative de 20 à 21 grammes. 

X.— Étudions maintenant d’un peu plus près le mode d’action de ces 
renflements tout à la fois excitables et moteurs. 

Des expériences qui remontent à Lindsay (1790), et qu'avait imaginées, 
de son côté, Dutrochet (1824), lequel ne pouvait connaître le travail alors 
inédit du botaniste anglais (1), ont montré que si l’on enlève jusqu’au bois 
la partie supérieure du renflement pétiolaire principal, celui-ci se relève 
au-dessus de sa position primitive. Si, de même, on enlève la partie infé- 
rieure, le pétiole s’abaisse plus bas qu’à la suite d’une excitation, et ne se 
relève plus. On peut enfin obtenir une torsion latérale en enlevant un lam- 
beau d’un côté du renflement. Des résultats analogues sont la suite d’opéra- 
tions pratiquées sur les renflements des pétioles secondaires ou sur ceux des 
folioles. 

Il est bon d'indiquer que ces phénomènes ne sont en rien modifiés 
par l'intervention préalable des anesthésiques qui ont immobilisé la 
plante. 

Aïnsi, toujours le vétiole se dirige du côté où a été faite l’amputation. On 
peut se représenter l’axe fibro-vasculaire comme enveloppé d’un ensemble 
de ressorts qui agissent simultanément, chacun d’eux le poussant du côté op- 
posé à sa propre situation, l’inférieur poussant en haut, etc. La position 
d'équilibre du pétiole dépend de l’énergie de tous ces petits ressorts bandés 
qui se combattent deux à deux; si, maintenant, nous enlevons l’un de ces 
ressorts, l'antagonisme pousse victorieusement le pétiole dans le sens où rien 
ne lui résiste plus. 

Si l’on pratique dans le renflement une section parallèle à l’axe, mais in- 
complète, on voit que le lambeau adhérent s’allonge et dépasse la surface 
de section sur laquelle il ne peut plus être exactement appliqué. C’est là 
une autre preuve de l'existence de ces ressorts, ou, pour mieux dire, de ce 
tissu qui tend à occuper le plus de place possible, et presse par suite sur 
l'axe ligneux. 

Pendant la position de repos diurne, le ressort inférieur fait équilibre à la 
fois au poids des folioles et à la force du ressort supérieur ; en outre, il presse 
sur celui-ci par un excédant de puissance qui se traduit par l’élévation du 


(1) Les résultats n’en furent publiés qu’en 1827 par Burnett et Mayo. 


5h! ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


pétiole au-dessus de l” horizon, et dont les poids indiqués plus haut peuvent 
donner une idée . 

Il était intéressant de comparer la puissance d’action réciproque des deux 
moitiés supérieure et inférieure du renflement pétiolaire. Pour y parvenir, 
j'ai mesuré le poids nécessaire pour ramener à l’horizontale le pétiole intact ; 
puis j’ai enlevé le ressort supérieur : le pétiole s’étant alors relevé plus haut 
qu'auparavant, j'ai cherché combien il fallait de poids pour le ramener de 
nouveau à l’horizontale. Ce dernier poids peut donner la valeur de la puis- 
sance du ressort inférieur, et la différence entre les deux poids, la valéur de 
la puissance du ressort supérieur. 

L'auteur a ainsi trouvé que la | ché des deux parties du renflement 
est environ dans le rapport de 4 à 3, durant l’état diurne; la partie infé- 
rieure valant, par exemple, 135,30, l inférieure, 332,98. 

XI — Ces faits établis, on voit que le mouvement dans le renflement pé- 
tiolaire peut être rapporté hypothétiquement à trois causes : 4° Diminution 
d'énergie du ressort inférieur, ayant pour effet une plus grande liberté d’ac- 
tion du ressort supérieur ; 2° augmentation d'énergie de celui-ci; 3° existence, 
dans la partie inférieure du renflement, d'une substance contractile, analogue 
à la substance musculaire, susceptible, en se raccourcissant, de tirer par en 
bas le pétiole. 

Étudions ces trois hypothèses, en rapport avec les mouvements soudains, 
provoqués par une excitation. 

Disons d’abord que, contrairement à l’assertion de Dutrochet (1), un pé- 
tiole privé de la partie supérieure de son renflement ne continue pas moins à 
se mouvoir sous l’influence des excitations ; mais l’amplitude du mouvement 
est alors considérablement diminuée. 

Cette diminution s’explique aisément par l’absence du ressort supérieur, 
qui n’ajoute plus son action à celle du poids des folioles pour forcer le ressort 
inférieur à céder davantage. 

Ceci nous montre que la modification apportée par l’excitation de la partie 
inférieure du renflement suffit pour obtenir un mouvement, 

Mais nous pouvons prouver, en outre, que l’énergie du ressort supérieur 
n’est pas changée par l’excitation. Pour cela, enlevons le ressort inférieur : 
lé pétiole tombera, et prendra une certaine position d’équilibre. Celle-ci bien 
établie, après un repos d’une journée, nous ne pourrons par aucun moyen 
obtenir de modifications dans la valeur de l'angle «, qui devrait évidemment 
diminuer si le ressort supérieur augmentait de puissance lorsqu'il est irrité. 

Il est donc démontré que le ressort supérieur n’est pour rien dans la dé- 
termination du mouvement. Nous restons conséquemment en présence des 
deux dernières hypothèses : le mouvement est-il dû à un affaissement du 
ressort inférieur qui se laisse vaincre par la pesanteur, ou à une contractilité 
propre à’ ce ressort ? 


(1) Recherches anatomiques et physiologiques, etc., p. 57. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, 545 


Tout d'abord, il est facile de voir qu’on ne saurait considérer la moitié 
inférieure du renflement comme une sorte de muscle capable de rapprocher 
par sa contraction ses deux points d'attache. En effet, des sections perpen- 
diculaires à l’axe du renflement, sections allant jusqu’au bois, n’empêchent 
nullement les mouvements provoqués. Il est même remarquable, pour le dire 
en passant, qu’elles n’empêchent pas davantage les mouvements nocturnes. 

Mais attaquons plus directement la question. Si l'inflexion du pétiole a 
lieu par suite du poids des folioles qu’il ne peut plus supporter, le change- 
ment d'angle consécutif à l’excitation devra diminuer lorsqu'on enlève ces 
folioles ; il devra, au contraire, augmenter, si elle est due à une contraction 
s’opérant dans la moitié inférieure du renflement. Or, il diminue manifeste- 
ment. Nous pouvons aller plus loin encore ; et puisque l'action de la pesan- 
teur complique notre étude, nous pouvons la supprimer. Sur un pétiole dont 
la moitié supérieure du renflement a été enlevée, coupons d’abord les pétioles 
secondaires et leurs lourdes folioles. La motilité du renflement persiste; mais 
l’angle qu’il décrit diminue, Couchons alors la plante, en telle sorte que le 
plan de mouvement du pétiole en expérience soit horizontal. Lorsque la Sen- 
sitive est reposée, mesurons avec soin l’angle &; puis irritons la partie infé- 
rieure, la seule conservée, du renflement : la valeur d’x ne change en rien. 

Il n’existe donc pas, dans cette partie inférieure, de tissu contractile, car 
il eût agi pour diminuer l’angle «, entraînant facilement le faible poids du 
tronçon de pétiole. Et, cependant, le renflement inférieur est entré en action, 
puisque si nous relevons avec grande précaution la plante, nous voyons le 
pétiole s’incliner peu à peu, en signe de diminution de résistance du renfle- 
ment inférieur. 

J'ai à peine besoin de dire que ce sont là des expériences très-délicates, et 
dans lesquelles les plus minutieuses précautions sont nécessaires. 

Ainsi, le ressort inférieur a cette propriété de perdre par l'excitation 
directe ou propagée une partie de son énergie. 

Le ressort supérieur, dont la texture histologique est la même que celle 
du ressort inférieur, jouirait-il, mais à moindre degré, bien entendu, de la 
même propriété? J'étais fort désireux de le démontrer, mais je n’ai pu le 
faire d’une manière nelte. Les expériences que j'ai tentées pour y parvenir 
étaient identiques avec celle qui vient d’être décrite ; seulement, la plante avait 
dû être renversée, le pot en l’air. J’ai obtenu ainsi de très-faibles changements 
d'angle , d'environ 5 degrés, quisemblent indiquer une petite diminution dans 
l'énergie du ressort supérieur, à la suite de l'excitation. Mais je ne fais nulle 
difficulté d'avouer que ces expériences ne permettent pas une conclusion 
définitive. Ge qui reste seulement bien démontré, c’est que le ressort supé- 
rieur n’augmente pas de puissance par l'excitation, et que le changement 
d’augle tient exclusivement à la modification du ressort inférieur, 

XII. — Étudions maintenant la manière dont les choses se passent pendant 
la modification lente désignée sous le nom d’élat nocturne ou de sommeil, 

Enlevons la partie supérieure d’un, renflement pétiolaire, Nous verrons 

JOURN. DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL, -— T, 1V (1867), 39 


946 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


alors, comme l'ont vu d’autres auteurs, que le pétiole s’abaisse lors de l’éta- 
blissement de l’état nocturne; mais ce qu'ils n’ont pas vu, c’est que, plus 
tard, il se relève plus haut que pendant le jour. Si même la plante en expé- 
rience était de celles qui, par suite de fatigue, n’abaissent pas leurs pétioles 
à l'entrée de la nuit, l’exhaussement a lieu d'emblée dans le pétiole blessé 
comme dans les autres. 

Ainsi, le ressort inférieur peut diminuer, puis augmenter de force pendant 
l’état nocturne. Mais, pour le ressort supérieur, je l'ai toujours vu, dans 
cette circonstance, acquérir plus d'énergie, Cela peut être mis en évidence 
par des expériences analogues à celles que nous venons de rapporter. Enle- 
vons la moilié inférieure du renflement : le pétiole tombe à un certain degré ; 
or, à l'entrée de la nuit, nous le voyons s’incliner davantage encore. 

La figure 2 traduit en graphique les assertions précédentes, Le tracé A 


Fils 


représente le mouvement d'un pétiole dont le ressort supérieur venait d’être 
enlevé. Le tracé B, celui d’un pétiole dont le ressort inférieur a été enlevé, 
et le tracé B', celui d’une feuille intacte de la même plante. 

XIII. — Ainsi, tandis que les mouvements consécutifs à une excitation ont 
pour raison unique une diminution brusque d’énergie dans la moitié inférieure 
du renflement, les mouvements nocturnes sont toujours déterminés par une 
augmentation lente de la force de la moitié supérieure, accompagnée d’une 
diminution d’abord, puis d'une augmentation de puissance de la moitié infé- 
rieure. 

Voici donc une différence originelle établie entre ces deux ordres de mou- 
vements, que leur ressemblance dans l'apparence extérieure avait fait 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 0/7 


identifier par tous les auteurs. Brücke, le premier et le seul, dans un travail 
dont je n’ai eu connaissance qu'après avoir obtenu la plupart des résultats 
ci-dessus énoncés, a tenté de montrer que ces deux états ne sont point iden- 
tiques. Son procédé de démonstration n’était pas des plus simples. 

En premier lieu, il établissait qu’un pétiole est susceptible, par le retour- 
nement de la plante, racine en haut, de décrire, sous l’influence du poids 
des folioles, un plus grand angle après qu'avant l’irritation, ce qui prouve 
que son articulation a, par suite de cetteirritation, perdu de sa roideur. Cher- 
chant ensuite si, après l’établissement de l’état nocturne (où il ne voyait 
qu’un abaissement du pétiole), l'articulation de celui-ci présenterait la même 
laxité, il a trouvé qu’il n’en était rien, et que, dans l’état nocturne, le ren- 
flement n’est jamais moins, mais souvent plus tendu que pendant le jour. 
Son état est donc justement l’opposé de celui qu’il présente après l’irritation. 
Mais si je suis d'accord avec le physiologiste allemand sur ces faits, je diffère 
beaucoup de lui, comme on le verra plus loin, sur l’explication qu’il convient 
d’en donner. 

Malgré les expériences de Brücke, malgré celles qui viennent d’être rap- 
portées, des doutes pouvaient encore s'élever, ou du moins la question 
n’avait pas reçu une de ces solutions qui s'imposent clairement à l'esprit. Je 
me suis demandé s’il ne serait pas possible de séparer l’une de l’autre ces 
deux propriétés de la Sensitive, et d’en supprimer une par quelque procédé 
expérimental, en laissant l’autre complétement intacte. Après avoir essayé 
sans succès bien manifeste la chaleur, le froid, la fatigue, etc., j'eus recours 
à divers poisons, et l’éther me donna, plus complet que je ne l’eusse espéré, 
le résultat désiré. J’ai vu, en effet, des plantes insensibilisées par son in- 
fluence exécuter tous les mouvements concomitants à l’état diurne et noc- 
turne, sans nulle modification. 

Ces expériences ne permettent aucune espèce de doute sur la légitimité de 
la distinction que nous avons établie entre les mouvements de l’état nocturne 
et ceux qui sont consécutifs à une excitation. 

XIV. — Essayons maintenant de remonter aux Sélonnes plus intimes 
dont ceux que nous venons de décrire sont la manifestation. 

Dutrochet avait vu que des fragments d’un renflement pétiolaire, placés 
dans l’eau, se courbent en cercle sur leur côté intérieur. Brücke a repris et 
précisé ce fait. Répondant à une demande de J. Müller, il a montré que la 
torsion en dedans de la moitié d’un renflement, torsion qui s’exagère par 
l'immersion dans l’eau, a pour raison l’allongement des couches exté- 
rieures, et non le raccourcissement de la partie axile, qui ne paraît pas 
changer de longueur. 

Je me suis fréquemment assuré de l’exactitude de ces observations. J’ai 
constaté que si l’on enlève des couches superficielles, elles se recourbent en 
dedans à l’air, mais en dehors dans l’eau; les couches profondes se recour- 
bent en dehors à l’air, en dedans à l’eau, et cela quel que soit le côté du 
renflement auquel on a enlevé ces fragments, qu'il soit en état de repos ou 


AS ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


en état d’abaissement après irritation, Une moitié tout entière de renfle- 
ment se contourne comme les couches profondes. Au reste, le renflement 
moteur d’un acacia ordinaire (Robinia pseudo-acacia) se comporte de même. 
Bien plus, les mêmes effets se constatent sur les pétioles d’une plante 
morte. 

Ces mouvements dus aux phénomènes osmotiques des cellules du renfle- 
ment, sont tout à fait comparables à ceux que présentent les différentes parties 
mobiles de la Sensitive lorsque survient l’état nocturne. On peut, sur la 
plante vivante ou même sur la plante morte, obtenir sur place des mouve- 
ments du même ordre par l’intervention de liquides endosmotiques ou exos- 
motiques. 

Enlevons toute la moitié supérieure d’un renflement pétiolaire ; l'équilibre 
rétabli, plaçons sur la plaie une gouttelette d’eau : aussitôt un mouvement 
énergique d’ascension se manifeste, et la gouttelette d’eau est entièrement 
absorbée par le tissu cellulaire de la partie inférieure du renflement. Si, au 
lieu d’eau pure, nous eussions placé de la glycérine, l'effet aurait été inverse, 
et le pétiole se serait abaissé. On peut même forcer un pétiole relevé par 
l’eau à revenir à son point primitif, en employant la glycérine. Il va sans 
dire que des faits analogues sont présentés par toutes les parties du renfle- 
ment. : 

La surélévation du pétiole, consécutive à la présence d’une goutte d’eau, 
n'empêche pas l’excitabilité du renflement. Il m’est maintes fois arrivé de 
voir un pétiole en voie d’élévation endosmotique, très-rapide, tout à coup 
s’affaisser sous l'excitation de son propre mouvement, pour reprendre en- 
suite sa marche ascensionnelle. | 4 

Ainsi, pour moi, comme pour Brücke, les changements de formes carac- 
téristiques du sommeil, qui sont de leur nature progressifs et lents, doivent 
être rapportés à l’augmentation de tension de toute la substance du renfle- 
ment. 

Dans les pétioles primaires, cette augmentation, au début de l’état noc- 
turne, se fait surtout sentir dans Ja partie supérieure du renflement, et a 
pour conséquence l’abaissement du pétiole; les positions différentes de 
celui-ci sont en rapport avec la prédominance plus ou moins marquée de telle 
ou telle partie du renflement. Dans les folioles, c’est toujours la partie infé- 
rieure du renflement qui l'emporte. 

Maintenant, si l'on me demande d’où vient l’eau qui gonfle ainsi pendant 
la nuit les ressorts des renflements, j’avouerai très-volontiers que je n’en sais 
rien. Gette imbibition est-elle en rapport avec la moindre évaporation consta- 
tée dans les feuilles à l’abri de la lumière? Je n’oserais l’affirmer. Il y a là toute 
une série d’expériences que je compte entreprendre dans la campagne pro- 
chaine. J'indiquerai seulement ce fait intéressant, que pour des feuilles cou- 
pées avec leur rameau dont l’extrémité plonge dans l’eau, la fermeture noc- 
turne des folioles a lieu près d’une heure avant celle des feuilles en place. 

XV, — Arrivons aux mouvements provoqués. Bien différents de ceux dont 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 549 


nous venons de nous occuper, ils sont brusques, rapides. Cela seul aurait dû 
suffire à faire rejeter l'explication que nous avons acceptée pour les phéno- 
mènes du sommeil. Ce ne peut être la perte d’eau qui laisse s’affaisser le 
ressort inférieur, car une semblable perte doit évidemment demander un 
temps notable pour s’exécuter. « La rapide expansion du tissu cellulaire, dit 
» très-justement J. Müller, n’est ni prouvée ni même probable ; les cellules 
» ne peuvent point attirer avec assez de promptitude, à travers leurs parois, 
» les liquides nécessaires à leur expansion. » Le relèvement du pétiole, il 
est vrai, s'effectue assez lentement pour ne pas prêter à cette objection; 
mais celle-ci nous paraît victorieuse pour ce qui a rapport à la chute des 
pétioles ou au relèvement des folioles. | 

D'ailleurs, nous savons que l’éther peut isoler les mouvements nocturnes 
d'avec les mouvements provoqués ; abolissant ceux-ci, laissant ceux-là 
intacts. Il y a là quelque chose de comparable à l’action du curare, qui dis- 
socie la contractilité musculaire d’avec l’excitatricité nerveuse. Cette diffé- 
rence dans l'influence d’un poisen dénote une différence fondamentale dans 
les propriétés qui donnent naissance aux deux ordres de phénomènes. De 
même, l'influence des anesthésiques, qui empêchent le relèvement des pé- 
lioles abaissés, comme leur abaissement lorsqu'ils sont relevés, indique 
l'identité de nature dans la raison première de ces deux mouvements inverses : il 
s’agit là d’une seule et même propriété de la variation d'énergie du ressort 
inférieur qui est paralysée par l’éther. 

Nous n’admettrons donc pas, comme l’a fait Brücke, que la raison intime 
des mouvements provocables ou quotidiens est la même : la modification 
osmotique des différentes parties du renflement. Nous les séparerons, au con- 
traire, en nous bornant à déclarer que le ressort inférieur perd de sa force par 
l'excitation, sans savoir en quoi consiste cette déperdition d'énergie, en affir- 
mant seulement qu’elle n’a pas sa source dans des modifications hygromé- 
triques. Quel rôle y joue la couche à méats intercellulaires remplis d’air ? 
Quel rôle les gros globules inclus dans chaque cellule ? Nous ne saurions 
actuellement le dire. 

Il ma été impossible, malgré mes efforts, de suivre au microscope les 
changements d'apparence du tissu cellulaire du renflement pendant le mouve- 
ment. Dans une tranche assez mince pour permettre une observation histo- 
logique, je ne suis jamais parvenu à exciter un mouvement. D’autres observa- 
teurs, et entre autres Cohn, ont été plus habiles, je le sais. Je ne désespère 
donc point de voir par mes propres yeux. Mais je ferai remarquer que les 
plissements qu’ils ont signalés pendant le mouvement ne prouvent pas, 
comme on l’a cru, une contraction du tissu : tout raccourcissement, actif ou 
passif, pourra produire un semblable effet. 

XVI. — Le point qui m'intéressait le plus dans l’étude des mouvements 
provoqués de la Sensitive était la comparaison tant de fois établie entre les 
phénomènes présentés par celte plante, et ceux que nous montrent les ani- 
maux. La Sensitive possède, en certaines de ses parties, l’excilabilité: 


550 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


d’autres parties transmettent l’excitation à des organes moteurs, lesquels sont 
eux-mêmes directement irrilables ; enfin, ces organes semblent être le siége 
d'actes réflexes qui ont pour résultat des mouvements en un point éloigné de 
celui qui a été impressionné (1). 

Les prétendues actions réflexes sur lesquelles divers auteurs ont beaucoup 
insisté pour rapprocher la Sensitive des êtres animés, ne méritent nullement 
ce nom. Tout d’abord, elles sont exactement proportionnelles à l’intensité de 
l'excitation, et s’étendent plus ou moins loin, selon que celle-ci est plus ou 
moins énergique. En second lieu, elles sont dans un rapport de continuité 
avec la partie impressionnée : l’excitation d’une foliole, par exemple, est 
l’occasion de mouvements dans les autres folioles, à partir de celle que l’on a 
excitée. De plus, jamais elles ne concourent, comme les actes réflexes des 
animaux, en divers lieux de l’être, à une action d’ensemble ; enfin, elles 
n’ont rien de véritablement réflexe, c’est-à-dire que jamais l’impression sen- 
sible n’est transmise à un centre d’où elle se réfléchit sur un organe moteur. 
Ce sont là des faits de propagation dans l’excitation, propagation suivant une 
direction unique ou suivant une direction multiple, bifurquée, pour ainsi dire, 
selon la partie impressionnée et l'énergie de lexcitation. 

La propriété de l’organe moteur, dirons-nous en continuant le parallèle, 
est fort différente de la contractilité musculaire, puisqu'elle se manifeste, non 
par un raccourcissement actif, mais par une diminution d'énergie dans un 
ressort bandé. Il nous reste donc l’impressionnabilité et la transmissibilité. 
La première de ces propriétés paraît n’appartenir qu'aux éléments cellulaires 
doués de motricité et aux éléments vasculaires doués de transmissibilité. Ceci 
constitue un rapprochement remarquable au point de vue des propriétés 
élémentaires entre la plante et l'animal, car, chez celui-ci, on n’obtient de 
mouvement qu’en excitant directement le muscle ou en irritant soit un nerf, 
soit une terminaison nerveuse. ais, pour établir les éléments d’une compa- 
raison au point de vue fonctionnel, comme on l’a si souvent tenté, il faudrait 
supposer un nerf recueillant les excitations, et les portant directement à un 
muscle sans passer par un centre nerveux ; puis communiquant son ébranle- 
ment à d’autres nerfs semblables, et simplement juxtaposés, qui iraient com- 
mander des mouvements plus éloignés. C’est là un mode de relations élémen- 
taires inconnu dans le règne animal. 

L'action des anesthésiques, à laquelle quelques physiologistes ont attaché 
beaucoup d'importance au point de vue qui nous occupe, éloigne la Sensi- 
tive des animaux au lieu de la rapprocher d'eux. Comment, en effet, agit 
l'éther sur les animaux ? En modifiant, à la suite de l'absorption, les centres 
nerveux, dont il supprime l’impressionnabilité sensitive, ou en modifiant, 
par contact direct, les extrémités périphériques des nerfs sensibles, auxquels 

il enlève leur impressionnabilité. Mais la contractilité musculaire reste par- 
faitement intacte, et aussi la conductibilité nerveuse ; la conséquence de ces 


(1) Voyez, à ce sujet, parmi les travaux récents, les Recherches physiologiques et 
anatomiques sur le mouvement des végétaux, de Le Clerc. Tours, 1861. 


Éd Été 


on ÉÉ . ÉRS  n e 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS, 551 


influences est le sommeil, l’état de repos complet de l’animal, Au contraire, 
l’éther, mis en rapport avec une Sensitive entière, la frappe d’immobilité 
dans la situation où il l’a trouvée. Si elle est en repos, il détruit momentané- 
ment et l’excitabilité et la motricité de ses renflements; il attaque de même 
la propriété de transmission des faisceaux fibro-vasculaires, qu’on peut 
impunément couper, dans les pétioles secondaires d’une feuille éthérisée 
après isolement, sans obtenir de mouvements dans les feuilles voisines, Ce 
sont autant de différences avec ce qui se passe chez les animaux. Il faut noter, 
cependant, que les cils vibratiles des animaux sont immobilisés par l’éther 
de la même manière que les renflements moteurs de la Sensitive. 

Nous voyons, en définitive, que la seule analogie importante que présente 
la Sensitive avec les animaux, quant aux actes qui nous occupent, consiste 
dans les propriétés des nerfs d’une part, des faisceaux fibro-vasculaires (et 
probablement des vaisseaux seuls) d’autre part, d’être impressionnables, de 
transmettre l’impression reçue et d’exciter le mouvement. 

XVII. Résumé. — Nous résumons les résultats qui nous paraissent les plus 
intéressants dans ce travail par les propositions suivantes : 

1° Les pétioles primaires de la Sensitive, après s’être abaissés dans 
les premières heures de la nuit, se relèvent avant le jour bien au-dessus du 
niveau qu’ils conserveront pendant la période diurne : celle-ci étant, contrai- 
rement à ce qu’on enseigne d’ordinaire, caractérisée plutôt par l’abaissement 
que par l'élévation des pétioles primaires. 

20 Les renflements moteurs situés à la base des pétioles et des folioles 
peuvent être considérés comme composés de ressorts faisant effort pour 
pousser la partie qu’ils meuvent du côté opposé à celui qu’ils occupent 
(Lindsay, Dutrochet..…..). Dans les pétioles primaires, la valeur du ressort 
supérieur est à celle du ressort inférieur, dans l’état diurne, environ comme 
Aestà 3. - 

3° Le mouvement provoqué a lieu par suite d’une perte d'énergie de 
l’un des ressorts, celle du ressort antagoniste n’étant nullement augmentée, 
et peut-être même un peu diminuée. | 

4° Il n'existe aucun tissu contractile déterminant le mouvement provoqué. 

5° Les mouvements nocturnes ont lieu par suite d’une augmentation 
de tension des renflements moteurs. Dans les pétioles primaires, le ressort 
supérieur augmente d'énergie pendant la nuit ; le ressort inférieur, après 
avoir un peu diminué, augmente aussi consécutivement : de la puissance 
réciproque de ces ressorts dépend la position du pétiole aux divers instants de 
la nuit. | 

6° Les mouvements rapides provoqués par une excitation et les mou- 
vements lents spontanés, qui constituent l’oscillation quotidienne, sont donc 
des phénomènes d'ordre tout à fait différent. L’éther les sépare les uns des 
autres, abolissant les mouvements provocables, respectant les mouvements 
spontanés. 

7° Geux-ci reconnaissent pour phénomène antérieur une modification 


52 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


dans l’afflux du liquide que contient le parenchyme des renflements, Les 
autres n’ont pu être encore rapportés à une cause prochaine, 

8° La Sensitive se rapproche des êtres animés par la présence d’élé- 
ments qui transmettent les excitations et déterminent les mouvements (trans- 
missibilité, excitatricité motrice), et par ce fait que l’excitabilité n’appartient 
chez elle qu'aux éléments doués de motricité ou de transmissibilité. 

9° Elle s’en éloigne par l’absence d'éléments contractiles, et par les 
rapports anatomiques et fonctionnels directs qu’affectent ses éléments exci- 
tables, transmetteurs et excitateurs, avec ses éléments moteurs. 


Instruinent pour la transfusion du sang, par le docteur Roussez 
(de Genève). 


J'ai l'honneur de vous présenter un instrument pour la transfusion du sang. 
Je sais que cette opération est restée dans une défaveur méritée par la pau- 
vreté des résultats qu’elle a donnés. Mais je crois que ces résultats défavorables 
tiennent à l’imperfection des instruments employés; j'ai la conviction que le 
transfuseur que je présente contribuera à réhabiliter une opération d’une 
utilité incontestée, en inspirant confiance aux chirurgiens par l'exactitude et 
la précision avec lesquelles il remplit toutes les conditions imposées par la 
transfusion du sang. 

A mon avis, ces conditions se résument toutes en une seule. 

Transfuser du sang intact et vivant. — Cette obligation principale n'ayant 
jamais pu être remplie tout entière, on a cherché à tourner la difficulté et à 
diviser la condition. De là la moyenne peu favorable des opérations. 

Ce transfuseur repose sur deux idées nouvelles : 

4° Entourer la prise du sang d’un manchon vide d’air et imperméable 
à l'air; 

20 l'aire la saignée sous l’eau, chasser le sang dans un canal plein d’eau, 
-et vide d’air, reliant directement et hermétiquement la veine qui donne à 
celle qui reçoit. 

Pour l’application de ces idées nouvelles, cet instrument contient plusieurs 
parlies nouvelles et importantes qui sont : 

1° La ventouse annulaire extérieure à la prise de sang, mise en jeu par une 
pompe à action continue, et traversée par un tube amenant de l’eau à l’inté- 
rieur du transfuseur ; | 

2° La lancette à ressort et à curseur réglant sa course, mobile pour être 
dirigée contre la veine, cachée dans l’instrument, et faisant la saignée dans 
l’eau, à l’abri de tout contact avec l’air ; 

3° La poche souple, passive, faisant réservoir comme l’oreiilette du cœur 
au sang fourni par la veine : 


Mood mil 


on, a 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. _b53 


4° La pompe active, aspirante et foulante, simulant le ventricule du cœur 
(prise à l'instrument de M. Maisonneuve) ; 

5° La poche souple à filet, passive el active, rendant régulier le jet du 
sang transfusé, ainsi qu'est régulier et continu le courant veineux qui doit le 
recevoir ; 

6° Le compte-qoutte, par le tube duquel l’eau vient remplir le transfuseur et 
en chasser l’air avant la saignée ; avec lequel encore le chirurgien peut intro- 
duire un liquide médicamenteux dans le courant sanguin ; 

7° Enfin, ce transfuseur est construit en argent et en caoutchouc noir, 
naturel, pour éviter le mélange au sang des. parcelles de soufre que perd 
sans cesse le caoutchouc vulcanisé. 

IL est solide et simple dans toutes ses parties, facile à entretenir, et d’un 
jeu certain dans son application. 

Manuel opératoire. — Le malade et celui qui lui donne son sang doivent 
êlre couchés aussi près que possible l’un de l’autre. Le chirurgien, assis 
entre eux, opérera sur le bras droit de l’un et sur le gauche de l'autre. 

Il plongera dans la veine du malade une canule à (rocart ; si cette veine est 
difficile à percevoir, il la cherchera par une dissection attentive, et lui fera 
d’un coup de ciseaux une ouverture en V supérieur, dans laquelle il intro- 
duira la canule (Nélaton). 

Pour la prise de sang, le chirurgien fera gonfler la veine par un lien sur le 
bras, enduira la peau d’une matière grasse, et appliquera au lieu d’élection 
de la saignée, la ventouse-anneau, que quelques coups de pompe feront 
adhérer très-solidement sur la peau graissée. La succion de la ventouse fait 
saillir la veine dans l'intérieur de l’anneau où elle devient très-visible. Il est 
facile alors de placer le porte-lancette dans l’eau de façon que sa pointe 
menace obliquement le diamètre de la veine, après avoir toutefois, au moyen 
du curseur, réglé la profondeur de la piqûre. 

Par-dessus la lancette, et sur l’anneau-ventouse, le chirurgien ajuste alors 
le corps du transfuseur, dont la première poche à parois minces, laisse se 
dessiner le bouton de la lancette enfermée dans l’intérieur de l'appareil. Puis, 
plongeant dans de l’eau tiède le bout du tube du compte-goutte, il fait jouer 
la pompe du transfuseur, ce qui remplit d’eau, d’abord l’espace libre dans 
lequel se meut la lancette, puis le corps entier du transfuseur, chassant ainsi 
tout l'air y contenu. Après avoir vu passer les derniers globules d’air dans le 
tube de cristal, il ferme soigneusement le robinet du compte-goutte. 

Ces divers mouvements constituent le premier temps de l'opération ou la 
pose de l’appareil. 

On à donc ainsi, adhérent à la veine qui doit fournir le sang, un instru- 
ment, vide d'air, plein d’eau, sans autre ouverture que celle de sa canule de 
sortie, et contenant dans son intérieur la Jancette qui pratiquera la saignée 
sous l’eau. 

Dans le second temps de l’opération, le chirurgien ferme le tube à eau, 
presse le bouton de la lancette, qui ouvre la veine ; le sang, sons l’action con- 


554. ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


tinue de la pompe du transfuseur, le remplit, en chasse l’eau, apparaît dans 
le tuhe de cristal et vient enfin jaillir par la canule terminale, aussi pur, aussi 
complet, aussi vivant qu’il l’est dans la veine dont il sort. 

Pour le troisième temps de l'opération, c’est-à-dire pour la transfusion 
proprement dite, le chirurgien se tournant vers le malade, sort le trocart de 
la canule placée dans sa veine, laisse perdre par cette canule quelques gouttes 
de sang qui en chassent l’air et ajuste la canule terminale du transfuseur. 
Enfin, il s’assure de l’adhérence de la ventouse, la complète au besoin par 
quelques coups de pompe, et continue la transfusion à raison d’un coup de 
pompe, soit d'un gramme de sang par seconde, en surveillant les phéno- 
mèênes que présente le transfusé. 

L'expérience acquise par des transfusions plus fréquentes démontrera la 
valeur de la théorie de l’introduction directe de liquides médicamenteux dans 
le courant sanguin. Le chirurgien qui voudra appliquer cette méthode en 
pratiquant la transfusion, ajustera sur le robinet traversant la ventouse, un 
compte- goutte de cristal, ou entonnoir, contenant le médicament. Il pourra 
porter ainsi ce liquide dans le courant sanguin et à sa naissance, afin que le 
mélange soit intime à la canule d’issue, cela sans temps d'arrêt ni aucune 
difficulté dans l’opération. 

Remarques. — Avec mon transfuseur le sang est bien réellement transfusé 
intact et vivant sans avoir subi le contact de l’air, car le sang jaillit dans 
l’espace libre contenu dans l'anneau-ventouse adhérent à la peau où se fera 
la saignée, et cet espace libre est déjà rempli d’eau avant l’arrivée du sang, 

Pendant la marche de la transfusion, l’air ne pourrait pénétrer vers la 
prise du sang, qu'après avoir déjà rempli le vide de la ventouse. Or, la ven- 
touse seule fait adhérer la transfusion à la peau. Si la ventouse se remplit 
d'air, elle se détache, et le transfuseur tombe, donc l’opération serait arrêtée, 
. Sans qu’une bulle d’air quelconque ait pu traverser l'appareil. 

Après avoir posé la ventouse et placé le porte-lancette à son intérieur, le 
chirurgien faisant jouer le transfuseur aspire de l’eau par le tube traversant 
la ventouse sans communiquer avec elle. Cette eau chasse devant elle tout 
l'air contenu dans le corps entier de l'instrument. En tenant en haut la 
“canule d’issue, et en malaxant légèrement les poches de caoutchouc, on voit 
les derniers globules d’air s'échapper à travers le tube de cristal, Le canal 
que doit parcourir le sang est ainsi transformé en un cylindre d’eau continu 
s'appuyant sur la peau et se terminant au bout de la canule d'issue. 

À ce moment, le chirurgien ferme avec soin le robinet du tube à eau. — 
Après la saignée faite à l’intérieur du transfuseur, en poussant le bouton de la 
lancette qui se dessine à travers la première poche, la pompe aspire le sang 
et chasse l’eau devant lui, à peine les deux liquides se mélangent-ils, à leur 
point de contact très-restreint. Le sang apparaît pur dans le tube de cristal, 
et vient enfin jaillir à la canule d’issue. La canule placée dans la veine du 
malade s’est elle-même remplie du sang de celui-ci, l’air en est sorti, et 
quand l’ajustage des canules est achevé, la transfusion se continue, par un 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 555 


canal direct, hermétique, sans que même, le voulüt-on, une trace d'air pût 
venir se mêler au sang ou le coaguler. 

Je pose en fait qu'avec mon transfuseur on opère la transfusion immédiate, 
car le sang est conduit par un canal ininterrompu de la veine qui donne à 
celle qui reçoit. Ge canal est très-court, il est construit de substances parfai- 
tement inertes ; ni l'argent, ni le verre, ni le caoutchouc naturel ne peuvent 
influencer sur la nature du sang qui les touche. Il conserve toutes ses qualités, 
toute sa température, il arrive seul, complet, inaltéré et vivant, aussi réelle- 
ment que, quand par la transfusion immédiate avec un seul tube dans la caro- 
tide, on forçait le cœur de l’un à pousser son sang dans la veine de l’autre. 

Pien plus, c’est du sang veineux qui arrive dans une veine, évitant ainsi le 
danger d’envoyer du sang artériel dans le cœur veineux. 

J'ai la conviction profonde qu'avec ce transfuseur, la transfusion du sang 
sera remise à l’étude. La valeur de cette opération est indiscutable et incon- 
testée dans ses indications. 

Seule elle peut retenir la vie qui va s’échapper avec l’hémorrhagie. Seul le 
sang humain peut réveiller le cerveau de l’homme et ranimer le cœur 
exsangue qui vient de cesser de battre. 

J'espère, en un mot, qu’avec cet instrument la transfusion du sang se fera 
par centaines de fois, car c’est par centaines de fois qu'elle est indiquée, et 
seule indiquée dans les ambulances militaires ou dans la pratique civile, et 
j'ai la confiance que les résultats qu’il donnera feront oublier les tâtonne- 
ments malheureux inscrits dans les annales de la science. | 

En effet, si nous consultons les tableaux des transfusions de sang, dressés 
par les divers auteurs sur la matière, nous trouvons : 

1° Un nombre total très-restreint detransfusions (76 observations publiées), 
quand des milliers de cas l’ont demandée. Ce qui s’explique par le peu de con- 
fiance accordé aux instruments défectueux présentés aux chirurgiens; 

2° Une quantité considérable de morts pendant ou après la transfusion 
(33 morts pour 76 opérations). Les unes par entrée de l’air dans la veine, 
3/33 ; d’autres par pénétration de caillots dans la veine, 4/33; d’autres par 
pénétration de caillots dans la veine, 4/33 ; d’autres par l'insuffisance des 
transfusions faites avec du sang défibriné, 12/33. Même parmi les cas de 
transfusions suivis de guérisons, qui sont au nombre de 43, on en trouve 7/43 
qui ont été suivis d'accidents plus ou moins graves par suite très-probable de 
pénétration de caillots dans la veine ou par phlébites produites par la liga- 
ture de la veine sur la canule. 

Les autres enfin n’ont pas donné les beaux résultats qu’on est en droit 
d'attendre de l'opération, parce que le sang avait subi une manipulation 
préalable qui en a détruit les qualités ; soit qu’il ait été défibriné ou réchauffé 
ou refroidi pour éviter la coagulation, soit par le contact de l’air, soit altéré de 
quelque autre façon. 

Une courte revue des divers instruments proposés jusqu’à aujourd’hui, 
l’exposé des divers procédés opératoires, montreront qu’on n’avait pas encore 
réussi à remplir tout entière la grande condition de la transfusion. 


556 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Sans parler des médecins italiens de la cour de Catherine de Médicis, qui 
sacrifiaient des enfants volés dans les rues de Paris, en insinuant dans leur 
carotide un tube dont la pointe pénétrait dans la veine d’un grand seigneur et 
pratiquaient la transfusion immédiate; oubliant aussi les expérimentateurs 
du xve siècle qui pratiquaient de la même façon la transfusion immédiate, 
mais de l’animal à l’homme, nous arriverons d’emblée à notre époque pour 
parler du battage du sang à l’air libre afin de le défibriner. 

N’est-il pas évident que toutes les démonstrations de l’excellence de ce 
procédé qui prive le sang de ses parties plastiques, quand il s'agit justement 
de fournir à un hémorrhagique des éléments qui puissent obstruer ses vais- 
seaux ouverts, n'est-il pas évident, dis-je, que ce mode opératoire ne dé- 
montre que la défectuosité des appareils employés, l'impossibilité reconnue 
et acceptée alors d'empêcher la coagulation du sang pendant la transfusion ? 
N’en est-il pas de même des théories du froid et du chaud appliquées au 
sang au moyen de manchons entourant les appareils et devant contenir tantôt 
de l’eau chaude, tantôt de l’eau glacée? 

Que dire de la proposition d'incorporer de la soude au sang pour le main- 
tenir liquide, si ce n’est que ceux qui ont admis cette proposition, sont, sans 
le savoir, les premiers promoteurs du mélange de liquides médicamenteux 
dans le sang; théorie qu'ils pourront expérimenter avec mon transfuseur 
construit en vue de ce progrès. M. Mathieu, qui s’est beaucoup occupé des 
appareils pour la transfusion, en a construit un en 1853, qui contient en 
germe l'idée du mien. C’est une sphère de caoutchouc vulcanisé à soupapes 
et à tubes, aspirant le sang d’une sorte de coupe de verre placée contre l’ou- 
verture veineuse et le poussant directement dans la veine du malade. 

Mais le caoutchouc vulcanisé perd incessamment des parcelles de soufre 
qui viennent se mêler au sang; et surtout rien ne relie l’instrument à la 
veine, la coupe de verre fait bien ventouse sur la peau quand la pompe joue 
à vide, mais aussitôt que le sang remplit la coupe, la pression atmosphérique 
extérieure cesse et l’air pénètre librement dans l’appareil. Plus tard, M. Ma- 
thieu compliqua son appareil sans l’améliorer ; il remplaça la sphère de caout- 
chouc par un corps de pompe, entoura les tubes de manchons à eau chaude, 
. mais il oublia le point le plus défectueux et garda la coupe de verre, de sorte 
que l’air pénétrait dans ce nouvel instrument aussi librement que dans le 
premier. Aujourd'hui, M. Mathieu pourra remplacer cette coupe par ma ven- 
touse annulaire, extérieure à la prise de sang, et, s’emparant de mon idée, 
présenter son transfuseur complet. 

Plus récemment encore, 1866, M. Mathieu a présenté un nouveau trans- 
fuseur encore plus éloigné du but que les précédents. 

C’est un corps de pompe renversé, surmonté d’un vaste entonnoir de 
métal, le sang de la saignée tombe dans cet entonnoir d’où 1l passe dans la 
pompe, mais le filet de sang traverse l’air ambiant, il s’y altère déjà, il se 
coagule sur la vaste surface de l’entonnoir, en quelques secondes, il présente 
déjà de petits caillots. 

En 1862, M. le docteur Moncogq (de Caen) construisit un transfuseur qu'il 


+ 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 997 


nomma hémalophore. C’est à peu près l’irrigateur Eguisier avec deux tubes 
de caoutchouc, terminés par des aiguilles creuses, droites ou courbées, péné- 
trant ou traversant la veine qui donne et celle qui reçoit. Mais le sang n’entre 
pas dans l’œil trop étroit de l'aiguille ; on doit placer une ligature sur la 
veine et exposer ainsi la personne qui donne son sang aux dangers si sérieux 
de la phlébite. M. Moncoq l’a bien compris, puisqu'il propose de remplacer 
l'aiguille qui puise le sang par la cupule de verre de M. Mathieu. De cette 
façonle sang pénétrera dans l’appareil, mais l’air y viendra avec lui. En appli- 
quant à cet instrument ma ventouse annulaire, on aura encore un transfuseur 
satisfaisant, quoique beaucoup trop compliqué. 

Cependant mon transfuseur, permettant de pratiquer la saignée sous l'eau, 
offre seul cette garantie indiscutable que le sang transfusé n’aura été et ne 
pourra être en quoi que ce soit au contact de l’air, même un seul instant. 
Seul, aussi, il permettra l’introduction de liquides médicamenteux dans le sang 
transfusé, De plus, il est beaucoup plus simple de construction, plus fidèle 
dans son jeu, plus facile à manœuvrer que tous les autres. 

Ce qui me fait espérer qu’il pourra arriver à être placé dans les caisses de 
chirurgie des armées, car c’est sur le champ de bataille qu'il est appelé à 
rendre les plus nombreux services en sauvant la vie des soldats blessés d’une 
plaie artérielle qui, légère en elle-même, les tue cependant par hémorrhagie. 

Je donne ici une observation de transfusion in extremis, Son succès fut 
complet, il a prouvé pour moi la fidélité de l'instrument et les magnifiques 
résultats que l’on peut attendre d’une transfusion bien faite. 

J'ai fait une dizaine d'expériences sur des animaux, répétant les essais des 
auteurs, j'ai réussi à chaque fois ; je n’en donne qu’une qui résume les autres 
et montre : 4° Qu’avec la transfusion on peut rendre la vie à un animal en 
état de mort apparente, voisine de la mort réelle; 2° qu'avec ce transfu- 
seur on ne peut pas manquer d'opération. 

Observation. — Le 3 décembre 1865, à onze heures du soir, je suis 
appelé en toute hâte auprès d’une jeune fille de dix-sept ans, mademoi- 
selle P..., qui venait de faire une fausse couche de quatre mois etse mourait 
d'hémorrhagie. Je pris à tout hasard mon transfuseur que je construisais 
alors ; arrivé chez la malade, sa sœur madame B... et une sage-femme qui 
l’assistait me dirent qu’elle venait de mourir. La sage-femme avait épuisé 
tout un arsenal de moyens pour la tirer de son évanouissement : ammo- 
niaque, vinaigre, eau de Cologne dans la bouche, rien n'avait pu l’exciter. 
La chambre était inondée de sang : la patiente dans une syncope profonde, 
la peau froide, couverte de sueur visqueuse, le nez pincé, les gencives dé- 
couvertes, sans respiration, sans pouls, la face cadavérique, les pupilles très- 
dilatées, fixées en haut sous les paupières baissées, me parut morte ainsi 
qu’à tous, quand mon oreille sur son cœur crut saisir une vibration plutôt 
qu'une pulsation. Je proposai à madame B.., de lui donner un peu de son 
sang, ce qu'elle accepta avec empressement. 

Il me fut impossible de voir à travers la peau les veines de la malade, je 


098 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


dus disséquer, sans trouver de sang, une ligne oblique de près de 4 centi- 
mètres sur le bras droit, avant de trouver la céphalique dans laquelle je par- 
vins à insinuer une canule à trocart. 

Je plaçai madame B.... assise vers le haut du lit, tenant sur son bras 
gauche la tête de sa sœur, son bras droit au travers de sa poitrine. En moins 
de trois minutes le bras droit de madame B... fut lié, la ventouse posée, le 
transfuseur placé et rempli d’eau. Au moment de pratiquer la saignée, j’aus- 
cultai de nouveau le cœur qui, après une longue attente, me douna une 
légère vibration. La poitrine est parfaitement immobile, le poumon ne fait 
qu’un léger murmure, la peau presque froide, couverte d’une sueur visqueuse, 
le nez pincé et les yeux vitrés. Ce fut avec bien peu d’e:poir que je pressai le 
bouton de la lancette ; le sang jaillit en abondance, en trois coups de pompe 
l’eau était chassée, avec elle une petite quantité de sang. Enfin, j'introduisis 
la canule du transfuseur à la place du‘trocart dans la veine. Après huit coups 
de pompe, donnés avec une vérifable angoisse, je m’arrêtai pour ausculter, 
le cœur ne battait pas, il vibrait plus fortement, comme en contraction ; le 
poumon était plein de souflles et de râles fins. 

Au vingt-deuxième coup de pompe, madame B... dit avoir ressenti un bat- 
tement sous sa main appuyée sur le cœur de la jeune fille, trois coups après, 
elle annonça un nouveau battement, je n’osai suspendre la transfusion pour 
ausculter moi-même. Vers le quarantième coup, les batiements étaient cer- 

tains, pour la sage-femme et pour madame B... Je fis projeter de l’eau froide 

sur la face et la poitrme, La respiration ne reprenant pas, je fis tenir le 
transfuseur par la sage-femme, etj’auscultai, je perçus un battement de cœur, 
assez fort, mais profond, obscur, et prolongé dans ses temps, je perçus aussi 
un frémissement et un mouvement général dans le poumon. Je flagellai for- 
tement la face, la poitrine, la région diaphragmatique avec une serviette 
trempée d’eau. Sous ces coups assez violents, les joues se colorèrent légère- 
ment, les narines se dilatèrent et il se fit une respiration brusque, profonde, 
prolongée. 

La sage-femme avait donné quelques coups de pompe, je repris le trans- 
fuseur et fis continuer les aspersions d’eau froide, 

Une seconde inspiration se fit, plus lente et moins forte ; après un silence, 
une troisième suivie d’une autre; un nouveau silence, puis une sorte de 

_hoquet, qui amena un peu d’écume à la bouche, un nouveau silence. Quatre 
inspirations suivies d’un hoquet, d’un bâillement et de quelques mouvements 
de toux amenant de l’écume rosée aux lèvres. La malade est toujours pâle et 
immobile, mais à ce moment, sa sœur tombe brusquement de sa chaise, éva- 
nouie plutôt d'émotion que de sa saignée, elle entraîna avec elle le transfu- 
seur et l’opération fut terminée après environ soixante coups de pompe qui 
ont envoyé à peu près 300 à 320 grammes de sang. 

Quand après avoir relevé l’instrument, et indiqué à la sage-femme ce 
qu'elle devait faire de madame B..., je revins vers la jeune fille, je la trouva, 
les yeux ouverts, la pupille un peu dilatée, les joues rosées par taches, ayant 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 559 


relevé vers sa tête son bras opéré, le cœur battait faible, mais régulier, le 
poumon donnait son murmure vésiculaire mélangé de râles sous-crépitants, 
très-nombreux, mais très-fins. Bientôt le hoquet et la toux reparurent, il vint 
de l’écume aux lèvres que la malade essuya elle-même. Quelques minutes 
après, l’œil était intelligent, et elle dit quelques mots à voix basse, à sa sœur. 

Il y avait bien vingt minutes qu’elle avait paru rendre le dernier soupir. 

Je lui fis préparer une boisson cordiale avec du punch chaud. La première 
cuillerée la fit fortement tousser et rejeter du mucus écumeux, la seconde fut 
bien tolérée, elle en but un demi-verre qui releva le pouls à 120 pulsations et 
rétablit la respiration normale, Un affaissement se fit par un tremblement 
général assez violent et une pâleur subite, Je crus que l’hémorrhagie utérine 
reprenait, je l’examinai aussitôt et ne vis pas de sang frais, mais elle avait eu des 
urines et des selles involontaires. Je fis glisser sous elle un drap propre, la 
couvrir de linges chauffés et insister sur la boisson cordiale, Vers minuit un 
quart, j’eus la joie de la voir bien vivante, très-faible, mais sans douleur, de- 
mandant à dormir. Je lui fis au bras un pansement en huit de chiffre et la 
laissai s'endormir. Le pouls battait 108. Je fis le même pansement au bras de 
madame B... qui était légèrement douloureux et ecchymosé à la place de la 
ventouse, | 

Cette dame, âgée de trente ans, brune, d’une belle constitution, ne res- 
sentit aucun inconvénient de sa perte de sang, car le surlendemain, sa sœur 
étant toujours très-faible, elle me demandait de faire une nouvelle transfusion. 
Je ne voulus pas compromettre mon premier succès, la malade, du reste, se 
rétablit promptement par un régime excitant et fortifiant. Au réveil, le pouls 
battait 60 pulsations; léger mal de tête, lassitude générale, peu de douleurs à 
la plaie du bras qui répand un peu de sang sous le pansement. 

Au dix-huitième jour, elle put se lever et oublier qu’elle avait été quasi 
morte pendant vingt minutes. Aujourd'hui, elle est en excellente santé, ma- 
riée à son amant d’alors ; et je crois pouvoir citer avec discrétion cette obser- 
vation que ces circonstances particulières m’avaient fait tenir secrète. 

Il est évident pour moi que, sans la transfusion, cette jeune fille serait 
morte en quelques minutes, nul autre moyen n’eût été héroïque. Je crois que 
mon transfuseur seul peut donner la rapide sécurité d’action qu’il a fallu avoir 
dans ce cas : par une large saignée, faite avec une lancelte, on est certain 
d’une prompte arrivée de sang, qu'on ne peut jamais obtenir avec des 
aiguilles creuses, qu’il faut, d’ailleurs, lier dans la veine pour que le sang y 
pénètre. La transfusion a ranimé la malade sans aucun accident, et ni caillot 
ni air n'ont pu altérer le sang dans ce canal hermétiquement clos. Le trans- 
fuseur dont je me suis servi, n’a qu’un pied de longueur, la température 
du sang transfusé est restée la même que dans les veines de madame B... Les 
accès de toux et de hoquet ont permis à l’hématose de ranimer la vie en chas- 
sant les mucosités qui, déjà, avaient enduit les bronches et les vésicules pul- 
monaires, pendant l'instant d’arrêt de la respiration. Enfin, 320 grammes de 
sang, soit onze onces, ont été transfusés ; j'aurais probablement continué sans 


260 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


la chute de madame B... Je crois cependant qu’il ne faut pas trop demander à 
la transfusion ; quand elle afixé dans le corps du malade la vie qui s’échap- 
pait, elle a rempli tout entier le but à atteindre; c’est à la nature de faire le 
reste el au médecin de l'aider. k 

Expériences. — Au printemps de 1866, je repris, aidé d’un vétérinaire 
habile, une série d'expériences sur les animaux. Un vieux chien braque des- 
tiné à être abattu fut lié sur un banc et saigné à la fémorale, pendant que le 
sang coulait, je fis raser la jambe d’un autre chien braque, fils du premier, 
ayant enduit la peau de suif, je parvins à faire adhérer fortement la ventouse 
sur la veine saphène. Je me servis d’un transfuseur à ventouse ovale, conte- 
nant une lancelte suspendue sur un pivot et chassée par un ressort qui lui 
fait pratiquer dans la peau une longue balafre dans l’anneau-ventouse et cou- 
per ainsi la veine comprise au-dessous. Cette forme que j'ai abandonnée pour 
faire la saignée sur l’homme, est cependant à employer sur les animaux dont 
Ja veine est plus difficile à viser à travers la peau ; chez eux la plaie est sans 
inconvénient et très-vite guérie. 

Le chien pesait 44,300, il perdit exactement 800 grammes de sang jus- 
qu’à la syncope; on le ranima, 1l perdit encore 38 grammes et retomba dans 
une syncope pareille à la mort, ce fut dans la saphène externe que je plaçai 
la canule du transfuseur rempli de sang, pendant que le vétérinaire posait des 
ligatures sur les bouts de la fémorale. 

J’envoyai d'emblée vingt coups de pompe, soit 460 grammes, sans résultat 
apparent ; au vingt-huitième coup le cœur battit en désordre, l’animal fit une 
forte inspiration et releva la tête ; au trente-sixième coup, il poussa un hurle- 
ment plaintif prolongé; je poursuivis jusqu’à cinquante-cinq coups, soit environ 
450 grammes. Le chien fournissant le sang se mit à hurler d’une façon lamen- 
table, à bâiller, et à tourner les yeux comme s’il allait mourir. Je cessai la 
transfusion, le vétérinaire délia les chiens et sans plus de formes leur envoya 
un seau d’eau froide, ils s’enfuirent dans le chenil lécher leurs plaies et on 
leur donna à boire el à manger. Le soir, le vétérinaire les appelant, ils vin- 
rent, paraissant à peine affaiblis et boitant de la jambe opérée. Huit jours 
après, il ne paraissäit plus du tout qu’ils avaient perdu entre eux 850 gram- 
mes de sang. La section de la fémorale menaça de gangrène le vieux chien déjà 
très-infirme, on dut l’abattre peu après. 

Dans cette expérience, j'ai vu de nouveau l’innocuité de la transfusion, sa 
facilité avec mon transfuseur auquel j'ai donné aujourd’hui toute ma confiance, 
Jl ne peut pas manquer le but de l'opération : transfuser du sang intact et vivant. 
J'espère que chaque chirurgien qui l’examinera sera de cet avis, enle voyant 
si logique ct si simple s'appuyer sur la loi physique de l'adhérence d’une ven- 
touse par le vide, pour former un manchon imperméable à l'air autour de la 
prise de sang et pratiquer la saignée sous l’eau loin de tout contact d'air. 


MÉMOIRE ANATOMIQUE ET ZOOLOGIQUE 


SUR LES ACARIENS 


DES GENRES 


CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS 


Par MM. A. FUMOUZE et CH. ROBIN 


(Suite et fin.) 


Les faits que nous avons exposés (dans le numéro précédent, 
page 525) sur la constitution des pattes de beaucoup d’Acariens par 
cinq pièces seulement (la jambe et le tarse n'étant pas subdivisés 
chacun en génual et en tibial, puis en métalarse et en tarse pro- 
prement dit) sont prouvés par la comparaison de ces organes d'un 
groupe à l’autre. C’est pour ne les avoir pas pris en considération 
que M. Nicolet a été conduit : 1° à donner le nom de éarse aux 
crochets qui sont les appendices du tarse des Oribates ; 2° à ap- 
peler métatarse ce dernier organe, en donnant, par suite, à cha- 
cune des autres pièces aussi, un nom qui n’est pas le sien; 
3° à considérer comme formées de six segments les pattes des 
Oribatides, qui pourtant n’en possèdent que cinq comme les Sar- 
coptides, etc. (1). 

Vers son milieu, le tarse des Cheylètes présente un petit rétré- 
cissement brusque. Sur ce petit ressaut sont insérés : 1° un 
long poil au côté interne, 2° puis un autre plus court sur la face 
opposée, en dedans duquel se trouve un piquant rigide assez gros, 
pointu et court (pl. XXIL, fig. 1). Cette disposition du tarse ne 
s’observe que sur la première et la troisième patte des larves, à 
l'exception du piquant qui vient d'être indiqué (fig. 3); 3° le 
tarse de la deuxième patte manque de ces poils, et il reste très- 
court à cette période de l'existence de ces animaux. 

(1) C’est pour les mêmes raisons aussi que Dujardin est conduit à considérer la 
ventouse pédiculée des Psoroptes, ou le poil qui la remplace sur certaines pattes, 
comme représentant le tarse et à leur en donner le nom. Dès lors les pattes de ces 
Sarcoptides devraient avoir six segments au lieu de cinq ; néanmoins il ne leur en 
reconnaît que cinq, parce qu’il n’a pas distingué la jambe du tarse; par suite il con- 


sidère ces deux pièces comme ne formant qu’un seul article, qu’il nomme jambe, 
bien que ses figures indiquent l’articulation qui les sépare, 


JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T. 1V (1867), 36 


562 À. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


Sur ceux des Cheylètes qui ont deux tubercules seulement à la 
base du cirre falciforme qui prolonge le deuxième article des 
palpes maxillaires, on ne trouve que ce piquant, sans le poil qui 
l'accompagne dans les espèces dont le cirre précédent porte trois 
tubercules. Ces dispositions ne s’observent que sur la première 
pairede pattes des nymphes. Le tarse des trois autres paires ne 
porte vers son milieu qu’un seul poil assez gros, rigide, s'étendant 
à peine jusqu’à l'extrémité de cet article (fig. 1). 

A l'extrémité du tarse on compte plusieurs sortes de poils dif- 
férents les uns des autres par leur longueur. Il y a d’abord deux 
longs poils divergents près de cette extrémité. [ls sont plus longs 
sur la quatrième et sur la première paire, sur celle-ci principale- 
ment, que sur les paires intermédiaires. Sur le pourtour de l’ex- 
rémité du tarse existent des poils fins et courts qui dépassent 
à peine les crochets qui terminent cette pièce et la patte. Il y a 
quatre de ces poils à la première paire et trois à toutes les autres, 
parmi lesquels deux sont rigides, un peu courbés et à extrémité 
mousse. 

Sur les larves, l'extrémité du tarse de la première patte porte un 
ong poil (fig. 3), etde plus trois très-courts; à la deuxième patte, 
elle en a un très-court et un autre plus long, quoique moins que 
sur [a première, à la troisième patte, il y a deux longs poils insé- 
rés sur un tubercule latéral de l'extrémité et deux autres très- 
courts. 

De l’épimère de chaque patte se détachent trois faisceaux mus- 
culaires allant s’insérer en haut de la pièce de la hanche, Trois 
- autres faisceaux partent de là pour aller en haut du trochanter, qui 
ui-même donne insertion aux deux faisceaux qui s'étendent jus- 
qu’en haut de la cuisse. Gelle-ci sert de la même manière de point 
d'attache aux deux faisceaux musculaires de la jambe; mais de 
cette pièce ne part plus qu'un seul faisceau qui s’étend jusqu’au 
sommet, du tarse. 

Le tarse est surmonté, chez les Cheylètes, d’une membrane ou 
caroncule tubuleuse transparente qui est dépassée par deux cro- 
chets jaunâtres assez foncés, à pointe aiguë, recourbée en demi- 
cercle. Ces crochets ont chacun un prolongement en forme de 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. , 963 


manche de faucille qui est plongé dans la caroncule, et qui peut, 
avec elle, rentrer dans le tarse. Entre ces deux crochets se voit 
un onglet plus pâle, didactyle, c'est-à-dire bifurqué en pointes 
recourbées dans le même sens que celle des crochets, qui tantôt 
les dépassent, tantôt sont dépassées par elles. 

Du côté de la convexité de la courbure de ces organes, on trouve 
un organe pectiné, formé d’une rangée de quatre à six courts 
filaments très-pàles, très-flexibles, de longueur égale, rangés à 
côté l’un de l’autre comme les dents d’un peigne, derrière les 
crochets, dont ils n’atteignent pas tout à fait la longueur (fig. 4). 


De la peau, de ses plis, et de ses appendices. 


La peau est mince, transparente, sans couleur propre, cas- 
sante, à brisure nette, non filamenteuse. Elle s'étend sur toutes 
les parties du tronc et des membres sans discontinuité, et sur les 
pièces du squelette dont, après sa chute à chaque mue, elle con- 
serve. exactement l’empreinte, mais non la teinte jaune rou- 
geàtre. LE 

La peau du corps offre chez les Cheylètes des plis plus ou 
moins fins d’une région du corps à l’autre sur le même animal, 
et d’une espèce à l’autre pour les régions correspondantes. Chaque 
pli offre à observer une saillie tégumentaire mince, inclinée en 
arrière, et un sillon étroit, semblable à une taille de burin, qui la 
sépare du pli suivant. | 

Sur le milieu du dos, se voit une bande transversale de plis un 
peu courbés en avant et en arrière de chaque côté. En avant et 
en arrière de cette bande transversale. se voit une plaque longitu- 
dinale finement granuleuse, transparente. Dans toute l'étendue 
de chacune de ces plaques la peau est lisse ou un peu grenue et 
dépourvue de plis. De chaque côté du corps, ces plis de transverses 
deviennent obliques en arrière d’une part, en avant de l’autre ; sur 
les côtés du dos ils s’infléchissent élégamment pour joindre des 
bandes obliques ou longitudinales de plis qui vont gagner la face 
ventrale du corps en contournant ses bords. Une autre bande de 
plis transversaux se voit à l’arrière de la portion dorsale de l'abdo- 


56h À. FUMOUZE ET CH. ROBIN. —— MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


men, dont ils contournentles bords pour gagner la face inférieure. 

En passant du dos sous le ventre, ces plis s’infléchissent pour 
centourrrer les épimères et deux groupes ou bandes de plis pro- 
pres à la face ventrale du corps. L'une de ces bandes est formée 
de plis longitudinaux ; elle s'étend entre les quatre paires d’épi- 
mères, depuis le voisinage du rostre jusqu’au niveau de la qua- 
trième paire de pattes. Derrière elle est une plaque à peu près 
losangique, formée de plis transversaux ; elle ne descend pas tout 
à fait jusqu’à l'extrémité de l'abdomen. 

Ces plis cessent nettement, suivant des lignes régulières et de 
dispositions constantes, dans les régions où ils viennent à se ren- 
contrer sous des incidences telles qu'en se continuant, ils auraient 
limité des angles aigus. 


Des poils. 


Les poils sont tous insérés à l’aide d'un tubereule où d’une 
petite plaque tuberculeuse, circulaire, saillante à la surface du 
tégument. Souvent l’appendice se brise au ras de ceux-ci, qui se 
présentent alors sous forme circulaire, avec un point brillant, 
central, rond, simulant un trou. 

Après les nombreux poils, ete., portés par les paltes, ceux qui 
frappent le plus sont les appendices de la périphérie du corps. 
On remarque d’abord un long poil latéral flexible placé de chaque 
côté, un peu en avant du niveau de la longueur totale du corps, 
et dirigé transversalement (fig. 1). Sa longueur est égale à la 
moitié de la largeur du corps environ ou la dépasse un peu. 

Au bout de l'abdomen se trouvent deux assez gros poils de 
chaque côté de la saillie qu’on voit là sur la ligne médiane. Tous 
deux sont portés par un tubercule arrondi ou conique, plus ou 
moins saillant, suivant les individus et suivant le degré de con- 
traction du corps. 

Ils sont insérés l’un un peu sur la face dorsale et l’autre un peu 
sous le ventre, dont ils dépassent l’extrémité de presque toute 
leur longueur. 

Les appendices tégumentaires qu'on trouve sur le dos des 
Cheylètes sont les suivants (fig. 2) : 


DES GENRES CHEYLENUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 269 

Près de l’épistome (qui est représenté sur ces animaux par Île 
bord antérieur du premier anneau céphalothoracique), il existe 
une paire de poils courts et fins, insérés sur un tubercule basi- 
laire presque au niveau des côtés du rostre; ils atteignent à 
peine la moitié de la longucur de celui-ci. Entre le bord externe 
du rostre et le niveau de la première patte ou au-dessus de celle- 
ci, existe un poil un peu plus court (ce poil à élé omis par le des- 
sinaleur). | 

En arrière de ces appendices, au niveau de l'intervalle séparant 
la première de la deuxième paire de paites, vers le milieu du 
deuxième anneau, existe une paire de poils un peu plus longs que 
ceux-ci. Immédiatement derrière le niveau de la deuxième paire 
de pattes, au niveau des longs poils latéraux, existe aussi une 
troisième paire de poils semblables. Il en est de même pour la 
quatrième et la cinquième paire de ces appendices, qui sont 
situées, l’une au niveau de l'intervalle de la troisième et de la 
quatrième paire, l’autre un peu en arrière de celle-ci (fig. 2). 

Deux paires de poils semblables, plus rapprochées l’une de 
l’autre et de la ligne médiane que les précédentes, se voient sur 
la face dorsale de la portion postérieure de l'abdomen, por- 
tion dorsale dite nofogastre (voros, do ; yaores, ventre). 

JL y à ainsi huit paires de poils sur la face dorsale de ces ani- 
maux, sans compter les deux paires qui sont, l’une en dessus, 
l’autre en dessous, sur les côtés de l’appendice conoïde terminal 
du bout de l'abdomen. 

A la face ventrale du corps, on trouve un bien plus grand 
nombre encore de poils; sans revenir sur la paire mentionnée à la 
face inférieure de la masse principale du rostre, on voit (fig. 4) 
une paire de poils courts et fins derrière chacun des deux pre- 
miers épimères. 

Un peu en arrière du niveau de la paire des longs poils laté- 
raux, existent deux paires de poils fins et courts; ceux de la paire 
la -plus voisine de la ligne médiane sont surtout très-petits. Entre 
les branches du troisième épimère, il y a deux poils très-fins et 
un autre derrière sa branche inférieure. 

Il y a encore deux poils situés, l’un immédiatement en avant, 


566 A. FUMOLZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


l’autre un peu en arrière de la branche du quatrième épimère, ce 
qui jusque-là forme déjà neuf paires de poils placées à la face ven- 
trale du corps. Or, sous la partie postérieure de l'abdomen, plus 
près de la ligne médiane, sur les côtés et dans le voisinage de la 
fente anale, se trouvent encore six paires de poils très-fins et 
courts, sans parler des deux paires déjà mentionnées placées au 
bord de l'extrémité abdominale, qu’elles dépassent. 

Un court piquant foncé, jaunâtre, porté sur un tubercule basi- 
laire assez gros, existe un peu en avant de la commissure anté- 
rieure de l'anus. (fl manque sur les larves.) 

Ce dernier organe est une fente longitudinale difficile à voir, 
à lèvres minces, qui est placée sur la ligne médiane près du 
bout de l’abdomen, dont la commissure postérieure atteint presque 
le bord. Derrière cette commissure, et formant l’extrémité même 
du corps, se trouve sur les nymphes, et non sur les larves, une 
saillie conoïde très-rétractile et dont le retrait entraîne un plis- 
sement très-marqué des parties voisines. Cette saillie est terminée 
par deux mamelons conoïdes rapprochés comme les branches 
d'une pince; elle porte trois paires de poils très-courts, mais 
relativement assez gros (fig. 4 et 2). | 


Des trachées et des stigmates. 


Il existe trois stigmates chez les Cheylèêtes à l’état de nymphes 
el de larves hexapodes. L'un est placé sur la ligne médiane, en- 
tre les bouts internes contigus des deux mâchoires, immédiate- 
ment au devant (fig. 1, f). C'est le seul qui soit assez facilement 
visible, et dont on puisse bien étudier la structure, parce qu’il se 
présente de face à l'œil de l'observateur. Les deux autres sont 
placés, un de chaque côté du rostre (e), immédiatement au de- 
vant du coude que forment les mâchoires, pour se recourber en 
arrière vers la base du palpe (d). 

Chaque stigmate est ovalaire, long d’un centième de milli- 
mètre et un peu moins large. Il est formé de deux lèvres foncées 
limitant une fente étroite. Son aspect général € est tout à fait celui 
-d’un très-petit stomate des feuilles. 


> 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 567 


Du stigmate médian partent deux grosses trachées, une pour 
chaque moitié du corps, qui descendent lelong de la face ventrale 
au niveau des branches des épimères, et envoient des branches 
flexueuses sur les flancs et sur les côtés de l'intestin, jusqu’à 
l'extrémité postérieure de l’abdomen, au niveau des pattes, elles 
leur envoient, soit une, soit deux branches qui s'étendent jusqu’à 
l'extrémité du tarse. 

De chaque stigmate latéral part une grosse trachée, qui suit 
d’abord la direction de la mâchoire correspondante pour se rap- 
procher de chacune des deux précédentes, dont elles suivent le 
trajet, mais en restant sur un plan supérieur plus près du tégu- 
ment dorsal. | 

Elles paraissent s’anastomoser par une branche transversale 
près de leur origine, au niveau et au-dessus du stigmale médian. 
Vers la jonction de la base du rostre avec le céphalothorax, elles 
envoient trois branches dans chacun des palpes maxillaires du 
côté correspondant, mais elles ne donnent pas de branches aux 
pattes. 

Les faisceaux de trachées se distinguent déjà sur l’animal vivant 
examiné à un grossissement de 100 diamètres environ ou au 
delà. On ne les étudie bien que sur l'animal plongé dans la gly- 
cérine, qui les fait se remplir de gaz jusqu'aux extrémités de leurs 
branches les plus fines ; mais au bout de quelques jours la glycé- 
rine pénètre dans leur cavité, et l’on cesse de les distinguer. Aupa- 
ravant on les voyait sous forme de filaments noirs, marqués de 
lignes circulaires dues aux tours en spirale du filament élastique, 
distinct dans les plus gros troncs de ces organes. 

La seule mention de la présence des trachées chez les Cheylètes 
que nous ayons pu trouver est celle qu’en fait Dujardin. « La 
respiration, dit-il, chez les Acarus et les Sarcoptes, doit se pro- 
duire seulement par toute la surface du corps à travers les tissus, 
et chez les Gamases, les Cheyletus et divers Acariens à mandi- 
bules en pince, elle a lieu par un système de trachées aboutissant 
à des stigmates, comme chez les insectes. (Dujardin, Sur les Aca- 
riens, dans Compt. rend. des séances de l'Acad. des sciences. 
Paris, 1844, in-4°, t. XIX, p. 1160.) 


L 


568 A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


DEUXIÈME PARTIE. 


OBSERVATIONS ZOOLOGIQUES ET ANATOMIQUES SUR LES GLYCIPHAGES, 


PLANCHE XXII. 


8 1. — Caractères génériques des Glyciphagus (1). 


Genre GLYCIPHAGUS, Hering (2). 


Corps : Ovoïde, grisâtre, entouré de poils brillants, hérissés 
de courtes pointes; long de quelques dixièmes de millimètre, 
atténué en avant, muni en arrière, au moins chez la femelle, d’un 
court appendice cylindrique. Ventre plat, dos bombé; flancs un 
peu resserrés. Dépression circulaire au devant de la troisième 
paire de pattes, mieux marquée sur le dos que sur le ventre, sans 
former de sillon proprement dit. Tégument finement grenu (3). 

Abdomen : Resserré à partir de ce sillon, arrondi, mousse en 
arrière. | 

Rostre : Conique, incliné, découvert, d'une teinte rouillée, ou 
pelure d’oignon prononcée. Palpes étroits, à moitié soudés à la 
lèvre et portant trois poils courts. 

Mandibules : Renflées à la base, peu allongées, didactyles, den- 
telées; bord inférieur du camérostome court. 

Épimères de la première paire de pattes réunis ensemble ; les 
autres épimères libres, au moins sur les femelles. 

Pattes : Cylindriques, grêles, de même teinte que le rostre, 


(1) Favxcc, doux, et qarycs, mangeur. 

(2) Hering, Die Kräzmilben der Thiere und einige verwandte Artlen (Nova Acta 
physico-medica naluræ curiosorum, Wratislaviæ et Bonnæ, 1838, in-4 , t. XVII, 
p. 619). 

(3) Jusqu'à présent les Glyciphagus ont été mal décrits, ce qui tient à ce que l’on 
rencontre difficilement des individus appartenant à ce genre; et, les mâles étant 
beaucoup plus rares que les femelles, ce sont loujours ces dernières que l’on a prises 
comme type dans la description des caractères génériques. 

Nous avons eu entre les mains des échantillons de Cantharides qui renfermaient 
un très-grand nombre de ces Acariens ; nous y avons même rencontré deux espèces 


différentes de Glyciphages, ce qui nous a permis d'établir avec plus d’exactitude les 
caractères de ces Sarcoptides. 


ë 
> d 
| 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 969 
mais plus pâles, poilues; celles des deux paires moyennes plus 
courtes que les autres; celles de la quatrième paire toujours les : 
plus longues. Tarses déliés, (rès-longs, atlénués à partir de la 
base, à caroncule terminale membraneuse, unguiculée monodac- 
tyle. Trochanter, jambe et cuisse portant un ou deux poils courts, 
élargis et rendus brillants par les pointes qui les élargissent. Sur 
la jambe, vers son insertion avec le larse, existe toujours un long 
poil qui n’est jamais hérissé. 

Anus : Longitudinal, placé en arrière sous le ventre. 

Vulve : Longitudinale, située soit entre les deuxième et troi- 
sième paires de pattes, soit entre les deux dernières, un peu plus 
en avant que l'organe sexuel mâle, qui est entre les épimères de 
la troisième paire. 

Mäles. — À peine plus petits que les femelles, à ventre un peu 
moins large que celui de ces dernières, et bien moins nombreux 
qu'elles. 

Nymphes. — Octopodes, de grandeur variable, pouvant ac- 
quérir le volume des individus adultes, sans prolongement tubu- 
leux en arrière. 

Larves. — Hexapodes, très-petites, sans appendice postérieur. 

Les Clyciphaqus sont très-agiles ; ils ne marchent pas, ils cou- 
rent, et, comme les Tyroglyphus, ils tiennent leur rostre incliné 
entre les pattes de la première paire. 

La grandeur de leurs paites tient surtout à la longueur consi- 
dérable de leurs tarses ; et celles-ci, les antérieures surtout, sont 
recourbées en are de cercle, de telle sorte que le corps de l’ani- 
mal est éloigné du sol de toute la hauteur des tarses, qui dans 
la marche semble se porter fort en avant, le reste de la jambe 
restant presque immobile. 

Remarques. — Nous devons indiquer tout de suite qu’il existe 
deux groupes d'espèces dans ce genre, et dans chacun de ces 
groupes on connaît aujourd'hui au moins deux espèces, savoir : les 
Glyciphaqus cursor, Gervais, et G. spinipes, Koch, dans le pre-' 
mier, et les G/, plumiger (Acarus plumiger, Koch), et G{. palmi- 
fer, A. Fumouze et Robin, dans le second. La distinction entre les 
espèces d’un groupe et celles de l'autre est si facile, qu’on pourrait 


970 A, FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 
être porte à en faire deux genres distincts ; mais l’analyse ana- 
tomique de leurs caractères spécifiques montre bientôt que les 
différences ne portent que sur le plus ou le moins d’exagération 
de particularités d'importance secondaire. 

Les espèces du deuxième groupe ont le corps généralement un 
peu plus petit, un peu plus raccourci, l'abdomen moins resserré 
sur les flancs, plus arrondi en arrière; leur tégument est à gra- 
nules plus gros que sur les espèces de l’autre groupe, et se plisse 
en sinuosités peu régulières sur le dos et sur les flancs. Les poils 
qu'il porte sont particulièrement remarquables par leur brièveté, 
comparativement à ceux des autres espèces, et au contraire par 
la longueur de leurs pointes, qui les rendent plumeux sur une des 
espèces. Ils sont remarquables aussi par la réunion de ces pointes, 
par une membrane, dans l’autre espèce, ce qui leur donne ici une 
disposition palmée. Il n’y a pas, dans ces deux espèces, de poils 
latéraux dépassant les autres, comme dans les espèces précédentes. 
Les épimères de la deuxième paire sont reliés par une pièce inter- 
médiaire à ceux de la troisième sur les mâles des espèces du 
deuxième groupe, et dans les deux sexes les pattes, bien que 
gréles, molles, sont plus courtes que sur les espèces du premier 
groupe. 

La vulve, dans les deux espèces du deuxième groupe, est entre 
les deux dernières paires d’épimères, et sur l'une d'elles l'organe 
mâle s’avance jusque auprès de la deuxième paire. 

Enfin leur démarche est lente par rapport à celle des espèces 
du premier groupe, comme celle du Tyroglyphus entomophaqus 
_par rapport à celle du T. cursor, par exemple. 

Mais les autres caractères tirés de la disposition du rostre, des 
pattes, de leur caroncule, des épimères, de l’appendice postérieur 
de l'abdomen sur la femelle, etc., sont trop analogues aux carac- 
tères correspondants des autres espèces, pour qu'il y ait des motifs 
suffisants pour en faire un genre distinct. 

Nous devons faire remarquer aussi avec soin que, comme sur 
les Tyroglyphus (4), la forme de ces animaux peut varier un peu 


(4) Description de l’Acarus (Tyroglyphus) entomophagus, Laboulbène, et Obser- 
valions anatomiques sur le genre Tyroglyphus, par MM. les docteurs Al. Laboulbène 


| 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 971 


dans chaque espèce du genre et d’un individu à l’autre. Ces varia- 
tions légères ont lieu suivant que la partie du corps située en 
arrière de la dépression circulaire est rentrée ou non dans celle 
qui est en avant; selon que cette dépression peu profonde est elle- 
même plus ou moins prononcée; suivant que l’Acarien raccourcit 
son corps en l’élargissant, ou au contraire l’allonge notablement 
en resserrant ses côtés, surtout près du rostre, qui se trouve pro- 
jeté en avant. Nous indiquons encore l'aspect variable des Glyci- 
phages comme des Tyroglyphes, quand les poils de Panimal sont 
inclinés ou redressés, et vus par conséquent debout ou dans le 
sens de leur longueur ; suivant que le corps est ou n’est pas 
déprimé, sous forme d’incisure, au niveau des épimères portant 
les deux premières paires de pattes, et par le retrait de ces épi- 
méres. La dépression cireulaire qui existe au niveau de la troi- 
sième paire de pattes peut disparaître plus ou moins complétement 
dans certains mouvements, et surtout lorsque l'animal mort est 
gonflé par les liquides dans lesquels on le conserve, tels que l'acide 
acétique, etc. Ce gonflement et la disparition de ce sillon survien- 
nent constamment au bout de quelques jours de conservation de 
ces animaux dans la glycérine, l’acide acétique, etc., même lors- 
qu'ils ne sont pas comprimés. La compression le fait disparaître 
aussitôt. Le corps prend alors assez régulièrement la forme d’un 
œuf à petite extrémité surmontée par le rostre. 


8 2. — Discussion des caractères génériques des Glyciphagus. 


Les Acariens de ce genre sont voisins de ceux du genre Tyro- 
glyphe. As s’en distinguent pourtant assez facilement par l’ab- 
sence de coloration ou par la teinte pelure d’oignon bien moins 
sensible de leur rostre et des pièces de leurs pattes; par le moindre 
volume de celles-ci, des antérieures surtout; par leur plus grande 
longueur; par la gracilité et la plus grande longueur du tarse par- 
üculièrement ; par l’état plumeux ou palmé de leurs poils, qui 
sont aussi plus gros et moins flexibles; par l’état finement grenu 


et Ch. Robin (séances des 25 août 1852 et 28 mai 1862, et Annales de la Société 
entomologique de France, Paris, 1862, in-8, 4° série, t, I, p. 317). 
n 


072 À, FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


de tout le tégument du corps, qui sur les Tyroglyphes est homo- 
gène, sans plis ni granulations ; par le court appendice postérieur 
qui termine l'abdomen de la femelle; par la forme plus étroite et 
plus mousse de la partie postérieure du corps : celui-ci est plus 
renflé entre la deuxième et la troisième paire de pattes chez les 
Glyciphages, et les deux paires sont plus écartées que sur les 
Tyroglyphes ; enfin la dépression circulaire à fond concave et peu 
profond qui est au niveau de la troisième paire de pattes, chez les 
Glyciphages, ne forme pas un sillon proprement dit, comme celui 
qui est entre la deuxième et la troisième paire de pattes des 
Tyroglyphes. 

Les organes génitaux mâles et femelles manquent des ventouses 
copulatrices qu'on trouve sur les Tyroglyphes, et les deux ven- 
touses placées sur les côtés de l’anus du mâle de ces derniers 
manquent également. | 

La vulve se distingue par la teinte jaune brunâtre de ses com- 
missures antérieure et postérieure, de la première surtout. 

Les organes mâles sont plus grêles que sur les Tyroglyphes. 

Hering a créé le genre Glyciphagus d’après la description 
d’une seule espèce, le Glyciphagqus prunorum, Hering, trouvé 
sur des pruneaux secs garnis de sucre. [l dit en avoir trouvé un 
autre dans du vieux miel, Les figures qu’il en donne (pl. XLV, 
fig. 46 et 17) sont très-imparfaites; pourtant la longueur des 
tarses et les dentelures des poils sont indiquées d’une manière 


assez satisfaisante. Le corps est représenté plus étroit en avant : 


€t plus large en arrière qu’il n’est réellement, sauf le cas de 
gonflement par un liquide après la mort. Il mdique bien, dans sa 
description générique, le corps comme non divisé en deux par- 
ties par une ligne transversale. 

Hering ni ses successeurs ne disent rien de la distinction des 
sexes, ni des larves et des nymphes des Glyciphages qu’ils ont 
observés. 

La figure que donne Hering (/oc. cat., p. 607, pl. 44, fig. 4) 
de l’Acarien qu’il nomme Sarcoptes hippopodos, montre, par la 
longueur des tarses et des poils, les dentelures de ces derniers el 


l’appendice saillant à l'extrémité postérieure du corps, que c'est 


OP 


RE ne D. 


DÉS GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 978 
bien un Glyciphage et non un Sarcopte. C'est donc à juste titre 
que M. Gervais l'a nommé Glyciphage des chevaux (Glyciphaqus 
hippopodos, P. Gervais, Notes sur quelques espèces de l’ordre 
des Acariens, dans Annales des Sciences nat., Paris, 1841, in-8, 
t. XV, p. 8, pl. 2, fig. 4; et dans Walckenaer, Histoire naturelle 
des Insectes aptères, Paris, 1844, in-8, t. IIT, p. 264). 

Ce Glyciphage a été trouvé par Hering dans les croûtes ulcé- 
reuses des pieds des chevaux; depuis, il n’a pas été observé de 
nouveau. 

Le Glyciphaqus prunorum de Hering (oc. cit. p. 619, fig. 16 
et 17) est bien un G/yciphage trés-voisin du G. hippopodos et 
aussi à poils dentés sur les bords (même imperfection des figures). 
Le corps est moins étroit en avant que sur celui-ci et un peu dé- 
primé vers le milieu. Hering l'a trouvé sur des pruneaux secs 
garnis de sucre. Ilen a observé un très-voisin dans du vieux miel. 

Ces Acariens ne paraissent pas rechercher,autant que les Tyro- 
glyphes la société de leurs semblables, Leur résistance vitale 
est moindre. 


82. — Description des espèces de Glyciphages du premier groupe 


ou à longs poils. 


GLYCIPHAGUS CURSOR, Gervais, loc, , cit. 1841. 


Caractères. — Corps : grisâtre, mat, trés-atténué en avant, 
allant en s’élargissant jusqu’à l’espace compris entre la deuxième 
et la troisième paire de pattes, et présentant à cet endroit un 
sillon circulaire très-prononcé, sur les flancs surtout, et dé- 
tachant bien l'abdomen du céphalothorax. 

Abdomen : Assez gros et long, un peu resserré, arrondi, 
mousse en arrière; appendice médian assez long, d'aspect tubu- 
leux, nettement tronqué; nul chez le mâle. 

Rostre : Inclimé légèrement, un peu coloré, d'une teinte pelure 
d’oignon. 

Pattes : Semblables dans les deux sexes, effilées, grèles, très- 
lJongues, les tarses surtout, mesurant Chacune en longueur plus 
que la largeur du corps ; larses lisses. 


57h A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 

Poils : Assez rigides, hérissés; les postérieurs ne dépassant: 
pas, mais pouvant atteindre la longueur du corps. | 

Mâle. — Long de 0"",30 à 0"*,45, le rostre compris, du 
quart au tiers environ plus petit que la femelle ; à extrémité pos- 
térieure tronquée, aplatie ou un peu déprimée sur la ligne mé- 
diane, où manque l’appendice cylindrique qu’on trouve sur la 
femelle. Organe sexuel placé au niveau du premier ‘article de 
la troisième paire de pattes, qu’il dépasse un peu en avant. | 

Femelle. — Longue de 0"",45 à 0"®,75, le rostre compris: 
Extrémité postérieure du corps arrondie; appendice médian 
très-prononcé, cylindrique, tubuleux, nettement tronqué. Vulve 
située entre la troisième et la deuxième paire de pattes. 

Œuf.— Régulièrement ovoïde, long de 0", #10 à 02,43, ler a 
de 0°",6 à 0°",8. 

Larves. — De forme ovoïde, un peu plus resserrées que les indi- 
vidus adultes, longues de 0°" ,18 à 0"",30 ; nettement hexapodes 
ou dépourvues de pattes postérieures. Abdomen plus court; s’atté- 


nuant ou s’arrondissant Immédiatement derrière la troisième paire 


de pattes et dépourvu d’appendice tubuleux au bout de l’abdomen. 
Nymphes. — Octopodes, sans appendice tubuleux au bout de 
l’abdomen, atteignant à peu près le volume des individus sexués. 
Les femelles sont de quarante à cinquante fois plus nombreuses 
que les mâles. 


Habitat. — L'un de nous, M. A. Fumouze, a rencontré cette 


espèce de Glyciphagus dans un échantillon de Cantharides de . 


France, où ils étaient nombreux, à côté de quelques Tyroglyphus 
entomophaqus et T. longior. 
= Il a été trouvé dans les plumes des oiseaux morts (Gervais), dans 
le corps des insectes des collections, etc.; partout les femelles 
sont de quarante à cinquante fois plus nombreuses que les mâles. 
On le trouve aussi dans la terre et la poussière des caves, et 
surtout dans les moisissures qui s’y développent. IL y vit avec des 
Gamases surtout, des Chelifer carcinoides (Hermann), quelques 
Acarus plumiger (Koch), beaucoup de Glyciphagos palmufer 
et (A. Fumouze et Ch. Robin), même des Tyroglyphes, des Po- 
durelles et de petits Coléoptères. 


= 


| 


= — 
Re 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 979 


Remarques. — Lyonet (Anatomie de différentes espèces d’In- 
sectes, dans Mém. du Muséum d'histoire naturelle de Paris, 1829, 
in-h, t. XVII, p. 284, pl. IV, fig. 10, 11 et 12) décrit un Aca- 
rien voisin du précédent sous le nom de froisième espèce de Mite. 

Cette Mite est indiquée dans l’explication des planches de 
Lyonet comme étant le Sarcoptes destructor, Latreille, ou Acarus 
destructor, Schrank (Enumeratio Insectorum Austriæ indigeno- 
rum, p. 912, n° 1057, Augustæ Vindelicorum, 1781), et elle est 
rapprochée des Tyroglyphus par M. Gervais (in Walckenaer, ist. 
des Insectes aptères, t. IT, p. 263, 1844). Il y a là pour nous une 
double erreur. Lyonet a décrit cette Mite comme un animal blan- 
châtre, un peu transparent, à tête en pointe, brune, émoussée, à 
partie antérieure du corps plus renflée que l’autre, ravageant les 
collections d'insectes et surtout de papillons. Cette Wire se dis- 
tingue par les longs poils noirs, quoique assez rares, dont elle est 
hérissée, poils qui, vus au microscope, paraissent pourvus de bar- 
bules. Or, la figure 12, qui représente un de ces organes, fait 
reconnaître facilement qu'il s’agit d’un poil caractéristique des 
espèces Glyciphaqus. La longueur des pattes, leur tarse effilé, 
la longueur et le groupement des poils barbelés, la partie anté- 
rieure du corps renflée et non atténuée, comme chez le 7yrogly- 
phus, sont autant de caractères qui séparent cette Mite des ani- 
maux de ce genre, et qui, au contraire, la rapprochent des 
Glyciphaqus de Hering. Nous avons recouru à l'ouvrage précité 
de Schrank, et, pour nous, la description de son Acarus destruc- 
tor (Mordemilbe), p.512, n° 1057, et la figure H de la planche II, 
se rapportent certainement à un G/yciphaqus et non à un Tyro- 
glyphus. La disposition des poils postérieurs de l’abdomen et la 
forme des pattes sont caractéristiques. On n’a qu’à jeterdes yeux 
sur les figures de Glyciphagus données par M. Gervais dans les 
Annales des sciences naturelles (2° série, 1841, t. XV, pl. 2), 
pour s’assurer de la vérité de notre affirmation. 

L’Acarus domesticus de de Geer, cité fort souvent comme sy- 
nonyme du 7°. siro,ne se rapporte pas à un Tyroglyphus. L'illus- 
tre auteur suédois a parfaitement représenté une espèce de 
Glyciphagus (de Geer, Mémoires pour servir à l'hist. nat. des 


576 A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


Insectes, 1778, Stockholm, t. VIE, p. 88, pl. V, fig. 1-9), dans 
ses Mémoires, si riches de faits bien observés. La physionomie de 
l’Acarien figuré dans de Geer, les ventouses terminant les pattes 
(fig. 6-7), le prolongement abdominal tubuleux (fig. 8), les poils 
barbelés (fig. 9), ne peuvent laisser aucun doute à cet égard. La 
Mite représentée fig. 15 de cette planche est le véritable Acarus 
farinæ ou Siro des anciens auteurs. De Geer, qui a parfaitement 
décrit le Sarcoptes scabier et l'Acarus farinæ, n'a pas connu 
le Tyroglyphus entomophaqus (1). La troisième espèce de Mite 
de Lyonet et l'Acarus domesticus de de Geer nous semblent 
donc bien être le même Acarien que le Glyciphagus cursor, 
Gervais. 

La descriplion et la synonymie que Latreille (Genera Crusta- 
ceorum et Insectorum, Parisns et Argentorali, 1806, in-8, t. I, 
p. 150-151; Hist. nat. des Crustacés et des Insectes, Paris, an VII, 
t. VII, in-8, p. 400, pl. LXVT) donne de sa Mite domestique 
(Acarus domesticus, Latreille) se rapportent à la fois au Glyci- 
phagus cursor, Gervais, et au T'yroglyphus longior, Gervais, mais 
surtout au premier. Il ajoute (Genera, p. 151) que l’Acarus dimi- 
diatus de Hermann (Mémoire aptérologique, Strasbourg, 1804, 
in-folio, p. 85, pl. VI, fig. 4) trouve dans la mousse diffère peu 
de sa Mite domestique. I est bien certain que c’est un G/yc1- 
phage que Hermann a eu sous les yeux, et probablement le /on- 
gior gonflé ou comprimé; mais sous ce dernier point de vue, la 
brièveté de la description et la figure ne permettent pas de se 
prononcer d’une manière formelle. 

Audouin dit que l'Acarus domestique (Acarus domesticus, 
de Geer), qui n’est qu'un G/yciphage, ainsi que nous venons de le 
montrer, se trouve ordinairement dans les collections d'insectes et 
d'oiseaux (Dictionnaire classique d'hist. nat., Paris, 1829, in-8, 
{. 1, p. 44). C'est en effet dans les plumes, le corps des insectes 
et autres objets de collections, autant que dans les matières 
sucrées des fruits conservés, etc., que vivent les G/yciphages. 

La disposition des poils, des tarses, etc., figurés par Koch, et sa 


(1) Voyez Laboulbène et Ch. Robin, loc. cit., 1862, p. 324. 


PS D ER 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 577 
description (1), montrent que c’est bien le G/yciphaqus cursor qu'il 
a eu sous les yeux en décrivant l’Acarien qu’il donne comme élant 
l'Acarus siro de Linné et de Fabricius. Il fait suivre ce nom des 
synonyraes suivants : Acarus domesticus, de Geer, el Acarus pu- 
trescentiæ, Schrank. 

Il signale, à tort, comme caractères les taches brunes et jaunâtres 
que produisent dans l'abdomen demi-transparent les corpuscules 
| globuleux, au nombre d’un ou deux, formés par les excréments en- 

core contenus dans l'intestin. Il appelle ovzscapte le court cylindre 
tronqué qui termine l’abdomen de la femelle, et note que c’est par 
là qu’elle se distingue du mâle; mais il ne parle ni de l'organe 
sexuel de celui-ci, ni de la vulve. Il dit cet Acarien commun à 
Ratisbonne, dans la poussière des granges, des écuries, de la 
paille, etc. Bien qu’écrivant quelques années après Hering, il ne 
tient aucun compte du genre G/yciphagus établi par ce dernier, 
qu'il ne cite pas. 


GLYCIPHAGUS SPINIPES, Koch (2). 


Corps : Grisätre, mat, un peu renflé entre les deuxième et troi- 
sième paires de pattes, atténué en avant, resserré sur les flancs. 
Abdomen arrondi, mousse en arrière, un peu dépassé alors par la 
commissure postérieure de l’anus sur lanimal vivant, sous forme 
d’une très-petite pointe et presque semblable dans les deux sexes. 

Rostre : Incliné, un peu coloré, ainsi que les pattes et les épi- 
mères, d’une teinte pelure d'oignon. 

Pattes : Effilées, moins longues que le corps n’est large; sem- 
blables dans les deux sexes. 

Tarses des quatre paires de pattes hérissés comme les longs 
poils de courtes pointes, qui disparaissent sous un faible grossis- 
sement, lorsque l'animal est placé dans un liquide. 

Poils : Longs, flexibles, hérissés de pointes, les postérieurs tou- 
jours plus longs que le corps. 

(1) Koch, Deutschland’'s Crustaceen, Myriapoden und Arachniden. Regensburg, 
1841, in-18. Heft 32, feuillet et fig. 24. — Uebersicht des Arachnidens Systems, 
Nürnberg, 1842, in-8, drittes Heft, p. 119. 


(2) Synonymie : Acarus spinipes, Koch, Deulschland’s Crustaceen, ete. Regens- 
burg, 1841, Heft 33, feuillet et fig. 1. 


JOURN, DE L'ANAT. ET DE LA PHYSIOL. — T, 1V (1867). 37 


578 A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 

Mâle. — Long de 0"*,40 à 0"",45, le rostre compris; à peu 
près de même volume que la femelle; de même forme et avec un 
appendice postérieur semblable, mais un peu plus court; tous les 
poils plus longs que ceux de la femelle, surtout les postérieurs. | 
Organe sexuel placé au niveau des épimères de la troisième paire 
de pattes (pl. XXIIE, fig. 3). 

Femelle. (fig. 1 et 2).— Longue de 45 à 55 centièmes de milli- 
mètre, le rostre compris. L'ensemble des poils un peu plus courts 
que sur le mâle, à l'exception de deux paires à la partie posté- 
rieure. Vulve formant une petite plaque aliongée entre la troisième 
et la deuxième paire de pattes. Appendice abdominal un peu infé- 
rieur, court, conoïde sur l'animal vivant, tronqué après sa mort(1). 

Œufs. — Très-régulièrement elliptiques, longs de 0*",14 à 
0"",18 , larges de 0°",07 à 0°",10 (pl. XXIIL fig. 4). 

Larves.— Hexapodes, de la forme des adultes. Anus légèrement 
saillant en pointe à l'extrémité postérieure du corps, mais sans 
appendice tubuleux: longues de 0,20 à 0*",28, larges de 
0,09 à 0"",11. Abdomen court, s'atténuant en s’arrondissant 
immédiatement derrière la troisième paire de pattes. 

Nymphes. — Ociopodes, pouvant atteindre le volume des indi- 
vidus sexués; mais sans appendice tubuleux à lextrémité poste- 
rieure du corps. 

Habitat. — Dans les Cantharides de Trieste, où 1l a été trouvé 
par l’un de nous, M. A. Fumouze. Il y abonde souvent, vivant avec 
des Tyroglyphes. 

Les femelles sont de huit à dix fois plus nombreuses que les 
males. 


$S 4. — Sur ies caractères distinctifs et l'habitat des espèces 
de @&lyciphages du premier groupe. 


Les deux espèces de Glyciphages que nous venons de décrire 


(1) Malgré le volume presque égal des individus des deux sexes, ils se distin- 
guent facilement dès qu’on regarde leur face ventrale, par suite de ce fait que les deux 
commissures de la vulve forment chacune une tache roussätre un peu écartées Pune 
de l’autre ; l’antérieure est un peu plus foncée et plus grosse que la postérieure, tandis 
que l’organe sexuel mâle se présente sous l'aspect d’une tache unique au niveau de 
la troisième paire de pates (pl. XXIII, fig. 4). 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 979 


se distinguent facilement l’une de l'autre par la forme du corps, 
par son voiume, un peu moindre chez le G. spinipes. Celui-ci se 
distingue surtout par la forme conoïde sur le vivant, et par la briè- 
veté de l’appendice postérieur de son abdomen, qui est plus gros et 
plus long chez le G. cursor. La longueur plus grande des pattes de 
celui-ci (tenant surtout à la plus grande longueur des tarses), l’état 
des tarses, qui sont hérissés de pointes dans les deux sexes sur le 
premier, et lisses chez ce dernier, permettent également de les 
reconnaître facilement. La longueur plus considérable des poils et 
leur état plumeux plus prononcé sur le G. spinipes aident aussi à 
cette distinction. Ce dernier marche avec une extrême vélocité, 
portant en travers un ou deux poils de chaque côté de la partie 
postérieure de l'abdomen, et trainant les autres à l'arrière du 
corps. Par la longueur des poils et le volume presque semblable 
des mäles et des femelles, le Glyciphagus spinipes correspond 
dans son genre au T'yroglyphus longior, mais il a les pattes plus 
courtes et le corps moins gros que le G. cursor. | 
L’Acarus spinipes de Koch (Deutschland’'s Crustaceen, pic. 
Regensburg, 1841, Heft 33, feuillet et fig. 4, et Uebersicht, Nürn- 
berg, 1842, in-8, drittes Heft, p. 119, tab. XIIT, fig. 67) est bien 
certainement un Glyciphage. La forme du corps, la disposition des 
poils du corps ainsi que de la cuisse et de la jambe, puis enfin la lon. 
_gueur du tarse, montrent bien que Koch, en le décrivant, a eu sous 
les yeux des Acariens de la même espèce que ceux que nous venons 
de décrire. En lui donnant le nom spécifique de spinipes, il fait 
allusion à la longueur, à la minceur et à la forme d’épine qu'offre 
le larse, mais non aux petites pointes dont il est hérissé sur toute 
sa longueur. Il n’a pas vu non plus que les poils des cuisses et des 
jambes, qu'il figure élargis (comme ils le paraissent en effet quand 
ils sont vus à la lumiére réfléchie), doivent cet aspect à leur etat 
plumeux ; aussi les appelle-t-1l des éperons. Il ne signale du reste 
cet état plumeux des poils (noté par.de Geer, Hering, ele.) sur 
aucun des Acariens rentrant dans le genre Glyciphage qu'il a 
observés, LUE 
Il note la petitesse du tube de la partie postérieure de Fab- 
domen. se 


580 A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 

Il a trouvé cet animal dans la poussière de paille et de vieux 
foin, el dans les greniers. 

La disposition des poils, des tarses, de la partie postérieure de 
l'abdomen, donnée dans les figures de Koch à des Acariens qu'il 
nomme Acarus setosus, Acarus cubicularius et Acarus hyalinus 
(loc. cit.), montre que ce sont des Glyciphaqus qu'il a eus ous les 
yeux en les décrivant. Mais ses descriptions n'étant pas fondées 
sur des données anatomiques exactes, et les figures étant très-im- 
parfaites, ces espèces ont besoin d’êlre revues. 

La matière pulvérulente qui se détache du corps des Cantha- 
rides altaquées par les Glyciphaqus est composée : 1° des excré- 
ments de ces animaux sous forme de petites masses arrondies et 
grisätres (1) ; 2° des œufs en voie de développement, et des coques 
vides des œufs éclos; ces coques sont ouvertes et plissées, fendues 
souvent dans le sens de la longueur ; 3° de jeunes nymphes parfois 
plus nombreuses que les animaux adultes; 4° d'enveloppes tégu- 
mentaires provenant de la mue d'un grand nombre de larves et de 
nymphes; 5° de débris viscéraux ou musculaires de ces Coléc- 
ptères, des morceaux de trachées, de faisceaux masculaires striés, 
de fragments desséchés, parfois d’ovules d'insectes non pondus et 
devenus libres dans le corps des femelles d'insectes attaqués. 

Dans la poussière du fond des boîtes, parmi les débris de toutes 
sorles, antennes, pattes, palpes, brisés ou tombés, on trouve par- 
fois des enveloppes de Tyroqlyphes, de Gamasus et de Cheyletes, 
Acariens qui vivent aussi dans les collections. 

La marche des: Glyciphages est assez rapide; ils s’avancent les 
. pattes rapprochées du corps. Les mâles sont bien moins nombreux 
que les femelles et un peu plus agiles qu’elles. [ls tiennent leur 
rosire verticalement replié en bas, sans laisser voir en avant les 
deux mandibules que dépassent les poils de la nuque ou épistome, 


(1) Sur beaucoup d'individus on en voit une et même deux dans l’intérieur du 
tube digestif, vers le milieu de l'abdomen ; celle qui est le plus près de l’anus est 
brune, plus opaque que l’autre, qui est jaunâtre. Ces globes de matières fécales sont 
apercevables à la loupe sous forme de petites taches jaunes ou brunes, en raison de 
la transparence des téguments. Ces taches ont été données comme caractères dis- 
tinctifs de quelques espèces par plusieurs anciens observateurs ; mais leur nature 
et ie peu de stabilité de leur existence rendent nulle la valeur d’un tel caractère, 


DES GENRES CHEYLETUS,: GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. . 981 
dirigés en avant ou verticalement pendant que les autres poils sont 
dressés à la surface du corps; il faut excepter ceux qui sont en 
arrière, qui restent horizontaux et trainants. 

Sur l'animal vivant renverse sur le dos, on voit bien la lévre et 
les palpes au-dessous des mandibules que l'Acarien fait glisser l'une 
à côté de l’autre. On voit également bien l’extrémité mousse, sail- 
lante des palpes, dépassant un peu la lèvre et leurs poils. 

Nous réservons pour un autre mémoire, qui parailra dans le 
prochain numéro de ce recueil, la description et les figures des 
Glyciphages du deuxième groupe, ou à poils plumeux ou palmes. 
Ce travail contiendra aussi la description anatomique des organes 
extérieurs des deux groupes de Glyciphages. 


TROISIÈME PARTIE. 


DESCRIPTION ZOOLOGIQUE ET ANATOMIQUE D'UNE ESPÈCE NOUVELLE 
DE TYROGLYPHUS. 


Nous nous proposons, dans cette partie de notre travail, de faire 
connaître une espèce nouvelle de Tyroglyphe découverte par l’un 
de nous, M. A. Fumouze, dans les Cantharides conservées pour 
l'usage pharmaceutique. | 

Nous rappellerons d’abord quels sont les caractères généri- 
ques des Tyroglyphes, d’après la description qu’en ont donnée 
MM. Laboulbène et Ch. Robin. 


8 1. — Caractères génériques et spécifiques des Tyroglyphes 
décrits dans cette partie de notre mémoirc. 
Genre TYROGLYPHUS, Latreille. 
Précis des caractéres génériques des Insectes, etc., in-8, p. 185. Brives, 1797. 
(Tupos, fromage, et YAvwsds, sculpteur) (1). 


Corps : Ovoide-allongé, aplati en dessous, un peu atténué en 
avant, légèrement resserré sur les flancs, offrant entre la deuxième 


(4) M. P. Gervais nous paraît s'être trompé en disant que «c’est au sillon qui 
sépare le corps (de ces animaux) en deux parties » que Latreille a probablement 
voulu faire allusion en employant anciennement le nom générique de Tyroglyphus. 
(Gervais, dans Walckenaer, Insectes apteres, 1844, t. LIT, p. 262.) 


582 À. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 
et la troisième paire de pattes un sillon circulaire, bien marqué sur 
le dos. Couleur grisâtre, lisse et assez brillante. 

Rostre : Uonique, incliné, découvert, d’une teinte rouillée ou 
pelure d’oignon, à palpes étroits. portant trois poils courts. 

Mandibules : Renflées à la pase, allongées, didactyles, den- 
telées. 

Épimères de la première paire de pattes réunis ensemble; les 
autres épimères libres, 

Pattes : Cylindriques, de même teinte que le rostre, poilues ; 
tarses sans mamelon, à caroncule membraneuse, unguiculée, 
sessile. 


x 


Anus : Placé sous le ventre, avec une paire de ventouses copu- 
latrices chez le mâle. 

Vulve : Longitudinale, située entre les dernières paires de pattes, 
comme l'organe sexuel mâle. | 

Mâles toujours plus petits et plus trapus que les femelles. 

Les Tyroglyphus ont déjà huit pattes,et commencent à se repro- 
duire alors qu'ils n’ont encore guère plus que la moitié du volume 
qu'ils peuvent atteindre. | x 

Remarques. — La forme de ces animaux peut varier un peu 
dans chaque espèce et d’un individu à l’autre. Ces variations 
légères ont lieu suivant que la partie du corps-située au devant 
du sillon est rentrée où nou dans celle qui est en arrière; selon 
que ce sillon est lui-même plus ou moins profond; suivant que 
l'Acarien raccourcit son corps en l’élargissant, ou au contraire 
l'allonge notablement en resserrant ses cêtés, surtout près du 
rostre, qui $e (rouve alors projeté en avant. 


TYROGLYPHUS LONGIOR, Gervais. 


T. longior, Gervais in Walckenaer, Insectes aptères, 1. I, 
p. 362, 1844. 

Seconde espèce de Mite, Lyonet (Anatomie de différentes 
espèces d'Insectes, dans Mém. du Muséum d’hist. nat. de Paris, 
U XVII, p. 283, pl. 14, fig. 8, 1829, désignée à tort soùs le 
nom d'Acarus farinæ, Latr., dans l'explication de la planche de 
Lyonet, p. 311). 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 083 

Corps plutôt arrondi que resserré sur les flancs, arrondi en 
arrière, brusquement rétréci au devant du sillon circulaire; d’un 
gris blanchâtre, lisse, brillant. Rostre pointu, peu élargi à la 
base, à peine coloré en brun rougeâtre pâle, ainsi que les pattes, 
qui sont semblables dans les deux sexes. Pattes grèles, à tarse 
| long, effilé, Les postérieures un peu moins longues que la largeur 
du corps, ne laissant voir que trois articles sur les côtés du corps. 
Poils dorsaux, latéraux et postérieurs, bien plus longs que les 
pattes et à peu près autant que le corps lui-même (pl. XXV, 
| fig. 2). | 

Mâle long de 0"",17 à 0"",64 de millimètre, d'un sixième ou 
d’un septième seulement plus petit que la femelle. Tarses de la 
quatrième paire de pattes portant deux tubercules en forme de 
ventouses; ces tubercules très-petits. Organe sexuel situé au ni- 
veau de la hanche de la quatrième paire de pattes. Anus placé 
immédiatement au-dessous de lui, avec les ventouses copulatrices 
situées à l’extrémité inférieure de l'ouverture anale, comme dans 
le 7. entomophagus. 

Femelle longue de 0"",20 à 0"*,75 de millimètre, large de 
: 0" ,14 à 0,39. Vulve placée entre les épimères et les hanches 
de la quatrième paire de pattes. Anus séparé d’elle par un inter- 
valle marqué (pl. XXV, fig. 1). 

Œuf régulièrement ovoïde, long de 0"",15, large de 0"",09 
de millimètre. | 

Nymphes longues de 0°*,16 à 0"",18, larges de 0"",10 de 
millimètre. | | 

Les œufs et les nymphes sont petits, relativement à l’animal 
adulte et à ceux des autres espèces. ( 

Habite souvent avec le T. siro dans le fromage ancien, mais on 
en trouve à peine 4 pour 100 sur le septmoncel, 8 ou 40 pour 
100 sur le roquefort, et un peu plus sur le vieux fromage de 
Gruyère. 11 est très-agile, le mâle surtout; la rapidité de ses 
mouvements, par rapport au 7. stro, le fait distinguer facilement. 
La taille plus considérable, la longueur des poils brillants, dressés 
et qui hérissent la surface du corps, donnent à cette espèce un 
aspect très-remarquable, 


084 À. FUMOUZE ET CH, ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


Des Tyroglyphus de cette espèce ont été placés sur de la farine 
en putréfaction, en même temps que des T. siro, avec lesquels 
ils vivaient sur du fromage de Roquefort. Les Tyroglyphus lon- 
gtor nes'y sont pas multipliés comme les T. siro, et ils sont 
morts après un ou deux jours (Laboulbène et Ch. Robin, loc. cit.), 

Cette espèce est la seule dont parlent les auteurs qui se sont 
occupés des.Mites de la Cantharide. On l’y rencontre, en eflet, 
très-souvent ; tous les échantillons que l’un de nous a examinés 
(M. A. Fumouze) en renfermaient des quantités considérables. IL y 
a vu aussi quelquefois le Tyroglyphus siro, qui se distingue très. 
facilement du Tyroglyphus longior par la brièveté de ses poils. 

Le Tyroqlyphus longior est assez agile; quand 1l marche, il 
tient toujours son rostre abaissé entre ses premières pattes, de 
sorte que la paire de poils située sur l'épistome est dirigée en 
avant, comme pour l’averlir des obstacles qu'il rencontre sur son 
chemin. | 

L'un de nous, M. A. Fumouze, a pu suivre le développement de 
ces Acariens et a constaté les faits suivants. 

Pour les observer, il en plaçait un certain nombre, avec de 
petits fragments de Cantharides, entre deux lames de verre sé- . 
parées l’une de l’autre par une bande circulaire de carton; il 
avait ainsi une petite cage de verre, dont la transparence per- 
mettait d'étudier ces pelits animaux sous le microscope. 

Dès les premiers jours, les femelles pondirent des œufs régulié- 
rement ovoïdes. L'éclosion en eut lieu du dixième au quinzième 
jour après la porite. À ce moment, l'œuf s'ouvre en se fendant 
de chaque côté dans le sens de sa longueur, et ressemble ainsi à 
ure ecquille bivalve dont la charnière serait placée à l’une des 
extrémités. On aperçoit alors le petit Acarien qui en sort toujours 
la tête la première; au moment de sa naissance, il est hexapode 
et non sexué. 

Le Tyroglyphus longior, comme tous les Acariens, mue plu- 
sieurs fois pendant le cours de son existence. La mue se fait de 
la façon suivante : Avant de quitter son enveloppe, devenue trop 
étroite pour le contenir, il reste plusieurs jours dans un état 
d'immobilité complète; puis, quand il est sur le point de sortir 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 989 
de son ancien tégument, il semble faire des efforts pour le dé- 
chirer, et la fente se fait toujours vers sa partie postérieure, sur 
l’un des côtés latéraux. On voit alors apparaître l'extrémité pos- 
térieure de l'animal; la partie antérieure sort ensuite, et les 
pattes sont les dernières à se dégager. 

On dit généralement que ces animaux n’acquièrent leur qua- 
trième paire de pattes que quand ils parviennent à l’âge adulte; 
ceci est une erreur. En effet, on doit entendre par âge adulte 
l’époque où les animaux sont capables de reproduire des individus 
de leur espèce; or, ces Acariens ont leur quatrième paire de 
pattes dès la première ou la seconde mue, mais ils ne sont sexués 
que beaucoup plus tard, et c’est alors seulement qu’on peut 
dire qu’ils sont adultes. | 

Pendant le coit, les deux individus, mâle ‘et femelle, s’appli- 
quent l’un contre l’autre, ventre à ventre, les têtes tournées en 
sens inverse l’une de l’autre et restent un certain temps en cet 
état. 

Ces petits animaux vivent en société, réunis sur le même 
fragment de Cantharide, ete. Quand ils mangent, on peut remar- 
quer qu'ils se servent de leur première paire de pattes pour saisir 
leur nourriture, ce qui confirme l’opinion de Dugès, qui compare 
celles-ci aux palpes labiaux des insectes. 

Les Tyroglyphus longior supportent le jeüne avec une grande 
facilité. Nous en avons conservé pendant un mois environ sans 
leur donner de nourriture, et, au bout de ce temps, le plus grand 
nombre élaient encore aussi vifs qu’au premier jour (1). 


TYROGLYPHUS SICULUS, Ch. Robin et A. Fumouze (pl. XXIV). 


Caractères. — Corps de forme ovoïde, atténué en avant du 
sillon circulaire, arrondi en arrière, à peine déprimé sur les 
flancs, d’un gris blanchâtre, lisse et brillant. 


Rostre : Peu pointu, d’une teinte pelure d’oignon ou rouillée 
bien prononcée, 


Pattes à poils'courts, de même dimension dans les deux sexes, 


(1) A. Fumouze, loc. cit., 1867, in-4, p, 45. 


586 A. FUMOUSE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 
assez épaisses, presque cylindriques, moins longues d’un tiers 
environ que le corps n'est large; les postérieures, un peu plus 
minces que les antérieures, ne laissent voir que deux articles sur 
les côtés de l'abdomen; les tarses sont plus courts que ceux du 
Tyroglyphus longror, mais plus longs que ceux du Tyroglyphus 
entomophaqus. 

Poils dorsaux et latéraux plus courts que les pattes; les pos- 
térieurs nombreux, plus longs que les pattes, dans les deux 
sexes (fig. 4 et 2). 

Ventouses génitales très-courtes, pâles dans les deux sexes, 
a peine visibles (fig. 1 et fig. 3, 6). 

Mäles. — Longs de 0"",25 à 0"»,34, le rostre compris; larges 
de Onm,15 à 0*®,20 ; du quart au tiers plus petits que la femelle. 

Organe sexuel au niveau de l’épimère de la quatrième paire 
de pattes (fig. 3 &, 6), dont les larses, un peu plus gros que ceux 
de la troisième paire (fig. 3 2), portent deux tubercules ovalaires 
en forme de ventouse. Ventouses anales copulatrices un peu en 
avant de la commissure postérieure de l'anus (fig. 3, d). 

Abdomen plus court et plus resserré que chez la femelle, à 
extrémité postérieure arrondie, sans bordure membraneuse semi- 
lunaire, avec uo long poil dorsal (f) qui manque sur cette der- 
nière. 

Femelles. — Longues de 0"",25 à 0°",65, le rostre compris, 
larges de 0"",15 à 0"",38 ; de cinquante à cent fois plus nom- 
breuses que les mâles. 

Vulve : Située entre les quatre derniers épimères et descendant 
au niveau de la quatrième paire de pattes (fig. 4). 

Anus à commissure postérieure assez éloignée de lextrémité 
de Pabdomen. 

Œuf : Régulièrement elliptique, long de 0°*,11 à 0,12, large 
de 0%%,05 à 0°" ,06, s’ouvrant en deux valves lors de l’éclosion. 

Larves. — Hexapodes, longues de 0"°,13 à 0°",17, larges 
de CE08 02218777 

Nymphes. — Octopodes, ayant depuis un volume un peu plus 
grand que celui des larves jusqu’à celui des individus sexués, à 
peu de chose près. 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 987 
Habitat. — Trouvé abondamment dans des Cantharides de 
Sicile par l’un de nous, M. A. Fumouze, avec un certain nombre 
de Tyroglyphus entomophagqus (Laboulbène et Ch. Robin) et de 
rares Glyciphagus. 

Remarques. — Les femelles sont environ de cinquante à cent 
fois plus nombreuses que les mâles. 

La brièveté des pattes, la largeur du corps par rapport à sa 
longueur, et ses formes trapues, suffisent pour faire distinguer, 
au premier coup d'œil, cette espèce des 7. siro et T. longior. 

Elle se rapproche du T. entomophagqus par la forme presque 
cylindrique de ses pattes, qui sont courtes, c’est-à-dire moins 
longues que le corps n’est large. Mais la grosseur du corps, les 
cinq ou six paires de poils saillantes à l'arrière de l'abdomen et 
leur longueur, la forme obtuse de l’extréminé de celui-ci et sur- 
tout l'absence de bordure semi-lunaire transversale, membra- 
heuse, sur cette extrémité, ainsi que la présence des tubercules 
en forme de ventouse sur les tarses de la quatrième paire de 
pattes (comme chez les T. so et longior), permettent de dis- 
tinguer aisément les T. siculus mâles des T. entomophaqus de 
ce sexe. 

Ce dernier, qui vit avec le précédent, ne traine derrière lui que 
quatre poils courts, à peine aussi longs que les pattes, et l’extré- 
mité postérieure de son abdomen porte une bordure membraneuse 
mince très-caractéristique. 

La grosseur et la forme du corps, le nombre et la longueur des 
poils de l’abdomen, l’absence de fente et de lèvres anales visibles 
sur l’extrémité médiane de celui-ci, font distinguer facilement les 
T. siculus femelles des T. entomophaçus du même sexe. Ces der- 
nières, en effet, ont le corps plus allongé, plus cylindroïde, plus 
déprimé sur Îles flancs; elles ne montrent que quatre paires de 
poils à l’arrière de l'abdomen, parmi lesquels ceux d’une paire 
seulement sont aussi longs que les pattes; enfin, sur l'extrémité 
postérieure et elliptique de l’abdomen des femelles du T. entomo- 
phaqus, est ouvert l’anus, dont les lèvres forment une petite saillie 
sur cette extrémité. 

Dans les deux sexes de notre nouvelle espèce, les tarses des 


588 A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 
quatre paires de paltes sont un peu plus longs que sur le T. ento- 
mophaqus. 

Nous n'avons lrouvé dans aucun auteur la description non plus 
que la figure d’Acariens semblables à celui que nous verons de 
faire connaître. Aucune des espèces de Koch ne se rapporte à la 
nôtre. C’est le Tyroglyphus (Acarus) siro, Latr., que’ cet auteur 
décrit sous Ie nom d’Acarus farinæ, de Geer (Deutschland s Crus- 
taceen, etc., Heft 32, feuillet 21, fig. 21 et 22, et Uebersicht, 
p. 120, pl. XIII, fig. 68). Sans parler des organes sexuels, il 
figure pourtant le mâle et la femelle de cette espèce. Il repre- 
sente d’une manière reconnaissable les différences qui existent 
entre les deux sexes au point de vue de la forme et du vo- 
lume de la première paire de pattes. Il décrit et figure le tuber- 
cule en forme de dent que porte le trochanter de la première 


paire de pattes du mâle. Il considère à juste titre comme certain 


que l'Acarus du fromage (Tyroglyphus siro, Latr.) et celui de la 
farine appartiennent à une seule et même espèce. Comme La- 
treille, il regarde à juste litre aussi qu'il est probable qu'il en 
est de même de l’Acarus lactis de Linné. Latreille fait aussi la 
même supposition pour l'Acarus dysenteriæ de Linné (Genera 
Crustaceorum, etc., 1806, in-8, £. I, p. 151). 

Latreille rapproche avec raison de son Acarus farinæ (Tyro- 
glyphus siro, L.) l'Acarus favorum de Hermann, trouvé dans des 
rayons de vieux miel noir répandant une odeur aigre. Ces deux 
noms se rapportent en effet très-probablement à la même espèce. 


8 2. — Examen anatomique et comparatif des diverses parties 
| du corps du Tyroglyphus siculus (pl. XXIV). 


A. Le rostre (fig. 2, a) n'est pas plus large à sa base ni plus 
court et plus incliné que chez les autres Tyroglyphus. Les mà- 
choires, placées transversalement, soudées à la lèvre et réunies 
ensemble-sur la ligne médiane, offrent là une dépression posté- 
rieure, comme sur le 7, entomophagqus, qu’on ne voit pas chez les 
autres espèces, mais elle est peu prononcée. Les palpes maxil- 
laires ne sont pas, comme chez ce dernier, relativement volumi- 
neux vers leur base, Les deux poils du deuxième article sont assez 


LL 


DES GENRES CHEYLETÜS, GLYCIPHAGUS ET TYROËLYPHUS. 580 
courts et grèles, et le piquant à sommet mousse du troisième 
article n’est pas plus gros ni plus courbé que chez les espèces voi- 
sines; comme sur le 7. entomophaqus, il est au contraire mince. 
Ces deux articles du palpe sont d'un brun rouge foncé, presque 
opaques. Comme dans cette espèce, les palpes labiaux accolés au 
bord interne des précédents sont mieux dessinés, plus colorés, plus 
opaques et plus en relief sur la lèvre que chez le 7, siro, etc. Le 
poil de la base de ces palpes est fort petit; leur semmet porte un 
piquant mousse très-court. 

Comme sur le T. entomophagus, la lèvre est plus épaisse, plus 
foncée, à bord libre plissé et mieux limité (fig. 1) que-sur les 
autres espèces. Elle porte aussi un poil qui est assez long dans 
celte espèce. La languette est remarquable par son épaisseur et 
par sa coloration rougeûtre et son opacité; elle manque de la petite 
partie élargie en forme de fer de lance qui s’avance jusqu’au niveau 
du bord de la lèvre, et même le dépasse un peu sur quelques indi- 
vidus de l’espèce T. extomophaqus. Elle est en forme de fer de 
lance triangulaire. 

Les mandibules sont (fig. 4, a) plus épaisses et plus puissantes 
que chez les autres espèces connues, et leurs dentelures sont rap- 
prochées, très-fortes, comme sur le T. entomophaques. 

Le bord libre de l’épistome est plus foncé, plus épais et un peu 
plus avancé que chez les 7”. siro et longior. Gomme dans les 
autres Tyroglyphes, le camérostome est réduit à une dépression 
de l’extrémité antérieure du corps plutôt qu'il ne forme une cavité. 
A la face ventrale du corps, la mâchoire adhère directement à tout 
son bord antérieur ou inférieur ; à la face dorsale l’épistome, le 
dépasse à peine; mais au-dessous de celui-ci un prolongement 
mince, membraneux, très-transparent, difficile à voir, se détache 
du bord du camérostome et s’avance sur les mandibules jusqu’au 
liers ou au quart de leur étendue. Il s'arrête aussi sur les côtés des 
palpes, sans entourer leur base, comme chez les Sarcoptes scabiei 
et Cati, et sans former de joues. 

B. L’anus, chez le mâle de notre nouvelle espêce, est situé 
(fig. 3, c), ainsi que l'appareil génital, un peu plus loin du bord 
postérieur de l'abdomen que chez les autres Tyroglyphus. Les 


990 À. FUMOUSE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


deux ventouses copulatrices anales (fig. 3, d) propres au mâle 
n'offrent rien de spécial; seulement, au lieu de présenter un poil 
court au devant d’elles, ou encore un très-court piquant situé en 
arrière et un autre semblable sur leur côté externe, comme sur le 
T. entomophagus, 1 y a un seul poil fin et court devant chacune 
d'elles, et un autre un peu plus long en arrière. Un peu plus bas, 
et en dedans, existe une paire (e) de poils assez longs pour dé- 
passer l'abdomen, quand ils sont dirigés en arrière. | 

Chez la femelle du T. entomophagqus, l'anus atteint l'extrémité 
postérieure du corps, ce qui n’a pas lieu dans les autres espèces, 
et en outre l’anus empiète sur la partie dorsale et offre l'appa- 
rence d’une incisure verticale faite en arrière de l'abdomen; ses 
lèvres, minces et saillantes, forment un court prolongement en 
arrière de l’animal, et les poils de la partie postérieure du corps 
ne semblent plus avoir de rapports bien marqués avec cet or- 
gane. ‘ 

Dans notre nouvelle espèce, au eontraire, l’anus est une fente 
longitudinale aussi éloignée du bord postérieur de l’ahdomen que 
sur les 7. szro et longior ; ses lèvres sont légèrement colorées 
d'une teinte de rouille. De chaque côté de sa commissure posté- 
rieure est un poil assez long dépassant le bout de l'abdomen. Un 
peu en arrière de cette paire, et un peu en dehors, s’en trouve une 
autre composée de poils un peu plus longs correspondant à la 
paire dont il vient d’être question en dernier lieu à propos du 
male. 

Sur le mâle on trouve comme chez les autres espèces, de chaque 
côté de l'anus, une ventouse circulaire à peine saillante hors du 
moment de la copulation. Vue de face, elle présente un point cen- 
tral ayant l’aspect d’un petit trou, entouré de deux cercles con- 
centriques, dont le plus intérieur est plus épais, jaunâtre, et plus 
foncé que l’autre, qui est très-fin (fig. 3, d), comme sur les autres 
Tyroglvphes. 

Sur les mâles détachés de la femelle au moment de la copula- 
tion, les ventouses anales sont très-saillantes. On peut reconnaitre 
alors, en les examinant de côté, qu’elles sont formées d’un anneau 
saillant, jaunâlre, mince, adhérent au tégument; à son centre, 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. . 991 


s'élève un court pédicule transparent, qui s'insére au milieu du 
fond d’un organe circulaire, jaunâtre, en forme de cupule, de 
même largeur que l'anneau précédent; il peut être soulevé ou 
abaissé sur lui de manière à en obturer la circonférence. Du pour- 
tour de cette cupule se détache une mince expansion, incolore 
comme le tégument, qui se renverse verticalement pour rejoindre 
celui-ci; l'intervalle compris entre cette expansion et les organes 
précédents des ventouses anales est rempli d’un liquide limpide 
lorsqu'elles sont saillantes; elles offrent alors une disposition très- 
élégante (1). 

C. Organes génitaux. — Chez ces Tyroglyphes comme sur les 
autres, ils Sont placés longitudinalement sur la portion du corps 
qui correspond au quatrième anneau céphalothoracique, entre les 
épimères de la quatrième paire. La vulve est située plus en avant 
que l'organe mâle; elle dépasse un peu le niveau du troisième épi- 
mère, tandis que l'organe mâle atteint à peine le bout du quatrième 
épimère (fig. 3, k). 

On voit deux paires de ventouses génitales semblables sur chaque 
côté des organes mâles et femelles. Elles sont à peu près au niveau 
du milieu de la vulve, d’une part, et un peu plus en avant chez le 
mâle; plus petites dans cette espèce que sur les autres. Cha- 
cune se compose d'une petite cellule ou vésicule cylindrique trans- 
parente, en forme de tonneau un peu arrondi à son extrémité 
libre. Ces petits organes sont habituellement couchés par paires 
sur les côtés des appareils génitaux, et aplalis hors de l’époque de 
la copulation (fig. 3, 6, et fig. 1). Mais à ce moment ils sont sail- 
lants verticalement en bas, cylindriques, un peu plus gros dans 
la femelie que chez le mâle; ils sont alors supportés par un ren- 
flement ou bourrelet allongé longitudinal, bilobé, gristre, qui 
rentre dans l’épaisseur du corps et disparaît après le coït. 

Depuis Hering, les ventouses anales (fig. 3, d) de beaucoup de 
Sarcoptides mâles ont été signalées sous le nom de ventouses copu- 
latrices par presque tous les auteurs qui ont étudié ces animaux. 


(1) Voy. Ch. Robin, loc, cit, Moscou, 1860, in-8, et:Comptes rendus el mémoires 
de la Société de biologie, Paris, 4861, in-8, p. 231, pl. let II. 


699 À. FÜMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SÛR LÉS ACARIÈNS 
Les ventouses génitales (fig. 3, 6) existant sur le mâle et la 
femelle d'Acariens qui ont en même temps ou non les précé- 
dentes, n’ont été décrites que chez les Oribates, par M. Nicolet, 
qui les appelle aussi ventouses copulatrices, car c'est également à 
la copulation qu’elles servent; mais il les compare à tort aux ven- 
touses anales copulairices des Sarcoptes (Archives du Muséum, 
1855, t. VIT, p. 413). Ces organes, très-différents les uns des 
autres, bien qu’ils servent aux mêmes usages, ne peuvent con- 
server le nom commun qui leur a été donné d’après leurs usages; 
c’est pourquoi nous les avons nommées ventouses anales (Üg. 3, d) 
et génitales. 

a. Organes génitaux mâles. — La pièce principale quiles con- 
stitue est le pénis. Ces organes sont composés de parties squelel- 
liques jaune rougeâtre ; leur figure générale est celle d’une plaque 
triangulaire à sommet en forme de hec dirigé en avant (a). Le 
pénis, un peu aplati, vu à un fort grossissement, est une petite 
plaque ayant la forme d’un fer de lance à pointe tournée en avant, 
à base assez large. Celle-ci envoie de ses deux angles en arriére 
une branche se recourbant pour s’enfoncer comme des épidèmes 
dans l'épaisseur du corps, en décrivant chacun de leur côté une 
courbe à concavité extérieure d’abord, puis s’élargissant en plaque 
demi-circulaire à convexité tournée vers les flancs, s’avancant 
moins loin que la pointe du pénis. A l'endroit où ces branches se 
détachent de la base du pénis, celui-ci offre une petite plaque à 
peu près quadrilatére, foncée, sur les bords surtout, qui (eus sont 
un peu COnCaves. | 

Sur les côtés du pénis existent deux lèvres peu épaisses for- 
mées par le tégument; elles se prolongent un peu au delà de sa 
pointe et limitent une petite fente au devant de celle-ci. Comme 
sur le 7, entomophaqus, les poils qui existent sur les côtés dans 
les T', siro et longior manquent dans le T, sculus. 

Au moment du coïit, le canal déférent se gonfle, entr’ouvre les 
lèvres, fait au dehors une saillie considérable qui soulève le pénis 
et le renverse de telle sorte, que sa pointe est portée en arrière du 
côté de l'anus. Il se trouve soulevé par la saillie extérieure, 
cylindrique, un peu aplatie de chaque côté, que forme le canal dé- 


L' 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS.  D93 


férent, dont l’orifice est placé au bout de cette saillie, à la base du 
pénis, et dirigé en arrière et, en bas. 

Chez le T. entomophagus le sommet du pénis est arrondi, et non 
conoïde ou triangulaire comme sur le T'. siculus, ou pointu comme 
dans les autres espèces ; il est en même temps bien plus court ab- 
solument, et toutes proportions gardées, que sur notre espèce. 

b. Vulve.— Elle est formée de deux lèvres un peu renflées, limi- 
tant une fente transversale. Ces lèvres portent chacune une écaille 
latérale ou épimérite, jaunâtre, aplatie, coupée obliquement en 
pointe antérieurement, recourbée en dehors à son extrémité pos- 
térieure, qui se termine aussi en pointe. C’est surtout vers cette 
portion recourbée en dehors que les deux écailles latérales de la 
vulve offrent une teinte jaunätre foncée limitant un espace trian- 
gulaire très-marqué sur les T. siculus et entomophagus. Ges épi- 
mérites se touchent (fig. 1) par leur bord interne dans la plus 
grande partie de leur étendue. En dehors, ces lèvres sont mar- 
quées de plis transversaux très-fins et très-rapprochés. A l’époque 
de la copulation, les épimérites s’écartent l’une de l’autre, et la 
portion commune ou impaire de l’oviducte vient faire une saillie 
relativement énorme sous le céphalothorax. Cette saillie, plus con- 
sidérable en avant qu’en arrière, limite l’orifice de l’oviducte dirigé 
en bas et en arrière, bordé par deux lèvres turgescentes arrondies, 
sur lesquelles se voient bien les plis fins et rapprochés signalés 
ci-dessus (fig. 1). 

D.— Squelette. Le squelette est composé sur le même type que 
celui des Sarcoptes. Il est coloré en jaune rougeâtre d’une teinte 
bien plus prononcée, lirant à la couleur lie de vin, chez les T, s2ro 
et T. siculus, que dans les autres espèces. 

a. Squelette du tronc. — I] est composé de quatre paires d’épi- 
mères pourvus de larges épidèmes, de même teinte que la pièce 
principale, mais bien plus minces et plus pâles, ne s’apercevant 
qu'après qu’on à écrasé l'animal. Ces parties sont semblables chez 
le mâle et chez les femelles. 

Les épimères de la première paire sont les plus longs; ils sont 


-soudés dans la plus grande partie de leur étendue; ils forment 


ainsi une pièce médiane en forme de plastron étroit en bas, où il 
JOURN, DE L’ANAT, ET DE LA PHYSIOL: =— T, IV (1867). 38 


59h A. FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


est coupé carrément et parfois un peu bifide. Ge plastron présente 
sur la ligne médiane une légère saillie longitudinale, jaunâtre, 
plus foncée que le reste de l’organe. Dans le reste de leur étendue, 
les épimères s’écartent l'un de l’autre, se portent en dehors, pré- 
sentent une apophyse articulaire courte pour la première patte, 
et se prolongent sous forme de mince membrane jusque auprès 
du premier article des palpes. Ge prolongement ne se voit que sur 
l'animal écrasé. 

Les épimères de la deuxième paire sont aplatis, un peu re- 
courbés, convexes en dedans, rétrécis à leur extrémité interne ; 
ils deviennent membraneux, très-minces au delà de l’apophyse 
avec la deuxième patte, et se prolongent jusqu'au premier article 
de la première patte (pl. XXIV, fig. 4, 6). 

Une pièce squelettique mince, membraneuse, se présentant habi- 
tuellement à l'observateur par son bord, existe un peu au-dessous 
de cet épimère parallèlement à lui. Son extrémité interne s’avance 
à peu près autant que ce dernier vers la ligne médiane, et son 
extrémité externe s'articule avec le premier article de la deuxième 
patte. > dr 

Les épimères de la troisième et de la quatrième paire sont sem- 
blables l'un à l’autre et dans les deux sexes, sauf le volume (fig. 3, 
g, À). Is sont libres par leur extrémité interne, qui est un peu 
élargie en forme de spatule dans le 7. siculus. L'autre extrémité 
s'articule avec le premier article des pattes correspondantes (fig. 3, 
n° 1). 

b. Squelette dés pattes. — Les pattes sont composées de cinq 
pièces (fig. 3, n° 1, 2, 5, 4, 5) ou articles conformés sur le 
même type dans toutes les espèces, sauf le diamètre transversal 
et la longueur, qui varient considérablement, non-seulement pro- 
portionnellement à la grosseur du corps, mais encore absolu- 
ment d’une espèce à l’autre. 

Comme sur le 7. entomophaqus, les articles des pattes sont, 
toutes proportions gardées, généralement plus courts que chez le 
T. siro, et surtout que chezle T. /ongior. La troisième paire est 
un peu plus petite que la quatrième, mais non pas d’une manière 
aussi sensible que chez les deux dernières espèces que nous venons 


DES GENRES CHEYLETUS , GLYCIPHAGUS ET TYROGLYHUS. 999 


de nommer. Le tarse de toutes les pattes est un peu plus long sur 
le 7, siculus que sur le 7. entomophagus. Celui de la quatrième 
patte du mâle porte deux tubercules saillants, ovalaires, coupés 
nettement en forme de ventouse, 

La hanche offre un poil court aux trois premières paires de 
pattes (fig. 3, n° 1), comme sur les autres T'yroglyphus. Comme sur 
eux aussi (n° 2), l'exinguinal ou trochanter porte un poil plus long, 
qui manque à celui de la troisième paire, et ne dépassant guère la 
longueur de la pièce qui le porte. 

Le /émoral de la première patte est pourvu de quatre appen- 
dices comme chez les autres Tyroglyphus ; mais les deux placés 
au bord supérieur ne sont pas des piquants rigides et courts, 
comme sur le Ÿ. entomophagus, ce sont des poils courts et 
minces; les deux appendices du bord inférieur sont aussi des poils 
plus courts que sur le 7. entomophagqus et que dans les deux 
autres espèces (fig. 7). Le /émoral de la deuxième palte a deux 
courts poils en bas et un piquant rigide en haut sur la femelle, et 
un poil court entrant avec deux courts piquants en bas sur le mâle. 
Le fémoral (lg. 3, n° 3) de la dernière patte est dépourvu de poils, 
tandis qu’on en trouve un aussi long que cet article à la troisième 
paire. 

Comme sur le 7. entomophaqus, la jambe porte deux poils à 
toutes les pattes. L’un de ces poils est bien plus long que l’autre, 
et il dépasse la longueur du tarse, même à la quatrième paire de 
pattes (fig. 8, n° 4). | | 

Le tarse (n° 5), épais, mais un peu moins court que chez le 
T'. entomophagus, porte un grand nombre d’appendices. Ce sont : 
1° une-spinule courte, assez grosse et assez courbée; on ne la 
trouve qu'aux deux premières paires de pattes; 2° deux poils ou 
piquants plus courts que la spinule précédente et rapprochés de sa 
base ; ils n’existent qu’à la première paire de pattes; 3° trois poils 
courts et fins sur le milieu du larse des deux premières paires; 1l 
n'y en à qu'un noir, plus long au tarse de la quatrième paire, et 
deux à la troisième. 4° Près du bord libre du tarse on remarque à 
la première paire de pattes trois poils fins et deux à la seconde; 1l 
y à un seul poil placé un peu moins près de ce bord, sur les deux 


596 A, FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


autres paires de pattes; les uns et les autres sont représentés par 
des poils très-fins et très-courts chez les 7, s2ro et longior. 5° Sur 
le T. siculus, le bord libre du tarse est muni, à toutes les paires de 
pattes, de trois courts tubereules à pointe mousse, difficiles à voir. 
Le milieu du tarse des mâles porte des tubercules (fig. 3,2) en forme 
de cupule ou de ventouse qu’on trouve aussi aux tarses de la qua- 
trième paire chez les T°. siro et longior, et non sur le T, entomo- 
phaqus. 6 Le larse est terminé par une caroncule ou ventouse 
transparente et membraneuse, semblable chez toutes les espèces, 
mais courte chez le T'. siculus quand elle est tout à fait étendue; 
ordinairement à demi rétractée, elle est alors en forme de cupule 
ou de godet (fig. 3, 7). Gette ventouse est traversée par un cro- 
chet jaunâtre, d’une teinte oncée, assez puissant, en forme d’ha- 
meçon, et dont la partie aiguë et recourbée dépasse la caron- 
cule. Le crochet est volumineux dans notre espèce, si l’on tient 
compte de la petite taille de l'animal. Notons enfin que la brièvetc 
des poils de la jambe et du tarse influe notablement sur l'aspect 
général du 7, siculus, comparativement aux autres espèces. 

Les piquants ou spinules dont nous avons parlé sont aplatis et 
cunéiformes dans toutes les espèces. Examinés à un fort grossis- 
sement de 600 diamètres, ils paraissent mousses et coupés car- 
rément lorsqu'ils sont vus de face, tandis qu’au contraire ils sont 
trés-aigus quand ils sont observés de côté. 

Le Tyroglyphus siculus présente, comme ses congénères, à la 
périphérie du corps : 1° une paire de pors entre le rostre et la 
première (fig. 1) paire de pattes; ces poils sont courts un peu 
-dentelés, difficiles à voir; 2° une paire plus grande, coudée et 
dentelée, placée au-dessus de la première paire de pattes ; 3° une 
paire un peu en arrière du sillon dorsal, plus trois paires (fig. 4, 
de e en d) entre le point où l'abdomen commence à s’arrondir et 
la ligne médiane. Ces trois paires sont très-longues et traînent 
à l’arrière du corps avec un autre long poil de chaque côté qui 
s’insère sous le ventre en arrière et sur les côtés de l'anus; poil 
assez long (fig. 3, e) qu'il ne faut pas confondre avec une autre 
paire plus courte mentionnée à propos de la fente anale. 

Sur le dos (fig. 2), on compte : 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 997 
1° La paire de poils insérée près du bord de l’épistome, plus 
longs que le rostre. 

20 et 3° Deux paires au devant du sillon, au niveau de la 
deuxième paire de pattes; ils sont plus longs que les précé- 
dents (fig. 2, 0). 

h° et 5° Deux paires un peu en arrière du sillon circulaire, au 
niveau de la paire de poils (c) circonférenciels latéraux; les poils 
de la paire la plus externe sont plus longs que ceux-ci; ceux de 
la paire interne, encore éloignés de la ligne médiane, sont trés- 
fins et très-courts. 

6° Une seule paire de poils un peu plus courts, rapprochées 
de la ligne médiane (fig. 2, e), au niveau de la troisième paire 
de pattes, 

7° et 8° De chaque côté, deux paires de longs poils, plus écar- 
tés de la ligne médiane, insérés sur une ligne oblique en dehors, 
un peu en arrière du niveau de la quatrième paire de pattes. Les 
poils de la paire la plus externe sont très-près du bord de l’ab- 
domen, 

90 Une paire de longs poils trainant en arrière (d) avec les pré- 
cédents et avec les poils circonférenciels mentionnés plus haut. 
Ils sont insérés sur la partie dorsale de l’extrémité de l’abdo- 
men près de celle-ci. 

Ces dernières paires de poils trainent à l’arrière du corps avec les 
rois paires de poils circonférenciels mentionnés plus haut et avec 
les paires de poils sous-abdominaux (fig, 3, e); ce qui en fait six 
ou sept de chaque côté. 

À la face ventrale, il y a chezle T, siculus, de chaque coté, un 
poil court entre le premier et le second épimère, un autre entre 
le troisième et le quatrième, puis derrière le quatrième, comme 
chez les espèces précédentes; mais il n’y en a pas entre le 
deuxième et le troisième épimère, ni sur les côtés des organes gé- 
nitaux. Il y en a deux ou quatre fort courts sur les côtés de 
l'anus. Nous avons déjà dit qu’il y en a deux sue de cha- 
que côté en arrière de l'anus. 

Nous devons noter, en terminant cet examen minutieux, mais 
indispensable, que le petit volume de ces Acariens du genre 


998 4. FUMOUZE ET CH. ROBIN, — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 
Tyroglyphus exige que l'étude des détails de leur organisation 
soit faite sous le microscope, à un grossissement qui ne doit pas 
ètre moindre de 300 à A00 diamètres. 

Les T. siculus et entomophaqus manquent de la vésicule 
pleine de liquide incolore où jaunâtre que l’on voit par transpa- 
rence en arrière des dernières pattes de chaque côté, dans la ca- 
vité ventrale des 7. srro et longior. Ils manquent aussi de 
la vésicule pâle médianc qu'on trouve à l'extrémité postérieure 
de Pabdomen sur le 7, séro (4). À 


EXPLICATION DES PLANCHES XXII, XXII, XXIV ET XXV. 
PLANCHE XXII — Cheyletus. 


Fic. 4. — Cheyletus (Cheyletus eruditus, Latreille) vu par sa face ventrale, 
a. Pièce annulaire de la base du rostre. 
d. Pièce squelettique reliant les mächoires à la pièce annulaire de la 
base des palpes maxillaires en se recourbant en e. 
e. Stigmate trachéen latéral au niveau du coude formé en e par la 
pièce précédente. 
t. Stigmate trachéen médian vers la symphyse des deux mâchoires, 
On peut voir sur le dessin les trachées partant des stigmates pour 
aller se distribuer dans les différentes parties du corps (rostre, ab- 
domen et pattes). ré 
v. Poil de la base du palpe labial. / 
FiG. 2.— Cheyletus vu de dos pour montrer sa forme et l'insertion des poils 
dorsaux. | 
Fig. 3. — Larve hexapode de Cheyletus vu par sa face ventrale. 
a,b. Le rostre. l 
Pointe des mandibules formant le bout du rostre. 
. Base du rostre. | 
Poil de la face ventrale de la masse hexagonale du rostre. 
. Base des palpes maxillaires présentant une pièce annulaire cornée. 
. Pièce annulaire des épimères. 
y. Tige des épimères. 
. L'anus. 
4, La hanche ou rotule. 


se © © 


à 


(4) Voyez Ch. Robin, Mémoire zoologique et anatomique sur diverses espèces 
d’Acariens de la famille des Sarcoptides (Bulletin de la Sociélé impériale des natu- 
ralistes de Moscou, 1860, in-8, p. 109), 


Fic. 
FiG. 


Fic. 


Fic. 


Fic. 


FIG. 


Fic. 


DES GENRES GHEYLETUS, GLYCIPHAGUS ET TYROGLYPHUS. 999 


2. 
3. 
4. 
b. 
4. 
D. 


ge 


L’exinguinal ou trochanter. 

Le fémoral ou cuisse. 

La jambe. 

Le tarse. 

— Palpe maxillaire vu par sa face dorsale. 

— Le même palpe vu par sa face ventrale. a 
Pièce annulaire cornée de la base de leur premier article. 


k. Premier article des palpes. 
i. Deuxième article. 


Î. 


Troisième article, 


k. Poil de la face dorsale du premier article. 
l,m,n. Les trois poils de la face ventrale de cet article. 


CP TRE 


& © 8e © 


k. 


. Crochet à base dentée du deuxième article du palpe maxillaire. 


Poil dorsal de cet article ; les deux poils de la face ventrale se voient 
aux parties correspondantes. 


. Le plus long cirre pectiné du troisième article. 

. CGirre pectiné le plus court. 

. Poil de la face dorsale du troisième article. 

. Poil de la face ventrale de cet article (fig. 5). 

. Gros poil ou cirre mousse de cet article , avec un très-court cirre rigide 


vers sa base. 
PLANCHE XXIIL.— Glyciphagus (Acarus) spinipes, KoCH. 


— Glyciphagus spinipes (Koch) femelle, vu par sa face ventrale, les 
mandibules accidentellement. écartées l’une de l’autre et retour- 
nées de manière à être vues de côté. 


. — Le même, vu de dos, les mandibules un peu écartées l’une de 


l’autre, comme le fait de temps à autre l’animal. 


. — Organe génital mâle. 

. Le pénis. 

. Plaque ou épimérite placée de chaque côté du pénis. 

. Bande transversale qui les réunit. 

. Les deux paires de poils qui de chaque côté sont placés vers l extré- 


mité antérieure de l'organe génital. 
— (Œuf du Glyciphagus spinipes. 


PLANCHE XXIV, — Tyroglyphus siculus, Cu. ROBIN et À, FUMOUZE. 


À. 
a, 


b. 


— Femelle vue par sa face ventrale. 

Bout de rostre formé par les mandibules qui ont ici été chassées un 
peu au delà du bout des palpes et du bord de la lèvre, Ces diffé- 
rentes parties sont pourvues de leurs poils. 

Extrémité des épimères de la deuxième paire de pattes se prolon- 
geant jusqu'à la hanche de la première paire de pattes; deux poils 


GO0 A: FUMOUZE ET CH. ROBIN. — MÉMOIRE SUR LES ACARIENS 


courts sont au-dessus ; au-dessous se voit le sillon transversal 
mésothoracique. 

c. Anus avec ses deux paires de poils courts, symétriques, silués vers 
son extrémité antérieure; en arrière existent deux paires de poils 
plus longs. 

d,d. Longs poils postérieurs de l’abdomen. 

e,e. Poils latéraux dont la situation estrelative à celle des épimères pos- 
térieurs. | 
La vulve, située entre les deux dernières paires de pattes, est 
pourvue de deux lèvres striées; en dehors de celles ci on re- 
marque de chaque côté deux ventouses génitales en forme de 

massue, co mme chez le mâle. 

Fic. 2, — Tyroglyphus siculus vu de do:. 

a. Rostre montrant un sillon entre le bord dorsal des deux mandi- 
bules. 

b. Deux paires de longs poils un peu au devant du sillon circulaire 
mésothoracique, 

c, d. Poils latéraux et postérieurs du corps. 

e, Poils dorsaux plus courts. 


Fi. 3. — Partie postérieure du Tyroglyphus siculus mâle. 
u. Pénis couché dans une fente longitudinale, qui en dépasse les parties 
solides. 


. Ventouses génitales du mâle semblables à celles de la femelle. 


b 
c. Anus avec une paire de petits poils de chaque côté. 
d, Ventouses anales du mâle, 


e, e. Poils anaux et postérieurs du Corps. 
f. Long poil dorsal, vu en partie par transparence, qui existe chez le 
mâle seul et s’insère sur le dos au niveau de l’organe génital. 
g. Epimère de la troisième paire de pattes articulé avec la hanche cor- 
respondante. 
h. Épimère de la quatrième paire de pattes articulé avec la hanche 
correspondante, 
4. Hanche de la quatrième patte. 
La hanche de ce membre est dépourvue de poil, tandis qu’il en 
existe un à celle de la troisième patte. 
2. Trochanter de la quatrième patte. Il supporte un poil, tandis que 
celui de la troisième patte en est dépourvu. 
3. Cuisse ou fimoral qui a un poil à la troisième patte ; il n’y en a pas 
à la quatrième, 
k 


. La jambe, qui a deux voils inégaux en longueur et un peu différem- 
ment situés dans les deux sexes. 
5. Tarse de la quatrième patte du mâle. 
On voit en : deux petites saillies coupées en forme de cupules, et 
vers leur niveau existe un poil; il y en a un autre plus court 


me 
ap 


DES GENRES CHEYLETUS, GLYGIPHAGUS ET TYROGLYPHUS, 601 


inséré sur l'extrémité inférieure du tarse, Ces deux saillies 
n'existent que chez le mâle ; elles manquent chez la femelle, dont 
le tarse porte deux poils au lieu d’un vers son milieu. 

j. Caroncule ou ventouse membraneuse en ampoule, avec son crochet. 


PLANCHE XXV, — Tyroglyphus longior, GERVAIS. 


F1G, 4. — Femelle vue par sa face ventrale. 

a, a. Bout du rostre formé par les mandibules accidentellement écartées, 
pourvues de leurs poils et dépassant le bout des palpes et le bord 
de la lèvre. 

On remarque sur la ligne médiane : 
4° Les épimères de la première paire de pattes, qui sont soudés en une 
sorte de pièce sternale. Deux poils courts sont en dessous. 
2° Le sillon transversal mésothoracique qui se voit immédiatement au- 
dessous des épimères de la deuxième paire de pattes. 
3° La vulve est située entre les deux dernières paires de pattes et pour- 
vue de deux lèvres striées, en dehors desquelles on remarque 
deux ventouses génitales en forme de massue, comme chez le 
mâle. 
. De chaque côté entre les ventouses existe un poil court. 
Anus avec ses quatre paires de poils symétriques très-courts et très- 
fins. | 
. Longs poils postérieurs de l’abdomen, dont trois paires sont ven- 
trales ou placées au bord même de l'extrémité du corps; la qua- 
trième paire est dorsale. 

d, d. Poils latéraux longs et poils courts, dont la situation est relative à 

celle des épimères postérieurs. 
e. Poils plumeux entre la première patte et le rostre. 

{, (. Longs poils dorsaux situés au devant du sillon circulaire mésothora- 
cique. : 

9, 9. Poils dorsaux situés en arrière de ce sillon. 

h, h. Poils latéraux et postérieurs du corps. 

Fic, 2. — Tyroglyphus longior vu de dos. 
a. Le rostre offrant un sillon entre le bord dorsal des deux mandi- 
bules. | 
b. Longs poils près de la ligne médiane insérés sur l’épistome, et un 
poil court entre le rostre et la première paire de pattes. 


æ 


Q 
M 
D 


MÉMOIRE 


SUR 


LES ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES 


Par M. A. GOUBAUX 


Professeur d'anatomie et de physiologie à l'École impériale vétérinaire d’Alfort, etc. 


€ sa Dans l'observation scientifique, rien n'est 
petit, rien n’est inutile. » 


(M. FLOURENS, Ontologie naturelle, où Étude 
philosophique des étres.) 


$S 1. — Considérations préliminaires, 


Qu'est-ce que l’espèce ? Qu’est-ce qu’une race? Qu'est-ce qu'un 
métis ? Qu'est-ce qu’un hybride. 

Ne sera-t-on point étonné de voir encore poser ces questions ? 
Tout le monde ne s’entend-il pas sur la signification de chacune 
des expressions qui sont inscrites dans le titre de ce paragraphe? 
Le croire, serait une erreur. Je n’ai ni la prétention ni l’espé- 
rance de dire quelque chose de nouveau, mais il me parait indis- 
pensable d’entrer dans quelques détails à cet égard. Il serait 
inutile de passer en revue tous les travaux des auteurs qui se sont 
occupés de déterminer la valeur ou la signification rigoureuse 
de ces expressions, et de remonter bien haut dans l’histoire de 
_la science; je m’arrête particulièrement au livre que M. Flourens 
_a publié sous le titre de : Ontologie naturelle, ou Étude philoso- 
phique des êtres (3° édition, Paris, 1864). 

Qu'est-ce que l'espèce ? — M. Flourens, qui a compulsé et 
analysé toutes les définitions que les auteurs ont données de 
l'espèce, la définit exclusivement je la finalité PR des 
êtres, et dans les termes suivants 

«La fécondité continue est Là caractère de l'espèce. » 

Cette définition me paraît extrêmement Juste. 

Deux individus de sexe différent et appartenant à la même 


ro 


pen 72 


ANOMALIES CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 603 


espèce peuvent se reproduire et donner naissance à des Imdividus 
indéfiniment féconds, d’où la perpétuité des espèces. 

Jrai-je trop loin, commettrai-je une erreur, si je dis que l’es- 
pèce peut aussi être caractérisée par l'anatomie? 

À part les organes de l'appareil génital, qui sont différents 
dans les deux sexes, chez tous les individus composant une 
même espèce, les organes présentent, en principe, la même dis- 
position et la même organisation. 

Si d’un individu à l’autre de la même espèce les organes pré- 
sentent des différences, ces différences constituent des anomalies 
ou des variétés anatomiques. 

Nous aurons à rechercher plus tard si ces anomalies peuvent 
servir de trait caractéristique pour la race. 

Qu'est-ce que la race ? — I y a des mots qui ne sont pas 
aussi faciles que d’autres à bien définir. Le livre de M. Flourens 
en donne la preuve. J'y trouve certainement des détails qui éta- 
blissent bien le caractère de la race, mais, en somme, la défini- 
lon est longue, et par cela même, elle ne frappe pas autant l'esprit 
que la suivante, que j'extrais du Nouveau Dictionnaire lexico- 
graphique et descriptif des sciences médicales et vétérinaires. 

La race est le «nom qu’on donne aux variétés d’une espèce 
lorsqu'elles se sont depuis longtemps propagées et maintenues 
par l’hérédité, » | 

Qu'est-ce qu'un métis. — Le métis est le produit qui résulte 
du croisement des deux races. 

Le produit du croisement de l’étalon de race anglaise avec la 
jument normande est un métis anglo-normand. Ces exemples 
pourraient être multipliés, mais il est inutile d’en citer d’autres. 

Les métis, en s’accouplant, peuvent à leur tour former une race 
mixte, et dans l'exemple que j'ai cité, ils peuvent constituer une 
race nouvelle : anglo-normande. 

Le métis est, je le répète, le produit qui résulte de l’accouple- 
ment de deux races, Telle est la signification que les éleveurs et 
les vétérinaires accordent au mot métis. Mais telle n’est pas la 
signification que tout le monde lui accorde; je crois devoir en 
fournir la preuve, 


60 A, GOUBAUX, — ANOMALIES DE LA COLONNE YERTÉBRALE 


Dans le Drctionnaire lexicographique dont j'ai déjà parlé plus 
haut, on donne le nom de métis à un « individu né d’un blanc et 
d’une négresse ou d'un nègre et d’une blanche ; et, par extension, 
à tout individu animal ou végétal provenant d’un croisement de 
races ou d'espèces. » 

Le Dictionnaire général de médecine et de chirurgie vétéri- 
naires (Lyon, 1850) définit le métis « le produit de l'accouple- 
ment de deux individus d'espèces ou de races différentes, » Il 
ajoute : « On dit aussi, mais plus rarement, zulet. » | 

Le Dictionnaire de l'Académie (6° édition, 1835), après avoir 
donné la définition citée plus haut et empruntée au Dictionnaire 
lexicographique, ajoute : « Il se dit aussi de certains animaux 
qui sont engendrés de deux espèces : Ce chien n’est pas franc 
lévrier, il est métis. — Ses mérinos ne sont pas tous de race 
pure, il a aussi un troupeau métis. » 

Enfin, M. Flourens (ouvr. cité), dans une note au bas de la 
page 33, dit : « Je préfère le mot mnéfis au mot mulet. Je 
prouverai, par la suite, que le métis est composé moitié d’une 
espèce et moitié d’une autre; c’est un animal pour ainsi dire 
mi-pari. Le mot méfis a donc un sens physiologique. » 

Oui, certainement, le mot métis a un sens physiologique, mais 
généralement ce n’est pas celui qu’attribue M. Flourens. La dif- 
férence sera plus complétement exposée entre les mots métis el 
mulet, à l’occasion de la question suivante. 

Qu'est-ce qu'un hybride ou un mulet ? — Pour moi, il y a 
une différence radicale, je pourrais même dire qu’il y a plusieurs 
différences radicales entre un métis et un mulet. Quelques mots 
‘sufliront pour les faire ressortir. 

Le métis est le produit du croisement de deux races. 

L'hybride ou le mulet est le produit du croisement de deux 
espèces. | 

Le métis est indéfiniment fécond. 

L'hybride ou le mulet est ou infécond ou d’une fécondité 
limitée. 

Abordons maintenant notre sujet. 


A eo 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 605 


8 2. — Du nombre des os composant la colonne vertébrale, et de 
sa répartition dans chacune des régions, chez les animaux do- 
mestiques. 


Les variétés anatomiques ou les anomalies de la colonne verté- 
brale de nos animaux domestiques ne pourraient être bien ap- 
préciées quant à leur importance, et bien comprises du lecteur, 
si je ne faisais précéder leur exposition de celle du nombre des 
pièces ou des vertèbres qui la composent normalement. 

Chez tous les animaux domestiques, la colonne vertébrale se 
compose de cinq régions, qui ont reçu les noms suivants : 

1° région cervicale, 2 région dorsale, 3° région lombaire, 
4° région sacrée, 5° région caudale. 

Cette division, — la seule qui doive être admise au Ke de 
vue de l’analomie comparée, — peut êlre restreinte aux trois 
premières au point de vue de l'anatomie descriptive. En consé- 
quence, les régions sacrée et caudale sont reportées dans la ré- 
gion du bassin: celle-ci est alors considérée comme une région 
du tronc, que l’on n’admet pas au point de vue de l’anatomie 
comparée. 

Je présente dans le tableau suivant le nombre des vertébres 
dans chacune des régions du rachis, et pour chacun de nos ani- 
maux domestiques. 


INDICATION | RÉGION | RÉGION | RÉGION | RÉGION | RÉGION 
DES ANIMAUX| cervicale, | dorsale, | lombaire. | sacrée. caudale, OBSERVATIONS. 


17, 18 
15,18,20, 
21 


16,18,20, 
21 


40e 27 

11, 12 

21, 23 
16,17,19; 
20, 21 al (2) Non com- 
91 (2) de É os en V ou 
16, 48 | hypsiloïdes. 


606 A. GOUBAUX. — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 


Ce tableau résume mes observations. Les chiffres qu'il ren- 
ferme confirment les observations de plusieurs auteurs, mais ils 
sont en désaccord avec celles de quelques autres. Voyons quelles 
sont les différeuces. Ce n’est pas faire une revue inutile que de 
comparer les différents auteurs (1), car elle conduit à conclure 
que plusieurs ont peu observé, -et que d’autres, dont le titre des 
œuvres annonce des études anatomiques sur tous les animaux 
domestiques, n’ont examiné que quelques-uns d’entre eux. 

1° Cuevaz. — Les auteurs sont tous d’accord sur les faits 
principaux. On ne constate dans les chiffres qu’ils donnent que 


deux variations : l’une a trait au sacrum, et l’autre aux os de la 
queue. 


a. Sacrum. — JT, Girard est le seul auteur qui ait commis une 
erreur en ce qui concerne le nombre de pièces qui composent le 
sacrum. Il dit que cet os se compose de quatre vertèbres, et il 
croit que « dans l'âge un peu avancé, le premier os coccygien 
concourt à la formation du sacrum et se réunit avec lui ». (4° édi- 
Uüon, 1841, (ome I, page 200.) 


Lorsque le sacrum est composé de quatre vertèbres, 11 y a 
une anomalie. Cette anomalie, sur laquelle j'aurai à revenir, est 


(1) Voici l'indication des auteurs que j'ai consultés : 

BLASIUS, Analome animalium, 1681. 

DAUBENTON, Histoire nalurelle générale et particulière, avec descriplion du cabinet. 
du roi, par Buffon, Édition in-4° de l’Imprimerie royale, 

BOURGELAT, Éléments de l’art vétérinaire. Précis anatomique du corps du cheval. 
Paris, 4769, 1" édition. 

LAFOSSE, Cours d’hippiatrique. Paris, 4772, in-folio. 

ViTET, Médecine vélérimaire. Lyon, 1783. 

FLANDRIN, Précis de l’analomie du cheval, à l'usage des élèves des Écoles royales 
vétérinaires, 1787. 

DELABÈRE BLAINE, Notions fondamentales de l’art vétérinaire, traduit de l’anglais. 
Paris, 1803. 

Erik-ViBoRG, Mémoire sur l’éducalion, l’engrais et l'emploi du porc. Paris, 1823. 
Voyez p. 36. 

G. CuviErR, Leçons d'anatomie comparée. 

J. GIRARD, Anatomie vétérinaire, L° édition. Paris, 1841. 

RiGOT, Traité complet de l'anatomie des principaux animaux domestiques (voyez 
OSTÉOLOGIE). Paris, 18/41. ” 

CHAUVEAU, Trailé de l'analomie comparée des animaux domestiques. Paris, 1855. 

M. le docteur THoMAS, Éléments d’ostéologie comparée de l’homme et des animaux 
domestiques (chien et mouton). Paris, 1865. 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 607 


très-rare. Quant à la soudure du as os coccygien à la partie 
postérieure du sacrum, c'est un fait qu'on remarque quelquefois 
chez les vieux animaux. j 

b. Région caudale. — Tous les auteurs donnent des chiffres 
qui indiquent que cette région est composée d'un nombre de 
vertèbres très-variahle, suivant les individus. 

Ainsi, Vitet fixe ce chiffre à 45 ; 

Delabère-Blaine à 13, et dit qu'il peut varier de 8 à 16; 

J. Girard, de 14 à 18; il dit qu’il en a compté jusqu’à 24, et 
que le nombre ordinaire est de 14 à 15; 

G. Cuvier, à 17; 

Daubenton, à 13, 15, 17: 

" Rigot, de 42 à 20; 

Enfin, M. Chauveau, à 12 en moyenne. 

Un seul auteur a été en désaccord avec tous les autres. Suivant 
Bourgelat (1'° édition), le nombre en serait de 7 à 8 : cela fait 
dire à Lafosse que Bourgelat « avait eu le malheur de disséquer 
des chevaux auxquels on avait coupé la queue pour lui jouer 
un mauvais tour » (page 36 de l'ouvrage cité). Dans la troisième 
édition de l’Anatomie de Bourgelat, qui parut en l'an VI, le 
nombre des os de la queue est fixé à 14 ou 15. 

ANE. — Daubenton dit en plusieurs endroits que l'âne a 
12 vertèbres dorsales. C’est une erreur. Du reste, il indique que 
le nombre des côtes est de 18 de chaque côté. (Tome IV, p. 430 
de l'ouvrage cité.) 

Chez l’âne, les vertèbres caudales sont au nombre de 17 à 18 
suivant Daubenton, et de 21 suivant G. Cuvier. Aucun des au- 
teurs vétérinaires n’a parlé de ces os dans l’espèce de l’âne. 

3 Boxur. — La comparaison des chiffres cités par les auteurs 
conduit aux mêmes considérations que celles dont je viens de 
m'occuper pour le cheval. Tous les auteurs ont vu le même nom- 
bre d’os dans les trois premières régions du rachis, mais quel- 
ques-uns en ont vu de différents dans les deux dernières. Exami- 
nons ces faits en particulier : 

a. Sacrumn. — G@. Cuvier est le seul auteur qui soit en désac- 
cord ; il dit que le sacrum est composé de 4 vertèbres. C’est une 
erreur, 


608 A. GOUBAUX. — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 

b. Région caudale. — Voici le nombre d’os que les auteurs 
reconnaissent dans cette région : 

Daubenton, 13, mais il en a compté 18 sur d’autres sujets; 

Vitet, 18; | 

J. Girard, 16 à 18: 

Rigot, 16 à 18; 

M. Chauveau, 16. 

k° Mouton. — Mêmes observations que pour le bœuf. Quel- 
ques auteurs n'ont pas examiné le squelette du mouton en parti- 
culier; d’autres ont indiqué le nombre des vertèbres qui compo- 
sent chacune des régions de la colonne vertébrale. Nous trouvons 
à signaler ce qui suit : 

a. Région lombaire. — M. Chauveau a dit avec raison que le 
nombre des vertèbres de cette région est de 6 et souvent de 7. 
Ce dernier nombre est une anomalie sur laquelle nous aurons 
l'occasion de revenir. | 

b. Région sacrée. — À l'exception de Rigot, tous les auteurs 
sont d'accord; tous disent que le nombre des vertébres de cette 
région est de 4. Suivant Rigot, le nombre en est variable, c’est 
h et quelquefois 3. Rigot a commis une erreur. M. le doc- 
teur Thomas a bien observé et bien résolu ce point d’anato- 
mie. Mes observalions personnelles m'ont conduit aux mêmes 
conclusions. Voici ce qu'a dit M. le docteur Thomas à ce sujet 
(ouvr. cité, p. 53): 

« La soudure de la quatrième vertèbre (sacrée) est bien plus 
tardive que celle des trois autres. Souvent elle n’a lieu que vers 
l’époque du développement complet; aussi nous est-il arrivé de 
-trouver le sacrum composé de trois vertébres et présentant de 
chaque côté trois trous complétement formés. C’est peut-être ce 
qui a fait croire que sur certains sujets le sacrum n'avait que 
trois vertèbres. C'était une erreur ; la quatrième vertèbre ne pa- 
raissait manquer que parce qu’elle n’était pas encore soudée à la 
troisième. 

» À l’état normal, cette quatrième vertébre sacrée ressemble 
plus aux os coccygiens qu'aux sacrés ; aussi ne paraît-elle pas ap- 
partenir au sacrum si ce n'est par sa soudure avec ce dernier. Sur 
quelques sujets, elle prend la forme des vertébres sacrées, et ses 


oo ——— - —— 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 609 


apophyses transverses se soudent avec celles de la première ver- 
tèbre coccygienne. Le sacrum présente alors quatre trous de 
chaque côté. » | 

c. Région caudale. — Peu d'auteurs ont noté le nombre des 
os coccygiens. Rigot indique qu’ils sont au nombre de 40 à 16; 
M. Chauveau, de 16, et M. le docteur Thomas, de 46, 

5° Caèvre. — Nous ne trouvons dans les auteurs qui se sont 
occupés de l’étude des os de cet animal, et ces auteurs sont fort 
peu nombreux, que des particularités relatives au nombre des os 
coccygiens. 

Blasius dit que leur nombre varie de 12 à 13, et Daubenton 
en à compté 10. 

Quant au nombre des os dans les autres régions du rachis, 
G. Cuvier et M. Chauveau sont les seuls auteurs qui les aient fait 
connaître. 

6° Cocxon. — Comme pour les espèces qui ont été examinées 
jusqu’à présent, les auteurs ne sont pas d'accord sur tous Îles 
points; ils citent des nombres d'os dilférents dans les régions 
lombaire et caudale. , 

a. Région lombaire. —'3. Girard et Rigot disent que les ver- 
tèbres lombaires sont au nombre de sept. Erik Viborg dit qu’il 
y en a six. Suivant G. Cuvier, elles sont au nombre de cinq. En- 
fin, M. Chauveau a écrit ce qui suit : « Elles sont au nombre de 
six le plus souvent. Il arrive assez communément qu'on en ren- 
contre sept; mais dans ce cas, la vertébre supplémentaire est 
bien évidemment une vertèbre sacrée, la première, qui a été dis- 
traite de la région à laquelle elle appartient naturellement, pour 
être reportée dans la région lombaire. Les exemples d’une sem- 
blable transposition ne sont pas rares, même chez d’autres ani- 
maux que chez le pore. Nous ne nierons pas cependant qu'il 
puisse exister sept vertèbres lombaires dans le porc, avec le 
nombre normal des vertèbres sacrées.» 

Je n'examinerai pas maintenant la question que soulève le 
passage que je viens d'extraire de lanatomie de M. Chauveau 
(p. 24). Quoi qu’il en soit, je ne puis ne pas faire remarquer tout 
de suite que M. Chauveau, comme tous les auteurs, admet que 

JOURN, DE L'ANAT, ET DE LA PHYSIOL. == Te IV (1867). 39 


610 A. GOUBAUX: — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 
le sacrum est composé de quatre pièces, et qu'il ne signale au- 
cune exception relativement au nombre des vertèbres sacrées. 

b. Région caudale. — Les nombres cités par les auteurs dif- 
férent dans une grande proportion; voici ceux que j'ai relèvés : 

Suivant Blasius, 24; 

Suivant G. Cuvier, 23; 

Suivant Rigot, 14 à 16; 

Suivant M. Chauveau, 14. 

7° Cnien. — Les auteurs sont unanimes sur le rte des 
vertèbres dans les quatre premières régions du rachis; ils ne ci- 
tent des nombres différents que pour la région caudale. Amsi : 

Daubenton en a compté de 16 à 20; 

G, Cuvier, 19; 

Rigot, de 6 à 8; 

M. Chauveau, 15, 

Et M. le docteur Thomas, 18 à 19. 

Je crois devoir faire remarquer en passant qu'aucun de ces au- 
teurs n’a parlé des os en V ou hypsiloïdes, que j'ai signalés dans 
les animaux de cette espèce et dans celle du chat (Société de 
biologie, séance du 24 avril 1852). 

8° Cuaïrs. — Comme pour Île chien, les chiffres indiqués par 
les auteurs ne différent que relativement à la région caudale. 

Daubenton a compté 23 vertèbres coccygiennes, et G. Cuvier, 24. 

9 Lapin. — Pour cet animal, je ne trouve à relever que deux 
faits : l’un a trait à la région sacrée, el l’autre à la région caudaie. 

a. Région sacrée. — Cuvier compte seulement 2 vertèbres sa- 
crées. C’est une erreur que rien ne saurait justifier. 


b. Région caudale. — Daubenton y a compté 16 vertèbres, et 
Cuvier, 18. 


8 3. — Des variétés anatomiques ou anomalies de la eclonne 
vertébrale, 


M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1) a fait une étude des ano- 
malies de la colonne vertébrale; il a trouvé que « les divers cas, 


(1) Histoire générale et particulière des anomalies de l’organisation de l'homme 


el des animaux, etc., ou Trailé de tératologie, par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. 
Paris, 1832, 


Br 


ana tree acné manhatonaate" Ps semence dnigre. que LE 


GA: 


2 QC QG QU QUEUE QC QG QU QG 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 611 


soit d'augmentation, soit de diminution du nombre des vertèbres, 
se rapportent trés-naturellement à trois genres», et il les à étu- 
diés « sous les noms de changements apparent, compensé et réel». 

Cette division n’embrasse pas toutes les observations que j'ai 
faites ; aussi je crois que la classification suivante est préférable 
à celle de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. 

A. Anomalies par transposition des Caractères des vertèbres. 

B. Anomalies du nombre des vertèbres composant CHARURE 
des régions du rachis, comprenant : 

1° L'augmentation de nombre: 

2 La diminution de nombre. 

Ces deux dernières anomalies embrassent celles que M. Isidore 
Geoffroy Saint-Hilaire a appelées changements apparent, com- 
pensé et réel. | 


A. Transposition des caractères des vertèbres. 


Ordinairement, les caractères généraux des vertèbres de cha- 
cufié dés régions du rachis sont parfaitement tranchés, et même 
tellement tranchés, qu'on peut facilement distinguer une vertèbre 
d’une région de celles des autres régions. Il est de même assez 
facile de reconnaître dans chacune des régions que les vertèbres 
présentent dés caractères spécifiques ou distinctifs qui permet- 
tent à l’anatomiste de déterminer non-seulement à quelle région 
une vertèbre quelconque appartient, mais encore la place qu’elle 
occupait dans cette région. Celle dérnière détermination, si elle 


- n'est pas toujours rigoureuse, peut au moins avoir lieu par à peu 


prés. 

Si, d'une part, on constate qu’il y a une unité de plan dans les 
caractères généraux des vertèbres, quelle que soit l'espèce de 
l'anitnal qu'on examine, on constate, d'autre part, — ce qui est 
en rapport avec ce qui a élé dit précédemment, — que ces carac- 
tères sont modifiés suivant le but que ces vertèbres doivent rem- 
plir. C’est toujours d’après des vues infiniment intelligentes que 
ces modifications ont lieu. 

Quelquefois, cependant, il semble qu'il ÿ ait eu lâtonnement 


612 A. GOUBAUX. —— ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 
dans l'exécution de ces modifications, car telle vertèbre peut ne 
pas présenter ses caractères ordinaires ou normaux. Ce fait, qui 
paraît extrêmement simple en lui-même, entraine cependant des 
modifications collatérales. Il en résulte des variations dans les 
attaches des muscles ; quelquefois même, pour d’autres cas ou 
pour d’autres vertèbres, l'existence de muscles, qui sont alors 
plus nombreux que dans l’état normal. Ce sont là, en définitive, 
autant d'anomalies ou de variétés anatomiques qui se commandent 
ou sont sous la dépendance les unes des autres. 

J'ai recueilli plusieurs exemples de transposition des carac- 
tères des vertèbres ; je les examinerai dans chacune des régions 
du rachis où je les ai observées, en ayant toujours le soin d’in- 
diquer l'espèce de l'animal qui m’en a fourni le sujet. 

À. Observation. — Cheval. — Vertèbres cervicales. — Chez 
un cheval qui est mort dans les hôpitaux de l'École d’Alfort, et 
qui était fils de Comminges (étalon de l’État), j'ai constaté une 
transposition des caractères spécifiques des deux dernières ver- 
tébres cervicales. J’ai pu m’assurer que le père de ce cheval avait 
les mêmes vertèbres disposées normalement, car j'ai conservé les 
squelettes de ces deux animaux. 

Chez le sujet de cette observation, qui avait sept vertèbres cer- 
vicales, la sixième était bicuspide à gauche, et tricuspide à 
droite. En d’autres termes, à gauche, elle présentait un caractère 
qui est normal dans les troisième, quatrième et cinquième, tandis 
qu’à droite, elle présentait son caractère ordinaire. 

La septième vertébre cervicale était bicuspide à gauche, et 
unicuspide à droite. Dans cette vertèbre, il y avait done une dis- 
posilion anomale du côté gauche, et il semblerait que l’un des 
tubercules de l’apophyse transverse de la sixième eût élé reporté 
sur la septième. 

Le nombre des vertèbres était normal dans chacune des autres 
régions du rachis. 

Je crois utile de dire que j'ai revu cette même transposition 
dans d’autres cas dont je m'oceuperai ultérieurement, parce 
qu'ils se rapportent surtout à une augmentation du nombre des 
vertèbres, 


+ 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. (QE) 

La transposition des caractères des deux dernières vertèbres 
cervicales, dont j'ai recueilli plusieurs exemples semblables à 
celui qui vient d’être exposé, a certainement de l'importance sur 
les attaches des muscles. Elle est peut-être moins rare qu’on 
ne pourrait le croire tout d’abord : en effet, il m'est arrivé plu- 
sieurs fois d’être consulté par les élèves relativement à l’attache 
des muscles du cou, qu'ils ne trouvaient pas conforme à l’indica- 
lion qui en a été faite par les auteurs, 

Aujourd’hui, que je suis prévenu à cet égard, j'aurai le soin 
d'examiner les vertèbres lorsqu'une pareille anomalie se fera 
remarquer dans les attaches des muscles. Je me borne à signaler 
ces observations à l'attention des anatomistes. 

B. Observation. — Cheval. — Vertèbres lombaires. — Ordi- 
nairement, chez le cheval, la cinquième et la sixième vertébre 
lombaire, de même que la sixième avec la partie antérieure du 
sacrum, s’articulent par cinq points différents, savoir : 4° par le 
corps ; 2° par les deux apophyses articulaires; et 3° par les deux 
apophyses transverses. 

J'ai constaté plusieurs anomalies à cet égard, et voici tout 
d’abord la plus intéressante ou la plus remarquable : 

Chez un cheval anglo-allemand, âgé de quatre ans, qui m'a 
fourni une autre observation relativement au nombre des os com- 
posant la colonne vertébrale, j’ai remarqué ce qui suit : outre les 
rapports articulaires normaux entre les apophyses transverses des 
vertèbres lombaires, il y avait une semblable articulation entre 
l'apophyse transverse de la troisième et celle de la quatrième du 
côté droit seulement, et des deux côtés (à droite et à gauche) 
entre les apophyses transverses de la quatrième et celles de la 
cinquième (1). 

Chez d’autres chevaux, j'ai vu plusieurs fois des articulations 
entre les apophyses transverses de la quatrième et celles de la 
cinquième vertèbre lombaire, soit d’un seul côté, soit des deux 
côtés, à droite et à gauche. 

M. Chauveau a constaté aussi cette dernière anomalie. « La 


(4) Cette observation a été faite en 1848. Je conserve le squelette de ce cheval 
dans mes collections. 


614 À, GOUBAUX. — ‘ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 
quatrième et la cinquième (dit-il, en parlant des vertèbres lom- 
baires, ouvr. cité, page 23) se correspondent aussi fort souvent 
par leurs apophyses transverses. » Fort souvent est loin d’être 
exact ; j'aime mieux dire qu'on remarque quelquefois cette ano- 
malie. 

C. La transposition des caractères des vertèbres acquiert une 
plus grande importance, lorsqu'elle paraît, à première vue, avoir 
pour conséquence d'augmenter le nombre des pièces composant 
une région du rachis et de diminuer celle de la région voisine. 
Chacun des faits, dont je viens de parler, peut se faire remarquer, 
mais on doit bien les distinguer de ceux dont je vais m'occuper, 
et qui ont trait aux anomalies diverses des apophyses transverses 
de la première vertèbre lombaire. 

Les apophyses transverses (qu’il vaudrait mieux toujours 
appeler apophyses costiformes, ainsi que plusieurs auteurs l'ont 
déjà fait remarquer) de la première vertèbre lombaire tendent 
à se transformer ou se transforment en côtes. 

C'est là un fait qu'il est commun d'observer, et que j'ai noté 
aussi quelquefois pour les apophyses lransverses de la deuxième 
vertèbre lombaire. Mais c’est dans tous les cas une anomalie qui 
offre plusieurs variétés, ainsi qu’on le verra dans les observations 
suivantes, 

Observation. — Cheval. — Chez un cheval que j'ai disséqué, 
il y avait, en apparence, dix-neuf côtes de chaque côté. Le 
nombre des vertèbres était normal. Un examen attentif m'a fait 
reconnaitre (des deux côtés) que la dix-neuvième côte était véri- 
tablement une côte flottante, provenant «le la transformation de 
l'apophyse transverse de la première vertèbre lombaire. Cette 
apophyse, conformée normalement, donnait attache à son extré- 
mité libre à un ligament, long de plusieurs centimètres, auquel 
était appendue une côte pourvue d’un prolongement (1) comme 


(1) Au lieu de cartilage de prolongement, j'ai l'habitude de dire prolongement 
des côtes. Cette dernière expression, qui est applicable à tous les animaux domesti- 
ques, a l’avantage de ne rien spécifier touchant la nature de ce prolongement. On 
sait, en effet, que suivant les animaux, et avant l’âge adulte chez le cheval, ces pro- 
longements sont osseux ou cartilagineux. 


ob 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 645 
toutes les autres côtes. Gette côte était flottante dans l'épaisseur 
des parois du flanc. 

Bourgelat a remarqué cette même anomalie, à l’occasion du 
nombre des côtes, car il a dit: « Quelquefois aussi il en est dix- 
neuf de chaque côté, et alors c’est l’'apophyse transverse de la 
première vertèbre lombaire qui se prolonge et qui forme cette 
côte. » (3° édition, an VI, tome [*, page 97.) 

Ces faits ne sont pas rares chez les chevaux. 

Daubenton a signalé dans l'espèce de l’âne une anomalie assez 
curieuse qui se rapporte au changement compensé de M. Isidore 
Geoffroy Saint-Hilaire, 

«.…. J'ai trouvé dans une änesse la dernière vertèbre dorsale 
conformée d’une manière fort singulière : cette vertèbre ressem- 
blait à celle des lombes, en ce qu’elle avait au côté gauche une 
apophyse accessoire, qui tenait au corps sans aucune apparence 
d’articulation ; il y avait, au contraire, sur le côté droit de cette 
vertèbre une facette qui formait, comme à l'ordinaire, une arti- 
culation avec la dernière des fausses côtes. Au reste, celte ver- 
tèbre avait tous les caractères d’une vertèbre dorsale, et c'était, 
en effet, la douzième (1); elle s’articulait avec la dernière fausse 
côte du côté droit, et il se trouvait à gauche, à l'extrémité de 
l’'apophyse accessoire, un os oblong et aplati sur sa longueur, qui 
avait beaucoup de ressemblance avec la dernière fausse côte du 
côté droit : cet os tenait à l'extrémité de l’apophyse accessoire 
par une attache cartilagineuse, qui formait une sorte d’articula- 
tion qui pouvait suppléer, en quelque manière, à celle qui aurait 
dû se trouver auprès du corps de la vertèbre, s’il n’y avait point 
eu d'apophyse accessoire, et si la fausse côte avait été entière. 
Cette conformation extraordinaire, qui donnait à la dernière 
vertèbre dorsale de l’ânesse dont il s’agit une apophyse qui n’ap- 
partient qu'aux vertèbres lombaires, fait soupçonner qu'il peut 
se trouver des variétés dans le nombre des vertèbres lombaires 
de l’âne, comme j'en ai remarqué dans le nombre de celles du 
cheval ; il suffit que l’on soit averti de ce fait pour que l’on puisse 


(1) J'ai fait remarquer l’erreur de Daubenton à l’égard du nombre des vertèbres 
dorsales chez l’âne. Il n’en a indiqué que douze au lieu de dix-huit, 


616 À. GOUBAUX. s— ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE. 
profiter des occasions que l’on aura de le décider, » (Ouvrage 
cité, tome IV, page 431.) 

Sur un squelette de vache qui est, depuis plusieurs années, 
sous les yeux des élèves dans les salles de dissection, les apo- 
physes transverses de la première vertébre lombaire sont dispo- 
sées comme celles de la dernière vertébre dorsale : elles portent 
une surface articulaire qui s’oppose à des côtes correspondantes. 
Ce ne sont pas là de vraies côtes, car elles ne s’articulent pas 
avec le corps des vertèbres, mais ce sont bien et seulement des 
apophyses transverses, 

Ce fait, que j'ai observe plusieurs fois chez les chévaux (1), ne 
me paraît pas rentrer dans ceux que M, Isidore Geoffroy Saint- 
Hilaire appelait changement apparent ou compensé : c’est une 
anomalie qui consiste surtout en une transposition des caractères 
des vertèbres, puisque les apophyses transverses tendent à prendre 
ceux des côtes. 

J'ai rencontré bien des fois, dans les muscles du flanc, chez des 
chevaux, en arrière de la dernière côte normale, une petite côte 
surnuméraire, flottante, n'ayant aucun rapport avec l’apophyse 
transverse de la première vertèbre lombaire, et dans tous les cas 
pourvue d’un petit prolongement. Quelquelois cette côte n’a pas 
plus de 4, 5, 6 centimètres; d’autres fois elle est plus longue. 

D. Pour le sacrum du mouton, M. le docteur Thomas a trouvé 
sur un sujet « une anomalie remarquable à l'extrémité ante- 
rieure », et qu’il a signalée ainsi qu’il suit : 

« L’apophyse transverse, que l’on devrait appeler costiforme, 
de la première vertébre (sacrée), présentait, du côté gauche, une 
ressemblance complèle avec les costiformes de la région lom- 
baire. » 

Sacrum du chien. — Il est ordinairement composé de trois 
vertèbres. 

On remarque quelquefois à droite, à gauche, ou des deux côtés 
à la fois. une petite surface articulaire diarthrodiale sur la grande 
corne ou angle postérieur du sacrum. Cette surface ou ces sur- 


(4) J'ai vu plusieurs fois, chez des chevaux, la même disposition, soit que les 
apophyses transverses fussent articulées ou sans articulation aucune avec le reste de 
la vertèbre. 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES, 617 


faces s’opposent alors à de semblables surfaces de la partie cor- 
respondante du premier os coccygien. J'ai vu plusieurs fois les 
faits dont je parle. Daubenton a sans doute fait la même obser- 
vation, puisqu'il a dit : « Gependant j'ai vu deux squelettes où 1l 
y avait une quatrième fausse vertèbre, qui tenait à la troisième 
par un côté ; ainsi les trous étaient au nombre de trois de ce côté 
du sacrum, mais il n'y en avait que deux de l’autre. » (Ouvr. 
cité, tome V, page 291.) | 

Chez le mouton, j'ai vu plusieurs fois les apophyses transverses 
du premier os coccygien soudées à la partie postérieure du 
sacrum. Dans ce cas, il me paraît facile de reconnaître que le 
sacrum n'est pas composé d'un plus grand nombre de vertèbres 
qu’à l’ordinaire (ou du moins d’après les faits que j’ai observés), 
car les corps des vertèbres restent distincts, alors que les apo- 
physes transverses sont soudées. 

E. Pour terminer ce paragraphe, je rapporterai les anomalies 
suivantes, qui ont beaucoup moins d'importance que celles dont 
j'ai parlé jusqu’à présent. Je crois devoir les indiquer, parce 
qu’elles serviront à montrer encore quelques particularités con- 
cernant les caractères des vertèbres, au point de vue de l’anato- 
mie descriplive des animaux domestiques. 

a. Cheval. — Atlas, ou première vertèbre cervicale. — Outre 
les perforations qu’on remarque constamment sur la face supé- 
rieure de la portion annulaire ou spinale de atlas, on trouve, 
chez quelques sujets, de petites scissures à directions variées, et 
de pelits trous placés dans des endroits variables, et qui pé- 
nètrent dans l'épaisseur de l'os. Enfin, en avant et sur le bord 
du trou rachidien, on trouve tantôt une échancrure, tantôt un 
trou qui pénètre dans l’intérieur du canal rachidien. Ce sont là 
autant de variétés anatomiques que j'ai constatées. 

b. Cheval. — Axis, ou deuxième vertèbre cervicale. — Dans 
quelques sujets, comme chez les animaux jeunes, au lieu du trou 
de conjugaison antérieur, on ne trouve qu’une échancrure qui est 
convertie en trou par un ligament, et ce ligament tient lieu de la 
bride osseuse qui limite ordinairement ce trou en avant, 

c. Cheval. — Vertèbres dorsales. — Les trous de conjugaison 
sont quelquefois doubles. Cette particularité des vertèbres du 


618 A. GOUBAUX. — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 
cheval correspond à un fait constant ou normal chez le bœuf, par 
exemple. 

d, Cochon. — Vertèbres dorsales. — Dans les quatre dernières 
vertèbres dorsales, le nombre des trous qui perforent les apo- 
physes transverses ne nous parait pas être constant. Nous allons 
indiquer le cas le plus ordinaire et les particularités que nous 
ayons observées. | 

Les apophyses transverses des quatre dernières vertèbres dor- 
sales sont percées à leur base de deux trous qui les traversent 
d’outre en outre, ou de haut en bas, et aboutissent du côte 
interne dans l’intérieur du canal rachidien. À sa partie supé- 
rieure, ce trou est quelquefois double, et les deux perforations 
sont alors séparées l’une de l’autre par une petite bride osseuse 
plus ou moins épaisse. Cette disposition ne me parait pas être 
constante, car, lorsqu'on examine plusieurs règions dorsales com- 
parativement, on la trouve tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre de 
ces quatre vertèbres. Ainsi, par exemple, voici ce que j'ai observé 
en faisant cet examen le même jour sur trois régions dorsales : 
sur la première région, la disposition dont j'ai parlé plus haut se 
faisait remarquer sur les onzième, treizième et quatorzième ; sur 
la deuxième région, sur la treizième et la quatorzième; enfin, sur 
la troisième région, sur les onzième, douzième et treizième du 
côté gauche, et sur les quatre dernières du côté droit. | 

e. Cochon. — Vertèbres dorsales et côtes. — Chez un cochon 
dont j'ai fait moi-même le squelette, il y avait, avec un nombre 
normal de vertèbres dans chacune des régions du rachis, quinze M 
côtes de chaque côté. La dernière côte s’articulait seulement avee 
le corps de la quatorzième vertèbre dorsale et avec celui de la 
première vertèbre lombaire, dont l’apophyse transverse présen- 
tait sa disposition normale. 

Nous n’insisterons pas davantage sur ces diverses particularités. 


B. Anomales du nombre des vertèbres composant les régions . 
du rachis. 


En partant des bases ou des principes fournis par le tableau 
que nous avons donné dans le paragraphe 2 de ce travail, où nous 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 619. 


avons exposé le chiffre normal des vertèbres composant chacune 
| des régions du rachis de nos différents animaux domestiques, 
l’observation conduit à reconnaître que ces nombres peuvent 
| varier quelquefois, soit en plus, soit en moins, et que les carac- 
| tères spécifiques des vertèbres peuvent aussi varier chez quelques 
individus. Nous pouvons donc établir une division des anomalies 
| que nous ayons observées : elle nous permettra de les exposer 
avec plus de clarté, et elle aura l’avantage de frapper plus vive- 
| ment l’esprit du lecteur et de lui faire apprécier l'importance de 
| ces anomalies. 

Cette division est la suivante : 

1° Anomalies par excès de nombre ; 

2° Anomalies par diminution de nombre. 

Je commence l'exposition de ces faits par ceux de la première 
série. 


——— 


1° Anomalies par exeès de nombre. 


[Lest ordinaire de les constater dans la région dorsale du rachis 
chez le cheval, mais il en est d’autres dont le siége est moins 
facile à déterminer : ces deux assertions trouveront leur démons- 

tralion dans les faits suivants : 

A. Il n’est pas absolument rare de rencontrer dans les dissec- 
tions des chevaux qui ont dix-neuf vertèbres dorsales au lieu de 
dix-huit, nombre normal, ainsi qu’on Pa vu plus haut, 

Dans ce cas, le nombre des vertèbres dans les autres régions 
du rachis est normal. J'insiste sur ce point, et je répète que, 
malgré l’augmentation du nombre des vertèbres dorsales, celui 
des vertèbres cervicales est de sept, et celui des vertèbres lom- 
baires est de six. 

Cette augmentation du nombre des vertèbres dorsales, que j'ai 
constatée bien des fois, entraine l'augmentation du nombre des 
côtes ou des os qui composent chacune des parois latérales du 
thorax (1). En effet, les chevaux qui présentent l’anomalie dont il 
est question, ont dix-neuf côtes de chaque côté, au lieu de dix-huit, 

(1) Je ne parle en ce moment que de l’une des conséquences de l’augmentation du 


nombre des vertèbres dorsales. Il est évident qu’il en est encore plusieurs autres. Il 
y aura à revenir sur ce point. 


620 A. GOUBAUX. — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 


qui est le nombre normal. C’est ce nombre anormal des côtes qui 
fait toujours découvrir le nombre anormal des vertèbres dorsales. 

Un fait important à signaler, c’est que dans ces circonstances, 
les côtes et la vertèbre surnuméraires ne présentent rien de par- 
ticulier, et que, ainsi que cela a toujours lieu, la dernière côte 
s'articule : par sa tête, avec la dix-huitième et avec la dix- 
neuvième vertèbre dorsale, et par la facette articulaire que porte 
sa tubérosité avec celle de l’apophyse transverse de la dix- 
neuvième ou de la dernière vertèbre dorsale. Par conséquent, les 
caractères particuliers et normaux de la dix-huitième vertèbre 
dorsale se trouvent alors reportés sur la dix-neuvième, c’est-à- 
dire que cette vertèbre ne présente pas de facette articulaire sur 
le contour postérieur de son corps. 

On sait généralement que la première côte s'articule avec la 
septième vertèbre cervicale et avec la première dorsale, et que la 
dernière côte s'articule à la fois avec le corps de la dix-septième 
et avec celui de la dix-huitième. Il serait inutile d’entrer dans 
des détails plus étendus à cet égard. Quoi qu’il en soit, il impor- 
lait d'établir nettement et avec précision les caractères de cette 
anomalie pour la distinguer d’une autre dont j'aurai bientôt à 
m'occuper aussi en particulier. 

Chez le cochon, j'ai vu bien des fois, avec un nombre normal 
de vertèbres dans les autres régions du rachis, quinze vertèbres 
dorsales et quinze côtes de chaque côté. 

Je ne quitterai pas ce sujet sans faire observer que quelques 
auteurs ont remarqué l’anomalie que je viens de décrire. 

Rigot a signalé, en effet, que : « Dans les monodactyles, on 
trouve quelquefois trente-huit côtes, dix-neuf de chaque côté », 
et il à ajouté : « Mais toujours dans ce cas, les deux côtes sur- 
numéraires ne sont l’une et l’autre qu’une dépendance des apo- 
physes transverses de la première vertébre lombaire. » 

Nous avons vu précédemment que Bourgelat avait, avant Rigot, 
exprimé la même opinion relativement à l’augmentation du 
nombre normal des côtes. Il y a quelque chose de vrai dans cette 
manière de voir, mais elle constitue une erreur dans sa seconde 
partie. 


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mme 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 621 


L'observation m'a fait reconnaître qu’on peut rencontrer, 
chez les chevaux, deux anomalies qui doivent être bien distin- 
guées l’une de l’autre. Dans un cas, en effet, l'apophyse trans- 
verse de la première vertèbre lombaire se transforme ou tend à 
se transformer en côte, et dans un autre cas, c'est le nombre plus 
éleve des vertèbres dorsales qui entraîne le nombre plus élevé des 
côtes. J'aurai l’occasion de revenir encore sur ces faits. 

Je dois encore relever une assertion de M, Chauveau, relative- 
ment à la même anomalie (ouvr. cité, page 65). 

M. Chauveau a dit : « Il n'est pas rare de rencontrer dix-neuf 
côtes — pour chacune des moitiés du thorax — avec un nombre 
égal de vertèbres dorsaies, chez les chevaux bien constitués ; mais 
alors il n’existe, le plus Souvent, que cinq vertèbres lombaires. » 
Le plus souvent est une erreur. Nous reviendrons sur ce point, 
lorsque nous nous occuperons de la diminution du nombre des 
vertèbres composant la région lombaire. | 

B. Les faits que je vais relater dans ce paragraphe n'ont été 
indiqués, jusqu’à présent, par aucun auteur français d'anatomie 
vétérinaire. Pour ma part, j'avais déjà appelé l'attention sur eux 
dans un travail sur les variétés anatomiques dont j'ai fait lecture 
à la Société de biologie, le 47 juillet 1852. (Ce travail n’a point 
été imprimé, mais il en est fait mention dans les Comptes rendus 
de cette Société (voyez année 1852). 

Aujourd'hui je vais publier les quelques faits que j'ai recueillis 
jusqu’à présent, et montrer tout à la fois les différences qui les 
distinguent les uns des autres. 

Rigot a constaté une anomalie qu’il importe de relever ici, et 
tout d’abord, afin de montrer que cet auteur n’a cherché en 
aucune façon à interpréter le fait qu'il avait observé, voici ce 
qu'a dit Rigot (ouvr. cité, page 99) : 

« Plusieurs fois j'ai également trouvé deux côtes sternales, et 
le plus souvent la première et la seconde, soudées ensemble dans 
la plus grande partie de leur étendue; mais jamais je n’ai ren- 
contré ce genre d'anomalie dans les côtes asternales. » Rigot n’a 
pas vu entièrement tous les détails qu’il aurait pu observer, lors- 
qu'il a rencontré les deux premières côtes soudées dans la plus 


622 A. GOUBAUX. — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 
grande partie de leur longuëur ; j'en donnerai la preuve dans les 
faits suivants : en effet, cette anomalie est la conséquence d’une 
autre anomalie de la colonne vertébrale. 


Premier fait d'observation (1). 


Le sujet de cette observation est un cheval anglo-allemand, 

âgé de quatre ans, qui fut sacrifié au mois de février 1848, pour 
_ faire un squelette naturel. Je possède encore aujourd’hui tous les 
os de cet animal dans mes collections. 

Ce cheval avait huit vertèbres cervicales, au lieu de sept, dix- 
huit vertébres dorsales, six vertèbres lombaires et cinq vertèbres 
sacrées. Jen’examinerai 1ci que les vertèbres cervicales et les côtes, 
car les vertèbres lombaires, qui présentaient aussi quelques ano- 
malies dans leurs caractères spécifiques, ont été décrites (voyez 
$ 8, page 613,titre B). 

Vertèbres cervicales. — La sixième vertèbre cervicale est 
tricuspide à droite seulement (elle devrait présenter ce caractère 
des deux côtés), et elle est bicuspide à gauche (ce caractère se 
fait remarquer ordinairement et seulement sur les troisième, 
quatrième et cinquième). 

La septième est tricuspide et porte un trou trachélien du côté 
gauche (ce sont là les caractères normaux de la sixième ; ordinai- 
rement la septième est unicuspide, elle manque de trou traché- 
lien, et elle porte, sur le contour postérieur de son corps, une 
cavité qui est destinée à recevoir la moilié antérieure de la tête de ! 
la première côle). Gelte cavité articulaire manque complétement 
de côté. Du côté droit, la septième verlèbre présente ses carac- 
tères normaux ; c’est-à-dire que son apophyse transverse est uni- 
cuspide, qu’elle ne porte pas de trou trachélien, et il faut noter 
encore qu'elle n’a pas de cavité sur le contour postérieur de son 
corps. Je me suis attaché à indiquer 1ci les caractères spécifiques 
normaux de cette vertèbre, pour qu'il ne reste aucun doute sur 
l’anomalie dont elle est le siége. 


(4) J'ai communiqué celte observation à la Société de biologie dans le travail dont 
j'ai parlé plus haut, le 17 juillet 1852. | 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 623 


Enfin, la huitième vertèbre cervicale présente, outre les carac- 
tères normaux ou ordinaires de la septième, une surface articu- 
laire diarthrodiale sur chacune de ses apophvyses transverses 
(comme dans les vertébres dorsales, en général), et une autre sur- 
face, aussi articulaire diarthrodiale, sur un plan plus imférieur. 

Il y a là, comme on le voit, deux anomalies : l’une qui consiste 
en une transposition des caractères spécifiques des vertèbres, et 
l’autre en une augmentation du nombre des vertèbres. 

Côtes. — Ge cheval avait dix-neuf côtes de chaque côté. Les 
deux premières (celles du côté gauche, de même que celles du 
côté droit) présentent les dispositions suivantes : elles sont sou- 
dées dans la plus grande partie de leur étendue, et ne sont dis- 
tinctes l’une de l’autre que vers leur extrémité supérieure. Cette 
extrémité doit être examinée en particulier dans chacune de ces 
côtes. 

L’extrémité supérieure de la première côte s’articulait par deux 
points qui correspondaient aux surfaces articulaires de la hui- 
tième vertèbre cervicale, et seulement avec cette vertébre, tandis 
que l’extrémité supérieure de la deuxième s’articulait à la fois 
avec la huitième verticale et avec la premiére dorsale, comme on 
le voit ordinairement pour les côtes en général. Des deux côtés, 
on observail les mêmes dispositions. 

Quant aux autres côtes, elles n’offraient rien de particulier à 
noter. 

Oatre la {r addpoditioh des caractères des sixième et septième 
vertébres cervicales, je crois que chez cet animal il ÿ avait plutôt 
une vertèbre dorsale supplémentaire, occupant la partie anté- 
rieure de la région dorsale, qu'une vertèbre cervicale Surnu- 
méraire. 


Deuxième fait d'observation. 


Le sujet de cette observation est un cheval hongre, de trait, 
âgé de seize à dix-huit ans environ, qui fut sacrifié pour les tra- 
vaux analomiques, le 26 décembre 1864. 

Après avoir constaté sur le cadavre de ce cheval dépit ver- 
tèbres dorsales, dix-huit côtes de chaque côté, six vertèbres lom- 


624 A. GOUBAUX. — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 
“baires, et une anomalie qui portait sur les vertèbres cervicales et 
sur les côtes, j'ai scié le tronc en arrière de la quatrième côte 
dans le but d'examiner plus complétement la pièce anatomique, 
et voici ce que j'ai reconnu et noté. 

1° Vertèbres cervicales. — En avant de la première côte, on 
compte huit vertèbres, mais sont-elles réellement, par les carac- 
tères qu’elles présentent, des vertèbres cervicales ? Examinons. 

A. Du côté droit. — Les cinq premières ont leurs caractères 
normaux. La sixième est bicuspide seulement, et son apophyse 
transverse présente encore cette particularité qu’elle est un peu 
plus large et un peu moins longue que celle de la cinquième. La 
septième à une apophyse transverse qui rappelle la disposition 
ordinaire de celle de la cinquième et de la sixième. Ainsi, on 
peut reconnaître dans l’apophyse transverse de cette vertèbre 
deux parties : l’une, supérieure, qui, avec moins de longueur, pré- 
sente cependant la même disposition que dans les vertèbres anté- 
rieures, et en particulier la sixième, la cinquième, la quatrième, 
la troisième ; l’autre, inférieure, qui est recourbée en bas, et se 
compose de deux parties tubéreuses réunies par une lèvre ru- 
gueuse, correspond aux deux prolongements tubéreux inférieurs 
que présente la sixième vertèbre cervicale ordinairement, mais 
cette partie inférieure offre moins de développement qu’à l’ordi- 
naire. 

Ajoutons encore que la partie postérieure du corps porte une 
facette articulaire qui correspond à la tête d’une côte surnumé- 
raire et supplémentaire de chaque côté. 

L’apophyse épineuse est, comme elle est ordinairement dans 
la sixième, à la base de l’apophyse transverse, il n'y a pas de 
trou trachélien. 

La luitième présente les caractères ordinaires de la septième. 
Ainsi : pas de trou trachélien; présence d’une cavité sur le con- 
tour postérieur du corps pour s’articuler avec la tête de la pre- 
mière côte normale; apophyse épineuse avec le développement 
ordinaire de celle de la septième; apophyse transverse unicus- 
pide, développée comme celle d’une vertèbre dorsale, et articulée 
par contiguilé avec la tubérosité d’une petite côte surnuméraire. 


a nn anne non à 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 625 
Côtes. — De ce même côté (à droite), voici ce qu’on remarque 
en ce qui concerne les côtes : voyons d’abord la première côte 
dont le développement est complet (c’est-à-dire celle qui vient 
immédiatement en arrière de celle que j'ai appelée surnuméraire 
et rudimentaire). 

Elle s'articule à la fois avec la huitième vertèbre cervicale et la 
première vertèbre dorsale. À partir du milieu de sa longueur, elle 
s’élargit graduellement jusqu'à son extrémité inférieure. Dans le 
quart inférieur de sa surface externe, on voit un léger sillon. A 
l'extrémité inférieure, il y a deux parties : l’une antérieure et 
l’autre postérieure. Ces deux parties sont bien distinctes l’une de 
l’autre : elles correspondent évidemment à l'extrémité inférieure 
de deux côtes qui se sont soudées. Nous nous expliquerons davan- 
tage tout à l'heure relativement à cette interprétation. 

De ces deux parties qui sont terminées chacune par un prolon- 
gement costal, l’antérieure s'articule seule sur la ligne médiane 
avec celle du côté opposé. Gette disposition se fait observer ordi- 
nairement sur le cheval pour la première côte, mais il est évi- 
dent que, chez ce sujet, la première côte est ici surnuméraire et 
rudimentaire ; je vais le démontrer. 

Cette côte est avortée; c'est une lige osseuse à peu près pris- 
matique, d’une longueur de 0",045, qui se termine en pointe 
mousse à son extrémité inférieure. La base ou extrémité supé- 
rieure est bifurquée. Du côté interne ou en bas, on remarque une 
petite tête, beaucoup moins volumineuse qu'à l'ordinaire, qui 
s'articule avec la partie postérieure de la septième vertèbre cer- 
vicale et avec la partie antérieure de la huitième, tandis que, en 
dehors ou en haut est une tubérosité qui s'articule avec la hui- 
ième vertèbre cervicale. Le sommet ou l’extrémité inférieure de 
celte petite côte surnuméraire se prolongeait par un petit liga- 
ment fibreux blanc qui venait s'attacher sur le bord antérieur et 
à la partie moyenne de la première qui avait acquis tout son 
développement. Cest ce ligament qui représentait la: partie 
moyenne de cette côte dont on a vu que l’extrémité inférieure 
était tout à fait développée. 

IL y avait entre cette première côte supplémentaire et son liga- 

JOURN. DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOI: = 7. IV (1867). 49 


626 A. GOUBAUX: —— ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 


ment, d’une part, et la première côte normale, d'autre part, des 
muscles intercostaux (l’externe et l’interne), qui remplissaient 
l'espace triangulaire, à base supérieure, compris entre ces deux 
côtes. Quant au muscle scalène, il s’attachait sur le bord anté- 
rieur de la côte surnuméraire. En cela, il n’y avait pas de difié- 
rence avec l’état normal. | 

B. Du côté qauche. — Mèmes dispositions absolument que 
celles qui viennent d’être notées pour les deux premières côtes, 
seulement l'extrémité supérieure de la première côte surnumé: 
raire était un peu plus longue que celle du côté droit : elle avait 
0,085 de longueur. 

Vertèbres. — Pour abréger, je dirai que de ce côté les ver- 
tèbres présentent absolument les mêmes caractères que ceux qui 
ont été indiqués pour le côté droit. 

Y a-t-il bien chez ce cheval huit vertèbres cervicales ? 

Je ne crois pas qu'il y ait précisément une vertèbre cervicale 
en plus : c’est plutôt une vertèbre dorsale. Mais il est remar- 
quable que les caractères des deux vertèbres cervicales sont 
transposés, et que ce n'est pas d’ emblée que les caractères chan- 
gent de l’une à l’autre, ainsi qu’on le constate ordinairement. Il 
est remarquable que si c’est ici une vertèbre dorsale en plus, les 
côtes ne présentent pas là même disposition que j'ai signalée 
dans un autre cas où la vertèbre dorsale surnuméraire paraissait 
être la dernière, tandis que dans la présente observation la ver- 
tèbre dorsale surnuméraire serait antérieure. C’est là une distinc- 
tion de ces anomalies sur laquelle je reviendrai ultérieurement. 


Troisième fait d'observation. 


Le vendredi 411 janvier 1867, j'ai trouvé, au moment où Je 
voulais m'occuper de mesurer la longueur des apophyses épi- 
neuses des vertèbres qui forment la base du garrot, une anomalie 
qui m'a paru très-intéressante. 

Le sujet de cette observation que j'avais examiné vivant, était 
un cheval hongre, de trait léger, âgé de quinze ans environ, qui 
paraissait trop haut sur ses membres relativement à la longueur 


à: 


Bd, 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES,  .' 627 


de son trone, et dont la taille au garrot était de 1",666. Voici ce 
que j'ai constaté : 

A. Du côté gauche. — W y a dix-neuf côtes, mais la première 
présente une disposition anormale : elle n’est osseuse qu’à cha- 
cune de ses extrémités. Sa partie moyenne est un cordon fibreux 
blanc, de la grosseur d’un crayon ordinaire. Néanmoins, c’est sur 
cette parlie moyenne que s'attache le muscle scalène. Chacune 
des extrémités de cette côte est osseuse et a une longueur, de 
7 centimètres environ. À son extrémité inférieure, le prolonge- 
ment de cette côte ne s'articule pas sur la ligne médiane avec 
celui du côté opposé. | 

Les vertèbres dorsales et les cervicales forment un total de 
vingt-six. 

Ÿ a-t-il chez ce cheval une vertèbre cervicale de plus qu’à l’or- 
dinaire? Ou bien y a-t-il une vertèbre surnuméraire placée entre 
la région cervicale et la région dorsale? Cette question a été déjà 
soulevée à l’occasion de la précédente observation ; il sera peut- 
être possible de la résoudre maintenant. 

Vertèbres cervicales. — Du côté gauche, les cinq vertèbres qui 
suivent l’atlas (2°, 3°, 4°, 5° et 6°) ont leurs apophyses transverses 
bicuspides. Dans le même ordre, la sixième (7° de la série) est à 
peu près tricuspide, mais son tubercule postérieur est peu mar- 
qué. La septième (8° de la série) est unicuspide. Ajoutons encore 
que l’avant-dernière porte un trou trachélien, tandis que la der- 
nière n’en porte pas, et enfin que la première côte s'articule à la 
fois avec le corps des deux dernières, et par sa (ubérosité avec 
l’apophyse transverse de la dernière. 

B. Du côté droit. — Les quatre premières qui suivent l’atlas 
(2°, 3°, 4° et 5°) sont bicuspides. La sixième est tricuspide, et n’a 
pas de trou trachélien. La septième est unicuspide, et n’a pas de 
trou trachélien,. Enfin, la huitième est une véritable vertèbre 
dorsale. au? | 

De ce côté, la première côte est complète ; elle est fortement 
arquée, à concavité antérieure, et s'articule avec le corps de la 
septième et avec celui de la huitième. 

Il y avait neuf côtes sternales de chaque côté. 


628 À. GOUBAUX. — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 

Quant aux vertèbres lombaires, je n’ai pas pu les compter. Au 
moment où j'ai examiné le cadavre, il n’y avait plus que trois 
vertèbres lombaires en arrière de la région dorsale ; les autres 
avaient été jetées avec la partie postérieure du trone. Quoi qu'il 
en soit, ce fait me paraît être absolument le même que dans les 
deux observations précédentes. « 


Quatrième fait d'observation. 


À la suite des faits que je viens de relater, je dois placer celui 
qu'a observé mon savant collègue, M. Husson, professeur à 
l'École de médecine vétérinaire de l’État de Cureghem-lés- 
Bruxelles, bien qu'il en diffère sous quelque rapport, ainsi qu'on 
le verra ci-après : je l'extrais des Annales de médecine vétéri- 
naire, publiées à Bruxelles. (Année 1853, page 237.) 

« Anomalies congénitales sur un squelette de cheval. — L'ano- 
malie dont nous offrons une description est, sinon sans exemple 
dans les annales vétérinaires, au moins excessivement rare, Elle 
figure sur uni squelette déposé au musée de l'École vétérinaire de 
Bruxelles. | 

» Ce squelette présente, avec une longueur considérable de la 
portion dorso-lombaire de la colonne vertébrale, dix-neuf côtes 
de chaque côté et dix-neuf vertèbres dorsales. Or, dans un sque- 
lette normal de cheval, il n’existe que dix-huit vertèbres dor- 
sales et dix-huit côtes de chaque côté. Il existe donc ici une ver- 
tèbre dorsale et deux côles correspondantes que je puis appeler 
supplémentaires ou mieux surnuméraires. Ni la première ni la 
dernière, envisagée isolément, ne présente aucune anomalie, et 
toutes celles placées intermédiairement établissent, comme chez 
les sujets normaux, la transition insensible des caractères de la 
première à ceux de la dernière. Il en est de même pour ce qui 
concerne les vertèbres dorsales. Comme on le sait, les côtes et 
les vertèbres dorsales intermédiaires de la première à la der- 
nière ne présentent pas de caractères suffisamment tranchés 
pour qu'on puisse les distinguer numériquement les unes des 
autres ; il devient dès lors, dans le squelette qui nous occupe, 
impossible de préciser quelles sont les côtes et les vertèbres sup- 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 629 


plémentaires. Cette anomalie appartient à un groupe de mon- 
struosités, que certains auteurs nomment nofomèles (1). 

» Une autre anomalie se présente à la région du cou du même 
squelette. On sait que la sixième vertèbre cervicale du cheval pré- 
sente des apophyses transverses tricuspides ; c’est-à-dire que ces 
apophyses portent chacune trois prolongements en pointe mousse 
et épiphysaires, tandis que la septième ne possède, de chaque 
côlé, que des apophyses transverses unicuspides, c’est-à-dire à 
un seul prolongement. Eh bien, sur la charpente osseuse dont il 
est question, l’apophyse transverse gauche de la sixième vertèbre 
du cou est simplement bicuspide : elle possède les deux épiphyses 
ou prolongements antérieurs, comme dans les vertèbres nor- 
_ males ; la postérieure seule manque. La septième, par contre, 
présente, du côté gauche, une apophyse transverse bicuspide. 
Des deux prolongements de cette apophyse, l’antérieur repré- 
sente le prolongement normal unique, tandis que le postérieur, 
qui est placé en arrière et un peu au-dessous de l’antérieur, 
semble comme surajouté à l’apophyse transverse d’une sep- 
tième vertèbre normale. Ce prolongement postérieur ressemble 
entièrement à celui qui manque à la sixième vertèbre, avec cette 
différence que la partie la plus saillante, au lieu d’être dirigée 
obliquement en arrière, comme elle l’est sur la sixième normale, 
se trouve ici dirigée en avant. Ce prolongement est tel qu’il 
semble que, des trois prolongements épiphysaires de l’apophyse 
transverse de la sixième vertèbre, le postérieur gauche s’est dé- 
placé avant sa réunion aux noyaux principaux, pendant la vie 
embryonnaire, pour venir, en se renversant d'avant en arrière, se 
souder avec ceux de la dernière vertébre cervicale. 

» Ce squelette provient d’un cheval baï, de grande taille, d’un 
âge avancé (on ne saurait le préciser à cause de l’usure irrégu- 
lière des dents), et que nous sacrifièmes pour les travaux anato- 
miques, au mois d'octobre 1850, alors que cet animal avait été 
abandonné par le cours de chirurgie pour cause d’indocilité. La 


(1) Je ne vois pas le moindre rapport à établir entre l’anomalie dont il est ques- 
tion et la monstruosité du genre notomèle, sans doute parce que j’ai étudié particu- 
lièrement cette monstruosité (Arm. Goubaux). 


630 À. GOUBAUX. — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 


netteté de la conformation extérieure du sujet nous avait seule 
engagé à en conserver la charpente osseuse pour servir d'objet 
de démonstration dans cette partie des études anatomiques; et 
ce n’est que quand il fut complètement décharné que nous remar-. 
quâmes qu'au lieu d’un squelette normal, nous avions une pièce 
anatomo- pathologique. » 


C. Vertèbres lombaires. 


Chez une jument qui fut disséquée par les élèves de la première 
année d’études, et que j'ai examinée sur leur invitauon, le ven- 
dredi 19 février 1864, voici ce que j'ai constate : 

Il y a dix-sept côtes de chaque côte. 

En arrière de la dix-septième côte, la vertèbre qui se trouve 
immédiatement après, porte une apophyse transverse, absolu- 
ment comme une vertèbre lombaire(mêème forme, même lon- 
gueur, étc.), mais à son extrémité se trouve un petit ligament, 
court et aplati, qui s'attache aussi à l'extrémité de l’apophyse 
transverse de la vertèbre suivante, Ce ligament, un peu plus long 
en avant (0",030) qu'en arrière (0°,020), suspend en quelque 
sorte une côte surnuméraire qui paraît attachée à la seconde des 
apophyses transverses dont il vient d’être question. Gette côte est 
aussi pouryue d'un prolongement, 

Du côté gauche, l’apophyse transverse qui vient immédiatement 
après la dix-septième vertèbre dorsale, après avoir présenté les 
mêmes caractères que celle du côté droit, s’eflile en quelque sorte 
el présente à peu près les caractères d’une côte, 

Ces apophyses lransverses sont continues, absolument comme 
le sont d'ordinaire les apophyses transverses des vertèbres lom- 
baires. ù 

Ainsi, chez cet animal, il y avait dix-sept vertèbres dorsales et 
sept vertèbres lombaires, mais la disposition des apophyses trans- 
verses de la première, si elle rappelait celle des côtes par leurs 
dimensions, ne la rappelait pas du tout par leurs connexions. 

Mouton. — J. Girard a vu sept vertèbres lombaires dans un 
mouton hanovrien (ouvrage cité, tome I, page 193). M. Chau- 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES. 631 


veau à fait la même remarque d'une manière générale : 1l dit, 
ainsi que nous l'avons rapporté dans le $ 2, qu’on remarque quel- 
quefois sept vertèbres lombaires, dans l'espèce du mouton. 

C’est là une anomalie qui est assez commune; je l’ai constatée 

aussi plusieurs fois. Mais pour prouver que c’est là seulement une 
anomalie et non pas un trait caractéristique quelconque d’une 
race, je dirai que j'ai en ce moment, dans le cabinet de dissec- 
tion, deux squelettes : l’un d’une brebis mérinos Rambouillet, et 
l’autre d’un bélier mérinos Beaucron, chez lesquels on remarque 
cette anomalie. J'ajoute, pour ne laisser aucun doute dans l'esprit 
du lecteur, que les autres régions du rachis sont composées du 
nombre normal de leurs vertèbres. : 
… Cochon. — Vans les animaux de cette espèce, j'ai plusieurs fois 
constalé quinze vertèbres dorsales et quinze côtes de chaque côté, 
alors que dans les autres régions du rachis le nombre des ver- 
tèbres était normal. s 

Je pourrais opposer ici quelques objections à une assertion de 
M. Chauveau, puisqu'il l’a présentée particulièrement à l’occasion 
du nombre des vertèbres du cochon, mais jy reviendrai plus 
loin. | 


2° Anomalies par diminution de nombre, 


Plusieurs auteurs ont noté des anomalies qui appartiennent à 
la seconde des divisions que nous avons établies. Il importe de 
faire remarquer tout d’abord qu’on a signalé et que je n’ai jamais 
constaté aucune anomalie de ce genre dans la région cervicale, 
En consèquence, je passe tout de suite à la région dorsale. 


_ À. Région dorsale. 


* Bourgelat à noté dans son Anatomie (/0co citato, p. 97) que 
quelquefois on ne compte que dix-sept côtes de chaque côté; 
calors, dit-il, 1 n’y à que dix-sept vertèbres dorsales ». 

Rigot (ouvrage cité, p. 99), à l’occasion de la description des 
côles, a signalé ce qui suit: «.... le plus ordinairement dans 
des chevaux de très-petite stature, on ne trouve que trente 


632 À. GOUBAUX. — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 


quatre côles, dix-sept de chaque côté », mais il n’a donné aucune 
explication relativement à cette observation. 

Voici quelques-uns des faits que j’ai observés : 

Chez un cheval entier, de taille moyenne, vieux, qui fut sa- 
crifié pour les travaux anatomiques le 18 février 1867, il y avait 
sept vertèbres cervicales, dix-sept vertèbres dorsales et six ver- 
tèbres lombaires. Il y avait donc une vertèbre dorsale de moins 
qu'à l'ordinaire. 

Du côté gauche, 1l y avait en apparence dix-huit côtes. Voici 
la disposition qui se faisait remarquer : l’apophyse transverse de 
la première vertèbre lombaire, avec un développement normal, 
présentait une surface articulaire à son extrémité libre, et por- 
tait une côte complète, en ce sens qu’elle avait un prolongement. 
Cette côle était représentée en partie, ainsi qu'on vient de le 
voir, par l’apophyse transverse qui était continue à la vertèbre, 
comme dans l’état normal. 

Du côté droit, l'apophyse transverse élait normale. 

Ainsi, dans cette observation, il y a deux anomalies : l’une qui 
porte sur le nombre des vertèbres dorsales, puisqu'il y en a dix- 
sept au lieu de dix-huit; l’autre qui porte sur une transposition 
des caractères, et qu'on ne remarque que pour l'apophyse trans- 
verse de la première vertèbre lombaire, du côté gauche. 

J'ai bien des fois constaté cette anomalie du nombre des ver- 
tèbres dorsales et la diminution correspondante du nombre des 
côtes, et je puis affirmer, contrairement à l’asserlion de Rigot, 
qu’elle se fait aussi bien remarquer sur des chevaux de grande 
taille ou de taille moyenne que sur «des chevaux de très-petite 
stature ». 


B. Vertèbres lombaires. 


Daubenton (t. IV de l'ouvrage cité, p. 351), à l'occasion du 
nombre des vertèbres lombaires, chez le cheval, dit que, en com- 
parant un squelette à des sujets frais, il a vu que « le nombre 
des vertèbres lombaires varie dans différents chevaux, et qu'il 
n’y en a que cinq dans les uns, tandis qu’il s’en trouve six dans 
les autres ». 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES, 633 


M. Chauveau a signalé aussi celte diminution du nombre des 
vertèbres lombaires, et 1l en a indiqué les circonstances. Voici 
ce qu'a dit M. Chauveau : «Il n’est pas rare de rencontrer dix- 
neuf côtes, avec un nombre égal de vertèbres dorsales, chez les 
chevaux bien constitués; mais alors il n'existe, le plus souvent, 
que cinq vertèbres lombaires. 

Je ne saurais partager l'opinion de M. Chauveau, car mes ob- 
servations me conduisent à dire que l'augmentation du nombre 
des vertèbres dorsales n’est pas absolument rare, tandis que la 
diminution du nombre des vertèbres lombaires est très-rare, et 
que ces anomalies peuvent être tout à fait indépendantes l’une 
de l’autre. De même la diminution du nombre des vertèbres dans 
la région dorsale n’entraine pas nécessairement l'augmentation 
du nombre des vertèbres dans la région lombaire. Quoi qu’il 
en soit, voici une observation qui est en rapport avec l’assertion 
de M. Chauveau. 

Chez un cheval qui a été disséqué le 26 décembre 1864, il 
y avait dix-neuf côtes de chaque côté et dix-neuf vertèbres dor- 
sales. La dernière côte s’articulait comme à l'ordinaire par deux 
points : la têle et la tubérosité. Il n'y avait que cinq vertèbres 
lombaires au lieu de six. j 

CocHox. — On a vu dans le $ 2 que les auteurs ne sont pas 
d'accord sur le nombre des vertèbres lombaires dans l’espèce du 
cochon. Nous reviendrons sur tous ces faits, à l’occasion des ca- 
ractères de la race (voyez $ A), et nous entrerons alors dans tous 
les détails nécessaires pour tâcher de résoudre la question. 

CHIEN. — J, Girard (ouvrage cité, t. I, p. 136) dit que, chez 
le chien, « la région des lombes est composée de sept vertèbres, 
et quelquefois de huit, ete. ». Dans une note placée au bas de la 
même page, il dit que dans ces cas il n’y a que douze vertèbres 
dorsales. 

Je n’ai pas eu l’occasion de constater aucune anomalie dans la 
colonne vertébrale des animaux de cette espèce. 


634 A. GOUBAUX, — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 


C. Région sacrée. 


Sur un squelette d’un cheval de très-petite taille, dont le nom- 
bre des vertèbres était normal dans les trois premières régions 
du rachis, le sacrum ne se compose que de quatre vertèbres, au 
lieu de cinq que l’on remarque ordinairement dans cette espèce. 

Voici un fait, que je n’ai pas fait entrer dans les cadres où j'ai 
distribué les diverses anomalies qui ont été observées par les au- 
teurs ou que j'ai observées moi-même. 

Le 15 mai 1855, sur une vieille ânesse, que j'ai sacrifiée pour 
des recherches anatomiques, j'ai noté les particularités suivantes 
relativement au nombre des os composant la colonne vertébrale. 

Cet animal avait vingt côtes de chaque côté, savoir neuf ster- 

nales (il n’y en a ordinairement que huit) et onze asternales, 


Nombre des vertèbres cervicales... ...…. 7 
— dorsales.,..,:. 19 
— lombaires ..,.., l 
— SACTEES +. » soie se D 
— caudales, .,..... 415 
Total. ...... 950 


Je me proposais d'examiner ultérieurement si les apophyses 
transverses de la première vertèbre lombaire étaient devenues des 
côtes, et à cet effet j'avais mis le cadavre en macéralion. Ces 
pièces ont été perdues. 

Ce cadavre a été vu par M. Colin, alors qu'il était chef de ser- 
vice d'anatomie, et par les élèves Artus, Bachimont, Besnard et 
Biard, qui m'assistaient dans mes recherches. 

Il s'agissait peut-être, chez cet animal, d’une double anomalie, 
semblable à celles que j'ai déjà signalées. | 
_ Toutes les anomalies qui ont été décrites dans ce paragraphe 
ne présentent pas le même intérêt pour l’anatomiste. Il en est 
plusieurs qui ne peuvent être à ses yeux que de simples détails 
curieux, mais de peu d'importance. Ainsi, par exemple, lorsque 
les apophyses transverses des vertèbres lombaires (3° el 4° ou 
h° et 5°) s’articulent par contiguilé, et par leurs bords voisins ou 


Ep dertqee à - 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES, 635 


correspondants, au lieu de rester écartés l’un de l’autre, cela ne 
change en rien la disposition anatomique de la région, mais cela 
peut lui donner une plus grande solidité, puisque les points de 
contact établis entre les vertèbres sont alors plus nombreux que 
dans les conditions ordinaires, 

De la transposition des caractères des vertèbres, passons à l’aug- 
| mentation ou à la diminution du nombre des vertèbres caudales. 
| Nous trouvons là encore un fait de peu d'importance, mais très- 
| curieux, surtout dans l'espèce du chien, où l’on constate, par 
exemple, chez les individus qui naissent sans queue, ainsi qu’on 
le dit vulgairement, que les os de la queue ne sont au nombre 
| que de trois, quatre, cinq ou six, au maximum. 

Ces faits ont done peu d'importance au point de vue de l’ana- 
tomie ; nous n’en citons que quelques-uns, mais il en est encore 
plusieurs autres du même genre, et sur lesquels il n’est pas néces- 
saire d'arrêter plus longtemps l'attention. 

Mais , lorsque les caractères d’une vertèbre sont transposés, 
quand, par exemple, la septième cervicale présente, d’un côté, 
une partie des prolongements tubéreux que devrait porter la 
sixième, ou lorsque cette dernière porte un nombre de prolon- 
gements tubéreux inférieur à celui qui est normal, il y a là un 
fait important à connaître, qui permet de comprendre 4 priori 
que les attaches des museles ne sont pas celles qu’on constate 
normalement, En d’autres termes, dans le cas dont il s’agit, 
l’'anomalie des os entraîne constamment une anomalie dans les 
muscles. | | | 
_ De même, quand on constate cette anomalie dont j'ai cité plu- 
sieurs exemples, et qui présente plusieurs variétés, où l’apophyse 
transverse de la première vertèbre lombaire tend à se transformer 
en côte, il y a une anomalie dans les muscles, c’est-à-dire qu’il 
y a des muscles intercostaux en nombre plus élevé que dans 
l’état normal. Ce n’est pas, ce n’est jamais une véritable côte qu’on 
observe dans la circonstance dont je parle, mais c’est une ten- 
dance de l’apophyse transverse à se transformer en côte, ear il est 
évident que, lorsque l'extrémité interne de cette apophyse est 
articulée par contiguité, il y a toujours une différence très-grande 


636 A. GOUBAUX. — ANOMALIÉS DE LA COLONNEÉ VERTÉBRALE 


avec le mode d’articulation des côtes, puisque ces os s’articulent 
par deux plans : la tête et la tubérosité. Jamais on n’observe une 
articulation semblable lorsqu’existe l’anomalie en question. Ce 
cas est différent de celui où l’on observe une vertèbre dorsale en 


plus ou de celui où l’on constate une vertébre lombaire de moins. 


Il importe de bien distinguer tous ces faits les uns des autres. 

Les faits d'augmentation et ceux de diminution du nombre des 
vertèbres composant le rachis sont, et de beaucoup, les plus im- 
portants parmi ceux des anomalies de la colonne vertébrale. 

Avec une augmentation de nombre dans la région dorsale, il 
n'y à pas seulement des côtes en plus (nous avons vu qu'elles 
peuvent être complètes ou d’un développement incomplet), mais 
il y à encore une paire nerveuse rachidienne de plus, une artère 
intercostale de plus, des attaches plus nombreuses pour les mus- 
cles, etc., que dans les conditions normales. 

On comprend la différence qu’on doit observer lorsqu'il existe 
une vertébre lombaire de plus qu’à l'ordinaire ; je n'insiste donc 
pas. | 

On comprend aussi ce que doit entrainer, et nécessairement, 
la diminution du nombre normal des vertèbres dans l’une quel- 
conque des régions du rachis. 

Tous ces faits étaient donc intéressants à signaler, bien que 
tous n’aient pas, je le répète, la même importance. Leur connais- 
sance prouve, comme l’a dit M. Flourens, que « dans l’observa- 
tion scientifique, rien n’est petit, rien n’est inutile ». 

Il est encore quelques points à faire ressortir de la relation de 
tous ces faits. 

Chez tous les animaux domestiques, le nombre des vertèbres 
cervicales est de sept, et jusqu’à présent, que je sache, on n’a 
jamais reconnu d’anomalie de nombre dans cette région, chez 
aucun de nos animaux domestiques. Il n’en est pas de même pour 
les autres régions du rachis : on a constaté des anomalies de 
nombre, soit en plus, soit en moins, dans toutes les autres. 

On pourrait trouver dans les faits que nous avons rapportés des 
changements apparents, compensés et réels, ainsi que l’a dit 
M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, mais il ne me semble pas utile de 


PR CN TR 7 


CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUESs 637 


m'arrêter à ces distinctions. Le seul fait sur lequel j'appelle l'at- 
tention des anatomistes est le suivant : 

 L’augmentalion du nombre des vertèbres dorsales ne me paraît 
pas toujours avoir lieu de la même manière. Je crois pouvoir dire 
que, dans un cas, la vertébre dorsale surnuméraire occupe la 
partie postérieure de la série : c’est la dix-neuvième. Dans un 
autre cas, au contraire, c’est la premiére. Dans le premier cas, 
les côtes offrent toutes leurs dispositions normales. Dans le second 
cas, il y a non-seulement transposition des caractères des deux 
dernières vertèbres cervicales, mais encore soudure des deux pre- 
mières côtes par une étendue plus ou moins grande, du côté de 
leur extrémité inférieure, où quelquefois avortement de leur 
partie moyenne, qui est alors représentée par un ligament. 

Des faits nouveaux permettront de résoudre définitivement la 
question que je soulève seulement, mais qui me parait résulter 
de mes observations. 

Toutes ces anomalies sont des faits purement individuels. Rien 
n'autorise à les considérer même comme des caractères de famille. 

Passons maintenant à un autre ordre de considérations sur ces 
anomalies. 


(La fin au prochain numéro.) 


ANATOMIE DU GLOBE ET DES. GLANDES DE D'ŒIL 


CHEZ LE TAMANOIR 
(Myrmecophaga jubata, 1.) 


Par GEORGES POUCHET et le D' Th. LÉBER (!). 


(PLANCHE XXVI.) 


L’orbite peut loujours être considéré chez les mammifères 
comme constituant une région anatomique très-distincie, même 
quand cette région n’est pas limitée par des parois osseuses. 
Chez le Tamanoir, l'orbite et la région du muscle temporal se 
confondent sur le squelette en une fosse commune. Cependant 
tout l'appareil de l’œil, tous les organes de l’orbite proprement 
dit sont nettement séparés des parties environnantes par un 
muscle orbitaire qui les isole au moins aussi bien que le pour- 
raient faire des os. 


MUSCLE ORBITAIRE. 


Celui-ci forme une sorte de cornet inséré au fond de l'orbite et 
s'étendant jusqu’à la peau. Il présente, de son point d'attache cen- 
tral à la périphérie, un aspect rayonné, et une couleur rougeàtre 
qui pourrait, au premier abord, faire croire à la présence de fais-- 
ceaux musculaires striès; mais il n’en est rien (2). Cette teinte 
- rougeâtre est surtout accentuée en bas. Les faisceaux de fibres- 
cellules sont rectilignes, tous rayonnant du centre d'attache du 
muscle : il n’en existe point suivant d’autres directions. Ils sont 


(1) Ce travail est extrait d’un ouvrage actuellement en cours de publication, in- 
titulé : Mémoires sur l’anatomie du grand Fourmilier, par Georges Pouchet, chef 
des travaux anatomiques au Muséum, sous la direction de M. le professeur Serres. 
L'ouvrage paraîtra en quatre livraisons et formera un volume in-4 de 250 pages, 
avec un atlas de 16 planches lithographiées par Léveillé. Prix de l’ouvrage complet : 
35 francs. On souscrit à Paris, chez l’auteur. 

(2) Les fibres cellules se présentent d’ailleurs souvent avec cette nuance : dans le 
gésier des oiseaux, dans l’utérus gravide de la femme, etc. 


ANATOMIE DE L’OEISZ CHEZ LE TAMANOIR. 639 


séparés par de minces lames de fibres lamineuses ondulées, et l’on 
n’y trouve qu'une proportion très-faible de fibres élastiques. 

Les attaches et la direction des fibres du muscle orbitaire 
laissent assez mal deviner ses fonctions. Peut-être sert-il à em- 
pêcher les mouvements du temporal de réagir trop vivement sur 
les organes contenus dans la cavité de l'orbite dont il forme la 
limite réelle. 

Au centre de l'aire que décrit sur la peau le bord du muscle orbi- 
taire, se trouve placé le globe de l’œil qui est très-peu volumineux, 
comme chez les édentés en général. Il ne mesure guère plus de 
0",012 de diamètre, c’est moins que l'œil d’un lapin. 

Appliqués contre le globe et en arrière de lui, sont les muscles 
droits et l’élévateur de la paupière. Nous n'avons pas trouvé trace 
de tissu adipeux orbitaire : l’animal était au reste dans un état 
de maigreur remarquable. Tout autour du globe, la glande lacry- 
male et surtout la glande de Harder, comblent l’espace limité 
par le muscle orbitaire, c’est-à-dire la plus grande partie de 
l'orbite. Entre la glande de Harder et le muscle orbitaire, se 
place le grand oblique, et avec lui des nerfs et des vaisseaux. 


MUSCLES DE L'OEIL. 


Les muscles volontaires placés dans l'orbite, chez le Tamanoir, 
sont au nombre de huit : 


41°, 2°, 3°, 4°. Les muscles droits; 

5°. Le releveur de la paupière; 

6°, 7°. Les muscles obliques; 

8° Le muscle choanoïde ou rétracteur, divisé lui-même en 
quatre faisceaux, formant deux paires. 

Musclés droits, — Les droits interne, inférieur et externe 
naissent par un tendon commun sur une petite crête qui se trouve 
au-dessous du trou optique ; ils enveloppent l'insertion du muscle 
choanoïde située à la marge même du trou. 

Le droit supérieur naît à part, au-dessus de l'insertion du 
muscle choanoïde, IL est séparé de ce dernier par le filet ethmoï- 
dal qui va s’enfoncer dans le trou orbitaire interne. Le droit supé- 


610 GEORGES POUCHET ET TH. LEBER. —- ANATOMIE 


rieur près de son insertion à l’œil envoie un petit faisceau muscu- 
laire qui va s'unir au grand oblique. 

Les quatre muscles droits sont à peu près d’égal volume. Ils 
sont longs pour le diamètre du globe oculaire; à peu de distance 
de leur origine ils s’élargissent, puis ils gardent la même largeur 
jusqu’au voisinage de leur extrémité à l’œil. Là ils se retrécissent 
de nouveau et se terminent par un tendon très-mince, qui va s’Im- 
sérer à la sclérotique tout près du bord de la cornée. 

Releveur de la paupière. — W naît un peu en dessus et en 
avant du droit supérieur; il est plus fort et plus large que ce 
muscle dont il recouvre le bord interne. Il vient ensuite passer 
au-dessus de la glande de Harder. L'insertion à la paupière n'a 
pu étre étudiée (1). 

Grand oblique. — Le grand oblique s'attache obliquement en 
dehors et en dessus des insertions du droit supérieur et du rele- 
veur. Îl est moins aplati, presque cylindrique. Arrivé au bord 
de l'orbite, il change de direction. Il va s’insérer à la sclérotique 
par un tendon court et mince qui s'étale obliquement sur le globe 
suivant sa plus grande circonférence, entre le tendon du droit 
supérieur et les attaches du muscle choanoïde. 

Petit oblique. — X\ naît dans une excavation borgne qui se 
trouve sur le squelette vers le bord antérieur de l'orbite. IT est 
comme le grand oblique à peu près cylindrique. Il contourne l'œil 
et vient s’insérer en dehors entre les attaches des deux faisceaux 
qui forment la paire externe du muscle choanoïde. 

Muscle choanoïde. — 11 naît au pourtour du trou optique en 
dessous, enveloppé par l'insertion commune des trois droits 

interne, inférieur et externe. Il se divise bientôt en quatre fais- 
 ceaux qui eux-mêmes sont partagés en deux paires, l’une interne, 
l’autre externe. Chacun de ces faisceaux est d’une largeur partout 
égale, mais inférieure à celle des muscles droits. Les deux fais- 
ceaux qui forment chaque paire, sont juxtaposés, séparés seule- 
ment par une artère cillaire longue qui prend son cours entre 
eux. Ils deviennent de plus en plus distincts vers leur insertion 


(1) La peau de l’animal avait été enlevée et figure actuellement dans les galeries 
du Muséum, 


DE L'OŒIL CHEZ LE TAMANOIR. 6h 


au globe. Celle-ci se fait par des tendons extrêmement courts, 
suivant une ligne qui répond à la grande circonférence de la sclé- 
rotique. 

Nous avons déjà signalé l'absence totale de tissu adipeux en 
arrière de l’œil, absence due, selon toute apparence, à un état 
morbide (1). Les muscles de l’œil n'étaient séparés que par un 
tissu de consistance gélatineuse ; au microscope, on y découvrait 
de minces faisceaux de fibres lamineuses, dans une matière 
amorphe transparente, avec très-peu de cellules adipeuses. 


VAISSEAUX DE L’ORBITE. 


Deux artères principales apportent le sang à l'orbite : l'artère 
sus-orbitaire et l'artère ophthalmique. 

L'artère sus-orbitaire, branche de la carotide, aprés s'être 
enfoncée entre les deux tables des os du crâne, ressort par un 
orifice situé un peu en dessus et en arrière de l'orbite. Elle 
longe profondément le bord supérieur de l'orbite, se dirigeant 
d’arrière en avant. Elle diminue rapidement de volume à mesure 
qu'elle se distribue à la plupart des organes avoisinants, en parti- 
_culier à la glande lacrymale et à la glande de Harder. 

11 y à une veine tout à fait superficielle qui parcourt le rebord 
de l’orbite et qu’on peut regarder comme satellite de l'artère sus- 
orbitaire; nous lui donnons le même nom, veine sus-orbitaire. 
Elle se dirige d'avant en arrière et va se jeter vers l’oreille, dans 
la veine jugulaire. 

L'artère ophthalmique, née à l'intérieur du crâne « de la pro- 
fonde du cerveau (2) », pénètre dans le trou optique avec le nerf, 
un peu en dessous et en dehors de lui. Elie est enveloppée d’un 
issu dense, continu avec celui de la dure-mère. A ce niveau, 
elle donne cinq ou six petits rameaux qui passent au-dessous du 
nerf et vont s’enfoncer dans les os et dans la suture du sphénoïde 
et du palatin, à la paroi interne du trou optique. 

(1) Voy. Georges Pouchet, Note sur l’anatomie du grand Fourmilier. Comptes 
rendus de l’Académie des sciences, 1°7 juillet 1867. 


(2) Hyrtl. Voy. Das arterielle Geffäss-System der Edentaien. (Denksch. der K, 
Akad, der Wiss. zu Wien.) PI. IV, fig. 3. 


JOURN, DE L’ANAT. ET DE LA PHYSIOLe=—= Te IV (1867) UE 


6h12 GEORGES POUCHET ET TH, LEBER. — ANATOMIE 


Un peu plus loin, l'artère ophthalmique fournit les artères des 
quatre muscles droits, ainsi qu'une partie des artères des deux 
obliques. Les artères des muscles droits se prolongent jusqu'aux 
tendons de ces muscles. Celles du droit externe et du droit 1n- 
terne s’anastomoseni avec les ciliaires longues. Les artères du droit 
supérieur et du droit inférieur envoient même de petits rameaux 
à la surface de la sclérotique, en connexion avec le réseau vas- 
culaire du bord de la cornée. 

Arrivé à 0®,005 environ en arrière du globe de l'œil, le tronc 
principal de l'artère ophthalmique se divise en cinq branches 
qui courent parallèlement à l’axe du nerf optique, et qui finissent, 
après des partages dichotomiques réitérés, par donner naissance 
à un grand nombre de petits rameaux. Ceux-ci s’anastomosent 
fréquemment et forment une sorte de réseau admirable, dense 
et serré, qui enlace et recouvre le nerf optique jusqu’à son 
entrée dans l'œil. Ge réseau donne, en plus d’un certain nombre 
de rameaux indélerminés, 

1° Les artères des muscles obliques, 

2 Deux ciliaires longues, 

3° Un grand nombre d’artères ciliaires postérieures courtes, 

k° Deux cilaires antérieures. 

Artères des muscles obliques. — Elles entrent dans les mus- 
cles obliques à une petite distance de leur insertion à la selé- 
rotique. 

Artères ciliaires lonques.— Nous nommons ainsi deux artères 
qui naissent de ja région la plus reculée du réseau, et qui, tout 
en différant dans leur cours des ciliaires longues de l’homme, 
- en paraissent cependant les analogues chez le tamanoir. D'abord 
elles s’éloignent un peu du nerf optique, pour se placer entre les 
deux faisceaux de chaque paire du muscle choanoïde. Elles 
leur donnent de petits rameaux et arrivent ainsi à la surface de 
la sclérotique. 

À ce niveau, chaque artère ciliaire longue se partage en (rois 
branches dont la moyenne perce la sclérotique pour entrer dans 
le corps ciliaire, et dont les deux latérales suivent, entre la sclé- 
rotique et la conjonctive, un trajet circulaire parallèle au bord de 


RE 


DE L'OEIL CHEZ LE TAMANOIR. 643 


la cornée. Dans ce trajet circulaire, ces branches fournissent encore 
un ou deux petits rameaux perforants pour le corps ciliaire. 
Du côté externe, où l’injection avait été surtout réussie, nous 
avons encore vu naître de cette branche circulaire, de petits ra- 
muscules qui prennent dans la conjonctive un cours radiaire en 
s’éloignant de la cornée. Ils s’anastomosent avec les autres vais- 
seaux de la conjonctive scléroticale provenant du cul-de-sac de 
cette membrane, et correspondent aux vaisseaux que l’un de 
nous a décrits sous le nom d’artères antérieures de la conjonctive 
chez l’homme (1). Ce réseau capillaire du bord de la cornée se 
terminait par des anses vasculaires très-nettement visibles. 

Artères ciliaires postérieures courtes. — Elles naissent vers 
l'extrémité du réseau artériel qui environne le nerf optique; 
elles perforent la sclérotique au voisinage de celui-ci. Elles se 
ramifient dichotomiquement dans la choroïde, et donnent nais- 
sance sur la face interne de cette membrane, à un réseau capil- 
laire à mailles très-serrées. 

Artères ciliaires antérieures. — Ces artères sont au nomhrede 
deux, mais elles n’ont pas le même volume et ne sont pas symé- 
triques comme les ciliaires longues. Nées de l'extrémité du 
plexus qui envelcppe le nerf optique, elles prennent leur cours à 
la surface de la sclérotique. 

La plus forte se place entre les deux paires du muscle choa- 
noïde, en haut et un peu en arrière. À une petite distance de 
l'insertion du choanoïde, elle se partage en deux branches qui 
fournissent le sang au muscle lui-même, et se résolvent dans le 
réseau vasculaire du bord de la cornée, près de l'insertion du 
muscle droit supérieur. 

La plus petite va en haut et plus en dedans, à côté de la paire 
interne du muscle choanoïde. Elle se ramifie à la surface de la 
sclérotique, et ses derniers ramuscules arrivent jusqu’au bord de 
la cornée, où ils se perdent dans le réseau vasculaire qui l'entoure. 


(1) Voyez Th, Leber, Anal. Unters. über die Blutgefüsse d.menschl. Auges (Denk- 
schr. der Wiener Akademie, malh.-natur. C1. t. XXIV, p. 321 ; et Græfe’s Archiv, 
t. XI, 1, p. 41-44). 


6h GEORGES POUCHET ET TH. LEBER. — ANATOMIE 


Ilne nous a pas paru y avoir d’artère centrale de la rétine (1) ; 
on voit bien quelques petits rameaux artériels entrer dans la 
gaine du nerf optique, mais aucun ne prend son cours dans le 
centre du nerf. 


GLOBE, 


Le globe de l'œil est peu volumineux. Autant qu’on en peut 
juger sur une pièce conservée, 1l doit avoir à peine 0",012 de 
diamètre. 

La sc/érotique esl mince et offre à sa face interne une pigmen- 
talion brune foncée. 

La choroïde est dans toute son épaisseur fortement pigmentée. 
Jl n’y a point de tapis (2). L'eris et le corps care présentent 
également en dehors une coloration foncée qui pénètre assez pro- 
fondément dans les couches du tissu. Du côté interne, au contraire, 
la choroïde, le corps ciliaire et l'iris ne sont tapissés que d’une 
seule couche de cellules épithéliales à granulations très-brunes. 
On n’aperçoit ni la ligne de démarcation ni le noyau de ces 
cellules. Le tissu sous-jacent n’est pas pigmenté. 

Les artères ciliaires courtes, qui ont percé la sclérotique près 
de l'entrée du nerf optique, se ramifient dichotomiquement dans 
a choroïde et viennent former à sa face interne un réseau capil- 
laire très-fin (membrana choriocapillaris). Gelui-ei ne dépasse 
pas la limite qui sépare la choroïde du corps ciliaire. 

Les veines vortiqueuses (qui étaient également injectées sur 
notre sujet) percent la sclérotique un peu en avant de l'équateur 
de l'œil, à une faible distance du bord postérieur du cercle ciliaire. 
* Les nerfs ciliaires sont lrès-fins. On en voit seulement un petit 
nombre se joindre aux artères cilaires courtes, et se perdre à la 
surface de la choroïde sans qu'on puisse les suivre à l’œil nu jus- 
que dans Îe corps ciliaire. 

Le corps ciliaire et l'iris ont à peu près la même largeur, 0",002 

(1) Cette artère pourrait n’avoir pas été injectée, mais nous ne l’avons pas trouvée 
non plus, au microscope, sur les sections transversales du nerf optique, pratiquées 


même à une petite distance de son entrée dans l’œil. 
(2) Voy. Rapp, Anat. Untersuchungen über die Edentaten, Tubingue, 1843, p. 38. 


DE L'OEIL CHEZ LE TAMANOIR. 645 


chacun. Les procès ciliaires sont peu proéminents. Leurs vais- 
seaux étaient assez bien injectés pour laisser deviner qu'ils forment 
de riches plexus. A la surface externe du corps ciliaire se rami- 
fient les artères ciliaires qui percent la sclérotique près du bord 
de la cornée. 

Le corps ciliaire à ce niveau est brunâtre et ne laisse pas voir 
de cercle ciliaire blanchâtre. Il en résulte que l'épaisseur du corps 
cilaire n’est guère plus grande que celle de la choroïde sans les 
procès ciliaires. L’examen microscopique de cette région, fait 
dans l’espérance d’y découvrir des fibres-cellules, a été sans ré- 
sultat à cause de l'abondance du pigment qui rend l’observation 
très-difficile. Nous avons pu seulement constater l'existence de 
petits filets nerveux. Il importe de remarquer que, même si les 
fibres-cellules existent, le muscle ciliaire, en tous cas, serait très- 
peu accentué, puisqu’iln’y a pas de cercle ciliaire proprement dit, 

Les principales artères du corps ciliaire et de l'iris sont les 
rameaux perforan(s des ciliaires longues qui traversent la sclé- 
rotique près de l'insertion des muscles droits externe et interne. 
D'autres petits rameaux viennent également du muscle droit 
supérieur, et probablement aussi du droit inférieur. 

Les ciliaires longues forment encore, avec le concours d’autres 
petites branches perforantes, le grand cercle artériel de l'iris qui se 
trouve dans l’iris même, à une petite distance de son bord ciliaire ; 
tandis que chez l'homme ce cercle se trouve encore dans le corps 
ciliaire, tout près de son bord antérieur. Ce cercle envoie de 
nombreux rameaux en avant dans l'iris, et en arrière dans le 
corps ciliaire, Ces artères de l'iris forment le petit cercle de 
l'iris, très-près du bord pupillaire. 

Quant aux veines, on peut constater que celles des procès ci- 
laires, du moins pour la plus grande partie, vont en arrière 
dans la choroïde, et se jettent aux veines vortiqueuses. 

Le bord de la cornée est entouré d’un anneau formé de pig- 
ment. Ce pigment se trouve, comme chez le bœuf, dans les 
cellules épithéliales superficielles, et n’a rien à faire avec celui 
qui existe partout dans la sclérotique, le long des vaisseaux. 

Les anses capillaires entourant les bords de la cornée, forment 


646 GEORGES POUCHET ET TH, LEBER., — ANATOMIE 


un réseau continu qui s'étend à 0",001 environ sur elle, Mais il y 
a aussi des anses isolées qui s’avancent plus loin, jusqu’à 0",002 
vers le centre de la cornée. Sur quelques-unes de ces anses ter- 
minales, on peut très-bien voir la différence de largeur qui existe 
entre la partie ascendante ou artérielle et la partie récurrente ou 
veineuse. La partie artérielle est beaucoup plus étroite. L’un de 
nous avait déjà indiqué la même disposition dans les capillaires 
de la cornée de l’homme (1). 

La rétine était profondément altérée à l’époque où eile fut exa- 
minée. Il à été impossible d’y reconnaitre d'autre élément histolo- 
gique que des fibres nerveuses fines et variqueuses. On ne voyait 
sur la papille que quelques minces artérioles se ramifiant à une 
petite distance. L’organe était d’ailleurs trop altéré pour pou- 
voir constaler si la réline avait des vaisseaux dans toutc son éten- 
due ou non (2). Quant aux artérioles de la papille, elles ne sont pas 
la continuation de celles que nous avons indiquées plus haut 


comme pénétrant dans la gaine du nerf optique : elles entrent. 


probablement dans le nerf, juste au point où il franchit la scléro- 
tique (3). 


GLANDES. 


Le globe oculaire est complétement enveloppé, excepté dans la 
région de l'angle interne de l’œil, par un paquet glanduleux 
divisé en plusieurs segments. Il se compose d’une glande lacry- 
male petite; d’une glande de Harder, dont le volume est 
plus considérable que chez aucun autre animal connu (4) : elle 

occupe dans l'orbite une place au moins égale à celle du globe, de 
ses muscles et de la glande lacrymale. Il y a enfin une troisième 


(14) Th. Leber, loc. cil. (Denkschr. d. Wiener Akademie ; math.-n. CL, t. XXIV, 
p. 320), et Græfe’s Archiv, t. XI, 4, p. 40. 

(2) !l est au moins probable que la rétine est dépourvue de vaisseaux dans Ja plus 
grande partie de son étendue, comme cela se voit chez un grand nombre d'animaux. 

(3) Entre ce point et les artérioles signalées plus haut, nous n'avons trouvé dans 
le nerf aucun vaisseau injecté. 

(4) Il faut faire une réserve pour l’oryctérope, chez lequel la glande de Harder 
atteint aussi, probablement, un volume considérable ; mais l’anatomie de cet animal 
nous est encore fort mal connue, | 


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DE L'OEIL CHEZ LE TAMANOIR. 617 


glande, beaucoup plus petite, que nous désignerons sous le nom 
de glande de la troisième paupière. 

Glande lacrymale. — Elle se distingue par sa couleur grise et 
sa mollesse extrême. Elle est en dehors et en haut du globe de 
l'œil, logée dans l'intervalle de deux lobes de la glande de Har- 
der qu’elle sépare complétement. Elle est légèrement allongée, 
aplatie, et mesure environ 0",020, suivant son plus grand diamè- 
tre, et 0,010 transversalement. Elle se compose de lobes qui 
eux-mêmes se laissent diviser avec quelque précaution en lobes 
plus petits, mesurant 0",00£ environ; loutes ces parties sont 
réunies par un tissu lamineux lâche. La structure histologique 
de cette glande n’offre aucune particularité digne d’être signalée. 
Les acini dont se compose chaque lobule sont à peu près sphé- 
riques et mesurent environ 0"",100. L’épithélium des culs-de- 
sac est formé de petites cellules polyédriques, granuleuses, avec 
un gros noyau. Les acini sont entourés d’un réseau capillaire 
serré, el séparés les uns des autres par de minces couches du 
même tissu lamineux qui enveloppe les lobes. On voit pénétrer 
dans la glande un certain nombre de filets nerveux, dont les 
premières ramificatiens s’accolent aux vaisseaux. 

Les conduits excréteurs sont au nombre de trois, très-fins, et à 
parois très-minces. Ils se détachent de la glande vers son bord 
inférieur, et s'ouvrent dans le cul-de-sac de la conjonctive, à 
l'angle externe de l’œil. La conjonetive présente là un enfonce- 
ment large de 0*,002 environ, très-marqué. Cest au fond de cette 
dépression que sont les trois orifices, où il est facile d’enfoncer 
des soies. : 

Glande de la troisième paupière. — Nous désignons sous ce 
nom et nous rapprochons de la glande lacrymale, une petite 
glande qui se trouve vers l’angle interne de l'œil, accolée à la 
lace convexe et par conséquent externe du cartilage de la 
troisième paupière. Ce cartilage se moule sur le globe de l'œil; 
il a la forme triangulaire; son bord représente la base du 
triangle et son sommet s’enfonce profondément au delà du niveau 
du eul-de-sac de la conjonctive; sa structure est celle d’un car- 
ilage vrai, formé d'une: matière fondamentale hyaline. 


648 GEORGES POUCHET ET TH. LEBER. — ANATOMIE 


La glande, appliquée sur la face convexe de ce cartilage, me- 
sure à peine 0®,007 de long, et 2 ou 3 de large. Sa consistance 
et sa couleur sont les mêmes que celles de la glande lacrymale. 
Elle est formée comme elle, de lobules mesurant environ 4 milli- 
mètre de diamètre. Tantôt ils sont disposés en grappe autour 
d'un conduit excréteur, et tantôt agglomérés pour former des 
lobes. La structure microscopique est aussi la même; la distribu- 
tion vasculaire est la même. Quant aux nerfs, ils n’ont pu être 
SUIVIS. 

IT paraît y avoir plusieurs conduits excréteurs qui pénètrent 
tous dans le cartilage de la troisième paupière : il ne nous a pas 
été possible de les étudier (1). 

Glande de Harder. — Elle se distingue aisément de la glande 
lacrymale; elle est d’un tissu très-dense, blanchâtre, piqueté par 
places de points encore plus blancs. Sa surface et ses bords sont 
mamelonnés. Elle remplit presque tout l'orbite et enveloppe de 
ses lobes le globe oculaire qui repose directement sur eux. Le 
plus grand s'étend au-dessous de l'œil et remonte par la région 
de langle externe jusqu’à la glande lacrymale, remplissant en 
dehors toute la cavité de l'orbite, et séparé seulement du muscle 
temporal par le muscle orbitaire. Un autre lobe moins grand 
s'étend au-dessus de l'œil, de l’angle interne à la glande lacry- 
male. Enfin, des lobes plus petits relient, en arrière du globe 
vers l'angle interne, les deux principales portions de la glande. 

L’orifice du conduit excréteur de la glande de Harder est à la 
face interne de la troisième paupière (2). C'est une petite fente 
longitudinale, parallèle au bord de la paupière. A quelques milli- 
mètres de son orifice le canal se ramifie en un certain nombre de 
divisions. Les unes, plus courtes, vont aux lobes placés en ar- 
_rière et en dedans du globe oculaire. D’autres, qui passent entre 
le musele grand oblique et le globe oculaire, se rendent au lobe 


(1) Il existe chez le porc, à la même place, c’est-à-dire à la face externe du carti- 
lage de la troisième paupière, de petites glandes en grappe qui ont la structure 
des glandes sébacées et paraissent être les analogues des glandes de Meibomius des 
autres paupières. Mais, on remarquera que la structure de la glande de Ja troi- 
sième paupière, chez le Tamanoir, n’est nullement celle des glandes sébacées 

(2) Et non dans l'angle de celle-ci. 


DE L'OEIL CHEZ LE TAMANOIR. 649 


isolé qui est au-dessus de l'œil, en dedans de la glande lacrymale. 
| Enfin, un troisième faisceau de conduits se dirige entre le muscle 
| petit oblique et le globe oculaire, jusqu'au grand lobe inférieur et 
| externe de l'organe. 

| Tous ces conduits ne pénètrent dans la substance de la glande 
| qu’à une faible distance des lobules qu'ils desservent (1). Tous 
ont ce caractère commun de ramper sur les faces concaves des 
| lobes en rapport avec le globe oculaire. Leur diamètre dépasse 
| à peine un quart de millimètre ; leurs parois paraissent denses et 
résistantes. 

Si l’on regarde de près la surface de la glande, surtout avec une 
loupe, on distingue, sur le fond grisätre de l’organe, de petits 
| points blancs, très-apparents, espacés. Ces points blancs sont des 
extrémités de cul-de-sac. Ils doivent cette coloration blanche au 
| contenu qui les remplit, eux et les dernières ramifications des con- 
duits excréteurs. Cette substance est surtout formée d’une agglo- 
méralion de grosses granulations très-réfrangibles, ne se dissolvant 
n1 dans l’alcool ni dans l’éther, quoique ce dernier réactif semble en 
extraire un peu de graisse. Elles ne se dissolvent pas non plus dans 
l'acide acétique, ni dans les acides minéraux dilués (2).— Chez le 
lapin on trouve, outre des granulations semblables, un grand 
nombre de gouttelettes huileuses. La maigreur extrême de notre 
sujet permettrait d'attribuer peut-être à un état pathologique 
l'absence de ces substances grasses. 

La structure de la glande se laisse mieux voir quand on en a 
fait cuire un fragment pendant quelque temps dans l’alcool légéère- 
ment acidulé, ou quand on le traite par l'acide acétique : la pre- 
mière opéralion dissout en partie le tissu abondant interposé aux 
culs-de-sac; la deuxième le rend transparent. On voit alors les 
derniers conduils excréteurs se contourner irrégulièrement et se 


(4) On sait que la même disposition se retrouve dans le pancréas de l’homme. 

(2) Il importe de noter que les réactions ont été faites sur des fragments de 
la glande qui avaient séjourné quelque temps dans le chromate de potasse. — La pré- 
sence de ce contenu qui permet de si bien voir les culs-de-sac et les conduits 
excréleurs, rend par contre très-difficile l'injection artificielle de la glande. Celle-ci 
réussit toutefois, au moins partiellement, à la bouteille et avec une solution de 
gomme teinte par le bleu de Prusse soluble. 


650 GEORGES POUCHET ET TH, LEBER. — ANATOMIE 


terminer par des culs-de-sac espacés, ordinairement un peu ren- 
flés en massue ou variqueux, presque toujours recourbés en 
crochet. La longueur de ces euls-de-sac est d'environ un demi: 
millimètre, leur largeur ne dépasse pas 0"*,200 ; toutelois, leur 
diamètre intérieur atteint à peine 0"*,100. 

Ces culs-de-sac sont essentiellement formés d’une membrane 
propre, très-mince, tapissée en dedans par une couche très-régu- 
lière de cellules épithéliales pavimenteuses. Ces cellules, disposées 
sur un seul rang, sont plus hautes que larges. Leurs noyaux se 
colorent très-vivement en rouge par le carmin, et se laissent 
alors très-facilement voir. Leur hauteur dans le fond du cul-de- 
sac est de 0,022 environ. 

Mais un caractère très-remarquable qu’offrent les culs-de-sac 
de la glande de Harder chez le Tamanoir, c’est d’être doublés 
en dehors par une couche d'apparence fibroïde, un peu jaunâtre, 
où se voient difficilement de très-petits noyaux étroits. Cette 
couche, évidemment formée de fibres-cellules, atteint un dia- 


mètre de 0"*,030, et même de 0"",040 environ. La disposi- 


tion des éléments est circulaire vers l'extrémité des culs-de- 
sac, et plutôt longitudinale au delà. Cest la présence de cetle 
couche épaisse de tissu musculaire de la vie végétative sur les 
culs-de-sac, qui donne au tissu de la glande des caractères spé- 
ciaux de consistance et de dureté.— Chez le lapin, où cette couche 
n'existe pas, la glande de Harder est extrêmement molle. 

Les culs-de-sac, espacés les uns des autres, sont séparés par un 
üssu lamineux assez ferme, où se répandent les nerfs et les vais- 
seaux. Ces derniers sont rares et c’est à peine si l’on rencontre 
dans le champ du microscope quelques grandes mailles capillaires 
se dessinant autour des culs-de-sac, avec un diamètre qui égale 
au moins 0°%,200. Cette pauvreté vasculaire permet de croire que 
la sécrétion est extrêmement peu active dans la glande de Harder 
du Tamanoir : elle est bien en rapport avec ce contenu solide 
dont l'expulsion au dehors semble à peine possible, même en 
tenant compte des efforts de la couche musculaire si puissante 
qui l'enveloppe. 

La structure des conduits excréteurs ressemble beaucoup à celle 


+ 


ne SR 


| 


DE L'OEIL CHEZ LE TAMANOIR. 651 


des culs-de-sac. Leurs parois présentent la même couche de tissu 
musculaire en dehors, et en dedans un épithélium pavimen- 
teux (1). 

Les artères de la glande viennent surtout de l'artère sus- 
orbitaire. Le grand lobe reçoit aussi une artère qui vient du 
muscle temporal et perfore le muscle orbitaire pour arriver à la 
glande. Dans le tissu de celle-ci, on trouve, outre le réseau capil- 
laire disposé autour des culs-de-sac, de petites artérioles qui se 
divisent sur les conduits excréteurs, courent dans leur direction 
et les enveloppent d’un réseau à mailles très-allongées. 

Des nerfs volumineux traversent la glande, en particulier le 
grand lobe et le lobe supérieur, pour gagner les parties périphé- 
riques, sans se ramifier dans le tissu de l'organe. Une bonne 
partie de ces nerfs va animer le muscle orbitaire. | 

Sur la face profonde des lobes, celle qui est en rapport avec le 
globe oculaire, on peut distinguer des réseaux de filets nerveux 
très-déliés. Quelques-uns pénètrent dans la glande en suivant le 
cours des artères. Le microscope laisse voir aussi dans le tissu 
interstitiel de lorgane de riches plexus nerveux. Leurs filets 
très-fins sont formés de plusieurs tubes primitifs. Ces éléments 
paraissent s’entrecroiser de diverses manières, mais non s’anas- 
tomoser. Nous n’avons pas trouvé de cellules nerveuses, et nous 
ignorons comment se terminent ces tubes (2). 


(1) Pour pratiquer des sections fines sur le tissu de la glande, on peut le durcir 
par la coction. On peut également, dans ce but, employer un mélange d'acide acé- 
tique, de créosote et d’eau, ou même simplement la dessiccation. On voit alors très- 
bien les conduits excréteurs largement séparés les uns des autres et remplis de la 
même substance blanche et réfrangible qui comble les culs-de-sac. 

(2) Nous rapprocherons de cette description celle de la glande de Harder du lapin : 
Chez cet animal, la glande se compose de lobes de différentes grandeurs et d’une 
couleur blanchâtre ; à leur surface, on reconnaît à peine, à la loupe, les acini dont 
elle se compose. Ces acini sont à peu près de la même dimension que ceux de la 
glande lacrymale, mais allongés, et d’une forme moins régulière, Ils contiennent beau- 
coup de gouttelettes plus ou moins grandes d’une graisse assez liquide ; on en trouve 
aussi de petites dans Les cellules épithéliales qui tapissent les culs-de-sac, Ces cellules 
sont grandes avec un noyau volumineux et un nucléole. La quantité de graisse varie 
beaucoup suivant les différents lobes, et jusque dans les cellules des parois. Les culs- 
de-sac ne sont doublés en dehors d'aucune couche musculaire, aussi le tissu du pa- 
renchyme est-il entièrement mou et presque diffluent. Le tissu lamineux interposé 


652 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XXVI. 


Fic. 4. Région de l’orbite du Tamanoir. On a enlevé de l’aponévrose qui re- 
couvre les glandes de l’œil.— Grandeur naturelle.— Dessin de M. Formant. 
a. Glande lacrymale. 
b,b. Glande de Harder. 
c. Artère sus-orbitaire. 
d. Veine sus-orbitaire. 
e. Orifice des conduits lacrymaux. 
f. Lobes de la glande parotide. 
g. Conduit de Sténon. 
h. Nerf facial. 
Fic. 2. Glande de Harder isolée.— Grandeur natur.— Dessin de M, Formant. 
a. Lobe supérieur. 
a’. Lobe inférieur et externe. 
Lobes profonds situés en arrière du globe, vers l’angle interne de l'œil. 
b. Orifice commun des conduits excréteurs à la face concave de la troi- 
sième paupière. 
Fig. 3. Tissu de la glande de Harder. Grossissement de 100 diamètres. 
a,a. Cul-de-sac enveloppé d’une épaisse couche de fibres-cellules. 
b. Couche épithéliale tapissant l’intérieur des culs-de-sac. 
c. Tissu lamineux interposé aux éléments glanduleux de l’organe, avec 
un réseau vasculaire à mailles très-larges. 


ANALYSES ET EXTRAITS DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Recherches histologiques sur la genèse et la structure des capil- 
laires, par le docteur SrrickER (de Vienne). 


ANALYSE PAR M. ONIMUS. 


Les premières recherches de M. Stricker, sur la structure des capillaires, 
ont été faites sur la membrane clignotante des grenouilles. On coupe cette 
membrane sur l’animal vivant et on l’étend sur le porte-objet dans une 
goutte d'humeur aqueuse. Cette membrane est très-transparente, les vaisseaux 
restent remplis de sang, et l’on peut ainsi très-bien observer les parois des 
vaisseaux. 


aux acini est lui-même très-peu considérable : les culs-de-sac se touchent d’un acinus 
à l’autre. Les conduits excréteurs ont des parois très-fines formées de fibres lami- 
neuses avec quelques fibres élastiques. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 653 


Ces préparations ont permis à M. Stricker de constater l’existence des es- 
paces périvasculaires autour des vaisseaux capillaires. Ces espaces périvas- 
culaires ont été observés plusieurs fois au moyen des injections, et la 
première fois sans injections, par M. Robin, sur les capillaires de l’encé- 
phale. 

Cependant plusieurs histologistes ont regardé ces espaces injectés comme 
des produits artificiels, et M. Koælliker a nié l’existence des espaces décrits 
par M. Robin dans l’état physiologique. M. Stricker les a vus chez la gre- 
nouille vivante, et, par conséquent, on ne peut pas les regarder ni comme 
des produits artificiels ni comme des produits pathologiques. 

Les parois des capillaires offrent une série de nodosités, mais le diamètre 
de ces vaisseaux ne reste point constant en chaque point. On aperçoit, au 
contraire, une sorte de contraction vermiculaire due à des resserrements et 
à des dilatations successives. 

Ces changements de diamètre ne peuvent être dus, d’après M. Stricker, 
qu’à une action vitale des parois ; car en supposant que ces resserrements et 
ces dilatations soient causés par des actions physiques, on les observerait 
toujours au même endroit et l’on ne verrait point cette suite continue de no- 
dosités allant d’un point à un autre. 

Les excitations, soit mécaniques, soit chimiques, soit électriques, n’ont 
pas donné, chez la grenouille, de phénomènes bien marqués. Leur influence 
détermine rarement quelques effets. 

Chez le têtard, les excitations donnent des résultats plus complets, mais 
sans qu’on puisse néanmoins en conclure que la contraction est une fonction 
normale des vaisseaux capillaires, D’un autre côté, M. Stricker croit devoir 
admettre la contractilité des vaisseaux capillaires, par la raison que les parois 
de ces vaisseaux sont formées par une substance organique appelée proto- 
plasma, et que le protoplasma, d’après les recherches de MM. Max Schültze, 
Hækl et Brücke, est une substance évidemment contractile (4). 


(1) Nous employons ici le mot protoplasma dans le sens que lui donnent M. Stric- 
ker et les histologistes allemands. En France, on désigne sous le nom de protoplasma 
« le liquide contenu dans la cavité des cellules végétales ou dans les cellules em- 
bryonnaires, lorsque l'embryon n’a pas encore de sang ». (Dict. Nysten.) En Alle- 
magne, on désigne sous le nom de protoplasma une masse de substance organisée, 
amorphe, ou du moins pouvant prendre toute espèce de formes. C’est une sorte de 
blastème semi-liquide, avec cette différence que les éléments anatomiques naissent 
au sein du blastème, tandis que le mot protoplasma désigne une masse amorphe, 
formant à elle seule un élément anatomique. Cette substance organisée renferme en 
général un grand nombre de granulations, elle n’a point de paroi enveloppante, elle 
se nourrit, s’accroît, et est susceptible de subir des altérations pathologiques, Les 
Mycétozoïdes que l’on trouve dans les tanneries et qui ne sont composés que d’une 
masse gélatineuse parsemée de noyaux et de granulations, ne sont, d’après le sens 
de ce mot, qu’un amas de protoplasma. 

I faut remarquer également qu'aujourd'hui, en Allemagne, ce mot cellule est em- 


654 ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 


Schwann croyait que les vaisseaux capillaires dérivaient de cellules ramifiées 
dont les ramifications se creusaient pour former la lumière du vaisseau, et 
dont la membrane formait la paroi de ces vaisseaux. 

Remak prétendait que dans le blastoderme du poulet, les vaisseaux san- 
guins provenaient de masses cylindriques de cellules; les cellules superf- 
cielles formaient les parois des vaisseaux, les parties centrales se métamor- 
phosaient en sang. 

M. Stricker rejette comme inexactes ces deux opinions. Pour lui, les parois 
des vaisseaux capillaires proviennent d’une transformation du protoplasma, 
et ces parois conservent les propriétés du protoplasma. En effet, les vaisseaux 
capillaires donnent naissance à des appendices filiformes qui peu à peu 
grossissent, se creusent, et forment des vaisseaux capillaires en communica- 
tion avec la paroi mère, 

La naissance de ces appendices et leur agrandissement seraient tout à fait 
impossibles si les parois des vaisseaux étaient des membranes sans structure, 


comme, par exemple, la membrane de Descemet. La formation de ces ap- 


pendices est une des propriétés les plus importantes du protoplasma. 

De plus, M. Stricker a observé que les globules du sang peuvent pénétrer 
au travers des parois des vaisseaux capillaires et les traverser complétement. 
Chez le têtard et la grenouille, il a vu des globules rouges emprisonnés dans 
la paroi des vaisseaux capillaires. Quelques-uns étaient sortis à moitié, une 
partie étant encore dans la paroi qui déterminait au point de séparation un 
étranglement très-visible du globule. 

M. Stricker trouve dans ce fait l'explication des apoplexies per diapedesin, 
admises autrefois par les pathologistes. 

Cette propriété des parois des vaisseaux sanguins de se laisser ainsi tra- 
verser par des globules rouges, ne peut être expliquée que par deux condi- 
tions. Ou bien ces parois sont formées d’une substance analogue au proto- 
plasma, ou bien elles sont perforées d’un grand nombre de petites ouver- 
tures. Cette dernière supposition n’est guère admissible, et par la suite nous 
verrons pourquoi. Une autre série de recherches vient encore à l’appui de la 
première. s 

M. Stricker, dans les cas d’inflammations traumatiques du cerveau, à vu, 
chez le poulet, les parois des vaisseaux capillaires subir des transformations 
pathologiques. Il s’y forme des globules de graisse, certaines parties s’épais- 


ployé pour désigner cerlaines masses organiques sans que ce mot implique l’idée, 
comme en France, d’un élément anatomique de forme particulière et composé d’une 
euveloppe et d’un contenu. Le protoplasma, en Allemagne, est dit être une cellule. 

Nous avons beaucoup insisté sur les définitions de ces mots, parce que si elles 
étaient méconnues elles pourraient amener des erreurs et pourraient donner lieu à 
de grandes discussions qui ne seraient peut-être que des discussions de mots. Nous 
ferons également remarquer combien ces nouvelles recherches des histologistes alle- 
mands se rapprochent beaucoup plus des idées professées par M. Robin que de celles 
que défendent en France les partisans de la théorie dite cellulaire. 


ANALYSES DE TRAVAUX FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. 659 


sissent et se séparent, formant ainsi de petites masses ressemblant aux corps 
pyoïdes. En même temps naissent un grand nombre d’appendices qui se 
creusent, se transforment en vaisseaux capillaires et donnent ainsi lieu à une 
vascularisation très-abondante. Les parois des vaisseaux capillaires subissent 
donc, dans les inflammations parenchymateuses, les mêmes altérations que 
Virchow a décrites pour les cellules dites du tissu connectif. 

Nous avons mentionné plus haut les opinions de Schwann et de Remak. 
MM. Aeby, Eberth, Auerbach et Zehzonzervsky ont trouvé que les parois des 
vaisseaux capillaires offraient des lignes brunes après l’injection d'une solu - 
tion de nitrate d'argent ; ils en ont conclu que ces lignes brunes étaient dues 
à une série de cellules, et que les vaisseaux capillaires se formaient par la 
juxtaposition de cellules qui s’aplatissent. 

M. Stricker reproche à éeute opinion de conclure d un fait observé chez 
l’adulte, à ce qui se passe à l’état embryonnaire. L’étude de la genèse des 


tissus ne donne aucun appui à cette hypothèse. ; 

M. Stricker ne met nullement en doute la formation de lignes brunes après 
l'injection au nitrate d'argent. Il a constaté lui-même que certaines parties 
des vaisseaux capillaires brunissent et que d'autres restent blanches, mais il 
en conelut que les parties qui brunissent sont d’une composition chimique 
différente et qu’elles se combinent facilement avec le nitrate d'argent. Ces 
parties seraient d’une composition analogue à celle de la substance qui se 
trouve entre les cellules épithéliales ou d’autres tissus élémentaires qui bru- 
nissent également par le nitrate d'argent. Le fait seul qu’un tissu brunit 
par le nitrate d'argent ne peut nullement faire admettre tel ou tel déveioppe- 
ment embryogénique. 

Comme nous l'avons déjà fait remarquer, les capillaires proviennent de 
masses amorphes et homogènes qui se creusent. Ces masses proviennent de 
la paroi des vaisseaux capillaires et restent anastomosées avec la paroi mère. 
Le sang a donc, dans ce cas, un courant intra-cellulaire. Les points d’union 
de ces différents tubes peuvent garder, pendant toute la vie, les propriétés du 
cément (substance qui unit les cellules épithéliales), c’est-à-dire de brunir 
par le nitrate d’argent. D'ailleurs, d’autres éléments brunissent également 
par le nitrate d'argent, par exemple les muscles et quelquefois les nerfs péri- 
phériques: 

On ne peut donc nullement conelure à l'existence d’une série de cellules 
par la coloration déterminée par le nitrate d’argent. Il est impossible que les 
globules du sang qui traversent les parois des capillaires, passent par les 
points d'union des cellules. On les voit, en effet, traverser ces parois d’une 
manière très-irrégulière, sans suivre la ligne déterminée par l'injection. De 
plus, si l’on voulait admettre des ouvertures dans la paroi, il faudrait la con- 
sidérer comme un vrai crible, ce que rien ne permet de supposer. 

M. Stricker a observé ces différents faits plusieurs fois chez le têtard et 
deux fois seulement chez la grenouille adulte. Un de ses élèves, M. Prussak, 
a repris ces recherches, Il empoisonne les grenouilles par le chlorure de 


656 SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


sodium; elles meurent à la suite d’une injection contenant 4 gramme de 
chlorure de sodium pour 4 à 5 grammes d’eau. A la suite de cette injection, 
il se manifeste des symptômes scorbutiques, des hémorrhagies ont lieu dans 
le tissu pulmonaire, dans le foie, dans les reins, dans le tissu intermuscu- 
laire. Dans ces conditions, M. Prussak a observé, dans la membrane nata- 
toire, que les globules du sang sortent des vaisseaux capillaires de la manière 
indiquée par M. Stricker. 

La propriété de se laisser traverser par les globules du sang n’est donc 
pas une propriété exclusive des parois capillaires chez re on la re- 
trouve également chez l'adulte. 

Tous ces faits font conclure à M. Stricker que les parois des vaisseaux ca- 
pillaires les plus fins sont formées de protoplasma, chez l'embryon, et qu’il en 
est de même chez l’adulte, au moins pour une grande partie de leur épaisseur. 
Avec de forts grossissements on peut voir que les parois des capillaires ren- 
ferment par-ci par-là des granulations, ce qui s’observe également pour le 
protoplasma. M. Stricker ne sait quelles sont les conditions qui déterminent 
les contractions des plus fins capillaires, et d’ailleurs on ne connaît point celles 
qui font contracter le protoplasma. 


SOCIËTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 


Tumeur blanche. — Transformation graisseuse primitive des 
cartilages diarthrodiaux et du tissu osseux sous-jacent. — 
Exsudat muqueux recouvrant la surface des cartilages, par 
le docteur L. Ranvier. 


Comme nous l'avons établi dans un travail antérieur (1), les lésions des 
tumeurs blanches ne sont pas les mêmes suivant qu’on observe la maladie à 
son début ou lorsque plus tard une inflammation suppurative a envahi les 
tissus articulaires. Dans le premier cas, ces tissus sont atteints de transfor- 
mation graisseuse ; dans le second, ils se montrent avec tous les signes d’une 
abondante prolifération. 

La note présente est relative à un fait de tumeur blanche à son début, dé- 
veloppée chez un jeune sujet. On rencontre, dans l’articulation affectée, une 
transformation graisseuse primitive du cartilage diarthrodial, et, de plus, un 
exsudat non encore décrit qui, par sa forme et sa nature, présente beaucoup 
d'intérêt, 


(1) Bull. de la Soc. anaiom., 1865. 


SOCIÉTÉ MICROGRAPHIQUE DE PARIS. 627 


La présence de la mucine dans les exsudats articulaires ne doit pas sur- 
prendre, puisque cette substance se rencontre dans la synovie normale. 
Aussi on la trouve constamment dans les flocons suspendus dans le liquide 
articulaire, lorsqu'il y a arthropathie rhumatismale ou arthrite traumatique. 
Seulement, alors, à la mucine sont unis de la fibrine et des éléments cellu- 
laires en prolifération, tandis que, dans le fait présent, l’exsudat muqueux 
était pur de tout mélange. 

En terminant, nous avons à peine besoin de faire ressortir que l’absence 
d'éléments cellulaires en prolifération dans cet exsudat vient à l'appui de l’o- 
pinion que nous soutenons sur la nature asthénique de la tumeur blanche, 


| 
| 
| 
| 
| 


ERRATA. 
Planche XVII, au lieu de figure 8, lisez figure 9. 
— — LE — 10. 
ss = CA Ne. ORNE 7 
Et cs FN NET ORENNT 
— — 12, — 13. 
sas M GT ESA l'AE 
— — 44, — A5. 


Page 495, au lieu de planche Il, lisez planche XX. 


FIN, 


SOURN. DE L'ANAÏ. ET DE LA PHYSIOL. -— Te 1V (1867). A2 


7 


n 


TABLE DES MATIÈRES. 


ANATOMIE NORMALE. 


Mémoire sur l’anatomie des lymphatiques des torpilles comparée à celle des 


Sept iones Dar Che -RODIN, ...,/ 40h. meta sses see see cote 6 4 
Sur l’anatomie des édentés ; lettre de M. Richard Owen suivie de remarques, 

une se 8e Ses ee deu a lhene se où vi 45 "90 
Études sur le tissu interstitiel des parties blanches des centres nerveux, par 

D EN EL. Léa ns ns gra eee dei ne ave Qle RE AE TT 107 
Recherches sur la structure des parties fibreuses et fibro-cartilagineuses, par 

DADDONe ste ete » « Ses eV se An AA US S moe ce lecassret LD 
Note sur les humeurs normales et morbides, par Robin. ...........,..... 203 
Mémoire sur la structure de la capsule surrénale de l’homme et de quelques 

animaux, par Grandry (pl. VIIL, IX, XIV, XV et XVI).............. 225, 389 
Observations diverses sur l’os pubis du cheval, par Goubaux......... RO fe 238 
Des types naturels en zoologie, par A. Li in er cn Rnon 337 
Du pigmentum de la peau dans les races humaines et en particulier dans la 

DE RE a RE RENE D Ne sam ets ns ee ou 421 
Note sur la vascularité des faisceaux primitifs des nerfs périphériques, par 

PODCRONARAREMENIERRE SEEN SORA Se EEE ES PV 1 ee NAT L38 


Mémoire sur la terminaison périphérique des nerfs moteurs dans la série ani- 
male, par Trinchese (pl. XVIII, XIX$ XX ét XXI) ..4....,..,,, 040,0 485 
Mémoire anatomique et zoologique sur les acariens des genres Cheyletus, Gly- 
ciphagus et Tyroglyphus (pl. XXII, XXIII, XXIV et XXV), par A. Fumouze 
et RObif,. . Lean x TOLPMADE CR PL  HÉTECTE FREE dé 2097562 
Anatomie du globe et des glandes de l’œil chez le tamanoir, par G. Pouchet 
ebTR. Leber le CALCUL LAS PRAGUE 5... 638 


Recherches histologiques sur la genèse et la structure des capillaires, par 
puicker (oo a nus). 4003 a Se russe dau da es core se: | 00 


ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 


Note sur un cas de tumeur lymphatique des os, par Ranvier...,,.,...,.... 215 
Des allérations des reins dans l’empoisonnement aigu par le phosphore, par 


MANN, soon 24 


DUO OO sd ere Se de eme te de de esse eee ceaces RER] 215 


660 | TABLE DES MATIÈRES. 
Note sur une déformation pathologique de la mâchoire inférieure du cachalot, 
par Fischer (pl: XHLM DELSA, RO Er RP 


Mémoire sur les anomalies de la colonne vertébrale chez les animaux domes- 
tiques, par A. COUDAIX. LLC, AUS RES CR 7 602 


Tumeur blanche Transformation graisseuse primitive des cartilages, etc., 
par Ranvicr .…. 10 A Z# GA 58 ds « CCC 000 002000 ee “ e 656 


PHVSIOLOGIE NORMALE. 


Mémoire sur la prétendue transformation du sanglier en cochon domestique, 


par À, : Saison 2675 RON: 200 ARLES UT LDR PS Te Te 38 
Expériences sur la genèse des leucocytes et sur la génération spontanée, par | 
One ee Fee ee 0 Me » de RS RE er 47 
Des phénomènes entoptiques, par Helmholtz....... sas 0 ue D e DR 84 
Mémoire sur l’acte de la déglutition, par Moura (pl. V, VI, VII)......... 197, 299 
Recherches sur la constitution chimique des matières albüminoïdes, par 
Commalier dus TMS ds NCIS ea ee 0 TS Ile SERRE Sr EUR 
Nature de la contraction dans F di ecfée de vie animale, par Marey.. . 495 
Essai sur la détermination des nerfs qui président aux mouvements de AN 
phage, par le docteur Jolyet (extrait)......... RARES Sue CES 308 


Note sur l’action du sulfate de quinine chez les grenouilles, par Jolyet...... 328 
Des actions réflexes déterminées par les courants constants et continus, par 


CROSS Por Ari PRE Mb CRU RR IE EC eNeR sue ne ARR h11 
De la présence de la protagone dans le sang, par L. Hermann........... : US 
Faits pour servir à la connaissance de la constitution du sang, par Hoppe 

SE 1 2 DRE VO TPS ER PAORAUON NS D LARG LR dt ur PARA ROME éÉRs SA LTS 
Recherches sur le sperme des vieillards, par A. Dieu........ able oies ui Se LA9 
Action réflexe d’un des nerfs sensibles du cœur sur les nerfs vaso-moteurs, par 

Cyon-et/Eudwie (pl, XWIT) EE. ne à PTE he dt ES dt A . 72 
Expériences sur la Trichina spiralis, par Goujon....... slot clipart 1929 
Instrument pour la transfusion du sang, par Roussel. .... Me su Ge v ae METRE 


. Recherches surles mouvements de la sensitive, par le docteur P, Bert..... 534 


PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 


De quelques productions hélérolopiques de muqueuses à épithélium prismä: 
tique cilié, par le docteur Demoulin....... TEE A PT RE 
Expériences sur les propriétés toxiques du Boundou, poison d’épreuves des 
Gabonnais, par G: Péchollier «et C.'Saint-Pierre. ......... 4... 96 
Recherches sur la pourriture des végétaux vivants, par le docteur Davaine... 101 
Méningite céphalo- -rachidienne consécutive à la seclion des filets cervicaux du 
grand sympathique, par le docteur Goujon. snssssssssssessssoosrses 104 


TABLE DES MATIÈRES, 661 


Recherches et expériences sur les propriétés physiologiques et thérapeutiques 


du curare, par Aug. Voisin et H. Liouville.............,...,,........ 113 
Note sur la cicatrisation des os et des nerfs, Por Dubremls7 nuls esse 152 
Note sur un cas de rétraction permanente des doigts, par Sevestre (pl. X 

RO Den ne he nont Le eh Dre à alrieieghees se» so sue dant 249 
Recherches sur quelques troubles de nutrition consécutifs aux affections des 
nerfs, par Mougeot (Analyse et remarques par Ch. Robin) uen “7 240 


Études sur la maladie psorospermique des vers à soie, par Balbiani (pl. XII), 263, 300 


Indications historiques concernant les expériences tentées dans le but de dé- 
couvrir le mode de transmission du choléra, par Robin, ........,.,..... 300 


Greffe de la moelle des os et des productions osseuses, par Goujon....,,.. 323 


Exposé de quelques faits nouveaux tendant à démontrer que les productions 
dites cancéreuses de l’homme sont susceptibles de se greffer chez les animaux 


et de produire l'infection chez ces derniers, par Goujon............... 319 
Note sur la prétendue période d’excitation de l’empoisonnement des animaux 

par le chloroforme ou par l’éther, par P. Bert........., INDE TUE VOX NAPPES 325 
Sur l’action toxique du phosphore, par Dybkowsky.......,............ sen AN 
Recherches sur les rroduits gélatineux, par de Bary................,... QUE 
Sur la salamandarine, poison de la Salamandra maculata, par Zalesky...... hui 


Note sur un cas de kystes athéromateux des reins. — Observations sur le déve- 
loppement de ces kystes, par L. Ranvier.. ....... à AR 


FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES, 


TABLE DES AUTEURS. 


HAYEM. Voyez MAGNAN. 


BALBIANI. Études sur la maladie psorospermique des vers à soie (pl. XI)... 263 
BALBIANI. Note additionnelle au mémoire sur la maladie psorospermique des 

UN ne cn ne ns 329 
BARY (nE). Recherches sur les produits gélatineux..... De ou is SLR ee UE 
BERT (P.). Note sur la prétendue période d’excitation de l’empoisonnement 

des animaux par le chloroforme ou par l’éther......,......,....... san 
BERT (P.). Recherches sur les mouvements de la sensitive..,........... e 0034 
COMMAILLE (A.). Recherches sur la constitution chimique des matières albu- 

HULL CCR. MSP OP RP LR Re RE NS RER 192 
CYON. Action réflexe d’un des nerfs sensibles du cœur sur les nerfs vaso-mo- 

LEGER URI EEE L'EPADEROERT RES Heure 1172 
DAVAINE. Recherches sur la pourriture des végétaux vivants.........,.... 401 
DEMOULIN. De quelques productions hétérotopiques de muqueuses à épithélium 

AUTO TENNIS UD PRE EE Dr da he: 101 
DIEU (A.). Recherches sur le sperme des vieillards. ................... 449 
DUBREUIL. Note sur la cicatrisation des os et des nerfs..,............ 2: 300 
DYBKOWSKY. Sur l’action toxique du phosphore..... ......... RE EUR TU À 
FISCHER. Note sur une déformation pathologique de la mâchoire inférieure du 

CRT IR SU SARA PP EN PRET RP PERS ed) ARS 
FUMOUZE et ROBIN. Mémoire anatomique et zoologique sur les acariens des 

genres Cheyletus, Glyciphagus et Tyroglyphus (pl. XXII, XXII, XXIV 

RAD ESA POMPES Ne le PTS US de Ra Ro *.. 505,562 
GOUBAUX. Observations diverses sur l’os pubis du cheval..... > at PSE DA EUR 
GOUBAUX. Mémoire sur les anomalies de la colonne vertébrale chez les ani- 

maux domestiques . ...:.....,... TPE : € D nee enees/IDUS 
GOUJON. Méningite céphalo-rachidienne consécutive à la section des filets cervi- 

_ caux du grand sympathique... ............ : MORE ad de ne Red EUR 
GOUJON. Exposé de quelques faits nouveaux tendant à démontrer que les pro- 
ductions dites cancéreuses de l’homme sont susceptibles de se greffer chez 

les animaux et de produire l'infection chez ces derniers. ...........,... 319 
GOUJON. Greffe de la moelle des os et productions osseuses. ........,.... 3923 
GOUJON. Expériences sur la Triching:spinalis. . «ses ssososcseses 529 
GRANDRY. Mémoire sur la structure de la capsule surrénale de l’homme et de 

quelques animaux FPLEVIIR IX, XIV, XV et XVI)......:....,,.... 295, 389 


664 | TABLE DES AUTEURS. 


HELMHOLTZ. Des phénomènes entoptiques, ......... s'en 0 0l6Ns SON 
HERMANN (L.). De la présence de la protagone dans le sang............. 
HOPPE SEYLER. Faits pour servir à la connaissance de la constitution du 


JOLYET. Essai sur la détermination des nerfs qui président aux mouvements de 
l’æœsophage (extrait) ........ Lts fre LRO ARE reset 

JOLYET, Note sur l’action du sulfate de quinine chez les grenouilles. .,...,... 

LARCHER. Du pigmentum de la peau dans les races humaines, et en particulier 
dans Etoee HÉGÉS 2 LL HER MP OMEeE re eel SAS 

LEBER. Voyez POUCHET. 

LIOUVILLE (H.). Voyez VOISIN. 

LUDWIG. Voyez CYON. 

MAGNAN et HAYEM. Études sur le tissu interstitiel des parties blanches des 
Centres MELVÉULX, Le 0e SR à VÉTOR PEPNL RSSRO ERA PREE AVE 

MAREY. Nature de la contraction dans les muscles de Ja vie animale....... 

MOUGEOT. Recherches sur quelques troubles de nutrition consécutifs aux 
affections des nerfs (Analyse et remarques par Robin)................ 3 


MOURA. Mémoire sur l’acte de la déglutition (pl. V, VI et VII)....... . 157, 


ONIMUS, Expériences sur la genèse des leucocytes et sur la génération spon- 


ONIMUS. Des actions réflexes déterminées par les courants électriques con- 
slants Et CONMOUS. a serre nettes Rite sup des Dons Er DURE 

ONIMUS. Voyez STRICKER. 

PÉCHOLIER (G.) et SAINTPIERRE. Expériences sur les propriétés toxiques 
du Boundou, poison d’épreuves des Gabonnais.........,.,............ 

POUCHET (G.). Voyez RICHARD OWEN. 

POUCHET (G.). Note sur la vascularité des faisceaux primitifs des nerfs péri- 
DRÉTIQUES. neue ssvwee eee ur eee Ce SERRE OURS . 

POUCHET (G.) et H. LEBER. Anatomie du globe et des glandes de l'œil du 
Tamampir (pl. AXND nt eh ce bec smoupacseshrs test seems 

RANVIER, Des altérations des reins dans l’empoisonnement aigu par le phos- 


00 HR LR ane sas » Né où bi ane ee mie be Li RER 
RANVIER. Note sur un cas de tumeur lymphatique des os.............., 

= RANVIER. Note sur un cas de kystes athéromateux des reins. — Observa- 
tions sur le développement de ces kysles....,...%..2:.205 7050006 
RANVIER. Tumeur blanche, Transformation graisseuse primitive des carti- 
PRE ns sun SU SR ex PE - Fee Ne NN ere 
RICHARD'OWEN. Sur l'analomie des édentés.... 0... ..44-..temmat eve 


ROBIN. Voyez FUMOUZE. 
ROBIN. Voyez MOUGEOT. 

ROBIN (Cx.). Mémoire sur l’anatomic des lymphatiques des torpilles comparée 
à celle des autres plagiostomes (pl. E, IT et IIT)............ ARR PE 
ROBIN (C.). Note sur les humeurs normales et morbides.....,.......... 
ROBIN (Cu.). Indications historiques concernant les expériences tentées dans 

le but de découvrir le mode de transmission du choléra............... 


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TABLE DES AUTEURS. 


ROUSSEL. Instrument pour la transfusion du sang....,................ 
SAINT-PIERRE (C.). Voyez PÉCHOLIER, 
SANSON (4.). Mémoire sur la prétendue transformation du sanglier en cochon 
OS TU Le à pie she à eue nu le a pue delle pie a a 
SANSON (A.). Des types naturels en zoologie. ............. Re die s… 
SAPPEY. Recherches sur la structure des parties fibreuses et fibro-cartilagi- 
RS ve va à RP à d'alie donna es ad elle 4 
SEVESTRE. Note sur un cas de rétraction permañente des doigts (pl. X et XL). 
STRICKER. Recherches histologiques sur la structure et la genèse des capil- 
laires (Analyse par E. Onimus)...,....... 2 AREA a ES din A ! 
_ TRINCHESE, Mémoire sur la terminaison périphérique des nerfs moteurs dans 
Hpsereanmalmini ANT XIX, XX et XXI... ..::... 40.50... û 
VOISIN (Auc.) et I. LIOUVILLE. Recherches ct expériences sur les propriétés 
vuysologiques elrthérapeutiques du eurare, .24.,,.,,..4,,..,..1440 44. 
ZALESKY. Sur la salamandarine, poison de la Salamandra maculata....,. 


FIN DE LA TABLE DES AUTEURS. 


665 
552 
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Anatomie du globe de l'œil chez le Tamanoir. 


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